Skip to main content

Full text of "La Semaine du clergé"

See other formats


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


Iittp://www.arcliive.org/details/p2lasemaineducle06pari 


LA    SEMAIiNE 


DU  CLERGÉ 


LA  SEMAINE 

DU   CLERGÉ 

BIBLIOTHÈQUE  UNIVERSELLE  DU  PRÊTRE 

PRINCIPAUX    COLLABORATEURS  : 

MgrFÈvRE.  protonofaire  apostolique. —  Mgr  Pelletier, cliapelain  d'honnourde  sa  Sainteté. 

Mpr  IUrbier  de  Montault,  prélat  de  la  Maison  de  Sa  Sainteté. 

Mgr  PÉRONNE,  évéque  de  Beauvais.  —  M.  Crampon,  chanoine  titulaire  d'Amiens. 

M.  AuBER,  ehanoine  titulaire,  historiographe  du  diocèse  de  Poitiers. 

M.  EcALLE,  vicaire  général  àTroyes.  —  M.  Desorges,  ancien  professeur  de  théologie 

curé  de  t>te-Elisabeth  à  Verh^ailles. 

M.PiOT,  curé-doven  de  Juzennetourt. — M.  P.  DIIauterivb,  auteur  du  Grand  Catéchisme 

dp  la  PerxOvcrancf.  Chrétiennf  et  de  la  Somme  du  Prédicateur. 

M.  l'Abbé  Khetti-:.  éditeur  littéraire  des  Gùœres  de  St-Tlinnia/i.—  M.  l'abbé 

LonuY,  ariiien  professeur  de  dogme  au  grand  séminaire  de  Troyes 

autour  dos  In^friirlions  P(>piilairi'.<i.  -    M.  l'abbé  Bernarii, auteur  des  Instructions 

d'un  euré  di'  cHmpaijne.—  M.  le  D'  Hettihgeb,  auteur 

de  i'Apfildi/io  dn  Chriffuinisme,  -j?  M.  rabb(^JL|J3ARAS.  M.  Xavier  Roux. 

M.  H.  Féjiou,  cure-doyen  de  N'ailloux.  —  xlTTPabbé  Defourny,  etc.  etc. 


NOUVELLE  EDITION 
TOME   VI 

DEUXIÈME     r'.\RTIE 


PAIUS 

SOCIÉTÉ  DE  LIBRAIRIE  ECCLÉSIASTIQUE  ET  RELIGIEUSE 

13,    RUE    nELAMBRE,    13 

1899 


501980 


LA  SLMALNE  DU  CLEUGE 


itS7 


de  la  cliarilé,  nous  avons  créé  la  charité  elle- 
même. 

u  Nousjouissons  avec  une  superLe  ingratitude 
des  bienfaits  du  liiristianisme  ;  nous  parlons 
avec  faste  de  philanthropie,  de  fraternité,  d'hu- 
manité :  et  nous  oublions  que  c'est  à  Jcsus-Christ, 
et  à  Jésus-Clirist  seul  que  nous  devons  le  ben- 
heur  de  connaître  ces  noms  sacrés  et  le  sens 
bienfiijsaut  qui  y  est  attaché. 

«  Et  qu'a-l-il  fallu  pour  conquérir  ces  grandes 
choses?...  11  a  fallu  le  dévouement  jusqu'au  mar- 
tyre ;  il  a  fallu  faire  violence  aulangage  humain 
pour  donner  un  sens  sublime  à  des  noms  vul- 
gaires dans  la  langue  de  l'antiquité  ,  il  a  fallu  le 
sang  des  martyrs,  le  saup  de  Jésus-Christ  lui- 
même  ;  c'est  à  ce  prix  que  Jésus-Christ  lui-même 
a  enseigné  au  monde  la  charité. 

«  Eh  bien,  messieurs,  ce  capital  de  la  charité, 
nous  avons  pendant  plusieurs  siècles  contri- 
bué à  le  créer,  c'est  incontestable  ;  et  nous  con- 
tinuons tous  les  jours... 

«  Ainsi,  près  de  vous,  à  Paris,  à  qui  devez- 
vous  l'Hôtel-Dieu?  A  un  vieil  évèque.  Et  l'hos- 
pice des  Incurables,  l'hôpital  général,  l'hospice 
des  Enlaiits-Trouvés?  A  un  prêtre,  à  saint  Vin- 
cent de  Paul... 

«  A  l'heure  qu'il  est,  messieurs,  nous  venons 
de  fonder  en  Fr.mce,  par  les  mains  des  Petites- 
Sœurs  des  Pauvres,  cent  vingt  hospices  nou- 
veaux ,  dans  lesquels  sont  recueillis  vingt  mille 
vieillards... 

«  Ehbien,  je  dis  que  dansées  120  vingt  hos- 
pices, à  l'heure  qu'il  est,  20,000  vieillards  sont 
recueillis,  vêtus,  logés,  soignés  avec  la  derniera 
charité.  C'est  un  fait.  Etj'ajoute, — permettez  moi 
de  conclure  ces  premières  paroles,  —  j'ajoute 
que,  quand  les  choses  sont  telles,  et  incontesta- 
blement telles...  on  comprend  parfaitement  que 
pendant  des  siècles  le  clergé  seul  ait  été  chargé 
de  l'administration  du  patrimoine  des  pauvres. 

«  Puis  le  cours  des  temps  a  donné  à  la  société 
laïque  la  place  naturelle  et  légitime  qui  lui  ap- 
partient. Cette  place  est  devenue  prépondérante. 
Nous  en  sommis  heureux,  messieurs  ;  c'est  au 
fond  l'esprit  chrétien,  l'inspiration  chrétienne, 
entrés  dans  nos  mœurs,  inliltrés  dans  nos  lois  et 
dans  nos  pratiques  administratives  elles-mêmes. 

Mais,  pour  cela,  permettez-moi  de  vous  le 
dire,  il  n'était  pas  juste,  comme  la  fait  la  Con- 
vention, de  nous  chasser  du  grand  domaine  de 
la  charité  et  de  nous  dire  : 

La  maison  est  à  moi.  c'est  à  vous  d'en  sortir. 

Où  bien  encore,  s'il  est  permis  de  citer  un  vers 
latin  : 

Hœc  Hiea  suut  ;  veteres  migrate  coloni. 
«  Voilà  ce  qu'a  fuit  la  Convention,  messieurs, 
et  voilà  pouripui  vous  ne  pouvez  ni  le  refaire 
jDi  le  maintenir..,  * 


L'émincnt  orateur  a  ensuite  démonUé  que 
l'intérêt  même  des  pauvres  demande  la  présence 
du  prêtre  dans  les  commissions  des  établisse- 
ments de  bienfaisance,  parce  que  la  confiance 
qu'on  a  en  lui  attire  losdonsetqueJ'exerciee  de 
la  charité  est  de  sa  compétence  et  eu  quelque 
sorte  sa  spécialité.  Et  il  a  terminé  en  réfutant 
cette  objection,  qu'il  y  aurait  des  conflits  entre 
les  ministres  des  différentes  cultes,  et  que  les 
pauvres  d'un  culte  feraimit  tort  aux  pauvres  des 
autres  cultes.  Non,  a-t-il  dit  en  substance,  on  ne 
demande  jamais  à  un  malheureux  de  quelle 
religion  il  est,  as'ant  de  l'assister.  Et  quant  aux 
coutlits  qu'on  redoute,  l'expérience  atteste  que, 
bien  loin  de  séparer,  la  charité  rapproche  et 
unit. 

Voici  maintenant  le  texte  complet  de  la  sus- 
dite loi  : 

Article  premier.  —  Les  commissions  alministra- 
tive^  des  hus|iices  et  h6|iitiux  et  ccllis  des  bureaux 
de  bienfaisance  sont  composées  de  cinq  meaibi  es  re- 
nouvenaljles,  du  mau'e  et  du  plus  ancien  curé  de 
la  coiiinuine. 

Oans  les  communes  où  siège  un  conseil  preshy- 
tér.d  on  un  consistoire  Israélite,  les  coannissioas 
comprennent,  eu  outre,  uu  délégué  de  cliacun de  ces 
conseils 

Toutefois,  dans  les  communes  où  il  existe,  soit 
pour  les  protestiints,  soit  pour  les  israéli'.es,  des  hos- 
pices ou  hôpitaux  spéciaux  ayant  une  administra- 
tion séparés,  le  conseil  presbyléral  et  le  consistoire 
n  ont  à  désigner  aucun  délé^'uè  pour  faiie  partie  de 
la  comnii-sion  administrative  des  autres  étublisse- 
uients  huspilaliers. 

Abt.  "i.  —  Le  nombre  des  membres  des  commis- 
sions administratives  peut,  en  raison  de  l'impor- 
lan' e  des  établissements  et  ites  circonstances  lo- 
cales, être  augmenté  par  un  décret  spécial  rendu  sur 
l'avis  du   conseil  d'Etat. 

Art.  3.  —  La  présidence  appartient  au  maire  on 
à  raljoinl,  au  conseiller  munidpal  remplissant 
dans  1'  nr  plénitude  les  fonctions  de  maire.  Lo  pré- 
silentà  voix  prépondérante  en  cas  de  partage. 

Les  commissions  nomment  tous  les  an^  un  vice- 
président.  En  cas  d'absence  du  maire  et  du  vice- 
pré->iJeut,  la  p  ésidence  apparlient  au  plus  ancien 
des  meaibres ,  et,  à  défaut  d'ancienneté ,  au  plus 
âgé. 

Les  fonctions  de  membre  des  commissions  sont 
gratuites. 

Abt.  4.  —  Les  membres  des  commissions  admi- 
ni-lralives  sont  nommés  pour  cinq  ans.  Chaque 
année,  la  commis-ion  se  renouvelle  par  cinquième. 

Si  la  commission  est  composée  d'un  nombre  de 
membre  non  divisible  par  cinq,  le  sort  désii^iiera 
également  les  années  dans  lesquelles  il  y  aura  lieu  à 
un  renouvellement  plus  considérable. 

Le  nouveau  membre  est  nommé  par  le  préfet  sur 
une  liste  de  trois  candidats  présentés  par  la  cjui- 
niission. 

Il  en  sera  de  même  en  cas  de  décès  et  de  dé- 
mission. 

Les  membres  sortants  sont  rééligibles. 


ii88 


LA  SE31AIME  DU  CLLili^E 


Si  le  r.'mpla'ernent  a  lieu  dans  le  cours  crune 
année,  lesfunctions  du  nouveau  nieuibre  expirent  à 
l'époque  où  auraient  cessé  celles  du  njembre  qu'il  a 
remplacé. 

No  'ont  pa<:  élisiWps  ou  sont  révoqués  de  plein 
droit  les  memlirrs  qui  se  trouvernient  dans  l'un  des 
cas  d'incapacité  prévus  par  les  luis  électorilfs. 

Art.  s.  —  Le^  commissions  pourrontélre  dissoutes 
et  leurs  membres  léTuqués  par  le  ministre  de  i'in- 
rieur. 

En  cas  de  disRoIuHon  ou  de  révocalion,  la  com- 
mifsiMn  scr.i  remplacée  ilans  le  délai  d'un  mois. 

Les  membres  révoqués  ne  pourront  êvre  présentés 
dans  l'a. niée  qui  suivra  la  révocalion. 

Eli  eas  de  renouvellement  tùt,.l  nu  de  création 
nouvelle,  la  cointiiissiou  sera  nommée  par  le  minis- 
tre de  l'intéi  leur,  sur  la  proposition  du  préfet.  Le 
renouvellement  ]iar  cinquième  de  cette  cummis.-^ioa 
sera  déterminé  par  le  sort  à  la  première  séance 
d'installation. 

Art.  6.  —  Les  receveurs  des  établissement?  chiri- 
tables  sont  nommés  par  b  s  [uéfels,  sur  la  présenta- 
tioo  des  commissions  administrative';. 

En  cas  de  refus  motivé  par  le  préfet,  les  commis- 
sions sont  tenues  de  présenter  d'autres  candidats. 

Le  receveur  jieut,  sur  la  profiosition  de  la  com- 
missioà  admir.is'ralive  et  avec  l'aulorisation  du 
préfet,  cumuler  ses  fonctions  avec  celles  de  secrétaire 
do  la  commis-ion. 

Les  receveurs  ne  peuvent  être  révoqués  que  par  le 
ministre  de  l'in'.érieur. 

Art.  7.  —  Les  commissions  administratives  des 
hospices  et  hôpitaux  [.ourront,  de  concert  avec  les 
bureaux  de  bienfaisance,  assister  à  domicile  les 
malades  indigents. 

A  cet  elfet,  elles  sont  autorisées,  par  extension  de 
la  faculté  ouverte  par  l'article  17  de  la  loi  du 
7  août  1831,  à  disposer  des  revenus  hospitaliers 
jusqu'à  concurrence  du  quart,  pour  les  ait.  cter  au 
trait.'meut  des  m  ladesk  uoiuicil.tet  l'allocalion  des 
secours  annuels  en  faveur  des  vieillards  ou  infirmes 
pfcicés  d.ins  leurs  familles. 

La  portion  des  revenus  ainsi emnloyés  pourraêlre 
portée  au  tiers  avec  l'assentiment  du  conseil  général. 

Aht.  8.  -  Il  n'est  poml  déroijé,  par  la  jiréspnto 
loi,  aux  ordonnmces,  décrets  et  autres  actes  du 
pouvoir  exécutif,  eu  veilu  desquels  certains  bospiees 
et  bureaux  de  bienfaisance  sont  organisés  d'une 
manière  spéciale. 

Art.  0.  —  Le  décret  du  18  janvier  1871,  relatif  à 
à  l'organisation  de  l'assistance  jmblique  à  Marseille, 
est  rapporté. 

Abt.  10.— Les  décretsdes23  marset  17  juinI8o2, 
sur  les  commissions  administratives  d.s  hospices  et 
des  bureaux  de  l.ieufaisance,  s.int  abrogés. 

Art.  11.  —  Les  décrets  des  29  septenilire  1870  i;t 
18  février  1871,  lelatifs  à  l'adiiunislration  de  l'assis- 
tance pulili.|ue  à  Paris,  sont  rapporlés. 

Cette  adm;uvbLi-;'Uoii  sera  i  roviseirement  régie 
par  les  prescripiiotis  de  1 1  loi  du  10  janvier  \biii,  «t 
du  décret  réglementaire  du  24  août  suivant,  rendu 
en  esécution  de  ceite  loi. 

Délibéré  en  séance  publique,  à  Versailles,  les 
2  mars  et  23  mai  1872,  et  21  mai  1873. 

Divers  doutes  se  sont  déjà  élevés  sur  la  pré- 
scuteloi.  Nous  allons  mentionner  les  principaux, 


avec  la  solution  qu'on  y  a  donnée  ou  qu'on  y 
peut  donner. 

Ces  mots  de  rartiele  1":  «Le  plus  ancien 
curé  de  la  commune,  »  ont  paru  si  obscurs  an 
ministre  de  rintérieur,  qu'il  a  cru  devoir  en  fixer 
le  sens  dans  la  circulaire  même  qui  accompa- 
gnait l'envoi  iifûciel  du  tpxte  de  la  loi  aux  préfets. 
Par  ces  mois  donc,  «  il  faut  entendre  le  titulaire 
dont  la  nomination  comme  curé  dans  la  commune 
prime,  par  l'ancienneté,  celé  de  ses  confrères. 
A  défaut  du  curé,  le  s\("j;>  appartient  au  desser- 
vant le  plus  ancien.  »  {(  ivculaire  du  ministre  de 
l'intérieur  du  23  juin  1873.) 

Sur  l'article  -i,  le  ministre  de  l'intérieur  dit 
encore  aux  préfets  :  «  Le  nomlire  des  membre» 
de  chaque  commission ,  ;rmsi  augmenté  des 
représentants  des  divers  cultes,  a  paru  suffisant 
pour  la  plupart  des  communes.  Cependant,  si 
vous  reconnaissez  que,  dans  les  grands  centres 
de  po[iulation,  rimporlance  des  services  chari- 
tables exige  le  concours  d'administrateurs  sup- 
plémentaires, ou  si  déjà  cette  adjonction  est 
consacrée  par  l'usaiie,  vous  pourrez  en  faire 
l'objet  d'une  proposition  dont  je  saisirai  le  conseil 
d'Etat.  Mais  toute  mesure  .le  ce  genre  devra  être 
sérieusement  justiliée,  carrex[iérienee  a  démon- 
tré que  les  commissions  trop  nombreuses  lais- 
saient, presque  toujours,  leurs  pouvoirs  se  con- 
centrer entre  les  mains  d'un  ou  deux  adminis- 
trateurs. » 

Relativement  à  l'ordo'mateur  des  bureaux  de 
bieutaisauce,  c'est-à-dire  à  la  personne  chargée 
d'en  mandater  les  dépenses,  la  loi  de  1873  ne  dit 
rien. Les  dispositions  du  décret  iiu7tloréal,anxii, 
sont  toujours  applicables  aux  hospices.  Ces  dis- 
positions exigent  un  ordonnateur  pour  ces  éta- 
blissements, et  veulent  qu'il  soit  nommé  tous  les 
six  mois  parla  commission.  Quant  aux  bureaux 
de  bienfaisance,  leur  comptabilité  é,tant  ordinai- 
rement moins  étendue  que  celle  des  hospices, 
c'est  le  plus  souvent  le  maire  qui  signe  les 
mandats.  Cependant, rien  ne  parait  s'opposer  à  ce 
que  le  bureau  choisisse  dans  son  sein  un  ordon- 
nateur spécial.  Dans  ce  cas,  l'on  préviendrait  le 
receveur,  qui  ne  pourrait  plus  payer  valablement 
que  sur  la  signature  de  l'ordonnateur  nommé. 

Il  conviendrait  surtout  de  jirendre  cette  me- 
sure, si  le  maire  se  permettait  de  mandater  sans 
tenir  compte  des  décisions  du  bureau.  Le  droit 
du  bureau  de  nommer  un  ordonnateur  serait 
alors  positif;  et  le  receveur  qui  ferait  ensuite  des 
payements  sur  la  signature  du  maire,  s'expose- 
rait à  ce  qu'ils  ne  fussent  pas  validés,  et  res- 
tassent pour  son  compte  peisunnel. 

Est-il  besoin,  au  reste,  d'ajouter  que.  le  maire 
n'a  pas  la  libre  disposition  des  biens  du  bureau 
de  bienfaisance,  et  que  s'il  en  dispose  contraire- 
ment aux  délibérations  du  bureau,  il  peut  être 
actionné  eu  restitution?  Il  faudrait  s'adresser 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


liS9 


premièrpmcnt,  dans  ce  cas,  au  finUet,  et  ensuite 
au  ministre,  si  le  préfet  refusait  J'iiiterveuir. 

C'est  onpore  le  maire  qui,  en  général,  convoque 
le  bureau  de  bienfaisance  ;  mais  tout  mi-mbre 
peut  prendre  l'initiative  de  celte  convocation 
pour  une  <jueslion  grave  et  urgente,  surtout  si 
le  maire  y  met  de  la  mauvaise  volonté  ou  seule- 
ment de  la  négligence. 

En  ce  qui  concerne  le  receveur,  l'avis  du  mi- 
nistre de  l'intérieur  est  que  l'article  6  de  la  loi 
de  1873  n'a  pas  abrogé  les  règles  antérieures,  et 
que  par  conséquent  les  commissions  charitables 
et  hospitalières  ne  peuvent  en  présenter  un  spé- 
cial à  la  nomination  du  préfet,  qu'autiut  que  les 
revenus  des  établis-emeuts  dépassent  30.000 
francs.  Celte  disposition  a  j>our  but,  ou  le  com- 
prend, d'éviter  de  multip  ier  inutilement  les 
fonctionnaires,  et,  par  suite,  de  ménager  le 
patrimoine  des  pauvres. 

Le  conseil  ayant  droit,  en  vertu  des  articles  8 
et  28  de  l'ordonnance  du  31  octobre  1831,  de 
vi'rifier  les  comptes  de  gestion  du  receveur, 
lorsoiril  les  reud,  tout  membre  peut  exiger  la 
représentation  des  bons  qui  ont  servi  de  hase 
aux  mandats;  et,  s'il  a  sujet  de  faire  des  obser- 
vations, ces  observations  doivent  être  transmises 
au  préfet  en  même  temps  que  les  comptes. 

P.  D'HAL'TEnm:. 


PATROLQGIE 

IIL  —  Ecoles  mosaïques,  jusou'a  la  ghanue 
CAi'ïivriÉ. 

Quand  Moïse,  obéiss;iutà  l'ordre  du  Seigneur, 
eut  mis  fin  à  l'ère  palriarc;de,  pour  fondre  les 
tribus  de  Jacob  en  une  seule  et  même  n.alion, 
l'enseignement,  qui  jus  qu'alors  était  une  lumière 
cachée  sous  le  boisseau,  parut  sur  les  toits 
mêmes  :  au  lieu  de  se  concentrer  dans  le  foyer 
domestique,  l'iusiructioii  se  développa  au  gr;uid 
jour  ;  et  les  écoles  proprement  dites  reçurent 
leur  organisation  complète. 

E-^t-il  besoin  de  dire  que  le  droit  et  le  devoir 
primitif  des  chefs  de  tainille  ne  subirent  aucune 
atteinte  dans  les  nouvelles  dis|)osilions  de  la  loi 
écrite  ?  Le  mosaïsme  n'est-il  pas  une  perfection 
delà  loi  naturelle?  11  e-tveuu  non  pour  détruire, 
mais  [lour  confiimec  les  doctrines  et  les  vertus 
des  patriarch(!S.  Voilà  pourquoi  le  législateur 
des  H<'brenx,  malirré  ses  institutions  nouvelles, 
insiste  .sur  l'oblit^/lion,  pour  les  entants,  d'inter- 
roger leurs  pères,  qui  leur  apprendront  les  cho- 
ses du  passé  [Dmt.  x.xxii,  7). 

Chez  le  peuple  juif  l'on  distingue  deux  sortes 
d'instituteurs  :  les  uns  sont  ordinaires  et  les  autres 
extraordinaires. 


L  Tout  le  monde  sait  que,  chez  les  peuplades 
anciennes,  les  prêtres  avaient  la  charge  d'élever 
les  jeunes  gens  :  l'instruction  laïque  n'était  pas 
alors  de  mode.  Les  hiérophantes  d'Egypte  com- 
muniquent la  science  au  fond  de  leurs  temples 
mystérieux  ;  elles  druides  tenaient  leurs  écoles  à 
l'ombre  des  bois  sacrés.  Partout  l'histoire  était 
coîitiée  à  la  rédaction  des  prêtres. 

Ces  usages,  à  peu  près  universels  ,  avaient 
pris  racine  dans  la  légi-lation  de  Moïse.  En  Judée, 
c'était  le  prêtre  qui  distribuait  ordinairement  le 
(i.iia  de  l'intelligence.  Le  Lévitique  aous  l'at- 
lesle  :  «  Le  Seigneur  dit  aussi  à  Aaron  :  Vous  ne 
boirez  point,  vous  et  vos  enfan'.s,  de  vin,  ni  rien 
qui  puisse  enivrer,  lorsque  vous  entrerez  dans 
le  tabernacle  du  témoignage,  de  peur  ipie  vous 
ne  soyez  pimis  de  mort  ;  parce  que  c'est  une 
ordonnance  éternelle  qui  passera  dans  toute 
votre  postérité  ;  afin  que  vous  ayez  la  science  de 
discerner  ce  qui  est  saint  ou  profane,  ce  qui  est 
pur  ou  impur  ;  et  que  vous  appreniez  aux  euiants 
d'Israël  toutes  les  lois  et  ordonnances  que  j'ai 
prescrites  par  Moïse  {Lev.  x,  10).  »  Au  Deuléro- 
nome,  .Moïse  fait  au  peuple  lui-même  l'obliga- 
tion de  consulter  les  prêtres,  du  moins  en  cer- 
taines occasions  :  M  Lorsqu'il  se  trouvera,  dit-il, 
une  affaire  embrouillée  et  où  il  sera  difficile 
déjuger  et  de  discerner  entre  le  sang  et  le  sang, 
entre  une  cause  et  une  cause,  entre  la  lèpre  et 
la  lèpre;  si  vous  voyez  que,  dans  les  assemblées 
qui  se  tiennent  à  vt>s  portes,  les  avis  des  juges 
soient  partagés,  allez  au  Ueu  que  le  Seigneur 
votie  Dieu  aura  choisi,  et  adressez- vous  aux 
prêtes  de  la  race  de  Lévi,  et  à  celui  qui  aura  été 
établi,  en  ce  temps- là,  juge  du  peuple  :  vous  les 
consulterez  et  ils  vous  découvriront  la  vérilédu 
jugement  que  vous  voulez  en  porter.  Vous  ferez 
tout  ce  qu'auront  dit  ceux  qui  président  au  lieu 
marqué  par  le  Seigneur,  et  tout  ce  qu'ils  auront 
enseigné  selon  la  loi  ;  et  vous  suivrez  leur.^  avis, 
s;ius  vous  détourner  ni  à  droite  ni  à  gauche 
{l)eut.  XVII,  8).  B  Cette  persuasion,  que  le  prêtre 
est  constitué  gardien  de  la  science,  et  que  le 
peuple  l'interrogera  pour  s'instruire,  se  trouve 
enregistrée  dans  un  beau  passage  du  prophète 
M.ilachie  :  «  Voici  donc,  ô  prêtres!  ce  que  j'ai 
ordonné  de  vous  dire...  Vous  saurez,  dit  le  Sei- 
gneur, que  j'ai  fait  avec  Lévi  une  alliance  de 
vie  et  de  paix  ;  je  lui  ai  donné  pour  moi  une 
crainte  respectueuse,  et  il  m'a  respecté,  et  il 
tremblait  de  frayeur-  devaut  ma  fiice.  La  loi  de 
vérité  a  été  dans  sa  bouche,  et  l'iniquité  ne  s'est 
point  trouvée  sur  ses  lèvres  :  il  a  marché  avec 
moi  dans  la  paix  et  dans  léquité,  et  il  a  détourné 
beaucou[i  de  monde  de  l'injustice.  Car  les  lèvres 
du  prêtre  seront  les  dépositaires  de  la  science  ; 
et  c'est  de  sa  bouche  que  l'on  recherchera  la 
connaissance  de  la  loi,   parce  qu'il   est  l'ange 


1190 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


d'.i  Seigneur  des  arméps  {Mnlnch.  ii,  \).  » 
Mais,\lira-t-ou  peut-ètt-p.  ces  ioiiioi.uuges  que 
vous  empniuti'Z  à  nos  Ecritures  Hémontrent  que 
les  prêtres  juifs  euseii;naient  seulement  au  peu- 
ple "les  lettres  ilivines.  Les  lettres  humaines 
avaient-elles  aussi  un  refuge  auprès  des  enfants 
de  Lévi  ? 

Il  est  vrai  :  les  prêtres  de  Judée  s'occupaient 
avant  tout  de  lire  en  présence  du  p.uple  et 
d'interpréter  le  teste  de  la  loi  mosaïque  ;  loi  que 
les  Hébreux  devaient  d'ailleurs  étudier  eux- 
mêmes,  nuit  et  jour,  et  enseigner  à  toute  leur 
famille  (  Deut.  vi,  7).  iSIais  il  faut  observer  que  la 
Bible,  outre  son  but  principal,  qui  est  de  nous 
initier  à  la  vie  divine,  se  propose  encore  de  nous 
ofl'rir  les  plus  beaux  modèles  dans  la  littérature, 
les  sciences  et  les  beaux-arts.  Le  Pentateuque,  ou 
les  cinq  livres  de  Moise,  renferment  en  particu- 
lier tout  ce  qu'un  Israélite  devait  savoir.  L'on  y 
trouve,  en  eflet,la  création  du  monde  et  les  prin- 
cipes delà  géologie  ;  l'histoire  du  monde,  depuis 
la  sortie  du  paradis  terrestre  jusqu'à  l'entréedaus 
la  terre  promise;  la  description  des  pays,  des 
villes  et  des  campagnes  habitées  tour  à  tour  par 
les  enfants  des  hommes  et  les  enfants  de  Dieu; 
la  généalogie  de  tous  les  peuples,  et  surtout  des 
descendants  de  Loth,  d'Abraham,  d'ismaël  et 
d'Esafi  ;  l'ensemble  de  toutes  leslois  ci\iles.  A  la 
rigueur,  les  livres  de  Moïse  suffisaient  donc  à 
l'instruction  du  peuple  de  Dieu.  La  piété  du 
temple  était  déjà  utile  à  tout  :  possédant  à  la 
fois  les  biens  de  la  vie  présente  et  ceux  de  la 
vie  future. 

Cependant  il  faut  le  dire  :  le  Ciel  qui  réservait 
le  haut  enseignement  de  sa  parole  à  des  prêtres, 
hommes  plus  éclairés,  plus  libres  de  leur  temps 
et  plus  vénérables  p:ir  leur  caractère  que  les 
chefs  ordinaires  de  famille  ou  de  tribu,  pensa 
devoir  abandonner  à  ces  derniers  le  soin  parti- 
culier de  transmettre  à  leurs  fils  le  secret  des 
connaissances  naturelles.  Ici,  l'intéièt  lui-même 
parlait  as^ez  fort  pour  stimuler  le  zèle  du  maitre 
d'une  maison  ;  et  de  plus  l'erreur  n'oll'rail  guère 
de  péril  dans  renseignement  privé  des  scieoces 
physiques. 

Les  Hébreux  s'adonnaient  de  préférence  aux 
études  de  l'agriculture,  n  Or,  dit  Fleury,  un 
Israélite  qui,  par  la  tradition  de  ses  pères,  par 
«a  propre  expérience  et  quelque  lecture,  était 
instruit  de  sa  religion,  des  lois  qui  devaient  ré- 
gler sa  vie,  et  de  l'histoire  de  sa  nation  ;  qui  savait 
se  procurer  lui-même  toutes  les  choses  néces- 
saires ;  qui  coiuaissait  parfaitement  la  qualité 
dillérente  des  terres  et  des  plantes  qui  y  sont 
propres;  quelles  façons  il  y  iaut  faire,  et  en 
quelle  saison  ;  quelles  précautions  on  doit  pren- 
dre contres  divers  accidents  qui  fout  périr  les 
ruits  de  la  terre,  comme  on  doit  les  cueillir  et 
es  cyuserver  ;  qui  savait  la  nature  des  bestiaux, 


leur  nourriture,  leurs  maladies,  leurs  remèdes  et 
tant  d'autres  choses  semblables  qui  sont  ignorées 
parmi  nous,  de  ceux  qui  s'appellent  honnêtes 
gens  ou  gens  de  lettres:  ce  bon  Israélite  valait 
bien,  ce  me  semble,  un  homme  nourri  <laiis  les 
affaires  de  justice  ou  de  linances^  ou  dans  les 
disputes  des  écoles  ;  car,  il  le  faut  avouer,  on  a 
trop  séparé,  dans  les  derniers  temps,  les  études 
curieuses  de  celles  qui  sont  vraiment  utiles  ;  le 
soin  de  l'esprit  et  des  mœurs,  de  celui  des  affaires 
et  de  la  santé  {Mœurs  des  Israélites,  xv).  » 

li.  Les  prêtres  juils  n'avaient  point  le  mono- 
pole de  l'instruction  publique  :  nous  voyons  à 
l'époque  même  de  Josué,  des  espèces  d'acadé- 
mies tenues  par  les  prophètes.  Leurs  disciples, 
nommés  enfants  des  prophètes,  vivaient  dans 
l'exercice  d'une  vie  retirée  et  austère,  dans 
l'élude,  la  lecture  et  la  méditation  de  la  loi  de 
iJieu.  Du  temps  de  Samuel,  il  y  avait  des  écoles 
de  prophètes,  à  Najoth  de  Ramatha  ;  David  et 
Samuel  s'y  retirèrent  (I  Reg.  xix,  d9).  Nous  en 
découvrons  encore,  sous  les  prophètes  Elie  et 
Elisée,  à  Béthel  (IV  Reg.  u,  3)  et  dans  les  plaines 
de  Jéricho  (IV  Reg.  ii,  oj.  Il  y  en  avait  même 
un  grand  nombre  dans  le  royaume  d'Israël 
(II  Reg.  xviii,  4, 1.1— xix,1  —  xx,35).  Quelques 
uns  pensent  qu'Elie  avait  une  communauté  de 
ces  prophètes  sur  le  mont  Carmel.  Les  moines 
de  l'ancienne  loi  étaient  consultés  sur  les  affai- 
res importantes.  L'on  allait  aussi  écouter  leurs 
leçons,  comme  il  paraît  par  l'hôtesse  d'Elisée  : 
le  mari  demande  à  sa  femme  pour  quel  motif  elle 
va  voir  le  prophète,  puisque  ce  jour  n'était  ni  le 
sabbat,  ni  la  néoménie  (IV  Reg.  iv,  23).  Ces  éco- 
les extraordinaires,  tenues  par  des  religieux, 
subsistèrent  jusqu'au  moment  de  la  captivité  à 
Babylone.  Les  exiles  continuaient  même,  sur  la 
ti'rre  étrangère,  à  visiter  les  prophètes,  et  à 
recueillir  de  leur  bouche  des  paroles  assez  mal 
observées  d'ailleurs  {Ezech.  xx,  1  — xxiv,  2  — 
XXV,  3). 

Quel  éiait  donc  le  programme  des  études  en 
ces  monastères  d'autrefois  ?  Nous  le  saurions  à 
peine,  si  l'Ecclésiastique  ne  nous  l'eût  révélé  en 
son  éloge  des  prophètes.  Nous  lisons,  dans  ce 
panégyrique,  que  ces  hommes  de  Dieu,  outre  la 
loi  divine,  enseignaient  la  musique,  le  chant, 
l'éloquence  et  la  poésie.  Mais  ce  beau  passage 
mérite  les  honneurs  d'une  citation  :  «  Louons  ces 
hommes  pleins  de  gloire,  qui  sont  nos  pères,  et 
dont  nous  sommes  la  race.  Le  Seigneur,  dès  le 
commencement  du  monde,  a  signalé  dans  eux 
sa  gloire  et  sa  grande  puis-ancc.  Ils  ont  dominé 
dans  leurs  Etats  ;  ils  ont  été  grands  en  vertu  et 
ornés  de  prudence,  et  les  prédictions  qu'ils  ont 
f  litcs  leur  ont  acquis  la  dignité  de  prophètes. 
Us  ont  commandé  à  ceux  qui  vivaient  de  leur 
temps,  et  les  peuples  ont  reçu  de  la  solidité  de 
leur  sagesse  des  paroles  toutes  saintes.  Us  ont 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


HOi' 


recherchf',  par  leur  habileté,  l'art  dos  accorrlsde 
la  musiiiuc,  et  ils  nous  ont  laissé  les  cantiiiucs 
de  l'Ecriture.  Ils  ont  été  riches  en  vertu,  ils  ont 
aimé  avec  ardeur  la  véritable  beauté,  ils  ont 
gouverné  leur  maison  en  paix.  Ils  se  sont  tous 
acquis  pnrmi  leurs  peuples  une  gloire  qui  est 
passée  d'àf;e  en  âee,  et  on  les  loue  encore 
aujourd'hui  povir  ce  qu'ils  ont  t'ait  pondant  leur 
\ie{Ecc/i.  xuv,  1-7).  » 

III.  L'unsci^rnement  prive  ou  public  des  Israé- 
lites, depuis  Moïse  josqu'h  la  prande  captivilé, 
prenait  assez  volontiers  les  allures  du  symbo- 
lisme. 

Tel  était  le  genre  d'instniclion  que  Dieu 
prescrivait  lui-même  aux  pères  de  famille  : 
«  Lorsque  vos  enlanls  vous  interrogeront  à  l'a- 
venir, et  vous  diront  :  Hue  signifient  ces  com- 
mandi'ments,  ces  cérémonies  et  ces  ordonnances 
que  le  Seigneur  Dieu  nous  impose  ?  vous  leur 
répondrez:  Nous  étions  orclaves  de  Pharaon, 
dans  la  terre  d'l';:;ypie,  et  le  Seigneur  nous  a 
tirés  de  rEgyi)te  avec  une  main  forte...  FA  il 
nous  a  tirés  île  ce  pays  là  pour  nous  faire  entrer 
dans  celle  terre  (pi'il  avait  pri^nis  avec  serment 
à  nos  pères  de  nous  donner  ;  et  le  Seigneur  nous 
il  recommandé  eii'^uite  d'ohsi-rver  toutes  ces 
lois,  et  (le  craindre  le  Seijiueur,  nolri;  Dieu,  afin 
que  nous  soyons  heureux  tous  les  jours  de  notre 
vie,  comme  nous  le  sommes  aujourd'liui  {Dcut. 
VI,  20).  » 

Les  formes  mystiques  convenaient  d'ailleurs 
au  caractrre  de  la  loi  écrite.  La  b-gislalion  de 
Moïse  était  essentiellement  transitoire.  Confir- 
mant la  loi  natuielle,  dont  elle  conservait  les 
souvenirs  ;  préparant  la  loi  de  grâce,  dont  elle 
était  une  ombre  {H'.'h-.  x,  1),  elle  av.iit  institué, 
au  foyer  domesticpie,  dans  le  templeel  au  désert, 
une  école  où  les  fils  de  Jnda  se  rappidaienl  les 
miracles  du  passé  et  les  biens  à  venir.  Tout  par- 
lait aux  yeux  :  les  persoinies,  les  actes  et  les 
choses.  C'est  ainsi  que  les  symboles  servaient 
eux-mêmes,à  la  loi  du  Sinai,  de  preuve  et  d'éclair- 
cissement. 

Ajoutons,  pour  terminer,  cpie  ce  mode  d'en- 
seignement, recommandé  par  la  voix  du  ciel  et 
conforme  à  la  nature  du  mosaisme,  se  trouvait 
encore  approprié  au  caractère  du  [icuple  juif. 
Cette  nation  matérielle  et  oublieuse,  coiuim,'  ie 
sont  du  reste  toutes  les  autres  nations,  semlihiit 
exiger  des  leçons  tout  élémentaires  et  souvent 
répétées.  Or  le  symbolisme  procurait  ce  double 
avantage  :  il  donnait  un  corps  à  des  vérités  invi- 
sibles, et  sollicitait  àeba(pie  moment  la  curiosité 
des  esprits.  <i  Les  pères,  dit  Fleury,  étaient  oMi- 
gés  d'instruire  leuis  .Mitants  des  grandes  choses 
que  Dieu  avait  /aites  pour  eux  et  pour  leurs 
ancêtres  ;  et  c'est  pour  eeJa  que  la  loi  leur  com- 
mandait si  souvent  d'ex|iliquer  à  leurs  enfants 
les  raisons  des  fêtes  et  des  auti-es  cérémonies  de 


la  religion  ;  ainsi  ces  instructions  attachées  à 
des  objets  sensibles,  étant  recommencées  si  sou- 
vent, ne  pouvaient  manquer  d'être  solides(iVa'«rs 
des  Israeliles,  xv).  » 

PlOT, 

curé-doyen  do  Juzennecourt. 


Los    Erreuls    modernes 


LA    DÉMOCRATIE    ET    LE    CATHOLICISME 

(l"  ariiole.) 

Il  existe  un  préjugé  assez  généralement 
répandu,  d'après  lequel  il  y  aurait  entre  l'iiglise 
et  la  démocratie  une  hostilité  naturelle,  une 
sorte  d'état  de  guerre  plus  ou  moins  latente  et 
comme  nécessaire,  de  telle  manière,  qu'entre 
ces  deux  puissances,  la  paix  serait  fort  difficile 
et  la  bonne  harmonie  comme  imiiossilde.  Et  les 
faits  semblent  donner  raison  a  cette  o|iiuion  ea 
France,  en  Espagne,  eu  Italie,  en  Suisse  et  dans 
toute  l'Europe,  à  des  degrés  divers. 

Cet  état  de  choses  mérite  assurément  qu'on 
'étudie.   Est-il  fonde  en  raison?  Celte   espèce 


d'hostilité  est-elle  dans  la  nature  des  choses? 
C'est  ce  queuous  al'ons  examiner. 

Qu'est-ce  d'abord  cjue  la  .lemocratie  ?  D'où 
vient-elle?  Est-elle  entièrement  nouvelle  parmi 
nous?  N'existe-t-elle  en  France,  comme  plu- 
sieurs semblent  le  croire,  que  depuis  la  grande 
Révolution  ? 

La  société  ancienne,  qui  a  disparu  à  la  fin  du 
dernier  siècle  et  dont  la  nôtre  est  sortie,  se 
composait  de  quaHe  éléments,  comme  le  monde 
des  anciens  :  la  royauté,  le  clerué,  la  noblesse 
et  le  liers-état.  Le  nom  de  ce  dernier  ii diipie 
ce  qu'il  était,  c'est-à-dire  le  tieis  ou  le  troisième 
état  ou  corps  politiipie.  Nos  anciens  auteurs 
l'appellent  aiiSsi  le  commun  étui  ;  et,  en  eliet,  il 
ét.iit  l'état  commun  de  prescjue  tons.  Les  écri- 
vains modernes  le  nomment  souvcntsimplemeut 
le  tiers. 

iMais  que  faut-il  entendre  sous  cette  dénomi- 
nation de  tiers-étal  ?  Que  comprend-il  ?  Qu'est- 
ce  qui  le  composait?  Les  pulilicistes  se  sont 
partagés  à  cet  e^ard  en  deux  opinions.  Les  uns 
jiensent  que  le  tiers-état  était  ce  i|ue  nous  appe- 
lons aujonnrhuila  bourgeoisie.  Et  ce  sentiment 
était  autrefois  assez  commun.  La  raison  sur 
laipielle  il  s'apquie  est  que  la  bourgeijisie  seule, 
de  toute  cette  classe  immense,  qui  n'était  ni  le 
clergé,  ni  la  noblesse,  était  a|ite  à  la  vie  poli- 
tique. D'antres  écrivains,  et  à  leur  tête  Augus- 
tin Thierry  (l),s'%levèrent  avec  force  contre  cette 
opinion,  qu'ils  quabfient  de  dangereuse  et  de 

1.  Aiiï.  Thierry.  Essai  tur  ihisl.  de  la  réformât,  du  Uerf 
Cit.  l'ici'. 


1192 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


fausse.  Elle  est  dangereuse,  disent-ils,  pnrce 
qu'elle  tend  à  introduire  la  division  d'autrefois 
dans  la  sooiété  moderne.  Elle  est  finisse  en  elle- 
même,  jaiisque  historiquement,  le  tiers-état 
comprenait  tout  ce  qui  n'était  ni  le  clergé,  ni  la 
noblesse.  Là  est  la  vérité  puisque  là  est  la 
réalité  des  choses.  Le  tiers  représentait  tout  le 
peuple,  eu  principe  toujours,  et  en  fait  surtout 
dans  les  derniers  siècles  de  la  monarchie.  Ainsi, 
par  exemple,  nous  avons  l'ordouiinnee  de 
Louis  XVI,  relative  aux  élections  pour  nommer 
L'S  députés  aux  Etats  généraux  de  1769.  Or 
elle  désigne  comme  ayant  droit  d'assister  aux 
assemblées  électorales  :  v  tous  les  habitants  des 
villes,  bourgs  et  campagnes,  nés  Fiançais  ou 
naturalisés,  âgés  de  vint;t-cinq  ans,  domiciliés 
et  compris  aux  rôles  des  impositions  (1).  » 

Le  tiers-état  contenait  donc  eu  lui-même  la 
démocratie,  ou  plutôt  il  Tétait,  au  moins  dans 
sa  substance,  et  il  a  toujours  eu  une  réelle 
importance  Uu  regard  rapide  sur  son  histoire 
nous  le  fera  comprendre,  et  nous  aidera  dans 
nos  appréciations.  Sa  marche  à  travers  les 
sièces  peut  s(;  diviser  comme  en  deux  parties  : 
il  va  une  première  période  où  celte  démocratie 
est  peu  dévclopi  ée  et  comme  à  l'état  d'incuba- 
tion; elle  dure  jusqu'à  ^étal)lis^cment  des  com- 
munes sous  Louis  le  Gros  ;  la  seconde  est  celle 
de  son  développement  progressif  jusqu'à  son 
triomphe  iinal. 

Ou  peut  dire  dans  un  sens  très-vrai  que  le 
tiers-ctat,  la  démocratie  ,  ont  commencé  en 
France  avec  la  monarchie.  Au-dessous  du  roi, 
de  SCS  Icudes  ou  fidèles,  source  de  la  nob'esse, 
était  le  peuple,  composé  de  deux  parties,  les 
hommes  libres  ùigenui,  et  les  serfs.  Les  pre- 
miers possédaient  des  terres  à  eux,  exempte?  de 
redevance,  appelées  de  franc-alleu  ou  alloJiales, 
et  n'étaient  tenus  qu'au  service  militaire.  Ces 
hommes  assis'taieut  et  votaient  aux  assemblées 
générales  de  la  nation  au  Champ  de  Mars.  Le 
roi,  les  prélats,  les  nobles  et  les  hommes  libres 
les  compo.saient  ;  et  ainsi  tous  les  éléments 
sociaux  s'y  tnuivnient  réunis.  Laissons  parler 
un  écrivain  qui  s'est  occupé  spécialement  de 
nos  antiquités  nationales  :  «  Dans  l'origine,  ces 
assembli'es  se  tenai -ut  en  rase  canipatrne  et  se 
eomposaient  de  tonte  la  paitic  lilire  de  la 
nation  qui  s'y  rendait  en  armes  ;  mais,  dans  la 
suite,  il  ue  fut  plus  po-sible  de  les  convoquer 
sur  une  aussi  grande  éihelle,  et  au  temps  de 
(".harlemagne,  l'iles  ne  furent  plus  composées 
que  des  prélats  f.\  des  grands  du  royaume. 
Cependant  quand  il  s'agis.-;nit  de  faire  iU:  nou- 
velles 'nis,  ou  de  d<'cider  quelque  chose  d'im- 
poi-taut,  il  faillait  C"  appeler  au  sciiliraent  et  au 

t.  Aiiiir/..  nc/i.ii,  par  Bouttevillc,  i>ublic  sous  la  direc- 
tion de  M.  l'aulin  l'aris,  c.  xxxiii. 


sutfrage  du  peuple,  représenté  (]uelquefois  par 
l'armée,  ou  qui  constatait  son  adhésion  par  sou 
sceau.  Dans  ce  dernier  cas,  chaqu'-  magistral 
convoquait  les  citoyens  de  son  territoire  (1).  « 
Le  tiers-état,  la  démocratie  ont  donc  eu  dès  h; 
commencement  de  la  monarchie  et  sous  les 
deux  premières  races  de  nos  rois  une  existence 
et  une  iuûueuee  réelles. 

Mais  c'est  surtout  à  parnr  du  douzième  siècle 
qu'il  prend  son  essor.  Louis  le  Gros  émancipe 
les  communes,  donne  la  hberlé  lux  villes  de 
son  domaine,  et  la  véritable  vie  municipale 
étend  sou  action.  L'abbé  Suger  qui  gouverne  la 
France  sous  Louis  le  Jeune,  et  plus  tard,  saint 
Louis  étendent,  développent  ces  libertés.  Les 
seigneurs  résistent  d'abord  et  refusent  d'imiter 
les  rois  en  donnaut  la  libiTié  à  leurs  vassaux. 
Jlais  ils  sont  bientôt  entraînés  par  l'élan  géné- 
ral. Le  servag'"  disparait  en  grande  partie  du 
royaume  de  France. 

Les  assemblées  de  la  nation  se  maintinrent 
tant  bien  que  mal  jusqcie  sous  la  troisième  race 
de  nos  rois.  Les  Etats  gé:iéraux  proprement 
dits  leur  succédèrent.  Les  premiers  qui  fureut 
réellement  complets  et  vraiment  solennels 
s'ouvriient  en  l'M-2,  sous  les  voûtes  de  Notre- 
Ilame  de  Paris.  Dans  cette  assemblée  se  trou- 
vèreut,avec  les  représentants  du  clergé  et  de  la 
noblesse,  ceux  du  tiers  état  ou  commun  état, 
disent  les  écrivains  du  temps  ;  ils  parlèrent  et 
opinèrent  comme  ceux  des  deux  autres  ordres. 
Et  dans  les  autres  réunions  de  ce  geure,  il  en 
fut  de  même  ;  le  tiers  avait  sou  vote ,  ses 
cahiers,  comme  la  noblesse  et  le  clergé,  o  Le 
tiers-état  eu  corps,  dit  de  Bouald,  était  autant 
élevé  en  dignité  politique  que  chacun  des  deux 
autres  ordres,  et  sou  conseiitemejit  était  aussi 
nécessaire  que  le  leur  pour  former  les  réso- 
lutions de  l'assemblée  des  Etats-Généraux  (2).  » 

De  plus,  si  le  gouvernement  proprement  dit 
était  surtout  dausies  mains  du  roi  et  de  la  no- 
blesse, l'administration  était  dans  celles  du  tiers. 
Eu  outre,  les  rangs  de  la  noblesse  étaient  ouverts 
aux  familles  qui  se  distinguaient,  et  les  digni- 
tés les  plus  hautes  aux  hommes  de  grand  mé- 
rite. 

L'histoire  nous  a  conservé  Je  récit  de  ce  qui  se 
pa^sa  dans  plusieurs  assemblées  des  Etats  géné- 
raux et  les  résolutions  (pii  y  fuient  prises,  réso- 
lutions qui  montrent  que  la  liberté  véritable  est 
ancienne  en  France.  Augustin  Thierry  résume, 
ainsi  les  décisions  des  Etats  de  t3oo  :  «  Les  réso- 
lutions de  cette  assemblée,  dit-il,  auxquelles  une 
ordonnance  royale  donna  sur-le-champ  force  de 
loi,  contiennent  et  dépassent  même  sur  quel- 
ques points  les  garanties  modernes  dont  se  corn- 

1.  Résl.  de  Louis  XVI  du  24  jauTier  1789. 

2,  Uémoml.  phU.  du  princ.  consht.  de  latociilé,  c.  XX. 


L\  SEMAINE  DU  CLERGE 


1133 


f)ose  le  récrime  constitutionnel.  On  y  trouve 
'autorité  partag'  e  entre  le  roi  et  les  trois  Etals 
représentant  la  nation,  et  représentés  par  une 
coramission  de  neuf  membres  ;  l'assemltlée  des 
Etats  s'ajournant  d'elle-même  à  terme  fixe; 
l'impôt  réparlisur  toutes  les  classes  depersonnes 
et  atteignant  jusqu'au  roi  ;  le  droit  de  percevoir 
les  taxes  et  le  contrôle  de  l'administration  finan- 
cière donnés  aux  Etats  agissant  par  leurs  délé- 
gués à  Parisetdans  les  provinces  ;  l'établissement 
d'unti  milice  nationale  par  l'injonction  faite  à 
chacun  de  s'équiper  d'armes  selon  son  état;  en- 
fin la  défense  de  traduire  qui  que  ce  soit 
devant  une  autre  juridiclioa  que  la  justice  ordi- 
naire (l).  )) 

Pour  suivre  maintenant  la  marche  du  tiers- 
•ëtat  et  de  la  démocratie,  il  faudrait  écrire  un 
volume.  Quelques  indications  suffisent  à  notre 
but.  Les  progrès  de  cette  classe  sociale  furent 
constants,  et  cela  parla  nature  même  des  choses 
et  le  cours  naturel  des  événements.  A  mesure 
qu'un  plus  grand  nombre  d'hommes  capables  se 
lormèrent  dans  son  sein,  son  influence  devint 
plus  considérable.  L'administration  passa  de 
plus  en  plus  dans  ses  mains  ;  l'induslrie,  le  com- 
merce, les  richesses  s'y  développèrent.  Louis  XI 
contribua  beaucoup  à  ce  résultat.  11  abaissa  les 
grands  qu'il  n'aimait  pas,  et  éleva  d'autant  les 
■autres.  Il  augmenta  les  libertés  des  villes,  des 
communes  ;  il  fut  en  réalité  le  roi  du  [x'uple. 
Anssi^aux  Etals  généraux  qui  furent  réunis  après 
sa  mort  par  la  régente  sa  fille,  Anne  de  Beaujeu, 
le  tiers-état  exerça- t-il  une  influence  considé- 
rable. L'invention  de  l'imprimerie,  la  culture 
des  lettres  qui  fit  de  brillants  progrès  sous  Fran- 
çois I*',  augmentèrent  encore  sa  puissance.  Elle 
parut  aux  Etats  généraux  de  1501,  de  1576,  et 
«urtoul  aux  derniers  convoqués,  avaut  ceux  de 
S9,  en  1P/l4,où  le  liers  atlaqua  avecune  énergie 
jusqu'alors  inouïe  les  deux  autres  ordres,  et  re- 
fusa de  fléchir  le  genou  devant  le  roi  Louis  XII  (, 
comme  cela  avait  été  jusque-là  l'usage.  Le  pou- 
voir absolu  exercé  par  Richelieu  et  Louis  XIV, 
en  réalité  n'abaissa  que  la  noblesse,  et  laissa  la 
classe  moyenne  poursuivre  ses  développements, 
jusqu'à  ce  qu'enfin  elle  devint  toute  puissante. 
Quand,  à  la  fin  du  siècle  dernier  et  à  la  veille 
de  la  Révolution,  l'abbé  Siéyès  publia  sa  célèbre 
hiovhure Qu'est-ce  que  le  tier-sl  il  put  répondre: 
tout  cela  allait  être  vrai  dans  quelques  jours. 
Aux  Etats  généraux  qui  devinrent  l'Assemblée 
nationale,  le  tiers  était  en  nombre  double  de 
chacun  des  deux  «vitres  ordres.  Jusque  là,  dans 
les  assemblées  précédentes,  on  avait  voté  par 
ordre,  et  chacune  des  trois  classes  politiques 
n'avait  ainsi  que  sa  voix.  Le  tiers  dentandaqu'oa 

i.  Aug.  Thierry  :  Essat  jur  i'hist.  etc.,  du  iiers-état. 

e.  u. 


votât  par  tète,  et  l'nbfint  de  la  faiblesse  de 
Louis  XVI  ;  d'un  seul  bond  il  arriva  ainsi  à  la 
toute-puissance:  ladémocratie  était  triomphante; 
elle  devenait  le  gouvernement  de  la  France,  et 
allait  bientôt  coulera  pleins  bords. 

Comme  l'indique  sou  nom  lui-même  et  l'idée 
que  tout  le  monde  en  a,  elle  est  le  pouvoir  du 
peuple,  le  pouvoir  du  nombre,  puisque  le  suf- 
frage est  universel.  Mais,  comme  d'uusiitrecôté, 
les  hommes  les  plus  cousidé>.'al  des  par  leur  capa- 
cité sontordinairenieni  l'objet  de  ce  suffrage,  il 
y  a  là  une  sorte  d'atténuation  de  la  puissance 
brutale  du  nombre,  qui  sans  cela  bouleverserait 
tout. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  cette  dé- 
mocratie effraye,  et  que  telle  qu'elle  s'est  mon- 
trée dès  le  coramencementde  sa  toute-puissance, 
et  telle  qu'elle  se  montre  encore,  elle  présente 
plus  d'un  sujet  de  crainte  au  catholicisme.  Pen- 
dant la  grande  révolution,  elle  s'est  montrée 
horrible  sous  tous  les  rapports,  mais  spéciale- 
mcîut  au  point  de  vue  religieux,  et  il  n'est  pas 
douteux  que  son  im|iie  et  songlaulc  histoire  à 
cette  époque  ne  ^-oit  pour  beaucoup  dans  les  ap- 
préhensions qu'elle  soulève.  Et  encore  aujour- 
d'hui n'est-elle  pas  hostile  un  peu  partout  au 
catholicisme?  Ses  chefs  n'ont-ils  pas  la  réputa- 
tion bien  méritée  d  être  généralement  ses  enne- 
mis? La  démagogie  et  le  ladicalisme  ont-ils  de 
quoi  rassurer  beaucoup?  Et  ne  sont- ils  pas  ea 
fait  le  produit  de  la  démocratie?  Celle-ci  ne  pré- 
tend-elle |)as,  par  la  bouche  de  ses  chefs  et  de 
ses  meneurs,  briser,  si  elle  le  peut,  le  concordat 
de  )80t,  et  la  siiuatiou  politique  de  l'Eglise  en 
France?  Qui  oserait  dire  que  toutes  ces  craintes 
sont  sans  fondement  ? 

L'abbé  Desorges. 
{A  tuivre.) 


Biograpblak 


DOM     GUE RANGER 

AIlBt:  DE  SOLCSJUES. 

«  La  province  du  Maine  apparaît  dans  l'his- 
toire de  l'Eglise  d'Occident  comme  une  des  con- 
trées destinées  le  plus  particulièrement  par  la 
Providence  divine  à  recevoir  et  à  propager  les 
traditions  de  la  vie  monastique.  Cet  honneur 
lui  vient  principalement  du  zèle  des  évèques  du 
Mans,  qui,  à  diverses  épuques,  se  sont  fait 
gloire  d'attacher  leur  nom  comme  protecteurs 
à  ces  inslitutions  de  la  perfection  chrétienne, 
qui  ont  été,  en  France,  comme  dans  le  monde 
enlier,  un  foyer  puissant  de  vie,  de  lumière  et 
àe  chaleur. 


HOÎ 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


B  L'e?prlt  de  ?aint  Martin,  cet  illustre  évéque 
que  l'on  peut  bien  appeler  l'apôtre  et  le  pa- 
triarche de  la  vie  ccnobitique  dans  les  Gaules, 
se  reposa  sui  saint  Liboire,  l'ami  de  cet  admi- 
rable pontife,  et  le  troisième  successeur  connu 
de  saint  Julien,  fondateur  de  l'église  du  Mans. 
Mais  aucun  successeur  de  saint  Liboire  n'a  plus 
visiblement  hérité  de  l'affection  que  professait 
saint  Martin  pour  l'orilre  monastique,  ni  mieux 
mérité  de  l'Eglise  et  de  la  patrie,  par  des  ser- 
vices rendus  à  l'Etat  religieux,  que  le  grand 
évêque  saint  Innocent.  On  peut  dire  avec  vérité 
que  ce  pieux  pontife  fut  le  père  des  moines,  et 
son  diocèse  un  asile  ouvert  à  tous  les  serviteurs 
de  Dieu, que  leur  vocation  appelait  dans  la  so- 
litude. Dès  l'an  537,  le  saint  abbé  Calais  fondait 
sur  les  bords  de  l'Anillf,  parla  munificence  de 
saint  Innocent,  ce  célèbre  monastère  autour 
duquel  une  ville  ne  tarda  pas  à  s'élever.  Dans 
le  même  temps,  le  diocèse  du  Mans  se  glorifiait 
de  posséder  à  la  fois  les  saints  moines  Almire, 
Ulface,  Baumer,  Constantien  et  Léonaid,  que 
la  renommée  d'Innocent  avait  pareillement 
engagés  à  vouloir  habiter  les  forêts  du  Maine. 

u  Mais  l'influence  d'un  si  pieux  prélat  devait 
s'étendre  bien  au-delà  des  limites  de  son  dio- 
cèse. Non  content  d'eu  avoir  fait  l'asile  des 
saints  que  nous  venons  de  nommer,  auxquels  il 
en  faut  ajouter  encore  plusieurs  autres,  il  tenta 
d'implanter  en  France  une  semence  monas- 
tique plus  vigoureuse  encore  et  plus  féconde. 
La  renommée  du  grand  patriarche  des  Moines 
de  l'Occident,  saint  Benoît,  était  parvenue  jus- 
qu'aux oreilles  d'Innocent;  mais  l'heure  appro- 
chait où  la  gloire  de  cet  homme  rempli  de 
Pesprit  de  tous  les  justes,  comme  parle  saint  Gré- 
goire le  Grand,  allait  s'épanouir  dans  l'éternité. 
Ses  dernières  bénédictions  étaient  réservées  à 
la  France. 

»  Un  jtKir  de  l'an  542,  deux  pèlerins  gravis- 
saient le  sommet  du  Mont-Cassin  et  venaient  se 
présenter  au  saint  législateur.  Tous  deux  étaient 
partis  de  la  cité  du  Mans,  envoyés  par  l'évcque 
Innocent  ;  l'un  était  Flodegaire,  son  archidiacre, 
l'autre  Hardérad,  son  intendant.  Ils  venaient 
demander  à  saint  Benoit  quelques-uns  de  ses 
disciples,  auxquels  ils  donneraient  la  mission  de 
transplanter  en  France  cette  règle  déjà  fa- 
meuse, qui  devait  organiser  l'élément  monas- 
tique, jusqu'alors  flottant,  et  enfanter  la  civili- 
sation de  l'Occident  tout  entier. 

»  Le  saint,  touché  de  ces  prières,  accorda  aux 
désirs  de  l'évèque  son  plus  cher  disciple,  Maur, 
qui  partit  du  Mont-Cassin  le  10  île  janvier  543, 
avec  quatre  autres  moini-s,  Simplice,  Conslan- 
tinien,  Antoine  et  Fauste. 

»  Les  pieux  voyageurs  étaient  encore  en  route, 
quand  ils  apprirent,  à  Orléans,  lamortdu  saint 
évèque  qui  les  avait  appelés.  Son  successeur, 


saint  Doumole,  sî  zélé  à  son  tour  pour  l'i'tat 
monastique,  n'avait  pas  encore  pris  possession 
de  l'église  du  M.ins,  qui  était  en  proie  à  un  in- 
trus, nommé  Scieufrid,  ancien  chor-évèque  de 
saint  Innocent.  Maur  prit  !e  parti  de  se  diriger 
vers  l'Anjou,  d'nprès  les  conseils  de  Harderade, 
et  alla  s  établir,  et  avec  lui  le  berceau  de 
l'ordre  bénédictin  en  France,  au  lieu  nommé 
GlanFeuil,  surins  bords  de  la  Loire.  Là  s'élè- 
vera bientôt  une  célèbre  abbaye  qui  a  porté  le 
nom  de  Saint-Maur,  jusqu'à  la  destruction  des 
monastères,  en  France,  à  la  fin  du  dix-hui- 
tième siècle  (1).  » 

«  La  ville  et  le  diocèse  du  Mans  eurent  bientôt 
des  colonies  de  Glanfeuil.  Les  monastères  de 
Saint-Pierre,  de  Saint-Germain,  de  Saint-Martin 
de  Ponilieue  sont  célèbres  lians  l'histoire.  A  ces 
fondations  monastiques  s'ajouta,  au  dixième 
siècle,  suus  l'évèque  Avesgand,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Sarthe,  près  Sal)lé,  la  fondation 
de  Saint-Pierre  de  Solesmes.  Ce  monastère  eut, 
comme  tous  les  autres,  ses  vicissitudes  ;  il  fut, 
en  1790,  vendu  à  un  sieur  Lenoir  de  Chante- 
loup,  qui  l'acheta  pour  le  conserver.  Chanteloup 
vendit  Solesmes  à  d'autres;  des  mains  des  trois 
nouveaux  propriétaires,  l'abbaye  passa  aux 
mains  des  personnes  qui  voulaient  rendre  So- 
lesmes à  son  ancienne  destination  et  rétablir 
dans  ses  murs,  irop  longtemps  inhabiles,  l'ob- 
servation de  la  règle  de  saint  Benoît.  De  l'an 
1010  à  l'an  1833,  les  temps  avaient  changé  ;  les 
moines  n'avaient  plus  s  attendre  ni  riches  do- 
tations, ni  droits  seigneuriaux  ;  mais  le  prin- 
cipe de  liberté  sociale,  pourvu  qu'on  l'applique 
avec  justice,  suffira  toujours  au  développement 
des  œuvres  catholiques. 

n  Les  évèques  contemiiorains  furent,  comme 
leurs  prédécesseurs,  favorables  à  la  renais- 
sance de  Solesmes.  Dès  l'année  1831,  Philippe- 
Marie-Thérèse  Gay-Carron.  troisième  évéque 
du  Mans  depuis  1801,  avait  reçu  la  communi- 
oation  du  projet  formé  par  plusieurs  ecclésias- 
tiques, de  rendre  à  l'Eglise  le  monastère  de 
Solesmes,  et,  au  monastère  lui-même,  des  dis- 
ciples de  saint  Benoit.  Le  prélat  avait  accueilli 
cette  idée  avec  faveur,  mais  il  avait  voulu  la 
soumettre  à  l'épreuve  du  temps.  Son  consente- 
ment définitif  ne  fut  octroyé  qu'à  la  fin  de 
1822;  ce  fut  alors  qu'il  approuva  de  son  auto- 
rité d'ordinaire  les  constitutions  qui  devaient 
organiser  la  nouvelle  société  et  la  disposer  à  se 
fondre  plus  tard  dans  l'ordre  de  saint  Benoît, 
par  l'autorité  apostolique.  Enfin,  les  prépara- 
tifs étant  achevés,  le  11  juillet  1833,  cinq  can- 
didats à  la  règle  bénédictine,  aspirant  à  devenir 
religieux  de  chœur,  et  quatre  autres  destinés  à 
l'état  de  convers,  furent  installés  dans  le  mo- 

t.    Essni  historiques    sur   Cabbaye    de    Solesme*^  ia 
initio. 


LA  SEMAINF  DU  CLERGE 


1193 


nastèrs  rendu  à  sa  deslinalion.  Mgr  Carron 
était  retenu  loin  de  son  diocèse  par  sa  santé.  Il 
confia  SCS  pcjuvoirs,  en  celte  ocension,  à  ses 
grands-vicaires,  et  l'un  d'eux,  l'abbé  Méno- 
chet,  vint  présider  la  cérémonie  et  mettre  en 
possession  le  nouveau  prieur  et  ses  confrères. 
L'Ej^iise  et  les  lieux  réguliers  furent  solennel- 
le.iienl  réconciliés,  au  milieu  d'un  clergé  et 
d'ur)  peuple  nombreux,  auxquels  l'abbé  Méno- 
chel  adressa  une  touchante  allocution,  dans 
laquelle  il  célébra  celte  restauration  inattendue 
d'une  institution  catholique  dont  les  flots  des 
révolutions  n'avaient  pas  submergé  le  prin- 
cipe. La  parole  du  vieillard,  autrefois  confes- 
seur de  la  rade  de  Rnchcfort,  était  imposante, 
lorsqu'il  rappelait  ainsi,  aux  fidèles,  l'indes- 
trucllble  fécondité   de  l'ÉnIise  de  Jésus-I]lirist. 

»  A  partir  de  ce  jour,  l'office  (iivin  et  les  exer- 
cices léi-'itlicrs  recommencèrent  dans  le  mo- 
nastère de  Solesmes,  après  quarante-trois  ans 
de  solitude;  mais  les  nouveaux  ha])itants  de 
cette  demeure  paisible  étaient  destinés  à  subir 
plus  d'une  épreuve. 

H  La  preniière  fut  la  perle  du  prélat  qui  les 
avait  établis  par  son  autorité.  Mgr  C:irron  mou- 
rut au  Mans,  .'e  27  août  suivant;  l'abbé  Méno- 
chet  le  suivit  dans  la  tombe  moins  de  six  mois 
après,  étant  mort  le  4  février  183  i. 

»  La  perte  d'un  évèque  qui  avait  pris  avec 
maturité  et  aussi  avec  fermeté  le  patronage  de 
l'œuvre,  avait  le  droit  d'inspirer  de  sérieuses 
inquiétudes  aux  habitants  denotre  prieuré.  Des 
oppositions  peut-être  invincibles  leur  étaient  à 
craindre,  et  d'autant  plus  que  leur  rétablisse- 
ment n'avait  pas  été  vu  avec  bienveillance  par 
tout  le  monde.  La  Providence  vint  à  leur  se- 
cours pur  la  nomination  d'un  évèque  qui  ne 
craindrait  pas  d'avouer  ses  sympathies  pour 
l'établissement,  et  dont  l'influence  devait  un 
jour  l'aider  à  sortir  drs  limites  étroites  de  sa 
première  institution,  pour  prendre  place  dans 
la  hiérarchie  des  congrégations  monastiques 
reconnues  par  le  Sainl-Siége,  et  qui  forment  les 
rameaux  du  grand  arbre  bénédictin. 

»  Jean-Baptiste  Hoi.vicr,  vicaire  capitulaire  et 
supérieur  du  séminaire,  monta  sur  le  siège  du 
Mans,  et,  dès  les  premiers  jours  qui  suivirent 
sa  nomination,  il  fit  parvenir,  à  Solesmes,  les 
témoignages  de  sa  bienveillance  et  les  assu- 
rances de  sa  protection. 

»  Au  dedans,  l'institution  se  développait,  le 
personnel  de  l'œuvre  se  complétait  ;  des  enga- 
gements annuels  faisaient  place  à  des  vœux  de 
cinq  ans,  et,  le  15  août  1836,  les  membres  (te 
l'association  déclaraient  au  public  leur  inten- 
tion arrêtée  de  consacrer  leur  vie  au  rétablisse- 
ment de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  en  revêtant 
publiquement  fhabit  qu'il  impose. 

iJjB  moment  était  venu  d'appeler  sur  ces  com- 


mencements d'une  œuvre,  désormais  sérieuse, 
la  confirm:ition  du  Siège  Apostolique,  Mgr 
Bouvier  prêta  cordialement  son  concours  aux 
démarches  ijui  furent  faites  auprès  du  Souverain 
Pontife,  dans  le  cours  de  l'année  1837.  A  son 
suffrage  se  joignirent  d'une  manière  active 
l'intérêt  puissant  du  cardinal  Sala,  préfet  de  la 
sacrée  Congrérration  des  évêques  et  Réguliers, 
les  recommandations  de  Mgr  Moutbianc,  arche- 
vêque de  Tours,  et  Mgr  de  (Jaélen,  archevêque  de 
Paris, les  bons  offuesdu  marquisde  Latour-Mau- 
bourg,  ambassadeur  de  France  à  Rome,  enfia 
de  plusieurs  autres  personnes  de  haute  in- 
fluence, que  la  reconnaissance  des  nouveaux 
bénédictins  n'oubliera  jamais.  Toutes  choses 
ayant  donc  été  pesées  avec  maturité  par  une 
Congrégation  de  sept  cardinaux,  formée  au 
s«in  de  celle  des  Evêques  et  Réguliers,  Sa  Sain- 
teté Grégoire  XVI,  par  un  bref  solennel  du 
1"'  septembre  1837,  commençant  par  ces  mots  : 
Innumeras  >nt''r,  décréta  l'érection  en  titre 
abbatial  de  l'ancien  prieuré  de  Solesmes,  et  le 
déclara  chef  d'une  nouvelle  congrégation,  sous 
le  litre  de  Congrégalion  française  de  l'orar .  de 
Saint- Benoit,  succédant  aux  anciennes  con- 
grégations de  Cluny,  de  Saint- Vaune  et  Saint- 
Hydulphe,  et  de  Saint-.Maur.  Par  suite  des  dis- 
positions de  ce  brt'f,  le  prieur  du  nouveau 
monaslèrede  I8;:3  fut  institué  abbé  deSolesmes, 
et  suiiéiieur  gém-ral  des  bénédictins  de  la 
Congrégation  de  France. 

»  Ainsi  fut  restaurée,  avec  les  seuls  privilèges 
que  confère  Vautoriu  :piriluel'.e,  une  institution 
qui  n'a  de  garantie  que  dans  la  conscience  de 
ses  membres  et  dans  leur  fidélité  à  garder  les 
engagements  qui  les  lient  à  Dieu  et  à  l'Eglise. 
L'état  religieux,  dans  notre  siècle,  est  destiné, 
comme  le  fut  l'Eglise  elle-même ,  dans  les 
temps  apostoliques,  à  vivre,  à  se  développer, 
à  se  propager  par  la  seule  force  intime  que 
Dieu  lui  a  communiquée. 

»  Ceux  des  membres  de  la  petite  société  qui 
avaient  revêtu  l'habit  de  Saint-Benoit,  le 
15  aoùl  1836,  émirent  successivement  la  pro- 
fession solennelle  entre  les  maius  du  nouvel 
abbé,  qui,  lui-même,  avail  prononcé  ses  vieux, 
à  Rome,  le  27  juillet  1837,  dans  la  basilique  de 
Saint-Paul  hors  les  Murs,  entre  les  mains  du 
llévérendissime  Dom  Vincent  Bioi,  abbé  de 
Saint-Paul  et  procureur  général  de  la  congré- 
gation du  Mont  Cassin  (I).  « 

Quel  était  l'auteur  de  Ci'tte  restauration? 
Par  quelle  prède-tinalion  de  la  Providence 
s'était  formé  cet  abbé  de  trente-deux  ans?  Par 
quelle  suite  de  pensées  et  d'elTorls  devait-il 
soutenir  et  forlifii-r  son  œuvre?  Dans  quel  des- 
sein Dieu  appelait-il  au  travail  cette  légion  de 

1.  Dom  Giierangcr,  émoi  historique  tur  VAblayt  de 
SoUime,  ad  fiiiem, 


HK 


LA  SEMAINE  DU  CLEUGÈ 


jeunes  moines  le  lendemain  d'une  révolution 
qui  n'était  guÀre  qu'un  nouveau  triomphe  de 
l'impiété  et  comme  sa  loiiséciation  [lolitique 
acclaméi!  pai'  lus  conservateurs  de  France? 

La  réj:on?.*e  à  ces  questions  se  retrouvera  dans 
la  suite  do  cette  biographie.  La  mort,  dit  Bos- 
fiuet,  lévèle  les  secrets  des  cœurs  ;  elle  révèle 
aussi  les  secrets  de  la  Provideuce,  où,  si  elle  ne 
les  découvre  pas  toujours  entièrement,  elle  les 
met  assez  en  relief  pour  en  apprécier  les  bieu- 
fails  et  en  célébrer  la  gloire.  Nous  tâcherons 
de  ue  pas  manquer  à  cet  oitice  en  écrivant 
l'histoire  monastique  et  littéraire  ilu  révéreudis- 
sime  Père  Prosper-Louis-Pascal  Guéranger, 
abbé  de  Solestaes,  récemment  retourné  à  Dieu. 

Au  sein  d'une  famille  chrétienne  et  digne  de 
l'honneur  que  le  ciel  allait  lui  départir,  naquit, 
le  4 avril  dSOo,  cet  entant  prédestiné;  le  même 
jour,  le  baptistère  de  Notre-Dame  de  Sablé  le 
plaçait  sous  le  triple  [mtronage  d'un  saint  doc- 
teur, d'un  saint  roi  et  d'un  saint  pape.  Par  une 
grâce  particulière,  cet  enfant,  consacré  à  Dieu 
cIp^  l'instant  de  sa  naissance,  donnait,  dès 
i  âge  de  trois  ans,  des  marques  de  vocation. 
Comme  but  de  promenade,  l'enfant  désignait 
à  sa  b  )nne  le  vieux  prieuré  de  Sole  mes,  et  les 
jours  où  le  cloilre  s'ouvrait  [lour  quelque  fête 
mondaine,  il  y  entrait  avec  la  foule.  Ce  n'était 
pas  la  musique  et  le  bruit  des  fêtes  qui  le  cap- 
tivaient, mais  les  arcades,  les  boiseries,  les 
tal)les  et  les  bassins  qui  avaient  servi  aux 
moines.  A  son  imagination  naissante,  tout  sem- 
blait d'une  grandeur  merveilleuse  et  il  ne  se 
Lissait  ni  de  voir,  ni  de  toucher.  Ses  impres- 
sions étaient  plus  vives  encore  lorsqu'il  pouvait 
se  glisser  dans  l'église  déserte  et  contempler 
ce  monde  de  statues,  ces  anges,  ces  apôtres, 
ces  femmes,  ce  dragon  à  sept  têtes,  tous  ces 
personnages  dont  on  avait  peint  les  yeux  et 
qui  semblaient,  en  le  regardant,  lui  parler  un 
mystérieux  langage.  Une  curiosité  question- 
neuse le  tenait  comme  enchaîné  aux  lèvres  îles 
vieillards  qui  avaient  appartenu  à  la  génération 
précédente.  Ou  lui  pariait  des  solennités  an- 
ciennes, bien  diUérentes  de  celles  qu'il  avait 
sous  les  yeux.  A  tous  ces  détails,  il  sentait  les 
regrets  des  vieillards  devenir  pour  lui  des 
•désirs  précoces  ;  une  voix,  faible  encore,  lui 
criait  dèji  qu'il  faudrait  bien  un  jour  repeu- 
pler cette  église,  ces  stalles,  ces  cloîtres  de 
Solesmes. 

Prosper  Guéranger  fit  ses  premières  études 
dans  sa  ville  natale.  Les  jours  de  congé,  les 
académiciens  de  l'école  primaire  poussaient 
volontiers  leurs  capricieuses  promenades  jus- 
qu'au bourg  de  Solesmes  :  on  peut  croire  que 
<e  futur  ablié  ne  manquait  pas  ces  parties. 
Petit  à  petit,  la  divine  Providence  développait, 
dans  l'àme  du  jeune  élève,  les  germes  d'une 


vocation  monastique.  Il  ne  fallait  pas  moins 
pour  préparer  dès  lors  la  restauration  du  cloître 
abandonné.  Pie  VII  était  captif  à  Fontaine- 
bleau, l'Eglise,  esclave  malgré  les  honneurs 
qu'on  afleclait  de  lui  rendre,  i'incréilulité  triom- 
jdiante  dans  les  hautes  régions  de  la  société,  et 
l'on  ne  voyait  partout  qu'églises  ruinées,  cou- 
vents démolis,  plus  de  moines,  trop  peu  de 
prêtres  pour  suffire  au  service  des  âmes.  Deux 
ou  trois  voix  s'étaient  élevées  pour  défendre  la 
cause  d'Israël  ;  mais  Chideaubriand,  pour  se 
faire  entendre,  avait  dû  diminuer  la  grandeur 
de  sa  cause;  i.  de  Maistre  n'avait  pas  encore 
parlé  ;  et  l'abbé  de  Lamennais  avait  vu  mettre 
au  pilon  l'opuscule  où,  d'une  plume  ptophé- 
tique,  il  traçait  le  programme  des  restaurations 
nécessaires.  Dieu  réservait  aux  enfants  de  cette 
orageuse  époque  la  charge  et  l'honneur  d'ac- 
complir ses  desseins  de  miséricorde.  A  peine 
adultes,  nous  les  verrons  s'élancer,  comme  des 
géants,  dans  la  carrière,  sur  la  consigne  de  la 
Providence^  Ce  sera  l'ère  des  jeunes  yem,  l'ère 
des  moines,  l'ère  des  Lacordaire,  des  Guéran- 
ger, des  Gerbet,  des  Salinis,  des  Donnet,  des 
Dulêtre  et  des  Montalembert. 

Le  jeune  Guéranger  fil  ses  études  classiques 
au  collège  d'Angers.  Ce  que  nous  apprend  la 
légende  d'un  illustre  propagateur  de  la  vi» 
monastique,  dans  les  solitudes  du  Maine  à  la  fia 
du  onzième  siècle,  c'est,  mot  pour  mot,  ce  qu» 
nous  ont  appris  de  leur  condisciple  les  anciens 
élèves  du  collège  angevin.  Sans  être  Tennemi 
d'un  enjouement  honnête,  Guéranger  préférait 
aux  jeux  les  choses  sérieuses,  se  donnait  tout 
entier  aux  études,  et  préférablement  aux  études 
sacrées  :  a  ce  point  que  ses  condisciples  le  quali- 
liaient  gaiement  du  nom  de  moine,  o  Appella- 
liiin  jusiitiee  par  sa  conduite  exemplaire,  par 
sou  amour  des  cérémonies  religieuses,  et  par 
son  insatiable  ardeur  pour  la  l<îclure.  Parallè- 
lement a  ses  devoirs  classiques,  convenable- 
ment et  rapidement  expédiés,  il  s'était  incorçoré 
avec  cette  puissance  d'assimilation  et  cette 
ténacité  de  mémoire  qui  lui  étaient  propres,  la 
biidiolhèque  entière  du  vénérable  aumônier  du 
lycée  ;  et  ses  contemporains  nous  attestentque, 
quand  il  quitta  les  bancs,  il  s'était  fait  à  lui- 
même  une  éducation  bien  supérieure  à  celle 
qu'il  avait  reçue  de  ses  professeurs.  Il  en  faut 
ilire  autiitit  de  ses  anuécs  de  séminaire  :  à  plus 
d'un  égard,  i>ar  ses  aptitudes  et  son  savoir 
acquis,  l'elévc  de'à  y  débordait  les  maîtres,  et 
deja  aussi  le  moiue  éclatait  dans  le  sémioa- 
ribte  (1).  I) 

Prosper  Guéranger  fit  son  cours  de  théologie 
au  séminaire  du  Mans.  Là,  étant  encore  sous- 
diacre,  il  rêva  du  Mont-Cassin  avec  un  de  ses 

1.  Mgr  Pie,  Oraiian /unibri>  de  Dom  Qu^anstr,  f  fUtit.» 
—  cr.  Actu  Huncioium,  t,  1  bpril,  ad  diem  i4. 


Là  SEMAINE  DU  CLERGE 


1197 


professeurs  qui  avait  été  élevé  par  an  ancien 
prieur  de  l'ordre  de  S.iint-Benuit.  Par  dispense 
d'âge,  il  fut  ordonné  j)rèire,  en  "1827,  dans 
l'église  raétioi'olitaine  iie  Tours.  L'evèque  du 
Mans  était  alo.>  Claude  de  la  Myre-Mory,  pré- 
lat qui  avait  connu,  dans  shs  diii'uiers  jours  de 
grandeur,  la  tradition  de  l'ancienne  société  et 
des  anciennes  é,i;li-es  de  France.  Après  avoir 
assisté  à  la  dernière  assemblée  générale  du 
clergé,  il  avait  séjourné  quelque  temps  dans 
la  capitale  du  monde  chrétien,  où,  par  les  con- 
seils du  cardinal  de  Bernis,  il  avait  étudié  le 
côté  sérieux  de  la  Rome  ecclésiastique  et  diplo- 
matique d'alors,  réformant  ainsi  plus  d'une 
idée  de  son  éducation  nationale  et  acquérant 
plus  d'impartialité  dans  sos  ojiinions,  plus  de 
largeur  tians  ses  jugements,  plus  de  solidité 
dans  ses  principes.  Les  vicissitudes  de  la  Ri-vo- 
lution  l'avaient  conduit  ensuite  en  Allemagne  ; 
puis,  il  avait  assisté  aux  triomphes  de  i\a[io- 
léon  I"  contre  ce  pays  dont  le  triomphe  actuel 
dégénère  en  attentat  contre  le  genre  humain. 
Frapiiôde  l'inlelligencc  et  des  heureuses  qua- 
lités de  l'abbé  Guéranger,  l'évè-iue  l'attacha  à 
sa  personne  en  qualité  de  secrétaire  particulier. 
Ce  titre  pouvait  être,  jiour  le  jeune  prêtre,  un 
commencement  de  fortune;  il  s'en  montra 
digne  en  n'y  cherchant  (pi'un  élément  plus 
éclairé  de  vertu  morale  et  une  source  de  gran- 
deur par  le  dévouement.  Ce  que  Guéranger  re- 
cueillit de  ses  entrciiens  intimes  avec  ce  prélat 
et  du  contact  quotidien,  soit  avec  sa  noble  fa- 
mille, soit  avec  ses  vénérables  visiteurs,  impri- 
ma, dans  son  caractère  et  sur  sa  vie,  un  cachet 
qui  ne  s'etlinja  jamais.  Homme  de  réaction 
romaine  et  de  lut'e  apostoli(iue,  on  retrouvera 
chez  lui,  jusque  dans  les  conflits  les  plus  ar- 
dents et  les  contradictions  les  plus  énergiijnes, 
ce  tempérament  de  langage  et  ces  accents  de 
modération  qui  décèlent  la  force  en  même 
temps  que  la  courtoisie. 

{A  suivre.) 

Justin  Fèvre, 
Protonolaire  Apostolique. 


VARIÉTÉS 

L'APOSTOLAT  DOMESTIQL^ 
J'ai  été  élevé,  quant  à  la  religion,  aussi  mal 
■que  possible,  non-seulement  dans  l'ignorance 
de  la  vérité,  mais  dans  le  goût,  dans  le  respect 
dans  la  vénération  de  l'erreur,  et  j'achevai  mes 
classes  bien  muni  d'arguments  contre  Notre- 
Seignenr,  contre  l'Eglise  catholique.  Je  vécus 
ensuite  en  pur  enfant  de  Paris,  très-occupé  do 
«les  affaires,  consacrant  aux  amusements  et  à  la 


politique  tout  le  temps  que  je  ne  donnais  pas  à 
la  fortune.  Je  me  mariai.  Dieu  permit  que  je 
rencontrasse  une  bonne  et  lionnèie  créature,  là 
où  je  ne  cherchais  que  de  la  beaut»i,  de  l'esprit 
et  de  l'argent.  Élevée  comme  moi,  aussi  igno- 
rante que  moi,  ma  femme  ét-;iit  beaucoup  meil- 
leure. Elle  avait  le  sens  religieux.  Il  se  déve- 
loppa lorsqu'elle  devint  mère  :  après  la  naissance 
de  sou  premier  entant,  elle  entra  tout  à  fait 
dans  la  voie.  Quand  je  songe  à  tout  cela,  j'ai  le 
coeur  r<'mué  d'un  sentiment  de  reconnaissance 
pour  Dieu,  dont  il  cae  semble  que  je  parlerai 
toujours  ei  que  je  ne  saurai  exprimer.  Alors  je 
n'y  pensais  point.  Si  ma  femme  avait  été  comme 
moi,  je  crois  que  je  n'aurais  pa-  bOiiiçé  à  faire 
baptiser  mes  enfants.  Ccsenfants  grandirent.  Les 
premiers  tirent  leur  première  <  oinmuidon  sans 
que  j'y  prisse  garde.  Je  laissais  ]a  mère  gou- 
verner tout  ce  petit  monde,  plfin  de  confiance 
en  elle,  et  modiiié  à  mon  insu  par  le  courant  de 
ses  vertus,  (yuc  je  sentais  et  que  uu  voyais  pas. 

Vint  le  dernier.  Ce  pauvre  [letil  était  d'une 
liumeur  sauvage,  sans  grands  moyens  ;  si  je 
1  aimais  autant  que  les  autres,  j'étais  c(q>endant 
disposé  à  plus  de  sévérité  envers  lui.  La  mère 
me  disait  :  «  Sois  patient  ;  il  changera  à  l'époque 
de  la  première  commimion.  »  i'.ti  clianTCment  à 
heure  iixe  me  parut  fort  invraisemblable.  Cepeu- 
dant  l'enfant  commença  à  suivre  le  uilikibisme 
et  je  le  vis,  en  cllét,  s'améliorer  très-sensible- 
ment et  très-rapitlement.  J'y  lis  attention.  Je 
voyais  cet  esprit  se  développer,  ce  petit  cœur  se 
combattre,  ce  caractère  s'adoucir,  devenir  do- 
cile, res.'cctueux,  ulferUieux.  J'ailmirais  ce  tra- 
vail ([ue  la  raison  n'opère  pasdau-  le^  hommes  : 
l'enTiUit  que  j'avais  le  moins  aimé  me  deveuuit 
le  plus  cher. 

En  même  temps.jefai.sais  de  grandes rétlexions 
sur  une  telle  merveille.  Je  me  mis  à  écouter  la 
leçon  du  cati'chisme.  En  écoulant  je  me  rappe- 
lais mes  cours  de  philosophie  «t  de  morale;  je 
comparais  cet  enseignement  avec  la  morale  (k»nt 
j'avais  observé  la  pratique  dans  le  monde,  hélas  1 
sans  avoir  su  moi-même  toujours  m'en  préserver. 
Le  pr(d)lème  du  bien  et  du  mal,  sur  lequel 
j'avais  évité  de  jeter  les  yeux,  par  incapacité  de 
le  résoudre,  s'oil'rait  à  moi  dans  une  lumière 
terrible.  Je  questiotmai  le  peiit  naiçon  ;  il  me 
faisait  des  réponses  qui  m'écrasaient.  Je  seutais 
que  les  objections  seraient  boMleuses  et  cou- 
pables. Ma  femme  obsi'rvait  ii  ue  disait  rien  ; 
mais  je  voyais  sou  assiduiU'  ;.  a  prière.  Mes 
nuits  étaient  sans  .sommeil.  .1.  comparais  ces 
deux  innocences  à  ma  vie,  ces  deux  amours  au 
mien  ;  je  disais  :  «  Ma  fcmme  et  mon  îjnfaut 
aiment  eu  moi  quelque  chose  que  >e  n'ai  aimé 
ni  en  eux  ni  en  moi  ;  ils  aiment  mou  àme.i) 

Nous  entrâmes  dans  la  sem;niie  de  la  première 
communion.  Ce  n'était  plus  de  i'atleclion  seule- 


1198 


LA  SEMAINE  DU  CLEPvCÈ 


ment  que  l'enfaut  m'inspirait;  c'était  un  senti- 
ment que  je  ne  m'expliquais  pas,  qui  me  sem- 
blait étrange,  presque  humiliant  et  qui  se  tra- 
duisait parfois  en  une  espèce  d'irritation  :  j'avais 
du  respect  pour  lui  !  Il  me  dominait.  Je  craignais 
d'exprimer  en  sa  présence  de  certaines  idées 
que  l'état  de  lutte  où  j'étais  contre  moi-même 
produisait  parfois  dans  mon  esprit.  Je  n'aurais 
pas  voulu  qu'il  osât  les  combattre  ;  je  n'aurais 
pas  voulu  qu'elles  fissent  impression  sur  lui. 

Il  n'y  avait  plus  que  cinq  ou  six  jours  à  pas- 
ser. Un  matin,  après  avoir  entendu  la  messe, 
l'enfant  vint  me  trouver  dans  mon  cabinet  où 
j'étais  seul. 

—  Papa,  me  dit-il,  le  jour  de  ma  première 
communion,  je  n'irai  pas  à  l'autel  sans  vous 
avoir  demandé  pardon  de  toutes  les  fautes  que 
j'ai  faites  et  de  tous  les  chagrins  que  je  vous  ai 
causés,  et  vous  me  donnerez  votre  bénédiction. 
Songez  bien  à  tout  ce  que  j'ai  fait  de  mal,  pour 
me  le  reprocher,  afin  que  je  ne  le  fasse  plus,  et 
pour  me  pardonner. 

—  Mon  enfant,  répondisje,  un  père  par- 
donne tout,  même  à  un  enfant  qui  n'est  pas 
sage;  mais  j'ai  la  joie  de  pouvoir  te  dire  qu'en 
ce  moment  je  n'ai  rien  à  te  pardonner.  Je  suis 
content  de  toi.  Continue  de  travailler,  d'aimer 
le  bon  Dieu,  d'être  tidèle  à  tes  devoirs  :  ta  mère 
et  moi,  nous  serons  bien  heureux. 

—  Oh!  papa,  le  bon  Dieu  qui  vous  aime 
tant  me  soutiendra,  pour  que  je  sois  voire  con- 
solation comme  je  le  demande.  Priez-le  pour 
moi,  papa. 

—  Oui,  mon  cher  petit  enfant. 

Il  me  regarda  avec  des  yeux  humides  et  se 
jeta  à  mon  cou.  J'étais  moi-même  attendri. 

—  Papa!...  coutinua-t-il. 

—  Quoi?  mon  cher  enfant. 

—  Papa,  j'ai  quelque  chose  à  te  deman- 
der... » 

Je  le  voyais  bien,  qu'il  voulait  me  demander 
quelque  chose,  et  ce  qu'il  voulait  me  demander, 
je  le  savais  bien.  El,  faut-il  l'avouer,  j'en  avais 
peur.  J'eus  la  lâcheté  de  profiter  de  ses  hési- 
tations. 

—  Va,  lui  dis-je,  j'ai  des  affaires  en  ce  mo- 
ment. Ce  soir  ou  demain,  tu  me  diras  ce  que  tu 
désires,  et,  si  ta  mère  le  trouve  bon,  je  te  le 
donnerai. 

Le  pauvre  petit,  tout  confus,  manqua  de  cou- 
rage. A  pi  es  m'a  voir  embrassé  encore,  il  se 
relira  déccnleuancé  d.iiis  une  petite  pièce  où  il 
couchait,  entre  mon  cabiuet  et  la  chambre  de 
sa  mère.  Je  m'en  voulais  du  chagrin  que  je 
venais  de  lui  donner,  et  surtout  du  mouvement 
auquel  j'avais  obéi.  Je  suivis  ce  cher  enfant  sur 
la  pointe  des  pieds  afin  de  le  consoler  par 
quelque  caresse,  si  je  le  voyais  trop  affligé.  La 
porte  élait  entr'ouvene.  Je  regardai  sans  faire 


de  bruit.  Il  était  à  genoux  devant  une  imaïf-  de 
la  sainte  Vierge  ;  il  priait  de  tout  son  cœur.  Ah  I 
je  vous  assure  que  j'ai  su,  ce  jour-là.  quel  elfet 
peut  produire  sur  nous  l'apparition  d'un  ange  I 
J'allai  m'asseoir  à  mon  bureau,  la  tète  dans 
mes  mains,  prêt  à  pleurer.  Je  restai  ainsi  quel- 
ques instants.  Quand  je  relevai  les  yeux,  mon 
petit  garçon  était  devant  moi  avec  une  figure 
tout  animée  de  crainte,  de  résolution  et  d'amour. 

—  Papa,  me  dit-il,  ce  que  j'ai  à  vous  demamler 
ne  peut  pas  se  remettre,  et  ma  mère  le  trouvi'ra 
bon  :  c'est  que,  le  jour  de  ma  première  commu- 
nion, vous  veniez  à  la  sainte  table  avec  elle  et 
avec  moi.  Ne  me  refusez  point,  papa.  Faites-le 
pour  le  bon  Dieu  qui  vous  aime  taul  ! 

Je  n'essayai  pas  de  disputer  davantai;e  contre 
ce  grand  Dieu  qui  daignait  ainsi  me  contraindre. 
Je  serrai  mon  enfmt  contre  mon  cœur. 

—  Oui,  oui,  dis-je  eu  pleurant,  oui,  mon 
enfant,  je  le  ferai.  Quand  tu  voudras,  aujour- 
d  hui  même,  tu  me  prendras  par  la  main,  tu  me 
mèneras  à  Ion  confesseur  et  tu  lui  diras  : 

—  Voici  mon  père. 


CHRONIQUE   HEBDOiyiADAIRE 

Discours  du  Pnpe:  sur  la  suppre-^ssion  des  process'ons 
de  la  Fèle-Dieu  à  Rome  ;  aux  enfants  qui  ace  im- 
pagnent  le  Saint-Viat\4\ie;  aux  élèves  du  collège 
américain  lie^  Eiats-Uuis;  aux  élèves  du  séminaire 
français.  —   Situation  aciuelle  de  cet  élabli?sement. 

—  Vote  de  la  loi  mit  la  liberté  de  l'enseignement  su- 
périeur. —  Mort  de  Mgr  Jeancard  et  ilu  cardmal 
Mathieu.  —  Découverte   des  relic-iiies  de  sainte  l''oy. 

—  Si  l'Algérie  nous  coûte  plus  qu'elle  ne  vaut.  — 
Lettres  des  catholiques  polinai*  au  Pape  et  sa  ré- 
ponse, relativement  à  réiévalion  do  Myr  Lodochowslci 
au  cardinalat.  —  Continuation  de  la  persécution  al- 
lemande. 

14  juillet  1875. 

Rome.  —  Le  devoir  que  nous  nous  sommes 
imposé  de  donner  intéLrialement  à  nos  lecteurs 
tous  les  discours  du  Pape,  nous  oblige  à  remon- 
ter quelque  peu  en  arrière  pour  leur  en  rap- 
porter plusieurs  que  l'aboudauce  des  matières 
ne  nous  avait  pas  permis  jusqu'ici  de  repro- 
duire. 

Le  premier  «n  date  est  du  jour  de  la  Fêle- 
Dieu.  Le  Saiut-Pêre  l'a  adressé  à  une  députatioa 
de  dames  romaines  venues  au  Vatican  pour  dé- 
poser aux  pieds  de  Sa  Sainteté  le  résultat  d'une 
souscription  organisée  pour  le  Denier  de  Saint- 
Pierre. 

a  Nous  devons  regretter  profondément,  a  dit 
le  Saiul-Père,  de  ne  pouvoir  plus  célébrer, 
comme  par  le  passé,  les  magnifiques  processions 
du  Corpus  Domini  (Fêle-Dieu).  L'Eglise  lésa  ins- 
tituées à  titre  de  réparations  solennelles  des  ou- 
trages abominables  que  reçoit  Notre-Seigueur 
jÉàus-CuHiST,  dans  le  sacrement  de  sou  amour» 


LA  StlMAlNE  DU  CLEàGi;; 


1199 


et  aussi  dans  le.  luit  s[)éeial  de  faire  triompher 
publiquement,  au  milieu  des  cités  chrétiennes,  le 
Dieu  de  rEucliaristic. 

<i  Je  me  souviens,  à  ce  propos,  avoir  vu  en 
Amérique,  alors  que  j'y  faisais  mes  premiers 
essais  dans  l'exprcioe  du  saint  ministère,  une 
procession  des  plusétranges.  Le  Saint-Sacrement 
était  porté  par  l'évèque  de  l'endroit,  et,  à  l'en- 
tour,  s'agitaient  dans  d'étranges  convulsions  des 
individus  accoutrés  en  démons.  Cela  me  surprit, 
et,  presque  scandalisé,  j'en  demandai  l'explica- 
tion. On  me  répomiit  que  par  là  était  repré- 
sentée, aux  yeux  de  ces  chrétiens,  encore  gros- 
siers, la  fureur  ijue  ressentent  ces  démons  en 
voyant  le  splendide  triomphe  de  Jésus-Christ. 

«  Aujourd'hui,  hélas!  ce  sont  les  démons  qui 
triomphent  puhliipu'ment,  dans  la  personne  de 
ceux  qui  ont  imposé  aux  peuples  l'athéisme  otQ- 
ciel,  taudis  que  Notre-Seigneur  et  Maitre  est 
deveini  un  objet  d'indifférence  ou  de  mépris. 
Toutefois,  les  triom[ilies  de  l'enfer  ne  peuvent 
être  que  passagers,  et  Dieu  ne  les  permet  que 
pour  éprouver  les  bons  et  pour  ramener  à  lui 
ceux  qui  se  sont  éloignés  de  l'accomplissement 
de  leurs  devoirs. 

(1  Pour  nous,  notre  confiance  est  invincible,  et 
quelle  <[ue  soit  la  durée  île  l'épreuve  présente, 
nous  es[)érons  fermement  (jne  Dieu  nous  en  dé- 
livrera, pourvu  que  nous  retournions  à  lui  du 
fond  du  cœur  et  ([uenous  ne  cessions  d'imiilorer 
sa  miséricorde.  Nous  espérons  même  contre  toute 
espérauce,  et  bien  que  toutes  les  probabilités 
humaines  soient  contre  nous,  que  le  Saint-Siège 
recouvrera  dans  le  pouvoir  temporel  la  garantie 
la  plus  sérieuse,  et  je  dirai  même  la  plus  indis- 
pensable, de  sou  autorité  et  de  son  indépendance 
spirituelle. 

«  Et  cependant  il  est  de  certains  catholiques 
(le  Pape  a  appuyé  ironiquement  sur  ce  mot)  qui 
croient  devoir  m'écrire,  pour  me  conseiller  je  ne 
sais  quels  accomnio(h'mei;ls  et  qvelles  transac- 
tions avec  les  enufîmis  jurés  et  les  spoliateurs  de 
la  sainte  Eglise.  Et  moi,  je  leur  réponds  publi- 
quement (jne  je  suis  prêt  à  souflrir  des  maux  plus 
graves  encore  que  ceux  que  je  souffre  préseute- 
mt;nt;queje  suis  prêt,  avec  l'aide  de  Dieu,  à 
all'ronter  la  mort  même  plutôt  que  de  trahir  en 
quoi  que  ce  soit  les  droits  imperscriptibles  du 
Saint-Siège,  qui  sont  les  droits  mêmes  de  tous  les 
catbohques. 

«  Oui,  je  le  répcle,  j'espère  que  Dieu  viendra 
à  notre  aide,  j'en  ai  l'inébranlable  certitude, 
sans  que  pour  cela  nous  ayons  jamais  besoin  de 
nous  dégrailer  par  de  coupables  condescendan- 
ces. Uue  sa  céleste  bénédiction  nous  réconforte 
maintenant  et  jusi]u'à  la  mort;  qu'elle  soutienne 
notre  courage  au  milieu  de  la  lutte  ;  qu'elle  soit 
enhn  le  gage  de  notre  persévérance.  »  —  Bene- 
dictio  Dei,  etc. 


Les  libérateurs  de  Piome  n  exercent  pas  moins 
leur  zèle  dans  les  petites  choses  que  dans  les 
grandes  ;  leur  haine  de  l'Eglise  est  ingétueuse  à 
détruire  tout  ce  qu'elle  a  créé  ou  inspiré.  C'était 
l'usage  de  donner  pour  corli-ge  aux  enfants 
défunts,  les  orphelins  de  l'hospice  Sainte-Marie, 
in  Aquiro.  Leur  jeunesse  et  leurs  vêtements 
blancs  symbolisaient  d'une  manière  touchante 
l'innocence,  auprès  de  c^s  petits  cercueils.  Ils 
accompagnaient  aussi  le  Saint-Viatiqne  lorsqu'on 
le  portail  aux  malades  Dès  que  les  nouveaux 
venus  remarquèrent  cette  coutume,  ils  donnè- 
rent aux  orphelins  des  vêtements  gris  et  interdi- 
rent qu'on  leur  fît  accom[)agner  le  Saint-Sacre- 
ment et  les  enfants  défunts.  Mais  bientôt  la 
coutume  fut  reprise,  avec  des  enfante  des  meil- 
leures familles  romaines, que  leurs  parents  revê- 
tirent de  l'ancien  costume  blanc  des  orpheUns. 
Et,  au  lieu  d'une  seule  congrégation  pour  l'ac- 
compagnement du  Saint-Viatique  et  des  enfiints 
défunts,  il  y  en  a  aujourd'hui  plus  de  dix.  Voilà 
comment  les  catholiques  de  Rome  luttent  contre 
la  révolation.Or,r'estàunedeces  congrégations, 
présentée  au  Pape  par  son  directeur,  qu'a  été 
adressé  le  second  discours  que  nous  avons  à 
rajiporter. 

«  Mes  bons  enfants,  leur  a  dit  Pie  IX.  je  me 
réjouis  avec  vous  et  je  vous  félicite  du  bun  que 
vous  opérez  en  accompagnant  le  Saint- Viatique 
que  l'on  porte  aux  malailes  et  les  enfants  délunts 
qui  sont  »onduits  au  cimetière.  Persévérez  dans 
raccomplissementde  ces  bonnes  œuvres,  et  Dieu 
vous  en  récompensera. 

«  De  la  sorte,  vous  éviterez  les  mauvais  com- 
pagnons, ceux-là  surtout  qui  tournent  en  déri- 
sion les  prêtres  et  les  religieux. 

«  A  cet  eflet,  je  vous  rappellerai  une  histoire 
qui  est  rapportée  dans  l'Ecriture  sainte. 

«  Certains  enfants  se  mirent  à  railler  le  pro- 
phète Elisée,  parce  qu'il  était  chauve.  Mais  Dieu, 
pour  les  punir,  permit  que  des  lions  sertissent 
de  leurs  tannières  et  les  dévorassent  aussitôt. 

Il  Je  ne  dis  pas  que  le  même  châtiment  soit 
ré.servé  de  nos  jours  à  ceux  qui  outragent  le 
clnrgé.  Mais  prenez  garde,  car  il  est  d'autres 
lions  qui  parcourent  cette  ville  et  qui  s'en 
prennent,  non  pas  aux  corps,  mais  à  nos  âmes, 
bien  autrement  précieuses. 

(I  Par  leurs  séductions,  par  leurs  blasphèmes, 
par  leurs  artifices  diaboliques,  ils  s'elîorceut  de 
vous  circonvenir  et  de  vous  précipiter  dans  le 
mal. 

(i  Ainsi  donc,  tenez-vous-en  éloignés,  et  s'il 
veulent  vous  ébranler  par  leurs  railleries,  ne  les 
écoutez  point  et  méprisez-les. 

(I  A  cet  effet,  je  vous  bénis  et  je  prie  Dieu  de 
vous  donner  la  grâce  de  résister  à  toutes  les  atta- 
ques et  de  persévérer  jusqu'à  ce  que  soit  yenue 
l'heure  de  l'éternelle  récompense.  » 


li;o 


LA  6t;.\UL\E  DU  CLEKGl:: 


Il  n'arrive  pourtantpasà  l'auguste  Prisonnip.r 
du  Vatican  que  des  échos  d'intolérance  et  de 
persécution.  Lf  supérieur  et  les  élèves  du  collège 
américain  des  Etats-Unis  sont  allés  réjouir  son. 
cœur  en  lui  parlant  des  grands  progrès  que  fait 
le  christianisme  dans  leur  patrie.  Pie  IX  leur  a 
répondu  qu'il  était  heureux  de  voir  que  l'Eglise 
y  est  libre  et  respectée  ;  que  tout  ce  qui  avait 
été  dit  sur  le  Ion  accueil  fait  au  nouveau  cardi- 
nal était  exacl,  et  que  le  peuple  améiicain  avait 
manifesté  sa  joie  par  des  réjouissances,  par  la 
■voix  de  la  pr^s^e  et  de  toute  manière. 

«  Il  me  semlde,  a  ajouté  Sa  Sainteté,  que  la 
moisson  est  di^  i  mûre  aux  Etats-Unis.  Ce  qu'il 
faul  maintenant,  ce  sont  des  ouvriers  Préparez- 
vous  à  ces  travaux.  Il  faut  que  vous  le  fassiez  avec 
soin,  afin  de  cueillir  le  fruit  qui  vous  attend. 
Pour  réussir  d:ins  la  conversion  de  ce  grand  peu- 
ple, le  premier  moyen  sera  l'exemple.  Le  peuple 
voudra  d'abord  voir  en  vous-mêmes  la  pratique 
des  enseignements  de  l'Evangile.  Et  après  l'a- 
voir édifié  par  votre  exemple,  vous  compléterez 
l'œuvre  par  la  parole  en  lui  enseignant  les 
saintes  doctrines  de  la  foi.  Unissez  à  ces  exem- 
ples, à  ses  enseignements  une  vive  dévotion  à  la 
très-sainte  Vierge,  sous  laprotection  de  laquelle 
TDS  frères  prospéreront.  Elle  vous  gardera  dans 
les  dangers  et  vous  obtiendra  de  Dieu  les  secours 
dont  vous  avez  besoin.  Je  vous  béuls  de  tout 
mon  cœur.  Je  bénis  votre  patrie,  afin  que  le 
nombre  des  bons  iidèles  croisse  chez  elle  de  plus 
en  plus  ;  je  bénis,  en  outre,  vos  familles,  b 

Bien  que  nous  n'ayons  pa*;  parlé  de  la  visite 
des  élèves  de  notre  séminaire  français  au  Vati- 
can, pour  l'anniversaire  de  l'exaltation  Pie  IX. 
au  Souverain  Pontificat,  on  a  bien  dû  penser 
ipi'iis  n'avaient  eu  garde  de  manquer  à  ce  devoir 
et  de  se  jiriver  de  cette  joie.  Le  Pape  les  a,  en 
effet,  vu  venir  à  ses  pieds,  et  des  premiers  ;  et, 
à  l'adresse  qu'ils  lui  ont  lue,  il  a  répondu  par 
l'allocution  que  voici  : 

«  Vous  faites  bien,  mes  chers  enfants,  d'être 
ain.si  unis  d'esprit  et  de  coeur  au  Saint-Siège. 
C'est  dans  celte  union  que  vous  trouverez  la 
force  nécessiiire  pour  encourager  et  fortifier  les 
âmes  faibles.  Elles  sont  nombreuses anjoiud'hui, 
les  âmes  qui  ont  besoin  d'être  soutenues,,  et  le 
secours  doit  leur  venir  par  les  prières  et  les 
saintes  instructions  de  bons  prêtres-.  11  est 
vrai,  nous  crions  souvent  au  Seigneur  :  Do- 
mine, satva  nos,  pmmva.  Mais  n'oublions  pas 
que  le  travail  de  notre  vie  doit  contribuer  à  at- 
tirer le  salut  sur  les  peuples. 

«  Il  y  a  cjuelque  temps,  vous  étiez  peu  nom- 
breux. Maintenant  votre  nombre  c'est  de  beau- 
coup accru.  Alors  on  pouvait  vous  appeler  : 
Pmillus  grex.  Aujourd'hui  vous  êtes  un  grand 
troupeau  de  bons  prêtres  et  de  séminaristes  qui 
se  diï^ierseront  bientôt  dans  la  France  eulière. 


«  Vous  aussi,  mes  enfants,  vous  êt.':s  pèle- 
rins. Votre  vie  est  un  pèlerinage  qui  doit  s'effec- 
tuer en  faisant  le  bien.  Ayez  recours  à  l'ar- 
change Raphaël,  le  patron  des  voyageurs.  Dans 
ces  jours  de  tempêtes  si  furieuses  et  si  singu- 
lières, le  saint  archange  vous  apprendra  à 
chasser  et  à  vaincre  bs  démons.  Ils  sont  nom- 
breux, et,  à  cette  heure,  ils  se  promènent  dans 
le  monde  avec  une  étrange  facilité. 

«1  La  vertu  spéciale  du  saint  archange  est  de 
chasser  le  démou.  Vous  savez  qu'il  a  trouvé 
contre  lui  un  puissant  remède.  P.ecourez  donc  à 
sa  sainte  protectiim.  Si  vous  passez  votre  vie  à 
faire  le  bien,  vous  verrez,  vous  aussi,  mes  en- 
fants, la  fm  du  combat,  et  vous  arriverez  heu- 
reusement au  port.  » 

A  propos  de  l'allusion  que  fait  le  Pape  au 
nombre  des  élèves,  nous  dirons  que  ce  nombre, 
après  les  événements  du  20  septembre  1870, 
s'était  trouvé  réduit  à  une  quinzaine,  mais  qu'il 
s'est  élevé  à  plus  de  quarante  lurs  de  la  rentrée, 
et  que  beaucoup  de  demandes  sont  déjà  faites 
pour  la  rentrée  prochaine. 

France.  —  La  loi  sur  la  liberté  de  l'enseigne- 
ment supérieur  a  été  enfin  votée,  le  12  juillet, 
avec  riuqnnnte  voix  de  majorité,  par  l'As- 
semblée nationale. 

Après  une  aus.îi  bonne  nouvelle,  nous  en 
avons  deux  bien  douloureuses  à  enregistrer. 
Le  6  juillet,  Mgr  Jeancart,  évèque  de  Cérame  w 
pwtthui  et  chanoine  de  Saint-Denis,  est  mort  à 
Cannes,  sa  ville  natale,  où  il  s'était  retiré  depuis 
un  an.  Il  était  ué  le  2  décembre  1799,  et  appar- 
tenait à  la  Congrégation  des  oblats.  Sa  nomina- 
tion comme  évèque  auxiliaire  de  Mgr  de  Mazenod, 
évèque  de  Marseille,  datait  du  LS  mars  1858.  Il 
était  chanoine  de  Saint-Denis,  depuis  1862. 
Depuis  l'arrivée  à  Paris,  de  Mgr  Guibert,  dont 
il  était  l'ami,  il  avait  exercé,  sans  en  avoir  le 
titre,  les  fonctions  d'auxiliaire. 

Cette  tombe  était  à  peine  fermée,  qu'on  a  an- 
noncé la  mort  de  Son  Em.  le  Cardinal  Mathieu, 
archevêque  de  Besançon,  arrivée  le  9  juillet. 
Le  vénérable  cardinal  était  né  à  Paris,  le  20  jan- 
vier 1796,  et  avait  été  ordonné  prêtre,  eu  1823, 
après  avoir  fait  ses  études  ecclésiastitpies  à  Saint- 
Sulpice.  H  fut  successivement  professeur  puis 
supérieur  au  petit  séminaire  de  Dreux,  chanoine 
du  chapitre  métropolitain  de  Paris,  curé  de 
l'église  de  Sainte-Madeleine  et  vicaire  général 
honoraire,  évèque  de  Langres  (1832)  et  enfin 
archevêque  de  Besançon  (1834).  Son  élévation  à 
la  pourpre  date  du  30  septembre  ISoO.Mgr  Ma- 
thieu était  d'une  activité  très-grande  et  s'oc- 
cupait de  l'administration  diocésaine  jusque  dans 
les  plus  petits  détiiils.  Sa  charité  dépassait  ses 
ressources,  et  plusieurs  lois  il  se  trouva  réduit  au 
plus  complet  déuùment. 

Des  travaux  de  restauration  qui  se  font  dan» 


LA  tj^^jULNt;  DU  c-Liiot. 


1201 


l'église  de  Conques,  au  diocèse  de  Rodez,  vien- 
nent d'amener  la  découverte  d'uue  châsse  ren- 
fermant Ihs  reliques  de  sainte  Foy,  jeune  vierge 
d'Agen,  (iui('ousomina  son  glorieux  martyre  par 
la  décollation,  à  l'ùi^e  de  douze  à  quinze  ans, 
l'an  287.  Cetle  cliàîse  était  eni»juie,  depuis  de 
longs  siècles,  dans  le  mur  contre  lequel  était 
adossé  le  maitre-aulel.  Un  examen  attentif  à 
même  fait  croire  qu'elle  y  avait  été  placée  lors 
de  la  construction  de  l'église,  qui  est  du  xi"  siècle. 
Lâchasse  elle-même  paraît  être  de  cetle  époque. 
On  savait,  imr  tradition,  que  ces  reliques  pré- 
cieuses étaient  cachées  dans  l'éqîlise,  mais  on 
ignorait  en  quel  endroit.  Urre  commission,  nom- 
mée par  Mgr  révei^ue  de  Uodcz,  en  a  reconnu 
l'authenticité. 

AiGftuTE.  —  De  tontes  nos  guerres,  depuis  la 
révolution  de  8'J,  une  seule  a  produit  des  résul- 
tats ht;ureux  et  durables,  c'est  celle  d'Algérie. 
Cette  guerre,  rappelons-le  tout  de  suite,  a  été 
entreprise  par  la  royauté  légitime, ce  qui  prouve, 
en  passant  que  cetle  royauté  n'a  pas  toujours 
aussi  mal  mené  qu'on  le  dit  les  affaires  de  la 
France.  Mais  on  est  allé  répétant  que  notre 
conquête  nous  avait  coûté  plus  qu'elle  ne  vaut. 
Les  guerres  si  célébrées  delà  République,  jire- 
mière  et  deuxième,  du  premier  et  second  lùn- 
pire,  qui  n'ont  pas  précisément  arrondi  noire 
territoire,  n'ont  guère  non  plus,  ([ue  nous  sa- 
chions, rempli  nos  caisses.  La  vérité  sur  l'Algé- 
rie, c'est  qu'à  n'euvisag'jrles  choses  qu'au  pniut 
de  vue  de  l'intérêt,  notre  conquête  à  été  une 
bonne  aflaire.  Un  rapport  de  M.  le  consul 
général  anglais  Playl'air,  sur  le  commerce  de 
l'Algérie  en  I87i,  nous  en  fournit  la  preuve.  A 
la  fin  de  l<S7.'{,  l'Algérie  avait  coûté  à  la  France 
2,.500, 000.000  de  francs,  de  laquelle  somme 
2,413.683,288  francs  oulcté  consacrés  à  l'armée. 
Et  d'autre  part,  les  exportations  et  les  im[)orta- 
tions  ne  sont  élevées,  depuis  la  conquête,  à 
C  milliards  213,779,271  francs.  Or,  si  l'on  con- 
sidère, remarque  M.  IHayfair,  que  la  colonie 
avec  ses  porls,  ses  forlilications,  ses  édifices 
publics  lie  ioute  sorte,  ses  routes,  ses  chemins  de 
fer,  ses  villages,  ses  villes,  ses  travaux  d'irriga- 
tion, ses  mines  d'uue  immense  valeur,  ses 
terres  arables  rendues  A  la  fertilité  a  été  pour 
ainsi  dire  arrachée  au  chaos,  on  verra  que  les 
deux  milliards  el  demi  énoiîcés  plus  haut  oat 
été  de  l'argent  bien  place, même  au  point  de  vue 
commercial.  «  Mais,  ajoute  M.  Playfair,  qui 
pourra  jamais  apprécier  ce  que  l'humanité  a 
gagné  par  la  transl'ormalion  d'un  nid  de  pirateset 
de  voleurs  en  la  magniliciue  colonie  que  nous 
Voyons  ?  »  Si  l'Eglise,  nous  l'avons  montré  na- 
guère par  des  laits,  eût  été  moins  entravée  sur 
le  solafric.iin,  M.  riayfair  aurait  bien  d'autrt« 
•ujets  d'admirer.    Sou  témoignasa  ceDeiidant 


suffit  pour  nous  faire  mépriser  les  critiques  de» 
pirates  de  la  civilisation  laïque. 

Allemagne.  ~    Les   catholiques    polonais, 
ayant  envoyé  une  adresse  au  Souverain  Pontife 
pour   le   remercier    d'avoir    élevé   Mgr   Ledo- 
chowski  au  cardinalat,  Sa  Sainteté  a  daigné  leur 
ré[)ondre  par  une  lettre  qu'a  publiée  le  Courrier 
de  Posen,  mais  non  en  entier,  à  cause  des   cir- 
con-tances  actuelles.  Dans  cette  lettre,   le   Pape 
fait  l'éloge  de  Mgr  Ledocliowski,de  sa  piété  et  de 
sa  fermeté,  puis  il  ajoute  :   «  Cette  conduite  lui 
u  valu  d'abord  une  foule  de    tribulations  sup- 
portées Uès-vaillamment  par  lui.  Plus  tard,  il  a 
tellement  bien  mérité  de  l'Eglise. qu'il  aétéjetéen 
prison  pour  l'amour  de  la  justice.  C'est  pour  ce 
motif  q:ie  nous  l'avons  jugé  digne  d'être  appelé 
dans  ce  sénat  sacré  doul  les  membres  sont  re- 
vêtus de  pourpre,  pour  apprendre  qu'ils  doivent 
être  prêts  à  verser  leur  sang  pour  l'Eglise.  D'un 
autre  côté,  l'inébranlable  foi  des  Polonais,  leur 
dévouement  pour  ki  chaire  de  Pierre,  leur  cons- 
tance exeinplaii-e  dans  la  détense  de   l'intégrité 
de  la  foi  lU-  Uiirs  [lores,  gardée  par  eux  au  mi- 
lieu de  tant  lie  maliieurs,  exigeaient  de   not.']' 
part  non-senlement  un  encouragement,    maU 
aussi  une  récuiufieuse propre  à  les  fortitier  dans 
le  combat  aussi  ilur  qu'impétueux  qu'ils  sou- 
tiennent. Ayant  le  dessein  de  donner  aux  Polo- 
nais ce  double  témoignage,  nous  avons  cru  que 
nous  devions  choisir  à  cjitetfet,  avant  tons, celui 
•luils  regardent  dans  cette  pénible  lutte  comme 
leur  chef.  U  nous  est  agréatile  que  vous  ayez 
compris  notre  pensée,  ainsi  que  vous  l'exposez 
dans  votre  adresse  pleine  de  cœur.  Cette  adresse 
nous  a  rempli  de  joie,  car  vous  y  exprimez  votre 
gratitude    et  la  terme  décision  de  persévérer 
dans  la  lutte  entreprise  et  d'i'ïviier  tout  ce  qui 
pourrait  porter  ombrage  à   cette    gloire    qui, 
avant  tout,  revient  à  votre  patrie.   Nous  vous 
félicitons  pour  vos  nobles  résolutions,  et  nous 
prions  l>ieu  de  vous  éclairer  avec  sa  lumière,  de 
vous   fortitier  avec  sa  gr.àcc,  afin  que  vous  ne 
perdiez  jamais  couraiie  au  milieu   des  tribula- 
tions dont  vous  êtes  accablés,  mais  que  voua 
soyez  toujours  animés  d'un  nouveau  courage, 
jusqu'à  ceque  le  mal  se  change  en  bien...  » 

En  présence  de  ce  courage  des  catholiques, 
on  dirait  parfois  que  la  lutie  civilisatrice  semble 
hésiter;  mais  elle  se  raffermit  aussitôt  et  pour- 
suit le  cours  de  ses  exploits. 

Dms  le  seul  décauat  d'Oborniki,  neuf  curés, 
le  doyen  compris,  ont  été  dernièrement  con- 
damnés à  des  amendes  variant  de  300 à  plusieurs 
milliers  de  thalers.  Ces  curés  étant  tous  pau- 
vres, ils  fer»ut  de  la  prison  poiu-  acquitter  leurs 
amendes.  . 

Le  curé  de  Lewice  a  été  expulsé  du  territoire 
du  grand-duché  de  Posen,  pour  avoir  prié  après 


-1202 


LA  SEHALNE  DU  CLERGE 


la  messe  pour  son  arclievêque  emprisonné,  et 
visité  les  malades  d'une  paroisse  voisine  dont  le 
curé  était  aussi  en  prison. 

A  Kosiany,  quatre  sœurs  de  Saint-Vincent-de- 
Paul  ont  été  jetées  en  prison  pour  avoir  refusé 
de  déposer  dans  une  aflaire  dont  elles  ne  sa- 
vaient rien. 

MgrMisgalski,  exilé  de  la  province  de  Posen, 
a  été  condamné  à  huit  jours  de  prison,  pour 
avoir  dit  la  messe  dans  une  paroisse  de  Silésie 
privée  de  pasleur. 

Le  gouverneur  de  la  province  de  Westphalie 
a  décrété  que  les  ecclésiastiques  ne  pourraient, 
à  l'avenir,  donner  aucun  enseignement,  même 
l'enseignemeut  religieux,  ce  qui  est  contraire  à 
la  constitution.  Les  pères  de  famille  ont  réclamé, 
mais  leur  pétition  n'a  pas  été  prise  en  considéra- 
tion. Ils  vont  en  envoyer  une  autre  en  plus  haut 
lieu. 

Dans  le  gouvernement  d'Arnsberg,  39  prê- 
tres qui  dirige:iicnt  l'instruction  des  enfants  ont 
été  révoqués  de  leurs  fonctions;  37  autres  sont 
obligés  de  se  retirer.  Il  y  aura  donc  76  écoles 
sans  instituteurs. 

Tous  les  ecclésiastiques  deDortmund  ont  reçu 
défense  d'accomplir  les  cérémonies  religieuses. 
Les  catholiques  pourront  baptiser  eux-mêmes 
leurs  enfants  ;  ils  devront  se  passer  des  sacre- 
ments et  des  consolations  de  la  religion,  même 
à  leur  lit  de  mort. 

Mgr  Tévèque  d'Hildesheim  a  été  assigné  à 
payer  une  somme  de  3,400  marcs,  total  de 
diverses  amendes  auxquelles  il  a  été  condamné, 
et  qu'il  ne  peut  ni  ne  veut  payer. 

  Dingden  (Westphalie),  un  père  franciscain 
et  l'ecclésiastique  Westarp  ont  été  condamnés  à 
deux  jours  de  prison  pour  avoir  dit  la  messe  en 
cette  ville. 

Dans  le  duché  de  Bade,  durantle  mois  de  mai, 
12  prêtres  ont  été  condamnés  à  deux  ans,  six 
mois  et  quinie  jours  de  prison. 

En  vertu  d'un  ordre  récent,  les  prêtres  catho- 
liques que  le  gouvernement  a  privés  de  leul 
traitement  n'en  sont  pas  moins  tenus  à  payer 
leur  impôt  sur  le  revenu  dans  les  mêmes  pro- 
portions que  s'ils  touchaient  encore  leur  trai- 
tement. 

Un  grand  nombre  de  religieux  et  de  reli- 
gieuses ont  reçu  l'ordre  de  quitter  incessam- 
ment le  territoire  allemand.  Nous  en  reparle* 
rons. 

Ont  été  condamnés,  pour  avoir  publié  l'ency- 
clique du  15  février  :  le  rédacteur  de  la  Gazette 
cTEtipen  ,  à  1 5  jours  de  prison  ;  le  rédacteur  de 
la  Gazelle  de  Gcil<nkirchen,  à  15  jours  de  ptison; 
le  rédacteur  de  la  Gazette  de  l'Ems ,  de  Papem- 
bourg,  à  400  marcs  d'amende  ou  2  mois  de 
prison  ;  le  rédacteur  du  Messager  du  peuple  ca- 
tholique, de  Meppen,  à  400  marcs  d'amende  ;  le 


rédacteur  du  Mercure  de  We'^tpfinlie,  à  \  an 
de  prison  ;  le  rédacteur  delà  Gazette  d'Osnobruck, 
à  13  jours  de  prison  ;  le  rédacteur  du  Courrier  de 
r Eglise  et  du  Peuple,  à  13  jours  de  prison.  — 
Aucun  des  journaux  non  catholiques  qui  ont  pu- 
blié la  même  encyclique  n'a  été  poursuivi. 

Ont  été  condamnés,  ces  semaines  dernières, 
pour  avoir  défendu  les  droits  de  l'Eglise  :  deux 
rédacteurs  du  Courrier  de  Posen,  l'un  à  5  mois , 
l'autre  à  6  semaines  de  prison  ;  le  rédacteur  du 
Vatertand,  de  Munich,  à  6  mois  de  prison  et  50 
florins  d'amende  ;  le  rédacteur  de  la  Gazette  de 
Ihorn,  à  4  semaines  de  prison  ;  le  rédacteur  du 
journal  Oberschlesisch-Volkstimme ,  à  8  mois 
de  prison. 

Ces  condamnations  et  ces  expulsions  ne  for- 
ment pas  le  tableau  complet  de  toutes  celles  qui 
ont  été  prononcées  depuis  la  dernière  fois  que 
nous  avons  parlé  de  l'Ailemagne  ;  ce  ne  sont 
même  pas  toutes  celles  que  nous  avons  relevées 
en  lisant  les  journaux.  Nous  rapportons  celles- 
ci  pour  montrer  que  la  persécution  ne  se  ralentit 
pas.  Il  y  faudrait  ajouter  les  vexations  de  toute 
sorte  que  souffre  le  peuple;  mais  l'espace  ne 
nous  permet  pas  d'en  parler  aujourd'hui. 

P.  d'Hauterive. 


Tome  IV.  —  N»  40.  —  Troisième  année 


28  juillet  IS75. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÉISE  HOISILÉTIOUE  SUR  L'ÉVANGILE 

I)U   .XI''    LlilA>'CHE   APRÈS   L.i  PENIXCOÏE. 
(Marc.  VII,  31-37.) 

En  ce  tempf-là  Jésus  quitta  les  confins  de  Tyr, 
et  vint  pur  Sidnn  jusqu'à  la  mer  île  Guidée . 
Notre-Seigueur  ne  séjourna  pas  longtemps  sur 
les  (erres  de  la  gentilité,  afin  de  ne  pas  mal 
éilifiiT  les  Juifs,  en  transgressant  la  loi  qui  leur 
défendait  lie  se  mêler  aux  gentils.  Il  nous  ser- 
vait ainsi  d'exemple  :  non-seulement  nous  ne 
devons  pas  faire  le  mal,  mais  il  importe  de 
nous  abstenir  de  la  moindre  apparence  de  mal, 
pour  ne  pas  scandUliser  nos  frères.  In  genti- 
lium  locis  monim  Dominus  fucere  non  rolebut,  ne 
occasionem  Judœis  daret  ut  transgressa)  em  legis 
eum  œstimarent  quod  se  gcntiliùus  adiniscebat  ;  et 
ideo  confeslim  reueriitur  :  unde  dicitur.  t't  ilerum 
exiens  (I). 

Et  on  lui  amène  un  sourd-muet,  et  on  le  priait 
de  lui  imposer  tes  mains.  Dans  cette  démarche  et 
cette  prière,  nous  voyons  la  charité  de  ces 
hommes  qui  comluisent  le  malade  au  médecin 
céleste,  et  leur  loi  qui  les  convainc  que,  pour 
le  guérir,  Jésus  n'a  qu'à  le  toucher.  Quand  la 
prière  est  ainsi  faite,  elle  est  si'ire  d'être  écou- 
tée. Que  de  pécheurs  inscu-ibles  à  leur  état,  et 
qui  seraient  guéris  si  notre  charité  les  amenait 
à  Jésus-Christ,  et  si  on  priait  davantage  pour 
eux  I 

il.  Et  le  tirant  de  la  foule,  et  le  prenant  à 
part.  Il  le  tira  de  la  foule  pour  nous  apprendre 
que  les  œuvres  de  Uicu  ne  s'accomplissent  pas 
au  milieu  du  tumulte  et  que,  quauil  Dieu  se 
sert  de  nous,  nous  devons  nous  envelopper 
dans  l'humilité.  Sco'sum  a  turba  oblatum  sur- 
dum  et  mutum  apprehendit ,  ut  divina  miracula 
non  faceret  manifeste  ;  instruens  rws  vanam  glo- 
riam  ejicere  et  tumorcm;  nihil  enim  ex  quo  ait- 
guis  sic  miracula  opeielur,  sicul  si  humilitatem 
colat,  et  modestiam  sequatur  (2) .  Ue  plus,  le  sourd- 
muet  étant  la  figure  du  pécheur  dont  les 
oreilles  ne  s'ouvrent  plus  aux  enseignements 
de  la  foi,  et  dont  la  bouche  est  fermée  pour  la 
prière  qui  sauve  et  l'aveu  qui  justifie,  parce 
qu'il  s'est  endurci  dans  la  dissipation  et  le  bruit 
des  choses  de  la  terre,  Jésus,  qui  veut  le  guérir, 
le  mène  à  l'écart,  il  l'isole.  Car  c'est  dans  la 
solitude,  au  moins  spirituelle,  que  Dieu  parle 
au  cœur  pour  le  convertir.  Suivons  cet  exemple: 

1.  Theofiliylact.   Calen.  aur, 
X,  Gtaarws^  in  Cattn  sur. 


quand  nous  voulons  transformer  notre  âme, 
ou  l'àme  d'un  de  nos  frères,  cherchons  le  si- 
lence et  allons  dans  la  retraite. 

//  lui  mit  les  doigts  dans  tes  oreilles  et  de  la 
salive  sur  la  langue  ;  puis,  levant  les  yeux  au  ciel, 
tl^  poussa  un  gémissement,  et  dit  :  Epliphcta, 
c'est-à-dire  ouvrez-vous.  La  volonté  aurait  suffi 
au  fils  de  Dieu  pour  opérer  la  guérisoii  deman- 
dée Il  procède  néanmoins  avec  so'euuité,  et, 
dans  ce  qu'il  fait,  comme  dans  ce  qu'il  dit,  il  y 
a  de  précieux  enseignements  à  recueillir.  Ne 
voulait-il  pas  d'abord  nous  inspirer  du  respect 
pour  les  cérémonies  qu'à  son  exemple,  l'Eglise 
em|iloie  dans  l'administration  des  sacrements, 
cérémonies  augu-tes  qui  fixent  notre  légèreté 
et  nous  empêchent  de  nous  familiariser  avec  les 
saints  mystères  de  la  grâce,  cérémonies  véné- 
rables qui  ont  une  origine  sacrée.  C'est  ainsi, 
par  exemide,  que,  se  conformant  à  ce  que  Jésus- 
Christ  a  fuit  dans  lu  Ruérisou  du  sourd-muet, 
le  ministre  du  baptême  louche  de  sa  salive 
les  oreilles  de  celui  qu'il  va  baptiser,  en  disant 
comme  Jésus-Christ  :  Ephpheta,  c'est-à-dire 
ouvrez-vous. 

//  lui  mit  les  doigts  dans  les  oreilles.  Le  doigt 
de  Dieu,  c'est  sou  action  sur  le  monde;  dans 
l'oidre  de  la  grâce,  c'est  l'adorable  influence  du 
Saiut-Espril,  dextrœ  Dei  lu  digitus.  Jésus  qui 
met  les  doigts  dans  les  oreilles  du  sourd-muet, 
c'est  Jésus  qui,  par  l'etfusion  des  dons  du  Saint- 
Esprit,  ouvre  l'intelligence  aux  vérités  de  la  foi 
et  incline  l'àme  à  s'y  soumettre.  Quid  per  digi- 
tos  redemptoris  nisi  duna  sancli  Spirilus  designan- 
tur?...  Diyitos  ergu  tn  auriculas  mittere  est  per 
dona  Spiritus  sancti  mentem  sur-di  ad  obedienaum 
aperu-e  (I). 

//  lui  mit  de  la  salive  sur  la  langue,  La  salive 
qui  sort  de  la  bouche  représente  la  sagesse 
éternelle  sortie  de  la  bouche  du  Très- Haut.  C'est 
peu  d'ouvrir  les  oreilles  et  de  faire  pénétrer  la 
vérité  dans  l'esprit,  il  faut  la  faire  goûter  au 
cœur,  pour  qu'il  la  pratique  et  la  confesse.  C'est 
ce  que  fait  rE.«prit-Saint,  en  nous  communi- 
quant le  don  de  sagesse.  Saliva  nobis  ex  ore 
redemptoris,  accepta  sapienlia  in  eloquio  devino 
saliva  quippe  ex  capile  defluit  m  ore.  In  ergo 
sapientia  quœ  ipse  est,  dum  lingua  nostra  tangitur 
mox  ad  prœdicatioms  verba  formatur  (2). 

Et  levant  les  yeux  au  ciel,  il  poussa  un  gémisse- 
mertt,  et  dit: Ephephta,  c'est-à-dire,  ouvrez-vous, 

t.  Grégor.  sup.  E^sch.  HomiL  X. 
t.  Id.  ibid. 


1208 


LA  SEMAINE  DU  CLllIKJii 


11  lève  les  yeux  au  ciel  parce  que  c'est  là  qu'il 
faut  dcirauder  la  parole  pour  les  muets,  l'ouïe 
pour  les  sourds,  et  le  remède  pour  toutes  les 
maladies,  Suspexit  quidem  in  calum.  ut  inde 
mulis  loquelam,  inde  auditum  surdis.  undc  timctis 
infirmantibus  mcdelumdoceretesse  qnœrendam  (1). 
Mais  ce  gémissement  de  celui  qui  est  toujours 
exaucé,  et  qui  accorde  lui-même  ce  qu'il  de- 
maude,  n'était  nécessaire  que  pour  nous  appren- 
dre à  gémir  nous-mêmes  devant  celui  à  qui  nous 
devons  tout.  Ingemvit  aitlem  non  quia  ipsi  opiis 
esset  cum  gemitu  aliquid  ■/.  etere  a  Poire,  qui 
cuncta  petmiibus  dimut  cum  Pâtre,  sed  ut  nobis 
(jemendi  daret  exempta,  cum  vel  pro  nostris  vel 
nostrorum  ei'roribus  proximorum  supernw  pietutis 
prœs'dia  invocamus  (2). 

Le  gémissement,  c'est  l'expression  de  la  dou- 
leur, et  Jésus  gémit  parce  qu'il  souffre  envoyant 
Dieu  qui  est  olfensé  et  les  âmes  qui  se  perdent. 
Lui  seul  peut  comprendre  l'étendue  d'un  tel 
malheur  et  égaler  le  gémissement  au  malheur. 

Vous  pleurez  ami  rement  sur  des  pertes  ma- 
térielles, et  vous  n'avez  pas  un  soupir  pour  tant 
d'âmes  qui  se  perdent.  Quand  donc  jugerez-vous 
des  choses  comme  Dieu  en  juge? 

III.  Et  aussitôt  ses  oreilles  s'ouvrirent,  et  sa 
langue  se  délia  et  il  parlait  disUnc'emetit.  Aussi- 
tôt ;  car  c'est  la  puissance  iniiuie  qui  agit  ;  cette 
giiérison  instantanée  n'est-elle  pas  aussi  une 
image  de  la  promptitude  avec  laquelle  le  pé- 
cheur doit  correspondre  à  la  grâce  ?  Que  de 
fois,  hélas  !  Jésus  nous  a  touché  les  oreilles  et 
délié  la  langue  ;  mais  est-ce  que  nous  enten- 
dons mieux?  est-ce  que  nous  parlons  mieux? 
£t  Jésus  leur  commanda  de  n'en  parler  à  per- 
sonne. Nous  enseignant  ainsi  à  ne  pas  nous  glo- 
rifier de  nos  œuvres;  per  qvod  non  in  vir- 
Tutibus  gloriandam  esse  docuit,  sed  in  cruce  et 
liumiliatione  (3).  Mais  phts  il  commandait  de  ne 
pas  en  parler,  plm  ils  le  publiaient  et  plus  ils 
étaient  dans  l'admiration.  Vous  cherchez  l'obs- 
curité, la  gloire  ira  vous  y  trouver  ;  ce  qui 
excite  l'admiration  des  hommes  ce  n'est  pas 
rorgucil  qui  s'étale,  c'est  l'humilité  qui  se 
cache.  Ils  publiaiint  le  miracle,  parce  que , 
quand  ou  reçoit  un  bienfait,  la  reconnaissance 
demande  qu'on  exalte  le  bienfaiteur,  même 
malgré  lui.  Son  devoir  est  de  cacher  le  bien  qu'il 
fait,  le  nôtre  est  de  le  publier.  Docemus  autem 
ex  hoc,  cum  alicui  bénéficia  elargimur,  minime 
opplausus  et  laudes  petere;  cum  vero  accepimus 
bénéficia,  benefactores presdicare  et  lavdare,  quam- 
vis  nulinc  (4). 

Et  la  foule  ravie  s'écriait:  Il  a  bien  fait  toutes 
choses.  lîien  n'était  plus  vrai  que  cet  éloge.  La 
vie  de  Jésus-Christ  a  été  eî»  jerpéluel  bienfait 

1.  Beda.  in  Cuten.  aur. 

2.  Id.  ibid. 

3.  UieroD,  in  Caten.  aur 
i.  liieopbylact, 


pour  ceux  qui  en  furent  les  heureux  témoins  ; 
et  aujourd'hui  encore  quel  bien  ne  produit-elle 
pas  dans  l'âme  qui  eu  fait  son  élude  ?  Travail- 
lons à  manifester  en  nous  la  vie  de  Jésus,  et, 
quand  nous  arriverons  au  terme,  on  pourra 
aussi  dire  de  nous  :  il  a  bim  fdt  toutes  choses. 

L'abbé  HER1L4.N, 
(jur6  de  Festubert, 


INSTRUCTIONS  FAMILIÈRES 
SUR   LE   SYMBOLE    DES   APOTRES 

(48"  lustraotiûn.) 

Communion  des  saints,  vérité  encourageante  pour  lesjustei, 

avantageuse  pour  les  pécheurs. 

Texte.  —  Credo  in...  sanclorum  communia- 
nem.  Je  crois...   à  la  communion  des  saints. 

EvonDK.  —  Mes  frères,  après  vous  avoir 
parlé  de  la  sainte  Eglise  catholique,  nous 
allons  maintenant  vous  donner  quelques  expli- 
calions  sur  la  communion  des  saints,  qui  en  est 
la  suite  indispensable... 

Et  d'abord,  (pi'est-ce  que  la  communion  des 
saints?  —  C'est,  dit  le  catéchisme,  la  communi- 
cation des  biens  spirituels  entre  les  fidèles, 
comme  membres  de  l'Eglise...  Je  voudrais  me 
servir  de  termes  plus  clairs,  car  j'ai  à  cœur  de 
vous  faire  bien  comprendre  cette  importante 
vérité.  Répétons  ensemble  les  premiers  mots  de 
cette  belle  prière  que  Jésus-Christ  nous  a  ensei- 
gnée :  Pater  noster,  «  Notre  Père.  »  Nous  ne 
disons  pas  mon  Père,  parce  que,  comme  chré- 
tiens, nous  sommes  tous  frères.  Mais,  comment 
sommes-nous  tous  frères  comme  chrétiens?  Ohl 
vos  enfants  même  le  savent  ;  c'est  parce  que 
nous  n'avons  tous  qu'un  même  Père,  qui  est 
Dieu,  une  même  Mère,  qui  est  l'Eglise,  un 
même  héritage,  qui  est  le  ciel...  Ainsi,  nous  ne 
formons  ensemble  qu'une  même  famille. 

Or,  voyez  ce  qui  se  passe  sur  la  terre,  dans 
une  famille  bien  organisée.  Tout  n'est-il  pas 
comnnm  entre  les  divers  membres  qui  la  com- 
posent ?  Vous  êtes  le  père  de  plusieurs  enfants  ; 
les  uns  sont  petits,  les  autres  grands  ;  ceux-«i 
peuvent  déjà  gagner  de  quoi  se  noumr  et  se 
vêtir  ;  les  autres  n'eu  sont  pas  encore  capables. 
Mais,  quoique  les  premiers  travaillent  et  que 
les  seconds  jouissent  d'un  repoi  forcé,  tous  les 
différents  gains  sont  cependant  réunis  en  com- 
mun. Ce  jemie  homme  se  livre  aux  pénibles 
travaux  des  champs,  sa  sœur  s'occupe  de  la 
couture  ;  peu  imporie,  tout  entre  dans  le  trésor 
commun  de  la  famille...  S'ils  sont  malades,  tons 
ont  droit  aux  mêmes  soins,  et  tous  participent 
ensemble  à  l'aisance  qui  peut  régner  au  sein  de 
la  famille.  Ainsi,  mes  frères,  avec  quelques 
différences,  que  nous  signalerons  plus  tard, 
tous  les  membres  de  l'Eglise  ont   droit  aux 


LA  SEMAINF  DU  CLERGÉ 


1209 


mêmes  sacrements  ;  fous  peuvent  puiser  dans  le 
trésor  influi  des  méiiles  du  Jijsus  Christ,  Irésor 
grossi  des  mérites  de  la  sainte  Vierge,  de  ceux 
des  saints,  et  s'auguientant  chaque  jour  des 
bonnes  œuvres  qu'accomplissent  les  pieuses 
âmes  qui  \iveut  sur  cette  terre... 

Proposition. — Ce  sujst  peut  être  considéré 
sous  deux  aspects  :  partiel [mlion  des  biens  spiri- 
tuels entre  les  chrétiens  qui  vivent  sur  cetie 
terre,  et  communication  de  biens,  également 
spirituels,  entre  les  saints  qui  sont  au  ciel,  les 
fidèles  d'ici-bas,  et  les  âmes  qui  sont  au  Purga- 
toire. Ltans  l'instruction  suivante,  nous  parle- 
rons de  cette  dernière  communion  des  saints; 
aujourd'hui,  nous  allons  la  considérer  telle 
qu'ell.!  existe  entie  les  membres  de  l'Egli-e 
catholique,  qui  accomplissent  encore  ici  bas  le 
pèlerinage  de  la  vie. 

Division.  —  Je  m'eflorcerai,  avec  l'aide  de 
Dieu,  de  vous  faire  bien  comprendre  que  cette 
participation  de  biens  spirituels  est,  première- 
ment, encourageante  pour  les  justes  ;  seconde- 
ment, avantageuse  pour  hiS  pécheursr 

Première  partie.  —  Saini  Paul,  pour  expli- 
quer aux  lidèles  cette  communion  des  saints,  se 
servait  de  la  comparaison  du  corps  humain  ()). 
11  y  a,  en  effet,  dans  notre  corps,  des  mem- 
bres dittVrenls  qui,  tous,  par  le  rôle  que  la 
Providence  leur  a  assigné,  contrib\ient  à  en  faire 
un  tout  plein  d'harmonie;  la  même  vie  les 
entretient,  le  même  sang  les  nourrit  ;  ils  tra- 
vaillent, pour  ainsi  dire,  l'un  pour  l'autre. ..  Les 
yeux  voient,  mais  ils  ne  voient  pas  pour  eux 
seuls  ;  les  oreilles  entendent,  mais  c'est  pour 
préserver  le  corps  entier  des  dangers  ({ni  pour- 
raient le  surprendre  ;  les  mains  travaillent,  mais 
c'est  pour  gagner  la  nourriture  du  corps  tout 
entier;  les  jambes  marchent,  c'est  pour  porter 
chacun  des  membres  où  il  a  besoin  ;  l'estomac 
transforme  eu  un  suc  vivifiant  cette  nourriture, 
qui  entretiendra  la  force  et  la  sauté  dans  tout 
notre  èti-e.  Vous  le  voyez  ;  bien  que  chaque 
membre  ait  des  fouctious différentes,  cependant, 
tous  sont  unis,  tous  vivent  de  la  même  vie,  et, 
8'il  était  permis  de  s'exprimer  ainsi,  on  pourrait 
dire  que  chacun  d'eux,  en  travaillant  pour  soi, 
travaille  pour  les  autres. 

Ainsi  en  est-il  des  divers  membres  de  l'Eglise, 
relativement  à  la  communion  des  saints.  Dieu  a 
donné  à  chacun  de  nous  sa  vocation  ;  heureux 
sommes-nous,  si  nous  l'avons  suivie  fidèlement  1 11 
y  a, dans  lecorps  del'Eglise,  despasteurs.des  pré- 
lats qui  doivent  la  gouverner,  des  missionnaires 
chargés  d'étendre  au  loin  le  règne  de  Jésus-Christ  ; 
il  y  a  des  religieux,  des  religieuses  appelés  à  soi- 
gner les  malades  ou  à  instruire  les  enfants  ;  il  y 
a  les  simples  fidèles  qui  se  sanctifient  dans  une 


condition  plus  hi;ml)lo.  Eh  bien  I  tous  ont  part 
aux  mérites  de  chacun.  Je  vois  sainte  Thérèse, 
agenouillée  au  pied  de  l'autel,  dans  la  chapelle 
de  sou  couvent  ;  elle  prie,  elle  prie  encore,  ses 
larmes  coulent  en  abondance  ;  que  demande- 
t-elle?..  Que  Dieu  bénisse  ei.  rende  fécond  le 
zèle  des  missionnaires  qui  travaillent  à  la  con- 
version des  inlidèles  et  des  hérétiques.  Fran.;ois 
Xavier,  au  fond  de  l'Inde  ;  d'autres  saints 
apôtres  au  sein  de  la  France  et  de  l'Allemagne 
ressentiiMut  les  effets  de  la  prière  deTliérèse,  et 
Grégoire  XV  pourra  dire  que  cette  vierge,  au 
Sein  de  son  monastère  a,  par  ses  prières,  été 
l'auxiliaire  la  plus  efficace  de  tous  ces  saints 
prédicateurs...  Et  tous  les  fidèles  qui  vivaient 
alors,  avaient  pari  aussi  au  mérite  des  prières  de 
Thérèse,  elle-même  participait  aux  récompenses 
méritées  par  le  zèle  et  les  fatigues  de  ceux  qui 
travaillaient  à  éclairer  les  païens,  ou  à  ramener 
les  hérétiques  dans  le  sein  de  la  véritable 
Eglise... 

Nous  lisons  dans  nos  Livres  saints  (1)  que, 
lorsque  Dasid,  après  une  bataille  qu'il  venait  de 
gagner,  poursuivait  ses  ennemis,  deux  cents 
soldats,  épuisés  de  lassitude,  furent  obligés  de 
s'arrêter;  les  autres,  plus  forts,  coutiniièrent 
leur  poursuite  et  revinrent  avec  un  immense 
butin.  Ils  ne  voulaient  point  parlaj^er  avec  leurs 
compagnons;  mais  le  prirxe  ordonna  sagement 
que  tous  ceux  qui  avaient  contribué  à  la  victoire, 
devaient  avoir  part  au  butin.  Ainsi,  mes  frères, 
des  àuie.<  pieuses  et  ignorées  qui,  par  leurs  priè- 
res, contrihuent  à  l'exaltation  de  la  Siiiute  Ef;lise, 
à  ce  que  Dieu  soit  plus  connu  et  mieux  aimé, 
auront  part  aux  récompenses  méritées  par  tels 
ou  tels  fervents  serviteurs  de  Dieu,  dont  les 
œuvres,  eu  apparence,  sont  plus  héroïques  et 
plus  dignes  d  éloges. .. 

Quel  encouragement  pour  toute  âme  .simple, 
droite  et  fidèle  que  cette  communion  des  Suints, 
que  eeite  participation  de  tous  aux  méiiles  de 
chacun  !  Je  suis  obligé  de  prendre  part  aux  durs 
travaux  de  la  campagne  ;  je  n'ai  pas  le  temps 
d'as>ist(r  à  la  sainte  messe  tous  les  jours,  de  me 
livrera  la  prière  et  à  l'oraison.  Cependant,  si  je 
suis  eu  état  de  grâce,  je  participe  à  tou-  l-s  sa- 
crifices qiM  sont  offerts  dans  l'Lglise,  j'ai  part  au 
mérite  do  toutes  les  communions  que  font  les 
âmes  pieustisl...  Un  malade,  qui  aurait  la  foi, 
mais  une  foi  éclairée  à  la  communion  des  Saints, 
peut  se  (lire  :  «  Je  ne  saurais  supporter  le  jeûne 
et  les  austérités;  mais  ily  adansla  saiuie  tgfise, 
dont  je  suis  membre,  des  religieux  tt  es  reli- 
gieuses cpii  jeûnent,  qui  portent  des  cilices,  qui 
fout  des  mortifications  extraordinaires;  je  parti- 
cipe a  leurs  mérites,  car  ils  sont  mes  fières,  et 
nous  appaileuons  à  la  même  famille.  N'y  a-t-il 


1.  Rom.  xn-4,  I  Cotiot.  xu-12,  Ephe»,  iV-iSni  j)«imb.  1.  Livr»  de»  Roi»,  sxx-10  et  srav. 


1210 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


pas  là  vr.iîment,  mes  frères,  un  grand  sujet 
d'encouragement  pourtous  ceux  qui  sont  en  état 
de  Rrûce?... 

Seconde  partie.  J'ai  ajouté  que  si  cette  parti- 
cipation aux  liiens  spirituels  communs  entre  les 
membres  de  l'Eglise  élait  encourageante  pour 
les  justes,  elle  élait  aussi  très-avantageuse  pour 
les  pécheurs.  Voyons  comment.  Une  histoire 
tirée  de  l'Aucien  Testament  nous  servira  de  com- 
paraison. 

Dieu  déclare  à  Abrnliam  que  les  crimes  de 
Sodome  s'étant  multipliés,  il  va  détruire  cette 
ville.  —  Seigneur,  dit  le  patriarche,  perdrez- 
vous  donc  l'inuocent  avec  le  coupable  ?  S'il  y  a 
cinquante  justes  dans  cette  ville  sera-t-elle  épar- 
gnée?...—  Si  Sodome  renferme  cinquante  justes, 
répondit  le  Seigneur,  en  leur  faveur  je  ferai 
grâce  à  la  ville...  Abraham,  de  questions  en 
questions,  descendit  jusqu'à  dis  justes,  et  Dieu 
daigna  lui  dire,  que  s'il  se  trouvait  seulement 
dix  justes  dans  cette  ville  coupable,  à  cause 
d'eux iirépargnerail(l)...  Voyez,  mes  frères,  dès 
ces  temps  reculés  existait  une  sorte  de  commu- 
nion des  Saints,  puisque  les  mérites  de  dix  justes 
eussent  suffi  pour  préserver  Sodome  et  ses  nom- 
breux habiwnls  de  cette  pluie  de  feu  qui  les 
dévora.  Ainsi,  et  d'une  manière  plus  excellente 
encore,  dans  la  sainte  Eglise  catholique,  les  pé- 
cheurs sont  souvent  épargnés,  parce  que  chaque 
jour  au  saint  sacrifice  de  la  messe  on  les  recom- 
mande à  la  miséricorde  de  Dieu,  parce  que  les 
prières  des  âmes  ferventes  désarment  pour  un 
temps  la  justice  de  Dieu. 

Citons  d'autres  exemples  encore.  C'est  sainte 
Catherine  de  Sienne,  éprise  de  tendresse  pour  les 
pécheurs;  elle  voit  la  justice  de  Dieu  prête  à 
frapper  :  «  Mon  Dieu,  s'écrie-t-elle,  ce  sont  des 
âmes  rachetées  au  prix  de  votre  sang,  daieuez 
les  épargner;  faites  tomber  sur  moi  les  châti- 
ments que  vous  leur  réservez  (2).  »  Acte  de  cha- 
rité sublime,  qui  rappelle  celui  de  saint  Paul, 
désirant  être  auathème  pour  le  salut  de  ses 
frères  (3);  ou  bien  encore  les  sen'iments  géné- 
reux de  iSloise  disant  familièrement  à  Dieu  : 
»  Seigneur,  épargnez  votre  peuple  ou  rayez-moi 
du  livre  de  vie  (4)  m  Et  le  Dieu  de  miséricorde, 
qui  ne  demande  qu'à  pardonner,  se  laisse  tou- 
cher par  ces  supplications  que  lui  font  ses  amis 
en  faveur  des  pauvres  pécheurs...  Que  dis-je, 
mes  frères?  il  provoque  cette  intervention  de  la 
part  des  justes,  de  la  pari  de  son  Eglise  en  faveur 
des  cou|iables;  il  la  réclame,  il  l'exige,  en  quel- 
que sorte,  des  âmes  qu"il  daigne  combler  de  ses 
faveurs.  Voyez-vous,  dans  un  couvent  de  l'ordre 
de  Ciieaux,  une  pauvre  religieuse  exténuée  par 

1.  Genète,  oli.  xvnt,  vers.  20  et  suiv. 

2.  Voir  sa  vie. 

3.  Epil.  Hom.  ch.  IX,  v.  S. 

4.  Exoci.  cb.  x.xxa,  T.  32. 


le  jeûne  et  les  austérités,  c'est  sainte  Lutgarde, 
Pendant  sept  ans,  elle  a  rigoureusement  jeûné 
pour  les  pécheurs;  Dieu  seul  s,ut  combien 
d'âme  égarées  ont  dûleur  conversion  au.v  austé- 
rités de  cette  sainte.  Cependant,  peu  de  temps 
avant  sa  mort,  Jésus  lui  ajiparaît.  Que  va-t-il 
réclamer  d'elle?  Que  va-t-il  lui  dire?  Ecoutez. 
«  Ma  tille,  bon  courage  ;  le  jour  approche  ou  tu 
recevras  la  récompense  de  tcstravaux.  Mais  pen- 
dant le  temps  rpii  te  reste  h  vivre,  je  réclame 
de  toi  deux  choses  :  premièrement,  beaucoup 
de  reconnaissance  pour  toutes  les  grâces  dont  je 
t'ai  comblée;  secondement,  prie  avec  le  plus  de 
ferveur  possible  mon  Père  éternel  pour  que  les 
pécheurs  se  convertissent  (I).  » 

Vous  voyez,  mes  frères,  combien  eSv  avanta- 
geux pour  les  pécheurs  ce  dogme  de  la  commu- 
nion des  Saints...  Sans  doute,  le  triste  état.dans 
lequel  ils  sont  les  prive  de  beaucoup  de  grâces  ; 
05  pourrait  les  comparer  à  un  membre  pnralysé, 
qui  ne  reçoit  plus  l'influence  dévie  que  le  cœur 
distribue  au  reste  du  corps.  Mais  comme  ils  n'ont 
pas  renié  la  foi,  comme  ils  ne  se  sont  point  sépa- 
rés de  l'Eglise,  ces  membres  paralysés  du  corps 
de  Jésus-Christ  peuvent  revivre  encore,  si  le  vice, 
qui  causait  leur  triste  état,  vient  à  disparaître. 
En  se  mêlant  aux  autres  fidèles  pour  assister  à  la 
sainte  messe,  aux  prières,  aux  instructions,  les 
pécheurs  reçoivent  de  cette  union  de  grands 
secours  pour  les  aider  à  recouvre!'  la  vie  spiri- 
tuelle qu'ils  ont  perdue .  A  ce  titre  encore  la 
communion  des  Saints  est  très-avantageuse  pour 
ceux  qui  n'ont  pas  le  bonheur  d'être  en  état 
de  grâce. 

Mon  Dieu,  me  suis-je  fait  bien  comprendre? 
J'ai  dit  que  les  pécheurs  tiraient  de  grands  avan- 
tages de  leur  union  extérieure  avec  les  justes, 
avec  les  saints,  qui  vivent  dans  l'Eglisf,  et  cela 
pour  trois  raisons  :  parce  qu'ils  assistent  et  par- 
ticipent comme  les  autres  lidcles,  au  moins  d'une 
manière  extérieure,  au  saint  sacrifice  de  la  messe 
et  aux  autres  exercices  de  piété;  parce  que  la 
miséricorde  de  Dieu  les  recommande  tout  parti- 
culièrement aux  prières  des  saints  ;  enfin  parce 
que  chaque  jour,  la  sainte  Eghse  catholique, dont 
ils  sont  devenus  les  membres  par  leur  baptême, 
iutericde  pour  eux  et  les  recommande  comme 
des  enfants  malades  à  la  clémence  divine,  qui 
seule  peut  les  épargner  et  les  guérir..,  Ah!  pau- 
vre pécheur,  tu  n'y  penses  pas;  peut-être  même, 
te  complaisant  dans  de  criminelles  habitudes, 
tu  t'es  dit  à  toi-même:  «J'ai  péché  et  je  n'ai 
éprouvé  aucun  mal  ;  Dieu  ne  m'a  pas  puni.  » 
Sais-tu  puur!|Uoi  tu  as  été  épargné?  Sais-tu 
pourquoi  le  Dieu  vengeur,  que  tu  outrages  depuis 
si  longtemps,  ne  t'a  pas  foudroyé  ?  pourquoi  il 
t'a  conservé  la  vie  et  accordé  le  temps  de  faire  pé- 
nitence? Eh  bien,  je  vais  te  le  dire.  Chaque  matin 

1 ,  Voir  la  vie  de  cette  tainte  dam  Ribadeneira, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1211 


l'Eglise,  ta  mère,  înfercédait  pour  toi  au  saint 
sacrifice  île  l;i  nipsse  ;  puis,  au  moment  où  tu  te 
livrais  sau'^  remords  à  tes  folles  passions,  il  y 
avait  peut-être  dans  quelque  couvent  ignoré  une 
ème  généreuse,  que  tu  ne  connaîtras  que  dans 
l'éternité,  qui  offrait  à  Dieu  ses  austérités  et  ses 
disciplines  pour  ton  salut  et  ta  conservation... 

Mais, frères  bien  aimés,n'oublionspasquela  pa- 
tience de  Dieu  a  des  bornes  et,  pauvres  pécheurs, 
n'abusons  pas  plus  lonnlem[is  de  ces  avantages 
que  nous  otlVela  communiou des  Saints;  hàtons- 
nous,  au  contraire,  d'en  profiter,  en  revenant  à 
Dieu  de  tout  notre  cœur  et  dans  toute  la  sincé- 
rité de  notre  âme... 

Péroraison.  —  Frères  bien  aimés,  ce  n'est 
pas  seulement  aux  justes  et  aux  pécheurs  pris 
isolément  que  profite  la  communion  des  Saints, 
c'est  à  la  société  tout  entière  .  Nous  lisons 
dans  de  pieux  auteurs,  (pie  Dieu  irrité  se  dispo- 
sait autrefois  à  punir  les  crimes  de  la  terre  par 
des  châtiments  inouïs,  quand  la  sainte  Vierge  lui 
présenta  saint  François  d'Assise  et  saint  Domi- 
nique comme  médiateurs  entre  lui  et  les 
pécheurs  (I).  En  effet,  ces  deux  saints,  par  les 
ordres  religieux  qu'ils  fondèrent,  firent  fleurir  la 
vertu  et  la  [liété  où  réguaicnt  autrefois  le  vice 
et  la  corruption.  El  de  nos  jours,  mes  frères, 
où  l'impiété  s'affiche  avec  tant  d'insolence,  où 
règne  l'oubli  des  devoirs  les  plus  élémentaires 
de  notre  sainte  religion,  croj-ez-vous  que  ces 
blasphèmes,  !-i  fréquemment  réjiélés,  cette  pro- 
fanation [iul)lique  et  scandaleuse  du  saint  jour 
du  dimanche,  ne  sont  pas  capables  d'attirer  sur 
nos  villages,  sur  notre  société  tout  entière  la 
malédiction  du  Très-Haut  et  les  châtiments  les 
plus  terribles... 

Un  jour,  un  roi  deBabylone,  qui  avait  comblé 
la  mesure  de  ses  crimes,  vit  une  niaiu  mysté- 
rieuse écrire  sur  la  muraille  trois  mots  qui  signi- 
fiaient :  «  J'.ii  compté  tes  jours,  je  les  ai  pesés, 
c'est  fini,  ton  royaume  sera  transmis  à  un  aulre.» 
Et  peu  d'heures  après,  ce  prince  impie  ex[iirait 
sous  le  glaive  (2).  lime  semble  voir  le  Dieu  tout 
puissant,  si  méconnu  de  nos  jours,  écrire  aussi 
ces  trois  mois  :  «  Vous  abusez  du  temps  que  je 
vous  douue,  vous  ne  faites  que  des  œuvres  mau- 
vaises ;  eh  bien,  c'est  fini,  ma  colère  va  verser 
sur  vous  ses  fléaux.  »  Et  cependant  non.  Qui 
donc  retient  votre  bras,  ô  Dieu  trois  fois  saint  ? 
Ah  1  il  y  a  à  la  tète  de  1  Eglise  un  saint  Pontife, 

3ui,  sans  cesse,  intercède  pour  ses  enfants;  il  y  a 
ans  le  sein  de  l'Eglise  un  bon  nombre  d'âmes 
ferventes,  des  religieux  et  des  religieuses,  fidèles 
observateurs  des  règles  de  leur  ordre,  qui,  jour 
et  nuit,  lèvent  leurs  mains  vers  le  ciel  pour 
demander  pardon  et  miséricorde...  Voilà,  mes 
Irères,  ce  iiui  relient  le  bras  de  Dieu  ;  voilà  les 

1.  Conf.  }.  Marcliant,  Horliu  /(uiorum, 

2.  Daii.  V,  25. 


véritables  paratonnerres  qui  arrêtent  la  foudre 
suspendue  sur  nos  tel  es.  Oui,  frères  bien  aimés, 
la  communion  des  saints  est  utile  à  nos  sociétés 
comme  elle  est  avantageuse  pour  chacun  de  nous. 
Bénissons  donc  le  Seigneur  de  nous  avoir  appe- 
lés à  participer  à  tous  ces  avantages,  et  deman- 
dons lui  la  grâce  de  nous  en  montrer  digues. 
Ainsi  soit-il. 

L'abbé  Lobry, 
Curé  de  Vauchassis. 


ACTES    OFFICIELS   DU    SAINT-SIÈGE 

CONGRÉGATION  DES    RITE3 

Réponse  sur  les  messes  de  Noël. 
LUCERIANA. 

Rmus  D.  Joseph  M'  Colellessa  Episcopus 
Lucerinus  a  Sacra  Riluuin  CoiigreRatiMue  de- 
clarare  petiit  :  Ulrum  Sicerdos possilduis  tantum 
Missas  celebrare  in  die  IS'aiivitalis  Dnmini  Aosiri 
Jesu  Christi  ;  sitiuiilem  cum  privilegio  ter 
celebrandi  eadem  die  leproesentet  My.-;teiium 
Generaliouis  seternsB,  temporali.'^  et  per  gratiam 
in  anima  jusli,  id  non  videtur  signilieari  si  ia 
praedicta  festivitate  du«  tantum  celebrentur 
Missae. 

Sacra  vero  Congregalio,  audita  relatione  ab 
infrascriplo  Secrelario  fada,  re  mature  accura- 
teque  perpensa,  rescribere  rata  est  :  Affirmative, 
seu  Sacerdotem  passe  pro  suo  arbùno  in  die 
J\iativi(alis  Domini  duas  tantum  Missas  celebrare; 
alque  ita  declaravit  die  19  junii  1875. 

G,  Epus    Ostien,    et  Velit.   Gard.    Patrizi, 
S.  /{.  C.  Prœfectus. 
Plac.  Ralli,  5.  R.  C.  Secrelarius. 

Loco  tSigilli. 


LITURGIE 


BÈGLES    A    SUIVRE    DANS    LE   CULTE 
DES   SAINTES    RELIQUES. 

(10«  article.) 
VU.  —  Relques  dans  les  autels. 
1"  Le  sacrifice  de  la  croix  sera  renouvelé  et 
continué  dans  l'Eglise  jusqu'à  la  fin  «les  temps 
par  le  sacrifice  de  la  messe  ;  Jésus-Christ,  notre 
Sauveur,  a  voulu  rester  à  l'état  de  victime,  bien 
que  sa  première  immolation  eût  pleinement 
payé  notre  dette  et  opéré  notre  rachat.  Dans  le 
ciel  même,  il  conserve  cette  attitude  et  demeure 
dans  celle  condition  devant  le  trône  de  la  Ma- 
jesté divine.  C'est  ainsi  qu'il  s'offrit  à  saint 
Jean  dans  l'extase  de  Patmos  :  Et  je  vis,  devant 
le  milieu  du  trône,  entre  les  quatre  animaux  et  au 


mt 


LA  SEMAINE  DU  CLEUGÉ 


milieu  des  vieilla>-ds,  l'Agneau  qui  se  tenait  la 
comme  tué  (I).  Et  ies  vingt-quatrs  ineillnrds  tom- 
bèrent jjrosternis  devant  l'Agneau,  et  ils  chan- 
taient un  cantique  nouveau,  disant:  T'oui  êtes 
digne,  Seigneur,  de  prendre  le  livre  et  d'en  ouvrir 
les  sceaux',  parce  que  vous  avez  été  tué  et  que  vous 
nous  avez  rachetés  à  Dieu  par  votre  sang  (2).  L'A- 
gneau victime  a  pour  trône  un  autel.  Et  lois- 
qu'il  eut  ouvert  le  cinquième  sceau,  poursuit  saint 
Jean,  je  vis  sous  l'autel  les  âmes  de  ceux  gui 
furent  tués  à  cause  du  Verbe  de  Dieu  et  du  témoi- 
gnage qu'ils  lui  rendaient  (3).  L'Eglise  militante 
est  une  préparation  et,  par  conséquent,  une 
image  de  l'Eglise  triompliante.  Elle  a  voulu  que 
l'autel  où,  tous  les  jours,  elle  oflYe  mystique- 
ment et  très-réellement  en  sacrifice  l'Agneau  de 
Dieu  qui  efface  les  péchés  du  monde,  res-emblàt 
à  l'autel  du  ciel.  Au  ciel,  les  âmes  dor,  martyrs 
sont  sous  l'autel  de  l'Agneau,  l'Eglise  de  la 
terre,  qui  ne  possède  que  Lurs  corps,  les  placera 
pareillement  sous  l'autel  du  sacrifice  eucharis- 
tique, parce  qu'ils  se  sont  immolés  aussi  eux- 
mêmes  volontairement  pour  lui,  et  qu'ils  ne 
doivent  pas  en  être  séparés,  et  si  des  reliques 
d'autres  saints  sont  unies  à  cette  place  aux 
restes  des  martyrs  proprement  dits,  qui  don- 
nèrent n  Jésus-Christ  le  suprême  témoif^nage  da 
sang,  c'est  parce  (jue  le  chrétien  ne  peut  arriver 
à  la  sainteté  sans  se  soumettre  au  moins  au  sa- 
crifice non  sanglant,  sans  s'immoler  par  le 
renoncement  et  la  pénitence,  sans  devenir  par 
là  aussi  le  témoin  du  Christ. 

Telle  est  la  grande  raison  pour  laquelle  l'E- 
glise dépose  avec  des  cérémonies  très-expres- 
sives et  des  prières  spéciales  des  reliques  de 
saints  dans  tous  les  autels  qu'elle  consacre,  dé- 
fendant d'oiiVir  le  sacrifice  de  la  messe  sur  ceux 
qui  en  seraient  dépourvus. 

Cet  usage,  devenu  une  règle  invariable,  a 
pris  naissance  dans  l'Eglise  romaine  et  remonte 
à  une  très-haute  antiquité.  Il  en  faut  reporter 
l'origine  jusqu'aux  catacombes;  non-seulement 
les  tidèles  se  réiuiissaient  dans  ces  souterrains 
sacrés,  pour  y  célébrer  les  saints  mystères  dans 
la  compagnie  des  martyrs  qui  les  avaient  pré- 
cédés dans  la  coniession  de  la  foi  chrétienne, 
afin  de  puiser  dans  leurs  exemples  un  semblable 
courage  ;  mais  le  saint  sacrifice  était  oflert  sur 
les  tombe;,  x  des  plus  illustres,  et  on  voit  en- 
core aujourd'hui  de  ces  anciens  autels  cons- 
truits simplement  dans  une  excavation  sur  les 
sépultures  de  quelques  témoins  de  Jésus-Christ. 

Lorsque  Constantin  eut  doiuié  la  paix  à  l'E- 
glise, des  basiliques  furent  élevées  de  toutes 
parts,  et  le  culte  chrélien  put  être  exercé  au 
graud  jour.   Les  édiâccs  dédiés  aux  martyrs, 

1.  Apoc,  V.,  6. 

2.  Ibid.,  8  et  9. 

3.  Ibid.,  VI,  9. 


dont  les  corps  y  reposaient,  cfaieut  appelés 
Martyria.  Mais  il  ne  suffisait  pas  que  ces  temples 
fussent  enrichis  de  ces  corps  renfermés  d:ins  des 
tombeaux  ;  pour  continuer  l'usage  adopté  dans 
les  catacombes,  il  fut  statué  que  des  reliques 
(les  martyrs  seraient  insérées  dans  les  autels. 
Anastase  le  Bibliothécaire  cite  un  décret  du 
pape  saint  Félix  l*',  promu  au  souverain  ponti- 
ficat en  269,  qui  ordonna,  dit  cet  historien,  «  de 
célébrer  les  messes  sur  les  tombeaux  en  mé- 
moire des  martyrs.  »  Au  iv°  siècle,  le  poète 
Prudence,  après  avoir  fait  la  description  du  lieu 
où  reposait  le  corps  de  saint  Hippolyte,  indique 
très-nettement,  dans  les  vers  suivants,  que  ce 
corps  était  renfermé  dans  l'autel  même. 

Talibus  Ilippolyti  corpus  mandatur  opertis, 
Propter  ubi  appo?ita  pst  aia  dicat i  Doo. 

Illa  suTaniéuti  donatris  mensa,  eademque 
Custos  tida  sui  Mariyris,  apposita, 

Serval  ad  œlerni  spem  judicis  ossa  sepulchro, 
Pascit  item  sanclis  Tibricolas  dapibiis. 

Dans  son  hymne  v°  consacrée  au  martyr  saint 
Viuceut,  le  même  auteur  dit: 

Sed  mox  subaclis  liostibus, 
Jam  l'd.'  e  justis  reddita, 
Altar  q'iielRm  debilam 
PrEeslat  beatis  03-ibiis. 
Subjecta  nam  facrario, 
Imamque  ad  aram  condila, 
Cœlestis  auram  Miiinuris 
Perfusi  subter  hauiiuiit. 

Saint  Paulin  de  Noie  écrivait,  à  la  même 
époque,  les  vers  suivants  dans  sou  ix"  poème 
natal  sur  saint  Félix. 

Spectant  de  suneris  altaria  tota  fenestris, 
Siib  quibus  intus  habcnt  sanctorum  corpora  sedem. 
Namque  et  Apostulici  cineres  sub  cœlite  menia 
Depositi,  placitum  Christo  spirantis  odorein 
Pulveris  iuler  saQcla  sacri  libamina  rcddunt. 

Saint  Ambroise  dit,  dans  sa  lettre  xxii,  à  sa 
sœur  Marcelline  :  «  Comme  je  me  préparais  à 
faire  la  dédicace  de  la  basilique,  la  multitude 
des  fidèles  m'interpella  comme  d'une  voix,  en 
disant:  « Dédiez-là  à  la  manière  des  basiliques 
«  romaines.  »  «  Je  le  ferai,  répondis-je,  si  je 
«  trouve  des  reliques  de  martyrs.  »  C'est  à  cette 
occasion  que  le  gr.iud  évèque  découvrit,  par 
une  révélation  divine,  les  reliques  des  saints 
martyrs  Gervais  et  l'rotais.  La  demande  adres- 
sée à  saint  Ambroise  par  le  peuple  démontre 
que  la  coutume  de  mettre  des  reliques  dans  les 
autels  existait  alors  à  Rome,  où  sans  doute  elle 
n'était  pas  une  chose  nouvelle. 

Cette  règle  était  obsi>rvée  aussi  dans  les 
autres  églises  d'Occident.  On  en  trouve  la 
preuve  dans  la  leltre  xu  de  saint  Paulin  et 
dans  les  actes  du  cinquième  concile  de  Car- 
tilage. Le  treizième  canon  de  ce  coucile  est 
i^i  Ululé  :  De  basilicis  quœ  sine  martyrum  reli' 


LA  SEMAINE  DU  CLEUGE 


1213 


çuiis  dedicafœ  sunt.  Il  prescrit  la  mesure  sui- 
vante, qui,  par  sa  sévérité,  démontre  péremp- 
toiremeut  l'existence  de  la  loi  :  «  On  renversera, 
s'il  est  possible,  les  autels  érigés  ça  et  là  dans 
la  campagne  ou  sur  les  chemins  à  litre  de  nié- 
moires  des  martyrs,  si  l'on  constate  qu'aucun 
corps  ou  aucune  relique  de  martyrs  n'y  ont  été 
renfermés  par  les  évèques  qui  ont  juridiction 
sur  ces  territoires.  » 

L'Eglise  grecque  observait  la  même  loi.  Nous 
en  avons  une  preuve  dans  îes  actes  du  second 
concile  de  Nicée.  septii'me  général,  assemblé 
en  787,  qui  fil  le  décret  suivant  contre  les  ico- 
noclastes :  n  De  même  qu'ils  ont  supprima 
dans  les  églises  le  culte  des  images  vénérables, 
ils  ont  a\issi  abandonné  quelques  autres  cou- 
tumes, qu'il  faut  rétablir  el  remettre  en  vi- 
gueur, conformément  à  la  législation  écrite  et 
non  écrite.  Nous  statuons  donc  que  l'on  placera 
des  ri  liqui'S,  avec  la  prière  accoutuiuée,  dans 
tous  les  lemjdcs  véiiéiables  qui  ont  éle  con- 
sacrés sans  qu'on  y  ait  rais  des  reliques  des 
martyrs,  n  Le  concile  ajoute  que  si,  posté- 
rieurement à  la  promulgation  de  ce  canon, 
«  il  se  trouve  un  évéque  tjui  consacre  un 
temple  sans  y  placer  de  reliques,  on  le  dépo- 
sera, comme  traiisgre?seur  des  traditions  ecclé- 
siasli([ues.  »  Les  termes  mêmes  de  ce  canon 
nous  fout  voir  clairement  qu'il  s'agit  d'une 
loi  positive,  obligatoire,  consacrée  par  la  tra- 
dition, et,  par  cons('quent,  introduite  depuis 
longtemps  en  Orient.  Il  ne  s'agit  pas  ici , 
évidemment ,  de  relii[ues  qui  devaient  être 
conser\ées  dans  les  églises,  pour  être  exposées 
à  la  vénération  des  lidrles;  mais  les  reliipies 
des  martyrs  soûl  décbirées  nécc-saires  pour  la 
consécration  des  édifices  destinés  au  culte 
divin.  l>es  reliques  ne  pouvaient  être  insérées 
que  dans  les  autels,  comme  il  se  pratiquait  en 
Occident.  Cette  couc  iisiou,  déjà  éviden.te  par 
elle-même,  est  tonliruiée  par  le  témoignage 
très-eiplicite  de  Suzomoue,  qui  au  milieu  du 
cinquième  sircle,  laïqxjrtait  que  saiut  Zenon, 
évèqui!  de  Gaza,  en  l'alesliue,  «  construisit  une 
église,  dans  laquelle  s'éiigea  un  autel  où  il  mit 
des  reliques  de  martyrs  (I).  » 

A  ce  témoignage ,  nous  pouvons  joindre 
celui  de  Paul,  diace,  qui  dans  ses  Mélanges 
d'histoire,  liv.  XVI ,  ch.  xxiv ,  mentionne  la 
dédicace  de  la  basilique  des  Saints  Aiôties,  qui 
eut  lieu  sous  le  règne  de  Ju^tinien.  Il  dit  :  n  On 
fit  l'inauguration  dis  Saints-Apotres  à  Constan- 
tinople,  et  on  y  reuferma  les  reliques  des  saints 
apôtres  André ,  Lue  et  TimoUr  e.  L'évêquc 
Menas  traversa  la  ville  avec  les  reliques  sacrées, 
assis  sur  le  cbar  d'or  de  l'eraperi'ur  orné  de 
pierres  précieuses,  el  tenant  eu  ses  mains  les 
ciiàsses  des  saints  a[)otres  ;  et  il  célébra  ainsi 

la  SczoïD.,  nui.  lib.  VIII,  cap.  vui. 


cette  inauguration.  »  Nous  trouvons  dans  ce 
bref  récit ,  d'abord  la  translation  solennelle 
des  reliques ,  qui  se  fait  encore  aujourd'hui 
d'après  le  Pontifical,  ensuite  l'insertion  des 
reliques,  qui  ne  peut  ère  faite  que  dans  l'autel 
même,  puisqu'elbs  furent,  non  pas  exposées, 
mais  renfermées.  D'ailleurs,  s'il  restait  encore 
le  moindre  doute  sur  le  sens  de  ces  paroles 
prises  isolément,  il  suffirait  de  les  rapprocher 
du  texte  de  Sozomème,  pour  en  dissiper  l'obscu- 
l'ité. 

De  même  que,  primitivement,  les  martyrs 
avaient  seuls  le  privilège  des  honneurs  publics 
et  d'une  fête  sokiunelle,  ainsi,  à  l'origine  de  la 
coutume  dout  nous  parlons,  les  r.'hques  placées 
daiis  les  autels  n'étaient  que  des  corps  ou  des 
portions  de  corps  des  martyrs.  Toutefois, 
comme  la  sainteté  n'a  pas  absolument  besoin, 
pour  arriver  à  sa  perfection,  d'être  consommée 
et  scellée  par  le  témoignage  du  sang,  l'Egfise  en 
vint  à  acc^jrder  la  canonisation  à  de  simples 
confesseurs  de  qui  Dieu  n'avait  pas  exigé  le 
sacritice  suprême  de  leur  vie  en  signe  de  leur 
fidélité.  Ce  titre  de  confesseurs  qui  leur  fut 
donné,  et  qui  a  essseuliellement  la  même  sigui- 
ficiitiou  que  le  nom  de  martyr,  inditpiait  qu'elle 
les  considérait  aussi  comme  ayant  été,  dans  la 
forme  >i  le  degré  que  comportait  la  pusition 
que  la  l'rovideuce  leur  avait  ménagie  ,  les  té- 
moins du  Seiiiueur.  Une  lois  leur  sainteté  cons- 
tatée, il  était  rationnel  que,  tout  en  les  mettant 
dans  un  ordre  intérieur  à  celui  où  étaient  placés 
les  martyrs,  on  leur  rendit  des  honneurs  ana- 
logues et  même  semblables.  Ainsi  on  ne  tiirda 
pas  à  leur  dédier  des  églises.  Théoiloreten  men- 
tionne une  qui  fut  construite  dans  de  grandes 
proportions  au  lieu  où  avait  demeuré  le  moine 
Zébinas  (1).  Soziim'ue,  après  avoir  raconté  que 
le  uioiui;  saiut  Nihiumou,  demanda  à  Dieu  et 
obtint  de  mourir  pour  se  soustraire  à  la  charge 
épisi-opale,  a, ouïe  :  «  Les  habitants  du  pavs 
cle\èreut  un  temple  sur  son  tombeau  (2).  »  l'iU" 
voie  de  eoiisé  pieme,  ou  eu  vint  à  associer  bis 
reliques  des  tontesseuis  à  celles  des  martyrs 
dans  les  autels,  et  on  en  trouve  d'assez  nom- 
breux exemples.  TouUl'ois ,  les  rebques  dos 
martyrs  ont  toujours  été  prélétées,  lorsqu'on 
pouvait  s'en  procurer,  et  il  n  i-st  arrivé  que 
rarement  que  celles  des  autres  saints  aient  été 
employées  seules.  Le  texte  de  ï Apocalxjpse  où 
les  âmes  de  ceux  qui  furent  tués  a  cause  du 
Verbe  de  Dieu,  nous  sout  repi-ésentées  sous 
l'autel  de  l'Agneau,  semble  motiver  et  justifier 
cette  piélérei;ce,  et  c'est  pour  cela  que,  dans  Li 
brève  loi  mule  du  procès-verbal  ipu  doit  accom- 
pagner les  reliques  déposées  dans  l'autel,  et  qui 


i.  llisloria  re/i'fliosa.  cap.  xxiv. 

2.  De  Qlorla  muiijrum,  lib.  Il,  cap.  X.tXIT, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


121  i 

se  trouve  dans  le  Pontifical,  il  n'est  fait  mention 
que  des  reliques  de  deux  martyrs. 

En  Uaitanl  des  reliques  en  général,  nous 
avons  vu  que,  dès  les  premiers  temps  de  l'Eglise, 
on  considérait  comme  reliques,  non-seulement 
les  corps  et  les  fragments  des  membres  des 
saints,  mais  aussi  les"cboses  qui  avaient  été  à 
leur  usage,  les  suaires  extraits  de  leurs  tom- 
beauXj  et  même  les  linges  ou  draperies  dont 
leurs  sépulcres  avaient  été  recouverts.  Ces  divers 
objets  lurent  donc  Ir.iuvés  Ijons  pour  être  in- 
sérés dans  les  autels  et  y  tenir  lieu  de  reliques. 
C'est  aiusi  que  saint  Grégoire  de  Tours  raconte 
que,  lorsqu'il  fit  la  dédicace  de  l'église  de  Sauit- 
Julien,  dans  sa  ville  épiscopale,  il  ne  mit  pas 
d'autre  relique  dans  l'autel  que  des-franges  du 
linge  ou  dirap  qui  couvrait  le  tombeau  du  saint 
martyr  (.3).  Parlant  plus  loin  de  la  basilique  de 
Saiut-Julen,  construite  par  l'abbé  Adrien,  il 
dit  :  «  Le  pontife  qui  vint  faire  la  dédicace  de 
cet  édifice  ne  voulut  renfermer  comme  relique 
dans  le  saint  autel  autre  choie  qu'un  petit  vase 
dont  l'eau  avait  été  changée  en  baume,  et  il 
disait  :  «  Voilà  des  reliques  certaines,  que  le 
saint  martyr  nous  a  révélées  avec  éclat  par  ses 
vertus  célestes  A).  »  Le  même  auteur  dit  encore 
qu'il  employa  au  même  usage,  dans  une  autie 
circonstance,  des  lils  tirés  d'un  suaire  qui  avait 
été  mis  sur  le  visage  de  saint  Nizier,  évèque  de 
Lyon,  le  jour  de  .'a  mort  (o).  11  est  vraisem- 
blable que  saint  Grégoire  de  Tours  ne  fit  pas 
cela  sans  s'y  croire  autorisé  par  des  exemples  an- 
térieurs, et  que  cet  usage  se  conserva  encore 
après  lui,  au  moins  dans  les  cas  où  les  autres 
reliques  faisaient  d'faut. 

Le  bois  de  la  vraie  Croix  fut  rangé,  dès  une 
époque  très-reculée,  parmi  les  reliques  que  l'on 
pouvait  insérer  dans  les  autels.  Saint  Pa\iliu  de 
Noie,  répondant  à  un  évè.juc  ijui  lui  avait 
demandé  des  reliques  à  cet  etlet,  lui  exprimait 
son  regret  de  n'en  poiut  avoir  à  lui  donner, 
mais  lui  annouçiit  qu'il  lui  envoyait  une  par- 
celle d'un  fragment  de  la  croix  de  Notre -Sei- 
gneur, qu'il  tenait  .le  sainte  Mélauie,  laquelle 
l'avait  rapporté  de  Rome.  Les  reliques  des  an- 
tres instruments  de  la  Passion  devaient  être 
admises  au  même  litre.  Une  inscription,  placée 
dans  l'antique  église  de  Sainte-Marie  ou  Notre- 
Dame  de  Vérone,  donnait  le  détail  des  nom- 
breuses reliques  qui  furent  mises  dans  l'autel 
majeur,  consacré  par  le  [ape  Alexandre  111,  en 
1177.  Voici  cette  én\imération  :  '(  Du  sang  de 
Notre-Seigneur  Jésus-C.hrist  ;  de  la  couronne 
d'épines  ;  du  bois  de  la  sainte  croix  ;  de  la  lance 
de  Longin  ;  des  lang-'s  de  Notre-Seigneur  ;  des 
cheveux  des  vêlements  et  du  voile  de  la  bieu- 

3.  Ibid,  cap.  XL. 

4.  Vit  i  l'airum,  cap.  vilt» 
i.  Uisi,  eccles.,  cap,  XIX. 


lieureuse  Vierge  Marie  ;  de  la  table  de  pierre  sur 

laquelle  Jésus-Christ  fit  la  cène  avec  ses  disciples; 
des  trois  mages,  Gaspard,  Ballkisar  et  Melchior  ; 
de  saint  Jean-Baptiste;  des  saints  apôtres  Pierre 
et  Paul,  André,  Jacques,  Thomas,  Barthélemi, 
Simon,  Thadée  et  Barnabe  ;  de  saint  Martin, 
évèque  et  confesseur  ;  de  saint  Martin,  pape  et 
martyr,  o 

Anciennement,  on  ne  se  contentait  pas,  à 
Rome  et  dans  tout  l'Occident,  de  mettre  des 
reliques  des  saints  dans  les  autels  consacrés  au 
jour  de  la  dédicace  des  églises;  on  y  renfermait 
encore  trois  parcelles  de  la  sainte  Eucharistie  et 
trois  grains  d'encens.  Cette  céiéinonie  est  pres- 
crite dans  des  livres  lilurgiques  anciens  et  mo- 
dernes. Dans  un  pontifical  d'Egbert,  archevêque 
d'York,  du  commencement  du  huitième  siècle,  et 
dans  un  autre  pontifical  venu  d'Augb  terre  et 
que  l'on  conservait  autrefois  dans  l'abbaye  de 
Jumiéges,  se  lit  la  rubrique  suivante:  «  Le  pon- 
tife met  ensuite  trois  parcelles  du  corps  du  Sei- 
gneur dans  la  confession  de  l'autel,  puis  trois 
grains  d'encens,  et  on  y  renferme  les  reli.jues.  » 
La  même  prescription  se  trouve  dans  les  pfin- 
tificaux  de  Nolre-Uame  de  lîeims  et  de  Noyon, 
du  neuvième  siècle,  de  Saiui-Lucien  de  Bauvais, 
du  dixième  siècle,  dans  celui  d'ilalinard,  ar- 
chevêque de  Lyon,  de  la  même  époque,  dans 
celui  de  Salisbury,  du  onzième  siècle,  dans  celui 
de  Saint-Remi  de  Reims,  du  douzième  siècle, 
dans  un  autre  de  Noyon,  du  treizième  siècle. 
Ce  rite  fut  l'objet  d'un  canon  spécial  du  concile 
de  Celchyte,  en  Angleterre,  tenu  en  8IG.  En 
voici  la  teneur  ;  «  Lorsque  l'on  construit  une 
église,  la  consécration  en  doit  être  faite  par  le 
propre  évè.pie  du  diocèse.  11  fera  lui-même  la 
bénédiction  et  l'aspersion  de  l'eau  et  achèvera 
la  céiémonie  en  suivant  l'ordre  marqué  dans  le 
livre,  minùlcriel.  Ensuite,  rEucharislie,  consa- 
créi'  p,.r  l'évè  jue  dans  la  même  fonction,  sera 
renfermée  dans  une  capsule  avec  les  reliques^ 
pour  être  conservée  dans  la  même  basilique. 
S'il  ne  peut  pas  y  introduire  d'autres  reliques, 
l'Eucharistie  suffira  très  bien,  parce  que  c'est  le 
corps  et  le  sang  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ.  »  Le  Pontifical  de  Durand  de  Mende, 
tant  dans  l'exemplaire  connu  par  Dom  Martène, 
et  qui  était  à  l'usage  de  l'ivèque  de  Cbàlons- 
sur-Marne,  que  dans  celui  de  la  bibliothèque 
valicaiie,  porte  aussi  cette  rubrique  :  «  A  défaut 
dereliques,  lévêque  y  melle  corps  du  Seigneur.» 
Cet  auteur  n'a  fait  que  rappeler  la  règle  alors 
en  vi.;ueur  et  qu'il  avait  observée  lui  même 
lorsqu  il  a  écrit  dans  son  Rutional  des  divins 
offices,  liv.  1,  ch.  VII,  num.  23.  «  La  consécra- 
tion d'un  autel  fixe  et  aus?i  celle  d'un  autel  de 
voyage  ou  portatif,  ne  se  fait  pas  sans  qu'on  y 
renlerme  des  reliques  drs  sjinls,  ou,  lorsqu'on 
ne  peut  eu  avoir  dans  le  lieu  où  l'on  se  trouve,  le 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1215 


corps  du  Christ.  »  Enfin,  au  quatorzième  siècle 
cet  usage  subsistait  encore,  témoin  le  pontifical 
de  Lyon  que  Dom  Martène  a  signalé  comme 
appartenant  à  cette  époque.  On  y  lisait  :  «  Le 
soir  d'avant  le  jour  de  la  dédicace,  le  pontife 
prépaiera  les  reliques  destinées  à  être  reufcr- 
mccs  dans  l'autel  qu'il  doit  consacrer,  les  met- 
tant dans  un  vase  décent  et  propre  de  verre, 
d'airain  ou  d'une  autre  matière,  avec  trois  grains 
d'encens,  ou,  à  défaut  île  reliques,  il  y  mettra 
le  corps  du  Seigneur.  Il  y  introduira  également 
un  parchemin  écrit  en  forts  caractères  et  indi- 
quant quelles  reli(ines  y  sont  déposées,  en  l'hon- 
neur et  sous  le  vocable  de  quel  saint  l'église  et 
l'autel  sont  dédiés,  le  nom  du  consécrateur, 
l'indulgence  qu'il  accorde  pour  le  jour  anniver- 
saire de  la  d''dicuce,  ainsi  que  l'année,  le  mois 
et  le  jour  de  la  d-dicace,  et  il  scellera  soigneu- 
sement ce  vase.  » 

Catalani,  qui  nous  a  fourni  en  grande  partie 
ces  renseignements,  croit  avoir  trouvé  la  raison 
de  cette  pratique  dans  des  textes  des  saints  pcres 
qu'il  rapporte.  Ainsi,  Optât  de  Milève,  voulant 
donner  une  sorte  de  définition  de  l'autel,  dit  : 
(I  Qu'est-ce  que  l'autel,  sinon  le  trône  du  cor[)S 
«t  du  sang  du  Seigneur'?  (I)  «  Saint  Jean-Chry- 
sostome  nous  montre  en  ([uoi  consiste  sa  sain- 
teté :  «  L'aiiti'l,  dilil,  est  par  sa  nature  une 
pierre,  et  il  devient  saint,  parce  qu'il  reçoit  V; 
corps  du  Christ  (2).  »  On  peut  encore  ajouter 
cette  parole  d'ilésychius  :  «  L'autel  est  un  lieu 
saint;  car  c'est  là  que  lepose  le  cor[)S  du  saint 
des  saints  (3).»  Nous  avouons,  malgré  notre  res- 
pect pour  le  docte  auteur,  que  ces  passages  ne 
uous  paraissent  nullement  devoir  être  inter- 
prétés dans  ce  sens  restreint.  Les  docteurs  cités 
ont  évidemment  en  vue  la  célébration  du  saint 
sacrifice,  qui  rend  l'autel  si  vénérable,  et  en  vue 
duquel  se  fait  la  consécration  prescrite  par 
l'Eglise.  La  sainteté  <le  celte  grande  fonction 
rend  saint  le  principal  instrument  de  l'immola- 
tion de  la  divine  victime;  voilà  tout  ce  qui  res- 
sort pour  nous  de  ces  textes,  et  nous  ne  voyons 
pas  qu'ils  aient  pu  suggérer  1  idée  de  mettre  la 
sainte  Eucbarislie  dans  l'autel  même  sur  lequel 
est  offert  le  sacrilice  eucharisti.iue.  Nous  avons 
indiqué,  eu  commentant,  la  raison  mystique 
et  élevée  pour  laquelle  l'Eglise  a  prescrit  de 
mettre  dans  l'autel,  lors  de  la  consécration,  des 
reliques  de  martyrs,  aiin  que  l'autel  de  la  terre 
ressemble  à  celui  du  ciul,  tel  que  le  vit  saint 
Jean.  Les  âmes  de  ces  témoins  de  l'Agneau 
sont  sous  l'autel  où  l'Agneau  demeure  comme 
immolé  dans  le  ciel;  il  était  convenable  que 
leurs  corps,  ce  qui  nous  reste  d'eux,  iussuut 
placés,  au  moins  eu  partie,  sous  l'autel  d'ici- 

1.  Contra  Panncnianum,  lib.  VI. 

2.  Ilomil.  x.t  in  Eiiisl.  u  ad  Corinlh, 

3.  Lib,   II  m  Leiitticum, 


bas ,  OÙ  l'Agneau  est  tous  les  jours  réellement 
immolé.  Ainsi  se  trouve  symbolisée  leur  union 
avec  Celui  à  qui  ils  ont  <lonné  leur  sang  et 
leur  vie  en  témoignage  de  leur  amour.  On  aura 
voulu,  sans  doute,  compléter  cette  idée  et  ce 
symbole,  enrenfirmant  ensemble,  dans  l'autel, 
le  corps  même  de  l'Agneau  et  quelquesfragmeuts 
des  corps  de  ses  martyrs,  pour  exprimer  d'une 
manière  plus  sensible  leur  union  et  reproduire 
plus  parfaitement  le  type  apocalyptique. 

Remarquons,  d'ailleurs,  que  la  pratique  a 
Tarie  à  cet  égard.  D'après  les  plus  ancii^ns 
pontificaux  que  nous  avons  cités,  la  sainte 
Eucharistie  devait  être  renfermée  dans  les  au- 
tels avec  les  reliques,  telle  était  la  règle  ;  ensuite 
les  fragments  d'hostie  consacrée  n'y  furent  mis 
qu'à  défaut  de  reliques  de  saints,  c'est  ce  qui 
ressort  des  textes  les  plus  récents  ci-dessus 
reproduits.  Celte  coutume  fiait  par  disparaître, 
et  ce  ne  fut  pas  sans  que  l'autorité  ecclésias- 
tique se  prononçât  sur  ce  point.  Henri  de  Suze, 
cardinal  et  évèque  d'OstiCj  qui  est  souvent  cité 
sous  le  nom  d  Ostiensis,  de  celui  de  son  titre, 
dit,  dans  sa.  Somme  dorée,  publiée  versl'an  1253, 
qu'il  cousulta  sur  cette  question  le  pape  Inno- 
cent IV,  par  l'ordre  duquel  il  composa  cet  ou- 
vrage. Le  pontife,  après  avoir  pris  l'avis  de  ses 
théologiens,  répondit  qu'il  n'était  pas  conve- 
nable de  renfeimer  ainsi  le  corps  du  Seigneur 
dans  les  autels.  Les  autres  cauonisles  qui  vin- 
rent ensuite  professèrent  le  même  sentiment 
daui  leurs  commentaires  sur  le  chapitre  i  de  la 
troisième  partie  du  liécret  de  Cralien,  intitulée 
Deconsecraiione.'ïéilvLi  l'avis,  en  particulier, 
du  cardinal  Terrecremata  et  d'Antoine  de  Pa- 
lerme,  communément  appelé  le  Punorrnitain, 
qui  écrivaient,  le  premier  à  la  fin  du  «juator- 
zième  siècle,  et  le  second  dans  le  cours  du 
quinzième  siècle.  Ce  derni'T  motive  sa  décision 
par  ci:lte  raison,  «  que  le  corps  de  Jésus-Christ 
est  la  nourriture  de  l'âme,  (jui  ne  doit  être  con- 
servée que  pour  le  brsoindes  malades  et  pour  la 
réfection  spirituelle  de  ceux  qui  sont  eu  santé.  » 
Il  aurait  pu  ajouter  encore  que  la  sainte  Eucha- 
ristie,créée  par  la  vertu  toute-puissante  de  la  pa- 
role de  Jésus-Christ,  peut  bien  être  consommée 
par  l'usage  qu'en  font  les  fidèles  dans  la  commu- 
nion, puisqui;  c'est  là  la  fin  principale  eldirectedu 
sacrement,  mais  qu'elle  doit  être  soustraite  à  la 
corri:ption  proprement  dite,  qui  en  serait  la 
profanation .  Or,  il  est  certain  que  les  saintes 
espèces  renfermées  dans  la  pierre  de  l'autel  n'y 
pourraient  demeurer  longtemps  sans  être  alté- 
rées et  dénaturées.  C'est  sans  doute  pour  cette 
raison,  autant  que  pour  celle  qu'allègue  le  Pa- 
normitain,  que  cet  usage,  bien  qu'il  ait  persé- 
véré en  beaucoup  de  lieux  jusqu'au  quinzième 
siècle,  finit  par  être  complètement  abandonné. 
Le  respect  dû  à  l'auguste  sacrement  prévalut 


121C 


LA  SEMAINE  DTJ  CLERGÉ 


surlacoiisicléralîon  mystique  qui  avait  fait  éta- 
blir cetto  coutume. 

(A  suivre).  P.-F.   ÉCAILe. 

Professeur  de  théologie. 


HEJÉNEUTIQUE  BIBLIQUE 

Première  partie.  —  De  la  recherche  du  sens. 

La  Bible  est  un  livre  à  lafoisliuniainetcliTJn. 
En  tant  qu'elle  est  un  livre  humain,  ceux  qui 
l'ont  écrite  ont  dû  se  servir,  pour  exprimer 
leurs  pensées,  delà  manière  de  parler  en  usage 
parmi  les  hommes  de  leur  nation  et  de  leur 
temps.  Eu  tant  qu'elle  est  un  livre  divin,  qu'elle 
a  été  écrite  sous  l'inspiration,  elle  a,  dans  nne 
certaine  mesure,  subi  l'influence  et  reçu  la  di- 
rection de  l'Esprit-Saint.  L'interprète  biblique, 
avons-nous  dit,  tiendra  compte  de  ce  double 
caractère;  il  aura  égard,  dans  la  recherche  du 
sens,  et  aux  lois  générales  de  l'heiméneutique, 
et  aux  lois  particulières  propres  à  la  sainte 
Ecriture.  La  première  partie  de  noire  tiailé 
d'herméneutique  se  divise  dcnc  naturellement 
en  deux  grandes  sections,  dont  la  première  aura 
pour  titre  :  J):'  la  recherche  du  sens,  au  moyen 
des  lois  générales  appliquées  à  la  sainte  Ecriture  ; 
et  la  seconde  :  De  ta  recherche  du  sens  au  moyen 
des  lois  (Tinlerp)  étuticn  particulièi'es  à  la  suinte 
Ecriture. 

SECTION  L 

De  la  recherche  du  sens  au  moyen  des  lois 
générales  d'interprétation  appliquées  à  la 
sainte  écriture. 

Tout  lansage  humain,  qu'il  soit  proféré  par 
les  lèvres  ou  conlié  à  l'écriture,  se  compose  de 
deux  éléments,  de  mots,  qui  sont  les  signes  de 
la  pensée,  et  des  pensées  elles-mêmes,  qui  sont 
les  choses  signiliérs  par  les  mots.  Tels  sont  les 
deux  éléments  ipi'il  faul  considérer  pour  com- 
prendre un  discours,  un  livre  quelconque. 

En  ce  qui  ret;arde  le  premier,  tout  le  monde 
sait  que  les  hommes  communiquent  leurs  pen- 
sées et  leurs  sentiments  au  moyen  de  mots  qui, 
en  vertu  de  l'association  des  idées,  éveillent 
dans  l'esprit  des  autres  les  mêmes  pensées  et 
les  mêmes  impressions.  Cet  effet,  se  produisant 
toujours  dans  les  circonstances  ordinaires,  nous 
en  concluons  justement  qu'il  existe  un  lien, 
natarel  ou  arbitraire,  néi'essaire  ou  factice,  il 
n'importe,  entre  les  mots  et  les  idées  qu'ils 
font  naître.  Ce  rapport  entre  les  mots  el  les 
idées,  sur  lequel  repose  le  commerce  intellec- 
tuel des  hommes  entre  eux,  s'appelle  la  mani»'::c 
de  parler,  Yusnge  de  la  lingue,  usus  loqnendi.  Et, 
comme  tout  éci-ivaiu  raisonnable,  par  là  même 


qu'il  veut  être  entendu  de  ses  contemporains, 
doit  attacher  aux  mots  qu'il  emploie  les  signi- 
licMtious  consacrées  par  l'usage  de  sa  nation  et 
de  son  temps,  il  s'ensuit  que  la  connaissance  de 
la  manière  de  parler  des  lecteurs  pour  lesquels 
un  auteur  a  écrit  est  non-seulement  la  pre- 
mière de  toutes  les  coudilions  requises  pour 
comprendre  son  livre,  mais  encore  la  loi  su- 
prême de  l'herméneutique  générale.  L'auteur, 
en  effet,  voulant  être  entendu,  n'a  tenu  ni  pu 
tenir  uu  langage  étranger  à  celui  de  ses  lec- 
teurs; il  n'a  voulu  et  pu  leur  communiquer  que 
des  choses  intelligibles  pour  quiconque  n'ignore 
pas  Yusage  de  la  langue. 

Toutefois  Vusage  de  la  langue  n'est  pas  le  seul 
principe  qui  doit  guider  dans  la  recherche  du 
sens,  et  pour  ainsi  dire  le  seul  arbitre  qui  dé- 
cide tout  en  souverain.  Il  fait  connaître,  il  est 
vrai,  les  idées  exprimées  par  les  mots  et  les 
locutions.  Mais  ces  idées,  nous  l'avons  u:ontré 
ailleurs  (1),  sont  souvent  multiples  et  vagues, 
d'une  compréhension  floUunte  et  mal  définie,  de 
telle  sorte  qne  les  mots  ne  nous  offrent  que  des 
signes  imparfaits  à  beaucoup  d'égards.  L'inter- 
prète devra  donc  considérer  en  outre  les  choses 
signifiées,  c'est-à-dire  les  pensées  que  l'auteur  a 
eu  en  vue  d'exprimer  par  les  mots.  Les  lois  aux- 
quelles sont  soumises  les  opérations  de  l'esprit 
humain  lui  fourniront  lànsi  uu  nouveau  se- 
cours pour  découvrir  le  sens,  une  nouvelle 
lumière  pour  dissiper  l'incertitude  et  fixer  le 
vague  des  expressions.  Comme  son  but  e^t  de 
tirer  de  l'auteur  à  expliquer  les  notions  qi-e 
celui-ci  a  mises  dans  son  livre,  il  se  substi- 
tuera, en  quelque  sorte,  à  sa  place  ;  franchis- 
sant l'espace  et  le  temps,  il  se  fera  son  conci- 
toyen et  son  contemporain  ;  il  se  i  énétrera  de 
ses  idées,  de  ses  aspirations  et  de  ses  tendances  ; 
il  évoquera,  dans  son  propre  esprit,  la  séiie  des 
pensées  que  l'écrivain  avait  con(^ues  dans  le 
sien.  Les  lois  universelles  qui  président  à  la  for- 
mation et  à  l'association  des  idées,  qu'elles  :;ient 
pour  objet  la  nature  môme  des  opérations  de 
l'âme,  on  qu'elles  se  rapportent  aux  circons- 
tances au  sein  desquelles  vit  l'individu,  sont 
donc  la  seconde  comlitiou  de  la  recherche  du 
sens.  C'est  elle  qui  éclarrcira  et  précisera  le 
sens  des  mote  dont  Vusage  de  la  langue  aura  fait 
connaître  la  signification  générale  ;  qui  révé- 
lera, lorsqu'un  terme  est  su-ceptible  de  plu- 
sieurs acceptions,  ceSe  qui  était  présente  à  l'es- 
prit de  l'auteur  ;  qui  assignera  aussi  la  valeur 
exacte  et  la  juste  extendon  qu'il  faut  donner  à 
la  pensée. 

En  résumé,  nous  traiterons,  dans  la  pre- 
mière partie  de  rherméneutique,  de  la  recher- 
che du  sens  de  l'Ecriture  : 

1.  Voy.    Semaine  du  Clergé,  5  fcvr.  1S75,  p.  434  et  suiv^ 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


tMT 


V  Par  manière  Je  parler,  ou  l'usage  de  la 
langue  ; 

2°  Par  les  lois  universelles  de  la  pensée. 

Comme  la  rompuraùon  des  lieux  parallèles 
fournil  un  auxiliaire  des  plus  utiles  dans  la  re- 
cherche du  sens,  un  troisième  chapitre  sur  ce 
sujet  com|)létera,  sous  furine  d'appendice,  cha- 
cun des  deux  premiers  (I). 

Avant  d'aborder  ces  divers  chapitres,  nous 
poserons,  à  l'exeinplc*  de  nos  grands  exégètes 
catholiques,  et  spécialemeut  de  Coru.  de  La- 
pierre,  quelques  canons  généraux  qui  dominent 
toute  la  matière. 

I.  Toute  signifii-alion  qui  répudie  clairemMit 
et  certainement  à  l'usage  de  la  langue  ou  aux 
lois  universelles  de  la  pensée,  no  saurait  cons- 
tituer le  sens  de  l'auteur,  et  doit  être  rejetée 
comme  fausse. 

II.  Toute  siguiîicntinn  qui  s'accorde  avec  l'u- 
sage de  la  langue  et  avec  les  lois  universelles  de 
la  pensée  peut  constituer,  mais  ne  conslitiie 
pas  nécessairement,  le  sens  de  l'auteur.  Car  plu- 
sieurs significations  peuvent  convenir  à  un  seul 
et  même  passage,  et  l'écrivain  n'a  voulu  en 
communiquer     qu'une    seule    à   ses   lecteurs. 

m.  Si  une  siguiticalion  unique  s'accordi;  avec 
l'usage  de  la  langue  et  avec  les  lois  univL-rsclli'S 
delà  pensée,  elle  constitue,  sans  aucun  doiil'-,  le 
sens  de  l'auteur.  Si  cet  accord  exclusif  n'es!  ptjs 
clairement  constaté,  l'interprètre  devra  se  con- 
tenter d'une  probabilité  plus  ou  moins  grande  (2). 

I. 

DE  LA  HECnEncnE  DU  SENS  PAR  L'USAGB 
DE   L4.  UNGUE. 

Après  avoir  donné  quelques  notions  sur  l'u" 
sage  de  la  langue  considéré  en  lui-même  et  sur 
les  moyens  de  lo  constater,  nous  ferons  l'appli- 

1.  Oacltuies  auteurs  divisent  un  peu  autrement  la  pre- 
mière seciion  de  rherméneuti(|ue  consacrée  à  ia  recherche 
du  sens  au  moyen  des  lois  universelles  d'interprétation  : 
ils  ramènent  tout  à  Vinttrprétalitmyrammaiicale  et  à  J'in^er- 
f  relation  historique,  comprenant,  dans  la  première,  rusa;;e 
de  la  langue  elle  contexte;  dans  la  seconde,  les  diverses 
circonstances  de  temps,  de  lieu  et  de  personnes  qui  inté" 
ressent  l'explication  du  livre.  Mais,  comme  Vliistoire  doit 
apporter  aussi  son  témoignante  pour  affirmer  l'nsagede  la 
langue,  et  la  deuxième  partie  rentrant  ainsi  dans  la  pre- 
mière, cette  division  nous  paraît  lécher  contre  la  logiiue, 

2,  C'est  ce  nue  nous  trouvons  équivalemment  uana 
l'Encyclopédie  d  ErsrJt  et  Gruber,  ij  l'art,  fjerméneulijue 
générale  :  i  Les  principes  de  l'iierménentique  n'ont  une 
valeur  absolue  qu'au  point  de  vue  négatif,  en  ce  sons 
qu'elle  repousse  tonte  interprétation  contraire  ii  l'nsage 
de  la  langue  ou  ii  l'histuire.  Cette  valeur  n'est  plus  la 
même  au  point  de  vue  positif,  parce  que,  dans  un  cas 
particulier,  des  explications  ditférentes  peuvent  être 
grammaticalement  et  historiquement  admissibles,  san» 
que  le  choix  à  faire  entre  elles  puisse  être,  soit  a  prinri, 
soit  a  posteriori,  soumis  il  aucune  règle  certaine  :  il  doit 
être  laisse  à  un  certain  tact  exégetique.  L'interpréta 
devra  donc,  au  lieu  de  prétendre  ce  qui  est  objectivement 
vrai,  se  contenter  de  ce  qui  est  subjectivement  et  relati- 
vement le  vlus  <uste.  « 


calion  de  ces  notions  générales  aux  langues  bir 
Cliques. 

Aet.  I.  —  De  l'usage  de  la  langue  en  général. 

L'nsage  de  la  langue,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  n'en  pas  autre  chose  que  le  lieu 
ou  rapport  qui  existe  entre  les  mots  et  les  idées, 
lien  si  ferme  et  si  constant,  que  les  mêmes  mots 
éveillent  toujours,  dans  certaines  circonstances 
données,  les  mêmes  pensées  ou  les  mêmes  sen- 
timents. Quelle  est  la  nature  de  ce  lien  ?  Existe- 
t-il  un  rapport  nécessaire  enlre  le  mot  et  son 
idée?  Ou  bien  ce  rapport  est-il  purement  arbi- 
traire et  artificiel,  n'ayant  sa  raison  d'être  que 
dans  une  convention  primitiveentre  les  hommes? 
L'extrême  diverr-ité  des  langues  prouve  mani- 
festement que  cette  dernière  hypothèse  est  la 
seide  vraie.  Non,  il  n'existe  pas,  du  moins  au- 
jourd'hui, de  rapport  intime,  fondé  sur  la  nature, 
entre  le  mol  et  son  objet  ou  sa  re|irésentation 
subjective  dans  la  pensée.  Les  mots  sont  des 
signes  des  noiious  qu'ils  expriment  tout  aussi 
arbitraires  que  le  sont  les  signes  extérieurs, 
très-variés  chez  les  diffiîrents  peuples,  par  les- 
quels les  hommes  se  témoignent  mtUuellement 
leur  respect  ou  leur  bicoveillance.  Tout  ce  qu» 
nous  pourrions  accorder,  c'est  qu'on  trouve  dans 
phisieiu's  langues  un  C'  rtain  nombre  d'interjec- 
tion [ô  en  hébr.,  oî,  o/i/  ahl  etc.)  et  d'oiio- 
malopées  (rahham,  en  hébr.,  ppo^i,  tonitru, 
tonnerre;  ij-iOupisfib;,  susurrus,  murmure,  etc.), 
qui  dénoteraient  une  propension  naturelle  de 
l'homme  à  exprimer  de  cette  manière  telle  idée, 
telle  impression  de  l'àme.  Mais  ces  mots  sont  en 
fort  petit  nombre,  et  leur  expression  offre  en- 
core des  variations  telles ,  qu'elles  exclu^int 
toute  relation  nécessaire  entre  la  forme  et 
l'idée. 

Mais  le  rapport  entre  les  mots  et  les  notions 
qu'ils  représentent  une  fois  établi  à  l'origine,  il 
est  devenu  par  l'usage  une  loi  pour  les  hommes, 
et  leur  impose  la  nécessité  morale  d'y  conformer 
leur  langage,  sous  peiue  de  rendre  impossible 
l'échange  mutuel  de  letu's pensées,  ei d'amener, 
dans  leurs  relations,  une  confusion  semblable  à 
celle  de  la  tour  de  Babel.  Nous  exprimerons 
cette  vérité  eu  deux  mois,  en  disant  :  L'usnge  de 
la  langue  im/jHgue  une  nccessilé,  non  absolue, 
mais  /lypot/wtique.  C'est  la  doctrine  qu'Aristote 
formulait  ainsi  :  «  Les  mots  n'appartienuent  pas 
à  la  nature;  ils  sont  de  convention.  » 

Toutefois  la  constance  du  lien,  qui  fait  d'nn 
mot  le  représentantotticiel  et  comme  l'écho  d'une 
idée  déterminée,  n'empccha  pas  que  les  langues 
ne  subissent  des  changements  d'acception^  plus 
ou  moins  considérables,  surtout  lorsqu'elles  sont 
encore  grossières  et  incultes  ;  celles  mêmes  cpie 
le  travail  des  grammairiens  et  le  g'Uie  des  écri- 
vains ont  déjà  polies  ne  s'en  défendent  pas  tout 


1218 


LA  SEALVINE  DU  CLERGÉ 


à  fait.  On  peut  i-apporter  ces  variations  à  plu- 
sieurs causes  : 

1"  Au  temps,  dont  le  cours  emporte  certains 
mots,  en  vieillit  quelques-uns,  en  rajeunit,  en 
eiiiante  d'autres,  et  ajoute  à  un  '■ertain  nombre 
des  sisçnificalions  nouvelles.  Ainsi  le  nom  hé- 
breu î,  au  plur.  fan,  désignait,  au  temps  de 
Moïse,  une  contrée  confinant  à  la  mer,  spéciale- 
ment à  la  iMéditerrauée  {Gen.  x,  5)  (1)  ;  il  dési- 
gna dans  la  suiie  une  contrée  éloignée  en  géné- 
ral {Ps.  Lxxi,  10;  xcxvi,  1),  et  dans  les  derniers 
temps  delà  république  juive,  une  ileproprement 
dite  {Esih.  x,  1).  Ainsi  encore  les  lévites,  exclu- 
sivement consaciés  au  service  du  Seigricur,  sont 
appelés  au  livre  des  Nombres  (c.  viii  14-16)  do- 
nali,  en  bébr.  nelhounim,  litt.  dédiés).  Après 
l'exil,  la  même  appellation,  sous  une  forme  uu 
peu  différente,  nethinim  (vulgr.  Aathanœi)  dé- 
signera des  prisonniers  de  guerre  réduits  en 
esclavase  et  dévoués  au  service  du  peuple 
(I  Esdr.  11,43  suiv.viii,  17  suiv.).  Tout  lemonde 
se  rappelle  les  beaux  vers  dau-  lesquels  Horace 
constatait  une  mobilité  semblable  dans  la  langue 
latine  : 

Multa  renasceniur,  quae  jam  ceci  1ère,  caiientque 
Qtiae  nunc  sunt  in  lionore  tociibula,  fi  volet    usus, 
Quem  pênes  arbarium  e=t,  jus  et  norma  loquendi  (2). 

2°  A  la  distance  qui  sépare  les  habitants 
d'une  même  contrée.  Tous  parlent  la  même 
langue;  mais  crtte  langue  présente,  selon  les 
provinces,  des  dissonances  plus  ou  moins  mar- 
quées, de  véritables  dialectes  ditP'ant  entre 
eux,  non-seulement  par  des  légers  change- 
ments dans  l'orthographe  ou  les  tlesious,  m  us 
par  les  mots  eux-mèmes_,  par  leurs  signiti- 
catious  et  leur  arrangement  dans  la  phrase. 
Le  substantif  vojj.ôç,  par  exemple,  sinonyme  de 
voiiTj,  qui  désigne  partout  un  pâturage  {pas- 
cuum),  exprime,  en  Egypte,  un  district  régulier, 
un  nome ,  ayant  à  sa  tète  un  gouverneur. 
On  connaît  les  quatre  dialectes  de  la  langue 
grecque. 

3°  A  la  religion  et  à  l'éducation.  Chaque  reli- 
gion a  des  notions  qui  lui  sont  propres,  et,  par 
conséquent,  des  mots  qu'on  ne  retrouve  pas 
ailleurs,  ilu  moins  avec  la  même  signification. 
En  outre,  certains  termes  prennent,  dans  le 
langage  religieux,  une  acception  différente 
de  celli'  qui  est  usitée  pour  exprimer  les  choses 
de  la  vie  commune.  Le  substantif  hébreu  triin- 
cAa/i,  désigue,  en  général,  uu  présent,  un  don  ; 

1.  Vulg.  :  Ab  hh  divisœ  sunt  insulte  rjentium  in  reg'onibux 
»ow,  M.  Glaire  traduit  :  C'est  par  eux  (les  enfants  de  Japliet) 
que  furent  d'tise'es  Us  îles  des  uutions  dans  leurs  pay$. 
Cette  traducticn  littérale  ne  laisse  guère  apercevoir  le 
sens,  qui  est  celui-ci  :  C'est  deux  que  descendent,  iormant 
des  nations  distinctes,  les  peuples  riverains  de  la  Médi- 
terranée (de  l'Asie-Mincure  jusqu'à  l'Espagn.),  chacun  en 
Bon  pava. 

2.    Pour    notre    langue,    vov.    Aug.  Brachet,  Granii/ir'r* 
■bislorique  de  la  langue  française,  p.  Gâ  suiv. 


s'il  est  question  du  culte  rendu  à  Dieu,  il 
signifie  un  gâteau  sacré  offert  en  sacrifîw. 
Le  verbe  Iftasah  veut  dire  facere,  faire,  dans 
la  vie  commune;  dans  le  langage  religieux,  il 
marque  l'action  par  excellence ,  le  sacrifice 
d'une  victime.  Il  en  est  de  même  en  grec  et  en 
latin  :  pé^siv  et  Scîv  s'emploient  souvent  à  la 
place  de  Ojav^  et  fhccré  à  la  place  de  sncrificare, 
témoin  ce  vers  de  Virgile  {Eclog.  III,  77)  : 
Cum  faciara  vitula  pro  frugibus 

c'est-à-dire,  lorsque  j'immolerai  une  génisse  pour 
les  fruits  de  la  terre. 

Rappelons  encoreles  motsTv55iç,uiY(ij:r),3:(JoToiijt{ 
incamatio,  communia,  justificatio,  prœdestinatio, 
et  cent  autres  créés  par  le  christianisme  ou  par 
les  sectes  sorties  de  son  sein. 

4°  Au  gouviTuement  civil  ou  ecclésiastique, 
dont  les  formes  spéciales  font  naître  pour  les 
mots  des  significations  nouvelles.  Ainsi  les 
verbes  znnah  et  naaph,  hioi-/ejeiv,  forniccri,  adul- 
te rari ,  doivent  s'entendre  souvent,  chez  les 
Juifs,  eu  égard  à  la  forme  théocratique  de  leur 
gouvernement,  non  de  la  f(}ruication  ou  de 
l'adultère  proprement  dits,  mais  de  l'idolâtrie 
ou  de  l'infidclilé  à  Jéhovah.  Le  mot  zaqèn,  senex, 
avait  souvent  pour  les  Hébreux  le  sens  de  supé- 
rieur, en  souvenir  du  temps  des  patriarches,  où 
chaque  famille  avait  pour  chef  le  plus  ancien. 
Chez  les  romains,  tyrannus  était,  à  l'origine, 
synonyme  de  monarque  en  général;  à  partir  de 
Tarqiiin,  ce  nom  désigna  un  roi  despote  et 
cruel. 
S"  A  la  vie  commune,  dont  plusieurs  termes 

ou  locutions  passent  quelquefois  dans  la  lan- 
gue littéraire.  Telles   sont  les  expressions  keleb, 

c'est-à-dire  canis ,  chien ,  pour  désigner  un 
homme  abject  (H  lieg.  m,  8)  ;  canis  mortuus, 
pour  désigner  un  homme,  à  la  fois  abject  et 
impuissant. 

6°  Enfin,  au  génie  même  de  l'écrivain,  qui 
s'affranchit  parfois  de  la  manière  de  parler  en 
usa'-re  parmi  ses  concitoyens.  Voilà  pourquoi  des 
écrivains  qui  viveul  à  la  même  époque  et  chez 
le  même  peuple ,  non  seulement  ont  chacun 
leurs  expressions  préférées,  mais  encore  modi- 
fient par  des  nuances  l'acception  de  certains 
mots.  Quelle  différence,  par  exemple,  entre 
1  élocution  d'Isaïe  et  celle  de  Jérémie,  entre  la 
manière  de  saint  .lean  et  celle  de  saint  Paul! 
Ceux  qui  ont  lu  Thucydide  et  Tcrtullien  savent 
qu'une  connaissance  b-ès-exacte  des  langues 
grecque  et  latine  suffit  à  peine  pour  com- 
prendre ces  deux  auteurs,  tant  ils  s'abaii- 
douneut  à  leur  génie  particulier  et  tiennent  peu 
de  compte  de  la  manière  ordinaire  de  s'expri- 
mer. 

[A  suivre).  A.  Crampo.x, 

cbaQoine. 


LA  SEMAINE  DU  CLEllGE 


121» 


Théologie    dogmatique 

LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAINT-SIÈGE 

{Suite). 

«  Qui  peut  douter,  dit  Bossuet  (I).  que  saint 
Pierre  n'ait  reçu  par  celte  prière  du  Clirist  que  le 
Père  céleste  écoute  toujours  (2),  une  foiconstante, 
invincible,  ini'l)ranUihle,  et  si  aljoudante  d'ailleurs 
qu'elle  fût  capable  d'affermir  non-seulement  le 
commun  des  fidèles,  mais  encore  ses  frères  les 
apôtres,  et  Us  paslcurs  du  troupeau  en  empê- 
chant Satan  de  lescribler.  Et  cette  imrole revient 
manifestement  à  celle  où  il  avait  dit  :  Tu  es 
Pierre,  je  t'ai  changé  ton  nom  de  Simon  en  celui 
de  Pierre,  en  signe  de  la  fermeté  que  jeté  veux 
communitiuer,  non-seulement  pour  toi,  mais 
encore  pour  toute  mon  Eglise,  car  je  lu  veux 
bâtir  sur  cette  pierre.  Je  veux  mettre  en  toi  d'une 
manière  émiiieute  et  particulière  la  prédication 
de  la  foi,  (lui  en  sera  le  fondement,  et  les  portes 
d'enfer  no  prévaudront  point  contre  elle,  c'est- 
à-dire  qu'elle  sera  affermie  contre  tous  les  efforts 
de  Satan,  jusiiu'à  êlre  iuidiranlable.  Et  cela, 
qu'est-ce  autre  chose  que  ce  que  Jésus-Christ 
répète  ici  :  Satan  n  demandé  de  vous  cribler; 
mais,  Pierre,  j'ai  prié  /jour  loi,  ta  foi  ne  dé  faudra 
pas;  et  loi  confirme  les  fières.  J'ai  prié  pour  toi 
en  particulier,  pour  toi  avec  distinction  :  non 
qu'il  ait  négligé  les  autres  ;  mais,  comme  l'expli- 
quent les  saints  f'ères,  parce  qu'eu  affermissant 
le  chef,  il  voulaii  empêcher  par  là  que  les  mem- 
bres ne  vacillassent.  C'est  pourquoi  il  dit  :  J'ai 
prié  pour  toi,  et  non  pas,  j'ai  prié  pour  vous. 
11  y  devait  toujours  avoir  un  Pierre  dans  l'Eglise, 
pour  conlirmer  ses  frères  dans  la  foi  :  c'était  le 
moyen  le  [dus  propre  pour  établir  l'unité  de  sen- 
timents que  le  Sauveur  désirait  plus  que  toutes 
choses;  et  cette  autorité  était  d'autant  plus  né- 
cessaire aux  successeurs  des  apôties,  que  leur 
foi  était  moins  affermie  que  celle  de  leurs  au- 
teurs (3).  »  «Puisque  lu  es  le  prince  desapôtres, 
dit  Theophylacle  (4)  commentant  les  paroles  du 
Seigneur,  coutirme  les  autres,  ce  rôle  te  cou- 
vieut,  car  tu  es  après  moi  la  pierre  fondamen- 
tale de  l'Eglise.  »  «  Sois  la  force  et  la  lumière 
de  ceux  qui  viennent  à  moi  par  la  foi,  »  com- 
mentaire de  saint  Cyrille  d'Alexandrie  (5).  Saint 
Bernard  (G)  écrit  au  pape  Innocent  il  :  «  C'est 
au  tribunal  de  votre  apostolat  qu'il  faut  traduire 
tous  les  périls  et  tous  les  scandales  qui  s'élèvent 
dans  le  royaume  de  Dieu,  surtout  quaudils  arri- 

1.  Médilat.  sur  l'Evangile.  70*  jour. 

2.  Joau  ,  II,  42. 
9    Médit.   72. 

4.  In  hune  locum. 

6.  Ap.  UigD.  I,  72,  p.  913. 

•.  £f.  190. 


vent  an  sujet  de  la  foi.  En  effet,  les  ilommages 
de  la  foi  ne  ijeuveut  être  mieux  réparés  qu'au 
lieti  où  la  fii  ne  peut  .«oulfrir  d'altération.  Or 
telle  est  la  prérogative  de  ce  siège  ;  car  à  quel 
autre  a-t-il  été  jamais  dit  :  Pierre,  fat  prié  pour 
toi  afin  que  la  foi  ne  défaillît  Jamais"}  C'est  donc 
du  successeur  de  saint  Pierre  que  l'on  exige  ce 
qui  suit  :  Et  lorsque  lu  sej'as  converti,  aie  soin 
d'iifferndr  les  frères.  » 

Seul  un  docteur  infaillible  peut  affermir  dans 
la  foi,  et  c'est  à  un  maître  infaillible  que  les 
frères  devront  avoir  recours,  pour  trouver  la 
force  qui  affermit. 

Sur  le  fondement  de  la  Sainte  Ecriture  s'élève  le 
témoignage  des  saints  Pères.  Toutes  les  subtilités 
d'interprétation  que  l'on  a  pu  et  que  l'on  pourra 
encore  inventer  pendant  des  siècles  n'empêche- 
ront pas  que  saint  Iréaée  (1),  dans  le  passage 
que  nous  avons  cité  plus  haut,  n'indique  l'ac- 
cord avec  l'Eglise  fondée  à  Rome  par  sairet  Pierre 
et  saint  Paul,  comme  le  critérium  de  la  foi  catho- 
lique. «  Pierre,  selon  un  commentaire  d'OrL- 
gène  (2),  est  le  fondement  de  l'E'-'lisc  et  le  roc 
inébranlable  sur  lequel  Jésus-Christ  a  bâti  sou 
Eglise.  »  «  Jésus-Christ,  dit  saint  Cyprien  (3),  a 
bâti  son  Eglise  sur  Pierre  ;  de  là  procède  l'unité 
du  sacerdoce  (4),  l'Eglise  romaine  est  donc  la 
racine  et  le  sein  maternel  de  l'I'^glise  l'a)  catho- 
lique, et  l'erreur  ne  peut  trouver  d'accès  eu 
elle  (6].  Etre  d'accord  avec  le  Siège  apostolique, 
c'est  (loue  la  même  chose  que  d'être  d'accord 
avec  toute  l'Eglise  catlioli<pie  {1\  cw  de  même 
qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  et  un  Christ,  ainsi  n'y 
a-t-il  qu'une  Eglise  et  une  chaire  doctrinale 
bâtie  par  la  parole  du  Seigneur  sur  Pierre  (8). 
Réciproquement  êlre  séparé  de  Rome,  c'est,  au 
jugement  des  Pères,  la  même  chose  que  de 
u'ôtre  [ilus  dans  la  pureté  de  la  doctrine  catho- 
lique et  apostoliiiue  (D). 

1.  AJvcra.  Hojres.  su,  2. 

2.  Hom.  V.   in  Exoil.,  p.  145. 

3.  Ep.  73,  7'J.  Cl.  Ep.  7û  ;  ilna  eit  Eccksia  a  Chrialo  Do- 
mino super  Peirum  origin»  et  ratione  fundala. 

4.  Ep.  55, 

5.  Ep.  45. 

6.  Ep.  59. 

7.  Ep.  52. 

8.  Ep.  43. 

9.  Ne  sedes  quoqut  apoalolica  par  eum  poltuerelur  conlaglU 
perfiiorum,  dignum  que  ejsel...  ca(/iolica  alque  aposlolica  intt' 
griiale  alque  communions  secltidi.  Gelas.  Eji.  28  (édit.  Tiiiet, 

>.  326)  Si  saint  Cyprien  résista  au  pape  saiot  Etienne  sur 
.a  question  du  baptême  des  Lérétiiiues,  il  je  faut  pas  ea 
conclure  qu'il  niât  l'autorité  dans  la  cliaire  apostolique, 
qu'il  défend  et  il  laquelle  il  en  appelle  si  souvenl.  Cette 
question  était  à  ses  yeux  une  question  de  discipline  ;  il 
dit,  Epitre  73,  qu'il  ne  veut  pas  empêcher  :  Quommu* 
unusquisque,  quod  pu<o(,  ientiat  et  quod  senliat,  (acial.  Il  pou- 
vait s'appuyer  de  la  pratique  des  églises  d'As'e  et  U  A- 
frique,  comme  des  déclarations  des  synode!  d  Afrique,  a« 
Synnade  et  diconiura.  Le  pape  saint  Etienne  prenait  pour 
règle  la  pratique  romaine,  mais  il  n'avait  pas  encora 
reSdu  un  jugement  définitif  avec  menace  d  excommuni- 
cation. Saint  Cyprien  resta  en  communion  avec  bixle  u. 
L»  coDtrovent  avait  doue  été  réglée. 


l 


ie20 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


a  L  i  rlinire  c[vî?eopn1p.  rnmnine  a  clé  donnée  à 
Pierre,  (lit  saint  Optât  dû  Milève  (I),  afin  qu'une 
chaire  unique  servît  de  contre  à  l'unité  de  tous, 
afin  que  les  autres  apôtres  ne  dressassent  point 
ciiacun  sa  rhaire  particulière,  de  sorte  que 
celui-là  fût  ilevenu  scliismalique  et  pécheur,  qui 
aurait  érigé  une  autre  chaire  contre  cette  chaire 
unique.  »  Cette  chaire  unique  est  le  premier  des 
biens  que  possède  l'E^^liso  (2).  Dan;  le  pape 
Siricequi  l'occupe  présentement,  toute  la  terre 
trouve  le  lien  d'une  communion  universelle  (3).» 
Cette  chaire  romaine  est  «  unique  en  son 
genre  (i).  »  Que  siirnific  celte  parole,  sinon  que 
Celui  qui  est  assis  sur  celte  chaire  unique,  celui 
par  la  communion  de  qui  la  communion  catho- 
lique est  tiardée,  possède  dans  l'Eglise  une  auto- 
rit(!  doctrinale  unique  en  son  genre  et  par  con- 
séquent infaiHil)le,  à  laquelle  tous  se  soumettent, 
parce  que  c'est  seulement  ainsi  que  toute  l'Eglise 
trouve  l'unilé  de  sa  foi? 

A'nsi,  d'après  saint  Cyprien  et  saint  Optât,  il 
existe  une  chaire  unique,  la  chaire  de  Pierre, 
d'où  descend  l'enseignement  qui  s'adresse  à  tous 
les  liommes,  comme  dans  chaque  église  par- 
ticulière, il  n'y  a  qu'un  seul  évèque,  un  seul 
docteur  autorisé.  Sur  la  chaire  unique  et  par 
elle,  l'unité  de  toute  l'Eiilise  est  fondée  et  ga- 
rantie ,  de  mémo  que  dans  chaque  église  par- 
ticulière,  l'unité  de  foi  est  sauvegardée  prir 
l'autorité  doctrinale  de  l'évèque  (5).  Là  siège  la 
plus  haute  autorité  doctrinale  qui  soit  au  monde, 
là  se  trouve  le  faite  de  l'autorité,  dit  saint  Au- 
gustin (0).  Quiconque  s'en  sépare ,  se  sé[>are 
aussi  de  la  religion  chrétienne  (7).  De  là  dépen- 
dent l'unité  et  la  pureté  dans  la  foi.  En  nous 
appuyant  sur  cette  ferme  autorité,  nous  mon- 
tons jusqu'à  Dieu  (8).  Car  tel  est  son  crédit 
qu'elle  a  servi  de  caution  aux  Evangiles  eux- 
mêmes  (!»), 

Parlant  de  l'ancienne  Rome  par  opposition  a 
la  nouvelle  (Conslantinople),  saint  Grégoire  de 
Nazianzc(10)s'exprime  ainsi  :  «  La  foi  delà  vieille 
Rome  fut  de  tous  temps  la  vraie,  et  vraie  elle 
demeure,  encore  aujourd'hui ,  reliant  par  un 
nœud  sacré,  tout.s  les  régions  qu'éclaire  le 
soleil  couchant  (H),(;omme  il  sied  à  la  Reine  de 
l'univers.  .> 

1.  C.  Parmen.,  II,  2. 

2.  II.  2. 
S.  II.  3. 

4    Cathedra  singurarli.  Oap.  ir.  2.   Cathedra  unira,  n.  S. 

5.  Cf.  Jgnao.  plus  haat,  p.  IG. 

6.  Culmen  auctd'itatis.  Aitguat.  De  utilit.  cred.  D.  17. 
Culmen  aposlolicum.  Bon.  i.  Ep.  15  (.\p.  Roast.  1042). 
Ârx  mcerdotii.  Booif.  J.  Ep.  iv.  (Op.  Couet.  1019). 

7.  Fil  chrislianœ  religienis  exiorris.  Id.  Ep.  14.  fAp. 
Coust.  1037).  '^  *^ 

8.  August.  1.  c. 

9.  Id.  C.  Epist.  fandam.  c.  5. 

10.  De  vit.  sua.  vers  571. 

1!.  Par  opposition  à  l'Orieat  (jue  l'arianisins  couvre  d© 
Ml  ombrea  épaisses. 


Pour  le  même  Pi'Tr,  Fi^^rre  est  le  rocher  in- 
destructible sur  lequel  l'Eglise  est  édifiée  (1). 
Selon  saint  Ambroise,  celui  qui  est  d'accord  avec 
l'évèque  de  Rome  est  d'accord  avec  tous  les 
évêques  catholiques  (^).  Son  principe,  sur  [cette 
matière,  est  celui  ci  :  «  Où  est  Pierre  là  est  l'E- 
glise (3);  »  car  il  a  été  dit  à  Pierre  ;  sur  toi  je 
bâtirai  mon  Eglise.  L'union  avec  Pierre  est  donc 
le  critérium  de  la  communion  catholiipie.  Saint 
Ambroise  écrit  au  nom  du  concile  d'Aquilée  aui 
Césars,  de  ne  pas  souffrir  que  la  foi  de  l'Eglise 
romaine  soit  troublée,  car  de  là  découlent  tous 
les  droits  de  la  vénérable  communion  (4),  ce  qui 
veut  dire  que,  qui  n'est  pas  en  communion  avec 
cotte  E'jrlise,  n'est  pas  non  plus  en  communion 
avec  l'Eglise  catholique. 

Nous  avons  déjà  entendu  le  jugement  de  saint 
Jérôme  sur  la  puissance  du  Siège  apostolique.  La 
loi  du  pape  Innocent  est  pour  lui  la  rAgle  de  la 
vraie  foi  (5).  A  l'occasion  d'une  querelU'  dogma- 
tique, il  consulte  la  chaire  de  Pierre  et  déclare 
au  pape  Damase  (6)  :  a  Comme  je  ne  veux  suivre 
]ici-sonne  qne  Jésus-Christ,  je  m'attache  à  Votre 
Sainteté,  c'est-à-dire  à  la  communion  avec  la 
chaire  de  Pierre  :  je  sais  que  c'est  le  roc  sur 
lequel  l'Eghsc  est  bâtie  ;  quiconque  mange 
l'agnean  hors  de  celte  maison,  est  impie.  Tout 
ce  qui  n'est  pas  dans  l'arclie  de  No  '■,  périra.  Je 
ne  connais  pasVitalis,  je  repousse  Mé!èce,jene 
sais  rien  de  Paulin.  Celui  qui  n'am;)sse  point  avec 
toi,  dissipe;  c'est-à-dire  celui  qui  n'ap[)artientpas 
à  Jésus-Christ,  appartient  à  l'antechrist...  Celai 
(|ui  adhère  à  la  chaire  de  Pierre  est  mon 
homme...  Je  conjure  Votre  Sainteté  de  me  faire 
savoir  avec  qui  en  Syrie  je  dois  entrer  en  com- 
munion. »  D'après  Saint  Jérôme  la  chaire  de 
saint  Pierre  doit  confirmer  l'enseignement  de 
la  chaire  de  l'Evangéliste  saint  Marc  (7). 

Nous  avons  déjà  en  partie  rapporté  le  témoi- 
gnage de  saint  Augustin.  Il  invite  les  donalistes 
a  revenir  s'incorporer  à  la  vraie  vigne  ;  ce  qui  se 
fait  en  rentrant  en  communion  avec  le  siège  de 
Home,  parce  que  l'Eglise  est  bâtie  sur  ce  rocher, 
contre  lequel  ne  prévaudront  point  les  portes 
orgueilleuses  de  l'enfer,  et  parce  que  la  plénitude 
de  la  foi  catholique  se  trouve  chez  les  successeurs 

1.  IIsTpr.ç  i^^srjioi,  tevItt);  xX»j?8x  Xïjçovto;.  In  lauâià. 
Virg'n.  11.  p.  2i4.  éd.  CaiUau. 

2.  De  obit.  [talr.  Salyr.  i.  47  :  Pet contatusque  eco  »o 
(e/'ti'copo)  esi,  utrumnam  cul»  ifiscopis  cathoUcis,  hoc  etl 
t-um  Romana  Eccicna  conienires.  De  partit,  I.  7,  33.  : 
No»  httbent  Pétri  heredilatem,  qui  Pétri  sedem  non  habent. 
11  nomme  aussi  Pierre  le  vicaire  du  Chritl.  la  Luc.  X.  175. 

3.  In  Ps.  .XL.  30.  Ubi  Peirus,  Eccksia  ;  il  continue  : 
ibi  nulta  mors,  sed  vita  œlerna  ;  et  ideo  aildidit  :  Et  portm 
inferi  non  iiravalebuiit  ei,  U  :  Tibi  iabo  claBd  regni 
caiorum. 

4.  Ep.  XI.  3. 

5.  Ep.  cxxx.  16. 

6.  Ep.  XV.  Cf.  Apolog.  adv,  RnSa.  i.  4. 

7.  ho,  04.  ad  Pammach, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1221 


de  Pi.^rre  (i)---  »1  "'^  ^'■'•'^  qu'une  seule  foi  dit  le 
poiMc  Pruùeucc,  celle  que  garde  la  chaire  de 
Pierre  (2). 

llna  fidf^s  vicjpa',  prisro  qtia>  coniîita  tfimplo  e4: 
()ua:ii  P  iidus  r  tinet,  quaruque  cathedra  Patri. 

(/est  dans  cette  chaire  d'unité,  dit  siint  Autans 
tin  {?')  queDieu  a  mis  la  docU  ine  de  vcriti».»  n  Dans 
ce  siège  si  ancien  et  si  solidement  établi  réside 
la  foi  catholique  claire  et  certaine  (-4).  »  C'est 
pourquoi  saint  Augustin,  avec  les  évèques  réunis 
à  Carthaa:o,  im;ilorc d'Innocent  I"  une  décision 
contre  l'hérésie  des  [lébîgicns  ;  l'accord  avec 
Rome  est  pour  lui  la  marque  certaine  de  l'accord 
avec  l'Eglise  catholique  (5).  Célcstin  et  Pelage 
avaient  eux-mêmes  déclaré  vouloir  se  soumettre 
au  jugcm'ut  du  Pape  (0).  La  condiimnation 
portée,  l'évèque  d'dipvoue  s'écrie  :  [tome  a  ré- 
pondu, la  cause  '!st  finie;  plaise  à  Dieu  que  l'er- 
reur le  soit  également  (7). 

Un  homme  qui  fut  en  son  temps  la  lumière 
des  catholiques  d'Orient,  le  graml  patriarche 
d'Alexandrie,  saint  Cyrille  s'adressa  au  pape 
Cf^lcstin  en  le  priant  de  lui  faire  savoir  s'il  pou- 
vait continuer  la  communion  ecclésiastique  avec 
Naslorius  ,  patriarche  de  Cons'anlinoiile,  ou  de 
déclarer  hautement  que  personne  ne  pouvait 
conserver  de  relations  avec  un  homme  ensei- 
gnant ce  qu'enseignait  Nestoiius.  »  Quant  à  lui 
il  se  conformera  au  jugement  du  Papn,  «  pour 
ne  pas  être  exclu  tle  la  communion  de  tout 
l'occident.  » 

D'  11ETTI.NGER. 

(A  suivre.} 

1.  Psatm.  0.  Donat.  :  Kumerale  snceriotii  vel  ab  ipsa 
Pelri  jfi/e.  El  in  ordiiie  itio  iiarum,  quis  cui  siiectssil, 
WiUte.  Ii'Sa  eu  petra,  quam  iion  viucunt  superbre  inferorum 
fortœ,  lalit  si  quis  ad  le  veitial,  filfnus  cathotica  fiUe,  quales 
iUos  sanclos  viras  omncs  solemus  audira,  etc. 

2.  Peristeph.  Xlil.   31. 

3.  August.  Kp.  CV.  16. 

4.  ta.  Ei>.  190.  23. 

5.  Non  credideris  veram  fid'm  tenere  cathoUeam,  qurr  fidem 
non  doces  esao  servandam  Itomanam.  Serm.  De  aectdeiit.  ad 
gral.  Ap.  Mai,  N.  Dibl.  n\  I.  p.  27J. 

6.  Allouât.  De  peccal.  oriQ.  u.  7.  Contr.  dttas  np,  Pelag. 
ad  Bonif.  u.  6. 

7.  Serin.  131.  n.  10.  JȈe  rescripla  renervnt,  cauia 
pnita  est;  utiuam  aliquaudn  finialur  errnr  !  Cf.  ad  Bonifac.  It. 
3  :  Tata  dubilniio  suUI  ita  ps(  ip.-vr  Ui  décision  papale).  Pulo 
tibi  eam  partcm  orftiî  sufficere  debere  (pour  une  décisioa 
définitive),  m  qua  primum  Aposlolorum  suorum  volait  dovii— 
fiu>  ghriosisHmo  martyrio  coronnre.Aaç^ast.  Contr.  Julian.  I. 
13.  Si  saint  Augustin  excuse  saint  Cy[>rieu  de:  sa  résistance 
au  pape  saint  Etienne  {-(e  Hapiismo  n.  4.  m.  1.  i.  18),  par 
cette  raison  que  la  question  n'avait  pas  encore  été  élu- 
cidée par  un  concile  «(écéral.  il  ne  nie  point  par  1^  l'au- 
torité du  Saint-Siège.  S«iut  Etienua  n'avait  point  porté  ua 
jugement  définitif;  Il  question  semblait  purement  disci- 
plinaire (de  niémeosm  ponr  Firmiliendans  saint  Cyprien. 
Epit.  75.  Cf.  Basil.  Kp.  188,  296).  Saint  Augustin  avait 
donc  raison  dans  une  question  si  difticile,  de  trouver 
qu'une  enquête  sur  la  pratique  de  toutes  les  églises  était 
a^CHsaiie,  Cf.  Ballkui.m  1.  c,  xuu  53. 


JURISPRUOENCE  CIVILE  ECCLÉSIASTIQUE 

COjnitSSIOXS  ADMINISTR.iTIVES  DES  ÉTABLISSEMENTS 
BE  BIENFMSiNCE.  —  PlÉ-NITUDE  DES  rOU-VOIRS 
DES  MEMBRES  DE  DROIT.  —  REMPLACEMENT  DO 
CURÉ  PAR  SON   VICAIRE. 

La  loi  n'ayant  pas  établi  de  distinction  entre 
les  pouvoirs  de%  memhres  élus  des  rommissions  ad- 
miiiistrutives  des  établissements  de  bienfaisance  et 
ceux  des  membres  de  droit,  tous  iis  membres  de 
ces  commissions  jouissent  des  mimes  pouvoirs. 

/lien  ne  s'oppose  à  ce  que  le  curé,  qui  est  mem- 
bre de  droit  de  la  commission  administrative  d'un 
é/ijblissement  de  bienfaisance,  se  fasse  suppléer  par 
son  vicaire,  si  le  bureau  y  consent,  dans  les  réu- 
nions auxquelles  l'état  de  sa  santé  ne  lui  permet 
pas  d'assister. 

Ces  deux  solutions  sont  à  ajouter  à  celles  dont 
nous  avons  fait  suivre  le  texte  de  la  loi  concer- 
nant les  commissions  administratives  des  éta- 
blissementsde  bienfaisance  publique, inséré  dans 
le  dernier  numéro  de  la  Semaine  du  Clcrié. 
Elles  résul'.eut  de  deux  décisions  rainislérielles 
que  nous  apporte  le  numéro  de  juin  du  Journal 
des  conseils  de  Fabriques,  et  que  nous  nous  em- 
pressons de  reproduire  à  notre  tour. 

La  première  de  ces  décisions  indique  une 
tendance  de  l'élément  laïque  dans  les  com- 
missions à  faire  la  plus  petite  place  possible  à 
l'élément  religieux.  lin  dépit  de  la  loi  qui  appelle 
le  curé  à  être  membre  de  droit  des  commissions, 
celles-ci  ne  l'accueillent  qu'avec  déliauce,  et  ne 
pouvant  lui  fermer  la  porte,  elles  voudraient,  du 
moins,  lui  fermer  la  bouche  et  lui  lier  les  bras, 
c'est-à-dire  annuler  ses  pouvoirs,  ou  tout  au 
moins,  les  rogner  et  les  hmiter.  L'on  ne  dok,  pas 
s'éloiiner  de  cette  mauvaise  volonté;  jamais 
l'usurpateur  ne  consent,  de  bonne  grâce,  à  ce 
qu'on  rende  au  légitime  propriétaire  même  une 
partie  seulement  de  ce  qui  lui  a  été  ravi. 

Plusieurs  fois  déjà  donc,  assure-t-on,  des 
commissions  administratives  d'établi.-seineuts  de 
bienfaisance  ont  prétendu  que  les  curés  ne  pou- 
vaient pas  être  admis  à  remplir  les  fonctions 
d'administrateurs  délégués,  et  à  gérer  à  lourde 
njle,  sous  la  responsabiUté  des  commissions,  les 
intérêts  matériels  de  ces  établissements.  On  allé- 
guait, en  preuve  de  leur  iuaplitude,  leur  inamo- 
vibilité, qui  les  rend  irresponsables.  On  ajoutait 
que  lenr  mission  devait  se  borner  à  sauvegarder 
les  intérêt  rehgienx. 

Il  ne  pouvait  se  faire  que  cette  difficulté  ne 
fût  pas  soumise  an  ministre  de  l'intéritur.  Il  eu 
a  été  effectivement  saisi,  et  voici  la  décision 
qu'il  y  a  donnée  le  9  mars  1875  : 

«  Si  la  théorie  admise  par  la  commiraion  des 
hospices  devait  prévaloh:,  ce  ne  seraient  pas 
seulement  les  membres  de  droit,  représentant 
uu  cuite,  qui  se  trouveraient  atteiutSt  Le  maire^ 


1222 


L\  SEMAINE  Dl  CLERGÉ 


memlirc-  d'i  droU  niissi,  se  verrait  frappé  île  la 
même  exilhsioi!. 

«  Or,  cette  exclusion,  la  loi  ne  l'a  pas  établie, 
et  il  ne  saurait  appartenir  à  l'administration  de 
créer,  entre  U'S  divers  membres  de  \i  commis- 
sion, quelle  que  fût  leur  origine,  une  inégalité 
de  situation  et  de  pouvoir.  Pour  C-'  qui  est  spé- 
cialempnt  des  représentants  de  cultes,  je  pour- 
rais citer  des  villes  importantes  où  ils  prêtent  uu 
concours  très-utile  aux  commissions,  en  déchar- 
geant leurs  collègues  d'une  paitie  du  travail  que 
nécessite,  dans  les  grands  centres  de  popalation, 
l'admiuislratiou  des  services  de  l'assistance  pu- 
blique. 

«  L'argument  tiré  de  Virresponsahihté  ne  me 
louche  pas.  Si,  en  effet,  en  tant  que  membres 
d(î  droit,  certains  meml)res  de  la  commission 
sont  inamovibles,  ils  ne  le  sont  nullement  i!ans 
l'exercice  des  fonctions  spéciales  qui  pourraient 
leur  être  temporairement  dévolues.  Le  maire  ou 
le  curé  est  chargé  de  tel  ou  tel  service  :  sa  ges- 
tion ne  répond  pas  à  ce  qu'attendaient  ses  collè- 
gues; l'heure  venue,  sou  mandat  n'est  pas  re- 
nouvelé. 

0  D'une  manière  générale,  je  ne  crois  donc 
pas  que  les  mi'mbres  de  droit  puissent  être 
exclus.  C'est  à  la  commission,  délibérant  à  la 
majorité,  à  décider  si  elle  doit  faire  appel  à  leur 
concours  actif  et  dans  quelles  limites.  » 

Nous  nous  permettrons  une  observation  sur 
ce  libellé  de  la  décision  ministérielle.  De  ce  que 
le  maire  devrait  être  frappé  d'exclusion  si  le 
curé  s'en  trouvait  atteint,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'il  faudrait  repousser  cette  exclusion  si  elle 
était  légale.  Celte  manière  de  parler  donnerait 
à  entendre  qu'on  tolère  le  curé  parce  qu'on 
veut  favori.-er  le  maire.  La  vraie  raison  pour 
laquelle  et  le  curé  et  le  maire  peuvent  remplir 
toutes  les  fonctions  administratives,  c'est  parce 
que  la  loi  ne  les  eu  déclare  pas  inhabiles.  Sauf 
ce  détail,  la  décisiou  nous  parait  très-bien 
fondée  en  droit  et  conforme  à  l'esprit  du 
législateur. 

Nous  n'en  dirons  pas  autant  de  la  seconde 
décision,  intervenue  dans  la  circonstance  que 
voici.  Un  curé  qui  ne  pouvait  pas  assister  aux 
séances  de  la  commission  administrative  de  son 
bureau  de  bienfaisance,  à  cause  de  son  grand 
âge  et  de  ses  inGrmités,  a  demandé  l'autorisa- 
tion de  se  faire  remplacer  par  son  vicaire.  Le 
ministre  de  l'Intérieur  a  répondu,  dans  les 
termes  suivants,  le  14  juillet  187i  : 

a  Les  fonctions  d'administrateur  étant  per- 
sonnelles, la  substitution  du  vicaire  au  desser- 
vant ne  pourrait  avoir  lieu  eu  vertu  d'un  acte 
officiel  de  uomiuation  qui  remplarerait  l'un  par 
l'autre.  Mais  rien  ne  parait  s'opposer,  si  le  bu- 
reau lui-même  y  adhère,  à  ce  que  le  desservant 
ee  iasse  suppléer  par  sou  vicaire  dans  les  réu 


liions  nnxqiiellcs  l'ét:it  de  =a  santé  ne  lui  par» 
mettra  pas  d'assister.  » 

Nous  convenons,  sans  difficulté,  quele  vicaire 
ne  peut  pas  remplacé  son  curé  comma  adminis- 
trateur. Mais  son  assistance  aux  réunions,  lorsque 
le  curé  ne  peut  pas  s'y  ti'ouver,  ne  devrait  pas, 
ce  nous  semble,  êtresubordoisnée  au  bon  plaisir 
de  la  commission.  Une  saine  interprétation  de 
la  pensée  du  législateur  nous  paraît,  au  con- 
traire, la  lui  accorder  comme  un  droit. 

Qu'a  voulu  le  législiteur  ?  Il  a  voulu  que 
l'administration  du  patrimoine  des  pauvres  se 
fit  toujours  avec  le  concours  de  ceux  qui 
l'avaient  créé  et  qui  savent  en  faire  le  meilleur 
usage.  Or,  si  le  curé  ne  peut  assister  aux  séances 
et  que  son  vicaire  n'y  soit  reçu  qu'autant  que 
la  commission  le  veut  bien,  il  peut  arriver  que 
la  commission  ne  le  veuille  pas,  et  l'on  doit 
tenir  pour  certain  que  cela  arrivera.  Et,  si  le 
curé  est  pendant  des  mois  et  des  années  sans 
pouvoir  sortir  de  chez  lui,  l'administration  du 
patrimoine  des  pauvres  sera  privée  pendant  tout 
ce  temps  du  représentant  de  la  religioa.  Assu- 
rément, ce  n'est  pas  là  la  volonté  du  législa- 
teur. 

Mais  pourquoi  ne  pas  reconnaître  au  vicaire 
le  droit  d'assister  aux  séances  de  la  commission, 
lorsque  le  curé  ne  P'Hit  pjs  y  venir  ?  Sans  doute, 
parce  qu'il  n'a  pas  le  litre  légal.  Cependant, 
sans  avoir  le  titre  de  curé,  il  en  exerce  toutes 
les  fonctions  dans  l'ordre  spirituel,  à  défaut  et 
au  nom  de  celui  qui  possède  ce  titre.  Or,  ce 
qu'il  peut  dans  l'ordre  religieux,  ne  serait-il  pas 
conforme  à  la  logique  et  à  une  juste  apprécia- 
tion des  choses  qu'il  le  pût  aussi  dans  l'ordre 


;ivi 


il? 


En  ne  reconnaissant  pas  au  vicaire  le  droit 
d'.issister  aux  séances  de  la  commission  à  dé- 
faut du  curé,  on  tait  à  la  religion  catholique 
une  situation  pire  qu'aux  autres  cultes  re- 
connus. Car  si  le  délégué  des  conseils  presbyté- 
raux  ou  des  consistoires  Israélites  venait  à  ne 
pouvoir  assister  aux  séances  p-ndant  longtemps, 
il  est  hors  de  doute  que  ces  conseils  et  consis- 
toires s'empresseraient  d'en  désigner  un  autre. 
Or,  ce  moyen  ne  peut  ètrf  employé  par  l'Eglise, 
puisque  la  loi  désigne  elle-même  le  curé  pour 
la  représenter  (art.  1).  D'oîi  il  suit  que  l'Eglis*»- 
ne  sera  pas  représentée,  si  l'on  repousse  celij|| 
qui  tient  la  place  du  curé.  _  _      J 

Par  ces  motifs,  nous  ne  saurions  souscrire  *  V 
la  décision  ministérielle  qu'on  a  lue  plus  hau/  | 
et  nous  conseillerions,  le  cas  écliéaut,  d'en  *  ' 
peler  au  Conseil  d'Etat. 

P.  d'Hactebivb. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


Les    Erreurs    modernes 

LA    DÉMOCRATIE    ET    LE    CATHOLICISME 

(2=  article.) 
La  dimocralie.  nous  l'avons  vu,  est  l'avéne- 
nient  de  tous,  de  .[nelque  manière,  l'avènement 
de  tous  les  membres  de  la  nation  à  la  vie  poli- 
ti<iue.  Ce  n'est  pas  seulement  l'avénemi'nt  du 
peuple,  en  tant  ^lu'il  diff  Te  des  classes  lettrées 
ce  n'est  pas  seulement  l'avénem.'nt  du  plus 
grand  nombre,  c'est  l'avènement  de  tous  •  la  dé- 
mocratie, c'est  la  nation  ellc-mémp.        ' 

Mais  ici  se  présente  un  fait  qu'il  importe  beau- 
coup a  notre  but  de  signaler.  Il  y  a  deux  espèces 
de  démocratie  :  l'une,  qui  est  tonne,  l'autre 
qm  ne  vaut  rien  du  tout  ;  l'une,  qui  e-t  légitime' 
I  autre,  qui  est  l'injustice  même.  Et  comme,  eu 
tait  elles  ne  sont  pas  parfaitement  séiiarces  luue 
,  de  1  autre,  comme  les  limites  qui  les  séparent  ne 
sont  pas  toujours  praticpiement  di-tinctes,  et 
que  les  éléments  (pii  les  composent  sont  souvent 
môles,  il  y  a  là,  sans  aucun  doute,  une  des 
causes  de  l'état  d.-  suspicion  où  un  grand  nom- 
bre d  boniiètes  gens  tiennent  la  démocratie  et 
eu  particulier,  une  des  raisons  de  cette  espèce 
d  bostilile  sourde  qui  nous  occupe,  entre  la 
démocratie  et  le  chrislianisme. 

Un  publiciste  catholique  fort  dislin-ué    Bal- 
mes,  expose  ainsi  les  éléments  de  la  démocratie 
légitime.  Il  la  flatte  un  peu,  à  noire  avis,  si  l'on 
rreiid  les   choses  telles  qu'elles  sont;  mais  ce 
qu  il  dit  est  vrai  en  ce  sens,  du  moins,  qu'il  la 
décrit  telle  (lu'elle  doit  être  :  i  Elle  est  basée, 
dit-il,    sur    la    connaissance  de   la  dignité  de 
1  homme,  et  du  droit  qui  lui  appartient  de  jouir 
d  une  certaine  liberté  conforme  à  la  raison  et  à 
la  justice.  Avec  des  idées  plus  ou  moins  claires 
plus  ou  moius  uniformes  sur  la  véritable  ori"iuè 
de  la  société  et  du  pouvoir,  elle  en  a  du  moins 
de  fert  nettes,  de  fort  précises  touch  mt  le  véri- 
table  objet  et  la  lin  de  lun   et  de  l'autre-  sa 
coustaute  opinion  est  que  le  nouvoir  existe  pour 
le  bien  commun,  et  que  s'il  ne  dirige  pas  ses 
actions  vers  ce  but,  il  dégénère  et  tend  vers  la 
tyrannie.  Les  privilèges,  les  honneurs,  les  dis- 
tmctions  sont  approchés  par  elle  de  cette  pierre 
,  de  touche,   le   bien  commun  ;  ce  qui  est  con- 
traire a  ce  bien  est  rejeté  comme  nuisible  :  ce 
«qui  11  y  sert  p^s  est  élagué  comme  superflu.  Les 
^  eules  chos.-s  qui  aicui  une  valeur  réelle,  digne 
to     tie  i.rise  eu  considération  dans  la  distribution 
ilî     i*^"^'"^"*    "Claies,  sont,  à  ses  yeux,  le  savoir 

Ep     '^  ^^''''" ^-i^'t'e  démocratie  qui  place  au 

doi  s  haut  de^ré  la  dignité  de  l'homme,  qui  rap- 
qu'  le  les  droits  sans  oublier  les  devoirs,  s'iudiKue 
*«'»  seul  nom  de  tyrannie,  etc.  (t).  » 

i.  Balmès.  Le  Piotesl.  comparé  au  Calhot.,  c.  LXni. 


1223 

Il  est  facile  de  déterminer  et  de  préciser  les 
caractères  qui  constiiuent  cette  démocratie    et 
de  montrer  qu'il  n'y  a,  sous  ce  rapport,  nulle 
opposition  entre  elle  et  le  catholicisme  On  peut 
les  ramener  à  six  principaux.  Elle  admet  qiîe  la 
nation  est  la  source  immédiate  du  pouvoir-  elle 
enseigne  que   les    gouvernements  existent    et 
doivent  exercer  l'autorité  pour  le  bien  commun- 
elle  demande  que  ce  soit,  non  pas  la  volonté  de 
homme  qui  gouverne,  mar«  la  constitution  et 
la  loi  ;  elle  veut  que  tous  puissent  arriver  à  t  ms 
les  emplois,  et  que  la  raison  du  choix  soit  la 
cai.acite  <iu  sujet  et  le  bien  public  ;  elle  demande 
que  le  peuple  participe  de  quelque  manière,  par 
ses   votes,  au  gouvernement  de  la  nation,   et 
eue  veut  enfin  que  ce  gouvernement  ne  soit  pas 
ausolu,  mais  tempéré  par  desinstitutious  modé- 
ratrices du  pouvoir. 

Tels  sont  Ls  caractères  de  la  démocratie  saine 
et  raisonnable.  Or,  ils  ne  contiennent  rien  par 
eux-mêmes  qui  soit  opposé   au  christianisme. 
Et  d  abord,  quant  à  l'origine  du  pouvoir,  nous 
avons  vu  précédemment  que  Dieu  en  est  la  cause 
première  et  essentielle,  mais  que  la  nation  en 
est  la  source  immédiate.  La  démocratie  ne  con- 
sidère pas  assez,  et  souvent  pas  du  tout,  le  carac- 
tère  divin  du  pouvoir,  dans  le  sens  que  nous 
avons  expliqué  :  c'est  un  tort  grave,  une  lacune 
considérable  dans  ses  idées;   mais  elle  ne  se 
trompe  pas  en  disant  que  l'autorité  a  sa  source 
immédiate  dans  la  nation,  et  elle  est  en  cela 
d'accord,  comme  nous  l'avous  vu,  avec  rensei- 
gnement des  plus  grands  théologiens   catho- 
liques. Il   faut  dire  la  même  chose  des  autres 
caractères.  Que,  par  exemple,  les  gouveroementa 
et  les  lois  n'existent  que  pour  le  bien  commun, 
c  est  une  vérité  enseignée  jusqu'à  satiété  par 
tous  les  théologiens.   «  Comme  la  loi  regarde  le 
bien  commun,  dit  saint  Thomas  d'Aquin,  aucun 
précepte  [larticulier,  ne  peut  avoir  force  de  loi, 
qu'autant  qu'il  regarde  aussi  ce  bien  commun, 
et  ainsi  toute  loi  doit  être  laite  pour  le  bien  com- 
mun(l).  »  Ainsi  tout,  la  loi  et  ses  applications 
par  des  ordres  particuliers,  tout  a  pour  but  le 
bien  commun. 

La  démocratie  demande  que  tous  puissent  ar- 
river, s'ils  en  sont  dignes,  à  tous  les  emplois,  et 
que  la  raison  du  choix  soit  la  capacité.  Or,  c'est 
Li  un  principe  que  l'Eglise  a  toujours  professé, 
avant  qu'il  lut  question  de  la  démocratie  mo- 
derne et  de  ses  principes.  Ecoutons  à  cet  égard 
un  homme  qui  n'est  pas  suspect  de  partialité 
envers  l'Eglise,  le  protestant  (niizot.  «  Quant  au 
mode  de  formation  et  de  transmission  du  pou- 
voir dans  l'Eglise,  dit-il,  il  y  a  un  mot  dont  on 
s'est  souvent  servi  en  parlant  du  clergé  chré- 
tien, et  que  j'ai  besoin  d'écarter,  c'est  celui  de 
caste.  On  a  souvent  appelé  le  corps  des  magis- 
1,  Suffi,  iheol,,  I,  990,  a.  2. 


122i 


LA  SEJJALNE  LU  CLEHCÉ 


trats  eccl<^sîasliques  une  caste.  Celle  expression 
n'est  pas  juste  :  l'iJée  d'hérédilé  est  inhérfMiic  ;i 
l'idée  de  caste...  Là  o:"i  il  n'y  a  pas  d'hérodité,  il 
n'y  a  pas  de  caste...  Ou  ne  peut  appli'ruer  ce 
niot  à  l'Eglise  clirélienue.  Le  célibat  des  prêtres 
a  empêi'hé  que  le  clergé  chrétien  ne  devînt  une 
caste.  Veus  entrevoyez  dt^jà  les  conséquiuces  de 
cette  différence.  Au  système  de  caste,  au  tait  de 
l'hérédité  est  attaché  inévitablement  le  privilège  ; 
cela  découle  de  la  définition  même  de  Ja  caste. 
Quand  les  mêmes  fonctions,  les  mêmes  pouvoirs 
deviennent  héréditaires  dans  le  sein  des  mêmes 
familles,  il  est  clair  que  le  privilège  s'y  attache, 
que  persoime  ne  peut  les  acquérir  indépendam- 
ment de  son  origine.  C'est,  eu  effet,  ce  qui  est 
arrivé  :  là  où  le  gouvernement  religieux  est 
tombé  aux  mains  d'uue  casle,  il  est  devenu  ma- 
tière de  privilège  ;  personne  n'y  est  entré  que 
ceux  qui  apparteuaieut  aux  familles  d  '  la  caste. 
Rien  de  semblable  ne  s'est  reuconlré  dans 
l'Eglise,  et,  non-seulement  rien  de  semblable  ne 
s'y  est  rencontré,  mais  V Eglise  a  coiislnmment 
maintenu  le  principe  de  l'égale  admissibilité  de 
tous  les  hommes,  quelle  que  lût  leur  origine, 
à  toutes  ses  charges,  à  toutes  ses  dignités.  La 
carrière  ecclésiastique,  particulièrement  du 
cinquième  au  douzième  siècle^  était  ouverte  à 
tous.  L'Eglise  se  recrutait  dans  tous  les  rangs, 
dans  les  inférieurs  comme  dans  les  supérieurs, 
plus  souvent  même  dans  les  inférieurs.  Tout 
tombait  autour  d'elle  sous  le  régime  du  privi- 
lège; elle  mainfen.iit  seule  le priiidpe  (le  l'égalité, 
de  la  concurrence,  elle  ap/xlait  seule  toutes  supé- 
riorités légitimes  à  la  i  ossessioit  du  pouvoir  [\).  » 
L'Eglise  n'est  donc  i>as  du  tout  opposée  au  prin- 
cipe Oe  l'admission  de  tous  à  tous  les  emplois,  et 
elle  le  pratique  depuis  bientôt  deux  mille  ans. 
Nous  verrous  qu'elle  ne  l'est  pas  davantage  à 
l'union  de  la  liberté  etde  l'autorité,  à  l'existence 
des  institutions  modératrices  du  ivjuvoir. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  seiitir  dans  son 
âme  de  sourds  mouvements  d'indignation,  quand 
on  voit  chaque  jour  des  publicisles  ignorants  ou 
haineux,  prétendre  que  le  christianisme  est 
l'ennemi  de  toutes  les  libertés  et  l'ami  de  tous 
les  despotismes.  Ses  doctrines,  son  esprit,  son 
histoire  protestent  contre  cette  accusation.  N'est- 
ce  pas  lui  dont  les  prescriptions  et  l'esprit  ont 
dissous  progressivement  et  jeté  par  terre  l'an- 
tique et  universelle  institution  de  l'esclavage  ? 
On  admire  les  républiques  anciennes,  on  exalte 
leur  amour  de  la  liberté.  Or,  voici  la  vérité  : 
Athènes  avait  dans  ses  murs  soixante  mille 
habitants,  et  quarante  mille  étaient  desesclavcs; 
à  Rome,  ils  étaient  iimombrables,  et  le  sénat 
défendit  qu'on  leur  donnât  un  costume  particu- 
lier, de  peur  qu'ils  ne  vinssent  à  se  compter. 
C'est  l'Eglise  qui  a  appelé  tous  les  peuples  à  la 

1.  Guizot,  Bill,  génir,  de  la  civU.  en  Europe,  5*  lejoa. 


lilu'ru'%  et  à  la  Iratcrnité  véiilable.  tiOn  nf 
pourra  contester,  dit  fort  bien  Balmès.que  là  où 
n'a  point  existé  le  cbiistianisme,  le  peuple  s'est 
trouvé  la  vietinie  d'un  petit  nombre,  dout  les 
mépris  et  les  injures  ont  été  la  seule  récompense 
de  ses  fatigues.  Consultez  l'histoire,  l'expérience  ; 
le  fuit  est  général,  constant.  Pas  même  une 
exception  à  ce  fait  dans  ces  anciennes  républi- 
ques qui  ont  fait  tant  de  bruit  de  leur  li- 
berté (I).  » 

Nous  avons  donc  exposé  lei  éléments  princi- 
paux qui  constituent  la  démocratie  saine  et  rai- 
sonnable; et  nous  avons  vu  qu'il  n'y  a  pas,  sous 
ce  rapport,  d'opposition  entre  elle  et  le  catholi- 
cisme. Ces  principes  ne  sont  pns  nouveaux  ;  ils 
sont,  dans  un  sens  vrai,  le  fi'uit  du  christianisme, 
et  on  le  lit  dans  les  livres  de  ses  théologiens. 
C'est  donc  une  erreur  de  croire  que  l'Eglise  ne 
puisse  pas  s'accommoder  de  cette  démocratie,  si 
celle-ci  restait  dans  les  principes  que  nous  avons 
indiqués,  et  qu'elle  revendique. 

Mais  il  y  a  uni;  autre  démocratie,  que  l'on  a 
très-bien  nommée  la  démagogie,  et  qui  est 
comme  la  corruption  de  la  première.  Ses  doc- 
trines sont  horribles.  La  négation  de  Dieu  et  de 
toute  religion,  l'abolition  du  mariage  comme 
institution  religieuse,  le  renversement  de  l'ordre 
social  actuel,  et  sou  remplacement  par  un  com- 
munisme plus  ou  moins  complet  :  tel  est  le 
symbole  de  cette  aimable  démocratie.  Nous  la 
connaissons  déjà  en  Trance  par  ses  œuvres.  C'est 
À  elle  que  revient  l'honneur  des  excès  mona- 
trueivx  de  la  grande  révolution.  C'est  elle  quia 
fait  les  sanglantes  journées  de  juin  1848.  C'est 
elle  qui  porte  la  responsabilité  des  sauvages 
horreurs  de  la  Commune  de  Paris,  d'ignoble  et 
sanglante  mémoire.  Elle  n'a  pas  été  lout-à-fait 
ignorée  dans  les  siècles  antérieurs.  Elle  apparaît 
mêlée  aux  hérésies  armées  d'autrefois  :  elle 
combat  avec  les  Albigeois  au  treizième  siècle, 
avec  la  Jacquerie  au  quatorzième,  avec  les  Hus- 
sites  au  quinzième,  les  anabaptistes  et  les 
paysans  au  seizième.  «  Erronée  dans  ses 
principes,  dit  Balmès,  perverse  dans  ses  in- 
tentions, violente  dans  sa  manière  d'agir,  cette 
démocratie  a  partout  marqué  sa  trace  par  un 
ruisseau  de  saug;  loin  de  procurer  aux  peuples 
la  vraie  liberté,  eile  n'a  servi  qu'à  leur  enlever 
celle  qu'ils  avaient...  S'alliant  aux  passions  mi- 
sérables, elle  a  toujours  été  la  bannière  de  ce 
que  la  société  a  de  plus  vil,  de  plus  abject;  à  ses 
côtés,  elle  a  groupé  tous  les  hommes  turbulents 
et  mal  intentionnés.  Cette  semence  de  troubles, 
de  scandule.î,  de  haines  acharnées,  a  porté  enfin 
ses  fruits  naturels  :  la  persécution,  les  proscrip- 
tions, l'échufaud  (2).» 


1.  Daim.  Le  Prot.  comj).  au  Cathol.  o.  LX. 

2.  Ibii.  c.  LXIU. 


LA  SEMINE  DU  CLERGE 


lu-j 


11  va  de  soi  qne,  entre  une  semblable  démo- 
cralie  et  l'Ei^lise,  il  ne  peut  y  avoir  de  concilia- 
tion, mais  la  guerre.  Ce  Qu'elle  hait  par-dessus 
tout,  l'objet  de  sa  haine  intime,  spéciale,  privi- 
légiée, c'est  le  catholicisme  :  pour  elle,  c'est  là 
l'ennemi. Car  elle  est  la  négation  de  toutce  qu'il 
affirme,  et  l'affirmation  de  ce  qu'il  nie.  C'est  Sa- 
tan d'un  côté,  et  ki  Divinité  de  l'autre. 

Le  malheur  de  la  démocratie  raisonnable, 
c'est  qu'elle  n'est  pas  complètement  réparée  de 
celle  que  je  viens  de  décrire.  Il  y  a  des  attaches 
plus  ou  moins  latentes;  il  y  a  (les  unions  plus 
ou  moins  prononcées.  C'est  là  qu'est  le  danger  ; 
et  ceux  qui  croient  qu'il  n'existe  plus  sont  dans 
une  gran<le  illusion. 

(À  suivre.)  l'abbé  Desorges. 


CONTROVERSE  POPULAIRE. 

Voyez-vODs,    Ins    pèlerins    sont    tous 
des   partisan»  fl*iScni*l  V, 

Peste  I  vous  ne  les  déchirez  pas,  vous,  les  par- 
tisan? d'Henri  V.  Quel  éloge  vous  en  faites  1 

Quoi  1  ces  milliers  d'hommes,  de  femmes  et 
d'enfants  que  vous  voyez  arriver  par  tous 
les  chemins  aux  lieux  consacres  par  la  puissance 
de  Dieu,  former  d'immenses  processions,  chanter 
drs  cantiques  et  multiplier  les  prières  pour 
obtenir  de  la  miséricorde  divine  le  salut  de 
la  patrie,  vous  jugez  que  ce  sont  tous  des  parti- 
sans d'Henri  V  l 

Riais  alors  les  partisans  d'Henri  V  sont  tous 
des  gens  paisibles,  car  on  ne  dit  pas  que  la  po- 
lice ait  jamais  besoin  d'intervenir  dans  les  pèle- 
rinages pour  y  rétablir  l'ordre  trouble,  ([ooique 
les  foules  y  soient  souvent  très-considérables; 
ce  sont  aussi  des  gens  qui  aiment  à  s'ent'raider, 
car  il  n'est  pas  rare  que  les  riches  payent  dans 
ces  circonstances  pour  les  pauvres  ;  ce  sont  des 
gens  d'une  honnêteté  parfaite,  puisque  jamais 
personne  n'a  pu  se  plaindre  d'avoir  été  lésé  en 
quoi  que  ce  soit  par  les  pèlerins  ;  ce  sont  enfin 
des  gens  religieux,  puisqu'ils  croient  en  Dieu  et 
le  irient. 

Or,  être  religieux,  respecter  scrupuleusement 
le  bien  d'autrui,  aider  ses  semblables,  ne  pas 
troubler  l'ordre  [ublie,  ce  n'est  pas  le  lait 
d'hommes  dangereux,  contre  lesquels  on  doive 
se  tenir  ec  g.ude,  comme  vous  semblez  insi- 
nuer qi:e  sont  les  pèlenns. 

Aussi,  je  le  répète,  dire  que  les  pèlerins  tous 
sont  des  partisans  d'Henri  V,  c'estfaire  des  par- 
tisans d'Henri  V  un  éloge  qui  n'est  vraiment  pas 
petit. 

Car  combien  de  partisans  aujourd'hui  qui  se 
moquent  de  Dieu,  de  l'ordre  public,  des  besoins 


de  leurs  semblables,  et  qui  n'aspirent  qu'à  tout 
confisquer  à  leur  profit,  la  liberté,  les  places,  le 
pouvoir,  pour  tyraunisrr  les  consciences,  pres- 
surer la  bourse  des  contribuables  et  jouir  à  ou- 
trance 1 

Tous  les  pèlerins,  parti?aus  d'Henri  V  I  — • 
Vous  n'y  pensez  pas. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  qu'il  y  a  des  pèle- 
rinages. Bien  des  siècles  avant  qu'Henri  V  ne 
fût,  des  pèlerins  sillonnaient  la  France  en  tout 
sens,  comme  aujourd'hui,  sans  penser  à  lui 
assurément. 

Longtemps  après  qu'Henri  V  ne  sera  p'us,  il  y 
aura  encore  des  pèlerins,  et  comme  ceux  des 
siècles  passés,  assurément  iJ  ne  penseront  pas  à 
lui. 

Dans  le  temps  présent,  s'il  se  fait  des  pèle- 
rinages en  France,  il  s'en  fait  aussi  eu  Belgique, 
en  Suisse,  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Angle- 
terre, en  Pologne,  eu  Es  pagne,  en  Amérique  et 
jusqu'en  Chine.  Il  s'en  fait  par  toute  la  terre. 
Or,  parmi  ces  millions'  de  pèlerins,  le  plus 
grand  nombre  n'ignore-t-il  pas  juscju'à  l'exis- 
tence d'Henri  V?  Comment  donc  pourraient-ils 
être  ses  partisans  ? 

Mais  laissons  cela  ;  car  vous  ne  voulez  parler 
sans  doute  que  des  pèlerins  de  France,  et  de 
celle  époque. 

Que  parmi  ces  pèlerins  il  y  en  ait  qui  éprou- 
vent pour  Henri  V  des  sympathies,  d'ailleurs 
plus  ou  moins  vives  et  profondes,  nous  n'avons 
pas  de  peine  à  le  croire,  et  cela  doit  être. 
Henri  V  est  le  rejeton  d'une  famille  qui  a  donné 
à  la  France  de  longs  siècles  de  prospérité  et  de 
gloire.  Lui-même  est  uu  prince  rempli  de  piété, 
et  le  modèle  de  l'honneur  ;  et  comme  homme 
public,  ses  adversaires  eux-mêmes  ont  maintes 
fois  rendu  hommage  à  la  hauteur  de  S'S  vues, 
à  la  dignité  de  son  attitude  et  à  sa  complète 
abuégalion.  Quoi  d'étonnant,  dès  lors,  que  des 
Frau(;ais  aiment  Henri  V,  et  souhaitent  de  voir 
remettre  entre  ses  mains  les  destinées  de 
notre  chère  et  malheureuse  patrie,  que  ses  an- 
cêtre s  avaient  su  taire  la  reine  des  nations!  Il 
serait,  au  contraire,  tout  à  fait  incompréhensible 
qu'il  n'en  tût  pas  ainsi. 

Mais  s'il  est  naturel  qu'il  y  ait  parmi  les 
pèlerins  des  partisans  d'Henri  V,  s'il  est  pro- 
bable, si  l'on  peut  même  affirmer  qu'il  y  en  a, 
on  se  trompe  assurément  lorsqu'on  s'en  vient 
dire  que  tous  les  pèlerins  le  sont. 

Si  je  soutiens  que  les  partisans  d'Henri  V  ue 
sont  pas  les  seuls  qui  aillent  en  pèlerinage,  ce 
n'est  pas,  croyez-le  bien,  lecteur,  pour  les  dé- 
fendre que  je  le  fais  :  on  n'a  pas  besoin  d  être 
défendu  d'une  bonne  action  ;  mais  c'est  que  je 
réclame  eu  faveur  des  autres,  en  laveur  de  ceux 
qui  n'ont  pas  les  mêmes  idées  politiques  qu  eux. 
Les  pèlerinages  sont  uu  des  plus  puissant» 


1226 


LA  SEMAINE  lu;  Ufll'iL 


moyens  pour  altiror  sur  nous  la  prnfortinn  cli- 
vine.  En  recourant  à  ee  moyen  ponr  oblnnir  de 
Dieu  le  salut  de  la  patrie,  les  partisans  d'Henri  V 
ne  fout  que  remplir  leur  premier  devoir  de  ci- 
toj-ens.  Mais  si  c'est  pour  eux  un  devoir  d'agir 
ainsi,  c'en  est  un  aussi  pour  tous  les  autres. 
Cependant,  quand  vous  dites  que  les  partisans 
d'Beuri  V  sont  les  seuls  qui  fassent  des  pideri- 
iiages,  cela  équivaut  à  dire,  d'une  part,  que  seuls 
ils  aiment  la  France;  et  de  l'autre,  que  leurs 
adversaires  politiques  n'accomplissent  ^ias  ce 
premier  et  principal  devoir  du  citoyen,  et  par 
conséquent  qu'ils  n'aiment  pas  vraiment  la 
France. 

Admettez- vous  cette  conclusion  ?  —  Non,  n'est- 
ce  pas. 

Ni  moi  non  plus.  Et  c'est  pourquoi  je  nie 
que  les  pèlerins  soient  tous  des  partisans 
d'Henri  V. 

De  ce  ijue  je  n'ai  pas  les  mêmes  opinions  que 
vous  sur  les  moyens  naturels  propres  à  assurer 
le  salut  de  la  patrie,  il  ne  s'ensuit  pas  que  je 
l'aime  moins  que  vous,  ni  que  vous  l'aimiez 
moins  que  moi. 

Mais  si  tous  les  deux  nous  l'aimons,  tous  les 
deux  nous  prierons  pour  elle.  El  parce  que 
Notre-Seigneur  a  di'claré  que  la  prière  com- 
mune et  publique  a  plus  de  poids  devant  Dieu 
que  la  prière  solitaire  et  secrète,  nous  unirons 
nos  cœurs  dans  l'amour  de  la  patrie  et  nous 
ferons  monter  ensemble  nos  cris  pour  elle  vers 
le  Ciel. 

Et  quand  après  cela  vous  verrez  passer  quel- 
que longue  lile  de  pèlerins,  vous  ne  les  trai- 
terez plus  de  partisans  d'Henri  V,  croyant  les 
insulter,  mais  vous  vous  joindrez  respectueuse- 
ment à  eux  si  vous  le  pouvez  ;  et  si  vous  ne  le 
pouvez  pas,  vous  direz  tout  au  moins,  heureux 
cètre  désabusés  de  vos  anciennes  préventions, 
à  ceux  qui  pourraient  en  être  encore  aveuglés  : 
B  Les  pèlerins!  ce  sont  tous  des  chrétiens  qui 
aiment  la  France  1  » 

P.  d'Hauterive. 


Biographie. 

DOr.:     GUÉRANGER 

ABBÉ  DE  SOLESMES. 

{Suile.) 

Le  neveu  de  Mgr  de  Myre  possédait,  près  de 
Congis,  aux  enviions  de  Meaux,  le  château  du 
Gué-à-Tresmcs,  où  l'abbé  Guéranger  séjourna 
avec  le  prélat,  au  mois  d'août  1828.  Ce  fut  pen- 
dant ce  séjour  que  le  jeune  secrétaire  remplit 
les  fonctions  de  desservant  de  Vareddez,  petite 

Iiaroisse  voisine,  dont  Guéranger  loua  toujours 
e  bon  esprit.  Mais  ce  n'était  pas  vers  le  u'eis  ; 


tère  paroissial  que  se  tournaient  ses  désirs.  La 
société  des  missionnaires  de  France,  fondée 
eo  1808,  sous  les  auspices  du  cardinal  Fescbt 
par  l'abbé  Kauzan,  brillait  alors  dans  ,out 
l'éclat  de  son  zèle;  elle  comptait  dans  ses  rangs 
presque  tous  les  hommes  émiiicnls  du  jeune 
clergé;  et,  soit  attrait,  soit  appel,  l'abbé  (Jué- 
ranger  eût  voulu  prendre,  à  ses  travaux,  une 
part  ;  mais  il  ne  put  en  iibteuir  l'autorisation. 
Dieu  le  tenait  en  réserve  pour  un  autre  des- 
sein. 

Après  la  mort  de  son  évèque,  l'abbé  Guéran- 
ger, comme  obsédé  par  la  pensée  de  rétablir, 
eu  France,  les  ordres  monastiques  et,  en  parti- 
culier, l'ordre  de  Saint-Benoît,  vint  à  Paris, 
^  Pendant  quelque  temps,  il  fut  attaché,  comme 
vicaire,  à  l'église  Saint-François-Xavier  des 
missions  étrangères,  où  il  rencontra  l'abbé 
Desgi^nettes,  depuis  fondateur  de  l'archicon- 
f  térie  réparatrice,  et  l'abbé  Sibour ,  depuis 
archevêque.  Mais  il  se  lia  particulièrement  avec 
les  abbés  G  ;rbet  et  Salinis,  tous  deux  lieute- 
nants de  Lamennais,  alors  dans  tout  l'éclat  de 
sa  gloire.  C'est  dans  le  journal  de  l'école  men- 
naisienne,  le  Mémorial  catholique,  que  Guéran- 
ger fit  ses  premières  armes.  Ce  recueil  était 
consacré  à  la  réhabilitation  des  doctrines  ro- 
maines, à  la  justification  des  grands  papes  du 
moyen  âge  et  toujours  en  guerre  avec  les  der- 
niers sectateurs  du  gallicanisme  doctrinal. 
L'abbé  Guéranger ,  trait  significatif,  débuta 
dans  les  lettres  par  quatre  aiticles  sur  la  litur- 
gie :  on  s'arrête  devant  ces  débuts  comme 
devant  une  châs-e  qui  contient  des  reliques 
illustrées  par  des  miracles. 

Dans  le  premier  article,  du  28  février  1830, 
l'auteur  insiste  sur  l'importance  des  éludes 
liturgiques  ;  il  signale  la  décadence  de  ces 
études  parmi  nous,  décadence  que  l'inlroduc- 
lion  des  nouvelles  liturgies  devait  nécessaire- 
ment amener.  En  efl'et,  si  le  culte  est  le  corps 
de  la  religion,  la  liturgie  en  est  l'expression,  le 
langage,  et  quel  moyen  d'étudier  une  langue 
qui  se  divise  chaque  jour  en  une  multitude  de 
dialectes,  etc.?  Partant  de  ce  principe  :  la  litur- 
gie est  le  langage  de  l'Eglise,  l'expression  de 
sa  foi,  de  ses  vœux,  de  ses  hommages  à  Dieu  ; 
il  conclut  :  Donc  l'antiquité  doit  être  un  de  ses 
caractères  essentiels.  Toujours  et  partout,  en 
effet,  l'origine  de  la  liturgie  se  confond  avec 
l'origine  de  la  religion.  Suivent  les  preuves 
historiques  de  cette  proposition,  spécialement 
pour  les  liturgies  de  l'Orient  et  surtout  pour  la 
liturgie  romaine.  Ce  caractère  d'antiquité,  les 
liturgies  nouvelles  en  sont  dépourvues. 

Le  second  article  est  consacré  à  prouver  que 
la  liturgie,  langue  de  l'Eglise,  doit  être  univer- 
selle comme  l'Eglise  et  à  étabUr,  par  l'histoire, 
qtiç  tout  en  autorisant,  selon  les  temps  et  les 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1127 


Heux,  certaines  exocptions  qui  confirra^nt  la 
règle,  rr.glise  a  fait  de  constants  ellorls  pour 
imposera  tout  l'Occidi^nt  l'unité  lilurgiijue.  Co 
que  l'Kylisc  a  voulu,  elle  l'a  réalisé,  seules,  le3 
églises  lie  France  se  sont  mises  hors  la  loi  com- 
mune. 

L'antiquité  et  l'universalité  produisent  un 
troisième  caractère  que  l'on  nomme  l'autorité, 
«araclèie  que  possède  au  plus  haut  degré  la 
liturgie  romaius  et  que  les  liturgies  nouvelles 
n'ont  point.  L'Eglise  garantit  la  pureté,  l'or- 
Ihodoxie  de  la  première  ;  mais,  quand  bien 
même  aucun  auteur  susi.ect  n'aurait  travaillé 
aux  autres,  leur  pureté,  leur  orthodoxie  n'e^t 
garantie  que  par  des  autorités  particulières 
sujettes  à  l'erreur  et  qii  n'excluent  ni  le  druit, 
ni  la  possibilité  du  duule.  Tel  est  l'objet  tlu 
troi-ièine  article. 

Dans  le  quatiième,  l'auteur  fait  voir,  fait 
sentir,  si  j'ose  ainsi  dire,  que  Voncl ion  alun 
caractère  distinctif  de  l'Kglise  callioliiiue,  et 
que  ce  caractère  est  inlicr-  nt  d'une  Uianière 
loulepaiticulière  à  la  liluigie  romaine  :  œuvre 
de  l'F.glise  doul  la  sainteté  rejaillit  sur  tout  ce 
qui  \ient  d'elle,  œuvre  des  saints  qui  y  ont 
laissé  l'empreinte  et  le  parfum  de  leur  vcriu, 
œuvre  sanctiiiée  par  l'image  des  siècles  et  chère 
à  la  simplicité  des  âmes  pieuses,  qui  trouvent, 
dans  l'antiquité  et  l'universalité  des  formules 
devenues  populaires,  je  ne  sais  quoi  de  lou- 
chant el  de  doux  au  cœur.  Les  nouvelles  litur- 
gies n'èlant  pas  l'ouvrage  de  l'Eglise,  mais 
plutôt  ne  devaut  leur  existence  qu'à  uneinl'iac- 
tion  de  ses  décrets;  composées  plus  si)uvent 
par  des  hommes  de  parti  que  par  des  saints; 
n'ayant  pas  été  sanctifiées  par  l'usage  des 
siècles  et  n'étant  que  des  dialectes  de  (]ueL:]ae3 
diocèses  isolés,  ne  sauraient  avoir  et  n'ont 
point,  en  ellet,  l'ouctioa  de  la  liturgie  ro- 
maine. 

Ces  quatre  articles,  où  l'on  trouve  en  germe 
tout  Gnéranger,  |ias3èreut  presque  inaiierçus 
dans  le  Mcmurinl.  Lamennais  concentrait  toute 
son  attention  sur  des  questions  de  philosophie 
et  depoliliiiue;  il  détournait  le  clergé  d'études 
plus  sérieuses,  plus  pratiques  et  plus  vérita- 
blement profitables.  La  question  liturgique 
n'entra  donc  point  dans  ses  préoccupations. 
Au  surplus,  ceux  du  dehors  ne  s'y  arrêtèrent 
guère  plus.  Lors.pie  ces  articles  parurent,  i'icot 
dirigeait  \'A?ni  de  la  Iteligion,  et  l'on  peut  dire, 
sans  aucune  exagération,  qu'il  était  l'oracle 
d'une  partie  du  clergé.  Très-heureusement 
pour  l'iionncur  des  contemporains,  la  postérité 
Ignorera  quelle  influence  cet  écrivain  a  exercée 
dans  les  églises  de  France  pendant  plus  de 
trente  ans,  et  cela,  sans  autre  titre  que  sa  qua- 
lité d'acoiytlie  ;  sans  autre  talent  qu'une  pointe 
d'espr/L  étroit,  tracassier  et  assez  piquant  ;  sans 


autre  savoir  qu'une  coniiaiii^ance  assc~  exacte 
des  anecdotes  relatives  à  l'histoire  ecclésias- 
tique du  dix  huitième  siècle  :  le  tout  relevé 
du  sentiment  intime  et  naïf  de  sa  propre  supé- 
riorité. En  présence  des  articles  de  Gnéranger, 
Picot  crut  à-propus  d'entrer  en  humeur  et 
donna,  en  deux  articles,  une  verte  leçon  au 
jeune  ré  lacteur  du  Mémorial.  L'abbé  Guéran- 
ver  refusa  la  leçon  et  releva  plaisamment  les 
innombrables  bévues  du  maître.  Picot  essaya 
de  se  défendre,  mais  d'un  ton  moiiis  docloral. 
Une  seconde  réplique  vin?  .ui  fermer  la  bouche  : 
Picot  sut  pourtant  comprendre  qu'il  ne  faut 
pas  s'olisliner  à  parler  de  choses  qu'on  ne  sait 
pas,  surtout  pour  les  apprendre  à  un  homme 
qui  les  sait.  Tout  le  monde  n'aura  pas,  plus 
tari,  autint  d'esprit  que  PiCot. 

Après  celle  escarmouche,  l'abbé  Gnéranger 
revint  au  projet  qu'il  nourri-sait  depuis  son 
enfance,  à  la  resauralion,  en  France,  de 
l'ordre  bénéticlin.  Nous  n'avons  pas  besoin 
d'insister  ici  sur  les  grandeurs  de  cet  institut. 
Fondé  par  saint  Benoît  à  Stibiaco  d'a!)ord, 
puis  au  M  lul-Cassin,  au  commencement  du 
sixième  siècle,  il  fut,  en  Oc(ndenl,  le  type  des 
autres  institutions  monastiques.  La  prod  gicuse 
ra[>idilé  avec  laipielle  il  se  mulliidia  rendit 
nécessaire,  au  neuvième  siècle,  la  réforme  de 
saint  Benoit  d'Aniane.  .V  pariir  tlu  onzième 
siècle,  les  moines  de  Cluny,  de  Vailorabreuse, 
de  (îteaux,  de  Fontevraull,  les  Canialdules,  les 
Cèleslins,  les  Olivétains,  etc,  témoignèrent  de 
sa  persistante  vigueur.  Les  dernier  s  réformes 
hrenl  nnilre ,  en  Lorraine,  en  dOOO,  la  con- 
grégation de  saint  Hidul|ihe,  et  en  1G21,  la 
cong'ég,.tion  de  Saint-Maur,  si  célèbre  par 
SIS  admirables  travaux  d'érudition,  t^e  fut  un 
membre  de  celle  dernière  congrégation  , 
dom  Grout  d'Arcy,  alors  professeur  à  la 
faculté  de  théologie  «le  Paris,  qui  aida 
généreusement  l'aid.é  Gnéranger,  à  réaliser 
le  dessein  qu'il  lui  avait  cominuniiiué  ;  la 
charité  publique  fil  le  reste.  Il  y  avait  d'ail- 
leurs de  grandes  diliicullés  à  vaincre;  le  gou- 
vernement était  hostile,  l'autorité  ecclésias- 
tique reculait  par  timidité.  On  allait  démolir 
ce  qui  restait  de  l'abbaye  de  Solesme  lorsque 
l'evé que  du  Mans  accorda  enfin,  à  ceux  qui 
voul  lient  rétablir  la  religion  de  saint  Benoit, 
l'autorisation  d'acheter  (1). 

La  restauration  du  prieuré  de  Saint-Pierre 
de  Solesmes  fut  entreprise  en  1832  ;  l'année 
suivante,  elle  était  assez  avancée  pour  que 
l'abbé  Gnéranger,  âgé  de  vingt-.-epl  ans,  pût 
grouper  autour  de  lui  un  certain  nombre 
de  jeunes  prêtres.  L'un  de  ces  premiers  com- 
pagnons fut  dom  Fontaine,  qui  feimait  récem- 
ment les  yeux   du  Père   abbé  ;  pu.s   vinrent 

1.  Rtvitt  du  mon  Je  calkiti'ive,  t.  XXII,  p,  227. 


H?S 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


dom  Pi'ra,  Hiiftorien  de  saint  Léger,  lautenr 
•des  Etwles  sur  les  actes  des  SaiiUs,  l'crudit 
éditeur  <!u  SpicUeqium  Soksmense  et  du  Droit 
canon  des  Grecs,  d  .m  Piolin,  l'auteur  dune 
grande  Ilisioiit  du  diocèse  du  Mans,  l'éditeur  de 
la  Gallia  c/irislinna  ;  dom  Le  Bannicr,  le  tra- 
ducteur de?  méditaiions  du  ilocteur  3éra['hique 
sur  laPas^ion  de  Notre-Scisrv  nr  ;  liom  Gucpin, 
qui  vient  d'écrire  l'hiïloire  de  l'Église  i^recque 
en  Pologne  dans  sa  magnifique  Vie  de  saint 
Josapfiat  ;  dom  Gai  doreau,  le  savant  théologien  ; 
dom  Bastide,  prieur  de  Ligugé  ;  et  ilom  Cou- 
turier, qui  vient  de  succéder  à  dom  Guéi  anger 
comme  supérieur  général  de  la  Congrégaliou 
de  France.  Le  lif  juillet  1833,  eu  l.i  fêle 
de  la  translatinn  de  saint  Benoit,  l'église  de 
l'abbaye  fut  léconciliée  et  les  nouveaux  béné- 
dictins reprirent  la  règle  du  saint  patriarche 
de  la  vie  monastique. 

Cette  installation  dans  les  ruines  de  So- 
lesmes  n'était  qu'un  premier  pas.  Pour  fonder 
quelque  chose  dans  l'Église ,  et  même  sim- 
plcm'-nt  pour  restaurer,  il  ne  suflit  pas  de 
halayer  des  araignr^es,  voire  de  dépenser  pour 
quelques  milliers  de  francs  de  moellons,  de 
mortier,  de  plâtre  et  de  couleur.  Il  faut  m-ttre, 
dans  tout  élablissemeut  qui  doit  vivre  ,  un 
esprit  qui  le  viviiie,  et  se  lioruât-on  à  ressus- 
citer un  or. Ire  ancien,  encore  faut-il  com- 
prendre ses  trad, lions  pour  en  renouer  la 
chaioe.  Un  coufiilcnt  de  l'abbé  Guéranger  va 
nous  expliquer,  avec  la  supériorité  du  génie 
et  l'autorité  du  caractère,  comment  compre- 
nait sa  tâche  le  restaurateur  de  l'ordre  de 
saint  Benoît.  «  Certes,  s'écrie  Mgr  Pie,  cette 
institution  avait  eu,  à  travers  les  siecli;s,  d»;s 
destinées  plus  glorieuses  et  plus  durables 
qu'aucune  autre  iu^titutiim  créée.  Elle  avait 
vu,  à  des  époques  sulennelles  de  rénovation, 
l'Eglise  entière  et  la  papauté  se  personniher 
presque  en  elle.  Mais  rien  ici-bas  n'est  a|q>elé 
à  p;irticipcr  au  privilège  qui  n'a[.partient  qu'a 
l'Eglise.  .\près  des  phases  de  relàchemtiil  tt 
de  reforme,  l'œuvie  de  saint  Benoit,  ailaiblie 
et  fractionnée,  survivait  dans  dus  congréga- 
tions diversement  organisées,  dont  chacune 
avait  son  cac^et  et  son  but  particulier.  Le 
patrimoine  était  assez  vasl.;  pour  que  chacun 
des  partageants  fut  encore  riche  devant  Dieu 
et  devant  les  hommes.  Mais,  parmi  la  dis- 
persion de  tout  le  reste,  la  i-iiose  qu'il  fallait 
maintenir  intacte  à  tout  prix,  je  veux  dira 
la  plénitude  de  l'esprit  de  saint  Benoit,  et,  en 
d'autres  terme.-,  .'essence  de  l'état  monastique, 
n'avait-clle  pas  subi  d'aliéralioc  et  île  ciiiuinu- 
tion?  Ce  qui  est  certain,  c'est  <iu'à  piirt  un 
vigoureux  rejeton  de  la  vie  cistercienne  mer- 
veilleusement sauvé  du  déluge.  Dieu  venait 
de  faire  parmi  nous  table  rase  du  pass»;.  et 


que  l'œuvre  était  tout  entière  à  reprendre,' 
puisque  ses  derniers  débris,  après  un  effort 
infructueux,    s'étaient  eux-mêmes  condamnés 


a  périr. 
(A  suivre.) 


Justin  Fèvre, 
Protonol'iire  Apostoliqu» 


VARIÉTÉS 
LES  ANNÉES  DU  PONTIFICAT  DE  PIE  IX. 

L'Unilà  callolica,  ds  Turin,  a  e.î  j'heureuse  idée,  lors 
du  vingt  neuvième  anniversaire  de  l'e.xaitation  de  Pie  JX 
au  souverain  Pontificat,  de  dresser  le  tableau  des  actes 
accomplis  par  notre  grand  Pape,  et  de  caractéri?er 
chacune  des  années  de  son  long  règne  d'après  les  événe- 
ments qui  s'y  sont  accomplis.  Quoique  très-abrégé,  oe 
tableau  n'en  demeure  pas  inoin^  grandement  éloquent,  et 
nous  sommes  assuré  que  nos  abonnés  le  liront  avec  un 
vif  intérêt.  —  P.  d'H. 

i846.  L'année  de  l'élection.  —  Ce  ne  fut  pas 
sans  un  dessein  mystérieux  de  la  Providence, 
qu'après  deux  jours  de  concL-ivc,  un  accord 
parfait  choisit,  le  16  juin  184(i,  pour  Pape  le 
cardmal  MHsta'i-Ferreili.  C  est  en  ces  termes 
qu'il  s'en  exprime  lui-même,  le  27  juillet,  en 
recevant  le  Sacré-Col  ége.  Le  9  novembre,  il 
annonce  au  monde  catholique  son  élection  en 
dévoilant  les  erreurs  modernes,  en  confirmant 
les  constitutions  de  ses  prédécesseurs  contre  les 
sectes  maç;onniques  ;  il  finit  en  recomtartodant 
à  l'épiscopat  un  zèle  nouveau  [lour  défendre 
l'Eglise  et  former  de  bons  prêtres.  Le  20  novem- 
bre, il  promulgue  un  JubUé  universel  pour 
obtenir  l'assistance  divine. 

1847.  L'année  des  éloges.  —  En  1847,  le 
monde  retentit  d'éloges  sur  Pie  IX,  mais  le 
Pontife  peu  attentif  à  ces  félicitations  ne 
s'occupe  que  de  l'Eglise.  Le  23  mars,  il  demande 
des  prières  pour  la  malheureuse  Irlande.  Il 
complète  l'administration  pontificale  par  la 
création  d'uu  conseil  des  ministres  (11  juin).  Il 
voit  les  périls  qui  menacent  les  ordres  reli  gieux, 
les  excite  à  l'observance  de  leurs  règles  (17  juin), 
il  rétablit  à  Jérusalem  le  patriarcat  latin 
("23  juillet).  En  consistoire,  il  recommande 
l'obéissance  au  pouvoir  temporel  '4  octobre).  Il 
réfute  les  calomnies  déjà  lancées  contre  lui, 
déplore  la  guerre  civile  en  Suisse,  exhorte  les 
évèques  à  délendre  1  Eglise  (17  décembre). 

1848.  L'année  de  la  trahism.  —  L'-s  hypocrites 
continuent  à  applaudir  le  Pape  ;  sans  s'y 
arrêier,  il  est  tout  à  l'Eglise;  le  6  j;invier,  il 
exhorte  les  scliismatiques  d'Orieut  à  revenir  à 
l'unité.  Il  proteste  de  son  amour  pour  les 
Allemands  ([u'il  déclare  ses  Ois  (29  avril),  et  ne 
veut  pas  leur  faire  la  geune.  Il  signale  les 
livres  défendus  par  l'/nc/ex' (2juin).  Ilexposcaux 
cardinaux  l'état  du  catholicisme  en  Uusde  et 
ses  ellorts  pour  l'améliorer  ;  il  y  crée  les 
pii-c>>nsciipiiiini  Ciiis.opales  (3  juillet).  Il  pleure 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


J2>v 


Mgr  Affre,  archevêque  de  Paris,  et  fait  célébrer 
dans  la  basilique  de  Libère  un  service  funèbre 
(H  septembre).  Il  confirme  le  patriarche  chal- 
ûéen  de  Babylone  pour  les  catholiques.  Enfin 
ses  applaudisseurs  l'obligent  à  fuir  Rome  et  à 
-aller  en  exil  (22  novembre). 

1849.  L'année  de  l'exil.  —  Réfugié  à  Gaëte, 
sa  première  pensée  est  pour  la  Vierge  Marie. 
Le  il  février,  il  consulte  l'épiscopal  sur  la 
croyance  catholique  à  la  Conception  Immaculée. 
Il  signale  au  monde  les  menées  de  la  Révolution 
i  Rome,  l'inutilité  de  son  appel  auprès  des 
princes.  Il  remercie  les  fidèles  du  Denier  de 
Saint- Pierre  (20  avril).  Il  comprend  ([iielle 
terrible  guerre  va  se  livrer  en  Italie  contre  la 
foi,  et  engrige  les  évoques  à  résister  avec 
«curage  (8  décembre). 

1850.  L'année  du  retour  à  Rome.  —  Les  armes 
•catholiques  ayant  délivré  Rome,  Pie  IX  y 
retourne  triomjihant;  il  remercie  les  princes 
qui  l'ont  secouru  ;  déplore  les  premières  agres- 
sions du  Piémont  contre  l'Eglise  et  la  condam- 
nation de  ''évéque  de  Turin  (20  mai).  Il  rétaldit 
la  hiérarchie  en  Angleterre  (29  septembre)  ; 
déplore  que  le  gouvernement  piémonlais  viole 
les  concordats,  et  persécute  les  catholiques. 
(1"  novembre).  Il  crée  en  Angleterre  les  chapi- 
tres canoniaux. 

1851.  L'année  des  concordats.  —  Pie  IX  con- 
damne l'écrit  lie  Paul  Vigii,  Fran(;ais,  résidant 
à  Lima,  ([ui  attaque  le  clergé  (10  juin),  et  à 
Turin  (22  août),  le  docteur  Noytz,  qui  fausse  le 
droit  canon.  11  réjouit  les  cardinéuix  en  leur 
annonç.inl  le  concordat  conclu  avec  la  reine 
d'Espagni'  (3  septembre).  Il  en  publie  le  texte, 
et,  reconnnissant  la  U'-ccssilé  de  prières  plus 
ferventes  |iour  sauver  l'Ei^lise,  il  promulgue  un 
second  Jubilé  (21  novembre). 

1852.  L'année  des  saints  conseils.  —  C'est  à 
ses  conseils  que  l'on  doit  le  spectacle  édifiant 
qu'offre  aujoiird'liui  l'épiscopat  (25  mars).  11 
recommande  la  comiorde  aux  évèques  d'Irlande, 
le  27  mai  à  ceux  d'Espagne.  Il  signale,  dans  la 
Nouvelle-Grenade,  les  agissements  de  la  maçon- 
nerie contre  la  sainteté  du  mariage  et  la  liberté 
de  l'Eglise  (27  septembre).  Pour  indiquer 
comment  se  soutiennent  les  combats  du  Sei- 
gneur, il  canonise  Jeau  Grande  et  Paul  de  la 
Croix  (1"  octobre). 

1833.  L'année  des  belles  institutions.  —  Il 
rétablit  la  hiérarchie  épiscopale  en  Hollande 
(4  mars),  signe  ud  concordat  avec  la  Républi- 
que de  Cosla-RicH  (7  mars),  loue  les  évèques 
de  France  ponT  leur  attachement  à  l'Eglise  et 
leur  conrng'î  pour  la  délendre  (21  mars).  Il  éla- 
blit  le  Sf-minaire  Pie  ;  crée  un  collège  à  Siniua- 
glia  ,  [>ublie  un  admirable  règlement  d'cinJes 
pour  le  séminaire  .-oniain  de  Saiut-Appolli- 
naire   (3  octobre).  U  étabUt   deux  nouveaux 


sièges  du  rite  grec,'  fait  un  concordat  avec  le 
Guatemala,  et  déplore  les  outrages  faits  à 
l'Eglise  en  Suisse  et  en  Piémont. 

1834.  L'année  de  l' Immaculée-Conception,  -i 
En  vue  et  comme  préparation  de  la  définition 
du  dogme  delà  Conception-Immaculée  de  Marie; 
Pie  IX  accorde  un  3'  Jubilé  (1"  août).  Il  an- 
nonctî  aux  cardinaux  son  prochain  décret  sur 
ce  dogme  {V  décembre).  Le  8  décembre,  il  pro- 
mulgue ce  dogme  par  la  Bulle  Jne/fabilis,  dé- 
clarant que  c'est  le  plus  beat»  jour  de  sa  vie  et 
signale  cette  définition  comuie  le  remède  aux 
erreurs  cont' — "poraines. 

1833.  L'année  de  la  révolution  subalpine.  — 
Depuis  quatre  ans,  le  Saint-Père  ''oufTpe,  avec 
une  patience  égale  à  celle  de  Notre-Seignenr, 
les  outrages  de  ce  gouvernement.  Le  22  février, 
il  se  di'cide  à  parler,  avec  nne  liberté  apostoli- 
que, des  maux  qui  déchirent  l'Eglise  du  Pié- 
mont. Sa  parole  est  méconnue,  la  révolte  s'ac- 
complit. Pie  IX,  le  26  juillet,  en  fait  entendre 
de  paternels  gémissements,  et  l'empereur  d'An- 
triclie  le  console  par  un  admirable  concordat 
(3  novembre). 

18.%.  L'année  du  chaos  européen.  —  C'est 
l'année  du  congrès  de  Paris  et  du  chaos  euro- 
péen. Pie  IX  accédant  à  la  demande  de  l'épis- 
copat français,  étend  à  l'Egli-e  universelle  la 
fête  du  Sacré-Cœur  (23  août).  Il  y  cherche  des 
motifs  d'espérance  et  de  consolation  contre  les 
tristesses  que  lui  cause  Napoléon  111  en  France, 
Cnvour  sur  la  Dora,  d'autres  impies  dans  le 
duché  de  Bad>',  au  Mexi(juc,  d;ms  les  réplubli- 
qucs  de  r.\mériquc  méridionale  et  en  Suisse 
(13  décembre). 

IS.'jT.  L'année  du  voyage  triomphal.  —Pour 
répondre  à  ceux  qui  le  disent  déteste  par  ses 
sujets,  Pie  IX  traverse  tous  ses  Etats  :  c'est  un 
triomphe  qui  dure  du  4  mars  au  5  septembre. 
Il  raconte  aux  cardinaux  l'accufil  enthousiaste 
qu'il  a  reçu  de  ses  peuples  et  des  souverains 
voisins(  23  septembre).  Jamais  l'Italie  n'a  vu  un 
aussi  sinièrc  plébiscite. 

1858.  L'année  des  sages  admonitions. — Pie  IX 
prévoit,  pour  1839,  l'entrée  de  Garibaldien 
Sicile  et  les  malheurs  qu'elle  en  éprouvera  ainsi 
que  Naides;(le  20  janvier),  dans  une  encycli- 
que fameuse,  il  donne,  non-seulement  à  deux 
évêiiues  .le  Sicile,  mais  à  l'épiscopattout  entier, 
de  précieux  avertissements  :  heureux  le  roi  -..e 
Kaples,  s'il  eût  su  alors  en  profiler! 

1  «59.  L'annéedes  séditions .  —  En  cette  année. 
Pie  IX  adresse  une  très-belle  lettre  à  Alexan- 
dre H,  de  Russie  ;  il  publie  une  louchante  ency- 
cliiuic  pour  demander  des  prières  pour  la  paix 
(27  avril),  une  solennelle  déclaration  parlaquelle 
il  se  dit  prêt  à  mourir  avant  de  faillir  dans  son 
devoir  (18  juin),  une  protestation  éloquente 
contre  les  révoltes  de  Bologne,  Ravenne  et  1 6-  ■ 


12i» 


LA  SEMAINE  DU  CLEKGÊ 


rousc  (20  juin),  qu'il  termine  par  îles  plaintes 
contre  le  gouvernement,  cause  de  tant  de 
maux. 

1860.  Vannée  des  excommvnicntions.  —  Le  26 
mars,  Pie  IX  excommunie  les  envahisseurs  de 
ses  Etats;  luauioup  en  plaisantèrent  alors,  mais 
Napoli  on  m  n'en  rit  plus,  et  si  Minglntti  en 
plaisante  encore,  ce  sera  pour  peu  de  temps, 
car  viendra  l'heure  de  la  divine  justice.  D'ail- 
leurs, n'avons-nous  pas  entendu,  il  y  a  peu  de 
jours,  un  di  pulé  italien  appeler  le  parlement 
du  Mont-Citorio,  une  chambre  à' excommuniés? 

1861.  L'année  du  royaume  d'Italie.  —  L'ori- 
pine  de  ce  royi;ume  est  racontée  au  monde  par 
Pie  IX,  le  30  septembre,  dans  une  allocution 
fameuse.  Le  Saint-Père  s'en  console  à  la  vue  de 
l'union  clans  l'épiseopat,  de  la  piété  des  peu- 
ples, de  la  fidélité  des  Romains.  Il  crée  à  Goa 
un  siège  épiscopal,  exprime  à  l'évêque  de  Var- 
sovie son  amour  pour  la  Pologne  (6  juin),  érige 
de  nouveaux  évêchés  à  Haïti  et  prépare  la  cano- 
nisation des  martyrs  japonais  (23  décembre). 

^862.  L'année  des  martyrs  japonais.  —  Voyant 
les  persécutions  réservées  à  l'Italie,  Pie  IX  par 
la  canonisation  des  martyrs  du  Japon  et  de  Mi- 
chel-des-Saints,  montre  commeut  il  faut  souf- 
frir (6  juin).  11  entretient  les  évéqucs  accourus 
de  toutes  les  parties  du  monde  des  erreurs  ac- 
tuelles, les  engageant  à  les  réfuter  (9  juin).  Il 
recommande  le  zèle  à  l'épiseopat  portugais  et 
avertit  l'aichevèque  de  Munich  de  l'hércsie  qui 
va  dévorer  l'Allemagne. 

1863.  L'année  de  la  Pologne.  —  Avec  un  cou- 
rage admiré,  même  par  la  Chambre  italienne, 
Pie  IX  poutient  la  Pologne  contre  le  czar  ;  dans 
le  consistoire  du  16  mars  il  raconte  les  malheurs 
de  ce  pays;  le  22  avril  il  écrit  au  tzar  lui- 
même  une  lettre  sur  ce  sujet;  il  célèbre  le  300' 
anniversaire  du  concile  de  Trente,  condamne 
les  catholitjues  libéraux  [\0  août)  et,  démasquant 
Dœllinger,  il  écrit  à  )'urchevéi|ue  de  Munich 
sur  le  congiès  des  docteurs  de  Bavière  et  sur 
les  erreurs  de  l'orgueilleux  Père  des  vieux  ca- 
tholiquei  (22  décemljie). 

1864.  L'année  du  ^yuji^vs.  —  Continuant  sa 
lutte  contre  l'erreur.  Pie  IX  écrit  aux  évèques  de 
Pologne,  flétrit  la  persécution  russe  contre 
l'Eglise  (30  juillet).  11  loue  l'héroïsme  de  l'ar- 
chevêque de  Fribourg  en  Biisgau  ;  félicite  l'épis- 
eopat bavarois  de  sa  fermeié  :  il  béatifie  la 
grande  apolre  du  Sacré-Cœur,  la  B.  Margue- 
rite-Marie Alaco(pie  (19  août)  et  publie  son 
immortelle  encyclique  Quanta  cura  et  le  Syllubus 
sur  les  erreurs  contemporaines  (8  décembre). 

1863.  L'année  des  Francs-Maçons. —  Bien  que 
dès  son  avènement  Pie  IX  n'eut  pas  cessé  de 
condamner  celte  secte,  voyant  ses  continuels 
progrès,  il  la  frappe  de  nouveau  en  1863;  et, 
après  avoir  pourvu  aux  bcsuius  de  l'Eglise  à  la 


Plata  (3  mars),  au  Pérou  (17  mars),  en  Orient 
(27  mars),  aux  îles  Philippines  (27  mai),  le  25 
septembre  il  signale  au  monde  les  agissements 
des  sectes  et  conjure  les  fidèles  de  s'en  pré- 
server. 

1866.  L'année  de  Sadcwc. —  La  Révolution 
s'eftorce  d'abattre  les  puissances  catholiques  et 
s'unit  aux  protestants  pour  combattre  l'Eglise. 
Pie  IX  redouble  donc  de  zèle  pour  défendre 
cette  Eglise  ;  par  sa  lettre  apostolique  du  12  fé- 
vrier, il  fonde  à  perpétuité  che^  <!js  Jésuites  ua 
collège  d'écrivains  pour  la  soutenir  avec  leur 
plume.  Dans  le  consistoire  du  22  juin,  il  crée  les 
sièges  d'Oran  et  de  Constantine,  confirme  l'élec- 
tion du  patriarche  syrien  d'Aatioche  et  canonise 
de  nouveaux  saints. 

1867.  L'année  de  saint  Pierre.  —  En  cette 
année  Pie  IX  est  inondé  de  joies  extraordi- 
naires qui  l'aideront  à  soutenir  de  nouvelle» 
luttes.  Tous  les  évèques  du  monde  l'entourent 
pour  le  centenaire  de  saint  Pierre,  le  26  juin, 
il  les  réunit  en  consistoire,  leur  exprime  son 
bonheur  de  leur  union  au  Saint-Siège.  Dans  une 
adresse  fameuse  ils  expriment  leur  fidélité  au 
Pape  et  la  nécessité  du  pouvoir  temporel.  Le 
30  juin,  Pie  IX  leur  répond  par  une  allocution 
et  leur  annonce  un  concile  œcuménique.  Il  ca- 
nonise de  nombreux  saiut-,  érige  en  archicon- 
frérie  l'association  des  c/i'if/ies  de  Saint- Pierre; 
le  20  septembre,  il  gérait  sur  la  spoliation  des 
couvents  en  Italie;  le  17  octobre,  il  démasque 
l'armée  de  Garibaldi  envahissant  les  Etats  de 
l'Eglise,  et  pleure  de  nouveau  sur  la  Pologne. 

1808.  L'année  de  préparation  au  Concile.  -— 
Daus  sa  sagesse  pour  gouverner  l'Eglise,  il  s'ad- 
joint 9  cardinaux  nouveaux  (13  mais),  consulte 
le  Sacré-Collége  sur  le  futur  Concile  (22  juin), 
et  publie  le  29  juin  les  lettres  d'indiction  du 
Concile  pour  le  8  décembre  lfc'69. 

1869.  L'année  du  Concile  du  Vatican.  — Pie  IX 
célèbre  ses  noces  d'or  et  ouvre  aux  fidèles  les 
trésors  de  l'Eglise  (26  mars).  Il  refuse  aux  schis- 
matiques  l'entrée  du  Concile  (4  septembre),  les 
invitant  à  discuter  avec  ses  théologiens  (30  oc- 
tobre). 11  rédige  un  admirable  règlement  inté- 
rieur du  Concile  (27  novemhie),  inaugure  les 
congrégations  du  Concile  par  , 'étonnante  allo- 
cution du  2  décembre*  pourvoit  avec  sagesse  > 
au  choix  de  son  succes-eur  on  cas  de  mort  ; 
enfin  le  8  décembre  il  ouvre  à  Saint-Pierre  le 
Concile. 

1870.  L'année  de  la  brèche  de  la  porte  Pia.  — 
Le  Concile  poursuit  son  œuvre  salutaire  pour 
l'Eglise  et  pour  la  foi  :  Pie  LK  promulgue  la 
constitution  dogmaticjue  sur  Dieu  crcaieur,  sur 
la  foi,  sur  la  r.dson,  sur  la  révélation  (24  avril), 
puis  la  seconde  sur  la  primauté  de  Pierre,  la 
perpétuité  et  riulaillibilité  [lonlificale  (18  juil- 
let); mais    ce  jour-là  éclatait  la  guerre;  1» 


LA  SEMAINE  DU  CLEKGE 


1231 


20scptamliroRomc  estenvaliie;  le  \"  novem- 
bre Fie  IX  raconte  au  monde  cette  inva- 
sion, les  effets  du  canon,  la  broclie  de  la  porte 
Pie  :  il  prntesto,  promet  de  rf'"*ister  constarameut 
à  l'envaliisseur  et  il  lient v^ro'e. 

1871.  L'année  (ha  garanties  pontificales.  —  Les 
envahisseurs  lui  nllrenl  des  garanties,  il  les  re- 
fuse I  ohlement  (le  2  mars).  Par  de  continuels 
discours  et  par  ses  actes  il  ne  cesse  de  combat- 
tre la  Révolution.  Il  remercie  Ditu  de  lui  avoir 
accordé  les  années  de  Pierre  (4  juin);  il  établit 
saini  Joseph  protecteur  de  l'Eglise  (7  juillet);  il 
voit  dais  l'unité  du  monde  catholi(|ue  le  gage 
d'un  tricimphe.  Il  refuse  un  trône  d'or  el  le  titre 
de  Grand  {8  aoùl).  Il  pourvoit  aux  iunombraLles 
sièges  vacants  en  Italie  (27  octobre). 

1872.  L'année  de  la  guerre  aux  couvents.  — 
Quand  il  s'agit  de  suiiprimer  les  couvents  à 
Rome,  Pic  IX  révèle  ce  que  valent  les  garanties 
promises.  Par  une  célèbre  lettre  au  cardinal 
Antonolli,  ils  se  déclare  prisonnier  du  gouver- 
nement italien,  mais  prêt  à  mourir  plutôt  qu'à 
céder  (IG  juin).  Devant  ics  cardinaux,  il  con- 
damne et  excommunie  les  siioliateurs,  s'aban- 
donnant  à  la  justice  et  aux  miséricordes  de 
Dieu  (23  décembre). 

1873.  L'année  de  la  persécution  universelle .  — 
Beau(  oup  de  gouvernements  se  mettent  à  per- 
sécuter plus  Duveitement  l'Eglisi',  la  maçon- 
nerie redouble  ses  rusf'S,  le  catholicisme  libéral, 
avec  une  fausse  dévotion,  cherche  à  semer  la 
division  contie  Rr)me.  Pie  IX  encourage  les  so- 
ciétés catholicjues  d'Allemagne  (10  lévrier),  de 
France,  de  Belgique,  d'Italie.  Il  renouvelle  les 
anatlièmes  contre  les  sectes  (29  mai),  en  écri- 
vant à  l'évêquc  d'Olinda,  au  Brésil.  Il  con- 
damne le  catholicisme  libéral  (6  mars),  en  écri- 
vant aux  sociélcs  catholiques  Saint-Ambroise, 
de  iVIilan,  aux  ceri  les  d'Orléans  et  de  Belgique. 
Le  21  novembre,  il  publie  une  encyclique  dé- 
nonçant à  l'univers  ce  que  souffie  l'Eglise  à 
Rome,  en  Italie,  en  Suisse,  en  Prusse. 

1874.  L'année  des  alliances  impies.  —  Il  voit 
l'Autriche  préparer  contre  l'Eglise  les  mêmes 
armes  que  la  Prusse;  le  7  mars,  il  en  écrit  à 
l'épiscopat  autrichien;  le  13  mai,  il  recom- 
mande à  l'épiscopat  rutbène  la  constance  dans 
la  liturgie  que  veut  leur  ravir  îe  schisme  russe. 
Voyant  le  mal  s'étendre  toujours  plus,  dans  le 
consistoire  du  21  décembre,  il  déplore  l'aveugle- 
ment des  gouvernants  qui  s'unissent  aux  en- 
nemis de  l'Eglise  partout.  Il  cite  l'exemple  de 
l'Allemagne,  de  la  Suisse,  des  divers  Etats  du 
Nord  et  du  Sud  de  l'Amérique,  el  la  persécution 
delà  Turquie  contre  les  Arméniens.  Le  24  dé- 
cembre, il  convie  les  peuples  à  la  pénitence  et 
au  grand  Ju/iilé. 

4875.  L'année  des  dernières  conspirations.  — 
A  la  persécution  vient  s'ajouter  la  conspiration  : 


on  calcule  et  on  escompte  la  mort  du  Pape;  le» 
divers  gouvernements  cherchent  à  s'entendre 
pour  enchaîner  en  tel  cas  la  liberté  du  Conclave. 
Le  Père  des  fidèles  pense  à  la  douleur  de  ses 
enfants,  il  écrit  aux  évêques  prisonniers  d'Al- 
lemagne pour  les  consoler;  le  23  mars,  il  s'a- 
dresse au  clergé  ot  au».*dèles  de  Suisse.  Le 
15  mars  il  prononce  une  allocution  se  plaignant 
qu'on  veuille  empêcher,  en  Italie, la  publication 
des  actes  et  des  discours  pontifîraux.  Pendant 
que  les  gouvernements  se  séparent  de  lui,  les 
peuples  accourent  en  foule  à  ses  pieds  pour  y 
puiser  de  la  force,  fêter  sa  naissame.  et,  en  re- 
tour, il  les  invite  tous  à  aller  puiser  les  secours 
qui  leur  manquent  dans  le  Sacré-Cœur  de 
Jésus. 


CHRONIQUE   HEBDOMADAIRE 

Discours  du  Pape  aux  mombrea  de  la  Société  de 
secours  aux  pauvres  employés  pontiQcaux  civils  et 
militaires.  —  Nou\elles  liqwdalions  de  couvents.  — 
Transport  des  plus  précieuses  reliquea  de  Rotnf^  ta. 
Vatican.  —  Les  Frères  de  la  Conceplion  autorisés  à 
porter  des  tiabits  lairpips.  —  La  charité  d'S  révolu- 
tionnaires italiens.  —  Double  guérlson  miiaculeuse 
d'une  pauvre  malade  à  Lourdes.  —  Consécraiion  de 
la  basilique  de  Saint-Epvre.  —  Inauguration  d'un 
cercle  calholiiue  d'ouvriers  à  Nancy.  —  La  clinpelle 
du  clergé  de  France  dans  l'église  du  Sacré-Cœur. — 
Fermeture  de>  écoles  en  Alsace-Lorraine,  faute  de 
maîtres.  —  Expulsion  des  soeurs  de  la  Ctiarilé  au 
Mexique,  —  Comment  elles  sont  accueillies  à  San- 
Francisco.  —  Conduite  des  évoques  mexicains. 

21  juillet  1875. 

Rome.  —  Le  discours  du  Saint-Père  qu'on  va 
lire  est  le  dernier  avec  lequel  nous  étions  en 
retard.  Il  a  été  adressé,  le  30  mai  dernier,  aux 
membres  de  la  Société  de  secours  aux  pauvres 
employés  pontificaux  civils  et  militaires. 

«  Je  me  réjouis,  leur  a  dit  Pie  IX,  de  vous 
voir  former  autour  île  moi  tmc  agréable  cou- 
ronne, et  cela  pour  deux  motifs  :  d'abord,  parce 
que  votre  présence  ici  me  fournit  l'occasion  de 
vous  donner  la  bénédiction  qui.  si  mes  voeux 
sont  accomplis,  vous  encouragera  et  vous  ani- 
mera dans  l'exercice  des  œuvres  de  la  charité  ; 
en  second  lieu,  parce  que  je  ^lis  vous  exprimer 
ma  joie  et  ma  satisfaction  do  ;o'r  que,  depuis 
cinq  ans,  vous  ne  cessez  de  vous  cmjjloyer  avec 
un  zèle  louable  à  une  œuvre  extrêmement  inté- 
ressante, au  soulagement  d'une  petite  armée, 
qui,  par  sa  fidélité,  sa  lermeté  et  sa  disciplin(!,  a 
excité  l'admiration  des  personnes  les  plus  exer- 
cées dans  le  métier  des  armes.  Telle  a  été, 
j'aime  à  le  dire,  la  conduite  de  cette  petite 
armée  dont,  bien  cjue  peu  exercée  dans  l'art 
militaire,  j'ai  dii  néanmoins  louer  la  bonne 
discipline  et  la  fidélité,  pendant  que  je  lui  four- 
nissais les  moyens  et  les  personnes  nécessaires 
pour  qu'elle  ne  fût  pas  privée  d«  l'aliment  sp i- 


123Î 


LA  SESIAINE  DU  CLERGÉ 


rituel,  et  que  chaque  soldat  pût  conformer  sa 
■vie  au  carurlère  clirétieu  que  nous  portons  tous 
gravé  dans  notre  iino. 

0  Ilonnenrdon'-  à  votre  charitable  sollicitude, 
qui,  non  contente  de  pourvoir  au  modeste  entre- 
tien matériel  de  mes  enfants,  va  jusqu'à  cultiver 
autant  qu'il  est  possible,  leur  espiit,  afin  de  les 
mettre  en  garde  contre  les  séductions  et  la  cor- 
ruption du  siècle.  Je  vous  en  félicite  d'autant 
plus  qu'il  ne  peut  y  avoir  d'unions  soit  civiles, 
soit  militaires,  sans  l'élément  religieux  nr'ces- 
«aire  non-seutemrnt  pour  alimenter  la  piété  daos 
le  cœur  des  soldats,  mais  encore  pour  les  rendre 
exacts  dans  l'accomplissement  de  leurs  devoirs. 

«  Je  me  rappelle  (il  y  a  de  cela  vingt-quatre 
ou  vingt-cinq  ans)  que,  lorsque  les  troupes  fran- 
cises vinrent  garantir  la  ville  de  Rome,  elles 
étaient  privées,  pour  dififérenls  mo'.its,  de  l'as- 
sistance spirituelle  ;  c'est  pouninoi  j'écrivis  à  ce 
sujet  uue  lettre  au  chef  de  cette  illustre  nation 
(qui  porte  aujourd'hui  noblement  en  main  la 
palme  du  triomphe  qu'elle  a  remporté  sur  le 
respect  humain),  et  il  me  répondit  promptement 
qu'il  allait  pourvoir  à  ce  besoin  conformément 
à  mes  désirs.  Les  temps  étaient  alors  favorables 
à  la  religion.  Mais  comme  cette  salutaire  in- 
fluence déplaisait  à  tous  les  sectain  s,  il  arriva 
que  Satan  arma  la  main  de  quelques  assassins, 
et  jeta,  par  son  œuvre  ténébreuse,  la  craiute 
dans  l'esprit  dfs  hommes  qui  étaient  en  France 
à  la  tête  des  affaires  publiques;  ils  conformèrent 
dès  lors  leurs  actes  i)lutôt  à  la  politique  hu- 
main;' qu'à  l'esprit  de  l'Eglise  ;  et  ainsi  la  nioin 
protectrice  se  retira  quelque  temps.  Cependant 
l'ordre  fut  donné  au  commandant  de  la  garnison 
<ie  Rome  de  procurer  aux  soldats  l'assistance 
spirituelle,  et  cet  ordre  eut  sou  etfct. 

«  Plût  à  Dieu  qu'on  en  agît  de  même  à  l'é- 
gard des  soldats  qui  sont  aujourd'hui  sous  les 
armes  !  Ce  sont  pour  la  plupart  de  pauvres 
paysans  abandonnés,  qui,  loin  d'être  favorisés 
daus  le  libre  exercice  des  pratiques  religieuses, 
en  sont  au  contraire  détournés  par  un  art  it  des 
ruses  dialioliques.  On  voudrait  même  rendre 
impralii-able  l'exercice  de  la  religion  en  di'trui- 
sant  (entreprise  inipo-sihle,  mais  qu'on  veut 
tenter)  le  sacerdoce  chrétien,  qu'on  prétend 
obliger  au  service  militaire.  Tout  le  monde  con- 
nnit  la  loi  présentée  à  ce  sujet,  loi  en  veitu  do 
biquelle  on  veut  échanger  l'élole  contre  le 
fusil,  le  ma'  ipule  contre  l'épée,  l'amicl  contre 
le  casque.  Loi  inique,  et  qui,  comme  on  l'a  dit, 
tout  en  tendant  à  la  destruction  du  saterdoco 
chrétien,  accumule  ne  nouvelles  censures  sui 
l'âme  de  tons  ceux  qui  la  promulguent  et  de 
•ceux  qui  la  sau-tionnent.  Déplorable  condition 
de  tous  ceux  qui  asfi'^seut  aveuglément  contre  la 
foi,  tons  ne  la  déte-lent  pourtant  pent-étre  iwi-i 
•du  fond  de  lear  âme,  mais  iU  sont  poussés  pur 


ces  hommes  aussi  obscurs  que  puissants  qui  les 
empêchent  de  s'arrêter  au  bord  de  l'abîme. 
Quant  à  ces  derniers,  il  leur  faut,  pour  satis- 
faire la  rage  infernale  qui  les  dévore,  il  leur 
faut  diriger  toutes  leurs  pensées  et  leurs  déter- 
minations au  saul  but  de  persécuter  l'Eglise  de 
Jésus -Christ. 

«  Mais  la  religion  demeurera  inébranlable  ; 
et  quoiqu'on  ce  moment  aucune  espérance  de 
secours  ne  se  présente  à  el.'e  du  côlé  des 
hommes,  la  religioo  et  l'Eglise  agiront  d'elles- 
mêmes  (/"oranno  da  se).  De  même  que  l'arche, 
fceule  et  en  apparence  impuissante,  vit  tomber 
en  morceaux  à  ses  pieds  l'idole  infâme  de 
Dagon,  de  même  l'Eglise  triomphera  de  l'idol» 
plus  infâme  encore  de  incrédulité.  Je  m'arrête 
ici,  car  ce  n'est  pas  !*  moment  de  donner  un 
plus  grand  développement  à  celle  vérité. 

«  En  attendant,  jetons-nous  entre  les  bras  de 
la  divine  miséricorde.  Espérons  en  la  médiation 
de  la  Mère  de  Dieu,  laquelle  aujourd'hui,  à  la 
fin  du  mois  qui  lui  est  dédié,  estplBS  que  jamais 
disposée  à  exaucer  nos  prières;  et  soyons  assu- 
rés que  nous  obtiendrons  les  forces  nécessaires 
pour  combattre  et  la  confiance  en  Dieu,  qui 
nous  fera  voir  l'accroissement  de  la  foi  et  de  la 
charité  chrétienne. 

«  Enfin,  pour  nous  v^'ngerde  nos  ennemis  et 
des  usurpateurs  des  droits  de.  Dieu  et  de  l'Eglise, 
souvenons- nous  d'eux  devant  Marie,  refuge  des 
pécheurs;  qu'elle  leur  obtienne  la  connaissance 
de  leur  déplorable  état!  Que  la  lumière  péné- 
trant ilans  leur  esprit  et  dans  leur  cœur,  ils 
retirent  le  pied  de  l'abime,  et  qu'ils  évitent,  par 
un  entier  et  sincère  repentir,  les  malédictions 
ultérieures  de  Dieu,  su-pendues  sur  leurs  tètes. 
«Recevez,  à  présent,  ma  bénédiction.  Qu'elle 
TOUS  fortifie,  qu'elle  s'étende  aux  diverses 
familles  auscjucllcs  vous  appartenez;  que  cette 
bénédiction  vous  accompagne  durant  votre  vie, 
qu'elle  touî  fortifie  au  moment  de  la  mort,  et 
qu'elle  vous  obtienne  la  grâce  de  louer  et  de 
remcivier  Dieu  dans  le  ciel  durant  les  siècles 
des  siècles.  » 

Rien  de  ce  que  peut  dire  le  Pape  ne  ralentit 
l'ardeur  de  la  spoliation  dont  sont  auimés  les  nou- 
veaux venus  à  Rome.  Comme  les  communards 
de  Paris,  ils  veulent  ne  rien  laisser  après  eux, 
s'ils  sont  forcés  d'ahandonner  la  ville  sainte. 
En  quelques  jours,  la  fameuse  junle  liquidatrice 
a.  expuisi'  de  chez  eux,  après  tant  «l'autres  déjà  : 
les  Augustines  Ôblales,  au  couvent  des  Selte 
Ooliivi;  les  Clarisses  de  Saint-Sylvestre;  les 
Passionisles  des  Saints-Jean-el-Paul;  les  Capu- 
cuis  de  ia  place  barberiui;  les  PaSïionistes  de 
la  Scala -Santa  (préposés  à  la  garde  de  l'escalier 
saint);  h?  Ciqiucins  de  Saint-Laurent  hors  les 
Jlui.s,  qui  s«'»Teiil  de  chapelains  au  cimetière; 
les  B  iK-Oicliucs  Uljlatcs  de  ToideiUptichi.  Dans 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1233 


ce  dernier  couvent,  l'tin  «ies  membres  de  la 
junte,  joignant  la  moquerie  à  la  violence,  a  osé 
tlemander  aux  religieuses  de  {irierpour  lui  afin 
qu'il  puisse  bien  remiilir  sou  devoir. 

l'our  préserver  de  la  profanation  les  plus 
insignes  reliiiues  éporscs  dans  les  monastiMcs 
et  les  églises  de  Rome,  le  P.ipe  les  avait  fait 
transporter  au  Vatican,  aussitôt  après  l'iuvasinn 
piéniontaise.  On  voit  cooibien  sa  piévoyauce  a 
été  foge.  11  vient  d'y  laiie  tians(ioiter  aussi 
celles  de  saint  Léonard  dePorl-Jlauiice,  confiées 
à  la  giirde  des  religieux  et  son  ordre,  les  Fran- 
ciscains de  la  stricte  observance,  du  mont 
Palatin,  parce  que  la  junte  avait  également 
chassé  ces  religieux  de  leur  couvent,  que  l'on 
va  démolir  sous  prétexte  de  pouijeuivre  les 
fouilles  qui  doivent  aboutir  à  la  découverte... 
des  lupanars  de  Néron. 

Le  seul  babit  reliiiicux  oflnsquc  la  vue  des 
envahisseurs;  sans  doute  il  est  pour  eux  une 
Jiçon  parlante,  dont  ils  ne  venletit  pas.  Les 
Frères  de  la  (Àmccptipn  étaient  préposés  à  la 
garde  des  inliiiues  dans  les  bô|iilaux  de  Hume. 
Le  gouvernement  nouveau  leur  a  fait  sii^nifier 
d'avoir  à  quitter  leur  froc  bleu  s'ils  voulaient 
continuer  leur  service,  ils  en  ont  référé  au 
Sainl-Pôre,  qui,  tout  hé  de  compassion  pour  les 
malades  qui  seraient  demeurés  sans  assistance 
religieuse,  les  a  autorisés  à  prendre  des  vête- 
ments laïques.  Cela  rap[ielle  encore  les  com- 
munards, qui  voulaient  que  les  sœurs  des 
hôpitaux  et  des  écoles  abandonnasseut  leur 
costume  religieux. 

CepeUiianl  les  révolutionnaires  iialiens,  tout 
en  de()ouiUant  l'Kglife,  et  en  se  partageant  ses 
Liens,  se  montrent  lort  peu  géiéreux  pour  nos 
malhenreux  inondés  du  .Midi.  Le  plus  illustie 
<l'entre  eux,  ijui  vient  de  reccviàr  pour  sa  part 
deux  millions  de  capital  et  deux  cent  mille 
livresde  rente, a  eliaigé,  par  une  lettre  piibli<|ue, 
son  ami  Bordone  de  \erser  1U(J  l'r.  pour  lui. 
iUen  ne  prouve  que  ces  100  francs  seront  vei  ses. 
iiais  le  fussent-ils,  ou  convieiulra  qu'ils  feront 
triste  ligure  à  coté  des  20,000  francs  de  l'ie  IX 
epolié,  vivant  d'auniones,  et  obligé  de  faire 
face  aux  dépenses  de  l'Eglise  dans  tant  de  pays 
où  elle  est  |ierseeutée  et  indignement  volée. 
Les  catbiilitiues  se  sont  montres  dignes  de  leur 
<Jli(;f  vénéré,  et  les  révolutionnaires  n'ont  eu 
garde  de  faire  hnnte  an  leur,  ainsi  que,  le 
témoignent  le  cbllfre des  offrandes;  ma^sil  nous 
sultit  d'avoii  rapporté  les  deux  faits  ci-ilessus, 
parée  ([u'ils  indiquent  assez  exactement  lu 
mesure  de  la  charité  des  uus  et  des  autres. 

FnANCE.  —  Le  jour  même  où  les  catholiques 
de  liiulc  la  terre  se  consacraient  au  sacré-eœur 
de.ks'.is,  le  I G  juin  dernier,  une  pauvre  sourde- 
jnuclte,  ùgée   de  21    ans,  éprouvait,  pour  la 


seconde  fois  à  Lourdes,  les  effets  de  la  miséri- 
cordieuse bontéde  Marie.  Cette  infortunée  bien- 
heureuse est  de  Larny,  au  <liocèse  de  Poitiers, 
et  se  nomme  Jeanne  Lepetit.  Atteinte  depuis 
trois  ans  d'un  lupus  (ilartre  rongeante)  dont 
rien  n'avait  pu  arrêter  les  pnigres,  elle  en  fut 
«ubilement  guérie  en  se  plongeant  dans  lu 
piscine  de  Lourdes,  le  5  octobre  1872.  Elle 
avait  fait  vœu,  dans  cet  instant,  si  elle  gué- 
rissait, d'entrer  en  religion  et  de  communier 
tous  les  samedis  en  l'honneui  de  la  sainte 
Vierge.  Elle  sollicita,  <*n  consé<;iience,  d'être 
admise  dans  une  petite  eongregalion  fondée 
exprès  pour  les  sourdes-muettes,  et  elle  y  fut 
reçue  postulante.  Mais,  au  commencement  de 
cette  année  IS'îo,  sa  ferveur  s'etaut  ralentie,  au 
point  qu'une  de  ses  maîtresses  lui  exprima  la 
crainte  que  son  mal  ne  la  reprit,  le  lupus 
reparut  en  cfl'et  peu  après,  et  fit  les  plus 
edrayanls  progrès,  endépit  de  tous  les  remèdes. 
Grâce  à  une  personne  charitable,  elle  put  faire 
de  nouveau  le  pèlerinage  de  Lour  les.  El  étant 
descendue  liaiis  la  piscine,  comme  la  première 
fois,  elle  fut  tout  à  coup  etcom|détemcnt  guérie. 
D'admirables  fêles  ont  eu  lieu  à  Nancy,  le 
7  juillet,  |)oor  la  consécration  de  la  basilique 
de  Saint- Epvre.  Le  prélat  conséeiateur  était 
Mgr.  l'évéqae  de  Nancy  lui-même.  Après  les 
cérémonies  secrètes,  les  (lortcs  furent  ouvertes, 
et  des  flots  de  fidèles  se  précipitèrent  dans 
l'église.  A  droite  de  l'autel  étaient  placée  ; 
Mgr  Guilberl,  évêque  de  Gap,  M-;r  Meignan, 
évcque  de  Cbàlons  et  Mgr  Sleirieu,  évêque  de 
Digne;  à  gauche:  Mgr  liocquard,  évêque  de 
Verdun,  et  Mgr  .\lermdlod,  évêque  d'Uebron  et 
vicaire  apostolique  de  Genève.  Sur  le  devant, 
dans  le  rang  le  plus  rapproché  de  l'autel,  on 
remarquait  toutes  les  autorités  militaires  et 
civiles  de  Nancy.  Aux  offices  du  soir,  Mgr  Mer- 
millud  a  captivé  so:i  iminence  auditoire  en 
développant  ce  sujet,  que  l'Kglise  est  le  double 
foyer  de  la  vie  reli;;ieuse  et  de  la  vie  sociale. 
V(Mei  la  brève  analyse  que  donne  du  discours 
do  l'éloquent  évêque  proscrit  le  correspondant 
de  VUitivers.  «  L'église  est  le  foyer  de  la  vie  reli- 
gieuse. La  nature  est  un  tcra[de  et  la  cons- 
cience un  sanctuaire.  Mais  ce  sanctuaire  est 
souvent  souillé  et  ce  temple  souvent  vrcfané. 
Il  faut  autre  chose  à  l'homme;  i'.  iui  faut  un 
lieu  consacré  où  il  se  trouve,  pour  ainsi  dire, 
rappiochédcDieu.  et  comme  faieà  faceavecsou 
Sauveur.  —  L  Eglise  est  un  fojcr  de  vie  sociale. 
Foyer  de  lumière,  car  contre  elle  s'adosse 
l'école,  et  dans  son  enecinte  même  sont  ensei- 
gnées les  glandes  vi'.iiti's.jui  rendent  les  nations 
fortes  et  lieuieuses.  Foyer  de  dévouement,  car 
ù  son  aiin  les  cojurs  se  "ililaient  el  se  préparent 
au  sacrifiée.  Ei  lin.  f.  ver  de  paln.ti.-me  I  Si 
les  archives  et  les  bibliolliequcs  étaient  délrui- 


1234 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


tes,  ne  retrouverail-on  pas  l'histoire  i^e  France 
écrite  dan*  Ifs  églises  et  les  calhédrales  ?  » 

Le  lendemain,  sous  la  présidence  de  Mgr  l'é- 
vêque  de  Nancy,  assisté  de  Mgr  Mn-millod,  et 
en  présence  des  autorités  de  la  ville,  avait  lieu 
rinanfi;uration  d'un  cercle  catholiiiue  d'ou- 
vrier?. Mgr  Mcrmillo;r  a  prii  encore  la  parole. 
Il  a  commiTicé  par  rappeler  qu'il  avait  deux 
patrie?,  la  France  et  la  Suisse,  que  son  cœur 
d'évêijue  réunissait  dans  une  commune  ten- 
dresse ;  il  a  dit  ensuite  qu'il  aimait  de  toute 
son  âme  les  ouvriers,  et  a  terminé  son  discours 
par  les  paroles  suivantes:  «  Ouvriers!  ayez 
confiance,  vous  avez  la  sympathie  de  l'Eglise. 
Tous  les  prêtres,  par  leur  dévouement  à  votre 
cause,  ne  vous  montrent-ils  pas  suflisamment 
qu'ils  sont  vos  amis?  Ne  vous  laissez  point  trom- 
per, car  sachez  que  dans  ce  siècle  de  lumière, 
c'est  l'Eglise  qui  marche  quand  le  reste  du 
inonde  demeure  immoijile.  » 

Après  les  ouvriers,  après  les  soMats,  après 
les  magistrats,  après  les  législateurs,  voici  que 
les  prêtres  aussi  auront  leur  chapelle  spéciale 
dans  la  future  église  du  Sacré-Cœur.  Depuis 
longtemps,  beaucoup  de  demandes  dans  ce 
sens  avaient  été  adressées  à  Mgr  Guibert  ;  mais 
Son  Eminence  ne  s'était  pas  hâlée  d'y  repondre, 
parce  qu'elles  étaient  isolées.  M.  l'APcliiprètre 
de  Bar-le-Duc  s'étant  uni  à  vingt-neuf  doyen.";, 
curés,  aumôniers  et  vicaires  de  cet  aichiprètré, 
pour  soumettre  la  même  idée  au  vénérable  car- 
dinal, Son  Eminence,  après  en  avoir  conféré 
avec  les  membres  rlu  comité,  l'a  enfin  accueillie. 
La  chapelle  du  clergé  de  Fiance  sera  dédiée  à 
Jésus-Cdrist  pbêtre  éternkl,  et  t'est  à  son 
autel  que  sera  conservé  le  Saint-Sacrement. 
Nul  doute  que  tous  les  membres  du  cleigé  fran- 
çais s'associeront  à  ce  projet. 

Puisque  nous  parlons  de  l'Eulise  du  Sacré- 
Cœur,  disons  que  la  souscription  qui  doit  servir 
à  la  bâtir  s'élevait,  le  4  juillet,  à  2,282,797  fr. 
45  cent. 

Alsace-Lorraine.  —  Les  savants  et  les  civi- 
lisés de  Prusse  ne  parais  ent  pas  animés  d'un 
grand  zèle  pour  faire  participer  à  leurs  lumières 
le  pays  qu'ils  nous  ont  arraché.  Depuis  qu'ils 
en  ont  chassé  les  congrégations  cnsrignantes, 
le  manque  d'instituteuis  et  d'institutrices  est  tel, 
que  plus  de  400  communes  ont  dû  fermer  leurs 
écoles,  fai.te  de  maîtres  et  de  maîtresses. 

Mexique.  —  11  y  a  quehjues  mois  que  non? 
n'avons  poiut  parlé  de  l'Eglise  mexicaine,  contre 
laquelle  s'acharne  M.  Lerdo  de  Tcjada,  succes- 
seur de  Juaicz  à  la  pré.^idence  de  la  Képubli 
que,  comme  M.  de  Bismarck  en  Prusse  et  .M.  Car« 
teret  à  Genève.  La  loi  volée  par  les  irancs-ma- 
çons,  dont  nous  avons  lait  connaître  les  princi- 
pales dispositions,  a  comnieneé  de  porter  ses 
fruits.  Les  sœurs  de  Saiul-Yincent-de-Paul,  ne 


voulant  point  quitter  leur  saint  habit,  ont  été 
expulsées  du  territoire  de  la  République.  Plus 
de  deux  cents  Françaises  et  Mexicimes  sont  ve- 
nues en  France.  D'autres  se  sont  dirig'^es  vers  le 
Texas,  ovi  elles  ont  trouvé  une  cordiale  récep- 
tion de  la  part  des  autorités  et  des  populations. 
Cinquante-cinq  se  sont  embarquées  pour  la 
Californie  et  ont  descendu  à  San-Francisco.  Un 
énorme  meeting,  composé  Je  catholiijues  et  de 
protestants,  s'est  aussitôt  formé,  sous  la  prési- 
dence du  général  Rosecrans,  pour  leur  souhaiter 
la  bienvenue  et  protester  contre  les  menées 
odieusement  tyranniques  du  gouvernement  de 
Mexico.  Parmi  b-s  orateurs  qui  ont  pris  la  parole 
se  trouvait  Mgr  Alemany,  dont  le  discours  a 
été  cent  fois  interrompu  par  les  plus  chaleureux 
applaudissements.  En  voici  un  court  extrait: 

«  Ces  servantes  de  Jésus-Christ,  a  dit  l'élo- 
quent prélat,  ont  un  titre  particulier  à  notre 
sympathie,  parce  que,  toutes,  elles  ont  droit  au 
respect  de  ce  pays.  De  nos  lacs  du  Nord  aux 
bouches  du  Mississipi,  de  New -York,  à  San- 
Francisco,  la  nation  entière  est  couverte  d'hô- 
pitaux et  de  refuges  pour  les  orphelins,  où  les 
filles  de  Saint-Vincent-de-Paul  se  montrent  les 
plus  douces,  les  plus  charitables  infirmières  des 
malades  et  des  mourants,  et  les  plus  tendres 
mères  des  pauvres  enfants  qui  n'ont  plus  de 
mères.  Quand  le  fléau  du  choléra  a  visité  cer- 
taines parties  de  la  république  et  étendu  la  ter- 
reur d'un  Océan  à  l'autre,  quand  l'ami  fuyait 
son  ami,  la  sœur  de  charité  était  ferme  à  son 
poste,  soignant  les  malades  et  n'abandonnant 
même  pas  les  morts  :  elle  était  étrangère  aux 
dangers  qui  menaçaient  une  vie  qu'elle  avait 
vouée  au  service  des  enfants  de  l'.\méri.|ue.  Et 
quand  la  fièvre  jaune  désole  la  Nouvelle-Orléans, 
ou  .quelque  autre  lieu  de  l'Union,  la  sœur  de 
charité  est  encore  là,  toujours  prêle  au  sacri- 
fice de  son  existence  terrestre.  Ah  !  si  les  osse- 
ments de  ceux  de  nos  soldatsqui  tombèrent  dans 
la  dernière  guerre  civile  pouvaient  parler,  ils 
diraient,  avec  les  accents  de  la  reconnaissance, 
ce  que  lessœursde  chaiit   ont  fait  poureuxl...» 

Cette  brutale  expulsion  des  sœurs  de  la  Cha- 
rité a  provoqué,  au  Mexique,  de  nombreuses 
protestations,  et  les  hommes  du  gouvernement 
ont  été  qualifiés  comme  ils  ie  meril'iient.  |,,es 
évêques  ont  aussi  élevé  la  voix;  mais,  tout  en 
protestant  contre  les  lois  de  persécution,  ils  ont 
exhorté  les  fidèles  à  la  patience  et  leur 
ont  indiqué  la  conduite  qu'ils  devraient  tenir  1 
durant  cette  tempête. 

P.  dHaôierive. 


ToBce  IV.  —  N»  ■il.  —  Troisième  année. 


4  août  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÈME  HOWILÉTIQUE  SUR  L'ÉVANGILE 

BU  XH'  DIMANCHE  APRÈS  LA  PENTECOTE. 
(Luc.  X,  23-37.) 

I.  Les  disciples  avaient  été  envoyés  avec  la 
puissance  de  la  parole  et  le  don  des  miracles. 
Ravis  du  succi's  de  leur  mission,  ils  reviennent 
pleins  de  joie.  Jésus  bénit  son  Père  de  ces  pre- 
miers triomphes,  prélude  de  tant  d'autres,  et, 
se  tournant  vers  les  siens,  il  leur  dit  :  Heureux 
les  yeux  qui  voient  ce  que  vous  voyez.  Us  voient 
le  Christ  vivant  dans  la  chair,  ils  entendent  sa 
parole,  plus  heureux  que  les  saints  des  anciens 
jours  qui  u'avaient  vécu  que  d'espérance,  plus 
heureux  que  nous  qui  vivons  de  la  foi.  Néan- 
moins nous  sommes  encore  souverainement 
heureux,  nous  qui  entendons  et  voyons  Jésus- 
Christ  se  manifestant  dans  l'église,  et  qui  jouis- 
sons de  sa  présence  au  tabernacle.  Heureux 
sommes  nous,  mais  à  la  condition  de  profiter 
des  trésors  de  la  grâce,  de  recueillir  avec  un 
saint  empressement  la  vérité  divine  et  d'y 
conformer  nos  mœurs. 

II.  Alors  un  docteur  de  la  loi  se  leva  et  lui  dit 
pour  le  tenter:  Maître  quo  faut-il  que  je  fusse 
pour  posséder  la   vie  éternelle  ?   Cette  question 

lonne  en  elle-même  devenait  mauvaise  par 
l'intention  qui  la  dictait.  Dans  ses  courses  apos- 
toliques, Jésus  était  souvent  suivi  de  ces  doc- 
teurs jaloux,  discoureurs  malveillants  qui  cher- 
chaient à  le  décrier  et  se  donnaient  la  mission 
de  lui  poser  des  questions  perfides.  Erant  enim 
qiidamverbosi  circumcuntes  totamregionem  Judœo- 
rum,  incusantes  Christum  (l).  Jésus   déjoue   la 

use  de  son  astucieux  interrogateur  en  le  for- 
çant à  répondre  lui-même.  Qu'y  a-t-il  d'écrit 
dans  la  loi,  lui  dit-il?  ju'y  lisez-vous?  Et  le  doc- 
teur répondit  :  Vous  aimerez  le  Seigneur  votre 
Dieu  de  tout  votre  cœur,  de  toute  votre  âme,  de 
toutes  vos  forces  et  de  tout  votre  esprit.  Et  Jésus 
lui  dit:  Vous  avez  bien  répondu;  faites  cela  et  vous 
vivrez. 

Aimer  Dieu  de  tout  son  cœur,  c'est  ne  rien 
aimer  plus  que  Dieu,  c'est  ne  rien  aimer  autant 
que  Dieu,  c'est  ne  vien  aimer  qu'en  vue  de  Dieu 
et  pour  Dieu.  11  aiine  Dieu  de  toute  son  âme,  le 
chrétien  qui  est  prêt  à  donner  sa  vie  pour  Dieu, 
ù  tout  perdre  plutôt  que  la  grâce  de  Dieu.  Il 
l'aime  de  toutes  ses  forces,  quand  il  consacre  à 
Dieu,  sans  hésitation  et  sans  partage,  toute  son 
«Ctivité,  toute  sou  énergie,  ses  biens,  ses  talents, 
l,  Cyill.,  <n  cattn.  grcec.  pair. 


son  influence  et  son  autorité.  Il  aime  Dieu  de 
tout  son  esprit,  l'homme  qui  lui  voue  tout  en- 
tière la  plus  noble  partie  de  lui-même,  qui  est 
l'intelligeuce  ;  il  aime  Dieu  de  tout  son  esprit, 
quand  il  fait  son  étude  habituelle  des  perfections 
et  des  volontés  divines,  quand  son  intelligence 
demeure  constamment  comme  en  face  de  Dieu 
pour  s'inonder  de  lumière  et  s'emflammer  d'a- 
mour. 

Dieu  seul  doit  être  aimé  pour  lui-même;  mais 
le  prochain  doit  être  aimé  pour  Dieu  et  selon 
Dieu.  Nous  devons  l'aimer  comme  nous-mêmes 
c'est-à-dire  avoir  pour  lui  l'estime,  le  respect, 
les  regards  que  nous  voulons  qu'on  ait  pour 
nous,  telle  est  la  voie  qui  mène  à  la  vie.  J\lais 
cet  homme,  voulant  faire  parade  de  sa  justice, 
dit  à  Jésus:  El  qui  est  mon  prochain?  Voilà  bien 
le  langage  de  l'homme  superbe  qui,  dans  son 
orgueil,  met  entre  les  autres  et  lui  une  distance 
infinie.  In  su/erbiam  prorupit,  nullum  sibi  proxp- 
mum  putans  esse  (2). 

Que,  de  nos  jours,  on  demande  au  dernier  de 
nos  petits  enfants  quel  est  notre  prochain,  il 
donnera  instinctivement  la  réponse  chrétienne  : 
Notre  prochain, dira-t-il, ce  sont  tous  les  hommes, 
même  nos  plus  grands  ennemis.  Cette  notion, 
qui  nous  semble  si  naturelle,  était  pourtant 
ignorée  de  l'antiquité  pnïenne,  et  chez  les  juifs, 
surtout  dans  la  secte  pharisaïque,  l'égoïsme  et 
l'orgueil  maintenaient  un  exclusivisme  qui  ré- 
pugne à  nos  idées  chrétiennes.  Nous  ne  saurions 
donc  trop  bénir  le  Verbe  incarné,  le  Dieu  qui 
est  charité,  d'avoir  ainsi  vulgarisé  la  notion  du 
véritable  amour  mutuel. 

III.  Mais  la  charité  doit  être  efficace;  et  le 
divin  maître  en  donne  un  admirable  modèle 
dans  la  parabole  du  bon  Samaritain.  La  vraie 
charité  est  universelle  ;  elle  ne  connaît  ni  juif, 
ni  gentil.  Le  Samaritain  passe,  il  voit  ce  pauvre 
blessé  qui  n'est  pas  de  sa  nation  ;  mais  la  misère 
appelle  la  miséricorde,  videns  misericordia  motus 
est,  c'est  une  charité  active,  qui  ne  s'arrête  pas 
à  une  stérile  compassion.  ^"^  appropians,  alligavit 
vulnera  ejus,  c'est  une  charité  généreuse  ;  elle 
se  dépouille  elle  se  sacrifie,  infundens  oleum  et 
vinum,  c'est  une  charité  persévérante,  et  duxft 
in  stabulario  et  curam  eius  egit,  c'est  une  charité 
prévoyante  :  et  altéra  aie  protulit  duos  denarios. 

III.  Cette  parabole  a  un  sens  encore  plus  élevé. 
Jésus-Christ  est  le  véritable  Samaritain  qui,  pas- 
sant sur  la  terre,  est  venu  panser  le  genre  nu- 

i.  CyriU;  in  nitn.  grae.fairt 


12Î0 


^A  i>LMAliNE  DU  CLLiUjL 


main, blessé  par  Satan,  et  que  la  Loi  et  les  Pro- 
pliètes  avaient  abaudouné,  dans  l'impuissaQce 
de  le  guérir.  Jésus  a  versé  sur  ses  plaies  l'huile 
de  sa^ grâce  et  le  vin  qui  est  son  sang,  il  l'a 
abrité  dans  la  divine  hôtellerie  qui  est  l'Eglise, 
et  où  il  a  laissé,  [  }nr  son  soulagement,  des  se- 
cours eflicaces.  il  reviendra,  et  à  son  retour  qui 
sera  l'benre  du  jugement,  il  récompensera,  avec 
générosité,  ceux  qui  auront  servi  et  sauvé  les 
pécheurs.  Aiebat  de  presbyteris^volens  parabulam 
interpretari,  hominem  qui  descendit,  esse  Adam  : 
leruaalem,  paradisvm  :  Jéricho,  mimdum  :  latro- 
nes,  contrarias  fartiludines;  sacerdotem,  legem; 
levitimi,  prophelas;  Samirritem,  Ckn'stum,  vulnera 
verc  tnobedientiam  ;  animas,  corpus  Domini;  pan- 
dochium,  id  est  stabulum,  eccksiam  inlerpretari. 
De  eo  vero  quod  Samarites  reversurum  se  esse  pro- 
mittit ,  secundum  Salvatoris  figurabat  adven- 
tum  (1). 

Jamais  l'homme  ne  pourra  aimer  ses  frères 
autant  que  Dieu  nous  a  aimés.  Néanmoins, 
l'amour  de  Jésus-Christ,  à  l'égard  des  âmes,  doit 
être  le  modèle  du  nôtre.  Oui,  aimons  les  âmes, 
et  aimons-les  avec  d'autant  plus  de  tendresse, 
qu'elles  sont  plus  coupables  et  plus  malheu- 
reuses. 

Si  la  charité  de  Jésus-Cluist  nous  presse,  la 
méditation  de  celte  parabole  exercera  dans  nos 
cœurs  le  sentiment  de  la  reconnaissance.  Pauvres 
blessés  abandonnés  sur  le  chemin  du  péché,  que 
de  fois  le  bon  Samaritain  n'est-il  pas  venu  nous 
guérir!  11  nous  confie  à  TEglise  qui,  elle  aussi, 
est  pleine  de  miséricorde,  et  dans  le  sein  de 
laquelle  nous  trouvons  tous  les  remèdes  et  tous 
les  soutiens.  Restons  dans  cette  hôtellerie  sainte, 
laissons  panser  nos  plaies  par  la  main  mater- 
nelle de  l'Eglise,  et,  au  retour  de  notre  céleste 
bienfaiteur,  ornés  de  vertus,  riches  des  dons  de 
la  grâce,  nous  irons  avec  lui,  là  où  il  n'y  a  plus 
à  craindre  les  larrons.  Des  ombres  et  des  vicissi- 
tudes de  ce  monde  où  nous  sommes  descendus, 
nous  remonterons  dans  les  clartés  immuables  de 
la  Jérusalem  éternelle. 

L'abbé  Heeîian, 
Curé  de  Festabert. 


INSTRUCTIONS  FAMILIÈRES 

SUR    LE   SYMBOLE    DES  ftPOTRES 

(49«  instruction.) 

Ojmœnnîon  des  saints.  —  Rapports  de  TEglise  militauU 
»TïC  l'Eglise  triomphante,    avec   l'Eglise    souffrante. 

Texte.  —  Credo...  sanciorumcommunianem.ie 
crois...  la  communiou  des  saints. 
ExoRDB,  —  Mes  frères,  daus  notre  de 

1.  Orîgen.  Hom.  xxxtv  conf.  Hier,  in  Uatth 
le  Vtrb,  Dom,  xvu,  eto. 


instruction,  nous  n'avon.  pas  expliqué  d'une 
niiinière  compièle  ce  doguie  si  cousolaut  de  la 
communion  des  saints  ;  nous  avons  seulement 
parlé  de  la  participation  de  tous  les  fidèles,  qui 
vivent  sur  cette  terre,  aux  mêmes  biens  spiri- 
tuels... Nous  avons  dit  que  les  Ciifants  delà 
sainte  Elglise  catholique  ne  formaient  qu'âne 
seule  et  même  tamille...  Outre  le  tré-or  infini 
des  mérites  de  Jésus-Christ,  de  la  sainte  Vierge 
et  des  saints,  qui  leur  est  commun,  nous  avons 
ajouté  que  tous  participaient  aux  mêmes  œuvres 
et  aux  mérites  de  chacun...  Parlant  des  pé- 
cheurs, on  vous  a  montré  combien  leur  était 
avantageuse,  pour  peu  qu'ils  veuillent  y  mettre 
de  la  bonne  volonté,  cette  belle  vérité  de  la 
communion  des  saints.  J'aurais  dû  ajouter  que 
les  excommuniés,  c'est-à-dire  ceux  que  le  Sou- 
verain Pontife  ou  l'autorité  légitime  des  Evéques 
retranche  du  nombre  des  entants  de  l'Eglise, 
n'ont  aucune  part  à  ces  biens  spirituels  com- 
miras  aux  membres  de  la  famille  catholique... 

Il  me  reste  à  vous  exposer  l'un  des  côtés  les 
plus  intéressants  de  la  communion  des  saints... 
Pour  les  impies,  pour  les  hommes  qui  n'ont 
pas  de  foi,  tout  fuiit  ici-bas  ;  quand  la  mort 
vient  saisir  ceux  qu'ils  aiment,  leur  douleur  est 
sans  compensation...  Or,  il  n'eu  est  pas  ainsi 
pour  nous,  chréiiens  ;  nous  avons  des  amis,  des 
protecteurs  dans  le  ciel  ;  nous  avons  d'autre» 
amis,  des  parents  peut-être,  qui  gémissent  dans 
les  flammes  du  purgatoire  ;  malgré  la  sépa- 
ration, des  liens  nous  unissent  encore  ;  ils  ne 
forment  avec  nous  qu'une  seule  et  même  fa- 
mille, une  seule  et  même  Eglise.  Bienheureux, 
qui  régnez  daus  la  patrie  et  jouissez  du  bon- 
heur du  ciel,  vous  êtes  l'Eglise  triomphante... 
Pauvres  âmes,  qui  gémissez  dans  les  cachols  du 
purgatoire,  qui  achevez  de  vous  purifier  au  sein 
de  ces  flammes  ex[iiatrices,  bon  courage!  le  ciel 
vous  attend  ;  mais  jusques  ici  vous  êtes  l'Eglise 
sou^/aw^e...  Et  nous,  chrétiens,  qui  ^•ivons  sur 
cette  terre,  incertains  de  notre  sort  éternel  et 
encore  assujettis  aux  luttes  de  la  vie,  nous 
sommes  TEglise  militante,  car  nous  avons  à 
combattre  contre  nos  passions,  afin  d'obtenir  un 
jour  cette  victoire,  ce  triomphe,  qu'ont  obtena 
les  saints... 

Proposition.  —  Je  me  demande,  mes  frères, 
s'il  esisle  des  relations  entre  l'Eglise  militante 
et  l'Eglise  triomphante,  entre  les  fidèles  qui 
vivent  sur  la  terre  et  les  saints  qui  sont  au 
ciel?...  Pouvons-nous  communiquer  avec  l'E- 
glise souûrante,  c'est-à-dire  aider  les  âmes  du 
jiurgatoire  ?..  C'est  ce  côté  de  la  communion 
des  saints  que  nous  allons  étudier  dans  cette 
courte  instruction... 

isio.\.  —  Je  dis  donc  :  Prevtièremcnt,  nou» 

ons  les  saints,  et  les  saiuts  intercèdent 

0U8  ;  tels  sont  nos  rapports  avec  l'Eglise 


LA  SEJIAINE  DU  CLERGE 


1241 


triomphante  ;  Secondement,  nons  souliigcons,  par 
nos  bonnes  œuvres,  les  àiue3  du  piirnatuire  :  de 
leur  côté  elles  nous  obtieuucut  des  giâues;  telles 
sont  nos  relations  avec  l'Eglise  soutirante... 

Première  partie.  — «Je  veux  commencer  par 
une  histoire,  qui  vous  fera  bien  comprendre  à 
tous,  même  aux  enfants,  ces  rapports  entre  les 
trois  Églises,  cette  communion  des  saints,  dont 
jo  vais  vous  parler.  C'était  en  (871,  une  famille 
composée  de  trois  frères  s'était  sépai'ée  ;  l'aîné, 
s'étant  embarqué  pour  l'Amérique,  avait 
amassé  une  immense  fortune  ;  le  second,  resté 
dans  le  pays  natal,  vivait  modestement  de  la 
culture  des  champs  ;  le  troisième,  ayant  em- 
brassé la  carrière  de  soldat,  avait  été  tait  pri- 
sonuier  par  les  Prussiens,  et  languissait  malade 
dans  une  i'orteres^e  d'Allemagne...  Malgré  la 
diversité  de  fortune  et  de  position,  ces  trois 
irères  s'aimaient,  ils  étaient  demeurés  unis  de 
cœur  et  d'atleetiou...  Celui  d'Amérique  envoyait 
au  cultivateur  de  fortes  sommes  pour  le  sou- 
tenir et  l'aidei-  dans  ses  travaux  ;  ce  dernier,  de 
8on  côté,  faisait  passer  à  son  Irère  prisonnier 
d'utiles  secours,  qui  procuraient  à  ce  pauvre 
captif  du  soulagement,  liâtaieut  sa  guéiiiou  et 
le  moment  de  sa  délivrance... 

Frères  bien-aimés,  ces  trois  frères,  c'est  l'image 
de  l'Eglise  triomphante,  de  l'Eglise  militante  et 
de  l'Eglise  souffrante,  ainsi  que  des  rapports  qui 
existent  entre  elles...  Les  saii\ts,  qui  sont  au 
ciel,  sont  pins  riches  qu'un  parent  que  uous 
aurions  en  Amérique  ou  ailleurs  ;  ils  viennent 
à  notre  aide  eu  intercédant  pour  nous,  et  les 

f  races  qu'ils  uous  obtiennent  sont  sans  nom- 
re...  Mais  aussi  luos  frères,  qui  gémissent 
dans  les  prisons  du  purgatoire,  sont  plus  à 
plaindre  encore  que  nos  pauvres  soldats  traînés 
en  captivité  par  un  ennemi  sans  pitié;  où,  uous 
le  dirons  plus  loin,  nous  pouvons  les  soulager... 
Entrons  dans  plus  de  détails...  Nous  honorons 
les  saints...  bien  lui-même  autorise  le  culte  que 
nous  leur  i-endous,  et  la  sainte  Eglise  a  retran- 
ché de  son  sein  ceux  qui  accusaient  d'être  illé- 
gitimes les  hommages  que  nous  oUrons  aux 
bienheureux...  Mais,  dites-moi,  qu'est-ce  donc 
qu'honorer  les  saints?..  C'est  les  féliciter  de  la 
ploire  qu'ils  ont  obtenue  ;  c'est  redire  avec  ad- 
Lairatiou  les  vertus  qu'ils  ont  pratiquées  ;  c'est 
les  supplier  d'être  nos  avocats,  nos  interces- 
seurs auprès  du  Dieu  dont  la  toute-puissance  les 
a  couronnés...  0  vous,  nos  frères  aines,  qui 
régnez  là  haut  dans  la  patrie,  oui,  nous  vous 
féhcitons  de  la  fidélité  avec  laquelle  vous  avez 
servi  le  Seigneur  Jé^us.  Saints  apôtres,  avec 
quel  zèle,  avec  quelle  ardeur  tous  avez  propagé 
partout  la  connaissance  de  son  nom  sacré.  Saints 
martyrs,  avec  quel  courage  vous  avez  souffert 
les  tourments  les  plus  cruels  et  sacrifié  vgtre 
îie,  plutôt  que  de  renier  le  Christ  et  la  croix, 


son  immortel  étendard  !...  Confesseurs,  vierges, 
fiMiiteiils,  oui,  nous  vous  iélicitons,  et  soyez  à 
j.imyis  bénis  d'avoir  été  fidèles  au  Dieu  de  voti'e 
baptême...  Ames  bienheureuses,  là  haut  dans 
la  patrie  vous  jouissez  t'u  liouhe'T  éternel  ;  ah! 
nous  vous  en  conjurons,  n'ouh/iez  pas  vos 
frères  d'ici-bas,  tendez-leur  une  main  secou- 
rable,  intercédez  pour  ceux  qui,  sur  cette  terre, 
essayent  de  lutter  et  de  combattre,  afin  de  rester 
comme  vous  fidèles  au  Seigneur. 

Telles  sont,  mes  frères,  nos  relations  avec  les- 
saints,  nous  les  vénérons  et  nous  réclamons 
leur  secours  ;  eux,  de  leur  côté,  nous  aiment, 
intercèdent  pour  nous  auprès  du  Tout-Puissant, 
et  nous  oLlieunetit  les  grâces  dont  nous  avons 
besoin.  El  ici,  que  d'exemples  je  pourrais  vous 
citer...  Je  vois  le  pieux  Surius  écrivant  avec 
amour  la  vie  des  suints,  racontant  avec  une 
ineffable  complaisance  leur  gloire  et  leurs  ver- 
tus... Quelle  récompense  lui  donnerez- vous, 
esprits  bienheureux,  vous  dont  il  a  transmis 
aux  âges  suivants  et  les  noms  et  la  sahitelé?  A 
son  agonie  suprême,  les  saints,  dit-on,  se  pres- 
saient nombreux  autour  de  leur  pieux  his- 
torieu,  ils  l'aidaient  et  l'assistaient  dans  cette 
lutte  décisive  qui  devait  décider  de  sou  éter- 
nité... (I).  Glorieuse  sainte  Agnès,  voici  à  vos 
jiieds  une  jeune  liUc,  qui  vous  invoque  avec  la 
dévotiou  la  plus  tendre  ;  quelle  sera  sa  récom- 
pense ?  La  sainte  martyre  partage  en  quelque 
sorte  avec  sa  pieuse  servante  les  mérites  de  ses 
souffrances;  et  cette  jeune  fille  qui  l'honore  et 
la  prie  deviendra  plus  tard  un  prodige  de  sain- 
teté et  s'apellera  sainte  Melehtlde...  Ailleurs, 
c'est  Stanislas  Kostka...  (2).  Il  a  voué  un  culte 
particulier  à  siinte  Barbe  martyre  ;  chaque 
jour  il  la  supplie  de  lui  obtenir  la  grâce  de  ne 
point  mourir  sans  avoir  reçu  le  saint-viatique. 
Sera-t-il  c.vaucé?  Voici  qu'il  va  rendre  le  der- 
nier soupu-  dans  une  maison  hahilée  par  des 
hérétiques;  nul  prêtre  n'oserait  y  pénétrer; 
mais  sa  s;ùute  patronne  ue  l'a  point  abandonné; 
accompagnée  de  deux  anges,  elle  lui  apporte 
elle-même  la  sainte  communion  et  Stanislas 
pourra  s'endormir  dans  la  paix  du  Seigneur. . .  (3). 
Voilà,  mes  frères,  comment  les  saints,  par  leur 
intercession,  par  les  grâces  qu'ils  nous  ob- 
tiennent, répondent  aux  hommages  que  nous 
leur  rendons. 

Vous  avez  vu,  sans  doute  plus  d'une  fois,  des 
vapeurs,  s'élevant  de  la  terre,  se  condenser  dans 
les  airs  et  retomber  eu  pluie  bienfaisante,  qui 
donnait  à  nos  plaines  la  fiaicheur  et  la  fécon- 
dité. Ainsi  nos  prières  montent  jusque  vers 
les  saints,  et  reviennent  sur  nous  transformées 
eu  grâces  et  en  bénédictions,  qui  répandent 

1.  ConP.  Marchant,  Jardin  des  Paaieuri. 

2.  Vide  Loliner,  Bihliotluca  manualis. 

S.  Sa  vie,  voir  aussi  Roliibadier.  fl«(.  tcdù. 


1242 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


dans  nos  âmes  la  piété,   l'amour  de  Dieu,  le 
désir  Je  uotre  sanctification... 

Seconde  partie.  —  Parlons  maintenant  de  nos 
rapports  avec  l'Eglise  souffrante,  des  relations 
qui  existent  entre  les  fidèles  de  la  terre  et  les 
âmes  du  purgatoire...  Une  comparaison  encore, 
car  je  tiens  à  ^,lre  bien  compris...  Savez-vous 
ce  qu'on  appelle  faire  une  quarantaine?..  Voici  : 
Un  vaisseau  est  parti  d'un  pays  dans  lequel 
règne  la  peste,  le  choléra  ou  toute  autre  mala- 
die contagieuse  ;  avant  de  laisser  débarquer  les 
marins  et  les  passagers,  on  les  oblige  à  demeu- 
rer quarante  jours,  plus  ou  moins,  saus  avoir 
de  communications  avec  la  terre,  de  peur  que 
quelques  miasmes  renfermés  dans  le  vaisseau, 
ou  absorbés  par  les  passagers,  ne  viennent  ap- 
porter la  contagion  à  une  ville,  à  une  province 
entière...  Cependant  ces  hommes,  qu'on  retient 
ainsi  éloignés,  désireraient  vivement  fouler  le 
sol  de  la  patrie,  revoir  leur  foyer,  embrasser 
leur  famille  ;  ces  jours  leurs  paraissent  longs... 
Qu'ils  seraient  heureux,  si  un  personnage  puis- 
sant, pas  son  intermédiaire,  abrégeait  le  temps 
de  cette  quarantaine,  faisait  lever  la  défense 
qui  les  relient  à  l'écart,  et  leur  obtenait  la  per- 
mission d'entrer  bientôt  au  port  si  désiré  !... 

Tel  est,  mes  frères,  l'état  des  âmes  du  pur- 
gatoire :  elles  sont  loin  du  ciel,  leur  uce  et 
bien-aimée  patrie,  dans  une  quarantaine  qui 
souvent  dure  de  longues  années...  Kien  de  souillé 
re  doit  entrer  dans  le  paradis  ;  il  faut,  avant 
d'y  parvenir,  être  purifié  de  toutes  les  taches, 
de  toutes  les  imperfections,  de  tous  les  restes 
du  péché,  qu'on  avait  en  quittant  ce  monde... 
Pauvres  âmes  souffrantes,  que  votre  état  est 
digne  de  pitié!..  Non-seulement  vous  soupirez 
après  ce  séjour  du  bonheur  qui  vous  est  des- 
tiné ;  non-seulement  vous  avez  hâte  de  voir 
Jésus  votre  Sauveur,  Marie  sa  douce  mère  et 
de  vous  plonger  avec  les  saints  dans  ces  inef- 
fables délices  de  l'éternité  ;  mais  de  plus  vous 
souffrez  et,  dan?  ces  prisons  du  purgatoire, 
c'est  au  sein  de  flammes  expiatrices  que  la 
justice  de  Dieu  achève  de  vous  purifier...  Mais 
consolez-vous,  vous  êtes  toujours  nos  frères, 
nos  amis,  et  la  foi  nous  enseigne  que  nous 
pouvons  vous  soulager. 

Oui,  mes  frères,  le  plus  humble,  le  plus  petit 
d'entre  nous,  s'il  est  en  étal  de  grâce,  [leut  jouer 
ici  le  rôle  d'un  personnage  puissant  ;  il  peut 
adresser  à  Dieu  celte  supplique  :  «  Seigneur,  les 
âmes  qui  sont  en  purgatoire  sont  les  âmes  de 
mes  parents,  de  mes  amis  ;  je  m'intéresse  à  leur 
sort;  comme  membres  de  l'Eglise,  ce  sont  mes 
frères;  je  vous  sup[ilie,  au  nom  de  votre  im- 
mense miséricorde,  d'avoir  pitié  de  leurs  souf- 
fiiU)ces,  de  diminuer  leurs  tourments,  d'abré- 
ger la  durée  de  leurs  peines...  >i  El  soyez-en  sûrs, 
chrétiens,  une  semblable  requête,  adressée  avec 


foi,  avec  piété  même  par  ie  moindre  d'entre 
nous  au  monarque  des  cieux,  ne  restera  pas 
sans  réponse  ;  elle  obtiendra  un  succès  infail- 
lible. J'en  jure  sur  l'enseignement  de  la  sainte 
Eglise  catholique  qui  nous  dit  :  «  Que  les  âmes 
du  purgatoire  sont  soulagées  par  les  suffrages 
des  fidèles  et  principalemeut  par  le  saint  sacri- 
fice de  la  Messe  (1).» 

Voilà  donc,  mes  frères,  les  rapports  qui 
existent  entre  nous  et  les  âmes  du  purgatoire. 
Nous  pouvons  les  aider  par  nos  prières,  les  sou- 
lager par  nos  bonnes  œuvres  et  diminuer  le 
temps  de  leur  exil,  en  suppliant  pour  eux  le 
Dieu  de  miséricorde.  Membres  vivants  du  Sau- 
veur, ils  nous  sont  unis  par  la  même  foi,  la 
même  espérance,  la  même  charité;  Jésus-Christ 
est  leur  chef  comme  il  est  le  nôtre;  jamais  le 
prêtre  ne  dit  la  sainte  messe,  sans  recommander 
à  Dieu  ces  saintes  âmes.  «  Souvenez-vous,  Sei- 
gneur, dit-il  au  Mémento  des  morts,  souvenez- 
vous  de  vos  serviteurs  et  de  vos  servantes,  qui 
nous  ont  précédés  avec  le  signe  de  la  foi  et 
dorment  du  sommeil  de  la  paix.  »  Comme  s'il 
disait  :  «  Je  vous  recommande,  ô  mon  Dieu,  non 
pas  ces  misérables  qui  sont  morts  en  réprouvés; 
mais  ceux  qui,  marqués  de  votre  sceau,  ont 
quitté  cette  teri'e  avec  le  signe  sacré  de  la  foi 
chrétienne;  quoique  séparés  de  corps,  ils  nous 
restent  unis  par  des  liens  spirituels,  et  Jésus- 
Christ,  qui  s'offre  comme  victime  sur  l'autel,  les 
considère  comme  ses  enfants;  il  veut  que  nous 
les  aidions,  que  nous  les  soulagions  par  les 
mérites  de  sa  chair  précieuse  et  de  sou  sang 
répandu...  »  Aussi,  mes  frères,  comme  les 
saints,  comme  les  âmes  pieuses  ont  toujours  été 
fidèles  à  prier  pour  leurs  frères  du  purgatoire  1 
Citons-en  un  exemple  seulement.  Un  illustre 
prédicateur,  un  fondateur  d'ordre  religieux, 
saint  Dominique,  le  père  des  Frères  prêcheurs, 
passait  en  prières  le  temps  que  lui  laissaient  les 
exercices  du  saint  ministère;  chaque  nuit,  il 
récitait  trois  fois  le  saint  Rosaire,  trois  fois  aussi 
il  se  donnait  une  sanglante  discipline!...  Pour- 
quoi donc  ces  austérités  renouvelées  ti  ois  fois?... 
Ecoutez  la  réponse  du  saint.  —  La  première  fois, 
dit-il,  c'est  [lour  mes  propres  péchés;  la  seconde, 
c'est  pour  la  conversion  des  pécheurs;  la  troi- 
sième, c'est  pour  les  âmes  du  purgatoire  (1)... 

Mais  ces  âmes  du  purgatoire,  qui  ne  peuvent 
rien  pour  leur  proiire  soulagement,  ont-elles  le 
pouvoir  de  nous  aider,  de  non?  témoigner  leur 
reconnaissance?...  Oui,  mes  frères.  Dieu  exauce 
les  prières  qu'elles  lui  adressent  pour  ceux  qui 
s'intéressent  à  leur  sort  ;  car  elles  nous  sont  unies 
par  la  communion  des  saints.  Nous  lisons,  en 
eflet,  dans  la  vie  de  sainte  Catherine  de  Bologne,, 
que,  lorsqu'elle  avait  quelque  grâce  à  demander, 

1.  Conc.  Trid.  sess.  XXV,  décrit,  de  Purgatorio, 

2.  In  vUa  ejtu. 


I.A  SEMAINE  DU  CI.Lliul 


elle  s'aflressnil  aux  àmps  du  pnrfçatnirc.  Elle 
confessait  que,  par  fe  moyen,  nllc  était  prompte- 
ment  exaucée.  Elle  disait  même,  chose  admi- 
rable et  (jui  prouve  l'inlimité  de  nos  relations 
avec  ces  âmes  souffrantes,  elle  disait  que,  par 
leur  entremise,  elle  avait  obtenu  des  faveurs 
qu'elle  n'avait  pu  ohtenir  en  recourant  à  l'inter- 
cession des  saintb  (1).  En  cela,  mes  frères,  rien 
de  surprenant;  les  âmes  du  purtçatoire,  que 
nous  soulageons  par  nos  prières,  doivent  inter- 
céder pour  nous  avec  toute  la  ferveur,  avec  fout 
le  zèle  qu'un  cœur  bien  né  met  à  obliger  ceux 
auxquels  il  doit  de  la  reconnaissance... 

Péroraison.  —  Frères  bieii-airaés,  lirons  de 
cette  instruction  deux  conclusions  pratiques  : 
honorons  les  saints,  et  soyons  fidèles  à  prierpour 
les  âmes  du  purgatoire.  Honorons  les  saints,  ce 
Bout  nos  frères  aînés.  Parvenus  au  comble  de  la 
félicité,  ils  jouissent  là  haut  d'un  bonheur 
Immense,  et  leur  désir  le  plus  ardent,  c'est  qu'un 
jour  Dous  soyons  associés  à  leur  félicité.  Si  nous 
les  invoquons  avec  ferveur,  ils  nous  obtiendront, 
du  Dieu  tout-puissant,  les  grâces  qui  nous  sont 
nécessaires...  Je  les  vois  s'inclinant  vers  nous, 
nous  encourageant,  en  quelque  sorte,  de  la  voix 
et  du  geste,  au  milieu  des  luttes  et  des  combats 
de  la  vie  :  Bon  courage,  nous  disent-ils,  ô  vous 
qui  vivez  sur  la  terie;  comme  vous,  nous  avons 
eu  à  combattre  des  passions,  à  lutter  contre  des 
difficultés.  L'avarice  aussi  nous  conseillait  de  tra- 
vailler les  dimanches  et  les  fêtes;  mais  nous 
avons  su  résister  à  celte  passion  et  sanctifier  le 
jour  que  le  Seigneur  s'est  réservé.  Nous  avons 
eu  comme  vous  à  hiller  contre  l'indill'érence; 
les  impies  nous  ont  assailli  de  leurs  sarcasmes  et 
de  leurs  plaisanteries;  avec  la  grâre  de  Dieu, 
nous  avons  vaincu  tous  ds  obstacles...  Aujour- 
d'hui, ceux  qui  nous  plaisantaient  gémissent 
dans  l'enfer;  ils  soupçonnent  noire  gloire  et  ils 
disent  en  parlant  de  nous  :  «  Les  voilà  triom- 
phants, ceux  dont  nous  nous  sommes  moqués, 
et  dont  nous  avons  fait  l'objet  de  nos  railleries. 
Insensés  que  nous  étions,  leur  vie  nous  paraissait 
une  folie,  el  leur  mort  sans  honneur;  cependant, 
ils  sont  élevés  au  rang  des  enfants  de  Dieu,  et 
leur  sort  est  désormais  parmi  les  saints  (2).  »  Ces 
malheureux,  qui  se  sont  lassés  dans  la  voie  de 
l'iniquité,  ne  viendront  pas  nous  rejoindre; 
mais  vous,  qui  vivez  encore  sur  la  terre,  une 

{)lace  vous  attend  parmi  nous,  venez,  oh!  venez 
'occuper  ;  c'est  une  grâce  que  nous  demandons 
instamment  pour  vous... 

Oui,  honorons  les  saints...  Mais  prions  aussi 
pour  nos  frères  du  purgatoire;  si  un  verre  d'eau 
donné  au  nom  de  Jésus-Christ  ne  sera  pas  perdu, 
la  moindre  prière,  faite  eu  faveur  de  ces  âmes, 

1.  Cf.  L'abbé  Poiipelier,  Dernier  jour  dé  la  vie,  et  »ur- 
tont  saint  Léonard,  Sermon  sur  le  Puryafoi'n. 

2.  Sageese,  cb.  v,  v,  3  et  suiv, 


recevra  également  sa  récompense.  C'est  eu  p  ir- 
Innt  d'elles  aussi  que  Jésus-Christ  dira  au  der- 
nier jour  :  n  J'ai  eu  fiim  el  vous  m'avez  rassa- 
sié; j'étais  nu  et  vous  m'avez  revêtu;  j'étais 
prisounier,  vous  m'avez  non-seulement  visité, 
mais  vous  avez  hSté  le  moment  ,1e  ma  déli- 
vrance. Vous  avez  é"té  miséricordieux  envers  les 
âmes  souffrantes,  moi  aussi,  je  veux  être  misé- 
ricordieux à  votre  ég.ird;  venez  donc,  cœurs 
compatissants,  venez,  vous  êtes  les  bénis  de  mon 
Père,  venez  jouir  du  bonheur  qu'il  a  pré[>aré 
pour  vous  et  pour  les  anges.  »  Douces  et  conso- 
lantes paroles!  Puissions-nous  tous  avoir  le 
bonheur  de  les  entendre...  Ainsi  soil-il. 

L'abbé  Lobry, 
Curé  de  Vauchassit, 


ACTES    OFFICIELS   OU    SAINT-SIÈGE 

CONGRÉGATION    DE    L'INDEX 

Feria  VI,  die  25  junii  1S75. 

DECRETUM. 

Sacra  Congregalio  Eminentissimorum  acRe- 
verendissimoruinSanctae  Uomanse  Ecclesiœ  Car- 
dinalium  a  Sanctissimo  Domino  Noslro  Pic 
Papa  IX  Sanctaque  Sede  Apostolica  Indiui  libro- 
rum  [iravae  doctriua",  eorumdemque  proscrip- 
tioni,,  expurgation!,  ac  permissioni  inuniversa 
christiana  Republica  praepositorum  et  delega- 
torum,  habita  in  Palalio  apostolico  Valicano 
die  25  jumi  1875  damnavit  et  damnât,  pros- 
cri|)sit,  proseribitque,  vel  alias  damnata  atque 
proscripta  in  Indicem  librorum  prohibitorum 
referri  mendavil  et  mandat  quae  sequuntur 
opéra  : 

Sagyi  di  psicolo(jia  e  logica.  —  Saggio  sulla 
natura.  —  Dante,  il  pnela  del  pensiero.  — Saggio 
sulla  filosofîa  dello  Spirito.  —  Dell'  immortolila 
deW  anima.  —  Opère  délia  marquesa  Marianna 
Florenzi  Waddinglon.  —  Firenze,  le  Monnier, 
18G4,   1866,  1867,  1868. 

//  Papato  à  tempi  dell'  Impero  da  Costantino 
a  Giustiniano,  e  il  Papato  à  tempi  no.stricon  alcune 
note  illuftrative  suUe  leggi  del  13  maggio  e  19 
giugno  1873.  —  Romatipogr.  Eredi  Roita,  1874.  ^ 

Sulla  prossima  fine  del  mondo  ;  rislretto  dell'  s 
Opéra  dell'  ultima  peritcuzione  délia  chiesa  e  1 
délia  fine  del  mondo,  per  D.  Bernardine  Negroni,  | 
sacerdote  regolare  [alias  F.  Barnaba).  —  Bolo-  ,^ 
gna,  Societa  tipografica  de'  composilori,  1874. 

Trattato  di  morale  umana  emancipata  da  ogni 
dogma  e  pregiudizio.  Semplici  letturead  use  del 
popolo  che  legge,  intende  e  rlji<>"«,  per  Au- 
relio  Turcotti.  —  Voll.  2,  p^i^to  Ermanno 
Loescher  in  Roma,  Toriuo,  Firenze,  1875. 

Durrschmitd    :    Die  kloesterlieben  Genossen- 


an 


LA  SE.MAl^r.  DU  CI  EP.GË 


schnflen  in  Bmjern.mddie  A'ifynbs  der Rcicfisge- 
setzijehuny .  —  iN'oerdinsori  1875.  —  Latine  :  De 
congrcffiilioiiiùns  religiosis  in  Bnvorm  et  de  ordi- 
naiuittibus  ciicn  eas  e  Iff/islatione  fuciendis.  — 
Nerolin.cse  !87o. —  Opus  prsedauiiualum  ex 
Régula  ]}  Vndici?. 

Frieilricîi  :  Der  Kampf  ger/m  die  dcufschcn 
Tfieologen  und  Ihcolngischen  fukultneteu  in  dm 
letzen  zwanzig  Jahren,  elc  Bernœ,  !875.  —  La- 
tine :  De  oppiignatione  tlieolngdrum  Germonico- 
rum  et  facultalmn  lliEologicarum  hisce  ultimis 
viginli  annis,  elc.  Bernfe  i87o.  —  Ojius  prae- 
damnalum  ex  Régula  II  Indicis. 

Auctor  operis  cui  liiulus  :  Le  mie  preghiere^ 
per  cura  di  M.  Pietro  liignami,  canonico  onii- 
rario  délia  Chiesa  milaiiese.  —  Milano  1866. 
Prohib.  Decr.  12  a|irilis  1867^  luudabililer  se 
subjecit  et  Opus  reprobacit. 

Auctor  operuin  ijuûruum  tilulus  :  /  Gesuili 
e  la  Repubblica  di  Vcnezia.  Documenti,  etc.,  puh- 
blicati  per  la  prima  voila,  con  aum^lazioni, 
dal  car. prèle GiusepiieCapeilelliVeneziano,  etc. 
—  Venezia  1873.  Et  :  Brève  corso  di  Storia  di 
Venczin  condotta  sino  a'  nostri  giurni,  e  facile 
islruzione  popolare,  eli.'.,  pel  mcdesiiuo  Captl- 
letti.  —  Venezia  1872,  Prohib.  Decr.  li  julii 
i873,  el  5  fcbruarii  1S74,  luudabililer  se  subjecit 
et  opéra  reprobuvit. 

Ilaque  nerao  uujuscumque  gradus  et  condi- 
tionis  prœdicta  opéra  damnata  atque  pros- 
cripta,  quocumque  loco,  el  quocumqui;  idio- 
mate,  aut  in  poslerum  edere,  aut  edila  légère 
vel  retinere  audeat,  sed  locoruin  Ordinaiiis, 
aut  baerelicœ  pravilalis  Inqui.sitoribns  ea  Ira- 
dere  tenealur  -ub  pœuis  in  Indice  librorum 
vetiloram  indiotis. 

Quibus  Sanctissimo  Domiao  Nostro  Pio 
Papœ  IX  per  me  infrasciiplum  S.  J.  C.  a  Se- 
cretis  relalis,  Sanclitas  Sua  Decretuin  probavit, 
et  promulgari  praecepit.  In  quorum  fîdem,  etc. 

Dalum  Uoma;  die  2  julii   1873. 

Antônius  Gard,  de  Ldca 
Piœfectus. 
Fr.  Hieronymus  Pins  Saccberi,  Ord.  Prmd. 
S.  Iitd.  congreg.a  Sea'etis. 
Loco  t  Sigilli. 


LITURGIE 

DES    RÉGIES   A    sniVHE    DANS    LE    CUITS 

»E3    SAINTES    RELIQUES. 

(If  article.) 

VII.  —  Reliques  dans  Its  autels  (suite). 
'9*  A   la   fin   de   notre  dernier  article,  nous 
avons  reproduit  l'énurarralion  des  reliques  qui 
lurent  rcnfennées,  lors  de  la  consécrartioii,  dans 


un  autel  de  Vérone.  Elles  étraent  très-nom* 
brenses,  comme  on  l'a  vu  ;  ce  ([ui  indique  que 
rEL'lisc  n'a  pas  [losé  de  limites  à  cet  épani.  il  y 
a  cepeuilant  un  ininin/um  obiii-'atoire.  Le  jirétre, 
arrivé  à  l'aiilcl  pour  la  coléhration  du  saint 
sacrilice,  commence  ainsi  la  pr  ère  <[ui  suit  celle 
qu'il  a  récitée  en  montant  )fs  degrés  :  «Nous 
vous  prions,  Seigneur,  ;:iaf  ii-s  mérites  de  vos 
saints  dont  les  reliques  fonl  ici,  etc.  »  Po<7r  que 
CCS  paroles  soient  vériOées,  il  faut  qu'il  se  trouve 
dans  l'autel,  les  reliques  di;  deiix  saints  au  moins. 
Cette  conclusion,  fort  rationnelle  par  elle- 
même,  est  cor.firmée  par  les  termes  du  procès- 
verb:d  succinct  i]m  doit  accompagner  les  reliques 
dans  le  p  til  sépulcre  où  elles  sont  déposées  et 
scellées.  La  formule  donnée  par  le  Pontifical 
énonce  les  reliciues  de  deux  martys.  Quoique, 
comme  nous  l'avons  vu  déjà,  on  puisse  employer 
à  cet  usage  des  reliques  de  saints  de  tout  ordre, 
il  parait  doue  plus  régulier,  si  l'on  n'avait  pus 
un  plus  grand  nombre  de  reliques,  de  préférer 
celles  des  martyrs,  et  aujourd  hui  il  n'est  pas 
bieu  difficile  d'en  obtenir.  Celles  des  autrt-s 
saints,  si  l'on  voulait  en  ajouter  quelques-unes, 
viendraient  en  surcroît.  Nous  avons  vu  plusieurs 
sépulcres  d'autels  consacrés,  ou  dos  vases  en 
étain  contenant  les  reliques  qui  y  avaient  été 
renfermées,  toutes  ces  reliques  portaient  des 
noms  de  martyrs,  (.lutrr"  que  ce  choix  concorde 
même  avec  le  texte  du  Pontifical,  il  est  plus  con- 
forme à  l'idée  symboli(pie  exprimée  [lar  l'Eglise, 
qui  a  voulu  que  l'autel  de  la  terre  ressemblât  à 
celui  du  ciel,  sous  lequel  saiut  Jean  vit  les  âmes 
de  ceux  qui  furent  tués  à  cause  du  Verbe  de 
Dieu,  c'est-à-dire  les  âmes  des  martyrs  propre- 
ment dits.  C'est  d'aiileurs  ce  qui  résulte  du 
décret  rendu  dans  la  cause  de  Rennes,  que  nous 
reproduirons  plus  loin  en  entier. 

Régulièrement  les  reliques  appartiennent  à 
des  saints  de  nom  propre.  Toutetois,  cette  règle 
n'est  pas  si  absolue  qu'elle  ne  souffre  aucune 
exception.  Nous  en  trouvons  une  indiquée  dans 
les  décrets  de  la  Congrégation  des  Rites,  et  que 
l'exposé  textuel  de  la  cause  fera  comprendre. 
(I  L'évèque  de  Seardona  (Dalmatie),  faisant  con- 
naître tpie  plusieurs  reliques  de  saints,  qui  ne 
portent  aucun  nom,  lui  ont  été  envoj'ées  de 
Rome,  a  adressé  nue  supplique  pour  obtenir 
l'auton'sation  de  bnir  imposer  les  noms  qu'il 
jugera  bon  de  choisir.  La  sacrée  Congrégation  a 
répondu  :  «  .si  les  reliques  sont  authentiques,  la 
«  permission  demandée  poirrra  être  accordée, 
«  apies  qu'il  en  aura  été  coutéré  avec  le  Saint- 
tt  Père.   Le  24  août  16^0.  » 

«  Le  Saint-Père  a  dit  :  o  Sices'TPlrqnes  sont 
«  authentiques,  i'évèque  pourra  les  utiliser  pour 
u  la  cousécratiou  des  autels.  I.e  7  septembre 
«  1030.  » 

Nous  ferons  remarquer  qu'il  ne  s'agit  pas  ici 


i 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


iitë 


de  relîfines  quelconques,  bien  qu'elles  soient 
anonymes,  mais  très-probablement,  pour  ne 
pas  dire  cei  tuinement,  de  reliques  de  martyrs. 
Celles  dont  parlait  l'évêque  de  Scardona,  étant 
venuesdc  Rome, avaient  été,  sans  doute,  extraites 
des  catacombes,  et  on  sait  que  toutes  celles  que 
l'on  tire  de  ces  lieux  sacres  sont  réputées  reli- 
ques de  martyrs.  On  comprend,  dès  lors,  que  la 
question  des  noms  n'avait  plus  qu'une  impor- 
tance très-secondaire,  puisque  le  symbolisme  de 
l'insertion  était  conservé. 

Ici  se  place  une  observation  que  l'on  perdrait 
facilement  de  vue,  parce  que  le  Pontifical  ne 
donne  aucune  indication  spéciale  à  ce  sujet.  Le 
vase  ou  capsule  destiné  à  renfermer  les  reliques 
doit  être  préalablement  bénit  par  l'évêque. 
Catalan!  affirme  (1)  qi;e  tel  est  l'usage  observé  à 
Rome,  et  il  note  avec  soin  que  celte  bénédictiou 
fut  faite  lors  de  la  dédicace  de  l'église  de  son 
monastère.  Il  dit  très-judicieusement  que,  si 
cette  cérémonie  n'est  point  prescrite  dans  les 
rubriques  relatives  à  la  consécration  de  l'autil, 
il  n'en  faut  pas  moins  se  référer  à  la  règle  posée 
dans  un  autre  endroit  du  l'onlifical,  où  se  trouve 
la  bénéilictiou  des  cliàsses  ou  sont  conservées  les 
relii[ues.  Cet  antein-  s'exprime  ainsi  dans  son 
commentaire  sur  cette  partie  :  «  La  bénédiction 
donnée  à  ces  cbàsses  avant  que  les  saintes 
reliiines  n'y  soient  dé|)osées,  est  un  rite  très- 
ancien  dans  TF-glise.  Saint  Charles,  le  restaura- 
teur de  la  disci|)line  ecclésiastique,  le  remit  avec 
soin  en  vigueur.  Dans  les  Instiuctiom  pour  la 
fabrique  de  l'cglise,  insérées  ilans  les  Ados  de 
l'Eglise  de  M iinn,  Ua'dimt  des  lieux  vases  et  petits 
tombeaux  où  l'on  conserve  les  reliques,  il  dit  : 
«  Tout  coifre,  châsse,  petit  tonilieau,  vase, 
o  de  quelque  sorte  qu'il  soit,  sera  bénit,  confor- 
«  mémeut  à  la  règle,  avantque  l'on  n'y  renferme 
«  les  saintes  reliques,  et  l'on  se  servira  à  cet 
a  effet  des  |irières  qui  se  trouvent  dans  le  Pon- 
«  tifical  ou  le  liiiu'l.  »  Je  suis  donc  étonné  de 
■voir  mettre  si  facilement  aujo(U-d'hui  des  reli- 
ques dans  de  petits  reliquaires  en  argent,  sans 
qu'ils  aient  été  bénits  par  l'évêque.  Je  pense 
qu'il  faut  observer,  sur  ce  point,  le  rite  institué 
par  l'Eglise  et  faire  disparaître  l'abus  où  l'on 
tombe  en  ne  faisaut  plus  bénir  les  petits  reli- 
quaires avant  d'y  placer  les  parcelles  des  saintes 
reliques  {'£).  »  La  raison  de  haute  convenance 
qui  a  déterminé  l'Eglise  à  prescrire  la  bénédic- 
tion des  cbàsses  proprement  dites,  s'applique 
également  aux  |  elits  reliquaires,  et,  par  consé- 
quent, asx  vas  s  ou  capsules  que  l'on  introduit 
dans  les  autels  jiour  leur  consécration. 

Dctuutceciui  précède,  ressort  cette  conclusion 
que,  si  les  reliques  ont  disparu  d'un  autel  consa- 
cré, elles  doivent  être  remplacées,  pour  que  l'on 

t.  in  Pontificale  rom.  comm.  De  eccies.  dedic*  g  4,  auni,  &. 
S.  Ibid.,  tit,  xi\,  Je  Bentd.  caj^sarum,  uviu,  8, 


puisse  continuer  d'y  célébrer  le  saint  sacrifice. 
Comment  faut-il  suppléer  à  ce  défaut  ?  Nous  ré- 
pondrons à  cette  question  en  faisant  connaître, 
par  les  décisions  authentiques,  la  jurisprudence 
suivie  jusqu'ici  par  la  Congrégation  des  Rites. 
Comme  toute  discussion  serait  superflue  eu  cette 
matière,  nous  devons  nous  contenter  de  donner 
ces  décrets  dans  leur  ordre  clJJ'otiol  jgique. 

11  fut  exposé  à  la  Congréganon  jue,  pendant 
les  guerres,  un  grand  nombre  d'églises  et  d'au- 
tels avaient  été  profanés.  En  ce  qui  concerne  les 
autels,  on  posait  la  question  suivante  :  «  2°  Lors- 
que la  pollution  de  l'autel  n'est  pas  constatée 
autrement  que  par  la  violation  du  sépulcre, 
suffit-il  de  remettre  des  reliques  dans  le  sépulcre, 
ou  bien  est-il  nécessaire  de  faire  l'onction  et  les 
autres  cérémonies?  »  La  réponse  tut  :  «  Que  l'on 
observe  le  Pontifical,  n  On  ne  voit  pas  si,  d'après 
cette  décision,  il  faut  réitérer  entièrement  la 
consécration  de  l'autel,  ou  bien  s'il  siifût  d'y 
mettre  de  nouvelles  reliques,  avec  les  cérémonies 
et  prièri's  jiresirites  pour  cette  insertion.  Ce 
point  sera  éclairci  par  les  décisions  postérieures. 

Dans  une  cause  uulliui,  la  Congrégation  des 
Rites,  a  été  plus  explicite.  Le  cas  est  ainsi  posé  : 
«Un  prêtre  voudrait  célébrer  sur  un  autel  qui 
est  dans  lesconditions  suivantes.  La  partie  plane, 
faite  d'une  seule  pierre,  a  été  autrefois  consacrée 
en  entier,  mais,  actuellement,  les  !■  liques  ont 
disparu,  pane  qu'elles  ont  été  enlevées  en  même 
temps  que  le  couvercle  du  sépulcre  qui  les  ren- 
fermait, lequel  sépulcre  est  resté  toutefois  à  sa 
place  dans  une  cavité  pratiquée  au  milieu  de  la 
pierre.  Ce  prêtre  désire  savoir  s'il  suftit  qu'il  re- 
mette lui-même  d'autres  reliques  aulheuti(pies, 
avec  un  nouveau  couvercle  en  pierre  ou  eu 
bois,  ou  bien  si  une  nouvelle  consécration  est 
nécessaire.»  —  a  La  sacrée  Congrégation,  ayant 
examiné  la  matière  et  entendu  le  rapport  de 
l'Eminentissimeet  Révérendissime  Cardinal  de 
Laurea,  a  répondu  :  «L'autel  doit  êtrecon.-acré.» 
Telle  est  sa  tlodaration.  Le  ^3  mars  1686.» 

La  cause  suivante  offre  un  intérêt  tout  parti- 
culier, parce  qu'elle  pose  une  question  sur  la- 
quelle les  avis  seraient  probablement  très-parta- 
ges, à  défaut  de  toute  décision  de  l'autorité 
compétente  :  «  L'évêque  de  Ramberg  expose  ce 
qui  suit:  Cet  évêque  a  reçu  en  don  un  autel 
poriatif,  ou  autel  de  voyage,  comme  on  l'appelle 
vulgairement,  avec  un  témoignage  antbenlitjue 
de  la  consécration  qui  en  fut  faite  par  un  ancien 
évèque  de  iMagdebourg.  Cependant  c<t  autel 
étant  resté  pendant  un  temps  notable  entre  les 
mains  des  hérétiques,  le  susdit  évêoue,  craignant 
qu'il  n'en  soit  résulté  quelque  inco.ivénient,  sur- 
tout celui  du  changement  ou  de  la  l'^dsiCicatioa 
des  reliques,  a  écarté,  non  par  curiosité,  mais 
pour  sa  sécurité,  le  bois  dans  lequel  celte  pierre 
a  été  incrustée,  et,  dirigeant  ses  recherches  au- 


12iS 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


dessous  de  cette  cavité,  il  l'a  ouverte,  en  a  ex- 
trait les  reliques  qui  y  avaient  été  insérées,  et  les 
ayant  trouvées  authentiques,  les  a  remises  à  leur 
place  et  a  fermé  le  sépulcre  comme  il  l'était  au- 
paravant. Maintenant  ce  doute  se  présente  à  lui: 
Cette  ouverture,  toute  de  précaution  et  néces- 
saire, u-t-eMe  fait  perdre  à  l'autel  sa  consécra- 
tion antérieure,  et  a-t-il  besoin  d'être  consacré 
de  nouveau? 

0  En  conséquence,  ce  doute  :  «  Le  susdit  autel 
0  portatif  est-il  exécré  et  doit-on  procéder  à  une 
B  nouvelle  consécration,  »  ayant  été  exposé  à 
notre  très-saint  Seigneur  et  renvoyé  à  la  sacrée 
Congrégation  des  Rites,  cette  sacrée  Congréga- 
tion a  répondu  :  «Puisque  l'évèquea  célébré  sur 
t  cet  autel,  il  n'est  pas  besoin  d'une  nouvelle 
«  consécration.»  Le  14  mars  1603.» 

Il  faut  conclure  de  cette  décision,  semble  t-il, 
que  si  le  cas  eût  été  posé  avant  que  l'évèque 
célébrât  sur  cet  autel,  la  Congrégation  aurait 
exigé  qu'il  fût  consacré  de  nouveau,  l'enlève- 
ment même  momentané  des  reliques  lui  ayant 
fait  perdre,  en  droit,  sa  consécration.  Mais 
comme  cette  règle,  quoique  très-sage,  n'a  rien 
d'absolument  essentiel,  on  n'a  pas  voulu  pres- 
crire de  réitérer  la  consécration,  qui  est  faite  en 
vue  du  saint  sacrifice,  après  que,  de  fait,  il  avait 
été  offert  sur  un  autel  qui  était  replacé  matériel- 
lement dans  les  conditions  exigées. 

Lorsque  le  Saint-Siège  accordait  la  dispense 
d'une  nouvelle  consécration,  il  le  faisait  en  des 
termes  qui  indiquaient  bien  sa  volonté  formelle 
de  maintenir  la  règle.  C'est  ce  que  nous  voyons 
dans  la  cause  de  Bénévent,  dont  voici  l'exposé. 

0  L'Eminentissime  et  Révérenrlissime  Cardinal 
archevêque  de  Bénévent,  inspiré  par  uue  muni- 
ficence égale  à  sa  piété,  se  proposant  de  suppri- 
mer les  bases  de  quatorze  autels  faits  antérieu- 
rement en  moulage,  pour  les  remplacer  par  des 
constructioas  en  marbre,  a  prié  instamment  la 
sacrée  Congrégation  des  Rites  de  déclarer  si,  les 
sépulcres  des  tables  de  ces  autels  étant  restés 
entiers  avec  leurs  reliques  intactes,  on  peut  pro- 
céder à  une  nouvelle  consécration  en  omettant 
les  cérémonies  relatives  à  l'insertion  des  reli- 
ques. 

a  La  sacrée  Congrégation  a  répondu  :  n  Que 
0  l'on  renvoie  au  décret  donné  dans  les  causes 
«  d'Augsbourg,  le  21  avril  1G6S,  pourvu  qu'il  ne 
>  passe  pas  en  exemple.»  Le  26  novembre  1696. 

«  Le  rapport  ayant  été  présenté  par  moi  secré- 
taireà  noire  très-saint  Seigneur,  Sa  Sainteté  a 
bien  voulu  donner  son  consentement.  Le  6  décem- 
bre, de  la  mèmx,  anuée  1696.  » 

«  La  teneur  du  décret  donné  dans  la  cause 
d'Augsbourg,  ci-Jessus  énoncée  est  ainsi  qu'il 
suit: 

u  Augibnurg.  Comme  il  se  trouve  actuellement 

dans  le  diocèse  d'Augsbourg  plusieurs  milliers 


«  d'autels  qui  ont  été  pollués  par  la  seule  viola- 
a  tion  des  sépulcres,  desquels  les  reliques  ont  été 
«  enlevées  dans  les  inrasions  passées,  l'évèque  a 
«  adrepsé  une  supplique  à  la  sacrée  Congréga- 
«  tion  des  Rites  pour  obtenir  la  faculté  de  récon- 
«  cilier  ces  autels  par  la  seule  insertion  de 
«  nouvelles  reliques,  en  n'ob«ervant  que  les 
«  cérémonies  prescrites  à  cet  eflet,  dans  le  Pon- 
«  tifical  romain.» 

«  La  mêm'î  sacrée  Congrégation  des  Rites,  sur 
le  rapport  del'éminentissimeBrancati,  a  émis  cet 
avis  :  «  Dans  le  cas  proposé,  la  grâce  demandée 
«  peut  être  accordée, s'il  plait  à  Sa  Sainteté.  »  Le 
21  avril  1668. 

«  Le  rapport  de  tout  ceci  ayant  été  lait  par 
moi  secrétaire  à  Sa  Sainteté,  elle  a  bénignement 
donné  son  consentement.  Le  1"  mai  16C8.  » 

Une  cause  de  Rennes  extrêmement  intéres- 
sante et  très-instructive,  doit  prendre  place  ici. 
Nous  traduisons  intégralement  la  lettre  du  se- 
crétaire de  la  Congrégation  des  Rites  à  l'évèque 
de  Rennes  et  l'instruction  qu'elle  accompagnait.. 
Ces  pièces  s'expliquent  l'une  par  l'autre. 

«  Révérendissime  Seigneur  et  Frère. 

«  La  lettre  de  Votre  Grandeur  datée  du  19 
juillet  de  l'année  courante,  signale  une  chose 
extrêmement  grave ,  savoir  que  la  consécra- 
tion d'un  très-grand  nombre  d'autels  des  éj^lises 
paroissiales  de  ce  diocèse  de  Rennes  a  été  faite 
de  telle  sorte  par  vos  prédécesseurs,  que  les  reli- 
ques des  saints  martyrs  y  font  absolument 
défaut,  ou  bien,  si  elles  y  ont  été  mises,  on  les 
y  a  placées  sans  observer  les  cérémonies  pres- 
crites par  les  lois  de  l'Eglise.  Cette  affaire  a  été 
traitée  avec  d'autres  dans  l'assemblée  ordinaire 
de  la  Congrégation  des  saints  Rites,  à  la  date 
ci-dessous  indiquée,  et  les  Eminentissimes  et 
Révérendissimes  Fères  préposés  au  maintien  des 
rites  sacrés,  considérant  sérieusement  qu'il  ne 
peut  absolument  pas  être  accordé,  comme  le 
désirait  Votre  Grandeur,  qu'elle  tienne  pour 
récoi:ciliés  les  autels  par  la  seule  et  simple  repo- 
sition des  reliques,  ont  été  d'avis  qu'il  n'y  avait 
lieu  de  rien  statuer  avant  que  notre  très-saint 
Seigneur  le  Pape  eût  été  consulté,  et  ils  donnè- 
rent en  conséquence  celte  réponse  écrite  :  «  La 
«  question  est  renvoyée  au  secrétaire,  pour  qu'il 
en  confère  avec  le  Saint-Père,  n  Le  23  septem- 
bre 1837. 

0  Rempllssantle  devoir  de  sa  charge,  le  secré- 
taire soussigné  a  exposé  fidèlement  toutes  choses 
à  notre  très-saint  Seigneur  le  Souverain  Pontife 
(jrégoire  XVI,  et  lui  a  fait  connaître  le  sentiment 
de  la  sacrée  Congrégation.  Mais  Sa  Sainteté 
ayant  ordonné  ultérieurement  qu'une  instruc- 
tion fût  rédigée  sur  ce  point  par  un  des  maître* 
des  cérémonies  pour  le  révért^ndissime  évèque 
de  Rennes,  celte  instruction  ayant  enfin  été 
iimise  et  ayaat  obtenu  l'approbatiou  du  Saint- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


117 


Père,  Sa  Sainteté  a  ordonné  que  cette  sacrée 
Congrégation  prescrivît,  par  fine  lettre  particu- 
lière à  Voire  Grandeur,  de  remédier  selon  les 
indications  contenues  dans  l'instruction  ci-jointe 
aux  défauts  commis  par  vos  prédécesseurs  dans 
la  consécration  des  autels  dont  il  est  fait  mention 
dans  votre  supplique,  et  de  remettre  ainsi  tout 
en  ordre  avo"  la  sollicitude  et  la  prudence  néces- 
saire, sans  exciter  l'étonnement  des  fidèles  ni 
donner  lieu  à  aucun  scandale. 

«  En  remplissant  les  ordres  de  Sa  Sainteté  et 
de  la  Congrégation  des  Rites  sacrés  et  faisant 
connaître  leur  pensée  à  Votre  Grandeur,  pour 
qu'elle  la  mette  exactement  à  exécution,  je  lui 
souhaite  de  vivre  longtemps  heureuse  et  en 
bonne  santé. 

«Rome, le  6 octobre  1837.» 

Voici  la  teneur  de  l'instruction  jointe  à  cette 
lettre  : 

a  L'autel  sur  lequel  la  messe  est  célébrée, 
qu'il  soit  fixe  ou  portatif,  c'est-à-dire  consistant 
seulement  dans  une  [tierre  sacrée,  doit   absolu- 
ment être  consacré,  et,  pour  ce  i[ui  est  de  l'autel 
portatif,  ou  de  la  pierre  sacrée,  le  principal  rite 
à  observer  se  compose  des  onctions  et  de  l'inser- 
tion dans  le  sépulcre   des  reliiiues   des  saints 
martyrs,  conformément  à  cette  parole  de  VApo- 
calijpse  :   Je  vis  sous  Cautel  de  Dieu  les  âmes  de 
ceux  qui  furent  tués.  Les  reliques  sont  placées  en 
cet  endroit,  à  cause  du  rapport  et  de  l'analogie 
mysticiue  existant  entre   Notre-Seigneur  Jésus- 
Clirist,  le  chef  des  martyrs,  et  ses   membres, 
selon  ces   paroles   de  saint  Augustin  :    «  C'est 
«  pour  satisfaire  aux  convenances  et  à  raison 
«  d'une  sorte  de  société  existante,  que  la  sépul- 
«  ture  des  martyrs  a  été  fixée  par  l'autorilé  là 
«  même  où  la  mort  du  Seigneur  est  célébrée 
«  chaque  jour,  afin  que  ceux  qui  sont  morts  à 
•  cause  de  sa  mort  reposent  à  l'ombre  du  mys- 
«  tère  de  sou  sacrement.  »  C'est  pour  cela  que, 
après  avoir  tait  sa  confession,  le  prêtre  prononce 
ces  paroles  en  baisant  l'autel  :  «  V'os  saints  dont 
les  reliques  sont  ici.  »  Tout  cela  prouve  qu'il  est 
nécessaire  qu'il  y  ait  un   sépulcre  des   reliques 
dans  l'autel  ;  car,  si  des  reliques  n'y  ont  pas  été 
déposées  ou  ne  s'y  trouvent  plus,  ces   paroles 
«ont  superflues  et  dépourvue*  de  sens.  Eu  outre, 
comme  uu  autel  quelconque,  fixe  ou   portatif, 
se  trouve  exécré  par  l'enlèvement  d'un  fragment 
énorme  par  lui-même,  à  raison  de  la  quantité, 
ou  bien  parce  que  le  fieu  des  onctions  a  disparti, 
bien  que  celte  ^larlie  brisée  soit  peu  considérable 
en  soi,  et  (lue,  pareiilemeut,   l'autel  est  exécré 
par   la  disparition  des  reliques,  il  en  résulte 
aussi  clairrmeut  que  les  r«;liques  sont  nécessaires 
pour  la  lousécralioo  des  autels.  Si  donc  le  Saint- 
Siège  a  quelquefois  dispensé  de  l'observation  de 
tous  les  autres  rites,  lorsqu'il  y  avait  lieu  de 


consacrer  de  [nouveau  des"autels,  il  n'a  jamais 
dispensé  d'y  remettre  des  reliques  et  de  faire  les 
cérémonies  prescrites  pour  cette  insertion.  C'est 
ainsi  que,  dans  la  cause  d'Augsbourg,  du  21 
avril  1668,  l'évèque  de  cette  ville  ayaut  présenté 
une  supplique  pour  obtenir  la  faculté  de  récon- 
cifier  plusieurs  milliers  d'auteK.  exécrés  par  le 
seul  enlèvement  des  reliques,  et  dont  la  consé- 
cration devait  être  renouvelée  pour  ce  fait,  eu 
se  contentant  d'y  replacer  des  reliques  avec  les 
seules  cérémonies  prescrites  dans  le  Pontifical 
romain  pour  cette  insertion,  la  sacrée  Congré- 
gation des  Rites  répondit  que,  m  dans  ce  cas,  la 
(!  grâce  sollicitée  pouvait  être  accordée,  »  et  elle 
le  fut,  en  effet,  par  le  pape  Clément  IX,  de  sainte 
mémoire. 

«  Si  donc  notre  très-saint  Seigneur  juge  à 
propos  de  suivre  cet  exemple,  le  révérendissime 
évèque  de  Rennes  pourrait  être  dispensé  de 
renouveler  intégralement  la  consécration  de 
tous  les  autels  mentionnés  dans  la  supplique. 
Toutefois,  pour  ce  qui  regarde  les  reliques,  il  ne 
peut  être  autorisé  à  regarder  ces  autels  comme 
réconciliés  par  la  seule  el  simple  reposilion  des 
reliques,  si  les  ci-rémonics  prescrites  pour  l'ac- 
complissement de  ce  rite  ne  sont  pas  observées. 
Afin  donc,  que  celle  ailaire  soit  conduite  sans 
omettre  ou  altérer  le  rite  constamment  maintenu 
jusqu'ici,  et  aussi  sans  aucun  bruit  ni  scandale 
que  l'on  pourrait  prévoir,  l'évèque  procédera 
secrélement  dans  son  oratoire  privé,  et  en  faisant 
toutes  les  cérémonies  indiquées  dans  le  Pontifical 
romain,  à  la  consécration  de  toutes  les  pierres 
dans  lesquelles  les  reliques  manquent,  ou  pour 
lesquelles  on  n'a  pas  accompli  le  rite  prescrit, 
bien  qu'on  y  ait  placé  des  reliques,  et  d  enverra 
ces  pierres  consacrées,  munies  des  sépulcres  des 
reliques,  aux  curés,  qui  pourront  les  adapter  à 
chaque  table  d'autel.  Cette  fonction  étant  faite 
avec  précaution  et  prudence,  lout  danger  d'éton- 
nement  el  de  scandale  sera  absolument  évité, 
puisqu'elle  ne  pourra  èlre  connue  que  d'un  très- 
petit  nombre  de  personnes.  Pour  qu'il  n'y  ait 
rien  à  craindre  de  ce  côté,  la  détermination  du 
temps  que  l'évèque  estimera  nécessaire  pour  faire 
toutes  ces  choses  avec  le  soin  nécessaire  est 
abandonnée  à  sa  conscience  et  à  sa  prudence» 
(A  suivre.)  P.  F.  Ecalle. 

Professeur  de  tliéologio 


Théologie    dogmatique 

LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SftlNT-SlÉGE 

CUAPITRE    II.  —  LA    rRIMAUTÉ   DOCTRINALE    INFAIL- 
LIBLE   DU   SIÈGE   Ar0ST0LI0UE.(S"l'?). 

«   Avant  tout,  écrit  saint    Pifrie  Chrysolo- 
3ue  (1)  à  Eutychés,  abbé  à  Constautmople,  nou» 
1.  Ep.  Gœlestin.  vm.  7.  Cf.  iius  haut,  p.  83. 


1S48 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


vous  rerommanrions  de  suivre  docilement  ce 
qiie  le  Pai>e  de  la  ville  de  Rom",  a  écrit.  Car 
eaint  Pierre  toujours  vivant  dans  sou  propre 
sipsre,  qui  est  est  le  siège  présidentiel  de  l'E- 
elise  procure  à  ceux  qui  le  défirent  le  bieulait 
de  la  foi  (i).  «  Il  répétait  simplement  ce  que  saint 
Léon  le  Giaud,  avait  dit  avant  lui,  ce  que  1(3 
légal   l'hilippc  avait  déclaré  au  concile  d'E- 

plièse, 

«  Le  bienheureux  apôfre  Pierre,  écrit  le  pape 
Sixte  111  (2),  a  transmis  à  ses  successeurs  le  don 
qu'il  avait  reçu.  Qui  oserait  se  séparer  de  la 
doctrine  de  celui  que  le  Seigneur  lui-même  a 
choisi  parmi  les  apôlres  pour  l'instruire  S[iécial> 
ment?  »  «  Nous  devons  persévérer  dans  sa  foi, 
afin  que,  suivant  avec  un  sens  droit  les  traces 
des  apùtres,  nous  méritions  d'être  comptés  parmi 
les  catlioliqucs(3).  »  C'est  faire  offense  au  Siège 
apostoli'iue,  écrit  Innocent  I",  de  tenir  pour 
douteuses  les  décisions  ipi"il  a  rendues...  Les  au- 
tres (':,  lises  doivent  i  ecevoir  de  lui  leurs  décisions 
doctrinales  conformément  à  l'esprit  de  tradition 
et  à  la  discipline  ecclésiastique,  de  la  même 
manière  que  les  eaux  découlant  de  leur  source, 
répandent  dans  toutes  les  directions  leurs  ondes 
fraîches  et  limpides.  Dès  que  s'clève  quelque 
part  une  question  de  foi,  c'est  le  devoir  des 
évèi]ucs  de  se  tourner  vers  Pierre,  auteur  de 
leur  nom  et  de  leur  honneur  (4-).  »  «  Notre  au- 
torité, écritle  pape  Zosime  (3)  auxévèqiies  d'A- 
frique, est  de  telle  nature  que  personne  ne  peut 
appeler  de  notre  jugement,  n  Mais  il  veut  com- 
muuiquer  l'état  de  la  question  aux  évêques,  non 

1.  Inter  Léon.  éd.  Daller.  Dp    25. 

2.  Sei-iii.  m.  3  :  Bealus  Pelrus  in  accepta  fortiludine 
fttrœ  perseverans  suscepta  Ecclesiœ  gubernacula  non  reliquil. 
Conc.  Epbcs.  Art.  ni.  op.  Mausi  iv.  p.  1295.  Sanctus 
ieatissimusque  Pelrus,  apoilohrum  princeps  et  ciput  fidei 
dolumn^  et  Ecctesiœ  catlioiicœ  fundamentum...  ad  hoc  usque 
tempus  et  semj'er  in  suis  successori'^us  vii:it  et  prœsidet  et 
fudicium  cxercet, 

5.  Ep.   17.   ad  Jean.  Antioch.  ap.  Coust.  p.  1260, 

4.  Ep.  29.  ad.  Cono.  Carthag.  ap.  Coust.  8S0:  Scientea 
quid  Aposlolirœ  SeJi  dehe^ilur,  a  quo  ipse  ei-iscopalus  et  tma 
auctoritas  nomiuis  hujus  emersit...  Paires  7ion  fiumana,  sed 
divina  decrevere  senlenlia,  ut  quiJquid  quamvis  de  disjunclis 
remoti^que  provinciis  agcretur,  non  prius  ducerent  facienduvif 
nisi  ai  hvjus  sedis  nolitiam  peri-eniret,  ut  tolo  hujus  auclo- 
rilate  jusla  qun  (uerit  proniintiatio  firmarelur. 

L'iujage  de  l'eau  et  de  la  source  est  adoptée,  parce  que, 
dans  la  sjmbolique  de  l'ancienne  Eglise,  Moïse  frappant 
le  rocher  de  sa  verge  est  le  type  de  saint  Pierre.  Cf. 
Bomrt  sotterranett,  par  Kraus,  "p.  299.  Ep.  30.  ad  conc. 
Milev.  ap.  Coust.  p.  890  :  IHligenler  et  congrue  apostolici 
consuUlis  houona  (iionoris  illius,  quem  roUiciludo  manet 
omnium  ecclesiarum)  arca'ta  super  anxiis  let^us^  quœ  sil 
tenenda  scnlejilin  ;  antiquœ  scilicet  regulœ  formum  secuti^ 
çuam  toto  s4  \er  ab  o  be  mecum  nostis  esse  servalam... 
Srtentes  quod  •^j;  omîtes  provint  tas  de  Apostulico  fonte  ]>eten' 
tibus  respoma  st'^pcr  émanent.  Prasertim,  quoiies  fidci  ratio 
ventilatur^  arbitror,  omrtes  fralres  et  coepiscopos  nostros 
nonnisi  ad  Petrum^  i  e  sui  nominis  et  honoris  auctorem 
referre  deliere,  quod  j>er  totum  mundum  possit  ecclesiis  om- 
Ilt6ui  in  commune  prodessc, 

6.  Ep.  XII.  ap.  Coust.  p.  975. 


qu'il  ignore  ce  qu'il  y  a  à  faire  (dans  l'hérésie 
des  pélagiens^i  non  comme  s'il  pouvait  prendre 
des  mesures  tausses,  mais  afin  de  les  as.^ocier  à 
6es  conseils  et  d'agir  de  concert  avec  eux.  «  Dans 
la  promulgation  de  la  vérité,  écrit  Sixte  lll  à 
saint  Cyrille  d'Alexandrie,  l'Eglise  romaine  a 
toujours  gardé  une  seule  et  même  foi  (I).  n  «  Car, 
remarque  le  pape  Gélasp  {'2\  Jésus  Christ  n'a 
point  parlé  en  vain,  lorsqu'il  a  div  <pie  les  portes 
de  l'enfer  ne  prévaudront  jamais  contre  la  con- 
fession de  saint  Pierre.  C'est  pourquoi  nous 
n'avons  pas  à  craindre  d'échec  pour  la  décision 
ecclésiastique,  elle  qui  s'appuie  sur  la  parole  du 
Seigneur,  sur  la  tradition  de  nos  prédécesseurs 
et  sur  l'autorité  des  canons,  de  sorte  qu'elle  fait 
loi  dans  toute  l'Eglise,  o  Si  l'Eglise  romaine 
pouvait  faillir  dit  ailleurs  le  même  (3),  quel 
moyen  aurions-nous  de  nous  préserverde  n'im- 
porte quelle  erreur  et  qui  redresserait  nos  éga- 
rements (-4)?  » 

Gouilamnô  sur  une  fausse  accusation  d'héré- 
sie, Tliéodoret  évêque  de  Cjr  recourut  à  saint 
Léon  le  Grand  ;  il  explique  ainsi  la  raison  de 
son  appel  (.9)  :  «  L'Eglise  romaine  possède  la 
suprématie  sur  toute  les  Eglises  qui  sont  dans 
l'univers  pour  plusieurs  raisons,  mais  la  prin- 
cipale est  qu'elle  est  toujours  demeurée  exempte 
de  la  tache  d'hérésie,  et  qu'aucune  opinion  op- 
po  ée  à  la  foi  ne  prend  chez  elle  ;  elle  a  toujours 
gardé  !a  foi  des  apôtres  dans  toute  sa  pureté.  » 
Saiut  Théodore  Sludite  dit  des  iconoclastes  (0)  : 
«  Us  Se  sont  séparés  du  corps  du  Christ  et  de 
la  chaire  suprême,  à  laquelle  le  Christ  a  remis 
les  clefs  de  la  loi,  et  contre  laquelle  n'ont 
jamais  prévalu  et  ne  prévaudront  jamais  les 
portes  de  l'enfer,  c'est-à-dire  la  bouche  des  hé- 
rétiques, ainsi  que  le  lui  a  promis  celui  qui  ne 
ment  pas.  »  Saiut  Maxime  de  Conslantino;ile 
écrit:  «  Tout  regarde  vers  Rome,  ainsi  que  vers 
le  soleil,  pour  recevoir  d'elle  la  vraie  foi  ;  là  est 
le  fondement  de  toute  l'Eglise,  contre  le  luel 
les  portes  de  l'enfer  en  prévaudront  point  ; 
Rome  garde  la  clef  de  la  foi  et  de  la  coniêssion 
orlhoduxe  ;  à  qui  s'adresse  à  elle,  elle  ouvre  la 
porte  de  la  vraie  religion,  mais  elle  ferme  la 
bouche  à  l'hérésie  et  aublaspliêiue.» 

La  prolessiou  de  foi  ilu  [lape  Hormisdas  est 
d'une  importance  capitale  (7).  Le  concile  du 

1.  Ep.  1.  ap.  Coust.  p.   1234. 

2.  Commonilor.  ad  Faust,  ap.  Thiel.  Ep.  X,  p.  347, 

3.  Ep.  12.   Ad  Anast. 

4.  Uœc  est  quoi  sedes  apo^toUca  magnopere  pracavel,  uf 
quia  omnia  radix  ex  apost^ii  gioriosa  confes^tto.  ttulit  rima 
pravitatis,  nutla  prorsus  contagiong  maculetur.  j\am  si,  quod 
fieri  non  posse  confidimus.  taie  aliquid  proveniret,  vel  eut  jam 
resistere,  vel  unde  correctionem  erranttbus  procuremus. 

5.  Inter  Epp.  Léon.  éd.  Ualier.  Ep.    ,"ÛG 

6.  Ep.  11.  G3.  ap.  Mign.  T.  99.  p.  128».  —  U  écritdaue 
le  même  sens  au  ]i:ipe  l'asi^bal  {Mign.  ItJS),  à  Léon  IIl» 
[IHign.  1019),  h  l'Empereur.  (Mifn.  1331), 

7.  Opusc.  thtol.  ll.;p.  72.  (J.  CàrtUief, 


LV  SEMAINE  DU  CLERGE 


1249 


Vatican  la  rapporte  en  ces  termes  :  «  Le  salut 
est  avant  tout  île  panier  la  rèi,Ie  de  la  vraie  toi. 
Et  pomme  la  parole  de  Nohe-Seigneiir  Jésiis- 
Cluisl  (lisant  :  Tu  es  Pierre,  et  sur  cette  pierre 
je  bâtirai  mon  E^\i-e,  ne  peut  être  vaine,  elle  a 
été  vérifiée  par  les  faits,  car,  dans  le  Siéj^e  apos- 
tolique, la  religion  a  toujours  été  conservée  im- 
maculée et  la  s,iinte  ./octriue  toujours  enseignée. 
Désirant  donc  ne  nous  séparer  en  rien  de  sa  f  )i 
et  de  sa  doctrine,  nous  «spérons  mériter  d'être 
dans  l'uniijue  communion  que  prêche  le  Siège 
apostolique,  en  qui  se  trouve  l'enlière  et  vraie 
solidité  de  la  religion  chrétienne  (1).»  Cette 
profession  de  foi  fut  composée  par  le  pape  Hor- 
misdas  en  517,  et  proposée  à  la  souscription  des 
évéques  qui  renoncèrent  au  schisme  des  aca- 
eiens,  comme  condition  de  leur  réintégration 
dans  la  communion  de  l'Eglise.  Jean,  patriarclie 
de  Constautinople  et  2,500  évoques  y  souscri- 
virent. Les  évè(pU'S  qui  la  signèrent  furent  seuls 
admis  à  composer  le  huitièaie  concile  (809)  (2). 

1.  Op.  Mansi  VIII.  441,  453. 

2.  A  la  fin  il  est  dit  :  «  C'est  pourquoi  nous  suivons  en 
tout  le  Sié^e  apostulinae,  et  confessons  ce  qui  a  été  dé- 
crété par  lui.  » 

Bossuet  dit  îi  ce  sujet  [Defensio  declar.  cler.  Ga'/ic 
X  7):  Oinnrs  crgo  Eccletiis  sub  S'Qti'ila  formula  yrofilehantur 
liomanam  fi'lein  SeJix  apostoticiv.  et  Ecclesiœ  Honuinre  fiJeni 
inli'fjra  et  perfectti  miititate  coîistare^  ac  ne  uiuftiam  deficial, 
rfclu  Oomini  poliicUcUiojie  {irntatam.  Nemp-;  hanc  idein  ab 
Ei>isC''pis  nil  M'tropi)litano!i,  ab  liis  ad  Putriarchfis.  aPatriar' 
vfiis  a'I  Papam  emitli  v^orUbal,  ut  omnium  con(c\ûon^m 
unam  excipercty  ac  pro  confes^ione  fi'îci  cammunionem  om^ 
n  bvts  unii-itemquc  repeiuleret  Ilanc  priyfrasioiicm  eodem  ini~ 
t-n,  eaitem  couclH.tionc,  additix  siibinde  Unn'e.itbus  attpn  hcBre~ 
ticis  qui  .lui^  leinpnribus  EccU:iiam  conîi\rbassent  per  .«pciWa 
svcula  freqieiUatam  scimm  Hanc  ii.'i  smieto  Uonni^da  P ipa, 
aanctoque  Afjapeto  at  Nicolao  1  ornnes  epùcopi  fecerant  ;  ila 
eitdem  verhi.t  Uadridni  II  in  caticili'i  w^wrcniro  viu  ler/imits. 
liœc  ergo  ubiqite  di/f^im,  omnibus  t(ernlii  jirop'igata,  ab  œcti- 
nienico  concitio  co  '.srcrnM,  quis  rps/Mor  (hrulianus  ?  —  Cl'. 
Vê:ie\on,  Deux  ème  maniement  sur  la  cinstUuliun  Uniheni- 
Tus.  —  .\pré3  cela  nous  ne  nous  étiinnons  pas  si  Tour- 
ncly  (D?  Ecclesia  If,  Ilî'il  écrit;  Xon  di^simutandum,  dif- 
t^rile  gsse  iVt  ta'ita  leitimonioTum  mole...  7ion  a^iin^crt; 
apostolicte  sedis  seu  liomnnre  Eechsioe  ccrîam  et  infaltibU^m 
auctorit'dem  ;  et  longe  difiiciliu-i  e^se,  e  i  conciliare  cu<n  de~ 
cltiratiofie  G-Ulicana,  a  qua  rcccdere  nobit    «ou    permitfHur. 

Bo*3uet  lui  aussi  sentait  le  poids  des  preuves.  11  voulait 
en  conclure  tju'il  l'aliait  attribuer  l'iuraiUibilité  iv  la  sac- 
cession  entière  des  papes,  h  la  papauté,  mais  non  K  cln-.iHe 
pape  pris  en  partieuliir.  [Ihf.  declar.  X.  G.  Ut  in  aliqai- 
bus  fide.i  facillet  aul  c.onridat,  jion  timen  déficit  in  lutuni, 
quœ  stalim  rcriclura  sit).  M.ûs  (ju'uu  seul  Pape  erre  et  une 
seule  fois,  est-ce  ipi'alors  la  succession  n'est  paa  rompue  ? 
Et  si  un  particulier  p"Ut  faillir,  n'nvuus-iious  pas  .'i  re- 
douter toujours  la  niêine  ^''.ssilillité  pour  cha;un,  et  alors 
cette  iufaillihilité  de  la  papauté  [in  abslraclo)  ne  dfviout- 
elle  pas  illusoire  pour  un  cas  particulier  ([uelcuaiue  ? 
C'est  justement  parce  que  cette  suocossion  n'a  jamais  été 
interrompue  qu'elle  forme  pour  saint  .\ugustin  une  preuve 
convaincante  contre  les  dnnatistcs  (l's.  c.  D.mnt.):  In 
hoc  ordtne  surceasionis  nuUuf  episcopui  Oonatista  invcnitur. 
Et  puisque  cette  iafailli'oilité  ne  peut  avoir  d'autre  prln- 
ci;»e  que  Dieu,  [loar  pioi  irion>-uoU3  raccourcir  la  puis- 
s.ince  de  Dieu  ?  n  est-il  pas  plus  di^ne  d'elle  de  provenir 
la  chute  d  un  pape  qun  di?  venir  le  relever  après  qu'il 
serait  tombé  ?  On  aurait  tort  d'alléguer  ici  la  distinction 
dul'ape  Sain»  Léon  entre  la  cUaire  et  la  personne  qui  l'oo- 


Eticnne  de  Dora  adressa  au  siège  de  Rome 
une  lettri',  qui  fut  lue  |inl)liqiieineut  devant  le 
co-icile  de  L:it;ansous  Martini"', et  dans  laquelle 
il  invoquait  le  secours  du  Pape  contre  l'hérésie 
des  mouothélites  ■  «  Nous  voudrions,  dit-il,  pren- 
dre les  ailes  de  la  colombe  et  son  vol  rapide  pour 
porter  ces  paroles  à  cette  chaire  suprême  à  qui 
tout  est  soumis,  et  auprès  de  qui  toute  bles- 
sure trouve  sa  guérison,  c'est  la  fonction  que  le 
Pontife  romain  a  toujours  exercée  dès  le  principe 
en  vertu  de  sou  autorité  apos'.olique  et  cano- 
nique. C'est  à  lui  qu'a  été  donné  l'ordre  de 
paitre  les  brebis  de  l'EL'lise  catholique,  lorstiue 
le  Seigneur  dit  à  Pierre  :  Pierre,  m'aimez-vous  ? 
paissez  mes  brebis.  Parce  qu'il  mon'ra,  avant 
tous  les  autres,  une  foi  fi-rme  en  la  divinité  de 
Notre-Seigneur,  il  fut  jugé  digne  de  confirmer 
la  toi  chancelante  de  S!S  compagnons  et  de  ses 
frères  spirituels,  et  il  reçut  de  notre  Dieu,  fait 
chair  pour  nous,  une  puissance  et  une  autorité 
su  péiieure  à  toute  autre.  0  C'est  pourquoi,  re- 
marqne-t-il  plus  1  lin,  Sophroue,  patriarche  de 
JiTusalem  l'a  envoyé  à  Home  où  sont  les  fort' 
dem"nts  de  la  doctrine  orthnd'Ue  (I). 

La  prérogative  du  Pontife  romain  a  été  aussi 
reconnue  par  les  conciies.  Saint  Léon  le  Grand, 
ayant,  dans  son  épitre  dogmatique  adressée  à 
Flavien,  patriarche  de  Constautinople,  jugé  et 
condamné  l'h'Tésie  d'Eutychès  (2),  ne  permit 
pas  tpie  la  question  fut  remise  en  discussion  (3). 
Et  dans  leur  réponse  au  Pape  les  Pères  ilu  con- 
i;i  e  de  Chalcéiloine  (i.'Ji)  s'ex[)rlmeîil  ainsi: 
«  Vous  avez  gardé  la  toi  qui  est  veiuic  jusqu'à 
nous  selon  l'ordre  du  li'i^i'iialeur  siiprèini!,  et 
vous  êtes  pour  nous  tous  comme  le  porte-voix 
de  Pierre  ..  Vous  êtes  la  tè!e  et  nous  somaaes 

cupe  {Ep.  105  :  Miud *unt  sede^,  aliullPreesiden'es).  Saint  Léoa 
voulait  seulement  laire  coniproulre  par  lii  que  les  vices 
d'un  évèque  (J'Acace)  ne  peuvent  préjudicier  aux  droits 
de  la  cliaire  épiscopale,  que  les  avantages  de  la  ciiairs 
épiscopale  sont  liés  il  la  cii.ir^'j  que  revêt  la  personne  et 
qu'ils  n'ont  pas  été  donnés  à  la  personne  privée  en  tant 
que  personne  privée,  etqu-?,  par  conséquent,  ils  ne  peuvent 
se  perdre  par  la  f.iute  de  celle-ci.  Mais  d'un  autre  côté 
la  charge  s'e.xerce  par  celui  qui  l'-iccupe.  C'est  pourquoi, 
aux  yeux  de  laati  luité  ecclésiastique,  la  cliaire  loinaine 
est  identique  avec  ie  ;:ipe  de  Home.  £70  B;a(i/m/i'ii  tua, 
i'i  est  Caih'virœ  Pétri  communtone  consocior.  écrit  saint 
Jér^ime  au  p.ipe  Damase.  Cathedra  Pelri  per  universum  or- 
bcm  Papte  Zosimi  nre  loquitur,  dit  saint  l'rosper  (C.  Collât, 
n.  15).  La  manière  de  voir  opposée  d  stiogue  entre  la 
papauté,  la  hiérarchie  et  l't'glise  cons-dérées  dans  leur 
idée  et  la  papauté,  la  hiérarchie  et  '.Eglise  dans  leur 
manifestation  concrète  ;  conséquemment,  elle  conduit  k 
cotte  doctrine  protestante  qui  oppose  rS^^Iise  invisible, 
idéale  et  vraie  à  sa  manifestation  concrète,  empirique  et 
défcct'.nase. 

1.  lip.  14.  Ep.  120:  Qutr  nostro  priua  riiniaterio  Dominuê 
dffinieral. 

2  Ej).  9S  :  nejecla  penilus  audwia  dispninndi  contm 
filem  i/mîiii/ii!  intpiratam  vana  errantiuil^  infuletilas  con- 
q>iie.^cat  «fc  lirciU  dsfeiuii,  quod  non  licet  cYedi. 

3.  Int.^rEp.  Léon.  Ep.  98.  Mansi,  et.  HS:Çuam...  «* 
praceplo  legisUioris  «eni''nlem  usque  ad  nos  i;)«e  serviLli.  rocis 
B.  Pétri  om,it>us    com'itulus   intetprea  {«««i  xa6tati[ievO{.) 


1250 


LA  SEMAINE  DU  CLEIiGE 


les  rcembios.  Le?  évèi]iins  ajoulciit  jue  le  Christ, 
leur  avait  apprêté  un  festin  spirituel  dans  la 
letlrc  de  pape.  Ils  font  ressiAtirla  coupable  con- 
duite de  Dioscore,  qui  anon-senlcmeulosé  réin- 
tégrer dans  sa  charge  Euytchès  déposé  par  le 
Pape,  mais  qui  a  été  jusqu'à  excommunier  le 
Pape  lui-même,  à  qui  la  garde  de  la  vigne  du 
Seignyur  à  éth  coufii^e  et  sur  qui  se  fonde  l'u- 
nité ilu  corps  de  l'Ei>lise  (IV  Le  projet  de  com- 
poser une  nouvelle  formule  de  foi  fut  repoussé 
par  eux  ;  qui  n'est  pas  avec  Léon,  déclarèrent-ils, 
est  hérétique  [-2).  Pour  conclusion,  ils  prient  le 
Pape  de  sauctionner  leurs  travaux  (3).  Pour 
l'instruction  des  évèqucs  d'Illyrie  et  de  Pales- 
tine, on  confronta  la  lettre  de  saint  Léon  le 
Grand  avec  le  Symbole  de  Nicée  et  de  Constau- 
tinople,  aussi  bien  qu'avec  l'exposition  de  foi 
donnée  à  Ephcse  par  saint  Cyrille,  mais  cela 
n'eut  liru  qu'à  la  quatiième  session,  et  il  s'a- 
gissait non  de  mettre  en  doute  la  décision  du 
Pape  ni  de  la  soumettre  à  un  examen,  mais 
simplement  d'éclairer  les  membres  errants,  afin 
que,  la  maf^nifique  preuve  de  l'unité  étant  mise 
sous  leurs  yeux,  «la  vérité  fut  plus  clairement 
connue,  et  imprimée  plus  avant,  l'autorité  des 
supérieurs,  sauvegardée,  la  liberté  de?  infé- 
rieurs, conservée  intacte  et  la  contradiction, 
vaincue  ;  afin  que  ce  qui  méritait  d'être  ré- 
prouvé pour  soi  ne  parût  pas,  étoutlé  dans  un 
silence  de  p.irti  pris  (i).  »  il  n'avait  consenti  à 
la  tenue  du  concile  qu'à  la  condition  que  «la 
pieuse  sentence  portée  par  lui  ne  serait  point 
contestée,  pas  même  en  apparence  ;  que  toute 
dispute  sur  un  sujet  où  la  foi  est  iisée  ferait 
pour  toujours  éteinte,  et  toute  controverse  ré- 
duite à  l'unité  de  la  paix  et  de  la  croyance  (3).» 
Il  ne  convenait  pas  que  la  discussion  s'ouvrît 
comme  sur  une  chose  incertaine  (6).  11  n'est 
point    question  disait-il,    quelle    foi    on    doit 

1.  Mansi,  I.c.  149:  'AuToO  toû  tjj;  ci[ji7i£Xou  Trjv  ifu).»7.J)v 
jcapi  TOÛ  owT^po;  xljtiTETOiYH-^^^"''  ■^°  owiia  zrfi  'euxArj- 
oi«5  'evoOv  OTiO'jSctaavToç. 

2.  Mansi,  vi.  'jfjS.  972. 

i.  nogamus  igitur,  et  /uis  decretis  noilrum  honora  jiijicium, 
et  iicut  nos  capili  in  bonis  atljecimus  consonantiim,  sic  et 
summitas  tua  filiis,  quod  decct,  imjtleat.  Int.  Léon.  Ep.  93. 

4.  Léo.  E|).  120.  ad  TheoJor:  Cui  (Dcu-)  nullum  nos  in 
nosirii  fratribus  delrinscnlum  suslmere  permisil,  sed  qui> 
nostro  prius  minislerio  defiiiierat,  univers/e  fralemitalis 
irretractiibih  firmai'il  assensu  :  ut  vere  a  se  prodiis^e  aslen- 
deret,  quod  iirius  a  prima  omni'im  sede  /ormalum,  lotius 
Christiani  orbis  judicium  recepisset,  et  in  hoc  quaque  capili 
membra  concordent.. .  Ipsa  verilat  et  ctarius  renitesctt  et 
fortius  retinelur,  dum.  quœ  fuies  prius  docuerat.  hac  postea 
txaminatio  co'ifirmavit.  .Mulium  sacerdolalis  officii  merilum 
tplendetcit,  ubi  sic  summorum  servatur  auctorilas,  ut  in 
nutlo  inferiorum  pulelur  imminula  tiiierlas  ;  et  ad  majorem 
Dei  gloriam  proficit  finis  exarninis,  quando  ad  hoc  se 
accipit  eiercenJi  fiiucia,  ut  vincalur  adcersilas,  ne,  quoj 
fer  se  probatur  reprobum,  silentii  praejudicio  t<idealur 
opprenum. 

5.  Ep.  89. 

6.  Quasi  dt  incerlo.  Ep.  12. 


tenir,    mais    à  qui    on  doit    pardonner  (1). 

Au  concile  d'Ephèse  (.i3l),  Philippe,  légat  du 
Pape,  qui  présidait  l'assemblée,  put  proclamer 
les  principes  rapportés  plus  hauts  ur  la  supré- 
matie pontificale,  et  approuvés  par  le  consen- 
tement des  Pères.  Les  léL-ats  devAient,  est-il  dit 
dans  l'instruction  que  ceux-ci  avaient  reçue  du 
Pape  Célestin  (2),  conserver  l'autorité  du  Siège 
apostolique,  s'en  tenir  à  lenrsinsifuctions,  juger 
les  questions  posées,  mais  ne  pas  se  compro- 
mettre dans  les  controverses.  Dans  sa  lettre 
adressée  au  concile,  le  même  i'ape  déclarait 
encore  :  «  Nous  envoyons  ,  comme  représen- 
tants de  notre  sollicitude,  nos  frères  et  col- 
lègues, hommes  éprouvés  et  de  même  sentiment 
que  nous,  les  évèques  Arcade  et  Project,  et 
notre  prêtre  Philippe,  qui  assisteront  à  ce  qui 
se  fait  et  exécuteront  ce  que  déjà  nous  avons 
ordonné.  Nous  ne  doutons  point  que  votre 
Sainteté  ne  s'y  accorde,  attendu  que  la  chose 
dont  il  s'agit  sera  décrétée  pour  la  paix  de  l'E- 
glise universelle.  »  Uans  la  sentence  prononcée 
contre  Nestorius  les  Pères  s'exprimèrent  ainsi  : 
«  Nous,  contraints  par  les  saints  canons  et  par 
la  lettre  de  notre  saint  Père  Célestin,  évêque  de 
l'Eglise  romaine,  nous  en  sommes  venus  à  cette 
lugubre  sentence...  (3).) 

Le  Pape  Agathon  (4),  se  référant  à  saint 
Luc  xxti,  32,  déclara  dans  une  lettre,  lue  devant 
le  sixième  concile  œcuméniijue  qui  donna  son 
assentiment,  que  par  la  grâce  de  Dieu  et  selon 
la  promesse  du  Sauveur,  l'Eglise  romaine  n'a 
jamais  dévié  de  la  tradition  apostolique,  ni 
donné  dans  aucune  nouveauté  hérétique  :  telle 
elle  a  reçu  la  foi  dès  le  commencement,  telle 
elle  la  conservera  sans  altération  jusqu'à  la  fin.  » 
C'est  pourquoi  la  profession  <le  foi  proposée  par 
les  légats  ne  devra  pas  être  discutée  mais  admise 
comme  certaine.  La  lettre  du  Pape  tit  loi  dans 
le  concile  et  détermina  la  décision.  Les  Pères 
déclarèrent  que  Pierre  avait  parlé  par  la  bouche 
d'Agalhon  (5). 

{A  suivre).  D'  Hetiinger. 


DROIT    CANONIQUE 

DU  CONCOURS  POUR  LA  COLLATIO.N  DES  CURES. 
(13'  article.  Voir  n"  38.) 

«  Le  décret  du  concile  de  Trente,  dit  le  doc- 
teur Bouix,  déclare  qu'il  n'y  a  pas  de  concours  à 
établir,  lorsqu'on  re<loule  un  dommage  notable, 
par  exemple,  des  Ittctions  e'   des  rixes  graves 

«.  L.  c. 

2.  Cœlestin.   Ep.   14.  ap.  Coust.  p.  1152. 

3.  K|).  18,  op.  Coust.  p.   IIGI. 

4.  'Avay^aloo;  xatEïtEiyâïVTEs.  Mansi.    t.  IV.  p.  1211. 
6.  Ep.  ad  Constant.  ?ogon.  ap.  Mansi  XI,  240. 


LA  SEMALNE  DU  CLERGÉ 


1351 


entre  paroissiens.  La  loi  du  concours  n'oblige 
pas  non  plus,  quaud  il  est  certain  qu'aucun  can- 
didat ne  se  présentera...  Or^  au  temps  du  Con- 
cordat, la  condition  des  églises  de  France  était 
telle  qu'on  n'eût  pu,  sans  un  grand  dommage 
pour  le  peuple  chrétien,  observer  la  forme  d'un 
concours  régulier...  (1).  » 

Nous  revenons  à  ce  passage  d'autant  plus  vo- 
lontiers que  l'auteur  de  YAppendix  inslit.  juris 
eccl.  card.  Soglia  le  reproduit  et  semble  en  ap- 
prouver la  doctrine  (2).  Donc  au  syllogisme 
ci-dessus,  nous  répondons  concéda  mnjorem; 
quant  à  la  mineure,  ueganda  videtur.  Encure 
une  fois,  nous  ne  contestons  pas  les  difficultés 
particulières  naissant  des  circonstances  en  t802, 
cependant  tâchons  de  nous  eu  rendre  exacte- 
ment compte,  et,  parla  pensée,  mettons-nous  au 
lieu  et  place  d'un  évê  jue  nouvellement  iuslitué 
et  installé,  sincèrement  désireux  d'observer 
toutes  les  prescrii. lions  canoniques,  à  moins 
d'une  impossibilité  absolue. 

Premièrement,  cet  évèque  n'a  aucune  difli- 
culté,  en  ce  qui  lou(die  les  cures  amovibles.  Ici 
nous  ne  rétractons  rien  de  ce  que  nous  avons  dit 
dans  nos  articles  sur  la  Question  des  desser- 
vants (.'{).  Nous  écrivions  que,  régulièrement,  les 
évéqucs  eussent  dû,  après  le  concordat  et  en 
vertu  de  ce  concordat  et  de  ses  annexes,  ériger 
toutes  les  cures  sur  le  pied  de  l'inamovibilité  ; 
mais  que,  eu  f.iit,  l'immense  majorité  des  pa- 
roisses avait  été  soumise  au  régime  de  la  manua- 
lité,  et  que  ce  régime  devait  être  accepté  tant 
qu'il  serait  maintenu  par  les  évèques  et  toléré 
par  le  Saint-Siège.  Or,  la  loi  du  concours  n'attei- 
gnant pas  les  cures  amovibles,  il  s'ensuit  que, 
en  1802,  les  difficultés  éventuelles  résultant  de 
l'observation  de  la  loi  ne  touchaient  qu'à  un 
très-petit  nombre  de  cures. 

Selon  M.  Bouix,  «  il  devenait  urgent  de  pour- 
voir sans  retard  les  paroisses  de  curés;  ce  que 
les  évè(]ues  n'eiissent  pu  faire  qu'à  travers  de 
grandes  difficultés,  s'il  avait  fallu  d'abord  tenir 
régulièrement  le  synode,  etc..»  Cet  exposé 
comprenant  toutes  les  paroisses,  le  lecteur  est 
aussitôt  frappé  des  difficultés  qui  pouvaient  sur- 
gir ;  mais,  quand  on  se  rappelle  les  faits,  tels 
qu'ils  se  sont  produits  en  1802,  les  difficultés  ne 
concernent  plus  qu'un  très-petit  nombre  de 
paroisses,  les  plus  importantes  à  la  vérité. 

Secondement,  rien  n'empêchait  l'èvèque  de 
surseoir  à  la  nomination  des  curés  inamovibles 
pendant  un  mois  ou  deux;  de  constituer  ou 
même  simplement  de  maintenir  l'administra- 
teur provisoire.  Car,  en  1802,  au  moment  de  la 
mise  à  exécution  du  Concordat,  les  églises  étaient 

).  rracl.  dt  (\iiocho,  p.  388. 

2.  l'âge  Ih. 

3.  Semaine  du  cUrgi.  T,  I",  n*  18  et  suivanta.  —  T.  IV, 
11°  20  et  euiraats. 


ouvertes  depuis  longtemps,  et  l'autorité  compé- 
tente avait  pourvu,  autant  que  possible,  aux 
besoins  les  plus  pressants.  En  outre,  le  décret 
exécutorial  disposait  que  les  pou^oiv.-  des  anciens 
titulaires  ne  cesseraient  qu'au  moment  de  l'ins- 
tallation des  nouveaux.  Un  délai,  dans  tous  les 
cas,  se  trouvait  commandé  par  là  plus  vulgaire 
prudence.  Des  nominations  hiitées,  précisément 
parce  qu'il  s'agissait  de  postes  inamovibles, 
n'étaient  certainement  pas  désirables,  et  nous 
pourrions  citer  des  choix  fort  tristes,  faits  dès  la 
première  organisation,  sous  le  prétexte  qu'il 
fallait  avant  tout  prendre  possession.  En  procé- 
dant ainsi,  on  s'écartait  visiblement  de  l'esprit 
de  l'Eglise. 

Troisièmement,  les  lettres  apostoliques  pres- 
crivaient aux  évèques  de  constituer  d'abord  leur 
chapitre,  puis  de  s'occuper  des  cures.  En  effet, 
dans  le  chapitre,  les  nouveaux  prélats  trouvaient 
des  ressources  pour  leur  administration  alors  si 
surchargée,  des  candidats  pour  la  charge  d'exa- 
minateur synodal,  et  aussi  le  moyen  de  suppléer 
canoniquement,  avec  l'autorisation  du  Saint- 
Siège,  à  lu  non-cèlèbration  du  synode. 

Quatrièmement,  la  céièbration  d'un  synode 
était-elle  aussi  hérissée  de  dilficultés  que  le  donne 
à  entendre  M.  Buuix  ?  Nous  n'ignorons  pas  les 
dispositions  peu  favorables  renfermées  dans  les 
articles  organiques,  néanmoins,  on  ne  pouvait 
interdire  à  un  nouvel  évèque  le  droit  de  réunir 
autour  de  lui  les  membres  de  son  clergé,  ne 
fut-ce  que  dans  une  pensée  de  conciliation.  On 
sait  que  le  clergé  comprenait  alors  des  ecclé- 
siastiques qui  avaient  adhéré  à  la  cun-tilution 
civile,  et  d'autres  qui  n'y  avaient  point  adhéré; 
le  gouvernement  insistait  beaucoup  auprès  des 
évèques  pour  qu'ils  opèrassenlentre  ces  éléments 
opposés  une  fusion  complète.  A  cet  efifel,  en  cer- 
tains lieux,  notamment  à  Orléans,  qui  avait  pour 
évèque  Etienne-Alexandre  Berrier,  un  des  pléni- 
potentiaires du  gouvernement  français  dans  les 
négociations  relatives  au  Concordat,  le  clergé 
fut  convoqué  et  réuni  pour  entendre  des  exhor- 
tations dans  le  sens  de  la  paix,  du  support  mu- 
tuel et  de  la  bonne  harmjuie.  Evidemment  et 
préalablement,  tout  prêtre  assermenté  devait  se 
rétracter.  Or,  rien  n'empêchait  un  évèque  de 
profiter  de  la  présence  du  clergé  pour  tenir  une 
assemblée  synodale  pour  pratiquer  ce  qu'on  ap- 
pelle le  scralin  sacerdotal,  c'est-à-dire  obtenir  de 
chaque  ecclésiastique  les  renseignements  voulus 
touchant  sa  personne,  ses  fonctions  et  ses  pou- 
voirs, informatioii£  alors  plus  nécessaires  que 
jamais;  enfin  pour  proposer  à  l'approbation  de 
l'assistance  un  certain  uombrft  ,d'examinateurs 
synodaux.  Nous  ne  savons  si,  en  écrivant  ceci, 
un  amour  exagéré  du  droit  nous  aveugle,  mais, 
eu  vérité,  avec  un  peu  d«  prévoyance  ei  d'habi- 
leté, un  évèque  sincèrement  désii-euy  de  suivre 


t232 


LA  SE-MAÎME  DU  CLERGÉ 


les  prescriptions  canoniipies  psuvnit,  sans  en- 
combre, faire  tout  ce  que  nous  venons  de  dire. 
Et,  en  supposant  qu'il  n'eût  pas  été  possible  de 
réaliser  toutes  ces  choses,  était-il  diflicile  de 
solliciter  du  Pape  rinduU  nécessaire  pour  con- 
firmer diB  examinateurs  synodaux  avec  le  seul 
assen'imcnt  au  chapitre? 

Cinquièoiement,  dire  que  les  candidals  eussent 
manqué,  c'est  poser  une  affirmation  purement 
gratuite.  L'ancien  clergé  était  habitué  aux 
épreuves  et  aux  examens  usités  dans  les  univer- 
sités; d'ailleurs,  le  désir  d'obtenir  une  |>nsilion 
stable,  au  milieu  de  tant  de  cures  réduites  à 
l'amovibilité,  eût  certainement  stimulé  les  ecclé- 
siastiques, sans  parler  de  la  légitime  influ'.'uce 
qu'auraient  exercée  les  conseils  moines  de 
lévêque.  Dans  tous  les  cas,  l'édit  touchant  le 
concours  devait  être  publié,  et  si  les  candiilats 
eussent  fait  défaut,  l'autorité  diocésaine  aurait 
pu  alors  invoquer  l'exception. 

Sixièmement,  on  parle  de  factions,  de  rixes 
possibles  entre  les  paroissiens.  Le  cas,  nous  le 
reconnaissons,  n'est  pas  chimérique.  Dans  plu- 
sieurs localités,  Topinionse  prononç;iii  quelque- 
fois en  faveur  de  l'anrien  curé,  cauonitiuemeut 
dépossédé  par  le  Concordat  et  ses  conséquences. 
Ile  plus,  le  schisme  constitutionnel  avait  laissé 
des  traces.  Pour  assurer  l'œuvre  de  la  paeiOea- 
lion,  certains  choix  semblèrent  s'imposer.  Il  est 
évident  que  chacun  de  ces  cas  devait  être  atten- 
tivement examiné  et,  l'exception  tiréedu  droit  se 
trouvant  justifiée,  l'évêque  pouvait  s'en  préva- 
loir; à  cela  point  d'objection.  Mais  groupi'r  par 
hypothèse  ces  diflicultés  purement  locales  et 
éventuelles,  les  généraliser  sans  fondement,  puis 
eu  tirer  un  argument  contre  l'observation  du 
concours,  c'est  un  procéilé  que  la  saine  logique 
ne  saurait  ratiiier.  Soyons  jxisies  :  le  docteur 
Bouix  ne  dit  [las  précisément  que  des  factions  et 
des  rixes  fussent  à  craindre  eu  1802,  il  se  borne 
à  rappeler  le  passage  du  concile  de  Trente  où 
est  mentionnée  l'exi'eptiou  dont  il  s'agit. 

Pour  rendre  notre  piésenie  dissertation  plus 
complète,  nous  ajouterons  une  difticulté  spéciale 
dout  Al.  Liouix  ne  parle  pas  :  diflicullé  qui  puur- 
rait  nous  être  opposée  par  ceux  qui  possèdent 
la  pleine  connaissance  des  faits  qui  ont  suivi  le 
Concordat.  Le  gouvernement  d'alors  eut  la  pré- 
tention de  réserver  un  certain  nombre  de  titres 
aux  ecclésiastiipies  ipii  .ivaient  adhéré  au  schisme 
constitutionnel.  Ooelque  chose  de  semblable 
déjà  s'était  lait  au  moment  de  la  nomination 
aux  évèchés  ;  le  Saint-Siège  n'avait  pas  repoussé 
les  anciens  conslilulionuels,  à  la  condition  tou- 
tefois qu'ils  rétracteraient  leur  s:'rment  et  qu'ils 
seraient  d'ai'.ieurs  jt;gés  dignes.  Pour  les  tilies 
de  vicaires  généraux,  de  chanoines  et  de  ('ur('s, 
le  gûuverne.ncnt  voulut  que  le  tiers  lût  attribué 
aùl  colistUulionuels,  réti-actés  ou  non.  Celle 


prétention  devirt  une  source  de  difllculté.s,  et 
l'on  cite  l'illustre  Mgr  d'Aviace,  archevêque  de 
Bordeaux,  comme  un  des  prélats  nont  la  résis- 
tance ne  se  démentit  pas  un  sp'il  instant.  11  est 
fai-ile  de  comprendre  dansqéel  embarras  ont  pu 
se  trouver  les  évoques.  Néanmoins,  encore  ici, 
il  faut  se  garder  de  généraliser,  et  nous  ne 
voyons  pas  de  raisons  suf.isantes  pour  affirmer 
que  l'observation  de  la  loi  du  concours  eût  été 
im[)ossible  ou  dommageable  dans  la  plupart 
des  cas. 

Jusqu'ici  nous  nous  sommes  oc3upé  du  pre- 
mier   paragraphe    du    cha[iitre     dans     lequel 
RI.  Bonix  traite  dii  la  loi  du  concours  en  ce  qui 
touche  la  France  concordataire.    Le  deuxième 
paragraphe  aborde   la  question  de  savoir  si  le 
non-usage  du  concours  pendant  un  demi-siècle 
suffit  pi.ur  prescrire  la  loi.  Le  canoniste  expose 
les  raisons  pour  et  contre.  Les  raisons  en  faveur 
de  la  légitimité  de  la  coutume  française  se  tirent 
du  [irincipe  d'après  lequel  nue  coutume  quadra- 
génaire, de  sa  nature  ni  mauvaise   ni   dérai- 
sonnable, peut  prévaloir   contre  une  loi  ecclé- 
siastique;  de  ce  que  le    Saint-Siège  a  connu 
pleinement  ce  qui  se  taisait  chez  nous  et  qu'il  n'a 
pas  réclamé  ;   enfin  de  ce  qu'il  est  impossible 
d'admettre   que  tous   les  curés,  durant  un  si 
long  espace  de  temps,  aient  été  dépovu'vus  de 
juridiction.  Les  raisons  contre  la  coutume  sont 
celles-ci  :  Même  pour  la  coutume  quadragénaire, 
il  faut  le  consentement  du  législateur  au  moins 
légitimement  présumé.  Or,  ce  consentement  ne 
peut  être  présumé,  si  le  Saint-Siège  a  eu  des 
motifs  particuliers  peur  garder  le  silence,  et  ici 
les  motifs  ne  manquaient  pas,  eu  égard  aux  pré- 
jugés régnants.  I\i.  Bonix  rappelle  que  la  cou- 
tume plus  que   centenaire  n'a  pas  prot^'gé  les 
liturgies  modernes,  lorsqu'elles  ont  été  déférées 
au  Saint-Siège,  ce  qui  prouve  que  le  sile:.ce  de 
Home  n'empoitalt  pas  consentement.  Ensuite, 
d'après  les  auteurs   les  plus  graves,  et  notam- 
ment Ijenoit  XIV,  aucune  coutume  ne  peut  pres- 
crire contre  ies  décrets  du  concile  de   Trente. 
Eutin,  la  raison  tirée  du  défaut  de  juridiction 
s'évanouit  en  présence  du  principe  qui  veut  que 
l'Lgli^e  su|iplée  la  jariiliction  dans  les  sujets  qui 
ont  un  titre  au  moiss  réputé  légitime. 

Nonobstant  la  valeur  des  raisons  alléguées 
contre  la  coutume,  M.  Bonis  n<^f.t^  pas  la  con- 
damner, et  il  termine  par  cette  rtri-^ervalion,  sa- 
voir «  que  les  difficultés  et  les  iucouvénienls  qui 
ont  empêché  tout  d'abord  les  évoques  d'observer 
la  disc.pliue  du  concours,  subsuieul  peui-étre 
encore  en  partie.  D'où  il  suit  ipTou  ne  doit  pas 
être  surplis  de  voir  maintenue  hi  [uatique  intro- 
duit'' après  le  Cout;ordat,  quand  bien  même 
cette  pratique  ne  serait  sutlisamm 'ni  justifiée, 
ni  par  les  textes  du  Concor«iat,  ni  par  la  cou- 
tume. » 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1253 


Eviflemmenl,  sîlVminentcanonisle  eût  connu 
la  réponse  du  Saint-Siège  à  l'évêque  de  Liéiie, 
en  1834,  il  eût  été  \\\hs  net  et  plus  ferme.  La 
condition  du  diocèse  de  Liège  et  celle  des  dio- 
cèses de  France  vst  absolument  la  même.  Eq 
prononçant  la  néce^sitii,  pour  l'église  de  Liège, 
d'observer  la  loi  du  concours,  Rome  a,  du  même 
coup,  déclaré  cbimcrinucs  les  objections  qui  ont 
arrêté  le  docteur  Bouix  et  les  caiionistes  qui 
l'ont  suivi.  11  n'est  pas  jusqu'à  la  difliculté  tirée 
du  défaut  de  juridiction  qui  ne  soit,  dans  ladite 
réponse,  abordée  en  face.  Le  Pape,  en  déclarant 
guérir  les  provisions  accordées  sans  concours, 
fait  sentir  que  ces  provisions  étaient  entacbées 
de  nullité,  et  que  le  titre  réputé  légitime  ne 
suffit  point,  dans  le  cas  dont  il  s'aç;it,  pour  que 
la  juridiction  soit  sup[iléée  par  l'Eglise. 

Quant  à  l'objection  qui  prétend  que  la  disci- 
pline du  concours  est  o[)poséc  à  l'humiliié  évan- 
gélique,  le  docteur  en  fait  bonne  justice  dans 
son  troisième  paragraphe,  où  il  démontre  aisé- 
ment qu'un  pa:cil  langage  tend  à  blâmer  les 
plus  saints  personnages,  les  plus  grands  évèques 
et  l'Eglise  elle  môme. 

Victor  Pelletier. 

Clianoiae  de  l'Eglise  d'Orléans- 


(A  suivre). 


JURISPRUDENCE  CIVILE  ECCLÉSIASTIQUE 

MINISTRES    DU    CULTE.    —   OUTRAGES.    —    PROCÉ- 
DURE.  —  ACTION    PUBLIQUE.    —   PLAINTE. 

L'oub'age  commis  envers  un  tninistre  du  culte 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions  intéresse  avant 
tout  l'ordre  public. 

L'outrage  proféré  seulement  à  raison  des  fonc- 
tions ou  de  la  qualité  intéresse  la  partie  lésée  plus 
que  l'ordre  public. 

En  conséquence,  [outrage  commis  envers  un 
ministre  du  culte  dans  l'exercice  de  ses  fonctions 
est  poursuivi  d'office  par  le  ministère  public,  que 
la  pnrtie  lésée  le  veuille  ou  ne  le  veuille  pas. 

Mais  l'outrage  proféré  envers  un  ministre  du 
culte  à  l'occasion  de  ses  fonctions  et  de  sa 
qualité  n'est  poursuivi  que  sur  sa  plainte. 

Telle  est  la  doctrine  de  'arrêt  de  la  Cour  de 
cassation  que  nous  allons  'rapporter  ci-dessous, 
lequel  casse  un  arrêt  de  la  Cour  de  Limoges  du 
27  février  1874,  portant  condamnation  pour 
outrages  publics  envers  un  ministre  du  culte, 
sans  plainte  préalable  de  la  part  de  ce'.ui-ci. 

Sur  le  pourvoi  de  la  partie  condamnée, 
M.  l'avocat  général  Tliiriol  a  présenté  des 
observations  qui  contiennent  l'exposé  de  la 
législation  et  de  la  jurisprudence  en  cette 
matière.  En  les  reproduisant,  elles  nous  dis- 
penseront de  toute  obsefvatioaetde  tout  éclair- 


cissement sur  l'arrêt  de  la  Cour  d  t  cassatior., 
qu'on  lira  après.  Les  voici  donc  : 

«  L'outiage  par  paroles  envers  un  minisire 
du  culte,  au  moment  aième  où  il  remplit  son 
ministère,  que  cet  outrage  ait  eu  lieu  pu!iliqtie- 
mentou  sans  publicité,  est  réprimé  par  l'aiiicle 
2G2  du  coile  pénal,  modifié  par  l'article  6,  §  3 
de  la  loi  du  23  mars  182i.  Le  législateur  de 
1822  a  aggravé  la  peine  prononcée  par  le  Code 
pénal,  aiin  de  mettre  cette  peine  en  harmonie 
avec  la  disi.osition  toute  nouvelle  qu'il  éilictait 
dans  le  [laragraplie  i"  du  même  article  6;  triais 
il  a  laissé  subsister  l'an'iennc  incrimination  à 
laquelle  il  s'est  référé.  Tel  est  le  sens  du  para- 
praph  ■  3  de  l'article  6,  d'après  l'arrêt  du  23 
juin  1846.  [Journal  du  Palais,  1846,  2,332.  — 
Sire;/,  I84G,  1,763). 

«  Le  mini-tie  du  culte  est-il,  au  contraire, 
outragé  pnbli queniont  hors  de  l'exercice  de  ses 
fonctions,  mais  à  l'occasion  de  ses  tonctions  ou 
de  sa  qualité?  —  Jusqu'en  1822,  ce  délit  ren- 
trait, à  défaut  d'incrimination  spéciale,  dans 
ceux  d'injure  ou  de  dilfamalion  envers  les 
particuliers,  le  mot  particulier  comprenant, 
pour  le  législateur  de  1810,  quiconque  n'est 
pas  dépositaire  ni  agent  de  l'aulorité  publique. 
(Alt.  IG  à  1!)  de  la  loi  du  17  mai  18 lU).  La 
poursuite  était  donc,  à  ce  titre,  suboidonnée  à 
la  piaille  de  la  partie  lésée  (art.  5  de  la  loi  du 
2G  mai  1819)  et  portée  devant  la  juridiction 
coriectionnello  (art.  14  de  la  mèmi'.  loi). 

«  La  loi  du  26  mars  1822  est  survenue,  elle  a 
accordé  une  protection  plus  énergique  à  une 
catégorie  de  dépositaires  de  l'aulorité  publique, 
les  fonv/ionnaires,  en  frappant  ceux  qui  les 
outragent  de  peines  plus  sévères  que  les  dis- 
positions de  la  loi  du  17  mai  1819.  mais  n'a  pas 
pour  cela  enlevé  aux  agents  du  pouvoir  aux- 
quels elle  a  donné  la  dénomination  de  fonction- 
naires, le  caractère  de  dépositaires  île  l'autorité 
qui  leur  appartenait  jusque-là  et  leur  rendait 
applicable  l'aiiicle  3  de  la  loi  du  26  mai.  Aussi, 
dôs  que  la  loi  du  8  octobre  IS.'JO  eut  abrogé 
l'aiticle  17  de  la  loi  de  1822,  la  jurisprudence 
se  forma-t-elle  en  ce  sens  que  la  plainte  préa- 
lable était  néces-aire,  en  vertu  de  cet  article  5, 
aussi  bien  de  la  part  des  fonctionnaires  que  de 
tous  autres  dépositaires  de  l'autorité. 

«  Pareillement,  parmi  ceux  qu  •  les  lois  de 
1819  comprenaient  sous  'a  dénomination  géné- 
rale de  particuliers,  il  en  est  que  le  1 -gislateur 
de  ^822  a  voulu,  par  des  raisons  faciles  à  com- 
prendre, couvrir  d'une  protection  plus  éner- 
gique en  ré[irimanl  plus  sévèrement  les  outrages 
dont  ils  serdient  l'objet  :  ce  sont  les  ministres 
des  ditfèr.nts  cultes.  —  De  là,  l'article  6  de  la 
loi  du  26  mars.  Mais  ces  ministres  n'ont  pas 
cessé,  pour  cela,  d'être  des  particufiers.  Vous 
l'avez  jugé  fréquemment,  au  point  de  vue  des 


I 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


questions  de  compétence  (v.  Cass.  iO  septembre 
m(ï;  P.  -1837,  1,539;  S.,  837,  1,430;  2:>  février 
1843;  P.,  18i3,  1,698;  S.  1845,  1,552;  23 
août  1850;  P.  1852,  1,606;  S.,  18SI,  1,293).  11 
y  a  même  raison  de  décider  au  poiul  de  vue  des 
questions  de  procédure  et  de  l'exercice  de 
l'action  publique. 

«  Cet  état  de  choses  n'a  pas  été  modifié  par 
l'article  5  de  la  loi  du  1 1  août  1848  qui  a  rem- 
placé l'article  6  de  la  loi  de  18i2  qui  aurait  dû 
être  invoqué  contre  Jeannot,  au  lieu  de  la 
disposition,  actuellement  abrogée,  en  vertu  de 
laquelle  on  l'a  poursuivi. 

«  Ce  qui  résuite  de  ces  différents  textes,  c'est 
qu'il  faut  faire  entre  les  oiitrnges  envers  les 
ministres  du  culte  la  même  distinction  qu'entre 
les  outrages  envers  les  fonctionnaires  puljlicset 
par  les  mêmes  raisons.  —  Le  prêtre  a-t-il  été 
outrané  dans  l'exercice  de  son  ministère?  C'est 
la  religion  rlle-mème  qui  a  été  off'-nsée,  la 
répression  intéresse  l'ordre  public;  la  poursuite 
aura  lieu,  que  la  partie  lésée  le  veuille  ou  ne  le 
veuille  pas.  —  Le  prêtre  a-t-il  été  outrage 
seulement  à  l'occasion  de  ses  fonctions?  Les 
considéraiions  d'intérêt  privé  l'emportent  sur 
les  con>idérations  d'intérêt  public.  La  partie  est 
maîtresse  de  la  poursuite.  (V.Cass.,  10  janvier 
1833;  S.  1833,  1,218,  25  juin  1816;  P.,  1816  : 
2.332;  S.  18i6,  1,763;  5  décembre  1872  :  P., 
1872,  1,163;  S.,  1872,  1,446;  20  j:nu  1873: 
P.,  1873,  1,214;  S.  1873,  1,488). 

((  Peu  importe  que  la  loi  du  26  mai  1819  soit 
antérieure  à  la  loi  de  1822  qui  a,  la  première, 
caractérisé  et  frappé  i l'une  peine  particulière 
le  délit  réprimé  aujourd'hui  par  la  loi  du  1 1 
août  1848.  La  loi  de  1819  est  la  loi  de  procé- 
dure de  toute  poursuite  à  raison  d'un  délit 
commis  par  un  mode  quelconque  de  publication 
(art.  1"),  quelle  que  soit  la  date  de  la  loi  qui 
punit  ce  délit.  —  Peu  importe  encore  qu'au 
moment  où  rarlicle  6  de  la  loi  de  1822  a  été 
promulgué,  la  plainte  préalable  se  trouvât 
momentanément  supiirimée  pour  les  outrages 
envers  les  dépositaires  de  l'autorité  (art.  17  de 
la  loi  de  1822).  La  loi  du  8  octobre  1830  a  remis 
les  choses  au  même  état  que  si  l'article  17  de 
la  loi  de  1822  n'avait  jamais  existé.  Elle  a  fait 
revivre  la  règle  introduite  avec  éclat  dans  notre 
législation  en  1819,  règle  d'unegrande  sagesse, 
vraiment  tutélaire,  qui  concilie  les  exigences  de 
la  répressi(jn  et  les  intérêts  des  parties  lésées, 
et  qui  est  le  complément  nécessaire  et  le  cor- 
rectif de  toutes  nov  lois  en  matière  d'injure  et 
de  diflamation  ;  c'est  que  toutes  les  fois  que 
l'intérêt  privé  est  pris  en  considération  avant 
l'intérêt  général,  c'est-à-dire  toutes  les  fois  que 
la  personne  offensée  ne  l'a  pas  été  dans  l'exer- 
cice même  de  ses  fonctions,  «  elle  ne  peut  être 
,t  engagée,  sans  son  consentement  formel,  dans 


a  les  débats  où  la  justice  même  et  le  triomphé 
«  ne  sont  pas  toujours  exempts  d'inconvé» 
«  nients.  »  —  Cette  règle  s'apjdique,  suivant 
l'énumération  que  donne  la  loi  tUe-mème,  aux 
chambres  législatives,  aux  souve-iins  étranger* 
et  à  leurs  représentants  en  France,  aux  cour» 
et  tribunaux,  aux  corps  constitués,  à  tous  les 
dépositaires  ou  agents  de  l'autorité,  aux  parti- 
culiers comme  aux  hommes  publics.  C'est  le 
droit  commun.  Pourquoi  le  législateur  de  1819 
en  aurait-il  refusé  le  bénéfice  au  ministre  du 
culte,  et  comment  admettre  qu'il  ait  voulu  le 
faire  lorsque  le  mot  particulier,  dont  il  s'est 
servi  dans  la  lui  du  26  mai  (art.  5),  comprenait 
certainement  les  ministres  '.lu  culte  dans  la  loi 
du  17  mai  dont  celle-ci  n'a  fait  que  régler  la 
procédure  ? 

«  Reste  une  objection.  Ces  insultes  envers 
les  ministres  du  culte  sont  des  outrages  ;  la  loi 
du  26  mai  1819  n'exige  la  plainte  préalable  ■ 
qu'en  matière  à'injurcs  ou  de  diflamation. 

Le  met  injures,  dans  les  lois  de  procédure  et 
de  compétence,  est  un  terme  générique  qui 
comprend  les  outrages  aussi  bien  que  les 
injures  proprement  dites.  La  Cour  de  cassation 
n'a  jamais  varié  sur  ce  point  (v.  Cass., 
chambres  réunies,  10  juin  1834  ;  S.  1834, 
1,417,  etc.). C'est  par  ce  motif  qu'une  plainte  est 
nécessaire  en  cas  d'outrage  contre  un  fonction-  ■ 
naire  public  (v.  Cass.,  10  juin  1834  précité; 
25  septembre  1847  :  Bulletin  criminel,  n»  241  ; 
31  mai  1856  :  P.,  1856,  l,5f.6;  S.  1836,  1,689). 
C'est  par  ce  motif  encore  que  les  outrages  par 
paroles  sont  et  ont  toujours  été  déférés  à  la 
juridiction  correctionnelle,  quoique  l'article  14 
de  la  loi  du  26  m  li  1819  et  l'article  2  de  la  loi 
du  13  avril  1871  ne  dérogent  que  pour  les 
injures  verbales  envers  toutes  personnes  à  la 
règle  générale  qui  attribue  aux  Cours  d'assises 
le  jugement  de  tous  les  délits  commis  par  la  voie 
de  la  presse  ou  par  tout  autre  moyen  de  publi- 
cation (loi  du  8  octobre  1830,  art.  !■=').  —  Si 
l'outrage  n'est  pas  une  injure  et  constitue  un 
délit  spécial,  cedélit,  non  compris  dans  l'excep- 
tion, reste  sous  l'empire  de  la  règle  ;  il  faut 
renvoyer  aux  Cours  d'assises  les  outrages  par 
paroles  envers  les  officiers  de  police  judiciaire 
et  tous  les  autres  menus  délits  du  naême  genre 
pour  lesquels  on  n'a  jamais  songé  à  mettre  le 
jury  en  mouvement  :  résultat  inadmissible,  qui 
cou.lamne  la  théorie  qui  y  conduit.  (V.  Cass., 
10  juin  1834,  précité;  31  janvier  1830;  P., 
1830,  1,500  et  3  août  1850;  P.,  1831,  2,169; 
S.  1831,  1,294).  .) 

Adoptant  celte  doctrine,  la  Cour  de  cassation 
(chambre  criminelle),  a  statué  (4  avril  1874)  de 
la  manière  suivante  : 
«  La  Cour, 
«  Vu  les  art.  6  de  la  loi  du  25  mars  1822; 
5  de  la  loi  du  26  mai  1819: 


LA  SEMAINE  Mi  CLf.nCE 


a  Sur  le  nio}''!!  unique  tiré  de  la  violation 
duclit  ailicie  5,  en  ce  que  la  ministère  public, 
sans  plainte  prcaiabli'  delà  partie  lésée,  a  pour- 
suivi d'dClice  pour  délit  d'outrage  public  envers 
un  ministre  du  culte  catholique  à  raison  de  sa 
qualité; 

«  Attendu  que  si,  aux  tcrmos  des  articles  22 
cl  182  du  Code  d'instruction  criminelle,  le  mi- 
nistère public  est  chargé  de  pouisuivre  la 
répression  des  crimes  et  délits,  le  législateur, 
dans  l'apidicatipn  qu'il  a  faite  de  cii  tirincipe 
de  droit  commun  à  la  matière  spéciale  des 
crimes  et  délits  commis  par  la  voie  de  la  presse, 
ou  par  tout  autre  moyen  de  publication,  a 
distingué  entre  les  faits  délictueux  portant 
essentiellement  atteinte  à  l'or.lre  public  et  à  la 
société,  et  les  faits  qui  intéressent  le  plus  par- 
ticulièrement, plus  directement,  les  parties 
lésées  ; 

«  Que,  pour  les  premiers,  l'article  1"  de  la 
loi  du  2G  mai  1319  attribue  la  poursuite  d'office 
au  ministère  ]uil)lic;  que,  quant  aux  seconds, 
celui  qui  a  été  personnellement  outragé  ou 
injurié  a  été  laissé  juge  du  soin  d'apiirécier 
l'outrage  ou  l'injure,  et  de  décid'T  s'il  est 
opportun  de  le  laisser  dans  l'oubli  ou  d'en 
demander  la  répression; 

«  Attendu  que  c'est  par  application  de  cette 
distinction  qu'a  été  édicté  l'article  5  de  la  loi 
du  26  mai  1819  ;  que  s'il  avait  été  dérogé  à  cette 
disposition  par  l'article  17  de  la  loi  du  '23  mars 
1822  pour  le  délit  d'outrage  public  commis 
envers  un  ministre  du  culte  à  raison  de  sa 
qualité  ou  de  ses  fonctions,  prévu  par  l'article  6 
de  ladite  loi,  cet  article  17  a  été  abrogé  par  la 
loi  du  8  octobre  1830; 

a  Que  l'exception  formulée  dans  l'article  5 
de  la  loi  du  26  mai  1819,  pour  cette  matière 
spéciale,  a  repris,  dès  lors,  toute  nx  force  obli- 
gatoire ; 

«  Attendu  qu'à  la  difiérence  du  délit  d'ou- 
Irage  commis  envers  un  ministre  du  culte  dans 
l'exercice  de  ses  fondions,  délit  qui  intéresse 
Tordre  public,  l'outrage  proféré  seulement  à 
raison  de^  fondions  ou  de  la  qualité,  n'a  pas  le 
même  caractère,  et  que  rien  ne  s'oppose  à  ce 
que,  dans  ce  cas  spécial,  le  ministre  du  culte 
soit  assimilé  à  un  simple  particulier  ; 

«  Que  le  mot  outrage,  employé  dans  ledit 
article  6,  n'est  point  un  obstacle  à  cette  assimi- 
lation, lu  loi  ayant  résumé  dans  cette  expression 
l'ensemble  des  injures,  termes  de  mépris,  des 
articles  13  et  19  de  la  loi  du  17  mai  1819; 

a  Attendu,  d'ailleurs,  que  l'arrêt  attaqué 
constate,  dans  l'esiièce,  que  ce  sont  des  injures, 
des  termes  ûe  mépris,  des  invectives  qui  ont 
été  proférés,  et  qui  ont  caractérisé  l'outrage; 
d'où  il  suit  qu'en  décidant,  dans  l'espèce,  que  le 
miuiâlère  public  était  recevable  à  poursuivre 


ù'office  le  délit  imputé  au  prévenu,  Arèt  a 
faussement  appliqué  et  violé  les  di-'^>-».';v.oos 
des  lois  i*-di,'ssus  visées; 

«  Casse,  etc.  » 

Ainsi  la  jurisprudence,  en  matière  d'outrages 
aux  minisires  du  culte,  au  point  de  vue  de  la 
procédure,  malgré  la  complication  des  lois  sur 
lesquelles  elle  s'appuie,  n'en  est  pas  moins  très- 
simple  et  très-claire.  Elle  se  réduit  à  ces  deux 
hy[)othèses  :  ou  le  ministre  du  culte  est  outragé 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  comme  par 
exemple  lorsqu'il  fait  une  procession,  dit  la 
messe,  baptise,  marie,  enterre,  etc.  ;  ou  il  est 
outragé  à  raison  de  ses  fondions  ou  de  sa  qualité, 
comme  par  exemple,  si  on  l'injurie  parce  qu'il 
est  prêtre,  parce  qu'il  a  admis  tel  ou  tel  à  la 
réception  des  sacrements,  etc.  Dans  le  premier 
cas,  c'est  l'i  ministère  public  qui  poursuit 
d'office  ;  dans  le  second,  il  n'y  a  poursuite  que 
si  le  prêtre  in-ulté  porte  plainte. 

Il  est  d'un-.'  grande  impoi tance  de  connaître 
ces  principes  et  de  ne  pas  les  oublier;  car, 
comme  le  rappelle  fort  à  propos  la  Revue  catho- 
lique des  Institutions  et  du  Droit,  la  Chambre 
criminelle  a,  [larun  arrêt  du  5  avril  I8U7,  décidé 
que  l'absence  de  plainte  préalable  dans  les  cas 
où  elle  est  requise  est  une  nullité  d'ordre  public 
qui  peut  même  être  [u'oposéc  pour  la  première 
fois  devant  la  Cour  de  cassation. 

P.  d'IIauterive. 


Les  Erreurs  modernes 

LA  OtlVlOCRATIE  ET    LE  CATHOLICISME 

(3'  article.) 

L'?»  (5s9  griefs  le  plus  souvent  articules  contre 
l'Eglise  catholique  par  la  démocratie  et  le  libé- 
ralisme, c'est  qu'elle  n'aime  que  les  gouverne- 
ments abso.'"",  .(ue  ceux-ci  seuls  ont  ses  sympa- 
thies, et  qu'elle  a  en  horreur  toute  espèce  de 
liberté.  Qui  n'a  les  oreilles  et  les  yeux  fatigués 
des  déclamations  qu'il  a  entendues  ou  lues  sur 
ce  sujet?  Mais,  en  revanche,  personne  ne  s'est 
fatigué  à  lire  les  preuves  de  cette  assertion.  On 
affirme,  on  suppose,  on  laisse  entendre  que 
l'Eglise  n'aime  que  l'absolutisme;  mais  le  prou- 
ver, on  s'en  dispense.  G  est  là,  du  reste,  un 
procédé  dont  on  use  avec  un  sans-laçon  mer- 
veilleux à  l'égard  du  catholicisme. 

Examinons  donc  cette  question.  Il  y  a  trois 
moyens  principaux  de  connaître  la  doctrine,  la 
pensée  de  l'Eglise  :  d'abord  sou  enseignement 
officiel;  en  second  lieu,  sa  manière  d'agir,  sa 
conduite  ;  puis  les  écrits  de  ses  docteurs  les  plus 

L'Eglise  a-t-elle  défini  quelque  chose  sur  cette 


1250 


LA  SEULVIidL  DU  CLERGÉ 


question?  J.-imais.  A-l-d'n;  un  caseiu:nement 
otficiel  sur  les  iliverses  lormes  de  gouveine- 
meiit?  Aucummeiit.  A-t-elIe  défiai  que  tella 
orme  vaut  mieux  que  telle  autre?  Nullement, 
A-t-elle  proscrit  les  institutions  modératrices 
du  pouvoir,  ks  libertés  eiviles  ou  politiiiues  ? 
Pas  le  moins  du  monde  A-telle  défiià  que  le 
gouvernement  al  solu  est  préférable  au  gouver- 
nement lempiri'?  Pas  davantage 

La  vérité  latlioliquc  est  déposée  dans  trois 
espèces  de  docum^^fits  :  l'Ecriture  sainte,  les 
définitions  des  Papes  et  les  décrets  des  conciles. 
Or,  nulle  part  on  ne  trouve  rien  relativement 
aux  lormes  de  gouvernement.  A=?urément  l'E- 
glise, dans  sa  longue  existence  de  dix-huit  siècles, 
a  eu  à  s'occuper  de  doctrines  de  toutes  espèces; 
elle  a  défini  bien  des  que^tio^s,  elle  n  proscrit 
bien  des  erreurs.  A-t-elle  proscrit  quelque  forme 
de  gouveineraent?  Jamais. 

Je  me  trompe,  il  y  a  une  sorte  de  gouverne- 
ment que  rEj-dise  a  proscrite.  Serait-ce  les 
institutions  modéiatriiesdu  pouvoir,  les  institu- 
tions libres?  Ecouton-  :  «  11  faut  abolir,  dit 
Clément  Xlll,  ce  qui  sent  le  paganisme...  Il  faut 
abolir  ce  qui,  venant  des  doctrines,  des  usages 
et  des  exemples  des  païens,  nourrit  la  tyrannie 
politique,  et  cette  fausse  raison  d'Etat,  tout  à 
fait  éloignée  de  la  loi  évangéliiiue  et  chrétienne; 
quœ  tyrannicam  poli'.iam  fovent,  et  quam  falso 
vûcant  rationem  status,  ab  evangelica  et  chrhlinna 
leqe  al/horrentem  inducunt,  deleuntur  (1).  Ainsi  ce 
que  l'Eglise  a  proscrit,  c'est  la  tyrannie,  c'est 
le  desjiotisme  renouvelé  plus  ou  moins  du  paga- 
nisme par  quclquesprinces  chrétiens.  Est-ce  pour 
cela  qu'on  l'accuse  de  favoriser  la  tyrannie? 

IMais,  à^i\.-on,\e.Syllabu$  n'a-t-il  pas  condamné 
le  suÛ'rage  universel  qui  est  la  source  même  des 
gouvernements  modernes  et  libres,  et  l'expres- 
sion même  de  la  volonté  de  la  démocratie? 

Il  est  entièrement  faux  que  le  Syllabus  ait 
condamné  le  suffrage  universel.  Voici  la  propo- 
sition qui  s'y  rapporte  :  «  L'autorité  n'est  pas 
autre  chose  que  la  somme  du  nombre  et  des 
forces  matérielles  ;  auctoritas  nihil  aliud  est  nisi 
numeri  et  materiaUum  viiium  summa.  n 

Cette  proposition  est  on  ne  peut  plus  juste- 
ment proscrite,  i/autorité  est  autre  chose  que 
le  nombre  et  la  force  matérielle.  La  raison,  nous 
l'avons  vu,  démontre  que  l'autorité  vient  de 
Dieu  de  quelque  manière.  Elle  vient  aussi^  nous 
l'avons  vu  encore,  de  la  nation  dans  un  sens 
vrai;  mais  puisqu'elle  vient  de  Uinu,  et  qu'elle 
est  le  droit  de  cummander  même  à  la  conscience, 
toute  pro[iosition,  qui  afiirme  qu'elle  n'est  pas 
autre  chose  que  le  nombre  et  la  force,  est  une 
proposition  fausse  au  point  de  vue  rdtiouuel 
comme  au  point  de  vue  chrétien. 

i.  Corulil    ad  liidicem, 


La  condamnation  de  la  proposition  ([ue  je 
viens  de  citer  est  prise  de  l'allocution  célèbre 
Miixima  quidcm,  prononcée  par  Pie  IX  âa.\j^  le 
Consistoire  du  9  juin  1862  en  présence  d'un 
très-grand  nombre  d'évèqui'S  alors  à  Rome,  et 
voici  les  paroles  mêmes  du  Souverain  Pontife  : 
n  Ue  auctoritate  et  jure  ita  temcre  effutiunt,  ut 
impudenter  dicant,  auctoritatem  nihil  aliud  esse 
nisi  numeri  et  materialium  virium  summam, 
ac  jus  in  materiali  facto  consistera,  et  omnia 
hominum  officia  e-se  nomeu  inane,  et  omnia 
humana  facta  juris  vim  habere.  » 

Ce  qui  ressort  évidemment  de  ces  paroles, 
c'est  ipje  le  Pape  conilamne  le  m:itérialisme  de 
l'jutoritèet  dudroit,c'est-à  dire  ce  matérialisme 
qui  ne  voit  dans  ces  deux  nobles  choses,  i[ue  le 
nombre  et  la  force.  Et  en  cela  Pie  IX  est  l'organe 
de  la  raison  et  de  la  conscience. 

Le  Syllabus,  il  est  vrai,  comme  d'autres  docu- 
ments religieux,  condamne  la  révolte,  la  révo- 
lution. «  Légitimis  prineipibus  obedieutiam  de- 
trectare.imoetrebellarelicet.  »  Cette  proposition 
est  proscrite  par  Pie  IX.  JNIais  d'abord  une 
révolution  n'est  pasuue  forme  de  gouvernement  ; 
elle  est  même  tout  le  contraire.il  est  vrai  que, 
pour  les  disciples  de  Proud'hou,  l'anarchie  est  un 
idéal.  La  révolution  n'est  pas  non  plus  la  liberté  : 
par  elle-même,  elle  ne  produit  que  la  répression 
et  le  pouvoir  absolu,  puis  des  révolutions  nou- 
velles, qui  s'appellent  les  unes  les  autres.  Elle 
est  le  chancre  qui  ronge  les  nations  qui  en  sont 
atteintes  :  Lt  France,  l'Espagne,  le  Mexique  sont 
là  comme  exemples.  Le  bon  sens  et  le  patriotisme 
sont  avec  l'Eglise,  et  condamnent  comme  elle  la 
révolution  et  sou  esprit.  Ah!  ce  n'est  pas  Pie  IX, 
ce  n'est  pas  l'Eglise,  ce  n'est  pas  le  Syllabus  qui 
sont  les  ennemis  des  nations;  ce  sont  ces  hommes 
qui  sèment  dans  les  âmes  des  doctrines  perverses 
et  subversives,  et  deviennent  les  chefs  et  les 
guides  de  la  révolution  par  la  plume,  par  la 
parole,  par  leurs  actes  Artisans  de  révoltes, 
conspirateurs  secrets  ou  publics,  ils  préparent, 
organisent  le  désordre  et  assurent  son  triomphe. 
Ils  disent  qu'ils  veulent  renverser  les  tyrans, 
comme  l'était  Louis  XVI,  comme  l'est  Pie  IX, 
les  plus  doux  et  les  meilleurs  des  hommes  ;  et 
eux-mèaie.^  sont,  quand  ils  le  peuvent,  des 
despotes  et  (je s  tyrans  de  la  pire  espèce,  c'est- 
à-dire  de  l'e-^pèce  démagogique.  Ils  disent 
qu'ils  veulent  amener  parmi  les  peuples  la 
justice  et  le  bonheur,  et  ilsu'ont,  au  fond,  qu'un 
but  misérable  et  égoïste  :  jeter  bas  les  autres, 
et  se  mettre  à  leur  place,  béclamateurs  vulgai- 
res, ils  chantent  des  hymnes  et  portent  des 
toasts  à  la  fraternité,  et  leurs  paroles  ue  portent 
dans  les  âmes  que  la  discorde  et  la  haine. 
Grands  preneurs  de  liberté  ils  ne  la  veu'ent 
que  pour  eux  et  leurs  semblables.  L'égaUté  est 
leur  idole,  disent-ils;  mais  à  la  coudiL'ou  qu'il» 


LA  SEMAINE  DU  CLERCE 


iiït 


auront  partout  la  première  place.  ProuiThon, 
qui  les  connaissait  iii(!n,  a  dit  :  la  démagoj^ie, 
c'est  l'envie.  (Chevaliers  du  désordre  el  de  la 
sottise,  leur  {iriitipal  titre  de  gloire  est  d'être 
sortis  des  seatiers  de  la  vérité,  du  juste  et  sou- 
vent du  sens  cominLiu.  Une  des  plus  illustres 
preuves  de  la  sottise  humaine,  c'est  l'espère  de 
popularité  qui  les  entoure,  et  l'aurérle  malsaine 
qui  les  enveloppe  el  leur  servira  dû  linceul. 

Un  second  moyen,  avons  nous  dit,  Je  con- 
naître la  pensée  de  i'iîgliso.  sur  la  question  qui 
nous  occupe,  c'est  sa  comluite,  sa  manière  d'agir. 
N'a-t-elle  pas,  dit-on,  toujours  favorisé  les  gou- 
vernemi'nts  absolus  et  despotiques? 

Si  avant  de  regarder  en  arriére  dans  les  temps 
écoulés,  nous  jetons  un  rcg:ird  sur  le  monde  ac- 
tuel, nous  constatons  à  première  vue  un  fait 
considérable.  Le  christianisme  domine  en  Eu- 
rope et  en  Amérique.  Il  n'est,  au  contraire,  en 
Asie,  el  en  Al'riipie,  qu'à  l'état  lie  missions.  Or, 
c'est  précisément  en  Europe  et  en  Amérique,  que 
se  trouvent  les  institutions modihalrices  du  pou- 
voir, les  gouvernements  tempérés,  la  liberté 
politiiiue.  Et  ailleurs,  règne  la  monarchie  abso- 
lue et  le  desiiolisine.  je  ne  prétends  pas  ijue  la 
seule  cause  do  celti;  différence  £oit  la  religion 
chrétienne.  Le  caractère  national,  le  génie  des 
peuples  y  ont  leur  grande  part.  Mais  le  chri-lia- 
nisme  y  a  aussi  la  sienne.  C'est  lui  qui,  inspirant 
une  juste  idée  de  la  digniléde  la  nalure  humaine, 
fait  que  l'homme  n'admet  et  n'établit  qu'une  au- 
torité modérée,  et  ne  veut  point  d'un  pouv(dr 
arbitraire. C.'e-l  luicjui,  en  adoucissant  les  mœurs, 
a  adouci  par  là  même  l'autorité.  G'estlui  qui, en 
élevant  les  peuples  à  la  civilisiition  véritable,  les 
rend  plus  pro[ires  à  participer  à  la  gestion  des 
affaires.  Hélas  1  l'es[>rit  révolutionnaire  vient 
trop  souvent  tout  gàler. 

Mais,  dit-on,  au  dix  septième  siècle,  le  chris- 
tianisme avait  en  Europe  un  incontestable 
empire  ;  et  cependant  c'est  le  pouvoii-  absolu  qui 
régnait  ;  preuve  évidente  qu'il  y  a  entre  lui  et 
ce  pouvoir  uce  afliniti;  réelle. 

Cette  dilliculté  n'a  de  valeur  que  peur  ceux 
qui  ne  voient  que  la  suii-oe  des  cho>cs,  et  qui 
neconnaissent  de  l'histoire  que  les  deux  derniers 
siècles.  C'est  précisément  à  celte  époque  que 
l'Eglise  catholique  a  commencé  à  perdre  de  sou 
influence  sur  les  sociétés.  Transpor'.-'ns-nouspar 
la  pensée  à  une  époque,  où  tle  l'aveu  de  tous  elle 
exerçait  une  action  iiuis.sanle,  au  moyen  âge. 
Alors  régnaient  il'ahord  de  larges  libertés  ci- 
viles, que  nous  n'avons-  plus  aujoiud  hui  en 
France,  où  ilomine  la  centralisation.  Alors  ré- 
gnait, en  second  lieu,  la  liberté  politique  sous  la 
forme  que  déterminaient  les  circonstances  et  les 
éléments  qui  composaient  la  société,  c'est-à-dire 
sous  le  régime  des  états,  régime  où  la  monar- 
chie était  tempérée  par  des  institutions  vérita- 


blement modératrices  du  pouvoir.  En  Angleterre, 
alors  parfaitement  calholique,  ou  trouve  le  ré- 
gime parlementaire,  sous  une  forme  plus  ou 
moins  développée  :  on  sait,  en  effet,  que  les 
libertés  anglaises,  remontent  à  la  charte  de 
Henri  I",  donnée  en  i  103,  et  surtout  à  la  grande 
charte  de  ieaiï  Sans-Terre,  de  liJlo,  et  aux  provi- 
sions d'Oxford,  de  1258,  origine  de  la  Chambre 
des  communes.  En  Espagne,  la  liberté  se  tra- 
duit par  les  Coriès,  et  en  Allemagne  par  les 
diètes  et  les  élections.  En  France,  ce  sont  d'a- 
bord les  assemblées  delà  nation,  les  Champs  de 
fdars  et  de  Mai,  puis  le  régime  des  états,  repo- 
sant sur  les  libertés  municipales,  les  libertés 
provinciales  et  les  libertés  générales  ou  natio- 
nales. Chose  bien  singulière  I  c'est  naturellement 
en  Italie  que  l'influence  politiipie  de  l'Eglise 
romaine  s'est  le  plus  immédiatement  exercée  ; 
cr,  c'est  l'Italie  qui  a  été  le  terrain  le  plus  favo- 
rable au  gouvernement  républicain  :  Gènes,  Pise, 
Sienne,  Florence,  Venise,  ont  été  des  républiques 
(jui  ne  sont  pas  sans  gloire. 

On  le  voit  donc,  en  plein  moyen  âge,  en  pleia 
régime  de  l'Eglise  catholique,  la  liberié  était 
vivante,  et  les  [irincipales  nations  de  l'Europe 
n'y  connaissaient  pas  le  pouvoir  absolu. 

Un  des  plus  ardents  défenseurs  des  libertés 
modernes,  le  comte  de  Montalembeit,  a  écrit  ces 
lignes:  «Je  crois  parfdlement, comme  on  a  fini 
par  s'en  apercevoir,  que  le  moyen  âge,  en  tenant 
compte  des  éléments  sociaux  du  temps,  a  été 
l'ère  d'uu  véritable  gouvernement  représentatif, 
beaucoup  plus  sincère  et  i)lus  efficace,  plus  sé- 
rieux et  même  plus  populaire  que  tout  ce  qu'où 
a  ima;:iné  deimis.  Oui,  le  gouvernement  repré- 
sentatif est  né  au  moyen  à'.^e,  et  du  moyeu  âge. 
Il  rst  né  de  la  combinaison  naturelle  des  élé- 
ments qui  constituaient  la  société  à  cette  époque; 
il  est  né  de  l'union  et  île  l'action  commune  de  la 
royauté  catholique  avec  I  Eglisp,  l'aristocratie 
foncière  et  les  municipalités  émancipées  (I).» 

Montesquieu  paile  dans  le  même  sens.  «S'oici, 
dit-ii,  comment  se  forma  le  premier  plan  des 
moni.:'cliies  que  nous  connaissons.  Les  peuples 
geristniques,  qui  conquirent  l'Empire  romain, 
étaient,  comme  on  sait,  très-libres...  Lorsqu'ils 
furent  dispersés  dans  la  conquête,  ils  ne  purent 
plus  se  réunir.  H  fallait  pourtant  que  la  nation 
délibérât  sur  ses  atl'uires,  comme  elle  avait  fait 
avant  la  conquête  :  elle  le  lit  par  des  représen- 
tants. Voilà  l'origine  du  gouvernement  gothique 
(ou  du  moyen-âge)  parmi  nous.  Il  fut  d'abord 
mêlé  de  l'aristocratie  et  de  la  démocratie... 
C'était  un  bon  gouvernement,  (jui  avait  en  soi 
la  capacité  de  devenir  meilleur.  La  coutume 
vint  d'accorder  des  lettres  d''affranchissement; 
ei  bientôt  la  liberté  civile  du  peuple,  les  préro* 

I,  UjnUl.  Des  inlirilê  calhoUjutt  au  XIX'  iWcl«,  ch.  VÎU. 


I2S8 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


gatives  de  la  noblese  et  du  clergé,  la  puissaftcc 
des  rois  se  trouvèrent  dans  un  tel  concert,  que 
je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  eu  sur  la  terre  de  gou- 
vernement si  bien  tempéré  que  le  fut  celui  de 
chaque  partie  de  l'Europe  dans  le  temps  qu'il  y 
8ubsisla(l).  )) 

(A  suivre.)  l'abbé  Desohges. 

Biographie. 

DOM     GUÉRANGEB 

ABBÉ  DE  SOLESMES. 

{Suile,) 

«  Laissée  à  leurs  inspirations  premières,  les 
nouveaux  fils  île  saint  Benoît  auraient  naturel- 
lement greffé  la  tige  nouvelle  sur  le  tronc  de 
Saint-Maur,  sauf  à  en  modifier  la  sève  par 
quelques  correctifs.  N'élait-ce  pas  l'arbre  qui 
ombrageait  naguère  encore  de  son  feuillage 
celte  église  et  ce  prieuré  de  Solesmcs  dans 
lesquels  on  venait  de  s'établir?  Mais  au-dessus 
des  conceptions  de  l'homme,  il  y  a  la  sagesse 
de  l'Eglise,  s'exprimant  par  l'oracle  du  Siège 
Apostolique.  Fil?  lui-même  de  saint  Benoît, 
le  pape  Grégoire  XVI  voulut  que  cette  famille 
renaissante  cherchât  plus  loin  et  plus  haut 
le  principe  de  sa  reconstitution.  Ce  fut  là  un 
ordre  du  Ciel.  A  partir  de  cet  instant,  Prosper 
Guéranger,  s'appuyant  sur  la  double  force 
de  l'étude  et  de  la  prière,  remonte  d'âge  en 
âge  le  cours  de  la  tradition.  S'étant  nourri  de 
la  vie  et  des  maximes  de  diflerents  réfor- 
mateurs qui,  après  l'unité  brisée,  ont  créé 
les  diverses  congrégations  bénédictines  aux 
quinzième,  seizième  et  dix-septième  siècles, 
il  arrive  et  il  s'arrête  avec  complaisance  à  ce 
Louis  de  Blois,  le  disciple  de  celle  que  tout 
l'ordre  a  nommée  sainte  Gertrude  la  Grande. 
Là  déjà,  il  se  désaltère  aux  pures  sources  de 
l'esprit  du  saint  patriarche  ,  il  se  jomplaît 
dans  ce  miroir  des  moines,  il  se  délecte  dans 
ces  exercices  et  ces  révélations  des  vierges 
d'Hefta.  Puis,  traversant  avec  admiration  les 
richesses  de  Cîteaux  et  de  Clairvaux ,  les- 
quelles, pour  être  l'apanage  propre  d'une 
autre  branche  de  la  famille,  n'en  appartiennent 
pas  moins  à  toute  la  descendance  de  Benoît, 
il  se  plonge  avec  bonheur  dans  les  eaux  de  ce 
fleuve  qui,  de  saint  Odon  à  Pierre  le  Vénérable, 
transforme  Cluny  en  une  terre  où  coule  le  lait 
et  le  miel  de  la  plus  pure  et  de  la  plus  forte  doc- 
trine monastique.  Cluny  lui-môme  avait  reçu 
ce  dépôt  de  ce  Benoît  d'Aniane,  qu'on  a  pu 
justement  appeler  Benoit  second,  homme  vrai- 
ment prodigieux,  par  lequel  ont  été  rasti.m- 

1,  Montes^.  Esprit  dts  toi;  1.  XI,  cb.  VUI. 


blés  le  code  et  l;i  concordiinfe  des  règlîs,  et 
qui  en  souffla  l'esprit,  meilleur  encore  que  la 
lettre,  sur  la  génération  d'où  Cluny  allait 
sortir.  Ce  n'est  pa-  tout.  Le  grand  législateur 
du  Mont-Cassin  demande  à  n'èlre  pas  seu- 
lement étudié  dans  ce  qui  est  venu  après  lui  : 
a  parte  post,  comme  dit  l'école.  Lui-môme  a 
déclaré,  dans  sa  modestie  sans  doute,  mais 
dans  une  modestie  fondée  sur  la  vérité,  que 
sa  règle  n'est  ni  le  premier  ni  le  dernier  mot 
de  la  perfection,  m  lis  une  simple  ébauche  : 
hanc  minimam  inchoationis  regulam;  et  qui- 
conque en  veut  connaître  les  sources,  il  le  ren- 
voie aux  saintes  Eiritures  d'abord  et  aux 
grands  docteurs  de  la  foi  ;  puis  aux  Pères  du 
désert  et  aux  maîtres  de  la  vie  spirituelle  qui 
l'ont  précedi'  so't  en  Orient,  soit  en  Occident  : 
a  parle  ante.  Notre  courageux  restaurateur 
ne  recule  devant  aucune  partie  de  ce  travail, 
qui  sera  celui  de  toute  sa  vie  :  à  telle  enseigne 
que  le  produit  de  ses  dernières  années,  le  tes- 
tament laissé  à  sa  double  famille,  sera  le 
commentaire  le  plus  lumineux,  le  plus  nourri, 
le  plus  substantiel  de  la  règle  du  saint  pa- 
triarche. Mais  déjà,  dans  les  constitutions  ré- 
digées au  début,  et  insérées  dans  le  bref  apos- 
tolique qui  rétablit  en  France  l'ordre  de  saint 
Benoît,  vous  trouvez  toute  la  moelle  de  cette 
tradition  et  de  celte  forte  vie  monastique  au 
développement  de  laquelle  il  devait  s'employer 
jusqu'à  son  dernier  souffle  » 

Après  s'être  pénétré  si  fortement  de  l'esprit 
de  son  ordre,  Guéranger  devait  demander  à 
l'Église  l'approbation  canonique  de  son  œuvre. 
Dans  ce  dessein,  il  se  rendit  à  Rome.  Nou& 
trouvons,  dans  la  correspondance  de  l'abbé 
Lacordaire  avec  Sophie  Swetchine,  quelques 
notes  relatives  à  ce  voyage.  Le  28  mars  1837, 
Lacordaire  écrit  :  «  J'ai  vu  M.  Guéranger, 
chère  ami.),  et  sa  présence  a  été  pour  moi 
un  grand  «icours  et  une  grande  consolation,  o 
Le  4  ma/,  «aïvant,  note  plus  détaillée  :  «  Les 
allaires  de  M.  Guéranger  vont  à  souhait.  Les 
jésuites  qu'on  devait  se  flatter  tout  au  plus 
de  n'avoir  pas  pour  adversaires,  se  sont  mon- 
trée de  très-fhauds  amis  et  poussent  au  succès 
avec  vigueur.  J'en  suis  charmé  pour  les  béné- 
dictins et  aussi  pour  eux  ;  car  rien  n'est 
pénible  comme  les  défauts  que  l'on  rencontre 
dans  ceux  qu'on  estime  et  surtout  dans  les 
siTviteurs  de  la  vérité  ;  cette  conduite  des 
ji'suites  est,  du  reste,  très-habile.  Après  tout, 
ils  ne  peuvent  pas  se  flatter  d'avoir  en  France 
des  œuvres  religieuses  et  monastiques  ;  et  il 
vaut  mieux,  pour  eux,  se  faire  des  amis  de 
ceux  qui  doivent  un  jour  participer  à  l'in- 
fluence que  donnent  la  vertu  et  le  dévouemeut. 
Tout  va  donc  au  mieux.  La  présence  de  l'abbé 
Guéranger  a  été  aussi  pour  moi  uae  véritable- 


I 
I 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


r.-j 


consolation  ;  nous  nous  enlpwlons  à  merveille  pour 
toutes  chosi'S  :  théologie,  pUilosuiiliie,  poliliijue, 
présent  rt  artnir  :  il  e~t  si  i-ire  de  tiouver 
aujourd'hui  un  chrétien  où  la  loi  dcjmine  le 
reste.  » 

Le  4  juill  t,  il  indique  où  on  en  est  avec  l'opi- 
nion légitimiste  :  «  La  ditlerence  qu'il  y  a 
entre  vous  et  mni  sur  la  légitimité  est  proba- 
blement peu  de  chose.  Je  regarde  ainsi  que 
vous  riiéi'édité  comme  un  piincipe  important, 
respectable;  mais  la  légitimité  tel  e  qu'on  l'a 
faite  depuis  Louis  XIV  et  Louis  XVIll  me  [pa- 
raît entachée  de  cette  malheureuse  idolâtrie 
royale  qui  a  perdu  la  maison  de  Bourbon.  Au- 
jourd'hui encore,  par  un  aveuglemeot  ([ui  me 
parait  un  signe  d'endurcissement,  la  cause  du 
légitimisme  et  celle  du  gallicanisme  sont  abo- 
minablemeut  unies,  et  j'ai  su  des  choses  dont 
la  folie  égale  l'impiété,  Croiriez-vous  que  pas 
un  journal  religieux  n'a  voulu  annoncer  , 
même  à  tant  la  li:^ne,  l'ouvrage  de  M.  Guérai:- 
ger  sur  les  origines  rom  lines'.'  » 

Le  4  août,  solution  de  l'atfaire  bénédictine  : 
«  Je  ne  vous  dis  pas,  puisque  vous  le  savez,  que 
M.  Guéranger  est  abbé  perpétuel  de  Solesmes, 
ayant  anneau,  crosse  et  mitre,  et  chef  de  la 
congrégation  des  bénédictins  de  France,  allilice 
au  Sloiit-Cassin.  C'est  un  résultat  merveilleux , 
et  qui  doit  nous  porter  à  aimer  de  pins  en  plus 
l'Eglise  romaine,  si  divinement  Uubile  à  distinguer 
ses  vrais  enfants,  ie  \Aiii  quitter  Kome  bientôt, 
après  un  voyage  et  un  séjOur  (jui  ont  été  véri- 
tablement fructueux  ;  car  Moulalerabertet  moi, 
nous  avons  certainement  préparé  les  voies  à 
l'abbé  de  Solesmes.  » 

Le  16  septembre,  la  Providence  éprouve  l'œu- 
vre naissante  :  «  L'abbé  de  Solesmes  a  été  sé- 
rieusement frappé  (  du  choléra  )  et  en  danger 
pendant  vingt-quatre  heures  ;  grâce  à  Uieu,  il 
est  sain  et  sauf  aujourd'hui;  il  se  dispose  à 
partir  jeudi  prochain  par  un  bateau  marchand 
qui  est  en  partance  au  port  de  Uioa-Grande 
sur  le  Tibre.  Car  il  faut  que  vous  sacfiiez  que 
toutes  les  routes  sont  fermées  depuis  un  mois  et 
que  rien  ne  passe  sinon  la  correspondance 
portée  par  des  courriers  à  cheval.  » 

Le  12  octobre:  «  Nous  sommes  arrivés  avant- 
hier  à  Milan,  l'abbé  de  Solesmes  et  moi,  bien 
portants,  après  quinze  jours  de  voyage  en  voi- 
ture et  à  travers  des  fumigations  innombrables 
jusqu'aux  bords  du  Pô  où  nous  avons  entin 
retrouvé  la  liberté.  Nous  partons  demain  ma- 
tin pour  Lausanne,  par  le  Simplon,  ensuite  par 
Besançon  et  de  là  à  Villersexel.  M.  Guéranger 
vous  porte  un  petit  souvenir  de  Rome,  que  je 
vous  envoie,  et  que  je  vous  prie  d'agréer  avec 
bonté.  (1)  » 

1 ,  Corrtsfondanii  du  P.  Lasoriairê  tt  di  Mad.  Swilchini, 
fCUtim, 


En  1837,  donc,  l'abbé  Guéranger  voyuit  la 
réalisation  de  ses  rêves  d'enfant,  de  ses  aspira- 
tions déjeune  homme  et  de  son  dévouement 
sacerdotal.  Son  œuvre  était  fondée,  il  n'av.iit 
plus  qu'à  la  développer  matériellement  et  mo- 
ralement, par  les  agrandissements  de  Solesmes 
el  les  améliorations  qu'il  ne  cessa  d'y  intro- 
duire, et  pur  les  fondations  qui  ;i  liaient  soi  tir 
de  cette  abbaye-mère,  comme  l'abbaye  de  Li- 
gugé,  près  Poitiers,  en  1853,  le  prieuré  de 
Sainte-Madeleine  de  Marseille, un  peu  pins  tard, 
et  en  1870.  l'jibbaye  de  femmes  de  Sainte- 
Cécile  de  Solesme. 

Au  milieu  de  ses  travaux,  qu'était  dom  Gué- 
ranger comme  moine  et  comme  abbé  ? 

«  Dora  "îuéranger,  dit  son  éloquent  panégy- 
riste, fut  moine  dans  toute  l'étendue  du  mot  : 
moine  par  la  pauvreté  et  le  détachement  de 
toutes  ciioses  ;  moine  par  la  pureté  de  vie  I» 
plus  délicate,  et  par  une  chasteté  angélique 
qui  égalait  en  lui  la  vivacité  de  l'alleciion; 
moine  par  l'obéissance  [lai  faite  à  Dieu,  à  l'E- 
glise et  à  la  règle  ;  moine  [)ar  un  amour  en- 
thousiaste et  passionné  de  l'ofiice  divin ,  de  ce 
que  saint  Benoît,  nous  le  redirons  bientôt,  met 
au  premier  rang  des  devoirs  monastiques  ; 
moine  par  l'habitude  constante  du  travail  sous 
toutes  ses  formes,  sans  excepter  le  trav.iil  des 
mains,  dont  il  avait  l'estime  et  dont  il  savait 
donner  l'exemple;  moine  par  la  mortification 
du  corps,  par  les  austérités  du  cilice  et  de  la 
flagellation  sanglante,  en  même  temps  par  la 
luite  de  toute  vaine  gloire  et  par  l'Iiumilité 
d'un  esprit  soumis  et  discipliné  ;  pour  tout  dire 
euUn,  moine  par  un  sentiment  de  foi  et  par 
une  plénitude  de  vie  surnaturelle,  devenue 
pour  lui  une  seconde  nature,  qui  le  tenait  cons- 
tamment sous  le  regard  et  la  conduite  de 
Dieu  (1).  » 

Danslesmonastèresde  l'ordrede Saint-Benoit, 
redoutable  est  la  tâche  de  l'abbé.  C'est  de  lui 
que  tout  part,  c'est  vers  lui  que  tout  converge. 
Sans  doute,  avant  de  se  décider,  il  doit  prendre 
le  conseil  de  ses  frères  ;  pourtant  il  décide  tout 
lui-même  avec  cr.iinte  de  Dieu  et  conformé- 
ment à  la  règle,  il  faut  donc  qu'il  soit  docteur 
et  pasteur,  chef  et  père,  et  qu'il  préside  réelle- 
ment pour  présider  efticacemenl.  Nous  n'exa- 
minerons pas  ici,  si  c'est  la  règle  d'un  gouver- 
nement pondéré,  il  suflit  de  savoir  que  tel  est 
le  régime  bénédictin.  N'oublions  pas  cependant 
que  ce  régime  si  simple  et  si  sage  a  fondé  des 
familles  religieuses  et  fondé  des  cités  :.utourdes 
cloîtres.  L'Europe  est,  en  grande  parti3,  son  ou- 
vrage. 

Etant  bon  moine,  comme   il  l'était,    dom 
Guéranger  était  un  vrai  père  abbé;  mais  écou- 
.jtis  son  admirable  panégyriste; 
1,  Oraimn  [unibrt  l"    partie. 


1260 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


a  Etant  tout  cela  en  Iiii-rtipmR.  dit- il,  il  n'est 
pascti.nnant  inrune  femîiia  illustre,  i[iii  le  con- 
sullait  et  ['écoutait  déjà  comme  un  maître,  à 
l'heure  où  elle  semblait  en  niriger  et  cooseilici' 
(Taulrcs  comme  ilcs  disciples,  ait  dit  de  lui 
tt  qu'il  était  né  béuédicliQ  et  abbé  de  Sulcs- 
mes.  »  Il  faut,  d'après  saint  Benoit,  «  que 
l'abbé  soit  docle  en  la  loi  divine,  sacbant  où 
puiser  «  les  choses  nouvi^lles  et  les  anciennes  :  » 
oporlet  ergo  evm  rsse  doctnm  in  lege  dioina.  ut 
iciat  vnde  proférât  nni:ii  et  vcta-c.  Oui,  la  doc- 
trine est  nécessaire  à  l'abbépour  donnerla  vicau 
monastère,  en  renouvelant  !-an-;ce?scJe.^  esprits, 
et  détruis  int  par  là  l;i  monotonie  qui  pourrait 
endormir  les  àraes  et  ralentir  leur  élan  da  i» 
la  marche  vers  le  souverain  bien.  Une  mai-"  i 
religieuse  n'est  point  un  asile  de  somnolence  ; 
nul  e  paît  les  esprits  et  les  eœnrs  n'ont  davan- 
tage besoin  d'être  tenus  en  éveil:  l'inslitution 
monastique  pér  t,  si  l'enseisriiement  s'ariète. 
Jésus-Christ  est  venu  a;qiortcr  du  fou  sur  \.i 
terre,  et  que  veat-il  sinon  (jue  ce  feu  s'allume? 
Mais  quelle  à:ne  sera  embrasOe  de  ce  feu,  si 
ce  ii'rst  celle  du  moine  ([ui  doit  être  l'â-ne 
chrétienne  dans  sa  plus  haute  expressioi!  ?  Il 
fautdoucque  l'abbé  entretienne,  il  faut  qu'il 
active  ce  feu  autour  de  lui,  il  faut  ([u'il  épancbe 
la  lumière  sans  laipiclle  il  n'y  apas  dechaleni-. 
Mais,  pour  cela,  il  faut  qu'il  ait  lui-mèm  ■  ie 
front  dans  la  lumière,  qu'il  connaisse  les  Ecri- 
tures, les  enseignement-v  de  rE>;li5e  et  da 
Siège  Apostolique,  la  théologie  dogmatlipie  et 
morale,  ascétique  et  mystique,  les  annales  ec- 
clésiastiques et  la  vie  des  saints,  de  aorte  qui-, 
puisant  dans  ce  trésor  qui  lui  est  fainilier,  il 
sache  égalemsnt  en  fairj  soilir  ce  ijui  est  nou- 
veau et  ce  qui  est  ancien. 

a  Nulle  de  ces  choses  n'échappait  au  trè"- 
révérend  l'ère  alibé  de  Solesm.  s.  Ce  front 
haut  et  développé,  arsenal  immense  d'érudi- 
tion, contenait  un  des  plus  vastes  dépôts  de  la 
science  ecclésiastique  et  profane  :  à  to.it  ins- 
tant et  selon  que  l'occasion  le  demandait,  il 
en  tirait  dcri  armes  lumineuses,  avec  ordre,  en 
leurrangàleui-  place,  sans  confusion, sanseffort: 
ut  sciât  unde  proférât  nova  et  vetcra.  Pas  un  in- 
cident nouveau,  piiS' un  événement  contempo- 
rain, dont  il  ne  comprit  et  montrât  la  portée 
au  point  de  vue  divin.  Qui  donc  savait  p:-ome- 
ner  comme  lui  son  re;,'aird  sur  le  globe  efilinr 
pour  y  découvrir  ce  qui  se  rapportait  à  l'Eglise,  à 
ses  épreuves,  à  ses  joiij*,  à  ses  conquêtes?  L-i 
vulgarité  même  du  journal  devenait  en  ses 
mains  le  thème  d'uu  enseiifncment.  Mo»  Pfcrcs, 
vous  étiez  assis  à  une  table  royale  où  l3»mcis 
les  plus  délicats,  les  plus  variés-,  voas' étaient 
Bervis  quolidieunement  ;  cas  eouférenceà  s  .;■ 
la  vie  et  les  vertus  chrétienn(?9,  celte  incompa- 
rable explication  de  voltfijcylSj.que  d&>  notes 


intelligenles  vous  ont  conservées,  vous  n'avez 
pas  le  droit  de  les  garder  pour  vous  seuls.  Que 
dis-je?ce  ne  sont  pas  seulement  les  écrits, 
c'est  la  vie  de  votre  vénérable  Père  que  vous 
devez  à  la  chrétienté.  A  l'icuvre  donc,  et  sans 
retard.  Là  vous  nous  direz  à  quel  point  en  lui 
le  docteur  était  père,  tout  ce  que  son  coup 
d'œil  avait  de  pénéiralion  ,  de  clairvoyance, 
tout  ce  que  son  cœur  lui  ilictait  de  tendresse  et 
de  bonté;  avec  quelle  patience, quelle  autorité, 
ea  quelques  paroles,  il  avait  le  don  de  baser 
une  vie  entière,  ayant  pour  règle  de  suivre 
dans  les  âmes  les  moindres  mouvements  Je  la 
giâce,  mais  de  ne  point  les  prévenir  ;  se  tenant 
toujouv^  datis  If.  vrai,  avec  un  admir.ible  équi- 
libre, et  y  ramenant  les  esprits  les  plus  extrê- 
mes, sans  leur  rien  oter  de  ce  ijui  leur  était 
[■ropre  si  devait  leur  demeurer  ;  attentif,  seloQ 
la  recoEiEiandation  de  saint  iJmoît,  à  ne  paa 
enlever  la  rouille  si  fortement  que  le  vase  lut 
exposé  à  éelater;  en  un  mot,  se  ilépcnsant 
tout  entier  au  service  intérieur  et  à  h:  culture 
siiiritucUe  de  ses  fils,  comme  s'il  n'}'  avait  rien 
autre  cho.~e  au  monde,  et  ne  faisant  rayonner 
parde-là  h:  monastère  que  ce  qui  débordait  du 
dedans, 

«  Ausî-i,  laiïse-t-il  après  lui  une  œuvre  qui 
durera,  tt  cette  œuvre,  il  l'a  mise  en  possession 
de  tous  les  héritages  dis-ipés  :  et  servavi  te  ut 
possidcres  lunreditates-dissipatas.  Me  demandez- 
vous,  pieu.v  fidèles,  si  l'on  y  garde  toute  obser- 
vance rigoureuse  de  la  ré^le  première  ?  Je 
pourrais  vous  réponilre  que  la  discipline  géné- 
rale iiu  temps  de  saint  BenolLdilférait  à  peine 
de  la  discipline  monastique,  et  qu'en  face  des 
Bidoucissements  apportés  par  l'Egli  e  aux  ob- 
servances communes  des  chrétiens,  les  moines 
de  la  congrégation  de  France,  tels  que  les  a 
con.-îtitués  canoniquement  l'autorité  du  Saint- 
Siège,  vous  laissent  plus  loin  derrière  eux  que 
leurs  devaaoiei-s  n'y  laissaient  vos  pères.  Fions- 
nous  à  la  sagesse  de  rEgii-e,ct  quand,  à  cause 
de  l'aibuidiss  ment  général  des  corps  qui  a 
suivi  ratfaiblissement  de  la  loi,  sa  conde>cen^ 
danco  maternelle  s'exerce  si  largement  envers 
nous,  ne  nous  idaignons  pas  qu'elle  veuille  bien 
ouvrira- un  plus  grand  nombre  de  faibles  les 
portes  de  la  vie  parÊiite.  Si  il  ailleurs  vous  aspi- 
rez à  de  plus-  grandes  rigueurs,  la  providence  de 
Dieu  continue  devons  les  oflrir  dans  des  asiles 
saints  et  bénits.  Pour  moi,,  je  ne  saurais  perdue 
de  vue- les  grandes  maximes  de  Benoit  et  je  ne 
m'étonne  point  que  l'Eglise  elhf-mèiae  s'en  soit 
inspiiée:  rrÀsccn&  temporihus lenifora  :  atenant 
compte  de  la  dilTiirence  des  tem[»s  »,  et,  «  par 
o  i'esercice  de  la  discrétion,  qui  est  la  mère 
(I  des  vertus,  tempérant  tellement  toutes  cha- 
«  ses,  que  les  forts  désirent  faire  plus,  et  qu9 
«  les  faibles  ne  se  retirent  pas  en  arrièrô.;  ». 


LA  SEMAINE  DO  CLERGE 


nn 


Sic  omnia  temperet,  ut  sit  quod  et  foiies  cupiant, 
et  infirini  non  réfugiant. 

«  Cela  dit,  j'obéis  à  la  seule  vérité  que  jo 
proclame  en  l'ace  de  celte  tomlie,  que  celui  (|ui 
y  reposa  a  été  iii-bas  l'un  des  plus  grands  affir- 
mateurs  de  !a  vie  moaasti(iue,  et  que  son  œu- 
vre le  [ilace  :ï  la  suite  des  quatre  ou  cinq  prin- 
cipaux restaurateurs  de  l'onlro  bénédictin  sus- 
cités dans  Ifi  cours  des  siècles.  Celte  conviction, 
que  j'ai  puisée  dans  ses  entretiens,  dans  ses 
cerrespondances  et  dans  ses  écrits,  vous  l'avez 
affermie  en  moi,  mes  révérends  l'èros,  toutes 
Tes  fois  que  j'ai  vécu  parmi  vous.  Panlonnez- 
inoi,  6  suint  abbé,  si  mon  zèle  et  mon  amilié 
vous  ont  harcelé  souvent  jusqu'à  l'importunilé, 
pour  obtenir  de  vous  cette  vie  et  celte  histoire  de 
saint  Benoît ,  dont  vous  m'avez  tant,  de  t'ois 
exposé  la  synthèse  et  dévelofipé  d'udrairables 
parlies.  Je  ne  me  rrnilais  pas  compte  que  votre 
œuvre  s'écrivait  d'une  façon  meilleure,  puis- 
qn'elb'  se  gravait,  en  lettres  vivantes,  dans  l'es- 
prit et  le  cœur  de  vos  fils.  Un  jour  pourtant 
que  je  tremblais  de  vous  voir  mourir  laissant 
le  travail  inachevé,  je  m'aperçus  que  l'impres- 
sion s'en  faisait  eu  caractères  d'or,  je  veux  dire 
dans  ces  âmes  vir;^inales,  fruit  de  votre  seconde 
paternité  et  donco  joie  de  votre  viei^;e^se.  Pen- 
dant huit  ans,  vous  avez  partagé  entre  cette 
double  famille  vos  >^oins  et  vos  lalieurs,  diri- 
geant à  la  fois  des  deux  côtés  ces  Jets  de  lu- 
mière et  de  génie  qui  devenaient  plus  ardents 
et  plus  vifs  à  me>ure  que  vous  approchiez  du 
foyer  éternel.  Elevés  a  l'école  'e  la  généiosilé, 
vos  enfants,  o  ('ère,  remercient  !e  Seigneur  da 
tout  ce  qu'il  leur  a  doum;  [lar  vous;  et  ils  ne  se 
plaignent  pas  qu'dvous  ail  donne  à  vous-même 
le  repos,  après  tant  de  fatigues  :  ils  ont  la  con- 
fiance que  vos  œuvres,  dont  le  mérite  vous  a 
précédé  là-haut,  continueront  de  vous  survivre 
ici-bas  (2).  » 


VARIÉTÉS 


NOTRE-DAME  DE  LOURDES 

(suite.  Voir  le  numéro  36.) 

lîl.  —  UNE  VISITE  A  BERNADETTE.  DN  rÈLEBINAGE 
A  LOURDES. 

Le  13  février  ISôo,  après  avoir  dit  la  sainte 
messe  à  Notre  Dume  tic  Bétharram,  nous  lon- 
geâmes à  pied  la  chaîne  des  Pyrénées  et  nous 
arrivâmes,  vers  le  soir,  au  petit  séminaire  de 
Tarbes,  à  Saint-Pé  de  Bigorre,  où  le  supérieur 
Doufi  lit  uu  accueil  d'autaat  plus  cordial  qu'il 

1.  Oraiion  funibre  !'•  partis, 


venait  de  Faire  lire  au  réfectoire  des  élèves 
notre  Philosophie  catholique  de  Phistoire.  Le  len- 
demain matin,  14  février, nous  suivîmes  la  même 
route  nationale  qui  côtoie  les  Pyrénées,  en  nous 
arrêtant  de  temps  en  temps  pour  admirer  le» 
beautés  des  sites  et  l'élévation  des  cimes.  A  no- 
tre gauche,  des  troupeaux  de  chèvres  et  de 
brebis  bondissaient  sur  les  collines.  En  face,  se 
dressait  sur  son  rocher  la  forteresse  de  Lourdes. 
En  arrivant  à  cette  ville,  nous  dirigeâmes  de 
suite  nos  pas  vers  la  grotte.  Après  y  avoir  prié 
quelque  ^.emps  et  avoir  bu  de  l'eau  à  la  fontaine 
miraculeuse,  nous  nous  rendîmes  au  pension- 
nat des  Dames-de-Nevers,  placé  sur  une  petite 
éminence  boisée,  à  côté  de  la  ville  :  Bernadette 
y  achevait  son  éducation.  M"'  la  supérieure  eut 
la  lionté  de  l'amener  au  parloir  en  nous  priant 
de  l'interroger  peu,  parce  que  c'était  l'anniver- 
saire des  apparitions,  et  qu'elle  était  maladive, 
comme  chaque  année,  quand  revenait  cet  anni- 
versaire. Bernadette  avait  vingt  ans,  on  lui  en 
eût  donné  quinze  à  seize.  Son  visage  rond,  ses 
traits  réiruliers,  son  regard  modeste,  reflétaient 
la  beauté  et  la  candeur  de  la  vertu  et  donnaient 
à  sa  physionomie  un  air  intéressant.  Voici  tex- 
tuellement le  petit  dialogue  que  nous  eûmes 
avec  ille,  nous  le  transcrivons  sur  la  copie  que 
nous  en  [trimes  le  soir  même. 

C'e~t  donc  vous  qui  avez  vu  la  sainte  Vierge? 

—  Oui,  monsieur,  c'est  moi.  Et  elle  baissa  les 
yeux.  —  Que  vous  a  dit  la  sainte  Vierge?  — 
Elle  m'a  dit  qu'elle  voulait  être  honoiée  à  la 
grotte,  que  je  devais  dire  aux  prêtres  de  lui 
ériger  une  chapelle  aux  Roches-Massabielle  ; 
que  je  devais  retourner  pendant  quinze  jours 
à  la  grotte  ;  chaque  jour  je  la  voyais.  —  Que 
vous  a-t-elle  dit  enore?  — Elle  m'oidonna  de 
boire  de  l'eau  d'une  source  qu'elle  m'indiqua 
à  l'aniile  de  la  grotte^  mais  c'était  de  la  boue; 
trois  fois  je  la  rejetai  et  regardai  la  Vierge, 
chaque  fois  elle  me  fit  signe  de  boiie.  Alors  je 
bus,  je  me  lavai,  et  la  source  commença  à  jail- 
lir du  rocher. — Que  vous  a  dit  encore  la  sainte 
Vierge? — Ellem'aditde  prierpourles  pécheurs. 

—  Que  vous  a-t  elle  dit  encore?  —  Qu'elle  était 
riiumaculéc-Conception.  —  Etait-elle  sembla- 
ble à  la  statce  de  marbre  qui  la  représente  à  la 
grotte?  —  Oui,  monsieur,  ais  elle  était  infini- 
ment plus  belle,  elle  éta  éblouissante  de 
beauté.  —  Aimez-vous  beau,  up  Marie?  —  Ohl 
monsieur,  si  je  l'aime  I  Son  visage  s'illumina, 
tout  son  corps  tressaillit  d'émotion.  —  La 
priez-vous  souvent?  —  Quand  j'y  pense.— 
Quand  est-coque  vous  y  pensez?  —  Presque 
toujours.  —  Voulez-vous  me  signer  des  images 
représentant  l'apparition?  —  Volontiers.  —  Et 
passant  à  un  bureau  qui  se  trouvait  à  un  des 
angles  de  la  salle,  elle  en  si^na  cinquante 
qu'elle  me  remettait  à  mesure  elle-même.  Aux 


1262 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


dernières,  elle  me  dit  en  tournant  vers  moi  im 
regard  souriant  :  J'ai  la  main  tellement  fatiguée 
que  je  ne  puis  plus  écrire.  —  Ecrivez  tout  de 
même,  mes  amis  et  moi  nous  prierons  pour 
Yous.  —  Elle  en  signa  encore  quelcjues-unes. 
En  se  retirant,  elle  salua  gracieusement.  Elle 
avait  une  robe  noire, et  un  foulard  rouléautourde 
la  tète.  Sa  mise,  bien  quesimple,  était  élégante. 

Actuellement,  cent  mille  personnes  se  ren- 
dent à  Lourdes,  chaque  année,  de  toutes  les 
provinces  de  France,  de  tous  les  royaumes 
d'Europe.  Tous  les  sanctuaires  de  Marie  de 
France,  de  Belgique,  d'Allemagne,  d'Espagne 
et  d'Italie,  ont  envoyé  leurs  bannières  de  soie, 
de  pourpre  et  d'or,  au  nombre  de  plusieurs 
centaines,  à  Notre-Dame  de  rimmacuJée-Con- 
ception  ;  une  splendide  procession,  formée  des 
députations  de  ces  sanctuaires,  et  présidée  par 
les  pontifes  de  l'Eglise,  lésa  portées  triompha- 
lement dans  le  nouveau  temple  de  Marie,  dont 
elles  tapissent  les  nefs  et  les  chapelles.  Quand 
le  printemps  ramène  les  beaux  jours,  l'antique 
forteresse  du  Sarrasin,  ja^lis  la  clef  des  Pyré- 
nées, qui  vit  passer  les  légions  de  Charlemngne, 
voit  déliler  sans  cesse  les  phalanges  des  nou- 
veaux croisés  ;  elles  arrivent  du  nord  et  du 
midi,  de  l'est  et  de  l'ouest,  et  se  rendent  au 
grand  combat  de  la  foi  et  de  la  prière,  de 
l'amour  et  du  dévouement,  dans  la  vaste  cha- 
pelle de  rimmnculée-Conception,  (jue  Pie  IX, 
notre  grand  et  bien-aim  épontife,  vient  d'élever 
au  rané;  de  basilique  mineure. 

Chaque  diocèse,  chaque  ville  de  France 
et  de  Belgique  veut  envoyer  sou  pèlerinage  à 
Lourdes.  Le  29  septembre  1873,  deux  longs 
trains  parlaient  des  gares  de  Lille  et  d'Arras, 
de  Boulogne  et  d'Amiens,  et  conduisaient  rapi- 
dement seize  cents  pèlerins  de  la  Belgique  et 
du  nord  de  la  France  aux  frontières  de  l'Es- 
pagne, où  ils  assistaient,  sous  le  chêne  plu- 
sieurs fois  séculaire  de  saint  Vincenl-dc-Paul, 
à  la  messe  pontificale  do  Mgr  Lequelte,  et 
recevaient,  dans  la  maison  même  da  saint, 
le  Diiu  de  l'Eucharistie.  Bientôt  la  chaîne  des 
Pyrénées  avec  ses  cimes  inégales  se  dessine  à 
l'horizon  ;  puis,  les  montagnes  se  rapprochent, 
le  Gave  fait  entendre  ses  mugissements,  et  la 
grotte  apparaît,  illuminée  de  mille  feux.  Le 
jour  a  fait  place  à  la  nuit,  un  superbe  clair  de 
lune  projette  ses  reflets  argentés  sur  le  monu- 
ment en  marbre  blanc  qui  se  dresse  au  flanc 
du  rocher.  Un  formidable  vivat,  suivi  du  chant 
du  Magnificat,  salue  la  procession  des  quinze 
cents  pèlerins  de  la  Bretagne  qui  passent,  des 
flambeaux  à  la  main,  devant  la  grotte  et  gra- 
vissent le  sentier  en  lacet  formant  un  immense 
M  que  leurs  cierges  rendent  lumineux  ,  et  con- 
duisant, à  travers  des  arbustes,  de  la  grotte  au 
«anctuaire  placé  au-dessus.  Un  miracle  récom- 


pense bientôt  leur  foi  :  une  muette  de  Nantes 
est  guérie. 

Le  lendemain  matin,  1"  octobre,  nous  nous 
préparions  pour  célébrer  la  sainte  messe  dans 
la  Basilique  de  Marie,  quand  y  entra  le  pèleri- 
nage de  Mende,  conduit  par  son  évéque , 
Mgr  Seivet.  Au  nombre  des  pèlerins  se 
trouvait  la  fille  du  juge  de  paix  de  Grandrieu, 
Irma  Dubois,  qui  avait  gagné  la  petite  vérole 
au  contact  de  malades  pauvres  soignés  par  elle, 
et  s'était  vue,  par  le  même  contact,  atteinte 
ensuite  de  la  lièvre  typhoïde.  Deux  fois  victime 
de  son  dévouement,  deux  fois  aux  portes  du 
tomiieau  en  trois  ans,  Irma  en  avait  conservé 
une  grande  faiblesse  :  clouée  d'abord  sur  un  lit 
de  doubur,  en  proie  à  des  attaques  quoti- 
ditnnes  Ae  ^atalepsie,  qui  avaient  cessé,  en 
mars,  à  la  scite  d'une  neuvaine  à  saint  Joseph, 
faite  par  ses  compagnes ,  elle  était  réduite 
depuis  à  rester  étendue  dans  un  fauteuil,  inca- 
pable de  se  soutenir  sur  ses  jambes,  et  telle- 
ment impotente,  que  ses  doigts  ne  pouvaient 
plus  tenir  un  porte-plume.  D'autres  symptômes 
plus  graves  indiquaient  que  l'organisme  entier 
était  profondément  atteint.  L'estomac  ne  pou- 
vait plus  garder  aucun  aliment.  Il  y  avait  ra- 
mollissement de  la  moelle  épinière,  avec  para- 
lysie des  jambes  et  d'un  côté  du  corps  ;  la 
paralysie  s'étendait  jusqu'à  l'organe  de  la  voix. 
Quand  on  parla  devant  elle  du  pèlerinage  de 
Lourdes  qui  s'organisait,  la  malade  qui,  d'après 
les  hommes  de  l'art,  ne  devait  plus  se  rétablir 
par  des  moyens  humaius|,  manifesta  le  désir 
d'en  faire  partie.  Le  docteur  appelé  déclara  le 
transport  impossible  et  s'y  opposa  ;  le  doyen, 
M.  Maurin,  s'efforça  pareillement  de  l'en  dis- 
suader. Tout  fut  inutile,  Irma  Dubois  partit. 
Le  voyage  fut  bien  pénible,  on  conçut  bientôt 
les  craintes  les  plus  sérieuses  pour  sa  vie.  Les 
défaillances  se  multiplièrent ,  les  membres 
étaient  contournés,  les  traits  bouleversés,  la 
pauvre  fille  faisait  pitié  à  voir.  A  chaque  sta- 
tion, M.  l'archiprèlre  Blanc  allait  à  son  wagon 
s'informer  de  son  état.  Plusieurs  lois  on  crut 
qu'elle  allait  expirer. 

Irma  Dubois  passa  devant  nous  qui  traçons 
le  récit  de  sa  guérison,  parlée  par  plusieurs 
personnes  dans  la  basilique.  Après  la  messe  à 
iaiiuelle  elle  communia,  elle  fut  portée  à  sa 
voilure  et  conduite  à  la  grotte.  Notre  ami  in- 
time, et  plus  que  notre  ami,  M  l'abbé  Deroux, 
au  zèle  duquel  la  paroisse  d'Erny-Sainl-Julien, 
au  diocèse  d'Arras,  doit  une  ma.nuilique  église 
romane,  était  chargé  en  ce  moment  de  la  garde 
des  piscines.  Il  nous  avait  dit  dans  sa  foi  ar- 
dente ;  «  J'y  resterai  jusqu'à  ce  que  j'aie  vu  un 
miracle.  »  Irma,  appuyée  sur  le  bras  de  sa 
sœur  Amélie  d'un  côté,  et  sur  une  béquille  de 
l'autre,  attendait  patiemment  que  son  tour  ar- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1203 


rivât.  Une  personne  présente  «'approchant  du 
frère  de  son  père  qui  l'accompagnait ,  lui  dit  : 
«  Il  serait  bon ,  monsieur ,  de  prendre  rang 
«  pour  entrer  dans  la  piscine  au  plus  tôt.  » 
M.  Dubois,  capitaine  retraité,  ne  croyant  pas 
aux  miracles,  répondit  un  peu  brusquement  : 
«  A  quoi  bon  ?  je  vais  la  conduire  aux  eaux  de 
«  Eagnères  !  Quant  à  cela,  »  ajouta-t-il,  en  re- 
gardant sa  nièce  avec  un  air  de  pitié  et  en 
montrant  les  piscines,  «  on  dit  que  c'est  la  foi 
«  qui  y  fait  1  »  Son  ton  et  son  geste  indiquaient 
assez  qu'il  s'attendait  bien  à  ce  que  la  fui  n'y 
fit  rien  du  tout. 

Quelques  instants  après ,  Amélie  obtenait 
pour  sa  sœur,  dont  notre  ami  avait  vu  l'extrême 
fatigue,  l'entrée  d'une  des  piscines,  cl  y  plon- 
geait la  pauvre  Irma  tout  entière.  La  malade 
était  depuis  quelques  minutes  dans  les  eaux 
salutaires,  quand  elle  cria  :  «  Amélie  1  donno 
«  moi  mes  habits  je  sens  mes  forces  revenir  !  » 
Amélie,  tremblante  d'émotion,  resta  interdite 
dans  une  sorte  de  stupeur  et  de  d('f;iillcaice. 
Quand  elle  revint  à  elle,  Irma  était  tout  ha- 
billée, entrait  dans  la  grotte,  en  fai?ait  le  tour, 
et  déposait  sur  le  marchepied  de  l'autel  sa  bé- 
quille désormais  inutile. 

{A  suivre.) 


CHRONIQUE   HEBDOMADAIRE 

La  santé  de  Pie  IX  et  le  Lnncet.  —  Régime  de  vie  du 
Pape.  —  Réception  des  jeunes  prêtres  allemands 
ayant  fait  leur  éducation  &  Rome.  —  Vlmperalort 
detta  Dottrma.—  La  Bibliothèque  Vicior-Eimnanuel.  — 
Extrait  du  testament  du  cardinal  Mathieu.  —  Cou- 
fonnement  de   Notre-Dame   des  Miracles.  —  Cinq 

fuérisons  miraculeuses  à  Lourdes.  —  Lettre  d'étu- 
iants  caltioliuues  au  Pape  et  réponse  de  Sa  Sain- 
teté. —  Sept  licenciés  es  lettres  ecclésiastiques.  — 
Vicioire  des  élèves  des  Frères  au  concours  pour 
l'Ecole  des  arts  et  métiers,  de  Moulins.  —  Congré- 

fanistes  et  Ligue  de  l'enseignement,  a  Aljçer,  pour  le 
revêt  de  capacité;  écliec  complet  de  la  Ligue.  — 
Les  Frères  e:i  Belgique.  —  Mort  de  M.  Adulphe  De- 
champs,  —  Projet  d'un  sanctuaire  national  belge  au 
Sacré-Cœur.  —  Un  prêtre  à  l'amende  pour  avoir 
marié  un  mourant  non  marié  civilement.  —  Agisse- 
ments de  la  maçonnerie.  —  Le  Jubilé  in  Russie.  — 
Prochaine  ouverture  d'un  collège  catholique  à  Bey- 
routh. —  Reconnaissauce  olDcielle  du  délégué  apos- 
tolique par  le  schah. 

28  juillet  1875. 

Rome.  —  La  santé  du  Saint  Père  est  si  cons- 
tamment excellente,  quenous  ne  croyons  jamais 
pécessaire  d'en  parler.  Si  nous  commençons  au- 
jourd'hui notre  chronique  par  ce  sujet,  c'est 
pour  signaler  l'étonnement  que  cette  santé  si 
précieuse  excite  jusque  chez  les  médecins  pro- 
testants eux-mêmes.  Voici,  en  efiet,  ce  qu'on  lit 
dans  le  numéro  du  20  juillet  du  Lancet,  le  grand 
journal  médical  de  Londres  : 

€  Sans  vouloir  attribuer  la  force  physique  et 


morale  du  Pape  à  un  miracle,  il  faut  néanmoins 
constater  ce  phénomène.  Ainsi,  le  5  de  ce  mois, 
Pie  IX,  après  avoir  tenu  un  consistoire  très-fati- 
gunt,  a  accordé  trente  audiences  particulières  sans 
eu  éprouver  la  moindre  fatigue.  » 

Après  cette  constation,  le  Lancet  entre  dans 
quelques  détails  sur  le  régime  que  suit  le  Saint 
Père  et  que  nous  transcrivons  avec  l'assurance 
qu'ils  intéj-esseront  nos  lecteurs. 

«  Les  médecins,  ajoute  donc  le  Lancet,  lui 
ont  prescrit  des  bains  sulfureux.  A  cet  effet,  on 
fait  venir  chaque  jour  de  l'eau  sulfureuse  des 
thermes  de  Civita  Veochia.  On  a  construit  au  Va- 
tican une  salle  île  bain,  oi'i  le  Pape  peut  se  ren- 
dre directement  de  son  appartement  privé,  en 
descendant  seulement  quelques  marclies.  Après 
le  bain,  Pit*^lX  prend  un  bouillon  de  poulet,  et 
un  verre  de  j'ohaunisberg,  provenant  de  la  cave 
particulière  du  prince  de  Metternich,  ou  un 
verre  de  romanée-comti.  C'est  de  cette  manière 
que  l'auguste  vieillard  peut  supporter  les  grandes 
chaleurs.  11  marche  très-souvent  sans  canne  et 
n'a  ressenti,  cesderniers  temps,  aucune  incom- 
modité. » 

Nous  voulons  bien  aussi  ne  pas  dire  que  la 
force  physique  et  morale  de  Pie  IX  est  miracu- 
leuse, mais  nous  croyons  qu'elle  est  providen- 
tielle. Dieu  la  lui  donne,  évidemment,  pour  faire 
face  aux  grandes  diflicidtés  contre  lesquel'es  il  a 
à  lutter  et  pour  soutenir  tous  ceux  qui  lui  prè- 
t»^nt  leur  concours.  Encore  le  jour  de  la  fête  de 
Notre-Dame  du  Carmel,  ceux  des  élèves  du  col- 
lège, germanique  qui  ont  achevé  leurs  études 
de  philosophie  et  de  théologie,  sont  venus  à  ses 
pieds  solliciter  une  dernière  bénédiction,  avant 
d'aller  affronter  les  périls  de  la  lutte  civilisatrice. 
Ils  avaient  certainement  besoin  d'être  encoura- 
gés contre  la  lassitude  et  contre  les  déboires  qui 
ne  manqueront  pas  de  les  atteindre.  Ces  encou- 
ragements, Pie  IX  les  leur  a  donnés,  en  leur 
faisant  l'application  de  ces  paroles  du  divin 
Maître  à  ses  apôtres  :  Je  vous  envoie  comme  des 
agneaux  au  milieu  des  loups,  en  leur  recomman- 
dant d'être  s'mples  comme  des  colombes  et  prudents 
comme  des  seypents,  etsurtouten  les  exhortant  à 
mettre  toute  leur  confiance  en  Celui  qui  a  vaincu 
le  monde. 

Le  Pape  a  aussi  reçu,  ces  temps  derniers, 
Vimperatore delta  Dottrina deVaimée.  Ou  nomme 
ainsi  l'enfant  qui  répond  le  mieux  au  concours 
général  des  catéchismes,  qui  se  fait  tous  les  ans. 
Après  avoir  été  proclamé  empereur,  on  conduit 
l'heureux  vainqueur  en  voiture  de  gala  à  son 
église  paroissiale,  oil  il  entonne  le  Te  Deum  et 
reçoit  la  couronne  de  laurier.  Puis  il  se  rend  chez 
le  Pape  ainsi  que  chez  quelques  cardinaux,  qui 
le  comblent  d'éloges  et  de  petits  présents.  Cette 
année,  le  triomphateur  était  un  élève  des  Frères, 
de  la  paroisse  Saint- Augustin. 


1264 


LA  SEMAINE  Dl  CLERGE 


On  sait  que  les  envahisseurs  de  Rome,  par 
suite  des  liquidations  de  couveuts  qu'ils  ont  opé- 
rées, se  trouvent  en  possession  de  nombreuses 
bibliothèques.  Sur  un  rapport  du  ministre  de 
l'instruction  publique,  le  roi  Victor-Emmanuel  a 
décrété  qu'on  réunirait  toute?  ces  bibliothèques 
dans  l'édifice  du  Collège  romain,  aussi  liquidé,  et 
qu'on  en  formerait  une  bibliothèque  unique,  qui 
porterait  le  nom  deVietor-Emmannel  Uii-mème. 
Il  s'est  trouvé  des  personnes  pour  dire  qu'on  n'a 
jamais  donné  jusqu'ici  son  nom  à  une  biblio- 
tlièque  qu'on  n'avait  pas  soi-même  fon  lée.  Eh 
bien,  Victor-Emmanuel  n'a-t-il  pas  fondé  la 
bibliothèque  à  laquelle  il  donne  son  nom,  avec 
les  livres  des  moines?  La  totalité  de  ces  livres 
s'élève,  pour  le  moment,  à  700,000.  Lcr*^iportdu 
ministre  dit  que  les  bois  des  biljliuthè<.i\ies  liqui- 
dées sont  très-bons,  et  qu'on  pourra  s'en  servir. 
Ainsi,  point  de  dépenses  pour  l'Etat.  Sans  doute 
que,  s'il  eût  fallu  acheter  des  planchespour  faire 
des  rayons,  on  aurait  plutôt  laissé  pourrir  les 
livres  dans  le  lieu  où  on  les  a  entassés  à  tombe- 
reaux. Mais  ou  pourra  réaliser  encore  ici  un  boni, 
en  vendant  lesdnpHcata.  Le  boni  sera  même  joli. 
Quand  tout  sera  achevé,  que  le  boni  sera  en  poche 
et  que  ce  qui  restera  des  livres  des  moines  sera 
replacé,  dans  les  armoires  des  moines,  on  fera 
peindra  sur  la  façade  du  Collège  romain  :  Biblio- 
thèque VicTOR-Eiui.'VXLEL.  Etde  par  les  libéraux, 
il  sera  défendu  de  rire.  —  Hélas!  si  l'envie  nous 
en  vient  un  moment,  elle  est  bientôt  passée. 

France.  —  L'Union  franc-comtoise  publie  un 
extrait  si  édifiant  du  testament  de  S.  E.  Mgr 
le  Cardinal  .Matthieu,  archevêque  de  Besançon, 
que  nous  croyons  devoir  le  reproduire  ci-a()rès. 

«  Je  tais  profession  de  la  foi  de  la  sainte  Eglise 
catholique,  apostolitjue  et  romaine,  ma  mère,  et 
d'une  entière  et  fidèle  soumission  au  Souverain 
F'ontife. 

«  Je  demande  instamment  au  Seigneur  de 
mourir  dans  son  saint  aii:our  et  avec  les  sacre- 
ments de  l'Eglise,  qui'j'ai  procurés;!  mes  parents, 
amis  et  <liocesaiiis  autant  que  je  l'ai  pu. 

«  Je  remercie  L>eiu  de  toutes  les  «races  qu'il 
m'a  faites  pendant  ma  vie,  et  notamment  de 
celle  i](\  ma  [iremiéie  communion,  qui  en  a 
éterminé  luie  loule  d'autres. 

«  Je  lui  demajide  pardon  de  toutes  les  fautes 
que,  j'ai  commises  pendant  mou  long  épiscopat, 
et  je  demantle  aussi  pardou  à  tous  ceux  que  j'ai 
pu  coutrisler  et  otleuscr. 

8  Je  [iroleste  que  je  ne  conserve  rien  sur  le 
cœur  de  tuutes  les  injures  qu'on  a  pu  me  faire, 
et  que  je  les  pardonne  cordialement. 

«Je  déclai'e,  pour  prévenir  toute  mauvaise 
édification, que,  si  je  ne  fais  ni  foudation  ni  dona- 
tion dans  mon  liiocése,  c'est  que  je  ne  peux  pas, 
ayeuit  donné  île  mou  vivant  eu  œuvres  et  eo 


aumônes  tout  ce  que  je  pouvais  et  au-delà  de  c« 
que  je  pouvais,  de  sorte  que  j'espère  ne  rien 
laisser  à  ma  famille  de  ce  qui  m'est  venu  de  mes 
charges  ecclésiastiques. 

«  Fait  à  Besancon,  en  présence  de  la  mort  qui 
peut  m'atteindre  à  chaque  instant,  le  4  août  1866, 
—  +  Césaire  Mathieu  ,  cardinal  archevêque  de 
Besançon.  » 

Un  codicille  déclare  que  S.  Em.  a  envoyé  nu 
Pape  son  adhésion  aux  d'Hinitions  du  concile  du 
Vatican,  dès  le  o  août  1870. 

Notre-Dame  des  Miracles,  après  tant  d'autres, 
a  été  aussi  couronnée  solennellement,  le  18  j  uil- 
let,  au  nom  du  Souverain  Pontife,  par  Son  Em, 
le  cardinal  Piégnier,  archevêque  de  Cambrai, 
Comme  dans  toutes  les  fêtes  analogues,  l'em- 
pressement des.  foules  a  été,  non-seulement 
admirable,  mais  il  a  dépassé  l'attente.  La  pro- 
cession a  été  splendide.  De  nombreux  groupes 
de  jeunes  filles  et  de  jeunes  gens  représentaient 
symboliquement  les  mystères  du  Rosaire  et  les 
faits  les  plus  remarquables  qui  se  rattachent  à 
l'histoire  de  Notre-Dame  des  Miracles.  Une  re- 
traite préparatoire  avait  été  prêchée  par  Mgr 
Mermillod.  Quatre  prélats,  trois  évèques,  ua 
archevêque  et  le  cardinal  de  Cambrai  rehaus- 
saient, de  leur  présence,  celte  émouvante  solen- 
nité, dont  Saint-Omer  ne  perdra  jamais  le  sou- 
venir. 

C'est  aussi  du  nom  de  Notre-Dame  des  Mira- 
cles qu'il  faudrait  appeler  Notre-Dame  de 
Lourdes,  si  elle-même  n'avait  pris  celui  d'Im- 
maculée Conception.  L'Avra7ichinra.pimrle  qu'au 
seul  pèlerinage  du  diocèse  de  Coutances  à  la 
Viergtî  des  Pyrénées,  il  ne  s'est  pas  accompli 
moins  de  cinq  guérisons  miraculeuses,  qu'il 
énumère  de  la  manière  suivante  :  «  i"  Mlle  La- 
forge,  de  Coutances,  qui  avait  une  extinction 
de  voix  presque  complète,  depuis  trois  ans,  a 
recouvré  l'usage  parfait  de  la  parole  ;  2°  une 
femme  Vautier,de  Cherbourg,  imfiotente  depuis 
onze  ans,  est  sortin  de  la  grotte,  marchant  sans 
nulle  dillicullé-,  3"  Mlle  Rosalie  Ledos,  de  Ville- 
dieu,  infirme  depuis  de  lon^çues  années,  après 
deux  bams  dans  la  piscine,  a  vu  disiiaraitre 
complètement  loutcsst  s  infirmités -,4°  une  jeune 
fille,  d'une  "iugtaiue  d'années,  Mlle  Célestine 
Lemargnieii  tie  Condé-sur-Vire,  qui,  à  la  suite 
d'une  fracture  de  la  jambe,  lors  de  sa  première 
communion,  ne  pouvait  marcher  depuis  cette 
époque  qu'avec  une  béquille,  et  qui  s'en  reve- 
nait désolée  de  n'avoir  pas  obtenu  sa  guérison, 
taudis  qu'elle  continuait  ses  prières  en  union 
avec  tous  sescompaguonsdevoy(ige,.s'esl  sentie 
subitement  guérie  en  arrivant  à  Tours,  et.  ayant 
laissé  sa  béquille,  a  parcouru  tout  le  train,  exci- 
tant l'enthousiasme  et  l'admiration  de  tous  les 
pèlerins^  5°  uncjcuue  fille  de  Poitiers, qui  avait- 
la  main  paralysée,  et  coolraclée,  et  le  bras  cou- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1205 


Vert  d'nlcpres,  on  h  recinuTÔ.  soudain,  l'iiça^p, 
et  a  vu  ses  plaies  cicatrisées,  apiès  une  immer- 
sion dans  la  pisci-^n.  » 

11  y  il  dé,ù  des  élèves  tout  p'-èis  pour  les  uni- 
ver^/itùs  cntlioliqucs,  dôs  qu'elles  vont  ouvrir 
leurs  poilcs.  Au  premier  ranp.  se  placent  les 
eoiigréganistes  de  la  Sainte-Vierj^^e  du  colléne 
des  PP.  Jésuites  de  Vaiigirard.  Ces  j^■unt■s  Rf-hs 
oui  écrit  au  Saint  Fèie  une  l«ttre  toute  renqdie 
(l'S  seiitimculs  les  [dus  sour.iis  et  les  piiis  dé- 
voués. ((  Nous  véuérous,  nous  chérissons  en 
vous,  très-saint  i'ère,  lui  disent-ils,  la  pli'ui- 
tude  de  ce  pouvoir  apostolique  institué  par 
jÉsus-CnRiST  po':r  sau\er  le  monde;  vous  êtes 
uotre  vérité,  notre  rè,y;lc  et  notre  uiaitre  ;  nous 
ne  voulons  tenir  que  de  vous  le  chemin  à 
suivre,  la  route  <à  parrourir...  Nous  metti'ons 
notre  gloire  à  penser,  à  dire,  à  faire  comme 
vous...  Si  jamais  vous  laites  appel  au  sang  e.i- 
tbolique  pour  vous  détendre,  nous  retenons 
notre  jtlace  auprès  de  vous.  Quand  Jc'est  pour 
votre  autorité,  la  mort  est  un  don  de  Dieu...  » 
Le  Pai>e  leur  a  répondu  qu'il  était  très-louché 
de  ce  qu'ils  lui  avaient  écrit,  qu'il  approuvait 
entièrement  leurs  principes  et  qu'il  les  euya- 
geail  à  écouter  toujours  les  leço-js  de  leurs 
makres.  Voici  la  ]iensée  principale  de  ce  iirel': 
«  Assurément,  dit  le  l'aiie,  le  t^hrisl  a  abisi  liàli 
son  Eglise  sur  Pierre,  pour  qu'il  i'ùt  jns<iu'à  la 
fin  du  monde  le  centre,  la  règle  et  la  tête  de 
toute  la  famille  chrétienne,  et  que  celui-là  dis- 
persât qui  ne  recueillerait  pas  avec  lui.  »  Cette 
parole  en  ellet  dit  toui  ;  elle  riisume  et  coiiliruie 
h;  SyliitOus,  et  conipii;ud  les  devoirs  de  la  vie 
civile  aussi  bien  ijue  «eux  de  la  vie  religieuse. 
Elle  sera  la  devise  des  universités  catholiques, 
et  c'est  à  cause  de  cela  queccs  universités  seront 
notre  salut. 

En  attendant  leur  ouverture,  le  clergé  ne  fait 
pas  mauvaise  figuie  devant  les  examinateurs  île 
l'état.  La  semaine  cathuU'iw  nous  apprend  (ji/a 
la  session  d'exaaien  de  la  licence  es  leltrcf,  qui 
a  eu  lieu  la  seraaiiif  derinère,  lo«  six  candiilals 
présentés  par  l'eccde  eccli'siastique  de.*"  Hautes- 
Etudes  de  Lyon  ont  tons  éle  reçus.  Un  septième 
c.tudidat  ecch  siastupie,  professeur  à  l'uisiilution 
d'duUins,  a  été  aussi  iei;u.  Lib  laïques  n'ont  pu 
faire  admettre  qiu:  six  candidats. 

1^  retour  des  concours  va  aussi  ramener  les 
vieioires  des  congri'ganistes.  La  première  «[ue 
nous  avons  à  enregistrer  a  été  remportée  à 
Uloulins,  au  concour>  pour  l'admission  à  l'école 
des  .^rts  et'Métiers.  Sur  neuf  candidats  dècl.iiés 
admissibles,  les  deux  premiers  appartiennent  à 
l'école  dirigée  par  les  Frères  Maristes,  de  Saint- 
!'our(;ain,  et  les  deux  suivants,  troisième  et  ([ua- 
trième,  à  l'école  «le  SaiulGilles,  de  Moulins, 
dirigée  par  les  Frères  des  écoles  chrélienncs. 
L'n  ancien  condisciide  de  ces  derniers,  M.  Henri 


Cliaverbert,  est  sorti  de  l'école  des  Arts  et  Métiers 
avec  les  galons  de  f"  sergent,  la  médaille  d'ar- 
gent el  la  prime  de  500  francs. 

Algérie. —  Voici  qui  <st  plus  concluant  enrnrci 
i]!ie  tout  ce  que  nous  avmis  rapporté  jusqu'ici, 
rilativemeut  à  l'enseigmiment  congréganiste  et 
kiique. 

On  lit  dans  VAkIthar  du  19  juillet  : 

«  Des  e-samens  viennent  d'avoir  lieu  à  Alger, 
devant  le  conseil  acadi'mique.  |)Oiir  l'oblei  ii.in 
du  brevet  de  capacité  exigé  iioar  les  instituteurs 
et  institutrices.  Tous  les  di[ilônies  délivr^-s  l'ont 
été  aux  éhH'es  iortant  des  écoles  congréganistes 
on  d(^  réco'(.   normale. 

«  A  ucun  dca  ciinrliiinU  présentés  par  la  Ligue 
de  C Enseignement  iiaé'é  admis. 

«  (ferles,  le  résultat  vaut  la  peine  d'être 
sigi&lé;  et  il  en  ressort  inie  conclusion  sur 
laquelle  il  n'est  pas  inutile  d'appeler  l'attenlinn. 

«  C'est  la  coQ<iamnatiou  sans  a[ipel  du  grntuit, 
(tlligaloire  et  laïque,  et  de  tout  un  système  d'ins- 
truction que  la  loi  nouvellement  volée  sur 
l'enseignement  supérieur  vient  de  réduire  à 
néant.  » 

Oni,  les  libres-penseurs  peuvent  fonder  autant 
d'univi  isiv  s  qu'il  leur  plaira,  lescallioliqu(!S  ne 
les  craignent  pas  sur  le  terrain  de  la  science. 

Belgique.  —  Ce  n'est  pas  en  France  seulement 

que  les  congrégani^tes  rèpondi-nt  victoriense- 
nient  par  les  plus  brillants  siucès  auxcalomidcs 
ilont  ils  srtnt  l'objet  de  la  part  de  leurs  adver- 
Sviires.  Voici  eiu'ore  ce  que  nous  lisons  dans  V Ami 
dr  iOntre,  de  iNaraur  : 

«  Il  y  a  quelque  temps,  un  chroniqueur  de 
VO/fire  de  jiuliti'ité  représentait  la  viUc  de  Binche 
comme  un  repaire  d'ignorance,  parce  que  1  ins- 
truction des  garçons  y  était  cnnrée  aux  Frères 
les  écoles  chrétieiuies,  et  cclli' des  liili-s  à  des 
religieuses.  Or,  les  Frères  vu  ii;  en' «l'opposer, 
comcn;  d'Iiabituile,  à  ces  iuepies  .-.ttaqurs,  le 
plus  péit'Ui[itoire  des  démentis,  celui  deschitlres 
et  des  fait; 

«  Un  ci-i'icours  a  eu  lieu  entre  les  dix-huit 
écolns  piimaires  du  canton.  Voici  quel  en  a  été 
le  résultat  : 

ï  PuEMiKii  Prix  (excellence)  :  F.  Van  Oen 
Derghe,  de  l'école  de  Bincfie,  l.'il  (joints. 

«  ItEUMÈME  Prix  :  J.  Uievens,  de  l'école  de 
Dimhe,  lii  points. 

«  Troisième  Prix  :  R.  Graux,  de  l'école  de 
Dincitc\  il"  points. 

«  Ul'atriéme  Prix  :  R.  Delsame,  de  Fécole  de 
Binche,  il 4  poiuts. 

Linstruetion  en  Belgique  vient  de  perdre  un 
de  ses  plus  vaiûanls  Yliampions,  dans  la  per- 
sonne de  M.  Ad(j>;niie  Dech.^mps,  lière  du  cardi- 
nal de   Maiiues.  ÎM.  A.  IVccliamps  avait  d'abcrd 


I2fl9 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


appartenu  au  pnrtî  catholique  libéral;  mais 
l'espérience,  lui  ayjiil  appris  que  les  principes 
de  ce  parti  ue  peuvent  qu'aboutir  à  mal,  il  y 
avait  francbemeut  et  sincèrement  renoncé,  La 
Semaine  reliyieuse  de  Tournai  lui  consacre  un 
trcsbel  article,  dont  nous  extrayons  les  lignes 
suivantes  :  «  Orateur,  publiciste,  homme  d'Etat, 
dit-elle,  M.  Dechamps  a  mérité  les  auréoles  les 
plus  enviées  de  la  gloire  humaine;  mais  il  s'est 
surtout  attaché  à  être  un  homme  de  bonnes 
œuvres,  un  défenseur  dévoué  de  l'Eglise,  et,  ce 
qui  vaut  mieux  encore,  son  humble  et  docile 
enfant.  Le  dernier  acte  de  sa  vie  publique  a  été 
un  charmant  di-couis  qu'il  prononça  au  cercle 
calholique  de  Charleroi,  et  où  il  montra  le  fond 
de  sa  belle  âme  et  toute  l'énergie  de  ses  convic- 
tions catholiques.  Avec  les  grâces  ex  luises  de 
son  talent  oratoire,  il  parla  à  ses  auditeurs  di. 
Syllabiis,  du  concile  du  Vatican  et  de  ce  qu'il 
appelaitles  prévisionsde  :a  Providence,  et  il  leur 
raconta  comment  étaient  parties  ses  dernières 
illusions  libérales.  Un  témoin  très-compétent 
nous  disait  que  c'était  la  plus  belle  page  d'his- 
toire ecclésiastique  qu'il  eût  jamais  lue  ou 
entendue.  »  M.  Uechamps  n'est  pasregretté  seu- 
lement de  ses  amis,  maisraèmesdesesadversaires, 
qui  rendent  hommage  à  son  caractère. 

Comme  hi  France,  la  Belgique  veut  aussi  élever, 
au  Sacré-Cœur,  un  sanctuaire  national.  C'est 
S.  Em.  le  cardinal  Dechamps  qui  a  pris  l'initia- 
tive de  cette  entreprise.  Ce  sanctuaire  sera  bâti, 
avec  le  produit  des  oUVandes  de  tous  les  c;itlioii- 
ques  belges,  près  du  monast:  re  des  Filles  du 
Cœur  de  Jésus,  à  Berchem- lez- Anvers. 

Les  Belges  n'ont  pas  moins  besoin  que  nous, 
hélas!  de  se  mettre  sous  la  [iroteclion  spéciale  de 
ce  Cœur  qui  doit  donner  le  salut  au  monde,  car 
ils  n'ont  pas  moins  besoin  que  nous  d'échapper 
à  la  (tévolutiou.  Cetteennemie  déclarée  du  catholi- 
cisme et  de  la  civilisation  a  taussé  leurs  lois 
comme  les  nôtres.  Entre  autres  caïU-aux  qu'elle 
leur  a  faits,  elle  leur  a  aussi  imposa,  !e  mariage 
civil  oblij;atoire  avant  le  mariage  religieux.  Et 
parce  qu'un  vicaire  de  la  par'jisse  de  Saint- 
Servais.  à  Seliaerl)eek,n'a  ]iu  respecter  cette  loi, 
l'imminence  de  la  mort  de  l'époux  l'obligeant  à 
procéder  sans  délai  au  mariage  religieux,  il  a  été 
condamné  par  le  tribunal  correctiouuel  do 
Bruxilles,  à  30  fr   d'amende. 

L'un  des  priiuipriiix  bras  <lu  monstre  révolu- 
tionnaire, la  Mai;onnerie,  s  agite  d'ailleurs  avec 
un  redouhleiniTit  d'activité  1  II  résulte  d'un 
document  secret,  mais  dont  im  exemplaire  a  été 
ternis  au  t'ourrier  de  iJrusellcs,  qui  l'a  publié 
dans  son  iiuiuéio  du  10  juillet,  que  les  loges 
belges  sont  récemment  entrées  en  relations  avec 
les  loges  allemandes,  et  nommément  avec  les 
auteurs  de  la  Lutte  civi'isalrice.  Cu  documeiil 
est  en  soi  peu  de  chose  :  c'est  le  simi)le  prosp 


lus  du  Bulletin  du  Gr  *,  Or  *^  de  Belgique,  con' 
tenant  une  table  des  matières  des  deux  année^ 
déjà  parues.  Cependant  il  suffit  à  révéler  le  genre 
de  travaux  auxquels  se  livrent  les  francs-macons 
belges  dans  leurs  réunions,  et  ces  travaux  lont 
soupçonner  les  machinations  les  pluii  menawuites. 
Les  maçons,  à  qui  ce  simple  prospectus  était 
remis,  étaient  instamment  priés  de  ne  le  com- 
muniquer à  nulle  personne  du  «  monde  prof.*,,  » 
preuve  que  la  maçonnerie  agit  avec  franchise  et 
ue  craint  pas  le  grand  jour. 

Russie.  —  On  se  souvient  que  le  ^onver- 
nemeiit  a  interdit  la  célébration  du  Jubilé  dans 
tout  l'empire.  Nous  disions  alors  que  les  ukases 
moscovites  n'auraient  pas  raison  des  grâces  du 
Saint-Espri'..  Vcici  qu'en  effet  le  Pape  vient  de 
prescrire  aux  catholiques  russes  des  pratiques 
qui,  moins  formelles  que  les  pratiques  ordonnées 
partout  ailleur-,  leur  assureront  néanmoins  le 
bénéfice  de  l'absolution  jubilaire. 

Syrie.  —  L'archevêque  de  Beyrouth,  Mgr 
Debs,  est  en  ce  moment  en  France.  11  était  der- 
nièrement à  Rome,  mais  il  n'a  pas  voulu  retour- 
ner dans  sa  lointaine  mission  sans  aller  faire  ses 
dévotions  à  la  Grotte  de  Notre-Dame  de  Lourdes. 
A  Rome,  Mgr  Dcbs  a  naturellement  été  reçu  par 
le  Saint  Père,  à  qui  il  a  fait  part  de  la  situation 
des  maronites,  dont  il  a  rappelé  le  ferme  atta- 
chement à  la  foi  catholique.  Grâce  aux  secours 
du  Saint  l'ère  et  de  la  Propagande  ;  grâce  au 
dévouement  de  l'archevêque,  admirablement 
secondé  par  plusieurs  évèques  et  le  peuple  ma- 
ronite, un  collège  est  eu  construction,  et  sera 
prêt  à  recevoir  un  grand  nomlire  d'élèves  au 
mois  d'octobre.  Ou  s'occupe 
taller  une  typographie. 


également  d'ins- 


Peuse.  —  Le  schah  manifeste  les  meilleures 
dispositions  en  faveur  du  progrès  de  la  religion 
catholique  dans  so.'i  royaume.  11  a  fait  le  ]ilns 
bienveillant  accueil  â  Mgr  Cluzel,  archevêque 
d'Héiaclée,  délégué  du  Saint-Siège,  cliaigé  par 
le  Pape  du  lui  présenter  eu  son  nom  quelques 
présents.  11  lui  a  dit  qu'il  était  animé  des  sen- 
timents de  la  plus  prolonde  vénération  pour  le 
Souverain  Pontife.  Et,  sur  la  demande  de  Mgr 
Clusel,  Sa  Majesté  lui  a  accordé  un  décret  par 
leiiuel  il  est  reconnu  ofllciellement  comme  dé- 
légué apostolique. 

P.  d'IIaoteiuve. 


Tome  IV.  —  N*  42.  —  Troisième  année. 


11  août  187S. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÈME  HOMILÉTIQUE  SUR  L'ÉVANGILE 

DU   XII1°   DUIAN'CIIE   APRÈS  LA  PENTKCOTE. 
(Luc.  xilt,  U-19.) 

}.  En  ce  iPiiips-là,  il  arriva  que  Jésus,  pour 
aller  à  Jfiru'/item,  passait  à  travers  la  Samarie  et 
la  Galilée.  C'est  à  Jérusalem  qu'il  doit  mourir; 
Jésus  le  sait:  néanmoins  il  n'abandonna  pas  cette 
ville  ingrate;  il  s'y  rend  sanshésitatio-n,  chaque 
fois  qu'il  le  faut  pour  observer  la  loi  qu'il  n'est 
pas  venu  détruire,  mais  compléter;  servant 
ainsi  d'exemple  au  chrétien  qu'aucune  considé- 
ration ne  doit  arrêter  quand  il  s'agit  de  remplir 
un  devoir. 

Comme  il  entrait  dans  un  vill"f}e.  dix  lépreux 
vinrent  au  devint  de  lui.  Ces  inturtuiics,  que  la 
loi  séparait  du  commerce  des  hommes,  s'étaient 
sans  doute  réunis  pour  échapper  au  supplice  de 
l'isolement.  Ne  somblc-t-il  pas  que  l'on  sonfTre 
moins;  quand  on  est  plusieurs  à  souffrir?  Les 
lépreux  apprennent  q>ie  Jésus  va  passer  et  ils 
accourent  :  il  faut  toujours  profiter  du  passasse 
de  Jésus.  Jésus  d'ailleurs  savait  qu'ils  devaient 
venir,  et  il  était  venu  pour  les  rencontrer.  Dieu 
prévient  les  pécheurs,  el  quand  sa  grâce  ne  va 
pas  les  cherclier,  elle  les  attire;  ils  se  tinrent  éloi- 
gnes pour  obéir  à  la  loi  et  par  respect  pour  Jésus- 
Chrisl.  C'est  le  premier  etlet  de  la  giàce  d'inspi- 
rer au  pécheur  la  honte  de  son  état.  Et  ils  élevè- 
rent la  voix  disant:  Jésus,  notre  mai're,a>/ez  pitié 
de  nous.  Ils  élèvent  la  voix  parce  qu'ils  sont  éloi- 
gnés ;  ils  seront  entendus. car  le  Seigneur  est  pro- 
che de  tous  cexix  qui  l invoquait  dans  la  vérité {l). 
Procul  steterunt  luco,  scd  facti  sunt  prosimi 
dcfirecando  (2).  Exilés  sur  la  terre,  nous  sommes 
bien  loin  de  Dieu,  mais  crions  vers  lui  eiiluous 
entendra.  Ce  qui  surtout  nous  éloiprne  de 
Dieu,  c'est  la  lèpre  du  péché;  élevons  (l'autant 
plus  la  voix  qu(^  uous  sommes  plus  éloignés; 
appelons  Jésus  à  notre  aide,  elle  nom  seul  du 
Sauveur  prononcé  avec  foi  nous  apportera  le 
salut.  A  une  condition  ni^anmoins  :  c'est  que, 
comme  les  U'preux,  dans  Jésus  nous  reconuai- 
Irons  notre  maître,  prœceptor,  notre  Uieu,  et 
que  nous  serons  décidés  à  lui  obéir  désormais. 
Dicuntnomen  Jesu,  et  lucrifaciunt  rem  :  num  Jésus 
interpretotur  salvator...  Nec  simpliciter  obsecrant 
eum,  nec  rogant  eum  ut  morlatem:  vocant  enim 
prwceptorem,  id  est  Dominum;  quo  pêne  videnlur 
hune  opinari  Deani  (3). 

J.    !>!.  CXLV. 

2.  Theoph.,  in  Calm.  aur. 

î.  Cuten.  uiâr. 


Ayei  pitié  de  nous.  Le  même  malheur  les 
avait  réunis  ;  le  même  désir  met  sur  leurs  lèvres 
la  même  prière.  Ils  prient  tous  ensemble,  ils 
prient  les  uns  pour  les  autres.  C'est  la  prière 
en  commun  que  Jésus-Christ  a  tant  recomman- 
dée, iille  va  eue  exauce,  comme  elle  le  sera 
toujours. 

II.  Dès  qu'il  les  eut  aperçus  .'allez,  dit  il,  mon- 
trez-vous aux  p>âti  es;  et  en  y  allant,  ils  furent 
guéris.  U'apiès  la  loi  de  Moie.  les  prèlres  de- 
vaient constater  la  L'uérisoM.  Les  lé(ueux  ne 
sont  ]i,is  u'uéris;  mais  Jésus  à  parlé,  c'est  assez 
pour  leur  foi,  et  leur  foi  fut  récompensée.  .Mon- 
trez-vous aux  prêtres.  Voilà  la  parole  qui  sauve 
quiconque  y  obéit.  Les  prêtres  de  la  loi  nouvelle 
ne  constatent  pas  seulement  la  guéri>on,  ils 
l'opèrent  [lar  la  vertu  du  .sacrement  de  péni- 
tence, allons  donc  nous  montrer  à  eux,  ne  crai- 
gnons pas  de  leur  dévoiler  toutes  nos  plaies; 
ils  ont  la  missimi  do  ne  les  voir  que  pour  les 
guérir;  et  (|iiand  nous  sommes  venus  aux  prê- 
tres dans  la  simplicité  et  la  vérité,  quand  nous 
ne  posons  pas  d'obstacle  à  1  exen-i'  e  de  leur 
puissance,  uous  avons  la  douce  certitude,  en 
nous  relevant  de  leurs  pieds,  d'être  absolument 
guéris. 

L'un  d'eux,  aussitôt  qu'il  se  vit  guéri,  retourna 
sur  ses  pas,  louant  Dieu  à  haute  voix,  et  il  se  pros- 
tcxia  le  visage  contre  terre  aux  pieds  de  Jésus,  et 
il  lui  rendit  grâces  ;  et  c'était  un  Samaritain.  Pé- 
v'hcurs,  i|ue  la  pénitence  a  purifii'S,  voilà  votre 
m'idèle  :  louez  Dieu  des  grâces  que  vous  avez 
ri-'çues;  mais  louez-le  à  haute  voix.  Pour  exalter 
^,;  ni'séiicorde  aimez  à  redire  les  grandes  et 
<lonces  choses  iju'd  a  faites  en  vous,  les  justi'S 
gloiitienut  Dieu,  et  le~  pécheurs  voudront  vous 
imiter.  Ne  rougissez  pas  de  ttîmoigurr  votre 
n.'connaissance  par  des  signes  extérieurs,  le  corps 
a  souvent  été  le  com[)lice  de  vos  fautes,  il  e>t 
juste  qu'il  prenne  part  à  votre  repentir,  comme 
à  votre  pénitence,  aimez  surtout  à  vous  pros- 
terner devant  Jésus  résidant  dans  le  tabernacle, 
et  ne  lui  marchandez  pas  les  hommages  auxquels 
il  a  droit.  C'est  lui  qui  vous  a  guéris  et  il  est  votre 
Dieu.  Jésus  dit  alors:  tst-cc  que  tous  lis  dix  n'ont 
pas  été  guéris?  Où  sont  donc  les  neuf  autres?  Aucun 
n'est  revenu  pour  rendre  gloire  à  Dieu,  sinon  cet 
étranger.  Jésus  savait  bien  où  étaient  ces  ingrats, 
et  il  ne  devait  pas  être  surpris  de  leur  conduite. 
Dieu  n'est-il  pas  depuis  longtemps  habitué  à 
l'ingratitude  des  hommes?  Mais  il  a  voulu,  par 
ces  paroles,  nous  montrer  combien  ce  vice  est 


1272 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


pénible  à  son  cœur.  Hcbis  !  que  de  fois  nous  avons 
forcé  notre  Dieu  .tcnirlc  même  larifiage?  La  grâce 
nous  avait  visités  ;  la  lèpre  du  jicclic  avait  disparu. 
C'étaitau  temps  de  Pâques,  pendant  une  mission, 
pendant  un  jubilé  ;  et  nous  ne  sommes  pas  reve- 
nus témoigner  notre  reconnaissance.  Dieu  ne 
nous  a  pas  vus  plus  emnressés  autour  des  saints 
autels;  nous  avons  continué  à  mener  une  vie 
toute  terrestre;  peut-être  même  sommes-nous 
promptement  retombés  ilans  le  péché  et  ^'bal-i- 
tude  du  pédié.  Que  si  quelqu'un  revient  ptriir  ne 
plus  s'éloigner,  etgloritle  Dieu  par  sa  reconnais- 
sance et  sa  fidélité,  i^ouvent  c'est  un  grand 
pécbeur,  un  étranger,  nlienigma,  et  les  enfants 
de  la  maison,  ceux  qui  or't  reçu  de<  grâces  pl\is 
abondandes,  plus  continues,  bcias!  voila  les 
ingrats. 

Leuez-votis,  allez,  votre  foi  vnm  a  sauvé.  Heu- 
reux Samaritain,  quittez  les  pieds  de  Jésus  pour 
aller  où  le  devoir  vous  appelle,  portez  partont  la 
bonne  odeur  de  l'édilication  ;  allez,  en  vivant  de 
la  foi  qui  vous  a  sauvé,  vous  arriverez  là  où  il 
n'y  a  plus  de  foi,  là  où  on  ne  croit  plus,  parce  ipie 
l'on  voit  tout  dans  les  splendeurs  de  l'éternelle 

lumière. 

L'abbé  HERM^i:.', 

Curé  de  Kestubert. 


SERT/iON 

porn  LE  JOUR  DE  l'Assomption. 

IJaria  optimam  partem  elcgit  quœ  non  auferetvir  ab  ea. 
Marie  a    choisi    la  meilleure    part,    q)«    ne  M   sera    point 
enlevée.  (Luc.  x.) 

Mes  Frères, 

I.  La  sainte  Eglise,  dans  la  liturgie  de  ce  jour, 
applique  à  l'auguste  mère  de  Jésus-Cliiist  c  s 
paroles  qu'il  a  dites  de  Marie,  la  secnr  de 
Marthe.  Elles  résument,  en  etïet,  toutes  le-;  ver- 
tus et  toutes  les  grandeurs  de  la  Vierge  divine, 
sa  dignité  iuconqiaiable,  sa  vie  sainte,  sa  mort 
précieuse  et  le  triomphe  de  son  assomidiou. 

Cette  mort  et  ce  triomphe  ont  été  autant  la 
récompense  d'une  vertu  sans  égale  que  le  cou- 
ronnement d'une  gloire  sans  pareille.  Arrêtojis- 
nous  quelques  instants  à  les  méditer  et  cher- 
chions à  en  tirer  des  enseignements  pratiques. 

n.  Après  l'immense  douleur  du  Calvaire  et  les 
joies  de  la  résurrection,  iSlarie  est  témoin  de 
l'ascension  de  Jésus-Christ,  et  elle  préside  au 
cénacle  le  jour  de  la  Pentecôte.  Ces  deux  mi- 
racles accomplis,  toujours  soumise  et  résignée, 
elle  demeure  sur  la  terre,  pour  être  la  conso- 
lation, la  lumière  et  la  force  des  disciples  de 
J  jsus  dans  leurs  premiers  combats.  La  tradition 
r.ous  apprend  (ju'elle  vécut  encore  environ 
vingt-trois  ans,  suivant  partout  l'apôtre  saint 
Jean,  que  Jésus,  sur  la  croix,  lui  avait  donné 
pour  fils.  Toute  sa  vie,  jiendant  ce  temps,  ne  fut 


qu'un  soupir  continu.-:'!  vers  son  fils  bien-aimé 
qu'elle  ne  v(iyait  pins  ici-bas.  Les  anges  seuls 
pourraient  nous  dire  i]uels  élairnt  les  ravisse- 
ments, les  extases  qiù  enlevaient,  pour  ainsi 
dire,  vers  le  ciel  son  âme  e."cilée  dans  la  vallée 
de.s  larmes.  Si  les  patriarches  soupiraient  après 
le  moment  heureux  oii  ils  verraient  le  Christ  du 
Seigneur;  si  saint,  Paul  brûlait  du  désir  de 
tomber  en  dissolution  iiour  aller  vers  son 
maître,  quelles  saintes  ardeurs  devaient  dévorer 
le  cœur  de  Marie ,  dans  l'attente  du  jour  fortuné 
où  elle  pourrait  se  réunir  à  son  fils  et  à  son 
Dieu  I 

Enfin  elle  a  sonné,  cette  heure  si  longtemps 
désirée  ;  la  mère  du  Verbe  va  quitter  la  terre  ; 
elle  aussi  payera  à  la  mort  sou  tribut.  Mais 
gardons-nous  de  penser  qu'elle  subisse  la  loi 
c(.n«muno  comme  les  aulies  enfants  d'Adam. 
Tout  est  surnaturel  en  Marie  :  sa  mort  n'est 
point,  comme  la  nôtre,  la  peine  du  péché.  Si  elle 
meurt,  c'est  pour  honorer  la  mort  de  son  lils 
qui,  lui  aussi,  a  voulu  pc.sser  par  le  tombeau  ; 
si  elle  meurt,  c'est  pour  nous  apprendre  com- 
ment nous  devons  mourir  nous-mêmes.  0 
Vierge  sainte,  il  nous  est  doux  de  le  proclamer,- 
ce  n'est  ni  la  maladie,  ni  la  décrépitude  de  l'ài^e 
qui  ont  tranché  le  fil  de  vos  jours,  mais  ce  fut 
l'excès  de  l'amour  divin,  uni  aux  sainls  trans- 
ports de  l'amour  maternel,  qui  vous  a  donné 
le  coup  de  la  mort.  En  vous  s'est  complètement 
réalisée  la  parole  des  saints  livres;  l'amour  est 
fort  comme  la  mort;  car  vous  êtes  morte  d'a- 
mour; comme  un  saint  holocauste,  une  pure 
victime,  votre  cceur  a  été  consumé  par  les  teux 
de  la  divine  charité. 

Venez,  chrétiens,  venez  voir  mourir  vo  te 
mère.  Les  ap(jtres  sont  tous  agenouillés  autour 
d'elle;  les  anges,  descendus  du  ciel,  s'apprêtent 
à  recueillir  celte  âme  la  plus  précieuse  aju-ès 
celle  de  Ji'sus-Christ  ;  Marie,  absorbée  dans  «Iit 
visions  suiilimes,  le  visage  enllammé  d'amour, 
étend  une  dernière  fois  la  main  pour  bénir 
l'Eglise  ua'ssMiite,  et  son  âme  bienheureuse, 
doucement  détachée  du  corps,  comme  le  fruit 
niùr  qui  tombe  de  l'arbre  sans  secousse,  va 
rejoindre  celui  qui  seul  était  dinne  d'elle.  0 
mort  précieuse  entre  h?s  morts.  0  sainte  Iran- 
qnillité  !  0  déliiieuii  sommeil  de  la  mère  qui  s'en- 
dort sur  le  cœ..rdo  son  fils  ! 

Ah!  chrétiens,  puisse  notre  mort  ressembler  à 
ceke-lâ  !  voulez-vous  mourir  comme  Marie '.> 
vivez  comme  elle,  le  cceur  eu  haut,  détachés  de 
la  terre.  Habituez-vous  à  regarder  la  mort  comme 
la  fin  de  l'exil,  à  la  désirer  comme  le  clnmin 
qui  mène  a  l»ieu.  Mais  la  mort  ne  peut-être 
.>-ainte,  si  la  vie  r.e  l'a  pas  été.  C'est  p.ourqnoi 
travaillons  â  nous  sanctilier,  car  l'homme  récolte 
ce  qu'il  a  semé,  et  l'arbre  fonJ.ie  du  côté  où  il 
penche.  Que  notre  caur  penche  vers  Dieu  peu- 


LA  SEMA.LNE  i)U  CLEHCE 


)?73 


dantla  vie,  et,  Is  l'iicnre  delà  mort,  nous  tom- 
berons dans  SCS  Ui-n#  et  nous  y  restoioiis. 

III.  Quand  Jlu-ie  eut  fermé  les  yeux,  les 
ipotres  eusevifUirent  eux-mùmes  son  cor[is  \ïr- 
ginal,  et  iiienthiiif  tr<»is  jours,  comme  nous  l'ap- 
preiul  saint  Jean  Duinsoène,  on  entendit  le 
chant  des  aivïes^n-di^susrle  i'aiijîuste  tombean. 
L'ap6tre  saint  Thumis.  ijui,  par  une  ^-ue  ;  arli- 
culière  de  hieiii,  n'avait  ;ias  assisté  àx  .A  mort  de 
Marie,  voulut  la  voir.  0:i  onvi-it  le  sépulcre  où 
elle  avait  été  déposée,  mais  on  n'y  Iroiiva  que  des 
fleurs  effeuill'es,  et  il  s'ea  exlvjia  une  délicieuse 
odeur.  Le  corps  tclorieux  et  n-ssuscité  de  la 
VÏCTge  sans  taciu:  s'élair,  réuni  -i  S!);i  âtne  saiite, 
et  était  vciv.i  s'iisscoii',  [wur  l'éieruiié,  à  c6!é  de 
J'ésMa-Clirist.au-dessoueds  Dieu,  mais  au-dcs.-us 
de  tout  ce  tfui  ii'e.st  pas  Dieu. 

C'est  une  loi  iovariaMe  (|iie  notre  chair  de 
pécdié  ne  |>>>ut  ifilrer  dniis  le  royaume  céleste 
saare  passer  par  la  corruplini:  rlu  tombeau.  !1 
faut  que  le  SciitHonr  Iareco.i5sti'nedanssoii  état 
primitif  et  lui  e,ominnniqu<',  par  la  n-surreelioii, 
les  (ifualités  de  l'esprit.  .Mais  cette  loi  n'a  pas  été 
établie  pour  vons,  6  Marie,  nnnenim  pro  te,  sed 
ftro  omnihus,  et  le  Seip:neur  n'a  p.is  permis  que 
te  corps  immaculé  de  sa  mère  vit  la  corruption, 
ntc  dahis  Snnclitvi  tiiiim  vid/rc cnrruptionem.  Non, 
non,  m<ïs frères,  letrùnede  la  vir3;iiiilé,le  temjde 
de  la  sajiessf!  incarnée  ne  pouvait  pas  devenir  la 
pâture  des  veris.  A  peine  la  mort  a-t-flie  rec^u  sa 
proie  qu'elle  In  rend  intacte,  i'endant  sou  exis- 
tence ici -bas,  Marie  a  toujours  été  laVierpe  sans 
tache  ;  immaculée  dans  sa  vie  comme  dans  sa 
conception,  elle  a  fui  jusqu'à  l'ombre  d'une 
souillure.  La  saiute  virginité  fut  comme  un 
baume  divin  qui  préserva  son  âme  et  son  corps 
de  toute  corruption,  et,  au-delà  du  tombeau, 
c'est  elle  qui  éloic^ue  de  cette  chair  angélique 
les  atteintes  de  la  décomposition. 

Pour  nous,  mes  frères,  tristes  enfants  du  péché, 
nous  deviendrons  un  jour  la  nourriture  des  vers; 
mais  si  nous  avons  été  chastes,  l'innocence  fera 
fructifier  en  nous  le  fçerme  de  l'immortalité, 
notre  clwir  prendra  part  a  la  gloire  et  nous 
serons  comme  les  ancres  de  Dieu,  erunt  sicut 
angeli  Dei.  Oh  !  aimez-donc  bien  la  belle  vertu 
de  pureté  ;  songez  à  quels  honneurs  elle  prépare 
vos  corps  :  elle  les  sanctifie,  elle  les  consacre, 
elle  y  mortilie  les  désirs  mauvais,  et,  par  tant 
de  saintes  prépai-ations,  elle  dispose  cette  chair 
mortelle  à  une  lumière  incorruptible.  Apprenez 
donc  à  estimer  ce  divin  trésor  de  l'innocence, 
armez-vous,  pour  le  défendre,  des  sages  précau- 
tions de  la  piété  ;  confessez-vous  et  communiez 
souvent,  portez  le  scapulaire,  la  médaille  mira- 
culeuse, fuyez  jusqu'à  l'apparence  du  mal,  et 
vous  remporterez  la  palme  des  immaculéi,  et,  au 
jour  de  la  résurrection,  votre  corps  demeuré  pur 
brillera  d'une  auréole  privilégiée. 


IV.  Toute  plci'.îc  do  l'amour  qui  avait  brisé  sa 
vie  mortelle,  toute  resi)lendissante  d'une  inrtom- 
paral):e  pureté,  Marie,  était  prête  pour  le 
triomiihe.  Elle  avait  cependant  un  titre  de  plus 
à  la  gloire,  c'était  son  humilité.  En  devenant  le 
mère  de  Uieu,  elle  est  élevée  à  la  plus  grande 
diicnité  pos-iibl.î  pour  une  créature  ;  néanmoins 
elle  s'anpelle  la  servante  du  Seiifneur,  et  pns 
d'Elisabeth  sa  parente,  elle  se  fait  la  servante 
des  linmm:'.'-  Elle  est  séparéo  des  pécheurs  par 
sa  pureté  immaculée,  et  el'^  vient  au  temple  se 
{•urifier  comme  la  dernière  des  femmes  ;  elle  a 
dans  Ih^s  veines  le  sang  des  rois  de  Juda,  et  elle 
accepte  une  vie  pauvre  et  ignorée  ;  son  tiis 
par.iît  souvent  l'oublier,  et  elle  ne  sonse  pas  à 
s'en  pli'anrlre  :  dans  les  heures  rapides  où  l'er;- 
tl»ou«ia.smedela  foule  acclame  le  lils  de  l'homme, 
elle  se  cache  et  n'entend  pis  l'hosannah;  lorsqu'il 
est  d.aii'i  l'opprobre  el  la  douleur,  ou  la  retrouve 
au  pied  lie  la  croix  :  stnhat  mater. 

Mais,  pir  cet  amour  des  humiliations,  Marie  a 
dû  ni'i-i'ssairemeut  arriver  à  la  gloire.  Puisque 
l'humilité  (!st  pour  uous  le  chemin  de  la  gi-an- 
ileuv.  Omnisqiii  ne  humi/iaC  exalta/xtur,  et  qu'il 
y  a  d'aulaTU  plus  de  mérite  à  s'abaisMir  que  l'ou; 
est  plus  élevé,  Marie,  qui  a  joint  l'humilité!  la 
plus  pro!"onde  aux  privilèges  et  aux  grâces  les 
])lus  suMimes,  a  reçu  en  récompense  toute  la 
ploire  dont  une  créature  est  capable.  Si  l'œil  de- 
l'homme  n'a  point  vu,  si  le  cteur  de  l'homme 
n'a  pas  compris  ce  que  Dieu  réserve  au  moindre 
de  ses  saints,  comment  sa  faible  parole  pourra-t- 
elle  expnraer  ce  qu(!  Jii'sus  a  fait  pour  la  itloire 
de  sa  mère?  La  voyez- vous,  chrétiens,  portée 
sur  le?  ailes  des  anges  jusipi'au  seuil  des  demeu- 
res éternelles?  Toute  la  cour  céleste  marcher  ai» 
devant  de  sa  souveraine  qui  revient  de  l'exil; 
son  Dieu  lui-même  se  fait  gloire  de  servir  au 
triomphe  d'une  créature,  el  les  cieux,  ravis 
de  ce  spectacle  nouveau,  se  demandent  av('c 
étonnement  qu'elle  est  celle  qui  s'élève  ainsi  du 
désert,  appuyée  sur  son  bieu-aimé.  Elle  s'a- 
vance comme  une  aurore  naissante,  progre- 
dititr  quasi  aurora  consurgens,  dont  le  brillant 
éclat  présnge  à  la  terre  el  au  ciel  la  sérénité 
d'un  bcaj  jour  ;  elle  est  belle  comme  la  lune, 
pulchra  ut  luna,  elle  en  a  la  beauté  sans  en  avoir 
'^es  taches  :  elle  éclate  comme  le  soleil,  electii  ut 
sol,  elle  en  a  toutes  les  arileurs  dans  la  ch  irité 
qui  l'embrase,  toute  la  fécondité  dans  l'abon- 
dance des  grâces  dont  elle  est  constituée  la 
dé[)Ositaire.  Elle  est  terrible  comme  une  armée 
en  bataille,  non  pas  terrible  pour  nous  qui  la 
vénérons  et  l'aimons,  mais  terrible  pour  leuler, 
terrible  pour  les  ennemis  de  l'Eglise  et  de  Dieu. 
Ohl  quel  délicieux  et  sublime  déilommagement 
des  abaissements  de  l'humilil.'!  Marie  entre  au 
ciel;  l'auguste  Trinité  pose  sur  son  frout  virginal 
une  couronne  incorruptible;  le  nom  de  la  ser- 


1274 


LA  SEMINE  DU  CLLRGC 


vante  du  Seigneur  est  élevé  au-dessus  de  tous 
les  chœurs  des  anges,  elle  s'assied  à  la  droite  de 
son  lils,  comme  son  fils  est  à  la  droite  de  son 
Père.  Astilit  regina  a  deœtristuis,  et  elle  est  cons- 
tituée reiue  du  ciel  et  de  la  terre,  mais  reine  de 
miséricorde,  reine  pour  sauver,  pardonner  et 
bénir. 

V.  0  sainte,  ô  bienheureuse  Marie,  en  ce  jour 
de  votre  Iriomjihp.  nou>  ne  vous  demandons  pas 
les  )oies  trompeuses  d'ici-bas.  mais  la  grâce  de 
nous  détacher  de  plus  en  plus  de  tout  ce  qui 
doit  passer.  Attirez-nous  à  l'imitation  de  cette 
innocence  virginale,  dont  vous  êtes  le  miroir 
sans  tache.  Nous  ne  vous  demandons  pas  les 
gramleurs  humaines;  mais  daignez  nous  obtenir 
l'humilité  par  laquelle  vous  avez  acquis  une  si 
belle  couronne;  et  si,  comme  vous,  nous  sommes 
purs,  si,  comme  vous,  nous  sommes  tous  rem- 
plis du  saint  désir  des  choses  éternelles,  nous 
mourrons,  comme  vous,  le  sourire  sur  les  lèvres, 
ridtbit  in  die  novissimo,  notre  corps  ne  passera 
par  latombii  que  pour  arriver  à  une  immortalitô 
glorieuse,  et  pour  nous  aussi  s'accomplira  celle 
parole  :  Celui  qui  s'abaisse  durant  sa  vie  sera 
exalté  à  jamais  dans  l'éternelle  félicité. 

L'abbe  HebmaN, 
curé  de  festubert. 


INSTRUCTIO.NS  FAMILIÈRES 
SUR   LE   SYMBOLE    DES   APOTRES 

(50'  Instruction.) 

Rémission  des  péchés.  A  qui  Jésus-Christ  a-t-il  confié  le 
pouvoir  de  remettre  los  péchés  ?  Comment  sont-ils  remis? 
  quelles  conditions? 

Texte.  Credo...  rcmissinnem  p;ccatoi'um  —  Je 
crois...  la  rémission  des  p'cliés. 

ExoRDE.  —  La  rémission  des  péchés!  Frères 
bien  aimés,  quelle  vérité  consolante  pour  nous 
tous,  pauvres  pécheurs  !...  C'est  là  m  des  bien- 
faits dont  nous  sommes  redevables  à  l'amour 
de  notre  divin  Snuveur,  et  qui  nous  est  transmis 
par  la  sainte  Eglise  catlioli  iue.  Avant  Jésus- 
Chrisl,  ce  dogme  n'existait  pas,  et  pour  obtenir 
le  pardon  de  ses  fautes,  il  fallait  la  contrition 
parfaite.  Ni  MeUhisédech,  ni  Aaron,  le  grand 
prêtre,  ni  les  pontifes  et  les  prophètes  de  la  loi 
ancienne  n'avaient  le  pouvoir  de  remettre  les 
péclics.  David  s'est  rendu  coupable  de  deux 
crimes  énormes  ;  le  jft-ophèle  Nathan  va  le  trou- 
ver de  la  part  de  Uieu.  «  Le  Très  Haut,  lui  dit-il, 
vous  a  comblé  de  biens  ;  il  vous  a  choisi  dans  la 
maison  de  votre  père  jiour  vous  établir  le  roi  de 
son  peuple;  il  a  béni  toutes  vos  entreprises,  et 
•vous,  ingrat,  vous  l'avez  in<lignemcnt  outragé  en 
vous    souillant    d'bomicide    et    d'adultère...» 


David,  s'humiliant  devant  ce  reproche,  avoua 
ses  crimes  et  les  pleura  amèrement.  Dieu,  dont 
la  misérii.orde  ne  méprise  point  un  cœur  contrit 
et  humilié,  daigna  pardonner  au  roi  pénitent;  il 
le  lui  fit  dire  par  son  prophète.  Ecoutez  les  pa- 
roles dont  se  servit  ce  dernier;  il  ne  lui  dit  pas, 
comme  nous  vous  disons  de  la  part  de  Dieu  : 
Je  te  donne  t absolution  de  tous  tes  péchés;  il  ne  le 
devait  pas,  il  n'avait  pas  ce  pouvoir  ;  mais  il  se 
contente  de  lui  dire  :  Dieu,  touché  de  vos  larmes,  a 
transféré  votre  péché  (  I  ). 

Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  pendant  qu'il 
vivait  sur  cette  terre,  a  exercé  lui-même  ce  pou- 
voir d(  remettre  les  péchés.  Venez,  ô  Marie 
Madeleine,  pécheresse  si  connue  dans  Jérusalem, 
prosternez-vous  à  ses  pieds,  et  vous  entendrez 
de  sa  bouche  divine  ces  consolantes  paroles  : 
fl  Beaucoup  de  péchés  vous  sont  pardonnes...» 
Ailleurs  (2)  on  lui  présente  un  pauvre  paraly- 
tique; il  l'accueille  avec  bonté  :  «  Ayez  confiance, 
iQon  enfant,  lui  dit-il,  vos  péchés  vous  sont 
remis.  »  En  vain  les  pharisiens  haineux,  qui 
l'observent,  se  scandalisent  ;  Jésus  lit  dans  leurs 
cœurs,  il  va  les  confondre,  en  opérant  sous  leurs 
yeux  un  miracle,  n  Lequel  est  le  plus  facile,  con- 
tiïiua-t-il,  de  dire  à  cet  homme  :  Vos  péchés 
vous  sont  remis,  ou  lui  dire  :  Levez-vous,  mar- 
chez... 1)  Alors  s'adressanl  au  paralytique  : 
«  Levez- vous,  lui  dit-il,  prenez  votre  lit  sur  vos 
épaules  et  retournez  dans  votre  mason  ;  que 
votre  guérisou  soudaine  prouve  à  ces  hommes 
que  j'ai  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés.  » 

Protosition.  —  Mon  intention,  mes  frères, 
est  de  vous  montrer  que  Jésus-Christ  a  donné  ce 
même  pouvoir  à  son  Eglise,  et  d'examiner  com- 
ment ce  pouvoir  s'y  exerce  chaque  jour. 

Divisio.\.  —  Premièrement,  à  qui  Jésus-Christ 
a-t-il  donné  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés  et 
comment  les  péchés  sont-ils  remis?  Secondement, 
à  quelles  conditions  obtenons-nous  la  rémission 
de  nos  péchés?  Telles  sont  les  deux  pensées  sur 
lesquelles  j'appellerai  votre  attention. 

Première  partie.  —  A  qui  Jésus-Christ  a-t-il 
donné  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés?  :1  est 
clair  que  lu  péché  étant  une  otTense  contre  Dieu, 
Dieu  seul  a  droit  de  le  remettre,  de  prescrire 
comment  et  à  quelles  conditions  il  consent  à 
pardonner  ;  il  est  également  évident  que  Jésus- 
Christ  pouvait  donner  ce  même  pouvoir  à  son 
Enlise...  Mais  le  lui  a-t-il  donné  réellement? 
J'ouvre  rt.vangile  et  j'y  lis  ces  paroles  solen- 
nelles; Jésus-Christ  ressuscité  est  au  milieu  de 
ses  apôtres  :  «  Allez,  leur  dit- il,  enseignez  toutes 
li'S  nations  et  ba[>1isez-les  au  nom  du  Père,  du 
Fils  et  du  Saint-Esprit,...  les  péchés  seront reniis 
à  ceux  à  qui  vous  les  remettrez  (3),  ils  seront 

1.  II  Reg.  ch.  XII,  V.  13. 

2.  .Matlli.  ch.  w,  V.  2  et  suivant*. 

3.  Jean.  ch.  xx,  v.  23. 


LA  SEMAINE    DU  CLERGÉ 


3-^75 


rfitenns  à  ceux  à  qui  vous  les  retieiulicz.  »  Fou- 
vait-il s'exprimer  d'une  maniéie  plusclaire,  plus 
énergique?...  Aussi, depuis  ce  temps  lesapôtn'set 
li-.urs  successeurs  ont  usé  de  ce  pouvoir;  depuis  ce 
temps  (l)  aussi,  la  sainte  ELîlise  cntholique  pos- 
sède la  puissance  de  remettre  les  péthés,  puis- 
sance qu'elle  confie  aux  évêques  et  aux  prêtres, 
qui  exercent  légitimement  le  saint  ministère... 
Voyez,  mes  frères,  si  humbles,  si  petits  que 
soient  les  prêtres,  qui  sont  chargés  de  la  con- 
duite de  nos  âmes,  de  quelle  dignité  pourtant 
Dieu  les  a  revêtus!...  Ni  les  saints  <ji!i  sont  au 
ciel,  ni  les  Anges,  ni  la  sainte  Vierge  elle-même 
ne  sauraient  nous  remettre  nos  péchés;  li>s 
évê(]ues  et  les  prêtres  seuls  ont  reçu  ce  pou\  oir 
de  lu  sainte  Eglise;  et  quand  ils  ont  prononcé  sur 
nous  celle  formule  sacrée  :  «  Je  f  .disons  de  tous 
tes  péchés  au  nom  du  Pêie,  du  Fils  et  ilu  Saint- 
Esprit,  »  si  le  pénitent  est  hiendis[iosi', l'auguste 
Trinité  ratifie  la  sentence  du  prêtre,  et  nous 
quittons  le  confessionnal  hénis  et  pardonnes... 

Or,  comment  et  par  quels  moveiis  les  péchés 
nous  sont-ils  remis?  Jel'ai  déji  dit,  la  contrilion 
parfaite  nous  ohtient  la  rémission  de  nos  fautes; 
mais  c'est  un  moyen  rare,  extraordinaire,  c'est 
une  grâce  de  choix,  qui  n'est  accordée  qu'à  Inen 
peu  de  pi-rsonnes.  Ce  n'est  donc  pas  de  ce 
moyen  qu'il  est  question  dans  le  symhole,  (juaiul 
nous  disons  :  Je  crvis  la  rémisfum  ili's  péclivs. 
Non  ;  cela  veut  dire  :  Je  crois  que  l'Eiilisi'  catho- 
lique a  re(^u  de  Ji'sus-Christ,  sou  divin  Epoux, 
le  pouvoir  de  me  pardonner  mes  fautes...  Mais 
([uels  moyens  em[iloie-t-elle  pour  les  pardon- 
ner? Cherchons,  examinons.  Ah  1  vous  avez 
trouvé  et  vous  me  dites  ;  «  Ces  moyens  sont  sur- 
tout les  deux  sacrements  qu'on  appelle  le 
baptême  et  la  pénitence.  >>  Vous  avez  deviné 
juste  ;  ce  sont  là,  en  effet,  les  deux  sources  par 
lesquelles  notre  âme  est  purifiée.  Deux  mots  sur 
le  baptême;  jiuis  nous  parlerons  de  la  pénitence. 

Le  baptême  est  un  sacrement  qui  efface  en 
nous  le  péché  originel,  triste  héritage  de  nos 
premiers  ancêtres,  que  nous  apportons  en  nais- 
sant. Si  l'on  recevait  ce  sacrement,  ayant  l'âge 
de  la  raison,  il  remettrait  aussi  tous  les  péchés 
qu'on  aurait  commis,  jusqu'au  moment  où  la 
personne  le  recevrait.  Mais  dans  ce  cas,  il  fau- 
drait s'y  disposer  par  l'instruction,  par  des 
exercices  de  piété,  par  des  sentiments  de  con- 
trition, comme  les  enfants  se  préparent  quand 
ils  doivent  faire  leur  première  communion.  Dans 
les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  ou  avait  une  si 
haute  idée  du  baptême  et  de  son  efticacité  pour 
purifier  les  âmes,  que  souvent  on  ditïérait  de  le 
recevoir  jusqu'au  moment  de  la  mort,  afin  d'être 
trouvé  plus  juste  en  arrivant  au  tribunal  de 
iheu...  Cependant,  comme  la  mort  ne  prévient 

1.  Vit  de  saint  Ambrant,  et  Rolirbacher,  hisioiri  £ccM^ 
ma»t. 


pas  toujours,  il  arrivait  parfois  qu'elle  moisson- 
nait ceux  qui  différaient  ainsi,  sans  leur  laissi^r 
le  temps  de  recevoir  ce  sacrement.  Ainsi,  un 
jeune  empereur,  appelé  Valcutinien  II,  mourut 
à  l'âge  de  vingt  ans,  sans  ■luo  le  baptême  pût 
lui  être  donné  ;  saint  Ambroise  pleura  sa  mort, 
et,  tout  en  espérant  bien  de  son  sort  éternel,  le 
saint  évéqiie  regrettait  néanmoins  que  ce  jeune 
empereur  n'eût  pas  été  baptisé  Ci)-..  Le  fut  pour 
éviter  ces  accidents,  que  l'Sglise  '•idonna  sage- 
ment, que  les  enfants  des  ch:etiens  seraient 
baptisés  aussitôt  après  leur  naissance... 

Reste  donc  le  sacrement  de  pénitence  ;  c'est 
par  lui  surtout  qu'a  lieu  la  rémission  des  péchés  ; 
c'est  l'une  des  inventions  1rs  plus  admirables  et 
les  plus  amoureuses  de  notre  miséricordieux 
Sauveur.  Où  en  serions- nous,  mes  frères,  sans 
le  sacrement  de  pénitence?  Belle  robe  d'inno- 
cence dont  nous  avions  été  revêtus  au  jour  de 
notre  baptême,  combien  de  fois  nous  t'avons  dé- 
chirée et  flétrie?  Qui  de  nous  oserait  dire  qu'il 
n'a  pas  eu  besoin  que  des  péchés  lui  fussent 
remis,  quand  nous  voyous  les  s  lint  Louis  de 
Gonzague,  les  saint  Charles  Borromée,  les  sainte 
Colette,  les  sainte  Catherine  de  Sienne,  et  tant 
d'âmes  virginales  proclamer  elles-mêmes,  en 
recourant  si  fréquemment  au  sacrement  de  pé- 
nitence^ qu'elles  ont  besoin  de  la  miséricorde  du 
Seigneur?...  Aussi  le  saint  concile  de  Trente 
nous  compare,  nous  tous  qui  avons  péché  depuis 
notre  baptême,  à  de  pauvres  naufragés  surna- 
geant avec  peine  sur  un  immense  abîme...  Du 
sec'iurs  !  vite  du  secours!  nous  allons  être 
submergés  et  disparaître  pour  toujours  dans  les 
flots  !  Et  le  sacrement  de  pénitence,  c'est  notre 
planche  de  sauvetage,  c'est  lui  qui  nous  arrache 
au  (langer  ;  c'est  pourquoi  on  l'appelle  avecjus- 
tesse  «  une  seconde  planche  après  le  naufrage,  » 
Secwifia  post  naiifrayium  tabula.  La  pénitence, 
mes  frères,  voilà  donc  le  moyen  par  excellence 
que  Jésus-Christ  a  institué  et  confié  à  son  Eglise 
pour  remettre  les  péchés. .. 

S' confie  /.artie.  —  Voyons  maintenant  quels 
sont  ceux  qui  jouissent  de  cette  faveur,  de  la 
rémission  des  péchés  La  tache  originelle,  comme 
vous  le  savez,  est  effacée  dans  l'âme  des  entants, 
quand  ils  reçoivent  le  ba>itème;  cependant  deux 
conditions  sont  nécessaViiès  :  il  faut  que  celui 
qui  leur  administre  ce  sacrement  se  serve  d'eau 
naturelle,  et  qu'en  versant  cette  eau,  il  prononce 
les  paroles  sacramentelles  :  Je  le  haplisieau  nom 
du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  En  serait-il 
de  même  s'il  agissait  d'un  adulte,  c'est-à-dire 
d'une  personne  plus  ou  moins  âgée  possédant 
l'usage  de  la  raison?  Non;  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  pour  que  ce  sacrement  produise 
ses  effets  d'une  manière  complète,  immédiate, 
outre  ie  désir  de  devenir  chrétien  et  membre  de 
rEijlise,  il  faut,  dans  ce  cas,  une  instruction  suf- 


<276 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


fisanle  et   im  vorifc'Jjle  regret    de  ses  faiiies. 

Vous  ii'iiVL-y.  jamais  asEbté  peut-èlre  au  bap- 
tême sok'iiuel  d'un  adulte.  EU  bien,  je  vais 
TOUS  dire  cnmmeiils'uccoinplit  cette  cercmouie. 
Celui  ou  celle  qui  se  présente  pour  recevoir  le 
buptiSne,  est  iueompygiié  d'un  pairaiu  et  d'une 
m.-irraine,  qui  seront  les  témoius  des  promesses 
qu'il  va  faire,  et  comme  les  gai"ints  de  sa  fidé- 
lité à  les  observer  ;  ou  le  reçoit  aux  portes  de 
l'Eglise  ;  là  on  récite  sur  lui  les  prières  des 
exorcismes.  Puis  il  est  introduit  près  des  fons 
du  baptême  :  Crovez-vous,  lui  dit-ou,  toutes  les 
vérités  qu'eus.-: ;; ne  lasaiute  Efilise  callioiique?.. 
Comme  ou  les  lui  a  exidiquées,  il  les toiuiait,  et 
par  conséqueut  il  sait  ce  qu'il  uKirme  quaud  il 
repond  :  Je  les  crois...  Ilenoncez-vous  à  Satan,  à 
ses  pompes,  à  ses  œuvres?  et  il  répond  :  J  y  re- 
nonce. Mais  il  n'iguore  pas  que  les  pompes  de 
Satan  ce  sont  les  maximes  et  les  vauités  du 
monde  et  que  par  œuvres  de  Satan  ou  entend 
toute  sorte  de  péchés...  Puisqu'il  y  rti'^ouce,  il 
doit  donc  regretter  les  fautfs  qu'il  a  commises, 
et  avoir  riutenliou  formelle  de  les  éviter  ù  l'ave- 
nir. Voulez-vous  èlr»  baptisé'.'  Et  il  répoud  :  Oui, 
je  le  vêtu-...  .\vauce,  heureux  catéchumène, près 
de  la  foutaiiie  sacrée  ;  l'eau  qui  purifie  va  cou- 
ler sur  ton  front,  et  non-seulement  le  péché 
originel,  mais  toutes  les  fautes  de  ta  vie  vont 
t'ètre  pardo.nnées  ;  tu  sortiras  d'ici  enfant  chéri 
<lu  bon  Di.'ii,  membre  de  ia  sainte  Eglise  catho- 
lique ;  viens,  6  mon  hère  ;  désormais  nous 
pourrons  dire  ensemble  :  Notre  Père,  qui  êtes 
aux  cieux...,  Voilà  comment,  mes  frères,  quand 
des  juiis,  des  hérétiques  ou  des  païens  se  coirver- 
tissent,  le  sacrement  du  baptême  leur  doune  la 
rémission  des  péchés. 

Parlons  maintenant  de  la  pénitence.  A  qui  les 
péchés  sont-ils  remis  parce  sacrement?  L'Eghse 
nous  enseigne  q\ie,  «depuis  que  le  monde  existe, 
le  Seigneur  n'a  jamais  remis  de  péché  à  aucun 
homme  à  moins  que  celui-ci  ne  s'en  soit  re- 
penti (I  ;.  »  Donc  le  regret  de  nos  fautes  est  abso- 
lument nécessaire;  et  ce  regret,  pour  être  vrai, 
suppose  rhumilité,la  sincérité,  la  bonne  foi  dans 
la  confession,  et  de  plus  le  ferme  propos  de  faire 
ses  efforts  pour  ne  plus  retomber  à  l'avenir  dans 
les  mêmes  fautes.  EUes  étaient  sincères  les  lar- 
mes de  l'enfant  pr'.Jigue  quand  il  disait,  en  se 
jetant,  aux  pieds  de  son  père:  «J'ai  péché  con- 
tre le  ciel  et  contre  vous,  je  ne  suis  plus  digne 
d'être  aiyielé  votre  fils...»  Sincère  aussi  était  sa 
résolution  de  ne  plus  affliger  le  cœur  de  ce  bon 
père,  de  ne  plus  abandonner  le  foyer  de  la  fa- 
mille ;  aussi  reçut-il  sou  pardon.  Frères  bien- 
aimés,  telles  sont  les  conditions  exigées  pour 
que  le  sacrement  de  pénitence  nous  procure  la 
rémission  de  nos  péchés:  cnlrition,  bon  propos, 
oonfession  iiumble  et  sincère,  volante  tfticace  de 

1.  C.  Trid.  Se&s,  XIV,  ;  Œni(«i(i3,  eap.  rv 


satisfaire  à  Dieu  et  au  prochain  ;  si  nous  avons 
tout  cela  quand  le  prêtre  aura  prononcé  sur  nous 
ces  paroles:  «Je  vous  absous,»  ^ous  pourrons 
croire  avec  confiance  que  Dieu  nous  a  pardonné 
nos  fautes. 

Je  dis  avec  confiance  cl  non  pas  avec  certitude, 
parce  que  cette  certitude  nous  exposerait  à  l'or- 
gueil, deviendrait  pour  nous  un  danger,  et  Dieu 
veut  que  nous  sachions  nous  maintenir  dans 
l'humilité,  et  opérer  notre  salut  avecune  crainte 
respectueuse,  qui  nous  f»réserve  de  nouvelles 
rechutes.  Aussi  les  saints  éus-mêmes,  qui  pou- 
vaient être  les  plus  assurés  du  pardon  de  leurs 
fautes,  continuaient-ils  à  les  pleurer  et  à  les  re- 
gretter pendant  toute  leur  vie!...  Si  jamais  un 
homme  put  être  certain  de  son  pardon,  ce  fut 
saint  Pierre,  puisque  Jésus-Chiist  lui-même  lui 
en  donna  la  preuve  en  le  nommant  chef  de  son 
Eglise;  cependant  l'apôtre  pleura  tous  les  jours 
de  sa  vie  son  triple  reniement,  et  ses  larmes 
étaient  tellement  abondantes  qu'elles  avaient 
creusé  deux  sillons  sur  ses  joues...  Si  une  pé- 
cheresse eut  jamais  le  droit  de  dire:  Toutes  mes 
fautes  souteûacées,  cefut  bien  sainte  Marie-Ma- 
deleine. N'avait-elle  pas  reçu  de  Notre-Seigneur 
Jésus  Christ  lui-même  l'assurance  que  ses  péchés 
lui  étaient  pardonnes?  Et  cependant,  nous  lisons 
dans  sa  vie  que,  retirée  dans  une  grotte  sauvage 
près  de  la  ville  de  Marseille,  elle  passait  les  jours 
et  les  nuits  à  gémir  sur  ses  désordres  passés,  et 
à  pleurer  sur  ces  mêmes  fautes,  dont  elle  avait 
re-;u  l'absolution  de  la  bouche  même  du  Sau- 
veur... Apprenons  par  ces  exemples,  mes  frères, 
à  demander  sans  cesse  le  pardon  de  nus  fautes, 
ce  sera  pour  nous  le  moj'en  de  nous  assurer  de 
plus  en  plus  cette  grâce  de  la  rémission  des  pé- 
chés... 

Péroraison.  —  Oui,  frères  bien-aimés,  la  vé- 
rité dont  nous  vous  avons  parlé  ce  matin,  est 
une  vérité  bien  consolante.  Mais,  en  finissant, 
deux  réflexiens  assez  tristes  se  présentent  à  ma 
pensée.  11  est  des  chrétiens  qui  usent  mal  du 
moyen  par  excellence  établi  par  la  miséricorde 
de  Dieu  pour  la  rémission  des  péchés;  c'est-à- 
dire  qu'il  y  a  des  chrétiens,  qui  s'approchent  du 
sacrement  de  pénitence  sansavoir  les  dispositions 
requises.  Prenons  garde;  Dieu  ht  au  fond  de  nos 
cœurs,  nous  ne  saurions  le  tros^per;  ce  n'est 
point  de  vaines  paroles  qu'il  réclame,  mais  des 
seutimcnts  véritables  et  sincères  partant  d'un 
cœur  contrit  et  humilié.  Un  jour,  le  roi  Antio- 
chus,  persécuteur  du  peuple  de  Dieu,  se  sentant 
malade,  parut  s'humilier  sous  la  main  qui  le 
frappait...  Si  vous  saviez  quelles  belles  pro- 
messes il  faisait,  quelles  pieuses  paroles  il  pro- 
nonçait!... Û  Dieu,  disait-il,  épargnez-moi,  j'or- 
nerai votre  temple,  je  réparerai  tous  les  maux 
que  j'ai  cauâés  à  votie  peuple...!  Or,  le  Seigneur, 
<ui  avait  pardonné  aux  regrets  sincères  de  David, 


LA  SEMiUNE  DU  CLERGE 


1277 


lisnit  nu  fond  ihi  cn^ur  Je  l'hypocrite  Antioclms, 
et  c(!  prince  irioiiiut  dans  le  désespoir  et  l'impé- 
nitence.  Aussi,  mes  frères,  Jésus- Christ  Ht  au 
fond  de  nos  âmes;  faisons  eu  smle,  quand  nous 
nous  approilioiis  du  sncremcntde  [léiiilence,  d'y 
apporter  des  di£[iositious  iutéiieures  et  sin- 
cères... 

Une  autre  réflexion,  c'est  qu'on  néglige  trop 
souvent  de  proti ter  de  eetie  i  émission  des  pé- 
chés qni  nous  isloUerle.  On  remet  à  plus  tard, 
on  difl'ère  an  moment  de  la  mort;  et  pourtant, 
que  d'exemples  terrihles  viennent,  piesque  clni- 
quc  année,  nous  montrer  qu'au  mnnient  de  la 
mort  il  est  souvent  trop  tnrd,  et  que  tout  estlini, 
av.-mt  (jne  le  prètri'  n'ait  pu  remettre  les  pécliés 
à  te  pauvre  malad<'.  l'onniuoi  donc  demenitz- 
vous  si  longtemps  dans  l'élat  du  péeliè,  disait 
Thomas  Morus  ii  un  chrétien  tiède  qu'il  connais- 
sait?—  Oh!  Je  ne  serai  (las  perdu  pour  cela, 
répondait  ce  dernier;  an  moment  du  ma  morf, 
je  me  réconcilierai  avec  Uieu,  je  n'aurai  (jn  à 
dire  trois  paroles  et  il  me  pardonnerai  l'anvre 
homme,  peu  de  jours  ai.n-s,!!  se  noya,  en  traver- 
sant un  fleuve,  et  les  derniers  mots  qu'il  pro- 
uoii(;a,  au  lieu  d'être  un  acte  de  conlrilion,  fu- 
rent des  paroles  de  malédiction  ronlre  hii-mème 
et  contre  le  cheval  surlcipie)  il  était  monté  (1)... 
C'est  souvent  de  cette  manière, frères  bicii-aini/'s, 
que  linisseiit  ceu>:  qui  attendent  au  nn>ment  de 
lu  mort,  pour  ohlenir  la  rémission  de  lenr-  pé- 
ché», l'uisse  la  miséricorde  de  Dieu  nous  pré- 
«rver  tous  d'im  pareil  malheur.  Ainsi  sijtt-il. 

L'abii.'j  LoBUT, 
C  v''*  Ali  VaucUassia;  • 


LITURGIE 

tes    OUATliE- TEMPS. 

(1"  arlic!<!) 

I.  Lc3  û 'a'rc-Tc Dps  so:it  le?  trois  jours  de 
jeûne  et  U'aL^tine^l■o  qui  reviennent  quatre  lois 
l'année  a  des  (•pnqM;>s  lises  et  à  chacune  des 
pér.iodes  qui  paitagent  cette  durée.  Avant  de 
;aire  connaître  l'origine  de  cette  in?tiluliuu, 
nous  nous  arrétero'is  au  uomhre  quatre,  qui 
n'a  pBs  été  delorru  né  sans  raison  et  do.i  nn- 
fermer  quelipit;  mystère.  On  sait  avec  quel  soin 
les  Pères  dei'Euhse,  .saint  Augustin  en  particu- 
iier,  redierchaient  et  truuvikienl  lasigniticaina 
mystique  des  nombres  énoncés  lians  l'Ecriluie, 
«A  q^ielics  belles  explications  ils  en  donnaient. 
On  leur  a  parfois  repijcbé  trop  de  subtilité  et 
il  s'est  trouvé  des  autems  plus  hardis (jue  n  flé- 
•chia  qui  se  (lermcltuieui  de  trouver  leurs  expl,- 
catioiis  plus  inf;éiiiieiises  (jue  sérieuses.  Ils  o.il 
pu,  daxiv,  quelques  cas,  loicer  un  peu  Tapplica- 

1.  V  irla  r.eiic  Thaniu.;  J/oru». 


tiondu  système,  mais  il  n'en  faut  pas  moins 
admettre  le  i'rincipe  que  l'Esprit-Saiul  .a  con- 
signé dans  TEcriture,  où  il  nous  atteste  que 
Dieu  s'est  soumis  Ini-mème  a  la  loi  du  nombre, 
puisqu'il  a  tout  ni'<po-éet  réglé  sur  des  mesures 
précises,  s'arré'ant  à  un  nombre  déteruiiaé 
d'êtres  et  proportionnant  exactement  leur 
poids  (I).  L'Eglise,  dnns  sa  liturgie,  où  l'inspi- 
ration divine  est  évidente,  n'a  p^iul  négligé  Is 
loi  (les  nombres,  et  ia  réçjlensentation  du  jeune 
de;  Quatre-Temps  n'en  est  'qu'une  application, 
parliculière. 

L"  nombre  quatre  est  fondamental  dans  in  créa- 
tinunaturelleetiacrSution  surnaturelle.  Danslai 
première,  nous  avons  seulement  à  énoncer  les 
quatresaisûos,  quidivisentl'annéed'une  manière! 
très-régulière  et  sont  les  phases  diverses  da 
grand  et  complet  travail  qu'accom|dit  la  natuje 
pendant  une  révolution  de  la  terre  autour  du 
soleil,  qui  est  pour  elle,  matériellement  et  phy- 
siquement, ce  qu'estJésus-Christpourle  monde 
des  âmes.  Par  une  belle  et  vraie  analugie,  les 
s;;ison3  répondent  aux  époques  de  l'histoire  sur- 
nrUurelle  du  monde  et  de  la  vie  myslitjue  de 
clîaque  chrétien  :  l'hiver  est  la  mort,  le  prin- 
temps est  la  naissance  et  la  florais(m,  1  été  est 
la  fructiûcalion  et  le  terme  du  développcmeiit, 
l'anlomne  est  le  repos  et  la  jouissance. 

Donnons  ici  la  parole  à  Durand  de  Mende, 
cfui  énonce  à  peu  près  de  même  et  dévc  oppe 
cette  correspondance  de  l'année  surnaturelle 
avec  l'histoire  religreuse  de  rhiimanité  et  lui 
adapte  la  division  de  l'aunée  liturgique. 

«  Exposons  les  distinctions  du  temps,  l'annte 
solaire  comprend  la  succession  des  quatre  sai- 
sons, c'ert-à-d;re  lu  saison  d'hiver,  où  l'oii  ense- 
mence les  champs;  le  printemps,  où  les  semen- 
ces croissent  et  s'allongent  en  éuis  ;  l'élié,  où  les 
moissons  blanchisseut  et  tombent  sous  Le  tran- 
chant de  la  faulx;  eniinraatouine,où  le  grain, 
séparé  de  sua  envelop[)epar  le  vanneur,  istmis 
en  réserve  dans  i^c  greniers.  Ainsi  la  grande 
année  de  l'histoirt- présente,  qui  s'étend  depuis 
le  commencement  des  siècles  justju'à  la  fin  du 
monde,  se  mesure  aussi  par  quatre  saisons 
diverses. 

a  La  première  est  une  époque  de  dégénéres- 
cenee  pour  ia  iamilii'  humainf.  Elle  s'étend 
dep'  is  Adam  jusqu'à  Moïse.  A  cetlc  époque,  les 
liommesabaudoiineni  Iccnlie  de  Dieu,  quiestla 
vraie  lumière  ;  ils  deviennent  idolâtres,  ils  ne 
conservent  plus  l'ombre  de  la  liuuière  de  la 
vraie  doctrine,  et  dès  lors,  devenus  des  mem- 
bivs  œiatiilés,  il  n'en  est  plus  un  seu\  qui  fasse 
le  bien.  Alors,  l'homme  ahandoune  son  crea-- 
t«ur,  et,  s'adrcssaut  à  une  pierre  brute,  il  lui 
dit  :  «  Tu  es  mon  l>ieu .  »  Ce  temps  d'ignorune» 

1.  Sap.,  xn,  !■!. 


!:78 


L.\  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


et  d'aveuslemcnts'accorde  bien  avec  l'hiver,  où 
domiue  l'obscurité. 

«  LasecoDile  saison  est  celle  du  rappel  ou  de 
la  résurrection.  Elle  s'étend  depuis  Moïse  jus- 
qu'à la  nativité  du  Christ.  A  cette  époque,  les 
hommes sontiostruits,  jiarla  loietlesprophèles, 
de  ravénemenl  du  Christ,  de  la  rémission  des 
péchés  et  de  l'amour  que  l'on  doit  à  un  seul 
Dieu.  Alors,  le  Seig-jeur  dit  à  Israël  :  »  Ecoute, 
Israël,  tu  adoreras  le  Seigneur  ton  Uieu,  et  tu 
ne  serviras  que  lui  seul;  »  et  l'homme  connut 
alors  ses  devoirs  envj  slui-même,  envers  Dieu, 
envers  le  prochain.  Dtéu,  dans  la  suite  et  pour 
la  même  raison,  suscita  les  Prophètes,  afin  que 
leur  prédication  fit  revenir  de  plus  en  plus 
l'homme  de  ses  erreurs.  Cette  épuqne  concorde 
avec  le  jirintemps,  qui  possède  quelque  lumière 
mêlée  à  beaucoup  d'obscurité. 

«  La  troisième  époque  est  celle  du  retour  ou 
de  la  réconciliation  et  de  la  Visitation.  Elle  s'é- 
tend depuis  la  naissance  du  Christ  jusqu'à  son 
ascension,  où  b^s  hommes  reçurent  la  grâce  et 
la  prédication  de  l'Evangile.  C'est  de  cette  épo- 
que qu'il  est  éciit  :  Voici  maintenant  le  temps  fa- 
vorable, voici  maintenant  le  jour  du  salut.  Ce 
temps  est  celui  de  la  grâce,  parce  qu'alors 
l'Orient,  descendu  de  ses  splendeurs,  nous  a 
visités.  C'est  dans  ce  temps  que  le  Seigneur, 
qui  est  le  soleil  de  justice,  a  visité  le  mondepar 
sa  présence  et  l'a  éclairé  autant  qu'il  en  était 
besoin  par  sa  propre  doctrine.  Ce  temps  res- 
semble à  l'été,  où  régne  la  clarté. 

«  La  quatrième  est  celle  du  pèlerinage.  Elle 
s'étend  depuis  le  jour  de  l'ascension  jusqu'au 
jour  du  jugement,  où  se  fera  la  consommation 
des  siècles.  Ce  temps  est  tout  resplendissant  de 
lumière,  parceque,  parla  miséricorde  de  Dieu, 
les  mystères  divins  ont  été  révélés  ;  toutefois, 
elle  renferme  quelque  obscurité  produite  par 
notre  négligence,  et  s'accorde  ainsi  avec  l'au- 
tomne, qui  a  beaucoup  plus  de  lumière  que 
d'obscurité. 

a  Le  temps  de  l'hiver  et  de  la  déviation,  où 
la  mort  a  régné,  est  représenté  par  l'Eglise  de- 
puis le  sepluagésime  jusqu'à  Pâques,  et  ainsi 
sont  rappelées  à  notre  souvenir  la  chute  et  la 
punition  de  nos  parents  après  leur  désobéis- 
sance. C'est  pourquoiles  chants  de  joie  cessent, 
excepté  le  Gloria  Palri.  On  ne  dit  pas  non  plus 
le  Gloria  in  excelsis,  chant  que  firent  retentir  les 
anges  en  signe  de  paix,  quand  la  vérité  sortit  du 
tein  de  la  terre  et  que  hi  justice  nous  regarda  favo- 
rablement du  haut  des  deux. 

«  L'Eglise  représente  l'époque  du  printemps 
ou  de  la  rénovation  depuis  l'Avent  jusqu'à  la 
Nativité  du  Seigneur,  par  qui  toutes  choses  ont 
été  renouvelées.  Aussi,  pour  indiquer  que  les 
patriarches  de  l'époque  correspondante  eurent 
quelques  lumières  mêlées  de  beaucoup  d'obscu- 


rité, comparativement  aux  époques  suivantes, 
elle  chante  les  cantiques  luiocurs  de  l'allégres-e, 
comme  Gloria  Putri  cX  Alléluia,  mais  elle  sup- 
prime les  majeurs,  comme  Gloria  in  exiehis. 
Te  Dcum  laudamus.  Et,  attendu  que  le  pi'ché  a 
régné  à  celte  époque,  non  parce  qu'il  procc- 
daitde  l'ignorance,  comme  primitivement,  lors- 
que la  mort  du  péché  planait  sur  l'humanité, 
mais  à  cause  de  la  faiblesse  de  la  chair,  on 
chante  Alléluia,  par  la  raison  que  ce  temps  se 
reporte  â  la  loi  mosaïque,  mais  on  supprime  le 
Gloria  in  excelsis,  qui  est  Je  signe  de  la  paix  et 
de  la  justice,  que  la  lo'-  fut  impuissante  à  pro- 
curer. 

«  L'Eglise  célèbre  f^poque  de  l'été  et  de  la 
réconciliation  ou  du  retour,  â  partir  de  l'octave 
de  l'âviues  jusqu'à  l'octave  de  la  Pentecôte,  et, 
parce  que  nous  sommes  réconciliés  avec  Dieu 
par  l'Agneau  pascal ,  nous  chantons  tous 
les  cantiques  de  joie  et  multiplions  presqi.e 
à  chaque  mot  les  Alléluia,  pour  témoigner  la 
joie  que  nous  ressentons  de  notre  résurrection. 
Celte  époque  est  l'image  du  temps  de  l'étemelle 
fidélité  :  alors  on  chante  le  Gloria  in  excelsis^ 
parce  que,  dans  la  résurrection ,  la  justice, 
c'est-â-dire  la  charité,  sera  perfectionnée,  et 
l'on  jouira  d'une  paix  surabondante... 

«  L'Eglise  représente  le  temps  de  l'automne 
ou  du  pèlerinage  depuis  l'octave  de  la  Pentecôte 
jusqu'à  l'Avent  du  Seigneur,  parce  qu'après 
notre  réconciliation  avec  Dieu,  il  ne  nous  reste 
plus  qu'à  nous  considérer  comme  des  pèlerins, 
avec  le  Psalraisle,  qui  dit  :  Je  suis  un  étranger  et 
unvoyageur  ou  un  pèlerin.  Nous  chantons  alors 
tous  les  cantiques  d'allégresee,  pour  exprimer 
la  joie  que  nous  cause  la  révélation  des  divins 
mj'stèrcs  ;  cependant  l'Eglise  en  supprime  par- 
fois quelques-uns,  et  elle  ne  multiplie  pas  les 
Alléluia,  comme  elle  l'a  fait  dans  le  temps  pré- 
cédent, pour  marquer  l'éloignemenldubion  où 
nous  jette  notre  prodigieuse  négligeuce(l)... 

L'année  solaire,  en  se  renouvelant  et  suivant 
son  cours,  produit  en  nous,  â  chacune  de  ses 
périodes,  des  etiels  physiques  semblables  aux 
transformations  qui  s'opèrent  dans  les  autres 
êtres.  Notre  vie  surnaturelle  passe  aussi  par  des 
phases  diverses  qui  ne  manijuent  pas  d'analogie 
avec  ces  changements  »t  correspondent  à  la 
marche  du  cycle  liturgique,  lequel  nous  ramène 
régulièrement  les  fètcs  commémoratives  des 
grands  mystères  de  notre  salut,  et  renouvelle 
ainsi  en  nous  les  graves  et  belles  pensées  qui 
ravivent  la  foi  et  les  salutaires  imiiressions  de 
la  grâce.  «  Ce  que  l'année  liturgique  opéra 
dans  l'Eglise,  en  général,  dit  Dom  Guéranger, 
elle  le  répète  dans  l'âme  de  chaque  fidèle 
attentif  à  recueillir  le  dun  de  Dieu.  Cette  suc- 

1.  Daraad  de  Meude,  Rational  dti  divins  ofeu,  Uv. 
VI,  ch.  I. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1279 


cession  des  ?aisons  mystiques  assure  au  chrétien 
les  mojens  do  celle  vie  surnaturelle,  dans 
laquelle  toute  autie  vie  n'e.-l  «lu'uue  mort  plus 
ou  moins  déguisée,  et  il  est  des  âmes  tellement 
éprises  de  ce  divin  siiccessil'  qui  se  déploie  dans 
le  cycle  catholique ,  qu'elles  arrivent  à  en 
ressentir  pliy-iquoment  les  évolutions,  la  vie 
sui  naturelle  abscrlmnl  l'autre,  et  le  calendrier 
de  l'E^li-^e  celui  des  astronomes  (1).  » 

La  pénilcnce  c(  !a  morlification  sont  des  élé- 
ments essentiels  de  la  vie  spirituelle,  et  parce 
que  nous  avons  naturellement  plutôt  de  la 
répugnance  que  dj  Vinelliiatiou  pour  les  prati- 
ques austères,  1  iîi/.Iise  est  contrainle  de  nous 
eu  imposer  quel  lucô-i'.ncs,  ufiu  que  nous  ne 
S'.yons  pas  [)rivé3  de  ces  moyens  qui  épurent 
et  fortifienl  l'àme.  Elle  a  assigné  le  jeùiie  et 
l'abstinence  obliguloires  à  des  époque  fixes,  et 
■elle  a  eu  soin  de  nous  en  ménager  quelques 
jours  à  chacune  des  ([uatie  saisons,  pour  les 
raisons  que  nous  disnns  [ilus  loin,  après  avoir 
fait  connaître  les  origines  historiques  des  Qua- 
tre-Temps.  En  les  iixant  à  ces  époques,  elle  a 
consacré  de  nouveau  le  ni^mbre  qualernaire, 
dont  nous  venons  <'e  voir  l'imporlance. 

II.  —  En  traitant  d'autres  sujets,  nous  avons 
eu  déjà  loccasion  de  constater  que  plusieurs  des 
observances  cérémonielles  de  la  loi  mosciïiiue 
ont  passé  dans  la  loi  de  grâce.  La  loi  ancienne, 
qui  était  essentiellement  lii;uralivi!  dans  sa 
parlie  religieuse  et  rituelle,  devait  ètie  et  a 
été,  en  ellel,  absolument  abrogée  comme  telle. 
Cependaul  de  même  que  certaines  fêtes  ont  dû 
être  conservées,  fiaroe  que  nous  avons  le  devoir 
de  télebrer  et  d'honorer  les  réalités  qu'annon- 
çaient les  uncienni  s  solennités,  ainsi  des  raisons 
de  c(invenance  conseillaient  d'imiter,  dans  l'es- 
prit qui  convient  à  la  religion  définitive, 
cerlaines  pratitiues  prescrites  et  observc'^es  dans 
la  période  de  préparation.  Le  jeCiue  des  Quatrc- 
Temps  est  de  ce  nombre. 

Quo  (jue  kis  Juifs  aient  eu  plusieurs  autres 
jours  de  jeu;  e  dans  l'année,  il  est  fuil  spéciale- 
ment meulion,  dans  la  prophétie  de  Zaeiiarie, 
des  jeùi'.es  des  quiilrième,  cinquième,  septième 
et  dixiémj  mois (2).  Les  Hébreux commeiK^aieut 
l'année  sacrée  au  mois  de  nisan,  e'cst-à-dire 
au  mois  de  mars.  Dieu  l'avuil  ainsi  ordonné 
lui-même  (3).  Le  quatrième  mois  était  nommé 
tummus^  et  répondiiit  eu  paitic  à  nos  mois  de 
juin  et  juillet.  Les  Juifs  jeûnaient  le  neuvième 
jour  de  ce  mois,  parce  que  c'était  en  ce  jour 
que  les  Chaldéeus  avaient  fait  une  brèche  dans 
le  mur  de  défense  de  Jéru?alem  (4).  Cette  rai.-oa 
est  donnée  par  saint  Jérôme  et  s^iul  Cyrille. 

1.  L'année  ii'tirjiiiu»,  prifacc  générale. 

2.  Zach.,  vin,  fj. 

3.  Exod.,  XV.  ,i. 
i.Jtnm,  LU.  G. 


Le  cinquième  mois  s'appelait  ab,  et  comprenait 
une  parlie  du  mois  de  juillet  et  d'aoùl.  Lu 
jetine  de  ce  mois  était  fixé  au  di.'sième  jour, 
où  le  temple  fut  brûlé  parles  Chaldéens  (1).  Le 
mois  à'isri  était  le  septième,  et  prenait  la  fin 
de  septembre  et  le  commencement  d'octobre. 
Le  troisième  jour  de  ce  mois  était  consaeré  au 
jeûne  en  mémoire  du  meurtre  de  Godolian  par 
Ismaël  (2).  Le  dixième  mois  était  celui  de  tetet, 
qui  se  composait  d'une  partie  des  mois  actuels 
de  décembre  et  de  janvier.  On  jeûnait  le 
dixième  jour  de  ce  mois,  parce  que  ce  fut  en  ce 
jour  que  les  Challéens  commencèrent  le  siège 
de  Jérusalem  (3). 

Outre  que  le  jeûne  est  par  lui-même  un  acte 
d'humi'iation  et  de  pénitence,  les  tristes  évé- 
nements que  rappelaient  ces  quatre  jeûnes,  et 
qui  avaient  été  en  réalité  des  châtiments  infli- 
gés par  Dieu  en  punition  des  infidélités  et  des 
prévarications  de  son  peuple,  déterminaient 
d'une  manière  plus  expresse  le  caractère  de  ces 
jours,  consacrés  au  deuil  et  à  l'expiation.  Le 
prophète  Zacharie  promet  de  la  part  de  D'eu 
au  peuple  qu'après  le  retour  de  la  captivité  de 
Babylone,  le  Seigneur  lui  accordera,  en  récom- 
pense de  sa  fidélité,  des  jours  heureux  et  une 
telle  prospérité  tiue  ces  jeûnes  seront  convertis 
en  joie.  La  suite  démontre  que,  si  cette  pro- 
messe, d'ailleurs  conditionnelle  en  ce  qui  re- 
garde les  Juifs,  leur  permettait  d'attendre  des 
bénéilietions  temporelles  extraordinaires,  elle 
ne  s'applique  complètement  qu'à  l'Eglise  de 
Jésus-Ciuiit,  dans  laquelle  seule  la  vraie  joie, 
qui  a  son  principe  dans  la  jouissance  île  la  vie 
et  des  biens  surnaturels,  est  accordée  au  nou- 
veau peuple  de  Dieu.  La  parole  de  Zacharie, 
toutefois,  ne  signifie  pas  que  le  jeûne  et  géné- 
ralement les  œuvres  de  pénitence  devront  être 
supprimés,  mais  seulement  (lu'ils  seront  accom 
plis  dans  la  joie  que  nous  cause  la  présence  de 
l'Epoux  parmi  nous,  tandis  que  l'am  icn  peuide, 
qui  ne  le  possédant  pas,  ne  [louvait  éprouver 
en  ces  jours  de  deuil  d'autre  sentiment  que 
celui  d'une  profonde  tristesse. 

III.  Saint  Léon,  qui  a  prononcé  huit  sermons 
sur  le  jeûne  du  septième  mois  des  Juifs,  qui 
répond  aux  qualre-temps  de  septembre,  s'est 
attaché  particulièrement  à  démontrer  que  la 
pénitence,  et  par  conséquent  le  jeûne,  qui  eh 
est  la  pratique  principale,  est  tout  aussi  néces- 
saire maintenant,  sous  la  loi  de  grâ^e,  qu'elle 
le  fut  sous  la  loi  ancienne.  «  Nous  vous  annon- 
çons, nos  bien- aimés,  dit-il,  le  jeune  attache 
par  une  loi  sacrée  au  septième  mois,  ahu  de 
de  vous  porter  aux  exercices  qui  entretiendront 
notre  commune  dévotion,  et  nous  vous  enga- 

1.  Jerem.,  12. 

2.  Ili-.d.;  XLi,  2. 

3.  IV,  Iteg.,  XXV,  1. 


iîSO 


LA  SEMAL'SE  DU  CLEÎIGE 


geoDS  avec  confiance,  en  vous  ailressanl  nos 
paternelles  exhortations,  à  rendra  chrétien, 
par  la  li'lélilé  de  voire  observance,  ce  qui  au- 
trefois n'était  que  juduïque.  Il  est  bon,  eu  ell'el, 
dans  tous  les  temps,  et  il  convient  également 
BOUS  les  deux  Testaments,  de  provoquer  la  divine 
miséricorde  par  la  mortification  de  l'esprit  et 
du  corps;  car  rien  n'est  plus  efficace  pour  nous 
rendre  Dieu  propice,  que  le  jug'^ment  porté 
par  l'homme  contre  lui-même  et  la  persévé- 
rance qu'il  met  è  implorer  son  pardon,  ne 
s'arrètanl  jamais  parce  qu'il  sait  qu'il  n'est  ja- 
mais sans  péché  (I).  » 

Dans  un  de  ses  neuf  sermons  sur  le  jeune  du 
dixième  mois, qui  correspond  aux  Qualre-Tcmps 
de  décembre,  le  même  docteur  établit  que  les 
jeûnes  anciens,  ne  devaient  pas  être  compris 
dans  les  prescriptions  abrogées  par  la  loi  chré- 
tienne. Après  avoir  parlé  des  tentcitions  de  la 
vie  présente,  qui  sont  inévitables  et  nécessaires, 
et  qu'il  faut  énergiquement  combattre,  si  l'on 
veut  se  garantir  des  coups  de  l'ennemi  et  éviter 
la  mort,  il  ajoute  :  a  Pour  guérir  les  blessures 
que  l'on  reçoit  souvent  dans  la  lutte  soutenue 
contre  l'ennemi  invisible,  il  faut  surtout  re- 
courir à  l'application  de  ces  trois  remèdes:  la 
persévérance  dans  la  prière,  la  mortification 
par  le  jeûne  et  la  ditiusion  d'abondantes  aumô- 
nes, et  lorsqu'on  les  emploie  avec  un  soin  égal, 
on  se  rend  Dieu  propice,  on  efface  ses  péchés 
et  l'on  abat  la  tentation.  En  tout  temps,  l'âme 
fidèle  doit  s'entourer  de  ces  moyens  de  défense, 
mais  elle  est  tenue  de  se  les  ménager  avec  plus 
d'empressement  encore  en  ces  jours  qui  ont 
été  particulièrement  désignés  pour  l'accom- 
plissemeut  de  ces  devoirs  de  piété.  Parmi  ces 
devoirs  prend  place  le  jeûne  solennel  de  ce 
dixième  mois.  Nous  n'avons  pas  le  droit  de  le 
négligersous  prétexte  qu'il  a  été  emprunté  aux 
observances  de  la  loi  ancienne,  comme  s'il  était 
du  nombre  des  choses  qui  ont  cessé  d'être 
pratiquées,  telles  que  la  prohibition  de  certaines 
viandes,  la  distinction  des  ablutions  au  bap- 
tême et  des  brebis  et  autres  animaux  pour  les 
sacrifices.  En  effet,  toutes  les  figures  des  choses 
à  venir  étant  accomplies,  tout  ce  qui  n'était 
qu'un  signe  est  Uni.  Mais  la  grâce  du  Nouveau 
Testament  n'a  pas  détruit  l'utiiilé  du  jeûne,  et 
elle  a  pour  but  d'entretenir  par  cette  pieuse 
pratique,  la  tontinsuce,  qui  sera  toujours  pro- 
fitable au  corps  et  à  l'âme.  De  même  que  l'esprit 
chrétien  a  conservé  ces  commandements  et 
tous  les  autres  semblables  :  Vous  adorerez  le 
Seigneur  votre  Dieu,  et  vous  ne  servirez  que  lut  (2). 
Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  de  tout 
votre    cœur  (3).    Vous  aimerez  votre  prochain 

1.  Serm.  xc  {alia*  88).  De  ieiwio  »ep(,mi  mensis  y. 
Dum.  i. 

2.  itallh.,  IV,  10. 
i-  Ibut.,  XSU,  37, 


comme  vous-même  (i);  ainsi,  aucune  inlerpréla- 
tion  ne  peut  faire  évanouir  le  précepte  de  la 
sanctificalioa  et  do  la  gui^rison  de  l'âme  par  le 
jeûne  consigne  d  jus  les  livres  où  sont  écrits  ces 
commandeiiieulà  (2).  » 

Le  grand  Pape  prend  un  soin  particulier  de 
prémunir  les  fidèles  contre  la  pensée  que  Ifs 
jeûnes  de  l'Eglise  ne  seraieiLt  autre  cb-  se  au'un 
reste  des  observances  ilc  la  Sj'nagogue,  et  n'au- 
raient ni  un  autre  caractère  ni  une  autre  valeur. 
11  insiste  sur  cette  doctrine  importante,  que 
tout  ce  qui  a  été  conservé  de  l'ancienne  loi 
exprime  aujourd'hui  i:ne  réalité,  après  avoir 
été,  dans  l'instiliKion  primitive,  une  simple 
figure.  Les  chrétiens  doivent  donc  observer  ces 
choses  dans  un  esprit  nouveau.  «Dieu  a  réglé 
de  telle  sorte  les  d.ispimsfttions  de  sa  miséri- 
corde, dont  s'est  chargé  no^re  Sauveur  pour  la 
restauration  du  genre  humain,  que  l'Evangile 
de  la  grâce  a  enlevé  le  voile  de  la  loi,  mr.is  n'en 
a  pas  détruit  les  institutions.  C'est  pourquoi 
nous  devons  nous  conformer  à  la  déclaration 
qu'à  faite  Notre-Seigneur,  lorsqu'il  a  dit  qu'il 
n'était  pas  venu  supprimer  sa  loi,  mais  lui  don- 
ner son  complément,  en  nous  soumeltant  à 
celte  règle  autant  que  nous  le  pouvons,  avec  la 
grâce  de  Dieu,  saeliant  bien  que  rien  n'est  à 
négliger  dans  les  institutions  de  l'Ancien  Testa- 
ment, si  nousnous  appliquons  soigneusement  à 
distinguer  ce  qui  était  caché  sous  des  voiles 
destinés  à  périret  ce  qui  fut  établi  comme  pra- 
tique permanente.  En  effet,  la  distinction  des 
viandes  et  des  victimes,  la  circoncision  de  la 
chair,  la  différence  des  baptêmes,  les  ablutions,, 
ne  sont  plus  à  observer  aujourd'hui  avec  leurs 
significations  figuiativss,  puisque  ces  choses  ont 
reçu  leur  accomplissement  par  celles  dont  elles 
étaient  les  signes.  Quant  au'^  commandements 
et  aux  préceptes  moraux,  ils  demeurent  tels 
qu'ils  oui  été  donnés,  parce  qu'ils  n'indiquent 
que  ce  qu'ils  énoncent,  et  la  dévotion  chré- 
tienneleurdonne  plusde  forceenles  prolongeant^ 
au  lieu  de  les  laisser  s'évanouir  en  les  abandon- 
nant  Les  constilutiono  apostoliques  ontdonc 

sagement  réglé  que  les  jeûnes  anciens  seraient 
maintenus  à  cause  de  leur  utilité,  et  que,  biea 
que  l'Eglise  eût  déjà  appris  à  multiplier  davan- 
tage les  moyens  de  correction,  elle  adopterait 
encore  la  privation  sanclifiante  que  lui  a  trans- 
mise la  loi;  car,  il  ne  conviendrait  pas  que  ceux 
à  qui  il  a  été  donné  d'accomplirdes  choses  plus 
grandes,  s'abslinssint  d'observer  leschoses  moin- 
dres (3).»  Elailleiii  s  il  montre  encore  combien  l'es- 
pril  lies  deux  lois  est  différent:  uOù  est  l'esprit 
de  Dieu,  là  est  L  liberté  (4),  qui  fait  observer  la 

1.  tiatih.,  39. 

i.  Se;m.  xvi  {alias  xv),  Dt  jejunio  decimi  mentit  tt, 
num.  2. 

3.  Serm.  xx  (alias  19),  De  decimi  msnsisjejunioo.,  UVMU 

4.  II  Cor.,  III,  17. 


LA  SEMAINE  DU  CLEr.G: 


r:i 


loi,  non  par  crainte,  muis  par  amoar;  car  l'o- 
béissance adoucit  le  comranndemeDt  et  l'on  n'e^t 
pas  as.-ervi  à  une  dure  m-cessité.  quand  on  airae 
ce  qui  est  ordonné.  Lors  diinc^frères  bien- aimes, 
que  nous  vous  exhortons  à  vous  soumettre  à 
des  institutions  qui  remontent  jusqu'à  l'Ancien 
Testament,  nous  ne  vous  assujettissons  pas  au 
joug  des  ob^ervances  judaï  lues,  et  nous  ne  vous 
im[iosons  pas  les  coutumes  du  peuple  charnel. 
L'abstinenci!  chrétienne  est  su[iérieure  à  leurs 
jeûnes,  et  s'il  est  des  pralL[ues  qui  nous  sont 
communes  avec  eux  et  reviennent  aux  mêmes 
époijues,  il  n'y  a  pas  de  ressemblance  dans  la 
manière  de  les  observer.  Qu'ils  marchent  piûils 
nus,  qu'ils  montrent  des  visaijes  tristes,  qu'ils 
fassent  ostentalion  de  leurs  jeûnes  oisifs;  pour 
nous,  sans  changer  notre  extérieur  toujours  dé- 
cent et  sans  interrompre  nos  occupations  légi- 
times et  nécessaires,  nous  restreignons,  en  la 
limilaut  avec  simplicité,  la  faculté  que  nous 
avons  de  prendre  notre  nourriture,  en  scjrte 
que,  noire  choix  porte  seuiemeut  sur  la  manière 
d'user  des  aliments,  sans  condamner  les  créa- 
tures mêmes  au  sujet  desi-iuelles  nous  pronon- 
çons ce  jugement  (I).  n 

{A  suivre].  P.-F.  Écalle. 

Professeur  de  théologie. 


Théologie    dogmatique 


LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAlNT-SIÉGE 

CHAPITRE   II.  —  LA  PRIMAUTÉ  DOCTRINALE  IMFML- 
LIliLE  DU  SIÈGE  APOSTULIQUli.  {Suitc). 

Cette  magistrature  suprême,  définitive,  infail- 
lible ciu  siège  apostolique  n'exclut  cependant 
point  le  droit  ipii  appariient  ausévêquescomme 
docteurs  et  jng  s  dan-i  la  foi.  Unis  en  concile 
avec  le  Pape,  leur  chef,  les  évêques  enseignent 
et  jugent  avec  lui  (2).  Si  les  évèques  n'avaient 
que  voix  consultative  au  concile,  le  concile  ne 
se  formerait  point  exclusivement  de  l'assemblée 
des  évèques,  successeurs  des  apôtres  et  pasteurs 
divinement  instilné.s;  le^  Shéologiens  et  les  sa- 
vants auraii'ut  U?  mèiue  droit  que  les  évèques,  ce 
qui  ne  fut  jamais  ad'iïiis  dans  l'iiglise  (3).  Seuls 

1.  Serm.  LXïxiX  {alias  81),  De  jejunij  leplimi  mensis  IV, 
num.  1 . 

•2.  Sacro  approbanli  cmcUio...  Seienlibus  nobiscum  et 
judicar.tibus  universia  orbis  episcopîj.  Concil.  Vatica. 
constitut  De  Fide  cath.  Prœm.  Concile  Lateran.  iv.  v, 
Viennense. 

3.  Melch.  Can.  I.  o  v.  5.  p.  130:  Episcapos  conc  lii  in 
fidci  causa  non  modo  consiîiarios  esse,  verum  etiam  judices, 
Aliogai  non  solum  Epivcopi  ad  ferendam  senl^ntiam  syno- 
dalem  adhibereniur.  sed  eliam  docti  theologi  et  viri  in 
Ecciesûi  ifiidentes.  Quod  iiiauiitum  est,  contraqne  fbrmam 
Âctorum  decimo  fjuinto  prœscriptam,  ubi  apcii(^ii  tantum  cum 
frcib^leri.-  de  fiiei  qttœstionejudicamnt.  Cum  igitur  Ecctesiœ 


les  évèques  lie:it  et  délient,  ordonnent  et  défen- 
deut.  Le  eonseutement  des  évèijues  et  le  juge- 
ment qu'ils  rendent  eu  commun  avec  le  Pape, 
i^'est  donc  pas  un  acte  de  simple  soumission  et 
ri'ooéissance,  comme  c'est  le  cas  pour  les  simples 
fîiièles,  c'est  une  sentence  juridique  qu'ils  pro- 
noncent en  union  avec  celui  quiest  jugesuprènce 
dans  l'Eglise  (I).  a  Comme  la  iète  etie? membres 
sont  un  seul  corps,  remarque  Midchior  Cano, 
ainsi  le  Pape  et  les  évèques  dans  le  concile  sont 
nue  seule  autorité.  Au  eon-ile  de  Jérusalem,  ce 
sont  tous  les  membres  de  J'.Assembléequidisent: 
//  a  plu  au  Saùit-Espnt  et  à  '*<otis  ;  toussent  donc 
auteurs  de  la  sentence  conciMaire.»  L'infaillibi- 
lité personnelle  que  le3api)t\es  possédaient  sous 
la  forme  de  l'inspiration  n'?:téra  en  rien  la  sen- 
tence véritablement  juridique  de  l'aïuHre  saint 
Jacques  non  plus  que  celle  des  autres  apôtres 
au  concile  de  Jérusalem  :  la  suprême  juridictioa 
du  Siège  apostolique  n'exclut  pas  davantage  la 
fonction  jniidique  officielle  de  tous  ceux,  qui 
ont  été  instiluès  juges  de  la  foi  par  le  Saint- 
Esprit.  Celui-là  est  juge  er.matièredefoi,qui,ea 
vertu  de  sa  charge  et  de  souoffic<),  connaît  le 
VI  ai  et  le  faux,  c'est-à-dire  ce  qui  est  contenu 
dan-  le  dépôt  de  la  foi  ou  ce  qui  y  contredit. 
C'est  pour  juoi  les  évèques  sont  encore  juges  de 
la  foi  alors  même  qu'ils  énoncent  <le  nouveau 
comme  une  doctrine  de  foi  et  comme  faisant 
partie  de  la  révélation,  une  vérité  de  foi  (|ui  a 
déjà  été  reconnue  comme  telle,  soit  en  concile, 
soit  par  le  commun  enseignement  de  l'Eglise, 
soit  parle  témoignage  formel  de  la  Sainte  Ecri- 
tuie  :  et  lorsqu'ils  expriment  leur  adhésion  à 
une  sentence  rendue  par  le  ju^e  suprême,  ils 
cesseraient  par  cela  même  d'être  véritablement 
jugés! 

11  n'est  pas  du  tout  de  l'essence  d'une  sentence 
judiciaire  que  celui  qui  la  porte  l'ait  portée  arbi- 
trairement ou  capricieusement  et  qu'il  ait  pu, 
selon  sa  fantaisie,  décider  le  contraire.  S'il  en 
était  ainsi  :  les  conciles  qui  ont  répété  les  déci- 
sions des  conciles  antérieurs  sous  de  nouvelles 
formes  et  en  les  appuyant  de  motifs  nouveaux, 
n'auraient  pas  prononcé  judiciairement.  Et 
c  pendant  même  les  conciles  provinciaux  ont  re- 
pris pour  leur  propre  compte  les  décisions  de 

ferpeluo  ttiu  joK  Pastorei  in  concilia  sedeant,  consequens  /5(, 
ceiisores  eo»  «je,  n»n  modo  conaullores.  Nam  »i,  ut  coiwu- 
lerenl,  advorarenlur,  its  Episcoi^is,  qui  theoloyiœ  nidtê  il 
iini^erili  esseni,  nullus  esset  omnino  in  concilia  locus,quando 
tlifulogitg  quasiio  veniret  in  dubiu7n.  Prœtena  non  Romanai 
e/irsc  pus  moilo,  verum  etiam  Episcopi  dates  regnt  cœiuti* 
hatient,  ergo  in  causa  fidei  ligandi  quoqua  et  absolveiidi  P°^ 
tairm.  a  Visum  est,  »  inquiuni,  Spiriiai  sancio  et  nobis,  nihiJ 
ultra  «obis  imponere  oneris,  quam  lure  necettaria,  •««. 
Omnes  ergo  episcopi  onus  prceceplumqne  imponunt,  omniique 
simul  sententiaa  synodaiis  auctores  suni.  ^  . 

1.  De  là  cette  formule  de  souscription  epiaçopale  dani 
les  anciens  conciles:  Definiens  aubscripsi.  Heléle,  UttloirtOê 
l  ICglise.  I.  p.  48. 


«282 


LA  SEMAINE  DU  Cl.EP.GE 


conciles  gén.'ranx  sans  luis  cr  pmir  cela  rVnuir 
judiciaiicment.  «  Nous  avons  d'iihorM,  par  un 
jueement  unaniine,  disent  les  Pères  du  quator- 
zième concile  de  Tolède  (l)j  comparé  les  ados 
du  sixième  concile  œcuménique  avec  ceux  des 
aniiens  conciles...,  et  lesayant  trouvés  iraciord 
en  tout  avec  ces  anciens  décrets,  nous  les  avons 
confirmés.  » 

Les  évc.jucs  exercent  leur  office  de  jugr>s  de 
trois  ma  ni  ères,  etse  distinguent  ainsi  du  lestedes 
fidèles  qui  accomplissent  un  simple  acte  d'o!  éis- 
sance.  Premièrement  ils  contrôlent  par  l'Ecriture 
et  la  ti.idition,  lesdécisions=oitdesconcilef  anlé- 
rieiirs,  soit  du  Siège  ^ipostolique,  non  pour  déci- 
der arbitrairement,  mais  pour  scruter  les  motifs 
de?  di'cisiof.'' dogmatiques,  afin  de  pouvoir  encore, 
les a]»profondir  etleurdonner  un  développement 
plus  lumineux  et  plus  complet  ;  car  ils  soni  insti- 
tués de  Dieu  pour  être  docteurs,  juges,  gardiens 
et  défenseurs  de  la  foi.  La  véi  ité  brille  d'un  éclat 
plus  vif  et  s'affermit  à  proportiou,  lorsque  l'exa- 
men confirme  ullérieurement  ce  que  la  foi  avait 
d'abord  enseigné  (par  la  décision  da  Siège  apos- 
tolique.) La  dignité  du  minisière  épisco;  al  se 
montre  aussi  dans  tout  son  éclat,  en  ce  qnel'au- 
torité  du  rang  suprême  est  sauvegardée  sans 
préjudice  de  la  liberté  des  subordonnés.  Et 
l'enquête  tourne  à  la  plus  grande  gluiredeDioi, 
lorsqu'elle  est  iuslituée  et  poursuivie  avec  l'in- 
tention que  les  tendances  hostiles  soient  vaincues 
et  que  ce  qui  est  sujet  b  réprobation  ne  paraisse 
point  seulement  étouffé  par  un  silence  cal- 
culé (->). 

Deuxièraent  après  un  exsmen  approfondi  de 
la  vérité  dogmatique  déjà  pro  lamée  parleSiége 
apostolique,  ayant  mis  leurs  lumières  en  com- 
mun, ils  découvrent  l'expression,  souvent  con- 
centrée en  un  seul  mot,  qui  définit  le  mieux  le 
dogme  et  qui  est  la  plus  propre  à  r 'ndre  le  sens 
vrai  et  plein  de  la  décision  et  à  le  défendre  de 
toute  fausse  interprétation  contre  la  sophistique 
de  l'héré-ie.  Car  ce  n'est  pas  seulement  la  vérité 
dogmatiiiue  iniscen  soi,  mais  encore  l'expres- 
sion, le  mot  ijui  la  mar  :ue  exac'.cmeut,  cpii  est 
objet  de  décision  dogm  itique. 

Troisièmement,  If  s  évèipies  proroncont  avec 
autoritéetcommejusessurledogiiie,  parce  qu'ils 

1.  Léo.  M.  Ep.  120. 

2.  Augustin.  De  Trinit.  vn.  4:  Quid  restai,  nisi  ut 
faleamur,  loqucndi  necessita'e  porta  hic  vocabula,  cum  o'iiij 
esset  cojiiosa  (lis;>utatione  adversus  hmiJiua  vcl  errores  bnivcti- 
corum  ?  Ambros.  De  Fitl.  m.  3:  Ideo  Paires  Mcœni  veràum 
^fiooûatoç  in  traclalu  fidei  potuerunl,  quoi  viderint,  aJrer- 
sariU  id  esse  formidini  ut  veluli  eeagitmto  o6  ipsis  ghidio 
ipsorum  ne(cmâic  caput  hœreseos  ampularent,  Athanas.  De 
décret.  Nie.  syn.  11,  19.  Thom.  Summ.  theulog.  I. 
q.  XXIX,  art.  3.  ad  l  :  Ad  inren  endum  nova  ncminn  anti- 
quaii,  fidem  signifirantia  coegil  neces.'itas  dispularidi  cum 
hœrelicis.  Aiictor.  lid.  prop.  29  :  Subtrululur  notilia  focis 
ah  Ecclesia  cnnsecratœ  ad  illius  (rfopma/iî)  Itiendam  profes- 
siO'<em  adversus  hœreses. 


ont  11-  devoir  et  la  charge  d'e:xécntor'pjnn£mont 
prononcé,  en  obligeant  leurs  subordonnés  à  s'y 
soumettre;  ce  qui  ne  saurait  appartenir  à  ceux 
qui  assistent  au  concile  avec  vo'x  consultative 
seulement. 

Ainsi  s'affirme  l'autorité  judiciaire  dcsévèquos 
dans  le  jugement  qu'ils  portent  en  commun  avec 
le  Pape  et  comme  subordonnés  ,-j  l'autorité  du 
Saint-Siège.  Aussi  bien,  le  pouvoir  pastorale  qu'ils 
exercent  dans  l'Eglise  leur  a-t-il  été  accordé  en 
tant  qu'ils  sont  unis  et  subordonnés  à  celui  qui 
possède  le  plein  pomoir  ci3e!é--iasti(iue.  Ainsi, 
chez  les  évèques,  l'acte  d'autorité  est  en  même 
temps  acte  d'obéissaice  ;  mais  en  obéissant, 
parce  qu'ih  se  savent  membres  d'un  même  corps 
et  qu'ils  ne  font  qu'un  avec  la  tète,  ils  exercent, 
en  même  temps,  leur  autorité. 

Une  conséquence  évidente  de  l'infaillibilité  de 
la  chaire  pontificale,  c'est  que,  pour  la  décision 
des  questions  defui^  la  convocation  d'un  concile 
général  n'est  ])as absolument  nécessaire.  Plusieurs 
hérésies,  par  exemple  le  pélagianisme  dans  les 
temps  anciens,  et,  dans  les  temps  modernes,  le 
jansénisme  et  le  quiélisme,  furent  condamnées 
et  étoutlees  par  la  seule  autorité  du  Siège  apos- 
tolique. Toutefois,  beaucoup  de  cas  peuvent  se 
présenter  qui  rendront  utile  et  commanderont 
même  de  convoquer  un  concile  général,  quand 
ce  ne  serait  que  pour  répondre  au  désir  gén'Mal 
delà  chrétienté,  ainsi  que  le  lit  saint  Léon  le 
(îrand  pour  le  concile  de  Chnlcédoine,  lorsque 
d'ailleurs  aucun  obstacle  extérieuriie  s'opposera 
à  cette  convocation.  Le  courile  est  donc  un  des 
moyens  indiqués  par  la  Providence  pour  fixerla 
véritédanslesquestionsde  toi,  quoique cemoyen 
ne  soit  pas  le  seul.  Le  Concile  de  Trente  expri- 
mait la  confiance  qu'il  avait  que,  si  l'acceptation 
de  ses  décrets  rencontrait  quelques  dilficultés,le 
Siège  apost(dique  userait,  entre  autres  moyens, 
de  la  convocation  d'un  concile  général,  s'il  le 
jugeait  nécessaire  ou  ]dus  commode  (I).  11  peut 
arriver  qu'une  question  dogmatique  présente  des 
difficultés  de  telle  nature  que  le  Pape  lui-mèrae 
juge  nécess  lire  d'en  confier  l'examen  non  plus 
seulement  aux  représentants  de  l'Eglise  romaine, 
au  collège  des  cardinaux  et  aux  congiégatioiis, 
mais  à  un  concile  générrl ,  car  Dieu  a  ouvert  .i 
son  Eglise  plusieurs  voitiS  ^.our  l'investigation  de 
la  véiité  {2).  «Le  Papb  Saint- Etienne,  dit  Bcl- 

1.  Sess.  XXV.  Cap.  ultim.  De  reform.  in  fine  :  Quod  si  m 
Ain"  ■rrciiiiendis  aliqua  diffîcuUa^  oriutur,aiit  aliqua  inciden'^t, 
qu(e  dfcla'  ationem  aut  de^nitionem  postulant,  prcpter  alia 
remédia  in  hoc  coiisilio  inslituta  confiait  sa:icta  Synodus^  ut 
vel  evocalis  ex  illis  prœserlim  provinciis,  un  le  difficultai  orla 
fuprit^  iis,  quos  eidem  n  gotio  tractando  viderit  ejpedire,  vel 
etiam  concilii  generalis  cetebrafione,  si  necessarium  judica- 
verit  vel  commodiore  guacumque  ra  iont  et  si  visum  fueritf 
proiinciarum  necessitatibus  pro  Dei  gloria  et  Ecclesiœ  ntces- 
silate  consulatur. 

1  Orsi,  de  Roman.  Pontifie,  auctorit.  Tom.  I,  2. 
Mcichior  Clanus  1.    c.   v.  in    fine.   Romanus   Ponlifeu    net» 


LA  SEMAINE  DU  CLERG2 


i283 


larmiii  (1),  ne  voulut  pastrancliL-r  Jéfmitivement 
la  quesliou  du  baptême  des  hérétiques,  mais  des 
coufiles  ultérieurs  se  chargèrent  de  ce  suin.  Eu 
aliendant,  des  recherches  actives  fureut  faites  de 
toutes  parts,  des  principes  furent  ainsi  éclaircis 
et  développés,  qui  jetèrent  une  vive  lumière  sur 
celte  question  et  sur  beaucoup  d'autres,  n  Le 
jiape  Cék'sliu  permit  le  concile  d'E|)lièje,  qui 
ii'i;tait  pas  d'une  absolue  nécessité  :  ni  le  Pape 
ni  saint  Cyrille  ne  le  jugeaient  nécissaire  (2)  ; 
le  l'ai>e  av:ùl  même  donné  pour  instnieliou  à  ses 
lépals  de  j\<ger,  sans  discuter  ;  mais  la  puissante 
iulluence  de  Ni.^torius,  archevêque  de  Constan- 
liuople,  (juiavailsu  gagner  à  sa  cause  plusieurs 
évcqucs  1 1  1'.  raperrur  hii-mème,  ue  [louvail  être 
brisi-e  que  .ar  rautorité  im|ios.iute  d'un  concile 
général  (3).  Ici  comme  à  Clialcédoioc,  d'après  le 
jugement  de  S.  Léon,  ce  (pie  l'on  se  proposait 
ce  n'était  pas  de  mettre  la  vérité  en  question, 
comme  si  elle  eût  été  ilouteise,  mais  d'augmenter 
le  prestige  et  l'en'qiiie  de  la  loi  en  la  montiant 
année  de  l'autorité  de  tant  d'évèques  et  du 
poids  de  leurs  raisons,  uiais  d'étouffer  net  toute 
résistance,  d'éclairer  les  errants  et  de  couvrir  de 
confusion  les  récalcitiants  et  les  opiniâtres.  Où 
il  iiarait  plus  nécessaire  d'assembler  h  s  évêqucs 
en  coi:«le,  c'est  quand  il  s'agit  de  questioiis  de 
(iisciiiliue.  Là  les  conseils  et  les  jug-emeiilj  des 
évéques  sont  delà  plus  haute  imiuutance  ;  car 
la  puissance  a  été  douuée  à  l'Eglise  pour 
l'é.lilication  (4). 

Dans  un  certain  sens  donc,  l'aulnrié  d'un 
coiu'ile  est  plus  grande  que  l'cUe  du  ISiege  a[)os- 
tolique  tout  seul,  parct!  que  le  corps  épiscopal 
tout  entier,  agissant  de  concert  avec  le  Pape,  pré- 

temereel  slulle,  sei  con^iJerale  et  mpienler  débet  filei  conlro- 
versiai  defmiye,  advoaiiidu  sctticet  con^itiarios  tel  plures,  vel 
pauciores^  juxla  rei  de  (^ua  ditferttur,  firavitafem  Juvan'  enim 
paires  conciUi  sutnmi  l'oniifias  jxdem  atque  aoctnuam.,. 
Facit  qnoftue  concdimn  ii'aii^ittiliorem  populo  fi  l'ein  projiter 
acceptitsima  multorum  hstimonia  alque  judicùi  :Vu/;i  et 
t'-ges^  quo'  cumniuni  optiinatum  consni'U  et  roguntur  et 
feruntuVf  l  bentius  j  cpu.us  acci^itf  quant  ii  a  rege  soium 
ederentur. 

1.  Uu  Roman.  Pontif.  iv.  7. 

2.  Oignens  igiiur  tio-'-ii  dedarnre,  quij  tibi  rijfo'ur,  et 
u!rum  aliquaudo  fur»  i  Lo  cointnuuicare  oporteat,  an  libéré 
denuiilioTet  neiniuem  cum  eo,qui  talta  sentit,  etuoiel,  comiitu- 
niciire.  0[W  est  autem^  ut  tur  piehitis  super  hac  re  serit'Utia 
tumiiissimis  Macedor.iœ  ejdscojis,  tum  omnibus  Orent'S 
antisUlibus  per  iiievas  viaiùft^sta  fuit.  Jliis  eniin  cupieutibus 
ausam  dabtmus  [otûcojiev  aço&aâ:)  ut  uno  animo  i»  ufia 
scutentia  persistant,  et  recttt  fidei,  quœ  inipugnatur,  opem 
ferant.   Cyrill.  ad  l^œlestiu.    op.    Coust.    p.    10'13. 

3.  Bossuit.  Uefcn.  Cler.  Gallii;.  ni,  7.  10:  Piatie  coii/S- 
temur,  Cœleslini  ten'entinjn,  ila  ut  Cyriltus  speraverat, 
vililuram  fuisse  ad  novam  haresim  cçinprivienclum.  jiin 
graves  suborti  inolus  resque  ea  vi-^a  esset,  quœ  ad  universalem 
aynodiim  d'ferretur.  îùstorius^  rer;i'P  ciritatis  ein^copus  ea 
aucioritale  jcUebot,  ea  Sfecie  pictalis  hon^inum  unimis  illu- 
ierut.  eos  sibi  conciliavcrat  episcopos^  ea  denique  gratta  npud 
Th^odûsium  jeuniorem  imperatorem  et  procurée  trat^  ut  factte 
vmnia   commoveret. 

4.  B»llcrini,  Vindic.  Auctor.  Pontif.  viu,  8. 


sente  une  plus  grande  masse  de  témoins  et  de 
juges  eu  faveur  de  la  vérité  catholique  contre 
l'erreur,  que  si  le  Pape  était  seul.  Mais  si  cette 
nutorité  devient  plus  grande  extirieitrement, 
eu-tensiV'  ment,  matmellement  (I);  elle  demeure 
fonrièreinent,  intensivement  et  formellement  la 
même  {i)  Car  «  aussi  longtemps  que  le  Pape 
n'a  point  confirmé  les  décrets  d'un  concile 
quilque  nombreux  qu'il  soit,  ces  décrets  ne  sont 
puint  en(  ore  ceux  d'un  concile  général.  Un  con- 
cile Général  n'est  donc  pas  possible  séparé  du 
Pape  (3).  » 

Quant  à  former  une  insliiuiion  absolument 
nécessaire,  sans  laipielle  l'organisme  de  l'Eglise 
ne  saurait  fonctionner  d  une  façon  normale,  tel 
n'est  pas  le  concile,  h'ahonl,  cela  ne  peut  pas 
être,  puisque  la  possibilité  de  tenir  un  concile 
ne  se  présente  que  rarement  ;  ensuite,  cela  n'est 
pas,  puisque  les  plus  beaux  temps  de  la  vie  de 
l'Eglise,  les  trois  (iremiers  siècles,  n'ont  pas 
connu  de  concile  général. 

L'histoire  nous  présente,  de  la  situation  et  de 
l'action  du  Siège  apostolique  dans  l'Eglise,  un 
tableau  brillant,  une  image  glorieuse  sur 
laquelle,  seule,  !a  conduite  et  la  condamnation 
du  pape  lionorius  semble  jeter  quelque  ombre. 
N'a-i-il  pas  adojité  l'erreur  des  monothéiites'?  Ne 
fut-il  pas,  pour  ce  lait,  condamné  comme  héré- 
tique par  le  sixiéne  concile? 

La  -qiu'slion  d  lionorius  a  été  depuis  long- 
temps, mais  princiiialemeut  dans  ces  dix  der- 
nières années,  1  objet  de  couiri'Verses  multiples. 
Que  f.iul-il  en  penser? 

Dans  une  lettre  insidieuse  et  longuement  élu- 

1.  La  maxime,  orbis  major  est  urbe  vaut  sous  ce  rapport. 
S.  I.éon-le-G'and  (ICp.  3'J),  parlant  du  jug-inent  du  con- 
cile, dit  pleinut  judicium,  ce  que  Thoniassin  (Dissert.  XU. 
14,  in  concil.  Clialced)  explique  ainsi;  pt more  judicum 
numéro  (t  pompa  majore  eantUem,  >uam  fidein  scnlenliamque 
in  L--I  riabitein  promu  Iga  ta  m . 

2.  BellArm.  De  concil.  II.  in  :  Si  accipialur  Ecrl-sia  cum 
Papa,  tune  major  est  auctorilas  Ecctesice  extensive,  quam 
Pap'i'  solius,  intensive  autem  ftqualis. 

3.  Uélélé,  Histoire  de I  conciles.  1.47:  Si  l'infaillibilité  ne 
rcsulie  p:is  de  la  force  .lu  sens  clirétien,  dit  le  protestant 
Bœttiolier  (Ireuve  de  la  foi  li>7'2.  ]>.  Ô4I),  te  don  est 
alori  purement  diviii  Dans  ce  cas  il  e.-t  évidemment  plus 
raisonnable  delà  lare  résider  dans  l'esprit  d'un  sent  chef, 
que  dans  toutes  les  tètes  dont  se  jompose  un  concile. 
U  après  l'.oettiotier,  l'infaillibilité  dii  Pape  ettlv  conséquence 
logique  de  la  doctrine  de  l'Eglise  visible,  dont  le  chef 
v.sible  est  ie  Pape.  C'est  seulement  par  la  négation  de  ces 
deux  principes,  pense-ti),  "lue  'lùn  peut  se  soustraire  à 
cette  conséquence,  et  il  a  raison.  Attaquer  seulement 
1  int'iillibilité  du  Pape,  et  laisser  passer  celle  de  l'Eglise, 
c'est  selon  Frohscbammer; Importance  politique  de  l'infail- 
liijlUté  du  Pape  etde  l'Kglise,  1871),  s'arrêter  à  nii-'-heniia, 
c'est  un  moyen  terme  impossible  à  tenir.  De  uiéme  le  pro- 
testant Fromaun,  Histoire  du  concile  du  Vaiian,  137:!;  Les 
nouveaux  adversaires  de  l'infaillibilité  pontificale  o«tpose 
pour  l'œcnménieité  d'un  con:ile  des  conditionî^tout  à '.iit 
irréalisables,  je  veux  dire  l'adoptico  unani::K  <.e  ses  déci- 
sions p,ar  tous  les  membres  de  l'asseiiiblti;  concihairs, 
avec  cela  le  magistère  infaillible  se  trouve  Sii;)i,nu* 
ea  fait. 


I5?i 


LA  SEMAINE  DU  CLEP.GS 


i''"''',  Srrciiis,  p.itri.-irrlip  rie  Co'if;!aiilinn;\', 
e'oliit  aiiresté  au  pape  Houorins,  faisant  ni'i  ni- 
ter  ;i  sivs  yeux  le  succès,  longtemps  désiré,  ('.■■  l\ 
rémiiou  lies  monnphysiles  avec  les  catholiqni  ?. 
11  le  su|>i>liait  iliiilcrveinr  avec  toute  son  atiio- 
ri)i'  à  l'encoulre  de  ceux  qui  rejelaiei.t  la  L:- 
njule,  une  opémlicn  théandrique  unique  (•yx 
esavSoi/.r,  ^/^f■J■=■=')l  ''cjà  employée  par  Denys  I'Am'o- 
pngile(l),  moyeunaut  laquelle  tout  pouvait  se? 
r.oncilic)-.  S:iint  Sophrone.  patriarche  de  Jérusa- 
lem rejetait  la  foimulc,  et  c'étaitlui  que  Ser^irs 
avait  e:i  vue  sans  le  nommer.  Les  monotbé !;::  s 
aliusaieiit  de  cette  expression,  qui  en  soi  coa- 
tieut  un  sens  droit,  savoir  l'unité  de  la  personne 
divine,  qui  a  une  oyero/iOH  divine  et  humaine  (21, 
de  m:iuicre  que  D'eu,  dans  l'inimanitc  qnii  a 
prise,  n'opère  pas  le  divin  sans  coopération  de 
l'humanité,  et  réciproquement  que  Ihumanito 
n'opère  pas  l'humaiu  sans  coopération  de  la 
divinité.  Ou  ne  devait  pas,  remarque  Spr:.iiis, 
parler  île  deux  volontés  on  Jésus  (Christ,  comnrîo 
si  c'élaieut  deux  volontés  ojiposécs  entre  elles, 
comme  si.  tandis  que  le  Verbe  veut  oj-.ércr 
l'œuvre  du  salut,  la  volonté  humaine  hittait  à 
l'encontre  l^i).  Tel  est  le  sens  selon  leijurl  ihiuo- 
riiis  comprenait  la  controverse,  et  c'est  dans  ce 
sens  qu'il  déclara  qu'il  n'y  avait  (las  deux  volon- 
tés en  Jésus  Chiist,  savoir  une  volonté  qui  obéit 
à  Hieu  et  une  autre  qui  lui  résiste,  pas  de  con- 
cupiscence, laquelle,  en  un  certain  sens,  est  une 
volonté  de  la  cltair,  une  seconde  volonté. 

Cette  exiilication  de  lécrit  d'ilonorius  est 
celle  de  l'écrivain  qui  l'a  rédigé,  de  l'ublié  Jean, 
son  se(^rétaire,  qui  avait  répondu  au  nom  du 
Pape  (4).  C'e.-t  aussi  celle  du  pape  Jean  IV, 
deuxième  successeur  d'Honoriiis,  cnfln,  c'est 
celle  du  saint  abbé  Maxime  (3).  «  Quel  est,  dit 
ce  dernier  (C),  l'interprète  le  plus  antor.sé  do 
cette  li'ttro,  de  l'homme  éclairé  qui  l'a  écrite  au 
nom  du  l'a[)e,  l'abbé  Jean  encore  vivant,  ou 
bien  de  ces  hommes  de  Coustautino|]le  à  la 
lau'^^ue  double  cl  téméraiic?  o 

Mais,  sans  sortir  de  l'écrit  du  Pape,  nous 
sommes  en  état  de  montrer  que  le  sens  en  est 
pleinement  catholitpie.  lintrant  dans  le  vit' de  la 
vqurstion,  telle  que  l'avait  ixposée  Sergius,  le 
l'apedit:  «  Nous  conl'i^ss'uis  dui;c  u'je  volonté 
u  eu  Jésus-Christ^  purco  -{nv.  la  di-'iuité  a  pris 

J.    Ep.  »    ad  C;lj. 

2.  Concil.  Later.  (C19)  sut  Martin.  I.  Act.  v.  Can.  15  : 
Si  quis  Dti  ^:i^•ikm  opcrattonem^  qucdGrœci  drcun/OeavBpiXT^V, 
unam  optrationtm,  miijueuttr  tuicipil,  non  aulem  du- 
pliiem  esse  coufiletur  secundum  sanctos  patres,  hoc  e.ft 
diviiifim  et  tiumanam.  aut  ipiain  Dei  virilis  quœ  posita  est 
nov'im  tccabuii  dictionem  uuius  essf  designativam,  sed  non 
utriu-ique  mirificœ  et  gloriosix  umonis  dsviottstratii:dm, 
tondemnalut  sit.  Cf.  Ex[iliciition  de  S.  Uaodme,  abbé. 

3.  .Maiisi,  XI   b3i. 

4.  M;inïi,  X.  6IS'J.  739. 

5.  Man-i.  .\.  683  seqq.  739. 

•.  Uispui.  C   l'j/rrh.  Mansi,  1.  c.  740, 


e  no!re  i  r.tuie,  mais  non  pes  nnSe  péclu^.  et 
«  notie  uature  telle  qu'elle  a  été  créée  avant 
H  que  le  péché  l'eût  corrompue...  n'ayant  pas 
«  pris  le  péché,  il  n'a  pu  avoir  part  à  la  tache 
«  de  la  nature  pécheresse...  Donc,  le  Sauveiir 
«  n'a  point  pris  la  nature  corrompue,  qui  aurait 
«  contredit  ù  la  loi  de  l'esprit...  U  n'y  a  en  lui 
0  aucune  volonté  différente  et  contraire,  attendu 
H  iiu'il  est  né  au-dessus  de  la  nature  humaine. 
(1  Et,  quand  il  est  écrit  :  Je  ne  !<uis  pas  venu  pour 
«  faire  ma  volonté,  mais  celle  de  mon  Père,  ces 
((  paroles  ne  désii^nent  pas  une  volonté  dilTé- 
0  rente,  mais  l'humanité  que  le  Seigneur  a 
<■.  prise  poiu' la  sauver  (littéralement,  l'éconowie 
<i  du  salut  de  l'humariiU'-  prise)  (J).  »  Cetîe 
unique  volonté,  c'est  i'nnique  volonté  humaine 
d'accord  avec  la  volonté  divine,  l'unique  opéra- 
tion déivirile  dans  le  sens  du  concile  de  Latran. 
S'il  continue  en  visant  saint  JMatlhieu  x.wi,  M9et 
saint  Luc  x.\ii,  42,  et  cii  di.-ant  :  «  Ceci  a  été  écrit 
«  à  cause  de  nous,  pour  nous  montrer  l'uKemple, 
('  alin  que  nous  marchions  sur  ses  traces;  il  ins- 
«  trnit  ses  disciples  comme  un  bon  maître,  afin 
<(  que  chacun  de  nous  préfère  en  tout  non  sa 
u  volonté,  mais  celle  du  Seigneur  ;  »  personne, 
n'a  le  droit  d'en  conclure  que,  dans  la  pensée 
d'Honorius,  Jésus-Christ  disait  ces  paroles  seu- 
lement pour  l'apparence,  et  qu'il  n'a  pas  réelle- 
ment soumis  sa  volonté  humaine  à  Dieu. 

{A  suine.)  Dr  IltniNGER. 


Législation 

LOI  SUR  La  LIBERTÉ  CE  L  ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR  Ci 

TITRE      rUEMlER 

Des  cours  et  des  élablissements  libres  d'enseigne- 
ment supérieur. 

Article  1".  —  L'enseisiiement  supérieur  est 


libre. 
Art.  2. 


Tout  Fram^ais  âgé  de  vingt-cinq 


1.  Tr,ç  o!xovo;j.!a;  -ri;  d.OpundTriTo;  tt);  rpoaXrifOsîariS. 
Mansi,  XI.  p.  539.  La  o'xûvojx'a,  le  mystère  de  liacinia- 
tion,  se  dit  chez  les  Pères  par  opposition  à  laOtoXu-jlx, 
!e  ni3'stère  de  la  sainte  Trinité.  Cf.  Mansi,  1.  c.  p.  756. 
Cette  simple  observation  a  suffi  pour  faire  justice  d'une 
interprétation  étrange  de  Dœilinger  [Papsifubtln,  p.  132)  : 
Selon  lui.  Honorins  aurait  expliqué  les  passages  décisifs 
de  l'Ecriture  dans  le  sens  dune  simple  ecotiomif,  oa 
Binière  de  dire  employée  par  Jésus-Cbrist,  c'e»t-ii-dir« 
dans  le  sens  d'une  accommodation  qui  n  est  pas  i>  prendra 
dans  le  sens  propre,  et  au  moyen  de  laquelle  .lésus-Clirist 
aurait  voulu  nous  avertir,  de  soumettre  notre  volonté  k 
celle  de  Dieu.  Cette  interprétation  a  de  quoi  surprendr» 
chez  un  tliéuloirien.tel  que  lJœllinf;er,  on  la  comprendrait 
venant  de  quelqu'un  qui  n'aurait  jamais  ouvert  les  Pères 
de  l'Eglise. 

2.  Nous  commenoerons  it  donner,  dans  notre  prochain 
numéro,  ni.  résumé  complet  de  tous  les  débats  qui  ont  eu 
lieu  il  ciuicune  des  trois  Iccturts  de  la  présente  loi.  Kli« 
est  publiée  car  le  Journal  ojjiciel  du  'iO  juillet  1876, 


LASSMAINBDD  CLERGÉ 


«3 


ans,  n'ayant  encouru  aucune  des  incnpncités 
prévues  par  l'article  8  de  la  présente  loi  ;  les 
associations  formées  légalement  dans  un  dessein 
d'enseifjnement  supérieur,  pourront  ouvrir  li- 
brement des  cours  et  des  établissements  d'cn- 
seiL'iiement  supérieur  aux  seules  conditions 
prescrites  par  les  articles  suivants. 

Toutefois,  pour  l'enseignement  de  la  méde- 
cine et  de  la  pharmacie,  il  faudra  justifier,  en 
oulKr,  des  conditions  requises  pour  l'exercice 
des  professions  de  médecin  on  de  pharmacien. 

Les  cours  isolés  dont  la  publicité  ne  sera  pas 
restreinte"  aux  auditeurs  régulièrement  iuscrits 
restiTont  soumis  aux  prescriptions  des  lois  sur 
les  réunions  pubUipies. 

Un  règlement  d'adminisfrafion  pnbliixiie  dé- 
terminera les  formes  et  les  délais  des  inscriptions 
exigées  par  le  paragraphe  précédent. 

Art.  3.  —  L'ouverture  de  chaque  cours  devra 
être  précédée  d'une  déclaralion  signée  par  l'au- 
teur de  ce  cours. 

(;ette  déclaration  indiquera  les  noms,  qualités 
«t  domicile  du  déclarant,  le  local  ofi  seront  faits 
les  cours,  et  l'objet  ou  les  divers  objets  de  l'en- 
seignement qui  y  sera  donné. 

Elle  sera  remise  au  recteur  dans  les  départe- 
ments où  est  éiabli  le  chef-lieu  de  l'académie, 
et  à  l'inspecteur  d'académie  d:ins  les  autres  dé- 
partements. 11  en  sera  donné  immédiatement 
récépissé. 

L'ouverture  du  cours  ne  pourra  avoir  lieu 
ijue  dix  jours  francs  après  la  délivrance  du  ré- 
cépissé. 

Tonte  modification  aux  points  qui  auront 
fait  l'objet  de  la  déclaration  primitive  devra 
être  portée  à  la  connaissance  des  autorités  dé- 
signt'i's  dans  le  paragraphe  précédent.  Il  ne 
pourra  être  donné  suite  aux  modiUcations  pro- 
jetées que  cinq  jours  après  la  délivrance  du 
récéiii-sé. 

Art.  4.  —  Les  établissements  libres  d'ensei- 
gnement supérii'ur  devront  être  administrés  par 
trois  personnes  au  moins. 

La  déclaration  prescrite  par  l'article  3  de  la 
présente  loi  devra  être  .Mgnée  par  les  adminis- 
trateurs ci-dessus  désigner;  elle  indiqnerti  Uiirs 
noms,  qualités  et  domicues,  ie  siège  et  les 
statuts  de  rélablissoment,  ainsi  que  les  autres 
énouciations  mentionnées  dans  ledit  article  3. 

En  cas  de  décès  ou  de  retraite  de  l'un  des 
administrateurs,  il  devra  être  procédé  à  son 
remplacement  dans  le  délai  de  six  mois. 

Avis  en  sera  donné  au  recteur  ou  à  l'inspecteur 
d'académie. 

La  liste  des  professeurs  et  le  programme  des 
cours  seront  communiqués  chaque  année  aux 
autorités  désignées  dans  le  paragraphe  précé- 
dent. 

Indépeadamment  des  cours  proprement  dits, 


il  pourra  être  fait  dans  les-lifs  établissements  des 
conférences  spéciales  sans  qu'il  soit  besoin  d'au- 
torisation préalable. 

Les  autres  formalités  prescrites  par  l'art.  3 
de  la  présente  loi  sont  applicables  à  l'ouverture 
et  à  l'administration  des  établissements  libres. 

Art.  S.  —  Les  établissements  d'enseignement 
sup(M-ieur,  ouverts  conformémiuit  à  l'article 
précédent  et  comprenant  au  moins  le  même 
nombre  de  professeurs  pourvus  du  grade  de 
docteur  que  les  facultés  de  l'Etat  qui  comptent 
le  moins  de  chaires,  pourront  prendre  le  non: 
de  faculté  libre  des  lettres,  des  sciences,  de 
droit,  de  médecine,  etc.,  f'ds  appartiennent  à 
des  particuliers  ou  à  de*  assoei  .tions. 

Uuand  ils  réuniront  xrois  facultés,  ils  pour- 
ront prendre  le  nom  d'université  libre. 

Art.  6.  —  Pour  les  facultés  des  lettres,  des 
sciences  et  de  droit,  la  déclaration  ?ignée  par 
les  administrateurs  devra  porter  que  lesdites 
facilités  ont  des  salles  de  cours,  de  conférences 
et  de  travail  suffisantes  pour  cent  étudiants  au 
moins,  et  une  bibliothèque  spéciale. 

Pour  une  faculté  des  sciences,  il  devra  être 
établi,  en  outre,  qu'elle  possède  des  labora- 
toires de  physique  et  de  chimie,  des  cabinets 
de  physique  et  d'histoire  naturelle  en  rapport 
avec  les  besoins  de  renseiguemciil  supérieur. 

S'il  s'agit  d'une  faculté  de  médecine,  d'une 
faculté  mixte  de  médecine  et  de  plianuarie,  ou 
d'une  école  de  médecine  ou  de  pharmacie,  la 
déclnration,  signée  par  les  administrateurs,  de- 
vra établir  : 

Qui^  ladite  facilité  on  école  dispose,  dans  nn 
hôpital  fondé  pir  elle  ou  mis  à  sa  disposition 
par  l'assistance  publique,  de  120  lits  au  moins 
habitnellemenl  oecul'és  par  les  trois  enseigne- 
meutschniquesprincipaxix:  méilical,  chirurgical, 
obsli'lrical; 

Qu'elle  est  pourvue  ;  !•  de  salles  de  dissection 
muuicsde  tout  ce  qui  est  néoe.ssaire  ans  e.^erci- 
crs  aualomiques  des  élèves;  2°  des  laboratoires 
ni! -l'ssairesaux  études  de  chimie,  de  physique  et 
du  physiologie;  3"  de  coll(>c(ions  d'étude  pour 
l'anatômie  normale  et  pathologique,  d'un  cabi- 
net A",  physique,  d'une  collcclinn  de  matière 
médicale,  d'une  collection  d'instruments  et  ap- 
pareils de  chirurgie  ; 

Qu'elle  met  à  la  disposition  des  élèves  un  jar- 
din de  plantes  médicinales  et  une  bibliothèque 
Spi'ciale. 

S'il  s'agit  d'une  école  spéciale  de  pharmacie, 
les  administrateurs  de  ces  établissements  devront 
déclarer  qu'ils  possèdent  des  laboratoires  de  phy- 
si.iue,  de  chimie,  de  pharmacie  et  d'histoire  natu- 
relle, les  collections  nécessaires  à  l'enseignement 
de  la  pharmacie,  un  jardin  de  plantes  médiei- 
calcset  nue  bibliothèque  spéciale. 

Art.  7.  —  I.es  cours  ou  établissemeiib  libres 


}285 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


â'eDsuignement  supérieur  seront  toujours  ou- 
verts et  accessibles  aux  délégués  du  miuistre  de 
l'Instruction  publique. 

La  surveillance  ne  pourra  porter  sur  1  ensei- 
gnement que  pour  vériiier  s'il  n'est  pas  contraire 
à  la  morale,  à  la  Constitution  et  aux  lois. 

j\rt.  8  —  Sont  incapables  d'ouvrir  un  cours 
et  de  remplir  les  iouclions  d'administrateur  ou 
de  oroCesseur  dans  un  établissement  libre  d'en- 
seignement supérieur  : 

1°  Les  individus  qui  ne  jouissent  pas  de  leurs 
droits  civils  ; 

2°  Ceui  ,  'i  ont  subi  une  condamnation  pour 
crime,  ou  pour  uu  délit  contraire  à  la  probité  ou 
aux  mœurs  ; 

3°  Ceux  qui,  paï  smtè  de  jugement,  se  trou- 
veront privés  de  tout  ou  partie  des  droits  civils, 
civique  et  de  famille  indiqués  dans  les  n°'  1, 
2,  3",  5,  G,  7,  et  8  de  larlicle  42  du  Code 
pénal  ; 

4°  Ceux  contre  lesquels  l'incapacité  aura  été 
prononcée  eu  vertu  de  l'article  16  de  la  pré- 
sente loi. 

Art.  9.  —  Les  étrangers  pourront  être  auto- 
risés à  ouvrir  des  cours  ou  à  diriger  des  établis- 
sements libres  d'enseignement  supérieur  dans 
les  conditions  prescrites  par  l'article  78  de  la  loi 
du  55  mars  IS-^O. 

TITRE  II. 

Des  associations  formées  dans  un  dessein  d'enseignement 
supérieur. 

Art.  10.  —  L'article  291  du  Code  pénal  n'est 
pas  applicable  aux  associations  formées  pour 
créer  et  entretenir  des  cours  ou  établissements 
d'enseignement  supérieur  dans  les  conditions 
déterminées  par  la  présente  loi. 

Il  devra  être  fait  une  déclaration  indiquant 
les  noms,  iirofessions  et  domiciles  des  fonda- 
teurs et  adiuinisLraleurs  desdites  associations, 
le  lieu  de  leurs  réunions  et  les  statuts  qui  doivent 
les  régir. 

Cette  déclaration  devra  être  faite,  savoir  : 

1°  Au  recteur  ou  à  l'inspecteur  d'académie, 
qui  lu  transmettra  au  recteur;  2*  dans  le  dé- 
partement (le  la  Seine,  au  préfet  de  police,  et, 
dans  les  autres  départements,  au  préfet;  3°  au 
procureur  géni'ral  de  la  Cour  du  ressort,  en 
son  parquet,  ou  au  parquet  du  procureur  de  la 
République. 

La  liste  complète  des  associés,  avec  indica- 
tioa  de  leur  Jomicilc,  devra  se  trouver  au 
siège  de  l'association  et  être  communiquée  au 
parquet  à  toute  réquisition  du  procureur  gé- 
néral. 

Art.  i\.  —  Les  établissements  d'enseignement 
supérieur  fondés,  ou  les  associations  fui  mées  en 
vertu  de  la  présente  lui,  pourront,  sur  leur 
demande,  être  déclarés  établissemeuts  d'utilité 


;jublique,  dans  les  formes  voulues  par  la  loi^ 
après  avis  du  conseil  supérieur  de  l'instruction 
publique. 

Une  fois  reconnus,  ils  pourront  acquérir  et 
contracter  à  titre  onéreux  ;  ils  pourront  égale- 
ment recevoir  des  dons  et  des  legs  dans  les  con- 
ditions prévues  par  la  loi. 

La  déclaration  d'utilité  publique  ne  pourra 
être  révoquée  que  par  une  loi. 

Art.  12.  —  Eu  cas  d'extinction  d'un  établisse- 
ment d'enseignement  supérieur  reconnu,  soit 
par  l'expiration  de  la  société,  soit  par  la  révo- 
cation de  la  décliration  d'utilité  publique,  les 
biens  acquis  par  donation  entre-vifs  et  par 
disposition  à  cause  de  mort,  feront  retour  aux 
donateurs  et  aux  successeurs  des  donateurs  et 
testateurs,  dans  l'ordre  ré^lé  par  la  loi,  et,  à 
défaut  de  successeurs,  à  l'Etat. 

Les  biens  acquis  à  titre  onéreux  feront  égale- 
ment retour  à  l'Etat,  si  lesstatuts  ne  contiennent 
à  cet  égard  aucune  disposition. 

11  sera  fait  emploi  de  ces  biens  pour  les 
besoins  de  l'enseignement  supérieur  par  décrets 
rendus  en  Conseil  d'Etat,  après  avis  du  conseil 
supérieur  de  l'instruction  publique. 

TITRE  m. 
De  la  collalion  des  grades. 

Art.  13.  —  Les  élèves  des  facultés  libres  pour- 
ront se  présenter,  pour  l'obtention  des  grades,, 
devant  les  facultés  de  l'Etat,  en  justifiant  qu'ils 
ont  pris,  dans  la  faculté  dont  ils  ont  suivi  les 
cours,  le  nombre  d'inscriptions  voulu  par  les 
règlements.  Les  élèves  des  universités  libres 
pourront  se  présenter,  s'ils  le  préfèrent,  devant 
un  jury  spécial  formé  dans  les  conditions  déter- 
minées par  l'article  14. 

Toutefois,  le  candidat  ajourné  devant  une 
faculté  de  lEt-it  ne  pourra  se  présenter  ensuite 
devant  le  jury  sfiécial,  et  réciproquement,  sans 
en  avoir  obtenu  l'autori-atiun  du  ministre  de 
l'instruction  publique.  L'inf-aclion  à  celte  dis- 
position entraînerait  la  nullité  du  diplôme  ou 
du  certificat  obtenu. 

Le  baccalauréat  es  lettriv,  et  le  baccalauréat 
es  scien.'.es  resteront  exclusivement  conférés  par 
les  facultés  de  l'Elat. 

Art.  14.  —  Le  'ury  spécial  sera  formé  de  pro- 
fesseurs ou  agi  igés  des  facultés  de  l'Etat  et  de 
professeurs  des  universités  libres,  pourvus  du 
dipWme  de  docteur.  Ils  seront  désignés,  pour 
chaque  session,  par  le  ministre  de  l'intruction 
publique,  et,  si  le  nombre  des  meiLbres  de  la 
commission  d'i.'xamen  est  pair,  ils  seront  pris 
eu  nombre  égal  dans  les  tacuUés  de  l'Etat  et 
dans  l'universil-  libre  k  laquelle  appartien- 
dront les  candidats  à  examiner.  Dans  le  cas 
où  le  nombre  est  impair,  la  majorité  sera  du  côté 
des  membres  de  renseignement  public. 


LA.  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1287 


La  présidence,  pour  cliaque  cij;iiiiiis'--'n'^. 
apparlieudra  à  un  membre  de  l'enseignemunt 
public. 

Le  lieu  et  les  époques  de  sessions  d'examen 
seront  fixés  chaque  année  par  un  arrêté  du 
ministre,  après  avis  du  conseil  supérieur  de 
l'iustruciiou  pul)liqne. 

Art.  15.  -  Les  élèves  des  universités  librfj 
seront  soumis  aux  mêmes  règles  que  ceux  dès 
facultés  de  l'Etat,  notamment  en  ce  qui  con- 
cerne les  conditions  préalables  d'âge,  degiades, 
d'inscriptions,  de  stage  ians  les  hôpitaux,  le 
11  uubre  de-i  épreuves  à  subir  devant  le  jury 
spécial  pour  l'obienlion  de  chaque  grade,  les 
délais  obligatoires  entre  chaque  grade  et  les 
droits  à  percevoir. 

Un  règlement  délibéré  en  conseil  supérieur 
de  l'instruction  pub'ique  déterminera  les  condi- 
tions auxquelles  un  étudiant  pourra  passer  d'une 
faculté  daus  uae  autre. 

TITRE    IV. 

Des  pénalités. 

Art.  16.  —  Toute  infraction  aux  articles  3, 
4,  5,  6,  8  et  10  de  la  présente  loi  sera  punie 
d'une  amende  qui  ne  pourra  excéder  mille 
francs  (i,()00  francs). 

Sont  passibles  de  cette  peine  : 

1°  L'auteur  du  cours  dans  le  cas  prévu  par 
l'article  3; 

2°  Les  administrateurs,  ou,  à  iléfaut  d'admi- 
nistrateurs régulièrement  constitués,  les  orga- 
nisateurs dans  les  cas  prévus  par  les  articles  -i, 
(Jet  10; 

3°  Tout  professeur  qui  aura  enseigné  malgré 
la  di'feiisc  de  l'art.  8. 

Art.  17.  —  En  cas  d'infraction  aux  prescrip- 
tions des  articles  3,  4,  S,  6  ou  10,  les  Irihunaux 
pourront  prononcer  la  suppression  du  cours  ou 
de  l'établissement  pour  un  temps  qui  ne  devra 
pas  excéder  trois  mois. 

En  cas  d'infraction  aux  dispositions  de  l'ar- 
ticle 8,  ils  prononceront  la  firraeture  du  cours 
et  pourront  prononcer  celle  de  l'établissement. 
_  11  en  serade  même  l'orsqu'unc  seconde  infrac- 
tion aux  prescriptions  des  articles  3,  4,  5,  6  ou 
^0  sera  commise  dans  le  courant  de  l'année  qui 
suivra  la  première  condamnation.  Dans  ce  cas, 
le  délinipiant  pourra  être  frappé  pour  un  temps 
n'excédant  pas  cinq  ans  de  l'incapacité  édictée 
par  l'art.  8. 

Art.  18-  —  Tout  jugement  pronon(;ant  la 
suspension  ou  la  fermeture  d'un  cours  sera 
exécutoire  par  provision,  nonobstant  appel  ou 
opposition. 

Art.  19.  —  Tiiut  refus  de  se  soumettre  à  la 
surveillanci-,  telle  qu'elle  est  prescrite  par  l'ar- 
ticle 7,  sera  puni  d'une  amende  de  mille  à  trois 
mille  Iitancs  1 1,000  à  3,000  francs),  et,  en  cas 


de  récidive,  de  trois  mille  à  six  mille  fr.'     -, 
(3,000à  6,000  francs). 

Si  la  récidive  a  lieu  dans  le  courant  de  l'année 
qui  suit  la  première  con  lamnation,  le  jugement 
pourra  ordonner  la  fermeture  du  cours  ou  de 
l'établissement. 

Tous  les  administrateurs  de  l'établissement 
reront  civilement  et  solidairement  responsables 
du  payement  des  amendes  prononcées  contre 
l'un  ou  plusieurs  d'entre  eux. 

Art.  20.  — Lorsque  les  déclarations  faites  con- 
formément aux  articles  3  et  4  indiqueront  comme 
professeur  une  personne  frappée  d'incapacité  ou 
contiendront  la  mention  d'un  sujet  contraire  à 
l'ordre  public  ou  à  la  morale  publique  et  reli- 
gieuse, le  procureur  de  la  Ilépublique  pourra 
former  opposition  dans  les  dix  jours. 

L'oppo>ilion  s  Ta  notifiée  à  la  personne  qui 
aura  fait  la  déclaration. 

La  demande  en  main-levée  pourra  être  formée 
devant  le  tribunal  civil,  soit  par  déclaration 
écrite  au  bas  de  la  notification,  soit  par  acte 
séparé,  adressé  au  procureur  de  la  République. 

Elle  sera  portée  à  la  plus  prochaine  audience. 

Eu  cas  de  pourvoi  en  cassation,  le  recours  sera 
formé  dans  la  quinzaine  de  la  notification  de 
l'anèl,  par  déclaration  au  greUe  de  la  Cour  ;  il 
sera  notifié  dans  la  huitaine,  soit  à  la  partie,  soit 
au  procureur  général,  suivant  le  cas,  le  tout  à 
peine  de  déchéance. 

Le  recours  formé  par  le  procureur  général  sera 
suspensif. 

L'affaire  sera  portée  directement  devant  la 
chambre  civile  de  la  Cour  de  Cassation. 

Le  cours  ne  pourra  être  ouvert  avant  la  main- 
levée de  l'opposition,  à  peine  d'une  amende  de 
seize  francs  à  ciiui  cents  francs  (10  francs  à  300 
francs),  laquelle  pourra  être  portée  au  double  eu 
cas  de  récidive  dans  l'année  qui  suivra  la  pre- 
mière condamnation. 

Si  le  cours  est  ouvert  daus  un  établissement, 
les  administrateurs  seront  civilement  et  solidai- 
rement responsables  des  aiaendes  prononcées 
en  vertu  du  présent  article. 

Art.  21 .  —  En  cas  de  condamnation  pour  délit 
commis  dans  un  cours,  les  tribunaux  pourront 
prononcer  la  fermeture  du  cours. 

La  poursuite  entraînera  la  suspi-nsion  provi- 
soire du  cours;  l'aflaire  sera  portée  à  la  plus 
prochaine  audience. 

Art.  22.  —  Indépendamment  des  pénalités 
ci-dessus  édict-  es,  tout  professeur  pourra,  sur  la 
plainte  du  préfet  ou  du  recteur,  être  traduit 
devant  le  conseil  départemental  de  l'instruction 
publique  pour  cause  d'inconduite  notoire,  ou 
lorsque  son  enseignemt«it  sera  contraire  à  la 
morale  et  aux  lois,  ou  pour  desordre  grave  occa- 
sionné outoliTé  par  lui  dans  sou  cours.  U  pourra, 
à  raisou  de  ces  faits,  être  soumis  à  la  léprimaude 


i26it 


LA  SEMAINE  DL  CLERGÉ 


avec  ou  sans  publicité  ;  l'enseignement  pourra 
même  lui  être  interdit  à  temps  ou  à  toujours, 
£aD8  préjudice  des  peines  encourues  pour  crimes 
ou  délits. 

Le  conseil  départemental  devra  être  convoque 
dans  les  huit  jours  à  partir  de  la  plainte. 

Appel  de  la  décision  rendue  pourra  toujours 
être  porté  devant  le  conseil  supérieur  dans  les 
quinze  jours  à  partir  de  la  nolilicalioa  de  cette 
décision. 

L'appel  ne  sera  pas  suspensif. 

.Art.  23  —  L'article  -i63  du  Code  pénal  pourra 
être  appliqué  aux  iulractions  prévues  par  la 
présente  loi. 

BISFOSITION  TRiNSÎTOIKE 

Art.  24.  —  Le  Gouvernement  présentera,  dans 
le  délai  d'un  an.  un  projet  de  loi  ayant  pour 
objet  d'introduire  dans  l'enseignement  supé- 
rieur de  l'Etat  les  amélioration  reconnues  néces- 
saires. 

Art.  23.  —  Sont  abrogés  les  lois  et  décrets 
antérieurs  en  ce  qu'ils  ont  de  contraire  à  la  pré- 
sente loi. 

Délibéré  en  séances  publiques  à  Versailles,  les 
5  décembre  ^874,  17  juin  et  12  juillet  iS75. 


Lee  Erreurs  modemea 

LA    DÉMOCRATIE   ET   LE    CATHOLlClSia  E 

(4«  aiiicle.) 

L'influence  de  l'Eglise  catholique,  nous  l'avons 
vu  dans  notre  dernier  article,  a  été  favoraide 
dans  toute  l'Europe  à  l'établisfement  de  irou- 
vernements  tempérés.  (>e  n'est  qu'au  xvi°  siècle 
que  ic  pouvoir  absolu  à  commencé  à  prendre  son 
essor  et  à  dominer.  Or,  vi-ut-on  en  connaître  la 
cause  principale.  Je  n'hésite  pas  à  le  dire  :  c'est 
le  pri  test;intisme  ;  l'Iiistoire  et  la  raison  le  pro- 
clsment  hautement.  «  Le  plus  grand  accroisse- 
ment du  pouvoir  royal  en  Europe,  dit  Balincs, 
date  précisément  de  réioquodu  protestanti-nn'. 
En  Anglelerre,  à  pnrlir  d>'  Henri  VIII,  ce  qui 
prévalut  ne  fut  pas  même  la  monarchie;  ce  fut 
un  despotisme  cruel  dont  Ips  excès  ne  peuvent 
être  déguisés  par  un  vain  simulacre  de  formes 
représentatives.  En  France,  après  la  guerre  dea 
huguenots,  le  p^'Uvoirroyal  se  trouva  plus  absolu 
qne  jamais.  En  Suède,  Gustave  monte  sur  le 
troue,  et,  de  cet  instant ,  les  rois  exercent  un 
pouvoir  presque  illimité.  En  bammark,  la 
monarchie  se  perpétue  et  se  fortifie.  En  Alle- 
magne, on  voit  se  former  le  royaume  de  Prusse, 
et  prévaloir  généralement  les  formes  absolues. 
Eu  Autriche,  l'empire  de  Charles-Quint  garde 
V>ii(«sa  puissance,  toute  sa  splendeur.  En  Italie, 


les  petites  répiibliqueî  disparaissent,  et  les  peu- 
ples, sous  un  titre  quelconque,  se  rangent  sous  la 
douiination  des  princes.  En  Espagne,  enfin,  les 
antiques  Cortès  de  Caslille  ,  d'Aragnon  ,  ds 
Valence  et  de  Calologue  tombent  en  désué- 
tu>le(l).  » 

Voilà  le  fait  dans  sa  réalité  :  le  pouvoir  absolu 
est  contemporain  en  Europe  du  protestantisme. 
El  j'ajoute  que  ce  dernier  en  a  été  la  cause  prin- 
cipale. La  raison  en  est  extrêmement  simple. 
Le  protestantisme  a  produit  la  révolte,  et  celle-ci 
a  produit  le  pouvoir  absolu  :  l'action  engendre 
la  réaction.  A  la  voix  du  moine  apostat,  une 
formidable  explosion  révolutionnaire  eut  lieu 
en  Europe.  Les  princes,  sentant  leur  trône 
ébranlé,  se  sontarmcsde  puissance  ;  et  les  peu- 
ples, voyant  l'ordre  social  compromis,  se  sont 
réfugiés  d'instinct  sous  l'égide  du  pouvoir  absolu. 
Et  cela  est  dans  la  nature  même  des  cho.<'?s;  la 
révolution  produit  l'anarchie  qui  dure  plus 
ou  moins  longtemps,  et  de  celle-ci  d-ûr  natu- 
rellement le  pouvoir  absolu  ;  car  enfin  les  na- 
tions veulent  vivre,  et  elles  ne  sortent  guère  des 
révolutions  que  par  l'action  d'un  pouvoir  fort. 
Js  ne  ilis  pas  que  l'on  n'ait  pas  quelquefois, 
devant  telle  et  telle  nation,  dépassé  le  but.  Mais 
le  moyen  de  ne  jamais  franchir  les  limites  vou- 
lues !  L'humanité  ne  comporte  pas  cette  per- 
fection. 

.Ainsi  donc,  de  même  que  l'Eglise,  comme 
nous  l'avons  vu,  ne  favorise  point  par  ses  doc- 
trines le  [louvoir  absolu,  de  même  sa  conduite 
ne  le  favorise  pas  davan'age  ;  au  contraire,  son 
action,  son  influence,  l'histoire  l'aiteste,  est 
bi  u  plutôt  favorable  à  la  monarchie  tempérée. 

li  y  un  troisième  moyen  de  connaître  la  [len- 
s :'e  de  l'Eglise  catholiipiesurcelte  question,  c'est 
('•;  consulte.''  ses  docteurs,  ses  théologiens  les 
plus  aul  irises.  Ils  n'ont  pas,  sans  doute,  l'autorité 
u  ■  FEglise  elb-mème,  détinissant  par  la  bouche 
(les  'fapi'S  cl  des  conciles  sa  propre  doctrine  ;  et 
cela  n'est  nullement  nécessaire  relativement  à  la 
q  ii^stion  qui  nous  occupe,  puisque  nous  savons 
<.U\k  qu'il  n'y  a  point,  à  cet  égard,  de  doctrine 
«  ijjiûie.  Mais  l'autorité  des  *héologiens  ne  nous 
c-t  p:;s  raoîrv;  utile,  car  leur  doctrine  est  tacite- 
u.ciit  apiirouvca  par  l'Eglise.  Or,  les  plus  accré- 
dités et  les  [dus  autorisés  enseignent  qoe  la 
nKîi Heure  forme  du  gouvernement  est  le  gon- 
vern''ment  tempéré  par  des  institutions  modé- 
ralricas  du  pouvoir. 

Ecoulons  d'abord  leur  chef  et  leur  maître, 
s:iint 'FlioraM  (l'Aquin.  a  La  meilleure  organi- 
.•■^ition  d'une  cité  ou  d'une  nation,  dit-il,  est 
celle  où  un  seul  a  l'autoiité  principale  et  régna 
sur  tous  ;  et  sous  lui  sont  des  chefs  infTieurs, 
'  t,  de  cctt'j  manière  le  gouvernement  appartient 
en  ce  sens  qne  tous  peuvent 


I 


;i  tout  le  monde 

t.  Bll:u.  Le  rioUil   amp. 


aucatM.,  t.  III.  c)i.  LVit. 


I 
1 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1^89 


èlre  élus  rhe(>,  et  que  fous  peuvent  élire.  Tout 
gouvernement  bien  constitué  est  donc  un  mé- 
lange de  riiyaulé,  puisqu'un  seul  règne,  d'aris- 
tocratie, puis(iue  les  grands  participent  à  l'au- 
torité, et  de  démocratie  ou  de  la  puissance  du 
peuple,  puisque  c'est  dans  son  sein  qu'on  prend 
les  chefs  et  que  Ifur  élection  lui  appartient  (1).» 
Les  autres  théologiens  orjl  presque  tous  suivi 
leur  chef.  (Citons-en  deux  dont  l'autorité  est  le 
plus  f^énéralernciit  acceptée.  «  La  monarchie, 
ditSuarez,  existe  rarement  pur-e.  Et,  en  eQet,  la 
Iragililé,  l'ignorance  et  la  malice  humaines  étant 
ce  qu'elles  sont,  il  est  d'ordinaire  expédient  de 
modifier  cette  forme  en  y  mêlant  quelque  chose 
du  gouvernement  non  motarchique  confié  à 
plusieurs,  à  un  nombre  plus  ou  moins  grand 
eeloD  les  diverses  coutumes  et  appréciations  des 
hommes  :  tout  dépend  en  cela,  ajoute-t-il,  de  la 
raison  et  de  la  volontés  humairres  (2).»  Le  cardi- 
nal Bellarmin  parle  comme  Suarez.  «  Suivant, 
dit-il,  les  traces  de  saint  Thomas  et  des  autres 
théologiens  catholiques,  pnnui  les  trois  formes 
simples  de  gouvernemerrt  (la  monarchie,  l'ai-is- 
tocralie  et  la  démocr-atie),  nous  donnons  la  pré- 
férence à  la  monarchie;  mais,  attendu  la  corrup- 
tion de  la  nature  humaine,  nous  admettons  que, 
dans  l'état  présent  de  choses, e. le  est  plus  utile 
à  l'homme  si  elle  est  tempiuce  par  l'aristocra- 
tie et  la  démocratie,  que  si  elle  est  pure  (3). 

Ainsi,  les  Iniis  théologiens  les  plus  autorisés 
sont  partisans  des  gouvernements  tempérés,  et 
non  de  la  monarclde  absolue.  Tout  les  autres, 
du  reste,  à  part  quelques  rares  exceptions,  sont 
du  même  avis  Mais  il  est  manifeste  que  1  Eglise 
ne  laisserait  pas  ainsi  enseigner  à  tous  ses  doc- 
teurs dans  toutes  ses  écoles  une  doctrine  à 
laquelle  elle  ne  serait  pas  favorable. 

Nous  avons  enfin  comme  un  quatrième  moyen 
de  connaître  sur  le  point  qui  nous  occupe  la 
pensée  de  l'Eglise,  Il  est  daus  la  nature  même 
des  choses  qu'une  nation,  une  société,  qui  a  telle 
forme  de  gouvernement,  l'aime  considérée  en 
elle-même,  et  ait  pour  elle  de  la  sympathie  :  on 
aime  ce  que  l'on  est.  Quel  est  doue  le  gouver- 
nement de  l'Eglise?  Quelle  est  la  forme  que 
Jésus-Christ  lur  a  donuée?  L'Eglise,  nous  allons 
le  voir,  est  une  monarchie  tempérée,  et  cela  par 
sa  nature  même,  par  sa  constitution  divine. 

Qu'elle  soit  une  monarchie,  c'est  un  fait  et 
une  vérité  de  foi  catholique.  Son  divin  fonda- 
teur a  placé  saint  Pierre  à  sa  tête  et  lui  adonné 
l'autorité  monarchique,  comme  l'Evangile  nous 
l'apprend  (4).  L'Eglise  tout  entière,  latine  et 
grecque,  assemblée  à  Florence,  a  défini  cette 
Térilé  (5).   Elle  est,  de  plus,  un  fait  visible  à 

1.  s.  Tliom.  Summa  iheot.  1  1.  q.  105,  a.  1. 
2    Suarez,  Dt  Ugib.  1.  III,  c.IV. 

3.  Belluriu.  Conlrov  Ul  gentralia,  I.  I,  c.  I. 

4.  Matth.  XVI,  18-19  —  Joan.  xxi,   Iô-lC-17. 
X  S^uod.  Uoient.  Sess   rr. 


tous  les  yeux  :  depuis  dix-huit  siècles  le  Pape 
gouverne  comme  monarque  l'Eglise  catholique. 
Mais  est-elle  une  monarchie  tempérée  ?  Tout 
le  monde  sait  qu'elle  est  gouvernée  par  le  Sou- 
verain Pontife  et  par  les  évoques.  Si  Jésus- 
Christ  n'avait  institué  que  le  souverain  ponti- 
ficat et  non  l'épiscopat,  et  que  ce  fat  le  Pape 
lui-même  qui  l'eût  établi,  les  évèques  ne  seraient 
alors  que  ses  vicaires  et  ses  lieutenants,  l'auto- 
rité éi)i3copale  n'entrerait  point  dans  la  consti- 
tution même  de  l'Eglise,  et  elle  pourrait  êti-e 
supprimée  ;  les  évèques  ne  seraient  point,  de 
par  la  constitution  divine  de  l'Eglise,  des  légis- 
lateurs et  des  gouverneurs  du  royaume  de 
Jésus-Christ  ;  l'autor^'é  pontificale  seule  apjiar- 
tiendrait  à  cette  constitution  divine,  elle  serait 
seule  constitutive  et  seule  divine:  dans  ce  cas, 
il  est  évident  que  la  monarchie  dans  l'Eglise  ne 
serait  point  et  ne  pourrait  èlre  appelée  tempé- 
rée, puisque  l'autorité  du  monarque  y  existerait 
seule.  Mars  on  sait  que  c'est  le  contraire  qui  est 
la  vérité.  Jésus-Christ  a  fondé  l'épiscopat, 
comme  il  a  fondé  le  pontificat  suprême,  l'un  et 
l'autre  sont  divins,  1  un  et  l'autr'e  sont  consti- 
tutifs dans  l'Eglise.  Ces  deux  vérités  sont  aussi 
certaines  l'une  que  l'autre,  et  elles  sout  toutes 
les  deux  de  loi  catholique.  Or,  cela  posé,  la 
mouarchie  dans  l'Eglise  est  par  là  même  et  doit 
èlre  dite  tcmpéi'ée,  et  nous  allons  entendre  tout 
à  l'heure  le  cardinal  Delarmiu  nous  dii'e  que 
c'est  là  le  seutiment  de  tous  les  docteurs  catho- 
liques. C'est  là,  du  reste,  une  vérité  facile  à 
démontrer. 

Un  gorrvernement  monarchique  est  tempéré 
lorsqu'il  n'est  pas  une  monarchie  pure  et  sim- 
jde,  mais  mélangé,  au  contraire,  d'aristocratie 
et  de  démocratie.  Or,  il  en  est  ainsi  du  gouver- 
nement de  l'Eglise.  Elle  est,  sans  aucun  doute, 
une  monarchie;  mais  elle  est  une  monarchie 
tempérée  d'abord  par  l'aristocratie.  En  etlVt, 
les  évêi]ues  sont,  de  droit  divin,  sous  l'autorité 
du  Souverain  Pontife,  les  princes  de  I  Eglise, 
les  chefs  des  dilïérentes  parties  ou  diocèses  qui 
la  composent.  Us  sont  donc  une  véritable  aris- 
tocratie ;  non  pas  seulement  de  nom,  mais  en 
réalité  et  efficacement;  ils  gouvernent  l'Eglise 
avec  le  Pape  et  sous  son  autorité  ;  et  cela  de 
droit  divin  et  en  vertu  de  la  constitution  mèmL'e 
donnée  à  l'Eglise  par  son  di\iu  fondateur.  Le 
gouvernement  de  cette  Eglise  e^t  donc  une 
mouai'chie  mélangée  d'aristoci-atie.  En  second 
lieu,  la  démocratie  elle-même  y  a  sa  jiart,  non 
pas  assurément  en  ce  sens  que  le  peuple  gou- 
verne, mais  en  ce  sens  que  les  plus  h:iuts  em- 
plois, les  dignités  les  plus  considéraides  ne 
sont  pas  du  tout  réservés,  c«rame  cela  avait 
lieu  dans  certains  gouvernements  aristocra- 
tiques, à  une  classe  spéciale  de  personnes,  mais 
sout  au  contraire  accessibles  à  tou£,  de  teila 


1290 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


çftite  que  le  dernier  des  entants  du  peuple  cliiC- 
lien  peut  être  appelé,  non-seulement  à  \'é[>ii- 
copat,  mais  au  souverain  pontificat. 

Il  est  donc  parfaitement  certain  que  l'Eglise 
est  une  monarchie,  mais  tempérée  d'aristocra- 
tie et  de  démocratie. 

Le  pouvoir  législatif,  la  puissance  de  faire 
des  lois  est  dans  toute  espèce  de  gouvernement 
une  partie  principale.  Y  participer,  c'est  donc 
avoir  part  à  la  partie  la  pius  haute  de  l'auto- 
rité. Or,  dans  l'Eglise  catholique,  les  évêques 
y  participent  de  deux  manières.  Chacun  d'eux 
peut  d'abord  faire  certaines  lois  pour  son  dio- 
cèse. En  second  lieu,  les  évêques  réunis  en 
concile  général  sous  l'autoiilé  du  Suuverain 
Pontife  peuvent  faire  des  luis  qui  regardent  et 
obligent  l'Eglise  tout  entière.  Ils  sont  donc 
réellement  législateurs.  Ils  ne  sont  pas  seule- 
ment des  conseillers  du  Pape,  comme  sont, 
par  exemple  en  France,  les  conseillers  d'Etat, 
mais  ils  sont  de  véritables  législateurs.  Ils  par- 
ticipent même  à  un  pouvoir  encore  plus  haut  : 
ils  sont  juges  de  la  loi.  Le  Souverain  Pontife 
est  sans  doute  le  juge  principal,  mais  les 
évèqui  s  sont  juges  au^si  et  ils  déliuisseut  avec 
lui  la  vérité  catholique.  L'autorité  ecclésias- 
tiqni-,  dans  ses  deux  parties  les  plus  hautes,  ne 
réside  donc  pas  dans  le  monarque  seul  ;  elle  est 
partagée,  et  cela  en  vertu  même  de  la  consti- 
tution divine  de  l'Eglise,  par  les  évêques.  La 
monarchie  dans  l'Eglise  est  donc  tempéiée  par 
l'iusliiutiun  divine  de  l'épiscupat. 

Enfin,  tout  le  monde  sait  que,  de  même  que 
les  évêques  ont  dans  l'Eglise  le  pouvoir  légis- 
latif, ils  ont  aussi  le  pouvoir  de  gouverner.  Le 
Souverain  Poutife  est  le  chef  supiéme,  le  mo- 
narque de  l'Eglise,  il  en  a  le  gouvernement 
général;  mais  sous  son  autoritu  les  évêques 
gouvernent  chaque  partie,  chaque  diocèse.  Et 
ils  ne  sont  pas  simplement,  diions-nous  avec 
Bellarmin,  des  vicaires  du  Pa;:e,  de  simples 
envoyés,  mais  de  vrais  princes,  de  vrais  gou- 
verneurs, veri  principes  et  pastoi-es,  non  vkarii 
poiilifiçis  maximi.  L'e[iiscopat  a  élé,  eu  eflèl,  ins- 
titué par  Jésus-Christ  pour  gouverner  l'Eglise, 
sous  l'autorité  du  Souverain  Pontife. 

Je  viens  de  prononcer  le  nom  du  cardinal 
Bellarmin.  11  est  un  des  théologiens  qui  ont  le 
mieux  étudié  la  question  de  l'Eglise.  Or,  il 
enseigne  que  son  gouvernement  est  une  mo- 
narchie tempérée.  11  commence  par  poser  ce 
principe  qui  ouvre  son  traité  De  Suimuo  l'onti- 
fice:  «  Personne  ne  doute,  dit-il,  que  notre 
Sauveur  Jésus-Christ  n'ait  pu  et  n'ait  voulu 
donner  à  son   Eglise  la   meilleure    forme  de 

Êouvernement   et   la  plus    avantageuse»   (1). 
l   le   meilleur  gouvernement,  d'après  lui,  est 
la  monarchie  tempérée.    «Tous  les  docteurs 

1,  Bellarm.  Controv.  III  gentr.,  1.  I,  c.  I. 


catlioliqucs,  dit-il,  conviennent  que  le  gou- 
vernement de  l'Eglise,  conPié  pir  IHeu  aux 
hommes,  est,  il  est  vrai,  une  monarchie,  maii 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  une  monar- 
chie tem^iérée  d'arislocr«tie  et  de  démocr.ilie  : 
Doclores  catholici  in  hoc  C'iiveiii'int  omnes  ut  re- 
giincm  ecclesidsticam,  hi-minibus  a  Deo  commis- 
sum,  illwl  quidem  monarcldcum,  sed  lemperatum, 
ut  supra  diximus,  ex  wiUocratia  et  democra- 
tia  {{).» 

C'est  donc  un  fait  et  une  vérité  certaine,  le 
gouverneinent  de  l'Eglise  est,  par  sa  constiiu- 
lion  divine  elle-même,  un  gouvernement  tem- 
péré. Mais  à  qui  fera-t-on  croire  qu'un  gou- 
vernement tempéré  n'aime  pas  ceux  qui  le 
sont,  et  qu'il  n'ait  de  sympathie  que  pour 
Ceux  qui  ne  le  sont  pas?  La  vérité  est,  comme 
nous  l'avons  vu,  premièrement,  que  l'Eglise 
laisse  ses  enfants  parfaitement  libres  d'ad- 
mettre ce  qu'ils  veulent  relativement  aux  dif- 
férentes formes  de  gouvernements  ;  seconde- 
ment, (ju'elle  n'en  a  condamné  qu'une  seule, 
la  tyrannie;  troisièmement,  qu'elle  entretient 
en  fait,  avec  tous,  les  meilleurs  rapports  qu'elle 
peut,  et  que,  euliu,  elle  est,  par  sa  nature  et 
par  renseignement  de  ses  docteurs,  plutôt  fa- 
vorable aux  gouvernements  tempérés. 
(A  suivre.)  L'abbé  Desorges. 

Biogra  pbie 

DOM     GUÉRANGER 

ABBÉ  DE  SOLES.MES. 
{Sliile.) 

La  Papauté  venait  donc  de  rétablir,  en  France, 
l'ordre  de  Saint-Benoit  et  de  confier,  à  un 
homme  de  sa  droite,  l'œuvre  ressuscilée.  L'éhi 
de  Dieu  et  du  Saint  Siège  n'avait  que  trente- 
deux  an-.  A  quels  desseins  rece\ait-il  sa  mis- 
sion et  saurait-il  y  faire  honneur? 

Nous  savons  ciéj  i  ce  qu'il  fut  comme  restau- 
rateur d'ordre,  comme  moine  et  comme  abbé  , 
il  faut  voir  maintenant  ce  <)u'il  lut  comme 
thaumaturge  de  notre  siècle. 

A  la  fin  du  dix-huitiême  siècle,  une  tempête 
furieuse  s'était  ruée  sur  la  Fiance.  Li  vieille 
monarchie  de  Clovis  et  de  Churlemagne  avait 
été  abattue  dans  le  sang  et  dans  les  ruines  ;  les 
vieilles  églises  fondées  par  saint  Martin  et  saint 
Remy  avaient  été  effacées  sous  les  deluis  de  la 
monarchie.  La  France  était  mise  à  sac,  livrée 
à  des  scélérats  qu'on  ne  suit  comment  élever  à 
la  dignité  de  1  histoire.  Les  factions  s'extermi- 
naient l'une  l'autre  ;  la  guillotine  ne  s'arièlait 
un  instant  que  pour  laisser  voir  l'or.ie.  Les 
horreurs  du  forum  étaient  surpassées  encore 
par  raliuminaiiou  dans  le  lieu  saint.  Un  mélaugs 

I    Bellarm.  Ibid.  1,  V.  c.  I. 


l 


LA  SEMAIN":  DU  CLERGÉ 


1291 


lion  ibie  qu'on  ne  peut  appeler  ni  le  «cliisme  ni 
l'hérésie,  souilluil  les  temple  ;  les  fidèles  élaient 
perséeulés  comme  au  temps  de  Dioolétieo. 
Inondée  de  sang  et  couverte  de  ruines,  notre 
nation,  qui  ne  demandait  .]n'à  ?e  relever,  n'y 
fut  j.aïuiis  paivcniie,  si  l'Eglise  catholi(jue, 
qu'elle  venait  de  persécuter  et  dépouiller,  ne 
lui  cùl  tendu  sa  main  compatissante  et  mater- 
nelle. Le  principe  de  notre  salut  fut  le  concor- 
dat conclu  entre  Rome  et  la  France  :  «  Eu 
droit,  dit  (>ncore  Mgr  l'ie,  il  fut  la  reconnais- 
sance aulhentique  de  l'autorité  sociale  de 
l'Eglise  et  du  su[)rêm:;  pouvoir  monarchique  de 
son  chef;  et,  à  ce  point  de  vue,  il  démolissait, 
par  des  mains  plus  ou  muiiis  conscientes,  tout 
un  passé  de  maxim  s  fausses  et  perricieuses,  en 
même  temps  qu'il  prc[iarait  et  nécessitait  les 
définitions  dogmatiques  de  l'avenir.  En  fait,  il 
rétablissait  la  hiéiaichie  légitime  et  la  ci>mmu- 
nion  officielle  avec  le  iSiége  apostolique,  il  ren- 
dait plus  de  vingt  tiiilie  iirè'.rcs  à  leur  patrie  et 
à  leur  niinislèie,  il  relevait  les  autels  et  rou- 
vrait à  toutes  les  âiries  lidèlcs  les  sources  de 
l'enseignement  et  de  la  grâce;  il  as-urait,  dans 
la  proportion  du  strict  nécessaire,  la  sustenta- 
tion (  t  le  recrutement  du  sacerdoce.  Au  hnde- 
main  d'une  situation  dé  espérée,  c'était  beau- 
coup ;  le  temps,  le  zèle  actif  it  patient  de  deux 
ou  Iroi.s  généialions  sacerdolalcs,  la  pieuse  et 
intarissable  générosité  des  familles  chrétiennes, 
par-dessus  tout  la  providence  de  Dieu  sur  la 
France,  se  chargerai 'Ut  du  reste.  (I)  » 

.Mais  autre  chose  était  a'écrire  le  concordat 
sur  le  1  archf  min,  autre  (hose  était  de  le  tra- 
duire en  lait  publie  el  triomphal.  L'acte  ponti- 
fical laissait,  dans  leur  tombe  histoiique,  nos 
anciennes  égli.-es;  il  eu  rétablissait  «le  nou- 
velles par  une  décision  personnelle  du  Pape, 
par  uue  résolution  radicale  et  lullemciit  abso- 
lue qu'elle  est  sans  exemple  dans  l'histoire. 
Manifestemcht,  la  Provitlence  voulait  nous 
débarrasser  de  quelques  courants  fàcluux,  de 
quelques  mélanges  funestes,  (jui  s'étaient  intro- 
duits dans  la  suite  des  âges,  notamment  depuis 
Philiiipe  le  BlI.  Ce  dessein  rencontrait  de  ter- 
ribles obstacles.  L'homme,  suscité  de  Dieu  pour 
reniire  l'Eglise  à  la  France,  était  l'incarnation 
du  despotisme  ;  il  n'av;iit  concédé,  par  le  con- 
cordat, que  ce  ([u'il  n'avait  pu  retenir  ;  il  avait 
notamment  refusé  les  deux  éléments  ordinaires 
de  [u-ospeiité  cléiicale,  la  propriété  et  l'imlé- 
peiidance  ecclésiastique  ;  et  il  était  prêt  à 
roprcn  ire,  au  premier  mouvement  de  colère, 
tout  ce  qu'il  u'avail  pu  lefuser.  Mais  l'homme 
propose  el  Uieu  di--po-e.  llélablies  [lar  cette 
même  Eglise  romaine  qui  les  avait  piimilive- 
ment  fondées,  les  jeunes  églises  de  Fiance 
devaient  répudier  tout  ce  qui  louvait  mainle- 

(,    Oraison  funibre,  premier  poiut. 


nir  un  nv.agc  enlre  elles  est  la  mère  commune; 
11  y  avait,  pour  cela,  des  coutumes  à  quitter,  des 
diflicultés  à  vaincre,  des  routines  à  contredire. 
Le  moine,  qui  est  le  soldat  de  l'Eglise  univer- 
selle, le  sujet  immédiat  de  l'Eglise  romaine, 
devait  avoir,  dans  ces  nécessaires  conquêtes  de 
la  vérité,  une  part  illustre.  Dcm  Guéranger, 
dans  la  phalanije  de  jeunes  conquérants,  devait 
recevoir  sa  mission  propre  et  conr;ourir,  par 
des  efforts  aussi  intelligenls  qu'efficaces,  à  uue 
salutaire  restauration. 

L'acte  qui  l'avait  aipelé  publiquement  à  la 
professiim  bénédictine  portait  ces  mots  souvent 
cités  en  tête  de  ses  ouvrages  :  Sacras  Pontifiai 
juris  et  IJlurgiœ  sacrœ  truditiones  labescoites  am- 
fûvere.  Ce  coup  d'œil  de  Grégoire  XVI  à  travers 
les  obscurités  d^  la  Fran<  e  assignait  donc,  .i  la 
jeune  congrégation  de  Solesmes,  le  devoir  de 
ranimer  les  traditions  détaillantes  de  la  liturgie 
sainte  et  du  droit  pontifical.  C'était  une  parole 
vraiment  romaine  ;  nous  verrons  ensuite  dom 
Guéranger  procurer  son  accomidissemenî. 

Au  moy<'n  âge,  l'hiimanilé,  rég  uérée  par  la 
grâce  de  Jésus-i;iirist,  vivait  dans  l'Egli-e  sous 
le  gouvernement  des  Papes,  en  vue  de  se  sanc- 
tifier pour  glorifier  Dieu.  En  1523,  un  moine 
séditieux,  frappé  d'un  anathème  pontifical, 
brûlait  sur  la  place  publique  de  Wilternberg, 
\3l  Somme  théologique  Ac  sami  Thomas  d'Aquin 
el  le  Corps  du  droit  canonique.  Le  démon  avait 
bien  inspiré  ce  moine  ;  il  lui  avait  appris  qu'en 
troublant  les  sources  de  la  doctrine  et  du  droit 
il  mettrait  en  échec  l'œuvre  de  Jésus-Christ.  En 
cilrt,  partout  où  il  put  prévaloir,  substituant,  au 
régime  tiaililionuel  de  l'autorité,  le  fait  révo- 
lutionnaire et  essentiellement  destructif  du 
libre  examen,  il  jcla  le  pcuidc  dans  tous  les 
désordres  des  mœurs  et  de  la  pensée,  puis,  pour 
sauver  au  moins  les  apparences  Je  l'ordre  exté- 
rieur, il  remplaça  I  autorité  spirituelle  de 
i'Eulise  par  le  vit  bàlon  des  Césars.  Dans  les 
pays  où  le  prot'staiitisme  ne  put  s'établir,  il 
agit  par  ses  inlhiences  lointaines  et  par  ses 
menées  seciètes.  En  France,  celle  inQuence  pro- 
testante se  produisit  sous  trois  formes:  le  jan- 
sénisme, le  gallicanisme  et  l'absolutisme  royal. 
Le  jansénisme  altérait  la  notion  chiétieunede 
l'homme  baptisé;  il  en  faisait  l'instrumenta 
peu  près  passif  de  la  nature  el  de  la  grâce  méca- 
niquement victorieuses  par  les  allernalives  de 
leur  prépondérauce  ;  sous  couvert  de  rigorisme, 
il  désolait  el  corrompait.  Le  gallicanisme  dimi- 
nuait l'autorité  des  Pontifes  romains,  el  faisait 
de  l'Eglise,  suivant  ses  degiv?.  {l'évolution,  une 
monarchie  constitutionnelle  ou  uue  république. 
L'absolutisme  royal  béuidiciait  des  erreurs  du 
gallicanisme  et  du  jansénisme  en  exaltant,  outre 
mesure,  le  pouvoir  des  reds.  En  ce  qui  concerne- 
spécialemeul  la  couslilution  de  l'Eglise,  il  deta- 


i202 


Ï.A  SEMAINE  DU  CLERGE 


chait  les  évêities  de  la  papauté  pour  les  a^Bu- 
jettir  au  pouvoir  temporel  et  détérait,  aux 
évéquee,  d'ailleurs  asservis,  sur  les  prêtres  el 
les  fldi'lea,  un«  aulorit'  qu'il  refusait  au  Saint- 
Siège.  L'évèqup  élait  Pape  dans  son  diocèse  et 
le  roi  était,  en  aftendant  le  schisme  positif,  le 
premier  pape  de  fait  en  l'Eglise  g-allicane,  puis- 
qu'il étaitj  par  corruplion  ou  iutiaiidation,  le 
régeut  des  évèijues. 

De  cette  source  empoisonnée,  jaillirent  une 
multitude    d'erreurs  et   un    détestable   esprit. 
Nous  perdîmes  touie  dévotion  envers  la  Chaire 
apostolique.  Oa  ces?a,  en  Fran^  e,  de  suivre,  je 
ne  dis  pas  les  coaseils,  mais  même  les  lois  des 
Souverains  Pontifes.  Cha.|ue  évéque  s'arrangea 
dans  son  diocèse,  de  manière  à  tout  régir  par 
lui-même  ou  par   ses   créatures,   non   pas  en 
vertu  du  droit  divin  des  évèques  ou  du  droit 
canonique  qui  ré srlemente  l'exercice  de  ce  droit 
divin,  mais  simplement  en  vertu  de  l'ariillraire 
et  de  l'absolutisme  civil  del'épiscopat  g^dlican. 
L'évè  [ue,  résidant  pour  l'ordinaire  à  la  cour, 
gouvernait  son  église-cathédra!e  par  un  vicaire  ; 
le  vicaire  distribuait,  à  d'autres  subalternes,  les 
diverses  parties  de  l'administration  diocésaine. 
Oq  ne  célébrait  ni  synode,  ni  concile  provin- 
cial ;  il  n'y  a-vait  point  de   commissions  cano- 
niques pour  les  séminaires,  point  de  présenta- 
tions   canoniques    pour    la    nomination    aux 
bénéfices,   point  d'oificialités  canoniques  pour 
procéder  aux  jugements.   On  jugeait  ex  infor- 
rmita  conscientia,  par   conscience  informée   oa 
informe,  sans  entendre  les  parties  ;  on  admi- 
nistrait suivant  son  esprit  propre,  à  cela  près 
que  ce    fût  l'arbitrnire   de  l'aveuglement   ou 
l'absolutisme  de  la  faiblesse.  Les  villes  épisco- 
pales  étaient  des  vilbs  de  coleries,  et  tout  se 
faisait  par  intrigu'>s.  La  science  n'était  plus  en 
conï-idéralion.  Les  hommes  de  mérite  se  tenaient 
à  l'écart,  les  flagorn  -urs  seuls  savaient  avan- 
cer. L'antichambre  élait  une  institution  ecclé- 
siastique.  Jamais  nos  églises  ne  descendirent 
plus  bas  ;  jamais  il  n'y  eut,  [larmi  nous,  une 
telle  corruptioa  de  principes,  corruption   qui 
devait  à  la  longue  amener  toutes  les  autres,  et 
qui    nous    a    fuit    subir    les    plus    misérables 
épreuves. 

Ce  qui  arriva  pour  la  liturgie,  dépasse  toute 
croyance.  En  dépit  des  bulles  pontificales  de 
saint  Pii!  V,  qui  avait,  d'autorité  souveraine, 
tranché  cette  question,  les  évèqnes  gallicans, 
devenus  pontifes  diocésains,  se  mirent  à  fabri- 
quer chacun  sa  liturgie.  L'innovation  commença 
par  l'introduction  du  pro  Rcge  nostro  dans  le 
canon  de  la  Mos^e,  par  la  raison  décisive  que  le 
TiÀ  était  un  grand  personnage  ecclésiastique. 
Malgré  le  secret  que  la  langue  latine  impose  à 
la  liturgie,  Devoi^in  trailuisit  le  Missel  et 
Letourneux  le  BréTiaire.  Pavillon,  évoque  d'Alet, 


publia  un  Rituel  janséniste.  Après  quelques  réé- 
dtions  ad  fbrmam  concilii  Triden(ini\  mais  où 
l'arbitraire  faisait  déjà  des  siennes,  l'arche- 
vêque de  Harlay  fit  rédi'^er,  par  une  commis- 
sion, un  Bréviaire  parisien,  auquel  oa  reproche, 
outre  le  dejeclns  natalium,  de  pitoynlili;s  substi- 
tutions de  textes  scripturaires,  la  dimiautioa 
du  culte  de  la  Vierge  et  des  saints  et  l'alTaihlis- 
scment  de  l'autoriié  pontificale.  Le  Bréviaire  de 
Cluiiy,  réiligé  par  Claude  de  Vert,  Kabusson  et 
Letourneux,  encourait  les  mêmes  reproches, 
était  de  plus  hétérodoxe  en  dogme  et  en 
morale,  se  permettait  les  innovations  de  Yéleé- 
son  et  du  Paracletus,  ilonnait  enfin  les  misé- 
rables offices  de  la  semaine  sainte  et  des  morts. 
Son  hymnographeSanteuil,  si  vanté,  n'avait  ni 
la  pureté  de  foi,  ni  la  gravité  rie  mœur*,  ni  la 
délicatesse  d'esthélique,  ni  même,  si  l'on  en 
croit  Arevolo,  la  pureté  de  style  qu'on  pourrait 
désirer.  La  décadence  élait  partout,  dans  l'ar- 
chitecture, la  piîinture,  la  musique,  le  chant,  et 
l'on  n'a,  pour  se  consoler,  que  la  messe  royale 
du  vieux  Dumont. 

Dès  le  commencement  du  dix-huitième  siècle, 
la  déroute  liturgique  est  i;éaérale.  Ledieu,  dans 
le  Missel  di-  Meaux  place  des  R  rouges  devant 
les  amen  du  canon  Petitpied,  dans  le  Missel  de 
Troyes,  apprend  qu'il  faut  prononcer  les  paroles 
de  la  consécration  sub  mh'iiori  voce.  A  Asnières, 
près  Paris,  le  jansénisme,  pour  simplifier  les 
choses  tout  d'un  cou[i,  réduit  le  culte  à  toute  la 
pauvreté  du  protes'anlismo.  Poissard  et  Gran- 
colas  puldient  des  projels  à  priori  de  bréviaires 
édifiants,  instructifs  et  courts  surtout  ;  ces  pro- 
jets sont  mis  à  exécution  par  Viger,  Mesenguy 
et  Coffin  dans  le  Bréviaire  janséniste  et  u:allicaa 
de  Vintimille,  archevêque  de  Paris.  Robinet 
édite  son  Breviarium  ecclesiasticum  adopté  an 
Rlans,  à  Cahors  et  à  Carcassonne.  Le  lazariste 
Jacob,  à  Poitiers,  le  convulsionnaire  Kondet,  un 
peu  partout,  sci  livrent  à  des  prouesses  qu'imi- 
tent Lomcnie  deBrieune,  Montaz^'t  et  Siéyès.  A 
la  fin  du  siècle,  lesévèques  constitutionnels  font 
table  rase,  et,  pour  égayer  un  peu  les  églises, 
désormais  sans  culte,  l'évêque  intrus  Grégoire 
propose  sérieusement  l'adoption  du  tam-tam. 
Pourquoi  pas  le  chapeau  chinois  el  le  tambour 
de  basque,  les  castagnettes  et  la  danse? 

Au  rétablissement  du  culte,  les  nouveaux 
évèques  adoptèrent  les  errements  des  anciens. 
Ed  ISJO,  la  France  suivait  vingt  liturgies  parti- 
culières, sans  compter  la  liturgie  "omaine.  Ces 
liturgies  comptaient,  parmi  leurs  auteurs,  non 
pas  des  saints,  mais  des  écrivains  suspects  et 
même  des  hérétiques  reconnus  ;  elle^  avaient  été 
établies  par  une  violation  flagrante  des  loie 
canoniques  ;  elles  avaient  pour  caractère  la  con- 
tradiction et  la  variation  ;  elles  n'étaient  garan- 
ties que  par  l'autorité  faillible  de   quelques 


J 


LA  SEMAINE  DB  CLETlGÉ 


120» 


êycqucs;  le  Saint-Siège  ne  faisait  que  les 
tolérer. 

De  plus,  à  l'époque  du  concnrilal,  le  noQibre 
des  diocè-es  aycinl  élé  réduit  de  cent  trente  à 
quatre-vingts,  les  diocèses  nouveaux  se  trou- 
vaient composés  fies  rognures  des  anciens. 
Chaque  iliocèse  avait  quatre  ou  cinq  liturgies. 
A  Langres,  par  exemple,  nous  avions  du  rite 
langrois,  du  rile  truyen,  du  rite  cliâlonnais,  du 
rite  toulois.  D'une  paroisse  à  l'autre,  c'était  un 
autre  ordie  de  prières  publiques.  Par  le  fait, 
nous  étions  tombes,  eu  matière  liturgique,  dans 
la  confusion  des  langues;  nous  étions  revenus  à 
Babd. 

En  18i7,  l'évêque  de  Langres,  Mgr  Parisis, 
en  tournée  pastorale  avec  si  n  viiaire  M.Favrel, 
proposa  de  d  re  le  bréviaire  en  commun.  le 
vicaire  suivait  le  rile  romain,  l'évêcjue  le  riliî 
de  Versailles  :  il  n'y  eut  pas  moyen  de  donner 
suite  i\  la  pieuse  proposition  olu  piélat.  Fiano 
du  collier,  l'abbé  Faviel  se  hasarda  de  faire,  à 
son  évêque  ,  quehiues  remontranci  s  re-pc- 
tucuses  sur  cet  emploi  d'un  bréviaire  imiiroiiv.; 
par  le  Saint-Siège.  L'évèi)iie  avait  une  (iévo- 
tion  profonile  envers  la  chaire  apostolique;  il 
joignait  d'aillcHis  à  un  esiiril  très-droit,  un  sens 
divinatoire  et  le  génie  des  saintes  initialiv.  s. 
Le  propos  de  son  vicaire  fut,  pour  lui,  le  point 
de  départ  de  réflexions  sur  un  sujet  qu'il  ne 
connaissait  point  ;  mais  tel  fut  la  recliliiile  lie 
son  flair  qu'il  comprit,  comme  d'intuition,  ;a 
nécessité  de  rétablir  le  rite  romain,  l'ar  u;  o 
circulaire  d'octobre  1839,  il  rétablit,  en  ellVt, 
ce  rite  dans  son  diocèse  Je  J.angres  :  circulaire 
qui  l'ut  le  premier  monument  du  mouvement 
liturgique,  pièce  qui,  dans  sa  lirièveté  décisive, 
étonnera  longtemps  les  lei leurs  par  la  fermeté 
d'aperc^us  dont  elle  est  la  preuve. 

Presqu'à  l'autre  extrémité  de  la  France,  Dom 
Guéranger,  qui  travaillait  sur  les  consignes  du 
Saint-Siège  à  relever  les  traditions  de  la  litur- 
gie et  du  droit  canonique,  se  préparait  à  entrer 
en  lice.  C'est  à  lui  ijue  Dieu  réservait  l'honneur 
d'opérer  parmi  nous  une  révolution  liturgique, 
ou  mieux  un  retour  à  l'ancien  droit.  Certes  nous 
n'entendons  pas  méconnaître  le  très-grand 
mérite  de  Mgr  Parisis  ;  ce  prélat  fut,  après 
Dieu,  l'auteur  de  notre  vocation,  et  s'il  y  a  en 
nous  quelque  mérite,  c'est  à  son  souvenir  qu'en 
revient  tout  l'honneur.  La  piété  filiale  ne  sau- 
rait, du  reste,  nous  abuser  sur  les  vertus  de 
notre  père  en  Dieu,  car  ou  jeut,  sans  exagéra- 
tion, lui  décerner  les  pius  grandes  louanges. 
Mais,  ici,  l'équité  historique  oblige  à  lui  recon- 
naître la  pleine  gloire  de  sa  résolution.  Depuis 
cent  soixante  ans,  les  évoques  frani^ais  faisaient 
•ans  façon  des  liturgies,  ou,  ce  qui  est  pis 
encore,  les  faisaient  faire  ;  depuis  cent  soixante 
ans,  ils  répudiaient  l'unaprè.s  l'autre  la  liturgie 


de  l'Eglise  mère  et  maîtresse  sans  que  personniï 
songeât  seulement  à  s'en  étonner.  L'évêque  de 
Langres,  foulant  aux  pieds  les  préjugés  de  som 
temps  et  de  son  pays,  secoua  '•?  pi'emier  le  joug 
de  cette  détestable  coutume  ;  le  premier  il  com- 
prit l'importance  de  la  liturgie,  ia  puissance  de 
son  action  intérieure  comme  prières  publiques, 
la  portée  de  son  aclion  extérieure  comme  ensei- 
gnement; le  premier,  il  vit  (]ue,  morceler  cette 
force,  la  diviser  à  l'inlir.i,  la  manipuler  sansr 
relâche,  c'était  lui  enlever  la  raystéiieuse  essence 
de  sa  vertu  ;  le  premier,  il  reconnut  que  la 
nouveauté  et  la  mnlli[dirité  ne  valent  rien,  et 
que  la  puissance  de  la  liturgie,  pour  le  dévelop- 
pement de  la  vie  religieu-e  des  peuples,  est  ea 
rai-on  directe  de  son  antiquité  et  de  son  unité. 
Aujourd'hui,  la  controvi-rse  a  rendu  ces  vérités 
vulg:ii;cs;  en  1839,  elles  étaient  universelle- 
ment iifnon'e-;  pour  les  retronver,pourles  expli- 
quer, il  fallait  à  un  évèque  plus  que  du  savoir, 
plus  que  de  Tintellig-nce  ;  il  fallait  et  ce  coup 
d'œil  de  l'inlnition  (jui  l'ait  les  hommes  supé- 
rieurs, et  cctti'  grande  lumière  de  l'amour  qui 
mr^itre,  a-  x  s-rvileurs  de  Dieu .  les  plaie» 
cachées  à  tous  les  yeux,  les  remèdes  eflicaces 
auxquels  nul  ne  songe. 

Si  grande  que  soit  la  gloire  de  l'évêque,  elle 
le  celle,  sur  laqui'slion  liturgique,  à  la  gloire 
de  l'abbé.  Dom  Guéranger  a  fait,  du  retour  à  la 
liturgie  romaine,  son  œuvre  propre  ;  il  no  s'est 
pas  borm;  àen  comprenilre  le  premier,  dès  1830, 
la  haute  importance;  il  en  a  tracé  le  programme, 
il  en  a  rempli  les  parties  principales,  il  a  soutenu 
presque  tout  seul  l'effort  de  la  partie  adverse, 
et  ce  qui  ne  s'est  pas  effectué  [lar  ses  propres 
mains  est  dû  à  son  influence.  Malgré  l'oubli  où 
éta.ient  tombés  les  articles  du  yttmorkd,  il  n'a- 
vait pas  délaissé  sa  science  de  prédilection:  rien 
n'avait  pu  l'en  séparer,  ni  l'oubli  universel  où 
cette  science  était  tombée,  ni  les  controverses, 
ni  la  liberté  d'enseignement  qui  commentjaient 
ù  absorber  les  esprits,  ni  même  l'œuvre  dilficile 
à  laquelle  il  avait  voué  sa  vie.  Pendant  que 
d'autres  construisaient  de  laborieux  systèmes  et 
demandaient  à  la  philosophie  et  à  la  politique, 
les  secrets  de  l'avenir,  lui,  il  ressuscitait,  sur  le 
sol  labouré  par  la  révolution,  l'ordre  de  Saint- 
Benoît  ,  il  l'enfermait  dans  l'enceinte  de  la 
science  sacrée,  et  portait  l'efTort  de  son  zèle  à 
l'endroit  des  remparts  de  Sion,  où  avait  prévalu 
l'attaque  de  l'ennemi.  Certes,  s'il  n'eût  considéré 
que  sa  jeunesse,  la  difficulté  de  ^entreprise, 
la  nécessité  d'affermir  d'abord  sur  ses  bases  la 
maison  de  Solesmes,  il  n'eût  eu  garde  dé  se 
commettre  en  pareille  affaire.  S'il  eût  seule- 
ment songé  un  instant  à  sa  tranquillité  et  à  sa 
considération  personnelle,  eùt-il  osé  jeter  le  cri 
d'alarme,  présenter  bravement  sa  poitrine  aux 
flèches,  parfois  empoisonnées,  duf  léjugé  et  de 


5294 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


l'envif.  nom  Guérangcr  ]ai?sa  de  côté  tontes 
ces  considérations:  son  regard  portait  [ilus 
haut  et  son  cœur  était  à  l'unisson  de  sa 
pensée. 

Les  Insliliitions  liturgiques  parurent,  le  pre- 
mier volume  en  1840.  le  secon ',  en  1841,  le 
troisième,  en  185 1 .  Ue  cinq  dont  devait  se  com- 
poser l'ouvrage ,  les  deux  derniers  volumes 
n'ont  pas  vu  le  jour,  mais  ont  été  suppléés  par 
des  brochures  que  feront  naître  les  nécessités 
delà  défense.  Malgré  l'éclat  de  la  controverse 
dont  il  a  été  l'objet  et  l'immensité  de  l'œuvre 
dont  il  a  été  l'instrument,  le  livre  n'a  pas  eu  uq 
grand  succès  de  librairie  ;  il  n'est  pas  parvenu 
à  la  seconde  édition,  la  première  s'est  à  peine 
vendue  :  preuve  que  parmi  tous  le-  l'aileurs  de 
liturgie,  il  y  en  a  pkis  d'un  qui  parle  par  ouï- 
dire.  En  tout  cas,  ce  défimt  de  propagation 
réelle  nous  oblige  à  présenler,de  tout  l'ouvrage, 
une  fidèle  analyse. 

Les  Institutions  lifurgiguessonl  Aôàlées an  car- 
dinal Lanibruschini,  seeiétaire  d'Etat  du  p^pe 
Grégoire  XVI,  ancien  membre  i1e  i'ordre  des 
Barnabites  qui  a  donné  à  l'Eglise,  entre  autres 
lilurgistes,  Gavanti  Gerdil  et  Foiitana.  En  pla- 
çant son  travail  sous  le  patronage  du  ministre 
de  Sa  Sainteté,  l'auteur  ju-tifis  celte  dédicace 
par  ce  fait  que  son  livre  raconte  «  les  mysté- 
rieuses boaulcs  et  les  harmonies  célestes  que 
l'Esprit-Saint  à  ré[iandues  sur  les  fi>rmes  du 
culte  divin,  tel  que  l'exerce  la  sainte  Eglise 
romainf,  mère  et  maîtresse  de  toutes  les  égli- 
ses. »  Mais  peut-être  n'est-il  pas  téméraire  de 
croire,  qu'en  prot'v-tant,  devant  le  représentant 
du  S;;iut-Siège,  de  la  pureté  de  ses  doctrines 
liturgiques,  il  voulait^  on  cas  de  querelles,  se 
prép.-.rerune  couverture.  C'était,  pour  l'adver- 
saire, un  arte  de  charité,  pour  l'auteur  une 
mesure,  hélas  !  trop  peu  inutile  de  prudence. 

La  dédicace  est  suivie  d'une  préface  de  vingt- 
six  pages.  Dans  cette  préface,  l'auteur  propose 
son  suji-t  et  indique  sa  raison  d'iniliati'.e;  après 
quoi,  il  annonce  V Histoire  de  la  Liturgie  et  des 
Liturgistbs  dans  fon  ensemble.  «  Lliisloire  li- 
turgique de  l'Eglise,  que  nous  devons  conduire 
jusqu'au  dix-ueuvième  siècle,  étant  termint'e, 
dit-il  ensuite,  nous  commencerons  à  traiter  les 
matières  spéciales.  A  la  suite  de  notions  né- 
cessaires sur  les  livres  de  la  lilurgie,  sur  le 
calendrier,  sur  le  partage  du  teinps  et  ses 
mystères  dans  la  liturgie,  nous  passons  à  l'ex- 
plication des  traditions,  et  des  symboles  con- 
tenus tant  dans  la  partie  mobile  de  l'année 
ecclésiastique,  que  dans  la  partie  immobile  de 
ce  cy«le  merveilleux. 

»  Le  sacrifice  chrétien  est  ensuite  traité  avec 
tous  les  détails  qui  peuvent  conlribue-r  à  bina 
faire  connaître  ce  centre  divin  de  toute  la  Li- 
turgie, iNous  venons^  après  cela,  aux  traditions 


qui  concernent  les  sacrements,  cps  sept  sources 
de  grâce  desquelles  émane  sa'  s  cesse  le  salut 
du  peuple  chrétien.  L'ensemble  imposant  des 
sacramentaux  attire  ensuite  notre  attention  et 
ï;ous  fournit  l'occasion  de  montrer  la  réhabili- 
tation universelle  de  l'œuvre  de  ^ieu  parla 
vertu  de  la  Croix,  d'oti  découle  b,  divin  pouvoir 
de  l'Eglise.  Une  dernière  partie  comprend  les 
actes  et  fonctions  liturgiques  qui  ne  se  rangent 
pas  sous  les  divisions  que  nous  venons  d'in- 
diquer. 

{A  suivre.)  Justin  Fêvrb, 

P:-otonoiîire  Apo^toliqu» 


CHRONIQUE  HEBDOf/iADAIRE 

L"< Gardes ii'/ur,neur  rlu  Sieté-Cœur  tU  Jésus.  —  Pie  IX, 
jTTiiier  Garde  d'honneur.  —  L'arme  des  Gardes 
d  honneur.  —  Discours  du  Pape  aux  élèves  du 
collé:^e  l'Oonais  de  Rome.—  Bief  du  Saim-Pere  au.x 
co;iMés  caUioliques  de  France.  — M.  Icar'l  élu  supé- 
r.riir  de  la  Congrégation  de  Saint-Siilpice.  — 
Biilget  des  cultes  pour  1876.  —  Eiat  officiel  des 
paries  occasionnées  par  les  inomlatioas  du  midi.  — 
Le^  -ousoriptious.  —  Bon  exemjile  des  notares  de 
Btz  ers  punr  la  sanctiDcatioii  du  diiiinnche.  —  E.iiise 
nationale  ilalienne.  —  Excommunication  du  !aux 
archevêque  Panelli.  —  La  ili.fin.  —  La  criiii  nalité 
en  llalie  avant  et  depuis  les  annexions.  —  Prisons 
et  prisonn  ers,  leur  nombre,  ce  qu'il»!  coùlen".  — 
Procès  civils.  —  Lettre  du  Pape  à  l'épi  copat  sici- 
lien. —  Les  élections  municipales  italiennes.  — 
Menées  schiîmatiques  russes. 

4  août  IS73. 

Rome.  —  H  y  a  quelques  années  qu'une  jeune 
fille  de  l'aristocratie  belge  fondait  la  pieuse 
milice  connue  sous  le  nom  des  Gardes  d'Iumneur 
du  Savré-<  œur  de  Jésus.  De  la  Belgique,  la 
nouvelle  association  se  répandit  rapidiiuent 
dans  les  principales  contrée»  de  l'Europe  l'X  de 
l'Amérique.  En  18G7,  le  Saint-Père  ayant  bien 
voulu  accepter  le  tiire  de  premier  garde  cl'hon- 
neur  du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  la  Cou  y  légation 
des  Rites,  qui  jusque-là  avait  hésité  à  approu- 
ver canoniquement  la  sainte  milice,  rendit  un 
décret  par  lequel  elle  en  autorisa  l'organisation 
et  la  ditfii'^ion. 

Or  le  21  juillet  dernier,  la  section  romaine 
des  Gardes  du  Cœur  de  Jésus  a  envoyé  au  Saint- 
Père  une  dèputalion  comi)osée  des  membres  les 
plus  influents  de  la  noblesse  et  de  la  bour- 
geoisie. Celle  députation  avait  pour  mission  de 
ieire  conniiîlre  au  Saint-Père  la  seiie  de  felcs 
qu'avaient  célébrées  les  Gardes  d'Iionneur  du 
tœur  de  Jésus  tant  pendant  la  neuvaine  (]ue 
pendant  l'octave  de  la  grande  solennité  du 
16  juin. 

Dans  sa  réponse  à  leur  adresse,  Pie  IX  a 
rappelé,  comme  une  de  ses  plus  douces  gloires, 
le  titre  d(;  premier  Garde  d  honneur  du  Cœur 
de  Jésus  II  a  vivement  loué  l'a-sislance  du  zèle 
ilurt  elle  a  fait  preuve  pour  honorer  le  divin 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1293 


Cœur  de  Jésus-Christ.  «  Nous  n'avons,  a-t-il 
dit,  ni  fusils,  ni  canons,  à  la  manière  des  ar- 
mées de  ce  monde  ;  mais  nous  avons  l'arme  de 
la  prière,  et  avec  elle  l'assistance  de  Celui  qui  a 
dit  :  Voilà  que  jo  svù  avec  vous  lous  les  jours 
tusqu'à  la  fin  «/"«  siècles.  Nous  n'avons  donc  pas 
à  douter  de  la  victoire,  (|uels  que  soient  d'ail- 
leurs le  nombre  et  la  puissance  de  nos  adver- 
saires. » 

La  fin  di^  l'année  classique  a  aussi  amené  au 
Vatican,  après  les  jeunes  ecclésiastiques  alle- 
mands dont  nous  parlions  dans  notre  dernier 
numéro,  les  élèves  du  collège  polonais  de 
Rome.  Les  paroles  que  Pie  IX  leur  a  adressées 
font  soupçonner  que  l'Eglise  est  menacée  de 
quelque  coup  terrible  dans  leur  malbeureuse 
patrie.  Nous  en  diro«-  un  mot  plus  loin,  à  l'ar- 
ticle de  la  Russie.  «  Mes  enfants,  leur  a-t-il  dit, 
avec  un  accent  paternel  très-ému,  je  suis  con- 
tent de  vous  voir  et  de  pouvoir  vous  bénir.  Nous 
devons  en  ces  temps-ci  prier  beaucoup  pour 
que  le  Ciel  nous  accorde  à  tous  une  grande 
force  d'âme  et  une  patience  inaltérable.  Vous 
•devez  vous  préparera  une  dure  existence,  caries 
temps  sont  durs  partout,  mais  ils  sont  les  plus 
durs  en  Pologne.  Priez  1  Priez  1  Adressez-vous, 
avant  tout,  à  la  très-sainte  Vierge,  la  principale 
protectrice  du  royaume  de  Pologne,  puis  à  vos 
saints  patrons,  et  enfin  à  tous  les  saints  mar- 
tyrs, car  la  Pologne  est  la  terre  des  martyrs,  et 
il  vous  faut  être  jirêts  à  le  devenir  à  votre  tour,  u 

France.  —  Nous  avons  parlé  en  son  temps  de 
l'adresse  que  les  comités  catboliques,  lors  de 
leur  dernière  assemblée  générale,  ont  envoyée 
au  Pape.  Le  Saint  Père  vient  de  leur  répondre, 
le  22  juillet  dernier,  par  un  bref  que  nous 
reproduisons  en  partie  ci-après,  et  dont  il  n'est 
pas  besoin  de  taire  ressortir  l'importance. 
«...  Parce  qu'il  ne  se  peut  rien  établir  de  stable 
et  d'utile  au  vrai  progrès  des  âmes,  dit  Sa  Sain- 
teté, s'il  ne  s'appuie  sur -la  saine  doctrine  ou 
s'il  s'écarte  en  quoi  (jue  ce  soit  de  la  vérité, 
vous,  qui  avez  en  vue  le  bien  solide  de  vos  frères, 
•vous  avez  résolu  avec  une  grande  sagesse  de 
suivre  fiddemenl  et  en  toute  obéissance  les 
enseignements  de  cette  Chaire  de  vérité  et,  la 
prenant  pour  guide,  d'éviter  avec  soin  toutes 
les  erreurs  et  les  opinions  périlleuses,  surtout 
celles  qu'ont  proscrites  la  lettre  apostolique 
Quanta  cura  et  le  Syltabus  qui  y  est  joint.  Or, 
nous  nous  réjoui>si)ns  de  voir  la  constance  avec 
laquelle  noes  avons  poursuivi  ce  dessein  une 
fois  conçu  e:  l<^s  fruits  que  vous  en  avez  déjà 
retirés,  soit  en  pt-opageant  les  principes  de 
notre  très-sainte  religion,  qui,  seuls,  peuvent 
raflermir  les  bases  de  la  société  humaine,  qui 
chancelle,  soit  en  arrêtant  la  difilusion  des  er- 
reurs. Soit  en  rejetant  ces  opinions  qui  aflai- 
Wissent  leu  forces  de   la  vérité,    en   voulant 


qu'elle  concilie  le  vrai  et  le  faux  et  apportent 
ainsi  des  obstacles  à  son  triomphe,  soit  en 
affirmant  les  droits  de  l'Eglise  en  ce  qui  con- 
cerne l'éducation  de  1  adolescence  et  de  la  jeu- 
nesse, soit  en  vous  occupant  du  peuple  et  sur- 
tout de  la  classe  ouvrière,  soit  par  foutes  les 
autres  œuvres,  oii  se  porte  et  s'étend  chaque 
jour  de  plus  en  plus  votre  charité.  En  raison 
de  votre  pié'é,  vous  comprenez  facilement, 
chers  fils,  que  cette  efficacité,  qui  féconde  les 
œuvres  entreprises  par  vous  pour  la  gloire  de 
Dieu  et  le  salut  des  âmes,  ne  peut  venir  que  de 
la  vertu  divine  qui  vivifie  l'Eglise  et  qui,  par 
son  chef  visible,  se  répand  dans  tous  ses  mem- 
bres. C'est  pourquoi,  en  nous  réjouissant  des 
progrès  considéraldes  de  votre  association, 
nous  avons  justement  confiance  qu'affermis 
par  votre  propre  expérience,  vous  adhérerez 
avec  un  respect  et  un  amour  de  plus  en  plus 
grands  à  ce  Saint-Siège,  et  que  vous  en  tirerez 
de  nouvelles  forces  pour  étendre  encore  les 
bienfaits  de  vos  travaux...  » 

Tous  les  cinq  ans,  le  grand  conseil  de  la 
Compagnie  de  Saint-S  ilpice  se  réunit  à  Issy. 
Cette  réuion  quinquennale  tombait  cette  année 
et  a  eu  lieu  récemment.  Le  supérieur  général, 
M.  Caral,  accablé  par  ses  infirmités  plus  que 
par  l'âge,  car  il  n'a  encore  que  78  ans,  en  a 
profité  [)0ur  donner  sa  démission,  et  le  grand 
conseil  a  pourvu  à  son  remplacement.  Il  a  élu 
pour  lui  succéder  M.  l'abbé  Icard,  depuis  long- 
temps directeur  du  séminaire  de  Saint-Sulpice, 
à  Paris,  et  vicaire  général  du  diocèse.  M.  Icard 
est  auteur  de  plusieurs  ouvrages,  dont  le  prin- 
cipal, intitulé  :  Prœlectiones  Juris  canonici,  a 
été  honoré  d'un  bref  du  souverain  Pontife. 

Voici  le  budget  des  cultes  pour  l'année  187 G, 
tel  qu'il  a  été  voté  par  l'Assemblée  nationale, 
dans  sa  séance  du  29  juillet  dernier  ; 

«  Chap.  I".  —  Personnel  des  bureaux  des 
cultes,  243,400  francs. 

«  Chap.  2.  —  Matériel  des  bureaux  des  cultes, 
36,000  francs. 

«  Chap.  3.  —  Cardinaux,  archevêques  et 
évêques,  1,646,000  francs. 

B  Chap.  4.  —  Vicaires  généraux,  chapitres 
et  clergé  paroissial,  39  007,793  francs. 

«  Chap.  0.  —  Chapitre  de  Saint-Ueniset  cha- 
pelains de  Sainte-Geneviève,  260,300  francs. 

«  Chap.  6.  —  Bourses  des  séminaires  catbo- 
liques, 1,172,200  francs, 

('  Chap.  7.  —  Pensions  ecclésiastiques  et 
secours  personnels,  887,000  francs. 

«  Chap.  8.  —  Secours  annuels  à  divers  éta- 
blissements religieux,  105,000  francs. 

«  Chap.  9.  —  Service  intérieur  des  édifices 
diocésains,  611,200  francs. 

«  Chap.  10.  —  Entretien  des  édifices  diocé- 
sains  800,000  francs. 


izm 


LA  semw^î:  ,mj  clehg:^ 


«  Chap.  10  bis.  —  Travaux  aux  édifices  dio- 
cV'sai-  s  d'AI;;éiie,  200,000  francs. 

(I  Chai».  11.  —  Constructions  et  grosses  répa- 
ration? ((es  édifices  dioi'ésains,  2,400,000  fiancs. 

«  Cliap.  12.  —  Crédits  spéciaux  pour  diverses 
cathédrales,  880,000  francs.  » 

■Nous  donnor"  également  liraprès  l'état  des 
dégâts  m,itérieïs  causés  par  les  inondations  du: 
Midi,  et  que  M°°  la  maréchale  de   Mac-Mahrn 
viçnt  de  communiquer  au  comité  de  souscrip- 
tion. 

Dépa'^tement  de  la  Haute-Garonne  :  commu- 1 
nés  atteintes  par  l'inondation,  70;  personnes  qui 
ont  péri  dans  l'inondation,  330;  maisons  dé- 
truites, .2.1)00;  liêtes  de  bétail  qui  ont  été 
noyées,  3,000;  pertes  matérielles,  23  millions. 
—  Le  faubourg  Saint-Cyprien  a  été  campléte- 
ment  détruit. 

Département  de  Lot-et-Garonne  :  commno,es 
atteintes   par  l'inondation,   60;  personnes  qui  , 
ont  péri  dan?  l'inondation,  30;, maisons  iclcui-i. 
tes,  600  ;  pertes  matérielles,  24,300,000  fr.a»cs. 
.département   de  Tarn-et-Garonnie  :  cii;umu- 
nes  atteintes   par  l'inondation,  31;   per^OJines  , 
qui  ont   péri  dans  l'inondation,  116;    tète-  i!c  , 
bétail,  1,968;  pertes  matérielles,  l."», 690,000  fr.  , 

Déparlement  de  l'Ariége  :  pertesBiatériclles, 
7,739,408  francs. 

Département  de  rAudo  :  communes, atteintes  , 
par     l'inondation,    120;    pertes     matérielles, 
3,409,700  fr. 

Département  de  la  Gironde:  communes  at- 
teintes par  l'iiiondation,  54;  pertes  matérielles, 
3  millions  de  francs. 

Dép'artement  des  Landes;  coramunesatteintes 

Ear  l'inondaliun,  107;  hectares  de  terres  enva- 
ies,  30,(i00;   pertes    malérieUes ,    2,900,000 
francs. 

Département  du  Gers  :  ipertes  .malérielles, 
5  millions  de  francs. 

Département    des    Hautes-Pyrénées  i.pertcî;  , 
matérielles,  1  million  de  francs. 

Le  total  (les  pertes  matérielles  infligées  aux 
9idépailements  cités  plus  haut,  s'élève  donc  à 
84,039,108  francs. 

Celui  des  sommes  versées  tant  à  la  Présidence 
qu'aux  cai.sses  du  Trésor  public  s'élevait,  le 
2  août,  à  la  somme  de  14,264,083  fnuacs. 

Le  total  des  sommes  recueillies  par  les  évè- 
cliés  n'est  pas  encore  connu.  Mais  nous  savons 
dès  maintenant  qu'il  se  chiUrera  ,par  plusieurs 
millions. 

Les  souscriptions  ouvertes  dans  les  journaux 
neeont  pas  encore  closes.  Celle  de  VUmceis  dé- 
passe présentement  38,000  francs. 

Niyut  relevocs  quelques  offrandes  qui  méri- 
tent particulièrement  d'être  mentionnés.  M.  le 
comte  de  Ckamhord  a  envoyé  13,000  francs;  les 
cercles  catholiques  d'ouvriers  ont  déjà  recueilli 


parmi  leurs  nn^:nbrcs  plus  de  2-2,lhj'.>  francs;  les 
élèves  du  pensionnat  des  Frères,  à  Passy,  out 
donné  6,370  francs;  le  roi  catliolique  don 
Carlos,  relativement  pauvre,  a  envoyé  2,S0O 
francs;  son  cousin  don  Alplion?e,  roi  libé- 
ral à  lladrid,  en  disposant  des  finances  de 
laiplus  grande  partie  de  l'-Espagne,  n'a  rieu 
envoyé  du  tout.  L'Angletenc,  la  Belgique,  et 
en  général  toutes  les  nations  voisines  ont  aussi 
envoyé  des  sommes  plus  ou  moins  fortes.  Mais 
le  total  général  de  toutes  ces  généreuses  offran- 
des sera  toujours  très-loia  de  couvrir  les  seule» 
perles  matérielles. 

Les  notaires  de  Béziers,  à  l'exemple  de  leurs 
cttofrèrcs  de  diverses  villes,  ont  décidé  qu'à 
l'avenir  leurs  études  seront  fermées  les  dimaa- 
ches-et  jours  de  fêtes  légales. 

Italie.  —  Le  Pap''  a  adressé  au  cardinal 
archevêque  de  Naples  une  lettre  par  laquelle 
ilexpommunie  le  prétendu  archevêque  Panelli, 
que  nous  avons  déjà  vu  en  Suisse,  et  qui  enire- 
pread  de  fonder,  avec  le  secours  du  gouver- 
nement )tali(;n,  une  église  dite  catholique 
nationale  italienne.  Cette  lettre  appartenant 
tiiut  entière  à  l'histoire,  nous  la  donnerons 
intégralement  dans  notre  prochain  numéro. 

On  se  souvient  des  faits  que  nous  avons  rap- 
portés ici  concernant  Ja  Sicile,  et  qui  montraient 
quç  dans  celte  île  il  n'y  avait  plus  aucune  sécu- 
rité pour  les  biens  ni  pour  la  vie  de  personne. 
Le  parlement  italien  a  fini  par  s'occuper  de  cet 
effroyable  état  de  choses.  Des  révélations  pro- 
duites à  la  tribune,  il  résulte  que  le  pays  tout 
entier  est  ie.festé  d'une  société  secrète  qui 
s'appelle  la  M'i/in,  et  que  c'est  à  celte  société 
qu'il  faut  attribuer  la  situation  de  la  Sicile. 

La  âlafia  serait  comparativement  d'origine 
récente.  Elle  commença  à  donner  sigue  de  vie 
dans  la  province  de  Messine  vers  IStiO,  précisé- 
ment l'année  des  annexions  italiennes.  Le 
préfet  de  Messine  n'hésite  pas  à  la  faire  procéder 
en  droite  ligne  des  bandes  de  Garibaldi,  com- 
posées, dit-il,  de  «  la  lie  de  la  société,  »  et  qui 
répandaient  partout  la  terreur. 

L'impénétrable  mystère  dont  le  Mafia  entoure 
son  action  n'a  pas  encore  permis  de  connaître 
le  mécanisme  par  lequel  elle  se  meut,  les  règles, 
les  liens,  les  pénalités  de  l'association.  On 
ignore  même  si  elle  forme  une  association 
régulièrement  conslilué(!.  Il  semble  en  effet  que 
les  adeptes  de  la  i]Jiifîa  ne  sont  pas  liés  par 
l'espoir  d'avantages  clairement  définis,  ni  par 
des  lois  rigoureuses,  ni  par  de«peiaes  à  encou- 
rir, ni  enfin  par  des  obligati./us  quelconque» 
lilvreinent  acceptées;  mais  que,  «  semblables 
aux  oiseaux  de  même  plume,  »  ils  subissent 
l'atti-action  qui  [iorte  les  êtres  paresseux,  vicieu: 
et  mécuuteuts  à  faii'e  cause  commune,  «a  tus 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1297 


de  b(5néficps  mnhiels,  ronlre  la  irinmle  ri 
l'onlre  public.  C'est  l'action  particulière  ou 
collective,  selon  que  les  circonstances  l'exigent, 
de  (dus  ceux  qui  metlent  leur  volonté  au-dessus 
du  droit. 

Il  y  a  la  haute  et  la  basse  Mafia.  La  basse 
Mil  fia  se  coronose  de  gens  grossiers,  propres  à 
jouer  du  couvoau,  et  qui  généralement  exécu- 
tent les  coups,  lesquels  sont  préparés  par  la 
haule  Mafia,  qui  comprend  les  adeptes  intelli- 
gents, élégants  et  riches. 

Un  mafioso  aurait  écrit  au  préfet  de  Girgenti, 
entre  autres  choses,  ce  qui  suit:  «  On  acquiert 
le  titre  de  mafioso  en  donnant  des  preuves  de 
courage,  en  portant  des  armes  prohibées,  en 
se  battant  en  duel  sous  un  prétexte  quelconque, 
en  poignardant  ou  en  trahissant  quelqu'un,  en 
feignaut  de  pardonner  pour  mieux  se  venger 
plus  tard,  en  celant  un  acte  coupable,  en  men- 
tant à  la  face  de  la  justice,  en  volant  par  n'im- 
porte quel  moyen.  » 

Or  cette  lèpre  abominable  de  la  Mafia  est  à 
n'en  pas  douter  un  cadeau  de  la  Révolution 
piémontnise  à  la  malheureuse  Sicile.  M.  Crispi, 
un  député  de  la  gauche,  et  révolutionnaire 
ardent,  l'a  prouvé,  sans  le  vouloir,  jusqu'à  la 
dernière  évidence:  «  Avatit  1800,  a-t-il  dit,  la 
Sicile,  Messieurs,  ne  coonaissait  pas  le  brigan- 
dage... En  recourant  à  la  stalislique  pénale  du 
gouvernement  bourbonien,  et  en  m'y  référant 
pour  un  laps  de  six  années  entières,  je  n'y  vois 
pas  même  l'ombre  de  ces  terribles  méfaits  que 
depuis  1860  nous  avons  à  déplorer...  Sous  les 
gouvernements  antérieurs  à  celui-ci,  les  chitl'i  es 
des  grands  méfaits  l'urentinfiniment  moindres.» 
Avant  18G0,  sous  le  gouvernement  légitime, 
peu  de  méfaits;  </e>/î!i/5  1800,  sous  un  goin-rr- 
nement  révolutionnaire,  des  méfaits  sans  nom- 
bre: "M.  Crispi  ne  pouvait  être  plus  net.  Ci'pen- 
dant,  à  entendre  les  révolutionnaires,  c'étîiit 
précisément  pour  faire  régner  Tordre  et  répri- 
mer les  abus  et  l^s  crimes  que  l'on  renversait 
les  princes  de  leurs  trônes,  sous  prétexte  qu'ils 
ne  voulaient  pas  ou  ne  iiouvaient  pas  donner 
la  paix  et  la  sécurité  à  leurs  sujets. 

Le  gouvernement  ayant  demandé  à  être 
armé  de  lois  spéciales  pour  rétablir  l'ordre,  le 
parlement  lésa  volées;  mais  on  croit  qu'elles 
ne  pourront  être  appliquées,  pHrce  que  les 
propres  agents  du  gouvernement  sont  eux- 
mêmes  des  mafiosi. 

Nous  ajouterons  que  l'accroissement  des 
crimes  n'est  pas  particulier  à  la  Sicile  ;  il  est 
comuiun  à  toute  l'Italie.  Ce  sont  les  ministres 
eux-mêmes  qui  nous  révêlent  cette  situation. 
En  1872,  lors  du  vote  du  budget,  M.  Lanza 
avait  otliciellement  déclaré  que  le  nombre  des 
détenus  s  éleva  t  au  chiffre  de  72,000.  Celte 
année;  M.  Minj^Letii  a  déclaré,  non  moins  olli- 


'■•"^Ipmnnf,  que  re  clilfl'io  e«t  mainlenant  de 
i,  .,.')00,  soit  une  augmentation  de  plus  de  13,000 
on  trois  ans.  C'est  un  beau  progrès.  Depuis 
fpiinze  ans,  le  nombre  des  prisons  a  triplé  en 
li.ilie;  et  elles  sont  si  pleims  malgré  cela,  que 
c'est  une  question  d'humanité  d*;  les  multiplier 
et  de  les  ar;raiidir  encore.  L'itarie  tient  la  pre- 
mière place  dans  le  monde,  —  honneur  peu  invia- 
ble,—  par  le  nombre  desesprisonnier5,qui  égale, 
à  quelques  milliers  près,  le  nombre  des  prison- 
niers français  et  angiais  réunis,  suivant  la 
remaR]ue  qu'en  a  faite  avec  douleur  et  confu- 
sion le  rapporteur  de  la  commission  du  budget. 
L'Etat  italien  est  obligé  de  payer  sa  gloire, 
comme  on  le  pense  bien  ;  il  n'y  a  que  cela  qu'il 
paye.  Ses  prisonniers  lui  coûtent  environ 
trente  millions  de  francs  pat"  an;  il  leur  donne 
en  outre,  pour  les  servir  et  les  soigner,  4,831 
employés,  et  à  peu  près  autant  de  soldats  pour 
monter  la  garde  à  leur  porte. 

Les  tribunaux  civils  n'ont  pas  moins  à  faire 
que  les  tribunaux  criminels.  En  dépit  de  leur 
nombre  et  de  leur  activité,  il  ressort  des  débats 
parlementaires  qu'il  existe,  en  cassation,  un 
arriéré  de  neuf  mille  causes,  et  que  quelques- 
unes  d'entre  elles  attendent  une  solution  depuis 
plus  de  5e/><  années.  On  a  cité  ainsi  de  malheu- 
reux condamnés  à  mort  qui  attendent,  dans 
li'urs  cellules,  depuis  des  mois  et  des  anm^es, 
l'issue  de  leur  recours  en  grâce  ou  de  leur  pour- 
voi en  cassation.  Et  pourtant  il  y  a  dan^  lu. 
péninsule  quatre  Cours  de  cassation  qui  fonc- 
tionnent sans  relâche.  Que  serait-ce  s'il  n'y  en 
existait  qu'une  seule,  comme  en  d'autres  pays  ! 
Les  sectaires  ont  6té  à  l'Italie  l'Eglise,  et  lui 
ont  donné  la  Révolution  :  voilà  le  fruit  de  leur 
œuvre. 

Le  triomphe  de  la  Révolution  ne  décourage 
cependant  pas  l'Eglise,  ijui  se  sait  immortelle. 
Elle  attend  que  les  peuidc';  désabusés  revien- 
nent à  elle,  tout  en  s'elTou^ant  d'arrêter  le  plus 
qu'elle  peut  le  cours  du  m.d.  Tels  sont  les  sen- 
timents qu'exprime  le  Pape  dans  une  lettre 
qu'il  écrit  aux  évêques  siciliens,  qui  lui  avaient 
envoyé  une  adresse  collective. 

«  Sachant,  vénérables  frères,  leur  dit-il,  com- 
bien tendre  est  votre  affection  pour  nous,  et 
avec  quelle  force  vous  vous  tenez  fermement 
attachés  à  celte  chaire  de  Pierre,  avec  quel  cou- 
rage vous  combattez  avec  nous  pour  la  cause  de 
l'Église  et  avec  quel  soin  vous  vousappliquez  à 
arrêter  le  mal  toujours  croissant,  nous  avons 
rfçu  très-atlectueusement  vos  homma^-'es  et 
tous  les  souhaits  dont  vous  vous  ,  ïorcez  cons- 
tanaraent  et  avec  tant  de  peine  d'aaaener  la 
lealisation. 

((  11  nous  a  été  surfont  fort  agréable  de  voir 
que  votre  confiance  s'appuie  principalement 
sur  la  manière  vraiment  merveilleuse  dont  la 


i208 


LA  SEMAINE  Dl  CLERGE 


divine  Providence  a  touj'i'rs  dirigé  et  dirige 
encore  notre  faiblesse.  Ce-  témoignages,  en 
même  temps  qu'ils  démontrent  que  Dieu  est 
avec  nous,  doivent  relever  votre  courage  et 
nous  donner  re?]."ir  d'un  secours  qui  ne  saurait 
être  mis  en  doute  et  d'une  victoire  brillante  et 
ccrlùine. 

«  Et  vraiment,  si  c'est  le  propre  d'un  homme 
sage  d'emploj'er  des  moj^ens  adoptés  au  carac- 
tère de  la  fin  qu'il  se  propose,  il  ne  doit  paraître 
étrange  à  personne  que  nous  nous  attendions 
à  un  événement  prodigieux  quand  déjà,  d'une 
cprtaine  manière  la  voie  est  aidanie  par  une 
continuelle  série  de  prodigi-s.  L'E-riise  n'est-elle 
pas  accoutuirée  à  sortir  du  combat  avec  une 
auréole  d'autant  plus  éclatante  qu'elle  a  été 
attaquée  avec  plus  de  violence  au  milieu  des 
plus  grands  périls? 

Eh  bien!  fut-il  jamais  rien  de  plus  pernicieux, 
que  la  persécution  présente,  dans  laquelle  ont 
été  associées  partout  les  fraudes  et  les  embûches 
les  calomnies,  l'appareil  d'une  fausse  science, 
les  lois  iniques  et  les  violences  contre  l'Eglise  ; 
dans  laquelle  cette  persécution,  qui  s'étend  par 
toute  la  terre,  semble  obéir  à  une  même  direc- 
tion et  n'avoir  qu'une  règle;  dans  laquelle  l'im- 
piété est  arrivée  à  cette  impudence  de  professer 
une  haine  ouverte  contre  la  religion,  en  rejette 
non  plus  comme  autrefois  telle  et  telle  vérité, 
mais  prétend  renverser  entièrement  et  ouverte- 
ment tout  l'ordre  surnaturel  des  choses  et  Dieu 
même? 

«  Mais  ce  bouleversement  universel  de  tous 
les  principes,  inouï  jusqu'ici,  et  cette  conspira- 
tion générale  de  tant  de  forces  ennemies  contre 
l'Eglise,  en  nous  présentant  le  spectacle  d'une 
persécution  tout  à  lait  inusitée,  nous  font  croire, 
plusque  dans  touteautreper.-écu'.ion.à  lanéces- 
sité  d'une  intervention  extraordinaire  et  mani- 
feste du  Tout-Puissant. 

(i  Quoi  qu'il  doive  advenir,  la  certitude  que 
nous  avons  du  triomiihe  de  l'Eglise  et  la  patience 
qui  est  aussi  un  témoignage  de  la  faveur  cé- 
leste, doivent  nous  donner  la  force  et  nous 
rendre  plus  vigoureux  dans  la  lutte.  Pour  com- 
battre donc  avec  vigueur  et  intrépidité,  nous 
demandons  pour  vous,  à  Dieu,  le  secours  et  les 
dons  abondants  de  sa  grâce,  et  eu  attendant, 
comme  un  gage  de  ces  dons  <;t  comme  un  témoi- 
gnage de  notre  bienveillance  particulière,  nous 
vous  accordons  à  vous,  Vénérables  Frères,  et  à 
chacun  de  vos  diocèses,  notre  bénédiction  apos- 
tolique. »  5  juillet  1873. 

Après  les  faits  rapportés  plus  haut,  on  doit 
comprendre  que  nous  ayons  tenu  à  reproduire 
intégralement  cette  importante  lettre. 

Disons  enfin  que  les  élec  lions  municipales, 
qui  ont  eu  lieu  dans  le  courant  du  mois  dernier, 
et  auxquelles  les  catholiques  ont  pu  prendra 


part,  même  dans  les  grandes  villes,  ont  été  par- 
tout, défavorables  aux  partisans  de  la  Révolu- 
tion. Ce  résultat  a  jeté  le  désarroi  au  camp  des 
gijuvernementaux.  Ce  aérait  bien  autre  chose 
si  les  catholiques  pouvaient  prendre  part  aux 
élections  politiques.  .Mais  on  impose  aux  élus, 
avant  de  les  ailmellre  à  siéger  au  parlement, 
un  serment  que  les  catholiques  ne  peuvent 
prêter;  dès  lors,  à  quoi  bon  voter?  Par  leur 
succès  dans  les  élections  munici[ialcs,  les  catho- 
liques se  trouvent  à  avoir  la  haute-main  sur  les 
écoles,  sur  la  police  du  culte,  sur  les  théâtres, 
sur  le  colportage,  sur  les  cimetières,  etc.  Leur 
action  préservatrice  et  réparatrice  pourra  donc 
être  considérable,  malgré  le  mauvais  vouloir  du 
gouvernement. 

RussLE.  —  Depuis  plusieurs  mois  l'on  parlait 
de  dispositions  plus  conciliantes  de  la  part  de 
l'empereur  Alexandre  II,  à  l'égard  des  catholi- 
ques de  Pologne.  Il  a  efiectivement  retiré  au 
collège  catholique  de  Pétersbourg  les  attribu- 
tions qu'il  lui  avait  conférées  en  1868  et  qui 
mettaient  les  évèques  polonais  sous  la  dépen- 
dance de  ce  collège,  lequel  recevait  toutes  ses 
impulsions  du  ministre  des  cultes.  Eu  faisant 
celte  concession,  le  czar  avait  espéré,  assure- 
t-ou,  que  le  Pape  autoriserait  l'usage  de  la 
langue  russe  pour  la  prédication.  Mais  le  Pape, 
sachant  par  l'expérience  qui  en  a  été  faite  dans 
le  gouvernement  de  Minck,  en  Lithuanie,  que 
cette  autorisation  éloignerait  totalement  le 
peuple  des  prêtres,  lesquels  tomberaient  dans 
le  mépris  dès  qu'ils  prêcheraient  eu  russe,  a 
déclaré  qu'il  ne  pouvait  l'accorder.  L'envoyé 
officieux  du  gouvernement  russe  auprès  du 
Vatican  est  retourné  à  Pétersbourg,  soi-disant 
en  congé,  mais  en  réalité  pour  demander  de 
nouvelles  instructions.  Reviendra- t-il?  C'est  ce 
qu'on  ne  peut  pas  dire.  Voilà  où  en  sont  les 
choses.  Mais  il  est  certain  que  le  Saint-Siège, 
est  très-préoccupé  des  menées  schismaliques 
russes  en  Pologne,  puisqu'il  a  fait  insérer  dans 
les  journaux  catholiques  polonais,  un  avis  par 
lequel  il  invite  tous  ceux  qui  peuvent  donner  des 
renseignements  sur  la  situation  de  l'Eglise 
grecque-unie  en  Gaiicie,  à  les  adresser  directe- 
ment au  Pape. 

P.  d'Hauterive. 


Tome  TV.  —  N"  4G.  —  Troisième  année. 


18  août  187S. 


SEMAINE  I)U  GLEIIGÉ 


THÈME  HOBILÉTIQUE  SUR   L'ÉVMGiLE 

DU  xiv^  DiiLVJjr.iiii  Arniis  la  pentecote. 
(Malth.  VI,  24-33.) 

I.  Parmi  tous  les  noms  que  le  prophète 
Isa\e  lionne  au  Sauveur  pour  f.iire  coinprenrire 
sa  (lignite  et  sa  gloiie,  un  des  plu?  (•('■lèhres  est 
celui  de  conseiller,  parce  que  Jé-'^U'-Clirist,  lors 
de  sa  venue  en  ce  inonde,  devait  apporter  aux 
hommes  les  conseils  les  plus  salulain-s.  Et  c'est 
un  admirable  conseil,  en  efl'et,  que  celui  que 
nous  trouvons  dans  tout  rEvaiip,il(Mle  ce  diman- 
che (I).  »  Etre  bon  et  être  heureux,  ou  plutôt  être 
heureux  en  élant  bon,  voilà  le  but  que  tout 
homme  raisonnable  doitassiufuer  à  sa  vie.  Ji'sus- 
Clirist  le  sait  :  c'est  pourquoi,  voulant  le  bon- 
heur et  la  perfection  de  ses  créatures,  il  s'elîorce 
de  les  prémunir  contre  un  vice,  qui  empèilie 
l'homme  d'être  bon  et  d'être  lieureu.'c,  paice 
qu'il  est  la  rncinr  de  tous  les  maux,  c'est-à-dire 
la  cause  d'une  multitude  de  pi'clies  et  une  source 
inépuisable  d'inquictudes  et  d'alarmes.  Ce  vice, 
c'est  la  cupidité,  l'avaiice. 

II.  Personne  ne  peut  avoir  deux  mnitres  dont 
le  caractère,  les  intérêts  et  les  ordres  sont  oppo- 
sés. C'est  pourquoi  vous  ne  pouvez  servir  llieu 
et  Mamnion,  c'est-à-dire  l'argent.  Le  Dieu  des 
chrétiens  est  un  Dieu  magnilique  qui  commamlc 
le  désintéressement  et  la  charité;  iMammon,  le 
Dieu  de  l'avare,  er.durcit  ses  esclaves  et  les  eu- 
ferme  dans  un  hideux  égoisuie.  L'uu  m'élève 
vers  le  ciel  ;  l'autre  me  rabaisse  vers  la  terri;. 
L'homme  détaché  des  choses  de  ce  monde  est 
semblable  à  l'aigle,  <pii  plane  dans  les  liauleurs; 
l'avare,  c'est  le  reptile  qui  rampe  dans  la  pous- 
sière. Je  ne  puis  donc  servir  Dieu  et  l'aiyent. 
U  faut  nécessairement  que  je  sacrilie  l'un  à  l'autre; 
et  de  toutes  les  raisons  qui  doivent  me  détourner 
de  l'avariée,  celle-là  est  la  plus  luitc.  L'av.irice 
m'empêche  de  servir  Dieu  comme  il  veut  êtn; 
servi,  et  de  gagner  le  ciel  en  le  servant  ;  car  il 
est  écrit  que  les  avares  ne  posséderont  pas  le 
royaume  de  Dieu.  C'est  à  ce  motif  déterminant 
que  s'arrête  Jésus-Christ.  In  anteriorilms  uvari- 
tiœ  compressa  tyrannidem  per  muUn  et  nirujna; 
sed  adhuc  alia  apparut  meliora  ;  non  enim  m  hoc 
totum  nobis  nocent  diuitiœ  quod  lutiona  aUversus 

1.  Grenade,  tome   V,  éd.  Vivèa. 


nos  armant,  et  quod  viidlrctum  ohtenebrant  ;  sed 
ctiam  ex  servitute  Uni  nus  expellunl  (I  ). 

Servir  l'argent  n'est  pas  la  même  chose  que  le 
posséder.  Jésns-t^hrist  ne  condamne  pas  la  pos- 
session, mais  l'amour  desordonné  des  richesses. 
Quandon  possède  léfiitimement,  noblement, chré- 
tiennement, on  n'est  pas  esclave,  on  est  maître. 
Ce  qui  fait  l'esclave,  c'est  la  passion  qui  sacrilie 
tout  au  désir  d'amasser,  c'est  la  cupidité  «jui  en- 
chaîne le  cœur  en  le  dégr.idant.  iXnn  dixit  :  qui 
hf'bet  divitias;  sed  qui  servit  diviliis  :  qui  enim 
divitiarum  servus  est,  divitias  custodit  ut  scrvus; 
qui  autem  servilutis  excussii  jn'jum,  distribuit 
eus  u'.  Dominus  (2). 

m.  Mais,  comme  il  est  aisé  de  trouver  dans 
a  nécessité  de  pourvoir  aux  exigences  de  la  vie 
matérielle  l'excuse  des  excès  de  l'avarice,  le 
divin  Maître  prend  soindedissiiier  cette  illusion. 
Il  ne  condamne  pas  une  .•sollicitude  légitime,  ni 
une  prudence  raisonnable;  ce  qu'il  réprouve, 
ce  sont  ces  inquiétudes  exagén-es,  contraires 
à  la  conliance  ipic  nous  devons  avoir  en 
Dieu,  et  ces  préoccupations  excessives  qui  ab- 
sorbent toute  notre  activité  et  nous  détour- 
nent du  service  de  Dieu.  Non  luilcm  omnem 
prtjliihet  sollicitudinern ,  sed  eam  qnœ  ex  dif- 
fidenti'i  crua  Dtuni  pro/icisci'.ur,ul  a/iparet  ex  his 
qnœ  dieuntnr  infra,  ei  eatn  quœ  a  iJei  .-ervitute 
liomincmdistrahit,  ut  constat  ex  vers.  l>-4  :  «  Non 
p'deslis  D'O  si-.rvire  et  Mammnnœ  (:îl.  »  J\'e  soyez 
dtnc  pas  tiop  inquiets  de  votre  aie,  pour  savoir  ce. 
que  vous  muiigerez;  ni  de  votre  corps,  pour  savoir 
commint  vous  le  vêtirez.  La  vie  n'est-elle  pas  plus 
que  la  nourriture,  et  le  corps  plus  que  le  vêtement  ? 
Ayez  coiilîanee;  le  llieu  qui  vous  a  dounéla  vie 
saura  bien  len  tretenir;  et  comment  \w.  ponrait-il 
pas  couvrir  ce  corps  qu'il  a  si  me;  veiileusement 
formé?  (;.,(  mjoia  prœstitit,  utique  et  minora 
prwst.ibit  (i).  Et  d'ailleurs,  qu'est-ce  que  ces 
dons  terrestres,  soutiens  d'une  vie  qui  doit  passer, 
eu  coin[iaraison  des  richesses  de  la  grâce  dont 
votre  àme  est  comblée  tous  les  jours,  eu  compa- 
raison de  ctte  vie  divine  qu'entretient  un  ali- 
ment d:viir?  Qu'est-ce  que  le  vêtement  qui  cou- 
vre le  corps,  comiiaré  à  ce  riche  vêtement  de  la 
gloire  dont  la  main  de  Dieu  nous  enveloppera 
dans  le  ciel?  Loin  de  nous  donc  ee^  inquiétudes 
exagérées  pour  les  choses  terrestres;  apprenons  à 

\.  Cl.rysost.,  lu  Moiih.,    Homil.  xx;v, 

2.  Hieion.,  /n  Mal'ih. 

3.  M:i!iion..  m  .Mnilh, 
Uieron  ,  in  lUllh, 


1301 


LA  SEJÎAINE  DU  CÎ.Er.GC 


Tivre  d'une  vie  pUis  haute  et  que  nos  aspirations 
soient  alignes  de  la  deslince  qui  nous  attend. 
Cœterum  de  spiriiunlihvi  cihis  et  ttslimentis  scm- 
per  dcl/e  mvs  e-se  snllkiii  (1). 

La  seconde  raison  que  fait  valoir  le  divinDoc- 
teur,  c'est  que  la  Providence  ne  peut  manquer 
de  subvenir  d  toutes  lesnéeessilésde  l'homme,  sa 
créature  de  prédilection,  puisqu'elle  fircnd  soin 
de  nourrir  Jusqu'aux  o'.seauxdu  ciel.  Votre  Père 
céleste  /es  nourrit  ;  comment  donc,  puisque  vous 
êtes  ses  enfauts,  vous  refasera-t-il  lc  qu'il  tous 
faut,  à  vous  que  sa  grâce  a  élevés  si  haut.  Nonne 
vcsmatjis  pluriscstii  illis? 

Vous  vous  tourmentez,  mou  fils,  semble  con- 
tinuer Notre-Seigneur,  vous  vous  tourmentez 
jour  et  nuit  pour  ac«oitrc  votre  bien;  songez 
donc  que  c'est  un  tourment  tout  à  fait  inutile. 
Quel  est  celui  d'entie  vous  qui  puisse,  avec  tous  ses 
soins,  ajouter  à  sa  taille  la  hauteur  d'une  coudée? 
Il  en  est  de  même  à  l'égard  de  votre  fortune,  de 
vos  travaux;  le  but  que  vous  poursuivez,  vous 
ne  l'atteindrez  pas  sans  Dieu;  et  s'il  n'y  met  la 
main,  votre  travail  est  stérile.  D'ailleurs,  quel 
qu'en  soit  le  l'ésultat,  souvenez-vous  toujours 
que  Dieu  ne  veut  que  votre  bien,  et  qu'il  le  veut 
beaucoup  jilus  parfaitement  que  vous. 


Et  les  vêtements,  pourquoi  vous  en  inquiétez- 
vous?  Considérez  les  lis  des  champs,  comme  ils 
croissent;  ils  ne  travaillent  ni  ne  filent  ;  néan- 
moins.je  vous  disque  Salomon,  dnnstoule  sar/loi>-e, 
n'était  pas  vêtu  comme  l'un  d'eux.  Or,  si  une  herbe 
des  champs,  qui  est  aujourd'hui,  et  qui  demain 
sera  jetée  au  four,  Dieu  a  soin  de  la  vêtir  ainsi, 
combien  ftlus  vous,  hommes  de  peu  de  foi;  vous 
qui  n'avez  pas  réphémèrc  beauté  île  la  fleur, 
vous  qu'il  a  créés  pour  lui,  comme  il  a  créé  la 
fleur  pour  vous,  ah!  que  votre  foi  est  petite  I 
Prenez  parde:  celte  foi  si  faible,  elle  vous  rend 
semblables  aux  païens: //(t'c  enim  onmia  rjentes 
inquirunt.  Pourquoi  vous  agiter?  Plus  heureux 
que  les  païens,  eu  Dieu  vous  adorez  et  vous 
aimez  un  père;  c'est  pourquoi,  quand  l'inquié- 
tude vous  prend,  vous  devez  vous  dire  :  à  quoi 
bon  me  troubler?  Mon  Père  céleste  sait  que  j'ai 
besoin  de  toutes  ces  choses;  et  s'il  me  les  refuse, 
c'est  évidemment  qu'elles  me  seraicut  nuisibles. 
U  est  Dieu,  et  il  est  père  ;  pourquoi  donc  ne  pas 
me  confier  eu  lui? 

IV.  Enfin,  comme  conclusion  de  ces  adorables 
paroles,  l'ange  du  grand  conseil  ajoute:  Cher- 
chez d'abord  le  roi/aume  de  Dieu  et  sa  justice  et 
toutes  ces  choses  vous  seront  surajoutées.  Chercher 
le  royaume  de  Dieu  et  sa  justice,  c'est  marcher 
sur  les  trace*  de  Dieu  lui-même:  Dieu  le  Père, 
dans  la  Création,  Dieu  le  Fils,  dans  la  Rédemption, 
Dieu  leSaint-Espritjdans  la  Sanclific.Uion,  u'nnt 
pas  eu  d'autre  but.  Tel  doit  être  aussi  le  but 
premier  de  toute  la  vie  du  chrétien.  Cherchez 

1.  Hicrou  ,    n  îlallh. 


d'abord  le  royaume  ût.  Dieu,  c'est-à-dire  efror- 
cez-vous  de  mériter  le  ciel,  imi  établissant  dans 
vos  âmes  le  règne  de  Dieu.  Or,  le  régne  de  Dieu 
ne  s'étab'.it  que  par  la  justici',  c'est-à-dir.i  par 
l'observance  des  préceptes  du  Seigneur  et  la 
pratique  des  vertus  dont  l'ensemble  n'est  ;;utre 
que  la  justice.  Nisi  abundarerit  justitiu  vestra 
plus  çuam  scribarum  et  pharisœorum,  non  intra- 
bitis  in  reqnum  cœlorum. 

Et  le  reste  vous  sera  surajouté.  C'est-à-dire  que 
Dieu  s'engage  à  prendre  soin,  sur  la  tcire,  de 
ceux  qui  auront  tout  sacrifié  pour  établir  son 
règne  en  eux  et  dans  les  autres.  C'est,  en  effet, 
le  tableau  que  nous  offre  la  vie  d'un  juste,  il 
s'abandonne  à  Dieu;  et  Dieu  ne  rabamlonne 
pas  ;  il  s'occupe  de  Dieu  et  Dieu  s'occupe  de  lui. 
Lors  même  qu'il  est  dénué  de  tout,  le  juste  n'est 
jamais  mallieureux  ;  car  le  juste  se  regarde 
comme  heureux  quand  il  a  ce  que  Dieu  veut 
qu'il  ait.  Et  d'ailleurs,  qu'importe  le  surcroit, 
quand  on  est  sûr  d'avoir  l'essentiel? 

L'abbé  Herman, 

curé  (le  Festubert. 

INSTRUCTIONS  F.VJIILIÈRES 

SUR  LE  SYMBOLE  DES  APOTRES 

(51'  instruction.) 

Vériiéde  la  résurrection  de,  la  cliair  ;  circonstances 
qui  iloivt-nt  accompaguer  celle  riisui  lection. 

Texte.     Credo...  resurrectionem    carnis.    Je 
crois...  larésuriection  de  la  cliair. 

ExoRDE.  —  Mes  frères,  je  ne  sais  si  vous  avez 
quelquefois  assisté  à  la  bénédiction  d'un  cime- 
tière; mais  surtout  je  doute  que  vous  ayez 
jamais  lu  les  belles  prières  que  l'Eglise  pres- 
crit pour  cette  touchante  cérémonie...  Je  veux, 
en  commençant,  vous  citer  quelques  phrases  de 
ces  prières;  elles  vous  montreront  avec  quelle 
énergie  la  sainte  Eglise  catholique  croit  à  la 
résun-ection  de  la  chair...  El  d'abord,  pourquoi 
bénir  un  cimetière?  Les  lieuxoù  pourrissent  les 
cor[)s  des  autres  animaux  sont  des  lieux  igno- 
bles; on  redoute  d'en  approcher  et  les  bètes 
fauves  seules  y  font  des  visites  nocturnes.  Aux 
yeux  de  la  foi,  l'endroit  où  reposent  lescopps 
des  chrétiens  est  une  sorte  de  sanctuaire,  tou- 
jours respecté,  dans  leijuel  les  parents  et  les 
amis  viennent  réjiaiidre  leurs  prières  et  leurs 
larmes,  sur  la  tombe  de  ceux  qui  ne  vivent 
plus  sur  cette  terre...  Quelle  diU'érence,  et 
comme  déjà  la  sainte  Eglise  nous  montre  la 
dignité,  la  noblesse  de  l'homme,  et  combien, 
mieux  par  sa  dépouille  mortelle,  il  l'emporte 
sur  les  animaux  !... 

Mais  j'ai  parlé  ce  la  bénédiction  d'un  cime- 
tière... Voyons.  Le  prêtre  charge  de  cette 
cérémonie,  debout  devant  la  croix,  près 
de  laquelle  trois  cierges  snni  allumés,  récite 
d'abord  cette  oraison  :  «  Dieu   tout-puissant, 


I 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1305 


TOUS  le  gardien  des  âmes,  l'asfurance  tle  leur 
salut,  l'espoir  des  croyants,  jetez  un  regard  fa- 
vorable sur  l'ot'ficeque  uoiis  reinplissous  ;  puri- 
fiez, bénissez el  sauclifiiz  ce  eimetiùre.  Que  les 
corps  (les  fidèles,  qu'on  y  déposera  après  le 
terme  de  leur  vie,  méritent,  au  jour  du  juge- 
ment, d'obtenir  avec  leurs  âmes  bienheureuses 
les  joies  de  la  vie  éternelle.  »  Le  prêtre  par- 
court alors  le  cimetière,  en  l'arrosant  d'eau  bé- 
nite; puis  il  récite  cette  autre  prière:  «  0  Dieu, 
créateur  de  l'univers,  rédempteur  du  genre 
humain,  daignez  purifier,  bénir  et  sanctifier  ce 
timelière,  où  doivent  reposer,  après  les  jours 
rapides  de  cette  vie  mortelle,  les  corps  de  vos 
serviteurs  et  de  vos  servantes...  Votre  immense 
miséricorde  pardonne  à  ceux  qui  mettent  en 
vous  leur  confiance;  veuillez  aussi  accordrr  le(s 
consolations  éternelles  aux  corps  qui  dormi- 
ront dans  ce  lieu,  en  attendant  la_trompelte  dn 
jugement...  « 

Vous  savez,  mes  frères,'comment,  selon  la 
pensée  de  l'Rglise,  les  cimetières  sont  des  lieux 
saints,  et  combien  est  respectable  la  dépouille 
mortelle  duchiétien.  Du  reste,  et  la  place  d'hon- 
neur que  nous  accordons  dans  l'église  pendant 
l'office  des  morts  aux  restes  du  défunt,  et  ces 
cérémonies  d'aspcr.-ion  de  l'eau  bénite,  d'en- 
censements, aveclcsi|uclles  nousaccompiignons 
le  corps  jusiju'à  la  tombe,  doivent  être  pour 
vous  une  preuve  encore  de  celte  vénération,  de 
■ce  respect  avec  lequel,  aux  yeux  de  quiconque 
a  la  foi,  doivent  être  traités  les  restes  mortels 
■des  enfants  de  la  sainte  Eglise. 

PROPOsnioN.  —  C'est,  mes  frères,  de  la rest/r^ 
reclton  delà  chair,  de  cette  vie  nouvelle,  que  re- 
prendront un  jour  nos  corps,  que  je  dois  vous 
parler  dans  cette  instruction.  Grande  est  l'im'- 
portance  de  celte  vérité  ;  elle  entraîne  avec  elle 
des  conclusions  pratiques;  soyez  donc  atten- 
tifs pour  bien  comprendra  ce  que  nous  allons 
vous  dire. 

Division.  — Premièrcmemt  :  rëni^  Aq  la  ré- 
surrection de  la  chair;  seconrfwienf  :  circonstan- 
ces qui  doivent  accompagner  celte  résurrec- 
tion. 

Première  partie.  — Vérité  delà  résurrection  de 
la  chair.  Frères  bien  aimés,  vous  connaissez  tous 
l'histoire  du  saint  homm«  Job;  vous  savez  com- 
ment, après  avoir  étéricheet  puissant,  il  tomba, 
p!ir  la  permission  de  Dieu,  dans  la  plus  allreuse 
misère...  Couché  sur  un  fumier,  il  raclait,  avec 
des  débris  de  pots  cassés,  la  pourriture  et  les 
vers,  qui  sortaient  des  ulcères  qui  couvraient 
son  corps...  «A  quoi  t'a  servi  ta  vertu  ?  lui  di- 
sait sa  femme, /ance un  blaspbèmecontw  Dieu 
qui  t'éprouve,  et  meurs  en  le  maudissant!...  » 
Et  ce  juste,  le  modèle  de  la  résigUiiUon  au  mi- 
lieu des  épreuves,  répondait:  «  Non,  jesaisuue 
mon  Rédempteur  est  vivant,  et  qu'à  la  lin  du 


monde,  mon  corps  sortira  Je  la  terre  pour  res- 
susciter ;  cette  peau  qui  m'environne  comme  une 
tunique  je  la  revêtirai  de  nouveau  ;  et,  avec 
celte  même  cbnirressuscitée,  je  contemplerai 
le  Seigneur,  qui  doit  me  sauver  !...  »  Et  il  di- 
sait vrai,  mes  frères...  Oui,  saint  patriarche, 
déjà  votre  âme  est  récompensée  des  vertus  que 
vous  avez  pratiquées  sur  la  terre;  mais  un  jour 
ce  corps, autrefois  couvert d'ulcmcs, aujourd'hui 
réduit  en  poussière,  ressuscitera  glorieux;  votre 
espoir  ne  sera  pas  trompé,  vous  verrez  dans 
votre  chair  le  Dieu  à  la  volonté  duquel  vous 
vous  êtes  si  humblement  soumis  (1)... 

Plus  tard  ce  sont  les  Maiduibees.  Ils  étaient 
sept  frères  ;  ils  furent  odieusoiaent  tourmentés 
par  ce  même  Antiochus,  dont  Dieu,  nous  le 
disions  dimanche  dernier,  no  voulut  poiut  ac- 
cueillir le  respentir  hypocrite.  On  leur  arra- 
chait la  langue,  on  coupait,  avec  un  raffine- 
ment de  cruauté,  chacun  de  leuis  membres;  et 
ils  disaient  aux  bourreaux  :  «  Vous  nous  enle- 
vez cette  vie;  mais  Dieu  nous  ressuscilcra  un 
jour  pour  uue  vie  étemelle.  »...  (.  Ces  membres 
que  tu  tortures,  disait  l'un  d'entre  eux  à  Antio- 
chus, je  les  méprise,  je  les  saciifie  pour  Dieu  ; 
coupe  mes  bras,  dépèce  mon. corps  ;  j(!sais  que 
Dieu,  un  jour,  me  rendra  ces  membres  et  ce 
corps  glorieux  et  ressuscité  (2).  » 

Notredivin  Sauveur,  dansson  Evangile,  parle 
lui-même  do  celte  résurrection,  et  lépouiianft 
aux  inipiis  de  son  temps,  qu  la  niaient  et  lui 
faisaient  d  s  objections,  il  leur  disait  que,  dans 
cette  résurrection,  nos  corps  perdraient  tout  ce 
qu'ils  avaient  de  terresti'e,  qu'ils  seraieul  spiri»- 
tualisi's  et  quo  nous  serions  comme  des  angeS 
deDieu(3)...  Dès  les  premierojoursde  l'Eglise, il 
se  trouva  [larmi  les  païens  convertis  de  prcten»- 
dus  sages,  qui  refusaient  d'admetlri-  celle  vérité 
de  la  résuriection  de  la  chair.  Saint  Paul  les 
réfutait  avec  énergie^  et  leur  ilisait:  »  Si  vous 
croyez  à  larésurrection  du  Sauveur  Jésus,  vous 
devez  oroire  à  la  vôtre,  car  elle  en  est  à  la  fois 
la  preuve  etle modèle (4)...»  Dans  une  autre  cip- 
coiislance,  s'adris&ant  aux  fidèles  de  Thessala- 
riqne,  que  des  deuils  douloureux  avaient  frap- 
|)és,  il  lus  consolait  en  leuréerivanl  :  «Mesc.her» 
amis,  je  ne  veux  que  vous  ignoriez  le  sort  qui 
attend  Vis  parents,  qui  sont  morts  dans  la  loi; 
oh!  ne  vous  attristiz  pas  comme  les  autres,  i|ui 
n'ont  pas  la  foi.  Vous  croyez  que  Jésus-Chriît 
est  mort  et  qu'il  est  ressuscité;  eh  bien,  ainsi 
Dieu  ressuscitera  ceux  qui  sont  morts  dans  lia 
paix  de  Jésus  et  les  conduira  un  jour  près  de 
lui  (5).  Je  n'en  Unirais  pas,  mes  frères,  si  je  vou- 

1.  Job.  c.  XXV  et  passim, 

2.  11.  Macliab..  vu. 

3.  Malin.,  .\.\ii,  :iO. 

4.  1.  Cor.,  passim- 
r.  Thess.  IV,  13. 


13jô 


LA  SESIAINE  DU  CLERGÉ 


lais  cîter  tous  les  témoignages  du  l'Ancien  et  du 
Nouveau  Testament  qui  prouvent  la  résurrec- 
tion de  la  chair. 

Du  reste,  la  raison  elle-même  trouve  dans  les 
pbénomènesde  la  nature  de  quoi  appuyer  celte 
croyance.  Tout  dans  l'administration  de  ce 
mon. le,  disait  saintAuguslin(l),  est  une  preuve, 
un  témoignage  delà  résurrection  future. Pendant 
l'hiver,  les  arbres  sont  dépouillés  de  leurs  fruits 
et  de  leurs  feuilles;  ils  semblent  morts  ;  mais 
au  printemps,  ils  nous  figurent  la  résurrec- 
tion, quand  ils  commencent  à  renaître  d'abord 
par  les  bourgeons;  puis  ils  se  parent  de  fl-urs, 
ils  se  revêtent  de  feuilles,  pour  eusuite  se  char- 
ger de  fruits...  0  toi,  incrédule  qui  doutes  de 
la  résurrection,  arrête  un  instant,  je  veux  t'in- 
terroger  !...  Où  sont  les  créatures  avant  qu'elles 
ne  paraissent  dans  le  temps  que  Dieu  leur  a  mar- 
qué? Où  était,  il  y  a  deux  cents  ans,  le  chêne 
que  tu  abats?  Ou  était,  il  y  a  dix  mois,  le  fro- 
ment que  tu  moissonnes?...  L'herbe  que  tu 
fauches  était  sècheà  l'automne  ;  elle  était  morte 
pendant  l'hiver  ;  voici  que  le  printemps  l'a  fait 
renaître  et  que  l'été  l'a  fait  mûrir.  Ainsi  toute 
graine  doit  se  dissoudre  avant  de  renaître  plus 
Jeune  et  plus  belle  ;  ainsi  nos  cor(is  doivent 
subir  la  corruption  du  sépulcre  avant^de  renaî- 
tre immortels  et  spiiiluidisés. 

Ne  dites  pas,  mes  frères,  comment  Dieu  fera- 
t-il  pour  réunir  tant  d'éléments  épars;le  corps 
de  celui-ci  a  été  dévoré  par  les  bêtes  ;  cet  autre 
s'est  noyé  ;  ce  troisième  a  été  calciné  jusqu'aux 
os  dans  un  incendie?...  Une  pareille  objection 
est  sotte  et  insensée,  car,  diti-s-moi,  de  quoi 
Dieu  s'est-il  servi  pour  créer  le  monde?..  De 
rien,  n'est-ce  pas.. .  Eh  !  ne  soyez  point  embar- 
rassés pour  lui,  je  vous  prie  ;  cette  même  toute- 
puissance  qui  vous  a  formés  de  rien  pourra 
bien  vous  reconstruire  avec  des  éléments  qui, 
pour  être  dissous,  ne  sont  cependant  pas  dé- 
truits... 

Seconde  partie.  —  Voyons  maintenant,  mes 
frères,  les  circonstances  qui  accompagneront 
la  résurrection  de  nos  corps...  Eu  quel  lieu  res- 
susciteront-il?  A  l'endroit  même  où  ils  ont  été 
déposés,  et  la  puissance  de  Dieu  les  transpor- 
tera en  un  clin  d'oeil  au  lieu  où  ils  doivent  être 
jugés...  Si  vous  me  demandez  à  quelle  époque 
aura  lieu  cette  résurrection  ,  je  vous  répondrai 
que  je  l'ignore,  que  je  sais  seulement  une  chose, 
c'est  qu'elle  aura  lieu  à  la  fin  du  monde,  alors 
qu'un  ange,  messager  des  ordres  du  Très-Haut, 
criera  d'unç  voix  releiitissante  et  qu'on  l'uten- 
dra  jusqu'aux  coins  les  plus  reculés  du  monde: 
«  Morts,  levez-vous  et  venez  au  jugement  !..  u 
Moins  prompts  sont  les  ellets  de  la  foudre, 
moins  rapides  les  phénomènes  qu'elle  prohiil, 
que  ne  le  seront  les  résultats  de  ce  cri  foroiidu- 
! .  Ai  ud  Lu)iner,  verb.  Resurrcctio. 


ble  retentissant  à  travers  l'espace.  Justes  da 
ciel,  vous  l'entendrez  et  vous  accourrez  avec 
joie  reprendre  vos  corps.  Ames  maudites  des 
réprouvés,  celle  voix  retentira  aussi  à  vo» 
oreilles  comme  un  grincement  solennel,  et  la 
justice  de  Dieu,  vous  chassant  devant  elle  comme 
un  vil  troupeau,  vous  amènera  sur  la  terre  re- 
prendre les  corps  que  vous  ave'  animés  autre- 
fois el  qui  ont  été  pour  vous  des  instruments  de 
ruine  et  de  damnation.  Pauvres  chères  âmes  du 
purgatoire,  des  souffrances  inouïes  peut-être 
auront  compensé  les  longues  douleurs  que  vous  ^ , 
deviez  supporter  ;  réjouissez-vous,  c'en  est  fini  ,; 
de  vos  épreuves  ;  l'Ange  de  la  délivrance  a  enfia  ■■■. 
ouvert  les  portes  de  votre  prison  ;  venez,  vous 
aussi,  reprendre  les  corps  que  vous  avez  autre- 
fois habités. 

Frères  bien  aimés,  le  prophète  Ezéchiel,  dans 
une  vision  mystérieuse,  nous  représente  une 
image  de  cette  résurrection  générale,  a  Je  fus, 
dit-il,  transporté  en  e-prit  dans  une  plaine  cou- 
verte d'ossements.  Prophète,  me  dit  le  Seigneur, 
crois-tu  que  ces  os  puissent  revivre?  —  Oui,  si 
vous  le  voulez,  vous  qui  êtes  tout-puissant.  — 
Eb  bien,  dis-leur  en  mon  nom  de  se  réunir  et  de 
reprendre  la  vie.  —  Je  prophétisai,  dit  le  Pro- 
phète, et  je  vis  chaque  ossement  reprendre  sa 
place;  des  nerfs  et  des  chairs  vinrent  s'unir  au 
squelelte,  puis  la  peau  recouvrit  le  tout  comme 
un  vêlement,  et  une  âme  vivante  vint  animer 
chacun  de  ces  corps...  »  Cette  vision  du  Pro- 
phète n'est  qu'une  figure  bien  imparfaite  de  la 
résurrection  de  la  chair  qui  aura  lieu  à  la  fin  du 
monde!...  Ce  n'est  plus  seulement  une  vaste 
plaine,  c'est  l'univers  entier,  qui  est  couvert 
d'ossements  humains!...  Levez-vous,  morts  de 
toutes  les  nations,  de  tous  les  peuples  du  monde, 
ressuscitez  pour  être  jugés... 

A  ces  mots,  les  sépulcres  s'ouvrent,  des  mon- 
ceaux d'ossements  sortent  de  nos  cimetières; 
caveaux  scellés,  tombes  somptueuses,  vous  aussi 
vous  rendrez  les  débris  des  cadavres  renfermés 
dans  votre  sein...  Egayez,  mes  frères,  de  vous 
représenter  cette  résurrection  universelle!... 
Quel  terrible,  quel  émouvant  spectacle!. ..Toutes 
ces  pierres  sépulcrales  se  détournent  d'elles- 
mêmes,  un  horrible  cliquetis  d'ossements  se  fait 
entendre;  ils  cherchent  à  s'unir  pour  se  rejoin- 
dre, la  poussière  se  pétrit  et  redevient  chair; 
les  cheveux  se  replantent  sur  les  crânes  dénu-  ■ 
dés,  et  les  cadavres  se  dressent  hors  de  leurs 
sépulcres...  Mais  quelle  différence  entre  eux  t. .. 
Les  uns  sont  beaux,  brillants  et  resplendissent 
comme  la  lumière,  les  autres  son'  hideux,  dif- 
formes, misérables!...  Soudain  s'é.ance  du  ciel 
une  multitude  d'âmes  bienheureuseset  brillante» 
comme  des  étoiles,  qui  viennent  reprendre  le 
corps  qu'autrefois  elles  ont  animé...  D'un  autre 
côte  sort  de  l'enler  une  multitude  uou  moins 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1307 


graviiîed'àme?.  réprouvées,  contraintes  de  s'unir 
aux  corps  ijui  furent  les  instruments  de  leur 
dam  nation...  Instant  de  bonheur  pour  les  justes; 
«  Pauvre  corps,  dira  l'âme,  je  l'ai  morlilié,  pen- 
dant que  je  t'étai?  Jnie  sur  cette  terre;  j'ai  con- 
senti, dira  l'âme  du  martyr,  à  ce  que  tu  fus- 
ses meurtri,  broj'é  par  toute  sorte  de  supplices; 
mais  vois  comme  nous  sommes  récompensés  de 
notre  fidclilé;  désormais  unis  à  tout  jamais, 
nous  jouirons  d'un  bonheur  qui  n'aura  pas  de 
fin!...  (1)  » 

Mais  voyez-vous  l'âme  réprouvée,  obligée  de 
reprcDiIre  ce  corps  qui  fut  pour  elle  un  sujet  de 
perte  et  de  damnation  éternelle.  Quelle  dou  leur, 
quel  désespoir  !...  Pauvre  àme  damnée,  reprends 
ces  yeux  qui,  tant  de  fois,  s'arrêtèrent,  avec  con- 
voitise, sur  des  objets  défendus;  reprends  cette 
langue,  souillée  par  tant  de  mensonges  et  de 
calomnies  ;  elle  blasphémait  Dieu  sur  cette  terre, 
son  rôle  ne  sera  pas  changé;  tout  à  l'heure, 
elle  le  maudira  en  enfer  ;  reprends  ces  mains 
rapacis  qui,  peut-être,  ont  ravi  plus  d'une  fois 
le  bien  du  prochain,  et  qui  si  souvent  ont  pro- 
fané, par  le  travail,  les  jours  consacrés  au  Sei- 
gneui' ;  elles  auront  désormais  toute  l'éternité 
pour  s'agiter  dans  les  brasiers  où  elles  vont  être 
plongées.  Et  ainsi  chacun  des  membres  de  soa 
corps  maudit  rappelle  à  l'âme  les  fautes  dont 
il  fut  l'occasion.  Mais  je  m'arrête;  je  ne  veux 
pas  de  nouveau  vous  conduire  au  tribunal  du 
souverain  Juge;  je  vous  ai  déjà  dit  ce  qui  de- 
vait suivre  cette  résurrection  :  la  joie  des  justes, 
le  désespoir  des  méchants.  Croyez  seulement 
que,  loin  d'exagérer,  je  suis  resté  au-dessous  de 
la  vérité,  et  que,  s'il  est  vrai,  comme  on  n'en 
saurait  douter,  que  les  justes  verront  Dieu  avec 
leurs  corps  ressuscites,  les  réprouves  égal'ment 
subiront  les  tortures  de  l'enfer  avec  celte  même 
chair  que  leur  âme  animait  ici-bas... 

Péroraison. —  Frères  bien  aimés,  je  pourrais 
vous  dire,  en  terminant,  que  si  les  corps  des 
damnés  seront  difformes  et  hideux  après  la 
résurrection,  ceux  des  justes  seront  exempts  de 
difformité  et,  selon  le  mot  de  l'Apôtre,  ressusci- 
teront avec  toute  la  perfection  que  comporte  la 
nature  humaine.  Mais  non;  je  finis  par  une  ré- 
flexion pratique.  C'est  que  nous  devons  avoir 
beaucoup  de  respect  pour  nos  corps;  les  traiter 
comme  une  chose  sainte  et  consacrée  à  Dieu. 
Ne  sont-ils  pas  les  instruments,  les  canaux 
par  lesquels  la  grâce  des  sacrements  arrive 
à  notre  âme?  C'est  sur  notre  tête  qu'on  a 
versé  l'eau  au  baptême;  c'est  sur  notre  front 
que  l'évoque  a  fait  la  sainte  onction,  le  jour  où. 
nous  avons  reçu  le  sai.rement  de  confirmation  ; 
que  ce  front,  du  moins,  conserve  la  noble  pu- 
deur du  chrétien!  S'il  doit  rougir,  que  ce  soit  en 

1.  Confsr  saint  Léonard  da  Port-Mauric«,  Sur  le  Juge- 
aient, 


entendant  des  paroles  de  blasphème  ou  il'im- 
pureté,  mais  jamais  lorsqu'il  s'agira  d'affirmer 
notre  foi...  Souvenons-nous  que  la  Sainte- 
Eucharistie  a  reposé  sur  notre  langue,  que  de 
là  elle  est  descendue  dans  nos  poiVrines,  tout 
près  de  notre  cœur;  puisse  notre  laflgue,  sanc- 
tifiée par  ce  précieux  attouchement,  éviter  !a 
médisance,  la  calomnie,  le  blasphème;  puisse 
notre  cœur,  chauffé  de  si  près  par  la  pre-ence 
de  Jésus,  n'avoir  que  des  sentiments  de  charité 
pour  le  prochain,  de  piété,  de  fidélité  et 
d'amour  pour  son  auguste  Rédempteur  !  Puis- 
sent tous  nos  membres  qui,  si  Dieu  nous  en  fait 
la  grâce,  seront  consacrés  par  une  onction  su- 
prême, le  jour  où  nous  recevrons  le  sacrement 
des  mourants,  ne  servir  qu'à  la  sanctification  de 
nos  âmes.  Ah!  s'il  en  était  ainsi,  le  jour  de  la 
résurrection  de  la  «hair  serait  pour  nous  un 
jour  d'allégresse,  de  glorification,  de  triomphe. 
Demandons  tous  celle  grâce  au  divin  Rédemp- 
teur qui,  dans  un  instant,  va  descendre  sur 
l'autel;  puisse-t-il,  dans  sa  miséricorde,  nous 
l'accorder  à  tous.  Ainsi  soit-il. 

L'abbé  Lobrt, 
curé  lie  Vaucliassis. 


ACTES   OFFICIELS   DU    SAlNT-SltGE 


Lettre  de  Notre  Saint-Père  le  pape  Pie  IX  ao 

CARDINAL  ARCnEVÉQUE  DE  NaPLES,  PORTANT 
CONDAM.VATION  DE  LA  FACTION  SCUISMATIQUE  ET 
nÉRÉTIQUE  QUI  SE  DONNE  LE  TITRE  d'EGLISB 
CATIIOLIOUE  NATIONALE  ITALIENNE,  ET  EXCOMMU- 
NICATION DE  l'apost.\t  Dominique  Panelli. 

A  notre  bien  aimé  Fils  Sixte,  au  titre  de  Sainte- 
Sabine  de  la  S.  R.  C,  Cardinal-prètre  Hiario 
Sforza,  archevêque  de  Naples. 

Bien  aimé  Fils,  salut  et  bénédiction  apostoli- 
que. 

Dieu  tout-puissant  permettant  dans  ses  juge- 
ments inson  laides  que  ceui'qui  nuit  à  au- 
trui lui  nuise  toujours,  et  que  celui  qui  est 
dans  l'abjection  devienne  toujours  plus  ahject, 
jusqu'à  ce  qu'il  vienne  rendre  justice  à  chacun 
selon  ses  œuvres,  Nous  avons  à  déplorer  que 
dans  cette  région  aient  surgi  un  certait»  nom- 
bre de  fils  d'iniquité,  ne  craignant  pas  de 
donner  un  grave  scandale  aux  chrétiens  fidèles, 
et  s'etlorçiint  d'y  troubler  l'unité  de  la  commu- 
nion catholique.  Ainsi  Nous  avons  Jeconnu,  et 
Vous-même  vous  le  regrettez  avec  Nous,  6  Fils 
bien  aimé,  que  quebiues  malheureux  déser- 
teurs de  la  Foi  et  de  la  discipline  régulière 
sont  arrivés  à  un  excès  de  témérité  au  point  de 


13(." 


LA  SEMAINE  DU  CLEr.Cî 


vouloir,  dans  leurs  desseins  et  altenliUs,  fonder 
une  secte  impie,  ou  lacliou,  sous  le  litre  d'^- 
glise  catholique  nationale  italienne  ;  et  qne,  pour 
la  gouverner,  ils  ont  rédigé  des  statuts  qu'ils 
apiiellent  dogmatico-organico-disciplinaires,  et 
décidé  qu'un  Chef,  ou  faux  Pasteur,  avec  le 
titre  de  Premier  Evèque,  doive  présider  ladite 
secte,avec  l'aide  d'un  coadjuteui-,qu'ou  veut  re- 
vêtir du  titre  d'Evèque,et  d'un  Vicaire  général. 

Ces  desseins  impies  ne  pouvaient  que  Nous 
apparcùtre  graves  et  regrettables.  Parce  que, 
«omprenez-le  bien,  cette  œuvre  de  conspiration 
inepte  a  pour  but  Je  semer  l'ivraie  dans  cette 
partie  du  champ  du  Seigneur,  et  de  corrompre 
la.  foi  de  ces  peuples  qui  ont  toujours  conservé 
intacte  et  inviolable  la  religion  catliolique  re- 
^ue  du  Prince  des  Apôtres. 

ûue  si  l'on  considère  le  chef  lui-même  qu'on 
a  la  prétention  de  mettre  à  la  tète  de  cette  fac- 
tion d'hommes  perdus,  on  verra  d'autant  plus 
apparaître  la  turpitude  et  la  scélératesse  de 
celte  secte.  Car  Nous  avons  vu  qu'on  a  désigné 
pour  cette  charge  l'apostat  trop  connu  de  la 
religion  catholique,  Duminique  Panelli,  clerc 
napolitain,  depuis  longtemps  frappé  de  sus- 
pension pour  ses  attentats  sacrilèges,  tombé 
dans  l'irrégularité,  et  sur  lequel  Nous  aurions 
à  dire  bien  des  choses  si  les  hauts  faits  de  son 
impiété  extraordinaire,  de  sa  méchanceté,  de 
ses  tromperies  et  de  sa  témérité,  prouvés  par 
des  documents  sûrs  que  nous  avons  en  main, 
et  pour  la  plupart  avoués  par  lui,  n'étaient  déjà 
trop  connus. 

Néanmoins,,  ce  que  nous  croj'ons  ne  paS' de- 
voir passer  sous  silence  ici,  c'est  que  Domini- 
que Panelli  s'utant  vu  refuser  les  Ordres  ma- 
jeurs dans  cette  ville,  pour  défaut.de  la  doctrine 
nécessaire,  il  e»t  passé  aux  grecs  suhismatiqucs 
d'Orient,  et  là,  ayant  fait  adhésion  à  la  per- 
versili;  schismatique,  il  a  commis  la  honteuse 
apostasie  de  l'Eglise  catholique.  Et  parce  que, 
postérieurement,  feignant  de  vouloir  se  réeon- 
cilier  avec  l'Ei;lise  catholique,  il  assurait  avoir 
reçu  rOidination  sacerdotale  et  la  consécration, 
épiscopale  auprès  des  schismatiques,  en.  attri- 
buant la  valeur  d'une  Ordination  ecclésiastique 
ou  Consécration  à  une  certaine  cérémonie;  noc- 
turne et  oiandesline,  précédée  d'agapes,  pro- 
£anes,  il  demandait  que  ce  Saint-Siège  re- 
connût son  Ordinaliou  sacerdotale,  uous  avons 
ordonne  à  celte  <;oi)grégatiùn  Komaine  île  la 
Suprême  Inquisition  de  passer  à  un  examen 
avec  la  procédure  habituelle.  Après  avoir  soii- 
gneuseaiont  et  mûrement  examiné  celte  Citn<-ej. 
ladite  Coa^jCcgalion  a  promnigué  la  sentence 
suivante,  sanctionnée  par  Nous,  c'est-à-diro 
que  par  pei-soiiue  et  d'aucune  manière  ne  peut 
être  reconnue  la  validité  do  l'Ordination,  et 
Consécration  du  uommé  Dominique  Paneili,,Gt 


^.arcela  on  ne  peut  le  compter  que  parmi  les 
clercs,  et  le  regarder  corjme  exclu  à  perpétuité 
de  l'exercice  de  quelque  Ordre  que  ce  soit. 

Mids,  par  les  choses  que  N-ms  avons  briève- 
ment énoncées,  étant  clairement  /econnu  quel- 
les siint  les  cabales  et  (juels  sont  les  cabnleurs 
qui  tendent  des  pièges  à  la  foi  de  ce  peuple, 
et  dans  la  situation  pré.sente  de  nos  fils,  notre 
patf^rnelle  charité  envers  eus  et  le  devoir  de 
Notre  suprême  ministère  ne  permettarit  pas  le 
silence.  Nous,  ô  bien  aimé  fils,  pour  obvier  aux 
scandales  et  éloignetr  les  loups  qui  rêvent  la 
ruine  des  brebis  du  Christ,  Nous  avons  jugé 
nécessaire  du  prendre  sans  retard  cette  déter- 
mination que,  selon  les  prescri[)tions  des  sacrés 
canons  et  l'exemple  des  Pontifes  romains  Nos 
prédécesseurs,  Nous  reconnaissons  être  oppor- 
tune. 

C'est  pourquoi,  de  Notre  autorité  apostolique^ 
Nous  déle-tons,  condamnons  et  réprouvons  la 
faction  schismatique  et  hérétique  qui  se  donne 
le  titre  d'Eglise  catholique  nationale  italienne; 
qui,  par  le  fait  même,  nie  que  la  foi  soit  une, 
une  l'Eglige,  un  le  Chef  de  l'Kglise  constitué 
par  Notre-Seigfieur  Jésus-Christ,  tandis  qu'elle 
ose  élever  ainsi  un  nouvel  et  profane  édifice  de 
religion  humaine  selon  les  éléments  du  monde, 
les  maximes  dépravées  de  ce  siècle;  et  tous 
ceux  qui  peut-être  ont  malheureusement  donné 
ou  (îonneront  leur  nom  à  cette  faction,  Nous 
déclarons  et  prononçons  qu'ils  se  sont  séparés 
de  l'Unité  catholique. 

Eu  outre,  par  rautorité  du  Dieu  tout-pnis'- 
sant.  des  saints  l>ierre  et  Paul  et  la  Nôtre, 
Nous  excommunions  i-t  anathématisons  solétt- 
nellement,  p:ir  los  présentes  lettrées,  l'apostat 
Dominiipic  Pant4ii,  qui  ne  craint  pas  de  se 
faire  un  insivum^nt  de  ruine  pour  le  peupife 
de  Dieu,  un  brandon  d'iniqu.té,  et  tous  ceux' 
qui-s'assouientà  sa  témérité  et  à  son  apostasie, 
quii,  do  quelque  manière  que  ce  soit,  lui  prè- 
tiitit  ou  lui  prêteront  leur  aide,  leur  œuvre; 
leur  con.»cil,  leur  adhésion  ou  faveur;  et  ordon- 
nons, dècvélons  et  dénonçons  les  uns  et  les  au- 
Ucs  sepaixîs  dn  curps  de  l'Eglise  et  tout  à  faits 
ù  fuir  [iUP  tous. 

Aujourd'hui  donc,  tan,lis  que  Nous  croyons: 
qu'il  est  de  Notre  devoir  d'accomplir  ces  actes" 
et  ces  obligations  de  Notre  prévoyance  aposto- 
lique et  diaii  té  envers  Nos  très-chers  fils  qui* 
N'iLts  restent  IMéJes,  et  dont  la  religion  et  l'at- 
tachement à  NdIiv  peisonue  et  à  re  Saint-Siège- 
N.ia&orit  tout' récemment  valu  rie  si  illustres 
témoignnges  de  dévouement,  Nous  ne  pouvions 
noas  disjiunser  de  vous  exhorter  vous,  Notre 
fils  chéri,  dans  notre  sollicitude  particulière,  à 
associer  à  Nos  soins  votre  coopération,  votre 
zèle,  pour  sau.ver  oes  rulèles  eus-mèmeÈ  dotout 
contact  avec  rim|)ie. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


rjj3 


A  oi'tfn  inlenlion,  il  faut  les  avertir  qu'ils  su 
garilent  des  embûches  du  trompeur  et  de  l'inl- 
ouité,  qui  n'ont  pour  but  que  leur  perle;  rap- 
peler à  leur  esprit  que  les  hérésips,  que  les 
schismes  ne  s-ont  permis  de  DLiîu  que  pour  faire 
reconnaître  ses  élus,  et  i[ne  rien  ne  sera  plus 
salutaire  pour  eux,  plus  cxcelieut  que  l'ocoa- 
sion  qui  leur  est  otlerte,  dans  ce  siècle  de  per- 
versité, de  prouver  :  «  que  l'épreuve  de  leur 
«  foi,  beaucoup  plus  précieuse  que  l'or  qu'on 
«  éprouve  par  le  feu,  soit  trouvée  louable,  glo- 
n  rieuse  et  honorable  dans  la  manifestation  de 
«  Jésus-Christ.  » 

Quoique  Nous  soyons  contraint  dans  une 
chose  aussi  grave  d'user  des  armes  spirituelles 
contre  ceux  qui  (ont  (cuvre  d'iniquité,  Nous  ue 
pouvons  pas  toutefois  oublier  que  Nous  rem- 
plissons ici  les  fonctions  d'ambassarleur  pour  le 
Christ,  qui  est  venu  pour  chercher  et  sauver 
ceux  qui  s'étaient  éi;arés.  Donc,  Nous  ne  négli- 
gerons pas  de  rappeler  à  ceux-là;,  en  les  exhor- 
tant par  les  entrailles  de  Notre  Dieu,  par  la 
venue  de  Noire-Seigneur  Jésus-Christ,  afin 
qu'ils  y  pensent  sérieusement,  que  Notre  Ré- 
dempteur disait  :  «  Malheur  à  celui  par  la  faute 
de  qui  naît  le  scandale;  »  ([u'ils  se  retirent 
promplement  de  la  voie  de  perdition  et  du 
nombre  de  ceux  chez  lesquels  s'accomplit  mal- 
lieureuFement,  comme  nous  l'appiend  une 
triste  expérience,  l'ornclo  du  propl)éte  :  «  que 
leur  voie  soit  téiicbreuse  et  glissante,  et  que 
l'Ange  du  Sii^neur  les  chasse.  »  Et  pour  que 
le  Dieu  de  clémence  i-claire  leur  esprit  de  son 
flambeau,  et  qu'il  ramené  leurs  eoîurs,  ne  ces- 
sons pas,  cher  lils,  de  lui  ailresser  de  ferventes 
prières.  (Jue  si  malgré,  tout,  il  y  en  a  encore  parmi 
eux  qui,  ayant  comblé  la  mesure  d'iniquité, 
veulent  se  précipiter  dans  l'ahime,  s'il  yen 
a  qui  ne  font  rien  pour  en  sortir,  prions  Dieu 
pour  que  le  mal  horrible  ne  s'attaque  qu'àeux, 
et  que  ce  mal  ne  vienne  iniestcr  aucune  partie 
du  troupeau  demeuré  sain. 

Enhn,  pour  vous  et  i)our  votre  clergé  et 
pour  les  lidéles,  eu  implorant  do  tout  cœur  que 
la  force  et  la  lumière  cle  Uieu  soient  toujours 
avec  vous,  et  que  la  grâce  et  la  paix  se  multi- 
plient pour  vous,  en  vous  souliaitant  ces  cé- 
lestes dons  et  en  témoignage  de  Notre  bien- 
veillance particulière,  avec  toute  l'afTection  de 
Notre  cœur.  Nous  vous  donnons  tendrement 
dans  le  Setgneur  la  bénédiction  aposloliqne. 

Donué  ;t  llome,  près  Saint-l'ierre,  le  JÎ  juillet 
4875,  de  Notre  PontiUcat  la  trentième  année. 

PIE  PP.  IX'. 

(rraducd'on  du  Journal  de  Florence.) 


LITURGIE 

lES    OUATHE-TEMPS. 

(2'  aiticle) 

IV.  La  pratique  du  jeune  fûl-e!îc  seulement 
convenable  et  utile,  ces  doux  qualités  auraient 
suffit  pour  que  l'Eglise  l'adoptât  et  nous  la  pres- 
crivît. Saint  Léon  va  plu»  loin  et  n'hé?ite  pas  à 
dire  que  cette  pensée  a  été  formellement  suggé- 
rée par  le  Saint-Esprit  aux  apôtres,  à  qui,  seloa 
la  parole  de  Notre-Seigneur,  il  ilevait  enseigner 
toutes  les  choses  qui  importent  le  plus  à  notre 
salut,  et  que  ceux-ci,  après  a/oir  d'abord  ins- 
titué le  jeûne  par  leur  exemple,  en  ont  fait  une 
instituliou  fixe  par  uneloipo.sitive.  Trailaut  du 
jeilne  de  la  Pentecôte,  c'est-à-dire  de  celui  qui 
était  prescrit  pendant  l'octave  de  cette  grande 
solennité  et  qui  n'est  autre  que  le  jeûne  des 
Quatre-Temps  d'été,  le  saint  docteur  dit:  «  Vous 
le  savez,  frères  bien  aimés,  la  fétc  de  ce  jour, 
consacrée  par  la  descente  du  Saint-Esprit,  est 
suivie  d'un  jeûne  solennel,  qu'une  institution 
salutaire  nous  a  donné  comme  remède  pour  nos 
âmes  et  nos  corps,  et  qu'il  faut  observer  avec 
une  exactitude  pleine  de  dévotion.  Car,  lorsque 
les  Apôtres  eurent  été  remplis  du  la  vertu  qui 
leur  avait  été  [uomise,  et  ijue  l'Esprit  de  vérité 
£ut  entré  dans  leurs  cœui-s,  nous  ne  doutons  pas 
que  celte  règle  disciplinaire,  qui  a  pour  but 
d'imposer  un  frein  à  l'esprit,  fut  tout  d'abord 
coni'ue  sous  la  dictée  du  l'aradet,  avec  les 
autres  mystères  de  la  doctrine  ccleste,  alin  de 
mieux  préparer  les  âmes  à  recevoir  les  grâces 
qui  leur  sont  destinées,  en  les  sanclilianl  par  le 
jeûne.  Les  disciples  du  Clirist,  il  esl  vrai,  étaient 
couverts  par  le  secours  du  Tout-Pui-sant,  et 
toute  la  divinité  du  Père  et  du  Fils  présidait  les 
chefs  de  l'Eglise  naissante  par  le  Saint-Esprit 
qui  leur  était  présent.  Mais  ce  n'était  ni  par  la 
lurce  corporelle,  ni  par  la  v.gueur  d'une  chair 
bien  nourrie  qu'ils  devaient  résister  à  la  vio- 
lence imminente  des  per.sôcutcuis  et  braver  lesr 
menaces  des  impies  suri'xcitcs;  car  ce  qui  cor*, 
rompt  surtout  l'intérieur  de  1  homme,  c'est  ce» 
qui  flatte  ses  sens  extérieurs,  et  l'àme  rai?on- 
cable  se  purifie  d'autant  plus,  que  la  chair  est 
plus  abaitue.  Ces  docteurs,  qui  ont  ftiili>énélren 
par  leurs  exemples  et  leur  easeignement  dans 
tous  les  enfants  de  l'Eglise  l'esprit  qui  doit  les; 
animer,  ont  donc  inauguré  par  des  jeûnes  sacrés 
Leur  apprentissage  île  la  milice  vhrétienne,  et 
devant  combattre  contre  les  esprfts  mauvais,  ilff 
oui  voulu  d'abord  saisir  l'arme  de  l'ubst.uencei 
pour  retrancher  tout  ce  qui  fomente  les  vices(l).» 
Dans  le  sermon  suivant,  le  saint  Pape  revient 
sur  le  même  sujet,  et  démontre  plus  longuement 

1.  Serra.  LXXVm  (alias  IS),  Dejejunio  P»n(«oi(M  I,  num.  1. 


1310 


LA  SEMAINE  DU  CLEr.GE 


encore  l'origine  divine  du  jeûne  de  la  loi  nou- 
Telîe.  .  . 

Dans  les  pas=a2;es  que  nous  avons  citis.  saint 
Léon  a  parle  déjà  des  jeûnes  du  septième  el  du 
dixième  mois,  c'est-à-dire  des  Quatre-Temps 
d'automne  et  d'hiver.  Dans  un  autre  sermon,  il 
énumére  les  jeûnes  des  quatre  saisons.  Après 
avoir  dit  que  l'âme  doit  refuser  et  retrancher 
quelque  chose  à  la  substance  qui  est  dans  sa 
dépendance,  pour  la  maintenir  dans  l'ordre  et 
prévenir  ses  révoltes  et  ses  écarts,  il  ajoute  : 
«  L'utilité  de  cette  observance  se  rencontre  sur- 
tout dans  les  jeûnes  ecclésiastiques,  qui,  selon 
l'enseignement  du  Saint-Esprit,  ont  été  distri- 
bués de  telle  sorte  dans  tout  le  cours  de  l'année, 
que  la  loi  de  l'abstinence  est  attachée  à  toutes 
les  saisons.  Le  jeûne  du  printemps  est,  en  etfet, 
placé  dans  le  carême,  celui  de  l'été,  dans  le  temps 
de  la  Pentecôte,  celui  de  l'automne,  dans  h»  sep- 
tième mois,  et  celui  de  l'hiver,  que  nous  obser- 
vons présentement,  dans  le  dixième  mois  (i).  » 
Ailleurs  nous  lisons  encore  :  «  L'observance  de 
l'abstinence  (ce  qui  s'entend,  comme  plus  haut, 
du  jeûne)  a  été  fixée  aux  quatre  saisons,  afin 
que,  le  cours  de  l'année  revenant  toujours  dans 
cet  ordre,  nous  sachions  que  nous  avons  inces- 
samment besoin  de  purification  (2).  » 

Le  saint  docteur  ne  se  contente  pas  d'affirmer 
que  l'institution  du  jeûue,  en  général,  est  due 
aux  apôtres,  à  qui  le  Saint-Esprit  en  a  suggéré 
l'établissement;  il  leur  attribue  aussi  très-posi- 
tivement la  distribution  des  jeûnes  dans  le  cours 
de  l'année;  et  notamment  la  fixation  du  jeûne 
des  quatre  saisons.  Il  dit  du  jeûne  du  sep- 
tième mois  :  «  Quoique  tous  les  temps  soii-nt 
bons  pour  u?er  de  ce  remède,  la  circonstance 
présente  est  particulièrement  favorable,  puisque 
les  inslituti(jns  apostoliques  et  légales  ont  déter- 
miné que,  comme  on  le  fait  à  d'autres  époipies 
de  l'année,  nous  devons,  dans  ce  septième  mois, 
nous  dégager  l'e  nos  souillures  par  les  purifica- 
tions spirituelles.  Car,  si  nous  nous  rencontrons 
dans  le  même  dessein  pour  nous  appliquer  à 
ces  trois  œuvres  :  la  prière,  l'aumône  et  le 
jeûne,  Dieu  voudra  bien,  dans  sa  miséricoide, 
ECUS  accorder  la  grâce  de  réprimer  nos  pas- 
sions, exaucer  nos  prières  et  nous  remettre  nos 
péchés  (3).  » 

Il  semblerait  résulter  d'un  autre  passage  de 
saint  Léon  que  le  jeûne  du  dixième  mois,  ou  les 
Quatre-Temps  de  décembre,  est  d'une  institution 
moins  ancienne  que  les  autres.  En  eflet,  après 
avoir  rappelé,  comme  il  le  fait  en  plusieurs 
autres  endroits,  que  «  les  constitutions  aposlo- 

1.  Serm.  XI.X  (alias  18),  De  jrjunio  decimi  memii  VIII, 
num.  2. 

2.  Serm.  XCIV  (alias  92),  De  jejunio  seplimi  mensU  IV, 
aum.  i. 

3.  Serm.  XQXUI  (alias  91),  Ce /e;unio  Mpdmi  mtnnis  VIII, 
■uci.  3. 


liqnes  ont  sagement  décrété  que  les  jeu.  '3 
anciens  seraient  maintenus  à  cause  de  leur  uti- 
lité, n  il  dit  :  «  Cette  raison  indiquant  avec  la 
plus  grande  netteté  ce  qu'il  fallait  faire,  nous 
ajoutons  à  ce  que  les  règles  de  l'Eglise  ont  déjà 
déterminé  le  jeûne  du  dixième  mois,  et,  selon 
la  coutume,  nous  en  faisons  l'indiction  à  votre 
dévotion  (1).  »  Mais  le  même  docteur  dit  aussi 
ailleurs,  parlant  toujours  du  jeûne  :  «  Tous  les 
temps,  frères  bien  aimés,  sont  bons  pour  celte 
œuvre,  mais  l'épo  pie  lu-ésenle  est  parliculière- 
ment  opportune  et  convenable,  et  nos  saints 
Pères,  divinement  inspirés,  ont  prescrit  d'y 
observer  le  jeûne  du  dixième  mois  (2).  »  Saint 
Léon  n'aurait  pas  attribué  l'institution  de  ce 
jeûne  à  «  nos  saints  Pères,  »  si  elle  eût  été 
encore  récente.  Ces  expressions  employées  au 
milieu  du  v°  siècle  iniliqueraient,  même  si  le 
sens  n'en  était  pas  fixé  pani'autres  textes,  qu'il 
faut  remonter  bien  près  des  commencements  de 
l'Eglise,  pour  avoir  la  date  approximative  de  cet 
établissement,  et  comme  saint  Léon  a  précé- 
demment assigné  une  origine  commune  aux 
jeûnes  des  quatre  saisons,  et  qu'il  a  affirmé  à 
diverses  reprises  que  celle  origine  est  d'institu- 
tion apostolique,  il  en  faut  conclure  que,  par 
les  saints  Pères,  il  entend  aussi,  dans  ce  dernier 
passage,  les  apôtres. 

Nous  n'avons  pas  craint  de  multiplier  les 
citations  de  saint  Léon  le  Grand,  tout  en  laissant 
de  côté  plusieurs  autres  de  même  valeur,  parie 
que  c'est  sur  ton  témoignage  sut  tout  que  nous 
pouvons  nous  fonder  pour  démontrer  que  l'ins- 
titution des  Quatre-Tcmpsdoit  être  reportée  jus- 
qu'aux temps  apostoliques,  et  eut  pour  auteurs 
les  apôtres  eux-mêmes.  Saint  Isidore  de  Séville» 
dans  le  siècle  suivant,  s'est  prononcé  dans  le 
même  sens  que  saint  Léon  (3),  et  lîaban-Maur, 
dans  le  IX'  siècle,  n'a  pas  vu  de  difficulté  à  se 
ranger  à  ce  sentiment  (4). 

Quelques  auteurs  ont  considéré  le  Pape  saint 
Calixte  comme  l'auteur  de  cette  institution, 
s'appuyant  sur  le  texte  suivant  d'une  lettre  à 
l'évêque  Benoît,  qui  se  trouve  dans  le  décret  de 
Gratien  :  «  Nous  avons  décrété,  comme  étant 
plus  convenable,  que  l'on  observera  maintenant 
aux  Quatre-Temps  le  jeûue  que  vous  avez  appris 
parmi  nous  à  célébrer  trois  fois,  afin  que,  comme 
la  révolution  de  l'année  s'opère  en  quatre  sai- 
sons, nous  pratiquions  de  même  uu  quadruple 
jeûne  solennel  à  ces  quatre  époques  (5).  »  Nous 
devons  remarquer  d'abord  que  cette  décretale 

i.  Serm.  XX  (alias  19),  De  dtcitni  mentis  jejunio  IX, 
nain.  ï. 

2.  Serm.  zvi  (alias  15),  De  jcjunio  decimi  mentit  V, 
Dum.  2. 

3.  lie  Ofliriis,  cap,  xxxvii  et  xxxvin. 

4.  Initiiui.,  M).  II,  cap.  xviri. 

5.  Distinct,  lxxvi.  cap.  I.  Jejunium, 


L.\  SEMAINE  DU  CLERGE 


::i 


suppose  que  le  triple  jeûne  était  déjà  on  usar 
à  ti  ois  (ijjoques  île  l'année,  même  avant  saint 
Calixte,  puisqu'il  parle  d'un  quatrième  qu'il  a 
ajouté,  l'ar  conséquent,  il  ne  peut  être  consi- 
déré comme  le  premier  auteur  de  rinstitulion. 
Nous  verrons  de  plus  que  s'il  parle  seulement 
de  trois  jeûnes  observés  jusque-là,  ce  sont  ceux 
de  l'hiver,  de  l'été  et  de  l'automne.  On  ne  men- 
tionnait pas  distinctement  le  jeûne  du  prin- 
temps, qui  se  confondait  avec  celui  du  carême, 
comme  aujourd'hui,  et  saint  Calixte  aurait  seu- 
lement atiécté  trois  jours  du  carême  à  la  sanc- 
tification de  cette  saison.  Cette  explication  nous 
est  exposée  par  saint  Léon,  qui  distingue  très- 
positivement,  comme  nous  l'avons  vu,  les  jeûnes 
des  quatre  saisons,  leur  assigne  la  même  origine 
et  leur  attrilnie  la  même  antiquité. 

Ou  a  allégué,  pour  renverser  l'autorité  de  ce 
texte  de  saint  Calixte,  qu'il  a  été  emprunté  aux 
Décrélales  publiées  sous  le  nom  d'Isidore  Mer- 
cator  ou  Feccator,  et  <iue  certains  auteurs,  sur- 
tout parmi  les  gallicaiin,  appellent  en  bloc  les 
fausses  Décrétales,  leur  imprimant  ainsi  une 
flétrissure  qui,  à  leur  sens,  iloit  leur  ôter  toute 
autorité.  Barniiius  (1)  et  d'autres  historiens  et 
canomistes  sérieux  et  d'une  science  incontes- 
table ont  reconnu,  il  est  vrai,  que  cette  collec- 
tion, qui  n'est  autre  pour  le  fond  que  celle  de 
saint  Isidore  de  Séville,  renf.'rmedes  documents 
dont  l'authenticité  n'est  pas  démontrée,  et  qui 
ont  été  ajoutés  on  ne  sait  au  juste  par  quel 
compilateur.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas  nécessai- 
rement que  la  décrétale  de  saint  Calixte  soit 
supposée,  et  que  l'institution  des  Quatre-Temps 
soit  de  beaucoup  postérieure  à  ce  pape,  ainsi 
que  l'ont  prétendu,  avec  une  assurance  mal 
justifiée,  nos  auteurs  gallicans. 

Baiilet,  combattant  l'oiiinion  qui  fait  remon- 
ter jusqu'aux  apôtres  l'établissement  des  (jua- 
tre-Temps,  et  écartant  avec  assez  peu  de  respect 
le  témoignage  de  saint  Léon,  dit:  «  Baronins  et 
quelques  modernes  qui  se  sont  déclarés  pour 
celte  opinion,  et  qui  s'y  sont  crus  favorisés  par 
saint  Isidore  de  Séville, parlebienheureux  Raban 
de  Mayence  et  par  d'autres,  n'ont  pu  -outirir 
qu'on  en  ait  attribué  l'institution  au  jiape  Ca- 
lixte, qui  vivait  du  temps  des  empereuis  Hélio- 
gabale  et  Alexandre  Sévère,  estimant  que 
c'était  déroger  à  l'antiquité  de  cette  pratique. 
Ils  devaient  dire  plutôt  que  c'était  la  rendre 
trop  ancienne  ;  et  c'est  la  raison  qui  devait  les 
empêcher  d'en  croire  le  pape  Calixte  auteur. 
Aussi  cette  opinion  semble  n'avoir  été  appuyée 
que  sur  une  fausse  décrétale  supposée  à  Ca- 
lixte par  Isidore  Mercator,  dans  laquelle  on  fait 
dire  à  ce  saint  pape  qu'au  lieu  des  trois  temps 
de  jeûne  on  eu  ferait  quatre  dorénavant,  pour 
fianctifier  les  quatres  saisons  de  l'année.  L'im- 
i.  Ai  annum  8C5. 


postenr  parlait  ainsi  sur  la  connaissance  qu'il 
avait  que  l'Eglise  avait  été  longtemps  sans  obser- 
ver les  Qualre-'I'cinps  du  printem(is,  ou  pre- 
mier mois,  parce  que  c'était  le  temps  du 
Carême  (I).  »  C'est  aussi  sur  le  même  fonde- 
ment que  Grancolas  a  dit:  «  Il  faut  affirmer 
sans  l'ombre  d'un  doute  que  l'on  ne  trouve 
aucun  vestige  des  Quatre-Temps  avant  saint 
Léon  (2).  » 

Et  il  cherche  à  justifier  son  assertion,  en 
alléguant  que  la  décrétale  Jejunium  de  saint 
Calixte  est  tenue  par  tous  les  autours  pour  sup- 
posée, comme  si  tous  les  documents  contenus 
dans  la  collection  où  elle  se  trouve  étaient  né- 
cessairement apocryphes,  parce  que  l'authenti- 
cité d'un  certain  nombre  n'est  pas  démontrée. 
Saint  Léon,  en  revenant  si  souvent  sur  la  thèse 
de  l'institution  apostolique,  ne  parlait  pas, 
apparemment,  à  la  légère,  et  s'il  n'a  pas  admi- 
nistré ses  preuves  dans  les  nombreuses  homé- 
lies qu'il  a  prononcées  sur  les  jeûnes  en  ques- 
tion, parce  qu'il  ne  faisait  pas  une  dissertation 
histoiique  et  que  d'ailleurs  ces  discours  fort 
brefs  ne  s'y  prêtaient  guère,  il  serait  absurde 
d'en  conclure  qu'il  se  comidaisait  à  professer 
une  opinion  hasardée  qu'il  eût  été  bien  embar- 
rassé de  justitier. 

Nous  ne  prétendons  pas,  de  notre  côté,  que 
la  décrétale  Jejunium  soit  incontestablement 
authentique.  Mais  est-il  absolument  vrai  pour 
cela  que  l'on  ne  trouve,  avant  saint  Léon, 
aucun  vestige  du  jeûne  des  Quatre-Temps?  Ce 
grand  pontife  fut  élevé  sur  le  Siège  apostolique 
dix  ans  après  la  mort  de  saint  Augustin.  L'il- 
lustre évèque  d'Hippone  a  pailé  d'une  manière 
assez  claire  du  jeûne  des  Quatre-Temps  observé 
à  Rome.  Le  prêtre  Casulanus  lui  avait  envoyé 
une  dissertation  dans  laquelle  l'auteur,  dont  le 
vrai  nom  est  inconnu,  et  qui  est  apfielé  Urbicus, 
sans  doute  parce  qu'il  était  originaiie  de  la  ville 
éternelle,  prétendait  prouver  que  le  jeûne  du 
samedi,  en  usage  à  Rome,  et  qui  n'était  point 
gardé  partout,  était  obligatoire  ,  et  il  priait 
saint  Augustin  de  lui  faire  connaître  son  senti- 
timent  sur  ce  sujet.  Le  saint  docteur  blâme  la 
témérité  de  l'auteur  et  relève  sa  manière  imper- 
tinente d'établir  sa  thèse,  et  entre  autres  choses 
il  dit  ceci  :  «  Si  l'on  jenùe  quatre  et  même  cinq 
fois  la  semaine,  sans  excepter  d'autres  joursque 
le  samedi  et  le  dimanche,  comme  le  font  pen- 
dant toute  leur  vie  certaines  personnes,  princi- 
palement dans  les  monastères,  on  dépassera 
non-seulement  le  pharisien,  qui  jeûnait  deux 
fois  par  semaine,  mais  aussi  les  chrétiens  qui 
ont   coutume  de  jeûner    la  quatrième  et  la 

1.  Baillet,    Lit   vin  de»  saints,  etc.  Hùtoirt    df  Qvalr^ 
Temps,  l  l.  in-fol.  tom.  IV,  p.  139. 

2.  Grancolas,  Comment,  hisl.  in  Ereviar.    rêf».,    lio.   il, 

cap.  IX. 


1312 


LA  SEMAINE  DU  CLEUCE 


sixième  fOrie,  et  aussi  le  samedi,  ce  que  l'-.ùi 
fréquemment  le  peuple  de  Rome  (1).  »  Au  ?en- 
timent  de  Thomassin  (2),  qui  paraît  très-fondé, 
le  jeiine  dont  parle  ici  saint  Augustin  était  fa- 
cultatif et  de  pure  dévotion.  Plus  loin  le  grand 
évèque  ajoute,  après  avoir  exposé  et  réfuté  les 
arguments  d'Uibicus  :  «  Qu'il  considère  quelle 
injure  il  fait  à  l'Eglise  romaine  elle-môiue, 
au  sein  de  laquelle,  dans  ces  semaines  où  l'on 
jeûne  la  qual^'ième  et  la  sixième  férié  et  le 
samedi,  on  ne  prend  R  repas  du  milieu  du 
jour  que  pendant  trois  jours  consécutifs,  savoir 
le  dimanche,  lasecondeetla  trois;èmeférie(3).» 
Que  sont  ces  semaines  dans  lesquelles  se  trou- 
vent trois  jeûnes  placés  aux  jours  où  nous  les 
observons  encore  aujourd'hui,  sinon  des  semai- 
nes qui  se  distinguent  spécialement  par  ces 
jeûnes?  Si  saint  Augustin  voulait  parler  ici  du 
jeûne  libre  observé  ces  mêmes  jours  par  lesfidè- 
les  qui  en  avaient  la  dévotion,  il  s'exprimerait 
tout  autrement.  Le  jeûne  tlu  samedi,  dont 
l'usage  était  établi  à  Rome,  sans  qu'aucune  loi 
l'eût  prescrit,  n'était  pas  observé  partout.  Ur- 
bicus  prétendait  le  rendre  obligatoire  en- 
dehors  de  Rome,  et  ce  zélateur  indiscret  infli- 
geait, dans  son  langage  intempérant,  les  épi- 
thètes  les  plus  blessantes  à  ceux  qui  ne  se 
soumettaient  pas  à  sa  décision.  Déjeuner  le 
samedi,  c'était,  selon  ses  expressions,  «  céder 
à  la  tentation  du  ventre;  »  ceux  qui  agissaient 
ainsi  n'étaient  que  des  a  ventricoles  ;  »  ce  repas 
était  «  un  festin  consacré  à  l'ébriété,  où  Ton  ' 
n'offiaitpas  à  Dieu  les  louanges  qui  luisent  dues, 
mais  des  ilasphèmes  inspirés  par  le  diable.  » 
Ces  dures  apprécialions  ont  été  consignées  tex- 
tuellement par  saint  Augustin  dans  sa  leltre. 
«  Slle  déjeuner  du  samedi  a  ce  caractère,  dit  le 
grand  évèque,  celui  des  autres  jours  doit  bien 
lui.ressembli'r.  Urbricus,  en  nous  jugeant  si 
sévèrement,  ne  prend  donc  pas  garde  que  ses 
injures  retombent  sur  l'Eglise  romaine  elle- 
même,  qui,  dans  les  semaines  où  elle  fait  jeûner 
lemercrcdi,  le  vendredi  et  le  samedi,  pernist 
de  d^euuer  pendant  trois  jours  consécutifs, 
savoir  le  dimanche,  le  luuiii  et  le  mardi,  et  au- 
torise, ces  jours-là,  selon  Urbicus,  à  céder  à  la 
tenlatio  n  du  ventre,  à  faire  des  festins  con- 
sacrés à  l'ébriété,  etc.»  Il  est  très-évident  qu'il 
s'agit  ici  de  semaines  où  les  trois  jeûnes  sont 
obligatoires,  la  liberté  étant  laissée  pour  les 
autres.  Si  saint  Augustin  ne  nomme  pas  expres- 
sément les  Quatre-Temps,  il  li;s  désigne  suffi- 
samment, en  parlant  de  semaines  qui  ne  peu- 
vent être  auties  que  celles  auxquelles  saint 
Léon  a  consacré  ses  nombreuses  humèlies  sur 
les  jeûnes  des  quatre  saisons.  Grancolas,   qui 

i.  Efisl.  XXXVI  (alias  8G),  ad  CasulaTTum.ncm.  8. 
1.  Traiithisi.  et  dogm.  dv  jeûne,  ch.  TXI,  num  15, 
3.  Ubisupra^  aum.  li). 


avilit  pi)urlant  lu  pJ  isieurs  passages  de  saint 
Augustin  relatifs  .'lU  jeûne,  n'a  [las  su  lire 
celui-ci,  s'il  l'a  rencontre,  et  l'assurance  avec 
laquelle  il  aftirmi-  qu  avant  saint  Léon  on  ne 
trouve  très-cert:)  .nement  aucun  vestige  du 
jeûne  des  Quatre-  Temps,  serait  diflieile  à  jus- 
tifier et  pourrait,  à  bon  droit,  être  tenue  pour 
téméraire,  ou  du  moins  pour  irrédècliie. 

Baillet^  qui  es'  au  fond  du  même  sentiment 
que  Grancolas,  ou  plutôt,  dont  Grancolas  a 
reproduit  l'opin  on,  en  l'accentuant  davantage, 
dit  :  «  D'autrei  estiment  que  la  coutume  de 
jeûner  au  corp'.neiieeniGnt  des  saisons,  s'élant 
introduite  en  divers  lieux  dès  la  fin  du  me  siècle, 
le  pape  saint  Sylvestre  en  fit  un  établissement 
qui  fut  suivi,  dans  la  suite  des  temps,  comme 
une  espèce  de  loi.  Il  faut  avouer  néanmoins 
que  nous  ne  trouvons  t;iicre  de  vestiges  de  cette 
pratique  avant  le  v°  siècle,  et  ceux  qui  ont  cru 
que  saint  Athanase  en  avait  jiarlé,  ont  été 
trompés,  en  attribuant  aux  Quatrc-Temps  de 
l'été,  ce  qu'il  dit  du  jeûne  d'après  la  Pentecôte 
observé  en  Orient  à  l'orcasiou  des  cruautés  que 
les  ariens  exercèrent  alors  contre  les  catholi- 
ques dans  Alexandrie.  11  n'y  a  même  aucune 
apparence  que  le  jeûne  solennel  d'après  la  Pen- 
tecôte, dont  parle  saint  Augustin,  doive  s'en- 
tendre des  Quatre-Temps,  dans  le  sermon  qu'il 
fit  à  Cartilage  l'an  41 1,  exhortant  le  peuple  de 
prier,  en  ce  temps  de  jeùue  publie,  pour  le 
bon  ordre  et  le  succès  de  la  grande  conférence, 
qui  se  devait  tenir  entre  les  catholiques  et  les 
donalisles,  puisqu'on  ne  jeûnait  point  le  samedi 
on  Afrique.  Mais  on  ne  peut  nier  que  l'observa- 
tion du  jeûne  des  Quatre-Temps  ne  fût  tout 
communément  établie  à  Rome,  d'où  elle  s'était 
peut-être  communiquée  à  l'Italie  et  à  l'Afrique, 
du  temps  du  pape  saint  Léon,  qui  gouverna 
l'Eglise  depuis  l'an  MO  jusqu'en  461  (-1).  » 

Ou  remarquera,  dans  ce  passage,  d'abord  le 
parti  pris  chez  Caiilet  d'affaiblir  autant  que 
possible  la  note  et  le  caractère  d'antiquité  qui 
rendent  si  vénérable  la  plupart  des  intitulions 
disciplinaires  de  l'Eglise  catholique  ;  ensuite 
un  embarras  bien  marqué,  qui  va  jusqu'à  la 
contradictioi'  dans  l'exposé  de  cette  thèse.  Cet 
auteur,  d'ailleurs  fort  erudit,  s'est  souvent 
trouvé  dans  cette  situation  gênée,  où  le  mettait 
forcéme'nt  la  nécessiti-  qu'il  s'était  imposée  de  ' 
tout  faire  cadrer  à  un  plan  préconçu  et  de  plier 
à  son  idée  les  faits  les  plus  significatifs  et  les 
documents  les  plus  clairs.  Quand  au  texte  de 
saint  Augustin,  qu'il  récuse,  le  voici.  Après 
avoir  recommandé  instamment  la  prièse,  il 
njoule  :  «  Dites  ces  choses  avec  ardeur,  dites-les 
avec  douceur, dites-les  avec  l'ardeur,  i[ui;  donne 
la  ferveur  do  la  charité,  et  non  avec  la  hauteur 
qu'inspire  l'esprit  de  dissension,  et  suppliez 

1.  Baillet,  ubi  lupra. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


d31} 


avec  nous  le  Sei,£:neur  par  ces  jeûnes  solennels. 
Ce  que  nous  avons  coutume  d'oflrir  auSeigneur, 
ofirons-le  lui  pour  notre  cause.  Car  nous  obser- 
vions déjà  un  jcimc  solennel  après  la  Pentecôte, 
eticertes  nous  jeûnerions,  lors  même  que  nous 
n'auninr.s  pus  ce  motif  actuel  île  le  faii-e  (1).  » 
Il  s'agit  évidemment,  dans  ce  passage,  d'un 
jeûne  établi,  observé  depuis  un  temps  indé- 
terminé et  que  le  saint  ilooteur  veut  faire  otli'Lr 
spécialement  pour  obtenir  de  Dieu  le  triomphe 
de  la  vérité.  Ce  qui  est  de  circonstance,  ce  n'est 
pas  le  jeûne  lui-imême,  mais  l'intention  dans 
laquelle  les  fidèles  sont  invités  à  se  l'imposer. 

XiC  savant  Gavanli  {!)  n'hésite  point  à  ea 
croire  saint  Léon,  lorsqu'il  affirme  que  l'institu- 
tion des  Quatre-Tem[)s  est  due  aux  apôtres.  Il 
considère  la  décrétale  de  saint  Calixtc  comme 
confirmant  et  expliquant  seulement  la  loi 
antérieurement  en  vigueur.  Son  très-docte 
annotateurMérati  fait  le  sacrifice  de  la  décrétale, 
parce  que  la  collection  isidorienne  renferme  uu 
certain  nombre  de  documents  apocryphes,  ou 
d'une  autbenticité  douteuse,  mais  il  s  en  tient  au 
témoignage  de  saint  Léon,  qui,  à  ses  yiix, 
étiblit  avec  certitude  la  tradition  sur  ce  iioint. 
Nous  nous  arrêtons,  pour  notre  part,  à  cetta 
conclusion,  'contre  laquelle  nous  n'avoiis:ren- 
contré  aucun  argument  sérieux, 

V.  PouKiuoi  les  trois  jours  indiqués  ont-ils 
été  choisis  de  préférence  pour  y  placer  les 
jeûnes  des  Quatre-temps  à  ceux  qui,  autrefois, 
étaient  communément  en  usaire.  quoique 
facultatifs,  dans  l'Eglise  romaine?  Saint  Augus- 
tin nous  en  donne  la  raison  dans  la  lettre 
précé'temment citée,  où  il  justifie  contre  le  trop 
zélé  Urbicus  la  coutume  établie  dans  l'église 
d'Afri([ue'de  ne  pas  jeûner  le  samedi.  11  pose 
lui-même  la  question  et  y  répond  ainsi  :  «  Pour- 
quoi l'Eglise  jeûne-t-elle  Je  préférence  la  qua- 
trième et  la  sixième  férié?  A  mon  avis,  voici  la 
raison  qu'il  en  faut  donner.  En  lisant  attentive- 
ment l'Evangile,  on  y  voit  que  les  Juifs  tinrent 
conseil  le  quatriôme  jour  après  le  sabbat,  ([ue 
l'on  appelle  maintenant  communément  la  qua- 
trième féri(;,  dans  le  dessein  de  mettre  à  mort 
Notre-Seigneur.  Il  y  eut  un  intervalle  d'un  jour, 
au  Boir  duquel  Notre-Seigneur  mangea  la 
pâque  avec  ses  discipbs,  et  ce  soir  fut  la  fin  du 
jour  que  nous  appelons  ie  cinquième  après  le 
sabbat,  qui  est  certainement  celui  de  sa  mort. 
Ce  jour,  qui  était  le  [.remier  des  azymes,  com- 
mençait le  soir  précédent...  Donc,  après  cet 
intervalle  d'un  jour,  Notre-Seigneur  souffrit, 
comnie  personne  n'en  doute,  le  sixième  jour 
après  le  sabbat.  C'est  pour  cette  raison  que  ce 
sixième  jour  est  justement  consacré  au  jeûne; 

i.  Aug.,sarm.  ccCLvii  {aiias inter  SirmoruUanosii],  nom.  F 

2.  Tlit*aurus  sacr.  Riluum.  la  Aab.<Uies.  ^Uom,  BareJ' 

tjt.  n,  de  IV  Temp.  Adv,  ' 


car  le  jeûne  est  un  si;-:îe  d'humiliation,  et  à 
cause  de  cela  il  a  été  dit  :  Et  flmmUiais  mon 
âme  par  le  jeûne  (1).  Vient  ensuite  le  sabbat,  et 
en  ce  jour  le  corps  de  Notre-Seigneur  reposa 
dans  le  tombeau,  dî  même  que  lors  de  la 
création  du  monde,  Dieu  se  reposa  ce  jour-là 
après  avoir  ai^compli  toutes  ses  œuvres.  De  là 
est  venue  cette  variété  que  nous  remarquons 
sur  le  vêtement  de  la  reine  :  les  uns,  par- 
ticulièrement les  peuples  de  l'Orient,  ont  cru 
qu'il  était  mieux  de  se  relâcher  du  je^ue, 
pour  symboliser  ce  repos;  les  autres,  comme 
l'Eglise  romaine  et  quelques  églises  d'Oiient, 
ont  préféré  jeûner,  pour  honorer  l'humiliation 
de  la  mort  de  N^tre-Seigneur  (2).  Nous  n'avons 
rien  àiijouter  à  ces  paroles,  qui  nous  expliquent 
tiès-elairement  le  choix  des  jours  consacrés  au 
jeûne  des  Quatre-Tamps  et  la  divergence  qui 
exi.-^tait,  pour  le  samedi,  entre  les  églises  d'O- 
rient ctd'Aù'ique,  d'un  coti;,  et  de  l'autre  l'Eglise 
romaine  et  yéuéralement  les  autres  églises 
d'Occident. 

P.-F.  ECALLE. 


(A  iuitre). 


7>To:cs3cnr  de  théotogia. 


HERr.1£r:EUTigUE   BIBLIQUE 

I. DE  LA  RECnERCUE  Df  SF.XS  PAR  L'USAGE  DE  LA 

LANGUE  {suite). 

Abt.  II.  —  De  rasage  de  la.Uague  en  général  (suite). 

L'usage  delà  laiicjue,  avons^-nousdit,  consiste 
dans  la  fermeté  du  lieu  qui.  daus  éhaq\ie  iiliome, 
attache  à  chaque  mol  une  ou  plusieurs  simiifi- 
cations  déterminées.  Mais  comment. constator 
cet  usage  quand  il  s'agit  d'une  langue  qui  nous 
est  inconnue?  La  réponse  à  cette  question  se 
présente  d'elle-même.  Que  les  hommes  apparte- 
nant à  une  nation,  à  une  époque  donnée,  aient 
attaché  telle  ou  telle  siguifieatiou  à  des  locutions 
formées  et  construites  d'uue  certaine  manière, 
c'e-st  tout  simplement  uu  fait  qui  se  constate, 
comme  tous  les  autres,  par  le  témoignage  de 
l'histoire.  Or,  ce  témoignagne  peut  être  direct 
ou  indirect  :  direct,  s'il  aîlirme  de  suite  et  .par 
lui-même  ia  signification  des  mois  ;  indirect,  si, 
à  l'occa.sion  d'un  autre  tait,  il  fournit  les  élé- 
ments d'une  conclusiou  plus  ou  moius  certaine 
en  faveur  de  l'usage  de  la  langue. 

I.  Témoignages  directs.  —  Personne  n'ignore 
pnr  quels  moyens  ou  arrive  à  conunître  l'usage 
de  la  langue  dai.s  un  irliome  Wvant,  comma  le 
frinçais  ou  l'italien.  Cette  constatation  n'est 
pas  plus  diffioile  pour  une  langue  morte  dont  ij 

1.  Pj.  .\xxiv,  13. 

2.  E|<ist.  xxxvi  (alias  86J,  ad  CasuUnum,  nam.  30etll« 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


nous  reste  d'assez  nombreux  témoignages  du 
temps  où  elle  était  encore  en  vigueur.  Les 
témoi2;nfiges  de  ce  genre  sont  empruntés  : 

1°  Aux  écrivains  qui  ont  eux-mêmes  parlé 
cette  langue,  ou  qui  l'ont  apprise  de  ceux  qui  la 
parlaient.  Ainsi  quand  Xénophon  attribue  à  un 
mot  grec,  Cicéron  à  un  mot  latin,  telle  signifi- 
cation, nous  avons  un  témoignage  direct  et 
immédiat  que  tel  était  l'usag''  <lt'  la  langue  chez 
lesGrecs  et  chez  les  Romains.  L'AfricainTéreuce, 
lorsqu'il  écrivait  ses  Jmédies  latines;  les  Juifs 
Philon  et  Flavius  Jos^plie,  lorsqu'ils  rédigeaient 
leurs  écrfls  en  langue  grecque,  ne  s'exprimaient 
pas,  il  est  viai,  dans  l'idiome  de  leurs  pères;  ils 
sont  cependant  pour  nous  des  témoins  autorisés 
de  la  manière  de  s'exprimer  soit  eu  latin  soit  en 
grec,  parce  qu'ils  connaissent  partaitement  ces 
langues,  les  ayant  apprises  de  la  bouche  même 
de  ceux  qui  les  parlaient  de  leur  temps.  Mais 
parmi  les  témoins  de  cette  classe,  nous  mettons 
au  premier  rang  les  écrivains  mêmes  que  nous 
avons  à  interpréter.  Comme  il  leur  arrive  tantôt 
de  définir,  quelquefois  dans  la  même  page,  les 
termes  dont  ils  se  servent;  tantôt  de  les  expli- 
quer par  des  exemples,  par  des  synonymes,  par 
des  périphrases;  tantôt  de  les  mettre  en  lumière 
en  employant  le  même  mot  ou  la  même  phrase 
dans  des  endroits  parallèles  (1),  on  peut  les 
regarder  à  bon  droit  comme  les  interprètes  de 
leurs  propres  écrits.  Au  second  rang  et  presque 
sur  la  même  hgne,  viennent  les  auteurs  contem- 
porains de  ceux  que  nous  avons  à  expliquer. 
Nul  doute  que  les  Epîtres  de  Cœlius  et  de 
Sulpicius,  par  exemple,  ne  soient  d'un  grand 
secours  pour  comprendre  celles  de  Cicéron,  qui 
vivait  à  la  même  époque  et  dans  la  même  ville. 

2°  Aux  anciens  traducteurs,  lexicographes, 
scholiastes,  slossateurs  et  grammairiens  qui, 
lorsque  la  langue  était  encore  parlée,  en  ont 
expliqué  les  mots  et  les  phrases.  On  sait  que 
Cicéron  a  mis  en  latin  plusieurs  [lassages  des 
dialogues  de  Platon  ;  ces  passages  ainsi  traduits 
par  un  auteur  connaissant  parfaitement  la  langue 
grecque  sont  autant  de  témoignages  sur  la 
siguilication  et  la  valeur  des  termes  employés 
par  le  philosophe  d'Athènes. 

II.  Témoignages  indirects. —  Siles  témoignages 
directs  manquent  tout-à-fait  ou  sont  insuffisants, 
OD  aura  recours  aux  témoignages  in  irects,  tels 
que  : 

1*  La  ^rarfîVîonrfdmes/îiyî^e.  Nous  appelons  ainsi 
la  connaissaoce  d'un  idiome  ancien,  transmise 
jusqu'à  nous  de  vive  voix  ou  p:ir  écrit.  Telle  est, 
par  exemple,  la  langue  latine.  Morte  depuis  des 
siècles  dans  la  bouche  du  peuple,  elle  trouva,  au 

1 .  I.e«  concordance»  verbales,  qui  mettent  sous  les  yeux 
ton»  les  passages  où  le  même  mot  se  rencontre,  sont  d'une 
immense  utilité  pour  la  comparaisoD  des  endroits  pa- 
TAllélet. 


moyen  âge,  un  asile  dans  les  cloîtres  et  les  écoles; 
aujourd'hui  encore,  elle  n'a  pas  cessé  de  s'ap- 
prendre et  de  s'écrire,  et  cela  sans  s'écarter  es- 
sentiellement de  l'ancien  .asagf,.  Ce  •'oi'ours  fera 
rarement  défaut  à  rinl'''7'pi'cle  d'une  langue 
morte;  car,  à  moins  ^e  yuppf^ser  un  entier  asser- 
vissement et  même  une  exlincliini  complète  du 
peuple  qui  la  parlait,  aucune  langue  ne  saurait 
disparaître  subitement  sans  Laisser,  au  moins 
dans  la  mémoire  de  quelques  fidèles,  un  souve- 
nir suffisant  pour  eu  transmettre  la  connaissance 
à  la  postérité.  —  Les  sources  de  cette  tradition 
sont: 

a)  La  connaissance  d'une  langue  morte  propa- 
gée par  l'enseignement  des  écoles. 

b)  Des  écrits,  tels  que  traductions,  lexiques, 
scholies,  gloses,  grammaires  et  commentiiires 
philologiques, rédigés  par  des  savants  ijui  avaient 
appris  cette  langue  dans  les  écoles  ou  autre- 
ment (1). 

2°  La  philologie,  qui  comprend  : 

a)  L'étymologie,  c'est-à-dire  la  recherche  de 
la  signification  primitive  et  essentielle  d'un  mot 
d'aprèises  éléments  constitutifs,  ou  de  sa  signi- 
fication secondaire  et  accidentelle,  résultant  de 
quelque  similitude  ou  rapport  avec  la  première. 
11  va  de  soi  qu'il  faut  d'abord  connaître  histori- 
quement la  signification  étymologique,  et  partir 
de  là  pour  établir  les  significations  dérivées. 
Ainsi,  le  sens  du  nom  composé  lithrotritie  n'of- 
frira aucune  difficulté,  si  l'on  connaît  celui  des 
deux  mots  dont  il  est  formé,  XiSos,  pierre,  et 
Tpt6w,ye  broie.  De  même  si  Ion  sait  que  y»|-io{  dé- 
signe d'abord  un  mariage,  on  devinera  sans 
peinequ'ildésigneaufsi,par  extension, un  festin, 
parce  qu'il  n'y  a  guère  de  mariage  sans  cet  ac- 
compagnement. L'étymologie,  toutefois,  n'est 
pas  à  elle  seule  un  guide  suffisant  ;  car,  outre 
que  l'usage  de  la  langue  modifie  souvent  la  signi- 
fication essentielle  et  primitive  des  mots,  qui 
pourrait  deviner  a  priori,  par  la  seule  connais- 
sance d'une  rdcine,  toutes  les  acceptions  qu'elle 
peut  avoir  reçues  chez  un  peuple  —  toutes  les 
acceptions,  par  exemple,  données  par  les  Grecs 
au  radical  îw  ou  '{rifii,  mitttre,  dans  les  dérL»"és 
ou  les  composés  si  nombreux  où  ils  l'ont  fait 
entrer?  Le  témoignage  des  auteurs  qui  se  sont 
servi  de  ces  mots  est  seul  capable  de  nous  l'ap- 
prendre. Du  reste,  l'étymologie  rend  à  l'inter- 
prète les  plus  utiles  services.  Elle  éclaire  et  pré- 
cise la  signification  dérivée,  eu  montrant  le  lien 

1.  Il  y  a  une  diSërence  entre  la  scholie  et  la  glos»  :  la 
première  s'attache  à  la  pensée  pour  la  mettre  en  lumière, 
le  plus  souvent  en  la  degagL-ant  d'un  contexte  obscur  et 
embarrassé;  la  seconde  explique  les  mots,  surtout  les  ex- 
pressions vieillies  ou  rares,  et  leur  assigne  leur  véritable 
signilîcation.  Les  leiiques  ou  dictionnaires,  embrassant 
tous  les  mots  d'une  langue,  sont  plus  utiles  que  les  scho- 
lies et  les  gloses,  surtout  s'ils  signaient  les  changemeata 
d'acception  amenés  par  le  temps. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


131S 


qui  la  rattache  à  la  signification  primitive.  Pour- 
quoi, par  exemple,  le  substantif  sAeo/ désignait- 
il,  chez  les  Hébreux,  l'enfer,  le  .  "jour  des  âmes 
après  la  mort?  Ce  nom  vient  de  la  racine  sAaa/, 
postulavit,  poposcit  :  l'enfer  réclame  tous  les 
hommes  sans  exception  ;  c'est  Vorcus  rapax  de 
Catulle,  {'amde  Achéron  de  Racine  (1).  Pour  une 
raison  analogue,  le  verbe  moyen  lepiljixi  (de  i-ftr,|jii, 
mitto  ad)  signifie  desidero,  litt.  j'envoie,  avec 
l'idée  réfléchie  de  retour  ters  moi.  Enfin,  l'éty- 
mologie  donne  la  raison  de  eerlaines  particula- 
rités syntaxiques,  pourquoi,  par  exemple,  les 
Hébreux  coustruisaient-ils  le  verbe  hhagab  avec 
hhal  :  amavit  super  aliquo,  au  lieu  de  amavit  ait' 
quem. 

A  l'étymologie  nous  pourrions  joindre  l'rtna- 
logie,  c'est-à-dire  la  similitude  dtf  formes  et  des 
expressions;  mais,  quoique  la  ressemblance  dans 
les  formes  soit  en  fait,  dans  un  très-grand  nom- 
bre de  cas,  un  indice  de  la  ressemblance  dans 
les  signifîcatitms,  ce  moyen  de  constater  l'usage 
de  la  langue  est  sujet  à  trop  d'exceptions  pour 
qu'on  puisse  en  tirer  des  inductions  tout  à  fait 
certaines.  Donnons  quelques  exemples.  Les 
formes  actives  des  verbes  latins,  amn,  doceo, 
lego,  etc.  dénotent  une  signification  active;  mais 
deux  verbes,  vapulo,  je  suis  frappé,  et  veneo,  je 
suis  vendu,  joignent  une  signitication  passive  à 
une  forme  active.  En  grec,  le  verlue,  I6au,  uni  à 
un  autre  mot,  signifie  affectare  aliquid,  vouloir, 
parailre  quelque  chose.  Ainsi,  on  appelle  èOeX^oooos 
celui  qui  atfccte  desairs  de  philosophe,  JOEXtecvoç, 
celui  qui,  par  vaine  fzloire,  veut  paraître  labo- 
rieux, leeXâaiEioç,  celui  qui  affecte  l'urbanité  ;  ce- 
pendant lOeXiSouXot  est  simplement  uu  esclave 
volontaire. 

b)  La  comparaison  des  dialectes.  Comme  il 
existe  entre  toules  les  langues,  surtout  parmi 
celles  (jui  se  rattachent  à  la  même  souche,  des 
rapports  plus  ou  moins  étroits,  soit  dans  les  mots, 
soit  dans  les  formes  grammaticales,  il  s'ensuit 
•que  les  rapprochements  établis  entre  une  langue 
morte  et  les  autres  langues  sont  d'un  grand  se- 
cours pour  arriver  à  connaître  la  manière  de 
s'exprimer  en  usage  dans  la  première.  Cepen- 
dant ce  n'est  la  qu'un  secours,  et  nou  un  moyen 
toujours  efficace.  Non-seulement  les  iiliomes 
d'origine  diflérente,  mais  ceux  mêmes  qui  sont 
issus  d'une  souche  commune,  présentent  de 
nombreusrs  particularités  propres  à  chacun;  et 
les  mots  d'une  langue  perdent  souvent,  en  pas- 
saut  dans  une  autre,  leur  antique  acception 
pour  en  recevoir  de  nouvelles,  inconnues  à  la 
langue  mère  ou  à  la  langue  sœur.  11  faut  doue 
apporter,  dans  ces  sortes  de  rapprochements, 
beaucoup  de  prudence  et  de  réserve  ;  autrement 

1.  D'autres,  pourtaat,  toai  dvrivei  iheol  do  radical 
ihehhol,  cavilcu. 


on  courrait  le  risque  d'attribuer  à  un  dialecte  ce 
qui  n'est  vrai  que  pour  un  autre.  Ainsi  le  verbe 
hébreu  amar  signifie  il  a  dit,  et  le  même  verbe 
signifie  en  arabe  il  a  ordonné  (d'où  le  mot  émir, 
chef);  l'hébreu  abad  veut  dire  il  s'est  perdu,  il  a 
péri,  et  l'arabe  abnda,  qui  lui  correspond,  i7  a 
duré  longtemps.  Les  Grecs  donnent  au  substantif 
(prJiJLT)  (çijjLT)  dans  le  dialecte  dorien),  entre  autres 
acceptions,  celle  d'oracle,  d'augure,  acception 
tout  à  fait  étrangère  au  latin  fama.  Par  le  mot 
parens,  les  Romains  entendaient  le  père  ou  la 
mère;  les  Français,  çax parents,  et  les  Italiens 
par  parente,  entendent  un  meml>re  quelconque 
{consanguin)  de  la  même  famille.  Mittere  signifie 
envoyer;le  itsiu(^\s mettre,  quien dérive,  signifie 
seulement  poser.  Missus,  dans  les  autours  de  la 
décadence,  est  synonyme  de  ferculum,  ce  que 
l'on  apporte  sur  la  table  à  chaque  service;  nous 
en  avons  fait  le  moimets,  qui  a  une  signification 
générale,  tandis  que  méat,  en  anglais,  ne  se  dit 
que  d'une  viande  {caro).  L'allemand  jutter  et 
l'anglais  food  sont  sortis  du  même  radical  ;  mais 
le  premier  de  ces  deux  noms  ne  s'emploie  q'^e 
pour  la  nourriture  des  animaux,  et  leseu^a 
que  pour  la  nourriture  de  l'homme. 

Pour  ce  qui  regarde  les  locutions  et  les  phrases," 
l'accord  entre  les  diverses  langues,  surtout  entre 
les  langues  de  la  même  famille,  s'est  maintenu 
avec  plus  de  persistance.  Parmi  les  nombreux 
exemples  que  nous  pourrions  apporter  pour  dé- 
montrer ce  genre  d  analogie,  nous  nous  borne- 
rons à  deux.  Les  Hébreux  disent  :  islion,  hhaïn, 
iltt.  homunculus  oculi,  le  petit  homme  de  l'œil, 
pour  \apupille,  dans  laquelle  on  aperçoit  comme 
dans  uu  miroir  une  très- petite  figure  d'homme 
{Deut.xx\u,  10;  Prov.  vu,  2).  On  rencontre  ail- 
leurs {Ps.  XVI,  8),  pupilla  filia  oculi.  Cette  gra- 
cieuse imagese  retrouve  dans  plusieurs  langues: 
en  arabe,  en  grec  et  en  latin,  où  la  pupille  est 
désignée  par  le  nom  même  qui  signifie  petite 
fille:  xopT),  xopàaiov,  xopaaîôiov.  lat.  pupu,  pupilla, 
pupulu  ;  les  Espagnols  la  nomment  aussi  la  fille 
de  l'œil,  la  nina  del  ojo.  —  Chez  les  Hébreux, 
un  homme  ivre  est  un  homme  émoussé,  frappé  ou 
renvei  se,  et  ailleurs  vaincu  par  le  vin  {/s.  xxviil, 
1  ;  Ps.  «sxvii,  (55).  Les  Arabes  s'exprimaient  de 
la  même  manière  (Cf.  Gesenii  Comment,  in 
/s.  x.wiii,!);  on  trouve  également  chez  les  Grecs 
(j'.vo^iX/iÇ.etchezlesLatiust'i/iosaucfaiMsXTite-Live), 
mt-ro  sauctus  (Martial),  percussus  tempora  Baccho 
(l'ibulle). 


{A  suivre) 


A.  Crampon, 

cliauiMiiSt 


lais 


LÀ  SEMAINE  DU  CLEHOÈ 


Les  Erreurs  nxoderues 


U    DÉMOCRATIE    ET   LE    CATHOLICISIVIE 

(5»  arlide.) 

Continuoas  à  il-étmre  les  griefs  de  la  démo- 
eratie  et  du  liUératisme  moderne  contes  le  ca.- 
tholicifime  et  l'E^ii^e. 

Une  piieuve,  dit-on,  qui»  l'Eliriise  n'nime  i;Hi»re 
la  liberté  des  peuples,  l'égalité  sociale,  c'est 
qu'elle  a  m.iiuteau  pendant  des  siècles  l'es- 
clavage sur  la  terre  :  il  faiit  bien  quelle  ne 
vît  pas  d'un  mauvais  œil  cette  horrible  insti- 
tution, puisqu'elltt  s'en  occupait  si  peu»  alors 
qu'avec  sa  toute-puissance  elle  aurait  pn  l'a- 
bolir rapidemeut.  11  y  a  même  des  écrivains  qini 
Tont  jusqu'à  prétendre  qu  elie  n'a  à  peu  près 
rien  fait  à  cet  égard,  et  que  ce  sont  les  idées 
modernes,  en  germe  dans  tous  les  temps,  qui 
ont  aboli  l'esclavage. 

Examinons  donc  cette  question  à  la  lumière 
de  la  raison  et  de  l'histoire. 

Faisous-nous  d'ahord  quelque  idée  de  l'im- 
mensité de  la  tâche  que  le  christianisme  avait 
à  remplir,  et  de  l'énorme  diificulté  qu'elle  pré- 
seniail.  Ce  serait  une  graude  erreur  de  s'imnr 
giner  qu'il  ne  sagissait  que  de  mettre  en  liberté 
quelques  millions  d  hommes.  Avant  que  le 
christianisme  exerçât  sur  la  terre  son  action 
bienfaisante,  le  nombre  des  esclaves  était,  en 
quelque  sorte,  infini  et  supérieur  sans  compa- 
raison à  celui  des  hommes  hbres.  Athènes  comp- 
tait quarante  mille  esclaves  et  viuirt  mille  ci- 
toyens (t)  Thucydide  nous  apprend  que,  dans  la 
guerre  du  f  éloponèse,  vingt  mille  esclaves  pas- 
sèrent à  l'ennemi.  X.  Chigo,  leur  défection  mit 
le-urs  maîtres  dans  une  grande  exti-émité.  Chez 
les  lMessénien,->,  les  Tliessaliens,  le^  Lacéilémo- 
niens,  la  trahison  et  les  complots  des  esclaves 
étaient  souvent  un  danger  pour  l'Etat  ;  c'est 
Platon  et  Aristote  qui  nous  l'apprennent  (2).  A 
R»jme,  la  mnltiUide  des  eselaves  était  prodi- 
gieuse. Il  fut  (luestion  de  leur  donner  un  cos- 
tume particulier  ;  mais  le  S<iiiat  s'y  opposa,  dans 
la  crainte  qu'ils  ne  vinssent  h  se  compter.  Un  seul 
citoyen  en  possédait  quelquefois  ,Musieurs  mil- 
liers (H).  Pudentilla,  femme  d'Apulée,  en  donna 
quatre  cents  à  s<ju  fils.  Lors  de  l'assassinat  de 
Pédaiiius  Seetiudns,  préfet  de  la  \ille,  quatre 
cents  de  ses  eselaves  furent  condamnés  à 
mort  (4).  Enlin  les  choses  en  vinrent  à  ce  point 
qu'au  rapport  de  Pline,  le  cortège  d'une  fa- 
mille ressemWait  à  une  véritable  armée.  Au 
reste,  le  monde  enli'T  était  couvert  d'esclaves. 

1.  Larchcr,  sur  Hérodote  1.  I,  note  258. 

2.  Plat.  Dei  Loi;  VI ,  ATWt  l'ai"    I.  '1    »,  va 

3.  Juven.  Salir,  III. 

4.  Tacit,  An-^    1    XIV. 


A  Tyr,  par  exemple,  leur  nombre  était  tel 
qu'ils  se  soulevèrent  et  massacrèrent  leurs 
maîtres.  Les  Scythes  à  leur  retour  de  la  Médie, 
trouvèrent  les  leurs  soulevés,  et  devenus  le» 
maîtres  à  leur  tour.  César,  dans  ses  Commen- 
taires, parle  de  la  multitude  d'esclaves  qui  cou  4 
vraienl  la  Gaule  (<). 

Mais  l'esclavage  n'était  pas  seulement  un  fait 
immense  et  universel  dans  le  monde  païen,  il 
était  encore  une  doctrine  ;  il  existait  non-seule- 
ment par  la  force  des  cho.-es,  mais  par  la  force 
des  idées.  C'était  une  opinion  admise  par  tous, 
que  l'humanité  était  partagée  par  la  nature 
elle-même  en  deux  grandes  classes,  les  hommes 
libres  et  les  esclaves,  et  que  la  divinité  était 
l'auteur  de  cettL  disUnction.  £t  sur  ce  point,  le» 
philosophes  parlent  comme  les  poètes.  Homère 
veut  bien  nous  apprendre  que  «Jupiter  a  enlevé 
aux  esclaves  la  moitié  de  l'esprit  (2).  »  C'est 
heureux  qu'il  n'ait  pas  enlevé  le  tout.  Platon 
nous  dit  également  <;  que,  dans  l'esprit  de  l'es- 
clave, il  n'y  a  rieu  de  sain  et  d'entier  (3).  »  Mai» 
écoulons  Aristote  :  «  Ceux  d'entre  les  hommes, 
dit-il,  qui  sont  aussi  inlérieurs  aux  autres  que 
le  corps  l'est  à  l'Ameet  l'animal  à  l'homme, 
ceux-là  sont  naturellement  esclaves...  La  nature 
a  soin  de  créer  les  corps  des  hommes  libres  dif- 
férents des  corps  des  esclaves...  Ainsi  ou  ne 
peut  mettre  en  doute  que  certains  hommes 
ne  soient  nés  pour  la  liberté,  comme  d'autres 
sont  nés  pour  l'esclavage.  » 

Ainsi,  l'efclavage  était  une  doctrine,  c'était 
un  drojt  ;  c'était,  aux  yeux  de  tous,  une  insti- 
tution fondée  sur  la  nature  même  et  parfaite- 
ment légitime.  Et  qu'on  veuille  bien  le  remar- 
quer, l'ordre  social  reposait  sur  elle  :  le  travail, 
l'industrie,  l'agriculture,  la  production,  tout  en 
dépendait.  Elle  était  regardée  comme  néces- 
saire, et  l'idée  ne  venait  à  persomie  qu'elle  put 
jamais  être  abolie. 

Telle  était  donc  l'horrible  doctrine  qui  pos- 
sédait tous  les  esprits  dans  le  monde  païen,  et 
l'institution  qui  les  liait  tous.  Chacun  sait  du 
reste  ce  qu'était  alors  l'esclave  et  qu'elle  était 
sa  condition.  Le  droit  de  propriété  que  le  maître 
s'arrogeait  sur  lui  n'atteignait  pas  seulement 
son  travail  et  sou  temps,  mais  sa  personne  elle- 
même,  sa  vie,  sou  être  tout  entier.  L'esclave  est 
régarde  comme  une  chose,  comme  uu  animal, 
c'était  une  propriété  comme  ime  antre:  telltt 
était  la  législation. 

Eu  face  de  cet  état  de  choses,  que  devait  faire 
l'Eglise?  Devait-ftllu  procéder,  ou  du  moins 
chei-cher  à  procéthir  a  une  abolition  immédiate 
et  gèaéiale,  ou  liien  seulement  à  une  abolition 
préparée,  longue  et  successive  ? 

1.  César,  De  Bell.  gall.  1.  VI. 
2    Hum.  ('(iiriw.  ck.  xvili. 
t    put.  Uu  Lui,  vill. 


LA  SEJfAIW  DU  CLKltf.É 


1347 


rîcmarqtions  d'alionl  t\ur.  prndaiit  les  tro': 
premiers  sièclrs  de  s<m  cxistenuu.  l'Eglise  n'a 
eu  aucune  ai'tion  politique  :  ks  puissniits  de  la 
terré  ue  lui  rocouiiaissaieut  qu'uu  droit,  celui 
d'arroser  la  terre  du  sang  de  ses  eafants.  Les 
siècles  qui  suivirent  l'urenl  ceux  de  l'invasion 
des  Barbares  et  de  la  dissolution  du  l'Empire 
romain,  époque  de  confusion  indescriptible  où 
l'Eglise  eut  assez  à  faire  de  pmer  aux  maux  les 
plus  pressants,  et  où  les  sociétés  chrétiennes 
naissantes  devaient  d^'abord  pourvoir  à  leur 
existence. 

Du  reste,  l'abolition  iramcdiale  de  l'esclavage 
était  une  impossibilité  phjsiijue  et  morale.  Je  le 
disais  tout  à  l'heure,  cette  institution  et;dt  non- 
seulement  un  fait,  mais  une  docti  ine,  elle  était 
dans  les  esprits  comme  dans-  les,  fats,  et  était 
regardée  comme  juste  et  nt'cessaire.  11  fallait 
donc  d'abord  changer  les  idées  à  cet  égard, 
substituer  dans  les  esprits  la  doctrine  contraire, 
et  les  amener  à  d'autres  appréciations.  De  plus, 
nous  l'avons  vu,  reselavug;e  était  universel  et 
souillait  le  monde  entier,  il  était  profondément 
enraciné  dans  les  esprits  et  dans  les  faits;  il 
était  dans  la  constitution  même  de  la  société. 
Or,  cela  posé,  renverser  immédiatement  une 
pareille  institution  était  une  impossibilité  pour 
l'Eglise  ;  l'autorité  civile  ne  s'y  serait  pas  prêtée, 
et  encore  moins  k;s  maîtres.  Appeler  les  es- 
claves à  la  liberté  et  à  la  révolte,  c'eut  été  pro- 
voquer des  attentats  et  des  massacres  que  l'ima- 
gination épouvantée  ose  à  peine  se  représenter, 
et  faire  voir  par  avance  au  monde  entier  les 
les  scènes  de  Saint-Domingue  ;  c'eût  été  la 
guerre  sociale  la  plus  bofrible  sur  tonte  la  sur- 
lace de  la  terre  ;  l'Eglise  laisse  de  pareilles  pro- 
cédés à  la  démagogie.  Au  reste,  les  esclaves  eux- 
mêmes,  pour  pouvoir  entrer  dans  la  société 
nouvelle,  pour  pouvoir  devenir  un  élément  du 
monde  nouveau  (pie  le  christianisme  travaillait 
alors  à  former,  les  esclaves  avaient  besoin  d'être 
préparés,  et  l'Eglise  par  sa  sage  lenteur  servait 
leurs  intérêts  commeceux  de  la  société  toutentière. 

Ecoulons  Balmès;  «Le  nombre  des  esclaves 
était  partout  si  considérable,  qu'il  était  tout-à- 
fait  im]iossible  de  lenr  prêcher  la  liberté  snu  s  met- 
tre le  feu  au  monde...L'étatintellectuel  et  moral 
des  esclaves  les  rendait  incapables  de  faire  tour- 
ner un  tel  bienfait  à  leur  proht  et  à  celui  de  la 
société.  Encore  abrutis,  aiguillonnés  par  le  désir 
de  vengeance, que  les  mauvais  traitements  entre- 
tenaient dans  leurscœurs,  ils  auraient  reproduits 
en  grand  les  sanglantes  scèn-es  dont  iU  avaiuut 
déjà  dans  les  lemp-^  antérieurs  marijuéleB  pages 
de  l'histoire.  Et  que  serait-il  alors  arrivé?  La 
société,  dans  cet  horrible  péril,  se  serait  mise  en 
garde  contre  les  principes  qui  favorisaient 
leur  liberté;  elle  n'aurait  plus  envisagé  ces  prin- 
cipes qu'avec  prévention  et  méfiance;  les  chaînes 


delà  servitude,  loin  de  se  relà- her,  auraient  été 
ri\ées  avee,  jihisde  soin.  De  cette  m.isse  immense 
et  brutale  d'hommes  fiu'ieux,  mis  suis  [irépara- 
tion  en  liberté,  il  était  impossible  qu'on  vit  sortir 
■une  organisation  sociale;  car,  une  orgaiiisatioa 
sociale  n<j  s'improvise  pas,  surtout  avec  des  élé*- 
ments  sembtalili's;  et,  dans  ce  cas,  puisipi'il  et'it 
été  nécessaire  d'adoiitcr  eulre  l'esclavage  ou  Va.r 
néantissemeiit  de  l'ordre  social,  l'instinct  de 
conservation  qui  anime  la  socitjté  aussi  bien  que 
tous  les  êtres,  aurait  indubitablement  amcué  la 
continuation  de  res<lavage  (1).» 

Ainsi  donc  l'abolition  immédiate  était  impos- 
sible. Restait  rab'jlition  préparée  et  snccessiveà 
la(|uelle  l'Eglise  ;j  travaillé  avec  nue  persé- 
vérance incessanlt._  <,t  sur  laquelle  nous  allons 
jeter  un  regard  rapide. 

Quand  ou  veut  aiiir  sur  1rs  hommes  et  sor  la 
marche  des  choses  d'une  manière  séiieuse  et  du- 
rable, et(iui  soit  vraiment  salutaire,  il  faut  s'at- 
tacli  r  d'abord  à  moilitier  les  idées  et  les  doc- 
trines. Les  esprits  superficiels  ne  voient  que  les 
dehors  et  les  surfaces;  mais,  dans  le  vrai  et  en 
réalité,  les  principes  et  les  doctrines  sont  l'àme 
du  monde  et  l'esprit  qui  remue  le  genre  humain. 
L'Eglise  le  sait,  et  c'est  pourquoi,  en  ceci  comme 
eu  toutes  choses,  elle  commença  par  agir  sur  l'es 
espiitset  changer  h^s  idées.  Saint  l'aui,  le  grand 
apôtre  de  la  gentilité  ,ne  cesse  rie  proclamer  d'a- 
bord l'égalité  devant  Dieu:  «Nous avons  tons  ('■té 
baptisés  dans  le  même  Esprit,  dit-il,  pour  n'eire 
tous  ensemble  qu'un  même  corps,  soit  juifs,  .soit 
gentils,  soit  esclaves,  ou  hommes  libres  (2).  » 
«  Vous  êtes  tous  enfants  de  Dieu...,  il  n'y  a  plus 
de  Juif,  ni  de  Grec,  il  n'y  a  plus  d'esclave  ni  de 
libre  (3).»  Quel  langage!  Quelle  doctrine  élevée 
et  pure!  Quel  éclair  jeté  sur  le  monde  avili I  Ces 
paroles  contiennent  l'espérance  et  la  liberté  dti 
genriî  humain  (4). 

Le  pn^mier  soin  du  christianisme  fut  donc 
d'agir  d'abord  sur  les  idées.  La  doctrine  de  saint 
Paul,  exposée,  développée,  commentée  par  les 
docteurs  de  l'Eglise  qui,  comme  saint  Augus- 
tin (5),  voyaient  dans  lesclavage  uou  pas  une 
loi  de  la  nature,  mais  un  effet  de  la  chute  et  des 
vices  de  l'homme;  cette  doctrine,  disje,  amena 
deux  résultats.  Les  maîtres  chrétiens  s'habi- 
tuèrent à  regarder  leurs  esclaves  avec  d'autres 
yeux,  à  voir  en  eux  des  hommes,  des  chrétiens 
et  des  égaux.  Les  esclaves,  de  leur  coté,  furent 
relevés  à  leurs  propres  yeux  et  ouvrirent  leurs 
C(enrs  à  l'espérance.  Un  esprit  nouveau  agitait 
le  monde  comme  un  ferment  divin,  et  préparait 
l'avenir. 


1.  Arist.  Polit  ,  m. 

2.  Ii.Um.  Proiesl.comp.  au  eath.  1. 1,  o.  15. 

3.  I.  L'or,  m,  13. 

4.  Galat.  m,  2i;. 

5.  Aug.  De  Civil.  Dei,  U  XIX,  C,  XIV,  XT.  XVt 


«318 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


«  La  première  chose,  flit  encore  Bilmcs,  qne 
lit  le  christianisme  par  rupport  aux  esclaves,  fut 
de  dissiper  les  erreurs  qui  s'opposaient  non-seu- 
lement à  leur  cmnncipalion  universelle,  mais 
même  à  l'amélioration  de  leur  élat;  c'est-à-dire 
que  la  première  arme  dont  il  se  servit  tut,  selon 
sa  coutume,  la  force  des  idées.  Et  c'était  bien  la 
première  force  à  mettre  en  jeu.  En  ellet,  tout 
mal  social  est  accompagné  de  quelque  erreur  qui 
le  produit  ou  le  fermente.  Non  seulement  il  y 
avait  oppression,  dégradation  d'une  grande 
partie  de  l'humanité,  mais  il  y  avait,  déplus,  une 
erreur  accréditée  qui  tendait  à  humilier  chaque 
jour  davantage  cette  portion  de  l'humanité.  Selon 
cette  opinion,  les  e-cbre?  iormaient  une  race 
vile  qui  était  loin  d'approcher  de  la  race  des 
hommrs  libres:  c'était  une  race  dégradée  par 
Jupiter  lui-même,  marquée  par  la  nature  d'un 
sceau  humiliant,  et  destinée  d'avance  à  cet  état 
d'abjection  et  travilissement.  Doctrine  détes- 
table, sans  doute,  démentie  par  la  nature  hu- 
maine, par  l'histoire,  par  l'expérience,  mais  qui 
ne  laissait  pas  d'être  défendue  par  des  hommes 
distingués,  et  que  nous  entendons  proclamer 
pendant  des  siècles  à  la  honte  de  l'humanité  et 
de  la  raison,  jusqu'au  jour  ovi  le  christianisme 
vint  la  di-siper  et  se  chargea  de  revendiquer  les 
droits  de  l'homme  (I).  » 

Oui  c'e^t  le  christianisme  qui  a  reveniliquéet 
établi  les  véritables  droits  de  l'homme.  Tous  les 
écrivains  de  l'antiquité  païenne,  tous  les  philo- 
sophes, tous  les  hommes  d'Etat,  n'avaient  qu'une 
voix  pour  légitimer  et  maintenir  l'horrible 
institution  ilc'  l'esclavage.  C'est  le  christianisme 
quia  ébranlé  de  sa  main  puissante  cet  arbre 
immense  qui  couvrait  la  terre;  il  l'a  attaqué 
jusque  dans  ses  racines,  et  a  Qui  par  le  jeter  par 
terre. 


(A  suivre.) 


l'abbé  Desorges. 


Biographie 


DOM     GUÉRANGER 

ABBÉ  DE  SOLESMES. 

{Sidle.) 

«  Après  avoir  développé  en  di  tail  toutes  les 
parties  de  cette  5om."?!e.  nous  la  faisons  suivie 
de  plusieurs  traités  spéciaux  dans  lesquels 
nous  examinons  :  !•  les  règles  de  la  symbulique 
en  matière  de  liturgie;  2°  la  langue  et  le 
style  de  la  liturgie  ;  3°  le  droit  de  la  liturgie  ; 
4°  l'autorité  de  la  liturgie, comme  moyen  d'en- 
seignement dans  l'Eglise,  et  nous  terminons 
cette  dernière  subdivision  de  notre  sujet  par 
un  petit  travail  dans  lequel,  sous  le  titre  de 

1.  Balm,  IM.  c,  t6. 


Thenloqià  liturgicn ,  nous  avons  rangé,  par  ordre 
de  matières,  tout  ce  que  la  liturgie,  telle  que 
Rome  la  promulgue  aujourd'hui,  renferme  de 
secours  pour  l'éclaircissement  du  dogme  et  de 
la  morale  catholiques  (1).  » 

A  ce  plan  général  des  Institutions  liturgiques, 
plan  dont  l'exécution  eût  demandé  une  dou- 
zaine de  volumes  ,  dom  Guéranger  ajoutait 
l'annonce  de  tAnnée  liturgique,  «  travail  des- 
tiné, disait-il,  à  mettre  les  fidèles  en  état  de 
profiter  des  secours  immenses  qu'offre  à  la 
piété  chrétienne  la  compréhension  des  mystè- 
res de  la  liturgip,  dans  les  différentes  saisons 
de  l'année  ecclésiastique.  Cet  ouvrage  n'aura 
rien  de  commun  avec  les  diverses  Années  chré- 
tiennes qui  ont  été  publiées  jusqu'ici.  Il  sera 
destine,  à  ai<ler  les  fidèles  dans  l'assistance  aux 
offices  divins;  on  pourra  le  porter  à  l'église  et 
il  tiendra  lieu  de  tout  autre  livre  de  prière.  » 

«  Quant  aux  Institutions  liturgiques,  disait-il 
encore,  nous  espérons  les  faire  suivre  d'un  au- 
tre ouvrage  de  même  dimension  et  d'un  genre 
analogue,  qui  portera  le  titre  d'Institutions  ca- 
noniques. On  commence  pourtant  à  sentir,  de 
toutes  parts,  la  nécessité  de  cottn;âtre  et  d'étu- 
dier le  droit  ecclésiastique.  L'itiditference  dans 
laquelle  a  vécu  la  France,  depuis  quarante  ans, 
sur  la  discipline  générale  et  particulière  de 
l'Eglise,  est  un  fait  sans  exemple  dans  lesanna- 
les  du  christianisme.  Les  conséquences  de  cette 
longue  indifférence  se  sont  aggravées  par  le 
temps,  et  ne  peuvent  se  guérir  qu'en  recourant 
aux  véritables  sources  de  la  législation  ecclé- 
siastique, aux  graves  et  doctes  écrits  des  cano- 
Distes  irréprochables.  Nous  n'avons  plus  de 
Parlement  aujourd'hui  pour  fausser  les  notions 
du  droit,  pour  entraver  la  juridiction  ecclésiasti- 
que; plus  de  gallicanisme  pour  paralyser  l'ac- 
tion vivifiante  du  chef  de  l'Eglise  sur  tous  ses 
membres.  » 

En  parcourant  ce  programme,  on  voit  que 
l'auteur  n'a  (^ue  trenlt-cini]  ans,  et  bien  qu'il 
soit  à  la  tête  d'une  congrégation  laborieusn,  on 
se  demande  comment  il  aurait  pu  le  remplir. 
Au  surplus,  nous  n'entendons  émettre  ici,  ni 
une  critique,  ni  même  un  regret.  La  science 
demande  un  peu  plus  le  concours  du  temps  et 
la  vie  est  si  courte.  D'ailleurs,  poar  une  con- 
grégation, même  bénédictine,  l'essentiel  n'est 
pas  de  produire  beaucoup  et  vite  :  un  moine 
n'est  pas  un  homme  de  lettres  :  l'important  est 
d'observer  la  règle,  de  prier,  de  se  mortifier, 
d'obéir  :  les  œuvres  scientifiques  ou  littéraires 
viennent  par  surcroît  :  c'est  la  fleur  de  la  vie 
monastique,  j'allais  dire  sa  distraction  néces- 
saire et  utile,  mais  seulement  comme  surcroit 
de  dévouement. 

1.  Inatitutiona  liturgiqutê,  t.  I,  préface,  p.  XVI. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


4319 


L'auleur  termine  en  soumettant  d'c=prit  et 
de  cœur,  au  jugement  et  à  la  correction  du 
Siège  apostolique,  son  travail,  «  ce  que  nous  n'a- 
vons entrepris,  rlit-il.  que  dans  le  but  de  servir 
l'Eglise,  suiva;>tniis  faibles  moyens,  attendant 
le  succès  de  Celui-là  seul,  qui,  prêtre  et  vic- 
time, est,  à  la  fois,  le  moyen  et  le  terme  de 
toute  liturgie.  » 

Nous  entrons  maintenant  dans  le  corps  de 
l'oiiviage. 

Qu'est-ce  que  la  liturgie?  Nous  pouvons  la 
délinir  avec  Borgier  :  «Le  culte  rendu publique- 
m'ii;  M  la  divinité^  »  avec  Muiatori  :  ((  Lama- 
ni'Te  lie  rendre  le  culte  au  vrai  Di-ii,  parles 
rite*  extérieurs,  légitiiï»e=,  afin  de  témoigner 
i'Iionacur  ipii  lui  est  dû,  et  d'attirer  ses  bienfaits 
sui'  les  hommes;  »  avec  Gallicialli  :  «  Le  culte 
rendu  à  Dieu,  non  d'après  l'idée  de  chaque  pp.r- 
ticulier,  mais  d'après  un  mode  commun  et  une 
institution  légitim';  »  avrc  Zaïcaria  :  v  Tout 
culte  de  Uieu  ctaiili  par  l'autorité  de  l'Eglise  ;» 
ou  enfin  d'une  manière  plus  détaillée,  mais 
dans  le  même  esprit  que  ces  illustres  liturgistes, 
avec  l'auteur  des  Instilulmn  :  «  L'ensemble  des 
symboles,  des  chants  et  des  actes  au  moyen  des- 
quels l'Eglise  exprime  et  manifeste  sa  religion 
envers  Dieu.  » 

11  y  a  au  ciel  une  liturgie.  Les  ministres  qui 
l'exécutent  sont  Jésus-Chiist ,  la  Vierge,  les 
Anges  et  les  Saints.  De  même,  il  y  a,  dans  l'E- 
glise,société  de  Uieu  avecles  hommes  voyageurs 
ici-bas,  une  participation  à  la  liturgie  céleste, 
pour  nous  préparer  à  l'acte  éternel  de  l'adora- 
tion béatifique. 

Au  commencement.  Dieu  enseigne  la  liturgie 
aux  hommes;  ceux-ci  l'observent  suivant  les 
prescriptions.  Le  sacrifice,  œuvre  principale  du 
culte,  est  universel  et  uniforme,  quant  à  la 
matière,  à  la  forme  et  au  ministre.  Enos  intro- 
duit de  nouveaux  rites.  Les  patriarches,  pour 
leurs  sacrifices,  consacrent  des  lieux  et  des  au- 
tels. Jusqu'au  déluge,  il  y  a  des  bons  et  «les  mé- 
chants, mais  il  n'y  a  pas  deux  sociétés  ;  il  n'y  a 
que  la  cité  de  Dieu, 

Après  le  déluge,  distinction  des  deux  cités. 
Dans  la  famille  d'Abraham,  puis  dans  le  peuple 
de  Dieu,  nous  rencontrons  des  lois  écrites. 
Nous  y  distinguons  :  1"  une  église  mieux  dé- 
terminée, des  grands  prêtres,  un  sacerdoce,  des 
lévites  ;  2°  un  culte  complet,  sacrifices,  fêles, 
cciémonies,  observancos  légales,  hymnes,  tem- 
ple avec  son  mobilier  liturgique.  Dans  la  cité 
du  démon,  nous  trouvons  pareillement  des  mi- 
nistres hiérarchiques,  lamas,  hramines,  iéréis, 
sacerdotes  ;  un  culte  identique  dans  ses  parties 
essentielles  ;  des  sacrifices  d'animaux  et  d'hom- 
mes ;  des  hommages  rendus  à  d'in< ligues  divi- 
nités ;  des  mystères;  des  cérémonies  publiques. 
Dans  la  plénitude  des  temps,  iacarnatioa  du 


Verbe.  Avant  .le  retourner  à  son  Pèr.>,  Jésus- 
Christ  institua  une  E.;lise  fondée  sur  Pierre  de 
Bethsaïde  ,  un  sacrifice  perpétuel  de  son  corps 
et  de  son  sang,  sept  sacrements,  vrais  canaux 
de  sa  grâce,  des  sacramenlaux  pour  communi- 
quer la  plénitude  surabondante  de  ses  mérites, 
des  prières  publiques  et  des  cérémonies.  Les 
a|iôtres  dispensateurs  des  mystères  de  Dieu, 
conservent  ces  rites  primilif-*,  les  développent  et 
composent  les  premières  liturgies  chrétiennes. 

Pendant  les  persécutions,  les  symbules  litur- 
giqups  continuent  à  se  développer.  Une  lettre 
fie  Pline,  les  constitutions  apostoliques  et  saint 
Cyprien  attestent  l'existence  des  heures  cano- 
niales. Au  premier  établissement  de  la  messe, 
on  ajùule  la  lecture  de  l'Ancien  Testament, 
l'homélie,  l'oblation  avec  encens  et  l'assistance 
des  diacres.  Les  sacrements  sont  siunalés  par 
l'initiation  des  catécbumèues,  la  solennité  du 
baptême  pascal,  la  communion  sous  les  deux 
espèces,  la  confession  auriculaire  et  la  péni- 
tence publique.  On  ajoute  d^  nouvelles  fêtes. 
Lespapes  |iromuI,:,'uenl  divers  rendements;  saint 
Victor  not  imment  fixe  le  jour  de  Piques. 

Au  sortir  des  catacombes,  le  christianisme  se 
signale  par  l'érection  des  basiliques;  les  céré- 
monies de  la  dédicace  sont  réglées  par  saint 
Sylvestre;  les  détails  graphiques  et  le  symbo- 
lisme architectural  se  trouvent  dans  Eusèbe. 
Grâce  à  saint  Jérôme  et  à  saint  Jean  Chrysos- 
tome,  le  bréviaire  s'augmente  de  leçons  et  de 
répons  ;  les  antiennes  sont  usitées  d'abord  dans 
la  seule  église  de  Milan  ;  le  cliant  dos  psaumes 
en  iliœur  est  impurlé d'Orient;  le  Glorir.  Pali-i 
est  dirigé  contre  l'arianisme.  Le  Missel  rei^oit 
quelques  additions;  les  sacrements  s'adminis- 
trent d'après  les  mêmes  rites;  les  disciplines 
du  cutéchuménat  et  de  la  pénitence  publique 
s'observent  toujours. 

Lorsque  l'Empire  romain  se  partage,  nons 
voyons,  en  Orient,  s'ajouter  à  la  liturgie  de 
saint  Jacques,  de  saint  l'ierre  et  de  saint  Marc, 
les  liturgies  de  saint  Basile  et  de  saint  Jean 
Chrysostome.  Plus  tard,  s'introduisent  les  litur- 
gies' hérétiques  des  jacobiles  ou  Cophles,  des 
Ethiopiens,  desArméovens  et  des  nestoriens.  A 
rcDcuiitii;.  se  dressent  fcs  liturgies  orthodoxes 
des  Armi''nieus,  des  Syriens  et  des  Maronites. 

En  Occident,  nous  rencontrons  également 
les  liturgies  particulières  de  Milan,  de  l'Espa- 
gne, «les  (îaules.  de  la  Bretagne,  de  l'Alriiiueel 
des  ordres  religieux,  liturgies  orthodoxes,  di- 
sons-nous, revêtues  de  l'approbation  du  Sainl- 
Sié;;e. 

Quant  à  la  liturgie  romaine,  dès  l'origine,  elle 
tendait  à  l'unilé  ;  mais  elle  trouvait  des  obsta- 
cles dans  l'esprit  des  peuples  et  dans  les  diffi- 
cultés de  la  prédication.  Après  les  hérésies d'A- 
rius  et  d'Eutychès,  on  comprit  mieux  la  nécessité 


1320 


LA  SEMAINE  DL  CLERGÉ 


de  venir  à  des  forti.ules  iilenliques,  pour  mieux 
assurer  la  validité  <les  sacrements,  l'inlc^riLé 
des  sacrilices,  l'unilé  très-désirable  du  j<ouver- 
nement  e  clésiaaiique  e(  la  partie  de  la  tradi- 
tion, dont  la  liturgie  est  l'un  des  principaux 
instruments.  Ainsi  quand  flome  envoie  Aes  mis- 
si»)inaires,  elle  leur  remet  ses  livres  liluri,^i- 
ques,  sans  laisser  ouverture  au  particularisme. 
Les  papes  s:iiul  Sévère,  saint  Céleslin,  saint  In- 
nocent I"  émptient  des  vœux  et  portent  des 
décrets  dans  le  même  sens,  décrets  auxqueJ'^  ré- 
pondent, dans  les  cinquième  et  sixième  siècles, 
les  canons  de  Milève,  de  Vannes,  d'Agde  et  de 
Girone. 

Voilà  les  tendances ,  voici  les  conquêles. 
Etienne  II  supprime  la  liturgie  ç:allicane; 
Charleuia^^ne  étend  la  liturgie  i-omaue  dans 
son  empire.  La  liturgie  mnzarahe  tombe 
sous  un  décret  du  pape  saint  Grégoire  Vil,  et 
ne  trouve  ;diri,  yrâce  à  Ximenès,  que  dans  quel- 
ques chapelles  de  Tolède.  Cependant  i  s  p'Ui- 
tifes  romains,  saint  Céleslin,  saint  Léon,  saint 
Gélase  travaillent  à  perfectionner  le  sarreinen- 
taire  et  l'iintiplionairc,  établissent  les  slations 
etune  école  de  cbantni.  Le  bréviaire  rom^iin 
est  porté,  |iar  les  franciscains,  jusqu'à  Jérusa- 
Iran.  L'admirable  office  du  Saint-Sacrement  en- 
tre dans  le  corps  du  droit  liturgique.  11  se 
produit  toutefois  quelques  abus,  des  bréviùres 
abrégés  par  itidiscréUon,  des  saints  ajoutés 
saas  discernement,  des  usages  locaux,  des 
mystères,  des  fêtes  de  l'âne,  des  fous,  de  la 
mère  aux  sabots.  C'est  l'époque  de  la  correc- 
tion des  hymnes  par  Ferrèri ,  du  brévi.iire 
court  et  commodedu  cardinal  (J'uignonez  jus liiié 
jiar  la  distinction  de  roJLice  particulier  el  de 
l'ofûce  du  chœur,  du  c^urt  bré\iaire  de  Sainte- 
Croix,  rejeté  par  saint  François-Xavier.  Mais 
voici  le  concile  de  Tiente  et  ses  vœux  décisifs  ; 
à  l'époque  déformation,  succède  l'ère  de  l'unité. 
Saint  Pie  V  publie  le  bréviaire  et  le  missel 
qu'adoptent  les  conciles  provinciaux  de  France; 
Grégoiie  XIII  donne  le  Calendrier  et  le  Mai-- 
tyrolitge;  Clément  VIU,  le  Contitical  et  le  Céré- 
naoDJal  des  évè(jues  ;  faut.  '*',,  le  Rituel  ;  et,  pour 
couronner  l'œuvre,  Uibain  VIII  corrige  tous 
ces  livres,  auxquels,  aprè*  les  ti-avaux  infruc- 
tueux de  Guidellietde  Palestrina,  Uajunlc  les 
livres  de  chant.  La  liturgu;  romaine  est  déliui- 
tive;  en  droit  comme  eiiXailt  iic  i-.ir''  ^"n 
près  sans  exception,  l'uni. ta»  orthodoxe. 

(A  Si'ivre.)  Justin  Fèvre, 

protaoQUiipe  ajJOûtoliqae 

REVUt  DES    LEHRES 

l.AciDÉMiE  PBASÇMSE  :  Récojition  de  MM.  V.'-''l'i-i-<, 
Caj'o  et  Alox/iuijre  /)umas  Itls.  Les  prmcipes  flrama- 
tiques  (le  coilernier  et  In  morale  au  tliéàtre.  Kleciion 
d«  &!.  JuliQ  liBiDoiuiie.  ëoq  esprit  voUairiea.  i.  Lit- 


rÉKxTuriE  PROFANE  :  L'érudilioQ  rie  M,  Victor  Huon- 
3.  Histoihe  :  L^  science  allenianile.  Le  Regetta  i>onti- 
pcum  romanorum.  Fciicité  'l'un  savant  allemaniJ  inter- 
rompue^ D.vi.l  et  Gol.ath,  ou  un  abbé  romain  et  le 
/ie^^i/a-Pùtthast.  Sauvons  la  caisse  !  Priissi-ns  et 
JiL]rer,-|ien-ieurs.  Les  chréi'ens  ac-usés  d'avoir  détruit 
la  Uitiiioitièriue  d'AlexanJiie.  Un  chirurgien,  proles- 
seur  d'histoire.  Bonne  loi  de  M,  Lefort  et  du  Temps. 

Nos  revues  des  lettres  et  des  sciences,  vien- 
nent de  subir  une  interruption  beducoup  plus 
longue  que  nous  n'aurions  voulu  ;  nous  espérons 
pouvoir  les  donner  à  l'avenir  d'une  manière  plus 
suivie. 

1.  Les  trois  académiciens  dont  nous  avons  an- 
nonce  l'élection  ont  été  reçus  depuis  avec  la 
pompe  accoutumée:  M.  Mézières,  le  17  décem- 
brel87'i,.M.  Caro,  lo-H  mars  1873,  et  .M. Alexan- 
dre Dumasfils,  la  1\  février  suivant.  C'est  M.  Ca- 
mille Rou-set  qui  a  répondu  aux  deux  premiers 
et  M.  d'Haiissonville  au  troisième. 

Les  discours  de  M.M.  .Mézières  et  Caro  n'ont 
rien  offert  de  particulièrement  intéressant.  Nous 
croyons  qu'il  suffira  de  dire  que  .M.  Mézières 
s'est  plus  spécialement  occupé  de  littérature,  et 
i\I.  Caro  de  philosophie.  Leséloges  qu'ils  avaient 
à  faire  le  voulaient  ainsi  ;  on  se  rappelle  que 
M,  Mézières  succède  a  M.  Saint-Marc  Girardin, 
et  M.  Caro  à  M.  Vitet.  En  répondant  a  M.  Mé- 
zières, M.  Rousset  a  justement  taxé  le  dix-hui- 
tième siècle  d'avoir  été  un  siècle  de  décadence 
générale.  En  répondant  à  M.  Caro,  il  a  plusieurs 
fois  égayé  l'auditoire  aux  dépens  des  divers  sys- 
tèmes d'athéisme  el  fait  couvrir  d'applaudisse- 
ments des  paroles  franchement  chrétiennes. 

Mais  il  nous  faut  nous  arrêter  un  peu  au  dis- 
cours de  M.  Dumas.  On  se  rappelle  aussi  que 
M.  Dumas  succède  à  M.  Lebrun.  U  devait  donc 
parler  théâtre,  et  il  n'y  a  pas  manqué.  Avec  son 
audace  ordinaire,  il  a  même  profité  de  la  cir- 
constance pour  faire  l'apologie  de  son  propre 
théâtre,  foit  malmené,  rencontre  singulière, 
par  son  prédécesseur,  dans  un  discours  acadé- 
mit[ue  prononcé  en  1838  en  réponse  au  discours 
de  réception  de  M.  Emile  Augier. 

M.  Lebrun  avaitdit,  entre  autres  choses:  o  De- 
puis un  certain  nombre  d'années,  il  s'est  ré- 
pandu sur  les  théâtres,  en  laveur  de  certaines 
personnes  bannies  du  monde,  un  goût  de  réha- 
bihtution  que  je  puis  aussi  peu  comprenilre  que 
partager,  La  mode  est  vrnue  partout  d'ollrir  à 
l'intérêt  public  des  femmes  tombées  et  souillées 
,'uela  passion  é  ure  et  relève.  La  passion  autre- 
»'jis  était  humilie»  et  repentante,  elle  esttiujour- 
"hui  nlorilièe  dans  ses  plus  vifs  excès.  Elle  ten- 
(  lit  à  se  faire  excuser;  elle  porte  le  front  liaut,. 
C-  iî  défie,  elle  est  insolente  :  c'est  à  l'honnêteté 
?  baisser  les  yeux .  Ou  place  ces  femnies  sur  le 
•'iédestal,  et  l'on  dit  a  nos  femmes  el  à  nos 
,_lles  :  Heganlc^,  eilessonl  meilleures  que  vous.» 

ÏL.  Duuius  s'est  souvenu  de  cette  protestation 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


J321 


trop  juslifif'e,  et  il  a  entrepris  (ie  prouver  qu'elle 
De  l'était  nullement;  ce  qui  montre  une  fois  de 
plus  le  goût  de  M.  Dumas  pour  les  paradoxes. 
S'il  croit  avoir  réussi  dans  sou  entreprise,  il  se 
trompe  ;  pour  nous,  il  n'a  fait  qu'aggraver  ses 
torts,  en  formulant  des  principes  absolument 
destructifs  de  la  morale,  sans  nous  occuper  d'au- 
tre chose. 

Selon  M.  Dumas,  «  i'art  dramatique  n'a  pas  d« 
limites.»  L'écrivain  peut  traiter  tel  sujet  qu'il 
lui  plaît  et  de  la  manière  qu'il  lui  plaît,  il  eu  a 
le  droit.  11  a  toutefois  un  juge  ;  mais  ce  juge  n'est 
ni  l'Evangile  ni  la  conscience,  c'est  le  public. 
«  Nous  empiéterons  toujours,  dit-il,  sur  les  pou- 
voirs coustilué;^,  ne  reconnaissani  Jautres 
limites  que  la  résistance  du  public.  Tant  qu'il 
nous  laissera  aller,  nous  ferons  chez  nous.  » 

Peut-on  faire  meilleur  marche  de  la  morale? 
Le  public,  en  général,  et  le  public  des  théâtres  en 
particulier  ne  suivra-t-il  pas  l'auteur  jusqu'où 
il  plaira  à  celui-ci  de  le  mener,  à  la  seule  condi- 
tion de  rendre  le  vice  intére.ssant?  M.  Dumas 
n'en  a-t-il  pas  fait  l'expérience?  Kt  bien  loin  que 
le  public  Tait  jamais  arrêté,  ne  l'a-t-il  jias,  au 
contraire,  toujours  invité  à  aller  plus  loin? 

Cependant  M.  Dumas  et  ses  confrères  du 
théâtre  ont  l'habitude  d'aller  si  loin,  qu'il 
n'hésite  pas  à  faire  cette  solennelle  déclaration  : 
1  C'est  un  homme  de  théâtre  qui  vous  parle,  il 
ne  faut  jamais  nous  amener  les  jeunes  filles.  » 
Pourquoi?  Parce  que  les  jeunes  filles  que  uous 
mettons  en  scène,  les  Agnès,  les  Rosine,  les 
Juliette,  les  Desdémone,  seraient  pour  elles  des 
levons  de  dépravation.  Eh  bien,  que  venez-vous 
nous  dire,  que  le  public  est  votre  juge  souve- 
rain, quand  vous  vous  croyez  obligé  de  donner 
à  ce  juge  une  régie  contre  son  propre  eulruiue- 
ment  à  vous  suivie? 

Venant  à  l'applicalion  de  son  principe, 
M.  Dumas  dit  que  «  si  le  poète  dramatique  a  eu, 
ne  fût-ce  qu'une  fois  dans  sa  vie,  la  preuve  qu'uu 
sentimeut  pur  et  vrai  peut  subsister  dans  une 
créature  momentanément  avilie,  peut-être  plue 
par  la  faute  des  autres  que  par  sa  propre  faute, 
c'est  son  droit,  c'est  sou  devoir  de  le  dire,  a 
Puis  il  ajoute  :  a  Cette  créature  est  l'exception, 
m'objecterez-vous.  Hé!  Messieurs,  le  théâtre  ne 
vit  que  d'exceptions.  »  11  y  aurait  bien  des 
obsei'vations  à  faire  sur  ces  quelques  lignes.  N'y 
voyons  que  le  sens  géné^'al. 

Si  le  théâtre  ne  vit  que  d'exceptions,  et  si,  en 
conséquence  de  cela,  le  poète  dramatique  a  le 
droit  et  le  devoir  de  nous  montrer  l'éclair  de 
bien  qu'il  a  pu  voir  dans  une  créature  avilie, 
c'est  sans  doute  aussi  son  droit  et  son  devtûr  de 
nous  montrer  l'éclair  de  mal  qu'il  a  pu  remar- 
quer dans  une  honnête  et  pure  créature.  Fort 
bien.  Mais  le  public,  qui  juge  par  ce  qu'on  lui 
(ait  voir,  applaudit  le  misérable  iKjur  une  seule 


bonne  ac'.ion.  et  concpue  l'honnête  homme 
pour  une  seule  faiblesse.  Et  comme  tous  les 
jours  on  lui  préseute  le  même  double  speclacle, 
on  conviendra  qu'à  la  fin  ses  iilées  doivent  se 
trouver  sensiblement  brouillées. 

M'allons  pas  plus  loin  pour  le  crier  hautement  : 
Tout  cela  peut  être  fort  productif  pour  le  poète 
dramatique,  mais  tout  cela  est  abominablement 
faux  au  point  de  vue  de  l'ait  et  immoral  devant 
la  conscience.  Non,  qu'on  ne  nous  donne  pas  à 
admirer  des  hauiiits  et  des  prostituées  et  à  mau- 
dire des  cœurs  habituellement  droits  et  dévoués. 
Si  vous  transportez  le  vice  sur  la  scène,  que  ce 
soit  pour  le  taire  détester  ^rrément,  et  non  pour 
l'excuser,  ou  seulement  apitoyer  le  spectateur 
par  ce  qu'il  peut  avoir  encore  d'intéressant. 

On  allègue  qu'au  dernier  moment  le  crime 
est  toujours  puni  et  la  vertu  récompensée.  San» 
doute  ;  mais  le  spectateur  n'en  a  pas  moins  vécu 
pendant  tou'.e  une  soirée  dans  une  atmosphère 
fétide,  et  il  est  certain  que  la  dernière  impres- 
sion n'eSacera  pas  toutes  les  autres. 

M.  d'flausson ville  a  répondu  très-finement  à 
M.  Dumas,  et  repris  bien  des  choses  dans  ce 
qu'il  venait  de  dire  et  dans  tout  son  théâtre. 
Mais  cela  nous  eutraiueraLt  trop  loin  d'entrer 
dans  le  détail. 

Si  nous  avons  regretté  l'élection  de  M.  Du- 
mas, nous  croyons  qu'il  faut  regretter  Iden 
davantage  celle  de  M.  Johu  Lemoinne.  qui  a 
eu  lieu  le  mois  dernier,  en  remplacement  de 
M.  Jules  Janiu.  Nous  connaissons  peu  les  titres 
de  M.  Li'inoinne  à  l'Académie  frawaise.  Nous 
savons  seulement  qu'il  est,  comme  était  son 
prédécesseur,  rédacteur  du  Journal  des  Dcbais. 
Et,  quant  à  l'esprit,  nous  savons  de  plus  que 
c'est  au  par&ùt  voitairieu.  Ou  en  jugera  sufii- 
sammeut  p&.i  '.'JB  ligues  suivantes,  parues  ces 
jours  derniers  sous  si»  signature  daos  le  Journal 
des  Débats,  mais  qui  feraient  très-bonne  figure 
dans  le  lla^pel  : 

«  Les  fanatiques  insensés  qui  rêvent  encore 
une  nouvelle  croisade  et  une  nouvelle  expéili- 
tion  de  Rome  sont,  dans  les  conditions  actuelles, 
de  véritables  conspirateurs  contre  la  sécurité  et 
l'intégrilé  de  la  Frauce.  Qu'ils  fassent  tant  qu'il» 
voudiont  des  pèlerinages,  qu'ils  inventent  et 
débitent  des  eaux  curatives,  qu'ils  tassent  appa- 
raître des  femmes  en  blanc  et  qu'ils  aillent  inai. 
gurer  sur  les  buttes  Montmartre  des  religions 
absoluniieut  étrangères  au  elirisliauisme,  cela 
importe  peu  tant  qu'ils  n'associent  pas  à  leurs 
idolâtries  la  politique  extérieure  du  pays.  Mais, 
quand  ils  mêlent  clans  leurs  cantiques  Rome,  la 
France  et  k  Sajcré-Cœur,  nous  trouvons  que  la 
France  a  bien  assez  à  iaire  avec  le  soin  de  son 
pj  opre  salut,  et  q,ue  celui  de  Rome  ne  la  regarde 
pas.  » 

C'est  proprement  écrit  tant  que  l'on  voudxa  ; 


U2 


LA  SEMAINE  DU  CLEllGÉ 


mais  c'est  impie,  méoliant,  calomniateur.  Et 
l'Académie  ne  devrait  jamais  accueillir  dans 
ion  sein  des  hommes  au  front  desquels  on 
peut  coller  ces  adjectifs.  Elle  y  gagnerait  en 
considération.  Elle  veut  faire  preuve  de  tolé- 
rance et  de  libéralisme  ;  elle  ne  fait  preuve  que 
de  mauvais  goût.  11  y  a  de  ses  membres  qui 
vont  en  pèlerinage  prier  pour  la  reslanralion 
du  Saint-Père,  comme  font  les  calholiqnes  du 
monde  entier,  qui  croient  aux  miracles  de  la 
Salette  et  de  Lourdes  et  adorent  le  Sacré-Cœur. 
M.  John  Lemoinne  est  allé  solliciter  leur  voix 
et  ils  la  lui  ont  don.iée  ;  et  pour  les  remercier, 
il  les  traite  aujourd'hui  de  «  fauatiques  in- 
sensés. »  La  place  du  malappris  était  certaine- 
ment à  la  porte. 

2.  C'est  encore  d'un  académicien  que  nous  vou- 
lons dire  un  mot, d'un  vieux, celui-là,  de  M.  Vic- 
tor Hugo.  L'homme  immense  a  des  prétentions 
inouïes  à  l'érudition.  A  l'en  croire,  toutes  ses 
pièces  de  théâtre  et  tous  ses  romans  lui  ont 
coûté  de  vastes  recherches,  pour  les  baser  sur 
l'histoire  jusque  dans  leurs  plus  petils  détais. 
Pure  réclame.  Le  fatras  de  science  qui  s'étale 
dans  ses  anciens  ouvrages  a  déjà  été  examiné 
d'un  peu  près  par  de  vrais  savants,  et  trouvé  du 
plus  mauvais  aloi.  En  ce  qui  concerne  son  der- 
nier roman,  intitulé  :  Quatre-vingt-treize,  où  il  a 
cherché  à  réhabiliter  les  monstres  de  la  Ter- 
reur, la  Revue  critique  (n"  du  4  avril  1874)  a 
prouvé,  mathématiquement  prouvé,  que  le  pré- 
tendu patois  breton,  que  l'auteur  place  sur  les 
lèvres  de  ses  héros,  a  été  servilement  emprunté 
par  lui  à  un  Glossaire  du  pnlois  guernesiais,  qu'il 
n'a  même  pas  cité.  Un  dialecte  normand  parlé 
en  Bretagne  !  c'est  joli.  «  Le  poète,  dit  l'auteur 
de  l'article,  fait  de  la  couleur  locale  bretonne 
avec  des  mots  guerncsiais.  Il  fait  montre  de 
science,  et  d'une  science  en  apparence  très- 
scrupuleuse,  avec  des  renseignements  pris  au 
hasard  dans  un  livre  qu'il  ne  se  donue  pas  tou- 
jours la  peine  de  comprendre.  »  Ce  coup  d'é- 
pingle dans  le  colosse  de  Viinité  est  de  nature  à 
le  dégonfler  assez  radicalement.  Mais  laissons- 
la  le  pauvre  ex-grand  poète  des  Odes  el  Ballades 
et  des  Feuilles  d'automne,  et  passons  à  quelque 
chose  de  plus  intéres^ant  pour  nous  maintenant. 

3.  Nous  n'apjirendrons  rien  à  nos  lecteurs  en 
leur  disant  que  les  Allemands  n'ont  pas  moins 
de  prétentions  à  la  science  que  notre  immense 
compatriote.  Sont-elles  mieux  fondîmes?  On  le 
dit  assez  g  uéralement.  Pour  notre  compte, 
nous  croyons  que  leur  réputation  est  grande- 
ment surfaite,  et  qu'ils  s'annexent  la  renommée 

î  avec  aussi  peu  de  scrupule  et  de  justice  ([u'uu 
territoire  quelconque.  Les  motifs  de  notre  ré- 
serve abondent,  et  cette  revue  des  lettres  nous 
fournit  l'occusiua  d'eu  exposer  uu  qui  est  de 
taille. 


On  connaît,  an  moins  de  nom,  \e  Regesia  Pon- 
tipcum  Romanorum.  C'est  la  collection  des  lettres 
des  Papes,  depuis  saint  Pierre  jusqu'à  Inno- 
cent III.  Elle  parut  en  1851 ,  et  fit  dans  le  monde 
savant  une  sensation  profon^le.  L'auteur,  qui 
se  nomme  Philippe  Jafle,  ne  l'acheva  pourtant 
pas,  on  ne  sait  pour  quelle  raison,  et  tourna 
ses  recherches  d'un  autre  côté.  L'Académie  de 
Berlin  eut  alors  la  louable  idée  d'en  projyoser 
la  continuation  comme  sujet  de  prix.  Et  ce  fut 
M.  Auguste  Potthast,  conservateur  à  la  Biblio- 
thèque royale  de  Berlin,  qui  se  chargea  de  con- 
duire le  recueil  des  lettres  pontificales  de  1198, 
date  où  s'était  arrêté  Jafifé.jusqu'à  l'année  1304. 
Son  travail,  présenté  à  l'Académie,  eut  les  hon- 
neurs d'un  double  prix,  auquel  furent  joints 
des  subsides  abondants  pour  l'impression. 

Tout  allait  pour  le  mieux  pour  notre  Alle- 
mand ;  il  avait  palpé  les  thalers,  et  la  Renommée 
commençait  à  tiompetter  aux  quatre  vents  du 
ciel  le  nom  d'Auguste  Potthast.  Mais  voilà  tout 
à  coup  qu'un  simple  abbé  romain,  —  ce  n'est 
pas  un  jésuite,  —  s'en  vient  jeter  dans  le  pavil- 
lon de  la  trompette  de  la  Renommée  une  petite 
brochure  (1)  qui  en  fausse  aussitôt  le  sou.  Cette 
brochure  disait  et  prouvait  que  le  Regesta-Pot- 
thasl  n'était  qu'une  œuvre  informe,  inexacte  et 
incomplète.  Elle  disait  et  prouvait  que  l'érmlit 
berlinois  avait  quelquefois  pris  uu  passage  dé- 
taché pour  une  pièce  entière;  qu'il  s'était 
trompé  sur  la  date  des  lettres  et  le  lieu  d'où 
elles  ont  été  écrites  ;  qu'il  n'avait  même  pas  su 
corriger  les  fautes  manifestes  qui  se  trouvent 
dans  les  pièces  déjà  éditées  ;  qu'il  n'avait  pas  su 
trouver  toutes  ces  pièces  ;  eufiii,  qu'il  y  eu 
a  plus  de  quatre  cents  inédites  qui  manquent 
totalement  à  sa  collection. 

La  réponse  du  llerr  Doctor  Profefsor,  qui 
parut  dans  un  journal  de  Berlin,  fut  telle  qu'on 
devait  s'y  attendre.  11  commença  par  une  sortie 
furibonde  contre  le  Vatican,  centre  et  protec- 
teur de  l'obscurantisme  ;  puis  vint  une  bordée 
d'invectives  à  l'adresse  de  M.  Prcssuti,  qui  avait 
osé  contester  l'infiillibililé  de  la  science  alle- 
mande. Cependant,  h()mn>«  pratique  avant  tout, 
il  opéra  une  adroite  retraite  mi  vue  de  sauver 
la  caisse  :  il  annonça  à  les  souscripteurs  qu'il 
allait  préparer  un  sn^plév^ent  où  seraient  ré- 
parées les  erreurs  si^Aalèes  par  l'abbé  romain 
et  insérées  les  pièces  omises. 

D'un  Prussien  à  un  libre-penseur  français, 
la  différence  n'est  pas  t'rande,ctron  peut  passer 
de  l'un  à  l'autre  sans  aucune  sorte  de  transition. 
Bans  le  cas  dont  nous  voulons  parler,  l'avantage 
est  même  au  Prussien,  nous  le  constatons  sans 
tristesse.  11  est  vrai  qu'ici  il  n'y  avait  pas  de 

1.  Begetti  dei  Romani  pontefici  à'aU'anno  119Q  all'anm 
1304.  Oburvationi  (lorico-cri(ic/i«.  Romu,  IS71. 


L\  SEMAINE  DU  CLERGE 


1323 


misse  à  sauver,  mais  seulement  l'honneur  de  la 
bonne  foi  ;  et  nous  ne  jurons  pas  que,  pour  si 
peu,  le  Prussien  aurait  opéré  la  susdite  retraite. 
Ainsi,  tout  bieu  considéré,  nous  ré|iéton<  que, 
d'un  Prussien  à  un  libre-penseur  français,  la 
différenre  n'est  pas  grande. 

M.  licfort  ne  s'esl  pas  replié  du  tout,  ni  bien 
ni  mal  ;  il  ne  s'est  pas  avoué  vaincu;  il  n'a  pas 
rendu  hommaue  à  la  vérité,  même  en  blasphé- 
mant, comme  <ûnt  les  démons  dans  l'enfer, 
même  en  injuriant,  comme  a  fait  le  Prussien.  11 
a  lancé  sa  calomnie  contre  l'Eglise,  puis  s'est 
évanoui,  et  personne  n'en  a  oncques  entendu 
parler  depuis.  Il  sait  qu'il  a  dit  une  fausseté, 
mais  ses  lecteurs  et  auditeurs  continueront  à 
croire  qu'il  a  dit  vrai.  Ajoutons  que  les  jour- 
naux qui  lui  ont  servi  de  porte-voix,  le  Temps 
en  particulier,  n'ont  pas  cru  devoir  séparer  leur 
cause  de  la  sienne.  Voilà  les  amis  de  la  vérité, 
voilà  les  apôtres  du  progrès. 

M.  Let'ort  esl  professeur  à  l'Ecole  de  médecine 
de  Paris.  Uans  un  ouvrage  sur  la  chirurgie  et 
dans  sou  coursa  l'Ecole,  voulant  démontrer,  ce 
qui  était  tout  à  fait  le  liei»  et  l'occasion,  que  les 
chrétiens  ont  toujours  été  les  ennemis  de  la 
lumière  et  de  la  science,  il  s'estavisé  de  rééditer 
une  vieille  calomnie  de  Gibbon,  lequel  a  accusé, 
soi-disant  sur  l'autorité  de  Paul  Orose.  les  chré- 
tiens d'avoir  détruit  la  fameuse  bibliothèque 
d'Alexandrie,  en  Egypte,  l'an  389  de  notre  ère. 
Ce  n'est  pas  de  cela  que  nous  le  reprenons,  il 
pouvait  être  alors  de  bonue  foi. 

Mais  voilà  que  l'Univers,  par  la  plume  d'un 
ingénieux  anonyme,  pose  à  M.  Lefort  quelques 
questions  naïves,  etcelui-ci  s'empresse  de  donner 
triomphalement  toutes  ses  preuves.  Le  Temps 
déclare  qu'il  n'y  a  rien  à  répondre.  L'anonyme 
de  V Univers  répond  cependant,  et  de  telle  sorte, 
que  la  science  historique  de  M.  Lefort  est  misé 
en  poudre.  Le  Temps,  invité  à  reproduire  cette 
réponse,  ayant  accepté  d'être  l'organe  de  l'at- 
taque, fit  la  sourde  oreille.  M.  Lefort,  invité  à 
donner  la  riposte,  n'en  fit  rien  non  plus.  Le  rôle 
de  ces  amis  de  la  science  était  rempli  :  le  meu- 
songe  avait  eu  tonte  la  publicité  possible. 

Le  rôle  du  champion  de  la  vérité  ne  l'était 
pas.  Après  avoir  rétorqué  les  dires  de  M.  Lefort 
par  une  argumentation  ad  hominem,  il  a,  dans 
une  dernière  lettre  à  \\' Univers,  fait  l'histoire 
vraie  de  la  Bibliothèque  alexandriue.  Encore 

Erovoqué  au  combat,  M.  Lefort  a  continué  de 
lire  le  sourd. 

^  Ce  tournoi,  si  piteux  pour  la  libre-pensée, 
«'achève  donc  à  l'honneur  de  l'Eglise.  Il  reste 
acquis,  non-seulement  que  les  chrétiens  n'ont 
pas  détruit  la  Bibliothèque  d'Alexandrie,  mais 
que  Paul  Orose  n'eu  dit  pas  un  mot. 

P.  o'Hadtebits. 


VARIÉTÉS 

NOTRE-DAME  DE  LOURDES 

|(£a.  Voir  le  numéro  4f.l 

Après  avilir  rendu  grâces  à  Marie,  elle  sort  de 
la  grotte,  les  yeux  levés  vers  le  ciel  avec  une  ex- 
pression indicible d'amouret de  reconnaissance. 
La  foule  se  précipite,  l'entoure,  l'interroge  :  c'est 
alors  que,  fendant  la  presse,  écartant  du  geste 
et  de  la  voix  plusieurs  centaines  de  personnes, 
M.  Dubois  s'écrie  :  «  Laissez  que  j'arrache  ma 
paralytique  des  mains  de  ces  insensés  I  »  La 
multitude  s'écarte,  Irma  se  présente  à  lui, 
douce  et  sourianti-.  Sa  pâleur  mortelle  a  fait 
place  aux  couleurs  vermeilles  de  la  santé, 
«Marchez,  »  lui  dit-il,  dans  son  étonnement. 
Les  pèlerins  laissent  une  voie  libre,  elle  marche, 
elle  court.  On  crie  :  Miracle  !  on  entonne  lé 
Te  Deum!  Les  pèlerins  qui  sont  sur  la  teirasse 
de  la  basilique,  répondent  et  forment  le  second 
chœur,  Irma  y  monte  et  reste,  une  heure  en- 
tière, prosternée  sur  les  dalles  du  "sanctuaire, 
pour  remercier  la  Vierge  Immaculé'-. 

Le  lendemain,  pendant  que  des  voix  mélo- 
dieuses redisaient  les  louanges  de  Marie,  Irma 
était  de  nouveau  prosternée  sur  le  pavé  du 
temple  et  comme  abîmée  dans  son  amour  re» 
connaissant.  Mgr  Seivet  invita,  dans  une  élo- 
quente exhortation  que  nous  entendîmes,  ses 
diocésains  à  remercier  la  Mère  de  Dieu  de  l'in- 
signe faveur  obtenue.  Durant  le  jour  et  demi 
que  Mlle  Dubois  passa  à  Lourdes  après  sa  gué- 
rison,  elle  mangea  abondamment  toute  espèce 
d'aliments,  elle  qui  ne  pouvait  plus  rien  digérer 
auparavant,  et  dont  l'estomac  rejetait  tout.  On 
la  voyait  donner  d'une  main  ferme  des  cen- 
taines de  signatures.  Une  fois  même,  trop 
pressée  par  la  foule,  elle  s'échappa ,  en  gravis- 
sant au  pas  de  course  une  peule  abrupte,  au 
grand  étonnement  des  pèlerins. 

A  ces  détails,  tirés  de  la  Semaine  religieuse 
ei  Aw  Journal  de  la  Lozère,  qu'a  daigné  nous 
adresser  Mgr  Seivet,  avec  une  lettre  de  sa  main 
qui  confirme  le  miracle,  nous  joignons  une 
lettre  que  M.  Dubois,,  le  capitaine  retraité, 
écrivit  à  son  frère,  ancien  conseiller  à  la  Cour 
d'appel  de  Lyon,  résidant  à  Paris,  et  une  autre 
du  père  d'Irma,  ancien  chef  de  bataillon,  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur.  Ces  lettres  sont 
tirées  du  journal  VUniven  où  les  fit  insérer 
M.  Dubois. 

«Bagnères  (Hautes-Pyrénées),  ce  4  octobre  1873. 
0  Mon  cher  frère, 
«  Le  premier  de  ce  mois  a  été  un  jour  bien 
beau  pour  les  parents  de  notre  nièce  Irma.  Tu 
sais  qu'elle  était  paralysée  et  muette  depuis 
trente  mois  ;  or,  le  jour  précité,  après  la  com- 


1311 


LA  SEMAINE  DU  CLEHCE 


munioD  préalable ,  on  l'a  transportée  à.  la 
groUe,  où,  à  peine  au  hain,  elle  a  élé  guérie 
raili>^lt'ment,  presque  en  une  seconde.  Elle 
s'est  écriée  :  Je  suis  guérie  !  elle  s'est  levée, 
s'est  bail  liée  seule,  elle  est  allée  au  )  ied  de  la 
statue  de  la  Vit-rge  pour  y  rendre  grâces.  Là, 
elle  a  dé[iosé  sa  béquille,  à  la  vue  d'un  public 
immense,  composé  des  pèlerins  de  la  Lozère, 
de  ceux  de  Nantes,  des  pèlerins  de  Lille  et  de 
la  Belgique.  Tout  te  public  ^ulait  la  voir,  et 
iJ  me  fallut  attendre  plusieurs  heures  avant  de 
pouvoir  la  ramener  à  l'hôtel.  Pendant  le  trajet 
(trois  kilométies),  la  fnule  l'escortait  en  chan- 
tBDt  le  Te  Deurn,  le  Magnificat  et  divers  can- 
tiques 

«  Même  dans  notre  cbambre,  doik  n'étions 
pas  chez  nous  ;  il  fallait  que  nos  portes  restassent 
ouvertes  pour  laisser  entrer  le  monde  et  des 
personnes  de  liistinetion  ;  les  uns  demandaient 
la  permission  de  l'embrasser  ;  les  autres  vou- 
laient sa  signature  sur  des  estampes,  sur  des 
livres  de  prières,  sur  des  bréviaires  ;  quelques 
personnes  sont  tombées  à  ses  genoux  en  récla- 
mantsa  médiation. Cette  espèce  de  délire  a  duré 
deux  jours,  et  je  craignais  que  notre  Irma  n'y 
pût  résisU.T.  —  EnlLi ,  je  la  remis,  an  départ 
du  peleriiiajse,  entre  Ifs  mains  de  l'évoque  de 
la  Lozère.  Av,i  nt  son  d'^part,  elle  avait  déjà  fait 
avec  mwi  srx  kilomètres  à  pied. 

«La  réaction  miracaleuse  dunt  je  te  parle,  a 
élé.  je  te  le  répète,  immédiate.  Le  prodige  a 
été  des  plus  beaux  ;  et  quelque  incn>y»b:e  qn'il 
puisse  te  pitrailre,  alfirmé  par  moi,  et  fait  en 
mu  présence,  il  ne  le  laissera  nul  doute  -et  te 
comblera  de  joie.  J'en  ai  télégraphié  Ja  imravelle 
à  ses  [laPenls.  Tout  un  monde  p  été  lémoiu  de 
l'évi  nemcnt;  chacun  voulait  voir  ]&iainteet  la 
toucher. 

a  Tcm  frère, 
0  Louis  DuDOis.  » 

Grandrîem  (Lozère),  7  octobre 
JiloD  r.ber  ami , 

«  Je  raVmpresse  de  l'annoncer  que  notre  obère 
malade  Inna  a  voulu  se  rendi-e  en  pèlerinage  à 
Lourdes  pi/itr  itBplowr  la  protcetion  de  la 
sainte  Vierge.  Elle  était  encore  bien  fa?ble  et 
complètement  infirme,  et  ce  n'est  qu'à  regret 
ijue  j'ai  consenti  à  te  -voj-age,  mais  sa  foi  était 
tellement  vive,  elle  avait  nu  te"!  secret  pi-esst'n- 
timent  de  ^a  gucrison,  qne  j'ai  mi  devuir  cciler 
à  ses  désirs.  Elle  nous  revient  eomjrlélement 
guérie,  «t  cela.,  an'iès  use  sàauLe  lîie  alaliua 
dans  la  |  iscme. 

a  Voilà  des  laits  qui  parlent  assez  éloquera- 
ineut.  l'ouriail-ou  lus  mer  ?  Je  sais  bù'u  qu'd  y 
a  des  incrédules,  des  gous  de  mauvaise  foi  ; 
t^ue  Dieu  leur  pardonuc  1   :\'oli  c  Ji:crc  Looiià, 


qui  avait  bien  voulu,  sur  ma  prière,  aller  at- 
tendre Irma  et  sa  sœur  à  Lourdes,  a  dû  t'é  rire 
et  te  raconter  ce  qu'il  a  vu ,  de  ses  yeux  vu  ;  il 
ne  croyait  pas  aux  miracles,  mais  il  s'est  rendu 
à  la  vérité. 

«  Ton  frère  et  ami, 
«  Acliille  Dubois,  b 

Voici  la  lettre  que  nous  écrivit  notre  ami, 
M.  l'abbé  Deroux,  en  nous  communiquant  une 
lettre  autographe  que  lui  adressa  Irma  Dutois, 
et  que  BOUS  sommes  heureux  do  donner  ici 
après  la  sienne. 

a  Erny-Saint- Julien,  5  décembre  1813. 

«  Monsieur  et  cher  ami, 

a  J'arrivai  à  la  grotte  vers  sept  heures  du 
matin,  pour  être  ITieureux  témoin  des  prodiges 
qne  Marie  devait  y  opérer.  J'y  restai  jusqu'à 
midi,  occupé  à  faire  entrer  les  infirmes  dans 
les  piscines,  et  à  leur  ménager  un  passage  au 
milieu  de  la  foule.  Parmi  ces  infirmes  qui 
attendaient  leur  tour,  je  remarquai  une  jeune 
personne  qui  me  parut  un  ange  de  vertu  :  c'é- 
tait JI"'  Irma  Daliois.  Courage  !  lui  dis-je ,  en 
la  faisant  avancer,  Noire-Dame  de  Lourdes 
vous  guérira.  Elle  me  rép(jndit  par  un  sourire; 
vous  savez  qu'elle  ne  pouvait  plus  répondre 
autremenL  Jetant  alors  un  regard  vers  la  Vierge 
de  la  grolte,  je  lui  aili essai  une  prière  pour  la 
malade.  Quelle  ne  fut  point  ma  surprise  et  ma 
joie,  quand  je  vis  M"°  Dubois  instantanémeut,, 
co[!i.p!éteujciit  guérie  ! 

0  Le  Icnd'ciiiaiin,  2  octobre.  M'"  Irma  vint  me 
troin-crri  la  tiroite,  elle  était  accompagnée  de 
sa  sœur  Amélie,  et  d'une  autre  personne  ;  une 
d(nice  émollon  se  peignait  sur  sa  ligure.  La 
foule  nn^ssis-aLt  autour  de  nous;  elle  donoa, 
en  ma  présence,  sa  signature  à  plus  de  deux 
ccjjts  [clerinà.  M:us  il  était  impossible  de  con- 
tcjiWr  celte  fouJe  injoiense.  Sa  sœur  lui  de- 
lu.iiidu  piiiutjuoi  elle  pâlissait  :  Je  suis  encore 
à  jeùu.,  lépoiiJîl-ene,  et  vois  cette  multitude  I 
Pour  lui  évlé?ipper,  elle  gravit,  en  courant,  la 
pcn1e  d'ua  roch'T.  Une  dame  alla  aussitôt 
thcrcber  en  ville  toutic  espèce  de  provisions,  et 
nous  dejejinàine-  ii  la  grotte,  ayajit  pour  bois- 
son l'eau  liiiipiile  de  la  tontaioe.  Qui  n'a  point 
vu,  à  la  sialioindeBètliarram,  dieux  demoiselles 
belge?  ijui,  coinine  Uebecca,  diont  elles  pos- 
sèdent la  eau  tic '.  il  r  et  les  tdiaj-mes,  allaient  pui- 
ser lie  l  eau  à  la  fontaine,  pour  la  présuuter 
aux  jièJai ijis  alltiiiès  V  11  senU)le  que-  la  Mère  tle 
Dieu  iut  voulu  tlonuer  à  ce  verre  d'eau  sa  ré- 
cum|>cnsc  :  Siil»-  Jl.a-ie  Wviéeur  et  Mlle  Léonie 
LUtf'LrccUt  rureut  heureuses  d'emporter  dans 
jeur  cioyante  Jjcigi'jue  l'es  reste»  de  ce  oofiieux 
déjeuner,  (|ui  •liesiaiciil  avec  quel  appétit 
rMiiu-ea.  'Intu.iilu'boJi,  dont  l'cstomac,  la  veille 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


i323 


encore ,  ne   pouvait   plus    supporter    aucune 
Douiriture. 

«  Votre  affectionné, 
«  Derûux.  » 

«  P.  S.  —  Je  vous  adresse  la  lettre  même 
d'Irma  ftubois,  et  le  rapport  de  sou  méilecin.  » 

a  Grandrieu  ,  le  29  novembre  1873. 

«  T^oDsieur  le  Curé, 

En  VI  nant  vous  remercier  de  votre  bon  sou- 
venir, permettiz-moide  vous  exprimer  ma  bien 
•vive  recxinnaissancfi  posr  toutes  les  bontés  que 
vous  m'avez  témoi  çnées  à  Louriies,  d'abord  ea 
m'introduisnnt  une  des  premières  dan?  la  pis- 
cine, ensuite  pour  le  bon  déjeuner  que  vous 
avez  daipné  m'offrir.  Tout  entière  à  mon  bon- 
heur ,  j'avais  oublié  de  vous  remercier  ;  aussi 
ai-je  été  Lieu  heureuse  de  connaître  enfin  votre 
nom.  Merci  donc ,  je  conserverai  un  précieux 
souvenir  île  toutes  vos  boules. 

Mes  impressions  de  Lourdes  sont  profondé- 
ment gravées  dans  man  cœur.  Pouirais-je  ou- 
LDcr  ces  lieux  où  Marie  me  combla  d'un  si 
grand  bienfait?  Oh!  non.  jamais!  Aussi,  n'ai- 
je  point  dit  adieu  à  ce  béni  sanctunire ,  mais 
plutôt  au  revoir.  Oui,  l'année  prochaine,  je 
retournerai  à  Lourdes,  pour  épajichcr  auprès 
de  la  Vierge  Immaculée  les  seulimenls  de 
reconnaissance  qui  débordent  de  mon  cœur. 

B  Je  n'étais  pas  du  tout  fatiguée  lorsque  vous 
me  vîtes  sur  la  montagne  ;  seulement  j'étais 
accablée  par  un  trop  grand  nombre  de  per- 
sonnes, je  ne  pouvais  plus  avancer.  Depuis  lors 
j'ai  toujours  joui  d'une  très-bonne  santé  ;  mes 
forces  n'ont  tait  que  s'accroître  ;  aujourd'hui  je 
suis  tout  à  fait  dans  mon  état  normal,  telle  que 
j'étais  avant  ma  maladie.  Ma  guérisou  a  vive- 
ment impressionné  les  Lozériens,  surtout  les 
habitants  de  notre  pays.  Notre  docteur  n'a  pas 
hésité  à  donner  le  ra^>port  que  je  lui  avais  ile- 
mandé  au  sujet  de  ma  maladie;  j'ose  prcndu'C  la 
ILberlé  de  vous  l'envoyer. 

H  Je  (lis  avec  vous,  monsieur  le  Curé,  que 
Bolre  malhciu'euse  patrie  est  dans  une  bien 
triste  {josition.  Pauvre  France  !  Oli  !  oui,  prions 
jiour  cJe  et  pour  l'augaste  Prisonnier  du  Va- 
tican. 

«  Je  n'avais  pas  entendu  parler  de  la  stigma- 
tisée de  Buis-d'H:iioe,  je  serais  vraiment  heu- 
reuse de  voir  ce  prodige. 

«  Mu  sœur  a  été  très-sensilileà  votre  bonsou- 
V£nir„  elle  vous  [jric  d'agréer  l'expression  de 
ses  xeapcclueux  sentiments.  Elle  est  née  dans 
le  Pas-de-Calais,  à  Boulogne  ;  elle  a  même  ha- 
bile Saint-Omer  ;  aussi ,  elle  est  doublement 
henceuse  de  vous  connaître. 

«  Puissions-Dous  nous  ihitrouver  à  Lourdes 
.ran-bée  prochaine  1 

«iEq  vous  renouvelant  aies  sinoèi'es  xemiirct- 


ments,  je  vous  prie  cle  voulwr  bien  agréer 
l'hommage  de  mon  prc'fond  respect. 

«  Irma  Dubois, 

«  Enfant  de  Jlarie.  » 

Après  avoir  caractérisé  la  maladie,  M.  le  doc- 
teur Pontier  termine  ainsi  son  rapport  : 

«  La  guérison  instaulaoée  de  M""  Duliois, 
«  opérée  dans  la  journée  du  1"  octobre  1873, 
«  à  la  grotte  de  Notre-Dame  de  Lourdes,  est 
«  un  fait  qui  tient  du  prodige  et  ne  peut  être 
«  que  le  résultat  d'un  mh'acle. 

«  Signé  :  Portier  ,  docteur-médecin.  » 

Les  pèlerins  étaient  encore  tout  émus  du 
bruit  de  ce  miratde,  quand,  à  leur  retour  d'une 
excursion  au  sanctuaire  de  Bétharram,  ils  ap- 
prirent qu'un  nouveau  prodige  venait  d'éclater 
à  la  grotte  :  Barbe  Canelet ,  qui  faisait  partie 
de  notre  pèlerinage  d'Arras  et  Cambrai,  était 
guérie  miraculeusement.  Atteint»»,  depuis  dix- 
huit  ans,  d'une  paralysie  oq  de  rachitisme 
qui  l'empêchait  de  se  mouvoir  sans  l'aid^j  de 
béquilles,  elle  avait  la  jambe  gauche  plus  courte 
que  la  jambe  droite  ;  le  genou  ,  gonflé  outre 
mesure, avait  la  teinte  violacée  des  membres  ma- 
lades, les  douleurs  étaient  très-vives.  Des  pièces 
oflicielles  constatent  l'état  d'incurabilité  de  l'or- 
pheline de  l'hospice  de  Cambrai.  Sur  le  registre 
des  malades  incurables  "n  lit,  à  son  nom,  «a 
date  du  19  janvier  4839:  Mul  au  'jenou  ;  en 
date  du  5  avTil  186G  :  Marche  à  beqiiiiles  ;  eu 
date  du  28  avril  1868  :  Ankylose  du  genou. 
Le  lô  août  1871,  l'administration  des  liuspices 
ayant  pris  la  résolution  de  ne  conserver  que 
des  malailes  incurables,  i^nrUe  Qiuelel  fut  sou- 
mise à  la  viaite  de  deux  docteurs  en  médecine, 
M.  Dclbaie  père,  et  M.  DelUur-e  fils;  ils  écri- 
virent sur  le  registre  ces  mois  à  son  nom  : 
Arthrite  chronique  du  g-citou.  En  conséquence 
elle  resta  à  l'Ilospice-Genéral. 

La  générosité  de  quelques  personnes  permit 
à  Barbe  Canelet  d'accomplir  le  plus  cher  de 
ses  désirs,  le  voyage  de  Lourdes.  Le  merirredi 
1"  octobre,  aprè-'  avoir  rei^u  la  sainte  commu- 
nion à  la  basilique,  la  malade  avait  prié  avec 
feiveur.  L'après-midi,  vtrs  trois  heures  et  de- 
mie, elle  se  trouvait  à  la  grotte.  Un  piètre  par- 
lait en  ce  moment  à  la  foule,  et  ra[ipelait 
qu'avec  la  foi  on  peut  obtenir  des  miracles. 
L'orphelioe  de  Cambrai  se  dit  en  elle-mèine  : 
«  Oiri,  la  sainte  Vierge  me  guérirai  »  Au 
même  instant,  une  force  irrésistible  la  fait 
tomlier  à  genoux  sur  la  roche  ,  elle  reçoit  une 
commotion  extraordinaire  duns  Ions  ses 
membres,  accompagnée  d'une  douleur  très- 
vive,  sa  j'Tmbe  plus  courte  s'allonge,  l'eujlure 
du  genou  dispajait,  elle  se  relève  ,  jette  ses  bé- 
quilles, et  s'écrie  :  «  Je  suis  gutriet  »  La  loulo 


1320 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


présente  fait  retentir  les  airs  de  ses  roligieuses 
accIamalioDs  (I). 

C'est  sous  l'impression  de   ce?  trois  miracles 
que  les  six  mille  pèlerins  des  iliocèses  de  Bruges, 
de  Malines,  de  Cambrai,  d'Aira^:,  d'Amiens,  de 
Nantes,  de  Vannes,  de   Lyon,  de   Mende,  s'ali- 
gnent sous  leurs  riches  bannières   de  soie  et 
d'or,  en  longues  files  interminables  qui  se   dé- 
roulent en  gracieux  méandres  sur  les  flancs  de 
la  montagne  du  Calvaire  dominant  la  chapelle. 
Involontairement,  on  s'arrête  pour  contempler 
les  plis  et  les  replis  de  cette  immense  procession 
qui  s'étend  de  la  ville  au  sommet  de  la  Mon- 
tagne ;  on  entend  çà  et  là  trente  chœurs  de 
chants  différents  et  les  harmonies  d'une  musi- 
que lointaine.  Toutes  ces  lignes,  aux  costumes 
les  plus  variés,  viennent  s'arrondir  sur  le  gazon 
du  plateau  en  un  large  ovale,  autourd'un  auti.'l. 
Du  haut  de  cette  cime  élevée,  on  aperçoit,  d'un 
côte,  la  forteresse  de  Lourdes  avec  sa  petite  cité 
assise  à  sa  base,  et  l'extrémité  delà  floche  delà 
basilique  Notre-Dame  ;  de  l'autre  côté,  on   ad- 
mire les  sommets  de  la  chaîne  des  Pyrénées, 
formant  une  ceintura  de  dômes  majestueux,  les 
uns  couverts  de  neige,  les  autres  éclairés  par  les 
rayons  d'or  du   soleil  couchant.  Cinq   iirclats 
entourent  l'autel  sur  lequel  un   prêtre   ap[iorte 
le  Saint-Sacrement.  Six  mille  cierges  s'allumint 
instantanément;  la  musique  de  Nantes  joue  le 
Stabat  Mater  que  le  chœur  des  pèlerins  reprend. 
Personne  ne  peut  résisteràl'émotion,  onchante 
en  pleurant.  Mgr  Lequette  soulève  son   audi- 
toire par  les  accents  d'une  irrésistible  éloquence; 
les  six  mille  voix  acclament  la  Vierge  Imma- 
culée :  Vive  Notre-Dame  de  Lourdes  1   Vive  la 
France  catholique  !  Vive  Pie  L\  I  Mgr  Lâchât, 
évêque  suisse   persécuté  pour  la  foi,  donne   la 
bénédiction  du  Saint-Sacrement.  Le  cantii_,'ue 
Dieu  de  démence,  sauvez  Rome  et  la  brawe,  ter- 
mine ce  salut  solennel  dont  nous  conserverons 
le  souvenir  toute  notre  vie. 

On  descend  la  montagne  que  des  milliers  de 
lumières  transforment  en  une  montagne  de  feu, 
et  l'on  va  se  grouper  autour  de  la  grotte  illu- 
minée. Alors  un  évêque  missionnaire,  Mgr  Char- 
bonnel,  s'écrie,  à  la  fin  d'une  exhortation  su- 
prême :  Jurez  de  rester  jusqu'à  la  mort  fidèles  à 
Warie.  Tous  nous  répondons  dans  un  unanime 
élan:  Nous  le  jurons  !  Alors  les  pèlerins  de  Bre- 
tagne entonnent  leur  chant  national  si  entraî- 
nant :  Catholiques  et  bretons  toujours  l  Ainsi  finit 
cette  fête  de  Ja  terre,  avant-goùt  de  celles  du 
ciel  1  

CHRONIQUE    HEBDOMADAiRE 

La  Société  promotrice  du  culte  lies  sai'Hes  Images.  — 
AudieDce  'lu  Pape  à   viagt-quatre  ea.  nts  pauvres 

t.  Semaine  religieuie  de  Cambra»  11  oct.  1873.  —  £man- 
«tfoteur,  oct.  iali. 


retirés  d'une  école  pror?>tante.  —  Dévolion  à  la 
sainte  Ame  d-  Notre-Seigneur.  —  Acnat  J'ho  sU]Qt 
crexainen.  —  Nomination  rln  MM.  Iesf.l)hi;,  Besson 

et  Cortet  aux  évècliés  de  Nimes  et   de  Troyes.  

Le  titre  de  innitre  en  théologie  décerni;  aii  K.  P. 
Monsabré.  —  Fêtes  du  centenaire  d'O'Conneîl.  — 
Amour  des  Irlandais  pour  la  France.  —  Nouvelles 
de  la  persécution  allemande.  —  Défense  de  pour- 
voir aux  b'isoins  des  prêtres.  —  Déveloiipements  de 
la  presse  calhol  qu?.  —  Conversions.  —  Jugement 
du  Times  sur  les  résultats  de  la  persécu'.ion.  — 
Lettre  da  Siini  Père  à  Mgr  lëvêque  de  Paderbora. 
—  Le  jubilé  de  Mgr  de  Ketteler. 

11  août  18/". 

Rome.  —  Au  lendemain  du  jour  où  les  Pié- 
montais  eurent  pris  possession  de  la  ville  de 
Rome,  des  banles  de  misérables  iconoclastes 
commencèrent  à  faire  la  guerre  aux  oratoires, 
aux  statues  et  aux  pieuses  images  qui  en 
ornent  toutes  les  rues,  les  profanant,  les  sac- 
cageant et  les  brisant.  Inutile  de  dire  que  la 
police  fermait  les  yeux  sur  ces  sacrilèges.  Les 
catholiques  furent  donc  obligés  d'y  porter  re- 
mède. Ils  organisèrent  en  conséquence  une  so- 
ciété, à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom  de  Société 
promotrice  du  culte  des  saintes  /mayff,  ;  des  sous- 
criptions furent  ouvertes;  et  bientôt  les  images 
et  les  oratoires  qui  se  trouvaient  le  plus  expo- 
sés furent  protégés  par  des  grilles  en  fer. 
Pareillement  les  images  qui  avaient  été  ravies 
ou  brisées  à  coups  de  pierre  furent  refaites  à 
neuf  et  remises  à  leur  place,  enfin  on  célébra 
des  triduums  solonnels  partout  oii  l'on  avait 
eu  à  déplorer  des  sacrilèges  de  ce  genre.  Les 
iconoclastes  comprirent  qu'ils  n'aboutissaient 
à  autre  chose  qu'à  réveiller  la  piété  de  la  po- 
pulation. Aujourd'hui  ils  se  sont  éclipsés,  tan- 
dis que  les  images  de  la  mère  de  Di''U  brillent 
dans  toute  leur  splendeur  et  continuent  d'être 
l'objet  de  la  vénération  des  Romains  La  Sniété 
promotrice  du  culte  des  ;aint:s  >'mgts,  quoique 
le  but  premier  de  son  institution  n'existe  plus, 
ne  s'est  cependant  pas  dissoute.  Comme  son 
nom  l'indique,  après  av  ir  réparé  les  outrages 
faits  aux  saintes  images,  elle  travaille  à  en 
étendre  le  culte.  Le  Saint-Père  a  daigné  récem- 
ment en  recevoir  les  membres,  à  la  tète  desquels 
se  trouve  M.  le  marquis  Cavalletti ,  ancien 
maire  de  Rome.  Il  s'est  fami!ièrement  entre- 
tenu avec  eux  des  résultats  oMeuus  par  la 
Société. 

Le  Saint-Père  a  aussi  reçu,  dans  ses  appar- 
tements privés,  vingt-quatre  enfants  catho- 
liques arrachés  par  M.  l'abbé  Minoccheri  à  une 
école  protestante,  qui  les  avait  atiirés  eu  don- 
nant à  leurs  parents,  qui  sont  fort  pauvres, 
quelques  petits  secours.  M.  l'abbé  Minoccheri  a 
placé  ces  enfants  dans  des  écoles  catùoiii^ues, 
et  il  a  ouvert  une  souscription  pour  les  habiller 
et  assister  leurs  parents,  n  pré  er.tint  au  Pape 
ses  chers  protégés,  M.  l'abbé  Minoccheri  s'est 
exprimé  eu  ces  tvrmes  :  «  Je  vous  prie,  Très- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


ÎSÎT 


Saint  Pi-re,  de  daigner  bénir  ces  jeunes  arti- 
sans et  li'urs  familles.  La  bénédiction  de  Votre 
Sainteté  les  c.ontirmera  dans  la  foi  catholique 
et  sera  pour  eux  le  gage  d"  la  persévérance 
dans  l'exercice  des  vertus  chrétiennes,  n  Le 
Pape  a  répondu  «  Oui,  mes  enfants,  je  vous 
bénis  de  grand  cœur,  vous  et  vos  familles. 
Souvenez-vous,  au  milieu  des  périls  qui  vnus 
entourent,  que  Dieu  a  placé  à  vos  cotés  un  dé- 
fenseur perpétuel  :  c'est  voire  saint  ange  gar- 
dien. Invoquez-le  avec  confiance,  et  assuré- 
ment il  vous  viendra  en  aide  et  il  vous 
délivrera  des  embûches  de  l'ennemi  infernal 
qui  souvent  emprunte  la  forme  de  perfides 
conseillers.  Cet  ennemi  et  ses  agents,  il  saura 
les  mettre  sous  vos  pieds  comme  autrefois 
l'archange  saint  Michel  a  su  terrasser  Lucifer.» 
Ensuite  le  Saint-Pére  a  chargé  un  prélat  de  sa 
maison,  Mgr  Negrolto,  de  l'informer  des  pro- 
grès de  l'œuvre  de  M.  Minoccheri  et  des  secours 
dont  elle  pourrait  avoir  besoin. 

Si  nous  en  croyons  la  Semaine  liturgique 
de  Marseille,  le  cardinal  Patrizzi,  préfet  de  la 
sacrée  Congr('gation  du  Saint-Olfice,  aurait  écrit 
au  cardinal-arehcvêque  de  Paris,  une  lettre  en 
date  du  t7  mars  deinier,  dans  laquelle  il  lui 
fait  savoir  que  ladite  Congrégation,  chargée  jiar 
le  Souverain  Pontife,  d'examiner  une  dévotion 
nouvelle,  dite  dévotion  envers  la  très-sainte  âme 
de  Notie-Seigneur  Jésus-Curist,  qui  s'est  intro- 
duite en  quebpies  endroits,  a  déclaré  : 

i'  Qu'on  ne  pouvait  permettre  de  lire  et  de 
répandre  les  écrits  «le  la  sœur  Aimée  de  Jésus, 
avant  la  correction  et  l'autorisation  du  Saint- 
Siège  ; 

2°  Qu'on  ne  peut,  sous  prétexte  de  dévotion 
envers  la  très-sainte  âme  de  Jésus,  introduire 
dans  le  culte  public  de  l'Eglise,  des  nouveautés 
condamnables  dans  les  images,  formules  de 
prières  et  tous  objets  pieux. 

a  La  sacrée  Congrégation, ajoute  l'éminent 
préfet,  ne  voit  pas  moins  de  gravité  dans  la 
question  de  la  lor.-ne  du  culte  de  la  très-sainte 
âme  de  Jésus-Ciirist,  que  l'on  vomirait  intro- 
duin»,  et  qui  déjà,  dit-on.  aurait  commencii  à 
s'introduire  quelque  part.  Il  s'agit,  en  elîet, 
d'une  nouveauté  liturgique  et  d'un  litre  inusité 
dans  toute  l'Eglise,  et  conséquemment  d'une 
chose  excessivement  grave,  qu'il  n'est  permis, 
ni  convenable,  ^urtoul  sans  l'avis  du  Sainl- 
Siége,  de  livrer  à  l'arbitraire  et  à  l'ardeur  de 
la  dévotion  de  chacun. 

«  On  doit  aussi  porter  le  même  jugement  sur 
les  gravures  et  prières  que  l'on  a  imaginées,  à 
cause  de  leur  nouveaulé  et  pour  les  nombreux 
inconvénients  ijui  pourraient  en  résulter,  si 
rimagioation  était  ainsi  livrée  à  elle-même.  » 

Nous  ne  connaissons  de  cette  dévotion  nou- 
velle rien  de  ce  qu'on  vient  de  lire.  Nous  nou^ 


permettrons  donc  seulement  .'îe  rappeler  que 
saint  Ignace  de  Loyola ,  dans  sa  prière  bien 
connue  :  Anima  Christi,  invoquai!  Tàme  de 
Noire-Seigneur  même  avant  son  cœur. 

Les  études  dans  les  établissements  du  gouver- 
nement sont  si  brillantes,  qu'elles  ont  amené, 
pour  la  clôture  de  l'année  scolaire,  un  scfindale 
inouï.  Les  élèves  du  collège  Ennius-Viseonti, 
qu'on  a  substitué  au  Collège-Romain,  ne  se 
sentant  pas  de  force  à  subir  les  examens  de  fin 
d'année,  ont  corrompu  un  des  professeurs  et  lui 
ont  acheté,  au  prix  de  1,500  francs,  le  sujet  des 
examens.  La  fraude  a  été  découvei4e  et  une 
enquête  se  fait  pour  connaître  les  coupables. 
Mais  que  fera  le  ministre  si  on  les  découvre, 
puisque  le  cas  n'a  jamais  été  prévu,  et  qu'il  n'y 
a  pas  de  pénalité  édictée  qu'on  puisse  leur 
appliquer  ?  Oh  1  l'éducMlion  de  la  jeunesse  va 
bien  à  Rome,  depuis  qu'on  l'a  délivrée  de  l'obs- 
curantisme clérical  ! 

France.  —  Deux  décrets  du  président  de  la 
République  française,  portant  la  date  du  3  août, 
nomment  : 

M.  l'abbé  Besson,  chanoine  de  l'église  métro- 
politaine de  Bes;inçon,  à  l'évèché  de  Nîmes,  en 
rem|ilacement  de  .Mgr  Plantier,  décédé. 

M.  l'abbé  Cortet,  ancien  vicaire  général,  à 
l'évèché  de  Troyes,  en  remplacement  de  Mgr 
Ravinet,  dont  la  démission  est  acceptée. 

Nos  lecteurs  apprendront  avec  plaisir  que  le 
plus  haut  titre  scientificiue  qui  puisse  être  porté 
dans  l'ordre  de  Saint- Dominique,  celui  de  maître 
en  théologie,  vient  d'être  déceruéauR.  P.  Mon- 
sabré,  l'éminent  [irèdicaleur  de  Notre-Dame. 
L'acte  qui  lui  confère  lu  dignité  et  les  préroga- 
tives de  ce  titre  a  été  signé  par  le  Pape  le 
3  juillet,  et  la  cérémonie  de  la  remise  de  la 
barelte  et  de  l'anneau  doctoral  a  eu  lieu  le 
27  suivant, au  couventde  Saint-Jacques, à  Paris. 
Le  P.  Lacordaire  avait  reçu  de  Pie  IX  la  même 
distinction. 

Irlande.  —  La  nation  sœur  de  la  Pologne 
par  ses  malheurs  a  célébré,  les  5  et  6  de  ce 
mois,  le  centenaire  de  celui  qu'elle  appelle  son 
libérateur,  d'O'Connell.  Des  invitations  avaient 
été  adressées  par  le  lord-maire  de  Dublin, 
M.  Mac-Swiney,  à  toutes  les  célébrités  catholi- 
ques du  monde  entier  ;  un  grand  nombre  de  ces 
invités  se  sont  rendus  à  ce  gracieux  et  fraternel 
appel.  Les  autres  ont  écrit  que  ne  pouvant  être 
présents  de  corps  à  la  grande  fête,  ils  y  seraient 
présents  par  le  cœur.  Celte  fête  a  eu  un  carao- 
tère  essentiellement  catholique.  On  a  voulu  se 
conformer  à  la  pensée  de  celui  qui  en  était 
l'objet,  et  dont  le  patriotisme  avait  pour  base 
l'amour  de  l'Eglise.  Le  peuple  s'y  est  préparé 
par  la  communion.  Le  premier  jour,  la  messe 
solennelle  a  été  célébrée  par  lecardinal  Cullen, 
entouré  de  plus  de  quarante  évèqueset  d'innom- 


1328 


LA  SEMAHE  DU  Él.EUGÉ 


brables  prêtres,  séculiprs  et  religieux,  el  en  pré- 
senccde?  maires  et  «les  aldermen  de  touslrs com- 
tés d'Irlande,  en  grand  costume.  Le  Pape  avait 
acioidé  une  indulgence  plénière  et  la  bénédic- 
tion apostolique,  qui  a  été  donnée  par  le  car- 
dinal Cullen,  après  TEvangile.  La  messe  ache- 
vée, un  Te  Deum  a  été  chanté  d'une  seule  voix 
etd'un  seul  cœur  par  Fassistance  tout  entière. 
Puis  Msr  Crok43,  évèque  de  Cashe'i,en  l'absence 
du  prélat  dominicain  qui  devait  faire  l'éloge 
d'O'Coanell,  et  qu'une  indisposition  avait  empê- 
ché de  se  rendre  à  la  fête,  est  morité  en  chaire. 
Il  a  montré  O'Connel  non  pas  comme  orateur,  ni 
comme  hommed'Etat,ni  même  comme  patriote, 
mais  comme  catholique,  fidèle  observa*eur  de 
sa  foi  dans  sa  vie  privée  et  dans  sa  vie  publique. 
C'est  la  foi  catholique  qui  a  fait  O'Connell  ce 
qu'il  est,  en  le  maintenant  dans  les  stricles 
limites  du  devoir  et  de  la  loi,  en  l'empêchant 
de  n'être, comme  Mirabeau  ou  tout  autre  orateur 
populaire,  qu'un  heureux  tribun  au  lieu  d'un 
libérateur,  en  donnant  à  son  nom,  dans  saclière 
Irlande,  ce  prestige  magique  que  le  peuple 
n'accorde  qu'à  celui  qui  l'a  véritablement  aimé, 
à  celui  qui  partage  ses  souflrances  et  sa  foi. 
Les  grands  hommes  font  le  plus  souvent  le 
malheur  de  leur  pays  ;  O'Connell,  parce  qu'il 
était  catholique,  en  a  été  le  salut.  L'orateur  a! 
bien  voulu  associer  la Frauce  à  l'éloge  d'O'Con- 
nell,  et  a  rappelé  les  conquêtes  de  la  liberté 
chez  nous,  notamment  celle  de  renseignement, 
qn'à  revendiquée  O'Connell  et  que  Tlrlande 
attend  encore.  Il  faut  dire  que  le  drapeau  de 
la  France,  flottait  partout  dans  la  ville,  à  l'ex- 
ception de  tout  autre,  sauf  !e  drapeau  améri- 
cain, et  que  les  Français  venus  à  la  fête  ont  été 
en  toute  circonstance  l'objet  des  allcutious  les 
plus  délicates. 

Le  soir,  au  banquet  offert  par  le  lord-maire, 
de  nombreux  toasts  forent  portés,  le  premier, 
comme  il  avait  été  annoncé,  au  Saint-Père,  et 
celui  à  la  reine  seulement  en  second  lieu.  Los 
trois  filles  d'O'Connoll  assistaient  aux  toasts, 
dans  une  galerie  supérieure,  avec  les  dames  de 
la  famille  du  lord-maire  et  quelques  amis. 

Le  lendemain  eut  lieu  une  gigantesijue  pro- 
cession formée  de  piétons,  de  chars  et  de  cava- 
liers, venus  de  tous  les  points  de  l'Irlande  et 
se  développant  en  cercle  par  les  rues  de  la 
ville  sur  une  longueur  de  jilus  de  deux  lieues. 
Noua  empruntons  au  récit  d'un  des  rédai.-- 
teurs  de  Vinivers,  présent  à  la  fêle,  la  page 
suivante,  qui'aucun  Français  ne  lira  sans  alteu- 
drissenfient  : 

«  La  procession  s'avance  lentement  à  travers 
les  raesr  pour  aboutir,  en  saiTant  le  parcours 
indi.iué,  à  remplacement  où,  daus  Sackville 
êtrevi,  est  dressée  nne  estrade  recouvrant 
l'endroit    même    oii  doit    s'élever   le   grand 


laoninnént  d'O'Connell.  Sur  les  quais,  le  long 
de«  rues,  aux  fenêtres,  jusque  sur  les  toits,  la 
foule  se  presse,  entassée,  innombrable.  A 
mesure  que  défile  le  cortège,  son  enlhou-iasme 
éclili!  par  des  cris  et  des  applaudissements.  Il 
dtbord^  quand  il  voit  passer  la  voiture  où  se 
trouvent  l'évoque  de  Naotes  et  l'évèque  de 
Dâle,  puis  celle  où  ont  pris  place  les  Finançais. 
Ff^ench,  yood  Frcnclt,  God  Savethe  Frmcli,  God 
blesse  the  frcnc/i!  (Français,  bons  Français,  que 
Dieu  sauve  la  France, que  Dieu  bénisse  la  France  !) 
Ces  cris  partout  retentissent  el  >'appe!lent  et  se 
répètent;  c'est  uoe  clameur,  un  tourbillon  de 
voix  que  rien  ne  sijurait  rendre  et  où  il  semble 
qu'ait  passé  l'àme  tout  entière  de  la  catholique 
Irlande,  saisissant  et  embrassant  sa  sceur  de 
France;  aux  fenêtres,  les  dames  agitent  leurs 
mouchoirs,  et  dans  le  peuple,  les  plus  pauvres 
femmes  se  jettent  près  de  notre  voilure  au 
risque  d'en  être  écrasées.  Un  membre  du  comité, 
qui  nous  accompagne,  leur  en  fait  la  remar- 
que :  Eh!  qu'importe,  dit  l'une  d'elles;  mainte- 
nant je  peux  mourir.  De  ces  braves  femmes,  il 
j'  en  a  beaucoup  qui  pleurent  de  joie  au  sou- 
venir, et,  comme  elles  disent,  à  la  vue  de  la 
France.  Ah!  nous  ne  savons  pas  combien  l'on 
nous  aime  en  Irlaniie,  et  nous  ne  le  saurons 
jamais  bien,  car  on  sent  ces  choses  et  on  ne  les 
raconte  pas,  il  faut  les  voir.  C'est  ce  matia 
qu'un  bon  religieux,  de  la  congrégaiion  du 
tiamt-Esprit  de  France,  me  contait  deux  traita 
qui  feront  peut  être  deviner  ce  que  je  ne  puis 
tiire  suffisamment  corapreuiire. 

(1  C'était  pendant  la  malheureuse  guerre  de 
4870.  On  récoltait  des  secours  pour  la  France, 
pour  ses  blessés,  pour  aider  toutes  ses  misères, 
et  l'Irlande  donnait  des  millions,  obtenus,  veirt- 
on  savoir  comment?  Un  charpentier,  père  d* 
six  enfants,  gagnait  35  francs  jiar  semaine.  Erv 
deux  mois,  il  eut  économisé  aOO  francs,  qa'iï 
versa  à  la  souscription  pour  la  France.  «  Mais, 
lui  dit-on,  comment  avez-vous  fait  pour  obtenir 
pareille  somme?  —  Ah!  dit-il,  c'est  bien  sim- 
ple, comme  c'était  pour  la  France,  nous  avon* 
jeûné  troisjours  par  semaine  depuis  deux  mors. 
Voilà  200  francs,  c'est  pour  la  France!  »  Au 
comité  de  Cork,  les  nouvelles  depuis  plusieurs 
jours  arrivaient  mauvaises  pour  nous;  les 
Irlandais  n'y  pouvaient  croire;  de  iontes  parts 
il  se  faisait  des  meetings  en  notre  feveur  où 
l'on  protestait  contre  ces  nouvelles,  hélas!  trop 
vraies,  mais  que  l'on  croyait  falsillées  à  dessein. 
Et  comme  le  télégraphe  continuait  d'apporter 
des  nouvelles  désastreuses,  un  brave  paysan, 
I»lc:;-.--,nt  de  colère  et  de  rage,  s'écria  ua 
j-our  :  «  Eh-  bien,  nous  le  couperons,  ce  lélé.» 
graphe!  » 

«  Voilà  comme  ils  aiment  la  France.  Atrssi  la 
vri tu re  de  l'évèque  de  Nantes  n'avançait  qae 


{ 


LA  SRMAiRa  DC  CLERGE 


132f 


lenteraent  à  trai'crs  nae  foule  paitoiit  com- 
pacte, a(>)ikui. lissant  fiéni'tiiiutr^'ent,  souvent 
agenouillée.  Les  femmes  lui  apportaient  leurs 
euf.inls  à  Kéuir  ;  les  hommes  criaient  en  atçi* 
tant  leurs  chapeaux  ou  les  feuillages  verts 
qu'on  voyait  se  balancer  partout;  et  pnrfois, 
l'explosion,  toujours  ardente,  reiloublalt  encore. 
Il  fallait  iiue  la  voiture  a'arrètàt,  que  l'évâquB 
parla*,  sans  savoir  un  mot  d'anglais,  mais  sur- 
tout qu'il  les  bénît.  Pl'us  d'une  fois,  pour  sous- 
traire les  évèques  à  ces  ovations  prolongées, 
dont  il  redoutait  pour  eux  la  fatigue,  l'excel- 
lent docteur  Sigseron  dut  descendre  de  voilure 
et  interposer  son  autorité.  Elle  était  toujours 
obéie.  Car  c'est  un  Bouvel  homraajje  à  rendre  à 
ce  peuple  que  de  constater  Tordre  admirable 
et  le  calme  i|u'il  conserve  au  milieu  îles  plus 
ferventes  manifcslalions-  de  son  religieux  pa- 
triotisme. Se  figure-t-on  nulle  part  ailleurs  une 
lile  de  voitures  interminable  traversant  de  la 
sorte,  sans  être  jamais  coupée,  sans  qu'il  soit 
besoin  d'escorte,  une  pareille  foule,  et  cela, 
durant  six  heures  t 

«  yvar  répondre  aux  premiers  élans  de  celte 
(iiria  irlandaise  en  l'honneur  de  la  France, 
nous  nous  étions  conteutés  des  l'abord  de  sou- 
lever nos  chapeaux  de  temps  à  antre  ,  bientôt 
il  nous  fallut  marcher  tète-nue.  A  cliaque  pas 
celaient,  des  cris,  et  à  toutes  les  maisons,  à 
chatpie  étage,  à  chaque  fenêtre  des  mouchoirs 
qui  s'agilaienl  et  des  têtes  qui  s'inclinaient 
gracieusemeut  pour  nous  souhaiter  la  bien- 
venue. Dans  les  quartiers  les  plus  populeux, 
*ctte  furia  redoublait  encore,  ou  du  moins  elle 
semblait  encore  plus  intense,  tant  cette  foule 
de  peufile,massée  comme  elle  pourrait  l'être  en 
notre  faubourg  Saint-Antoine,  jetait  de  cris 
snr  notre  passage.  Là  aussi,  des  décorations 
s'étai-enl  pour  ainsi  dire  multipliées,  moins 
riches  peut-être,  mais  non  moins  émouvantes  ; 
partout  des  bannières  et  des  statues  de  sa  nts, 
partout  desslatu^sd'0'CiMirmell,  partout  quel- 
que écharpe  verte,  quelque  cocarde,  quelque 
ruban,  hommage  du  cœur  de  ses  lils  à  lu  verte 
Erin » 

Malgré  deux  tentatives  arorlées  «lu  parti 
nalioualisle,  «jui  est  le  parti  libiial,  la  fêle  a 
conservé  jusqu'à  la  fia  son  caractère  essentiel- 
lement catholique.  Ce  parti  aurait  voulu  ma- 
nifester d'une  manière  quelconque  en  faveur 
des  fénians  condamnés,  mais  personne  ne  s'est 
associé  à  eux. 

Conformément  à  Tinvitalion  que  le  cardinal 
Culien  avait  Faite  par  une  lettre  pastorale,  de 
garder  durant  les  fêtes  une  tempéreoce  par- 
faite, on  n'apas  vu  un  seul  homme  ivre  pendant 
ces  deux  jours  de  réjouissances  de  tout  un 
peuple.  Faisant  passer  leur  religion  et  leur 
patriotisme  avant  leurs  intérêts,  tous  les  caba- 
xetiers  ont  epontauément  fermé  leurs  établisse- 


ments. C'est  nn  bel  exemple  de  la  puissance  de 
la  foi . 

Allkmagke.  —  Toutes  les  six  semBines,  les 
six  prêtres  qu'ion  a  jusqu'ici  enfermés  dans  la 
prison  die  Poeen  pour  refus  de  déclarer  quel  est 
l'administrateur  du  diocèse,  sont  amenés  de- 
vant If  juge,  qui  leui'  répète  ses  questions  ;  et 
comme  ils  refusent  de  faire  aucune  révélation, 
ils  sont  aussitôt  renvoyés  en  prison.  C'est  une 
véritable  torture  morale,  savamment  calculée 
pour  briser  la  volonté  et  les  forces  de  l'àme  par 
l'enmii,  la  lassitude  et  les  tristesses  d'auK  réclu- 
sion prolongée.  La  chaleur,  les  miasmes  délé- 
tires,  la  vermine,  le  défaut  d'air  ont  déjà 
ébranlé  gravement  la  santé  de  la  plupart  d'entre 
eux. 

Toutes  les  indemnités  dues  au  clergé  par  le 
jrouvememcnt  prussien  ne  sont  plus  payées 
oepui^^  le  I"  juillet.  Ces  prêtres  qui  n'avaient 
pas  d'autrii  moyen  d'existence  sont  réduits  à 
la  misère.  Les  autres  sont  dépouilles  par  les 
amendes;  le  fisc  vend  maintenant  jusqu'à  leurs 
lils,  jusqu'à  leurs  habits. 

Le  gimvernemenl  ayant  défendu  de  quêter 
pour  les  curés  spoliés,  voulant  qu'ils  vendent 
ii'ur  conscience  pour  un  morceau  de  pain  oa 
qu'ils  meurent  di;  faim,  les  fidèles  portent  leurs 
aiimôni's  au  moment  de  l'olïrande,  à  la  messe 
du  dimiiiiche,  comme  cela  se  pratiquait  dans 
la  primitive  Eglise.  Les  journaux  libéraux 
demandent  au  gouvernement  que  cala  soit 
aussi  interdit.  Si  le  gouxernement  accède  à  ces 
vœux  d'humanité,  les  hdéles  trou-veront  bien 
d'autres  moyens  pour  ne  pas  laisser  les  pasteurs 
mourir  de  f.iim. 

Les  boulangers  dn  diocèse  de  Paderbom 
ayant  décidé  qu'ils  fourniraient  gratuitement 
du  pain  aux  prêtres  tout  le  temps  de  la  persé- 
cution, ont  été  cités  en  poU.^c  correctionnelle. 

M.  le  baron  de  Loë  a  été  condamné  à  sis 
mois  de  forteresse.  L'accusation  lui  reproche 
d'avoir  prononcé  à  Tassemblée  catholique  de 
Dormund,  ilya  un  an,  les  paroles  suivantes; 
«  L'empereur  et  le  ministère,  se  sont  jetés  dans 
les  bras  du  libéralisme;  or,  le  libéralisme,  c'est 
la  lulle  contre  Dieu.  »  Six  mois  de  prison  pour 
ces  paroles,  c'est  dur,  car  l'on  ne  voit  pas  en 
quoi  elles  impliquent,  comme  Ta  a<lmi^  le  tri- 
bunal, le  crime  de  lèse-majesté.  MaisM.de  Loô 
prétend  ne  les  avoir  pas  prononcées.et  il  appelle 
de  ce  jugement. 

Défense  ayant  été  faite  d'orner  les  maisons 
sur  le  passage  de  Mgr  Tévèque  de  Munster,  les 
populations  décorèrent  de  drapeaux  et  de  ban- 
nières tous  les  arbres  longeant  les  routes. 

Les  prélats  de  Kurilau,  de  Gogolewo  et  de 
Wieeowa  viennentde  recevoir  Tordre  de  quitter 
la  province  de  Posen. 

A  Bad-Rolhenfelde,  les  sœurs  de  saint  Fran- 
çois, qui  soignaient  une  quaraataint  d'enfaatj 


<330 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


et  de  femmes  pauvrrs,  ont  é!é  expulsées.  Des 
dames  de  la  ville  sont  allées  volontairement  les 
remplacer. 

Les  sœurs  bénédictines  de  Fulda,  ayant 
venJu  leurs  immeubles,  ordre  leur  a  été  donné 
d'annuler  la  vente.  Elles  se  garderont  bien  de 
le  faire. 

L'abbé  Meurin,  de  Aldenau,  a  été  condamné 
à  une  semaine  d'emprisonnement  par  le  t:  ibu- 
nal  deCoblentz,pour  avoir  prononcé  un  sermon 
où  l'on  a  cru  voir  des  attaques  contre  l'Etat. 

A  Dahll,  le  prêtre  Goress  a  été  condamoé  à 
cinq  jours  de  prison  pour  avoir  assisté  un  pas- 
leur  malade. 

Pour  critiquer  des  lois  de  persécution,  ont  été 
condamnés  depuis  une  quinzaine  :  deux  rédac- 
teurs du  Courrier  de  Posen,  l'un  à  onze  mois  de 
prison,  l'autre  à  six  semaines  ;  le  rédacteur  du 
Bole  am  Rkein,  à  viujst  jours;  celui  du  Schle- 
sisiche  Volkszeitimg,  à  huit  jours. 

Tous  les  rédacteurs  de  la  Gazette  le  Cologne 
sont  en  prison.  Elle  continue  néanmoins  à 
paraître,  rédigée  par  des  confrères. 

Cette  guerre  à  la  presse  catholique  est  comme 
le  sang  des  martyrs:  au  lieu  de  l'abattre,  elle 
ne  fait  quy  multiplier  ses  organes.  On  n'en 
comptait  pas  cent  avant  1866  ;  il  y  en  a  aujour- 
d'hui plus  de  trois  cents,  dont  plusieurs  ont 
jusqu'à  30  et  40,000  abonnés. 

Les  conversions  aussi  se  multiplient.  Depuis 
queli|ue  temps  on  en  a  enregistré  un  grand 
nombre,  principalement  dans  l'Oldenbourg,  le 
Mecklembourg  et  la  Poméranie.  Parmi  les  nou- 
veaux convertis,  il  y  en  a  beaucoup  qui  appar- 
tiennent aux  plus  hautes  classes  de  la  société, 
et  plusieurs  aux  Universités. 

Aussi  le  Times,  le  grand  organe  du  protestan- 
tisme en  Angleterre,  disait  ouvertement  il  y  a 
quebiues  jours  :  «  Nous  nous  tromperions  gra- 
vement, si  nous  prétendions  qu'il  n'est  pas 
prouvé  que  les  prétentions  de  M.  de  Bismarck 
de  miner  le  pouvoir  papal  ont  beaucoup  con- 
tribué à  le  consolider.  1) 

Le  Times  pense  donc  comme  le  Saint-Père 
lui-même,  qui  vient  d'écrire  (15  juillet  1875) 
à  Mgr  Martin,  évéque  de  Paderborn,  la  lettre 
suivante  que  donne  la  Germania  en  y  faisant 
quelques  suppressions  voulues  par  les  circons- 
tances : 

«  Nous  sommes  persuadé,  vénérable  frère, 
que  les  premiers  chrétiens  ne  pou  s'aient  rece- 
voir de  lettres  plus  précieuses  que  celles  que 
leur  adressaient  les  apôtres  et  cvéqnes  du  fond 
de  leurs  prisons.  Nous  avons  ressenti  la  même 
joie  en  recevant  la  votre,  qui  nous  témoignait 
que  vous  combattiez  vaillamment  pour  les  vé- 
rités de  l'Eglise.  Vous  comprendrez  tout  votre 

mérite  si  vous  jetez  les  yeux  sur qui  a  tant 

contribué  à  l'atlermissemenl  des  âmes  et  à  l'or- 
.liûer les  catholiques. 


■  L'C^lise  ne  saurait  désirer  des  victoires 
plus  brillantes.  Tout  le  monde  comprendra 
quelles  voies  triomphales  ces  victoires  lui  ou- 
vrent. Elles  dessilleront  les  yeux  de  nos  adver- 
saires, qui  s'apercevront  qu'ils  ont  puissam- 
ment contribué  à  l'extrnsiou  de  la  grandeur  et 
de  la  puissance  de  l'unité  catholique.  Comme 
homme, nous  devons  plaindre  votre  sort;  mais 
comme  vicaire  de  Jésus-Christ,  Nous  ne  pou- 
vons que  vous  féliciter  d'avoir  été  jugé  digne 
de  ressembler  à  Celui  qui  s'est  donné  tout  en- 
tier pour  son  Eglise,  de  celui  qui  a  vaincu  le 
monde  en  chassant  Satan.  Vous  concevrez  quelle 
joie  Nous  a  causé  votre  conduite. 

i>  Notre  cœur  est  rempli à  la 

vue  de  ce  que contre  vous, 

votre  petit  clergé  et  contre  les  lidèles Nous 

implorons  le  Ciel  afin 

qu'il  vous  fortifie  pour  pouvoir  supjioiler  tous 

les  maux dans  la  délensse  des 

droits 

<i  Kecevez,  comme  gage  de  Notre  bienveil- 
lance, la  bénédiction  apostolique,  etc.  » 

Nous  terminerons  par  un  récit  de  fête  ;  il  y 
en  a  encore  dans  l'Allemagne  calholiiiue  et  de 
belles.  Témoin  celle  de  Mayence,  celélirant, 
les  26  et  27  juillet,  le  jubilé  de  son  évéque, 
Mgr  de  Ketteler.  Tout  ce  que  l'Allemagne  ca- 
tholique compte  d'illustre  s'était  donne  rendez- 
vous  dans  la  ville  de  saint  Boniface.  Le  clergé 
était  très-nombreux,  la  noblesse  avait  envoyé 
1 17  membres,  représentant  toutes  les  grandes 
familles  allemandes.  Toutes  les  familles  de  la 
noblesse  rhénane  y  étaient  venues.  Un  peuple 
immense  remplissait  les  rues.  Les  maisons 
étaient  magnifiquement  décorées. 

Les  orateurs  ont  naturellement  parlé  de  la 
lutte  que  soutient  l'Eglise,  et  ils  ont  exprimé  le 
ferme  espoir  riu'elle  en  sortira  viclm  u'use. 

Le  second  jour  de  la  fête,  le  délile  des  dépu- 
tations  n'a  pas  duré  moins  de  deux  hciires.  La 
cérémonie  sur  la  place  publique  a  ollerl  un 
magnifique  spectacle,  Mgr  Kelteler,  ileboul  sur 
l'estrade,  a  prononcé  un  discours  auquel  la 
foule,  comprenr.nt  au  moins  50  ObO  personnes, 
a  répondu  par  le  chant  du  Te  iJenm  et  les  ac- 
clamations répétées  de  V.vat  Piusl 

P.  D  Uauterive. 

I>os  abonnés  qui  connaî' raient  qiu'hiu'au- 
tographe  ou  quelque  lettre  inédite  rie  saint 
Yiiicent  de  l'aul,  sont  priés  de  vouloir  faire 
connaître  la  claie  de.  la  lettre  et  le  nom  du  des- 
tùiaiaire  au  Secrétariat  des  Lazaiislcs,  rue  dô 
Sèvres,  95,  à  Paris. 


Tome  IV.  —  N"  44.  —  Troisième  année. 


25  août  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THEME  HOWILETIQUE  SUR  L'EVANGILE 

DV  XV"   DIMAUCUE  APRÈS  LA  PENTECOTE. 
(Luc.   VU,  11-16.) 

I.  En  ce  temps-là  Jésus  allait  dans  une  ville  ap- 
pelée Nuïm,  et  ses  disciples  laccompat/naient  avec 
une  grande  foule  de  peuple.  Or,  comme  il  s'appro- 
choii  de  la  porte  de  la  ville,  il  se  trouva  qu'on 
portait  un  mort  en  terre.  Chez  les  Juifs,  les  lieux 
de  sépulture  étaient  situés  en-delioi  s  des  villes  ; 
c'est  pourquoi  le  convoi  funèbre  est  ici  rencon- 
tré à  la  porte  de  la  ville.  Cette  circon-^tance  du 
récit  évangélique  en  atteste  la  véracité.  La  ren- 
contre de  ce  cercueil  avec  l'auteur  de  la  vie 
n'avait  rien  de  fortuit  ;  le  hasard  est  un  mot 
vide  de  sens  et  qui  n'est  pas  chrétien.  Tout  est 
prévu  de  Dieu  jusque  dans  la  vie  du  dernier  des 
hommes;  à  combien  plus  forte  raison  n'en  était- 
il  pas  ainsi  de  chacune  des  démarches  de  Jésus- 
Christ?  Il  venait  de  guérir  le  serviteur  du 
centurion;  et  des  orgueilleux  incrédules  ayant 
contesté  l'importance  de  ce  miracle,  Jésus  voulut 
les  confondre  par  un  prodige  plus  grand  encore. 
On  s'attaque  à  votre  conduite,  on  critique  vos 
actions;  si  vous  êtes  dans  la  bonae  voie,  laissez 
dire  et  continuez  ;  redoublez  même  de  zèle  pour 
faire  mieux  encore  et  vaincre  le  mal  à  force  de 
bien.  Dicil  enim  aliquis  de  puero  centurionis,  quod 
moriturus  non  erat  :  ut  igitur  temerariam  linguam 
cotnpesceret,jam  defuncto  juveni  Christumobviam 
ire  fatetur  {\).  Et  ce  mort  était  le  fils  unique  de  sa 
mère,  qui  était  veuve,  et  qu'accompagnaient  un 
grand  nombre  de  personnes  de  la  ville.  Comme  la 
suite  du  texte  nous  l'apprend,  le  défunt  était 
un  jeune  homme,  moissonné  dans  sa  fleur,  en- 
levé dès  le  printemps  à  toutes  les  espérances  de 
la  vie,  emporté  sans  doute  à  l'heure  où  il  y  pen- 
sait le  moins,  comme  il  n'arrive  que  trop  sou- 
vent à  tous  les  âges,  mais  surtout  à  l'âge  de  la 
présomption  et  de  l'imprudence.  C'était  le  fils 
unique  d'une  mère  demeurée  veuve,  le  seul 
appui,  la  seule  consolation  de  cette  pauvre 
abandonnée.  Tout  se  réunissait  donc  pour  ins- 
pirer la  pitié,  et  la  foule  compatissante  suivait, 
avec  commisération  cette  femme  éplorée,  irap- 
pée  deux  fois  dans  ses  aflfections  les  plus  chères. 
En  faisant  l'homme  à  son  image.  Dieu  a  mis, 
dans  le  cœur  de  celte  créature  privilégiée,  le 
sentiment  de  la  bouté  qui  est  en  l'homme  comme 

1.  Titut  Joi.  Pr.  in  calen.  iur. 


le  cachet  de  l'effigie  divine.  Il  faut  plaindre 
ceux  qui  restent  froids  en  face  de  l'iuHjrtune 
d'aulrui;  il  leur  manque  ce  qui  rapproche  de 
Dieu,  ce  qui  fait  l'homme  et  le  chrétien;  ils 
sont  «  sans  otfectioa,  sans  miséricorde  (1).  » 

Cette  miséricorde,  Jésus  Christ ,  tils  de 
l'homme  et  fils  de  Dieu,  Jésus-Christ  l'éprouve, 
en  voyant  la  veuve  de  Naïm  abîmée  dans  sa 
douleur,  et  il  lui  dit:  Ne  pleurez  pas/  Ah!  il 
faut  être  Dieu  pour  oser  dire  à  une  veuve,  traî- 
nant le  deuil  de  son  fils  uni(iue  :  Ne  pleurez 
pas.  Voulez-vous  être  efficacement  consolé;  ne 
vous  adressez  pas  aux  hommes,  et  ne  comptez 
pas  sur  eux.  «  Toute  consolation  humaine  est 
vide  et  dure  peu  (2).  »  Jetez-vous  dans  le  sein 
de  Ùicu,  le  père  de  Àotre-Seigneur  Jésus-Christ, 
Père  de  miséricorde  et  Dieu  de  toute  consolation, 
qui  nous  console  dans  toutes  nos  épreuves  (,'{).  Il 
tst  le  Sei,/neur;  c'est  lui  qui  fortifie  au  jour  de  la 
tribulatiun  {i).  Ses  consolations  ne  s-nt  point 
comme  les  vaines  p.i rôles  des  hommes;  il  essuie 
toutes  les  larmes  et  retire  des  portes  du  tom- 
beau. 

t'I  Jésus  s'approcha  et  toucha  le  cercueil.  Le 
contact  de  son  corps  suffit,  quand  il  le  veut, 
pour  communiquer  la  vie.  Ideo  autem,  non  so- 
lum  verbo  peragit  miraculum,  sed  et  feretrum 
tangit,  ut  cognoscas  efficax  esse  sacrum  Christi 
corpus  ad  humanam  salute-n;  est  enim  corpus 
vitœ  et  caro  Verbi  omnipotentis  cujus  habet  vir- 
tutem  :  sicut  enim  ferrum  adjunctum  igni  perficit 
opusignis,  sic  postquam  caro  unita  est  veibu  quod 
vwificat  omnia,  ipsa  quoque  fada  est  vivificativa 
et  mortis  exjiulsiva{o).  Ceuxqu:  portaient  le  cer- 
cueil subissent  l'ascendant  irrésistible  de  la  di- 
vinité, ils  s'arrêtent;  le  mort  entend  la  voix  qui 
le  rappelle  à  la  vie;  il  se  lève  de  son  cercueil, 
qui,  selon  l'usage,  n'était  pas  fermé;  il  se  mon- 
tre à  la  foule  stupéfaite  et  commence  à  parler. 
Et  Jésus,  le  prenant  par  la  main,  le  donna  à  sa 
mère.  Il  est  difficile  de  se  former  une  idée  de 
l'émotion,  de  la  joie  de  cette  heureuse  mère,  et 
de  son  heureux  enfant.  Dans  le  concert  de 
louanges  qui  s'élevait  de  toutes  parts,  il  est 
naturel  de  penser  que  leur  voix  dominait. 

Dieu  n'a  jamais  cessé,  et  ne  cessera  sans 
doute  jamais  de  faire  des  miracles.  Il  les  fait 

l.  Rom.  I,  31. 

•2.  Imitât.  I.  II,  c.  XVI. 

S.  U  Cor.  1,3  et  4. 

4.  Nah.  1,  7. 

5.  C'jiiti,  m  calen.  grme.  pair. 


«333 


LA  SEMAINE  DU  CLEnCE 


pour  la  gloire  de  son  nom  cl  riionncur  de  ses 
bainls.  pour  la  joie  des  forts,  riiÛermisscmcnt 
des  laiklt.s  et  la  confusion  des  iiiiiiics.  S'il  a  le 
droit  d'exiger  la  reconnaissanee  de  ceux  qui 
sont  rolijerimméiiiat  de  ses  prédileclions,  «le 
ceux  que  la  langue  cntholique  appille  les  mi' 
raciilcs,  il  comj'ta  aufsi  sur  la  grrn'itude  de 
ceex  qui  FOut  témoins  de  ses  prodiges;  c'est 
pourquoi  Dieu  visite  son  pevplc,  quand  il  ré- 
veille la  foi  par  un  miiacle,  de  tovUes  le?  bou- 
ches chiéiicnncs  doit  monter  vei-s  le  ciel  un 
cantique  li'action  de  grâecs. 

II.  iV.yis  il  est  des  miiacles  non  moins  écla- 
tants que  la  guérison  d'une  lualuiiie  incurable 
ou  la  résurrection  d'un  raort,  miracles  que  la 
grâce  opère  dans  le  secret  des  âmes,  et  dont  le 
prodige  aocomidi  aux  portes  de  N;iïm  était  la 
tjguie  siilisfaisautc.  Ce  r.iorl  que  l'on  va  met- 
tre enterre  bo;  s  des  portos  de  la  ville  est  l'image 
de  ces  pécheurs  scandaleux  dont  les  fautes  de- 
venues publiques  alfligenl  sas  amis  et  désolent 
l'Eglise  sa  mère.  Il  est  éto.ndu  dans  son  cer- 
cueil; froid  et  insensible,  il  n'entend  pas  les 
sanglots  de  ceux  qui  l'accompagnent,  il  ne 
peut  pas  se  rendre  compte  du  malheureux  état 
dans  kqufl  il  se  trouve.  Tel  est  le  pauvre  pé- 
cheur endormi  dans  un  calme  slupide  et  ui:e 
sécurité  trompeuse  :  Jacet  wortuus  in  feretro, 
cum  anima  peccatrix  requiescil  in  sua  conscient ia 
maie  secura  (1).  Le  mort,  cndavre  inerte  €t 
immobile,  se  laisse  porter  en  terre;  ainsi  le 
pécheur  s'abandonne  en  aveugle  à  ses  passions 
homicides,  à  ces  faiix  amis  qui  ont  creusé  sa 
tombe  éternelle  el  l'y  mènent.  Ces  passions  et 
ces  piétcndus  amis  s'acharnent  surtout  à  la 
fleur  de  la  vie,  à  la  jeunesse  hélas!  trop  peu 
déliante.  Que  d'  pauvres  jeunes  L'-ens  menés 
hors  de  la  cité,  loin  de  ^i£gli^e,  loin  de  la  fa- 
mille et  préciiiités  dans  l'abinie!  Qui  vero  sepe- 
lienduni  pmtaiit,  cet  irmrtunda  dendcria  siint  quœ 
truhiint  hominem  in  interilum,  lenocinia  blan- 
dkntiwn  sunt  vtneniifa  sociorum,  qvœ  peccata 
nimium  juieiubus  iollunt  et  accuniulunl  (2). 

Ce  malheureux  jeune  homme,  ce  [lécheur 
infortuné,  il  a  une  mèi-e  qui  iuit  son  cercueil, 
une  mère  qu'il  a  ahaudounée  lorsque,  dans  son 
veuvage,  elle  avait  tant  besoin  de  lui.  Celle 
mère  délaissée,  c'est  Ja  sainte  Eglise,  veuve  de 
son  céleste  époux,  et  qui  pleure  la  mort  spiri- 
tuelle d'un  de  ses  enfauts  ;  c'est  la  mère  cb ré- 
tienne  qui  gémit  sur  la  perte  d'nu  cœur  qu'elle 
avait  formé  pour  Dieu,  c'est  Monique  derritTe 
le  cercueil  d'AuguBlin  (3)1 

Hais  Jésus  s  est  approché,  et  il  a  dit  :  Noh 

1.  Bedn  in  Calen.  aur. 

i.  M.  ibid. 

3.  Par  une  de  ces  allusions  touchantes  et  profondes, 
dont  l'Eglise  a  seule  le  secret,  c'est  cet  évangile  que  nous 
liMot  en  la  fête  de  saints  MoBiqae. 


j'cre,  ne  pleurez  pas!  Non,  ne  pleurcT  pas,  6 
sainte  Eglise;  vous  avez  entre  les  mains  le 
moyen  de  tout  guérir  et  de  tout  ressusciter; 
loin  devons  la  doctrine  désespérante  qui  refuse 
le  pardon  et  nie  la  rémission  des  ]>échés.  Per 
verba  :  noli  flere,  itovati  dor/motn  confunditur  qui 
hianilem  qiddem  pœnilenlnim  mimdutionem  eva- 
cuoi'e  conaiw'i  vcrcmqne  mntrem  Ecclesiam,  de 
natorum  sv.orum  extinctione  plornntem,  spe  vitœ 
rcJunimdte  ner/ot  consolori  (kticre{\).  0  mère 
désolée,  ne  pleuTi'z  pas  saiiS  espoir;  si,  à  vos 
larmes,  vous  mêlez  vos  prièi'cs  el  vos  péni- 
tences, si  vous  suivez  vo'.re  cher  enfant  jusque 
diins  li2S  voies  où  il  se  pcid,  p 'ur  l'empêcher  de 
rouler  au  fond  de  l'abime,  il  vous  sera  rendu; 
Jésus-Christ  viendra  qui  touchera  le  cercueil; 
il  posera  sa  main  sur  cette  conscience  eudurcie, 
et.  à  l'instant  même,  ceux  qui  portaii?nt  votre 
enfant  en  terre  s'arrêteront;  ses  passions  se 
calmeront,  son  imagination  mieux  réglée,  son 
intelligence  illuminée,  sû.  volonté  forliiiée  ces- 
seront de  l'entraîner  à  sa  perte;  l'enfer  et  le 
momie  verront  ce  changcmi  nt  soudain  ;  ils 
s'arrêteront  subjuguéspar  l'as-TCudant  divin,  et, 
dans  cette  stupéfaction  et  ce  calme,  la  voix  qni 
ressuscite  pourra  se  faire  entendre  :  Jeune 
homme,  je  vous  le  commande,  levez-vous.  Et  le 
mort  se  lève;  il  parle;  il  parle  pour  confesser 
son  péché,  il  paile  pour  louer  Dieu,  et  Jésus  le 
rend  à  sa  mère;  et  c'est  dans  le  c<Eur  de  la 
mère  une  joie  profonde,  la  joie  de  la  résurrec- 
tion, la  joie  d'un  nouvel  enfantement  :  et  c'est 
dans  la  famille,  dans  toute  l'Eglise,  an  ciel 
comme  sur  la  terre,  ime  joie  sans  pareille,  sur- 
tout au  fond  de  ces  âmes  dévouées  qui,  par 
leurs  prières  et  leurs  larmes,  ont  rendu  à  l'Eglise 
un  de  ses  enfants.  Et  maynificabont  Deum. 

L'abbe  Hebman, 
caré  de  Festubert. 


INSTRUCTIONS  FA3IIUERES 
SUR    LE  SYMBOLE    DES  APOTRES 

(52'  Instructioa.) 

Sujet.  —  Enisteiiee  du  Pnrjfatoire;  «onffrances  des  âme» 
qui  y  sont  détenues;  noa>  aommes  obligés  de  les  soa- 
làger... 

Texte.  —  Credo...  vitam  tetemam.  Je  crois  la 
vie  éternelle. 

ExoBDE.  —  Nous  voici,  mes  frères,  arrivés  au 
dernier  article  du  Symbole  des  Apôtres  :  la  vie 
éternelle, . .  Cet  article  est  la  concUisiou  et  comme 
le  couronuemeut  de  toutes  les  vérités,  que  nous 

I.  Btin. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


133T 


TOUS  avons  e?:p1iqnées...  Pourqnoi  Dieu  a-l-il 
créé  riiommi^  et  Ta-t-il  floué  d'une  âme  libre, 
raisonnable  et  immortelle?...  Afin  que  l'homme, 
usant  sagement  de  son  intelligence  et  de  sa  li- 
berté, pût  obtenir  un  jour  la  vie  éternelle...  Si 
j'interroge  noire  divin  Sauveur,  si  je  lui  de- 
mande pourquoi  il  est  venu  sur  la  terre  ;  dans 
quel  but,  après  avoir  vécu  au  milieu  des  humi- 
liations, il  a  voulu  mourir  sur  l,i  croii.?...  il  me 
réiioudia,  que  tout  ce  qu'il  a  fait,  que  les  ensei- 
gnements divins  qu'il  a  donnés,  les  souffrances 
tju'il  a  endurées,  comme  les  sacrements  (lu'il  a 
institués,  c'était  pour  nous  procurer  la  vie  éler- 

nelle Et  vous,  Esprit-Saint,  pour  quelle  flu 

descendez-vous  dans  les  âmes  et  les  ornez-vous 
de  vos  dons?  —  Parce  que  ces  âmes  sont  desti- 
nées à  la  vie  éternelle.  —  Sainte  Ei^lise  catho- 
lique, pourquoi  le  divin  Rédempteur  vous  a-t-il 
établie?  Nacelle  si  souvent  battue  par  l'orale,  à 
qu(îl  port  devez-vous  conduire  les  iimes  qui  vous 
sont  confiées?  —  Au  port  delà  vie  éternelle. — 
Si  les  péchés  nous  sontremis,  c'est  pourqueuous 
puissions  jouir  de  la  vie  éternelle,  et  si  notre 
chair  doit  un  jour  ressusciter,  c'est  afin  que  nos 
corps,  devenus  immortels,  posscdenteux-mènfies 
cette  vie  qui  n'aura  point  de  lin...  J'avais  donc 
raison,  me.s  frères,  de  vous  dire  que  ce  dogme  de 
la  vie  éternelle  était  la  conclusion,  le  courouue- 
menl  de  toutes  les  autres  vérités... 

Ai-je  besoin  de  vous  dire  qu'il  y  a  deux  sortes 
■de  vie  élernellc  :  l'une  élernellement  malheu- 
reuse; elle  est  le  partage  des  réprouvés;  on  t'ap- 
pelle aussi  l'enfer,  ou  la  mort  éternelle;  l'autre 
éternellement  heureuse;  c'est  le  sort  des  élus, 
c'est  le  ciel,  c'est  ce  que  nous  nommons  simple- 
ment/a  «î'e  éto"ne//e.  Nous  parleinns  de  l'une  et 
de  l'autre  dans  les  instructions  suivantes... 

Proposition.  —  Aujourd'hui,  pour  être  com- 
plet, je  voudrais  vous  dire  quelques  mots  sur  le 
purgatoire...  Bien  qu'il  ne  doive  pas  durer  l'é- 
ternité, mais  seulement  jusqu'au  jugement  gé- 
néral, cependant  un  si  grand  nombre  d'âmes 
passent  par  ce  lieu  d'expiation  pour  arriver  au 
pai-adis,  qu'il  se  rattache  en  quelque  sorte  à  la 
vie  éternelle  ;  puis  le  sort  des  âmes,  qui  y  sont 
détenues,  est  si  digne  d'intérêt,  que  votre  piété, 
j'en  suis  sûr,  écoutera  avec  une  vive  attention  ce 
que  je  dois  vous  dire  à  ce  sujet... 

Division.  —  Premièrement,  il  existe  pour  les 
âmes,  qui  n'ont  pas  entièrement  satisfait  à  la 
justice  de  Dieu,  un  lieu  appelé  purgatoire,  où 
elles  achèvent  d'expier  leurs  fautes;  secondement, 
c'est  pour  nous  une  obligation  de  soulager  les 
âmes  qui  sont  détenues  dans  le  purgatoire... 

/Première  partie. —  Nous  lisons  dansnos Livres 
saints  que  Judas  Machabée,  après  avoir  rem- 
purté  une  grande  victoire,  fit  une  qnète  parmi 
ses  compagnons,  auxquels  il  avait  distribué  le 
butin...  il  réunit  ainsi  une  forte  somme  d'argent. 


Dans  quel  but  et  pour  quelle  intention?... C'était 
pour  l'envoyer  au  temple  de  Jérusalem,  a&Q 
qu'un  ofl'rit  des  sacrifices  pour  les  âmes  des 
guerriers,  qui  étaient  morts  dans  le  combat... 
Mais  ils  étaient  morts  et  jugés;  leur  sort  était 
fixé;  à  quoi  bon  offrir  pour  eux  des  prières  et 
des  sacriiices?.. .  Ecoutez  la  réflexion  qu'ajoute  ici 
l'auteur  sacré,  dont  l'Esprit-Saint  lui-même  gui- 
dait la  plume...  «C'est  une  sainte  et  salutaire 
pensée,  continue-t  il,  de  prier  pour  les  morts, 
afin  qu'ils  soient  délivrés  de  leurs  pi'chés...» 
Sanctaergo  et  saluhris  est  cogitatio,  etc.  (1). 

Cependant,  je  voudrais  savoir  ce  qui  se  passait 
du  temps  des  .\pôtres,  et  si  réellement,  dès  ce 
temps  de  la  primitive  Eglise,  on  disait  la  sainte 
messe  pour  les  défunts.  J'écoute;  voici  que  des 
témoins  se  dressent  de  tous  côtés!...  «Oui,  me 
dit  saint  Jean  Chrysostome,  les  Apôtres,  d'après 
l'enseignement  de  leur  divin  Maitre,  ont  voulu 
qu'on  recommandât  à  la  miséricorde  de  bieu  les 
iidèles  défunts,  et  ils  l'ont  ordonné  avec  sasesse, 
car  ils  savaient  que  ces  âmes  reliraient  delà  ua 
grand  profit  et  un  immense  soulagement...» 
Entendons  cet  autre  témoin  qui  se  présente; 
c'est  saint  Uenys  l'Aréopagite;  il  fut  le  contem- 
porain, le  disciple  des  Apôtres;  il  pourra  nous 
dire  commeut  les  choses  se  passaient.  Parlez  donc, 
saint  docteur,  nous  vous  écoutons  avec  respect... 
«  S'approchant  de  l'autel  pour  le  saint  sacriiice, 
nousiiit-il,  le  pontife  adresse  à  Dieu  di'>  suppli- 
cations pour  les  morts;  il  conjure  la  miséricorde 
divine  de  remettre  au  défunt  tous  les  pécltés, 
que  la  faiblesse  humaine  lui  a  iaitcommettre,  de 
le  placer  dans  le  séjour  de  la  lumière,  dans 
la  région  des  vivants...  (2).  » 

Mais  pourquoi  chercher  des  témoins?  Ouvrez 
vos  livres  de  messe,  lisez  le  Mémento  des  Morts, 
Cette  belle  prière  remonte  Jusqu'au  temps  des 
Apôtres  ;  saint  Pierre  l'a  confiée  à  l'Eulise  ro- 
maine, et  cette  tglise,  toujours  infaillible,  nous 
l'a  fidèlement  transmise.  Que  dit  donc  cette 
prière?  Ecoutez:  «  Souvenez-vous, Seigneur, de 
vos  serviteurs  et  de  vos  servantes,  qui  nous  ont 
jn'écédé  avec  le  signe  de  la  foi  et  qui  dorment  du 
sommeil  de  paix.  Nous  vous  supplions  de  leur 
donner,  ainsi  qu'à  tous  ceux  qui  reposent  ea 
Jésus-Christ,  iin  lieu  de  rafraithissemeut,  de 
Inniière  et  de  paix...  » 

Voulez-vous  encore  imc  preuve  de  cette  vérité, 
prenous-là  dans  la  vie  iks  Saints.  La  pieuse  Mo- 
nique, le  modèle  des  mères  a  vu  sou  cher  Augus- 
tin non-seulement  se  convertir,  mai-^  embrasser 
la  vie  sacerdotale.  Sa  joie  est  complète,  il  ne  lui 
reste  plus  rien  à  désirer  sur  cette  terre  et,  comme 
le  saint  vieillard  Siméon,  elle  peut  dire  :  «  Nunc 
dtmitUs.  iMaiuleuaut,  Seigueur,vous  pouvez  rap- 

1.  Macchabée,  !iv.  II,  «bap.  xii-46. 

2.  Conler,  Lohner.  Verb.  PtrQalonum  ;  et  Jac^ttsi  MM» 
citant,  Jardin  des  Pastiurs. 


1C38 


LA  SEMAINE  DU  CLEP.CK 


peler  votre  servante,  car  le  plus  anlent  de  mi..; 
vœux  est  exaucé...  »  Quelles  sont  les  dernières 
paroles  qu'elle  adresse  à  ce  iils  bien  aimé,  dont 
elle  est  deux  fois  la  mère?  «  Enterrez,  dit-elle,  ce 
corps  où  vous  voudrez  ;  ne  vous  en  mettez  nul- 
lement en  peine  ;  n'importe  où  je  sois,  Dieu 
saura  bien  me  reconnaître  .1  la  fin  des  siècles  pour 
me  ressusciter.  La  seule  chose  que  je  réclame 
de  vous,  mon  cher  fils,  c'est  de  vous  souvenir 
de  moi  à  l'autel  partout  où  vous  serez...  »  Le 
saint  le  promit  ;  et  avec  quelle  fidélité,  avec 
quelle  tendresse  il  priait  chaque  jour  pour  l'àme 
de  sa  mère  et  la  recommandait  aux  prières  de 
ses  amis  (I). 

Frères  bien  aimés,  cet  usage  si  antique,  si  so- 
lennel de  prier  pour  les  morts  nous  montre  deux 
choses:  la  vérité  du  purgatoire  et  le  secours  que 
retirent  de  nos  iirières  les  âmes  qui  s'y  trouvent 
retenues.  En  etTet,  ou  ne  prie  pas  pour  les  réprou- 
vés; à  quoi  leur  serviraient  nos  suffrages,  puis- 
que leur  sort  est  fixé  pour  l'éternité?  On  ne  [irie 
pas  pour  les  Saints  ;  ne  jouissent-ils  pas  là  haut 
dans  le  ciel  d'un  bonheur  parfait?  Restent  donc 
lésâmes  du  purgatoire  ;  celles-là  seules  peuvent 
tirer  profit  de  nos  supplications  et  de  nos  sacri- 
fices, celles-là  seulement  peuvent  être  soulagées 
par  nos  prières...  Voilà  comment  l'usage  si  vé- 
nérable de  prier  pour  les  défunts  est  une  preuve 
manifeste  qu'il  existe  réellement  un  purgatoire . 
c'est-à-dire  un  lieu  d'expiation  pour  les  âmes 
qui,  sans  èlre  criminelles,  au  point  de  mériter 
l'enfer,  ne  sont  pas  encore  assez  pures  pour 
aller  directement  au  ciel... 

Seconde  partie.  —  Voyons  maintenant  quelles 
siint  les  souflVances  du  purgatoire,  et  comment 
nous  sommes  obligés  de  soulager  les  âmes  qui 
y  sont  détenues.  INous  n'exami:;erons  pas,  mes 
irères,  en  quel  lieu  e4  situé  ce  cacbotdu  purga- 
toire ;  question  oiseuse  et  inutile...  J'aime  mieux 
considérer  ce  que  souffrent  le?  pauvres  âmes 
qi)i  y  sont  plongées...  J'interroge  la  liturgie, 
organe  de  la  sainte  Eglise  ;  j'interroge  les  doc- 
teurs les  plus  savants,  interprètes  légitimes  de 
la  tradition...  Dites-nous  quels  tourments  endu- 
rent ceux  de  nos  frères  que  la  justice  de  Dieu 
retii'nt  eu  purgatoire.  Et,  de  toutes  leurs  bouches, 
j'entends  sortir  cette  réponse  :  Elles  soutirent  des 
tourments  auxquels  toutes  les  douleurs  de  la 
terre  ne  sauraient  être  comparées  (2)  ;  le  même 
leu  de  l'enfer  qui  sert  à  punir  les  damnés  est 
employé  pour  purifier  ces  âmes  des  élus...  Pé- 
nétrons, mes  frères,  en  esprit  dans  ce  séjour 
de  douleurs  et  de  larmes;  voyons  ce  qui  s'y 
pa^se...  Un  Dieu,  plein  de  clémence,  purilie  ses 
enlants,  comme  ou  purifie  l'argent  ;  il  les  fait 
passer  par  le  feu  pour  les   conduire  daus   un 

1.  Con feulions,  livre  IX,  chapitres  xr,  met  xni. 

2.  Coni.  saint  Thomas    Somme  theologique,   supplément 
^uest.  L!^XI1. 


lieu  de  rafraîchissement...  Ces  âmes  chéries  de 
Dieu  sont  en  proie  a  d'horribles  tourments  ;  un 
noir  tourbillon  enveloppe  leur  obscur  séjour  ; 
cette  nuit,  dans  laquelle  elles  sont  plongées,  ne 
sera  point  comptée  ni  parmi  les  mois,  ni  parmi 
les  jours  de  l'année  ;  elle  est  épaissie  par  les 
ténèbres,  l'obscurité,  les  ombres  de  la  mort  ;  la 
tristesse  et  l'amertume  l'environnent  (i)...  Et  ce 
qui  est  pour  ces  âmes  le  plus  grand  de  tous 
les  maux,  elles  sont  rejetées  loin  de  la  face  de 
Dieu,  et  privées  pour  un  temps  de  la  douceur 
de  sa  présence.  «  Dans  un  moment  d'indigna- 
tion, dit  le  Seigneur,  je  t'ai  caché  ma  face, 
pauvre  âme  désolée,  agitée  par  la  tempête  et 
privée  de  toute  consolation  [2).  n  Et  quelle  joie 
pourraient  goûter  ces  chères  âmes  loiu  du  ciel, 
privées  qu'elles  sont  de  la  douce  clarté  de  la 
lumière  incréée?... 

Pour  attendrir  les  coeurs,  les  poët'îs   anciens, 
dans  leurs   fictions,    nous  représentent  parfois 
des  malheureux,  abandonnés  dans  les   Iles  dé- 
sertes et  sur  des  rochers  sauvages  ;  ils  nous  les 
montrent  tendant   vers  les  navires  qui  passent 
des  mains  suppliantes  et  poussant  des  cris  de  dé- 
tresse, capables  d'attendrir  des  monstres...  Ah! 
frères  bien  aimés,  au  purgatoire  la  réalité  dé- 
passe de  beaucoup  tout  ce   qu'a   pu   inventer 
l'imagination  des  poètes...  Voyez-vous  vos  pères, 
vos  mères,  vos  amis,  ceux   avec   lesquels   vous 
viviez  hier  peut-être,  plongés  dans  des  flammes 
dévorantes  et  comme  enchaînés  dans  ce  lieu  de 
douleur  et  trop  souvent  d'ubandon...De  ces  rives 
deux  fois  désolées,  leurs  âmes  tendent  vers  nous 
des  mains  suppliantes  et  poussent  les  cris   les 
plus  déchirants:  m  A  mon  secours!  ô  vous    qui 
vivez  encore  sur  la  terre  ;  ayez  pitié  de  moi,  vous 
du  moins  ,  mes  parents,  mes  amis,  car  la  main 
du  Seigueur  m'a  frappé  ;  elle  s'est   appesantie 
sur  moi,  je  ne  puis  en  supporter  l'insupportable 
poids...  0  vous  que  j'ai  tant  aimés  sur  la  terre, 
vous  pouvez  encore  m'ètre  utiles  !  Ce  n'est   pas 
la  flamme  qui  brûle  le  mauvais  riche    qui  me 
dévore  ;  non,  le  feu  qui  me  consume  f)eut  per 
dre  son  ardeur  ;  vos  prières  peuvent  l'éteindre  ; 
ayez  donc  pitié  de  moi,  vous  du  moins  mes  pa- 
rents, mes  amis?... 

Frères  bien  aimés,  vous  le  savez,  ces  gémisse- 
ments ne  sont  pas  toujours  entendus,  trop 
souvent  nous  passons  sourds  et  indilTérents  à 
côte  de  ces  pauvres  âmes  délaissées,  dont  il  nous 
serait  cependant  si  facile  d'abré^er  les  souffran- 
ces et  de  soulager  la  misère.  Or  ne  l'oublions 
pus,  prier  pour  les  âmes  du  purgatoire,  c'est 
un  devoir  qui  nous  est  imposé  [lar  la  charité 
comme  par  la  justice.  Laissons  pour  un  instant 
de  coté  les  liens  du  sang  et  de  l'amitié.  Ces 
âmes  souflrautes  ne  sont-elles  pas,  dites-moi,  les 

1 .  Bona.  De  di':iui  Psalmodia, 
'î.  Liïe,  uv-il. 


L\  SEMAINE  DU  CI.ERCË 


J33» 


feiiies  de  nos  fièrfs  en  Jésus-Christ?  Ne  xous 
sont-elles  pus  imies  par  la  même  foi,  par  le 
même  Liapiême?...  Si,  pour  arracher  un  homme, 
saisi  par  des  hiigands,  vous  n'aviez  qu'à  pousser 
un  on,  si  po.ir  sauver  un  homme  qui  se  noie, 
vous  n'aviez  qu'à  leuJre  la  main,  si  pour  re- 
donner la  vie  à  ce  pauvre  qui  va  expirer  de 
besoin,  il  suffisait  que  vous  lui  présentiez  un 
morceau  de  pain,  seriez-vous  assez  cruels,  assez 
barbares  pour  refuser  votre  assistance?. ..Et  vous 
verrez  les  âmes  de  vos  frères  tourmentées  par 
les  démons,  noyi'es  dans  une  mer  de  flammes, 
en  proie  au  dém'imeut  le  plus  complet,  sans  que 
votre  cœur  s'attendrisse?  Allez,  vous  n'avez  pas 
la  charité,  et  vous  n'êtes    pas  des  chrétiens... 

Après  tout,  si  le  sort  des  étrangers  vous  tou- 
che peu,  venez  donc  avec  moi  dans  ces  prisons 
du  purgatoire;  examinons  l'une  après  l'autre 
chacune  de  ces  âmes,  et  voyons  s'il  ne  s'en  trou- 
vera point,  que  la  justice  vous  oblige  d'aider  et 
de  secourir.  Regardez  bien  :  reconnaissez-vous 
celle  âme,  c'est  celle  d'un  ami,  d'un  voisin  que 
vous  avez  plus  d'une  fois  scandalisé;  il  expie 
la  complaisance  avec  laquelle  il  a  écouté  vos 
médisances  ou  vos  paroles  trop  libres.  Voyez- 
vous  là-bas  tout  au  fond  ce  père,  cette  mcre; 
l'affection  qu'ils  eurent  pour  vous  fut  trop  hu- 
maine et  trop  vive;  vous  étiez  l'objet  unique  de 
leurs  pensées;  ils  expient  maintenant  cette  ava- 
riceavec  laquelle  ils  ont  travaillé  à  vous  amasser 
des  biens,  cette  faiblesse  avec  la  ,uelle  ils  vous 
ont  élevés,  ces  molles  complaisances  qu'ils  ont 
eues  pour  vous.  Femme,  voyez-vous  votre  époux, 
homme,  n'apercevez-vous  pas  votre  femme; 
pères  et  mères,  ne  sont-ce  pas  là  les  âmes  de 
ces  enfants  que  vous  avez  tant  pleures,  et  que 
vous  avez  si  vite  oubliés  devant  Dieu  ?  Qui  île 
nous  oserait  dire  qu'il  n'a  contribué  en  rien  aux 
supplices  que  ces  âmes  endurent?  Et  quand  la 
justice,  ainsi  que  les  liens  du  sang,  nous  obli- 
gent à  les  secourir,  nous  passerions  hisensibles 
à  côté  de  leurs  souffrances  pour  nous  livrer  aux 
folles  joies  de  celte  viel...  Quoi,  parents  sans 
entrailles  et  sans  cœur,  vainement  retentirait  à 
nos  oreilles  ce  cri  suppliant  de  ceux  qui  nous 
furent  chers  :  Mon  iils,  ma  lille,  mon  père,  ma 
mère,  vous  du  moins  ayez  pitié  de  moi,  sou- 
lagez ma  détre«se.  Non,  mes  frères,  il  ne  sau- 
rait en  être  ainsi  ;  car  alors,  quel  nom  faudrait- 
il  donc  nous  donner!... 

Péroraison.  —  Fièies  bien  aimés,  oui,  le  pur- 
gatoire existe  ;  oui,  les  pauvres  âmes  y  endurent 
de  cruels  tourments  ;  oui,  nous  pouvons  les  sou- 
lager et  la  charité  comme  la  justice  nous  obligent 
à  venir  à  leur  secours .  Mais  il  est  une  autre  conclu- 
sion pratique  que  nous  devons  tirer  de  cette  ins- 
truction. C'est  de  faire  tous  nos  efforts,  pendant 
que  nous  vivons  sur  celte  terre,  atin  de  gagner  les 
indulgences  que  nous  offre  l'Eglise  et  de  vivre 


îi'une  manière  assez  clirétienne  pour  éviter  Li 
flammes  du  purgatoire...  Souvent  il  arrive  que, 
compt.mt  pour  peu  les  douleurs  qu'on  endure 
dant-  ce  lieu  d'expiation,  nous  nous  disons  : 
«  Oue  m'importe  le  temps  que  je  doive  rester, 
pourvu  que  tôt  on  tard  j'arrive  au  ciel?...  • 
—  Que  personne  d'entre  vous,  disait  a  ce  sujet 
saint.  Césaire  d'Arles,  ne  tienne  un  pareil  lan- 
gage; car  le  feu  du  purgatoire  est  plus  terrible 
que  tout  ce  que  nous  pouvons  imaginer,  voir  ou 
éprouver  ici-bas.  —  «  Aveugles  et  insensés, 
disait  un  autre  saint;  si  Dieu  purifie  les  taches 
qui  restent  à  ces  pauvres  âmes,  ce  sera  avec  une 
justice  sévère  et  un  feu  vengeur;  ne  vauilraLt- 
il  {las  mieux  pour  vous  vous  puriher  par  uu 
acte  de  contrition,  par  une  bonne  confession, 
que  de  vous  exposer  à  ces  brasiers,  qui,  sans 
être  éternels,  surpassent  cependant  toutes  les 
peines  et  tous  les  tourments  qu'on  peut  endurer 
sur  la  terre  (1). 

Frères  bien  aimés,  ponsons-y  sérieusement, 
rachetons  nos  péchés  par  des  aumônes  versées 
dans  le  sein  des  pauvres,  par  di's  œuvres  de 
piété  et  surtout  en  nous  montrant  compatis- 
sants à  l'égard  des  âmes  du  purgatoire.  Bien- 
heureux les  miséricordieux,  a  dit  notre  ilivic 
Sauveur,  parce  qu'ils  obtiendront  eux-mêmes 
miséricorde...  Puissi(nis-nous  tous  un  jour  de- 
vant le  Souverain  Juge  être  au  nombre  des  mi- 
séricordieux et  obtenir  de  sa  bonté  la  miséri- 
corde et  le  pardon  complet  de  nos  fautes...  Ainsi 
soit-il. 

L'abbé  I.orry, 
curé  de  Vaucliassis. 


LITURGIE 

LES  OUATRli-TEMrS. 
Ci'  article.) 
VI.  —  Une  foimu'.e  qui  se  trouve  à  la  fin  de 
plusieurs  sermons  de  saint  Léon  sur  les  jeunes 
du  septième  et  du  sixième  mois  a  causé  quelque 
embarras  aux  auteurs  qui  ont  traité  cette  ma- 
tière. M  Jeûnons  donc,  dit  ce  l'ape.  la  quatrième 
et  la  sixième  férié,  et  faisons  la  vigile  le  samedi, 
à  Saint-Pierre.  »  A  première  vue,  il  semblait  que 
saint  Léon,  qui  avait  tant  de  fois  parlé  du  jeune 
des  trois  jours,  et  qui  néanmoins  n'indiquait  au 
peuple  pour  le  samedi  que  la  vigile,  après  lui 
avoir  instamment  recommandé  de  jeûner  le 
mercredi  et  le  vendredi,  se  mettait  en  contra- 
diction avec  lui-même,  et  il  paraissait  étrange 
qu'il  supprimât,  en  ces  jours  spécialement  con- 
sacrés à  la  pénitence,  le  jeûne  du  samedi,  qui 
était  généralement  observé  par  dévotion  pendant 
toute  l'année.  Quelques-uns  ont  cru  résoudre 
cette  difiiculté,  en  supposant  que  le  saint  Pontife 

1.  Afiud  Lohner,  ubi  supra. 


1340 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


dispensait  on  réalité  du  j(  l'uie  ce  jour-là,  à 
cause  fie  la  louiiueur  fie  l'otllre  et  de  la  fatigue 
des  veilles  passées  dans  l'église,  et  ils  invo- 
quaient, à  l'appui  de  leur  cxpUcation,  la  dispense 
qui,  au  témoignage  de  Cassieu,  était  souvent 
donnée  à  cette  époque,  pour  la  même  raison, 
dans  les  monastères,  lorsque  les  jeûnes  étaient 
seulement  prescrits  par  la  règle  de  la  commu- 
nauté. Cette  solution  ingénieuse  a  le  défaut  de 
n'être  basée  que  sur  une  hypothèse.  Quesnel  en 
a  imaginé  une  autre,  fort  commode  assurément, 
et  qui  était  très  en  vogue  dans  son  parti,  chaque 
fois  que  l'on  éprouvait  le  besoin  de  se  débarras- 
ser d'un  texte  gênant.  Laissons  Baillet  lui-même 
annoncer,  avec  une  admiration  naïve,  cette 
belle  découverte.  «  Le  P.  Quesnel,  dit-il,  les 
a  tirés  tous  heureusement  de  cet  embai'ras, 
et  a  rendu  toutes  leurs  solutions  inutiles,  lorsqu'il 
nous  a  appris  que  cette  formule,  qui  sert  de 
conclusion  aux  sermons  de  saint  Léon,  est  une 
addition  étrangère  faite  longtemps  après  ces  ser- 
mons par  des  moines  qui,  en  les  copiant  pour 
les  usages  de  leurs  maisons,  ajoutaient  cette 
espèce  d'avertissement  pour  leurs  frères,  sans 
prétendre  le  faire  passer  pour  un  avertissement 
de  saint  Léon(i).  »  Sur  quui  repose  celte  asser- 
tion? On  ne  le  dit  pas.  Quesnel,  tout  avisé  qu'il 
était,  n'a  pas  pris  garde  que  l'on  devrait  trouver 
singulier  et  étonnant  ijue  les  moines  qui,  en  co- 
piant les  sermons  de  saint  Léon,  y  ajoutaientcet 
avertissement,  aient  désigné  précisément  pour 
leurs  monastères  l'église  de  Saint-Pierre  de 
Rome,  où  se  faisait  la  station  dans  la  ville  sainte. 
Cette  coïncidence  inexplicable  ruine  absolument 
cette  hypothèse,  déjà  par  elle-même  très-aven- 
turée. 

Thomassin  et  après  lui  Mérati  ont  trouvé  une 
solution  )i!us  acceptable.  Le  jeûne  du  samedi, 
observé  à  Kome  pendant  toute  l'année,  était  de- 
venu oblii-'atoire,  et  c'était  la  ba^e  de  l'argumen- 
tation d'Urbicus,  que  saint  Augustin  réfutait 
dans  sa  lettre  à  Casulanus,  dont  il  a  été  question 
plus  haut.  Il  n'en  était  pas  ainsi  du  jeûne  du 
mercredi  et  du  vendredi,  qui  demeurait  facul- 
tatif et  de  pure  dévotion.  Il  était  donc  bon,  à 
l'approche  des  Quat^-e-Temps,  de  rappeler  au 
peuple  qu'il  était  tenu  de  jeûner  ces  deux  der- 
niers jours,  et  il  suffisait  de  lui  annoncer  la 
vigile  du  samedi  qui  s'ajoutait  au  jeûne  accou- 
tumé. Cette  réponse  est  assurément  sérieuse  et 
très-plausible,  .\joutons  que  la  vigile  emportait 
par  elle-même  le  jeûne,  conformément  à  la  disci- 
pline eu  vigueur,  et  comme  nous  le  pratiquons 
encore  aujourd'hui  pour  les  fêtes  les  plus 
solennelles,  bien  que  les  veilles  aient  cessé,  de- 
puis une  époi]ue  déjà  bien  reculée,  de  se  taire  la 
nuit  dans  les  églises.  L'indiclioudela  vigile  em- 

I.  BailIct,  Le$   Viu  du  Saint*.,  etc.,  llisl.  de)    Quatrf 
Ternis,  J  l. 


portait  donc  par  elle-même  celle  du  jeûne,  qu'il 
était  inutile  de  mentionner  spécialement.  D'ail- 
leurs, en  examinant  soigneusement  la  fornmlc 
par  laquelle  saiut  L"on  termine  ordinairement 
ses  homélies  touchant  les  Quatre-Temps.  nous 
avons  cru  constater  qu'en  invitant  les  fidèles 
à  la  vigile,  ii  n'a  pas  toujours  complètement 
passi'^  le.  jeûne  sous  silence.  A  la  fin  de  son 
premier  sermon  sur  le  jeûne  du  septième 
mois,  ou  les  Quatre-Temps  de  septembre,  il 
dit  :  «  Et  parce  que,  frères  bien  aimés,  il  con- 
vient que  nous  célébrions  le  jeûne  du  sep- 
tième mois,  nous  avertissons  Votre  Sainteté  que 
nous  aurons  à  jeûner  la  quatrième  et  la  sixième 
férié,  et  le  samedi  nous  ferons  pareillement  la 
vigile  près  du  bienheureux  apôtre  Pierre.  Sab- 
bato  vero  ajiud  bcntum  Pelrum  Apos/olum  pariter 
vigikmus  {\),  »  A  la  fin  du  troisième  sermon 
sur  le  même  sujet,  nous  lisons  encore  :  Sab- 
bato  aiilem  apnd  bentissimum  Pelrum  aposto- 
lum  pariter  t'j'/iVms  relebremus.  Nous  savons  bien 
que  pariier  peut  se  traduire  par  ensemble;  mais, 
en  convoquant  une  assemblée  comme  celle  qui 
se  réunissait  jiour  lUie  vigile,- il  serait  bien  su- 
perflu d'avertir  que  l'on  y  sera  ensemble.  L'ad- 
verbe signifie  plus  ordinairement  pareillement, 
semhhblement,  de  la  même  façun.  Il  nous  semble 
qu'il  faut  ici  le  prendre  tians  ce  sens,  et  alors 
saint  Léon  rappelle  d'un  mot  aux  fidèles  qu'il» 
devront  passer  le  samedi ,  jour  de  vigile,  de  la 
même  manière  que  le  mercieth  et  le  vendredi, 
c'est-à-dire  en  observant  le  jeûne.  Quelle  que 
soit  l'interprétation  que  l'on  adopte,  on  voit  que 
le  samedi  était  réellement  compris  dans  les 
Quatre-Temps  et  consacré  au  jeûne. 

VIL  — Toutes  les  institutions  ecclésiastiques 
sont  dirigées  vers  la  double  fin  de  la  gloire  de- 
Dieu  et  lie  la  sanctification  des  âmes,  la  première 
étant  procurée  par  la  seconde.  11  nous  faut  donc 
rechercher  les  raisons  spirituelles  de  rétablisse- 
ment des  Quatre-Temps. 

Nous  avons  dit  déjà  que  la  pensée  d'instituer- 
ces  quatre  jeûnes  a  été  inspirée  à  l'Église  par 
l'ancieime  institution  des  quatre  grands  jeûnes- 
de  Tannée  qu'observait  la  Synagogue,  et  que  la 
loi  nouvelle  a  conservé  de  l'ancienne  la  plupart 
des  observances  qui,  n'ayant  pas  un  caractère 
excluêivement  figuratif,  pouvaient  s'adopter  au 
nouvel  ordre  de  choses  et  tourner  au  bien  des 
âmes.  La  répartition  des  jeûnes  actuels  est 
moins  ini-gale  que  celle  des  jeimes  d'autrefois, et 
correspond  mieux  à  la  division  de  Tannée  en 
quatre  saisons  distinctes.  Leur  but  premier  et 
direct  est  de  consacrer  chacune  des  saisons  par 
la  pénitence,  sans  laquelle  l'homme  w;  peut 
faire  nu  bon  usage  du  temps,  en  se  munissant 
contre  les  tentations  et  acquittant  sa  dette  pour 
les  péchés  où  sa  faiblesse  l'a  entraîné.    Saint 

1.  rrail«Aù(«r.  H  dogtii.  iujeime,  p.  4t  et  42. 


I 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


!3il 


Léon,  que  nous  oontinnons  de  proiulre  pour 
guide  duus  cette  élmle,  nous  l'indique  assez 
claireiiii'iit  dans  ce  passage  déjà  cité  en  partie 
et  qui  revient  naturellement  se  placei-  ici  : 
n  L'utilité  de  cette  observance  (de  la  pénitence) 
se  rencontre  surtout  dans  les  jeûnes  ecclésiasti- 
ques, qui,  selon  renseia:nement du  Saint-Esprit, 
ont  été  distribués  dételle  sorte  dans  tout  le  cours 
de  l'année,  que  la  loi  de  l'abstinence  cstattachée 
à  toutes  les  saisons.  Le  jeûne  du  printemps 
est,  eu  effet,  placé  dans  le  carême,  celui  de  l'été 
dans  le  temps  de  la  Pentecôte,  celui  de  l'automne 
dans  le  septième  mois,  et  celui  de  l'hiver,  que 
nous  observons  présentement,  dans  le  dixième 
mois.  Cela  nous  fait  comprendre  que  rien  n'est 
soustrait  aux  divins  préceptes  et  que  Dieu,  en 
répandant  sa  parole,  se  sert  j.etous  lesélémenls 
pour  notre  insiruclion,  puisque  les  quatre  sai- 
sons, qui  sont  comme  les  points  cardinaux  du 
monde,  nous  a|)prennent  constamment,  comme 
les  quatre  Evanj^iles,  ce  ipic  nous  devons  prê- 
cher et  acconi;ilir(l).))  Le  saint  docteur  poursuit 
en  montrant  comment  ces  jeûnes  saiictilient  la 
vie,  si,  à  la  mortiiication  corporelle,  on  sait 
joindre  la  vraie  pénitence,  qui  consiste  dans  le 
regret  du  pédié  et  le  sacrifice  g'énérenx  de  tout 
ce  qui  y  conduit.  C'est  sur  ce  sujet  qu'il  se  plait 
à  revenir  dans  le  plus  grand  nombie  des  ser- 
mons qu'il  a  jjroiioncés  à  l'occasion  des  Quatre- 
Teraps  :  «  Puisque  tous  les  vices  sont  ttéiruits 
par  la coutineuce  (c'est-à-dire  par  le  rctranclie- 
ment  de  ce  qui  les  nourrit),  et  que  la  soif  de 
l'avai'iee,  les  aspiratioiis  dr  l'ortiueil  et  les  con- 
voitises de  la  luxure  sont  absolument  domptées 
par  la  fermeté  de  celte  vertu,  qui  ne  voit  quel 
préservatif  puissant  est  le  jeûne,  puisqu'il  nous 
est  reeommaniié,  non-seulemeutde  nous  y  res- 
treindre dans  l'usage  des  aliments,  mais  ausî^i  de 
retrauchiT  tous  les  désirs  charnels  ?  Ce  serait 
certes  une  chose  vaine  que  de  s'imjioser  la  faim 
et  de  ne  poiut  renoncer  à  une  volonté  perverse, 
que  de  s'allliger  par  la  soustraction  des  aliments 
et  de  ne  pas  reculer  devant  le  péché  déjà  pré- 
sent à  la  pen-ée  {i).»  Si  le  ieùue  produit  di'  tels 
etïets  et  procure  de  siurands  avantaj^es  spirituels, 
pourquoi  ne  l'observe-t-on  pas  cluujue  jour"? 
Saint  Léon  répond  :  «  S'il  est  oiflicile,  dans  cette 
vie,  de  s'astreindre  continuellement  à  cette  pra- 
tique, il  est  cependant  possible  de  la  reprendre 
fréquemment,  en  sorte  que  noua  soyons  a[ipli- 
qués  [ilus  souvent  et  plus  longtemps  aux  intérêts 
de  l'àrae  qu'à  ceux  d)i  corps,  et,  lorsque  nous 
consaeron.!  plus  de  temps  aux  soins  les  plus 
élevés,  nos  actions  mémetempoiellessont  trans- 
formées et  nous acvpiièreutles  richesses  incorrup- 
tibles (3).  />  Il  dit  encore  :  a  Quoi  de  pins  juste 

!.  Serin.  Xix   (nlïas,  18),    De  je j unit  dttUiU    i;u'«si«  VIII, 
num.  2. 
2.   Itiid. 
Z.  lOid.  Duiu.  I. 


que  l'homme  nccompIi?se  la  volonté  de  celui 
dont  il  piirte  l'image,  eti|u'ensc  reuamhaut les 
aliments  matériels,  il  s'impose  le  jeûne  du  péché 
par  la  ré-istance  à  sa  loi  ?  C'est  pour  cette  raison 
que  cette  obs  avance  a  été  fixée  aux  Quatre- 
Temps,  afin  que,  dans  tout  le  cours  de  l'année, 
qui  s'écoule  pour  recommencer,  nousreconnais- 
si(uis  que  nous  avons  incessamment  besoin  de 
nous  jinrifier,  et  que  tant  que  nous  sommes 
l)alliittés  par  les  vicissitudes  de  cette  vie,  il  nous 
faut  faire  de  continuels  elïorts  pour  effacer,  par 
les  jeûnes  et  les  aumônes,  le  péché  contracté  par 
la  fragilité  de  la  chair  et  sous  l'intlueiice  des 
passio;:s  impures  (1).  » 

Si  !a  succes?ion  des  saisons  nous  repré.^ente 
les  diverses  phases  de  ia  vie  humaine,  qui  par- 
court des  périodes  très-distinctes  avant  d'aller 
s'abimcr  et  se  perdre  dans  Véleruité,  elle  opère 
aussi  dansla  nature  sensible  une  révolution  com- 
plète, aboutissant,  dans  l'ordre  matér'cl,  et  sui- 
vant le  desiL'in  de  Dieu,  à  la  production  di-s fruits 
de  la  terre,  qui  deviennent  l'aliment  de  la  \ie 
corporelle.  Cbaque  saison  concourt  à  sa  manière 
à  ce  résultat.  Ces  biens  sont,  dans  l'ordre 
naturel,  une  bénédiction  de  Dieu,  qui  nous  les 
donne  ou  nous  en  prive  selon  son  bon  plaisir  et 
aussi  en  proportion  de  nos  mérites.  L'Eglise, 
pleine  de  soilicitude  pour  nous  et  attentive  à 
tous  nos  besoins,  ne  m-glige  point  de  demander 
à  Dieu  pour  ses  enfants  les  biens  icmporels.  Elle 
a  mis,  dans  les  litanies  des  saints,  une  invoca- 
tion siiéciale  ;  deux  des  processions  indiquées 
dans  le  lii'.ud  .=ont  faites  poiir  obtenir  un  temps 
favorable  aux  fruits  de  la  terre,  et  des  onisons 
correspotiilantes  ont  été  insérées  dans  le  Missel. 
Les  saisons  ayant  une  iiiibieuee  décisive  sur 
noire  bienètie  matériel,  rKglIsc  a  voulu  aussi 
qu'à  chacune  d'elles,  nous  tissious  des  actes  de 
pénitence,  (pu.  en  expiant  nos  péchés,  sup- 
priment l'obstacle  radical  aux  fivoiirf  divines, 
et,  nous  rai'prociiantde  Dieu,  l'ex^itout  à  nous 
traiter  avec  la  paternelle  libéralité  a  laquelle  son 
cieur  e.st  enclin.  Le  jeûne  des  Çiiatre-Tempa 
nous  est  iînposi'^  pour  cette  fin,  ainsi  que  l'ex- 
pliquent les  auteurs  qui  ont  traité  ce  sujet,  et 
;)articu!ièrc'raent  Coriiélin«  à.  Lapide,  dans  soa 
Coinmciiliiire  sur  le  cinpitre  xiii  ilu  prophète 
Zaeharie,où  il  est  parlé  du  ji  une  deji[uatrième, 
cinquième,  septième  et  di.viéme  mois  observé 
par  le  peuple  juif. 

Lorsque  Dii'u  s'est  lai.ssé  toucher  par  nos 
prières  appuyées  par  notre  pénitence,  et  qu'il 
nous  a  donné,  dans  la  mesure  convenable,  les 
choses  ncvessairts  à  notre  subsistance,  nous  lui 
devons,  en  retour,  nos  actions  de  grâces,  et  il 
convient  encore  de  nous  prémunir  par  le  jeûne 
contre  les  excès  auxquels  pourrait  nous  porter 

1.  Serin.  -XCIV  {'rlias.  92),  D:  Jejwtio  seplimi  mentU  l~t 
Dum  3. 

Tome  IV.  —  N»  li. 


im 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


l'abondance  de  fontes  clioscs  en  offrant  à  notre 
appétit  naturel  de  l'aciles  jouissances.  Cette  dou- 
ble pensée  nous  est  spécialement  remise  eu  mé- 
moire par  le  jeûne  des  Quatre-Temps  d'hiver  où 
les  Iruils  de  la  terre  sont  recueillis  et  assurés. 
Saint  Léon  dit  à  propos  de  ce  jeûne  :  «  Tous  les 
temps,  frères  Lien  aimés,  sont  bons  pour  cette 
œuvre,  mais  l'époque  présente  est  pai  ticuliôre- 
ment  opportune  et  convenable,  et  nos  saints 
Pères,  divinement  inspirés,  sont  prescrit  d'y  ob- 
server le  jeûne  du  dixième  mois,  afin  que,  la 
récolte  de  tous  les  fruits  étnnt  achevée,  chacun 
pratique,  en  l'honneur  de  Dieu,  une  abstinence 
que  conseille  la  raison  chrétienne,  etse  souvienne 
fl'user  de  telle  sorte  de  son  «abondance,  qu'en 
s'imposant  à  soimcme  des  retranchements,  il 
puisse  se  montrer  plus  large  envers  les  pau- 
vres (1).  1)  Et  encore  :  «  Les  constitutions  apos- 
toliques ont  sagement  décrété  que  les  jeûnes 
anciens  seraient  maintenus,  à  cause  de  leur 
utilité...  Cette  raison  indiquant  avec  la  plus 
grande  netteté  ce  qu'il  falluit  faire,  nous  ajou- 
tons à  ce  que  les  règles  de  l'Eglise  ont  déjà  dé- 
terminé le  jeûne  du  dixième  mois,  €t  selon  la 
coutume,  nous  eu  faisons  l'indication  à  votre 
dévotion.  Nous  agissons  ainsi,  parce  que  la  par- 
faite piété  et  la  pleine  justice  demandent  que, 
après  avoir  terminé  la  récolte  des  fruits  de  la 
terre,  nous  rendions  à  Dieu  nos  actions  de  grâces 
et  nous  lui  offrions  un  sacrifice  de  miséricorde, 
en  y  joignant  l'immolation  de  nous-mêmes  par 
le  jeûne.  Chacun  peut  se  féliciter  de  son  abon- 
dance et  être  satisfait  d'avoir  rempli  se?  gre- 
niers, mais  il  doit  user  de  ses  biens  de  telle  sorte 
que  les  pauvresaieni  lieu  aussi  de  se  réjouir  de 
le  voir  ainsi  comblé.  Que  la  fécondité  des  âmes 
imite  ili  multiplication  des  moissons,  les  écoule- 
ments de  la  vigne,  la  fruclification  des  aibres; 
que  les  cœurs  donnent  à  leur  tour  ce  qu'a  donné 
la  terre,  afin  que  nous  puissions  dire  avec  le  pro- 
phète :  Notre  terre  a  produit  son  fruit  (2).  En 
effet,  Dieu,  le  vrai  et  souverain  laboureur,  n'est 
pas  seulement  l'auteur  des  fruits  matériels,  mais 
aussi  des  fruits  spirituels,  et  il  sait  appliquer, 
aux  deux  genres  de  semence  et  aux  deux  tiiaraps, 
la  double  culture  qui  leur  convient,  donnant  à 
la  terre  le  développement  des  graines  et  aux 
âmes  le  progrès  dans  les  vertus,  en  sorte  que 
ces  deux  prospérités  ayant  pour  [irinei  pc  la  même 
providence,  ellesprovoiinent  à  unememe  œuvre 
qui  est  leur  comnmn  résultat.  Car  l'homme,  créé 
à  l'image  et  à  la  ressemblance  de  Dieu,  n'a  rien 
qui  soit  autant  sa  propriété  dans  les  attiibuts 
qui  sont  l'honneur  de  sa  nature,  que  la  faculté 
d'imiter  la  bonté  de  sou  auteur,  lequel  n-paml 
largement  ses  dons  par  miséricorde  et  exige  jus- 

1.  Serm.  XVI  (ii.os  15),   de  jejunio   decmii   mensis  V, 
num.  ï. 

2.  P$.  LXi,  6. 


tement  que  nous  le  payions  de  retour,  voulant 
nous  associer  par  là  à  ses  œuvres.  Ainsi,  quoi- 
que nous  ne  puissions  créer  aucun  des  êtres  de 
la  nature,  la  grâce  que  Dieu  nous  a  fidte  nous 
donne  le  pouvoir  de  diriger  vers  leur  fin  les 
choses  matérielles  (t).  »  Le  jeûne  des  Quatre- 
Temps  étant  compris  de  cette  Inçon,  les  vertus 
de  pénitence,  de  religion,  de  charité  sont  simul- 
tanément pratiquées;  nous  sommes  dégages  du 
péché.  Dieu  est  honoré,  le  prochain  est  soulagé, 
et  alors  se  vérifie  cette  parole  du  prophète  Za- 
charie  :  Les  jeûnes  du  quatrième,  du  cinquième,  du 
septième  et  du  dixième  moia  se  tourneront  en  jour» 
de  joie  pour  la  maison  de  Juda  (2). 

Ce  n'est  pas  seulement  à  chacune  des  quatre 
saisons  prise  comme  une  des  grandes  périodes 
de  l'année  que  se  rapportent  les  jeûnes  des 
Quatre-Temps.  Saint  Léon,  dans  des  passages 
que  nous  avons  déjà  cités,  dit  que  ces  jeûnes 
sont  distribués  de  telle  sorte,  qu'ils  s'appliquent 
à  l'année  entière.  En  eflfet,  les  trois  jours  de 
jeûne  de  chaque  saison  correspondent  aux  trois 
mois  dont  elle  se  compose,  et  le  total  égale  celui 
des  mois  de  l'année  entière,  et  ainsi  toutes  les 
divisions  principales  du  temps  ont  un  jeûne  dont 
la  vertu  les  sanctifie.  Cornélius  a  Lapide,  qui 
fait  ce  calcul  pourjustifier  l'observation  de  saint 
Léon,  ajoute  que  l'application  de  ce  principe  est 
encore  poussée  plus  loin  par  l'observation  du 
carême,  et  c'est  à  saint  Grégoire  le  Grand  (3) 
qu'il  emprunte  celte  autre  supputation.  «  Pareil- 
lement, dit-il,  nousjeûnons  pendant  le  carême, 
afin  de  payer  à  Dieu  la  dîme  de  toute  l'année 
par  l'abstinence  et  la  pénitence.  Divisez,  en  effet, 
les  trois-cent-soixante  jours  de  l'année  par  le 
nombre  dix,  et  vous  obtiendrez  trente-six.  C'est 
le  nombre  des  jours  de  jeûne  que  nous  obser- 
vons dans  les  six  semaines  du  carême. Ces  trente- 
six  jours  sont  comme  la  dîme  des  jours  de  l'an- 
née entière  (4).  »  il  est  vrai  qu'un  reste  de  cinq 
jours  est  néiiligé;  mais  il  ne  s'agit  que  d'un 
calcul  approximatif. 

La  doctrine  précédemment  exposée  par  saint 
Léon  a  traversé  les  siècles.  Durand  de  Mende 
nous  apprendra  dans  quel  esprit  étaient  observés 
lesQuatre-Temos  au  .xni"  siècle: 

B  Nousjeûnons  quatre  fois  l'an,  premièrement 
pour  corriger,  en  chacune  des  quatre  saisons 
de  l'année,  les  qnatreéléments  viciés  qui  entrent 
dans  la  composition  de  notre  '<orps  ;  car  le  corps 
de  l'homme  se  compose  de  quatre  éléments,  et 
son  àmc  de  tiois  puissances,  la  rationnelle,  la 
concupiscible  et  l'irascible.  Abu  donc  d'équili- 
brer eu  nous   ces   éléments  et  ces  puissances^ 

1.  Serm.  XX  {alias  19),  dt  decimi  mensis  jejunio  IS, 
num.  2. 

2.  Zach.,  VIIII,  19. 

3.  Ilomil.  26  tn  Ecang. 

4.  Comment,  in  cap.  viii  t>.   19  Zacharia  proi>helm. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1  » 


nous  jf  ùnons  qnntre  fois  dans  le  cours  de  l'an- 
née,  et  chaque  jeûne  est  de  trois  jours,  afin  que 
le  nombre  quatre  se  rap[)orte  au  corpSj  et  le 
nombre  Irois  à  l'âme. 

En  effet,  l'année  se  partage  en  quatre  sai- 
sons :  le  printemps,  l'été,  l'automne,  l'hiver, 
qui,  par  leurs  agréments,  ont  coutume  de  nous 
détourner  de  l'amour  de  Dieu.  Le  printemps  est 
chaud  et  humide,  et  nous  jeiinons  dans  cette 
saison,  afin  que  l'élément  de  l'amour  soit  cor- 
rigé en  nous  et  ne  dévie  pas  sous  l'influence  de 
la  vaine  beauté  du  printemps.  Le  jeûne  a  donc 
alors  pour  fin  de  nous  prémunir  contre  l'impu- 
reté, qui  provient  de  l'humidité  et  de  la  cha- 
leur. L'été  est  chaud  et  sec.  Nous  jeiinons  en  ce 
temps  pour  tempérer  en  nous  l'élément  de  la 
chaleur  et  l'empêcher  de  déterminer  en  nous 
l'incendie  de  la  chair;  ou  bien  le  jeûne  combat 
l'orgueil,  parce  que  nous  sommes  exposés  à  nous 
complaire  orgueilleusement  dai)s  les  fruits  de  la 
terre,  qui  fleurissent  et  mûrissent  à  celte 
époque.  L'automne  est  froid  et  sec,  et  le  jeûne 
de  cette  saison  empêche  notre  âme  de  se  dessé- 
cher et  de  périr  de  langueur,  et  la  préserve  de  se 
présenter  aux  tabernacles  éternels  dépourvue  de 
la  graisse  et  de  l'huile.  Nous  jeûnons  encore  pour 
nous  garantir  de  l'avarice,  parce  que  c'est  en  ce 
temps  que  l'on  recueille  les  moissons  pour  b's 
conserver.  L'hiver  est  froid  et  humide.  Alors 
nous  recourons  au  jeûne  pour  soustraire  nos 
membres  à  l'énervation  que  produisent  le  luxe 
et  la  mollesse,  et  qui  ré^uUe  de  l'excès  du  boire 
et  du  manger,  et  par  là  nous  nous  mettons  en 
garde  contre  la  négligence  dans  la  pratiiiue  de 
l'amour  divin  ;  ou  bien  encore  nous  combattons, 
par  le  jeune,  la  paresse,  en  ce  temps  où  la  froi- 
dure est  une  cause  d'engourdissement. 

a  Nous  jeûnons  donc  dans  ces  quatre  saisons 
de  l'année,  alin  de  nous  préserver  des  vices  et 
de  nous  purifier  de  nos  péchés.  Et  parce  que 
chaque  saison  se  compose  de  trois  mois,  nous 
observons  dans  l'année  quatre  jeûnes  de  trois 
jours,  un  jour  par  chaque  mois,  alin  de  consa- 
crer ce  jour  à  satisfaire  pour  les  péchés  commis 
pendant  le  mois  correspondant. 

»  Ces  jeûnes  s'expliquent,  en  second  lieu,  par 
les  raisons  suivantes  :  Le  premier  est  placé  au 
mois  de  mars,  dans  la  première  semaine  de 
carême,  afin  de  développer  en  nous  le  germe 
des  vertus  et  de  dessécher,  pour  ainsi  dire,  les 
vices  qui  ne  peuvent  être  entièrement  exter- 
minés. Le  second  a  lieu  en  été,  dans  la  semaine 
de  la  Pentecôte,  parce  que  c'est  le  temps  de  la 
venue  du  Sainl-Esprit  et  que  nous  devons  être 
remplis  de  la  ferveur  qu'il  répand  dans  les  âmes. 
Le  troisième  vient  dans  le  mois  de  septembre, 
avant  la  fêle  de  saint  Michel  et  au  moment  de 
la  récolle  des  fruits.  Nous  devons  alors  offrir  à 
Dieu  le  fruit  de  nos  bonnes  œuvres.  Le  quatrième 


est  fixé  an  mois  de  décembre,  époque  où  les 
herbes  se  desséchent  et  meurent,  poumons  rap- 
peler que  nous  élevons  mourir  au  monde. 

«  On  jeûne  en  ces  temps,  en  troisième  lieu, 
parce  que  le  printemps  se  rapporte  à  l'enfance, 
l'été  à  la  jeunesse,  l'automne  à  la  maturité  on  à 
la  virilité,  l'hiver  à  la  vieillesse.  Nous  jeûnons 
•^  onc,  dans  le  printemps,  pour  obtenir  d'être 
toujours  des  enfants  par  l'innocence  ;  dans  l'été, 
P<'ur  devenir  jeunes  par  la  con-tance  ;  dans 
l'automne,  pour  être  mûrs  par  la  modération; 
dans  l'hiver,  pour  acquérir  la  prudence  des 
vieillards  et  l'intégrité  de  la  vie. 

«  Nous  jeûnons  encore,  en  quatrième  lieu, 
aux  quatre  saisons  de  l'année,  pour  oljtenir  de 
Dieu  qu'il  nous  conserve  tout  ce  que  (uoduit  la 
terre  dans  ces  saisons  et  qui  sert  à  l'usage  de 
l'homme (I).  » 

S'il  y  a,  dans  l'exposé  de  Durand  comparé  à 
la  doctrine  de  saint  Léon,  des  variantes  et  des 
idées  nouvelles,  c'est  le  même  tond,  et  bs  pen- 
sées di:  grand  docteur  n'y  sont,  en  réalité,  que 
développées. 

{A  mivre.)  P.-F.  Ecaue, 

professeur  de  théologie. 


HERiVlÉNEUTlQUE    BIBLIQUE 

III.  —  DE  LA  RECHERCHE  DU  SENS  PAR  L'USAGE  DE 
LA    LANGUE  {suUe). 

Art.  II.  —  De  l'usage  de  Ja  langue  dans  la  bible. 

Nous  avons  maintenant  à  faire  l'application 
aux  langues  bibliques  des  principes  généraux 
exposés  dans  l'article  précédent.  Quelles  sont  ces 
lani-'ues,  tout  le  monde  le  sait.  Les  livres  pioto- 
canonique  de  l'Ancien  Testament,  à  l'exception 
de  quelques  fragments  en  langue  chaldéenne 
{Dan.  II,  2,  VII,  28;  Esdr.  iv,  17  ;  VI,  18;  vu, 
-12-26;  Jerem.  X,  11),  ont  été  écrits  en  hébreu  ; 
les  autres  parties  de  la  sainte  Flcriture  ou  bien 
ont  été  composées  primitivement  en  grec,  ou 
bien  ne  remontent  plus  qu'à  un  texte  grec,  d'où, 
comme  de  la  source  primitive,  sont  sorties  à 
peu  près  toutes  les  autres  versions.  Nous  parle- 
rons donc  en  premier  lieu  de  lu  langue  hébraï- 
que, en  second  lieu  de  la  langue  grecque.  Le 
génie  et  l'origine  de  ces  deux  idiomes  offrent 
des  diflerences  si  profondes,  qu'il  nous  a  paru 
nécessaire  de  traiter  séparément  de  la  manière 
de  parler  propre  à  chacun  d'eux. 

Que  1  interprète  catholique  puisse  et  doive  re- 
courir aux  langues  originales  de  la  sainte  Ecri- 
ture, c'est  uu  point  qui  ne  fait  plus  question 
aujourd'hui.  Sans  doute  le  concile  de  Trente, 
dans  sa  IV  session,  a  déclaré  authentique  la  ver- 

i.  fiofionol  des  dhins  offict;  liv.  VI,  ch.  vi. 


1344 


LA  SEMAINE  DU  CI.ERGE 


BÏon  latine  <lite  Vnignie;  mnis  ce  dntTft  no  parle 
que  des  versions,  et  des  seules  versions  latines 
exislaut  à  cette  époque,  et  seulement  de  leur 
usage  public;  il  ne  dit  pas  un  mot  des  textes 
originaux,  que  Ton  doit  naturellemi'ntpri'férer, 
comme  on  préfère  la  source  aux  ruisseaux  qui 
en  découlent  (1).  Que  le  théologien  qui  en  a  la 
facilité  lise  donc  la  Cible  dans  sa  langue  iirimi- 
iive  ;  toutes  les  versions  trébuchent  pins  ou 
moins,  et  il  est  souvent  plus  dilficile  de  les 
bien  entendre  que  les  originaux  cux-mèmcs. 
Cette  étude  est  môme  absolument  nécessaire 
dans  la  polémique  avec  les  incrédules  et  les 
hérétiques,  qui  allèj^uent  toutes  sortes  d'objec- 
tions contre  la  Vulgate  latine. 

§  I.  —  De  l'usage  de  la  langue  hébratqm. 

La  langue  hébraïque,  parlée  autrefois  par  le 
peuple  d'Israël,  est  une  des  trois  grandes  bran- 
ches du  tronc  sémitique  (2).  De  nombreux  in- 
dices prouvent  qu'elle  ne  différait  guèic  du 
dialecte  en  usage  chez  les  Cananéens  de  Pales- 
tine et  de  Pbéuicie.  Ainsi  les  noms  prni)iLS  de 
personnes  et  de  lieux  présentent  manitVsleiueut 
une  étymologie  et  une  forme  hébraïqnes,  par 
exemple,  Mclckisédech,  Abimé!ec/i,  Jénis'iem, 
Sichem,  etc.;  il  en  est  de  même  des  nom-  «[u'on 
a  pu  déchiffrer  sur  les  inscriptions  et  les  mon- 
naies ;  entin  les  Cananéens,  dom[ités  par  les  des- 
cendants d'Abraham,  ont  longtemps  encore  ha- 
bité le  pays,  sans  que  la  Bible  laisse  apercevoir 
la  moindre  trace  d'une  diff'ércnce  entre  leur 
langage  et  celui  de  leurs  vainqueurs,  l/liébieu 
est  même  appelé  [lar  Isaie  «  langue  des  Cana- 
néens H  {/s.  .MX,  18),  parce  qu'Abraham,  étant 
venu  de  la  Clialdée  en  l'alestine,  avait  adopté 
le  dialecte  des  Cananéens,  presque  identiipie  à 
celui  de  son  ancienne  pairie,  et  l'avait  transmis 
à  ses  enfants.  Merveilleusement  cultivé  par  ses 
derniers,    cet  idiome    atteignit  son  plus    haut 

1 .  Ce  point  recevra  plus  tard  tous  les  éclaircissements 
désirables. 

2.  Les  Pères  de  l'Eglise,  et  spécialement  saint  Jérôme, 
donnaient  le  nom  à'orientaUs  au  groupe  de  langues  en 
usage  dans  l'Asie  antérieure  (Syrie,  l'bénicie,  .Arabie,  etc.), 
ctauquel  Ihobrcu  appartenait.  Cette  dénomination  l'ut  long- 
temps eu  vigueur;  mais  elle  cessa  d'être  adéquate,  lors- 
que d'autres  idiomes  importants  de  l'Asie,  qui  ne  pou- 
vaient se  rattacher  à  ce  groupe,  furent  révélés  aux  savants 
de  l'Europe.  Vers  la  fin  du  siècle  dernier,  Eichhom  la 
remplaça  par  celle  de  sémitique,  parce  qu'en  effet,  la  plu- 
part des  peuples  qui  se  servaient  de  ces  langues  descen- 
daiei.t  de  Sem  (Gen.  X,  îl  suiv.).  Nous  disons  la  plupart, 
car  les   Elamites,  que  Moise   l'ait    remonter  au2si  à  Sem, 

Sarlaient  vraisemblablement  un  idiome  alliédu  persan);  et, 
'un  autre  coté,  des  nations  issues  de  Cbam,  toiles'  que 
les  Cananéens,  les  Phéniciens,  les  Cousbices,  etc.  se 
servaient  aasù  d'un  dialecte  sémitique.  La  nouvelle  déno- 
mination, on  le  voit,  est  loin  d'être  juste;  ello  s'est 
néanmoins  maintenue  ju-squ'ii  nos  jours  ponr  désigner 
une  famille  de  langues  bien  déterminée,  comjirenant 
trois  dialectes  princijjaux  :  l'araméen,  l'hébreu  et  l'arabe, 
•u^uel  se  rattache  l'éthiopien. 


degré  de  perfection  Siiiis  les  règnes  de  David 
et  de  Salomon.  Il  ne  subit  jusqu'à  l'exil  aucun 
changement  essentiel;  mais,  à  pari  ir  de  cette 
époque,  il  reçut  des  expressions  et  des  formes 
étrangères,  qui  altérèrent  sa  pureté  primitive. 
Il  ne  pouvait  en  être  autrement.  Durant  ces  lon- 
gues années  de  l'exil,  les  Hébreux  avaient  pris 
l'bnbitude  de  parier  la  langue  des  lieux  où  ils 
vivaient,  c'est-à-dire  l'araméen  oriental,  ou 
chaldéen  ;  après  le  retour  de  la  captivité,  l'an- 
tique idiome  de  la  nation  disparut  peu  à  peu 
des  lèvres  du  peuple,  qui  le  comprenait  à  peine, 
pour  n'être  pins  employé  que  dans  les  livres, 
dofi:;uré  plus  ou  moins,  dans  ce  dernier  asile, 
par  le  mélange  d'éléments  empriuilés  soil  à  la 
langue  vulgaire,  soit  à  d'autres  langues  d'ori- 
gine récente.  Vers  la  fin  de  l'ère  des  Maccha- 
bées, beaucoup  plus  tôt  selon  d'autres,  l'hébreu 
était  devenu  une  langue  morte. 

Nous  commcmerons  par  décrire  le  caractère 
propre  de  l'hébrea  de  la  Bible  ;  ensuite  nous 
indiquerons  les  sources  où  l'on  pourra  puiser 
une  connaissance  de  cette  langue. 

1°  Caractère  propre  de  l'hébreu  de  la  Bible. 

Il  n'est  personne,  tant  soit  peu  famiheravec 
ces  matières,  qui  ne  sache  combien  les  langues 
fémitiques  diffèrent  de  toutes  les  autres,  surtout 
de  nos  lanirùes  occidentales.  Que  si,  aux  parti- 
cularités (lu  langage  sémitique  en  général,  ou 
ajoute  ce  qui  appartient  au  dialecte  hébreu,  on 
aura  une  notion  e:iacie  et  complète  l'e  la  ma- 
nière de  s'expi  iraer  propre  à  ce  dernier.  Mais 
ici  plusieurs  distinctions sontnécessaires.  Quelle 
différence,  d'abord,  erdre  les  nombreux  écrits 
antérieurs  à  l'e.vil,  et  ceux  qui  furent  composés 
pendant  ou  après  cette  époque!  Tandis  que  la 
plupart  dts  premiers,  pour  la  pureté  de  la  lan- 
gue, pourTéligance  et  la  sobriété  du  style,  sont 
dits  avec  raison  appartenir  à  l'âge  d'or  de  la 
littératiu-e  hébraïque,  les  seconds,  d'un  style 
moins  noble,  moins  serré,  d'une  langue  moins 
pure,  où  l'on  démêle  toutes  sortes  d'éléments 
étrangers  ou  de  formation  récente,  ce  que  nous 
pourrions  a;. peler  des  aramuhmes  et  des  néo- 
àébraïsmes,  appartiennent  à  l'âge  d'argent.  En 
outre,  les  ouvrages  poétiques  su  distinguent  des 
compositions  en  prose  par  le  choix  des  mots  et 
les  formes  gramm.ilicales.  Les  auteurs,  enfin, 
ne  se  ressemblent  pas  entre  eux.  Tels  sont  les 
divers  points  de  vue  où  nous  devons  nous  placer 
successivement,  pour  donner  une  idée  du  ca- 
ractère sjiécial  de  la  langue  hébraïque. 

a)  L'hébreu  de  la  Bible^  considéré  en  général, 
se  distingue  des  autres  langues  soit  par  des 
caractères  communs  à  tous  les  dialectes  sémiti- 
ques, soit  par  des  caractères  qui  lui  sont  propres 
ou  du  moins  plus  familiers. 

Comme  tous  les  idiomes  sémitiqiu>s,  l'hébreu 
a  des  radicaux  composés  ordiuairem'.'nt  de  trois 


LA  SEMAI  NX  DU  CLERGE 


r.: 


consonnes.  Un  tv^s-pclit  nombre  en  ont  quatre, 
soit  ji.ir  suise  île  l'aiUlitiori  jiosloncure  d'une 
l£ltr>;.  coiniue  (l.-.iis  ohenetli^  baudrier,  et  qnre- 
dom,  huche  ;  soit  par  la  réunion  des  deux  mots 
en  un  seul,  comme  dans  /iharnp/id  (1)^  obscurité 
profonde.  Ou  n'y  lenooulre  nuenn  vi-rbe  com- 
posé, comme  aheo.,  dispcr(/n,  et  fort  peu  de  noms 
en  dehors  des  noms  propres.  Plusieurs  parties 
du  discours  y  fort  délaut  ou  sont  à  [lome  repré- 
sentées psft'  quelques  mots.  C'est  surtout  en 
adjectifs  et  en  pnrticules  que  cette  langue  est 
fort  pauvre  ;  elle  ne  connaît  qu'une  conjonction, 
ve,  et,  qu'elle  réiiôto  à  cliaque  instant,  et  qui 
prend, selon  lescircoriStance>,uu  seus  advcrsalif, 
causal,  iiual,  etc.  Si  nous  la  considérons  au 
point  de  vue  des  formi's  !ïi'''"''iii'dicales,  nous 
lui  trouvons  deux  f^oures,  le  masculin  et  le  fé- 
miuin,  sans  le  no\itrc  <pie  possèdent  le  latin  1 1 
le  grec  (2);  l'article  deiini  n'a  ([u'unc  seule 
forme  pour  tous  les  génies,  tous  les  nomhres 
et  tous  les  cas  ;  les  pionnms  destinés  à  expri- 
mer les  diverses  relations  des  personnes,  sont 
nombreux  et  variés,  les  autres  se  réduisent  à 
un  petit  noml)re.  Le  verbe  hébreu  n'a  i|u'une 
seule  conjuj^aistHi  proprement  dite,  où  la  dis- 
tinction des  modes  et  des  temps  est  laiblement 
marquée,  et  il  ne  sait  pas,  comme  les  autres 
langues  sémiiiqiies,  suppléer  à  celle  indi.:ence  par 
l'emploi  d'a".xiiiaires.  Liice  qui  rej^arde  le  nom, 
leshébreuxdistin^ueutpardrstermiiiuisonsditlé- 
rentcs  le  genre  et  le  nombre,  mais  non  les  cas. 
Ils  n'ont  aucune  forme  spéciale  pour  marquer, 
flans  les  adjectifs,  les  divers  degrés  de  significa- 
tion. Enfiu  ils  suivent  des  procédés  tout  parti- 
culiers pour  unir  les  mots  les  uns  aux  autres, 
d'où  résulte  une  maltitudo  d'idiotismes. 

Comparée  avec  la  langue  arabe  et  la  langue 
araméennc  ou  syriaque,  la  langue  hébraïque 
tient  comme  le  milieu  entre  ses  deux  sœurs; 
inférieure  à  la  première,  elle  l'emporte  sur  la 
seconde,  soit  pour  la  richesse  des  mots  et  des 
synonymes,  suit  pour  la  variété  des  formes,  soit 
pour  l'orthographe  des  voyelles. 

A  ces  propriétés  natives  do  l'hébreu  biblique, 
se  joignent  d'autres  éléments  qui  doivent  leur 
origine  à  l'influonoe  que  d'autres  langues  ont 
oxeicée  sur  lui,  ou  à  la  corruption  qu'il  subit  ;\ 
l'époque  de  la  décadence.  Nommons  tout  d'a- 
boixl  les  aramaïsmes  et  les  néo-hébrahmes.  Sans 
doute  les  aramaïsmes  se  rencontrent  jusque 
dans  les  plus  anciens  monuments  de  la  langue, 
tels  que  le  Penlateuque ,  mais  on  les  trouve 
bien  plus  nombreux,  en  général,  à  partir  de  la 
c:-^*.ivilv,  nui  mit  les  Hébreux  eu  contact  plus 

1,  Noos  figurons  toujours  la  lettre  ain  par  deux  h. 

2.  Les  Hébreux  expriment  le  neutre  par  le  féminio.  On 
■era|>p''lle  ce  verset  du  Ps.  XXVI  :  o  Vnam  petii  a  Domino, 
Jk«»c  requiroiu,  »  j'ai  demandé  an  Seigneur  une  8cal>< 
chose,  Htum,  je  la  soUicitie  ar«lemmeQt, 


intime  avec  des  peuples  parlant  araméen.  Les 
nêo-hébraïsmes,  c'est-à-dire  des  mots,  des  ac- 
ceptions ou  des  formes  inconnus  à  l'hébreu  de 
l'âge  d'or,  sont  le  produit  inévitable  du  temps  ; 
car  les  langues,  x>mme  tout  ce  <]ui  vit,  sont 
vouées  à  une  perpétuelle  mobilité.  Donnons 
quelques  exemples:  1°  Introduction  d'un  iod 
dans  le  nom  de  David,  d'un  aleph  dans  celui 
d'haïe,  d'un  resk  dans  celui  do  Damas  ;  sup- 
pression du  tkau  final  dans  plusieurs  noms  fé- 
minins. 2°  Bouts,  byssits,  pour  le  nom  plus 
ancien  shes/i;  nasfi,  iss/tah,  uxorem  duxit,  pour 
laqncli  isshah.  3°  Medinah,  province;  rab,  chef 
pour  swr,  surtout  en  composition. 

L'hébreu  biblique  ne  renferme  pas  seulement 
des  mots  dérivés  d'idiomes  sortis  de  la  même 
souche,  il  en  emprunte  aussi  à  des  langues  non 
sémitiiiues, telles  que  l'égyptien  et  la  vieille  lan- 
gue des  Perses.  Qu'il  nous  snilise  de  signaler, 
comme  appartenant  à  la  première  catégorie  : 
ac/;o«,  herbe  des  marais;  or,  fleuve,  le  Nil  par 
antonomase  ; /)Aareo.'<,  titre  des  rois  d'Lgypte; 
mopit,  .Mempliia,  etc.;  comme  appartenant  à  la 
Seconde  :  tapsar ,  satrape;  paredès,  parudisus, 
parc,  etc. 

Quant  à  lalangue  grecque,c'est  un  point  géné- 
ralement admis  parmi  les  philologues  qu'elle 
n'a  fourni  aucun  mot  à  l'hébreu  de  la  Bihle, 
pas  même  p/ulleyesh  ,  concubine  ,  et  lappid  , 
lampe,  que  quelques-uns,  séduits  par  une  res- 
semblance extérieure,  ont  crus  dérivés  de 
T.iàXn'i  et  X»;ji-»;  ;  ces  mots  trouvent,  dans  les 
langues  sémitiques,ane  expliuation  qui  ne  laisse 
rien  à  désirer. 

b)  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'exposer  d'une 
manière  complète  la  nature  de  la  poésie  hébra'i- 
que,  ses  divers  genres  et  le  style  qui  la  dislin- 
gue. Cependant,  puisque  nous  devons  exposer 
les  propriétés  de  cet;c  langue,  nous  ne  pou- 
vons passer  sous  silence  que  l'éloeution  des 
poêles  hébreux  ditl'ère  notablement  de  celle  des 
écrivains  eu  prose,  soit  pour  le  choix  et  la  signi- 
hcalion  de  muts,  soit  poiu"  les  formes  gramma- 
ticales et  les  constructions. .\iusi  les  poètes  disent 
omeron  //a'//a/i, parole, discours, pourrftiia'V  oruch 
ou  nathib,  voie,  sentier,  pour  derek,  etc.  A  ce 
chet  se  rapporte  l'emploi  de  certaines  épithétes 
à  la  place  du  substantif  auquel  ellesconviennont 
éminemment,  par  exemple  a6»r,  tort,  pour  Ûieu, 
et  quelquefois  pour  un  cheval  ou  un  taureau  ; 
chammiih  et  lehuneh.  litl.  chaude  et  blanche, 
pour  le  soleil  et  la  lune  ;ou  bien  encore  l'emploi 
de  substantifs  abstraits  pour  les  ooncrets,  ou  pour 
les  adjectifs  correspondants.  Ainsi, dans  ce  verset 
du  Ps.  XI  (  Vu/fj)  :  «  ^alviwn  me  fac.  Domine, 
qitoniam  defecite  sanctus,  quoniam  dwnnutœ  sunt 
yenlB.\ç.i  a  filiis  hominum,  n  le  moi  i'm/a<e«,  mis 
en  parallèle  avec  sanctus,  désigaie  non  la.  vérité 
dogmatique,  comme  ou  l'entend  souvent,  maiS' 


1346 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


les  hommes  fidèles  et  consciencieux.  De  même, 
Ps.  XXXiv,  6  :  u  Fiat  via  iltorum  tenebra-,  »  est 
pour,  «  fiât  via  illorum  teuebrosa.  •  Les  formes 
et  les  constructions  propres  à  la  poésie  hébraï- 
que sont  iûdiquées  par  les  grammaires.  Ajou- 
tons seulement  une  remarque  :  plusieurs  de  ces 
particularités  du  langage  poétique  se  retrouvent 
dans  d'autres  dialectes  sémiliques,  spécialement 
dans  le  syriaque;  mais  là  ils  appartiennent  à  la 
langue  vulgaire.  C'est  ce  qui  explique  qu'on  les 
reocontre,  sous  la  forme  d'aramaïsmes,  dans  la 
prose  des  auteurs  hébreux  de  la  décadence. 

c)  Nous  avons  sommairement  exposé  les 
caractères  de  la  langue  hébraïque  communs  à 
tous  les  écrivains  de  l'Ancien  Testament  et  les 
propriétés  qui  distinguent  les  écrits  poétiques 
des  ouvrages  en  prose.  Ce  n'est  pas  assez  : 
chaque  écrivain  hébreu  a  des  nuances  qui  le 
caractérisent.  Ces  nuances  lienurnt  à  ré[ioque, 
au  milieu  où  il  a  vécu,  à  son  génie  propre,  à 
son  éducation,  à  son  degré  de  cullure  intellec- 
tuelle, au  sujet,  enfin,  qu'il  avait  à  traiter.  De 
là,  dans  chacun  d'eux,  des  mots,  des  locutions, 
des  formes  grammaticales,  des  tours,  ou  tout  à 
fait  particuliers,  ou  plus  fréquemment  em- 
ployés. 

L'interprète  doit  tenir  compte  de  ces  diffé- 
rences, et  ne  pas  demander  à  l'usage  commun 
de  la  langue  une  lumière  que  pourra  seule  lui 
donner  la  connaissance  du  caractère  spécial  de 
l'écrivain.  Bornons-nous  à  quelques  traits. 

La  langue  du  Penlatevgue,  pure  et  correcte, 
porte  en  général  le  cachet  de  sa  haute  antiquité. 
A  part  quelques  mots  égyptiens,  on  n'y  ren- 
contre aucune  expression  exotique.  Elle  offre  un 
certain  nombre  de  mots  et  de  formes  qui  ne 
reparaissent  plus,  ou  très-rarement,  dans  les 
écrits  postérieurs,  par  exemple,  gozal,  petit  des 
oiseaux,  plus  lard,  ben ;  gabab,  il  a  maudit, 
plus  tard  nngab  ;  hou,  il,  lui,  et  nahhar,  esclave, 
mis  pour  le  féminin  ;  shemahUan,  écoutez,  forme 
apocopée  de  l'impératif  fém.,  etc. 

La  langue  du  livre  de  Job  dénote  également 
une  haute  antiquité  ;  le  style  coupé,  plein  d'élan 
et  de  fougue,  se  rapproche  des  morceaux  poé- 
tiques du  Pentateuque.  11  renferme  à  côté 
d'un  certain  nombre  d'aramaïsmes,  beaucoup 
d'expressions  rares  ou  iirconnues  ailleurs,  qui 
conviennent  d'autant  mieux  à  la  haute  poésie, 
€t  pour  lequel  le  riche  idiome  des  Arabes  a 
fourni  de  fort  belles  explications. 

h'Ecclésiaste,  tout  rempli  d'aramaïsmes,  se 
complaît  dans  l'emploi  de  iesh,  est,  et  de  son 
opposé  en,  non  at,  et  en  général  des  expressions 
abstraites. 

/saie  l'emporte  sur  tous  les  autres  prophètes 
par  l'élégance  et  la  sublimité.  U  brille,  non- 
«eulemeiit  par  l'élévation  des  pensées  et  la 
richesse  des  images,  mais  aussi  par  les  anti- 


thèses, les  paronomases  et  tous  ces  jeux  de 
mots  si  goûtés  des  Orientaux.  Que  si,  à  la  pu- 
reté classique  de  la  langue,  il  mêle  quelques 
tours  archaïques,  quelques  formes  araméennes, 
il  ne  faut  pas  oublier  que  la  haute  poésie  s'ac- 
commode mal  du  langage  vulgaire. 

Jérêmie  aime  les  chalduïsmes,  et  sonélocutioa 
porte  l'empreinte  de  la  décadence.  Sans  doute, 
il  affecte  d'imiter  l'auteur  du  Pentateuque  et  les 
anciens  prophètes  ;  mais,  aux  exiTcssions  an- 
tiques, il  en  substitue  de  nouvelles,  inconnues 
avant  lui,  ou  écrites  autrement,  ou  employées 
dans  une  autre  acception. 

Les  Paralipomènes  appartiennent  également  à 
la  décadence  de  l'hébreu  biblique.  Si  l'on  com- 
pare attentivement  cet  ouvrage  avec  les  quatre 
livres  des  Rois,  on  constate  que  l'auteur,  lors- 
qu'il rencontre,  dans  ces  derniers,  des  expr'îs- 
sions  archaïques  ou  obscures,  leur  donne,  dans 
son  livre,  une  orthographe  et  une  forme  plus 
en  harmonie  avec  l'hébreu  récent,  ou  même  les 
change  tout  à  fait,  afin,  sans  nul  doute,  de  les 
rendre  plus  intelligibles  aux  lecteurs  de  son 
temps.  Citons-en  un  curieux  exemple.  Le  cha- 
pitre XVIII  du  premier  livre  des  Paralipomènes 
est  la  répétition  à  peu  près  httérale  du  cha- 
pitre VIII  du  deuxième  livre  des  Bois.  Vers  la 
fin,  l'historien  des  /lois  fait  connaître  les  prin- 
cipaux offîLiers  de  David,  et  termine  par  ces 
mots  (  I«/^.)  :  «  Filii  autem  David  sncerdote$ 
erant.  >  Que  peut  signifier  ici  sûce;rfo/es ?  Certes, 
il  serait  difficile  d'entendre  des  prêtres  propre- 
ment dits:  d'après  la  Loi,  la  dignité  sacerdotale 
est  la  prérogative  exclusive  des  descendants 
d'Aaron.  Pour  trouver  la  solution  de  la  diffi- 
culté, nous  avons  consulté  !a  Bible  récente  de 
M.  Glaire  ;  mais  ce  savant,  loin  de  la  résoudre, 
n'a  pas  l'air  de  la  soupçonner  ;  il  traduit  litté- 
ralement, comme  à  son  ordinaire  :  Les  fils  de 
David  étaient  prêtres,  sans  ajouter  aucune  note 
explicative.  Cette  solution,  c'est  l'auteur  des 
Paralipomènes  qui  nous  la  fournira.  Sachant 
bien  que  le  mot  cohanim,  outre  l'acception  ordi- 
naire de  prêtres,  en  a  une  autre  plus  rare,  celle 
de  ministres  à  la  cour  d'un  souverain,  mais 
craignant  que  ses  lecteurs  aient  oublié  cette 
dernière,  il  remplace  le  mot  cohanim  du  livre 
des  Rois  par  un  autre  qui  ne  laisse  lieu  à  aucun 
doute,  et  s'exprime  ainsi  :  «  Filii  David  erant 
primi  (hcbr.  rishonim)  ad  manum  régis,  »  litt. 
les  fils  de  David  étaient  premiers  à  côté  du  roi, 
c'est-à-dire  ses  premiers  miuislres  et  ses  con- 
seillers intimes.  L'explication  que  nous  venons 
de  donner  a  sou  fondement  dans  la  signification 
étymologique  du  radical  cahan,  qui  veut  dire, 
en  arabe,  il  a  géré  les  affaires  de  quelqu'un  : 
de  Dieu,  comvac  prêtre  ;  d'un  roi  c(imme  premier 
ministi-e.  Elle  trouverait,  au  besoin,  une  confir- 
mation dans  les  Septante  qui,  dans  la  traduction 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


!S47 


grecque  An  pass.igo  cité  plus  haut  ilu  ileuxième 
livre  des  Rots,  ont  (5vité  le  mot  Upi'i,  sacerdotes, 
et  mis  à  la  place  aùXifya*,  lilt.  maîtres  du  palais. 


{A  suivre.) 


A.  Crampon, 

chanoine. 


Théologie    dogmatique 


LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAINT-SlÉGE 

(suite.) 

Daus  sa  seconde  lettre,  le  Pape  dit  :  «  Nous 
«  devons  confesser  deux  natures  daus  un  même 
«  Seigneur  Jésus-Christ...  deux  natures  qui 
«  opèrent  et  agissent  chacune  avec  la  participa- 
«  tion  de  l'autre,  la  nature  divine  opérant  ce  qui 
«  est  de  Dieu,  la  nature  humaine  exécutant  ce 
«  qui  est  de  la  chair...  au  lieu  d'une  opération, 
«  comme  disent  quelques-uns.  il  nous  faut  con- 
«  fesser  sincèrement  un  seul  Seigneur  opérant 
«  dans  l'une  et  daus  l'autre  nature;  et  au  lieu 
«  de  deux  opérations,  il  faut  plutôt  prêcher  avec 
«  nous  que  les  deux  natures,  la  divinité  et  l'hu- 
«  manité,  dans  la  seule  et  même  personne  du 
«  Fils  unique,  opèrent,  sans  confusion,  sans  divi- 
«  sion,  sans  altération,  chacune  ce  qui  lui  estpro- 
«  pre(l).  »  Kn  parlant  de  la  sorte,  ilitHéfélé  (2), 
Honoriiis  exprimait  la  doctrine  orthodoxe,  et  il 
serait  absolument  injuste  de  le  taxer  d'hérésie. 
Il  ne  faisait  que  redire  cî  que  S.  Léon,  dans  sa 
lettre  dogmatique  au  patriarche  Flavien,  avait 
proposé  au  concile  de  Chalcédoine  comme  étant 
l'expression  de  la  foi  catholique.  Ces  paroles,  af- 
firmant une  double  opération,  furent  adoptées 
par  le  W"  concile  qui  condamna  le  monothélisme. 
Honorius  a  donc  confessé  les  deux  opérations 
non-seulement  quant  au  fond,  mais  encore 
expressément. 

Il  fut  d'accord  avec  Sergius  pour  dire  que 
l'on  ne  devait  pas  se  servir  des  expressions  d'une 
ou  de  deux  volontés,  pour  ne  point  paraître,  aux 
yeux  des  simples  donner  dans  l'erreur  soit  de 
Nestorius,  soit  d'Eutychês  (3).  «  l>e  savoir  si,  à 
«  cause  des  œuvres  de  la  divinité  et  de  l'huma- 
«  nite,  on  doit  dire  ou  entendre  une  opération 
«  ou  deux,  c'est  ce  qui  ne  doit  pas  nous  impor- 
«  ter,  et  nous  le  laissons  aux  grammairiens,  qui 
«  ont  coutume  de  vendre  aux  enfants  les  mots 

1.  Tiç  Sûo  cpiîaEiç...  IvEoyoûiaç  tJi  fSia,  Man»i,  ï^ 
f.  579,  582. 

2.  Histoire  des  conciles,  III.  p.  147. 

3.  Àgilutraque  forma  cum  alleriua  communion»,  quod  fia- 
prium  est.  Verbo  scilicet  opérante,  quoi  Verbi  «»(,  «Icoiiie 
tXHequente  quod  curais  est. 


«  qu'ils  ont  inventés,  a  «  Il  ne  nous  faut  ni 
«  définir  ni  prêcher  une  opération  ou  deux,  » 
est-e  dit  d.ms  un  fragment  dd  la  seconde  lettre. 
D  là,  il  résulte  ceci  :  qu'Honorius,  à  cause  de 
son  autorité  comme  Pape,  fut  sollicité  par  Ser- 
gius de  rendre  une  décision  ;  qu'il  lut  exact  sur 
le  fond  de  la  question  et  correct  dans  l'expres- 
sion, mais  qu'il  ne  voulut  pas  prendre  de  déci- 
sion dog'maticpie  sur  les  expressions  à  employer. 
En  négligi-ant  d'user  de  l'expresssion,  deux  vo- 
lontés, il  commit  une  faute,  par  ce  que,  dans  la 
la  circonstance,  il  rendait  \a  défense  de  la  vérité 
plus  difficile  aux  catholiques,  tandis  que,  pour 
nous  servir  d'une  locution  vulgaire,  il  donnait 
un  coup  d'épaule  aux  hérétiques. 

C'est  pour(|uoi  Honorius  fut  condamné  parle 
sixième  concile  œcuméuique ,  non  pour  être 
Uy.:)bé  lui-même  dans  l'erreur  et  l'avoir  enseignée, 
mais,  ainsi  que  le  pape  Léon  11,  dans  sa  lettre 
à  Constantin  Pugonat,  l'cxpliiiue  en  confirmant 
le  jugement  porté  (I),  d  parce  que,  au  lieu  de 
purilier  cette  Eglise  apostolique  par  la  doctrine 
traditionnelle  des  apôtres,  il  a  permis  que  la 
(tradition)  immaculée  fût  maculée  par  une  tra- 
dition profane.  «  Ecrivant  à  Ervige,  roi  d'Es- 
pagne, Léon  II  (2)  dit  encore:  «  Et  Honorius, 
qui  a  laissé  miculer  la  rèyle  de  la  tradition 
apostolique,  qu'il  avait  reque  immaculée  de  ses 
prédécesseurs.  »  Enfin  même  explication  dans 
la  lettre  du  même  Pape  aux  évèques  d'Esp-igne  : 
«  El  Honorius  qui,  au  lieu  d'éteindre  dans  sa 
naissance  la  ûamme  de  l'hérésie,  comme  il 
convenait  à  l'autorité  apostolique,  l'a  fomentée 
par  sa  négligence.  » 

D'ailleurs,  ce  sens  ressort  de  la  teneur  de  la 
sentence  conciliaire  elle  même.  Elle  est  ainsi 
con(}ue  :  «  Nous  anathématisons  Théodore... 
(suivent  les  autres  noms)  et  avec  eux  (3)  Hono- 
rius. »  On  retrouve  la  même  rédaction  daus 
l'édit  que  l'empereur  publia  pour  l'exécution 
des  décrets  du  concile  :  «  Nous  frappons  d'ana- 
thème  tel  et  tel  et  de  plus  Honorius,  qui  a  fa- 
vorisé l'hérésie  et  s'est  montré  peu  d'accord 
avec  lui-même  (4).  Dans  la  treizième  session  où. 
il  fut  condamné  pour  s'être,  dans  sa  lettre  à 
Sergius,  ralUé  à  l'opinion  de  celui-ci  et  avoir 
confirmé  sa  perverse   doctrine  (3),  Honorius 

1.  L.  c.  p.  :42,  543. 

2.  L.  c.  p.  731,  733. 

3.  Kai  auv  aÙTi;.  I.  c.  p.  665. 

4.  '0  TT)?  atp^oEuî  pepaitotjiî  xa\  aùti;  lx\)X&  rtpo(i[i«- 
5^6[iivo;,  1.    c.  p.  711. 

5.  Conchdamus,  dit  le  galllican  Noël  Alexandre  (H.  E- 
rom,  X,  p.  410,  sqq,),  Honorium  a  sexta  syiofio  condem' 
natum  non  fuisst  ut  hoereticum,  lecl  uty^^freseos  et  hareli- 
corum  foutoréiit,  nique  reum  neyliyenlia  m  Mis  coercendts... 
Honorius  monothelitarurs  voces  usurpavit,  sti  mente  calho- 
lica,  et  sensu  ab  eorum  error»  penitus  alieno.  siqmdem 
absotuie  duat  voluntatea  Chrisli  non  negafil,  ti  »oiu»(o(M 
{>u;nan(M. 


13i8 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


apparaît  également  si^paré  des  mitres.  C'eït 
d'après  celu  qu'il  faut  .juger  de  toute  les  alléga- 
tions où  Mniiorius  se  trouve  mis  au  rang  des 
hériHJques  (I). 

C'est  pourquoi  le  saint  abbé  Maxime,  qui, 
combatlit  avec  lant  de  vigiionr  les  mouothé- 
lites,  mettait  aussi  le  pape  Uonorius  parmi  les 
adversaires  de  cette  hérésie  (2).  Si  la  lettre  du 
l'ape  eût  été  considérée  comme  une  décision 
dogmatique  par  le  concile,  celui-ci  n'aurait  paa 
admis  la  dédaraliou  du  pape  Agalhon  disant 
que  le  Sié.se  de  Rome  n'avait  jamais  erré.  IjBS 
légats  du  Pape  n'auraient  pas  non  plus  souscrit 
à  la  condamnation  d'ilonorius,  si  celle-ci  avait 
été  entendue  autrement  que  dans  le  «ens  indi- 
qué parle  pape  Léon  II.  D'ailleurs,  Honorius  a 
droit,  comme  tout  ilicologicn,  à  ce  que  son  écrit 
soit  interprété  dans  le  sens  .orlliodoxe,  tant  que 
la  lettre  et  le  contexte  ne  l'excluent  pas  abso- 
lument. 

Le  sévère  jugement  porté  contre  Honorins 
prouve  précisément  que,  de  tout  temiis,  l'Eglise 
a  regardé  la  papauté  comme  l'asile  et  le  reluge 
suprême  de  la  foi  contre  l'hcrésie. 

Celte  manière  de  voir  et  d'agir  de  l'ancienne 
Eglise,  qui  nous  révèle  sa  foi  dans  riufaillibilité 
du  Siège  aposiolique,  résulte  nécessairement  de 
l'essence  même  de  la  primauté  et  de  sou  rap- 
port avec  l'Eglise. 

La  nature,  la  constitution  de  l'Eglise  visible 
est  déterminée  par  l'unité  visible  de  tous  les 
membres  eutre  eux  et  avec  leur  chef.  Mais  cette 
unité  consiste,  avant  tout,  dans  l'unité  de  la  foi; 
la  foi  est  le  fondement  de  l'Eglise  et  du  salut(3). 
Pour  la  conservation  de  l'unité,  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  a  institué  la  primauté.  Il  devait 
donc  la  munir  d'une  force  qui  la  mit  en  état  de 
pouvoir,  d'elle-même  et  par  elle-même,  retenir 
tous  les  membres  de  l'Eglise  dans  l'unité  de  la 
foi  et  empêcher  les  schismes.  Je  dis  d'elle-même 
et  par  eUe-même ;  car  si  ses  décisions  dogma- 
tiques ne  devenaient  obligatoires  qu'après  avoir 
obtenu  l'assentiment  de  l'Eglise  universelle  ou 
tout  au  moins  celle  de  l'épiscopat,  alors  l'auto- 
rité du  Pape  ne  serait  plus  suffisante  pour  main- 
tenir l'unité  dans  l'Eglise.  Si  un  décret  du  Pape 
n'avait  de  valeur  qu'à  cette  condition,  quelle 
prérogative  la  Chaire  apostolique,  cette  cathedra 
singulaiis  aurait-elle  donc  sur  tout  autre  siège 
dans  l'Eglise?  La  nécessité  de  cette  condition 
mériterait  d'être  démontrée  par  les  raisons  les 
plus  évidentes  et  les  plus  fortes,  puisque  Jésus- 
Christ,  en  couÊérant  à  saint  Pierre  une  si  haute 
prérogative,  en  le  destinant  à  de\'enir  le  fonde- 
ment de  l'Eglise,  le  pasteur  du  troupeau,  en 

1.  Mansi,  X,  740. 
t.  Joan.  17.  Ephes.  1,  4. 

3.  Ambrof.  D*  /neam.  L  5.  Oadl.  Trident,  S«a.  VI. 
Cap.  8. 


l'invitant  à  confirmer  ses  frSres  dans  la  foi,  ne 
mentionna  point  cotte  condition  restrictive  de 
sa  puissance,  puisque  les  conciles  et  les  .symboles 
de  foi  qui  désignent  le  Pape  comme  père  et  doc- 
teur de  tous  les  chrétiens,  ■^.t  l'Eglise  romaine 
comme  la  mère  et  la  maîtresse  de  toutes  les 
Eglises,  ne  l'ont  pas  non  plus  ajoutée.  Le  plein 
pouvoir  que  les  conciles  reconiiaissent  au  Pape 
ne  deviendrait-il  réellement  plein  que  par  l'ad- 
hésion subséquente  de  l'Eglise  (1)?  Cet  accord 
universel,  ce  consentement  tacite  de  tous,  qui 
doit,  dit-on,  communiquer  aux  décisions  papales 
leur  valeur  et  leur  force  ohligatoire,  ne  sera-t- 
il  pas  lui-même  u:i  sujet  de  controverse,  sur 
lequel  le  ûdèle  voudra  avoir  cette  clarté  et  cette 
certitude  qui  est  nécessaire  à  l'acte  de  foi  et  qu'il 
ne  pourra  obtenir?  Est-ce  que  ce  n'est  pas  pré- 
cisément la  chaire  apostolique,  vers  laqneOe 
chacun  se  tourne,  qui,  par  l'autorité  de  ses 
déclarations,  manifeste  et  certifie  cet  accord  et 
ce  consentement  universel?  Si  la  valeur  des  déci- 
sions papales  dépendait  de  l'adhésion  de  l'Eglise 
universelle,  il  serait  absolument  impossible  aux 
fidèles,  quand  des  hérésies  s'élèvent,  d'obtenir 
la  certitude  sur  le  devoir  de  la  foi  dans  les  ques- 
tions controversées.  Toutes  les  hérésies,  depuis 
l'ariaiiisme  jusqu'au  jansénisme,  ont  toujours 
eu  grand  soin  de  présenter  leurs  opinions 
comme  étant  celles  de  l'Eglise  universelle,  ou 
tout  au  moins  celles  de  la  partie  la  plus  intelli- 
gente et  la  meilleure.  C'est  avec  ce  prétexte 
qu'elles  refusent  d'obéir  aux  décisions  papales. 
Le  consentement  général  de  l'Eglise  est  bien  le 
sceau  qui  marque  en  définitive  la  vraie  doc- 
trine, mais  il  n'est  pas  pour  mms  le  moyen  le  plus 
pfocliain  de  le  conniiître.  Ce  moyen  le  plus  pro- 
chain, c'est  l'enseii^ntment  de  la  chaire  aposto- 
lique. Celui-ci  fomle  le  censentement  général 
des  memiîres  s'nnissant  à  la  tête,  des  brebis  en- 
tendant la  voix  du  Pasteur  suprême.  VoilàjXMir- 
qnoi  cette  chaire  est  la  première  dans  l'Eglise, 
pourquoi  elle  est  unique  en  son  genre.  Vcàtà 
encore  pourqudi  il  faut  que  lesseiilenccs  doctri- 
nal<?s  du  Pape  possèdent  une  autorité  qui  exclue 
tout  doute.  Il  faut  qu'il  soit  infaillible  par  lui- 
même,  en  vertu  de  la  prérogative  attachée  à  la 
primauté  doctrinale,  et  non  qu'il  le  devienne 
par  l'hadhésion  de  toute  l'Eglise  à  ses  décrels(2). 

Considérons  le  même  sujet  à  un  autre  point 
de  vue. 

De  l'aven  même  de  Febronius  (3)  et  des  galli- 

t .  Rnmani  Pottlificis  definiltonn  ex  ns}.  non  aolem  ft» 
CffMensu  EccUsiâi  irreformabiles  osse.  Gunc.  Vatic.  1.  c. 

2.  Le  Pape  possède  un  pouvoir  fondamental  non-seule- 
ment dons  le  domaine  du  droit,  mais  «acore  dans  celui 
de  la  toi  et  de  la  doctrine.  Schuilé,  Croit  ecctétiasiigat, 
p.  193. 

3.  U  c  II.  i.  art.  4.  Decl.  Gallic  ;  In  fiiei  qtuesUonilmê 
pracifnM»!  atumm  fontificis  tatt,  tjutiiat  décréta  ad  omnes  *t 
tinqulas  Ecctesias  perdnere,  nec  tamtn  iirtfornabiU  eut  j»" 
(îi..(u»»,  nxsi  ICcclesiœ  conseitsui  acctssfrtt  —  iJaret,  da  Conm 
cile  générât  et  dtla  faiw  rcligiiiue.   Il,  63  seqtj.  'i9S. 


LA  SSM.MNK  DU  CLERGÉ 


<3W 


cans,  un  rMe  pnpôriour  et  princinnl  nppniiicnt 
au  siège  de  Rome  dans  les  questions  de  foi, 
mais,  selon  les  mêmes,  ses  décisions  ne  nous 
obliseraieut  que  provisnirenient  et  nous  devrions 
seulement  y  obéir  tant  que  l'Eglise  n'aurait  pas 
réclamé.  Ou'est-ee  à  dire?  Croire  provisoirement 
peut  s'entendre  dans  le  sens  de  ci  cire  pour  un 
temps,  jusqu'à  nieilleui'es  enseignes.  Mais  cela 
implique  contradiction,  car  l'acte  de  foi  repose 
essenliellemcnt  sur  une  certitude  qui  ne  soulfre 
pas  de  doute.  Une  croyance  provisoire  contredit 
le  motif  sur  lequel  nous  nous  appuyons  pour 
croire,  c'est-à-dire  l'aulorité  de  Dieu  infaillible; 
elle  contredit  le  Saint-Esprit  en  tant  que  prin- 
cipe énergique  dans  lequel  et  par  lequel  nous 
croyons  ;  elle  contredit  absolument  le  caractère 
surnaturel  de  la  foi  catholique.  Ou  bien,  faut-il 
prendre  cette  obéissance  provisoire  dans  le  sens 
d'une  profession  de  foi  purement  extérieure  et 
n'ayant  rien  de  commun  avec  la  conviction 
intérieure?  Mais  ceci  h  été  condamné  par  les 
évèques  français  eux-mêmes  (I)  ;  et  sur  lare- 
quête  des  chefs  les  plus  éminents  du  gallica- 
nisme, de  Bossuet  entre  autres,  le  Sié.^e  apos- 
tolique déclara  (2)  qu'il  n'est  pas  permis  de 
prononcer  une  profession  de  foi  à  laquelle  on 
n'adiière  pas  du  fond  do  son  cœur,  décision  qui 
fut  adoptée  par  l'Eglise  gallicane  et  promulguée 
dans  tous  les  diocé9es(3). 

{A  sunre).  D'  Hettingeb. 


PATRQLGGIE 

IV.  —  LES  SYNAGOGUES,  DEïUIS  LE   KETOTR  DE  LA 
CàJPTlVITÉ  JUSûC'A   L'AVÉNEMEnT    EU   HESSIE. 

Le  mot  de  synagogue,  d'après  son  étymologie 
grecque,  représenterait  toute  espèce  de  réunion. 
C'est  ainsi  que  les  saintes  Ecritures  nousiwrlent 
d'une   synai^ogue  des  dieux,  des  notables,  des 

1.  Lettre  &  Innocent  X,  du  15  juillet  1655.  Il  v  est  dit 
que  Ifis  décisions  papales  s'.ippùieat  sur  une  "autorité 
divine  :  Dirina  aque  ac  summa  per  unirersam  Ecclesiam 
auctupitale  nili,  oki  christiani  omnea  et  officia  ipsius  quoque 
matUis  obsufuiam  priFstare  t»itentur. 

2.  Dans  la  C;un^tltution  ViTica.n  Dotnini  donnée  par  Cla- 
ment XI,  14  juillet  1705  :  Ut  qu.tvs  in  j.osicrunt  errons 
occasio  peniun  pmscindalur,  atque  omne.i  catholicœ  Eectt'-ice 
filii  ipsam  audire  non  tamitdo  soium  (nam  et  impii  in  (enebris 
conlicescunl),  aed  ut  inlcriiis  obaequendo,  qvœ  vert  eu  ortho- 
daxi  hominis  obedientid,  mndiscant,  hac  naslra  perpétua 
velitura  consUtultone,  abeilienlico,  quie  iirmnsertis  conslita- 
lionibut  apasloiicis  debelur,  obsequfom  illo  siknlio  •ninime 
tatis  fierL..  non  ore  tolum.  sed  et  corde  recipi  Idamuatum 
temum)    debere,    nec    a/m    mente,    anima    aut    creduiiiale 

upradicta  formula  licite  ivbscribi  passe, 
8.  BsUfhni  1.  c.  xiii  '5. 


pécheurs,  du  peuple  et  des  c^g'jsîîloux  Mais,  ici, 
nous  l'entendons  dans  un  sens  plus  restreint  : 
c'est  un  lieu  où  les  Juifs  s'assemblaient  pour 
prier,  pour  lire  et  écouter  la  lecture  des  Livres 
saints,  pour  suivre  rinterprétation  du  texte  sacre 
et  même  des  discours  en  règVp.  Pourtant,,  l'on 
dislin:rue  avec  raison,  deux  sortes  de  synago- 
gues :  l'une,  nommée  école,  expliquait  le 
tbalmud,  et  nous  offre  le  spécimen  d'un  enseigne- 
ment supérieur  ;  l'autre,  toujours  appelée  syna- 
gogue, se  bornait  à  commenter  l'Ecriture,  et 
donnait  ainsi  le  modèle  d'une  instruction  élé- 
mentaire. 

L  L'on  a  disputé  longuement  sur  l'origine  des 
synagogues.  Certains  auteurs  font  remonter  ces 
étalvlisreinents  d'instruction  publique  jusqu'au 
temps  du  prophète  Elisée  ;  d'autres  historiens 
les  fnnt  naitrc  après  la  captivité  de  Bahylone. 
Il  y  a  du  vrai  dans  chaque  système.  Le  mot  de 
synagogue  se  trouve  en  la  vie  d'Elisée  (IV  /ieg. 
IV.  -23),  dans  l  Histoire  de  Judith  (vi,2l),  au  livie 
dis  Psaumes  (xxxiii,  21),  parmi  les  prophètes 
{iLzi'rh.  x.\xiii,ol), et  enlin,dans  Eslker{i\,  36). 
Mais  il  est  à  croire  i]uc  touios  ces  assemblées  ne 
formaient  alors  qu'une  sinipli' ébauche  des  svna- 
gogues,  et  que  ces  dernières  attendirent,  jus- 
(ju'au  gouvernement  des  Machabées.lcur  organi- 
sation définitive  et  leurs  innombrables  essaims. 
Quoi  qu'il  en  toit,  tel  fut  le  zèle  des  Juifs  au  re- 
tour de  Bahylone,  pour  multiplier  leurs  maisons 
d'enseignement,  suit  en  Judée,  soit  dans  les  pays 
du  voisinage,  que  les  rabbins  ont  compté,  dans 
la  seule  ville  de  Jérusalem,  près  de  quatre  cents 
synagogues.  11  y  a  peut-être  exagération  dans 
ce  cbiftire  ;  mais  il  n'eu  reste  pas  moins  certain 
que  les  écoles  juives  étaient  Uès-florissaiites,  au 
moment  de  la  naissance  du  Sauveur. 

IL  Les  synagogues  et  les  écoles  étaient  bâties 
sur  le  plan  du  tabernacle,  du  temple  et  de  nos 
églises  d'aujourd'hui.  Au  fond  de  l'édifice,  était 
un  meuble  où  l'on  conservait  les  rouleaux  de  la 
Loi,  enveloppés  dans  quelque  hnge  tout  enrichi 
de  broderies.  A  l'endroit  du  chcenr,  se  dressait 
une  table,  devant  laquelle  on  lisait  les  saintes 
Ecritures.  Sous  la  nef,  qui  était  orientée,  se  te- 
naient les  disciples  et  les  auditeurs.  Les  femmes 
y  étaient  séparées  des  hommes.  On  les  plaçait 
dans  une  tribune  fermée  de  jalousies  ;  en  sorte 
qu'elles  voyaient  sans  être  vues.  Les  assemblées 
se  tenaient  trois  jours  de  la  semaine  :  les  lundis, 
les  jeudis  et  les  samedis.  Chacun  de  ces  jours 
marqués,  il  y  avait  réunion  le  matin,  après  midi 
et  le  soir.  Le  livre  des  Psaumes  semble  déjà 
faire  allusion  à  cet  usage  :  <■•  Le  .soir,  le  matin  et 
à  midi,  je  raconterai  mes  misères  et  j'annon- 
cerai ses  miséricordes,  et  il  exaucera  ma  voix 

(Ps.   LIV,  19).  )) 

C'était  aux  prêtres  de  diriger  les  exercices  de 
la  synagogue  ;  «ar  le  Seigueur  leur  avait  confié 


nbo 


LA  SEMAINK  DU  CLEnGE 


le  soin  l^e  lire  au  peuple  les  livres  de  sa  loi  et 
d'en  doiiiKT  le  commentaire  autlieuiiqne.  Mais 
la  multiplication  des  écoles  forqa  bientôt  de 
choisir,  parmi  les  anciens  du  peuple,  des  hommes 
insiruits  et  vertueux,  qui  présidaient  eux-mêmes 
les  réunions  sous  ^a  haute  su'veillance  des  prê- 
tres :  l'Evangile  les  lomme  princes  de  la  syna- 
gopue.  Ces  personnases  enseignaient  la  foule,  à 
moinsquil  ne  leur  plût  de  donner  la  parole  à  quel- 
que céKbre  visiteur.  C'est  ainsi  que  l'Apôtre  des 
nations,  étant  arrivé,  un  jour  de  sabbat,  dans  la 
ville  d'Antioclie  de  Pi^idie,  les  hommes  de  la 
synagogue  de  cet  endroit  envoyèri'nt,  après  la 
lecture  de  la  loi  et  des  prophètes,  leurs  chefs  ou 
princes  vers  saint  Paul  et  sa  suite,  pour  leur 
dire  :  «  Frères,  si  vous  avez  un  mot  d'édification 
pour  le  peuple,  parlez  {Act.  xiii,  15)   » 

Saint  Luc  nous  retrace  fidèlement  la  méthode 
employée,deson  temps,  pour  instruire  dans  la  sy- 
nagogue. «Jésus  vient  à  Nazareth,  lieu  oiiil  avait 
été  nourri,  et  il  entre,  le  jour  du  sabbat,  dans  la 
synagogue,  comme  il  avait  coutume  de  le  faire  ; 
ensuite  il  se  lève  pour  lire.»  On  voit  que  l'usage 
des  chrétiens  de  se  tenir  debout,  pendant  la  lec- 
ture des  saintes  Letties,  est  bien  respectable  par 
son  antiquité.  :  «  Et  l'on  donna  au  Sauveur  le 
livre  d'Isaïe;  et,  après  avoir  déroulé  le  livre,  il 
tomba  sur  le  passage  où  il  est  écrit  :  «  L'esprit 
du  Seigneur  est  sur  moi...  »  La  lecture  était 
ordinairement  accomiiai^uée  d'un  commentaire 
verbal  plus  ou  moins  détaillé,  selon  l'obseurilé 
du  passage  où  le  degré  d'intelligence  des  audi- 
teurs. «  Et,  après  avoir  replié  le  livre,  J^sus- 
Christ  le  rendit  au  ministre,  et  il  s'assit.  Et 
tous  les  yeux  de  la  synagogue  se  fixèrent  sur  sa 
personne.  Et  il  commença  àleurdire...  »  C'était 
le  moment  de  la  conférence,  ou  du  discours 
proprement  dit  (Z,ue.  iv,  16). 

IIL  Sous  l'empire  des  synagogues,  un  élément 
nouveau  se  substitue  à  l'ancien  programme  des 
études,  et  opère  une  révolution  complète  dans  la 
république  desesprits.  Du  temps  des  patriarches, 
comme  nous  l'avons  fait  observer,  l'enseigne- 
ment se  donnait  avec  autorité  et  sous  la  torme 
historique.  Depuis  la  Loi  jusqu'à  la  captivité  de 
Babylone,  les  leçons  des  prêtres  et  des  prophètes 
étaient  basées  sur  le  texte  des  Ecritures  et  véri- 
fiées par  les  monuments  publics  ;  ce  qui  leur 
donnait  beaucoup  d'affinité  avec  le  symbole. 
Désormais  la  raison  va  se  mêler  d'expliquer  la 
parole  de  Dieu. 

Ce  progrès,  ou  pour  mieux  dire  cette  déca- 
dence des  études  chez  le  peuple  juif,  répond 
d'abord  à  une  loi  qui  régit  la  marche  de  l'huma- 
nité. L'enfant  écoute  avec  loi  la  parole  de  son 
maître  ;  le  jeune  homme  suit  l'école  des  sens; 
l'homme  mûr  consulte  sa  raison  individuelle. 
Quand  arriva  la  plénitude  des  temps,  les  Israé- 
lites étaient  à  l'âge  de  raisonner  ;   ils  le  firent. 


Les  circonstances  favorisèrent  d'ailleurs  le  d*sir 
qu'ils  avaient  di'jà  d'émanciper  leur  intelli- 
gence. La  captivité  les  avait  mi-  en  rapport  avec 
les  savants  du  pa;;anisme.  A  leur  retour  dans 
la  Judée,  pays  depuis  longtemps  \uculte  et  dé- 
solé, les  enfants  de  Jacob  abandonnèrent  l'agri- 
culture, pour  se  tourner  du  côté  de  l'inilustrie 
etilu  commerce.  Ils  échangeaient  leurs  marchan- 
dises avec  les  peuples  de  la  Grèce.  L'historien 
J(jsèphe  nous  affirme  que  les  trois  sectes  prin- 
cipales des  Juifs,  à  l'époque  du  Messie,  repré- 
sentaient les  trois  grandes  écoles  de  la  philoso- 
phie païenne  :  les  pharisiens  avaient  épousé  les 
idées  du  sloïcisme,  Epicure  fusait  paitre  les  Sad- 
ducéens,  les  Esséniens  et  Thérapeuies  se  mon- 
traient disciples  de  Pythagore  {Arcficol.  xv,  10). 

IV.  EQectivemont,  pour  peu  que  l'on  examine 
l'origine,  l'enseignement  et  les  mœurs  de  ces 
diflérentes  sectes,  l'on  verra  les  points  de  res- 
semblance qu'elles  ont  avec  les  diverses  écoles 
de  la  philosophie  grecque. 

Les  pharisiens  jouent  déjà  un  rôle  sous  le 
gouvernement  des  Marhabées.  On  voit  eu  même 
temps  paraître  sur  la  scène,  les  Sadducéens  et 
les  Esséniens.  Or,  nous  avons  dit  qu'après  le  re- 
tour de  Babylone,  les  Juifs,  abandonnant  l'agri- 
culture pour  l'industrie,  liaient  de  fréquents 
rapnorts  avec  l'Asie-Mineure  et  les  îles  de  la 
Grèce.  A  l'époque  de  Mathathias,  les  Grecs  firent 
subir  à  la  Judée  d'insupportables  visites  ;  mais 
quelques  idées  pacifiques  marchent  toujours  à  la 
suite  de  l'armée  des  envahisseurs.  La  paix  et  la 
guerre  servirent  donc  à  propager,  dans  les  syna- 
gogues, les  systèmes  philosophiques  de  l'Orient; 
et  le  peuple  de  Dieu,  séduit  par  la  beauté  des 
muses  païennes,  leur  rendit  un  culte  d'honneur 
et  d'imitation. 

La  plus  célèbre  des  écoles  juives,  celle  des 
pharisiens,  se  proposait,  comme  les  deux  au- 
tres, d'interpréter  les  saintes  Ecritures  ;  mais 
elle  se  distinguait  de  ses  rivales  par  un  amour 
exagéré  des  traditions  anciennes ,  conservées 
dans  les  souvenirs  du  pays.  Ces  traditions  non- 
écrites,  d'origine  parfois  équivoque  et  d'une 
portée  souvent  arbicraire,  finirent  à  la  longue 
par  surcharger  le  texte  sacré  de  notes  inutiles, 
incommodes  et  même  fausses.  Néanmoins,  à 
part  ces  erreurs  de  méthode,  les  pharisiens  res- 
pectaient l'ensemble  de  la  loi.  Comme  les  élèves 
du  Portique,  ils  admettaient  une  sorte  de  destin, 
qui  présidait  au  gouvernement  de  ce  monde  ; 
mais,  avec  l'Ecriture,  ils  revendiquaient  pour 
l'homme  une  entière  liberté.  Partisans  de  1  im- 
mortalité des  âmes,  ils  disaient  qu'après  la  mort 
temporelle,  l'esprit  des  méchants  était  condamné 
à  des  châtiments  éternels,  pendant  que  celui  des 
bons,  jouissant  des  ri  compenses  légitimes,  avait 
la  permission  de  retourner  sur  la  terre,  pour  y 
animer  d'autres  corps.  Us  confessaient  l'exis- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1331 


tenee  des  bons  et  des  mauvais  anges,  et  leur 
reconnaissaient  une  influence  très-sensible  sur 
notre  destinée.  Enfin,  l'Evangile  nous  apprend 
qu'ils  proclamaient,  avec  Job,  leur  espérance 
dans  la  résurrection  des  morts.  En  vraie  stoï- 
ciens, leurs  modèles,  les  pbarisiens  se  regar- 
daient très-sérieiisement  comme  les  premiers  et 
mènîe  les  seuls  sages  de  l'univers.  Toutefois 
cette  morgue,  qui  est  devenue  proverbiale,  ne 
laissait  pas  de  couvrir  une  multitude  de  défauts. 
Hypocrites,  ambitieux  et  avares,  ils  bluncliis- 
saient  l'extérieur  de  leur  tombeau,  sans  s'in- 
quiéter du  dedans,  qui  était  plein  d'ordure,  re- 
chercbaieut  les  salutations  dans  la  rue  et  la 
première  place  aux  festins  ;  s'enritbissaient  des 
offrandes  du  peuple  et  des  deniers  de  la  veuve. 
L'Evangile,  qui  nous  a  laissé  de  la  secte  ce 
tableau  peu  flatteur,  ne  nous  défônd  pas  toute- 
fois de  supposer,  avec  l'historien  Josèphe,  que 
la  philosophie  stoïcienne  ait  produit  certains 
personnages  illustres  dans  la  science  et  la  vertu- 

Nous  n'en  dirons  pas  autant  de  la  troupe  des 
Sadducéens.  Ces  bourgeois  et  ces  fonctionnaires 
de  la  Judée  n'avaient  guère  (jue  des  vertus  de 
parade,  assez  pour  ne  pas  encourir  le  blâme  d'un 
peu] de  ami  des  pharisiens.  Ennemis  déclarés  de 
la  tradition  non  écrite,  ils  alfectaient  de  s'en 
tenir  rigoureusement  à  la  lettre  des  Ecritures.  Il 
faut  avouer  pourtant  que  leur  système  donnait 
de  cruelles  entorses  à  la  Bible;  car,  à  l'exemple 
d'Epicure,  ils  reléguaient  Dieu  au  fond  de  sou 
éternité,  sans  lui  permettre des'occuper  du  gou- 
vernement des  choses  de  ce  monde.  Tout  eu 
faisant  notre  âme  raisonnable,  ils  ne  lui  assu- 
raient qu'une  vie  limitée  par  celle  du  corps. 
Par  une  conséquence  nécessaire,  ils  rejetaient  la 
résurrection  de  la  chair  et  l'existence  des  anges. 
Enfin,  quoique  le  plaisir  fût  leur  unique  vertu, 
ils  ne  laissaient  pas  de  punir  très-sévèrement 
certaines  fautes. 

Les  Esséniens  de  la  Palestine  et  les  Théra- 
peutes d'Egypte  formaient  une  sorte  de  commu- 
nauté religieuse,  où  l'on  expliquait  nos  saintes 
Lettres  suivant  la  méthodealléuorique  de  Philon. 
Ces  moines  à  la  taçoiide  Pylbagore,  méprisaient 
la  logique,  la  physique  et  la  métaphysique,  et 
s'adonnaient  àl'étudedela  morale.  Leur  maxime 
O.tait  qu'il  faut  aimer  Dieu,  la  vertu  et  le  pro- 
chain. Retirés  des  villes,  dont  ils  blâmaient  la 
corruption,  ils  exerçaient  dans  la  campagne  la 
profession  de  laboureurs.  11  se  livraient  encore 
aux  travaux  des  métiers  paisibles,  et  se  refu- 
saient obstinément  à  préparer  les  engins  de 
guerre.  Ils  v,  raient  horreur  du  sang,  lors  même 
qu'on  l'eût  versé  sur  l'autel  des  sacrifices.  Cequi 
fait  le  plus  bel  élogedes  Esséniens,  c'est  que  plu- 
sieurs Pères  de  l'Eglise,  et  en  particulier  saint 
Jérôme,  les  aient  pris  pour  des  chrétiens. 

V.  En  terminant  cette  notice,  nous  ne  sau- 


rions nous  empêcher  de  faire  une  double  obser- 
vation. La  première,  c'est  que  l'enseignement 
donné  par  les  prêtres,  dans  le  temple  de  Jéru- 
salem, conserva  toujours,  malgré  la  divergence 
des  sectes,  la  pureté  des  dogmes  divins  et,  par 
là  même,  les  droits  de  la  raison  humaine.  Les 
Juifs,  répandus  dans  tout  le  monde,  revenaient 
souvent  eux-mêmes  adorer  Dieu  dar.=i  le  temple 
de  Salomon  ;  ou,  dans  le  cas  d'un  empêchement 
grave,  y  envoyaient  par  d'autres  leurs  offrandes 
et  leurs  présents.  Ces  rapports  continuels  avec 
le  Grand-Prêtre,  fidèle  gardien  de  la  doctrine  et 
de  la  vérité,  resserraient  de  plus  en  plus  les 
liens  qui  attachaient  le  peuple  à  la  Loi  et  aux 
Prophètes.  Aussi  notre  Sauveur  ne  parle-t-il 
jamais  de  l'enseignement  des  prêtres  qu'avec 
éloge. 

Mais  les  synagogues,  ayant  des  laïcs  pour  maî- 
tres et  la  raison  pour  guide,  aboutirent  fatale- 
ment à  la  division  des  langues  et  des  cœurs. 
Malgré  l'obUgation  d'étudier  sur  le  texte  des 
Ecritures,  et  la  surveillance  des  prêtres  de 
Moïse,  ces  écoles  laissaient  dépérir  la  science  et 
la  religion.  U  en  résulte  évidemment  que  l'ins- 
truction laïque,  et  voire  rationnelle,  a  produit 
de  tout  temps  des  sectes  dans  les  écoles,  un 
alTaiblissement  dans  le  caractère  des  peu  [îles  et 
la  ruine  totale  des  mœurs.  Voilà,  sans  doute,  ce 
qui  faisait  dire  au  Psalmiste  :  c<  Les  hommes 
injustes  m'ont  raconté  leurs  systèmes  fabuleux; 
mais  ce  n'était  pas  comme  votre  Loi.  {Ps.cxxxui, 
85).  » 

PlOT, 
Curé-doyeo  de  Juzennecoort. 


CONTROVERSE  POPULAIRE. 


LES    PÈLERINAGES    NE    SONT    AUTRE    CHOSE    OUB 
DES  DÉMONSTRATIONS  POLITIOUES 

A  peu  près  comme  les  accompaunemenls  de 
morts  au  cimctirre  sont  des  démonstrations  de 
joie,  et  les  mascarades  du  mardi-gras  des  démons- 
trations de  deuil. 

Des  démonstrations  politiques,  nous  en  avons 
tous  vu,  plus  ou  moins,  et  il  n'y  a  personne 
en  France  à  qui  l'on  puisse  apprendre  ce  que 
c'est. 

En  1815,  —  pour  ne  pas  remonter  plus  haut 
et  ne  citer  que  les  principales,  —  la  fleur  de  lis 
et  le  drapeau  blanc,  après  trente  ans  de  pros- 
cription, reparaissaient  partout  avec  honneur. 
Mais  en  1830,  fleur  de  lis  ev  drapeau  blanc 
étaient  de  nouveau  foulés  aux  pieds,  et  c'était  le 
drapeau  tricolore  et  le  coq  gaulois  qw.  portaient 
triomphalemeut  pour  lors  les  manifestants.  En 
1848,   des  bandes  tumultueuses   de  citoyen» 


'J"?> 


LA  SEMAINE  DîJ  CLLI.CE 


pronionaionl  par  toufcs  las  rues  îles  vjllos  et  îles 
vilhmts,  uu  chriiil  lie  Vj.  May\ictlkiise.û:si\r\iTCS 
de  Ju  libi'i'lé,  qu'ils  {ilun'.;iiMil  eusurle  un  miliuu 
de  boaiicotip  de  ccn'iTumioset  non  s:\ii-s  pronon- 
cer aussi  lioaucoup  do  discours.  Eu  IS7Û,  les 
mêmuB  bandes  prceiptl:iieMt  par  les  feuètreB  des 
miiiries  les  bustes  cie  iSajioLtîou  IJI,  et  brisaient 
les  aigles  imp'uiales  parldut  où  il  s'en  trouvait, 
aux  cris -mille  lois  ri'pclés  de  :  Vive  la  Ilépubli- 
que!  Eu  (871,  a  l^iris  et  dan>  plusieuts  autres 
Tilles,  le  drapeau  tric(d;n'e  était  à  sou  tour  coiis- 
•pué  et  remplacé  par  le  drapeau  rouge,  et  les 
atclamalioHS  étaient  pour  la  Corumune. 

Tout  cela,  nul  ne  s'y  est  ni»',}i:  iâ,  nul  ne  s'y 
méprend  encore,  c'était  bieudes  il.'TUvuiStratioiiB 
pQliliijues.  La  fleurde  lis  syaib(disait  la  légiti- 
milé;  le  coq  gaulois,  l'orléanisme  ;  l'arbre  de  la 
liberté,  la  République;  l'aigle,  l'iCDapiie;  le  dra- 
peau rouge,  la  Commune.  Eu  s-,  rengeaut  sons 
l'un  l'U  fous  l'autre  de  ces  symboles,  on  témoi- 
{iuait,  ou  démontrait  que  l'on  professait  les  opi- 
nions [loliliqnos  qu'ils  re[iré3eii!a;eut. 

îilais  quel  est  le  symbo.c  sinis  lequel  s'assem- 
blent les  pèlerins?  Quel  est  leur  signe  de 
ralliemenl?  Uegardez,c'erit  ausùi  l'étendard  d'r.n 
roi.  Vexilia  Reijiis  p'odciml;  mais  ce  roi,  c'«-t 
Koire-Seigueur  JÉsus-CnniiT,  car  cet  élendardj 
c'est  la  Croix! 

Dites-moi  si  vous  avez  vu  un  seul  pèlerinage 
entête  duquel  ne  brille  pas  cet  étendard  divi   ? 

Or  puisque  J'étendard  symbolise  les  senti- 
ments de  ceux  qui  marchent  à  sa  suite,  vous 
pouvez  aisément  coiiiKÙtre  ceux  des  pèlerins. 

Quel  est  donc  le  régime  politique  que  symbo- 
lise la  Croix?  Est-ce  la  li'gi^imité?  Est-ce  l'orléa- 
nisme? Est-ce  l'Empire'.'  Est-ce  la  Kiqublique? 
Est-ce  la  CiemœmMi'.''  Lacroix  ne  symbolise  rien 
de  tout  cela.  Toutes  ces  formes  de  gouvernement 
peuvent  s'en  décorer,  mais  jamais  elle  n'a 
désigné  et  jamais  elle  ne  désignera  l'une  plutôt 
que  l'autie. 

Ce  que  la  Croix  symbolise,  je  le  répète,  c'est 
Notre  Seigneur  Jésus- Cnuisr,  lui  seul,  à  l'exclu- 
sion de  toute  ctiuti'e  chose. 

fin  fie  reu.neaiït  euus  l'étendard  de  la  Cr  )ix, 
les  pèlerins  témoignent  donc,  dùmontrcnt  doue 
piibliqneHienl  tpi'rls  tout  les  disciples  de  jEsus- 
Cbrist,  (ju'ils  l'adoreut  comuic  Dieu,  croieirt 
sa  doctrine  et  ne  loudeuit  qu'eu  lui  tuut  laur 
espoir. 

Car  les  pè'.crinages,  —  en  mèni*'  temps  qti'ils 
«ont  des  supplications  plus  audentes  et  plus 
efficaces  que  lu  piàère  ordiiiaune,  ce  qui  l'ail  ipie 
nous  en  avcr'"*  un  extrême  hesoiai  dans  ue  UaapB 
de  misère  nixjroude,  —  eoiiit  etlècUv<.>ment  aussi 
des  démouïtra^joiis.  Bien,  loin  »ie  le  nier  nous  le 
^roclamone  hautement.  Mais  ilssout  des  démons- 
trations religieutes. 

Depuis  cent  ans,  l'impiété  éteadadt  de  plus  en 


plus  ses  raviiiics.  Elle  trioni[)bait  insolemment 
drtnslouli'8  les  oeiélés.  Aenti-ndreses  eirypbées 
la  religion  avait  fàiit  son  temps.  D'ailleurs  elle 
manquait  de  base;  le  suiiialurel  n'existait  pas; 
la  science  expliquait  tout;  i«r  miracle  était  une 
jonglerie. 

Si  longuement  provoqués,  les  catholiques  se 
sont  eutin  levés  pour  munit.  Jcr  leur  foi  outra- 
gée. Et  ils  ont  dit  à  Dieu  que  ,"!.iit  à  lui-même 
de  juger  sa  cause  et  de  vengei-  l'Liouneur  de  son 
nom.  Et  ils  ont  pris  des  sourds,  des  aveugles, 
des  muets,  des  parality<iues,  des  infirmes  de 
toute  sorte,  et  ils  les  oat  conduits  à  telle  ou  telle 
fontaine,  et  ils  les  y  ont  plongés,  et  Dieu  les  a 
guéris  au  nez  de  la  seieuce,  et  la  sciemie  a 
analysé  l'eau,  et  l'eau  s'est  trouvée  naturelle,  et 
la  science  n'a  pu  rien  expliquer,  et  le  miracle  a 
été  démoutri-,  et  le  surnaturel  aussi,  et  Dieu 
aussi,  et  l'impiété  couverte  de  coulusion  at 
réduite  à  balbutier.  Et  la  foi  a  été  glorifiée,  et 
la  religion  reprend  peu  à  peu  dans  les  masses 
désabusées  san  légitime  empire. 

Nos  législaicms  moderne-,  issus  de  l'impiété, 
en  avaient  embrassé  la  cause.  A  l'exemple  des 
païens,  et  malgré  l'insuccès  de  ceux-oi,  ils 
avaient  d'aliord  voulu  noyer  la  religion  de. 
Jésus-Christ  dans  le  sang  des  catboli(iues.  Mais 
ciimme  on  ne  peut  pas  guillotiner  toujours  ui 
tout  le  monde,  ils  durent  à  leur  tour  abandon- 
ner leur  entreprise. 

Cependant  Us  ne  renoncèrent  pas  à  entraver 
tout  au  moins  de  leur  mieux  la  divine  persécutée. 
En  couséqueuce,  elle  qui  avait  l'onné  à  notre 
pays  ses  lo  s  et  sa  liberté,  ils  l'exclurent  de  nos 
lois  et  voulurent  l'emprisonner.  Ils  délibérèrent 
donc  et  volèrent  qu'elle  serait  mni'ée  dans  ses 
églises,  et  qu'elle  n'en  sortirait  pas.  Si  le  texte 
de  la  loi  ne  dit  pas  cela  brutalement,  on  sent 
que  c'est  là  qu'il  tend.  Et  les  continuateurs  de 
ceux  qui  l'ont  rédigé  ne  nous  laissent  pas  igno- 
rer que,  le  jour  même  où  ils  redeviendront  les 
maîtres,  la  petite  porte  laissée  au  temple  par 
où  l'Eglise  de  JÉsus-CiiuiST  peut  eneiire  se 
montrer  au  monde,  dont  elle  est  le  salut,  sera 
hermétiipiemeut  fermée,  en  attendant  qu'ils 
ailli.'ul  jusqu'au  couperet,  comme  leurs  mo- 
dèles. 

Leurs  amis  de  l'étranger  nous  font  voir  cela, 
dès  maintenant,  dans  les  pays  où  ils  ont  réussi 
à  escalader  le  pouvoir,  ils  ont  commencé  par 
interner  l'Eglise  dans  ses  te.œiples  ;  puis  ils  ont 
supprimé  son  culte,  ei  om,piisonaé  ou  chassé 
ses  ministres  ;  puis  ils  se  sont  approprié  ses  édi- 
fices sacrés,  bâtis  jiar  elle,  a.vec  tout  ce  qu'ils 
contonaieut  d'ornements  et  d'objets  d'art,  et  ont 
en  derniei-  lieu  mis  la  mufi::  sm-  le  patrimoiûe 
qu'elle  avait  amas.sé  depim  des  siècles  poi\r 
nourrir  les  pauvres.  Vodà  où  ils  cr;  sont  pour 
le   moment.  S'j  arréleiout-ils?  qd   ne   yeut 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


133$ 


guère  l'cspi»rer.  Pent-ètre  que,  ayant  rorluit  les 
catholiiiiies  à  se  caclicr  luuir  honover  I>iou,  iis 
les  accuseront  bimitôt,  c^nnme  !'(int  fait  les 
païens,  de  mniiger  (les  enfants  ila:  s  leurs  réu- 
nions, et  s'écrieront  avec  une  inilignation  feinte  : 
Les  cliréfiens  aux  bétes! 

Eh  bienl  c'est  encore  contre  toutes  ces  hon- 
teuses c.itravesettoutes  ces  abominables  oppres- 
sions, consommces  ou  menaçantes,  que  les  pèle- 
rinages sont  des  démonstrations.  Les  pèlerins, 
en  ne  s'armant  que  de  la  prière,  protestent 
contre  l'abus  de  la  force  brut;ile  ;  ils  protestent 
contre  la  méconnaissance  des  droits  de  la  cons- 
cience humaine  ;  ils  protesicnt  pour  les  droits 
de  Dieu,  éL'alement  méconnus.  Les  pèlerins  re- 
gardent l'impiété  en  face,  et  lui  disent  ([u'ils 
n'ont  point  peur  d'elle,  car  en  tin  de  compte, 
c'est  elle  qui  sera  vaincue.  Ils  lui  disent  encore 
que,  si  elle  a  chassé  Uii^u  des  lois  et  de  la 
société,  elle  ne  l'a  point  chassé  et  ne  le  chassera 
jamais  de  leurs  cœurs,  et  qu'ils  prétendent 
avoir  la  liberté  de  le  servir  et  de  le  prier  en 
plein  soleil! 

Ainsi  je  vois  bien  dans  les  pèlerinages  des 
démonstrations  conire  l'incrédulité  et  contre  la 
tyrannie,  sa  iille,  mais  rien  qui  ressemble  à  des 
démonstrations  politiques,  rien  qui  u'jil  un 
caractère  essentiellement  religieux. 

D'où  je  coi'.clus  ((ue  c'est  encore  ici  une  de 
ces  mille  insinuations  calomnieuses  et  perlldes 
lancées  par  rira[iii'fé  elle-même  contre  les  pèle- 
rinages, à  cause  du  tort  qu'ils  lui  font  et  dn 
désarroi  daus  lequel  ils  la  jettent.  Elle  voudrait 
les  compromettre,  afin  de  tourner  contre  eus 
la  défiance  publique  et  de  neutraliser  leur  bien- 
f;asaii1e  puissance.  Jlais  elle  ne  trompera  cette 
fois  que  ceux  qui  voudront  positivement  être 
trompés.  Il  suffira  aux  autres,  pour  sourire  de 
son  mensonge,  de  roL'arder  et  d'écouter....  Une 
croix,  des  cierges  allumés,  la  lécitation  du  cha- 
pelet, le  chant  des  Litanies,  du  Mi^iTcre,  du 
Maçinificat,  et  cela  en  Chine  comme  eu  France, 
en  Turquie  comme  en  Suisse,  eu  Italie  comme 
en  Prusse...  non,  diront-ils,  décidément  cela  ne 
sonne  pas  politique. 

P.  d'Hautebivb. 


QUESTIO'^S   D'HISTOIRE 

ORIGI.\ES  DU  rOUVOlR  TEMPOREL  DES  PABES. 
l 
Auttientici'iA  dea  Donations  de   Conslantjn. 
Le  premier  grand  fait  historique  auquel  il  est 
permis  de  rattacher,  comme  à  son  origine,  l'éta- 
blissement du  domaine  temporel  des  Papes,  est 
contenu  daus  les  fameux  document  connus  sous 
le|Duœ  de  Douatioas  de  Constantin.. 


Jusque  vers  le  aix-septième  siècle,  ces  pièces 
furent  admises  comme  authentiques,  sans  récla- 
mation, sans  inscription  de  faux  de  la  part  de 
t|ui  ([ue  ce  soit.  Dans  nu  grand  nombre  d'ai-tes 
diplomatiques,  les  Pontifes  romains  s'y  référaient 
paisiblement  et  sans  contradiction. 

Après  la  Réforme,  cette  révolution  radicale  et 
violente  qu'il  avait  soufflée  à  Luther  et  à  Cal- 
vin contre  la  papauté,  Satan  poursuivant  son 
dessein  de  bouleverser  at  d'anéautir  l'Etrlise  de 
Dieu,  inventa  l'hérésie  gallicane,  dont  une  des 
visées  fut  toujours  d'amoindrir  le  P:ipe  et  de 
noircir  le  Siège  apostolique,  pour  ruiner  tout 
ensemble  et  la  plénitude  de  la  juridictioH  ou  la 
primauté  réelle  des  vicaires  de  Jésus-Christ,  et 
leur  sujirèmejudicature  sur  tous  les  fidèles  du 
Chris),  iiouple^s  et  rois.  Un  de  ses  moyens  fut 
cette  scitjnoe  qui  enfle,  selon  saint  Paul  ;  en 
d'autres  termes,  les  prétentions  présomptueuses 
des  ôrudits.  La  pente  îles  esprits,  pins  ou  moins 
favorables  à  l'hérésie  gallicane,  les  porta  à  diri- 
ger l'érudition  propre  à  cette  époque,  comme 
un  bélier  destructeur,  tantôt  contre  les  tradi- 
tions antiques  et  jusque-là  reeues,  qui,  en  ratr 
tachant  la  fondation  des  églises  des  Gaules  au 
siège  apostolique  attestaient  ainsi  le  fait  même 
de  leur  dépendance  juridictionnelle  à  l'égard  de 
ce  Saint-Siège  ;  tantôt  contre  les  fondements 
historiques  du  domaine  temporel  des  Pontiies, 
Ljarautie  de  l'exercice  de  sa  suprême  magistra- 
ture sur  le  monde  chrétien  (I). 

Cette  propension  et  cette  présomiitioa  furent 
telles,  que  des  hommes  judicieux  d'ailleurs 
n'hésitèrent  pas  à  parler  du  document  qui  nous 
occupe  daus  les  termes  suivants: 

Noël  Alexandre  l'attribue  à  Anastase  le  bi- 
bliothécaire, de  connivence  avec  Isidore  Mer- 
cator,  ot  ne  le  fait  remonter  qu'à  l'an  870. 
Ledocte  Moriu,  dans  sa  Sil/liothP(/ue  dvs  Prres, 
veut  que  ce  soit  Jean  le  Diacre  qui  l'aurait  forgé 
en  S80.  PieiTe  de  Maroa,  le  grave  et  savant 
archevêque  de  Paris,  trouve  qu'il  est  vraisem- 
blable d'en  faire  hommage  à  la  pieuse  fraude 
des  Pontifes  romains  eux-mêmes;  et  Cila,  da 
consentement  et  avec  la  comiilicité  de  Pépin  le 
Bref.  Il  n'est  plus  étonnant  ensuite  de  voir  le 
sceptique  Gibbon,  esprit  très-léger  malgré  ses 
dons  naturels  et  sa  physionomie  d'érudit.  affir- 
me' que  Gratien  en  est  l'inventeur,  à  la  date  de 
HoO,  ui  le  vieux  catholique  Dœllinger,  que  c'est 
le  clergé  romain  qui  fabriqua  la  fausse  pièce  au 
temps  de  Grégoire  11.  —  Mais  ce  qui  a  lieu  de 
surprendre,  c'est  de  voir  ce  faux  courant  d'opi- 
nion entraîner  les  catholiques  eux-mêmes  et  les 

1 .  Les  erreurs  gnllioanes,  condamnées  p»r  le  concile 
du  Vatican,  sont  aujourd'liui  des.  >i&resies.  Personne  ne 
s'étonnera  de  cette  qualifîcntion  ,  couime  personne  n'en 
intorcrn  que  nous  songions  à  appeler  héréiiques  ceux  qui 
les  ont  soutenues  de  bonne  foi,  avant  le  concile. 


13Si 


LA  SEMAINE  Dl  CLERGÉ 


meilleurs  défenseurs  du  Saint-Siép;e  :  La  Civiltà 
cattolica,  il  y  a  peu  d'années,  et  le  dernier  pro- 
fesseur au  collège  romain,  avant  1848,  ont 
déclaré  impossible  «  de  reprendre  eu  sous- 
œuvre  la  défense  de  la  donation  constauti- 
nienne  (I).  » 

Cependant  l'entreprise  a  été  tentée  par  deu-s 
professeurs  français,  MM.  Dumont  et  Maupied, 
et  par  l'historien  Darras,  qu'avait  précédé  le 
docte  allemand  Sclielstrale.  On  va  voir  si  c'est 
avec  succès. 

L'erreur  spéculative  la  plus  commune,qui  fait 
dévier  les  érudits,  consiste  à  supposer  qu'il 
n'esiite  de  documents  historiques  que  ceux  qui 
sont  connus  de  leurs  contemporains,  ou  d'eux- 
mêmes.  Appliquant  cette  fausse  donnée  à  l'édit 
pe  Constantin,  ils  l'ont  déclaré  apocryphe,  puis 
œuvre  de  faussaire;  sous  prétexte  d'abord  qu'ils 
ne  le  voyaient  pas  cité  dans  d'autres  documents 
avant  telle  ou  telle  époque.  Contre  Gibbon  qui 
assigne  la  date  de  4150,  et  nomme  Gratien 
comme  fabricateur  de  ce  document,  il  s'élève  un 
lait  de  premier  ordre.  Eu  9  58,  Luitprand, 
évéque  de  Crémone,  fut  envoyé  comme  ambas- 
sadeur par  Othon  le  Grand  à  Constantinople, 
pour  y  traiter  de  diverses  affaires  relatives  à 
f  Empire  et  à  l'Eglise  romaine.  En  s'adressaut  à 
l'empereur  byzanlin  Nicépliore  Pbocas,  Luit- 
prand lui  disait  :  «L'auguste  César  Constantin, 
«  fondateur  de  votre  capitale,  était  de  son  temps 
«  le  maître  du  monde. 

«  En  cette  qualité,  il  fit  à  la  sainte  et  aposto- 
(I  lique  église  de  Uome  des  donations  considé- 
fl  râbles,  non-seulement  eu  Italie  et  dans  les 
«  principales  contrées  de  l'Occident,  mais  encore 
«  dans  lesrégiims  de  l'Orient,  dans  les  provinces 
«  du  Midi,  telles  que  la  Grèce,  la  Judée,  la 
«c  Perse,  la  Mésopotamie,  la  Babylonie,  l'Egypte, 
«  la  Lybie.  Les  diplômes  attestant  ces  privilèges 
«  sont  entre  nos  mains.  Or,  l'empereur  Othon, 
«  mon  maître,  soit  en  Italie,  soit  en  Saxe,  soit 
«  en  Bavière,  dans  toute  l'éleuduc  de  sa  domi- 
■  nation  enfui,  respecte  cette  donation  et  laisse 
«  jouir  le  Pape,  vicaire  des  saints  apôtres,  des 
«  bieus  qui  ont  été  co  :cèdcs  à  sou  siège.  J'en 
«  jure  par  le  Dieu  vivant,  jamais  mou  auguste 
«  maître  n'en  a  rien  retranché,  ni  en  villes,  ni 
u  eu  hommes,  ni  en  terres,  ni  en  serviteurs. 
«  Pourquoi  donc  l'empereur  de  Constantinople 
«  n'eu  lait  il  pas  de  même  ?  Pourquoi  retuse- 
0  t-il  au  Siège  apostolique  la  jouissance  des  terri- 
«  toires  qui  lui  ont  été  concédés  dans  son 
«  royaume  (2)  ?  » 

1,  Voir  Darras:  Histoire  de  l'Eglise,  Pontificat  de  saint 
Syhestre,  Donation  de  Conslatilm.  Cet  ouvrage,  que  nous 
estimons  au-dessus  des  éloges  qui  eu  ont  été  faits,  nous 
a  inspire  ia  pensée  d'écrire  cette  dissertation,  et  nous  a  le 
plus  souvent  servi  de  guide. 

2.  Pair,  iaixne,  tume  tlXXXVI,  col.  916-917  :  Luitprand 
tgatio  Conslantinopolitana. 


Voilà  pour  Gibbon.  Voici  pour  tous  les 
autres.  L'empereur  d'Orient  fait  cette  réponse 
par  son  premier  ministre  :  ((  Hoc  faciet,  ait  Basi- 
«  leus  paro)kinumenos,quum  ad  nutum  suum  Roma 
«  et  romana  Ecclesia  ordinabilur.  »  Au  lieu  de 
répoudre  qu'il  ne  doit  rien,  qu'il  ignore  les  actes 
de  Constantin,  lesquels,  d'après  les  adversaires, 
seraient  l'œuvre  d'Anastase  le  Bibliothécaire,  à 
peine  son  contemporain,  il  répon.i  simplement 
qu'il  remplira  les  obligations  prescrites  par  les 
actes,  quœapudillos  sunt.  Notez  qu'il  s'agit  d'in- 
térêts matériels,  de  possessions  considérables, 
dont  les  revenus  s'élevaient  à  plus  de  deux  rail- 
lious  de  notre  monnaie.  Croit-on,  d'une  part, 
que  1  empereur  germain  eût  agi  et  parlé  de  la 
sorte,  s'il  n'avait  eu,  dans  ses  archives,  autre 
chose  qu'un  parchemin  tout  neuf,  forgé  par 
Anastase  le  Bibliothécaire?  et  de  l'autre  que 
Phocas  aurait  si  facilement  accordé  ce  qu'on  lui 
exposait,  et  admis  des  actes  inconnus  comme 
un  titre  qui  l'obligeait  à  se  dépouiller, en  faveur 
du  Saint-Siège,  de  domaines  considérables? 

C'est  que,  en  effet,  il  existait  des  titres  de 
la  donation  coustautinienne,  à  Constantinople 
comme  à  Rome  ;  et  Luitprand  n'est  pas  notre 
seul  témoin.  Nous  possédons  un  document 
positif,  certain,  authentique,  irrécusable.  Nous 
avons  entre  les  maius  deux  fragments  grecs  de 
l'édit  de  Constantin,  lesquels  ont  été  reproduits 
dans  le  Nomocanon  de  Plwtiusl  Un  siècle  avant 
l'ambassade  de  Luitprand,  et  avant  Anastase  le 
Bibliothécaire  et  Mercator ,  trois  siècles  avant 
Gratien,  vers  850,  les  copistes  que  Photius  avait 
chargés  de  recueiUir  dans  les  archives  impé- 
riales le  texte  des  anciennes  lois,  lui  apportèrent 
celui-ci.  L'auteur  du  schisme  grec  le  bilfa  outra- 
geusemeut,  comme  il  interpola  bien  d'autres 
textes.  Mais  on  pouvait  toujours  lire  sous  la 
rature  ;  et  quand  plus  tard  Théodore  Balsamon 
publiait  le  Nomocanon  de  Photius.,  il  y  reprodui- 
sit la  pièce  qui  avait  si  fort  déplu  à  l'orgueilleux 
patriarche.  Ce  texte  grec  est  le  seul  qui  nous  soit 
parvenu  jusqu'ici;  et,  daus  un  manuscrit  delà 
Bibhothèque  impériale  de  Vienne,  on  lit  la  note 
suivante  :  «  Ce  texte  avait  été  biffé  par  le  très  saint 
patriarche  de  Constantinople,  le  seigneur  Pho- 
tius. »  U  est  écrit  en  style  élevé  et  pur,  et  il 
révèle  son  origine  constaulinieune,  comme  nous 
aurons  l'occasion  de  le  constater  plus  loin. 

Ce  n'est  pas  tout.  Dans  deux  diplômes  de 
Dagobert,  auxquels  ont  souscrit  saint  Eloi  et 
saint  Oueu,  l'un  de  632,  l'autre  postérieur,  la 
donation  constantuiienne  est  meutionnée. 
Dans  le  premier,  qui  est  le  privilège  de  l'il- 
lustre abbaye  de  Saint-Denys  dont  il  tut  le  fon- 
dateur, le  roi  des  Francs  s'exprime  en  ces 
termes  :  11  adjure  aies  rois  et  les  princes  ses 
successeurs,  au  nom  de  la  sainte  et  indivisible 
Trinité,  et  par  l'avénemeut  du  souverain  Juge,, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1355 


Vie  maintenir  l'honneur  et  révérence  de  la 
sainte  Mère  Eglise  en  la  maison  où  repose 
notre  seigneur  et  très  saint-patrou  Denys,  avec 
autant  de  vigilance  que  l'on  conserve  à  Rome  dans 
les  basiliques  du  bienheureux  Pierre  et  Paul  le 
priviléye  si  connu  de  l'empereur  Constantin  (I).  » 
Enfin,  et  ces  paroles  sont  du  P.  Labbe,  n  il  est 
certain  par  un  témoignage  formel  de  saint  Op- 
tât de  ÎNlilève,  que  le  palais  de  Latran  fut  donné 
par  Constantin  aux  Papes,  »  —  ce  qui  est  le 
premier  article  du  document  constantinien  atta- 
qué. «  D'ailleurs,  ajoute  le  grand  compilateur, 
à  moins  d'avoir  perdu  le  sens,  on  ne  saurait 
s'inscrire  en  faux  contre  le  fait  de  la  possession 
de  ce  palais  par  les  souverains  Pontifes  depuis 
l'ère  constautjuitnne.  L'édit  est  conforme  à 
tout  ce  que  nous  connaissons  de  la  munificence 
de  l'empereur,  de  son  zèle  pour  la  religion 
chrétienne  et  de  son  ardeur  à  éteindre  los 
superstitions  idolâtriques.  J'ajouterai  une  autre 
preuve,  qui  n'est  pas  moins  considérable  à  mes 
yeux.  Quand  les  rois  francs  eurent  triomphé 
des  Lombards  en  Italie,  ils  prirent  soin,  dans 
leurs  diplômes,  de  déclarer  qu'ils  restituaient  au 
Saint-Siège.  Pourquoi  cette  expression  signifi- 
cative ?  Pourquoi  restituer  et  non  pas  donner  ? 
Cette  parole  de  notre  chancellerie  nationale  est 
la  reconnaissance  explicite  d'une  donation  anté- 
rieure. On  n'en  connaît  pas  d'autre  que  celle  de 
Constantin.  »  Ainsi  s'exprimait  le  P.  Labbe. 
«  Je  le  déclare,  s'écrie  à  son  tour  .M.  le  profes- 
seur Dumont;  ces  palais  de  Latran  et  du  Vati- 
can, fabriquant,  emmagasinant  des  bulles,  lé- 
gendes, lettres  et  diplômes ,  pour  toutes  les 
occasions  prévues  et  imprévues;  cet  atelier 
perpétuel  de  fraude  et  de  superstition,  prépa- 
rant des  actes  faux  et  les  propageant  durant  des 
siècles,  au  moins  jusqu'en  1447,  où  un  P;ipe 
citait  encore  la  donation  constantinienne ,  — 
sans  que  personne  soupçonnât  l'imposture  :  tout 
cela  ressemble  à  une  fantasmagorie.  Un  tel  des- 
sein révolte  ma  pensée,  un  tel  succès  décon- 
certe ma  raison  1  Pépin ,  Charlemagne ,  les 
Othons,  qui  avaient  tant  d'intérêt  à  découvrir  la 
fraude  et  à  la  conspuer,  eussent  été  les  premiers 
à  la  r»,coaDaître.  Et  ces  turbulents  Romains  si 
hardis  contre  leurs  papes,  et  ces  petits  princes 
d'Italie  qui  usurpent  sans  cesse  le  patrimoine 
de  saint  Pierre,  ils  auraient  gardé  le  silence, 
accepté  l'imposture.  Nul  n'aurait  eu  l'idée  de 
protester.  Cela  est  impossible  (2).  »  D'autant 
plus  impossible,  dirons-nous  à  notre  tour,  que 
Grotius,  un  protestant,  un  critique,  et  un  érud't 
de  premier  ordre,  reconnaît,  dans  son  livre  d'. 
Antichristo  que  «les  Papes,  loin  de  favoriser  les 
faussaires,  les  ont  toujours  condamnés  et  répri- 
més, et  qu'ils  n'ont  pas  cessé  d'encouragtr  les 

1.  Cité  par  Darras,  loc.  cit. 

2,  Pair.  lat.  tome  Lxxx,  Dlpl.  xi  et  xviii,  col.  510-032. 


travaux  des  habiles  critiques  (1).  »  Il  était  ré- 
servé aux  érutlits  gallicans  de  méconnaître  ce 
fait  avoué  par  Grotius, et  d'affirmer  le  contraire, 
avec  un  emportement  ou  un  calme  qui  désole 
également.  Mais  dit  le  docteur  Maupied  c  l'au- 
thenticité de  la  donation  constantinienne  est 
appuyée  sur  des  monuments  trop  graves,  trop 
nombreux,  trop  certains,  pour  qu'il  soit  permis 
de  la  répudier  (2).  » 

II 

Objections. 
Persécution  momentanée  sous  saint  Sylvestre.  — 
Lèpre  de  Constaïuia.  —  Son  baplôme.  —  Interpo^ 
lation  d'Eusèhe.  —  Quelle  sone  de  pouvoir  public 
CoDslantin  donna  au  Pape  en  Occident.  —  Résumé 
de  ledit  de  Coiibtaalin. 

Notre  tâche  ne  serait  qu'à  moitié  remplie,  si 
nous  ne  réfutions  pas  les  objeclions  tirées  des 
prétendues  faussetés  ou  invraisemblances  con- 
tenues, au  dire  de  nos  adversaires,  dans  le 
véiiciable  document.  Cette  réfutation  nous 
montrera,  au  contraire,  les  preuves  intrinsèques 
de  celte  authenticité,  tout  en  nous  initiant  ila- 
vantage  au  caractère  de  la  donation  constanti- 
nienne, et  le  rapport  qu'elle  a  avec  l'origine 
du  Domaine  temporel  des  Pontifes  romains. 

La  pièce  fabriquée  par  Anastase  le  Bibliollié- 
caire,  disent  les  érudits,  est  intrinsèquement 
prouvée  fausse,  parce  qu'elle  renferme  plusieurs 
fables  inconnues  avant  lui,  savoir  :  1°  une  sorte 
de  persécution  qui  aurait  forcé  le  Pape  saint 
Sylvestre  lui-même  à  se  réfugier  hors  de  Rome 
sur  le  mont  Soracte  ;  2°  la  prétendue  lèpre  de 
Constantin,  et  son  prétendu  baptême  en  324 
par  saint  Sylvestre,  démontré  faux  par  le  récit 
d'Eusèbe  de  Césarée  qui  le  fait  baptiser  par  les 
ariens  à  Nicomédie,  la  veille  de  sa  mort  et  près 
de  trente  ans  plus  tard  ;  3°  des  contradictions  et 
des  impossibilités  ridicules  dans  les  dates  four- 
nies, c  est-à-dire  inventées  par  Anastase,  et  un 
mot  étranger  au  style  officiel  ;  4°  enfin  l'absurde 
donation  à  Sylvestre  de  la  puissance  impériale 
sur  l'Occident. 

(.4  cuivre).  L'abbé  Defourny, 

curé  de  Beaumont  en  Argonno. 


Bio  gr  a  ph  1  e 


DOM     GUÉBANGER 

AUIiÉ   liE   SOLES.MES. 

{Suite.) 
Toutefois  ce  ne  fut  pas  sans  conteste.    Dès 
.'origine,  les  hérétiques  s'étaient  appliqués  à 

«.  Cité     par    Bergier,  récente    édition,   au  mot  Pop», 

tom.  I!I.  p.  589.                                              „  ,  ... 

2.  B.MIIMED.  VEglise  et  let  loit  eternelies  dtt  n^idét 
humainti. 


13:3 


LA  SEJÎALNE  DU  CLERGÉ 


empoisonner  cette  source  rie  la  doctrine.  Arius 
et  Vi-^ilam-e  s'étaient  surtout  distingués  dans 
cette  entreprise  mal  venue.  Les  iconoclastes 
du  septième  siècle ,  les  manicliéens  du  dou- 
zième, les  hussites,  enfin  les  protestants  repri- 
rent ce  hei  ouvrage.  Les  caractères  qui  distin- 
guent cetti'  liérésie  anti-liturgiste  sont  :  t"  La 
haine  de  la  tradition  dans  les  formulesdu  culte; 
2°  La  manif  de  remidacer  les  fornmiesile  style 
ecclésiastique  pa\  des  textes  d'Ecriture  sainte; 
S"  L'introduction  de  formules  de  fabrique  nou- 
velle, ce  qui  paraît,  avec  les  principes  de  la 
secte,  une  contradiction;  4°  Le  retranchement 
des  cérémonies  et  formules  mystiques,  |>arce 
qu'on  a  dérogé  à  la  pureté  du  dogme;  5°  l'ex- 
tinction de  l'esprit  d'onction,  l'amour  remplacé 
par  le  respect  et  la  crainte  ;  6°  L'exclusion 
de  l'idolâtiie  papiste,  le  rejet  du  culte  de  la 
Vierge  et  des  saints  ;  7°  L'usage,  dans  le  service 
divin,  de  la  langue  vulgaire;  8° L'abolition  des 
pratiques  chrétiennes  de  mortification  corpo- 
relle et  rabrotralion  des  longue?  prières;  9"  l'éta- 
blisscment  d'un  vaste  presbytérianisme  où  tout 
homme  sera  propriétaire  roi  et  prêtre;  10°  entin 
l'adjudication  du  droit  liturgique  au  peuple  et 
surtout  au  prince. 

C'est  sur  ces  principes  faux  qu'avaient  tra- 
vaillé plus  ou  moins  les  fabricants  .:es  liturgies 
françaises.  Tous  gallican?,  la  plupart  jansé- 
nistes, sous  couleur  d'une  latinité  plus  [uire  et 
d'une  critique  plus  éclairée,  ils  avaji^nt  introduit, 
dans  les  nouveaux  livres,  un  esjirit  de  secte, 
une  piété  sans  y\e,  la  légèreté  doctrinale,  toutes 
Choses  d'où  devaient  sortir,  par  une  voie  plus 
on  moins  directe,  Thérésie,  le  schisme  et  la 
négation  même  de  la  sainte  Eglise.  Si  la  France 
se  débat,  depuis  ,S'J,  dans  d'horribles  convul- 
sions, il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  l'impiété 
révolutionnaire  se  suit  introduite  dans  son  his- 
toire, sans  antécédents  logiques,  et  sans  titres 
doctrinaux.  A  cet  égard,  l'ancien  régime  et  le 
régime  nouveau,  malgré  l'opposition  fonda- 
mentale qu'on  ieurattribue,seressemblentpour 
l'esprit  d'hosliiilé  à  l'Eglise,  à  la  religion  et  à 
l'ordre  surnaturel.  Il  ne  serait  pas  diftjcile 
d'établir,  entre  les  liôro?  du  dis-septième  siècle 
ei  les  aventuriers  du  dix-ueuvième,  des  paral- 
lèles à  la  manière  do  Plutarcjue. 

Le  pire  qui  pouvait  arriver  aux  Inslitnfions 
liturgiques.,  c'était  de  passer  sans  bruit.  «  Savoir 
lire,  disait  saint  Martin,  est  beaucoup  plus  diffi- 
cile que  savoir  écrire,  »  car  on  écrit  sa  pensée 
et  le  mouvement  naturel  de  la  parole  l'exprime 
toujours  assC.  lidèlemenl,  tandis  qu'on  lit  la 
parole  d'autiui  à  travers  le  voile  plus  ou  moias 
épais  de  sa  propre  pensée,  des  idées,  des  prin- 
cipes, des  passions  et  des  préjugés  qui  dominent 
dans  notre  esprit.  l'n  livre  peut  donc  fecomler 
(Vj  germes  jjiàexistauts  ;    quand  ces  germes 


n'existent  pas,  un  livre  n'a  jamais  la  puissance 
de  les  créer.  11  ne  suftit  pa?  di'ji^t.T  la  lionne 
semence;  il  faut  encore  qu'elle  ne  tombe  ni 
sur  le  roc  aride,  ni  sur  une  terre  dévorée  par 
les  ronces.  Les  raisonnements  les  plus  péremp- 
toires,  les  faits  les  plus  déiMsifs  n'apportent 
aucun  enseignement  aux  esprits  ;i',Cbpab:cs  d'en 
apprécier  la  valeur.  Lesconiradictioas  n'avaient 
pas  manqué  aux  pseudo-liturràstes  du  dix-!iui- 
tieme  siècle;  lus  lloiignaul,  les  jelutour,  les 
Lanyuet,  avaient  dit  à  peu  pièssans  prolit  tout 
ce  que  dira  Tabbé  de  Solesmes.  L'ouvrage  de 
dom  Guérauger  pouvait  d^nc  subir  le  même 
mauvais  sort:  livres  savants,  les  savants  les 
auraient  consultés,  mais  ils  seraient  demeurés 
sansaction  immédiate,  pratique  et  réelle.  Fort 
heureusement,  l'abbé  de  Lamennais  avait  tracé, 
dès  1SÛ8,  le  programme  à  piu  prés  complet  des 
restaurations  nécessaires  ;  et,  par  ses  ouvrages 
subséi]ucnts,  avait  produit,  dans  les  esprits,  un 
prodigieux  mouvement  de  retour  vers  Rome. 
Par  uneadmirable  transformât! on, celte  France, 
autrefois  si  oublieuse  et  si  hostile,  avait  réjeté 
ses  préjuges  et  s'était  inclinée  vers  le  Saint- 
Siège,  'fout  ce  qui  était  resté  catdiolique,  tout 
ce  qui  l'était  devenu,  n'avait  plus  qu'un  cri  : 
En  avant,  vers  Rome  ! 

On  pouvait  donc  espérer  le  succès,  mais  il 
fallait  s'attenilre  à  des  attaques.  Le  14  octobre 
1843,  un  ami  de  dom  Guéranger,  devenu  domi- 
nicain, uu  esprit  élevé,  un  soldat  d'avant-garde, 
le  Père  Lacordaire  enfin,  osait  bien  écrire  à 
Sophie  Swetchine  :  cJ'ai  lu  les  Institutions  litur- 
giques. Assurément  le  livre  n'est  pas  sans  re- 
proche ;  dom  Guéranger  suppose  une  secte 
anti-liturgique  qui  remonte  aux  premiers  âges 
du  christianisme;  il  donne  les  caractères  géné- 
raux de  cette  secte,  puis  il  les  applique  à 
l'œuvre  liturgique  française,  fondée  par  la 
presque  totalité  de  ré[iiscopat  au  dix-huitième 
siècle,  en  montrant,  de  plus,  les  jausénist(!S 
comme  auteurs  de  cette  innovation.  C'est  une 
bien  rude  injure  pour  une  église  qui  n'a  jamais 
été  séparée  de  lacommunion  universelle,  et  qui, 
prise  dans  sa  masse,  a  résisté  constamment  aux 
jansénistes!  Car,  qu  est-ce  que  les  réclamations 
qui  ont  eu  lieu?  Malgré  la  bonne  volonté  de 
l'auteur,  il  est  obligé  de  constater  vingt  fois 
l'entraînement  universel  ;  l'archevêque  deSens 
lui-même,  Languet.  n'attaque  que  les  excen- 
tricités jansénistes  ou  simi-jansènistes  de  l'évê- 
que  de  Troyes  ;  il  ne  toui'he  pas  à  la  question 
du  fond,  qui  était  le  remaniement  général  delà 
liturgie. 

«  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  eu  d'hérésie anti- 
liturgisle.  La  liturgie  étant  l'expression  du 
dogme,  chaque  fois  que  les  hérétiques  ont  tou- 
o!ie  an  dogme,  ils  ont  touché  parallèlement  et 
proi>orlioncllement  à  ia  liturgie,  afin  d'expri- 


LA  si:mainf  du  clergé 


1351 


mer  visiblnmcnt  leurs  erreurs  ;  mais  ce  n'est 
point  là  aUa(|U('rla  liturçic  catholique  par  un 
dessein  premier  et  princi]):!!,  ayant  ses  rarac- 
tère>  fîéûéraux,  tels,  par  exemple,  que  de  se 
servir  uniquement  de  l'Ecriture  sainte  dans  la 
suite  des  sacrci-s  formulrs.  Celte  idée  dese  sprvir 
iiniquemenl  de  l'EiTituie  sainte  dans  la  litur- 
gie est  venue,  même  ani'ieunement,  à  des  évo- 
ques très-catholiques,  comme  on  le  voit  par 
l'autei'.r  lui-mcmo,  et,  au  fond,  presque 
toute  la  liturgie  romaine  est  com;  osée  de  |ia- 
roles  de  l'Ecriture  sainte.  En  voyant  sans  cesse, 
avec  la  suite  des  temps,  de  nouveaux  oflires,  de 
nouvelles  j^roses,  des  liymncs,  composées  par 
des  évèqiies,  des  prêtres,  des  laïques  il  a  pu 
venirà  l'esprUd'esccllents  catholiques,  de  moins 
donner  au  génie  propre  et  d'employer  les  pa- 
roles mêmes  dictées  par  TE-prit-Saint,  et  cela 
sans  la  moindre  pensée  d'innover,  ni  de  faire 
injure  à  la  tradition. 

«  Il  est  évident,  par  l'auteur  même,  qu'au 
dernier  siècle,  deux  pensées  préoccupaient  tous 
les  esprits  :  le  goût  d'une  latinité  plus  pure, 
plus  latine,  ce  qui  était  la  conséquenee  de  !a 
renaissance  des  ietti-es  anciennes  en  Occident  ; 
en  second  lieu,  le  goùtirune  critique  plus  fine, 
qui  était  dû  aux  travaux  des  mordernes  sur 
toutes  les  lirauclies  de  l'antiquité  sacrée  et  pro- 
fane. (Vêtait  là  tout  ce  que  voyait  le  clergé 
français  dans  sa  grande  massse,  lorsqu'il  s'est 
agi  du  rcma;iiciuent  de  la  liturgie,  et  il  ne 
croyait  pas  plus  tombi'r  dans  une  secte  anli- 
liturgisle,  en  agis'-atil  ainsi,  qu'on  nec.royaily 
tomhcr  à  Rome,  du  temps  de  Léon  X,  en  éle- 
vant le  [\iiitt;éon  dans  les  airs;  et  pins  lard,  au 
dix- huitième  siècle,  en  chargeant  le  lîorromini 
de  deligurcr  une  foule  d'églises,  par  la  plus 
barbare  ardiilccliire.  C'était  un  goût  qui  s'éten- 
dait à  la  peinture,  à  la  sculpture,  à  tous  les 
arts,  et  (juc  nous  appliquions  eu  France  à  la 
liturgie  après  en  avoir  reçu  le  premier  exemple 
de  Rome,  à  l'éiioque  où  les  Papes  eux-mêmes 
s'occupaienl  de  reComlre  et  d'abréger  le  Bré- 
viaire. Nous  avons  tort  comme  ces  Papes-là 
avaient  tort;  mais,  quelle  diUtreiice  d'.ivoir 
tort  par  un  goût  universel,  iiuoique  mauvais, 
ou  d'avoir  tort  par  liypoeri-io  cl  imbéc'llit"  ! 
Personne  ne  déplore  plus  qui-  moi  la  perte  de  la 
liturgie  romaine,  mais  de  lann'me  manière  que 
la  perte  de  rarchilecture  gothique,  des  lettres 
sacrées  vaincues  par  les  lettres  profanes,  et  je 
n'aecuserai  point  pour  cela  les  jansénistes,  qui 
ont  cr-rrii^è  Virgile  et  Horace,  au  lieu  de  rési.-ler 
an  lnrrjiiit,  au  lieu  d'enseigner  la  latinité  cJire- 
lienui;  avec  des  auteurs  chrétiens.  Si  nos  évo- 
ques choisissaient  Sanlenil  et  Collin  pour  fur 
laire  des  hymnes,  c'était  tout  simplement 
comme  on  choisit  encore  des  (leintres  incrédules 
ponr  peindre  nci3  églises;  c'est  un   giaud  n:al- 


heur,  mais  fort  explicable,  même  quaud  ces 
peintres  seraient  choisis  par  nos  évolues  (1).» 

Le  P.  Lar'(>rdaire  montrait,  par  cette  lettre, 
qu'il  ne  comprenait  ;as  un  mot  à  la  question 
liiur:;ique  et,  bien  qu'il  ait  lu  l'ouvrage  de  dom 
GniTangcr,  il  était  manifestement  litranger  à  sa 
doctrine.  Ce  qu'il  y  a  de  pire,  il  n'était  pas 
iidèle  à  lui-même  ;  il  se  dérobait  au  mouve- 
ment j)rogressif  des  esprits  éclairés  d'en  haut  ; 
il  n'entrait  pas  dans  l'intelligence  chrétienne 
tout  à  fait  nécessaire  pour  la  lecture  d'un  ou- 
vrage li'avenir.  Je  ilemande  la  permission  de  lui 
opposer  son  propre  témoignage.  Le  0  janvier 
18-iO,  à  propos  de  l'abbé  Bautain,  il  écrivait  de 
la  Quercia  :  «  Le  mouvement  du  vrai  chrétien 
est  de  cliercher  la  vérité  et  non  l'erreur  dans 
une  doctrine,  et  de  faire  tous  ses  elTorts  pour 
l'y  trouver,  tous  ses  efloits  jusqu'au  sang, 
comu:e  on  cueille  une  rose  à  travers  les  épines. 
Celui  tpii  fait  bon  marché  île  la  p  -nsée  d'un 
homme  sincère,  d'un  homme  qui  a  l'ait  à  Dieu 
des  sacrifices  visibles,  celui-là  est  un  pharisien, 
la  seule  race  d'hommes  qui  ait  été  ma  idite  par 
Jésus-Christ.  Celui  qui  dit  d'un  homme  travail- 
lant à  ce  qu'il  croit  pour  la  gloire  de  Dieu  : 
Qu'importe  un  homme?  Est-ce  que  Dieu  a 
besoin  des  gens  d'esprit?  celui-là  est  un  pha- 
risien ;  «il  enlève  la  clef  de  la  science,  »  dit 
Jcus-Chiist  ;  «  il  n'entre  pas  et  empêche  les 
autres  d'entrer.  »  Y  a-t-il  un  Père  de  ^E^'lise 
qui  n'ait  des  opinions  et  môme  des  erreurs? 
Jetterons-nous  leurs  éciits  par  la  leuèlre  pour 
que  l'Océan  de  la  vérité  soit  plus  pur?  Oh!  que 
l'hommeipii  comliat  pour  Uieuest  un  êtres  icrc, 
et  -jne,  jusqu'au  jour  d'une  coiulumnalion  m  i- 
nifesle,  il  faut  jiorter  sa  p  ;nsée  dans  des  en- 
trailles amies  {'l).  •) 

Alis'.ractiiin  laite  dc^  âprctés  françaises,  je 
m'étonne  que  le  !'.  Laeordair  •.  avec  son  maître 
esprit,  soit  si  peuenlié  dans  ■•ctte  grande  ques- 
tion, dont  le  tenant  était  son  ami,et  surla  pielle 
il  avait  reçu,  sans  doute,  quelque  amicale confi-- 
dence.  La  question  lilurgiijue  touche  à  toutes 
bs  pari  ics  de  la  sc'enec  s.icrée  :  c'est  une  ques- 
tion tliânl.igifjuf!  si  l'on  s'attache  à  la  nature 
même  de  la  liturgie,  au  rôle  (pi'elle  j'>ue  dans 
l'eci'nomie  du  christianisme,  à  la  valeur  dog- 
matique qu'il  faut  lui  attribuer;  c'est  uneques- 
tion  de  droit  canoniqiiP,  si  l'on  considère  le 
degré  resp  ctif  de  pou\oirqu'ont  sur  lalilurgie 
les  diverses  autorilt''S  hiêrarihiques  ou  les  déci- 
sions rendues  pi)ur  la  légler;  c'est  une  question. 
à'/iisloire  el  derudiliou  c  clésiastiques.  si  l'on 
s'occupe  dc^  tliversesiiturg.es,  des  preuves  his- 
torii^uesqu'elles  iouruis:e;ilen  favcurde  certains 

1.  Ccrre-spondanci  du  P.  i«corJaire  avec  iSai.  Swetchint, 
p.  ;i7-.'. 

■2.  Conv',ion!.',i)i-j,  et.:,  p.  215 


1359 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


dogmes,  (3es  lumières  qu'elles  donnent  sur  Ki- 
croyances,  les  usages  de  certains  peuples,  à 
certaines  époques  ;  c'est  une  question  de  litié- 
rature sacrée,  si  l'on  entreprend  de  faire  ressorlir 
les  beautns  littéraires,  que  le-  liturgies  renfer- 
ment; si  l'ori'^tablit  entre  e  les,  sous  ce  rapport, 
des  parallèle*  etilesc"mpar;nsons  ;  ce  peut  être 
enlin  une  question  de  .%n^(Vf'  civile,  si  l'un  veut 
pour  la  France,  par  exemple,  chercher  dans 
nos  lois  des  preuves  pour  ou  contre  la  possibi- 
lité d'un  rétiblisseraent  de  la  liturgie  rom.iine. 
—  La  controverse,  avecses  allures  un  peu  capri- 
cieuses, va  nous  faire  parcourir  successivement 
tous  ces  horizons. 

Mais  d'aliord  on  opposait,  à  dom  Guéranger, 
une  fin  de  uon-recevoir.  Ou  lui  disait,  avec  un 
sans  façon  peu  poli  :  Qui  êtes-vous?  et  de  quel 
droit  parlez-vous  réforme? 

L'abbé  de  Scdeîmes  aurait  pu  répondre  :  Je 
suis  prélat,  crosfé  et  mitre,  juge  de  la  foi,  ayant 
siése  dans  les  conciles.  De  ce  chef,  j'ai  droit  de 
parler  avec  auti>rilé.  »  Et  par  celte  décisive  ré- 
ponse, il  eût  offert  lui  même  une  bonne  leçon. 
Car  nous  ne  manquons  pss  de  sujets,  voire  ul- 
tramontiiins,  qui  se  montrent  toujours  jiallicans 
lorsqu'il  s'agit  de  s'incliner  devant  une  détision 
pontificale.  Que  le  Souverain  Pontife  nommeun 
prélat  mitre,  un  abbé,  un  prolonotaire,  un  ca- 
mérier,  vite  on  donne,  au  jeune  prélat,  du 
monsieur,  avec  une  affectation  solennelle.  Il 
peut  se  faire  que  l'clu  soit,  en  effet,  un  petit 
monsieur,  furtdéci  léà  s'attribuer  encore  moins 
qu'on  ne  lui  attribue.  Mais  colin,  puisque  le 
Pape  a  fait  descendre,  sur  cette  humble  tète, 
un  rayon  si  iailde  soit-il  de  la  primauté  ro- 
maine, il  nous  semble  que  la  raison  chrétienne. 
Il  piété  catholiijue  exigent  qu'on  resjiecte  ce 
rayon,  au  moins  par  respect  pour  le  Sainte 
Siège. 

Cette  réflexion  tombe  à  plein  sur  les  contra- 
dicteurs de  dom  Guéranger,  mais,  par  modestie, 
jl  refusa  (l'en  taire  usage  et  se  borna  à  reven- 
diquer les  immunités  de  la  professitm  litté- 
raire. 

A  ceux  qui  niait^nt  son  droit  de  parler,  il 
répondait:  s,Ie  dirai  que  si  la  prétention  de 
vouloir  faire  l'éducation  religieuse  des  ivêques 
doit  être  attribuée  à  tout  écrivain  non  (ivécjue, 
qui  vient  à  traiter  des  matières  épiscopoles, 
tous  les  prêtres  désormais  devront  renoncer  à 
écrire,  non-.-- ulement  sur  le  droit   canonique, 

farce  que  )<;s  évèques  sont  chargés  d'ollice  de 
appliquer,  mais  encore  sur  le  dogme,  parce 
qu'ils  sont  chargés  de  l'enêcigner  et  d'en  con- 
server le  dé[iôt;  mais  encore  sur  la  morale, 
parce  que  c'e^t  à  eux  de  l'expli^iuer  aux  peu- 
ples dont  ils  sont  les  pasteurs.  Cette  maxime  a 
cependant  été  mise  en  avant, et  je  sais  undiocèse 
où  l'on  avait  songé  à  iVj^trt^ire  toute  publication 


en  matière  religieuse,  aux  ecclésiastiques,  sans  la 
permission  préahble  de  l'évêque.  El  n'avons- 
nous  pas  entenlu  mettre  en  question,  si  les 
laï.|ues  pouvaient  prendre  publiquement  la  dé- 
fense de  l'Eslise  ? 


(A  suivre.) 


Justin  Fèvpj;, 

protonotaire  apostolique. 


CHRONIQUE    HEBDOIÏIAOAIRE 


Allocution  familière  du  P.ipe,  où  il  parle  de  sa  santé 
et  de  ses  ennemis.  —  Bif-as  ecciésiasiiques  àquidés 
pendant  les  six  premiers  mois  de  l'année.  —  Les 
.biens  des  hospices  menacés  de  liquidaiinn.  —  Cen- 
tenaire d'OCimnell  à  Rome. —  Mgr  Paullnier  nommé 
archevêque  de  Besançon.  —  Mgr  Kava.  traMsféré  à 
Grenoble.  —  Deux  éta'ilissements  d'enseignement 
supérieur  libre  pour  la  rentrée  des  classes,  à  taille 
et  à  Paris.  —  Succès  scolaires  des  Frères,  de  leurs 
élèves  et  ries  é'ève.^  des  Sœurs.  — Comment  les  libé- 
raux de  Madrid  font  la  guerre.  —  Lettre  de  don 
Carlos  à  don  Alfonse.  —  Beaux  sentiments  des  car- 
listes. —  Lizarraga  le  snint}à.  la  Seo  de  Urgel.  —Les 
libéraux  de  Madrid  iH  l'Eglise.  —  Abolition  liuregium 
exequiitur  par  don  Carlos.  —  Mort  de  Mgr  de  Preux. 

—  Prise  parelT"ac;ion  de  l'église  du  Grand-Saconnex. 

—  Belle  conduite  de  M.  Babel  et  île  s^^s  [laroissinns. 

—  Exi-ommunication  ûel'mlrus  l.anglois. —  M.  Babel 
déféré  au  procureur  géuéral.  —  Eial  de  la  mission 
de  Zjnguebar. 

17  août  1875. 

Rome.  —  La  Semaine  religieuse  de  Rome,  pu- 
blie la  charmante  allocution  suivante,  adressée 
par  le  Saint-Père,  le  23  juillet  dernier,  a  un 
certain  nombre  de  paroissiens  de  Saint-Pierre, 
de  Saint  Esprit  et  de  Sainte-Marie  in  Trunspon- 
tina,  qui  s'étaient  rendus  chez  le  Pape  avec 
leurs  curés  et  une  commission  des  ordres  reli- 
gieux, des  œuvres  pies  et  des  instituts  de  ces 
paroisses,  pour  lui  présenter  leur  devoirs.  C'est 
le  curé  de  la  basili'jue  vaticane  qui  s'est  fait 
l'interprète  de  leur  sentiments. 

«  Mes  irès-chers,  repondit  Pie  IX,  vous  avez 
bien  fait,  vous  aussi,  de  verur  chez  le  Pape, 
cela  vous  était  plus  facile  qu'à  beaucoup  d'au- 
tres, puisque  vous  êtes,  selon  l'expression  du 
père  curé  de  Saint-Pierre,  les  plus  proches 
voisins  du  Vatican.  De  la  sorte,  vous  voyez  de 
vos  yeux  si  le  Pape  est  vivant  ou  mort,  s'il 
marche  avec  des  béquilles  ou  s'il  se  sert  d'une 
canne,  s'il  est  bien  ou  mal.  Enfin,  vous  pourrez 
donner  votre  témoignage  à  ceux  qui  vous 
demanderont  des  nouvelles  de  la  santé  du 
Pape. 

«  Or,  en  ce  qui  to«che  wa  santé,  je  n'ai  pas 
à  me  plaindre;  grâce  en  soit  rendue  à  Dieu 
Tout-Puissant,  je  me  sens  très-bien.  Mais,  pour 
le  reste,  vous  pouvez  imaginer,  et  vous  savei 
d'ofilleurs,  si  je  souflre  depuis  que  les  nouveaux 


l\  SEMAINE  DU  CLEI^GÉ 


1339 


ffisUrPS  iont  venus  réaliser  ici  leurs  mauvais 
desstina  Et  pourtant  ces  gens-là  disent  qu'ils 
font  tout  bien,  et  que  nous  faisons  tout  mal; 
qu'ils  savent  tout  faire  et  que  nous  ne  savons 
rien  faire.  Ce  I?  «gage  est  ancien  de  dix-huit  à 
dix-n'-uf  siècles,  et  saint  Paul  l'atteste  :  IVos 
nobUes,  vos  autem  ignobile.f,  etc. 

n  Ils  sont  scQihlables  à  ce  pharisien  dont 
parle  prôciscmenl  l'Evangile  d'aujourd'hui,  qui 
se  vantait  de  faiie  toutes  sortes  de  bonnes 
ceuvrcs,  jt'ù::ait  :  Jejunio  bis  in  sabbate,  et  ainsi 
de  suite.  En  vérité,  ceux-ci  jejunare  fuciunt  ter 
in  hcbilomade,  avec  les  impôts,  les  taxes,  les 
misères  qu'ils  ont  apportés. 

«  Us  disent  qu'ils  savent  tout  faire...  et  puis 
ils  fondent  leurs  œuvres  sur  le  mensonge, 
comme  ces  maisons  qui,  bâties  sur  le  salde,  ne 
tardent  pas  à  s'efïondrer.  Ils  sont  maities,  et 
ils  enseignent  l'erreur;  ils  sont  le  progrès,  et 
ils ressuscitentla barbarie;  ils  aimentla  lumière, 
et  ils  marchent  dans  les  ténèbres. 

«  Quant  à  nous,  imitons  le  publicain  et  con- 
fessons au  Seigneur  que  nous  avons  péché, 
frappons-nous  la  poitrine  et  supplions-le  d'avoir 
pitié  de  nous,  en  disant  avec  humilité  de  cœur: 
Projiilius  eslo  mihi  peccatori ,  afin  qu'il  nous 
juslilie. 

«  Prions-le  aussi  d'illuminer  nos  ennemis  et 
de  détourner  leurs  pas  de  la  voie  mauvaisi'  où 
ils  marchent.  Ils  se  croient  ou  voudraient  se 
croire  en  sûreté  de  conscience;  mais  ils  s'aper- 
cevront de  leur  erreur  quand  il  ne  sera  plus 
temps  de  la  riparor,  et  ils  tomberont  dans  la 
damnation  éternelle. 

CI  Mais  nous  espérons,  par  les  mérites  de  Jésus- 
Christ  et  de  Marie  très-sainte,  et  par  le  moyeu 
des  bonnes  œuvres,  obtenir  la  gloire  éternelle, 
et  aussi  le  triomphe  ici-bas,  quand  il  plaira  à 
Dieu. 

«  Eu  attendant,  je  vous  bénis  et  je  désire  que 
ma  bénédiction  vous  suive  dans  la  vie  et  vous 
assiste  à  la  mort,  afin  que  vous  puissiez  rendre 
en  paix  votre  âme  à  Dieu  et  le  louer  éternelle- 
ment dans  le  ciel.» 

Les  «  nouveaux  m.'iitres,  qui  font  tout  bien,  » 
dont  parle  le  Pa|ie,  ont  liguidé,  dans  le  courant 
de  juillet  dernier,  836  luis  de  biens  immeubles 
provenant  de  la  propriété  ecclésiastique.  De 
janvier  à  juillet,  le  nombre  des  lots  liquidés  a  été 
de  4,780.  Les  «nouveaux  maîtres,  qui  font  tout 
bien,»  en  ont  retiré  13,019,412  francs.  Ce 
sont  les  chill'ies  de  leur  Journal  officiel.  Le 
\nènje  joiiiuai  donne  également  les  séries  de 
citoyens  dont  les  maisons  et  les  champs  sont 
mis  en  vente  par  le  lise,  qui  doit  percevoir  des 
im|>ôts  aniérés  (]ue  ces  malheureux  citoyens 
n'ont  pu  absolument  payer. 

Les  «nouveaux  mailres,  qui  font  tout  bien,» 
parlent  trés-lorl  de  liquider  les  biens  des  hos- 


pices, c'est-à-dire  de^  pauvres,  aes  infirmes, 
des  vieillards  et  des  malades,  aussitôt  qu'il  ne 
restera  plus  rien  à  liquider  des  biens  ecclésias- 
tiques. Alors  tout  sera  dévoré,  et  après,  les  «nou- 
veaux maîties,  qui  font  tout  bien,  »  se  dévore- 
ront sans  doute  entre  eux.  Ainsi  "^pit-il. 

L'Eglise  ensuite,  qui  fait  tout  mal,  affranchie 
des  libérateurs,  suscitera  parmi  ses  enfants, 
comme  elle  l'a  déjà  fait  tant  de  fois,  des  dé- 
vouements pour  fermer  toutes  les  plaies  et  sou- 
lager toutes  les  misères. 

La  Rome  catholique,  qui  possède  dans  son 
église  sainte  Agathe  des  Goths  le  cœur  d'O'Con- 
nell,  suivant  le  dernier  vœu  du  libérateur  de 
l'Irlande,  s'est  associée  aux  fêtes  de  sou  cente- 
naire. De  belles  folennités  ont  eu  lieu  à  cette 
occasion  à  ladite  église  Sainte- Agathe,  qui  est 
celle  du  séminaire  irlandais.  L'assistance  était 
très-nombreuse;  on  y  remarquait  un  certain 
nombre  de  prélats.  L'éloge  du  grand  patriote 
catholique  a  été  prononcé  par  S.  Em.  le 
cardinal  Franchi.  D'autres  discours  et  des  poé- 
sies ont  été  ensuite  lus. 

Mais  cette  tète  aurait  été  incomplète  si  Pie  IX 
n'y  avait  pas  eu  sa  jiart.  Fà  parce  (ju'il  ne  pou- 
vait se  rendre  au  milieu  de  ses  enfants  irlandais, 
ils  sont  allés  à  lui,  la  veille.  Après  la  lecture  de 
leur  adresse,  faite  par  le  supérieur  du  séminaire, 
le  Pape  a  adressé  à  l'assistance,  un  discours 
qui  l'a  profondément  émue.  Les  hardiesses  de 
sa  parole  nposlohque,  ses  revendications  en 
faveur  du  droit  opprimé  et  de  la  vérité  mécon- 
nue, ont  prouvé  une  fois  de  plus  qu'il  est  le 
gardien  suprême  de  toutes  les  libertés  acquises 
au  bien  par  le  Christ  et  par  son  Eglise.  Si  le 
texte  de  cette  magnifique  improvisation  est 
publié,  nous  ne  mauquerons  pas  de  le  reproduire 
dans  nos  colonnes. 

France.  —  Par  décret  du  Président  de  la 
République,  en  date  du  3  août,  Mgr  Paulinier, 
évèque  (le  Grenoble,  est  nommé  à  l'archevêché 
de  Besançon,  en  remplacement  de  S.  Em.  le 
cardinal  Mathieu,  décédé. 

Un  décret  de  la  même  date  nomme  évèque 
de  Grenoble,  Mgr  Fava,  évè(|ue  de  Saint- Pierre- 
et  Fort-de-France  (ile  de  la  Martinique). 

Les  catholiques  s'apprèlent  activement  à  pro- 
fiter sans  retard  delà  liberté  de  l'enseignement 
supérieur,  qui  leur  était  refusée  depuis  si 
longtemps.  Des  mesures  sont  prises  pour  qu'à 
la  prochaine  rentrée  des  classes,  deux  établis- 
sements d'enseignement  supérieur  soient  ou- 
verts, l'un  à  Lille,  l'autre  à  Paris.  L'établisse- 
ment de  Lille  réunira  unt  'acuité  de  droit, 
comprenant  les  cours  de  trois  années,  et  un 
cours  de  première  année  en  médecine.  L'éta- 
blissement de  Paris  réunira  les  trois  facultés  de 
droit,  de  lettres,  de  sciences  et  pourra  par  con- 
séquent   prendre  le  nom  d'université   libre, 


I.>M 


L.\  SEMAINE  DU  CLEI',GÉ 


conformément  à  l'art.  5  de  la  loi  du  12  juillet 

4873.  .       , 

Dans  renseignement  primaire,  les  cons:rép;a- 
nisles  et  leurs  élèves  continuent  à  cueillir  à 
peu  près  toutes  les  conronnes.  Au  conprès  in^ 
ternafional  de  p^oçrrophie,  la  rare  médaille  de 
vremihe  classe,  la  jilus  haute  récompense  (pi 
pouvait  être  accorilée,  a  été  rléccrnéi:  à  l'ins- 
titut (les  Frères  des  Ecoles  chrétiennes,  pour  ses 
travaux  de  géographie  scolaire.  A  ce  même 
congrès,  un  étranger  de  distinction  disait,  dans 
un  langage  plus  expressif  qne  correct  :  «  La 
collection  des  objets  exposés  par  les  Frères  est 
encore  ce  qu'il  y  a  de  plus  mieux  pour  les 
écoles.  )) 

L'Echo  de  la  Province  rapporte  que  le  2  juil- 
let ont  eu  lieu  pour  la  [ucmière  fois,  à  Verreil, 
les  examens  pour  le  certiiicat  d'études  [irimaircs 
dans  les  écoles  de  garçons  de  tout  Iiî  canton. 
Trois  enfants  seulement  se  pré-enlèrcnt,  et 
c'étaient  trois  élèves  des  Frères  de  V instruction 
chrétienne  qui  dirigent  à  Vcrctil  une  école 
primaire  libre;  et  tous  les  trois  oljtinreut  le 
oertîtical  d'étud-s.  Ce  succès  est  d'autant  plus 
honor<ible  pour  les  Frères  que  la  circulaire  de 
l'inspecteur  ordonnant  ces  examens  n'avait  été 
remise  aux  instituteurs  que  le  23  juin.  Ils  n'a- 
vaient donc  pu  préparer  spécialoinent  leurs 
élèves,  ce  qui  prouve  l'assiduité  des  soins  qu'ils 
leur  donnent.  Aa=fi  les  instituteurs  laïques 
n'ont-ils  osé  en  présenter  aucun. 

Les  Ursulines  de  Beaugenny  ont  présenté 
quatre  jeunes  filles  aux  examens  pour  le  brevet 
de  capacité  ,  dont  trois  à  Blois  et  une  à  Tours: 
toutes  les  quatre  ont  été  reçues,  celle-ci  la 
première. 

Espagne.  —  Les  liliéraux  qui  gouvernent  à 
Madrid  sont  comme  les  libéraux  de  paiinut.  Il 
n'est  |ias  un  seul  de  leurs  principes  qu  ils  ne 
trahissent  par  leurs  actes.  Entendez-les,  sur- 
tout lorsqu'ils  ne  sont  pas  encoie  arrivés  aux 
afiaires,  ils  n'ont  à  la  bouche  que  les  mots  de 
liberté,  d'instruction, de  progrès,  de  resjicctdu 
peuple,  d'humanitarisme,  principalcmeul  à 
l'égard  des  bandits.  Mais,  voyez-les  a  l'oeuvre  I 
feux  de  Suisse,  de  Prusse,  de  Tiir(iuic,  du 
Mi'Xique,  du  Brésil,  de  Chine  et  autji's  lieux 
nous  sont  fort  connus;  jetons  aujourd'hui  un 
coup-d'ci'il  sur  les  agissements  de  leurs  frères 
et  amis  d'Espagne. 

Viici,  d'abord,  quelques  articles  de  Vfnstrve- 
tion  approuvée  par  S.  M.  le  roi  (don  Ai[)honse) 
pour  l'exécution  du  décret  royal  du  2!'  juin  der- 
nier, sur  la  confiscation  des  Liens  des  rebelles  car- 
listes et  de  leurs  auxiliaires.  En  vertu  de  celle 
instruction,  qui  porte  la  date,  à  Madrid,  du 
14  juillet  1873, 

a  Sont  soumis  au  séquestre  : 

m  1"  Toutes  les  propiiélés  (à  la  campagne  oo 


à  la    ville),    avec   le   matériel  d'exploitation; 

«  2°  Les  meiiidesct  b'tail; 

«  3"  Les  élaiilissomenls  industriels  et  autres, 
avec  toutes  leurs  dépendances  et  marchandise* 
en  vente  ; 

(c  A"  Los  rentes  et  valeurs  publiques; 

0  5°  Les  actions  de  la  banque  d'Hspagne  ; 

«  G"  Les  actions  ou  obligations  des  sociétés 
ou  entreprises  publiques  quelconques; 

«  7°  Les  comptes  courants  dans  les  socl'tés, 
compagnies,  élablisscmcnts  publics  et  maisons 
de  commerce; 

a  8°  Les  appointeinents,  pensions  et  tous 
droits  ou  crédiis,  npparieuant  aux  carlistes. 

«  La  saisie  comprend  aussi  les  produits  des 
biens  en  usufruit. 

<i  Art.  11.  La  di-simulation  des  biens,  rentes, 
valeurs,  comjitcs  courants,  appointements,  etc., 

CONSTITUANT     l'.VE     YliRITADI-E      PHAUDE      ENVERS 

l'Etat,  il  ser-a  alloué  aux  dénonciaieurs  un  tant 
pour  cent  à  fixer  par  le  ministre. 

«  Les  bieus  non  alfcrmé'^  le  seront  par  adju- 
dication pour  le  compte  de  l'Etat.  » 

Rivalisant  avec  son  gouvernement,  le  général 
Quesada,  chef  de  l'armée  du  Noid,  adresse  à 
SCS  généraux  de  division  les  ordres  suivants: 

«  Article  premier.  —  Les  arrest;itions  des 
carlistes  auront  lieu  dans  uu  bref  déiai. 

(t  Art.  2.  —  Les  familles  expulsées  ne  de\'ront 
emporter  que  les  objets  nécessaires  à  leur 
voyage,  maispoint  de  meubles  ni  de  [irovi-ions. 

(I  Art.  5.  —  Nos  troupes  en  contragncrrillas 
protiteront  de  leurs  excursions  dans  les  pays 
ennemis  pour  emporter  les  récoltes,  lin'ilanl  sans 
pitié  tout  ce  qu'ils  ne  pourront  pas  enlever...  » 

Le  général  Quesada  est  naturellement  le  pre- 
miiT  à  accomplir  ses  propres  ordres.  Aussi 
télégraphie-t-il  tranquillement  à  son  gouver- 
nement des  dépêches  comme  celles  qui  suivent: 

Je  viens  de  faire  une  reconnaissance  à  Salva- 
tierra.  Toutes  les  moissons  ont  été  bi-ûlées  :  la 
destruction  n'en  est  pus  complète,  à  cause  de  l'hu- 
midité et  de  la  rapiidité  de  nos  mouvements . 

...  Villarcal  n'est  plus  qu'un  foyer  ;  les  récoltes 
des  environs  ont  été  incendiées. 

Le  fameux  «  Flambez  finances  n   n'est  plus 
qu'une  gaminerie  à  côté  de  ces  exécrables  l'or 
laits.  Les  sauvages  peuvent-ils  doue  faire  autre- 
ment la  guerre? 

Tous  les  villages   carlistes   de  la  eùie  sont 
bombardés  sauspiliépar  la  marine  madrilèn; 
et  anéanlis  autant  que  possible. 

Le  roi  Charles  \H,  à  la  vue  de  ces  hontes 
infligées  à  l'Espagne  par  les  conseil  le  is  de  son 
cousin,  don  Alphonse,  s'est  décide  à  iui  écrire 
p(iur  l'inviter  à  les  faire  cesser.  La  lettre  est 
superbe,  tonte  pleine  des  sentiment»  les  plus- 
nobles  cl  les  [dus  c.ii-Vi'iieresques.  Mais  elle  n'a 
produit  aucun  ivisultal.  Les  incendies  des  f«r- 


LA  SE\).\rNE  DU  CLERGE 


13M 


mes,  fies  ■villages  et  des  villes,  et  des  réeoUes, 
nef'Dnt  que  se  multiplier.  Lfs  proscrits  arrivent 
de  toutes  parts  snr  le  territoire  curliele,  dénnés 
de  toute  ressource.  Ils  sont  né.inmoinsnccueillis 
à  bras  ouverts,  ,<t  les  députations  des  provinces 
se  sont  déclarées  en  mesure  de  pourvoir  à  tous 
les  besoins,  sans  grever  le  peuple. 

Les  circulaires  qu'elles  ont  lancées  à  cette 
GceasioD  sont  admirables  de  dévouement  et  de 
magnanimité.  Elles  protestent  contre  les  hor- 
reurs commises  par  les  libéraux.  «  C'est  une 
amère  dérision,  dit  la  cirt-iihure  de  la  province 
d'Alava,  qu'au  moment  où  viennent  d'avoir  lieu 
des  conférences  diploiaHiticpics,  grâce  à  l'ini- 
tiative d'une  grande  puirsriiue,  en  vue  d'huma- 
niser la  guerre,  et  quand  on  en  prépare  d'autres 
dans  le  même  sens,  il  soit  toléré  ici,  que  l'une 
des  deux  parties  fasse  la  ;;ii»>rre  à  la  manière 
(les  horoes  sauvages  de  l'Alrique  et  de  l'Amé- 
rique. »  Cille  di;  la  province  de  Navarre  dit  de 
son  côté:  «  La  Navarne  ne  recourra  ]ioint  aux 
mesures  sauvages  des  hommes  de  la  civilisation 
moderne,  niesurcs  réprouvées  par  la  leligion 
que  nous  professons,  par  le  droit  des  gens  et 
jusque  1  ar  le  sens  comuiiin.  »  Nous  ne  serions 
pourtant  pas  étonné  que  l'excès  du  mal  n'ame- 
nât quelque  sorte  de  reprr'snilles. 

On  conçoit  que  nous  ne  pouvons  entrer  dans 
aucun  détail  sur  cette  guerre  atroce.  Voici 
pourtant  un  épisode  tr.;p  sublime  pour  que 
noua  le  passions  sous  silence.  La  Seu  de  Urgel 
se  trouve  actuellement  assiégée  par  lesllbér.iux 
avec  un  matériel  qui  leur  a  été  expédié  par  voie 
de  France,  hélas  !  Son  délenseur  est  Lizarraga 
le  saint,  comme  l'uiipellent  ses  soldats.  Lors- 
qu'il a  vu  les  apprêts  du  siège,  il  a  fait  placer 
une  croix,  formée  de  troncs  d'arbres,  sur  .le 
point  le  plus  éle.é  de  la  citadelle.  Et  le  soir 
après  le  chapelet,  la  montrant  à  ses  hommes, 
il  les  harangua  ainsi  :  «  J'espère  que  bientôt 
nous  promènerons  cette  croix  triomphante  par 
toute  l'Espagne,  car  Dieu  est  avec  nous.  Hlais 
si  nouvs  devions  suceumber,  l'ennemi  nous 
trouvera  les  derniers  à  cette  place,  d'où  nos 
âmes  s'envoliirout  vers  le  ciel.  »  A  notre  sens, 
cette  scène  égale  en  grandeur  les  plus  belles  de 
l'histoire. 

Sur  le  terrai»  religieux,  les  différences  entre 
le  gouvernement  canoviste  de  IMadrid  et  le  gou- 
vernement de  don  Curlus  ne  sont  pas  moins 
prol'oiii.les  et  radicales  que  sur  le  terrain  poli- 
tique, social  1 1  humanitaire.  Le  premiei-  tend 
à  amoinilrir  et  à  enchaîner  l'influence  de 
rEgli88  ;  le  second  au  contraire  tend  à  l'agrandir 
le  plus  possible  et  à  l'affranchir  de  toute  en- 
trave. Le  premier  insère  dans  les  bases  consiitu- 
tiontulles  un  article  qui  consacre  la  hberté  des 
cultes  ;  il  lavorise  le  protestantisme  au  point 
qu'à  Madrid  il  exisie  déjà  huit  temples  et  que 


oOO  enfants  sont  élevés  dans  les  religions  de 
Luther,  de  Calvin  et  autres;  par  contre  les 
injustices  commises  envers  l'Eglise  ne  sont  tou- 
jours point  réparées  et  ses  prérogatives  con- 
tinuent d'être  méconnues.  Don  Carlos,  au 
contraire,  ne  reconnaît  que  la  seule  religion 
eatholiijue,  et  il  vient  de  suppi'imer  le  reijiwn 
exequatur  pour  les  bulles,  brefs,  et  autres  docu- 
ments émanant  de  l'autorité  du  Saint-Siège,  en 
sorte  que  liberté  entière  est  donnée  à  la  circula- 
tion de  ces  documents  sur  le  territoire  carliste, 
sans  qu'il  soit  besoin  du  consentement  royal. 

Suisse.  —  Le  doyen  des  évêques  suisses, 
Mgr  de  Preux,  évèque  de  Sion,  dans  le  Valais, 
est  mort  le  lo  juillet  dernier,  à  l'âge  de  81  ans, 
après  trois  jours  seulement  de  maladie.  Mgr  de 
Preux,  était  né  à  Venthone,  riant  village  du 
district  de  Sierre,  dans  le  Valais.  Il  fil  ses 
études  classiques  au  collège  des  jésuites  à  Sion, 
et  son  cours  de  théologie  au  collège  germanique 
de  Rome,  d'où  il  revint  à  Siou  avec  le  titre  de 
docteur  en  théob'gic.  il  fut  successivement 
chanoine  de  la  cathédrale  do  Sion,  professeur, 
puis  supérieur  au  grand  séminaire  diocésain. 
Le  25  janvier  1844,  il  était  préconisé  évèque  de 
Sion  par  Grégoire  X\I.  M^r  de  Preux,  a  été 
mêl(!  à  toutes  les  manife-tations  religieuses  qui 
ont  illustré  le  règne  de  l'ie  IX.  C'était  un  giand 
esprit,  et  il  jouiss  lit  d'une  liante  cousidération 
dans  l'episrupat  catholique,  i'ie  IX  avait  pour 
lui  «ne  alleetion  particulière,  el  ses  diocésans 
l'aimaient  comme  nu  père.  C'est  pour  toute  la 
Suisse  une  perte  difficile  à  réparer. 

Passons  aux  acUîs  de  la  secte  hideuse  qui 
résulte  de  l'union  de  la  franc- maçonnerie  avec 
le  vieux-catholicisme.  Le  23  juillet  ilcrnier, 
elles'est  emparée  par  la  force,  comme  elle  a  tait 
pour  tant  d'autres  déjà,  de  l'église  du  Grand- 
Saconnes.  Le  curé,  M.  Babel,  a  résisté  avec  une 
énergie  font  apostolii|ue.  La  paroisse  entière, 
forte  de  1,700  habitants,  était  avec  lui,  sauf  '.5 
individus  qui  s'étaient  prononcés  pour  les  sec- 
taires, et  auxquels  précisément  les  droits  des 
J.noO  habitants  allaient  être  sarrifii's.  Lors- 
qu'on vint  demander  à  M.  Babel  les  ciels  de  son 
église  et  du  presbytère,  il  répondit  qu'il  était 
cliez  lui  et  qu'il  n'avait  pas  de  clefs  à  donner. 
Mais  il  pensa  qu'on  allait  employer  la  force.  Il 
enleva  donc  le  Saint-Sacrement  de  l'église  et 
le  porta  en  lieu  sur;  puis  il  vint  s'y  enfermer  et 
s'y  barricader  avec  vingt  hommesde  sa  paroi.sse. 
Etlectivement,  le  lendemain,  à  quatre  heures  de 
l'après-midi,  vingt  gendarmes^  et  six  agents  de 
police  arrivent  au  Graud-Saconnex.  Ils  frap- 
pent à  la  porte  de  l'église  et  somment  «  au  nom 
de  la  loi  »  ceux  qui  sont  à  l'intérieur  de  l'ou- 
vrir. Cemme  ou  ne  répond  rien,  ils  vont  aa 
presbytère,  crochetlent  les  serrures,  s'y  intro- 
duisent et  mettent  tout  en  désordre. Ensuite  ils 


1362 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


reviennent  &  îa  porte  de  l'église,  dont  ils 
essayent  de  cMcbeter  aussi  la  serrure.  Mais  pour 
la  première  fois,  le  rossignol  iesl  vaincu.  Hon- 
teux et  exaspérés  de  leur  iosncrès,  les  assail- 
lants s'arment  de  haches  et  de  leviers  et  enfon- 
cent une  petite  porte  latérale.  Arrivés  en  pré- 
sence du  curé,  ils  le  somment  de  SOI  tir.  M.  Babel 
dit  qu'il  garde  son  église  et  ne  sortira  pas.  11 
s'asseoit  sur  une  chaise  entouré  de  ses  hommes. 
On  télégraphie  à  Genève  pour  demander  des 
ordres.  Genève  envoie  un  renfort  d'ngenlset  un 
commissaire  de  police,  M.  Coulin,  celui-là 
même  qui  a  expulsé  MgrMerraillod.  M.  Coulin, 
ayant  sommé  M.  Babel  de  sortir,  et  M.  Babel 
ayant  refusé,  M.  Coulin  le  saisit  parle  bras  et 
l'entraîne  dehors.  M.  Babel,  ne  sachant  pas  ce 
qui  était  arrivé  à  son  presbytère,  va  pour  y  ren- 
trer, mais  la  porte  en  était  fermée  par  un  gros 
cadenas.  M.  Coulin  arrive  et  le  somme  de  sortir 
du  jardin.  M.  Babel  refuse  encore,  et  pour  la 
seconde  fois,  M.  Coulin  le  saisit  par  le  bras  et  le 
jette  à  la  rue,  sans  lui  laisser  rien  emporter  de 
ce  qui  est  sa  propriété  personnelle,  même  son 
chapeau. 

La  population,  quientourerEgliseet  lepres- 
bytère,  s'ouvre  avec  respect  pour  laisser  passer 
son  vénérable  pasteur  et  l'acclame  avec  énergie  : 
«  Vive  M.  Babel,  notre  seul  curé  légitime  I  A 
bas  les  intrus  !  » 

Puis  elle  le  suit  au  Hou  où  est  placé  le  Saint- 
Sacrement.  M.  le  curé  le  prend  et  le  transporte 
processionnellementdans  la  chapelle  d'une  noble 
famille  qui  habite  à  vingt  minutes  de  distance. 
La  foule,  surtout  leparcours,  récite  des  prières. 
La  pieuse  famille  chez  laquelle  on  se  rend  vient 
au-devant  du  cortège  avec  des  cierges  allumés. 
Après  labénédictiondu  Saint-Sacrement,  M.  le 
curé  félicita  ses  paroissiens  de  leur  belle  con- 
duite et  leur  recommanda  la  prudence. Ceux-ci, 
avant  de  le  quitter,  voulurent  l'embrasser,  lui 
serrer  les  mains  et  lui  jurer  fidélité.  Depuis,  et 
en  attendant  qu'on  puisse  mieux  faire,  les 
fidèles  assistent  aux  offices  du  dimanche  dans 
une  grange,  à  côté  de  l'église  profanée. 

M.  Babel  a  reporté  les  clefs  de  son  église  à 
M.  le  grand  vicaire  Dunoyer;  et  en  les  lui  met- 
tant entre  les  mains,  il  a  dit  :  «  Voilà  les  ciels 
de  mon  église.  Vous  me  les  avez  confiées  il  y  a 
vingt  et  un  ans;  je  ne  les  rends  qu'à  vous- 
même.  »  Quel  bel  exemple  de  fidélité  sacerdo- 
tale! Et  comme  M.  Babel  a  bien  tenu  le  serment 
que  fait  le  prêtie  lors  de  son  installation,  de 
défendre  les  droits  de  l'église  à  la  tête  de 
laquelle  il  esl  placé  I 

Aussi  son  évêque,  Mgr  Mermillod,  lui  a-t-il 
écrit  pour  le  féliciter  une  magtiilique  lettre,  qui 
se  termine  par  ces  paroles  :  «  Par  votre  paci- 
fique résistance,  par  votre  désintéressement  et 
•votre  charité,  par  la  généreuse  abstention  de 


1.1  majorité  de  vos  paroissiens  d'un  piège  élec- 
toral coupable,  vous  pouvez  vous  rendre  le 
témoignage  que  vous  avez  servi  deux  saintes 
causes,  celles  de  l'Eglise  et  de  la  patrie,  dans 
une  foi  sans  peur  et  un  patriotisme  sans 
reproche.  » 

M.  Langlois,  le  curé  intrus  qui  le  remplace, 
a  été  aussitôt  frappé  d'interdit  et  déclaré  excom- 
munié par  Mgi'  Mermillod.  La  pièce  qui  renferme 
ces  censures  était  adressée  à  tous  les  fidèles  de 
la  juridiction  de  Mgr  Ib^rmiliod.  M.  Babel  en  a 
donné  naturellement  lecture  à  ses  paroissiens, 
spécialement  intéressés  à  la  connaître.  Mais  le 
Conseil  d'Etat  de  Genève,  qui  veut  arriver  à 
l'expulsion  de  M.  Babel,  en  a  pris  occasion  de 
k  déférer  au  procureur  général,  comme  cou- 
piïlile  d'outrages  envers  le  curé  intrus.  Certes, 
il  n'y  a  aucun  outrage  de  la  part  de  M.  Babel 
à  l'égard  de  l'intrus,  en  lisant  une  lettre  épis- 
topale  où  ce  dernier  est  déclaré  exclus  de  la 
communion  catholique.  Toute  société  a  le  droit 
d'exclure  de  son  sein  un  membre  qui  n'en 
observe  pas  les  règlements.  Mais  il  n'y  a  plus 
de  justice  à  Genève,  et  M.  Babel  parla  géra  bien- 
tôt, sans  doute  l'exil  de  son  noble  évèque. 

Z.\KGuicB.\R.  —  Le  sultan  de  Zanzibar  était 
naguères  notre  bote  en  France.  A  Paris,  il  a 
vi-ité  la  maison  mère  de  la  congrégation  du 
Saint-Esprit  et  du  Saint-Cœur  de  Marie,  qui  a 
fondé  ces  années  dernières  la  mission  du  Zan- 
guebar.  A  cette  occasion,  les  j1/('ss!ons  catholiques 
ont  publié  un  état  de  cette  mission  intéi  essante, 
que  nous  allons  résumer  en  quelques  mots. 

Les  principaux  centres  de  la  mission  sont 
Zanzibar  et  Bagamoyo.  A  Zinzibar,  les  mis- 
sionnaires ont  établi  un  petit  séminaire  indi- 
gène, qui  est  en  pleine  prospérité,  et  un  hôpi- 
tal international  pour  les  marins  et  les  autres 
Européens,  qui  jusqu'ici  étaient  abandonnés  et 
mouraient  sans  aucune  assistance  matérielle  et 
religieuse.  A  Bagamoyo,  ils  ont  bâti  une  mai- 
son pour  les  Sœurs  et  leurs  élèves,  une  chapelle 
et  une  résidence  pour  eux-mêmes.  11  y  a  dans 
ce  village  trente  familles  chrétiennes.  La  veille 
de  la  Pentecôte,  deux  cloches  y  ont  été  bénites, 
et  quarante  adultes  baptisés.  Et  voilà  que  ces 
plages,  où  ne  retentissait  il  y  a  quelques  années 
que  le  cri  des  bètes  fauves,  lions,  panthères, 
hyènes  et  autres,  sont  maintenant  cultivées  par 
des  travailleurs  qui  bénissent  Dieu  au  son  har- 
monieux des  cloches.  Gloire  à  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ!  il  n'y  a  qu'elle  seule  pour  opérer  ces 
merveilles. 

P.  D'IlALTCniVE. 


Tome  IV.  —  N»  45.  —  Troisième  année. 


1"  septembre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THEME  HOMILÉTIQUE  SUR  LtMNGlLE 

DU  XVI'   DIMANCHE  ArRÈS  LA   PENTECOTE. 
(Luc.   VU,  11-16.) 

I.  Le  divin  Sauveur,  quand  on  l'y  invitait, 
se  rendait  dans  les  fêtes  de  famille,  non  pour  y 
satisfaire  une  grossière  sensualité  :  il  se  con- 
tente du  nécessaire,  manducare  panetn,  mais 
pour  donner  à  ses  hôti'S,  en  échange  du  pain 
qui  nourrit  le  corps^  le  pain  qui  nouriil  l'iimo. 
11  allait  dans  les  festins,  parce  que,  là  aussi,  on 
avait  besoin  de  le  voir,  et  que  ceux  qu'il  y  trou- 
vait ne  venaient  point  l'entendre  ailleurs.  Les 
pharisiens  surtuut  avaient  besoin  de  lui.  [Js 
oubliaient  Dieu  ;  satisfaits  d'une  religion  toute 
extérieure,  ils  ne  cherchaient  iju'à  sauver  les 
apparencesetse  livraient  dans  le  secretà  tous  les 
ratiinements  di;  la  sensualité.  C'est  là  que  Jésus 
va  les  trouver.  Ainsi  tait-ilencoretousles jours: 
parles  inspirations  de  sa  grâce,  il  vient  à  nous 
jusque  dans  nos  joies  les  plus  insensées  et  nos 
fêtes  les  plus  bruyantes;  souvent,  du  sein  des 
plaisirs  qui  corrompent,  il  fait  naître  le  remords 
qui  sauve  et  purifie.  Il  portait  en  même  temps 
le  bienfait  de  sa  présence  aux  serviteurs  des 
pharisiens  qui  ne  les  laissaient  pas  libres 
d'arriver  jusqu'à  lui.  Car  toujours  sa  bonté 
s'étend  aux  plus  petits  pour  les  gagner  à  son 
amour. 

Les  pharisiens  recevaient  volonliers  le  Sei- 
gneur à  cause  de  sa  renommée.  Mais,  au  lieu 
de  l'écouter,  ils  l'observaient,  non  pour  admirer 
la  noble  simplicitéquibrillaitdans  sa  personne, 
non  pour  s'édifier  auprès  de  lui,  mais  pour  le 
trouver  coupable  et  condamner  sa  conduite. 
L'envie,  qui  s'acharnait  contre  le  Maître,  a  de 
tout  temps  poursuivi  les  disciples.  Semblable  à 
un  vil  insecte  qui  s'attaque  de  préférence  aux 
fruits  les  plus  exquis,  plus  une  vertu  est  écla- 
tante, plus  elle  cherche  à  l'obscurcir;  mieux 
une  réputation  est  établie,  plus  elle  met  d'achar- 
nement à  l'ébranler.  Rapports  malveillants, 
insinuations  perlides,  calomnies  persistantes, 
dénigrements  systéraaViques,  voilà  les  armes 
habituelles  des  pharisiens  contre  Jésus-Christ, 
et  il  ne  faut  pas  être  surpris  si  les  méchants 
s'en  servent  encore  tous  les  jours  contre  ses 
plus  fidèles  serviteurs. 

IL  Cependant,  comme  les  pharisiens  l'obser- 
avient,  U  vint  un  hydropique  qui  se  tenait  debout 


devant  lui.  L'avarice  et  l'orgueil  étaient  les 
deux  grands  vices  des  pharisiens.  L'hydropisie 
en  est  la  figure.  L'hydropique  est  brûlé  par  la 
soif;  c'est  l'avare  toujours  altéré,  toujours 
inassouvi,  pauvre  au  sein  de  l'abondance, 
n'ayant  que  des  pensées  de  lucre,  n'aspirant 
qu'à  se  remplir  de  ce  breuvage  d'or  qui  le 
gonfle  et  qui  le  tue.  Regardez  l'hydropique  : 
il  a  une  partie  du  corps  horriblement  enflée, 
l'autre  se  dessèche.  De  ce  corps  où  tout  se  cor- 
rompt s'exhale  une  odeur  féti.le;  c'est  l'orgueil 
semblable  à  l'enflure  que  rien  ne  peut  contenir. 
Il  déborde  de  toute  la  personne  du  vaniteux,  il 
se  trahit  dans  sa  tenue,  dans  sa  démarche,  dans 
son  regard,  dans  sa  parole.  L'orgueilleux  a 
l'esprit  gonflé  de  sa  prétendue  valeur;  pendant 
que  son  cœur  est  desséché  par  l'égoisme.  Il 
n'aime  personne  et  il  méprise  tout  le  monde. 
D'une  source  aussi  gâtée,  il  ne  peut  sortir  que 
l'infection  du  vice,  car  l'orgueil  est  le  commen- 
cement de  tout  péché.  Qui  pourra  guérir  de 
tels  maux?  Jésus-Christ  seul.  Mais  il  f  lut  le  lui 
demander  comme  faisait  l'hydropique,  en  se 
tenant  d.'vant  lui,  erat  ante'ilium,  dit  l'Evan- 
gile, indiquant,  avec  une  brièveté  divine,  la 
fermeté  de  l'espoir  dans  cet  homme  et  la  cons- 
tance de  sa  prière  muette.  Il  est  là  debout,  mais 
il  se  tait,  dans  la  crainte  d'oll'enser  les  phari- 
siens, parce  que  leur  rigorisme  hypocrite  avait 
déclaré  qu'il  était  défendu  de  guérir  le  jour  du 
sabbat. 

Et  les  pharisiens  se  disaient  en  eux-mêmes  : 
Que  fera-t-il?  S'il  guérit  ce  malade,  nous  l'ac- 
cuserons de  violer  le  sabbat  ;  s'il  le  renvoie  sans 
le  guérir,  il  n'est  donc  ni  si  miséricordieux,  ni 
si  puissant  qu'il  le  dit.  Jésus  devine  leur  pensée 
et,  d'un  mot,  il  déjoue  leur  astuce.  Est-il  permis 
de  guérir  le  jour  du  sa/jbut?  Les  [iharisiens 
n'osent  répondre.  Ils  craignent  de  paraître  trop 
cruels  en  interdisant  la  guèrison.  Jésus  leur 
montre  qu'il  peut  se  passer  de  leur  permission, 
et  qu'il  ne  redoute  pas  leurs  invectives.  11  veut 
aussi  prouver  aux  siens  que  c'est  bien  sanctifier 
les  jours  de  fête  que  de  les  consacrer  à  la  cha- 
rité, et  qu'il  ne  faut  faire  attention  ni  au  scan- 
dale des  insensés,  ni  aux  murmures  des  mé- 
chants, quand  il  s'agit  des  œuvres  de  Dieu. 
Pour  récompenser  la  foi  de  ce  ujalade  qui 
attend  humblement,  et  qui  n'ose  prier  qu'en 
montrant  son  infirmité,  il  prend  l'hydropique 
par  la  main  et  le  guérit. 

Voilà  le  crime  que  les  pharisiens  altendaleol: 


13C8 


LA  SEMAINE  DU  CLEUG? 


lajaliu'ic  sonir'V'-,  leur  cœiir,  pcnl-être  lours 
murmiiics  écl;ilcnt-ils.  Les  mcr.lianls  s'inili'iit 
à  l'aspect  des  triomphes  de  la  gracie;  mais  Dieu 
fait  son  œjivresans  souci  des  méchants,  et  Jésus 
les  réduit  au  silence.  Si  c'était  votre  bœuf  ou 
votre  âne.  vos  moindres  intérêts  tecnporels  (jui 
fussent  en  péril,  vous  ne  songeriez  guère  au 
sabbat.  Un  âne  tombera  dans  un  puits  et  on 
l'en  relirei-a  anssilôl;  une  âme  immortelle 
tombe  dans  Tiibime  du  péché,  et  on  l'y  laisse 
des  années  entièics ! 

III.  La  hideuse  maladie  que  l'hjdropique 
portail  en  fon  corps,  his  phur  siens  l'avaient 
dans  l'âme.  .\fin  d'a|i['li(iiicr  le  remède  qui  con- 
venait à  ces  cœurs  gonflés  et  durs,  Jésus, 
voyant  leur  cmpi-csscmeut  à  s'élever,  leur  dit  : 
«  Quand  vous  serez  invités  à  un  iéstin,  n'allez 
pas  vous  étaler  à  la  premién;  place  ;  prenez,  au 
contraire,  la  dernière,  afin  que  l'on  \ohs  fasse 
monter  plus  haut.  »  11  ne  veut  pas  sans  doute  les 
autoriser  à  s'abaisser  dans  la  vue  de  se  faire 
mieux  honore:-;  mais  il  profile  seulement  du 
vain  désir  d'être  dislingués  qu'il  remarque  en 
eux  pour  corrigea-  leur  orgueil.  C'est  un  ména- 
gement digne  du  céleste  médecin  :  l'humilité 
extérieure  est  un  pas  pour  arriver  â  l'humilité 
du  cœur.  Il  luit  bon  t:e  suivre  le  conseil  de 
Jésus  et  de  choisir  la  dernière  place  au  banquet 
de  la  vie.  L'homme  que  la  Proviilenee  y  a  mis 
doit  s'eslimer  heureux;  car  plus  ou  est  élevé, 
plus  il  e.-t  facile  de  tomber  et  plus  les  chutes 
sont  dangereuses.  D'ailleurs,  il  est  écrit  (jue  les 
dernieis  seront  les  premiers.  La  première  place 
dans  un  royaume  n'est-elle  pas  à  côté  du  roi? 
Or,  notre  roi,  c'est  Jésus  qui  s'est  mis  volontai- 
rement à  la  dernière  place  :  et  plus  on  s'humilie 
et  [dus  on  se  rapproche  de  Jésus. 

Il  ne  faut  donc  pas  craiudre  de  s'abaisser. 
Quand  on  entre  par  une  porte  qui  est  basse,  on 
n'a  rien  à  redouter  en  se  baissant  trop,  et  l'ou 
peut  se  faire  beaucoup  de  mal  en  ne  se  baissant 
pas  assez.  Que  les  vrais  cliréLiens  s'étudient 
donc  à  la  pratique  de  l'humililé,  en  uese  glori- 
fiant ni  de  leur  naissance,  ni  de  leur  fortune, 
ni  de  leurs  talents;  mais  qu'ils  rajiportent  tout 
à  Dieu,  qui  leur  a  donné  le  peu  qu'ils  ont. 
Qu'ils  voient  avec  allégresse,  ou  du  moins  avec 
inditléronee,  qu'on  les  laisse  au  dernier  rang; 
et  quand  viendra  le  festin  éternel,  Dieu  dira  à 
cet  humble  :  .Won  ami,  montez  /dus  haut;  et 
ceus  qui,  sur  la  terre,  auront  connu  son  amour 
des  abuissements,  témoins  de  son  triomphe, 
répéteront  la  parole  du  Muilre  :  Quiconque 
s'abaiise,  i:eia  étevc. 

L'abbé  Hebmaw, 
curé  de  Festabert, 


INSl  nrCTlONS  FAMIT.IÈRE5- 

SUR    LE   SYMBOLE    DES   APOTRES 

(53"  instruction.) 

L'enfer  ;  souSrances  des  damnés  ;  ces  souffrances  seront 
éternelles. 

Texte.  —  Credo  vitam  œternam.  Je  crois.... 
la  vie  éternelle. 

ExoRDE.  —  Par  ces  paroles,  mes  Irères,  nous 
faisons  profession  de  croire  quenotre  âme  «irvit 
à  notre  corps,  et  qu'heureuse  ou  malheureuse 
elle  doit  vivre  éternellement  ;  car,  comme  je 
vous  le  disais,  en  commençant  notre  dernière 
instruction,  il  y  a  deux  sortes  de  vie  étemelle, 
celle  des  réprouvés  dans  l'enfer,  et  celle  des  élus 
dans  le  paradis.  J'ai  même  ijouté  quelesortdes 
damnes,  à  jamais  séparés  de  Dieu,  qui  est  la 
véritable  vie,  était  souvent  désigné  sous  le  nom 
de  mort  éternelle. 

Qu'il  existe  un  lieu  «le  supplices  où  les  mé- 
chants seront  punis  pour  1  éternité,  c'est  une 
vérité  tellement  évidente  que  les  ignorants  ou 
les  impies  jieuvent  seuls  en  douter...  J'ouvre 
l'Evangile  ;  je  tombe  sur  l'histoire  du  mauvais 
riche,  racontée  par  Noire-Seigneur  Jésus  Christ 
lui-même.  Cet  homme,  velu  de  pourpre  et  de 
soie,  passait  sa  vie  au  milieu  des  fesii«s,  des 
divertissements  et  des  joies  de  ce  monde...  Un 
pauvre  estropié,  appelé  Lazare,  venait  souvent 
mendier  à  sa  porte  ;  au  lieu  d'aumônes  il  ne 
recueillait  que  îles  insultes  et  des  mépris.  En 
vain,  l'infortuné  se  fut  contenté  des  miettes,  qui 
tombaient  de  la  table  du  riche  ;  personne  ne  les 
lui  donnait  ;  les  chiens,  plus  humains  que  leiu" 
maître,  lui  témoignaient  seuls  de  la  compassion 
en  venant  lécher  ses  plaies...  .Mais,  dit  le  .Swi- 
gucur,  ce  riche  au  cœur  dur  mourut  et  son  âme 
fut  transportée  en  enfer  ;  le  mendiant  mourut 
aus-i.  et,  comme  il  avait  supporte  sou  sort  avec 
résignation,  son  àme  recueillie  par  les  auges  fut 
portée  dans  le  sein  d'Abraham.  Dieu  permit  que 
le  mauvais  riche  aperçût  la  gloire  dont  jouissait 
le  pauvre  Lazare:  «Père  Abraham,  s'écria-t-il, 
envoyez  moi,  je  vous  prie,  Lazare,  qu'il  trempe 
l'extrémité  de  son  doigt  dans  l'eau,  et  qti'il  en 
laisse  seulement  tomber  une  goutte  sur  ma 
langue  desséchée,  car  je  souffre  cruellement 
dans  ces  flammes  Non,  malheureux,  lui  répon- 
dit le  patriarche;  ce  que  tu  demandes  est  impos- 
sible ;  sur  la  terre  tu  as  eu  toute  sorte  de  satis- 
taclioiis  ;  soulfie  maintenant,  souffre  pendant 
l'éternité  (i)  !... 

Frères  bien  aimés,  c'est.Jésus-Christ  lui-même 
qui  racontait  cette  histoire;  vous  voyez  liieu.  par 
consé<iuent,  qu'ii  enseignait  l'existence  de  l'eu- 
fer,  et  que  les  réprouvés  étaient  tourmentés  par 
les  tlammes.  Ailleurs  (2),  il  nous  apprend  qu'au 

1.  s.  lue,  cb.  XVI. 

2.  S.llatih.  x.xv-41. 


LA  SEMAINE  DU  CLEf.GÉ 


jour  cln  in'Tmnnt  il  dirn  à  cpux  qui  seront  à 
sa  gaucbc  :  Allez,  maudits,  allez  au  feu  éternel. 
Il  y  a  (lonu  \m  enfer,  où  ceux  que  maudii'a  le 
Souvei:iin  hvs^Q  s'iront  à  tout  jamais  séparés  de 
lui,  Ht  brùliT'iir  il'un  feu  qui  ne  s'éteindra 
point...  Ji/nem  œlernura. 

PROPOàIlI0^.  —  C'est,  mes  frères,  de  cette 
vérité  terrible,  et  trop  souvent  oubliée,  que  je 
veux  vous  parler  dans  cette  instruction. 

Division.  —  Pnrmèi'ement,  souffrances  des 
damnés  ;  secondement,  ces  souffrances  seront 
éternelles  ;  telles  sont  les  deux  pensées  sur  les- 
quelles nous  allons  nous  arrêter... 

Première  partie.  —  Souffrances  des  damnés. 
Mes  frères,  les  peine- que  subiront  lesré|irou- 
vés  sont  de  deux  sortes  :  la  privation  de  Dieu, 
c'est  ce  qu'on  appelle  la  peine  du  dam  :  puis  le 
tourment  du  feu,  que  l'on  nomme  la.  peine  des 
sens...  Notre  divin  Sauveur  indiiiue  i  es  deux 
aortes  de  peines  en  quelques  paroles  :  «  Elo'v^unz- 
vous,  maudits,  alb'z  au  feu  éternel.  »  Quelle 
énergie  dans  ces  simples  motsl...  Voilà  le  pre- 
mier sermon  sur  l'enfer  ;  ce  sera  aussi  le  der- 
nier qu'on  entendra  au  jour  du  jugement,  car 
apoès  régnera  l'élernité  ;  siirmon  énergique, 
complet,  et  dont  tous  nos  sermons  ne  sont  qu«i 
dfimpnissunts  commentaires!...  Diicedite,  mnle- 
dicti,  éloif,'uez-vous  de  moi,  miiudit>  ;  voilu  bien 
la  peine  du  dnm  ;  l'àme  éternellement  séparée 
du  Dieu  qui  devait  faire  sou  b.jnlicur  !...  Jte  in 
ignerri  ceterwirn,  allez  au  feu  éternel  ;  c'est  bien 
la  peine  des  sens,  e,'est  l)ien  ers  Uauimcs  di'vo- 
rantes.  au  sein  desquelles  s'agite  depuis  si  long- 
temps le  mauvais  riche. 

Nous  ne  comprenons  pas,  mes  frères,  le 
tourment  qu'il  y  a  pour  l'àme  réprouvée  d'être 
séparée  de  Dieu.  Celte  peine  nous  s(;mble  moins 
cjiuelle  que  la  peine  des  sens;  et  pourtant,  si 
nous  voulions  refléchir,  nous  saurions  que  les 
blessures  les  plus  cruelles  sont  celles  (jui  aitei- 
gnent  le  cœur.  Il  en  est  parmi  vous  qui  ont 
perdu  soit  un  époux  chéri,  soit  des  eut'iuits  bien 
aimés;  si  Dieu,  dont  la  providence  adoralile  les 
a  éprouvés,  daifinait  leur  dire  en  ce  moment  : 
«  Vous  aMez  subir  une  longue  et  douloureuse 
maladie  ;  puis  je.  vous  rendrai  ces  enfants  que 
vous. pleurez,  cette  mére([aivousétaitsi  chère,  » 
«sac  quelle  joie  jjlusieurs  accepteraient  une 
pareille  promesse!...  Vous  comiii'cnez  doiic 
qu'il  y  a  de^  peines  ilu  CG3ur  ([ui,  souvent,  sont 
plus  sensibles  et  plus  poignantes  que  toutes  les 
soviffi-auties  du  corps. 

L-'ùme  réprouvée  a  entrevu,  au  moment  de 
■on  juçemoiit,  h*  Joins  du  ciel,  la  beautJé  de 
Dieu,  le  bonheiu'  ineffable  dont  jouissent  ceux. 
qui  le  posséilent;  la  malheureuse,  à  cette  vue, 
elle  sJélançuit  vers  lui  comme  vers  son  centre... 
Arrête,  maudite,  tu  ne  mérites  point  ce  bon- 
heur, ces  délices  ne  sont  poiut. laites  pour  toi,; 


Dieu  tr-  rejette!  f/iicedite.  Siouàa'in  Satan  s'en 
empare,  il  l'entraiue  dans  l'abime.  Or,  comme 
un  cerf  blessé,  qui,  tout  en  s'enfuyant,  em- 
porte le  plomb  dont  il  fut  percé;  ainsi  l.i  pauvre 
âme,  même  en  descendant  vers  l'enfer,  em- 
porte le  souvenir  du  bonheur  qp'elle  a  entrevu 
et  dont  e'Ie  est  privée,  du  s:rar(d  Dieu  qu'elle 
eût  posséilé,  si  elle  s'était  montrée  fidèle...  I!  se 
fait  en  elle  un  niélanaede  d(;sirs,  de  rej^rcts,  de 
haine  et  de  dése>"poir  en  voyant  quel  trésor  elle 
a  perdu,  et  en  se  rappelant  qu'elle  l'a  perdu  par 
sa  faute...  Mais,  ô  infortunée,  tes  regrets  seront 
vains,  ton  désespoir  inutile;  non,  tu  ne  verras 
pas  le  .Sauveur  Jésus  dans  la  splcmleur  de  son 
royaume,  couronnant  ses  élus  do  gloire  et 
d'immortalité;  jamais  tu  ne  contempleras  la 
douce  fit  majestueuse  figure  de  la  Vierge  Marie. 
Les  hurlements  des  damnés  remplaceront  pour 
toi  les  suaves  harmonies  du  ciel  ;  maudite.  Dieu 
te  repousse  à  jamais,  suis  Satan,  ce  chef  infer- 
nal, dont  tu  fus  trop  docile  à  écouter  les  inspi- 
rations !... 

.Je  vois  celte  pauvre  âme  ;  elle  s'avance  vers 
ces  gouffres  fumants  et  dé-olés  qu'on  appelle 
les  lieux  inférieurs.  Déjà  elle  entend  des  soupirs 
et  desuémissemeuts  lameutables;  m;iis  ils  sont 
mêlés  de  prières  et  de  supplications.  Descends 
plus  bas,  malheureuse.;  il  est  triste,  sans  doute, 
ce  séjour  que  tu  aperçois;  mais  l'espérance  et 
la  ri'.-isimtion  en  adoucissent  les  souffrances, 
c'est  le  purgatoire...  Plus  bas.  jilus  bascncore  I... 
Et  comme  un  moiislre  béant,  l'enfer s'eulr'oirvre 
et  ri'çuit  sa  nouvelle  vietime.  Là,  des  brasiers 
éternels  l'attendent,  ignein  œtcrnum;  c'e.st  sur 
(;ux  qu'(dle  doit  se  tordre  et  s'agiter  pondant 
l'éternité  tout  entièi'c.  Oucl  supplice!  Un  feu, 
dont  le  nôtre  n'est  que  l'ombre,  enveloppe  l'àme 
réi)rouvée;  il  la  pénètre,  il  la  rou;j:it,  il  la  dé- 
vore sans  la  consumer;  puis,  quand  après  la 
résurrection  le  corps  sera  réuni  à  eettr'  àme,  il 
partagera  ses  tourments;  ce  fou  pénétrera  les 
os  des  réprouvés,  le  sang  bouillira  dans  leurs 
veines,  le  cœur  daus  leur  poitrine  ;  feu  dans  les 
yeux,  feu  dans  les  oreilles;  feu  dans  les  en- 
trailles, teu  partout!...  Grand  Dieu,  quel  sup- 
plice!... Qui  de  nous,  frères  bien  aimé.s,  pourra 
babiterau  milieu  do  ces  flammes  di>.vorantes(l)! 
A  ce  tourment  se  joindront  tous  les  autres  tour- 
ments; une  faim  qui  ne  sera  jimais  satisfaite, 
une  soif  que  n'étaiichera  jamais  le  moindre 
rafraiehis.sement...  Voyez  ce  malheureux,  dont 
les  flammes  enveloppent 'ous  les  meud)res;  il 
lève  sa  tète,  sa  langue  pen-îaute  et  d(;ssécbée 
réclame  inutilement  une  goutte  (^*  >u  depuis 
vingt  siècles;  il  la  demandera  sans  l'obtenir 
pendant  l'éternité  tout  entière. 

Je  lie  vous  parlerai  pas  des  autres  tourments. 
Vous  savez  que  l'enfer  est  l'assemblage  de  tous 

1.  Isaïe  cb.   xxxip-li. 


«570 


LA  SEMAINE  DU  CIERCÈ 


les  maux  sans  mélange  d'aurun  bien.  Imaçluez, 
réunis,  tous  les  supplices  <iu'ont  endurés  les 
martyrs,  les  haches,  les  gibels,  les  scies,  les 
ongles  de  ter,  la  poix  bouillante,  le  plomb 
fondu,  tout  cel^  n'est  lien  comparé  à  l'enfer. 
Lavuf  sera  tourmehtéepardes  ténèbres  épaisses, 
par  le  spectacle  hideux  des  démons.  Sainte 
Françoise  Romaine,  ayant  vu  dans  sa  laideur 
un  de  ces  anges  maudits,  en  était  tellement 
effrayée,  qu'elle  priait  Dieu  de  la  préciidter 
toute  vivante  dans  une  fournaise  ardente,  plu- 
tôt que  de  lui  montrer  encore  une  créature 
aussi  abominable  (I).  Et  c'est  par  millions  que 
ces  monstres  effrayent  les  damnés...  Hurlements, 
reproches,  malédictions,  blasphèmes,  tel  sera 
le  concert  infernal  qui  frappera  les  oreilles. 
L'oJorat,  le  goût,  le  toucher  auront  aussi  cha- 
cun leur  supplice... 

Seconde  partie.  —  Mais  venons  à  une  autre 
considération,  qui  sera  le  tourment  le  plus 
épouvantable  des  réprouvés,  je  veux  dire  l'éter- 
nité de  leurs  souffrances.  Comment,  mes  frères, 
avec  des  choses  qui  passent,  vous  donner  une 
idée  de  cette  éternité  de  souOrances,  qui  durera 
toujours  et  ne  finira  jamais?  Les  [dus  grandes 
peines  sur  la  terre  ont  leur  instant  de  répit;  le 
laboureur  se  repose  après  son  travail,  les  galé- 
riens eux-mêmes  interrompent  plusieurs  fois 
ces  travaux  pénibles,  auxquels  ils  sont  condam- 
nés. Les  maladies  les  plus  douloureuses  ont  leurs 
moments  de  calme  et  de  relâche.  Mais,  en 
enfer,  rien  de  pareil  :  les  damnés  brûleront 
dans  cet  étang  de  flammes,  sans  éprouver  ja- 
mais ni  soulagement  ni  répit.  Mille  et  mille  fois 
le  soleil  se  lèvera  pour  nous  et  se  couchera  à 
l'horizon  ;  mille  et  mille  fois  la  terre  se  revêtira 
et  se  dépouillera,  tour  à  tour,  de  son  manteau 
de  verdure;  les  saisons  succéderont  aux  saisons; 
les  empires  feront  place  à  d'autres  empires  ; 
mille  et  mille  fois  la  terre  engloutira  les  gitné- 
rations  qui  la  couvrent  et  en  verra  naître  de 
nouvelles  ;  les  vivants  succéderont  aux  morts  et 
toute?  ces  révohitions  cesseront  à  la  fin  du 
monde,  et  des  damnés,  qu'en  sera-t-il?  Voyez- 
les,  ils  brident  encore  ;  ils  brûleront  à  toujours 
dans  ces  feux  dévorants,  parce  que  l'éternité  ne 
finira  jamais  (2). 

Supposez,  dit  saint  Isidore,  que  Dieu  envoie 
aux  portes  de  l'enfer  un  ange  dire  à  ces  mal- 
heureux :  «  Bonne  nouvelle  !  Le  Seigneur  veut 
enfin  user  de  miséricorde  à  votre  égard;  il  vent 
éteindre  un  .'"^ur  ces  fournaises  ardentes;  il 
m'envoie  vousannoncer  votre  délivrance.  (Juand 
vous  aurez  soutlert  autant  de  siècles  qu'il  y  a 
de  feuilles  dans  les  forêts,  de  grains  île  sable 
sur  les  rivages  de  la  mer,  de  gouttes  d'eau  dans 
le  vaste  océan,  alors  vous  cesserez  de  souflrir; 

i.  Voir  sa  vie,  tr.iduite  d'après  les  BollaDdistei. 
t.  Sïiot  Léonard,  À'ermon  >ur  l'en/er. 


les  flammes  qui  vous  dévorent  s'ét-iindront  ..  » 
Quel  nombre  énorme  de  siècles  I  Autant  qu'il  y 
a  de  gouttes  d'eau  dans  l'océan,  de  grains  de 
sable  sur  tous  les  rivages,  de  feuilles  dans  les 
forêts!...  L'imagination  effrayés  recule  devant 
ce  nombre  immense...  Eh  bien,  mtr  frères,  si 
cette  annonce  retentissait  eu  enfer,  à  la  rage  et 
au  désespoir  des  damnés,  succéderaient  des 
transports  de  joie  et  d'allégresse...  Ils  pour- 
raient se  dire,  si  énorme  que  soit  le  temps 
qu'elles  doivent  durer,  du  moins  nos  peines 
auront  une  fin.  Et  ils  savent  bien  qu'elles  du- 
reront toujours,  qu'elles  ne  finiront  jamais!... 

Terrible  pensée  que  cette  éternilé  de  souf- 
frances !  Oh  !  combien  d'âmes  elle  a  ramenées  à 
Dieu!  Et,  en  effet,  mes  frères,  comment  un 
pécheur  peut-il  dormir  tranquille,  quand  il 
sait  qu'une  éternilé  de  supplices  le  menace... 
C'est  bien  là  le  tourment  le  plus  cruel  des  ré- 
prouvés ;  mais,  aussi,  c'est  bien  la  vérité  la  plus 
effrayante  que  nous  puissions  méditer,  et  la 
plus  capable  de  nous  faire  penser  sérieusement 
à  notre  salut.  Un  jour,  sainte  Lidiviue  s'entre- 
tenait avec  un  pécheur  de  haut  rang,  qui  se 
raillait  de  cette  éternité  de  tourments.  «  Si  vous 
avez  le  courage,  lui  dit-elle,  de  rester  immobile 
pendant  une  nuit  seulement  dans  un  lit  de 
plumes  bien  doux,  sans  faire  le  moindre  mou- 
vezcîut,  sans  jamais  changer  de  posture,  non- 
se  i  yneut  je  ne  troublerai  plus  vos  passions, 
maij  je  vous  promets  une  belle  récompense,  d 
Le  jeune  homce  accepta  en  souriant  la  propo- 
sition et  il  enviât  à  l'épreuve...  Mais,  au  bout 
de  trois  ou  quatre  heures,  il  éprouvait  déjà  une 
telle  fatigue  qu'il  se  croyait  à  la  torture.  Il  se 
fit  néanmoins  violence  une  heure  encore  ;  mais, 
enfin,  l'immobilité  à  laquelle  il  était  condamné 
lui  devint  si  insupportable,  qu'il  se  sentait 
mourir...  Alors,  rentrant  en  lui-même,  il  se 
dit  :  «  Malheureux  que  je  suis,  si  je  vais  en 
enfer,  que  sera-ce  donc?...  Comment  pourrai-je 
rester  couché  sur  un  lit  de  feu,  non  pas  pen- 
dant une  nuit  seulement,  mais  pendant  l'éter- 
nité tout  entière  (1).  »  Cette  pensée  seule  suffit 
pour  le  convertir. 

Je  le  sais,  mes  frères,  on  s'étourdit,  on  aime 
à  se  faire  illusion  sur  cet  important  sujet.  Ce- 
pendant, nous  l'avons  dit,  c'est  Jésus-Christ 
lui-même  qui  affirme  que  le  feu  où  brûlent  les 
damnés  est  éleruel.  v  Ite  in  ignem  (elernum.  • 
Oh  !  si  Dieu  permettait  que  l'enf^S  s'ouvrit  et 
qu'un  damné  nous  apparût,  comme  il  nous  ins- 
truirait !  Viens,  Cain,  toi,  le  premier  réprouvé 
que  la  terre  ait  porté.  Combien  y  a-t-il  de  temps 
(jue  tu  expies  ton  fratricide  dans  ces  flammes 
clévorantcs?  Six  mille  ansl  Six  mille  ans!  C'est 
déjà  beaucoup.  Que  de  jours,  que  d'heures  se 

1.  Jacq.  Marchant,  Jardin  du  PatHurt,  et  Miat  UoBUd, 
êtrmon  lur  Célemilé, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


font  écoulés  pendant  ces  soixante  siècles!...  Et 
quand  cesseras-tu  de  soutlrir?  —  Jamais  I  Ja- 
mais I...  —  Telle  serait  la  réponse  de  tous  les 
damnés,  s'ils  nous  apparaissaient.  C'est  surtout 
cette  inexorable  éternité  de  tourments,  qui 
cause  le  désespoir  et  la  rage  de  ces  malheu- 
reux... Souiïrir  toujours  !  Jamais  ne  sortir  de 
ces  sombres  abîmes!  A  cette  pensée,  ils  vomis- 
sent et  contre  "ux-mêmes,  et  contre  les  démons, 
et  contre  Dieu  juste,  qui  les  a  condamnés,  les 
plus  épouvantables  blasphèmes...  Blasphèmes 
impuissants,  hurlements  stériles!  Pauvres  dam- 
nés, vous  êtes  là;  vous  y  resterez  toujours  et 
vous  n'en  sortirez  jamais! 

Péroraison.  —  Frères  bien  aimés,  il  me  pesait 
de  traiter  cet  eflrayant  sujet  de  la  mort  éter- 
nelle, oud'une  vie  élcrnellement malheureuse... 
Cependant,  il  est  bon  d'y  penser  souvent,  sur- 
tout quand  l'amour  de  Uieu  et  le  .lésir  du  ciel 
ne  sont  pas  assez  forts  en  nous  pour  nous  faire 
éviter  le  péché  et  triompher  de  nos  passions... 
Un  noble  magistrat  d'Angleterre,  un  fervent 
chrétien,  dont  je  vous  ai  déjà  ]ilus  d'une  fois 
parlé,  Thomas  .Moorus,  était  renfermé  dans  un 
cachot.  Bientôt  il  devait  être  mis  à  mort  pour 
n'avoir  pas  voulu  prêter  un  serment  qui  répu- 
gnait à  sa  conscieuie. . .  Sa  femme  vint  le  voir; 
et,  dans  cette  visite,  qui  devait  être  la  dernière, 
«lie  esseya  d'ébranler  le  courage  de  cet  époux 
qu'elle  aimait  tendrement.  «  Prêtez  donc,  lui 
disait-elle,  ce  serment,  et  conservez  ainsi  une 
vie  et  des  biens  dont  vous  pouvez  jouir  encore 
longtem[)S.  »  Moorus  lui  répondit  :  «  Combien 
de  temps  pensez-vous  que  je  puisse  vivre  en- 
core? —  Une  vingtaine  d'années,  lui  répondit- 
elle.  —  Oh  !  madame,  lui  ditil  en  souriant, 
vous  seriez  une  habile  marchande  ;  pour  vivre 
encore  vingt  ans  siiir  cette  terre,  selon  vous,  je 
doism'exposer  à  une  éternité  de  tourments...  » 
Et  l'inébranlable  chrétien  portait,  peu  de  jours 
après,  sa  tète  sur  l'échafaud... 

Frères  bien  aimés,  sachons,  nous  aussi,  la 
valeur  des  chose*,  et  ne  nous  exposons  pas  aux 
supplices  éternels  de  l'enf-^r  pour  des  plaisirs 
d'un  moment,  pour  des  biens  fragiles  et  péris- 
sables Où  sont  maintenant,  pour  les  réprouvés, 
l'argent,  les  biens,  acquis  p;ir  le  travail  du  di- 
manche?... Où  sont  CCS  vains  plaisirs,  qu'ils 
ont  pu  trouver  à  satisfaire  de  folks  passions?... 
Hélas!  que  d'âmes  expient  et  expieront,  par 
une  éternité  de  supplie. 'S,  et  ces  passions  satis- 
faites et  cetlft  profanation  du  dimaiicnn,  et  les 
autres  violations  de  la  loi  du  Seigneur!...  Pen- 
sons y,  frères  bien  aimés,  et  puisse  cette  vérité 
si  sérieuse  et  si  terrible  d'un  enfer  éternel  nous 
inspirer  à  tous  de  salutaires  réflexions.  Ainsi 
soit-il. 

L'abbé  Lobry, 
curé  de  Vauchassis. 


LITURGIE 

LES    QUATRE-TEMPS. 
(4*  article.) 

VIII.  —  Le  jeûne  des  Quatre-Temps  a  encore 
une  fin  très-importante.  L'Eglise  nous  le  fait: 
observer  pour  attirer  les  bénédictions  de  Dieu 
sur  les  ordinations  qui  sont  depuis  longtemps 
fixées  principalement  à  ces  époques. 

Depuis  saint  Pierre  jusqu'au  pape  saint  Sim- 
plicius,  qui  fut  élevé  sur  le  Saint-Siège  en  468, 
les  ordinations  ne  se  faisaient  régulièrement 
que  le  samedi  des  Quatre-Temps  de  décembre, 
que  l'on  appelait,  comme  nous  l'avons  vu,  le 
jeûne  du  dixième  mois.  C'est  ce  (Jue  nous  rap- 
pelle la  mention  tirée  du  Liber  poutificalis,  con- 
signée plusieurs  fois  au  Bréviaire,  dans  les  lé- 
gendes des  papes  des  premier?  siècles,  et  qui 
indique  combien  d'ordinations  furent  faites  par 
chacun  d'eux  au  mois  de  décembre,  avec  le 
nombre  des  diacres,  des  prêtres  et  des  évoques 
ordonnés.  Dès  ce  temps,  le  jeûne  du  dixième 
mois  était  observé  par  les  fidèles  et  oflert  à  Dieu 
pour  obtenir  les  grâces  nécessaires  aux  nouveau.x 
ministres  de  l'Eulise.  Cette  pratique  n'était  que 
la  continuation  de  ce  qu'avaient  failles  apôtres, 
et  avec  eux  les  premiers  chrétiens,  lorsque,  sur 
l'orclre  du  Saint-Esprit,  ils  séparèrent,  c'est-à- 
dire  élurent  Saul,  ou  saint  Paul,  et  Barnabe, 
pour  les  consacrer  au  ministère  pour  lequel 
Dieu  les  avait  choisis.  Alors,  jcùimnt  et  priant, 
ils  leur  im/josèrent  les  mains,  et  leur  donnèrent 
ensuite  leur  mission  (1).  Saint  Léon  rappelle  cette 
circonstance  dans  sa  lettre  à  Dioscore  d'.\lexan- 
drie,  et  l'indique  comme  l'origine  de  la  coutume 
dont  il  recommande  le  maintien  (2). 

Dans  les  premiers  temps,  l'Eglise  romaine  et 
les  églises  particulières  n'ayant  pas  bt-soin  d'uu 
clergé  trèj-nombreux,  il  suffisait  de  faire  une 
seule  ordination  chaque  année.  Cette  cérémonie 
avait  été  fixée  aux  Quatre-Temps  de  l'Avent, 
afin,  dit  Amalairc  (3),  que  la  naissance  des  nou- 
veaux miaistres  coïncidât  avec  la  nativité  du 
Christ,  dont  les  prêtres  et  les  évèques  sont  les 
continuateurs.  D'autres  auteurs,  sans  rejeter 
cette  raison,  en  donnent  une  autre  moins  mys- 
tiipie,  et  disent  que  l'ordination  était  placée  à 
la  fin  de  l'année  pour  que  les  ordonnés  fussent 
prêts  à  entrer  en  fonctions  au  commencement 
de  l'année  suivante. 

La  rapide  extension  de  l'Ef^'.ise  obligea  de 
multiplier  partout  le  nombre  des  iP'Xiistres  si- 
crés  de  tout  rang,  et,  pour  satisfaire  plus  aisé- 
ment et  plus  amplement  aux  nécessités  du  peu- 
ple chrétien,  on  fit  des  ordinations  a  toutes  les 
époques,  selon  les  besoins  et  les  convenances 

1.  Àct.,  XIII,   3. 

2.  i■.';Jl^^  IX  (ulias  11),  cap.  I. 

3.  Anialar.,  lib.  II,  e.  i. 


1372 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


des  lieux  et  des  personnes.  Nous  trouvons,  dans 
l'histoire  ecclésiastique,  uu  fait  qui  se  reproduit 
très-fréquemment,  surtout  au  troisième  et  au 
quatrième  sicrles.  Lorsqu'un  siège  épi^copal  de- 
venait vacant  et  que  le  clergé  et  le  peuple 
élisaient  et  souvent  acclamaient  à  l'improviste 
ua  nouveau  yastenr,  il  était  consacré  presque 
aussitôt,  et  quelquefois  le  jour  même,  si  les 
évèques  de  la  province  étaient  assemblés  pour 
l'élection.  Il  eu  était  de  même  pour  la  promo- 
tion au  saceriioce  de  diacres  et  quelquefois  de 
laïques,  que  les  suffrages  des  fulèles  siuualaient 
aux  évèques  comme  méritant  cet  honneur,  ou 
que  les  evèquts  choisissaient  eux-mêmes;  en 
quelques  jours  des  hommes  qui  n'avaient  pas 
encore  fait  le  premier  pas  pour  entrer  dans  la 
cléricature,  étaient  élevés,  en  franchissant  rapi- 
dement tous  les  degrés,  au  sommet  de  la  hié- 
rarchie, et  l'on  ne  se  ci-oyait  pas  obligé  d'ajour- 
ner leur  promotion  jusqu'à  1  époque  primitive- 
ment fixée  :  outre  que  le  service  des  églises 
exigeait  souvent  l'ad jouction  de  nouveaux  mi- 
nistres, on  hâtait  aussi  quelquefois  l'ordmation 
de  peur  que  les  élus,  que  leur  sainteté  avait 
trahis,  ne  parvinssent  à  se  soustraire  à  l'honneur 
du  sacerdoce  ou  de  l'épiscopat  dont  ils  se 
croyaient  indignes.  Ce  qui  se  taisait  alors  dans 
toute  l'Eglise,  les  Grecs  le  pratiquent  encore 
aujourd'hui,  et  chez  eus  les  ordinations  ae 
sont  pas  fixées  à  des  jours  déterminés. 

Au  V'  siècle,  les  ordres  étaient  conférés  seu- 
lement le  dimaueho.  Nous  en  avons  une  preuve 
dans  la  lettre  précitée  de  saint  Léon  à  Dioscore. 
Il  nous  semble  bon  de  reproduire  en  entier  le 
passage  relatif  à  cette  question.  «  Nous  voulons, 
dit  ce  grand  Pape,  que  vous  gardiez  la  coutume 
que  nos  pères,  ainsi  que  ul-us  l'avons  appris, 
ont  observée  avec  un  soin  très-particulier.  Elle 
ne  permet  pas  de  célébrer  l'ordination  des  prê- 
tres et  des  lévites  tous  les  jours  indistinctement, 
mais  on  doit  choisir  pour  cette  cérémonie,  après 
le  samedi,  le  commencement  de  la  nuit  qui  se 
termine  à  l'aurore  du  premier  jour  après  le 
sabbat,  et  c'est  dans  ce  temps  que  la  bénédic- 
tion saitite  sera  donnée  par  le  consécraleui"  à 
jeun  à  ceux  qui  doivent  être  consacres,  et  qui 
seront  pareillement  à  jeun.  Cette  règle  sera 
encore  respectée,  si,  continuant  le  jeune  du 
samedi,  on  célèbre  l'ordination  le  matin  même 
du  dimanche,  dont  n'est  point  sejiaré  le  com- 
mencement de  la  nuit  précédente,  qui  appar- 
tient indubj*-ablemeut  un  jour  de  sa  résmTCC- 
tion,  ainsi  (^ae  cela  nous  est  déclaré  dans  la 
solennité  de  la  Pàque  du  Seigneur.  Car,  outre 
l'autorité  de  la  coutume,  que  nous  savons  éta- 
blie sur  l'eubeignemeut  apostoLi(iue,  la  sainte 
Ecriture  uous  a[iprend  que,  lorsque  les  apôtres 
durent,  sur  l'ordre  du  Saint-Esprit,  envoyer 
Saul  et  Baraabé  ammoucer  l'iiivaugile  aux  ua- 


tions,  ils  leur  imposèrent  les  mains  en  jeûnant 
et  priant.  Cet  exemple  nous  est  signalé  pour 
uous  montrer  avec  quelle  dévotion  et  le  minis- 
tre et  le  sujet  de  l'ordination  doivent  prenore 
soin  que  le  sacrement  qui  renferme  tant  de- 
grâces  ne  iwrais^e  pas  avoir  été.  traité  négligem- 
ment. Vous  vous  cOiiforraerez  vous-même  à 
l'iuslitulion  apostolique,  si,  dans  toutes  les 
églises  auxquelles  il  a  plu  au  Seigneur  de  vous 
préposer,  vous  observez  cette  règle  pour  l'ordi- 
nation des  prêtres  :  savoir,  que  la  bénédiction 
sainte  ne  soit  jamais  donnée  aux  sujets  choisis 
pour  être  consacrés  qud  le  jour  de  la  résurrec- 
tion de  Notre -Seigneur,  lequel  commence, 
comme  il  est  constant,  dès  le  soir  du  samedi,  et 
a  été  sanctitié  par  de  si  grands  mystères  pré- 
parés dans  le  plan  ilivin,  que  tout  ce  que  le 
Seigneur  avait  résolu  de  plus  grand  a  été  accom- 
pli dans  ce  jour  le  plus  noble  de  tous.  Ce  jour 
a  été  le  premier  du  monde.  C'est  en  ce  jour 
que  la  résurrection  de  Jésus-Christ  a  tué- 
la  mort  et  inam^n-é  la  vie.  C'est  en  ce  jour  que 
le  Sauveur  a  remis  aux  apôtres  la  trompette  de 
la  prédicaiion,  pour  annoncer  l'Evangile  à  tou- 
tes les  nations,  et  leur  a  confié  le  sacrement  de 
la  régénération,  pour  le  porter  dans  toutes  les 
parties  du  monde.  C'est  en  ce  jour,  comme  nous- 
l'attesle  le  saint  évangéliste  Jean,  que,  les  disci- 
ples étant  assemblés,  les  portes  closes,  Notre- 
Seigneur  entra  près  d'eux,  souffla  sur  eux  et 
leur  dit  :  Recevez  le  Saint-Esprit,  les  péchés  te- 
7'ont  remis  à  ceux  à  qui  vous  les  remettrez,  et  ils 
seront  retenus  à  ceux  à  qui  vous  les  retiendrez. 
Enfin,  c'est  en  ce  jour  que  le  Saint-Esprit  des- 
cendit sur  les  apôtres  à  qui  Notre-Seigneur 
l'avait  promis.  Nous  savons  qu'il  nous  est  venu 
du  ciel  une  sorte  de  règle  qui  nous  indi-pie  et 
nous  apprend  que  nous  devons  célébrer  le  mys- 
tère de  la  consécration  sacerdotide  le  jour 
même  où  nous  ont  été  confères  tous  les  dons 
de  la  grâce  (1).  » 

Nous  voyons,  par  cette  lettre  introduite  dans 
le  corps  du  droit  (2),  que  les  ordinations  pou- 
vaient se  faire  bien  plu<  fréquemment  qu'aux 
premiers  temps  de  l'Eglise,  mais  qu'elles- 
etaient  fixées  au  dimanche.  Il  est  vrai  qu'il  est 
parlé  du  comracncomeut  de  la  nuit  du  samedi 
uu  dimanche,  mais  les  cérémonies  préparatoires- 
remplissant  la  première  partie  de  la  nuit,  l'or- 
dination propremenldile  n'avait  lieu,  en  réalité, 
(]ue  vers  le  milieu  et  appartenait  de  fait  au 
dimanche.  Il  reste  encore  aujourd'hui  quelque 
chose  de  cette  discipline ,  Lorsque  le  Saint-Siège 
permet,  à.  raison  de  quelque  nécessité  ou  d'une 
grande  utilité,  de  faire  ime  ordination  en-dehor» 
des  époques  réglementaires,  c'est  toujours  à  la 

1.  Léo  Magn.,  Ep.  u.  (alias  1),  cap.  I. 

2.  Decr.,  dist.  I,  cap.  rv.  Quoi  a  falribui,  et  cap,  T.  Quoi 
iidt  ommic». 


LA  SEMAfNE  DU  CLERGÉ 


i4n, 


condition  que  l'on  choisira  un  dimanche  ou  uup. 
fête  de  préceple. 

Remarquons,  en  outre,  que  le  jeune  du 
samedi^  qui  n'était  rompu  qu'après  l'heure  des 
Vêpres  en  temps  ordinaire,  devait  être  continué 
jusqu'au  dimanche,  après  l'ordination.  I^e  ji.'ùne, 
en  se  pro'ongeant  si  longtemps,  devenait  très- 
pénible  et  extrêmement  difficile  à  observer. 
C'est  pour  cette  raison  que,  dans  le  x'  ou  le  xi" 
siècle,  l'ordination  fut  anticipée  et  placée  au  soir 
du  samedi. 

Les  «iimanches  où  se  célébraient  les  ordina- 
tions étaient  appelés  vacants,  parce  qu'ils 
n'avaient  pas  de  messe  propre.  La  messe  de 
l'ordination,  qui  avait  été  eélébiêe  de  grand 
matin,  tenait  lieu  de  celle  du  dimanche.  Nous 
trouvons  un  vestige  de  cette  coutume  dans  les 
messes  du  quatrième  dimanche  de  l'Avent  et  du 
second  dimanche  du  cai'ême,  (jui  ont  le  même 
évangile  que  les  messes  des  samedis  des  Quatre- 
Temps  précédents.  C'est  pour  la  même  rai^on 
que,  dans  les  sacramentaires  antérieurs  au 
ix"  siècle,  on  trouve, à  la  messe  du  samedi  avant 
le  quatrième  dimanche  de  l'Avent,  l'épître  et 
l'évangile  placés  à  Home  dans  la  messe  du 
dimanche  qui  précédait  la  Nativité  de  Notre- 
Seignenr. 

La  coutume  de  célébrer  les  ordinations  le 
dimanche  matin  finit  par  disparaître  complète- 
ment, et  cette  cérémonie  fut  tixée  au  samedi 
des  Quatre-Tcmps,  et  aussi  au  samedi  qui  pré- 
cède le  dimanche  de  la  Passion.  Nous  en  avons 
une  preuve  dans  la  lettre  neuvième  de  saint 
Gélaso,  qui  fut  élevé  sur  la  chaire  pontificale 
en  49S.  et  nous  trouvons,  dans  le  Corps  du  droit 
l'extrait  suivant  de  cette  lettre  adressée  aux 
évèques  de  la  Lucanie,  qui  fut  plus  tard  le  duché 
de  Lucques  :  «  Les  ordinations  des  prêtres  et 
des  diacres  ne  doivent  être  faites  qu'en  des 
temps  et  à  des  jours  hxcs.  Que  l'on  sache  bien 
qu'il  faut  les  célébrer  vers  le  soir,  au  t(>mps  du 
jeune  du  quatrième,  du  feptiême  et  du  dixième 
mois,  et  aussi  du  commencement  du  carême  et 
dans  la  semaine  médiane  concourant  avec  le 
jeîme  du  samedi  (I).  »  Cette  décrétale  ajoute  aux 
Quatre-Temps  la  semaine  médiane  du  carême. 
La  glose  ajoute  :  «  C'est  le  jour  où  l'on  chante 
Sitienles,  et  ({ui  précède  le  dimanche  de  la 
Passion.  »  L'introït  de  la  messe  du  samedi 
veille  du  dimanche  de  la  Passion  commence,  en 
effet,  par  le  mot  Sitienles,  et  il  ne  peut  y  avoir 
aucun  doute  sur  ce  jour.  Ces  mots:  a  Et.saf/bati 
jejunio,  qui  suivent  rénumération  des  ti'mps  in- 
diqués pour  les  ordinations,  ont  fait  croire  à 
quelq»es  auteurs  qu'ils  désignaient  une  sixième 
époque,  et  ils  en  ont  conclu  qu'ils  se  rappor- 
taient "îu  samedi-saint,  jour  où  l'on  peut  con- 
férer,  en  effet,  le  sacrement  de  l'ordre.  S'ils 

1.  Deor,,  dist,  LXXV,  cap.  viu.  Oriinaiiontt 


eussent  examiné  de  plus  près  ce  texte,  Hs 
auraient  vu  que  ?aint  Gélase  n'énonce  d'abord 
que  les  temps  elles  semaines.et  qu'en  ajoutant: 
Et  sabaltijepmio,  il  a  simplement  déterminé  la 
jour  où  il  est  permis  de  donner  les  ordres  dans 
chacune  de  ces  semaines.  Notre  traduction,  que 
nous  tenons  pour  très-exacte,  l'ait  disparaître 
cette  équivoque.  On  remarquera  encore  qiK 
l'henre  des  ordinations  est  avancée  du  matin  da 
dimanche,  ou  du  milieu  de  la  nuit,  au  soir  da 
samedi,  et  non  pas  encore  au  matin  de  ce  jour. 
Nous  ne  savons  comment  le  docte  Wérati,  qui 
cite  le  texte  de  saint  Gélafe,  a  pu  s'en  emparer 
pour  prouver  qu'à  cette  époque, les  ordinations 
furent  avancées,  non-seulement  au  samedi,  mais 
aussi  au  matin  de  ce  jour  (1).  Il  est  vrai  que  tout 
d'abord  il  ne  donne  i>as  les  mots  ci)-ca  vesperam, 
mais  reproduisant  de  nouveau,  plus  loin,  ce 
passage  de  la  constitution  pontificale,  il  les  ré- 
tablit et  détruit  ainsi,  sans  paraître  s'en  aper- 
cevoir, ce  point  de  sa  thèse.  L'autorité  sur  la- 
quelle il  s'appuie  prouve,  au  contraire,  que  c'est 
seulement  plus  tard  que  la  cérémonie  de  l'ordi- 
nation fut  placée  au  matin  du  samedi.  Nous 
aurions  à  faire  les  mêmes  observations  sur  le 
passage  suivant  d'une  lettre  du  pape  saint  Gré- 
goire II  adressée  après  l'an  713  au  clergé  et  as 
peuple  de  la  Thuringe.  «  Que  l'on  sache  bieo 
que  les  ordinationsdes  prêtres  ou  des  diacres  ne 
doivent  être  célébrées  qu'au  temps  des  jeune» 
des  quatrième,  septième  et  dixième  mois,  aii  si 
qu'au  commencement  du  carême  et  au  milieu 
du  soir  du  samedi.  »  La  semaine  médiane  du. 
carême  n'est  pas  mentionnée  ici.  Cependant, 
comme  l'a  prouvé  le  maintien  de  la  coutume,  la 
décision  de  saint  Gélase, relative  à  la  veille  de  la 
Passion, n'a  pas  été  considérée  pour  cela  comme 
annulée.  On  remarquera  que  l'heure  de  l'ordina- 
tion reste  la  même  qu'au  v°  siècle. 

Nous  sommes  naturellement  amené  à  recher- 
cher à  quelieépoque  s'introduisit  réellement  l'u- 
sage de  conférer  le  samedi-saint  les  ordres  ma- 
jeurs,desquelsil  s'est  agi  jusqu'ici. Un  assez  grand 
nombre  de  théologiens  et  de  canoni^tes  l'ont 
fait  remonter  à  une  haute  antiquité.  Les  uns  on 
prétendu  que  cette  coutume  fut  établie  par  saint 
Léon  le  Grand,  les  autres,  allant  plusloin  encore, t 
ont  afhrmé  que  ce  pontife  ne  lit  que  la  remettre 
en  vigueur.  Ils  n'ont  pu  invoquer  un  seul  docu- 
ment (  ertain  à  l'appui  de  leur  sentiment,  qui 
n'est  basé  que  sur  des  conjectures.  Ils  invoquent, 
il  est  vrai,  la  décrétale  de  saint  Gélise  que  nous 
avons  citée,  mais  nous  venouf'  de  voir  qu'elle  ne 
peut  être  sérieusement  entendue  d  ins  ce  sens, 
et  que,  très-claire  par  elle-même,  elle  est  encore 
exiiliquée  conformément  à  notre  iuterprétatioB 
par  la  lettre  de  saint  Grégoire  II. 

1.  Iq  r/iesour.  Gavauti  observ.  et  addit.    In   ifisa.    Ram^ 
part.  IV,  tit.  U,  addit.  Viii. 

Tome  IV.  —  N"  45. 


1374 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


En  réalité, on  ne  rencontre  aucun  monument 
où  il  soit  parlé  de  l'ordination  du  samedi-saint 
avant  le  pontificat  d'Alexandre  III,  c" est-à-dire 
avant  la  seconde  moitié  du  xii^  siècle.  Le  con- 
cile romain  tenu  pendant  le  rè^ne  du  pape  saint 
Zacharie,  en  743 ,  et  le  concile  de  Limojrrs, 
célébré  sous  le  pontificat  de  Benoit  IX,  en  lOJi, 
qui  ont  précisé  le  temps  des  ordinations,  ont 
passé  complètement  sous  silence  le  samedi- 
saint.  Enfin  le  pape  Urbain  II  renouvela,  dans 
le  concile  de  Clermont,  en  1095,  les  décrets  de 
ses  prédécesseurs,  slatuaiit  que  les  ordres  ma- 
jeurs ne  pouvaient  être  conférés  qu'aux  Quatre- 
Temps  et  le  samedi  de  la  semaine  médiane  du 
carême,  et  il  prescrivit  de  prolonger  le  jeûne 
jusqu'au  soir,  et  même,  autant  «pie  possible, 
jusqu'au  dimancbe,  pour  mieux  montrer  la  liai- 
son de  la  cérémonie  sacrée  de  l'ordination  avec 
Je  jour  de  la  résurrection  du  Sauveur.  Dansée 
■^glement  solennel,  il  n'est  fait  encore  aucune 
inention  du  famedi-saint.  A  ces  preuves  qui, 
toutes  négatives  qu'elles  soient,  ont  une  impor- 
tance décisive,  nous  pouvons  ajouter  les  ordres 
romains  et  ceux  des  autres  églises,  publiés  par 
les  PP.  Morin,  Mabillon  et  Martine. Les  époques 
des  ordinations  y  sont  marquées,  et  les  rites  y 
sont  exactement  décrits.  .Mais  on  n'y  trouve  pas 
une  seule  indication  relative  à  rordinatiou  du 
samedi  saint. 

Il  paraît  donc  certain  que  l'on  n'a  jamais  en- 
tendu parler  de  la  cullalion  des  ordres  le  sa- 
medi-saint avant  le  xii'  siècle,  où  nous  en  trou- 
Yons  le  premier  vestige  Alexandre  III,  élevé  au 
souverain  pontificat,  en  1  i39,é'rivait  ùTévèque 
d'Héresford,  en  Angleterre  :  «  Vous  avez  de- 
mandé s'il  est  permis  de  promouvoir  en-dehors 
du  jeûne  des  Ouatre-Temps,  quelques  élèves 
aux  ordres  de  portier,  de  lecteur,  d'exorciste,  d'a- 
colylhe.  ou  même  au  sous-diaconat.  Nous  vous 
répondons  qu'il  est  permis  aux  évèques  de  pro- 
mouvoir, aux  ordres  mineurs,  un  ou  deux  élèves 
les  dimanches  et  les  autres  jours  de  fête  ;  mais 
il  n'est  permis  à  aucun  évèque,  le  Pontife  ro- 
main excepté,  de  donner  à  personne,  l'ordre  du 
sous-diaconat  en  d'autres  jours  que  les  Quatre- 
Temps,  ou  le  samedi-saint,  ou  le  samedi  avant 
le  dimanche  delà  Passion.  »  On  ne  peut  objecter 
que,  dans  cette  lettre,  Alexandre  111  ne  fait  au- 
cune nouvelle  ordonnance  et  qu'il  expose  seule- 
ment l'antique  discipline  de  l'iiglise.  Si  l'usage 
de  donner  les  ordres  sacrés  le  samedi-saiut  eût 
réeUemcnt  existé  depuis  longtemps  comme  ap- 
partenant à  la  discipline  générale  de  l'Eglise, 
î'évèque  d'Héresford  ne  l'eût  certainement  pas 
ignoré  et  U  n'eût  pas  consulté  le  Pape  sur  ce 
sujet.  Cependant  il  demande  s'il  est  permis  de 
faire  des  ordinations  en-dehors  des  Quatre- 
Temps.  Nous  ne  prétendons  pas  cependant 
Qu'Alexandre  111  ait  permii  le  premier  d'ajouter 


le  samedi-saint  aux  autres  jours  Cxés  p.Mir  les 
ordinations  ;  les  termes  de  son  resc  rit  ne  per 
mettent  pas  de  le  supposer.  Nous  disons  seule- 
ment, et  cela  est  de  toute  évidence,  que  la  lettre 
de  ce  pape  étant  le  premier  document  connu  où 
ce  jour  soit  indiqué,  et  le  concile  de  Clermunt, 
qui  donne  les  épi)(]ues  des  ordinations,  ne  l'ayant 
pas  compris  dans  son  énuiuération,  cette  coutume 
nouvelle  s'est  introduite  nécessairement  entre 
l'année  1093,  o'"i  fut  célébré  le  concile  de  Cler- 
mont, et  l'année  1139,  où  se  place  l'avènement 
d'Alexandre  III.  \ous  n'avons  découvert  aucun 
texte  qui  non?  permette  de  déterminer  avec  plus 
de  précision  l'auteur  et  la  date  de  cette  inuo- 
vation. 

N.ius  ne  devons  pas  omettre  de  faire  con- 
nailre  un  texte  inséré  par  Gratieu,  dans  le 
décret,  et  qui  a  servi  de  base  à  une  objection 
contre  notre  thèse.  Le  pape  Pelage  écrit  à  Pierre, 
évèque  de  Potenza  :  «  Nous  avons  reçu  les  let- 
tres de  Votre  Charité,  par  lesquelles  vous  nous 
annoncez  que  Latinus,  diacre  de  l'église  d'Agri- 
moute,  a  été  élu  unanimement  évèque  de  Mar- 
cellion  ou  Cosilina,  ce  que  vous  nous  avez  déjà 
rapporté  précédemment,  et  nous  avons  ordonné 
qu'il  vînt  ici,  pensant  que  ceux  qui  l'ont  élu 
avaient  reçu  des  lettres  diniissoriales  délivrées 
par  son  évèque.  Si  cela  a  été  exécuté  depuis, 
faites  en  sorte  qu'd  vienne  promplement  à  Fiome, 
afin,  si  c'est  la  volonté  de  Dieu,  qu'il  soit  or- 
donné le  grand  samedi,  après  l'heure  de  l'admi- 
nistration du  baptême.  S'il  n'arrive  pas  avant  le 
jour  indiqué  il  sera  forcé  d'attendre  jusqu'au 
jeûne  du  quatrième  mois  (1).  »  Rien  ne  nous 
indique  auquel  des  deux  papes  du  nom  de  Pe- 
lage, cette  lettre  est  attribuée.  Ce  point,  d'ail- 
leurs, a  peu  d'importance.  Pelage  1"  ayant  été 
élevé  sur  la  chaire  pontificale,  en  333,  et  Pelage 
II,  en  578.  Plusieurs  canoniales,  parmi  lesquels 
Hallier  et  Gonzalez,  et  après  eux  Mérati,  qui 
discute  ce  document,  considèrent  cette  réponse 
comme  probablement  supposée.  On  sait,  du  reste, 
qu'il  se  rencontre,  dans  le  Corps  du  droit,  plu- 
sieurs pièces  dont  l'authenticité  n'est  point 
établie,  et  qui,  cependant,  ne  sont  pas  dépour- 
vues d'autorité,  en  tant  qu'elles  ont  contribué  à 
confirmer  la  disciphne  établie  ou  à  la  modifier 
en  quelques  points,  puisque,  sans  se  prononcer 
sur  la  question  d'origine,  le  Saint-Siège  a  sanc- 
tionné les  dispositions  législatives  qui  y  sont 
énoncées.  Quoi  qu'il  en  soit  à  cet  égard,  dans 
le  cas  présent,  ce  rescrit  fût-il  certainement  au- 
thentique, notre  démonstration  n'en  serait  nul- 
lement ébranlée.  Il  ne  prouverait  pas  qu'il  était 
permis  dans  toute  l'Eglise  b/à  tous  les  évêques 
de  conférer  les  ordres  majeurs  eu  ce  jour,  mais 
seulement  que  le  Souverain  Pontife  y  consacrait 
des  évêiiues,  lorsqu'il  croyait  avoir  uue  raison 

1.  Dist.  LXiYI,  cap.  XU  i>.i;clionù. 


1 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


ir,73 


de  le  faire.  Or,  nous  avons  vu  q^\(^  la  consécra- 
tion (les  évciiues  n'était  pas  restreinte  aux  épo- 
ques fixées  jionr  les  autres  ordinations  et  cette 
exception  subsiste  encore  dans  la  discipline  ac- 
tuelle. D'autre  part,  dans  sa  réponse  à  Tévèque 
d'IIércsford,  Alexandre  III,  après  avoir  énuméré 
les  jours  affectés  canoni.iuement  aux  ordinations, 
di\  (jue,  eu  dehors  de  ces  jours  aucun  évêiiue, 
le  Pontife  .omain  excepté,  ne  doit  conférer  les 
ordies.  Cette  exception  est  de  droit,  et,  de  ce 
qne  le  pape  Pelage  a  annom  é  l'intention  d'user 
pour  la  consécration  d'un  évè(]ue  du  privilège 
attaché  à  la  plénitude  de  sa  puissance,  on  n'est 
aucunement  autorisé  à  en  conclure  qu'à  cette 
époque,  il  était  déjà  permis  aux  autres  évècjues 
d'ordonner,  le  même  jour,  des  prêtres  et  des 
diacres  dans  leurs  diocèses  (I). 

IX. — Introduction  des  Quntre-Temps  dans  1rs 
diverses  églises.  —  Il  est  certain,  comme  nous 
l'avons  établi,  que  le  jeûne  des  Quatre-Temfis 
était  observé  à  Kome,  avant  l'époque  de  s.iint 
Léon  le  Grand,  et  que  cette  institution  doit  être 
reportée  jusqu'à  l'époque  apostolique.  Toutefois, 
pendant  longtemps,  il  n'est  question,  dans  divers 
documents  et  Icssacramentaires,  que  des  jeùni-s 
de  l'été,  de  l'automne  et  de  l'hiver,  qui  sont  ap- 
pelés les  jeûnes  des  trois  temps.  C'est  ainsi  qu'ils 
sont  dénommés  dans  les  sacramentuires  de  saint 
Pelage  et  de  saint  Grégoire,  et  aussi  dans  les 
actes  du  concile  de  Clitf  ou  Cloveshowe,  en  An- 
gleterre, assemblé  en  747.  Cette  désignation  ne 
contredit  nullement  l'affirmation  de  saint  Léon 
et  ne  supposeaucunchangement  postérieur  dans 
la  discipline  du  jeûne,  mais  elle  s'explique  par- 
faitement. Les  Ouatre-Temps  de  mars,  ou  du 
premier  mois,  se  rencontrent  toujours  dans  le 
carême,  et,  ayant  étéfixés  à  la  première  sem;iiiie, 
les  deux  jeûnes,  quoiqu'on  les  observât  pour 
des  raisons  distinctes,  se  confondaient  en  réalité 
en  un  seul  ;  la  coutume  s'établit  de  ne  dénoncer 
expressément  aux  ii^lèles,  avant  les  époques  qui 
les  ramenaient,  que  les  jeûnes  séparés  de  tout 
autre,  et  c'est  ainsi  qu'on  en  vint  h  appeler  ciis 
derniers,  les  trois  temps.  Alton  de  'Verceil,  élevé 
sur  le  siège  épiscopal  de  cette  ville  en  947,  à  la 
dénomination  des  trois  temps,  ajouta  celle  des 
Quatre-Temps,  qui  était  généralement  en  usage 
hors  de  l'Italie,  et  qui  prévalut  désormais  dans 
ce  pays. 

Le  jeûne  des  Quatre-Temps  passa  de  bonne 
heure  île  l'Eglise  romaine  aux  autres  églises. 
Quelques  différences  ont  pu  s'introduire  (;à  et  là 
dans  la  manière  de  l'observer,  mais  l'institution 
même  était  ra^ue  dans  tout  l'Occident.  Au  com- 
mencement du  VII'  siècle,  saint  Isidore  de 
Séville  mentionne  expressément  les  jefuies  du 
t'aréme,  de  la  Pentecôte,  du  septième  mois  et 

I.  Id  Tkesaiir.  Gavanti,  observ.  et  addit.  In  Miu.  Rom, 
ptrt.  IV,  til.  il,  addit.  Vlll,  J  5  «t  6. 


des  calendes  de  novembre  (I).  Ce  dernier  était 
donc  anticipé  en  Espagne.  Il  y  en  avait  encore 
un  fixé  aux  calendes  de  janvier  et  que  les  fidèles 
s'imposaient  à  l'occas^ju  des  fêtes  profanes  et 
des  jeux  indécents  et  indignes  des  vrais  chrétiens 
qui  continuaient  d'être  célébrés  en  ce  jour  et 
étaient  un  reste  des  uf5ages  païens  ;  cet  acte  de 
pénitence  était  à  la  fois,  une  piotestation  et  une 
expiation  (2).  Ce  n'est  pas  le  seir  cas  où  une 
institution  générale  ait  subi  quelque  modification 
dans  une  église  particulière  ou  dans  toute  une 
région. 

{A  suivre.)  P. -F.  Ecalle, 

professeur  Je  théologie. 


Théologie     dogmatique 

LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAINT-SIÈGE 

{.■iU.'lC.) 

La  raison  de  cette  condamnation  est  claire. 
La  foi  aussi  est  un  acte  d'oliéissuiice.  L'''ibiJis- 
sance  de  la  foi,  dit  l'Apotre  (3);  et  ailleurs  : 
Réduisant  toute  in(clli(/ence  à  la  servitude  de 
l'obéissance  au  C/nist {i),  ce  que  saint  Chrysos- 
tome  explique  par  la  conviction  obéissante  et 
so(/7?i!'ie  (.5).  Soumettre  à  la  vérité  divine  infail- 
lible, cpii  se  manifeste  par  l'enseignement  de 
l'Eglise,  notre  raison  humaine  ipie  Uieu  a  faite, 
et  qui  est  dans  la  dépendance  absolue  de  son 
auteur,  et  par  elle-même  sujette  à  l'erreur,  c'est 
le  premier  et  principal  devoir  de  toute  reli- 
gion (6),  c'est  le  fondement  de  notre  justifica- 
tion. Aussi  la  foi  est-elle  le  strict  accomplisse- 
ment d'un  précepte  divin  (7).  Mais  croire  de  cœur 
et  confesser  de  bouche,  c'est  la  condition  de  la 
justice  et  du  salut  {S).  C'est  la  volonté  qui  déter- 
mine l'intelligence  à  adhérer  ;  par  elle  la  foi 
devient  libre  et  méritoire  (9);  formellement,  la 
foi  est  un  acte  de  l'intelligence  (10).  ('e  tut  préci- 
sément ce  précepte  de  la  foi,  a%ec  lequel  l'Eglise 
se  présente  à  nous  pour  nous  l'imposer,  qui 
poussa  saint  Augustin,  dans  sa  jeunesse,  entre 

1.  De  divin.  Offic,  lib.  I,  cap.  xxxvi-xxxii. 
2    Ihul..  cap.  XL. 

3.  Uom.   1,  5. 

4.  II.  Cor.  10,  5. 

5.  In  Rom.   16,  19.  Hotn.  32.    1. 

6.  Concil.  vatic.  De  fid.  catbol.  can.  I  d«  fid.  :  Siçui» 
dixerit.  ralionem  liumanam  rfa  independenlem  esse,  ut  /idé» 
et  a  Deo  imiicrari  non  posait,  a.  *. 

7.  Uq  grand  nombre  de  prêtres  obéissaient  k  l'Evangile. 
Act.  6,  7.  Rom.  7,  ib;  16.  26,  10.  <6.  Oal.  3,  1  ;  5,  7.  — 
1  Tira.  6,  3.  —  ''.  Thess.  l,  18.  Les  xcredulcs  sont  les  déso- 
béissants, lit.   1,  10. 

8.  Rom.   10,   10.  Cf.  August    De  fid.  et  symb.  c.  1. 

9.  Mire  16,  16.  Rom.  10,  16.  Cono.  Trid.  Sess.  VI. 
cap.  VI.  .      .         . 

10.  Ipsum  credere  est  actus  intellertui  assenlienl»  «erilolt 
ex  impirij  wlunlatis.  Thom.  Summ.  Thiol.  II.  U.  ^U.  U. 
•xt.  ». 


jro 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


les  bras  Aos  mnnirhéens(l).  Mue  par  la  grâce, 
notre  vo'.onté  diHormiue  notre  iutelligen'^e  à 
faire  artc  d'adhésion,  alors  que  la  nécessité  de 
l'adli'sion  n'est  pis  imposée  par  une  vérité  dont 
l'éviileiice  n'est  j)as  en  soi  absolue  :  et  c'est 
précisément  en  cela  que  consiste  le  mérite  de  la 
foi  (2). 

Donc  une  confession  purement  extérieure, 
«un  re-pectueux  silence,»  n'est  ni  nu  acte  de 
foi,  ni  un  acte  d'obéissanco,  mais  un  mensonge 
et  une  hj'pocrisie.  Sans  doute,  là  où  un  acte 
extérieur  d'obôi-sance  à  la  toi  suffit,  comme 
dans  les  relations  de  la  vie  civile,  l'autorité  peut 
et  doit  même  borner  là  ses  exigences.  Nos  pen- 
sées et  nos  sentiments  intimes  ne  relèvent  pas 
du  for  extérieur.  Mais  en  matière  de  foi  et  de 
doctrine,  l'acte  extérieur  n'a  de  prix  que  comme 
manifestation  et  expression  de  l'acte  intérieur. 
Par  conséquent,  dans  les  questions  de  foi,  l'au- 
torité ecclésiaslique  ne  peut  exiger  l'acte  exté- 
rieur qu'en  raison  et  à  cause  de  l'acte  intérieur. 

Croire  provisoirement  :  mais  cela  implique 
rontradiction.  Si  tous  doivent  croire  provisoi- 
oement  et  se  taire  jusqu'à  ce  que  l'Eglise  ré- 
eîame,  l'Eglise  ne  rcclami;ra  jamais,  car  elle  ne 
saurait  tnul  ensemble  et  se  taire  et  réclamer  (3). 
I)'un  côté,  le  plein  pouvoir  appartient  au  Pape 
dans  l'Eglise,  de  l'autre,  ce  même  Pape  dépen- 
drait des  évoques,  de  manière  que  les  choses 
qu'il  enseii;iic  demeureraient  indécises,  jusqu'à 
ce  que  les  évèjues  eussent  ap[irouvé.  Alors 
même  que  le  Pape  promulguerait  une  vérité 
doi^matique  ù  croire  suus  iieiue  d'excommuni- 
cation, nous  devrions  eucore  douter  et  attendre 
jusqu'à  ce  qu'une  remontrance  publique,  ou 
uue  adhésion  tacite,  vinssent  nous  taire  savoir 
si  nous  devons  en  lire  ou  non.  Mais  qui  donc 
constatera  cette  adhésion  tacite,  laquelle,  prt'ci- 
séinent  jiar  ce  (prelle  est  tacite,  sera  difficile  à 
constater"?  Eu  vertu  de  sa  charge,  le  Pape  doit 

1,  De  Ctilit.  cred.  n.  I. 

1.  Sunt  qua-dam  appreltenta^  qua  noii  adeo  convincunt  in* 
ttUectum,  quin  p).»i<  as»eiUire  vel  disseutire,  rei  sat/eiii  assen- 
«um  vet  consensuni  ^usjieiide' €  praïUer  aLiqu<iin  cau^am.  et  in 
ialibus  axsensus  vel  dissensuw  in  nosira  polestale  ^st  et  ,\ub 
imjierio  (colunlalis)  caJit.  Th(;in.  Suinm.  Tluol.  i,  ii. 
Ou.  XVII.  art.  6.  Et  ideo  quanliunai  utruniqae  {quoad  exar- 
€itiwn  et  quoai  specificationetn)  actus  fidei  est  meritorius.  Id. 
1.  c.  Cf.  II,  II.  q.   IX.  art.   9. 

3.  Selon  l'ebronias  1,  c.  et  les  néo-pallicans  (Cf.  Maret, 
if  Paiic  ri  (es  évcquei,  p.  5i),  un  évéque  iiartioulier  ne 
doit  se  inctti-e  on  révolte  contre  les  décisions  papales 
(«0»  dit'jinatizando  eonirariitm  quandia  non  réclamât  Ecvte-* 
Ma).  Les  ûdcles  attendent  ((u'un  concile  ait  décidé  la  con- 
tro»erse.  ou  b'en  nu'une  majorité  bien  constatée  se  soit 
prononcée  pour  It  Vpe.  C'esl-à-dire  qu'il  faut  donner  au 
mal  1»  tenif's  de  croître  assez  pour  devenir  incurable, 
liais,  pour  jiouvoir  adhérer,  il  faut  aussi  avoir  la  liberté 
de  se  déchirer  en  sens  contraire.  Et,  cependant,  cela  est 
interdit.  Kebroniiis  n'est  donc  jias  conséquent  avec  lui- 
mèiue  en  acconlaot  aux  é^-lises  particulières  le  droit 
de  s'opposer  il  une  décision  papale,  lorsqu'elles  la  trou- 
Tent  en  desaccord  avec  leurs  traditions.  Ce  serait  iotro- 
doire  la  révolution  dans  l'Eglise. 


commander,  et  nous,  obéir;  et  cependant  il 
sera  aussi  incapable  de  celui-lk,  que  nous  de 
celui-ci.  Contredire  l'enseignement  du  Pape  suf- 
lirait  pour  ébranler  la  ceriitude  de  la  foi.  Quel 
parti  prendre?  Conlredire?  Nous  n'oserions? 
Croire?  Nous  ne  le  pouvons.  C'est  le  système  le 
plus  fou  qu'on  ait  jamais  inventé(l)l 

Essayons  maintenant  d'embrasser  d'un  seul 
regard  la  doctrine  de  l'infaillibilité  papale. 

Elle  se  fonde  sur  la  nature  même  de  l'Eg)ise. 
Le  Seigneur  a  promis  ô  sou  Eglise  une  durée 
éternelle;  elle  doit  subsister  jusqu'à  la  fin  des 
temps.  Les  formes  extérieures  peuvent  clian::er; 
ce  qui  tient  à  l'essence,  ce  qui  fait  que  l'Eglise 
est  la  véritable  Eglise  de  Jésus-Christ  ne  change 
point  ;  la  foi  et  les  éléments  constitutifs  de  l'or- 
ganisation que  Dieu  lui-même  a  donnée  à  l'E- 
fflise  demeurent  immuables.  De  même  que 
l'Eglise  ne  pourrait  pas  èUre  la  véritable  Eglise 
de  Jésus-Christ  sans  la  raie  foi,  de  même  elle 
ne  serait  pas  l'Eglise  instituée  par  Jésus-Christ 

1.  SchaMé  (Qiiellen  des  KiTchairechls,  p.  85)  déclare  ceci  : 
La  primautà  a  été  accordée  au  Pape  pour  maintenir 
l'unité,  pour  erapéclier  tout  désaccord,  pour  maintenir 
constamment  l'Eglise  dans  le  droit  chemin.  Comme  mo^en 
d'atteindre  ce  lut,  la  plus  haute  juridiction  lui  a  été 
donnée.  Il  s'ensuit  de  là,  nécessairement,  qu'il  a  autorité 
pour  décider  non-seulement  les  questions  de  discipline, 
mais  aussi  les  questions  de  droit  et  de  doctrine...  L'Église 
ne  fait  pas  les  dogmes,  elle  les  proclame  seulement. 
Comme  ces  proclamations  sont  nécessaires  toutes  les  fois 
que  des  doutes  s'élèvent,  qu'un  point  de  floctrine  est 
attaqué,  que  des  controverses  se  produisent  sur  le  sen» 
d'uu  dogme  ■.  comme  il  est  impossible  de  convoquer  de» 
conciles  généraux  il  toute  occasion;  comme  d'ailleurs 
une  semblable  autorilé  est  réclamée  par  l'esprit  de  la 
constitution  ecclésiastique,  il  faut,  de  toute  nécessité; 
que  ce  droit  it  proclamer  le  dogme  appartienne  au  Pape. 
A-t-il  rendu  une  décision  dogmatique,  en  vertu  du  droit 
de  lé;;is|ation  qu'il  possède,  elle  devient  aussi  obligatoire 
que  n'importe  quelle  autre  loi  qu'il  fera.  —  Page  98  : 
Une  telle  influence  (de  la  part  des  évèquos)  ne  se  conçoit 
pas  dans  les  constitutions  dogmatiques.  Celles-ci  ont  pour 
objet  des  clioses  qui  ne  peuvent  absolument  pas  être 
traitées  autrement  dans  l'Eglise  (comme  dans  les  mesurea 
disciplinaires).  Puisqu'un  décret  du  Pape,  en  crftte  matière, 
ne  saurait  être  soumis  au  jugement  de  chaque  évéque,  la 
publication  de  constitutions  dogmatiques  et  leur  exécu- 
tion est  rigoureusement  nécessaire.  Benoit  XIV  (ix,  4,  3) 
dit  lii-dessus  :  JHullo  minus  liic  agitur  de  pond/Sciis  conililu» 
tiouibnx  dognmticitf  qutB  ad  fiilem  lerlinenlj  cum  in  bisirre* 
formnbiie  sU  Romani  pouli/icis  judicium.  —  La  possibilité 
de  la  susjiension  entraînerait  la  possibilité  du  change- 
ment, autrement  dit,  de  l'errenr.  Ce  n'est  pas  encore 
aujourd'hui  un  dogme  formel  qne  le  Pape  soit  infaillible 
de  lui-même,  cependant  l'allirmation,  ou  même  la  simple 
déclaration  tacite  qu'il  peut  rendre  des  décisions  erro- 
nées, est  impossible,  par  la  nature  mâ«ie  de  la  ques- 
tion. 

D'ailleurs,  la  réformation  des  décisions  papales  par  Ici 
évéques  est  contraire  ii  la  définition  du  deuxième  ooncittt 
de  Lyon  :  Sicut  prce  ceterit  [Homanus  ponlifex)  tenetur  fidei 
rerilatem  defendtre,  sic  et,  si  qnie  de  fide  suborla  fuennt 
qwrsliones,  tuo  debent  Sadicio  DEfitnai  Cf.  Conc  Vatican. 
L  c,  cap.  IV.  Le  mot  definire,  arrêter  définitivement, 
exclut  toute  réformation  ou  confirmation  du  décret  da 
P.i[ie  par  les  évéques.  Autrement,  le  Pape  ne  serait  plB» 
le  docteur,  il  n'enseignerait  pas.  il  serait  enseigné  ;  il  ue 
conduirait  pas,  il  serait  condulL 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1377 


•sans  le  chef  visible  qu'il  lui  a  donné,  sans  le 
Pape  ;  elle  ne  le  serait  pas  davantage  sans  le 
•collège  des  évoques,  qui  ont  été  unis  au  Pape, 
comme  les  membres  du  corps  le  sont  à  la  tète. 
Donc  la  véritable  Eglise  de  Jésus-Clirist  ne  sera 
jamais  sans  le  fondement  qui  lui  a  été  donné, 
jamais  sans  le  pasteur  suprême  institué  par  le 
divin  fondateur,  jamais  sans  celui  qui  confirme 
lafoideses  frères. Mais,  à  son  tour,  le  fondement 
ne  sera  jamais  sans  le  temple  qui  repose  sur 
lui,  ni  le  suprême  pasteur  sans  le  troupeau  qui 
-entend  sa  voix,  nile  confirmalew  delà  foi  sansles 
frères  qui  reçoivent  de  lui  la  stabilité  dans  la 
foi.  Si  le  chef  vivant,  si  le  pape  légitime  pou- 
vait se  séparer  du  corps  de  l'Eglise  et  de  ses 
membres  principaux  qui  sont  les  évêques,  si  à 
leur  tour  ceux-ci  pouvaient  se  séparer  de  leur 
•chci,  alors  l'Eglise,  ce  corps  mystique  du  Sei- 
gneur, dans  lequel  sou  esprit  habite  et  gouverne, 
l'Eglise  que  l'apôtre  appelle  CfirL4  (1),  à  cause 
■de  son  intime  union  avec  Jésus-Clirist,  l'Eglise 
serait  détruite,  les  portes  de  l'enfer  auraient 
prévalu  coulre  elle,  les  promesses  seraient  frus- 
trées. 

Mais  cela  ne  peut  pas  être.  Ce  que  le  Seigneur 
a  donné  à  son  Eglise,  il  ne  le  lui  reprend  plus  ; 
il  l'assiste  par  sa  puissance  et  par  son  esprit,  jus- 
<[u'àlafiii.  C'est  pourquoi  il  ne  peut  jamais  arri- 
ver que  le  Pape,  exerçant  son  pouvoir  et  sa 
■charge  comme  fondement,  comme  pasteur  su- 
prême et  comme  docteur  de  l'Eglise,  ne  trouve 
pas  des  fidèles  qui  s'édifient  sur  lui,  qui  l'écou- 
tent,  qui  reçoivent  ses  enseignements,  et  enfin 
•qui  se  joignent  à  lui  dans  l'unité  vivante  de  la 
foi  el  de  la  communion  ecclésiastique.  Or,  ceux 
■qui  se  tiennent  en  communion  avec  lui,  ce  son 
les  membres  unis  avec  la  tète,  les  successeurs  des 
apôtres  unis  avec  Pierre,  ce  sont  les  membres 
de  la  vraie  Eglise  du  Christ,  qui  ne  font  qu'un 
avec  la  tète  et  par  suite  un  entre  eux.  Où  ils 
sont,  là  est  la  vraie  Eglise  catholique,  dont  l'unité 
forme  lamai'quedistiuctive  la  plus  hauteetla plus 
■éclatante. 

On  a  dit  :  le  Pape  est  infaillible  lorsqu'il  ex- 
prime au  dehors  ce  qui  est  dans  la  conscience  de 
l'Eglise,  et  qu'il  s'en  fait  l'organe.  Cette  condi- 
tion sera  toujours  réalisée.  Jamais  la  chaire 
apostolitpie  n'imposera  à  la  croyance  de  l'Eglise 
universelle  une  décision  dogmatique,  contre 
laquellelesévèques  devraientélever  des  remon- 
trances, par  la  raison  qu'elle  ne  serait  pas  con- 
tenue dans  le  déj>ôt  de  la  foi  et  qu'elle  nuirait  à 
•«elle-ci  ;  non,  ^eiâ  ne  peut  pas  arriver,  et  cela 
n'arrivera  pas.  Celane  s'est  pas  encore  vu,  quoi- 
que le  Siège  apostolique  ait  déjà  rendu  bien  des 
décisions,  et  cela  ne  se  verra  pas,  précisément 

{larce  qu'un  tel  événement  abolirait  l'union  de 
a  tète  avec  les  membres,  anéantirait  l'Eglise, 
i,  I  Cor.,  12,  12, 


ferait  mentir  honteusement  les  promesses  du 
Seigneur,  il  peut  bien  arriver  qu'une  fraction 
du  corps  épiscopal  élève  des  objections  contre 
les  décisions  dogmatiques  prononcées  par  le 
Pape  et  soutenues  par  les  membres  restés  unis  à 
leur  chef,  comme  il  peut  arriver  qu'un  parti 
d'évêques  prenne  nue  attitude  schisrantique  ea 
face  d'un  concile  général,  comme  à  Eplièse,  à 
Chalcédoineet  ailleurs.  Mais  alors  la  question  de 
savoir  où  se  trouve  la  vraie  Eglise  n'est  pas  dif- 
ficile à  résoudre.  Lîbiest  Petriia,  ibi  Erc/e.iiu,  c'est- 
à-dire  où  est  la  tète  avec  les  membres,  là  est  la 
vraie  Elglise;  les  autres  sont  morts,  étant  séparés 
du  corps  vivant  de  l'Eglise,  lis  s'etiorcent  peut- 
être  de  fonder  une  église  humaine  (I),  à  côté  de 
l'Eglise  catholique  divinement  institutéeetcoutre 
elle;  mais  ils  entreprennent  Tiraiiossilile.  La 
branche  détachée  du  tronc  se  dessùilie  ;  ils  ne 
fout  qu'ajouter  un  anneau  de  plus  .à  la  longue 
chaîne  des  scandales  et  des  défections  que 
l'Eiilise  souffre  et  qu'elle  répare  dans  clia^jne 
siècle.  Mais  le  Seigneur  a  prédit  tout  cela,  et 
recouvrant  toujours  de  nouvelles  forces  à  chaque 
perte  qu'elle  fait,  l'Eglise  reprend  sa  route  et 
continue  sa  marche  en  avant. 

Le  Pape  ne  serait  pas  infaillible,  si  l'Eglise  ne 
l'était  pas  (2;;  mais  c'est  le  propre  il'une  tète 
vivante  que  les  membres  lui  soient  unis  intime' 
ment.  Le  l'ape  ne  serait  donc  pas  infaillible  s'il 
n'était  pas  la  tète  ou  le  chef  de  l'Eglise,  chef  qui 
a  reçu  de  Jésus-Christ  sur  l'Iiglise  et  sur  tous  les 
les  évêques  une  autorité  qui  leur  fait  un  devoir 
de  se  tenir  unis  i  lui  dans  l'unité  de  l.i  foi  el 
de  la  communion  ecclésiastique,  comme  .le  fait 
on  les  voit  adhérer  conslainmeul  à  lui  par  le  lieo 
de  cette  double  unité,  et  recoimaitre  leur  [>riipre 
foi  dans  chacune  de  ses  sentenci's  doctrinales; 
car  il  faut  bien  que  la  parole  du  Seigneur  s'ac- 
complisse. Ainsi,  danssesdécisions  dogmatiques, 
le  Pape  est  ce  qu'il  est  el  faiten  vertu  de  la  seule 
nature  de  la  primauté,  il  agit  comme  la  tète 
vivante  d'un  corps  vivant  qui  ne  peut  se  séparer 
de  sa  tête.  Croyant  à  l'institution  divine  de  l'E- 
glise comme  à  sa  durée  indestructible,  c'est  avec 
la  même  certitude  que  nous  devons  croire  à  la 
permanence  invariable  de  son  unité,  laquelle  se 
manifeste  par  la  communauté  de  foi  des  mem- 
bres avec  leur  chef,  et  c'est  précisément  pour 
cette  raison  que  pour  pouvoir  adhérer  aux  déci- 
sions dogmatiques  du  Siège  apostolique,  nooB 
n'avons  pas  à  attendre  l'adhésion  des  membres. 
Celle-ci  se  produira,  par  ce  qu'il  faut  nécessai- 
meut  qu'elle  se  produise,  puisque  les  membres 
doivent  obéissanœ  à  la  tète,  et  que  la  parole  du 
Seigneur  promettant  à  sou  Eglise  une  durée  in- 

1.  nvmanam  conaJur  fnetre  EecUsiam.  Cypr.,  Ep.  52. 

2.  Homanum  Panltficem  ea  in/alMUitate  jioUere,  WO 
divinus  ReJimplor  Ecttesiam  ioam  in  de/iniendadoclnna  iê 
fût   t-nariàus  imiruclam  eue  votuil.  Conc.  Vatlc.  1.  C. 


1378 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


destruclible  ne  peut  être  déjouée  ni  par  la  ruse 
ni  par  la  violence  des  hommes  (1), 

C'est  poui  -luoi  toute  décision  rendue  par  le 
Pape  ne  saurait  procéder  autrement  que  du 
fond  même  de  la  croyance  de  l'Eglise  univer- 
selle. Qu'on  ne  dise  donc  pas  :  Nous  U'!  pourrons 
pas  faire  qu'il  ne  soit  pas  possible  que  le  Pape 
tombe  personne^Uement  dans  l'erreur  et  qu'en- 
suite il  promulv  Je  son  erieur  ex  catedra.  Cette 
dernière  supposition  n'est  plus  possible  après  la 
promesse  du  Seigneur  et  à  cause  de  cette  pro- 
messe. C'est  aussi  une  chose  possible  en  soi  que 
chaque  évêqne  en  parlicuUer  et  par  conséquent 
tous  les  évêques  tombent  dans  l'erreur  et  qu'ils 
la  proclament  en  concile,  et  qu'ainsi  ils  se  sépa- 
rent tous  de  leur  chef  dans  la  foi,  car  ils  sont 
libres;  mais  à  cause  de  la  promesse  que  Notre- 
Seigneur  a  faite  à  l'Eglise  d'une  perpétuelle 
unité,  cela  n'est  plus  possible.  En  soi  il  est  pos- 
sible également  que  chaque  fidèle,  et  partant, 
tous  les  fidèles  dévient  de  la  foi,  et  qu'ainsi  l'E- 
glise cesse  d'exister,  car  leur  foi  est  une  foi  libre; 
mais  après  la  promesse  d'une  durée  perpétuelle 
que  l'Eglise  a  reçue  de  Jésus-Christ,  cela  n'est 
plus  possible.  Sans  porter  préjuilice  à  la  liberté 
humaine.  Dieu  exécute  infailliblemeul  les  des- 
seins qu'il  a  une  fois  arrêtés  ('2).  Loin  de  pou- 
voir déjouer  ses  plans,  la  liberté  est  précisément 
l'instrument  (non  pas  l'instrument  mort)  dont  il 
se  sert  pour  les  mettre  à  exécution. 

Par  la  raison  que  la  vraie  Eglise  ne  sera  ja- 
mais divisée  dans  la  foi,  on  ne  verra  jamais  non 
plus  l'épiscopat  catholique  embrasser  une  hé- 
résie et  se  mettre  en  opposition  avec  le  chef  de 
l'Eglise  (3).  En  ce  sens,  nous  devons  rccoimaître 
que  l'épiscopat  cathohque.  lui  aussi,  est  infail- 
lible, non  pas  d'une  infaillibilité  indépendante 
de  celle  du  chef  de  l'Eglise,  ou  en  opposition 
avec  elle,  mais  d'une  infaillibilité  qui  est  l'etfet 
d'un  seul  et  même  esprit,  l'esprit  de  Jésus-Christ 
qui  agit  perpétuellement  dans  l'Egliseet  enseigne 
la  vérité.  Quant  à  savoir  où  se  trouve  l'épicopat 

1.  Melch.  Can.  I.  c.  V.  5  :  EccUsim  rero  auctorilatem  eam 
nunc  oppelio,  quce  tynodorum  etiam  gtntraltum  oc  summi 
Pontificis  eos.  Hœc  enim  est  una  res  prorsus^  u'  non  différât 
tnullum  inter  Ecclesie  conciliorum  leditijue  Aposlolira  juh- 
cia  ;  propterea  quod  connexa  htrc  et  colUgata  lunt,  qaem' 
admodum    esse  vidi^mus  humanum  corpus  et  caput. 

i.  August.  Buchirid.  c.  97.  Non  supiratus  ab  homini» 
In/irmilate  ownipolentis  tolunta).  De  Sfiirit.  et  lit.  c.  33  : 
Son  vincitur  Dei  votunlas  qua  semper  ini-ir/a  est,  —  Thom. 
Aquin.  Summ.  Theolog.  I.  q.  LXxxiil.  Art.  1  :Deus... 
movmdo  coussiw  roluntarias,  non  auferl,  juin  actionei 
êarum  tint  votuntarioBj  sed  potius  hoc  facit. 

3.  Melcb,  Can.  i.  c.  V.  :  Pondus  conduis  dat  lummi 
Pontificis  auctoriiO^  \quœ  si  desit,  nulli  sunt  satis,  sint  quam- 
libet  plurimi.  A'ec  si  major  pars  Patrum  vere  senliat,  summut 
PontifieT  repugnabit.  Idenim  ad  pecuUarern  Chrislt  pror.urn~ 
tionem  pflinet  xemperque  pertinutt,  ne  Eccleiia  in  factiotia 
duasdivxdatur.  —  De  mémo  Stûttler  (Loc.  theolog  J  130)  : 
Bis  qua  parte  Primas  Ecrlesitg  ttat,  et  E.iscopos  certo  quo- 
cum)ut  nftmtro  tibi  inadificalos  habet,  ibi  vtra  Christ»  EccU- 
«1  Ht. 


catholique,  l'épiscopat  de  la  vraie  Eglise  dci 
Christ,  l'approbation  de  ses  doctrines  par  le  Siéga 
apostolique  tranche  la  question  ;  lu,  en  effet,  oii 
les  membres  sont  en  communion  avec  le  chef, 
là  se  trouve  l'unité  voulue  de  Dieu,  c'est-à-dire 
l'Eghse  catholique.  Ceux  qui  contredisent  le 
Saint-Siège,  ce  sont  les  membres  qui  ne  commu- 
niquent plus  avec  la  tête,  des  t>. anches  séparées 
du  tronc  ;  ils  n'appartiennent  plus  à  l'Eglise  ca- 
tholique, ils  ne  sont  plus  des  membres  légitimes 
de  l'épiscopat  (1).  La  papauté  et  l'épiscopat  sont 
donc  tous  les  deux  les  dépositaires  et  les  dispen- 
sateurs de  l'enseignement  dans  l'Eglise,  mais 
non  pas  sur  le  pied  d'égalité.  Il  appartient  au 
chef  d'enseigner  les  membres  qui  sont  obligés 
d'adhérer  à  ses  enseignements,  mais  non  réci- 
proquement. Voilà  pourquoi  nous  disons  iafail- 
libililé  du  pape,  et  non  infaillibilité  de  l'épis- 
copat. 

{A  suivre.)  D'  Hettinger. 


LÉGISLATION 

Exposition  des  motifs  et  des  principes  qui  ont 
servi  de  base  a  la  loi  relative  a  la  liberté 

DE   L'E.\SEIGNEMEKT  SUPÉRIEUR. 

Les  annales  parlementaires  offrent  peu  d'exem- 
ples d'une  pmposition  plus  longuement  préparée 
et  plus  laborieusement  discutée  que  celle  rela- 
tive à  la  liberté  de  l'enseignement  supérieur.  Ce 
n'est  pas  que  CfS  dispositions  introduisent  un 
droit  nouveau  et  inconnu  parmi  nous;  elles  ne 
sont  que  la  sanction,  quoique  imparfaite,  des 
maximes  antiques  de  l'Eglise  ;  maximes  que 
l'Eglise  a  pratiquées  de  tout  temps^  alors  même 
qu'elle  n'avait  point  à  se  défendre,  comme  au- 
jourd'hui, contre  les  menaces  derimpiétéet  l'as- 
servissement à  la  puissance  laïque  :  mais  la  pro- 
position de  cette  loi  est  devenue  suspecte  à 
certains  esprits,  parce  qu'elle  a  été  énergique- 
ment  réclamée  par  l'épiscopat  français  pendant 
plus  de  cinquante  ans,  et  qu'elle  a  été  vive- 

1.  On  ne  peut  donc  pas  dire  que  la  définition  de  l'in- 
faillibilité du  Siège  apostolique,  proaoncée  par  le  concile 
du  Vatican,  soit  u  une  révolution  religieuse,  d'autant  plus 
«  profonde  qu'il  s'agit  ici  du  t'ondement  destiné  à  porter  et 
«  à  soutenir  la  foi  religieuse  de  l'humanité,  et,  qu'il  la. 
«  place  de  toute  l'Eglise  universelle  dans  l'espace  et  dans 
a  le  temps,  on  substitue  un  seul  homme,  1«.  Pape.  «  Ce 
n'est  pas  l'Eglise  qui  est  le  motif  de  notre  foi,  mais  l'au- 
torité de  Dieu  qui  se  manifeste  ;  ('Eglise  n'est  que  la  fidei 
régula  proxima  qui  nous  propose  la  révélation  divine  à 
croire  :  mais  ceci,  encore,  ce  n'est  pas  toute  l'Eglise  qui 
le  fait,  mais  seulement  l'Egliss  enseignante,  le  Pape  et 
les  évéques.  Or.  le  Pape  et  les  év*'"\ues  ne  se  montrent 
jamais  séparés,  toujours  nous  som>,,e9  conduits  par  toute 
l'Eglise  enseignante,  c'est-ii-dire  par  ré|)iscopat  catho- 
lique uni  avec  le  Pape.  Car  le  Pape,  comme  pape,  non 
comme  homme  isolé,  en  vertu  de  son  plein  pouvoir  et  de 
sa  charge  de  docteur  apostolique,  ne  sera  jamais  que 
l'organe  même  de  l'Eglise,  qui,  tout  entière,  Eglise  en* 
leigoante  et  Eglise  enseignée,  parler*  par  sa  bouche. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


i3T9 


ment  (îésirée  par  l'Eglise  tout  entière,  comme 
nécessaire  à  l'accomplissement  de  sa  mission 
divine. 

En  considération  de  l'immense  intérêt  pra- 
tique qu'elle  offre  à  un  très-grand  nombre  de 
ses  lecteurs,  lu  Semaine  du  Cteryé  a  publié  dans 
son  numéro  du  il  août  courant,  le  texte  officiel 
de  cette  importante  loi,  que  l'Assemblée  natio- 
nale a  délinilivement  adoptée  le  12  juillet  1875, 
après  lui  avoir  fait  subir  l'épreuve  des  trois  lec- 
tures. El  aujourd'hui  nous  commençons  à  pu- 
blier le  résumé  de  tons  !es  débats  qui  ont  eu 
lieu  à  chacune  de  ces  trois  lectures,  dans  le  but 
de  donner,  par  une  analyse  bien  complète,  le 
meilleur  commentaire  qui  se  puisse  faire  de  cette 
nouvelle  loi.  Par  ce  moyen  nos  lecteurs  trouve- 
ront réuni  tout  ce  qui  a  été  dit  di!  plus  impor- 
tant sur  ce  grand  sujet,  et  ils  pourront  s'y 
reporter  toutes  les  fuis  qu'ils  en  auront  besoin. 

Cependant,  avant  d'exposer  les  motifs  et  les 
principi'S  qui  ont  servi  de  base  à  cette  loi,  il  est 
peut-être  utile  de  rappeler  que  sa  propositiou  à 
l'Assemblée  nationale  a  eu  lieu  dans  la  séance 
du  81  juillet  1871 .  C'est  à  M.  le  comte  Jaubert, 
de  regretliible  et  regrettée  mémoire,  qu'eu  est 
due  la  noble  initiative,  quoi(iu'il  eût  soin  de 
déclarer  que  ce  qu'il  apportait  n'était  pas  une 
idéeàlui,  mais  qu'il  s'agissait  du  projet  élaboré 
par  la  commission  extra-parlementaire,  sous  la 
présidence  de  M.  Guizol,  instituée  le  1"  mar* 
4870,  par  M.  Segris,  ministre  île  l'Empire. 

M.  Edouard  Laboulaye,  président  et  rappor- 
teur àla^foisdela  commission  instituée  par  l'As- 
semblée nationale,  pour  étudier  cette  proposi- 
tion et  pour  en  faire  une  loi,  a  déposé,  dans  la 
séance  du  21  juillet  1873,  son  remarquable  rap- 
port sur  le  bureau  du  président  de  l'Assemblée. 

Toutefois  la  première  délibération  n'a  été 
appelée  à  l'ordre  du  jour  de  l'Assemblée  natio- 
nale que  le  jeudi,  3  décembre  1874. 

L'honorable  M.  le  comte  Jaubert  était  alors 
absent  de  Versailles;  il  était  dans  lemidi,  à  Mont- 
pellier, où  il  est  mort  deux  jours  après  le  com- 
mencemeut  de  la  discussion  de  son  projet,  c'est- 
à-dire  le  3  décembre  1874. 

Selon  les  usages  parlementaires,  la  discussion 
est  ouverte,  dans  la  séance  du  3  décembre,  par 
un  membre  de  l'opposition.  C'est  à  M.  Paul 
Bert  qu'appartient  cet  honneur  par  ordre  d'ins- 
cription des  orateurs.  Il  aborde  la  question  en 
déclarant  que  peut-être  il  trouvera  occasion  de 
prouver  qu'on  s';  ~j[  exagéré  des  deux  parts  tout 
à  la  fois  les  bieuiaits  qu'on  peut  retirer  de  cette 
loi,  et  les  dangers  qu'elle  peut  préseuter.  Il  lait 
un  amer  réquisitoire  contre  les  gouvernements 
qui  se  sont  succédés  en  France  depuis  la  cons- 
titution déiinilive  de  l'Université  ea  1808,  au 
sujet  d'un  certain  nombre  de  professeurs,  éloi- 
gnés et  privés  de  leurs  fonctions  à  cause  des 


opinions  qu'ils  avaient  manife^^tées  dans  leurs 
cours.  Il  se  voit  forcé  à  admettre  que  ces  déplo- 
rables faits  n'auraieut  pu  se  répéter  si  la  France 
s'était  trouvée  dès  lors  sous  le  régime  de  la 
liberté  d'enseignement. 

Il  observe  que  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  seu- 
lement que  la  question  de  la  liberté  de  l'ensei- 
gnement supérieur  se  pose  :  il  prétend  qu'elle 
s'est  présentéfî  avec  la  révolution  de  1789.  C'est 
dans  la  déclaration  des  droits  de  l'homme, 
ajoute-t-il,  que  la  Convention  a  proclamé,  pour 
la  première  fois,  la  liberté  d'enseignemen*.  Aussi 
il  se  déclare  favorable  à  cette  liberté  qu'il  recon- 
naît a  être  de  droit  naturel.  »  Mais  il  veut  autre 
chose;  «nous  sommes  prêts,  dit-il, à  nous  asso- 
cier à  vous  pour  la  liberté  de  l'enseignement 
supérieur,  si  vous  nous  donnez  en  même  temps 
la  liberté  de  réunion  et  d'association,  la  liberté 
de  la  presse,  la  liberté  de  la  parole  et  l'exercice 
de  toutes  les  autres  libertés.  » 

Il  reconnaît  que  l'Univer-ité  mérite  la  plupart 
des  graves  reproches  que  ses  alversaires  lui 
adressent,  et  il  faitun  triste  tableau  de  l'état  dans 
lequel  se  trouvent,  môme  à  Paris,  lesbibliothé- 
queSj  les  laboratoires  et  les  collectious  des  éta- 
blissements afl'ectés  à  l'instruction  publique. 

A  son  avis  la  liberté  d'enseignement  est  en 
exercice  en  Allemagne,  quoiqu'elle  ne  soit  pas 
proclamée  dans  ses  lois. 

Tout  en  désirant  la  décentralisation  de  l'ensei- 
gnement dans  le  sens  du  système  suivi  dans  les 
universités  de  l'Allemagne,  et  ainsi  la  création 
chez  nous  de  nouvelles  universités,  il  craïut  que 
la  liberté  reconnue  dans  lette  proposition  de  loi 
n'amène  des  résultats  fâcheux  et  fort  regretta- 
bles. Il  croit  que  la  concurrence  entre  des  éta- 
blissements opposés,  qui  auront  prospectus 
contre  prospectus,  programmes  d'études  contre 
programmes  d'études,  amènera  des  résultats  fort 
divers,  et  des  conflits  nuisibb's  entre  les  deux 
groupes  de  Français  séparés  dès  les  bancs  de 
l'école.  Il  craint  enfln  que  la  concurrence  ne 
produise  un  fâcheux  abaissement  daus  le  niveau 
des  éludes,  déjà  malheureusement  fort  abaiS' 
secs. 

M.  Laboulaye,  remplaçant  M.  Bert  à  la  tri- 
bune, approuve  entièrement  ce  que  ce  dernier  a 
dit  sur  le  triste  état  de  nos  établissements  d'ms- 
truction  publique,  et  sur  l'enseignement  offi- 
ciel. Jl  déclare  cependant  que  si  l'enseignement 
abaissé  chez  nous  ce  n'est  pas  par  faute  du  per- 
sonnel enseignant;  celte  faute  réside  unique- 
ment dans  le  défaut,  que  tout  le  monde  recon- 
naît, des  moyens  matériels. 

Il  observe  que  la  liberté  d'enseignement  dans 
les  universités  de  l'Allemagne  est  moins  réelle 
qu'on  ne  suppose  ;  elle  est  tout  au  plus  relative  à 
la  liberté  scientifique  jusqu'à  un  certain  di'gré  ; 
mais  cela  tient  à  des  conditions  toutes  paiticu- 


1380 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


lières:  à  la  divisLin  de  l'Allemagne  en  étals 
distincts. 

La  réforme  des  éludes  dans  les  écoles  de  1  Etat, 
que  M.  iîert  désirerait  introduire  en  France, 
M  Laboulaye  ne  ";roit  nullement  qu'elle  puisse 
se  lier  au  vole  de  la  liberté  d'enseij,'ueraent 
au  profit  de  tout  le  monde.  Le  jour,  où 
l'Etat  accordera  la  liberté  aux  autres,  ce 
jour-là  il  s'affranchira  et  il  conquerra  sa  pro- 
pre libesté.  L'unité  que  nous  voulons,  dil-il,  ce 
n'est  pas  une  unité  matérielle,  une  barre  de  fer; 
c'est  une  unité  d'harmonie  à  laquelle  on  arrive 
par  la  diversité,  une  unité  qui  s'obtient  entre 
hommes  qui  cherchent  également  la  vérité  et 
dont  chacun  va  au  même  but  par  des  voies  dif- 
férentes. Voilà  ce  que  nous  désirons,  et  c'est 
pour  cela  que  nous  demandons  la  liberté  de 
î'enseitrnement. 

M.  Beaussire  succède  à  M.  Laboulaye.  Il  ne 
vient  non  plus  lui  à  contester  le  principe  de  la 
liberté  de  l'enseignement  supérieur.  II  appelle, 
au  contraire,  de  tous  ses  vœux  cette  liberté  fé- 
conde. U  reconnaît,  avecriioûorable  rapporteur 
de  ce  projet  de  loi,  que  la  liberté  sera  pour  l'Uni- 
versité un  stimulant  utile  :  c'est  de  la  liberté 
principale  qu'on  doit  attendre  les  réformes  pro- 
fitables dans  l'enseignemeut  officiel.  Aussi,  il 
déclare  accepter  le  principe  de  la  loi  en  discus- 
sion :  j'accepte,  dit-il,  toutes  les  dispositions  qui 
ont  pour  objet  de  faciliter  l'ouverture  de  confé- 
rences libres,  de  cours  libres,  de  facultés  libres, 
d'universités  libres.  Toutefois,  il  craint  que  la 
loi  proposée  ne  favorise  certaines  associations  au 
détriment  d'autres  associations,  ce  qui,  à  soq 
avis,  remettrait  un  nouveau  privilège  à  la  place 
de  l'ancien,  ou  ferait  partager  le  monopole 
universitaire,  au  lieu  de  le  détruire.  11  désire 
que  la  en  dation  des  grades  soit  conservée  à  l'Etat, 
et  qu'elle  reste  un  acte  de  la  puissance  publique. 
Il  dit  que  l'Etat,  renonçant  au  monopole  de  l'en- 
seignement, doit  se  réserver,  dans  l'intérêt  de 
la  science  et  de  la  liberté  même,  le  droit  de  la 
collation  des  grades,  qui  seuls  ont  donné,  jus- 
qu'ici, l'entrée  de  toutes  les  professions  libé- 
rales. 

Mgr  Dupanloup,  évêque  d'Orléans,  en  mon- 
tant à  la  tribune  dans  la  séance  du  6  décembre, 
dé<;lare  que  le  clergé  ue  veut  qu'une  chose, 
aider,  pour  sa  part,  à  relever  les  forces  intel- 
lectuelles lie  In  Franco  par  l'émuiation  et  la 
concurrence.  i\  observe  (ju'eu  parlant  et  agis- 
sant ainsi  le  clergé  estsim|)lcmeut  lidèlo  à  lui- 
même  et  à  son  passé,  car  enfin,  iju'est-ce  qui 
a  crée  en  France  et  eu  Europe  l'en.seignemont 
supérieur,  l'enseignement  public,  les  univer- 
eités?  Le  clergé  seul,  l'Eglise.  «  L'Eglise  !  dit- 
il,  il  en  a  été  pour  elle  des  lettres,  des  scicoces 
et  des  universités  comme  de  la  charité,  des 
ctililissemeuts  de  bienfaisance  et  du  défriche- 


ment des  terres  incultes.  Nos  papes  et  nns  évê»' 
ques,  de  concert  avec  nos  vieux  rois,  voilà  ceuT. 
qui  ont  été  les  fondateurs  des  universités  de 
Fiance.  Et  d'accord  avec  eux,  les  peuples  chré- 
tiens, entraînés  dans  ce  vif  éla'>  que  l'Eglise 
i.'nprimait  à  la  science,  ont  libepiilement  doté 
les  universités  fondées  par  nns  pape^  et  nos 
évoques.»  Il  expose  qu'avant  la  Ptévoiulion  on 
avait  fondé  en  France  vingt-trois  universités 
liiires  et  indépendantes  les  unes  des  autres,  et 
indépenilantesdu  gouvernement  dans  la  mesure 
convenable;  elles  se  gouvernaient,  s'adminis- 
traient elles-mêmes;  elles  avaient  leurs  statuts 
propres,  leurs  bâtiments  à  elles,  leurs  biens 
indépendants,  leurs  professeurs,  leurs  conseil- 
lers, leurs  recteurs,  leur  esjirit,  sachant  allier 
le  respect  nécessaire  de  l'autorité  des  traditions 
avec  le  sentiment  du  progrès;  demandaut  à  la 
lilicrté  et  à  l'autonomie  ce  qu'en  général  on 
est  beaucoup  trop  porté  à  attendre  «le  la  seule 
puissance  de  l'Etat;  rivalisant  de  zèle  dans  la 
composition  du  personnel  enseignant,  dans  le 
choix  des  méthodes,  dans  le  régime  des  études, 
dans  la  rédaction  des  programmes;  répandant 
partout  une  généreuse  et  féconde  émulation; 
fertilisant  le  sol  autour  d'elles,  et  couvrant  la 
France  de  collèges  où  venaient  des  écoliers 
innombrables,  plus  nombreux  même  à  la  veille 
de  1789,  avec  les  vingt-quatre  millions  d'habi- 
tants que  possédait  alors  la  France,  qu'aujour- 
d'hui avec  ses  trente-six  millons  d'habitants. 

Avec  son  éloquence  habituelle,  il  Ûétrit  ce 
qu'a  fait  la  Révolution  en  mal,  et  puis  il  ajoute: 
«  Je  vi^ms  vous  indiquer,  messieurs,  en  quel- 
ques traits  rapides  et  absolument  inattaquables, 
ce  que  l'Eglise  avait  fait  pour  l'enseignement, 
et  ce  que  la  révolution  en  fit.  La  religion  et  la 
liberté  avaient  tout  créé;  la  tyrannie  révolution- 
n;uie  et  l'impiété  ont  tout  détruit.  Ce  fut  un 
immense  malheur.  Mais  leprojetdeloi  qui  vous 
e.<t  présenté  est  un  projet  réparateur  dans  les 
plus  hautes  régions  de  Fenseignemeat,  c'est 
P'>uniaoi  je  l'adopte,  et  j'espère  que  vous  l'adop 
ferez  aussi.  » 

A  ce  point  de  son  éloquent  discours,  Mgr 
Dupauloup  se  demande  qu'est-ce  que  l'ensei- 
gnement supérieur?  «  C'est,  dit-il,  si  je  sais 
bien  leiléfinir,  le  savoir  humain  dans  sa  dignité 
la  plus  haute;  c'est,  par  conséquent,  la  plua 
liaule  éducation,  la  plus  haute  culture  de  l'in- 
telligence humaine;  c'est,  par  conséquent,  la 
forme  la  plus  distinguée,  l'expression  la  plus 
.«olide  et  la  pins  brillante  de  la  civilisation 
intellectuelle  d'un  pays.  Et  s'il  ."aut  délinirplus 
précisément  i'en.seignement  supérieur,  ce  sous 
d'abord  les  lettres,  dans  ce  qu'elles  ont  de  plus 
noble,  de  plus  élevé  et  de  plus  exquis,  et,  je 
l'ajouterai,  de  plus  religieux  et  de  plus  civili- 
sateur;  les  leiti-es  qui  renferment,   avec  les 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


I33f 


lilléiL-lures  anciennes  et  moderne^,  l'élude  des 
langues,  de  li  pliilosopUie,  de  l'histoire  et  de 
cette  géograpiiie  qu'on  nous  accuse  tant  de  ne 
pas  savoir  as-cr  Ce  sontencoio  les  sciences;  les 
sciences  si  belles  en  elles-mêmes  et  dans  leurs 
grandes  théories,  et  si  fécondes  en  inventions 
et  en  applications  de  toutes  sortes  à  l'industrie, 
à  l'açricnlture  et  au  commerce,  n  II  explique 
en  même  temps  pourquoi  une  large  et  forte 
oriçaaisalion  de  l'enseignement  supérieur  est 
surtout  nécessaire  dans  une  sociéié  à  tendances 
démocraliques  comme  la  nôtre.  Plu^  les  bases 
de  la  société  s'élargissent,  s'il  peut  ainsi  dire, 
plus  il  importe  que  les  sommets  ne  baissent  pas. 
La  véritable  égalité  n'est  pas  celle  qui  passe 
un  niveau  grossier  et  barbare  sur  toute  supé- 
riorité et  toute  f^randeur,  mais  celle  qui  permet 
atout  ce  qui  est  noble  et  généreux  de  se  pro- 
duire, de  s'épanouir  et  de  monter. 

En  Unissant  son  discours  il  ajoute  :  «  Sauf  de 
rares  exceptious,  il  n'y  a  qu'une  voix  pour  dire 
que  la  libertii  est  le  seul  remède  eflicace,  sinon 
immédiat,  certain  du  moins,  aux  maux  que 
nous  dé|dorons  tous.  La  liberté  donnera  à  l'en- 
seigoement  lui-même  plus  de  vie,  lui  ouvrira 
des  horizons  nouveaux,  lui  suscitera  des  mé- 
thodes nouvelles,  des  proférés  nouveaux,  une 
originalité,  une  fécondité  qui  n'appartiennent 
qa'à  elle,  et  dos  secours  inattendus.  » 

«  Vous  n'avez  pa-;  de  locaux,  vos  bibliothè- 
ques, vos  cabinets  £cieutifi(iues,  vos  laboratoires 
souffrent,  l'argent  vous  mancjue?  La  liberté 
vous  eu  donnera  commi;  elle  eu  a  donné  aux 
vinjjt-trois  universités  libres  et  iadépendanles 
que  la  révolution  a  détruites.  Vous  n'avez  pas 
d'élèves,  les  ministres  et  les  professeurs  s'en 
plaignent.  La  liberté  vous  en  donnera,  comme 
elle  en  a  donné  aux  cent  collégfs  libres  que  la 
loi  di;  IX.")0  a  suscités  tout  à  coup  parmi  nous. 
Ces  collèges  sont  8ni(ui's,[ieuplés,  remplis  d'une 
florissaute  jeunesse,  et  vos  lycées  n'en  n'ont  pas 
s')utïerl;  vous  en  ave::  créés  de  nouveaux.  C'est 
que  la  libiulé,  l'émulation,  c'est  la  vie,  c'est  la 
fiamme  créatrice. 

«  Vo'is  n'avez  pas  de  professeurs  ;  vous  vous 
en  plaignez.  Eh  bien,  la  lib  rte  vous  en  don- 
nera comme  elle  en  avait  donné  autrefois  à  nos 
anciennes  universités,  comme  elle  en  a  donné 
récemment  à  renseigrioment  secondaire,  l'armi 
ces  professeurs,  il  y  aura  sans  doute  des  ecclé- 
siastiques ;  et  quel  malheur  s'ils  enseignent 
bien?  Non,  Messieurs,  ne  coupez  pas,  renouez 
plutôt  la  noble  et  antique  alliance,  toujours  né- 
cessaire e'  léconde,  entre  la  religion  et  les 
lettres,  eh.re  le  génie  et  la  foi.  » 

M.  Challamel-Lacour  remplace  Mgr  Dupan- 
loup  à  la  tribune.  11  déclare  aussitôt  qu'il  votera 
îoutre  ce  projet  de  loi,  parce  qu'il  ne  croit  pas  à 
cette  liberté,  et  parce  qu'il  lui  parait  fort  étrange 


qu'une  prétention  inconniie  àTancienne  France, 
que  les  juristes,  les  juriconsultes  et  les  hommes 
d'Etat  de  la  monarchie  ont  presque  unanime- 
meat  considérée  comme  diaraétrainrnent  con- 
traire aux  bases  de  notre  droit  pubhe;  qu'une 
prétention,  qui  paraissait  absolument  fausse  à 
des  esprits  tels  que  Royer-GoUard,  soit  tout  à 
coup  passée  à  l'état  d'axiome  et  érigée  en 
principe  indiscutable. 

C'est  par  une  haine  profonde  contre  l'église 
catholique  qu'il  parle  et  qu'il  votera.  Il  renon- 
cerait, peut-être,  à  toutes  les  autres  libertés  à 
condition  que  celle  relative  à  l'enseignement 
supérieur  ne  fût  pas  consentie.  Il  déclare  qu'en 
accueillant  dans  des  éLiblissements  spéciaux 
des  jeunes  élèves  tout  préparés,  en  les  soumet- 
tant à  une  discipline  spéciale,  à  un  régime 
savamment  combiné,  en  les  protégeant  contre 
toutes  les  inQuences  sociale?,  on  veut,  dans 
ces  universités,  dans  ces  futurs  médecins,  dans 
ces  futurs  avocats,  dans  ces  futurs  magistrats, 
préparer  des  auxiliaires  à  l'esprit  catholique, 
il  craint  que  sortis  de  là,  ils  ne  se  répandent 
dans  la  société,  et  que,  dans  leurs  carrières 
diverses,  ils  ne  mettent  au  service  de  l'esprit 
catholique,  dont  ils  auront  été  pénétrés,  aa 
service  de  l'Eglise  à  laquelle  ils  devront  tout 
ce  qu'ils  sont,  toutes  les  ressources,  tous  les 
moyens  d'action  que  leur  fourniront  leurs  pro- 
fessions mèmi^s.  Ils  ne  se  contenteront  plus,  dit- 
il,  d'être  croyants,  ils  seront  des  zélateurs,  ils 
seront  des  apôtres.  On  pourra,  il  est  vrai,  s'en 
féliciter  beaucoup  ;  (pianl  à  lui  il  en  a  peur,  il 
en  est  épouvanté.  Cal  à  regret  sûrement  qu'il 
est  forcé  de  déclarer  qu'il  n'est  nuUentent  pos- 
sible de  douter  que  dans  les  universités  catho- 
licjues  la  stdence  ne  soit  sincèrement  étudiée, 
qu'elle  n'y  soit  sincèrement  enseignée,  a  II  n'y 
a  nul  doute,  dit-il,  que  la  médecine,  le  droit, 
les  humanités  et  les  sciences  n'y  soient  pro- 
fessés avec  une  rare  supériorité,  n  II  admet  que 
le  cierge  en  général  et  le  clergé  catholiqna 
en  particulier  a  un  don  d'en^f^lgnement  que 
tout  le  monde  admire.  Et  mal^Té  ce  témoi- 
gnage, aussi  juste  que  mérite,  M.  Challemel- 
Lacour  ose  ajouter  qu'il  repousse  cette  loi  de 
liberté,  parce  que  l'Eglise  catholique  devrait  en 
proûter,  parce  que  la  liberté  lui  serait  utile,  et 
parce  que  l'intérêt  de  l'Eglise  catholique  lui 
parait  seul  en  question,  et  non  celui  des  lettres, 
des  sciences,    de  la  [«hilosophie  et  de  l'histoire. 

M.  Laboulaye  moule  aus-itôt  à  la  tribune 
pour  déclarer  qu'en  écoutant  't  liscours  pas- 
sionné de  M.  Challemel-l^acour.  A  a  pensé  in- 
volontairement à  une  ftiiTole  de  Burke ,  le 
grand  orateur  anglais.  Parvenu  à  la  fin  de  sa 
longue  carrière  et  résumant  sa  vie  tout  entière 
dans  une  phrase,  Burke  disait:  «J'ai  toujours 
défendu  la  liberté  des  autres.  »  C'est  la  devise 


1381 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


du  vrai  libéral.  Demamler,  au  contraire,  la  li- 
berté pour  soi  et  la  refasi;r  aux  autres,  c'est 
la  délinitiou  du  despotisme.  Il  lui  parait  évi- 
dent que  la  liberté  protitera  à  tout  le  monde,  et 
que,  la  liberté  donnée  à  l'enseignement,  il  n'y 
aura  ni  vainqueurs  ni  vaincus.  Après  avoir 
ajouté  que,  quand  on  demande  la  liberté,  on 
entend  répondre  :  vous  travaillez  pour  l'Eglise 
catholique,  elle  seule  en  profilera,  sans  que 
l'on  donne  la  démonstration  de  cette  assertion, 
à  la  fois  absurde  et  malveillante,  il  conclut 
son  discours  par  cette  éloquente  apostrophe  ; 
«Comment!  vous  dites  à  des  hommes:  vous 
n'aurez  pas  le  droit  de  parler  ;  vous  êtes  peut- 
être  la  majorité  de  la  France,  mais  vous  vous 
tairez;  nous  aurons  l'enseignement  officiel!  Et 
c'est  ainsi  que  vous  entendez  la  réconciliation  1 
Non,  il  n'y  a  qu'un  moyen  de  réconcilialioa 
possible  pour  les  partis:  c'esl  d'apprendre  à  se 
connaître  par  la  pratique  commune  et  sincère 
de  la  liberté.» 

Dans  la  séance  du  5  décembre,  M.  Chevan- 
dier  se  r^illie  entièrement  aux  paroles  et  aux 
idées  de  M.  Cliallemel-Lacour.  Il  est  contraire 
à  la  loi,  parce  que  si  M.  le  comie  Jaubert  avait 
su  qu'en  proposant  la  liberté  de  l'enseignement 
supérieur,  il  allait  donner  la  liberté  aux  libres- 
penseurs  .l'ouvrir  des  écoles,  bien  certainement 
il  ne  l'eût  point  fait,  tandis  que  toute  sa 
préoccupation  était  d'augmenter  les  forces  du 
clergé  catholique.  Traçant  ensuite  l'historique 
de  la  question,  il  rappelle  qu'elle  fut  agitée  au 
sénat  sous  l'Empire,  et  que  ce  régime  lui-même 
jugea  cette  liberté  de  l'enseignement  dan- 
gereuse et  contraire  aux  prérogatives  de  l'Etat. 
Reprenant  le  rapport  de  M.  Laboulaye,  il  y 
trouve  beaucoup  à  blâmer.  Il  parle  longue- 
ment des  facultés  catholiques  en  Belgique,  et 
de  la  liberté  d'enseignement  en  Amérique. 
Mais,  au  milieu  de  toutes  ses  divagations,  il 
est  précieux  de  constater  la  déclaration  qu'il  a 
bien  voulu  faire  dans  les  termes  suivants: 
«  Que  Mgr  Dupanloup  me  permette  de  lui  dire 
qu'il  s'est  mépris  sans  doute  sur  le  sens  des 
paroles  de  M.  Bert.  Quand  notre  honorable 
collègue  a  dit  qu'on  a  le  droit  d'enseigner  tout 
ce  qui  est  démontrable,  il  n'a  eu  en  vue  que  les 
matières  qui  sont  du  domaine  de  la  critique. 
Jamais  U  n'a  entendu  faire  invasion  sur  le  do- 
maine de  la  morale.  » 

Mgr  Dupanloup  revient  à  la  tribune  pour 
déclarer  que  le  discours  de  M.  Cballemel-Lacour 
est  un  réquisitoire  passionné,  le  procès  de 
l'Eglise  catholique;  oui  le  jugement,  la  con- 
damnation de  l'Eglise  catholique,  du  clergé 
catholique,  de  tous  les  catholiques.  Il  ajoute 
que,  quand  des  adversaires,  guand  un  parti  en 
sont  là,  il  ne  leur  reste  pas  assez  de  générosité, 
il  ne  dira  pas  de  loyauté,  ne  voulant  pas  se 


servir  de  ce  mot,  pour  faire  des  lois,  parcequ'ib 
n'éprouvent  pius  ce  sentiment  généreux  qui 
cherche,  dan^  le  droit  commun,  dans  la  liberté 
commune,  l'alliance  de  tous  les  hommes  pour  le 
bien  du  pays,  et,  alors  surtout  qu'il  s'agit  de 
l'éducation  de  la  jeunesse,  c'est-à-dire  de  ce  que 
la  France  a  de  plus  cher  au  monde. 

M.  Bardonx,  appelé  par  ordre  d'inscription  à 
la  tribune,  dit  qu'au  milieu  de  louti's  les  crises 
sociales,  politiques  l't  religieuses  qui,  depuis  la 
lin  du  siècle  dernier,  menacent  la  société,  il  n'y 
a  qu'une  solution,  c'est  la  solution  libérale, 
(l'est  purce  qu'il  croit  à  la  solution  libérale, 
qu'il  demande  qu'on  veuille  voter  le  principe 
de  la  liberté  de  l'enseignement  supérieur.  Nous 
n'avons  qu'un  but,  njoutet-il,  c'est  la  grandeur 
intellectuelle  et  morale  de  notre  pays.  Ce  but, 
personne  ne  l'a  désigné  à  nos  efforts  et  en 
termes  plus  éloquf^nts,  que  l'illustre  président 
de  la  commission  extra-pailemonlaire  chargée 
de  préparer,  eu  1870,  la  proposition  de  loi  qui 
nous  est  soumise. 

Il  observe  que  concilier  la  liberté  qu'on 
demande  avec  l'esprit  de  la  civilisation  fran- 
çaise, tel  est  le  problème  à  résoudre.  Nos 
prédécesseurs  l'ont  déjà  résolu,  sauf  des  amélio- 
rations à  introduire,  pour  l'instruction  primaire 
et  secondaire.  Le  problème  est  posé  aujourd'hui 
pour  l'instruction  supérieure.  Il  lui  semble 
qu'une  grande  confusion  existe  dans  certains 
esprits,  et  que  l'on  ne  s'entend  pas  sur  un  point 
essentiel.  Il  veut  faire  allusion  à  la  notion  des 
devoirs,  des  limites  et  du  rôle  de  l'Etat  moderne 
en  matière  d'enseignement  et  de  collation  de 
grades.  Le  projet  en  discussion  se  divise  en  deux 
parties  principales  :  l'uue  concède  et  organise 
la  liberté  de  l'enseignement  supérieur,  l'autre 
accorde  comme  conséquence,  a^vecquelqui's con- 
ditions, la  collation  des  grades.  Il  voudrait  bien 
distinguer  les  prémisses  de  la  conséquence  et 
établir  bien  nettement  en  matière  semblable 
quels  sont  les  principes.  Il  est  certain  que  lors- 
qu'on sera  d'accord  sur  ces  principes,  le  vote  de 
l'assemblée  sera  plus  éclairé.  A  son  avis,  le  droit 
d'enseigner  n'est  pas,  de  son  essence,  propre  à 
l'Etat  :  ce  droit  est  une  manifestation  de  la 
liberté  de  conscience.  L'Etat  moderne,  en  fait 
d'enseignement,  n'est  pas  souverain  ;  il  ne  doit 
être  qu'un  protecteur  et  qu'un  guide.  La  con- 
science prime  l'Etal  en  matière  d'enseignement, 
et  avant  tout,  la  liberté  appartient  au  père  da 
famille,  qui  a  le  droit  de  choisir  entre  les  divers 
régimes  d'enseignement  auxquels  il  vcut  confier 
son  enfant.  Voilà  le  principe  selon  M.  Bardoux. 
L'Etat  ne  doit  intervenir  que  comme  surveillant 
d'une  part,  et,  de  l'autre,  pour  suppléer  ou  à 
findigence  du  père  de  famille,  ou  à  sa  négli- 
gence, ou  enfin  à  l'insuffisance  des  moyensgéné- 
raux  d'instruclion.Tel  estle  rôle  très-netde  l'Etal. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1383 


M.  Bardoux  demande  quel  est,  au  contraire, 
le  rôh  de  l'Etat,  quand  il  s'agit  de  la  collation 
des  grades?  Asoa  avis,  il  est  tuut  autre.  On  nu 
doit  pus  oublier,  en  efTet,  que,  daus  la  société 
française,  le  diplôme,  le  litre  n'est  pas  simple- 
ment un  signe  lionorilique.  Dans  notre  organi- 
sation sociale,  le  diplôme  ouvre  la  porte  de  cer- 
taines cari  iéres  libérales,  qui  ne  sont  pas  entière- 
ment libres  ;  le  diplôme  est,  aussi,  une  condition 
nécessaire  à  l'admission  dans  certaines  fonctions 
de  l'Etat.  Qu'est-ce  donc  que  l'Etat  quand 
il  s'agit  de  la  collation  des  grades?  M.  Bardoux 
pense  que  l'Etat  est  une  sorte  de  juridiction,  de 
tribunal,  et  il  délègue  à  des  professeurs  qu'il 
connaît,  qu'il  nomme,  qu'il  surveille,  qu'il  ré- 
voque au  besoin,  cette  portion  du  pouvoir 
socia'.  C'est  un  véritable  droit  régalien. 

Ainsi,  d''ine  part,  liberté  de  l'enseignement, 
liberté  pour  tous,  liiicrlé,  non  pas  seulement, 
comme  on  le  disait,  pour  des  corporations  reli- 
gieus''S  puissante*,  riches,  nombreuses,  mais 
liberté  pour  tout  citoyen  qui  se  sera  soumis  aux 
lois,  et  qui  aura  les  c-i  parités  nécessaires  exigées 
dans  tous  Is  pays  libres.  11  ajoute  que  c'est  un 
sentiment  de  justice, de  respect  de  la  conscience 
qui  le  déterminent  à  vi)ter  le  principe  de  la  liberté 
de  l'enseignement  supérieur.  Mais  en  cela  «je 
vais  très-loin,  dit-il,  je  reconnais  que  ce  n'est  pas 
seulement  à  des  corporations  ou  congrégations 
ou  à  des  associations,  et  en  vue  de  la  création 
d'universités,  que  le  principe  doit  être  concédé  ; 
je  suis  heureux  d'une  conquête,  d'une  conquête 
sérieuse,  celle  de  la  liberté  des  cours.  »  Selon 
M.  Bardoux,  les  cours  isolés  SDut,  en  effet,  dans 
le  sens  élevé  du  mot,  le  véritable  enseignement 
de  la  science  pour  la  science;  ils  n'ont  pas 
pour  but  de  cotifércr  des  grades  et  des  diplômes. 
Les  cours  sont  et  seront  souvent  le  refuge  des 
esprits  supérieurs,  qui,  ne  s'élant  pas  enrégi- 
mentés dans  une  association  quelconque,  vien- 
dront, obéisssaut  à  leurs  inspirations  honnêtes 
et  droites,  faire  faire  un  pas  assuré  à  la  science, 
en-dehors  des  méthodes  reçues  et  des  lieux 
communs.  Tant  que  le  cours  n'est  pas  une 
provocation  ou  un  appel  aux  mauvaises  pas- 
sions, il  ne  doit  pas  y  être  fait  obstacle. 

Après  la  proclamation  de  ces  principes, 
l'assemblée  prononce  la  clôture  de  ladiscussion, 
en  première  lecture,  et  décide,  par  531  votes 
pour,  et  124,  contre,  sur  655  volants,  qu'elle 
passera  à  une  seconde  délibération. 


{A  suivre.) 


PniLiPPE  Carréri. 


Les    Erreurs     moderne» 


Lft   DÉWIOCRATIE  ET   LE  CATHOLICISME 

(G«  article.) 

La  première  clisse  à  faire,  nous  l'avons  dit, 
pour  amener  l'abolition  de  l'esclavage,  était  de 
changer  les  idées  et  les  doctrines  qui  régnaient 
dans  les  intelligences.  Et  c'est  ce  que  l'Église  a 
fait.  Mais  ce  n'était  que  le  premier  pas  ;  elle  ne 
se  contenta  pas  d'émettre  des  doctriops  géné- 
rales, elle  travailla  à  les  appliquer.  Ne  pouvant 
briser  tout  d'abord  les  chaînes  des  esclaves,  elle 
commença  par  adoucir  leur  sort.  On  sait  avec 
quelle  ciuauté  féroce  ces  malheureux  étaient 
traités  par  leurs  maîtres  païens,  qui  avaient  sur 
eux  le  ilroit  de  vie  et  de  mort.  Celui-ci,  comme 
Quinfus  Flaminius,  tuait  un  esclave  an  milieu 
d'un  festin  par  manière  de  passe-temps;  celui-là, 
comme  Védius  :Follion,  en  jetait  un  aux  murè- 
nes pour  le  crime  énorme  d'avoir  brisé  une 
coupe  par  mégarde.  Le  fouet  était  la  punition 
habituelle  des  moindres  fautes.  Mais  écoutons 
saint  Paul  :  o  Maîtres,  s'écrie-l-il,  ne  conduisez 
pas  vos  esclaves  par  la  terreur  et  la  menace, 
sachant  que  vous  avez  les  uns  et  les  autres 
un  Maître  commun  dans  le  ciel,  devant  lequel 
il  n'y  a  point  d'acception  de  personnes  (1).  »  Qui 
ne  connaît  la  touchante  épîlredu  grand  apôtre 
à  Philémon  en  faveur  d'un  pauvre  esclave?  Ani- 
mée de  cet  esprit  généreux,  l'Eglise  mit  tout 
en  œuvre  pour  adoucir  le  sort  de  ces  malheu- 
reux. Les  conciles  sont  remplis  de  prescriptions 
à  cet  égard.  Ceux  d'Epaone  et  de  Worms,  par 
exemple,  excommunient  et  soumettent  à  une 
pénitence  de  deux  années  le  maître  qui,  de  son 
autorité  privée,  aura  ôté  la  vie  à  son  esclave. 
Un  concile  d'Orléans  ordonne  que  si  un  esclave, 
coupable  de  quelque  faute,  cherche  un  refuge 
dans  une  église,  on  ne  le  rende  à  son  maître 
qu'après  le  serment  qu'il  ne  lui  sera  fait  aucun 
mal;  si  le  maître  ne  tient  pas  son  serment,  qu'il 
soit  excommunié.  La  sollicitude  de  l'Eglise  va 
jusqu'à  défendre  qu'on  coupe  les  cheveux  aux 
esclaves  ;  ce  qui  était  alors  une  marque  d'igno- 
minie. 

Mais  améliorer  n'était  point  assez  pour  elle  : 
elle  voulait  abolir  une  institution  qui  dégradait 
l'humanité.  Sa  doctrine  île  l'égalité  de  tous  les 
hommes  devant  Dieu,  en  se  répandant,  prépa- 
rait les  esprits;  la  charité  chrétienne  disposait 
les  âmes.  Les  sociétés  ne  sauraient  rester  tou- 
jours dans  un  état  contraire  aux  idées  qui  les 
out  une  fois  pénétrées.  Et  l'Eglise,  du  reste, 
agissait  directement  et  pratiquement  dans  le 
but  d'amener  graduellement  l'émancipatioa 
générale.  «  La  loi  divine  parut  sur  la  terre, 
écrit  le  comte  de  Maistre  ;  tout  de  suite  elle  s'en> 


1384 


LA  SEMAINE  DD  CLEr.GÉ 


para  du  ceetir  de  l'hrmme,  et  le  changea  d'iino 
manière  faite  pour  exciter  radœir.-itii.n  étcr- 
Dclle  (le  tout  véritable  observateur.  La  religion 
cotnmenra  surtout  à  travailler  sans  relâche  à 
l'abolition  de  l'esclavage;  chose  qu'aucune 
autre  religion,  aucun  législateur,  aucun  philo- 
sophe n'avait  osé  entreprendre  ni  même  rêver. 
Le  christianisme,  qui  aj;issait  divinement,  agis- 
saitparla  même  raison  lentement...  11  livra 
donc,  un  combat  continuel  à  l'esclavage,  agis- 
sant tantôt  ici  et  tantôt  là,  d'une  manière  ou 
d'une  autre,  mais  sans  jamais  se  lasser  (1).  » 

L'Eglise  travailla  d'abord  à  propager  et  à 
étendre  partout  le  rachat  des  esclaves  et  des 
captifs,  en  Europe,  en  Asie  et  en  Afrique.  Dès 
les  premiers  temps  de  son  existence,  elle  déploya 
à  cet  égard  son  zèle  et  son  admirable  charité. 
Elle  vendait, à  cet  effet, jusqu'aux  vases  sacrés; 
et  même  «  nous  avons  connu,  dit  le  pape  saint 
Clément,  plusieurs  des  nôtres  qui  se  sont  livrés 
eux-mêmes  en  captivité,  afin  de  racheter  leurs 
frères  (2).  »  Les  conciles  deMàcon,  de  Lyon,  de 
Reims,  ti  nus  au  vi'  et  au  vu"  siècles,  font  foi 
que  le  bien  de  l'Eglise,  et  mé-me  les  vases 
sacrés  étaient  employés  au  rachat  des  esclaves, 
et  on  ne  pouvait  rien  exiger  d'eux  en  retour 
dans  la  suite;  saint  Grégoire  le  Grandie  défend 
expressément  (3).  Qui  ne  sait  que  plus  tard  des 
ordres  religieux  furent  fondés  pour  racheter  les 
captifs?  Les  philanthropes  des  Etats-Unis  dédai- 
gnent de  s'asseoir  à  côté  de  leurs  esclaves  affran- 
chis; les  religieux  de  la  Merci  baisaùent  leurs 
chaînes,  et  pour  les  racheter  s'exposaient  à  tout, 
à  l'esclavage  et  à  la  mort. 

Nous  ne  pouvons  indiquer  ici  tout  ce  qu'a 
fait  l'Eglise  pour  l'abolition  de  l'esclavage.  Le 
concile  de  Lyon,  célébré  au  milieu  du  vi'  siècle, 
frappe  d'excommunication  ceux  qui  retiennent 
en  esclavage  des  personnes  libres.  Celui  de 
Reims,  de  l'an  623,  excommunie  également  ceux 
qui  cherchent  à  réduire  les  personnes  libres  ea 
esclavage.  Celui  de  Coblentz,  tenu  en  922,  va 
jusqu'à  déclarer  coupable  d'homicide  celui 
qui  séduit  quelqu'un  pour  le  vendre  comme 
esclave.  Il  est  tléfendu,  sous  les  peines  les  plus 
sévères,  par  les  conciles  de  Tulêile,  de  Maçon,  de 
Reims,  etc.,  de  vendre  aux  juils  et  aux  païens 
des  esclaves  chrétiens.  Un  concile  de  Londres, 
célébré  en  1102,  s'élève  avec  force  contre  la 
coutume  de  trafiquer  des  homme?,  coutume 
alors  très-commune  en  Angleterre.  Et  le  concile 
d'Armagh,  en  Irlande,  donne  la  liberté  à  tous 
les  esclaves  anglais  que  cette  coutume  barbare 
a  amenés  dans  le  royaume. 

L'esclavage,  chacun  le  sait,  était  regardé 
comme  le  dernier  degré  de  la  dégradation  hu- 

1.  De  Maistre,  DuPapt,  1.  III,  C.  0. 

2.  Lettre  aux  Car. 
S.  L.  V31,  Epiit.  XIV. 


maine,  et  il  pn  était  aivisi  surtout  dans  !e  monde 
païen.  L'Eg'ise  travailla  à  relever  les  csi-laves  à 
leurs  yeux  et  à  ceux  des  autres.  Elle  le  fit  d'abord 
parla  propagation  i!e  sa  doctrine  de  l'égalité  de 
tous  les  hommes  devant  Dieu.  En  seoonit  lieu, 
elle  reçut  les  esclaves,  comme  les  autres,  dans 
ses  monastères  :  or  l'état  religieux  était  regardé 
tomme  une  condition  aussi  honorable  que 
sainte.  Eu  troisième  lieu,  elle  les  éleva  jus- 
qu'au sacerdoce,  après  avoir  amené  leuraflran- 
ehissement.  Enfin,  elle  entoura  leur  mariage 
de  la  dignité  qui  lui  convient  comme  à  celui 
de  l'homme  lilire.  Leur  union  n'était  pas  re- 
gardée comme  un  véritable  mariage,  et  cette 
union,  telle  quelle,  ue  pouvait  être  contractée 
rans  le  consentement  des  maîtres,  sous  peine 
de  nullité.  L'Eulise  repoussa  avec  énergie  une 
pareille  doctrine.  Ecoutons,  par  exemple,  le 
pape  Adrien  I"  :  «  Selon  les  paroles  de  l'Apôtre, 
de  même  qu'en  Jésus-Christ  on  ne  doit  écarter 
des  sacrements  de  l'Eglise  ni  l'homme  libre, 
ni  l'esclave,  de  même,  il  n'est  permis,  en  au- 
cune manière,  d'empêcher  les  mariages  entre 
esclaves.  Que  si  ces  mariages  ont  été  contractés 
malgré  l'oiiposition  des  maîtres,  néanmoins  ils 
ne  doivent  pas  être  dissous  en  aucune  fa- 
çon (1)  ». 

En  1 167,  le  pape  Alexandre  III  déclara  solen- 
nellement, en  plein  concile,  que  tous  les  chré- 
tiens doivent  être  exempts  de  la  servitude. 
<:  Cette  loi  seule,  dit  avec  raison  Voltaire,  doit 
rendre  sa  mémoire  chère  à  tous  les  peuples.  » 
Dès  lors  l'esclavage  disparut  peu  à  peu  de  l'Eu- 
rope. Les  colonies  seules  et  les  nations  non 
chrétiennes  restèrent  souillées  de  cette  lèpre, 
et  la  traite  des  noirs  occupe  encore  l'Europe. 
Or,  relativement  à  ce  dernier  point,  l'Eglise 
s'en  occupa  dès  le  xv''  siècle,  par  l'organe  du 
pape  Pie  II,  qui,  dans  une  lettre  à  un  évèque 
parlant  pour  la  Guinée,  lui  recommanda  de 
s'opposer  énergiquement  aux  Européens  qui 
réduisent  les  indigènes  en  esclavage.  «  Qui  fut 
le  premier,  s'écrie  Balmès,  à  élever  la  voix 
contre  une  aussi  horrible  barbarie?  Ce  ne  fut 
point  la  politique,  qui  se  réjouissait  peut-être 
de  consolider  ses  conquêtes  par  la  servitude; 
ce  ne  fut  point  le  commerce,  qui  trouvait  dans 
ce  trafic  infâme  de  honteux  mais  abondants 
profits;  ce  ne  fut  pas  non  plus  la  philosophie, 
qui,  tout  entière  à  commenter  les  doctrines  de  il 
l'iaton  et  d'Aristote,  aurait  vu  peut-être  sans  f^ 
peine  ressusciter  la  dégradante  théorie  des 
races  nées  pour  l'esclavage  :  ce  fut  la  religion 
catholique,  s'exprimant  pab  la  buuohe  du  vi- 
caire de  Jésus-Christ.  C'est  assurément  pour 
les  catholiques  un  spectacle  consolant  de  voir 
un  pontife  de  Rome  condamner,  il  y  a  déjà 

1 .  Balm.  Le  proliil.  compari  au  caihol.  Notes  dei  ch.  XV 
XlXt  i; 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


i38S 


qnatre  siècles,  ce  que  l'Europe,  avec  toute 
sa  civilisation,  ne  condamne  que  dans  le 
nôtre  (1)  ». 

Les  papes,  du  rp?te,  ne  cessèrent  de  s'occu- 
per de  celle  question.  Paul  III  en  1637,  Ur- 
bain VIll  en  1039,  Benoît  XIV  en  1741  et  enfin 
Grégoire  XVI  en  lfa39,  s'élevèrent  avec  énergie 
contre  ce  trafic  infâme.  «  C'est  avec  une  profonde 
douleur  que  nous  le  disons,  écrit  ce  dernier, 
on  a  vu,  même  parmi  les  chrétiens,  des  hommes 
qui,  honteusement  aveuglés  par  le  désir  d'un 
gain  sordide,  n'ont  point  hésité  à  réduire  en 
servitude,  dans  des  contrées  éloignées,  des 
Indiens,  des  noirs  et  autres  races  malheu- 
reuses; ou  bien  à  aider  cet  indigne  forfait  en 
instituant  et  organisant  le  trafic  de  ces  infor- 
tunés, que  d'autres  avaient  chargés  déchaînes. 
Plusieurs  pontifes  romains,  nos  prédécesseurs, 
de  glorieuse  mémoire,  n'oublièrent  point  de 
condamner,  selon  toute  l'étendue  de  leui- 
charge,  la  conduite  de  ces  hommes  comme  oj>- 
posée  à  leur  salut  et  flétrissanle  pour  le  nom 
chrétien.  »  Après  avoir  ludique  ce  qu'ont  fait 
ses  prédécesseurs  à  cet  ég;ird,  l'illustre  pontife 
flétrit  lui-même  énergiquement  la  traité  des 
noirs,  et  défend  à  tous  d'enseigner  qu'elle  soit 
jamais  licite. 

Nous  pouvons  maintenant  conclure.  Il  n'-snlte 
de  tout  ce  que  nous  avons  dit,  que  l'Eglise  ca- 
tholique, relativement  à  la  question  que  nous 
■venons  d'examiner,  est  enlièremeut  inallaqua- 
ble.  Ses  doctrines,  sacon.luile.son  langage  ont 
été  ce  qu'ils  devaient  être.  C'est  à  elle,  c'est  à 
ses  doctrines  généreuses,  c'est  à  sa  manière 
d'agir,  que  l'on  dod  la  chute  de  celte  institu- 
tion antique,  puissanle,  universelle  de  l'escla- 
vage. Ki  la  politique,  ni  les  religions  fausses, 
ni  la  philosophie  indépemlaiile  ne  songeaient 
à  la  renverser.  C'^st  le  christianisme  qui  l'a 
minée,  qui  l'a  affaiblie,  qui  l'a  jetée  par  terre. 
Si  cela  n'est  pas  arrivé  plus  tôt,  c'est  que  la 
politique  avait  intérêt  à  la  conserver;  c'est  à 
elle  qu'il  faut  s'en  prendre.  Et  si,  aujourd'hui 
encore,  resclavage  n'est  pas  partout  aboli,  c'est 
la  politi(iue,  c'est  le  commerce,  c'est  l'inlerèt, 
c|est  l'amour  du  lucre  qui  le  mainliennent,  et 
c'est  l'Eglise  qui  cherche  à  l'adoucir,  à  civili- 
ser les  nègres,  à  en  faire  des  hommes  et  des 
chrétiens.  El  pourquoi  nos  démocrates  ne  vont- 
ils  pas  l'aider  dans  cette  œuvre?  Pourquoi  ne 
les  voit-on  pas  avec  nos  missionnaires,  avec 
nos  frères  enseignants,  avec  nos  religieuses, 
dans  la  Nigritie  et  aillvars,  travailler  à  ins- 
truire et  à  régénérer  ces  peuples  dégradés  ?  Ils 
ont  véritablement  bonne  grâce  à  étaler  leurs 
exigences,  et  il  leur  sied  bien  de  s'attaquer  à 
l'Eglise  qui  prodigue,  à  ces  races  malheureuses, 
ses  travaux,  ses  sueurs  et  son  sang?  Que  ne 
,   i.  D*  eoni.  MO».  1.  lY,  c.  I. 


vont-ils  porter  sur  ces  plages  lointaines  quel- 
que chose  de  celte  belle  ardeur  qui  les  anime 
ici  pour  la  ré;;,éuération  de  l'humanité  ?  Ils 
sont  si  habiles  à  renverser  parmi  nous!  Que  ne 
vont-ils  là-bas  renverser  ce  qui  ne  doit  pas 
être? 

Au  resta,  la  démocratie  est-elle  donc  si  im- 
maculée? N'a-t-elle  rien  sur  la  conscience.  Les 
horreurs  de  toute  sorte  delà  grande  révohitiou 
française  ne  pèsent-elles  pas  sur  elle?  Quelle 
invasion  violente  et  sanglante  d'uue  classe  plus 
avide  que  préparée  I  Quelle  suite  perpétuelle, 
depuis  cette  époque,  de  révolutions  sans  fin,  qui 
usent  la  vie  de  la  France  et  finiront  par  la  faire 
mourir!  Combien  déraisons  d'être  modeste! 

Cien  loin  de  s'attaquer  à  la  reli;4ion,  la  dé- 
mocratie devrait  comprendre  qu'elle  a  grand 
besoin  au  contraire,  de  s'unir  à  elle.  Cette 
union  contribuerait  à  lui  donner  ce  b;st  qui  lui 
manque,  cet  esprit  conservateur  qu'elle  n  a  pas 
a:"j..z.  Son  premier  devoir  est  de  laisser  à 
^E^ll5e  toute  sa  liberté.  On  ne  gouverne  pas 
le.5  peuples  sans  religion.  Et  la  démocratie  a 
plus  mauvaise  grâce  encore  quo  tout  autre  gou- 
vernement à  coulisquer  la  lil.erté.  elle  qui  en 
a  toujours  le  nom  sur  les  lèvres.  Elle  doit  aussi 
laisser  à  l'Eglise,  en  France,  tous  ses  droits 
acquis.  Elle  ne  passe  pas,  sous  ce  rapport,  pour 
être  très-scrupuleuse  ;  (ju'.dle  laisse  au  chris- 
tianisme tous  ses  moyens  d'action;  ce  sera 
travailler  à  la  régénération  de  la  France. 

L'abbé  Desohges. 


REVUE  DES  SCIENCES 

1.  AnCnioLOGiE  :  Description  des  collier?  d'esclaves. 
Un  colii.r  de  ctiien  de  berger,  vei.geur  des  liquida- 
tion iiulieniies.  —  2.  Abrostation  :  Catastroptie  du 
Zéailh.  Etiets  physi!  logiques  de  la  décoinfiression. 
Influence  mèciiu  que  de  la  dépression.  Moyens  pro- 
posés pour  prévenir  l'asphyxie.  Limite  des  altitudes 
supportables.  —  3.  JItgib.nb  :  Le  rinçage  des  bou- 
teilles. Grenaille  de  plomb,  grenaille  (le  1er.  Dangers 
des  usiensiles  de  plomb.  Procédé  pour  recountSlra 
la  présence  du  plomb  dans  les  ôtamages. 

Plusieurs  abonnés  de  la  Semaine  du  Clergé, 
ne  voyant  plus  paraître  notre  Revue  mensuelle 
des  Sciences,  nous  ont  écrit  pour  nous  en  expri- 
mer leur  regret,  ajoutant  avec  une  encoura- 
geante bienveillance  qu'ils  l'avaient  toujours  lue 
avec  intérêt.  Malgré  notre  vil  désir,  il  nous  a 
été  impossible  de  la  reprendre  plus  tôt;  mais 
nous  espérons  bien  qu'à  l'avenir  elle  ne  subira 
plus  pareille  interruption. 

1.  Tous  nos  lecteurs  connaissent  M.  de  Rossi, 
le  célèbre  archéologue  romain.  Or,  l'an  dernier, 
tandis  que  le  gouvernement  envahisseur  ache- 
vait son  œuvre  de  spoliation  des  biens  de  l'église 
de  Rome,  M.  de  Kussi  taisait  uae  trouvaiUs 


î?"? 


LA  SEMAINE  DU  CLEP.CÊ 


très-petite  en  soi,  mais  qui  constitue  une  nou- 
velle et  importante  preuve  de  la  haute  antiquité 
du  domaine  ecclésiastique. 

Celle  trouvaille  est  un  simple  collier  de  chien. 
Nous  rappellerons  à  cette  occasion  qu'avant  le 
chrislianistne,  il  n'y  avait  pas  que  les  chiens  qui 
porlassent  des  colliers;  on  en  mettait  aussi 
au  cou  des  esclaves  qui  avaient  l'habitude  de 
s'enfuir.  Ces  colliers  d'esclaves  sont  trèi-connus 
à  Rome,  où  l'on  en  a  trouvé  beaucoup  dans  les 
fouilles.  Ils  sont  formés  d'une  chaiiiette  ou  d'an 
anneau  de  bronze.  La  chaiuette  portait,  scellée, 
une  plaque  destinée  à  l'inscription  ;  parfois  aussi 
l'inscription  était  gravée  en  légende  sur  l'anneau. 
Cette  inscription  variait  peu  ;  elle  était  géné- 
ralement conçue  en  ces  termes  : 

TENE.  ME.  QUIA.  FUGIO.ET.  REVOCA.  AD.DOMINUM... 

C'est-à-dire  :  «  Appréhendez-moi,  car  j'ai  l'habi- 
tude de  m'enfuir,  et  ramenez-moi  à  mon  maî- 
tre    Suivait  l'indication    du  nom  et  de  la 

demeure  du  maitre.  Voilà  comment  le  paga- 
nisme, que  la  libre-pensée  d'aujourd'hui  admire 
et  voudrait  ramener,  traitait  l'homme  jusqu'au 
temps  où  l'Eglise  du  Christ,  ayant  renversé  le 
paganisme  par  sa  vertu  intime,  fit  tomber  ces 
ignobles  colliers  du  cou  des  esclaves  et  leur  res- 
titua leur  titre  de  frères  des  hommes  libres. 

Revenons  au  collier  de  chien  découvert  par 
M.  de  Rossi.  Ce  collier  est  tout  à  fait  pareil  aux 
colliers  d'esclaves  que  nous  venons  de  décrire. 
Mais  ce  n'est  pas  cela  qui  le  rend  [larticuliére- 
ment  intéressant,  car  on  eu  avait  déjà  trouvé 
plusieurs  semblables.  L'importance  de  ce  collier 
consiste  en  ce  qu'il  porte  le  monoiîramme  du 
Christ,  avec  l'indication  que  le  chien  apparte- 
nait à  l'administration  des  troui'eaux  de  la 
basilique  deSaint-Paul.  Voici,  en  effet,  l'inscrip- 
tion qui  se  trouve  gravée  sur  une  tablette  de 
bronze  suspendue  au  collier  : 

AD.  BASILICA.  APOS 

TOLI.  PAULI.  ET 

DDD.     NNN. 

FELICISSIMI.  PECOR. 

Ad  basiUca{m)  aposloli  Pauli  et  trium  domi- 
norum  nostrorum  Felicissimi  pecor  (arii). 

Or,  écoutons  M.  de  Rossi  nous  expliquer  lui- 
même  ce  que  nous  apprend  et  ce  que  confirme 
sa  découverte  : 

!i  Le  monument  n'est  pas  seulement  un  objet 
très-rare,  dit-il,  mais  une  pièce  trè<-précieuse 
en  histoire.  La  basilique  de  la  voie  d'Ostie, 
appelée  apostoli  Pauli  et  trium  dominai  uni  nos- 
trorum, nous  reporte  aux  premiers  temps  de  sa 
construction,  quand  vivaient  les  trois  augustes 
(Gratien,  Valentinieu  II  et  Théodose  le  Grand) 
qui  en  ordonnèrent  la  conslructicn,  l'an  386, 
dont  l'un  Valentinieu  11,  mourut  en  31*2;  ou, 


au  plus  tard,  auxan^ies  de  Théodose,  Arcadius 
et  Honorius  régnant  ensemble  de  39.'}  à  31)3,  qui 
en  continuèrent  la  fabrique,  depuis  achetée  par 
Honorius  seul.  Theodorius  cœpit,  perfecit  Hono- 
rius aul'im,  doctoris  mundi  "icmiam  corpore 
Pauli,  dit  l'inscription  monumentale  que  nous 
voyous  encore  en  mosnïque  au  sommet  de  l'arc 
triomphal  de  la  basilique.  Notre  tablette  est 
donc  un  monument  historique  couhrmant  la 
notice  reçue  de  la  religieuse  et  maguitique 
entreprise  dps  trois  Augustes  en  l'honneur  du 
sépulcre  de  l'Apôtre.  En  outre,  c'est  la  confir- 
mation de  ce  fait  que  ladite  basilique  était  déjîi, 
dans  le  iv°  siècle,  dotée  de  biens  ruraux, 
puisqu'elle  possédait  du  bétail,  et  qu'à  son 
patrimoine  appartenaient  des  troupeaux  et  des 
beruers. 

(i  La  date  de  cette  tablette  ainsi  fixée  dans  la 
limite  du  décennal  de  386  à  395,  son  importance 
me  paraît  considérable  pour  l'histoire  du  patri- 
moine de  la  basilique  de  l'Apotre  Le  livre 
pontifical,  dans  la  Vie  de  saint  Sylvestre,  enre- 
gistre des  fonds  très-nombreux  assignés  par 
Constantin  aux  basiliques  romaines,  et  eu  particu- 
lier à  celles  des  deux  apôtres  Pierre  et  Paul.  Les 
documents  historiques  de  la  libéralité  de  Cons- 
tantin envers  les  églises  de  tout  l'empire  rendent 
facilement  croyable  et  persuadent  la  vérité  de 
cette  riche  dotation  faite  à  l'Eglise  rom  line  par 
le  premier  empereur  chrétien.  Quelques-uus 
cependant,  refusant  d'ajouter  foi  à  ce  ([ui  est 
consigné  à  cet  égard  dans  le  livre  pontifical,  et 
soupçonnant  ce  livre  d'avoir  attribué  une  origine 
trop  ancieiinne  au  patrimoine  des  basiliques 
romaines,  au  v'  siècle,  et  aux  suivants,  tout 
indice  certain  de  leurs  possessions  au  iv"  siècle 
est  pour  nous  d'un  grand  prix.  Les  grottes 
vaticanes  nous  en  oflfrent  du  reste  un  monument 
très-insii^ne. 

«  Une  pierre  gravée,  dont  la  troisième  partie 
environ  est  seulement  venue  jusqu'à  mms,  nous 
fait  lire  une  loi  impériale  qui,  au  nom  des  droits 
divin  et  humain,  défond  toute  aliénai  ion  des 
fonds  destinés  sacris  ministeriis  atque  mysteriis 
(v.  Dioysii  crypt.  vat.  p.  65,  tab.  xxvii,  2). 
Dans  le  recueil  des  inscriptions  chrétiennes,  je 
démontrerai  que  cette  loi  a  été  promulguée 
entre  38!  et  392;  et  j  établirai  sa  relation 
directe  avec  le  patrimoine  antérieurement  cons- 
titué de  la  basilique  vaticane.  Ainsi,  l'humble 
tablette  du  collier  d'uu  chien  de  beri.;er,  et  une 
loi  impériale  gravée  solenneUement  sur  la 
pierre,  attestent  dans  le  même  femps  les  très- 
anciennes  origines  de  ce  patrimoine  de  l'Eglise 
romaine,  qui,  maintenu  en  grande  partie  à  tra- 
vers seize  siècles  et  mille  vicissitudes  jusqu'à  ces 
derniers  jours,  est  à  présent  vendu  aux  enchère» 
et  mis  en  liquidation  sous  nos  yeux.  Je  n'ai 
jamais  fait  allusion  dans  mou  Bulkttino  aux 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1337 


bouleversctncnlspo'itiqr.es  contemporains;  mais 
cette  allusion  par  laquelle  je  conclus  cette 
dissertation  archéologique  re-sorlail  si  ioexora- 
blement  de  mon  sujet  que  c'eut  été  une  honte 
pour  moi  de  l'omettre,  o  {Bulletin  d'archéologie 
chrétienne,  11°  cahier  trimestriel,  1874.) 

N'y  a-t  ii  pas  Je  quoi  ailmiiei-  i^-'i!  Un  simple 
collier  de  cliien  d«  berger  élevé  à  la  dignité  de 
monument  historique,  et  venant  après  quinze 
siècles  dé|ioser  contre  les  ennemis  de  la  propriété 
ecclésiiistique! 

Le  gouvernement  usurpateur,  en  dépouillant 
l'Ejilise  comme  il  le  fait,  au  mépris  des  droits 
divin  et  humain,  ne  peut  ignorer  qu'il  accomplit 
une  œuvre  abominable  et  sacrilège  ;  mais  esclaviî 
volontaire  de  la  liévolution,  il  s'est  lais-é  passer 
au  cou  le  collier  des  eselaves,  et  il  faut  qu'il 
marche,  qu'il  avance  toujouis,  qu'il  aille  au 
fond.  Qu'il  y  aille  donc  !  La  pensée  que  les  gou- 
vernements ne  sont  pas  immortels,  comme  les 
droits  divin  et  humain,  nous  donne  de  la  patience 
et  soutient  notre  courage. 

2.  Quoique  la  catastrophe  du  ballon  le 
Zénith  soit  déjà  bien  ancienne  en  tant  que  fait 
divers,  nous  en  dirons  cependant  quehiues  mots 
en  tant  que  lait  scientifique. 

Deux  des  trois  aéronautes  du  Zénith,  précisé- 
ment les  deux  victimes,  MM.  Sivel  et  Crocé- 
Spinelli,  avaient  déjà  oiiéré  avec  succès,  l'an 
dernier,  une  ascension  à  une  grande  latitude, 
7,500  mètres.  Ils  avaient  de  plus  expérimenté, 
également  avec  succès,  les  ell'ets  |iliysiologi(iues 
de  la  iléeompression,  au  moyen  de  l'appareil  de 
RI.  Paul  Bert.  Cet  apiiareil  consiste  dans  un 
grand  cylindre  où  des  pompes  (icuveot  entretenir 
un  courant  d'air  à  des  pressions  qu'on  fuit  varier 
à  volonté. 

Or,  ce  sont  justement  ces  expériences  qui,  en 
leur  inspirant  uie  confiance  exagérée,  tout  en 
leur  laisant  pourtant  connaître  le  véritable  état 
dos  choses,  furent  en  partie  cause  du  fatal 
événement. 

M.  Paul  Bert  rapporte  (numéro  des  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences  du  30  mars 
1874),  qu'en  essayant  sur  lui-même  l'eOet  de 
son  appareil,  il  avait  constaté,  à  une  pression 
comprise  entre  45  et  41  centimètres,  correspon- 
dant aux  altitudes  de  4,100  à  5,000  mètres,  qu'il 
éprouvait  un  sentiment  de  lourdeur  et  de  fai- 
blesse, avec  état  nauséeux,  fatigue  de  la  vue, 
indiUérenee  générale  et  paresse  de  l'espiit  diffi- 
cile à  surmonter  -.jusqu'au  point  de  ne  pouvoir 
faire  la  moindre  opération  d'arithmétique.  Il 
avait  remarqué  en  outre,  à  cette  même  pression, 
que  ses  jambes  étaient  prises  de  tremblements 
convulsifs,  que  sa  face  était  congestionnée,  que 
sa  capacité  respiratoire  était  réduite  presque 
d'un  tiers,  que  la  fréquence  du  pouls,  augmentée 


de  plus  de  moitié,  ne  s'abaissait  que  pour  peu 
de  tem[ia  par  chaque  inspiration  d'oxigène, 
laquelle  lui  causait  d'ailleuis  un  éblouissement 
fort  désiisréable. 

Les  deux  victimes  de  l'ascension  du  Zénith 
avaient  expérimenté  ces  mêmes  effets.  M.  Paul 
Bert  dit  à  leur  occasion  dans  le  mémoire 
précité  : 

«  MM.  Crocé-Spinelli  et  Sivel,  qui  ont  voulu 
se  préparer,  dans  mon  appareil,  à  leur  belle 
ascension  du  22  mars  1874,  ont  éprouvé  des 
effets  analogues.  Je  les  ai  amenés  jusqu'à  la 
pression  de  30  centimètres.  M.  Sivel,  homme 
très-robuste,  ne  fut  affecté  qu'au-dessous  de 
40  centimètres,  et  n'éprouva  pas  de  troubles 
sérieux.  M.  Crocé,  beaucoup  plus  faible,  fut 
malade  de  très-bonne  heure  ;  à  30  eenlimèlres, 
il  avait  les  lèvres  bleues  et  l'oreille  droite  pres- 
que noire  :  il  asphyxiait.  Or,  une  seule  inspira- 
lion  d'oxygène  pur  faisait  disparaître  momenta- 
nément ces  symptômes  redoutables;  le  pouls 
tombait,  la  respiration  devenait  libre;  à  un 
moment  où  M.  Crocé  était  devenu  aveugle, 
l'oyxgène  lui  rendit  soudain  la  vue. 

«  Mais  ils  avaient  éprouvé,  comme  moi,  l'ira- 
possibiliié  de  respirer  régulièrement  l'oxygène 
pur;  aussi  leur  donnaije  à  emporter  deux 
mélanges  d'air  et  d'oxygène;  l'un  contenait 
43  0/0  de  gaz  comburant;  l'autre,  à  73  0/0, 
était  réservé  pour  les  plus  grandes  hauteurs. 

«  Sans  l'oxygène,  ces  aéronautes  intrépides 
n'auraient  pas  pu  atteindre  les  régious  uù  ils 
retrouvèrent,  avec  22  degrés  de  froid,  les  30  cen- 
timètres de  pression  qu'ils  avaient  supportés 
dans  mon  appareil.  Sans  oxigène,  M.  Sivel  ne 
pouvait  soulever  les  sacs  de  lest,  ni  M.  Crocé- 
Spinelli  voir  les  raies  du  spectre  qu'il  avait 
mission  d'observer.  Ils  respirèrent  les  mélanges 
sans  éprouver  d'éblonissement.  » 

Ce  n'est  pas  tout,  M.  Paul  Bert  avait  observé 
une  chose  plus  importante  encore,  savoir,  que 
sous  la  cloche  à  expériences,  quand  le  malaise 
commence  à  se  produire,  le  peu  d'oxygène  qui 
reste  à  la  disposition  de  l'organisme  est  employé 
tout  entier  par  le  bulbe  pour  la  respiration,  et 
que  si  l'on  en  distrait  la  plus  petite  partie  pour 
une  contraction  musculaire,  pour  le  plus  léger 
effort,  l'asphyxie  survient  aussitôt. 

Les  choses  étant  ainsi,  que  commandait  la 
prudence?  La  prudence  voulait  que  les  aéro- 
nautes s'attachassent  à  la  bouche  l'appareil  à 
oxygène,  à  peu  près  comme  font  les  plongeurs, 
de  manière  à  n'avoir  à  faire  au^un  eflort  de 
corps  ni  d'esprit  pour  y  trouver  le  complément 
d'oxygène  nécessaire.  Us  ne  le  firent  pas.  Aussi 
lorsque  M.  Tissandier  eut  jeté  les  yeux  sur  le 
baromètre  pour  constater  l'arrivée  du  Zenith  aax 
environs  de  8,000  mètres  d'altitude,  «  soudain, 
dit  M.  Paul  Bert,  racootant  la  catastrophe  à  la 


J3S3 


LA  SEMALNE  Dl  CLERÇÉ 


Société  de  biologie,  il  éprouve  uu  violent  ma- 
laise ;  il  veut  aussilô!  atteindre  le  tube  par  lequel 
il  devait  ;isiiirer  l'oxygène  ;  mais,  par  suite  d'un 
phénomène  sur  lequel  j'ai  déjà  eu  l'occasion 
d'insister  eu  parlant  de  mes  propres  expériences, 
son  bias  se  trouva  comme  paraisse,  et  le  seul 
effort  qu'il  fait  p.,,tr  l'élever  à  la  hauteur  du  tube 
suffit  pour  le  l'aile  rouler  au  foi. d  de  lanncelle.» 

Mais  les  aéronautes  an  Zenith  eussent-ils  pris 
toutes  ces  précaulious,  il  n'est  pas  certain  que 
la  catastrophe  n'aurait  pas  eu  lieu,  tlar  si  les 
expériences  delà  Sorhonue,  ainsi  que  l'ascension 
de  l'un  dernier  ont  pleinement  réussi,  c'est 
parce  qu'elles  n'ont  laissé  durer  que  peu  de 
temps  lus  phénomènes  morbides,  auxquels  le 
retour  au\  pressions  supportables  est  venu  appor- 
ter un  prompt  remède. 

M.  le  docteur  Ed.  Fournier  signale,  dans  la 
Gazette  des  hôpitaux,  une  autre  cause  qui  n'a 
pas  dû  être  sans  une  grande  influence  sur  l'issue 
malheureuse  de  l'ascension  du  Zmith.  «  M.  l'aul 
Bert,  dit-il,  et  avec  lui  les  aéronautes,  paraii-sent 
s'être  préoccupés  exclusivement  de  l'influence 
chimique  de  la  dépreesion  atmosphérique.  Cette 
influence  est  évidemment  incontestable;  mnis 
elle  n'est  pas  la  seule  dont  on  doive  tenir  compte 
en  p;ireil  cas,  puisque  nos  malheureux  aéro- 
nautes s'étaient  muuis  de  ballons  d'uxyt;éne.  et 
que  cela  ne  les  a  pas  empêchés  de  succomber. 
L'influence  mécanique  de  la  dépi'ession,  déjà 
signalée  et  éprouvée  [lar  Gay-Lussac,  doit  provo- 
quer des  troubles  dans  la  constitution  des  tissus 
dont  on  ne  parait  pas  s'être  sullisamment  préoc- 
cupé. 1) 

L'un  de  ces  troubles,  le  plus  grave  de  tous, 
puisque  ses  conséquences  sont  presque  nécessai- 
rement moiielUs,  se  produit  lorsque  la  décom- 
pression est  trop  brusque,  ce  qui  a  lieu  quand 
l'ascensicui  est  trop  rapbîe:  c'est  le  dégagement 
à  l'état  de  bulles  gazeuses  des  éléments  de  l'air, 
dissous  dans  le  sang  proportionnellement  à  la 
pression,  (^es  bulles,arrivées  aux  petits  vaisseaux 
artériels,  arréicut  mécaniquement  le  cours  du 
sang,  et  déteimiiient  l'a.^iiliyxieen  faisant  obsta- 
cle à  la  circulation. 

Telle  paraît  avoir  été  en  eflet  la  principale 
cause  de  la  mort  de  iiM.  Sivel  i.'t  Oocé-Spinelli. 
Car  l'ascension  a  dû  être  d  une  rapidité  eftVayant*' 
au  moment  où  M.  Crocé-Spinelli,  affolé,  a  jeté 
inconsciemment  par-dessus  bord  le  double  aspi- 
lateur  plein  d'eau  destiné  à  faire  passer  l'air 
dans  [es  tubes  analyseurs,  puis  les  couvci  turcs, 
etc»,  c'est-r»  dire  un  poids  d'au  moins  50  kilo- 
gra  iUines.  (.Vuez  M.  Tissaudier,  évanoui,  et  d'un 
tempérament  lymphatique,  la  circulation  étaht 
ralentie,  et  le.*  i^lobules,  par  suite  les  gaz  dissous, 
moins  alx>nda«ts,  la  production  de  cet  accident 
a  t-n  être  eoujuiee,  lainlis  qu'il  n'en  était  pas  de 
m  cmu  cLez  ses  deux  comi^aguons.  Coulrc  ce 


danger,  les  ballonni.ts  d'oxygène,  même  Mis  en 
communication  avec  la  bouche,  ne  peuvent  être 
d'aucun  secours. 

D'antres  causes  encore  ont  sans  doute  aussi 
contriJJiK'  au  fatal  événement,  comme  par 
e.\eiu|ile,  l'extième  abussemeiit  de  latempér.'- 
Uire  de  l'air,  et  rextrème  puissance  des  rayons 
du  soleil  ipii  ne  sont  plus  tamisés  par  la  vapeur 
d'eau  atmosphérique. 

On  s'est  naturellement  beaucoup  occupé 
depuis  à  chercher  les  moyens  d'empêcher  le 
lelour  d'une  aussi  douloureuse  catastrophe. 
Plus  de  cent  systèmes  ont  été  proposés  à  la 
société  d'aérostatiou  française;  mais  aucun  ne 
lui  inspire  de  confiance.  11  avait  d'abord  semblé 
qu'on  pourrait  adapter  aux  aéronautes  l'appareil 
des  plongeurs.  Mais  jus  ju'ici  on  n'y  a  pas  encore 
réussi.  Si  l'on  veut  enfermer  l'aéionaute  tout 
entier,  on  se  condamne  à  construire  un  îippareil 
d"nn  poids  énorme,  puisqu'il  faut  le  rendre 
capable  de  résister  à  la  pression  atmosphérique, 
dont  la  force  est  si  grande  ;  à  quoi  il  fautajouter 
que  l'aéronaute,  devenu  prisonnier,  ne  peut 
plus  guère  se  livrer  aux  observations  scientifi- 
<}ucs.  Si  on  lui  enferme  .«ieulement  la  tête,  la 
décompression  dans  laquelle  se  trouverait  le 
reste  du  corps  y  ferait  promptement  affluer  le 
sang  et  toutes  les  autres  parties  liquides  dt  la 
tête.  Autant  vaudrait  la  lui  couper  tout  de  suite. 
En  présence  de  ces  difficultés,  M.  Faye  a  pro- 
posé à  l'Académie  des  sciences,  qn'i!  fallait 
exiger  des  aéronautes,  au  moins  pour  le  moment, 
l'engagement  de  ne  pas  franchir  l'altitude  de 
7,0U0  mètres,  la  dernière  qui  soit  reconnue 
supportable.  Cette  conduite  parait  d'autant  plus 
raisonnable  à  tenir  que  les  aéronautes,  en  s'éle- 
vant  plus  haut,  exposent  gratuitement  leur  vie, 
puisipi'alors,  même  en  évitant  la  mort,  ils  se 
trouvent  dans  l'impossibilité  de  faire  aucune 
élude  sérieuse. 

3.  L'approche  des  vendanges  donne  de  l'actua- 
lité à  ce  q le  nous  voulons  dire  encore.  Si  le 
bon  Dieu  nous  envoie  du  \iii,  il  convient  de  ne 
pas  l'empoisonner.  C'est  cependant  ce  que  font 
beaucoup  de  personnes,  eu  rinçant  leurs  bou- 
teilles avec  de  la  grenaille  de  plomb.  Un  chi- 
miste distingué,  M.  Fordos,  a  constaté  que  ce 
mode  de  rinçage  dépose  sur  la  paioi  intérieure 
du  verre  une  imperceptible  couche  de  céruse, 
qui  se  dissout  dans  le  via  qu'on  y  met  ensuite. 
M.  Fordos  a  analysé  des  vins  qui  n'avaient  sé- 
journé que  deux  jours  seulement  dans  des  bon- 
teiUes  ainsi  rincées,  et  il  les  a  trouvés  chargés 
d'une  quantité  notable  d'  sel  de  plomb.  Le 
danger  est  bien  plus  grand  lorsqu'il  reste  des 
grains  de  plomb,  ce  qui  n'est  pas  rare,  engagés 
dans  le  pli  du  lond  des  bouteilles.  C'est  de  là  que 
viennent  la  jdnpart  de  ces  maux  d'entrailles, 
dont  ou  cherche  bien  loin  la  cause. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


138» 


Pour  éviter  ce  grave  inconvénient,  M.  Fordos 
remplace  la  grenaille  de  plomb  par  une  ckaiue 
flexible  il'acicr,  ou  mieux  par  de  la  grenaille  de 
fer,  qu'on  obticut  en  coupant  du  gros  fil  de  fer 
en  petits  iiouts  d'un  demi- centimètre.  Par  ce 
dernier  procéilé,  les  bouteilles  sont  mieux  et 
plus  lapideaiHiit  nettoyées  qu'avec  de  la  gre- 
naille deplomo.  b.1  s'il  reste  dans  la  bouteille  un 
peu  d'oxyde  de  1er  ou  même  quelque  grenaille, 
cela  n'a  aucun  inconvénient  pour  la  santé  et 
n'altèic  ni  la  couleur  ni  la  qualité  du  vin.  Si 
tontelois  il  s'agit  de  vin  blanc,  et  qu'on  veuille 
en  conserver  la  couleur  absolument  intacte,  on 
remplace  la  grenaille  de  fer  par  de  la  grenaille 
d'étain,  celle-ci  n'ayant  d'autre  inconvénient  que 
d'être  un  peu  plus  chère. 

Pour  empêcher  l'oxydation  de  la  grenaille  de 
fer  lorsqu'on  ne  s'en  sert  pas,  on  la  met  dans 
une  bouteille  pleine  d'eau  et  bien  bouchée.  La 
conservation  ?<■  l'ait  mieux  encore  si  l'on  ajoute 
à  l'eau  un  peu  de  carbonate  de  soude. 

C'est  l'occasion  d'ajouter  que  l'usage  d'usten- 
siles de  plomb,  pour  la  cuisine,  est  toujours  un 
peu  dangereux;  au  moins  lorsqu'ils  sont  neufs 
ou  nettoyés  à  vif,  car  alors  ils  sont  jibis  sensibles 
et  s'oxydent  plus  aisément.  11  en  est  de  même 
des  tuyaux  de  plomb  qui  servent  à  eon<luire 
l'eau.  Toutefois  ceux-ci,  après  quelque  temps  de 
service,  se  couvrent  à  leur  surface  intérieure 
d'un  enduit  qui  empêche  l'eau  de  les  attaquer, 
et  par  suite  de  s'empoisonner,  en  sorte  que,  de 
leur  fait,  elle  est  à  peu  près  inoti'ensive.  La  pru- 
dence veut  néanmoins  qu'on  laisse  s'écouhr  celle 
qui  a  séjourné  dans  les  tuyaux,  avant  d'en 
recueillir  ce  qu'il  taut  pour  les  besoins  de  l'ali- 
meutation. 

Les  étamages  avec  de  l'étain  mélangé  de  plomb 
«ont  également,  ou  le  comprend,  mallaisants,  et 

{tour  la  même  raison  qui  a  été  donnée  plus  haut, 
ci  l'on  pourrait  être  aisément  trompé  par  la 
Iraude  des  étameurs.  Mais  il  existe  un  moyen 
très-simple  de  constater  la  présence  du  plomb 
dans  un  étainage.  Pour  cela,  on  commence  par 
nettoyer  soigneusement  de  tout  corps  gras  un 
endroit  où  l'ètamage  est  assez  épais,  puis  on  y 
verse  une  goutte  d'acide  azotique,  vulgairement 
eau  forte,  et  l'on  fait  un  peuchautTer.  Une  tache 
pulvérulente  blanche  ne  tarde  pas  à  paraître. 
Alors  on  touche  cette  tache  avec  une  petite 
baguette  oe  verre  trempée  <lans  une  dissolution 
dlodure  de  potassium  à  5  0/0.  Si  la  coloration 
jaune  qui  se  produit  est  très-légère  et  lavée  de 
gris,  la  proportion  de  plomb  est  minime  et  ne 
rend  pas  l'éidmage  insalubre  ;  mais  si  cette  colo- 
ration est  vive,  intense,  c'est  un  signe  que  la 
Froportion  de  plomb  est  considérable  et  que 
étamage  pourrait  amener  des  accidents  toxi- 
ques. P.  b'Hadtebive. 


Biogra  phi» 

DOM    GUÉRANGER 

ABBÉ  LE  SOLESIOES. 

{Sicile.) 
«  Cerles,  quand  il  s'agit  de  l'Ecriture  sainte, 
des  versions  nouvelles,  des  commentaires  à 
publier  sur  ce  texte  divin,  rien  de  plus  sage 
que  la  disposition  souveraine  du  concile  de 
Trente,  qui  soumet  tous  les  travaux  de  cette 
nature  à  la  censure  préalable  de  l'évêque.  Le 
texte  sacré  est  la  propriété  de  l'Egase  entière; 
il  n'e-t  pas  possible  d'y  rien  ajouter,  i,i  d'en 
rien  retrancher.  L'interprétation  de  cette  divine 
parole  appartient  à  l'Eglise  seule  ;  son  texte 
doit  demeurer  sous  la  surveillance  txclusive  des 
évéïjues  qui  en  doivent  compte  à  leur  troupeau 
et  à  t.ute  l'Eglise.  C'est  donc  dans  l'intérêt  de 
la  foi  que  des  limites  ont  été  opposées  au  zèle 
des  [iiètres  et  des  laïques  qui  veulent  livrer  au 
imblie  le  résultat  de  leurs  études  sur  la  parole 
de  Dieu. 

»  Mais  s'agit-il  de  traiter  des  diverses  sciences 
eccli'siaslitjiies,  il  est  iuoui  qu'on  ailprétt'uJu 
que  l'écrivain  qui  publie  des  travaux  sur  de 
telles  matières  méritât  d'être  accusé  d'entre- 
prendre sur  le  droit  des  évèques,  et  de  se  poser 
pour  leur  donner  des  le(;onE.  Assurément, 
quanil  l'autorité  sacrée  de  l'épiscopat  brille 
dans  l'auteur  d'un  livre  de  science  ecclésias- 
tique, ce  livre  acquiert  dès  lors  une  gravité 
toute  i>articulière;  ainsi  aimons-nous  à  vénérer 
la  qualité  de  pontifes  dans  les  tirégoii'o,  les 
Athauase,  les  Chrysostome,  les  Auguetiu  ;  mais 
la  'loctrine  de  vie  n'est  pas  moins  sûre,  ni 
moins  lumineuse  dans  les  Jérôme,  les  Bernard, 
les  Thomas-d'Aquin,  les  Bonaventure.  Depuis 
répo<|ue  des  docteurs  de  l'Eglise  jusqu'au- 
jourd'hui, le  vaste  champ  de  la  science  ecclé- 
siastique a  été  cultivé  par  de  savants  hommes 
en  lesquels  l'orthodoxie  a  brillé  autant  que 
l'érudition  ;  la  majeure  partie  de  ces  écrivains 
appartient  au  clergé  du  second  ordre  ;  mais 
je  ne  sache  pas  que  Bossuet  ait  jamais  rougi 
d'emprunter  à  leurs  lumières  sur  la  controverse, 
ni  que  Benoît  XIV  ait  cru  abdiquer  la  majesté 
de  son  trône  en  interrogeant  tant  de  savants 
canonistes  du  second  ordre  sur  la  manière  dont 
il  devait  non-seulement  gouverner  l'Eglise  de 
Bologne,  comme  archevêque,  mais  aussi  régir 
l'Egli.-e  universelle  comme  Souverain  Pontife. 

Il  Ces  piinei[ies  généraux  sont  applicables  à 
tout  écriL'ain  catholique,  et  je  ne  sais  pas  pour- 
quoi te  dernier  des  jjrêlres  n'ea  réclamerait  pas 
sa  part.  Au  reste,  si  j'ai  cru  pouvoir,  ù  mon 
tour,  écrire  sur  la  liturgie  après  tant  et  de  si 
illustres  prêtres,  les  Mabillon,  les  Le  Brun,  les 
Zaccaria,  et  cette  innombrable  nuée  de  litur-. 


1390 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


gistes,  je  me  suîs  fait  un  devoir,  dès  qu'il  s'est 
agi  de  la  question  pratique,  d'ea  remeltre 
exclusivement  l'application  à  la  prudence  de 
DOS  prélats  (f). 

On  objectait  à  dom  Guérang.ir  le  respect  de 
l'autorité  et  l'on  prétendait  que,  par  égard 
pour  Irf  '  Vendes  gallicans  et  jansénistes  du 
dix-huilièine  siècle,  il  eût  du  se  taire  ;  comme 
si  c'était  manquer  de  respect  à  la  mitre  que  de 
flétrir  Photius  ou  de  condamner  Eusèbe  de 
Césarée.  Dora  Guéranger,  sensible  à  l'objection, 
déclarait  (juc  sou  attache  au  Saint-Siège  était 
la  meilleure  preuve  de  son  respect  pour  l'épis- 
copat  ;  rappelait  le  grand  nombre  d'évèqucs 
du  dix-huitième  siècle  qu'il  avait  comblés  de 
louanges,  les  Fénelon,  les  Bissy,  les  Languet, 
les  Saint-Albin,  les  Parisière,  les  Fume),  les 
Belzunce,  etc;  puis,  abordant  l'objection  de 
front,  opposait  ces  considérations  qu'il  repro- 
duit, à  cause  de  leur  importance,  dans  ses 
deux  lettres  aux  archevêques  de  Reims  et  de 
Toulouse.  Je  les  reproduis  moi-même  ea  les 
abrégeant. 

«  Que  si  les  faits  que  j'ai  rapportés  sont  véri- 
tables, il  n'y  a  que  deux  partis  à  prendre  : 
les  ta>re  par  égard  pour  l'èvèque  défunt,  ou 
les  publier  par  respect  pour  la  vérité  histo- 
rique. 

«  Le  parti  du  silence  n'est  pas  praticable  à  une 
époque  où  chacun  sait  lire,  dans  un  temps  où 
des  intérêts  de  tous  genres  poussent  des  gens 
à  écrire  des  biographies  avec  une  minutieuse 
fidélité.  Pour  moi,  je  déclare  partager  pleine- 
ment les  idées  du  grand  cardinal  Barooius,  qui, 
après  avoir  pesé  les  inconvénients  de  produire 
ou  de  taire  les  mauvaises  actions  de  certains 
Pripes,  jugea  prudent  de  s'exécuter  avec  fran- 
chise, plutôt  que  de  laisser  dire  que  les  historiens 
catholiques,  dont  le  devoir  est  de  démasquer 
tout  mal,  sont  indulgents  pour  les  faiblesses 
de  leurs  Pontifes. 

«  Reste  donc  le  second  parti  qui  consiste  à 
donner,  dans  toute  sa  rigueur,  la  vérité  histo- 
rique, et,  certes,  n'y  a-t-il  pas  une  leçon  bien 
précieuse  à  tirer  de  la  chute  ou  de  l'affainlisse- 
ment  de  ces  colonnes  que  Dieu  a  établies,  mais 
qui  tieiment  de  lui  seul  leur  solidité.  Les  deux 
"Testament?,  écriis  pour  notre  instruction,  nous 
entretiennent,  sans  fausse  pudeur,  des  préva- 
rications commises  sur  le  trône  et  dans  le  sanc- 
tuaire, et  l'Apocalypse  débute  par  la  critique  de 
sept  évèques  ;  afin  que  nous  sachions  que  la 
main  de  Dieu  conduit  son  peuple  et  que  le 
Seigneur  se  glorifie  alternativement  dans  sa 
miséricorde  et  sa  justice. 

«  Je  sais  bien  que  nous  avons,  en  France,  la 
prétention  d'être  le  premier  clergé  du  monde; 
et  que  notre  évêque,   parfois  critiqué  de  son 

1.  PrimUrt  Utiri  i  Mgr  IHéqui  d'Orliam,  p.  22. 


vivant,  devient,  après  sa  mort,  un  bon,  un  saint, 
un  savant,  un  incomparable  prélat.  Il  ne  s'agit- 
pas  i -i  de  cette  question  oi-euse. 

«  Les  monuments  de  l'histoire  sont  entre  nos 
mains  ;  c'est  à  eux  seuls  qu'il  faut  faire  appel. 
L'historien,  surtout  l'historien  ecclésiastique^ 
n'est  d'aucun  diocèse,  et  il  est  d'autant  plus^ 
lidèle  serviteur  de  l'épiscopat  qu'il  est  plus 
attaché  au  Saint-Siège.  La.  question,  je  le 
répète,  est  toute  dans  les  faits.  J'accepte,  dans 
l'occasion,  telle  controverse  qu'on  vouilra  sur 
la  valeur  des  sources  ou  sur  celle  des  faits  eux- 
mêmes  ;  mais  je  persiste  à  dire  que.  les  églises 
de  ces  derniers  temps  étant  aussi  bien  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  que  les  églises  du  quatrième 
siècli\  il  nous  faut  jug^r  les  personnes  et  les 
chuse^  des  années  récentes  absolument  comme 
s'il  s'agissait  d'une  époque  perdue  dans  le  loin- 
tain (les  âges.  I) 

La  question  préalable  vidée,  Guéranger  se 
voyait  attaqué  sur  le  fond,  au  nom  de  la  foi, 
au  nom  de  la  loi  et  au  nom  de  la  science.  La 
question  de  foi  prime  les  autres  ;  c'est  naturel- 
lement par  elle  que  nous  commençons  l'histoire 
de  cette  controverse  qui  sera,  comme  le  disait 
l'abbé  de  Solesmes,«  l'une  des  plus  belles  pages 
des  annales  de  nos  églises  (1). 

Nous  posons  d'abord,  comme  points  de  repère, 
quelques  notes  bibliographiques.  La  première 
attaque  parut  en  1843,  sous  ce  titre  :  L'Eglise 
de  France  injustement  flétrie,  dans  un  ouvrage 
intitulé  :  Institutions  liturgiques,  par  l'arche- 
vêque de  Toulouse.  Par  lettre  circulaire  du 
14  août  18*3,  l'archevêque  de  Paris,  Denis- 
Auguste  Afire  recommande  au  clergé  de  soo 
diocèse  l'écrit  de  son  vénérable  collègue,  dont 
une  seconde  édition,  où  l'on  remarque  des 
corrections  importantes,  fut  donnée  au  mois 
d'octobre  de  la  même  année.  En  1844,  fut 
publiée,  en  réponse  à  cet  ouvrage,  la  Défense 
des  Institutions  liturgiques  par  dom  Guéranger, 
L'Examen  des  Inslitutiom  liturgiques,  [lar  l'évê- 
que  d'Orléans,  porte  la  date  de  1846,  mais  avait 
paru  à  la  fin  de  1845.  En  janvier  1846,  l'èvèque 
de  Langres,  originaire  d«  diocèse  d'Orléans, 
prenait  part  à  la  controverse  par  un  bref  et 
solide  opuscule,  intitulé  :  De  la  question  liturr 
gique,  où  il  prenait  la  défense  de  l'abbé  de 
Solesmes  ;  le  mois  suivant,  10  février  1846, 
l'èvèque  de  Montauban,  Jean-Marie  Doney, 
opinait  dans  le  même  sens,  dans  une  lettra  au 
journal  l'Univers.  Quelques  mois  plus  tard, 
paraissait,  dans  un  senscon'raire,  VExamende 
la  défense  des  iristilutiotis  liturgiques,  et  courte 
réfutation  de  la  lettre  à  M.  l'ai  chevéïjue  de  Reims^ 
par  l'archevêque  de  Toulouse.  Presque  en  même 
temps,  dom  Guéranger  reparaissait  sur  la 
brèche  et  publiait,  coup  sur  coup,  en  1846  et 

1.  /iMl<(u(.  iiluryi}.,  t.  m,  p.  Tl. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


4391 


<847,  ses  trois  lettres  àl'évêque  d'Orléans,  sous 
le  tilre  général  de  Nouvelle  défense  des  institu- 
tions liturgiques.  V.n  184fi,  paraissait  un  nouvel 
cx.unen  des  Institutions  liturgiques ,  sous  ce 
litre  :  /inflexions  d'un  laïque,  par  Philippe 
Guignard.  écrit  piquant  et  tout  à  fait  apolo- 
gétique. En  1H49,  Melchior  Dulac  de  Montvert 
reproduisait  dans  un  livre  intitulé  :  la  Liturgie 
romaine  et  les  liturgies  françaises,  une  foule  de 
détails  historiques  et  stati?ques  sur  la  question. 
En  1851,  l'évèque  de  Montauban  offrait  au 
puhlic,  sur  la  question  liturgique^  de  Nouvelles 
observations  ;ei  en  1832,  l'arch 'véque  de  Reims, 
dans  stïs  Observations  sur  un  mémoire  adressé  à 
Vépisœpat,  rendait,  aux  derniers  adversaires  de 
dom  Guéranger,  les  honneurs,  un  peu  nar- 
quois, d'une  définitive  sépulture.  La  victoire 
était  gagnée,  il  n'y  avait  plus  qu'à  en  recueillir 
les  bénéfices  et  s'en  assurer  les  avantages. 

iMainlenant,  pour  reprendre  les  péripéties  du 
combat,  nous  trouvons,  comme  premier  agres- 
seur, l'archevêque  de  Toulouse,  Paul-David- 
Thérèsfi  d'Astrog,  depuis  cardinal.  Originaire 
de  la  Provence,  cousin  de  Portails  l'Ancien, 
mis  en  prison  comme  vicaire  général  de  Paris 
en  liSI  I,  pour  avoir  servi  d'intermédiaire  à  un 
bref  du  pape,  prisonnier  lui-même  à  Fontai- 
nebleau, depuis  la  restauration  évècjue  de 
Perpignan,  enfin  archevêque  de  la  métropole 
du  Midi,  ce  prélat  était  un  confesseur  de  la  foi, 
un  haidie  administrateur,  et,  au  demeurant  un 
saint  homme.  Uom  Guéranger  pense  que  son 
écrit  fut,  pour  une  bonne  part,  fait  par  d'autres 
mains  que  celles  de  l'auteur;  on  aurait,  pour 
engager  le  prélat  dans  cette  entreprise  malheu- 
reuse, exploité  ses  préjugés  d'éducation  et  ses 
vieilles  sym|ialhics  pour  la  liturgie'  parisienne. 
Enfin,  il  signa  le  livre;  il  en  reste,  devant 
l'histoire,  le  ré[)oudant. 

Certes,  le  vieil  évèque  n'y  va  pas  de  main 
morte.  De  sa  [dume  irritée,  s'échappent,  contre 
l'abbé  lie  Solesmes,  les  notes  à' imprudence,  de 
témérité,  ti'injustice,  d'absurdité,  de  calomnie,  de 
fureur,  de  blasphème,  d'indécence  et  d'obscénité  ; 
il  s'oublie  même  jusqu'à  découvrir,  dans  le 
style  de  dom  Guéranger,  les  caractères  qui  font 
celui  d'un  jeune  impie.  Si  le  vénérable  paladin 
s'était  borné  à  reprocher  des  erreurs  histori- 
ques, le  défaut  de  discernement  dans  l'emploi 
des  autorités,  l'ignorance  des  faits  ou  de  la 
doctrine,  à  la  bonne  heure.  La  profession 
monastique  impose  l'obligation  d'être  probe; 
elle  ne  conière  point  le  privilège  de  ne  pas  se 
tiomper,  pa.  plus  qu'elle  ne  donne  l'heureux 
euuui  de  n'être  attaqué  qu'à  propos.  Mais 
accuser  un  abbe  milré  d'avoir  voulu  flétrir 
l'église  (il  fallait  les  églises)  de  Fiance  et 
d'avoir,  à  cet  effet,  entassé  les  calomnies  les 
plus  odieuses,   les  falsifications  les  plus  gros* 


sières,  et,  pour  le  bouquet,  lui  pronostiquer  la 
fin  malheureuse  de  Lamennais,  c'est  se  donner 
gratuitement  les  torts  qu'on  impute  à  son 
adversaire  et  lui  imposer  la  disgracieuse  néces- 
sité d'une  apologie.  L'archevêque  de  Toulouse 
cessait  de  raisonner  ;  il  posait  plutôt  en  exécu- 
teur dus  hautes  œuvres  de  la  sainte  Eglise. 

Sur  le  fond  des  choses,  dom  Guéranger 
répond  : 

«  L  Dans  le  but  de  ranimer,  du  moins  en 
quelque  chose,  les  traditions  liturgiques  qui  ont 
faibli  chez  nous,  j'ai  pris  la  liberté  de  publier 
un  ouvrage  longuement  élaboré,  dans  lequel 
mon  but  est  uniquement  de  rappeler  les  prin- 
cipes de  tous  les  temps,  les  maximes  de  la  tra- 
dition catholique  sur  le  culie  divin. 

«  Ces  maximes  sont  que  la  liturgie  doit 
tendre  à  l'unité  des  formules;  que  cette  unité 
est  le  vœu  de  l'Eglise;  que  les  Souverains 
Pontifes,  interprètes  de  la  volonté  de  l'Eglise, 
l'ont  recherchée  dans  tous  les  temps  ;  que 
l'obligation,  pour  les  églises  du  Patriarche 
d'Occblent,  d'embrasser  et  de  conserver  la 
liturgie  de  Rome,  est  incontestable. 

«  i\iera-t-on  ces  principes  fondamentaux? 
Ce  serait  donner  un  démenti  à  tous  les  théolo- 
giens et  canonistes  orthodoxes  et  me  faire 
trop  beau  jeu  dans  la  (]uestion. 

«  IL  En  racontant  l'histoire  de  la  liturgie, 
ji!  me  suis  trouvé  amené  à  faire  voir  comment 
les  livres  liturgiques,  actuellement  en  usage 
dans  un  grand  nombre  d'églises  de  France,  ont 
détruit  l'unité  de  culte  qui  existait  avant  leur 
fabiication;  comment  ils  ont  été  rédigés  con- 
trairement à  tous  les  principes  admis  ians  tous 
les  temps,  en  matière  de  liturgie  ;  quelle  part 
ont  prise  les  sectateurs  de  l'hérésie  jansénienne 
à  celt  ■  grande  révolution  qui  a  tant  influé  sur 
le  sort  de  la  piété  chrétienne  parmi  nous. 

«  Me  trouvant,  par  le  plau  même  de  mon 
ouvrage,  dans  la  nécessité  de  traiter  à  fond  de 
la  prière  liturgique  de  toutes  les  Eglises, 
ponvais-je  passer  sous  silence  celle  de  l'Eglise 
actuelle  de  France  ?  N'aurais-je  pas  rendu 
comme  inutile  tout  mon  travail,  en  le  privant 
d'une  de  ses  principales  applications?  Quanta 
la  vigueur  avec  laquelle  j'ai  procédé,  depuis 
quand  est-ce  un  crime  de  traiter  avec  énergie 
la  cause  de  l'Eglise?  Ai-je  d'ailleurs  manqué 
d'égards  aux  contemporains?  Ai-je  insulté, 
comme  on  le  dit,  les  prélats  de  nos  églises? 
j'en  appelle  à  mes  lecteurs.  Qu'ils  disent  si  j'ai 
j  imais  attaqué  d'autres  hommes  que  les  secta- 
leui  s  ou  les  fauteurs  de  l'hérésie;  si  j'ai  manqué 
une  occasion  de  relever  le  mérite  de  tant  da 
grands  evèques,  qui,  au  siècle  dernier,  se 
mesurèrent,  sans  calcul  elsans  respect  humain, 
contre  l'hydre  maudite,  trop  souvent  caressée, 
ou  du  moins  ménagée  par  d'autres. 


tIM 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


«  m.  Enfin  si,  après  avoir  cherché  par  mes 
cris  à  rompre  le  sommeil  trop  £;énéral  sur  la 
situation  liturpique,  j'ai  paru  sniihailer  et  môme 
prédire  à  la  France  nu  retour  vers  I  unité  de  la 
prière  romaine,  ai-je  accusé  la  lenienr  ou  la 
prudeneo  de  nos  évêques  ?  Ai-je  rt'clamé  la 
destruction  immédlale  des  livres  actuels  ?  Ai-je 
cherché  à  exciter  des  trouhles  dans  les  liiocèses  ? 

«  Je  vois  qu'on  cherche  à  faire  peser  sur  moi 
celte  calomnie.  Heureusement,  mon  livre  est 
là,  et,  sur  ce  point  comme  sur  bien  d'autres,  il 
demeure  lui-même  la  meilleure  réponse  à  toutes 
les  diaUibes  lancées  contre  lui  (I).  « 

Ces  trois  points  répondent  au  livre  de  l'ar- 
chevêque et  nous  dispensent  d'entrer  dans  les 
particularités  de  la  polémique.  Nous  noterons 
seulement,  comme  plus  remarquable,  le  pas- 
sage oîi  dom  Guéranger  prouve  que  l'a.iver- 
saire  ne  pouvait  même  pas  se  réserver  les  bé- 
néfices de  son  silenci'  : 

«  Quant  à  croire,  dit-il,  que  le  silence  gardé 
par  moi  sur  ces  matières  eût  empêché  le  clergé 
de  s'occuper  des  oiigines  liturgiques,  ou  i|ue, 
du  moment  qu'il  s'en  fût  occupé,  on  aurait  pu 
l'empêcher  d'être  choqué  d'événements  certains 
en  eux-mêmes,  mais  déplorables,  c'est  une 
idée  qui,  malheureusement,  ne  se  pourrait 
soutenir.  La  trouée  est  faite  désormais  par  la 
science  moderne  dans  le  domaine  des  origines 
et  antiquités  religieuses,  et  l'élude  de  la  litur- 
gie comiite  maintenant  parmi  les  accessoires 
obligés  de  toute  sciencearchéologique  et  esthé- 
tique. Déjà  l'éveil  nous  avait  été  donné  du 
dehors  sur  l'importance  archilectoniqtie  denos 
églises.  Les  symboles  conhés  à  nos  anliijues 
sculptures,  à  nos  vitraux  vénérables,  étaient 
déjà  inspectés  avec  zèle  par  des  étrangers,  et 
Térudition  profane  en  allait  exploiter  le  mono- 
pole, avec  plus  d'un  péril,  si  un  rare  et  ma- 
gnifique dévouement  ne  fût  venu  se  jeter  à  la 
traverse  pour  sauver  notre  honneur  clérical.  Le 
comité  historique  des  arts  et  monuments  pour- 
suit, en  ce  moment,  avec  activité,  des  recher- 
ches intelligentes  sur  les  couleurs  liturgiques, 
sur  la  forme  des  vêtements  sacrés;  et,  tandis 
que  nous  en  sommes  encore  à  produire  pério- 
diquement ces  misérables  vwthodes  de  plain- 
çhant,  destinées  à  éterniser  la  dégradation  de 
cette  principale  branche  de  la  liturgie,  des 
sociétés  savantes  dissertent  sur  l'hi-toire,  sur 
les  monuments  et  sur  la  réhabililation  de 
l'œuvre  immortelle  de  saint  Grégoire.  L'élmle 
des  chartes  et  îles  chroniques  a  fait  découvrir 
aux  apprenli'î  ;le.  la  science  diplomatique  que  ■ 
nous  avions  remis  à  neuf  les  inimit  de  nos 
messes,  aussi  bien  que  les  verrières  de  nos 
absides.  Les  travaux  récents  entrepris  sur  la 
poésie  légendaire,  la  nécessité  de  rétablir  les 

1.  Défense  dei  Imlituliom  lilurginun,  p.  11. 


textes  liturgiques,  cites  en  nature  ou  par  allu- 
sion dans  tous  les  monuments  du  moyeu  âge, 
ont  fini  par  faire  remarquer  à  plus  d'un  homme 
sérieux  que  les  livres,  dans  lesquels  nous  chan- 
tons aujourd'hui,  diti'érent  essentiellement  de 
ceux  dans  lesquels  ou  chantai'  au  moyen  âge. 
Il  est  naturel  de  vechercher  la  cause  de  cette 
refonte  de  la  prière  publique  qu'on  croyait 
inviolable  ;  arrêterons-nous  ces  investigations? 
N'esl-ce  pas,  après  tout,  la  plus  facile  des  con- 
frontations que  celle  qui  peut  se  faire  en  quel- 
ques minutes,  par  la  comparaison  des  diverses 
éditions  du  missel  ou  du  bréviaire  de  telle  ou 
telle  église?  Mais,  quand  on  aura  fixé,  au 
moyen  des  da»es  typographiques,  l'époque  de 
l'inuovation,  n'en  viendra-t-on  pas  tout  natu- 
rellement à  en  rechercher  les  auteurs  ?  Les  mo- 
numents du  dix-huitième  siècle  sont  là,  au 
service  des  savants  laïques  aussi  bien  qu'au 
Dôirc.  Seulement,  si  nous  ne  prenions  les 
devants  pour  désavouer  une  entreprise  con- 
traire, après  tout,  au  génie  de  l'Eglise  catho- 
lique, ne  serions-nous  pas,  eu  quelque  ma- 
nière, responsables  des  inconvenances  de  plus 
d'un  genre  qui  seraient  proférées  sur  ces  ma- 
tières délicates?  Que  d'idées  incomplètes  I 
Qu'îlle  confusion  d'idées  et  de  principes  I  Di- 
sons le  mot,  que  de  scandales  au  milieu  d'une 
pareille  mêlée  (1).  » 

(A  suii'ie.)  JusTH"!  Févre, 

protonotaire  apostolique. 


Variétés. 


LA    QUESTION    OUVRIÈRE 

CE  OtJE  L'EGUSE  fait  DE  NOS  JOURS  POUR  LA  CLASSE 
OUVRIÈRE.  —  ruÉClEUX  EFFETS  QUI  EN  EÉSOL- 
TENT  AU  FOINÏ  DE  VUE  SOCIAL. 

I.  Qui  ne  connaît,  pour  l'avoir  lu  plusieurs 

fois,  ce  pathétique  épisode  du  règne  de  Salo- 
mon?  Deux  femmes  se  disputaient  la  propriété 
d'un  enfant  encore  au  berceau  :  chacune  pré- 
tendait en  être  la  vraie  mère.  L'une  des  deux 
se  trompait  évidemment.  Or,  ce  sera  l'éternel 
honneur  du  grand  roi  d'avoir  su,  en  celle  occa- 
sion, opérer  un  sage  discernement.  Le  prince 
adjugea  l'eufant  à  celle  qui  ne  voulut  pas  con- 
sentir à  ce  que  l'on  en  lit  deux  part.  Le  refus 
de  cette  femme  était  un  argument  péremploire 
qui  mettait  fin  au  débat. 

Eh  bien  !  souffrez  que  je  vous  le  dise,  appren* 
tis,  travailleurs  de  tout  âge  et  de  toute  profes- 
sion, c'est  vous  qui  èles  aujourd'hui  cet  enfant 
souverainement  digne  d'intérêt  :  l'Eglise  et  la 
Uévolution  revendiquent  toutes    deux  i'hon- 

t.  Béfmst,  p.  36. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1393 


npurde  ynnsavoir  afiranclii.s"  lon(ps  deiixaffir- 
meol  qii'dios  vous  traitent  avec  le  mèmeiiiléièt 
qu'une  bonne  mère  traite  son  enfant.  Mais,  vu 
lenrs  tendances  ab-olument  opposées,  il  est 
impossible  (]ue  toutes  deux  aient  raison.  Quelle 
est  donc  celle  à  qui  vous  devez  donner  sans 
crainte  le  doux  nom  de  mère,  et  dont  il  vous 
faiit  prenjlre  '-«jur  guide  les  enseignements? 

Cette  question,  on  le  comprend,  a  une  im|ior- 
tance  suprême.  Pour  l'ouvrier,  ce  n'est  ni  plus 
ni  moins  qu'une  question  de  vie  ou  de  mort  : 
ses  intérêts  les  plus  cliers  en  ce  monde  et  en 
l'autre,  je  dini  mcm-'  l'avenir  de  notre  société, 
dépendent  de  la  solution  qni  lui  sera  donnée. 
Etudions-là  donc,  le  fl  imbeaa  de  l'expérience 
à  la  main,  et,  marchant  sur  l?s  traces  du  plus 
sage  des  rois,  cherchons,  avant  de  porter  un 
jugement,  une  preuve  irrécusable  à  laquelle  un 
homme  de  bon  sens  ne  puisse  rien  oiiposer. 

H.  C'est  par  les  fruits  qu'on  connaît  l'ariire 
et  qu'on  peut  au  juste  en  apprécier  la  valeur. 
A  friatibm  eonim  cognoscefis  eos.  0:t  adage  est 
du  divin  M;iître.  Ou  ne  cueille  pas  des  raisins 
sur  des  épines,  ni  des  figues  sur  des  ronces.  Si 
les  fruits  sont  mauvais,  il  faut  en  conclure  que 
l'arbre  l'est  aussi,  et. par  conséquent,  le  rejeter; 
si,  au  contraire,  les  fruits  sont  bons,  l'arbre 
l'est  aussi,  et  on  peut  le  cultiver  en  toute  con- 
Cance. 

Ce  principe  posé,  examinons  de  quelle  nature 
est  l'influence  morale  exercée  de  nos  jours  sur 
l'ouvrier,  et  par  l'Eglise  et  par  la  Révolution. 
Commençons  par  cette  dernière. 

L'influence  morale  des  sectes  révolution- 
naires sur  l'ouvrier  peut  se  résumer  en  trois 
mots  :  elles  U\  melteul  dans  un  élut  conlinui.l 
A'isolemenl ,  de  haine  et  d'insuhordination  à 
l'égard  Ae  tout  ce  qui  peut  le  rendre  bon  et 
heureux. 

Les  sectes  révolutionnaires  isolent  l'ouvrier 
de  Dieu,  en  l'éloignant  de  l'église,  du  prêtre  et 
de  l'autel.  L'ouvrier  qui  se  fait  leur  disciple 
perd  bieu  vile  la  croyance  à  une  vie  future;  la 
religion  ne  lui  paraît  plus  i|u'unc  supcrfluité, 
un  amusement  pnur  les  simples  ou  un  instru- 
ment au  service  de  l'ambition. 

Les  sectes  révolutionnaires  isolent  l'ouvrier 
des  classes  supérieures,  en  ne  lui  montrant  dans 
leo  riches  et  les  puissants  de  ce  monde  que  des 
ambil  eux,  avides  de  bien-être,  et  n'aspirant 
qu'à  sucer  le  sang  du  pauvre  peuple  ;  elles  {arri- 
vent ainsi  à  tuer  en  lui  tout  respect,  toute  aflec- 
tion,  toute  couUance  à  légard  de  ses  maîtres. 
Les  sectes  révolutionnaires  isolent  l'ouvrier 
de  ses  frères  les  travailleurs.  Qui  ne  sait  que, 
si  les  anciennes  corporations  ont  été  dissoutes 
et  leurs  biens  confisqués,  ça  été  l'œuvre  de  la 
Révolution? 

Enfin,  les  sectes  révolutiounaires  isolent  l'ou- 


vrier des  siens,  en  étoufTani  l'espru  de  famille, 
pour  lui  substituer  ce  que  j'appellerai  les  ins- 
tincts du  cabaret. 

J'ajoute  :  un  tel  isolement  n'engendre  pas 
que  (le  l'indifr.'rence  dans  le  cœur  de  l'ouvrier, 
il  y  produit  j.r.'sque  toujours  la  haine  et  VinsU' 
bnidinadon.  Interrogez  les  ]palrnns,  ceux-là 
même,  si  vous  voulez,  qui  faviir-isent  et  encou- 
ragent ces  sociétés  secrètes,  dont  la  mission 
s-mble  être  d'habituer  l'ouvrier  à  se  passer  de 
Dieu,  tous  n'auront  ([u'une  voix  pour  recon- 
naître, dans  la  classe  actuelle  des  travailleurs, 
une  effroyable  iniliscipline,  des  exigences  de 
plus  en  plus  croissantes,  et  une  tendance  très- 
manpiée  à  se  débarrasser  de  tout  joug. 

Après  cela,  peu  importe  qr  î  les  sectes  se 
vantent  d'assurer  à  leurs  adeptes,  pour  les  cir- 
constances critiques,  le  pain,  le  lit,  le  vête- 
ment, de  l'ouvrage,  si  elles  commencent  par 
anéantir  en  eux  la  foi,  la  conscience,  la  crainte 
de  Dieu,  la  croyance  à  la  vie  futur  ■,  toutes  ces 
choses,  en  un  mot,  qui  contribuent  au  bien- 
être  même  matériel  de  l'oumer.  plus  que 
quelques  secours  momentanés,  otl'erts  par  une 
in,iin  froide  et  parcimonieuse  I  Quand  l'ouvrier 
n'a  plus  de  frein  suffisant  contre  le  torrent  des 
passions,  et  que,  d'ailleurs,  il  éprouve  lebi'soin 
de  donnerle  change  aux  ennuis  qui  le  dévorent, 
que  veut-on  qu'il  fasse?  On  lui  a  enlevé  tout 
ce  qui  aurait  pu  l'arrêter  sur  la  pente  de  l'abîme 
el  verser  en  son  ùme  le  baume  de  la  consola- 
tion :  il  se  préciiiile  alors  tète  baissée  dans 
d'ignobles  orgies,  oii  il  laisse  tout  à  la  fois  son 
honneur,  son  gain  de  chaque  jour,  sa  santé 
même,  en  attendant  qu'il  devienne  l'instru- 
ment de  ([uclquc  vil  amliitieux,  et,  ce  qui  est 
plus  déploralile,  qu'il  se  per.le  pour  l'éternilél 
Tels  sont  quilqurs-uns  seulement  des  fruits 
amers  iju'ufl'ie  aux  traviilleurs  l'arbre  révolu- 
tionnaire. Si  ou  taxait  uics  paroles  d'exagéra- 
tion, on  montrerait  par  là  qu'on  ii,'nore  le  pre- 
mier n;otde  ce  qui  se  passe  joui  uellement  dans 
les  usines  et  les  ateliers.  Doue  l'arbre  est  essen- 
ticllemenl  mauvais;  ilonc  la  Révolution  ijui  a 
jil.iiitc  cet  arbre  et  qui  lui  fournit  chaque  jour 
son  aliment,  ne  peut  être  pour  l'ouvrier  une 
vr.iie  mêie  :  ce  n'est  qu'une  marâtre  et  encore 
une  marâtre  de  la  pire  espèce. 

La  vraie  mère  de  l'ouviier,  c'est  la  sainte 
Ki-lise  de  Die^i,  c'est  le  prêtre  à  tous  les  rangs 
de  la  hiéraiciiie  sacrée,  ce  sont  les  religieux  el 
les  religieuses  si  dévoués  à  ses  intérêts,  ces 
fervents  laïques,  qui,  non  contents  d'ouvrir 
bar  bourse  en  sa  faveur,  lui  ''K-lribuent  le  pain 
de  la  vérité,  les  conseils  de  iicur  expérience,  et 
liii  rendent  tous  les  services  que  dicte  une 
chai ité  sincère;  et  cela  dans  l'unique  but  de 
guérir  des  cœurs,  déjà  ulcérés  peut-être  par 
Icà  fiassions,  de  ramener  la  concorde,  l'afisc- 


130i 


LA  SESIAINE  l)U  CLERGE 


tioD,  l'obéissan'-.e  là  où  bouillonnent  déjà  la 
liaine  et  la  soif  de  la  vengeance.  Au  contact  de 
ces  hommes  île  Dieu,  sous  la  bienfaisante  in- 
fluence de  l-jurs  parol''s  et  de  leurs  exemples, 
l'ouvrier  comprend  qu'il  n'a  pas  été  fait  seule- 
ment pour  ce  monde  de  misères,  et  qu'il  doit 
poit?r  ses  rej-'firds  plus  linut;  il  contracte 
insensiblement  i  salnlaiie  habitude di*  travail, 
de  l'économie,  df  la  pratique  de  ses  devoirs 
envers  Dieu  et  envers  ses  semblables  ;  en  recou- 
rant aux  moyens  que  la  Religion  met  à  son 
service,  il  arrive  à  résister  à  ses  instincts  per- 
vers; en  un  mot,  petit  à  petit  il  devient  bon, 
laborieux,  compatissant,  réglé;  il  est  heureux; 
oui,  il  est  heureux  parce  que  sa  conscience  ne 
lui  reproche  rien  et  (|ue  son  cœur  a  rencontré 
le  seul  aliment  capable  de  le  rassasier,  l'amitié 
de  Dieu! 

111.  Pour  arriver  à  une  transformation  aussi 
coDijlanle  de  la  classe  ouvrière,  voyons  un  peu 
comment,  c'e  nos  jours,  l'Eglise  prend  à  tâche 
de  justilier  ce  glorienx  titre  de  mère  de  l'ou- 
vrier, qui  lui  appartient  en  propre  et  exclusi- 
vement. 

Se  contente-t-elle  de  mettre  en  œuvre  ses 
moyens  d'action  ordinaires.:  l'enseignement  de 
la  divine  parole  dans  la  chaire  de  vérité,  la 
diffusion  des  livres  moraux,  l'intluence  isolée 
des  bons  exemples?  etc..  Non.  S'en  tient-elle 
même  à  quelqi'es  mov-^ns  extraordinaires, 
comme  seraient,  par  exemple,  les  prédications 
faites  uniquement  pour  l'ouvrier,  le  catéchisme 
de  persévérance,  les  retraites?  kIC...  Non 
encore.  De  son  regard  maternel  elle  a  mesuré 
la  profondeur  des  [ilaies  morales  de  notre  société 
ouvrière,  et  ces  iilaies  lui  ont  paru  te  kment 
graves,  tellement  invétérées  qu'tlle  a  jugé  les 
remèdes  employés,  en  d'autres  temps,  inefli- 
caces  et  insuffisants.  Alors  elle  s  est  dit  :  Contre 
un  mal  extrême  et  nouveau,  il  faut  un  spéci- 
lique  exUemo  et  nouveau.  Kssayons  l'associa- 
tion; par  les  nombreux  avaniages  temporels  et 
spirituels  que  l'ouvrier  tmuv.'ra  dans  nos 
œuvres,  forçons-le  à  s'y  enrôler.  Sans  doute, 
pour  établir  ces  œuvres,  des  eliorts  héroïques 
seront  nécessaires,  vu  l'inditl'érence  des  uns  et 
la  perversité  desaulres;  n'importe,  essayons. 
Et  l'association  fut  essayée  sous  des  noms  et 
avec  des  applications  multiples,  et  le  chef  au- 
guste de  la  catholicité,  nosseigneurs  lesévètjues 
ont  béni  et  encouragé  les  premiers  efforts  de 
ceux  qui  ont  bien  voulu  se  dévouer;  et  voilà 
que,  après  quelques  années,  sous  les  yeux 
étonnés  des  méchauts,  le  sol  de  la  patrie  est 
couvert  d'un  grand  nombre  d'œuvres ouvrières, 
toutes  maguAiiques,  en  pleine  floraison,  que 
dis-jel  pro.it-'sant  déjà  des  fruits  au  centuple! 
Sans  doute,  il  a  fallu  lutter  énergiqueraent  et 
par  la  parole  et  par  la  ^ilumei  il  a  fallu  donner 


beaucoup  de  sa  bourse  et  de  sa  personne  ;  Dieu 
seul  sait  au  prix  de  quels  généreux  sacri- 
fices les  vaillants  défenseurs  delà  cause  de  l'ou- 
vrier, tous  fervents  chrétiens,  Sont  arrivés  à 
faire  surgir  de  partout  des  associations,  et 
quelle  énergie  de  persévérance  ces  vaillants 
joiileurs  ont  chaque  jour  besoin  pour  continuer 
d'arracher  de  nouvelles  proies  aux  serres  de  la 
Révolution.  Au  nom  de  nos  frères  les  travail- 
leurs, qu'ils  en  soient  à jiraais  bénis! 

IV,  Une  œuvre  ouvrière  catholique,  en  géné- 
ral, n'est  autre  chose  qu'une  association  formée 
par  des  catholiques  dévoués  en  vue  de  mora- 
liser, disons  mieux,  de  christianiser  l'ouvrier. 

Dans  toute  œuvre  ouvrière  Cgurent  :  1°  Les 
fondateurs,  c'est-à-dire  les  personnes  chari- 
tables (jui  ont  fourni  et  fournissent  encore  les 
ressources  matérielles  nécessaires  à  son  fonc- 
tionnement; grâces  à  Dieu,  on  trouve  encore 
de  ces  chrétiens  généreux  qui,  favoris  s  des 
dons  de  la  fortune,  en  consacrent  une  partie  à 
la  création  des  œuvres  ouvrières;  2°  un  person- 
nel dirigeant,  qui,  sans  aucun  autre  motif  que 
celui  de  l'intérêt  bien  compris  du  travailleur, 
organisent  l'œuvre  et  la  font  marcher  ;  3°  des 
ouvriers  ou  des  enfants  d'ouvriers  sur  lesquels 
s'exerce  l'influence  des  directeurs. 

Les  ressources  matérielles  d'une  œuvre  se 
composent  des  dons  gratuits,  meubles  ou  im- 
meubles, qui  lui  sont  faits,  des  cotisations  pério- 
diques (les  membres  titulaires  ou  honoraires; 
des  quêtes  qui  ont  lieu  le  jour  d'une  fêle  ou 
après  un  sermon,  etc. 

Des  œuvres  de  ce  genre,  je  le  répète,  existent 
dans  presque  toutes  nos  grandes  et  nos  petites 
cités;  elles  se  diversifient  suivant  les  besoins  à 
satisfaire  et  l'âge  des  personnes  auxquelles 
elles  s'adressent  ;  mais  elles  ont  toutes  le  même 
but,  savoir  :  préserver  ou  lelirer  l'ouvrier  du 
vice  et  en  faire,  non  pas  seulement  un  honnête 
homme,  mais  un  chrétien  fortement  convaincu 
et  pratiquant. 

Au  mois  d'août  1874,  M.  Camille  Rémont, 
avocat  à  Paris,  membre  du  Bureau  central, 
siguidait,  au  congrès  de  Lyon,  l'existence,  en 
France,  de  972  œuvres  de  charité  en  pleine 
activité.  Il  e-t  vrai  qu'il  faut  défalquer  celles 
qui  ne  sont  pas  précisément  établies  en  faveur 
de  l'ouvrier,  co.nme  les  cercles  de  militait  'S  et 
de  marins.  Néanmoins,  la  majeure  partie  de 
ces  œuvres  coucerne  la  classe  si  intéressante 
dont  nous  nous  occupons, 

(A  suivre.)  L'abné  Garnier, 

curé  de  BelmoQt. 


Tome  TI,  —  N»  46.  —  Troisième  année. 


8  septembre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÈmE  HODIlLÉTiQUE  SUR  L'ÉVANGILE 

DU  XVII*  DIMANCHE  APRÈS  LA  PENTECOTE 

(Malth.,  xxn,  34-46.) 

\ .  Quel  est  le  grand  commandement  de  la  loi? 
Cette  question  est  posée  au  divin  M.ùtre  pour 
le  tenter.  Tout  est  grand,  tout  a  sou  importance 
dans  la  loi  de  Dieu  ;  et  quelle  que  soit  la   ré- 
ponse de  Jésus,  ses  adversaires  comptent  trou- 
ver à  y  reprendre.  Interrogat  quod  ni  primum 
tnandatiim  magnumgne;  ut  rum  omniu  qnœ  Deus 
mandauerit  maijna  suit,  quicquid  Me  respondeat, 
eccasionem  habeat  calumniandi  (l).   Mais  la  sa- 
gesse infinie  déjoue  cette  ruse,  en  indiquant, 
comme  le  premier  des  préceptes,  celui  qui  ren- 
ferme tous  les  autres,  et  elle  rapj  elle  aux  Juifs 
endurcis  cette  loi  fondamentale  de  l'amour  de 
Dieu,  promulguée  dès  l'origine,  et  qu'ilsavaicnt, 
hélas!  fi    peu  comme.  Le  grand   coramande- 
men  .n'est  pas  de  craindre  le  Seigneur,  c'est  de 
l'aimer.   Diligcre  mnjus  est  quam  timei'e.  Dieu 
ne  veut  pas  de  nous  la  crainte  servile  de  l'es- 
clave,   mais  l'amour  respectueux  et  tendre  de 
l'enfant.  Non  vult  Deus  ut  timealw  serviliter  ah 
hominibus  quasi  dominus,  sed  ut  diligntur  quasi 
pater  (2).   Il  est  dans  notre  nature  d'aimer  ce 
qui  est  beau  et  ce  qui  est  bon  ;  or.    Dieu  étant 
la  souveraine   beauté  et   la  souveraine  bonli', 
doit  être  aimé  souverainement.   Dieu  s'est  ré- 
vélé dans  ses  œuvres,  et  toutes  les   merveilles 
qu>!  nous  y  admirons  nous  commandent  aus'^i 
de  l'aimer.   Et  puis,   ne   savons-nous  pas  que 
toutes  ces  merveilles  ont  été  créées  pour  nous? 
Il  nous  la  donné  tout  ce  que  nous  sommes  et 
tout   ce  que  nous  avons,  il  nous  conserve  ce 
qu'il  nous  a  donné   si   libéralement  et  si  gra- 
tuitement; et  après  que  nous  avons  tout  peiilu 
en   alnisant   de  ses  dons  contre   lui  même,    il 
nous   le  rend   par  une  miséricorde  incompré- 
bensible.  Sortis  de  ses  mains,  rachetés  par  son 
sang,    sanctifiés   par  sa  grâce,   destinés    à   sa 
gloire,  pourrions  nous  ne  pas  l'aimer?  D'autant 
plus  que  notre  bonheur  même  ici -bas  dépend 
de  la  manière  dont  nous  aimons'Dieu.  «  Qu'est- 
ce  que  le  bonheur,   sinon  l'amour?   Et  .[u'est- 
ce  que  le  bonheur  infini,  sinon  un  amour   sans 
bornes?  11  faut  donc  à  notre  cœur  un  objet  in- 
fini, il  faut  Dieu  :  rien  de  créé  ne  saurait  le  satis- 

1.  Hieroii    in  Jlatth. 

2.  Clir^si/st.  in  Uallh.  op.  itKptrf 


faire  jamais.  Que  me  veut  le  monde?  Qu'ai-je 
besoin  de  lui?  Que  peut-il  me  donner?  Mon 
cœur  est  plus  graml  que  tous  ses  biens  et  Dieu 
Stiul  est  plus  grand  que  mon  cœur  {{).  Dieu  seul 
donc,  Dieu  seul,  maintenant  et  toujours;  éter- 
nellement Dieu  seul  (2). 

11  faut  aimer  Dieu,  il  faut  l'aimer  pour  lui- 
même,  et  la  mesure  de  l'aimer,  c'est  de  l'aimer 
sans  mesure  (3).   fous  aimerez  le  Seigneur  votre 
Dieu  de  tout  votre  cœur,  de  toute  votre  dme,  de 
tout  votre  esprit,  c'est-à-dire  qri'il  n'y  a  rien  en 
vous  (]ui  ne  doive  être  à  Dieu,  votre  cœur  avec 
tontes  ses  affections,  votre  âme  avec  toutes  ses 
puissances,  votre  esprit  avec  toutes  ses  pen- 
sées.  Sur  celte  terre  d'épreuves  il  manquera 
toujours  quelque  chose  à  l'entier  accomplisse- 
ment de  ce  précepte  souverain  ;  jamais  ici-bas 
nous  n'arriverons  à  l'amour  parfait.   Mais  notre 
devoir  est  de  travailler  à   faire  continuellemeat 
des   progrès  dans  la    piété  ;   car  la  piété  c'est 
l'amour  ;  Dieu,  qui  aime  et  qui  veut  être  aimé, 
demande  que  nous  tendions  incessamment  vers 
lui,  et  notre  cœur  que  veut-il,  si  ce  n'est  le  repos 
dans  l'amour?  et  les  vicissitudes  de  ce  monde 
éphémère,  nos  faiblesses,  nos  misères,  nos  in- 
constances, tout  nous  prouve  qu'il  n'y  a  de 
repos  qu'en  Dieu.  Aimons  donc  (e  Dieu  de  notre 
cœur  ;  aimons-le  dans  les  ombres  ([ui  nous  le 
cachent,   et   qu'au-del.i   de  ces  ombres    notre 
amour  s'élance.  Sitivit  anima  mea  ad  te,  Deus. 
Qiiis  milà  dahit  pvnnas  et  volaho  et  requiescam  (4). 
A  ce  premier  commandement  s'en  ajoute  un 
secoiiA,  qui  lui  est  semblable  et  qui  en  est  l'io- 
dispensable  corollaire  :  l'ous  aimerez  le  prochain 
comme  vous-même.  Nous  devons  nous  aimer  d'un 
amour  cjui  se  rapporte  à  Dieu  :  si  nous  aimons 
en  nous  ce  que  Dieu  n'aime  pas;  si  nous  flat- 
tons nos  passions  mauvaises,  si  nous  caressons 
en   nous   des  penchants  honteux,  en  un  mot  si 
nous  aimons  l'iniquité,  nous  ne  nous  aimons 
pas    nous-mêmes  :  qui  diligit  iniquitalem,  odit 
unimam  suum  (5).  Or,  ce  n'est  pas  ainsi  que  nous 
devons  aimer  le  piochain  ;  nous  devons  l'aimer 
pour  Dieu  seul  ;   s'il   est  juste   et   aime   Dieu, 
aimons-le  parce  qu'il  ressemble  i  .^ieu,  comme 
on     aime,    avec    tendresse    et    respect,     un 
enfant  digne  d'un  bon  père  ;  s'il  marche  dans 

1 .  Joun.  ni,  20. 

2.  Lamennais,  Héflex.  sur  t'imllal. 

3.  Bernard.  De  dUigendo  Dio.  c.  XI. 

4.  Ps.  XLI  et  Liv. 

5.  PS.  X. 


liOO 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


les  voies  mauvaises,  eiitoiiroii?-lc  de  toutes  les 
sollicitudes  de  l'amour  compatifsant,  aimons-lc 
pour  ramener  à  l'amour  de  Dieu.  Qui  uvtim 
aniat  liomirie%  'tut  quia  jusli  sunl,  iwlutjusti 
sint,  amare  d'oel:  sic  enim  et  sci/ifvm  omare 
debel,  aul  qvut  jusius  est,  aut  ut  justus  sil  :  sic 
enim  dilii/it  proxinnmi  sicut  sei/mim  siue  veri- 
culo{\).  (Juifquis  recle  proximum  diligit,  hoc 
cum  eo  débet  agere  ut  etiam  ipse  tolo  corde  diligat 
Deum  (2). 

C'est  à  ces  deux  commandements  qne  se  mppor- 
teni  la  loi  et  les  prophètes.  Les  troispremiers  pré- 
ceptes du  décalopne  di'vcloppent  les  règles  de 
l'amour  euvers  Dieu^  et  les  sept  autres,  les  obli- 
gations envers  le  proibain  :  Prcrcepta  quidcin 
primœ  tabulœ  ad  dilectionem  proxiini {\i).  Lespro- 
y)/ii?/es,  avec  leurs  instruetions  sublimes,  se  ratta- 
chent aussi  à  ces  deux  préceptes,  car  les  pro- 
phètes du  l'ancienne  loi,  comme  ceux  de  la  nou- 
velle, ne  parlent  que  pour  prêcher  l'amour-de 
Dieu  et  du  prochain.  Le  salut  et  le  bonheur  des 
individus  et  des  sociétés  est  doue  uniquement 
dans  la  fidélité  h  ces  deux  grands  |  réceptcs.  Il 
n'y  a  ni  salut,  nibonheureudehors  de  la  veilu; 
or,  (ouïes  les  vertus  se  trouvent  renfermées 
dans  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain;  caria 
vertu  n'est  autre  chose  que  l'nmour  de  ce  qu'il 
faut  aimer.  Ajoutons  que  la  société  i:c  peut  sub- 
sister heureuse  qne  sur  le  fondement  de  l'union 
des  ereurs;  et  celle  union  n'est  pos.-^ib'e  qu« 
lorsqu'on  aime  le  bien  commun  à  tous,  c'est-à- 
dire  Dieu,  le  seul  bien  véritable,  et  lorsipic  les 
bommes  s'aiment  ks  uns  les  autres  eu  Celui 
qui  les  unit. 

II.  Aux  pharisiens  réduits  au  silence,  Jé;u.5- 
Chrisl,  à  son  tour,  va  poser  une  qursiion:  Que 
pensez-vous  touchant  le  Christ?  De  qui  est-il  fils? 
Il  ne  propose  pas  cette  question  par  raiiport  à 
lui-même,  mais  du  Christ  en  général,  parce  qu'il 
voulait  ménager  leur  faiblesse. 

Les  pharisiens  répondentquele  Christ  doit  être 
fils  de  David,  et,  en  cela,  iU  sont  dans  la  vérité. 
Mais,  ignorant  le  mystère  de  rincaruation^ilsne 
voyaient,  dans  le  iMcssie^  qu'une  créature  mor- 
telle, et  c'isl  pourquoi  le  divin  Jlaitre  leur  fait 
voir  qu'il  y  a  dans  le  Christ  deux  natures,  la 
uature  humaine,  par  laquelle  il  est  fils  de  David 
selon  la  chair,  et  la  nature  divine,  que  le  pro- 
phète inspiré  adore  en  l'apiielant  son  Seigneur, 
deux  natures  hyposlatiquemenl  unies  clans  la 
personne  de  Celui  que  le  Très-Haut  traite  d'égal 
à  égil  et  à  qui  il  a  dit  :  Assei/ez-vous  à  ma  droUe. 

Enfants  de  la  foi,  nous  conn^dssons  et  nous 
croyons  ce  dogme  fondamental  que  les  Juifs 
ignoraient.  Oui,  Seicneur  .lésiis.  nous  confe.,- 
Bons  que  vous  êtes  le  Chiist,  lils  du  Dieu  vivant; 

1.  Aug.  de  Trinilate,  Iract.  VIH.   S, 

2,  Id.  de  Docirina  dir.  I,  22. 
t.  RabaD.  iu  Caten,  aur. 


nous  vous  adorons  à  la  droite  de  votre  Père: 
comme  Dieu,  vous  y  êtes  assis  éternellement; 
comme  homme,  vonsy  régnez '^-puis  votre  glo- 
rieuse ascension  ;  vous  y  triomphez  dans  vos 
saints;  vous  y  triomphez  aussi  dans  vos  ennemi? 
qui  viennent  vous  servir  de  marche-pied.  Vous 
y  triompherez  [deinement,  lorsque,  jugeant  les  vi- 
vants et  les  morts,  vous  aurez  rendu  justice  à 
chacun. 

L'ahhé  Hetiman, 
curû  (Je  le^iubert. 


THÈr^E  HOf^.ILÉTiQUE  SUR  L'ÉVANGILE 

BU  XVIII=   IiIMA>XIlE   APr^ÈS  lA  PEXTECOTE. 
(Mattli.  IX.  1-8.) 

I.  Et  Jésus,  montant  sur  une  barque,  passa  le 
lac  et  vint  dans  sa  ville.  Cette  ville,  c'était 
Caphiirnaum.  I/Evanirélisle  l'appelle  la  ville  de 
Jésus,  parce  que  le  divin  Maître  se  plaisait  à  y 
habiter.  Là,  si  voix  était  aimée,  ses  miracles 
bénis,  les  ingrats  moin?  nombreux  qu'ailleurs; 
et  Jésus,  qui  avait  trouvé  des  peuples  rebelles  à 
sa  parole,  revenait  avec  bonheur  à  Capharnaum. 
C'est  toujours  ainsi  qu'il  agit  :  là  où  on  l'écoute, 
là  où  on  l'aime,  où  on  observe  sa  loi,  où  l'on 
porte  son  joug  avec  bonheur,  Jésus  réside,  et 
avec  lui,  la  grâce,  la  lumière,  la  force  et  la  paix. 

A  peine  le  Sauveur  est-il  arrivé  qu'on  lui 
apporte  les  malades  à  guérir,  et  voilà  que,  devant 
lui,  on  dépose  un  paralytique,  étendu  dans  son 
lit.  Admirons  la  foi  de  ces  hommes  qui  amonens 
à  Jésus  un  de  leurs  frères  malade.  Sans  doute, 
pour  le  guérir,  ils  ont  essayé  déjà  tous  les 
moyens  humains;  mais  la  science  a  été  impuis- 
sante; alors  ils  se  sont  tournés  vers  Dieu.  Imi- 
tons-les, ne  négligeons  pas  les  ressources  de  la 
terre,  je  le  veux  bien  :  mais  n'oublions  jamais 
d'appeler  le  Ciel  à  notre  aide.  Dau?  les  maladict 
du  corps,  et  surtout  dans  les  maladies  de  l'âme, 
dans  nos  afflictions,  dans  nos  embarras  et  nos 
inquiétudes,  allons  à  Jésus,  le  médecin  de 
toutes  les  douleurs,  le  Dieu  de  toute  consolation. 
Faisons  de  même  pour  nos  frères  malheureux  : 
s'il  est  un  cœur  noyé  dans  i'amirtume,  s'il  est 
une,àmequeladouleurou  lepécbéont  paralysée, 
par  nos  saints  exemples,  nos  pieuses  paroles, 
nos  ferventes  prières,  amenons-les  doucement 
aux  pieds  de  Jésus-Christ.  Si  oauvres  paraly- 
tiques, ils  ne  peuvent  plus  s'y  traieer,  portons- 
les;  Jésus  uerra  notre  joi,  et  il  leur  dira,  comme 
au  paralytique  de  l'Evangile  :  Mon  fils,  ayez  con- 
/iaucr,  vos  péchés  vous  seront  remis.  Pauvre 
pécheur,  prends  courage;  il  y  a,  quelque  part, 
d^iiis  un  coin  ignoré  de  la  terre,  un  cœur  qui 
s'immole  pour  obtenir  ton  ]iaidon;il  y  a  de» 
maius  pures,  qui  déposent  ton  ùme  au  pied  da 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


liOJ 


taberîiacle;  et,  gràcfià  cotte  immolation  oarhée, 
à  ces  prif'u-es  sileuùeuses,  tu  seras  réconcilié 
avec  le  Ciel. 

Voyez  le  paralytique  aux  pieils  de  Jésus  :  c'est 
un  pauvre  malade,  c'est  un  pécheur,  et  le  Dieu 
trois  fois  saint  l'appelle  son  fils!  Il  n'a  rien  dit,  il 
s'est  scnlem''nt  laissé  conduire;  pour  Jésus,  c'est 
assez;  il  lui  remd  ses  péchés.  Le  corps,  chez  le 
^-aralylique,  était  malade;  mais  l'àme  l'était 
plus  encore;  et,  comu'.e  l'àme  est  plus  précieuse 
que  le  corps,  c'ct  par  la  guérisou  de  l'âme  que 
le  divin  Médecin  cummence.  Quand  Uieu  nous 
envoie  la  maladie,  elle  est  souvent  une  punition 
du  péclié,  et  toujours  un  avertisfcmcnt.  Prenons 
garde  de  ne  pas  en  profiter  :  dans  les  loisirs  que 
nous  laisse  la  soufirance,  arrélons  un  regard 
sérieux  sur  l'élat  de  notre  àme;  que  notre 
maladie  soit  mortelle  ou  non,  notre  premier 
soin  doit  être  de  nous  confesser,  alin  d'être  prêt 
à  tout  événement.  La  tranquillité  de  la  cons- 
cience, la  paix  du  cœur  hâteront  la  a;uérison  du 
corps.  C'estuue  vérité  d'expérience,  cette  douce 
parole  :  Mon  fils,  oifz  confiance,  vos  péchés  vous 
sont  rfmk  est  souvent  un  remède  eificace  contre 
les  souffrances  les  pins  aiiçuë-î. 

H.  Malheureusement  les  vérités  les  plus  con- 
solantes ne  réussissent  pas  toujours  à  rappro- 
cher de  la  voie  droite  les  esprits  orgueilleux.  A 
côté  de  ces  hommes  simples  et  bons  qui  ont 
amené  le  paralytique  à  Jésus-Christ,  il  y  a  des 
scribes  et  des  pharisiens,  qui  se  posent  comme 
les  surveillants  du  Messie,  déiidés  à  conti61<T 
ses  enseignements  et  se-s  actes.  Mais  Jésus  ne 
s'inquiète  pas  de  leur  pri'senie,  et  leur  mali- 
gnité ne  l'umpéche  pas  de  passer  eu  faisant  le 
bien.  A  peine  a-t  il  prononcé  cette  parole:  Vos 
péchés  vous  sont  remis,  (jue  ces  pervers  se  disent 
en  eux-mêmes  :  Cet  homme  blasphème.  Hecou- 
naissez  ici  cette  chose  hideuse  qu'on  appelle  le 
jugement  téméraire  :  il  y  a,  de  par  le  monde, 
des  gens  d'un  uaturel  tellement  mauvais,  (pi'ils 
ne  semblent  occupés  qu'à  épier  le  procliain. 
Us  ont  l'esprit  et  le  cœur  tellement  gâtés  que 
les  paroles  les  plus  innocentes,  les  actes  les  plus 
simples,  les  iuleutious  les  plus  pures  ne  sont  à 
leurs  yeux  que  méchanceté,  corruption,  hy[io- 
crisie;  ils  voieut  le  mal  partout,  parce  qu'il  est 
dans  leur  cœur.  Semblables  à  certains  malades, 
pour  lesquels  tous  les  objets  sont  de  la  même 
couleur,  ils  croient  tous  les  hommes  pervertis 
■parce  qu'ils  les  jugent  d'après  eux-mêmes. 
Egoïstes,  corrompus  et  meuleurs,  ils  supposent 
que  tout  le  monde  leur  ressemble.  Pour  vous, 
a  dit  le  Maitre,  ne  jugez  pas,  afin  que  vous  ne 
soyez  pas  jugés. 

Les  pharisiens  0^.1  jugé  témérairement  Jésus- 
Christ  en  doutant  de  sa  divinité,  et  Jésus-Christ 
leur  prouve  (ju'il  est  Dieu,  eu  leur  montrant 
qu'il  u  lu  dans  leur  cœur.  Pourquoi,  leur  dit-il. 


pensez-vous  le  mal  dans  vos  cœurs?  Toujours 
en  faci'  du  Dieu  qui  sonde  les  cœurs,  apprenons 
à  régler  nos  pensées,  afin  qu'elles  soient  tou- 
jours dignes  de  Celui  qui  en  connaît  les  secrètes 
profondeurs. 

III.  Cependant  le  fils  de  Dion,  pour  confondre 
l'orgueil  des  pharisiens  et  leur  prouver  que  la 
guérison  de  l'àme  ne  lui  est  pas  plus  dilficile 
que  la  guérison  du  corps,  s'adresse  au  para- 
lytiipie  et  lui  dit:  Lèoetoi,  emporte  ton  Ut  et 
retourne  en  ta  maison,  et  le  paralytique  se  leva  et 
s'en  alla. 

Et  cela  fut  fait  afin  qu'on  sache  que  le  Fils  de 
l'homme  a  sur  la  terre  le  pouvoir  de  remettre  les 
péchés.  Ce  n'est  (]ue  sur  la  terre,  pendant  les 
jours  du  pèlerinage,  que  les  péchés  peuvent 
être  pardonnes.  Au-delà  du  tombeau,  il  n'y  a 
plus  de  pardon.  C'est  donc  une  folie  île  compler 
sur  l'avenir  pour  rentrer  en  grâce  avec  Dieu. 
D'un  moment  à  l'autre,  la  terre  peut  maui[uer 
sous  nos  pas,  et  nous  seront  jetés  aux  pieds  de 
Jésus-Christ,  non  plus  pour  entendre  la  parole 
du  [)arilon,  mais  le  terrible  arrêt  d'un  juL'utneut 
sans  miséricorde.  Profitons  de  la  grâce  pendant 
qu'elle  nous  est  accordée;  et,  comme  la  foule 
ravie  de  Capliarnaum,  bénissons  le  Seigneur 
qui  a  donné  à  des  hommes  l'incomparable 
puissance  de  nous  tirer  de  l'enfer  et  de  nous 
ouvrir  le  ciel.  Comme  le  paralytique  guéri,  le- 
vons-nous aussitôt  et  emportons  notre  lit;  c'est- 
à-dire  montrons  par  notre  vigueur  à  porter  les 
crnix  de  la  vie  et  le  poids  de  ce  misérable  corps, 
qui  est  comme  le  lit  de  notre  àme,  montrons 
que  l'absolution  a  lait  de  nous  des  hommes 
forts  ;  et,  sans  nous  arrêter  ni  aux  charmes,  ni 
aux  dangers  de  la  route,  allons  dans  notre 
maison,  la  maison  de  notre  Père  céleste,  la 
maison  de  notre  éternité.  Pour  nous  y  assurer 
une  place,  aimons  la  vie  intérieure,  la  vie  re- 
cueillie, évitons  de  uous  répandre  au  dehors,  et 
soyons  tldêles  à  demeurer  dans  cette  maison, 
qui  est  l'Eglise  :  c'est  là  que  l'on  trouve  la  per- 
sévérance et  le  salut.  Sugere  est  animam  a  car- 
noiibus  desideriis  abstrahere;  leclum  tolk-re,  est 
curnem  a  tcrreuis  desidcriis  advotuntatem  spiritus 
attollere  ;  domum  ire,  est  ad  Faradisum  redire,  vel 
ad internamsuicustodianineiterumpeccel  (Ij. 

L'abb'^  Heuman. 
curé  de  Fe-stuberU' 

INSTRUCTIONS  FAMIUÈHES 

SUR  LE  SYMBOLE  DES  APOTRES 

(54°"  lustruclion.^ 
Vie  éternelle  ;  idée  du  bonheur  des  saints. 

Texte.  Credo...  vitam  œternam.  Je  crois  la  vi«- 
cternelle. 

1.  Kabau,  '  ■.  Caten.  *ur. 


1402 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


ExORCE.  Mes  frères,  un  poëte  chrétien,  con-. 
templant  le  ciel,  s'écriait  : 
Oh  !  mille  fois  lieureus,  n'importe  en  quelle  peine. 
Ou  loué  sur  le  troua,  ou  courbé  sous  la  croix, 
E-iIave  fous  les  coups,  ou  captif  sous  la  chaîne, 
Cflui  qui,  le  fronl  haut,   peut  s'écrier:  Je  crois  1... 

Je  crois  1  Au  fond  du  cïur  l'espérance  me  reste  ; 
Je  ne  suis  ici-bas  que  l'hôte  d'un  instant  ; 
Aux  dési^^:  de  mon  cœur  si  la  terre  est  funeste, 
J'aurai  mjins  de  regrets  demain  en  la  quiitant... 

Frères  bien  aimés,  souvent  nous  entendons 
des  impies  blasphémer  Dieu  et  même  le  mou- 
dire,  lors  ju'il  leur  arrive  quel  jue  peine,  quand 
une;  prèle  ou  tout  autre  fliîau  vient  compro- 
mettre le  fruit  de  leurs  travaux...  Que  voulez- 
vous,  ils  n'ont  pas  la  foi  ;  ils  ne  comprennent 
pas  que  ce  sont  leurs  jéchés  qui,  souvent,  at- 
tirent sur  la  terre  ces  châtiments  de  Dieu... 
Mais  les  justes  eux-mêmes  ne  sont  pointexempts 
de  ces  peines,  et  vraiment,  sans  la  croyance  à 
ia  vie  éternelle,  tout  ce  que  nous  voyons  sur 
celle  terre  serait  parfois,  pour  nous,  uue  énigme, 
une  chose  inexplicable...  Comment  compiendre, 
en  effet,  tant  d'inégalités  choquantes;  d'opu- 
lents libertins,  s'engraissaut  du  sel  de  la  terre, 
nageant  dans  l'abondance  et  les  délices;  d'ho- 
iiètes  ouvriers,  ne  recueillant  de  leur  travail 
que  la  misère  et  des  infirmilés?...  Ici  des  âmes 
pieuses,  éprouvées  par  de  dures  et  cruelles 
maladies  ;  à  côté,  drs  indifférents,  des  iucréiliiles 
auxquels  tout  semble  réussir;  Louis  XVI,  le 
modèle  des  bons  rois,  portant  sa  tète  sur  l'écha- 
faud;  le  cruel  Henri  VIII,  roi  d'Angleterre, 
sorte  de  monstre  conronné,  expirant  tranquille- 
ment sur  sa  couche  royale...  Ce  serait  à  n'y 
rien  cnmproudre  ;  mais,  avec  la  vie  éternelle, 
tout  s'expliiiue.  Justes,  prenez  courage  ;  les 
épreuves  de  la  vie  bien  supportées  ne  seront 
pas  pour  vous  sans  mérite.  Au  milieu  des  souf- 
frances, fleurissent  des  couronnes  immortelles 
qui  orneront  vos  fronts  dans  la  patrie  des 
âmes;  ne  portez  donc  point  envie  an  bonheur 
dont  les  impies  ou  les  mécréants  semblent  jouir 
sur  cette  terre.  Nous  avons  dit,  dans  notre  der- 
nière instruction,  quel  était,  pour  l'éternité,  le 
sort  du  mauvais  riche;  c'est  celui  qui  les  at- 
tend... 

I'roposition.  —  C'est,  mes  frères,  de  cette 
vie  éternelle,  pour  lacpielle  nous  avons  été  créés, 
où  doivent  aboutir  tons  nos  travaux,  qui  doit 
être  l'objet  de  nos  pensées  et  de  nos  désirs,  que 
je  veux  vous  parler  aujourd'hui...  Et  comment 
vous  en  donner  un»  vlée?  L'apôtre  saint  Paul, 
revenu  d'une  extase  pendait  laquelle  il  avait 
été  ravi  jusque  dans  le  troisième  ciel,  disait  : 
«  L'œil  de  1  homme  n'a  point  vu,  son  intelli- 
gence ne  saurait  comprendre,  sa  langue  ne  peut 
exprimer  la  félicité,  le  trésor  de  ciélices  que 
Dieu  a  préparcs  pour  les  élus  (I)... 

1.  I.  Cormth.  u-9. 


Division.  —  Pour  nous  former  une  idée  de  la 
vie  éternelle,  du  bonheur  que  Dieu  garde  à  ses 
saints,  nous  allons  :  Premièrement,  employer 
quelques  comparaisons  puis,  en  second  lieu, 
nous  essayerons  d'accompagner  une  âme  à  son 
entrée  dans  le  ciel. 

Première  partie.  —  Le  ciel,  c'est  un  séjour  où 
l'on  est  exempt  d'!  tous  les  maux  et  oii  l'on  pos- 
sède tous  les  biens.  Sur  cette  terre,  que  de 
misères!..  Notre  corps  est  exposé  aux  fatigues, 
anx  douleurs,  aux  intirmités.  Ici,  c'est  la  pau- 
vreté avec  ses  privations  et  ses  augoi-ses;  là, 
ce  sont  des  malheurs  inattendu?,  des  pertes, 
des  revers  ..  Faut-il  vous  parler  de  ces  haines, 
de  ces  jalousies,  de  ces  persécutions,  ouvertes 
ou  cachées,  qui  viennent  attrister  l'àme  ?  Est-il 
rare,  dites-moi,  de  trouver  ici-bas  des  amis  qui 
vous  trompent,  des  parents  qui  vous  haïssent 
et  même  des  enfants  dénaturés?..  Puis  ces  oscil- 
lations de  l'àme  entre  le  bien  et  le  mal,  ces 
rechutes  décourageantes,  cette  incertitude  où 
nous  sommes  de  notre  sort  éternel,  ne  sout-ce 
pas  là  encore  des  maux  presque  iDséparabbs  de 
kl  vie  ?  Entiu,  la  mort,  dont  l'heure  est  incer- 
taine, et  qui  cependant  plane  sur  chacune  de 
nos  heures,  comme  un  spectre  sinistre  toujours 
prêt  à  nous  entraîner,  n'est-ce  pas  un  sujet 
continuel  de  crainte  qui  nous  empêche  de  pou- 
voir goûter  ici-bas  un  bonheur  pur  et  sans  mé- 
lange (1)  ?...  Au  ciel  plus  de  douleur,  plus  d'an- 
goisses, plus  de  mort  à  craindre  ;  c'est  l'exemp- 
tion de  tous  les  maux.. . 

Mais  non-seulement  la  vie  éternelle  est 
l'exemption  de  tous  les  maux,  c'est  la  réunion 
de  tous  les  biens.  Avez-vous  jamais  contemplé, 
pendant  quelques  minutes,  la  beaulé,  \\  s[)len- 
deur  de  cet  univers  que  nous  liibitons?  Voyez 
donc  la  magniticeuce  de  celte  voûte  azurée 
que  Dieu  a  étendue  sur  nos  tètes.  La  nuit,  des 
myriades  d'éioiles.  qui  brillent  comme  autant 
de  diamants,  semblent  clouées  à  sa  surface  ;  au 
milieu  d'elles,  la  lune  se  promène  majestueuse- 
ment comme  une  reine  au  milieu  de  ses  filles 
d'honneur...  Le  jour,  le  soleil  l'inonde  des  flols 
de  sa  lumière;  qu'ils  sont  beaux  ces  nuages 
dont  SI  lumière  dore  la  bordure  frangée  !.. 
Abais-ez  maintenant  vos  regards  sur  la  terre. 
Contemplez  ces  moissons  qui  jaunissent,  ces 
arbres  au  feuillage  si  divers,  aux  fruits  si  variés, 
hcoutez  le  bruissement  majestueux  des  vents  à 
travers  les  chênes  et  les  pins,  le  chant  de  l'a- 
louette entonnant  gaîment  son  hymne  du  matin; 
puis  ce  gazouillement  harmonieux  de  milliers 
d'oiseaux  au  plumage  si  brillant,  au  vol  si 
b'ger.  l'encliez-vous  pour  respirer  les  parfums 
du  toutes  ces  fleurs  dont  la  terre  est  émaillée 
comme  un  riche  parterre.  Quel  admirable  spec- 

t.  Conf.  s.  Augustin,  ètédilalioru.  Tom.  X7JI,  p.  596. 
Edition  Vives. 


fuA  SEMAINE  ,ÎU  awiGE 


uo$ 


tacle...  Que  ce  monde  est  beau  !  Comme  on  s'y 
plairait,  si  l'on  pouvait  y  vivre  exempt  de  tous 
les  maux,  si  le  priiilem[is  devait  être  perpétuel 
et  si  l'éternité  pouvait  se  trouver  i'i  bas  !... 

Pourtant,  fièrci  bien  aimés,  ce  n'est  rien  à 
côté  du  pabis  que  Uicu  nous  a  préparé,  ce  n'est 
rien  en  comporaison  de  la  demeure  qui  nous 
attend  là-haut.  Alil  du  moins,  que  ce  spectacle 
erve  à  élever  nos  cœurs  1  Disons-nous  à  nous- 
-mêmes :  Si  cette  terre,  qui  n'est  qu'un  lieu  de 
passage,  est  déjà  si  belle,  quelle  doit  être  la  ma- 
gnificence du  séjour  qui  nous  attend  à  l'arrivée! 
Si  ce  monde,  qui  n'est  qu'une  prison,  me  semble 
si  merveilleux,  que  doit  être  l'appartement  royal 
qui  m'est  destiné  !..  Là-haut,  plussplendide  sera 
la  voûte  du  ciel  :  Jésus,  le  soleil  de  justice,  l'illu- 
minera de  ses  rayons  ;  Marie  l'éclairera  de  sa 
douce  lumière  ;  les  anf^es  et  les  saints  seront  les 
étoiles  qui  l'orneront...  Quel  bonheur,  quelle  joie 
d'entendre  pendant  l'éternité  les  harmonies  di» 
vines,  de  courir  à  l'odeur  des  parfums  de  Jésus, 
de  savourer,  comme  un  miel  divin,  la  douceur  de 
son  amour!  0  terre,  ô  monde  1  quelle  que  soit  la 
splendeur  avec  laquelle  la  Providence  vous  ait 
ornés,  que  vous  me  paraissez  peu  de  chose, 
quand  je  vous  compare  à  la  vie  éternelle  1... 

Je  pourrais,  mes  frères,  employer  beaucoup 
d'autres  comparaisons;  vous  dire  que  le  ciel 
ressemble  à  un  somptueux  festin,  à  uu  empire 
florissant,  à  des  noces  [ileines  d'allégresse  ;  nuis 
que  seraient  toutes  ces  comparaisons?  Non,  l'œil 
de  l'homme  n'a  point  vu,  son  oreille  n'a  point 
entendu,  son  intelligence  ne  saurait  comprendre 
les  trésors  de  bonheur  que  Dieu  prépare  à  ses 
élus... 

Seconde  partie.  —  Essayons,  pour  mieux  com- 
prendre ce  que  c'est  que  la  vie  éternelle,  de 
suivre  une  âme  à  sou  entrée  dans  le  ciel.  Com- 
mençons d'abord  par  une  histoire,  de  laquelle 
nous  tirerons  une  comparaison.  Un  empereur 
grec,  nommé  Isaac  Commène,  ayant  été  fait  pri- 
sonnier pendant  une  révolte  de  ses  sujets,  fut 
plongé  dans  uu  cachot  obscur  et  ténébreux. 
Livré  à  de  barbares  geôliers,  chaque  jour  il  était 
soumis  à  de  nouvelles  avanies,  à  de  cruels 
outrages.  On  lui  refusait  jusqu'au  vêtement;  la 
vermine  le  dévorait  ;  de  lourdes  chaînes  char- 
geaient ses  membres.  Ses  ennemis  lui  mesu- 
raient avec  avarice  le  pain  noir  dont  ils  le 
nourrissaient  ;  chaque  soir  des  bandes  de  furieux 
rôdaient  autour  de  son  cachot  en  demandant  sa 
mort...  Tout  à  coup  les  cris  deviennent  plus 
violents,  des  pas  tumultueux  se  font  entendre 
dans  les  longs  corridors  delà  prison  ;  ils  appro- 
chent; les  portes  du  cay^aot  crient  sur  leurs 
gonds  rouilles  t. ..  Pauvre  empereur,  sans  doute 
ta  dernière  heure  a  sonné  ;  ce  sont  des  meur- 
trieriqui  s'avancent!...  Isaac  se  laisse  tomber 
a^ec  désespoir  sur  la  paille  qui  lui  sert  de  lit; 


déjà  il  présente  sa  gorge  aux  poignards...  Mais, 
ô  surprise!  ses  fers  sont  brisés  ;  ceux  qu'il  avait 
cru  des  assassins  sont  des  libérateurs-  On  l'em- 
porte en  triomphe  ;  son  rival  est  vamcu,  et  lui- 
même  est  replacé  sur  le  trône  au  milieu  des 
acclamations  d  un  peuple  entier... 

Frères  bien  aimés,  la  joie  de  ce  prince,  échan- 
geant le  cachot  contre  un  trône,  passant  des 
privations  de  la  prison  aux  douceurs  de  l'empire, 
n'est  rien  comparée  à  ce  qu'éprouve  une  âme 
quittant  celte  terre  pour  la  vie  éternelle.  Com- 
ment vous  peindre  sa  joie,  son  bonheur,  son 
ravissement?...  Celte  vie  d'ici-bas  pleine  de 
douleurs,  de  fatigues,  de  privations  et  de  larmes, 
elle  la  quitte  pour  retrouver  au  sein  de  sa  nou- 
velle patrie  un  calme,  une  paix,  une  félicité 
immenses...  Ses  derniers  moments  ont  été  cruels; 
que  de  transes,  que  de  frayeurs  au  moment  de  la 
mort  !  Elle  a  laissé  sur  un  lit,  témoin  de  ses 
luttes  suprême?,  un  corps  amaigri  par  la  mala- 
die, défiguré  par  la  soutirance,  et  voici  qu'à  ses 
frayeurs  succède  une  douce  sécurité,  à  ses  dou- 
leurs, des  joies;  à  ses  souflrances,  un  bonheur 
inaltérable...  Conduite  par  son  ange  gardien, 
jugée  avec  miséricorde  au  tribunal  de  Jésus, 
elle  s'avance,  elle  monte  par-de-là  les  sphères 
étoilées  !...  Ame  heureuse,  nous  allons  te  >uivre, 
el  puisse  un  jour  notre  bouheur  ressembler  i 
ton  bouheur  !... 

La  voyez-vous  dépassant  le  firmament  et  ar- 
rivant sur  ces  frontières  de  la  vie  éternelle? 
Quelle  clarté  1  quelle  lumière!  quelle  douceur  I 
quels  parfums!...  Comme  tout  annonce  l'ap- 
proche du  paradis  !..  Le  voilà  donc,  ce  délicieux 
séjour,  cet  océan  de  délices!  Elle  commence  à 
voir  ce  que  l'œil  n'a  point  vu!...  Aux  portes 
sont  accourus,  pour  la  recevoir,  ses  bien  aimés 
patrons,  les  saints  pour  lesquels  elle  eut  une 
dévotion  spéciale;  puis  j'aperçois  son  père,  sa 
mère,  ses  aïeux  qui  viennent  à  sa  rencontre  ; 
quels  tendres  embrassements  1  «  Père  chéri, 
tendre  mère,  s'écrie-t-ellc  ;  sur  la  terre  vous  étiez 
mes  soutiens;  que  de  larmes  j'ai  versées  à  votre 
mort;  maisje  suis  consolée,  je  vous  retrouve  en 
Dieu  ;  oh  !  laissez-moi  vous  embrasser  avec  ten- 
dresse ;  voici  que  nous  allons  èlre  réunis  pour 
toujours...  »  Puis  viennent  les  âmes  que,  par 
ses  prières,  elle  a  tirées  des  flammes  du  purga- 
toire :  elles  s'empressent  à  lui  faire  un  cortège 
d'honneur.  Elle  s'avance  encore,  et  plus  elle 
monte,  plus  elle  voit  croître  la  majesté,  la 
pompe,  la  gloire  de  ce  magnifique  séjour.  Son 
œil  ébloui  contemple  un  spectacle  dont  rien  ici- 
bas  ne  saurait  nous  donner  une  idée;  ses  oreilles 
sont  inondées  d'une  harmonie  divine;  les  odeur» 
les  plus  suaves  réjouissent  son  odorat  I... 

Ame  bienheureuse,  que  penses  tu  du  bonheur 
des  élus,  de  leur  beauté,  des  jouissances  qui 
vont  devenir  ton  partage?  N'est-ce  pas,  les  e;i- 


<40i 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


scipucuTicnls  <le  la  foi  no  t'oi\t  point  trompée  ;  tu 
nV'siiérais  pas  une  si  maguilique  récompense!... 
Alais,  au  lien  de  nous  répoudre,  je  la  vois  déjà 
baignée  dans  le   iionhour,  s'avançant  jusqu'au 
pied  de  la  Vierge  Marie...  Oh  !  quelle  est  belle 
dans  sa  m;iji  ?tc,   l'augusle  Mère  de  Jésus,  la 
reine    glorieuse    des    prédestinés  !   qui   pourra 
redire   la  joie  dont  une  ùme  est  inondée  en 
voj-ant  cette  majeslueuse  priucesse,  si   belle,  si 
aimalde.  si  tendre,  si  p^ratieuse,  accueillant  avec 
uu  doux  sourire  et  pressant  sur  son  cœur  1  ame 
qui  lui  fut  dévouée  (I)  :   «  Te  voilà,  ma  chère 
enfant,  je  suis  lieurouss  de  te  voir  ici  avec  moi 
pour  toute  l'éternité  !..  »    Puis  la  Vierge   après 
avoir  béni  celte  àme  sainte,  va  elle-même  la 
présenter  à  son  Fils.  Dou.k  cœur  de  Jésus,  c'est 
alors  que  l'on  comprend  votre  bc.iulé,  et  la  ten- 
dresse immense   avec  laquelle  vous  nous  avez 
aimés.  Quelle  douceur,  (jnels  suaves   pirfums 
s'écbappeut    de  vos  plaies  !    quelles  ineffables 
délices   ou  respire  prés  de  vous,  ô  roi  Jésus  1 
Qu'il  est  bon  de   vous  avoir  aimé  et  servi  sur 
cette   terre!...  Je  vouJrais,  mes  frères,  suivre 
cette  âme  bienheureuse  jû5;;r.-~  au   trône  de 
l'adorable  Trinité,  vous  montrer  les  trois   per- 
sonnes divines  déposant  sur  sa  tète  la  couronne 
des  prédestinés;  mais  uu  nuage  éblouissant  de 
gloire  la  dérobe  à   mes  yeux  ;  elle  disparaît, 
noyée  dans  les  profondeurs  des  perfections  de 
Dieu...  Ame  heureuse,  oui  je  le  répète,  puisse 
un  jour  notre  sort  être  semblable  à  ton  sort... 

Frères  bien  aimés,  ai-je  pu,  à  l'aide  de  ces 
images,  de  ces  comparaisons,  vous  donner  une 
idée  de  la  vie  éternelle,  du  bonheur  du  ciel... 
Non  mille  fois  non...  Vous  ai-je  montré  nos 
corps  ressuscites  semblables  au  corps  glorieux 
de  Jésus,  revêtus  de  gloire,  étalant  une  incom- 
parable beauté  et  baignés  dans  un  océan  de 
lumière?  Vous  ai-je  parlé  de  ce  nectar  ineffable 
réjouissant  éternellement  les  saints,  de  ces  har- 
monies suaves,  de  ces  concerts  divins,  de  ces 
hozauna  éternels?  Vous  ai  je  dit...  Mais  non,  les 
paroles  sont  impuissantes  ;  l'œil  de  l'homme  n'a 
point  vu,  sou  oreille  n'a  point  euteudu,  son 
intelligence  ne  saurait  comprendre  les  trésors 
de  délices  que  Itieu  garde  à  ses  amis. . .  0  paradis, 
ô  vie  élernellement  heureuse,  nous  pouvons, 
avec  la  grâce  de  Dieu,  te  mériter,  mais  il  nous 
est  impo-sible  de  te  comprendre  (2)1... 

Péroraisos.  C'était,  mes  frères,  le  souvenir  de 
cette  vie  éternelle,  le  désir  ardent  de  la  posséder 
qui  soutenait  [ei  îiiiuts  au  milieu  de  leurs  tra- 
vaux et  de  leurs  souffiances.  —  Quoi,  disait-on 
à  sainte  Cécile,  sacrifier  ainsi  tant  de  jeunesse, 
tant  de  beauté,  un  si  riclie  avenir!...  Mais  vous 
n'y  pensez  pas...   Sacrifiez  aux  dieux,  jeune 

1.  Conf  saint  Léonard  sermon  sur  la  Paradis. 

2.  Acquiri  poleU,  œiUmar:  ntt  poletl.  —  Saiut  Aagastin 
•pnd.  Drexel.  ;  Cœ.'um.  cap,  i. 


patricienne,  et  jouissez  d'utiê  vie  que  tout 
embellira  pour  vous  sur  la  terre...  —  Et  la 
jeune  martyre  répondait  :  Mourir  pour  Jésus- 
Christ,  ce  n'est  pas  sacrifier  .sa  jeunesse,  mais  la 
renouveler;  c'est  donner  un  peu  de  boue  pour 
recevoir  de  l'or  ;  échanger  une  demeuie  étroite 
et  vile  contre  un  palais  magnifique  (1)...  Voyez- 
vous  cette  autre  jeune  fille  que  des  bourreaux 
entraînent  dans  un  sombre  cachot  ?  c'est  sainte 
Agathe.  Pourquoi  cette  joie  qui  illumine  son 
Iroiii  ?  Pourquoi  l'allégresse  qu'elle  éprouve  en 
pénétrant  dans  cette  prison  humide (2)  ?..  Dites- 
no;:;-le  vous-même,  généreuse  martyre?.... 
«  C'est  que  ce  cachot  sera  pour  moi  le  vestibule 
du  ciel;  déjà  j'entrevois  la  couronne  que  Jésus 
me  destine,  déjà  je  savoure  les  joit-s  infinies  qui 
m'attendent  dans  la  vie  éternelle.  » 

Frères  bien  aimés,  ce  bonheur  immense  doit 
être  aussi  notre  partage  ;  c'est  au  ciel  que  Dieu 
nous  appelle,  c'est  là  qu'il  nous  veut,  c'est  pour  la 
vie  éternelle  qu'il  nous  a  créés...  Le  cœur  en 
haut  1  soyons  de  bons  chrétiens,  la  chose  en  vaut 
la  peine,  et  la  récompeuse  qui  nous  attend 
mérite  bien  quelques  efforts  de  notre  part...  0 
vie  éternellement  heureuse,  vrai  séjour  d'un 
bonheur  qui  n'aura  point  de  fin  ;  royaume  divin, 
dont  la  durée  n'aura  point  de  bornes,  puissions- 
nous,  après  avoir  obtenu  le  pardon  de  nos  péchés 
et  déposé  le  fardeau  de  ce  corps  mortel,  avoir 
part  un  jour  à  vos  joies  éternelles,  à  cette 
immense  félicité,  à  ce  doux  repos  qu'on  ne 
trouve  qu'en  vous.  Ainsi  soit-Jl. 

L'abbé  LOBHT, 
curé   de    Vauchassis. 


LITURGIE 

lES      OUATaE-TEllPS 
(5*  article.) 

Les  monuments  publics  des  viii*  et  iï*  sièclss 
nous  montrent  les  Quatre-Temps  établis  dans  les 
Gaules.  Dans  les  capitulaires  de  Charlemagne, 
publiés  en  769,  il  est  ordonné  que  «  les  prêtres 
eux-mêmes  observeront  le  jeiîue  des  Quatre- 
Temps  et  qu'ils  l'annonceront  au  peuple  pour  le 
lui  faire  observer.»  Il  y  est  dit  encore  :  «Les  prê- 
tres enseigneront  au  peuple  qu'il  doit  observer 
les  jeunes  des  Quatre-Temps  étabhs  par  la  loi, 
savoir,  dans  les  mois  de  mars  Ae  juillet,  de 
septembre  et  de  décembre,  aux  époques  où  les 
ordres  sacrés  sont  conférés  selon  Les  dispositions 
des  canons  (3).  »  Le  trente-quatrième  canon  du 
concile  de  Slayence,tenu  en  8!  3, est  ainsi  conçu: 
«  Nous  prescrivons  que  tous  observent  les  Qua. 


1.  Vie  de  sainte  Cécile  par  dont  Gu^anger    j). 

2.  .\otes  et  oflii.-e  de  celle  sainte. 
3    Lib.  V.  cap.  86. 


11 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1405 


tre-Temps  de  l'annrp ,  en  se  soumettant  au 
jeûne,  suloa  la  tradiliou  de  l'E^liso  romaine, 
savoir  dans  la  première  semaine  du  mois  de 
mars,  dans  la  sefinde  semaine  du  mois  de  juin, 
dans  la  troisième  semaine  du  mois  de  septembre, 
et  dans  la  semaine  du  mois  de  dccembie  qui  est 
complète  avant  la  vigile  de  la  Nativité  du  Sei- 
gneur. »  Le  second  jeune  indiqué  dans  le  second 
passage  des  capilulaires  que  nous  avons  eiié  ne 
peut  être  que  celui  de  la  Pentecôte,  et  comme 
cette  fête  ne  tombe  jamais  assez  tard  pour  que 
lesQuatrc-Temps  qui  viennent  dans  son  octave 
soient  reculés  jusqu'au  mois  de  juillet,  nous 
pensons  que  le  texte  a  dû  être  altéré  en  cet 
endroit.  11  y  e?t  dit  positivement,  en  eilet,  que 
ces  jeûnes  sout  placés  aux  époques  des  ordina- 
tions, i^t  nous  avons  vu  qu'une  de  ces  époques 
est  le  samedi  qui  suit  la  l'entecôte;  sans  celte 
explication,  on  ne  compreiulr.ùt  pas  celte  diver- 
gence des  capilulaireâ  avec  les  documents  plus 
anciens  et  les  actes  du  concile  de  Mayence  célébré 
peu  d'années  après  la  publication  de  ces  ordon- 
nances. 

Il  n'est  pas  possible  d'équivoquer  sur  ces 
cxtcs,  (jui  sont  parfaitement  clairs.  Granc<.his 
les  note  et  ne  les  conteste  pas  (1)  ;  mais,  de  ce 
qu'on  n'en  produit  pas  d'autres  qui  prouvent 
directement  i[ue  les  Qualre-Ti  mps  éliient  obser- 
vés dans  les  Gaides  avant  l'année  709,  il  se  croit 
autorisé  à  allirmer  iiue  c'est  seulement  au  viii'' 
siècle  qu'il  s'y  introduisirent.  Il  ne  fait,  en  cela, 
que  prendre  pour  son  compte  la  thèse  de  Baillet, 
un  des  plus  i'rvents  adeptes  de  cette  école  galli- 
cane, qui,  boslile  de  parti  prisa  l'autorité  du 
Saint-Sié^e,  n'a  pas  craint  d'altérer  avec  une 
persévérance  ilij^ne  d'une  meilleure  cause,  la 
vérité  historique,  pour  d(''natiirer  les  rapports 
de  l'Eglise  romaine  avec  les  églises  parliculières 
dans  les  premiers  siècles,  et  essayer  de  demou- 
Irer  les  prétendues  franchises  et  libertés  de  ces 
•dernières  à  l'égard  du  cenlre  de  l'unité.  Baillet 
lui-même,  dans  la  question  qui  nous  oc^'upe,  ne 
trouvait  pas  messéanlde  se  faire  l'écho  du  minis- 
tre proteslanl  Daillé,  qui  trouva  dans  Bossuct 
■un  si  rude  et  si  triomphant  adversaire. 

Il  nous  paraît  inléres?ant  de  f^ire  parler 
Baillet  lui-même,  afin  de  montrer  toute  la  force 
de  son  raisonnement:  «  L'insiilution  du  jeûne 
des  Quatrc-Temps  étant  parliculière  à  l'Eglise 
romaine,  (  fi  il  paraît  que  les  papes  en  firent 
l'établisse'"  lit  vers  les  commencements  du  cin- 
quième siècle ,  l'us.ige  en  demeura  pendant 
■quelque  temps  nsserré  dans  les  limites  île  la 
ville  de  Rome,  il  se  communiqua  ensuite  en 
diverses  villes  de  l'Italie.  M, as  ceux  qui  ont  pré- 
tendu qu'il  était  ré[ianda  et  observé  générale- 
ment par  toute  l'Eglise  dès  le  milieu  du  cin- 
-quiènae  siècle,  semblent  avoir  été  trompés  par  la 

i.  Ctmnunt,  hist.  in  Dreviar.  Rom.,  lib.  II,  cap.  2, 


manière  dont  saint  Léon  s'en  est  expliqué  dans 
quelques-uns  de  ses  sermons  devant  son  peuple. 
Ils  devaient  considérer  que, par  le  terme  de  toute 
l'Eglise  et  de  tous  les  Odèles,  ce  saint  lape  enlen- 
dail  seulement  tous  ceux  k  qui  il  pariait  ou  tous 
ceux  qui  étaient  de  la  ville  et  du  diocèse  parlicu- 
lier  de  Borne.  On  peut  juger  que, dans  le  sixième 
siècle  même, il  y  avait  beaucoup  de  lieux  en  Italie 
où  l'observation  du  jeûne  des  Quatre-Temps 
n'était  pas  encore  reçue  (1).  » 

Nous  n'avons  pas  à  revenir  fur  l'origine  apos- 
tolique des  Quatre  Temps,  que  lijillet  nie  assez 
timidement,  il  ne  i)eut  plus  rester  de  doute  sur 
ce  point.  On  admireia  le  sans-gêne  avec  lequel 
Daillet  se  débari'asse  du  tCmoiguago  de  s^int 
Léon  par  l'interprétation  fantaisiste  qu'il  en 
donne,  afin  de  persuader  à  son  lecteur  que  les 
Qualre-Temps,  d'institution  fort  récente,  n'é- 
taient encore  connus  ou  du  moins  observés  qu'à 
Rome  |)endant  le  pontificat  de  l'illustre  docteur. 
Noël  Alexandre  défend  la  thèse  opposée,  qu'il 
formule  ainsi:  «  11  est  certain  que  les  jeûnes  des 
Quatre-Teraps  étaient  observes  religieusement 
par  toute  l'Eglife  au  cinquième  siècle  (!).»  Ce 
savant  auteur  tire  toutes  ses  preuves  des  sermons 
de  saint  Léon,  dans  lesquels  nous  avons  déjà 
puisé  largement,  et  où  nous  trouverons  de  nou- 
veaux et  irréfutables  arguments  pour  le  cas 
présent.  Le  grand  l'ape  dit  à  propos  des  Qnalre- 
Temps  d'hiver:  «  Le  jeune  du  dixième  mois.(jui 
arrive  dans  le  temps  de  l'hiver,  nous  invite  à 
nous  livrer  à  la  culture  myslique  de  nos  âmes, 
laquelle,  par  nos  soins  spirituels,  fera  pous-er 
vigoureusement  les  moissons,  hs  vignes  et  les 
arbres  dans  lesquels  l'infiimitc  humaine  trouve 
son  soutien;  en  sorte  que  le  champ  du  Sei- 
gneur s'enrichira  de  tout  ce  que  nous  y  auious 
dépensé,  et  parce  qu'il  faut  qu'il  ne  soit  jamais 
dépourvu  de  fruits,  il  deviendra  pins  productif 
par  sa  propre  fécondité.  Votre  Sainteté  comprend 
assurément  que  tout  cela  doit  se  rapporter  au 
progrès  de  toute  l'Eglise,  progrès  qui  a  son 
germe  dans  la  foi,  sou  développement  dans  l'es- 
pérance, sa  maturité  dans  la  charité  {-2).  »  Il  nous 
se'mble  bien  que,  sans  le  dire  explicitement,  saint 
Léou  entend  ici  que  le  jeûne,  qui  doit  profiter  à 
toute  l'Eglise,  est  aussi  observe  dans  toute 
l'Eglise.  Si  l'on  voulait  néanmoins  expliquer  ces 
paroles  en  ce  sens  que  le  jeûne  de  l'Eglise 
romaine,  qui  est  la  tête  du  monde  cathohque, 
attirera  sur  l'Eglise  universelle  l'^-"  bénédictions 
de  Dieu,  nous  aurions  à  appovter  d'autres  pas- 
sages [ilus  formels  pour  montrer  que  cette  inter- 
prétation est  peu  fondée.  Dans  le  même  sermon, 
après  avoir  parlé  des  armes  sphituelles  que  Dieu 
a  mises  eu  nos  mains  pour  combattre  et  vaincra 

1.  La  Vie  dit  Sanis,  Hsilore  det  Quatre-Temps,  ia-fol, 
tom,  IV,  page   14'J. 

'2.   ll'Sl.  cet).,  iu;cu/ii»i  II,  art,  4, 

Tome  IV.  N"  46. 


1K6 


L\  SEMAINE  DU  CLERGE 


les  vices,  saint  Léon  ajoute  :  «  A  ces  moyens  de 
conversion,  la  {;iàce  de  Dieu  a  ajouté  dans  sa 
prcvoyanr;e  les  saints  jeûnes  qui,  à  certains  jours, 
exigent  de  l'Eglise  nniver.-elîe  ta  dévotion  qui 
doit  arcomiia|,'uer  celle  observance  générale.  En 
cflét,  s'il  csf  beau  et  louable  que  chacun  des 
membres  du  Christ  se  décore  lui-même  p:ir  l'ac- 
complisscment  descsdevoirsindividuels,  l'action 
a  une  valeur  plus  haute  et  sa  vertu  prend  un 
caractère  plus  sacré,  lorsque  lescœvjrs  de  tout  un 
peuple  s'unissent  pour  courir  au  mêm';  but,  et 
ainsi  celui  qi-e  le  tnivad  de  notre  saiictification 
met  au  supplxe  n'éprouve  pas  seulement  une 
défaite  partielle,  mais  succombe  sous  l'ellort  de 
ce  peuple  uni  en  un  tout  compact.  Le  dixième 
mois,  trcrcs  bien  aimés,  se  présente  pour  êlre 
consacré  à  ce:te  œuvre,  nous  exhortant  en  quel- 
que sorte,  par  sa  température,  à  ne  point  nous 
laisser  engourdir  par  leisoid  de  l'inlidéUté,  mais 
plulôl  à  nous  fortifier  par  l'esprit  de  la  cha- 
rité (1).  »  11  serait  bien  difficile  d'appliquer  à  ces 
paroles  l'interprétation  de  Baillât,  Les  suivantes 
ne  peuvent  avoir  un  autre  sens:  «tiien  qu'il 
soit  loisible  à  chacun  de  nous  d'iuD'ger  à  son 
propre  corps  des  mortifications  volontaires  et  de 
réprimer  tantôt  plus  modérément  et  tantôt  plus 
rigoureusement  les  désirs  de  la  chair  oui  com- 
battent contre  l'esprit,  il  faut  cependant  qu'un 
jeûne  général  soit  observé  par  ton  j  ensemble  à 
certains  jours,  et  la  dévotion  acquiert  plus  d'ef- 
ficacité et  prend  un  caractère  plus  sacré,  lorsque 
l'Eylise  tout  entière  est  unie  dans  un  même 
es,  rit  et  un  même  sentiment.  Car  les  actes  pu- 
blics sont  préférables  aux  actes  privés,  et  l'on 
doit  comprendre  que  les  plus  grands  avantages 
se  ren<'ontrerout  là  où  la  communauté  entière 
s'appliqu(!  à  veiller  ("2).»  Nous  ne  devons  pas 
hésiter  entre  les  affirmations  de  saint  Léon  et 
les  objections  de  nos  gallicans,  qui  n'ont  pas 
même  oS'i  produire  ces  passages  redoutables 
pour  eux, et  qui  ont  cru  faire  accepter  leur  néga- 
tion à  la  faveur  d'une  explication  arbitraire, 
isolée  soigoeusement  des  textes,  et  dont  la  faus- 
seté éclate  lorsqu'on  la  met  en  regard  des  cita- 
tions que  nous  venons  de  faire.  Nous  concluons 
donc,  avec  Noël  Alexandre  et  Mérati,  contre  Gran- 
colas,Baillet  et  leur  compromettant  associé  Daillé, 
qu'au  temps  de  saint  Léon,  au  v»  siècle,  les 
Ûuatre-Temps  étaient  reçus  et  observés  dans 
toute  l'Eglise  latine.  A  quelle  époque  furent-ils 
introduits  dans  chaque  région?  Nous  l'ignorons. 
Saint  Léon  ne  dit  rien  qui  autorise  à  croire  que 
l'adoption  de  ce'  i  pratique  par  les  églises  par- 
ticulières fût  récente  ou  seulement  devenue 
gi-nérale  depuis  peu  de  temps.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que  l'Eglise  romaine  tenait  celte  institution 

1.  Serm.  xviii  (alias  17).  Dt  jejimit  dtcimi  mituiivu, 
Dum.  3. 

2,  Itid.,  num.  2. 


de  la  tradition  vjposlol'iu'e,  et  qu'e'le  la  fit  pas- 
ser de  bonne  heure,  un  peu  plus  tôt  ou  un  peu 
plus  tard,  suivant  les  progrès  delà  religion  dans 
chaque  contrée,  dans  les  diverses  églises,  de 
telle  sorte  qu'au  v'sièclerunanimitéétaitétablie 
sur  ce  point  dans  tout  l'Occident. 

Bailletct  Grancolas  ont  appliqué  leur  système 
d'interprétation  à  un  décret  de  saint  Charles 
Borromée,  pour  prouver  que  l'église  de  Milan 
s'était  tenue  jusqu'alors  à  l'écart  delà  discipline 
générale  sur  ce  })oint  et  n'avait  jamais  accepté 
le  jeune  deî  Quatre-Teraiis.  Voici  ce  décret  qu'ils 
ont  soigneusement  évité  de  citer,  il  est  tiré  des 
actes  du  quatrième  des  conciles  provinciaux, 
convouuéset  présiilés  par  saint  Chai-les:»  La  sol- 
licitude pastorale  devra  instruire  les  fidèles  pour 
leur  faire  observer  et  remettre  en  usage  selon 
la  pieuse  [.ratique  léguée  par  l'antiquité, lesjeûnes 
des  Quatre-Temps,  cette  ins'itution  salutaire 
établie  selon  l'enseignement  du  Saint-Esprit,  et 
que  l'on  célèbre,  comme  autrefois,  avecun  nom- 
breux concours  de  fidèles  et  en  adres.'sant  à  Dieu, 
dans  les  assemblées  solennelles,  de  religieuses 
supplications...  C'est  pourquoi  dans  toutes  les 
églises  de  notre  itrovince,  conformément  au 
règlement  donné  par  le  premier  concile  de 
Mayence,  les  fidèles  assisteroi.t  en  plus  grand 
nombre,  encisféries  solennelieo,  savoir  la  qua- 
trième, la  sixième  et  le  samedi,  au  sacrifice  de  la 
messe  et  aux  divins  offices,  et  ils  y  ajouterons 
des  prières,  des  jeûnes,  des  aumônes  et  toutes 
autres  œuvres  pies.  »  Baillet  dit ,  à  propos  de  ce 
décret  :  «  L'église  de  Milan  a  été  plusieurs  .siè- 
cles sans  recevoir  celte  institution,  et  l'on  di 
que  l'usage  des  Quatre-Tcmps  ne  s'y  est  établ 
que  depuis  environ  six-vingts  ans  que  saint 
Charles,  archevêque  du  lieu,  en  lit  une  obliga- 
tion pour  la  ville  et  son  diocèse,  n  Grancolai  a 
enchéri  sur  son  maître,  qui  ne  iiarlc,  comme  on 
le  voit,  qu'avec  une  certaine  hésitation,  et  il  (fit 
du  ton  le  plus  assuré  :  «  Les  Quatre-Temps  ne 
furent  jamais  observés  dans  l'église  de  Milan 
avant  saint  Charles  ;  car  il  est  le  premier  qui  ait 
pris  soin  d'eu  prescrire  l'observation  dans  son 
diocèse  par  un  décret  du  cimpiième  concile  de 
Milan.  »  Ce  concile  n'est  pas  le  cinquième  mais 
le  quatrième,  ainsi  que  nous  lavons  noté.  Si 
ces  auteurs,  d'ailleurs  îortérudits  et  très-capables 
d'entendre  les  textes  qu'ils  discutaient,  avaient 
lu  sans  préventionce  décret,  ils  auraient  vu  que 
saint  Charles  n'introduisit  pas,  dans  son  diocèse 
et  sa  province,  une  observance  nouvelle,  mais 
qu'il  remit  simplement  eu  vigueur  une  loi  qni 
n'était  pas  complètement  oubliée,  mais  mal 
observée,  et  ttmdait  à  tomber  en  désuétude  dans 
l'église  de  Milan,  où  sur  divers  points,  et  sur- 
tout dans  les  choses  liturgiques,  un  droit  parli- 
culier  s'était  établi.  Une  exception  en  appelle 
une  autre,  et  le  saint  archevêque,  très-zélé  pour 


LA  SE^UINE  DU  CLERGÉ 


I40T 


lemainlien  de  la  discipline  ecclésiastique^  vou- 
lut sagement  liUipêcher  que  l'abus  devînt  la 
règle.  Nos  deux  auteurs  avaient  à  cœur  de  prou- 
ver, OU  plutôt  de  faire  croire,  que  les  Quatre- 
Temps  ne  sont  pas  d'origine  aposlolique,  i;u'ils 
ne  furent  institues  à  Komequ'au.cinquièine  siècle, 
qu'ils  ne  pénétrèrent  en  France  ({u'au  huitième 
sièclfe,  et  que,  même  eu  Italie,  dans  les  régions 
les  plus  voisines  de  Rome,  on  ne  se  soumit  que 
tardivement  à  cette  loi.  Le  fait  de  Milan,  s'il  eût 
été  vrai,  confirmait  leur  assertion  ;  la  conclusion 
qu'ils  ne  tirent  pas  expressément  dans  leurs  dis- 
sertations, mais  qui  est  leur  objectif  habituel, 
c'est  que  les  églises  particulières  conservèrent 
fort  longtemps  leurs  franchises  à  l'égard  de 
l'église  romaine,  et  lorsqu'ils  rencontraient  des 
textes  embarrassants  qui  compromettaient  leur 
système,  sans  aucun  scrupule,  ils  en  dissimu- 
laient les  termes  et  Jleur  faisaient  violence  pour 
les  pliera  leur  idée,  transformant  les  objections 
en  arguments  favorables.  C'est  ainsi  (lu'a  tou- 
jours procédé  l'esprit  de  secte. 

X.  Lors  même  que  lejeûue  dcsQiiatre-Tcmps 
était  déjà  ce  vigueur  dans  toute  l'Eglise  latine, 
quelques  divergences  existèrent  encore  pendant 
un  temps  notable  sur  l'époque  précise  où  il 
devait  être  observé  en  chaque  saison,  et  ce  n'est 
que  peu  à  peu  que  l'on  arriva  partout  à  l'uui- 
formité  désirable  à  cet  égard. 

Nous  avons  une  lettre  de  l'abbé  Jeoffroy 
adressée  à  Hildebert,  évêque  du  Mans,  pour  lui 
demander  en  quelle  semaine  de  juin  il  fallait 
placer  le  jeûne  des  Quatre-Temps  d'été.  Cette 
consultation  prouve  qu'antérieurement  au  temps 
où  vivaitcetabbé,  c'est-à-dire  avant  1129,  toutes 
les  églises  n'étaient  par  d'accord  sur  ce  point. 

Dans  les  décrets  qui  nous  restent  du  concile 
de  Clermont  de  1095,  le  vingt-septième  statue 
que,  «  désormais,  le  jeûne  du  printemps  aura 
lieu  dans  la  première  semaine  du  carême  et  le 
jeûne  de  l'été  dans  le  cours  de  la  semaine  de  la 
Pentecôte.  «  L'évêque  Gébéhard,  légat  du  Saint- 
Siège,  avait  déjà  porté  un  décret  semblable  dans 
le  concile  de  Constance  de  l'année  précédente. 
Ces  faits  démontrent  avec  évidence  que  l'acconl 
ne  s'était  pas  encore  établi  sur  cette  question, 
et  ce  qui  achève  de  le  prouver,  c'est  le  canou 
que  nous  allons  citer  du  concile  de  Selgenstad, 
assemblé  en  1022,  qui  déclare  de  la  manière  la 

5 lus  positive  que  le  jeûne  des  Quatre-Temps 
emeuraittncer^aiV»  à  cette  époque. 
Bien  que,  dans  la  plupart  des  églises,  le  jeûne 
de  l'été  fût  fixé  à  la  seconde  semaine  de  juin, 
ainsi  que  le  foP-l  voir  les  décrets  des  conciles  dé 
Mayence  de  8irf,  et  de  Rouen,  de  1072,  on  ne 
s'accordait  pas  sur  \a  manière  de  déterminer 
cette  semaine.  Les  uns  commençaifent  le  jeûne 
le  mercredi,  selon  la  prescription  du  concile  de 
Selgenstad,  les  autres  le  samedi.  Ici  on  plagiait 


le  jeûne  dans  la  semaine  qui  précédait  immédia- 
tement la  Pentecôte,  lorsque  le  second  samedi 
de  juin  tombait  la  veille  de  cette  fête;  là  on  l'an- 
ticipait, dans  ce  cas,  en  le  mettant  dans  la 
semaine  de  l'Ascension;  ailleurs  il  était  ajourné 
invariablement  à  la  semaine  qui  suit  la  Pente- 
côte, et  c'est  cette  dernière  coutume  qui  a  fini 
par  prévaloir  universellemeik.  Le  désaccord 
n'était  pas  moindre  touchant  la  fixation  des 
jeûnes  du  printemps  et  de  l'hiver. 

Le  concile  de  Selgenstad  voulut  faire  dispa- 
raître ces  divergences,  et  il  promulgua,  à  cet 
effet,  le  canon  suivant  :  o  Nous  établissons  cette 
règle  fixe,  touchant  le  jeûne  des  Quatre-Temps, 
jusqu'ici  incertain.  Si  les  calendes  de  mars  tom- 
bent le  metcredi.  ou  bien  un  des  jours  qui  pré- 
cédent, le  jeûne  sera  célébré  dans  cette  semaine. 
Si  les  calendes  de  mars  sont  rejetées  au  jeudi, 
ou  au  vendredi,  ou  au  samedi,  le  jeûne  sera 
ajourné  à  la  semaine  suivante.  Pareillement, 
si  les  calendes  de  juin  tombent  le  mercredi,  ou 
bien  un  des  jouis  qui  précèdent,  le  jeûne  sera 
observé  cette  semaine  même.  Si  ces  calendes 
viennent  le  jeudi,  ou  le  vendredi,  ou  le  samevli, 
le  jeûne  sera  réservé  pour  la  semaine  suivante. 
Dans  le  cas  où,  d'après  la  règle  qui  vient  d'être 
posée,  le  jeune  du  mois  de  juin  coiucidera  avec 
la  veille  de  la  Pentecôte,  il  ne  sera  pas  célébré 
alors,  mais  dans  la  semaine  solennelle  de  la 
Pentecôte.  Le  jeûue  du  mois  de  septembre  est 
réglé  de  la  même  manière.  Si  les  calendes  de 
septembre  arrivent  le  mercredi,  ou  un  jour  pré- 
cédent, lejeûue  sera  rélébré  la  troisième  semaine. 
Si  ces  calendes  viennent  le  jeudi,  ou  le  vendredi, 
ou  le  samedi,  on  jeûnera  dans  la  quatrième 
semaine.  Ou  observera  ceci  dans  le  mois  de  dé- 
cembre. Un  jeûne  sera  célébré  le  samedi  qui 
précède  immédiatement  la  veille  de  la  Nativité 
de  Notre-Seiguenr,  parce  que,  si  la  vigile 
tombe  le  samedi,  il  ne  convient  pas  de  célébrer 
en  même  temps  cette  vigile  et  le  jeûne  des 
Quatre-Temps.  » 

Ce  décret,  rendu  pourjune  région  parliculière, 
n'eut  pas  la  vertu  d'établir  partout  l'uniformité. 
Le  huitième  canon  du  coucile  d'Oxford,  tenu  en 
122-2,  le  constate  de  nouveau.  Il  est  ainsi  conçu  : 
(I  On  doit  jeûner  en  mars,  le  mercredi,  le  ven- 
dredi et  le  samedi  de  la  première  semaine.  En 
juin,  le  jeûne  est  placé  dans  la  seconde  semaine. 
Celui-ci  est  observé  de  deux  manières  en  nom- 
bre de  lieux,  ou  bien  la  première  semaine 
après  les  litanies,  ou  bien  la  semaine  de  la  Pen- 
tecôte. En  septembre,  ou  jeûne  trois  jours.  On 
jeûne  encore  dans  la  semaine  «ntière  la  plus 
rapprochée  de  la  Nativité  de  No..,*-Seigneur.  » 
Cette  diversité  dans  l'observation  des  Quatre- 
Temps  n'était  pas  nouvelle  en  Angleterre,  puis- 
que le  concile  d'Enham,  tenu  en  1009,  avait 
déjà  tenté    de  la  supprimer   par  son  canon 


liOG 


LA  SEMAINE  DU  CLEUCE 


stizième,  fVont  voici  la  fcnenr  :  «  Nous  rlcvons 
observer  les  jeùues  des  Quatre-Tenips  selou  la 
règle  que  nous  a  donnée  saint  Gré.u;oire,  quoique 
la  pratique  d'autres  nations  soit  diDérente  (I).  » 
En  vertu  de  l'influence  constante  de  l'Eglise 
romaine  sur  !le  oglises  particulières  et  de  la 
tendance  à  laqueUe  celles-ci  ont  toujours  obéi, 
malgré  des  rcsiiiauces  passagères,  à  se  coofor- 
mer  à  l'Eglise  mère  et  maîtresse  eu  tout  ce  qui 
tient  à  la  discipline  générale,  les  divergences 
que  nous  venons  de  signaler  devaient  s'effacer 
peu  à  peu  et  ont  disparu  de  fait  à  la  lougue. 
Nous  ne  saurions  dire  à  quelle  époque  chaque 
pays  en  est  venu  à  se  plier  exactement  à  la  règle 
suivie  à  Rome,  pour  l'observation  des  Qualrc- 
Temps.  mais  il  n'est  pas  besoin  de  démontrer 
que  ce  fait  est  acquis  depuis  longtemps  dans 
l'Eçrlise  latine.  Quant  à  l'Eglise  grecque,  elle  a 
ses  jeu  es,  dout  le  plus  grand  nombre  concor- 
dent avec  les  nôtres,  mais  jamais  elle  n'a  adopt  j 
celui  des  Quatre-Temps  (îi).  C'est  même  chez 
elle  une  sorte  de  principe  que  l'on  ne  doit  pas 
jeûner  le  samedi,  et  cette  règle  a  sans  doute 
beaucoup  contribué  à  l'cmpècher  d'adopter  le 
jeûne  des  quatre  saisons  tel  que  nous  le  prati- 
quons. 

(A  suivre.)  P.- F.  Ecaue. 

professeur  4e  théologie. 


Théologie    dogmatique 

LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAINT-SIÈGE 

(suite.) 

Demandons-nous  pour  finir,  en  quel  seus  le 
dogme  de  l'infaillibililé  du  Siège  aiic«tolique  est 
nouveau.  Ainpi  que  le  remarque  le  concile  du 
"Vatican,  ce  fut  l'affaire  des  conciles,  »  priucipa- 
«  lement  de  celui  de  Trente  de  définir  avec  plus 
0  de  préi'ision  les  dogmes  de  notre  foi  et  d'en 
«  donner  une  exposition  plus  complète,  de  con- 
«  damner  les  erreurs  et  de  leur  opposer  une 
a  digue  (3).  »  Ces  paroi. "s,  qui  marquent  clai- 
rement la  part  qwi  est  celle  des  conciles  dans  la 
définition  des  dogmes,  serviront  à  nous  orienter 
dans  la  question  de  savoir  si,  et  jusqu'à  quel 
point,  un  accroissement  du  contenu  du  symbole 
catholique  est  admissible,  dans  quel  sens,  par 
conséquent,  un  dogme  peut  éUe  dit  nouveau. 

Une  chose  à  reconnaître avaut  tout,  c'est  qu'il 
n'a  été  et  qu'il  ue  sera  jamais  tionné  damsl'Eglise 

1.  Vovei  Ko&l  Alexandre,  HM.  eccles.  sect.  n,  dissert. 
IV,  art.  IV. 

2.  Grancolas,  Cammenl.  kittor,  in£rtcitr.  roti.,  lib.  n, 
cap    X. 

3.  Concil.  Vatic.  De  fide  cathol.  init  :  Bine sanclissimœ 
rehgionis  dogmua  prttsiut  de/l«ta,  vberiutque  tapasila, 
unrtt  damnait  alju;  oêhibiU, 


à  aiipun  docteur  d'aucun  temps  de  poFséJer  la 
vérité  chrétienne,  d'une  mauiire  plus  approfon- 
die ,  plus  étendue  et  plus  complète  que  les  ap 
tres(l).  Ceux-ci  avaient  reçu  la  foi  immédiate- 
ment par  l'inspiration  du  Saint- llsprit,  et  ils  eu 
conjiaissaient  la  vérilé  parfaitiwnt  ;  puJM^ue 
c'étnit  par  eux  que  le  Seigneur  vciiait  la  révéler 
au  monde.  Nécessairement  rien  n'ajipartieiit  au 
dépôt  de  la  foi  catholique,  qui  n'ait  été  publié 
par  Jésus  Christ  et  les  apôlrcs.  11  est  certain 
néanmoins  que  ces  vérités  révélées  ne  furenlpas, 
dès  l'origine,  léguées  à  l'Eglise  avec  toos  ces 
ccb'ircissemeuts,  ces  commentaires  et  ces  appli- 
cations, qu'elles  ont  reçus  et  peuvent  encore  rece- 
voir dans  le  cours  des  siècles,  afin  de  mieux  dis- 
siper les  erreurs  qui  s'élèvent  pour  les  obscur- 
cir {2)  Ainsi,  bon  i  omlue  de  vérités  qui  servent 
à  produire  une  intelligence  plus  exacte,  uneélu- 
cidation  plus  large  des  dogmes,  ne  se  trouvaient 
contenues  qu'en  germe  et  implicitementdans  ja 
tradition  apostolique;  beaucoup  de  choses  étaient 
moins  claires  et  moins  développées  qu'elles  ne  le 
sont  présentement.  Favorisée  par  les  circons- 
tances, ou  pressée  par  les  hérésies  mais  toujours 
sous  la  couduilede  la  divine  Providence,  l'Eglise 
enseignante  a  la  mission  de  développer  lesdoe- 
trincs  qui  lui  ont  éié  communiquées  en  germe, 
d'en  éclaircir  les  obscurités,  d'en  approfondir  la 
connaissance,  d'insistersur  lessimplesaperçus,de 
montrer  lesrelationscUesapplicationset  tout  l'en- 
semble delà  révélation.  A  mesure  que  l'intelli- 
gence de  la  vérité  chrétienne  s'accroit  et  se  dé- 
ploie, le  trésor  profond,  inépuisable  des  divins 
mystères  s'ouvre  de  plus  en  plus  devant  nous  (3). 
Les  enseignements  deTEgUse  ne  deviennent  pas 

1.  Lugo.  De  fide.  Disp.  in.  Sect.  V.  n.  67.  Fatenûum 
videiuT,  nunquam  coniingsre  magis  eipliciltan  rerum  fidem, 
quam  ,uerit  in  ufostoltcts  et  primia  dirisUanœ  ritij/ionit 
capitiùus. 

2.  C'est  ainsi  que  saint  Athanasê  jastiEe  l'expression 
(Sjiooûa'.oç  fOe  décret.  Conc.  Nie.  n.  19,  ÎJ.  —  Saint  Gré- 
goire de  Nazianze,  pûrlaot  de  définitions  plus  précisée  de 
la  dirinité  du  Saint-Esprit,  dit  (,Orat.  xxxj,  24)  :  1*9 
expressions  qui  ne  sont  pas  dans  la  sainte  Ecriture,  peu- 
vent cependant  se  comprendre  par  ta  sainte  Ecriture. 

3.  Cf.  Tliora.  Sam-m.  Tbejl.  u,  u.  q.  t  .  art.  Ifl.  ad.  1  : 
In  doctrina  Cbristi  et  apoèlai^Tviii  veriiai  firiei  tst  sufficieHttr 
eTpUcata.  Sâd  quia  jterpetri  honuncs  ap'jxîoitcam  doctriiiam 
et  cetsras  dortr.na^  et  scripturas  perverluntf  ideo  neces^aria 
fuit  erjAicat  oftdei  contra  insurgtnlet  errorrs.  — Snarez.  De  fid, 
Diàpal.  U,  sect.  6  :  SimpUcUar  asurmtdum  ett,  Eocleaiam 
non  tradere  navam  fidtm,  tcd  autiquaf»  Kiuptr  tt»b\liiie  et 
explicare  ..  Venim  est,  aliquam  pT»positionem  upUcite  nuso 
ciedi  de  fide  qum  antea  exjilicilt  non  credebatur  ab  Ecritsim, 
guainvis  implicite  in  antiqua  Evclesm  contineretnr.  — Killïer, 
De  fide,  p.  230  :  ArlicttU  fidd  ,0,  lempore  Clirùti  tt  oftslo- 
lorum  iwn  cirvcrujU  simpUciter,  sed  lantum  te^jindum  quid. 
Quia  experieutia  etrepetito  strpiususu  Cftistul,  quod  ex  teinpor» 
npostolomtn  occmione  hœresum  vet^'Ueriuf  necps'itatin  Ecflt* 
sia  per  varias  deftnitiones  muttos  fiu^  ariiouloe  i!t  WêdHioMt 
clariue  eiplicavit,  aul  TtoilaliBnes  ai  objecta partiailaria  ttttm 
quam  impUcile  rei-clata  exlendit.,  assieteiUt  eemper  Spiritm 
jancio,  ne  in  ejusmodi  decisionitms  erraret.  —  Grcg.  de  V»" 
ientia,  ism.  Ml.  I>i«put.  i.  <)«.  1  -.  forlmu  laUiU  aUmC'i» 
Si»JesM  ai>u*fe  vintàtn. 


L\  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


im 


plus'yrais,ils(1eviennprilsenleînentplnsclairs(1). 
Sous  les  trois  points  de  vue  indiqués,  Vinceut 
de  Lérins  reconnaît  un  progrès  dans  la  foi.  «  La 
a  religion  pourrait,»  dit-il,  «  se  comparer  au  dé- 
n  veloppement  da  corps  ;  le  corps  croît  et  se  dé- 
cr  veloppe  dans  le  cours  des  ans,  et  cependant  il 
«  restfi  ce  qu'il  était.  La  relij;ion  chrétienne  est 
a  comme  un  griàii  de  froment  que  l'on  sème  en 
«  terre,  qui  se  développe  et  produit  des  fruits 
«  dont  les  hommes  se  nourrissent,  mais  sa  na- 
«ture.commegraindefroment,  n'a  point  changé. 
a  L'Eglise,  cette  gardienne  attentive  et  prudente 
«  du  dépôt  de  la  foi,  n'y  change  rien,  n'en  re- 
a  tranche  rien,  n'y  ajoute  rien  ;  mais  elle  met 
«  tous  ses  soins  à  travadier  et  à  faire  fructifier 
a  le  fond  qui  lui  a  été  légué  dans  le  commence- 
«  ment,  ainsi  qu'à  conserver  ce  qui  est  acquis, 
a  c'est-à-dire  confirmé  et  défini.  Ce  qui,  dans  le 
a  principe  était  seulement  l'objet  d'une  foi  im- 
«  plicite,   elle  s'applique  à  le  démêler  pour  le 
0  mieux  comprendre.  La  postérité  comprend  ce 
a  que  l'antiquité  vénérait  sans  en  avoir  une  in- 
«  telligence  aussi  nette  :  ce  que   vous  parvenez 
«  à  mieux  comprendre,   enseignez-le,  pourvu 
«  que,  en  parlant  d'une  mauiire  nouvelle,  vous 
«  ne  disiez  rien  de  nouveau  ("2J.  » 

Plus  les  dogmes  sont  profonds  et  mystérieux, 
plus  aussi  ils  contii^niient  de  vérités  et  otlient 
de  ressources  pour  subvenir  aux  besoins  des 
temps  et  pour  la  réfutation  des  erreurs  que  l'es- 
prit humain  oppose  à  la  vérité  divine.  Il  en 
résulte  naturellement  que  toutes  les  applications 
dont  ils  sont  susceutihles  n'ont  pu  être  cxphci- 
tement  indiquét^s  dès  le  principe  dans  lu  tradi- 
tion ecclésiastique,  ('/était  d'autant  moins  indis- 
pensable que  le  Seigneur  a  promis  à  TtgUse  de 
lui  envoyer  l'esprit  de  vérité ,  qui  doit  lui 
■enseigner  toute  vérité  (3). 

«  Pour  qu  une  proposition  devienne  un  dogme 
catholique  dit  Vérou  (4),  il  faut  qu'elle  réunisse 

1.  Suarez  1.  c.  Ecclesia  non  facit  novum  fidei  articulum, 
sed  tantuni  déclarât.  —  Thom.  1.  c.  ad  2  ;  Les  cunciies 
peuvent  noa  quidem  aliam  fiJem  facere,  sed  eamdem  magit 
tspoiitntn. 

2.  Commonitor.  n.  27. 

3.  Joarn.  14,  26.  Augu&t.  C.  Crescon,  i,  32  :  Cum  mler 
episco]'0^  anUrioris  a)tatis  hsoc  qu303tio  flucluantf  et  variai 
haberet  inter  se  coUeijarum  soha  unitale  tenUntiat-,  hoc  yer 
^mivfrsam  Ecclesiam  ubaeivari  piacuit^  quod  tenemui.  Cf.  de 
Baptitui.  II.  5.  In  Va.  .54,  22  :  Multo  latebant  i»  scripturis, 
et  cwiu  prœcisi  esaeni  hœretici.,.  asserla  nmt  qute  lalt- 
bant. 

4.  Hegul.  ûd.  I  2.  —  Lugo,  he  fid.  Dispnt.  i,  sect.  18. 
j  1  :  Jluijliciler  patesl  Eccksia  aliquid  definire,  quoi  aniea 
non  erat  obtigaiio  uJ  credundum ;  primo  si  ex  duabm  prœ- 
miasis  rci'eJuU'  ufii/uuni  conctusionem  deducalel  eam  definiat. 
Secandn,  quaujo  ex  uno  /trin' ipio  recelalo  etaliero  non  rme- 
tato  alîquid  Ueductl  alque  de/inil.,.  Aiite  iilam  Jefinitioiiem 
Ecclesiii  jam  ubjeclum  hoc  erat  implicite  et  confuse  a  Deo 
revelalum  et  accedenle  Ecclesio)  definitione  incipit  apparert 
explicite...  Falemur  i,'cc(esiam  non  definire  de  fide  proposi- 
Jionem,  quœ  j'am  nntea  rtveiata  non  fucrit  a  îko,  tdlicet  tn 


deux  conditions.  Elle  doit  exprimer  une  vérité 
qui  soit  contenue  dans  la  révélation,  et  être  pro 
mulguée  par  l'autorité  chargée  d'enseigner  dans 
l'Eglise.  Une  vérité  peut  être  contenue  dans  la 
révélation,  mais  d'une  manière  implicite  et assea 
obscure  pour  n'avoir  pas  encore  été  proposée 
à  la  croyance  des  fidèles  par  l'Eglise,  à  qui  il 
appartient  d'expliquer  le  sens  de  la  divine  parole, 
soit  écrite,  soit  traditionnelle.  C'est  ainsi  qu'on 
voit  se  formuler  dans  l'Eglise  de  nouvelles  déci- 
sions dogmatiques,  par  exemple,  celle  qui  dé- 
clire  valide  le  baptême  des  hérétiques.  »  Tous 
les  théologiens  s'accordent  à  dire  que  ces  sortes 
de  propositions  ne  sont  point  de  fide  catholica 
avant  la  définition  de  l'Eglise.   Cependant,  tout 
homme,  qui   reconnaît   avec  évidence  qu'une 
vérité  est  contenue  dans  les  documents   de  I9 
révélation,  est  obligé,  en  conscience  [fide  dinina), 
d'y  croire,  quand  même  elle  n'aurait  pas  encore 
été  définie  expressément  par  l'Eghse.  Par  la  dé- 
cision ecclésiastique,  la  vérité  de  foi  divine  est 
simplement  affirmée  comme  telle  par  l'autorité 
compétente,  et  l'erreur  rendue  impossible. 

De  cette  manière  il  y  a  dans  l'Eglise  un  accrois- 
sement, un  progrès  dans  la  foi,  mais  pas  d'al- 
tération (1). 

De  là  se  déduit  le  sens  vrai  de  la  règle  de 
saint  Vincent  de  Lérins,  dont  on  a  si  sou- 
vent abusé  dans  ces  derniers  temps  :  a  Ce  qui 
«  a  été  cru  en  tout  lieu,  en  tout  temps,  et  pa> 

particulari  oel  in  gênerait;  definilio  aulem  Eccleeia)  facit,  ut 
id  nobis  constet  atque  ideo  tncipiat  obtigatio  cedendi  deter* 
minale.  Cf.  Melcb.  Can.  I.  c  vi,  in  fine  :  Hoc  etiam  (ai 
doctrinam  catltokcam  perlinel),  quod  ex  altéra  propotitioM 
revetala  et  altéra  certa  in  lumine  naturalt  syttoyiamo  collée» 
ttoneque  evideiiti  conficitur.  —  Benettis.  Privilej;,  S.  Petrî 
vinJio.  l^,  II.  T.  V.  art.  12  :  Multa  fide  dicina  teneri  jtqui 
credi.  quœ  non  quidem  explicite,  directe  et  ititinediate  revelata 
sunt,  sed  duntazat  imi)ticite,  medi(tte  et  indirecte.  —  Gela 
peut  arriver.  \'  ut  prnpositio  particularit  in  unicersaH 
tontentaj  2*  ut  propositio  ex  prceinûisis  consequensj  3*  ut 
pars  in  toto  contenta  ;  4"  ut  propositio  cnnfusa  et  obscura, 
quœ  co*nfirehenditur  in  jtropOititione  dura  et  distincta.  — 
Nombre  de  vérités  ne  furent,  dans  le  principe,  qu'expri- 
mées pratiquement  dans  l'Eglise,  qui,  plus  tard,  les  pro- 
clama formellement  lorscjue  le  besoin  s'en  fit  sentir.  Cf. 
Suarez,  1  c.  II.  sect.  6.  —  Saint  Augustin  s'exprime  ainsi 
au  sujet  de  la  grâce  de  la  persévérance  finale  (de  Dono 
persever.  n.  63)  ;  De  hac  re,  quam  nunc  adversus  novo» 
lurrelicos  non  commemorare  tantum,  sed  plane  tueriet  defetf 
dtre  compeliimur,  nunquatn  tacuit  Kcclesia  inprecihus  *uif, 
etsi  atiquando  in  se/-monibus  exserendam  nulio  urgentt 
adversario  non  pulaoil.  Et  par  rapport  il  certaines  exprei" 
sions  peu  précises  employées  par  les  l'ères  (Gontr.  Julian. 
I,  6.)  :  Vobis  nondum  liiigantibus  wcuriM  loquebantur.  Cf. 
Melcb.  Can.  1.  c.  xu,  14. 

1  Vincent.  Urin.  1.  c.  38  :  lia  tamen,  ut  vere  profectui 
titille  fitdei,  non  permutatio.  Siquidem  ad  profectum  \ertinet, 
ut  in  semetipsa  unaqudque  res  amplificelur;  jd  permuta' 
lioiMni  vero,  ut  aliquid  ex  alio  in  aliud  Iransvertalur.  Cres- 
cal  igiiur  oportet,  et  muUum  i-ehementelque  profiriat  tam 
tingulorum  quam  omnium,  tam  unius  hominis  quam  lottui 
Eciiesiœ.  (etalum  ad  seculorum  gradibus  inlelliganlia,  ■■<clent^t^, 
sapienlia  ;  sed  -in  auo  dumtaxal  génère^  in  eodem  scilictt  doj- 
mote,  eodêm  sentu  iademque  senltntia. 


IHO 


LA  SEMAINE    DU  CLETtGE 


«tout,  voilà  ce  qui  est  catholique  (1).  »  Vue 
nouvelle  hérésie  s'élève,  un  parti  se  sépare  de  la 
commuuiou  catholique,  la  lèpre  menace  de 
gagner  tout  le  corps,  lesnovateurs  allèguent  des 
textes  anciens  et  oliscurs;  saint  Vincent  veut 
oflfrir  aux  fidèles  (2)  uu  signe  extérieur  facile  à 
recouiiaître  qui  les  préservera  des  illusions  de 
l'erreur.  Une  parle  nullement  des  principes  su!  i 
vaut  lesiiuels  les  conciles  et  les  papes  doivent 
procéder  dans  leurs  décisions  dogmatiques.  11 
parle  seulement  de  la  foi  de  l'Eglise  ensei- 
gnante (3),  qui  est  la  règle  de  la  catholicité,  il 
ne  veut  pas  parler  de  la  totalité  des  fidèles.  11 
parle,  en  troisième  lieu,  non  de  ces  doctrines  de 
foi  qui  sont  à  développer  par  ceux  qui,  dans 
l'Eglise,  ont  charge  de  le  faire,  mais  de  celles 
qui  sont  déjà  clairement  et  positivement  ensei- 
gnées {fides  explicita).  En  ce  sens,  la  règle  est 
absolument  vraie  :  ce  qui  contredit  la  croyance 
générale  par  rapport  à  ces  vérités  n'est  point 
catholique.  Mais  que  dire  de  ce  qui  est  encore 
obscur  et  qui  se  trouve  seulement  en  germe 
dans  la  révélation?  En  raison  des  véritts  de 
cette  catégorie,  saint  Vincent  déclare  qu'il  faut 
qu'il  y  ait,  dans  l  Eglise,  un  progrès  (4),  qui  dé- 
veloppe ce  qui  est  en  germe,  qui  éclaircisse  ce 
qui  est  trouble,  qui  démêle  et  détaille  ce  qui 
n'est  connu  qu'en  gros  et  eu  général.  A  ce  qui  est 
contenu  de  la  sorte  dans  la  tradition  ecclésiasti- 
que, le  critérium  de  saint  Vincent  ne  peut  point 
s'appliquer.  Une  cbose,  en  effet,  qui  ne  se  trouve 
qu'implicitement  contenue  dans  le  dépôt  de  la 
foi,  ne  saurait,  par  cela  même,  être  l'objet  d'une 
foi  explicite.  Si  le  critérium  en  question  était 
règle  absolue,  même  pour  cette  catégorie  de 

i.  L.  0.  2  :  Magnopere  curandum  est,  ut  id  leneamua 
quod  ubi'{ue,  quod  semjjer,  quod  ab  omnibus  credilum  est;  hoc 
tst  enim  vere  proprieque  catholicum,  quod  ipsa  vis  nominis 
ratioque  derlarat  ..  Sed  hoc  ita  deinum  fiât,  si  sequamur 
universitaiejn  anliqttitatem.  conaensionem, 

2.  Qu  d  tgilur  faciet  christianus,  sise  aliq'a  Ecclesiœ  par- 
iicula  ab  universuUs  fidei  communione  prœciderit...  si  novelta 
cliqua  conttigio  non  particulam  (an/um,  sed  totam  pariter 
Ecciesiam  commaeulare  conelw  ?  c.  4.  Caftant  pterum<^ut 
cujuspiam  rete.ris  viri  stripla  paulo  invalutius  édita,  quœ  pro 
ipsa  sui  ob^curitate  dogmati  suo  congruant.  c.  7. 

i.  Si  in  ipsa  vetustale  omnium  vel  certe  pTne  omnium 
sacerdotum  pariter  et  magisliorum  defiuitiones  sentenliasque 
tectemur.  c.  il.  Malch.  Gao.  I.  c.  IV,  6  :  Duo  suni  rerum 
gênera,  qu<f  ab  Ecciesia  creduntur,  Unum,  quod  ad  omnes 
œque  perlmet  ;  et  in  hoc  génère  non  est  valde  difficile  omnium 
^dem  sensurnque  cugnoscere...Âlterum  est genus  earum  rerum, 
qvsa  cognosrere  non  rudium  et  imperitorum  in  Ecciesia,  sed 
majorum  et  sapientium  interest.  Quo  m  génère  si  vulgarem 
plebis  sentrntiam  ruges,  perinde  erit,  ut  si  a  c3>co  .^ensum 
colorum  j'ustules... .  In  fide  earum  rerum,  qux>  proprie  su7it 
doctorum  nique  sapientium,  tolum  horum  senlentiam  ear/)«- 
tendam,  vulgt  ne  eirspeclandam  quidem...  Et  vero  utrarum 
Çue  rerum  dtcrnis  atque  teyibus  nec  vulgus  nec  sapientes 
omnei  ha;,ere  locumj  ted  ii  lanlum,  qui  suni  Ecclesiœ  pas- 
tores.  Cf.  V.  6. 

4.  Pas  est  fntm,  u(  prisca  illa  ctvlestis philosophiœ  dogmata 
yrocessu  temporit  excureutur,  Umentur,  poltantur,  Accipiant 
*vid*nliam,  lucem,  iitlincliimem.  c.  30. 


vérités,  alors  tout  accroissement  dans  la  foi, 
tout  progrès,  toute  définition  dogmatique  devien- 
drait impossible.  A  l'égard  de  ce  que  tous  croient 
partout  et  toujours  explicitement,  il  n'est  pas 
besoin  de  définition.  Pour  les  autres  vérités  de 
foi,  celles  qui  sont  contenues  implicitement  dans 
la  révélation,  elles  n'ont  point,  parla  même,  été 
crues  expressément  de  tous,  ni  partout,  ni  tou- 
jours ;  donc,  si  on  leur  appliquait  la  règle,  au- 
cune définition  ne  pourrait  avoir  lieu. 

La  règle  de  Vincent  de  Lérins  n'est  donc 
vraie  et  juste  que  dans  le  sens  positif  et  affir- 
matif  :  ce  que  tous  croient  de  tout  temps  etpar- 
tout  est  catholique.  Que  si  ce  triple  caractère 
manque,  cela  ne  prouve  pas  cependant  qu'une 
vérité  ne  soit  pas  contenue  eu  principe  et  im- 
plicitement dans  le  dépôt  de  la  foi  ;  cela  prouve 
seulement  que  l'Eglise  ne  l'a  pas  encore  expres- 
sément définie  comme  article  de  foi.  Les  défini- 
tions dogmatiques  sont  précisément  nécessaires, 
non  pour  affiimer  ce  qui  est  déjà  cru  universel- 
lement et  l'a  toujours  été  et  en  tout  lieu,  mais 
pour  décider  si,  dans  ce  que  l'on  croit  déjà,  quel- 
que chose  est  contenu  et  quoi,  afin  de  le  préciser 
mieux  et  de  l'élever,  par  le  ministère  de  l'Eghse 
enseignante,  au  rang  d'un  dogme  positif  obli- 
geant tout  le  monde  à  le  croire,  afin,  encore, 
de  signaler  l'erreur  contraire  et  de  la  con  - 
damner. 

Vincent  de  Lérins  est  donc  bien  éloigné  de 
vouloir  donner  l'accord  effectif  des  fidèles  pour 
la  règle  de  foi  la  plus  haute  et  qui  fasse  auto- 
rité. Il  dit  lui-même  que  le  venin  de  l'arianisme 
s'était  immensément  répandu,  que  la  question 
du  baptême  des  hérétiques  en  avait  fourvoyé  un 
grand  nombre  (I).  La  règle  de  la  loi  est  pour 
hii  l'Eghse  enseignante  qui  parle  dans  les  dé- 
crets des  conciles  généraux  ainsi  que  dans  les 
décisions  de  la  chaire  romaine  (2).  En  cas  d'hé- 
résie naissante,  alors  que  l'Eglise  n'a  pas  encore 
parlé,  le  fidèle  doit  recourir  aux  Pères  et  aux 
docteurs  catholiques  d'une  orthoxie  éprouvée(3), 


t.  G.  4.  Cap  38,  42.  D'après  Vincent  de  Lérins,  I» 
Siège  aposlolifjue  de  Rome  est  le  gardien  de  l'an/ii/oe  foi. 
C.  9  ;  Sios  iste  semper  in  Ecciesia  viguit,  ut  quo  quisque  f-.ret 
religiosius,  eo  proinptius  novellii  inventionibas  contrariet. 
Exemplis  talibus  plena  sunt  omnia.  Sed  ne  longum  fiât,  unum 
aliquod  et  hoc  ab  Apostolica  potissimum  sede  sumemus,  ut 
omnes  luce  clarius  videant,  beatorum  apostolorum  beala  «uc- 
cessio  quanta  vi  semper,  quarito  studio,  quanta  contention9 
défendent  susceptw  semel  religionis  initgritatem  ..  Cum  erga 
undique  ad  nocilatem  rei  cuneti  reclaniarent  (dans  la  ques- 
tion du  baptême  des  hérétiques),  atque  omnes  quajuarersum 
sacerdotes  pro  suo  quisque  studio  reniterentur,  tune  beatœ  me* 
morin  Papa  Siephanus  apostolicœ  sedia  antistes  cum  ceterii 
quidem  collegis  <,uis,  sed  lamen  prcc  ceteris  retitit,  dignum, 
ut  opinor,  ejistimans^  si  reliquos  omnes  tanlum  fidei  devotionê 
vinceret,  quantum  loci  auctorilate  superabat...  Quis  trgo  tun» 
unùerji  nepolit  eiitus  ?  Quid  utique,  nisi  usitatut  «I  loliitu  / 
Retenta  est  sciiicel  aniiquitat,  explosa  notiilat. 

2.  C.  4    30. 

3.  Cl',   ilelch.   Can.  1.  c.  VI,  4. 


f 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


{41f 


c'est-à-dire  comme  nous  nous  exprimerions  au- 
jourd'hui au  commun  enseiguement  des  théolo- 
giens (!). 

Dire  après  cela,  qu'une  décision  dogmatique 
ne  peut  intervenir  qu'à  la  condition  de  l'unani- 
mité morale  des  juges  de  la  foi,  c'est  une  pré- 
tention insoutenable  et  qui  tombe  d'elle-même 
devant  ces  principes  (2).  Quoique  fort  désirable  en 
général,  une  telle  uuanimité  ne  fut  jamais  exigée 
dans  aucun  concile,  et  elle  ne  pouvait  l'être, 
parce  qu'il  y  a  toujours  une  opposition,  quelque 
faible  qu'elle  soit,  et  que,  de  fait,  il  y  en  a  tou- 
jours eu  :  le  maintien  d'une  telle  condition  au- 
rait donc  pour  résultat  de  rendre  impossible 
toute  décision  ainsi  que  tout  rétablissement  de 
la  paix  dans  l'Eglise  (3). 

La  doctrine  de  l'infaillibilité  de  la  chaire 
romaine  n'est  donc  pas  nouvelle.  La  nouveauté 
apportée  par  la  définition  du  concile  du  Vatican, 
n'atteint  pas  la  substance  de  la  croyance  catho- 
lique, mais  seulement  l'exposition  de  cette 
croyance,  formulée  comme  dogme  exprès  de 
l'Eglise.  Avant  cette  définition,  le  catholique 
était  obligé,  en  conscience,  d'obéir  aux  décisions 
du  Pape;  mais  aujourd'hui  il  doit  obéir,  sous 
peine  d'être  retranché  de  la  communion  de 
l'Eglise.  Comme  Pichler  (i)  en  convient,  Bel- 
larmin,  sur  l'infaillibilité  du  Pontife  romain, 
n'a  fait  que  reprendre  l'opinion  de  la  plupart 
des  théologiens  scolastiqucs.  Au  moyen  âge  elle 
était  si  généralement  admise,  que  la  doctrine 
opposée  aurait  été  condamnée  comme  héritii|ue, 
au  dire  de  Gerson  lui-même  (5) ,  et  lorsque  le 
pape  Martin  V,  se  fondant  sur  les  antiques  maxi- 
mes de  l'Eglise,  défendit  d'appeler  du  Pape  à 
un  concile  général,  il  condamna  par  là  même, 
l'opinion  de  Gerson,  concernant  la  supériorité 
du  concile  sur  le  Pape.  Car,  si  le  Pape  n'était 
pas  infaillible,  le  concile  aurait  à  se  prononcer 
€u  dernier  ressort  sur  ses  décisions. 

1.  Cette  prétention  était  ce'le  des  pallicans  {Defens. 
Declar.  Cler.  Gallic.  VI'.   1)  et  des  jansénistes. 

1.  .\u  Concile  de  Nicée,  il  6e  trouvait  plus  de  vingt 
évêques  ariens,  quelques-uns  refusèrent  de  souscrire 
(Hélélé,  Hîs!.  des  conciles,  I.  p.  272,  282);  au  premier 
concile  de  Conttantinople,  vingt  évèques  mai^édoniens 
quittèrent  l'assemblée  par  esprit  d'opposition  (Héfélé.  II. 
p.  8)  ;  malgré  l'opposition  de  Jean  et  de  ses  quarante- 
trois  évêques,  le  Concile  d'Ephèse  lança  l'anatheme  contre 
Nestorius  (Héfélé,  II.  p,  106,  174.)  Au  Concile  de  Chal- 
cédoiue  on  fit  remarquer  aux  évêques  opposants,  que 
leur  opposition  était  sans  effet  (Héfélé,  II.  p.  437. J  Même 
«hose  pour  les  conciles  postérieurs. 

3.  Les  ariens  reprochaient  déjà  aux  Pères  de  Nicée 
qu'ils  innovaient,  prétendant  conserver,  eux,  la  vieille 
doctrine  de  l'Eglise.  Le»  ariens  étaient  les  vieux-catho- 
liques de  ce  tempe-là.  Cf.  Héfélé,  Hist.  des  Concii.  I.  p.  438. 
Les  décrets  du  Concile  d'tCphése  furent  aussi  une  doc- 
trine nouvelle,    au    dire  des    nestoriens.  (Héfélé,  op.  cil. 

S.  228.)    Même   objection   contre  le    Concile  de  Cbalcc- 
oine. 

4.  Geichlchte  àer  Kirchlichen  Trtnnung  Zwischen  iem 
Orient  uiid  Occident.  II.  p,  690. 

i.   De  potestate  eccltt.  contii,  12. 


L'enseignement  unanime  des  théologiens  ert 
d'une  très-grande  importance  dans  l'Eglise; 
y  contredire  dans  les  questions  de  foi  n'est  pas 
hérésie,  mais  confine  à  l'hérésie.  Un  tel  accord 
prouve  que  la  doctrine  est  puisée  à  la  source 
de  la  tradition.  S'il  en  était  autrement,  l'Eglise 
serait  donc  induite  en  erreur  par  ses  théologiens 
eus-mômes,  car  ce  sonv  eux  qui  forment  la 
partie  active  de  l'enseignement  ecclésiastique. 
L'Eglise  serait  compromise  et  semblerait  parta- 
ger une  erreur  à  laquelle  elle  ne  ferait  pas  d'op- 
position et  que  son  silence  autoriserait.  Si  d'ail- 
leurs nous  y  faisons  attention,  nous  verrous  que 
les  décisions  de  l'Eglise  sont  préparées  et  ame- 
nées à  maturité  par  la  théologie;  il  n'est  donc 
pas  possible  que  tous  les  théologiens  enseignent 
ensemble  une  même  erreur  (1).  C'est  pourquoi 
Pie  IX  parle  de  l'adhésion  que  nous  devons 
non-seulement  aux  décrets  des  conciles  et  aux 
décisions  des  papes,  mais  encore  au  commun 
enseignement  des  théologiens  (2). 


{A  suivre.) 


D'  Hettinger. 


DROIT    CANONIQUE 

DC  CO.N'COURS  POUR  LA  COLLATION  DES  CURES. 
(14'  article.  'Voir  n"  41.) 

Les  décrets  portés  parles  conciles  provinciaux, 
célébrés  en  France  en  1849  et  années  suivantes, 
touchant  la  nécessité  d'étudier  le  droit  canoni- 
que dans  les  séminaires,  prirent  au  dépourvu 
les  supérieurs  et  professeurs  de  ces  établisse- 

1.  Melc.  Can.  1.  c.  VII.  3.  p.  191  :  Coneordem  omnium 
theohgorum  schola  de  fide  aul  moribu»  sententiam  coniradi- 
cere.  si  hœresis  non  est,  al  /tœresi  pniximum  est., .  Nullum 
lam  ;)ro;irium  scholœ  decretum  est,  quod  vel  ex  sacris  /tiens,  tel 
e.rajiostolorum  traditione  vet  ex  concitio>  um  et  Pontiftcum  de/i' 
niliunibus  non  habeal  rerlnm  originem...  Pnelerea,  siqua  in 
quœilione  utiiversi  Iheologi  eadem  inler  se  concinunt,  projecio 
ti  in  eo  errant, Kccksiam  item  errandipericulo  exponunt  Sict 
enim  qui  confessiones  audiunt,  sive  qui  ad  poputum  habent 
conciones  utnque  plebem  instituunt,  ut  a  Iheotogis  acceperunt. 
lia  fil,  ut  Ecclesia  eorum  in  fide  communem  errorem  dissimu- 
lando,  Chrisli  fidèles  suo  silentio  diciperet...  Si  quas  Ecclcsia 
hateses  condemnatil;  si  qua  de  fide  el  moribus  decreti  tulit, 
in  ulrisque  scholasticorum  studio  etdiligentiavehemeuler  adjuta 
est...  quamdiu  C/irisli  corpus,  t,  c  Ecf.lesia  fueril,  ad  dici- 
nnm  procurationem  perlinebil,  ut  li,  qui  in  Ecclesia  sacrœ 
ducirince  doclores  habentur,  tunquam  a  Deo  dati  verilalem  in 
fide  tencaiit,  ue  populus  parculorum  more  circumferalur. 

2.  l'iiisIX.  d.d.  21  Dec.  1863  ad  arcliiepiscopum  Monach.: 
laptenlibus  calhoUcis  haud  salis  esse,  ut  pr(r/ala  dogmata  «- 
cipiant.  .  sed  ad  ea  quoque  ejlendenda  {subjectio),  quœ  ordi- 
nario  lolius  Ecclesiœ  perorbem  dispersa  uiiicersali  et  constanti 
consensu  a  calhoUcis  theologis  ad  fijem  pert.nere  relininlur... 
(uœ  cimmuni  et  constanti  calholiCrum  consensu  relinenlur 
ut  Ihenlogicce  teritales  et  conclusion,.,  tam  cei  tœ,  ut  opinionu 
ejusdem  doctrinal  capitibus  advenœ.  quanquam  hœreticœ  dict 
nequeant,  (amen  aliam  theologicam  mereivlur  censuram.  — 
Svllab.  Prop.  XX\l  :  ObUgalio,  qua  catholtci  magislri  eiscnp- 
tires  umnino  adslringuntur,  coarclalur  in  iis  tanlum,  qua  ab 
inlaxUibiU  Ecclestce  judxcio  ve'uH dogmata ab  omn\bus  credeni» 
propfinitniur 


1412 


LA  SEJLUNE  DU  CLERGE 


menfs.  Un  auteur  classique  mauquait.  On  pos- 
sédait, à  la  vérité,  l'ouvrage  de  M.  Lequeux, 
chanoine  de  Soissons,  et  même  un  abrégé  à 
l'usage  lies  commençants.  Mais  il  y  avait  partout, 
plus  qu'un  pressentiment  que  ces  livres,  em- 
preints de  l'esprit  gallican,  ne  seraient  pas  tolérés 
par  l'Eglise  ;  et  en  effet  ledit  ouvrage  ne  tarda 
pas  à  figurer  sur  les  pages  de  l'Index. L'occasion 
était  donc  favorable  pourfaire  pénétrer  en  France 
les  œuvres  d'un  cauoniste  digne  de  confiance. 
Les  Institutions  de  Devoti  se  trouvaient  sans 
doute  dans  quelques  mains;  elles  ont  rendu  et 
rendront  encore  de  grands  services  à  l'ensei- 
gnement. Néacmoins,  un  nom  nouveau  pouvait 
être  articulé  avec  chance  de  succès,  et  ce  nom  fut 
celui  du  cardinal  Soglia,  auteur  des  Institutiones 
Juris  publici  et  privali  ecclesiastici.  L'éditeur 
Courtier,  à  Paris,  publia  donc  une  édition  de  ce 
livre,  et,  pour  la  mettre  en  harmonie  avec  les  cir- 
constances, uu  prélat  attaché  à  la  nonciature 
de  Paris,  rédi.;ea  un  Appendix,  ad  usmn  cleri 
gallicani.  Cet  Appendix  se  vendit  séparément. 

Le  lecteur  comprend  sur-le-champ  l'intérêt 
qui  s'attacha  audit  Appendix,  composé  d'une 
quarantaine  de  pages  in-octavo.  Quoique  cet 
écrit  n'eût  aucun  caractère  officiel  et  que  l'au- 
teur eût  positivement  déclaré  le  soumettre  à  la 
correction  du  Siège  apostolique  :  omniasuh  cor- 
rections sanciœ  Sedis  apostolicce,  cependant  par 
la  force  des  choses,  il  revêtit  un  caractère  par- 
ticulier qui  le  faisait  sortir  de  laligne  ordinaire; 
on  le  regarda  comme  l'expression  vraie  des  sen- 
timents du  Saiut- Siège  sur  les  points  contestés 
ou  non  observés  en  France.  Assurément  V Appen- 
dix, dans  les  vingt-cinq  articles  qu'il  renferme, 
est  le  plus  souvent  l'écho  des  saines  docirines; 
mais  dans  l'article  XVII,  où  il  est  question  de 
la  loi  du  concours,  l'auteur  biaise  d'une  ma- 
nière fâcheuse,  eu  s'altachaut  aux  ]>as  du  doc- 
teur Bouix,  et  même  en  lui  faisant  dire  ce  qu'il 
ne  dit  pas.  Au  surplus,  voici  la  traduction  exacte 
de  cet  article  xvii  : 

«  Faut-il  considérer  comme  étant  aujourd'hui 
eq  vigueur  en  France  la  loi  du  concours  portée 
par  le  concile  de  Trente  ? 

«  Dans  tous  les  diocèses  de  France,  depuis  le 
concordat  jusqu'à  ce  jour,  la  pratique  constante 
a  été  de  conférer  les  paioissis  sans  aucun  con- 
cours préalable.  Les  évoques  oi:t  coutume  de 
nommer  seuls  à  toutes  les  paroisses  et  de  les 
conférer  a*ix  sujets  de  leur  choix.  Or,  à  l'occa- 
sion de  cette  pratique,  surgit  uaturellement  celte 
question  :  la  pratique  est-elle  fondée  ?  et  sur 
quoi  est-elle  lundèe  ? 

«  Du  concordat  de  1801  suit-il  que  les  églises 

i)aroissiales  de  France  ne  sont  pas  soumises  à  la 
oi  du  concours?  11  y  a  des  raisons  pour  et  des 
raisons  contre.  Mais,  dit  le  très-estimable  doc- 
teur Bouix,  ces  raisons  pour  et  contre  étant  pe- 


sées, je  confesse  que  le  texte  du  concordat  me 
paraît  insuftisant  pour  alfirmer  que  les  églises 
de  France  sont  exemptes  de  la  loi  générale  du 
concours  ;  De  Perocho,  page  359. 

h  La  coutume  quinquagénaire  de  conférer  les 
paroisses  sans  concours  préalable  prouve-t-elle 
que  la  loi  du  concile  de  Trente  touchant  le  con- 
cours n'est  pas  aujourd'hui  en  vigueuren  France  ? 
Il  y  a  également  des  raisous  poar  et  contre, 
mais  l'auteur  déjà  cité  s'exprime  ainsi:  «  Raisons 
«  de  part  et  d'autre  ayant  été  exposées,  j'avoue 
«  queje n'ose  pas,  en  matière  si  grave,  conclure 
«  quoi  que  ce  soit.  Je  noierai  seulement  ceci, 
u  savoir  que  les  difficultés  et  les  inconvénients 
a  redoutés,  qui  ont  pu  être  la  cause  de  la  non- 
n  observation  de  la  forme  du  concours  dans  les 
«  jours  quionl  suivi  immédiatement  la  promul- 
a  gation  du  concordat,  existent  encore  aujour- 
t(  d'hui  en  partie.  Or,  il  est  certain  qu'une  loi 
«  ecclésiastique,  qui  ne  peut  être  observée  d'aa- 
«  cune  manière,  ou  ne  peut  être  observée 
«  qu'avec  une  grande  difficulté  et  au  détriment 
«  des  àme^,  à  cause  des  circonstances  particn- 
«  Hères,  n'oblige  point.  » 

«  N.  B.  Le  concours  n'est  point  applicable  aux 
curés  amovibles  ad  tmtum.  Cela  est  certain,  en 
vertu  d'une  déclaration  de  la  sacrée  Congréga- 
tion du  concile  du  12 janvier  1619 ainsi  conçue: 
«  Quant  au  curé  amovible,  l'ordinaire  n'est  pas 
«  tenu  de  se  servir  des  examinateurs  synodaux, 
«  et  pareillementil  ne  doit  point  y  avoir  de  con- 
«  cours.  1) 

«  Comme  la  loi  décrétée  au  concile  de  Trente 
appartient  à  la  disciplinegénérale,  etque  l'Eglise 
catholique  ne  saurait  admettre  dans  sa  législa- 
tion une  disposition  intrinsèquement  mauvaise 
et  nuisible,  il  estabsolumentdefeudude  censurer 
ladite  loi,  comme  étant  p:ir  elle-même  intrinsè- 
quement mauvaise  et  contraire  à  la  doctrine 
évangélique.  Si  quelqu'un,  parlant  en  toute  mo- 
dératiou,  venait  à  dire  que  cette  discipline, 
quoique  licite  et  bonne  en  elle-même,  et  très- 
utile  autempsduconciledeTrentequi  l'a  portée,, 
est  devenue  cependant  sujette  à  divers  inconvé- 
nients, dans  certains  pays,  à  cause  du  change- 
ment des  mœurs,  et  qu'il  est  à  souhaiter  que 
cette  discipline  soit  modifiée  par  l'autorité  apos- 
tolique, il  ne  s'écarterait  pas  de  la  manière  de 
l)arler  qui  convient  à  un  catholique,  car  telle  est 
la  condition  des  choses  humaines  que  la  meil- 
leure institution  est  parfois  sujette  à  ces  abus,  a 
Franchement,  pareille  argumentation,  ou  plutôt 
ce  verbiage,  est  indigne  d'un  cauoniste.  Assuré- 
ment en  ce  monde,  rien  n'est  parfait  ;  même, 
dans  le  sein  de  l'Eglise  catUoliiiue,  l'idéal  pour- 
suivi par  le  législateur  n'est  jamais  atteint  d'une 
manière  adéquate  ;  cependant,  s'il  existe  une 
législation  aussi  opposée  que  possible  aux  abus, 
c'est  incontestablement  l'ensemble  des  dispos*-  • 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


I4!:j 


tions  canoniques  touchant  le  concours. D'ailleurs 
lesévêqiies  institués  au  moment  du  concordat  et 
teux  qui  ont  suivi  n'ont  point  parlé  d'abus  résul- 
tant du  concours.  Ce  n'est  pas  après  expérience 
faite  qu'ils  se  snnl  écartés  du  droit,  c'est  en-de- 
hors (le  toute  ap|iii(îa'ion,  de  tout  essai,  et  uni- 
quement par  -«uite  d'erreur  sur  la  nature  et 
l'étendue  de.  unir  pouvoir  personnel,  ou  même 
tout  simplement  par  ignorance  ou  inattention, 
Si,  au  ti'mps  du  concordat,  il  s'était  rencontré  un 
esprit  assez  ferme  pour  observer  la  loi,  sans 
regarder  ni  à  droite  ni  à  gauche,  il  eût  eu  bien- 
tôt des  imitateurs  et  la  règle,  l'excellente  règle, 
e(it  été  sauvée.  Cette  grâce  n'a  point  été  faite  à 
la  France,  dont  le  clergé,  à  l'époque  dont  nous 
parlons,  n'était  pas  encore  débarrassé  des  pré- 
jugés, des  erreurs  et  des  ignorances  du  gallica- 
nisme. 

Revenons  à  l'auteur  de  l'/l/j/jerî'/ij:.  Ce  cnno- 
niste  écrivait  avant  l'importan!e  décision  rcmlue 
par  Pie  IX,  en  1854,  cl  notiti(!e  à  Mgr  l'évéqne  de 
Liège.  L'attachement  qu'il  léraoigue  beaucoup 
trop  discrète  ment  à  bi  loi  du  conconrsse  fùlaus- 
sitôt  révélé,  ses  hésitations  eussiuit  sur-lc-cliarnp 
cessé,  s'il  eût  pu  .soupçonner  que,  peu  d'années 
plus  tard,  le  Siège  apostolicpie  insisterait  d'une 
manière  aussi  formelle  sur  la  nécessiclé  de  s'en 
tenir  au  décret  du  concile  de  Trente. 

Bien  plus  que  serait-il  arrivé,  si  ce  cannuiste 
et  son  muilre  et  modèle  le  dortcur  [t'uiix, 
eussent  été  à  même  de  pressentir  le  quf-stidii- 
naire  adressé  à  tous  les  ordinaires,  le  6  juia  I8()7, 
par  le  cardinal  Catarini,  préfet  de  la  sacrée  Con- 
grégation du  concile,  en  vertu  des  ordres  de 
Sa  Sainteté?  hididiilahleuieul  leur  enseigne- 
ment eût  été  meilleur.  Que  porte  donc  le  susdit 
questionnaire  en  ce  qui  concerne  la  discipline 
du  coufoiirs  '(  l'article  12  est  ainsi  con(;u  : 

«  En  (pielle  form  ■  est  indiquée  et  comment 
se  fait  le  concours,  qui  doit  avoir  lieu  pour  la 
[irovisioii  des  églises  paroissiales,  selon  les  dé- 
crets du  concile  de  Trente,  sess.  XXIV,  de  rc- 
jorm.,  cliap.  .wiii  ;  et  la  constitution  de  Ue- 
iioît  XlV,  di!  Innii  e  méamire,  donnée  le  li 
décembre  174-2,  et  qui  commence  par  ces  mots  : 
Cum  illnd  (  I  )  ?» 

N'est-il  [las  évident,  d'après  le  texte  même, 
que  la  loi  du  concours  est  réputée  en  vigueur 
dans  toute  rii.;lise?  Y  a-t-il  ici  le  moindre  mot 
impliquant  res  riclion?  pour  une  portion  quel- 
cauque  de  la  catholicité?  Ueplus,  dans  la  letlie 
qui  accompagne  le  questionnaire,  on  ht  ce  qui 
Bi'iit  : 

«  Les  points  'le  discipline,  sur  lesquels  par 
mandement  de  Sa  Sainteté,  la  sacrée  Congréga- 
tion du  Concile  attend  de  votre  Grandeur  un 
lapport  et  un    avis,  en  ce  qui  touche  votre 

1,  Âcta  et  •Moreta  concilii  Vatican'^  Fâboarg  en  Brisgau, 
1871.  îbez  HerJer,  |)a;;es  22    et  suiv. 


diocèse,  sont  clairement  définis  dans  la  nomen- 
clature des  questions  ci-jointes.  S'il  existe,  par 
hasard, quelque  autre  point  qui  prête  à  l'aljus  ou 
qui  implique  une  difficulté  grave,  quant  à  l'exé- 
entio'i  des  saints  canons,  il  dépendra  de  vous 
de  l'exposer  en  toute  clarté  ;  car  le  Siège  apos- 
tolique, le  sujet  mûrement  examiné,  ne  tardera 
sans  doute  point  à  s'en  occuper  et  à  y  pourvoir, 
autant  que  l'exigeront  les  circonstances  des 
choses  et  des  temps  (I).  » 

^  De  ce  langage,  il  suit  nécessairement  qu'il 
n'appartient  à  aucun  évèque  d'adopter  des  réso- 
lutions en  ce  qui  touche  les  points  de  iliscipline 
rapi^elés  dans  le  questionnaire  susdit,  et  tous 
autres  non  mentionnés,  mais  qu'il  faut  attendre 
les  décisions  du  Siège  apostolique.  Et  en  ce  qui 
concerne  la  loi  du  concours,  il  résulte  de  la 
lettre  ilu  cardinal  préfet,  combinée  avec  le 
questionnaire,  qu'il  ne  saurait  y  avoir  difficidté 
aux  yeux  du  Saint-Siège,  quant  à  la  loi  elle- 
même,  u  ais  uniquement,  quant  à  la  m.inière 
d'iudiqu  r  le  concours  et  à  la  forme  à  garder  ; 
et  enfin,  nous  le  répétons  qu  il  n'appartient 
à  aucun  ordin:\ire  de  prendre  par  lui-même  uu 
parti,  ni  de  suivre  une  pratique  introduite  par 
le  seul  fait  des  prédécesseurs  en  opposition  avec 
la  loi.  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  possible 
désorma  s  de  contester  la  volonti'  formidle  du 
Saint-Si  'ge.  manifestée  par  l'^icle  dont  il  s'agit, 
(1  !  maintenir  partout  la  discipline  du  concours. 
La  coutume,  dira-ton.  Mais  la  coutume  lire 
toute  sa  valeur  du  consentement  du  h-gislateur, 
et  ici  le  législati'ur  parle  de  manière  à  Délaisser 
aucun  dnute  sur  le  défaut  de  tout  consentement 
de  sa  [lart. 

Nous  aurions  pu.  dans  cette  dissertation,  in- 
voipier  plus  tôt  l'argument  irrésistible  qui  se 
tire  du  doi'ument  émané  en  18(37  de  la  sacrée 
Congréî;alii)n  du  Concile,  mais  nous  avons  voulu 
11!  tenir  en  réserve  pour  le  produire  à  la  suite 
(le  nos  critiques  contre  l'Ai'imniliz  in^titiilioniim 
jurù  pubUci  <l  privait  card.  Sojia,  cet  Appindix 
pouvant  èlrecimsidéré  comme  uu  écho  des  doc- 
trine s  romdi'.cs.  On  doit  reconnaître  mainte- 
nant que,  sur  la  loi  du  concours,  ni  le  docteur 
boiilx,  nirauionr  de  \'A}>jiendix,  ne  reflèirntla 
pensée  du  S;ii;il-Si>'ge.  ^ous  m-  faisons  pas  un 
crime  à  cescanonisti  s  de  n'avoir  |ias  connu  uu 
dociimeu'  po>térieur  à  leurs  écrits,  mais  oous 
sommes  surpris  que  leur  flair,  ordinairement  si 
romain,  ne  les  ait  pas  mieux  dirigés. 

Le  licteur  voudra  bien  noter  que  le  question- 
naire de  1867  se  rattache  au  Concile  du  Vatican, 
en  ce  sens  que  le  Saint-Siège  faisait  alors  pro- 
céder à  une  enquête  sur  Ictat  de  la  discqiline, 
afin  lie  favoriser  plus  tard  les  études  et  les  déli- 
bérations conciliaires.  Victor  Pelletiur. 
(.1  si:ivn\)             Chanoine  de  l'K^Use  d'Orléans, 

1,  Actt  (1  décréta,  etc. 


1414 


LA  SEMAINE  DU  CS.EnCE 


LÉGISLATION 

Exposition  des  motifs  et  des  principes  oui  ont 
servi  de  base  a  la  loi  relative  a  la  liberté 
db  l'enseignement  supérieur. 

{Suite.) 

L'ordre  du  jour  de  la  séance  du  21  décembre 
1874  appelle  la  seconde  délibération  sur  la 
proposition  de  cette  loi,  M.  le  président  de 
l'Assemblée  nationale  donn  ■  lecîure  de  l'ar- 
ticle ^",  qui  dil  :  L'emeignemcnt  supérieur  est 
libre,  et  il  ob.-erve  qu'à  propos  de  cet  arlicle,  il 
y  a  plusieurs  amendements.  Celui  qui  paraît 
devoir  être  mis  le  premier  en  discussion  est 
l'amendement  de  M.  B'^itauld  :  celui-ci  prépose 
demodilier  l'iirtic'c  l'r  de  la  manière  suivante  : 

L'enseignement  supérieur  est  libre,  sous  la  con- 
dition du  respect  des  lois,  de  l'ordre  public  et  des 
bonnes  mœurs. 

Les  cours  des  facultés  libres,  seront  publics, 
coiime  ceux  des  facultés  de  l'Etat. 

M.  Bertault  vient  à  la  tribune  pour  exposer 
que  le  premier  paragraphe  de  son  amendement 
réclame  une  limite  à  la  liberté  de  l'enseigne- 
ment supérieur,  limite  qui  semble  s'imposer  ; 
le  second  réclame  une  garantie  pour  l'observa- 
tion de  cette  limite:  la  publicité. 

S'il  ne  s'abuse,  dit-il,  il  en  est  de  la  liberté 
de  l'enseignement  comme  de  toutes  les  autres 
libertés;  il  ne  sullil  pas  île  la  proclamer,  il  est 
nécessaire  de  l'organiser,  la  liberté  de  l'ensei- 
gnement sera  un  bienfait  ou  un  fléau,  suivant 
qu'elle  sera  bien  ou  mal  organisée.  11  déclare 
que  s'il  demande  des  garanties  avant  de  pro- 
clamer le  principe  de  celte  liberté,  il  ne  cède 
nullement  a  un  sentiment  de  méfiance  ou  de 
préciiuti'in  contre  aucune  des  coasmunious 
chrétiennes;  il  n'en  a  surtout  aucune  contre 
la  communion  à  laquelle  il  appartient.  «  Je  ne 
saurais  m'accoutumer,  njoule-t-il,  à  l'i  lée  que 
notre  société  moderne  doive  considérer  le  catiio- 
licisme  comme  un  cnueuii.  Le  catholicisme,  il 
est  la  source,  il  est  le  fond,  il  est  l'àine  de  notre 
civilisation.  »  1!  croit  que  le  projet  en  liiscus- 
sion  manque  des  deux  plus  essentielles  garan- 
ties que  les  lois  du  1833  et  de  18oû  avaient 
sanctionnées. 

La  première  garantie  qu'il  trouve  dans  la  loi 
de  1833,  ([ui  concerne  1 1  linerlé  de  l'enseigne- 
ment primaire, c'est  In  définition  de  cet  enseigne- 
ment; la  seconde  est  relative  à  des  exigences 
sous  le  rapport  de  .a  capacité  et  de  la  m(jialite 
des  [ler.-onnft  \\i\  distriljueront  l'enseignemeut 
primaire  (.es  deux  garanties  se  répètent  dans 
la  loi  del8i)0,  quand  il  s'agit  de  l'enseignement 
secondaiic;  mais  on  ns 'ôC  retrouve  poiut  dans 
le  projet  soumis  à  la  sanction  de  l'Assemblée 
au  sujet  de  renseignement   suiiérieur.   11  dit 


que  s'il  se  reporte  des  dispositions  de  ce  projet 
aux  motifs  exposés  dans  le  rapport  de  M.  Labou- 
laye,  il  doit  se  demander  comment  il  a  défini, 
ou  plutôt  comment  il  n'a  pas  défini  l'eueigne- 
ment  supérieur.  Pour  confirmer  ^«  qu'il  avance, 
il  donne  lecture  du  passage  suivant  du  rapport 
de  Jl.Laboulaye  :  «  C'est  également  dans  le  sens 
le  plus  large  que  nous  prenonf  'e  mot  cours. 

Il  ne  s'agit  pas  seulement  de  leçons  faites  en 
concurrence  avec  celles  qu'on  donne  dans  les 
chaire-;  publiques.  Il  y  a  une  foule  d'études, 
générales  ou  particulières,  qui  ne  figurent  pas 
et  ne  peuvent  pas  figurer  sur  nos  programmes 
officiels,  qui  ne  seivent  point  à  obtenir  des 
grades  universitaires,  et  qui  cependant  peuvent 
très-uiilement  faire  l'objet  d'un  cours.  Aussi 
avons-nous  refusé  à  l'administration  le  droit  de 
décider  si  un  cours  présenLait  ou  non  le 
caractère  d'enseignemenl,  u  nous  a  semblé 
qu'aecorder  une  pareille  autorité  au  ministre 
de  l'in-truction  publique,  c'était  remettre  indi- 
rectement entre  ses  mains  l'enseignement  suiié- 
rieur. Nous  voulons  la  liberté  tout  entière;  nous 
n'entendons  exclure  de  l'enseigncm'nt  que  les 
sujets  contraires  à  l'ordre  puliliv,  à  la  morale 
puhlique  et  religieuse.  Eu  deux  mots,  il  sera 
permis  de  tout  enseigner,  hormis  ce  qui  cons- 
titue un  délit,  snivant  nos  lois.  » 

11  paraît  à  M.  Bertault,  que  s'il  y  a  là  une 
définition,  elle  est  bien  large,  bien  vague,  bien 
compréhensive  et  bien  élastique.  Il  avoue  qu'il 
en  éprouve  une  certaine  inquiétude.  Dans  les 
lois  de  1833  et  de  1830,  on  avait  deux  garanties 
qui  manquent  essentiellement  dans  le  projet 
de  la  commission.  Le  législateur,  en  proclamant 
le  princii>e  de  la  liberté  d'enseignement,  décla- 
rait alois  que  ceux  qui  le  distribueraient  de- 
vr.iient  d'abord  justifier  de  leur  moralité  et  de 
leur  capacité.  Au  contraire,  d'après  le  projet 
actuel,  tout  Français  m  ijeur,  qui  n  aura  cmouru 
aucune  cond  imnation,  pourra  ouvrir  un  cours, 
se  dresser  une  chaire  et  ilevenir  professeur. 
Cette  seule  garantie  lui  parait  pen  consid.'rable: 
il  craint  (lu'elle  ne  pourra  pas  euiiiéclier  la 
manifestation,  l'enseignement  de  thé  nies  mal- 
saine?, immorales,  en  réliellion  contri;  nos  lois, 
contre  les  priuci[ics  de  notre  organi-'alion  so- 
ciale. (I  II  y  a,  obierve-t-il,  un  débordement  de 
théories  mauvaises,  qui  exposent  la  conscience 
de  la  jeunesse  française  à  une  véritable  corrup- 
tion, qu'il  faut  empèiher.  »  11  lui  parait,  au 
contraire,  que.  snivant  les  rapports  de  la  com- 
mission, ou  devra  accorder  un  laisser-passer  à 
toutes  les  doctrines,  à  tnutes  le^  théories  qui  ne 
seront  pas  conslilnlives  d'un  T'.uic  ou  d'un 
délit  prévu  par  la  loi  péaale.  M  ds  il  se 
demmde  si  la  comm;s-ion  y  a  bien  songé. 
U  dil  que  la  négation  de  l'existence  de  l)ieu, 
quand   elle  n'est  accomp  ignée    d'aucun    on- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1413 


trage,  ne  tombe  «ous  l'application  d'aucune 
de  nos  lois  [lénales.  Est-ce  que  l'Assemblée 
entend  autoriser  par  celte  loi  l'ouverture  des 
cours  dans  lesquels  on  propasera,on  enseignera 
l'athéisme? 

La  négation  de  la  spiritualité  an  l'àme,  de 
son  immortalité,  ne  constitue  ni  crime  ni  délit 
tant  qu'elle  se  renferme  dans  un  livre.  Est-ce 
que  l'Assemblée  veut  dire  qu'on  pourra  ensei- 
gner publiquement  le  matérialisme? 

La  négation  du  sens  moral,  qui  nous  permet 
de  distinguer  le  bien  du  mal;  de  la  liberté 
morale,  qui  nous  permet  de  préférer  le  bien  au 
mal;  de  la  responsabilité  morale,  qui  est  la 
conséquence  de  l'usage  de  la  liberté,  ne  cons- 
titue ni  crime  ni  délit.  Est-ce  que  l'Assemblée 
veut  permettre  qu'un  enseignement  public, 
sous  le  manteau  de  la  liberté,  vienne  propager 
la  négation  et  du  sens  moral,  et  de  la  liberté 
morale,  et  de  la  responsabilité  morale?  Pour 
son  compte  il  proteste  énergiquement  contre  la 
possibilité  de  ces  enseignements  impies.  Aussi, 
en  résumant  son  dist;ours,  M.  Bertault  réclame 
des  garanties  plus  sérieuses,  et  surtout  celle  de 
la  plus  large  publicité  des  cours. 

M.  Laboulayemouteà  la  tribune  pour  repous- 
ser, au  nom  de  la  commission,  la  propixsition 
de  M.  Bjituult.  11  décliire  avant  tout  qu'il  ne 
faut  pas  qu'il  puisse  venir  à  la  pensée  de  per- 
sonne qu'en  votant  cette  définition  :  «  L'ensei- 
gnement supérieur  est  libre,  »  la  commission 
ait  voulu  dire  autre  chose  que  ceci  :  le  mono- 
pole de  l'Université  est  aboli.  11  pense  aussi 
qu'il  ne  peut  venir  à  l'idée  de  personne  que  la 
commission  veuille  autoriser  un  enseignement 
contraire  au  respect  des  lois,  contraire  àror<ire 
public,  contraire  aux  bonnes  mœurs.  11  croit 
que  rexamen  des  questions  soulevées  par  l'ho- 
norable iM.Beitault,  trouvera  mieux  sa  place 
dans  la  discussion  des  articles  suivants  du  pro- 
jet de  la  commission, 

M.  Laboulaye  déclare  que  les  cours,  ilans  les 
facultés  de  l'Etat,  ne  sont  point  publies;  il 
rap(ielle  un  icglemenl  publié  eu  1825,  suivant 
lequel  les  cours  ne  sont  accessibles  qu  à  ceux 
qui  ont  obtenu  une  carte  d'admission. 

Quant  à  lui  il  n'admet,  comme  public  d'un 
cours,  que  les  auditeurs  sérieux,  au  profit  des- 
quels le  profe.-seur  fait  un  cours  suivi,  régulier 
et  méthodique,  et  non  les  curieux  et  les 
déœavrés  auxque  s  il  suffit  tout  au  plus  d'un 
cour»  guperliciel. 

il  ne  fait  pas  d'objection  à  ce  que  les  facultés 
libres  aient  îo  droit  de  recevoir  tout  le  monde, 
.'j  l'elles  puissent  admettre  à  leurs  cours  des 
audit-i:ursbéuévides:  mais  il  ne  peut  reconnaître, 
comme  contrôle  de  l'opinion  publique,  la  libre 
entrée  dans  ces  cours  de  six  ou  huit  désœuvrés, 
qui  viennent  à  contester  les  leçons  d'un  profes- 


seur. Ce  serait  transformer  un  tranquille 
amphithéâtre  d'enseignement  en  tout  autre 
chose;  ce  serait,  dit-il,  chercher  et  provoquer 
le  désordre. 

Il  invite  conséquemment  l'Assemblée  à 
repousser  la  première  partie  de  cet  amende- 
ment comme  inutile,  et  la  seconde  comme 
tournant  contre  les  intentions  de  son  auteur. 

Après  l'échange  de  quelques  observations 
entre  M.  Bertault,  le  rapporteur  et  M.  le  minis- 
tre de  l'instruction  publique,  M.  le  président 
met  aux  voix  cet  amendement,  ijui  n'est  pas 
adopté  par  l'Assemblée. 

M.  Pasctil  Duprat  remplace  M.  Laboulaye  à 
la  tribune  pour  développer  l'amenilement  qu'il 
a  propose  d'accord  avec  M.  Jules  Ferry.  Cet 
amendement   est   ainsi    conçu  : 

Uenseignemenl  su/jériew  est  libre,  sous  la  sur- 
veillance de  l'htat,  qui  reste  seul  investi  du  droit 
de  conférer  les  grades.  Il  n'hésite  pas  à  recon- 
naître que  ce  projet  de  loi  a  pour  but,  en 
apparence  et  dans  le  fond,  d'établir  parmi  nous 
la  liberté  de  l'enseignement  supérieur.  Cette 
liberté  a  provoqué  des  défiances,  des  scrupules 
et  des  craintes  ;  il  vient  défendre  cette  liberté 
et  lui  assigner  ses  véritables  limites.  Parmi 
ceux  qui  réclament  avec  lui  celte  liberté  de 
l'enseignement  supérieur,  il  y  en  a  qui  con- 
tesleul  et  méconnaissent  absolument  le  rôle  de 
l'Etat  dans  l'enseignement.  Il  déclare  que, 
qnant  à  lui,  il  veut  allirmer  les  devoirs  de 
l'Etat,  et  revendiquer  ses  droits  en  cette  matière. 
H  est  persuadé  que  l'Etat  est  seul  capable  de 
former  et  de  maintenir  un  ensemble  de  grandes 
écoles  et  de  haut  enseignement;  il  ajoute  que 
l'Etat  doit  représenter  l'héritage  intehectuel  du 
passé,  c'est-à-ilire  les  trois  siècles  de  gloire 
scientifique  et  littéraire  qui  sont  derrière  nous; 
admirable  et  merveilleux  patrimoine  qu'on  ne 
peut  abandonner  sans  tr.ihir  les  intérêts  les 
plus  précieux  de  la  nation. 

Après  avoir  longuement  examiné  les  diverses 
objections  que  la  proposition  de  cette  loi  a 
soulevées,  il  résume  ses  ditlérenles  observations 
en  déclarant  maintenir,  de  sa  part,  que  l'ensei- 
gnement supérieur  doit  être  libre,  non-seule- 
ment l'enseignement  collectif,  mais  aussi  l'en- 
seignement individuel,  qui  est  la  racine,  en 
quelque  sorte,  suivuntlui,  de  l'enseignement 
Collectif. 

11  soutient  que  cette  hberlé  d'enseignement 
ne  produira  pas  les  inconvénients  iàeheux  qui 
semblent  pouvoir  en  résulter,  et  que  la  société 
civile  et  laïque  n'a  pas  à  crainilre,  quoiqu'il 
arrive,  la  domination  de  l'Eglise  et  du  cierge 
dans  renseignement. 

Il  affirme  que  l'unité  des  esprits  dans  notre 
pays  n'en  sera  pas  atteinte,  et  que  la  liberté 
D'abaissera  pas  le  niveau  de  renseignement. 


mi 


LA  SE.MAINE  DU  CLERGÉ 


Il  lui  paraît,  en  même  temps,  avoir  démontré 
que  l'Etal  a  des  devoirs  à  remplir  el  des  droits 
à  revendiquer  en  matière  d'enseignement; 
qu'il  peut  el  doit,  dans  notre  milieu  social, 
enseigner  par  lui-même  dans  des  grands  éta- 
blissements, qu'il  aura  créés  et  qu'il  doit  déve- 
lopper pour  les  mettre  au  niveau  d  s  progrès 
de  la  science  moderne,  et  qu'er.lin  l'Etat  doit 
garder,  dans  ses  mains,  le  droit  de  conférer  les 
grades.  En    finissant    son     discours,   il   dit: 

a  Blâmer  et  repousser  la  liberté  de  l'ensei- 
gnement, c'est  violer  la  nature  même  de 
l'homme  ;  refuser  à  l'Etat  le  ro'e  qui  lui  ap;iar- 
tient  dans  l'enseignement,  c'est  méconnaître 
l'intérêt  social  dans  ce  qu'il  a  de  plus  sacré.  » 

M.  Laboulaye  lui  répond  qu'on  ne  peut  pas 
voter  une  amendement  qui  admet  appartenir 
seulement  à  l'Etat  de  conférer  les  grades,  parce 
que  ce  serait  conserver,  de  cette  manière,  le  mo- 
nopole universitaire.  Chacun  ne  peut  voter 
celte  disposition  qu'autant  que  la  manière  de 
conférer  les  grales  lui  convient.  11  demande 
conséquemment  que  la  discussion  sur  la  colla- 
tion  des  grades  soit  réservée  à  l'aiticle  13  du 
projet  de  loi. 

M.  le  Président  de  l'.^ssemLlée  observe  que 
cet  amen,  ement,  tel  qu'il  l'st  rédigé,  embrassant 
deux  questions,  ne  peut  être  renvoyé  complète- 
ment à  l'article  i'à,  qui  s'occupe  seulement 
d'une  de  ces  deux  questions.  La  seule  manière 
de  renvoyer  la  soluJon  à  l'article  13,  en  ce 
qui  concerne  la  collation  des  grades,  serait 
pour  SI.  i'ascal  Duprat  de  réserver  aussi  la 
question  de  la  surveillance  de  l'Ltaluu  moment 
où  cette  question  viendra  en  discussion,  c'est- 
à-dhe  à  l'article  6. 

Ijans  ces  conditions,  M.  Pascal  Duprat  con- 
sent à  retirer  provisoirement  son  amendement, 
sauf  à  le  représenter  plus  tard  sur  les  articles 
que  l'on  vient  d'indiquer. 

Lecture  est  donnée  de  l'amendement  de 
M.  Jean  Brunet,  qui  voudrait  r.jmplacer  l'ar- 
ticle i"  par  le  suivant  : 

«  A)  tick  i".  Est  /j/okibé  tCMt  éiablissement  d'en- 
seignement supérieur  qui  ne  s'a/ifjuieia  pas  sur  le 
"principe  suprême  de  Dieu,  le  ciéatew  et  le  direc- 
teur de  l'univers. 

Cille  croyance  étant  officiellement  déclarée  et 
publiée,  l'euieigiteinent  supèivur  est  libre.  » 

Dans  la  séance  du  leudimain,  22  décembre, 
M.  Jean  Brunet  vient  dévelo(  per  son  amende- 
ment. 11  croit  indispensable  d'inscrire,  dans 
cette  imporiante  loi,  le  principe  de  la  croyance 
en  bieu,  non  'jAS  seulement  comme  un  ailicle 
de  foi  uécessaipc,  mais  encore  comme  moyen 
efficace  pour  oiiposer  une  barrière  uilraiicliis- 
sable  u  à  la  marée  fangeuse  ,  toujours  mon- 
tante, de  l'athéisme.  « 

Dans   soQ  admirable    discours,   que    nous 


regrettons  de  ne  pom'oîr  répéter  tout  enîÎCT, 
il  dit  que  l'enseignement  réservii  exclusivement 
catholique  avait  produit,  jusqu'en  1789,  de 
grands  bienfaits,  mais  qu'il  y  a  actuellement 
un  devoir  supérieur  à  exercer,  qui  empêche 
aujourd'hui  d'établir  un  priniege  en  faveur 
d'un  culte  spéci  il  ;  li  observ  c  qu'abandonné 
d'une  manière  absolue  à  lui-même,  l'enseigne- 
ment conduirait  à  l'anarehie,  au  bouleverse- 
ment, aux  abrotissements  de  toute  es[ièce.  Il 
ajoute  que,  ab  indonné  exclusivement  à  l'Etat, 
l'enseignement  n'est  que  l'accaiiarement, comme 
la  voulu  le  fondateur  de  l'Université,  des  intel- 
lig-'nces  el  d  s  conditions  morales  des  popula- 
tions. Quand  à  lui,  il  croit  impossible  de  coa- 
duire  la  science  dans  les  conditious  supérieures 
d'S  grandes  lois  organiques,  quaud  on  est 
privé  du  sentiment  religieux. 

La  conséquence  de  ces  démonstrations  est, 
à  son  avis,  q«e.(iour  l'enseignement  supérieur, 
les  libertés  individuelles,  les  besoins  de  l'Elut  et 
la  science  générale  doivent  ètie  soumis  au 
principe  divin. 

En  finissant  son  éloquent  discours,  il  répond 
à  ceux  qui  hésitent  a  décrétir  la  liberté  de 
l'enseignement  supérieur  parcrainte  d'accorder 
une  puissance  trop  grande  à  l'ensiignemeut 
catholique,  par  crainte  que  celui-ci  domine 
toutes  les  autres  parties  de  l'enseignement  dans 
la  nation,  et  qu'il  s'ensuive  de  telles  haines 
et  puis  de  telles  séparations,  qu'elles  détruiront 
l'unité  nationale.  «  iNon,  s'écrie-t-il,  cela  n'est 
pas  pos^ible;  croyez-le  bien,  messieurs,  ce  n'est 
pas  la  puissance  catholique  qui  est  à  craindre 
aujourd'hui,  car  c'est  le  salut;  mais  bien 
l'athci-me,  car  c'est  la  ruine.  » 

Cet  amendement  est  également  repoussé  par 
la  commission  et  par  l'Assemblée  liatiouale, 
laquelle  adopte  l'article  I"  dans  la  forme  pro- 
posée par  la  commission. 

(A  suivre.)  PniLirPE  Carbéui. 


1 


B  io  gra  phi» 

DOM    GUÉRANGER        ' 

ADBÈ  DE   SOLES.MES. 

(^Suile.) 

Pour  les  personnes  peu  versées  dans  les 
SL'ieiices,  des  thèses  contraires,  soutenues  par 
des  hommes  de  mérite,  peuvent  Kjre  illusion. 
Le  mode  le  plus  décisif  iies  controveises,  c'est 
de  voir  les  deux  parties  en  pn  scnce.  Dom  Gué- 
rauger  n'a  garde  de  négliger  cet  avanlage. 
Sou  aiitagoni-le  avait  beauiou[>  incidente  sur 
les  délails  ;  i'ubbé  produit,  dans  une  page,  le 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


14iT 


texte  de  l'évëqoe  et  mut,  sur  la  page  en  facp, 
ses  ol)servati>3ns.  Cette  lutte  coips  à  corps, 
qui  se  poursuit  cent-ciniiuanle  pagesdurant,  se 
f'^imine  en  vérilablc  exécution  :  de  l'Eglise 
félna  il  "^e  reste  rien  que  l'injure  du  tilre, 
chose  vaine  lorsque  l'exposé  dos  molifs  e^t 
coulé  à  fiind  d'une  manière  aussi  évidemment 
péremptoire. 

Le  seioFid  ap;rpsseur  fut  Jean-Jacques  Fayet^ 
évêque  d'Orlùans,  prélat,  grand  seiL^ncur  et 
homme  de  bi^aucoup  d'e?prit.  Ancien  vicaire 
général  du  cardinal  de  Croï,  iiavait  publié,  d'a- 
bord sous  le  nom  du  prince,  ensuite  sous  son 
nom,  des  mandements  d'un  style  un  peu 
échaufié  peut-être,  mais  souvent  très-réussi  et, 
parlant,  très-bienvenu  des  ji'unes  gens  et  des 
dames.  Député  à  la  Constituante  de  18'«8,  il 
devait,  grâce  à  son  esprit,  rempoiier  sur  d'ha- 
biles adversaires,  plus  d'uti  triomph'!.  Dans 
l'aflaire  présente,  on  le  trouve  semblable  à 
loi  même,  trop  spirituel,  parfois  emporté, 
mais  sans  force  réelle.  Ainsi,  lui,  évèque  et 
grand  seigneur,  il  appelle  d(jm  Guérangcr  le 
papedeSolesmes;  il  le  reiircseute  dans  sonan- 
tique  abbaye,  transformée  en  citaitelle,  cous- 
trnisant  une  machine  do  guerre  pour  battre  en 
brèche,  du  haut  de  ses  tours,  le-  liturgies  des 
églises  de  France  ;  il  l'arme  d'une  longue  vue 
pour  explorer  la  plaine  et  courir  sus  au  pre- 
mier venu  ;  il  le  dit  prétendant  à  la  succession 
de  saint  Grégoire  VI!,  comme  aôie'deCluoy, 
où,  par  parenthèse,  Hildi  brand  a  été  tout  au 
plus  prieur;  il  le  montre  attablé  àl'aub'rge  de 
l'Ours-Noir  à  Wiltemberg  (à  léna,  Monsei- 
gneur) et  ailleurs,  priant  la  Sorbonne  de  cou- 
vrir, contre  le  pape,  ses  pauvres  petits  de  son 
égiile  titulaire;  exécutant  des  procédés  de  fan- 
tasmagorie ;  cherchant  à  piper  les  esprits  par 
di's  sophismes;  enseignant  une  théologie  et  un 
droit  canon  qui  font  très-mauvais  ménage 
ensemble,  attemhi  qu'il  y  a  incompatibilité 
d'huftieur,  et  que,  tôt  ou  tard,  cela  finira  par 
un  divorce  ;  écrivant  enfin  un  livre  tel  qu'on 
ne  sait  si  c'est  un  traité,  une  dissertation,  une 
satire  ou  un  loman,  problème  qui  se  trouve 
plus  tard  résolu  en  faveur  d'un  roman-feuille- 
ton. 

J'en  passe  de  plus  fort??,  puis,  après  le  feu 
roulant  de  plaisanteries,  je  tombe  sur  les  choses 
sérieuses.  Or,  l'évêque  ose  dire  sérieusement,  il 
le  croit  du  moins,  quedomCuéranger  a  déclaré 
la  guerre  aux  églises  de  France  et  à  leurs  pre- 
miers pasfeurs;  qu'il  lance  les  foudres  de  l'ex- 
communication sur  plus  de  cent  évéques  ;  que 
le  drapeau  de  l'unité  liturgique  est  le  drapeau 
de  l'insubordination  et  de  la  révolte  ;  que 
l'église  de  France  est  agitée  comme  la  mer  ; 
que,  sous  un  air  de  science  et  de  piété,  l'auteur 
coQTre  le  schisme  du  drapeau  de  l'unité;  que. 


par  ses  deux  gros  volumes,  il  veut  révolution- 
ner l'église  de  France  ;  que  ses  paroles  ont 
une  étrange  conformiti;  avec  le  langage  des 
factieux  et  des  révolutionnaires  ;  qu'il  se  sert 
d'armes  e:npoisonnées.  Ce  qui  l'amène  à  le 
comparer  à  Voltaire,  à  proph^ti-er  en  lui  un 
nouvel  Arius,  à  lui  attriliuer  les  doctrines  du 
presbj'térianisme,  l'erreur  des  pauvres  de  Lyon, 
le  système  humanitaire,  enfin,  jusqu'à  la  soli- 
darité des  cours  de  JMichelet  et  de  Quinet  au 
Collège  de  France.  Pendantqu'il  était  en  veine, 
l'évoque  aurait  pu  a''cuser  encore  dom  Gué- 
ranger  d'avoir  tué  Abel,  insulté  Noé,  veudu 
Joseph,  brûlé  le  temple  d'Ephèse,  incendié 
Rome;  ces  retours  sur  l'histoire  eussent  pro- 
duit le  meilleur  effet  d'éloquence. 

Ces  invectives  et  ces  plaisanteries,  si  peu 
conformes  à  la  gravité  ecclésiastique,  étaient 
d'abord  des  fautes  de  goût,  fort  ctiangères  à 
la  question,  bonnes  uniquement  à  concilier,  à 
l'auteur,  les  sympathies  de  l'intelligent  public. 
De  [)ius,  elle  n'avaient  pu  se  produire  qu'en 
violation  des  règles  '!e  la  sainte  Eglise  dans  la 
lecture  des  ouvr^iges  d'esprit.  «  Nous  vous 
avertissons,  avait  écrit  Benoit  XIV,  de  bien 
comprendre  qu'il  est  impossible  de  porter,  sur 
le  sens  d'un  auteur,  un  jugement  qui  soif  juste, 
si  on  n'a  pas  lu  son  livre  en  entier  ;  si  l'on  n'a 
pas  comparé  ensemble  les  divers  passai^es  qui 
se  trouvent  en  dillérents  endroits  du  livre.  Il 
faut  reconnaître  aussi  le  but  général  que  s'est 
proposé  l'auteur,  et  ne  pas  prononcer  s»r  une 
ou  deux  propostions  isolées  du  contexte,  ou 
considérées  et  appréciées  à  [lart  de,p  autres  qui 
sont  contenues  dans  le  mémo  livre.  En  effet,  il 
arrive  souvent  que  des  choses  qui  sont  données 
par  l'auteur,  en  passant,  et  d'une  manière 
obscure,  dans  certain  endroit  de  son  livre,  se 
trouvent  expliquées  ailleurs  distinctement, 
abondamment  et  clairement,  en  sorte  que  les 
ombn  s  qui  couvraient  la  première  proposition, 
et  sous  lesquelles  elle  otTrait  l'apjjarence  d'un 
sens  mauvais,  se  dissipent  entièrement  et  cette 
même  proposition  est  reconnue  exemiite  de 
reproche. 

«  Que  s'il  arrive  que  des  propositions  ambi- 
guës aient  échappé  à  un  auteur  catholique,  et 
d'une  réputation  entière  sous  le  rapport  de  la 
religion  et  de  la  doctrine,  l'équité  semble  exi- 
ger que  ses  paroles  soient  expliquées  et  prises 
en  bonne  part,  autant  qu'il  est  possible  (1).  » 

Moine  pieux  et  conlroversisle  intelligent,' 
dom  Guéranger  n'eut  garde  de  ■cendre  coup 
pour  coup.  Sans  doute,  il  accueillit  avec  satis- 
faction des  luttes  qui  tenaient,  sur  la  liturgie 
l'attention  du  puli!ic  et  permettaient  à  l'auteur 
des  Institutions  de  préciser  victorieusement  ses 
projets  de  réforme  ;  mais  il  s'imposa  le  devoir 

1,  Bentdicti  XIV  Const.tutio  SoUicila,  Id.  Julii  1753. 


U18 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


d'une  jiéfîcnTense  urbanité  et  crut  qu'il  aurait 
assez  fait  jiour  sa  personne,  s'il  réussissait  à 
faire  triompher  son  œuvre.  Après  avoir  relevé, 
dans  son  adversaire,  des  erreurs  de  détail  et 
«les  imputations  mal  fondées,  il  singularisait 
ces  erreurs  et  les  prenait  l'une  après  l'autre, 
corps  à  corps,  pour  les  abattre  sous  la  puis- 
sance de  ses  étreintes.  Sa  défense,  présentée 
en  trois  lettres,  et  complétée,  après  la  mort 
de  Tévêque  d'Orléans,  dans  la  préface  du 
tome  ni.ies/«s<?'M/('ons,  n'a  pas  été  analysée  en- 
core de  manière  à  la  faire  bien  apprécier.  Nous 
croyons  qu'il  importe  de  le  faire,  et,  après 
l'avoir  fait,  nous  nous  persuadons  qu'il  est 
difficile  de  trouver  un  plus  bel  exemple  d'ordre, 
de  viu'ueur,  de  décision  et  de  respect. 

L'évèque  avait  dit  que  «  la  religion  est  une 
vertu  morale  qui  ne  produit  par  elle-même  que 
des  actes  intérieurs  d'adoration,  de  louange,  de 
sacrifice,  qui  n'a,  par  conséijuent,  rien  à  dé- 
mêler avec  la  liturgie,  »  que  «  la  liturgie  pro- 
prement dite  n'a  aucun  rapport  nécessaire  avec 
la  vertu  de  religion  ;  »  qu'il  faut  a  laisser  la 
liturgie  dans  son  domaine  et  le  culte  divin  dans 
le  sien  ,  »  enfin  que  «  par  l'exercice  public  de  la 
liturgie,  l'Eglise  se  met  plutôt  en  communica- 
tion avec  Dieu  qu'avec  les  bomraes  (1).  » 

11  n'est  personne  qui,  à  la  réflexion,  ne  sai- 
«isse  le  danger  d'une  telle  doctrine,  dont  les 
conséquencesmèneraient  directement  au  déisme 
et,  franchement,  c'eût  élé  acheter  trop  cher  le 
droit  de  refaire  à  neuf  la  liturgie  que  de  sacri- 
fier ainsi  les  bases  de  la  religion  révélée.  Il  fut 
aisé,  à  Dom  Guéranger,  d'établir,  dans  sa  pre- 
mière lettre  à  Mgr  Fayet,  que  la  religion  n'est 
pas  comiilète  sans  le  culte  extérieur  et  que  la 
iituigie  n'est  autre  chose  que  le  culte  extérieur 
rendu  à  Dieu  par  l'Eglise.  C'est  une  démons- 
tration facile  de  théologie,  une  thèse  presque 
vulgaire  de  bon  sens. 


{A  suivre.) 


Justin  Fèvre, 

protonotaire  apostolique. 


LA  QUESTION  OUVRIÈRE 

(?■  aniele). 
CE  QUE  l'Église  fait  de  nos  jours  poua  l'ouvrier. 

—  RÉSULTATS  SOCIAUX     DE    SON    ACTION    SUR   LA 
CLASSE  OUVRIÈRE  ET    LES    CLASSES   DIRIGEANTES. 

V  •  Les  œuvres,  telles  que  nous  les  entendent! 
cl  telles  qu'il  les  faut  pour  réagir  puissamment 

1.    Eœamtn  dis  Inslitulioni  liturgiques,  p.  36,  40,    43  et 


contre  la  démoralisation  de  la  classe  ouvrière," 
ne  sont  pas  et  ne  peuvent  pas  être  simplement 
le  produit  de  ce  qu'on  appelle  la  philanthropie, 
c'est-à-dire  l'effet  de  ce  sentiment  vague  d'hu- 
manité qui  ne  fait  penser  qu'au  soulage- 
ment des  misères  physiques,  et  dont  les  ef- 
forts sont,  la  plupart  du  temps,  insuffisants  et 
stériles. 

Le  but  principal  des  OEuvres  ouvrières  doit 
être,  si  on  veut  arriver  à  un  résultat  sérieux  et 
durable,  de  moraliser,  disons  mieux,  de  chris- 
tianiser l'ouvrier.  Or,  ce  but  ne  peut  être  obtenu 
par  ce  qu'un  appelle  aujourd'hui  la  philan- 
thropie, qui  ne  repose  que  sur  un  sentiment 
vague  d'humanité,  qui  ne  vise  le  plus  souvent 
qu'au  soulagement  physique,  et  dont  les  efforts 
quand  même  demeurent  stériles,  parce  qu'ils 
n'atteignent  pas  même  le  mal  dans  sa  racine. 
C'est  à  l'Eglise  seule,  qui  a  reçu  de  son  divin 
fondateur  avec  les  promesses  de  la  vie  future 
celles  de  la  vie  présente,  et  dont  l'action  se  tait 
sentir  jusque  dans  les  profondeurs  de  l'âme 
humaine,  c'est  à  l'Eglise,  représentée  par  le 
prêtre,  le  religieux,  la  religieuse,  de  pieux  laï- 
ques de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  qu'il  appartient 
d'être  la  tête  et  le  cœur  des  associations  ou- 
vrières. Aussi  trouvons-nous  toujours  comme 
directeurs  de  ces  associations,  ici  les  Pères  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  là  les  Frères  prêcheurs, 
plus  loin  les  Augustins  de  l'Assomption,  ailleurs 
les  Frères  de  Saint-Vincent  de  Paul  ou  de  la 
Doctrine  chrétienne,  les  Filles  de  la  charité, 
les  Petites  sœurs  des  pauvres,  etc.  Nos  confé- 
rences de  Saint-Vincent  de  Paul,  nos  Comités: 
catholiques,  les  Bureaux  des  Dam  ;s  de  charité 
fournissent  également  des  directeurs  laïques  : 
ce  sont  toujours  des  chrétiens  zélés,  apparte- 
nant quelquefois  aux  rangs  les  plus  divers,  aux 
conditions  les  plus  opposées  de  la  société  de- 
puis le  magistrat,  l'officier,  le  fonctionnaire,  la 
grande  dame,  jusqu'au  simple  patron,  au  plus 
petit  employé  de  bureau,  à  la  femme  du  plus 
modeste  négociant;  tous  puisant  leurs  inspira- 
tions dans  le  sentiment  du  devoir  et  les  motifs 
les  plus  élevés  de  la  religion. 

VI.  Pour  l'apprenti  et  l'ouvrier,  il  y  a  aujour- 
d'hui presque  dans  toutes  nos  cités  ce  ijue  l'on 
appelle  un  patronage  et  un  cercle  catholique. 
Comme  ce  sont  là  les  deux  principales  insti- 
tutions de  notre  temps  en  faveur  du  la  classe 
si  digne  d'intérêt  des  travailleurs,  il  est  bon 
que  nous  doimions  ici  une  idée  de  l'organisa- 
tion de  ces  deux  œuvres.  Nous  nous  en  tien- 
drons aux  traits  généianx,  parce  que  chaque 
patronage,  chaque  cercle  tout  en  présentant 
une  physionomie  commune,  est  régi  par  un 
règlement  spécial. 

Les  loiiilateurs  et  directeurs  d'un  cercle  ou, 
d'un  patronage  s'appliquent  avant  tout  à  pré- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


14i» 


server  l'ouvrier  ou  rnpprcnti,pcm]anl  les  jours 
et  les  heures  de  repos,  d'un  désœuvremeutlou- 
jours  funeste  et  de  la  fréquentalion  de  certains 
lieux  où  ils  contracteraient  infailliblement  des 
habitude»)  .l'intempérance  et  entendraient  les 
propos  les  plus  licencieux  :  c'est  là  un  des 
points  fondamentaux.  Aussi  les  catholiques 
qui  président  à  ces  œuvr<'s  prenn  nl-ils  à 
tâche  de  procurer  aux  membres,  chajue  diman- 
che entre  les  offices  et  pendant  les  longues  soi- 
rées d'hiver,  des  délassements  honnêtes,  tels 
que  jeux  bruyants  et  jtux  tranquilles,  repré- 
sentations amusantes,  promenades,  pi-Lrina^es, 
banquets,  etc.,  toutes  choses  qui  attirent  l'ou- 
vrier et  le  réîrécnt  sans  danger  pour  son  âme. 

C'est  afin  d'atteindre  le  même  but  que,  dans 
plusieurs  villes,  on  a  créé  des  hôtelleries,  qui  re- 
çoivent l'ouviier  â  sou  arrivée,  et  lui  fournis- 
sent le  logement  et  les  vivres  à  des  prix  très- 
modérés,  des  maisons  de  famille,  où  celui  ijui 
n'a  point  de  foyer  domestique  trouve  une  autre 
famille  non  moins  empressée  aie  secourir  dans 
ses  besoins  physiques  et  moraux.  On  ne  peut 
s'imaginer  de  quelles  précieuses  ressources  sont 
pour  les  œuvres,  les  deux  dernières  institutions. 
En  premier  lieu  elles  mettent  l'ouvrier  à  même 
de  résister  auxsollicitationsdes  soeiétéssecrètes, 
qui  rob>èdent  pour  l'attirer  dans  leurs  filets,  à 
son  début  surtout;  et  en  second  lieu  elles  le 
tiennent  sans  cesse  éloigné  des  compaguies 
dangereuses. 

Les  dimanches  et  les  jours  de  fêtes,  on  va  à 
la  messe  en  corps.  Nous  connnaissons  un  grand 
nombre  d'oeuvres  qui  ont  un  aumônier  à  elles, 
ainsi  qu'une  chapelle  où  les  ofDces  se  font 
comme  dans  les  églises  paroissiales;  les  mem- 
bres du  patronage  ou  du  cercle  s'y  rendent  d'au- 
tant plus  volontiers  qu'ils  n'ont  pas  à  lutter 
contre  le  respect  humain.  Ordinairement,  il  y  a 
prédication,  et  même  de  temps  en  temps  on  leur 
ménage  une  petite  retraite  pour  les  disposer,  par 
exemple,  au  devoir  pascal.  On  les  invite  à  s'ap- 
procher fréquemm.enl  du  tribunal  de  la  péni- 
tente, et  c'est  dans  leur  chapelle  qu'ils  font  la 
sainte  communion,  toujours  ensemble.  De  plus 
ils  paraissent  en  corps  aux  processions  de  la 
Fête-Dieu,  de  l'Assomption,  et  aux  grandes  fêtes 

Frovinciales  ou   nationales,    la  bannière    de 
œuvre  en  tête. 

En  outre  des  hommes  instruits,  d'éminents 
professeurs  quelquefois,  leur  font  le  dimanche, 
et  même,  certains  jours  de  la  semaine,  des  con- 
férences sur  un  sujet  religieux,  scientifique  ou 
littéraire,  toujours  à  leur  portée,  et  de  nature 
a  piquer  vivement  leur  curiosité. 

La  visite  des  pauvres  et  des  malades  est  aussi 
en  usage  dans  plusieurs  cercles  et  patronages. 
Celte  visite  se  fait  toujours  en  la  comjjagnie 
d'un  des  patrons  ou  d'un  directeur.  Les  ou- 


vriers s'hnbiluent  ainsi  à  voir  le  pauvre  de  près, 
à  compatir  à  ses  misères,  â  lui  adre.-ser  quel- 
ques paroles  d'encouragement,  en  même  temps 
qu'ils  déposent  entre  ses  mains  leur  jtetite  au- 
mône :  touchante  démarche  qu\  .loit  réjouir 
les  sages  et  aller  droit  au  cœur  de  Dieu. 

Glace  au  zèle  du  conseil  de  chaque  œuvre, 
on  trouve  ordinairement,  dans  le  local  affecté 
aux  réunions  une  bibliothèque,  à  l'usage  exclusif 
des  membres.  Cette  bibliothèque  n'est  composée 
que  d'ouvrages  en  rapport  avec  l'âge,  le  degré 
de  connaissances,  la  profession  de  ceux  à  qui 
elle  s'adresse  ;  et  il  va  sans  dire  qu'ils  sont  soi- 
gneusement choisis  tant  sous  le  rapport  reli- 
gieux que  sous   le  rapport  littéraire. 

A  côté  de  la  bibliothèque,  il  y  a  un  cabinet 
de  lecturp,  chauffé  en  hiver.  C'est  aussi  là  que 
des  publications  périodiques,  irréprochable» 
quant  à  la  doctrine  et  à  la  morale,  sont  mises 
gratuitement  â  la  disposition  des  membres  du 
cenle  ou  du  patronage. 

Un  certain  n(jmbred'Œuvres  possèdent  déjà 
une  caisse  d'épargne,  où  l'ouvrier  peut  placer 
le  fruit  de  ses  plus  petites  économies,  cerl.iia 
de  le  retrouver  un  jour  avec  l'intérêt  en  plus, 
lorsque  le  besoin  se  fera  sentir.  On  a  essayé 
aussi  avccavantage,  en  plusieurs  endroits,  l'éta- 
blissement de  sociétés  de  secours  mutuels,  et 
même  de  sociétés  coopératives  de  consomma- 
tion. 

Les  directeurs  de  patronages  proprement 
dits,  qui  sont  toujours  de  très-bons  catholiques, 
se  chargent  de  placer  lesjeunis  apprenti- qu'on 
leur  confie  chez  des  patrons  chrétiens,  faisant 
respecter  dans  leurs  ateliers  le  repus  dominical, 
et  y  interdisant  les  discours  liceutieux  ainsi  que 
les  mauvaises  lectures.  De  plus,  ils  vont  les  vi- 
siter eux-mêmes  à  des  intervalles  assez  rappro- 
chés, interrogeant  les  patrons  sur  leurconduite, 
et  distribuant  les  encouragements  où  les  répii- 
mandes  selon  qu'il  y  a  lieu.  Si  un  de  leurs 
protégés  tombe  malade,  c'est  à  la  maison  pater- 
nelle qu'ils  se  rendent  pour  lui  porter  des  se- 
cours et  s'informer  de  l'état  exact  de  sa  santé  ; 
ils  trouvent  là  l'occasion  d'adresser  à  tous  quel- 
ques bonnes  paroles. 

En  outre,  les  apprentis  ont  chacun  un  livret 
sur  lequel  le  patron  couiheses  notes  de  chaque 
jour;  et  ce  livret  doit  être  présenté  chaque  di- 
manche aux  directeurs  du  patronage. 

On  sait  déplus  que,  tous  les  ans,  il  se  fait,  à 
Paris  et  dans  d'autres  villes  de  France,  une 
exposition  industrielle  où  les  jeunes  ouvriers 
sont  admis  à  faire  figurer  un  échantillon  de  leur 
travail,  lequel  est  examiné  avec  attention,  ap- 
précié selon  son  mérite,  et  quelquefois  même 
couronné  s'il  y  a  lieu;  c'est  là,  on  le  comprend, 
on  des  stimulants,  un  des  principes  d'émulatio» 
les  plus  énergiques. 


1420 


I.V  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


Au  patronage,  les  dimanches  et  les  soirées 
d'hiver  sont  emploj-és  à  peu  prés  de  la  même 
manière  qu'au  cerce. 

Pour  nous  résumer,  disons  que  l'ouvrier 
trouve,  dans  les  œuvres  dont  nous  venons  de 
parler,  les  distractions  et  les  avantages  maté- 
riels qui  lui  sont  olferls  ailionrs,  avec  cette 
énormu  difiérence  qu'il  ne  n^ncoritre  rien  qui 
ne  le  détourne  du  mal.  Il  échappi^  ainsi  à  l'ia- 
fluence  délétère  de  la  taverur;  il  apprend  à 
connaître  de  mieux  en  mieux  ses  devoirs  en- 
vers Dieu,  envers  ses  semblables,  et,  après  un 
certain  temps,  il  est  comme  nécessairement 
initié  aux  salutaires  habitudes  de  la  vie  chré- 
tienne, habitudes  qui  peut-être  le  fixeront  dans 
le  bien  pour  toute  sa  vie. 

Ce  n'est  pas  tout.  L'ouvrier  qui  s'est  enrôlé 
sous  la  bannière  des  associations  catholiques 
possède  dans  l'institution  des  Crèches  un  se- 
cours bien  précieux  pour  sas  petits  enfants  et 
leur  mère. 

Cette  œuvre  des  Crèches,  que  Mgr  de  Ségur 
appelle  avec  raison  h  le  premier  pas  de  la  cha- 
rité de  l'Eglise  à  l'égard  de  la  classe  pauvre 
et  laborieuse,  »  a  pour  but  de  procurer  d'abord 
les  ressources  nécessaires  à  l'acquisition  et  à 
l'ameublement  d'un  local  spacieux  destiné  à  re- 
cueillir les  petits  enfants  encore  au  berceau, 
qui,  sans  cela,  seraient  le  plus  souvent  délaissés, 
ou  confiés  à  des  nourrices  sans  conscience.  De 
bonnes  sœurs  acceptent  la  garde  de  ces  enfants 
durant  le  jour,  et  leur  donnent,  aux  frais  de 
l'œuvre,  tous  les  soins  que  réclame  leur  état, 
pendant  que  les  mères  vaquent  à  leurs  travaux 
ordinaires. 

Ailmirons  ici  en  passant  quel  trésor  de  dé- 
vouement notre  sainte  religion  met  au  cœur  de 
ces  généreuses  filles.  Humainement  parlant, 
que  sont  pour  elles  ces  enfants  des  Crèches?  des 
étrangers,  ni  plus  ni  moins;  l'exercice  de  leurs 
pénibles  fonctions  ne  leur  présente  d'ailleurs 
que  dégoût,  ennui,  fatigue  accablante,  quelque 
chose  même  de  repoussant;  pour  la  nature,  il 
n'y  a  rien,  absolument  rien.  Lorsque  l'enfant  a 
franchi  le  tout  premier  âge  de  la  vie,  on  pent 
dire  jusqu'à  un  certain  point  que  ses  petites 
caresses  sont  pour  ceux  ou  ci  lies  qui  lui  pro- 
diguent leurs  soins  une  espèce  d'encourage- 
ment, au  moins  un  sujet  de  récréation;  mais 
ici,  encore  une  fois,  rien,  rien,  rien;  la  nature 
•est  totalement  onbiic.^.  Et  cf'pendiint,  les  bonnes 
religieuses  préposées  à  la  direction  des  Crèches, 
loin  de  se  rebuter,  ne  cessent  de  reudie  à  ces 
petits  èti es  dofll  elles  sont  les  gardiennes,  les 
servicei  les  plus  vulgaires,  les  plus  répugnants, 
et  cela  sans  ancuu  espoir  de  récompeus*  ici- 
bas,  avec  one  patience  et  uu  courage  vraiment 
snrhumains.  0  sainti!  et  divii;e  religion  catho- 
lique, c'est  là  un  des  mille  p it>diges  que  tu  en- 


fantes chaque  jour,  prodige  aussi  admirable, 
plus  admirable  même  que  ceux  opérés  autre- 
fois par  ton  auguste  fondateur!  Oh!  je  te 
bénis! 

A  peine  l'enfant  de  nos  ouvriers  a-t-il  atteint 
l'âge  de  trois  ou  quatre  ans,  que  l'OEuvre  le 
place  dans  Vasile,  fournissant  sinon  toujours 
gratuitement,  au  moins  à  des  prix  très-réduits 
les  objets  nécessaires.  Là,  on  lui  apprend  déjà 
à  tracer  sur  lui  le  signe  de  la  croix,  à  bégayer 
quelques  prières;  on  lui  inculque  les  premiers 
éléments  de  la  lecture;  il  n'y  a  pas  jusqu'aux 
petits  exercices  de  gj'maastique  qu'on  lui  fait 
exécuter  qui  ne  le  forment  à  des  habitudes  de 
discipline  et  de  régularité,  tout  en  développant 
son  agiUté  et  son  adresse.  Quel  service  ren- 
dent d'ailleurs  les  asiles  au  point  de  vue  moral! 
Sans  cela,  je  le  demande,  que  deviendraient 
ces  pauvres  petits  enfants  laissés  à  eux-mêmes 
dés  cet  âge?  Le  vagabondage  ne  jetterait-il  pas 
en  eux  la  semence  malheureusement  trop  fé- 
conde de  l'immorahté  et  de  beaucoup  d'autres 
vices?  L'expérience  est  là  pour  attester  cette 
triste  vérité. 

En  sortant  de  l'asile,  l'enfant  passe  à  Véeole, 
où  on  lui  enseigne,  gratuitement  toujours, 
toutes  les  matières  qui  composent  l'enseigne- 
ment primaire,  et  où  on  le  prépare,  avec  un 
soin  tout  particulier,  au  grand  acte  par  excel- 
lence de  la  vie  :  la  première  communion. 

Dans  le  but  d'aider  les  enfants  à  demeurer 
sages  avant  et  après  la  première  communion, 
on  a  introduit  dans  les  œuvres  de  pieuses  asso- 
ciations, telles  que  celles  de  la  Sainte-Enfance, 
de  saint  Louis  de  Gonzague,  des  setints  ^Vnges, 
des  enfants  de  Marie,  l'apostolat  de  la  prière, 
la  communion  ré{iaratrice,  etc.  De  plus,  nous 
connaissons  plusieui  s  patronages  et  cercles  où 
existe  une  association  eu  faveur  des  âmes  da 
purgatoire.  Cette  association,  tout  en  rappelant 
aux  ouvriers  et  appreatis  l'existence  du  lieu 
d'expiation,  tout  eu  les  intéressant  au  sort  de 
leurs  fières  qui  les  ont  précédés  dans  la  même 
profession,  peut-être  dans  les  mêmes  ateliers, 
ménage  à  chacun  d'eux  nue  inhumation  gra- 
tuite, honorable,  et  leur  assure  des  prières  après 
la  mort. 

Vcilà  un  résumé  bien  court  et  bien  pâle  de  ce 
que  fait  l'Eglise,  de  nos  jours,  pour  la  classedes 
travailleurs,  pour  ceux,  cela  s'enlend,  qui  veu- 
lent se  placer  sous  sa  maternelle  direction.  Que 
de  soins  elle  leur  prodigue!  Comme  elle  craiut 
surtout  qu  ils  ne  se  perdent  pour  l'éternité  l  Et 
quand  quelques-uns  s'éloignent  du  droit  tlie- 
min,  comme  elle  les  poursuit!  Que  d'eiforts  elle 
lait  pour  pouvoir  les  atteindre  H  hs  ramener 
aubercaili  Convenons  que  1  ouvrier  qui  repous- 
serait un  tel  dévouement  se  rendiail  coupable 
d'une  bien  noiru  ingratitude  i  il  ne  rosseiubie- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


au 


rait  que  trop,  ln'l.s!  à  celui  qui,  marchant  vers 
un  abîme  et  sentant  une  main  amie  le  retenir, 
ne  baignerait  pas  même  la  regariler,  mais  pren- 
drait scm  élan  de  plus  belle  pour  plus  tôt  arriver 
à  sa  ruine. 

J'avais  donc  raison  d'affirmer  que  l'Eglise  est 
la  VI  nie  more  de  l'ouvrier.  Qu'on  me  montre, 
dans  les  sectes  anti-chrétiennes,  quelijue  chose 
qui  apprdclie  seulement  de  l'héroïque  abnéga- 
tion, d«  l'ailmirable  dévouement  de  ces  bons 
frères,  ijiar  exemple,  si  dévoués  aux  œuvres  de 
jeunesse?  Nous  rencontrons  bit'n  encore  de 
ces  philosophes  libéràlres  qui  s'apitoient  dans 
de  pom|i.'iix  discours  sur  le  sort  de  l'ouvrier, 
accusent  en  (crmes  amers  la  classe  opulente  de 
l'esclavage  où  il  géoiit,  font  miroiter  à  ses  yeux 
les  graniis  nnots  de  liberté,  d'égalité,  de  frater- 
nité ;  miis  où  s  nt,  jr-  le  demande,  ceux  de  ces 
libéràtres  i|ni  pour  lui  reEoncent  volontaire- 
ment aux  joniissaners  de  ce  monde,  consacrent 
leurs  loisirs  et  UHcnt  leur  vie  au  service  de  la 
classe  ouvrière?  Qa'on  me  les  montre'/  A  fruc- 
tibus  eorum  coynoscctis  eos. 

{A  suivre.)  L'abbé  Gabnier. 

curé  du  Belmont. 


CHRONIQUE    HEBDOMADAIRE 

Voyage  du  cnnlinal  Mac  Cljpk-yà  Rome.  —  Adresse 
des  New-Yoïkaisau  Saiut-Père.— Brel'sur  lus  c'as- 
Srque^  lalins.  —  Lu  couvent  Haint-Laurent  in  Lucinn 
tmn-lormé  en  tli(''àtre.  —  M.  CaTrtH'né,  nommé  à 
l'évôcbij  lie  Saint-Pieire  el  Fort-du-France.  —  M(,'r 
l'archevôqUL'  de  Rennes  élevé  au  carilinalat.—  Nou- 
velles universités  catholiques.  —  Désertion  des  cours 
d'adultes,  —  Oongrès  catholiiiue  de  Poitiers.  —  E\- 
puUion  des  évèques  italiens  de  leurs  demeures.  — 
G-uei'fe  à  l'ensBign-ment  catlioiii|ue.  —  Expulsion 
des  Sœurs  de  lUiarité  du  canlou  de  Genève.—  Les 
PelUes-Sii'Ui'-  des  Pauvres  et  leurs  viedlards.  — 
Asseuildée  d(Kllin('''rii;nne  à  Honn.  —  Soulèvement 
de  l'Heizégoviue.  —  Reslauratiou  du  tombeau  de 
ssiat  Louis  à  Cai  thage.  —  Les  Frè  es  des  Ecoles 
chréiieuues  à  Tunis.  —  Assassinat  de  Gai  cia  Moruuu. 

2  septembre  1875. 

Rome.  —  Peu  de  nouvelles  du  Vatican.  Deux 
■on  trois  caravanes  de  [  èlerins  fraii(;als  y  sont 
allées  porter  nu  Vicaire  de  Jésus  Curist  i'hoiu- 
înage  de  leur  tendre  et  respectueuse  iidéilili!'.  Le 
«cardinal  Mae  Closkey  y  est  attendu,  peut-être 
arrivé,  pour  reci'voir  des  mains  du  Pape  le  cha- 
peau de  sa  dignité,  dans  la  prochaine  as.^emblée 
coïKiBtontde,  On  assure,  dès  maintenant,  que 
celle  assemblée  idl'rira  un  grand  intérêt,  que  de 
nouveaux  cardinaux  y  seront  nommés,  et  que 
les  cardinaux  réservés  y  seront  publiés.  Mais 
nous  n'avons  pas  coutume  de  parler  des  bruits; 
il  sera  donc  temps  de  parler  de  ces  faits  lorsqu'ils 
seront  arrivés 

Le  cardinal  Mac  Closkcy  apporte  au  Pape  une 
«dresse  descat'iolitjues  du  diocèse  de  New  York, 


dans  laquelle  ils  lui  expriment  leur  reconnais- 
sance pour  l'honneur  de  la  pourpre  qu'il  a 
accordé  a  leur  premier  pasteur,  et  leurs  doulou- 
reuses sympathies  à  l'occasion  des  maux  que 
soutfre  l'Eglise  en  Europe.  II;. -remarquent  en- 
suite que  la  grande  révolution  moderne  coïncide 
précisément  avec  une  incomparable  extension 
du  christianisme  dans  leur  pays,  dont  ils  Iraceot 
en  finissant  le  rapide  mais  frappant  tabl  au  que 
voici  :  «  Quand,  disent-ils,  au  commencement 
de  ce  siècle  trois  fois  béni,  une  petite  église 
suffisait  dans  la  première  cité  du  premier  de  nos 
Etats  à  contenir  aux  offices  le  petit  troupeau 
fidèle  tout  entier,  l'immense  étendue  du  terri- 
toire des  provinces  ignorait  le  vrai  culte.  Au- 
jourd'hui que  le  siècle  est  aux  trois  quarts 
écoulé,  nous  pouvons  voir  dans  la  ?eulo  métro- 
pole cinquante-dnix  églises  et  beaucoup  plus 
encore  dans  ses  faubourgs,  pendant  que  dans 
tout  le  pays  on  élève  des  autels  partout  où  il  y 
a  des  hommes.  Ces  conquêtes  d'^  la  vraie  reli- 
gion dans  un  pays  où  le  pouvoir  terrestre  ne 
travaille  pas  pour  elle,  sont  une  manifestalioH 
éclatante  de  la  grandeur  de  l'Eglise.  Ces  nom- 
breuses conquêtes  et  l'exemple  que  donne  Voire 
Sainteté  ont  une  telle  grandeur  qu'ils  peuvent 
convaincre  le  monde  que  jamais  les  puissances 
de  la  terre  ne  réussiront  à  empêcher  le  triomphe 
de  notre  sainte  foi.  » 

La  question  des  classiques  chrétiens  et  païens, 
qui  a  alimenté  dans  la  presse  de  si  longues  po- 
lémiques, est  définitivemant  tranchée  jKiur  les 
catholiques.  Dans  un  bref  ailrcssé  à  .Mgr  fiarto- 
loraeo  d'Avanzo,  évêque  de  Calvi  el  Teano,  le 
Pape  se  prononce  nettement  pour  l'admission 
des  auteurs  chrétiens  dans  les  classes.  Voici 
pour  aujourd'hui  le  principal  passiige  de  ce 
bref,  dont  nous  donnerons  k  texte  tout  entier 
dans  notre  prochain  numéro  :  «  Nous  avons  eu 
aussi  pour  très-agréable  la  savante  lettre  que 
vous  avez  écrite  au  sujet  de  l'enseigaernent 
mixte  de  la  langue  latine,  car  elle  venge  fort 
bien  l'honneur  de  la  latinité  chrétienne,  que 
plusieurs  ont  accusée  d'être  une  corruption  de 
l'ancienne  langue,  taudis  qu'il  est  évident  que 
la  langue,  c'est-à-dire  l'expression  de  l'esprit, 
des  mœurs  et  des  coutumes  publiq  es,  a  dû, 
nécessair-ement,  revêtir  une  l'orme  nouvelle 
après  rirtroduolion  de  la  loi  du  Christ.  Cette 
loi,  en  ell'et,  qui  avait  relevé  la  société  humaine 
et  l'avait  reconstituée  poiu'  les  choses  spiri- 
tuelles, exigeait  par  cela  même  une  langue 
d'un  caractère  nouveau,  ditlérente  de  celle  que 
le  génie  d'une  société  charuelie,  esseutiellemcat 
adonnée  à  la  molles.~e,  avait  loniitemps  main- 
tenue. Cette  observation  a  néceôsairement 
trouvé  la  preuve  de  sa  justesse  dans  les  monu- 
ments que  vous  avei  cités  avec  intelligeiice,  en 
les  empruntant  AUX  difiérenU  siècles  de  l'Eglise, 


J155 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


monuiEcnts  qui  expliquent  la  genè=e  i1e  la  nou- 
velle forme,  ses  pro^rrès  et  sa  supériorité,  tout 
en  montrant  que  l'Eglise  eut  conslammeat 
l'usage  il'ioUier  la  jeunesse  à  la  connaissaace  de 
la  langue\f(line  par  la  lecture  combinée  des 
auteurs  sacrés  et  des  écrivains  classiques.  Par 
les  lumières  plus  abondantes  que  votre  opuscule 
jette  sur  cettequestion,d'ailleursdéjà  tranchée, 
cet  écrit  peisuadera  plus  effuacement  aux  ins- 
tituteurs de  la  jeunesse  qu'ils  doivent  mettre 
entre  ses  mains  les  ouvrages  de  ces  deux  caté- 
gories d'écrivains.  Nous  souhaitons  que  ce 
succès  soit  réservé  à  votre  œuvre,  b 

Il  faut  rendre  cette  justice  aux  sectaires  qui 
gouvernent  à  Piome,  qu'ils  n'accaparent  pas 
absolument  pour  eux  seuls  les  biens  du  clergé  ; 
ils  viennent  de  faire  à  un  de  leurs  amis,  entre- 
preneur de  bâtisse,  un  joli  cadeau.  Ils  lui  ont 
donné  le  couvent  de  Saint-Laurent  in  Lucina. 
Ledit  entrepreneur  va  le  transformer  en  un 
grand  théâtre  qui  contiendra  deux  mille  person- 
nes. Pareille  profanation  s'était  déjà  vue  en 
Sicile  il  y  a  quelques  mois.  Au  nom  de  la  liberté, 
on  chasse  de  chez  eux  des  gens  qui  prient  et  prê- 
chent la  vertu  par  leurs  paroles  et  leurs  exem- 
ples, et  on  y  installe  des  gens  qui  font  métier 
d'outrager  Dieu  et  d'enseigner  le  vice.  C'est  le 
progrès. 

France.  —  Par  décret  en  date  du  24  août, 
M.  l'abbé  Carmené.vicaire  général  de  Saint- De- 
nis (île  de  la  Réunion),  est  nommé  à  l'évèché  de 
Saint-Pierre  et  Fort-de-France  (île  de  la  Marti- 
nique), en  remplacement  de  Mgr  Fava,  nommé 
à  l'évèthé  de  Grenoble.  Avant  d'être  vicaire 
général  de  Mgr  Delannoy,  M.  l'abbé  Carmené 
l'avait  été  de  Mgr  Maupoint,  également  évêque 
de  Saint-Denis;  et  eu  remontant  encore  plus 
haut,  il  avait  été  curé  de  Saint- Pierre  et  direc- 
teur du  collège  Saint-Benoit,  toujours  à  l'ile  de 
la  Réunion. 

La  Gazettede  Bretagne  annonce  que,  le  30  août 
dernier,  Mgr  l'archevêque  de  Reunes  a  reçu  la 
nouvelle  officielle  de  son  élévation  au  cardina- 
lat. Le  même  jo^irnal  fait  en  même  temps  obser- 
ver que  c'est  pour  la  première  fois  que  la  pour- 
pre romaine  tombe  sur  les  épaules  d'un  archevê- 
que breton,  d'un  fils  né  sur  le  sol  de  la  Bretagne. 

La  question  de  fondation  d'universités  catho- 
liques préoccupe  au  plus  haut  point  tous  les 
esprits.  Les  catholiques  veulent  user  de  la 
récente  loi  partout   où  cela  est  nécessaire  et 

Eossible.  Après  Lille  et  Paris,  Poitiers,  Angers, 
yon  et  Toulouse  ont  également  décidé  d'avoir 
chacune  leur  université  pour  la  prochaine  ren- 
trée des  classes.  Avignon  y  travaille  aussi,  mais 
il  n'y  a  encore  rien  de  déojdé.  La  plus  parfaite 
entente  régne  entre  tous  les  évoques,  qui  deman- 
dent ou  vont  demander  aux  fidèles  des  prières  et 
des  secours.  L' Univers  ouvre  une  souscription 


dans  ce  but  et  s'y  inscrit  le  premier  pour  2,000 
francs.  11  place  cette  souscription  immédiate- 
ment après  celle  du  denier  de  Saint-Pierre, 
parce  qu'après  le  Pape,  qui  est  le  premier  maî- 
tre d'école  du  peuple  chrét'en,  il  n'y  a  rien  qui 
doive  tenir  plus  au  cœur  des  catholiques  fran- 
çais que  leurs  universités. 

Les  journaux  de  la  libre-pensée  ne  peuvent 
rester  témoins  de  cette  aclivilé  sans  exprimer 
leur  mauvaise  humeur  et  sans  tenter  de  l'en- 
traver. Ils  ont  l'œil  au  gué  pour  voir  s'il  n'y  a 
rien  à  reprendre  dans  ce  qui  se  fuit,  et  ne  pou- 
vant reprendre  à  raison,  ils  ne  s'épargnent  pas 
de  reprendre  à  tort.  Ils  en  appellent,  les  fiers 
patriotes,  jusqu'à  l'opinion  de  l'étranger,  de 
M.  de  Bismarck  sans  doute,  comme  si  nous 
devions  prendre  pour  règle  de  conduite  le  goût 
de  nos  voisins,  de  nos  ennemis. 

A  côté  de  l'ardeur  catholique  pour  l'instruc- 
tiou  supérii>ure,  nous  avons  le  regret  de  cons- 
tat t,  dans  les  écoles  de  l'Elat  pour  l'instruction 
primaire,  l'abandon  croissant  des  cours  d'adul- 
tes, créés  il  y  a  quelques  années.  C'est  le  minis- 
tre de  l'instruction  publique  lui-même  qui  fait 
celte  révélation,  dajs  une  letlrc  aux  préfets.  Il 
paraît  que,  pour  la  seule  année  scolaire  1873- 
1874,  la  différence  avec  l'année  précédente  a 
été  de  80,000  élèves  au  moins.  Cette  désertion 
de  l'école  primaire,  malgré  tous  les  eSorls  . 
de  l'Etat  pour  la  conjurer,  tient  évidemment  à 
certaines  causes  politiques  qu'il  ne  nous  est  pas 
permis  d'indiquer  ici.  Mais,  tant  que  ces  causes 
persisteront,  on  peut  s'attendre  à  voir  la  déser- 
tion dont  il  s'agit  ne  faire  que  s'accroître. 

Deuximporlants  congrès  catholiques  ont  tenu 
leurs  assises  à  Poitiers  et  à  Reims,  depuis  notre 
dernière  chronique.  Nous  ne  nous  occuperons 
aujourd'hui  que  du  premier,  renvoyant  à  notre 
prochain   numéro  le  compte  rendu  du  second. 

Le  Congrès  des  comités  de  l'Union  catholique  de 
Poiliers  a  tenu  ses  séances  au  grand  séminaire, 
dans  la  grande  salle  de  théologie,  du  18  au 
22  août.  Au  bureau  d'honneur  ont  siégé,  ensem- 
ble ou  successivement:  Mgr  Pie,  évêque  de 
Poitiers,  Mgr  Perché,  archevêque  de  la  Nouvelle- 
Orléans,  Mgr  de  La  Bouillerie,  coadjuteur  de 
Bordeaux,  Mgr  Nardi,  auiliteur  de  Rote,  et  le 
T.  R.  P.  Dom  Bastide,  abbé  de  Ligugé.  Un 
grand  nombre  d'évêques  étaient  représentés  par 
des  délégués,  et  l'assistance,  qui  était  fort  nom- 
breuse, était  composée  en  majeure  partie  d'il- 
lustrations catholiques. 

A  la  messe  d'ouverture,  Mgr  Pie  a  prononcé 
une  magnifique  homélie  sur  les  congrès,  dont  il 
a  fait  ressortir  les  avantages,  qui  sont  de  se 
voir,  de  se  connaître,  de  s'encourager,  de  s'en- 
tr'aider  et  de  se  consoler. 

M.  le  baron  de  Traversai/,  organisateur  et  pré- 
sident du  congrès,  a  ouvert  la  première  séaace. 


I 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


U23 


après  la  prière,  en  remerciant  tous  ceux  qui  lui 
avaient  prêté  leur  concours,  et  en  exposant  le 
butdescoiniiés  catholiques,  qui  est  df;  s'as=ocier 
pour  former  une  ligne  de  résistance  contre  les 
coalitions impii'S,  di/t^ndie le  Saint-Siège,  servir 
sa  patrie  en  siîrvant  l'Eglise,  et  dans  cette  tache 
réaliser  la  parole  de  saint  Paul  :  Unum  corpus 
multi  sumus.  Il  a  ensuite  proposé  un  projet  de 
télégramme  pour  demander  au  Saint-Père  sa 
Lénèdictiou,  que  l'assemblée  a  accueilli  avec 
enthousiasme. 

La  parole  à  été  ensidte  donnée  à  M.  Lalle- 
mand,  délégué  du  comité  de  Paris.  M.  Lallemand 
a  commencé  par  exprimer  sa  joie  de  voir  les 
catholiques  de  l'Ouest  s'organiser  comme  le  font 
partout  les  catholiques.  Puis  il  a  abordé  son 
sujet,  en  développant  les  deux  propositions 
suivantes  :  1°  Tous  les  membres  du  congrès 
s'engagent  à  favoriser,  avec  le  concours  de 
l'aulorité  ecclésiastique,  la  formation  de  comités 
catholiques  là  où  il  n'en  exisle  pas  ;  2°  Les  co- 
mités maintiendront  l'union  indispensable  avec 
les  œuvres  qu'ils  ont  fondées.  »  Ces  résolutions 
ont  été  votées. 

Le  discours  deil/g'rPeJT^^  a  clos  celte  première 
séance.  Mgr  Perclié  a  parlé  de  l'Union  catholi- 
que américaine,  tondée  à  l'exemple  des  comités 
catholiques.  Le  vénérable  prélat  a  raconté  qu'il 
avait  eu  la  pensée  de  ces  comités  en  1871,  après 
une  audience  dans  laquelle  Pie  IX  lui  avait  dit: 
«  Jusqu'ici  il  y  a  eu  union  de  foi  entre  les  catho- 
liques, il  faut  maintenant  qu'il  y  ait  entre  eux 
VMion  d'action,  n  Sa  Grandeur  a  ajouté  que  cette 
parole  du  pape  est  en  train  de  s'accomplir,  eta 
terminé  en  parlant  de  l'amour  de  ces  diocé- 
sains pour  la  France,  dont  tout  le  monde  croit 
la  destinée  lien  à  celle  de  l'Eglise. 

La  deuxième  séance  a  été  consacrée  à  la  lec- 
ture des  rapports  approuvés  dans  lajournée  par 
les  commissions.  Le  premier  concernait  l'union 
catholi(iuu  et  était  l'œuvre  de  iV.  Guyot  de  Salins, 
*on  président.  M.  Guyot  de  Salins  y  racontait 
l'origine  de  celle  œuvre,  ses  développements 
et  les  apiirobations  dont  elle  a  été  l'objet  de  la 
part  du  Pape  et  des  évèques. 

Le  R.  P.  Sambin,  delà  Compagnie  de  Jésus, 
a  ensuite  présenté  un  rapport  du  plus  haut 
intérêt  «  sur  l'importance  et  la  nécessité  des 
nouvelles  facultés  de  droit  au  point  de  vue  catho- 
lique. »  Le  P.  Sambin  a  démontré  que  ce  sont 
ces  facultés  qui  contribueront  principalement  à 
la  restauration  de   notre  pays.  Car   ce   qui  l'a 

Îierdu,  c'est  l'eTcliision  de  Dieu  de  la  loi  ;  or, 
es  facultés  cailioliques  de  droit  auront  précisé- 
ment pour  but  «Je  taire  prévaloir  la  vraie  doc- 
trine, qui  placb  Dieu  à  la  basede  tous  les  codes. 
Le  troisième  ra[)port,  «  sur  1  Union  des  asso- 
ciations catholiques  ouvrières,  »  a  été  lu  par 
M,  le  comte  Yverl,  qui  a  raconté  l'iiistoire  de 


l'Union  et  le  rôle  de  son  bureau  central  dans  la 
direction  des  œuvres  particulières  créées  sur 
tous  les  points  de  la  France. 

Puis  la  jiarole  a  été  donnée  àjV.  l'abbé Fossin, 
secrétaire  du  congrès,  pour  présenter  le  résumé 
des  travaux  de  lajournée  des  commissions  sui- 
vantes: Œuvres  charitables,  Presse  et  conten- 
tieux, OEuvres  ouvrières,  OEuvres  pontificales. 
—  La  commission  des  œuvres  charitables,  s'était 
occupée  de  la  Société  de  Saint-Vincent  de  Paul, 
et  de  la  nécessité  d'établir  des  conférences 
rurales  et  une  caisse  de  crédit  pour  favoriser 
les  œuvres  de  charité,  l'enseignement  et  la  pro- 
pagande religieuse.  —  La  commission  de  la 
presse  et  du  contentieux  avait  entendu  un 
rapport  du  R.  P.  Taupin,  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  sur  la  mauvaise  presse,  qui  se  terminait 
par  les  deux  conclusions  suivantes:  «  La  pre- 
mière, qu'un  chrétien  doit  rejeter  tout  mauvais 
livre  loin  de  lui;  la  second'-,  que  le  législateur 
doit  défendre  nettement  d'outrager  Dieu,  la  re- 
ligion et  la  morale  dans  les  livres  et  dans  les 
journaux.  —  La  commission  des  œuvres  ou- 
vrières avait  discuté  la  question  des  livrets  et 
diplômesà  donner  aux  membres  des  associations 
catholiques.  —  Enlin,  M.  l'abbé  Garnier,  notre 
collaborateur,  avait  entretenu  la  commission 
des  œuvres  pontilicales,  de  l'œuvre  dite  des 
Vieux  Papiers,  que  nos  Iccleurs  connaissent,  et 
qui  a  été  fondée,  à  Langres,  par  M.  Menne. 

Le  discours  de  clôture  de  celle  journée  a  été 
prononcé  par  Mgr  Cartuyvels,  vice-recteur  de 
l'université  calholiiiue  de  Louvain,  de  passage 
à  Poitiers  en  se  rendant  à  Lourdes.  Mgr  Car- 
tuyvels a  parlé  de  la  sympathie  de  la  Belgique 
pour  la  France  catholique,  et  des  combats  qu'elle 
a  eu  à  soutenir  dans  ces  derniers  temps  contre 
la  minorité  libérale,  à  l'occasion  des  pèleri- 
nages, des  cimetières,  etc. 

Au  début  de  la  troisième  séance,  M.  le  baron 
de  Traversay  a  donné  lecture  d'un  projet  d'a- 
dresse au  Saint- Père,  qui  a  été  vivement  ac- 
clame. Précisément  en  ce  moment  est  arrivée  la 
bénédiction  du  Pape,  demandée  l'uvant-veille  ; 
elle  a  été  accueillie  par  les  cris  de  :  Vive  Pie! A/ 

Le  premier  rapporteur  a  été  M.  Legentil,  qui 
a  fait  devant  l'assembla 'C  l'historique  du  vœu 
national  au  Sacré-Cœur.  Il  a  rappelé  que  c'est 
Mgr  Pie  qui,  le  premier,  en  a  approuvé  la  pen- 
sée. Mgr  Pie  a  interrompu  le  rapporteur  pour 
dire  que  dom  Guéranger,  présent  quand  M.  Le- 
genlil  était  venu  lui  en  parler,  y  avait  égale- 
mi'ul  donné  la  plus  chaleureuse  adhésion. 

Le  K.  P.  Matlhieu  a  ensuite  lu  un  rapport 
envoyé  par  M.  Baudon,  président  du  comité 
catholique  de  Paris,  sur  les  «  devoirs  des  catho- 
liques envers  la  bonne  presse.  »  Les  catholiques 
sont  trop  exigeants  pour  celte  presse  et  trop 
peu  généreux  pour  la  soutenir.   Au  lieu  de 


im 


LA  SEMAINE  WU  CLEnCÊ 


porter  leur  argent  aux  mauvais  journaux, 
qu'ils  aciièteut  les  bons  et  l'on  pourra  les 
améliorer. 

Le  rapport  suivant  a  été  présenté  par^f.  Tal/l/é 
JUontbrùn,  curé  de  Saint-Porcbaire,  sur  le  cercle 
catholique  des  écoles  qu'il  a  lonJé,  et  sur  la 
nécessilé  de  faire  pour  les  écoliers  ce  qu'on 
fait  pour  les  ouvriers. 

Puis,  M.  le  marquis  deChampagnc  a  lu  une  note 
sur  les  découvertes  faites  dans  les  catacombes 
de  Rome,  par  M.  deRossi. 

Aï.  l'abhé  Cliabant,  curé-doyen  de  la  Villedieu 
a  ensuite  présenté  un  rapport  sur  la  fondation 
des  œuvres  rurales  qui  a  vivement  iuléressé.  Les 
habitants  des  campagnes,  a  dit  M.  Cliubant,  ont 
à  lutter  contre  ceux  des  vïWqs,  contre  leurs 
propres  passioins  et  contre  FimpitUé.  On  les 
néglige  totalement;  il  faut  aussi  aller  à  leur 
secours  par  des  çeuvi.es  approjiriées  à  leur 
situation. 

A  la  prière  du  vice-reoteur  de  Louvain, 
Mgr  Perché  se^t  fait  entendre  uoje  seconile  fois. 
11  a  ex;posé  la  situation  des  catboliques  de  la 
Louiâiiine,  dont  il  eat  le  métropolitain.  Pour 
émanciipor  la  miuurité  catbolique,  il  a  eu  de 
grands  combats  à  livrer  contre  la  majorité  pro- 
testante. Aujourd'hui,  la  Nouvelle-Oiïéaiis,  qui 
ij'avaitil  y  a  vingt-cinq  ansquequalte  paroisses, 
en  possède  viugt-neuf,  toutes  pourvues  d'écoles 
cougréganistes  des  deux  sexes.  Les  oeuvres 
câtholiquei  y  sont  nombreuses  et  llorissautes, 
toutes  reliées  entre  elles  par  des  comités.  Mal- 
heureusement, la  gueire  civile  a  ruiné  la  Loui- 
siane, et  c'est  pour  soutenir  lei  œuvres  fondées 
naguères,  que  Jlsr  Perché  est  venu  solliciter  la 
générosité  delà  France. 

La  quatrième  séance  a  commencé  par  un 
rapport  du  R.  P.  Ramière,  de  la  Coin|iagnie  de 
JÉSUS,  sur  rapo>lolal  de  la  prière.  <Jette  œuvre, 
fondée  il  y  a  quatre  ans,  a  pris  v.u  développe- 
ment considérai)le.  Sun  but  qsA  d'unir  dans  le 
cœur  de  Jésus  tontes  les  œuvrc's,  dont  l'action 
particulière  doit  toujours  rester  distincte. 

M.  de  Moyissuc,  président  du  comité  catholi- 
que de  Montmorilluu,  a  ensuite  lu  un  rapport 
sur  l'orf^anisution  des  œuvres  catholiques  dans 
les  arrondissements,  les  cantons  et  les  com- 
munes. 11  a  vivement  intéressé  rassemblée  en 
se  bornant  à  raconter  ce  qui  a  été  fait  à  Mont- 
morillon  même.  «  Uue  les  3oO  arrondissements 
de  France,  a-l-il  dit  en  terminant,  suivent 
l'exemple  de  celui  de  Montmoiillon,  et  la  France 
sei'a  sur  la  voie  de  sa  rénovation.  Largement 
a^>[iliqué,  Je  principe  d'asso.  iatiun  deviendra 
jHM»»  notre  cause  une  force  inviiuùble.  » 

La  «éauce  a  été  close  par  Myr  Nardi,  qui  a 
]  ailé  d<»soiitlrances  de  Pie  l.X,  des  persécu- 
tions auxquelles  sont  soumis  les  évéques,  le 
clergé  el  les  oïdi'es  reUgieux,  çt  cl«»  consola- 


tions (ju'apporle  au  saint  Père  l'amour  de  ses  fils 
de  Fi'aiice. 

On  était  arrivé  au  dernier  jour  du  congres. 
11  y  eut  le  matin,  avant  la  grand'messe,  une 
messe  de  communion. 

Vers  une  heure  et  demie,  la  séance  de  clôture 
fut  ouverte,  et  ;)/.  de  Monssac  eut  d'abord  la 
parole  pour  lire  les  vœux  admis  par  les  com- 
missions et  qui  n'avaient  pas  encore  été  soumis 
au  congrès. 

3Igr  Curluyvels  fit  ensuite  connaître  l'organi- 
sation de  l'université  catholique  de  Louvain.  Ce 
discours  a  particulièrement  intéressé,  à  cause 
des  éludes  qu'on  fait  de  toutes  parts  pour  l'or- 
ganisation de  nos  propres  facultés. 

En!in,il/jr  Pie  a  clos  le  congrès  par  une 
causerie  grave,  exprimant  de  grandes  espé- 
rances pour  l'avenir  de  notre  pays,  dont  le» 
facultés  catholiques  vont  bientôt  assainir  les 
idées. 

En  ce  même  jour,  Poitiers  célébrait  la  fètede 
sainte  Kadegonde,  avec  un  éclat  particulier. 
Après  vèpws,  eut  lieu  la  procession  annuelle 
autour  (le  l'église,  avec  la  statue  el  la  châsse  de 
la  sainte.  Tous  les  membres  du  congrès  y  prirent 
part. 

Le  soir  enfin,  une  charmante  fête  de  nuit  fut 
ofleite  aux  congressistes,  dans  le  magnifique 
cej-cle  d'ouvricis  de  Notre-Dame  des  Dunes. 

IiALiE.  —  La  Révolution  poursuit  implaca- 
blemeut  sou  entreprise  contre  l'Eglise,  non  avec 
éclat  pour  éviter  tout  bruit  et  tout  cri,  mais 
sourdement  et  comme  à  coups  d'épingle.  Nous 
appelons  cela,  savoir  plumer  la  poule  sans  la 
faire  crier;  et  les  sectaires  italii^ns,  savoir 
manger  l'artichaut  feuille  à  feuille.  Après 
l'expulsion  des  religieux  et  des  religieuses, 
c'est  le  tour  des  évêques  qui  est  venu.  Nous 
avions  l'éjà  dit  que  deux  ou  trois  avaient  été 
chassés  de  leur  demeure;  à  la  date  du  24  août,  on 
en  comptait  quarante,  dont  viugt-quatre  appar- 
tenant aux  provinces  mériiiionules,  sept  à  la 
Sicile,  sept  à  l'Etat  de  l'Eglise,  un  au  duché  de 
Modène,  un  à  la  Toscane.  Tous  auront  infail- 
liblement le  même  sort. 

En  même  temps,  ardre  a  été  donné  de  suppri- 
mer toute  allocation  municipale  pour  les  frais 
du  culte. 

De  son  coté,  le  mini&tre  de  l'instruction  pu- 
Kliquo  fait  à  l'enseignement  religieux  la  même 
guerre  que  son  collègue  de  l'intérieur  fait  à  la 
propriété  ecclésiastique.  xVuxtermes  d'une  lettre' 
qu'il  vient  d'écrire  au  préfet  de  Rome,  ceux 
qui  voudront  continuer  a  iu-truii-e  la  jeunesse 
devront  passer  un  nouvel  examen  devaijt  une- 
commission  ni)mmée  par  lui-meine.  Naturelle- 
ment, on  refuserait  tout  diplôme  à  ceux  qui 
auraient  la  bonhomie  de  se  présenter.  Le  but 
de  cette  campagne  est  de  faire  fermer  toutes  le» 


LA  SEMAFKE  BD  CLERGÉ 


1425 


écoles  eccltJsîasliques  et  congrcganistes  et  do 
forcer  les  familles  C'ilboliqui's  à  livrer  leurs 
enfants  aux  institutions  du  gouvernement. 

On  avait  espéré  un  moment  pouvoir  échapper 
à  cette  tyrannie,  en  créant  des  écoles  cilles 
écoles  paternelles^  suivant  le  droit  qu'en  dimne 
la  loi.  Mais  on  avait  oublié  qu'il  n'y  a  pas  de 
loi  pour  les  libéraux,  et  le  ministre  s'est  hâté 
d'en  faiie  souvenir  les  oublieux  en  fermant  les 
écoles  paleruclles. 

D:in^  celte  extrémité  douloureuse,  lecardinal- 
\icaire  a  décidé  que  le  séminaire  de  l'Apolli- 
naire serait  transformé  en  école  primaire  dés 
la  rentrée  des  classes,  et  qu'on  y  subirait  l'ins- 
pection des  délégués  du  Kouvernemeut  piémon- 
tais.  Un  peu  plus  tard  on  essayera  de  faii-c 
davaninse,  car  on  ne  pourra  jias  accueillir 
pour  Je  moment  toules  les  denaandes,  qui  dc- 
pa.esent  déjà  le  nombre  de  1,200. 

Suisse.  —  C'est  toujours  en  Suis-e  comme  en 
Italie,  avec  la  brutalité  de  plus.  Tous  les  libé- 
raux ont  juré  la  mort  de  rÉgiise;  ils  ne  désar- 
meront donc  pas  d'eux-mênies,  mais  seulement 
quand  Dieu  permctlra  qu'où  les  y  force.  Le 
dernier  exploit  du  i;raud  Conseil  est  l'expul- 
sioTi  des  Sœurs  de  charité  du  canton  de  Genève. 
Aucune  maison  n'est  exciqitéc,  pas  même  celle 
des  Petites  Sœurs  des  Pauvres  de  Caronge. 
Leurs  biens  seront  ligmilés.  On  sait  ce  que 
cela  veut  dire  dans  le  jar;,'on  révolutionnalrt'. 
Il  se  iiréscnlc  toutefois  plus  d'une  difficulté. 
Une  imrtie  des  immeubles  occupés  par  les 
Sœurs  appartiennent  à  un  Anglais,  et  l'on  se 
demande  <  ouimcnt  on  pourra  les  liquider,  car 
on  tient  à  la  iiquidniion.  i\Iais  si  fort  qu'on  y 
tienne,  il  fhuiira  probablement  y  renoncer.  Le 
coup  du  grand  Con.-ellne  sera  bon  (]u'à  denai. 

Cependant  les  Petites  Sœurs  des  Pauvres,  en 
quittant  le  sol  de  leur  patrie,  entendent  oe  pas 
quitter  leurs  pauvres  vieillards,  au  nombre 
d'environ  cent  cinquante.  EJes  emmèneront  en 
France  tous  ceux  (fui  voudront  les  y  sui'VTe, 
comptant  que  la  charité  chrétienne,  qui  les 
nourrissait  dans  le  canton  de  Genève,  saura 
les  nourrir  ailleurs. 

Al1uEM.\gî{e.  —  Le  malheureux  Dœllinger  a 
réuni  à  Bonn,  comme  l'an  dernier,  un  certain 
nombre  d'iiéntiqnes  et  de  schismatiques,  venus 
un  peu  de  partout,  mais  surtout  d'Angleterre, 
de  Russie  et  de  Tuiquie.  On  sait  i\ue  son  but 
est  d'unir  tous  ces  gens-là  ensemble,  et  de  plus 
avec  les  vieux  catholiques,  pour  faire  échec 
au  Pape.  Pour  se  jeter  en  pareille  entrepiise, 
il  fautêlre  doué  d'autant  de  folie  que  d'orgueil. 
C'est  ce  que  fait  entendre  une  note  de  la 
Correspondance  f/avas,  où  sont  résumées  les 
opinions  de  plusieurs  journaux  anglais,  et  que 
nous  reproduisons  d'autant  plus  volontiers 
qu'elle  émane    d'une    source    moins   hostile 


au  trop  célèbre   chanoine.  Voici  celte    note; 

«  En  apprenant  i;ue  les  membres  apparte- 
nant à  l'éi;lise  d'Orient  se  sont  entendus  avec 
les  aut.'cs  membrcsde  la  conférence  dirigée  par 
le  doctoor  Dreliluger  sur  la  doctrine  de  ia, 
procession  dr.  Saint-Espiit,  les  fraction-;  dissi- 
éentes  de  l'église  d'Angleterre  n'ont  pas  trouvé 
là  un  motif  de  ra[>procliément  entre  elles,  ni 
ceux  qui  tiennent  pour  le  ]iriacipe  d'une  église 
nationale  une  raison  d'y  substituer  l'expérimea- 
tation  d'un  catholicisme  an.;lo-germano-russe 
et  spécialement  aoti-francais  on  anti-romain. 

«  Maigre  les  rapi'orts  des  trois  églises  galli- 
cane, luthérienne  et  russe,  au  pidnt  de  vue  de 
leur  caractère  éminemment  schismatique,  ii 
est  peu  conforme  aux  tendances  anglaises  de 
sortir  du  scliisme  par  un  rapprochement  parti- 
colicr  avec  la  Russie  et  l'Allemagne.  Les  pro- 
fess<'urs  qui  rêvent  d'accomplir  une  révolulioa 
religieuse  par  un  mouvement  d'école  trouveront 
peut-être  un  échec  dans  certains  cercles  inté- 
resses à  l'uniiioation,  c'est-à-dire  à  l'assujet- 
tissement de  l'Europe;  ils  n'en  trouveront  pas 
dans  le  peuple  anglais,  malgré  le  soin  que 
prend  le  Morning  Posl  de  l'assurer  qu'il  peut 
en  confiauce  s'avancer  sur  l'autorité  de  caoo- 
nisti>  tels  que  les  evèqu's  de  \Yinchesler  et  de 
Lincoln,  et  le  chanoine  Lidden. 

«  Le  iJaily  Tekyvaph  ne  croit  pas  que  le 
prestige  du  caiholicirme  soit  menacé  par  ccl* 
coalition  d'adversaires,  et  le  Times  dit  ne'- cé- 
ment aux  amateurs  de  paciflcation  qui  s'éioi- 
gnent  de  la  Tamise  et  vont  à  Bonn,  qti'ila 
feraient  mieux  d'employer  chez  eux  leurs  cha- 
ritables intentions,  et  que  toute  pacification 
bien  orionnée  commence  par  soi-mêm'.  Le 
Ddily  News  dit  que  chaque  église  a  a-sez  à 
faire  chez  elle  contre  le  doute  et  l'indiflérence, 
et  que  le  matérialisme  envahissant  ne  prendra 
même  pas  garde  aux  distinctioas  et  aux  com- 
promis subtils,  sur  lesquels  repose  l'union  rêvée 
par  le  docteur  Dœllinger.  n 

Herzégovine.  —  Deimis  plus  d'un  mois  l'Her- 
zégovine s'est  levée  eu  armes,  refusant  de  payer 
les  impôts  au  gouvernement  turc.  L'insurrec- 
tion a  gagné  la  Bosnie,  et  à  tout  moment  elle 
peut  éclater  aussi  dans  la  Serbie,  la  Roumanie 
et  le  Monténégro.  Un  grand  nombre  d'engage- 
ments ont  déjà  eu  lieu  avec  les  troupes  turques, 
et  l'extension  du  mouvement  montre  assez  que 
celles-ci  ne  sont  pas  les  plus  fortes.  Les  gou- 
vernements européens  paraissent  s'enteniire 
assez  pour  conseiller  à  la  Pi^rte  de  laire  des 
reformes  dans  l'administralion  des  provinces 
soulevées  ;  mais  il  semble  que  ces  conseils  sont 
mal  accueillis  et  ne  seront  pas  suivis.  D'ailleurs 
les  griefs  de  ces  provinces  contre  le  gouverne- 
ment turc  n'ont  pats  encoi'e  été  nettement  for- 
mulés. Toutefois,  ils  paraisieut  èlre  extrême- 


1428 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


ment  grave?.  A  colé  des  impôts  écrasants,  il  y 
aurait  des  mauvais  traitements  de  tonte  sorte, 
et  l'outrage  journalier  des  femmes  et  des  filles 
chrétiennes  par  les  Turcs. 

TuMSiE.  —  L"  sani'tiiaire  élevé  en  l'honneur 
de  saii  t  Louis  sur  les  ruines  de  Carthaçe,  à 
l'endroit  même  où  il  mourut,  était  depuis 
longtemps  dans  un  état  il'abandon  qui  affli- 
geait profondément  le  cœur  des  visiteurs  fran- 
çais. Cet  état  de  choses  a  cessé.  Il  y  a  quelques 
mois,  ce  sanctuaire  vénéré  a  été  nnidu  au  culte, 
et  le  Saint-Père  vient  d'en  confier  le  service 
et  la  garde  à  la  société  des  missionnaires  ré- 
cemment fondée  à  Alger  par  Mgr  Lavigerie. 
Les  pieux  gardiens  en  ont  aussitôt  entrepris 
la  restauration,  et  ils  se  proposent  de  le  rendre 
digne  de  la  France  et  des  grands  souvenirs 
qu'il  rappelle,  espérant  que  le  concours  des 
catholiques  français  ne  leur  manquera  pas 
pour  une  telle  œuvre. 

Tandis  que  nous  sommes  en  Tunisie,  où  nous 
n'allons  pas  bien  souvent,  on  nous  permettra 
de  dire  quelques  mots  des  Frères  qui  s'y 
trouvent,  car  il  y  en  a  partout,  de  ces  igno- 
rantins,  amis  de  l'obscurantisme.  Les  Frères 
ont  donc  à  Tunis  une  école,  sans  parler  de 
celles  qu'ils  ont  dans  les  environs.  Or  cette 
seule  école  deTunis compte  plus  de  400  élèves, 
dont  plus  de  60  Israélites  indigènes,  20  à  30 
musulmans  de  tout  âge,  appartenant  aux 
familles  les  plus  distinguées,  des  Grecs  en 
nombre  considérable,  etc.  Avant  l'arrivée  des 
Frères,  la  langue  française  était  à  peu  près 
inconnue  dans  cette  ville;  maintenant  elle  y 
est  devenue  la  langue  ordinaire  de  la  popula- 
tion instruite.  La  présence  des  Frères  à  Tunis 
ne  fait  donc  ni  tort  ni  honte  à  la  France. 

Au  mois  d'avril  dernier.  M"'  la  générale 
Chanzy  a  honoré  de  sa  visite  l'école  congréga- 
niste  de  Tunis,  et  elle  a  été  si  satisfaite  de  la 
bonne  tenue,  des  progrès  et  de  l'harmonie  que 
les  Frères  savent  faire  régner  parmi  cette 
nombreuse  population  écolière  appartenant  à 
sept  ou  huit  nations  ditïérentes  et  de  cultes  si 
variés,  que  non-seulement  elle  en  a  hautement 
témoigné  sa  satisfaction,  m;us  qu'elle  a  géné- 
reusement alloué  un  pris  de  50  francs  pour 
l'élève  le  plus  méritant  jusqu'à  la  fin  de  l'an- 
née scolaire. 

Mais  voici  qui  est  plus  intéressant  encore. 
Le  Bey,  ayant  été  lui-même  témoin  des  magni- 
fiques lésiiltats  obtenus  par  les  indigènes  qui 
fréquentaient  l'école  des  Frères,  demanda  à 
ceux-ci  de  vouloir  bien  ériger  une, école  dans 
son  propre  palais,  pour  les  princes,  ses  fils  et 
petils-fils  et  pour  les  enfants  des  principaux 
officiers  de  sa  maison.  Malheureusement  pour 
le  Bey,  les  règlements  des  Frères  et  l'insuffi- 
sance de  leur  personnel  ne  leur  permirent  pas 


d'accepter  son  ofTre.  Mais  il  voulut,  qu'au 
moins  ils  désignassent  eux-mêmps  le  profes- 
seur le  plus  apte  à  suivre  leur  méthode,  afin  de 
lui  ronger  ce  poste.  Et  quand  le  Frère  provin- 
cial est  allé,  récemment,  visiter  les  écoles  de 
la  Régence  dirigées  par  les  membres  de  son 
Institut,  le  Bey  le  fit  prier  avec  les  plus  vives 
instances  deconsacrer  au  moins  une  di^mi-journée 
à  examiner  les  études  et  les  travaux  des  jeunes 
princes.  Le  Frère  provincial  accéda  à  ce  désir  ; 
et  lorsqu'il  se  relira,  il  dut  promettre  de  reve- 
nir l'an  prochain  constater  de  nouveau  les 
progrès  des  jeunes  princes  dans  les  diverses 
parties  de  l'enseignement. 

Equateur.  —  Une  atireuse  nouvelle  est  arri- 
vée de  cette  lointaine  république  :  le  président 
Gabriel  Garcia  Moreno  a  été  assassiné.  Nos 
lecteurs  savent  que  ce  grand  homme  d'Etat 
était  dévoué  à  lEilise  :  c'est  ce  qui  a  armé 
contre  lui  les  assassins.  Il  s'y  attendait  : 
ennemi  déclaré  de  la  révolution,  la  révolution 
devait  se  défaire  de  lui  à  sa  manière.  Elle 
avait  essayé  d'abord  de  lui  faire  perdre  la  con- 
fiance du  peuple  ;  n'ayant  pu  y  réussir,  il  ne 
restait  que  le  poignard,  elle  s'en  est  servi. 

Garcia  Moreno  avait  habité  Paris  dans  sa 
jeunesse,  et  y  avait  fait  de  fortes  études.  Il 
reconnaissait  ce  que  la  civilisation  moderne  a 
de  bon,  mais  il  ne  se  faisait  pas  d'illusion  sur  ce 
qu'elle  a  de  très-mauvais.  Elevé  à  la  prési- 
dence de  son  pays,  il  s'appliqua  à  le  rendre 
prospère  et  heureux,  et  il  y  réussit,  en  ap- 
puyant franchement  son  gouvernement  sur 
l'Eglise.  Dans  une  petite  république,  il  rappela 
les  grandes  figures  de  Charlemagne  et  de  notre 
roi  saint  Louis.  Piété,  instruction,  agriculture, 
commerce,  tout  était  florissant.  Seul  il  avait 
protesté  contre  l'invasion  de  Rome  par  Victor- 
Emmanuel;  seul  il  avait  consacré  solennelle- 
ment sa  république  au  Sacré-Cœur  de  Jésus; 
seul  il  payait,  avec  l'assentiment  des  repré- 
sentants de  la  nation,  la  dîme  des  impôts  au 
Souverain-Pontife  dépouillé,  sans  qu'ils  fussent 
augmentes  ni  que  les  finances  fussent  moins 
prospères. 

La  mort  de  Garcia  Moreno  est  une  perte 
peut-être  irréparable  pour  la  république  équa- 
toriale.  Si  les  quelques  sectaires  qui  s'y 
trouvent  parviennent  à  saisir  le  pouvoir  de 
leurs  mains  toutes  dégouttantes  de  '=ang,  ce 
sera  l'anarchie  en  permanence,  comme  dans 
les  autres  républiques  américaines. 

P.  d'Hauteriye. 


Tome  VI.  — N">  47.  —  Troisième  ann'^l;. 


15  septembre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÈIHE  HOMILÉTIQUE  SUR  LtVANGILE 

DU  Xl\°  DIMANCHE  APRÈS  LA  PEXTECOIE 
Mutth.  XXII.  1-15. 

I.  Le  royaume  des  deux  est  semblable  à  un  roi 
qui  fit  les  noces  de  son  fils.  Le  roj-aume  des 
cieux  si;.;iiitie  1  assemblée  des  justes,  l'Eglise  de 
Dieu,  dont  les  véritables  enfants  ne  doivent 
avoir  (jue  <les  pensées  célestes,  et  au  milieu  de 
laquelle  Dieu  règne  comme  il  règne  dans  le 
ciel.  Ilef/num  cœlorum  est  Ecclesia  /ustoi-um,  quia 
dum  eortmi  corda  in  terra  ml  at/ibiunt,  per  hoc 
quod  est  superna  suspiranl,  jum  in  eis  Dominus 
quasi  in  cœlesdbus  rer/nat  (I).  Ce  roi  qui  f.nt  les 
noces  de  son  lils,  c'est  Dieu  le  Père  qui  unit 
le  Verbe  à  la  nature  humaine,  union  sacrée 
qui  s'étend  à  toute  âme  régénérée  dans  les 
eaux  du  baptcrae,  qui  se  perpétue  à  travers 
les  siècles  et  qui  se  consommera  dans  le  ciel. 
Nous  sommes  tous  invites,  non  pas  seulement 
à  la  fête  des  noces,  mais  au.\  noces  mêmes; 
Dieu  nous  appelle  tous  à  cette  inellable  alliance 
qui  nous  nnil  à  son  Fils  et  nous  fait  participer 
à  la  nature  divine.  Les  premiers  invités  furent 
les  Juils,  à  ipii  la  voix  des  prophètes  ne  cessait 
pas  de  rappeler  les  promesses  de  ralli.ince  nou- 
velle. Mais  les  Juifs  n'écoutaieut  point  les  pro- 
phètes et  ne  voulurent  pas  venir. 

Qui  aulem  noluerunt  venire  in  primis  incilati, 
sunt  gui  noluerunt  audire  vcrba  proplularum  {•2). 
Les  prophètes,  et  en  parliculier  celui  qui  iHait 
plus  que  pro[>hète,Jeau-Ua{itiste, avaient  annoncé 
la  venue  dix  Messie,  et  les  Juifs  avaient  fermé 
l'oreille.  Alors  le  roi  envoya  d'aulrus  serviteurs 
dire  de  sa  part  aux  convives  :  j'ai  préparé  mon 
festin  ;  j'ai  fait  tuer  7iies  bœufs  et  tout  ce  que 
j'avais  enfjraissé  :  tout  est  prêt,  venez  aux  noces. 
Cette  nouvelle  invitation,  c'est  la  parole  des 
apôtres  qui  retentit  à  travers  tous  l.'s  chemins 
de  la  Judée,  pour  appeler  les  Juifs  à  la  foi  en 
Jésus-Christ.  Mais  les  brelds  perdues  de  la  mai- 
son d'Israéi  ont  dédai.^né  l'appel  du  pasteur. 
Les  invités  du  grand  festin  ont  préféré  les  joies 
trompeuses,  les  satistactioHs  éphémères  de  la 
vanité  et  du  plaisir;  au  dessus  de  l'alliance 
I  divinf,  ils  ont  mis  les  intérêts  de  la  terre  et  la 
cupidité.  Ambiliinie  enim  sœculi  tanquam  villa 
homines  oc.cupantur,  plures  vero  propler  pccuniœ 
cupiditalem  ncyitiatione  detinentur  (3). 

Les  chefs  de  cette  orgueilleuse  nation  pons- 
fièrent  encore  plus  loin  riugratilude  :  Us  se  sai- 

1.  Gregor..  Honul.  xxxvut, 

2.  Orij;en.  xx  in  Ualth. 
i.  Hilar.  initatlth. 


sirent  des  serviteurs,  et,  les  ayant  chargés  d'où-  •  . 
troges,  ils  les  mirent  à  mort  ;  ils  clierchèreui  à 
étoulîer,  dans  le  sang  des  apôtres,  l'Eglise 
encore  au  berceau.  Mais  le  Dieu  de  l'Eglise  s'est 
levé  :  i\  a  pris  en  main  la  cause  de  celle  (lui  est  "^ 
son  épouse,  et,  ayant  envoyé  ses  armées,  il  exter- 
mina ses  meurtriers  et  brûla  leur  ville.  Poussées 
par  la  main  de  Dieu,  les  armées  romaines  cam- 
pèrent autour  de  Jérusalem;  Vespasien  et  Titus 
furent  les  exécuteurs  inexorables  des  célestes 
vengeances.  Ostendit  mortem  discipulorum  suo- 
rum,  guos  post  ascensum  ipsius  occiderunt  Judœi  ; 
Stephanum  lapidantes,  et  Jacobum  Alphœi  acci- 
dentes :  propltr  quiP  Hierusnlcm  deslructa  est  a 
liomariis  (I).  Dieu  fait  toujours  de  même  : 
quand  un  peuple  le  rejette  et  ne  veut  pas  de  ses 
lois,  il  réitère  avec  patience  les  sollicitations  de 
la  grâce;  mais  quand  l'ingratitude  persévère,  il 
envoie  des  iléaux  ijui  rap[iellent  à  lui,  eu  qui, 
du  moins,  servent  à  manitester  que  ce  n'est  pas 
en  vain  qu'on  lui  résiste.  Ce  qui  est  vrai  îles 
peuples  l'est  également  des  familles  et  des  indi- 
vidus. Ileureuv  le[ié(heur  s'il  reconnaît  la  main 
de  Dieu  dans  les  coups  iiui  le  frap[ie,  et  qui  pro- 
lite  de  ses  é[>reuves  ^.our  se  détacher  du  monde 
et  s'attacher  a  Dieu. 

M.  Alors  il  du  à  ses  serviteurs:  le  festin  des 
noces  était  prêt,  mais  ceux  qui  y  avaient  été  invités 
n'en  étaient  pusdif/ncs.  Allez-vous  en  donc  dans  les 
carrefours,  et  invitez  aux  noces  tous  ceux  que  vous 
y  trouverez.  Et  les  apôtres  se  dis|iersèrcnt  par 
toute  la  terre,  ils  prêchèrent  la  parole  du  salut, 
ils  annoncèrent  aux  nations  païennes  que  le 
festin  des  noces  était  prêt  et  qu'elles  étaient  ap- 
pelées à  y  prendre  la  place  des  Juifs.  Ce  ne  fut 
pas  en  vain  que  les  Gentils  eniendirenl  celle 
heureuse  nouvelle,  et  tous  les  peuples  vinrent 
tour  à  tour  s'asseoir  dans  la  salle  du  festin.  Et  la 
.«a//i?  fut  remplie;  catholique  dès  l'ori.i^ine,  [luis- 
qu'elle  remonte  au  berceau  des  temps  et  qu'elle 
est  le  commencement  de  toutes  choses,  l'Eglise 
s'étendit  à  tous  les  houx.  Mais  l'Eglise  n'est  pas 
encore  le  ciel  ;  c'est  pourquoi  il  est  dit  que  les 
mauvais  enlrérent  dans  la  salle  du  festin  eu 
même  tem[>s  que  les  bons.  Les  mauvais  ont, 
dans  l'Eglise,  tous  les  moyens  de  devenir  bous, 
et,  s'ils  restent  mauvais,  c'est  qu'ils  abusent  des 
grâces  de  Dieu.  Néanmoins,  pour  .les  raisons 
pleines  de  sagesse.  Dieu  permet  dans  son  Lglise 
le  mélange  des  bons  et  des  méchants  ;  il  le  per- 
met pouV  exercer  la  patience  des  bons  et  les 
maintenir  dans  la  vigilance;  il  la  permet  pour 

1.  CliTYSOst.  in  Mallh. 


1432 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


îaÎ55cr  anx  méclianls  une  ressource  de  convcr- 
sioii  ilnns  les  exemples  édifiants  dos  bons.  La 
séparation  ne  se  fera  qu'au  dernier  jour(l). 

m.  Ce  sera  alors  que  le  roi  entrera  et  qu'il 
dira  au  convive  non  revêtu  delà  rol)enn[itiale  : 
tnon  ami,  cnimncnt  èlcs-vou»  irnu  ici?  Lu  robe 
nuptiale  c'est  la  clinrilc  c'est  le  vêtement  Je  la 
gràee  que  nous  avons  reçu  au  baptême,  qu'il 
est  de  notre  devoir  de  couferver  et  d'orner  de 
la  brillante  parure  des  vertus  chrétiennes.  La 
îoi  ne  suffit  pas  pour  entrer  au  ciel,  il  faut  les 
œuvre-  qui  vivifient  la  foi.  Quid  uiitem  debemus 
intelligere  per  nupttalem  vestem,  ràsi caritateui? 
Quia  /unie  in  se Domiaus  hnbuit ,  dum  ad  sociandœ 
sili  Ecclcsiœ  nuptias  venirit.  Intrat  evgo  od 
riuptias,  sed  sine  vesle  nuptiali  qui  in  Ecciusia 
frdeiH  habety  sed  caritalem  non  liabet  (2).  Et  cet 
homme  dumeiira  mu/tt.  Qu'ani-ait-il,  en  effet, 
Tépotidu?  Selon  l'usage  oriental,  il  avait  rei-u 
la  robe  nuptiale  de  celui-là  même  qui  l'avait 
invité,  il  lui  était  doue  bien  facile  des'en  revétL'-. 
Ne  re~lera-t-ilpasaussimuet,le  pauvre pccbi'i'.r 
à  qui  Jésus-Christ  dira  :  Vous  que  j^avais  fait 
mou  ami,  vous  que  j'avais  couvert  d'un  vête- 
ment d'innocence,  vous  qiii,  au  sein  de  mou 
Eginsc,  avez  reçu  tant  dej^iùces,  vous  osez  vous 
présenter  devant  moi  avec  toutes  les  souillures 
du  vice! 

Ah!  Cet  infortuné  en  sera  réduit  à  attendre 
sous  la  confusion  la  sentence  de  son  juge  :  Liez- 
Ivi  les  mains  et  les  pieds.  C'est  iini  :  il  est  trop 
tard  pour  agir;  c'tsi  l'heure  de  l'impuissance; 
c'est  1  heure  aussi  du  châtiment  ;  jetcz-U  dans  ks 
ténèbres  extàicwrcs;  sur  la  terre;  en-dehors  de 
l'Egiise,  de  la  vérité,  de  la  vertu,  tout  était 
léuebres  ;  et  maintenant  il  n'y  a  plus  de  lumière 
que  dans  la  salle  du  festin  éteruel.  Au  dehors, 
c'est  une  nuit  qui  commence  puur  ne  plus  finir. 
Jntei'iores  aiiteni  tcnebras  dicimus  cœcitateni  cor- 
dis,  exteriores  vero  tenebras,  csleinam  noctem 
dumnalionis  (3).  C'est  là  qu'il  y  aura  des  pleurs  et 
des  gruicements  de  dcnls.  Souilrauce  du  corps, 
soufirance  de  l'àme  tout  se  réunira  pour  tortu- 
rer le  reprouvé;  mais  la  plus  grande  de  ses 
douleurs  sera  de  penser  qu'il  était  du  nombre 
des  uppf'lés  et  que,  par  sa  faute,  il  n'a  pas  été  élu. 
*our  uous,  qui  sommes  encore  dans  la  voie, 
jivous  dans  une  crainte  salutaire,  car  uous 
savons  que  uous  sommes  appelés,  mais  uous 
igiifu'ons  si  nous  scr(U!S  élus  :  qitia  vuaUi  su?nus 
novinius  ;.  si  sumus  e/ecti,  ncsctvius.  Tanto  ergo 
xecessr  es/  ut  uuus  quinjue  noslium  in  /lumilitute 
K  déprimât,  quanlu  usU  electus  iynorat  (4). 

L'ahbé   Hermas, 
curé  de  l'caiulierU 

1.  Gregor.  llomit.  xz^vill 
ï,  Gre^or    Ib  d,  ^. 
3.  Gre^^or.  t'jtdt 
l,  Ura.  1I)M. 


ACTES    OFFICIELS   DU    SAlNT-SlÉGE 


BREF  A  MOSSEIGXEUR  d'avANZO,    SUR  iES  CLASSIQUES 
LATINS. 

Plus  pp.  IX. 

Ycnerahilis  Frater,   Salutem  et  Apostolkam 
BemUictionem. 

Quo  libenlius  ab  orbe  calholico  indirti  a 
Noliis  .lubilœi  beneficium  fuit  exccptum,  "Vene- 
rabilis  Frater,  eo  uberiorem  inde  fructum  ex- 
pectandum  esse  coufidimus ,  divina  favente 
clementia.  Grati  propterea  seusus  animi,  quos 
bac  de  causa  prodis,  jucunde  excipimus,  Ueo- 
que  exiljemus  ut  emoinmentum  laîtiliae  a  le 
conceptai  respondens  Diaîcesilius  tuis  concedere 
velit.  Acceptissimam  autem  babemus  eruditam 
epistolam  a  te  concinnatam  de  mixta  lalinœ 
linguœ  institutione.  Scitissime  namque  ab 
ipsa  vindicalur  decus  chrislianœ  latinitatis, 
quam  multi  corruptionis  insimularunl  veteris 
sermonis;  dum  patet,  linguam  ulpote  mentis, 
morum ,  usuum  publicorum  enuncialionem., 
necejsario  novam  induere  debuisse  for.mam 
post  invectam  a  Cliristi;  legem,  quœ  sicuti  con- 
sortium humauum  extuleral  et  rennxerat  r.d 
fpiritualia,  sic  imligebat  nova  eloquii  iudole  ab 
eo  discreta,  (juod  societatis  carnalis,  fiuxis  tan- 
lum  addictaî  rébus,  ingenium  diu  rctulerat. 
Cuiquuiem  obscrvatioui  sponte  sufTragalasunt 
recensita  a  te  s'ilerter  monumenta  singulorum 
EcclesicS  sœtulorum;  quse  dum  exordia  novse 
formse  suLjeceruut  ;  oculis,ejusqueprogressum 
et  prœstanliam,  -imul  docuerunt  conslanter  ia 
more  fuisse  posilum  EcclesiEe,  jnventutim 
latina  erudire  liogua  per  mixiam  saciorum  et 
classicorum  auctorum  leclionem.  Qnœsaneelu- 
cubratio  tuacum  diremptam  jam  disceplationem 
clauiore  luce  perfuderit,  efticacius  etiam  sua- 
debit  instilutoribus  adolescentiaj,  utrorumque 
scriptorum  opéra  in  ejus  usum  esse  adhibeutia. 
Hune  Nos  laboii  tui)  successun  ominamur;  et 
intérim  divini  favoris  auspicem  et  prsecipus 
Nostrse  benevolentiœ  testem  lild,  Venerabilis 
Frater,  uuiversoqne  Clero  et  populo  luo  Bene- 
dictionem  Aposlolica.'n  peramauter  'mperti- 
mus. 

Datum  Romse.  apud  S.  Petrum,  die  1 
Aprilis  Anno  1875.  Ponlilicalus  Nostri  Anao 
vicesimonono. 

PiUS  PP.  IX. 

Venerabili  Fratri 

BartholomacQ  Episcopo  Calvensi  et  TheancBsi 

TuEANua. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


143» 


LITURGIE 

tES  QUATRE-TEMPS. 
(5*    et    dernier   article). 

XI.  Les  Stations. — Nous  ne  pouvons  nous 
dispenser  de  parler  ici  des  stations  indiquées 
dans  le  Missel  pour  les  fériés  des  Qualre-Tcmps, 
et,  pour  donner  sur  ce  point  les  renseignemeuti 
Décossuires,  il  nous  faut  étendre  un  peu  le 
sujet. 

Il  est  queslioa  de  stalions  dès  la  plus  haute 
anli([uité,  et  notamment  dans  les  écrits  de  Ter- 
tullien.  Viiulant  montrer  combien  la  pratique 
de  la  religion  chrétienne  est  difficile  à  une 
femme  mariée  à  un  piiïen,  il  dit  :  «  Elle  ne 
peut  certainement  pas  satisfaire  le  Seigneur  en 
se  conformant  à  la  loi,  ayant  à  coté  d'elle  un 
serviteur  du  diable  qui  se  fait  le  mandataire  de 
son  maître  pour  empêcher  les  fidèles  de  suivre 
leurs  pieux  désirs  et  de  remplir  leurs  devoirs. 
Si,  par  exemple,  il  faut  faire  une  station,  le 
mari  indique  ce  jour  pour  aller  au  bain  ;  si  un 
jeune  se  présente  à  observer,  ce  jour-là  même 
le  mari  donnera  un  festin  ;  si  une  procession 
est  indiquée,  il  n'y  aura  jiimais  eu  tant  d'occu- 
pation pour  toute  la  famille  (1).»  Ailleurs,  nous 
lisons  :  «  Un  grand  nombre  de  personnes  ne 
croient  pas  devi)ir  prendre  part  aux  prières  qui 
accompagnent  le  sacriliee  les  jours  do  sta- 
tions, parce  que  la  station  se  tertnine  par  la 
réception  du  corps  du  Soigneur  (2).  L'eucha- 
ristie empèche-l-elle  dune  de  rendre  à  Dieu 
l'hommage  qui  lui  est  dû?  Ne  lie-t-elle  pas 
plutùt  l'homme  à  Dieu?  'Votre  station  ne  sera- 
t-elle  pas  plus  solennelle,  si  vous  vous  êtes  ap- 
proché de  l'autel  de  Dieu?  Lorsque  vous  avez 
reçu  le  corps  du  Seigneur  et  que  vous  le  tenez 
en  réserve,  tout  est  sauf,  vous  avez  participé  au 
sacrifice  i-X  rempli  votre  devoir.  Si  le  nom  île 
station  est  emprunté  à  la  pratique  militaire  (car 
nous  sommes  l'armée  de  Dieu  (3),  ni  la  joie  ni 
la  tristesse  qui  survient  au  camp  ne  disperse  les 
stations  des  soldats,  la  discipline  est  suivie  avec 
plus  d'empressement  dans  la  joie,  avec  plus  de 
soin  dans  la  tristesse (4).  »  Le  même  auteur  dit 
encore  :  «  Je  vous  interpelle,  vous  (jui  jeûnez 
en-dehors  de  la  l'âque,  au-delà  di^s  jours  ou 
l'Epoux  nous  a  été  ravi,  et  qui  y  intercaliez  les 
demi-jeûnes  des  stations  ,  vous  contentant  par- 
fois, pour  toute  nourriture,  de  pain  et  de  vin, 
selon  que  chacun  le  trouve  bon  (5;.  \>i 

De  ces  textes,  il  ressort  qu'à  certains  joursde 
jeûne, les  fidèles  se  réunissaient  dans  les  églises" 

1.  Ai  uaorem,  /ib.  II,  cap.  iv. 

2.  Ces  persod  js  craignent  de   rompre  le  jeûne  par    la 
«ommunion. 

3.  II  Our.,  X,  4;  ITim.,  i,  18. 

4.  De  Oralion»,  cap.  xi.x. 

5.  Dt  jtjuiiiis,  cap.  XIII. 


pour  y  prier  ensemble  et  assister  au  saint  sacri- 
fice, où  tous  communiaient,  excepté  ces  chré- 
tiens trop  scrupuleux  (jui  craignaient  de  rompre 
le  jeûne   en    communiant,  et   que   TerluUicn 
gourmande  et  reprend  avec  sa  mordante  ironie. 
Il  y  avait,  ces  jours-là,  des  jeûnes  complets,  qui 
se  prolongeaient  jusqu'après  l'heure  de  vêpres, 
ou  six  heures  du  soir,  ou  des  demi-jeûnes,  que 
l'on  cessait  à  l'heure  de  none,  ou  trois  heures 
du  soir.   Ces   as-^emblées,   comme  nous  le  dit 
notre  auteur,  s'appelaient  les  stations,  par  com- 
paraison  avec    les  stations   des  armées,    qui 
suspendaient  de  temps  en  temps  leur  marche 
pour  se  reposer  et  reprendre  les  exercices  par 
lesquels  elles  se  perfectionnaient  dans  l'art  mili- 
taire. Les  stations  des  chrétiens,  dont  il   est  ici 
question,  étaient  donc  comme  des  haltes  pen- 
dant lesquelles  les  actes  et  les  opérations  de  la 
vie  naturelle  et  commune  étaient  interrompus, 
afin  de  consacrer  exclusivement  un   temps  dé- 
terminé aux  exercices  de  la  viespirituelle,dont 
les  principaux  sont  :  le  jeûne,  qui,  atlaiblissant 
la  chair,  la  rend   plus  facile  à  Vuincro  ;  le  saint 
sacrifice  de  la  messe,  l'acte  do  religion  par  l'X-' 
cellence;  la  communion,  qui  est  tout  à  la  fojq 
la  participation  au  sacrifice   par   l'union  à  la 
divine  Victimi'i.cl' la  grande  réfection  de  l'àine. 
Dans  ces  cireoiislances,  les  sliitionsétaient  donc 
proprement,  au  sens  spirituel,  un  arrêr^  et  l'on 
ne  peut  pas  plus  dire  de  cas  stations  que  de 
celles  dont  ckius  allons  parler,  que  ce  mot,  qui 
vient  de  stmv,  a  été  choisi,  comme  le  préteml 
Bergier  (I),    pour    exprimer  que    les    fidèles 
priaient  dehout;  car,  si   st/rre  signifie  se  tenir 
debout,  on  l'entend  tout  aussi  bien  d^ms  le  sens 
do  s'art'ètcr,  et  lacompanison  de  Tertullien  ne 
permet  pas  de  se  prononcer  [lour  une  autre  ao^ 
ception. 

Les  stations  no  turent  pas,  dans  la  suite,  unii- 
quem^mt  atTectées  aux  joursde  pénitence,  il  y 
en  eut  aussi  à  certains-  jours  do  fête,  comme 
nous  le  voyons  encore  présentement  par  les 
indications  du  Missel  romain. 

C'était  une  coutume  Irês-ancienne  à  Rom»; 
que  le  clergé  se  rendit  tantôt  dans  une  église, 
tantôt  dans  une  autre,  pour  y  prier,  y  célébrer 
la  messe  et  y  laiie  d'autres  offices,  et  ordinai>- 
Peinent  une  homélie  était  adressée  au  peuple. 
Le  lieu  de  la  réunion  était  toujours  indiqué  à 
l'avance,  et  on  s'y  rendait  individuellement  oa 
en  corps.  Dans  ce  dernier  cas,  l'assemlilée  se' 
faisait  dans  une  église  désignée  à  l'avance.  Le 
clergé  s'y  formait  eu  procession,  le  peuple  sui- 
vait, et,  pondant  le  parcouri,  comme  cela  con- 
tinue de  s'observer  aux  Uogations,  on  chantait 
les  litanies  ou  des  psaumes.  La  procession  est 
une  marche  qui  représente  symboliquement, 
comme  nous  l'avons  expliqué,  le  graml  peler*-' 

t.  Dictionnaire  de  théologie,  V.  Station. 


un 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


nage  de  la  vie  présente,  dont  le  terme  est  la  vie 
éternelle  du  ciel.  Le  temps  que  l'on  passait  dans 
l'église  choisie  îomme  but  de  la  procession, 
pour  y  célébrer  les  saiuts  mystères,  s'appelait, 
dans  ïti  sens  propre  du  mot,  la  station,  et  ce 
nom  était  donné  aussi  au  lieu  où  se  faisait  cet 
irrèt.  Nous  ne  voyons  donc  aucune  nécessité 
de  chercher  à  expliquer  l'adoption  de  ce  mot 
par  quelque  circonstance  accessoire  telle  que  la 
posture  dans'  laquelle  le  peuple  priait  alors, 
d'autant  plus  qu'il  n'est  point  vrai  que  l'assis- 
tance demeurât  debout  durant  toutes  les  prières 
qui  se  faisaient  pendant  la  station.  Lorsque  la 
station  était  terminée,  le  clergé  et  les  fidèles 
revenaient  dans  .le  mêms  ordre  au  point  de 
départ. 

Avant  saint  Grégoire  le  Grand,  les  lieux  de 
station  n'étaient  pas  fixés  et  devaient  être  dési- 
gnés à  chaque  fois.  C'est  ce  ponlife  qui  déter- 
mina, dans  son  Sacramentaire,  les  basiliques, 
les  églises  et  les  martyria  ou  confessions  des 
martyrs  qui  devaient  être  visités  à  l'avenir 
chaque  jour  de  station.  C'était  principalement 
aux  jours  des  fêtes  des  saints  les  plu.^  illustres 
que  l'on  faisait  les  stations  dans  les  temples  ou 
les  oratoires  qui  leur  étaient  dédiés.  Ces  der- 
nières stations  étaient  généralement  connues  à 
l'avance  par  tous,  puisqu'elles  étaient  attachées 
aux  fêtes  mêmes  des  saints,  qui  se  célébraient  à 
jour  fixe  ;  mais  il  était  bon  que  les  autres,  qui 
étaient  en  usage  à  certaines  époques  de  l'année, 
comme  les  Quatre-Temps  et  le  Carême,  ou  aux 
plus  grandes  solennités  générales,  tt-lles  que 
Pâques,  la  Pentecôte,  fussent  certainement  et 
invariablement  déterminées.  C'est  ce  que  fit 
saint  Grégoire,  ^n  marquant  dans  le  sacramen- 
taire, en  tète  de  la  messe,  les  diverses  églises 
patriarcales,  titulaires,  dinconales,  e*  même  les 
simples  oratoires  où  devaient  se  faire  désormais 
les  stations  aux  jours  indiqués.  Ces  indications 
sont  restées,  pour  la  plupart,  dans  le  Missel 
romain  tel  que  nous  l'avons,  et  qui  n'est,  du 
reste,  pour  le  fond,  que  le  sacramentaire  gré- 
gorien. Ceci  nous  explique  quelques  mentions 
que  nous  trouvons  dan^  les  collectes  de  certaines 
messes  des  jours  de  stations,  et  dont  on  ne  ver- 
rait pas  la  raison,  ?i  l'on  ne  se  reportait  au 
titre  de  la  messe.  La  collecte  du  dimnmhe  de  la 
Sexagésime  est  ainsi  conçue  :  «0  Dieu!  qui 
voyez  que  nous  ne  pouvons  nous  confier  dans 
aucune  de  nos  actions,  accordez-nous  miséri- 
cordieuseracnt  la  grâce;  d'être  défendus  contre 
tous  nos  adversaires  par  la  protection  du  Doc- 
teur des  nations.  »  Pourquoi  le  souvenir  et 
l'invocation  de  viint  Paul  sont-ils  consignés 
dans  celte  oraison,  en  ce  jour  qui  n'a  rien  de 
commun  avec  la  fête  du  graml  apùtre  ?  C'est 
parce  que  la  station  de  ce  dimanche  est  indi- 
quée à  Home  dans  la  basilique  majeure  de  Saint- 


Paul  hors  les  Murs,  et  toute  l'Église,  priant  en 
union  avec  l'Eglise  mère,  adresse  à  Dieu  les 
mêmes  vœux.  La  collecte  suivante  se  lit  à  la 
messe  du  jeudi  de  la  troisième  semaine  de  ca- 
rême :  «  Que  votre  grandeur  éclate.  Seigneur, 
dans  la  bienheureuse  solennité  de  vos  saints 
Côme  et  Damien,  dans  laquelle  vous  leur  avez 
conféré  la  gloire  éternelle,  et  vous  nous  accor- 
dez à  nous-mêmes,  par  votre  inefiable  provi- 
dence, le  secours  dont  nous  avons  besoin.  » 
Cette  oraison  n'aurait  aucun  rapport  avec  la 
messe  où  elle  est  placée,  si  la  station  ne  su 
faisait  pas  ce  jour-là  dans  l'église  des  deux 
saints  Côme  et  Damien. 

Bien  que  les  églises  stationnales  fussent  notées 
d'une  manière  détinitive  dans  le  sacramentaire, 
chaque  station  était  publiquement  indiquée 
pendant  la  messe  solennelle  qui  la  précédait. 
L'archiiliacre  en  faisait  l'annonce  après  la  com- 
munion. Quelquefois  cette  fonction  était  remplie 
par  le  notaire  de  l'Eglise  romaine.  Le  ministre 
chargé  d'avertir  le  peuple,  lui  faisait  connaître 
l'église  choisie  pour  la  réunion  des  fidèles  et  le 
dôiiart  de  la  procession,  et  celle  oii  devait  se 
faire  la  station,  et  l'on  avait  soin  de  transpor- 
ter préalablement  dans  cette  dernière  les  vases 
sacrés  nécessaires  pour  la  cérémonie,  et  que  l'ork 
prenait  dans  la  basilique  de  Saint-Jean  de 
Latran.  Le  Pape  présidant  ordinairement  la 
cérémonie,  ces  vases  étaient  sans  doute  ceux 
que  l'on  réservait  pour  son  usage.  La  proces- 
sion était  précédée  de  la  croix  stationnale.  Le 
Pape  était  porté, selon  l'usage  qui  subsiste  encore, 
sur  la  sedia  gestatoria,  à  moins  qu'il  ne  fit  le 
trajet  à  cheval.  Apiès  la  station,  la  procession 
revenait  dans  le  même  ordre  à  l'église  d'où  elle 
était  partie. 

Saint  Grégoire  le  Grand,  en  fixant  les  lieux 
de  station  pour  les  différents  jours  de  l'année 
où  elles  devaient  se  faire,  laissa  sans  doute 
de  côté  plusieurs  églises  ou  oratoires  où  l'on 
s'était  rendu  avant  lui,  alors  que  la  désignation 
était  faite  pour  chaque  fois.  Après  lui,  divers 
changements  furent  introduits  à  la  lungue  dans 
cette  liste,  qui  n'a  pas  subi  de  mudification 
depuis  la  publication  du  Missel  actuel,  faite  par 
saint  Pie  V.  Si  doue  on  veut  connaître  exacte- 
ment les  églises  stationnales  de  Rome,  on  n'a 
qu'à  en  relever  les  noms  inscrits  en  tête  des 
messes  des  jours  que  nous  allons  énumérer. 

11  y  a  station  à  Rome  tous  les  dimanches  de 
l'A  vent;  les  trois  jours  des  Quatre-Temps  de 
chaque  saison;  aux  trois  messes  de  Noël  et  les 
trois  fêtes  suivantes  ;  les  dimanches  de  laSeptuar 
gésime,  de  la  Sexagésime  et  de  la  Quinquagé- 
sime;  les  dimanches  et  les  fériés  dt  Carême,  y 
compris  les  trois  derniers  jours  de  la  semaine 
sainte;  la  fête  et  la  semaine  île  Pâques;  le 
dimanche  inAH/ti;\a.  tète  de  Saint-Marc  ;  le&^ 


LA  SEMA.INF  DU  CLERGÉ 


113S 


trois  jours  des  Rogations  et  la  fête  de  rAscen- 
sion  ;  la  l'èle  et  la  semaine  de  la  Pentecôte. 

Les  stations  n'étaient  pas  établies  seulement 
à  Rome,  mai;;  aussi  dans  un  grand  nomlire  de 
villes.  Elle?  se  faisaient  dans  les  principales 
églises,  où  l'on  transportait  le  siège  épiscopal, 
lorsque  l'évêque  devait  présider  celte  assemblée. 
Ces  dispositions  sont  énoncées  dans  le  troisième 
canon  du  quatrième  concile  d'Orléans,  de  l'an 
541.  Au  témoignage  de  saint  Grégoire  de  Tours, 
son  prédécesseur  saint  Perpéiue  fil  la  désigna- 
tion des  égli-^es  slationnalesdela  ville  de  Tours. 
Les  staiions  se  faisaient  aussi  régulièrement  à 
Paris,  et,  dans  le  mi?sel  de  1738,elles  sont  rédui- 
tes à  trois  pour  chacune  des  cinq  premières 
semaines  du  carême.  Les  quinze  églises  y  sont 
indiquées.  A  Troyes,  où  la  liturgie  était  foncière- 
ment romaine,  les  stations  avaient  lieu,  pour  la 
cathédrale,  non  pas  en  des  églises  dislincles, 
mais  successivement  dans  les  diverses  chapelles 
de  la  vaste  basiliciue,  suivant  l'ordre  consigné 
aa  missel.  On  s'y  rendait  et  on  en  revenait  ea 
procession.  Il  n'en  est  plus  question  dans  le  mis- 
sel de  1736  publié  par  l'évêque  janséniste  Bos- 
8uet,  neveu  du  grand  évè(iue  de  Meaux.  L'i  sec- 
taire Petitpied,  curé  d'Asnières,  qui  tut  chargé 
de  la  rédaction  de  ce  livre,  n'eut  garde  d'y  lais- 
ser ce  trait  de  ressemblance  avec  rE'.?lise 
romaine.  Ce  qui  se  praliiiunit  dans  les  églises 
que  nous  venons  de  nommer  s'observait  aussi 
'  dans  beaucoup  d'autres,  la  liturgie  romaine 
faisait  toujours  le  fond  des  liturgies  parlicu- 
lières,  là  même  où  elle  avait  subi  le  plus  de 
modifîcalions. 

En  parlant  de  la  station  du  mercredi  des 
Quatre-Temps  de  l'Avent,  Dom  Guéranger  dit: 
«  Elle  a  lieu  à  Sainle-.Marie-Majeure,  à  cause 
de  l'évangile  de  l'Annoncialion,  qui  a  fait,  pour 
ainsi  dire,  attribuer  à  ce  jour  les  honneurs  d'une 
véritable  fête  de  la  sainte  Vierge  (I).  »  Nous  ne 
saurions  dire  si  l'évangile  de  ce  jour  a  vrai- 
ment déterminé  dans  l'origine  le  choix  de  cette 
basilique  poiii  la  station  du  mercredi  des  Qua- 
tre-Temps de  l'Avent;  car  la  station  se  fait 
pareillement  dans  la  même  église  le  mercredi 
des  trois  autres  Quatre-Temps,  où  l'on  n'avait 
pas  la  même  raison  de  préférer  une  église 
dédiée  à  la  sainte  Vierge.  Si  le  texte  de  l'évan- 
gile de  ce  jour  ne  fut  pas  le  motif  déterminant 
de  cette  désignation,  on  doit  reconnailre  au 
moins  dans  cette  circonstance  une  coïncidence 
heureuse.  Les  staiions  des  deux  autres  jours  des 
Quatre-Temps  sont  aussi  invariablement  atta- 
chées aux  mèn  îs  basiliques  aux  quatre  saisons. 
Le  vendredi,  la  station  se  fait  dans  l'église  des 
1  Saints-Apôtres,  eu  reposent,  sous  l'autel,  les 
corps  de  saint  Philippe  et  de  saint  Jacques  le 
Mineur.  Le  samedi, elle  a  lieu  à  Saint-Pierre,  «à 

1,  Année  liturgique,  L'Àtenl,p.  229. 


cause  de  l'ordination,  dit  Dcm  Guéranger.  Celte 
basilique  convenait  mieux  que  toute  autre  pour 
réunir  le  peuple,  ayant  toujours  été  une  des 
plus  vastes  de  la  ville  de  Home.).  Nous  ne 
garantissons  pas  non  plus  la  parfaite  exactitude 
de  cette  explication.  Nous  avons  vu  précédem- 
ment qu'au  temps  où  les  stations  étaient  déjà 
établies,  les  ordinations  ne  se  fais;]ieul  réguliè- 
rement à  Rome  que  le  samedi  de?  QualreTi;mps 
de  l'Avent.  S'il  paraissait  préférable  d'indiquer 
pour  ce  jour,  à  cause  de  l'ordination,  la  basi- 
lique de  Saint-Pierre,  comme  la  plus  vaste,  ce 
motif  n'existait  pas  alors  pour  le=aulres  Quatre- 
Temps  ;  à  moins  que  l'on  ne  dise  que  cette 
église  devant  être  plus  commode  une  fois  sur 
quatre,  cela  dut  suflire  pour  qu'on  l'adoptât  le 
même  jour  aur  \]uatre  saisons,  tout  comme  on 
choisit  li  basilique  de  Saintf-.Marie-Majeure  pour 
tous  les  mercredis  des  Quatre-Temps,  afin  d'y 
faire  chanter,  dans  l'assemblée  solennelle  du 
peui)le,  l'évangile  de  l'Annonciation  le  mer- 
credi des  Quatre-Temps  de  l'Avent.  Si  ces  expli- 
cations ne  reposent  sur  aucune  preuve  histo- 
rique, rien  ncmpèchera  de  les  admettre  à 
titre  de  conjectures  plausibles. 

La  messe  des  Quatre-Temps.  Celte  messe  a 
toujours  été  privilégiée,  el,  en  aucune  circons- 
tance, elle  n'a  dû  être  omise,  du  moins  complè- 
tement. Si  une  fêle  scmi  double  ou  d'un  rite 
supérieur  vient  en  occurrence  avec  une  férié  des 
Quatre-Temps,  on  doit  célébrer,  dans  toutes  les 
églises,  cathédrales,  collégiales  et  conven- 
tuelles, deux  messes,  l'une,  après  tierce,  de  la 
fête,  sans  commémoration  de  la  lèrie,  l'autre, 
après  none,  de  1 1  férié,  sans  commémoration  de 
la  fête,  et,  à  la  lin  de  ces  deux  messes,  on  recite 
l'évangile  de  saint  Jean.  C'est  à  la  première 
messe  que  l'on  fait  mémoire  d'une  fêle  ^imple 
occurenle,  et  si  une  vigile  tombe  aussi  ce  jour- 
là,  la  commémoration  en  est  renvoyé  à  la 
messe  de  la  férié.  Dans  les  églises  non  soumises 
au  régime  conventuel  el  dans  celles  où  il  ne 
peut  être  célébré  ([u'uneseulemesse, cette  messe 
est  de  la  fête,  avec  commémoration  et  dernier 
évangile  de  la  férié.  En  France,  les  charges  de 
nos  chapitres  calhédraux  ont  été  diminuées,  à 
cause  du  petit  nombre  des  chanoines  et  à  raison 
des  faibles  ressources  dont  ils  disposent.  Géné- 
ralement, et  même  universellement,  croyons- 
nous,  ils  sont  dispensés  de  la  double  célébialiou, 
et  la  messe  de  ces  jours  est  celle  de  la  fêle  oceur- 
rente,  avec  commémoration  de  la  férié,  excepté 
dans  le  cas  que  nous  allons  indiquer. 

La  règle  que  nous  venons  de  rappeler  pour 
l'occurrence  d'une  fête  avec  un  jour  des  Quatre- 
Temps,  souffre  une  exception,  quand  l'oltite 
semi-double  est  celui  d'un  jour  dans  l'octave 
d'une  fête,  mais  non  du  jour  octave.  Mais  1  u- 
nique  messe,  soit  conventuelle,  soit  privée,  est 


1436 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


ricin.  fiTÏn,  avfic  coTnTnémoralîon  de  l'octave,  et 
l'on  prend  poiii-  troisiimie  oraison  celle  qui  se- 
rait vcrine  .'i  !a  suite  de  la  commémoration  de  1^ 
férié,  si  l'on  eût  dit  la  messe  de  l'octave.  Ce 
cas  peut  se  rencontrer  chaqne  année,  dans  ua 
certain  nombre  d'églises,  aux  Quatrc-Tcmps  de 
septembre,  à  raison  des  octaves  des  fêtes  patro- 
nales. En  parcourant  le  calendrier,  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  puisse  s'ofïrir  simultanément 
partout  en-dehors  du  mercredi  des  Quatre- 
Teraps  de  l'Avent,  lorsqu'il  est  eu  occurrence 
avec  le  septième  jour  dans  l'octave  de  l'imma- 
culno-Conception.  On  a  quelquefois  indiqué  pour 
cette  messe,  dans  les  calendriers,  mais  à  tort, 
la  préfare  commune  :  celle  de  la  Conception 
doit  servir  pour  toute  l'octavo,  s'il  no  survient 
pas  une  autre  fcte  ayant  une  iiréface  propre  et 
dont  on  soit  tenu  de  faire  l'offlce.  Toutes  ces 
indications  sont  tirées  d'un  déiTel.  de  la  Con- 
grégation des  Pkiîcs  du  23  juin   i7u6. 

P  -F.    KOALLE, 

professeur  de  théologie. 


Théologie    dogmatique 

LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAINT-SIÈGE 

{auite.) 

La  doeti-ine  de  la  faillibilité  du  Siéore  apostoli- 
que fut  exprimée  pour  la  première  fois  dans 
l'assemblée  du  clergé  de  France  de  1682.  Mais 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu.  les  fameux  qua-- 
tre  articles  n'étaient  point  le  résultat  d'une- 
science  libre  et  exempte  de  prévention  ;  ils  n'é- 
taient que  l'œuvre  de  théologiens  de  cour  au 
service  de  l'alisnlutisme  ïonvernemental  et  de 
la  bureaucratie  (1).  Louis  XIV  voulait  faire  pré- 
valoir son  système  de  violence  et  d'absolnli^rae 
même  contre  l'I'Iijlise  et  contre  son  chef;  Les- 
quatre  articles  devinrent,  dans  la  main  des  par- 
lements, infectés  de  jansénisme,  un  instrument 
d'oppression  contre  la  liberté  de  l'Eglise  et  un 
encouragement  pour  les  tendances  sehismati- 
ques  {-I).  Fénelon,  apns  avoir  donné  hii-mèm'e' 
l'exemple  île  la  soumission  la  plus  complète  et' 
la  moins  équivoque  aux  décisions  du  Sai.'iti- 
Siège,  avertissait  ipi'on  se  tînt  en  garde  contre 
les  empiétements  du  pouvoir  temporel.  l'Lt  der"- 
nièn-ment  im  écrivain  prolestanlfrançais,  avouait 
que  le  gallicanisme   faisait  de   l'Eglise  la. ser- 

1.  Gérin,  Hccherches  /ii,<Mri>/ues  sur  Ca^nfmblée  du  cler(fi 
de  France,  |r,83.  Paria,  1«C9.  LacreteHe.  fWrtoired*  franc* 
ou  xvur  siicle. 

î.  Ia  [jhipart  des  évêqucs,  disait  le  jiroourrur  génér.il 
Harliiy.  auraient  rétracté  leur  jugement  le  lendemain,  s'ils 
en  aviiient  en  la  permission.  Gérin,  p.  335.  —  11  faut  ira- 
\-ailler  à  réformer  la  faculté  de  théologie,  disait- le>aiérae^ 
pour  la  niaiateoic  daos  U  <]»va\x 


vante  des  princes,  et  que  ses  fameuses  libertés 
n'étaient  .jue  les  libertés  du  roi  de  régler  le» 
allaires  spirituelles  aussi  bien  ;;ue  les  tem- 
porelles. Les  appels  au  futur  concile,  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  le  .schisme  et  la  chute da 
la  religion,  tels  furent  les  fruits  amers  d'une 
doctrine  faus?een  principe.  .Malgré  la  contrainte 
gouvernementale,  la  doctrine  de  l'infaillibilité  du 
Pape  conserva  de  nombreux  partisans.  Jus- 
qu'au milieu  du  siècle  dernier,  partout,  excepté 
en  France,  elle  fut  maintenue  par  les  théolo- 
giens, à  de  rares  exceptions  près  (1).  A  partir 
de  cette  époque,  l'absolutisme  de  l'Etat  et  le 
jansénisme  s'eiîorc.èrent  de  répandre  aussi  Ter- 
reur opposée  hors  de  France;  Nicolas  de  Hon- 
tlieim  (Febronius)et  les  théologiens  de  Joseph  II 
se  firent  les  dociles  instruments  de  ces  tendances. 
Un  intérêt  mal  entendu  avait  aussi  tait  laisser 
dans  l'ombre  l'infaillibilité  du  Pape  dans  l'es- 
jioir  de  gagner  les  prolestants.  Beaucoup  encore, 
furent  bientôt  entraînés  par  le  courant  rationa- 
liste à  dénaturer  Us  dogmes  fondamentaux  de 
la  religion  et  à  les  nier.  Malgré  tout,  cependant, 
si  l'on  réunissait  les  ouvrages  des  théolog'iens  de- 
tout  pays,  ceux  des  gallicans  ne  seraient  à  l'é-- 
gard  des  autres  que  dans  la  proportion  de  trois 
à  cent. 

Ainsi,  la  grande  majorité  des  théologien» 
demeure  toujours  fidèle  à  l'infaillibilité  (2).  Ja- 
mais l'opinion  contraire  n'a  pu  se  poser  comme 
égalemntautorisée  enfacede  celle-là  ;  toutau  plua> 
a-î-elle  été  tolérée  par  l'autorité  occlésiasti.|uei. 
en  co  sens  qu'elle  n'était  pas  encore  flétnie- 
comme  une  hérésie  formelle;  mais  jamais  elle- 
lie  passa  pour  un  sentiment  correct  et  en  har- 
monie avec  la  doctrine  de  l'Eglise  ;  elle  fut  mémo 
plusieurs  fois  réprouvée,  tandis  tpie  la  doclriae 
de  rinfaillibilité  fut  de  tout  temps  en  vigueiir 
diuis  rEgiise  comme  règle  de  la  \\%  pratique: 

Parmi  les  immbreux  dommages  que  l'Eglise, 
elle  même  a  en  à  sonilVir  île  l'inlluence  du 
protestantisme  et  du  rationalisme,  que  leconr- 

y.  Ep.  DJnedict.  XIV.  Ai  Inquisit.  Hàpan.  d.  d.  1748.  Cf. 
Pcrtr.  de  Marciv.  O'jservalionrs  mpra  Iheses  Claromontanar 
n.  17.  L'êpiseopnt  l'rannais  de  ce  siècle  s'est  prononcé  poiif 
l'infaillil'ilitii  dans  |ih>5i<?urs  conciles  provinciaux,  ainsi  quel 
co-axd'.\lleni:i^ne.  d'i  lîftiiirjue.  il'.Vngleterre  et  d'.\mcrique. 
Cf.  Sehiicemami,  Stimmen  aus  Miria-Laach.  x.  p.  \S&. 

■2.  Buniip.  Uie  rjiifthibarkeit  des  Papstet,  1870.  Gi'iother'et: 
Yeith  cuxniànes  i>nt  reconnu  l'infaillibilité  du  Pape.  Lw 
premier  a  dit  {.Sùif-und  Nordlù-hter,  p.  '354)  :  <t  La  base  de> 
1". ouvre  du  Saint-Ksprit  se  trouve  comme  partie  iatégrante 
ilaiw  cette  irtfaillrbitité.  st détestée,  qu'exerce  le  dépositaire 
(le  hi.  primante  ejclésinstique  dans  la<;oiidiute  désintérêt* 
de  1»  foi.  n  Voiai  U  témoignage  du  second  {Weitiebin  unS 
Christetilhum.  p.  1G3)  :  11  est  de  l'essence  de  l'organismaf 
ecclésiastique  que  cette  infaillibilité, dans  les  affaires  de  la 
loi,  appartienne'  .aussi  au  suprême  Pasteur  qui  oceupe  I». 
Siéjîe  ;ijpostoJique.  —  Gratry  [Connaiisance  dr'Dien,  II,  412^- 
l'aiùs,  ISjll)  dit  :  Presque  tous  les  catholiques  croient,  et 
tciiis  iidnietlent  en  pratique  que  :  le  Souverain  Pontife,  ja» 
gwirt  solennelléiTwnt  [tj?  cathtdra)  enmatièrrdi^for  ou  di» 
«uanirs,  est  infaiUibUj 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


V. 


file  ri II  Vaticnn  (1)   a  déplnrés  et  adxqnols  il 
clicc.  h;iit  1111  n^mèilr*,  Oçrui-unotiimm.'nluHlui  ci, 
savoir  qiiL",  :    «  beaucoup  ilps  enfaïUs  de  l'Eglise 
«  e:it!iolii[iie  se  sont  écartés  du  sentier  de  la  vraie 
«  et  fidèle  piété,  et  que,  dans  l'obscurcisseraent 
«  graduel  des  vérités,  leur  sens  catholique  s'est 
a  alTaildi.  »   C'est  pouniuoi,    prenant  occasion 
d(;s  erreurs  qui  ont  tait  irrupliou  dans  certains 
esprits  dciiuis  le  concile  di;  Trente,  sous  les  noms 
(le  gailicunisme,  de  fébroniunisme  et   de    josé- 
plusme,  l'Eglise  a  enfin  converti  en  dogme  for- 
mel  une  croyance  qu'elle  avait  toujours  portée 
en  substance  dans  ssn  cœur,  qu'elle  avait  appli- 
quée et  fait  passer  dans  la  vie  pratique,   mais 
qu'oile  n'avait  pas  encore  fi)rmellemeut  procla- 
mée comme  arliclo  île  foi.  Déveio[)[icr  complè- 
tement,   formuler  avec  la  dernière   précision, 
une  croyance    substantiellement    préexistante, 
voilà  justement  eu  ([uoi  consiste  ce  proyrès  Je 
la    foi    catliolique  si    éioquemment   loué   par 
saint  Vincent  de  Lérins,  et  que  les  conciles  ont 
mission  de  provoquer  et  de  réaliser.   Les  systè- 
mes précités  ayant  tenté  d'ébranler  la  croyance 
à  riiifaillibilité  du   siège  apostoliipie  tomme  si 
elle  n'était  point  fondée  sur  l'Ecriture,  ni  sur  la: 
tradition,  et  la  controverse  ayant  été  portée  sur 
le  Uiéàtre  retentissant  de  la  publicittî,  les  esprits 
des  lidèles  se  sentaient  émus  et  inquiets,  et  une 
décision  délinitive  était  nécessaire  pour  ramener 
le  calme  et  la  paix.  Comment  !  depuis  des  siè- 
cles tous  les  lidè'es,  les  prêtres  et  les  évècpies  en 
tùle,  se  soumettent  avec   autant  de  confiance 
que  d'humilité  aux  décisions  du  siégi;  cU;  Home, 
ils  y  adhèrent  du  fond  du  cieur,  résolument  et 
sans  arrière-pensée,  sacriliaut  quelquefois  leurs 
plus  chères  opinions,  et  cela  sans  attendre  qu'une 
opposition  se   produise,  ou  qu'une  approbatiou 
tacite  intervienne,  et  ces  décisions  des  papes  ne 
seraient  pas    infaillibles!  Mais  alors,   sur  quoi 
donc  se   fonderait  une  telle  soumission  ?   Si  le 
Pape  n'est  pas  infaillible,  comment  a-t-on  pu 
voir  en  lui  le  juge  eu  dernier  ressort  de  la  toi? 
D'un  autre  coté,  des  hommes  éminenls,  parleur 
science  et  par  leur  position  dans    l'iv4lise,  ont 
emiiloyé  vme  vaste  érudition  et  toutes  les  res- 
sources d'un  génie  perçant  à  vouloir  démontrer 
que  plusieurs  papes  ont  erré,  que  ni  l'Ecriture, 
iii  la  tradition,  ni  les  conciles,  ni  les  saints  pères, 
ni  les  grands  <locteurs  n'ont  recoiiuu  l'iulailli- 
bilité  du  Sii'ge  apostolique,    que  prétendre  sou- 
mettre la  foi  aux  décisions  du  Pape,  c'est  une 
USur()ation  injiistiliable  d'un  droit  ipii  n'appar- 
tient qu'à  Dieu  et  aux  conciles  généraux,  eiiûn, 
une   oppression  criante   des   consciences  :  dès 
lors,  quelle  perplexité  «lans  les  àmcs  1 

1,  Ainii,  la  proposit.  7  de  Pierre  d'Oam».  1-479  :  Eo- 
tlesiaurbis  /îomœ ervure  polesl.  Rrojj,  23,28.  Luther,  l'rop.85: 
JVuctor.  fîdei,  où  la  cepiobaliou   des   quatre  articles  est 


Une  décision  suprême  devait  nécessairement 
intervenir.  Si  ceux-ci  ont  raison,  il  fallait  que 
l'empire  exercé  sur  notre  foi  p.ir  le  Siège  apos- 
tolique fût  dénoncé  comme  abusif,  sans  fonde- 
ment, illicite,  contraire  à  l'essence  de  la  foi, 
préjudiciable  à  l'Eglise  et  funeste  au  saint  des 
âmes;  il  fallait  que  les  décisions  papales  fussent 
déclarées  faillibles  etrévocables.  Si,  au  contraire 
la  primauté  doctrinale  est  réellement  infaillible, 
il  fallait  aussi  de  toute  nécessité,  que  le  concile 
proclamât  cette  croyance  de  l'Eglise  p::r  une  dé- 
cision formelle  et  solennelle,  et  qu'il  Taflirmât 
de  nouveau,  en  l'établissant  sur  des  bases  iné- 
branlables. 

C'est  ce  qui  a  eu  lieu.  La  drîeisiona  été  portée. 
Tous  les  évèquos  du  monde  catliolique,  sans  (jn 
excepter  un  seul,  ont  ailliéré.  La  divine  provi- 
dence a  visiblement  tout  disposé  ;  comme  tou- 
jours l'homme  s'est  agité,  et  Uieu  l'a  mené  d'une 
manière  admirable.  Les  oppositions  ipii  s'étaient 
déclarées  d'abord,  n'ont  servi  ([u'à  r.iviver  la  vi- 
gueur de  la  foi  catlioli([ue,  laquelle  consiste  sim- 
plement à  faire  l'abainlon  complet  de  notre  rai- 
son à  Jésus-Christ  et  a  sou  Esprit,  qui  gouverne 
l'Eglisi!  et  qui  a  [>arlé  par  l'Eglise  (l).  Toute 
nouvelle  délinition  d'uu  dogme  catholique  est 
une  bènédictiou  pour  l'Eglise,  une  source  de  lu- 
mière et  de  force  qui  jaillit  d'eu  haut  et  nous 
laisse  voir  de  plus  en  plus  prés  celui  qui  est  la 
vérité  même.  A  peine  trfiis  ans  se  sontécoulés 
depuis  le  concile  du  Vatican,  et  déjà  un  tait  iu- 
coutest;d)le  se  montre  même  aux  yeux  les  moins 
clairvoyants,  c'est  que  le  Saint-Esprit  a  com- 
muniqué àrEgliscune  n'iuvelle  lumière  et  une 
nouvelle  force,  afin  qu'elle  puisse  sans  dommage 
traverser  les  jours  difliciles  qui  étaient  si  pro- 
ches et  dont  nul  mortel  a'avait  soupçoauc  la 
venue. 

Ue  nouvelles  et  violentes  tempêtes,  les  plus 
formidables  peut-être  qu'on  ait  jamais  vues, mena- 
cent l'Eglise.  Des  assauts  terriblesnous  attendent; 
ejicore  un  peu  et  nous  serons  au  fort  de.  la  lutte. 
Unis  dans  la  foi  sous  un  Pape  infaillible,  étroi- 
tement serrés  les  uns  contre  les  autres  par  le 
lien  de  l'unité  ecclésiastique,  cuiintenant  nouS' 
sommes  forts,  et  notre  Eglise  est  une  citadelle  (2) 
désormais  inexpugnable  .nii  renferme  la  vérité' 
catholique,  le  vrai  cbi-istianism.e  et,  avec  lui,  les 
biens  les  plus  grands  et  les  plus  précieux  de  la 
vie,  et  qui  les  gardera,  fût-elle  assaillie  par  le» 
plus  furieuses  persécutions. 

Vraiment,  l'autorité  doctrinale  infaillible  n'est 
point  du  tout  ce  joug  act^iblant  de  res[int,  cette 
indigne  chaîne,  liont  la  fobe  de  ce  monde  s'ef- 
force de  nous  faire  l'elfrijanta  peinture,    u  La; 

1.  Qtiantum  quisque  amat  Ecctesiam  Dri,  tantum  Aabet  Spi'» 
ritum  Sancium.  Au^ust.  Tract.  S.KS.II,  8.  in  Juau. 

2.  Arx  saierdolii.  llonilac.  1.  Ey.  IV.  — Aix  auclorilatiSé 
August.  Ep.  cxvui,  cap,  uc. 


ms 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


théologien,  vraiment  digne  de  son  nom,  et  de 
sa  vocation,  est  à  la  fois  libre  et  lié,  libre  quoi- 
qu'il se  sache  lié,  ou  plutôt  parce  qu'il  se  sait  lié. 
11  ne  fait  pas  consister  la  liberté  à  laisser  errer 
son  espnl  à  /aventure,  sans  boussole  ni  gouver- 
nail sur  la  mer  sans   rivage  des  opinions  et  des 
interprétations,  à  renoncer  à  toute  connaissance 
fixe,  comme  aussi  à  tout  pouvoir  de  convaincre 
les  autres.  Il  se  sent  libre,  au  contraire,   parce 
que,  par  un  choix  volontaire  et  iatelligent,  il  s'est 
une  fois  pour  toutes  abandonné  à  l'autorité  de 
l'Eglise  pour  être  conduit  et  enseigné  par  elb^, 
sachant  que  Dieu  l'a  faite  et  instruite,  afin  qu'elle 
soit  la  gardienne  des  vérités  du  salut  et  l'iusli- 
tutrice  des   peuples.  C'est  dans  l'Eglise  et  par 
l'Eglise  qu'il  est  devenu  libre.  L'Eglise  l'a  délivré 
de  l'incertitude,  qui  est  aussi  un  péuilile  escla- 
vage, de  l'instabilité  inquiète  des  pensées  et  de 
la  conscience,   du  doute  poignant,    de  la  per- 
plexité où  se  consume  un  esprit  qui  n'est  sûr  de 
rien,  pas  même  des  principes   qui  sont  les  fon- 
dements et  les  points  de  repère  de  ses  investiga- 
tions. U  se  sait  maintenant  aflianchi  de  la  pers- 
pective accablante  que,  dans  dix  ou  vingt  ans,  il 
reconnaîtra  peut-être    qu'il  s'était  trompé   et 
qu'il  écartera  alors,  comme  une  vaine  illusion, 
ce  qui  lui  paraît  maintenant  si  sûr  et  si  certain. 
Il  a  épousé  l'autorité  pour  toujours,  et  toute  sa 
vie  intellectuelle  ne  fait  plus  qu'un  avec  elle,  et 
son  intimité  avec  elle  va  toujours  croissant,  tel- 
lement que,  dùt-elle  s'eO'acer  et  devenir  muette 
pour  lui,  il  ne  croirait,  n'entendrait  et  n'ensei- 
gnerait pas  autrement  qu'elle.  U  est  la  partie 
qui  se  sait  en  parfait  accord  avec  le  tout  ;  il  est 
un  membre  adhérant  au  corps,  et  comme  tel,  par 
le  simple  rapport  organique  qui  l'unit  à  lui,  il 
participe  à  la  lumière  qui  éclaire  tout  le  corps  (1).» 
u  II  est  incontestable,  dit  Goethe  (2),  qu'au- 
cune doctrine  ne  nous  délivre  de  nos  préjugés, 
excepté  celle  qui  sait  auparavant  abattre  notre 
orgueil.  Et  quelle  est  la  doctrine  qui  bâtit  sur 
l'humilité,  sinon  celle   qui  vient  d'en  haut?» 
Mais  la  vraie  humilité,  celle  qui  nous  délivre  du 
doute  poignant  et  de  l'incertitude  anxieuse,  où 
se  trouve-t-elle,  sinon  dans  notre  soumission  et 
notre  abandon  à  une  autorité  vivante  existant 
en-dehors  et  au-dessus  de  nous.    Le  {irotestan- 
tisme  ne  la  connaît  point,  caria  foi  qu'il  se  forge 
à  lui-même,   en  puisant  dans    l'Ecriture,    est 
son  œuvre  propre.  Les  adversaires  de  la   pri- 
mauté doctrinale  infaillible  ne  la  connaissent 
point;  il  est  vrai   que  l'autorité  à  laquelle  ils  se 
veulent  soumettre  n'est  pas  seulement  la  lettre 
morte  de  l'Ecriture,  c'est  la  tradition  de  l'Eglise, 
mais  la  tradition  telle  qu'ilsla  reconnaissent,  qu'ils 
la  détinisseut,  qu'ils  l'iulerprèteul  à  leur  point 

I.  Dœllinger,    l'erhandtungen    der     Venammlung    Kath. 
Gelehrien  in  Mùnachen.  Regcnsburg,  1803,  p,   53 
».  Œuvres,  XIV,  p.  253. 


de  aie  et  l'appliquent  eux-mêmes;  ce  n'est  point 
l'autorité  telle  que  la  fixe  et  la  proclame  la  pa- 
role vivante  qui  descend  de  la  chaire  de  Pierre, 
ce  n'est  point  celle  devant  laquellt»  sjint  Cyprien, 
saint  Cyrille  d'Alexandrie,  saint -Kugustin,  saint 
Optât,  saint  Jérôme  s'inclinaient  avec  respect, 
celle  qui  a  reçu  mission  d'enseigner  toute 
l'Eglise.  Pour  le  grand  martyr  saint  Ignace 
d'Antioche,  l'évêque  était  le  centre,  de  son 
église  particulière,  et  le  père  auquel  tous  doi- 
vent se  soumettre  avec  un  abandon  plein 
d'amour  et  de  confiance.  L'évêque  des  évê- 
ques,  qui  siège  sur  la  chaire  de  Pierre,  est 
aussi  le  centre  de  l'Eglise  universelle,  le  père  de 
la  chrétienté  en  qui  et  par  qui  s'unisseut  tous 
les  fidèles,  parce  que  celui  qui  est  lié  à  lui  est 
aussi  lié  par  lui  à  toute  l'Ei^lise  catholique  (I). 
Sans  lui,  qui  est  l'anneau  le  plus  élevé  de  la 
chaîne,  tous  les  mimbres  de  la  hiérarchie  tom- 
bent les  uns  après  les  autres  ;  avec  la  hiérarchie 
tombe  la  sacerdoce,  tombe  l'Eglise,  comme  ins- 
titution visible  établie  par  Jésus-Christ,  c'est-à- 
dire  le  corps  du  Christ  et  du  christianisme.  L'E- 
glise tombant,  le  christianisme  tombe,  aussi  en 
même  temps. 

La  guerre  faite  à  l'Eglise  depuis  trois  cents 
ans  montre  tout  ce  que  vaut  la  papauté.  Le  Pape 
n'est  pas  l'Eglise,  mais  l'Eglise  est  fondée  sur 
lui,  il  est  l'instrument  visible  voulu  de  Dieu,  par 
le  moyeu  duquel  l'unité,  et  par  conséquent 
l'existence  même  de  l'Eglise,  est  sauvegardée. 
Sans  lui  la  grande  Eglise  universelle,  qui  em- 
brasse tous  les  peuples,  se  brise  et  s'émiette  en 
CCS  églises  nationales  qui  ne  sont  (jue  des  instru- 
ments dans  les  mains  des  chefs  d'Etat,  que  les 
peuples  méprisent,  que  l'esprit  de  Jésus-Christ 
a  délaissées  et  qui  languissent  sans  diguité  et 
sans  puissance.  Si  donc  la  chaire  apostolique 
romaine  pouvait  être  brisée,  avec  elle  serait  bri- 
sée l'unité  de  l'Eglise,  et  alors  ce  serait  fait  de 
1  Eglise  elle-même.  Après  cela,  le  christianisme 
passerait  lui-même  du  domaine  de  la  vie  réelle 
dans  celui  de  l'histoire.  Ses  ruines  formeraient 
encore  un  objet  de  recherches  savantes,  sujet  de 
dispute  pour  les  archéologues  ;  mais  il  ne  rem- 
plirait plus  le  monde  de  son  souille  et  de  sa  vie; 
l'intluence  salutaire  qu'il  exerce  sur  les  individus 
comme  sur  les  nations  qu'il  sauve,  qu'il  consacre 
et  qu'il  bénit,  serait  aboUe  pour  jamais, 
(A  suivre.)  D'  Hettihgeh, 


1 .  FiJem  suam  quam  vocat  ?  Eam  ne,  qua  Hamana  pollet 
Ecclesia  ?  Si  liomanam  rfv;ion(/fri(,  ergo  catholici  iumui.  Hi»» 
ronym    Apolog.  adv.  Ruiiu.  I.  4. 


LA  SEMAINE  DU  CLEUCE 


li39 


HERMÉNEUTIQUE  BIBLIQUE 

PRËMIÈnE   PARTIE. 

De  la  recherche  du  sens  par  l'usage  de  la  langue. 
(Suite.) 

Après  avoir,  t1ans  l'article  précédent,  exposé 
les  caractères  distinctifs  de  l'iiébreii  biblique,  il 
nous  reste  à  indiquer  les  sources  où  l'on  devra 
puiser,  si  l'on  veut  acquérir  une  connaissance 
exacte  de  cette  langue. 

2*  A  quelles  sources  on  peut  puiser  la  cor^naissance 
de  la  langue  hébraïque. 

Quoique  l'Iiébreu  ait  cessé  de  vivre,  comme 
idiome  parlé,  trois  siècles  environ  avant  Jésus- 
Christ,  et  que  nous  ne  possédions,  en-dehors  des 
auteurs  sacrés,  aucun  monument  littéraire  con- 
temporain de  lai  inguc  période  de  son  existence 
qui  lui  apporte  son  témoignage  et  lui  prête  sa 
lumière,  eo()end;mt  il  ne  s'est  pas  éteint  si  com- 
plètement que  les  docteurs  juifs  n'aient  point 
continui'de  l'enseigner  dans  leurs  écoles  et  dans 
leurs  écrits,  aux  âges  suivants.  La  tradition  juive, 
telle  est  doue  la  premiri-e  source  à  laquelle  on 
devra  puiser  pour  acipiérir  la  connaissance  de  la 
langue  hébraïque.  .Mais,  dans  les  monuments  de 
cette  langue  ([ue  la  Bible  nous  a  transmis,  que 
de  passages  la  tradition  des  juifs  n'éclaire  pas 
d'une  manière  suffisante,  disons  le  mot,  laisse 
obscurs  et  incertains!  Eh  bien,  il  reste  à  l'inter- 
prète une  autre  ressource  :  ces  points  obscurs, 
qu'il  les  compare  avec  d'autres  endroits  analo- 
gues de  la  Bible  qui  ne  sont  pas  douteux,  et,  le 
plus  souvent,  ce  rapprochement  suflira  pour  en 
faire  deviner  ou  pour  en  fixer  la  véritable  signi- 
iicatiou.  Mais  l'hébreu,  nous  l'avons  dit,  n'est 
pas  un  idiome  isolé;  il  constitue  une  bramhe 
du  tronc  scientifique,  et  des  rapports  intimes 
l'unisseiitaux  langues  de  cette  fimille.  lia  même, 
avec  les  autres  langues  primitives,  des  relations 
qui,  pour  être  moins  étroites,  peuvent  néan- 
moins fournir  de  précieuses  indications  à  l'in- 
terprète de  la  Bible.  La  ccmp.iraison  de  l'hélireu 
biblique,  soit  avec  lui-même,  soit  avec  les  autres 
tangues  anciennes,  surtout  de  souche  sémitique, 
tel  est  le  second  moyen  d'arriver  à  rintelligence 
de  cette  langue.  Ajoutons  que  l'emploi  de  ces 
deux  moyens,  pour  conduire  à  un  bon  résultat, 
doit  être  soumis  à  certaines  règles  dictées  par 
la  raison  et  le  bon  sens.  —  A  vaut  d'examiner  les 
ressourcesque  chacun  d'eux  îft're  à  l'hébraisaut, 
qu'on  nous  permette  de  jeter  un  coup-d'œil  his- 
torique sur  l'étude  de  l'iiébreu,  depuis  les  pre- 
miers temps  du  christianisme  jusqu'à  nos  jours. 
Durant  les  siècles  qui  suivirent  de  près  la  pé- 
riode apostolique,  les  docteurs  de  l'Eglise  puisè- 
rent dans  les  ceoles  juives  la  connaissance  qu'ils 
avaient  de  la  langue  hébraïque.  Parmi  ••:'uxqui 
s'y  apidiquèreul  avec  le  plus  de  succès,  Origène 
et  saint  Jérôme  occupent  le  premier  rang  :  ce 


sont  eux  qui  jetèrent  dans  l'Eglise  le  premier 
fondement  de  ces  études.  Toutefois,  il  faut 
reconnaître  que  cette  science,  empruntée  à  peu 
près  uniquement  à  la  tradition  de  la  synagogue, 
ne  dépasse  guère  le  domaine  de  l'hébreu  talmu- 
dique,  et  resta,  jusqu'au  wii"  siècle,  dans  uq 
état  d'enfance  et  d'imperfection. 

A  cette  époque,  grâce  à  la  merveilleuse  ex- 
tension des  missions  catholiques,  les  dialectes 
sémitiques  et  les  autres  langues  de  l'Orient  fu- 
rent révélés  à  nos  savants  d'Europe.  On  se  livra 
avec  ardeur  à  l'investigation  de  ces  nouveaux 
trésors,  et,  comme  on  l'avait  déjà  fait  pour  le 
grec  et  le  latin,  on  compara  ces  antiques  idiomes 
avec  l'hébreu.  De  cette  comparaison  naquirent 
des  œuvres  harmoniques,  telles  que  le  Lexicon 
pentaglotton  de  V(d.  Schindler  (Hanov.  1612), 
souvent  réimprimé,  le  Lexicon  keptarjlollon, 
d'Edmond  CastelU  (Lond.  IGG9);  ainsi  que  des 
grammaires,  parmi  lesquelles  nous  citerons  la 
Ctrammatica  lingutrum  orienlnlium  (Lugd.  Bat. 
^C2i)du  célèbre  hollandais  Louis  de  Uieu,  la 
Grammatiça  quatuor  linguarum  hebr.  child.  syr, 
etarub.  harmonica  (Tigur.  IGW),  de  J.  N.  Not- 
tinger,  etc.  Le  mérite  commun  de  ces  savants 
est  d'avoir  inauguré  la  comparaison  de  l'hébreu 
avec  les  autres  idiomes  de  la  même  famille,  et 
ouvert  ainsi  aux  hébraisants  un  champ  des  plus 
féconds,  inexploré  jusque-là.  Mais,  sans  parler 
de  ceux  qui  ont  fait  entrer  dans  leurs  études 
harmoniques  la  langue  perse,  étrangère  à  la 
source  sémitique,  on  leur  reproche, à  bon  droit, 
de  se  contenter  de  rapprochements  superliciels, 
et  de  se  livrer,  sans  frein  ni  mesure,  à  des  conjec- 
tures qui  ne  reposent  que  sur  une  similitude  pa- 
rement accidentelle  dans  les  sons  ou  les  formes. 

Plus  exclusifs  encore,  d'autres  vinrent  après 
eux  qui  rejetèrent  à  la  fois  et  la  traditionjuive, 
et  la  comparaison  de  l'hébreu  avec  les  dialectes 
sémitiques,  et  les  versions  anciennes.  La  langue 
hébraïque,  disaient-ils,  ressemble  au  soleil  :  elle 
tire  sa  clarté  de  son  propre  sein  et  n'a  pas  besoin 
d'une  lumière  étrangère.  Tel  lut  Jacques  Gous- 
set, de  Blois,  qui,  dans  ses  Commenlarii  linguct 
hebraicœ  (.\mstelod.  n02),  essaya  d'expliquer 
l'hébreu,  comme  une  lettre  écrite  en  caractères 
inconnus,  en  s'aidant  seulement  des  passages  pa- 
rallèles, du  contexte  ou  de  la  suite  du  discours, 
et  en  général  de  l'analogie  de  la  langue.  Il  fon- 
dait cette  opinion  sur  cette  considération  sin- 
gulière que  l'héijreu,  étant  une  langue  divine, 
ne  peut  avoir  aucun  rapport  avec  les  autres 
langues,  qui  sont  purement  humaines.  Il  ajou- 
tait qu'on  ne  peut,  saus  s'exposer  à  de  nombreux 
ennuis,  aller  chercher  des  secours  pour  déter- 
miner le  sens  des  mots  et  se  rendre  compte  des 
formes  grammaticales  de  l'hébreu,  qui  est  la 
souche  des  autres  dialectes  sémitiques,  dans  ces 
dialectes  qui,  venus  après  lui,  ont  éprouvé  d» 


r-10 


LA  SEMMNE  Dt  «.-ERGÉ 


grandes  modifications,  inconnues  et  élraiiKères 
à  la  langue  mère.  Gaspard  Neumanu  et  Valent. 
Lœscher  soutinrent  un  système  analogue,  le 
premier  dacs  divers  ouvrages,  inilLulOs  :  Gencsis 
hiigttœ  siinclœ,  Eu:odus  lingiue  sanclœ,  Ckwis  do- 
tnus  Eeber  (tle  dTOO  à  1706)  ;  le  second,  dans  son 
livre  de  Causis  linguœ  hebr.  (1706).  Ramenant 
toutes  les  racines  hébraïques  à  deux  lettres  es- 
sentielles, appelées  par  Noumann  churacleres 
signiftcatiunis,  et  par  Lœscher,  simina  vocum,  ils 
tiraient,  de  la  vertu  native  Ae  ces  lettres,  ia  signi- 
fication des  mots.  Certes,  ces  ex[)lications  de 
l'ancien  hébreu  sont  bien  arbitraires  et  bien 
ridicules;  elles  eurent  cependant  l'avantage  d'at- 
tirer l'attention  sur  une  ressource  un  peu  né- 
gligée jusqu'alors,  mais  infiniment  précieuse 
pour  l'intelligence  de  la  Bible,  savoir,  la  com- 
paraison de  la  langue  avec  elle-même. 

C'était  surtout  dans  les  académies  protestantes 
que  le  système  dont  nous  venuub  di  [larler  ob- 
tenait une  grande  faveur.  Il  trouva  un  ru'le 
adversaire  dans  Alb.  Schultens,  qui  composa, 
pour  le  combattre,  ses  Origines  /wfjrœœ  {\~23- 
1737),  et  SCS  Jnstilu.tioues  ad  fundw/enta  linguœ 
hebruicœ  {\~ili~).  Dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  cet 
orientaliste,  l'orgueil  de  l'uuiversiLé  de  Leyde, 
avait  soutenu  contre  Gousset,  dans  une  discus- 
sion publique,  que  l'étude  de  l'arabe  était  iudis- 
pensable  pour  la  counaisjauce  complète  de 
l'hébreu.  Tout  eu  reconnaissant  que  Schultens 
iin[)rima  une  vive  impulsion  et  rendit  d  incal- 
culables services  à  l'élude  de  cette  langue,  nous 
devons  ajouter  que,  dans  l'application  de  son 
excellente  méthode,  il  négligea  un  peu  trop  le 
dialecte  chaldéen,  et  poussa  jusqu'à  l'excès  sa 

firédilection  pour  l'arabe,  qu'il  préférait  à  la 
aDgue  hébraïque  elle-même.  Plus  d'uue  fois  il 
impose  lies  signiticalions  arab';s  à  des  mots  hé- 
breux, malgré  le  contexte  et  l'usage  bien  cons- 
taté de  la  langue,  ce  qui  l'entraîne  à  des  expli- 
cations forcées,  arbitraires  et  dénuées  de  sens. 
Ses  disciples,  comme  il  arrive  d'ordinaire,  exa- 
géi'crenl  encore  ses  défauts. 

Pai'mi  les  doctes  hébraisauls  que  notre  siècle 
a  produits,  ceux  qui  ont  le  mieux  mérité  de  la 
langue  siinte  sont,  à  notre  avis,  —  et  cet  avis 
ne  saurait  être  suspecté,  puisque  nous  n'avons 
à  nommer  que  des  savants  plus  ou  moins  imbus 
de  ratiunaUsme  :  —  Géséuius,  Ewald,  rlupfcld, 
Jal.  Fiii'st  et  son  disciple,  Fr.  Delitzsch. 

Gésénius  est  le  chef  de  l'école  que  les  Alle- 
mands appeUeut  empirique,  c'est-à-dire  que, 
saus  adopter  les  prijici|.es  exclusifs  des  écoles 
précédenies,  il  s'attach(!  aux  laits,  et  applique 
la  iiiétLode  expédmentale  aux  textes  hei)reux. 
Les  nombreuses  éditions  de  sa  Grammaire  com- 
plète {Ausfuhrliches  gramnwt.  krit.  Lehrge'mudc 
àer  hi:tr.  .^pruche,  etc.  Leipz.  1817),  et  surtout  do 
sa  Ufummuire  élémentaire  {Ueùr.  £kmmlarbvuik 


îîallc,  1813.  suiv.)  proclament  a'sez  haut  le 
mérite  et  l'utilité  de  ces  deux  ouvrages.  Sou 
Thésaurus  pkilolog.  cr/t.  linijuœ  hebr.  et  chald. 
vetei'is  Testamenti  (Leipz.,  1827-33)  est  le  travail 
le  plus  considérable  que  nous  possédions  sur  la 
lexicographie  hébraïque.  Dans  cet  ouvrai^e,  il 
ramène  a  une  juste  mesure  l'usage  de  l'arabe 
et  la  comparaison  avec  les  langues  sœurs,  dont 
on  avait  abusé  au  siècle  précédent.  Quoiqu'il 
n'ait  pas  toujours,  surtout  dans  ses  premiers 
travaux,  assez  tenu  compte  de  la  tradition,  il 
tira  des  livres  de  grammaire  composés  par  les 
anciens  rabbins  une  masse  d'observations  utiles, 
et,  ce  qui  est  d'une  grande  importance  dans  la 
lexicograplde  sémitique,  il  répandit  de  vives 
lumières  sur  les  étymologies.  On  sait  que  Gésé- 
nius mourut  en  1842,  à  Halle,  où  il  avait  pro- 
fessé pendant  plus  de  trente  ans. 

EwakI,  ce  polémiste  passionné,  si  prompt  à 
l'invective,  a  déployé  dans  l'étude  d(!s  langues 
orientales,  et  spécialement  de  l'hébreu,  un 
véritable  génie.  Nul  n'a  mieux  compris  les  pro- 
pj-iétés  intimes  de  cet  idiome;  nul  n'a  expo=é 
sous  une  forme  plus  scientilique  les  luis  de  lu 
grammaire  hébraïque,  en  les  faisant  dériver  de 
la  nature  même  de  ia  langue.  Aussi  sa  méthode 
a  t-elle  reçu  le  nom  do  rationnelle.  Hàtons-nous 
d'ajouter  que,  comme  notre  Gousset,  il  néglige 
beaucoup  trop  la  tradition  de  la  synagogue  et 
les  imlications  des  versions  anciennes,  et  pré» 
tend  aussi  expliquer  l'hébreu  par  l'hébreu  lui- 
même,  sans  aucun  secours  étranger.  Ou  a  de 
lui  une  grammaire  élémentaire  et  une  gram- 
maire critique  de  la  langue  hébraïque;  cette 
dernière  ne  s'adresse  pas  aux  commençants. 
Est-il  besoin  d'avertir  nos  lecteurs  que  ses  Livres 
poétiques  et  ses  Livres  prophétiques  de  l'Ancien 
7'«s/amen^,traduits  et  expliqués, ainsi  que  son  jff«- 
toire  du  peuple  d'Israël  (eu  allem.),  tout  en  ren- 
fermant des  choses  Irès-bunnes  et  très-belles,  en 
contiiunent  aussi  beaucoup  de  hardies  et  de 
téméraires,  inconciliables  avec  l'enseignement 
de  l'Eglise?  iVé  à  Goettiiigue.  au  eommence- 
ment  de  ce  siècle,  Ewald  professa  longtemps 
les  langues  orientales  dans  cette  célèbre  uni- 
versité, jusqu'à  ce  que,  en  1860,  il  perdit  sa 
chaire  pour  refus  de  serment  au  nouveau  maître 
(jui  avait  supprimé  le  Hanovre.  Il  mourut  en 
oiai  dernier. 

tlupfeld  accorde  une  importance  plus  grande 
à  la  comparaison  des  langues,  nou-seulcmeul 
des  langues  sémitiques,  mais  encore  de  celles 
d'origine  japclique,  en  teoant  compte  de  leur 
nature  parlic.uhere  et  de  leur  degré  de  parenté 
avec  la  langue  sainte.  Voulant  donner  ime  base 
solide  à  ces  rapprochements,  il  se  livra  à  de 
patientes  recheiches  sur  les  caractères  hébreux, 
leur  histoire,  leurs  formes  et  leurs  sons  ou  arti- 
culatioûs.  Cette  méUiode  a  re<iu  le  uam  d'histO' 


il 


LU  SEMAINE  DU  CLERGE 


nu 


iùijue.  Quoique  toutes  les  coiiflusions  qu'elle  a 
proclamiM's  soient  loin  d'avoir  la  tnèiisc  valeur, 
jDU  ne  peut  nier  qu'elle  ait  mieux  expliqué  uu 
œrtaiu  nombre  de  ratines  et  jelé  quelque  jour 
sur  l'histoire  des  lettres  hébraïques. 

C'est  ainsi  qu'uu  a  tenté  toutes  les  voies, 
essayé  tous  les  moyens  pour  arriver  à  lu  cou- 
naissance  de  riiébreu.  Mais,  trop  souvent,  au 
Mou  de  faire  réc;uer  un  juste  tempérament  dnns 
l'emploi  de  ces  moyens,  on  a  été  exclusif,  soit 
6n  s'attaohatit  à  un  seul  et  répudiant  tous  les 
autres,  soit  en  accordant  à  un  seul  une  prépon- 
dérance exagérée.  L'école  qui  s'est  appelée  elle- 
même  historico-anabjtique  essaye,  en  ce  moment, 
d'éviter  ce  défaut.  Jules  Fuist  et  son  disciple 
Delitzch  eu  sont  les  plus  illustres  représentants. 
Non-seulcraent  elle  remet  en  houueur  la  tradi- 
tion si  longtemps  dédaignée  par  le  traditiona- 
lisme, et  compare  la  langue  hébraïque  soit  avec 
ello-mème,  soit  avec  les  antres  id.ioim.-s  d'origine 
commune,  ou  même  de  soiiilie  diOV-renle  —  et 
parmi  (h^s  derniers  avec  le  sanscrit  surtout,  — 
mais  elle  établit  uu  lien  et  comme  une  sorte  de 
concert  entre  toutes  ces  ressources,  et  les  met 
en  œuvre  avec  un  ensemble  qui  ne  peut  ge.ère 
miUKjuer  d'atteindre  le  but.  On  trouvera  cotte 
méthode  exposée  tout  au  long  dans  l'ouvra'^e  de 
Fr.  Deliizscli  intitulé  :  Sephath  Jes/iouvoun  (liLt. 
Linyua  Jealwuroun,  scil.  /jojiuli  Jsraolitici}.  sive 
Isugoge  in  linguavi  et  Icxicof/rapfiiani  l.uf/nce 
hebr.  Filrst  a  publié  un  excellent  dietioniiuire 
hébreu-nllemaud,  auquel  on  reproche  pourtant 
des  étym^^logies  plusique  hasardées,  inspirées  à 
l'auteur  par  la  comparaison  de  l'hébreu  avec  le 
sanscrit. 

La  France  n'a  rien  produit  en  ce  siècle  qui 
approche  de  ces  grands  travaux.  Un  seul  homme, 
le  regretté  M.  Le  Uire,  de  la  vénérable  Compa- 
gnie de  Saint  Sulpice,  aurait  pu.  sous  ce  rap- 
port, rivaliser  avec  les  savants  d'Outre-Rhin  ; 
mais,  à  part  quehiuus  Iragmouls  écrits,  qu'une 
main  [ilus  pieuse  ([u'hubile  recueille  comme  de 
précieuses  relicjues,  il  s'elail  borné  à  l'ensL-igûe- 
ment  oral,  lorsqu'une  mort  prématurée  vint  le 
ravir  à  la  scieuee. 

Nous  dhons,  dansuupi'oahain  artide,  quelles 
ressources  la  tradition  des  Juifs  fûiuruit  à  l'hé- 
bxiflisanJ;. 

A.  GK.iJII'Oîi, 

chunoine. 


LÉGISLATION^ 

EXPOSTTIOS  DES  MOTIFS  ET  DES  rRI?;CIPES  QUI  ONT 
SERVI  DE  BASE  A  LA  LOI  RELAOlVj;  A  LA.  UBEUXÉ 
DE  L'E.NiEIGHJiMEKT  SCPÉIIXEUK. 

{Suite.) 
L'article  2,  rédigé  par  la  même  commission 
dit  :  lout  français  n'ayant  encouru  aucune  des 


ivcopacilcs  préinies  par  l'arlicle  7  de  la  présente 
loi  ;  les  associations  formées  dans  un  dessein  d'en- 
siignement  mpérieur,  conformément  à  l'article 
y  ci-après  ;  les  départements  et  les  communes 
pourront  ouvrir  librement  des  cours  et  des  établis- 
sements d'enseignement  supérieur,  aux  seules  condi- 
tions prcscriies  par  les  articles  suivants. 

M.  Henri  Fournier  vient  à  la  triijune  pour 
développer  l'amemlcment  (lu'il  a  proposé  à  cet 
article,  d'aecoid  avec  MM.  Buisson  (de  l'Aude) 
et  Adnel.  Cet  amendement  est  ainsi  conçu  : 
Les  établissements  libres  devront  êtres  adminis- 
trés par  trois  personnes  au  moins.  Ils  devront  com- 
prendre au  moins  une  faculté  ayant  le  même  nom- 
bre de  chaires  que  l'une  des  facultés  similaires  de 
l'Etat  ;  les  professeurs  devront  être  pourvus  du 
grade  de  docteur. 

Il  oli?erve  que  l'enseignement  supérieur  a 
ses  rè:;les,sa  discipline  et  son  but;  il  croit  utile, 
pour  bien  de  le  définir,  de  donner  lecture  du 
discou;s  de  M.  Guizot,  dans  la  première  séance 
du  25  mars  1870  de  la  commission  extra-par- 
lementaire. 

Il  dit  que  son  amendement  laisse  les  cours 
isolés  ou  conférences  en-dehors  de  la  loi 
actuelle;  on  ne  doit  s'occuper t|ui;  de  la  liberté 
des  étûbiisSiîments  d'enseignement  supérieur.  11 
s'empresse  cependant  de  déclarer  qu'il  n'entend 
pas  exclure  absolument  les  cours  isolés  acci- 
dentels.ces  cours  qu'on  appelle  des  conférences, 
et  qu'il  est  si  diflJcile  de  ilislintruer  de  la  véri- 
table conférence  ;  mais  ils  veut  que  ces  cours 
accidentels  isolés  ne  puissent  être  faits  sans 
autorisation  préalable,  que  dans  l'intérieur  des 
établissements.  Dans  ceux-ci  liberté  complète, 
absolue,  entière.  En-dehors  de  là,  il  ne  .s'agit 
pas,  suivant  lui,  d'enseignement  su[térieur; 
c'est  une  tout  autre  matière  qu'il  faudait  exa- 
miner, c'est  la  question  des  réunions  publiques. 
Il  ne  pense  pas  qu'il  soit  nécessaire  de  s'en 
occuper  à  propos  de  l'enseignement  supérieur. 

11  examine  longuement  le  système  de  garan- 
ties, étudié  par  la  commission  extra-parlemen- 
taire de  1870,  pour  corrigei"  les  abus  possibles 
delà  liberté  accordée  si  large  dans  son  article 
premier,  (jui  est  textuellement  reproduit  dans 
le  projet  en  iliscussion. 

11  lui  semble  que  la  susdite  commission  avait 
entrevuuue.  des  garanties  rechei'ché.'S.  Se  préoc- 
cupr.nt  uniquement  des  conférences,  il  est  vrai, 
—  mais,  à  son  avis,  on  ne  peut  pns  les  distin- 
guer des  cours,  —  cette  commission  s'est  dit  à 
elle-même  :  Si  l'on  peut  trouver  quelque  chose 
de  saisissahle,  uue  respr.'.;isab;lité  sérieuse,  non 
pas  celle  du  conférencier,  mais  celle  de  l'éta- 
blissement, alors  les  couférences  peuvent  être 
permises. 

C'est  celle  garantie  qu  M.  Fournier  propose 
dausTauieadtaieni  qu'il  a  soumis  à  l'Assemblée, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


Il  lui  parait  que,  par  son  amenclement,  la  loi 
de  liberté  s'appliquera  aux  établissements  d'eia- 
seignemenl  supérieur,  mais  elle  ne  pourra  s'ap- 
pliquer aux  cours  isolés,  aux  conférences  qui 
seraient  faites  en-dehors  de  ces  établissements. 
Les  cours  isolés  doivent  continuera  être  soumis 
à  la  législation  actuelle.  Il  veut  que  les  établis- 
sements, par  contre,  soient  complètement  libres; 
pour  eux,  il  ne  demande  pas  de  juridiction 
exceptionnelle,  il  ne  veut  les  soumettre  qu'à  la 
juridiction  ordinaire  et  aux  règles  du  droit 
commun. 

Mais  pour  pouvoir  bénéficier  de  celte  large 
liberté,  il  reconnaît  nécessaire  que  ces  établis- 
sements se  soumettent  aux  trois  conditions  pro- 
posées dans  son  amendement:  trois  administra- 
teurs, une  faculté  au  moins,  des  professeurs 
gradués. 

Ces  trois  conditions,  il  les  croit  convenables: 
quand  on  aura  un  établissement  ainsi  conslitué 
et  atjf^inistré,  établissement  qui  constitui'ra  une 
propnité  considérable,  qui  n'aura  pu  être  créé 
qu'à  la  suite  de  grands  efforts,  on  aura  devant 
soi  une  responsabilité  sérieuse. 

En  exigeant  que  l'établissemi'nt  contienne 
une  faculté  au  moins,  il  n'entend  pas  obliger 
les  établissements  libres  à  se  modeler  sur  le 
système  de  l'Etat.  11  attend,  au  contraire,  beau- 
coup de  la  liberté,  il  croit  qu'elle  amènera  des 
réformes  considérables  dans  l'enseignement 
supérieur,  des  réformes  dans  les  programmes 
et  dans  Ihs  méthodes,  et  une  augmentation  du 
nombre  dos  chaires,  même  et  surtout  dans  les  fa- 
cultés del'Etat.  Il  ne  veut  pas  imposer  par  avance 
aux  élabli-sements  libres  le  moule  des  établis- 
sements de  l'Etat;  il  observe  qu'à  coté  du  la  fa- 
culté exigée,  toute  chaire  pourra  être  établie, 
tout  enseignement  pourra  y  être  annexé.  A  côté 
de  la  faculté  obligatoire  il  y  aura  conséquem- 
ment  d'autres  chaires,  d'autres  écoles,  un  autre 
enseiguement;  mais  on  aura  au  moins  la  certi- 
tude que  l'enseignement,  en  restant  aussi  large, 
aussi  élevé  qu'il  souhaite,  se  tiendra  dans  le 
domaine  de  l'enseignement  supérieur.  Il  se  de- 
mande ensuite  si  l'axigeance  qu'il  réclame  des 
grades  des  professeurs  est  jusie.  Du  moment 
que  les  lois  qui  ont  établi  la  liberté  de  l'ensei- 
gnement primaire  et  de  l'enseignement  secon- 
daire, exigent  des  garanties,  des  conditions 
d'aptitude  des  instituteurs  et  des  professeurs  de 
l'enseignement  primaire  et  secondaire,  il  trou- 
verait étrange  qu'on  n'en  doive  exiger  aucune 
des  professeurs  de  l'enseignement  supérieur. 

Mais,  pour  qu'on  ne  se  méprenne  pas  sur  ses 
inteution<,  il  déclare  accepter  entièrement  les 
dispositions  de  l'art.  4  du  projet  de  la  commis- 
sion, qui  accorde  la  faculté  aux  établissements 
libres  de  faire  des  cours  spéciaux  et  des  confé- 
rences. Il  reconnaît  qu'une  persouue  étrangère 


à  l'enseignement,  un  savant  de  passage,  un 
voyageur  de  retour  d'une  longue  expédition, 
pourra  faire  ainsi  un  cours,  deux  cours,  une 
conférence  dans  rétablis*;ment  libre.  Dans  ces 
cas  il  ne  demande  pas  de  conditions  de  capacité 
et  d'aptitude. 

Si  l'Assemblée  veut  adopter  son  amendement, 
M.  Fournier  la  supplie  de  croire  qu'elle  aura 
fait  tout  ce  qu'elle  a  mission  de  faire  au  sujet 
de  l'enseignement  supériteur.  Elle  aura  laissé 
les  conférences,  les  cours  isolés,  comme  ils  sont 
aujourd'hui,  soumis  au  régime  des  réunions 
publiques;  mais,  s'occupant  de  l'enseignement 
supérieur  véritable,  elle  lui  aura  donné  toute 
la  liberté  qui  est  depuis  si  longtemps  réclamée. 

En  effet,  dit-il,  ce  qu'on  demande  c'est  la 
concurrence  librement  faite  aux  établissements 
de  l'Etat  par  des  établissements  librement 
créés,  la  concurrence  dans  le  domaine  de  l'en- 
seignement supérieur,  comme  nos  lois  anté- 
rieures l'ont  ouverte  dans  le  domaine  de  l'ensei- 
gnement primaire  et  secondaire. 

M.  Laboulayes'emprcssederemercierM. Four- 
nier d'avoir  rappelé  à  l'Assemblée  que  l'article 
en  discussion  n'est  autre  chose  que  l'article 
adopté  par  la  Commission  extra-parlementaire 
de  1870.  Il  regrette  cependant  que  le  bruit  de 
l'Assemblée  ait  empêché  peut-être  à  plusieurs 
de  ses  membres  d'entendre  ce  que  M.  Fournier 
a  dit  tout-à-l'heure;  à  savoir,  que  le  défenseur 
des  conférences,  l'homme  qui  reclamait  la  li- 
berté, au  sein  de  cette  Commission,  était 
un  dominicain,  le  révérend  père  Captier,  lâche- 
ment assassiné  par  des  scélérats  dans  lesderniers 
jours  de  la  Commune. 

Il  observe  que  quant  au  po^nt  de  savoir  si 
l'enseignement  supérieur  doit  appartenir  à  tous 
les  citoyens,  sauf  à  exiger  d'eux  telles  condi- 
tions que  l'on  pourra  désigner,  ou  si  cet  en- 
seigueinent  n'appartiendra  qu'àdi!sasso 'iations 
ou  à  des  corporations,  c'est  à  l'Assemblée  de 
l'établir.  Mais  il  déclare  que,  pi>ur  lui  pour  la 
majorité  de  la  Commission,  la  liourlé  de  l'en- 
seignement supérieur,  c'est  la  iibei  le  de  l'indi- 
vidu. 

Il  lui  paraît  que,  sur  cette  importante  ques- 
tion, il  y  a  dans  l'Assemblée  trois  grandes  opi- 
nions dilferen  tes,  trois  partis  respectables.  Après 
avoir  exposé  quelles  sont  ces  trois  upi nions,  il 
examine  le  texte  de  la  proposition  de  M.  Four- 
nier et  de  ses  collègues.  Il  dit  que,  sur  ce  point, 
il  y  a  une  difliculté,  un  malentendu  entre  les 
auteurs  de  l'amendement  et  les  auteurs  du  pro- 
jet de  loi.  Q.iand  ceux-ci,  dit-il,  se  so  ittr'ouvés 
en  présence  de  l'enseignement  su[ii,'rieur,  ils 
ont  dû  se  demander  s'il  s'agissait  simplnnent 
de  faire  conrurrence  à  renseigiemeut  du  droit, 
de  la  médecine  eî  des  lettres  donue  par  l'Etat. 
S'il  se  lût  agi  de  cela  seulemi;nt,  ils  auraient 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


U43 


compris  que  l'on  puisse  dire:  on  va  établir  des 
facultés  rivales.  Mais  la  Commission  s'est  trouvée 
en  présence  d'une  question  bien  plus  grande  ; 
elle  s'est  Irouvétî  en  présence  du  monopole  de 
l'Université,  qui  fait  que  personne  ne  peut  en- 
sei,!,'ner,sur  quelque  sujet  que  ce  soit,  sans  l'au- 
torisation du  gouvernement. 

Dira-l-on  maintenant  que,  si  l'on  admet  le 
principe  de  liberté  pro[iosé  par  la  Commission, 
on  peut  se  trouver  exposé  à  avoir  des  cours 
abominables,  à  laisser  professer  l'athéisme  et 
toute  espèce  de  doctiines  funestes?  Il  ne  le  pense 
pas,  et  cela  ne  lui  paraît  pas  possible.  Il  déclare, 
à  ce  sujet,  que  le  projet  de  la  Commission  offre 
tous  les  moyens  de  défense  contre  la  possibilité 
de  tels  désordres.  Les  tribunaux  sont  chargés, 
par  ce  projet  de  loi,  de  réprimer  les  abus,  et  on 
peut  être  assuré  que  la  justice  Sera  là  vigilante 
pour  arrêter  le  mal,  le  supprimer,  l'anéantir. 

Il  ajoute  qu'en  sanclionnant  la  répression  de 
toute  espèce  d'abus,  on  aura  cent  fols  raison, 
car  l'abus  doit  être  sévèrement  réprimé;  mais, 
À  son  avis,  on  ne  doit  pus  aller  au  delà. 

A  ce  point,  M.  Laboulaye  déclare  que  le  sort 
de  la  lui  est  engagé  dans  cet  amendement,  car 
il  est  évident  que  si  l'Assemblée  n'accepte  pas 
l'enseignement  individuel,  en  l'entourant  de 
toutes  les  garanties  qu'elle  jugera  nécessaires, 
la  loi  n'a  plus  raison  d'être.  C'est  une  autre  loi, 
<[it-il,  qu'où  pourra  fiii[e,  une  loi  qui  partagera 
le  pouvoir  entre  certaiues  associations  et  le 
gouvernement,  mais  ce  ce  sera  plus  une  loi  de 
liberté. 

La  Commission,  ajoute-til,  a  cru  faire  une 
loi  qui  n'exclue  pas  les  associations  divcr-es,  et 
<jui  n'éloigue  pas  celte  jeunesse  studieuse,  ins- 
truite, qui  a  besoin  de  vivre  et  qui  veut  vivre 
par  l'enseignement. 

«  Dans  les  conditions,  s'écrio-t-il,  la  loi  nous 
intéresse,  mais,  dans  des  conditions  coutraires, 
nous  serions  obligés  de  nous  eu  désintéresser 
«empiétement.  0 

M.deCuniout.  ministre  de  l'instruction  publi- 
-que  et  des  cultes,  observe  qu'il  ne  croit  pas  pouvoir 
aller  aussi  loin  que  l'amendement  de  M.  Four- 
nier  et  de  ses  collègues.  Il  ne  conteste  pas  le 
principe;  il  désire  seulement  des  garanties 
■valables  :  «  Donnez-nous  des  garanties,  dit-il, 
■ei  nous  vous  accorderons  le  principi:.  »  Ces  ga- 
ranties, M.  le  ministre  ne  les  trouve  point  dans 
•le  projet  de  loi  aiqiorté  par  la  Commission.  Il 
croit  que  si  ou  n'exige  aucune  condition  que  ce 
soit  de  ca[iacilé  ou  (raiilituile,  on  ne  pourra  dou- 
ter que  ces  chaires,  absolument  libre»,  seront 
envahies  par  le  premier  venu  ;  elles  seront, 
dans  toi"*  les  cas,  envahies  par  qui  voudra  les 
envahir,  puisque  l'accès  en  sera  ouvert  à  tous, 
«ans  autre  réserve  que  celle  de  l'âge  et  d'une 
déclaration  absolument  iuefticacc. 


Il  ajoute  que,  lorsqu'il  s'agit  de  voler  une 
loi,  il  est  bien  naturel  qu'on  se  préoccupe  des 
conséquences  que  cette  loi  pourra  produire. 
M.  le  ministre  croit  que,  si  on  adopte  l'article  2 
et  l'article  3^  tels  qu'ils  sont  proposés  par  la 
Commission,  ae  n'est  pas  l'enseignement  supé- 
rieur qu'on  organisera  dans  les  conditions  que 
l'Assemblée  voudrait  l'organiser;  ce  sera  le 
chaos,  l'anarchie  intellectuelle.  11  dit  que  cette 
anarchie  sera  produite  de  deux  manières  :  elle 
sera  produite  par  la  multiplicité  iifinie  des 
cours,  et  elle  sera  produite  par  la  confusion  des 
doctrines  et  des  systèmes. 

Après  quelques  paroles  de  M.  Laboulaye,  qui 
demande  à  M.  le  ministre  de  préciser  les  garan- 
ties qu'il  désire,  M.  Fournier  remonte  à  la  tri- 
bune pour  demandera  l'Assemblée  le  renvoi  de 
son  amendement  à  la  Commission.  La  demande 
de  ce  renvoi  est  repoussée  par  M.\I.  Laboulaye 
et  Bardoux,  et  appuyée  par  MM.  Lucien  Brun 
et  Albert  Uesjardins. 

La  demande  de  renvoi  étant  mise  aux  votes, 
l'Assemblée  l'adopte  à  une  majorité  de  ^Jo  voix. 

En  pri'sence  de  celte  votatiou,  M.  Laboulaye 
déclare  que  la  Commission  a  besoin  d'un  cer- 
tain temps  pour  pouvoir  examiner  les  garanties 
que  l'on  réclame.  Par  conséquent,  la  suite  de 
la  seconde  délibération  sur  ce  projet  de  loi 
cesse,  d'aujourd'hui,  de  tî;;urer  à  l'oidre  du 
jour  de  l'As  emblée  nationale. 

Phiuppe  Carréei. 
{A  suivre.) 


PATROLOGIE 

V.  ÉCOLES  DE  JÉSUS  CHRIST. 

L'on  donnait  ordinairement  à  notre  Sauveur 
le  titre  de  Maître.  Lui-même  encourageait  cette 
manière  dt:  parler  :  «  Vous  m'appelez,  disait-il. 
Maître  et  Seigneur,  et  vous  faites  bien,  car  je 
le  suis  {Joan.,  xiii,  13^.  ')  Un  autre  jour,  le  Fils 
de  Dieu,  devenu  fils  de  l'homme,  s'attribuait 
exclusivement  le  droit  d'instruire  la  terre,  et 
défendait  à  ses  disciples  de  prendre  pour  eux- 
mêmes  le  nom  de  rabbi  :  «  Ne  vous  laissez 
jioint  appeler  maîtres  :  votre  seul  maître,  c'est  le 
Christ  ;  [lour  vous  tous,  vous  n'êtes  tpie  des 
frères...  que  l'on  ne  vous  nomme  point  maître  : 
car  votre  unique  maître,  c'est  le  Clirist  [Matth., 
.\xni,  8,  10).  1)  Etlectivement  les  prophètes 
l'avaient  annoncé  :  «  Tous  seront  les  disciples 
de  Dieu  {Joan.,  SI,  43).  »  H  faut  «loue  tenir 
Jésus  Christ  pour  le  vrai  fondateur  des  écoles 
que,  de  son  nom,  l'on  appelle  chrétiennes. 

I.Conséquemment  nous  allons  retrouver,  dans 
l'Evangile,  les  choses  anciennes  et  nouvelles; 
c'est-à-dire,   une  continuation  progressive  d§ 


an 


LA  SQIACVE  DU  CLERGE 


l'enseignement  des  Juifs,  et  le  type  de  l'instruc- 
tion donnée  plus  lard  dans  l'Èi^lisr.  Quand  le 
Sauveur,  par  exemple,  RCrueillait  p]ès  di^  lui 
les  enfants,  il  fouinisfait  l'iiîce  des  catéchèses 
et  même  des  écoks  priu^aircs.  «  Et  on  lui  oUrait 
des  enfants  pour  qu'il  les  touchât.  Mais  les  dis- 
ciples faisaient  des  menaces  aux  personnes  qui 
les  lui  préseDt;uent.  Jésus,  les  voyant,  le  sup- 
porta avec  peiue,  et  leur  dit;  «Laissez  les  petits 
enfants  venir  à  moi,  et  ne  les  empêchez  pas  : 
c'estàleurs  semblablesqu'ap[arlienl  leioy^ume 
des  cieux.  En  vérité,  je  vous  le  dis  :  quicf  nque 
ne  recevra  pas  le  royaume  de  Dieu  comme  ua 
petit  enfant,  n'y  entrera  point.  Et,  les  baisant, 
il  leur  impo.=ait  les  mains  et  les  bénissait 
{ilarc.,x,  13-16).  »  Remarquons-le  bien  :  parmi 
ces  enfants,  que  l'on  oflrait  au  Sauveur  du 
monde,  il  en  était  d'un  âge  assez  avancé  ;  car 
nous  lisons,  dans  sfiintllatlbieu,que  l'un  d'entre 
eux  interroge  le  Maitre.  11  est  donc  à  présumer 
que  le  t(  rrae  de  bénir  doit  être  accepté  dans  sa 
signification  la  plus  large,  et  que  ces  enfants, 
proposés  comme  modèles  de  docilité,  recevaient 
le  royaume  de  Dieu  par  la  foi,  ou,  pour  mieux 
dire,  par  les  instructions  du  divin  Maitre  ;  car, 
de  tout  temps,  la  foi  est  venue  par  l'ouïe. 

Jésus,  au  milieu  des  docteurs,  qu'il  écoute  et 
qu'il  interro(;e  {Luc,  u,  46),  ou  bien  lisant 
Isaïe,  au  milieu  de  la  synngngue  de  Nuziir.th, 
pour  faire  ensuite  le  commentaire  du  passage 
et  adresser  à  la  foule  un  mot  d  éiiiUcation 
{Luc,  IV.  16),  nous  semble  crayonner  le  pro- 
gramme de  l'euseignenient  secondaire  ou 
supérieur. 

Un  jeune  homme  s'approche  du  Maître,  et  lui 
dit:  «Bon  5Iailre,quel  bien  faire  pour  obtenir  la 
vie  éternelle?  »  Jésus  lui  fuit  cette  réponse  : 
«  Si  tu  veux  être  parfait,  vends  ce  que  tu  as  et 
donne-le  aux  pauvres,  et  tu  auras  un  tiésor 
dans  les  cieux;  puis  viens,  et  sui5-moi(.l/fl/^,.\I.\', 
^6,  21).  »  Dans  ce  moment,  le  Seigneur  ouvre 
la  première  é.ob-  m<iu;istique. 

Enfin  Jésus  se  cbià.-il  douze  disciples,  (]u'il 
instruit  sans  paraboles,  qu  il  rend  dépositaires 
de  sa  puissance,  qu'il  envoie  prèclier  son  Evan- 
gile, qu'il  formi;  par  des  conseils  de  tout  genre  : 
c'est  là  le  germe  de  nos  séminaires  actuels 
{Mate,  x). 

11.  Suivant  la  doctrino  du  grand  Apôtre,  il 
entrait  dans  les  vues  de  Dieu  de  restaurer,  par 
le  moyen  de  son  Fds,  à  l'heure  de  la  plénitude 
des  temps,  tout  ce  qui  est  au  ciel  et  sur  la  terre 
{Ephes.,  I,  10).  En  nous  ramenant  à  l'Edea 
de  la  grâce,  le  Sauveur  fit  d'abord  revivre, 
parmi  nos  ancêtres  dans  la  foi,  les  mâles  vertus 
de  l'ère  patriarcale.  Aussi  parlait-il  d'aulorité. 
L'Evangile  nous  rapporte  qu'après  avoir  ;ichevé 
son  sermon  de  la  montagne,  Jésus  laissa,  au 
milieu  de  la  foule,  une  vive  admiration  pour  la 


^ 


i:.iélhode  qu'il  emplnyait  flans  son  enseigne- 
ment. «  Et  il  arriva,  quand  Jésus  eut  fini  ces 
paroles,  que  la  foule  admirait  sa  doctrine.  Il 
enseignait  comme  un  homme  revêtu  de  l'au-  ' 
toiité,  et  mm  point  à  la  facnn  des  scribes  et  des 
pharisiens  (Molt.,  vu,  28).  d  Les  synagogues 
juives,  comme  nous  le  faisions  observer  plus 
haut,  souflraient,  à  cette  époque,  de  la  gangrène 
séuile  du  rationalisme.  Les  pharisiens,  par 
exemple,  non  lontents  d'être  en  o|)positioa 
avec  les  E^séQiens  et  les  Sadilucéens,  nourris»  ^ 
salent  encore  cliez  eux  des  guer  res  intestines.  " 
L'on  connaît  les  disputes  (|ui  s'élevèrent  entre 
les  célèbres  doclcurs  ilillel  et  Siliimaï.  Les 
seribes  et  les  pli:iri>içns,  pour  défendre  leur 
système,  raeltiiient  donc  en  œuvre  toutes  le* 
ressources  de  la  didcctiqno,  invoquaient  le  té- 
moignage de  leuis  savants  et  chcrcliaient  à 
persuader  leur  auditoire.  Mais  le  divin  Maitre 
emploie  un  remèile  énergi(iue  pour  guérir  ce 
malaise  des  esprits.  Au  lieu  d'argumenter,  il 
expose;  au  lieu  de  prouver,  il  raconte.  Docteur 
habi'e  dans  la  science  du  royaume  des  cieux,  il 
ressemb'.ait  à  l'un  des  anciens  patriarches, 
tirant  de  sou  cœur  les  choses  anciennes  et 
nouvelles  {Mait.,\\n.ï>2).  Pouvait-il  agir  autre- 
ment? La  doctrine  du  Sauveur  n'était  pas  la 
sienne,  mais  la  doctrine  de  celui  qui  l'a  en- 
voyé {Joan.,  \i,  16).  «  Ce  que  mon  Père  m'a 
enseigné,  je  vous  l'expose,  disait-il  lui-même  à 
la  foule  des  Juifs  (/«/.  viii,  28).  »  L'évangéliste 
saint  Jean  nous  révèle,  en  un  seul  mot,  le  pre- 
mier caractère  de  l'enseignement  du  Maitre;  ou 
plutôt,  c'est  Jésus-Christ  lui-même  qui  nous 
fait  sa  propre  peinture  :  «  Je  ne  vous  appellerai 
plus  mes  serviteurs,  parce  que  le  serviteur  ne 
sait  pas  ce  que  fait  le  maitre.  Pour  vous,  je 
Vous  nommerai  amis,  parce  que  je  vous  ai  ra- 
conté tout  ce  que  j'ai  appris  de  mou  Père  {Joan., 
XV,  15).  » 

Ainsi  le  Docteur  du  monde,  placé  en  face  d'un 
peuple  ergoteur,  se  cnnt  nte  d'exposer  sa  doc- 
trine, sans  la  déirionlreraiilrcm'  ni  i^epar  des 
œuvres.  11  refait,  au  milieu  de  Tadmiralion  de 
la  multitude,  l'hislcjire  du  passé,  du  présent  et 
de  l'avenir.  Un  tel  exemple  nous  donne  à  réflé- 
chir. Le  clergé,  dans  notre  siècle  rationaliste, 
ne  devrait-il  pas,  (omme  le  Maitre,  laisser-là 
souvent  les  subtilités  de  l'éccde.  pour  raconter 
les  merveilles  du  Tout-Puissant?  Ce  mode  tout 
d'abord  cnnviendrait  mieux  à  la  dignité  du  pré- 
dicateur. Obtiendrait-il  de  moinilres  résultats 
que  le  genre  scolastique?  Nod.  Un  jour,  le  grand 
Ijossuet  se  fatigua  de-porler  au  protestantisme 
les  coups  de  massue  de  la  dialectique.  U  conçut 
l'heureux  projet  d'écrire  un  nouveau  livre (ju'il 
intitula  :  £j:posUion  de  la  fui  calhoUque.  Jamais 
levécjue  <îe  Mea'.ix  ne  fit  paieilie  sensation  en 
Europe  :  les  éditions  de  l'ouvrage  se  mulU; 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


li45 


pliaient,  les  éloges  arrivaient,  di  toute  part  et 
les  protestants  se  convertissaient  en  foule.  La 
première  conquête  'le  cette  méthode  liistoric2ue 
avait  été  le  grand  Tur^nne. 

III.  Cependant,  après  avoir  remis  en  vigueur 
l'enseignement  di;  l'ère  patriarcale,  notre  divin 
Maitre,  (jui  était  venu,  non  pour  détruire  la  loi 
et  les  prophètes,  mais  pour  les  perfectionner, 
voulut  bien  aussi  rendre  gloire  à  la  méthode 
jadis  usitée  par  les  prêtres  du  temple  et  les 
croyants  du  désert.  Avec  la  narrati(in,il  adopta 
les  symboles.  Nous  les  voyons  ordinairi^raent 
parler  en  paraboles  ;  et,  comme  Mnïse,  il  aimait 
à  se  voiler  la  face,  quand  il  s'agissait  de  ma- 
nifester au  monde  les  volontés  de  son  Père.  Un 
auteur  du  .xii"  siècle  remarpie,  avec  uue  sorte 
déplaisir,  que  le  Snuvcur  régla  le  nombre  de 
M3S  paraboles  sur  celui  de  ses  apôtres.  En  effet, 
l'Evanuile  nous  rappelle  douze  similitudes,  à 
l'aide  ilesquelles  le  S'uivcur  dépeignait  au-X 
douze  les  beautés  du  royaume  des  cieax  : 
c'était  la  Semence  et  l'Ivraie, le  Gisin  de  sénevé 
et  le  Ferment,  le  Tn-sor  caclié  et  la  Perle, le  Fiiet 
du  pêi-lieur  et  la  Reddition  de  comptes,  le  Mai;  i  e 
delà  vigne  et  les  Noces  du  roi  '33  Dix  Vierge-set 
les  Talenls.  Li-s  autres  p;i rabotes,  comme  la 
Mminaie  éganie,  la  lîrebis  perdue,  le  Fils  pro- 
digne... sont  à  l'adresse  du  peuple,  des  scribes 
et  des  phari-iens 

La  symbolique,  comme  nous  l'avons  dit, 
n'était  point  incinnue  avant  l'arrivée  du  Fils  de 
l'homme.  La  loi  s'était  présentée  au  monde 
comiae  une  ombre  des  biens  futurs.  Toutefois, 
en-dehors  di'S  prêti  es  et  des  prophètes,  un  pelit 
nombre  était  à  même  de  percer  les  ténèbivs 
mystérieuses  des  Livres  saints.  Les  étrangers 
surtout  avaient  des  yeux  pour  ne  pas  voir,  et 
des  oreilles  pour  ne  pas  entendre  le  secret  caché 
de  nos  Ecrituics.  Le  Soigneur  avait  dit  :  «  Mon 
secret  est  à  moi  '!t  aux  ûls  de  ma  maison.»  Voilà 
pour(iuoi  le  So-uvcrain  Pontife  Eléazar,  au  mo- 
ment de  la  ver^iou  des  Septante,  envoyait  à 
Ptolémée  la  solutii)o  des  pioblèmes  de  Moïse, 
ainsi  (jue  nous  l'atteste  [:\  J'ié parution  évangé- 
lique  d'Eu<ébe.  La  syniigogue  avait  donc  entre 
ses  mains  la  clef  de*  niy>téres  ;  de  là  notre  divin 
Maître  blâmait  les  prèlros  qui  avaient  leçu  la 
clef  des  sciences,  et  ne  voulaient  ni  entier  eox- 
mêmesj  ni  laissereutrer  les  autres(/v«c.,  xi,  5i). 
En  elTet,  la  nation  juive  se  partageait  en  deux 
tlassijs  d'hommes:  le  vulgaire,  qui  s'en  tenait  à 
la  lettre;  les  sages,  qui  sondaient  l'esprit  des 
Ecritures.  L'an  de  ces  sages,  nommé  chercheur, 
développait  devant  nu  auditoire  choisi  les  sens 
profonds  et  mystiques  delà  loi.  C'est  à  ce  per- 
sonnage que  l'ait  allusion  l'Apôtre,  en  ces  ter- 
mes: «  Où  est  le  sa^e,  le  scribe,  le  chercheur  de 
ce  siècle  (l  Cor. ,  i,  20)?» 

Laméthode  symbolique  de  l'enseignement  eut 


le  malheur  de  déplaire  à  la  Renaissance.  Les 
protestants  l'ont  niée,  les  philosophes  l'ont  ea- 
Joiiiniée,  les  catholiques  l'ont  tournée.  C'est  un 
loit  des  plus  graves;  on  ne  nie  pas  l'histoire, 
l'on  ne  calomnie  pas  le  genre  humain,  l'on  n8 
rougit  pas  de  son  Dieu.  Le  symbolisme  existe  ; 
il  a  sa  raison  d'être.  Cclonne  de  nuée  mysté- 
rieuse, il  a  pour  double  effet  de  cacher  la  vérité 
aux  yeux  des  profanes,  et  delà  rendre  plus  sen- 
sible aux  yeux  de  Dieu.  On  peut  le  dire  sans 
crainte,  autant  il  aveugle  les  uns,  autant  il 
éclaire  les  autres.  Pourquoi  done  avoir  saerifié 
à  la  'égère  l'un  de  ces  modes  évangéliques  de 
l'instruction?  Qu'-ivons-n  us  g-igné  à  le  pros- 
crire? La  nature  divine,  qui  se  reflète  en  images; 
l'esprit  de  l'homme,  qui  doit  peindre  ses  irlées  ; 
notre  besoin  il'abréger  les  formules,  pour  .sou- 
lager la  mémoire;  le  travers  4le  notre  intelli- 
gence, qui  nous  porta  à  vouloir  sonder  orgueil- 
leusement la  nature  invisible  des  choses,  et 
qu'il  était  bon  de  réprimer;  notre  v.inité,  qui  se 
plait  à  vaincre  les  obstacles;  notre  engoûment 
pour  les  ohjetsmaléiiels;  notre assnjettissement 
au  corps,  source  d'Iiuiniliation  et  de  grâces;  en 
un  mot,  tout,  en  Dieu  et  chez  nous,  exigerait 
e.'icore  l'emploi  du  symbolisme.  Mais  nous  re- 
viendrons un  jour  sur  et»  sujet. 

IV.  En  adoptant  de  préférence  les  systèmes 
historique  et  symbolique,  le  Sauveur  ne  visait 
point  à  dénigrer  l'empire  de  la  raison.  Ce  serait 
folie  de  le  croire.  De;>ui3  i]iiand  le  Seigneur  ne 
serait-il  plus  le  Dieu  der  sciences?  Le  Créateur, 
qui  aime  ses  ouvrages,  haïrait  il  h;  clief-irœuvre 
de  ses  mains?  Et  toutelois,  le  M.iilre  ne  manie 
que  très-rarement  l'arme  de  la  lo 'ique.  Ce 
mode  n'est  pour  lui  qu'un  moyen  de  défense 
contre  les  ennemis  de  sa  personne  ou  de  sa  vé- 
rité. S'il  fait  un  dilemme,  c'est  pour  protester 
contre  le  ministre  du  Grand- Prêtre,  qui  lui 
avait  d'Anne  un  injuste  soufflet  {Joan.,  xxiii,  23). 
Comme  lesSadduccens,  tout  en  respectant  l'au- 
torité des  saintes  Ecritures,  niaient,  malgré  Inb, 
la  résurreetiùn  de  la  chaire,  le  Sauveur  leur  dit: 
«N  avez-vous  pas  là  ces  paroles  que  Dieu  vous 
adresse:  Je  suis  le  Dieu  d'.Vbrahamefde  Jacob? 
C'est  le  Dieu  dps  vivants  et  non  pas  des  morts. 
{Mutt.,  XXII,  32).  »  Quelques  momentsaprès,  Jé- 
sus-Christ établissait  encore  le  dogme  de  sa  di- 
vinité contre  les  pharisiens,  en  raisonnant  sur 
ce  verset  d'un  psaume:  «Le  Seigneur  adilftmon 
Seigneur:  Asseyez-vous  à  ma  droite.  Si  le  Mes- 
sie n'était  que  fils  de  David,  pourquoi  celui-W 
l'eùt-il  nommé  son  Seigneur  {Ps.  cix,  1)?  o 

D'après  l'exemple  du  Maitre,  la  logique  ne 
serait  guère  iju'une  arme  défensive  de  la  reli- 
gion. Mais  la  science  humaine  jouit-elle  d'une 
grinde  efficacité  lorsqu'il  faut  instruire?  Hélasl 
non,  quoique  l'on  veuille  dire.  On  rapporte  que 
les  ouvriers  de  la  Judée,  voulant  restaurer  les 


LA  SEMAINE  DKJ  CLERCE 


murailles  de  !a  villeetilnfcmpln,  tenaient  d'une 
main  l'épée,  et  de  l'autre  la  truelle.  Avec  l'épée, 
OD  écarte  les  ennemis,  mais  l'on  ne  bàlit  guère. 
V.  Un  impie  de  nos  jours  s'élonnedc  voirque 
Jésus-Clirift,  dans  ses  diverses  écolcSi  semble 
ne  pas  tenir  com[)te  des  sciences  philosoidiiques 
ou  natureHes.  Eh  bien  !  le  contraire  serait  de 
nature  à  nous  scandaliser.  D'abord,  .lésus- 
Chrisl  est  Dieu.  Or,  suivant  le  texlc  de  VEcclé- 
siaste,  livre  signé  de  la  main  d'un  roi,  qui  avait 
étudié  les  sciences  humaini'S,  «  Dieu  a  fait 
toutes  les  créatures  bonnes,  en  leur  temps;  et 
il  a  livré  le  monde  à  la  dispute  des  hommes, 
afin  que  nul  d'entre  eux  ne  trouve,  du  commen- 
cement à  la  fin,  les  œuvres  que  Dieu  a  produites 
(Jîccl'-.,  m,  ii).n  II  suivrait  île  là  qu'  Jésus- 
Christ,  Fils  unique  du  l'ère,  ne  pouvait  ensei- 
gner les  sciences  positives,  à  moins  d'empiéter 
sur  le  tercain  qu'il  a  cédé  jalis  à  l'homme.  Alors 
le  silence  qu'il  garde  sur  ces  m.it;ères  forme 
l'une  de>  innombrables  preuves  de  sa  divinité. 
D'ailleurs,  le  Messie  était  Juif  de  naissance,  et 
nous  avons  dit  que,  sauf  les  derniers  temps, 
les  Israélites,  comme  les  vieux  Romains,  étu- 
dièrent pr  ncipalement  les  sciences  et  les  arts 
qui  se  rattaclient  à  l'agriculture.  Sous  ce  rap- 
port, le  Sauveur  manifeste  des  connaissances 
qui  l'égalent  à  ses  concitoyens  les  plus  éclairés, 
et  le  meitent  au-dessus  de  la  plupart  île  nos 
académiciens  modernes.  Enfin,  Notre-Seigneur, 
dont  le  royaume  n'était  ni  de,  ni  dan<,  ni  pour 
ce  monde,  avait  à  s'occuper  d'abord  de  relever 
les  ruines  de  l'ordre  surnaturel.  Il  vint  pour  que 
nous  ayons  la  vie,  et  que  nous  l'ayons  plus 
abondamment.  Et  s'il  a  vraiment  restauré  les 
sciences  naturelles,  comme  l'histoire  en  fait  foi, 
c'est  seulement  par  voie  indirecte,  et  parce  que 
l'étoile  de  la  raison  humaine  s'éclaire  au  soleil 
de  justice. 

PlOT, 
curé-doyen  de  Juzjnnecourt. 


QUESîlQflS   D'HISTOIRE 

OBiGh\'Es  DU  POUVOIR  tempouel  des  papes. 
(Suite.  —  Voir  le  ii°  4i.) 

l'eta".  Rome  a  cru  et  enseigné  pendant 
quinze  cents  ans  que  Constantin  a  été  baptisé  à 
Rome  par  saint  SyKestre  eu  32i.  Les  érudits 
de  la  nouvelle  école  ^irétondent  que  c'est  une  opi- 
nion qui  n'a  été  accréditée  que  depuis  la  fin  uu 
neuvième  siècle,  par  Anastase  le  Dibliothécaire. 
Voyons  s  ils  ont  raison,  et  si  la  sentence  de 
M.  A.  'le  Broglie  :  «  l'époque  du  biptème  de 
Constantin  ne  fait  plus  question  aujourd'hui,  et 
persouae  ae  s'anêle  plus  au  récit  apocii'pUc 


d'Anasfase  le  BiblioUiécaire  (1);  «  si,  dis-je^ 
celte  semence  est  vraiment  sans  ajipel. 

En  l'an  324,  il  se  tint  à  Romi'  un  concile, 
connu  sous  le  nom  de  Concilium  Romanum  II, 
(deuxième  du  Pontificat  de  saint  Sylvestre).  Les 
actes  s'en  trouvent  dans  la  collection  des  Con- 
ciles (2).  Jam.Tis  Anastase  le  Bibliothécaire  n'a 
été  accusé  d'avoir  forgé  les  actes  de  ce  concile, 
peul-ètre  parce  que  les  érudits  modernes  n'y 
ont  pas  pensé.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  ce  qu'on 
lit  an  début  de  la  première  session  : 

<(  Sous  le  troisième  consulat  de  Crispus  et  de 
«  Constantin  (324),  la  joie  fut  universelle,  parce 
«  que  Constantin,  baptisé  par  Sylvestre,  évèque 
«  de  la  ville  de  Rome,  fut,  par  la  vertu  du  sa- 
«  crement,  guéri  de  la  lèpre.  Reconnaissant  de 
Il  cette  faveur  nouvelle,  qu'il  tient  de  Notre- 
II  Seigneur  Jésus-Christ  par  les  mains  du  pape 
Il  Syhestre,  l'au:;uste  empereur  mnntre  pour 
Il  noire  religion  sainte  un  z^le  infatigable.  Il 
«  confesse  la  vraie  toi  et  proclame  hautement 
(I  les  bienfaits  dont  Jésus-Christ  l'a  comblé. 
«  Telles  sont  les  circonstances  au  milieu  des 
«  quelles  Sylvestre,  évèque  de  Rome,  a  voulu 
«  réunir  en  concile,  ses  frères  évèques,  prêtres 
n  et  diacres.  Comme  notre  sainte  Mère  l'Eglise 
«  vient  d'enfanter  à  la  foi  Constantin  son  fds 
«  bien-aimé,  révèî^ue  de  Rome  ,  Sylvestre  veut 
H  pourvoir  à  la  discipline  intérieure  de  l'Eglise, 
«  à  l'édification  de  ses  enfants,  au  maintien  de 
«  la  hiérarchie  sacrée  et  des  règles  canoniques. 
«  Le  concile  de  Rome  a  donc  été  réuni  par  les 
0  soins  de  Constantin  auguste  et  de  sa  mère. 
Il  L'empereur  a  fait  préparer  pour  le  recevoir 
«  le  palais  anciennement  appelé  Thermes  de 
«  Dioclétien,  et  connu  aujourd'hui  sous  le  nom 
«  de  Trajan.  Deux  cent  quatre-vingt-quatre 
«  évèques  y  sont  venus.  Constantin  Auguste  a 
«  mis  a  leur  disposition  les  postes  de  l'Etat,  et 
a  a  voulu  que  les  frais  de  leur  voyage  fussent 
«  supportés  par  le  fisc  impérial  (3).  » 

■Voilà  un  récit  simple,  sans  préoccupation 
d'esprit  de  parti,  joyeux  sans  emphase,  et  dans 
lequel  tous  les  points  sont  pourtant  sur  les  )'.  La 
couleur  locale,  comme  on  disait  il  y  a  quelques 
vingt  ans,  ne  laisse  rien  à  désrer.  Les  'fhermes 
appelés  auparavant  de  Dioclétien  et  aujourd'hui 
de  Trajan  ;  la  mention  de  l'avis  de  la  pieuse  et 
sainte  Impératrice  HiMène  ;  l'expression  :  &es 
//wes  les  évèques,  prêtres  et  rfwo  es,  qui  révèle 
si  bien  l'importance  propre  à  cette  époque  de 
celte  charge  du  diaconat  ;  les  postes,  les  Irais  de 
voyage  à  la  charge  du  fisc  impérial  :  louty  est, 
rien  n'y  manque.  Et  il  faut  avouer,  qu'Anastase 
le  Bibliothécaire  eût  été  un  maître  faussaire,  s'il 

1.  VEijlise    et    l'Empire   rornain,    par    A.    de    Broglie. 
tome  JI,  ],.  370. 

2.  L\i!DL-,  Conc.  Hom.  II,  Actio  prima,    tom.  I.   Conc. 

pag«  IJli-ifl. 

;i.  iiiui. 


LA  SEMAINE  DU  CLEr.UÊ 


14  il 


avait  rédigé  celte  pièce  revêtue  si  visiblement 
des  caractères  d'autheuticiléles  ^\us inti'in.sè(/nes, 
et  qu't.u  scut  avoir  été  écrite  à  l'heure  même  de 
l'événement.  Mais,  encore  une  fins,  M.  de  Bro- 
glie  et  les  autres  ont  oublié  d'accuser  d'une  habi- 
leté aussi  inima;;inahle  le  fami>ux  bibliothécaire. 

Un  tf!  document  suffira  t,  en  vérité,  pour 
mettre  à  néant  la  sentence  de  M.  de  Brugiie. 
Mais  il  est  loin  d'être  le  seul. 

Personne  n'a  j;imais  songé  non  plus  à  attri- 
buer à.  Anastase  le  célèbre  canon  des  Ecritures 
et  des  autres  livres  ecclésiastiiines  du  pape 
Gélase.  Or,  voici  ce  (pi'on  y  lit  : 

«  Item  les  fçestcs  des  marlyrs Cependant, 

d'après  l'ancienne  coutume  et  par  uni!  pniflcnce 
singulière,  ou  ne  les  lit  pas  tous  publiipu'nKjut 
dans  la  sainte  Eglise  romaine,  et  parce  qu'on 
ignore  les  noms  des  auleurs  qui  les  ont  écrits, 
et  parce  qu'on  croit  ciu'il  s'y  est  glissé  <les  er- 
reurs ou  di's  inexactitudes  ;  telles  sont  le*  Pas- 
sions de  Quirice  et  de  Juliie,  de  Georges  et  de 
beaucoup  d'autres  ;  atin  de  ne  pas  fournir  la 
moindri-  occasion  de  crili-iue.  Mais  nous  rece- 
vons avec  respect  les  vies  îles  l'èrcs,  de  Paul, 
d'Antoine,  d'IJilarion,  écrites  (>ar  le  bienheureux 
Jérôme,  ftem  les  Adcs  dic  bienlieureux  Si/hestre, 
pontife  du  Siège  apostolique.  Lîien  que  nous 
ignorions  le  nom  de  celui  qui  les  a  écrits,  nous 
savons  que  ces  actes  sont  lus  [lar  nu  ^raad 
nombre  dans  la  ville  de  Home,  et  beaucuiip 
d'églises  les  imitent  en  cela.  « 

Disons  en  passant  que  ce  document  du  pape 
Gélase,  dans  ce  passage  comme  dans  d'autres 
qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  transcrire,  justi- 
fie parfaitement  l'appréciation  de  Grotius  sur 
la  prudence  singulière  des  papes  en  matière 
d'écrits  authentiqiics .  Disons  encore  que  ce 
canon  célèbre  fut  dressé  par  le  pape  Géla^e,  dans 
un  concile  de  70  évoques.  Or,  les  actes  de  saint 
Sylvcst7-e,  ainsi  approuvés  solennellement  ici, 
ont  pour  trait  principal  le  baptême  de  (Cons- 
tantin par  ce  pape  ;  et  ce  sont  ces  mêmes  actes 
que  reproduit  le  liber  l'ontificalis  dans  sa  notice 
si  impudemment  attribuée  à  rinveulion  d'Anas- 
tase  le  Bibliothécaire. 

Deux  conciles,  l'un  de  28 i  évoques,  contem- 
porains de  l'événement,  l'autre  de  70,  tenu 
un  siècle  et  demi  après;  deux  papes  tels  que 
Sylvestre  et  Gélase  qui  les  ont  présidés;  le  canon 
même  des  Ecritures  dressé  pour  l'Eglise  univer- 
selle ;  tout  cela  est  inconnu  à  nos  critiques  pré- 
venus, ou  sans  valeur  à  leurs  yeux.  Qu'ils 
écoutent  du  moins  des  témoins  étrangers  à 
Rome,  inconnus  d'Auastase  le  Bibliothécaire 
qu'ils  n'ont  jamais  pu  connaître,  étant  morts 
plusieurs  siècles  avant  lui  ;  inconnus  même  à 
l'église  occidentale  pendant  mille  ou  douze  cents 
ans. 

Eb  1719,  le  savant  anglais  Ceutham  consacrait 


une  notice  à  un  livre  récemment  découvert  et 
édité  à  Oxford  pour  la  première  fois.  C'était  la 
chronographie  de  Jean  d'rtulioche,  dit  Malala, 
mort  en  675.  Il  était  divisé  en  dix  huit  livres. 
On  crut  d'abord  n'avoir  alTaire  qu'à  un  chroni- 
queur byzantin  du  bas-em])ire,  à  un  auteur  de 
seconde  main.  .Mais  en  étudiant  plus  attentive- 
ment l'œuvre  de  Jean  de  Malala  ,  on  s'aperçut 
que  les  douze  premiers  livres  de  sa  chronogra- 
phie n'étaient  que  la  riproduction  du  livre  d'un 
très-s  ige  chronographe,  ioçu'ito;  ypuivovpa^o?  du 
r.om  de  Nobtarimius,  mort  en  474,  à  Antioche. 
Après  une  pareille  découverte,  la  chronographie 
dite  de  Jean  de  Malala  ,  prenait  rang  parmi  les 
sources  les  plus  autoricées,  et  Louis  Hindorf  en 
donii.iit  à  LcipsilL  une  nouvelle  èditinnj  coUa- 
tioniièe  sur  diveis manuscrits,  en  iHJit.  Le  «tres- 
sage chrouogra[)he,  »  qui  écrivait  en  Syrie,  vers 
4r>0,  aux  lieux  mèmi'S  où  la  tradition  contraire 
du  baptême  de  Constantin,  répandue  sous  le 
nom  d'Eusêbe  de  Césarée,  devait  être  le  mieux 
connue,  pirle  en  ces  termes  : 

«  Constantin  victorieux  entra  à  Rome  en 
triomphe  ;  il  faisait  porter  devant  lui  l'etend.ird 
de  la  croix,  dont  il  (expliquait  aux  siens  la  vertu, 
en  racontant  sa  vision  céleste  ei  en  leur  disant: 
aC'estlesigneduUieudesGaliléens ou  chrétiens.» 
Il  renversa  les  temples  et  les  idoles  de  la  genti- 
lilé,  il  adressa  à  toutes  les  provinces  de  l'empire 
1111  ibcrct  qui  rendait  aux  chrétiens  leurs  églises. 
Api  es  qu'il  eut  accompli  le  jeûne  préparatoire  et 
qu'il  eut  été  insiruit  des  vérités  de  notre  foi,  il 
fut  baptisé  par  Sylvestre,  évèque  de  Rome.  Tous 
Ses  proches,  ses  amis,  une  muUituile  immense 
de  Uoraains,  reçurent  le  baptême  àson  exemple. 
C'est  ainsi  que  Constantin  devint  chrétien.  » 

Ce  témoignage  rst  loin  d'ètie  isolé  chez  les 
Orientaux.  Le  savant  Assemani,  dans  sa  Bihlio- 
thtca  oricnlalis,  dédiée  au  pape  Clément  XI.  en 
1710,  donna  le  catalogue  des  ouvrages  compo- 
ses l'n  syriaque  par  saint  Jacques,  évèque  de 
Sarug,  l'ancienne  Baina  de  Mésopotamie.  Il  .se 
trouve  que  Jacques  de  Sarug,  mort  eu  3'20,  a 
laissé  un  sermon  intitulé  :  De  Cunstantino  impe- 
ratore  et  de  Lepra  e/us,  dans  lequel  il  résume 
l'histoire  de  la  lèpre  de  Constantin  et  de  son 
baptême,  absolument  comme  s'il  analysait  les 
Actes  de  saml  Sylvestre. 

Enfin,  car  il  faut  se  borner,  un  démenti  plus 
vigoureux  encore  et  plus  explicite,  était  réservé 
aux  critiques  modernes.  Au-delà  des  légions 
méditerranéennes  de  la  Syrie,  plus  loin  que  les 
plaines  de  la  Mésopotamie,  au  milieu  des  monta- 
gnes d'Arménie,  dans  la  petite  bourgade  de 
Kborn  (Corène) ,  naissait  vers  l'an  370 ,  un 
homme  qui  fut  l'historien  de  sou  pays.  .Muise  de 
Corène  visita  successivement  Antiociie,  Alexan- 
drie, Home,  ConstanliiiDile.  Au  retour  de  se8 
lointains  voj Siies,  il  tut  nommé  gai  dieu  des  «jr-. 


n;8 


LA  SEMAINE  DD  CLERGÉ 


<!i!ves  patriarcales  d'Arménie,  pui?  archev.'-jiio 
du  l'alvrevcin  ;  son  histc  laorneniaca,  après  d nu  .e 
cents  ans  de  silence  et  d'oubli,  parut  à  Londres 
en  1730.  Voii-i  le  possnpe  rela'.if  à  Coustautin  : 
«  Après  la  morl  île  ("onstance,  sou  fils  Constan- 
o  tin  recneillit  riicritage  paternel.  Ce  prince 
a  n'était  encore  q'.ie  César  lorsqne.  prcouciipé 
«  de  divers  c-cliecs  reçns  p nr  ses  troupes,  il  vit  on 
«  songe  une  croix  constellée  qui  lai  apparais- 
«  sait  lumineuse  au  milieu  des  airs.  Celle  croix 
n  portait  l'iuscription  suivante  :  'foc  siijnovinces. 
a  Constantin  l'adopta  comme  étendard,  la  fit 
«  porter  au  milieu  du  combat,  et  remnorta  la 
«  victoire.  Dans  la  suite,  cédant  à  rinflui.-nce  de 
a  Maximina  (Flavia  Maximina)  sa  femme,  il 
«  persécuta  l'Eglise  et  fit  périr  uugrand  nombre 
«  d'innocents.  Sur  ces  entrefaites,  il  fut  atteint 
«  d'une  elepltantia.ns,  horrible  nialali!;  qui  lui 
t  couvrit  tout  le  corps.  Les  médecins  de  M.irsi- 
«  que,  les  raies  onocences  ne  purent  le  guérir. 
«  Coustantin  demanda  à  Tiridata  de  lui  envoyer 
«  des  m  iges  les  plus  habiles  de  la  Perse  et  de 
a  l'Inde,  pour  essayer  les  ressources  de  leur  art. 
(I  Tout  échoua.  Quelques-uns  de  ces  idolâtres 
«  conseillèrent  à  rem;icreur  de  se  plonger  dans 
«  un  bain  de  sang  chaud  tiré  des  veines  de 
u  jeunes  enfants  égorgés.  Ils  garantissaient  le 
«  succès  de  cette  cruelle  expérience.  On  avait 
«  déj.'i  réuni  ces  tendres  victimes;  elles  allaient 
a  être  immolées.  Mais  leurs  vagissements,  les 
«  cris  de  leurs  mères  touchèrent  le  cœur  de 
o  Coustautin.  Il  déclara  qu'il  aimait  mieux  mou- 
«  rir  que  île  se  prêter  à  une  telle  barbarie.  Dieu 
«  le  recompensa  de  cette  généreuse  délcrmi- 
«  nation.  P.-ndaut  son  sommeil  les  apôtres  lui 
«  apparurent,  et  lui  ordonnèrent  de  se  faire  bap- 
«  tiser  par  l'évèque  de  Uome,  Sylvestre,  qui  se 
«  tenait  alors  caché  dans  la  montagne  de  Soracle, 
u  par  crainte  de  la  persécution.  Constantin, 
«  instruit  des  vérités  de  la  foi  par  le  l'ontife, 
a  reçut  le  baptême,  fut  guéri,  et  combattit  dès 
«  lors  éuergiquement  le  piganisme.  Tels  sont 
«  les  faits  qu'on  peut  lire  dam  V Epitome  à' A.n- 
«  galhaagflus.  1) 

_  C'est  un  demi-siècle  après  la  mort  de  Constan- 
tin que  Moïse  de  Corèue  éi'rit,  et  il  se  réfère  à 
un  auteur  qui  l'a  précé  lé,  et  qu  ■  nous  ne  con- 
naissons que  par  la  mention  qu'il  en  lait. 
_  Nous  voyous  ici,  outre  le  baptême,  de  Constan- 
tin par  Sylvestre,  le  nom  technique  de  sa  mala- 
die, l'intervention  de  Tiiidale  qu'on  ne  lit  pas 
dans  les  Actes  de  saint  Si/lcestre,laL  pei-sècu- 
tion  m(.meiitanée  indiquée  dans  les  actes,  bien 
alfirmée,  ici,  et  attribuée  à  l'instigation  deFiavia 
Maximina. 

Vn  autre  document  complètT  encore  ce  récit. 
Ce  sont  les  actes  du  martyr  Arlemiiis,  sujiplicié 
par  .1  nlien.  On  y  lit  que  «  la  femme  ùe  Constantin, 
renouvelant  le  crime  de  l'hcdre,  amena  l'empe- 


reur à  fiire  mourir  son  propre  Ëls  Crispus, 
nouvel  Hippolyte,  dc|i  chrétien,  et  d'autres 
personnages  de  sa  cour  »  Le  Souverain  Pon- 
tife Sylvestre  ue  put  se  taire  dans  ces  circons- 
tances; il  dut  parler  avec  la  liberté  de  son 
ministère  apostolique  à  l'empereur  caté ihumène 
et  vainqueur  par  le  Lab;  ]  um  ;  de  là  sa  fuite  au 
mont  Soracte;  et  tout  est  expliqué.  Ou  se  rend 
compte  de  l'épigraœme  du  consul  Ablavius, 
citi'c  par  Sidoine,  et  qui  comparait  cetl»  époque 
de  la  vie  de  Coustautin  au  tem^is  de  Néron.  On 
s'explique  enfin  qu  Ammien  Marcellin,  païen, 
qui  récrivait  avec  amertume  les  gestes  chrétiens 
de  Conctantin,  désignant  le  baptistère  de  Latran, 
se  serve,  comme  les  rtctes  de  saint  Si/lvestre  du 
terme  Lnvucruin  Comtoittinianum. 

Le  ba[>fème  de  Constantin,  parsaint  Sylvestre, 
la  persécution  momentanée,  la  lèpre  et  toutes 
le-!  circonstances  sont  donc  allestées  par  les 
Conciles,  les  Papes, les  auteurs  orientaux  mêmes, 
et  les  ai.  tours  païens  contemporains.  Anastase 
le  liib'iothécaire  n'a  donc  rien  inventé;  en  re- 
produisant la  tradition  romaine;  il  lui  a  fallu 
omettre  même  des  circonstances  qu'il  n'aurait 
pas  pu  connaître,  les  livres  qui  les  renferment 
ayant  été  oubliés  durant  douze  cents  ans. 

Picsle  le  récit  d'Eusèbe  de  Césarée  dans  la 
Vie  de  Constantin,  d'après  lequel  le  grand  empe- 
reur aurait  reçu  le  baptême  des  ariens,  d'Eu- 
sèbe de  Nicomédie,  deux  ou  trois  jours  avant 
sa  mort.  —  La  tradition  romaine  étant  si  bien 
appuyée,  il  est  tout  logique  de  conclure  que  ce 
récit  est  l'œuvre  d'un  faussaire,  puisqu'il  en 
faut  un.  Ou  n'en  accuse  pas  Eusèbe  de  Césarée, 
dont  le  earaclére  parait  à  l'abri  de  ce  soupçc», 
bien  qu'il  ait  par  trop  uicliné  vers  l'arianisme. 
Du  reste ,  Eusèbe  de  Césarée ,  qui  était  un 
homme  judicieux ,  n'aurait  pas  commis  les 
imprudences  du  faussaire  qui  «autent  aux  yeux 
dans  le  récit.  Le  faussaire  prête  un  discours  à 
l'empereur,  dans  lequel  celui-ci  dit  que,  quand 
il  sera  baptisé,  «  il  aura  la  foie  d'être  admis  dans 
l'Eglise  à  la  participation  des  prières  avec  tous  les 
autres  fidèles.  »  Or  deux  pages  auparavant,  on 
lit  ces  paroles  d'Eusèbe  :  «  L'empe]>eur,  au  ra- 
«  tour  de  sou  expédition  contre  les  Perses, 
K  célébra  la  grande  solennité  de  Pâques,  avec 
«tous  les  fidèles,  et  passa  au  milieu  d'eux  la 
<i  nuit  en  prières.  »  11  est  impossible  d'imaginer 
une  contradiction  plus  palpable.  —  Ensebe  a 
jirononcé  en  présence  de  Constantin  même  un 
cloge  de  son  empereur  à  la  fête  des  triceanales, 
et  il  s'y  exprime  en  ces  termes  :  «  Notre  empe- 
«  reur,  chéri  de  Dieu, puise  sa  ïoTdi  aux  sources 
«de  la  grâce  céleste;  il  a  attaché  son  nom  à  la 
«  phalange  divine,  voilà  le  secret  des  propeii'.é9 
n  de  son  règne.  Au  lieu  des  sanglants  sac.-'''  ;ea, 
«  il  a  appris  à  immoler  la  seule  victime  di^ae 
«  de  Dieu,  cette  victime  que  le  souverain  devenu 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


U$9 


«  notre  commensal ,  Baa!>.Euc  î  rjjisSano;  offre 
«  dans  le  sanciuaire  d'une  âme  purifiée,  gou- 
«  vernant  son  esprit  selon  les  règles  de  la  piété 
«  dans  la  rectitude  des  dogmes  infailliljles  ;  cé- 
a  lél)rant  la  gloire  de  Dieu  par  un  langage  plein 
«  d'élévation;  conformant  sa  vie  royale  à  la  loi 
«  divine  ;  tout  entier  dévoué  à  Jésus-Christ,  et 
«  lui  offrant  son  cœur  comme  les  prémisses 
«  de  l'univers  entier  qu'il  veut  mettre  à  ses 
«  pieds  (1).  >)  Voilà  un  texte  authentique  d'Eu- 
sèbe,  eu  pleine  contradiction  avec  le  passage 
intercalé  dans  sa  l'ie  de  Constantin,  où  il  est  dit 
que  c'est  seulement  la  veille  de  sa  mort  que 
Constantin  fut  muni  du  sceau  divin  et  admis  à 
la  participation  des  prières  et  des  sacrements. 

Eusèbe  raconte  encore  lui-même  ailleurs  l'en- 
trée de  l'empereur  au  concile  de  Nicée  «  L'em- 
•  pereur,  dit-il.  n'avait  point  son  escorte  ordi- 
«  naire.  Il  n'était  accompagné  (jne  de  ceux  de 
«  ses  officiers  qui  faisaient  profession  de  la  foi  de 
«  Jésus-Gliiist.  »  L'historien  parle  ensuite  de  la 
«  modestie  vraiment  chrétienne,  de  la  piété  vive, 
de  l'amour  de  Dieu  qui  respiraient  sur  son 
visage,  et  ijui  frappaient  les  regards  plus  que 
la  s[)lendeur  de  la  pourpre,  l'or  et  les  pierre- 
ries dont  était  parsemé  son  manteau  impérial. 

Enfin,  il  tait  la  remarque  que  des  chrétiens, 
faisant  profession  de  la  foi  de  Jésus-t^Urist,  pu- 
rent être  seuls  admis  au  concile  dont  chaque 
session  était  précédée  de  la  célébration  des 
saints  mystères;  il  d;t  que  Constantin  y  assistait. 
Eusèbe  oublie  si  peu  qu'un  simple  catéchumène 
ne  pouvait  assister  au  sacritice  eucharistique, 
qu'en  décrivant  les  tunérailles  même  de  Cons- 
tantin, et  en  mentioiMiant  la  présence  de  Cons- 
tance, qui  conduisait  le  deuil  de  son  père,  il  se 
•liâte  d  ajouter  :  «  Constance  n'étaut  pas  encore 
«  baptise,  se  relira  immédiatement  de  l'église 
«r  avec  ses  solilr.ts.  Les  ministres  de  Dieu  et  tout 
«  le  peiiple  liilèle s'avancèrent  seuls  etaccompli- 
«  reut  les  pi-ieres  et  les  cérémonies  de  la  litur- 
«  gie  (2).  » 

11  est  donc  contradictoire  ipie  la  même  plume, 
intelligente  et  habile,  si  c'était  celle  d'Eusèbe, 
ait  écrit  ces  pages  et  le  récit  du  baptême  in 
extremis.  Comme  les  ariens  n'ont  jamais  vu  de 
€rotius  leur  décerner  le  brevet  de  sincérité  his- 
torique que  ce  sav.int  protestant  décerne  aux 
Papes,  il  est  prouvé  que  les  deux  pages  en  ques- 
tion sont  une  interpolation,  et  qu'ils  les  ont 
insérées  dans  le  but  de  se  faire  gloire  et  profit 
du  prétendu  baptême  arien  de  Constantin.  De 
là,  celte  donnée  de  taussaire  s'est  répandue,  et 
a  passé  dans  les  récits  d'un  certain  nombre 
d'auteurs  respectables.  Ainsi  ont  expliqué  ce  fait, 
après  discussion,  et  dès  le  neuvième  siècle,  des 

i.  De  taudibus  Constatitini ;  cap.  n.  Patrol.  grec.tom.  SX, 
eol.   32G. 

2.  Vila  Ctntlantini,  lib.ix.  c.  LXItl. 


chroniqueurs  grecs,  tels  que  saint  Théophane  (^), 
Cedrenus  (2),  Michel  Glycas(3)  et  .NicéphoreCa- 
]ixte(4). 

En  résumé,  tous  les  détails  insérés  dans  les 
Actes  de  saint  Sylvestre,  qui  renferment  le  texte 
de  la  donation  constantinienne,  sont  confirmés 
par  toute  sortes  d'auteurs,  contemporains  et 
presque  contemporains;  et  les  témoignages  con- 
traires reposant  tous  sur  l'interpolation  arienne 
d'Eusèbe,  remplie  de  faux  visibles,  et  de  contra« 
dictions  palpables,  sont  sans  valeur. 

Il  ne  reste  plus  que  la  prétendue  absurdité  de 
la  donation  faite  par  Constantin  à  saint  Sylvestre, 
de  l'empire  sur  l'Occident. 

Les  actes  de  saint  Sylvestre  portent  cette  note  : 
«  Or ,  le  quatrième  jour  après  sou  baptême 
B  l'empereur  Constantin  conféra  au  pontife  de 
«  l'Eglise  romaine  le  privilège  d'être  considéré 
«  comme  un  chef  dans  l'empire  et  le  constitua 
«  juge-roi.  »  Le  privilège  ou  la  donation  conS» 
tantinienne  est  datée  du  111  des  calendes  d'avril, 
sous  le  consulat  IV'  de  notre  seij;neur  Flavius 
Constantin  Auguste  et  de  Gallieanus,  homme 
clarissime,  —  c'est-à-dire  de  l'an  329,  cinq  ans 
après  le  baptême.  Elle  est  annexée  aux  actes  du 
concile  romain  de  la  môme  année,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  se  réfère  plusieurs  fois  à 
des  édits  précédents,  et  reproduit  dans  les  termes 
suivants  le  passage  noté  en  abrégé,  ou  résumé 
dans  les  actes  de  saintSylvestre,  et  qui  vient  après 
celui  dans  lequel  Constantin  règle  des  privilèges 
d'honneur,  «  pour  rehausser  l'éclat  de  la  dignité 
et  la  grandeur  de  l'Eglise  romaine.  » 

n  Alin,  .ijoute-t-il,  de  grandir  à  jamais  la  ma- 
«  jesté  du  poulilicat,  nous  allons  de  notre  pef- 
0  sonne  abaudonner,  outre  le  palais  de  Latran, 
«  la  viîte  de  Rome  elle-même,  les  provinces 
«  d'Italie  et  l'occident  au  bienheureux  Pape 
«  Sylvestre  et  à  ses  successeurs,  qui  y  exerceront 
«  un  pouvoir  royal,  [lour  transporter  notre  em- 
a  pire  et  le  siège  de  notre  puissance  dans  les 
«  régions  orientales,  en  la  cité  que  nous  élevons 
«  sur  remplacement  de  Byzance,  et  à  laquelle 
0  nous  voulons  donner  notre  nom.  Puisque 
«  Jèsns-Christ,  le  roi  céleste,  a  constitué  à  Rome 
«  le  centre  de  la  religion  et  le  priucipat  de  son 
«  sacerdoce,  il  ne  nous  semble  pas  convenable 
«  (|ue  désormais  un  empereur  terrestre  vienne 
«  tenir  le  .sceptre  dans  cette  ville.  Toutes  ces 
«  mesures  ont  déjà  été  décrétées  dans  nos  pré- 
a  cédents  édits;  nous  les  confirmons,  etc.  » 

Le  mot  {jouvoir  royal,  traduit  textuellement 

1.  Theophanus,  chronog.  Pair,  grec,  tom.  cvni,  col. 
90-92.  _^ 

■i.  Cedren.  Hislor.  Compendium,  Patr.  grec.  tom.  CXM. 
col.  5tS-320. 

3.  Micliel  Glyoas.  Annal,  lib.  iv.  Patr.  grec.  tom.  CLVHl, 
col.  4fii;-î74. 

4.  Kiuepli.  fii-ciMias/.  »■«.  lib.  Vil,  cap.  XXXV; /"oJr.^***. 

tom.  CXLV.  1285-1286. 


LA.  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


sur  le  latiu  Je  l'édit  annexé  aux  actes  .lu  Con- 
cile dt^  Rome,  a  fait  bondir,  et  tiiomplier  en 
même  temps,  les  critiques  hostiles  à  l'édit.  Eu  le 
rapprochant  du  texte  des  actes  de  saint  Sylvestre, 
auquel  se  réfère  Constantin  lui-même  en  rappe- 
lant les  décrets  précédents,  on  saisit  aisément 
que  cette  expression  n'implique  pas  de  la  part 
du  premier  empereur  chrétien  le  renoncement  à 
l'empire  d'Occident  eu  faveur  de  saint  Sylvestre, 
comme  les  dits  critiques  le  supposent  ou  feignent 
de  le  croire.  Maij  toute  hésitation  ,  tout  doute 
disparait  devant  le  texte  original  grec ,  que 
nous  a  transmis,  malgré  Ini,  l'hérésiarque  Pho- 
tius.  En  voici  la  traduction  exacte  et  le  cexte: 
«  Nous  donnons  à  notre  Père  Sylvestre  l'autorité 
et  la  puissance  royale  du  jugement,  n  Ilarpi  ^ip.av 

SuX6£aTou  -af  ao(oo;i£vlEojai'av  7.a(  ô'JvafitvoTFp^*''  6aoiXix>)V 

Tou  npoaraY[i2-o;.  On  devrait  même  traduire  littéra- 
lement une  autorité  et  une  puissance,  puisque 
l'article,  qui  a  son  importance  en  grec,  ne  pré- 
cède ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  termes.  Eu  réa- 
lité, l'afTixe  Bïar/.i/./,v ,  royal  ou  impérial,  ne 
diminue  pas  l'importance  du  pouvoir  très-réel 
et  aussi  ample  que  possible  accordé  ici  aux 
Papes  par  Constantin  ;  mais  l'absence  de  l'article, 
et  la  restriction  renfermée  dans  ces  mots  ;  duju' 
gement,  sulTiseat  et  au-delà  pour  qu'on  ne  puisse 
pas  dire,  comme  le  fout  nos  adversaires,  que 
Constantin  abandonne  ici  l'aulorité  et  la  puis- 
sance impériale  purement  et  simplement  à  saint 
Sylvestre  et  à  ses  successeurs.  Et  ce  passage  est 
en  parfait  accord  avec  les  actes  de  saint  Sylves- 
tre qui  le  résument  ainsi  :  <(  Constantin  conféra 
au  Pontife  de  l'Eglise  romaine  le  privilège  d'être 
considéré  comme  un  chef  dans  l'empire  et  le 
constitua  Juge-«Roi.  » 

Notons  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de  la  judica- 
ture  spirituelle  au  sens  strict  de  ce  mot.  Cons- 
tantin a  constaté  cette  judicature,  et  l'a  reconnue 
extérieurement  et  publiquement  comme  une  loi 
religieuse  de  l'empire,  dans  un  autre  endroit  de 
son  édit,  par  ces  magnifiques  et  remarquables 
paroles  :  •  Le  Pontife  de  la  sainte  Eglise  romaine 
«  sera  eu  tout  temps  le  chef  et  le  prince  de  tous 
n  les  évéques  de  l'univers  ;  à  lui  appartient  le 
«  jugement  définitif  sur  toutes  les  questions  qui 
«  intéressent  la  science  de  iJieu,  l'intégrité  et 
«  la  stabilité  de  la  foi  chrétienne.  Il  est  juste  en 
«  efl'et,  qui!  le  chef  et  le  principal  de  la  loi  divine 
0  soient  attachés  au  siège  que  notre  divin  légis- 
•  lateur  et  Sauveur  Jésus  -  Christ  a  voulu 
«  choisir  pour  celui  du  bienheureux  Pierre...  » 

La  justice  royale,  la  fonction  de  juge-roi  qu'il 
constitue  dans  les  papes,  selon  le  passage  cité 
plus  haut,  n'est  donc  pas  à  confondre  avec  la 
magistrature  ecclésiastique,  établie  dans  le  second 
que  noub  venons  de  rapporter.  Il  y  a  encore  à 
cela  une  autre  raison  ;  c'est  que  les  papes  exer- 
ceront la  fonction  de  juge-roi  surtout  eu  Occi- 


dent. —  Assurément  les  deux  judicatnres  se  tien- 
nent. Le  grand  Constantin  le  seut;iit;  mais  la 
seconde  implique  davantage  la  juridiction  sur 
les  aifaires  humaines  ou  temporelles,  pour  nous 
servir  de  l'expression  adoptée  dans  les  temps 
modernes. 

Maintenant  que  l'authenticité  de  l'édit  de  do- 
nation de  Constantin  est  établie,  nous  n'aTons 
plus  qu'à  le  résumer  dans  ses  principales  dis- 
positions. 

Constantin  règle  :  1°  les  honneurs  dont  les  sou- 
verains Pontifes  seront  entourés.  Ces  honneur» 
sout  les  mêmes  que  ceux  rendus  à  l'Empereur  et 
même  ils  leur  sont  supérieurs,  parce  que,  dit-il, 
nous  voulons  choisir  le  prince  des  Apôtres  et  se» 
successeurs  pour  nos  patrons  et  nos  interces- 
seurs auprèsde  Uieu. 

2°  Il  confirme  les  donations  précédentes,  outre 
celle  du  palais  impi'rial  de  Latran.  Elles  consis- 
taient en  fonds  de  terre,  dans  presque  tous  les 
parties  de  l'empire,  avec  maisons,  villas,  es- 
claves, dont  les  revenus,  (jue  plusieurs  estiment 
à  plus  de  cinq  millions  de  notre  monnaie,  de- 
vaient servir  à  l'entretien  du  Pape  et  du  clergé 
romain,  des  basiliques  et  des  pauvres.  Ce  n'est 
pas  le  revenu  seulement,  c'est  le  fond  que  donne 
Constantin,  et  ceci  est  à  considérer.  Car  d'après 
la  législation  romaine  alors  en  vigueur,  le  Pater 
famtlias ,  ou  le  propriétaire,  comme  nous  di- 
rions aujourd'hui,  est  vraiment  le  chef  et  le 
maître  de  tous  ses  biens  et  de  tout  le  personnel 
qu'ils  renferment.  A  ce  point  de  vue,  par  le  fait 
de  ces  donations  si  ci>nsidérables,  si  l'on  ne  peut 
pas  dire  que  le  Pape  devient  souverain  temporel, 
on  doit  dire  qu'il  eu  est  le  Seigneur  temporel,  en 
employant  une  expression  très  juste,  et  qui,  dans 
la  suite  des  siècles  depuis  Constauliu  jusqu'à 
Pépin  le  Bref,  est  devenu  la  seule  qui  convint  à 
cette  sorte  de  domaine. 

8°  Constantin  donne  aux  Papes  en  Occident 
la  fonction  de  juge-roi  dont  nous  avons  parlé. 

Tels  saut  les  éléments  du  domaine  temporel 
des  souverains  Pontifes,  contenus  dans  la  dona- 
tion constantinienne.  Ils  ne  constituent  pas  en- 
core la  souveraineté  temporelle  proprement  dite; 
mais  chacun  verra  que  nous  n'avons  pas  exa- 
géré en  les  qualifiaut  d'élémeuts  de  cette  sou- 
veraineté ,  lorsque  nous  aurons  assisté  à  leur 
développement. 

m 

LE  BAS-EMPniE,    LES  LOMBARDS,    PÉPI» 
ET     CHARLEilAGNK. 

Ce  développement  fut  torit  providentiel,  en  ce 
sens  que  les  prévisions  de  Constimtin  se  réali- 
sèrent d'une  manière  toute  ditl"''reute  de  cello 
(lu'il  avait  prévue.  En  etl'et,  les  biens  qu'il  aval: 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


lîSf 


assi.e;n(5s  à  l'Eglise  romaine  dans  les  divers  pays 
soumis  à  sou  empire,  les  papes  ne  purent  en 
jouir  presuue  nulle  part,  sauf  aux  environs  de 
Rome,  et  encore  pas  toujours,  durant  plusieurs 
siècles.  La  fonction  de  juge-roi  fut  de  même 
lontïtcmps  entravée. 

Moins  d'uH  siècle  après  la  mort  de  Honstantin, 
l'empire  d'Occident  commença  à  se  disloquer. 
Les  barbares  l'euvaliissi.'nt  de  toutes  parts  ;  les 
Francks  dans  les  Gaule-,  de  420  à  300  ;  lesWisi- 
goths  en  Espagne.,  vers  la  même  époque  et  un 
peu  plus  tard.  En  même  temps  il  ne  reste  plus 
rien  de  la  domin-'ilion  romaine  ou  constanti- 
nienne,  ni  en  Germanie,  ni  dans  la  Grande-Bre- 
tagne. L'Italie  avait  eu  plusieurs  fois  son  tour, 
lorsque  les  Lombards  se  liscrentdans  le  Nord  de 
cette  contrée,  et  y  attachèrent  leur  nom.  Durant 
cette  piiiode  de  229  ans,  ou  cet  âge  de  l'Eglise, 
qui  s'étend  de  !a  mort  de  Constantin  à  l'invasion 
de?  Lombards,  il  ne  fut  guère  possible  aux  papes, 
on  l'avouera,  d'aller  montrer  leurs  titres,  leurs 
privilèges  constantiuiens  aux  Germains,  aux  Wi- 
sigoths.  à  Attila,  Genséric  ou  Alaric.  En  revan- 
che, ils  exercent  providentiellement  leur  fonc- 
tion de  juge-royal,  non  pas  comme  Constantin 
l'avait  prévu,  mais  en  arrêtant  ou  en  modérant 
les  barbares,  et  surtout,  avec  leur  prérogative  de 
chef  de  l'Eglise,  en  convertissant  et  en  adoucis- 
sant les  barbares  vainqueurs,  par  leurs  lé^'ats, 
leurs  évèques  et  leurs  missionnaires.  Il  suffit  de 
rappeler  entre  autres,  saint  lunocent  l",  saint 
Léon  et  saint  Grégoire.  L'empire  d'Occident  dé- 
généré et  impuissant,  usant  un  reste  de  vie  à 
Élire  de  la  théologie  le  plus  souvent  contre  Rome, 
n'apporte  aucun  secours  aux  contrées  envahies. 
L'exarchat  de  Ravenne  est  emporté,  et  les  Lom- 
bards menacent  Rome  elle-même.  Cette  ville 
unique  dont  Constantin  avait  dit  dans  la  dona- 
tion :  Là  où  se  trouve  la  «  puissance  sacrée,  »  le 
«  sacerdoce-principe  »  ipyini^  !fpax£{a,  le  «  Chef, 
donné  par  le  ciel,  de  lo'utu  la  religion  chré- 
tienne, il  n'est  pas  juste  qu'un  empereur  ter- 
restre demeure ,  cette  ville  unique  va  tomber 
dans  les  mains  d'Astolphe.  Le  pape  et  les  Ro- 
mains ne  cessent  de  demander  du  secours  à  la 
cour  de  Constautinople ,  qui  ne  tirait  depuis 
longtemps  que  de  l'argent  de  l'Italie,  sans  aucune 
compensation  Ils  n'obtinrent  rien,  et  furent  ré- 
duits à  se  défendre  eux-mêmes.  La  dernière  ré- 
ponse du  Ras-Empire  deveau  iconoclaste,  faisant 
la  guerre  aux  saintes  images  au  lieu  de  se  dé- 
fendre contre  les  barbares,  avait  été  celle-ci  : 
J'enverrai  à  Rome,  briser  la  statue  de  saint 
Pierre,  el  j'aurai  soin  qu'on  amène  ici  le  Pontife 
Grégoire  chargé  de  chaînes  (1).  On  voit  alors  le 
Pape,  au  nom  des  Romains  comme  au  sien  pro- 
pre, traiter  d'égal  à  égal  avec  les  rois  lombards, 

I .  Codex  Carlovingten  ,  cité  daas  les  Analteta  Jurit  Pon- 
tificii,  novembre  ISi'o,  col,   i71i. 


et  faire  signer  à  Astolplie,  au  moment  où  celui^ 
ci  voulait  frapper  les  Romains  et  la  Penta» 
pôle  d'une  capitalion  de  90  francs  par  tête,  une 
paix  de  quarante  ans.  Quatre  mois  après,  lebar- 
.bare  se  parjure,  et  vient  assiéger  Rome.  C'est 
alors  que  le  Pape  se  tourne  vers  les  Francs,  dont 
il  a  récemment,  en  qualité  de  juge-roi,  décidé 
une  question  dynas'.ique.  Les  Francs  accourent 
à  la  voix  du  Pontife.  Pépin  bat  les  Lombards 
dans  les  gorges  des  Alpes,  et  leur  roi  fait  un 
nouveau  traité  de  paix.  Il  se  parjure  de  nou- 
veau, est  de  nouveau  battu  ;  celle  fois,  le  roi  des 
Francs  s'assure  lui-môme  de  l'exécution  du  traité, 
reprend  les  villes  usurpées  auroi  lombard,  et  en 
fait  donation  authentique  à  saint  Pierre  et  aux 
Pontifes  romains.  Didier,  successeur  d'Astolphe, 
qui  ne  veut  pas  plus  que  lui  se  contenter  de  la 
Lombardie,  recommence  la  guerre,  envahit  de 
nouveau  l'exarchat,  et  saccage  les  environs  de 
Rome.  Charlemagne  accourt,  et  cette  fois  dépos- 
sède le  roi  lombard  ;  puis  il  vient  à  Rome,  con- 
firme la  donation  de  Pépin,  sur  le  tombeau  du 
prince  des  Apôtres,  et  reçoit  bientôt  lui-même; 
sans  s'y  attendre,  le  titre  et  la  charge  de  roi  de» 
Romains  ou  d'Empereur  d'Occident. 

{A  suivre)  L'abbé  Defournt, 

curé  de  Beaumoat  en  Ârgonas» 


Bio  gra  ph  le 


DOM  GUÉRANGER 

ABBÉ   DE   SOLESMES. 

{Suile.) 

Dieu  est  Dieu,  Créateur,  conservateur,  répa- 
rateur et  terme  de  toute  création.  Nous  devons 
donc  l'adorer  dans  sa  grandeur  infinie  et  lui 
rendre  hommage  pour  tous  ses  bienfaits,  con- 
formément à  ses  droits  et  à  ses  exigences.  Or, 
l'homme  a  été  créé  corps  et  âme,  être  animé, 
raisonnable  et  social.  De  là,  nécessité  d'un  culte 
intérieur,  pour  rendre,  au  souverain  Maitre, 
l'hommage  de  notice  corps,  perfectionner,  en  les 
traduisant  au  dehors,  les  sentiments  intimes 
de  l'àme  et  nous  édifier  mutuellement;  publie 
et  social,  pour  augmenter  l'efficace  de  cette 
mutuelle  éditicalion  et  reconnaître  l'action 
créatrice  et  conservatrice  de  Dieu  sur  les  so- 
ciétés. De  l'obligation  de  rendre  à  Dieu  un 
culte  intérieur,  extérieur,  public  et  social,  ré- 
sulterait, pour  l'homme,  le  devoir  de  créer  lui- 
même  le  fond  et  la  forme  de  ce  culte,  si  Dieu 
n'y  avait  pourvu  par  les  révélations  primitives, 
mosaïques  et  chrétiennes.  Dieu  a  confié  le 
dépôt  du  culte  à  l'Eglise,  avec  pouvoir  de  le 
développer,  de  le  modifier,  de  créer  même  des 
rits  accidentels.  La  religion  révélée  fait  aiasi 


i452 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


le  fond  du  culte;  les  rits,  les  cérémonies,  les 
formules  du  cuite  sont  l'expression,  le  miroir, 
le  corps  visible  de  la  religion.  La  liturgie,  qui 
-étudie  les  formes  du  culte  dans  leur  ensemble, 
les  actes  extérieurs  du  culte  et  de  la  prière  du 
culte,  forme  donc  un  tout  avec  la  religion  et  ce 
serait  tout  confondre  que  de  l'en  séparer. 

L'évèqno,   en   conséquence  de   sa   iremicre 
■erreur,  avait  refasé,  à  la  litiirfjie,  tout  caraclère 


les  lois  de  la  dacipl'ne.  En  soutenant  cette  pré- 
tention, l'évêque  allait  directement  contre  une 
parole  du  pape  saint  Célestin,  passée  à  l'état 
d'axiome,  savoir,  que  la  loi  de  la  prière  établit 
la  loi  de  la  croyance.  Dans  la  seconde  lettre, 
dom  Guéranger  établit,  avec  saint  Augustin, 
par  les  témoignages  répétés  de  Bossuet,  de  Fé- 
nelon,  de  Nouilles,  de  Languet,  de  Uenaudot, 
de  MabilloneldeDergier,  tous  auteurs  français, 
que  non-seulement  la  liturgie  a  une  valeur 
dogmatique,  mais  qu'elle  est  i'un  des  principaux 
insiruments  de  la  tradition.  A  ces  témoignages, 
dom  Guéranger  ajoute  ces  propositions,  que 
l'autorité  de  la  liturgie  se  confond  avec  celle 
de  l'Eglise  universelle  et  de  l'Eglise  romaine; 
qu'elle  est  supérieure  à  l'autorité  des  Pères  et 
des  théologiens ,  qu'elle  a  toujours  été  em- 
ployée par  l'Eglise  comme  une  arme  défensive 
contre  riiéré=ie  ;  et  que  les  héréliijues,  en 
essaj'ant  de  la  corrompre,  ont  montré  qu'ils  ne 
la  tenaient  pas  pour  une  forme  indiÙ'érente. 
Avant  de  poser  la  plume,  l'auteur  reprenit  une 
à  une  les  objections  de  l'adversaire,  et,  par  la 
manière  dont  il  les  explique,  les  tourne  à  son 
avantage.  —  Celte  seconde  phase  de  la  lutte 
montre  en  quel  péril  s'engageait  l'évêque  d'Or- 
léans; ptjur  di'montrer  l'innocence  des  nou- 
velles liturgies,  il  privail  l'Eglise  du  principal 
dépôt  dans  lequel  se  conserve  la  <'ûi. 

L'évêque  avait  dit  que  les  changements  litur- 
giques intéressaient  tout  au  plus  les  règlements 
généraux  et  particuliers  que  l'Eglise  a  faits  sur 
-cette  matière;  en  sorte  qu'il  se  jugeait  fondé 
à  conclure  que  le  meilkur  Brécaire  est  celui 
qu'on  dit  le  mieux.  Après  avoir  étaDli,  dans  ses 
deux  premières  lettres,  les  rapports  de  la  litur- 
gie avec  la  religion  et  la  foi,  dom  Guéranger, 
dans  sa  troisième  lettre,  étudie  ses  rapports 
avec  la  discipline.  Conséquent  avec  lui-même, 
l'adversaire  avait  nié  le  caractère  dogmatique 
et  religieux  de  la  liturgie  :  il  déduisait  de  ces 
deux  faux  principes  un  système  qui  ren- 
versait, de  fond  eu  comble,  toute  la  discipline. 
Toute  subordination  dans  l'Eglise  était  abolie, 
si  l'on  pouvait  regarder  comme  légitime,  un 
ordre  de  choses  qui  avait  contre  lui  ni  plus  ui 
moins  q^ue  les  règlemeuts  généraux  ou  parlicu- 


licrs  de  l'Eglisosur  la  matière  ;  du  moment  qno 
les  particuliers  se  trouvaient  aOrancdiis  des  lois 
qui  [ircsciivenl  telle  forme  dans  l'accomplisse- 
ment d'un  devoir, à  la  seule  condition  d'aicom- 
plir  ce  devoir  à  leur  guise.  C'était  purement  et 
simplement  l'anarchie  qu'on  proposait,  comme 
moyen  de  venir  en  aide  à  la  légitimité  des  nou- 
velles liturgies.  Pour  repousser  une  erreur  si 
funeste,  dom  Guéranger  s'attache  à  découvrir 
le  lien  intime  qui  relie  la  discipline  à  la  foi,  à 
rappeler  les  droits  de  la  discipline  générale 
contre  laquelle  les  tentatives  isolées  sont  nulles, 
enfin  ,  l'existence  d'une  réserve  apostolique, 
qui  fait  de  la  liturgie  une  chose  papale,  non 
une  affaire  diocésaine. 

L'évêque,  passant  du  dogme  à  l'histoire, 
avait  dit  (]ue  l'InTésie,  qualifiée  par  dom  Gué- 
ranger d'a«/i7i^î<r^(VyMe,  ne  pouvait  frapper  les 
correcteurs  du  dix-huitième  siècle,  sans  frapper, 
au  même  titre,  les  correcteurs  des  précédentes 
époques.  Sans  lamortde  son  antagoniste,  l'abbè 
de  Solesmes  se  proposait,  dans  une  quatrième 
lettre,  d'établir  que  l'hérésie  antiiiturgique  est 
le  crime  de  ceux  qui  ont  corrigé  la  lilurgesans 
titre,  sans  mission  légitime,  en  dehors  de  toute 
tradition,  contrairement  à  toute  autorité.  Cette 
qualification  ne  tombait  pas  sur  toutes  les  mo- 
difications que  peut  subir  la  liturgie,  mais  sur 
des  œuvres  tentées  ou  accomplies  dans  un  esprit 
d'opposition  aux  doctrinfts  et  aux  habitudes  de 
son  [lassé.  Le  Saint-Siège  reste  maître  de  renou- 
veler, d'augmenter,  de  corriger,  s'il  le  jugea 
propos,  les  livres  liturgiques  ;  il  peut,  pour  ces 
entreprises,  adopter  des  travaux  dus  à  l'initia- 
tive privée.  Ce  n'est  pas  ainsi  que  les  choses 
s'étaient  passées  au  dx-huitième  siècle.  Des 
particuliers,  de  simples  prêtres  s'avisèrent  de 
publier  des  projets  de  bréviaires  ;  ils  firent  im- 
piiiuer  des  plans,  des  otfices,  enfin,  des  bré>- 
viaires  entiers,  à  l'usage  des  églises  qui  dési- 
raient goûter  des  produits  de  la  nouvelle 
liturgie.  D'autres,  comme  le  P.  Vigier,  ea 
avaient  en  portefeuille  et  les  offraieut  à  qui 
voulait  les  accepter.  Tout  cela  était  assurément 
iiioui  dans  l'Eglise  qui,  jusqu'alors,  avait  tou- 
jours considéré  le  passé  de  le  liturgie  comme 
digne  de  tous  les  égards,  et  qui  n'avait  jamais 
vu  des  hommes  sans  autorité  et  sans  mission 
s'en  venir  ollrir,  au.'c  pasteurs,  un  corps  entier 
(le  la  liturgie  dont  l'adoption  ne  pouvait  que 
briser,  avec  le  lien  de  l'unité  dans  la  prière,  la 
chaîne  tle  la  Iradillun  des  rites  et  des  formules 
i  aérées. 

La  suite  de  la  controverse  eût  amené  la  dis- 
cussion du  Créviaiie  d'Orléans  :  celte  questioo 
est  désormais  sans  importance. 

Dans  la  troisième  lettre  à  Mgr  Fayet,  dom 
Guéranger  avait  traité  de  l'obéissance  person- 
nelle que  les  fidèles,  clercs  et  laïques,  doiveot 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


!4S3 


an  Pnpe,  sn.DS  inferrrédiairp.  A  ce  propos,  il 
avait  relevé  r.n  passa;;c  île  rabb*^  Bernier,  dans 
une  alliiiutton  de  jour  i!e  l'an  à  l'évêqve  d'An- 
gers, (iuillau  ne  Angebault.  Le  vicaire  général 
avait  dit  :  «  Nous  ne  connaissons  pas  d'autres 
moyens  à  noire  portée,  pour  mettre  en  pratique 
nos  sentiments  tic  vénération  et  d'amour  envers 
la  Chaire  Ponlifiralo  et  pour  accomplir  le  devoir 
quenom  impose  l'unité,  que  d'entourer  des  mar- 
ques de  notre  atic^  lion  et  de  notre  déférence, 
le  pasteur  que  le  successeur  de  saint  Pierre  nous 
a  donné.  »  L'ablié  Bernier  confondait  deux 
degrés  entièi-ement  dislinds  de  la  liicrarcliie, 
et  deux  devoirs  snr  lesquels  on  ne  saurait  se 
mépr.Tûdre  sans  tomber  dans  les  plus  fâcheuses 
conséqui'Dces.  Ou  doit  dire,  sans  doute,  que 
nous  devons  le  respect  et  l'obéi-sanceà  l'évèque 
dans  toute  l'étendue  de  son  pouvoir,  cl  l'on  peut 
ajouter  qu"  cette  déférence  si;  rapporte  à  Pierre, 
qui  est  la  source  de  l'épiscopat.  Mais  dire  <iu'on 
De  connaît  pas  d'autre  moyen  pour  accomplir 
le  devoir  qu'impose  l'unité  envers  le  Sain>- 
Siège,  c'est  renverser  l'ordre  divin  de  la  hiérar- 
chie cathoTuiue.  L'abbé  Dernier  prit  teste  de 
cette  aniniadversion  pour  adresser,  à  dom  Gué- 
ranger,  en  1847,  un  opuscule  intitulé  :  Humble 
remontrance.  Dans  cet  écrit,  l'abbé  Beinier  pro- 
testait ccmtre  les  conséquences  qui  semblaient 
dériv<  r  de  su  doctrine,  mais  arrivait,  d'autre 
part,  à  soutenir,  avec  plus  de  hardiesse  enc.ire, 
des  principes  qui  tendaient  à  faire  de  l'i^jclise 
une  vpste  aristocratie,  au  sein  de  laquelle  l'au- 
torité monarchique  no  paraissait  que  pour  faire 
des  lois  dont  l'efticacité  et  l'observation  dépen- 
draient totalement  de  la  volonté  de  ceux  qui  lui 
sont  subordonnés.  Une  telle  doctrine  était  trop 
■contraire  aux  principes  fondamentaux  de  la 
divine  constitution  de  l'Eglise,  pour  ne  pas 
encourir  la  réprobation  du  Saint-Siège.  La  bro- 
chure de  l'abbé  Bernier  fut  mise  à  l'index, 
en  1830,  et  dès  lors,  entre  les  deux  adversaires, 
il  n'y  avait  plus  lieu  à  polémiciue. 

Avec  une  intention  iiacilique,  toutefois,  et  en 
vue  de  relever  le  principe  du  droit  pontihcal, 
l'abbé  lie  Solesmes  ht  une  exception.  Dans  sa 
troisième  lettre,  il  avait  dit  que  la  prétention 
de  n'admettre  que  les  cinq  premiers  livres  des 
Décrétâtes,  de  choisir  entre  les  canons  du  concile 
de  Trente  et  de  rejeter  toutes  les  constitutions 
aposlolii]iies  depuis  ce  concile,  saut  trois  ou 
quatre,  avait  produit,  en  F-ance,  au  point  de 
vuedisci|ilinaire.  les  plus  funestes  conséquences. 
L'abbé  Bi:r:)ier  avait  émis  ce  doute  qu'on  put 
citer  une  seule  Bulle,  dont  l'exécution  eût  été 
nécessaire  ou  très-salutaire  en  France,  et  qui  eût 
éié  rejetée.  «  (I  n'est  douteux  pour  personne, 
reprend  dom  Guéranger,  que  la  société  fran- 
çaise ne  soit,  en  ce  moment  aux  abois,  que  les 
4)ius  extrêmes  périls  ne  soient  à  craindre  pour 


tous  les  intérêts  religieux,  moraux  et  politiques  ; 
maintenant,  si  nous  demandons  à  M.  l'abbé 
Bernier  quelle  est  la  cause  qui  a  produit  cette 
situation,  il  nous  répondra,  sans  aucun  doute, 
qu'elle  est  due  tout  entière  aux  doctrines  irré- 
ligieuses qui  lurent  enseignées  au  dix-huitième 
siècle,  par  ceux  qu'on  appelait  philosophes,  et 
dont  les  écrits  pestilentiels  ont  amené  l'extinc- 
tion de  la  foi  et  la  corruption  des  mœurs.  Nous 
insisterons  et  nous  demanderons  encore,  à  notre 
honorable  adversaire,  si  les  Souverains  Pontifes 
ont  manqué  à  leur  devoir  au  milieu  d'un  tel 
péril  de  l'Eglise  et  de  la  société,  s'ds  n'ont  pas, 
au  contraire,  mis  à  couvert  leur  responsabilité 
en  décrétant  les  mesures  les  plu=;  salutaires. 
L'abbé  Bernier  sait  comme  nous  que  tous  ces 
livres  empoisonnésétaientproscrits  par  l'autorité 
du  Saiut-SiéL;e,que  défense  était  faite, sous  peine 
d'excommunication,  non-seulement  de  les  lire, 
mais  même  de  les  retenir.  Une  telle  prohibition, 
sanctionnée  par  les  peines  les  plus  terribles, 
suffisait  a  garaulirtous  les  pays  catholiques  des 
fiéaux  sous  lesquels  nous  gémissons  mainte- 
nant ;  comment  est-elle  demeurée  sans  effet 
pour  la  France?  pour  une  seule  raison,  parce 
qu'il  nous  a  semblé  bon  de  dire  que  nous  ne 
recevions  pas  l'index  et  ses  censures.  Nous 
avions  donc,  à  la  place  de  l'index,  M.  le  chan- 
celier qui  répondait  de  tout,  mais  qui  n'avait 
point  d'accès  dans  les  consciences,  et  qui,  plus 
d'une  fois,  a  donné  la  main  à  l'impression  et  à 
la  piopagation  furtive  de  tant  de  malheureuses 
pnjductious  dont  nous  recueillons  aujounl'hui 
les  fruits. 

«  Plus  d'une  fois,  sans  doute,  les  assemblées 
du  clergé, au  dix-huitième  siècle, ont  porté  leurs 
doléances  au  pieil  du  trône,  sur  l'impunité  dont 
jouissaient  les  propagateurs  des  mauvais  livres  ; 
CCS  remontrances  ont  pu  obtenir  quelquesarrêts 
de  parlement  contre  les  plus  pervers  de  ces 
écrits;  mais  de  telles  protestations  étaient  et 
devaient  être  stériles.  Ce  n'était  point  aux  tri- 
bunaux séculiers,  déjà  lancés  dans  une  voie 
d'oiipression  à  l'égard  de  l'Eglise,  qu'il  appar- 
tenait de  subvenir  efficacement  à  de  semblables 
nécessités;  c'était  à  la  conscience  des  entants 
de  l'Eglise  qu'il  fallait  s'adresser.  A  l'ouverture 
du  dix-huitième  siècle,  si  la  nation  française, 
encore  profondément  attachée  au  cathoL^icisme, 
eût  connu  que  tout  fidèle,  qui  lit  ou  retient  un 
livre  flétri  par  le  Sainl-Siége  ,  est  par  là  même 
dans  les  liens  de  rexcommuuicaUc«o  majeure 
réservée  au  Pape,  qu'il  n'y  a  pour  lui  aucun 
espoir  de  participer  aux  sacrements  tant  qu'il 
n'a  pus  renoncé  à  celte  lecture,  à  ce  livre  ;  si  les 
ministres  de  l'Eglise  eussent  appliqué  coura- 
geusement celte  législation  nu  lieu  de  la 
regarder  comme  contraire  aux  libertés  de 
l'église  gallicane;  Voltaire,  Rousseau,  les  ency- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


clopéilistes  eussent  été  Jispenscjs  cle  se  donner 
tant  de  mouvement  pour  corrompre  notre 
patrie,  au  nom  des  progrès  de  l'esprit  humain. 
Les  constitutions  apostoliques  nous  eussent 
préservés  de  la  démoralisation  universelle,  des 
horreurs  de  la  révolution  françnise,  entln,  de  la 
(j-:Ssolulion  dont  nou^  sommes  l^s  témoins  et  les 
victimes,  comme  elles  en  prés.Tvèrent  l'Ilalie 
et  l'Esparçue  jusqu'au  jour  où  notre  influence,  à 
la  faveur  des  révolutions  et  des  conquêtes,  vint 
ouvrir  une  voie  aux  mauvaises  doctrines  dans 
ces  malheureux  pays. 

«  Ayons  donc  la  franchise  de  convenir  que  si 
les  règlements  ins[d:és  par  l'Esprit-Saint  au 
Siège  apostolique  eussent  été,  non  pas  dédai- 
gnés et  repoussés,  mais  appuyés  énergiquement 
par  l'autorité  spirituelle  eu  p>ance  dès  le  com- 
mencement du  siècle  dernier,  celte  autorité  eût- 
elle  été  réduite  à  ses  seuh  moyens  d'action,  si 
puissants  encore  à  cette  époque,  la  religion  et 
la  société  en  eussent  retiré  une  protection  qui 
leur  a  fait  défaut,  et  dontl'ab-ence  les  a  livrées 
sans  défense  à  l'eavahissernent  toujours  crois- 
sant des  doctrines  qui  flattent  l'orgueil  et  les 
passions  (1).  » 

Ces  réflexions  n'ont  pas  perdu  leur  à-propos. 
Le  Sainl-Siége  a  continué  de  frapper  les  erreurs 
contemporaines.  Lescondamnaticûs  portées  par 
les  papes,  depuis  Pie  VI,  n'ont  plus  été  consi- 
gnées à  la  frontière,  mais  est-il  vrai  qu'on  en 
ait  fait  toujours  une  suffisante  ap|)lication  ?  nous 
ne  le  croyons  pas.  Les  conciles  provinciaux, 
célébrés  en  1849-16.30,  aux  applaudissements 
des  catholiques,  n'ont  pas  été  suivis  dans  toutes 
leurs  prescriptions  et  les  programmes  de  réfor- 
mes indiqués  par  le  Saint-Siège,  dont  les  lettres 
d'approbation  pontificale  sont  restées  lettres 
mortes  par  iléfaut  Je  nouveaux  conL-iles.  De  plus, 
le  Saint-Sii'ge  a  publié  notamment  ce  fameux 
Syllab'  s  de  toutes  les  erreurs  du  temps  présent; 
il  y  avait,  dans  ce  document,  matière  à  qua- 
rante années  d'études  conciliaires  ;  mais,  saut 
quelques  travaux  dus  à  l'initiative  privée,  et  pas 
tous  dignes  d'estime,  il  ne  s'est  pr-'sque  rien  fait 
sur  le  Syllabus.  Enfin,  nous  avons  vu,  en  France, 
depuis  les  derniers  conciles,  sortir  du  puits  de 
l'abîme  comme  parle  Bo-sui-t,  des  monstres 
d'erreur,  !e  spiritisme,  le  matérialisme,  le  posi- 
tivisme, les  doctrines  de  l'Internationale,  etc., 
erreurs  anciennes  qui,  pour  séduire  les  peuples, 
ont  fait  peau  neuve,  et,  [lar  la  presse  quoti- 
dienne exercent  le  plus  elTroyable  travail  d'éga- 
rement. D'obscurs  soldats  de  l'Eglise  militante 
ont  pu  combattre  sommairement  ces  erreurs; 
quelques  évèques  ont  appuyé,  dans  des  lettres 
pastorales,  ces  elïorls  des  voltigeurs  de  la  vérité. 
Mais  la  réfutation  d'autorité  a  fait  d'ifaut;  mais 
la  qualification  exacte  des  erreurs  n'est  point 

1 .  ItuMutxon»  lilurgii)uei,  t.  III,  p.  57. 


faite;  mais  nous  manquons  surtout  Je  ce  trav.iîl' 
d'appropriation  populaire  qui  permettrait  à  la 
vérité  de  combattre  victorieusement  l'erreur 
Nous  possédons,  à  un  haut  degré,  dfux  vertus 
qui  dispensent,  à  ce  qu'il  parait,  lie  toutes  les 
autres,  nous  savons  nous  adairer  et  dormir. 

La  légende  orientale  parle  d'un  peisonnage 
qui,  entrant  dans  une  caverne,  rencnntr.n  d'a- 
bord une  toile  d'araigoée  qu'il  rompit  facile- 
ment ;  puis  il  en  recontra  deux  ou  trois  autres, 
qu'il  brisa  avec  une  égale  facilité  ;  puis  se|it  ou 
huit  qu'il  écarta  ;  puis  il  en  trouva  tant  et  tant, 
si  bien  enchevêtrées,  qu'il  fut  garolté  par  ces 
toiles  et  ensuite  étouBè.  Ce  conte  est  un  peu 
notre  histoire.  Nombre  «le  curés,  dans  leur  pa-, 
roisse,  prêchent  à  peu  près  dans  le  désert, 
parce  que  leurs  ouailles  ont  l'esprit  occupé  par 
la  presse,  et  que  des  préju^és  d'erreur  ne  lais- 
sent plus  la  vérité  aller  jusqu'à  eux.  Ce  sont  là 
les  toiles  d'araignées  qui  arrêtent  les  pauvres 
pasteurs.  N'est-il  pas  vrai  que,  si,  par  les  uni- 
versités et  les  conciles,  on  avait  opposé,  aux' 
erreurs  contemporaines,  un  gigantesque  et  lu- 
mineux travail  de  réfutation,  chaque  prêtre 
isolément  serait  plus  fort,  et  nos  églises,  par 
leur  ensemble,  réagiraient  puissamment  contre 
le  mal  qui  menace  de  tout  emporter. 

Il  s'est  accompli,  p.irmi  nous,  grâce  à  la  Pro- 
vidence, depuis  1830,  un  graud  travail  de  ré- 
novation ;  il  faut  Turhever  par  un  retour  pur 
et  siniple  de  nos  diocèses  à  la  discipline  dti 
Concile  de  Trente  et  par  la  restauration  des 
études,  condition  nécessaire  à  un  régime  de 
droit  canoniiiue.  Mais  revenons  aux  adveriai- 
res  de  dom  Guéranger. 

I.,'anné3  1848  vil  paraître  ,  sous  le  titre  de 
Lettres  parisiennes,  un  pamphlet  dirigé,  p;ir  uq 
abbé  Laborde,  contre  les  Institutions  rtwgigues 
de  dom  Guéranger  et  la  Ihèulof/ie  viO'ule  du 
cardinal  Gousset.  L'auteur  était  parfaitement 
inconnu,  mais  il  rachetait  ce  défaut  ,1e  noto- 
riété par  la  violence  de  ses  diatribes  et  par 
l'inintelligent  mépris  avec  lequel  il  traitait  ses 
adversaires.  Le  livre  fut  cloué  au  pilori  de 
r//(6?OT,et  l'auteur  est  resté  pendu  aux  l'oui'c'aea 


de  la  sainte  Eglise. 


(A  suivre.) 


Justin  Févre, 

protoQotaire  apostolique. 


CHRONIQUE    HEBDOMADAIRE 

Jamais  il  n'y  a  eu  tant  Je  crimei!  —  Leçon  qu'il  ea 
faut  tirei-.  —  Succès  des  Frèros  à  Polensac  ;  —  du 
colii^gf!  de  l'Assomption,  à  Nimes;  —de  l'insritutioa 
de»  l'P  Maristes,  à  la  Seyne-sur-M-r  —  Le  C^mviès 
>ie  Ueitns  :   compte  rendu  sommaire.  —    Bénédiction 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1455 


de  rusin«  du  Val-des-Bois  reconstruite  et  inaugura- 
tion de  Notre-Dame  de  l'Usine.  —  ijes  théories 
mises  en  pratique. 

9  septembre  1875. 

Rome  —  «  Les  drames  sanglants  se  succèdent 
à  Rome  avec  une  fréquence  extraordinaire.  Et 
ce  n'est  pas  seulement  à  Rome.  En  vérité,  dans 
toute  l'Italie,  il  n'y  a  jamais  eu,  comme  à  cette 
heure,  tant  de  crimes  si  éclalaots,  tant  de  sui- 
cides si  tragiques.  A  Rome,  la  tragédie  va  jus- 
qu'au sublime  (!  ?),  eile  s'élève  à  la  hauteur  de 
la  Rome  antique,  de  cette  Rome  appelée  forêt 
de  bêles  frémissantes.  » 

Ainsi  parle  la  Gazetla  del  Popolo,  du  25  août. 
Il  y  a  quelques  années,  ce  journal  et  tous  les 
autre?  journaux  sectaires  ne  tarissaient  pas  sur 
les  abus  et  l'immoralité  du  gouvernement  du 
Pape  et  des  gouvernements  des  princes  italiens. 
Ils  appelaient  à  grands  cris  le  roi  de  Piémont, 
pour  assainir  toute  cette  corruption  et  délivrer 
des  frères  infortunés.  Le  roi  de  Piémont,  «sen- 
sible aux  gémissements  des  populations»  de  la 
péninsule,  est  venu  briser  leurs  chaînes  II  a 
chassé  tous  les  princes,  et  le  Pape  est  prison- 
nier au  Vatican.  «  Le  peuple,  »  maintenant  sous 
le  sceptre  chéri  de  son  libérateur,  marche  sans 
doute  à  pas  de  géant,  pour  rattraper  le  temps 
perdu,  dans  les  voies  glorieuses  de  la  justice, 
du  devoir  et  de  l'honneur,  qui  conduisent  les 
nations  aussi  bien  que  les  individus  à  lafélititél 
C'est  là  ilu  moins  ce  qu'on  avait  promis  au 
«  peuple.  »  Eh  bien,  le  lésultat  de  ces  belles 
campagnes,  c'est  que  jamais  it  n'y  n  eu,  à  Rome 
et  U'ins  toute  l'Italie,  autant  de  crimes  qu'à  cette 
heure. 

L'aveu  est  bon  à  recueillir.  Il  est  à  la  honte 
de  ceux  qui,  par  leurs  mensonges,  ont  plongé 
l'Italie  daus  cet  état  effroyable  où  ils  nous  la 
moijtrent  eux-mêmes  aujourd'hui.  Mais  il  doit 
surtout  nous  donner  cette  leçon,  de  n'écouler 
iamnis  ces  mêmes  hommes  ni  leurs  amis,  qui 
mainteuant  voudraient  tout  renverser  et  tout 
détruire  chez  nous  comme  ils  ont  tout  renversé 
et  tout  détruit  là.  S;  nous  les  laissions  consom- 
mer leurs  desseins,  nous  verrions  alors  à  notre 
tour  pariui  nous  plus  de  crimes  qu'on  n'en  a 
aussi  jamais  vu. 

France.  —  Les  succès  continuels  obtenus  par 
les  écoles  catholiiiues  dans  l'enseignement  pri- 
maire et  dans  l'enseignement  secondaire  sont 
de  sûr.^  garants  de  ceux  qu'obtiendront  nos  fu- 
ures  universités.  Parmi  les  quelques  laits  que 
U)us  avons  à  citer  aujourd'hui,  nous  donnons 
la  première  place  aux  braves  Frères,  qui  sont 
Il's  l.ifaligables  soldats  de  la  ligue  de  l'armée 
catholique. 

lu  concours  contonal  de  Podensac  (Gironde) 
pour  le  certificat  d'études  primaires,  (|ui  a  eu 
lif.U  le  25  du  mois  dernier,  les  Frères,  qui  ins- 


truisent environ  300  enfants  dans  trois  écoles, 
ont  présenté  tO  candidats,  et  les  laïques,  qui 
en  instruisent  environ  600,  en  ont  présenté  6. 
Or,  9  candidats  congréganistes,  dont  8  avec  les 
premiers  numéros,  ont  obtenu  leur  (.ertthoat. 
Les  élèves  laïques  qui  l'ont  aussi  obtenu  sont 
au  nombre  de  5.  Si  l'on  compare  ces  chiffres, 
on  trouve  que  les  congréganistes  font  admettre 
au  certificat  d'études  1  élève  sur  33,  tandis 
que  les  hiïques  n'en, font  admettre  qu'à  peine 
1  sur  120;  c'est-à-dîre  ;  que  les  congréganistes 
en  font  admettre  quatre  fuis  de  plus  que  les 
laïques. 

Le  collège  de  l'Assomption  de  Nîmes  a  pré- 
senté dans  les  douze  ilerniers  mois  34  élèves 
aux  examens  du  baccalauréat  complet.  Sur  ce 
nombre,  30  ont  été  adniissiblcs,  et  27  ont  été 
reçus  délinitivement.  —  Aux  éiueuves  du  bac- 
calauréat scindé,  qu'on  dit  si  redoutable  cette 
année,  tous  les  élèves  de  rhétorique,  sauf  un, 
ont  été  admissibles.  —  Ajoutons  que,  dans  la 
liste  des  élèves  sortants  de  l'école  navale,  le 
n°  2  a  été  obtenu  par  un  assomplionniste. 

L'institution  de  la  Seyne-sur-Mer  (Var), 
dirigée  par  les  PP.  Maristes,  a  eu  cette  année 
51  élèves  qui  ont  conquis  leur  diplôme  à  l'un 
ou  à  l'autre  baccaliuréat.  De  plus,  treze  can- 
didats présentés  par  elle,  également  celte  an- 
née, pour  l'école  navale,  ont  tous  été  déclarés 
admissibles. 

Voici  maintenant  le  compte  rendu  du  Con- 
grès de  Reims,  que  l'abondance  des  matières 
nous  a  forcé,  la  semaine  dernière,  à  renvoyer  à 
aujourd'hui.  Les  congressistes  de  Reims  repré- 
sentaient VUnion  des  œuvres  catholiques.  La 
plupart  d'entre  eux  appartenaient  à  la  France; 
mais  il  y  avait  aussi  un  cerlaio  nombre  de  re- 
présentants des  œuvres  cath«:iques  d'Angle- 
terre, de  Belgique,  du  Luxembourg  et  d'Ita- 
lie. 

Les  séances  du  congrès  se  sont  tenues  du  24 
au  28  août,  dans  la  salle  du  sacre,  là  même  où 
saint  Rémi  baptisa  jadis  le  roi  CloVi^.  «  Mes- 
sieurs, a  dit  Mgr  Langénieux  aux  congressistes 
en  les  y  recevant,  vous  êtes  ici  au  berceau  de 
la  France  ;  c'est  la  terre  française  par  excel- 
lence, vous  êtes  donc  chez  vous.  » 

Mgr  de  Ségur,  empêché  par  la  maladie,  a  été 
remplacé  à  la  présidence  par  le  R.  P.  Bailly, 
vice-président  du  bureau  central  de  l'Union, 
qui  a  eu  le  premier  la  parole  pour  do: mer  lec- 
ture du  compte  rendu  annuel  des  travaux. 
Après  avoir  salué  les  représentants  de  toutes 
les  œuvres  réunis  autour  du  drapeau  catholique 
sous  cette  devise  ;  «  Sint  umm,  »  le  rapporteur 
a  ajouté  :  . 

«  Toutes  les  œuvres  ouvrières  sont  déuni- 
tivement  unies  :  riants  patronages  d'autrofois, 
mâles  et   sombres  légions   de   l'usine,    bon» 


ii:o 


LA  SEMAINE  rVTJ  f.LEîîCE 


frèrps  des  école?,  brillants  officiers  sons  la  croix 
fui  mirante,  laïques  ?ous  le  frac  ou  moines  sous 
le  troc,  tous  ont  répondu  :  Nous  voilà  I  » 

Mais  quels  moj-ens  l'union  a-t-elle  employés 
pour  arriver  à  ce  résultat  merveilleux?  Elle  en 
a  trois  :  le  premier,  c'est  de  n'agir  point  direc- 
tement, c'e-t-à-dire  de  ne  faire  aueune  œuvre 
par  elle  même;  le  second,  c'est  de  spi'vir  hum- 
blement les  œuvres  en  leur  procurantiles  lumiè- 
res et  des  moyens  d'action;  le  troisième,  c'est 
de  provoquer  le  travail  des  autres.  Ce  triple  pro- 
cédé résout  le  difficile  problème  de  la  centra- 
lisation, et  l'Union,  u  ce  rayonnement  de  la 
charité,  se  contente  d'imiter  de  loin  le  soleil, 
qni  ne  sème  pas,  ne  moissonne  point,  et  qu'au- 
cun agriculteur  n'a  jamais  accusé  d'être  un 
serviteur  inutile.  » 

M.  Pabbé  rouraeî/r.vicaiie général  de  Reims, 
a  ensuite  lu  une  courtf-  mais  intéressante 
monographie  de  la  cathédrale  de  Rpiras. 

Puis  Mgr  Langénievx  a  eu  la  parole.  Il  a 
d'abord  donné  lecture  d'un  bref  du  l'ape  à 
Mgr  de  Ségur,  dans  lequel  Sa  Sainteté  bénit 
les  travaux  du  congrès  et  recommande  la 
profefsion  des  pures  doctrines  de  la  Chaire  apos- 
tolique. Ensuite  il  a  recommandé  la  prière  et 
le  travail,  en  union  avec  Pie  IX  :  «  Les  hommes, 
a  dit  Sa  Grandeur  en  terminant,  se  riaient  de 
Noé  construisant  l'arche.  Demèmeaujounl'hui 
ils  insultent  Pie  IX  captif  dans  son  palais;  mais 
au  milieu  de  ses  persécutions  et  des  souflrances, 
il  construit  une  arche  mystérieuse  qui  sera 
bientôt  le  seul  et  unique  refuge  de  la  socii'tc  1  n 

Le  23,  la  séance  a  commeacé  par  la  lecture 
dn  rapport,  faite  par  M.  le  comte  Yvert,  sur  les 
travaux  des  bureaux  diocésains, 'des assemidées 
diocésaines  et  !des  correspondaiits  du  bureau 
central.  En  4873,  le  congrès  de  Nanties  n'en 
comptait  que  onze;  celui  .ic  Lyon,  vingt  seule- 
ment l'année  dernière.  Celte  année,  ils  sont 
quarante,  et  l'on  prépare  la  formation  de  trente- 
trois  autres.  Quoi  de  plus  éloquent  que  cette 
statistique  pour  montrer  le  développement  de 
la  vie  catholique  ! 

M.  Cubbé  Townamitle  à  la  ensuite  un  rapport 
sur  les  inondations  de  Toulouse  et  l'œuvre  de 
la  charité  à  propos  de  ces  inondations. 

Puis  M.  l'abbé  Fernique,  du  clergé  de  Paris, 
a  donné  le  spécimen  d'une  séance  instructive, 
telle  qu'on  peut  la  donner  dans  les  cercles 
ouvriers,  à  l'aide  de  tableaux  photographiques 
illuminés  à  l'électricité. 

Le  H.  P.  Marquigny,  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  a  eu  ensuite  la  parole  pour  un  rapport 
sur  les  corporations,  qui  a  vivement  intéressé 
l'assemblé!',  et  qui  depuis  n'a  cessé  d'être  l'objet 
des  attaques  les  plus  ardentes  de  la  part  de  la 
presse  révolutionnaire.  En  perdant  Ié.sus-C.urist, 
a  dit  en  substance  l'éloquent  rapporteur,  le 


monde  a  tout  perdu.  Avec  Jésus -Cnp.iST,  la 
charité  régnait  dans  le  monde;  avec  la  révolu- 
tion,il  n'y  règne  plus  aujourd'hui  que  l'eg'>ï^me. 
L'ouvrier  est  redevenu  ce  (ju'il  était  dans  le 
monde  païen  :  esclave.  De  là  sa  haine  contre 
la  société,  de  là  le  péril  social.  Pour  apporter 
un  remède  çfûcace  à  ce  péril,  il  faut  refaire  ce 
qu'a  (loià  fait  l'Eglise,  et  qui  a  valu  de  longs 
siècles  lie  paix  à  notre  pays,  il  faut  afirauchir 
l'ouvrier  par  le  moyen  des  corporations. 

La  séance  s'est  terminée  par  une  clialeureusô 
allocution  de  M.  l'abbé  llelch.  du  diocèse  d'Or- 
léans, qui  a  commenté  diverses  paroles  des 
livres  saints  plus  spécialement  applicables  au 
congrès,  telles  que  :  Sint  unum'  vos  estis  lux 
mundi  ;  ignein  veni  mittere  in  lei'ram  ;  instaurare 
omnia  in  Christo. 

A  la  séance  du  26  assistaient,  aux  côtés  de 
Mgr  Langénieux,  M.  le  général  de  division  de 
Fontanges,  M.  de  Biancourt,  sous-préfct  de 
Reims  et  M.  Pelletreau-Villeneuve,  procureur 
de  la  république,  qui  ont  ainsi  associé  l'armée, 
l'administration  et  la  magistrature  au  fonction- 
nement et  au  dévelopjûmentdes  œuvres  catho- 
liques. 

On  a  entendu  d'abord  M.  le  commandant  comte 
de  In  Tour  du  Pin,  qui  a  donné  leclure  d'un 
rapport  sur  les  cercles  catholiques  d'ouvriers, 
dont  il  a  raconté  les  origines  et  les  développe- 
ments. En  terminant,  il  a  demandé  au  congrès 
d'émettre  le  vœu  que  l'œuvre  des  cercles  calho- 
liijues  d'ouvriers  fût  recommandée  aux  inten- 
tions des  tîdôles  partout  où  cela  pourra  être 
autorisé  par  l'ordinaire  diocésain,  ce  qui  a  été 
accueilli  par  d'unanime;  applaudissements. 

Puis  M.  l'abbé  Tournamûle  a  rendu  compte 
des  travaux  de  la  journée  dans  les  diverses 
commis.sions. 

M.  l'abbé  Blanchard,  curé  de  Noisy.a  ensuite  lu 
la  monographie  d'une  œuvre  rurale,  si  intéres- 
sante que  nous  la  donnerons  à  nos  lecteurs 
dans  notre  prochain  numéro,  souhaitant  qu'ils 
en  tirent  bon  protit. 

M.  l'abbé  i)Jimtl,anmàD\eT  de  l'Hôtel-Dieu  de 
Reims,  vint  ensuite  lire  un  rapport  sur  les 
œuvres  ouvrières  de  Reims  et  sur  le  projet 
d'une  œuvre  nouvelle  pour  les  jeunes  ouvriers. 

Après,  l'assemblée,  invitée  à  se  prononcer  sur 
différentes  conclusions  prises  en  commun  dan» 
les  commissions,  se  prononce  unanimement  : 

1°  Pour  l'introduction  des  œuvres  ouvrières 
dans  les  petits  séminaires  et  les  collèges; 
2°  Pour  la  formation  d'œuvres  de  jeunesse  dans 
les  campagnes  même  les  plus  petites;  3°  Pour 
la  multiplication  des  orphelinats  agricoles  pré- 
férables à  beaucoup  d'égards  aux  oridiellnats 
des  villes;  4°  Pour  l'institution,  en  faveur  des 
enfants  des  écoles,  les  jours  de  jeudi,  d'œuvres 
analogues  à  celles  qui  existent  le  dimanche 


T.\  SEMAINE  Dl  CLETiGE 


nsT 


pour  les  jpunes  gpiis;  5"  Le  conîrrps  adopte  une 
s'^rie  de  vœux  relatifs  au  rélalilissement  de  la 
Corporation  fondée  sur  l'esprit  chrétien  ;  6°  Enfin 
le  congri'S  vote  une  nouvel  e  série  du  vœux 
pour  riulroduclioa  dans  les  cercles  de  confé- 
rences au  moyen  de  projections  à  la  lumière 
oxydrique. 

Viveoieut  pressé  par  Mgr  Langéoieux  de 
prendre  la  parole,  M.  Limboury,  professeur  à 
Verviers  et  viee-président  de  la  fédération 
onvrière  bclgi',  a  parlé  de  l'amour  de  la  Bel- 
gique pour  la  Fiance,  en  qui  elle  voit  sa  sœur 
atnée,  et  son  initiatrice  pour  toutes  les  bonnes 
œuvres. 

Mgr  Langénieux  a  clos  la  séance  en  faisant 
voter  di's  remercîments  à  la  Belgique  pour  sa 
charité  envers  nos  inondés  du  ftlidi  et  en  recom- 
mandant aux  membres  du  Cougrès  de  s'appro- 
cher de  la  sainte  table  pendant  la  durée  de  leurs 
travaux. 

Au  début  de  la  séance  du  27  le  R.  P.  Germer 
est  venu  proi'lamer  le  résultat  d'un  concours 
de  compositions  dramatiques  pour  les  collèges 
et  les  cercles.  Le  prix  a  été  accordé  au  Saint 
Jean  de  Campistran  de  M.  le  comte  Lafond. 

M.  l'abhé  de  Beauvoir,  délégué  de  S.  Em.  le 
cardinal  areiicvèque  de  Rouen,  a  lu  ensuite  un 
rapport  s-ur  l'OEuvro  de  l'adoption,  à  Kouen. 
On  sait  que  celle  œuvre  a  son  centre  à  Paris. 
Depuis  seize  ans, 1  Œuvre  del'adoplion, à  Bouen, 
a  r.ima-sé,  nourri  el  élevé  960  enfants.  Le  zèle 
des  collcclcurs  a  fait  monter  les  ressources  de 
l'œuvie,  en  1874,  à  183,000  francs. 

Puis  le  li  J' .  de  fioi s leyve  est  vemi  lire  un  rap- 
port sur  les  liiùliolkérjiws  dans  les  Œuvres  catho- 
liques. En  terminant,  il  a  proposé  et  fait  adop- 
ter les  vœux  suivant*  : 

1"  Que  les  directeurs  d'œuvres  éléminent  de 
leurs  bibliolhèi]ue8  tout  livre  contraire  aux 
doctrines  de  l'Eglise  ou  affectant  l'indidérence 
religieuse;  2"  Qu'un  catalogue  de  livres  irré- 
prochables au  point  de  vue  de  la  foi  et  des 
mœurs  .soit  publié,  parles  soins  du  bureau  cen- 
tral, pour  les  œuvres  ouvrières;  3"  Que  les 
journaux  franchement  catholiques  soient  intro- 
duits dans  les  lieux  de  réunion  publique,  cercles, 
cafés,  etc.  ;  4°  Que  les  tracts,  petits  livres  et 
petites  lectures  soient  répandus  à  profusion, 

M.  l'abOi-  Millaud, curé  de  Sainl-Koch,  a  pro- 
posé et  aussi  fait  adopter  ces  deux  vœux: 

1°  Que  les  associations  ouvrières,  grandes  ou 
petites,  etabli."sent  activement  dans  leur  sein 
les  œuvres  de  charité  dont  les  formes  sont  mul- 
tiples, telles  que  la  Propagation  de  la  Foi,  la 
Sainte-Enfance,  l'œavrc  de  saint  François  de 
Sales,  le  denier  de  Saint-Pierre,  l'Adoration 
perpétuelle  et  tant  d'autres;  2°  Que  l'on  éta- 
blisse le  plus  tôt  possible  de  petites  conférences 
de  jeunes  apprentis   ou  d'enfants  des  classes 


aisées,   placées  sous  le    proteclorat  des  plus 
anciennes  pour  leur  servir  de  noviciats. 

AJ.  le  comte  de  Gennwy,  avocat  et  membre  du 
conseil  municipal  de  Paris,  a  ensuite  lu  ua 
mémoire  sur  les  Moyens  d'assurer  la  vie  des 
Œuvres  de  la  corporation,  qui  se  résument  à 
utiliser  le  penchant  naturel  de  l'ouvrier  pour 
les  associations,  en  lui  en  ouvrant  de  bonne» 
pour  qu'il  n'aille  pas  aux  mauvaises. 

Le  J{.  P.  Joseph,  aumônier  du  cercle  catho- 
lique de  Genève  et  ancien  aumônier  militaire, 
a  eu  la  parole  pour  adresser  quelques  paroles 
d'édification  à  l'assemblée  avant  la  clôture  de 
de  la  séance.  Il  en  a  profité  pour  parler  de  la 
mission  de  l'armée,  qui  est  son  sujet  favori,  et 
del'CEavre  des  tombes.  Cette  œuvre  a  fait  élever 
■189  monuments  à  nos  soldats  morts  en  Allema- 
gne, el  leur  a  assuré  à  per[>étuilé  le  bienfait  de 
la  prière. 

La  dernière  séance  a  commencé  par  l'adop- 
tion lies  vreux  suivants  :  1°  Que  le  bureau  cen- 
tral de  l'Union  fasse  connaître  à  NN.  SS.  les 
évèipies  les  bureaux  diocésains  fondés  et  leurs 
piinci[iaux.  i-.-uUats;  2°  Que  les  évoques  de 
France,  qui  ii'oal  pas  encore  formé  de  bureau 
diocésain,  soient  respectueusement  priés  d'ap- 
porter leur  attention  à  cette  grave  question; 
3°  Que  les  bureaux  diocésains  fassent  d'abord 
le  recensement  des  œuvres  ouvrières  existant 
dans  le  diocèse;  qu'ils  aient  des  réunions  fré- 
(luenles  et  périodiques,  et  que  les  nouvelles 
œuvres  fondées  soient  insérées  dans  la  Semaine 
religieuse  comme  mojea  de  propagation;  4°  Que 
les  réunions,  à  l'occasioi  d,.*  retraites  pasto- 
rales, soient  encouragées  comme  un  excellent 
moyen  de  communication  entre  les  hommes 
d'œuvres. 

Sur  la  proposition  du  R.  P.  Bailly,  l'assem- 
blée adopte  encore  ces  quatre  vœux  :  1°  Que  les 
bureaux  diocésains  de  fondation  récente  s'agrè- 
gent à  l'Union  des  œuvres  ouvrières  catholiques; 
2°  Qu'ils  fournissent  au  bureau  central  tous  Jes 
détails  capables  d'intéresser  les  directeurs  d'œu- 
vres; 3°  Que  les  œuvres  particulières  viennent 
eu  aide,  dans  la  mesure  du  possible,  à  la  caisse 
du  bureau  central  ;  4°  Enfin,  que  la  fête  de 
saint  Joseph,  fête  patronale  des  œuvres  ouvriè- 
res, soit  célébrée  par  chacune  d'elles  avec  le 
plus  grand  éclat. 

i\J.  Wagner,  de  Nancy,  a  ensnite  commencé 
la  lecture  des  rapports.  Le  sien  concernait  une 
Œuvre  rurale,  ayant  de  la  ressemblance  avec 
celle  de  M.  Blanchard,  dont  il  a  été  question 
dans  une  des  précédentes  séances. 

Le  second  rapport  a  été  présenté  par  M.  Be- 
rnant, avocat  à  Pari»,  (l'élail  une  Monographie 
du  Cercle  des  Frimcs-Bourgeois,  à  Paris,  établi 
pour  les  jeunes  gens  du  commerce,  des  admi- 
nistrations, et  en  général  de  la  classe  moyenne. 


i*v9 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


M.  le  curé  de  Saint-Sernîn,  de  Toulouse,  a 
demandé  à  l'assemblée  dVmettre  le  vœu  que 
de  semblables  cercle-;  fussent  établis  dans  toutes 
les  villes  où  cela  serait  possible,  ce  qui  a  été 
accepté. 

M.  Lesueur,  avocat  à  Reims,  et  président  des 
conférences  de  Saint-Vincent  de  Paul,  a  traité 
du  travail  du  dimanche,  dont  il  a  fait  voir  le 
côté  abrutissant  nour  l'ouvrier,  et  l'incompati- 
biMé  avec  les  œuvres  catholiques.  Une  grande 
amélioration  s'est  déjà  faite  sur  ce  point  en 
beaucoup  d'endroits.  Ce  qui  laisse  présentement 
]e  plus  à  désirer,  ce  sont  les  chemins  de  fer, 
dont  le  service  de  la  petite  vitesse,  qui  pour- 
rait être  si  aisément  suspendu  le  dimanche, 
prive  150,000  employés  d'un  repos  et  d'une 
liberté  que  leur  conscience  ne  réclame  pas 
moins  que  leur  santé.  Des  efforts  ont  déjà 
été  faits  pour  changer  celte  situation,  et  l'on 
espère  arriver  bientôt  au  résultat  désiré.  En  ce 
qui  cuncerne  les  industries  et  travaux  particu- 
liers, l'on  doit  aussi  s'occuper  avec  ardeur  à 
affranchir  du  travail  du  dimanche  ceux  qui  y 
sont  occupés. 

L'assemblée  approuve  avec  enthousiasme  les 
vœux  suivants  :  1°  Le  travail  du  dimanche, 
dans  les  usines,  ateliers  ou  chantiers  quelcon- 
ques, établit  pour  les  ouvriers  un  esclavage  vé- 
ritable, en  les  privant  des  libertés  les  plus 
sacrées,  celles  de  la  conscience  et  de  la  famille, 
en  même  temps  qu'il  ruine  la  sauté.  C'est  donc  un 
devoir  rigoureux  pour  tous  les  amis  de  l'ou- 
vrier de  contribuer  à  son  aflrancbissement  en 
lui  procurant  le  repos  du  dimanche;  2'  Pour 
les  chemins  de  fer,  solliciter  des  chambres  de 
commerce  un  règlement  ministériel  autorisant 
les  compa^tnies  à  ne  pas  compter  le  dimanche 
dans  les  délais  de  petite  vitesse.  Le  commerce 
n'en  souffrirait  aucune  atteinte,  et  les  deux 
tiers  des  employés  de  chemins  de  fer  pourraient 
observer  le  dimanche;  3°  Pour  les  usines  et  ma- 
nufactures, se  servir  de  tous  les  moyens  et,  au 
besoin,  des  moyens  légaux  pour  faire  respecter 
le  dimanche. 

Le  H.  p.  Marquigny  a  la  parole  une  seconde 
fois  pour  lire  un  rapport  sur  l'association  des 
jeunes  ouvrières  de  Notre-Dame  de  Ftiurvière, 
à  Lyon.  On  comprendra  l'importance  de  celte 
association,  si  l'on  songe  que  la  ville  de  Lyon 
ne  renferme  pas  moins  de  30,000  ouvrières, 
dont  beaucoup,  venues  du  dehors,  sont  sans 
protection. 

Le  P.  Marq\iigny  rapiiellc  ensuite  le  vœu, 
déjà  plusieurs  fois  exprimé,  qu'une  statue  soit 
élevée  au  pape  Urbain  II,  à  ChA(iil(>n_;nr-' 
Marne,  sa  ville  natale.  Ce  vœu  est  appuyé  par 
les  applaudissements  du  congrès,  et  nous  espé- 
rons bien  qu'il  Unira  par  se  réaliser  avant  long- 
temp.>. 


Les  travaux  du  congrès  étaient  achevés, 
Mgr  Lnngénieux,  a  donné  lecture  de  l'Adresse 
au  Saint  Père,  votée  la  veille.  Puis,  il  a  re- 
mercié les  congressistes  et  NN.  SS.  les  évêques 
qui  avaient  envoyé  des  délégués  En  finissant, 
il  a  nommé  Mgr  de  Ségur  chanoine  d'honneur 
de  sa  métropole. 

Le  soir  a  eu  lieu  un  salut  d'adieu,  à  la  ca- 
thédrale, toute  remplie  par  la  foule  des  fidèles 
rémois.  Le  P.  Joseph  a  prononcé  un  chaleu- 
reux discours  sur  ce  texte  :  Qui  sunt  isti,  et 
undc  venerunt?  Il  a  expliqué  au  peuple  que  ces 
hommes  étaient  venus  pour  le  sauver,  que 
l'Eglise,  qu'ils  représentaient,  a  pour  l'ouvrier 
des  entrailles  de  mère,  et  il  l'a  adjuré  de  se 
dépouiller  de  ses  préjugés  et  de  venir  recevoir 
le  baiser  de  paix  et  d'union  au  nom  de  JÉsus- 
Cerist. 

Après  le  salut,  la  foule  a  chanté  le  Credo: 
puis  Mgr  Langéuieux  est  monté  à  son  tour 
dans  la  chaire,  et  après  une  courte  mais 
émouvante  allocution,  il  a  donné  la  bénédic- 
tion papale  aux  membres  du  congrès,  qui  tous, 
ajoutons-le  ici,  avaient  fait  le  matin  la  sainte 
communion. 

Le  lendemain,  tous  les  membres  du  congrès 
se  retrouvaient  au  Val-desBois,  cette  usine 
chrétienne  première-née  que  nos  lecteurs  con- 
naissent. Brûlée  l'an  dernier  par  la  malveil- 
lance, elle  est  maintenant  reconstruite.  MM. 
Harmel  ont  profité  de  la  circonstance  du  con- 
grès pour  la  faire  bénir  par  Mgr  l'archevêque 
de  Reims  et  inaugurer  Notre-Dame  de  l'Usine, 
en  présence  des  congressistes.  La  cérémonie  a 
été  des  plus  touchantes,  et  tous  y  ont  pris  part, 
depuis  les  chefs  de  la  maison  jusqu'aux  petits 
enfants.  C'était  un  parfait  à-propos.  Les  con- 
gressistes ont  trouvé  là  mises  en  pratique  les 
théories  qu'ils  s'efforcent  de  faire  prévaloir  et 
de  vulgariser,  et  cette  vue  n'a  pu  que  les  en- 
courager dans  leur  entreprise.  Ils  ont  eu  le 
spectacle  de  tout  un  peuple  d'ouvriers,  hommes, 
femmes,  jeunes  gens,  jeunes  filles,  enfants,  vi- 
■ant  dans  la  plus  parfaite  harmonie,  unis  par 
le  lien  de  la  charité  clirélienne,  grâce  aux 
•Buvres  créées  pour  chacune  de  ces  catégories 
il  dans  lesquelles  il  n'est  personne  qui  ne  soit 
enrôlé.  Voilà  ce  qu'a  fait  l'influence  de  l'Eglise 
ntre  les  murs  si  défavorables  d'une  usine.  Elle 
e  fera  dans  toute  la  France,  nous  l'espérons,  si 
Dieu  le  permet,  et  alors  il  n'y  aura  plus  à 
'.raindre  quelque  nouvelle  révolution  pétro- 

se. 

P.  d'Hadterive. 


Tome  VI.  —  N«  48.  —  Troisième  année. 


22  septembre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THEME  HOVIIUTIQUE  SUR  L'ÉVANGILE 


BU  XX*  DIMANCHE  APRES  LA  PENTECOTE 

Joan.  IV.  46-53. 

I,  Nous  voyons  dans  l'Evangile  de  ce  jour  un 

fersonnage  investi  de  la  contiance  d'Hérode,  le 
étrarque  de  la  Galilée,  et  qui  était  peut-être  lui- 
même  de  la  famille  royale,  venir  aux  pieds  de 
Jésus  solliciter  la  guérison  rie  son  fils.  C'était  un 
grand  du  monde,  dont  la  foi  imparfaite  ne  s'a- 
dressait à  Jésus  que  pour  obtenir  une  faveur 
touletemporelle.  Les  foules  suivaient  le  Sauveur, 
avides  de  l'entendre,  admirant  sa  doctrine  et  ses 
Vertus  plus  encore  que  ses  miracles;  mais  ce 
puissant  ne  vient  à  lui  que  guidé  par  l'intérêt; 
il  prie  Jésus  de  descendre  de  Caua  à  Ca[iharuaûm 
pour  guérir  son  iils.  11  ne  connaît  même  pas  la 
puissance  infinie  du.  inédecin  qu'il  invoque;  il 
semble,  en  elfet,  supposer  que  la  présiaice  de 
Jésus  soit  nécessaire  [lour  opérer  une  guérison. 
Pauvre  père!  il  est  plus  malade  que  son  fils,  et 
il  n'y  songe  pasl  nue  tie  [)écheurs,  hélas!  aveu- 
glés sur  leur  état,  qui  s'iuiiuièluut  sans  mesure 
de  la  santé  du  coriis,  et  qui  ne  voient  pas  les 
blessures  mortelles  de  lour  âme  !  Que  de  chré- 
tiens qui  prient,  qui  font  prier,  qui  entrepreii- 
ïient  des  pèlerinagis,  quand  leurs  uitérëts  maté- 
riels sont  en  piril,  qui  ne  cherchent  pas  Jésus 
pour  lui-même  et  qui  ne  vont  à  lui  ([ue  lorsqu'ils 
en  ont  besoin.  Que  si  vous  considérez,  dans  cet 
officier, le  modèle  de  la  sollicitude  paternelle, 
remarquez  qu'il  n'utleiid  pas  que  son  fils  soit 
mort  pour  invoipior  Jésus  ;  incijjieùal  enim  mori. 
Ainsi  doivent  agir  des  parents  chrétiens,  quand 
ils  ont  un  eufaut  dont  le  conir  est  malaJe,  et  qui 
s'avance  vers  la  mort.  C'est  dès  le  début  qu'il 
faut  aller  à  Uieu,  pour  le  supplier  d'arrêter  le 
mal  dans  son  principe. 

II.  6i  vous  ne  voyez  des  prodiges  et  des  mira- 
cles, vous  ne  croyez  pas.  Les  miracles  ont  con- 
couru, dans  le  plan  divin,  à  l'établissement  de 
la  foi;  tous  les  jours  ils  la  confirment.  Mais, 
après  dix-huit  siècles  d'épreuves  et  de  triomphes, 
ils  ne  sont  plus  nécessaires,  et  il  faudrait  plain- 
dre ceux  qui,  pour  croire,  en  attendraient 
encore. 


Jésus,  par  ces  paroles,  voulait  éclairer  la  foi 
de  celui  qui  le  priait;  mais,  tout  entier  à  l'objet 
de  son  dtsir,  cet  officier  lui  dit  :  Seigneur,  venez 
avant  que  mon  fils  meure.  Et  une  fois  de  plus,  la 
divine  condescendance  se  prête  à  la  faiblesse 
humaine.  Allez,  lui  dit  Jésus,  voire  fils  va  bien. 
Au  Maître  de  la  vie,  la  volonté  suffit  ipour  la 
rendre  comme  pour  la  donner.  L'officier  de 
Capharnaùm  ne  l'ignore  plus;  il  crut  à  la  parole 
que  Jésus  lui  avait  dite,  et  il  s'en  alla.  11  crut,  et 
ri  s'en  alla  :  Heureux  l'homme  qui  croit  et  qui 
marche  dans  la  vie  en  croyant!  Pour  mériter  de 
croire,  il  faut  écouter  Jésus;  non  content  de 
l'écouter,  il  faut  lui  obéir  et  suivre  sans  hésiter 
la  route  qu'il  indique.  Et,  quand  on  suit  la  voie 
marquée  par  Jésus-Christ,  on  ne  tarde  pas  à 
s'apercevoir  que  celte  voie  est  la  bonne,  la  seule 
bonne,  des  grùces,  des  consolations,  des  joies 
inefTables  nous  y  attendent.  Comme  il  était  en 
chemin,  ses  serviteurs  vinrent  au-devant  de  lui,  et 
lui  dirent  que  son  fils  se  portait  Lien. 

A  cette  heureuse  nouvelle,  la  pensée  de  l'offi- 
cier de  Capharnaùm  s'élève;  il  oublie  le  bien- 
fait, pour  ue  plus  songer  qu'au  bienfaiteur.  Et 
s'éiant  enquis  de  l'heure  à  laquelle  le  malade 
s'était  trouvé  tnictx...  il  reconnut  que  c'était  à 
l'heure  à  laquelle  Jésus  lui  avait  dit  :  votre  fils  se 
porte  bien;  et  il  crut,  lui  et  toute  sa  maison.  Il 
crut  que  Jésus  est  le  Christ,  ills  du  Uieu  vi- 
vant; il  crut  et  il  comprit  que  sa  vie  désormais 
devait  être  digne  de  sa  foi.  11  crut;  et,  par  sa 
parole  et  par  ses  exemples,  il  fit  partager  sa  foi 
a  toute  sa  maison.  Ses  enfants,  ses  serviteurs, 
suivant  l'exemple  du  maitre,  s'attachèrent  à 
Jésus-Christ.  Un  père,  un  magistrat,  un  supé- 
rieur de  tout  ordre  qui  a  la  foi  ne  doit  pas  la 
garder  pour  lui  seul,  mais  s'efforcer  de  la  faire 
partager  aux  siens. 

Heureuse  la  famille  que  les  exemples  et  les 
leçons  de  son  chef  confirment  dans  la  foi! 
Heureuse  la  maison  où  la  foi  est  non-seulement 
la  lumière  d^is  croyances  et  la  règle  des  mœurs, 
mais  encore  la  consolatrice  de  toutes  les  peines 
cl  la  conseillère  que  Fou  écoute  dans  toutes  les 
incertitudes  et  tous  les  embarras.  La  foi  dans  la 
famiile,  c'est  la  religion  assise  au  foyer,  comme 
une  reine  et  comme  une  mère  ;  c'est  Jesus- 
Christ  qui  y  réside  par  toutes  les  croyances 
dont  il  est  la  base,  toutes  les  aflections  dont  il 


1464 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


est  le  centre,  tous  les  souvenirs  dont  il  est 
l'âme  et  toutes  les  espérances  dont  il  est  le  but. 
Oui,  heureuse  cette  famille  ;  c'est  une  citadelle 
inexpugnable  contre  les  assauts  du  mal,  c'est  un 
sanctuaire  où  fleurissent  ces  grandes  et  fortes 
vertus  qui,  en  sanctifiant  les  familles  élèvent 
les  sociétés  et  remplissent  les  cieux.  Deus  in 
tmdio  ejus  non  comtnovebiiur. 

L'abbé  Herman, 
curé  ds  Festubert. 


ACTES  OFFICIELS  DU  SAINT-SIÈGE 


BREF  RELATIF  AUX  POUTOIRS  DES  AOUONIERS 
MIUTAIRES. 

Pour  la  future  mémoire  de  la  chose. 

La  charge  de  l'Apostolat  suprême  que  nous 
remplissons,  malgré  notre  indignité,  nous  en- 
gage à  procurer  sans  retard  tout  ce  qui  peut 
assurer  et  accroître  heureusement  l'honneur  du 
Nom  catholique  et  le  salut  éternel  des  fidèles. 

C'est  pourquoi  l'Assemblée  française  qiii  a 
mission  de  porter  des  lois  et  de  fixer  les  impôts, 
ayant  examiné  l'an  dernier  la  question  d'établir 
des  prêtres  pour  les  fonctions  sacrées  à  remplir 
auprès  des  catholiques  qui  servent  dans  les 
armées  de  terre  <ïe  la  République,  c'est-à-dire 
des  chapelains  ,  appelés  aumôniers  ;  et  ayant 
décidé  que  ces  prêtres  ou  chapelains  seraient  en 
effet  institués,  sous  le  nom  d'aumôniers  mili- 
taires, et  attachés  aux  divisions,  aux  régiments 
ou  au'x  bataillons  des  troupes  de  terre,  pour  y 
remplir  les  fonctions  sacrées  sous  la  juridiction 
et  l'autorité  dos  évêques  dans  les  diocèses  de  qui 
ces  troupes  tiennent  garnison,  Nous,  afin  de 
pourvoir  de  la  façon  la  plus  favorable  au  bien 
de  ces  mêmes  catholiques,  de  Notre  autorité 
apostolique.  Nous  avons  décrété  ce  qui  suit: 

Dans  tous  les  lieux  où  se  trouvent  dus  troupes 
françaises  en  garnison,  lesdits  prêtres  ou  aumô- 
niers militaires  seront  absolument  soumis,  pour 
le  spirituel ,  aux  archevêques  ou  évêques  de 
ces  heux.  Mais  lorsque  les  troupes  seront  mo- 
bilisées, pour  éviter  tout  détriment  au  salut 
éternel  des  àmcs,  qui  occupe  tout  Notre  zèle  et 
toutes  Nos  pensées,  de  Noire  autorité  apostoli- 
que Nous  accordons,  en  vertu  des  [irésentes,  à 
tous  et  à  chacun  des  [trêtrcs  ou  chapelains,  soit 
aumôniers  militaires,  soit  aumôniers  auxiliaires 
qui  suivront  les  drapeaux,  que  chacun  d'eux 
puisse  user  librement  et  licitement,  même  hors 
de  son  diocèse,  soit  sur  le  terriloire.  soit  en 
dehors  du  territoire  de  la  République  française, 
de   tous  les  pouvoira  doot  il  usait  dans  sou 


diocèse,  en  vertu  de  la  concession  de  son  arcie^' 
vêque  ou  évêque,  avant  que  les  troupes  fussent 
mobilisées. 

Eifsuilo,  Nous  ajoutons  les  pouvoirs  qui 
suivent  ; 

1°  Que  chacun  d'eux  puisse  célébrer,  une 
heure  même  avant  l'aurore  ou  après  midi,  et, 
s'il  est  besoin,  hors  de  toute  église  et  en  plein, 
air,  mais  cependant  d'une  manière  décente,  sur 
un  autel  portatif  pourvu  d'une  pierre  sacrée  et 
des  autres  objets  nécessaires,  et  cela  en  présence 
même  des  infidèles,  des  hérétiques  et  des  excom- 
muniés, si  l'on  ne  peut  faire  autrement  et  s'il 
n'y  a  d'ailleurs  aucun  danger  de  sacrilège,  de 
scandale  ou  d'irrévérence:  et  aussi,  si  la  néces- 
sité l'exige,  qu'il  puisse  célébrer  deux  fois  dans 
le  même  jour,  en  observant  tout  ce  qui  doit 
être  observé  sur  ce  point  ;  enfin,  qu'il  puisse 
célébrer  une  messe  de  requiem  chaque  lundi  ou 
mardi  non  empêché  (1). 

2° 'Que  chacun  d'eux  puisse  administrer  les 
sacrements  de  l'EgUse  à  tous  les  fiilèles  qui 
servent  dans  l'armée  française  ou  qui  appar- 
tiennent actuellement  à  cette  armée  à  quelque 
titre  que  ce  soit,  et  'es  absoudre  de  tous  les  cas 
réservés  soit  à  ce  &iége  apostolique,  soit  aux 
Ordinaires  des  lieux  que  traversent  ces  mêmes 
armées  ou  de  ceux  où  elles  s'arrêtent;  de  même 
qu'il  puisse  donner  l'indulgence  plénière  et  la 
rémission  des  péchés,  à  l'article  de  la  mort,  à 
tous  les  fidèles  ci-dessus  indiqués,  même  con- 
vertis de  l'hérésie  et  de  l'apostasie  de  la  foi  ou 
du  schisme,  et  qui  n'auraient  pas  la  possibilité 
de  faire  une  confession  sacramentelle,  pourvu 
qu'ils  soient  au  moins  contrits  de  cœur; 

3°  Que  chacun  d'eux  puisse  accorder  l'indul- 
gence plénière  et  la  rémission  de  tous  leurs 
péchés  auxdits  fidèles,  qui,  vraiment  pénitents 
et  confessés,  et  munis  de  la  sainte  Communion, 
prieront  pieuseminu  pour  l'union  des  princes 
chrétiens,  rexlirpation  des  hérésies,  la  conver- 
sion des  pécheurs  et  l'exaltation  de  notre  sainte 
mère  l'Eglise,  aux  jours  de  Pâques,  de  Noël,  de 
l'Immaculée-Coneeplion  et  de  ^As^omlltion  ; 

4°  Que  chacun  d'eux  puisse  librement  et  lici- 
temen't  absoudre,  au  for  de  la  conscience,  tous 
les  fidèles  dont  il  a  été  fait  mention,  des  crimes 
d'hérésie,  d'apostasie  et  de  schisme,  et  de  les 
réconcilier  à  f  £i;lise,  en  observant  ce  qui  est 
prescrit  pour  ce  cas  ;  enfin,  bénir  les  ciboires, 
les  tabernacles,  les  vêtements  et  ornements 
sacrés,  et  tout  ce  qui  appartient  au  culte  divin 
ou  est  nécessaire  pour  les  fonctions  sacrées. 

Mais  Nous  voulons  et  Nous  ordonnons  que  les 
prêtres  ou  chapelains  susdits  usent  de  tous  et 
chacun  de  ces  pouvoirs  seulement  pendant  la 

1.  Dans  lo  lana;a-i«  liturgiiue,  un  jour  non  empêché, 
quant  à  l'Objet  pivsent,  est  an  jour  où  il  ny  a  piHBt  d» 
lùte  d'un  rite  sui)ériei«  au  rite  double  mineur. 


LA  SIMAINE  DU  CLEUQÉ 


I46S 


duré*?  de  IVxptïditJnn  6t  irntnnt  qTio  los  circons- 
taBcesou  la  iK-cpÂsiié  l'exigent  ;  ei  ([u'ils  puissent 
en  user  sans  èlre  soumis  aux  onlinaircs  des 
lieux  que  traverse  l'armée  ou  de  ceux  où  elle 
réside  pour  les  besoins  de  cette  exi-éditiou. 

Nous  voulons  aussi  que  les  copieTi  ou  même 
les  exemplaires  imprimés  des  présentes,  muuis 
de  la  signature  d'un  notaire  public  et  du  sceau 
d'un  ecélésioSti([ue  constitué  en  dignité,  jouis- 
sent de  la  même  auloriîé  que  les  lettres  mù- 
ginales.  Noaobitant  toutes  autres  dispositioûs 
contraires. 

Donné  à  Rome,  à  Saint-Pierre,  sous  l'anneau 
du  Pècheiir.le  6  juillet  -1875,  de  Notre  Pontificat 
l'an  trentième. 

■F.  Gard.  AsQtiKi. 

Void  le  texte  latin  de  ce  Bref  1 

AD  FOTUIIAM  REl  MEMOIUAM. 

Quœ  catholico  nomini,  aetermeqne  Sdelinm 
saluti,  bcne,  prospère,  ac  féliciter  eveniant,  ea, 
ut  mature  prsestemus,  nos  admonet  summi 
Aposlolatus  munns,  quod,  immeriti  licet,  «bi- 
mus. 

Itaque,  cum  anno  superiore,  in  Gallorum  con- 
sessulegibus  fercndis,  vectigalil)us  decernendis, 
verba  facta  fueriut  de instaurandis presbjteris  a 
sacris,  seu  capellanis  vulgo  «  aumdniers  »  pro 
catholicis  qui  militant  in  terrestri  exercilu  Rei- 
p-nblicœ,  placueritque  hujusmodi  presiiytcros, 
seu  capellanosstatueudos,  precsidiarii  qui  nimii- 
nantur,  quique  terrcsUiumcopiiirum  Icgionibus, 
cohortibns,  manipulisve  addicti,  rem  divinara 
eurent  suh  jurisdictione  et  potfstate  saerorum 
Aiitistitura,  quarum  in  diœcesilnis  memoraloe 
copiae  st.itivis  mnneant  :  NfHs,  quo  eoriimdem 
catholicorum  bono  satins  opiiortuniusque  con- 
Bultum  sit,  bœc,  quœ  infra  scripta  sunl,  aposto- 
licaNoïtra  auctoiitate,  ck'ere\'iraus. 

Quibus  in  locis  'Gallorum  copiœ  instativisba- 
beantur,  conim  lororfrm  Archicpiscopis ,  aut 
Episcopis,  talcs  presbyt-eri,  seu  ca]ipellani  prœ- 
sidiarii  in  spiritnalilius  omnino  subjecti  suuto. 
Quum  vero  esedem  copiae  c  stativis  eductee 
fueriut  {mobilisées),  tune  ne  tetema  animarum 
salus,  in  qua  procuranda,  omne  studium,  cogi- 
tationesque  colloeamus,  quidpiam  detrimeuti 
capiat,  siugulis  universisque  presbyteris,  seu 
cappellanis  hujnsmodi,  nimirum  tam  prœsi- 
diariis,  quamsufi'cctis,  qui  yexilla  sequuli  tue- 
rinl,  auctoritate  iNostra  apostolica,  tenore  proe- 
senlium,  elargimur,  ut  siuguli  quique  eorum, 
vel  extra  diœcesim,  et  tam  in  ditioue,  quam 
extra  dilionom  Reipublieae  Gallorum,  omnes  et 
singnlas  facultates  exercere  libère  et  licite 
queant,  quibus  in  diœcesi  ex  concessione  pro- 
prii  Arcbiepiscopi,  vel  Episcopi  utebantur,  an- 
te<faam  copiae  slutiva  reliquisseût. 


Prœterea  facultiilcs  adjicimus,  qi>.ce  ii.fra 
si'iiplœ  sunt. 

i.  Ut  singuii  quique  cnrnm,  nna  etinm  boni, 
vel  aute  auronim,  vel  post  mciidiem,  ac  ucccs- 
sitiite  id  insente,  extra  eccJesiam,  et  sub  dio, 
ileccnti  tamen  in  looo,  siiper  ullari  portaliJ.i, 
lapide  sacro  et  ncce?saria  ad  id  supeilectili  in- 
structo,  prseseutibus  quoque  iiifiile!«bns,  bBexe- 
ticis  atque  excouimunicalis,  dummodo  aliter 
iieri  nequeat,  et  absitpericulumsrtcrilegii,  scan- 
dai! et  irrevereutise,  sacrum  peragere,  illudque 
upcessitate  pariter  exigenle,  servalis  tamen  ser- 
vandis,  bis  eodem  die  fuceie;  nec  non  qualibet 
feria  secuuda,  vel  tertia  non  impeditis,  unam 
missam  de  Requiem  super  altari  poitatili,  lapide 
sacro,  et  supelleLlili  ut  supra  instructio,  cele- 
Lrare  possint,  et  valeant. 

U.  Ut  singuli  quique  eorimi  omnibus  Christi- 
fidelibus,  qui  Gallorum  vel  in  exercitu  militant 
vel  in  re  prœscuti,  quovis  modo  ad  exercitum 
perlinuerint,  Ecclesiae  sacramenta  administrare, 
eos  a  quibusvis  rcalibus,  cum  buic  apostolicae 
Sedi,  tum  ordinariis  locornm,  per  quae  exerci- 
tus  iidem  transeant,  vel  in  quiinis  consistant, 
reservatis,ai(Sodvere;  item  (^bristiCdclibus,  quoi 
descripsimus,  etiam  couversis  ab  haeresi  atque 
apostasia  a  fide,  et  scbismate,  qui  tamen  facul- 
tatem  sacramentalem  coufessioncm  peragendi 
non  bîtbeant,  dummodo  saltcm  fueriut  corde 
contriti,  plenariitm  indulgentiam  et  peecatomm 
T'-missionem  in  mortis  articulo  imperlire  iu 
Domino  possint. 

m.  Ut  singuli  qnique  eorum  memoratis  Chri- 
stilidelibus,  qui  vere  pœnitentes,  et  confesssi,  ae 
saiTa  communione  refecti,  dominica  Resurrec- 
tionis,  et  fcstivitatibus  Nativitalis  Dumiui  No- 
stri  Jésus  Christi,  et  Immaculatse  l'.onceplionis  et 
Assumptionis  Beatœ  Mariœ  Virgiuis,  pro  cbri- 
ftiauorum  principum  coucor Jia,  bœresum  extir- 
palioue,  jieccatorum  convir-ione,  ac  sauetae 
iMatris  Ecclesiœ  exaltalioue  pias  ad  Deum  preces 
etVuderunt,  plenariam  omnium  peccatorum  suo- 
rum  indulgentiam  et  remi^^sionem,  etiam  defuno 
tis  applicabilem,  concedere  ut  supra,  queaiit. 

Ut  singuli  quique  eorum  quoscumijue  Chri- 
stitideles,  de  quibus  habita  aute  meutio  est,  a^ 
liœresi,  etiam  ab  apostasia  et  scbismate  in  foro 
conscientiœ  nbsolvere,  eosque,  servatis  servan- 
dis,  sauetae  Matri  Ecclesiae  recouciliare;  tandem 
vasa,  taberuacula,  vestes,  ornameutaetquidquid 
ad  cuUum  divinum  spectet,  et  spirituali  servitio 
sit  uecessarium  benedicere,  libère  et  licite  pos- 
sint. 

At  enim  volumus,  edicimus,  ut  presbyteri, 
sive  capellani,  quos  memoravimus,  singulas 
atque  uoiversas  facultates  Jiiijusmodi,  durante 
timtum  expeditione,  et  nouuisi  quum  tempus, 
et  nécessitas  postulet,  exerceant,  eisdemque  uti 
valeaut,  quin  cas  ordinariis  locorum  per  qaa 


iiCC 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


aut  exTtitns  trnnseat,  aut  in  qiiibns  expeditio- 
nis  pansa  constiteiit,  sulijiceie  teneanlur. 

Simnl  volumns  ut  praesentinm  litterarum 
transnmitiSjSeuexempliseliamimiuessis,  manu 
alicujns  iiotarii  publie!  subscriplis  et  sigillo  per- 
sonœ  eccli'siastica  in  dignitate  eouslitutœ  muni- 
tis,  eadem  prorsus  tides  adbibeatur,  quae  adhi- 
beretur  ipsis  pra^sentibns  sifuprint  exbibitse,  vel 
osteufai.  In  contrarium  facientibus  nou  obstan- 
tibus  quibnscumiiue. 

Datnin  Roma;,  apud  Sanctnm  Pelrnm,  sub 
annulo  Piscatoris,  die  VI  Julii  MDCCCLXXV, 
Poiitiiicatus  Nostii  anno  trigesimo. 

F.  Gard.  ASOUINIUS. 
Loco  f  sigilli. 

Pour  copie  conforme  : 

Le  Conseiller  d'Ftat,  chef  de  la    V  division 
de  l'Adndicist ration  des  cultes. 


LITURGIE 

DES  RÈGLES  A  SUIVRE  DANS  LE  CULTE  DES  SAINTES 

UEMQUES. 

(12*   article.) 
VII.  —  Riliques  dans  les  autels  (suite). 

Le  principe  posé  dans  les  décrets  précédents 
a  été  maintenu  d'une  manière  absolue  par 
l'ordre  de  notre  Trcs-S;iint  Père  le  Pape  Pie  IX, 
dans  une  cause  de  Saint-Flour.  La  lettre  suivante 
faitconnnître  la  teneur  delà  supplique  adressée 
au  Saint-Siège  et  la  décision  qui  fut  notifiée 
eu  réponse  : 

(1  Révérendissimo  S' igneur  et  Frère, 

«  Dans  l'assemblée  ouliuaire  do  la  Congréga- 
tion des  Rites  sacrés,  tenue  le  23  mai  de  l'année 
Ciiurantc  au  palais  du  Vatican,  le  secrétaire 
soussigné  de  celle  sacrée  Coiigréi:ation  a  exposé 
la  demande  présentée  au  nom  de  Votre  Gran- 
deur et  ain-i  conçue  : 

B  Un  grand  nombre  d'autels  portatifs  de 
diverses  églises  du  diocèse  de  Saint-Flour,  en 
France,  avaient  ou  paraissaient  avoir  perdu  les 
reliques  dessaints  qui  y  furent  insérées.  Quoique 
les  sépulcres  d'autres  autels  eussent  été  scellés 
avec  de  la  poix  ou  de  la  cire,  comme  ils  n'étaient 
pas  muni  du  sceau  episcopal,  on  craignait  qu'ils 
n'eussent  été  ouverts  et  que  les  saintes  reliques 
ne  s'y  trouvassent  plus.  Comme  on  s'était  per- 
suadé que  ces  autels  n'étaient  pas  exécrés  i^our 
eela  et  qu'il  sut'li?ait  il'y  déposer  de  nouvelles 
reli(iues  de  Saints,  l'évêque  de  Saint-Flour,  ou 
ses  vicaires  généraux,  ayant  inspecté  ces  autels 
dans  le  cours  de  leurs  visites  ou  en  d'autres  cir- 
constances, ordonnèrent  que  des  nouvelles  reli- 
ques a ulheu ligues  iusseiit   déposées    dans   les 


sépulcres  de  tous  les  autels  cî-dessus  mentiom- 
nés.  Mais  on  eut  ensuite  connaissance  d'une 
récente  déclaration  de  la  Sacrée  Congrégation 
des  Rites  qui  décide  que  les  autels  dout  les  sépul- 
cres ojit  été  ouverts,  sont  exécrés.  E\  parce  qu'il 
est  très-difficile  de  distinguer  les  autels  dont  il 
s'agit,  attendu  que  l'évêque  a  consacré  un  cer- 
tain nombre  d'autels  portatifs  et  a  scellé  du 
même  sceau  leurs  sépnlcres,  ledit  évèque  de 
Saint-Flour,  prosterné  aux  pieds  de  Votre  Sain- 
teté, la  supplie  de  vouloir  bien  remédier  au 
défaut  signalé  et  de  permettre  que,  nonobstant 
ce  défaut,  on  puisse  célébrer  sur  ces  autels,  qui 
ont  été  certainement  consacrés  autrefois.  • 

«  La  sacrée  Congrégation,  après  avoir  pris 
connaissance  de  toutes  ces  choses  et  les  avoir 
attentivement  examinées,  a  été  unanimement 
d'avis  qu'il  fallait  enjoindre  à  Votre  Grandeur  de 
consacrer  selon  la  coutume  établie  un  nombre 
assez  considérable  d'autels  portatifs  pour  sup- 
pléer à  la  nécessité  accusée  dans  le  cas  allégué  ; 
et  ensuite,  s'il  en  est  besoin  à  cause  du  manque 
d'autels  consacrés,  parce  que  tous  ceux  dont  il 
est  parlé  ont  perdu  leur  consécration  à  raison 
du  défaut  énoncé,  il  faudra  adresser  une  sup- 
plique à  Sa  SainteMJ,  pour  obtenir  la  faculté  qui 
a  été  demandée. 

•  Le  même  secrétaire  soussigné  ayant  entre- 
tenu de  toutes  ces  choses  Notre  Très-Saint  Sei- 
gneur Pie  IX,  le  jour  indiqué  ci-dessous,  Sa  Sain- 
teté, constatant  que  la  concession  de  la  faculté 
qui  lui  est  demandée  serait  une  nouveauté  con- 
traire aux  règles  établies  par  la  loi  de  l'Eglise, 
s'est  vue  dans  la  nécessité  de  préférer  imposer 
une  charge  à  laquelle,  du  reste,  il  sera  facile  de 
satisfaire,  plutôt  que  d'accorder  cette  dispense. 
Elle  a  décidé,  en  conséquence,  qu'un  nombre 
assez  considérable  d'autels  portatifs  étant  consa- 
crés, comme  il  a  été  dit  ci -dessus,  ces  autels 
seront  substitués  peu  à  peu  à  ceux  qui  ne  sont 
pas  consacrés  ;  ceux  qui  seront  enlevés  recevront 
une  nouvelle  consécration,  et  ces  derniers,  que 
l'on  avait  à  tort  prétendu  rendre  légitimes, 
seront  reconnus  propres  à  l'oblation  du  saint 
sacrifice,  soit  par  la  qualité  du  sceau  nouvelle- 
ment imposé,  soit  par  l'inscription  ou  registre 
de  la  visite  des  objets  sacrés,  lequel  doit  men- 
tionner l'autel  ainsi  placé  récemment  et  le  lieu 
oîi  il  a  été  posé. 

«  En  communiquant  à  Votre  Grandeur  les 
ordres  de  Sa  Sainteté,  je  lui  souhaite  de  tout 
cœur  une  longue  prospérité. 

«  Rome,  le  3  juillet  1846.  » 
L'évêque  de  Saiut-Flour  vitapparamment  des 
inconvénients  sérieux  à  api)liquer  dans  sa  ri- 
gueur lu  décision  qui  lui  avait  été  transmise,  et 
comprenant  qu'il  ne  pouvait  s'en  écarter  sans  y 
ctrc  rcgulioremcut  autorisé,  il  eût  recours  une 


j 
1 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1467 


seconJofois  ;ui  Saint-Siégn,  exposant  la  situation 
telle  qu'elle  lui  ajuiniaissait.  Le  Souverain  Pon- 
tife, prenant  eu  fousiiléialinn  les  raisons  qui  lui 
étaient  soumises,  consentit  à  teiipérer,  par 
grâce  exceiitiontielle,  et  pour  ce  ca:'  ^^pécial^  sa 
première  ilécision.  C'est  ce  qu8  cous  appreil 
l'induit  suivant  adressé  ii  l'évèque. 

«  Lorsipie  le  révérendissime  évêquede  Saint- 
Flour  apprit  que  la  volonté  de  la  sacrée  Congré- 
gation des  Rites  et  deNotreTrés-Saint  Seigneur 
le  Pape  Pie  IX  était  qu'au  lieu  de  remédier  delà 
manière  qu'il  le  demandait,  pour  les  rendre  à 
l'usage  ordinaire,  au  défaut  des  autels  dont  la 
consécralion  élait  devenue  douteuse,  à  cause  de 
la  disparition  des  reliques  nu  de-;  sce;aix,  il  cou- 
saciât  un  immbre  suflisanl  d'aulels  portatifs 
pour  les  substituer  à  ceux  <loiit  la  consécration 
régulière  n'était  pas  constatée,  ledit  évèque 
8'aper(jut  qu'il  ne  pouvait  mettre  à  exécution 
l'intention  de  Sa  Sainteté  sans  un  notable  incon- 
vénient, pour  la  raison  suivante:  Il  n'a  été  tenu 
note  ni  dans  le  registre  des  visites,  ni  ailleurs, 
des  autels  qui  furent  réhabilités  par  un(!  nou- 
velle insertion  derelicjues  ou  ]iar  l'apposition  du 
sceau,  pour  (pie  l'on  put  yuflVir  le  saint  sacri- 
fice de  la  me«se.  L  ^uit  de  là  que  pour  mettre 
les  consciences  en  reuos.  il  serait  nécessaire  de 
consacrer  de  nouveau  tous  les  autels,  ou  bien 
de  distrilaier  des  autels  portatifs  à  cinq  cents 
églises  ou  cliapelles.  Or.  ni  l'un  ni  l'autre  de 
ces  moyens  ne  peut  étrt;  em[doyé  sans  exciter 
l'étonuement  du  peu[ile  et  imjioser  au  clergé 
une  certaine  dépense.  En  conséquence,  ledit 
évèque  de  Saint-Flour  a  adressé  une  nouvelle 
supplique  à  Sa  Sainteté,  la  priant  de  lui  accor- 
der, dans  sa  bienveillance  aii)stolie|Ue,  un  in- 
duit, lequel  remédiant  à  tout  défaut,  il  soit 
permis  de  célébrer  sur  ces  autels;  car,  dans  la 
suite  du  temps,  les  sceaux  de  chacun  île  ces 
aut(;ls  disparaîtront  peu-à-peu,  les  sépulcres 
seront  ouverts,  et  les  autels  eux-mêmes  en 
viendront  à  recevoir  une  nouvelle  consécration. 

«  Sa  Sainteté,  sur  le  rapport  qui  lui  fut  pré- 
îenté  par  moi  secrétaire  soussigné  de  la  Congré- 
gation des  Rites  sacrés,  ayant  pesé  les  raisons 
exposées  et  déterminée  par  les  autres  circon- 
stances particulières,  a  bien  voulu,  par  grâce 
spéciale  et  sans  ([ue  l'on  puisse  s'en  prévaloir 
comme  d'un  précédent,  ayant  la  valeur  cl'un 
exemple,  accorder  qu'il  soit  remédié  de  la  ma- 
nière iniliquée  au  défaut  signalé,  pourvu  toute- 
fois qu'il  ne  puisse  être  établi  par  aucune 
preuve,  ni  par  le  témoignage  vies  curés,  que  les 
autels  n'ont  pas  été  de  u.  uveau  consacrés, 
nonobstant  toutes  choses  conti  lires. — Le  2S  sep- 
tembre 1846.  » 

Dans  le  cas  présent,  une  dispense  extraordi- 
naire est  accordée,  à  raison  de  circonstances 
ipécialeî  et  d'une  sorte  d'impossibilité  morale 


de  rentrer  romplétemfnt  ilans  la  règle,  iLais 
cous  la  Ti'serve  expresse  v.it  'a  règle  elle-même 
est  maiuteon»-,  et  que  1  on  ne  pourra  pas  con.ii 
déier  cette  c^ncesiiun  comme  uo  exemple  qui 
autorise  à  sgir  de  mèm"  ailleurs  On  induit 
postérieur  accordé  à  l'évèriue  q?  Liraboing  ad 
fem pus  consacre  de  même  leprincipe  et  témoigne 
de  la  ferme  volonté  du  Saint  Siée,"  de  ne  pas 
laisser  tomber  la  loi. 

«  Le  Révérendissime  évèque  de  Strasbourg, 
faisant  la  visite  du  diocèse  qui  lui  est  confié.,  a 
trouvé  un  grand  nombre  de  sépulcres  d'aulels 
dans  lesquels  les  reliques  étaient  à  découvert, 
en  sorte  qu'on  ne  pouvait  en  constater  l'authen- 
ticité, les  sceaux  et  les  lettres  testimoniales 
faisant  défaut,  ou  bien  qui  étaient  absolument 
dépourvus  de  reliques,  en  sorte  que,  d'après  les 
lois  de  l'Eglise,  le  sacrifice  de  la  messe  ne  pent 
être  célébré  sur  ces  autels.  Désirant  parer  au- 
tant que  possible  à  ce  mal,  le  Révérendissime 
évèque  a  déjà  envoyé  une  supplique  pressante 
pour  obtenir  îles  r.'liques,  mais  il  a  d>-mandé  à 
la  sacrée  Congrégation  des  Rites,  qu'elle  dai- 
gnât permettre  de  célébrer  dans  l'intervalle  sur 
ces  autels. 

«  Sur  le  rapport  qui  lui  fut  présenté  par  moi 
secrétaire  soussigné,  la  même  sacrée  Congré- 
gation, réunie  au  (Jnirinal  en  assemblée  ordi- 
naire, le  jour  ci-dessous  indiqué,  a  bien  voulu 
accéder  à  cette  demande,  par  extension  du  bref 
accorilé  à  l'cvéïiue  de  Nantes,  le  15  janvier  de 
l'année  courante  (I).  Remédiant  donc  à  tout 
déf.iut,  elle  a  permis  que  le  saint  sacrifice  soit 
célébré  sur  ces  autels,  jusqu'à  ce  que  de  nou- 
velles reliques  y  aient  été  placées.  —  Le  24  fé- 
vrier tSiî.  » 

L'état  actuel  de  la  question  aux  yeux  du  Saint- 
Siège  nous  est  connu  par  les  dee.isions  rendues 
dans  une  cause  de  Bourges,  de  l'année  1851. 
On  verra  que,  tout  en  se  montrant  très  ferme 
sur  le  principe  de  la  nécessit''  de  cliques  au- 
tlientiiiucs  dans  lesa^itels,  la  Congrégation  des 
Rites  a  accordé  des  facilités  nouvelles,  pour 
faire  disparaître  les  nomhreu.-es  irrégularités 
qui  exislaii-nt,  sous  ce  raiipoil,  dans  une  fouie 
d'églises.  Voici  celte  cause  : 

(1  La  sacrée  Congrégation  des  Indulgences  et 
des  saintes  reliques,  ayant  renvoyé,  le  31  jan- 
vier de  l'année  présente,  à  la  sacrée  Congréga- 
tion des  Rites,  la  supplique  du  Révérendissime 
arclicvê que  de  Bourges,  par  laquelle  il  deman- 
dait la  solution  de  quelques  doutes,  touchant 
la  con"écialion  des  autels  portatifs,  eiensemble 
l'avis  du  Révérendissime  l'icrre  Minettl,  avocat, 
assesseur  de  celte  sacrée  Congrégation,  ces 
doutes  furent  proposes  dans  rassemblée  ordi- 
naire tenue  au  Uuirinal,  le  jour  ci-dessous  in- 

1.  Ce  bref  ne  se  trouTe    point    dans    ! '.    collection  d8 

.-    rdellini 


nos 


LA  SEMAINE  DU  CLERGË 


cliqué,  par  rEminontisslnie  et  Révérendissime 
car.iinaJ  Josepli  Ugolini,  rapporteur,  daus  les 
termes  suivants: 

«  1°  Les  autels  portatifs  périment  ils  leur  con- 
sécration lorsque  le  sceau  apposé  sur  lest  reli- 
ques renfermées  dans  le  sépulcre  est  brisé;  ou 
seulement  lorscjne,  comme  disent  les  théolo- 
giens, le  sépulcre  lui-même  est  rompu? 

«  2°  L'autel  portatif  dont  le  sceau  n'existe 
pas.  doit-il  être  envoyé  à  la  ville  épl-copale, 
pour  y  être  consacré  de  nouveau  ;  ou  bien  suf- 
lit-il  d'ajouter  de  nouvelles  reliiiues  aux  an- 
ciennes renfermées  dans  le  sépulcre  et  qui  man- 
quent d'auUieidicité,  et  d'apposer  ensuite  le 
sceau  épisi'opal. 

«  3°  Que  faut-il  penser  de  la  consécration  des 
autels  portatifs  du  diocèse  de  Bourges?  Il  est 
établi,  de  fait,  que  depuis  la  rév<dution  de 
1790,  il  n'existait  plus  de  sceaux  sur  le^  autels 
portatifs.  Des  reliques  ont  été  placées  par  les 
archidiacres  dans  les  sépulcres  vides,  ou,  lor— 
q;u'il  s'y  trouvait  encore  des  reliques,  qui 
rtaient  dépouivues  d  aiithenticilé,  ou  y  ajouta 
des  reliques  autheniiques  et  le  sceau  épiscopal 
y  fut  apiiû-é. 

•  Les  Eminenti-simes  et  Révérendissime?, 
l'crcs  préposés  au  maintien  des  Rites  sacrés, 
pesant  avec  le  soin  accoutumé  les  doutes  ci- 
dessus  et  soumettant  à  un  mùi-  examen  les  rai- 
sons et  les  circonstances  alléguée-  par  le  Uévé- 
rendissime  assesseur,  à  l'appui  de  sou  seatiment, 
ont  éti;  d'avis  de  répondre  : 

«  i°  Il  est  repondu  négnthtment  à  la  première 
partie,  à  moins  qui' le  sépulcre  ne  soit  rompu, 
ou  que  son  couvercle  ne  soit  bri~é,  ou  seule- 
ment séparé  du  sépulcre;  il  est  pourvu  à  la 
seconde  partie  dans  la  première. 

«  2°  Il  est  pourvu  il  la  première  partie  de 
cette  questiondi'.ns  la  première  question  :  quant 
à  la  seconde,  il  u'est  jamais  [lermLs  de  mêler  des 
rcliijues  certaines  à  des  reliques  douteuses,  et 
l'autel,  soit  hxe,  soit  mobile,  une  fois  qu'il  est 
exécré,  a  besoin,  de  droit  comœuD,  d'une  nou- 
velle consécration. 

«3°  Les  autels  mobiles  sont  exécrés,  dans  le 
cas  proposé,  et  il  est  répondu  ad  mciiicm.  La 
pensée  de  la  sacrée  Congrégation  est  que  les 
reliques  douteuses  doivent  ab-olument  être  re- 
tirées des  sépulcres,  et  il  faudra  s'adresser  au 
Suint-l'ère,  [lour  que  l'archevêque  de  Bourges, 
soit  par  lai-même,  soit  même  par  le  ministère 
«le  simples  prêtres  qui  seront  délègues,  uni- 
quement pour  ce  cas,  au  nom  du  Siège  Aposto- 
lique, remette  des  reliques  dans  ces  autels,  en 
observant  seulerneut  les  cérémonies  prescrites 
dans  le  l'outilical  romain,  puur  rinsertion  des 
reliques  dans  le  sépulcre  et  l'apposition  de  la 
pierre  qui  le  ferme;  c'est-à-dire  que  la  confes- 
sion ou  le  s'pulcre  sera  marqu(!e  du  signe  de 


la  croix  avec  le  sainî-clirèrae,  et  que  l'on  dira 
en  même  temps  l'oraison:  Comecretur  et  sancli- 
(î'-elur;  ensuite  les  rehques  ayant  été  déposées 
dans  le  sé|)ulcre  avec  trois  grains  d'encens,  et 
le  couvercle  ayant  été  ajusté  à  1  ouverture,  et 
solidement  appliqué,  on  dira  cette  autre  orai- 
son :  Deuf  qui  ex  omnium  cùhabitationesanctorum, 
et  l'on  n'ajoutera  rien  autre  chose. 

«  Ainsi  a-l-il  été  répondu.  —  Le  23  septem- 
bre 1848. 

«  Un  rapport  fidèle  de  tout  ce  que  dessus 
ayant  été  fait  à  notre  très-saint  seigneur  le 
Souverain- Pontife  Pie  IX  par  moi  secrétaire 
soussigné,  Sa  Sainteté,  mue  par  sa  bienveillance 
apostolique,  a  accordé,  pour  ce  cas  seulement, 
1  induit  demandé,  à  la  condition  que  l'on  se 
conformera  très-exactement  à  tout  ce  qui  est 
prescrit  dans  les  réponses  qui  précèdent,  —  Le 
5  •lécembre  1851.  » 

Un  induit  conçu  dans  les  mêmes  termes  fut 
obtenu  par  l'évèque  de  Limbourg,  le  12 
août   1858. 

Nous  voyons  apparaître  pour  la  première 
fois,  dans  l'induit  de  Bourges,  la  délégation  de 
simples  piètres  pour  la  réconciliation  des 
autels  exécrés  par  la  perte  complète  des  reli- 
ques ou  la  disparition  des  signes  de  l'authen- 
ticité. Les  fonctions  sacrées  qui  exigent  l'usage 
du  saint-clirème  sont  réservées  aux  évèques. 
Parmi  ces  fonctions  la  consécration  des  autels, 
qui  comprend  l'insertion  des  reliques,  tient  uue 
des  [iremiêres  places.  Toutefois  cette  réserve- 
n'est  que  d'institution  ecclésiastique,  et,  pour  de 
justes  causes,  il  y  peut  êire  dérogé.  Si  un  simple 
prêtre  est  le  ministre  extraordinaire  du  sacre- 
ment de  confirmation,  dont  l'administratiiin  est 
un  des  attributs  principaux  de  Tordre  épisco- 
pal, et  s'il  en  est  ainsi  en  vertu  môme  de  l'ins- 
titution divine,  puisque  l'Eglise,  qui  ne  peut 
rien  sur  la  substance  des  sacrements,  ne  saurait 
CQ  changer  le  ministre;  à  plus  forte  raisoa 
une  prérogative  attribuée  aux  évèques  par 
l'Eglise,  et  très-justement,  peut-elle  être  coa- 
muniquée  exceptionnellement  et  ilans  des  cas 
déterminés  aux  prêtres.  Il  semble  même  qu'à 
l'origine,  la  réserve  dont  nous  parlons  u'existait 
pas  ou  était  moins  exclusive.  U  est  constant 
que  de  simples  prêtres  consacrèrent  des  autels, 
et  s'ils  ne  le  firent  pas  en  vertu  d'un  pouvoir 
ordinaire,  ils  remplirent  certainement  ce  mi- 
nistère par  délégation.  Théodore  parle  d'un 
moine  prêtre,  nommé  Julii-n  S;ibas,  «jui  cons- 
t  uisit  un  autel  sur  le  mont  Siuaïet  en  consacrd 
l'autid  (1).  Celle  faculté  accordée  ou  laissée 
autrefois  à  de  simples  prèlrcs  est  conférée 
encore  aujourd'hui  à  de  certains  dignitaires  qui 
n'ont  pas  reçu  l'ordre  épiseoiial,  mais  qui  ont 
droit  a  quelques-uns  déshonneurs  apporleuaût 

I .  Theodoretug,  Phiiothtus^  cap.  u. 


lA  SEMAINE  DU  CLERGE 


IH9 


«nx  évêques,  par  exemple,  à  l'usage  de  la 
crosse  et  de  la  mitre,  qui  emporte  la  faculté 
d'officier  ponliticalemeot  en  des  circonstances 
déterminées.  Nous  lisons  dans  le  Missel  romain 
la  rubrique  suivante  :  «  L'autel  destiné  à  la 
célébration  du  très-saint  sacrifice  de  la  messe, 
doit  être  en  pierre  et  consacré  par  un  évêque 
ou  un  abbé  qui  en  a  reçu  la  faculté  du  Siét^e 
apostolique:  ou  du  moins  il  faut  une  petite 
table  de  pierre  pareillement  consacrée  par  un 
é\'éque  ou  un  abbé,  comme  ci-dessus,  et  insérée 
dans  l'autel,  et  assez  étenJue  pour  recevoir 
riiiistie  et  la  plus  grande  partie  du  calice  (I).  » 

Nous  ferons  remarquer,  toutefois,  comme 
eela  est  d'ailleurs  formellement  exprimé  dans 
«elle  rubrique,  que  la  ilignité  abiiatiale  ne 
suppose  pas  par  elle-même  et  nécessairement  le 
pouvoir  de  consacrer  des  autels,  mais  que,  si 
les  abbés  sont  déclarés  ici  aptes  à  faire  cette 
fonction,  il  faut  néanmoins  qu'ils  en  aient 
obtenu  l'autorisalioii  du  Souverain-Pontife,  dont 
ils  sont  alors  les  delé^^ués. 

Si  les  circonstances  le  demandent,  cetta  per- 
mifsion  peut  être  accordée  à  des  prêtres  noa 
constitués  en  dignité.  Sans  doute,  il  est  rare 
qu'ils  soient  délégués  pour  faire  une  consécra- 
tion seleunelle,  accoinii.ignée  de  toutes  les 
cérémonies  prescrites  jians  le  pontifical,  et, 
pour  notre  part,  nous  n'en  connaissons  aucun 
excmiile,  parce  que  cette  dérogation  à  la  rèi^le, 
«[iii  peut  devenir  nécessaire  dans  les  missions 
luinùiines  souvent  privées  d'évèques,  serait 
diliicilemenl  justiiiée  dans  nos  contrées.  Mais 
les  induits  de  Bourges  et  de  Mrabourg  nous 
montrent  que,  le  Saint-Siège  usant  d'une  con- 
tlcscendance  raisonnable,  ne  refuserait  pas  da 
déléguer  de  simples  prêtres  pour  réconcilier, 
sans  aucune  solennité,  les  autels  exécrés  par  la 
dispai'tion  des  reliques  ou  la  destruction  des, 
signes  requis  pour  eu  garantir  l'authenticité. 

Cette  concession  fut  faite  d'abord  pour  des 
cas  particuliers  et  ne  duvait  durer  que  le  temps 
iiècessaii'c  à  la  réconciliation  des  autels  alors 
■exècres.  Des  évèqucs  ont  obtenu  depuis  des 
induits  qui  les  autorisent,  sans  limitation  de 
temps,  à  déléguer  au  nom  du  Souveraiu-Pon- 
tile,  et  dans  chaque  cas,  des  prêtres  pour  faire 
cette  réconciliation.  Nous  avons  sous  les  yeux 
un  re.-crit  de  lu  Congrégation  des  rites  du 
ô  mars  1872,  en  vertu  duquel  Mgr  l'évèqufi  de 
Troyes  peut  confier  cette  fonction  à  des  prêtres 
toutes  les  fois  que  des  autels  exécrés,  comme  il 
a  été  dit,  devront  être  réconciliés.  Cette  pièce  est 
conçue  absolumeut  dans  les  mêmes  termes  que 
la  troisième  réponse  du  décret  rendu  pour 
Uourges,  saut  diUerence  considérable,  que  ce 
pouvoir  est  conféré  pour  tous  ies  cas  où  il  sera 
besoin  d'en  user,  quaniocumque.  Peut-être  lira- 

t,  Riibnca;  aentrults  ilùta,  UL  XX. 


t-on  avec  intérêt  le  cérémonial  rédigé  à  Rome 
pour  celte  réconciliation.  Nous  le  donnons  ici 
dans  son  tpxte  : 

1°  S'gnandum  est  sancto  Chrismate  sepulchrum^ 
ac  intérim  ■licendum  : 

Conse  t  cretur  et  sanctifi  f  ceiur  hoc  sepul- 
chrum.  In  nomine  Pa  f  tris,  et  Fi  f  lii,  et 
Spiritus  f  sancti.  Pax  huic  domui. 

2°  In  eodem  sepulchro  recondendœ  sunt  reliquice 
cum  tribus  granis  incensi,  sicut  jam  paratœ  i 
Ciincellnria  episcopali  recipiuntur. 

3°  Cdlce  vel  cœmento  poslea  daudendum  est  os 
îe/nik/iri,  ita  ut  reUquiœ  intus  optime  firmenlur. 

4°  Clouso  sepulchro,  si  de  fdtari  portatiti  agu-' 
tur,  superponendum  est  cum  cera  hispanica  sigil- 
tum  episcopole,  si  habeatiir,  vel,  eo  déficiente, 
altero  quolibet  ulenduui  sigiilo,  donec  ci  ipsomet 
Poitti/ico  vel  ejus  vicurio  gênerait,  tempore  con^ 
qruo,  meliori  modo  provideotur . 

Si  aulem  ngalur  de  altiiri  fixo  claudatur  et  fir~ 
metur  sepulckrum  cum  lapide  seu  tabula  ad  id 
parata  calce  vel  cœmento  coagmentata. 

5"  His  peiactis,  recitanda  est  sequens  oratio. 

OncMus.  Deus,  qui  ex  omnium  cohabitatione 
sanctorum  celernum  majcslati  tuae  condis  habi- 
taculum  :  da  aedificationi  tuae  increraenta 
cœleslia  ;  et  prœsta,  ut  quorum  hic  reliquias 
pio  amoro  complectimur,  eorum  semper  meri- 
tisadjuvcmur.PerChristumDominum  nustrum. 
—  ^.  Amen. 

In  prœdicta  aulem  cœremonia  adimplenda, 
superpellicco  cum  stola  alba  inrluatur. 

Les  prières  ci-dessus  sont  tirées  du  Pontir 

Ûcal.  P.-l''.  ECALLE, 

professeur  de  théologie. 

{/i  suivi'e.) 


Théologie    dogmatiqua 

LE  PLEIN  POUVOIR  DU  SAINT-SIEGE 

{suite.) 

NOTES  ADDITIONNELLES  DU   CHAPITRE  II. 
I. 

Conslitutio  dogmatica  prima  de  Ecclesia  Chrisii, 
Cap.  /K 
Ipso  autem  Apostolico  primatu,  quem  Roma- 
mis  Pontifex,  tanquam  Pétri  principis  aposlolo- 
rum  successor,  in  universam  Ecclesiam  obiinet, 
supremam  quoque  magisterii  potestatern  cona- 
prehendi,  hsec  sancla  Sedes  semper  tpnuit,  per- 
pétuas Kcclesise  usus  comprobat,  ipsa  que  œcu- 
menica  concilia,  ea  imprimis,  in  quibus  Oriens 
cum  Occidcnte  in  fidei  cliaritatisque  umouem 
conveniebat,  declaraveruut.  Patres  enim  coji- 
cilii  Constatitinopolitaui  quarti,  majorum  vesti/- 
uiis  iiibaireutes,  banc  solemuem  edideruat  pro» 


t4T0 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


fessionem  :  Prima  salus  est,  rertœ  fidei  regulam 
custodire.  Et  quia  non  potest  Domiiii  nostri 
Jesu  CUristi  prwtcrmilti  seatentia  dicentis  :  Tu 
es  Petrus  et  super  hanc  petram  sedificabo  Eccie- 
siam  mpam.  liaîc,  quœ  dicta  sunt,  rerum  pro- 
bantur  effeclibus,  quia  in  Sede  apostolica  imma- 
culata  est  semper  catholica  reservata  religio,  et 
sancta  celebrata  doctrina.  Ab  liiijus  ergo  fide  et 
doctriua  separari  minime  cupieutcs,  speramus, 
ut  in  una  communione  quam  Sedes  apostolica 
preedicat,  esse  mereamur,  in  qua  est  intégra  et 
vera  chrislianee  religionis  solidilas  (I).  Appro- 
bante  vero  Lugduneusi  concilie  secunrlo, 
Grœci  professi  sunt  :  sanctamRomanim  Ecclesiam 
summum  et  jdenum  primatum  et  principatum 
super  univcrsam  ecclesiam  catholicam  obtinere, 
quem  se  ab  ipso  Domino  in  beato  Fetro  Aposto- 
lorum  prUifipesivevertice,cujusRumanus  Pon- 
tifex  est  successor,  cum  potestatis  plenitudine 
récépissé  verïciter  et  humiliter  recognoscit  ;  el 
sicut  prie  cœteris  tenetur  Odei  veritatem  deien- 
dere  ;  sic  et ,  si  quœ  de  fide  subortœ  fuerint 
quœstiones,  suo  debent  jiidicio  definiri.  Floren- 
tinum  deniqne  concilium  definivit  :  Pontificem 
romanum,  verum  Christi  Vicarium,  totiustiue 
Ecclesiae  taput  et  omnium  cUristianorum  patrem 
ac  doctorem  oxislere;  et  ipsi  in  beato  Petro  pns- 
cendi,  regendiau  gubernaudiuuiversalem  eccle- 
siam a  Domino iiostro  Jesu  Christo  plenam  potes- 
tatemtraditam  esse. 

Huic  pastorali  muneîi  ut  satisfacerent,  prœ- 
decessores  Nostri  indetessam  semper  operam 
dederunt,  ut  salutaris  Cbristi  doctrina  apud  om- 
nes  terrae  populos  propagaretur,  parique  cura 
vigilarunt,  ut,  ubi  rccepta  esset.sincera  et  pura 
conservaretur.  Qnocirca  totius  orbis  Antistites, 
iiQDc  singuli,  nunc  in  synodis  coiigregati,  lou- 
gam  Eccicsiarum  cousuetudinem,  et  antiquae 
regulae  formam  sequentes,  ea  prœseriim  peii- 
cula,  quae  in  uegotiis  fidei  emergebant,  ad  banc 
Sedem  apnstolicam  retulerunt,  ut  ibi  polissimum 
resarcirentur  damna  fidei,  ubi  fîdes  non  potest 
senlire  defeclum  {-2).  Romani  autcm  ponlifices  , 
prout  temporuin  el  rerum  conditio  suadebat, 
nunc  convocalisœcumenicis  conciliis,  autexplo- 
rata  Ecclesiae  per  orbem  dispersa;  sententia, 
nunc  per  synodos  particulares,  nunc  allis,  quae 
divina  suppeditabat  l'rovidunlia,  adbihitis 
auxiliis,  ea  teneada  definiveruut,  qua;  sacris 
Scripturisetaposlolicistraditiouibuscousentanea, 
Deo  adjutore,  cognoverant.  Neque  euim  Pétri 
successoribus  Spiritus  Sanctus  promissus  est^  ut 
eo  révélante  uovam  doctrinam  palefacerent,  sed 
ut,  eo  aisistenle,  traditam  per  Apostolos  revela- 
tionemseu  fidei  depositum  saucte  cuslodireutet 

1.  E:i  formula  S.  Hormisja  Papœ,  jiTout  ab  fladriano  !I 
Concilii  oecûmenici  VIII,  Conttanlinopoltlani  IV  proimsila  il 
•6  ùsdem  subsrriiita  est. 

I.  Cf.  s.  BerD.  K{ii«t.  CZC. 


fideliter  exponerent.  Quorum  quidem  apostoli- 
cam  doctrinamomnesvenerabilesPatrp^  amplexi 
et  sancti  Doctores  orlhodoxi  venerali  atque  se- 
cuti  sunt;  plenissime  scieutes,  hanc  sancti  Pe- 
tro sedem  ab  omni  semper  errore  illibalam  per- 
manere,  secundura  Domini  Salvatoris  nostri 
diversara  poUicitalionem  discipulorum  suorum 
principi  factum  :  Ego  rogavi  pro  te,  ut  non  defi- 
ciat  fidestua,  ettu  aliquando  conversus  confirma 
fratres  tuos. 

Hoc  igitur  veritatis  et  fidei  nunquam  defi- 
cientis  charisma  Petro  ejusque  in  hac  cathedra 
successoribus  diviuitus  coUatum  est,  ut  excelso 
suo  munere  in  omnium  salutem  fum^erentur,  ut 
universus  Christi  grex  per  eos  ab  erroris  vene- 
nosa  esca  aversus,  cœlestis  doctrinae  pabulo  nu- 
triretur,  ut  sublala  schismatis  occasione  Ecclesia 
tota  una  conservaretur,  atque  suo  fu.idameuto 
innixa  firma  adversus  infeii  portas  coasisteret. 

At  vero  cum  bac  ipsa  aetate,  qiia  salutifera 
apostolici  muneiis  efticacia  vel  maxime  requi- 
ritur,  non  pauci  inveuiuntur,  qui  illius  auctori- 
tati  obtrectant  ;  necessarium  omnino  esse  cen- 
semus,  prœrogativaai,  ruam  unigenitus  Dei 
Filins  cum  summo  pastorali  officia  conjuugere 
dignatusest,  solemniter  asserere. 

Itaque  nos  traditioni  a  fidei  chrislianae  exor- 
dio  prœceptœ  fideliter  inhaerendo,  ad  Dei  Sal- 
vatoris nostri  gloriam,  religionis  catbolicae  exal- 
tationem  et  christiauorum  populorum  salutem, 
sacroapi>robante  concilio,  docemiis,  et  divinitus 
revelatum  dogma  esse  definimus:  Romanum 
Pontificem,  cum  ex  cathedra  loquitur,  idest, 
cum  omnium  christianorum  Pastoris  et  Doctoris 
munere  fungens  prosuprema  suaapostolica  auc- 
toritate  doctrinam  de  fide  vel  moribus  ab  uni- 
versa  Ecclesia  tenendam  delinit,  per  assisten- 
tiam  divinam,  ipsi  in  beato  Petro  promissam, 
ea  iufallibilitate  poUere,  quadiviuus  Redemptor 
Ecclesiam  suam  in  definienda  doctrina  de  fide 
vel  moribus  instructam  esse  voluit  ;  ideoque 
ejusmodi  Romani  Pontificis  defiuitiones  ex  sese, 
non  autem  ex  consensu  Ecclesiœ,  irreformabiles 
esse. 

Si  quis  autem  huic  Nostrœ  definitioni  contra- 
dicere,  quod  Deus  avertat,  praisumpsent  ;  ana- 
themasit. 

II 

LE   DOMAINE    DE   L'INFAILLIBILITÉ    PAPALE, 

1.  Le  concile  du  Vatican  s'est  prononcé  en 
principe  sur  ce  sujet  :  le  domaine  de  l'infailli- 
bilité papale  est  le  même  que  celui  de  l'infailli- 
bilité de  l'Eglise  catholique,  lorsqu'elle  prend 
en  concile  une  décision  définitive  (1).  Or,  l'in- 
faillibilité  de   l'Eglise   s'étend  à  tout  ce  que 

1.  Ea  infaUibititntf  jiuUere  [tiomajium  Pont  fircm)^  qua 
divinus  Hedem/'tor  Ecclrsiam  suam  m  d^^i^ietida  doctrifM 
dt  fid»  el  moribui  imlructam  eisc  tuiuil.  Cap.  !V. 


LA.  SEMAINE  DU  CLERGE 


im 


Jésu'-Christ  a  révélé  explicitement  ou  implici- 
tement au  ,2;enre  liiimain,  pour  son  salut,  à  tout 
ce  qu'il  a  commanàé  aux  hommes  de  croire  et 
de  fairi!  {in  rehus  fidei  et  morum)  (1).  Il  est  clair, 
en  efîet,  (jne  nous  ne  pouvons  croire  fîde  divina, 
sur  l'aulorilé  de  Dieu  révélateur,  que  les  seules 
choses  i|U"  Dieu  a  bien  certainement  révélées. 

2.  L'infaillibilil-"  de  l'Eglise  enseignante  ne 
s'étend  pas  seuL-piènt  à  la  vérité  en  soi,  mais 
encore  à  i'exj)ression,  à  la  formule,  au  mot  qui 
rend  le  mieux  la  vérité  révélée.  «  Gardez  le  dépôt 
qui  vous  a  été  confié,  dit  l'apôtrc  (2),  en  évitant 
toute  profane  nouveauté  dans  les  paroles. 

3.  Le  domaine  de  l'infaillibilité  de  l'Eglise, 
et  conséquemment  ilu  Siège  apostolique,  devait- 
il  se  borner  là  ?  Non,  car  avec  la  vérité  révélée, 
beaucoup  d'autres  vérités  qui  ne  sont  pas  par 
elles-mêmes  des  vérités  révélées,  se  tiennent  en 
si  étroite  relation  ([ue,  sans  celles-ci,  l'irglise  ne 
saurait  enseigner  les  vérités  révélées  ni  les  expli- 
quer suffisamment,  ni  les  mettre  à  couvert  des 
attaques  (.J).  Beaucoup  de  vérités  rationnelles 
sont  donc  incluses,  soitexplicit.ment  soit  impli- 
citement dans  les  vériti's  de  la  foi,  et  cela  non- 
seulement  à  cause  des  vérités  de  la  religion  natu- 
relle que  lafoiembrasseégaiement,  quoique  non 
comme  son  objet  adéquat  ;  mais  les  mystères 
eux-mêmes  contiennent  toute  une  série  de  vé- 
rités rationnel  les  (4).  Il  est  clair  que  l'Eglise  pri> 
nonce  infailliblement  sur  ces  vérités  rationnelles 
qui  touchent  directement  ou  indirectement, 
immédiatement  ou  médiatcment  au  domaine  de 
la  foi.  Elle  juge  de  ces  choses  d'après  les  prin- 
cipes de  la  révélation  et  conduit  les  esprits  à  la 

1    Matth.  xxvill,  XXIX. 

2.  I  Tim.  6,20. 

S.  Suarez,  de  fid.  Di=;pTit.  V.  sect.  6,  8.  Lugo,  de  fid. 
Disput.  XX.  Cf.  Vatk-an.  1.  c.  Cap.:  Ul  eo{Spirilu  Sancto) 
asûstentf,  traditam  per  aposlolo.i  revelationem  teu  fidei 
depoaitum  sancte  cu^todirent  et  ^déliter  exponerent. 

4.  «  Prenons,  pai-  exemple,  le  dogme  de  la  très-saint» 
Trinité,  il  est  clair  qu'il  ne  se  concilie  pas  avec  n'importo 
quelle  conception  de  la  divinité,  par  exemple,  avec  le 
panthéisme  ou  le  dualisme,  mais  uniquement  avec  la 
doctrine  du  théisme.  Si  nous  prenons  le  dogme  de  la 
création,  celui-ci  encore  est  incompatible  avec  ie  matéria- 
lisme comme  avec  le  panthéisme  et  beaucoup  d'autres 
erreurs  ;  il  cadre  seulement  avec  la  doctrine  qui  voit,  dans 
l'univers,  ia  réalisation  des  pensées  d'un  esprit  créateur. 
La  doctrine  de  l'état  primitif  et  de  la  chute  originelU 
eonl;ent  pareillement  une  conception  très-précise  da 
l'essence  de  l'homme...  la  doctrine  de  la  personne  du 
Christ,  une  idê  très-précise  de  la  nature  humaine  ;  la 
doctrine  de  la  justiâcatiou,  une  idée  parfaitement  nette  de 
la  liberté  humaine.  la  doctrine  des  sacrements,  une  idée 
non  moins  bien  déternilnée  de  la  nature  et  de  ses  rapports 
arec  l'homme;  enftn  la  doctrine  des  fins  dernières  nous 
enseigne  très- clairement  quel  est  l'ordre  naturel  et  moral 
du  monde.  La.  doctrine  de  l'Eglise  exclut  formellement 
toute  autre  philosophie  que  celle-là...  Ainsi,  autour  de» 
dogmes  cbrétie&s  s'est  donc  formée  une  philosophie  chré- 
tienne, qui  adhère  avec  eux  si  étroitement  qu'elle  ne 
Sourrait  en  être  sép.trée  sans  qu'ils  soient  eux-mêmes 
étruits  en  substance.  Uagemana,  »  Vtrnunfl  und  Offinbarunj, 

1869.  p.  es. 


lumière  de  la  foi.  La  définîtion  du  cinquième 
concile  de  Latran,  laquelle  a  été  reprise  par 
le  concile  du  Vatican,  est  donc  la  conséquence 
nécessaire  de  l'idée  vraie  de  la  foi  (I).  A  cet  égard 
l'Eglise  a  plus  qu'un  droit  à  faire  valoir,  elle  a 
un  devoir  imprescriptible  à  remplir,  sa  mission 
étant  de  veiller  sur  la  parole  de  la  foi  et  sur  le 
salut  des  âmes.  Par  exemple,  étant  donné  le  cas 
qui  rendit  nécessaire  la  définition  du  concile  de 
Florence,  c'est-à-dire  la  doctrine  pseudo-aristo- 
télique de  l'unité  de  l'intellect  chez  tous  les 
hommes,  dont  la  conséquence  nécessaire  est  la 
négation  de  l'immortalité  individuelle,  l'Eglise 
devait-elle  attendre  que  la  science  se  corrigeât 
d'elle-même,  et  cela  en  présence  d'une  erreur 
fondamentale  qni  allait  à  ruiner  toute  religion  et 
toute  morale?  Maintenant  une  semblable  défini- 
tion portée  par  l'Eglise  est  pour  la  science  ua 
point  de  repère  (2),  une  indication  d'un  résultat 
à  conquérir  scientifiquement,  une  anticipation 
de  la  vérité  à  constater  ensuite  par  la  science, 
ce  n'est  pas  un  principe  intime  de  connaissance 
ni  une  lègle  scientifii}ue.  C'est  une  solution  du 
problème  par  une  autre  voie  et  par  d'autres 
moyens  que  ceux  que  fournit  la  méthode  scien- 
tifi]ue,  ce  n'est  pas  un  empiétement  sur  la  mé- 
thode elle-même  ;  l'Eglise  ne  veut  pas  nier 
l'autonomie  de  la  science  ni  son  droit  à  connaîtra 
par  elle-même  et  conformément  à  ses  principes; 
encore  moins  prétend-elle  contondre  le  domaine 
de  la  foi  avec  celui  de  la  science  et,  des  deux 
sphères,  n'en  faire  qu'une  (3).  La  science  cor- 
rige elle-même  ses  erreurs,  c'est  très-vrai,  elle 
le  doit  même.  Mais  le  Christ  est  le  libérateur  de 
tout  ce  qui  est  dans  le  monde,  et  même  de  la 
sciimce.  Ce  qui  la  trouble,  l'entrave,  l'égaré 
dans  sa  marche  vers  la  vérité,  n  appartient  pas 
à  la  vraie  science  :  ce  sont  les  mensonges  de  l'ima- 
gination, la  tyrannie  des  sens,  l'iusuflisancedela 
force  intellectuelle,  les  préjugés  et  les  passions 
du  coeur  (4).  Le  Christ  nous  a  donc  délivrés  en 

1.  Ap.  Hard.  IX.  p.  1719:  C«im  rerum  i'«ro  minime  cen/ru- 
iicat,  omnem  assertionem  reritali  iltuminalce  fidei  contra^ 
riam...  omnino  faUam  e$se  definimus,  Concil.  Vatic.  Coust. 
De  Kd.  cath.  cap.  IV.  can.  :i.  8i  quis  dixeril,  disciplinât 
humanas  ea  cum  libertate  IractanJtts  «ue,  u(  earum  aster» 
iiones,  etii  Joc(riii«  rerelala  ndrerienlur,  lan^uam  ver» 
rttiwri,  neque  ab  Eccletia  proscribi  poise,  A,  S. 

2.  Stella  recirix.  PiuslX  ad  Archiepis;.  Monach.  d.  2t. 
Déccmb.    1863. 

3.  lia  ul  philosophia  niliil  m  se  admilleret,  quod  no» 
fueril  ab  ipsa  eui$  conditiontbus  acquieilum  aut  (uerit  ifti 
oliVnum.  Id.  ad  enmd.  d    11.  Dec.  1362. 

4.  Sur  l'erreur  comme  résultant  de  l'influence  de  la 
volonté,  voir  Thom.  Summ.  Theotog.  II.  1 1 .  Ou.  CLIV. 
Art.  '2.0-  in.  De  mal.  Art.  13:  Sur  l'influence  de  la 
aensuiilité.  Id.  1.  c.  I.  ri.  Qu.  xxxiii.  art.  3;  de  1  orgueil 
I.  II.  Ou.  LXXVII.  art.  4;  de  1  aversion  et  de  la  colère, 
I.  II.  Ou,  xviii.  art.  3;de  la  présomption  de  la  raison, 
1.  II.  Ou.  H.  art.  h  in  il.  Metaph.  Lee.  I.  De  là  se  tir» 
la  raison  qui  a  fait  repousser  la  Prop.  X  du  Syllabus: 
Quum  aliud  lit  phUoaophus,  aliud  philosophia,  ille  jui  et 
officium  kabet  te  tubmUlendi  auctoritali,    judm  »erai»  if  i» 


«^72 


LA  SEMAINE  DD  CLERGÉ 


nons  donnant,  par  anticipation,  sur  certaines 
questions  de  l'ordre  naturel,  une  solution  que  la 
science  peut  maintenant  fournir  par  la  méthode 
qui  lui  est  propre. 

4.  11  est  vrai,  les  erreursénoncées  contre  cette 
dernière  catégorie  de  vérités,  qui  ne  se  ti-ouveut 
pas  formellemeut  comprises  dans  le  dépôt  de  la 
ioi,  ne  sont  pas  des  hérésies  ;  car  l'hérésie  est 
une  opposition  directe  contre  une  doctrine  expres- 
sément révélée  et  pi-oposée  par  l'Eglise.  Néan- 
moins, la  censure  théologique,  prononcée  par 
la  plus  haute  autorité  enseignante  contre  une 
«rreur  de  cette  sorte,  est  infailliblement  vraie 
par  elle-même,  et  la  proposition  censurée  est  à 
prendre  par  nous  comme  infailliblement  erronée 
dans  le  sens  où  eile  a  été  condamnée  (1).  La 
raison  par  laquelle  nous  accordons  notre  adhé- 
sion à  ce  jugement,  c'est  l'autorité  du  magistère 
ecclésiastii[ue  infaillible,  ipsi  est  accepté  par 
nous  comme  tel,  à  cause  de  l'autorité  divine  in- 
faiUible.  L'acte  de  foi  par  lequel,  dans  le  cas 
donné,  nous  dous  soumettons  à  la  décision  du 
magistère  ecclésiastique,  n'est  donc  pas  un  acte 

probavfrit:  at  pliUosophia  neque  potest  neque  débet  uïli  s9se 
4MbmitUre  auctorilatt.  (\iti9i  parle  Frohschammer,  Einlet- 
tuug  ùi  die  Philosophie,  lâô8,  p.  2.72).  A,a  coutraire,  saint 
Thomas  (iuper  Boeth  Tr.n.  fram.  Qu.  il.  art.  3,  dit  : 
Hcut  sacra  doctrina  fundatur  tuper  lumen  fiiei,  ila  philoso* 
pftio  super  lumen  fidei  ita  phitosophia  su}>er  lumen  naturale 
TiUionû.  Uitde  impassibite  est,  quod  ea,  qute  tanLphiLûsophicef 
ùut  contraria  tif,  qwp  svnt  fidei;  sed  deficiaiU  aj  eis...  Si 
quid  autem  in  diclts  pkilosophorum  inveniatur  contrarium 
fidei.  hoc  tton  est  ptiilosophiWf  sed  migts  philosopfiia  abusus 
«X  defectu  rationis^ 

t.  Ëanner.  in  11.  Qa.  XL  Art.  2;  Erroreet,  vei proximum 
trrori,  asserere,  quod  Ecrdesia  irt  ejasmodi  ceit'uns  possU 
errare.  Liij^o  1.  c.  n.  106  :  Kquidem  nonest  duùium,  quanda 
£ectesia  déterminât  et  déclarât  aliquam  proiositionem  esse 
kœreitcam;  tune  imphrite  déclarât  contradictorium- esse  de 
pde;  lion  putesl  aulem  Eccle^ia  errare  pruponeiido  tiobie, 
aliqaid  ut  de  fide,  quod  non  sit  rêvera  de  fide.  De  aiiis  au:oJit 
cenynris  potest  esse  major  àifficultas.  Communiler  tamen. 
itoctares  fatentur,  certum  esse  Ecctesi  ff  judiciiun  in  his  censuri^ 
^atuetidis.  Kgo  etiam  puto  esse  erroretn  rei  errori  proœimum: 
dicere,  quod  in  his  censuris  dccenieiidis  poseit  i>umnius  Pon-* 
tifex  errare,  çnia  infaltibUis  spiritus  sancti  a.'<sistéiUia  Ecclesiœ 
^romissa,  non  videtur  limilanda  ad  ea  solam  doqmata.  quce 
ntnquani  de  RJe  praponuntur  et  creduntur  ab  Ecclesia,  sed 
débet  exiendi  ad  ea  omnia,  juo»  pdeles  ex  frœcepto  Ecclesice 
credere  tenentur. 

Directement,  immédiatement  et  en  soi,  l'ini^illibilité 
eeelésia<itiqae  ne  s  étend  certainement  qu'au  domaine  de  la 
foi  rérelée;  mais  indirectement  et  immèjiateaiéut  elle 
«'étend  aussi  sur  des  vérités  de  Tordre  naturel. 

Lugo  1.  en.  111:  Dicendutn  est,  posse  ipsum  quasi, 
potestate  et  ass'Stentia  directe  d-.cernere  cifca  docirinas  reve- 
ialas  ;  q-jasi  indirecte  t;ero  circa  doctrinas  naturates  et 
naturad  lunine  cognoseibileSy  qwitulo  harum  ettam  cogmtio 
deserrit  ad  doctrinam  taiulu  et  tlieologicam  staidiendam  et 
jmdicanjam. 

C'est  ainsi  que  conformément  à  la  bulle  de  Martin  V, 
litter  cuncias  et  lu  emitientis,  de  l'an  1418,  les  persoimcs 
soupçonnées  d'hérésie  durent  être  questionnées,  savoir  si 
elfes  crevaient  aux  décisions  du  convile  sur  les  40  arti- 
cles de  Jem  W'icieff  et  sur  les  3U  de  Jean  Mas  :  cepenùar.t 
ces  articles  ne  sont  pas  tous  hérétiques. 

L  erreur  est  poâsijle  dans  la  déclaration  de  l'autorilé, 
lorsqu'ellt  se  borne-  à  présenter  une  opinion  comme  plus- 
prelnbls   pro'jaiiUor,  dit  le  coacile  de  Vienne  au  sujet  d<i 


de  foi  immédiatement  divine,  mais  il  résulte  d9 

celui-ci  et  se  fonde  sur  lui  {{). 

5.  Ayant  à  décider  ce  qu'il  faut  croire  ou  ne 
pas  croire,  le  magistère  infiillible  est  aussi  infail- 
lible quand  il  s'agit  de  déterminer  l'étendue  ao 
ses  attributions.  La  préroiiative  qu'il  possède  do 
rendre  des  décisions  infaillibles  avec  l'assistance 
du  Saint-Esprit,  il  ne  peut  donc  pas,  précisé- 
ment parce  qu'il  est  coudait  par  le  Sainl-Esprit, 
l'étendre  a  des  objets  et  à  des  questions  auxquels 
ne  s'étend  pas  l'autorité  qu'il  tient  de  Dieu. 

6.  Le  magistère  ecclésiastique  prononce  infail- 
liblement sur  les  fiits  dogmatiques,  c'est-à-dire 
sur  le  sens  objectif  et  réel  d'une  proposition 
dogmatique  exprimée  oralement  ou  par  écrit, 
orthodoxe  ou  erroné  [-2).  Le  sens  de  l'écrivain  ce 
n'est  pas  celui  qui  peut  se  trouver  dans  le  premier 
passage  venu  pris  séparément,  mais  celui  qui  ré- 
sulte du  plan  et  de  l'ensemble  de  tout  l'écrit. 
Ce  qui  tombe  sous  la  compétence  de  l'autorité 
doctrinale,  ce  n'est  pas  la  personne  de  l'écrivain 
comme  telle  {sensus  subji^cttous),  c'est  le  sens  tel 
qu'il  se  présente  dans  l'écrit  [sensus  objectiuus). 

La  raison  de  cela  n'est  pas  difticile  àapercevoir. 
La  pensée  et  l'expression  sont  deux  enfants 
jumeaux  de  l'esprit,  ils  naissent  ensemble.  Si 
l'enseignement  de  l'Eglise  est  infaillible,  il  faut 
nécessairemeut  que  l'Eglise  soit  aussi  miaillible 
pour  trouver  l'expression  juste,  le  mot  précis 
qui  rend  la  vérité  à  enseigner.  C'est  à  cett!  con- 
dilion  seulement  qu'elle  peut  remplir  sa  mission 
d'iustitutrice  des  peuples.  11  faul,  pour  la  même 
i-aisoii,  ipi'cUe  soit  aussi  infaillible  dans  la  répro- 
batioa  cks  mots,  des  propositions,  des  écrits  qui 
cspiimunt  le  contraire  de  la  vérité  révélée;  ainsi 
le  concile  de  Trente  enseignait  la  foi  catholique 
lorsqu'il  réprouvait  dans  les  canons  les  expres- 
sitHis  des  rel'urmatôurs.  Cela  se  prouve  aussi  par 
lu  conduite  du  l'I-^^lise  dans  tous  les  temps.  Elle 
emiJiiuite  à  ï'Ecnture  et  aux  antiques  documents 
dtf  U  traJiLioa,  le  couteu<i  de  la  révélation  et 
elle  les  explique  d'une  manière  infaillible. D'autre 
part,  elle  condamne  les  hérésies  ainsi  que  les 
écrits  qui  les  contieimeut  (3).  Sans  cette  iuiailli- 

1  infusion  de  la  grâce  et  des  vertus  surnaturelles,  dans 
le»  eiilauts  que  Ion  baptise.  Car  alors  la  proiiosition  e«t 
prësestce  uou  comme  vraie,  mais  comme  vraisemblable. 
Taim:i  posse  credi,  dit  Lugo  (1.  c.  n.  t2i*),  quod  lictt  cirta 
Itoc  natta  exstet  divina  promissio,  Deus  tamen  non  permittet 
0/1  Ecclrsia  doctrina'ii  aliquum  circa  hujasmodi  materiam  fide* 
lif>uf  omnibus  ut  proLainliorem  proponi,  qu(s  reipsa  faim 
s>t.  Voici  la  raison  :  daret  occasionem  mugnam  fidelibuê 
adlverendi  magis  et  magis  doctrinte  falsœ  propteneverentiam 
erga  caminiLnem  jirœcepiorem.  et  redderet  difficiliorem  iuventu 
fhi-*italem.  si  qute  m  ea  opinione  esset. 

1.  C'est  pourquoi  cette  toi  est  dite  fides  eccle^iaslica  Ott 
bieu'  meditited.tina.  Lu^  1,  c.  Uisp.  I.  u.  27b.  Suarez  1.0* 
Ui»)!,  II.  Scct   VI. 

2.  ^'c'lMl»*■  ab  aactore  rnten'.us, 

3  .^iiisi,  l;s  Pères  du  Concile  de  Nieée  co.idamnèrent 
l'écrit  d'.lrius  intitulé  (jâ^eia  et  îeux  d'iiiphèse,  les  écrits. 
li<jrtt.qnc«  Je  Nfsi^.rius,  etc.  )li':é\é.  Histoire  des  Concile^lt 
p.  VSj.  u.  207.  iiausi,  T.  V.  p,  413. 


LA.  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


mt 


hilité,  l'Eglise  ne  pourrait  pas  distinguer  qui  est 
l'organe  de  sa  vraie  doclrine  et  qui  parle  au 
service  de  l'hérésie.  Car  l'Eglise  enseignante 
consiste  réellement  dans  l'ensemble  de  ses  doc- 
teurs. Elle  ne  pourrait  pas  préserver  les  fidèles 
du  poison  des  fausses  doctrines,  si  elle  pouvait 
leur  permettre,  leur  ordonner  d'adopter  une 
fausse  doctrine  et  d'en  rejeter  une  orthodoxe. 
Certainement  le  sens  d'un  livre  n'est  pas  révélé 
à  l'Eglise  directement,  immédiatement  et  en 
lui-même,  mais  bien  indirectement  et  médiate- 
meiit.  Ce  qui  lui  a  été  révélé  directement,  c'est 
la  vérité  exprimée  ou  niée  dans  les  écrits  qu'elle 
doit  juger,  et  l'assistance  du  Saint-Esprit  lui  a 
été  promise  dans  l'exercice  de  sou  ministère 
doctrinal. 

7.  L'E;;lise  enseignante  est  infaillible  dans 
toutes  lus  décisions  obligatoires  pour  l'Eglise  uni- 
verselle rendues  sur  des  questions  de  morale(l). 
l'our  cette  raison,  la  discipline  ecclésiastique,  en 
tant  qu'elle  forme  une  règle  pour  toute  l'Eglise, 
ne  peut  rien  contenir  contre  la  foL  ni  contie  les. 
moiurs  (2).  Au  contraire,  dans  les  prescriptions 
qui  n'obligent  pas  toute  l'Eglise,  linliiillibilité. 
n'existe  pas.  Nous  ne  sommes  donc  pas  tenus 
de  trouver  bonnes  toutes  les  mesures  adoptées 
par  les  Papes  (3);  nous  ne  sommes  i^h  non  plus 
obligés  de  croire  que  certains  points  de  la  disci- 
pline ecclésiastique  seraient  encore  utiles  dans 
des  circonstances  tout  autres. 

Au  reste,  l'Eglise  elle-même  a,  dans  le  cours 
des  siècles,  introduit  plusieurs  changements 
dans  la  discipline  ecclésiastique.  De  ce  que  l'au- 
torité ecclésiastique  est  infaillible  dans  l'expo- 
sition des  principes  généraux  delà  morale,  il  ne 
s'ensuit  nullement  qu'elle  soit  aussi  infaillible 
dnus  l'application  de  ces  mêmes  principes  aux 
cas  particuliers  des  personnes  et  des  temps  (4). 

(,  Melch.  Can.  1.  c.  V.  5:  Eccluia  non  potett  difinire, 
quilipiam  esst  vicium,  quod  hoiuitum  sst,  aut contra  Uonatium 
ême  (juod  est  turpe. 

2.  Angust.  El).  119  ad  Januar.  cap.  xix  :  Ecclaia  Dti, 
inter  viultam  paUam  muUaque  zizaiiia  coustUuta,  multa 
tolérai,  et  tamen,  quai  &\int  contra  fidem  vet  bonam  vitam, 
«on  approbat,  riec  lacet,  nec  ^.ici(.  Kp.  LI\';  Si  quid  tinivena 
jper  orbcm  frcttuentat  Kcclesia,  quin  ita  (a',  ietidum  ut  âi^-jm- 
tare,  aperti^siriœ  insanioa  e^t.  Auctor.  I''id.  prop.  78  :  Qucui 
Ecclesia  di'iciiiltnarn  constituere  possit  non  soium  jhutilem 
^t  onerosiorcm  quam  tibtrtas  cUristiana  pntiatur,  ud  et 
periculosam ,  noxiam,  inducentem  in  suj^erstitioitein  ot-mate- 
rialismum...  Ëcclesias  ac  Hpiritui  Dei  quo  ipia  rcgitur 
{prcpo»itio)^  injuriosa,  ad  minus  erronea. 

3.  Melcli  "un.  1.  c.  Non  ey  hio  omne»  Ecclesiœ  leget 
approbo  non  ^nivcrsas  pœnat,  censuras,  excommunicationet, 
auspensiones  irreqularitates,  interdicla  commewlo.Scio  nonnut" 
las  ejusmodi  leyes  esse,  in  quibus,  si  non  aliud  prceterea  quic- 
quajn,  at  prudenliam  certe  modumqne  dfsideres...  Nanc  illud 
hreviter  dici  potest,  qui  Summi  Pontif^cis  omni  dere  qttaetim^ 
que  judicium  temejeac  sine  deteclu  défendant,  hos  Sedis  apo*' 
toticœ  auclorttatem  labefactare,  non  fovere,  evertere,  non  firmare. 
A^on  eyet  Petrus  mendac\o  nostro,  nostra  adtdattone  non  eget. 

4.  Suarez,  1.  c.  secl.  VIU  :  Hoc intelligendum  quantum  ad 
tmbstantiam  seu  quantum  ad  honestatem  moruni;  nam  quùad 
•ArcumstantiM   vei  multiiil\caudo    pracepta,  vel  rigorem  aut 


8.  Les  décisions  des  congrégations  romaines, 
en  particulier  de  l'inquisition  et  de  l'index,  ne 
peuvent  prétendre,  par  elles  mêmes,  à  l'infaillir 
bilité;  mais,  à  cause  de  l'autorité  doctrinale  de 
laquelle  elles  sont  issues,  nous  leur  devons  no- 
tre respect  et  notre  considération  (I). 

9.  Celui  qui,  après  la  canonisation  d'un  saint, 
mettrait  encore  en  doute  sa  sainteté  ne  serait 
point  pour  cela  hérétique  :  cependant  le  doute, 
en  pareil  cas,  n'est  point  permis,  il  mérite  répro- 
bation. Si  l'Eglise  pouvait  faire  rendre  un  culte 
public  à  des  impies  et  à  des  damnés,  etordonner 
de  célébrer  leur  fête,  les  proposer  aux  fidèles 
comme  des  modèles  à  suivre  et  à  imiter  (2).  une 
telle  erreur  porterait  le  plus  grave  préjudice  aux 
mœurs;  elle  serait  en  contradiction  compléta 
avec  le  caractère  de  l'Eglise  qui  est  sainte  (3), 
et  enflu  elle  aurait  pour  cons-qeuuce  de  rendra 
impossible  le  culte  des  saints. 

D'  Hettinger. 


CONTROVERSE   POPULAIRE 


PoarquoI    le»   cnriÇs    B*occuppnt-II»  tont  d» 
politique?  Cela  ne  Io»rc^ai'<le  pu». 

Si  un  père  de  famille  avait  un  ennemi  qui, 
eût  entrepris,  an  moyen  de  faux-titres,  de 
l'expulser  de  chez  lui,  de  s'approprier  sa  mai- 
son et  son  champ,  et  ensuite  de  lui  ravir  le 
cœur  de  ses  enÊinls  en  leur  disant  de  lui  toute 
sorte  de  mal,  puis  de  les  corrompre  et  de  les 
entraîner  dans  le  chemin  du  crime,  qui  aboutit 
à  la  prison  et  à  l'échafaud,  certes,  son  àme' 
serait  saisie  d'une  émotion  protonde,  et  je  me 
représente  aisément  son  ardeur  .à  défendre  ses- 
droits  de  propriétaire  et  à  remplir  ses  devoirsi 
de  père. 

Je  le  vois  invoquant  aussitôt  la  protection  des 
tribunaux,  produisant  ses  titres  et  usant  de 
tous  les  moyens  honnêtes  pour  convaincre  les 
juges  de  la  justice  de  sa  cause  et  de  la  fausseté 
des  prétentions  de  sou  ennemi. 

nimias  pmias,  non  est  inconrenieni  aliquando  eommillere  ait- 
quem  humanum  deflctum,  quia  hoc  non  est  contra  Ecclesi» 
ianctitatem . 

1.  Pins  IX.  Ad  arotiiep.  raonacli  d.  21  dec.  186T  :  »paf 
etse,  ut  (liri  ci(hoJici)  se  subjiciani  decisionibus,  quœ  ai  doc- 
trinam   pertinentes  a  porilificiis  congregitionibas  proferentur. 

2.  Bonum  alque  utile  esse,  lupplici.er  «os  [sanctos)  invocarl 
doceant  fpisoopi,  ul  (fidèles)  ad  sanctorum  imitationem  vitam 
moresque  sucs  componant.  Oonc.  Trident.  se>s.  XXV 

3.  Me!cli.  can.  1.  c.Nonesset  i-oHe  a/jjurduin (dans  cette 
hypotlièse)  diiorum  omnium  cuitum  ab  Ecciesia exptoJere... 
Nec  differt,  diabolum  colas  an  hominem  conJemi.atum. . .  Qui' 
fidem  in  hit  EccUsia  detrahunl.  eos  non  ha:re:icos  quidem,  ui 
temerarios,  imprudentes,  irreligiosos  esse  c  cdamus.  Thom. 
quodlib  IX,  art.  IG  :  Quia  honor,  quem  sanctis  ejhibemai, 
pie  credendum  est,  quod  nec  etiam  i/i  lus  judiaum  Ecclm»- 
errars  potest.  Suarez  1.  c.  sect,  Benedict  XjV.  fis  «eni.  -n». 
Dei  beatificalione  et  canonir.atione.  PutaT,   lii3. 


an 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


Je  le  vois  en  même  temps  rassembler  autour 
de  lui  ses  enfants,  leur  dévoiler  les  desseins  de 
celui  qui  aurait  juré  sa  perte  et  la  leur,  et  les 
prémunir  contre  ses  mensonges  et  ses  machi- 
nations, en  leur  recommandant  de  le  tenir  pour 
un  ennemi,  de  n'avoir  jamais  avec  lui  rien  de 
commun,  et  de  repousser  jusqu'à  ses  bienfaits, 
parce  qu'ils  cacheraient  certainement  un  piège. 

Mais  si  un  voisin,  le  voyant  si  justement 
tout  occupé  à  déjouer  les  entreprises  de  son  en- 
nemi, s'en  allait  répélairt  :  —  Pourquoi  un  tel 
se  mêle-t-il  donc  tant  d'expliquer  son  affaire 
aux  hommes  de  ioi,  et  de  sermonner  ses  en- 
fants? Cela  ne  le  regarde  pas:  les  uns  et  les 
autres  savent  bien  ce  qu'ils  ont  à  faire  ;  — dites- 
moi,  que  penseriez-vous  de  ce  voisin  ?  Sans  par- 
ler de  la  sottise  de  ses  discours,  n'est-ce  pas  lui 
précisément  qui  se  mêlerait  de  ce  qui  ne  le  re- 
garderait pas  ?  Mais  si  c'était  un  de  ses  enfants 
qui  tînt  le  propos  que  je  prête  au  voisin,  je  vous 
le  demande  encore,  qu'en  penseriez-vous? 
Hélas  !  le  cœur  du  pauvre  père  serait-il  assez 
douloureusement  atteint  en  l'entendant!  Et 
n'aurait-il  pas  lieu  de  craindre  que  l'œuvre 
exécrable  de  sou  ennemi  ne  fût  déjà  beaucoup 
avancée  ? 

Eh  bien  !  ce  voisin  malveillant,  ce  fils  déjà 
gâté,  c'est  vous-même,  qui  trouvez  mauvaisque 
le  prêtre  s'occupe  de  politique  ;  car  le  prêtre, 
c'est  le  père  de  famille  dont  nous  parlons,  que 
l'impiété  veut  dépouiller  de  ses  droits  au  moyeu 
de  faux  principes^  rendre  odieux  à  sa  famille 
spirituelle  par  toute  sorte  de  calomnies,  afin 
d'entraiuer  ensuite  plus  aisément  celle-ci  au 
mépris  de  la  vériti>  et  de  la  vertu. 

Et  parce  qu'il  plaît  à  l'impiété  d'exécuter  son 
eeuvre  infernale  sur  le  terrain  de  la  politique, 
le  prêtre  devrait  regarder  faire  et  ne  se  mêler 
de  rien,  par  )a  raison  que  la  politique  ne  serait 
pas  de  sa  compétence? 

Jolie  raison  !  eu  vérité.  Quoi  !  dans  un  temps 
et  un  pays  où  tout  le  monde  s'occupe  de  poli- 
tique, où  beaucoup  même  demandent  (jue  les 
femmes  puissent  s'en  occuper  comme  les  hom- 
mes, le  prêtre  seul  ne  le  pourrait  pas?  En  'e 
faisant  prêtre,  a-t-il  donc  cessé  d'être  citoyen  ? 
Ne  paye-t-il  pas  l'impôt  comme  tout  le  monde? 
Serait-ce  qu'il  connail  moins  h  s  hommes  et  les 
choses  que  ceux  qui  ne  savent  ni  a  ni  6,  et  qui 

Sourtant  ont  le  'roit  de  s'occuper  de  politique  ? 
'u  bien  l'ordre  public  aurait-il  plus  à  craindre 
de  lui  que  de  cette  foule  d'individus  qui  n'ont 
ni  foi  ni  Dieu,  ni  loi  ni  lieu,  et  qui  malgré  cela 
s'occupent  de  politique  plus  que  personne,  sans 
que  l'on  songe  à  leur  eu  retirer  le  droit? 

On  ne  peut  donc  pas  non  plus,  sans  la  plus 
criante  injustice,  sans  la  plus  révoltante  tyran- 
nie, ie  retirer  au  prêtre,  ni  seulement  le  lui  con- 
tester. Jl  le  possède  comme  tous  les  citoyens,  eu 


vertu  lie  son  titre  de  citoyen.  C'est  le  droit  com- 
mun. Et  lorsqu'il  en  use,  il  ne  commet  pas 
d'usurpation. 

Je  dis  plus,  les  lumières  et  les  vertus  du 
prêtre  devraient  lui  faire  accorder  ce  droit,  s'il 
n'y  avait  qu'un  certain  nombre  de  citoyens  qui 
pussent  eu  être  investis.  Ainsi,  bien  loin  que  le 
prêtre  doive  être  privé  du  droit  de  s'occuper 
de  politique,  il  en  est  plus  digne  et  plus  capable 
que  beaucoup  d'autres. 

Ce  n'est  jias  à  dire  qu'ayant  le  droit  de  s'oc- 
cuper de  politique^  le  prêtre  doive  en  user  tou- 
jours. Il  peut  y  renoncer  comme  l'on  peut  re- 
noncer à  tout  droit  quelconque,  et  la  prudeuce 
veut  même  qu'il  y  renonce  effectivement^  ce 
qu'il  ne  manque  pas  de  faire,  toutes  les  fois 
qu'il  ne  s'agit  que  de  questions  de  politique 
pure,  dans  lesquelles  les  intérêts  de  l'Eglise  ne 
sont  point  engagés. 

M;iis  lorsque  ces  intérêts  divins  sont  en  jeu, 
soit  directement,  soit  indirectemeal,  s'occuper 
de  la  politique  n'est  plus  pour  le  prêtre  un  droit 
auquel  il  peut  renoncer,  c'est  un  devoir,  et  un 
devoir  sacré,  dont  il  lui  est  commandé  de  s'ac- 
quitter, s'il  le  faut,  jusqu'à  Fexil,  jusqu'à  la  pri- 
son, jusqu'à  la  mort.  Dans  ce  cas,  le  devoir  du 
prêtre  est  infiniment  plus  impérieux  que  le 
devoir  du  chef  de  famille  de  défendre  le  patri- 
moine de  ses  enfants,  car  ce  patrimoine  n'est  en 
somme  qu'un  bien  matériel  et  périssable  ;  il 
égale  le  devoir  du  père  de  préserver  ses  enfants 
des  mauvais  conseils  et  des  mauvais  exemples, 
pour  préserver  leur  âme  du  péché  et  de  la  dam- 
nation, qui  est  un  mal  éternel. 

Car  le  prêtre  n'est  ptis  seulement  comparable 
à  un  père  ;  il  est  elFcciiveineut  et  véritablement 
pi-re,  père  spirituel  des  enfants  qu'il  a  donnés  à 
l'Eglise  par  l'administration  des  sacrements. 

Voilà  pourquoi,  aussi  coupable  serait  un  père 
qui,  cununi>sant  les  trames  ourdies  contre  la 
vertu  de  ses  enfants,  ne  les  préviendrait  pas- 
pour  les  en  sauver,  aussi  coupable  serait  le 
prêtre  qui,  connaissant  les  projets  de  la  poli- 
ti(iue  contre  la  vérité,  centre  la  justice,  en  ua 
mot  contre  l'Eglise,  ne  les  dévoilerait  pas  devant 
les  fidèles  pour  qu'ils  s'y  opposai>sent  selon  leur 
pouvoir  ;  ou  qui,  ces  projets  une  fois  réalisés, 
n'avertirait  pas  les  âmes  qui  lui  sont  confiées 
de  les  tenir  pour  non  avenus.  Il  serait  ce  chien 
muet  dont  parle  l'Ecriture,  commis  à  la  garde 
d'un  troupeau,  et  qui  n'aboie  pas  à  l'approche 
du  loup.  Il  serait  un  père  sans  entrailles,  un 
prèlre  sans  foi. 

l'uis  donc  que  c'est  un  devoir  pour  le  prêtre 
de  s'occuper  de  la  politique  qui  touche  à  l'E- 
fîlise,  et  même  de  la  combattre  lorsqu'elle  l'at- 
taque, à  ceux  qui  se  plaignent  que  le  prêtre 
s'occupe  trop  de  politique,  je  Llir.ii  :  ÎSe  faites 
l'as  de  la  oolitiiiue  qui  touche  à  l'Eglise,  00 


LA  SEMAINE  DU  CLER02 


1475 


.Cilles  pas  de  la  politique  qui  tende  à  l'asservis- 
semeul  et  à  la  destructiou  de  l'Eglise,  et  le  prê- 
tre, qui  aurait  encore  le  droit  de  s'occuper  de 
votre  poliliqm;,  no  s'en  occupera  cependant 
pas,  ou  que  fort  peu.  Il  vous  laissera  en  paix 
voter  Jt  répartir  les  impôts,  construire  des 
chemins  de  fer,  ouvrir  des  routes,  creuser  des 
canaux,  lever  et  former  des  soldats,  conclure 
des  traités  de  commerce  et  d'alliance,  en  un 
mot,  travailler  à  la  sûreté  et  à  la  prospérité  du 
pays.  Encore  un  coup,  sans  rester  indifférent  à 
ces  questions,  il  vous  laissera  les  trancher  ea 
toute  liberté,  et  s'occupera  même  à  faire  res- 
pecter vos  décisions. 

Mais  vous  fuites  à  l'Eglise  par  vos  lois  une 
guerre  sans  trêve  ni  merci  ;  vous  voulez  qu'elle 
vous  soit  soumise,  elle  (jui  vient  directement 
de  Dieu  ;  vous  vouk-z  i-nchaîner  son  action,  elle 
à  qui  il  a  été  commando  de  l'étendre  par  toute 
la  terre  ;  vous  voulez  changer  sa  constitution, 
qui  est  au-dessus  de  votre  pouvoir,  ce  qui  amè- 
nerait infailliblement  sa  destruction,  comme 
changer  la  constitution  du  corps  humain,  par 
exemple,  serait  lui  donner  la  mort  :  et  vous 
prétendez  que  le  prêtre,  ministre  de  l'Ei^lise, 
chargé  par  Dieu  de  la  gouverner  et  de  la  dé- 
fendre, n'a  pas  le  droit  de  s'occuper  de  ce  que 
vous  faites  contre  elle,  que  cela  ne  le  regarde 
pas?  Vous  lui  demandez  à  lui-même  des  ser- 
ments sacrilèges,  et  votre  politiipie  ne  le  regar- 
derait pas?  Vous  lui  deuianilez  de  vous  livrer 
les  consciences  dont  il  est  le  guiile  et  de  vous 
ailler  à  les  corrom[ire,  et  votre  politique  ne  le 
regarderait  pas  ?  Vous  lui  demaudez  que  les 
âmes  qu'il  a  pour  mission  spéciale  de  conduire 
au  ciel,  il  les  conduise  sous  votre  surveillance 
en  enfer,  et  votre  politique  ne  le  regarderait 
pas? 

S'il  cédait  à  vos  volontés,  ce  serait  un  lâche, 
un  traître,  un  misérable.  11  serait  le  soldat  cjui 
abandonne  le  jioste  dont  la  garde  a  éle  confiée 
à  sa  bravoure  ;  l'iuleudant  qui  forfait  à  l'hon- 
neur ;  le  capitaine  qui  livre  son  armée  et  se  met 
à  la  solde  de  l'ennemi  ;  il  serait  l'indigne  père 
de  famille  qui  négocie  lui-même  l'entrée  de  ses 
fils  dans  une  bande  de  voleurs  et  qui  conduit 
ses  filles  au  lupanar. 

Il  en  existait  malheureusement  quelques-uns 
en  France,  de  ces  prêtres  infâmes  :  à  peine  une 
douzaine  sur  soixante  mille.  Ils  sont  allés  de- 
mander aux  protestants  radicaux  de  Genève  et 
de  Berne  le  prix  de  leur  servilité  et  de  leur 
apostasie.  Avec  les  deniers  de  Judas,  ils  re- 
çoivent les  justes  mépris  de  ceux-là  mêmes  dont 
ils  servent  les  exécrables  desseins. 

Et  vous  voudriez  que  tous  les  prêtres  imi- 
tassent ces  prêtres?  Ne  l'espérez  pas,  le  bon  pas- 
teur donne  sa  vie  pour  ses  brebis.  Les  prêtre^ 
fidcles  s'opposeront,  jusqu'à  la  mort,  à  la  poli- 


tique qui  veut  détruire  l'Eglise.  Et  tout  en  les 
chargeant  d'amendes  et  de  chaînes,  tout  en  les 
détestant,  vous  admirerez  malgré  vous  leur  résis- 
tance à  votre  tyrannie.  Ce  cera  leur  première 
récompense  ;  ils  la  tiendront  de  vous-mêmes, 
luutile  de  dire  celle  qu  ils  recevront  de  Dieu. 

P.  D'HAUTiiRIVE. 


Biographie 


DOM  GUÉRANGER 

ABBÉ  DE  SOLES.MES. 

{Suite.) 

Dans  le  cours  de  1830,  les  Instilu'ions  liturgi- 
ques furent  assez  maltraitées,  dans  le  journal  de 
l'abbé  Migne,  La  Voix  de  ta  vérité,  par  labbé 
Prompsault.  L'objet  des  récriminations  de  l'ho- 
norable écrivain,  avait  pour  objet  l'insertion 
du  P/oyîer/e  au  Missel.  La  question  est  réso- 
lue canoniquement  par  la  république. 

A  ces  attaques  contre  les  Irslitv.tions  lilurgi- 
ques,  comme  œuvre  de  réforme  religieuse,  il 
faut  joindre  les  attaques  ou  plutôt  les  obsta- 
cles que  les  légistes  prétendaient  opposer. 
L'abbé  Bernier  avait  reproché  à  dom  Guéran- 
ger  un  mépris  peu  intelligent  ou  peu  sincère  de 
noire  ancienne  magistrature.  Le  fait  est,  ré- 
pond dom  Guéranger,  que  nous  avons  toujours 
considéré  ce  corps  comme  le  plus  redoutable 
adversaire  de  l'Eglise,  par  cela  même  que  ses 
membres,  jusqu'au  temps  de  d'Aguesseau,  se 
distinguaient  généralement  par  une  probité 
une  intégrité,  une  science,  un  courage  qui  leur 
vaudront  le  lespect  des  siècles.  Nous  disons 
jusqu'au  temps  de  d'Aguesseau,  parce  que  la 
magistrature  du  xviii'  siècle  dérogea  notable- 
ment aux  traditions  de  ses  ancêtres.  Il  y  a 
loin  assurément  d'un  Dupatz  ou  d'un  de  Bros- 
ses à  un  d'Aguesseau.  Nous  n'enveloppons  donc 
pas  dans  un  même  mépris,  tous  les  membres 
des  anciennes  magistratures  ;  mai  s  nous  les 
considérons  comme  les  ennemis  les  plus  actifs  et 
les  plus  LRingereux  de  l'Eglise.  Les  doctrines 
des  parlements,  doctrines  sur  lesquelles  repo- 
sait leur  système  d'intervention  dans  les  aÛ'ai- 
res  ecclésiastiques,  avaient  pour  un-que  fon- 
dement ce  principe,  que  la  puissance  séculière 
est  investie  d'un  pouvoir  sur  les  choses  spiri- 
tuelles. Les  gens  du  roi  ne  professaient  pas 
cette  maxime  pour  l'ordinaire  aussi  crûment 
que  Denys  Talon,  par  exemple;  il  est  visitlo 
qu'ils  avaient  une  théorie,  parce  que  toute  cor- 
poretion  active  doit  avoir  la  sienne,  et  c^te 
théorie  n'était  autre  que  la  doctrine  de  Bj- 


1476 


LA  SBIAINE  DU  OJERGÈ 


«ance,  le  nomo-canon,  lescliisme.  Il  y  parut 
îbien  lorsqu'ils  se  tniient  à  rédiger  la  Constitu- 
tiuH  CIVILE  du  ckrgé. 

Malgré  cette  improbation  des  doctrines  par- 
lementaires, -Jorn  Guéranger  ne  croyait  pas 
les  liériticrs  des  anciens  parlements  recevables 
contre  les  Institutions  liturgiques.Dupms  et  Isatn- 
bert,  deux  fanatiques  du  temps,  les  allaquèrent 
dans  des  discours  à  la  tribune  et  dans  des 
écrits,  comme  attentatoires  aux  libertés  galli- 
canes et  aux  francbises  du  pays. 

L'étude  de  l'uuité  liturgique  dans  ses  rapports 
avec  la  légalité  eût  pu  otirir  matière  à  eu- 
rieuse  dissertation.  Guéranger  se  borne  à  de- 
mander, aux  deux  célèbres  magistrats,  quel 
genre  de  léf^ilité  leur  semble  de  nature  à  être 
invoquée  cuntre  le  Bréviaire  romain. 

«  S'il  s'agit,  dit-il,  de  l'ancien  droit  des  par- 
lemimts,  ou  trouve  que  les  auteurs  b's  plus 
accrédités  au  palais  n'ont  cessé  de  combler  le 
Bréviaire  romain  des  témoignages  de  leur 
vénération.  Ainsi  l'avocat  général  Marion,  en 
1573,  dans  la  cause  de  Kerver,imprimeui-  privi- 
légié de  ce  Bréviare  pour  la  France  ;  l'avocat 
général  Servin,  dans  l'affaire  du  chapitre  de 
Chinou,  où  il  présente  dans  son  plaiddver  le 
Bréviaire  romain,  comme  le  plus  répurf/''  et  le  plus 
autorisé  de  tous;  Chopin,  dans  son  j)Ionasticon, 
Févret  dans  son  Traité  de  l'abus,  enseignent 
tous  constamment  que  l'introduction  de  ce 
Bréviaire  dans  les  cathédrales  du  royaume  est 
louable,  désirable  même,  et  ne  discutent  que 
sur  les  formalités  à  observerpour  l'y  introduire. 
Je  rapporterai  même  ici  les  paroles  pur  les- 
quelles l'illustre  Antoine  d'Hauteserre,  pwofes- 
seur  de  droit  en  la  faculté  de  Toulouse,  dans 
ses  VindiciiS  ecclesiasticœjurisdictionis,n'pttnd  à 
ceux  qui  regardaient  comme  une  nouveauté 
l'introduction  du  Bréviaire  romain  dans  les 
églises  de  France  :  «  Celui-là  n'apporte  rien  de 
nouveau  qui  suit  seulement  les  rites  de  l'E- 
glise romaine,  mère  et  maîtresse  de  toutes  les 
églises;  il  ne  produit  rien  de  nouveau,  mais  il 
rétablit  les  choses  anciennes  et  meilleures  ;  il 
ôte  les  ta'  hes  et  les  rides  de  l'Eglise,  celui  qui 
ôte  la  difformité  des  rites,  pour  se  conformer, 
lui  et  son  cglise,  à  l'Eglise  romaine  (1).  »  Nos 
anciens  magistrats  étaient  donc  bien  loin  <ie 
regarder  l'usage  du  Bréviaire  romain  comme 
une  servitude  pour  les  églises  ;  aussi  ne  trou- 
vons-nous pas  un  seul  mot  contre  ce  Bréviaire 
dans  le  recueil  de  nos  prétendues  Libertés,  pas 
plus  qu'on  ne  saurait  découvrir, dans  les  motifs 
de  ne  pas  recevoir  en  France  la  discipline  du 
Concile  de  Trente,  motifs  discutés  fort  au  long 
par  les  jurisconsultes  du  [)alais,  la  plus  légère 
répugnance  contre  le  canon  de  ce  Concile  qui 


^o^v(>yi^  nu  Pontife  Romain  la  publication  du 
Bréviaire  et  du  Missel  jnivorsels. 

«  Si  maintenant  il  s'agit  du  Droit  actuel  de 
la  France,  il  est  bien  clair  que  la  CSiarle  de 
1830,  qui  ne  prescrit  aux  Français  la  profession 
d'aucune  religion  en  particulier,  ne  saurait  ni 
favoriser  telle  forme  de  Bréviaire  comme  plus 
légale,  ni  proscrire,  telle  autre  comaio  moins 
coiistitutionneile.  Ici  donc,  si  on  veut  aller  plus 
loin,  il  faut  se  résigner  à  tomber  d'aplonbdans 
le  li.licule. 

«  S'appuiera-t-on  sur  les  articles  organiques  ? 
Mai*,  outre  (ju'ils  sont  absuides  au  point  de 
vue  cOQstitutionnel,  et  un  grand  nombre  d'en- 
tre eux  gravement  et  notoirement  contraires  à 
la  conscience  des  catholiques,  le  seul  de  ces 
arlielcs  qui  fasse  allu^ion  à  la  liturgie  ne  sau- 
rait recevoir  d'application  qu'au  moyen  de 
l'iiUruduction  de  la  liturgie  romaiLie  ea 
Frirtnce. 

«  11  est  ainsi  conçu  :  Article  39.  //n'y  aura 
qu'une  liturgie  pour  toutes  les  églises  de  l'L'mpire 
français.  —  TMais  quelle  sera  cette  liturgie  ?  Les 
églises  la  choisiront-elle?  Dans  ce  cas,  la  ques- 
tion est  loin  d'être  vidée.  Chaque  église  tiendra 
pour  ses  usages  et  d'ailleurs  les  anciens  canons 
antérieurs  aux  bulles  papales  pour  l'unité  ro- 
maine recommandent  simplement  aux  évêques 
de  suivre  les  rites  de  la  métropole;  mais  il  n'ont 
rien  i|ui  favorise  des  circonscriptions  nationales 
qui  n'existent  pas  dans  l'Eglise. 

«  Le  gouvernement  impos  Ta-t-il  cette  litur- 
gie, élaborée  dans  les  bureaux  du  ministère 
des  cultes  ?  Je  ne  le  lui  conseille  pas  ;  nos  évê- 
ques étant  peu  disposés  à  reconnaître  un  Pape 
civil. 

«  Reste  donc  le  Pape  de  Rome,  et  lui  seul. 
Or,  on  n'ira  pas  croire,  j'imagine,  que  mille  ans 
après  Charlemagne,  trois  siècles  après  le  concile 
de  Trente,  et  les  huit  conciles  français  qui  ont 
accepté  la  Bulle  de  saint  Pie  V,  le  Saint-Siège 
consente  à  reconnaître  pour  la  France  une  au- 
tre liturgie  que  la  liturgie  romaine.  Le  bref  de 
Sa  Sainteté  à  Monseigneur  larcbevèque  de 
Reims  n'a  rien  appris  là-dessus  à  la  généralité 
des  catholiques;  tout  au  plus,  aura-t-il  servi  à 
distraire  de  leur  illusion  quelques  honnêtes 
gens  qui  s'étaient  plu  à  rêver  pour  la  France 
une  litin-gie  nationale  qui  ne  serait  pas  la  to- 
maine  (i).  » 

Enfin,  aux  objections  faites  au  nom  de  la  foi 
et  au  nom  de  la  légalité  s'ajoutaient  les  objec- 
tions, faites  au  nom  de  la  science.  Le  nom  seul 
de  l'auteur  de  ces  objections  pouvait  en  faire 
le  crédit  ;  c'était  Benjamin  Guérard,  professeur 
il  l'Ecole  des  chartes,  savant  éditeur  du  Polypti- 
que  de  l'abbé  Irminon.  Mais  autant  le  nom  du 


1.  Lib.  II,  cap.  XXII,  p,  71,  éd.  de  Naplcs, 


li  Diftnn  (kl  Imlilulion»  litvrgijuta,  préface  p.  XI» 


L.\  SEMAINE  DU  CLERGE 


1477 


savant  était  recomm.inJuble.  autant  les  objnc- 
tions  l'étiiient  (leu.  Guérard  reprochait  il'aboril, 
au  bénédictin ,  son  défaut  de  cbarité.  On 
voit  que  ce  reproche  e-t  adressé  depuis  long- 
temps aux  défenseurs  de  l'Eglise  :  ce  n'est  pas 
d'hier  seulement  (|ue  le  monde  voudrait  pacti- 
ser avec  la  vérité.  Mais,  outre  que  la  Bibliothè- 
que de  l'Ecole  des  chartes  n'av.iit  pas  mission  de 
prédication  charitable,  on  m;  comprenil  pas  la 
justesse,  encore  moins  l'à-propos  de  cette  ex- 
hortation. L'homme  qi;i  raisonne  ou  qui  raconte 
des  fails  fà'-heux,  s'ils  sont  vrais,  ne  manque  à 
personne;  la  seule  vengeance  à  tirer  de  ses 
récits  ou  de  ses  aiguments,  c'est  de  raisonner 
contre  lui.  Si  l'on  nn  pmit  attaquer  ni  ses  récits, 
ni  ses  raisons,  il  est  clair  que  cet  auteur  n'est 
pas  sorti  de  la  charité,  suivant  celte  parole  de 
saint  Augustin  :  «  Qu'est-ce  qui  triumplic,  si- 
non la  vérité,  et  qu'est-ce  que  la  victoire  de  la 
vérité,  sinon  la  charité  ?  » 

L'autre  objection  de  Guérard  touchait  aux 
sentiments  de  Dom  Guéranger  sur  la  constitu- 
tion de  liEg'.ise  et  l'aulorité  des  Pontifes  ro- 
mains. Non,  disait  le  [irofesseur,  les  nouveaux 
bénédictins  ne  sont  pas  les  successeurs  des  Jla- 
billon  et  des  lirial  :  ce  n'est  ni  leur  esprit,  ni 
leur  méthode,  ni  leurs  doctrines.  Les  q[iinions 
ullramontaines  ont  succédé  aux  opinions  galli- 
canes. Ce  trait  d'érudition  académique  n'a  rien 
de  redoutable  pour  la  théologie  tie  Dom  Gué- 
ranger.  11  prouve  seulement  que  Guérard  avait 
des  préjugés,  non  que  l'abbé  île  Solosmes  fût 
dans  l'erreur.  Les  décisions  ultérieures  de  la 
sainte  Eglise  ont  conlirmé  les  doctrines  de  Dom 
Guéranger. 

Les  critiques  du  savant  professeur  étaient 
donc,  en  somme,  fort  peu  de  chose.  Les  auteurs 
de  notices  qui  répètent  Vaporeau  prétendent 
que  l'illustre  abbé  répondit  longuement  à  Gué- 
rard et  que  c'est  contre  ses  objections  (]ue  fu- 
rent dirigées  pendant  (jualre  ai>«,  les  diverses 
défenses  des  institutions  liturgiques.  Il  n'en 
est  rien.  La.  Défense  des  institutions  liturgiques, 
citée  dans  plusieurs  catalogues  comme  un  ou- 
vrage à  part,  est  la  môme  chose  que  la  Lettre  à 
l'archevêque  de  Toulouse.  L'auteur  incriminé  se 
contenta  de  faire  observer  quelque  |>art,  que 
Guérard  était  sans  doiUe  un  Irès-gr.ind  savant, 
mais  que,  malgré  toute  sa  science,  il  n'avait 
pas  l'intelligence  des  choses  de  l'Eglise.  C'était 
l'ensevelir  sous  les  Heurs. 

On  voit,  du  Te=te,  par  les  présomptions  de 
Vapereau,  que  Te  rotentissemant  àQs  Institutions 
/îV«r^i'7«es  pénétra  jusque  dans  les  régions  où 
l'on  n'a  pas  l'habitude  de  s'occuper  des  affaires 
de  l'Eglise.  Les  journalistes  s'emparèrent,  en 
effet,  de  ia  que.-ition  liturgique,  et,  par  la  grâce 
de  Dieu,  dans  les;ècle  du  cinq  pour  cent  et  du 
pmduU  net,  âlie  occupa.ua  iaslanl  les  gens  du 


monde.  Parmi  les  feuilles  quotidiennes,  l'Uni- 
vers et  la  Voix  da  la  Vérité  tinrent  pour  la 
liturgie  romaine;  t Ami  de  la  relitfion,  qxû.  àt- 
mentait  souvent  son  titre,  opinait  dans  un  sens 
opposé;  parmi  les  feuilles  périodiques,  fZ/ni'ycr- 
sité  cathuli'f  !<e ,  1  es  ,4  nnnles  de  philosophie  eh  ré  tienne., 
le  nouveau  iMémorial  cathoti//ue,  la.  Voix  de  th- 
glise  et  plusieurs  antres  défendaient  l'élendard 
romain  ;  la  Bibliographie  catholique,  pilait  du 
poivre  dans  le  camp  opposé.  Quant  aux  jour- 
naux purement  politique,  la  Gazette  de  Prince, 
le  Journal  des  Débats,  le  Cons'.itutionnel,  le  Siècle 
et  le  National,  les  gallicans,  les  éclectiques  et 
même  les  impias  défendaient  unguibus  et  rostre 
la  liturgie  de  Foinard  :  c'était  leur  manière  de 
se  montrer  dévoués  à  nos  antiques  et  vénéra- 
bles traditions.  Lorsqu'on  date,  en  politique, 
de  89.  il  cit  naturel  de  faire  niiître  la  vraie  li- 
turgie au  diK-iiuitième  siècle  :  Voltaire,  Jean- 
Ja  (lues  et  Diderot  sont  les  contemporains 
nécessaires  des  grands  liturgistes  les  émules 
mystiques  de  ([""oiuard,  de  Robinot  et  des  con- 
vulsionuaires. 

Un  vénérable  curé  de  Rennes,  l'abbé  Meslé, 
prit,  à  la  controverse,  une  part  active  et  hono- 
rable; un  anonyme  publia,  dans  un  sens  con- 
traire, la  Notice  historique  sur  les  rites  de  l'Eglise 
de  Paris. 

Nous  avons  déjà  cité  le  piquant  écrit  de 
Philippe  Guignard  :  Réflexions  d'un  laïque.  Elève 
de  l'Ecole  des  chartes,  devenu  archiviste  de  dé- 
partement ,  depuis  traducteur  de  l'excellent 
livre  du  cardinal  Antoniauo  sur  l'éducation  do- 
mestique, condamné  à  ofïrir  plus  tanl,  à  un 
autre  évoque  d'Orléans,  de  nouvelles  réflexions 
sur  l'infaillibilité,  il  perçait  à  coups  d'épingle 
MgrFayet.  Le  successeur  de  l'évéque  Rousseau 
avait  fait,  à  Dom  Guéranger,  une  guerre  de 
broussailles,  très-redoutable  par  les  traits  d'es- 
prit dont  elle  était  ornée.  Dans  une  controverse 
théologique,  les  gaietés  ne  sont  pas  de  mise, 
sauf  parfois  pour  dérider  le  lecteur  fatigué  par 
de  longues  thèses,  et  si  l'on  est  armé  pour  la 
satire,  le  mieux  est  de  ne  pas  vi.lcr  son  caniuois. 
Mais  si  l'on  a  lancé  des  flèches  à  l'adversaire 
et  qu'il  y  ait  matière  à  représailles,  si  les  re- 
présailles sont  réussies,  le  public  se  réjouit  de 
voir  l'application  du  proverbe  :  A  bon  chat,  bon 
rat.  Philippe  Guignard  a  cet  avantage;  aux 
ressources  de  la  bonne  cause  et  à  un  très-grand 
sens  catholique,  il  joint  une  érudition  remar- 
quable et  un  remarquable  esprit.  Sans  dépasser 
jamais  les  limites  de  la  bienséance,  il  crible 
r.\.chillc  vinaigré  d'Orléans.  Les  lettres  de 
Dom  Guéranger  au  prélat  étaient  des  c«ups  de 
massue;  la  brochure  de  Guignard  est  un  coup 
de jarnac. 

Un  autre  lieutenant  de  Dom  Guéranger  fut 
Melchior  Dulac,  rédacteur  de  l'Univers.  Un  iah 


1473 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


tant  novice  à  Sole?mes,  il  avait  étudié  I;i  litur- 
gie sous  la  discipline  du  mailre ,  et  lursquTl 
en  parliiit  au  pujjlie,  il  était  du  nombre  des 
rares  personnes  du  temps  qui  savaient  cfi  qu'elles 
disaient,  i!  n  livre  la  Liturgie  romaine  et  les  litur- 
gies françiiises  est,  à  certains  égards,  l'abrégé,  et 
sous  d'autres  r.ipports,  le  complément  des  Insti- 
tutions liturgiques.  Dulac  n'est  pas  un  discuteur 
armé  à  la  légère;  il  fait  donner  la  grosse 
artillerie.  Aussi  les  adversaires  trouvaieut-ils 
scandaleux  qu'un  simple  laïque  osât  parler  de 
choses  réservées  aux  évèques.  Ce  trait  est  un 
peu  de  tous  les  temps;  voici  la  réponse  de 
Dulac  :  «  Ce  beau  raisonnfment,  dit  il,  va  plus 
loin  qu'on  ne  pense  :  si  les  laïques  ne  peuvent 
ni  étudier  les  sciences  ecclésiastiques,  ni  en 
parler,  ni  écrire  sur  les  questions  qui  s'y 
rattachent,  parce  qu'ils  ne  font  pas  partie  du 
corps  sacerdotal;  si,  d'autre  part,  la  même  in- 
terdiction pèse  sur  le  clergé  du  second  ordre, 
parce  que  ses  mi-mbres  sont  inférieurs  aux 
évèques,  seuls  chargés  de  régir  les  églises,  de 
les  gouverner,  de  prononcer  comme  juges,  ne 
faudra-t-il  pas  refuser  aussi  le  droit  d'écrire 
aux  évèques  eux-mêmes,  sous  prétexte  que  le 
Pape  est  leur  supérieur  et  le  seul  juge  souve- 
rain? Je  connais  des  logiciens  qui  ne  icculent 
jias  devant  cette  couséiuence,  et  pour  lesquels 
une  église  ainsi  pétrifiée,  où  tout  membre  se- 
rait immobile  et  toute  intelligence  muette,  est 
le  beau  idéal.  Par  malheur,  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  en  a  disposé  autrement  ;  le  sacer- 
doce qu'il  a  établi  ne  ressemble  en  rien  aux 
sacerdoces  du  paganisme,  qui  s'attribuaient  le 
monopole  de  la  vérité  et  la  dérobaient  aux  re- 
gards des  profams  avec  un  soin  jaloux;  ses 
prêtres  sont  les  apôtres  de  la  doctrine  sainte, 
ils  n'en  sont  pas  les  propriétaires,  et  laïques  ou 
clerc^,  prêtres  ou  évèques,  tous  ont  le  droit  ou 
plutôt  le  devoir  de  la  connaître,  de  l'aimer,  de 
la  servir,  île  la  propager,  chacun  dans  la  me- 
sure de  ses  forces  et  des  grâces  qu'il  a  reçues  : 
à  tous  il  est  défendu  de  tenir  la  vérité  captive. 
a  Nous  avous  honte,  ajoutait  Dulac,  de  nous 
arrêter  si  longtemps  à  de  pareilles  objections. 
Ceux  qui  nous  les  adres-ent  confondi  nt  de  la 

{'oçon  la  plus  ridicule  deux  ordres  de  questions. 
Jn  évèque  a  daigne  pourtant  le  leur  expli- 
quer :  a  Quant  à  la  quesliou  pratique  de  la 
liturgie,  elle  se  développera  d'elle-même  avec 
le  temps  ;  mais  elle  doit  marcher  plus  lente- 
ment que  la  question  doctrinale.  Celle  dernière 
est  ouverte  à  l'examen  de  tous;  mais  l'autre  est 
exclusivement  entre  les  mains  du  chef  de  cha- 
que diocèse.  Partout  c'est  à  l'èvèque  seul  qu'il 
appartient  et  de  donner  le  signal  et  de  faire 
arriver  au  but  (1).  » 

t.  Mgr  Pansis,  De  la  Queilion  liturg<qut,  p,  4S  ;  et  OuiAC, 
La  Lilurgii  romaine,  p,  11. 


Dom  Giiéranger,  soutenu  dans  sa  campagne 
liturgique  par  quelques  pieux  laïques  et  par 
quelques  bons  prêtres,  reçut,  par  surcroit, 
l'appui  fort  inattendu  de  doctes  prolestant?. 
L'Angleterre,  récompensée  alors  d-l'hospiialité 
qu'elle  avait  oDjrte  aux  prêtres  proscrits  par 
la  Révolution,  sentait  s'allumer  dans  son  sein 
le  feu  que  Jésus-Christ  est  venu  allumer  sur 
la  terre.  L'estime  pour  les  hommes  lui  avait 
inspiré  quelques  considérations  pour  les  doc- 
trines, et,  par  sympathie  d'érudition,  elle  s'é- 
tait mise  à  étudier  les  Pères  de  l'Eglise.  L'étude 
des  Pères  avait  conduit  quelquis  savants  pro- 
fesseurs d'Oxford  à  ce  qu'on  a  appelé  depjis  le 
ritualisme.  c'est-à-dire  à  l'admission,  dans  le 
culte  protestant,  des  formes  primitives  du  culte 
catholique.  Forma  dat  esse rei,  avait  dit  les  scho- 
lastiques  ;  la  forme  devait  faire  prévaloir  le 
fond,  el  l'adoption,  en  apparence  inofïensive, 
de  quelques  usages  des  vieux  rituels,  amènerait 
à  la  longue  ce  mouvement  de  retour,  prépara- 
tion providentielle  de  la  conveision  de  l'An- 
gleterre En  attendant,  les  ritualistes  de  l'école 
du  docteur  Pusey  acclamaient  les  Institutions 
liturgiques  et  les  partisans  de  l'Eglise  établie, 
dans  le  British  critic  d'octobre  t84l,  ne  se 
montraient  pas  moins  bienveillants  à  cet 
ouvrage.  Voici  la  conclusion  de  leur  article  : 

«  Toutes  formes  donc,  disaieot-ils,  autant 
qu'elles  sont  religieuses,  étant  des  symboles  des 
choses  spirituelles,  l'uniformité,  comme  nous  le 
rappelle  l'abbé,  en  doit  être  la  condition,  et, 
par  là  même,  le  gage  de  l'unité  de  l'esprit.  En 
effet,  pour  employer  les  propres  paroles  de  l'ar- 
chidiacre Manning,  n'est-il  pas  certain  que  l'uni- 
formité est  le  langage  symbolique  el  silencieux  de 
l'unité?  Y  a-t  il  quelque  loi,  dans  l'œuvie  de 
Dieu,  qui  n'ait  sa  propre  forme  invariable? 
Qu'est-ce  que  la  variété  de  la  nature,  sinon 
l'expression  uniforme  d'une  variété  des  lois,  et 
non  pas  l'expression  variée  d'une  seule  loi  ?  Là 
où  il  n'y  a  qu'un  cœur,  il  n'y  aura  aussi  qu'une 
voix,  a  dit  Jérémie.  En  conséquence ,  l'abbé 
•condamne  la  variété  des  rites  dans  l'Eglise,  il 
la  poursuit  comme  un  manque  d'appréciation 
de  l'importance  de  l'unité  chrétienne,  et  il  [iro- 
pose  de  surmonter  la  difliculté,  en  pn-uant 
Rome  pour  centre.  Ici,  il  ouvre  une  i|ueslion 
dans  laquelle  nos  lecteurs  nous  pardonneront 
certainement  de  ne  pas  nous  engager,  à  la  fia 
d'un  long  article.  Noua  nous  bornerons  donc, 
pour  le  [)résent,  à  dire  que,  quant  aux  vues  de 
l'abbé  sur  l'importance  de  l'unité  religieuse,  et 
sur  la  futilité  de  tous  les  efforts  dépenses  a  pro- 
curer cette  unité  sans  l'unifoi  mité,  il  peut,  si  . 
cela  lui  est  de  quelque  cousolaliou,  être  assuré 
de  la  franche  sympathie  de  plus  d'un  cœur 
anglais. 

«  Certes,  il  n'est  pas  un  cœm catholique  qui  ne 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


447§ 


soupire  ardomraent  vers  une  rèsle  plus  forte, 
vers  une  plus  grande  unité  d'action,  et  non- 
seulement  0X1  Angleterre,  mais  par  toute  la  chré- 
tienté. Nous  sympathisons  du  fond  de  nos  cœurs 
avec  l'auteur  dont  nous  venons  d'examiner 
l'ouvrage,  en  ce  qu'il  dit  contre  l'esprit  de  na- 
tionalité en  religion.  Nous  m;  pouvons  ressentir 
le  moindre  attrait  pour  le  parti  gallican,  en  tant 
qu'il  s'oppose  à  l'école  ultramonlaine.  Les 
théories  nationales,  y  compris  même  la  théorie 
gallicane,  qui,  par  le  fait,  est  plus  ou  moins  la 
théorie  actuelle  des  divers  pays  de  la  commu- 
nion romaine,  nous  paraissent  receler  un  subtil 
éraslianisme,  et  témoigner  en  même  temps  d'une 
véritable  insouciance  pour  la  plénitude  et  pour 
la  liberté  de  l'Evangile.  C'est  en  émettant  cette 
profession  de  sympathie  que  nous  prenons  congé 
de  l'ubbé,  lui  souhaitant  de  cœur  la  santé  et 
une  longue  vie,  pour  mener  à  terme  l'ouvrage 
de  si  haute  importance  et  de  si  ardue  difficulté 
dont  ce  volume  n'est  que  le  premier  gage(l).  » 

Ainsi  la  controverse  sur  les  Jnsii  lut  tons  liturgi- 
ques, balance  faite  des  agresseurs  et  des  défen- 
seurs, se  réduisait  à  rien.  Après  plusieurs  passes 
d'armes,  la  matière  môme  mani|iiait  à  la  con- 
troverse. «  Le  savant  bénédictin,  disait  le  car- 
dinal Gousset,  s'est  si  bien  défendu,  surtout 
dans  ses  lettres  à  Mgr  l'évéque  d'Orléans,  dont 
l'ouvrage  paraît  avoir  été  tait  un  peu  à  la  hàle, 
que  les  attaques  contre  les  Institutions  semblent 
n'avoir  pas  eu  d'autre  résultat  que  d  accélérer 
le  mouvement  qui  nous  ramène  à  l'unité  litur- 
gique.'.. Pourquoi  donc  cette  espèce  d'acharne- 
ment contre  l'abbé  de  Solesmes  ?  A  part  ces 
quelques  fautes  qui  se  glissent  facilement  dans 
un  ouvrage  d'érudition,  que  peut-on  lui  repro- 
cher, si  ce  n'est  d'avoir  raison  contre  ses  adver- 
saires? Il  serait  certainement  bien  coupable,  si 
c'était  un  crime  de  penser  comme  l'Eglise  ro- 
maine, de  prier  comme  l'Eglise  romaine  et  de 
faire  ce  que  fait  l'Eglise  romaine,  en  tout  ce  qui 
tient  à  l'ordre  liturgique  (2).  » 

Le  fait  est  que  la  plupart  des  adversaires,  un 
moment  si  hostiles,  mis  en  demeure  de  s'expli- 
quer, n'avaient  plus  rien  à  objecter  contre  les 
Institutions  liturgiques,  si  ce  n'est  qu'il  y  était 
question  d'étui  de  violon  et  de  bonnets  pointus. 
Û  eût  été  difficile,  cependant,  de  fournir  deux 
gros  volumes  sur  une  si  mince  donnée,  et  c'était 
vraiment  abuser  de  deux  pauvres  phrases,  que 
d'y  voir  le  but  et  la  portée  de  tout  l'ouvrage. 

(A  suivre.)  Justin  Fèyre, 

protonotaire  apostolique. 


1.  Institutions  liturgiques,  t.  Il  préface  p. Sis. 

2.  Observations  sur  un  mémoirt  adressé  à  i'épiseopat. 
page  79.  '^    ' 


Sanctuaires  célèbres. 

NOTRE-DAfflE  DE  CHARTRES» 

L4  VIERGE-MÈRE   ÉTAIT    ATTENDUE    PAR   TOUTES 

LES  NAT10.\S, 

LES  DRUIDES  LUI    RENDAIENT  UN   CULTE. 

La  Vierge,  future  Mère  du  Messie,  n'était  point 
seulement  l'espérance  de  la  nation  juive  à  qui 
Dieu  l'avait  révélée,  elle  était  encore  l'attente 
des  nations  au  milieu  desquelles  la  tradition  en 
avjit  porté  la  connaissance.  De  là,  un  concert 
unanime  chez  tous  les  peuples  en  faveur  de  la 
Vierge  qui  devait  enfanter  un  Sauveur.  Isaïe, 
inspiré  par  le  Verbe,  chantait  «la  Vierge  qui 
allait  mettre  au  monde  l'Emmanuel,  Dieu  avec 
nous.  »  L'écho  île  sa  parole  retentissait  au  sein 
de  la  gentilité.LaSibylle  d'Erythrée  redisait  son 
chant:  «Réjouis-toi,  jeune  Vierge,  livre-toi  à 
«  l'allégresse,  le  Créateur  de  l'univers  demeu- 
«  rera  en  toi  et  tu  posséderas  la  lumière  éter- 
«  nelle  ;  il  sera  le  soleil  qui  se  lèvera  du  sein 
«  d'une  vierge (2).  »  Le  poëtede  Mantone,  s'inspi- 
rant  des  vers  de  la  Sibylle  et  des  traditions  po- 
pulaires, chantait  à  son  tour  la  Vierge  d'Israël 
et  l'Enfant  divin  :  «  Déjà  revient  la  vierge  et  avec 
«  elle  le  temps  heureux  de  Saturne.  Déjà  du  haut  du 
«  ciel  descend  un  nouveau  rejeton.»  Quelle  est, 
demande  l'empereur  Constantin,  cette  Vierge 
qui  revient?  N'est-ce  pas  Celle  qui  est  devenue 
féconde  par  l'Esprit-Saint  sans  cesser  d'être 
Vierge,  la  seconde  Eve  annoncée  dès  l'origine 
qui  nous  revient  en  Marie  (3)? 

L'Egypte  ancienne,  fidèle  conservatrice  des 
antiques  traditions,  l'Egypte  où  vécurent  long- 
temps les  Hébreux,  garde,  tout  en  la  défigurant 
pour  l'adapter  à  son  culte  idolàtrique,  la  notion 
d'une  vierge,  Isis,  qui  doit  mettre  au  monde  un 
Dieu,  Bacchus,  sans  cesser  d'être  vierge.  Sur  le 
zodiaque  égyptien  on  apercjoit  une  vierge  allai- 
tant un  enfanl,  le  Dieu  du  jour  (4).  La  Grèce 
nous  montre  sous  des  formes  diverses  sa  croyance 
en  une  Vierge-Mère.  C'est  Minerve,  la  déessede 
la  Virginité;  c'est  la  reine  des  dieux  qui,  parle 
simple  toucher  d'une  fleur,  donne  naissance  à 
Mars,  le  dieu  des  batailles,  allégorie  de  la  fleur 
qui  s'épanouit  sur  la  tige  de  Jtssé  et  donne  le 
jour  au  Fils  de  Dieu  dont  la  puissance  est  invin- 
cible. «Si  nous  afiîrmons, »  dit  aux  Grecs  saint 
Justin,  oque  Jésus-Christ  est  né  d'une  Vierge, 
vous  en  affirmez  autant  de  Persée,  né  de  la  vierge 
Danaé.  «  «  Les  Romains,  »  ajoute  saint  Jérôme, 

1.  Extrait  de  1  Histoire  des  pèlerinages  de  la  sainte  Vierge, 
par  M.  l'abbé  Leroy,  3  vol.  in-8.  15  francs.  —  Paris,  li- 
urairie  L  Vives,  13,  rue  Uelarabre. 

2.  Sibyllf,  chants  grecs,  1.  III.  v.  784  et  suiv.;  1.  V, 
T.  255  et  suiv.;  1.  VI,  v.  15;  1.  VIII. 

3.  Virgile,  Eglogue  àPoltion.  —  Constantin,  Discourtaiu 
fidèles  dans  Eusèbe. 

4.  V.  Myihologit,  par  Odolan-Denos  et  Ulande,  Cours 
i'tilrsnoafie. 


1ÎS3 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


«  n'^aiiihiient-ils  pas  la  iiaisr-mirc  ilii  fomlateur 
deHoiiii'.-uiiiifu  Mais  et  à  la  vierge  llia?  Qu'ilsiie 
nous  h'iàmei  '  lîoiic  pas  si  nous  croyous  que 
Kolre-Sci'^iicur  fst  né  d'iuie  Vierge  (1).  » 

dans  rinilc,  la  prédiction  que  le  Sauveur  naî- 
trait d'u!>i!  Vierge  donna  lieu  à  la  troyauce  que 
«  Uouddha,  l'aulenr  de  la  religiou,  est  venu  au 
monde  en  sortant  du  côté  d'une  vierge  (2).»  Les 
livres  sacrés  de  l'Inde  d'-elavcnt  que,  quand  un 
di«u  daitïne  prendre  la  forme  linmaiue  pourins- 
iruH-e  et  eunsoler  les  hommes,  il  s'incarne  dans 
le  sein  d'une  vierge  (3).  Dans  la  Chine  et  le  ïhi- 
bet,  on  croit  que  le  dieu  Foë,  voidaul  retirer  le 
genre  humain  de  la  corruption,  s'est  incarné 
dans  le  sein  île  la  plus  helle  et  do  la  plus  \er- 
tueusedes  viprses(4).  Dans  le  royaumedeSiara, 
une  tradition  affirmait  que  «dieu,  le  désiré  des 
nations,  serait  conçu  par  une  vierge  des  rayons 
du  soleil.  «  Eu  Perse,  sous  Cambyse,  un  mage 
aainonça  à  ses  disciples  «qu'une  étoile  paraîtrait, 
quand  un  dieu  naîtrait  d'une  vierge  (5).  » 

Les  druides,  prèU-es  des  Gaules,  versés  dans  les 
sciences,  dépositaires  des  doctrines  religieu- 
ses (fi),  avaient  certainement  connaissance  des 
ti-adilions  partout  répandues  de  la  Vierge  qui 
devait  enf;mter  le  Messie  attendu.  «Originaires 
de  la  Perse  et  disciples  des  Mages,»  dit  Fabor, 
0  ils  avaient  apporté  d'Orient  dans  la  Grande- 
Bretagne  et  les  Gaules,  la  prophétie  d'Isaïe  et 
celle  de  Balaam  sur  la  Vierge-Mère  et  le  Libéra- 
teiL  futur  (7).  »  Tandis  cpie  les  solitaires  de 
Carmel,  les  disciples  d'Elie,  rendaient  à  Marie 
un  culte  anticipé  sur  cet'.e  montagne  de  l'Orient, 
les  druides  rendaient  dans  les  sombres  forêts  de 
l'Occident  à  la  future  Vierge-Mère  un  culte  puise 
à  la  même  source  orientale  et  aux  mêmes  tradi- 
tions. Eu  etlet,  Guillert,  abbé  de  Nogent,  rap- 
porte que  «  l'églLse  de  sou  monastère  était  bâtie 
«  sur  remjdacement  d'un  bocaLre  sacré,  où  le.s 
«  druides  sacrifiaient  à  ia  mère  future  du  dieu 
«  qui  devait  naître  (8).  »  Selon  M.  Chasseneux, 
l'inscription  :  Matri  jutune  Dei  nafcituri  se  lisiiit 
près  d'Auluu,  près  de  Dijon,  et  à  Fontaine,  près 
dulieu  où  naqnitsaint Bernard, dansd'auciennes 
enceintes  druidiques  (t)).  Le  savant  Schédius, 
versé  dans  l'étude  des  antiquités,  affirme  que 
les  druides  érigeaient  dans  les  grottes,  au  mi- 
lieu des  forêts  de  la  Germanie  et  des  Gaules,  des 

1.  s.  Justin,  !'•  apologu.  —  S.  Jérôme,  Con(r<  Jovinien, 
1.  I,  n-  4ï. 

2.  S.  Jirilme,  Contre  Jovinien,  1.  I,  n'  42. 

3.  ÛBui'RS  du  chevalier  \V.  Joues,  suppl.  in-4.,  t.  II, 
p.  548. 

4.  Alphnbelum  Ubtlanum,  par  Paulin  de  S.  B.,  p.  32. 

5.  Huet,  Démonstration  évang/tiçue,  in-folio.  —  D'HcT- 
bclot,  Bibliotli.  orierttaU,  art.  Zcrdascbt,  —  Abulfarage, 
etc. 

8.  César,/)»  la  gwrre  desGauln,  1.  VF,  ch.  xiil  et    xiv 

7.  Faber,  Origine  de  tidotâtrie  patenns,  culte  druidique. 

8.  Goilbert,  De  nia  tua,  lib.  II.  ch.  I. 

t.  Chasseneux,  Histoire  dii  coulumet  de  Bourgogn». 


slatues  à  la  Vierge   qui   devait    enfanter    (<). 

Or,  le  pays  de  Cliartres  était,  au  témoignage 
de  (lés  ir  (2),  le  centre  [  rinci[)ul  des  réunions 
druidiques,  le  lieu  où  les  druides  tenaient,  cha- 
que aimée,  leur  assemblée  générale.  Là,  comme 
dans  la  capitale  de  leur  religion,  résidait  le  chef 
suprême  du  druidisme  gaulois. 

Sur  la  Colline  où  a  été  liàtie  la  cathédrale, 
nous  apprcnil  ane  ancienne  tradition  locale, 
transcrite  depuis  des  siècles,  était  un  bois  sacré, 
et,  nu  mil  eu  de  ce  bois,  une  vaste  grotte 
qu'éclairait  à  peine  un  jour  sombre,  et  dans 
cette  grotte  une  statue  de  Vierge  sur  le  pipd  de 
laquelle  était  gravée  cette  inscription  .'  \  irgini 
pai-ilurœ,  à  la  l'iei'ge  qui  doit  enfanter.  Une 
autre  tradition  porte  que  cent  ans  avant  la  nais- 
sance de  Jésus  Christ,  les  druides  élevèrent 
dans  cette  grotte  un  autel  en  l'honneur  de  la 
Vierge  qui  devieudrait  mère  du  Hédempteur. 
A  l'occasion  de  cette  «olennité,  Priseus,  roi  de 
Chartres,  enci  lu  païen,  consacra,  en  présence 
de  toutes  le»  notabilités  de  sa  nation,  son 
royaume  à  cette  reine  future  qui  devait  en- 
fanter le  Dhiré  du  royaume.  Dès  lors  furent 
jetés  dans  le  pays  chartrain  les  premiers  fonde- 
ments de  la  dévotion  à  la  sainte  Vierge,  et 
du  superbe  temple  qu'on  éleva  plus  tard  à  sa 
gloire  (3). 

Le  roi  de  France  Charles  Vfl  semble  confir- 
mer ce  récit,  lorsque,  accordant  les  lettres  pa- 
tentes en  faveur  de  l'église  de  Chartres,  il  la 
déclare  «la  plus  ancienne  de  son  royaume, 
«  fondée  par  prophétie  en  l'honneur  de  la  glo- 
«  rieuse  Vierge  Marie,  avant  l'Incarnation  de 
«  Notre- Seigneur,  et  dans  laquelle  elle  fut 
honorée  de  sou  vivant  (4).  n  M.  Olier  appelle 
Chartres  «  une  sainte  et  dévote  ville,  la  pre- 
«  mière  du  monde  par  l'antiquité  de  sa  dévo- 
«  lion,  puisqu'elle  y  a  été  érigée  par  pro- 
«  phétie  f3). 

Sébastien  Rouillard,  avocat  au  Parlement  de 
Melun,  qui  recueillait,  dans  le  bon  vieux  temps, 
les  récits  des  voyageurs,  pour  en  composer  un 
volume,  vint  a  Chartres  vers  l'an  1608.  Se  dé- 
fiant des  vagues  rumeurs,  il  consulta  les  ar- 
chives et  fouilla  si  bien  les  antiquités  grecques 
et  latines,  qu'il  parvint  à  appuyer  de  toute  son 
autorité  la  tradition  locale  qui  faisait  remonter 
jusqu'aux  druides  l'origine  de  Notre-Dame.  Il 
composa  alors  sa  délicieuse  Purthénie.  La  scène 
se  passe  dans  les  forêts  d'Amricum,  sous  les 
dalles  de  la  cathédrale.  Nous  sommes  au  temps 
des  Galls  ou  plutôt  des  Kymiis,  dont  la  religion 

1.  Schédius.  De  iiis  germani$,ca\>.  ni. 

2.  César,  De  BeUo  galtic.lih.   VI,  cap.  XU  et  XUl. 

3.  Vincent  Sablon.  Uitt.  de  l'église  de  Charlret,  ch.  I, 
p.  8  et  suiv. 

4.  Ozeray.  Bist.  de  la  tM  ia  CanMfê,  t,  U,  piicM  JOS- 
ti&catires. 

b.  U.  Olier.  if^moirM. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


iiSI 


semble  plus  éievée  que  celle  de  leurs  devan- 
ciers. I.e  druidisme  domine  partout,  la  Gaule 
entière  est  soumise  à  ses  lois,  à  ces  usages  et  à 
ses  dieux.  De  lous  côtés  on  ne  rencontre  que 
bardes  et  messagers,  dont  la  voix  tonnante  re- 
tentit dans  les  forêts.  Les  peuples  s'ébranlent, 
les  chefs  et  les  cavaliers  s'arment  du  glaive  et 
de  la  lance,  et  se  mettent  en  m«rclie  pour  ar- 
river au  jour  fixé  dans  le  bois  d'Autricum. 
C'est  pourtant  une  triste  saison  ;  les  feuilles 
jaunies  et  privées  de  sève  sont  tombées  des 
arbres,  la  nature  sommeille,  tout  en  elle  dort,  les 
parfuns  et  les  floraisons.  Le  soleil  ne  jette  qu'à 
de  rares  intervalles  de  pâles  rayons  à  travers 
cette  immense  suite  de  forêts  qui  couvrent  le 
sauvage  pays  des  Gaules.  Le  pontife  des  druides, 
couronné  de  lierre,  la  taille  entourée  d'une 
ceinture  de  lames  d'or,  s'avance  majestueuse- 
ment à  la  lueur  des  flambeaux,  et  monte  sur  le 
rocher  de  granit  (pii  lui  sert  de  tribune.  Les 
traits  de  sou  visacre  expriment  une  sorte  d'allé- 
gresse que  ses  regarils  veulent  communiquer  à 
l'assemblée,  il  s'écrie  :  «Ciel,  pourquoi  mettre 
«  tant  de  retard  dans  l'accomplissement  de  nos 
«  vœux?  Je  désirerais  que,  du  liant  de  ta  voûte, 
«  descendit  le  Juste  promis  depuis  tant  de 
a  siècles  à  l'univers!  Divinité  suprême,  jeté 
«  rends  grâce  d'avoir  iiiP[iiii'  à  notre  sacré  col- 
«  lége  de  consacrer  une  statue  à  celle  qui  doit 
«  enfanter  le  Juste.  Princes  et  nobles,  vous 
«  tous  ici  présents,  vous  (jui  dans  nos  écoles 
«  avez  été  instruits  de  ce  mystère,  ne  consen- 
«  tirez-vous  pas  i  ollVir  vos  hnnimages  à  cette 
«  nouvelle  divinité?»  A  ces  paroles,  les  chefs 
et  les  cavaliers  se  bâtent  de  donner  leurs  suf- 
frages, et  font  retentir  la  forêt  de  leurs  applau- 
dissements. L'Arcliidruide  descend  de  sa  tri- 
Lune,  entre  dans  une  grotte  voisine,  suivi  des 
nobles  et  de  quelques  prêtres,  et  fait  placer  la 
statue  de  la  Vierge  sur  un  autel.  Puis,  touciiant 
de  la  main  l'autel,  il  continue  «  Je  te  dédie  en 
«  l'honneur  de  la  Vierge  qui  doit  enfanter,  et 
«  j'ordonne  que  toute  la  Gaule  vienne  t'adres- 
«  ser  de  soleunelles  prières  dans  cette  grotte, 
«  au  pied  de  ton  image.  0  Vierge,  dont  la 
«  naissance  est  seulement  connue  du  ciel,  si 
«  notre  pieté  anticipe  sur  le  temps,  daigne  an- 
«  ticiper  sur  nous  l'eflet  du  salut  que  uous  at- 
«  tendons  de  ton  enlautement  !  » 

La  Vierge  de  la  grotte,  qu'on  appela  pour 
cette  raison  Notre-Dame  de  Sous-Terre,  paraît, 
dit  uij  ancien  historien,  être  faite  de  bois  de 
poirier  que  le  temps  a  bruni.  Assise  dans  une 
chaise  à  quatre  piliers,  elle  tient  sur  ses  genoux 
son  Fils  qui,  de  la  main  droite,  donne  la  béné- 
diction, et  de  la  gauche,  porte  le  globe  du 
monde.  Sa  robe  est  recouverte  d'un  manteau 
l'antique,  arrondi  par  devant  et  se  retroussant 
sur  les  bras  eu  forme  de  dalmatique.  Sou  visage 


ovale  d'un  noir  luisant,  bien  fait  et  bien  propor- 
tionné, est  encadré  par  un  voile  qui  retombe 
sur  les  épaules.  Une  couronne  simple,  ornée  de 
fleurons,  est  pos'e  sur  sa  tète-  Ses  yeux  sont 
fermés,  pour  montrer  que  celle  qu'honoraient 
les  druides  n'étaient  pas  encore  née(l).  Tandis 
que  les  historiens  de  Chartres  et  de  son  église, 
Pintard  et  et  Sablon,  attribuaient  celle  Vierge 
druides,  MM.  Bulteau  et  Souchet,  autres  histo- 
riens du  pèlerinage,  pensaient  que  la  Vierge 
druidique  avait  péri  daus  le  grand  incendie 
allumé  par  la  foudre,  qui  consuma  la  cathédrale, 
l'an  1020,  et  que  cette  statue,  dont  la  couronne 
et  l'enfant  Jésus  portaient  le  cachet  du  christia- 
nisme, ne  remontait  pas  au-delà  de  l'épiseopat 
de  Fulbert,  mais  qu'on  avait  conservé  à  la 
Vierge  sa  forme  et  son  inscription  druidique. 

LE  CCLTE  DEMABIE  PRÊCnÉ  A  CnARTHES  PAR  LES 
MISSIONNAIRES  DU  CHRIST.     LE  VOILE  DE  LA  VIERGE. 

L'Apôtre  des  Gentils,  prêchant  à  Athènes 
devant  l'Aréopage,  s'écrie  :  Je  viens  de  lire  sur 
le  frontispice  d'un  de  vos  temples:  «  Au  Dieu 
inconnu.»  Eh  bien!  c'est  ce  Dieu  inconnu  et 
son  Fils  Jésus-Christ  que  je  viens  vous  faire  con- 
naître (2).  Ainsi  firent  à  Chartres  les  premiers 
missionnaires  saint  Savinien  et  saint  Potentien: 
«  Nous  venons  de  lire,  o  dirent-ils  aux  habi- 
tants, «  sur  une  de  vos  statues  :  A  la  Vùrge  qui 
«  doit  enfanter  ;  c'est  cette  Vierge  que  noos 
H  venons  vous  annoncer  et  son  Fils  Jésus  que 
«  tous  les  peuples  attendaient.  »  Et,  ayant  con- 
verti la  population,  ils  dédièrent  la  grotte  à  la 
IMère  du  Sauveur,  l'uis  saint  .Savinien  s'éloigna. 
Poursuivi  plus  tanl  par  les  émissaires  du  gou- 
verneur Aurélien,  furieux  de  ce  que  Dieu  avait 
délivré  son  apôtre  do  la  prison,  il  arriva  sur  les 
bords  de  la  Marne  que  les  pluies  avaient  grossie. 
Là,  se  prosteruaut  sur  la  rive,  il  demanda  au 
Seigneur  de  lui  ouvrir  un  passage,  afin  qu'il 
allât  recevoir  la  couronne  du  martyre  à  l'endroit 
où  il  avait  reçu  le  baptême.  L'eau  devint  aussi- 
tôt, sous  ses  pas,  comme  un  marbre  solide.  Les 
soldats  de  l'empereur  qui  le  poursuivaient,  arri- 
vèrent à  leur  tour,  mais  s'arrêtèrent  devant  le 
torrent. 

L'apôtre  de  Chartres ,  voyant  leur  em- 
barras, pria  le  Seigneur  de  leurlivrer  aussi  pas- 
sage; les  eaux  se  durcirent  une  seconde  fois; 
ils  passèrent  à  pied  sec  et  lui  tranchèrent  la 
tète  (3).  Durant  la  persécution,  les  nouveaux 
convertis,  réunis  dans  la  grotte  de  la  Vierge, 
avec  Modeste,  la  fille  du  gouvermnir,  scellèrent 
de  leur  sang  leur  inébranlable  attachement  à  la 
foi  chrétienne.    Quiriuus,  agissant  au  nom  de 

1.  Pintard,  His/.  de  la  ville  de  Chartres.  —  Catatogm 
de>  reliques,  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Cliartres. 

2.  Avies  des  Apôtres, 

3.  Recueil  des  historient  d«  France,  t.  Il,  p.  43t,  «t 
t.  III.  D.  iU. 


1482 


LA  SEMAINE  DU  CLERGt 


l'empereur  Claude,  les  fit  précipiter  dans  uu 

{luits  de  la  grotte  mystérieuse,  que  l'on  appela 
e  puits  des  saints  forts  (  1  ) . 

Quand  reiP')ereur  Constantin  eut  accordé  la 
paix  à  l'Eglise,'  un  temple  s'éleva  au-dessus  de 
la  grotte  pour  abriter  les  nombreux  chrétiens 
récemment  convertis.  Dans  cette  enceinte,  vint 
crier  saint  Emau,  dans  le  cours  du  vi^  siècle. 
Originaire  de  la  Cappadoce,  il  arriva  à  Chartres, 
poussé  par  une  inspiration  divine  et  guiilé  par 
son  amour  pour  Marie  ;  il  bâtit,  à  l'ombre  du 
sanctuaire,  un  petit  ermitage,  plus  tard  trans- 
formé en  une  chapelle,  dont  on  voit  encore  les 
restes,  dans  la  rue  qui  porte  son  nom.  Vers  la 
même  époque,  saint  Béthaire  arriva  de  Rome 
dans  la  cité  des  Carnutes,  poussé  par  la  même 
dévotion  ;  il  y  séjourna  et  dans  la  suite  en  fut 
l'évêque.  Au  vu"  siècle,  Frédegaire  compte  le 
pèlerinage  de  Chartres  parmi  les  plus  célèbres  de 
France  (2). 

A  la  suite  du  pèlerinage  que  le  roi  Charles  le 
Chauve  fit  à  Notre-Dame  de  Chartres,  dans 
la  seconde  moitié  du  xix'  siècle,  il  offrit  au 
trésor  de  la  cathédrale  un  voile  provenant  de  la 
Vierge  de  Nazareth.  Ce  voile,  long  de  quatre 
aunes  et  demie,  d'un  blanc  jaunâtre,  est  tissu 
de  soie  et  de  liu,  ce  qui  ne  doit  pas  étonner  de 
la  part  de  la  sainte  Vierge,  toute  pauvre  qu'elle 
était.  Si  modeste  que  fût  sa  position,  la  fille  des 
rois  de  Juda  pouvait  bien  posséder  un  tel  vête- 
ment par  héritage  de  ses  ancêtres.  11  n'est  pas 
rare  que,  dans  les  familles  anciennes,  certains 
objets  de  prix  se  transmettent  de  génération  en 
génération,  et  s'y  conservent,  lors  même  qu'elles 
sont  déchues  de  leur  première  splendeur.  Quant 
à  la  forme,  c'était  autrefois  l'usage  parmi  les 
femmes  d'Orient  de  porter  non  point  des  che- 
mises comme  les  femmes  d'aujourd'hui,  mais  un 
long  voile  qui,  couvrant  la  tète,  se  croisait  sur 
la  poitrine,  se  repliait  sous  les  bras  et  envelop- 
pait toute  la  partie  supérieure  du  corps.  Or,  il 
est  facile  de  reconnaître  combien  parfaitement 
était  approprié  à  cet  usage  le  voile  dont  nous 
parlons,  et  qu'on  a  appelé,  pendant  plusieurs 
siècles,  la  chemise  de  la  sainte  Vierge  (3). 

Selon  Nicéphore  Calixte,  dans  son  Histoire 
ecclésiastique  (4),  ce  vêtement,  doublement  véné- 
rable, et  parce  qu'il  a  touché  la  chair  virginale 
de  Marie,  et  parce  que,  d'après  la  tradition,  elle 
l'a  porté  pendant  tout  le  temps  que  le  Fils  de 
Dieu  demeura  renfermé  dans  ses  chastes  en  • 
trailles,  fut  laissé  comme  un  souvenir  par  la 
Vierge  mourante  à  une  personne  de  ses  amies. 
Ce  vêlement  éta^t  ensuite  tombé  entre  les  mains 

1.  Vie  des  Saints    S.  Savinien,  29  janvier, 

2.  Pintard.  Uisl.  de  Chartres.  —  Bulteau,  Description 
il  la  calMdralt.  -^  Longueval,  Hisl.  de  i'E'jlise  galli- 
«Me,  t.  I, 

3.  .\ssier,  Notre-Dame  de  Chartres,  ch.  it. 

4.  Nicéphore,  lib.XIV,  ch.  U,  et  lib.  XV,  ch.  XIV  et XXIV. 


d'un  Juif  chrétien  de  Galilée,  deux  frères  de  la 
race  des  patriciens,  Candidus  et  Galbius,  par- 
vinrent à  se  le  procurer  dans  un  pèlerinage 
qu'ils  firent  en  Palestine,  et  le  rapportèrent  avec 
eux  à  Constantinople.  Leur  intention  était 
d'abord  de  tenir  leur  trésor  caché,  de  peur  qu'on 
ne  le  leur  enlevât  ;  mais  les  miracles  journalieri 
dont  ce  saint  voile  était  l'occasion,  ayant  trahi 
leur  secret,  ils  s'en  ouvrirent  à  l'empereur  Léon, 
dit  le  Grand  ou  l'Ancien.  Celui-ci,  heureux  de  la 
confidence,  fit  aussitôt  construire  un  temple 
magnifique  pour  y  déposer  le  précieux  vête- 
ment, le  regardant,  dit  l'historien,  comme  le 
rempart  à  tout  jamais  inexpugnable  de  son  em- 
pire, vciuti  invictum  perpetuumque  vrbis  prœsi- 
dium . 

On  sait  que  Charlemagne  eut  de  fréquents 
rapports  avec  les  empereurs  de  Constantinople, 
dont  il  reçut  les  ambassadeurs  et  les  présents; 
que  l'impératrice  Irène  lui  demanda  sa  fille  en 
mariage  pour  son  fils,  lui  offrit  sa  propre  main, 
afin  de  réunir  sous  un  même  sceptre  les  deux 
empires  d'Orient  et  d'Occident,  et  que,  dans  ces 
deux  circonstances,  elle  lui  fit  de  riches  pré- 
sents? Comme  l'esprit  religieux  de  Charlemagne 
et  son  estime  pour  les  reliques  sacrées  étaient 
connus,  on  peut  présumer  qu'au  nombre  des 
présents  figurait  le  voile  de  la  Sainte  Vierge. 
Un  des  anciens  vitraux  de  la  cathédrale  de 
Chartres  représente,  en  effet,  l'envoi  de  ce  voile 
par  l'impératrice  Irène  à  Charlemagne.  Charles 
le  Chauve,  son  petit-fils,  obligé  de  quitter  Aix- 
la-Chapelle  pour  venir  régner  en  France,  l'ap- 
porta avec  lui  et  eu  fil  présent,  vers  l'an  876,  à 
l'église  de  Chartres,  centre  alors  du  plus  illustre 
des  pèlerinages  de  la  Vierge.  Ainsi  le  rapporte 
Dom  Bouquet (1),  tousles  historiensel  toutes  les 
vieilles  chroniques  (2)  ;  ainsi  l'atteste  la  tradition 
constante  de  cette  antique  église,  tradition  con- 
firmée par  les  témoignages  les  plus  respec- 
tables, par  un  consentement  unanime  autant 
que  par  une  suite  de  miracles;  ce  qui  fait  dire 
au  savant  Mabillon  ces  remarquables  paroles  : 
«  Ne  serait-ce  pas  une  témérité  de  nier  que- 
«  cette  relique  soit  authentique?  Ne  serait-ce  pas 
«  faire  injure  à  cette  église  vénérable  de  croire 
o  qu'elle  l'ait  exposée  à  la  vénération  des  fidèles 
«  sans  en  avoir  de  bonnes  preuves (3)?  » 

Ce  précieux  vêtement  qu'on  a  longtemps 
appelé  la  Sainte  Chemise  de  Marie,  parce  qu'en 
effet  il  lui  avait  tenu  lieu  de  chemise,  suivant 
l'usage  oriental,  était  enveloppé  d'un  voile  de 
gaze  de  façon  bizantine,  orné  de  broderies  en 
soie  et  en  or,  offert  par  l'impératrice  Irène;  il 

1.  Dom  Bouquet,  t.  V  et  VIII. 

2.  Berraut-Bercastel,  edit.  de  Henrion,  t.  IV,  p.  138.— 
Pointe  des  Mir.tcUs,  p.  180.  —  Guillaume  le  Breton,  Phi» 
lij^pidos,  lib.   II. 

3.  Lettre  dun  bfnidictin  à  Ugr  dt  Blois,  tOUcbtnt  Uix»^ 
ccraemeat  des  reliques,  p.  13. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1481 


était  enfermé  dans  une  cli'isse  en  nois  de  cèdre» 
recouverte  de  lames  d'or  et  de  pierreries.  Durant 
toute  la  période  iu  moyen  âge,  comme  dans 
cdle  de  la  Reuaissauce,  ce  voile  fut  l'objet  de  la 
vénération  publique.   On  faisait  toucher  à   sa 
châsse  des  chemisettes  qtf'on  appelait  les  chemi- 
settes de  Notre-Dame,  et  qu'on  portait  sur  soi, 
comme  une  précieuse  relique.  Il  s'en  faisait  dans 
la  ville  un  commerce  considérable.  Tous  les 
pèlerins  qui  venaient  à  Chartres,   en  empor- 
taient avec  eux;  M°°  de  Sévigué,  entre  autres, 
ne  passait  jamais  par  cette  ville,  en  se  rendant 
à  sa  campagne  des  Rochers,  sans  en  acheter. 
Des  hommes  de  guerre  voulaient  être  revêtus 
de  ces  tunicelles  de  Notre-Dame.  A  leurs  yeux, 
c'était  un  préservatif  assuré,  un  bouclier  avec 
lequel  les  chevaliers  se  tenaient  pour  invulné- 
rables, à  ce  point  que,  dans  les  duels,  celui  qui 
était  muni  d'une  telle  garantie,  devait  en  aver- 
tir son  adversaire,  parce  qu'alors  la  partie  ces- 
sait d'être  égale.  Un  ancien  manuscrit  raconte 
«  comment  le    Chevalier   sans    peur  et  sans 
«  reproche  vint  à  Chartres  se  faire  enchemiser 
«   de  la  sainte  chemisette  de  Notre-Dame  (l).  » 
Sous  le  règne  de  Charles  le  Chauve,  en  838, 
les  Normands,  conduits  parle  farouche  Hastings, 
s'emparèrent  de  Chartres  et  l'incendièrent  avec 
sa  cathédrale.  Cette  ville  opulente,  et  célèbre 
par  ses  écoles,  renaissait  de  ses  cendres  et  répa- 
rait ses  murailles  et  ses  tours,  lorsc}ue  le  bruit 
d'une  seconde  invasion  des  Normands  se  répan- 
dit dans  son  enceinte.  Les  pauvres  habitants  de 
la  Rauce  émigrèrenl  dans  les  torèts,  ou  se  réfu- 
gièrent dans  les  églises.  Mais  lorsqu'ils  virent 
les  forêts  incendiées  et  les  éghses  renversées,  ils 
s'enfuirent  vers  la  cité,  chassant  devant  eux  leurs 
troupeaux.  De  pauvres  religieux  retirèrent  des 
tombeaux  le  corps  des  saints  et  prirent  la  fuite, 
en  emmenant  avec  eux  à  Chartres  les  reliques 
de  saint  Wandregisile  et  de  saint  Piat.  Lorsque 
la  ville  fut  encombrée,  dans  ses  rues  étroites  et 
tortueuses  retentit  bientôt  cet  etfroyable  cri  :  les 
Normands!  C'était  Rollon  lui-même,  le  chef  des 
Normands  de  la  Seine,  ce  terrible  pirate  qui 
faisait  traiuer  à  ses  bateaux  ceux  qui  lui  résis- 
taient. 

L'évêqnc  de  Chartres,  le  vénérableGousseaume, 
qui  a  imploré  le  secours  de  puissants  sei^ineurs, 
se  prépaie  à  détendre  son  peuple.  Les  Normands 
débarquent  pendant  la  nuit,  se  présentent  devant 
les  murs  de  la  ville  et  font  retentir  des  cris  sau- 
vages. Toute  la  cité  se  réveille  dans  la  conster- 
nation. MaisGousseanme,  le  vaillant  pontife,  se 
■montre  sur  les  tours  avec  de  braves  guerriers. 
Il  en  descend,  il  entre  dans  l'église  de  Notre- 
Dame  et  célèbre  l'oftice  divin,  devant  une  mul- 

1 .  Lellrt  d'un  bénédictin  à  Mgr  l'évêque  ii«  Bhit,  t  m- 
rhamt  U  ditcernement  dea  reliques,  p,  13. 


titude  d'hommes,  de  femmes,  d'enfants  qui,  sai- 
sis d'une  égale  terreur  se  mettent  à  invoquer  le 
secours  de  la  Reine  des  cieux.  Ensuite  il  donne 
l'absolution  à  la  multitude.  Puis,  se  revêlant  de 
ses  habits  pontificaux,  et  précédé  de  la  croix  et 
d'une  bannière  à  laquelle  est  suspendu  le  voile 
de  la  Vierge,  l'évèque  retourne  sur  les  murailles, 
et  y  fait  élever  l'étendard  de  Marie.  Tout-à-coup 
brillent  dans  le  lointain  des  casques  et  des  bou- 
cliers, ce  sont  ceux  des  braves  Bourguignons 
et  des  Francs  qui  volent  au  secours  des  Char- 
trains,  sous  la  conduite  de  deux  vaillants  chefs, 
Richard  et  Robert.  Le  combat  s'engage,  les  Nor- 
mands, pressés  de  toutes  parts  et  frappés  de 
stupeur,  quittent  le  champ  de  bataille  et  se 
retranchent  sur  la  montagne  de  Lèves,  d'oi'i  ils 
se  retirent  en  silence,  abandonnant  leurs  armes 
et  laissant  à  leurs  ennemis  des  retranchements 
sans  défenseurs.  Cette  victoire  est  remportée 
le  20  juillet  de  l'an  911.  La  plaine,  où  les  Nor- 
mamls  sont  défaits,  reçoit  le  nom  de  Pré  de  la 
Reculée.  Un  bas-relief  du  chœur  de  la  cathé- 
drale rappela  cette  journée,  dont  la  mémoire 
fut  encore  perpétuée  par  l'érection  d'une  madone, 
dite  Notre-Dame  du  Vuu-Hou,  dans  i'eufonce- 
ment  d'un  petit  vallon,  par  lequel  Rollon  opéra 
sa  fuite.  Presque  tous  les  historiens  ont  attribué 
celte  éclatante  victoire  à  la  sainte  chemise  de  la 
Vierge.  Plus  tard,  Rollon,  converti  à  la  foi  chré- 
tienne, reçut  le  baptême  dans  la  cathédrale  de 
Chartres  (1). 

CONSTRUCTION  DE  N0TRE-D.4ME  DE  CHARTRES. 
DÉVOUE.ME.NT  ADMIRABLE  DES  POPULATIONS.  LES 
SPLENDEURS  DE  L'aRT   CHRÉTIEN. 

Lorsque  les  pèlerins  visitaient,  au  x'  siècle,  la 
ville  de  Chartres,  ils  ne  venaient  pas  encore 
contempler  cette  majestueuse  cathédrale  dont  la 
splendeur  frappe  d'admiration.  Us  vénéraient  la 
sainte  reli(]ue  à  laquelle  les  Chartrains  devaient 
leur  salut,  et  dont  les  chroniqueurs  de  l'époque 
vantaient  l'insigne  vertu.  Ils  savaient  que  des 
prodiges  s'opéraient  de  temps  en  temps  dans 
une  grotte  mystérieuse,  devant  une  antique 
madone  des  druides,  et  ils  venaient  la  prier. 
L'église  de  Chartres  n'offrait  alors  rien  de  re- 
marquable dans  son  architecture.  Ce  n'était 
qu'u.ie  de  ces  pâles  copies  en  boi«  des  monu- 
ments romains,  où  les  arcades  se  trouvaient 
entassées  sous  de  sombres  nefs  et  sous  des 
voûtes  écrasées.  L'an  lOiO,  le  feu  dp  ciel  alluma 
un  -errible  incendie  qui  la  réduisit  en  cendres. 
Fulbert  occupait  alors  le  siège  épiscopal  ;  il  réso- 
lut de  la  reconstruire  avec  maguihcence.  Ses 
talents  l'avaient  mis  en  relation  avec  les  grands 
personnages  de  France  et  des  royaumes  étran- 

1 .  Assier,  XotrkBumt  4e  Chartres.  —  Hiil.  de  VEglite  àt 
Chartres, 


n^ 


!,A  SEMAINE  DU  CLERGE 


gers;  il  fit  apiifl  à  leur  gônérosité.  Le  roiRolntri; 
répondit  à  cet  illustre  pontife  et  lui  envoya  de 
grosses  ^sommes.  Guillaume,  duc  d'Aquitaine, 
Richard,  duc  de  Normandie,  Canut,  roi  de 
Danemarck,  voulurent  aussi  concourir  à  la  re- 
construction de  l'église  Sainte- Marie.  Le  comte 
Eudes,  alors  absent,  lit  don  de  quelques  terres. 
Les  travaux  furent  poussés  avec  tant  d'activité, 
que  Fulbert  put  voir  les  cryptes  achevées.  Elles 
formèrent  une  magnifique  église  souterraine, 
comprenant  la  grotte  où  était  et  où  est  encore 
Notre-Dame  de  Sous-Terre  et  le  puits  des  Saints- 
Forts.  Saint  Yves  plaça  dans  les  tours  des  cloches 
envoyées  par  Mathilde,  reine  d'Angleterre  (I). 

Longtemps  après  le  départ  de  Bohi-mond  de 
Tarente,  prince  d'Antioche  qui,  debout  sur  les 
marches  de  l'autel  de  la  Vierge,  avait  appelé 
tous  les  chevaliers  à  la  défense  de  la  Terre- 
Sainte,  des  maçons  normands  viennent  offrir 
leurs  truelles  et  leurs  marteaux  pour  la  construc- 
tion lie  Notre-Dame.  Ces  pèlerins  désirent  accom- 
plir le  vœu  fait  par  eus  de  travailler  pour 
l'amour  de  la  Vierge.  Us  n'admettent  aucun 
ouwier,  à  moins  qu'il  ne  se  soit  confessé  et 
réconcilié  avec  ses  ennemis.  Arrivés  à  Chartres, 
ils  élisent  un  chef  et  traînent  sous  sa  conduite 
leurs  chariots  en  silence  avec  humilité. 

Ce  qui  frappe  d'admiration,  c'est  de  voir  des 
homme?  puissants,  fiers  de  leur  naissance  et  de 
leurs  richesses,  accoutunn'S  à  une  vie  molle  et 
oisive,  s'attacher  à  un  char,  avec  des  traits,  et 
voiturer  les  pierres,  la  chaux,  le  bois,  tous  les 
matériaux  nécessaires  pour  la  cnnrtruction  de 
l'édifice  sacré.  Quelquefois  mille  personnes, 
hommes  et  femmes,  so)it  attelées  au  même  char, 
\ant  la  charge  est  considérable,  et  cependant  il 
jègne  un  si  grand  silence,  qu'on  n'entend  pas  le 
moindre  murmure.  Si  l'on  s'arrête  dans  les 
chemins,  si  l'on  parle,  ce  n'est  que  pour  con- 
fesser ses  péchés.  Et  tel  est  le  zèle  des  ouvriers, 
que  la  nuit  ne  peut  interrompre  le  travail.  Les 
travaux  cou'inuent  à  la  lueur  îles  flambeaux  (^2). 

«  Là,  ou  vit  pour  la  première  fois  des  hommes 
«  traîner  à  force  de  bras  des  chariots  chargés  de 
«  pierres  et  de  bois  nécessaires  à  la  construction 
«  de  l'église.  Qui  n'a  pas  été  témoin  de  ces 
«  merveilles,  n'en  contemplera  jamais  de  sem- 
«  blableseu  France.  Qui  a  jamais  vu  des  princes, 
o  des  seigneurs  puissants,  des  hommes  d'armes, 
«  des  femmes  ilélicutes,  ployer  le  cou  sous  le 
«  joug,  comme  des  bêtes  de  somme,  pour  char- 
o  rier  de  lourds  fardeaux  (3).  »  La,  une  des 
premières  fois,  on  vit  à  l'œuvre  ces  corporations 
de  maçons  chrétiens,  qui  se  transporUdent  par- 
tout où  il  y  îvait  une  église  importante  à  bâ.ir  ; 

.  .\ssier,  Noire-Dame  de  Chartres. 

2.  Annotes  BénHict.,  t.   VI,  p.  392  et  saiv. 

3.  Robert  du  lloi>l,  dans  Uoiu  Bouquet,  Recueil  du  hittO' 
rieru  des  Gaulée,  et  Uaimoa^  cité  par  Mal)illoa. 


là,  on  vit  ces  logeurs  du  bon  Dieu,  comme  le9 
appelait  le  peuple  dans  son  naïf  lang;i;;e,  ces 
ouvriers  de  sainte  Marie,  commeilss'inlilulaient 
euxmémes,  qui  dotèrent  notre  France  de 
superbes  cathédrales  dédiées  à  la  Kcine  des 
deux. 

Des  populations  entières,  poussées  parlapuis- 
sance  de  la  foi,  pouvaient  seules  commBncer  et 
mener  à  bonne  fin  ces  prodigieux  travaux. 
Quand  on  voulait  reconstruire  une  église, 
l'évêque  appelait  le  peuple,  lui  accordait  des 
iudulgences,  et  le  peuple  accourait.  C'était  même 
une  sorte  de  pèlerinage  qu'on  entreprenait  pour 
la  rémission  de  ses  péchés  et  pour  obtenir  des 
grâcesspirituelles.Alorsdel'intérieur  des  cloîtres 
sortaient  des  architectes  et  des  artistes,  et  les 
travaux  commençaient.  Les  habitants  des  cam- 
pagnes amenaient  les  matériaux,  les  jeunes  irens 
taillaient  la  pierre,  les  maçons  élevaient  les 
gigantesques  colonnes  snus  l'œil  du  maître  de 
l'œuvre.  Non  loin  de  l'église,  quelquefois  dans 
un  monastère,  des  peintres-verriers  coloriaient 
les  vitraux  ;  des  sculpteurs  ciselaient  les  bas- 
reliefs  et  les  statues.  Les  riches  donnaient  de 
bon  cœur  du  bois,  des  pierres,  souvent  même 
des  sommes  immenses,  de  sorte  que  l'église 
s'élevait  rapidement. 

Or,  eu  ces  temps-là,  les  routes  qui  conduisent 
à  Ciiartres  s'encombrent  de  pèlerins  et  d'ouvriers 
qui  viennent  travailler  à  la  construction  de  la 
cathédrale.  Partout  on  rencontre  des  chariots 
sur  lesquels  les  habitants  des  bourgades  trans- 
portent des  pierres  et  du  froment.  Dans  les 
villages,  au  pied  de  la  tour  féodale,  tous, 
seigneurs  et  vassaux,  se  sont  ébranlés  ;  la  voix 
solennelle  de  l'Eglise  s'est  fait  entendre,  pro- 
mettant des  indulgences  à  ceux  qui  répondront 
généreusement  à  son  appel.  Les  citoyens  de 
Châtean-Landon,  dans  l'Orléanais,  hommes  et 
femmes,  dit  uu  auteur  contemporain,  émus  par 
le  discours  de  leur  pasteur,  s'engagent  à  fournir 
uu  chariot  de  froment  et  se  mettent  en  route. 
Arrivés  à  Chante-Reine,  nos  bons  pèlerins  re- 
marquent un  peu  tard  qu'il  ne  leur  reste  aucune 
provision.  Les  habitants  du  village  se  trouvaient 
alors  dans  une  grande  détresse  et  ne  pouvaient 
vendre  que  quelques  pains.  .Mais  la  Vierge  ne 
voulut  point  délaisser  ceux  qui  venaient  si  géné- 
reusement lui  apporter  du  froment.  Les  paios 
se  multiplièrent  tellement,  que  personne  n'ea 
manqua  ;  le  lendemain,  ils  conduisirent  leur 
blé  à  Chartres  (I). 

Bien  loin  traînaient  eux-mêmes  leur  chariot 
de  froment  les  bons  habi*,.nts  de  Pithiviers  ea 
Gatinais.  Arrivés  près  du  Puiset,  brisés  de  far 
tiguc,  ils  voient  venir  à  leur  rencontre  de» 
hommes  et  des  femmes  de  la  ville,  qui  les  prient 

1.  Le  U&rcbaot,  Litre  du  JUiracIt»,  p.  67. 


LA  SEMALNE  LU  CLERGE 


i]S» 


de  se  rp.posHr  qtielqne  temps,  tandis  qu'eux, 
;r."'3  et  lii^pus,  trainei-ont  leur  chnriot.  Mais  nos 
pèlerins  répondent  qu'ils  le  traîneront  eux- 
jEêmeD  [lour  ne  point  pt-rtlre  le  îrui*.  de  leur 
pèlerin;i,np.  Les  habitants  du  Puisnt,  tou-.hé'  de 
ce  noble  refus,  prient  les  pèlerins  d'accepter  une 
pièce  de  Jon  vin.  Ceux-ci,  que  la  lassitude 
accable,  acceptent  le  vin  et  s'attellent  à  leur 
chariot,  pour  s'achemiuer  vers  la  ville  de 
Chartres.  Mais  ils  n'ont  pas  fait  queUjues  pas, 
que  les  gens  du  Puiset  les  rappellent  et  leur 
racontent  qu'ils  ont  îvauvé  la  pièce  pleine  d'un 
■vin  merveilleux.  Tous  admirent  ce  pri)di;j;i3, 
quelques-uns  même  recouvrent  la  santé  eu 
huvani  de  ce  vin.  Joyeux  et  touchés  de  ce  pro- 
dige, les  pèleiins  tirent  avec  tant  d'ardeur  lour 
chariot,  (ju'ils  arrivent  bientôt  à  (.liartres. 

Les  habit;uits  de  Boniieval,  |irès  de  Château- 
dun,  charfïent  quelques  charrettes  de  chau>:  et 
quittent  le  bourg  pour  se  rendre  à  Chartr(!S. 
Quelques  heures  a[irès  leur  départ,  le  ciel  se 
couvre  tout  à  coup  de  nuajies  épais.  Le  vent 
souffle  avec  violence,  le  tonm-rre  f.'ronde  et  la 
pluie  tombe  à  flots.  Les  pèlerins  ell'rayés  aban- 
donnent leurs  charrettes,  laissant  assise  sur  la 
chaux  une  pauvre  jjarulytiiiue,  (pii  se  rendait  à 
Chartres  pour  y  im[dorer  la  protection  de  Marie. 
L'orngc  dissipé,  les  habitants  de  Bonneval 
sortent  de  leur  retraite  et  s'avancent  sur  la 
route  pour  conduire  leurs  charrettes.  Mais  quelle 
n'est  poiut  leur  surprise,  lorsqu'ils  les  voient  se 
mouvoir  d'elles-mérces,  et  qu'ils  retrouvent  la 
pauvre  paralytique  pleine  de  vie,  toujours  a-sise 
sur  la  chaux  que  l'eau  n'a  point  consumée. 
Touchés  de  ces  prodii^cs,  les  [lèlerins  remer- 
cient la  Heine  des  Cieux  et  se  hâtent  d'arriver  à 
son  église  [irivilé^^iée. 

Les  habitants  ('e  liatiUi  en  Gatinais,  chargent 
quelques  charrettes  de  troment  pour  les  offrir 
aux  ouvriers  de  l'église  de  <",bartres.  La  veille 
de  l'Assomiition,  une  jeune  tille  tombe  dans  nu 
puits  du  bourg.  Sa  mère,  surprise  de  son 
absence,  iutenogc  ses  voisins,  et,  redoutant 
quelque  midheur,  se  dirige  vers  le  puils.  Ses 
cris  sont  bientôt  ent(;ndiis  :  sa  iillc  revient  saine 
et  sauve,  protégée  par  la  glorieuse  Daine  de 
Chartres.  Touches  de  ce  prodige,  les  habitants 
de  Batilli  emmènent  la  jeune  liUe  avec  eux  et 
■viennent  olïrir  leurs  dons  à  celte  Vierge,  r;'.con- 
tant  à  tous  les  ûdèles  sa  merveilleuse  protec- 
tion (1). 

Des  lireton.s.  établis  à  Chartres,  se  rassemblent 
pour  transporter  quekiucs  chariots  de  ]uerre.  lis 
sortent  donc  un  soir  de  la  ville  et  se  mettent  eu 
route  pour  aeconi|dir  leur  li\che.  Le  soleil  dis- 
parait bientôt  de  l'iiorizon,  de  gros  nuages  suc- 
cèdent à  ses  rayons,  une  nuit  obscure  surprend 
nos  pauvres  pèlerins  qui,  perdant  tout  sentier, 

1.  Le  JUarchaat,  Linre  des  Uiracles,  p.  03. 


s'égarent  dans  'es  vastes  plaines  de  lu  Bcauce. 
La  frayeur  s'empare  •^■là  iTeu.-:,  lorsque  Die» 
♦■ait  luire  devant  ces  hommes  dévoués  trois  lu- 
mières pour  les  éclairer.  Joyeux,  émerveillés, 
ces  serviteurs  de  Marie  regagnent  Ir.  roule  de 
Chartres,  dont  ils  aperçoivent  l'iijlisc  et  la  tor,  et 
viennent  déposer  leurs  offrandes,  en  publiant  la 
proihge  dont  ils  ont  été  les  témoins. 

Tous  ces  miracles,  vus  [lar  les  pèlerins  et  ra 
contés  par  les  habitants  de  la  cité,  sont  bientô 
connus  des  contrées  voisines  et  des  provinces  les 
plus  éloignées.  La  renommée  de  l'église  de 
Chartres  s'étend  dans  les  royaumes  au-delà  des 
mers.  Dans  la  Beauce,  chaque  bourg  veut  four- 
nir quelque  chose.  Ceux  qui  ne  possèdent 
aucune  carrière  de  pierre,  aucune  pièce  de  bois, 
s'empressentde  charger  des  voilures  de  froment; 
ceux  ilont  les  moissons  ne  sont  pas  abondantes, 
amént'nt  de  la  chaux  ou  offrent  quelques  deniers. 
C'est  plaisir  de  voir  l'ardeur  avec  laquelle 
chacun  contribue  à  la  reconstruction  de  la  basi- 
iH]ue.  Sur  les  routes,  on  ne  rencontre  que  char- 
rettes traînées  par  d'humbles  serviteurs  de 
Marie;  à  l'imtrée  des  villages,  sur  le  passage  des 
pèlerins  stationnent  des  malades,  des  aveugle», 
des  muets,  des  paralytiques,  qui  ne  demandeat 
pour  toute  laveur  que  d'aller 

A  la  sainte  chasse  touchier. 

S'il  faut  en  croire  les  chroniques,  nn  samedi  soir, 
lorsque  les  compiles  sont  terminées,  l'église  est 
soudainement  illuminée  d'une  éblouissante 
lumière.  Les  assislaut.*;  (émerveillés  croient  que 
la  Vierge  est  venue  visiter,  ce  jour-là,  son  église 
et  la  Sanctifier  (1). 

Un  jeune  .-Vnglais,  noble,  venant  de  Paris, 
suivait  la  route  deSoissons  pour  se  rendre  dans 
son  île.  Arrivé  à  la  piemière  ciléciu  il  rencontra, 
il  cuire  par  hasard  dans  l'é-'lise.  Un  jirètre  de 
Chartres,  monté  d.ms  la  cliarre,  touchait  telle- 
niëiit  le  peuple  jiar  son  éloquence  eu  faveur  de 
Niilre-b.inie,  cpie  cIk'.ciih  ilmouait  sa  bourse. Le 
jeune  Anglais  m;  possède  ([u'iiu  collier  d'or  qu'il 
(Ichlitie  a  sa  liane  e.  Enui  de.<  paro  es  du  prédi- 
cateur, il  oU'ie  son  collier  d'uret  se  met  en  route 
vers  la  mer,  pour  s'emharqucr  siu-  un  des  na- 
vires «pii  s-talionnent  sur  les  cotes.  Ouel([aes 
jours  après,  il  s'arrête  sur  le  soir  devant  une 
modeste  holeherie  et  demande  nn  logement. 
L'hùle  ne  lui  oUre  pour  gile  qu'une  grange.  Le 
jeune  Anglais,  accablé  de  taligne,  se  couche  sur 
la  paille  et  s'eudort.  Mais  quelle  n'est  point  sa 
surpri-e,  lorsqu'au  mili-u  de  la  nuit,  la  grange 
se  tiouvetout  à  coup  illuminée,  <;t  qu'il  voit  uue 
femme  d'une  éblo'..is.^aule  beauté,  lui  montrant 
sou  collier  d'or.  A  celle  vue,  le  jeune  noble 
reconnait  la  Dame  de  CItarties,  et  lui  promet  de 
se  con-ucrer  a  mn  service.  Deux  mois  après,  il 

1.  /.icn  de»  Miracles. 


!-:86 


LA  SEMAINE  Db  CLERGE 


quille  Lon.^res  et  se  retire  dans  une  île  dc?erte. 
Le  roi  Kichaiil,  apprenant  ce  miracle,  conçut 
di  s  lors  une  grande  vénération  pour  l'église  de 
Chartres.  Il  re.;nt  avec  bonté  les  envoyés  du 
Chapitre  et  leur  permit  de  pan'ourir  son  royaume 
pour  y  recueillir  d'abondantes  aumônes  (I). 

Plus  de  cinquante  ans  s'étaient  écoulas, 
lorsque  l'cvêcjue  de  Chartres  écrivit  au  roi  de 
France  pour  le  prier  d'obtenir  du  Souverain 
Poutife  quelques  indulgences.  Saint  Louis,  qui 
venait  quelquefois  visiter  nu-pieds  l'église  de 
Chartres,  ne  voulut  point  n-jeter  la  demande 
du  prélat.  Il  écrivit  lui-même  au  pape  pour  la 
consécration  de  Notre-Dame,  fit  élever  à  ses 
frais  le  splendide  porche  septentrional,  donna 
quelques  verrières  et  fonda  deux  autels  pour  le 
repos  de  ses  ancêtres  et  pour  le  salut  de  son 
âme.  Alexandre  IV  envoya  au  clergé  de  cette 
ville  une  bulle  conçue  en  ces  termes  :  «  Notre 
bien  aimé  fils,  l'illustre  roi  de  France,  nous  a 
appris  que  vous  deviez  consacrer  votre  église, 
et  qu'une  prodigieuse  multitude  de  pèlerins  y 
accourait  depuis  longtemps  pour  vénérer  l'au- 
guste Vierge  Marie  et  les  précieuses  reliques 
qui  y  sont  exposées.  C'est  pourquoi,  désirant 
que  votreéglisesoit  toujours  dignemeuthonorce, 
nous  accordons  à  tous  ceux  qui  ser')nt  vraiment 
contrits  et  qui  la  visiteront,  le  premier  ilimanche 
après  la  fêle  de  saint  Luc,  jour  de  sa  dédicace, 
jusqu'à  la  fêle  de  la  Nativité  de  Notre-Seigneur, 
trois  ans  et  trois  quarantaines  d'indulgences.  » 

{A  suivre.)  L'abbé  Leroy. 

LR  QUESTION  OUVRIÈRE 

(3-  article). 

CE  OCE  L'ÉGUSB  fait  DE  NOS  JOURS  POUR  l'OUVRTEH. 
—  RÉSULTATS  SOCIAUX  DE  SON  ACTION  SUR  LA 
CLASSE  OUVRIÈRE  ET    LES    CLASSES  DIRIGEANTES. 

IV.  Au  point  de  vue  social  comme  au  point 
de  vue  individuel,  les  OEuvres  ouvrières  catho- 
liques exercent  une  très-heureuse  iutluence  en 
haut  et  en  bas  :  elles  contribuent  à  dissiper  une 
foule  de  préjugés,  et  opèrent  dans  les  cœurs  un 
salutaire  rapprochement. 

Depuis  longtemps  déjà  il  existe,  on  le  sait, 
entre  le  petit  et  le  grand,  le  pauvre  et  le  riche, 
celui  qui  n'a  pas  et  celui  qui  posèile,  un  anta- 
goni?me  implacable,  menaçant,  ([ui  s'accentue 
de  jour  en  jour  :  ce  fait  a  été  laut  de  fois  mis  en 
lumière  par  de  cruels  événements,  qu'il  n'a  nul 
besoin  de  démonstration. 

Or,  cet  antagonisme  fiévreux  est  un  péril  con- 
tinuel pour  l'ordre  social,  et  tant  qu'un  ne  sera 
pas  parvenu  à  le  faire  disparaître,  l'avenir  res- 

1.  Le  Livre  des  Miracles,  p.  141.  Un  vitrail,  .Tpjelé  rilrail 
dt$  Miracles,  racontait  lc8  princiiiaux  iiiiracles  <iue  la 
Vierge  daigna  faire  en  faveur  des  [jélerins  de  Cliaitres. 


tera  sombre  et  cbargéde  nuages.  On  peutmème 
affirmer  que,  de  tous  les  problèmes  qui  s'im- 
posent aujourd'hui  à  nos  recherchas.,  la  réccn- 
ciliation  sincère  des  deux  classes  «l  le  plus 
grave,  le  pluspres>ant,  j'ajoute  le  p.^^-,  diflicnc  : 
de  nobles  intelligences  ont  essayé  de  le  résoudre 
en-dehors  de  la  religion  ;  elles  s'y  sont  usées,  eu 
ce  sens  que  leurs  eiiorts  ont  été  sinon  complè- 
tement stériles,  au  moins  très-iusutfisants  ;  les 
moyens  proposés  par  elles  n'étaient  que  des 
expédients,  des  palliatifs,  qui  n'atteignaient  pas 
la  racine  du  mal. 

Et  cependant  n'est-il  pas  écrit  que  le  Sei- 
gneur a  fait  les  nations  guérissables,  Sanabiles 
fecit  nationes  ())?  La  parole  divine  pourrait-elle 
manquer  de  vérité?  Nous  devons  donc  demeurer 
convaincus  que,  si  lamentable  que  soit  l'état 
moral  de  notre  pauvre  société,  il  est  encore 
susceptible  d'une  heureuse  transformation. 

Or,  je  l'affirme  en  mon  âme  et  conscience,  et 
éclairé  par  l'expérience  que  Dieu  m'a  donnée,  je 
ne  vois  rien  de  plus  propre  à  diminuer,  à  éteindre 
même  cet  affreux  antagonisme  qui  nous  dévore, 
que  la  création,  en  au<si  grand  nombre  que 
possible,  d'œuvres  ouvrières  catholiques.  Voici 
mes  preuves. 

1°  Toute  œuvre  ouvrière  catholique  se  pro- 
pose avant  tout,  nous  l'avons  dit,  de  faire  du 
travailleur  un  chrétien  convaincu  et  pratiquant. 
Les  hommes  éminents  qui  se  placent  à  la  tète 
de  nos  associations  agissent  sous  l'impulsion  de 
cette  pensée  :  que  le  salut  de  la  société  ne  peut 
venir  que  de  l'accomplissement  loyal  et  éclairé 
des  commandements  de  Dieu  et  de  son  Eglise; 
c'est  pourquoi  ils  saisissent  tous  les  moyens  de 
faire  pénétrer  dans  l'intelligence  de  l'ouvrier 
les  enseignements  de  la  religion  :  sermons,  con- 
férences, missions,  cathéchismes  pour  les  en- 
fauts,  pour  les  jeunes  gens  des  deux  sexes  avant 
et  après  la  première  communion,  coufessioa 
fréquente,  associations  et  confréries,  bonnes 
lectures,  etc.,  rien  n'est  négligé  pour  rappeler 
au  travailleur  sa  céleste  origine,  ses  hautes  des- 
tinées, et  asseoir  ses  convictions  religieuses  sur 
des  bases  solides. 

De  l'enseignement  catholique  qui  lui  est  pré- 
senté sous  toutes  les  formes  dans  nos  Œuvres, 
il  résulte  tôt  ou  tard  pour  l'ouvrier  celte  con- 
viction :  Que  le  travail  est  imposé  à  l'homme 
par  le  Maître  souverain,  non  pas  seulement 
comme  une  loi  générale  qui  atteint  tous  les  êtres 
de  la  création,  mais  comme  un  châtiment,  et 
une  épreuve  qui  satisfait  en  même  temps  qu'elle 
purifie;  que  les  fatigues  d'ici  bas,  enduréesaveo 
patience,  nous  donnent  droit  pour  l'autre  vie  à 
une  récompense  magnifique  et  éternelle;  que 
tout  ce  qui  parait  injustice  ici-bas,  sera  par  delà 
a  tombe  suraboudammenlréj,'aré;  qu'à  vrai  dire 

\.  Sap.  1,  14. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


le  sort  le  pi  Is  digne  d'envie  dans  cette  vallée  de 
misères  n'est  pas  celui  du  riche,  vœ  vobis  divi- 
tihusl  mais  celui  du  pauvre  et  du  travailleur, 
beati  pauperesl  etc..  II  n'est  pas  difficile  de 
comprendre  qu'au  fur  et  à  mesure  que  de  telles 
vérités  passent  dans  l'ouvrier  à  l'état  de  convic- 
tion, il  devient  plus  souple,  plus  respectueux, 
plus  obéissant,  plus  dévoué. 

D'ailleurs,  la  religion  ne  lui  montre-t-elle  pas 
sans  cesse,  pour  le  soutenir  au  milieu  de  ses 
durs  labeurs,  le  Fils  de  Dieu  lui-même,  Celui 
qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre,  tenant  en  main, 
dans  l'humble  atelier  de  Nazareth,  la  varlope, 
la  scie  et  le  marteau?  A  cet  éloquent  souvenir, 
comment  le  travailleur  ne  se  sentirait-il  pas 
ennobli,  et  ne  se  dirait-il  pas  :  Après  tout,  mon 
état  n'est  pas  si  misérable,  si  honteux  qu'on 
voudrait  me  le  faire  croire,  puisque  j'ai  l'hon- 
neur d'avoir  pour  compagnon  de  travail  le  Roi 
des  anges  et  des  hommes? 

D'autre  part,  les  personnages  émineuts  qu'on 
voit  presque  toujours  à  la  tête  de  nos  OEuvres, 
et  qui  pourraient  peut-être,  à  raison  de  leur 
brillante  fortune,  se  croire  exempts  de  la  loi  du 
travail,  sentent  parfaitement  que,  pour  justifier 
aux  yeux  de  l'ouvrier  leur  doctrine,  ils  n'ont 
pas  de  meilleur  moyen  que  de  donner  l'exemple; 
et  que,  si  leur  position  les  dispense  de  manier 
la  scie  et  la  truelle,  il  est  un  autre  genre  de  tra- 
vail en  leur  pouvoir,  que  le  Seigneur  exige 
d'eux,  celui  d'uu  dévouement  continuel  aux 
intérêts  physiques,  moraux  surtout,  de  la  classe 
laborieuse.  J'ajoute  :  leur  conviction  à  cet  égard 
grandit  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se  font  les 
maîtres  et  les  professeurs  de  l'ouvrier. 

2°  Si  les  deux  classes  qui  partagent  la  société, 
la  classe  ouvrière  et  la  classe  aisée,  n'ont  entre 
elles  que  les  rapports  résultant  de  leurs  intérêts 
matériels,  elles  se  supposeront  aisément  des 
sentiments  hostiles.  Le  riche  verra  dans  l'arti- 
san qu'il  emploie,  non  pas  un  frère  qu'il  doit 
respecter  et  aimer,  mais  plutôt  un  esclave  né 
pour  satisfaire  ses  caprices  et  ses  passions,  dont 
il  usera  et  abusera  à  son  gré,  et  qu'il  abandon- 
nera quand  l'âge  ou  la  maladie  l'aura  rendu 
incapable  de  travail. 

L'ouvrier,  de  son  coté,  jalousera  facilement 
son  maitre;  il  le  regardera,  non  comme  un  père 
qui  veut  son  bien  et  cherche  à  le  rendre  heureux, 
mais  comme  une  espèce  de  petit  tyran,  contre 
lequel  sou  t'ceur  se  soulèvra  fréquemment,  en 
attendant  qu'il  trouve  l'occasion  de  secouer  le 
joug,  comme  nous  l'avons  vu  notamment  en 
1848  et  en  !S7<. 

L'isolement  des  deux  classes, dans  le  sens  que 
nous  l'entendons,  ne  peut  donc  produire  d'un 
côté  que  défiance  et  tyrannie,  et  de  l'autre  que 
haine  et  révolte. 

Mais  si  on  trouve  le  moyen  de  les  mettre  en 


contact  fréquent,  de  telle  sorte  que  l'une, celle  à 
qui  la  Providence  a  départi  la  fortune  et  les  ta- 
lents; se  dévoue  au  bien-être  matériel  et  moral  de 
l'autre,  le  feu  de  la  charité  ne  tardera  certaine- 
ment pas  à  fondre  la  glace  des  cœurs;  l'antago- 
nisme diminuera  insensiblement,  en  attendant 
qu'il  disparaisse  tout  à  fait. 

Le  riche,  qui  s'abaissera  jusqu'à  instruire  lui- 
même  l'ouvrier,  à  le  soigner  dans  la  maladie,  à  lui 
prodiguer  ses  conseils,  s'apercevra  bientôt  que, 
sous  l'habit  grossier  du  travailleur,  il  y  a  quel- 
quefois, souvent  même,  un  cœur  d'or,  dont  les 
généreuses  aspirations  ne  demandent  pour  s'é- 
panouir que  la  culture  d'une  main  amie;  et 
alors  il  se  sentira  porté  à  l'estimer,  il  l'aimera, 
il  s'attachera  à  lui,  comme  un  père  s'attache  à 
son  enfant.  Sansdoute,il  ne  sera  pas  sans  remar- 
quer, à  coté  de  précieux  sentiments,  des  instincts 
pervers,  des  misères  de  toutes  sortes;  mais  ce 
spectacle,  au  lieu  de  le  rebuter,  servira  à  exciter 
sa  compassion,  et  lui  fera  comprendre  de  mieux 
en  mieux  la  nécessité  de  l'aider,  par  la  parole, 
par  l'exemple  surtout,  à  se  débarrasser  de  ces 
germes  funestes. 

D'autre  part,  l'ouvrier,  se  voyant  ainsi  l'objet 
des  attentions  et  de  la  sollicitude  du  riche,  se 
sentant  honoré  et  aime  de  lui,  ne  tardera  pas  à 
le  prendre  en  grande  estime,  le  respectera,  l'ai- 
mera, et  demeurera  avec  joie  à  son  service. 

Or,  liâtons-nons  de  le  dire,  c'est  encore  là  un 
des  précieux  résultats  de  nos  œuvres  ouvrières 
catholiques;  les  directeurs  de  ces  œuvres  sont 
pour  les  travalleurs  plutôt  des  pères  que  des 
maîtres;  ceux-ci  le  sentent,  et  se  montrent 
généralement  [ileins  de  déférence  et  de  dévoue- 
ment à  leur  égard.  L'expérience  en  a  déjà  été 
faite  nombre  de  fois.  Qu'on  interroge,  par  exem- 
ple, les  directeurs  et  les  membres  de  nos  cerles 
catholiques  :  on  ne  rencontrera  sur  les  lèvres 
de  tous  qu'une  seule  et  même  réponse  qui  se  tra- 
duira par  ces  mots:  Dans  le  personnel  dirigeant, 
bonté  et  dévouement  ;  dans  les  membres,  res- 
pect, confiance  et  soumission. 

3°  Le  riche  et  le  pauvre  ainsi  reconciliés  goû- 
teront les  nobles  satisfactions  que  l'exercice  des 
œuvres  de  charité  procure  toujours,  et  à  celui 
qui  les  accomplit  et  à  celui  qui  en  est  l'objet, 
El  ainsi  ils  seront  amenés  l'un  et  l'autre  à  esti- 
mer, à  aimiT  notre  divine  religion  qui,  seule, 
inspire  de  tels  dévouements.  L'homme  opulent, 
en  consacrant  ses  loisirs,  ses  talents,  une  partie 
de  sa  fortune  à  instruire  et  à  soulager  ses  frères 
moins  bien  favorisés,  sentira  combien  il  est  doux 
de  s'abaisser,  de  se  donner  pour  celui  qui  le 
premier  s'est,  fait  esclave  et  à  livré  sa  vie  pour 
nous  racheter;  et  il  se  dira  :  C'est  pourtant  à  la 
religion,  à  la  religion  qui  m'a  suggéré  l'idée  et 
le  courage  de  me  dévouer,  que  je  dois  ce  bon- 
heur I  0  religion  de  mon  Dieu,  soyez  bénie  1 


1488 


LA  SESIAINE  DU  CLERGE 


Le  pauvre,  de  son  coté,  comprenJra  que,  snns 
les  admirables  enseignements  de  l'Evangile  et 
les  grâces  qu'il  répand,  le  riche  ne  serait  jamais 
venu  à  lui,  et  que  son  malheureux  fort  n'aurait 
fkit  qu'empirer  chaque  jour.  Lui  aussi  s'écriera  : 
0  religion  sainte,  soyez  bénie  ! 

De  cette  sorte,  il  y  aura  de  part  et  d'autre  un 
attachement  plus  fort  et  plus  généreux  aux 
devoirs  qu'impose  le  christianisme  ;  les  âmes  se 
sanctifieront,  la  paix  serarendue  à  la  société  ;  la 
terre  se  peuplera  de  fidèles  serviteurs  de  Dieu, 
et  le  ciel  verra  se  multiplier  le  nombre  des  élus. 

L'abbé  Gab?<ier, 
cuié  de  Bi;lmont 


CHRONIQUE    HEBDOMACflIRt 

Discours  du  Pape  aux  pèlerins  de  Laval;  Lestpmps 
actuels  comparés  à  ceux  où  les  pliaiisiea^  s'uui- 
rent  au  gouveroement  d'alors  pour  perilreN'otr-e-Sei- 
gneur.  Tahleau  des  persécuiions  que  souffre  en  ce 
momeni  l'Kgiise.  Confiance  en  Oieu  et  peisévérante 
revendication  des  dioUs  de  la  conscience  de  l'Eglise. 

16  septembre  1873. 

Rome.  —  Le  discours  du  Pnpe  qu'on  va  lire, 
a  été  prononcé  lejour  de  la  Nativité  de  la  sainte 
Vierge,  en  réponse  à  l'adresse  lue  par.fl.  le  cha- 
noine Sauvé,  au  nom  des  pi'lerir.s  de  Laval, 
auxquels  s'étaient  joints  d':iutres  pèlerins,  for- 
mant ensemble  plus  de  300  personnes.  Les 
pèlerins  de  Laval  ont  ollert  au  Saiul-Pére,  au  nom 
de  tout  le  diocèse,  la  statue  en  argent  de  No- 
tre-Dame de  Pontmain  et  80.00U  IVaiics  pour 
le  denier  de  Saint-Pierre.  Voici  le  discours 
du  Saint- Père.  P.  d'H. 

«  Votre  présence,  fils  bien  aimés,  en  me  rem- 
plissant le  cœur  de  joie  et  de  consolation,  me 
rappelle  aussi  ces  premiers  jours  du  chrislia- 
nisme,  alors  que  le  Fils  de  Dieu,  revêtu  de  la 
nature  humaine,  vint  converser  avec  les  hommes 
et  fonder  sa  trcs-sainte  religion.  En  parcourant 
les  routes  de  la  Judée,  il  laissait  partout  des  tra- 
ces de  son  infinie  charité,  répandant  de  tous 
côtés  la  lumière  de  sa  céleste  doctrine  et  multi- 
])liant  les  prodiges  de  sa  main  toute  puissante: 
Periransiit  beiwjaciendo  et  sanando. 

«  Les  peuples  stupéfaits  devant  ce  pouvoir 
absolu  de  l'envoyé  de  Dieu  sur  la  nature,  s'é- 
criaient: Propheta  muynui  surrexil  in  nobisi 
Mais,  en  entendant  les  doctrines  qui  découlaient 
de  ses  lèvres  si  attrayantes  et  si  persiutsives,  ils 
étaient  transportes  de  joie  et  le  suivaieut  — 
même  par  trrju[ies  très-nombreuses  — avec  tant 
d'empressement,  de  cœur  et  d'ail'ectioii,  qu'ils 
a'Iuicut  justpi'à  mettre  en  oubli  la  nourriture  et 
le  repos  qui  leur  étaient  nécessaires. 


«  Une  si  grande  popularité  uép'.ut  grande- 
ment  aux  hypocrites  de  ces  temps-là,  et  tous  se 
mirent  à  l'œuvre  afin  de  discréditer  le  Divin 
Fondateur  près  du  peuple.  Ils  prétendaient,  en 
blasphémant,  que  tous  les  prodiges  opérés  par 
lui  n'étaient  pas  son  œuvre,  mais  uniquement 
l'œuvre  du  démon.  Par  cette  calomnie,  et  par 
une  foule  d'autres  de  tout  genre,  ils  essaj'èrent 
de  jeter  le  doute  sur  les  merveilles  qu'il  opérait, 
afin  de  lui  aliéner  le  peuple;  mais  tout  fut  en 
vain.  Voyant  l'inutilité  de  leurs  efforts,  ils  pen- 
sèrent à  s'adresser  au  Gouvernement,  et,  unis- 
sant ainsi  la  force  à  la  calomnie,  ils  parvinrent 
à  perdre  le  Divin  Rédempteur.  Mais,  aveugles  et 
insensés  qu'ils  étaient!  ils  ne  s'apercevaient  pas 
qu'ils  devenaient  les  instruments  de  la  Provi- 
dence, qui.  pour  le  rachat  du  genre  humain, 
avait  déjà  décidé,  dans  ses  éternels  décrets,  la 
consommation  du  Grand  Sacrifice.  Et  le  Grand 
Sacrifice  s'accomplit. 

«  Les  apôtres  et  les  disciples  furent  investis 
du  pouvoir  de  faire  des  miracles  ;  et,  devenus 
les  propagateurs  de  cette  même  doctrine,  ils 
illuminèrent  le  monde  entier  et  multiplièrent 
d'une  façon  merveilleuse  le  nombre  des  disciples 
de  Jésus-Christ.  Puis  ne  tarda  pas  à  venir  le 
moment  où  la  cité  déicide,  avec  tous  ses  incré- 
dules et  les  perfides  pharisiens,  fut  punie  d'une 
manière  exemplaire. 

«  De  nos  jours  aussi,  Jésus-Christ  est  persécuté 
dans  ses  ministres  et  dans  sa  religion  saiote.  Les 
pharisiens  modernes,  non  contents  de  persécu- 
ter l'Eglise,  voudraient,  eux  aussi,  comme  les 
pharisiens  d'autrefois,  la  voir  entiùroment 
détruite.  A  cette  destruction  s'opposent  avec 
courage  les  évèqucs,  les  prêtres,  les  peuples.  Les 
sectaires,  les  incrédules,  les  libres  penseurs, 
voyant  l'inutilité  de  leurs  etîorts,  ont  songé, 
eux  aussi,  à  se  tourner  du  côté  des  potentats  et 
à  leur  demander  leur  appui.  Malheureusement 
ils  n'y  ont  que  trop  bien  réussi. 

«  Cette  complicité  du  puissant  avec  le  sectaire 
se  manifeste  en  mide  manières...  Mais  je  suis  en 
Italie,  et,  pour  le  moment,  je  parlerai  de  l'Ita- 
lie, parce  qu'ici  je  vois,  je  dirai  presque  de  mes 
propres  yeux,  les  succès  de  cette  ligue  perfide 
qui,  après  avoir  dépouillé  l'Eglise,  persécuté  ses 
ministres,  a  voulu  établir  le  monopole  d"ua 
déplorable  enseignement  tendant  à  rien  moins 
qu'à  arracher  la  foi  du  cœur,  a  promulgué  une 
loi  qtii  rend  nou-seuleiueiit  ditlicile,  mais  à  pea 
près  impossible,  l'oniiiiatioa  des  jeunes  clercs; 
foule  aux  pieds  tous  les  droits  de  i'Kgîie.  même 
ceux  ilu  sacrement  de  mariage-,  protège  t.uis  le» 
apostats,  les  rendant  uou-seuiement  ilc-s  pierres 
d'achoppement,  mais  s'en  servant  aussi  comme 
de  moyens  de  corruption,  taudis  qu'elle  met 
toute  sorte  d'euipèchemenl  au  libre  exercice  de 
la  saine  doctrine.  Voilà  les  fi-uits  monstrueux 


LA  SEMAINE  DU  CLEHGE 


1489 


qu'a  enfantés  l'horrible  alliance  des  nouveaux 
pharisiens  avec  la  forte. 

<i  Et  rorame  la  soif  de  l'or  est  la  pa?sion  qui 
est  la  plus  aivleute  au  cœur  de  tous  les  novateurs 
politiques  et  relij^ieux,  non  contents  de  toutes 
les  dépouilles  et  de  toutes  les  usurpations  con- 
gomniôes  jusqu'ici,  ils  veulent  s'en  prendre 
maintenant  aux  administrations  de  hienf.dsance, 
à  ces  institutions  destinées  au  soula^'emcnl  ilc 
l'infirme,  à  l'aide  de  la  jeunesse  indif^ente,  au 
soutien  du  pauvre,  an  maintien  du  jeune 
homme  voué  aux  sciences  ou  aux  arts.  Toutes 
les  subventions  sont  pourtant  déjà  considérahie- 
ment  diminui^es,  et  ont  été,  en  partie,  détruites 
afln  de  rassasier  li-s  désirs  sans  lin,  et  <i'apaiser 
les  réclamations,  les  aboiements  (/«//■«/()  des  soi- 
disant  amateurs  de  la  piitrie,  qui  sont  les  vrais 
sadducéens  de  nos  jours. 

«  En  attendant,  i'épiseopatest  pris  pour  point 
de  mire.  Ou  chasse  les  évèques  des  résidences 
qui  leur  appartiennent,  on  leur  enlève  leurs 
rentes  et  ou  les  livre  à  tous  les  caprices  du  plus 
fort.  Et  ici,  remarquez-le,  la  haine  de  l'Eglise 
et  l'amour  de  l'aiij^eiit  s'iniissent  étroitement, 
afin  de  mieux  caractériser  l'instinct  et  la  nature 
de  la  Révolution.  La  haine  de  l'Eglise  pousse  à 
chasser  de  leurs  demeures  les  évèques  que  le 
Gouvernement  dit  no  pouvoir  reconnaître  comme 
tels;  tandis  que  le  même  gouvernement  sait 
Lien  les  reconnaître  et  les  qualitier  de  leur  titre 
quan.l  il  s'agit  de  frapper  de  divers  impôts  les 
aumôues  qu'ils  reçoivent  en  leur  qualité  d'évè- 
ques. 

«  Ce  lugubre  tableau,  peint  ù  grands  traits, 
s'assombrit  toujours  davantage,  non-seulement 
si  l'on  considère  l'abandon  complet  où  se  trouve 
réduite  l'Eglise  de  Jésus-Christ,  A'on  est  qui 
consoklur  eam,  mais  surtout  si  l'on  jette  les  yeux 
sur  les  puissants  ennemis  dont  elle  est  assaillie 
*t  combattue  de  toutes  parts. 

«  En  ell'et,  parcourez  d'un  regard  les  divers 
points  du  glohle,  et  voyez  les  hostilités  de  tout 
genre  contre  lesquelles  l'Eglise  est  obligée  de 
se  défendre. 

«  Dans  le  Nord,  un  puissant  empire  qui,  par 
cou  radictioii,  se  fait  appeler  orthodoxe,  est 
toujours  ferme  et  constant  —  et  cela,  malheu- 
reusement, depuis  déjà  de  longues  années  — 
dans  la  mise  eu  pratique  de  toutes  sortes  de 
moyens  qui,  à  la  fin,  conduiront  à  la  destruc- 
tion du  catholicisme  dans  ce  vasle  empire. 

«  L'autre  empire,  récemment  constitué,  et 
qui  se  dit  ouvertement  protestant,  emploie  tous 
ses  eti'orts  pour  faire  disparaître  la  religion  ca- 
tholique non-seulement  de  l'empire,  mais  aussi 
de  toute  la  superficie  de  la  terre.  El  afin  d'at- 
teindre ce  but,  il  met  en  œuvre  tous  les  moyens 
possibles,  et  principalement  tout  ce  qu'un  fa- 
Qatism«  iuseusé  peut  suggérer  de  plus  violent, 


de  plus  âpre,  de  plus  injuste,  afin  d'arriver  à  la 
destruction  tant  désirée. 

«  Dans  une  répunlique,  que  l'on  appelle  des 
cantons,  se  trouve  certain  gouvernement  qui  se 
fait  le  perfide  imitateur  de  la  persécution  alle- 
I         e. 

«  Si  cet  affligeant  spectacle,  en  remplissant 
votre  cœur  d'amertume,  vous  porto  à  tourner 
vos  regards  d'un  autre  côté,  eh  bien,  allons 
chercher  un  peu  de  soulagement  au-delà  de 
l'Océan,  et  nous  verrons. . .  Que  verrons-nous 
donc?  De  nouveaux  sujets  d'affliction  et  de 
larmes.  Là,  nous  verrons  dans  ces  pays  où  l'Es- 
pagne et  le  Portugal  ont  planté  la  foi  de  Jésus- 
Christ,  les  évèques  et  les  ministres  sacrés  dans 
l'horreur  des  prisons,  victimes  sacrifiées  à  la 
haine  des  francs-maçons,  qui  repoussent  et  rejet- 
lent  toute  sorte  d'influence  catholique.  Nous 
verrons  quelques-unes  de  ces  républiques  faire 
pompe  de  leur  force  en  exilant  les  évèques,  en 
chassant  les  religieux,  en  arrachant  de  leurs 
asiles  de  paix  les  épouses  de  Jésus-Christ  et  en 
s'emparant  ensuite  du  sacré  patrimoine  de 
l'Eglise. 

«  Si,  au  milieu  d'un  délire  aussi  grand  et 
aussi  général,  il  surgit  merveilleusement  une 
répablique  qui,  sous  l'Equateur,  se  distingue  par 
la  rectitude  d'esprit  de  ceux  qui  la  gouvernent 
et  par  la  foi  inébranlable  de  son  Président, 
lequel  s'est  monti-é  de  plus  en  plus  chaipie  jour 
le  fils  obéissant  de  l'Eglise,  afléetionné  à  un 
point  extrême  au  Saint-Siège,  désireux  de  con- 
server dans  la  République  l'esprit  de  piélé  et 
de  religion,  voici  que  l'impiété  se  réveille  et 
considère  comme  une  honte  pour  la  prétendue 
civilisation  moderne  qu'un  gouvernement  se 
consacre  non-seulement  au  bien-être  matériel 
du  |ieup!e,  mais  sonî<e  aussi  à  joindre  à  ce  bien 
matériel  le  bien  des  âmes,  persuadé  que  ce 
dernier  est  le  vrai  bien,  parce  qu'il  regarde 
non  pas  tant  le  présent  qui  passe,  que  l'avenir, 
qui  est  éternel.  Les  impies,  donc,  se  réunirent 
eu  un  téuebreux  conciliabule  tiaus  une  répu- 
blique Voisine,  et,  en  valeureux  sectaires,  ils 
vouèrent  à  la  mort  le  respectable  ['résident, 
qui  tomba  sons  le  ter  de  l'assassin  —  du  moins 
si  l'on  en  croit  la  voix  publique  —  et  tomha 
victime  de  sa  foi  et  de  sa  chanté  chrétienne  eu- 
vers  sa  patrie. 

«  Le  musulman  aussi,  qui,  dans  les  dernières 
années,  a\ail  fait  montre  de  tolérance,  libre  au- 
jourd'hui de  tout  faire,  s'est  déclaré  le  protec- 
teur des  néo-schismatiques  et  a  retrouvé  son 
ancienne  férocité  ajiti-chrétiennc. 

«  Il  semblerait,  à  la  rue  <le  laat  Je  fflatix,  qca 
la  faiblesse  humaine  devrait  se  sentir  à  bout  de 
forces  et  succomber  écrasée  sous  le  poids 
énorme  de  tant  de  calamités.  Mais  il  ne  doit  pas 
eu  être  ainsi.  Dans  les  premiers  jours  du  chris- 


1190 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


tianîsme,  l'impiété  vit,  il  est  vrai,  le  succès  cou- 
ronner ses  eflorts;  mais  l'expansion  et  la  dilata- 
tion de  la  ioi,  ainsi  que  la  punition  des  impies, 
consolèrent  grandement  le  cœur  des  vrais 
croyants,  qui  biîilèrent  par  les  actions  les  plus 
glorieuses  et  par  l'béroïsme  de  la  patience.  La 
barbarie  des  tyrans  ne  parvint  qu'à  produire  ces 
martyrs  qui  resplendissent  par  millions  dans  les 
cieux,  et  que  nous  vénérons  sur  la  terre.  Grâce 
à  ces  actions  généreuses  et  à  la  patience,  l'Eglise 
put  enfin  jouir  des  fruits  de  la  paix. 

<;  Il  en  sera  de  même  aujourd'bui  ;  avec  les 
mêmes  moyens  nous  atteindrons  le  même  ré- 
sultat. 

o  Oui,  lils  bien  aimés,  mettons  toute  notre 
confiance  en  Dieu;  il  nous  fortifiera,  afin  que 
nous  puissions  accomplir  les  œuvres  de  sa  gloire  : 
Omnia  possum  in  eo  gui  me  confortai.  Mettons 
doae  la  main  à  l'œuvre  et  faisons  en  sorte  que  le 
scandale  cesse  chez  les  faibles,  les  craintes  exa- 
gérées chez  les  pusillanimes,  et  chez  ceux  qui 
s'illusionnent,  la  ûéploratjle  et  ndicuîe  espé» 
rance  d'un  accord  cordial. 

0  Parlez,  oui,  élevez  la  voix  pour  que  l'Eglise 
soit  libre  dans  le  choix  de  ses  ministres  et  que 
l'on  ne  suscite  pas  des  obstacles  afin  d'interdire 
aux  jeunes  lévites  l'entrée  du  sanctuaire.  Elevez 
la  voix  pour  que  l'on  fasse  justice  à  l'Eglise  elle- 
même,  afin  qu'elle  puisse  exercer  librement  son 
droit  d'enseignement,  droit  que  Jésus-Christ  lui 
a  donné.  Elevez  la  voix  afin  qu'un  frein  soit 
posé  à  la  licence  de  la  presse,  qui  est  devenue 
désormais  partout  une  école  d'immoraUté  et  de 
corruption.  Parlez,  élevez  la  voix  pour  que  le 
droit  méprisé  soit  reconnu  et  puisse  agir  libre- 
ment. 

((  Et  toutes  ces  réclamations  doivent  être 
foites  et  continuées  avec  persévérance,  opportune, 
importune,  afin  qu'avec  l'aide  de  Dieu  ou  puisse 
obtenir  la  liberté  de  l'Eglise.  Vous  avez  sous  les 
yeux  un  bel  exemple  à  imiter,  celui  de  Daniel 
O'Connell,  dont  l'Irlande,  dans  le  mois  passé,  a 
pompeusement  célébré  la  vénérable  mémoire. 
Il  n'épargna  rien  afin  d'entretenir,  dans  toute 
sa  vivacité,  chez  le  peuple,  cet  esprit  de  pétition, 
et  sa  persévérance  fut  couronnée  du  triomphe 
tant  désiré,  triomphe  qui  a  presque  rendu  libre 
sa  patrie.  Avec  le  concours  des  premiers  pas- 
teurs, avec  une  constance  généreuse,  et,  par- 
dessus tout,  avec  la  prière,  et  grâce  à  l'interces- 
sion de  la  Vierge  immaculée  et  de  tous  les 
saints,  Dieu  sortira  de  son  repos  et  nous  con- 
solera en  exauçant  nos  suppliques  et  nos 
vœux. 

«  En  finissant,  je  conclurai  comme  j'ai 
commencé,  et  je  vous  dirai  que  je  me  réjouis 
avec  vous  de  ce  que  vous  êtes  venus  ainsi  en 
réunion  à  Rome,  donnant  par  là  un  exemple  de 
cette  concorde  si  nécessaire  dans  les  circons- 


tances présentes,  et  qui  cause  de  sérieux  soucSi 
à  nos  communs  ennemis.  Ce  que  vous  faites  est 
précisément  ce  que  je  désire  que  tout  le  monde 
fasse,  c'est-à-dire  de  prier  en  commun  et  unis 
ensemble,  de  réclamer  de  concert  et  de  ne 
jamais  faiblir  devant  les  difficultés,  redoublant 
d'autant  plus  de  confiance  en  Dieu  qu'elle» 
grandiront  davantage  et  deviendront  plus  sô» 
rieuses.  Dieu,  je  l'espère,  vousregardera  toujours 
d'un  œil  paternel  et  vous  considérera  commeles 
défenseurs  de  la  plus  juste  des  causes. 

«  Le  Seigneur  a  protégé,  en  France,  les  pre- 
miers efforts  de  cette  concorde  qui  a  eu  pour 
résultat  l'obtention  de  la  liberté  d'enseigne- 
ment. J'aime  à  espérer  que  ce  triomphe  con- 
firmera de  plus  en  plus  cette  iOustre  et  catholi- 
que nation  dans  l'unité  de  doctrines  avec  le 
Saint-Siège. 

«  0  mon  Dieu,  exaucez  les  prières  que  vous 
adressent  et  que  vous  adresseront  toutes  ces  âmes 
de  bonne  volonté  qui  désirent  la  liberté  de 
l'Eglise  que  vous  avez  plantée  et  que  vous  avez 
ensuite  arrosée  de  votre  très-précieux  sang! 
Donnez  la  force,  inspirez  le  courage  et  la  cons- 
tance à  ses  ministres  ;  maintenez  au  milieu  d'une 
grande  partie  des  peuples  cet  esprit  que  vous 
leur  avez  inspiré,  esprit  d'union  entre  eux  et 
de  soumission  à  l'Eghse.  Vous  voyez  en  ce  mo- 
ment une  députation  de  ce  peuple  entourer  et 
faire  couronne  à  votre  indigne  vicaire.  Bénissez- 
le,  ô  mon  Dieu,  ainsi  que  son  premier  pasteur, 
et  écartez  de  votre  Eglise  les  ténèbres  des  incré- 
dules qui  l'assaillent,  en  même  temps  que  les 
doctrines  des  aveugles  conciliateurs. 

«  Bénissez,  ô  mon  Dieu!  oui,  bénissez  la 
France,  celte  généreuse  nation;  bénissez  ses 
évêques,  bénissez  ses  prêtres,  bénissez  ceux  qui 
la  régissent.  Avec  elle,  bénissez  aussi  l'Italie  et 
secourez-la  au  milieu  de  toutes  ses  infortunes. 
Béuisssez  également  l'immense  famille  humaine 
qui  soupire  ardemment  pour  la  paix  au  milieu 
de  tant  de  préparatifs  de  guerre,  incertaine  des 
grands  événements  ^ui  vont  surgir.  Toutefois, 
de  vous  seul,  ô  mon  Dieu  !  nous  espérons  la 
force  et  le  courage.  Vous  êtes  le  médecin,  et  de 
vous  seul  nous  espérons  le  salut  de  l'esprit  et 
du  corps,  afin  de  nous  unir  un  jour  à  vous. 
Vous  ètee  la  lumière  et  vous  nous  montrerez  la 
route  que  .lous  devons  suivre,  route  qui  con- 
duit au  ciel  et  où  nous  vous  trouverons  vous- 
même,  et  où  vous  serez  notre  récompense.  — 
Benedictio  Lei,  etc.  ; 


Tome  VI.  —  N»  49.  —  Troisième  année. 


29  septembre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÈME  HOHLÉTIOUE  SUR  LtVANGILE 

DU  XXl"  DIKANCHE  APRÈS  LA  PENTECOTE 
Matth.  XVIII.  Î3-35. 

I.  La  foi  nous  enseigne  que  nous  sommes  tous 
les  serviteurs  de  Jésus-Christ,  l'Homme-Dieu 
constitué  roi  de  toute  la  terre,  et  que  nous  lui 
rendrons  un  compte  rigoureux  de  la  manière 
dont  nous  l'aurons  servi  :  Per  serras  hujus 
hominis  régis  designantur  omnes  hommes,  quos  ad 
laudandum  se  creavit,  et  quibus  legern  naturœ 
dédit  :  cum  quibus  rationem  pnnit,  quando  vitam, 
et  mores,  et  acttts  singulorum  discutit,  ut  unicv.ique 
stcundum  qiiod  gessit  tribuat  (1). 

En  attendant  le  compte  délinitif  qui  se  ré- 
glera au  moment  de  la  mort,  Dieu  commence  à 
entrer  en  compte  avec  nous  dès  cette  vie.  C'est 
dans  une  heure  de  grâce,  pendant  une  mission, 
un  jubilé,  un  temps  pascal,  une  retraite,  que 
Dieu  nous  invite  à  nous  acquitter  de  ce  que 
nous  lui  devons. 

Que  ne  devons-nous  pas  à  Dieu?Ce  serviteur, 
qui  doit  à  son  maître  la  somme  considérable  de 
dix  mille  talents,  n'est-il  pas  notre  image?  Cet 
homme  n'a  pas  de  quoi  payer  sa  dette  :  le  pé- 
cheur n'esl-iî  pas  également  insolvable?  Toutes 
les  créatures  réunies  ne  pourraient  jamais  arri- 
ver à  réparer  dignement  un  seul  péché.  Debitor 
decem  talcntoruvi  est  homo,  qui  conti-a  Deum, 
multa  graviaque  commisit  peccata,  quibus  con- 
traxit  dehitum  insoluhile  ideoque  promeruit  œter- 
nam  damnationvvi  {î). 

Et,  comme  il  n'avait  pas  de  quoi  payer,  son 
maître  ordonna  qu'il  fut  vendu,  ainsi  que  sa 
femme,  ses  fils  et  tout  ce  qu'il  avait, pour  acquitter 
cette  dette.  Chez  les  Juifs,  les  débiteurs  insol- 
vables devenaient  les  esclaves  de  leurs  créan- 
ciers (3).  C'était  le  droit  du  maitre,  et  cet  ordre 
était  juste.  Le  droit  de  Dieu  n'est  pas  de  nous 
vendre  :  nous  nous  sommes  vendus  nous-mêmes 
au  démon,  en  consentant  au  péché;  le  droit  de 
Dieu,  c'est  d'exercer  sa  justice,  en  nous  laissant 
aux  mains  de  celui  à  qui  nous  appartenons, 
non  pas  jusqu'à  l'acquittement  de  notre  dette, 
puisque  cet  acquittement  est  impossible;  mais 
pendant  toute  l'éternité.  Cette  sentence,  Dieu 
ne  cesse  de  nous  la  répéter  ;  avant  le  jour  où 
elle  s'exécutera  impitoyablement,  acceptons- la 
comme  l'effort  de  sa  tendresse  et  l'appel  de  sa 

1.  Bem'ig.  in  Caten  aur. 

2.  Klofutay.  io  Matth. 

S.  Exod,,  xxu,  3  ;  Lev.  zxv,  36. 


miséricorde.  Nous  n'en  sentirons  pas  les  ter- 
ribles effets,  si  nous  en  faisons  l'objet  ordinaire 
de  nos  méditations,  si  surtout,  comme  le  servi- 
teur de  noire  Evangile  ,  nous  nous  jetons  aux 
pieds  de  notre  maitre  pour  implorer  sa  patience. 
La  patience!  oli  !  quel  touchant  attribut  de 
notre  Dieu!  comme  il  le  manifeste  depuis  six 
mille  ans  à  l'égard  de  l'homme!  Mais  souve- 
nons-nous que  Dieu  n'est  patient  que  parce 
qu'il  est  éternel  ;  il  attend  parce  que  l'éternité 
sera  toujours  assez  longue  pour  punir,  et  que 
le  châtiment  sera  d'autant  plus  sévère  qu'il 
aura  été  plus  difTéré.  La  patience  divine  ne  doit 
donc  n'être  jamais  un  motif  pour  retarder  la 
conversion  :  Dieu  ne  nous  a  pas  dit  l'heure  où, 
sa  patience  étant  poussée  à  bout,  il  viendra 
dans  sa  justice. 

Dieu  est  encore  patient  parce  que  les  mérites 
infinis  de  Jésus-Christ  son  fils  servent  de  contre- 
poids à  nos  crimes.  C'est  en  considération  de 
ces  mérites  qu'il  attend  avec  une  telle  longa- 
nimité et  que,  touché  de  compassion,  il  laisse 
aller  le  pécheur  et  lui  remet  sa  dette.  Le  serviteur 
insolvable  ne  demandait  que  du  temps  ;  tout 
lui  est  remis,  et,  des  pieds  de  son  maître,  il  se 
relève  entièrement  libéré.  Vide  autem  divini 
amoris  superabundantiam  :  petit  servus  soliut 
temporis  dilationem,  ipse  autem  majus  eo  quod 
petit  dédit  et  dimissionem,  et  concessionem  totius 
mutui  {\). 

II.  A  une  si  grande  générosité  Dieu  met  une 
condition,  c'est  que  vous-mêmes  vous  pardon- 
nerez. Ce  serviteur  ne  fut  pas  plutôt  sorti  que, 
rencontrant  un  de  ses  compagnons  qui  lui  devait 
cent  deniers,  il  le  prit  à  la  gorge,  et  l'élouffait 
presque  en  lui  disant  :  rends-moi  ce  que  tu  me 
dois.  Quelle  difléreuce  entre  Dieu  et  les  hommes! 
un  pécheur  s'humilie  devant  Dieu  et  obtient 
tout  de  sa  miséricorde,  un  homme  s'humilie 
devant  uu  homme  et  n'obtient  rien  que  des 
outrages  !  C'est  après  de  grandes  grâces  reçues, 
en  sortant,  pour  ainsi  dire,  des  bras  de  Dieu 
qui  nous  a  tout  pardonné,  qu'à  l'égard  de 
notre  père,  nous  nous  montrons  impitoyables. 
Nous  qui  traitons  notre  Dieu  aveo  ua  laisser- 
aller  révoltant,  nous  exigeons  pour  notre  petite 
personne  tous  les  hommages  et  tous  les  égards; 
nous  ne  savons  rien  soufinr  et  nous  ne  voulons 
rien  pardonner.  Cet  orgueil  et  cette  dureté 
excitent  l'indignation  du  ciel  et  de  la  terre. 
Les  autres  serviteurs,  voyant  ce  qui  se  passait,  en 

1.  Chrjreost.  in  Matth, 


1496 


LA  SEMALNE  DU  CLERGE 


furent  extrêmement  affligés  et  vinrent  avertir  leur 
maître.  Quel  spectacle  pour  les  antres  et  les 
vrais  serviteurs  de  bieu!  ils  voient  un  homme 
couvert  lie  ;i»."i!liés,  incapable  de  çalisfaire, 
obtenir  grâce  devant  Dieu,  et  ils  voient  Dieu 
abaissé  dans  sa  créature,  Jésus-Ch^i^t  dans  un 
de  ses  niemlires  demander  à  cet  homme  une 
grâce  infiniment  moindre  et  ne  rien  obtenir! 

Méchant  cerciieur  ;  tout  à  l'heure  malgré  ses 
dettes  immenses  et  ses  prévarications,  il  n'en- 
tendit pas  ct'tîe  dure  parole  ;  elle  n'est  ijue  le 
châtiment  merilé  de  son  ingratitude...  ne  fallait- 
il  pas  que  vous  eussiez  pitié  de  votre  compagnon, 
comme  f  ttVdis  eu  pitié  de  vous?  Comparez  vos 
dettes  envers  moi  avec  ce  que  vous  doit  votre 
frère  ;  rappelez-vous  que,  non  content  de  vous 
faire  nn  précepte  du  pardon  des  injures,  je 
vous  en  ai  donné  rcxem(>!e,  et  ne  soyez  pas 
surpris  de  ma  colère  qui  vous  livre  aux  exécu- 
teurs de  ma  jnstice  jusqu'à  l'entier  acquitte- 
ment de  votre  dette.  Souvenez-vous  que  cette 
colère  est  celle  d'un  Dieu,  que  ces  exécuteurs 
de  ma  justice  sont  les  démons,  que  le  supplice 
qui  vous  attend  est  le  feu  de  l'enfer  et  que  le 
terme  du  payement  est  une  éternité  qui  n'a 
point  de  terme. 

C'est  ainsi  que  vous  traitera  mon  Père  céleste, 
si  chacun  de  vous  ne  pardonne  à  son  frère  du  fond 
du  cœur.  Qui  ne  se  réveille  point  à  ce  tonnerre, 
dit  saint  Augustin,  ne  dort  point,  mais  est 
mort  (1).  Remarquez  cette  parole  :  du  fond  du 
cœur.  C  est  dans  le  cœur,  ce  n'est  pas  sur  les 
lèvres  que  doit  être  le  pardon.  Une  apparence 
de  réconciliation  pourra  peut-être  tromper  les 
hommes,  mais  ne  trompera  jamais  Dieu,  Ideo 
Dominusaddidit  :  de  cordibus  vestris,  ut  omnem  si- 
mulationem  fretœ  pacis  averteret  (2).  Quelque  dif- 
ficile que  soit  à  la  nature  cette  obligation  de 
]iardonuer,  souvenons-nous  que  notre  salut  en 
dépend...  Nous  sommes  pécheurs  (car  voilà 
toujours  où  il  en  faut  revenir),  et  pécheurs  en 
toutes  manières.  Comme  pécheurs,  nous  avons 
un  besoin  infini  que  Dieu  nous  pardonne.  Par- 
donnons et  espérons  tout  de  sa  miséricorde 
dans  le  temps  et  dans  l'éternité  bien-heu- 
reuse (3).  L'abbé  Herman, 

curé   de  Festubert. 


LITURGIE 

CES     BÈGLES     A     SUIVRE     DANS     LE     CULTE     DES 

SADiTES    REI.IIJUES. 

(IS*  article.) 

VIII.  —  Meliques  dans  la  croix  pectorale. 

La  croix  pectorale  est  un  des  insignes  paiti- 

1.  Enthirii. 

2.  Hieron.  in  Slalth. 

3.  Bourdaloue,  serm.  sur  le  pardon  des  iaioTts 


culiers  da  la  dignitécpiscopale,  hien  que,  comuie 
nous  allons  le  voir,  elle  puisse  être  accordée  et 
l'ait  été  déjà  en  fait  â  quelques  diL'nités  in  fé- 
rieures.  Régulièrement,  cette  croix  renferme  des 
reliques,  et  c'est  cette  raison  qui  nous  en  fait 
parler  ici. 

L'usage  de  porter  des  croix  suspendues  au 
cou  est  fort  ancien,  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  de  la  règle  cjui  a  fait  de  la  croix  pectorale 
un  ornement  spécial  aux  évèques.  Le  docte  car- 
dinal Doua  en  a  parlé  ainsi  :  «  Les  savants  ont 
écrit  des  volumes  considérables  sur  le  signe  de 
la  croix,  la  vénération  qui  lui  est  rendue  et 
l'usage  que  l'on  en  fait,  ainsi  que  sur  les  petites 
croix  que  les  fidèles  avaient  coutume,  dès  les 
premiers  temps  de  l'Eglise,  de  suspendre  à  leur 
cou,  pour  leur  servir  en  quelque  sorte  d'amu- 
lettes. Mais  tous  les  écrivains  qui  ont  traité  des 
rites  de  l'Eglise,  tels  que  Alcuin,  Amalaire,  Stra- 
bon,  et  même  d'autres  plus  modernes,  n'ont 
rien  dit  de  la  croix  garnie  de  reliques  des 
saints,  que  nous  appelons  croix  pectorale,  parce 
qu'elle  se  porte  suspendue  sur  la  poitrine,  et  à 
laquelle  les  Grecs  donnent  le  nom  de  ivxbXmov, 
parce  qu'elle  est  placée  sur  le  sein.  Bien  que 
tous  les  ornements  pontificaux  soient  énumérés 
dans  la  messe  d'IUyricus  et  dans  celles  que 
Ménard  a  éditées  il  n'y  est  fait  aucune  mention 
de  cette  croix  ;  ce  qui  donne  à  penser  que  ce 
rite  n'est  pas  très-ancien.  Je  sais  bien  que  quel- 
ques-iuis  voient  une  allusion  à  cet  usage  dans 
ce  vers  de  saint  Grégoire  de  Nazianze. 

Kamqve  crucem  in  membri»  meiioqut  m  corpon  gttio  (1), 

Mais,  si  l'on  examine  avec  soin  le  contexte,  on 
verra  que  ce  passage  ne  peut  s'appliquer  à  la 
crois  que  l'évèque  porte  suspendue  sur  sa  poi- 
trine en  célébrant;  car  l'usage  de  porter  la  croix 
sur  soi  était  commun  à  tous  les  chrétiens,  y 
compris  les  laiqpies  et  les  femmes,  ainsi  que 
l'ont  abondamment  prouvé  les  écrivains  qui 
ont  traité  de  la  croix.  C'est  à  cet  usage  que 
se  rapporte  le  tait,  que  cite  Barouius  (2),  de 
l'envoi  que  fit  Nicéphore  de  Conslantinople  à 
Léon  in,  d'un  àvxbXitiov  en  or,  renfermant  des 
l>arcelles  du  bois  de  la  vraie  croix.  Selon  cet 
auteur,  ce  nom  désigne  une  croix  pectorale  du 
genre  de  celle  dont  nous  parlons  11  invoque  à 
Tappui  de  son  sentiment  le  témoignage  du  hui- 
tième concile  œcuménique.  Dan?  -.'action  cin- 
quième de  ce  concile,  Elie,  vicaire  du  siège 
opiseopal  de  Jérusalem,  raconte  son  arrivée  dans 
la  cité  royale  et  de  quelle  manière  l'empereur 
le  reçut  avec  ses  compagnons.»  L'empereur,  dil- 
«  il,  nous  mit  au  con  son  ltri>\r.toi  et  nous  dit  : 

\.  Carra.   XI. 
2.  Adann.  811. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1491 


<  Qu'nmsi,  an  jour  du  jurrnmr'iit,  Dieu  vous 
«  soumette  auin'rt'meut  de  l'Edise  au  péril  de 
«  vos  tètes.  »  Pour  mni,  je  ne  vois  pas  comment 
ou  peut  courlurc  lU  Vi,  que  la  erois  pectorale 
f'tail  uu  iiiS'iîiie  épiscopal,  car  c'est  l'empereur 
!;ui  l'imposa,  et  Eli.,-  était  prêtre  et  non  évèque, 
et  de  plus,  comme  le,  prouve  manifcslemenl  le 
contexte,  il  ne  s'a^'it  pas  ici  de  1 1  croix  que  le 
pontife  porte  suspeiidue  sur  sa  poitrine  lorsqu'il 
va  remplir  ses  fondions  sacrées  (I  ). 

Le  cardinal  fîona,  tout  en  constatant  que  l'usage 
de  porter  une  croix  suspendue  au  cou  remonte 
à  l'oriç;iue  mi'me  de  rÈu;liso,  et  aussi  que  celui 
d'insérer  des  reliques  <iaus  ces  sortes  de  croix 
est  fort  ancien,  bien  que  ranius  i^i^uéral,  estime, 
ainsi  qu'on  le  voit,  que  la  croix  pectorale  n'a 
été  considérée  comme  un  insif,'ne  épiscopal  qu'à 
une  époque  relativement  moderne,  sans  la  dé- 
terminer. 

Catalani  nepirla2;e  pas  ce  sentiment,  et  nous 
allons  voir  quelles  sont  Sc'S  raisons.  Tout  ce 
<[u'il  a  écrit  tonchiiit  la  croix  pectorale  ren- 
fermant des  reli<pu'S,  et  qui  se  trouve  dans  son 
comi^nntaire  sur  le  Poiitificd  romain,  a  été 
inséré  par  Ganlellini  dans  une  noli^  ajoutée  par 
lui  à  la  cause  d'Imola,  u"  46i0  de  sa  collection. 
Le  chapitre  d'imola,  déjà  comblé  de  faveurs  par 
le  Saint-Siépje,  demandait,  en  outre,  pour  tous 
ses  membres,  la  facult'^  de  porter  chaque  jour 
une  croix  pectorale.  Cette  distinction,  accordée 
plusieurs  fois  auparavant  et  fréiyucmment  de- 
puis à  d'autres  chapitres,  lui  fut  refusée  par 
une  décision  de  la  GonL»ri>i;atiou  des  Rit^^s 
du  27  septembre  1828,  confirme  par  Léon  XII 
le  1"  octobre  suivant.  C'est  à  ce  sujet  que 
Gardcllini  écrivit  une  note  importante  où  nous 
prenons  tout  ce  qui  a  trait  à  la  croix  pecto- 
rale. Nous  ne  rcfjfrettons  pas  que  la  question 
spéci.de  que  nous  avons  à  traiter  se  trouve  ainsi 
un  peu  étendue. 

«  .le  n'ignore  pas,  dit  notre  auteur,  que  l'usa^ço 
de  la  croix  pectorale  n'est  p;L<  un  attribut  telle- 
ment propre  aux  évèques,  qu'il  ne  puisse,  par 
grâce,  être  acrordé  à  quelques  autres  ecclésias- 
tiques constitués  en  dit-nilé  et  môm(!  aux 
dii^nités  et  aux  chanoines  d'une  église  métropo- 
litaine ou  cathédrale,  ainsi  qu'à  certaines  col- 
légiales des  plus  insignes.  Cependant,  il  est 
expédient  que  ces  concessions  suieat  faites  avec 
précaution  et  après  avoir  examiné  toutes  les  cir- 
constances, de  peur  qu'en  muUiiiliant  à  l'excès 
les  distinctions  honorifiques,  ou  ellace  presque 
aux  yeux  du  peuple,  la  distance  ([ui  sépare  les 
chanoines  de  l'évèipie,  et  que  l'honneur  qui 
appartient  à  celui-ci  ne  paraisse  en  quelque  ma- 
nière diminué.  C'est  po\iriiuoi  l'église  d'Imola 
étant  déjà  enrichie  de  privilèges  nombreux,  et 
particalièrement  de  l'usage  des  pontificaux,  il 

1.  Bona,  Rerum  lilurq.,  lib.  I,  cap.  xxrv,  num.  10. 


.u'est  pas  étonnant  que  la  sacrée  Congrégation 
lui  ait  refusé  un  autre  insigne  honorifique,  sa- 
voir la  faculté  de  porter  chacp?  3  jour  la  croix 
pectorale,  afin  qu",  au  moins'  'i  ce  qui  regarde 
cette  décoration  extérieure,  il  înt  bien  reconnu 
que  l'cvèque  seul  a  le  droit  de  porter  cet  insigne 
exclusivement  à  tout  antre. 

»  Et  parce  que  j'ai  eu  à  parler  inciilemment 
de  la  croix  pectorale,  qui,  comme  je  l'ai  dit, 
n'appartient  pas  tellement  en  propre  aux  évè- 
ques, que  l'usage  n'en  puisse  quelquefois  être 
accordé,  avec  les  restrictions  et  les  conditions 
convenables,  à  d'autres  personnes  constituées 
en  dignité,  il  m'a  paru  bon,  dans  un  intérêt 
d'érudition,  d'ajouter  ici  la  dissertation  que  le 
très-docte  Catalani  a  insérée  tort  à  propos  sur 
ce  sujet  dans  ses  Prolégomènes  au  Pontifical 
romain,  ch.  xm. 

«  Personne  (c'est  Catalani  qui  parle)  n'a  pu 
jusqu'ici  constater  suffisamment  si,  dès  les  pre- 
miers siècles,  les  évèques  étaient  dans  l'usage 
de  porter  suspendue  au  cou  une  croix  renfer- 
mant des  reUques  des  saints  et  que  nous  appe- 
lons la  croix  pectorale.  L'Eminentissime  cardinal 
Bona  et  André  du  Saussay  ont  conclu,  du  pro- 
fouil  sileuce  gardé  sur  ce  point  par  les  anciens 
écrivains,  que  ce  rite  ne  remonte  pas  bien  haut. 
Je  ne  puis  me  ranger  à  ce  sentiment.  En  effet, 
ainsi  que  l'affirme  et  le  démontre  Thomassin, 
dans  la  première  partie  de  sa  Discipline,  liv.  II, 
ch.  Lviii,  num.  .4,  dès  l'antiquité  la  plus  reculée, 
presque  tous  les  chrétiens,  soit  de  l'Orient,  soit 
de  l'Occident,  avaient  adopté  librement  et  sous 
kl  seule  inspiration  de  leur  piété,  l'usage  de 
porter,  suspendue  au  cou,  une  croix  renfermant 
ou  du  bois  mèaie  de  la  vraie  Croix  ou  des  saintes 
reliques.  Il  n'est  pas  douteux,  dès-lo.'s,  que, 
non-seulement  les  évèques,  mais  aussi  les  clercs 
aient  aussi  porté  cette  croix.  Dans  l'ouvrage 
qu'il  a  publié  sur  la  croix,  Gretser  prouve  lon- 
guement et  avec  beaucoup  d'éruditiou  que  les 
premiers  fidèles  étaient  toujours  munis  de  la 
croix.  Pour  ce  qui  est  des  évèques,  nous  avons 
un  témoignage  précieux  dans  un  passage  du  livre 
De  la  gloire  des  muiiyrs,  de  saint  Grégoire  de 
Tours,  liv.  Il,  ch.  .\i.  Il  dit  en  cet  endroit  qu'il 
avait  porté  au  cou  une  croix  en  or,  qui  renfer- 
mait des  reliques  de  la  sainte  Vierge,  des  saints 
Apôtres  et  de  saiut  Martin,  et  ilont  il  se  servit 
pour  arrêter  un  incendie  <iue  l'on  n'avait  pu 
éteindre  avec  de  l'eau.  «  Alors,  dit-il,^  tirant  la 
1)  croix  de  ma  poitrine,  je  l'élève  en  l'opposant 
I)  au  feu,  et  aussitôt  la  préseJice  des  saintes 
»  reliques  ôta  au  feu  toute  st>.L  activité,  et  il 
I)  tomba  comme  s'il  n'eut  point  été  allumé.  »  A 
la  suite  de  l'homassiu,  l'illustre  Dominique 
Georges  rapporte  d'autres  exemples  semblable» 
dans  sou  traité  De  la  liturgie  du  Pontife  romain^ 
liv.  I,  ch.  XIX. 


1498 


LA  SEMAirCE  DU  CLERGË 


»  11  faut  convenir  que,  bien  que  l'on  puhse 
citer  en  exemple  un  grand  nombre  d'évêqaes 
qui  ont  observé  cette  coutume,  comme  néan- 
moin'?  les  premiers  sacramcntaires  et  surtout  les 
anciens  liturgistes  qui  ont  traité  des  ornements 
sacrés  des  pontifes  et  des  autres  ministres,  tant 
en  Orient  qu'en  Occideul,  pour  en  exposer  les 
significations  mystiques,  n'ont  jamais  touché  la 
question  de  la  croix  pectorale,  c'est  une  preuve 
qu'elle  ne  fut  alors  adoptée  en  vertu  d'aucune 
loi  ou  d'une  coutume  générale,  en  sorte  que, 
dans  le  cours  du  xiii"  siècle,  les  évêques 
étaient  libres  de  porter  ou  de  laisser  la  croix 
pectorale.  En  effet,  Durand  de  Mende,  qui  vivait 
à  cette  époque,  dit  dans  son  Pontifical  :  «  Les 
«  vêtements  sacrés  nécessaires  à  l'évèque  sont 
«  les  suivants  :  les  bas,  les  sandales,  l'amict, 
«  l'aube,  la  ceinture  avec  \esubcinclcrium,  qui  a 
«  la  forme  d'un  manipule  et  est  suspendu  à  la 
«  ceinture,  du  côté  droit,  la  croix  pectorale,  si 
«  l'on  veut  en  faire  usage,  l'étole,  la  tunicelle.  la 
«  dalmatiqiie,  etc.  »  Dominique  Georges,  déjà 
cité,  dit  avec  raison,  à  la  fin  de  l'endroit  indi- 
qué, que  les  pontifes  romains,  qui  portaient 
depuis  longtemps  la  croix  pectorale,  l'avaient 
inscrite  parmi  les  ornements  particuliers  aux 
évèques. 

«  Il  n'est  pas  douteux  que.  dès  une  époque 
fort  reculée,  les  pontifes  romains  ont  porté  la 
croix  pectorale.  Joseph  Viscontil'afârmeavecas- 
surancedans  son  traité /?e/«îss£7a/)/)ara^u,lib.  IV, 
cap.  XXX,  de  môme  que  Thomassin,  au  num.  4 
de  l'endroit  précédemment  cité,  et  tous  deux 
tirent  la  preuve  de  l'usage  de  la  croix  pectorale 
garnie  de  reliques  des  saints  de  la  vie  du  pape 
saint  Grégoire  écrite  par  le  diacre  Jean.  Eu 
effet,  cet  auteur  énumérant,  liv.  IV,  ch.  vni,  les 
vêtements  sacrés  dont  était  couvert  ce  pontife 
lorsqu'il  fut  transporté  à  son  tombeau,  dit  que 
les  fidèles  témoignèrent  une  gran<le  vénération 
à  ses  phylactères.  Or,  cet  auteur  démontre  dans 
le  mêraeendroit  que,  sous  ce  nom  de  phylactères, 
est  désignée  la  capsule  renfermant  des  reliques 
qui  était  suspendue  au  cou  du  pape.  Saint 
Gré:joire  lui-même  fixe  le  sens  de  ce  mot,  en 
l'appliquant  à  une  croix  garnie  de  rehques  et 
renfermant  particulièrement  un  fragment  de  la 
très-sainte  croix  de  Jésus-Cl.rist,  ainsi  qu'on  peut 
le  voir  dans  sa  lettre  à  Théodelinde,  reine  des 
Lombards,  où  il  dit  :  «  Nous  avons  eu  soin  de 
«  transmettre  à  notre  très-excellent  fils  le  roi 
•  Adelvald  des  phylactères,  c'est-à-dire  une  croix 
«  contenant  du  bois  de  la  croix  sacrée  de  Notre- 
«  Seigneur,  et  un  exemplaire  du  saint  Evangile 
«  renfermé  dans  un  coffret  somptueusement 
«  décoré,  n 

Dans  les  siècles  suivants,  la  croix  pectorale 
devint  l'ornement  spécial  de  l'évèque  de  Rome, 
•insi  que  le  montre  clairemeat  laaoceat  lil, 


dans  son  traité  Des  int/slères  de  la  messe,  liv.  I, 
ch.  tni.  Expliquant  le  sens  de  chncun  des  or- 
nements dont  le  pape  est  revêtu  à  l'autel,  il  dit 
que  la  lame  d'or,  que  le  souverain  Vontife  de 
l'ancienne  loi  avait  seul  le  droit  de  porter,  est 
remplacée  par  la  croix  suspendue  au  cou  par 
une  petite  chaîne,  et  qui  est  elle-même  une  sorte 
de  lame  appartenant  en  propre  au  Souverain- 
Pontife  de  la  loi  nouvelle.  «  Parce  que,  dit-il,  la 
«  lame  d'or  a  cédé  la  place  au  siijue  de  la  (Toix, 
«  au  lieu  de  la  lame  que  le  pontife  ancien  portait 
«  sur  le  front,  le  Pontife  nouveau  porte  la  croix 
a  sur  la  poitrine.  La  raison  Ai'  ceci,  c'est  que  le 
n  mystère  qu'exprimait  la  lame  d'or  pesant 
«  quatre  livres  est  expliqué  par  les  quatre  par- 
«  ties  dont  se  compose  la  forme  de  la  croix,  selon 
«  cete  parole  de  l'Apôtre  :  «  Afin  q><e  vous  com- 
«  preniez,  avec  tous  les  saints,  quelle  est  la  Ion- 
«  gueur,  la  largeur,  la  hauteur  et  la  profondeur. 
«  C'est  pour  cela  que  le  Pontife  romain  se  place 
a  sur  la  poitrine  une  croix  passée  dans  une  petite 
i  chaîne  et  suspendue  à  son  cou,  pour  signifier 
«  que  le  mystère  que  l'ancien  pontife  présentait 
«  écrit  sur  son  front  est  renfermé  dans  le  cœur  du 
a  pontife  nouveau  ;  car  il  faut  croire  de  cœur 
pour  être  juitifié.  mais,  pour  être  sauvé,  il  fjul 
«  confesser  de  boiicke  sa  foi.  »  Ainsi  parle  Inno- 
cent ill,  dont  les  paroles  ont  été  presque  littéra- 
lement transcrites  par  Durand  de  Meude  dans 
son  Rational,  liv.  III,  ch.  ix,  où  il  ajoute  cette 
observation,  que  le  Souverain-Pontife  se  place 
la  croix  sur  la  poitrine,  pour  exprimer  en  acte 
ce  que  dit  saint  Paul  dans  sa  première  épître  aux 
Corinthiens,  ch.  vi  :  Glorifiez  et  portez  Dieu  en 
votre  corps.  Durand  note  encore  qu'eu  s'impo- 
sant  et  en  quittant  sa  croix,  l'évèque  la  baise^ 
pour  marquer  qu'il  croit  et  confesse  la  passion 
de  Jésus-Christ,  dont  la  croix  est  le  signe,  et 
qu'il  se  prépare  à  la  représenter  dans  la  célé- 
bration de  la  messe. 

«  Des  auteurs  pensent  que  les  évêques  grecs 
ont  porté  la  croix  pectorale,  qu'ils  appelaient 
hv.QXr.im.  Ce  point  n'est  pas  suffisamment  établi, 
et  môme  beaucoup  de  savants  auteurs  le  nient. 
Les  représentants  des  patriarches  orientaux  arri- 
vés à  Constantinople  pour  assister  au  huitième 
concile  œcuméuique,  ont,  il  est  vrai,  attesté  que, 
dans  la  première  audience  qu'ils  obtinrent  de 
l'empereur,  ce  prince  leur  mit  au  cou  la  croix 
qu'il  portait  suspendue  sur  sa  poitrine,  pour 
leur  certifier  qu'il  ne  recherchait  et  ne  voulait 
poursuivre  autre  chose  que  le  bien  de  l'Eglise. 
«  Il  nous  mit  au  cou,  dirent-ils,  son  Jvx'oXtiiov,  et 
«  nous  dit  :  o  Qu'ainsi,  au  jour  du  jugement, 
«  Dieu  vous  soumette  au  jugement  de  l'Eglise.  » 
Ces  paroles  sont  consignées  dans  la  cinquième 
af  lion  de  ce  concile,  et  Anastase  le  Bibliothé- 
caire remarque  à  ce  sujet  que  les  Grecs  portent  i 
coutiuueikzaout  sur  la  poitrine  une  crois  <iui 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


■1499- 


rènlerme  toujours  quelque  parcelle  de  la  vraie 
Croix  ou  d'autres  reliques,  et  que  les  Grecs 
appellent  cette  croix  ImAmo-j.  «  Ou  appelle 
a  Imoln.oi,  dit-il,  un  objet  que  l'on  porte  sur  le 
«  sein;  car  le  mot  grec  zoXzo;  se  rend  eu  latin 
<i  par  sinus,  (/est  la  coutume  des  Grecs  de  porter 
«  sur  la  poitrine,  et  suspendue  au  cou,  une 
«  croix  renfermant  du  bois  précieux  de  la  vraie 
«  Croix  ou  des  reliques  des  suints,  o 

On  ne  peut  pas  tirer  de  ce  fait  un  argument 
valable  pour  démontrer  que  \'lT/.h\moi  était  alors 
un  insiiçue  épiscopal;  car,  en  premier  lieu, 
Elie,  vicaire  du  siège  de  Jérusalem,  qui,  en  ra- 
contant son  arrivée  dans  la  cité  impériale  et  la 
réception  que  fit  l'empereur  à  lui  et  à  ses  com- 
pagnons, dit  :  «  H  nous  mit  au  cou  i'IvzbXjctûv, 
etc.,»  n'élait  pas  évêque,  mais  simple  prêtre; 
en  troisième  lieu,  Gretser,  dans  son  traité  De  la 
croix,  liv.  If,  ch.  xxxiv,  remarque,  et  après  lui 
André  du  Saussey  reconnaît  dans  sa  Panoplie 
épiscojjale,  livr.  IV,  pag.  299,  que  le  mot 
ivxbXniov  ne  se  trouve  ni  dans  le  texte  grec  de 
l'action  cinquième  dont  il  s'agit,  ni  dans  la  ver- 
sion latine,  mais  qu'on  y  lit  lia'iaop»,  mot  qui 
signifie  humerai  ou  surhuméral.  Georges  con- 
firme celje  observation  dans  sa  Liturgie  du  Pon- 
tife romain,  liv.  I",  ch.  xix.  Enfin,  en  quatrième 
lieu,  on  essaye  inutilement  d'appliquer  ce  texte 
à  la  croix  pectorale  des  évêques,  puisque,  comme 
le  prouvent  longuement  les  auteurs  qui  ont 
écrit  sur  la  croix,  la  coutume  de  porter  la  croix 
#tait  commune  à  tous  les  chrétiens,  et  taainte- 
nant  encore,  elle  est  particulièrement  conservée 
par  les  femmes  riches,  qui,  plutôt  par  vanité 
qu'en  témoignage  de  leurs  sentiments  religieux, 
portent  suspendue  au  cou  une  croix  ornée  de 

{lierres  précieuses.  Au  reste,  pour  ce  qui  est  de 
a  croix  (pie  nius  appelons  pectorale  et  que  les 
évêques  latins  portent  habituellement,  l'usage 
de  la  bénir  s'est  introduit  depuis  quelques  siè- 
cles, et  il  y  a,  dans  la  seconde  partie  du  Ponti- 
fical romain  actuel,  le  titre  De  bened'ctione  crucis 
pectoratis.  Voyez  ce  que  nous  en  disons  dans  le 
commentaire  de  ce  titre. 

a  Le  même  Catalani  a  mis  la  noie  suivante  au 
titre  quatorzième  de  la  seconde  p;irlie  du  Pon- 
tifical, titre  ainsi  iormulé:  De  benedictionc  crucis 
pectoralis. 

«  Nous  avons  déjà  traité  longuement  de  la 
croix  pectorale  des  évêques  dans  le  premier 
tome  de  cet  ouvrage,  au  treizième  des  Prolégo- 
mènes, où  nous  avons  donné  quelques  rensei- 
gnements sur  l'origine  et  l'usage  de  cette  croix, 
non-seulement  chez  les  Latins,  mais  aussi  chez 
les  Grecs.  Pour  ce  qui  est  de  la  bénédiction  de 
la  croix  pectorale,  je  ne  trouve  rien  sur  ce  sujet 
dans  les  premiers  Pontificaux  manuscrits,  rien 
absolument  non  plus  dans  les  anciens  auteurs. 
Le  préseuf  titre  ne  se  rencontre  pas  même  dans 


les  Pontificaux  imprimés  avnnt  Clément  VlJT. 
Après  le  titre  De  la  bénédidion  d'une  croix 
nouvelle,  vient  immédiatement,  dans  ces  livres, 
le  titre  De  la  bénédiction  d'une  image  de  ix 
bienheureuse  Vierge  Marie.  Or,  ainsi  que  nous 
l'avons  remarqué  ailleurs,  il  est  clairement 
établi  par  le  Pontifical  de  Durand  de  Mende, 
que  de  son  temps,  c'est-à-dire  au  xiu°  siècle, 
les  évoques  portaient  bien  la  croix  pectorale, 
mais  sans  qu'elle  fût  rangée  encore  parmi 
les  ornements  propres  aux  évêques,  qui  avaien*, 
la  faculté  de  l'adopter  ou  de  la  laisser.  Il  est 
certain  néanmoins  qu'au  xiv"  siècle,  non-seu- 
lement la  croix  pectorale  était  comptée  au  nom- 
bre des  ornements  particuliers  des  évêques, 
mais  encore  que,  lorsqu'ils  la  prenaient  en  se 
préparant  à  célébrer  la  messe,  ils  prononçaient 
cette  formule,  consignée  dans  un  Missel  romain 
des  Frères  Mineurs,  qui  fait  partie  de  la  biblio- 
thèque Vaticane,  sous  le  u°  5743  :  «  Nous  ado- 
rons votre  croix.  Seigneur,  et  nous  faisons 
«  mémoire  de  votre  glorieuse  passion.  Ayez 
«  pitié  de  nous,  vous  qui  avez  soulïert  miséri- 
«  cordieusement  pour  nous.  Ainsi  soit-il.  » 

«  Quoique  le  présent  titre  De  benedictione 
crucis  pectoralis,  c'est-à-dire  de  la  bénédic- 
tion de  la  croix  que  les  évêques  portent 
suspendue  au  cou,  paraisse  avoir  été  ajouté  par 
Clément  VIII,  puisqu'il  ne  se  trouve  dans  au- 
cun des  Pontificaux  imprimés  avant  le  règne  de 
ce  pontife,  l'autre  titre  (I)  n'est  pas  aussi  récent, 
puisqu'il  existe  non-seulement  dans  les  Ponti- 
ficaux imprimés,  mais  aussi  dans  le  Pontifica  1 
manuscrit  de  Guillaume  Durand,  qui  vivait  au 
XIII»  siècle,  et  dans  d'autres  il  est  ainsi  couçu  : 
De  benedictione  et  immsitione  crucis  proficiscen' 
tibus  in  subsidium  et  ae/ensionem  fidei  christiance, 
seu  récupérât ionem  Terrœ  sanclœ.  Ce  titre  est  le 
vingt  et  unième,  suivant  l'ordre  établi  dans  la 
seconde  partie  du  Pontifical  romain  actuel.  Il  est 
donc  certain,  d'après  notre  rubrique  [-2),  que  le 
Pontife  peut  se  servir,  pour  la  bénédiction  de  la 
croix  pectorale,  de  la  formule  du  titre]  vingt  et 
unième.  » 

Gardellini  reprend  :  «  Tout  ce  qui  précède  dé- 
montre que,  ::  partir  du  xia"  et  du  xiv°  siècles, 
la  coutume  a  prévalu  pour  les  évêques  de  por- 
ter la  croix  pectorale,  s'ils  le  voulaient.  Cette 
coutume  est  devenue  commune  et  a  passé  en 
règle,  lorsqu'on  eut  inséré  dans  le  Pontifical 
romain  le  titre  de  la  bénédiction  de  la  croix 
pectorale,  qui  est  mise  au  nombre  des  orne- 
ments pontificaux.  Il  suit  de  là  que  la  croix  pec-; 

1 .  Voici  en   entier  le  titre  XIV  :   o  Pour  bénir  la  croix 

pectorale,  le  Pontife  peut  se  servir  de  la  formule  indiquée 
pour  la  bénédiction  de  la  croix  donnée  à  ceux  qui  partent 
au  secours  de  la  Terre-Sainte,  et  qui  est  placée  plus 
l(>in,  n  C'est  cette  bénédiction  que  désigne  ici  Catillam. 

2.  Celle  nue  nous  venons  de  donner  en  note. 


1500 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


torale  appartient  tellement  aux  évêqnes,  que 
les  ecclésiastiques  d'un  ordre  inférieur  ue  peu- 
vent se  l'atiiibuer,  si  ce  n'est  eu  vertu  d'un 
privilège.  Ce  privil(''g:e  n'est  acconlé  que  rare- 
ment, poar  des  motifs  raisonnables,  et  la  con- 
cession est  environnée  de  certaines  précautions. 
Il  n'est  do^-'.c  pas  étonnant  que  lu  sacrée  Congré- 
gation cics  Rites  ait  répugné  à  accorder  ce 
nouvel  insigne  au  chapitre  de  l'église  calhé- 
drale  d'imola  qui  le  demandait.  Ce  cliapitre 
ayant  été  déjà  comblé  de  tant  d'autres  privilèges, 
les  chanoines  et  les  dignités  ayant  obtenu,  eu 
particulier,  l'usage  des  pontificaux,  il  n'a  pas 
paru  convenable  d'ajouter  encore  la  distinction 
de  la  croix  pectorale,  qui  les  aurait  rapproches 
davantage  encore,  pour  l'extérieur,  des  hon- 
neurs propres  au  pontificat,  et  aurait  amoindri 
la  diynité  cpiscopale  en  proportion  de  ce  qu'on 
lui  aurait  emprunté  pour  l'ajoutera  tout  ce  que 
possédaient  déjà  les  dignilaii'es  et  les  chanoines 
composant  le  chapitre.  » 

La  note  de  Ciardellini  nous  donne  à  entendre 
que  le  chapitre  ù'Imola  sollicitait  le  privilège  de 
porter  une  croix  pectorale  semblable  à  celle  des 
évêques,  telle  que  celle  qui  est  accordée,  par 
exemple,  aux  protonotaires  apostoliques,  lors- 
qu'ils célèbreui  pontificalement.  La  raison  qu'il 
donne  pour  expliquer  le  refus  de  la  Congréga- 
tion des  Rites  est  excellente.  Depuis  ce  temps, 
nombre  de  chapitres  ont  obtenu  l'autorisation 
de  porter  une  croix  pectorale  ;  mais  il  ne  peu- 
vent user  de  cette  décoration  que  pendant  les 
offices  capiiulaires,  en  la  mettant  sur  le  costume 
canonial,  et  non  en  dehors  ;  ensuite  la  forme 
de  cetie  croix  n'est  point  celle  de  la  croix  que 
portent  les  évêques,  elle  n'est  point  déterminée 
et  varie  suivant  les  lieux,  en  torle  que  la  con- 
fusion n'est  plus  jiossible.  Déplus,  ces  croix  pec- 
torales ne  renferment  pas  de  reliques,  et  si  elles 
différent  déjà  de  la  croix  épiscopale  par  leur 
conformation  extérieure,  elles  s'en  distinguent 
encore  par  cette  autre  diûerence  considérable, 
quoique  inseus ible.  Ajoutons  que  ces  croix  sont 
portées  stispnii'ucs,  non  point  par  une  chaîne, 
comme  celles  des  évêques,  mais  par  un  ruban 
dont  la  largeur  et  la  couleur  sont  exactement 
précisées  dans  les  brefs  de  concession. 

Dans  nos  recherches  sur  l'antique  coutume 
de  garnir  les  croix  de  reliques,  nous  avons 
trouvé  la  description  d'une  croix  fort  remar- 
quable qui  éliiil  autrefois  conservée  dans  l'église 
de  Mayeuce,  et  qu'on  lira  sans  doute  .avec  io- 
térét.  La  voici  telle  qu'elle  est  donnée  par  l'é- 
vêque  Conrad  dans  Vi  Chrnnique  dj  Mayence, 
année  1360  :  «  v*  y  avait  encore  une  autre  croix 
toute  recouverte  -ie  l'or  le  plus  lin  et  portant 
une  image  en  or  du  Christ  crucifié.  Cette  image 
dépassait  en  hauteur  la  taille  moyenne  d'un 
homme,  elle  était  creuse,  mais  fort  épait&e;  «t 


l'intérieur  était  rempli  de  reliques  et  des  pierre*  •  ; 
les  plus  précieuses.  On  disait  que  l'empire  ro- 
main n'en  posséJait  pas  d'une  plus  grande  va- 
leur. Ce  crucifix  pouvait  se  démouler  membre 
par  membre,  aux  jointures  :  d'abord  au  talon, 
aux  genoux,  aux  cuiss'^Sj  aux  épaules,  aux 
coudes,  aux  mains,  au  cou,  c'est-à-dire  aux 
endroits  par  où  ces  membres  tiennent  au  corps. 
Le  reste  du  corps,  savoir  le  dos  et  la  partie  an- 
térieure, était  assemblé  de  la  même  manière,  et 
l'on  avait  imaginé  cet  agencement  pour  pouvoir 
renfermer  plus  commodément  et  pins  sûrement 
le  tout  dans  un  coÛVe  fait  exprès.  On  exposait 
rarement  cette  croix,  et  seulement  en  la  pré- 
sence d'un  roi  ou  d'un  autre  prince  du  premier 
rang,  et  aux  fêtes  de  l'âques,  et  il  fallait  un 
ordre  de  l'évoque.  Lorsqu'on  devait  faire  cette 
exposition,  des  ministres  digues  de  toute  con- 
fiance plaçaienl  la  croix  sur  une  sorte  de  pou- 
tre qui  se  trouvait  en  un  lieu  très-élevé  de 
l'église,  où  nul  autre  n'avait  accès.  On  voyait 
dans  la  tète  de  cette  image,  à  la  place  des  yeux, 
deux  de  ces  pierres  précieuses  que  l'on  appelle 
des  escarboucles,  comparables  pour  leur  gros- 
seur à  deux  jaunes  d'eeuf,  et  qui  bi  illaient  dans 
l'obscurité.  La  croix  portait  en  inscription  le 
vers  sidvant  : 

Âuri  sexcentas  habet  hœc  crux  aurea  libras, 

dont  voici  le  sens  :  «  Il  y  a  dans  cette  croix  d'or 
six  cents  livres  de  ce  métail.  »  Notez  qu'une 
livre  équivaut  à  deux  marcs  d'or.  Le  poids 
total  montait  donc  à  douze  cents  marcs  d'or 
très-pur.  Je  ne  dois  pas  omettre  de  dire  que  la 
valeur  exceptionnelle  de  cet  or  éprouvé  dans  la 
perfection  avait  fait  donner  à  cette  croix  un 
nom  propre,  et  elle  s'appelait  Bmnn.  » 

Cette  croix  qui  avait  été  faite  par  l'ordre  et 
sous  la  direction  de  l'archevêque  Willégise,  fut 
vendue  par  parties  dans  la  suite. 

Nous  avons  à  peine  besoin  d'ajouter  que  la 
croix  pectorale  que  portent  les  évêques,  et  qui 
est  accorclée  par  privilège  à  quelques  prélats 
d'un  rang  inférieur,  devant  surtout  leur  servir 
dans  les  fonctions  pontificales  et  étant  devenue 
dès  lors  un  ornement  liturgique,  elle  ne  doit 
renfermer  que  des  reliques  d'une  authenticité 
certaine.  Toutes  celles  qui  n'ont  pas  ce  carac- 
tère, lors  même  que  l'on  aurait  de  très-graves 
raisons  de  penser  qu'elles  sont  de  vraies  re- 
liques, sont  exclues  du  culte  public. 

{A  suivre.)  P.  F.  Ecaile, 

professeur  de  théolo^<^ 


LA  SEsiAK-sE  DU  CLKRGÉ 


lôOl 


LÉGISLATION 

Exposition  des  motifs  et  des  tr.wcirES  qui  ont 

SERVI  DE  BASE  A  LA  LOI  RELATIVE   A  LA  LIBERTÉ 
DE  l'enseignement   SUPÉRIEUR. 

(Suite.) 

Après  cinq  mois  de  longue  attente,  dans  la 
séance  du  28  mai  1875,  Mgr  Dupanloup  de- 
mande vivement  à  l'Assemblée  de  mettre  enfin 
un  terme  à  tous  les  injusliiiables  délais  que  ce 
projet  do  loi  a  suliis,  et  an  décréter  ainsi  la 
mise  à  l'ordre  du  jour  de  sa  seconde  délibéra- 
tion, interrompue  dans  la  séance  du  22  dé- 
cembre 1874. 

M.  Laboulaye  explique  les  retards  de  la 
commission  ;  il  dit  que,  s'ils  peuvent  paraître 
extraordinaires,  il  est  pourtant  faoils  de  les 
comprendre.  Il  rappelle  que  cinq  ministres  de 
l'instruction  publique  se  sont  succédés  pendant 
la  durée  des  études  de  la  commission  ;  chaque 
ministr.!  lui  a  naturcllemeat  apporté  ses  vues 
et  ses  idées,  de  sorte  que  son  travail  a  été  un 
peu  la  toile  de  l'énélope. 

n  ne  croit  pas  avoir  besoin,  au  reste,  de  jus- 
tifier la  commission  ;  elle  met  à  son  œuvre  tout 
le  zèle  possible,  mais  elle  ne  pourrait,  avant 
huit  ou  dix  jours,  apporter  son  travail.  M.  le 
vice-président  du  conseil  vient  à  déclarer,  en 
l'absence  de  M.  le  ministre  de  rinslruction 
publique,  que  le  gouvernement  ne  fait  aucune 
objection  à  la  discussion  immédiate  ;  et  l'assem- 
blée décide  conséquemmentquela  continuation 
de  la  deuxième  délibération  soit  placée  à  son 
ordre  du  jour,  à  la  suite  des  projets  qui  y  sout 
inscrits. 

Huit  jours  après,  le  5  juin,  M.  Laboulaye, 
venant  à  la  trihune,  observe  qu'il  a  paru  néces- 
saire à  la  commission,  au  moment  d'arriver 
aux  détails  de  la  loi,  d'exposer  à  l'assemblée 
par  quelles  pbuses  elle  a  passé,  et  comment, 
dans  un  intérêt  de  concorde,  elle  a  admis  cer- 
taines modifications  à  son  premier  projet.  Dans 
son  brillant  rapport  verbal,  il  fait  mention  des 
garanties  que  le  ministre  actuel  de  rinslruction 
publiijue  a  trouvées  satisfaisantes  :  vingt-cinq 
ans,  un  grade  universitaire  et  un  stage. 

La  commission  peut  accepter  la  garantie  de 
l'âge  de  vingt-cinq  ans,  parce  que  demander 
qu'un  homme  ait  vingt-cinq  ans  pour  ensei- 
gner, c'est  demander,  en  quelque  sorte,  qu'un 
homme  ait  achevé  son  éducation. 

Quant  à  la  garantie  du  grade  et  du  stage,  la 
commission  ne  p'«nt  y  adhérer  :  il  dit  que  s'il 
s'agissait  uuiquementde  professeurs  des  futures 
université,,  libres,  établies  en  concurrence  de 
l'Université  de  rEtat,onpourrait,san6dif0cullé, 
admettra  celte  garantie,  parce  qu'il  serait 
juste  que  tout  soit  égal  entre  les  concurrents. 


Mais  la  commission  vent  la  lib'rl^  pour  tous; 
elle  veut  établir  la  liberté  des  ceuis,  qu'elle 
réclame  au  nom  même  de  la  liberté  indivi- 
duelle. 

La  commission,  dit-il,  s'est  demandé  si,  après 
tout,  le  droit  d'enseii^ncr,  le  droit  de  communi- 
quer sa  pensée,  n'est  pas  de  même  nature  ([ue 
toutes  les  autres  liiiertés  qui  ontclé  acce[ifées  : 
alors,  elle  a  dï  reconnaître  qu'il  faut  accorder 
la  liberté  d'enseignement  au  prulit  de  tout  le 
monde,  qu'il  taut  admettre  une  liberté  gé- 
nérale. 

Il  ajoute  que  la  liberté  des  individus  emporte 
nécessairement  la  liberté  des  a?sociations;  ou, 
pour  retourner  le  |)i  obîême  et  le  placer  sous  soa 
véritable  sens,  la  liberté  des  associations  n'est 
pas  la  liberté  des  individus,  mais  la  liberté  des 
individus  comprend  nécessairement  la  liberté 
des  associations.  11  s'i  mpresse  à  déclarer  que 
cette  idée  a  été  défendue  par  les  chefs  des  asso- 
ciations des  comités  catholiques. 

Kn  finissant  son  discours,  il  reconnaît  que 
cette  loi  achèvera  la  grande  œuvre  de  concilia- 
tion que  l'assemblée  a  commencée  et  qu'elle 
poursuit  si  hardiment  à  la  face  du  pays. 

Le  lundi, 7  juin,  Mgr  Dupanloup,  s'associant 
aux  vœux  exprimés  par  M.  Laboulaye  dans  la 
séance  précédente,  déclare  que  celui-ci  a  jugé 
avec  raison  que  la  liberté  de  l'enseignement 
supérieur  est  un  noble  sujet,  un  terrain  paci- 
fique où  l'accord  est  facile,  malgré  les  dissenti  • 
menls  inévitables  en  toute  question  de  celtj 
impoitance. 

Il  croit  que,  si  cette  loi  est  bien  faite,  elld 
contribuera  puissamment  à  préparer  l'œuvre  de 
conciliation  et  d'apaisement  des  esprits,  que 
l'Eglise  désire  aussi  vivement  que  personne. 
«  Sans  doute,  dit-il,  nous  réclamons  notre  part, 
—  pas  autre  chose,  —  dans  la  distribution  de 
l'enseignement  supérieur  :  c'est  notre  droit; 
j'ajoute  que  c'est  notre  devoir;  c'est  aussi  notre 
honneur.  • 

Il  observe  que  le  clergé  eatholicpe  n'a  jamais 
demandé  autre  chose  que  la  liberté  de  l'ensei- 
gnement; la  liberté, non  pas  inconditionnelle  et 
illimitée,  qui  ne  serait  qu'une  forme  nouvelle 
de  la  licence  et  bientôt  de  l'ignorance,  mais  la 
liberté  à  des  conditions  équitables  et  égales 
pour  tous,  avec  les  garanties  sérieuses  que  l'Etat 
et  le  père  de  famille  ont  droit  d'exiger. 

Quant  aux  associations,  ajoute-t-il,  ce  serait 
vraiment  une  erreur  plus  qu'étrange  de  croire 
que  les  associations  en  faveur  desquelles  le 
clergé  catholique  réclame  la  liberté  ne  sont 
que  les  associations  religieuses.  Non,  les  catho- 
liques entendent  les  associations  laïques  aussi 
bien  que  celles  religieuses;  c'est  aussi  le  bon 
sens  et  la  lettre  même  du  projet  en  discussion 
qui  l'indiquent  clairement.   Laïques  et  ijeli- 


1302 


LA  SCMAhNE  DU  CLERGÉ 


giciis,  la  canière  est  ouvcrle  pour  tous;  ils 
peuvent  y  entrer  avec  une  égale  ardeur,  et, 
dans  de'  conditions  égales,  se  disputer  le  ]irix 
de  la  confiance  et  de  l'eftime  publiques. 
Mgr  Dupanioup  achève  son  discours  par  un 
généreux  appel  à  tous  les  fentimenls  de  paix, 
de  concorde  et  d'allinnce  dans  la  liberté  com- 
mune, pour  l'éducation  delà  jeunesse  française. 

Pour  répondre  à  cet  appel,  M.  Fournier 
retire  l'amendement  qu'il  avait  proposé  d'ac- 
cord avec  MM.  Adnet  et  Buisson.  Venant  le 
tour  de  l'amendement,  sur  le  même  article  2, 
présenté  par  MM.  Henri  Martin,  Charton,  Ma- 
Jézieux,  Carnot  père,  Barthélémy  Saint-Hilaire, 
Carnot  tîls  et  Levôque,  M.  Henri  Jlarlin  monte 
à  la  tribune  pour  le  développer. 

Il  affirme  que  la  liberté  d'enseignement  est 
une  et  entière;  elle  est  ou  elle  n'est  pas.  11 
croit  que  le  véritable  terrain  de  conciliation  e=t 
celui  de  la  liberté  qui  peut  profiter  à  chacun  et 
à  tous,  et  non  pas  celui  de  la  liberté,  qu'il 
appelle  privilégiée,  dans  ce  sens  qu'elle  ne  peut 
profiter  qu'à  un  petit  nombre,  qu'à  une  orga- 
nisation puissante,  qui  vise  au  privilège  de 
partager  les  attributions  de  l'Etat.  C'e-t  pour- 
quoi, lui  et  ses  collègues,  ont  proposé  cet 
amendement,  qui  est  ainsi  conçu  :  a  Tous 
Finançais  majews,  nuynnt  encouru  aucune  des 
incapacités  prévues  par  l'art.  7  de  la  présente  loi, 
pourront  ouvrir,  individuellement  ou  collective- 
ment, des  cours  et  des  conférences  aux  seules  con- 
ditions prescrites  par  les  articles  suivcmts.  n 

Il  observe  que  c'est  essentiellement  dans  l'in- 
térêt delà  science  qu'il  demande  la  liberté  sans 
réserve  pour  les  cours  et  les  conférences.  Quant 
à  la  liberté  de  fonder  des  grand- établissements 
pour  lesquels  la  personnalité  civile,  celte  grave 
conces-ion  de  l'autorité  nationale  qui  implique 
la  déclaration  d'utilité  publique,  ne  serait  pas 
même  le  but,  mais  serait  le  moyen  de  s'élever 
jusqu'à  la  collation  des  grades,  il  croit  que, 
sous  le  nom  de  liberté,  c'est  essentiellement 
d'autorité  qu'il  s'agit. 

Le  droit  d'ouvrir  des  cours,  des  séries  de  cours 
sous  un  fitre  quelconque  n'implique  point  la 
personnalité  civile,  et  celle-ci  implique  bien 
moins  encore  la  collation  des  grades.  Quant  à 
ce  dernier  point,  aucune  transaction  ne  lui 
parait  possible,  c'est  là,  suivant  lui,  un  attribut 
incommunicable  de  la  puissance  publique  : 
l'Etat  n'a  pas  le  droit  de  se  dessaisir  d'une 
attribution  aus-i  imporlante  ;  il  n'a  pas  le  droit 
d'en  faire  partager  la  responsabilité  à  des  par- 
ticuliers ou  à  des  associations  privées. 

M.  Laboulayc,  en  lui  répondant,  ne  croit  pas 
que  l'assemblée  puisse  accepter  ce  contre-projet. 
Quelque  araoïT  qu'il  ait  pour  la  liberté,  il 
pense  que  cette  liberté  doit  être  définie,  réglée  ; 
il  faut  que  l'Assemblée  examine  quelles  sont  les 


îimiles  que,  dans  l'inlérct  de  l'ordre  public,  il 
faut  poser  à  la  liberté  de  l'enseignement  su- 
périeur. 

M.  Edouard  Charton  avoue  qu'en  signant  cet 
amendement,  il  n'avait  entendu,  quant  à  lui, 
modifier  aussi  profondément  le  projet  de  la 
commission.  Ce  qui  l'avait  surtout  touché  dans 
le  texte  de  cette  proposition,  c'était  le  vif  désir 
qu'il  a  de  voir  admettre  la  liberté  des  confé- 
rences au  même  titre  et  aux  mêmes  conditions 
que  la  liberté  des  cours. 

Après  l'échange  de  quelques  paroles  entre 
M.  le  président  de  l'Assemblée  et  M.  Ilenpi 
Martin,  l'amendement  est  retiré,  sous  réserve 
d'y  revenir  à  la  troisième  lecture.  De  même, 
M.  Raudot  retire  l'amendement  qu'il  avait 
déposé  à  son  nom.  11  ne  reste,  par  conséquent, 
que  celui  proposé  par  M.M.  Chesnelong,  Kolb- 
Bernard  et  plusieurs  autres  membres,  qui  con- 
siste à  ajouter  dans  le  paragraphe  1"  de 
l'article  en  discussion,  après  les  mots,  «  les 
déparlements  et  les  communes,  »  le  mot  a  dio- 
cèses, »  et  à  dire  :  les  départements,  les  communes 
et  les  diocèses  pourront  ouvrir,  etc.  » 

En  venant  à  la  tribune  M.  Chesnelong  dit, 
avant  tout,  que  si  l'article  )i  se  bornait  à 
reconnaître  à  tout  Français,  et  à  toute  associa- 
tion le  droit  d'ouvrir  des  établissements  d'ensei- 
gnement supérieur,  l'amendement,  qu'il  prend 
à  développer,  deviendrait  superflu.  11  ne  lui 
serait  pas  venu  à  la  pensée,  il  ne  serait  venu  à 
la  pensée  de  personne  qu'un  droit  donné  à  tous 
les  Français  et  à  toutes  les  associations,  pût  être 
contesté  à  cette  haute  personnalité  civile,  qui 
est  représentée  par  les  évèques  dans  les  diocèses. 
Mais  l'article  mentionne  ensuite  les  départe- 
ments et  les  communes;  il  craint  que  celte 
énumération  ne  puisse  être  considérée  comme 
limitative  ;  il  craint  qu'on  puisse  en  induire 
qu'elle  exclut  toutes  les  personnalités  civiles 
qui  n'y  sont  pas  nommées. 

Il  tient  à  dire  que  ce  n'est  pas  à  titre  de  pri- 
vilège au  profit  des  diocèses  seulement  qu'il 
réclame  leur  désignation  dans  cet  article;  il  lui 
parait  naturel  et  légitime  d'y  comprendre  éga- 
lement les  consistoires  protestants  et  israé- 
liles. 

Après  cette  déclaration,  il  établit  d'une  ma- 
nière irréfutable  que  cet  amendement  n'est  à 
aucun  degré  en  contradiction  avec  l'esprit  de 
notre  législation  actuelle,  car  les  diocèses  sont 
des  personnalités  civiles  reconnues.  La  loi  de 
germinal  an  X  a,  en  elTet,  reconnu  aux  évèques 
le  droit  d'établir  des  fondations  pour  l'entre- 
tien des  ministres  et  pour  l'exercir-e  du  culte. 
Le  décret  de  thermidor  an  XIII  leur  a  reconnu 
le  droit  de  créer  des  fonds  de  secours  pour  venir 
en  aide  aux  prèlres  âgés  et  infirmes.  Donc,  au 
point  de  vue  de  la  loi,  comme   du  décret,  les 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1U03 


diocèses  ou  les  évôchés  —  car  les  deux  noms 
étaient  indifléremment  employés  dans  ce  temps- 
là —  étaient  reconnus  comme  personnalité  ci- 
vile. 

11  rappelle  qu'ensuite  est  venue  la  loi  de  1817, 
qui  a  riéciaré  que  les  établissements  ecclésias- 
tiques seraient  aptes  à  acquérir,  soit  à  titre 
gratuit,  soit  à  litre  onéreux.  Et,  en  se  deman- 
dant si  les  diocèses  étaient  tompiis  parmi 
ces  établis-ements  ecclésiastiques,  il  n'hésite 
pas  à  répondre  quo  oui.  Il  en  a  la  preuve  dans 
l'ordonnance  royale  du  7  mai  182(5,  qui  désigne 
les  évè(jues,  comme  devant  recevoir  les  dons  et 
legs  faits  aux  évêchés.  Aus^i,  à  partir  de  c; 
moment  et  jusqu'en  18i0,  la  personnalité  civile 
des  diocèses  ne  fut  pas  contestée. 

Il  Git  vrai  qu'en  18iÛ,  survint  un  avis  du 
comité  de  législation  du  Conseil  d'Etat;  d'après 
cet  avis,  les  diocèses  auraient  dû  être  consi- 
dérés comme  des  circonscriptions  a^lminislra- 
tives,  et  non  pas  comme  des  personnalités 
civiles:  le  mot  «évèché»,  employédansl'ordon- 
nance  de  182G,  aurait  dû  être  entendu  au  sens 
restreint  de  la  mense  épiscopale,  et  les  évèques 
n'auraient  dûêlre  autorisés  à  recevoir  des  dons 
ou  des  legs  qu'autant  ([u'ils  seraient  laits  à  des 
établissements  diocésains  spécialement  recon- 
nus. 

Mais  M.  Chesnelong  se  hâte  de  dire  que 
celte  interprétalion  est  restée  dans  le  domaine 
purement  théorique,  et  qu'elle  a  soulevé  les 
réclamations  incessantes  de  tous  les  ministres 
qui  se  succédèrent  au  pouvoir,  depuis  M.  Alar- 
tin  (du  Nord),  jnsi|u'à  M.  Baioche;  depuis 
M.  Vivien,  jusqu'à  M.  Jules  Simon. 

En  fait,  ajoute-t  il,  et  depuis  que  cet  avis  du 
comité  de  législation  fut  émis,  des  legs  ont  été 
faits  aux  diocèses,  non  pas  pour  des  établisse- 
ments diocésains  spécialement  reconnus,  mais 
pour  les  besoins  généraux  des  diocèses,  et,  ces 
legs,  les  évèques  furent  autorisés  à  les  recueil- 
lir. Il  était  donc  naturel  que  le  droit  fût  mis 
d'accord  avec  le  fait;  aussi,  sur  l'initiative  de 
M.  Jules  Simon,  quand  il  était  ministre  de  l'ins- 
truction publique,  le  conseil  d'Etat,  par  un  avis 
émis  l'année  dernière,  a  reconnu  de  la  fai;  n  la 
plus  nette  et  la  plus  catégoriciue,  que  les  dio- 
cèses sout  des  personnalités  civiles. 

Ace  point,  il  se  demande  si  ces  personnalités 
civiles  ont  qualité  pour  fonder  des  établisse- 
ments d'enseignement  supérieur,  et  il  rap- 
pelle qu'une  question  analogue  s'est  présentée 
à  l'égard  des  fubriiiues,  à  l'occasion  des  fonda- 
lions  d'écoles  primaires.  11  dit  que  d'après  une 
jurisprudence  constante  jusqu'en  1837,  les  fa- 
briques étaient^ntes  à  recevoir  les  dons  qui 
leur  étaient  fai>^.,  pour  fondation  d'écoles  pri- 
maires. Mais,  à  partir  de  ■1837,  et  surtout  à 
Darlir  de  18G3,   une  jurisprudence  dill'érente 


prévalut,  et,  lorsque  des  legs  étaient  faits  aui 
fabriques,  le  conseil  d'Etat  prenait  sur  lui  de 
violer  un  peu  la  volonté  des  tcblateurs,  en  dé- 
crétant que  ces  legs  étaient  dévolus  aux  com- 
munes. 

Cette  interprétalion  était  évidemment  con- 
traire à  tous  les  précédents.  Jusqu'en  1S37, 
avant  comme  après  la  révolution,  toujours  les 
fabriques  avaient  été  reconnues  aptes  à  recevoir 
des  legs  pour  fondation  d'écoles. 

M.  Chesnelong  ajoute  que  cette  inleriiréta- 
tion  était  conliaire  au  droit.  Chaque  fois,  en 
etïet,  que  la  (juestion  s'est  présentée  devant  les 
tribunaux  au  point  de  vue  du  droit  de  pro- 
priété, les  tribunaux  n'ont  jamais  admis  qu'on 
pût  attribuer  aux  communes  des  dons  ou  des 
legs  qui  étaient  faits  aux  fabricjues. 

Il  observe  l'galementque  celte  iuterprélalion 
créait  une  inégalité  choquante  entre  les  fabri- 
ques catholii]ues  d'une  part,  et  les  consistoires 
des  cultes  dissidents  de  l'autre.  Ceux-ci,  de  par 
la  loi  de  leur  fondation,  avaient  le  droit  d'ins- 
tituer des  écoles,  et  ce  droit  ils  l'exeiçaient.  il 
y  a  plus;  la  loi  de  1850  leur  avait  reconnu  le 
droit  de  présenter  des  candidats  aux  écoles 
communales  pour  les  instituteurs  deleur  culte. 
Ainsi,  il  ne  pouvait  y  avoir  aucune  raison  de 
refuser  aux  fabriques  catholiques  un  droit 
qui  appartenait  aux  consistoires  protestants  et 
Israélites. 

Tant  que  piévalut  celle  jurisprudence,  elle 
souleva  des  contradictions  incessantes  aussi 
bien  dans  le  sein  du  Conseil  d'Elat  ([ue  de  Itt 
part  de  l'administration.  Au  début  même  de  la 
controverse,  M.  Guizot,  minisire  de  l'instruc- 
tion publique,  se  montra  formellement  con- 
traire à  celte  jurisprudence  par  l'avis  suivant  : 

«  Je  ne  vois,  eu  ce  qui  concerne  mon  mi- 
nistère, écrivail-il,  aucune  difliculté  à  ce  que 
les  fabriques  soient  autorisées  à  accepter  les  li- 
béralités qui  ont  [lour  objet  le  service  de  l'ins- 
truction publique...  C'est  une  heureuse  idée, 
ajoutait-il,  que  celle  de  resserrer  par  un  lien  si 
droit  que  possible  rintérët  de  la  religion  et 
celui  de  i'in-lruction  publique.  C'estelle  qui  ins- 
pire les  donations  qui  se  font  assez  fréquem- 
ment aux  fabriques  catholiques  et  aux  consis- 
toires (le  scuiles  dissidents,  à  la  charge  de  fonder 
et  d'entretenir  des  écoles.  L'autorité  doit  pro- 
teclion  et  encouragement  à  ces  dispositions,  b 

En  constatant  que  le  Conseil  d'Etat  de  1873 
a  partagé  le  généreux  avis  que  M.  Guizot  émet- 
tait en  1837," M.  Chesnelong  s'empresse  de  dé- 
clarer (lue  les  fabri(jues  sont  désormais  recon- 
nues aptes  à  recevoir  les  dons  et  les  legs  qui 
leur  sont  faits  à  ce  sujeL  ^     . 

Pourquoi  donc,  se  demande-t-il,  un  i.roit 
reconnu  aux  îabri^iues  serait-il  contesté  aui 
diocèses,  qui  sont  des  personnalités  civiles  d'un 


ICCi 


LA  SEMAINE  DU  Cî.KRCË 


orilre  analogue,  oiirncmc  d'un  ordre  plus  élevé  ? 
Pour.jiini  un  dioil  que  l'ou  icconniiît  en  ma- 
lièio  d'cii-eignement  pii maire,  serait-il  mé- 
connu lorsqu'il  s'agit  de  l'ensci'^ncinent  supé- 
rieur? Aussi,il  se  (.roit  en  droit  de  dire  que 
raineudemci*!  qu'il  a  proposé,  d'accord  avec  ses 
collègues  Cit.-  en  Harmouie  parfaite  avec  l'es- 
prit Je  la  législation  :»ctuclle. 

M.  Chesneloiig  exaini.ie  ensuite  les  raisons 
morales  qui,  à  son  avis,  recommandent  l'adop- 
tion de  cet  amendement.  Il  lui  parait  que, 
parmi  les  inlérèis  lrès-j;ravc3  et  très-considé- 
rables eng.igés  dans  la  question  de  Ifi  liberté  de 
l'enseignement  SLi[iérieiir,  il  en  est  deux  qui 
sont  paiticiilirremcnt  sacrés  ;  c'est  le  droit  du 
père  de  famille,  et  le  droit  des  cro  yauces  reli- 
gieuses. 

Il  ne  croit  pas  nécessaire  de  démontrer  que 
la  liberté  d'enseignement  est  le  droit  du  père  de 
famille.  Le  [lère  de  famille  ne  doit  pas  seule- 
ment transmettre  à  son  enfant  son  patrimoine 
matériel,  le  fruit  do  son  travail  et  de  ses  sueurs, 
il  doit  lui  transmettre  sou  cœur,  son  âme,  son 
caractère  moral,  sa  foi  I  C'est  plus  que  son  droit, 
c'est  son  devoir.  11  ne  pourrait  s'en  affranchir 
sans  mampier  à  sa  mission  ;  on  ne  saurait  le  lui 
ravir  sans  usurper  son  antorité.Et  voilà,  pour- 
quoi, pour  la  position  de  cliarge  qu'il  ne  peut 
pas  exercer  par  lui-même,  il  importe  que  la 
ïilierté  de  l'enseignement  le  mette  en  mesure  de 
la  déléguer  à  des  maîtres  de  son  choix.  «  Voilà 
pourquoi,  ajoute-t-il,  nous,  pères  de  famille 
catholiques,  et  nous  ne  le  dissimulons  pas,  nous 
réclamons  avecardeur  la  liberté  de  l'enseigne- 
mentsupérieur;  nous  désirons,  et  nousaviins  le 
droit  de  désirer,  qu'arrivés  à  cet  â^e  de  la  vie, 
d'où  déjiend  tout  l'avenir,  nos  entants  puissent 
recevoir  un  enseignemcr^  pénétré  et  iéeondé 
par  la  religion  ;  un  enseignement  qui  leur 
apporte,  dans  l'accord  de  la  science  et  delà  foi, 
la  confirmation  de  leurs  premières  croyances.  » 

La  plus  sûre  garantie  de  ce  d;oit,  c'est  que 
l'on  donne  aux  évêques,  en  tant  ([u'évèques,  le 
droit  de  fonder  des  établissements  d'enseigne- 
ment supérieur. 

Uuant  au  droit  des  croyances  religieuses, 
il  pense  que  l'Eglise  catbolitjne  a,  en  matière 
d'cnseiunement,  un  droit  [uopre  et  supérieur 
qu'elle  tient  de  son  origine  et  (jui  fait  partie  de 
sa  mission.  Ce  droit,  il  l'atteste  et  il  y  croit.  Et 
partout  où  l'Eglise  catholique  ne  peut  pas 
prendre  sa  place  dans  l'cnsiigucnient  à  tous  ses 
degrés  ets-jus  toutes  ses  formes,  les  catholiques 
ont  raison  île  dire  que,  dans  une  certaine  me- 
sure, la  vérité  est  captive. 

Mais  il  veut  se  placer  sur  le  terrain  de  notre 
droit  public,  .•^ur  le  terrain  de  la  liberté  reli- 
gieuse. Il  stipule  (lour  toutes  Icseroyances,  et  il 
dit  oue  la  liberté  de  i'cuseiïncmenl  suuérieur 


est  une  conséquence  de  la  lib^.rlé  religieuse  elle- 
même.  Il  ne  lui  parait  pas  qu'on  puisse  lui  objec- 
ter que  la  liberté  de  l'enseignement  supérieur 
ne  touche  pas  aux  croyanc(!s  religieuses.  On 
ne  peut  pas  scinder  l'indivi-ibilité  de  l'àme  hu- 
maine, pas  plus  chez  le  professeur,  ']ui  ensei- 
gne, que  chezl'éiève,  qui  est  enseigne.  Derrière 
tout  enseignement,  quel  qu'il  Snit,  il  y  a,  par 
la  force  des  choses,  qu'on  le  veuille  ou  qu'on  ne 
le  veuillepas,  une  doctrine  religieuse  ei  morale. 
Peut-on,  d'ailleurs,  séparer  la  philosophie  des 
notions  sur  Dieu  et  sur  l'àme  humaine?  Peut- 
on  séparer  les  lettres  des  doctrines  qui  en  sont 
l'inspiration?  Peut-on  séparer  le  droit  de  ses 
principes  supérieurs  de  morale  et  de  justicequi 
en  sont  la  règle  et  la  sanclion?  Cela  étant 
donné,  et  étant  donné  aussi  que  l'épiscopat  est 
la  représentation  la  plus  élevée  des  croyances 
catholiques  en  France,  u'est-il  pas  juste,  u'est- 
il  pas  convenable,  n'est-il  pas  nécessaire  de 
reconnaître  aux  évêques,  en  tant  qn'évéques,  le 
droit  de  fonder  des  établissemeuts  d'enseigne- 
ment supérieur?  Et  il  ajoute  volontiers:  n'est- 
il  pas  également  juste,  également  convenable, 
également  nécessaire  de  reconnaître  le  même 
droit  aux  consistoires  des   cultes  dissidents? 

«Soyez  justes  envers  l'Eglise  catholique,  dit- 
il  en  finis-ant  son  discours;  n'ayez  [las  peur 
d'elle;  laissez  les  évèciues  nous  apporter  libre- 
ment le  concours  de  leurs  lumières  et  de  leur 
ascendant;  laissez  l'Eglise  prendre  sa  place, 
comme  tout  le  monde,  dans  ce  domaine  de  l'en- 
seignement supérieur,  où  elle  peut  vous  rendre, 
à  coup  sûr,  d'immenses  services.  La  science, 
soyez-en  certains,  n'y  perdra  rien;  la  moralité 
intellectuelle  pourra  beaucoup  y  gagner.  Ce 
a'est  pas  l'indépendance  de  la  pensée  qui,  au- 
jourd'hui, est  en  péril,  c'est  plutôt  la  dignité  de 
la  raison,  et  l'autorité  de  la  loi  morale.  L'Eglise 
catholique,  et  c'est  son  fteruel  honneur,  a  été 
et  sera  toujours  la  gardienne  incorruptible  de 
l'une  et  de  l'autre.  » 

A  ce  discours,  aussi  élevé  par  la  noblesse  des 
sentiments,  que  profond  par  la  vigueur  de  l'ar- 
gumentation, M.  Robert  de  iilassy  oppose  la 
langue  et  les  subtilités  du  droit.  H  prétend  que 
les  diocèses  nesont  qu'une  circonscription  admi- 
nistrative comprenant,  selon  la  doctrine  de 
M.  Dalloz,  plusieurs  personnalités  civiles,  mais 
n'étant  pas  par  eux-mêmes  une  personnalité 
civile;  c'est-à-dire  qu'ils  n'ont  pas  la  faculté 
de  recevoir,  d'acheter,  d'aiiéncr,  de  se  livrer 
enlin  à  tous  les  actes  qui  sont  ouverts  à  tous  les 
citoyens  |)ar  nos  lois  civiles,  et  ([ui  constituent 
ce  qu'on  appelle,  dans  lapureté  du  droit,  la  vie 
civile. 

Il  observe  que,  quand  même  les  diocèseseus- 
seul-ils  la  personnalité  civile,  qu'il  leur  con- 
teste, i'As.-emblée  ne  pourrait  pas  les  désigner 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


'iô(4 


dans  l'art.  2  ou  ailleurs  de  celte  loi;  pas  plus 
qu'elle  ne  peut  y  comprendre  la  nomenclature 
infinie  de  tous  les  étalilis-ementsd'utililé  publi- 
que qui  jouissent  de  la  personalité  civile. 

Il  ajoute  que  les  consistoires  protestants  et 
Israélites  son'  entièrement  désintéressés  dansla 
question,  parce  que,  à  ladifïércnce  des  diocèses, 
leur  personnalité  civile  est  reconnue  par  la 
loi. 

Celte  déclaration  ramène  M.  Chesnelong  à 
la  tribune  pour  observer  que  si  les  consistoires 
israélites  et  les  consistoires  prolestants  possè- 
dent la  personnalité  civile,  comment  les  évê- 
cbés,  les  diocèses  représentés  par  les  évêques 
et  qui  ri^puudent  administrativement  dans  la 
hiérartliie  catbolique  à  eu  que  sont  les  consis- 
toires dans  les  cultes  dissidents,  u'auraient-ils 
pas  celte  même  personnalitécivile?  Il  comprend 
qu'il  y  ait  une  loi  égale  pour  les  éTèibés  et 
pour  les  consistoires  ;  il  ne  comprendrait  pas,  à 
aucun  degré,  qu'il  y  ait  personnalité  civile 
accordée  aux  uns  et  refusée  aux  autres. 

Le  scrutin  public  au  sujet  de  cet  amendement 
ayant  été  demandé,  le  résultat  du  dépouille- 
ment donne  331  votes  pour  et  289  contre,  sur 
6:20  volants. 

Après  quelques  courtes  paroles  de  M.  Alfred 
André  (Seine),  l'Assemblée  adopte  également  la 

Î)roposition  qu'il  vient  de  lui  faire,  ajoutant  à 
a  suite  des  mots  :  «  Les  diocèses,  »  et  les  con- 
sistoires protestants  et  israclites  ;  ce  qui  ter- 
mine la  discussion  sur  le  premier  paragraphe 
de  l'ait.  2. 

Toutefois,  M.  le  ministre  de  l'instruction  pu- 
blique demande  à  faire  des  réserves  sur  les 
mots  «  les  départements  et  les  communes,  o  qui 
se  trouvent  inscrits  danslepremier  paragraplie. 
Il  observe  que  les  départements  et  les  communes 
ne  devraient  pas  avoir  place  ici,  car  il  s'agit  de 
fonder  des  écoles  libres.  Or,  les  écoles  fondées 
parles  départements  elles  communes  sont  des 
écoles  publiques  :  cela  résulte  de  la  détinition 
donnée  par  la  loi  de  1850.  11  regrette  donc  de 
voir  ces  mots  dans  ce  i>aiagiaphe,  et  il  se  ré- 
serve, lors  de  la  troisième  lecture,  de  demander 
à  l'Assemblée  de  vouloir  bien  revenir  sur  clUc 
rédaction. 

M.  le  ministre  n'entend  pasôteraux  départe- 
ment? et  aux  communes  la  faculté  de  fonder  des 
école=,  il  demande  seulement  qu'ils  les  fondent 
dans  les  conditions  qui  sont  d'ailleurs  prévues 
par  les  règlements,  et  notamment  par  le  décret 
du 22  août  l8oi,  qui  règle  quelques  parties  éle- 
vées des  s'-'iences  et  des  lettres  dans  les  villes 
qui  ne  sont  pas  sièges  de  faculté. 

M.  Gatien-Arnouit  expose,  au  nom  de  la 
Commission,  les  raisons  qui  l'ont  porté  à 
maiûtenir,  pour  les  communes  et  les  départe- 
ments, le  droit  d'ouvrir  des  cours  et  d'établir 


des  écoles  d'enseignement  supérieur,  lesquelles, 
pins  lard,  pourront  devenir  des  facultés. 

Il  dit  que  le  premier  motif  est  celui  de  ré- 
pondre au  désir  général  d'une  dé'3entrnli=alion 
sage  et  modérée,  qui,  tout  en  respectant  l'exis- 
tence d'un  grand  centra,  favorise  une  foule  de 
petits  centres  particuliers  dans  les  dôparte- 
meuts  et  dans  les  communes.  Le  second  motif 
est  d'ailmetire  la  grande  collection  de  citoyens, 
rej'résentant  la  commune  ou  le  département, 
et  offrant  par  cela  toutes  garanties  désirables, 
à  user  du  droit  que  ce  paragraphe  de  l'article  2 
accorde  à  un  simple  individu,  d'ouvrir  un 
cours  et  d'établir  une  école  sous  certaines 
garanties,  qui  ne  sont  pas  très-grandes.  Le 
troisième  motif  enfin,  c'est  l'intéièt  local.  On 
parle  beaucoup  d'intérêts  loraux,  et  on  a  rai- 
son de  s'en  occuper  sérieusement.  Ces  intérêts 
sont  de  plusieurs  sortes  ;  il  y  a  des  intérêts 
matériels,  mais  ily  a  aussi  des  intérêts  moraux, 
et  ceux-ci  sont  incontestablement  beaucoup 
plus  respectables  que  les  autres.  En  matière 
d'instruction,  c'est  l'intérêt  local  qui  exige 
l'établissement  de  chaires  spéciales  répondante 
certains  besoins  tout  à  fait  locaux. 

C'est  par  ces  motifs  princiiialeraent  qu'il 
demande,  contre  le  désir  manifesté  par  M.  le 
Ministre  de  l'intruction  publique,  de  ne  pas 
retrancher  les  départements  et  les  communes 
de  ce  paragraphe,  qui,  mis  aux  voix,  est  adopté 
par  rAssemblée. 

Au  sujet  du  second  paragraphe,  qui  est  ainsi 
conçu  :  Pour  l'enseifjncment  de  la  médecine  et 
de  la  ji/iarmacie,  il  faudra  jmtifiei-,  en  outre,  des 
conditions  requises  pour  l'exercice  des  professions 
de  médecin  ou  de  pharmacien,  M.  de  Salvandy 
observe  ([ue  les  docteurs  en  médecine  peuvent 
exercer  leur  art  partout;  par  conséquent,  ils 
pourront,  sans  doute,  enseigner  partout.  Mais 
les  officiers  de  santé  scroul-ils  soumis,  pour 
l'enseignement,  aux  mêmes  conditions  que 
pour  l'exercice  de  leur  art? 

M.  Labouiaye  répond  que  la  Commission  n'a 
pas  entendu  toucher  à  la  loi  actuellement  en 
vigueur,  et  que,  conséquemment,  la  question 
de  l'enseignement  de  la  médecine  sera  réglée 
comme  la  question  d'exercice  de  la  profession. 
Il  ajoute  que  la  Commission  n'a  pas  voulu,  au 
reste,  que,  sous  prétexte  d'enseignement,  on 
puisse  aller  taire  des  cours,  dans  les  campagnes, 
sur  les  pilules  et  les  drogues  de  toute  espèce. 

Après  cette  déclaration,  le  se.;ond  para- 
graphe est  également  adoiité,  renvoyant  a  la 
séaice  du  lendemam  la  discussiou  de  l'amen- 
dement de  M.  Chevandier,  qui  propose  de  sup- 
primi  r  le  troisième  et  quatrième  paragraphes. 

(A  suivre).  Philippe  C.\iiKÉfii. 


isod 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


PATROIOGIE 

VI.    —    ÉCOLES    DES    APÔTRES 
ET  DE  LEURS  DISCIPLES. 

I.  A  l'exemple  au  Maître,  qui  s'était  choisi 
des  apôtres,  des  disciples  et  des  frères,  les  apô- 
tres   conduisaient   avec  eux    des  fidèles,   des 
diacres  et  des  prêtres  qu'ils  formaient  à  la  triple 
école  de  la  prière,  de  la  parole  et  de  l'Ecriture, 
jusqu'au  jour  où,   leur  imposant  les  mains,  ils 
leur  donnaient  la  consécration  opiscopale,  pour 
ensuite  les  envoyer  prêcher  la  fui  chrétienne, 
fonder,   ou  du  moins,    gouverner  des  églises. 
Aussi  l'apôtre  des  nations,  après  avoir  fait  lui- 
même  l'éducation  de    Timolhée,    lui    recom- 
mande   de    choisir  à  son   tour   dos   hommes 
éprouvés,  afin  de  les  exercer  au  ministère  de  la 
parole  :  «  Ce  que    vous  avez  appris  de  moi, 
devant  plusifurs  témoins,  dile?-le  à  des  hommes 
capablcsd'instnàre aussi lesantreî(II  Tim.;  2).» 
La  tradition  nous  a  conservé  le  souvenir  de 
qucli]ues  disciples  des  apôtres.  Autour  de  Pierre 
se  groupent  saint  Marc  l'évangèliste,  que   son 
maître  envoj'a  dans  la  ville   d'Alexandrie;  les 
saints  Lin,  C.let  et  Clément,  ses  successeurs  à 
Rome;   saint    Pancrace,   saint   Marcien,   saint 
Ilomiile,  saint  Apollinaire,  saint  Aspren,  saint 
Plolômèe,   saint   Prusdocimo,   saint  Martial  et 
d'autres  évèques  de  la   Gaule.   L'apôtre  saint 
Paul  marche  environné  d'une  brilliinle  escorte  : 
c'est  saint  Luc,  saint  Timothée,  ?aint  Tite,  saint 
Onésirae,  saint    Silas,  saint  Archippe,    saint 
Tj'chique,  saint  Sosipatre,  saint  Epaphras,  saint 
Aristarque,  saint  Hiérothée,  saint  Sagar,  saint 
Denys  l'Aréopagite,  saint  Carpe,  saint  Philolo- 
gue, saint  Patrobas,  saint  Philémon,  saint  Sos- 
thènes,  saint    Apollo,     saint    Crescent,    saint 
Trophime,  et  le  reste.  L'évangéliste  saint  Jean 
lègue   son    génie   et  son    amour  à   Polycape, 
Ignace,    Papias  et   Eiityche.    Quelques  autres 
personnages  ont  le  titre  as-ez  va^ue  de  disciples 
des  apôtres;    c'est   par  exemple,     Aristobule, 
Epaphrodite,     Ilermas,    Quadratus,    Quartus, 
Syr,  avccil'aulres  encore.  Plus  tard  les  disciples 
des   apôtres  formèrent  à  leur  tour  de  nouvelles 
écoles.  Ainsi  Polycarpe  nourrit,  du    lait  de   sa 
doctrine,  Pothin,  Irénée  et  Bénigne.  Saint  Bar- 
nabe   compte  parmi  ses  élèves,  Analhalon  et 
Caïus.  L'on  donne  à  saint  Denys  une  douzaine 
de  compagnons. 

II.  En  communiquant  à  ses  apôtres  les  pou- 
voirs que  lui-même  avait  reçus  de  son  Père, 
Jésus-Christ  avait,  d'un  seul  mot,  qualifié  lé 
ministère  des  douze  :«  Vous  serez  pour  moi  des 
témoins.  >;  La  doctiiue  qu'ils  annoncent  ne 
leur  appartient  pas;  c'est  un  dépôt.  «  Nous  vous 
annonçons,  dit  l'aigle  des  évangéli<les,  nous 
vous  annonçons  la  parole  de  vie  qui  était  dans 
le  commencement,  que  nous  avons  entendue, 


que  nous  avons  vue  de  nos  yeux,  que  nous 
avons  regardée  avec  attention  et  que  nous 
avons  touchée  de  nos  mains.  Car  la  vie  même 
s'est  rendue  visible;  nous  l'avons  vue,  nous  en 
rendons  témoignage  et  nous  rous  l'annonçons 
cette  vie  éternelle,  qui  était  dans  le  Père  et  qui 
s'est  venu  montrer  à  nous.  Nous  vous  prêchons, 
dis-je,  ce  que  nous  avons  vu  et  ce  que  nous 
avons  entendu,  afin  que  vous  entriez  vous- 
mêmes  en  société  avec  nous,  et  que  notre  société 
Suit  avec  le  Père  et  avec  son  Fils,  Jésus-Christ 
(I  Joan.,  I  et  seq.).  » 

Tel  est  l'exorde  habituel  des  apôtres.  Ambas- 
sadeurs de  l'Evangile,  ils  ne  dissertent  point. 
Voyez  les  instructions  de  Pierre,  à  Jérusalem; 
de  Paul,  au  conseil  des  Juifs;  d'Elienne,  à  ses 
perséeuteurs  :  c'est  de  l'histoire. 

Ce  genre  hislorique  allait  bien  au  caractère 
des  apôtres,  hommes  sans  lettres  et  pleins  de 
foi.  Il  convenait  aussi  à  la  majesté  du  Sauveur, 
dont  les  disci|des  propageaient  l'enseignement 
sans  oser  lui  faire  subir  la  moindre  altération. 
L'auditoire  y  prenait  de  même  un  sensible 
plaisir;  car  l'histoire  est  la  meilleure  école  du 
pauvre,  et  c'est  à  lui  d'abord  que  fut  destinée  la 
bonne  nouvelle.  Les  savants,  du  reste,  ne  pou- 
vaient qu'applaudir  à  cette  méthode  :  Juifs,  ils 
y  trouvaient  les  allures  de  la  Bible;  Gentils, 
ils  faisaient  trêve  aux  interminables  disputes  de 
leurs  savants. 

Les  Pères  apostoliques  continuèrent  la  mé- 
thode de  leurs  diivanciers.  Alors  «  l'évèque 
expliquait  l'Evangile  et  les  autres  livres  sacrés, 
avec  l'assiduité  d'un  professeur,  quoique  avec 
plus  d'autorité  ;  d'où  vient  que  dans  le  style 
des  anciens,  le  nom  de  docteur  ne  s'applique 
guère  qu'aux  évoques.  Ils  inslruisaii;nt,  et  publi- 
quement dans  l'assemblée  des  fidèles,  et  par 
la  maison,  comme  dit  saint  Paul;  et  ils  accom» 
modaient  leurs  instructions  à  chaque  genre  de 
personnes,  comme  il  e-t  marqué  dans  les  épîlrea 
à  Tite  et  à  Timothée.  Ils  faisaient  profession  de 
ne  rfen  dire  d'eux-mêmes,  de  n'être  point 
curieux,  de  ne  rien  rechercher  après  l'Evangile, 
mais  de  rapporter  fidèlement  ce  qu'ils  avaient 
appris  de  leurs  pères,  c'est-à-dire  des  prêtres 
et  des  évèques  plus  anciens,  par  une  traditioa-i 
qui  remontait  sans  interruption  jusqu'aux  apô- 
tres (Fleury.  Mœurs  des  chrétiens,  vu),  o 

Saint  Irénée,  dans  son  épîtrc  à  Florin,  nousi 
atteste  que  saint  Polycarpe,  son  illustre  maître^ 
n'était  pas  moins  lidèle  à  la  ductriue  qu'à  la 
méthode  de  l'évangéliste  saint  Jean  :  «  Voa 
principes,  Florin,  n'appartiennent  nius  à  Vota 
thodoxie.  Ces  principes,  vous  ne  les  avez  pas 
reçus  des  prêtres  qui  vécurent  avant  nous  eA 
furent  les  disciples  des  apôtres.  Je  vous  ai  val 
dans  mon  enfance,  en  l'Asie-Mincure,  près  do 
Polycarpe...  Je  me  rappelle  les  événements  de 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


15(f7 


cette  date  beaucoup  mieux  que  les  circonstaDces 
d'hier  :  ce  que  nous  apprenons  en  bas-âge 
semblo  se  graver  dans  notre  mémoire  en  carac- 
tères ineLïiçaliles.  Aussi,  pourrai-je  vous  dire 
aujourii';iu'  dans  quel  endroit  Pulyrarpe  avait 
riiabiiude  de  s'asseoir  pour  nous  instruire; 
quels  plaient  son  port,  sonatlitnde,  sa  conduite, 
ses  tr^iié^  et  les  discours  qu'il  adressait  à  la 
foule;  coinmo  il  nous  entretenait  de  son  com- 
merce intime  avec  Jean  et  1rs  disciples  qui 
avaient  vu  le  Seigneur;  comme  il  nous  rappor- 
tait, au  sujet  d{:  \.\  personne,  de  la  doctrine  et 
des  miracles  du  Sauveur,  ce  qu'il  avait  entendu 
de  la  bouche  des  témoins  du  Verbo,  confirmant 
ainsi  à  chaque  pas  le  texte  des  Ecritures.  Dès 
celte  époque,  grâce  à  la  bonté  de  Dieu,  j'écou- 
tais avec  zèle  ces  traditions  que  j'inscrivais,  non 
point  sur  des  laijjfttes,  mais  au  fon  1  de  mon 
cœur,  où  je  les  retrouve  encore  parfaitement 
lisibli'S.  1) 

Papiiis,  autre  disciple  de  saint  Jean,  s'ins- 
truisit de  même,  nous  dit-il,  à  l'école  de  lliis- 
toire  ou  de  la  tradition  :  <i  Ce  n'était  puint  la 
société  des  grands  raisonneurs  que  je  cher- 
chais, je  préférais  les  personnes  qui  ensi  igncnt 
la  vérité.  Je  ne  m'arrêtais  jamais  près  de  crux 
qui  publient  des  maximes  étranges  ou  des  nou- 
velles inventées  par  les  hommes,  mais  près  de 
ceux  qui  rac  'nient  fidèlement  les  préceptes  du 
Sauveur,  laissés  pour  noire  éilificalion  et  pro- 
cédant de  la  vérité  comme  de  leur  source.  Si  je 
rencontrais  un  homme  qui  avait  suivi  et  en- 
tendu les  anciens,  je  l'interrogeais  sur  toutes 
les  paroles  qu'il  avait  retenues  d'eux.  J'exami- 
nais ce  qu'avaient  dit  André,  Pierre,  Philippe, 
Thomas,  Jacques,  Jean,  Matthieu,  ou  tout  autre 
disciple  du  Seigneur,  Aristien  et  Jean  l'Ancien. 
La  lecture  des  livres  me  faisait  moins  d'impres- 
sion qu'une  parole  vivante  et  continuée  jusqu'à 
nos  jours  (Euseb.  Hisl.  eccl.  III,  38).  » 

Le  plan  historique  était  donc  en  honneur 
dans  toutes  ces  églises  de  l'Asie-Mineuie,  que 
l'évangéliste  saint  Jean  avait  fondées  ou  gou- 
vernées. Nous  les  retrouvons  assez  dans  les  com- 
mencements de  la  glorieuse  école  d'Alexan- 
drie, instituée,  comme  nous  l'avons  vu,  par  un 
disciple  de  saint  Pierre.  Clément  l'Alexandrin 
fait  ainsi  le  portrait  de  son  maître  saint  Paulène  : 
«  Véritable  abeille  de  Sicile,  il  parcourait  les 
fleurs  des  prophètes  et  de  l'Evangile,  afin  d'en 
exprimer,  pour^on  auditoire,  les  sucs  limpides 
et  incorruptibles  de  la  vérité.  Ces  hommes  con- 
servaient intacte  la  bienheureuse  tradition 
fondée  par  les  saints  apôtres  Pierre,  Jaccjues, 
Jean  et  Paul.  Ils  l'avaient  reçue  comme  les  fils 
la  reçoivent  de  leurs  pères;  et  bien  que  l'eufaut 
dégénère  ordinairement  de  ses  ancêtres,  ces 
docteurs,  par  une  permission  divine,  recueilli- 
rent avec  fidMité  la  semence  apostoliijue  dont 


leur  famille  était  établie  comme  dépositaire 
(Clém.  Strom.  in  init.).  » 

Si  la  religion  chrétienne  se  fût  présentée  au 
monde  comme  le  résultat  des  méditations  hu- 
maines, il  lui  eût  fallu,  dès  sa  naissance,  des 
esprits  savants  pour  défenseurs,  des  raisonne- 
ments ingénieux  pour  appui,  la  dialectique  pour 
diplomatie.  Une  activité  littéraire  brillante, 
ferme  et  continuelle  pouvait  seule  étendre  et 
aficrmir  les  conquêtes  du  nouveau  système. 
Mais,  au  lieu  de  prendre  d'abord  les  voies  de  la 
science,  le  christianisme  affecta  les  allures  de 
riiistoire.  Ce  n'est  pas  que  la  révélation  soit  des- 
tituée de  principes,  d'où  la  raison  tire  une  suite 
de  conséquences  logiques.  Non;  car  la  foi  est 
une  idée  avant  d'être  un  fuit;  et  la  théologie 
brilla  d'un  éclat  particulier,  au  temps  des  apô- 
tres même,  dans  les  grands  ouvrages  de  saint 
Denys  l'Aréopagite.Mais  il  entrait  dans  le  plan 
divin  que  la  sagesse  des  hommes  fût  détrônée 
par  la  folie  de  la  croix;  les  philosophes,  par 
douze  pêcheurs;  la  science  humaine,  par  la  foi 
divine,  et  cela  pour  que  personne  n'eût  à  se 
glorifier  devant  Dieu.  Alors,  selon  que  nous 
l'avons  déjà  fait  observer,  l'enseignement  de  la 
religion  devait  être  simple  comme  un  monu- 
ment, abrégé  comme  l'histoire,  invariable 
comme  un  t'ait.  Il  devenait  inutile  d'écrire 
beaucoup,  et,  jusqu'à  un  certain  point,  de  par- 
ler longuement.  On  racontait  la  vie  du  Sauveur, 
et  c'était  toute  la  religion  ;  on  s'exprimait  avec 
amour,  et  c'était  toute  l'éloquence;  on  guéris- 
sait les  malades,  et  c'était  toute  la  preuve. 

III.  L'époque  où  nous  touchons  est  fertile  ea 
explications  symboliques.  L'apôtre  des  nations 
surtout  y  excelle.  A  l'entendre,  la  loi  est  une 
figure  de  la  grâce,  et  celle-ci  l'image  de  la 
gloire;  le  monde  ancien  porte  l'ère  nouvelle  en 
ses  flancs;  c'est-à-dire  que  la  lettre  prophétise 
le  Messie,  et  que  les  personnes,  les  lieux,  les 
choses,  les  temps  et  les  nombres  sont  des  signes 
de  l'avenir.  De  la  sorte,  tout  parle  dans  nos 
Ecritures;  et  la  lettre  tue,  si  l'esprit  ne  vivifie. 
Fort  de  ce  principe  incontestable,  l'Apôtre  nous 
montre  la  vérité  des  biens  présents  sous  l'om- 
bre des  biens  passés,  et  fait  jaillir  de  cette 
élude  comparée  des  flots  de  lumière  et  de 
poésie.  Melchisédech  n'est  plus  seulement  le 
prêtre-roi  de  Salem  ;  c'est  l'image  du  Pontife 
éternel.  Les  holocaustes  de  Mo'i-e  préli'dent  à 
l'immolation  du  Calvaire.  Les  enfants  de  Sara 
et  d'Agar  prédisent  la  double  alJiance  de  Dieu 
avec  son  peuple.  La  mer  Rouge  se  transforme 
en  piscine  du  baptême,  où  s'engloutisseut  lea 
armées  de  l'enfer. 

La  simplicité  des  Pères  apostoliques  aimait 
aussi  à  se  (larer  de  fleurs  naturelles,  c'est-à-dire 
d'images  sensibles,  de  paraboles  transparentes 
et  d'un  symbolisme   délicieux.  Et  ce  n'était 


1S08 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


point,  qo'on  le  sache,  une  servile  imilalion  de 
l'école  apostolique.  Peu  satisfaits  de  la  pra- 
tique  oïdinaire,  ils  élevèrent  les  symboles  à 
toute  la  hauteur  d'un  système  de  philosophie. 
Pendant  qu'Hi-rmas  donnait  ses  gracieuses  para- 
boles, l'Aréopagite  en  élablissailla  raison  scien- 
tifique. 

D'après  saint  Denys,  les  matières  de  la  foi 
dépassent  les  bornes  de  notre  intelligence.  Ne 
pouvant  saisir  la  vérité  infinie,  telle  qu'elle  est, 
U  a  fallu  l'apprendre,  comme  nous  sommes. 
Or,  il  nous  est  naturel  d'aller  du  visible  à  l'in- 
visible, et  de  l'effet  à  la  cause.  Voilà  pourquoi 
d'abord  les  idées  inlelligibifes  nous  ont  été 
offertes  sous  la  figure  des  objets  matériels.  Ce 
fut  ensuite  pour  exercer  toutes  les  puissances 
de  notre  âme  :  l'entendement  et  l'imagination. 
A  l'aide  des  images,  nous  parvenons  à  con- 
naître les  vérités  supérieures;  car  1  imagina- 
tion, par  les  figures  qu'elle  se  représente, 
instruit  notre  raison  sur  des  réalités  qu'elle  ne 
saisit  pas  elle-même.  Le  symbolisme,  en  outre, 
convient  mieux  que  le  style  naturel,  au  genre 
d'étude  que  nous  devons  faire  sur  l'être  inhni. 
Ouand  on  parle  de  Dieu,  la  négation  seule  est 
vraie;  l'aliirmalion  est  inconvenante.  Or,  les 
figures  sensibles  accoutument  notre  esprit  à 
penser  que  les  pertcctitns  attachées  à  des 
ombres  ne  conviennenlpoinl  à  D  eu.  Elles  nous 
forcent  ainsi  à  procéder  par  voie  à*  négation  ; 
ce  qui  nous  fait  entrer  plus  avant  dans  le  foyer 
de  la  lumière,  lùifin,  le  symbolisme  cache  la 
•vérité  :  aux  infidèles,  de  peur  qu'il  ne  l'insul- 
tent; aux  simples,  de  peur  qu'il  n'en  soient 
aveuglés. 

IV.  L'histoire  et  le  symbolisme  dominèrent 
donc  l'enseignement  des  apôtres  et  de  leurs  suc- 
cesseurs, notamment  lorsque  ces  docteurs  par- 
laient au  peuple  juif;  néanmoins,  saiut  Paul 
jette  les  bases  de  l'instruction  scientifique,  le 
jour  qu'il  descend  dans  la  ville  d'Athèn^  s.  S'il 
prêche  au  s^  in  de  l'Aréopage,  vous  croiriez  en- 
tendre le  disciple  de  Platon  et  le  favori  des 
Muses  :  il  se  faisait  tout  à  tous,  pour  le?  ga- 
gner tous  à  Jésus-Christ.  Le  beau  discours  sur 
le  Dieu  in(  onuu  prépare  déjà  les  fiançailles  de 
la  foi  avec  la  raison.  Les  Hiérarchies  de  saint 
Denys  crayonnent,  d'une  main  sûre,  les  con- 
tours de  la  théologie  dogmatique  ;  et  l'épiîie 
à  Diognke  ouvre  la  série  des  traités  de  contro- 
verse pour  la  réfutation  des  philosophes. 

V.  Sous  la  pé'iiide  apostolique,  nous  voyons 
les  pères  et  les  mères  exclusivement  ehai-f^és 
du  soin  d'élever  l'enfance.  «  Pères,  lisons-nous 
dans  les  Constiluliuns  (jui  portent  les  noms  des 
apôtres,  pères,  instruisez  vos  l;ls  dans  le  Sei- 
gneur, formez-les  à  la  discipline,  dressez-les 
suivant  la  loi  de  Dieu  ;  apprenez-leur,  en  outre, 
des  métiers  utiles  et  conformes  à  la  uarole  du 


Sauveur;  de  crainte  qn3,  l'occasion  vpnne,' 
s'ils  n'ont  pas  fléchi  sous  le  joug  de  l'obéis- 
sance, ils  ne  s'émancipent  de  Nmne  heure  et 
ne  s'éloignent  orguiiileusenien\:  du  chemin  de 
la  vertu...  Si  la  perte  des  enlàn'.s  est  due  àl'in- 
curie  des  père  et  mère,  ceux-ci  deviendront  res- 
ponsables de  leur  mort  {Const.  ajjOil.,  iv,  12).  » 
Une  marque  du  grand  soin  qu'avaient  les 
pères ellesmcres  debien  instruin'  leurs  familles, 
c'est  que  l'on  ne  voit,  dans  l'Eglise  des  pre- 
miers siècles,  aucun  vestige  de  catéchèse  pu- 
blique pour  les  enfants,  ni  aucune  école  pour 
ceux  qui  avaient  été  baptisés  avant  l'usage  de 
la  raison.  «  Les  maisons  particulières  étaient 
alors  des  églises,  dît  saint  Jean  Chrysostome 
{Bomil.,  iLVi,  in  Epist.  ad  Cor.).  » 

PlOT, 
curé-doyen  de  Juzennecourt. 


QUESTIONS   D'HISTOIRE 

OHIC-KES   DU   POUVOIR  TEMPOREL  DES   P.\PES. 
(Sjite  et  fin.  —  Voir  le  n'  47.) 

IV 

INSTITCTION  DES  EMPEP-EURS  d'oCCIDENT.  —  CARAC- 
TÈRES HE  LA  SOUVERAINETÉ  TEMPORELLE  DES  PON- 
TIFES   ET    DU    SAINT    EilPlRE    ROMAIN. 

((  Nous  demandons,  dit  Bergier,  quelle  infi- 
a  délité  le  Pape  a  commise  envers  l'empereur 
«  d'Orient.  Celui-ci  ne  voulant  plus  être  le  pro- 
a  lecteur  de  Rome,  ni  de  l'exarchat,  le  Pape  en 
«  chercha  un  autre.  Ce  n'est  pas  cette  contrée 
u  qui  s'est  soustraite  à  la  domination  des  empe- 
0  reurs,  ce  sont  eux  qui  l'ont  abandonnée  à  son 
«  malheureux  sort  (1).  » 

«  l'"urcut-ils  usurpateurs,  ces  papes  qui  mon- 
trèrent jusqu'au  dernier,  leur  fidélité  aux  em- 
pereurs d'Orient?  »  —  Etienne  111  reprenant  la 
politique  de  ses  prédécessnrs ,  intervint  près 
d'Asloiphc ,  et  pai  .ses  légats  cl  par  une  démar- 
che personnel. e,  ^àin  d'obtenir  la  restitution  de 
l'cxaichat  à  rem[iire,  et  celle  des  autres  cités  du 
duché  romain  à  la  république  de  Home...  Astol- 
phc,  piévenant  la  requête  du  saint  Pontife, 
intima  à  celui-ci  la  double  défense  de  revendi- 
quer pour  les  empereurs  l'exarchat  de  Ravennc, 
et  de  réclamer  pour  la  république  romaine  les 
cités  euvahies  par  les  rois  lombard*  (2).  a  Etienne 
répondit  ipie  nulle  violence  ne  saurait  enchaîner 
la  parole  sur  les  lèvres  d'un  pontile  ;  et  en  pré- 
sence même  d'Astolphe,  le  Pape  éleva  la  voix, 
et  somma  le  roi  parjure  de  rendre  à  chacun  ce 

1.  Liber  PoHi  ficnh's,  Etienne  III, 

2.  Ik'iiitr   au  :ii.>t  I au*. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


I50t 


qui  lui  appartenait  :  tit  propria  propriis  restitue- 
rci.  Et  c'était  au  bén('fi(;e  de  rempercnr  byzan- 
tin Copronyme,  cet  iconoclaste  sanguinaire  dont 
il  espérait  la  conversion,  que  le  pnpe  Elienne 
affrontait  la  colère  du  roi  lombard.  Il  remettait 
à  ce  dernier  Jes  li;',tros  impériales  écrites  et 
signées  par  le  (!6sar  de  Byzaiice  :  et  impériales 
litteras  illi  trihuit.  Nous  insistons  sur  tous  ces 
textes,  ajoute  M.  Darras  nprès  avoir  raconté  ces 
taits,  parce  que  les  historien  :  modernes,  après 
avoir  reproché  à  saint  Grégoire  le  Grand  sa  tidé- 
lité  à  l'alliance  l)yzantiue,  font  un  crime  à 
Etienne  !II  d'avoir  abandonné  les  empereurs  de 
Constantinople.  U  faudrait  pourtant  mettre  quel- 
que logiijue  dans  les  incriminations  qu'on  se 
permet  contre  la  papauté.  Non,  «  les  papes  ont 
gardé  jusqu'au  dernier  moment  la  même  ligne 
de  conduite.  Aucun  d'eux  n'abandonna  l'em- 
pire byzantin,  mais  cet  empire  s'abandonna  lui- 
même.  » 

Furent-ils  vassanx  des  princes  francs?  On  va 
être  immédiatement  fixé  sur  ce  point,  par  des 
documents  authentiques.  «  En  774,  la  IV"  férié 
après  le  dimanelie  de  Pâques  (6  avril),  Cliarle- 
magne,  vainqueur  de  Ditlier,  se  rendit  accom- 
pagné de  ses  juges,  clercs  et  leudcs,  à  la  basili- 
que vaticane.  Là  sur  l'autel  de  la  confession,  — 
dit  le  Liber  Pontificalis,  le  pape  Adrien  ra[)pela 
au  héros,  la  promesse  que  son  père  de  sainte 
mémoire,  le  roi  Fépiu,  ainsi  que  lui-même  le 
très-excellent  Charles,  et  Carloman  sou  fière, 
avec  l'assentiment  de  tous  les  leudcs,  avaient 
souscrite  au  bienheureux  Pierre,  et  à  son  vi- 
caire le  seigneur  pape  Elienne  III,  lors  du  voyage 
de  ce  dernier  en  France,  s'engageant  à  concé- 
der et  livrer  diverses  cités  et  territoires  en  Italie 
an  bicnheiH'eux  Pierre  et  à  tous  ses  vicaires 
pour  en  jouir  par  eux  à  perpétuité.  Charlemagne 
fit  alors  donner  lecture  du  texte  do  la  j^roinesse 
autrefois  l'cdii-'éc  en  France,  à  la  villa  de  Caii- 
siacum  (Quercy-sur-Oise).  11  en  ajqirouve  de 
nouveau  la  teneur;  les  juges  qui  l'accompa- 
gnaient y  donnèrent  de  même  leur  assentiment. 
Son  chapelain  et  notaire,  le  religieux  et  pru- 
dent Etherius  eut  ordre  de  rédiger  une  nouvelle 
formule  de  donation  dans  la  teneur  de  la  pre- 
mière. »  —  Or,  jusqu'à  ces  derniers  temps,  on 
«royait  ne  plus  posséder  la  promesse  de  Quiercy- 
sur-Oisc ,  et  les  adversaires  du  pouvoir  tem- 
porel, notamment  le  président  Bonjean,  se  dou- 
naietit  carrière  en  su[iposaut  que  ce  pouvoir 
n'était  qu'un  iloma'-\e  utile,  et  non  une  souve- 
raineté proprement  dite.  Voici  le  texte  de  ce 
document  c.qtital,  tel  qu'on  l'a  retrouvé  dans  le 
«  Codice  di/jlninatico  longobordo  »  du  savant 
paléographe  nupohtain  Carlo  Troya,  au  tome  V, 
page  503,  n°  oSt. 

«  Pacte  a  alliance  conclu  avec  le  pape  Etienne 
«  war  le  roi  Péiùn  à  Carisiacum,  du  cousente- 


<  ment  de  tous  les  ahbi?s,  ducs  et  comtes  francs; 
«  —  Si  le  Seigneur  notre  Dieu  nous  rend  vain- 
a  queurs  de  la  nation  et  du  royaume  des  Lom- 
«  bards,  nous  concédons  à  vous^.  bienheureux 
•  Pierre,  prince  des  apôtres,  et  aux  Papes  vos 
0  Ticaires,à  tout  jamais,  en  totalité  sans  aucune 
a  réserve  pour  nous  ni  nos  successeurs,  —  sauf 
«  seulement  lebénéfice  de  vos  prières  pour  notre 
a  âme  et  le  litre  que  vous  nous  con  Ferez  de  patrice 
«  des  Romains, —  toutes  les  cilés,  duchés  et  ckà- 
«  teaux  compris  dans  l'exarchat  de  Ravenne,  en- 
«  semble  tout  ce  qui  précédemment  relevait  de 
«  la  domination  des  empereurs  avec  toutes  les 
«  annexes  des  territoires  aujourd'hui  dévastés, 
«  envahis,  ou  de  toute  auti'e  manière  usurpés 
«  par  la  très-inique  race  des  Lombanls,  et  com- 
o  pris  de  Saint-Pierre  à  Pistoie,   à  Luni,  Luc- 
«  ques,  le  monastère  Saint-Vivien  sur  le   mont 
«  du  Pasteur,  Parme,  Regium,  Mantoue,  Vérone, 
0  Viceuce,  Moule    Silice,    Bilunca  {Paîud)  le 
0  duché  de  Venise  el  d'Islrie  en  totalité,  avec 
«  toutes  les  villes,  châteaux,  bourgs,  vKlas,  pa- 
«  roissses  etéglises  ;  la  cité  d'Adria,  Comacchio, 
«  Ravenne  avec  tout  l'e.xarchat  sans  aucune  ex- 
«  ception  ;  l'Emilie;  les  deux  Toscanes,  celte 
«  des  Romains  el  des  Lombards  ;  la  Pentapole, 
«  Moutefeltro,  Urbino,  Cagli,  Luccoli,  Eugubio, 
«  Jési,  Osimo  ;  le  duché  de   Spolèle  en   entier, 
«  Polimarjo,  Narni,  Ulricoli,  Marlierario,    Cas- 
«  Irum  Velus,  CoUinovo,  Selli,  Popolonia,  Cen- 
«  tum-Cellœ  (C/y(Va  Vecc/iia),  Porto.  Ostie  ;   la 
a  Campauic  intégralement  :  Anagni,  Segni,  Fri- 
«  silio,  Piperno,  Veroli,   Palrica,  Castrum,  Fer- 
«  ratus,   Teriaciiie,  Fundi ,   Spelunca  (id.   est 
Cl  Grolla   Fcrrala),  Gaëte.  —  Et  si  le  même  Sei- 
«  gneur  notre  Dieu  fait  tomber  en  notre  pou- 
a  voir  les  cilés  de  Bénévenl  et  de  Naples,  nous 
«  les  concédons  d'avance  à  vous,  très-bienheu- 
«  reux  Pierre,  avec  les  provinces  déjà  nommées, 
«  savoir  l'Emilie,  la  Pentapole,  leà  deux  Tos- 
<  canes,   le   duché   de   Pérouse,  le   duché   de 
«  Spolèle,  avec  toutes   leurs    cilés,   châteaux, 
«  monastères,  évêchés  :  et  ainsi  eu  faisons  le 
'I  S'rment.  i>  — Tel  est  le  pacte  de  Quiercy-sur- 
Oise,  restitué  de  nos  jours  à  l'h  stoire  par  la 
science  palôographique.   Bien  qu'on  l'ait  tenu 
le  plus  possible  dans  l'ombre  chez  nous,  M.  Da- 
reste,    dans  son   Histoire  de  France,   n'hésite 
point  à  le  signaler  comme  un  monument  de  la 
plus  haute  importance.  Il  y  trouve  la  preuve  la 
plus  irréfragable  qu'il  s'agissait  pour  la  papauté 
non  pas  d'un  domaine  utile,  mais  d'une  véri- 
table souveraineté   pour  les  pr'»vinces  concé- 
dées. 

Notons  ici  que  la  ville  de  Rome  et  la  Répu- 
blique romaine,  pour  parler  comme  les  pièces 
authentiques  citées  plus  haut,  ou  encore  l-J 
duché  de  Rome,  ne  sont  pas  mentionnés  dans 
Il  donation.  Pépin  n'y  songeait  guère,  par  la 


iSJO 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


raison,  dit  Rolirbac  ^er,  que  déjà  précédemment 
Rome  et  les  villes  Je  sa  dépendance  apparte- 
naient à  i'Es'ise  romaine  par  la  donation  du 
Temps,  premier  ministre  de  la  Providence  pour 
es  aCfaipe's  de  ce  monde. 

J'ai  lu  dans  le  même  Rohrbaclier  une  lettre 
de  Pépin  au  pape  Etienne  III  dont  voici  le  sens 
(je  n'ai  pas  le  texte  sous  les  yeux  en  ce  mo- 
ment, mais  le  sens  en  est  certain,  et  très-pro- 
bant)': 11  y  a  trois  grandes  autorités  sur  la 
terre;  celle  du  Souverain  Pontife,  qni  est  la  pre- 
mière, et  qui  vous  appartient  ;  celle  de  l'empe- 
reur de  Constantinople  ;  celle  de  roi,  qui  est 
aussi  à  vous. 

Si  les  Papes  sont  restés,  de  droit,  vassaux  des 
empereurs  d'Orient,  pour  vingt-deux  villes  don- 
nées,dontrambassadeurde  Pépin  apportelesclefs 
sur  le  tombeau  de  saint  Pierre,  voici  les  règles 
du  droit  des  gens  qui  nous  le  diront.  Pères  d'un 
peuple  eu  pCiril,  dit  Mgr  Mathieu,  archevêque 
de  Besançon  (1),  les  papes  avaient  le  droit  de 
demander  pour  lui  asile  et  protection  aux  Francs, 
quand  l'empire  (d'Orient)  les  abandonnait.  » 
C'est  le  fait.  Des  protestants  vont  nous  expli- 
quer le  droit  en  s'appuyant  sur  im  des  plus 
grands  docteurs  de  l'Eglise.  Pufiendorf  :  «  Tout 
le  monde  convient  que  les  sujets  d'un  monar- 
que, lorsqu'ils  se  voient  sur  le  point  de  périr, 
sans  avoir  aucun  secours  à  attendre  de  leur 
,  souverain,  peuvent  ge  soumettre  à  un  autre 
prince.  »  Grotius  n'est  pas  moins  explicite  : 
«  Aucune  partie  d'un  Etat,  dit-il,  n'a  le  droit 
de  se  détacher  du  corps,  à  moins  toutefois  que 
sans  cela  elle  ne  soit  manifestement  réduite  à 
périr  :  car  tous  les  établissements  humains 
semblent  renfermer  l'exception  tacite  du  cas 
d'une  extrême  nécessité,  qni  ramène  les  choses 
au  seul  droit  naturel.  »  —  Grotius  cite  un  pas- 
sage de  saint  Augustin  qui  n'est  pas  moins  for- 
mel :  «  Parmi  toutes  les  nations,  on  a  mieux 
aimé  se  soumettre  au  joug  d'un  vainqueur,  que 
d'être  exterminé  en  s'exposantauxderniers  actes 
d'hostilité  :  c'est  comme  la  voix  de  la  nature.  » 
A  plus  forte  raison,  dirons-nous,  l'Exarchat,  la 
Pentapole,  l'Emiha,  les  deux  Toscanes,  les  du- 
chés de  Spolète  et  de  Béuévent,  pouvaient-ils 
mieux  se  soumettre  au  joug  de  libérateurs 
tels  que  Pépin  et  Charleraagne,  qui  les  déli- 
"  vraient  des  dernières  hostilités  et  de  la  tyrannie 
des  barbares  de  Lombardie;  non  pas  et  cela, 
pour  les  garder,  mais  pour  les  donner  au  sou- 
verain de  leur  choix,  à  leur  protecteur  sécu- 
,  laire,  à  leur  juge-roi,  dont  elles  désiraient  et 
appelaient  de  tous  leurs  vœux  la  paternelle 
eouveraineté. 

Insistons,  et  donnons  de   nouvelles  preuves 

l.  L)  Pcuvoir  temporel  des  fapii  justifié  par  thisloirt; 
page  7i^  obte  2. 


que  le  domaine  temporel  des  Papes  a  revêtu  les 
caractères  d'une  véritable  souveraineté,  et  qu'ils 
ne  tombèrent  pas,  après  la  chute  de  l'empire 
d'Occident,  sous  la  dépendance  des  empereurs 
francs  ou  germains. 

La  dignité  impériale  fut  rétablie  par  le  Pape 
seul.  Tous  les  documents  prouvent  ju-qu'àl'évi- 
diuce  que  Charlemaf;ne  ni  ne  l'a  désirée,  ni 
môme  ne  s'y  attendait  lorsque  le  saint  Pontife 
Léon  III  l'en  investit.  Depuis  "53,  Pépin  et  ses 
fils  étaient  patriccs  des  Romains,  c'est-à-dire 
défenseurs  de  l'Eglise  et  du  peuple  soumis  au 
Pape,  contre  les  barbares  qui  les  avaient  envahis 
et  menaçaient  de  les  envahir.  C'est  le  Souverain 
Pontife,  en  son  nom  et  au  nom  du  peuple,  qui 
avait  conféré  cette  charge  de  patrice  aux  rois 
francs.  En  799,  Léon  III  fut  l'objet  et  la  victime 
d'un  attentat  horrible,  d'une  conspiration  ourdie 
par  des  mécontents  devenus  rebelles.  On  lui  creva 
les  yeux,  et  il  fut  contraint  de  se  laisser  con- 
duire hors  de  Rome.  Il  se  réfugia  d'abord  à  Spo- 
lète, puis  en  France.  De  retour  à  Rome,  il  prit 
la  résolution  de  compléter  son  œuvre  :  c'est-à- 
dire  d'investir  le  roi  Charles  de  la  dignité  im- 
périale, aliu  de  le  constituer  dans  un  rang  si 
élevé,  ([u'il  fût  le  défenseur  de  l'Eglise  et  du 
Saint-Siège ,  selon  toute  l'acception  du  mot, 
qu'il  les  protégeât  contre  les  ennemis  du  dehors 
et  contre  ceux  du  dedans  qui  pourraient  surgir. 
Pour  cela,  il  fallait  uu  lien  de  plus  entre  le 
Saint-Siège,  le  peuple  qui  lui  était  soumis,  et  le 
patrice  devenu  empereur.  L'éeueil  à  éviter  con- 
sistait dans  le  danger  pour  le  Pape  et  le  peuple 
du  nouvel  Etat  de  perdre  leur  indépeudauce. 
Avec  Charlemagne,  rien  n'était  plus  facile  que 
d'éviter  cet  écueil.  Le  fds,  comme  son  père,  avait 
agi  dans  les  vues  les  plus  religieuses  et  les  plus 
désintéressées  en  taisant  restituer  au  Pape  Rome 
et  le  duchéet,  eu  lui  donnant  enplus  l'Exarchat 
et  la  Pentapole.  Les  sentiments  admirables,  les 
vues  pleines  de  sagesse  ressortcntdcsformulesde 
serment  qui  accompagnaient  etsuivaient  lesacre. 
Voici  la  formule  du  seiment  prononcé  par  les 
empereurs  à  la  solennité  de  leur  couronnement, 
telle  qu'elle  a  été  conservée  dans  un  ancien  Ofdo 
du  couronnement  des  Carlovingiens,  et  qui  a 
pour  titre:  Jncipit  Ordo  romamus  ad  benedican- 
dum  /mperalorem,  quundo  coronam  accipil.  — 
Promesse  de  l'empereur.  —  in  nomine  C/itisli 
promitto,  spondeo  atque  polliceor  ego  N-,  impera- 
tor,  corain  Deo  et  B.  Petro^  me  protectorem,  atque 
defensorem  esse  /tu jus  sanclœ  llomanœ  Ecclesiœ  in 
omnibus  vtilitatibus,  in  quantum  dtcino  jultus  fuero 
adjutuiio,  sccundum  m''um  scire  ac passe .  — C'est 
après  ce  serment  que  les  cardinaux  procédaient 
à  la  cérémonie  de  l'onction,  et  ensuite  le  Pape 
à  celle  du  couronnement.  Rien  dans  cette  for- 
mule n'attribue  la  souveraineté  à  l'Empereur, 
ni  sur  le  Pape,  ni  siA  ses  sujets.  Il  n'y  est  que** 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


«Sil 


tion  que  d'engascmonls  très-nobles,  très-chré- 
tiens de  la  part  de  l'élu,  à  titre  de  protecteur  et 
de  défenseur,  non  à  l'égard  de  sujets,  mais  de 
cette  sainte  Eglise  romaine  dont  la  dignité, 
comme  l'écrivait  Pépin  naguère,  est  la  pre- 
mière du  monde,  et  ne  reconnaît  pas  de  supé- 
rieur sur  la  terre.  Toutefois,  il  n'y  a  pas  d'enga- 
gement de  ce  genre  sans  réciprocité  ;  et  le  but 
du  saint  pontife  Léon  111  n'aurait  pas  été  suffisam- 
ment atteint,  s'il  n'y  avait  eu  d'engagement  que 
de  la  part  de  l'empereur.  Ce  n'est  ni  la  sainte 
Eglise  romaine,  ni  le  Pape  qui  prêteront  serment 
à  l'empereur  ;  mais  ce  sera  le  peuple.  La  formule 
de  cet  autre  serment  nous  a  été  aussi  conservée. 
On  va  voir  qu'elle  ne  laisse  rien  à  désirer,  et 
qu'elle  achève  de  démontrer  que  la  dignité  im- 
périale et  la  fonction  de  protecteur  et  de  défen- 
seur de  la  sainte  Eglise  romaine  n'emportait  ni 
la  dépendance  du  Pape,  ni  l'aliénation  des  droits 
et  des  obligations  du  peuple  romain.  Les  annales 
de  la  fameuse  abbaye  de  l'ulda  nous  ont  conservé 
la  formule  de  serment  de  fidélité  du  peuple  ro- 
main à  l'empereur,  comme  le  Codex  Carlovin- 
gien  ceWttdii  serment  impérial.  Je  jure  par  tous 
ces  mystères  de  Dieu,  que,  sauf  l'honneur  et  ma 
loi,  et  la  fidélité  au  St'ifjntur  N.  Pape,  je  suis 
fidèle  et  le  sei'ai  tous  les  jours  de  ma  vie,  au  Sei- 
gneur N.  empereur,  et  que  je  ne  f'!rai  société 
avec  qui  que  ce  soit  pour  lui  manquer  de  fidélité. 

C'est  en  ces  termes  que  tout  le  peuple  romaii! 
prêta  serment  à  Louis  le  Pieux,  empereur,  en 
816,  à  la  mort  de  saint  Léon  III,  sur  l'ordre 
d'Etienne  son  successeur  (I). 

Ainsi,  associé  à  la  souveraineté  temporelle  du 
Pape,  l'empereur  ne  recevait  pas  pour  cela  com- 
munication de  la  puissance  législative  :  Salvo 
honore  et  Lege  hea,  dit  la  formule.  Le  peuple 
romain  stipulait  e.Kiiressémcnt  laconservation  de 
ses  lois  particulières  dans  leserment  delà  fidélité 
qu'il  prêtait  à  l'empereur.  En  second  lieu,  la  fidé- 
lité au  Pape  primait  toujours  celle  que  l'on  j>ro- 
mettait  à  l'empereur  :  Salva  fiddilate  D.  Pupœ. 

Disons  en  passant  que  si  ces  .importants  docu- 
ments mrttent  en  évidence  la  puissance  suprême 
du  Pape,  àlatiuclle  l'empereur  était  associé  par 
son  couronnement,  elles  montrent  aussi  que  les 
Romains  étaient  loin  de  rester  étrangers  à  l'ad- 
ministration de  leur  ville. 

Toutefois,  nous  le  répétons,  rien  n'était  plus 
utile,  plus  nécessaire  et  plus  noble,  que  cette 
délégation  de  la  souveraineté  papale  aux  empe- 
reurs, et  l'exercice  du  pouvoir  dont  elle  était  la 
source,  à  cause  des  factions  qui  pouvaient  trou- 
bler Rome  et  bouleverser  l'ordre  établi,  et  que 
l'autorité  impériale  était  seule  en  mesure  de 
comprimer  effiiacement.  Dans  la  conception  de 
cette  création  tutélaire  pour  l'Eglise  romaiue  et 

■  i.  Ànaltcta  Juris  Pontificii,  col.  1719.  Nov.  1855. 


pour  le  peuple  romain,  tout  avait  été  prévu,  et, 
avec  le  temps,  la  véritable  nature  de  ce  pouvoir 
se  démontrait.  Ainsi,  l'histoire  nous  a  conservé 
deux  formules  de  serment  au  temps  des  Carlo- 
vingiens.  En  voici  deux  autres  que  prononçaient 
les  empereurs  germains,  loisque,  après  98  ans 
d'interruption,  l'empire  passa  à  la  Germanie. 
La  première  formule  est  celle  du  serment 
qui  précéda  le  couronnement  du  premier 
empereur  germain,  Othon.  Il  le  prêta  par  ses 
mandataires,  qui  jurèrent  de  la  manière  sui- 
vante: «  Le  roi  Othon  promet  par  nous  au 
seigneur  Pape  Jean  XII,  et  jure  par  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint  Esprit,  et  par  ce  bois  de  la  croix 
salut.aire,  et  par  ces  reliques  des  saints,  que 
s'il  vient  à  Rome,  Dieu  le  permettant,  il  exal- 
tera de  tout  son  pouvoir  la  sainte  Eglise  ro- 
maine, et  son  recteur,  le  dit  seigneur  Jean  pape, 
s'il  le  trouve  en  vie,  sinon,  celui  qu'il  y  aurait  ; 
et  ni  lui,  ni  aucun  de  ses  successeurs  ne  perdra 
jamais,  par  la  volonté  et  le  consentement  dudit 
Othon,  ni  par  son  conseil  et  son  instigation,  la 
vie  ou  les  mi'mbres  ainsi  que  l'honneur  qu'il  a. 
Et  le  dit  Othon  ne  tiendra  dans  Rome  aucua 
plaid  {placilum)  et  no  fera  aucune  ordonnance 
sans  votre  consentement  touchant  les  choses  qui 
appartiennent  au  Pape  et  aux  Romains.  » 

Les  empereurs  germains  répétaient  les  mêmes 
engagements  lors  de  leur  couronnement  :  «  In 
«  Romana  urbe  nullum plucitum,aut  ordinationem 
((  facinm  de  omnibus  quœ  ad  te,  aut  ad  Homanos 
V.  pertinent,  nisi  de  tuo  consilio{\).   » 

Enfin,  dans  l'édit  que  l'empereur  publiait 
à  l'occasion  de  son  couronnement,  et  qui  n'était 
antre  que  le  pacte  solennel  de  confirmation  ou 
de  reconnaissance  de  tous  les  droits  temporels 
du  Saint-Siège,  il  disait  en  parlant  de  toutes 
les  provinces  qui  constituent  ce  domaine  tem- 
porel :  Nullamque  in  eis  nobis  partem  aut  potes- 
tatem  disponendi,  vel  judicandi,  subtrahendive 
aut  minorandi  vindicamus,  nisi  quando  ab  illo  qui 
eo  tempore  hujus  S.  Eccksiœ  regimen  tenuerit, 
rogati  (uerimus  (-2). 

Ces  documents,  dont  l'importance  est  capitale, 
ne  peuvent  plus  laisser  aucun  doute  dans  l'es- 
prit des  hommes  de  bonne  foi  sur  le  vrai  carac- 
tère du  saint  empire  romain  :  Il  est  une  protec- 
tion et  une  défense  pour  l'Eglise  romaine  et  le 
peuple  qui  lui  est  soumis.  Il  n'a  de  domination 
ni  sur  l'une  ni  sur  l'autre.  (1  n'est  établi,  dans 
les  vues  des  Papes  qui  l'ont  institué,  comme 
dans  celle  des  princes  qu'ils  en  ont  revêtus,  que 
pour  assurer,  au  dedans  comme  au  dehors, 
l'honneur  et  l'indépendance  du  vicaire  deJésus^ 
Christ,  et  la  hberté  du  chef  de  l'Eglise. 

Non-seulement  les  catholiques,  les  juriscon 


1.  Amdeota  J. 
«    Ibii 


P.  ibîi. 


1512 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


suites  pvofestants  que  nous  avons  nommés,  mais 
encore  des  Français  tels  que  Thomassin,  des 
gallicans  tels  que  Fleury  et  Bossuelout  proclanié 
la  justice  originelle  et  les  bienfaits  de  la  domi- 
nation temporelle  des  Papes.  On  peut  voir 
leurs  témoignage"  dans  Rohrbaclier  et  Darras, 
loc.  cit.  Terminons  par  un  extrait  du  cardinal 
Grassollini.  Après  les  pages  éloquentes  de  Joseph 
de  Maistre,  le  témoignage  de  Téminent  cardi- 
nal, citant  Gioberti,  qui  depuis  a  fait  fausse 
roule,  ne  sera  pas  sans  valeur  : 

0  Le  dogme  catholique  ne  saurait  être  indé- 
«  pendant  si  la  société  commise  à  sa  garde  ne 
«  l'est  elle-même  ;  elle  ne  saurait  l'être  au  point 
«  de  vue  spirituel,  si  son  chet  lui-même  n'est 
«  pns  aussi  indépendant  au  point  de  vue  poli- 
«  tique,  eu  étant  placé  au-dessus  de  toute  puis- 
«  sauce  humaine  :  car  la  liberté  et  la  sujétion 
«  sont  contradictoires.  D'un  autre  côté,  la 
c  parole  étant  une  chose  extérieure,  ne  jouit 
H  pas  d'une  liberté  intrinsèque,  comme  la  pen- 
«  sée  ;  elle  peut  être  sujette  à  la  violence  aussi 
«  bien  qu'elle  peut  être  étouffée.  Le  souverain 
«  interprète  des  enseignements  divins  ne  pour- 
«  rait  doue  remplir  sou  office  de  langue  et 
«  d'oracle  de  la  chrétienté,  s'il  ne  jouit  pas  au 
«  point  de  vue  civil  de  la  plus  complète  indé- 
o  pendance.  » 

A  le  bien  prendre,  telle  est  la  raison  provi- 
dentielle du  pouvoir  temporel  des  Papes.  Car 
Dieu,  dans  le  gouvernement  de  ce  monde,  ne  se 
propose  pour  lin  que  le  salut  et  la  sanctification 
des  âmes.  Ni  l'un  ni  l'autre  ne  sont  possibles  et 
faciles  que  par  ceux  qu'il  a  établis  sur  la  terre 
pour  enseigner,  paître  et  gouverner  son  bercail 
avec  le  titre,  la  grâce  et  les  fonctions  de  ses 
vicaires.  Voilà  pourquoi,  dans  des  temps  de 
barbarie,  de  trouble,  d'hérésies  et  de  schismes 
de  tout  genre,  il  a  procuré  leur  indépendance 
par  le  pouvoir  temporel.  Voilà  pourquoi  ce  pou- 
voir est  plus  que  jamais  nécessaire  dans  des 
temps  d'impiété,  de  troubles  aussi,  d'obscurcis- 
sement et  de  négation  de  toutes  les  lois  divhies 
et  humaines. 

L'abba  Defourst, 
curé  de  Beaumout  en  Argonne 


B  iograph  i  o 


DOM    GUËRAN6ER 

ABBÉ  DE  SOLESMES. 

(.Suite,) 

Ces  deux  appréciations  esthétiques,  dont  l'une 
n'était  pas  de  l'auteur,  ne  tiennent  pas  déjà  tant 
d«  place  dans  le  livre^  pour  qu'il  puisse  être 


jugé  comme  s'il  ne  contenait  pas  d'aut.ts  choses. 
Mais  ou  ne  l'a  pas  remarqué  d'aujourd'hui  :  la 
pa-^sion  et  la  liberté,  loin  de  s'exclure,  se  ren- 
contrent volontiers  dans  les  mêmi'S  jugements. 
Les  étuis  de  violon  étaient  emprualés  à  un 
archéologue  anglais,  Welby  Pugin;  ce  savant 
avait  observé  que  nos  chasuldes  françaises,  à 
force  d'être  roides  etéchancrées  sur  le  devant, 
ressemblaient  assezàun  violon  vu  deface,etpour 
s'épargner  l'irrévérence,  il  n'avait  parlé  que  de 
l'étui. Cette  citation ,  d'un  écrivain  fort  estimé  dçs 
évêques  et  du  clergé  d'Angleterre,  ne  pouvait 
constituer  un  scandale.  Qianl  au  bonnet  de 
chœur,  il  avait  pris  en  France  la  forme  d'un 
pain  de  sucre  surmonté  d'une  pomme  de  jeune 
choux  :  il  était  fort  ridicule,  surtout,  lorsque 
ses  porteurs  étaient  un  pf>u  gros,  et  excitait  si 
efficacement  le  rire  qu'il  est  reste,  comme  une 
arme,  dans  le  répertoire  de  la  caricature.  Le 
rétablissement  de  la  barelte  romaine  est  assu- 
rément la  meilleure  réponS'i  qu'on  puisse  faire 
à  ceux  qui  trouvèrent  mauvais  que  dom  Gué- 
ranger  eût  signalé,  dans  le  bonnet  pointu,  ua 
défaut  de  goût  et  de  conveiance.  Par  ces  deux 
critiques,  Pabbé  de  Solesmes  voulait  seulement 
porter  l'attention  sur  l'extrême  liberté  avec 
laquelle  les  fabricants  d'orne  ^nts  travaillaient 
dans  leurs  ateliers,  et  sur  lu  déplorable  docilité 
avec  laquelle  on  acceptait  leurs  caprices  sans 
s'inquiéter  si  la  coupe  des  vêtements  sacrés  est 
déterminée  ou  non  par  les  règles  de  la  sainte 
Eglise.  Dom  Guéranger,  comme  Kohrbacher, 
comme  plusieurs  autres,  se  sera  donc  permis 
ces  fautes  volontaires,  qu'une  critique  fine  peut 
ne  pas  admettre,  mais  qui,  en  tombant  sous  la 
critique,  ont,  dans  l'intention  de  l'auteur,  pour 
but  de  provoquer  l'attention  de  l'esprit,  voire 
la  réaction  d'un  meilleur  goût. 

Pour  le  surplus,  on  avait  souvent  imputé,  à 
l'abbé  de  Solesmes,  des  assertions  qui,  non- 
seulement  ne  lui  appartiennent  pas,  mais  qui 
étaient  contraires,  diamétralement  contraires, 
à  ses  thèses.  Il  eût  été  difiicile  de  l'en  rendre 
responsable.  Mais  ce  sont  la  effets  de  passion, 
que  la  passion  se  permet  en  ses  emportements, 
dont  elle  rougit  après  coup,  et  qui,  finalement, 
ne  contribuent  que  mieux  au  triomphe  de  l'au- 
teur incriminé. 

Sur  le  fond  de  la  controverse  soutenue  en 
France  par  l'évêque  d'Orléans  et  l'archevêque 
de  Toulouse,  voici  ce  qu'écrivait  cinq  ans  plus 
tard  le  cardinal  Gousset  : 

«  Les  papes,  dit  le  savant  et  judicieux  cardi- 
nal, ont  toléré  nos  liturgies  particulières,  mais 
les  ont-ils  approuvées  ?  Non  :  on  n'approuve 
point  ce  que  l'on  tvlère  ;  car  on  ne  tolère  que  ce 
qui  est  défectueux,  irrégulier,  contraire  au  texte 
ou  à  l'esprit  d'une  loi.  Aussi,  loin  de  regardrer 
la  tolérance  du  Saint-Siège  comme  une  approj 


I 
I 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


151» 


batîon  de  ce  qui  s'est  fait  en  France  relative- 
ment à   la  liturgie,  on  doit  plulùl  en  conclure 
que  les  papes  ne  l'ont  jamais  approuvé.  Cepen- 
dant, par  cela  même  qu'ils  les  ont  tolérées,  et 
qu'ils  les  tolèrent  encore,  les  liturgies  particu- 
lières à  divers  diocèses,  quoique  malériellemeut 
anticanoniques,  peuvent,    à   noire    avis,   être 
regardées    comme    «juasi-canoniques  pour  les 
simples  prêtres  aus^vrcls  on  ne  permet  pas  de 
se  servir  de  la  liturgie  romaiue,  et  même  pour 
ceux  des  évoques  qui  les  ont  introduites  de  bonne 
foi,  ou  qui,  en  eti   reconnaissant  l'irrégularité, 
d'après  les  décisions  de  la  sacrée  Congrégatioa 
des  Rites,  ne  les  conservent  qu'en  travaillant  à 
préparer  le  retour  à    l'unité  liturgique,   tant 
désirée  par  notre  Saint-Père   le  Pape  et  la  plu- 
part de  nos  vénérables  collègues  dans  l'épisco- 
pat.  On  sait,   en  effet,  que  conformément  aux 
constitutions  de  saint  Pie  V  et  aux   vœux  des 
souverains  pontifes,  sur  treize  conciles  provin- 
ciaux qui  ont  eu  lieu   récemment  en  France, 
huit  se  sont  déclarés  pour  le  rétablissement  de 
la  liturgie  romaine,  et  que  la  même  tend;iuce 
6'est  manifestée  dans  les  autres  provinces  (1).  » 
«  Du  tout  ce  qui  s'est  dit  et  de  tout   ce   qui 
s'est  passé  au  sujet  de  la  liturgie,  écrivait  un 
autre  prélat,  il  résulte  que  l'attention  publique 
est  complètement  éveillée  et  les  études  sérieu- 
sement dirigées  vers  la  science  liturgique  ;  que 
la  propagation  de  la  liturgie  parisienne  est  ar- 
rêtée et  que  le  mouvement  de  retour  à  la  litur- 
gie romaine  la  remplace  (2).  » 

Le  vœu  d'un  retour  à  l'unité  n'était  pas,  en 
effet,  un  vœu  chimérique  ;  ce  vœu  n'était  pas, 
ne  pouvait  pas  être  un  outrage  aux  évêques  ;  ce 
n'était  pas  un  outrage  aux  églises  de  France 
qu'une  déviation  passagère  n'avait  pu  engager 
à  jamais  dans  tics  voies  funestes.  S'il  apparte- 
nait aux  premiers  pasteurs  et  à  eux  seuls  de 
choisir  le  jour  et  l'heure  propice,  pour  eu  pro- 
curer l'accomplissement  dans  leurs  diocèses  res- 
pectifs, tout  catholique  avait  le  droit  de  dire 
combien  ce  vœu  était  légitime,  et  de  faire  res- 
sortir les  avantages  de  l'unité.  Enfin  la  question 
était  importante  et  la  discussion  utile,  oppor- 
tune. 

Le  cardinal  Gousset  qui  avait,  à  un  degré 
éminent,  la  sens  de  ces  opportunités  providen- 
tielles, offrit  à  Dom  Guérang^r  le  moyen  d'en 
hâter  raboulissement ,  .'  "3  diocèse  de  Reims 
avait,  comme  tant  d'autres, une  de  ces  liturgies 
de  moins  en  moins  conformes  au  rite  romain  ; 
et  son  rituel  étant  épuisé,  il  y  avait,  pour  le 
cardinal,  mise  en  demeure  de  publier  un  nou- 

1.  OSserwidons  tur  un  mémoire  adressé  à  Vépiscoptt.  p.  34 
Ceremarquabie  jugement  du  cardinal  Gousset  s'apjiliqueà 
notre  régime  actuel  du  gouvernement  diocésain.  C'est  af< 
laire  li  voir. 

2.  U^t  Pariais,  De  la  quetticn  lilurgique,  coaclusioo. 


veau  rituel  ou  de  revenir  au  rituel  pnntiBcal 
Pour  l'archevêque  de  Reims,  cette  question  n'en 
était  pas  une,  mais  autant  l'illustre  successeur 
de  saint  Remy,  d'Hincmar  et  de  Gerbert  était 
décidé  sur  les  principes,  autant,  dans  l'action,  il 
étiiit  l'homme  de  tempérament,  trop  heureux 
s'il  pouvait  s'y  tenir  en  conciliant  son  goût 
personnel  pour  la  science  ecclésiastique  et  sa 
dévotion  aussi  fervente  que  réfléchie  envers  la 
Chaire  de  saint  Pierre.  Le  cardinal  Gousset, 
l'auteur  d'uu  cours  de  théologie  parvenu  à  sa 
douzième  édition  et  promoteur  d'une  rénova- 
tion analogue  à  celle  qu'amenaient  les  Institu- 
tiom  liturqirjues,  consulta  donc  l'abbé  de  Soles- 
meselle  Souverain  l'on tife,le pape  Grégoire XVI. 
Le  cardinal  avait  poié  à  l'abbé  de  Solesmes 
les  (juestiiius  suivantes  : 

•1°  Quelle  est  Tautorito  d'un  évèque  particu- 
lier eu  matière  de  liturgie,  dans  un  diocèse  ou 
la  liturgie  romaine  se  trouve  actuellement  en 
usai^e  ? 

2°  Quelle  est  l'autorité  d'un  évèque  particu- 
lier en  m  .tià-e  de  liturgie,  dans  un  diocèse  ou 
la  liturgie  romaine  n'est  pas  actuellement  en 
usage  ? 

3°  Quelle  conduite  doit  garder  un  évèque 
dans  un  diocèse  où  la  liturgie  romaine  a  été 
abolie  depuis  la  réception  de  la  bulle  de  saint 
Pie  V  dans  ce  même  diocèse  ? 

Dom  Guéranger,  parlant  Ju  principe  que  la 
discipline  Cit  l'application  des  dogmes,  cherche, 
dans  la  théologie  liturgique,  le  secret  de  sa 
discipline.  Pour  donner  à  sa  réponse  une  plus 
décisive  évidence,  il  procède  par  propositions, 
savoir  : 

1°  L'immutabihté  et  l'inviolobiUlé  de  la  litur- 
gie importent  au  maintien  du  dépôt  de  la 
foi. 

2"  L'immutabilité  et  l'inviolabilité  de  la  litur- 
gie importent  au  maintien  de  la  hiérarchie 
ecclésiastique. 

3°  L'immutabilité  et  l'inviolabilité  de  la  litur- 
gie importent  un  maintien  de  la  religion  chez 
les  peuples. 

4"  L'unité  liturgique  est  le  vœu  de  l'Eglise, 
et  nous  procure  cette  unité  avec  zèle  et  discré- 
tion. 

5°  L'unité  que  se  propose  l'Eglise  dans  la 
liturgie  n'est  pas  l'unité  matérielle  et  judaïque  ; 
mais  l'unité  vivante,  animée  par  un  progrès 
légitime  et  sans  péril. 

6°  Le  droit  des  coutumes  locales  doit  céder 
au  principe  d'unité,  dans  la  mesure  nécessaire 
an  maintien  et  au  développement  de  ce  principe, 
fondamental  en  matière  de  liturgie. 

7.  Avant  le  décret  du  Concile  de  Trente  et 
la  bullede  saint  Pie  V,  la  liturgie  romaine  était 
l'unique  liturgie  des  églises  d'Occident  et  do 
l'église  de  France  en  particulier. 


15H 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


8°  La  bulle  de  saint  Pie  V,  cnre=serrnnt  l'unité 
liliirgique,  fut  l'expression  du  vœu  de  l'Eglise; 
ECS  dispositions  sont  admirables  de  vigueur  et 
de  discrétion. 

9°  Les  bu  lies  de  saint  Pie  V,pour  la  publication 
du  bréviaire  et  du  missel  romains  de  la  réforme 
du  concile  de  Trente,  ont  été  reçus  dans  l'Occi- 
dent tout  entier,  et  particulièrement  dans  l'é- 
glise de  France. 

10°  Les  églises  qui  ont  adopté  les  livres 
romains  de  saint  Pie  V  n'ont  plus  la  liberté  de 
reprendre  leurs  anciens  livres,  ni  de  s'en  donner 
de  nouveaux  ;  elles  n'ont  pas  non  plus  le  droit 
de  corriger  ou  de  modifier  les  livres  romains. 

11°  Les  églises  qu'une  proscription  de  deux 
cents  ans  exempta,  au  xvie  siècle,  de  l'obliga- 
tion d'embrasser  le  bréviaire  et  le  missel  réfor- 
més desaintPie  V,n'en  sont  pas  moins  tenues  à 
garder  la  liturgie  romaine,  et  n'unt  pas  le  droit 
de  passer  à  une  autre  liturgie,  bien  moins  encore 
de  s'en  fabriquer  une  nouvelle. 

12°  Les  églises  non  astreintes  aux  livres  de 
saint  PieV,  en  même  temps  qu'elle  demeurent 
inviolablement  obligées  au  rite  romain,  exer- 
cent cependant  un  certain  droit  de  correction 
sur  leurs  propres  livres. 

13°  La  prescription  peut  faire  passer  une 
église,  autrefois  astreinte  à  la  liturgie  propre- 
ment dite  de  saint  Pie  V,  dans  la  classe  de  celles 
qui  sont  simplement  tenues  à  la  forme  romaine, 
avec  un  certain  droit  de  correction. 

1 4°  La  solution  des  questions  relatives  au 
droit  de  la  liturgie  intéresse  la  conscience  au 
plus  haut  degré. 

15°  Dans  une  église  non  astreinte  aux  livres 
de  saint  Pie  V,  quand  l'ordinaire  publie  une 
nouvelle  édition  des  livres  du  diocèse,  et  qu'il 
s'élève  un  droit  sur  l'usase  compétent  de  son 
droit  en  matière  de  correction  liturgique,  dans 
ce  doute,  la  présomption  demeure  pour  l'ordi- 
naire, et  les  clercs  ne  doivent  point  faire  ditû- 
culté  d'user  des  livres  qu'il  leur  impose. 

16°  Dans  une  église  astreinte  aux  livres  de 
saint  Pie  V,  la  simple  volonté  de  l'ordinaire  ne 
peut  rendre  licite  l'usage  d'un  bréviaire  ou 
d'un  missel  différents  de  ceux  de  l'Eglise  Ro- 
maine. 

Telle  était,  en  substance,  la  réponse  de  l'abbé 
de  Solesmes;  voici  maintenant  la  réponse  du 
Souverain  Pontife  : 

«  Nous  avons  reconnu  le  zèle  d'un  pieux  et 
prudent  archevêque  dans  lus  deux  lettres 
que  vous  nous  avez  adressées,  renfermant  vos 
plaintes  au  sujet  de  la  variété  des  livres  litur- 
giques qui  s'est  introduite  dans  un  grand  nom- 
bre d'églises  de  Franci;  et  qui  s'est  accrue  en- 
core, depuis  la  nouvelle  circonscri[ition  des 
diocèses,  de  manière  à  ofJenser  les  fidèles.  As- 
surément, nous  déplorons  comme  vous  ce  malheur, 


vénérable  Frète.,  et  rien  ne  nous  semblerait  plu$ 
désirable  que  de  voir  observer  partout,  chez  vous, 
les  constitutions  de  sair>!,  I*ie  V,  notre  prédéces- 
seur d'immortelle  mémoire,  qui  ne  veulent 
excepter  de  l'obligation  de  recevoir  le  bré- 
viaire et  le  missel,  corrigés  et  publiés  à  l'usage 
des  églises  du  rite  romain,  suivant  l'intention 
du  concile  île  Trente,  que  ceux  qui,  depuis 
deux  cents  ans  au  moins,  avaient  coutume 
d'user  d'un  bréviaire  et  d'un  missel  différents 
de  ceux-ci;  de  façon,  toutefois,  qu'il  ne  leur 
fût  pas  permis  de  changer  et  remanier  à  leur  vo- 
lonté ces  livres  particuliers,  mais  simplement 
de  les  conserver,  si  bon  leur  semblait.  Tel  serait 
donc  ainsi  notre  devoir,  vénérable  Frère;  mais 
vous  comprendrez  parfaitement  combien  c'est 
une  œuvre  difficile  et  embarrassante  de  déraciner 
cette  coutume  implantée  dans  votre  pays  de- 
puis un  temps  déjà  long;  c'est  pourquoi,  redou- 
tant les  graves  dissensions  qui  pourraient  s'en- 
suivre, nous  avons  cru  devoir,  pour  le  présent, 
nous  abstenir,  non-seulement  de  presser  la 
chose  avec  plus  d'étendue,  mais  même  de  don- 
ner des  réponses  détaillées  aux  questions  que 
vous  nous  aviez  proposées.  Au  reste,  tout  ré- 
cemment, un  de  nos  vénérables  frères  du  même 
royaume,  profitant  avec  une  rare  prudence 
d'une  occasion  favorable,  ayant  supprimé  les 
divers  livres  liturgiques  qu'il  avait  trouvés  dans 
son  église,  et  ramené  tout  son  clergé  à  la  pra- 
tique universelle  des  usages  de  l'Eglise  ro- 
maine, nous  lui  avons  décerné  les  éloges  qu'il  mé- 
rite {i),  et,  suivant  sa  demande,  nous  lui  avons 
bien  volontiers  accordé  l'induit  d'un  office  vo- 
tif pour  plusieurs  jours  de  l'année,  afin  que  ce 
clergé  livré  avec  zèle  aux  fatigues  qu'exige  le 
soin  des  âmes,  se  trouvât  moins  souvent  as^ 
treint  aux  offices  de  certaines  fériés,  qui  sont  les 
plus  longs  dans  le  bréviaire  romain.  Nous  avons 
même  la  confiance  que,  par  la  bénédiction  de 
liieu,  les  autres  évèques  àe  ?  tance,  suivront  tour 
à  tour  l  exemple  de  leur  collègue,  principalement 
dans  le  but  d'arrêter  cette  très-périlleuse  faci- 
lité de  changer  les  livres  liturgiques.  » 

Ainsi  la  question  de  droit  était  résolue  dans 
le  même  sens,  avec  une  parfaite  conformité  do 
vues,  par  la  science  et  par  l'autorité.  Entre  le 
docteur  et  le  Pontife,  i'  y  avait  accord  parfait, 
accord  qui  fait  grand  honneur  à  l'abbé  de  So 
lesmes,  et  constitue,  à  l'adresse  de  ses  contra- 
dicteurs, une  réponse  sans  réplique  possible. 

Dans  cette  France,  tilhi  aînée  de  l'Eglise,  où 
le  dévouement  envers  le  Saint-Siège  est  un 
acte  de  patriotisme,  la  discorde  liturgique  ne 
pouvait  pas  durer  longtemps  ;  l'accord  devait 
petit  à  petit  se  rétablir  entre  le  fait  et  le  droit; 
mais,  par  le  fait  des  controverses  et  des  inci- 
dents dont  elle  fut  l'occasion,  le  mouvement  de 

i    II  ('agit  ici  de  Mgr  Parisis. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


ir>is 


retour  fut  encore  accél(5ré.  La  liturgie  ro- 
maine fut  rétablie,  en  1844,  à  Périgueux  ;  en 
1813,  à  Gay;  en  1846,  à  Rennes  ;  en  1847,  à 
Saint-Brieue,  à  Troyes  et  à  Montauban  ;  en 
1848,  à  Reims  ;  en  1833,  à  Blois  ;  puis  succes- 
sivement, durant  vin^t  années,  dans  tous  les 
diocèses  de  France.  Si  bien  qu'à  son  dernier 
jour,  dom  Guéianger,  traité  d'athée  et  de  nou- 
vel Aiius,  pour  s'être  constitué  le  défenseur  bé- 
Eévole  de  le  liturgie  romaine,  put  voir,  avant 
de  fermer  les  yeux  à  la  lumière,  cette  lilurgie 
rétablie  dans  toutes  les  églises  de  France  :  A 
Domino  factum  est  istud  et  est  mirabile  in  oculis 
nofins. 

Ce^  rétablissements  successifs  du  rite  romain 
ne  s'ellectuèreBt  pas,  au  surplus,  sans  fournir 
l'occasion  de  manifester,  sous  toutes  ses  faces, 
la  piété  française.  Les  évéques  rivalisaient  d'ar- 
deur dans  l'expression  de  leurs  sentiments  per- 
sonnels ;  l'esprit  si  vivant  et  si  vivifiant  de 
l'Eglise  romaine  coulait  à  Ilot  de  toutes  les 
plumes  épiscopales.  «  L'unité  romaine  <i  souri  à 
notre  tœur  d'évèque,  écrivait  Mgr  Georges  Mas- 
sonnais,  le  doux  neveu  du  cardinal  de  Chevrus. 
Les  vœux  du  successeur  de  Pierri;  seront  ac- 
complis, ses  craintes  dissipées  et  ses  espérances 
réalisées.  »  —  «  C'est  pour  nous  fortifier  da- 
vantage au  millieu  des  tempéles  que  soulève, 
plus  violent  que  jamais,  le  vent  des  variations 
humaines,  éciivait  le  vaillant  elspiriluelMgrlré- 
née  Dupéry,  c'est  pour  nous  conformer  aux 
bulles  si  pressantes  de  plusiiurs  saints  pontiiés 
et  donner  un  éclatant  témoignage  de  notre  at- 
tachement au  Saint-Siège  ;  c'est  jour  obéir  à 
la  voix  lie  notre  conscieute  d'évèque  que  nous 
avons  cru  devoir  resserrer  encore  It^s  liens  dtijà 
si  étroits  qui  attachent  l'antique  église  de  Gap 
à  l'Eglise  mère  et  maîtresse,  eu  lui  ri-ndant 
cette  forme  liturgique  dont  elle  fut  dépouillée 
en  1764,  malgré  ks  hautes  et  unanimes  rékima- 
tions  de  sa  cithédrale  et  de  tout  son  cierge.  »  — 
B  11  est  toujours  [dus  opportun,  écrivait  le  docte 
et  ferme  Jlgi-  Jean-Mane  Uoney,  de  se  ra[ipro- 
cher  de  l'Eglise  mère  et  maîtresse  de  toutes  les 
Eglises,  qu(i  de  se  grouper  ou  de  rester  groupé 
autour  d'une  église  particulière  quelconque,  à 
laquelle  nulle  prééminence  n'a  été  donnée, 
aucune  promisse  n'a  éé  faite.  »  —  «  Un  simple 
désir  du  V.caire  de  Jesus-Ghri-t  sera  toujours 
pour  nous  un  ordre,  écrivait  l'évcque  de  Saiot- 
Brieuc,  un  oidre  auquel  nous  nous  empres- 
serous  d'oblempcrer.  Ain^i  nous  sommes  déter- 


miné à  uduplcr  cette   litur; 


changement 


qui  ne  sera  proiue  qu'à  fornfier  et  à  rcss  rrer 
les  liens  qui  nous  attachent  à  la  Chaire  de 
Pierre.  »  —  «  Vous  ne  serez  donc  i-as  é;onués, 
écrivait  l'archevêque  de  Reims,  si,  a[irès  y 
avoir  mûrement  réfléchi,  nous  venons  aujour- 
d'hui réclamer  le  toucours  de  votre  zèle  pour 


l'accomplissement  d'une  œuvre  qui,  en  rétablis- 
sant à  perpétuité  l'uniformité  pour  le  culte, 
dans  toutes  les  provinces  de  ce  vaste  diocèse, 
doit  resserrer  de  plus  en  plus  les  liens  qui 
unissent  l'église  de  Reims  à  l'Eglise  qui  est  la 
m^re  et  la  maîtresse  de  toutes  les  églises,  et 
nous  mettre  d'une  manière  plus  parfaite  encore 
en  communion  de  prières  aV".  le  Père  commun 
de  tous  les  fidèles.  » 

Dansée  concert  d'évèques,  il  y  en  eut  un,  le 
pieux  Mgr  Théophile  Pallu-Dwparf,  évéque  de 
Blois,  qui,  dans  son  mandement  de  retour  agran- 
dit, aux  applaudissements  de  1  Eglise,  les  hori- 
zons de  la  controverse. Les  partisans  des  liturgies 
françaises  versaient  sur  leur  tombe,  des  pleurs 
pins  ou  moins  poétii]ues,  et,  incapables  de  les 
défondre  sur  le  terrain  du  droit,  ils  voulaient 
s'adjuger  au  moins  le  rôle  touchant  des  pieux 
regrets.  L'évèque  de  lilois  les  poursuivit  dans 
ce  dernier  retranchement.  Dans  un  mandement 
qui  est  presque  un  livre,  et  certainement  un 
beau  livre,  il  établit  un  parallèle  entre  la 
liturgie  romaine  et  les  liturgies  françaises 
dans  leurs  rapports  avec  le  beau  littéraire,  ainsi 
qu'avec  le  corps  et  l'âme  de  l'Église.  Dans  ses 
rapports  avec  l'Eglise  en  tant  que  société  exlé- 
rieun-,  la  liturgie  romaine  a  l'autorité  doctri- 
nale, l'antiquité,  l'unité,  l'immutabilité  sans 
exclusion  pour  les  progrès  légitimes.  Par  le 
lien  (pii  l'attache  à  l'àuie  de  l'Eglise,  la  litur- 
gie romaine  possède  :  l'esprit  de  foi  dans 
l'action  attribuée  aux  anges,  l'estime  de  la 
virginité  et  des  vertus  surnaturelles;  l'esprit 
de  prière  simple,  aOectueuse,  suppliante,  longue 
et  souvent  rétiélée;  l'esprit  (tonclion  et  d'amour 
qui  produit  confiance  en  Dieu,  familiarité  sainte 
et  consolation  ;  l'esprit  de  dévotion  envers 
Jesus-Christ,  la  Vierge,  les  Saints  et  le  Saint- 
Siège.  Quant  au  beau  littéraire,  elle  pourrait 
s'en  passer,  mais  la  liturgie  romaine  possède  : 
le  beau  liturgique,  car  elle  est  organe  fidèle  de 
la  tradition  et  de  la  pieté  ;  le  beau  de  l'éloquence 
classique  dans  les  idées,  les  sentiments,  les  ima- 
ges et  les  comparaisons  ;  le  beau  de  la  poésie 
classique  par  l'élévation  des  sentiments  et  des 
idées,  la  hardiesse  des  figures,  la  chaleur  des 
mouvements,  le  coloris  des  images  et  l'harmo- 
nie du  style.  Ces  beautés  avaient  été  méconnues 
ou  mal  appréciées  du  xviii"  siècle,  parce  qu'il 
n'aviit  pas  les  qualités  nécessaires  pour  les 
comprendre  ;  et,  dansses  liturgies  de  labrication 
jun^^éniste,  il  n'a  su  que  trahir  la  pensée  de 
l'Eglise  et  se  dépouiller  de  toutes  les  beautés 
accessibles  à  la  liturgie.  —  Certes,  l'exécution 
était  de  main  d'ouvrier;  elle  neprêta  matiér-.'  à 
aucune  réclamation.  La  sépulture  jdes  liturgies 
gallicanes  et  janséni-^tes  se  lit  désormais  sans 
cérémonie  ;  saut  quelques  complaintes  burles- 
queSjle  retour  s'accomplit  sans  autre  incident. 


1910 


LA  SEUAWE  DC  CLERGE 


Il  n'y  eut,  dans  le  retour  à  la  liturgie  ro- 
lûaine,"  un  peu  de  difficulté  qu'à  Orléans,  par 
snite  d'un  dissentiment  entre  l'évè.jue  et  le 
chapitre,  et  à  B-sançon,  à  cause  des  illusions 
persoDDelles  de  l'archevêque.  Ce  dernier  prt-lat 
avait  proposé  à  Rome  :  l' la  conservation  ut  sic 
de  la  liturgie  bj-sontine  ;  2*  le  retour  à  la  litur- 
gie antérieure  du  diocèse;  3°  ou  la  fusion  des 
deux  liturgies.  La  Revue  catholique  de  Louyain 
a  expliqué  comment  cesdifféreniespropnsitions 
avaient  été  successivement  rei)Ous?ées  par  le 
Saint-Siège.  La  liturgie  romaine  a  été  rétablie 
depuis  à  Orléans  et  à  Besançon. 

il  y  eut  aussi,  à  Lyon,  en  ^86^,  une  espèce 
d'esclandre,  causée  par  l'opjxjsition  aveugle  rie 
quelques  membres  du  clergé,  de  compte  à  demi 
avec  les  fonctionnaires  de  l'Empire.  La  difficnîlé 
fut  écartée  par  la  sagesse  du  cardinal  de  B'î- 
Dald,  digne  fils  de  l'auteur  de  la  Législation 
primitive. 

Enfin,  à  Paris,  la  question  tirée  dans  tons  les 
sens,  un  peu  au  gré  de  la  politique  et  de  la  cona- 
plaisance  des  aixhevcques,  a  été  résolue  réeem- 
ment  par  une  décision  du  cardinal  Guibert. 

(A  suivre.)  JusTis  Fèvre, 

protonotaire  apostolique. 

Sanctuaires  célèbres 


NOTRE-DAIÏIE   DE   CHARTRES 

{Saite.) 

En  coûséquence,  le  17  octobre  12G0,  Pierre  de 
Mincy,  assisté  de  son  Chapitre  et  de  plusieurs 
évêques,  dédia  cette  cathédrale  à  la  sainte 
Vierge,  en  présence  de  saint  Louis,  de  sa  royale 
famille  et  d'un  grand  nombre  de  seigneurs  et 
de  pèlerins  (1). 

Lorsque,  pour  la  première  fois,  un  voyageur 
contemple  les  portails  de  la  cathédrale  ds  Char- 
tres, un  sentiment  d'admiration  s'empare  de 
lui.  Mais  s'il  examine  les  parties  même  les  plus 
obscures,  où  s'étalent  encore  de  ravissantes 
beautés,  son  admiration  devient  enthousiasme. 
C'est,  il  faut  l'avouer,  un  magnifique  coup  d'oeil 
que  ces  |iarvis,  chargés  de  statues,  de  dais,  de 
pinacles,  de  denlelles  et  de  feuillages,  «lii  l'art 
semble  avoir  épuisé  toute  sa  verve  féconde. 
Mais,  pour  quiconque  est  artiste,  le  tableau  se 
transforme.  Les  statues  ne  sont  plus  là  pour 
orner  seulement  l'édifice,  chaque  pierre  devient 
la  page  d'un  grand  drame.  Ce  drame,  c'est 
l'histoire  de  l'humanité,  depuis  la  création  du 
monde  jusqu'au  jugement  dernier.  Si  de  l'ex- 

1 .  Gallia  Chrùliana,  t.  VIII,  p.  S70.  —  Bulteau,  Detcrip- 
(ion  it  la  calkédralt. 


teneur  vous  passez  à  l'intérieur,  le  dram.e  vou» 
apparaît  sur  les  vitr.uix,  dont  l  s  cinq  mille 
figures  ne  sont,  pour  ainsi  dire,  que  lecommea* 
taire  ou  la  répétition  de  la  statuaire. 

Construite  en  pierres,  sorties  des  carrières  de 
Berchères-Lévèque,  presque  aussi  dures  que  le 
fer,  la  cathédrale  de  Chartres  a  des  soubasse- 
ments dont  la  hardiesse  el  la  puissance  excitent 
l'admiration  dssaichitectes.  Le  génie  des  géants 
qui  jetèrent  les  fondements  de  ce  te  basilique, 
se  révèle  avec  le  même  éclat  dans  les  construc- 
tions supérieures.  Murs,  cOntre-forts,  tours, 
tout  offre  le  rare  mélange  de  la  force  et  de  la 
majesté.  Trente  contr.=forts  à  ressauts  contour- 
nent l'élifice  et  renforcer,,  les  voûtes,  en  ser- 
vant d'appui  à  de  gracieux  arcs-houtants.  Le 
porche  élevé  au  xue  siècle,  sous  l'épiscopat  de 
Guillaume  de  Champagne,  est  entièrement  cors- 
sacré  à  l'attente,  à  l'avènement  et  à  la  glorifi- 
cation de  Jésns-Clirist.  Sur  les  six  parois  laté- 
rales des  trois  jiortails  ouverts  aux  regards  du 
spectateur,  se  dressent  de  grandes  statues, 
représentant  cette  majestueuse  succession  d& 
patriarches,  de  prophètes,  de  rois  et  de  reines, 
qui  ont  eu  l'honneur  de  se  transmettre  d'âge 
en  âge  l'espérance  d'engendrer  le  Sauveur  du 
monde.  Ces  statues  et  celles  plus  colossales  d© 
la  porte  centrale  figurent  les  ancêtres  les  plus 
illustres  du  .Messie.  Plus  loin,  se  déroule  la  vie 
du  Fils  de  Marie.  Puis  on  contempl-  son  triom- 
phe. Entouré  d'une  auréole  de  gloire,  il  est 
assis  sur  un  trône;  la  terre  quu  a  arrosée  de  soa 
sang  est  à  ses  pieds;  il  bénit  le  genre  humain 
qu'il  a  racheté.  Au  porche  septentrional  s'étale- 
la  vie  de  la  Mère  de  Dieu  qui  a  joue  un  si  grand 
rôle  dans  la  création  et  la  Ré.lem|ition. 

Pour  connaître  toute  la  délicatesse  de  l'art 
chrétien,  il  faut  parcourir  les  parties  les  plu» 
reculées,  les  plus  inaccessibles  de  cette  cathé- 
drale. Elevez-vous  dans  ces  déserts  aériens  où. 
le  couvreur  ne  se  hasarde  qu'en  tremblant, 
vous  rencontrerez,  souvent  solitaire,  sous  l'œil 
de  Dieu,  quelque  ouviage  délicat,  quelque 
chef-d'œuvre  de  sculpture  uù  un  pieux  ouvrier 
a  usé  toute  sa  vie.  Pour  soulever  ce  roc,  pour 
asseoir  ces  pierres  sculptées,  le  courage  ne  lui 
a  pas  manqué.  Quand  l'architecte  lui  ordonnait 
de  s'élever  à  cent,  à  deux  cents  pieds,  le  jeunfl- 
ouvrier  ne  disait  point  :  h  Maître,  j'ai  peur, 
l'abîme  m'épouvante.  »  11  montait  en  chantant, 
et  soulevait  audacienseinent  le  bloc  de  pierre. 
Que  pouvait-il  craindre  î  La  Vierge  ne  veillait- 
elle  pas  sur  lui? 

De  ses  miracles  la  renommée 
Par  le  paJs,  par  la  contrée  (t). 

s'était  si  rapidement   propagée,  qu'il  pouvait 
compter  sur  la  protection  de  la  Dame  de  Char-^ 

l.  Le  Livre  des  Miracles,  p.  40. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1517 


très.  Plus  son  oiivra2;e  écliappait  aux  roçartls, 
plus  il  travaillait;  cajp  il  ne  dovaitpas  échapper 
à  l'œil  de  Marie.  Lorsijue  l'œuvre  était  i^raa- 
diose,  il  ne  disait  jioint  :  «  Maitrii,  fiuirai-je?  La 
tâche  est  longue  et  la  vie  est  courte.  Mes  cheveux 
blan';hiront,  mes  mains  seront  vieilles,  avant 
que  l'œuvre  ne  soit  terminée.  »  Pèlerins  sur  la 
terre,  ces  ouvriers  savaient  que  les  demeures 
éternelles  leur  appartenaient,  qu"apr.J3  eux 
viendraient  leurs  tils,  puis  leurs  petit-ii!s,  avec 
leurs  truelles  touœs  neuves  pour  continuer 
l'œuvre,  cela  leur  suUisait.  lis  se  mettaient 
prom[itement  à  l'ouvrage  et  laissaient  couler  le 
monde  à  leurs  pieds,  sains  distinguer  souvent 
dans  ses  flots  orageux  quelque  chose  que  le  bleu 
du  ciel.  L'éveque,  louché  d  nue  si  profonde 
humilité,  d'une  si  sublime  ahm'^atioti,  leur 
accordait  des  indulgences,  visiiail  leurs  travaux 
et  se  montrait  libéral,  comme  ce  Regnault  de 
MoDçon  qui  fit  présent  de  ses  rentes  durant  trois 
années  entières (1). 

Le  soleil  éclairait  de  ses  dem'ers  rayons 
Notre-DamedeCliartres,lorsquenoi)s  aperçûmes 
son  vaisseau  sévère  qui  se  dressait  devant  nous. 
Il  y  a  tant  de  noblesse,  tant  de  majesté  dans 
cet  imposant  monument  que  le  temps  anoirei; 
il  possèJe  un  caractère  si  éminemment  reli- 
gienx,  une  expression  si  saisissante;  il  renferme 
un  tel  enseuihle  de  beautés  arlisti(iues,  de,  ma- 
gnificences «Jouissantes,  que  l'œil  croit  voir 
une  apparition  de-*  merveUlcs  céb'stes. 

La  vieille  flèch'"  lorme,  par  l'uuslerité  de  ses 
lisncs  verticales  et  relancement  de  sa  pyramide 
pleine,  un  contraste  frappant  avec  le  fameux 
clocher,  tout  percé  à  jour,  tout  couvert  de  festons 
et  de  dentelles,  lequel  par  sa  giàce, sa  coquette- 
rie, son  élévation  de  122  mètres  et  sa  hardiesse, 
est  classé  au  rang  des  plus  remarquables  chefs- 
d'œuvre.  On  connaît  l'ailage:  le  portail  de 
Reims,  la  net  d'Amiens,  le  chœur  de  Reauvais, 
le  clocher  de  Chartres  et  la  Ûeche  de  Stras- 
bourg, feraient  la  plus  belle  cathédrale  du 
inonde.  Chaïun  de  ces  morceaux  d'architecture, 
pris  isolément,  est  un  admirable  chef  d'œuvre  ; 
mais  si  on  les  iéui»issait,on  n'obtiendrait  (ju'ua 
ensemble  disgracieux,  manquant  d'Iiaïuionie, 
parce  qu'ils  n'ont  point  été  faits  l'un  pour 
l'autre,  et  qu'ils  appartiennent  à  des  époques 
(liflérenles  du  style  ogival, 

Nolrc-Danit  de  Chartres  est  l'expression  des 
siècles  chrétiens.  Il  laut  le  temps  des  croisades, 
pour  (ju'un  léger  souffle  gonfle  les  voùles,  pour 
que  les  aics-boutants  montent  aux  combles  de 
la  nef,  avec  leurs  balustrades  légères,  leurs 
roues  rayonnantes  et  leurs  ponts  dentelés;  pour 
que  les  rosacess'ouvrent, s  épanouissent,  étalent 
leurs  riches  compartiments  ciselés  et  représen- 

1.  Tbéopb.il(^,  Esiai  lia  dhors  états.  —  Assier,  Nolr$-l)t/mn 
fi'e  Charlrci .   Le;  u<  .i^tyt  au  mo-jtn  âge. 


lent  la  gloire  célestf.  La  prière  dos  ccni-rations 
catholiques  monte  au  ciel  avec  ces  flèches  élan- 
cées; la  sublimité  des  dogmes  chrétiens  apparaît 
dans  ces  nefs  grandioses;  la  majesté  du  cuUe 
se  déploie  dans  ces  chœurs  spacieux  ;  la  foi 
s'épanouit  dans  cette  belle  floraison  architec- 
turale qui  semble  porter  jusqu'au  trône  de  Dieu 
le  pai'fum  des  âme=.  L^'poque  du  siyle  ogival 
fut  celle  des  graudescntreprisesdu  catholicisme. 
Les  sentiments  religieux  f.e  Iraouisaient  en 
monuments  élevés  à  la  gloire  de  la  Reine  des 
deux:  témoignages  [permanents  de  la  reconnais- 
sance des  peuples  pour  les  bienfaits  signalés  dont 
elle  les  combiad.  Chaque  cité  épisccipale  ambi- 
tionnait l'iionncur  \_  ()os3édcr  une  cathédrale 
dédiée  à  Marie.  C'était  Notre- IJame  de  Char- 
tres, Notre-Dame  de  Piiris,  Notre-Dame  de 
Reims,  Notre-Dame  deCbâloiis,  Notre-Dame  de 
Rouen,  Notre-Dame  de  Coutance,  Notre-Dame 
de  Sf'nlis,  Notre-Dame  d'Amieus,  et  une  foule 
d'autres  placées  sons  le  vocable  de  la  Mère  du 
Sauveur.  Les  villes,  toutes  religieuses  alors, 
reposaient  tranquillement  au  pied  de  ces  monu- 
ments, protégées  par  leur  ombre  tutélaire. 

CnARTRES   An  MOYEN    AGE.  LES   SAINTS,  LES   PAPES 
ET   LES   ROIS    VISITENT    SA    CATHÉDRALE. 

La  vue  de  Notre-Dame  de  Cliaitres  nous 
reparla  en  plein  moyen  âge.  Il  nous  semblait 
Hiicrcevoir  encore,  au-dessus  des  portes  de  lii 
cité,  les  statues  de  Marie,  surmontées  de  la 
légende  :  Carnutum  tuiela,  et  sa  statuette  aux 
coins  des  ru'^s,  ainsi  qu'aux  façailes  des  mai- 
sons. Il  nous  semblait  voir  passer  dans  ses  rues 
étroites  et  tortueuses  menant  à  la  basilique,  des 
milliers  de  pèlerins,  venus  de  France,  d'Angle- 
terre, d'^sj^agne,  d'Italie,  marchant  silencieu- 
sement en  laisant  glisser  dans  leurs  doigts  les 
grains  d'uu  rosaire.  Il  nous  semblait  enteadre 
les  chants  des  processions,  les  vivats  des  peuples, 
les  voix  sonores  des  bourdons  remplissant  l'en- 
ceinte de  la  cité  d'une  poétique  mélancolie;  il 
nous  semblait  enfin,  heureux  spectateurs,  assis- 
ter à  l'entrée  solennelle  de  quelque  souverain 
Pontilé,  de  quelque  inonaniue,  venant  vénérer 
la  Vierge  illustre  entre  toutes.  Chartres  avait 
alors  sa  cour  brillante  où  'es  trouvères  chan- 
taient les  louanges  de  cette  .leine  de  la  cité,  où 
les  poètes  récitaient  des  poésies  eu  sou  hon- 
neur. Chartres  était  en  ces  siècles,  sillonné  par 
ce  que  l'Europe  comptait  de  plus  illustres  et  de 
plus  saints  personna^.  s.  Trois  papes  vinrent 
prier  Notre-Dame  de  Chartres.  En  1107,  Pas- 
cal U  vint,  sur  l'invitation  de  l'éveque  Yves, 
célébrer  les  fêles  de  Pâques  dans  la  cathédrale. 
En  1130,  Innocentll  fîtun  pèlerinage  à  Chartres, 
et  y  reçut  l'obédience  de  Henri  1",  roi  d'Angle- 
terre. U  y  reparut  une  seconde  fois,  quelques 
années  açirès,   et  nonama  son    légat  pour   la 


15J8 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


France,  GonfTroy,  siirrp?fnur  de  saint  Yves. 
En  H(;3,  Alexnndre  lll  passa  quelques  jours 
d,:ns  la  mcino  vil  h'. 

Los  nionuuienls  des  âges  chrétiens  ne  se  pré- 
sentent qu'accompagnés  d'un  cortège  de  souve- 
nirs rappelant  les  grandes  époques  de  notre 
liistoiie  nationale.  En  visilant  l'intérieur  de  la 
cathédrale  de  Cliarlrcs,  où  les  antiques  vitraux 
reflétaient  les  rayons  du  soleil  couchant  et 
répandaient  une  lueur  iBélancolique,  en  par- 
courant ces  nefs,  longues  de  cent  vingt-huit 
mètres,  larges  de  trente-trois,  il  nous  semblait 
y  voir  ciTer  encore  les  souvernins  de  France, 
dévols  serviteurs  de  la  Viert;e-Mcre,  les  Eudes, 
les  Robert,  les  Henri  I",  L'année  il06  y  vit  le 
roi  Philippe  I",  accompagné  de  toute  sa  cour; 
il  s'y  é;ait  rendu  pour  assister  au  mariage  de  sa 
fille  Constance  avec  le  célèbre  fils  de  Robert 
Guiscard,  Bohéraond  de  ïarente,  prince  d'An- 
tioche.  En  dH8,  Louis  le  Gros  était  venu  dans 
l'intention  d'assiéger  Chartres  pour  punir  la 
fierté  du  duc  Thibaut  IV;  mais  il  n'osa  liiriger 
ses  armes  contre  la  ville  de  Marie  :  au  lieu  de 
lui  livier  assaut,  il  y  entra  jiacifîquement,  et 
alla  se  jeter  aux  pieds  de  Notre- l'-ame  de  Sous- 
Terre,  pour  lui  demander  pardon  de  son  des- 
sein (I).  Isabrlle  de  Hainaut,  épouse  de  Plii- 
lippc-Augui-te,  vinldemanilerà  la  même  Vierge 
un  liéritifr  pour  le  trône  de  France.  Penilant 
qu'elle  était  en  prière,  les  cierges  de  l'autel 
s'albimèrcnl  ireex-mèmes,  si  l'on  en  croit  le 
témoignnuo  de  Guil:aume  le  Breton  au  roi 
Loui- VIll  (5). 

Le  .\ir  .Mècle  vit  deux  fois  à  Notre-Dame  de 
Charti es  saint  Anselme,  archevêque  de  Cantor- 
béry.  Saint  Thomas  Becket,  son  illustre  succes- 
seur, pendant  son  exil  en  France,  vint  y  puiser 
la  résignation  dans  les  privations,  la  force  dans 
sa  résistance  aux  injustes  prétentions  de  Himri  IL 
Saint  Bernard  y  donna:'*  deux  reprises  le  grand 
spectacle  de  sa  sainteté  et  de  son  action  toute- 
pui'sante  sur  les  rois  et  les  peuples;  la  pre- 
mière fois,  eu  juin  H3I,  lorsqu'il  assista  à  l'en- 
trevue de  Henri  I",  roi  d'Angleterre,  avec  le 
pape  Innocent  II;  la  seconde  en  1147,  lorsqu'en 
présence  de  l'abbé  Suger,  li'un  grand  nombre 
de  prélats  et  de  soigneurs,  il  y  prêcha  la 
deuxième  croisade,  et  que  la  plupart  des  barons 
chartrains,  cédant  à  l'empire  de  sa  sainte  parole, 
se  croisèrent,  jurant  aux  pieds  de  Notre-Dame 
de  marcher  à  la  conquête  des  lieux  saints. 
Vinrert  ensuite  le  cardinal  Melchior,  légat  du 
pape  Célesti  1  111,  le  chancelier  Gerson  et  une 
foule  d'autres  grandj  persjuuages. 

Dès  le  xii*  siècle,  l'atfluence  des  pèlerins  est 
si  grande,  que  le  saint  Voile  est  exposé  sur  un 
autel,  au  pied  duquel  se  tient,  jour  et  nuit,  un 

i.  Suger,   Vie  de  Louis  le  Gros, 
t.  Philiiiidoi,  lib,  XII,  couclui^o. 


ecclésiastique.  Aux  têtes  sol 'nuKlles,  le.s  loge- 
ments manquent  dans  la  ville,  des  milliers  de 
fidèles  passent  la  nuit  sous  les  portiques  ou  dans 
l'i-plise.  Pour  satisfaire  à  la  dévotion  des  pèle- 
rins, on  frappe  des  médailles  à  l'empreinte  de 
la  précieuse  relique.  Lfs  pèlerins  les  emportent 
avec  eux,  en  souvenir  de  leur  pèlerinage,  elles 
distribuent  dans  leurs  pays  (I). 

Dans  le  cours  du  xiii'  siècle,  la  reine  Blanche, 
mère  de  saint  Louis  et  la  bie;ihenreuse  Isabelle 
de  France,  sœur  du  «ranrl  roi  et  fondatrice  de 
l'abbaye  de  Longchamps,  s'agenouillèrent  en- 
semble aux  pieds  de  l'antique  Madcjne.  S^unt 
Louis  y  reçut  Henri  III,  roi  d'Angleterr.?,  Vers 
le  même  temps,  Richard-Cœar-de-Lion  tra- 
versa le  détroit,  saint  Ferdinand  III,  rni  de 
Castille,  franchit  les  Pyrénéi's,  l'un  et  l'autre 
venant  déposer  aux  pieds  de  Marie  la  majesté 
du  diadème. 

Au  ,\ive  siècle,  Philippe  le  Bel  oflrit  à  Notre- 
Dame  de  Chartres  l'armure  qu'il  portait  à  la 
bataille  de  Mons  en  Puelle,  composée,  entre 
autres  pièces,  d'une  cotte  de  mailles  surmontée 
d'un  heaume  en  fer.  C'était  l'accomplissement 
d'un  vœu  fait  au  milieu  de  la  mêlée  :  se  voyant 
près  de  périr  parmi  plusieurs  seigneurs  tués  à 
ses  cotés,  il  avait  prié  No'ro-Datne  de  Chartres, 
et  avait  échappé  comme  miraculeusement  à  la 
mort,  en  se  sauvant  préeipitamrueni.  à  cheval. 
Son  tils,  Charles  IV,  alors  âgé  de  dix  ans,  l'ac- 
compagna dans  ce  pèlerinage;  et,  à  l'exemiile 
di-  son  père,  il  otlrilà  Marie  le  pourpoint  rouge 
dont  il  était  revêtu. 

Imitant  l'exemple  de  ses  prédécesseurs,  Phi- 
li|ipe  V  de  Valois,  vainqueur  des  Flamands  à 
à  Cassel,  en  13iS,  entrait  dans  le  saint  temple, 
monté  sur  son  coursier,  armé  de  toutes  pièces 
et  suivi  des  principaux  barons.  Descendant  en- 
suite de  son  cheval,  il  s'agenouillait  devant  la 
Vierge  antique  dans  son  mystérieux  sanctuaire, 
laissait  1,000  tournois  pour  racheter  son  ar- 
mure et  son  coursier  qu'il  avait  offerts  à  la 
Vierge,  et  faisait  la  communion  à  l'autel  de  la 
Mère  de  Dieu.  Il  y  revenait  l'année  ^uivrtnte  et 
y  assistait  au  mariage  de  Jean,  duc  de  Breta- 
gne, qui  avait  voulu  s'unir  à  son  épouse,  ea 
présence  et  sous  les  auspices  de  Notre-Dame  de 
Chartres  (2). 

{A  suiure.)  L'abbé  Leroi. 


CHRONIQUE    HEBDOMADAIRE 

Eoclésiastiques  français  ea  pèlerinage  à  Rome.  — 
EestanraUon  de  la  coupole  de  Saint-Pierre.  — 
Médaille   pootilicale  comtnémorative  pour  1875.   — 

1.  Histoire  de  Chartres,  p».'  Soaohet,  liv,  III.  Biblio- 
thèque de  Chartres. 

2.  IJisluire  de  Chartres,  par  Clievard,  t.  II.  —  Soachet, 
Histoire  de  la  ville  et  l'église  de  Chartru,  —  I.épinois,  Bit- 
loin  de  Chartres, 


LA  SEMAÎME  DU  CLERGE. 


lol9 


Assemblée  consistorinle  du  17  septembre;  nomina- 
tion lie  ciinlinaux  et  d'évêques.  —  Etat  économique 
actuel  di'  Rome  peint  par  la  Capitale.  —  Br^it'  du 
Saint-Père  roncprnant  le^  Universités  ca:holiques. 
—  Zèle  de  NN.  SS.  les  évêques  pour  les  prépar.-r. — 
Induit  accord.int  le  couronnement  solennel  île  la 
statue  de  l'archange  Michel.  —  Les  pèlerinai,'es  à 
Lourdes,  à  Issoudua  et  à  P,iray-le-Monial.  —  Gué- 
rison  miraculeuse  de  Mirie  Trouet.  —  Erection  de 
la  statue  de  Ghàteaubrjand  à  Saint-Malo.  —  Protes- 
tation du  carilinal  Autoaelli  contre  le  proiet  de 
violation  di  co'icordat  e-^p.ignol.  —  Le  libéralisme 
du  gouvei  riem>'nl  madrilène.  —  Le  conjurés  de  Fii- 
bour;;-iMi-I!i-isiau.  —  Ré^ol  iiinn^  volée",  —  Erec- 
tion d'un  siét'e  urcb  ép.scopal    à  Aihones. 

23  s.'plemb  e  1875. 

Ro'îîi.  —  Cciuc.'jup  d'tîcclrsiasliques  fr.in- 
f;iis  ?c  Irouvi'nl  ei;  ce  nioirn'nt  dans  la  Ville 
suint;;.  Ce  sont  pour  la  plii|iart  des  piètres  ap- 
partenant au  cleigé  ensi'i','naiit,  et  qui,  n'ayant 
de  lil/PC  que  le  tcinjis  des  vacam-os,  l'emploient 
à  ce  pieux  |ièleriniifi;e  tnaLré  Irs  futii;iies  et  les 
flanjjers  de  la  s.iison  dos  chaleurs.  Tous  sont 
reçus  en  ainlience  spéri.tlu  par  le  Saint-Pèie, 
(pi'un  tel  altachcment  à  sa  personne  console 
beaucoup.  Ils  entrelieunent  Sa  Sainteté  des 
insliUitions  auxquelles  ils  aipartiennent  et  des 
di?po  liions  de  leurs  élèves.  Puis  le  Pape  les 
enii:urng;e  et  leur  donne  les  avis  dont  ils  peu- 
vent avoir  hesdin.  Il  les  bénit  ensuite  et  les 
charge  de  Iransmeltre  sa  bonédif^tion  h  leurs 
parents  et  l'i  leurs  <;léves.  Eu  se  retiitint,  dia- 
cun  laisse  l'obole  de  sou  atnonr  filial  avec  les 
oûraudes  dont  il  esV  chargé,  parfois  modestes, 
mais  le  plus  souvent  considérables.  On  sait 
que  les  besoins  du  Pape  augmentent,  qu'à 
toutes  ses  charges  anciennes  vient  de  s'ajouler 
celle  de  loger  les  évèques  d'Ualie,  expulsés  de 
leurs  demeures  par  le  gouvernement,  el  l'on 
s'impose  des  sacrifices  plus  grands,  qui  per- 
mettent d'épargner  au  Pape  la  douleur  de  voir 
ces  vénéiables  l'asteurs  sans  asile. 

Le  Pape  s'est  aussi  trouvé  dans  la  nécessité 
de  faire  à  la  coupole  de  Saint- Pierre  des  répa- 
rations urgentes.  Elles  sont  prés  d'être  ache- 
vées. On  ti'avail  fait  aucun  travail  au  gigantes- 
que monument  depuis  le  pape  B "noît  XIV.  Les 
répartitions  qu'on  viciil  d'exécuter  otit  co.i'islé 
principalement  à  dianger  la  couverture  de 
plomb,  jiisqii  à  bi  boule.  Cette  couvrrture  se 
compose  lie  seize  tranches,  dont  chacune  coûte 
quinze  mille  francs. 

Ou  sait  ([ue  char,ue  année  Pie  IX  fait  graver 
une  médaille  pour  tappeler  quelque  evi'nement 
de  sou  régne.  Celle  pour  1875  représente  les 
mai.sons  qu'il  a  l'ail  construire  à  ses  frais  près 
de  la  place  Masla'i,  et  qui  sont  louées  à  bas 
prix  aux  ouvriers.  On  y  voit  avec  les  maisons 
la  fontaine  et  le  square  qui  ornent  la  place  et 
dans  la  perspective  l'égl  se  de  San  l'ielro  in 
Moulorio.  Cela  forme  uu  pylii  paysage  plein  de 


fines-e  et  d'exa  'tittide.  Sur  la  face  i''e  la  mé- 
daille se  trouve  l'elliu'ie  du  Saint-P<''re  telle 
qu'elle  est  dans  l'année  présente. 

Le  17  de  ce  mois  a  eu  lieu  une  as'semblée  con- 
sistoriale,  dans  laquelle  le  Pape  a  proclamé  les 
noms  des  cardinaux  précédemment  ré  ervés 
in  petto,  créé  cardinal  M-;r  l'archevêque  de 
Piennes  et  pourvu  trente-une  églises.  Nous 
donnerons  dans  notre  (irochtun  numéro  la  liste 
cfiicielle  de  cesprotuotions  et  provisions. 

Nous  rappoi  lions  réccuiuient  les  aveux  d'un 
journal  seciaire  sur  les  résultats  du  régne  des 
libéraux  à  Piome.  En  voici  d'autres  em;  runtés 
h  la  Cnpitnfe.VnnQ  i\e.%  feuilles  les  plus  dévouées 
à  la  Piévolulion.  Ces  aveux  ne  peuvent  être 
si;spects,  coinnie  s'ils  émanaient  de  feuilles 
caliioliques,  ni  taxés  d'exagération,  puisqu'il 
serait  pliilot  de  l'iutcrét  des  sectaires  de 
diminuer  les  maux  que.  font  naître  leurs  prin- 
cipes et  leurs  œuvras.  Parlant  du  gouvernement 
de  Viclor-Emmanuel  à  Rome,  voici  doue  ce  que 
dit  la  Capitale  : 

«  Il  a  pris  l'argent  sonnanl  dans  toutes  les 
caisses  publique-,  ell'a  remphicé  p;;r  du  papier; 
d'un  seul  coup,  il  a  frappé  Uome  d'impôts  aux- 
quels les  divi'fses  provinces  de  la  péuiu-ule 
avaient  élô  habituées  peu  à  peu;  il  a  sacrifié 
1  inilustrie  au  mutnent  où  on  disait  vouloir  la 
relever;  il  a  élouUé  toute  ii.iliative  privée  et 
tout  (dément  de  vie  économique  ;  il  a  augmeulô 
eufii)  tuules  les  misères  publiijues. 

«  De  nouveaux  négoces  ont  été  ouverts,  sans 
doute;  les  anciens  se  sont  embellis;  les  rues 
ont  fait  éclater  de  pompeuses  eusei'^nes;  mais 
les  éludes  d'huissiers  ont  été  cnvtihies  par  des 
lettres  de  change  piotestées,  mais  les  tribunaux 
ont  eu  des  masses  d'aUaires  à  juger,  mais  les 
fiilliles  se  sont  précipitées  avec  des  passifs 
épouvantables. 

«  On  a  institué  des  écoles  ;  mais  soit  la  stupi- 
dité des  méthodes,  soit  l'ineptie  des  professeurs, 
on  a  travaillé  au  profit  de  l'euseignemeat 
clérical. 

«  On  a  supprimé  comme  une  honte,  l'aumône 
aux  portes  îles  couvents,  et  l'on  a  vu  les  tnal- 
h'  iireux  iomlmiil  épuisés  sur  la  voie  publique. 

«  Les  vols  .se  sont  multipliés  et  les  prisons 
regorgent  d'individus  ramasst'is  par  la  siireté 
publique,  parce  qu'il  sont  privés  de  moyens  de 
subsistance  et  vagabonds. 

«  On  a  prodigué  les  promes'^fts,  et,  sur  la  foi 
du  Gouvernement,  des  spéculateuis  s'étant  mis 
à  exalter  la  vie  oUerle  au  capital  par  le  régime 
nouveau,  ont  liiii  [lar  la  banqueroute  fraudu- 
leuse et  par  la  prison.  » 

Si  un  ami  ne  peut  se  taire  d'en  dire  tant, 
qu'on  juge  tie  ce  que  doit  être  la  réalité! 

Trance.  —  Les  Universités  catholiques  sont 
appelées  à  exercer  une  si  salutaire  intlueoce 


rîû 


LA  SEMAINE  DD  CLERGÉ 


sur  l'avenir,  que  le  Saiul-Père  a  jugé  qu'il 
n'ùliiil  pas  inulile  d'encourager  tout  le  monile 
à  concourir  à  cette  œuvre  capitale.  C'est  ce  qu'il 
a  l'ait  le  16  septembre,  par  un  liref  adressé  à 
51yr  Freppel,  cl  que  voici  pn^sque  tout  entier  : 

«  Nous  ne  sommes  nul'etnenL  surpris,  véné- 
rable frère,  île  ce  qu'un  peuple,  se  souvenant 
de  son  antique  tiloire  nationale  dans  les  lettres 
et  dans  la  scieme,  après  avoir  éprou^^é  si  long- 
temps les  plus  grandes  diflii'ultés  [lour  donner 
à  la  jeunesse  um  saine  et  pieuse  éducation, 
se  réjouisse  d'avoir  obtt'nu  la  liberté  de  l'en- 
seignement et  s'applique  à  la  mettre  à  exécution 
le  iili!S  prnmptement  possible,  en  réunissant 
spontanément  ses  efforts  et  ses  ressources.  Aussi 
le  felicitons-Nous  d'avoir  saisi  avec  empresse- 
ment l'occasion  que  lui  offre  une  loi  favorable 
et  Nous  l'exhortons  à  donner  son  concours 
persévérant  et  ses  suffrages  à  une  entreprise 
eomme:;cée  avec  tant  de  bonne  volonté.  Quant 
à  vous,  Nous  donnons  les  plus  grands  éloges  à 
votre  sollicitude  pastorale.  Ne  [)0uvant  encore 
exiger  les  cliaire=  de  celle  science  suprême,  qui 
est  la  muderalrice  de  toutes  les  autres,  vous 
vous  êtes  appliqué  surtout  à  former  l'esprit  des 
laïque-,  pour  les  pénétrer  d'une  saine  et  solide 
«onnaiisjnce  des  lois  civiles  et  canoniques. 
Et,  ('ij  effet,  ce  ne  sera  pas  un  mince  proUtque 
la  connaissance  vraie  el  claire  du  droit  et  du 
juste  pour  la  société  civile  et  religieuse,  troublée 
depuis  si  long'em,)S  par  tant  de  commotions, 
qui  ont  infecté  les  lois  de  beaucoup  d'erreurs. 
C'est  pourquoi  nous  souhaitons  de  tout  cœur  le 
succès  do  vos  desseins  et  de  votre  entreprise,  et 
nous  aimons  à.  présager  que,  par  l'ailjonctioa 
des  autres  branches  de  l'enseignement,  votre 
institution  croîtra  r  ipidem  -nt  et  se  perfection- 
nera; et  qu'ainsi  recommandée  par  l'expérience 
et  par  les  résultats,  elle  méritera  les  éloges  et 
la  condrmati(m  de  c  •  Saint-Siège...  » 

Presque  à  la  nii'.nio  date,  le  8  septembre,  LL. 
EEm.  le  cardiual-arcoevéque  de  Uouen,  le  car- 
dinal-archevêque de  Paris,  NX.  SS.  les  arche- 
vêques de  Bourges,  Sens  et  Reims  et  NN.  SS. 
les  évoques  de  Meaux.,  Beaavais,  Séez,  Orléans, 
IJlois,  Versailles,  Chartres,  Troyes.Saint-Brieuc, 
Soissons,  Cliàlons,  Bayeux,  Verdun,  Nancy, 
Evreux,  Limoges,  Nevers  et  Amiens,  réunis  à 
Paris  pour  délibérer  au  sujet  de  l'Université 
libre  qui  va  s'y  ouvrir,  ont  arrêté  les  t.'rmes 
d'une  lettre  commune  à  leurs  diocésains  respec- 
tifs, dans  laquelle  ils  leur  demandent  la  double 
coopération  de  leurs  prières  et  de  leurs  ortVan- 
des.  L'archevêque  de  Paris  a  offert,  pour  l'ins- 
tallation de  cette  Université,  la  maison  dite  des 
Carmes,  qui  est  une  propriété  diocésaine, 
acquise  précisément  en  vue  d'eu  faire  une 
maison  d'éducation. 

Le  cardinal-archevêque  de  Cambrai  et  Mgr 


l'évèque  d'Arras  ont  également  écrit  à  leurs 
diocésains  dans  le  même  sens,  au  sujet  de 
l'Université  catholique  de  Lille. 

Dans  le  Midi,  les  évèques  sufl'raganls  de  la 
province  de  Toulouse  ont  répondu  à  l'appel  qui 
a  été  fait  par  le  vénérable  archevêque  pour  In 
fondatiim d'une  Université  libr 'dans  cette  ville, 
et  ont  garanti  la  somme  de  400, 0;j()  francs  \\oiiv 
la  réalisation  de  c:-  g;-and  projet.  Le  local  e^-t 
également  prêt,  c'est  l'hôtel  Saint-Jean,  maiîni- 
fi.iufi  bâtiment  occupé  autrefois  par  les  cheva- 
liers hospitaliers  d  ■  Saint-Jean  de  Jérusalein. 

Ainsi  [jarloul  l'activité  l'S".  t.-i'ù-grande,  et  l'on 
peut  compter  que  dés  celte  innée  la  jeunesse 
catliolique  pourra  recevoir  une  instruction, 
sinon  encore  tout  à  fait  romplète,  au  moins 
saine  de  toute  doctrine  perverse. 

Et  parce  que  toute  la  France  catholique,  dan» 
ee  temps  de  combats  el  de  labeurs,  a  besoin  de 
la  protection  céleste,  le  Siinl-Pére  ne  s'est  pas 
contenté  de  nous  encoiragerde  sa  voix  vénérée, 
il  a  voulu  tourner  nos  regards  vers  notre  puis- 
sant protecteur,  qui  a  précisément  vaincu  la 
première  révolution  qui  a  éclaté,  celle  des 
mauvais  anges  contre  Dieu.  Le  Saint-Père 
donc,  par  un  rescrit  apo^loli  jue,  vient  de 
décerner  à  notre  bienlieui'eux  [)rotecteur  l'ar- 
cliange  saint  Michel,  les  honneurs  du  couron- 
nemeul  solennel.  La  statue  d'argent  vénérée  au 
Mout-Saint-Michel  recevra,  des  mains  d'un 
délégué  du  Vicaire  de  Jésus-Christ,  une  cou- 
ronne d'or,  qui  témoigneia  de  sa  paternelle 
sollicitude  pour  la  France  et  de  son  i:ivincibl« 
conhance  en  l'archange  saint  .Michel.  Mais  les 
catholi({ue?  de  France  ont  compris  qu'il  était 
de  leur  honneur  de  faire  eux-mêmes  les  frais 
de  celte  couronne.  Plusieurs  comités  se  sont  en 
conséquence  organisés  pour  recevoir  les  sous- 
criptions, qui  pourront  être  aussi  envoyées  à 
l'abbaije  du  Mont-Saùit-Michel,  par  Pontorson 
[Manche). 

Les  pèlerinages  ont  été  plus  nombreux  dans 
tout  ce  mois  qu'ils  n'ont  pas  encore  été.  Lourdes 
en  particulier  a  vu  accourir  à  son  miraculeux 
sanctuaire  presque  toute  l'Europe.  Belges,  Alle- 
mands, Hollandais,  Français  de  toute  province 
y  sont  allés  supplier  la  Vierge  Immaculée. 
Souvent  il  s'y  trouvait  jusqu'à  cinq  ou  six 
pèlerinages  à  la  fois,  yl  isieurs  guérisons  mira- 
culeuses ont  eu  lieu,  notamment  celle  d'une 
jeune  personne  nommée  Marie  Tronet,  àgee  d-". 
27  ans,  elqui  était  depuis  huit  ans  à  l'hospice 
de  la  Charité  de  Marseille,  oii  elle  avait  reçu 
successivement  les  soins  de  neuf  méiecus,  qui 
l'avaient  tous  abandonnée  comme  incurable.  En 
quelques  secondes  la  sainte  Vierge  l'a  guérie, 

A  Issouduo,  les  6,  7,  8  et  9  septembre,  grandaa 
fêtes  en  l'honneur  de  Notre-Dame  du  Sicre- 
Gœur.  Mgr  l'archevê.jue  de  Bourges,  eaiouié  dfl 


LA  SEMAINE  DU  CLERG2 


^l2l 


quelques  autres  évéques,  a  présidé  aux  diverses 
cérémonies,  qui  ont  élé  splerididcs.  Le  nombre 
des  pèlerins  venus  de  Bourges,  de  Paris,  de 
Belgique,  de  Hollande,  d'AIlcmiigne  et  des 
diverses  parties  de  la  France,  a  été  incalculable. 
Le  Saint-Père,  par  un  télégramme,  a  envoyé 
la  bénédiction  aporiolique  à  tous  les  pèlerins 
accourus  à  Noti  e  Dame  du  Sacré-Cœur. 

Paray-le-Monial  ne  cesse  pas  non  plus  d'être 
visité  par  de' nombreux  pèlerins.  Un  inspecteur 
des  chemins  de  fer,  ayant  fait  le  relevé  des 
convois  de  pèlerins  airivés  à  ce  sanctuaire 
depuis  le  mois  de  janvier,  en  y  comprenant  les 
pèlerins  i^olés,  croit  pouvoir  aftirmcr  que  Paray 
a  vu  cette  année  cent  soixante-quinze  mille  pè- 
lerins. Il  est  à  présumer,  en  s'appuyant  sur  la 
moyenne  probable,  qu'il  en  ira  encore  une 
vingtaine  de  mille  jusiiu'à  la  fin  de  l'année. 

Une  le  e  religieuse  et  littéraire  a  eu  lieu  le 
6  septembre  à  Saiut-Malo,  à  l'occasion  de  l'érec- 
tion d'une  statue  à  Chateaubriand.  Elle  a  en 
efifet  commencé  jiar  la  p^lébration  du  saint 
sacrifice,  auquel  ont  assisté  les  autorités  civiles 
et  militaires  du  département  et  les  délégués  de 
l'Académie  et  de  la  Société  des  gens  de  lettres, 
venus  do  Paris.  C'est  au  sortir  de  l'église  que 
le  voile  qui  couvrait  la  statue  a  été  enlevé,  aux 
applaudissements  de  la  foule.  Chateaubriand 
est  représenté  assis,  le  front  dans  sa  main,  et 
eccouilé  sur  son  œuvre  principale,  le  Génie  du 
Christianisme.  Quatre  discours  ont  élé  prononcés 
le  premier  par  M.  Camille  Doucet,  au  nom  de 
l'Académie  française,  le  second  par  M.  le  duc 
de  Noailles,  successeur  de  Chateaubriand  à 
l'Académie,  le  troisième  par  M.  Paul  Féval,  au 
nom  de  la  Société  des  gens  de  lettres,  et  le  der- 
nier par  M.  le  comte  Geoffroy  de  Chateaubriand, 
le  chef  actuel  de  la  famille  du  héros  de  la  fête. 
Le  moins  goûté  de  ces  discours  a  été  celui  de 
M.  Doucet,  qui  a  jugé  à  propos  de  faire  l'éloge 
de  Voltaire  en  même  temps  que  celui  de  Cha- 
teaubriand. Ce  rapprochement  de  l'auteur  igno- 
ble de  la  Pucelle,  de  l'auteur  du  Génie  du 
Christianisme,  était  en  eiiet  tissez  peu  honoiable 
pour  ce  dernier. 

Espagne.  —  Les  libéraux  de  Madrid  avaient 
adroilument  écarté  dans  leur  projet  de  Consti- 
tution deux  ou  trois  paragraphes  qui  suppri- 
maient tout  simplement  le  premier  et  principal 
article  du  Concordai  signé  avec  le  Saint-Siège 
€n  1851.  Ce  premier  article  est  ainsi  conçu  : 
«  La  religion  catholique,  apostolique,  romaine, 
qui,  à  l'exclusion  de  tout  autre  culte,  continue 
à  être  l'unique  religion  espagnole,  se  main- 
tiendra toujours  dans  les  domaines  de  Sa  Ma- 
jesté catholique  avec  tous  les  droits  et  préroga- 
tives dout  elle  doit  jouir,  selon  la  loi  de  Dieu  et 
les  dispositifs  des  s;icrés  canons.  »  Et  voici  main- 
tenaul  ce  qu'on  lit,  entre  autns  choses,  dans  le 


projet  de  la  nouvelle  Constitution  :  «  Nul  ne 
pourra  être  inquiété  sur  le  territoire  espagnol, 
ni  pour  ses  opinions  religieuses,  ni  pour  l'exer- 
cice de  son  culte  respectif,  sauf  le  respect  dîi  à 
la  morale  chrétienne.  » 

Le  Saint-Siège  ayant  eu  connaissance  de  ce 
projet  de  Constitution,  le  cardinal  Antonelli  a 
adressé  au  nom  du  Pape  une  protestation  au 
gouvernement  de  Madrid,  et  donné  ordre  au 
iionce  d'en  communiquer  le  coulenu  aux  évè- 
ques  d'Espagne,  ce  que  Mgr  Simeoni  s'est  hâté 
de  faire.  La  prostestaliou  commence  par  rappe- 
ler qu'il  n'est  point  permis  ?  l'une  des  parties 
qui  ont  signé  le  Concordat,  d'y  rien  changer, 
sans  une  entente  préalable  avec  l'autre  partie  : 
puis  elle  démontre  que  lanouvelle  Constitution, 
si  el!e  était  volée  comme  elle  est  projetée, 
serait  la  violation  formelle  du  concordat.  Les 
libéraux,  voyant  leur  jeu  découvert  et  publi- 
quement réprouvé,  ont  poussé  des  cris  et  des 
menaces.  Ils  assurent  qu'ils  iront  de  l'avant,  et 
en  appellent  aux  prérogatives  royales,  comme 
si  c'était  une  prérogative  royale  de  violer  les 
traités.  La  question  de  liberté  des  cultes  a 
d'ailleurs  éteplusleurs  fois  déjàdiscutée  parles 
Corlès,  et  tranchée  négativement  presque  à 
l'unaniinilé.  Elle  n'est  donc  pas  voulue  par  la 
nation.  Mais  les  libéraux  veulent  la  lui  imposer, 
apparemment  pour  la  plus  grande  union  des 
es|)rits.  Ils  font  tout  ce  qu'ils  peuvent  pour  en 
inspirer  le  goût,  et  favorisent  en  conséquence 
de  ieur  mieux  la  propagande  protestante.  En 
sorte  que  dès  maintenant  c'est  déjà  pour  quel- 
ques centaines  d'héréliques  que  sont  les  privi- 
lèges. Toutes  leurs  demandes  sont  accueillies 
dans  les  ministères;  tandis  que  celles  des  catho- 
liques sont  jetées  au  panier.  On  leur  bàlit  les 
chapelles  qu'ils  demandent,  tandis  qu'on  laisse 
tomber  en  ruine  les  églises.  Voilà  le  système 
libéral,  toujours  iirécurseur  de  la  persécution, 
s'il  vit  assez  longtemps  pour  la  préparer.  C'est 
sans  le  vouloir,  nous  l'accordons,  mais  ce  ne 
peut  plus  être  maintenaut  sans  le  savoir. 

Allemagne.  —  Les  actes  de  la  persécution 
vont  toujours  se  multipliant.  Nous  n'en  parle- 
rons cependant  pas  aujourd'hui,  afin  de  con- 
sacrer la  place  qui  nous  reste  au  Congrès,  que 
les  catholiques  allemaiids  viennent  de  tenir 
à  Fribourg-eri-Brisgau  L'ouverture  s'en  est 
faite  le  31  août,  et  il  s'est  continué  jusqu'au  4 
septembre.  A  la  plupart  «les  séances,  l'assis- 
tance était  au  moins  de  5,000  personnes.  Plu- 
sieurs évèques,  en  Ire  autres  NN.  SS.  de 
Strasbourg  et  de  Mayence,  ont  pris  part  aux 
travaux.  On  comprendra  aisément  que  nous 
ne  pouvons  pas  même  en  donner  le  compte 
rendu  très-abrégé,  comme  nous  le  faisons 
pour  les  congrès  de  France.  Mais  nous 
allons  Iranscriie  cd-dessous  les  résolutions  gêné* 


1522 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


raies  qu'on  y  a  volées,  et  qui  feront  connaître 
les  questions  dont  on  s'est  occupé  et  dans  quel 
sens  on  l'S  a  Irauchées.  Voici  ces  résolutions  : 

n  1.  L'Eglise  est  une  institution  complète  en 
elle-même,  qui  a  reçu  de  Dieu  un  droit 
propre  à  elle  dans  le  domaine  de  son  pouvoir 
d'enseignement,  de  consécration  et  de  juridic- 
tion. Elle  est,  en  vertu  du  droit  divin  et  posi- 
tif, indépendante  de  l'Etat  dans  toute  l'étendue 
de  sa  mission.  Il  lui  est  di!i  donc  pleine  liberté 
sur  le  domaine  entier  de  ^-a  mission. 

(1  2.  L'Etat  est  soumis  comme  l'individu  à 
l'ordre  et  aux  lois  établis  par  Dieu.  E.\iger  une 
obéissance  absolue  et  illimitée  aux  lois  de 
l'Etat,  c'est  porter  atteinte  à  la  morale  et  au 
droit  divin,  qui  sont  au-dessus  des  prescriptions 
de  l'Etat. 

«  3.  C'est  attaquer  l'existence  de  l'Eglise 
que  de  vouloir  entraver  le  Pape,  chef  de 
l'Eglise,  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  ensei- 
gnantes et  de  sa  juridiction. 

«  4.  Le  Congrès  renouvelle  sa  protestation 
contre  la  suppression  du  pouvoir  temporel  du 
Pape  et  la  violation  qui  en  résulte  des  droits 
du  Siège  apostolique  et  de  la  chrétienté. 

«  5.  toute  tentative  qui  a  pour  but  d'entra- 
ver la  libre  dispensation  des  sacrements  et  la 
libre  promulg.»lion  de  la  vérité  chrétieme  est 
un  empiétement  sur  les  droits  de  l'Eglise  et 
des  fidèles. 

o  6.  Le  pouvoir  civil  s'attaque  à  l'ordre 
divin  et  aux  lois  de  rE'.;lisi'  lorsqu'il  pousse 
son  ingérence  dans  les  affaires  religieuses  jus- 
qu'à s'arroger  l'éducation,  la  nomination  et  la 
destitution  des  ecclésiastiques,  et  qu'il  se  donne 
le  droit  de  décider  .le  la  constitution  et  de  l'al- 
ministration  de  l'Eglise. 

«  C'est  méconnaître  la  foi  catholique  et  la 
vérité  notoire  que  de  donner  le  titre  de  catho- 
liques et  les  propriétés  ecclésiastiiiues  à  des 
personnes  qui  se  sont  soustraites  à  l'autorité 
de  l'Eglise  et  qui,  de  fait,  sont  placées  sur  le 
terrain  du  protestantisme. 

(i  7.  La  suppressicm  et  la  mise  sous  tutelle 
des  couvents  et  congrégations,  les(juels  sont 
en  connexion  intime  avec  le  développement  de 
l'Eglise  et  le  bien-être  d^i  la  société,  sont  une 
atteinte  aux  droits  de  l'Eglise  et  de  la  liberté 
personnelle. 

«  8.  En  vertu  des  pleins  pouvoirs  qu'elle 
tient  de  Dieu,  l'Eglise  a  l'autorisation  et  la 
mission  d'enseigner  tous  les  peuples.  Elle  a 
donc  le  droit  inprescriplible  de  fonder  et  de 
maintenir  des  écoles  quelconques,  où  la  jeu- 
nesse chrétienne  puisse  recevoir  une  instruclioa 
et  une  éducation  conformes  aux  principes  de 
la  foi. 

«  L'Eglise  ne  peut,  en  aucune  circonstance, 
reconnaître  au  pouvoir  civil  le  droit  de  pour- 


voir à  l'enseignement  religieux.  Les  institu- 
teurs ealholiijues  ne  peuvent  recevoir  la  mis- 
sion de  l'enseignement  religieux  que  de  la  part 
de  l'autorité  ecclésiastique,  et  les  parents  ne 
doivent  confier  leurs  enfants  qu'aux  écoles 
approuvées  et  autorisées  par  l'Eglise. 

«  9.  Le  Congrès  se  fait  l'interprète  de  tous  le» 
catholiques  en  exprimant  son  respect  et  son 
admiration  pour  les  iligues  évèques  et  le  fidèle 
clergé  qui  souffrent  aujourd'hui  de  si  graves 
persécutions. 

«  Il  s'agit,  dans  la  lutte  actuelle,  de  l'exis- 
tence de  l'Eglise  catholique,  du  maintien  de  la 
foi  et  de  la  liberté  de  lu  lY'ligion  chrétienne, 

«  L'Eglise  catholique  ne  peut  se  soumettre  et 
ne  se  soumettra  jamais  à  des  lois  qui  vont  à 
rencontre  de  sa  constitution  divine. 

«  La  paix  ne  sera  établie  cjue  lorsque  l'Eglise 
catholi(jue  aura  recouvré  le  droit  et  la  liberté 
qui  lui  reviennent  en  vertu  de  l'ordre  divin  et 
du  droit  public.» 

Ce  Congrès  réserve  le  faisceau  des  forces  ca- 
tholiques, et,  en  affirmant  les  vraies  doctrines, 
il  met  en  poudre  les  prétextes  dont  se  sert  le  li- 
béralisme pour  enchaîner  l'Eglise. 

Après  avoir  décidé  que  la  prochaine  assem- 
blée se  tiendrait  à  Munich,  les  congressistes  se 
sont  séparés  au  cri  de  :  Vive  Pie  IX  ! 

Grèce.  —  Depuis  l'époque  du  grand  schisme 
grec,  Athènes  n'était  plus  qu'un  litre  in  partibus 
infidelium.  Mais  l'Eglise  y  ayant  fait  île  grands 
progrès  dans  ces  derniers  temps,  et  le  roi  Geor- 
ges témoignant  une  entière  bienveillance  à  ses 
sujets  catholiques,  le  Saint-Père  a  vnulu  profiter 
de  ces  circonstances  favorables  pour  ériger  la 
capitale  de  la  Grèce  en  métropole.  Le  prélat 
choisi  par  Pie  IX,  pour  occuper  le  nouveau  siège 
est  l'éminent  Mgr  Marango,  délégal  apostolique 
à  Athènes,  où  sa  charité  et  son  zèle  lui  ont  con- 
quis le  respect  et  l'amour  non-seulement  des 
catholiques  mais  même  de  ceux  qui  ne  profes- 
sent pas  notre  sainte  religion.  Le  Saint-Père 
veut  qu'il  ne  manque  rien  au  premier  arche- 
vêque d'Athènes.  A  l'occasion  de  sa  promotion, 
il  lui  a  envoyé  de  riches  cadeaux,  entre  autres 
une  croix  jiectorale  et  un  anneau  pastoral,  un 
calice  et  de  très-beaux  ornements.  Les  catho- 
liques grecs  ont  salué  cette  nomination  avec 
joie,  et  tout  fait  croire  que  les  progrès  de  l'E- 
glisesur  cetteillustreterre  vont  prendre  un  essor 
eucore  plus  grand. 

F.  d'Hauterive. 


N»  50.  —  Troisième  snnée. 


Tome  VI.  —  6  octobre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


THÈME  HG!\11LÉTIQCE  SUR  L'E'WNGILI 

DU  XXIII'  DIMANCHE  APHÈ3  I.A  PENTECOTE '^1) 
Mallh.  IX,  18-27.  —  Cf.  Marc.  v.  Luc,  vin. 

1.  En  ce  temps-la,  comme  Jésus  parlait  ù  la 
foule,  vint  un  homme,  nommé  Jnïre;  il  était  chef 
de  fyiingogue.  A  la  vite  de  Jésus,  il  se  jeta  à  ses 
pieds,  le  suppliant  de  venir  chez  lui,  parce  qw  sa 
fille,  l'i  peine  âgée  de  douze  <;»<,  se  mourait.  Il  le 
suppliait  avec  instance  :  ma  fille  est  à  ii-jjtrêvDlé, 
disait-il,  venez,  imposez-lui  la  main,  a/in  qu'elle 
soit  sauvée  et  qu'elle  vive.  La  prière  di;  J.;ïre 
était  fervente,  ruais  sa  foi  n'était  pas  com[)lèle. 
11  devait  croire  que  la  présence  de  Jésus-(;iu-i.st 
n'était  pas  i;écessaire  pour  guérir  sa  tille.  Jé-sus, 
néaniiioins,  consent  à  n'compenser  celte  foi 
im[)urfyite,  car  Dieu  est  toujours  meilleur  que 
nous,  et  Jésus,  se  levant,  s'en  alla  avec  lui,  suivi 
de  ses  disciples  et  d'une  si  grande  multitude  que  la 
foule  le  serrait  de  toutes  parts.  Et  voilà  qu'une 
femme  qui,  depuis  dnuze  ans,  souffrait  d'une 
perle  de  sang,  perça  la  foule,  et,  s'approchant  par 
derrière,  touchu  le  bord  de  son  vêtement.  Car  elle 
disait  en  elle-même  :  Si  je  puis  stulcmcnt  toucher 
le  boi'd  de  son  vêtement,  je  serai  guérie.  Admirez 
l'humilité  de  cette  pauvre  femme  :  elle  s'ap- 
proche timidement  par  derrière  ;  admirez  sa 
foi  :  elle  ne  doute  pas  un  instant  ;  elle  est  cer- 
taine (jue  le  seul  contact  du  véteineiit  de  Jésus- 
Christ  suffira  pour  la  guérir.  Et,  en  effet,  elle 
fut  guérie  à  l'heure  même. 

Les  docteurs  callioliiiues  ont  vu,  avc-c  raison, 
dans  ce  miracle,  un  argument  en  faveur  de 
l'eflicacilé  des  saintes  reliques.  Qu'élail-i'e,  ea 
effet,  ([ue  la  roho  de  Jé-us-Clirist,  qu'il  siUfil  à 
l'hémorroïsse  de  loucher  pour  être  guérie, 
.sinon  une  relique  auguste?  Est  hoc  exemplum 
ad  probandum  vim  et  efficaciam  sanctarum  reli- 
quiarum;  lalis  enim  fecit  vestis  Clmsii{'2). 

Cependant  le  divin  Maître,  voulant  mani- 
fester &\  sa  gloire  et  la  foi  de  cette  humble 
femme,  es  tourna  vers  la  foule,  et  lui  dit  :  Qui 
m'a  touché?  qui  a  touché  ines  vêtements'?  Et 
Pierre,  avec  sa  simplicité  habituelle,  lui  répondit  : 
Maître,  voyez,  la  foule  vous  oppresse,  vous  écrase, 
et  vous  dites  :  qui  m'a  touché!  Et  Jésus  reprit  : 
Quelqu'un  m'a  touché  ;  car  f  ai  connu  '/u'une  vertu 
était  sortie  de  moi,  et  il  promenait  son  regard  autour 

i.  Four  le  xxti"  ilimanche.  voir  le  n»  47  de  la  2*  année* 

2.  Coi-nel.  a  l.iu.id. 


de  'vi,   pour  vc 


mti  avait  fait  cela.  11  le 


savait;  mais  il  voulait  le  prouver  à  la  foule, 
apprendre  que  tout  lui  est  connu  et  donner  au 
monde,  dans  la  personne  de  l'hémorroïsse,  ua 
modèle  d'humilité,  de  confiance  et  de  foi.  Il  la 
distingue  dans  la  foule;  mais  il  veut  qu'elle 
vienne  d'elle-même.  Qui  m'a  touché?  Ce  n'est 
pas  celle  multitude  qui  me  presse  ;  c'est  celte 
âme  aimante,  perdue  dans  la  foule,  qui  m'a 
réellement  touché.  Quel  empressement  quel- 
quefois autour  de  Jésus-Cliri-t,  dans  nos  solen- 
nités saintes;  niais  la  foi,  la  piété  sont-elles  tou- 
jours en  rapport  avec  la  foulu?  Jésus  passe, 
et  la  foule  ne  ressent  pas  le  bienfait  de  sa  pré- 
sence ;  mais  s'il  est  un  cœur  humble  et  pur  qui 
se  cache  et  s'ané;inlit,  c'est  h  ce  cœur  tout  seul 
que  va  la  vertu  qui  sort  de  Jésus-Christ;  c'est  à 
cette  âme  qu'il  dit  :  Ma  fille,  ayez  confiance, 
voire  foi  vous  a  sauvée.  L'est  la  foi  qui  nous 
élève  à  l'adi'ption  divine  :  Et  fdiam,  eamvocat, 
qwa  fides  cam  filinm  feccrat  (1  ). 

n.  Pendanl  <;ette  scène  touch.inte,  les  gens 
du  chef  de  la  synagogue  vinrent  lui  dire  :  C'est 
inutiled'importuiier  le  Maître  davantage,  votre 
lille  vient  de  mourir.  VA  le  malheureux  père 
redoublait  ses  instames,  et  Jésus  lui  dil  :  I\'e  crai- 
gnez pas,  croyez  seulement.  Et  lorsqu'il  fut  ariivâ 
à  la  maison  du  chef  de  la  synagogue,  il  ne  laissa 
entrer  avec  lui  que  Pierre,  Jacques,  Jean,  frère 
de  Jacques,  et  le  père  et  la  mère  de  la  jeune  fille. 
Pour  nous  apprendre  à  fuir  la  vaine  gloire  <t 
pour  bien  d'autres  raisons  dignes  de  sa  sagesse, 
il  ne  veut  avoir  avec  lui  que  les  témoins  absolu- 
ment indispensables  de  ce  qu'il  va  faire;  ses 
principaux  apôlres  qui  devaient  en  inslruir-, 
l'Eglise  et  les  parents  de  la  déluiiti',  par  égard 
pour  leur  amour  paternel,  et  afin  qu'ils  puissent 
en  témoigner  (levant  la  synagogue. 

Il  chassa  les  joueurs  de  fl'ile  qui,  selon  l'u- 
sage, faisaient  entendre  des  airs  lugubres: 
lietirez-vous,  leur  dit-il,  cette  jeune  fille  n'est  pas 
morte,  inais  elle  dort.  Et  ils  se  moquaient  de  lui 
sachant  bien  qu'elle  était  morte. 

Elle  est  morti;  pour  vous,  hommes  impuissants, 
mais  pour  moi  qui  suis  Dieu,  cette  enfant  n'est 
qu'endormie,  vobis  mortua  est,  mihi  dormii  (2). 
Quand  la  toule  eut  élé  mise  dehors,  il  entra 
où  la  jeune  fille  était  couchée,  et,  la  prenant  par 
1(1  main,  il  dit  :  Jeune  fille,  je  le  le  commande, 
lève-toi,  et  la  jeune  fille  se  leva  aussitôt,  et,  pour 

1.  Chrvsost.    n  ifallk. 

2.  HieroQ.  in  itatlh. 


r^ 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


attesftr  la  vêrîté  de  sa  résurrection,  il  ordonna 
qu'on  lui  servit  immédiatement  à  manger. 

Cette  jeune  lille  qui  vient  de  mourir,  dont  le 
corps  est  encore  dans  la  maison  paternelle  est 
la  ligure  du  pécheur  qui  n'a  pas  encore  con- 
tracté l'habitude  du  péché,  et  dont  le  malheu- 
reux état  n'est  pas  encore  devenu  un  scandale. 
Jésus  ressuscite  la  fille  de  Jaïre,  presque  immé- 
diatement après  Si.  mort;  le  pécheur  qui  vient 
de  tomber  se  relèvera  facilement  ;  qu'il  n'attende 
donc;  mais  qu'il  appelle  Jésus  aussitôt:  Qui 
peccat et  continua  conigitur,  cito  revit'iscit,  guia 
nondum  est  comuctudine  iwplicatus,  nondum  est 
sejiutius  (t). 

Jésus  viendra,  il  fera,  dans  le  cœur  de  ce  pé- 
cheur, ce  qu'il  a  fait  iiàus  la  maison  de  Ja'ire,  il 
«hassera  la  foule  importune  des  alfections  et 
des  soucis  terrestres,  il  fera  taire  ces  bruits  du 
monde,  ces  voix  tumultueuses  qui  ne  révèlent 
que  trop  souvent  la  mortd'une  àme.  Turba  foras 
ejicitur,  quia  nisi  prius  secretioribus  cordis  expel- 
iatur secularium  multitude  curarum[il).  Jésus  pren- 
dra ce  pécheur  par  la  main  ;  et  aussitôt  il  se 
lèvera  et  il  marchera  ;  il  marchera  avec  une 
nouvelle  vigueur  dans  les  voies  de  la  vie.  Et, 
pour  le  fortilier,  en  même  temps  que  pour  at- 
tester qu'il  est  vraiment  ressuscité,  Jésus,  or- 
d*nnera  aux  ministres  de  son  église  de  lui 
doDDer  àmanger,il  se  noiurira,  avec  une  sainte 
avidité,  et  un  véritable  proUt  spirituel,  du 
pain  de  l'inlelligince  qui  est  la  parole  de  Dieu, 
et  de  l'aliment  divin  qui  est  ^Euchari^tle. 
Anima  ex  peccatis  ressuscitata,  non  solum  a  scela- 
tum  sordibus  resurgere  débet,  sed  et  in  bonis  opé- 
rions proficere  (3).  Spiritualiter  oinnis  qui  ressus- 
<:itutur  a  Deo  de  morte  animes  ad  vilam,  manducare 
débet,  id  est  vesci  de  Verbo  Dei  et  de  corpore 
Christi  li). 

Les  Pérès  de  l'Eglise  ont  encore  vu,  dans  la 
mort  et  la  résurrection  de  la  fille  de  Ja'ire,  une 
image  de  la  mort  des  ju.-tes.  La  mort  du  juste 
est  un  sommeil  passager.  Cette  jeune  fille  n'est 
pas  morte,  eUe  dort,  disait  Notre-ISeigneur.  S'ins- 
piraat  de  la  pensée  du  Maître,  la  langue  chré- 
tienne a[ipelle  la  mort  un  sommeil.  Nos  lieux 
de  sépulture,  nous  les  appelons  des  cimetières, 
c'est-à-dire  des  limx  où  l'on  dort,  des  champs 
de  repos.  Lorsijue  quelqu'un  de  nous  part  pour 
réteraité,  nous  disons  de  lui  :  il  s'est  enduriui 
dans  le  Seigneur.  En  efTel,  la  mort  dans  la  grâce 
de  Dieu,  la  moi*  dans  l'espérance  d'une  éter- 
nelle vie,  n'est-ce  pas  un  doux  sommeil,  i.ont 
le  réveil  sera  plus  doux  encore.  Oh  !  se  réveiilLr, 
comme  la  liUe  de  Jaiie.  S'!  réveiller  dans  la  so- 
■ciété  des. ipoli es!  se  réveiller  la  main  dans  la 

(.  Aug.  (It  Vtrb.  Dom. 
2    Gre^.  iforat.  IV. 
9.  Ucà.  1/1  Marc. 
4.  Jyin.  cj-jv.  Caten.  aur. 


main  de  Jésus-Cbrisl  !  se  réveiller  i  celte  donco 
voix  :  lève-loi;  c'est  moi  qui  le  le  dis  ;  moi  ton 
Dieu,  ton  père,  ton  ami,  la  couronne!  se  ré- 
veiller pour  marcher,  pour  marcher  toujours  de 
clartés  en  clartés,  d'allégresses  en  allégresses  1 
se  réveiller  pour  être  servi  par  les  anges,  pour 
s'asseoir  éternellement  à  l'éternel  festin  1 

L'abbé  Herman, 
curé  de  Feaiubcrt. 


INSTRUCTlOiNS  FAMILIÊBES 

SUR    LES  COrslMANDEMENTS  DE  DIEU 

1"*  Instruction  préliminaire. 

Promulgation  des  commandements  de  Dieu;  combien 
ce  qu'ils  prescrivent  est  sage. 

Texte.  —  Si  vis  ad  vitam  ingredi,  se7'va  mgn- 
dota.  Si  vous  voulez  arriver  à  la  vie  éternelle, 
observez  fidèlement  les  commandements.  {Saint 
AJatthieu,  ch.  xix,  v.  17). 

EïORiiE.  —  Mes  frères,  en  terminant  nos  ins- 
tructions sur  le  Symbole,  nous  vous  parlions  de 
la  vie  éternelle...  Nous  avons  essayé,  selonnotre 
pouvoir,  de  vous  donner  une  idée  du  ciel,  du 
bonheur  immense,  de^  joies  éternelles,  qui 
seront  notre  partage  dans  le  paradis,  si  nous 
avons  le  bonheur  d'y  aller  un  jour...  Et  pour- 
quoi iricious-nons  pas  dans  ce  séjour  de  délices  ? 
Pourquoi  seri(uis-uons  privée  de  cette  félicité 
immortelle,  puiS'iue  c'est  pour  la  posséder  que 
Dieu  nous  a  placés  sur  cette  terri-'  Le  ciel!  c'est 
notre  pays,  c'est  notre  véritable  patrie,  et  Dieu 
lui-tnème,  dans  son  immense  amour,  a  voulu 
nous  indiquer  le  chemin  qui  devait  nous  y  con- 
duire... (Juel  est  donc  ce  chemin?  Ecoutez  une 
histoire  tirée  de  l'Evangile. 

Notre  adorable  Sauveur,  manifestant  la  honte 
de  son  cœur  divin,  venait  de  dire  à  ceux  qui 
eloij;naicnt  de  lui  les  enfants  :  k  Laissez  ces  chers 
petits  s'uiiproclier  de  moi,  car  le  royaume  des 
cieux  !our  ap[uirtient.  »  Enhardi  pur  tant  de 
douceur,  un  jtunc  homme  lui  fit  cette  question. 
«  Maître  si  bon,  veuillez  me  dire  ce  que  je  dois 
faiix'  moi-même  pour  obtenir  la  vie  éternelle.  » 
Et  Jésiis  lui  répondit:  «  Si  vous  désirez  posséder 
un  jour  cette  vie  bienheureuse,  vous  n'avez 
qu'une  seule  chose  à  faire:  Observez  fidèle- 
ment les  commandements  de  Dieu.  »  Si  autem 
vis  ad  vilain  ingredi  serva  mandata.  Pouvait- on 
mes  frères,  nous  indiquer  plus  clairement  le 
ch-  min  qui  doit  nous  conduire  au  ciel.  0  para- 
dis, palais  .splcndide  habité  par  les  saints,  sé- 
jour de  gloire  et  de  félicité  dans  lequel  notre 
(li\in  Kéilempteur  nous  a  préparé  une  place  à 
tous;  une  seule  ronte  peut  nous  conduire  dans 
son  seul,  l'obàcriaLiou  des  commaudemeutB  de 
Dion. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


132» 


Pboposition.  — S'il  en  est  ainsi,  frères  bien 
aimés,  vous  comprenez  combien  il  est  impor- 
tant |ionr  vous  tons,  d'écouter  avec  une  religieuse 
altentioa,  et  surtout  de  mettre  à  profit  les  ins- 
tructions, dans  lesquelles  nous  chercherons  à 
vous  expliquer  avec  délai!  ce  que  prescrivent  et 
ce  que  défendent  ces  préceptes  divins...  Aujour- 
il'liui,  afin  du  vou<<i]ispirer  un  grand  respect 
pour  ces  augustes  commandements,  je  vous 
dirai  comment  Dieu  les  a  donncsauxtiommes, 
puis  j'essayerai  de  vous  montrer  combien  ils 
sont  justes  et  saces. 

Division.  —  Donc,  premièrement  :  promulga- 
tion des  commaniifments  de  Dieu.  Secondcjnent: 
leur  sai^esse.  Telles  sont  les  deux  considéra- 
tions snr  lesquelles  nous  allons  nous  arrêter. 

l'ieviih-ejiartif.. — Dieu,  en  créiint  l'homme  a 
son  ima*;!',  en  lui  donnant  l'intellisence  et  la 
raison,  avait,  dès  l'origine,  gravé  dans  son  âme 
toutes  les  prescriptions  que  renferment  ses  com- 
mandements divins.  Abel,  Noé,  Abraham  et  les 
autres  Patriarches  adoraient  le  Très-Haut,  et  lui 
ofiraient  des  sacrifices,  longtemps  avant  que 
Dieu  eftt  donné  sa  loi  sur  le  Sinai.  Gain,  en 
tuant  son  frère  Abel,  était  coupable,  bien  quece 
commandement  :  Tu  ne  tueras  pas,  ne  fût  pas 
encore  écrit  sur  les  tables  de  pierre.  Avant  que 
Moïse  eût,  au  nom  de  Dieu,  formulé  ces  pré- 
ceptes: Honore  ton  pè^e  et  ta  mère...  Ne  commets 
point  d'impuretés,  Cham  était  maudit  pour 
n'avoir  pas  rcsiu'cté  son  père,  le  dJUige  punis- 
sait les  désordres  dans  lesoueLs  se  vautrait  le 
genre  humain,  et  une  pluie  de  soufre  et  de  feu 
dévorait  Sodome  et  ses  habitants,  comme  ua 
juste  châliment  de  leurs  abominations...  C'est 
que,  comme  je  le  disais,  le  Créateur,  dès 
l'origine,  a  imprimé  dans  le  cœur  de  l'homme 
le.-i  obligations  contenues  dans  les  commande- 
ments; ils  forment  comme  le  fond,  la  base  de 
notre  intelligence...  l'our  les  connailre,  il  suflit 
d'interroger  sérieusement  cette  lumière  inté- 
rieure, qu'on  appelle  la  conscience...  Voilà 
pourquoi,  avant,  comme  depuis  Woise,  l'obser- 
vation de  ces  commandements  a  toujours  été 
obligatoire  pour  tous  les  hommes  à  quelque 
nation  qu'ils  appartinssent. 

Mais,lièlas!  frères  biou  aimés,  quelle  large 
brèche  le  péché  a  faite  dans  l'àiue  humaine!... 
l'eu  de  siècles  se  sont  écoulés  depuis  1«  déluge, 
et  je  vois  l'idolâtrie  répandue  dans  tout  l'uni- 
vers; le  vrai  Dieu  est  méconnu,  ses  préceptes 
sont  oubliés;  les  passions  ont  obscurci  la  raison 
de  l'homme  et  faussé  sa  conscience.  C'est  alors 
que  le  Seigneur,  dans  sa  miséricorde,  daigna 
promulguer  d'une  manière  solennelle  ses  com- 
mandements divins,  les  grava  sur  deux  tables 
de  pierre,  et  chargea  Moïse  de  les  communiquer 
aux  enfants  d'Israël. 

Voici  comment  eut  lieu  ceUe  promulgation. 


Les  Hébreux,  après  avoir  traversé  la  mer  Rouge 
à  pied  sec,  étaient  arrivés  au  pind  du  mont 
Sinaï,  lorsque  Dieu  parla  ainsi  à  Moïse  :  «  Dis 
à  ton  peuple  que  je  veux  contracter  alliance 
avec  lui,  qu'il  se  prépare  à  recevoir  ma  loL 
Puis,  trois  jours  après,  le  peuple,  réuni  au  pied 
de  cette  sainte  montagne,  la  vit  tout  à  coup  se 
couvrir  d'une  nuée  très-épaisse.  Le  tonnerre  se 
fit  entendre,  des  éclairs  formidables  sillonnè- 
rent cette  nuée.  Le  rocher  paraissait  fumant  et 
semblait  chanceler  sur  ses  bases,  quand,  tout  à 
coup,  du  milieu  d'un  tourbillon,  un  ange  dicta 
à  Moïse,  au  nom  du  Très-Haut,  les  commande- 
ments suivants  :«  C'est  moi,  ô  Israël,  qui  t'ai  tiré 
de  l'Egypte,  tu  n'auras  point  d'autre  Dieu  qae 
moi,  tu  n'adoreras  et  ne  serviras  que  moi  seul. 
Tu  ne  prendras  point  mon  nom  eu  vain...  Sou- 
viens-toi de  sanctitier  le  jour  du  Sabbat...  Tu 
peux  travailler  pendant  six  jours  ;  mais,  le 
septième,  je  me  le  réserve,  il  m'appartient... 
Honore  ton  père  et  ta  mère,  afin  que  tes  jours 
soient  longs  sur  la  terre...  Tu  ne  tueras  point. 
Tu  ne  seras  point  adultère.  Tu  ne  déroberas 
point.  Tu  ne  porteras  point  de  taux  témoi- 
gnage contre  ton  prochain.  Tu  ne  convoiteras 
ni  la  femme,  ni  les  auties  biens  de  ton  pro- 
chain. D 

Les  enfants  d'Israël,  aveuglés  par  les  éclairs, 
épouvantais  par  l'éclat  de  cette  voix  terrible,  qui 
retentissait  à  leurs  oreilles  comme  le  bruit  de 
la  foudre,  prièrent  i\l(.iïsc  de  rnnnter  sur  le 
Sinaï,  de  s'entretenir  seul  avec  i^Eteruel,  qui 
daigna  graver  ses  commandements  sur  deux 
tables  de  pierre,  afin  que  le  peuple  juif  le  con- 
servât comme  un  témoignage  ini[iiiissable  de 
l'aUiance  que  Dieu  contractait  avec  lui. 

Telles  furent,  frères  bien  aimés,  hs  princi- 
pales ch-constauces  qui  accompagnèrent  la  pro- 
mulgation des  dix  commandemi-nts  de  Dieu. 
Notre-Seigneur,  tout  en  abolissant  les  lois  céré- 
moniales  des  Juifs,  a  conservé  et  confirmé  Ini- 
mème,  par  ses  enseignements,  ces  préceptes 
divins.  Au  jeune  homme  qui  lui  demandait  ce 
qu'il  fallait  Liire  pour  obtenir  la  vie  éternelle, 
il  disait  —  Il  faut  garder  les  commauilemenls. 
—  Et  quels  commandements  dois-je  donc  obser- 
ver? répliciua  le  jeune  homme.  —  Et  notre  Sau- 
veur lui  répondait  en  énumèrant  les  précepics 
donnés  par  Dieu  sur  le  mont  Siniiï. 

Seconde  partie.  —  Frères  bien  aimi'S,  je  désire 
maintenant  vous  montrer  combien  ces  comman- 
dements sont  justes  et  sages,  comment  i  s  ré- 
pondent aux  désirs  les  plus  Lgitimes  de  notre 
cœur,  aux  lumières  les  plus  pures  de  notre 
couscience.  Un  mot  seulement  sur  chacun  d'eux. 
Vn  seul  Dieu  lu  adoreras  et  aimeras  parjaite- 
ment!  Est-il  rien  de  plus  conforme  à  la  justice 
que  d'adorer  le  Dieu  qui  nous  a  créés,  qui  nous 
enUetiu'ut  la    vie    et   qui,   chaque  jour,   nou» 


153© 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


comble  fie  ses  biens?...  Voj-ez-vous  les  pauvres 
idolâtres,  prodiguant  leurs  bommagcs  à  une 
foule  de  dieux  dont  ils  ne  pouvaient  rien  espé- 
rer? Que  le  ebrétien  serait  coupable,  si,  malgré 
les  lumières  que  \xn  donne  la  loi,  il  se  livrait  à 
de  pareils  errements!  Le  second  commande- 
ment nous  empêcbe  de  jurer  et  de  blasphémer... 
Que  penseriez-vous  d'un  homme  qui,  comblé 
des  faveurs  d'un  roi,  insulterait  ce  prince  et 
vomirait  des  imprécations  contre  lui?...  Vous 
diriez  :  c'est  un  misérable  ;  et  vous  auriez  rai- 
son... Ainsi,  mes  frères,  ceux  qui  jurent  et  qui 
blasphèment  contre  Dieu,  sont  des  misérabbs 
et  diS  ingrats...  Les  Dimanches  tu  sanctifieras 
en  servant  Dieu  dévoteinent .  Ah!  voilà  bien  l'un 
des  commandements  les  plus  scandaleusement 
violés  de  notre  temps!  Cependant,  réfléchissez... 
Quoi  de  plus  juste  que  de  consacrer,  au  Dieu 
qui  nous  donne  chaque  heure  et  chaque  minute, 
le  jour  qu'il  s'est  réservé...  Hommes  insensés, 
qui  profanez  par  le  travail  le  jour  du  Seigneur, 
que  de  misères  de  l'âme,  que  d'infirmités  du 
corps  vous  attendent. .. 

Voyons  maintenant  les  commandements  qui 
regardent  nos  devoirs  à  l'égard  du  prochain. 
Père  et  mère  honoreras,  nie.  Est-il  juste,  dites- 
moi,  est-il  bou,  est-il  sage  de  respecter  ceux  qui 
nous  ont  donné  la  vie,  d'honorer  ce  père  dont 
les  bras  se  sont  si  souvent  fatiL;ués  pour  nous, 
cette  mère,  qui  nous  a  nourris  de  son  lait,  ber- 
cés tant  de  fois  dans  ses  bras,  élevés  avec  tant  de 
tendresse  et  d'amour...  Mais  peut-être  le  cin- 
quième précepte  :  Homicide  point  ne  seras,  etc., 
vous  paraitra-t-il  moins  juste,  moins  sage?... 
S'il  défendait  seidement  d'atlenttr  aux  jours 
de  son  prochain,  on  comprendrait  encore;  mais 
il  défend  d'avoir  contre  le  prochain  de  la  hnine, 
de  la  rancune,  il  commande  que  nous  pardon- 
nions les  injures  que  nous  avons  reçues  de  nos 
frères,  comme  nous  voulons  que  Dieu  lui-inèrae 
nous  pardonne.  Est-ce  juste,  t  st-ce  s:ige?  Oui, 
frères  bien  aimés,  en  défendant  jusiju'aux  pen- 
sées de  haine,  ce  commandement  s'oppose  aux 
terribles  etfets  qu'elles  produisent,  quand  elles 
sont  nourries  avec  com[daisance  dans  un  cœur 
ulcéré.  Que  de  meurtres,  ([ue  d'homicides  ont 
eu  pour  principe  une  simple  pensée  de  haine, 
et  ce  commandement  est  sage  en  arrêtant  le 
mal  jusque  dans  sa  source... 

Luxurieux  point  ne  "ei-as,  etc.  Tel  est  le  sixième 
'.ommandement.  DiVes-moi,  vous  tous  qui  m'é- 
îoutez,  aimeriez- vous  que  le  libeitinage  allât 
porter  le  désordre  au  sein  de  vos  foyers? 
Hommes,  je  vous  ai  vus  pendant  la  dernière 
guerre;  ce  que  vous  craigniez  le  plus  pour  vos 
épouses  et  pour  vos  filles,  c'clait  le  déshonneur; 
ce  qu'elles-mêmes  redoutaient  davantage,  c'é- 
t.iient  les  insultes  auxquellc';  aurait  pu  les  exposer 
la  brutalité  des  soldats...  Ah  1  vous  aimez  doue  la 


pudeur,  et  vous  ne  voudriez  pas  qu'un  liberîîa 
vint  jeter  le  trouble  et  porter  la  honte  dans  vos 
familles.  C'est  précisément  ce  que  défend  le 
commandement  dont  nous  parlons...  11  ne  sera 
pas  difficile,  mes  frères,  de  vous  montrer  la 
sagesse  et  la  justice  du  précepte  qui  défend  le 
vol,  la  rapine  et  la  fraude...  Bien  d'autrui  ne 
prendras,  ni  retiendras  à  ta  connaissance,  .lamais, 
direz-vous,  prescription  ne  fut  plus  sage;  il  est 
juste  que  le  vol,  le  larcin,  soient  défendus  par 
la  loi  divine,  et  la  justice  humaine  punit  ce 
crime  avec  raison.  Mais,  remarquez,  ce  com- 
mandement va  plus  loin  ;  il  défend  ces  usurpa- 
tions, ces  fraudes  cachées,  ces  industries  coupa- 
bles, contre  lesquelles  la  loi  humaine  est  souvent 
impuissante.  C'est  comme  s  il  disait  :  D.uis 
toute  votre  conduite,  vous  serez  loyal  et  honncte; 
laboureur,  tu  n'échancreras  pas  le  sillon  de  ton 
voisin;  domesli}ues,  vous  emploierez  religieu- 
sement votre  temps  et  vous  ne  prendrez  point  j 
le  bien  de  vos  maîtres  ;  négociants  de  tout  genre,  j 
vous  agirez  avec  bonne  foi,  vous  contentant  j 
d'un  gain  légitime,  vous  ne  fraudrez  ni  sur  la  i 
quantité  ni  sur  la  qualité  de  la  mardi  ludise.  ■ 
Ah  !  si  toutes  ces  prescri[itions  étaient  observées, 
combien  les  relations  sociales  deviendraient 
plus  douces  et  plus  faciles  !...  Quant  au  huitième 
commandement  :  Faux  témoignage  ne  diras  7ii 
mentiras  nucum  ment ,(.im  n'eu  comprend  la  sa- 
gesse et  l'équité?  Ne  parlons  pas  de  ces  misé- 
rables qui,  [.ar  do  faux  témoignages,  ont  plus 
d'une  fuis  conduit  des  innocents  dans  les  pri- 
sons et  peut-être  à  l'échafaud.  Mais  le  simple 
mensonge,  quel  vice  hideux  1  Quelle  humiliation 
pour  un  humme,  quand  on  peut  lui  i;ire  eu 
tace  :  Vous  êtes  un  inentiur.  Et  si  ce  mensonge 
a  contribué  à  décrier  injustement  le  prochain, 
à  noircir  sa  réputation,  quelle  infamie!  qu'elle  j 
est  criminelle,  la  langue  du  calomniateur!  Eh  '^ 
bii'u!  mes  Irères,  calomnie,  mensonge,  faux 
témoignage,  tout  cela  n'est-il  pas  sagement 
défendu  par  le  huitième  corainaiidemeut?  Je 
ne  parlerai  pas  des  deux  derniers  qui  nous  de- 
fendeui  de  convoiter  la  femme  ou  les  biens  du 
prochain.  Pourtant,  ils  sont  aussi  justes  et  sag^  s. 
le  mal  ayant  sa  racine  dans  le  coeur,  eu  défeiT 
daut  les  mauvais  désirs  ils  tendent  à  le  détruire* 
jusque  dans  ses  plus  intimes  protondeurs. 

l'i;R(iii.\isoN.  —  Frères  bien  aimés,  ces  quel- 
ques mots  sufiisent  pour  vous  montrer  la  sagesse 
et  l'équité  des  commandements  divins;  daus  les 
instructions  suivantes,  entrant  dans  plus  de 
détails,  nous  espérons,  avec  l'aide  de  Dieu,  vous 
faire  comprendre  combien  il  nous  est  utile  et 
avantageux  de  les  observer  fidèlement. 

Le  saint  roi  David,  après  les  dmix  énormes 
faut(!s  dont  il  s'était  souillé,  regrettait  vivc-me  t 
son  iulidélité...  «  Heureux,  s'ecriait-il,  ceux  qui, 
ayaut  toujoiu-s  suivi  les  sentiers  de  riuuoceucc. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1531 


font  dp  la  loi  fin  ?piçrneiir  la  rôplp  rie  leur  con- 
duite... Heureux  ceux  qui  médiient  san.s  cesse 
Jes  commandements  de  Dieu,  et  font  tous  leurs 
efforts  pour  les  observer.  .  Les  pécheurs,  ceux 
qui  commettent  le  m.il,  ô  mon  Dieu,  ne  mar- 
chent poiut  dans  la  voie  que  vous  leur  avez  tra- 
cée... »  Puis  il  faisait  un  masnifique  éloge  de  la 
loi  de  Dieu...  Il  disait  que  c'était  en  observant 
les  commandements  divins  qu'on  pouvait  réparer 
les  fautes  de  la  jeunesse...  Seigneur,  ajoutait-il, 
De  me  repcnissi'Z  pas  ;  afin  de  ne  plus  vous 
otTeuser,  j'ai  fait  de  votre  loi  l'objet  de  mes  affec- 
tions... Elle  m'a  parn  préférable  à  toutes  les 
richesses  de  ce  monde  (f).  »  Croyez-vous, 
Ircies  bien  aimés,  que  ce  saint  roi  fût  dans  l'er- 
reur, quand  l'observation  des  commandements 
de  D'eu  lui  paraissait  préférable  aux  richesses, 
aux  honneurs,  à  la  possession  même  du  trône 
sur  lequel  il  était  assis...  Nullement,  car  ni  les 
aichesses,  ni  les  honneurs,  ni  tous  les  biens  de 
ce  monde  ne  sont  le  but,  la  fin  pour  laquelle 
nous  avons  été  créés  ;  ils  ne  sont  pas  même  le 
chemin,  la  route  qui  doit  nous  y  conduire; 
tandis  que  si  nous  ob-ervons  fidèlement  les 
commandements  que  Dieu  nous  a  donnés,  nous 
arriverons  infailliblement  à  celte  vie  éternelle, 
à  ce  bonheur  sans  fin  pour  lequel  Dieu  nous  a 
donné  l'existence.  Si  vis  ad  vitam  ingredi,  serva 
mandata.  Si  vous  voulez  arriver  à  la  vie  ét-'r- 
iielle,  gardez  les  commandements.  Ainsi  soit-il. 

L'abbé  Lobry, 

curé  de  Vaucliassis. 


ACTES   OFFICIELS   DU    SAINT-SlÉGE 

CRÉATION  UE    CABDINAUX  ET   PHOYISION  d'ÉGLISES. 

Le  1"  septembre,  le  Souverain-Pontife,  après 
avoir  transféré  S.  Em.  le  cardinal  Marlinelli 
de  l'Ordre  des  Diacres  à  l'Ordre  d»  s  Prêtres,  et 
changé  sadiaconie  de  Saint-Georges  au  Velabre 
contre  le  litre  de  Saiute-Prisque,  lui  a  donné 
rang  immédiatement  après  S.  Em.  le  cardinal 
Simor.  Puis,  après  avoir  clos,  suivant  l'usage, 
la  bouche  au  cardinal  Jean  Mac-Closkey,  créé 
et  publié  dans  le  consistoire  du  15  mars  dernier, 
Sa  Sainteté  a  prononcé  une  allocution  et  a 
daigné  ^  publier  les  cardinaux  suivants  de  la 
sainte  Eglise  romaine  créés  et  réservés  in  pelto 
dans  ledit  consistoire  du  1.^  mars  dernier  ; 

DE  l'ordre  des  prêtres  : 
Mgr  Roger   Louis-Einidius-Antici-Mattei, 
patriarche  de  Constantinople,  audilenr    de  la 
Révérende  Chambre  Apostolique,  né  à  Récanati. 
le  23  mars  181 1. 

Mgr  Sauveur  Nobili-Vitelleschi,  archevêque 
de  Séleucie,  secrétaire  de  la  Sacrée-Cougréga- 

I.  Pi.  CXVIil. 


tion  des  Evêques  et  Réguliers,  et  de  l'Immu- 
nité ecclésiastique,  né  à  Uume,  le  22  juillet 
1818. 

Mgr  Jean  Siraéoni,  archevêque  de  Chalcé- 
doine,  nonc»  apostolique  près  Sa  Majesté  catho- 
lique, né  à  Pagliano,  le  27  décembre  1816. 

DE  l'ordre  des  diacres  : 
Mgr    Laurent  Randi,   vice-camerlingue    de 
la  sainte  Eglise  romaine,  né  à  R.ignacavallo, 
dio  èse  de  Faenza,  le  12  juillet  1818. 

Mgr  Barthélémy  Pacc:i, majordome  de  Sa  Sain- 
teté, n-!  à  Bénévent,  le  25  février  t8l7. 

Enfin  le  Pape  a  créé  et  publié  cardinal  de  la 
sainte  Eglise  roin.iine, 

DE  l'ordre  DES  PRETRES  : 

Rlgr  Godefroy  Brossais  Saint-Marc,  archevê- 
que de  Rennes,  né  à  Rennes,  le  4  février  1803. 

Ensuite  Sa  Sainteté  a  daigné  pourvoir  aux 
Egli^^es  suivantes  : 

L'Eglise  métropolilaine  de  Valladolid  pour 
Mgr  Ferdinand  Blanco  y  Lorenzo,  transféré  du 
siège  d'Avila. 

L'Eglise  métropolitaine  de  Torragone  pour 
Mgr  Constantin  Bouet  y  Zanuy,  trauféré  du 
siège  de  Gérone. 

L'Egliae  arc'népiicopale  de  Sardes  in  partibus 
infidvlium  pour  Mgr  Philippe  Manetti,  transféré 
du  fii'ge  de  Tripoli  in  partibus. 

L' Eglise  métropolitaine  de  Besançon  pour  Mgr 
Pierre-Antoine  Juslin  Paulinier,  tran.sféré  du 
siège  de  Grenoble. 

L'Eglise  métropolitaine  de  Brindisi,  avec  l'ad- 
ministration perpétuelle  du  siège  épiscopal  de 
Ostuni,  pour  Mgr  Louis-Marie  Aguilar,  des 
Clercs  réguliers  de  Saint-Paul,  transféré  du  siège 
d'Ariane. 

L'Eglise  archiépiscopale  de  Mélitène  in  partibus 
infidelium  pour  Mgr  Félix  Mai  ie  de  Neckere, 
prêtre  diocésain  de  Bruges,  prélat  domestique 
de  Sa  Sainteté,  prùtinotaire  apostolique  ad 
instar,  référendaire  de  l'une  et  de  l'autre  signa- 
ture, et  chanoine  de  la  patriarcale  archibasili- 
que  de  Saint-Jean-ile-Latran. 

L'Eglise  cathédrale  de  Majorque  pour  Mgr 
M.itliieii  Jaume  y  Garan,  transféré  du  siège  de 
Miuorque. 

L'Eglise  cathédrale  de  Cuzsco  pour  Mgr  Pierre- 
Joseph  Tordoya,  transféré  du  siège  in  partibus 
de  Tiberiopolis. 

_  L'Eglise  cathédrale  d'Astorga  pour  Mgr  Ma- 
riano  Brezmes  y  Arredondo,  transféré  du  siège 
de  Guadix. 

L'Eglise  cathédrale  de  Nouvelle  -  Pampelune 
pour  Mgr  Ignace-Antoine  Para,  ancien  èvèque 
de  Panama. 

L'Eglise  cathédrale  d'Ariano  pour  le  R.  P. 
Sauveur--Marie-Jean  Nisio  de  Molfetta,  prêtre 
de  la  Congrégation  des  Clercs  réguliers  de  la 


1532 


LA  SEMAINE  DD  CLERGÉ 


Mère  de  Dieu,  provincinl  de  sa  Congrégatioa 
à  Naples,  recteur  de  Saint-Charles  aU'Arena, 
inissionnairea[iostoliqueetdocteur  en  Ihéologie. 

y  Eglise  cathédrale  d'Albe  royale  pour  le  R. 
D.  Ferdinand  Dulanszki,  prêtre  f!e  Strigonie, 
chanoine  de  la  métropole,  abbé  titulaire  de 
Saint-Eyide  de  Simighio  et  docteur  en  théo- 
logie, 

L'Eglise  cathédrale  de  Iluesca  pour  le  R.  D. 
Honoré  de  Ouaindia,  prêtre  de  Buii;os,  adminis- 
trateur économe  de  cet  archidioci-e,  examina- 
teur prosynodal  et  docteur  en  llicolugie. 

L'Eglise  cathédrale  de  Vick  pour  le  R.  D. 
Pierre  Colomer  y  Mestres,  prêtre  de  Géroiiu, 
professeur  de  philosophie  et  de  tliéologie  au 
Séminaire  de  cette  ville,  et  docteur  en  théo- 
logie. 

L'Eglise  cathédrale  de  Minorgue  pour  le  R.  D. 
Emmanuel  Mercadery  Arioyo,  piètre  de  Barce- 
lone, secrétaire  de  Mgr  l'évéquede  Pampeluni-, 
chanoine  de  cette  cathédrale  et  docteur  eu 
théologie. 

L'Eglise  cathédrale  de  Cuença  pour  le  R.  D. 
Sébastien  Herrero  \'  Espinosa  de  los  Monteros, 
prêtre  du  diocè?e  de  Cadix,  prévôt  i  e  la  Con- 
grégation de  l'oratoire  de  Saint  Philippe  île 
Néri,  recteur  du  séminaire  de  Caiiix,  archiprétre 
de  la  cathédrale,  vic^iire  gi'néral  du  diocèse  et 
docteur  en  l'un  et  l'autre  droits. 

L'Eglise  cathédrale  de  6<yuer,zp  pour  le  K.  D. 
Emmanuel  Gnmez-Salazar,  préliede  i'arch'alii> 
cése  de  Burgo>,  profii-sseur  et  lecteur  du  -émi- 
maire  de  Val'ni;e,  chanoine  à  la  oiélf.pid  ■  de 
cette  ville,  docteur  en  théulugie  et  hceucie  eu 
droit  canon. 

L'Eglise  cathédrale  de  Guadix  pour  le  R. 
Frère  Vinrent  Ponte?  y  Canlelar,  de  Mii''r;d, 
prêtre  profés  de  l'Ordre  des  Ermites  de  Sriint- 
Augustin,  Iccleiu-  dans  ledit  Ordre,  professeur 
<!e  religion  et  de  morale  à  Malaga,  directeur  de 
l'institut  provincial  de  celte  ville,  et  curé  de 
l'église  des  Saints-Charles  et  Dominique. 

L'Egli.-e  cathédrale  de  Panama  pour  le  R.  P. 
Joseph  TelcsphurePaul,  de  Santa-Fé  de  Bogota, 
prcire  profés  di^  la  Compagnie  de  Jésus,  ancien 
reeleur  du  collège  de  Guatimala,  missionnaire 
•  t  piol'esseur  à  Panama,  et  docteur  en  Ihco- 

L'Eglise  cathédrale  de  Loja,  de  nouvelle  créa- 
tion, pour  le  li.  P.  François-Joseph  Alasia,  de 
rarchidioièse  de  Tarragoue,  prêtre  proies  de 
l'Ordre  des  Mineurs  Ohsetvautins  de  Saint-rran- 
<;ois,  gardien  du  collège  aiiostolique  de  Saixite- 
Âlaiiu-des-Anges,  à  Lima,  examinateur  synonal 
et  commissure  général  de  son  Ordre  au  Pérou 
et  dans  la  Kc[iiiblique  de  l'Equateur. 

L'Ei/làc  caihéiùale  de  Guamanga  od  Ayacucho 
pour  le  l\.  D.  Jean-Jo-cph  de  Polo,  piètre  de 
rui.ciiiJiii  ruse  Je  Limu^  ULrtxteur  spirituel  des 


monastères  de  l'Incarnation,  de  Sain  te  Thérèse 
et  de  la  maisou  des  Exercices  spirituels  de 
Sainte-Rose,  chanoine  maître  de  la  métropole  et 
docteur  en  théologie. 

Le  Pape  a  déclaré  ensuite  qu'il  avait  été 
pourvu,  par  brefs  particuliers,  aux  Eglises  sui- 
vantes : 

L'Eglise  métropolitaine  d'Athènes  pour  Mgr 
Jean  ilarango,  transféré  du  siège  de  Tyne  et 
Alicone. 

L'Eglise  métropolitaine  de  Naxia  pour  le  R.  D. 
Joseph  ZaLino. 

L'E'jlise  cathédrale  de  Lubiona  pour  le  R.  D. 
Jeau-Chrysostome  Pogarar,  prêtre  diocésain  de 
Lubiana,  prévôt  de  la  cathédrale,  professeur  de 
théologie  do'.;matique  au  lycée,  directeur  des 
études  théologiques,  examinateur  prosynodal, 
président  des  causes  ecclésiastiques  et  matrimo- 
niales, docteur  en  théologie. 

L'Eglise  cathédrale  de  Tyne  et  Micone  pour  le 
R.  D.  Ignace  Giustiniani. 

L'Eglise  catliAdi-ale  de  Scia  pour  le  R.  D.  An- 
dré Timoni. 

L'Eglise  épiscopale  de  Mallo  in  partibus  infide- 
lium  pour  le  R.  Hermaun  Cleich,  prêtre  diocé- 
sain de  Breslau,  chanoine  de  la  cathédrale,  dé- 
puté auxiliaire  de  Mgr  Henri  Foerster,  évéque 
de  Broslau. 

L'Eglise  épi<Cf>pale  de  Melasso  in  partibus  infi- 
delium  pour  le  R.  U.  Joseph  Boltizar,  prêtre  de 
l'archidiocèse  de  Strigonie,  chapelain  secret 
d'honneur  de  Sa  Sainteté,  chanoine  de  la  mé- 
tropole de  Strigonie,  auditeur  et  vicaire  général 
pour  le  district  de  Tiruavie,  député  auxdi.iirede 
l'èmineutissime  cardinal  Simor,  archevêque  de 
Strigonie. 

L'Eglise  épiscopale  de  Gerase  in  pnnibus  infi.de- 
l/wn  pour  le  R.  D.  Ludovic  Vey,  élève  du  sémi- 
naire des  Missions  Etrangères  à  Paris,  député 
vicaire  apostolique  du  Siam  oriental. 

L'Eglise  épiscopale  de  Lirba  in  partibus  infide- 
lium  pour  le  R.  1).  Jean  Prendergast,  député 
coadjutenr  de  31gr  EugèueO'Couneli,  évèque  de 
Grass-Valley. 

L'Iiglise  épiscopale  de  Dansara  in  partibus  infi- 
delium  pour  le  R.  D.  Joseph  Buu'liari,  prêtre 
diocésain  de  Saint-Marco  et  Bisignano,  nommé 
évéque  ordinand  pour  les  Italo-Grecs  des  Cala- 
bres. 

Sa  Sainteté  a  ensuite  ouvert,  dans  les  forme» 
ordinaires,  la  bouche  à  rEininentissime  et  Ré- 
vérendissime  cardinal  Mac-Closkcy;  puis  elle  a 
agréé  l'instance  du  Pallium  qui  lui  a  été  adres- 
sée pour  les  Eglises  de  Valladolid,  Tarragone, 
Besançon,  Brindisi,  Athènes  et  Naxia;  et  enfin 
elle  a  posé  l'anneau  cardinalice  au  doigt  du  car- 
dinal Mac-Closkcy,  lui  assignant  le  titre  presby- 
téral  de  Sainte-Marie-de-la-Minerve. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


153» 


LITURGIE 


DES  RÈGLES  A  SUIVRE  DANS  LE  CULTE  DES  SAINTES 

RELIQUES. 

(14»  article.) 

IX.  —  Des  abus  à  éviter  dans  le  culte  des  Rdiques. 

Nous  avons  vu,  par  tout  ce  qui  précède,  avec 
quel  soin  minutieux  l'Ej^lise  a  réçlé  les  hon- 
neurs (lus  aux  reliques  des  saints.  Elle  u'i'ût 
accompli  qu'une  partie  de  sa  tache  à  cet  ét^anl, 
si  elle  se  tût  contentée  de  déterminer  la  formedu 
culte  (nblic  qui  leur  est  rendu  en  son  nom  par 
les  fidèles  ;  elle  devait  interdire  encore  les  alius 
qui  pouvaient  s'introduire  eu  cette  importante 
matière.  La  dévotion  des  peuples  s'égare  facile- 
ment, si  elle  n'est  dirigée  et  maintenue  dans  les 
justes  limites.   Outre  que  la  masse  du  peuple 
restera  toujours  dans  une  certaine  ignorance 
qui  ne  lui  permet  pas  de  saisir  nettement  les 
caractères  de  la  vraie  dévotion  et  d'en  éviter 
les  excès  et  les  déviations,  Satan,  qui  veille  assi- 
dûment pour  corrompre  tout  ce  qui  est  bon, 
lorsqu'il  ne  peut  porter  directement  les  hommes 
au  mal,  s'eflorce  d'altérer  le  vrai  culte  rendu  à 
Dieu  et  à  ses  saints,  et  pour  cela  il  cherche  à  y 
introduire  les  idées  et  les  pratiques  supersti- 
tieuses au  moyen  desquelles  il  parvient  à  s'attri- 
buer à  lui-même  une  partie  des  honneurs  qui 
semblent  être  otloris  à  Dieu.  C'est  sa  tactique 
habituelle  de  ώler  le  faux  au  vrai,   pour  em- 
pêcher le  triomphe   complet  de  la  vérité,  qui 
vient  de  Dieu,  et  étendre  le  règne  du  mensonge," 
qui  est  de  lui.  Par  le  traflc  simouiaque  et  sacri- 
lège que  l'Eglise  a  proscrit  avec  une  juste  sévé- 
rité, le  démon  se  servait  (le  ces  choses  vénérables 
l)our  laire  ofteuser  Dieu  et  les  saints  par  l'ava- 
rice; la  supersiition  est  pour  lui  un  moyen  de 
détounier  de  leur  vérilable  objet  les  hommages 
que  l'on   croit  adresser  aux  restes  sacrés  des 
saints,   et  qui,   ne  pouvant  être  acceptés  par 
eux,   parce  qu'ils  ne  sauraient  leur  convenir, 
retournent,  implicitement  au  moins,  à  l'ennemi 
(le  Dieu  et  des  saints,  qui  se  délecte  du  dérègle- 
ment dans  lequel  il  entraîne  ceux  qu'il  trompe. 
D'ailleurs,  l'homme,  qui  est  déjà  naturellement 
religieux,  est  naturellement  aussi  enclin  à  la 
superttition,  parce  qu'il  est  porté  à  accommoder 
son  culte  à  ses  passions  et  à  ses  intérêts,  comme 
s'il  voulait  rendre  la  divinité  complice  de  ses 
errements.  Ceci  nous  explique  pourquoi  la  loi 
mosaïque    contient   tant    de   défenses   portées 
pour  préserver  le  peuple  de  l'idolâtrie,  et  c'est 
aussi,  proportion  irardée,  la  raison  d'un  grand 
nombre  de  prohibitions  faites  par  l'Eglise  aux 
chrétiens    pour    les    détourner    des  pratiques 
superstitieuses. 

La  superstition  s'est  donc  introduite,  à  des 
époques  diverses  et  sous  des  formes  plus  ou 


moins  accusées, (Lins  le  culte  des  saintes  reliques' 
dont  on  a  voulu  faire  parfois  un  usage  impli- 
quant une  doctrine   erronée    ou  simplement 
inconvenante.  Lorsque  ces  pratiques  étaient  seu- 
lement locales,  l'autorité épiscopale  prenaitsoin 
de  les  interdire  autant  qu'elle  le  pouvait,  et  on 
retrouverait  aisément,  dans  les  statuts  des  dio- 
cèse-sun  grand  nombre  d'ordonnances  relatives 
à  cette  matière.  Quand  ces  abus  tendaient  à  se 
généraliser,  l'autorité  suprême  du  Saint-Siège 
intervenait,   et  nous    avons   à   reproduire   ici 
qnel([ues  décrets  rendus  par  la   Congrégation 
des  Rites  pour  supprimer  des  usages  qui  bles- 
saient plus  ou  moins  le  respect  dû  aux  reli(|ues. 
Par  ces  ordonnances,  le  Saint-Siège  mettait  à 
exécution  ce  décret  du  Concile  de  Trente  :  a  Que 
toute  supersiition  soit  écartée  de   l'invocation 
des  saints,  de  la  vénération  des  reliques  et  de 
l'usage  des  images  sacrées  (I).  >> 

1»  Il  n'est  pas  permis  de  plonger  dans  l'eau 
les  reliques  dt^  lu  Passion  ou  des  saints,  pour 
obtenir  de  la  pluie,  ainsi  (ju'on  croyait  pouvoir 
le  faire  eu  Espagne  au  \vii«  siècle.  Cet  abus 
nous  est  connu  par  le  décret  suivant  rendu 
pour  Barbastro,  eu  Arngon  : 

«  L(!  sam(,'di  1!)  janvier  16(9.  La  sacrée  Con- 
î^régatwn  d(,-9  Kiies  a  émis  ra\is  qu'il  n'est 
IJermis  en  aucune  façon,  sous  prétexte  de  quel- 
que coutume  que  ce  soit,  coutume  que  l'on 
appellerait  plus  exactement  un  abus,  de  plonger 
dans  leuu  ou  de  mouiller  le  bois  de  la  très- 
sainte  croix  ou  les  reliques  des  saints,  dans  les 
temps  de  sécheresse,  pour  obtenir  de  Dieu  de  la 
pluie.  » 

Cet  usa?e  n'existait  pas  seulement  en  Espi.'- 
gne,  mais  s'était  aussi  introduit  en  France.  Nous 
ignorons  si,  eu  quelques  endroits,  ou  continue 
de  plonger  les  reliques  dans  l'eau  pour  obtenir 
la  cessation  des  sécheresses,  mais  jusqu'au 
temps  actuel  ou  a  traité  ainsi,  en  certains  lieux, 
des  statues  de  saints.  Nous  connaissons  une  sta- 
tue de  sainte  Marguerite,  honorée  dans  la  cha- 
pelle d'un  hameau,  qui  maintes  lois  a  subi  une 
immersion  partielle.  Dans  les  temps  de  sécheresse 
persistante,  les  paroisses  voisines  se  rendaient 
en  procession  à  cette  chapelle,  pour  y  de- 
mander à  Dieu  de  la  pluie  par  l'nitercession 
de  la  sainte.  Ces  processions,  toujours  au- 
torisées par  rOrilinaire,  étaient  parfaitement 
régulières.  Les  habitants  du  lieu,  ne  con- 
sidérant pas  les  prières  publiques  comme 
suffisantes  pour  obtenir  l'etiet  désiré,  bien 
qu'elles  aient  été  exaucées  souvent  avec  une 
remarquable  promptitude,  descendaient  la  sta- 
tue de  sa  niche  et  lui  plongeaient  les  pieds  dans 
un  baquet  d'eau.  A  leurs  yeux  cette  cérémonie 
devait  être  plus  efficace  que  toutes  les  supplica- 

1.  Conc.  Tnd.  Sess.  xxvi.  Dt  invocat.,  venerat,  et  reliq. 


fWi 


LA  SEMAINE  DU  CLEr.GÊ 


lions.  Il  y  a  peu  d'aiiDées,  ccUr  pralique 
superstitieuse  était  encore  en  us;ige;  nous 
croyons  qu'on  ne  permettrait  pas  aujourd'hui 
de  la  renouveler. 

2°  L'immersion  des  reliques  ne  se  faisait  pas 
seulement,  en  Espagne,  pour  obtenir  île  la 
pluie,  mais  aussi  pour  repousser  les  inondations. 
C'est  ce  que  nous  apprend  la  cause  de  Tortose, 
en  Catalogne,  et  la  condamnation  de  cette 
coutume.  En  voici  la  teneur  : 

«  De  la  part  du  chapitre,  des  chanoines  et 
de  tout  le  clergé,  ainsi  que  de  la  municipalité 
et  de  tout  le  peuple  de  la  ville  de  Tortose,  il  a 
été  exposé  à  la  sacrée  Conc;régation  d'S  Rites 
ce  qui  suit  :  Lors  lue  le  fleuve  de  l'Ebre,  qui 
coule  au-delà  de  Tortose,  grossit  à  l'excès  et 
met  en  danger  les  iruits  de  toute  sorte  et  les 
autres  biens,  on  a  coutume,  depuis  un  temps 
immémorial,  de  se  rendre  en  procession  au 
bord  du  fleuve,  en  y  portant  une  relique  de 
sainte  Candide,  patronne  de  la  viUi;,  laquelle 
relique  est  reufermée  dans  une  urne  en  argent 
sur  laquelle  est  représentée  l'image  de  la  sainte. 
Là,  à  la  vue  de  tout  le  peuple,  on  plonge  la 
relique  dans  l'eau  de  l'Ebre,  avec  l'espérance 
que,  par  l'intercession  de  sainte  Candide,  Dieu 
daignera  contenir  dans  ses  rives  le  fleuve  qui 
s'enOe.  Mais,  dans  ces  derniers  temps,  on  en  est 
venu  à  douter  sérieusement  si  le  rite  et  la  céré- 
monie qui  viennent  d'être  ex['0sés  sont  légi- 
times et  convenables,  ou  ne  sont  pas,  plutôt, 
inconvenants  et  superstitieux,  surtout  pour  cette 
raison,  qu'ils  sont  absolument  interdits  par  une 
constitution  synodale.  En  conséquence,  tout  le 
cleigé  et  le  peuple  de  Tortose  ont  très-humble- 
inejit  supplié  la  sacrée  Congrégation  des  Rites 
de  daigner  déclarer,  si  le  rite,  qu'ils  ont  observé 
jusqu'ici  dans  les  supplications  que  l'on  a  cou- 
tume de  faire  pour  prévenir  les  débordements 
de  l'Ebre,  pourra  être  conservé  à  l'avenir 
comme  licite  et  exempt  de  tonte  superstition, 
ou  bien  s'il  doit  être  entièrement  supprimé 
comme  ofleusant  la  raison  et  les  convenances  et 
touchant  à  la  superstition. 

«  La  Sacrée  Congrégation  des  Rites,  après 
avoir  mûrement  examiné  la  question  qui  lui  a 
été  soumise,  sur  le  rapport  de  l'Emineutissime 
et  Révérendissime  cardinal  Albaui,  évoque  de 
Sabine,  ponent,  a  été  d'avis  qu'il  faut  répondre  : 
«  Que  l'on  observe  la  constiiulion  synodale.  » 
Et  telle  est  sa  déclaraliou,  à  laquelle  elle  a 
ordonné  de  se  conformer.  — Le  11  septembre 
i769.  » 

3°  On  a  vti  bien  des  fois  des  malades  deman- 
der que  les  reliques  de  quelques  saints  auxquels 
ils  avaient  une  dévotion  particulière  leur  l'ussunt 
apportées,  pour  leur  être  appliquées.  En  soi,  ce 
désir  est  louable,  mais  il  cini!  être  modéré  et 
réglé.  Ou  trouve,  dans  le  troisième  des  conciles 


provinciaux  de  Milan,  présidés  par  saint 
Charles,  la  défense  expresse  de  porter  les  re- 
liques des  saints  aux  malades.  Nous  lisons  aussi, 
clans  un  décret  rendu  dans  la  première  session 
du  concile  de  Cosenza,  de,  l'année  1379,  et  qui 
est  relatif  aux  reliques  :  «  Que  les  reliques  ne 
soient  p(o  tées  sous  aucun  prétexte  aux  malades. 
Ceux  qui  auront  la  témérité  de  contrevenir  à 
cette  défense  seront  punis  par  les  évèqucs  selon 
le  degré  de  la  faute  (I).  »  Evidemment  ces 
décrets  s'appliquent  seulement  aux  reliques 
conservées  dans  les  églises  el  qui  sont  publique- 
ment exposées  à  la  vénération  des  fidèles,  soit 
li.iliituellement,  soit  à  des  jours  fixes  ou  dans 
des  circonstances  exceptionnelles.  Pour  C'  Iles-là, 
comme  elles  sont  la  propriété  collective  de  la 
communaulc  des  fidèles,  elles  ne  peuvent,  régu- 
lièrement, être  consacrées,  même  momentané- 
ment, à  un  usage  privé,  et  d'ailleurs  les  lois  de 
l'Eglise  exigent  qu'elles  soient  gardées  et  con- 
servées avec  le  plus  grand  soin,  pour  être 
garanties  de  tout  danger  de  perte  ou  de  profa- 
nation. Si  donc,  dans  un  cas  spécial,  on  croyait 
avoir  une  raison  assez  grave  de  condescendre 
au  désir  d'un  malade,  en  lui  portant  quelqu'une 
de  ces  reliques,  il  faudrait  obtenir  préalable- 
ment la  permission  de  l'autorité  compétente. 
Quant  aux  reliques  qui  appartiennent  à  des 
particuliers,  comme  chacun  peut  les  porter  sur 
soi,  conf  irmémentà  l'antique  coutume  que  nous 
avons  d'  montrée,  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'on 
les  applique  aux  malades  qui  le  demandent, 
pourvu  que  leur  dévotion  soit  pure  de  toute 
pensée  superstitieuse. 

Dans  le  Formulaire  de  Monacelll(2),  à  l'article 
de  la  visite  des  reliques,  nous  trouvons  cette 
question  :  «  Transporte-t-on  les  reliques  chez 
les  malades?  Si  cela  se  pratique,  on  doit  le 
défendre.  »  11  s'agit  ici,  comme  on  le  voit,  des 
reliques  qui  appartiennent  aux  églises. 

Il  est  interdit  pareillement,  et  à  plus  forte 
raison,  de  racler  des  reliques  pour  en  mélanger 
la  poussière  à  la  boisson  que  l'on  donne  aux 
malades.  Cette  défense  est  formellement  expri- 
mée dans  un  décret  de  la  Congrégation  des 
évêques  et  réguliers  du  17  décembre  139t.  Il 
n'est  pas  nécessaire  d'insister  sur  l'inconvenance 
d'une  s  mblable  pratique  pour  faire  comprendre 
la  prohibition  dont  elle  a  été  frappée.  Nous 
croyous,  pour  la  même  raison,  qu'il  ne  serait 
pas  même  permis  de  tremper  une  relique  dans 
la  boisson  destinée  à  un  malade.  La  dévotion 
n'est  irréprochable  qu'autant  qu'elle  se  concilie 
avec  le  respect  dû  rigoureusumeut  aux  choses 
saintes. 


1.  Suppl.  Coleii  ad  concil.  Labbœi,  tom.  V,  col.  I!03. 

2.  iMouacelli.  Formulnrium  légale  jjraclicum  for»  eccletio*» 
lici,  Roane,  18i4,  i  vol.  ia-lbl. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1335 


L'Eglise  admet  pourtant  une  exception  en 
faveur  des  personnes  possédées  ou  obstklées  par 
le  démon.  fcUe  est  ainsi  énoncée  dans  le  Rituel 
romain,  dans  le  préambule  des  exorcismes.  «  Que 
le  possédé  ait  dans  les  mains  ou  devant  lui  un 
crucifix.  Là  où  l'on  pourra  avoir  dns  reliques 
des  saiuts,  on  les  attachera  ensemble  décemment 
et  de  manière  à  les  mettre  en  sûreté,  et,  les 
ayant  couvertes,  on  les  approchera  avec  respect 
de  la  poilrine  ou  de  la  tête  de  l'obsédé;  mais 
on  prendra  garde  que  ces  choses  sacrées  ne 
soient  traitées  indignement,  ou  que  le  démon 
ne  leur  tasse  quelque  outrage.  Quant  à  la  très- 
sainle  Eucharistie,  on  ne  l'apiirochera  pas  de  la 
tète  de  l'obsédé  ou  d'une  autre  partie  de  son 
corps,  à  cause  du  danger  d'irrévérence.  0 
Baiioit  XIV  rappelle  cette  distinction  au  §  13  de 
sa  constitution  Cum,  ut  recte  nostri,  du  '■11  juil- 
let 1733. 

Calalani  a  accompagné  de  la  note  suivante 
!a  rubricpie  que  nous  venons  de  citer  :  «  Rien 
ne  se  rencontre  plus  souvent  dans  l'histoire 
ecclésiastique,  les  vies  des  saints  et  les  écrits 
des  Pères  de  l'Eglise,  que  ce  fait,  que  les  dé- 
mons sont  mis  en  fuite  par  le  signe  de  la  croix, 
Boit  passager,  soit  permanent,  et  surtout  par 
l'image  du  Sauveur  cruciiié.  Quant  à  ce  qui  est 
dit  ici  de  la  présentation  des  reliques  des 
saints,  que  l'on  approche  de  la  poitrine  ou  de 
la  tète  de  l'olisédé,  on  peut  justilier  1  e  rite  par 
un  grand  nombre  d'exemples  anciens,  qui  nous 
montrent  quelle  vertu  ont  h.'s  reliques  pour 
chasser  les  ilémons,  si  on  les  approche  de  la 
poitrine  ou  de  la  tête  de  l'obsédé.  Le  pape 
Victor  111  racoDte,  au  deuxième  livre  de  ses 
Dialogues,  qui  se  trouvent  dans  le  tome  dix- 
huitième  de  la  Bibliothèque  des  Pères,  qu'un 
jeune  homme,  dont  le  démon  s'était  emparé, 
fut  délivré  au  Mont-Cassin  par  l'intercession 
de  saint  Maur,  «  les  frèies  qui  étaient  demeurés 
«  dans  l'église  avec  le  possédé  lui  ayant  mis 
«  sur  la  poitrine,  avec  une  grande  dévotion  et 
«  une  ferme  espérance,  lesrelii|uesdecesaint.i> 
Mais  qu'est-il  besoin  de  citer  tous  ces  exemples 
qui  sont  presque  innombrables,  de  même  que 
les  témoignages  des  Pères,  qui  ont  rappelé  et 
exalté  en  mamt  endroit  la  vertu  des  s.iintes  re- 
liques? Dans  son  sermon  sur  les  vertus  et  les 
vices,  saint  Jean  Chrysostome,  après  avoir  dit 
que  «  les  vêtements  de  saint  Paukiioignaientlct 
maladies,  et  que  l'ombre  de  saint  Pierre  met- 
tait en  fuite  la  mort,  »  ajoute  aussitôt  :  «  la 
cendre  des  saints  martyrs,  chaise  les  infâmes 
démons.  »  Pour  ne  pa?  parler  des  autres  mar- 
tyrs, saint  Ambroise  atteste  la  même  c'nose  des 
reliques  des  suints  Gervais  et  Protais,  dans  sa 
lettre  sur  l'invention  des  corps  de  ces  saints, 
qui  est  la  vingt-deuxième  du  livre  dixième, 
dans  l'édition  des  Bénédictins.  C'est  là  tjue  se 


trouve  cette  parole  :  «  Vous  avez  su,  et  même 
«  vous  avez  vu  qu'un  grand  nombre  de  per- 
«  sonnes  ont  été  délivrées  du  démon.  »  L'exor- 
ciste doit  prendre  garde,  comme  l'en  avertit 
justement  notre  rubrique,  «  que  ces  ch^^ses  sa- 
crées, c'est-à-dire  les  reliques  qu'il  approche 
de  la  tête  ou  de  la  poitrino  du  possédé,  «  ne 
soient  traitées  indignement,  ou  que  le  démon 
ne  leur  fasse  quelque  outrage.  » 

C'est  pour  assurer  le  respect  dû  aux  reli- 
ques, que  le  Rituel  prescrit  de  les  attacher 
ensemble  et  de  les  couvrir. 

Barufialili,  dans  son  commentaire  sur  le  Ri- 
tuel romain,  dit  aussi,  en  expliquant  la  même 
rubrique  :  «  Saint  Jean  Damascène,  au  livre 
quatrième  de  la  Foi  orthodoxe,  ch.  i,  appelle 
les  reliques  et  les  dépouilles  des  saints  «  des 
sources  de  salut  d'où  découlent  pour  nous  un 
grand  nombre  de  biens.  »  C'est  ce  qui  a  fait  In- 
troduire parmi  les  fidèles  la  coutume  d'employer 
les  reliques  pour  chasser  les  démons  du  corps 
des  possédés;  car  les  âmes  des  saints  auxquels 
appartiennent  ces  reliques  prient  pour  ceux 
qui  en  tout  usnge  avec  le  respect  convenable, 
ainsi  qne  l'observe  Bellaimin,  dans  son  traité 
des  Reliques,  ch.  vu,  n.  19. 

«  On  prend  des  précautions  pour  présenterdé- 
cemment  ces  reliques  aux  énergumcnes,  afin  de 
ne  pas  les  exposer  au  mépris,  parce  que,  comme 
les  démons  étaient  les  ennemis  des  saints  pen- 
dant la  vie  de  ceux-ci,  de  même  ils  délestent 
leurs  noms  et  abhorrent  bien  plus  encore  leurs 
restes,  dont  le  contact  les  torture,  les  fait  hur- 
ler et  frémir,  et  ne  leur  laisse  aucun  repos.  Ils 
vont  même  jusqu'à  tenter  de  les  outrager  et 
de  les  fouler  aux  pieds;  mais  ils  ne  parviennent 
pas  à  consommer  cet  acte.  C'est  co  qui  est 
arrivé,  à  ma  connaissance,  à  un  énergumène, 
qui,  au  moment  où  l'exorciste  approchait  de 
lui,  une  relique  des  vêtements  de  saint  Fran- 
çois de  Paule  qui  est  conservée  à  Ferrare,  essaya 
audacieusement  de  cracher  dessus;  mais  le  cra- 
chat adhéra  tellement  à  ses  lèvres  qu'il  ne  put 
sortir.  Je  pense  néanmoins  qu'il  ne  faut  livrer 
qu'avec  précaution  ces  reliques  aux  possédés, 
parce  que  ce  qui  n'a  point  encore  eu  lieu  jus- 
qu'ici pourrait  arriver,  Dieu  le  permettant  pour 
apprendre  aux  exorcistes  avec  quelle  prudence 
ils  doivent  employer  ce  remède  sacré.  » 

4°  Nous  sommes  amené  naturellement  à  par- 
ler ici  de  l'épreuve  du  feu,  à  laquelle  on  avait 
recours  anciennement  pour  établir  la  vérité  des 
reliques.  Nous  donnons  la  parole  à  Mabilljn, 
qui,  dans  une  brève  dissertation,  reproduit  un 
décret  important  du  second  concile  de  Sarra- 
gosse.  que  nous  avonrs  rencontré  nous-mème 
dans  la  collection  des  conciles  : 

«  A  notre  traité  des  reliques  sacrées  extraites 
des  cimetières   de  Rome,   peut  se  rattacher 


1538 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


l'épreuve  du  feu,  à  laquelle  ont  recouru  plu- 
sieurs fuis  les  anciens  pour  discerner  les  vraies 
et  les  fausses  reliques.  Des  nombreux  exem- 
ples que  nous  fournil  l'antiquité,  il  suftîra  d'en 
citer  deux,  qui  sont  du  commeDcement  i;u 
XI'  siècle. 

<(  Le  premier  est  rapporté  par  Léon  Sfnrsi- 
canus,au  chapitre trente-troisièmedu  deuxième 
livre  de  sa  chroni  |ue  du  Mont-Ca?sin.  Il  y  ra- 
conte que  des  religieux  venant  de  Jérusalem, 
apportèrent  avec  eux  et  offrirent  aux  moines 
du  MoDt-Ca?sin,  un  petit  fragment  du  linge 
dont  se  servit  Notre-Seignenr  Jésus-Clirisl  p.xir 
essuyer  les  pieds  de  ses  disciples.  »  Mais,  dit 
«  Léon,  comme  plusieurs  refusaient  absolument 
«  de  croire  à  la  vérité  de  cette  relique,  c*'ux- 
«  ci,  fermes  dans  leur  croyance,  mirent  aussitôt 
«  le  fragment  de  linge  sur  les  charbons  em- 
n  bradés  d'un  encensuir.  Le  linge  prit  en  un 
«  iu?lant  la  couleur  du  feu,  et  peu  de  tem[iS 
«  après,  retiré  de  dessus  le  brasier,  il  reprit 
«  miraculeusement  l'apparenre  qu'il  avait  au- 
«  para  vaut.  »  Mais,  pour  que  l'on  ne  puisse  pas 
nous  opposer  que  ce  linge  était  incombustible 
de  sa  nature,  il  nous  faut  citer  un  autre  exem- 
ple oii  U  s'agit  d'un  corps  solide. 

«  Nous  prenons  ce  fait  dans  la  vie  de  saint 
Meinwerc,  évéque  de  Paderborn.  Il  y  est  dit  que 
ce  snint  construisit  un  monastère  dans  un  fau- 
bourg de  la  ville,  elque  le  patriarche  d'Aquilée, 
Wolfgand,  lui  envoya  le  oorps  de  saint  Félix, 
avec  deux  suaires,  pour  être  déposés  dans  ce 
mona-lère.  «  Mainwerc,  dit  l'iiislorien,  qui 
«  était  contemporain  du  saint,  voulant  s'assurer 
«  si  ses  restes  pourraii  nt  le  protéger  lui  et  son 
«  peuple,  fit  allumer  un  grand  bûcher  en  plein 
«  air,  au  milieu  du  cloître.  Il  y  plaça  trois  fois 
«  le  corps  et  à  chaque  fois  on  attendit  que  le 
«  feu  s'éteignit  et  que  le  bois  fût  réduit  en  cen- 
«  dres,  A  la  grande  joie  et  exaltation  de  toute 
«  l'assistance,  il  enle\^  Ye  curps  de  ses  propres 
«  mains  et  le  porta  sur  l'autel  |irincipal,  et  il 
«  ordonna  qu'à  partir  de  ce  moment  tous  vené- 
«  reraient  ce  saint  devenu  désormais  illustre,  d 

n  Si  quelqu'un  prétendait  que  ce  genre 
d'épreuve  a  été  imaginé  à  une  époque  récente 
et  fut  introduit  par  le  bon  plaisir  de  quelques 
individus,  sans  être  sanctionné  par  l'autorité 
légitime,  nous  avons  à  produire  sur  ce  sujet  un 
décret  du  second  concile  de  Sarragosse,  tenu 
sous  le  pontifii-at  de  saint  Grégoire  le  Grand, 
en  l'année  30:2.  Le  second  canon  de  ce  concile 
est  ainsi  conçu  :  «  Le  saint  concile  statue  que 
«  les  reliques  trouvées  dans  tous  les  lieux  qui 
«  sont  au  pouvoir  de  l'hérésie  arieune  seront 
«  produites  par  les  prêtres  dans  les  églises  des- 
«  quelles  on  les  découvrira,  et  présentées  aux 
«  évoques,  et  qu'elles  subiront  ensuite  l'épreuve 
«  du  feu.  »  Ceci  prouve  que  cette  pratique  est 


ancienne,  et  que  depuis  le  sixième  siècle  au 
moi';s,  les  éveques  l'ont  approuvée  et  en  ont 
fait  u'î.'ige. 

«  J'ajoute  une  expérience  récente  faite  sur 
une  parcelle  de  la  vraie  croix  qui  était  renfermée 
dans  la  croix  pectorale  ou  hwXmot  d'Emmanuel 
Coranène.  Cette  croix  pectorale  fut  léguée  par 
testament  à  notre  basilique  de  Saint-Germain 
des  Prés,  par  la  sérénissime  princesse  Anne  de 
Gonzague  de  Clèves,  épouse  d'Edouard,  prince 
palaliii  du  {>hin.  Cette  princesse  avait  vu  jeter 
eu  sa  présence,  dans  les  flammes,  c^tle  parcelle 
de  la  sainte  Croix,  sans  qu'elle  en  reçut  aucune 
atteinte,  ainsi  qu'elle  l'a  attesté  dans  ce  passage 
de  son  testament  :  u  Je  leur  donne  encore  ma 
«  croix  de  pierreries,  avec  la  sainte  vraie  croix 
«  que  j'atteste  avoir  vue  dans  les  flammes  sans 
«  brûler.  »  Cette  croix  est  double,  comme  celle 
de  Jérusalem,  et  sur  la  partie  postérieure  sont 
gravés  ces  vers  grecs,  précédés  du  uom  sacré  de 
Ji'sus,  en  celle  manière  : 

Sxaupû   T.xfA%  jijxôsa;  àvBficûjituv  fiait 

l'pœsEt  Uojj.vr|V6;  MavourjX  OTEÇri96po5. 

Ce  qui  signifu-  :  «  Jésus-Christ,  attaché  à  la 
«  croix  a  éli;vé  la  nature  humaine.  Ecrit  par 
«  Comnèue  Manuel,  empereur.  » 

ÎMabillon  reproduit  ici  l'image  de  cette  croix, 
et  il  ajoute  :  «  Quoique  cette  expérience  faite  sur 
la  croix  soit  récente,  elle  ne  fut  pas  faite  selon 
les  règles  canoniques;  car  ce  moyen  d'éprouver 
les  reliques  est  depuis  longtemps  tombé  en 
désuétude,  et  il  ne  ]iourrait  pas  être  remis  en 
usage  sans  une  nouvelle  autori-ation  de  l'Eglise. 
Cependant  ce  rite  ancieu  n'était  pas  employé 
autrefois  indiscrètement  et  au  hasard,  mais  il 
était  accompagné  d'une  formule  solennelle  de 
prières,  que  notre  Théoderic  Kuinart  a  extraite 
d'un  manuscrit  du  monastère  de  Saint-Remi  et 
ajoutée  en  appendice  aux  œuvres  de  Grégoire  de 
Tours  (1).  »  Suit  dans  M.ibillon  la  formule  dont 
il  parle,  et  que  nous  nous  abstenons  de  repro- 
duire, pour  ne  pas  allonger  à  l'excès  cet 
article  (2). 

Nous  devons  faire  observer  ici  que,  si  l'épreuve 
du  feu  a  été  autrefois  [lermise  et  même  prescrite, 
ce  ne  fat  jamais  par  une  loi  générale  de  l'Eglise. 
Elle  n'en  était  pas  moins  licite  dans  les  circons- 
tances où  elle  fut  régulièrement  autorisée;  mais, 
ainsi  que  le  dit  tres-judicieusement  Mabillon, 
personne  ne  pourrait  aujourd'hui  y  recourir  de 
son  autorité  privée  sans  tenter  Dieu,  et,  par 
conséquent,  sans  pécher.  Dieu  exauce  voloiitiers 
les  demandes  que  lui  fait  son  Eglise  ;  mais  il  n'a 
jamais  pris  envers  les  individus  rengagement  de 
leur  accorder  des  démonstrations  qui  tienne  n. 

1.  Mabillon,  Vclera  analecta,  p.  568,  Appendiw  II  ad  X>ue> 
bii  e}>iit. 

2.  Ibid.,  p.  569,  Appcndix  III. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1537 


du  miracle,  si  elles  ne  sont  pas  absolument  mira- 
culeuses. Si  nous  avons  le  droit  de  solliciter  de 
lui  avec  confiance,  par  nos  prières,  de  vrais 
miracles,  lorsque  nous  les  juf^eons  utiles,  en 
nous  en  rapportant  toutefois  entièrement  à  lui, 
quant  à  ropportunité,  il  nous  est  évidemment 
interdit  de  poser  de  nous-mêmes,  et  en  suivant 
notre  seule  inspiration  personnelle,  des  faits  qui 
le  mettent  dans  l'inévitable  alternative  ou  d'in- 
tervenir par  un  prodige,  ou  d'abandonner  nue 
relique  à  la  profanation,  dans  le  cas  où  elle  est 
véritable.  Nonobstant  ce  principe  incontestable, 
aujourd'liui  encore  on  rencontre  des  personnes 
qui  croient  pouvoir  soumettre  les  reliques  de  la 
vraie  croix  à  une  autre  épreuve,  celle  de  l'eau. 
Elles  affirment,  nous  ne  sivons  sur  quel  fonde- 
ment, que,  si  la  relique  est  vraie,  elle  tombe 
nécessairement  au  fond  de  l'eau,  au  lieu  que,  61 
elle  est  fausse,  elle  doit  surnager.  Nous  avons 
vu  fiiire^  sous  nos  yeux,  cette  expérience,  qui 
n'a  point  donné  le  résultat  attendu  pour  une  par- 
celle dont  on  avait  c:aranti  préalablement  la  par- 
faite authenticité.  Nous  avouons  que  la  submer- 
sion de  cette  relique,  lors  même  qu'elle  se  serait 
produite  de  la  manière  annoncée,  n'aurait  pas 
eu  pour  nous  la  valeur  d'un  document  sip:né  par 
l'autorité  compétente.  Nous  ne  voudrions  pas 
vénérer  en  notre  particulier,  encore  moins  nous 
permettrions-nous  d'exposer  publicpiement  une 
relique  dépourvue  de  toute  autre  garantie,  et  en 
cela  nous  ne  ferions  que  nous  conformer  aux 
sages  prescriptions  de  l'Eglise. 

Puisque  nous  avons  été  amené  à  parler  de  la 
croix  pectorale  d'Emmanuel  Comnène,  nous 
devons  rectifier,  ou  plntôt  compléter  une  note 
de  notre  premier  article  sur  les  règles  à  suivre 
dans  le  culte  des  reliques,  note  qui  se  trouve  à 
la  page  3()S  du  cinquième  volume  de  la  Snnaine 
du  Clergé.  Nous  avons  rapporté  à  cet  endroit  une 
consultation  de  l'évèque  de  Dijon,  adressée  à  la 
saerée  Congrégation  des  indulgences  et  des 
saintes  reliques,  au  sujet  d'un  assez  grand 
nombre  de  reliques  soastrailes  à  la  profanation 
et  à  la  destruction  au  temps  de  la  Révolution 
française.  H  y  était  demandé  «  si  l'on  doit  per- 
Bîettre  de  remlre  un  culte...  à  la  célèbre  croix 
palatine,  que  les  religieux  Bénédictins  de  Saint- 
Germain  des  Prés  présentaient  à  la  piété  des 
fidèles  et  exposaient  à  la  vénération  publique 
sur  l'autel  principal  de  leur  église.  »  La  Congré- 
gation répondit  (iffîrmatkement,  le  22  février 
1847.  D'après  les  renseignements  incomplets  que 
nooas  avions  pu  recueillir,  nous  avons  dit  que 
Cbarlemagne  avait  fait  placer  dans  ses  divers 
palais  des  croix  renfermant  du  bois  de  la  vraie 
croix,  et  qu'il  avait  distribué  à  un  grand  nombre 
de  monastères  «t  d'églises  des  croix  pareilles, 
que  l'on  avait  appelées,  pour  cette  raison,  croix 
palatines.  Nous  ajoutions  que  la  croix  nrovenant 


de  Saint  Germain  des  Prés,  et  maintenant  con- 
servée à  Dijon,  est  vraisemblablement  une  de  ces 
croix  En  rapprochant  la  consultation  que  nous 
avons  citée  en  entier  à  l'endroit  indiqué,  de  la 
petite  dissertation  d,-,  iMabillon,  nous  constatons 
avec  la  plus  parfaite  évidence,  que  la  croix  de 
Dijon  estbien  la  croix  pectorale  ou  l'Ivz'oX-tov  d'Em- 
manuel Comnène  donnée  au  monastère  de  Saint- 
(jermaiu  des  Prés,  par  Anne  de  Gonzague, 
morte  en  ICSA,  et  connue  sous  le  nom  de  Priu' 
cesse  palatine,  en  sa  qualité  d'épouse  d'Edouard, 
]>riiice  palatin  du  Rbni.  L'intérCt  historique  qui 
s'attache  à  ce  précieux  objet  ne  nous  permettait 
pas  d'omettre  ces  importants  détails. 

P. -F.  ECALLE, 
professeur  de  théologie. 

(A  suivre.) 


Théologie     morale. 

DES    LIVRES   DÉFENDUS 

La  tiuestion  des  livres  défendus  est,  eu  soi, 
«ne  question  de  discipline  canonique,  et,  par 
les  résultais  qu'implique  sa  solution,  une  qucB- 
tiou  religieuse,  morale  et  politique  de  la  plus 
haute  importance. 

11  n'est  douteux  pour  personne  que  la  société 
ne  soit  en  ce  moment  aux  abois  et  que  les 
intérêts  sociaux  ne  courent  les  plus  extrêmes 
périls.  La  cause  de  celte  situation  déplorable 
est  tout  entière  dans  les  doctrines  irréligieuses 
répandues  eu  Europe  depuis  trois  siècles, 
d'abord  par  les  hérétiques  protestants,  ensuite 
par  les  soi-disant  philosophes  du  siècle  der- 
nier. Leurs  écrits  pestilentiels  ont  produit,  en 
beaucoup  d'endroits,  l'extinction  de  la  foi,  la 
corruption  des  mœurs,  l'athéisme  pratique  et  le 
péril  social.  Depuis  les  conciles  de  Latran  et  de 
Trente,  les  pontifes  romains,  en  détendant, 
sous  peine  d'excommunication,  de  lire,  même 
de  retenir  ces  écrits  empoisonnes,  avaient  fait 
tout  ee  qui  était  nécessaire  pour  conjurer  un 
danger  si  grave.  Mais,  par  suite  de  la  gremde 
abi^rration  gallicane,  nous  ne  recevions  pas 
V Index,  m  ses  censures;  et  la  police  des  livres 
était  aux  mains  d'un  chancelier  royal  qui,  mun- 
seulement  n'avait  pas  d'accès  dans  les  cons- 
ciences, mais  qui,  souvent,  aidait  eu  secret  à 
l'impression  ou  à  la  propagation  des  ouvrages 
malsains  que  son  devoir  était  de  prohiber. 
Abisi  se  répandirent  les  écrits  de  Voltaire,  de 
Piousseau  et  des  encyclopédistes  ;  puis,  par  une 
conséquence  naturelle,  éclata  une  révolution 
impie  jusqu'au  satanisme,  révolution  qui,  pro- 
clamant comme  droits  les  libertés  subversives 
de  la  pensée,  de  la  conscience,  de  la  presse  et 
des  cultes,  a  essayé  de  coucilia:,  avec  les  dé- 


1538 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


flordros,  l'nrilre  public  Nous  n'en  avons  lire 
jusqu'à  présent,  qu'unu  (iissolution  raiiiralo. 
M;iis,  bipu  que  la  voix  de  TEglise  ne  soit  plus 
écoutée  comme  il  y  a  cent  ans,  bien  que  les 
sacrements  ne  soient  plus  fré(]ucutés  que  par 
une  minorité  courageuse,  il  ne  faut  pas  moins 
rajqieler  ces  règlements  salutaires,  inspirés  au 
Saii'.t-Siéjie  par  le  Saint-Esprit.  «  L'homme  ne 
vit  pas  seîilemeut  de  pain,  a  dit  le  Sauveur, 
mais  detoule  parole  qui  sort  de  la  bouche  de 
Dieu.  ))  De  même  l'humauité  ne  vit  et  ne  pros- 
père que  par  la  vérité.  11  faut  donc  nous  en- 
quérir de  sa  défense,.  11  faut  nous  demander  si 
l'Eglise  a  le  pouvoir  de  défendre  les  mauvais 
livres?  A  qui,  dans  l'Eglise,  appartient  ce  pou- 
voir? Quelles  lois  ont  été  promulguées  pour  dé- 
fendre la  foi  et  les  mœurs?  Quel  est  le  caractère 
obligatoire  de  ces  lois  et  jusqu'où  peut  s'étendre 
leur  proliibition?  Tel  est  l'objet  de  ce  travail. 
Puisque  la  société  a  encore  besoin  d'être  sju- 
vée,  nous  verrons,  ici  comme  ailleurs,  qu'elle 
ne  peut  l'être  que  par  la  Chaire  apostolique. 

I.  L'Eglise  a-t-elle  le  pouvoir  de  défendre  cer- 
tains écrits? 

Les  droits  de  l'Eglise  dérivent  de  sa  constitu- 
tion, de  sa  tin  et  de  l'autorité  de  son  fondateur. 
Or,  l'Eglise  a  été  fondée  sur  la  terre  par  Jésus- 
Christ,  afin  qu?,  dans  son  sein  et  sous  l'auto- 
rité qui  la  gouverne,  les  hommes  soient  instruits 
et  maintenus  dans  la  profession  de  la  vraie  foi, 
soumis  à  la  règle  des  mœurs,  enrichis  de  la 
grâce  des  sacrements  et  conduits  à  rétcrnelle 
béatitude.  Que  telles  soient  la  fia  et  la  consti- 
tution de  l'Eglise,  c'est  im  dogme  catholique. 
Par  là  même  que  Jésus-Christ  a  institué  l'Eglise 
pour  cette  fin,  il  lui  a  donc  conféré  la  puissance 
nécessaire  pour  l'atteindre;  et  si  l'on  ne  refuse 
pas  à  l'Jllglise  cette  puissance,  il  faut  lui  recon- 
nuitre  le  droit  de  prohiber  tout  ce  qui  met 
obstacle  au  salut  éternel.  Si  donc  il  y  a  des 
livres  impies,  immoraux  ou  simplement  nui- 
sibles aux  âmes;  et  si  la  pratique  de  la  loi 
naturelle  ne  suflit  pas  pour  nous  en  éloigner, 
il  faut  ailmetlre  que  l'Eglise  a  le  droit  dd  les 
proscrire. 

Existe-t-il  réellement  de  mauvais  livres? 

Tout  le  monde  connaît  le  proverbe  :  «  Dis- 
moi  qui  tu  fréquentes  et  je  te  dirai  qui  tu  es.  » 
Telle  est.  en  effet,  la  force  du  commerce  et  de 
l'habitude  avec  les  autres  hommes,  c]ue  nous 
épousons,  la  plupart  du  temps,  leurs  idées  et 
leur  manière  d'agir.  Aussi  l'Eglise  a-t-elle  tou- 
jours été  pleine  de  sollicitude  pour  éloigner  ses 
enfants  de  la  compagnie  des  méchants.  Dans  sa 
première  aux  Corinthiens  {v.  H),  saint  Paul 
écrit  aux  fidèles  que  s'il  y  a,  parmi  eui,  (jucique 
frère  fornicatear,  avare,  idolâtre,  médisant,  ivro- 
gne, ravisseur...  il  ne  faut  pas  prendre  même 
de  uourriture  ea  sd  société.  Daus  l'épîlre  aux 


Romains,  il  recommande  (xvi,  17)  d'éviter 
ceux  qui  excitent  des  querelles  et  des  discus- 
sions. En  s'adressaut  à  Tite  (m,  10),  il  lui 
ordonne  d'éviter  la  rencontre  de  l'hérétique 
après  une  ou  deux  corrections,  et  alors  Théré- 
lique  ne  s'entendait  pas  dans  le  sens  odieux  et 
ré;irouvé  d'aujourd'hui,  mais  impliijuail  seule- 
ment des  opinions  trop  particulières  et  des  sen- 
timents trop  personnels.  Eu  écrivant  à  Tiino- 
thée  (11°  Ep.  Il,  17)  et  aux  Corinlhiens  (l  Cor. 
XV,  33),  il  donne  les  raisons  de  cette  défense  : 
c'est  que  les  discours  de  l'hérétique  s'insinuent 
avec  artifice  et  sans  qu'il  y  paraisse,  comme  le 
cancer  qui  ne  se  découvre  que  quand  il  est  incu- 
rable :  sermo  eorum  ut  cancer  serpit;  et  que  les 
entretiens  dépravés  corrompent  les  bonnes 
mœurs:  corrum/nmt  mores  bonos  rolloquia prava. 
C'est  pourquoi  saint  Jean,  le  disciple  de  l'amour, 
défend  de  recevoir  de  telles  gens  dans  sa  mai- 
son et  même  de  les  saluer  dans  la  rue  en  s'ar- 
rètant  pour  les  entretenir:  défense  qu'un  grand 
interprète  de  la  tradition,  saint  Cyprien,  ap- 
plique de  la  manière  la  plus  rigoureuse,  en 
mettant  en  quaranatine  ces  hommes  contagieux, 
en  les  évitant  comme  la  peste. 

Lire  de  mauvais  livaes  est  la  même  chose 
que  s'entretenir  avec  des  auteurs  pervers.  On 
doit  donc  conclure,  des  textes  précités,  que 
l'Ecriture  sainte  défend  absolument  toute  mau- 
vaise lecture. 

Il  y  a  même  ici  une  circonstance  aggravante,  j 
c'est  que  les  paroles  écrites  frappent  beaucoup  ■ 
plus  l'àme  du  lecteur  que  les  paroles  tombées  * 
de  la  bouche  d'un  interlocuteur. 

Les  livres  exercent  une  espèce  de  magistère, 
à  l'autorité  duquel  les  lecteurs  ont  l'habitude 
de  céder.  Ecrire,  suppose  toujours  un  certain 
talent,  certaines  connaissances,  une  certaine 
énergie  d'esprit.  Les  paresseux  de  l'intelligence 
n'écrivent  pas;  ils  peuvent  porter  des  chefs- 
d'œuvre  dans  11  tête,  ils  n'ont  garde  de  les  en- 
fanter, et  c'est  leur  gloire,  dit  ironiquement 
Labruyère,  de  ne  pjs  écrire.  La  plupart  des 
hommes  sont  atteints  de  cette  paresse,  et,  bien 
qu'ils  puissent  produire  quelque  chose  par  le 
travail  intérieur  de  la  pensée,  ils  sont,  pour 
l'ordinaire,  des  êtres  enseignés,  qui  reçoivent 
à  peu  près  tout  du  dehors.  Les  Hvres  sont  donc 
leur  nourriture.  Et  comme  on  prend  la  nourri- 
ture avec  plaisir,  on  lit  de  même  un  livre  tou- 
jours avec  une  certaine  délectation.  On  suppose 
naturellement  que  l'auteur,  avant  d'écrire,  a 
étudié  son  sujet.  S'il  montre  du  savoir,  de  l'es- 
prit, de  la  délicatesse,  on  le  lit  avec  intérêt, 
d'abord,  puis  avec  affection,  enfin,  on  devient 
son  disciple.  Si  l'auteur  est,  bon  chrétien,  il  a 
fait,  par  son  livre,  un  acte  de  louable  prosély- 
tisme ;  s'il  esi  impie,  il  a  fait  un  acte  digne  de 
réprobation. 


LA  SEMAINE  DU  CLLRGÊ 


m9 


Ce  mag'slôre  qne  possô(1ent  tons  les  iivros, 
les  marnais  livres  l'emploient  à  pervertir  la  toi 
et  les  mœurs.  Les  uns  présentent  l'erreur  sou3 
l'apparence  du  vrai,  combattent  la  relijîion  avec 
des  sopbismes,  avec  l'appareil  séduisant  d'une 
érudition  menteuse  et  ne  peuvent  être  lus, 
sans  que  la  foi  périclite;  les  autres,  avec  des 
propos  déshounêtes,  excitent  les  mauvaises  pas- 
sions et  blessent  d'autant  plus  l'iu:  oceuce,  lue 
l'auteur  écrit  d'une  plume  plus  élégante  et  se 
défend  davantage  du  dessein  de  nniie. 

D'autant  plus  que  le  grand  nombre  des  lec- 
teurs est  mal  défendu  par  sou  cœur  et  par  son 
esprit.  S'il  s'agit  de  livres  traitant  de  matières 
religieuses,  combien  en  trouve-t-oii  suftisam- 
meiit  instruits  dans  la  science  des  dogmes,  de 
l'Etriture,  des  Pères,  delà  philosophie,  de  l'his- 
toire et  du  droit,  iiour  diftinguer  le  faux  par 
la  critique,  découvrir  l'infidélité  des  citations' 
discerner  l'abus  de  l'ujaue,  les  opinions  des 
croyances  et  répondre  periiiu'mraentaux  objec- 
lious?  11  s'en  trouve  peu,  memt'  parmi  les  théo- 
logiens, ditZaccaria,  et  Benoit  XIV  a  prévu  le 
cas  où  un  consvilteiir  de  V Index,  se  trouvant 
trop  peu  compétiut  pour  juger  un  livre,  doit  se 
récuser  lui-même. 

Si  les  qualités  de  l'esprit  sont  si  rares,  que 
dire  des  qualités  du  cieiu?  U'abord.  en  ce  qui 
regarde  les  livres  obscènes,  à  cjuse  de  la  tragi- 
lité  de  respèco  humaine,  ira^'ilité  dniit  les 
saints  ne  sont  pas  excmjits,  ils  sont  i;riiéi.de- 
meut  nuisibles.  Aussi  est-ce  un  péchr  .le  les 
lire,  à  moins  qu'on  ne  les  lise  comme  théolo- 
gien, par  nécessité  et  avec  prudence,  pour 
savoir  s'ils  doivent  être  défendus.  Les  autres 
lecteurs,  par  là  même  qu'ds  recherchent  ces 
lecluies,  se  montrent  de[iourvus  de  la  force 
nécessaire  pour  se  piémunir  du  poison,  et, 
comme  dit  Rous?eau,  qui  s'y  entendait,  c'est 
être  déjà  perdu  que  de  les  ouvrir.  Mais,  même 
s'il  s'agit  seulement  de  livres  à  doctrines  [ler- 
verses,  la  faiblesse  du  cœur  avuugle  lacilcment 
l'esprit.  Supposez,  par  exemple ,  un  homme 
assez  haliile  pour  démêler  le  sophisme,  s  il  est 
esclave  de  ses  passions,  en  lisant  un  mauvais 
livre,  il  désirera  trouver,  contre  la  foi  catho- 
lique et  les  préceptes  de  la  religion,  des  raisons 
péremptoires,  ou  simplement  plausiblee,  pour 
émousser  la  délicatesse  de  sa  conscience  et  s'a- 
bandonner aux  mauvais  désirs.  Dans  cette  dis- 
position, il  n'appréciera  pas  à  leur  valeur  les 
arguments  favorables  à  la  foi,  supposera  solides, 
pourvu  qu'elles  .soient  spécieuses,  les  raisuus 
opposées,  et  coulera  tout  doucement  dans  l'er- 
reur à  la  mode,  si  tant  est  qu'il  ne  tombe 
misérablement  dans  l'hérésie. 

Aussi  est-il  remarquable  que  tous  les  nova- 
teurs, lors.ju'ils  veu'eut  répandre  les  nouveautés 
et  former  secte,  recourent  à  la  plume  et  pu- 


Iilient  des  ouvrages.  Le  livre  est,  h  leurs  yeux, 
le  véhicule  naturel  de  l'erreur  et  l'engin  favori 
de  la  corruption.  S'ils  se  présentaient  en  per- 
sonne, ils  pourraient  avoir  contre  eux,  l'infir- 
mité de  leur  [irésence  corporelle,  la  faiblesse  de 
leur  esprit  ou  la  déloyauté  de  leur  conduite. 
S'ils  provoquaient  des  contradictions  publiijues, 
ils  se  verraient  terrassés  par  l'adversaire,  comme 
cela  arriva  souvent  à  Luther  et  à  Voltaire.  Avec 
le  livre,  on  dissimule  aisément  la  pauvr.-té  de 
sa  cause  et  la  disgrâce  de  sa  pc'rsunne.  Oa  se 
drape  en  héros;  on  joue  un  rôle  de  grandeur; 
et  le  prestige  de  l'inconnu,  le  mirage  du  loin- 
tain, sans  parler  du  concours  empressé  des  pas- 
sions et  des  complaisances  de  la  politiqui-,  fout 
d'un  homme  de  rien  un  personnage  redoutable, 
parfois  un  chef  de  secte,  le  fondateur  il'uii  parti 
qui  prendra  place  dans  l'histoire. 

Combien  ne  cite  t-oii  pas  d'hommes  perdus 
par  les  mauvaises  lectures!  Bardesane  avait 
confessé  la  foi  ;  il  tomba  dans  l'hi'irésie  et  devint 
même  bérésianpie,  pour  avoir  lu  les  livres  de 
Valentin.  iMaiiès  fut  perverti  de  la  memi;  !'ai}on, 
ainsi  que  l'Espagnol  Avitus,  Julien  d'Halicar- 
iiasse,  Euty elles,  et,  de  nos  jours,  Uœlliiiger  et 
Zwiiigle.  Dans  les  temps  de  troubles,  ou  les 
esprits  sont  plus  facilement  eulrainés,  plusieurs 
papi's  ont  mémo  dû  révoquer  les  permissions 
c'.e  lire  les  livres  hérétinues.  Et  malgré  ces  pré- 
cautions, que  de  cliuU-s.  que  de  iiiuliitudes 
si'-duites!  Les  livres  de  l'E^'ytien  N.'qios  eutrai- 
ncient  beaucoup  de  catholiques  dans  Teneur 
di'S  miilénaiies.  Les  livres  des  [iriscilliinisles 
hrenl  ravage  en  Espagne  et  dans  la  Gaule  nar- 
bonnaise.  Les  écrits  de  Wiclef  mirent  en  feu  la 
Bohème.  0"  sait  assez  que  de  ruines  entas- 
sèrent les  livres  de  Luther  de  Calvin.  Nous 
avons  encore  sous  les  yeux,  les  ravages  causés 
par  les  écrits  de  Voltaire  et  de  Proudhou. 

Au  reste,  pour  coniiaitre  de  la  manière  la 
plus  certaine,  le  droit  iiihéreut  à  rEj,lise  de 
défendre  les  mauvaises  lei;turcs,  nous  ne  pou- 
vons pas  invoquer  argument  plus  décisif  ([ue  sa 
pratique  L'E,lise  ne  peut  pas  errer  dans  sa 
pratique  générale  et  perpétuelle.  Voyons  donc 
ce  qu'elle  a  fait  contre  les  mauvais  livres. 

El  l'an  6tJ,  fut  déposé  un  prêtre  d'Asie,  qui 
avait  écrit  un  livre  faux  sur  les  voyages  de 
saint  Paul  et  sur  sainte  Thècle.  Tertuilieu  et 
saint  Jérôme,  qui  rapportent  le  fait,  ne  disent 
pas  que  le  livre  fut  interdit,  mais  l'interdictioa 
de  l'ouvrage  résulte  suffisamment  de  la  déposi- 
tion de  l'auteur. 

En  2rjl ,  il  avait  été  écrit,  contre  le  pape  saint 
Corneille,  un  opuscule  calomnieux.  Les  légats 
de  l'anti-pape  Novation  ie  portèrent  à  Cartliage. 
Saint  Cyprien  (épist.  42)  rai)porte  qu'il  mit 
sess'dns  àen  empêcher  la  lecture  età  eu  inspirer 
le  dégoût.  Les  textes  de  l'Ecriture  que.i'evèque 


1549 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


de  Cartilage  rite  pour  motiver  sa  comlnite  pron- 
Tenl  qu'il  entendait  défendre  aussi  bion  la  lec- 
ture privée,  que  la  lecture  publique. 

En  325,  le  concise  de  Nicée  condamna  solen- 
nellement les  éciils  d'Arius.  Soerate  (1,  6)  et 
Sozomène  (I,  20)  rapportent  le  fail;  le  preuiiM- 
cite  même  à  l'appui  un  édit  de  Constantin  pour 
assurer  l'exécution  de  la  sentence  du  concile. 

Eu  336  et  en  330,  les  eusébieus,  se  tenant 
pour  légiiimes  représentaiîts  de  FEj^lise,  i-on- 
damnent  un  écrit  de  Marcel  d'Ancyre,  puis  les 
écrits  el  les  lettres  «l'Aéliiis.  (Sozom.  Il,  31  ; 
Théodoret,  i,  2,  cap.  23). 

En  373,  le  concile  romain  dresse  un  catalo- 
gue de  livres  reçus,  et  mentionne  quid  Ecclesia 
vitare  debeot,  si  l'on  eu  croit  les  Balleiini 
{De  antiq .  col.  can.  H,  c.  9,  u°  3). 

En  398,  le  coticiledeConstantinoplecondainne 
Eunomius  et  ses  adhérents.  A  l'appui  de  cette 
condamnalion,  l'empereur  Arcadius  porte  une 
loi  qui  ordonne  de  brûler  les  écrils  de  l'iiôrésiar- 
que  (Cod.  Theod.  lei;.  Si,  lib.  16). 

La  même  année,  le  1V'=  concile  de  Carthaa;e 
porte  un  décret  sur  les  livres  à  lire  selon  les 
temps  et  les  circoustauces,  et  contre  les  livres  à 
s'interdire. 

L'an  400,  célèbre  condamnalion  des  écrits 
d'Origène  :  Soerate,  Sozumène,  Suipice-Sévère 
ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard. 

L'an  40-5,  le  pape  saint  Innocent  1"  adresse  à 
Exupcre  de  Toulonse.  le  canon  des  saiiitis 
Ecritures,  et  ajoute,  au  sujet  des  apuci-yphes  : 
iV'on  sol  uni  re/judianda .  sed  dnnimandit. 

L'an  416,  les  évoques  d'.\iriiiuc  demandent 
à  saint  Innocent  ('.luatiiématiser  les  écrits  de 
Pelage.  (Constant.,  Ejiist.  roni.  Pont.,  906). 

L'an  431,  le  concile  d'Ephèse  condamne  les 
écrits  de  Nestorius. 

L'an  440,  la  Chronique  de  Prosper  rapporte  que 
saint  Léon  lit  brûler  les  livres  des  manichéens. 

L'an  447,  prohibilicm  des  livres  des  priscillia- 
nisles.  (Mansi,  V.  1280). 

L'an  490,  célèbre  il^crct  du  pape  Gtlase  où 
l'on  trou\e  le  \ncmKvJiidcx  des  livres  défendus. 
(Labbe,  IV,  I2o0).  Le  Liber  /'onù/tcalis  rapporte 
que  les  papes  Geiaac,  Symiuaquc*  et  Horniisdas 
tirent,  en  paiticuLier,  brûler  les  livres  mani- 
chéens. 

L'an  301,  le  concile  de  Braque,  can.  17,  con- 
damne les  écrits  de  l'risciilien,  de  Dictriuus  et 
de  t'JU.s  les  hérétiques. 

En  390,  saint  Grégoire  le  Grand  défend  à  ua 
prêtre  d'isauiie  de  conserver  des  livres  hé- 
rétiques. 

En  049,  le  concile  de  Latran,  can.  8,  anatln'ma- 
tise  t(nis  le'S  livres  des  liénHiqm-s,  et  le  pape  Mar- 
tin l"  coulirme  la  sentence  (Labbe,  \  1,  303-84-4). 

En  OSU,  le  sixième. -oncile  ;;énéral,  sess.  l.i, 
fait  brûlée  les  livres  muuutbéiUes.  Eu  692.  le 


concile  in    Trullo  ordonne  de  prendre  cû  fait 
comme  règle. 

En  745,  au  concile  romain,  on  Ut  les  écrits 
d'un  certain  Arlalbeit  et  le  pape  Zacharie  les 
fait  brûler.  (Labbe  VI.  1337). 

En  787,  au  deuxième  concile  de  Nicée,  il  est 
ordonné  de  déposer  les  évèques,  prêtres  ou 
diacres,  et  d'analhématiser  les  la'i.|U(^  et  les 
moines  qui  cacheraient  des  livres  hérétiques. 
On  sévit,  eu  particulier,  contre  un  faux  livre  des 
Actes  des  apôtres  (Labbe  VII,  603). 

En  829,  le  concile  de  Paris  ordonnede  recher- 
cher tous  les  livres  ccmfra  cnnoninn  auctorilatem. 

En  SOG,  le  pape  Nicolas  1"  ordonne  aux  Bul- 
gares de  brûler  les  livres  qu'ils  ont  reçu  des 
tjarrazins. 

En  808,  le  pnpe  Adrien  II.  dans  son  concile, 
reçoit  à  la  communion  de  l'Eglise  ceux  qui  ont 
brûle  les  écrits  schismatii|ues  île  Pholius  et  rejette 
ceux  qui  les  ont  admi~.  (Labbe,  VIII,  1093). 

En  1140  et  1142,  les  cnnciles  de  Reims  con- 
damnent les  écrils  d'Abailard,  d'.\rnaud  de 
Bescia  et  de  Gilbert  de  la  l'orrée.  (Labbe,  X,  1023 
et  11-23). 

En  1-299,  le  concile  de  Paris  condamne  les 
écrits  de  David  de  Binant,  défend  la  lecture  de 
quelques  hvresd'Aristote  et  de  certains  ouvrages 
théulo;;iques. 

En  1229,  le  concile  de  Toulouse,  présidé  par 
le  Pape,  règle  l'usage  des  livres  saci'és  et 
profanes. 

En  1236,  Alexandre  IV  condamne  le  livre  de 
Guillaume  de  Saint-Amour,  sur  les  périls  des 
derniers  temps  (I). 

11  est  superflu  de  pousser  plus  loin  cette  no- 
menclature lie  faits,  puisqu'à  celte  époque, 
l'Eglise,  par  le  tribunal  de  l'inquisition,  ne  se 
borne  pas  à  brûler  les  mauvais  livres,  mais  brûle 
encore  les  auteurs  hérétiques  et  ceux  qui  fout 
simplement  profession  \erbale  d'hérésie.  Rien 
ne  prouve  mieux  son  droit.  On  sait  d'ailleurs 
que  tous  les  sectaires  ne  reprochent,  à  l'Eglise, 
rien  tant  que  sa  prétention  à  établir  qu'il  y  a 
des  péchés  del'esprit,  péchés  qu'il  est  nécessaire, 
de  réprouver  et  juste  de  punir  :  reproche  pair 
où  l'on  voit  qu'en-dehors  de  l'Egdse  on  ne  croit 
pas  à  la  vérité  ou  l'on  décharge  l'homme  da 
devoir  de  s'y  attacher. 

{A  suivre).  Jusn.v  FiivuE, 

protoaolaire  ajjo^italiqae. 


LÉGISLATIOW 

Exposition  des  motifs  et  des  principes  qui  ont 
servi  de  base  .4.  l.4.  loi  rel.\tive  .\.  la  ubehié 
ce  l'e.\àeignement  supérieur. 

(Suite.) 

Les  deux  paragraphes  dont  M.   Chevandier 
demande  la  suppression,   sont  ainsi  connus  ; 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


ISif 


«  Les  cours  isolés,  dont  la  ptihliàté  ne  sera  pas 
restreinte  aux  auditeurs  régulièrement  inscrits, 
resteront  soumis  aux  prescriptions  des  lois  sur  les 
réunions  publii/ues. 

Un  règlement  d'administration  publique  déter- 
minera les  formes  et  les  délais  des  inscriptions 
exigées  par  le  paragraphe  précédent,  n 

M.  Pascal  Duprat,  reprenant  la  discussion 
dans  la  séance  du  8  juin, regrette  profondément 
le  vote  de  la  veille,  <iui  a  consacré  solennelle- 
ment la  personnalité  civile  des  diocèses.  Il  dit 
que  ce  vote,  quels  que  soient  les  motifs  qui 
l'aient  inspiré,  est  une  dérogation  déplorable 
au  Code  civil. 

En  se  déclarant  partisan  très-résolu  de  la 
liberté  d'enseignement,  dans  le  domaine  surtout 
des  hautes  études,  il  ne  croit  pas  apprendre 
riun  de  nouveau  à  l'assemblée. C'est  parce  qu'il 
en  est  partisan  qu'il  vient  défendre  l'ancien 
texte  de  la  Commission  et  combattre  le  nou- 
■vel  article  qu'elle  propose. 

Que  demande  la  Commission  dans  ce  nouveau 
texte?  Elle  veut  que,  pour  donner  des  confé- 
rences et  des  cours,  on  soit  tenu  d'ouvrir  un 
registre  sur  lequel  les  auditeurs  devront  être 
régulièrement  inscrits.  Cette  inscription,  M.  Pas- 
cal Duprat  la  croit  possible  dans  les  facultés  de 
l'Etat;  il  y  a  là  des  usages,  il  y  a  un  personnel 
et  une  organisation  qui  rendent  cette  formalité 
facile;  mais  le  propre  des  cours  individuels  est 
de  changer  à  chaque  instant  de  public.  Il  fau- 
drait donc  modilier  sans  cesse  le  registre  des 
inscriptions,  et  le  cours  serait  à  tout  moment 
entravé. 

La  Commission  veut,  à  d  faut  de  cette  for- 
malité, soumettre  les  cours  et  les  conférences 
à  la  législation  des  réunions  publiques;  U 
regrette  profondément  celte  idée,  car  il  y  trouve 
une  antre  entrave  à  la  liberté  de  l'enseignement. 
11  dit  qu'imposer  de  pareilles  conditions  à  l'en- 
seignement individuel  c'est  blesser,  c'est  muti- 
ler cet  enseignement  et  le  condamner  à  l'im- 
puissance. 11  ajoute,  qu'il  lui  paraît  qu'on  craint 
un  professeur,  ([ui  va  faire  un  cours  ou  donner 
une  conférence,  tandis  qu'on  accorde  en  même 
temps,  avec  une  entière  conliance,  la  plus 
large  liberté  aux  associations.  Cette  diliérence 
de  traitement  lui  paraît  étrange;  un  professeur 
parle  aujourd'hui,  et  se  tait  demain;  les  audi- 
teurs qui  l'écoutent  un  jour  n'iront  plus  l'en- 
tendre le  jour  suivant.  Au  contraire,  les  asso- 
ciations sont  permanentes,  elles  traversent  les 
années  et  les  siècles  et  elles  n'aspirent  à  rien 
moins  qu'à  être  immortelles,  a  Vous  refusez 
tout,  dil-il,  à  'in  homme,  à  un  orateur  d'un 
jour,  à  une  parole  qui  passe,  et  qui  aujourd'hui 
n'a  même  plus  d'écho,  et  vous  accordez  toute 
sliberté  aux  associations  et  auxfacultés.  » 

Quant  à  lui,  il  craint  cette  puissance  à  des 


associations  qui  s'apprêtent  déjà  à  dominer 
l'avenir.  Chez  nous,  ajoute-t-il,  où  dominent 
déjà  tant  de  divisions,  où  chacun  entend  la 
liberté  à  sa  manière,  il  ne  pourra  y  avoir  que 
lutte  et  une  scission  complète  entre  les  fils  de 
l'Eglise  et  les  enfants  de  la  Révolution  et  du 
libre  examen.  Par  ces  considérations  il  croit 
avoir  raison  de  demander  le  retour  à  l'ancien 
texte  proposé  par  la  Commission  de  1870,  et 
adopté,  la  première  fois,  par  la  Commission 
actuelle. 

M.  Laboulaye  vient  à  la  tribune  pour  dire  que 
M.  Pascal  Duprat  a  fort  peu  discuté  ces  deux 
paragraphes.  Il  lui  parait  que  non-seulement 
M.  Pascal  Duprat  est  revenu  sur  la  décision 
prise  dans  la  séance  précédente  relativement  au 
droit  des  associations,  mais  qu'il  voudrait 
recommencer,  peut-être,  l'éternel  procès  de 
l'Eglise  et  de  la  libre  pensée.  Il  observe  que  ce 
projet  de  loi  a  précisément  pour  objet  de  tran- 
cher la  question  autrement  qu'il  ne  le  comprend, 
c'est-à-dire  par  la  liberté. 

Il  lui  semble  (jue  le  silence  n'a  profité  à  per- 
sonne ;  et  si  les  divisions  doivent  être  grandes 
quand  on  discotera,  elles  ne  pourront  pas  être 
plus  grandes  qu'elles  ne  le  sont  aujourd'hui 
qu'on  ne  di.scute  pas.  Il  lui  paraît  surtout  que 
la  publicité  d'un  enseignement  tel  que  celui  des 
nouvelles  facultés,  que  l'obligation  pour  des 
professeurs  de  raisonner  et  de  motiver  leurs 
convictions,  en  les  exposant  à  des  étudiants, 
doit  amener  beaucoup  plus  de  maturité  dans 
des  thèses,  qui  sont  abandonnées  aujourd'hui 
à  la  polémique  et  à  la  passion  des  journaux. 

Bien  loin  de  croire  que  la  liberté  auamen- 
tera  les  divisions,  il  est  convaincu  qu'elle  amè- 
nera des  rapproihements.  Il  est  surtout  per- 
suadé ijue,  lors(}u'on  saura  de  quelle  façon  les 
professeurs  de  facultés  catholiques  ensi  iguent 
le  droit  et  l'iiisloire,  beaucoup  de  préjugés 
pourront  se  dissiper  :  à  ce  propos  il  cite  l'exem- 
ple de  l'enseignement  de  Saint-Sulpice  qui  est 
parlaitement  conforme  à  l'esprit  de  nos  lois 
civiles. 

M.  Laboulaye  observe  ensuite  que  les  garan- 
ties proposées  dans  ces  deux  (laragraphes  ne 
gênent  en  aucune  façon  la  liberté.  Que  se  pas- 
serait-il dans  la  pratique?  Précisément  ce  qui 
se  passe  actuellement  à  l'école  de  médecine,  où 
on  entre  avec  une  inscription  et  une  carte. 
Est-il  un  homme  voulant  sérieusement  étudier 
qui  soit  arrêté  par  une  pareille  difliculté?  Il 
reconnaît,  au  contraire,  qu'il  y  a  à  cela  un 
grand  avantage,  c'est  qu'on  ne  pourra  pas 
entrer  en  troupe  dans  un  cours  pour  troubler  le 
professeur,  pour  l'égarer  quelquefois  par  des 
applaudissements,  et  que  l'enseignement  aura 
un  caractère  sérieux,  didactique,  en  un  mot, 
que  ce  sera  véritablement  de  l'enseignemenl. 


1512 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


Où  sera  le  mal?  Quant  à  lui,  il  n'y  voit  que 
des  avantages  qui  ne  peuvent  gêner  la  liberté 
sainement  comprise. 

Telles  sont  les  rai-nns  principales  pour 
lesquelles  il  demande  à  1  Assemblée  de  ne  pas 
accepter  l'amendement  de  M.  Chevandier, 
défeudu  par  M.  Pascal  Duprat. 

M.  Wallon,  ministre  de  l'instmclion  publique, 
expose,  en  quelques  mots,  combien  il  est  difli- 
cile  de  concilier  à  la  fois  les  droits  de  la  liberté 
et  la  sûreté  de  l'Etat.  Il  ne  lui  parait  pas  que  le 
texte  des  deux  paragraphes  en  discussion  oiïre 
les  garanties  désirables  pour  assurer  la  publi- 
cité des  cours  privés  et  pour  empêcher  ou 
pour  réprimer  l'enseignement  des  doctrines 
mauvaises.  La  seule  garantie  réelle  qu'il  trouve, 
est  dans  le  dernier  par^igi-aplie,  où  il  est  dit 
qu'un  règlement  d'administration  publique  dé- 
terminera les  formes  et  les  ilélais  des  inscrip- 
tions exigées.  Mais  la  Commission  n'a  pas  indi- 
qué quelles  seront  les  conditions  de  ce  rèijle- 
ment. 

Ces  observations  ramènent  M.  Laboulaye  à  la 
tj-ibune.  Il  déclare  que  la  Commission  se  trouve 
dans  une  étrange  condition;  à  l'occasion  de  la 
première  délibération,  on  lui  a  objecté  :  vous 
voulez  faire  des  cours  publics!  il  n'y  a  pas  de 
garanties;  ce  seront  des  réunions  publiqr.es. 
Qu'-dst-ce  que  lui  dit  aujourd'hui  M.  lemiaistre? 
Vos  cours  ne  sont  pas  publics;  je  ne  suis  pas 
armé  pour  les  surveiller.  Mais,  comment  faire, 
dit-il,  pour  qu'un  cours  soit  public  et  ne  le  soit 
pas? 

Eq  résumé,  il  ajoute  que  la  Commission  a 
cherché  des  garanties  contre  ce  qui  inquiétait 
l'Assemblée,  et  il  trouve  qu'elle  avait  raison  de 
s'inquiéter.  La  Commission  n'a  pas  voulu  livrer 
le  pays  aux  expériences  des  gens  qui  courront 
de  place  en  place  pour  faire  des  cours  publics; 
si  elle  a  été  trop  sévère,  c'est  dans  les  meil- 
leures intentions,  c'est  pour  rassurer  les  esprits 
peut-être  trop  timides.  Quant  à  la  loi  en  elle- 
même,  il  veut  pour  elle,  comme  pour  toutes 
les  autres,  que  le  bien  qui  en  sortira  surpasse 
la  somme  du  mal  qui  pourrait  en  naître. 

Après  la  proposition  de  M.  le  Président  de 
mettre  aux  voix  les  deux  paragraphes  que  l'a- 
mendement de  M.  Chevandier  vuudrait  sup- 
primer, une  demande  de  voter,  au  contraire, 
par  scrutin  public  est  déposée.  Le  résultat  du 
dépouillement  de  ce  scrutin  donne  4(4  votes 
pour  l'adoption  des  deux  paragraphes,  et  222 
contre,  sur  636  votants. 

M.  de  Pressensé  propose  et  déveioppe  un 
paragraphe  adililionnel  pour  déclarer  que  l'in- 
terdiction de  traiter  de  matières  religieuses, 
formulée  dans  l'article  l"  de  la  loi  du  10  juin 
1868,  ne  sera  pas  applicable  aux  cours  isolés. Celte 
proposition    ne  réunit,  au  scrutin  public,  que 


214  votes,  contre  3S5  votes,  sur  599  votants; 

Après  la  votation  sur  l'eusemblede  l'arlideS, 
qui  donne  403  votes  pour  son  adoption,  contre 
2i0,  sur  643  votants,  M.  Jean  Brunet  propose 
une  disposition  additionnelle,  qui  devrait  pren- 
dre place  entre  l'article  2  et  l'article  3.  Cette 
disposition,  qui  voudraitaccorderlafaculté«aux 
musulmans  d'ouvrir  librement  des  cours  et  des 
établissements  d'enseignement  supérieur,  dans 
la  France  européenne  comme  dans  la  France 
coloniale,  »  mise  aux  voix,  n'est  pas  adoptée. 

Dans  la  séance  du  9  juin,  l'assemblée  adopte 
sans  discussion  l'article  3  et  les  deux  premiers 
paragraphes  de  l'article  4.  Mais  M.  Bouisson  pro- 
pose une  disposition  addilionnelle  à  ces  deux 
paragraphes,  toute  spéciale  aux  facultés  libres 
de  médecine,  ou  auxfaculés  mixtes  de  médecine 
et  de  pharmacie. 

M.  Bouisson  développe  sa  proposition  avec 
tous  les  détails  historiques  et  techuiques  (ju'elle 
comporte.  Nous  ne  rapportons  pas  les  oliserva- 
tions  qu'il  a  exposées  avec  une  incontestable 
autorité,  car  M.  Laboulaye  ayant  demandé  le 
renvoi  à  la  Commission  de  celte  proposition, 
nous  nous  en  occuperons,  lorsque  la  nouvelle 
rédaction  des  susdits  paragraphes  sera  apportée 
à  l'Assemblée. 

Au  moment  de  mettre  également  aux  voix 
l'article  3,  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publi- 
que demande  leretranchemenldii  dernier  para- 
graphe, déclarant  que  ce  retranchement  prou- 
verait la  dis[iosilion  dans  laquelle  parait  se 
trouver  l'Assemblée  de  supprimer,  à  latroisièno^ 
lecture,  dans  l'article  2,  les  mots  :  «Les  départe- 
ments, les  communes  et  les  diocèses.  » 

M.  Laboulaye  accepte,  au  nom  delà  Commis- 
sion, la  proposition  de  M.  le  Ministre;  mais 
M.  Lucien  Brun  vient  à  la  tribune  pour  deman- 
der instamment  à  l'Assemblée  de  ne  pas  revenir 
sur  le  vote  qu'elle  a  rendu  dans  la  séance  pré- 
cédente :  elle  le  doit  à  sa  dignité.  L'importance 
de  ce  vole  est  assez  manifestée  par  ce  qui  se 
passe  en  ce  moment  ;  aussi  il  prie  l'Assemblée 
de  maintenir  ce  paragraphe,  sauf  à  donner  acte 
à  M.  le  Ministre  de  la  réserve  qu'il  a  déjà  faite 
d'ailleurs  à  l'occasion  de  la  discussion  de  l'ar- 
ticle 2,  pour  une  discussion  future  sur  ce  sujet, 
que  lui  et  ses  collègues  acceptent  loyalement  et 
qu'ils  soutiendront  sans  crainte. 

A  ce  point,  M.  le  Président  met  aux  voix  le 
premier  paragraphe,  qui  est  adopté  ;  il  déclare 
eu  même  temps  que,  sur  le  second  paragraphe,, 
dont  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
demande  la  suppression  d'accord  avec  la  majo- 
rité de  la  Commission,  il  y  a  deux  demandes 
de  scrutinpublic. 

M.  le  général  Robert  observe  être  évident, 
pour  quiconque  sait  lire  et  comprendre  que.- 
cette  suppression  détruirait  virtuellement  l'ar- 


Là  SEMAINE  DU  CLERGE 


1S43 


ficle  2,  que  rÂs?emblée  a  voté.  Il  ne  lui  paraît 
pas  admi-sible  que  deux  artiiles  d'une  même 
'.oi  soient  en  conlra'liction  l'un  avec  l'autre. 
Il  demande  par  conséquent  à  l'Assemblée  de 
ne  pas  faire  une  ceiivri'  boiteuse  en  rédigeant 
l'articli!  5,  d'une  manière  absolument  contraire 
à  ce  qui  a  été  voté,  et  bien  voté,  à  l'article  2. 

Par  contre,  M.  Robert  de  Massy  demande, 
au  nom  de  la  majorité  de  la  Commission,  qui 
s'associe,  dit-il,  aux  paroles  de  M.  le  Ministre, 
le  rejet  dndit  paragraphe,  avec  celte  pensée, 
ajoule-l-il,  que  c'est  un  retour  contre  le  vote 
qui  a  été  émis  à  l'avant-dernière  séance. 

M.  Wallon,  ministre  de  l'instruction  publique, 
déchire  qu'il  n'entend,  en  aucune  façon,  rouvrir 
le  débat  sur  cette  question.  Il  se  borne  à  faire 
seulement  srs  réserves  sur  ce  paragraphe, 
comme  il  a  fait  ses  ré-ervcs  au  sujet  de  l'artiLle  2, 
et  il  se  propose,  laissant  passer  à  présent  ce 
paragraphe,  de  demander  en  troisième  lecture 
le  rejet  des  mots  :  «  départemculs,  communes 
et  diocèses.  » 

La  séance  se  termine  par  un  scrutin  nul,  qui 
devait  être  repris  le  lendemain,  et  qui  ne  fut 
pas  repris  après  une  longue  discus-iun  au  sujet 
ou  procès-verbal,  et  ensuite  de  la  déclarai  ion 
de  M.  le  général  Robert  de  retirer  la  demande 
de  scrutin  public  qu'il  avait  faite  d'accord  avec 
plusieurs  de  ses  collègues.  Le  Président  met 
aux  voix  le  paragraphe  en  contestation,  que 
l'Assemblée  adopte.  L'ensemble  de  l'article  5  est 
également  mis  aux  voix  et  adopté. 

M. Wallon,  ministre  de  l'instruction  publique, 
observe  que  l'article  6  purle  :  «  Les  cours  ou 
établissemnnts  libres  d'enseignement  supérieur 
seront  toujours  ouverts  et  accessibles  aux  délé- 
gués du  ministre  de  l'inslruclion  publique  ;  » 
il  demande  qu'on  y  ajoute  ces  mots  :  «  ou  aux 
agents  de  l'adminisljalioa  publique.  »  Cette 
adjonction  lui  paraît  nécessaire,  car  il  pourra  y 
avoir  un  si  grand  nombre  de  cours,  que  le 
minisire  sera  dans  l'impossibilité  de  trouver 
assez  de  délégués  [lour  les  y  faire  assister. 

M.  Laboulaye  lui  répond  que  la  disposition 
de  cet  article  avait,  dans  la  pensée  de  la  Com- 
mission, une  portée  particulière.  Il  dit  qu'il 
n'est  pas  douteux  qu'eu  France,  le  gouverne- 
ment a  le  devoir  et  le  droit  de  savoir  ce  qui  se 
pas?e  dans  les  cours  :  ce  que  la  Commis- 
sion a  voulu  établir  par  cet  article,  c'est  la 
surveillance  du  ministère  de  1  Instruction  pu- 
blique pour  savoir  comment  se  donne  l'eusei- 
gnement  dans  ces  cours  particuliers. 

L'Université,  si  celte  loi  est  adoptée,  perdra 
son  monopole;  mais  loin  que  cela  affaiblisse 
le  ministère  de  l'instruction  publique,  M.  Labou- 
laye croit  que  cela  le  grandira.  Il  y  aura  une 
surveillance  plus  grande,  surveillance  tout  à 
fait  compatible  avec  la  liberté.  C'est  ainsi,  par 


exemple,  qu'aux  Etats-Unis,  où  l'enseignement 
est  complètement  libre,  il  y  a  un  bureau  de 
l'éducation,  qui  est  un  bureau  de  statistique,  de 
centralisation  de  tous  les  documents,  et  qui 
tient  chaque  année  l'Amérique  au  courant  des 
progrès  et  du  développement  de  l'éducation. 
C'est  en  ce  sens  que  les  délégués  du  Ministre  de 
l'instruction  publique  auront  toujours  accès  dans 
les  cours  privés.  Il  ne  voit  donc  pas  la  nécessité 
de  moililier  la  disiiosition  de  cet  article,  et  il 
espère  que  son  explication  donnera  satisfaclloa 
à  M.  le  Ministre. 

11  est  évident,  ajoutet-il,  que  la  police  supé- 
rieure du  gouvernement  n'est  en  rien  affaiblie 
parcelle  disposition.  La  commission  demande 
seulement  au  gouvernement  de  surveiller  «es 
cours,  de  manière  à  tenir  le  pays  au  courant 
des  progrès  de  rinslruction.  Il  est  bien  entenda 
que  cette  surveillance  n'est  pas  une  censure, 
qu'on  n'a  pas  le  droit  d  aller  critiquer  les  mé- 
thodes; c'est  une  surveillance  [lour  savoir  ce 
qui  s'y  passe  et  pour  signaler  les  cours  qui 
seraient  contraires  à  la  morale,  à  laconstiluticjn 
ou  aux  lois.  Dans  ces  limites,  il  est  bon  de  con- 
server cette  délégation  au  Ministre  de  l'Instruc- 
tion publique. 

M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  re- 
vient à  la  tribune  pour  dire  qu'il  ne  récuse  pas 
la  faculté  d'envoyer  des  délégués  dans  les  cours 
et  établissements  d'enseignement  supérieur  ;  il 
constate  seulement  que,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  il  est  absolument  impossible  au  ministre 
d'exercer  cette  surveillance  à  lui  seul  et  par 
ses  agents. 

M.  Victor  Lefranc  observe  qu'il  est  évident  que 
ce  que  la  commission  désire,  c'est  que  l'attache- 
de  la  délégation  du  Ministre  de  l'Instruction  pu- 
blique caractérise  la  misson  de  l'ageut  envoyé 
pour  rendre  compte  de  ce  qui  se  passe.  Quant 
à  lui,  il  verrait  avec  regret  retrancher  cette 
attache.  Du  moment  qu'on  dit,  «les  délégués 
du  Ministre  de  l'instruction  publique»  celui-ci 
a  le  droit  de  choisir  q*i  il  voudra.  Mais  il  est 
utile  que  l'agent,  (juel  qu'il  soit,  ait  été  délé- 
gué par  le  Minisire  de  l'Instruction  publique, 
et  non  par  d'autres.  11  espère  ainsi  que  M.  le 
Ministre  renoncera  à  cette  addition. 

Malgré  cela,  le  Ministre  maintient  sa  propo- 
sition, laquelle,  mise  aux  voi.\,  n'est  pas  adop- 
tée ;  est  adopté,  au  contraire,  l'article  selon 
le  texte  proposé  par  la  Commission. 

M.  Cbesnelong  propose  l'addition  suivante 
au  même  article  :  a  La  surveillance  de  l' L'(ut  aura 
exclusivement  pour  objet  d'asswer  le  respect  de 
l'ordre  et  de  la  morale,  et  de  veiller  à  l' obsirvation 
de  la  présente  loi.  • 

Il  se  borne  à  dire  que,  d'après  le  rapport 
même  de  la  Commission,  elle  entend  que  la 
surveillance  nait,  à  aucun  degré,  le  caractère 


tm: 


LA  SEMALNE  DU  CLERGÉ 


d'un  contrôle  universitaire.  Elle  admet  que 
celte  surveillance  ne  doit  porter  ni  sur  les  mé- 
thodes ni  sur  la  direction  de  l'enseignement, 
et  qu'elle  doit  être  purement  et  simplement 
une  inspection  d'ordre  public,  d'atiiité  géné- 
rale. Il  admet  aussi,  lui,  comme  la  Commission, 
le  droit  de  surveillance  de  l'Etat  ;  i)  le  consi- 
dère non -seulement  comme  un  droit,  mais 
encore  comme  un  devoir.  Il  demande  enfin  que 
la  loi  elle-même  détermine  ce  que  la  Commis- 
sion a  dit  dans  sou  rapport. 

M.  Bmile  Beaussire  remplace  M.  Chesnelong 
à  la  tribune.  Au  nom  de  la  Commission  il  ac- 
cepte, en  principe,  cet  amendement  qui  ré- 
pond à  la  pensée  si  bien  exprimée  dans  le  rap- 
port de  M.  Laboulaye.  Mais  la  proposition  de 
M  Chesnelong  ne  lui  paraît  pas  sulfisammeut 
précise  :  ce  dernier  demande  que  la  surveillance 
ne  porte  que  sur  le  respect  de  la  morale  et  de 
la  présente  loi.  La  Commission  voudrait  qu'elle 
portât  sur  le  respect  de  toutes  les  luis,  et  que 
l'amendemeut  fût  modifié  en  ce  sens  ;  «  La  sur- 
veiliunce  ne  pourra  poitersw  l'eiueirpiement  que 
pour  vérifier  s'il  n'est  pas  contraire  à  La  morale,  à 
la  constitution  et  aux  lois,  n 

RI.  Chesnelong  se  rallie  à  la  rédaction  de 
celte  disposiliou  additionnelle,  qui  est  mise  aux 
voix  et  adoptée.  Sont  également  adoptés,  sans 
discussion,  les  articles  7  et  8. 

Sur  l'article  9,  ainsi  conçu  :  h  Les  dispositions 
de  l'article  291  du  Code  pénal  ne  sont  pus  appli- 
cables aux  associations  formées  pour  encourciyer  et 
propager  l'enseignement  supérieur,  »  il  y  a  trois 
amendements;  un  de  M.  Paris,  un  autre  de 
M.  Beaussire,  et  le  troisième  de  M.  Uelorme. 
L'amendement  de  M.  Paris  dit:  Les  disjjosi- 
tions  de  l'article  291  du  Code  pénal  ne  sont  pas 
applicailes  aux  associations  forméfs  pour  fonder 
des  établissements  d'enseignement  supérieur.  » 

M.  Paris  (Pas-dc-Cala  s),  venante  la  tribune, 
observe  de  comprendre  que  la  Commission  pro- 
pose d'apporter,  en  ce  qui  concerne  i'en-eigne- 
rD'iit  supéiieur,  une  dérogation  à  l'article  29 i 
du  Code  pénal,  qui  règle  le  droit  d'association. 
Pour  fonder  des  établissements  d'enseignement 
supérieur,  il  est  indispensable  de  réunir  des 
Capitaux,  de  relier  en  laisceuu  des  l'oices  indi- 
viduelles, et,  par  conséquent,  d'user  de  ce  droit 
d'association.  Mais  si  on  admet  1  exception  pro- 
jetée, il  craint  que  l'on  puisse  abuser  de  la 
géneraiilé  des  termes  de  la  rédaction  soumise 
à  l'Assemblée,  et  créer  subrepticement  des  as- 
sociations, qui,  s'appliquant  en  apparence  à 
l'enseiguemfut,  pouisuivraient,  eu  réalité,  un 
but  tout  dillurcut;  qui,  d'un  autre  côté,  au 
lieu  d'avoir  la  durée  temporaire  que  la  fonda- 
tion d'une  faculté  comporte,  deviendraient  per- 
manentes. Il  demande  couséquemmeut  de  don- 
ner à  cet  article  uue  portée  plus    spéciale, 


mieux  définie  ;  garantissant,  en  un  mot,  que 
les  associalioas  établies  dans  le  but  de  favori- 
ser i'pnseignements  supérieur  ne  Sv-ront  pas 
détournées  de  leur  véritable  objet,  et  qu'elles 
auront  une  durée  temporaire. 

M.  Beaussire  déclare  que  son  amendement 
ressemble  beaucoup  à  celui  de  M.  Pari<,  et  il 
vient  à  la  tribune  moins  pour  le  combattre  que 
pour  expliquer  en  quoi  :1  est  d'accord  avec 
M.  Paris,  et  en  quoi  le  texte  qu'il  propose  dif- 
fère  du  sien. 

M.  Paris  demande  que  le  texte  de  l'article  9 
soit  moins  large,  moins  élastique  que  dans  la 
rédaction  de  la  Commission.  Mais  M.  Beaussire 
croit  que  la  rédaction  proposée  par  M.  Paris 
est  beaucoup  trop  restrictive  ;  il  veut  que  les 
asiociatous  formées  en  vue  de  l'enseignement 
supérieur  se  bornent  à  fonder  des  établisse- 
ments, et  qu'elles  cessent  une  fois  ces  établis- 
sements fondés.  Il  ne  suffit  pas,  dit  M.  Beaus- 
sire, de  créer  un  établissement,  il  faut  le  faire 
vivre,  il  faut  l'entretenir. 

Par  conséijuent,  il  propose  une  nouvelle  ré- 
daction de  cet  article  9,  ^ians  les  termes  sui- 
vants :  a  Les  dispositions  de  l'article  29i  du  Code 
pénal  ne  sont  pas  applicables  aux  associations 
ayant  exclusivement  pour  objet  la  (ondanon  et 
l'entretien  des  cours  et  des  étalAissements  libres 
d'enseignement  supérieur.  » 

M.  Wallon,  ministre  de  l'inslruclion  pu- 
blique, accepte  cette  rédaction  au  nom  du 
gouvernement,  et  M.  Paris,  revenant  à  la  tri- 
bune, l'adopte  sur  un  point  aussi,  lui.  Il  recon- 
nait  la  raison  pratique  de  cette  rédaction  par 
ran[iorL  aux  clablissements  d'enseignement 
suiieneur,  mais  il  lui  parait  inutile  et  peut» 
eue  dangereux  de  ra[ipliquer  également  au 
prolit  des  cours.  Autant  M.  Paris  comprend 
î'uiilité  de  lassocialion,  quand  il  s'agit  de  créer 
de.i  élabli.<sements,  de  fonder  des  facultés, 
autant  l'idée  d^  société  ne  lui  parait  avoir  au- 
cune espèce  d'application  pratuiue,  lorsqu'il 
s'agit  de  simples  cours,  de  conférences  isolées. 
Dans  ces  deux  derniers  cas,  l'action  indivi- 
duelle du  [irofesseur  est  tout;  son  initiative  est 
seule  en  jeu.  11  ne  comprend  pas  qu'il  soit 
utile  de  rci-.ourir  à  l'association  pour  favoriser 
une  œuvre  purement  personnelle,  et  qui,  pour 
rencontrer  le  succès,  ne  demande  que  deus 
clioscs  :  une  chaire  dans  laquelle  uue  parole 
libre  se  lasse  entendre,  et  un  auditoire  syinpa- 
ttiii;ue  auquel  celle  parole  s'adresse. 

il  ajoute  que,  si  le  professeur  ne  possède  pas 
le  capi.al  sulii-aiit  à  la  fondiiiion  de  son  cours, 
1»  rémunération  de  ses  auditeurs  lui  créera  des 
ressources  s'iflisantcs.  Il  ne  croit  pas  que  l'As- 
seiulilec  veuille  tléiiaturer  ainsi  l'institution  des 
cours  qui  ont,  il  le  répète,  un  caractère  essea- 
ticilciucut  persoQBei.  11  la  prie  de  ne  pas  laisser 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


154^ 


inlrodiiire  dans  !a  loi  le  mot  d'MSsocialion  s'ap- 
pliquant  à  un  ohj^t  sur  lequel  l'assccidtion  n'a 
rien  de  commun. 

M.  Be:iu5sire,  rappelé  de  nouveau  à  la  fri- 
hune  par  ces  observations,  dit  que  M.  Paris 
sembli;  croire  que  tout  cours  individuel  sera 
Bécessair('ment un  cours  rétribua,  pouvantvivre 
du  droit  d'entrée  ou  d'insiription  exigé  des 
élèves;  mais  il  peut  s'agir  également  d'un 
cours  ouvert  dans  un  grand  intérêt  moral  ou 
scientifique,  un  de  ces  cours  qui  ne  peuvent 
attirer  un  grand  nombre  d'auditeurs  et  surtout 
d'auditeurs  payants  ;  il  peut  s'agir  d';:ne  asso- 
ciation lonilce  pour  créer  dans  ces  conditions 
une  chaire  unique,  isolée.  Il  lui  paraît  que 
M.  l'aris  confond  le  cours  avec  la  cunférenee; 
ee  sont  deux  choses  tontes  difôirentes.  La  con- 
férence est  un  enseignement  non-S''ulemeut 
isolé,  mais  n'ayant  pas  de  lendi-mam,  ou 
n'ayant  qu'un  lendemain  ou  deux  tout  au  plus; 
un  cours,  au  contraire,  est  un  enseignement 
suivi,  qui  peut  durer  plusieurs  années;  il  lui 
faut  un  local,  souvent  un  matériel  coûteux,  s'il 
8*agit  de  certaines  sciences;  il  lui  faut  un  pro- 
fesseur rémunéré.  11  y  a  dune  là  maiière,  non- 
seulement  auxeUorts  dun  individu,  mais  d'une 
association. 

M.  Robert  de  Massy  vient  expliquer  les 
«onsidérations  qui  ont  décidé  la  Onnujissioa 
à  admettre  que  l'association  devrait  être  auto- 
risée, sans  être  soumise  aux  conditions  restric- 
tives de  l'art.  291  du  Code  pénal,  non-seule- 
ment quand  elle  aurait  pour  but  de  distribuer 
l'enseignement,  mais  quand  elle  serait  lor- 
mée  [lour  l'encourager,  pour  le  faciliter,  pour 
l'aider  dans  ses  développements.  Il  déclare, 
au  reste,  que  l'Assemble  a  à  choisir  entre 
la  formule  très-étroite  de  M.  Paris,  la  for- 
mule plus  large  do  M.  lîeaussire,ctlal'ormule 
plus  libérale  et  plus  largii  encore  qui  lui  est 
offerte  ]iar  la  Commission.  M.  le  Ministre  de 
l'Instruction  publique  observe  que  c'est  précisé- 
ment parce  que  la  proposition  de  la  Commis- 
sion parait  trop  large  que  le  gouverne- 
ment ne  s'y  associe  pas.  Il  s'associe,  au  con- 
traire, à  l'ami'ndement  de  M.  Beaussire  en 
tant  qu'il  implique  la  fondation  et  l'entretien 
<les  éta  lisseinenls  litves,  mais  non  pas  en  tant 
qu'il  s'applique  à  des  cours  isolés.  11  ne  lui 
parait  p:is  qu'on  doive  dispenser  de  l'applica- 
tion de  l'art.  291  du  Code  pénal  les  associations 
qui  seraient  fondées  uniquement  en  vue  d'ou- 
vrir et  d'entretenir  des  cours  isolés, 

A  ce  point,  M.  Batbie  dit  que  l'Assemblée 
ne  doit  pas,  par  la  disposition  sur  laquelle  elle 
déhbère  en  ce  moment,  autoriser  des  associa- 
tions en  dehors  du  droit  commun  pour  entre- 
tenir ou  fouder  des  cours  et  des  établissements 
><i'enseigoement  sucérieux  qui  ne  seraient  pas 


soumis  aux  conditions  fixées  par  celle  loi.  II 
observe  que  toutes  les  parties  de  celte  loi  ses 
suivertet  se  tiennent.  Pour  établir  entre  les 
artidcj  la  cohésion  qu'ils  doive  nt  avoir  entre 
eux,  il  propose  la  rédaction  suivante,  qui  lui 
parait  de  nature  à  couper  court  à  toute  objec- 
tion :  <\  L'ait.  291  du  Code  p^nnl  n'est  pas  appli- 
cable aux  a^.sodations  formées  pour  créer  et 
entret.nir  des  murs  ou  établiaspiwMts  d'enseigne- 
ment supérieur  dons  les  conditions  où  ils  sont  auto- 
risés par  la  présente  loi.  » 

Il  demande  la  priorité  pour  son  amende- 
ment. M.  Beaussire  se  rallie  à  cette  proposi- 
tion, M.  Laboidaye  déclare  que  la  Commission 
l'accepte,  et  l'Assemblée,  consultée,  l'adnpte. 
M.Laboulaye  observe  qu'après  cette  votatioa 
l'art.  10  lui  parait  inutile,  n'étant  que  le  déve- 
loppement de  la  même  idée.  Comme  il  ne  s'élève 
pas  d'opposition,  l'art.  10  est  amsi  supiirimé. 
Avant  de  passera  la  dis;:ussion  de  l'art,  il, 
M.  Delorme  demande  à  la  Commission,  pais- 
qu'elle  n'a  pas  admis  l'amendement  qu'il  lui 
avait  soumis  au  sujet  du  susdit  art.  9,  si  le 
décret  du  3  messidor  an  Xll  doit  être  considéré 
encore  en  vigueur. 

iU.  Robert  de  Massy  lui  répond,  au  nom  de 
la  Commission,  que  l'esprit  de  la  loi  qu'elle  a 
préparée,  le  terrain  sur  lequ'd  elle  s'est  cons- 
tamment maintenue,  ne  se  prêle  pas  à  ce  qu'on, 
doive  rechercher  qu'elles  seront  les  associations 
laïques  ou  religieuses  ([ui  proliteronl  de  celle 
loi  pour  distribuer  l'enseignement  supérieur. 
Il  observe  que  le  décret  de  messidor  an  XII, 
qui  prohibait  les  associations  religieuses,  soit 
abrogé  ou  ne  le  soit  pas,  c'est  là  une  grande 
thèse  longtemps  agitée,  mais  qui  est  en-dehors 
de  cette  loi.  La  commission  n'a  pas  â  introduire 
ces  grandes  thèses  de  droit,  deliattues  dans 
d'autres  temps,  dans  celle  loi  qui  doit  se  cir- 
conscrire aux  facilités  données  a  tous,  à  Imdi- 
vidu  comme  à  la  collectivité,  de  distiibuer 
l'enseignement  supérieur.  Ausurplus,  la  Commis 
sion  Veut  assurer  la  liberté  à  tous  sans  deman- 
der qu'elle  e^t  l'origine  ou  la  condition  des 
citoyens  qui  entreront  dans  l'association  des- 
tinée à  faciliter  l'enseignement  supérieur. 

M.  Uelorme,  n'insistant  pas  davantage  sur  ce 
point,  ^A^semblée  adopte  les  autres  dispositions 
additionnelles  qu'il  avait  [iroposées  à  l'art.  9, 
et  qui  avaient  été  déjà  acceptées  par  la  l^ora- 
miSîion.  Ces  dispositions  sont  ainsi  coni^uis  : 

«  il  devra  être  fait  une  déchiration  faisant 
connaître  les  noms,  professions  et..omiciles  des 
fondateurs  et  administrateurs  desdites  associa- 
tions, le  lieu  de  leurs  réunions  et  les-tatuts  qui 
doivent  les  régir. 

H  Cette  déclaration  devra  être  faite,  savoir  : 
1»  dans  le  département  de  la  Seine,  au  préfet 
depulice,  et  dans  les  autres  départementSj  au 


1516 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


préfet;  2°  au  procureur  général  de  la  cnur  du 
ressort,  en  son  parquet,  ou  au  parquet  du  pro- 
cureur de  la  République.  La  liste  complète  des 
associés,  avec  indication  de  leur  domicile,  devra 
se  trouver  au  siège  de  l'association  et  être  com- 
muniquée au  parquet  à  toute  réquisition  du 
procureur  général.  » 

(A  suivre.)  Philippe  Carréri. 


PATROLOGIE 


VII.  AI.UANf.E  DES  SAINTES  LETTRES  ET  DES  BELLES- 
LETTilES  A  LA  FIN"  DU  REGNE  HÉBRAÏQUE. 

l.  Nous  appelons  règne  hébraïque  cette  pé- 
riode lilté:aire  qui  renferme  les  travaux  du 
Sauveur,  des  apôtres  et  de  leurs  premiers  dis- 
ciples. Il  fermerait  à  l'arrivée  de  saint  Justin, 
martyr,  vers  l'année  167. 

Le  chrisiianisme  s'était  conformé  jusque-là, 
pour  sa  méthode  d'instruction,  aux  usages  et  au 
goût  de  la  Judée.  Bien  que  nous  ayons  un  seul 
Evangile  composé  en  hébreu,  tandis  que  les 
autres  sont  écrits  en  grec  ;  bien  que  les  livres 
du  Nouveau  Testament  parlent  les  trois  langues 
sanctifiées  sur  la  croix  ;  cetle  variété  d'idiomes 
ne  change  point  le  caractère  de  notre  littérature 
primitive.  Le  grec  et  le  latin  hébraisaienlilans  ce 
temps-là.  11  le  fallait,  du  reste.  Les  prémices  de 
la  bonne  nouvelle  étaient  destinés  aux  Juifs, 
peuple  héritier  des  promesses.  Aussi  le  divin 
Maître  a-t-il  l'intention  de  borner  ses  courses 
aux  limites  de  la  Judée  :  «  Je  n'ai  été  envoyé, 
disait-il,  que  vers  les  brebis  égarées  de  la  maison 
d'Israël.  »  Ce  n'est  pas  toutefois  qu'il  voulût  ex- 
clure les  Gentils  du  bienfait  de  sa  lumière,  puis- 
qu'il s'entretint  quelquefois  avec  des  étrangers, 
des  mystères  du  royaume  des  cieux  :  mais  il 
était  veau  d'abord  puiir  les  siens.  Les  apôtres, 
à  son  exemple,  travaillent  premièremeiit  à  ferti- 
liser le  champ  de  leurs  frères.  S'ils  passent  aux 
Gentils,  c'est  que  la  maison  d'Abraham  rejette 
leur  enseignement  et  persécute  leur  ministère. 
Jusque-là,  nous  les  verrons  prêcher  dans  le 
temple  et  dans  les  synagogues.  L'Evangile,  de 
prime  abord,  fut  donc  obligé,  comme  les  fidèles 
eux-mênies,  de  judaiser  dans  ses  formes  exté- 
rieures. Du  reste,  l'essence  même  du  christia- 
nisme l'eût  exigé  à  défaut  des  circonstances.  Le 
Sauveur  et  ses  disciples  ne  voulaient  pas  établir 
une  religion  nouvelle.  Jésus-(>hrist  n'est  point 
venu  détruire,  mais  perfectionner  l'œuvre  de  la 
Loi.  Malgré  la  déposition  des  faux  témoins  et  la 
sentence  du  Grand-I'rêtre,  jamais  il  ne  blas- 
phéma contre  Moïse  et  les  prophètes.  Bien  loin 
de  là,  il  invoque  souvent  leur  autorité  :  «  Son- 
dez les  Ecritures,  disait-il;  elles  me  rendent 
témoignage.  i>  Les  apôtres  en  usent  de  même 
pour  établir  la  divinité  du  Christ  :  ils  grcllent  la 


loi  nouvelle  sur  l'antique  Alliance  qui  était,  à 
leur  jugement,  la  figure  des  Liens  a  venir.  Uiie 
pareille  méthode  ne  leur  permettait  guère  de 
choisir  une  autre  littérature  que  celle  ties  Hé- 
breux, leurs  auditeurs,  et  des  livres  sacrés,  leur 
pierre  fondamentale.  Ajoutons  une  nouvelle 
considération  aux  précédentes.  Les  apôtres  et 
les  pères  apostoliques,  hébreux  de  naissance  et 
d'éducation,  du  moins  pour  le  grand  nombre, 
durent  infailliblement  conserver,  au  mdieu  de 
la  civilisation  de  Home  et  d'Athènes,  l'accent  à 
jamais  ineflaçable  de  la  patrie.  Croyons-nous, 
par  exemple,  que  saint  Paul  ait  oublié  leslei^ous 
de  Gamaliel  ;  et,  s'il  parlait  assez  mal  le  grec, 
cela  ne  tenait-il  pas  aux  souvenirs  de  sou  en- 
fance? 

La  Bible  domine  donc,  dans  le  principe,  les 
formes  de  l'instruction  chrétienne.  Aussi  remar- 
quons-nous, chez  les  Pères  apostoliques,  la  sim- 
plicité du  style,  la  noblesse  des  images  et  la 
vivacité  du  tour.  De,  nombreux  chefs-d'œuvre 
appartiennent  à  ce  règne  hébraïque,  qui  semble 
une  prolongation  de  nos  divines  Ecritures. 

Eu  ce  temps-là,  les  cvèques  ot  les  prêtres  ne 
laissaient  pas  de  lire  les  livres  profanes  et  de  les 
employer  utilement  pour  combattre  les  Gentil-  ' 
par  l'autorité  île  leurs  poètes  et  de  leur.'  philos 
sophcs.  Mais  l'on  recommandait  aux  simples 
fidèles  d'éviter  la  lecture  des  ouvrages  idolâ- 
Iriipies,  comme  étant  eapables  de  renverser  la 
foi  des  faibles  et  d'ailleurs  inutiles  :  «  Abstenez- 
vous,  disent  les  constitutions  apostoliques,  de 
tout  livre  des  Gentils.  Qu'y  a-t-il  de  commun 
entre  vous  elles  discours,  les  lois,  les  faux  pro- 
phètes du  paganisme'?  Tout  cela  n'esl-il  pas  de 
nature  à  détourner  les  hommes  de  la  loi  ?  D'ail- 
leurs, que  vous  manque-t-il.  dans  la  loi  de 
Dieu,  pour  que  vous  appliquiez  votre  esprit  à 
ces  fable~  des  nations?  Désirez-vous  lire  de  l'his- 
toire? Vous  avez  les  livres  des  liois.  Des  pièces 
de  philosophie  on  de  poésie?  Ouvrez  les  pro- 
phètes, Job  et  l'auteur  des  Proverbes.  Dans  ces 
ouvrages  vous  découvrirez  plus  de  raison  et 
d'ornements  que  chez  les  écrivains  profanes. 
L'Ecriture  est  la  parole  de  Dieu,  qui  seul  a  la 
sagesse  en  partage.  Désirez-vous  des  poèmes 
lyriques?  Voici  les  psaumes.  Un  tableau  des  ori- 
gines anciennes?  La  Genèse  s'offre  à  vos  regards. 
Des  lois,  des  préceptes?  Voyez  l'admirable  loi 
du  Seigûeur.  Abstenez-vous  donc  de  tous  ces 
livres  étrangers,  diaboliques  {Const.  Apoit.,  I^ 

Ainsi  les  premiers  chrétiens,  tires  pour  la  plu- 
part de  la  nation  juive,  fuyaient,  comme  les 
anciens  Hébreux,  la  lecture  des  livres  idolà- 
triques.  La  Bible,  d'abord,  suffisait  pour  le» 
instruire,  ainsi  que  le  fait  obserser  le  rédacteur 
des  Constiiutions  ;  l'élude  des  étrangers  leur 
eut  été  ensuite  dangereuse,  puisqu'ils  y  auraient. 


LA  SEMAINE  DU  CLEBGE 


154T 


appris  les  fables  impius  et  extravcif^nnlos  qui  fai- 
saient la  théologie,  la  morale  et  le  culte  du 
pagauisme.  L'interdiction  temjioraire  de  la  litté- 
rature profane,  au  niomeut  de  la  naissance  de 
l'Eglise,  était  doiic  due  mesure  de  salubrité  pu- 
blique, prisedaus  l'intérêt  du  commun  des  fidè- 
les, qui, dans  li'ur  enfance,  n'avaient  point  connu 
les  histoires  et  l'immoralité  des   faux   dieux. 

IL  Maiutenanl  la  scène  va  changer  :  les  doc- 
teurs chiéliens  ne  sortent  plus  de  la  race  d'Abra- 
ham ;  ils  sont  revêtus  du  manteau  des  philo- 
sophes et  introduisent  dans  le  sanctuaire  les 
dépouilles  de  la  science  païenne.  On  a  laissé  le 
peuple  déicide  au  fond  de  son  abîme,  pour  émi- 
grer  vers  les  nations  où  l'esijérance  des  moissous 
paraît  plus  heureuse.  La  Grèce  et  Rome  appren- 
nent de  leurs  concitoyens  la  nouvelle  doctrine  ; 
et  peuvent-elles  l'entendre,  sinon  dans  leur 
langue  muteruelle,  cl  avec  leur  littérature  par- 
ticulière ? 

A  partir  de  ce  moment,  et  pour  le  reste  des 
siècles,  l'alliance  des  saintes  lettres  et  des  belles- 
lettres  est  irrévocablement  contractée  et  cou- 
ronnée. 

Qu'était  donc  la  philosophie  ancienne?  Un 
enseignement  séculier,  ou  mieux  encore^  une 
école  laiipie  de  la  révélation  primitive.  Les  phi- 
losophes, en  leur  qualité  d'historiens  de  la  doc- 
trine, transmettaient  à  leurs  disciples  de  pré- 
cieuses vérités;  mais,  comme  dialecticiens,  ils 
tombaient  dans  uue  foule  d'erreurs.  La  science 
païenne  ressemblait  donc  à  ces  fleuves  qui  rou- 
lent des  paillettes  d'or  au  milieu  de  leui s  eaux 
fangeuses.  Voili  pourquoi  la  lecture  des  anciens 
offrait  à  l'Eglise  des  avantages  mêlés  d'iuconvé- 
nients,  selon  la  diverse  préparation  des  esprits. 
C'est  aussi  le  motif  qui,  dans  le  procès  des  écri- 
vains du  paganisme,  divisa  les  Pères  de  l'Eglise 
en  trois  classes,  plutôt  varices  dans  la  forme 
que  séparées  pour  le  fond. 

Les  premiers  docteurs  permettent  l'étude  des 
classiiiucs  païens.  Que  dis-je?  ils  l'approuvent, 
la  conseillent,  la  louent  el  la  défendent  contre 
les  anatlirmes  de  certains  catholiques.  Chose 
merveilleuse!  les  plus  beaux  panégyriques  de 
l'antiquité  profane  furent  l'œuvre  des  plus 
grands  génies  du  christianisme.  Quels  noms 
égalent,  sur  la  liste  de  nos  hommes  illustres, 
ceux  de  Clément  d'Alexandrie,  d'Origène,  de 
saint  Giéyoire  de  Naziauze,  de  saint  Basile,  de 
saint  Grégoire  de  Nysse,  de  saiut  Jean  Chrysos- 
tome,  de  Tliéodoret,  de  saint  Jean  Damascène? 
Chez  les  latins,  quelle  n'est  pas  la  gloire  de  Ter- 
tullien,  de  saint  Cyprien,  de  saiut  Augustin,  de 
saint  Jérôme,  de  saiut  Grégoire  le  Grand,  de 
saint  Bernard  ?  Eh  bien  1  tous  ces  auteurs,  aux- 
quels nous  aurions  pu  eu  ajouter  beaucoup 
d'autres,  n'ont  que  des  éloges  pour  les  savants 
du  Dagauisine. 


Saint  Jean  Damascène  nous  fait  l'énumération 
suivante  des  fruits  qu'uu  lecteur  chrétien  peut 
retirer  de  la  philosophie  ancienne  :  «  Comme 
l'Apôtre  nous  donne  le  conseil  de  tout  raisonner 
et  de  conserver  ce  qui  est  bien  (1  Thess.,  v,  H), 
il  est  avantageux  de  consulter  aussi  les  livres 
des  sages.  Sans  doute  nous  trouverons  du  profit 
dans  leur  commerce;  et  nous  retirerons  de  leur? 
ouvrages  certains  aliments  pour  notre  âme.  Un 
artiste  a  besoin  d'instruments  pour  confec- 
tionner ses  œuvres;  et  il  est  juste  qu'une  reine 
ait  des  suivantes  à  son  service.  Ne  méprisez 
donc  pas  ces  études,  qui  secondent  l'empire  de 
la  vérité,  qui  détruisent  l'erreur,  autrefois  maî- 
tresse tyraunique  de  la  science.  Mais  loin  de 
nous  la  pensée  de  changer  le  bien  en  mal,  et 
d'apprendre  la  dialectique  pour  tromper  les 
âmes  simples.  Bien  que  la  vérité  se  passe  aisé- 
ment de  l'appui  des  syllogismes,  il  est  bon  de 
les  employer  contre  des  ennemis  qui  nous  décla- 
rent injustement  la  guerre  el  po\!r  confondre  les 
préleutions  d'une  fausse  science  {Dialecl.,  cap. 
1).  » 

Eu  égard  aux  avantages  que  nous  procure 
l'étude  des  anciens,  l'un  de  nos  plus  célèbres 
docteurs  du  moyen  âge,  saint  Bernard,  tenait  à 
ses  moines  le  langage  suivant  :  «  Néanmoins,  je 
ne  dis  pas  qu  il  faut  mépriser  ou  dela'sser  la 
science  des  belles-lettres,  qui  fout  l'ornement 
de  l'âme,  donnent  l'instruction  à  l'esprit  et  nous 
rendent  propres  a  enseigner  les  autres  {In  Cant. 
seim.  .xx.xvii,  2).  »  Mais  quelques  Pères  de  l'E- 
glise, n'envisageant  que  les  taches  des  livres 
fiaiens  et  les  dangers  dont  ils  menacent  la  foi  et 
es  mœurs,  semblent  vouloir  en  proscrire  l'usage  : 
tels  seraient,  entre  autres,  saint  Isidore  de  Se- 
ville,  saint  Paulin  de  Noie,  Sidoine-Apollinaire. 
A  vrai  dire,  ces  écrivains  ne  blâment  pas  préci- 
sém.^nt  l'étude  des  sages  de  l'ancien  monde  :  ils 
en  défendent  les  abus.  Ainsi  d'abord  ils  regret- 
tei'aieut  amèrement  de  voir  que  des  études  pro- 
fanes nuisissent  à  la  lecture  de  nos  hvres  saints; 
c'est  pour  avoir  commis  une  faute  de  ce  genre 
que  saint  Jérôme  fut  gourmande  en  songe,  et 
même  durement  flagellé.  Us  interdisent,  mais 
sans  pitié,  tous  les  ouvrages  qui  reposent  sur 
un  faux  principe,  comme  les  productions  de  la 
secte  d'Epicure,  où  l'on  ne  trouve  ni  science, 
ni  vérité.  Les  tableaux  obscènes  des  poètes  ne 
peuvent  être  exposés  aux  regards  de  personne. 
Ue  là,  saint  Augustin  déplore  ces  années  d'en- 
fance où  il  pleurait  sur  les  aventures  de  Didon. 
Enfin,  comme  la  scène  mondaine  édifie  peu 
d'elle-même,  les  docteurs  de  l'Eglise  tiennent 
pour  misérables  ceux  qui  cherchent,  dans  le 
culte  des  belles-lettres,  une  occasion  favorable 
pour  s'attirer  des  louanges,  se  pousser  aux  hon- 
neurs et  acquérir  de  l'argent. 

Nous  avons  lu  et  relu  le  chapitre  des  Sentences 


fSiS 


LA  SEMALNE  DU  CLERGÉ 


qne  saint  Isidore  de  Séville  a  dirigé  contre 
l'étude  des  livres  du  paganisme.  11  résume,  en 
cet  endroit,  les  diverses  accusations  que  ses  pré- 
décesseurs avaient  dressées  contre  les  partisans 
de  la  littérature  ancienne  ;  et  nous  n'avons 
trouvé,  dans  son  rétinisitoire  ;;éDéral,  que  les 
griefs  analysés  par  notre  plume. 

On  détourne  les  chrétiens  de  lire  les  ouvrages 
des  Gentils.  Pourquoi?  C'est  que  les  fictions  des 
poètes  allument  dans  le  cœur  le  icu  des  passions 
immondes  ;  que  les  vains  ornements  de  l'élo- 
quence païenne  font  méi^riser  la  majestueuse 
Eimplirtté  des  Ecritures  ;  que  les  maximes  des 
sages  ont  plus  de  brillant  que  de  solide;  qu'il 
Tant  mieux  aimer  la  vérité  nue  et  mépriser  l'er- 
reur parée  de  ses  atours;  que  la  science  du 
inonde  enfle  d'orgueil,  tandis  que  la  science  de 
Dieu  forme  les  saints.  Tel  est,  en  un  mot,  le 
système  des  docteurs  d'Espagne  {Seiilent. ,  m,  '  3). 

A  Dieu  ne  plaise  qu'il  nous  vienne  à  l'idée  de 
le  condamner.  Toutefois,  nous  donnerons  la 
préférence  à  la  troisième  opinion  qui,  recon- 
naissant le  bien  et  le  mal  de  la  piiilosopbie 
païenne,  nous  en  permet  l'étude,  sous  la  condi- 
tion qu'après  avoir  éliminé  toutes  les  produc- 
tions absulument  fausses  ou  immorales,  l'on 
épurera  les  autres  livres,  mêles  d'ombre  et  de 
himière,  avant  de  les  mettre  entre  les  mains  des 
élèves  de  nos  écoles  chrétiennes. 

Saint  Jérôme,  l'un  des  plus  chauds  partisans 
de  la  littérature  grecque  et  romaine,  ne  suivait 
pas  une  autre  méthode.  Le  rhéteur  Maguus  lui 
demandait  un  jour,  à  la  suggestion  de  Rufîu, 
pourquoi,  dans  ses  ouvrages,  il  citait  des  pus- 
sages  empruntés  aux  écrivains  idolâtres.  Après 
s'être  justifié  par  l'exemple  de  Salomon,  de 
•aint  Paul  et  des  Pères  de  l'Eglise  tant  grecque 
que  latine,  le  docteur  ajoute  :  L'Apôtre  avait  lu, 
dans  le  Ùeuteronome ,  qu^il  fallait^  par  ordre  du 
Seigneur,  raser  la  tète  de  la  femme  captive,  lui 
enlever  les  sourcils,  lui  couper  les  ongles,  afin 
de  l'épouser  ensuite.  Est-il  étonnant  qu'a  mon 
tour  je  désire  naturaliser  fille  d'Israël  l'esclave, 
la  captive  païenne,  remarquable  par  l'éloquence 
de  sa  sagesse  et  la  beauté  de  sou  visage.  Pourvu 
que  je  la  dépouille  et  la  purifie  de  toutes  ses 
parties  mortes,  comme  de  l'idolâtrie,  de  la  mol- 
lesse, de  l'erreur  et  de  la  débauche,  et  que  je 
m'unisse  à  cette  épouse  réhabilitée  en  vue  d'en- 
gendrer des  fils  au  Seigneur,  mou  œuvre  est 
avantageuse  à  la  famille  du  Christ;  et  mon  al- 
liance avec  l'étrangère  multiplie  les  membres 
fJ"  l'Eglise  (6\  Hier.  Epist.  lxx,  ad  Muguum).  » 

Piox, 

carê-at^en  de  Jazennecoart. 


Variétés. 

LA  TERRE  SEULE  EST  HABITÉE    ) 

Y  a-l-il  dans  les  astres  des  êtres  corporels  et  J 
intelligents  à  l'état  d'épreuve,  comme  le  sont  les  i 
habitants  de  ia  terre'?  Aux  yeux  de  tout  homme  •' 
qui  la  consi.lère  attentivement,  cette  question  J 
intéressante  dépasse  la  portée  de  l'intelligence  1 
humaine,  et  ne  peut  être  risolue  ijuc  par  des  i 
déductioustirées  de  ce  qu'enseigne  la  Révélation, 
guide  suprême  de  toutes  les  sciences. 

Des  savants  illustres  penchent  à  croire  que 
les  astres  sont  habités,  parce  qu'aimant  se  rendre 
raison  des  merveilles  que  la  science  nous  dé- 
couvre dans  ces  corps  célestes,  ils  trouvent  dans 
la  pluralité  des  mondes,  un  moyen  de  tout 
expliquer  d'une  manière  satisfaisautc.  Ils  conci- 
lient par  là  la  sagesse  de  Dieu,  qui  ne  crée  lien 
d'inutile,  avec  le  magnifique  spectacle  que  pré- 
sentent une  infinité  de  globes  immenses,  dotés 
d'avantages  naturels,  analogues  à  ceux  de  la 
terre.  Mais  les  enseignements  qui  se  déduisent 
des  vérités  révélées,  nous  guident,  en  cela,  avec 
plus  de  sûreté,  parce  qu'ils  donnent  aux  diffi- 
cultés une  solution  plus  conforme  à  l'idée  que 
nous  devons  avoir  de  la  souveraine  sagesse  de 
Dieu,  après  tout  ce  qu'il  a  opéré  sur  la  terre 
dans  l'ordre  de  la  grâce  comme  dans  l'ordre  de 
la  nature.  fl 

Cela  posé,  je  dis  que  le  mystère  de  l'Iuearna-  ■ 
tiou  est  le  flambeau  qui  nous  éclaire  dans  les 
profondeurs  de  la  question  émise.  Considéré 
dans  toutes  ses  conséquences,  conjointement 
avec  le  principe  d'union,  qui  découle  de  l'Es- 
sence diviue,  il  sert  à  faire  conuaitre  le  plan  du 
Créateur  dans  toutes  ses  œuvres,  et  nous  met 
par  1,1  dans  une  voie  plus  sûre  pour  arriver  ave;: 
plus  de  justesse  à  la  solution  que  nous  cher- 
chons. 

Privilèges  qui  revieunent  à  la  terre  du  mys- 
tère de  l'iucaruation  ; 

Nécessité  de  l'unioa  dans  les  êtres  adora* 
leurs. 

Tels  sont  les  deux  points  fondamentaux  du 
système  présenté  dans  cette  thèse,  qui  a  pour 
but  de  prouver  que  la  terre  seule  est  habitée. 

Les  raisons  invoquées  pour  appuyer  ce  sys- 
tème, pri,-es  séparément,  ne  prouvent  pas, 
d'une  manière  claire  et  précise,  le  sentiment 
avancé  ;  mais  j'estime  que  chacune  d'elles  a  une 
valeur  qui  mérite  d'être  appieciée,  et  que, 
réunies  ensemble,  elles  peuvent  fournir  uue 
preuve  suffisante. 

1. 

Ralsoas  tirées  des  prlvUéges  de  la  topno. 

D'après  le  récit  des  livres  saints,  la  terre  a 
existé    avant  les  autres  corps  semés  dans  l'es- 


LA  SEMAINE  DD  CLEftGË 


15i» 


pace,  qui  n'ont  reçu  l'être,  tel  qu'ils  le  possè- 
dent à  nos  J'eux,  que  le  quatrième  jour  de  la 
création.    Cette    préexistence   donne   à    notre 
globe,  quoique  relativement  fort  petit,  un  pre- 
mier piivili'fji?   qui   en  amène  un  autre,  celui 
d'être  crnlre  de  tous  les  mondes;   elle  marque, 
de  la  part  du  Créateur,  un  dessoin  particulier 
qui  donne  à  la  terre  plus  d'importance  qu'aux 
autres  globes  et  la  rend  point  central  de  tous 
les  êtres  matériels;  c'est-à-dire  que  tout  ce  qui 
existe  dans  l'ordre  de  la  naltn-e  se  rapporte  à  la 
terre  et  a  été  créé  |iour  elle.  Cette  assertion  est 
conforme  aux  enseigni  nicnts  de  la  foi  qui  nous 
disent  que  les  aslres,  lesanimaux,  les  plantes... 
tout  a  été  créé   pour  le  service  de  l'homme. 
Ainsi  l'homme  est  le  but  où  t^endent  tous  les 
Stres  corporels,  parce  qu'il  participe  à  la  nature 
divine.  Des  auteurs  Irès-estimcs  pensent  que  le 
Fils  de   Dieu  se  serait  fait  homme,  lors  même 
qu'Adam  n'aurait   i)as  péché.  C'est  pour  cette 
raison,   disent-ils,   qu'en  donnant  l'existence  à 
l'homme,    après  avoir  créé   tout  le  reste  des 
êtres  pour  lui  former  une  demeure.  Dieu  a  pris 
un  soin  tout  particulier;  il  ne  s'est  pas  contenté 
de  le  <'réer  comme  les  plantes,  les  arbres,  les 
animaux  et  les  étoiles   même;  il  s'est  comme 
recueilli   en  lui-même   en    disant   :    «  Faisons 
l'homme   à   notre  image   et  à   notre  i^essein- 
blance,  »  et  l'a  lornié  de  ses  propres  mains,  eu 
répandant  dans  son  corps,  ainsi  façoîmé,  un 
souffle  de  vie,  où  résident  surtout  les  traits  de 
cette  ressemblance.  Tous  ces  soins,  ajoutent- 
ils,  ne  servent  pas  seulement  à  marquer  la  di- 
gnité de  l'homme  et  à  lui  indiquer  ses  devoirs, 
ils  étaient  pris  surtout  en  vue  de  l'Homuie-ISieu, 
pour  préfxirer  l'humanité  sainte  où  devait  habi- 
ter la  Di\ mité  même,  le  Verbe,  image  substan- 
tielle de  Di-eu  le  l'ère. —  Ces  mêmes  auteurs,  et 
d'autres  éfialement  respectables,  sont  d'avis  que 
tout  a  été  créé  pour  rendre  hommage  à  la  très- 
sainte   humanité  du  Verbe  fait  chair.  Tout  est 
rapporté  à  Dieu  eu  se  rapportant  à  l'homme, 
tout  est  fait  {>oar  honorer  dans  l'homme  l'ado- 
rable humanité  du  Fils  de  Dieu,  qui  s'est  fait 
homme. 

Ce  que  dit  un  auteur  récent  (B.  Dion),  dans 
son  livre  :  Le  Monde  de  l'Eucharistie,  en  parlant 
du  sacrement  adorable  de  nos  autels,  qui  est 
l'abrégé  des  merveilles  du  Créateur,'  sert  à 
mieux  faire  connaître  les  privilèges  de  la  terre, 
et  à  résoudre  le  fond  de  la  question  dans  le  sens 
que  nous  soutenons.  «  La  terre,  dit  cet  auteur 
«  estimé,  compai-ée  au  soleil,  autour  duquel  elle 
«  a  son  orbite  tracé  dans  un  rayon  de  trente- 
«  huit  millions  3e  lieues,  est  un  atome  perdu 
«  dans  l'espace,  ^ussi,  des  astronomes  qui  ont 
«  voulu  voir,  dans  la  sphère  céleste,  une  méca- 
o  uique  sans  Dieu,  un  mouvement  sans  moteur, 
o  et  qui  ont  calculé  que  le  soleil,  treize  centmille 


<(  fois  plus  gros  que  la  terre,  n'est  presque  rien 
«  si  on  le  comjtare  aux  étoiles,  se  sont  moqués 
«  de  rEvau:,'ile  qui  fait  de  la  terre  le  centre  de 
«  la  créaliou  »  —  «  C'étaitbou,  disaient-ils,  au 
a  temps  où  l'on  croyait,  avec  Ptolémée,  que  U 
«  terre  était  le  centre  du  monde,. >  —  «  Les  in- 
«  sensés!   lis  s'imaginent  que  Dicu  choisit  ses 
«  centres  comme  les  hommes,  et  qu'il  se  laisse 
«  prendre  par  la  grandeur  matérielle    de   ses 
«  créatures  ;  est-ce  que  l'hostie  où  réside  Jésus 
«  sur  la  terre,  l'humble  et  divine  hostie  dont  le 
n  diamètre  a,   relativement  à  celui  des  astres, 
8  une  petitesse  ini:<ilculable,  n'est  pas  le  centre 
«  de   Dieu  et,   psu-  conséquent,  de  tout  ce  qui 
«  existe?  Eu  apparence,  c'est  elle   qui,  portée 
«par  les  ;a  ihn  du  p ontitc  ou  du  prêtre,  tourne 
«autour  du  temple  ou  de  la  ville;  eu  réalité, 
»  dans  l'ensemble  de  toutes  choses,  le  ciel  et  la 
«  terre  touiiieut  autour  d'elle.  De  même  que  le 
«  soleil  est  le  cœur  de  notre  monde  planétaire, 
«le   centie   de  ses  i-évolutions,  la  force  intime 
«  en  vertu  de  laquelle  tout  se  meut,  gravite  et 
«  tàrcMle  aiulaur  de  lui  ;  de  même,  l'hostie  est  le 
<i  centre  de  tous  les  mondes.  Tout  ce  qui  existe, 
«  tout  v.<:.  qui  a  vie  ou  mouvement  ne  se  soutient 
«que  par  rinlluencc   de   Celui  qui  se  trouve 
(1  dans  cette  hostie  sur  la  terre...  La  science  nous 
«révèle  que   cha  que  étoile  est  un  monde  plus 
«  gi'aud  que  notre  soleil  et  ses  planètes,  et  que 
«  l'étoile  la  i)lus  rapprochée   de  nous  mat  au 
«  moins  trois  ans  à  nous  faire  parvenir  sa  lu- 
«  mière;    et  pourtant  celle-ci  parcourt  (juatre- 
c  vingt  mille  lieues  par  seconde.  <,)uelles  mer- 
ci veilles!  notre  esprit  se  perd  en  y  pensant.  Eh 
«  bien!  l'kosite,  où  notre  œil  ne  déeouvi-e  qu'une 
«  frêle  et  transparente   créature    fort  petite,  et 
«  peut-être  diminuée  encore  de  sa  grandeur  or- 
(I  diuaire    par    nue   fraction    nécessaire,    cette 
<(  /tuslie  n'est  pas  seulement  un  monde  comme 
«  chacune  des  étoiles,  mais  le  Créateur  de  tous 
0  les  mondes.  » 

Telle  est  la  dignité  de  la  terre  I  seule,  elle  pos- 
sède le  créateur  uni  à  la  c  réatuie. 

II 

On  dira  peut-être  que  Dieu  a  pu  s'unir  aux 
habitants  des  astres  comme  à  ceux  d  e  la  terre, 
eu  prenant,  avec  leur  nature  respective,  une 
union  hypostatique,  et  que,  dés  lors,  ces  aslres 
sont  également  riches,  précieux,  et  adorables 
même  en  ce  sens  qu'en  eux  se  trouve  la  divinité 
sous  une  forme  seosible  ;  la  terre,,  dans  ce  cas, 
n'a  aucun  avantage  sur  eux  et  /le  peut  être 
considérée  comme  centre.  A  cette  supposition, 
je  réponds  que  l'idée  est  inadïaissible  par  la 
raison  que  les  conséquences  qui  s'en  suivraient 
sont  absurdes,  ridicules,  blessent  les  perfections 
de  Dieu.  Entre  autres  absurdités  que  présente 
cette  hypothèse,  qui  ne  voil  qu'il  serait  étrange 


loîO 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


et  contraire  à  la  sagesse  divine  de  dire  que  Dieu 
s'est  uni  substantiellement  à  une  infinité  de 
natures  distinctes?  S'il  existait  des  habitants 
dans  les  astres,  ils  seraient  dans  des  conditions 
d'existence  diiTercntes,  et  auraient  certainement 
une  nature  distincte,  spéciale  à  chacun  des  glo- 
bes où  ils  se  trouveraient,  à  cause  de  leur  isole- 
ment à  des  distances  immenses  qui  mettent  de 
la  variété  dans  l'action  des  éléments.  Dieu,  d'ail- 
leurs, ne  fait  rien  d'inutile,  pourquoi  donc  sup- 
poser tant  d'unions  substantielles,  puisqu'une 
seule  suffit  pour  sanctifier  tout  les  mondes  par 
reû'et  qu'elle  produit  sur  tous? 

On  dira  encore  :  Dieu  peut  se  communiquer  à 
ses  créatures  en  une  infinité  de  manières.  — 
Cela  est  incontestable  ;  mais  on  peut  assurer 
aussi  que  le  genre  de  manifestation  qui  s'est 
opéré  sur  la  terre  dans  l'ciuguste  mystère  de 
l'Incarnation  ayant  une  efficacité  sans  bornes, 
Dieu,  dans  sa  sagesse,  n'en  emploie  pas  d'autres 
qui  ne  soient  une  émanation  de  celui-là.  D'où 
il  suit  que  la  terre  est  point  central  sous  tous 
les  rapports,  dans  l'ordre  surnaturel,  comme 
dans  l'ordre  nattirel. 

Le  mouvement  que  fait  la  terre  autour  du 
soleil  ne  l'empêche  pas  d'être  centre  dans  l'or- 
dre physique.  L'espace  étant  occupé  par  une 
infinité  de  mondes  qui,  tous,  renferment  des 
merveilles,  comment  discerner  le  centre  de  tous 
ces  mondes,  sinon  en  le  reconnaissant  dans  celui 
où  se  trouve  la  plus  grande  des  merveilles?  — 
De  même  que  l'hostie,  simple  parcelle  de  pain  où 
réside  le  Verbe  lait  chair,  est  incontestablement 
le  point  principal  de  toute  la  terre,  ainsi  la  terre 
elle-même,  quelque  petite  qu'elle  soit  en  com- 
paraison des  astres,  est  le  centre,  le  point  prin- 
cipal de  tout  l'univers,  à  cause  de  cette  hostie 
adorable,  unique  dans  tous  les  mondes  créés. 

Comment  s'arrêter  à  la  pensée  que  Toibite 
de  la  terre  autour  du  soleil,  qui  a  plus  de  206 
millions  de  lieues,  soit  un  obstacle  à  croire 
qu'elle  est  le  centre  de  tous  les  mondes,  quand 
il  est  reconnu  que  cette  vaste  enceinte  parcou- 
rue annuellement  par  notre  planète,  n'est  qu'un 
point  dans  l'immensité  de  l'espace?  «  Supposez, 
«  dit  un  auteur  estimé  (Perrault  iMaynand),  que 
«  nous  puissions  nous  transporter  jusqu'à  l'étoile 
«  réputée  la  plus  proche  de  notre  globe  [a  du 
«  Centaure),  nous  verrions  de  là  sous  un  angle  à 
«  peu  près  nul,  l'espace  entier  de  68  millions  de 
«  lieues,  compris  entre  les  deux  extrémités  de 
«  l'orbite  terrestre,  de  telle  sorte  que  le  soleil, 
«  la  terre  et  la  lune  ne  formeraient  plus  qu'un 
«  seul  point  et  que  l'épaisseur  d'un  clicveu  suf- 
«  firait  pour  éclipser  à  nos  yeux  ces  trois  corps 
«  volumineux  et  les  intervalles  immenses  ijui 
«  les  séparent.  »  ■--  Ce  résultat,  on  ne  saurait 
en  douter,  s'applique  indistinctement  à  tous  les 
astres  mis  en  rapport  de  la  même  manière. 


Du  reste,  le  mouvement  annuel  de  la  terre 
autour  du  soleil,  est,  dans  les  desseins  du  Créa- 
teur, une  image  et  un  enseignement  pour 
l'homme.  De  même  que  la  terre  tourne  sans 
cesse  autour  du  soleil,  astre  ..entrai  qui  paraît 
immobile  et  lui  est  commun  avec  d'autres  pla- 
nètes, ainsi  l'homme  est  appelé  durant  sa  vie  à 
graviter  constamment  vers  Dieu  (jui  doit  être 
le  centre,  l'objet  principal  de  toutes  ses  pensées, 
de  toutes  ses  affections  et  de  tous  ses  désirs. 

S'il  estimpossiblededémontrerd'ime  manière 
rigoureuse  et  précise  que  la  terre  soit  contre 
matéiiellement,  le  fait  demeure  suffisamment 
prouvé  par  là  même  qu'elle  est  centre  du  monde 
surnaturel.  Tout  étant  lié  dans  la  création,  on 
peut  soutenir  que  le  monde  naturel  est  réglé 
d'après  le  monde  surnaturel,  qui  est  plus  par- 
fait. 

Les  raisons  qui,  à  cause  de  notre  manière  de 
voir,  nous  empêchent  de  considérer  la  terre 
comme  centre  physique,  ne  sont  riou  aux  yeux 
de  Dieu  dont  le  plan  principal  dans  les  œuvres 
de  l'ordre  naturel  échappe  à  toute>  les  recher- 
ches de  l'esprit  humain,  et  ne  peut  être  connu 
que  par  le  moyen  des  manifestations  qu'il  a 
daigné  nous  faire  dans  l'ordre  surnaturel. 

D'ailleurs  Dieu,  qui  se  dépeint  dans  ses  ouvra- 
ges, ayant  son  centre  partout,  ne  peut-on  pas 
dire  (|ue,  par  un  secret  mystérieuxqui  lie  le  fini 
avec  l'infini, comme  celaarrivedansladivisibilité 
de  la  matière  et  autres  phénomènes  de  la 
nature,  il  en  est  de  même  de  l'ensemble  de 
tous  les  corps  qui  existent  ou  peuvent  exister 
dans  l'immensité  de  l'espace?  que  leur  centre, 
c'est  Dieu?  En  ce  cas,  tout  de  même,  on  ne 
peut,  pour  saisir  les  rapports  qui  unissent  toutes 
choses,  se  figurer  un  centre  dans  la  création, 
qu'en  le  plaçant  là  où  se  trouve  le  Créateur 
lui-même  se  communiquant  à  ses  créatures,  et 
où  se  sont  opérées  les  œuvres  les  plus  mer- 
veilleuses dans  l'ordre  de  la  grâce,  qui  est  le 
type  réglant  l'ordre  de  la  nature. 

Mais,  de  ce  que  la  terre  est  centre  delà  création, 
sinon  matériellement,  du  moins  par  suite  de 
l'euchaîncment  qui  relie  l'ordre  naturel  avec  le 
surnaturel,  comment  conclure  qu'elle  est  seule 
habitée?  —  Je  le  conclus  par  le  seul  fait 
qu'elle  est  point  central.  Si  la  terre  n'était  pas 
seule  habitée,  la  qualité  de  centre  perdrait  en 
elle  de  sa  raison  d'être,  parce  que  le  privilège 
de  posséder  seule  la  divinité  incarnée,  qui  est  la 
source  de  toutes  les  grâces,  sérail,  dans  ce  cas 
inexplicable. Comment  comprendre,  en  effet, que 
Dieu  ait  si  bien  partagé  la  terre  dans  les  dons 
de  sa  libéralité,  si  d'autres  globes  sont,  comme 
elle,  habités  par  des  êtres  raisonnables?  On  con- 
cevrait qu'il  y  eût  de  es  êtres  dans  /es  astres, 
s'il  y  avait,  entre  les  divers  genres  d'habitants 
répandus  dans  l'espace,   une  communicatioa 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


155! 


connue  qui  les  mit  en  état  de  puiser  avec  union 
au  trésor  des  grâces  placé  sur  la  terre.  Cette 
communication  n'existant  pas,  la  loi  àHuiiilé, 
qui  fait  la  base  des  principaux  arguments 
employés  dans  cetle  thèse,  ne  permet  pas  le  cas 
supposé. 

(vl  suivfe.) 

L'abbé  Fa  but, 
curé  de  Villars-Heisàicr. 


CHRONIQUE    HEBDOMADAIRE 

Nouvelle  réunion  consistoriale.  —  L-s  habitants  du 
Vatican.  — Promotions  ecrlésiastiques  duns  l'ordre 
de  la  Légion  d'honneur.  Un  baptême  radical.  —  Les 
revenus  et  Isa  im|iôls  en  Italie,  avint  et  depuis  le 
règne  de  la  Révulution.  —  Le  quatrième  cent^'oaire 
de  Michel-An;.'e.  —  Lettre  de  Garihuldi  célébrant 
M.  de  Bismarck.  — Mgr  Jardinier,  le  nouvel  évèque 
de  Sion.  —  Assrmblée  annuelle  du  Pias  Verein.  — 
Les  religieux  de  Notre-Dame  de  la  Pierre  et  les 
Fidèles  Compagnes  de  Jésus  chassés  de  Suisse  et 
établis  en  France.  —  De  quelques  dépenses  faites 
pour  la  déchristiuni-ation  du  Jura  bernois.  —  Nou- 
velle loi  contre  le  clergé  jurassien. 


30  septembre  1875. 

Rome.  — Le  23  <1e  ce  mois,  notre  Saiul-Père 
le  Pape,  assisté  des  membres  du  Sacré-Collège 
présents  à  Rome,  a  tenu  au  Vatican  une  nou- 
velle réunion  consistoriale,  dans  laquelle  ii  a 
préconisé  un  archevêque  et  treize  évèques.  Sui- 
vant notre  coutume,  nous  en  donnerons  les 
noms  dans  le  prochain  numéro  du  journal. 

Pour  des  motifs  qu'il  est  inutile  d'indiquer  ici, 
la  presse  libérale  de  France  et  d'Allemagne 
exagérait  outre  mesure  le  nombre  des  personnes 
qui  ont  trouvé  un  refuge  au  Vatican.  On  était 
allé  jusqu'à  dire  qu'il  y  avait  bien  trois  mille 
personnes.  Une  note  communiquée  à  l'Univers 
dément  ces  chififres  fantastiques.  Il  y  a  eu  tout, 
dit  cette  note,  cinq  cent  trente-sept  personnes, 
savoir  : 

Le  Saint-Père,  le  cardinal  Antonelli,  le  ma- 
jordome, le  maitre  de  la  chambre,  le  grand 
aumônier,  le  secrétaire,  l'intendant,  le  gouver- 
neur, le  général  Kanzler,  et  cinq  camériers 
secrets,  soit  quartorze  personnes. 

Le  personnel  admnistratif  de  la  secrétairerie 
d'Etat,  qui  monte  au  chiffre  de  vingt  personnes. 

Celui  de  l'administration  du  palais,  comptant 
quinze  personnes. 

L'imprimerie  secrète,  employant  huit  per- 
sonnes. 

Le  Saint-Père  a  un  valet  de  chambre  et  six 
omestiques. 


L'antichambre  apostolique  est  composée  iViia 
doyen,  de  vingt-truis  courriers,  trois  domes- 
ti'iues  et  trois  ordonnances. 

L'ensemble  monte  à  cent  une  personnes. 

Le  cardinal  Antonelli  et  le  général  Kanzler 
ont  une  suite  de  quarante-huit  personnes. 

La  garde  suisse  et  la  gendarmerie  pontificale 
comptent  deux  cents  personnes,  dont  vingt-trois 
mariées,  ce  qui  fait  deux  cent  vingt-trois  per- 
sonnes. 

Et  en  tout,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  cinq 
cent  trente-sept  personnes,  ce  qui  est  loin  de 
trois  mille. 

France.  —  Par  décret  du  3  août  1875,  rendu 
sur  le  rapport  de  M.  le  Ministre  de  la  marine  et 
des  colonies,  a  été  nom  naé  chevalier  delà  Légion 
d'Honneur,  Mgr  Blanger,  évèque  de  la  Guade- 
loupe. 

Par  un  autre  décret  du  4  ai  ût  1875,  rendu 
sur  le  rapport  de  M.  le  .Ministre  de  Tinstruction 
publique  et  des  cultes,  ont  été  nommés,  dans 
l'Ordre  national  de  la  Légion  d'honneur,  au 
grade  de  chcvaher  : 

Mgr  Paulinier,  évèque  de  Grenoble,  trente- 
huit  ans  de  fonctions  sacerdotales. 

M.  l'abbé  Manec  (Jean -Pierre-Edouard),  vi- 
caire général  d'Agen;  dévouement  exceptionnel 
pendant  l'inondation  de  la  ville  d'Agen,  les  23, 
24  et  25  juin  1873. 

M.  l'abbé  Scott,  curé  d'Aire-sur-la-Lys  (Pas- 
de-Calais)  depuis  1829. 

Un  journal  de  Paris  racontait  il  n'y  a  pas 
longtemps  l'anecdote  suivante,  qui  a  son  côté 
sérieux,  quoique  plaisamment  présentée  : 

<i  Nous  avions  eu  des  enterrements  civils,  des 
mariages  civils;  un  bon  citoyen,  ami  du  pro- 
grès de  la  libre-pensée,  vient  de  donner  le  grand 
exem[ile  d'un  baptême  civil. 

«  Ce  bon  radical  se  nomme  Rose.  Il  eût  évi- 
demment préféré  un  nom  plus  accentué;  mais 
dame  !  on  fait  ce  qu'on  peut.  Il  s'est  uni  civile- 
ment l'année  dernière,  un  vendredi,  à  une  jeune 
sectatrice  delà  déesse  Raison  :  il  faut  des  époux 
assortis. 

«  C'était  hier  le  jour  choisi  pour  baptiser 
civilement  le  jeune  citoyen  issu  de  cette  union. 
Le  ban  et  l'arrière-ban  des  frères  et  amis  avaient 
été  convoqués  chez  les  parents,  35,  rue  du 
Chemin-Vert.  Un  grand  tapis  rouge  recouvrait 
la  table  destinée  à  servir  de  fonts  baptismaux, 
et  qu'ombrageait  un  drapeau  rouge.  Rouges 
étaient  également  les  langes  du  bébé,/ouge8  les 
rubans  de  la  ceinture  de  la  mère.  Enfil..,  le  père, 
en  manches  de  chemise,  ceinture  écarlate  et 
coiffé  du  bonnet  phrygien,  tenait  à  la  main  un 
verre  et  un  litre  de  vin  rouge,  dont  il  versait 
fraternellement  une  rasade  à  chacun  de»  ac  i- 
vanls. 


15j2 


LA  SEiLVlNE  DU  CLERGÉ 


«  EnQu,  la  rénnion étant  nu  complet,  legraud- 
père,  non  moins  pour|)ie  que  l(?s  autres,  s'appro- 
rha  lentement,  et  élevant  ses  mains  tremblantes 
au-dessus  de  la  tête  du  bébé,  iirououça  ces 
paroles  :  «  Au  nom  de  la  République  je  te  bap- 
«  tisc  Raoul  !  n 

«  Si  lea  radicaux  avaient  un  ciel,  comme 
Raoul  RigauU,  béatifié,  serait  content! 

((  Mais  ils  n'en  ont  pas,  hélas!  Cela  leur  man- 
que. Ne  pourraient-ils,  pour  la  circonstance, 
inventer  aussi  un  ciel...  civil?  u 

Italie.  —  Souvent  nous  avons  vu  le  résultat 
des  doctrines  et  des  œuvres  révolutionnaires  sur 
le  terrain  de  la  moralité  publique;  voyons- le 
aujourd'hui  sur  le  terrain  de  l'économie  sociale. 

En  18(j9.  les  revenus  des  divers  Etats  qui 
compose  t  aujourd'hui  l'Italie,  ad(liti(mncs  en- 
semble, formaient  un  total  de  509, 128,891  francs. 
Les  di'penses  n'étaiant  que  de  48Û,2!4,3Û0fraucs, 
ce  qui  donnait  uu  excédant  de  revenu  de 
21,082,72.1  francs. 

Aujourd'hui,  les  impôts  atteignent  un  cliifFre 
total  de  l  milliard,  396,307,886  francs;  les  dé- 
penses sont  de  i  milliard,  494,152,530  fianc-.=. 
Le  déficit  est  donc  de  97.814644  francs.  Sur  le 
chiffre  des  dépenses,  612  millions  sont  aflTeclés 
au  service  de  l'intérêt  de  la  dette  nationale. 

Les  impôts  trip!és,  l'excédant  de  revenu  changé 
en  déficit,  voilà  de  nouveaux  bienfaits  apportés 
à  l'Italie  par  la  Révolution. 

Le  quatriènfe  centenaire  de  Michel- Anse, 
remis  de  l'an  dernier  à  cette  année  pour  éire 
célébré  avec  plus  de  pompe,  l'a  été  d'une  ma- 
nière navrante,  lln'y  a  pas  eu  decérémcmie  reli- 
gieuse en  l'honneur  du  grand  artiste  chrétien  ! 
La  municipalité  florentine  s'est  bornée  à  porter 
une  couriiUîie  sur  son  tombeau,  dans  l'église 
Santa-Croce.  A  défaut  de  prières,  il  y  a  eu  des 
discours,  et  le  soir,  des  banque's  et  des  repré- 
sentations théâtrales.  Michel-Ange  vivant,  se 
serait  enfui  de  la  ville  pour  ne  pas  prendre  part 
à  ces  réjouissances  bruyantes  et  grossières,  où 
aucun  sentiment  élevé  ne  se  fit  jour.  Les  Man- 
dais ont  autrement  célébré  leur 0'  Connell!  Mais 
les  Irlandais  ont  la  foi,  lundis  que  les  malheu- 
reux Floreu  lins  sont  travaillés  par  le  mal  révo- 
lutionnaire, qui  dessèche  et  stérilise  leurs  cœure 
comme  fait  le  philloxéra  en  s'abaltant  sur  uu 
cep  de  vigne. 

Voici  une  nouvelle  lettre  du  héros  italien,  en 
qui,  on  le  sait,  l'homme  de  guerre  égale  l'cpis- 
tolier.  Si  ses»  partisans  de  France  étaient  moins 
aveuglés  par  leur  haine  contre  l'Eglise,  ils  rou- 
giraient jusqu'au  fond  de  l'âme  en  lisaut  cet 
éloge  de  celui  qui  a  démembré  notre  patrie  com- 
mune par  celui-là  même  qui  favorisait  srs  des- 
seiuB  en  ayant  l'air  de  combatire  pour  nous.  C'est 
Garibaldi  qui  parle  : 


«  Mou  très-cher  Villani, 

«  "Vous  m'avez  fait  un  portrait  de  Bismarck» 
empreint  d'une  grandeur  et  d'une  vérité  san* 
pareilles. 

«  Vous  avez  véritablement  compris  cet  illustre 
grand  homme,  à  qui  le  monde  est  redevable  de 
ces  généreuses  batailles  mcraîes,  qui,  plus  que 
les  matérielles,  éci  aseront  dans  la  poussière  l'hy- 
dre sacerdotale  du  mensonge. 

n  Pour  ma  part,  je  vous  en  remercie  de  tout 
mon  cœur,  et  je  suis  pour  la  vie, 

(1  Votre  Gauiualpi.  » 

Garibaldi,    célébrant  Bismarck    jour  avoir 


démembré  la  France,  et  insultant  le  > 


^é  qu'il 


a  aidé  à  dépouiller,  et  sur  les  biens  duquel  il  a 
eu  pour  sa  part  un  million  de  capital,  et  touche 
en  plus  une  rente  de  cent  mille  francs  :  voilà  un 
de  ces  grands  modèles  qiie  la  Révolution  pro- 
pose à  notre  admiration. 

Suisse.  —  Le  successeur  de  Mgr  de  Preux 
sur  le  siège  épiscopal  de  Sion  est  M.  le  chanoine 
Adrien  Jardinier,  doyen  des  Trois-Torrents. 
M.  Jardinier  o*t  né  eu  1808,  à  Mouthey.  Il  a  fait 
ses  études  théologiques  au  séminaire  de  Sion. 
En  1853,  il  exerçait  le  ministère  dans  sa  ville 
natale,  et  depuis  1844  jusqu'à  ces  derniers  jours, 
aux  Trois-Torrreuts.  La  Gazette  du  Valais  fait 
l'éloge  du  nouveau  prélat  et  insiste  sur  le  carac- 
tèrecordial  de  l'élection  qui  répond,  dit-elle, 
avec  plénitude  aux  aspirations  du  peuple  valai- 
sani.  La  Liberté,  de  Fribourg,  dit  de  son  côté  : 
H  Depuis  longtemps,  M.  Jardinier  est  connu 
des  catholiques  de  la  Suisse  française.  Il  n'est 
resté  étranger  à  aucune  œuvre  chrétienne,  que  J 
nécessite  la  situation  faite  à  la  sainte  Eglise  dans  % 
nos  temps.  Il  e.>t  le  protecteur  des  étudiants, 
l'un  des  membns  les  plus  zélés  de  l'Association 
suisse  de  Pie  IX  et  de  l'Œuvre  de  Saint-François 
de  Sales.  Les  catholiques  du  Valais  savent  tout 
ce  qu'il  a  fait  depuis  de  longues  années,  pour  le 
bonheur  de  son  pays  et  la  défense  de  nos  libertés 
religieuses.  » 

L'Association  de  Pie  IX,  dont  il  vient  d'être 
parlé,  a  tenu  son  assemblée  les  2i,  25  et 
26  août  à  Schwylz.  L'ass  stance,  comprenant 
des  représentants  de  tous  les  cantons  de  la 
Suisse,  était  nombreuse  et  choisie.  Mgr  Lâchât 
était  présent  et  a  parlé.  Ou  s'est  occupé  princi- 
palement de  la  nécessité  de  l'apostolat  de  la 
presse  et  d'uu  projet  d'université  catholique  à 
fjndcr  pour  toute  la  Suisse,  '"e  çrojet  a  été 
accueilli  avec  une  très-grande  faveai  U  est  pa- 
troné  par  tous  les  évêques  suisses.  Ou  espère 
que  la  réalisation  ue  s'en  fera  pas  longtemps 
attendre. 

Les  religieux  bénédictins  du  monastère  de 
Notre-Dame  de  la  Pierre,  expulsés  de  leur  aiiti- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1SS3 


que  ablîaye  par  les  radicaux  de  Soleure,  se  sont 
décidément  fixés  à  Délie  (Doubs),  à  queL|ues 
pas  de  la  froctière  Suisse.  Ils  y  ont  acheté  un 
vaste  domiiine  où  ils  vont  ouvrir,  à  partir  du 
1"  novembre,  un  ^jllége  qui  rendra  de  farauds 
services  à  la  contrée  et  surtout  au  Jura  bernois, 
I    privé  de  tou''  collège  catholique. 

Les  Fidèles  Compagnes  de  Jésus,  qui  tenaient 
à  Carouge  un  pensionnat  renommé,  ayant  été 
aussi  expulsées,  se  sont  également  réfugiées  en 
France  et  établies  près  de  la  frontière,  pour 
continuer  à  élever  les  enfants  des  familles  ca- 
tholiques du  canton  de  Genève. 

D'après  les  comptes  mêmes  de  Berne,  la  tenue 
des  registres  de  l'état  civil,  faite  gratuitement 
par  le  clergé  avant  iiu'il  ne  fût  chassé,  a  coûté 
a  l'htat  [jour  le  seul  Jura  ieruois,  la  première 
année,  21  994  francs.  Tout  ce  qu'on  peut  dire 
de  cette  déiiense,  c'est  qu'elle  pouvait  être 
évitée  sans  qu'il  eu  résultât  aucun  inconvé- 
nient. 

Mais  il  y  a  des  dépenses  véritablement  scan- 
daleuses. Des  sommes  relitiveuient  énormes 
ont  été  fournies  à  un  certain  nombre  d'indi- 
vidus pour  aller  à  la  recherche,  c'est  ainsi  que 
s'exprime  le  rédacteur  ofiiciel,  de  curis  qui  con- 
sentent à  fijuler  aux  pieds  leurs  serments  peur 
venir  prêter  leur  concours  aux  tyrannaux  de 
Berne  contre  les  catho'iques  du  Jura.  On  a 
aussi  fait  des  insertions  dans  les  journaux  lo- 
caux et  étrangers  également  pour  demander  des 
ecclésiastiques,  et  dont  deux  notes  seulement 
s'élèvent  a  la  somme  de  3,247  fr.  85.  Il  y  a  des 
journalistes  qui  reçoivent  1,000  francs  par  mois 
pour  prôuer  le  vieux  catholicisme  et  injurier 
l'Eglise  romaine.  Il  y  a  jusqu'à  des  mémoires 
de  cafetiers  et  limonadiers,  pour  consommations, 
toujours  concernant  les  affaires  religieuses  du 
Jura.  Et  de  toutes  ces  dépenses,  faites  contre 
les  Jurassiens,  les  Jurassiens  payent  naturel- 
lement leur  bonue  part.  Trop  heureux  encore 
sont-ils  de  ce  qu'on  ne  les  impose  pas  exception- 
nellement pour  les  solder  à  eux  seuls.  On  y 
■viendra.  Il  ne  sera  pas  difficile  de  trouver  de 
bons  considérants  pour  justifier  celte  mesure. 
N'est-il  pas  juste,  diront  les  Bernois,  de  taire 
«upporter  les  frais  à  ceux  pour  lesquels  ils  sont 
faits?  Au  même  titre  l'assassin  fait  supporter  à 
sa  victime  les  frais  cki  couteau  qu'il  a  acheté 
pour  l'égorger.  Si  je  n'avais  pas  eu  à  te  tuer, 
lui  dit-il,  je  n'aurais  pas  eu  besoin  d'acheter  un 
couteau  ;  pui.,que  tu  m'as  occasionné  cette  dé- 
pense, c'est  donc  à  toi  à  la  supporter.  C'est 
celte  logique  qui  a  dicté  la  conduite  du  gouver- 
nement de  Genève,  lorsqu'il  a  fait  supporter 
aux  seuls  habitants  de  Compesières  les  frais  oc- 
casionnés par  les  troupes  envoyées  pour  pro- 
téger l'effraction  et  la  profanation  de  leur 
église.    Ou  peut  s'attendre  à  ce  que  Berne  ne 


restera  pas  en  arrière;  et  le  jour  n'est  pas  loin 
où  les  Jurassiens  devront  payer  eux  seuls  les 
dépenses  faites  par  les  curés  schisma tiques  dans 
les  cabarets  et  ailleurs. 

Pour  le  moment,  les  tyrann l'.ix  de  Berne 
sont  tous  occupés  à  la  confection  d'une  loi  des- 
tinée à  rendre  l'exercice  de>_  fonctions  ecclé- 
siastiques impossijjle  aux  curés  exilés,  lorsqu'ils 
vont  rentrer  dans  le  Jura  le  -15  novembre,  par 
suite  de  la  décision  du  Conseil  fédéral,  dont 
nous  avons  parlé  en  son  temps.  Les  populations 
vont  faire  à  leurs  héroïques  curés,  suivant 
l'aveu  échappé  au  président  du  gouvernement, 
RI.  Teuscher,  un  accueil  enthousiaste;  il  faut 
donc,  a-t-il  ajouté,  que  le  gouvernement  soit 
armé  de  lois  nouvelles  adaptées  à  la  situation, 
pour  continuer  la  lutte  commencée.  D'jà  la  loi 
présentée  au  Grand-Conseil  a  été  votée  en 
deuxième  lecture,  et  elle  passera  à  la  troisième 
sans  modification.  C'esl  pourquoi  nous  croyons 
pouvoir  en  donner  dès  maintenant,  non  une 
analyse,  mais  le  teite  complet.  Voici  cette  loi, 
monument  incomparable  d'injustice  et  de  rage  : 

Art.  1".  —  Quiconque  excite,  d'une  manière 
à  mettre  en  danser  la  paix  publique,  des  adhé- 
rents d'une  confession  ou  d'une  communauté 
religieuse  à  des  hostilités  contre  des  adhérents 
d'une  autre  confession  ou  communauté  reli- 
gieuse, sera  jiuni  d'une  amende  pouvant  s'éle- 
ver jusiu'àî/iiY/e  [rancs,  ou  d'un  emprisonnement 
d'une  année. 

Art.  2.  —  Tout  ecclésiastique  ou  autre  mi- 
nistre d'une  religion  qui,  dans  l'exercice  ou  à 
l'occasion  de  l'exercice  d'actes  se  rattachant  au 
service  divin  ou  à  toute  autre  de  ses  fouclions, 
fait,  des  institutions  publiques,  politiques  et  ci- 
viles, ou  d'ordonnances  et  arrêtés  rendus  par 
des  autorités  de  l'Etat,  l'objet  dune  publication 
ou  d'une  critique  qui  mette  en  danger  la  paix 
ou  l'ordre  publics,  ou  qui  abuse  d'une  autre  ma- 
nière de  sa  position  officielle  dans  un  but  poli- 
tique, est  passible  d'une  amende  pouvant  s'éle- 
ver jusqu'à  mille  francs,  ou  d'un  emprisonnement 
jusquà  une  année. 

Art.  3.  — -  llest  interdite  tout  eeclés'astique  ou 
autre  ministre  d'une  religion,  qui  n'est  pas^  ins- 
tallé dans  une  paroisse  reconnue  par  l'Etat 
(art.  6  de  la  loi  sur  les  cultes),  d'ex.rcer  des 
fonctions  ecclésiastiques  auprès  d'une  conamu- 
nauté  religieuse  ou  dans  une  école  (soit  publique, 
soit  privée)  : 

1»  Lorsqu'il  fait  paille  d'un  ordre  religieux 
interdit  par  l'Etat; 

2°  Lorsqu'il  est  notoire  qu'il  oppose  résistance 
aux  institutions  de  l'Etat  et  aux  ordres  émanant 
des  autorités  publiques  pour  aussi  longtemps 
que  dure  cette  résistance. 

Quiconque  exerce  des  fonctions  ecclésiast^ 


r"i 


LA  SEMINE  DU  CLERGÉ 


qties,  contrairement  à  ces  prescriptions,  est  pas- 
sible' d'une  amende  pouvant  s'élever  jusqu'à 
mille  francs  ou  d'un  emprisonnement  pouvant 
aller  jusqu'à  une  année. 

Art.  4.  —  L'autorisation  du  Conseil  exécutif 
est  requise  pour  l'exercice  de  fonctions  pontifi- 
cales (actes  de  juridiction  épiscopale)  sur  le  ter- 
ritoire du  canton  de  la  part  de  sujérieurs  ecclé- 
siastiques étrangers  non  reconnus  par  l'Etat 
(c'est-à-dire  le  Pape  et  Mgr  Lâchât). 

Cette  autorisation  ne  sera  accordée  que  tem- 
porairement et  seulement  pour  des  actes  déter- 
minés et  spécialement  désignés  (par  exemple 
pour  des  confirmations);  elle  ne  pourra  être 
déléguée  à  wcun  chargé  de  pouvoirs  sur  le  terri- 
toire du  canton  de  Berne. 

Quiconque  exerce  des  fonctions  pontificales 
dans  le  canton  sans  être  pourvu  d'une  autorisa- 
tion de  cette  espèce,  ou  dépasse  les  limites  qui 
y  sont  posées,  est  passible  d'une  amende  pou- 
vant s'élever  jusqu'à  deux  mille  francs,  ou  d'un 
emprisonnement  de  deux  ans  au  plus. 

Art.  5.  —  Aucune  procession  publique,  reli- 
gieuse ou  autre  cérémonie  religieuse  quelcon- 
que ne  pi'Ut  avoir  lieu  en-dehois  des  églises, 
chapelles,  oratoires,  bâtiments  privés,  maisons 
mortuaires  ou  autres  locaux  fermés. 

Font  exception  à  cette  mesure  : 

•1°  Le  service  divin  pour  les  troupes  en  cam- 
pagne, conformément  aux  prescriptions  ulté- 
rieures des  lois  militaires  et  aux  dispositions 
prises  par  les  chefs  militaires; 

2°  La  cérémonie  religieuse  des  inhumations, 
d'après  les  dispositions  spéciales  à  établir  à  ce 
sujet; 

3°  Les  discours,  prières  et  chants  religieux  qui 
ne  sont  pas  de  nature  à  troubler  l'ordre  public 
(adoucissement  en  faveur  des  piétistes  protes- 
tants). 

Les  contraventions  à  cet  article  seront  punies 
d'une  amende  pouvant  s'élever  jusqu'à  i200  francs 
ou  d'un  emprisonnement  jusqu'à  soixante  jours. 

Art.  6.  —  Les  assemblées  ou  réunions  de  cor- 
porations religieuses  à  l'occasion  desquelles 
l'ordre  public  serait  troublé,  soit  par  les  partici- 
pants, soit  par  des  tiers,  ou  dans  lesquelles  il 
serait  conlrevenu  aux  bonnes  mœurs,  devront 
être  dissoutes  par  la  police.  Les  délinquants 
seront  punis  d'une  amende  pouvant  s'élever  jus- 
qu'à 200  francs,  ou  d'un  emprisonnement  de 
soixante  jours  au  plus,  pour  autant  qu'il  n'existe 
pas  d'autre  délit  ou  crime  déterminé. 

Art.  7.  —  Les  prescriptions  de  la  partie  géné- 
rale du  Code  pénal  /livres  I  et  XI),  ainsi  que 
celles  du  Code  àe  procédure  pénale,  sont,  en 
général,  applicables  pour  la  poursuite  et  le  juge- 
ment des  acles  que  la  présente  loi  punit  d'une 
peine,  toutefois  avec  les  modifications  spéciales 
suivantes  : 


L  Le  juge  compétent  et  le  président  du  tri- 
bunal qui  connaît  en  première  instance,  comme 
juge  de  police,  de  tous  les  cas  s[)écifiés  dans 
cette  loi;  il  est  interjeté  appel  de  ses  jugements 
auprès  de  la  Chambre  de  police  de  la  Cour  d'ap- 
pel et  de  cassation. 

II.  Relalivcment  à  l'instruclion  et  au  juge- 
ment, le  mode  de  procéder  applicable  est  celui 
prescrit  pour  les  contraventions  de  police  (artc 
287  et  art.  'M6  et  suiv.  du  Code  de  procédure 
pénale),  avec  cette  moiJifîcation  que  le  juge, 
après  appréciation  des  preuves,  prononcera 
selon  sa  conviction. 

IlL  Les  peines  prononcées  (amendes,  empri- 
sonnement) auront  le  caractère  de  simples  peines 
de  police,  et  l'emprisonnement  sera  subi,  lors- 
qu'il ne  dépassera  pas  six  mois,  dans  une  prison 
de  district,  et,  dans  les  cas  de  plus  longue  durée, 
dans  une  maison  de  détention  qui  sera  désignée 
par  la  direction  de  la  justice  et  la  police. 

Art.  8.  —  La  présente  loi  entrera  en  vigueur 
immédiatement  après  son  acceptation  par  le 
peuple. 

Le  Conseil  exécutif  est  chargé  de  son  exécu- 
tion. 

Deux  choses  principalement  sont  à  remarquer 
dans  cette  loi.  La  première,  c'est  le  vague  de 
ses  dispositions,  qui  permettra  toutes  les  inter- 
prétations et  tous  les  arbitraires.  En  vain  la 
minorité  du    Grand-Conseil   a-t-elle  demandé 
plus  de  clarté  et  de  précision  ;  on  ne  l'a  point 
seulement  écoutée.  La  seconde  chose  qui  ré- 
volte, c'est  la  rigueur  des  pénalités.  Un  juurnal 
protestant  de  Berne  les  a  comparées  à  celles 
qui  atteignent  les  crime»  de  viol,  d'attentat  pu-   i 
blic  à  la  pudeur  et  à  la  morale,  et  il  résulte  de 
son  parallèle  que  ces  dernières  sont   trois  fois  ; 
moins  graves  que  celles  édictées   dans  la  loi  ' 
qu'on  vient  de  lire. 

Les  députés  catholiques  ont  dès  maintenant 
résolu  de  recourir  auprès  des  autorités  fédé- 
rales pour  faire  prononcer  l'inconstitutionnalité 
de  la  nouvelle  loi,  aussitôt  qu'elle  aura  été 
sanctionnée  par  le  peuple  Bernois,  en  majorité 
protestant.  C'est  le  dernier  moyen  légal  qui 
reste  à  employer.  S'il  échoue,  les  vénérables 
curés  du  J  ura  seront  emprisonnés  au  lieu  d'ètra 

exilés.  P.  d'HAUTERlVE. 


I 


Tome  VI.  —  N»  51 .  —  Troisième  année. 


13  octobre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


INSTRUCTIONS  FAMILIÈRES 

SUR    LES   COWlWlftNOEMENTS  DE  DIEU 

Seconile  instruction  préliminaire. 

Sujet  :  Obligation    d'observer  les   commandements 
de  Dieu  ;  que  leur  observation  est  possible. 

Texte.  Inclinavi  cor  mcvm  ad  faciendas  justi- 
ficationes  tuas,  propter  relributionem.  Ps.  cxviii, 
V.  112. 

J'ai  disposé  mon  cœur  a  accomplir  vos  justes 
«ommauJements,  à  cause  de  la  récompense  que 
vous  promettez  à  la  tidélité. 

ExoRDE.  Frères  bien  aimés,  dans  l'instruclion 
précédente,  nous  vous  avons  raconté  comment 
Dieu  avait  donné  aux  hommes  ses  commande- 
ments divins;  puis  nous  vous  avons  montré  en 
peu  de  mots  combien  ils  étaient  sages.  Mais  ce 
n'est  pas  tout;  Dieu,  dans  son  immense  miséri- 
corde, a  promis  de  grandes  récompenses  à  ceux 
qui  les  observeraient  avec  fidélité.  Ce  ciel,  ce 
beau  paradis,  dont  nous  yarlons  si  souvent, 
doit  être  leur  partage.  Le  saint  roi  David  avait 
été  un  grand  pécheur;  cependant,  plein  de  con- 
fiance en  la  bonté  de  Dieu,  il  liiit  des  eflbrts,  il 
combat  ses  passions,  il  lutte  contre  toutes  les 
séductions  île  la  royauté,  pour  se  montrer  dé- 
sormais fidèle.  «  Oui,  mon  Dieu,  s'écrie  t-il, 
vos  commandements  sont  justes;  je  veux  les 
observer.  Quels  que  soient  les  pencliauts  qui 
cherchent  désormais  à  troubler  mon  cœur,  à 
l'entraîner  de  nouveau  au  mal,  je  veux  qu'i 
s'incline  devant  votre  loi.  n  Et  pourquoi  donc, 
ô  prince,  im|ioser  ce  frein  à  vos  passions?  Pour- 
quoi ne  dites-vous  pas,  comme  tant  de  chrétiens 
de  nos  jours:  il  faut  jouir  de  la  vie,  amas-er 
des  biens,  satisfaire  ses  penchants?  Au  milieu 
des  épreuves,  qui  parfois  leur  arrivent,  au  lieu 
de  répéter  avec  vous  :  «  Dieu  est  juste,  il  me 

Î)unit,  parce  que  je  l'ai  beaucoup  offensé,  »  je 
es  entends  se  plaindre  et  murmurer.  Ah!  mes 
frères,  c'est  que  nous  ne  comprenons  pas  les 
récompenses  qui  nous  attendent,  c  est  que 
nous  n'avons  pas  cette  foi  énergiiiue  qu'avait  le 
prophète,  quand  il  disait  :  Oui,  j'ai  dispose  mou 
cœur  à  observer  fidèlement  vos  commande- 
ments, parce  que  la  rémunération  qui  m'attend 
est  grande.  »  Inclinavi  cor  meuin,  etc. 

Proposition.  —  Je  me  propose,  mes  frrTCs, 
de  vous  montrer  dans  cette  instruction,  l'obliga- 
tion où  nous  sommes  d'observer  tous  les  cnm- 
mandements  de  Dieu,  sans  en  excepter  un  seul, 
et  de  vous  prouver  que  cette  observation  n'est 
impo  sible  à  aucun  de  nous. 

DivisiOiN.  —  Doue  :  Premièrement,  Oliligation 
pour  nous  d'observer  les  commandements  de 


Dieu;  secondement,  il  nous  est  possible  de  les 
observer. 

Prennère  partie.  Il  me  suffit,  chrétiens,  de 
m'adresser  à  votre  bon  sens  naturel,  pour  vous 
faire  comprendre  que  nous  sommes  obligés  de 
noussoumettreauxcommandementsde  Dieu  et, de 
les  observer  fidèlement.  ..Pénétrons  ensemble  au 
sein  de  la  jiremière  famille  venue...  Voyez-vous 
ce  père?  Il  donne  des  ordres  aux  noml)reux 
enfants  réunis  autour  de  lui.  Aucun  ne  l'écoute  ; 
on  méprise  sa  parole,  on  le  regarde  avec  dé- 
dain, on  se  moque  de  ses  prescriplions...  C'était 
ainsi  hier,  il  en  sera  de  même  demain...  Vous 
blâmez  les  enfants  et  vous  ave?,  raison.  Mais 
dites-moi,  que  pensez-vous  de  ce  père,  qui  ne 
sait  pas  faire  respecter  son  autorité?  Que  c'est 
un  pauvre  homme,  nn  caractère  faible,  incapa- 
ble de  gouverner  une  famille.  Et  nous,  chrétiens, 
en  n'observant  pas  les  commandements  (jue  nous 
a  faits  notre  Père  qui  est  aux  cieux.  le  grand  ckef 
de  la  familli-  humaine,  en  nous  faisant  un  jeu 
de  les  violer,  quelle  iilée  nous  furmons-nous 
donc  de  lui  ?..  Est-ce  qu'il  seraitaussi,lui,un  père 
faible,  incapable,  donnant  à  ses  entants  des 
commandements  qu'ils  peuvent  impunément 
mépriser?...  Certes,  mes  frères,  avoir  une  telle 
liensée  de  ce  Maître  suprême  qui  gouverne  le 
monde,  ce  serait  blas[iliémer  sa  sagesse  et  outra- 
ger ses  perfections  infinies...  Donc,  quaml  Dieu 
commande,  nous,  ses  enfants,  nous  sommes 
obligés  de  lui  obéir. 

Mais,  disent  certains  impies  et  quelques  mau- 
vais chrétiens,  il  est  impossible  d'observer  tous 
les  commandements  de  Dieu.  Frères  bien  aimés, 
examinons  ensemble  ce  que  peuvent  signifier 
ces  paroles.  Lequel  donc  des  commandements 
vous  parait  impossible?  Est-ce  celui  qui  vous 
oblige  à  adorer  Dieu  votre  créateur,  à  le  prier 
le  matin  et  le  soir?  Ce  n'est  pas  celui  là  j'espère. 
—  Est  ce  celui  qui  vous  défend  de  blasphémer 
le  saint  nom  de  Dieu?  Oh  non!  Vous  convien- 
drez vous-mêmes  que  l'habilude  de  jurer  est 
quelque  chose  de  vil  et  d'abject,  indiiine  d'un 
l'ionime  et  d'une  femme  qui  se  respectent.  — 
Mais,  je  vous  comprends;  impossible,  direz- 
vous,  de  ne  pas  travailler  le  dimanche;  les 
temps  sont  mauvais,  l'ouvriige  presse,  c'est  le 
temps  de  la  moisson,  c'est  la  saisou  des  ven- 
danges. —  Vous  croyez,  sans  doute,  avoir  donné 
une  bonne  réponse?  Non,  non,  c'est  le  Dieu 
qui  fait  croître  les  épis  dans  vos  (.'.^amps  et  les 
raisins  dans  vos  vignes,  qui  a  tait  le  comman- 
dement, et  ce  commandement,  vous  devez  l'ob- 
server. La  preuve  qu'il  est  possible,  c'est  que 
vos  aïeux  s'v  montraient  fidèles,  c'est  uue.  dan» 


1560 


LA  SEMAINE  DU  GLiiJKGi 


certains  pays,  on  le  garde  encore  avec  fidélité; 
or,  vos  aieux  étaient  aussi  riches  et  plus  heu- 
reux que  vous. 

D'autres  diront  :  Ils  nous  est  impossible 
d'être  chastes,  de  pardonner  à  nos  ennemis,  de 
ne  point  laire  de  médisances,  que  sais-je?  Frères 
Lien  aimés,  écoutez  ma  réponse  :  vous  êtes  tous 
probes  et  honnêtes  ;  eh  bien,  imaginons  un  voleur 
faisant  le  même  ra-isonnemeut;  il  a  dérobé  voire 
liuîe,  voire  arL;Laf;  il  est  arrêté  et  convaincu; 
les  juges  l'interrugent  :  «Impossible  à  moi, dit-il, 
d'être  honnête,  je  ne  saurais  observer  le  com- 
mandement qui  défend  de  prendre  le  bien 
d'autrui.  »  Que  punseriez-vons  de  sa  réponse? 
«  Juges,  diriez-vous,  condamnez  ce  fripon,  ce 
voleur.  Que  deviendrait  la  société,  si  Ton  accep- 
tait de  pareilles  excuses!...  »  Eh  bien,  vous  qui 
vous  livrez  à  de  folles  passions,  vous  qui  élevez 
mal  vos  enfants,  vous  qui  profanez  le  dimanche, 
Dieu  non  plus  n'accueillera  pas  vos  excuses,  et 
vous  serez  coudiimnés  avec  justice  à  son  tribunal. 

Frères  bien  aimés,  il  suffit  de  connaître  Dieu, 
de  réfléchir  un  instant  sur  sa  bonté  et  sur  sa 
justice,  pour  comprendre  qu'il  nous  est  possible 
d'observer  ses  divins  commandements.  Nous 
avons  déjà  parlé  d'un  père,  reprenons  encore 
celte  comparaison.  Voici  un  bloc  énorme  de 
pierre.  «  Mon  fils,  dit  un  père  à  son  petit  enfant, 
tu  vas  prendre  ce  bloc  dans  tes  bras,  et  le  trans- 
porter sur  la  montagne  voisine...»  Ne  faudrait-il 
pas  que  cet  homme  fût  iusensé  pour  exiger  une 
telle  chose  de  son  enfant.  Or,  vous  qui  préten- 
dez que  l'observation  des  commandements  de 
Dieu  est  impssiUle,  vous  comparez  Dieu,  le 
meilleur  des  p^ics,  à  cet  homme  stupidc.  et 
sans  intelligence.  U  est  donc  manifeste  que  l'ob- 
servaticn  des  commandemeuls  de  Dieu  n'es!  pas 
imposGiblt;,et  que  c'est  pour  nous  une  obligation 
rigoureuse  ds  m:us  y  soumettre. 

Seconde  partie.  —  Pour  mieux  vous  montrer 
cette  véritc;  p^ur  bien  vous  faire  comprendre 
qu'il  nous  est  possible  et  môme  facile  à  tous  tant 
que  nous  sommes  de  garder  ces  préceptes  divins, 
que  de  preuves  j'aurais  encore  à  vous  donner! 
Ici,  c'est  le  prophète  David  affirmant  que  les 
ordonnances  du  Seigneur  sotit  droites  et  quelles 

font  naître  la  joie  dann  le  cœur  (I);  ailleurs,  c'est 
'apôtre  saint  Jean  nous  disiuit  que  les  comman- 
dements deDiev  son/  faciles  (2)  ;  enfin,  c'est  Jésus- 
Christ  lui-mènie,   nous  avertissant  que  le  joug 
qu'il  impose  eU  facile  à  porter  (3). 
I      Mais  citons  des  preuves  qui  seront  plus  com- 
préhensibles "ucoro,  je  les  emprunte  à  la  Vie 
■  des  Sain/s.  \i  y  a  quelques  années  à  peine,  le 
j  Souverain  l'ontife  plaçait  au  rang  des  bienheu- 
reux un  grand  nombre  de  martyrs  qui,  dans  un 

1.  Psaiim.   xvni,  9. 
a.  I.  J«aQ  V,  3. 
i.  UatU.,  XI,  30. 


pays  appelé  le  Japon,  avaient  soufiert  les  plus 
cruels  tourments  plutôt  que  de  renier  leur  foi... 
Ah  1  Les  courageux  chrétiens  avaient  bien  pu 
garder  la  loi  du  Seigneur!  Agenouillés  près  des 
croix,  sur  lesquelles  ilsallaieut  mourir,  la  prière 
s'exhalait  encore  de  leurs  lèvres  et  tous,  pères, 
mères  et  même  les  enfants  eu  bas  âges  répé- 
taient :  «  Un  seul  Dieu  tu  adoreras  (1),  «puis  ils 
mouraient  avec  le  même  coui-age,  avec  la  même 
joie  que  les  anciens  martyrs  dont  nous  vous 
avons  si  souvent  parlé.  Frères  bien «jimés,  comme 
ce  courage  des  saints  martyrs  confondra  un 
jour  notre  lâcheté,  à  nous  qui  négligeons  de 
dire  nos  prières  le  matin  et  le  soir,  et  qui  pré- 
tendons qu'il  nous  est  impossible  de  rendre  au 
Dieu  qui  nous  a  créés  les  hommages  et  les  ado- 
rations que  nous  lui  devons... 

Vous  montrerai-je  tant  d'autres  martyrs  expi- 
rant dans  les  tortures  pour  n'avoir  pas  voulu 
blasphémer  le  nom  du  Dieu  tout  puissant  et 
celui  de  Jésus  Christ,  son  fils?  Mais  non,  le 
commandement  qui,  de  nos  jours,  semble  le 
plus  difficile,  le  commandement  le  plus  souvent 
et  le  plus  scandaleusement  violé,  c'est  celui  qui 
nous  oblige  à  sanctifier  le  dimanche.  La  cupidité, 
l'avarice  allèguent  mille  raisons  pour  se  dispen- 
ser d'observer  ce  précepte;  soyons  sincères, 
voyons,  vous  n'ignorez  pas,  chrétiens,  ce  que 
valent  ces  raisons...  Vous  n'avez  pas  le  temps 
d'assister  aux  ofiices,  le  dimanche  ;  mais  qu'un 
ami,  qu'un  parent  viennent  vous  visiter,  vous 
ne  manquez  pas  de  les  recevoir,  de  leur  consa- 
crer de  longues  heures  et  loin  de  vous  en  plain- 
dre,  souvent  vous  trouvez  leur  visite  trop 
courte...  Et  vous  oserez  dire  que  vous  n'avez  pas 
le  loisir  de  consacrer  quelques  heures  par  se- 
maine à  vous  entretenir  avec  le  bon  Dieu,  qui, 
pourtant,  est  votre  premier  parent  et  votre  meil- 
leur ami!..  Chaque  dimanche,  nous,  vos  prê- 
tres, nous  oflVons  le  saint  sacrifice  pour  vous, 
pour  les  besoins  de  la  paroisse  entière  et  vous 
négligez  d'y  assister  sous  les  plus  frivoles  rai- 
sons!.. Vous  n'avez  donc  pas  la  foi,  vous  n'êtes 
donc  pas  chrétiens?...  0  Jésus,  Dieu  de  l'eucha- 
ristie, qu'il  me  soit  permis  de  vous  adresser  la 
prière  que  vous  adressiez  vous-même  à  votre 
Père:  «Mon  Dieu,  pardonnez- leur,  car  ils  ne 
savent  ce  qu'ils  font.  »  Frères  bien  aimés,  lais- 
sez-moi vous  dire  que  tous  cevix  qui  sont  au  ciel 
ont  sanctilié  le  jour  du  Seigneur,  et  j'ajouterai 
pour  vous,  chers  ouvriers,  qu'ils  ont  été  moins 
malheureux  que  vous  sur  cetie  terre  et  surtout 
plus  rassurés  au  jour  du  jugement. 

Les  saints  ont  honoré  leurs  parents;  inutilft 
d  insister  sur  ce  point,  tle  vous  raconter  l'his- 
toire si  connue  du  jeune  ^obie,  de  vous  dire 
avec  quelle  ilocilité  il  écoutait  leurs  avis,  et  de 
'juel  pieux  respect  il  environnait  leur  vieillesse, 
I,  Uarlyrt  iu  Japon,  par  le  P.  Charlevalz, 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


J50J 


lel 


Je  ne  veuT  pas  être  trop  long.  Quelqniis  moli; 
seulement  sur  le  sixième  précepte,  sur  celui  qui 
prescrit  la  pudeur,  la  chasteté,  la  modestie. 
Ecoutez  à  ce  sujet  saint  Augustin  :  «Moi  aussi, 
dit- il,  avant  de  me  convertir,  je  croyais  qu'il 
était  impossible  d'observer  ce  commauderacnt  : 
Luxurieux  point  ne  seras.  Les  passions, l'habilude 
tyraunique  de  me  livrer  au  mal  cherchèrent 
souvent  à  ébranler  mes  résolutions.  Quoil  me 
disaienl-idles  à'uue  voix  doucereuse,  tu  nous 
renvoies,  tu  renonces  à  nous  pour  jamais;  pour- 
ras-tu vivre  sans  noiis?Alors  je  me  représentais 
cette  foule  d'eufauts,  de  jeunes  filles  de  chré- 
tiens de  tout  âge  et  de  tout  sexe  qui  avaient  su 
s'arracher  aux  étreintes  de  l'impureté  el  conser- 
ver une  vertu  parfaite,  et  je  me  disais  :  com- 
ment, avec  la  grâce  d-  Dieu,  ue  pourrais-tu  jias 
ce  qu'ont  pu  tant  d'âmes  exposées  aux  sédoe- 
tions  les  plus  fortes?  Alors,  je  rougissais  de  ma 
faiblesse  et  je  comprenais  par  l'exemple  de  ces 
fidèles  chrétiens  qu'il  était  possible  et  même 
facile  d'observer  tous  les  commaudemeuts  du 
Seignetir  (I)...  » 

PÉaDRAisoN.  — Je  m'arrête,  frères  bienaimi''?; 
plus  tard,  eu  vous  espliquaut  chaque  comm;iii- 
dement,  nous  vous  montrerons  cette  vérité  avec 
plus  d'évidence;  mais,  dès  maintenant  vous 
devez  comprendre  que  nous  sommes  obli^és 
d'observer  tous  les  commandements  de  Dieu, 
et  que  nous  pouvons  les  ^jarder  avec  fidélité, 
puisipie  tous  les  saints  qui  ^ont  au  ciel,  ne  doi- 
vent le  bonheur  dont  ils  jouissent  qu'à  l'exac- 
titude avec  laquelle  ils  les  ont  pratiqués.  Pour- 
tant, je  dois  vous  dire  en  terminant  que  nous 
avons  besoin  de  la  giàce  de  Dieu  pour  bien 
remplir  toutes  les  obligations  qu'ils  renferment. 
Cette  grâce,  Dieu  neuo\is  larefu.^era  p.is  pourvu 
que  nous  la  lui  liemamlions  avec  humilité  et  de 
tout  notre  cœur. 

Mais  vous  savez  qu'il  y  a  deux  sortes  de  grâce  : 
l'une  qu'où  appelle  habituelle,  c'est  la  vie  de 
l'âme,  rexemptinn  du  piulié  mortel;  si  nous 
la  possi'doiis,  l'oliserve.tion  des  commandements 
nous  devient  plus  t.icile;  ainsi  l'homme  qui 
jouit  d'uucbonne  suite  exécute  a^ec  facilite  des 
travaux  qui  lui  seraient  impossibles  s'il  était 
faible  ou  malade.  Soyons  toujours  en  état  de 
grâce,  et  il  nous  sera  non-seulement  possible, 
mais  facile  de  garder  les  préeejites  divins.  L'au- 
tre genre  de  giàee  qu'on  api^elle  acluellc  est  un 
secours,  que  la  bouté  de  Uieu  nous  donne,  lors- 
que nous  en  avons  besoin.  C'était  un  secours  de 
retfe  sorte  qui  foi' i trait  saint  Laurent,  sur  le 
gril, et  les  auuic,  ,aarlyrs  au  milieu  de  leurs 
tourments.  Ce  sont  ces  grâces  actuelles,  ces  lu- 
mières, ceî.  bous  mouvements  qui  éclairent, 
soutiennent  et  dirigent  les  bons  chrétiens,  au 
tuilitfu   des  difdcullés   que  peut  otfrir  à  notre 

1.  Contut.  et  mid  tu'.io.is,  vaiatm. 


nainrc  déchue  l'obsen'ation  des  commande- 
ments de  Dieu.  Or,  nous  avons  un  moyen 
infaillible  d'obtenir  ces  grâces,  c'est  la  prière. 
Frères  bien  aimés,  une  in  re  pieuse  disait  à  sou 
enfant  qui  est  devenu  un  saint  (1)  :  o  Mon  fils, 
dans  les  tentations,  dites  à  la  sainte  Vierge  : 
bonne  mère,  venez  à  mon  aide,  et  (^\  e  y  vien- 
dra. »  Et  moi,  je  vous  dis,  chrétiens,  dans  les 
diificultés  que  vous  rencontrerez  pour  l'obser- 
vation des  commandements  de  Dieu,  dites  à 
votre  Père  céleste,  à  notre  divin  Sauveur,  à  sa 
douce  mère,  la  vierge  .Marie  :  venez  à  mon  aide, 
et  soyez  en  sûrs,  ils  y  viendront .    Ainsi  soit-il. 

L'abbé  Lobrt. 
curé  de  Vaucbassis. 


DISCOURS 
rnoxoxcÉ  a  roye  (somme),  a  l'occasion  d'un  bap- 


TE.MIC     DE     CLOCniiS,      PAR     M. 
CHANOINE   TITULAIRE   D'AMIEKS. 


L  ABBE     HERBET, 


HofHe  si  vocem  efus  axidierilis,  rK^Ut"  nhinfare  cor  la  ves. 
tra.  —  Si  vo  is  entenlez  anjouidlmi  sa  voi.x,  ne  lui 
fermez  pas  l'oreille  de  votre  cœur. 

Dieu  a  plusieurs  manières  de  faire  entendre 
sa  voix.  Sans  rappeler  ici  le  rôle  des  prophètes 
qu'il  suscite,  des  écrivains  sacrés  qu'il  inspire, 
fies  prédicateurs  de  son  évangile  (piil  envoie 
après  les  avoir  remplis  de  son  esprit,  ou  peut 
dire  qu'il  donne  à  cli.i'pi"  i-réature  mèmi'  maté- 
rielle i!e  ce  inrnlc  visible,  la  double  mission  de 
c.ilébrer  ses  grande-irs,  et  de  rappeler  à  lui  les 
hommes  qui  l'oubliLut. 

Celle  mission,  mes  i'rè:es.  sera  remplfe,  n'en 
douiez  pas,  par  iJît  airain  lnMit  dont  les  accords 
lartaonicux  seionl  portés  au  loin  sur  l'aile  des 
ve.its.  .\ussi  majosiueusf'sdans  leurs  accents  que 
le  bruit  des  grandes  eaux,  de  ces  fieuves  aux- 
quels le  [)ro[)hète  prête  des  m:.ias  pour  applau- 
dir au  Dieu  créateur,  f.am'ca  plaudent  manu, 
nos  cloches  scuiblei)!  avoir  été  douées  de  l'ins- 
tinct de  lalor.ange.  .Moins  terrible  pourlantque 
le  siiulfle  de  li  tempête  qui  éclate  au  désert,  et 
jette,  au  lUi'  c  de  la  montagne  le  tronc  brisé  des 
cèdres  découronnos  par  la  foudre,  vox  Doiiiini 
confriiigenl/s  cedros,  la  voix  sévère  de  nos  clo- 
ches, daos  nos  joisrs  de  deuil  et  de  calamité 
sème  la  crainl'!  dans  le  i  œur  des  pécheurs,  et 
I 'S  convoi[uc  au  pie  I  de  l'autel,  pour  implorer 
grâce  el  pirdon.  Venue...  procidamus...  plore- 
mus  cormn  Dunùio.  Nous  avions  donc  raison  de 
vous  dire  aujourd'hui  :  si  vous  entendez  sa  voix, 
ne  lui  ferm  ■/.  pas  l'oieille  do  votri?  cœur.  0  ma 
lyre!  s'écri  it  le  psalmisie,  toi  qui  es  la  gloire 
de  mes  doigta  eserc  'S,  lève-toi.,  exwge  qloria 
mea,  exurye  /.snlterium  et  cithara...  Instrument 
consacré  de  uotrc  culle  public,  m'écrirai-je  à 

1.  Bienheureux  CKsinu  de  Vlterbe. 


I5C2 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


mon  four,  apparais  et  viens  nous  apprendre  le 
rang.  .]uf  tu  ocnipes  ilan^  notre  liturgie  sacrée. 

La  cloche  catholique  est  un  signal  :  elle  nous 
appelle. 

La  cloiae  catliolique  est  un  enseignement  : 
elle  nous  instruit. 

L-i  choche  catholique  est,  dans  un  sens,  une 
règle  et  un  -.nodcle,  elle  nous  invite  à  l'imiter. 

L  Nous  l'avons  dit  :  !a  clorhe  catholique,  dans 
notre  liturgie  sacrée,  est  un  signal  :  elle  nous 
appelle;  mais  que  ce  signal  est  doux,  qu'il  est 
sj-mpaliiique!  Jugez  en  par  les  contrastes.  Voici 
deux  armées  en  présence:  pour  en  régler  les 
diverses  évolutions,  des  signes  de  convention 
sont  adoptés  :  c'est  le  cri  strident  du  clairon 
qui  fait  Iicnnir  le  cheval  de  bataille,  c'est  le  bruit 
sourd  et  saccadé  du  tambour  qui  bat  aux 
champs,  convoque  les  légions. Cent,  deux  cents 
mille  hommes,  que  dis-je,  dans  notre  siècle  de 
pn)-:rès,  où  tous  les  eflurls  de  la  science  sont 
dirigés  pour  inventer  de  nouveaux  engins  de 
destruction,  et  où  toutes  les  ressources  du  pays 
sont  épuisées  au  profit  d'un  militarisme  qui  fera 
r  culer  l'Europe  jusqu'à  la  liarbarie,un  million 
d'hommes,  qui  ne  se  connaissent  pas,  ne  se  sont 
jamais  vus,  n'ont  eu  entre  eux  aucun  dissenti- 
ment personnel,  attendent  qu'un  mot  tombe  d^s 
lèvres  d'un  général  pour  s'égorger  sans  savoir 
pourquoi.  L'Eglise  aussi  est  une  milice,  chacun 
de  nous  est  soldat,  ne  soyez  donc  pas  sur[iris 
que  nous  ayons  nus  signaux;  mais  ne  craignez 
pas:  la  guerre  que  nous  faisons,  n'est  pas  de 
celles,  dont  parle  le  poëtc,  qui  sont  le  désespoir 
des  mères,  iella  matribus  dctcstata,  nos  guerres 
à  nous  sont  paciQques,  si  l'on  peut  unir  ces 
deux  mots;  elle  ne  coûte  ni  pleurs,  ni  saug, 
car  notre  seule  arme  est  la  prière.  A  l'heure 
dune  où  le  [letil  oiseau  chante  au  Ciéjiteur  son 
hymne  du  matin,  la  cloche  du  hameau  ou  de  la 
cité  fuit  au  rlirétien  sa  première  invitât  ou,  qui 
lui  sera  renouvelle  au  milieu  et  au  déclin  du 
jour.  S'il  est  fidèle  à  s'armer  du  signe  de  la 
croix,  s'il  appelle  à  son  secours  le  Dieu  des 
armées,  je  dis  des  armées  invisibles  au«si  bien 
que  des  armées  visibles,  il  sera  victorieux, 
n'en  doutez  pas,  de  tous  ses  ennemis.  Une 
heure,  deux  heures  se  sont  écoulées,  un  nou- 
veau signal  est  donné.  Cette  fois  ce  signal 
ne  s'adresse  pas  à  tous,  mais,  si  je  [luis  pjrler 
ainsi  à  un  corps  .le  réserve  ou  d'élite,  l^a  veuve, 
le  vieillard,  l'enfant  du  catéchisme;  la  sœur 
de  l'école,  lî  dame  du  château,  les  pieuses 
lemmi's  de  la  paroisse,  toutes  celles  en  un  mot 
qui^  jouissant  d'une  plus  grande  liberté, ne  sont 
pas  arrêtées  par  ;l-s  impérieux  devoirs  de  leur 
position,  onteulend'i  cette  invitation,  elle  tin- 
teuien'  de  la  clocli".  a  été  pour  chacune  d'elle 
ce  mrf  (li'îiicieu.x  de  ilaitho  sœur  de  Lazare:  Le 


maître  est  là  qui  vous  appelle.  Mais  voici  qne  le 
grand  jour,  le  jour  réservé,  le  jour  qui  appar- 
tient au  Seigneur,  puisqu'il  porte  son  nom,  est 
arrivé!  La  cloche,  discrète  et  p.-esque  timide  la 
veille  et  les  jours  qui  ont  précédé,  ne  craint  pas 
de  parler  haut  et  ferme.  Elle  exige  même  le  con- 
cours des  autres  cloches,  ses  sœurs,  pour  renfor- 
cer sa  voix  :  n'espérez  pas  vous  y  dérober  en 
fuyant,  car,  dans  la  plaine,  dans  la  vallée,  au 
sommet  des  monts,  celte  voix  vous  poursuivra 
comme  un  remords.  Vous  essayez  de  l'étouffer 
par  le  btuit  de  la  scie  ou  du  marteau,  vains  ef- 
forts 1  Elle  vous  criera  avec  plus  de  force  encore  : 
Les  dimar^ches  tu  garderas  en  servant  Dieu  déuo- 
temmt;  vous  voulez  l'assourdir  parle  nonotone 
va  et  vient  de  vos  machines,  elle  dominera  et 
vous  l'entendrez  répéter  :  L''s  ptes  tu  sanctifieras 
qui  le  f  ont  de  commandement.  Enhn,  lacloche  s'est 
tue;  Vous  croyez  être  quitte  i le  ses  avertissements, 
erreur!  Voici  une  secondi.  sommation  plus  sonore 
et  plus  prolongée,  et  si  vous  faites  la  sourde 
oreille,  elle  sera  suivie  d'une  troisième  injonc- 
tion plus  pressante  encore.  La  cloche,  voyez- 
vous,  c'est  tout  simjilemeni  l'écho  de  cette 
grande  objurgation  de  saint  Paul  :  argue,  obse- 
cra,  increpa.  Ne  me  parlez  pas  de  vos  bœufs,  de 
vos  métairies,  de  vos  parties  de  plaisir,  de  vos 
aûaires  ;  le  maître  a  envoyé  par  les  rues  et  les 
carrefours,  ses  serviteurs;  ce  sont  lesclochiis  qui 
vous  invitent  au  festin  du  père  de  famille;  ce 
festin  est  préjiaréjUe  lui  faites  pas  l'injure  de  le 
refuser,  autrement  vous  serez  un  jour  exclus  du 
banquet  céleste,  et  l'on  vous  dira  :  jH-scio  vos.  Je 
ne  vous  connais  pas.  Hélas!  mes  frères  c'est  notre 
désolation  à  nous  de  voir  nos  églises  abandon- 
nées. Dans  une  de  ses  apologies  les  plus  célèbres, 
aux  empereurs  romains, Terlulieu  disait  :  Nous  ne 
som:nes  que  d'hier  et  voiià  que  nous  remplissons 
vos  rues,  vos  places  publi  |ues,  votre  sénat,  vos 
armées,  nous  ne  laissons  vides  que  vos  temple.*. 
Ces  temples,  mes  frères,  étaient  voués  au  culte 
des  fausses  divinités,  les  vôtres  sont  consacrés 
au  viai  Uii'u.lly  ades  hommes  honorables,  mais 
catholiques  honoraires,  qui,  sans  avoir  absolu- 
ment rompu  tout  commerce  avec  Dieu,  n'ont 
conservé  avec  lui  que  des  rapports  officiels. 
Qu'ils  enlenJeut  noire  a[qDel  et  qu'ils  nelerment 
pa~  à  notre  voix  l'oreille  de  leur  cœur.  liodie 
si  vocem  ejus  audiei'ilis,  nolite  obdurare  c^rda 
vestia. 

il.  Mais  la  cloche  n'est  pas  seulement  un  si- 
gnal que  nous  avons  désigné  par  ces  trois  mots  : 
argue,  obsccra,  increpa,  invitez,  pressez,  com- 
mandez, c'est  encckre  un  enseignement  qui  doit 
nous  instruire.  Et  voiLi  pourquoi  nnuc  coioplé- 
tons  ce  texte  en  ajoutant  :  Inccpa  in  (mnia 
doctrina.  Saint  Paul,  que  nous  aimons  à  citer, 
nous  apjirend,  dans  une  autre  de  ses  épilifes, 
que  la  foi  nous  vient  de  l'ouïe,  Fides  ex  auditu. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1561 


ELI  quoi,  allez-vous  me  dire:  transformez- 
vous  donc  la  cloche  en  prédicateur?  Mais  avez- 
vùus  oublié  qu'elle  n'a  qu'une  note,  et  qu'uu 
proverbe  dit  que  celui  qui  n'entend  qu'une 
cloch?  n'i'ntend  qu'un  son?  Supposez-vous, 
au  contraire,  un  magnifique  accord  de  trois 
ou  quatie  cloches?  Il  y  a  loin  de  là  à  toutes 
les  notes  de  la  musique,  pour  composer  un 
récitatif;  plus  loin  encore  a  toutes  les  lettres 
de  l'alpliabet,  pour  faire  un  discours.  Per- 
mettez moi,  mes  frères,  de  répondre  par  une 
naïveté  à  cette  païve  objection.  J'ai  besoin 
de  votre  assentiment  pour  faire  descendre 
des  hauteurs  de  cette  chaire,  un  langa2;e  que 
tolère  seul  l'usage  de  la  vie  privée.  Puisque 
donc  vous  voulez  bien  être  indulgents,  je  vais 
oser.  Vous  avez  souvent  rencontré  de  par  le 
monde  des  esprits  timides  et  incertains,  «les 
•:;prits  hésitant  toujours  et  ne  se  décidant 
jamais;  écoutez  ce  qu'ils  disent  :  je  ne  sais 
quel  parti  prendre,  quel  conseil  me  donnez- 
vous?  Irai-je  ou  n'irai-je  pas?  ferai-je  cette 
chose  ou  ne  la  ferai-je  pas?  Instruits  par  l'expé- 
rience, vous  avez  répondu,  non  sans  un  peu  de 
m.ilice  peut-être  :  puisque  vous  ne  savez  à  ([uoi 
vous  arrêter,  écoulez  les  cloches.  Ne  souriez  pas, 
mes  frères,  car  il  y  a,  dans  cet  avis,  en  apparence 
peu  sérieux,  une  grande  sagesse  et  une  pro- 
fonde connaissance  du  cœur  humain.  Les 
cloches,  en  eiîel,  ne  sont  pas  toujours  une  voix, 
mais  elles  sont  quelquefois  un  écho.  Or,  dans 
cette  circonstance,  la  voix  est  dans  la  personne 
même  qui  interroge,  l'écho  dans  la  cloche  qui 
répond. Car,  dans  tout  esprit  per[ilexe  en  a[)pa- 
rcnce,  il  y  a  une  pensée  intime,  un  désir  secret 
qui  ne  demande  qu'à  être  encouragé.  C'est  tout 
ce  qu'il  me  faut  pour  établir  ma  thèse,  à  savoir 
que,  dans  notre  culte  catholique,  les  cloches 
peuvent  nous  être  un  enseignement.  Nous  som- 
mes à  la  veille  de  Nuët  :  les  bons,  les  vrais 
catholiques  ne  l'ont  pas  oublié.  Mais,  accablés 
d'affaires,  rongés  de  soucis,  remplis  de  projets, 
envahis  par  toutes  sortes  de  soins  et  de  distrac- 
tion-, et  appartenant  plus  à  la  terre  qu'au  ciel, 
il  en  est  qui  vivent  sinon  dans  l'indilTérence  au 
moins  dans  l'oubli  des  devoirs  religieux.  Seule- 
ment le  sens  chrétien  leur  est  resté,  il  ne  de- 
mande qu'à  être  réveillé.  Que  faut-il  pour  cela? 
pour  leur  rappeler,  par  exemple,  l'anniversaire 
des  grands  mystères  de  notre  foi?  La  voix  des 
prédicateurs;  ils  ne  viennent  guère  les  écouter  : 
celle  des  cloches  sera  plus  eflicace.  C'est  ainsi 
qu'à  l'entrée  de  la  nuit,  à  l'heure  du  grand 
silence,  ils  ont  cru  les  entendre  répéti-r  dans 
leur  langage,  le  cantique  des  anges  :  Uloriain 
excelsis  Deo.  Joyeux  à  Noël,  le  carillon,  qui  an- 
nonçait gaiement  au  monde  la  naissance  du 
Saiiviur,  a  pris,  à  Pâques, un  ton  plus  grave  et 
plus  solennel;  ce  ton  était  presque  la  traduc- 


tion du  psaume  de  Dav'3  :  Quare  fremucrun 
gentes  et  /jopuli  meditati  $unt  vmnia  ?  Pourquoi 
les  nations  ont-elles  frémi?  et  d'oii  vient  que 
les  peuples  ont  ourdi  de  vaim  complots?  Et  il 
en  est  ainsi  de  toutes  nos  solennités  religieuses: 
la  Pentecôte,  l'Ascension,  les  fêtes  de  vierges  ou 
de  saints,  A  la  vérité  les  sons  qui  résultent  de 
la  vibrali  m  de  l'airain  sont  toujours  les  mêmes; 
mais  ils  vous  ont  paru  ces  jours-là  avoir  un 
langage  spécial  et  tout  de  circonstance.  Sans 
doute  l'homme  qui  passe  sa  vie  en-dehors  de 
toute  pensée  religieuse  ne  comprend  rien  à 
toutes  ces  nuances;  il  n'y  voit  qu'un  bruit  as- 
sourdissant et  importun,  mais  l'âme  en  qui  vit 
une  étincelle  de  foi  ne  saurait  s'y  méprendre; 
pour  elle,  nous  l'avons  dit,  la  cloche  est  un  en- 
seignement. Et  voyez  toutes  les  déductions  qui 
en  découlent  ;  supprimez  la  cloche,  vous  arri- 
verez à  supprimer  la  tour  qui  l'abrite.  La  tour 
tombée,  l'église  croule,  et,  avec  l'église.  Dieu 
lui-même  ilisparaît,  l'Eucharistie  sera  remplacée 
par  la  cène,  nos  belles  cathédrales  par  le  salon 
protestant.  Car,  en  fait  de  monuments,  nos  frè- 
res dissidents  n'en  possèdent  guère  d'autres  que 
ceux  qu'ils  nous  ont  pris;  voyez  l'Angleterre, Ge- 
nève, etc.  Mais  non,  ne  touchons  à  rien,  mes  frè- 
res, respectons  nos  chères  cloches  surtout.  Lais- 
sez-les publier  dans  les  airs,  les  grandeurs  de 
Dieu, laissez-les  aussi  redire  notre  reconnaissance 
pour  les  généreux  bienfaiteurs  qui  nous  les  ont 
données.  Et  si  jamais  la  voix  de  nos  cloches 
était  muette,  il  faudrait  les  briser  pour  faire 
disparaître  les  chers  noms  qu'elles  porteront 
gravés  jusqu'aux  générations  les  plus  reculées. 
Je  me  résume:  nos  cloelios  sont  un  enseignement, 
je  viens  de  vous  dire  tout  ce  que  cet  enseigne- 
ment renferme. 

III.  Après  les  délicieux  accents  de  la  voix  hu- 
maine, dont  je  neveux  [>as  faire  l'éloge,  de  peur 
de  l'alïaiblir,  je  ne  connais  rien  qui  flatte  au- 
tant l'oreille,  que  le  chant  des  cloches  à  dis- 
tance ;  car  la  cloche  est  un  chant,  c'est  même 
tout  un  poëme.  Q"  il  me  soit  permis  de  placer 
ici  un  souvenir  personnel.  Il  y  a  quelques  an- 
nées une  gracieuse  hospitalité  m'était  otierle 
dans  un  établissement  religieux  au  sein  de  notre 
mallicureuse  Alsace.  La  maison  est  assise  au 
milieu  d'une  charmante  vallée,  boruée  aux 
quatre  points  cardinaux  pas  autant  d'églises, 
riches  chacune  d'un  beau  campanille.  Or,  un 
soir,  veille  il'une  de  nos  graiides  solennités,  à 
un  moment  donné,  et,  comme  si  elles  avaient 
été  agitées  par  un  fil  électrique,  toutes  les  clo- 
ches furent  mises  en  branle.  S'échappant  à  la 
fois,  de  toutes  les  tourelles,  et  répètes  par  les 
échos  d'alentour,  les  sor»  nous  arrivaient  en 
parfaite  harmonie.  Pas  une  notb  i*~jsonante 
dans  ce  concert  aérien.  Ce  n'était'pas  beau 
reulement,  c'était  pour  ainsi  dira  touchant: 


16«i 


L.V  SEMAINE  DD  CLEi\GÉ 


carpour  moi  je  n'ai  jamais  entendu  de  sermon 
prèrliant   plus  éloquemment    l'union    des  es- 
prits   et    des  cœurs.   Plus  favorisées  sous  ce 
rapport,  que  nos  grandes  villes,  que  nos  popu- 
leuses capitalej  surtout,  les  paroisses  de  cam- 
pagne ne  sont  q-j'une  agl■é^'ation  d-j  plusieurs 
familles  n'en  formant   qu'une  seule.  Aussi,  la 
cloche    est-elle    une  sorte  de  messager  ami, 
chargé  de  faire  part  à  tous  de  ce  qui  intéresse 
spécialement  quelques-uns.  Qu'un  enfant,  par 
exemple,    vienne    à    naître,     nul    ne    sera 
étranger  au  bonheur  do  ceux  qui  l'entourent. 
Tandis  que  les  petits  anges  du  bon  Dieu,  oi>t 
environné  le  berceau  du  nouveau-m'',  et  que  sa 
garde  est  onfiée  à  l'un  d'entre   eux,  les  sons 
allègres  de  la  cloche  ont  mis  tout  le  monde  en 
joie.  Venez,  venez,  semble-telle  dire,  c'est  une 
cérémonie  si  belle  et  sî  touchante  que  celle  d'un 
baptémi^,  d'autant  que  les  parrains  sont  géné- 
reux. Mais  que  se  passe-t-il  donc  dans  ce  pays, 
demande  un  étranger  nouvellement  arrivé,  où 
vont  ces  jt^unes  gens  si  pieux  et  si  recueil  is,  et 
ces  jeunes  Giles  si  modestes,  si  gracieuses  avec 
leur  voiie  de  si  éclatante  blancheur?  Les  clo- 
ches  ont  répondu,  mais  c  est  un  jour  de  pre- 
mière communion,  et  toutle  monde  prend  part 
à  la  fête.  M.ds  hélas  !  la  joie  n'habiie  pas  seule 
sur  la  terre,  et  le  sage  me  dit  que  la  douleur 
met  le  pied  sur  les  vestiges  encnif  tout  frais  dn 
bonheur  évanoui:  e^c^rew^  gaudii  Itictus  occupât. 
Au  tintement  lent  et  lugubre  de  la  cloche,  j'ai 
distingué  comme  le  râle  de  l'agonie.  Oh!  prions 
vite  pour  le  pauvre  malade  qui  va  mourir;  il 
est  mort,  les  cloches  vont  en  porter  au  loin  la 
triste  nouvelle;  elles  appelleront  demnin  toute 
la  paroisse  autour  du  cercueil  ;  car,  nous  l'avons 
dit,   dans  nos  campagnes  tout   le   monde   est 
parent  ou  ami.  Que  peisonne  donc,  dans  une 
pensée  égoïste,  n'accuse  les  cloches  de  troubler 
son  repos.Les  riches  ne  se  plaindront  pasqu'elles 
apportent  quelque  solenuilé  à  leurs  funérailles, 
et  il  y  a  qut-lque  chose  de  louchant  dans  ce  mot 
populaire  queje  ne  veux  pas  rendre  plus  correct: 
Notre  cher  défunt,  du  moins,  a  été  bien  sonné.  Mais 
que  ce  défunt  soit  riche  ou  pauvre,  il  nefiutpas, 
mes  frères,  que  l'on  dise  de  lui,  quesa  méiuoiro 
a  péri  avec  le  son  :  l'unie  memon'a  eorum  cum 
soniltt.   Non,  non    n'oublions  pas  que  chacun 
n'emjiorlera  que  ses  œuvres,  opéra  enim  itlorum 
sequimtur  eos,  et  alors,  qu'impoile  à  l'heure  der- 
nière d'avoir  régné  sur  des  empires,  ou  même 
sur  le  inonde  entier.  Mais  laissons  la  mort,  par- 
lons rie  la  vie,  de  ^'immortalité.  Le  jour  viendra 
où  le  sou  de  r;os^^ioches  sera  remplacé  par  le 
bruit   de  la    trompette;   aujourd'hui,  pendant 
qu'on  couvre  de  terre  notre  dépouille  mortelle, 
la  voix  des  cloches  semide  nous  dire:  Seminalur 
tn  corruptione,  comme  une  semence  le  corps  est 
jeté  en  terre  pour  y  pourrir.  La  voix  de  la  trom. 


pelle  dira:  il  va  rcs3u=citcr  încorrnptihle,  4ttr^ 
gef  m  incurntptione.  Aujourd'hui  la  voix  des 
cloches  proclame  c|ue  le  corps  est  mis  en  terre 
tout  ditlorme,  seminnlur  in  ignolAUtnte;  la  trom- 
pette proclamera  qu'il  ressuscitrr.-  tout  glorieux  j 
surget  in  gloria.  Aujourd'hui,  ir»  voix  des  clo- 
ches annonce  que  le  corps  est  mis  en  terre, 
comme  un  corps  tout  animal:  seminalur  corpus 
animale,  la  trorapelle  annoncera  qu'il  ressusci- 
tera comme  un  cor[iS  spirituel  :  surgel  corpus  spi- 
ritale...  Oh!  le  grand  jour,  mes  frères,  où  tous 
les  vaincus  de  la  mort,  secouant  le  suaire  qui  les 
enveloppe,  cl  s'élevant  de  la  poussière,  où  ils 
ont  dormi  leur  sommeil,  jelterontàrette  cruelle 
cette  sanglante  apostn  iphe.  0  mort,  où  est  ta  vic- 
toire: ubi  est  Victoria  tua?  0  mort  ou  est  ton 
aiguillon  :  ubi  est  mors,  stimulus  tuus.  Ah!  s'il  y  a 
des  larmes  dans  la  voix  des  cloches,  au  jour  de  ■ 
nos  funérailles,  quel  cri  de  joie  et  de  triomphe 
dans  cette  exclamation  de  tous  les  élus  :  Deo 
grattas  gui  dédis  nobis  victoriam  per  Jesum  Chrt'S' 
tuum.  uloire  à  Dieu  qui  nous  a  fait  remporter 
celte  victoire  par  Jésus  Christ  Notre-Seigneur, 


ACTES   OFFICIELS   DU   SAlNT-SIÉGE 

Provisions  cl*ÉgIIt>es 

Notre  Très-Sainl  Père  le  Pape,  assisté  des 
membres  du  Sacré-Collège  présents  à  Home,  a 
tenu,  le  23  septembre,  une  nouvelle  réunion 
consisloriale,  au  palais  du  Vatican. 

Après  avoir  procédé  à  la  cérémonie  de  la  fer- 
meture de  la  bouclie  aux  trois  cardinaux  Nobili 
Vitelleschi,  Randi  et  Pacca,  créés  le  16  mars  et 
publiés  vendredi  17  septembre  dernier,  Sa  Sain- 
teté a  préconisé  un  archevêque  et  treize  évo- 
ques, dans  l'ordre  suivant. 

Ont  été  nommés  : 

A  l'église  archiépiscopale  de  Thèbes  in  partibus 
infidelium,  Mgr  Luigi  Biscioni  .\madori,  traus- 
feré  du  siège  de  Borgho  San  Sepidcro. 

A  l'église  cathédrale  de  Grenoble,  iMgr  Amand 
Fava,  transféré  du  siège  de  la  Martinique  et 
Saint-Pierre. 

A  l'église  cathédrale  de  Borgho  San  SepoJcro, 
le  R.  don  Giustino  Puletti,  curé  archi[irclre  de 
la  cathédrale,  lecteur  de  théologie  au  séminaire 
et  exam'naleur   pro.'^ynodal  de  la   même  ville. 

A  l'églifc  cathédrale  de  Nimes,  le  R.  don 
Nicolas- François-Louis  Besson,  chanoine  dô 
Bisançou  et  directeur  du  collège  de  Saint- 
François-Xavier. 

A  téglise  cathédrale  de  Troyes,  le  R,  don 
Pierre-Marie  Cortet,  ancien  professeur  de  théo- 
logie au  séminaire  de  Nevers,  vicaire  général 
de  la  Rijchelle  et  de  Nevers. 

A  l'église  cathédrale  de  Caone,  le  R.  doa 


LA  SE.\IAINE  DU  CLERGE 


lo65 


hitft.re  Valls  y  Pappiial,  arciiiprètre  et  adminis- 
trateur de  la  cathédiaie  de  Lerida,  juge  et 
examinateur  synodal,  licencié  en  droit  civil  et 
canoni»inc. 

A  l'éylUe  cathédrale  de  Pîasencia,  le  R.  don 
Pierre  Cassas  y  Soulo,  clianoin^,  pénitencier 
delà  cathédrale  de  Orense,  autrefois  professeur 
de  théologie  «lu  scminaii-e  de  Tolède,  docteur 
en  théologie. 

A  l'église  cathédrale  de  Pampehine,  le  P.  don 
Joseph  Oliver  y  Hurtado,  clianoiiie  de  la  ca- 
thédrale de  Grenade,  vicaire  général  du  même 
diocèse,  docteur  m  ulroque  jure. 

A  l'église  cathédrale  de  Almeria,  le  R.  don 
Joseph  Orberà  y  Carrion,  chanoine  de  la  métro- 
pole de  Sîiint-Jaeiiues  de  Cuba,  vicaire-général 
et  capitiilaire  de  ce  même  sié^e  vacant,docleur 
en  théologie  et  licencié  en  droit  civil  et  canoni- 
que. 

■  A  t église  cathédrale  de  Saint-  Christophe  de  la 
Havane,  le  R.  don  Api-ollinaire  Serrano  Uiez, 
chanoine  de  la  cathédrale  d'Avila  et  docteur  m 
utroque  jure. 

A  l'église  cathédrale  d'Orense,  le  R.  ilon  Cé- 
sarée  Roilrigo,  trésorier  de  l'église  métropoli- 
taine de  Valladolid,  docteur  en  tliéologie. 

A  l'église  cathédrale  de  Lerida,  le  R.  don 
Thomas  Costa  y  Foi*nagiiera,  chanoine  de  la 
cathédrale  de  Cadix,  docteur  en  tliéologie. 

A  l'église  cathédiaie  d'A vila,  le  R.  don  Pierre- 
Joseph  Sanchez  Carrascosa  y  Carion,  autrefois 
prêtre  de  la  congrégation  de  l'oratoire  de 
Saint-Philippe  de  Néri,  missionnaire,  docteur 
m  utroque  jwe  et  licencié  en  théologie. 

A  l'église  cathédrale  deSion,  le  R.  don  Adrien 
Jardinier,  du  diocèse  de  Sion,  curé  à  Trois- 
torreuts,  clianoine  titulaire  d'!  la  cathédrale  de 
Sion  et  vi<'.aire  forain  du  doyenné  rie  Monihey. 

Sa  Sainteté  a  ensuite  ouvert  la  bouche, 
selon  le  rite  prescrit,  aux  trois  cardinaux 
Nobili  Vitelleschi,  Randi  et  Pacca,  puis  il  leur 
a  remis  l'anneau  cardinalice,  en  assignant  à 
S.E.  le  cardinal  Nobili  Vitelleschi,  le  titre  pres- 
bytéral  de  Sun  Marcello,  à  S.  E.  le  cardinal 
Randi  le  titre  diaconat  de  Santa  Maria  in  Cos- 
medin,  et  à  S.  E.  le  cardinal  Pacca  le  titre 
diaconal  de  Santa  Maria  iu  Portico. 


Ck>ngrégatlua  dos  Rites. 

ROMANA. 

Acadeinia  liturgica  in  Urbe  erecta  cupiens 
occurrere  abusui,  qui  latius  serpere  incepit, 
adbibendi  in  sacrosancto  Missse  sacriiicio  calices, 
quorum  cuppae  ex  métallo  sunt  confectae,  a 
S.  R.  C.  insequentium  dubiorum  solulionem 
bnmillime  exquisivit,  nimirum: 

Dubium  1.  An  fabricari  possint  calices  pro 


sancto  sacrificio  MiS!>ffi,  quorum  cuppae  Jint  ex 
métallo,  anrichalco,  vel  cupro  confectae? 

Dubium  II.  An  hujusnio'li  cuppae  etsi  inaa- 
ratœ  licite  consecrari  queaul  ab  Episcoijo? 

Dubium  m.  An  tolérai  i  possinl  quod  Ecclesise, 
quae  praîdictos  calices  jam  habent,  '^orumdem 
usum  valeant  retinere? 

His  tribus  dubiis  aliud  fuit  ariditum  ad  defi- 
nicndum  qui  I  csset  seutiendum  de  usu  Talit;l- 
lamm  ex  métallo,  quae  nonnuliis  in  Diœcisibus 
adbibenlur,  quaudo  fidelibus  praebetur  S.  Sy- 
naxis.  nimirum  : 

Dubium  IV.  An  in  ministranda  fidelibus  sacra 
communionii  liceat  loco  Tobalearum  liuearam 
uti  Tabelli.s  ex  métallo,  vel  ejusmodi  usus  tole- 
rari  possit  in  iis  diœcesibus,  iu  quibus  fuit 
introductus? 

Sacra  eadera  Congregalio  voliiit  ut  super  pro- 
positis  dubiis  anteasentenliam  suam  ex  oflicio 
aperirent  aller  ex  suis  Tlieologis  Consullorihus 
et  aller  ex  Apnstolicarum  Cœremoniarum  Ma- 
gislris.  Quum  vero  votis  exaratis  typisque 
cusissubrcriptus  Cardiualis  Prœfectus,  ejusdem 
causée  Punens  constitulus,  supradicla  quatuor 
duhia  relulorit  in  Oïdinariis  Sacrorum  Ûiluum 
Comitii-  ad  Vaticanum  infrascripta  die  habitis, 
Emi  l't  Rmi  Patron  sacris  tuendis  Ritibus  prae- 
posili  post  accuraium  omnium  examen  rescri- 
bendum  censuerunt  : 

Ad    I.  Servi-nlur  liubricœ. 

Ad.  11.  Provisumin  prtmo. 

Ad.  111.  Abusum  esse  interdicendum  :  congrua 
tamen  assignalo  lempore  ut  de  aliis  culicibus  prO' 
videanlur. 

Ad.  IV.  Non  esse  interloquendum,  nihilon.inus 
significetur  Rmo  D.  Efuscopo  Alexandriœ  non 
esse  iwprobdndum  usum  Tobalearum  linearum. 

Atque  ita  decrevei'unt,  ac  scrvari  mandaruut. 
Die  20martii  1875. 


LITURGIE 

DES  RÉGIES  A  SUIVRE  DANS  LE  CULTE  LES  SAINTES 

RELIQUES. 

{15»  article.) 

X.  —  De  la  conservation  des  reliques. 

1"  IMusieurs  fois  déjà,  nous  avons  eu  l'occa- 
sion de  remarquer  avec  quelle  sullieitude  l'E- 
glise veille  sur  les  reliques  des  saints,  qui  sont 
pour  elle  des  trésors  sacrés  et  de  précieux 
joyaux,  et  de  quelles  précautions  elle  prescrit 
d'user  pour  les  soustraire  à  tout  danger  de  pro- 
fanation et  en  assurer  l'authenticité.  Les  reliques 
qui  sont  la  propriété  des  chapitres,  des  parois- 
ses et  des  communautés  religieuses,  peuvent 
cire  exposées  publiquement  à  h  vénération 
des fidéle.'=,  et  des  règles  spéciales  sont  tracées 
pour  ces  e.xiiositions  solennelles  ;  mais  eu-dehors 


<5«6 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


du  lemps  pendant  lequel  elles  sont  ainsi  offertes 
aux  pieux  hommages  du  peu]ile,  elles  doivent 
être  Irnnsportées  dans  un  lieu  particulièrement 
affecté  à  leur  conservation.  Cette  règle  a  été 
bien  souvent  rappelée  dans  les  conciles  pro- 
vinciaux, les  synodes  diocésains  et  autres  actes 
pub  ic?. 

Le  Concile  deManfredonia,  ^^pon/inum, assem- 
blé en  1307,  ordonne  expressément  de  tenir  les 
reliques  babiUiellemen  trenfermécs  sous  clef, 
et  de  ne  point  prolonger  les  expositions.  Voici 
sa  décision  :  «  En  exécution  du  décret  du  saint 
concile  de  Trente,  ce  saint  concile  ordonne  de 
vénérer  avec  tout  le  respect  possible  les  reliques 
dns  saints,  qui  furent  autrefois  le  temple  du 
Saint-Esprit  et  les  membres  vivants  ,1e  Jrsus- 
Christ.  En  conséquence,  elles  seront  gardées 
sous  clef,  renfermées  avec  soin  et  décemment 
dans  leurs  reliquaires,  et  ou  ne  les  exposera  pas 
pendant  un  long  temps  sur  les  autels,  mais 
cbaque  fois  qu'il  y  aura  lieu  de  les  montrer  au 
peuple  ou  de  les  porter  en  procession,  on  le  fera 
avec  la  solennité  cunvenulde  et  en  les  accom- 
pagnant de  lumières,  et  on  les  remettra  ensuite 
sous  clef.  On  n'admettra  pas  de  nouvelles  reli- 
ques, à  moins  que  l'évèque  ne  les  ait  reçues  et 
approuvées,  après  les  avoir  examinées  avec  le 
plus  grand  soin  (1).  » 

Le  conc  ile  de  Cosenza,  de  1379, quoique  moins 
explicite  sur  ce  'point,  maintient  suflisaiumeiit 
cette  règle  dans  le  canon  suivant  :  «Les  reli- 
ques des  saints  seront  conser>ées  dans  les  égli- 
ses, dans  les  lieux  entretenus  avec  grand  soin 
et  dans  des  rt-liquaires  très-décents  ;  elles  ne 
seront  montrées  au  peuple  que  pour  satisfaire 
sa  piété  et  sans  chrrcber  à  retirer  aucun  gain 
de  ces  expositions.  Ou  ne  ks  sortira  jamaisdes 
reliquaires  sans  la  permission  de  l'évèque  et 
elles  ne  seront  portées  sous  aucun  prétexte  aux 
malades.  Ceux  qui  auront  la  témérité  d'agir  au- 
trement seront  punis  par  les  évèques  selon  le 
degré  de  la  faute  (2). 

Le  concile  de  Salerne,  de  l'an  1396,  ne  se 
conlente  pas  de  recommandatioiis  générales, 
mais  (lé;crmine  la  manière  dont  la  règle  qu'il 
pro.  lame  devra  èlre  exécutée,  en  même  temps 
qu'il  défend  de  multiplier  à  l'exc;  s  les  exposi- 
tions des  reliques,  et  surtout  de  les  rendre  per- 
manentes. «  Il  est  juste  et  très-raisonnable, 
dii-il,  que  nous  ayons  la  plus  grande  vénération 
pour  ceux  dont  nous  recevons  le  secours  et  qui 
intercèdent  pour  nous,  lorsque  nous  sommes 
alfli,:;ès  de  quelque  mal.  A  cittr;  fin,  notre  con- 
cile provincia'  rxliorte  tous  les  évèques  à  recun- 
nailre  cbaque  année,  avec  le  plus  grand  soin, 
en  s'iuspirant  de  leur  pieté  et  de  leur  prudence, 
4es  reliques  sacrées  des  saints  conservées  tant 

1.  SufiiUm.  Coleri  ad  Cunc.  laôdiri,  tom.  V.  col.  lOSI, 

2.  IbU.,  col.  1103. 


dans  leur  cathédrale  que  daus  les  autres  églises 
de  leurs  diocèses.  Pour  que  ce  devoir  puisse 
être  rempli  partout  plus  exactement,  nous 
ordonnons  à  tous  les  arcbiprêtres,  abbés,  rec- 
teurs, bénéficiers,  et  à  leurs  procureurs,  d'éta- 
blifjdans  l'espace  de  six  mois,  là  où  elle  n'a  pas 
encore  été  construite,  une  armoire  placée  dans 
un  liru  apparent,  bien  clos  et  orné  de  tous 
côtés,  fermé  de  deux  clefs  différcntes.dont  l'une 
restera  aux  mains  du  recteur,  qui  enverra 
l'autre  à  l'évèque. 

«  Toute-  les  fois  que,  la  solennité  d'une  fête 
le  demandant,  ou  la  coutume  des  lieux  le  per- 
mettant, les  reliques  des  saints  seront  montrées 
au  peuple  ou  placées  sur  l'autel,  les  prêtres 
seront  attentifs  à  les  traiter  avec  les  honneurs 
qui  leur  sont  dus, les  accompagnant  de  lumières, 
afin  d'appreu  !re  par  là  au  peufile  commi'nt  il 
doit  vénérer  les  saints  amis  de  Dieu  et  ses 
avocats.  Les  recteurs  auront  soin  alors  de  ne 
pas  retirer  sans  respect  ni  précaution  les  reli- 
qnes  sacrées  des  armoires  ou  des  coffres  où  elles 
sont  renfermées,  ni  ce  qui  est  absolument  con- 
damnable,' de  les  exposer  à  la  vue  du  peuple  et 
de  les  lui  présenter  à  baiser,  pour  en  retirer  un 
gain  honteux  et  un  bénéfice  illicite,  sous  les 
peines  les  plus  sévères,  qui  seront  infligées 
selon  la  décision  de  l'évèque  (1).  » 

Plus  loin,  nous  lisons  :  «  Les  reliques  ne 
seront  pas  présentées  au  peuple  eu  tout  temps 
indifféremment,  mais  en  des  solennités  détermi- 
nées, et  particulièrement  aux  jours  des  fêtes 
des  saints  auxquels  elles  a;ipartienoent,  et  on 
n'enlèvera  jamais  leurs  couvertures  ou  voi- 
les (2).  B 

Le  concile  d'Amalplii,  assemblé  en  1397,  a 
rendu  un  décret  semblable  :  «  Les  relicpies  des 
saints  seront  conservées  en  des  lieux  très-con- 
venables, et  ne  seront  montrées  au  peuple  que 
pour  satisfaire  sa  piété,  sans  chercher  à  tirer 
profit  de  cette  exposition,  et  alors  elles  seront 
accompagnées  de  lumières.  Pareillement, on  ne 
les  pré-enteraà  voir  ou  à  toucher  que  pour  un 
motif  de  dévotion  (3). 

2°  Nous  avons  vu,  par  le  dé -ret  du  concile  de 
Salerne  qui  précède,  que  les  clefs  de  l'armoire 
ou  du  trésor  où  sont  conscrvces  les  reliques 
doivent  re-t^r  l'Utre  les  mains  de  l'évèque  et  du 
recteur  de  l'('glise.  Cette  disposition  regarde, 
saus  doute,  siécialemont  la  [irovince  dans  la- 
quelle s'est  tenu  ce  concile,  mais  il  eu  résulte, 
en  principe,  que  les  clefs  de  ces  armoires  ne 
peuvent  être  laissées  aux  laïques,  et  on  en 
comprend  facilement  la  raison.  L'intérêt  qui 
s'atticheàla  conservation  des  reliques  est  tout 
spirituel,  et  doit,  par  conséquent,  ètie  confié  à 

1.  Supptem.  Coleti  ai  cor.cUia  £a(toi,  tom.  V,  col.  116&. 
e.  Ibtd.,  col.  1166. 
3,   Ibid..  col.  1232. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1567 


l'autorité  spirituelle.  Cepenclanl,  les  laïques  peu- 
vent êtro  admis  à  participera  la  garde  dij  ces  res- 
tes précieux,  lorsque  quelque  circonstance  parti- 
culière leur  a  lait  conférer  ce  privilège.  Dans  ce 
cas,  ils  ne  peuvent  ruvemliquer  un  droit  alisolu 
et  encore  moins  un  droit  exclusif,  mais  seule- 
ment ce  que  la  Congrégation  des  Rites  ap(ielie 
un  droit  lionoraire;  car  il  répugne  que  des 
laïques  puissent  disposer  à  leur  gré  des  cli'jses 
saintes. 

Nous  trouvons,  dans  les  actes  du  cinquième 
concile  de  Milan,  une  disposition  qui  a,  sans 
doute,  contribué  à  établir  cette  jurisprudence. 
11  y  est  dit  :  «  Il  y  aura  deux  clefs  nu  lieu  où 
l'on  conserve  les  reliques,  et  elles  seront  entre 
les  mains  de  l'évêque  et  du  recteur  de  l'i-glise. 
Si  la  communauté  ou  d'autres  laïques  sont  en 
possession  d'en  avoir  une,  on  en  ajoutera  une 
troisième,  o  Les  décisions  postérieures  que  nous 
avons  à  citer,  et  qui  ont  une  portée  générale, 
consacrent  ce  règlement  édicté  par  un  concile 
particulier. 

Ferrari^  dit  :  «Une  clef  des  reliques  des  saints 
patrons  d'une  ville  peut  être  accordée  au  ma- 
gistrat séculier  de  cette  ville.  Ainsi  l'a  décidi?  la 
sacrée  Congrégation  des  Kitcs.par  son  décret  du  8 
mai  1604,  que  rapporte  Barbosa  dans  sa  5or?ime, 
et  la  sacrée  Congrégation  des  évèques  et  ré^^u- 
liers,  dans  la  cause  de  Civita  Castellana  du  6 
avril  1096,  ijui  se  trouve  dans  le  Formulaire  de 
Monacelli,  tom.  1.  litr.  v,  form.  2,  n.  39,  où 
il  est  parlé  aussi  des  autres  laïques.  (I)  » 

La  décision  de  la  Congrégation  des  Rites  que 
cite  Ferraris  n'est  pas  dans  la  colleciion  de 
Gardellini;  n'ayant  pas  sous  la  main  Barbosa, 
nous  la  prenons  dans  les  Analerta  juris  ponti- 
ficii.  En  voici  le  texte  :  «  Une  di.-^cussion  s'est 
élevée  dans  l'église  paroissiale  de  Saint-Michel 
Archange  de  la  ville  de  Primonte.du  diocèse  de 
Lettere  (royaume  de  Naples),  touchant  la  garde 
des  clefs  des  reliques  des  épines  et  du  sang  de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ,  qui  sont  conservées 
dans  uue  chapelle  de  la  mémo  église,  renfer- 
mées dans  un  reliquaire  orné.  Le  procureur  de 
la  fabrique  prétend  retenir  une  de  ces  clefs,  la 
seconde  est  léclamée  par  la  commune  de  Pri- 
monte,  et  la  troisième  par  la  commune  de 
Franche.  La  sacrée  Congrégation  des  Rites  a  été 
suppliée  de  la  pai  t  de  l'évêque  de  daigner  dé- 
clarer à  qui  où  auxquels  appartient  la  conser- 
vation de  ces  clefs. — La  sacrée  Congrégation 
des  Rites  a  été  d'avis  que  l'une  de  ces  clefs  doit 
être  conservée  p;ir  l'évêque,  la  seconde  par  le 
procureur  d((  i-i  fabrique,  la  troisième  par  le 
syndic  de  la  commune  di;  Primonte.  —  Telle 
est  sa  déclaiation  du  8  mai  1604  ('2).  La  Con- 

1,  Ferraris,  Prompte  bibliotUecv,  V"  Cullua  tanclorum, 
num.  83. 

2.  AnaUctJ  ]uri>  pontijicli,    T  série,  col.  33. 


grégation  maintient  ici  le  droit  de  l'évêque.  Le 
procureur  de  la  fabrique  était,  sans  doute,  ua 
ecclésiastique.  Le  décret,  en  repoussant  la  pré- 
tention de  la  seconde  commune  comprise  dans 
le  territoire  de  la  paroisse,  pourvoit  à  ce  que 
l'autorité  séculière  n'ait  pas  la  prédominance 
dans  cette  affaire. 

Un  autre  décret,  rendu  dans  une  cause  de 
Pavie,  du  12  juin  1660,  consacre  ce  principe, 
que  la  garde  et  la  conservation  des  reliques 
appartiennent  en  droit  à  l'autorité  spirituelle, 
et  il  règle,  en  le  limitant,  l'usage  que  fera  le 
magistrat  séculier  du  privilège  qui  lui  est  ac- 
cordé en  cette  matière.  «  Bien  que,  dit  la  Con- 
grégation des  rites,  les  épines  sacrées  de  la 
couronne  de  Notre-Seigneur  et  les  reliques  des 
saints  ne  puissent  aucunement  être  laissées  au 
pouvoir  absolu  des  laïques,  le  droit  de  détenir 
une  des  trois  clefs  du  tabernacle  enrichi  de 
magnifiques  ornements,  parla  religieuse  muni- 
ficence du  magistrat  et  du  peuple,  et  dans  le- 
quel sont  très-décemment  conservées  ces  reli- 
ques, pour  être  exposées  à  la  dévotion  du  peuple 
et  portées  dans  les  supplications  publiques, 
selon  que  l'évêque  et  le  chapitre  le  trouvent 
bon,  —  ce  droit  s'étendra  jusiiu'à  ce  point.  Oa 
n'ouvrira  et  on  ue  fermera  pas  le  tabernacle, 
sans  que  le  déli'gué  du  magistrat  ait  été  averti 
et  soit  présent,  et  ces  reliques  ne  seront  tenues 
hors  du  tab irnacle  qu'autant  que  ce  même  dé- 
légué sera  présent,  parce  que,  comme  il  jouit 
de  l'honneur  de  détenir  une  des  clefs,  il  doit 
avoir  aussi  la  charge  de  garder  les  reliques. 
Toutefois,  l'exposition  n'aura  lieu  que  rarement 
et  seulement  aux  jours  accoutumés,  ou  eu-de- 
hors de  ces  jours  pour  une  cause  publique,  de 
peur  que  la  fréquence  du  culte  n'en  fasse  perdre 
le  goût.  »  —  Remarquons  cette  dernière  dispo- 
sition, qui  condamne  les  expositions  perma- 
nentes, et  surtout  celles  qui  se  continuent  sans 
qu'aucun  signe  d'honneur  soit  rendu  aux  reli- 
ques, sans  qu'une  seule  lumière  brille  devant 
elles,  contrairement  à  la  règle  que  no  js  avons 
établie  et  qui  nous  a  été  rappelée  ensuite  par 
plusieurs  conciles. 

3°  Il  est  d'une  haute  convenance  que  les  re- 
liques de  la  Passion  ne  soient  pas  confondues 
avec  celles  des  saints,  et  nous  avons  cité  un  dé- 
cret de  la  Congrégation  des  Rites  du  18  févrie? 
Î843,  qui  prescrit  de  renfermer  les  reliques  de 
la  vraie  Groi,n  dans  des  reliquaires  particuliers, 
séparément  de  toute  autre  relique  de  saint.  Nous 
pensons  que  celte  règle  doit  être  appliquée  aux 
reliquaires  des  instruments  de  la  Passion,  par 
rapport  aux  autres  reliquaires,  dans  le  lieu  où 
sont  conservées  les  reliques.  Nous  trouvons, 
dans  la  collection  des  décrets  de  1»  Congréga- 
tion des  indulL^ences  et  des  reliques,  ia  décisioa 
suivante:  «  A  ce  doute  soumis  par  l'évêque  du 


13C3 


LA  SEMAINE  DU  aERGE 


Jlans:  «La  nrfii'no  de  séparer  les  reliques  de 
«  la  très-saiûle  Croix  de  Notre-Seigaeur  Jésus- 
«  Christ  des  reliques  des  saints  est-eue  exacte 
«  et  doit-elle  être  observée?  o  La  sacrée  Con- 
grégation après  avoir  entendu  l'avis  des  con- 
sulteurs  et  tout  pesé  mûrement,  a  décidé  de 
sépondre:  Affirmativement. La  22  février  1847.') 
On  pourra  nou  alire  que  ce  décret  ne  paraît 
pas  avoir  un  autre  sens  que  celui  du  18  lévrier 
1843,  et  qu'il  ne  prescrit  directement  que  de 
placer  les  reliques  de  la  vraie  Croix  et  des  au- 
tres instruments  de  la  Passion  dans  des  reli- 
quaires particuliers,  où  elles  soient  séparées  de 
toute  autre  relique.  Nous  accorderons  cela  volon- 
tiers, mais  en  faisant  observer  que  les  termes 
de  la  question  décidée  sont  généraux  et  ne  la 
restreignent  jias  à  ce  point  précis.  A  cause  du 
culte  de  latrie,  qui  est  dû  aux  reliques  de  la 
Passion,  il  est  prescrit  d'une  manière  générale, 
de  ne  pas  les  coniondre  avec  les  autres  et  de 
marquer  leur  prééminence  par  une  distinction 
qu'exigent  les  convenances  les  plus  rigoureuses. 
Les  reliques  devant  être  disposées  décemment 
dans  le  lieu  destiné  à  leur  conservation,  la  même 
raison  paraît  exiger  que,  iàaussi,  les  reliquaires 
de  la  Passion  aient  une  place  d'honneur  parmi 
les  autres,  s'il  n'est  pas  alisolument  exigé  qu'ils 
soient  renfermés  dans  une  armoire  sépaiée. 

4°  Il  est  d'un  intérêt  majeur,  pour  les  églises 
qui  possèdent  des  reliques,  de  prendre  toutes 
les  précautions  nécessaires  pour  constater  Texis- 
tenee  de  ces  précieux  trésors  et  ne  point  s'ex- 
poser à  les  voir  disparaître.  Ce  n'est  point  assez 
que  les  reliquaires  soient  habituellement  dépo- 
sés dans  des  lieux  fermant  à  clef,  il  faut  encore 
que  chaque  église  ait  un  inventaire  ou  cata- 
logue exact  des  reliques  qui  sont  sa  propriété. 
Si  le  mobilier  ordinaire  consacré  au  culte  divin 
doit  être  exactement  inventorié,  il  en  doit  être 
de  même,  à  plus  forte  raison,  des  châsses  et 
reliquaires,  qui  ont  fouvent,  à  raison  de  la 
matière  et  du  iravail  artistique,  une  grande  va- 
leur, mais  qui  sont  plus  précieux  encore  par 
les  choses  sacrées  et  vénérables  qu'ils  renfer- 
ment. 

Celte  règle  a  été  consacrée  par  les  décrets  de 
plusieurs  conciles  particuliers,  et  se  retrouve 
dans  beaucoup  de  statuts  sj'nodaux.  Le  concile 
de  Saleriie,  que  nous  avons  déjà  cité,  a  pres- 
crit les  formalités  suivantes: 

«  Tous  les  écrits,  registres,  lettres,  papiers, 
documents  b-storiques  et  autres  de  tout  genre 
qui  se  trouveront  dans  toutes  les  églises  denotre 
province,  lors  même  qu'ils  ne  consisteraient 
qu'en  de  petits  papiers  renfermés  dans  les  va- 
ses et  cottrels  contenant  des  ssintes  reliques  ou 
appliqués  à  l'extérieur,  seront  transcrits  dans 
l'espace  de  quatre  mois  par  l'abbé,  le  procu- 
reur ou  tout  autre  Léuélicier  de  chaque  église, 


et  après  avoir  été  consignés  dans  un  inventaire, 
ils  seiont  envoyés  le  pluspromptement  possible 
et  tres-tidèlement  àrévèque.  U'- recherchera, 
en  outre, s'il  en  existe,  les  lémoiosqui  pourront 
donner  quelques  renseignements  sur  ces  reli- 
ques et  ces  éerits. 

«  Oq  préparera  aussi  un  registre  dans  lequel 
seront  topiés  clairement  et  avec  ordre  les  sus- 
dits inveniaires  de  reliques  qui  se  trouveront 
dans  chacune  des  églises  de  celte  province;  on 
tiendra  note  également  déroutes  les  reliques 
que  l'on  acquerra  postérieurement,  et  le  tout 
sera  conservé  à  perpétuité  dans  les  archives 
épiscopales. 

«  Si,  dans  la  suite,  il  en  survient  d'autres  ou 
que  l'on  en  découvre  qui  ne  soient  pas  accom- 
pagnées d'une  permission  ou  approbation  écrite 
de  l'évèque,  il  est  interdit  aux  réguliers  eux- 
mêmes  et  à  tous  autres,  même  exempts,  de  les 
faire  connaître  et  de  les  exposera  la  vénération 
du  peuple.  De  même,  si  1  on  en  apporte  de 
nouvelles  sans  que  leur  provenance  soit  cons- 


tatée par  l'autorité  du  siège  apostolique  ou  par 

les 
pas  (i).  I) 


quelque  document  public,  on  ne  les  recevra 


Il  faut  remarquer  l'obligation  imposée  par  ce 
décret  à  tous  les  supérieurs  des  églises  de  trans- 
mettre aux  archives  de  l'évêché  une  copie  de 
l'inventaire  des  reliques.  Cette  formalité  est 
requise  pour  deux  raisons.  D'abord  il  est  d'un 
gfrand  intérêt  pour  l'évèque  de  connaître  toutes 
les  richesses  de  ce  genre  que  possède  son  dio- 
cèse. Ensuite,  comme  nous  le  verrons  bientôt, 
la  présence  et  l'étal  des  reliques  sonservées  dans 
chaque  église  comptent  parmi  les  principaux 
objets  dont  doit  s'eni[uérir,  lors  des  visites  ré- 
gulières et  périodiques,  le  délégué  de  l'ordi- 
naire. A  l'aide  de  l'exemplaire  de  l'inventaire 
déposé  à  l'évêehé,  le  visiteur  peut  exercer  sûre- 
ment sou  contrôle,  etsi  l'oiiginal  venait  à  périr, 
la  copie  resleraii  comme  moyen  sûr  de  vérifi- 
cation. Lorsqu'il  s'agit  de  conserver  ces  choses 
précieuses,  aucune  précaution  ne  doit  paraître 
superflue. 

Nous  retrouvons  la  même  prescription  dans 
les  actes  du  premier  des  conciles  de  Milan  tenus 
sous  l'épiscopat  de  saint  Charles.  Nous  y  li- 
sons : 

o  Les  écrits,  registres,  lettres,  documents, 
châsses  et  colîics  à  reliques,  ainsi  que  les 
inscriptions,  seront  révisés  avec  soiu  et  déposés 
ensuite  dans  les  archives,  pour  y  être  conservés 
en  sûreté. 

«  Les  reliques  seront  inscrites,  avec  les  docu- 
ments qui  s'y  ranporteut,  dans  un  registre  qui 
sera  consei-vé  dans  les  archives  épiscopales.  o 

Telle  est  la  discipline  qui  est  partout  en 
vigueur  aujourd'hui,  et  à  laquelle  les  curés  et 

1,  Sujiplem.    Cote li  ad  Concil.  Labbai,  tomeV,  col,  IIW, 


LA,  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1Ô69 


autres  snpf^rîcurs  des  églises  sont  tenus  de  se 
Boumellre. 

5°  Le»  1(11  qui  ordonne  de  dresser  un  inven- 
taire exni't  des  nliques  conservées  dans  chaque 
église,  et  d'en  déposer  le  double  aux  archives 
de  l'évèché  est  excellente,  mais  ne  suftirait 
pas  seule.  1/évèque  est  oblii;é,  en  outre,  d'en 
assurer  la  conservation,  c'est-à-dire  de  veiller 
à  ce  qu'elles  ne  disparaissent  pas,  et  à  ce  qu'on 
les  niainlieniie  dans  les  conditions  exigées  pour 
que  leur  authenticité  puisse  toujours  être  ga- 
rantie. Ite  là,  une  autre  loi  qui  prescrit  la  visite 
des  r.  li(|iies,  et  qui  est  rappelée  par  le  concile 
de  Trente  (1). 

Celle  disposition  est  contenue  dans  le  décret 
du  concile  de  Salerne  que  nous  avons  précé- 
demnienl  rapporté  :  oiSOtie  concile  provincial, y 
est-il  dit.  exhiirte  tous  k'S  évêques  à  reconnaître 
chaque  année,  avec  le  plus  grand  ^oin,  en 
s'inspirant  de  leur  piété  et  de  leur  prudence, 
les  reliques  sacrées  des  saints  conservées  tant 
dans  leurs  calhcdralts  (|ue  duns  les  autres 
églises  de  leurs  di^  cèses  (4).  » 

Le  concile  diS  Uulhènes,  tenu  à  Zamosc,  en 
1720,  enjoint  aux  évoques  de  s'occuper  spécia- 
lement des  reliques  dans  les  visites  des  églises: 
a  Bien  que  le  concile  professe  que  l'on  doit 
vénérer  et  conserver  décemment,  avec  un  grand 
respect,  dans  les  églises,  les  reliques  des  saints, 
qui  furent  autrefois  le  temple  de  l'Esprit-Saint 
et  les  membres  vivants  de  Jésus-Christ,  toute- 
lois,  pour  empêcher  que  l'on  n'en  offre  au 
culte  de  nouvelles  dont  l'identité  soit  douteuse 
ou  très-incertaine,  les  évêques  les  soumettront 
à  un  examen  soigneux  pei.dant  leur  visite,  et 
ils  décideront  ensuite  ce  qui  leur  paraîtra  plus 
conforme  à  la  vérité  et  à  la  pidi;  (3).  d 

L'évèque  ou  son  délégué  doit  donc  examiner 
soigneusement  dans  quelles  conditions  se  trou- 
vent les  reliques,  afin  de  statuer  sur  celles  qui 
ne  seraient  pas  dans  un  étal  réguli'  r.  Si  les 
documents  attestant  leur  authenticité  sont 
perdus,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'on  doive,  pour 
cette  seule  raison,  détendre  de  les  exposer  dé- 
sormais publiquement  à  la  vénération  des 
fidèles,  mais  il  y  a  lieu  de  procéder  à  une  infor- 
mation sérieuse,  qui  peut  aboutir  à  la  consta- 
tation de  ri.leutité,  et  alors  on  rédige  une 
nouvelle  pièce  dans  laquelle  sont  consignées 
toutes  les  preuves  de  l'authenticité,  et  la  relique 
demeure  en  ixissession  du  culte  qui  lui  a  été 
rendu  jusque  là.  Barbosa,  cité  par  Gavanti, 
rapporte  celte  décision  de  la  Congrégation  du 
Concile  :  «  Si  l'on  aouve,  Jaus  la  visite,  d'an- 
ciennes reliques  qui,  par  suite  des  ravages  du 
temps  ou  de  l'incurie  des    gardiens,    soient 

1.  Se»3.  XZV,  De  invocat.  et  veneral.  sanct. 

t,  Sufpitm.  Coleli  ail  CodcU.  Labbai,  tom.  V.  coL  11S5. 

t.  Ibid.,  tom.  VI,  col.  3G4. 


dépourvues  de  leurs  authentiques,  le  visiteur 
doit  permettre  qu'elles  continuent  d'être  véné- 
rées comme  elles  l'étaient  précédemment  (I).  o 

Dans  son  opuscule  intitulé  Praxis  rompm- 
diaria  msilationis  epùcopalis,  G*vanli  énumère 
les  articles  suivants  relatifs  anx  reliques,  sur 
lesquels  doit  porter  l'examen  lurs  Aa  la  visite  : 
l'armoire,  —  sa  garniture  intérieure,  —  les 
châsses,  —  les  noms  des  reliques,  —  l'approba- 
tion des  reliques,  —  l'exposilion,  —  les  clefs, 
—  les  offices  particuliers,  —  le-  fêtes. 

Monacelli  a  mis  dans  son  Formulaire  un 
questionnaire  détaillé,  pour  servir  de  guide 
dans  la  visite  des  églises.  Voici  les  questions 
relatives  aux  reliques  : 

«  Les  reliques  sont-elles  conservées  décem- 
ment dans  des  chasses  qui  soient  au  m  uns  en 
bois  doré  et  fermées  par  un  cristal  ou  verre 
entier,  et  portent-elles  les  inscriptions  qui  leur 
conviennent? 

«  Sont-elles  tenues  renfermées  dans  une 
armoire  ornée  et  fixe,  munie  d'une  serrure  et 
de  sa  clef,  avec  cette  inscription  :  Reliquiœ 
sanctoritm  ? 

«  Existe-t-il  un  catalogue  de  tontesj  les 
r,  liqucs,  indiquant  si  elles  sont  authentiques, 
ou  bien  inconnues  ou  douteuses? 

«  Les  traosporte-t-on  près  des  malades?  car 
si  cela  s  •  pratique,  on  devra  l'interdire. 

a  Lorsqu'on  les  expose  publiquement,  sont- 
elles  accompagnées  de  lumières,  et  si  de»  corps 
entiers  sont  déposés  sous  des  autels,  tient-on 
devant  une  lampe  allumée?  » 

Ce  questionnaire  serait  utilement  inséré,  au 
moins  en  substance,  dans  les  formules  que 
doivent  remplir  les  délégués  épiscopaus  chargés 
de  la  visite  des  églises.  Il  est  bon  que  tout  y 
soit  précisé,  j)Our  rendre  plus  facile  l'accomplis- 
sement de  leur  mission,  et  afin  que  l'autorité 
soit  exactement  renseignée  sur  tous  les  points 
qu'il  lui  importe  de  connaître. 

{A suivre.)  P.F.  Ecalle, 

professeur  de  ttiéologie. 


LÉGISLATION 

Exposition  des  motifs  et  des  principes  qoi  ont 
servi  de  base  a  la  loi  relative  a  la  ubbrté 

DE  L'E.N5E1GNEMENT  SUPÉRIEUR. 
(Suite.) 

L'article  lia  donné  lieu  à  plusieurs  amende- 
ments. 

M.  Guichard,  appelé  à  la  tribune  comme 
auteur  de  l'amendement  le  plus  large,  déclare 

1.  Batbosa,  Swnma,  V'  Miq.  ionet.,  oujn.  3. 


rjTO 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


que  net  article,  dans  les  termes  proposés  par  la 
Commission,  porterait  une  alleinte  des  plus 
graves  à  la  législation  existante,  c'est-à-dire 
aux  principes  iur  lesquels  repose  notre  droit 
public,  les  articles  les  plus  essentiels  du  Code 
civil. 

Il  observe  que,  dans  la  loi  de  1823,  relative  à 
l'autorisation  et  à  l'existence  légale  des  con- 
grégations et  communautés  de  femmes,  il  n'est 
pas  question  du  Conseil  supérieur  de  rinstriie- 
tion  publique,  il  est  question  de  l'avis  favorable 
de  la  municipalité  de  la  localité,  et  de  l'avis  du 
Conseil  d'Etat.  Il  voit  entre  ces  deux  disposi- 
tions une  distance  qui  donne  à  réfléchir.  Est-ce 
que  l'avis  du  Conseil  supérieur  de  l'instruction 
publique  peut  remplacer  l'avis  de  la  municipa- 
lité du  lieu  où  l'établissement  d'utilité  publique 
peut  et  doit  être  déclaré?  Comment  veut-on  que 
le  Conseil  supérieur  d'instruction  publique 
puisse  posséder  les  connaissances  locales  que  le 
Conseil  municipal  seul  possède,  et  comment, 
d'un  autre  côté,  le  même  Conseil  supérieur 
peut-il  suppléer  aux  traditions  administratives 
du  Conseil  d'Etat?  Aussi  il  répète  que  c'est  là 
une  innovation  on  ne  peut  plus  grave  à  la  légis- 
lation actuelle.  Entraîné  par  le  désir  de  confir- 
mer sa  thèse,  en  donnant  leilure  de  l'article  3 
de  la  susdite  loi  du  24  mai  18-25,  il  en  modifie 
un  petit  peu  le  texte  officiel;  celui-ci  est  ainsi 
conçu  :  u  II  ne  sera  formé  aucun  établissement 
d'une  congrégation  religieuse  de  femmes  déjà 
autorisée,  s'd  n'a  été  préalablement  informé 
sur  la  convenance  et  les  inconvénients  de  l'éta- 
blissement, et  si  l'on  ne  produit,  à  l'appui  de  la 
demande,  le  consentement  de  l'évèque  dioc(''sain 
et  l'avis  du  Conseil  municipal  de  la  commune 
où  l'établissement  devra  être  formé.  »  M.  Cni- 
chard  lit  au  contraire  :  «  Il  ne  sera  foimé 
aucun  établissement,  aucune  congrégation  reli- 
gieuse de  femmes  déjà  autorisé...  »  La  suite 
comme  dans  le  texte  officiel. 

Pour  simplifier  la  discussion,  M.  Laboulaye 
■vient  à  donner,  avec  la  permission  de  M.  Gui- 
chard,  des  explications  à  l'Assemblée. 

Il  dit  qu'on  a  paru  croire  que  la  Commission 
voudrait  faire  une  législation  particulière,  et 
supprimer  l'avis  préalable  du  Conseil  d'Etat. 
Rien  n'cjst  plus  loin  de  sa  pensée,  la  Commission 
a  cru,  en  nisant  que  ces  établissements  pour- 
raient être  déclarés  établissements  d'utilité  pu- 
blique, qu'il  stait  compris  implicitement  qu'on 
demanderait  /'avis  du  Conseil  d'Etat.  Cependant 
pour  trancher  toute  difficulté,  la  Commission 
rédige  ainsi  cet  article  :  <t  Les  élahiissements 
d'enseignement  supérieur,  fondés  par  de$  associa- 
tions formées  en  vertu  de  la  présente  loi,  pourront, 
sur  leur  demande,  être  déclarés  établissements  d'uti- 
lité publique,  dans  la  forme  voulue  par  la  loi,  api  es 
avis  du  Conseil  supénew  de  l'instruction  publique,  o 


I 


Ainsi,  cette  innovation  ajoute  une  garantie  de^ 
plus,  demandant  lavis  du  Conseil  supérieur. 
La  Commission  n'a  pas  parlé  de  l'autorité  mu- 
nicipale par  la  raison  bien  simple  aue  des 
facultés  n'intéressent  pas  si'ulemenl  une  ville, 
mais  tout  un  département. 

Il  ajoute  que  quelques  personnes  ont  paru 
croire  que  le  second  paragra(die  de  cet  article 
introtuisait  un  droit  nouveau,  parce  que  la 
Commission  a  dit  :  «  Une  fois  reconnus,  ils  pour- 
ront  acquérir  et  contracter  à  titre  onéreux;  ils 
pourront  également  recevoir  des  dons  et  legs.  » 
Pour  éviter  toute  équivoque,  la  Commission 
ajoute  ï  la  suite  de  ce  paragraphe  :  «  dans  les 
conditions  prévues  par  la  loi.  .)  Quant  à  la  fin  de 
l'article,  n'étant  pas  contestée,  elle  reste  la 
même  :  n  La  déclaration  d'utilité  publique  ne 
pourra  être  révoquée  que  par  une  loi.  » 

M.  Guichard  répond  qu'il  y  a  là  une  confu« 
sion  facile  à  élucidei'  :  M.  le  rapporteur  vient 
de  dire  que  les  communes  n'ont  aucun  intérêt 
à  ce  que  les  facultés  se  fondent  ou  ne  se  fondent 
pas;  c'est  vrai.  Mais  les  communes  ont  un 
immense  intérêt  à  cii  que  ces  collèges  soient  ou 
ne  soient  pas  répulés  établissements  d'utilité 
publique,  et  à  ce  qu'ils  ne  soient  pas  investis  du 
droit  de  recevoir  des  li'gs,  d'acquérir,  de  recons- 
tituer des  propriétés  qui  deviennent  complète- 
ment inaliénables,  car  il  ne  faut  pas  perdre  de 
vue  le  grand  intérêt  qui  s'attache  à  cet  article  ; 
c'est  un  moyen,  à  son  avis,  sous  prétexte  de 
collèges,  d'établir  les  substitutions  au  profil  des 
congrégations  ultramontaines.  Il  cite  un  grand 
nombre  d'arrêts  et  d'ordonnances,  quelques- 
unes  de  date  très-ancienne,  et  il  conclut  soa 
discours  en  demandant  de  rester  purement  et 
sinipli'ment  sous  la  législation  de  1666,  de 
1749,  de  1817  et  de  1825. 

M.  Octavre  Depeyre  ne  vient  pas  à  la  tribune 
pour  répoudre  à  tout  le  discours  de  M.  Gui-  - 
chard.  Il  veut  seulement  indiqiier  de  nouveau 
quel  est  le  véritable  caractère  de  la  loi  soumise 
à  l'Assemblée.  Il  observe  que  dans  le  cours  de 
ce  di^bat  on  a  entendu  de  si  étranges  choses, 
qu'il  n'est  pas  inutile  de  bien  préciser  quel  est 
le  sens,  quel  est  le  caractère  de  cette  loi.  On  a 
entendu  parler  tout  à  l'heure,  et  ce  n'est  pas 
pour  la  première  fois,  de  rétablissement  de 
biens  de  mLunmoite,  de  familles  spoliées,  de 
nos  lois  fiiulées  aux  pieds.  A  propos  de  la  per- 
sonnalité civile  des  diocèses,  on  a  entendu,  à 
l'ouverture  même  de  cette  séance,  se  renouveler 
des  protestations  aux  termes  desquelles  l'article  2, 
que  l'Assemblée  a  voté,  serait  ei,  contradiction 
formelle  avec  tous  les  principes  de  notre  droit 
civil  et  de  la  société  moderne.  U  comprend  que 
quelqu'un  puisse  le  penser;  mais  il  croit  qu'il 
lui  est  bien  permis  de  penser  le  contraire,  et  de 
mettre  son  opinion  à  l'ubri  d'une  autorité  que 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


i571 


l'opposition  ne  récusera  peut-être  pas,  si  il  lui 
rappelle  que  l'avis  du  Conseil  d'Etat  de  187-4 
sur  la  personnalité  du  diocèse,  qu'on  a  si  vive- 
ment attaqué,  avait  été  poursuivi  et  demandé 
par  divers  ministres  de  l'instruction  publique 
et  des  cultes,  et  que  la  queslion  a  été  nettement 
engagée,  daiis  .'e  sens  de  la  personnalité  civile 
du  diocèse,  par  l'honorable  11.  Jules  Simon. 

11  croit  aussi  qu'alors  qu'on  parle  des  principes 
duCv>de  civil,  ou  oublie  beaucoup  trop  ces  prin- 
cipes eux-mêmes, etqu'oQ  ne  veut  pas  voirquela 
loi  en  discussion  est  en  parfaite  harmonie  avec 
la  législation  moderne.  Toutefois,  dit-il,  pour 
dissiper  les  anxiétés  persistantes  iSl.  le  rappor- 
teur a  ajouté  à  cet  article  :  «  Les  établissements 
déclarés  établissements  d'utilité  publique, 
dans  les  conditions  et  formes  [irescrites  par  la 
loi.  »  C'est  une  redondance,  mais  M.  Defieyre 
ne  la  regrette  pas  si  elle  doit  calmer  les  appré- 
hensions de  M.  Guichard. 

Il  ajoute  que,  lorsque  cerîains  établissements 
auront  été  déclarés  d  utilité  publique,  ils  auront 
une  vie  civile.  La  loi  a  déterminé  alors  dans 
quelles  formes  et  dans  quelles  conditions  ils 
pourraient  recevoir  des  libéralités,  soit  entre- 
vifs,  soit  testamentaires.  Il  y  a  un  arliele  910  du 
Code  civil  qui  dispose  que  les  établissements 
d'ulilité  publique  ne  peuvent  recevoir  de  libéra- 
lités, soit  entre-vifs,  soit  testamentaires, 
qu'après  avoir  reçu  l'autorisation  du  gouverne- 
ment. Aussi  lorsqu'on  dit  que  les  associations 
formées  pour  douner  l'enseignement  supérieur 
pourront  être  déclarées  établissements  d'utilité 
publique,  on  dit  par  voie  de  suite  qu'après 
avoir  obtenu,  à  leur  profit,  celte  déclaration 
d'utilité  publiijue,  ces  associations  sont  réglées 
par  quoi?  Par  les  dispositions  du  droit  commun, 
par  le  Code  civil,  c'est-à-dire  que,  si  elles  veu- 
lent recevoir  des  libéralités,  il  leur  faudra 
l'autorisation  de  l'Etat. 

«  Voilà,  dit-il,  comment  procède  cette  loi.  Et 
cependant  on  parle  des  frayeurs  qu'elle  excite, 
des  intérêts  qu'elle  alarme.  C'est  surtout  le  mot 
diocèse  introduit  daus  l'article  2  qui,  paraît-il, 
épouvante  davantage.  Comme  si  cette  personna- 
lité civile  n'existait  pas  déjà  en-dehors  de  cette 
loi,  sans  le  besoin  de  cette  loi.  Comme  si  tous 
les  gouvernements  qui  se  sont  succédés  n'a- 
vaient pas  autorisé,  comme  si  on  n'autorisait 
pas  chaque  jour  des  libéralités  faites  au  diocèse 
dans  la  personne  de  l'évèque  représentant  le 
diocèse,  de  l'évèque  agissant,  non  pas  en  son 
nom  privé  et  comme  personne  privée,  mais 
agissant  pou»-  «-epréseuter  cette  chose  qui  se 
continue  après  \ui  :  le  diocèse  et  l'évêché.  » 

Convaincu  que  l'article  11  n'a  besoin  d'être 
amendé  d'aucune  façon  pour  être  conforme  aux 
véritables  principes  de  la  législation  actuelle, 
M.  Depejre   repousse  l'ameûdemeat  proposé 


par  M.  Guichard,  qui,  mis  aux  vois,   n'est  pas 
adopté. 

M.  de  Belcastel  vient  à  la  tribune  pour  expli- 
quer l'amendement  qu'il  a  proposé.  Il  dit  que 
la  ditférence  entre  sa  proposition  et  l'article  de 
la  commission  consiste  simplement  en  ce  que, 
d'après  lui,  le  titre  d'établissement  l'utilité 
publique  sera  accordé  de  plein  droit  à  toute 
université  libre,  composée  d'au  moins  trois 
facultés  ayant  chacune  Julant  de  professeurs 
que  celle  dos  facultés  de  l'Etat  du  même  ordre 
qui  en  compte  le  moins,  après  cin^  ans  de 
plein  exercice,  taudis  que,  d'après  la  Commis- 
sion, il  dépendra  d'une  autorisation  qui  sera 
ou  ne  sera  pas  accordée. 

Après  une  chaleureuse  exposition  des  raisons 
positives  qui  appuient  sa  proposition,  il  arrive 
aux  objections,  taciles  à  rétuter,  qui  ont  paru 
frapper  quelques  esprits  défiants.  Ces  objections 
peuvent  se  résumer  en  trois  mots  :  abus  des 
biens  de  mainmorte,  multiplicité  des  personnes 
civiles,  privilège  pour  l'Eglise  qui  pourra  seule 
en  protitcr. 

Uuant  aux  abus  des  biens  de  mainmorte  tout 
a  été  dit  par  l'honorable  .M.  Dopeyre,  et  il  n'a 
rien  à  ajouter.  Mais  pour  ce  qui  concerne  la 
multipiicilé  des  personnes  civiles,  il  y  a  un  mot 
àdiri'.  Si  quelque  chose  manque  à  l'organisme 
de  la  société  française,  c'est  assurément  un 
nombre  suffisant  de  personnalités  civiles. 
Craindre  les  abus  des  corps  constitués  dans 
une  société  comme  la  nôtre,  pulvérisée  faute 
d'organes  vivants  qui  en  relient  les  atomes, 
dans  une  société  où  l'individualisme  est  la  plaie 
principale,  lorsque  l'association  libresous  toutes 
ses  formes,  et  à  tous  ses  degrés,  est  l'unique 
remède,  c'est  faire  preuve  de  peu  d'intelligence 
de  ses  besoins  et  de  ses  périls. 

Mais  objecte-t-on  encore,  l'Eglise  en  pro- 
fitera seule.  Oui,  l'Egli-e  enprolitera;  il  le 
désire  et  il  le  croit.  <c  Je  ne  veux  pas,  dit-il, 
dissimuler  mon  espérance.  11  serait  indigne 
d'elle  et  indigne  de  nous  de  la  faire  petite  et 
faible,  pour  que  vous  soyez  magnanimes  et  que 
vous  lui  laissiez  la  vie.  Mais  l'Eglise  sera-t-elle 
seule  à  en  profiler?  Qui  vous  empêche  d'ouvrir 
des  cours,  des  facultés,  des  universités  libres? 
L'Eglise...  non.  Messieurs,  je  me  trompe,  l'ex- 
pression est  absolument  impropre,  ce  n'est  pas 
l'Eglise  qui  en  profitera,  c'est  la  société  tout 
entilère  qui  recueillera  les  fruits  de  l'enseigne- 
ment que  les  jeunes  gens  et  leurs  famille-,  iront 
librement  lui  demander.  Et  qui  donc  serait  assez 
oublieux  de  la  patrie  pour  méconnaître  les 
Services  que  l'Eglise  a  rendus  à  la  France  et  à 
la  civilisation?  Est-ce  la  science  qui  vous 
préoccupe,  Messieurs?  Mais  saint  Paul  glorifiait 
longtemps  avant  vous  cette  science  que  vous 
croyez  avoir  inventée.  Parlez-vous  des  lettres? 


1572 


LA  SEMAINE  DD  CLERGE 


Est-ce  que  les  plus  beaux  génies  ilont  l'huma- 
uité  s'honore  ne  sont  pas  nés  dans  l'atmosphère 
chrétienne?  Est-ce  que  ce  ne  sont  pas  des 
corps  religieux,  enfants  de  l'Eglise,  qui  ont 
sauvé  aussi  de  l'oubli  les  œuvres  du  génie 
antique?  Est-ce  que,  à  l'heure  présente,  le 
clergé  catholique  n'est  pas  le  corps  le  plus 
lettré,  le  plu>  instruit  de  l'univers? 

«  Parlez-Vous  liu droit?  Messieurs;  comparez 
seulement  la  loi  antique  avec  le  droit  chrétien. 
Tout  ce  qui,  dans  notre  civilisation  et  notre 
droit  moderne,  a  relevé  la  dignité  et  la  liberté 
humaine,  tout  ce  qui  a  protégé  le  laible,  la 
femmi:  et  l'enfant  est  sorti  des  principes  libéra- 
teurs de  l'Eglise  et  du  catholicisme.  Vous  ne 
pouvez  pas  le  nier,  Messieurs,  et,  certes,  ce 
n'est  pas  dans  le  code  indien  ou  dans  les  rêves 
du  jiositivisme  que  vous  irez  chercher  les 
progrès  du  droit,  les  règles  de  la  justice  et  de 
la  vérité. 

«  Sont-celes  libertés  publiques,  les  libertés  né- 
cessairi'S  d'un  graml  peuple  qui  vous  mettent 
en  souci  ?  Eh  !  messieurs  I  l'Eglise  a  dans  ses 
traditions  et  dans  ses  doctrines  toujours  com- 
battu l'absolutism  •  des  Césars.  Elle  a  protesté 
parson  enseignement  séculaire  contre  toutes  les 
tyrannies  de  la  force,  au  nom  du  bien  des  peu- 
ples et  de  la  justice.  »  En  se  résumant,  il  croit 
qu'on  ne  craindra  pas  les  personnalités  civiles; 
ce  sont  des  puissances  conservatrices  :  on  ne 
craindra  pas  de  donner  de  pl'in  droit  le  titre 
d'établissements  d'utilité  publique  aux  sociétés 
qui  prendront  la  noble  initiative  de  relever  en 
France  l'éducation  publique. 

M.  Paul  Jozon  observe  que  l'amendement  de 
M.  de  Belcastel  repose,à  son  avis,  sur  une  confu- 
sion, souvent  signalée  et  tout  aussi  souvent  re- 
produite, entre  la  liberté  des  associations  et  la 
personnalité  civile  des  associations.  «  La  liberté 
des  associations,  dit-il,  nous  en  sommes  parti- 
sans, au  moins  en  grande  majorité  dans  cette 
Assemblée;  nous  voulons  faire  dispir.iître  les 
entraves  qui  ont  été  apportées  àla  faculté  qu'ont 
naturellement  les  hommes  de  se  réunir,  de 
se  concerter,  de  relier  leurs  eiïorls  dans  un  but 
commun.  C'est  là  la  liberté  d'association.  » 

«  Tout  autre  chose  est  la  personnalité  civile, 
qui  attribue  à  une  association  le  droit  d'acqué- 
rir, de  posséder,  de  plaider,  de  transiger,  de 
recevoir  des  dons  et  des  legs  tout  comme  un 
simple  particulier.»  La  personnalité  civile,  ajou- 
te-t-il,  n'est  pas  de  droit  naturel  pour  les  asso- 
ciations. Cette  personnalité  n'appartient  qu'aux 
êtres  humains  aux  individus  vivant  d'une  vie 
réelle,  parce  qu'elle  est  attachée  à  leur  qualité 
d'hommes.  Au  contraire  les  associations  ne 
peuvent  avoir  la  personnalité  civile  qu'en  vertu 
d'une  fiction  de  la  loi. 

U  fait  observer  qu'il  parle  des  associations 


intellectuelles  et  morales,  et  non  pas  des  asso- 
ciations civiles  et  commerciale?.  Celles-ci  sont 
composées  d'un  certain  nombre  decitoj^ens,  de 
particuliers,  dont  chacun  est  propriétaire,  pour 
sa  quote-part,  du  fonds  social;  c'est  une  collec- 
tivité d'èlres  humains.  Mais  dans  une  associa- 
tion intellectuelle,  qui  donc  est  le  propriétaire 
du  fonds  social  ?  l'as  un  de  ceux  qui  font  partie 
de  rassociation  ne  pourrait  réclamer  sa  juste 
part  dans  le  fonds  social,  i.a  propriété  repose 
dans  ce  cas  sur  une  idée,  un  but,  un  être  abstrait 
placé  au-dessus  et  en-dehors  de  l'association. 

Sans  doute  on  peut,  dans  l'intérêt  général, 
accorder  la  personnalité  uivile  à  ces  êtres  de 
rais(;n  ;  il  ne  s^  oppose  pas  ;  loin  de  là  ;  mais  il 
ne  faut  pas  dire  que  pour  eux  la  personnalité 
civile  est  de  droit  naturel;  elle  est  de  droit  arti- 
ficiel, c'est  une  ciéation  arbitraire  de  la  loi, 
c'est  l'intérêt  général  seul  qui  peut  justifier 
cette  dérogation  au  droit  commun.  Et  l'intérêt 
général,  quiestia  raison  de  cette  dérogation,  en 
est  en  même  temps  la  mesure,  i-n  ce  sens  qu'on 
ne  peut  l'accorder  que  dans  les  limites  que  com- 
mande l'intérêt  général.  Tandis  que  l'on  ne 
pourrait  restreindre  la  personnalité  civile  d'un 
particulier,  d'un  citoyen  sans  porter  atteinte  à 
ses  droits  les  plus  essentiels. 

11  repousse,  par  conséquent,  l'amendement, 
sans  se  prononcer  sur  les  restrictions  qu'il  con- 
vient d'apporter  à  la  pnrsoiinalité  civile  des  asso- 
ciations enseignantes;  il  n'en  est  admis  encore 
aucune  ;  et  il  se  réserve  le  droit  de  discuter 
quelles  seront  les  restrictions  qu'il  faudra  ap- 
porter à  ce  sujet. 

M.  Lespinasse,  qui  remplace  M.  Jozon  à  la 
tribune,  n'admet  pas,  non  plus,  lui,  qu'ilpuisse 
de  plein  droit  être  attaché  à  un  établissement 
quelconque  le  titre  d'utilité  puldique,  par  cette 
raison  que  l'utilité  déclarée  officiellement  en- 
traîne des  conséquences  très-considérables,  qui 
sont  en  opposition  flagrante  avec  le  texte  et 
l'esprit  de  notre  droit  public.  U  déclare  qu'il 
lui  est  impossible  de  s'associer  à  cet  amende- 
ment, qui,  au  scrutin  public,  ne  réunit  que  81 
votes  sur  460  votants.  Dans  la  séanee  du  H 
juin,  M.M.  Chesnelong,  Delorme,  .lozon  et  Beaus- 
sire  retirent  les  amendement?  qu'ilsavaientpro- 
posés  chacun  en  leur  nom,  el  au  nom  de  plu- 
sieurs de  leurs  collègues  au  sujet  de  cet  article  : 
aussi,  M.  le  Président  le  met  aux, voix,  et  l'As- 
semblée l'adopte. 

MM.  Ferry  et  Delorme  proposent  de  substi- 
tuer à  l'article  12  du  projet  de  la  Commission 
les  dispositions  suivantes  : 

«  Art.  12.  —  £n  cas  d'extinc/éon  d'un  établis- 
sement d'enseignement  supérieu)  reconnu,  soit  par 
l'expiration  de  la  société,  soit  par  la  révocation  de 
la  déclaration  d'ultltié  publique,  les  biens  acquis 
par  donation  entre-vifs  et  pur  disposition  à  came 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


ism 


tfe  mort  feront  retovr  aux  donateurs  ou  testateurs, 
ou  à  leurs  parents  au  degré  succesnble,  et,  à  défaut 
de  parents  au  degré  surcessible,  à  l'Etat. 

Les  biens  acquis  à  titre  onéreux  feront  également 
retour  à  l'Etat.  Il  sera  fait  emploi  de  ces  biens 
pour  les  besoins  de  l'enseignement  supérieur  par 
décrets  rendus  en  Conseil  d'Etat,  après  avis  du 
Conseil  supérieur  de  l'instruction  publique.  » 

M.  beiorme  dit  n'avoir  pas  besoin  de  donner 
de  grandes  explications  à  l'Assemblée  sur  cette 
nouvelle  rédaclion.  Le  texte  a  été  emprunté  par 
lui  et  M.  Ferry  à  une  loi  actuellement  exis- 
tante, la  loi  de  1825,  qu'ils  ne  font  que  repro- 
duire, et  i|ue  la  Commission  a  acceptée.  Dans 
tes  conditions  il  ne  croit  pas  utile  d'arrêter  l'at- 
tention de  l'Assemblée  par  des  développements 
qui  serairnt  peu  opportuns. 

Cette  rédaction  est  mise  aux  voix  et  adoptée. 

Le  titre:  III,  «de  la  Collation  des  grades,  »  de- 
vait provoquer  un  grand  nombre  d'amende- 
ments. 

L'amendement  auquel  l'Assemblée  accorde  1» 
priorité  est  celui  présenté  par  MM.  Jules  Ferry 
et  Bardoux,  à  qui  se  rallie  aussi  M.  Burni.  Ils 
proposent  de  supprimer  le  titre  III  et  y  substi- 
tuer cet  article:  «  Art.  13.  Les  facultés  de  l'Etat 
auront  seules  le  droit  de  conférer  les  grades. 

Les  candidats  aux  grades  des  facultés  de  l'Etat 
sont  dispenws  de  l'inscription  et  de  l'asùduité  aux 
<ours,  s'ils  justifient  de  conditions  équivalentes 
dans  les  facultés  libres,  o 

M.  Jules  Feiry,  appelé  à  la  tribune  pour  dé- 
velopper Cet  amendement,  commence  par  dire 
que  la  ijuestion  de  la  collation  des  gradis  en 
comprend  deux  autres  :  une  question  de  doc- 
trine et  une  question  de  bonne  administration. 

La  question  de  doctrine  est  celle-ci:  la  faculté 
de  conférer  les  grades  est-elle  une  attribution 
légitime  de  l'Etat?  La  question  de  bonne  ad- 
ministration se  pose  ainsi  :  Parmi  les  différents 
systèmes  pratiqués  autour  de  nous,  ou  suggérés 
dans  les  nombreuses  prupositions  que  celte  ma- 
tière a  fait  surgir,  quel  est  le  meilleur  pour 
l'Etat?  Quel  est  celui  qui  lui  permet  de  mettre 
le  mieux  en  œuvre  ce  droit  supérieur  que  la 
doctrine  qu'il  vient  de  soutenir  lui  reconnaît? 
Dans  cette  seconde  partie  de  la  question  vien- 
nent alors  s'inscrire  à  leur  place  :  le  système  des 
examens  professionnels  ou  examens  d'Etat,  en 
vigueur  en  Allemagne  ;  le  système  des  jurys 
mixtes  ou  combinés,  qui  fleurit  en  Belgique; 
le  système  anglais  des  corporations  faisait  el- 
les-mêmes leur  police  en  vertu  d'une  délégation 
de  l'Etat;  le  s^  ti'me  enfin  du  jury  spécial  re- 
commandé par  M.  le  comte  Jaubert. 

Il  croit  que  tous  ces  systèmes  ne  peuvent  se 
présenter  devant  l'Assemblée,  que  lorsqu'elle 
aura  résolu  la  question  de  doctrine  qui  est  au 
fond  de  tout.  Dans  soa  sentiment,  les  lois  ac- 


tuelles ont  sagement  réglé  l'intervention  de 
l'Etat  dans  la  liante  culture  intellectuelle  fran- 
çaise. Il  observe  que  ce  grand  intérêt  de  la 
haute  culture  intellectuelle  est  de  ceux  qui 
exigent  à  la  fois  beaucoup  de  liberté  et  beau- 
coup de  vigilance  de  l'Etat.  Il  n's  pns  besoin  de 
rappeler  qu'il  a  voté  avec  la  majoiité  pour  la 
liberté  du  haut  enseignement  ;  mais  il  ajoute, 
bien  que  cela  paraisse  un  peu  contradictoire, 
qu'à  côté  de  beaucoup  de  liberté  il  croit  néces- 
saire beaucoup  d'intervention  de  la  |.ui-sance 
publique.  «  Cette  intervention  de  l'Etat,  dit-il, 
se  manifeste  de  deux  manières  dans  le  système 
actuel  :  par  de  larges  subventions,  par  des 
créactions  de  chaires,  par  des  libéralités  et  des 
encouragements  répandus  suc  des  branches 
d'enseignement  que  jamais  ni  l'intérêt  privé, 
ni  les  associations  particuUères  ne  pourraient 
mettre  en  œuvre  et  auxquels  ils  ne  pourraient 
donner  la  vie. 

«  Elle  se  manifeste  sous  une  seconde  forme, 
sous  la  forme  du  contrôle  des  études  ;  contrôle 
des  études  générales  par  le  baccalauréat,  con- 
trôle des  éludes  professionnelles  par  des  exa- 
mens qui  ouvrent  les  carrières  du  droit  et  de  la 
médecine,  n 

Il  n'a  rencontré  encore  personne  disposé  à 
nier  la  première  de  ces  formes  d'intervention  et 
à  contester  à  l'Etat  le  droit  et  le  devoir  do 
subventionner  le  haut  enseignement.  Il  pense 
qu'il  n'en  est  pas  de  même  de  la  seconde  forme 
d'intervention,  le  contrôle  des  études  par  les 
examens.  Il  prétend  qu'il  y  a  aujourd'hui  une 
société  qui  a  écrit  dans  son  programme  cette 
propo-ition  :  que  l'Etat  n'a  pas  le  droit,  parce 
qu'il  n'a  pas  la  compétence,  de  contrôler  les 
études  ;  et  qui  a  proclamé  la  liberté  de  la  col- 
lation des  grades.  A  ce  point  de  son  discours, 
M.  Jules  Ferry  reprend  la  grande  lutte  entre 
l'université  et  l'épiscopat  français  sous  le  règne 
de  Louis-Philippe,  de  1841  à  1846,  qui  se  renou- 
vela aussi  vive  sous  l'Empire,  en  1868.  Il  sur- 
charge son  discours  de  citations  de  ce  qu'on 
avait  écrit  ou  publié  dans  ces  temps-là,  Jlgr  Pa- 
risis,  l'archevêque  de  Lyon,  les  évèques  d'A- 
miens et  de  Nantes,  aussi  bien  que  S.  E.  le 
cardinal  de  Bonnechose. 

Il  déclare  toutefois  que  ce  n'est  pas  dans  les 
écrits  dont  il  a  donné  lecture,  que  l'on  trouve- 
rait les  origines  de  la  doctrine  qui  nie  le  droit 
de  l'Etat  en  matière  de  coUalioa  dos  grades. 
((  Celte  doctrine,  dit-il,  a  pris  naissance  dans  une 
association  récente  de  catholiques  laïques,  c'est- 
à-dire  dans  la  grande  association  des  comités 
catholiques  de  France,  b  dont  il  ne  critique  nul- 
lement l'existence,  ni  ne  conteste  en  aucune 
façon  la  légalité  et  le  droit.  Il  analyse  les 
vœux  que  cette  association  a  émis  depuis  1872; 
il  en  donne  également  lecture  à  l'Assemblée,  et 


<S74 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


a  se  demande  ensuite  si  c'est  dans  ses  vœux 
que  l'on  pourrait  reconnaître  la  liberté  au  profit 
de  tout  le  monde,  la  doctrine  da  droit  com- 
mun :  pourrait-on  nier  encore  qu'il  y  a  deux 
manières  d'entendre  la  liberté  de  l'enseigne- 
ment supérieur  ;  une  manière  laïque  et  une 
manit-re  plus  particulièrement  catholique? 
Quant  à  lui,  il  s'empresse  de  déclarer  qu'il  n'a 
pas  la  simplicité  de  croire  que  les  auteurs  c'e 
cette  doctrine  aient  eu  la  pensée  de  se  rattacher 
d'une  façon  quelconque  aux  idées  libérales 
ayant  cours  en  matière  d'enseignement.  Il 
pense  que,  dans  cette  doctrine,  il  y  a  tout  autre 
chose  qu'une  thèse  libérale,  et  il  va  dire  très- 
franchement  et  très-respectueusement  ce  qu'il 
y  aperçoit  :  il  y  voit  la  revendication  pour 
l'Eglise  catholique  du  monopole  de  l'enseigne- 
ment. 

Il  sait  que  le  conflit  entre  les  droits  de  l'Etat 
et  les  droits  de  l'individu  est  aussi  vieux  que  la 
société  elle-même;  mais  quant  à  des  conflits 
entre  les  droits  de  l'Eglise  catholique  et  les 
droiU  de  l'Etat,  il  ne  les  reconnaît  pas,  il  ne 
consent  pas  à  les  discuter.  Quand  un  conflit, 
observe-t-il,  s'élève  entre  un  droit  individuel  et 
un  droit  de  l'Etat,  entre  l'individu  ou  l'associa- 
tion d'individus  et  l'Etat  est-ce  qu'il  n'y  a  pas 
des  rèiîles,  est-ce  qu'il  n'y  a  pas  des  principes 
pour  le  juger?  des  règles  qui  permefifut  de 
dire  :  voilà  le  droit  indiviiluel,  vodà  le  droit  de 
l'Etal?  En  un  mot,  est-ce  qu'il  n'y  a  pas  une 
base  rationnelle,  une  délimitation  rationnelle 
des  fonctions  de  l'Elat?  Si  cette  délimitation  est 
possible,  il  faut  voir  si  le  droit  de  collation  des 
grades,  dont  il  s'agit  en  ce  moment,  y  rentre 
ou  n'y  rentre  pas. 

Il  croit  qu'il  y  a  une  règle  fort  simple  pour 
délimiter  les  fonctions  de  l'Etat,  très-simple, 
parce  qu'elle  est  empirique  et  qu'elle  ne  vise 
pas  à  la  haute  théorie.  Les  fonctions  de  l'Etat, 
ce  sont  celles  qui  ne  peuvent  être  remplies  que 
par  lui,  parce  qu'il  manque  aux  particuliers  ou 
les  allocations,  ou  la  volonté^  ou  le  pouvoir  de 
les  remplir.  Ainsi,  quant  à  la  difl'usiun  de  l'en- 
seignement supérieur,  il  admet  qu'elle  n'est  pas 
un  monopole  de  l'Etat,  parce  que  les  iiatticu- 
liers,  les  associations  peuvent  remplir  cette 
fonction  aussi  bien  et  souvent  mieux  que  lui, 
Etat.  Mais  le  contrôle  des  études  générales  et 
professionnelles,  qui  résulte  de  la  collation  des 
grades,  est  essentiellement  un  office  social,  une 
fonction  de  l'Etat.  Et  pourquoi?  Parce  que  ce 
Contrôle  a  pour  but  de  maintenir  le  niveau  des 
études;  [larce  quh  /"a  libre  concurrence  des  in- 
dividus et  des  associations  tend  à  abaisser  la 
valeur  des  rituiies.  Il  faut  bien  s'en  rendre 
compte;  dans  Tordre  économique  où  fonction- 
nent les  mobiles  intéressés,  où  domine  l'intérêt 
personnel,  la  concurrence  est  bonne  :  elle  élève, 


elle  fortifie,  el'n  agit  dans  le  sens  du  progrès 
social.  Mais  dans  l'ordre  des  choses  intellec- 
tueiies,  et  pour  le  haut  enseignement,  au  point 
de  vue  de  la  collation  des  grades,  la  concur- 
rence risque  fort  d'agir  en  sens  contraire,  si 
l'Etat  n'y  prend  garde,  la  concurrence  pourra 
bien  abaisser  les  ctudes.  Il  est  incontestable  que 
le  niveau  des  études  sera  plus  facile  à  maintenir, 
dans  une  société  où  il  t'y  aura  qu'un  seul  pou- 
voir chargé  de  délivrer  les  grades.  On  ne  peut 
pas  nier,  ajoute-t-il,  que  h;  fondement  de  cette 
institution,  si  ancienne  dans  notre  pays  et  dans 
beaucoup  d'autres,  qui  remet  à  l'Etat  le  contrôle 
des  éludes  sous  forme  de  grades  conférés  aux 
étudiants,  on  ne  peut  nier,  répète-til,  que  la 
nécessité  de  ce  contrôle  résulte  de  la  situation 
même  de  la  société  très-laborieuse,  très-pressée, 
au  milieu  de  laquelle  nous  vivons.  Ce  qui  fait  à 
l'état  moderne  un  devoir  étroit  de  veiller  au 
maintien  du  niveau  des  études,  c'est  cette  force 
des  choses,  ce  courant  irrésistible  qui  entraîne 
les  jeunes  gens  vers  les  carrières  hâtives.  Le  fait 
est  là,  la  nécessité  est  incontestable,  nous  vivons 
dans  un  monde  ainsi  fait;  l'époque  est  aux 
études  promptes,  accumulées,  hâtives  :  il  faut 
que  les  jeunes  gens  embrassent  très-vite  une 
carrière.  Ue  cette  pi'emière  condition,  qui  tient 
au  fond  même  de  notre  société  si  occupée  et  si 
laborieuse,  dérive  une  tendance  trè.-marquée 
vers  l'abaissement  des  études,  et,  pour  l'Etat, 
le  devoir  strict  d'en  surveiller  la  valeur.  Mais  ce 
n'est  pas  assez;  on  veut  ajouter  à  ce  courant,  si 
fort  par  lui-même,  l'impulsion  de  la  concur- 
rence d'un  grand  nombre  d'établissements  dis- 
tribuant les  grades.  Or,  qui  peut  mer  que, 
malgré  la  bonne  volonté  de  ces  établissements, 
comme  ils  ne  sont  déterminés,  après  tout,  que 
par  des  mobiles  individuels,  des  mobiles  inté- 
ressés,—  très-noblement  et  justement  intéres- 
sés, il  le  déclare,  —  comme  il  faut  vivre,  en 
somme,  et  que  c'est  des  grades  que  l'on  vit  quand 
on  a  le  droit  de  les  conférer,  il  est  inévitable 
que  les  établissements  qui  font  les  gradués  sa- 
crifient, bon  gré  malgré,  à  ce  besoin  général 
d'études  faciles  et  rapides.  C'est  pour  cela  que, 
à  son  avis,  l'intervention  de  l'Etat  est  justifiée. 

Ce  qu'il  vient  de  dire  du  contrôle  des  études 
générales,  de  l'examen  de  capacité  que,  sous 
une  appellation  ou  sous  uneautre.ou  fait  subir 
en  tout  pays  à  la  jeunesse  arrivée  au  terme  de 
ses  études,  devient  une  thèse  plus  forte  encore 
et  tout  à  lait  irréfragable  lorsqu'il  s'agit  des  di- 
plômes professionnels.  Ces  diplômes  ne  consti- 
tuent pas  seulement  un  contrôle  exeicé  sur  les 
études  afîu  d'en  maintenir  la  valeur,  ils  contien- 
nent, en  outre,  une  garantie  donnée  par  l'Etat 
au  public. 

Il  prétend  que  cette  liberté  d'enseignement,, 
telle  qu'on  la  voudrait,  c'est-à-dire  avec  la  né- 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


<S7S 


gation  du  droit  de  l'Etat  sur  la  collation  des 
grades,  n'existe  en  Allemagne,  où  l'Etat  fonr,- 
tionne  dans  la  collation  des  grailes  de  la  manière 
la  plus  rigoureuse  et  la  plus  despotique,  sous  la 
forme  des  examens  d'Etat.  Elle  n'existe  pas  en 
Italie,  où  les  universités  de  l'Etat  confèrent 
seules  les  graJes.  Elle  n'existe  pas  en  Belgique, 
car  le  jury  jnixte,  qui  a  remplacé  depuis  1849 
le  jury  d'Etat,  est  uu  organe  du  gouvernement. 
C'est  l'Etat  qui  confère  les  grades  par  l'entre- 
mise du  jury,  croyant  avoir  trouvé  là  le  meilleur 
moyen  d'exen-er  son  contrôle,  tandis  qu'il  n'a 
réussi  qu'à  abiisser  les  étuiles  et  qu'à  avilir  les 
grades.  Le  seul  pays  où  cette  liberté  de  la  col- 
lation des  grades  existe,  c'est  aux  Etats-Unis. 
Mais  il  déclare  que  cette  liberté  a  fait  que 
les  grades  y  sout  absolument  dépourvus  de  va- 
leur. En  Amérique,  dit-il,  les  règles  protec- 
trices, qui  ferment  à  l'ignorance  l'entrée  des 
professions  de  médecin  ou  de  légiste,  sont  abso- 
lument inconnues.  Il  y  a  des  universités  qui 
donnent  des  grades,  mais  des  grades  sans 
valeur  sociale,  et  si  dépourvus  de  valeur  morale 
en  Amérique  même,  que  beaucoup  de  ceux  qui 
se  destinent  à  l'exercice  de  la  profession  médi- 
cale viennent  prendre  leurs  grades  dans  les 
écoles  de  Paris  ou  de  Berlin. 

Il  dit  qu'on  ne  rencontre  pas  aux  Etals-Unis 
un  épanouissement  de  baule  culture  scientifique 
et  littéraire,  un  mouvement  intellectuel  compa- 
rable à  ce  qui  se  voit,  selon  les  époques,  en 
France  et  en  Allemagne.  La  moralité  qu'il  tire 
de  cet  exemple,  c'est  que,  dans  un  pays  qu'em- 
porte la  fiévreuse  activité,  la  furie  de  s[iécula- 
tion.le  torrent  de  la  vie  pratiquée!  industrielle, 
il  est  indispensable  que  la  liante  culture  intel- 
lectuelle soit  défendue  contre  l'industrialisme 
qui  l'étoufFe,  contre  la  pratique  qui  le  tue,  par 
l'intervention  supérieure  de  l'Etal. 

A  ce  point,  M.  Jules  Ferry  échange  quelques 
mois  à  voix  bas^e  avec  M.  le  président  de  l'As- 
semblée, et  celui-ci  déclare  que,  par  l'heuie 
avancée,  la  fia  de  ce  discours  est  remise  au 
lendemain. 


{A  suivre.) 


Philippe  Carréri. 


VIII. 


PATROLOGIE 

S01I5IAIRE    HISTOnIQUE   DES     ÉCOLES 
CURÉTlEiNNES. 


Essayer  une  histoire,  même  fort  abrégée  dans 
sus  détails,  de  toutes  les  écoles  qui  sont  nées  ou 
sein  de  lliglisc  :  racouter  l'origine,  les  dévelop- 
pements et  iLd  bienfaits  de  ces  mille  et  de  ces  dix 
mille  institutions,  où  les  chrétiens  de  tout  âge, 
de  tout  sexo  et  de  tout  état,  puisèreut,  à  partir 
du  divin  Maître,  jusqu'à  nos  jours,  la  double 


science  du  monde,  de  la  nature  et  de  l'ordre  de 
la  grâce,  ce  serait,  nous  en  faisons  l'humble 
aveu,  un  travail  bien  au-dessus  de  nos  forces. 
Cette  étude,  d'ailleurs,  n'offrirait  souvent  que 
des  particularités  fort  intéressantes,  il  est  vrai, 
mais  cependant  moins  utiles  que  des  vues  d'en- 
semble, sur  les  annales  de  reuseigneinenl  ecclé- 
siastique. 

Depuis  l'établissement  du  cliristianisme  jus- 
qu'aux universités  du  moyen  âge,  les  écoles, 
malgré  leur  multiplication,  se  résument  en  trois 
classes.  Etîectivement,  nous  n'avons  pu  distin- 
guer, dans  le  nombre,  que  les  fondations  épisco- 
pales,  monastiques  et  curiales. 

I.  Les  évêquesont  ouvert  nos  premières  écoles. 
Ils  ne  faisaient  en  cela  que  suivre  les  préceptes 
et  l'exemple  du  Sauveur,  des  apôtres  et  des 
pères  apostoliques.  Ces  établissements  primitits 
avaient  pour  but  principal  d'instruire  les  jeunes 
lévites,  mais  l'ou  y  enseigna  de  bonne  heure  les 
lettres  humaines,  dont  la  connaissance  a  tou- 
jours paru  très  utile  et  même  en  partie  néces- 
saire à  l'interprétation  de  nos  livres  saints.  En 
ces  temps  de  missions  continuelles,  les  évèques 
se  faisaient  parfois  accompagner  dans  leurs 
voyages  d'un  groupe  de  disciples,  qui,  sembla- 
bles aux  péri[iatèUtieiis  de  raneiennu  Grèce, 
devisaient  de  philosophie  et  de  sciences,  eu  se 
promenant  ;  l'on  trouve  encore,  dans  la  vie  de 
saint  Martin,  éveque  de  Tours,  un  vestige  de 
cet  usage  des  temps  apostoliipies.  Quand  le  pon- 
tife pouvait  se  fixer  dans  une  ville,  sa  maison 
elle-même,  devenait  une  académie,  comme  on 
le  voit  dans  l'histoire  de  saint  Athanase  le  Grand. 
Assez  souventc'était  dans  une  dépendance  de  la 
cathédrale  que  l'on  élevait  les  jeunes  gens  ap- 
pe  es  à  remplir  des  fonctions  dans  l'Eglise  ou 
dans  le  siècle  ;  et  la  célèbre  école  d'Alexandrie, 
où  l'on  professait  les  sciences  divines  et  humai- 
nes, nous  semble  avoir  été  le  plus  beau  type  de 
ces  maîtrises,  que  l'on  a  tort  heureusement  res- 
taurées de  uos  jours.  Docteur  né  de  sa  province, 
l'évèque  enseignait  volontiers  de  sa  propre  bou- 
che ;  mais  plus  tard,  lorsque  le  soin  des  églises 
absorba  les  hauts  dignitaires  du  clergé,  ceux-ci 
désignèrent, tantôt  parmi  les  laïques,  tantôt  parmi 
les  prêtres,  des  professeurs  qui  iustrui*iieut  la 
jeunesse  sous  la  direction  d'un  archidiacre, 
d'un  théologal  ou  d'un  écolàtre. 

Au  moment  des  persécutious  et  même  aux 
premières  années  de  la  liberté  de  l'Eglise,  les 
écoles  épiscopales,  tenues  par  les  membres  du 
clergé  n'empêchaient  pas  les  fidèles  de  fréquen- 
ter les  cours  de  grammaire,  de  rhétorique  et  de 
philosophie  ouverts  pa\-  les  savants  du  poly- 
théisme. Ce  fut  d'abord  une  nécessité  :  sous  la 
tyrannie  des  empereurs,  l'Eglise  était  assuré- 
ment dépourvue  de  tout  ce  qui  est  indispensable 
à  l'iustrucliou,  nous  voulous  dire  de  maîtres,  de 


1S76 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


bibliollièques  et  fie  maisons.  Alors,  les  évêques 
ee  charfçeiiieul  rVexpliquer  les  divines  Ecritures 
à  des  disciples  cnchés  dans  Tombre,  et  que  l'on 
envoyait  osteasiWementpour  la  partie  littéraire 
dans  les  (^coles  publiques  de  l'Etat.  Depuis  Cons- 
tantin, l'iisage  dura  longtemps  encore  :  et,  cette 
fois,  c'était  le  plaisir  qui  invitait  les  étudiants. 
De  tous  les  dieux  auxquels  la  superstition  avait 
dédié  un  temple,  Apollon  et  les  Muses  furent 
expulsés  les  derniers,  avec  une  couronne  de 
fleurs  sur  la  tête.  Lors  même  que  le  pag.misme 
était  à  son  déclin,  le  culte  des  lettres  survivait 
au  culte  des  autels.  Des  écoles  florissantes  dans 
les  cités  de  l'Asie,  de  l'Europe  et  de  l'Afrique 
entretenaient  partout  l'amour  des  fables  et  des 
beaux-arts.  La  jeunesse  se  forme  d'abord  aux 
éléments  de  la  science,  au  milieu  des  villes  de  sa 
province;  c'est  Poitiers  même  nui  nourrit  saint 
Hilaire;  .\ntioebe  reçoit  saint  Jean-Chrysostome  ; 
Alexandrie  instruit  Synérius  ;  Coustautinuple 
donne  l'hospitalité  à  Socrate  ;  Carthage  ensiigne 
la  rliélorique  à  saint  Augustin.  Mais  les  hommes 
désireux  de  perfectionner  leur  style  ou  leurs 
idées  prenaient,  les  uns  le  chemin  de  Rome,  et  les 
autres  celui  d'Ahlènes.  Rome,  capitale  de  l'em- 
pire, expliquait  à  saint  Jérôme  YEnéideàe  Vir- 
gile et  VOmleuràe  Cicéron  ;  Athènes,  la  savante, 
captivait  les  intelligences  de  l'Orient.  Elle  seule 
avait  gardé  les  traditions  de  ce  pur  atticisme, 
qui  a  flatté  le  goiit  de  toutes  les  nations  civili- 
sées. Bazile  et  Grégoire  de  Nazianze,  les  deux 
inséparables  amis,  furent  initiés,  dans  ses  écoles, 
aux  mystère^  de  ia  poésie  et  de  l'eloqiience. 

Pourtant  l'Eglise  se  fatigua  de  demander  aux 
professeurs  du  paganisme  les  richesses  lilléraires 
qu'elle  voulait  plus  tard  consacrer  à  l'embellis- 
sement des  temples  de  Jésus-Christ.  Dotée  pa 
les  empereurs  et  la  générosité  des  fidèles  ;  pro 
priétaire  de  vastes  édifices  et  de  riches  bibliothè- 
ques ;  pou/v'ue  de  crammairieusel  de  rhéteurs, 
qui  aiùupf.r.  au  sein  de  l'épiscopat  et  brillent  de 
commuuiCjUer  leurs  trésors  à  la  jeunesse;  enri- 
chie déjà  d'une  foule  de  cbels-d'ueuvre  ecclésia»' 
tiques,  propres  à  l'instruction  des  chréti'jD;', 
pourquoi  n'aurait-elle  donc  passes  écoles  ^vY^' 
culières?  Lui  sied-il  bien  de  rester  sans  cift^ 
tributaire  d'hommes  orgueilleux  comme  Liba- 
nius,  ou  moqueurs  comme  Julien  l'Apostat?  Elle 
aura  donc  ses  piofesseurs,  ses  livres  et  ses  éta- 
bhssements.  C'e-t  alors  que  paraissent  lesins- 
titutioDs  de  Cesarce,  de  Jérusalem,  d'Antioche, 
de  Néocésarée  et  d'une  ioule  d'autres  villes. 

Tant  que  dura  l'Empire,  les  écoles  épiscopales 
trouvaient  encore  d'utiles  auxiliaires  dans  la 
personi'.e  de  quelques  rhéteurs  laies,  mais  chré- 
tiens. Par  exemple,  Victorin  élevait,  à  ({orne, 
une  chaire  de  rhétorique  et  de  philoso|)liie; 
Bourges  écoutait  avec  avidité  les  leçons  d'Auron, 
poète  et  grammaiiiuu;   saint  Augustin  profes- 


sait la  rhétorique  dans  les  villes  de  Rome  et  df 
Milan.  Les  invasions  des  barbares  détruisirent 
à  la  fois  les  écoles  publiques  ds  l'Ei;lise  et  les 
établissements,  soit  officiels,  soit  ^irivés  de  l'Em- 
pire romain.  La  science  se  réfugia  dans  les 
déserts;  et  c'est  là  que  les  évêques  lui  ménagè- 
rent un  séjour  iiaJsible. 

IL  Donc,  à  l'épo(|ue  oïl  l'Ep^pire  était  en  feu 
de  toute  part,  le  tumulte  d'une  geicrre,  le  meur- 
tre et  le  pillage  avait  chassé  dans  la  solitude  des 
peuples  entiers.  Les  Muses  chrétiennes,  à  l'ins- 
tar des  antiques  déesses,  quittèrent  les  villes  en 
ruine  pour  fixer  leur  demeure  au  fond  d'obscui'es 
vallées  ou  de  bois  mystérieux.  La  vie  religieuse 
s'était  répandue  en  Egypte,  en  Syrie,  dans  la 
Grèce,  en  Italie,  en  Gaule  et  jusqu'en  Irlande. 
Chaque  monastère  avuil  double  école  :  l'une 
intérieure,  formait  les  recrues  de  la  milice  mo- 
nastique ;  l'autre,  extérieure,  communiquait  la 
science  de  Dieu  et  de  soi-même  aux  enfants  du 
peuple  et  même  aux  fils  des  rois.  Deux  maisons 
brillaient,  dès  le  principe  :  saint  Jérôme,  au 
monastère  de  Bethléem,  commentait  les  divines 
Ecritures,  donnait  des  leçons  de  grammaire, 
expliquait  Virgile,  lisait  les  auteurs  comiques, 
analysait  les  historiens  à  des  enfants  qu'on  lui 
avait  remis  pour  les  élever  dans  la  crainte  de 
Dieu.  A  l'opposé  de  la  Méditerranée,  sur  les 
côtes  de  Provence,  un  autre  religieux,  de  famille 
consulaire,  jetait  aussi  les  fondements  d'une 
abbave,  où  l'élite  du  siècle  se  donna  rendez-vous; 
saint  Honorât,  dans  son  école  de  Lérius,  établit 
un  vrai  séminaire  pour  les  évèqiies  de  la  Pro- 
vence, de  la  Gaule  et  de  l'Italie.  L'ile  des 
Serpents,  changée  en  demeure  des  colomlies, 
intruisit  saint  Maxime  de  Riez,  saint  Hilaire 
d'Arles,  saiut  Loup  de  Troyes,  saint  Jacques  de 
Tarantaise,  saint  Euche  de  Lyon,  le  théolo- 
gien Vincent  et  le  satirique  Salvien.  Dans  la 
suite,  les  monastères,  eu  couvrant  le  moule  de 
leurs  colonies,  conservèrent  les  chefs-d'œuvre 
de  l'antiquité,  civilisèrent  les  hommes  de  l'éi^ique 
et  préparèrent,  pour  l'avenir,  d'inestimables 
progrès. 

Les  écoles  monastiques  remplacèrent  au  be- 
soin, mais  aidèrent  toujours,  les  institutions 
épiscopales.  Non  contentes  de  travailler  à  l'édu- 
cation des  lévites  et  des  religieux,  elles  n'ou- 
bliaient point,  même  au  vm°  siè^'e,  l'instruction 
des  jeunes  gens  et  des  filles  du  monde.  Un  con- 
cile de  Cioveshon,  tenu  en  Angleterre,  vers 
l'année  747,  porte,  à  son  article  7  :  «  On  aura 
soiu,  dans  les  monastères  tant  d'hommes  que  de 
femmes,  de  faire  des  lecluress  et  d'ouvrir  des 
écoles  pour  l'instruction  de  la  jeunesse;  afin  que 
l'Eglise  puisse,  dans  ses  besoins,  en  retirer  de 
l'utilité.  »  Nous  avons  lu  aussi,  dans  la  vie  du 
bienheureux  Guillaume,  abbe  de  Saint- Bénigne 
de  Dijon,  que  ce  grand  homme  voulut,  dans 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


ISTO 


toutes  les  dépendances  de  sa  maison,  comme 
dans  tous  les  monastères  reformés  par  son  zèle, 
entretenir  des  écoles  primaires,  où  les  en- 
fants du  peuple,  livrés  à  l'ignorance  la  plus 
profonde,  apprendraient  gratuitement  à  lire  et 
à  chanter;  deux  petites  choses  que  ne  sait  plus 
notre  grand  siè''*e.  Mais  nous  avons  anticipé  sur 
le  cours  des  âgc;s  :  revenons  sur  nos  pas. 

Charl^magne,  ayant  amené  de  Ilome  une 
société  d'hommes  de  lettres,  écrivit,  en  s'adres- 
sant  à  l'abbé  de  Fulde,  une  épitre  destinée  aux 
métropolitains,  aux  évèques  et  aux  supérieurs 
des  monastères  de  tous  ses  Etats.  Comme  le 
malheur  des  temps  avait  fait  baisser  le  niveau 
des  études  épiscopales  et  monastiques,  l'empe- 
reur veut  que  désormais  les  maîtres  de  ces  éta- 
blissements d'instruelion  publique  emploient 
tout  leur  zèle  à  répandre  la  lumière  :  car,  dit- 
il,  s'il  importe  de  bien  agir,  il  n'est  pas  moins 
nécessaire  de  savoir  ce  qu'il  faut  faire.  D'ailleurs 
il  craint  que  l'ignorance  des  lettres  humaines 
ne  soit  préjudiciable  à  l'élude  des  livres  saints. 
«  C'est  pourquoi,  ajoute-t-il,  nous  vous  exhor- 
tons, non-seulement  à  ne  point  mépriser  les 
lettres  humaines,  mais  encore  à  les  apprendre 
avec  une  humble  soum'ssion  et  avec  un  zèle  qui 
devra  plaire  à  Dieu,  afin  que  vous  puissiez  com- 
prendre plus  vite  et  plus  sûrement  les  mystères 
de  nos  divines  Ecritures.  Puisque  l'on  trouve 
dans  la  Bible  des  figures,  des  tropes  et  d'autres 
ornements  du  discours,  il  est  évident  que  le 
lecteur  en  saisit  la  portée  S[)ii'ituel!e,  d'autant 
mieux  qu'il  est  plus  versé  dans  les  belles-lettres 
'Carol.  Magn.  Epist.  m).  »  L'on  voit,  dans  les 
capilulaires  de  ce  prince,  que  les  écoles  épisco- 
pales  ou  monastiques  de  son  temps  enseignaient 
déjà  la  grammaire,  la  médecine,  les  lois  civiles, 
les  canons  de  l'Eglise,  la  théologie  des  Ecritures 
et  des  l'éres,lc  compul.  et,  en  un  mot,  les  saintes 
lettres  avec  les  arts  libéraux. 

III.  Une  autre  institution,  qui  doit  faire  bénir 
éternellement  le  nom  de  (Iharlemagne,  c'est  la 
forme  définitive  qu'il  sut  donner  aux  écoles  des 
villages  et  des  bonrL's.Jus(pie-U'i,lcs  prêtres  n'a- 
vaient instruit  des  enfants  du  peuple  qu'en  vue 
de  préparer  des  vocations  nu  ministère  pa-toral. 
Le  concile  de  Vaison,  célébré  le  17  novembre 
b29,  dit,  en  son  premier  iirticle:  «  Que,  sui- 
vant un  usage  (tabli  salutairement  en  Italie, 
tous  les  prêtres  de  la  campagne  recevront  chez 
eux  les  jeunes  lecteurs  qui  ne  sont  point  m  iriés, 
pour  laséleverelnourrir  spirituellement,  comme 
de  bons  pères  ;  leiu-  faisant  apprendre  les, psau- 
mes, lire  les  l^.-rilures,  et  les  instruisant  dans  la 
loi  du  Seigneur,  alin  de  se  préparer,  dans  res 
jeunes  élèves,  de  dignes  successeurs,  et  de  rece- 
voir, pour  cette  bonne  œuvre,  des  éternelles  ré- 
compenses de  la  part  de  Dieu.  »  La  canon  ajoute 
qu'étant  venus  à  l'âge  parlait,  si  quelques-uns 


d'entre  eux,  par  suite  des  farnlesses  de  la  nature, 
veulent  contracter  mariage,  ou  ne  leur  en 
ôtera  point  le  pouvoir. 

Eviili'mment,  le  conciie  présidé  par  saint  Hi- 
laire  d'Arles  se  propose  seulement  d'entretenir, 
dans  les  presbytères,  un  noviciat  pour  les  ordres 
sacrés. Bing'nam  cite  deux  ca'JOms  ou  Vl"  concile 
général  de  Gonstantinople  qui  ordonnent  d'éta- 
blir des  écoles  gratuites, même  dans  les  villages, 
et  recommandent  aux  prètresd'en  prendre  soin . 
Mais,  à  défaut  du  texte  original  et  jusiiu'à 
preuve  du  contraire,  nous  entendons  ces  deux 
articles  dans  le  même  sens  que  celui  de  Vaison. 

Mais,  sous  l'empire  de  Gharlemagne,les  écoles 
curialessont  reconstruites  sur  un  nouveau  plan. 
Les  pasteurs  continueront,  sans  doute,  comme 
par  le  passé,  à  instruire  les  jeunes  gens  qui 
montrent  de  la  vocation  pour  ï'ètat  ecclésiasti- 
que; mais  ils  recevront, en  outre, tousles  enfants 
qui  veulent  apprendre  les  lettres,  les  sciences  et 
les  arts. 

Théodnlfe,  évèque  d'Orléans,  l'un  des  amis 
et  des  confidents  de  Gliarlemagne,  s'exprime 
ainsi  dans  son  capitulaire,  chapitre  xx  i-  «  Que 
les  prêtres  aient  des  écoles  dans  les  bourgs  et 
villages,  et  si  quelque  fidèle  veut  leur  confier 
ses  enfants,  pour  qu'ils  apprennent  les  belles- 
lettres,  qu'ils  les  rei;oivent  ►■t  ne  refusent  point 
de  les  instruire,  avec  toute  sorte  de  dévouement, 
se  souvenant  du  passage  des  Ecritures,  où  il  est 
dit  :  Ceux  ([ui  seront  savants  brilleront  comme 
les  étoiles  du  ciel;  et  ceux  qui  forment  la  multi- 
tude à  la  justice  brilleront  comme  des  astres 
dans  l'éternité  (Dan.  xii,  3).  »  En  instruisant, 
qu'ils  n'(^■^iL;ollt  aucun  sa  uire  pour  leur  travail, 
etn'acciptent  des  fainilics  qi:c  le  tribut  spon- 
tané delà  reconnaissance.  » 

Ainsi  marchèrent  les  écoles  de  l'Eglise,  jusqu'à 
la  fondati(]n  des  universités  ilu  moyen  âge.  Ces 
dernières,  attirant  à  eilcs  une  foule  d'étudiants, 
nuisirent  à  la  prospérité  des  écoles  épiscopales 
et  mouastiquesjmais  la  centralisation  des  lumières 
dans  un  mi'me  foyer,  donna  un  vigoureux  élan 
au  génie  de  celte  glorieuse  époque. 

PlOT, 
curé-doyea  de  Juzenuesoait. 


Biogra  p  h  i  e 


DOM    GUÉRANGER 

ABBÉ  DE  S0LESME8. 

(Suite.) 

Noua  pouvons,  en  cette  année  1873,  saluer  le 
jour  l'ù.  selon  la  doctrine  du  jinpe  Clément  VHI, 
«  dans  l'Eglise  répandue  pav  tout  l'univers,  les 
fidèles  du  Ciirist  invot^ueront  et  loueront  Dieu 


iS78 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


Tar  les  seuls  et  mpmes  rites  de  chants  et 
prières  (1).»  Lo  temps  est  venu  où,  toutes  les 
églises  de  France,  successivement  ramenées, 
par  la  piuflence  et  la  vigueur  de  leurs  évêques, 
aux  tradt^ons  vénérables  de  l'antique  litui  gie, 
attestent  p,\;s  iiautement  encore  que  celles  (jui 
ne  s'en  écartèrent  jamais,  l'importance  de 
l'unité  daub  /es  formes  d'une  religion  établie 
sur  l'unité  de  la  croyance  et  du  gouvernement. 

Trois  grandes  circonstances  de  l'histoire  nous 
mettent  à  même  de  reconnaître  le  lien  qui  unit 
le  sort  de  la  liturgie  aux  premiers  intérêts  de 
l'Eglise  et  de  la  société.  Lorsque  Dieu  voulut 
enfin  mettre  un  terme  à  l'anarchie  des  races 
barbares  et  constilue»-  l'Europe,  il  donna  Char- 
lemagne  au  monde.  Or,  ce  grand  prince  ne 
crut  pas  avoir  assuré  la  solidité  de  l'empire 
chrétien,  tant  qu'il  n'eut  pas  appliqué  à  toutes 
les  provinces  la  rcsle  romaine  de  la  liturgie. 
Plus  tard,  le  Chariemngne  de  l'Eglise,  s;iint 
Grégoire  Vil,  luttant  jusqu'à  la  mort  contre  la 
barbarie  qu'avaient  enfantée  les  désordies  du 
X^  siècle,  et  poussant  avec  autant  d'intelligence 
que  d'énergie  l'œuvre  d'épuration  qui  sauva 
l'Eglise  et  le  monde,  taisait  appel  au  principe 
de  l'unité  liturgique,  et  soumettait  l'Espagne  à 
la  prière  romaine,  en  même  temps  qu'il  faisait 
reculer  devant  elle,  en  Bohême,  la  liturgie 
slave  qui  s'avançait  vers  l'Occident.  Eutin, 
lorsque  l'Eglise  eût  besoin  de  recueillir  toutes 
ses  forces  pour  surmonter  l'iiffreuse  tempête  du 
XVI*  siècle,  et  sérier  d'un  lien  plus  étroit  que 
jamais  les  provimes  qui  lui  étaient  demeurées 
fidèles,  ne  vit-on  p;is  le  saint  concile  de  Trente, 
principal  moyen  de  cette  sublime  réaction, 
après  avoir  préparé  le  retour  à  une  liturgie 
universelle,  remettre  aux  mains  du  Pontife 
romain  cette  œuvre  d'unité  que  saint  Pie  V 
accomplit  avec  tant  de  gloiie? 

Or,  si  jamais  le  péril  général  a  semblé  récla- 
mer, piiur  le  salutde  l'Eglise,  le  retour  vers  ces 
formes  antiques  et  universelles  qui  nous  relient 
aux  âges  de  loi,  et  rendent  visible  l'homogénéité 
du  chiistianisme,  n'est-ce  pas  aujourd'hui  où 
la  religion  de  Jésus-Christ,  est  à  la  veille  d'es- 
suyer et  de  livrer  les  plus  violents  combats? 
L'heure  n'est-elle  pas  vi.nue  dedisci[irmer  l'ar- 
mée, de  faire  appel  à  tous  les  genres  de  force, 
d'effacer  tout  ce  qui  ra[ipelle  de  malheureux 
souvenirs,  d'arborer  partout  les  couleurs  du 
Chef  contre  lequel  les  portes  de  l'enfer  ne  sau- 
rnicnt  prévaloir?  La  querelle  n'est  plus  seule- 
ment entre  l'hérésiii  et  l'orthodoxie.  Quiconque 
tient  au  mariage,  à  la  famille,  à  la  propriété,  à 
l'ordre  Kocia!^  est  ou  doit  être  catlioli()ue;  qui- 
conijue  aspire  à  renverser  ces  bases  sacrérs  de 
toute  soeieli!  humaine  est  ou  doit  être  sectateur 
de  lu   révoluiion    imi)ie  du  xi\°  siècle.   Dans 

1,  Cpastitution  Cum  in  Ecclesia,  du  10  mai  1602. 


des  conjonctures  si  tranchées,  il  appartient 
aux  catholiqui'S  de  comprendre  que  leur  dra- 
peau est  le  drapeau  de  Rome,  et  que  le  moindre 
défaut  de  conformité  avec  Rome  ne  saurait  que 
les  énerver.  Portons  haut  l'étendard  sur  lequel 
brillent  la  tiare  et  les  clefs  du  Vatican:  nous 
vaincrons  par  ce  signe  (1). 

Le  retour  à  la  liturgie  romai'nfe  /était  donc, 
en  France,  effectué  a  l'heure  prupice  et  dom 
Guéranger  avait  été,  pour  ce  retour,  l'ouvrier 
choisi  par  la  Providence.  Toutefois  cette  révo- 
lution si  heureuse  et  si  prompte,  n'élait  que  le 
côté  négatif  de  l'œuvre.  Après  l'extirpation  des 
liturgies  particulières,  il  fallait  entrer  dans 
l'intelligence  de  la  liturgie  IraditionEelle;  il 
fallaiten  comprendre  le  sens  religieu.i,  la  portée 
dogmatique  et  la  force  morale.  Dès  le  début,  le 
jeune  abbé  de  Solesmes  avait  dressé,  pour  cette 
entreprise  pieuse,  un  programme  complet.  Par 
la  suite,  les  péripéties  de  la  polémique  l'avaient 
obligé  de  sacrifier  un  peu  l'ordre  de  son  pro- 
gramme et  d'anticiper  sur  la  suite  de  ses  con- 
clusions. De  plus,  comme  il  avait  eu,  dans  la 
polémique,  des  auxiliaires  dévoués,  il  lui  venait, 
pour  l'œuvre  morale,  de  puissants  collabora- 
teurs. Dominique  Bouix,  l'auteur  d'un  cours  de 
droit  canon,  avait  pris  en  sous-œuvre  la  thèse  du 
droit  liturgique  et  offert,  en  abrégé,  la  théo- 
logie de  la  science  des  rites  ;  François  Roulet 
de  la  BouiUerie,  évèque  de  Garcassonne,  et 
Anne-Thomas  Landriot,  archevêque  de  Reims, 
avaient  étudié  la  question  du  symbolisme  ;  Pros- 
per  Maugère,  l'abbé  Bouvry,  l'abbé  Falise  et  de 
Herdt  avaient  donné  ou  promis  un  commentaire 
complet  du  Missel,  du  Bréviaire,  du  Rituel,  du 
PontiGcal  et  du  Cérémonial  des  évèques.  Dom 
Guéranger  pouvait  donc,  pour  cerlaiues  parties 
de  sou  travail,  se  décharger  sur  d'autres,  sans 
désespérer  de  leur  bon  accomplissement.  Pour 
faire  œuvre  de  bon  moine,  il  avait,  au  sur  plus, 
de  quoi  occuper  son  zèle  apologétique.  U'iand 
il  s'agit  de  recevoir  un  frère,  la  première  règle 
tracée  par  saint  Benoît,  c'est  de  s'assurer  s'il 
cherche  vr;iiment  Dieu,  et  s'il  est  empressé  à 
l'œuvre  de  Dieu  :  ^ivere  Deuin  quœrit,  et  si  sol- 
licitus  sit  ad  opus  Dei.  Or,  l'œuvre  de  Uieu,  c'est 
le  service  divin,  c'est  le  chant  des  louanges  du 
Seigneur,  c'est  l'acquittement  du  tribut  de  la 
nuit  et  du  jour  devant  l'autel  où  s'accomplissent 
les  s.iiuts  mystères.  Destiné  au  rétablissement 
de  la  vie  mcnastique.  dom  Guéranger  fut  tout 
d'ab(jrd,  et  comme  d'instinct,  passionné  pour  la 
liturgie.  De  bonne  heure  il  gnùta,  il  admira, 
«  l'onction  ravissante,  l'iûelfEL'le  mélancolie,  la 
teudri'sse  incommunicable  de  ce/.  î.,rmules  dans 
lesrjuelles  apparaît  taïuot  la  Joaoe  et  tendre 
confiance  d'une  royale  épouse  envers  le  mo- 
narque qui  l'a  choisie  et  couronné;,  tantôt  la 

1.  Instilutions  Ulurgi'iues,  t.  III,  préface,  p.  U. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


157* 


sollicituile  empressée  d'un  cœur  de  mère  qui 
s'alarme  pour  des  entants  bien  aimés;  mais  tou- 
jours cette  science  des  choses  d'une  autre  vie, 
sipo'foiide  et  sf  délicate,  soitqu'elle  confesse  la 
vérité,  soit  qu'elle  désire  en  goûter  les  fruits, 
que  nul  sentiment  ne  saurait  être  comparé 
au  sien,  nul  langage  rapproché  de  son  lan- 
gase(l).» 

Ce  goût  précoce  pour  le  culte  divin  devait 
trouver,  dans  la  vie  claustrale,  une  entière  sa- 
tisfaction. L'Eglise  est  une  maison  de  prière  ; 
elle  ne  répond  nulle  part  à  cette  destination 
mieux  que  dans  les  chapelles  monastiques.  C'est 
là  qu'on  prie  avec  recueillement,  ferveur,  ordre, 
fréquence  et  persévrance.  A  force  de  prier,  dit 
le  panégyriste  de  l'abhé  de  Solesmes,  «  la  vie 
liturgique  de  l'Eglise  était  devenue  sa  vie  per- 
sonnelle, et  elle  lui  offrait  toute  la  méthode  de 
sa  puissante  spiritualité.  Appliqué  à  mettre 
partout  la  théologie  dans  la  piété,  comme  sa 
nourriture  et  sa  sève  nécessaire,  s'il  se  diffé- 
renciait de  quelques  autres  avec  lesquels  il 
sympathisait  par  la  pleine  similitude  de  pen- 
sées et  par  un  fonds  commun  de  doctrines  (je 
nommerai  ici  William  Faber,  et  je  pourrais pro- 
noHcer  encore  un  autre  nom  désormais  inscrit 
parmi  ceux  des  gran.ls  maîtres  de  la  vie  spiri- 
tuelle), si,  dis-jc,  il  avait  son  cachet  distinct, 
c'est  que  pour  lui  toutl'orde  de  l'oraison  et  des 
saintes  affections,  toute  la  connaissance  et  la 
contemplation  des  mystères  de  Jésus-Christ  et 
de  sa  sainte  Mère,  toute  la  pratique  ie  la  vie  et 
des  vertus  chrétiennes  se  réglaient  sur  le  mou- 
vement el  sur  le  signal  quotidien  de  la  litur- 
gie (2).  » 

Après  s'être  assimilé  la  vie  liturgique  de 
VEglise,  dom  Guéranger  voulut  en  écrire  le 
mystère.  C'était,  pour  la  France,  une  entie- 
prise  tout  à  l'ait  nniivelle  ;  une  année  liturgique 
courrait  risque  <l''étre  moins  encore  que  les  Ins- 
titutions Htv.r gigues.  L'esprit  nouveau,  dont  La- 
mennais avait  été  le  prophète,  l'amour  spécu- 
latif du  Saint-Siège  sui'fisait  pour  faite  com- 
prendre la  nécessité  dogmatique  d'un  retour 
aux  anciens  rites;  mais,  pour  comprendre  la 
nécessité  d'un  retour  aux  anciennes  oraliuiies, 
il  fallait  en  goûter  les  mœurs  et  rien  n'était 
plus  loin  de  nos  habitudes.  Depuis  deux  siècles, 
le  fait  moral,  prépondérant  en  France,  c'était 
le  jansénisme,  entant  légitime,  mais  très-dé- 
guisè  du  jiotcstanti-me.  Le  jansénisme,  par 
son  inQuence  propre  et  par  ses  accointances, 
sympathisait,  sous  le  couvert  menteur  du  li.i^o- 
risoie,  avec  toute»  les  erreurs,  avec  toutes  les 
passions.  Fort  bien  accommodé  du  gallicanisme, 
au  moment  même  où  il  feignait  de  hérisser 
d'épines  les  aliords  des  sacrés  tabernacles,   il 

1.  Annéz  /i7ur^i7ufi,  préface  générale. 

2.  M^r.  Pie,  Eio^i  funèbre  da  dom  GuéranQtr. 


élargi-sait  les.  voies  du  vice,  ccrrompaif,  d'un 
côté,  te  gros  de  la  nation,  stj  de  l'autre,  ratati- 
nait le  petit  tronpiîau  des  vrais  croyants.  La 
dévotion  était  devenue  quelque  cJaose  de  sec, 
d'étriqué,  de  froid,  de  grincheux,  Je  haïssable, 
et  elle  ne  s'est  pas  encore  relevée  de  cet  ana- 
tlième.  La  France  avait  perdu,  depuis  Bourda- 
loue,  les  tra  lilions  de  la  mysticité,  les  tradi- 
tions de  Bosraet  et  de  saint  François  de  Sales, 
traditions  qui,  par  les  mystiques  du  moyen  âge 
et  les  Pères  des  temps  barbares,  remontent  jus- 
qu'au berceau  du  christianisme.  Un  livre  sur 
l'année  liturgique,  puisé  aux  sources,  fidèles  à 
leurs  inspirations,  était  donc  tort  exposé  à  être 
un  livre  fermé  par  les  sept  sceaux  de  l'igno- 
rance. 

Mais  il  faut  entrer  ici  dans  l'économie  de  ce 
grand  ouvrage. 

{A  suivre).  Justin  Fèvre, 

protonotaire  apostolique. 

Erratum.  —  A  propos  du  passage  où  nous 
parlons  du  rétablissement  de  la  liturgie  ro- 
maine dans  le  diocèse  d'Orléans  (n°  du  29 
septembre),  nous  avons  reçudeux  réclamations. 

Dans  la  première  lettre,  on  nous  écrit:  «  Le 
dissentiment  qui  s'est  produit,  en  1835,  entre 
l'évèqueetle  chapitre,  n'avait  point  pour  objet 
la  liturgie,  et  n'a  jamais  été  un  obstacle  à  son 
rétablissement,  proclamé  en  principe  par  l'évè- 
que  et  annoncé  comme  prochain  dans  une  lettre 
pastorale  de  1834.  En  fait,  à  l'heure  qu'il  est, 
la  liturgie  n'est  pas  rétablie  à  Orléans,  elle 
doit  l'être  le  premier  dimanche  de  l'A  vent  pro- 
chain. » 

Dans  la  seconde  leltre,  on  nous  fait  observer 
que,  si,  entre  l'annonce  du  rétablissement  et  le 
rétablissement  de  la  liturgie,  il  s'est  écoulé 
vingt  années,  ce  n'est  pas  la  faute  de  l'évèque. 
Le  retard  provient  uniquement  de  ce  qu'il  res- 
tait en  magasin  un  trop  grand  nombre  de  livres 
de  liturgie  orléanaise. 

Nous  admettons  ces  observations,  en  faisant 
observer,  à  notre  tour,  que  nous  n'avions  ac- 
cusé ni  le  chapitre,  ni  l'évèque. 

En  présence  de  ces  réclamations,  un  prélat 
delà  sainte  Eglise  nous  disait:  «  Du  moment 
ijue  le  diocèse  d'Orléans  ne  pouvait  pas  être  le 
premier  dans  le  rétablissement  de  la  liturgie, 
i!  ne  pouvait  être  que  le  dernier.  »  —  Pour  ne 
pas  nous  attirer  uu  quatrième  procès,  nous 
avons  fait  semblant  de  ne  pas  comprendre,  et 
nous  avons  répondu  par  le  ver*  classique  : 

Devine,  si  tu  peux,  et  choisis,  si  tu  l'oses, 

J.F. 


1S80 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


Sanctuaires  célèbres. 

NOTRE-DAME  DE  CHARTRES 

{Suite.) 

Mais  voici  que  la  guerre  éclate  avec  l'Angle- 
terre. Vainqueur  à  Poitiers,  Edouard  s'avauce 
«  vers  le  beau  pays  de  Beauce,  »  tandis  c]ue  le 
roi  Jean  subit  à  Londres  sa  captivité.  Chartres 
appreoil  que  le  monarque  anglais  approciie  de 
ses  murailles.  C't'a  est  fait,  les  chevaux  des 
cavaliers  anglais  foulent  déjà  sous  leurs  [lieds 
les  champs  fertiles  de  la  Beauce,  lorsque^  tuut 
à  coup,  une  tempête  eflroyable  remplit  les  sol- 
dats du  roi  d'Angleterre  d'une  indicible  terreur. 
Des  pierres  tombent  en  telle  abondance,  dit 
Froissard,  que  beaucoup  d'hommes  et  de  che- 
vaux succombent  (I).  Se  tournant  alors  vers 
l'église  de  Notre-Dame  dont  il  pouvait  aperce- 
voir les  majestueuses  flèches,  Edouard  s'age- 
ncuille  et  promet  d'accorder  la  paix,  si  la  Vierge 
aux  Miracles  fait  cesser  cette  terrible  tempête 
qui  décime  son  armée.  Tout  à  coup  l'orage  se 
calme;  le  monavqueanglaisserend  à  Chartres, 
«  remercie  la  Vierge,  »  et  signe  la  paix  dans  le 
château  de  Brétiguy,  le  7  mai  1360.  Quelques 
jours  après,  E  louard,  suivi  de  ses  [irincipaux 
officiers,  retourne  a  Chartres,  y  passe  pieuse- 
ment sous  la  sainte  châsse  avec  son  lils,  le 
célèbre  Prince  noir,  et  se  retire,  après  avoir 
laissé  de  nombreuses  marques  de  se  muni- 
ficence. 

Le  roi  Jean,  célèbre  dans  l'histoire  par  la 
fidélité  à  sa  parole,  et  par  sa  maxime  favorite  : 
«  Quand  la  bonne  foi  'erait  bannie  de  ia  terre, 
elle  devrait  se  retrouver  dans  la  bouche  des 
rois,  »  ne  fut  jias  moins  fidèle  à  ce  qu'il  avait 
promis  à  la  Vierge.  11  se  rendit  trois  fois  à 
Chartres,  (lortant  le  bâton  de  pèlerin,  et  s'ac- 
quitta royali'meut  de  toutes  ses  promesses.  Il 
est  écrit  dans  les  anciens  livres,  dit-il  dans  ses 
lettres  patentes  données  en  1356,  a  que  la  glo- 
rieuse Vierge  a  choisi  l'église  de  Chartres  pour 
sa  demeure  spéciale,  comme  il  a  été  révélé  par 
maints  miiacle>;  »  et  cette  eonsiilératiou  lui 
rendait  chère  Notre-Dame  de  Chartres  entre 
toutes  les  églises. 

Charles  V  fut  plus  remarquable  encore  par 
sa  dévotion  à  la  Vierge  de  Cliartres.  11  s'y  ren- 
dit pieds  nus.  et  raconte  lui-mè.ne  son  pèleri- 
nage dans  sel  iettres  patentes  du  mois  de  juil- 
let 1 367  :  «  Nous,  Charles,  étant  venu  en  l'église 
«  de  Chartres,  prosterné  dévotement  devant 
«  rim;ige  de  Nolic-Dame,  considérant  les 
«  beaux,  gi;mds  et  notables  miracles  que  notre 
a  Seigneur  Dieu  fait  de  jour  en  jour  eu  ladicte 

1.  Chronique  dt  Froisiart,  édit.  Buclion,  t.  I,  p.  432.  — 
issier.  N.-D   de  Chartres,  pèlirinaçis. 


«  dores  en  avant  en  paix  et  prospérité.  »  Jean, 
duc  de  Berry,  son  frère,  signala  sa  dévotion, 
non-seulement  par  des  pèlerinages,  mais  par 
le  don  d'une  magnifique  Vierg"  en  or.  Après 
eux,  arrivent  Léon  de  Lusignan,  dernier  roi 
d'Arménie,  le  comte  de  Valois,  le  duc  de  Bour- 
gogne et  le  valeureux  Du  Guesclia. 

Le  xV  siècle  s'ouvre,  pour  cette  cité,  par  un 
spectacle  grandiose.  Le  9  mars  HO'J,  ie  roi  de 
France,  Cliailes  VI,  se  re!)d  à  Notre-Dame  et 
s'assied  sur  un  trôae.  Près  de  lui  prennent 
place  la  Reine,  le  Dauphin,  les  rois  de  Sicile  et 
«  église  à  l'honneur  de  la  gl  iriiîuse  Vierge 
«  Marie,  et  aussi  pour  la  très-grande  et  spé- 
«  c'idle  dévotion  que  nous  avons  en  icelle  et  à 
«  ladicte  église,  nous  avons  ferme  C'^pérance 
«  que,  par  ses  prières  et  intercessions,  l'état  de 
«  nous  et  de  notre  royaume  soit  et  demeure 
de  Navarre,  les  ducs  de  Bourbon  et  de  Berry, 
le  cardinal  de  Bar  et  tous  les  plus  nobles  sei- 
gneurs tlu  royaume.  A  leursuiîe  paraissent  les 
avocats  et  procureurs  du  roi,  le  prévôt  des 
marchands,  les  échevins, l'un  des  présidents  du 
Parlement  et  de  la  chambre  des  Comptes, 
mandes  de  Paris  pour  è;re  témoins  de  cette 
cérémonie.  Lorsque  tous  les  grands  personna- 
ges sont  réunis,  que  le  silence  le  plus  protond 
règne  dans  cette  imposante  assemblée,  deux 
hommes  paraissent,  le  duc  de  Bourgogne  et  le 
seigneur  d'OUehain.  Quoique  Jcan-sans-Peur 
soit  le  meurtrier  du  duc  d'Orléans,  pas  un  mur- 
mure ne  s'élève,  quelques  larmes  seulement 
coulent,  parce  qui;  le  duc  de  Bourgogne  est  un  de 
ces  seigneurs  terribles  dans  leur  colère,  que  les 
grands  et  le  peuple  redouteat.  Jean  s'avance, 
suivi  de  son  avocat,  met  un  genou  en  terre  de- 
vant le  trône  et  laisse  la  parole  au  seigneur 
d'Oliehain,  qui  implore  sa  grâce.  Le  due  de 
Berry,  le  Dauphin,  les  rois  de  Sicile  et  de  Na- 
varre, fléchissant  le  genou,  répètent  :  «  Sire, 
«  nous  vous  prions  de  pardonner  à  votre  cousin 
a  le  duc  de  Bourgogne.  » 

Le  roi  se  lève  alors  de  son  trône  et  dit  :  «  Mon 
«  cousin,  pour  le  bien  de  notre  royaume,  pour 
«  l'amour  de  la  reine  et  des  princes  du  sang 
M  royal,  nous  vous  accordons  voire  pardon.  » 
Les  deux  enfants  du  duc  d'Orléans  entrent 
alors  avec  cent  chevaliers,  et  viennent  prendre 
place  sur  l'estrade.  Le  ri  leur  fait  part  du  par- 
don qu'il  vient  d'accorder,  les  prie  de  l'avoir 
pour  agréable,  d'y  consentir  en  leur  nom,  au 
nom  de  leur  frère  le  duc  ù'A'^gf^ulèaïc,  et  de 
leur  sœur  madame  Marguerilc.  >s  ileux  pau- 
vres enfants  voient  alors  rentier  le  duc  de 
Bourgogne  qui  s'avance  vers  eux,  suivi  de  son 
avocat.  «  Monseigneur  d'Orléans  et  messei- 
gneurs  ses  fières,  uit  le  seigneur  d'OUehain, 
voici  monseigneur  le  duc  de  Bourgcgua  qui 
vous  supplie  ae  bannir  de  vos  cœurs  toute  haiu» 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


138} 


et  toufe  vengeance,  et  d'être  bons  amis  avec 
lui.  I)  Le  duc  ajoute  de  sa  propre  bouche  : 
«  Mes  chers  cousins,  je  vous  eu  prie.  »  Les 
jeunes  priuces  ne  peuvent  retenir  leurs  larmes. 
La  reine,  le  dauphin  et  les  seigneurs  du  sang- 
royal  approchent  d'eux  et  les  prient  d'oublier 
le  meurtre  de  leur  père.  L'assemblée  tout  en- 
tière ne  peut  contenir  son  émotion,  chacun 
déplore  le  trépas  du  duc  d'Orléans,  lorsque  le 
roi,  du  haut  de  son  trône,  adresse  ces  p.noles 
aux  fils  de  la  viciime  :  «  Mon  trés-chei-  tils  1 1 
mon  très-cher  neveu,  pardonnez,  n  Et  ils  par- 
donnent (1)1 

Sous  Charles  VI,  Louis  de  Bourbon,  comte 
de  Vendôme,  vient  à  Chartres  pour  accomplir 
un  vœu  fait  à  iNotre-Dame,  au  fond  de  la  pri- 
son où  son  frère,  le  comte  de  la  Marche,  le  rete- 
nait depuis  dix  mois.  La  procession  du  Chapi- 
tre, le  31  mai  1413,  jour  des  Rogations,  rencontre 
ce  prince  monté  sur  un  cuursier  et  suivi  de 
nobles  chevaliers  et  de  ses  écuyers.  Louis  de 
Vendôme  met  pied  à  terre  et  suit  la  procession 
jusqu'à  la  calhédjale-  Le  lendemain,  jour  de 
l'Ascension,  il  se  rend  à  l'issue  desmaliues,  nu 
en  chemise,  tenant  un  cierge  à  la  main,  devant 
la  porte  royale  où  le  clergé  vient  le  recevoir. 
Descendant  ensuite  dans  la  sainte  grotte,  il 
accomplit  sou  vœu  devant  l'antel  de  la  Vierge 
Noire,  et  fournil  les  sommes  nécessaires  pour 
l'érection  de  la  chaiielle  qid  porte  son  nom  (2). 
Quelque  temps  après,  les  Anglais,  expulsés  de 
la  Beauce,  regagnent  leur  royaume,  et  Char- 
les VU  reconnaît  l'éclatante  renommée  de  Notre- 
Dame. Louis  XI  séj(iurne  quelquefois  à  Charlrrs, 
dont  il  aime  à  vénérer  les  statues  privilégiées, 
laissant  presque  à  chaque  pèlerinage  des  mar- 
ques de  sa  munihoence.  Peu  de  temps  avant  la 
mort  de  ce  monarque,  sortent  de  la  maison 
d'un  docte  chanoine,  Piirre  Plume,  le  premier 
missel  et  le  premier  bréviaire  du  diocèse,  impri- 
més par  les  presses  ambulantes  de  Jean  Dipré. 
Deux  gros  bourdons,  Marie  de  27,000  livres  et 
Gabrielle  de  20,000  ajoutent  un  nouvel  éclat  à 
la  sonnerie  déjà  si  célèbre  de  Notre-Dtime. 

Louis  XII  fit,  comme  comte  de  Chartres,  son 
entrée  solennelle  dans  cette  cité,  en  1503;  son 
premier  ministre,  Georges  d'Amboise,  l'y  avait 
précédé.  François  1",  ayant  hérité  du  comte 
de  Chartres  en  devenant  roi  de  France,  fit 
pareillement  son  entrée  solennelle  en  cette 
ville,  et  y  revint  plusieurs  fois  dans  le  cours  de 
son  règne.  Il  se  plaisait  à  prier  dans  la  cathé- 
drale avec  Louise  de  Savoie  sa  mère.  Henri  H  y 
vint  avec  une  brillante  escorte  remercier  Notre- 
Dame  de  ses  succès.  Eu  15G0,  ou  y  vit  Fran- 
çois II,  qui  y  passa   trois  jours  avec  la   reine 

1.  MoQstrelet.  Chronique.  —  Juvéaal  des  Ursins,  Vie  de 
Charles  VI.  —  De  l'Epinois,  Histoire  de  Chartres.  —  Assier, 
Notre-Dame  de  Chartres. 

2.  De  riipinoiSj  Histoire  de  Chartrts, 


son  épouse,  Marie  Stuart,  accompagnée  des  car- 
dinaux de  Lorraine  et  de  Chàtillon,  du  duc 
de  Guise,  de  Catherine  de  Médicis,  et  d'un  grand 
nombre  de  seigneurs.  Charles  IX  y  célébra  les 
fêtes  de  Noël  de  l'année  1563.  Henri  III  y  fit 
jusqu'à  dix-huit  voyages  et  y  fut  visité  par  le 
légat  du  oaint-Siége,  par  la  reine  de  Navarre 
et  la  reine  mère,  par  le  cardinal  de  Bourbon, 
les  ducs  de  Montpensier  et  de  Nevers,  le  maré- 
chal de  Biron,  Grillon,  d'Enlragues,  et  plusieurs 
autres  qui  s'unirent  au  roi,  tant  dans  les  |)ro- 
cessions  faites  à  son  occasion  à  travers  la  ville, 
que  dans  les  confréries  de  pénitents  qu'on  y 
établit  (I).  La  reine  voulut  y  venir  à  son  tour, 
elle  accomplit  ce  dessein  d'une  manière  digne 
de  sa  piété.  Elle  fit  à  pie.l  le  voyage  de  Pans  à 
Chartres;  les  dames  de  la  cour  qui  l'accompa- 
gnaient, partagèrent  avec  bonheur  cette  grande 
fatigue. 

{A  suivre.)      L'abbé  Leroy. 

BIBLIOGRAPHIE 

Traité  «Ses  dîspcaisefiiiitatrâjmoniales, 

manuel  pratique  à  l'usuge  du  curé,  du  confes- 
seur et  de  l'oi-dinaire,  par  M.  L'abbé  Joseph- 
Marie  TÉPHA.NY,  chanoine  titulaire  de  l'Eglise 
cathédrale  dft  Quinjper.  1  vol.  iu-8  de  4til  p. 
Chez  L.  Vives,  libraire-éditeur,  rue  Delam- 
bre,  13,  Paris. 

Nous  croyons  rendre  un  véritable  service  à 
MM.  les  curés,  confesseurs  et  ordinaires  en  leur 
indiquant  un  livre  ()ui  leur  est.  sinon  néces- 
saire à  tous,  certainement  de  la  plus  grande 
utilité.  Sa  bonne  méthode,  son  exactitude,  sa 
clarté,  sa  facilité  d'exposition  le  rendent  d'un 
usage  facile.  11  a,  sur  les  anciens  traités  touchant 
les  mêmes  matières,  l'avantage  de  donner  les 
décrets  et  décisions  postérieurs  aux  anciens,  et, 
par  cela  même,  de  f.iire  connaître  les  modifica- 
tions qu'on  ne  peut  ignorer  dans  la  pratique.  Il 
ramène  aux  vraies  notions  canoniques,  et  offre 
les  moyens  de  remédier  à  de  graves  abus  contre 
esquels  les  ordinaires  ont  souvent  à  lutter.  L'au- 
teur, attaché  aux  bmis  principes  et  aux  saines 
doctrines,  s'appuie  continuellement  sur  les  dé- 
crets et  rescrits  du  Saint-Siège  et  sur  les  cauo- 
nisles  les  plus  autorisés.  Il  s'agit  ici  de  droit  posi- 
tif, (jue  l'on  n'analyse  point;  en  induiuaut 
sommairement  ce  dont  traite  l'ouvrage,  nous 
l'aurons  tait  connaître.  Dans  la  première  partie, 
il  traite  des  empèchemeuts  dirimants  et  prohi- 
bants; —  daus  la  seconde,  des  ^'aisons  cano- 
niques; —  dans  la  troisième,  de  la  dispense  des 
empêchements;  —  dans  la  quatrième,  de  la  sup- 
plique, de  la  taxe,  de  l'examen  et  des  clauses  des 
rescrits  ou  brefs,  du  vicaire  capitulaire,  de  la 
seconde  enquête,  des  vices  des  lettres  apostoli- 
ques, de  l'obreption,  de  la  subreption,  de  l'exé- 
1,  Chevarii  t.  II.  o    305. 


i58S 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


cution  des  dispenses,  du  perinde  valere,  du  ma- 
riage occulte,  du  mariage  morganatique,  de  la 
publication  de?  bans.  —  On  ajoute  ditlerentes 
formules  pour  robtention  et  l'exécution  des  dis- 
penses, et  quelques  questions  touchant  la  célé- 
bration des  man'ages.  M.  le  chanoine  Téphany  a 
rendu,  par  son  excellent  livre,  un  vrai  service 
dont  tous  ceux  qui  en  profiteront  lui  sauront 
gré.  Mgr  Le  D'  Maupied, 

caménier  secret  de  S. S.  Pie  IX, 


CHRONIQUE    HEBOOmADAIRE 

Pèlerins  belges  au  Vatican.  —  Discours  du  Pape  sur 
les  épreuves  actuelles  de  l'Eglise.  —  Le  Collége- 
fiomain.   —  Succès  du   séminaire  de  Santa-Chiara. 

—  Bref  du  Pape  aux  membres  de  l'Union  des 
Œuvres  caiholiques.  —  Règleiaent  de  l'université 
catholique  d'Angers.  —  Détails  sur  l'assassinat  de 
Garcii  Moreno.  —  Pes  principales  œuvres  publii-iues. 

—  L'instruction  et  la  moraliié  dans  l'Equateur. 

Paris,  8  octobre  1875. 

Rome.  —  De  nombreux  pèlerins  continuent 
d'affluer  dans  la  Ville  Sainte,  tant  pour  gagner 
l'indulgence  du  Jubilé  que  pour  porter  à  l'au- 
guste prisonnier  du  Vatican  l'hommage  de  leur 
filial  attachement.  Après  ceux  de  Laval  sont 
arrivés  ceux  de  Besançon  et  de  Nîmes.  La  Bel- 
gique a  aussi  envoyé  un  groupe  d'une  soixan- 
taine de  pèlerins,  qui  ont  été  reçus  par  le  Saint- 
Père  dimanche  dernier,  le  3  de  ce  mois.  Pie  IX 
s'est  présenté  à  eux  avec  une  affabilité  extrême, 
entouré  de  cardinaux,  de  prélats  et  de  person- 
nages de  distinction.  Après  la  lecture  de  l'A- 
dresse des  pèlerins,  le  Saint-Père  a  répondu  par 
le  discours  suivant  : 

«  Je  ratifie  ce  qui  vient  d'être  dit  avec  un  si 
grand  accent  de  vérité,  en  votre  nom  et  au 
nom  de  vos  si  nombreux  amis  et  compatriotes; 
et  pourtant,  il  est  douloureux  pour  moi,  au 
moment  où  j'ai  ressenti  tant  de  joie  de  vos 
protestations  d'amour  si  bien  exprimées,  pro- 
testations qui  me  viennent  aussi  d'autre  part, 
d'avoir  toujours  à  répéter  des  paroles  de  lamen- 
tations et  de  tristesse,  à  cause  de  l'état  dans  le- 
quel se  trouve  l'Eglise  de  Jésus-Christ. 

»  Pourrais-je  tenir  un  autre  langage  ?  Etabli 
par  Jésus-Christ  comme  première  sentinelle 
dans  celte  mystique  vigne,  devrais-je  donc 
dire  :  Posuerunt  me  custodem  in  vineis  :  et  vineam 
rneam  non  custodivi?  Avec  l'aide  de  Dieu,  son 
Vicaire  ne  sera  jamais  réduit  à  être  le  chieu 
muet.  Que  le  monde  entier  le  sache  ;  si  je  me 
lamente  sur  les  maux  de  i'Eglise,  c'est  que  Dieu 
le  commande  et  que  je  dois  lui  obéir.  L'Eglise 
dépouillée,  enchaînée,  opprimée,  se  tourne 
vers  ses  persécuteurs,  surtout  vers  ceux  qui 
dirigent  les  destinées  des  peuples,  pour  jeter 
un  cri  de  douleur,  repétant  les  paroles  de  son 


divin  Fon/lateur  :  Cur  me  cœdis  ?  Pourquoi  me 
faut-il  voir  dans  quelques  contrées  de  l'Europe  , 
mes  enfants  exilés,  punis,  condbiflinés  et  jetés 
dans  les  cachots,  uniquement  parce  qu'ils  sont 
mes  enfants,  c'est-à-dire  les  enfants  de  la  vé- 
rité. 

»  Pourquoim'enlevez-vous  les  droits  que  Jésus 
Christ  m'a  donnés,  la  liberté  d'enseignement, 
la  liberté  de  choisir  les  lévites  qui  doivent  faire 
partie  de  la  hiérarchie?  Pourquoi  empêchez- 
vous  les  évêques  de  laver  les  taches  et  de  guérir 
les  plaies  qui  souillent  le  sanctuaire,  non-seule- 
ment en  leur  enlevant  les  moyens  de  punir, 
mais  ce  qui  est  pire  encore,  en  accordant  des 
bénéfices  et  des  honneurs  à  ceux  qui  méritent 
un  châtiment  exemplaire? 

»  Pourquoi  ici,  oui  ici  à  Rome,  dans  le  centre 
du  catholicisme,  permettez-vous  le  libre  exercice 
de  toute  fausse  religion?  Pourquoi  permettez- 
vous  aux  docteurs  de  l'erreur  de  pouvoir  ensei- 
gner n'importe  quelle  hérésie?  Et  pourquoi 
opprimez-vous  les  instituteurs  et  surtout  les 
institutrices  catholiques,  en  les  soumettant  à 
des  examens  insidieux,  en  vous  érigeant  en 
juges  dans  des  matières  qui  ne  vous  appar- 
tiennent pas?  Pourquoi  profanez-vous  les  fêtes 
en  commandant  d'exécuter  des  travaux  et  en 
vous  moquant  ouvertement  des  commande- 
ments de  l'Eglise?  Cur  me  civdis? 

1)  Et  vous,  gouvernants  de  l'Italie,  que  pré- 
tendez-vous? avoir  le  patronat  des  bénéfices 
ecclésiastiques,  en  alléguant  que  vous  l'avez 
reçu  par  héritage,  sans  penser  que  la  patronat 
ne  s'acquiert  pas  par  des  successions  de  ce 
genre  et  encore  moins  par  usurpation?  Telles 
sont  les  questions  et  bien  d'autres  que  pose 
l'Eglise  et  auxquelles,  ou  on  ne  répond  pas,  ou 
on  répond  avec  un  cynique  mépris. 

»  Mais,  pendant  que  vous  me  persécutez,  dit 
l'Eglise,  vous  chargez  votre  âme  de  mille  pé- 
chés, qui  augmentent  chaque  jour  et  accélèrent 
votre  tin  :  Paucitas  dierum  vestrorum  finielur 
brevi,  et  peregrinatio  vestra  super  terram  vergit 
ad  finem.  « 

u  Arrêtez-vous  donc,  ou  vous  serez  foudroyés 
par  cette  terrible  sentence  :  Mors  peccaiorum 
pessima.  Plaise  à  Dieu  que  je  puisse  me  faire 
entendre  1 

«  Du  reste,  mes  très-chers  fils,  je  vous  renou- 
velle l'assurance  de  mes  sentiments  affectueux 
pour  vous  Je  vous  engage,  avec  tous  les  bons 
catholiques,  à  être  fermes,  constants  et  unani- 
mes à  revendiquer  toujours  des  gouvernants  la 
liberté  de  l'Eglise;  et  de  même  quft  j'ai  dit,  il 
y  a  quelques  jours,  aux  bons  pèlerins  dt;  Laval  : 
«  Parlez,  »  je  le  dis  aussi  à  vous.  Kutre  toutes 
les  choses  que  vous  devez  reclamer  de  vos 
gouvernants,  demandez  que  le  sacrement  de 
mariage  précède  le  contrat  civil,  et  la  con»: 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


1S83 


cîcnce  des  prêlres  ne  sera  plus  en  angoisses. 

n  Ils  ne  se  trouveront  plus  daos  des  situa- 
tions parfois  bien  dilficiles,  et  les  contractants 
qui  ne  se  sont  pas  mariés  à  l'égiise  ne  vivront 
plus  dans  une  union  illicite  et  répiouvable. 
Parlez?  afin  que  l'Eglise  soit  libre  de  toute  en- 
trave et  qu'elle  puisse  agir  pour  le  bien  des 
âmes. 

»  Je  sais  que  l'Eglise  ne  craint  aucune  opposi- 
tion, parce  qu'elle  est  bâtie  sur  un  roc  iné- 
branlable. Ses  ennemis  mêmes  le  comprennent, 
s'ils  ne  l'avouent  pas.  Mais  loin  de  vouloir  la 
reconnaître  pour  ce  qu'elle  est,  pour  une  mère 
aimante,  ils  la  regardent  comme  une  ennemie, 
avec  défiance  et  jalousie,  lui  niant  la  liberté 
qui  lui  appartient.  S'ils  étaient  affianchisdes 
passions  qui  les  aveuglent,  ils  reconnaîtraient, 
en  con.'^idérant  le  caractère  de  l'Eglise,  que  la 
liberté  qui  lui  est  accordée  est  toujours  avan- 
tageuse à  celui  qui  la  donne.  Accordez,  par 
exemple,  aux  religieux  la  liberté  de  se  consti- 
tuer en  corporations,  et  vous  verrez  les  avanta- 
ges qui  en  résulteront. 

»  Je  ne  referai  pas  ici  leur  apologie,  déjà  faite 
en  d'autres  circonstances  ;  je  ne  rappellerai 
qu'un  exemple  des  avantages  pratiques  de  leur 
existence,  celui  de  l'aumône  faite  à  la  porte 
des  couvenis  au  pauvre  qui  souflVe  de  la  faim, 
qu'un  peu  de  soupe  remet  et  qui  retrouve  ses 
forces  avec  un  morceau  de  pain.  11  en  était  ainsi 
avant  l'expulsion  sacrilège  des  ordres  religieux 
à  Rome,  et  la  société  se  ressentait  de  ces  bien- 
faits. Maintenant  que  tout  cela  a  disparu,  n'est- 
il  pas  arrivé  plus  d'une  fois  qu'un  pauvre  mal- 
heureux, exténué  de  faim,  soit  tombé  par  terre  ? 
Si  le  clergé  n'était  pas  dépouillé,  il  pouirait 
avec  plus  de  soin  catéchiser  et  instruire  le 
peuple  et  rendre  à  la  société  le  grand  service  de 
diminuer  le  nombre  des  délenus  en  prison. 

»  Moralisez  notre  peuple,  qui  en  a  grande- 
ment besoin,  i>  disait  à  un  évèque,  qui  me  l'a 
raconté,  un  personnage  anglais,  membre  du 
ministère,  un  peu  avant  le  rélablissement  de 
la  hiérarchie  en  Angleterre;  et  l'évéque  promit 
de  faire  tout  son  possible,  avec  ses  cotlègues, 
pour  répondre  au  si  juste  désir  du  noble  lord. 
Ici,  le  cabinet  agit  en  sens  contraire  et  aban- 
donne 11'  peuple  à  ces  prédicateurs,  qui  sèment 
le  vent  pour  recueillir  la  tem^tête. 

»  En  général,  certains  gouvernements  crai- 
gnent que  leurs  peuples  ne  deviennent  trop 
a  cléricaux,  »  comme  ils  disent,  et  voudraient 
pour  cela  que  ceux-ci  s'occupassent  peu  ou  pas 
du  tout  de  Jésus-Christ,  semblabl  a  aux  liabi- 
tants  de  Gerasa  dont  ils  imitent  la  conduite. 

1)  Ces  habitants  de  Gerasa,  voyant  plusieurs 
de  leurs  concitoyens  délivrés  des  esprits  infer- 
naux dont  ils  élaient  possédés,  mais  ensuite  ce» 
esprits  infernaux  entrer  dans  un  troupeau  d'a- 


nimaux immondes  et  les  précipiter  dans  un  lac 
où  ils  périrent  entièrement,  se  présentèrent 
devant  Jésus-Christ,  pour  le  prier  de  quitter 
leur  territoire.  Craignant  sans  doute  que  le 
reste  de  leur  bétail  ne  pérît  de  la  même  ma- 
nière^ ils  se  déterminèrent  à  éloigner  Jésus- 
Christ,  aimant  mieux  être  privés  de  sa  présence 
que  de  s'exposer  à  perdre  leurs  bestiaux  et  leurs 
biens. 

»  De  même  l'on  préfère  à  présent  l'amitié  des 
libres-penseurs  à  celle  de  Dieu,  et  l'on  qunlifie 
un  genre  dévie  vraiment  chrétien  de  fanatisme 
religieux. 

«  Mais  si  telles  sont  les  pensées  de  ceux  qui 
sont  à  la  tète  du  mouvement  révolutionnaire, 
ce  ne  sont  pas  les  vôtres  ni  celles  de  tant  de 
millions  do  catholiques,  qui  sont  unanimes  à 
chercher,  avant  tout,  la  gloire  de  Jésus-Christ, 
le  bien  des  âmes  et  la  liberté  de  l'Eglise. 

«  Après  avoir  quitté  les  habitants  de  Gerasa, 
Jésus-Christ  traversa  le  lac  sur  une  petite  bar- 
que, et,  de  l'autre  côté  du  rivage,  il  trouva  un 
peuple  nombreux  qui  l'attendait,  avide  de  re- 
cevoir les  paroles  de  la  vie  éternelle,  qui  ve- 
naient de  ses  lèvres,  et  d'admirer  les  prodiges 
opérés  par  son  bras  tout  puissant. 

a  C'est  ce  qui  arrive  encore  aujourd'hui.  Jé- 
sus-Christ est  chassé  par  les  novateur?  politi- 
ques, mais  il  e.-t  accueilli  par  vous  el  tous  les 
peuples  qui  vivent  dans  la  foi.  Les  malheureux! 
ils  chercheront  un  jour  le  Rédempteur  ;  mais 
hélas  !  ils  ne  le  trouveront  pas.  Quœretis  me  et 
non  invenietis,  et  in  peccato  vestro  nioriemini 
Quel  sujet  de  réflexion  pour  tousl 

»  Mais,  vous  qui  appartenez  à  Dieu,  parce 
que  vous  l'écoutez  :  l'os  audilis  me,  quia  ex  Deo 
estis,  vous  trouverez  Dieu  toutes  les  t'ois  que 
vous  aurez  besoin  de  lui.  Persé\'érez  ainsi,  très- 
chers  fils  el  que  tous  ceux  qui  vous  sont  unis 
d'esprit  persévèrent  avec  vous  :  Sic  slate  m 
Domino,  carissimi. 

»  Mon  Dieu,  jetez  vos  regards  de  miséricorde 
sur  tous  vos  enfants.  Bénissez  tous  ceux  qui 
sont  ici,  leurs  amis,  parents  et  alliés.  Bénissez, 
réconfortez  et  éclairez  ceux  qui  les  gouvernent, 
bénissez-les  tous,  de  quelque  condition  qu'ils 
soient,  afin  que  votre  bénédiction  rende  pour 
eux  moins  triste  celte  vie  mortelle  et  qu'elle 
soit  comme  un  gag:e  de  la  vie  future  et  éter- 
nelle. »  —  Benedicrio  Dei,  elc. 

Il  nous  semble  avoir  déjà  dit  que  le  célèbre 
Collège-Romain,  chassé  par  les  hommes  du 
20  Septembre  des  locaux  où  il  existait  depuis  sa 
fondation,  tient  maintenant  des  cours  dans  les 
bâtiments  du  collège  germanique.  La  haine 
particulière  dont  la  Révolution  poursuit  le  célè- 
bre collège  n'en  a  pas  détourné  les  étudiants, 
dont  un  grand  nombre  ont  conquis,  à  la  fin  de 


ISSi 


LA  SEMAINE  DU  CLEP.GÉ 


l'ariTiée  scolaire,  les  praires  cle  docteurs,  de 
l'ccDciés  et  lie  bacheliers  en  théologie  et  en 
Philosophie.  Aux  concours  qui  s'y  sont  faits 
Pour  la  distribution  des  prix,  et  auxquels  pren- 
nent parties  élèves  de  tous  les  collèges  et  sémi- 
naires étrangers  existant  à  Rome,  le  triomphe 
a  été  pour  notre  établissement  de  Santa-Chiara. 
Les  prix  les  plus  impurtants  ont  été  remportés 
par  ses  élèves.  Le  séminaire  de  Santa-Chiara  a 
fait  recevoir  trois  docteurs  en  théologie  et  trois 
docteurs  en  philosophie.  On  comprend  qu'en 
présence  de  pareils  succès,  le  Saint-Père  témoi- 
gne à  cet  établissement  un  intérêt  tout  à  fait 
spécial.  Aussi  la  rentrée  s'annoncet-elle^  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  drt,  comme  devant  être 
très-nombreuse.  Ce  séminaire  est  appelé  à 
donner  à  nos  universités  catholiques  et  surtout 
à  nos  séminaires  diocésains  la  plupart  de  leurs 
professeurs. 

France.  —  En  réponse  à  l'Adresse  des  mem- 
bres du  Congrès  de  l'Union  des  œuvres  catholi- 
ques, le  Saint-Père  a  envoyé,  le  16  septembre, 
à  Mgr  Langéuieux,  archevêque  de  Reims,  un 
bref  dont  voii;i  les  passages  les  plus  intéres- 
sants : 

«  Il  y  a  là  (dans  le  développement  de  l'Union) 
une  marque  sensible  de  ia  bonté  divine  et  en 
même  temps  un  insigne  bienfait,  rendu  non- 
seulement  aux  âmes  arrachées  en  grand  nom- 
bre aux  embûches  et  à  la  perdition  des  sociétés 
secrètes,  mais  encore  à  la  religion,  à  la  famille, 
à  la  pairie,  contre  qui  on  aurait  employé  et 
poussé  toutes  ces  forces.  Aussi  quand,  grâce  à 
vous  tous,  ces  hommes,  imbus  des  maximes 
chrétiennes,  auront  appris  à  aimer  Dieu,  à 
garder  des  mœurs  pures,  à  respecter  l'autorité, 
à  obéir  à  leurs  chefs,  à  supporter  de  bon  cœur 
l'infériorité  de  leur  condition,  sans  porter  envie 
à  personne,  et  seront  dç.venus  ainsi  les  défen- 
seurs de  cet  ordre  social  dont  ils  auraient  été 
sans  cela  les  destructeurs,  vous  aurez  accompli 
une  œuvre  si  sainte,  si  noble,  si  utile,  qu'il  est 

{iresque  impossible  d'en  imaginer  une  meil- 
eure,  surtout  dans  les  temps  où  nous  vivons. 
»  11  est  lourd,  sans  doute,  le  fardeau  de 
sollicitudes,  de  dépenses  et  de  pei»es  que  vous 
vous  imposez  volontairement;  mais  pourriez- 
"vous  ne  pas  voir  combien  tout  cela  est  grand 
devant  Dieu  comme  devant  les  hommes,  et 
quelle  récompense  vous  réserve  le  Père  céleste? 
Excités  par  cette  espérance,  continuez  de  grand 
cœur  à  développer  l'œuvre  que  vous  avezentre- 

Î irise  ;  enlevez  à  l'impiété  sa  proie,  ramenez  à 
ésus-Cheist  les  brebis  qui  lui  ont  été  ravies, 
rendez  à  la  patrie  ses  citoyens,  aux  enfants 
leurs  pères,  aux  parents  leurs  lils,  au  travail 
des  ouvriers  utiles,  et  ainsi  faites  eu  sorte,  dans 
la  mesure  de  vos  forces,  de  raflermir  la  société 
qui  chancâlle  sur  ses  bases...  » 


La  déclaration  légale  pour  l'ouverture  de  la 
faculté  catholique  de  droit,  à  Angers,  a  été 
faite  le  1"  octobre.  En  même  temps,  le  règle- 
ment a  reçu  l'approbation  de  S.  Em.  le  cardinal 
archevêque  de  Rennes,  de  S.  G.  Mgr  l'arche- 
vêque de  Tours  et  de  NN.  SS.  les  évêques  de 
Laval,  d'Angers,  du  Mans,  de  Luçon.  L'intérêt 
qui  s'attache  à  tout  ce  qui  concerne  la  fonda- 
tion de  nos  universités  calholiques  nous  fait  un 
devoir  d'insérer  ici  ce  règlement.  Le  voici  donc, 
el  que  le  publie  l'Etoile,  d'Angers  : 

RÈGLEMENT  DE  LA  FACULTÉ  DE  DROIT  D'AN&ERS 

TITRE  PREMIER.  —DE  l'INSCRIPTIOH. 

Art.  1".  —  Pour  prendre  une  insciipliop. à  la 
Faculté  de  droit,  il  faut  avoir  seize  ans  rév.tlus 
et  fournir  les  pièces  suivantes  :  1°  une  expédi- 
tion dûmeiit  légalisée  de  sou  acte  de  naissance; 
2°  son  diplôme  de  bachelier  es  lettres,  ou  un 
certificat  d'admission  à  ce  giade,  visé  par  le 
recteur  de  l'Académie  dans  laquelle  on  aura  été 
reçu. 

Si  l'étudiant  est  mineur,  il  doit  justifier  du 
consentement  du  parent  sous  la  puissance  du- 
quel il  se  trouve,  ou  de  son  tuteur. 

Art.  Sî.  — Ceux  qui  n'aspirent  qu'à  obtenir  un 
certificat  «le  capacité,  ne  sont  pas  tenus  de  pro- 
duire le  diplôme  de  bachelier  es  lettres. 

Art.  3.  —  Le  registre  des  inscriptions  pour 
le  premier  trimestre  de  l'année  scolaire  est  ou- 
vert du  1"  au  15  novembre,  de  une  heure  à 
deux  heures. 

Ceux  qui  ont  été  reçus  bacheliers  es  lettres 
dans  la  session  de  novembre  sont  admis  à  pren- 
dre leur  première  inscription  jusqu'à  la  fin  de 
la  session. 

Le  registre  sera  ouvert  :  pour  le  deuxième 
trimestre,  le  3  janvier  ;  pour  le  troisième,  le 
1"  avril  ;  pour  le  quatrième,  le  1"  juin,  il  sera 
clos  le  tô  des  mêmes  mois.  Le  prix  d'inscrip- 
tion est  de  40  francs. 

Art.  4.  —  Les  étudiants  ne  peuvent  prendre 
de  nouvelles  inscriptions  qu'après  avoir  jus- 
tifié de  leur  assiduité  aux  cours  du  trimestre 
écoulé. 

TITRE  II.  —  DE  LA  FRÉQUENTATION  DES  COURS. 

Art.  5.  —  La  durée  de  chaque  leçon  est  d'une 
heure  au  moins  et  d'une  heure  et  demie  au  plus; 
personne  ne  peut  sortir  de  l'auditoire  avant 
que  la  leçon  soit  terminée. 

Les  professeurs  peuvent  s'assurer  des  progrès 
des  étutiiants  en  leur  adressant  des  questions 
sur  les  matières  de  l'enseignement. 

Une  dissertation  écrite  sur  les  mêmes  matières 
fst  obligatoire  pour  chaque  trimestre.  Il  en 
sera  rendu  compte  publiquement  par  les  pro- 
fesseurs respectifs. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1585 


Art.  6.  — Les  cludiants  Pont  tenus  de  fré- 
quenter avRC  exaeliluilc  tous  les  cours,  même 
extraorilinaires  ou  facullatifs,  pour  lesquels  ils 
se  sont  'jiscrits  et  qui  sont  mentionnés  dans  le 
programme.  La  même  obligation  existe  pour 
les  conférences  préparatoires  du  baccalauréat, 
de  la  licence  et  du  doctorat. 

Art.  7.  —  Les  étudiants  qui  désirent  être 
dispensés  de  la  f.-équentation  d'un  ou  de  plu- 
sieurs cours  doivent  adresser  une  demande  mo- 
tivée à  la  faculté. 

Art.  8.  —  Ne  sont  admis  à  fréquenter  les 
cours  que  ceux  qui  ont  été  portés  au  registre 
des  inscriptions,  et  qui  sont  munis  de  leur 
carte  d'entrée. 

Art.  9,  —  Ceux  qui,  sans  avoir  été  inscrits, 
veulent  suivre  un  cours,  doivent  s'adresser  par 
écrit  au  professeur,  qui  transmet  leur  demande 
eu  recteur.  Le  professeur  leur  communique  ce 
qui  a  été  arrêté. 

Ceux  qui  désirent  assister  à  une  leçon  doi- 
vent en  faire  la  ilemaude  au  professeur,  soit 
directement,  soit  par  l'entremise  de  l'appari- 
teur. 

Art.  iO.  —  Un  concours  annuel  sera  ouvert 
entre  les  étudiants  de  la  même  année.  Des 
prix  seront  distribués  aux  lauréats. 

TiTRE  m.  —    DES  AUTORITÉS  DE  LA  FACCLTÉ. 

Art.  11.  —  La  faculté  sera  administrée  con- 
formément à  l'article  4  de  la  loi  du  22  juil- 
let 1873. 

Art  12.  —  Les  autorités  académiques  de  la 
faculté  sont  le  recteur  et  le  doyen.  Les  profes- 
seurs, conjointement  avec  le  secrétaire,  for- 
ment sous  la  présidence  du  recteur,  le  conseil 
rectoral.  La  réunion  ordinaire  du  conseil  a  lieu 
le  premier  lundi  de  chaque  mois. 

TITRE  IV.  —  DE  LA  DISCIPLINE  DE  LA  FACULTÉ. 

Art.  13.  —  Le  maintien  de  la  discipline  est 
spécialement  confié  au  recteur. 

Des  internats serontouverts pour  les  étudiants 
au  gré  de  leurs  familles.  Ces  maisons  auront 
chacune  un  règlement  particulier,  approuvé 
par  le  conseil  rectoral. 

Arl.  14.  — Les  étudiants  doivent  professer 
la  religion  catholique  et  en  remplir  les  de- 
voirs. 

Art.  15. —  Les  dimanches  et  les  jours  de  fête, 
les  étudiants  externes  assisteront  aux  othces  de 
leur  église. 

16.  Des  conférences  religieuses,  obligatoires 
pour  tous  les  étudiants,  auront  lieu  a  diflé- 
rentes  époques  de  l'année. 

Art.  17.  —  Les  étudiants  externes  doivent, 
dans  les  trois  jours  de  la  prise  de  domicile,  re- 
mettre au  recteur  leur  adresse,  portant  le  nom 
•delà  rue,  le  numéro  de  la  maison,  le  nom  et 


la  profession  des  personnes  chez  lesquelles  ila 
se  sont  loués. 

Les  mêmes  renseignements  devront  être 
fournis  à  chaque  changement  de  domicile. 

Art.  18.  —  Les  étudiants  externes  devront 
habituellement  rentrer  chez  eux  à  dix  heures 
du  soir. 

Les  habitants  de  la  ville  qui  louent  des  ap- 
partements à  des  étudiants  sont  engagés  à  prê- 
ter leur  concours  au  maintien  de  cette  dispo- 
sition. 

Art.  19.  —  L'entrée  de  toute  maison  dont  la 
réputation  ne  serait  pas  reconnue  irréprochable 
est  rigoureusement  défendue. 

TITRE  V.  —  DES   PEINES  ACADÉMIQUES. 

Art.  20.  —  Les  peines  académiques  sont  : 

1°  Les  admonitions  ; 

2°  La  suspension  du  droit  de  fréquenter  les 
cours  ; 

3°  L'exclusion  de  la  faculté. 

Art.  21.  —  Les  admonitions  sont  faites  par 
le  conseil  rectoral. 

Comme  on  s'y  attendait,  les  prétendus  parti- 
sans de  la  liberté,  qui  ont  combattu  la  loi  de  la 
liberté  de  l'enseignement  supérieur  avec  une 
passion  furieuse,  n'ont  point  épargné  au  règle- 
meut  d'Angers  leurs  critiques.  Mais,  de  même 
que  leurs  attaques  contre  la  loi  en  faisaient 
mieux  voir  l'importance,  de  même  aujourd'hui 
leurs  diatribes  contre  le  règlement  ne  servent 
qu'à  en  faire  mieux  comprendre  l'excellence. 
S'il  n'était  pas  si  bon,  ils  n'en  diraient  pas  tant 
de  mal.  La  désapprobation  des  ennemis  trompa 
moin^  que  l'approbation  des  amis. 

Equateur.  —  On  connaît  maintenant  quel- 
ques détails  sur  l'assassinat  de  Garcia  Moreno, 
président  de  la  République  équatoriale.  Ce 
crime,  ce  parricide  avait  été  concerté  depuis 
quelque  temps  dans  les  antres  de  la  franc- 
maçonnerie.  Le  bruit  s'en  était  répandu,  et  l'on 
en  parlait  avec  effroi.  Mais  Garcia  Moreno  n'en 
poursuivit  pas  moins  son  œuvre.  En  abandon- 
nant l'Eglise,  il  eût  sauvé  sa  vie  :  il  n'y  pensa 
même  pas.  Il  est  donc  mort  martyr,  et  Pie  IX 
l'a  publiquement  honoré.  C'est  le  6  août,  fête 
de  la  Transfiguration  de  Noire-Seigneur,  qu'il 
est  tombé  sous  les  coups  de  trois  assassins. 
L'un  d'eux  a  été  tué  sur  place  par  une  senti- 
nelle accourue  au  bruit;  les  deux  autres  ont  pu 
échapper  et  ne  sont  pas  encore  retrouvés.  Gar- 
cia Moreno  rentrait  de  l'église  voisine  au  palais 
du  Gouvernement.  Il  portait  sur  lui  le  message 
qu'il  devait  adresser  au  Congrès  national,  le 
jour  prochain  de  l'expiration  de  ses  pouvoirs. 
On  l'a  trouvé  lâché  de  son  sang.  C'est  un  admi- 
rable document,  rempli  de  patriotisme  et  de 
foi,  mais  que  sa  longueur  ne  nous  permet  pa» 
de  reproduiïe.  Garcia  Moreno  y  trace  le  tableau 


1S86 


LA  SEMAliNE  DU  '^lERCË 


de  ce  qui  s'est  fait  ai  bien  dans  1  Equateur 
durant  sa  dernière  présidepce.  et  il  en  fait 
remonter  tout  le  mérite  «  à  Di3u  t.t  à  l'Imma- 
culée dispensatrice  des  inépuisables  tfésors  de 
sa  miséricorde.  » 

Garcia  Moreno  n'a  vécu  que  quelques  ins- 
tants après  avoir  été  frappé.  Sa  dernière  parole 
a  été  :  Dieu  ne  meurt  pasf  Son  corps  a  été  aus- 
sitôt reporté  à  l'église,  d'où  il  venait  de  sortir, 
et  déposé  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  des 
Sept- Douleurs,  pour  laquelle  il  avait  une  par- 
ticulière dévotion. 

Toute  sa  nation  le  pleure,  comme  Israël  pleu- 
rait autrefois  ses  héros.  Mieux  encore  que  pen- 
dant sa  vie,  elle  comprend  ce  qu'était  Garcia 
Moreno,  et  quelle  perte  elle  a  fait  en  le  per- 
dant. 

Voici  le  bref  résumé  que  publie  Y  Univers  des 
principales  œuvres  publiques  de  Garcia  Moreno 
pendant  sa  dictature  t-t  ses  deux  présidences, 
c'est-à-dire  dans  l'espace  de  onze  ans  : 

n  Refonte  de  la  Constitution. 

»  Recettes  des  douanes  converties  en  revenus 
nationaux,  et  non  provinciaux. 

s  Re[irésentation  nationale  basée  sur  la  popu- 
lation totale  du  pays,  et  non  sur  le  privilège 
des  villes. 

»  Etablissement  d'un  tribunal  des  comptes. 

»  Organisation  des  cours  de  justice. 

»  Fondation  d'une  école  polytechnique,  con- 
fiée en  partie  aux  religieux  jésuites.  Pour  le 
moment,  l'école  est  trop  grande;  le  pays  ne 
fournit  pas  encore  assez  d'élèves. 

B  Création  d'un  oliservatoire  astronomique 
dirigé  par  les  jésuites  et  construit  par  eux.  Cet 
établissement  est  l'un  des  plus  beaux  et  des 
mieux  meublés  qu'il  y  ait  au  monde.  A  cause 
de  la  position  de  Quito,  Garcia  très-versé  dans 
les  sciences  mathématiques,  voulait  le  rendre 
incomparable.  11  a  donné  la  plupart  des  instru- 
ments. 

»  Voies  de  communications  et  routes.  Garcia 
a  fait  et  presque  achevé  cinq  grandes  routes. 
La  principale,  celle  de  Guayaquil  à  Quito, 
s'étend  sur  quatre-vingts  lieues.  Elle  est  pavée 
et  compte  cent  vingt  ponts.  C'est  un  travail 
soli'le  et  admirable,  dont  les  difficultés  parais- 
saient invincibles. 

M  Fondation  de  quatre  nouveaux  diocèses. 

R  Concordat  avec  le  Saint-Père. 

»  Réforme  du  clergé  régulier,  rétablissement 
de  la  vie  commune  et  de  l'état  monastique. 

»  Formation  de  l'armée.  L'armée  était  un 
ramas  qui  n'avait  ni  organisation,  ni  obéissance, 
ni  unitorme,  ni  chaussure.  Elle  est  organisée  à 
la  française,  habillée,  chaussée  et  disciplinée, 
et  l'exemple  et  le  salut  du  pays. 

»  Etablissement  de  phares  à  Guayaquil.  Il 
n'y  en  avait  pas  sur  toute  la  côte. 


>:  Réforme  de  l'administration  des  dcuanes, 
monlitè  rétablie,  revenus  triplés. 

»  Collèges  dans  toutes  les  villes;  écoles  dam 
les  moindres  villages;  des  Frères  de  ^a  doctrine 
chrétienne  partout. 

»  Ecoles  de  tilles.  Sœurs  de  la  Charité,  di 
Sacré-Cœur,  du  Bon-Pasteur,  de  la  Providence 
Petites-Sœurs  des  Pauvres. 

»  Hôpitaux.  Pendant  sa  prem.iére  présidence 
M.  Garcia  destitua  le  directeur  de  l'iiôpital  d( 
Qiùto,  qui  avait  refusé  de  recevoir  un  pauvre 
et  qui  était  fort  négligent.  Il  se  fil  nommej 
directeur  à  sa  place.  Il  visitait  l'hôpital  tous  le; 
jours,  réforma  le  service  et  le  mit  sur  un  bor 
pied.  Il  fit  là  plusieurs  actes  de  charité  héroïque 

»  Maintien  et  accroissement  des  congréga- 
tions. 11  était  membre  de  la  congrégation  de: 
pauvres. 

»  Création  de  quatre  musées. 

»  Le  protectorat  ealholipie,  vaste  et  magni- 
fique école  des  métiers,  à  l'exemple  de  San  Mi- 
chèle de  Rome,  tenue  par  les  Frères  de  la  doc- 
trine chrétii'une. 

»  Conventions  postales  avec  divers  Etats. 

»  Embellissements  et  nettoya; ge  de  villes 
Guayaquil,  et  surtout  Quito,  sont  absolumen 
transformés. 

I)  Lorsqu'il  y  avait  une  révolution,  et  c'étaii 
souvent,  le  gouvernement  nouveau  frappait  ar- 
bitrairement de  fortes  contributions  sur  le  part 
vaincu.  Garcia  Moreno  a  aboli  cette  coutume. 
Pondant  son  pouvoir,  il  n'aimposé  aucune  con- 
tribution à  personne,  et  celles  que  prélève  l'Etal 
n'ont  pas  été  augmentées.  » 

A  ce  brillant  tableau,  nous  ajouterons  deuî 
traits  qui  nous  sont  fournis  parle  dernier  mes- 
sage de  Garcia  Moreno,  dont  il  a  été  questior 
plus  haut,  et  qui  regardent  l'instruction  publi 
queetla  moralitépublique.  Il  résulte  des  stati.^- 
tiques  de  l'instruction  publique  que  le  nomb.f 
des  élèves  fréquentant  les  écoles  a  plus  ru-: 
doublé  sous  l'administration  de  Garcia  Moreno 
Eu  1867,  ces  élèves  étaient  au  nombre  de  <  3, COO 
et,  en  tS75,  ils  sont  de  32,0l;0.  En  ce  qui  con- 
cerne la  moralité  publique,  il  suffit  dédire  c.a': 
sur  une  population  de  plus  d'un  million  d'ha- 
bitants, il  ne  se  trouve  pas  assez  de  criminel; 
pour  remplir  la  «  pénitencerie,  »  laquelle  ce 
pendant  ne  peut  contenir  que  300  individus. 

Eh  bien  !  c'est  l'homme  quia  accompli  toute; 
ces  grandes  choses  que  les  sectaires  ont  fait  as- 
sassiner. Et  ils  se  disent  les  amis  du  progrès, 
de  la  civilisation,  du  peuple. 

P.  d'Hautkrive. 


Tome  VI.  —  N°  52.  —  Troisième  année. 


20  octobre  1875. 


SEMAINE  DU  CLERGÉ 


SERMON  POUR  LA  FÊTE  DE  LA  TOUSSAINT 


LES  SAINTS. 

Qui  vcerit,  daho  et  seilere  meciim  in  trono  meo.  — 
La  victoire  de  mon  disciple  lui  vaudra  l'honneur  de 
partager  mon  trône.  {Ai'oc,  m,  21.) 

Vo\is  avez  là,  mes  frères,  en  deux  mots,  la 
définition  d'un  saint  et  le  résumé  des  gloires 
dont  Notre-Seigni'ur  se  plalt  à  l'environner. 
Un  saint,  c'est  un  victori 'ux,  un  triomphateur... 
guivkeiit...  Il  aura  le  privilège  de  partager  le 
double  trône  sur  lequel  le  Cliiist  est  adoré,  son 
trône  du  ciel  et  son  trône  de  la  terre...  dabo  ei 
tedere  mecuin... 

La  fête  d'aujourd'hui  réalise,  en  partie,  la  pro- 
messe de  Notre- Seigneur.  Après  avoir  fait  dé- 
61er  sous  nos  yeux  cette  foule  innombruble  de 
tout  âge,  de  toutes  conditions  et  de  toutes  tri- 
bus, après  avoir  entr'ouvert  les  cieux  et  nous 
avoir  montré  les  élus  dans  la  gloire  céleste  de 
leur  chef,  l'Eglise  se  recueille,  et,  unissant  leurs 
Qoms  au  nom  du  Christ,  elle  entonne  leur  gloire, 
recueille  leurs  ossements  et  les  installe  sur  un 
trône  impérissable    Dabo  ei  sedei-e  mecum... 

Mais  reprenons,  mes  frères,  j'ai  dit  que  les 
saints  sont  des  victorieux...  Qui  l'ïcenY...  Toute 
victoire  suppose  un  combat,  une  lutte...  Avant 
3e  porter  une  plume  à  la  main,  les  saints  ont 
donc  tenu  les  armes  du  combat...  Oui,  mes 
frères,  et  c'est  au  combat  que  je  dois  vous  ap- 
peler aujourd'hui.  Car  la  guerre  nous  est  dé- 
clarée, une  guerre  de  tous  les  jours  et  de  tous 
les  instants.  Les  Saintes-Ecritures  n'appellent 
la  vie  de  l'homme  (jue  du  nom  de  combat. 
Militia  est  vita  honiims  super  terrum.  Tout  le 
monde  vous  résistera,  dit  Noire-Seigneur  a  ses 
disciples...  Il  faut  une  âme  violente  pour  en- 
lever le  ciel.  C'est  au  milieu  de  loups  que  nous 
sommes  envoyés...  Pour  suivre  le  Christ,  il  faut 
savoir  renoncer  à  tout.  Enfin,  revendiquant 
l'homme  et  la  responsabilitii  de  cette  prise 
d'armes  générale,  Notre-Seigneur  s'écrie  :  je 
ne  suis  pas  venu  apporter  la  paix,  mais  c'est 
un  glaive  que  je  jette  au  milieu  du  monde, 
non  veni pacem  mittere  sed gladium  {AJattfi.  x.  34). 
Cette  guerre  a  commencé  pour  tout  homme  dans 
les  langes  du  berceau,  et  la  dernière  bataille  se 
livre  sur  les  bords  de  la  tombe. 

C'est  une  guerre  terrible,  car  nos  ennemis 


sont  de  ceux  dont  les  défaites  multipliées  ne 
diminuent  ni  le  nombre,  ni  le  courage  ;  de 
ceux  auxquels  rien  ne  fait  défaut,  ni  l'intel- 
ligence, ni  la  puissance,  ni  l'audace,  ni  surtout 
la  persévérance.  C'est  une  guerre  où  beaucoup 
succombent,  oii  tous  reçoivent  des  blessures. 
Car,  selon  la  belle  parole  de  saint  Paul  {Ephes. 
Vi.  il),  nous  n'avons  pas  affaire  avec  gens  de 
notre  taille,  avec  la  chair  et  le  sang,  mais  avec 
les  principautés  et  les  puissances  déchues,  avec 
les  directeurs  de  ce  monde  ténébreux,  avec  tous 
les  esprits  mauvais.  Cet  ennemi,  avec  lequel 
nous  nous  sentons  aux  [irises,  cet  ennemi,  mes 
frères,  qui  nous  fait  commettre  le  mal  que  nous 
détestons  et  omettre  le  bien  que  nous  aimons, 
cet  ennemi  de  tous  les  jours,  le  voilà;  le  Saint- 
Esprit  l'a  nommé  par  la  bouche  de  saint  Paul, 
c'est  le  prince  du  mal,  le  démon.  Arrière,  mes 
frères,  arrière  ces  explications  naturalistes  qui 
n'expliquent  rien.  La  voix  qui  nous  fait  si  bien 
valoir  le  séduisant  attrait  du  mal,  ce  n'est  pas 
la  voix  de  la  nature,  comme  on  nous  le  dit  pré- 
sentement, c'est  la  voix  du  premier  insurgé 
contre  l'autorité  divine;  c'est  lui  qui  nous  ap- 
pelle directement  ou  imlireclemeot  à  secouer 
a  noti  e  tour  le  joug  bienfaisant  de  Dieu.  Autre- 
fois, il  se  parait  des  apparences  de  la  vertu,  au- 
jourd'hui il  s'appelle  la  science,  le  progrès,  la 
civilisation;  mais,  pour  s'habiller  à  la  moderne, 
il  ne  change  que  de  nom...  C'est  toujours  le 
même. 

Eh  bien,  mes  frères,  il  me  semble  qu'au 
milieu  de  cette  solennité,  Dieu  pose  aujourd'hui 
à  toutes  les  âmes,  qui  ont  gardé  quelque  chose 
de  la  vieille  générosité  chrétienne,  la  question 
qu'il  posait  à  saint  Pierre  :  Simon,  fils  de  Jean, 
maimez-vous?  m'aimez-vous  plus  que  ceux- 
ci?..  M'aimez-vous  plus  que  le  mal,  plus  que 
vos  passions,  plus  que  votre  tranquillité,  plus 
que  vos  aises...  M'aimez-vous?  Pouvez-vous 
boire  le  calice  que  mon  Père  m'a  préparé  ?  — 
Pouvez-vous  lutter  ?  Or,  mes  frères,  nous  n'a- 
vons pas  le  choix  entre  deux  réponses.  Une 
seule  est  digne  de  nous,  digne  de  ceux  qui 
nous  ont  précédés  ;  une  seule  est  digne  du  nom 
que  nous  portons.  Nous  devons  accepter  la  lutte 
avec  toutes  ses  peines,  avec  tous  ses  sacrifices  ; 
nous  devons  refuser  un  repos  qui  ne  s'achèterait 
que  parla  honteuse  désertion  denotr»  drapeau. 
Nous  devons  combattre,  puisque  Die»i  ne  nous 
a  pas  donné  un  esprit  de  crainte,  uais  un  es- 


159? 


LA  SEMAINE  DD  CLERGÉ 


prit  de  force.  Connaissant  notre  ennemi,  il 
BOUS  reste  à  connaître  ses  armes  et  sa  tac- 
tique. 

1.  —  Ses  armes  n'ont  pas  varié,  et  sa  tactique 
est  toujours  la  même.  Les  armes  sont  les  créa- 
tures et  sa  tactique  consiste  à  les  détourner  de 
leur  foi  et  à  renverser  le  plan  divin.  Dieu,  pour 
tromper  la  soif  inextinguible  de  bonheur  qu'il 
a  allumée  dans  le  cœur  de  l'homme,  a  semé, 
sur  notre  route,  quelques  fleurs  éphémères,  lia 
cru  devoir  nous  donner  en  particulier  trois 
choses  qui  devaient,  en  le  chaimant,  élever 
notre  cœur  plus  haut  :  Ja  fortune,  le  plaisir, 
les  honneurs,  présents  terribles  dont  tous  les 
hommes  ont  savouré,  au  moins  une  fois  dans 
leur  vie,  le  parfum  enivrant.  Car  il  n'i  st  pauvre 
si  malheureux  qui  n'ait  eu  des  jours  où  il  a 
oublié  sa  pauvreté,  malade  si  affligé  qui  n'ait 
eu  se?  heures  de  calme;  car  il  n'est  pas  jus- 
qu'au malheureux  assis  dans  la  poussière  qui 
n'ait  eu  certains  instants  où  il  s'est  cru  quel- 
que chose.  Dieu  voulait  préparer  ainsi  les  âmes 
au  p  ids  éternel  de  richesses,  de  bonheur  et  de 
gloire  pour  lequel  il  les  a  toutes  créées,  il  vou- 
lait leur  donner  le  courage  d'attendre. 

Eh  bien,  mes  frères,  l'esprit  mauvais  s'est 
emparé  de  tout  cela,  et  il  a  rempli  le  monde  de 
cette  triple  passion  que  saiut  Jean  appelle  la 
concupiscence  de  la  chair,  la  concupiscence  des 
yeux  et  l'orgueil  de  la  vie:  il  l'a  rempli  de 
l'amour  désordonné  de  la  fortune,  du  plaisir  et 
des  honneurs,  et  il  a  travaillé  à  faire  prévaloir 
cette  idée,  que  la  fin  de  l'homme  est  là  tout 
entière. 

Dieu  nous  avait  prévenus  de  cela  ;  il  nous 
avait  dit  que, sans  nous  interdire  les  jouissances 
extérieures,  il  avait  placé  le  vrai  bonheur  dans 
la  pauvreté  réelle  ou  affective,  dans  tes  larmes 
et  dans  les  persécutions  :  il  avait  lancé  une 
triple  malédiction  contre  les  riches  qui  se  com- 
plaisent dans  leurs  trésors,  contre  les  rassasiés 
et  contre  ceux  qui  se  laissent  applaudk  par  les 
hommes. 

L'esprit  mauvais,  toujours  semblable  à  lui- 
même,  est  venu,  et  il  a  fait  ériger  en  maximes 
les  principes  diamétralement  opposés,..  11  les  a 
répandus  par  le  monde,  et,  peu  à  peu,  on  en  est 
venu,  sinon  à  croire,  au  moins  à  redire,  sinon 
à  répandre,  au  moins  à  supporter  des  paroles 
comme  celles-ci  ;  Bienheureux  les  riches  !  Bien- 
heureux ceux  qui  jouissent  1  Bienheureux  ceux 
qui  commandent  1  Bienheureux  ceux  qui  sont 
honorés  1  Avec  la  même  effronterie  qui  per- 
suada que  Dieu  ne  gardait  le  privilège  de  sa 
divinité  que  grâce  à  ea  simplicité  obéissante, 
il  assure,  par  les  cent  voix  dont  il  dispose  («ar  le 
monde,  la  voix  des  livres,  des  journaux,  la 
voix  des  hommes  et  la  voix  des  femmes,  que 
tout  est  légitime  quaud  on  réussit,  que  tout  est 


pardonné  quand  on  est  riche,  qu'il  suffit  de 
posséder  pour  être  heureux  et  flatté  ! 

Et  c'est  ainsi  que  la  société,  a  peu  à  peu, cessé 
d'être  chrétienne;  n'est  ainsi  que  se  sont  pré- 
parées les  révolutions  sociales;  c'est  ainsi  que 
la  mode  s'est  établie  de  ne  plus  être  religieux 
et  chrétien;  c'est  ainsi  qu'est  morte  la  généra- 
tion des  saints. 

L'heure  est  venue,  vous  dirais-je  avec  saint 
Paul,  l'heure  est  venue  de  secouer  ces  rêves  et 
ces  illusirms.  De  grâce,  mes  frères,  arrêtons- 
nous  et  voyons  où  nous  allons.  Sous  prétexta 
d'émancipation  et  d'indé[)undance,  nous  noua 
livrons  à  la  plus  abjecte  des  servitudes.  Toute  la 
tactique  de  notre  ennemi  aonsiste  à  nous  la  faire 
prendre  pour  la  liberté  :  La  vraie  liberté,  celle 
que  nous  cherchons  par  les  chemins  détournés 
qui  nous  égarent,  la  vraie  liberté  est  celle  que 
Dieu  donne  à  ses  enfants,  celle  qui  s'appuie  sur 
la  vérilé...   Veritas  Uberabil  vos... 

Or,  mes  frères,  la  vérité  est  que  les  trois 
choses  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure  doivent 
nous  conduire  à  Dieu.  La  vérité  est  que  les 
richesses  de  la  terre,  augmentées  de  tous  les 
plaisirs  et  de  tous  les  honneurs  d'ici  bats,  sont 
insuffisants  pour  remplir  Je  vide  de  notre  cœur. 
Dieu  seul,  mes  frères,  Dieu  seul,  voilà  le  repos 
des  âmes,  voilà  leur  nourriture,  voilà  leur 
bonheur! 

Pour  le  vrai  chrétien,  les  richesses  sont  le 
moyen  d'avoir  le  nécessaire  à  une  vie  honnête 
et  celui  de  le  donner  à  ceux  qui  ne  l'ont  pas. 
Saint  Augustin  a  dit,  dans  une  charmante  image, 
la  conduite  du  chrétien  par  rapport  aux  rich«s- 
ses  :  «Semblable,  dit-il,  à  l'abeille  qui  vole  au- 
dessus  de  son  miel,  ne  s'y  enfonce  pas  et  con- 
serve ainsi  la  hberté  de  ses  ailes,  le  chrétien 
plane  sur  les  choses  d'ici-bas,  il  commande,  mai* 
il  ne  se  laisse  jamais  enchaîner.  » 

Pour  le  vrai  chrétien,  le  plaisir  est  dans  l'ac- 
complissement du  devoir.  Jlse  garde  aussi  bien 
de  l'exagération  qui  pousse  certains  esprits 
maussades  à  fuir  toutes  les  légitimesjooissances, 
que  la  passion  immodérée  qui  les  accueille 
toutes  «ans  distinction  de  provenance  et  de  qua- 
lité. 

Pour  ie  vrai  chrétien  encore,  les  honneurs 
sont  des  charges,et  le  seul  qu'il  ambitionne  est 
celui  de  porter  la  croix  de  Jésus-Christ. 

Tels  sont,  mes  frères,  les  principes  qui  ont  fait 
les  saints.  Je  le  sais  €t  me  plais  à  le  reconnaî- 
tre, il  faut  du  courage,  il  faut  de  l'énergie,  il 
faut  du  sérieux  poor  la  mettre  dans  son  cœnr  et 
dans  ses  actes.  Mais,  mes  frères,  est-ce  que 
l'esprit  de  Dieu,  cet  esprit  de  force  et  de  vertu 
qui  les  a  fait  pratiquer  parles  saiuts  ne  pourra 
pas  rendre  notre  faiblesse  assez  courageuse  pour 
les  embrasser  sans  craindre. 

Nous  changerons  donc  nos  convictioas,  me* 


LA  SEMAINE  TU  CLERGE 


15M 


frères,  nous  les  ramènerons  aux  principes  do 
Jésus-Christ  et  nous  asseoirons  notre  vie  sur 
leur  base  solide. 

Mais,  après  ce  premier  rfTort,  un  second  obs- 
table  nous  attend.  Malgré  la  proclamation  inces- 
sante de  'olérance,  de  liberté,  modération  dont 
on  nous  fatigue,  rien  n'est  plus  rare,  dans  la 
pratique,  qui;  la  vraie  liberté;  rien  n'est  plus 
rare  que  la  vraie  tolérance.  On  tolère  le  mal... 
maison  ne  tolère  pas  la  vertu;  on  veut  bien 
que  les  autres  soient  mauvais, on  ne  suppoitepas 
qu'ils  soient  meilleurs  que  nous.  Aussi ,  tout 
liomme  qui  voudra  aller  à  Dieu  f^incèn.'ratnt, 
par  le  vrai  chemin,  rencontrera  de  l'opposition, 
de  la  critique,  peut-être  delà  haine.  Il  fnut 
savoir  se  mettre  au-dessus  de  tout  cela,  comme 
on  s''est  mis  au-dessus  des  séductions  etdes  faus- 
ses doctrines. 

Enlin,  mes  frères,  car  il  faut  bien  dire  toute 
la  vérité,  le  disciple  ne  sera  pas  plus  privilégié 
que  le  Maître.  Celui-ci  a  été  persécuté  violem- 
ment, le  disciple  le  sera  aussi.  Ne  nous  flaltons 
point,  la  situation  ne  s'est  pas  améliorée.  Depuis 
saint  Jean-Baptiste,  le  ciel  souffre  toujours  vio- 
lence, et  nous  n'emporterons  notre  place  que  de 
vive  force. 

Je  m'arrête,  mes  frères.  J'ai  essayé  de  vous 
faire  comprendre  la  véritable  nature  de  la  vii» 
chrétienne.  Elle  pourra  vous  paraître  tout 
d'abord  bien  dure.  Mais  n'oubliez-pas  que,  sou5 
cette  écorce  aride,  se  cachent  des  trésors  de 
suavités,  une  paix  et  un  bonheur  qui  dépassent 
tout  sentiment.  Je  surabonde  de  joie,  disait 
snint  Paul,  au  milieu  de  toutes  les  tribulations. 
Essayez  vous-mêmes  et  vous  éprouverez  que  la 
béatitude  réelle  e?t  dans  les  sept  choses  que  le 
Christ  vous  a  indiquées,  et  que  l'Eglise  nous 
faisait  lire  tout  à  l'heure.  Bienheureux  les  pau- 
vres en  esprit,  car  le  royaume  des  cieux  est  à 
eux...  Bienheureux  ceux  qui  ont  le  cœur  pur, 
car  ils  verront  Dieu...  Bienheureux  ceux  qui 
pleurent,  car  ils  seront  consolés...  Bienheureux 
ceux  qui  ont  taim  et  soif  de  la  justice,  car  ils 
seront  rassasiés  ;  et  le  reste  que  vous  pourrez 
relire...  El,  au  terme  de  tous  les  combats,  le 
trône  du  Clirist.  Qui  vicerit  dabo  ci  sedere  me- 
cum  in  tronomeo.  Amen.  L'abbé  Deguin. 

curé  d'Ecliannay. 


THÈMES   HOWIILÉTIQUES  SUR   L'ÉVANGILE 

V*  DIMAHCHE  APRÈS  hL   PENTECOTE  (1). 
(Malt.  T.  20-25.) 

I.  La  justice  est  la  vertu  qui  renferme  toutes 

1.  C«  Mme  et  le  suivant  nous  sont  arrivés  trop  tard 
pour  paraître  en  leur  temps.  Nous  croyons  néanmoins  faire 
plaisir  à  nos  abonnés  en  les  insérant  ici,  afin  de  compléter 
le  cours  donné  pai  U  •  i'abbÀ  lUcm»u 


t 


les  autres;  le  juste  est  l'homme  vertueux  en 
toutes  choses.  Juslitiam  hic  dicit  universalem  vir- 
tutem{i).  Quand  donc  le  divia  Maître  veut  que 
la  justice  des  siens  soit  plus  abondai^'eque  celle 
des  pharisiens  et  des  scribes,  il  révèle  d'un  mot 
toute  la  sublimité  de  la  vertu  chrétienne.  La 
vertu  pharisaîque  s'arrête  à  l'extérieur  ;  la  vertu 
chrétienne  doit  pénétrer  jusqu'au  fond  de  l'âme 
pour  en  régler  toutes  les  affections  et  toute.-;  les 
pensées.  Elle  élève  les  plus  humbles  à  des  hau- 
teurs inaccessibles  à  la  sagesse  antique,  et  laisse 
loin  derrière  elle  toutes  ces  vertus  naturelles, 
qui,  trop  souvent,'  n'ont  que  l'apparence  de  la 
vraie  vertu.  Inlende graliœ  additamentum:  disçi- 
pulos  enim  suos  adhucrudes,  magittris  qui  in  Veteri 
Testamento  erant,  vult  esse  meliores  (i).  Jésus- 
Christ  va  nous  dire,  relativement  au  cinquième 
précepte,  jusqu'où  doit  s'étendre  la  vertu  de  son 
disciple.  Aux  anduns,  il  a  été  dit:  vous  ne  tuerez 
pas.  Celui  qui  tuera,  méritera  d'être  condamné  par 
le  tribunal  dujugement.  Et  moi,  je  vuus  dis  :  qui- 
conque se  mettra  en  colère  contre  son  frère  méri- 
tera d'être  condamné  par  le  tribunal  du  jugement. 
C'est  le  même  tribunal,  c'est  la  même  condam- 
nation pour  celui  qui  tue  et  pour  celui  qui  se  met 
en  colère.  L'anti([ue  législation  ne  condamne 
que  l'homicide;  et  moi,  le  Législateur  suprême 
de  la  nouvelle  loi,  comme  de  l'aucienue,  je 
poursuis  le  mal  daus  sa  racine,  je  condamne 
la  colère  qui  est  la  source  de  l'homicide.  La 
colère  ainsi  condamnée  n'est  pas  ce  premier 
mouvement  qui  s'élève  dans  l'âme,  pour  ainsi 
dire  avant  qu'elle  s'en  aperçoive,  mais  c'est  un 
mouvement  que  l'âme  connaît  et  qu'elle  ne  ré- 
prime pas  ;  c'est  un  sentiment  délibéré  qui  nous 
irrite  contre  le  prochain,  et  nous  porte  ou  à  le 
mépriser,  ou  à  nous  éloigner  de  lui,  ou  à  nous 
venger  ;  en  un  mot,  qui  éteint  la  charité. 

Après  avoir  condamné  la  colère,  Jésus-Christ 
condamne  les  paroles  injurieuses  et  les  outrages 
qu'elle  met  ordinairement  sur  les  lèvres.  Pour 
en  montrer  la  gravité,  il  lesassimile  àcesgrands 
crimes  qui,  chez  les  Juifs,  étaient  jugés  parle 
Conseil,  qui  ne  connaissait  que  des  cri  mes  contre 
l'état  et  la  religion.  Et  quand  ces  injures  arri- 
vent à  l'excès,  il  ne  voit  plus,  pour  les  puuu-, 
que  la  géhenne  du  feu.  Eh  quoil  de  simples  pa- 
roles si  sévèrement  punies  1  Prenons  garde  de 
taxer  d'exagération  la  justice  divine.  11  vaut 
mieux  l'adorer  et  la  craimlre,  sans  en  sonder 
les  abîmes  ;  et  profiter  de  ces  grandes  menaces 
pour  régler  tous  les  mouvements  de  notre  cœur 
et  n'offenser  personne  dans  nos  paroles.  Non 
ergo  cestimes  hoc  esse  onerosum:  plwes  enini  pœ- 
narum  et  peccatorum  a  verb's  habent  principium: 
etenimparva  verba  multoties  koniicidium  pepe- 

1.  Chrysost.  in  Mail.  xvi. 

2.  Id..  iàid. 


159& 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


tcrunt;  et  ch-ilates  intégras  cverferunt  ;  nec  enim 
parum  œstimes  fratrem  stultum  vocare,  auferem 
et  prudenliam  et  intellectum,  quo  homines  sumus, 
et  ab  irrationabilibus  dùtamus  (1). 

H.  Si  la  colère  est  un  grand  péché,  si  les  pa- 
roles de  mépris  soutcondamualiles,  la  persévé- 
rance dans  la  rancune  et  la  haine  est  bien  plus 
répréhensihle.  C'est  pourquoi  la  charité  fait  du 
chrétien  une  rigoureuse  obligation  de  ce  jamiis 
conserver  en  son  cœur  le  moindre  ressentiment. 
Si  donc  étant  sur  le  point  d-i  faire  cotre  offrande 
à  l'autel,  vous  vous  souvenez  que  votre  frère  a  quel- 
que chose  contre  vous,  laissez- là  voti-e  offrande  de- 
vant l'autel ,  et  allez  vous  réconcilier  avec  votre 
frè)-e;  et  cela  fait,  vous  viendrez  présenter  vott  e 
offrande.  Dieu  aime  mieux  la  miséricorde  que  le 
sacrifice;  il  veut  qu'un  l'invoque  avec  des  mains 
pures  et  im  esprit  rempli  de  charité.  Le  sacrifice 
de  la  loi  nouvelle,  surtout,  est  le  signe  de  l'union 
qui  doit  régner  entrfi  tous  les  enfants  de  Dieu. 
Avant  d'y  prendre  part,  faisons  donc  la  paix 
avec  ceux  de  nos  frères  que  nous  avons  pu 
blesser.  Si  nous  voulons  que  Dieu  agrée  nos 
LommaL'os.  Ecce  a  discordantibus  accipere  non 
vul*  sacrificium  [-ï). 

Comment  vous  approcher  du  Dieu  de  la  paix, 
si  vous  èiesen  guerre  avec  vos  frères?  Comment 
le  Père  céleste  pourrait-il  vous  accueillir,  s'il 
voyait  en  vous  de  la  haine  contre  un  de  ses  en- 
fants? Donc,  avant  toutes  choses,  que  vous 
soyez  roffenseur  ou  l'otfensé,  cherchez  à  vous 
reconciher.  Pour  atteindre  ce  but  nécessaire, 
recourez  à  toutes  les  industries  de  la  charité. 
L'amour  est  agissant  et  n'a  point  de  repos  qu'il 
n'ait  obtenu  ce  qu'il  désire.  Aimez  votre  frère, 
désirez  sincèrement  qu'il  soit  convaincu  que 
vous  l'aimiz,  et  vous  trouverez  infailliblement  le 
moyen  de  l'eu  convaincre. 

L'abbé  Herman, 

curé  de  Festubert. 


M'  DIMANCHE   APRÈS   LA    PENTECOTE. 

(Mire,  VIII.  1-0). 

I.  En  ces  jours  là,  dans  le  désert,  où  Jésus 
s'était  retiré,  la  foule  était  grande  autour  de  lui 
et  elle  n'avait  pas  de  quoi  manger.  Alors  Jésus 
appela  se-  disciples  et  leur  dit  :  J'ai  pitié  de  cette 
foule  :  toilà  trois  jours  qu'elle  est  avec  moi  et  elle 
n'a  pus  de  quoi  manger.  11  y  a  deux  leçons  ici  : 
d'abord  l'empressement  de  ce  peuple  nui  a  tout 
quitté  pour  suivre  Jésus-Christ  au  désert,  sans 
s'inquiéter  des  besoins  de  la  vie  matérielle,  con- 
damne notre  apathie  pour  les  choses  de  la  foi. 
La  bontt*  de  Jésus,  sa  tendre  sollicitude  pour 
ceux  qui  le  suivent  sont  de  nature  à  encourager 

1.  Chrj60st,,  in  Mallh.  X\t, 
S.  Gregor..  tup.  Euch, 


ri'tre  confiance;  plus  nous  saurons  nous  oublier 
nous-mêmes,  pour  chercher  le  royaume  de  Dieu, 
plus  Dieu  pourvoiera  largement  à  nos  nécessités 
temporelles. 

Le  miracle  qui  va  s'opérer  renferme  un  ensei- 
gnement plus  haut  encore  :  Jésus  promène  son 
regard  divin  sur  le  monde  et  il  voit  les  nations 
qui  meurent  d'épuisement,  parce  qu'elles  n'ont 
ni  le  pain  de  la  vérité,  ni  le  pain  de  l'Eucharis- 
tie Elles  viennent  de  bien  loin,  du  fond  des  tur- 
pitudes de  l'idolâtrie,  et  Jésus  s'émeut  de  com- 
passion pour  elles.  Misercor  super  turbam. 
Aujourd'hui  encore,  Jésus,  du  haut  de  son 
autel,  porte,  en  nos  âmes,  un  regard  tendrement 
scrutateur,  et  il  voit  que,  pour  la  plupart,  nous 
n'avons  pas  de  quoi  manger,  parce  que  nous  ne 
venons  pas  cheriher  la  nourriture  là  oii  il  la 
multiplie  tous  les  jours,  en  nous  donnant  sa 
chair  et  sou  sang  à  l'autel.  Et  il  a  pitié  de  nous 
et  il  ne  vent  pas  nous  renvoyer  à  jeun,  parce 
qu'il  sait  bien  que  nous  tomberions  en  défail- 
lance sur  la  rouie. 

L'expérience  n'est-elle  pas  là  pour  le  prou- 
ver? Toutes  nos  ignorances,  toutes  nos  fai- 
blesses, toutes  nos  langueurs,  toutes  nos  chutes 
et  toutes  nos  fautes  viennent  de  ce  que  nous 
nous  éloignons  de  Celui  qui,  dans  le  festin  de 
l'Eucharistie,  est  pour  les  siens,  lumière,  force, 
chaleur  et  innocence. 

II.  Dans  la  première  multiplication  des  pains 
qui  se  rapportait  à  la  vocation  des  Juifs,  les 
apôtres,  figure  des  patriarches  et  des  prophètes 
zélés  pour  le  salut  du  peuple  choisi,  intercé- 
dèrent en  faveur  de  lafoule  affamée.  Mais  cette 
fois,  Jésus  seul  en  eut  pitié,  personne  ne  son- 
geait aux  Gentils,  personne  excepté  Dieu. 

Il  y  a  sept  pains  et  deux  poissons.  Les  sept 
pains  représentent  les  sept  sacrements  institués 
pour  nourrir  les  enfants  de  la  nouvelle  alliance 
dans  le  déseit  de  la  vie  Bene  panes  septem  in  mys- 
terio  Novi  Testamenti  pionurdur,  in  quo  septifor- 
tnis  Spiiitui  Sancti  yratia  plenius  cunctis  fidelibus 
credenda  revelatur  et  crédita  datur.  Aperitionem 
sagnificat  sacramentorum,  quibus  ad  perjjetuatH- 
salutem  mundus  erat  nutriendus  (1). 

Ces  pains  sont  des  pains  de  froment;  tous  le» 
sacrements,  comme  tous  les  mystères,  con- 
vergent vers  l'Eucharistie,  le  froment  divin  qui 
multiplie  les  élut  :  Cibavit  eos  ex  adipe  ftumenti... 
A   fructu  frumenti...  multiplicati  sunt  (2). 

Aux  sept  pains  sont  joints  quelques  petits 
poissons.  Le  poisson  passé  par  le  feu  est  le  sym- 
bole traditionnel  de  Jésus -Christ  dans  sa  pas- 
sion :  Pit'Cis  assus  est  Chrislui  passus  (J).  Les 
sacrements  tirent  toute  leur  efficacité  de  la 
passion  du  Sauveur. 

1.  BeiU. 

2.  Ps.   LXXX,  V.  4. 

9.  Aug. 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


159S 


Quatre  mille  hommes  sont  miraculeusement 
rassasiés  et  représentent  la  multitude  des  nations 
qui,  des  quatre  vents  du  monde  viendront  à 
Jésus-Christ  et  recevront,  dans  l'église,  par  le 
ministère  des  apôtres,  le  pain  de  l'intelligence 
€t  du  cœur.  Quand  ils  furent  rassasiés,  les 
apôtres,  sur  l'ordre  du  Sauveur,  recueiUirent 
sept  corbeilles  des  restes  du  pain  miraculeux. 
Ces  sept  corbeilles  sont  encore  rimasse  des  sept 
sacrements,  qui  dureront  autant  que  l'Eglise,  et 
qui,  par  elle,  sont  toujours  à  la  disposition  du 
peuple  fidèle.  Sunt  ad  hanc  usque  diem  et  erunt 
usque  ad  consummationcin  sœculi  coplnni  pkni 
tacramentorum  panis  vivi,  quos  Jésus  discipulis 
dereliquil  {\).  Que  cette  paternelle  prévoyance 
de  Dieu  à  notre  égard  ne  soit  pas  rendue  inutile 
par  nos  dédains  orgueilleux.  Allons  à  Jésus- 
Christ,  allons  aux  prêtres,  allons  à  l'autel,  et 
nous  n'aurons  pas  de  défaillance  sur  la  route. 
Mangeons  le  pain  qui  fortifie  ;  mangeons  le  tous, 
et  n,.us  serons  rassasiés  :  MnnducuverunC  omnes 
et  saturait  mut. 

L'abbé  Hebman, 
curé   de  Festubert. 


ACTES  OFFICIELS  CU  SAINT-SlÉGE 


Congrégation  du  Concile 

MISSA    PRO   POri'LO. 

Episcopus  T.  literis  datis  ad  S.  C.  Congrega- 
tionem  exposuit:  «  Dubium  exorlum  esse  de 
applicatione  Misssae  a  Farochis  faciendae  in  iis 
Festis,  qua?  in  Germania  qnidem  siippiessa,  in 
choro  autem  celebranda  sont.  Cum  onim  SS.  D. 
N.  Plus  PP.  LX,  perepistolam  Encyclicam  dédie 
.'J  maii  1858  concesserit,  ut  quimdo  una  cum  so- 
lemnitate  divinum  officium  translatum  fuerit  in 
diem  Dominicam,  una  tactum  Missa  pro  Populo 
sit  applicanda,  qua^ritur  an  idem  indullum  valeat 
et  pro  bis  casibus,  in  quibus  propter  occurrentem 
Festivitatnm  majoris  dignitatis  festum  aliquod 
£uppressum,  v.  g.  Inveiitionis  S.  Crucis  occur- 
rentefesto  Tunicae,  Clavorum  et  Lanceœ  Domini, 
ad  aliam  diem  ferialem  transferri  oportet.  Cum 
in  bis  temporum  angustiis  absque  gravissima 
causa  onera  Parochis  iniposita  araplianda  non 
videntur,  mibi  quidem  in  desideratis  est,  ut 
S.  G.  Coucilii  declarare  dignetur,  in  dict»  casu 
appli(,atiouem  pro  parochiauis  non  esse  facien- 
dam.  » 

Cum  vero  S.  G.  Congregatio  ad  tollendum 
omue  dubium  quaesiisset,  «  an  dies  ferialis,  in 
quam  trausfertur  festum  suppressum,  ferialis 
remaneat,  aut  veluti  feslum  publiceservetur,  vel 

1.  Origoa,  in  JUallh. 


saltem  in  Ecclesia  peragantur  oœterse  functiones 
et  ritus  in  diebus  tum  festis  adhuc  de  preecepto 
servatis  tum  suppressis  peragi  solitis;  -i  Episco- 
pus respondit:  «  In  feria  ista,  in  quam  casu  praî- 
fato  festum  suppressum  transfertur,  nuUas  func- 
tiones et  ritus  peragi  in  diebus  de  prœcepto 
servandis  solitas;  sed  Missam  solummoido  de 
festo  translate  ceiebrari  officinmque  d'viuum 
aut  privatum  a  dero  aut  iu  ecclesiis  colledatis, 
in  choro  absque  solemuitate  festi  absolvi  solere.» 

S.    C.    Congregatio,    causa    cognita,  sub  die 
24  aprilis  1873,  respondere  ceiisnit: 

«  In  caxH  de  quo  agitur  Parochum  non  teneri, 
tdque  notificelur  Episcopo. 


LITURGIE 

(10*    et    ilen.ier    article.) 
X.  —  De  la  conservation  des  reliques  (suite  et  fin). 

5°  Il  nous  paraît  à  la  fois  utile  tt  intéressant 
de  prendre,  dans  Y  Instruction  touchant  la  fabri- 
que et  le  mobilier  de  léglise,  de  saint  Charles 
Borromée,  la  partie  qui  regnrde  les  reliques,  et 
de  la  rcproihiire  iri  en  entier.  Ou  y  trouvera 
des  indications  d'après  lesquelles  on  pourra  se 
guider  dans  les  soins  à  prendre  pour  traiter  les 
saintes  reliques  avec  le  respi  et  convenable  et 
en  assurer  la  conservation  (1). 

«  Nous  avons  maintenant  à  faire  voir  quels 
diriveiit  ètie  les  lieux,  les  vases  et  les  châsses 
nù  les  saintes  reliques  sont  renfermées  ou  con- 
servées. 

»  Tous  les  corps  des  saints,  qui  doivent  être 
conservés  dans  une  église  munie  de  cette  partie 
souterraine  que  l'on  appelle  la  confession,  ou 
la  crypte,  seront  renfermés  pieusement  et 
décemment  de  préférence  dans  cette  partie  et 
dans  les  autels  en  pierre,  ou  sous  ces  autels, 
selon  la  coutume  antique. 

»  Il  convient  de  construire  à  cette  fin  un 
tombeau  de  marbre  ou  au  moins  de  pierre  dure, 
posé  avec  soin  à  l'intérieur,  fermé  par  un  cou- 
vercle du  même  genre  en  forme  de  toit,  et  pou- 
vant contenir  les  corps  saints  soigneusement 
enfermés.  Ce  tombeau  sera  placé  dans  les  autels 
ou  au-dessous,  et  solidement  fixé. 

1.  Les  reliques  pourront  être  placées  aussi  dans 
un  lieu  autre  que  les  autels  de  l'église.  Dans  ce 
cas,  on  construira  une  armoire  du  marbre  le 
jilus  précieux^  qui  sera  garnie  de  sculptures  à 
l'extérieur  et  couronnée  d'ornements  expri- 
mant des  idées  pieuses  et  religieuses. 

0  Celte  armoire  reposera  sur  quatre  colon- 
nettes  de  marlire,  d'un  travail  soigné,  ou  même 
sur  un  plus  grand  nombre,  si  le  lieu  s'y  prête 

1.  Monacelli,  Formuiarium  J«3oi'!  pra(tcum/bri  tccUtiatlit, 
t.  ],  ifl  /i«f,  et  t.  IV,  «upp.   ud  t.  11,  icst  num.  267, 


1596 


LA  SEMAINE  DU  CLERGt 


commodément.  Elle  sera  placée,  aussi  décRm- 
menl  que  possible,  dans  l'intérieur  de  l'église, 
là  où  il  y  aura  un  espace  suffisant,  ou  dans  la 
chapelle  principale,  pourvu  que  ce  ne  soit  pas 
celle  oii  est  conservé  le  Saint-Sacrement. 

«  Si  elle  est  placée  à  l'intérieur  de  l'église, 
elle  sera  séparée  de  toute  part  de  la  muraille 
et  de  tout  autre  ouvrage.  Si  on  la  met  dans 
une  clianellf;,  on  pourra  la  placer  au  fond  ou 
sur  le  côté  de  l'auiel,  ou  bien  appliquée  à  la 
muraille,  ou  bien  un  peu  engagée  dans  une 
cavité  qu'on  y  aura  ménagée  décemment,  et 
elle  sera  éle-vée  de  quatre  coudées  (l°'90  envi- 
ron) au-dessus  du  pavé. 

»  Toute  armoire  de  ce  genre  placée  dans  un 
lieu  apparent,  qu'elle  soit  élevée  au-dessus  du 
pavé  ou  détachée  de  la  muraille,  doit  être  en- 
tourée d'une  grille  de  fer  ornée  et  adaptée  se- 
lon la  disposition  du  lieu. 

»  Si  des  corps  de  saints  ont  déjà  été  déposés 
non  dans  l'autel  ou  dessous,  mais  dans  un  autre 
lieu,  sous  le  pavé,  l'emplacement  sera  complè- 
tement couvert  d'un  tapis  et  défen  ii  de  tous 
côtés  et  au-dessus  par  une  grille  de  fer  serrée. 

r  Pour  tiue  les  corps  des  saints  ou  leurs  osse- 
ments sacrrs  soient  préservés  do  la  corruption 
et  do  toute  atteinte,  conservés  purs  de  toute 
souillun^,  garantis  de  la  poussière  et  mis  à 
l'abri  de  la  violence  et  de  tout  outrage,  on 
prendra  la  précaution  suivante.  Lorsqu'un  tom- 
beau sera  placé  dans  un  lieu  apparent,  ou  dans 
l'autel,  ou  dessous,  les  parties  en  seront  assem- 
hlées  solidement  à  l'extérieur  et  attachée- l'une 
à  l'autre  pnr  lics  agrafes  de  fer  scellée-  au 
plomb,  de  tidle  sorte  qu'aucun  interstice  ne 
reste  visible.  En  outre,  on  mettra,  dans  ce  tom- 
beau, une  autre  châsse  en  or,  ou  en  argent,  ou 
en  étain  doré,  dans  laquelle  le  corps  saint 
sera  renfermé. 

M  Avant  d'oire  enfermés  dans  les  châs=es, 
les  corps  saints  seront  entourés  et  revêtus 
d'une  étofie  de  soie  ou  d'une  enveloppe  plus 
précieuse,  de  la  couleur  qui  convient,  d'après 
les  règles  de  l'Eglise,  au  saint  ou  à  la  suinte 
dont  les  ossements  sacrés  y  sont  déposés. 

»  La  châsse,  le  reliquaire,  les  petits  tom- 
beaux, les  urnes,  quelle  que  soit  la  forme  de 
ces  objets,  seront  bénis  selon  ta  règle,  avant 
que  l'on  y  renferme  les  saintes  reliques,  et  on 
prendra  les  prières  assignées  et  prescrites  pour 
cet  usage  dans  le  Pontifical  ou  le  Kituel. 

»  Lorsqu'on  devra  mettre  dans  le  même  tom- 
beau les  corps  de  plusieurs  saints,  on  les  dis- 
posera de  telle  sc>''te  qu'ils  puissent  être  distin- 
gués entre  eux.  A  cette  fin,  le  tombeau  sera 
divisé  par  le  sculpteur  en  deux  uu  trois  parties 
selon  le  nombre  <les  corps  sacrés  ou  des  saintes 
reliques  qu'on  devra  y  renlermer,  ou  bien  on 
le  narlagera   proprement  et  en  faisant  avec 


soin  li^s  jointures  en  plusieurs  compartimenta 
au  moyen  de  planchettes,  de  plaques  de  mar- 
bre, ou  de  toute  autre  manière,  ou  au  moins 
ces  reliques  seront  mises  séparément  dans  de 
petites  châsses  en  argent  ou  en  étain. 

»  Un  écriteau  en  bronze,  portant  gravé  1« 
nom  de  chaque  saint,  sera  placé  dans  chacune 
des  châsses. 

»  Une  autre  inscription  sera  gravée,  en  outre, 
sur  la  pierre  du  tomlieau,  laquelle  fera  con- 
naître clairement  les  noms  des  saints,  le  nom- 
bre des  corps,  le  temps  auquel  ils  ont  été  dé- 
posés  là,   le  lieu  d'où  ils  ont  été  transférés. 

»  Il  conviendra  de  mettre  à  part,  de  la  ma- 
nière qui  va  être  dite,  les  tètes  de  saints  que 
l'on  a  séparées  des  corps,  afin  de  les  montrer 
et  de  les  expo-er  à  certains  jours  aux  fidèles» 
pour  sali-faire  leur  pieté.  Chacune  sera  ren- 
fermée dans  une  châsse  en  or  ou  en  argent,  ou 
bien,  là  où  les  ressources  font  défaut,  dans 
une  uhàsse  en  bronze  doré.  Cette  chasse  repré- 
sentera une  tète  avec  le  cou  et  la  moitié  de  la 
poitrine. 

»  Si  l'on  veut  renfermer  dans  un  autel  ou 
dans  un  tombeau  à  jour,  pour  qu'ils  puissent 
être  vus  en  certaines  circonstances,  des  corps 
de  saints  restés  entiers  et  dont  les  membres 
sont  parfait(>mcnt  unis  ensemble,  on  construira 
l'autel  ou  le  tombeau  de  telle  sorte  qu'on  y  mé- 
nage dans  la  partie  antérieure  une  petite  fe- 
nêtre par  laquelle  on  puisse  voir  à  l'intérieur. 
Cette  ouverture  sera  garnie  d'une  grille  de  fer 
ou  de  bronze  pouvant  èlie  fermée  solidement 
et  reb'vée  de  quelques  ornements. 

»  Dans  les  lieux  où  sont  conservés  des  mem- 
bres de  saints  ou  des  reliques  insignes,  on 
pourra  préparer,  pour  les  y  placer  décemment 
et  religieusement,  un  endroit  uniquement  af- 
fecté à  cet  usage,  sur  l'un  ou  l'autre  des  mo- 
dèles qui  vont  être  immédiatement  indiqués, 
et  conformément  à  ce  qui  se  voit  dans  les  basili- 
ques sacrées  de  Rome. 

»  Première  forme.  —  Si  la  nef  de  l'église  est 
large,  on  construira,  du  côlé  de  l'Evangile,  et 
séparé  des  colonnes  ou  piliers  de  la  nef,  uu  sup- 
port de  quatre  à  cinq  coudées  (1""  88,  ou  2"°  35 
environ)  d'épiiisseur,  ayant  eu  largeur  environ 
cinq  coudées  (2""  itô).  Ce  support  reposera  lui- 
même  sur  quatre  colonnes  de  marbre  eu  d'autre 
pierre,  hautes  de  six  ou  huit  coudées  (de  2"  80- 
à  3"  75  environ). 

»  Sur  ce  rapport,  on  fera  une  armoire  de 
marbre  ou  d'autre  pierre,  décorée  et  ornée,  pour 
y  déposer  les  saintes  reliques.  Cette  armoire  sera 
revêtue,  à  l'inlérieur  et  sur  toutes  les  faces,  de 
minces  planches  de  noyer,  ou  d'un  bois  plus- 
précieux,  garnies  de  soie,  de  la  couleur  qui  con- 
vient, suivant  les  règles  de  l'Eglise,  aux  reliques 
qu'on  devra  y  renfermer.  Elle  auia  une  petite 


LA  SEMAINE  DU  CLEllGÉ 


rm 


porte  à  (îeux  jattants  couverts  de  bronze  à  l'ex- 
térienr  et  gînnis  à  l'intérieur  de  soie  de  même 
couleur  que  ci-dessus.  Cette  porte  se  fermera 
par  deui:  venoiix  ou  dpux  serrures  ayant  clia- 
cune  sa  clef  différenle  de  l'autre. 

»  A  la  partie  supérieure  des  colonnes,  aa 
niveau  de  la  plate-forme  du  support,  on  placera 
un  marchepied  ou  palier  d'une  coudée  et  demie 
(O"  70  environ)  de  lar^îeur  et  de  la  même  Ioq- 
gueur  que  le  support.  Ce  marchepietl  aura,  sur 
le  devant,  uue  balustrade  en  bronze  fondu  ou  en 
fer,  ou  bien  eu  marbre  ou  autre  pierre  solide, 
ou  encore  en  bois  avec  montants  tournés. 

»  On  ne  fixera  pas  à  ce  marchepied  un  esca- 
lier en  escargot  nu  d'une  autre  tonne,  mais  on 
se  servira  seulement  d'un  e-calier  portatif  en 
bois  lorsqu'il  faudra  extraire  les  saintes  reliques, 
à  certains  jours  solennels,  pour  les  exposer  au 
peuple. 

»  Deuxième  foi-me.  —  Dans  les  é;;lises  qui  ne 
seront  pus  assi'z  jurandes  pour  que  les  reli'iues 
puissent  y  être  placées  comme  il  vient  d'être 
dit,  on  adaptera  un  mar^ihepied  à  peu  près  au 
milieu  en  se  rapprochant  un  peu  du  maitre- 
autel,  ou  contre  le  mur  du  chevet  de  l'Eglise, 
ea-dehors  de  la  chapelle  principale  et  du  coté 
de  l'Evangile.  Ce  marchepied,  applique  .'i  la 
muraille,  aura  la  même  loui^ueur  et  la  même 
largeur  qu(^  ddui  dont  les  dimensions  ont  été 
données  ci-dch^us. 

»  On  prati(]uera,  dans  l'intérieur  du  mur 
auquel  sera  attaché  le  marchepieJ,  une  armoire 
de  marbre  ou  d'autre  pierre  solide.  Cette 
armoire  rcra  revêtue  tout  autour  à.  l'intérieur 
de  planches  de  chèue  ou  d'un  autre  bois  de 
longue  durée,  et  garnie  partout,  par-dessus,  de 
soie  de  la  couleur  qui  convient,  suivant  les 
règles  de  l'Eglise,  aux  saints  dont  les  reliques 
y  devront  être  déposées.  Elle  se  fermera  par 
deux  battants  garnis  de  bronze  et  armés  de 
deux  serrur .s  diCférentes,  ainsi  qu'il  a  été  dit 
précédemment. 

»  On  pO'irra  adapter  au  marchepied  un  esca- 
lier en  pierrt'  ou  en  bois,  pour  y  monter,  si 
l'espace  '(ui  reste  devant  l'armoire  permet  de 
l'y  placer  commodément;  autrement  on  se  ser- 
vira, comme  ci-des3us,  d'un  escalii;r  portatif. 

»  Troisième  forme.  —  Une  troisième  forme 
qui  va  être  liccrétce,  sera  adoptée  dans  les 
églises  qui  possèdent  des  saintes  reliques,  et  oii 
l'on  n'a  pas  préparé  et  l'on  ne  peut  disposer, 
pour  les  recevoir,  une  armoire  conforme  au  pre- 
mier ou  au  second  modèle. 

»  A  l'intérieur  de  la  principale  chapelle, 
on  creusera,  dans  lu  muraille,  du  coté  de  l'E- 
vangile et  regardant  directement,  s'il  se  peut. 
Je  maîtr>:-autel,  une  armoire  qui  aura  la  lar- 
geur, la  longueur,  la  hauteur  et  la  profondeur 
exigée  par    le     nombre    et    les    dimensions 


dos  saintes  reliques  qu'on  y  devra  conserver 

»  Elle  sera  élevée  de  quatre  coudées  (1°  90 
environ)  au-dessus  du  sol,  et  revêtue  de  tontes 
parts,  à  l'intérieur,  d'une  boiserie  recouverts 
d'une  étoffe  de  soie  de  la  couleur  qui  convient 
aux  saintes  reliques. 

»  Elle  sera  fermée  par  deux  battants  solides 
et  propres, garnis  de  bronze  à  l'extérieur,  mnnia 
d'une  serrure  solide  pourvue  de  deux  clefs 
différentes. 

»  Les  reliijues  renfermées  dans  des  vases  oa 
châsses  seront  placées  en  ordre  dans  l'armoire 
ainsi  préparée. 

»  Des  vases  et  châsses  des  reliques  qui  doivent  être 
disposées  dans  les  lieux  ci-dessus  décrits.  —  Le» 
vases  ou  châsses  destinés  à  recevoir  les  reliques, 
seront  en  or,  en  argent  ou  en  cristal,  ou  bien 
faits  d'un  autre  métal, artistemenl  travaillés,  et 
ces  derniers  seront  dorés  :  leur  magnificence 
sera  proportionnée  à  l'importance  des  reliques 
et  aux  ressources  de  l'église  dans  laquelle  elles 
sont  conservées. 

»  Il  y  aura  autant  de  chaises  que  de  reliques, 
et  on  les  mettra,  en  distinguant  les  ordres, 
une  à  une,  ou  deux  à  deux,  ou  plusieurs  ensem- 
ble dans  chaque  châsse.  Chaque  vase  ou  châsse 
aura  aussi  son  voile  pour  le  couvrir,  et  ces  voi- 
les seront  de  diverses  couleurs,  selon  la  nature 
des  reliques  renfermées  dans  les  reliquaires. 

»  Si  les  reliques  sont  d'un  si  faible  volume, 
qu'elles  ne  demandent  pas  à  être  mises  dans  de 
grands  vases  ou  chassas,  mais  dans  de  petits 
reliquaires,  on  les  disposera  comme  il  suit  : 

»  On  préparera  une  tablette  divisée  en  com- 
partiments, faite  de  noyer  ou  d'autre  bois,  ou 
même  il'uue  matière  jdus  précieuse,  telle  que 
l'ivoire  ou  l'argent,  d'un  travail  tiui,  bien  polie, 
d'un(î  largeur  el  d'une  lon^'ueur  sullisantespour 
l'usage,  aucpiel  elle  s'ia  d  ■slinée. 

»  On  creusera,  dans  celte  tablette,  autant  de 
capsules  qu'il  y  aura  do  r.  li  [ues  à  placer,  et 
chacime  aura  une  laigeurde  trois  oni.es  (6  cen- 
timètres). 

»  Ces  capsules  seront  ornées,  dans  leur  par- 
tie supérieure,  de  petits  encadrements  dorés. 

»  Celle  tiblette  ainsi  pourvue  de  ses  capsules, 
sera  recouverte  d'un  verre  Irés-clair,  de  telle 
sorte  que  chaque  capsule  soit  fermée  par  ce 
verre. 

»  Celte  fermeture  en  verre  sera  munie  da 
tous  côtés  d'un  encadrement  en  bois  doré  ou 
même  d'une  matière  plus  précieuse  qui  servira 
d'ornement,  de  manière  qu'elle  demeure  fixe  et 
solide. 

I)  En  outre,  chaque  relique  sera  enveloppée 
dans  un  double  talletas  de  soie,  ou  dans  une. 
autre  élolïe  de  soie  plus  précieuse,  brochée  d'or 
ou  d'argent,  eu  observant  de  distinguer  les 
couleurs  qui  conviennent,  couforiiiément  àl4^ 


159» 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


règle  établie  par  noire  sainte  mère  l'Eglise, 
pour  les  apôtres,  les  martyrs,  les  vierges  et  les 
confesseurs  dont  on  aura  à  placer  les  reliques, 

»  Dans  quelqu"  genre  de  châsse  ou  de  vase 
que  soient  mises  ces  reliques,  celles  dont  les 
noms  sont  certains  porteront  une  inscription 
tracée  sur  parchemin  en  petites  lettres  bien 
lisibles  et  attachée  à  chacune  d'elles,  ou  plutôt 
à  l'étoffe  do  soie  dont  elles  seront  enveloppées, 
afin  que  l'on  reconnaisse  clairement, à  ces  signes, 
les  reliques  de  chaque  saint  ou  sainte. 

»  S'il  est  établi  par  quelque-  documents  cer- 
tains à  quels  saints  appartiennent  principale- 
ment plusieurs  reliques,  qui  sont  cependant 
tellement  confondues,  que  l'on  ne  puisse  décider 
celles  qui  sont  de  tel  ou  tel  saint,  on  les  renfer- 
mera ensemble  dans  le  même  vase  ou  la  même 
châsse,  et,  dans  ce  vase  ou  cette  châsse,  on  ins- 
crira les  noms  de  tous  les  sainls  dont  les  reli- 
ques y  sont  conservées. 

»  On  mettra  une  inscription  semblable  aux 
vases  ou  châsses  où  les  reliques  qui  y  sont  con- 
servées ont  bien  des  inscriptions,  mais  séparées 
des  reliques  et  tellement  mêlées  ensemble,  qu'on 
ne  puisse  aucunement  s'en  servir  pour  distin- 
guer les  reliques  entre  elles. 

»  S'il  en  est  dunt  les  noms  ne  sont  par  cer- 
tains, on  les  renfermera  dans  une  même  châsse, 
avec  cette  inscription  :  Reliquùe  sacra  quarum 
nomina  ignoranlur. 

D  Sur  la  paroi  de  l'armoire  où  sont  renfer- 
mées les  saintes  reliqjies,  on  peindra  avec  soin, 
en  leur  donnant  une  expression  religieuse,  les 
images  des  saints  dont  on  y  conserve  les  reli- 
ques, de  ceux  surtout  dont  les  reliques  insignes 
s'y  trouvent. 

»  On  préparera  deux  baguettes  de  bois  garni 
d'ivoire  ou  d'acajou,  vulgairement  aiipelé 
bois  du  Brésfi,  ou  d'un  autre  bois  conve- 
nable. Elles  auront  trois  coudées  de  longueur 
(1™  40  environ),  l't  seront  munies,  â  leur  par- 
tie supérieure,  d'une  lame  d'argent  se  termi- 
nant par  deux  petits  crochets,  auxquels  on 
Buspendra  les  chapelets  des  fidèles,  pour  k-ur 
faire  toucher  les  saintes  reliques,  ou  plutôt  les 
reliquaires. 

»  Dans  toutes  les  églises  où  se  trouvent  des 
reliques  ou  des  corps  de  saints, on  placera,  dans 
on  lieu  apparent  et  distingue,  jiar  exempb^  à 
une  colonne  de  la  chapelle  piincipale,  du  côté 
de  l'Evangile  ou  dans  un  autre  endroit  bien  en 
vue,  une  plaque  de  bronze  ou  de  marbre  soli- 
dement scellée,  et  portant,  gravé  en  lettres 
assez  grandes,  un  sommaire  de  tout  ce  qui 
regarde  les  rciiqucs  conservées  dans  cette 
église  (1).  » 

En   reproduisant  ce  règlement  rédigé  pour 

1.  Àcio'.  EccUt.  Uedio'.an,,  pars  IV.  Inatntcl.  (abricm 
mclet.  lit.  I,  cap.  ivu. 


l'église  de  Milan,  nous  n'avons  pas  l'intention 
de  le  présenter  comme  obligatoire  partout  ail- 
leurs dans  toutes  ses  parties.  On  y  trouve  des 
règles  qui  sont  à  observer  en  tout  lieu,  en 
vertu  des  lois  générales  de  l'Eglise  :  le  reste 
peut  servir  de  direction,  et  l'ensemble  montre 
avec  quel  respect  on  doit  traiter  les  reliques 
des  saints  et  de  quelles  précautions  il  faut  user 
pour  les  garantir  de  tout  danger  de  disparition 
et  de  profanation.  On  sait,  du  reste,  en  quelle 
estime  sont  tenues  les  ordonnances  de  stiiut 
Charles  et  quelle  autorité  elles  ont  dans  l'Eglise. 
Là  où  l'on  se  conformera,  autant  que  possible, 
à  ces  sages  dispositions,  on  sera  assuré  d'avoir 
pleinement  rempli  les  devoirs  qui  incombent 
aux  supérieurs  des  églises  à  l'égard  des  restes 
sacrés  des  saints. 

XI.  —  Reliques  des  saints  apôtres  Philippe  et 
Jacques  le  Mineur.  —  Nous  njoulons,  sous  forme 
d'appendice,  â  nos  artitles  sur  le  culte  des 
siinies  reliques,  un  document  important  relatif 
aux  reliques  des  deux  apôtres  saint  Pliilippe  et 
saint  Jacques  le  Mineur,  récemment  décou- 
vertes â  Home,  dans  la  basilique  des  Siints- 
Apôtres.  Cette  pièce  n'ofire  pis  seulement  un 
intérêt  historique  considérable,  elle  montrera 
avec  quel  soin  on  observe,  dans  l'Eglise  Mère 
et  Maîtresse,  les  règles  qu'elle  a  tracées  pour  les 
cas  semblables  et  que  nous  avons  précédem- 
ment rappelées.  Voici  le  décret  publié  à  cette 
occasion  par  le  cardinal-vicaire  : 

«  CoNST.\NTiN  Patrizi,  par  la  miséricorde  divine, 
évêque  d'Ostie  et  de  Velletri,  cardinal  de  la 
sainte  Eglise  romaine,  doyen  du  Sacré-Col- 
lége,  archiprèlre  de  la  sainte  église  de 
Latran,  vicaire  général  de  notre  Irès-saint 
seigneur  le  Paiie,  juge  ordinaire  de  la  Cour 
romaine  et  de  son  district,  etc.,  etc. 

»  Selon  la  tradition,  la  basilique  sacrée  des 
douze  apôtres  fut  primitivement  construite, 
sous  le  règne  de  Constantin  le  Grand,  au 
centre  de  la  ville.  Ensuite  le  papt;  Pelade  I"  la 
fit  reprendre  par  les  fondements  et  lui  donna 
des  dimensions  plus  grandes.  Le  pape  J  an  111 
l'acheva,  et,  vers  l'an  oGO,  la  consacra  à  Dieu, 
en  l'honneur  de  ses  douze  apôtres  et  particu- 
liêrem''nt  des  saints  Phili[ipe  et  Jacques  le 
Mineur.  Elle  avait  le  bonheur  de  posséder, 
outre  un  très-grand  nombre  de  reliques  in- 
signes, les  corps  des  mêmes  apôtres  Philippe  et 
Jacques  le  Mineur. 

»  Quoique  cette  basilique,  incendiée,  dévas- 
tée et  ébranlée  par  la  vétusté,  ait  été  rétablie 
par  les  soins  de  plusieurs  Souverains-Pontifes, 
dans  son  premier  étal  et  son  ancienne  dignité, 
et  qu'enUn,  sous  Clément  XI  et  Benoit  Xlll, 
qui  la  consacra,  les  Fréres-.Mineurs  conventU'.ls 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


iS9| 


de  l'Ordre  de  Saint-FrançLfs,à  la  garde  desquels 
Vur  II  l'avait  coiifiée,  l'aient  rétablie  de  l'oiid 
en  comble  sur  de  tiès-grandes  proportions  et 
r.vec  une  magnificence  merveilleusi?;  une  an- 
thiuiî  et  constante  tradition,  confirmée  par 
l'accord  des  historiens  et  une  ancienne  ias- 
ciiplion  placée  au  portique  de  l'éJifice,  a  tou- 
jours attesté  que  les  restes  sacrés  des  apolres 
Fliilippe  et  Jacques  le  Mineur  reposaient  sous 
le  maître  autel  de  ladite  basilique. 

»  Ce  n'est  pas  sans  un  dessein  particulier  de 
la  divine  Providence  qu'à  notre  époque,  tandis 
que  la  sainte  basilique  était  décorée,  par  les 
soins  et  la  piété  des  mêmes  Fières-Jlineurs 
conventuels,  de  peintures  et  de  dorures  appli- 
quées sur  les  murailles  et  les  voûtes,  d'un  pavé 
orné  et  d'une  nouvelle  crypte  préparée  pour  y 
conserver  avec  plus  d'honneur  les  reliques  des 
saints,  <-.e  sacré  trésor  des  corps  des  saints  apô- 
tres FMiilippe  et  Jacques  parut  à  la  lumière. 

»  Eu  cûVt,  le  15  janviei'  de  l'année  courante, 
a[jrès  que  l'on  eut  enlevé  le  maître-autel,  pour 
le  remplacer  par  un  autre  plus  élevé  et  plus 
maguitique,  et  que  l'on  eut  l'ait  une  brèche 
dans  un  mur  très-épais, on  put  voir,  à  l'intérieur, 
un  tombeau  placé  directement  sous  la  table  de 
l'autel,  composé  de  pierres  de  marbre  phrygien 
paifaitement  polies  et  construit  dans  le  goùl  du 
vi°  siècle,  et  dans  lequel  reposaient,  suivant  la 
trailllion  ancienne  et  très-fondée,  les  re=tes 
sacrés  des  deux  apôtres. 

»  Des  artistes  habiles  examinèrent  longue- 
ment et  avec  le  plus  grand  soin,  comme  la 
ci  [Constance  l'exigeait,  le  tombeau  découvert  ; 
on  compara  en  même  temps  les  reliques  que 
l'on  pensait  appartenir  àsaint  Jacques  le  Mineur 
avec  la  tèie  sacrée  du  même  apôlre  qui  est 
conservée  et  vénérée  dans  l'église  cathédrale 
d'Ancôiie  ;  cet  examen  fut  répété  plusieurs  fois 
avec  soin  et  maturité  par  des  hommes  habiles 
à  qui  est  confiée  la  conservation  des  antiquités 
chrétiennes,  devant  nous  et  en  présence  dos 
cardinaux  delà  sainte  Eglise  romaine  Antoiue 
Marie  Panebianco,  prêtre  du  môme  litre,  et 
Antoine  Deluca,  protecteur  de  l'ordre  des  Mi- 
neurs conventuels,  et  après  avoir  entendu  notre 
promoteur  fiscal,  il  ne  pouvait  nous  arriver  rien 
de  plus  agréable  que  d'avoir  à  décréter  et 
déclarer,  comme,  en  vertu  de  notre  autorité 
ordinaire  et  pour  la  gloire  de  Dieu  tout  puissant 
et  l'honneur  de  ses  saints,  nous  décrétons  et 
déclarons,  «  qu'il  couste  de  la  vérité  des  corps 
»  récemment  découverts  sous  l'autel  majeur  de 
B  la  basilique  des  Douze-Saints-Apôtres  de  la 
u  ville  de  Rume,  et  que,  selon  une  tradition 
»  constante    tas  corps  doivent  être  tenus  pour 

•  ceux  des' "bienheureux  apôtres   Philippe   et 

•  Jacques  le  Mineur,  frère  du  Seigneur,  et  que, 
»  par  conséquent,  ils  ont  droit  à  être  honorés, 


»  comme  il  est  juste,  par  tous  les  fidèles  de 
»  Jésus-Christ. 

»  Nous  voulons  toutefois  que  ces  précieux 
trésors  de  l'Eglise  catholique  soient  déposés,  en 
présence  de  notre  promoteur  fiscal  et  d'uo 
notaire  chargé  d'en  dresser  l'acte,  dans  la  nou- 
velle crypt-i  construite  directement  sous  ledit 
autel  principal,  afin  que  les  fidèles  puissent 
plus  facilement  les  honorer  et  les  vénérer. 

I)  Nous  voulons,  en  outre,  qu'une  copie  du 
présent  décret  soit  transcrite  sur  parchemin, 
avec  la  relation  du  notaire  qui  conserve  dans 
ses  minutes  le  procès  de  reconnaissance  des 
corps  sacrés  des  saints  Philippe  et  Jacques  le 
Mineur,  et  qu'on  la  renferme  dans  le  même 
tombeau  de  marbre,  pour  y  être  conservée. 

»  Nous  décréions  et  mandons  qu'il  soit  fait 
ainsi  et  même  de  toute  autre  manière  qui  sera 
jugée  meilleure.  En  foi  de  quoi,  etc. 

I)  Donné  en  notre  palais,  le  29  avril  de 
l'an  1873,  indiction  romaine  première,  la  vingt- 
septième  année  du  pontilîcat  de  notre  trés- 
saint  Père  en  Jésus-Christ  et  seigneur  Pie  IX, 
Pape  par  la  divine  Providence. 
Lieu  du  sceau. 

I   G.    CAHDINAL-VICAIBE. 

P.  chan.  Pelw.ci,  secrétaire. 

Nous  faisons  suivre  ce  décret  d'une  notice 
publii';e  dans  les  Analecta  juris  pontifiai,  et 
qui  ajoute  quelques  renseignements  tant  sur 
la  basilique,  que  sur  la  reconnaissance  des  re- 
liques. 

«  La  basilique  des  Saints-Apôtres,  à  Rome, 
est  désignée  de  temps  immémorial  sous  le  nom 
de  constanlinienne,  vraisemblablement  parce 
qu'elle  fut  construite  sous  cet  empereur.  Elle 
existait  certainement  au  V  siècle;  c:ir  le  con- 
cile tenu  à  Rome  jiar  le  pape  saint  Symmaque, 
l'an  501,  offre,  entre  autres  souscriptions,  celle 
de  quatre  cardinaux  de  la  basilique  des  Apô- 
tres :  Epiphanius,  Agapetus,  Stephanus  et  Cre- 
scenlius.  Ainsi  le  Liber  ponlificalis  se  trompe 
grossièrement,  s'il  veut  dire  que  la  basilique 
n'existait  pas  avant  Pelage  1",  élu  l'an  555, 
ainsi  qu'on  lit  dans  la  prétendue  vie  de  ce 
pontife  :  Eodem  tempore  initiata  est  basilica 
Apostolorum  Pldlippi  et  Jacobi.  Adrien  l",  dans 
une  lettre  à  Cliarlemagne,  assure  que  les  papes 
Pelage  et  Jean  III  construisirent  entièrement 
celle  basilique  :  Pelayius  et  domnus  Joannes  mirœ 
magnitudinis  ecclesiam  Apostolorum  a  toto  œdifi- 
cantes,  kistorias  diversas  tam  in  musivo  quarn  in 
variis  coloribus  cum  sacris  pingenter  imaginibus, 
etc.  Pelage  et  Jean  111  substituèrentà  l'ancienne 
église  constantinienne  une  nouvelle  basilique 
plus  grande  et  plus  riche. 

»  Au  XV'  siècle,  le  cardinal  Bessarion  entre- 
prit la  restauration  de  la  basilique  des  saint» 


1(00 


LA  SEMAINE  DU  CLEr.CE 


Apôtres  :  elle  fut  continuée  par  le  pnpe  Sixte  IV 
et  achevée  par  Jules  II.  L'église  actuelle  est 
du  siècle  dernier,  Benoit  XIII  la  consacra  le  17 
septembre  1724. 

»  Les  conventuels,  qui  desserrent  la  basili- 
que, ayant  entrepris  de  grandes  réparations  en 
1870,  on  a  découvert,  le  15  janvier  1873  une 
erypte  sous  le  grand  auli-l,  laquelle  contenait 
la  tombe  des  deux  Apôtres. 

u  La  commission  d'archéologie  a  été  chargée 
d'examiner  les  inscriptions,  le  local,  la  forme 
de  crypte.  Faisaient  partie  de  cette  commissiim  : 
Wgr  Mariueili,  M.  de  Rossi,  Mgr  Bartolini, 
M.  Visconti,  le  P.  Tongiorgi,  Mgr  l'rofîli, 
MM.  Fontana  et  Carimini,  architectes. 

)i  Les  relit! nés  ont  été  examinées  par  une 
commission  spéciale  ainsi  composée  :  le  P.  Sec- 
chi,  doiteur  Rudel.  docteur  Toncioni,  docteur 
Maroni,  docteur  Sanli,  Scognamiglio,  le  P. 
Adragua,  général  des  cons-entaels,  les  PP.  Bo- 
nelli  et  Gualtieri,  du  même  ordre,  et  Munti, 
notaire  du  vicariat. 

»  Les  deux  commissions  ont  reconnu  l'iden- 
tité des  reliques  (I).  » 

Nous  avons  à  faire  une  observation  impor- 
tante sur  un  passage  de  cette  notice. 

Nous  ne  voyons  pas  comment  on  peut  taxer 
le  Liber  ponlifr.alis  d'eneur  grossière,  parce 
qu'il  dit  que  la  basilique  des  Saints-A poires  fut 
commencée  sous  le  pontificat  de  Pelage  1".  Le 
pape  A.drien  I",  ainsi  que  le  constate  lui-même 
fauteur  de  la  notice,  atlirme  la  morne  cbosoo 
Pourquoi  cette  affirmation  n'est-elle  pas  aussi 
qualifiée  d'erreur  grossière,  et  est-elle,  au  con- 
traire, admise,  malgré  la  note  scvëre  infligée 
aa  Liber  ponlifcalis  pour  le  même  cas?  Nous 
ne  saurions  expliquer  celle  diilerence  dans  les 
procédés  de  l'auteur. 

Le  décret  du  cardinal-vieaire  donne  une  so- 
lulinn  toute  naturelle.  La  basilique  fut  cons- 
truite d'abord  pendant  le  règne  de  Constantin 
le  Grand,  et  reconstruite  entièrement  ensuite 
sur  de  plus  grandes  proportions  par  Pelage  1". 
Le  Liber  pontificatis  ne  dit  nullement  que  celte 
basilique  n'existait  pas  avant  Pelage  I",  il 
signale  seulement  un  fait  considérable  à  l'hon- 
neur de  ce  Pape  dont  il  résume  la  vie,  et, 
comme  il  est  très-sobre  de  détails,  il  ne  parle 
point  de  la  construction  antérieure.  Il  y  a  loin 
de  cette  prétermission  aune  négation. 

Si  l'on  avait  rapproché  plus  soigneusement 
les  textes  et  réiléchi  davantage,  ou  se  serait 
abstenu  de  noter  si  rigoureusement  le  Liber 
pontificalis  et  de  qualifier  de  prétendue  vie  le 
récit  succinct  qu'il  fait  des  actes  de  Pelage  P^ 
Quoique  ce  livre  précieux  ait  été  interpo.é  par 
les  ariens,  pour  les  besoins  de  leur  couse,  il 
n'est  pas  impossible  de  distinguer  les  parties 

t  Ânaltrta  iurit  pontiUcîi,  série  13*,  col.U3  et.lti. 


ajoutées,  et  les  écrivains  sérieux,  leconnatssant 
son  autorité  incontestable,  sont  habitués  à 
traiter  avec  plus  de  respect. 

P.-F.  ECAILE. 
professeur  de  tliéolog 


Théologie     morala 

DES   LIVRES   DÉFEriDUS 

{Sidle.) 

Il  y  a  donc  de  mauvais  livres.  La  loi  natu- 
relle défend  de  lire  ces  livres  nuisibles  à  la  foi  _ 
et  aux  mœurs;  mais  la  loi  qui  les  défend,  ne  m 
les  fait  pas  connaître.  Pour  protéger  les  fidèles,  ■ 
il  est  donc  nécessaire  qu'en -dehors  de  la  loi  na- 
turelle, intervienue  tine  autorité   qui  dénonce 
les  mauvais  livres.  I)£  plus,  outre  celte  dénon- 
ciation  géiiérule,    il   est    indispensable,    pour 
qu'elle  sorte  son  eflet,  qu'on  résolve  la  ques- 
tion pratique  :  si  tel  livre  déterminé  est  réelle-   i 
ment  nuisible.  Or,  avec  le  peuchaut  qu'ont  leS'  ^ 
hommes    à    préjuger    favorablement  de    leur 
esprit,    beaucoup  croiront    pouvoir   lire    sans 
péril   un   livre    d'ailleurs    mauvnis.    D'autant 
plus  qu'ils  ne  se  poseront  la  question  de  savoir 
s'il   peuvent,   oui  ou  uoHj  le    lire,    qn'aulnut 
qu'ils  le  désireront  déjà,  qu'ils  l'auront  peut- 
être  déjà  entre  les  muins  et  seront  poursuivis 
l'ar  la  tentation    de  s'en  repnitre.  Si  l'on  s'en 
tenait  au  seul    dictumen  de  la  conscience,  ua 
grand   nombre  seraient  donc  perdus    par  les 
mauvaises  lectures. 

D'ailleurs,  l'Eglise  militante  ne  se  compose 
pas  que  de  saints  ;  elle  comprend  aussi  beau- 
coup d'hommes  que  la  délicatesse  de  la  con- 
science n'éloignera  pas  assez  promptemeut  des 
mauvais  livres.  Or,  de  même  qu'on  enlève  aux 
furibonds,  le  fer  avec  lequel  ils  pourraient  com- 
mettre l'homicide,  de  même  il  faut,  par  des 
lois  coercitives,  ôter  aux  faibles  le  moyen  de 
s'iugérer  du  poison.  La  loi  naturelle  n'attein- 
drait pas  suffisamment  ce  but  ;  et  si  tous  les 
gouvernements  temporels  poursuivent  les  ou- 
vrages qui  portent  jitleinte  à  la  constitution  et 
à  la  paix  publicjue,  il  est  juste,  au  même  titre, 
que  l'Eglise  règle  l'impression  et  l'usage  des- 
livres et  prohibé  ceux  qui  porti  raient  atteinte  à- 
l'équilibre  intellectuel  et  moral  de  la  cliré- 
tienté. 

L'homme  ne  vit  au  fond  que  de  lumière.  La 
connaissance  de  la  vérité  par  la  raison  est  ce 
qui  distingue  l'homme  de  l'animal  et  la  pra- 
tique de  la  vérité  par  la  grâce  de  Dieu,  seule, 
conserve  et  élève  l'homme  dans  toutes  les 
sphères  de  son  existence.  Les  p:issions  humaine, 
cherchent  à  se  donner  l'apparence  de  la  vérité»» 


LA  SEMAINE  DD  CLERGÉ 


160r 


à  se  couvrir  des  semblants  de  la  justice,  pour 
s'attribuer,  sous  cette  forme,  de  la  viileur  et 
des  jouissances.  C'est  pour  l'humanité  une  con- 
dftion  vitiile  de  renverser  aussi  promptomeut 
que  possible  ce  (jui  n'est  que  trompeuse  appa- 
1 3nce.  Ce  droit  appartient,  ce  devoir  incombe 
i  avant  tout  à  l'Es^lise,  munie  de  la  lumière  ries 
r.H'clalions  divines  et  de  la  vertu  du  Saint- 
Fsprit.  C'est  à  elle  ifue  .lésus-Christ  a  confié 
le  mandat  divin  de  l'enseii^neraeiit  surnaturel 
cl  la  charge  de  ri'i^ir,  sous  la  loi  révélée,  tous 
les  peuples,  jusqu'à  la  consommation  des  siècles. 

II.  Quels  livres  lomhent  sous  le  droit  prohi- 
bitif de  l'Eglise? 

Les  raisons,  prises  de  la  constilulion  de 
l'Eg-lise,  pour  établir  sun  droit  piohibitif,  in- 
diquent approximativement  la  latitude  et  les 
limites  de  ce  droit  ;  les  raisons,  prises  de  la 
nature  humaine,  pour  confirmer  ce  droit  de 
défense,  obligent  d'eu  recubr  les  limites  et 
d'eu  étendre  la  latitude.  D'autres  raisons  jieu- 
vent  s'emprunter  accidentellement,  en  faveur 
de  cette  thèse,  soit  des  conditions  de  la  publi- 
cité, soit  des  circonstances  de  la  vie  sociale. 
Enlin,  pour  déterminer  davantai^i  encore  la 
réponse  à  celte  question,  il  faut  teidr  compte 
des  actes  du  Saiut-Siége  apostolique,  actes  qui 
montrent,  daus  sou  exercice  régulier,  le  droit 
prohibitif  de  la  sainte  Eglise. 

La  première  chose  que  l'Eglise  doit  défendre, 
c'est  elle-mèm',,  c'est  la  divinité  de  son  insti- 
tution, sa  hiérarchie  d'ordre  et  de  juridiction, 
son  autorité  doctrinale,  son  infaillibilité,  l'ori- 
gine, l'énoncé  et  l'étendue  du  pouvoir  juridic- 
tionnel, les  droits  souverains  du  Saint-Siége,  le 
pouvoir  temporel  des  papes,  l'indépendance  de 
l'Eglise  vis-à-vis  des  pouvoirs  civils,  ses  droits 
ratione  peccati  sur  les  puissances  temporelles, 
son  autorité  dans  la  famille  et  dans  l'école, 
son  droit  de  propriété,  son  droit  à  la  profes- 
sion des  conseils  évangéUques,  la  liberté  de  sou 
culte,  enfin  tout  ce  qui  constitue  le  plein  exer- 
cice de  ses  divins  pouvoirs.  Par  conséquent, 
tous  les  livres  qui  portent  atteinte  à  ces  droits 
sacrés  de  l'Eglise,  tombent  très-justement  sous 
ses  censures.  Autrement,  il  faudrait  dire  que 
Jésus-Glirist,  eu  instituant  l'Eglise,  a  permis  de 
l'attaquer  et  ne  lui  a  pas  permis  de  se  dé- 
fendre. 

En  second  lieu,  l'Eglise  doit  défendre  le 
dépôt  s  Ecritures,  l'authenticité  des  textes, 
le  sens  e.'tact  des  paroles,  l'exactitude  des  tra- 
ductions. S'il  s'élève  des  écoles  critiques, 
naturalistes  ou  mythiques,  soit  pour  récuser 
les  textes  soit  pour  les  adultérer  ;  s'il  se  ren- 
contre des  traducteurs  infidèles  ;  s'il  se  forme 
des  sociétés  bibliques  pour  propager  ces  traduc- 
tions fausses  ;  surtout  si,  dans  ces  temps  agités, 
la.  lecture  dit  la  Bible  eu  langue  vulgaire,  peut 


prêter  à  séduction  et  fanatiser  les  foules,  il  ap- 
partient à  l'Eglise  de  défendre  les  Ecritures, 
d'eu  régler  l'usage,  au  besoin  d'en  interdire  la 
lecture  en  langue  vulfîiire. 

En  troisième  lieu,  l'Eylise  doit  défendre  l'en- 
semble de  la  révélation,  c'est-à-dire  les  vérités 
d'ordre  naturel  qui  appartiennent  à  l'ordre  de 
foi  et  toutes  les  vérités  de  l'ordre  surnalurel. 
Par  conséquent,  si  des  athées,  des  panthéistes, 
des  matérialistes  nient  Dieu,  auteur  et  créateur 
de  toutes  choses;  si  des  rationalistes  nient  te 
fait,  la  nécessité  et  les  bienfaits  de  la  révélation; 
si  les  fidéistes  et  les  positivistes  altèrent  l'ordre 
de  la  foi,  ou  bouleversent  ses  rapports  harmo- 
nieux avec  la  raison;  si  des  hérétiques  et  des 
philosophes  faussent  la  nation  des  articles  du 
symbole  ;  il  appartient  à  l'Eglise,  soit  d'op- 
poser à  l'erreur  la  définition  de  la  vérité, 
comme  elte  l'a  fait  dans  les  conciles  et  dans  les 
constitutions  pontificales,  soit  de  frapper  d'ana- 
thème  les  livres  qui  combattent  la  vérité  tradi- 
tionnelle. 

En  quatrième  lieu,  l'Eglise  doit  défendre  la 
loi  morale.  Si  des  indifférents  ou  des  fanatiques 
en  récusent  ou  en  aggravent  l'autorité;  si  des 
rigoristes  ou  des  laxistes  en  restreignent  ou  en 
augmentent  la  facilité  ;  si  des  visionnaires  trou- 
blent l'ordre  des  préceptes  et  des  conciles  :  de 
Marcion  à  Junséuius  et  de  Pelage  à  Viutras, 
l'Eglise  frappera  leurs  ouvrages. 

En  cinquième  lieu,  l'Eglise  doit  défendre  son 
cnlte,  sa  lituricie,  son  rituel,  ses  formes  de 
prières,  et  si  des  faiseurs  de  liluraies  altèrent  la 
prière  publique  ou  veulent  nous  ramener  aux 
fêtes  païennes,  l'Eglise  dira  anathême  à  leurs 
innovations. 

Eu  sixième  lieu,  l'Eglise  doit  se  défendre  des 
empiétements  du  pouvoir  civil  soit  daus  l'exer- 
cice de  la  puissance  pontificale,  soit  dans  les 
rapports  des  évèques  avec  le  Pape,  soit  dans  la 
tenue  des  conciles,  soit  dans  ses  droits  sur  la 
célébration  du  mariage  et  sur  la  profession  de 
la  virfjiiiilé.  Et  s'il  se  présente  des  fabricants  de 
placel  ou  i\'exi-i/ttalur,  des  inventeurs  de  mariage 
civil  ou  des  sécularisaleurs  de  couvents,  l'Eglise 
leur  dit  auathème. 

Enfin,  l'Eglise  à  le  plein  droit  de  censure 
contre  tous  les  ouvrages,  même  orthodoxes  en 
eux-mêmes,  mais  nuisibles  par  occasion  aux 
fidèles.  «  Eu  ce  cas,  dit  Ernest  de  Moy,  l'Eglise 
agit  comme  un  médecin  qui  reconnaît  que  cer- 
tains aliments  sont  nuisibles  ;  en  les  désignant 
comme  tels,  il  défend  par  là  même  de  s'en 
nourrir.  Crtte  défense  loit  être  observée  et  l'est 
naturellement  par  l'homme  qui  se  possède; 
pour  l'homme  fiiible,  qn\  n'est  pas  maître  de 
lui-même,  il  faut  que  ceuK  qui  prennent  soin  de 
lui  fassent,  malgré  lui,  reepecter  et  observer  la 
défense.  » 


^602 


LA  SEMAINE  DU  CLERGE 


Celle  puissance  de  l'Eglise  sur  les  livres  nui- 
sibles seulement  par  occasion  s'éteml  aux  livres 
composés  par  fies  hérétiques,  même  sur  des 
matière?  étrangères  à  leur  hérésie,  par  exemple 
sur  lef  sciences  physiques  ou  mathématiques. 
Ces  livres  tombent  sous  la  loi  prohibitive  de 
l'Earlise,  parce  que,  en  les  lisant,  s'ils  sont  bien 
faits,  le  lecteur  sera  induit,  par  le  charme  du 
style  et  l'éclat  du  savoir,  a  eu  lire  d'autres,  du 
même  auteur,  contraires  à  la  saine  doctrine. 
L'Eglise  agit  ainsi  par  prudence  il  par  justice; 
par  prudence,  pour  prémunir  les  fidèles  contre 
leur  faiblesse;  par  justice,  pour  punir  l'hérétique 
de  ses  attaques  contre  la  foi.  —  On  objecte,  à 
celle  mesure,  une  chose,  savoir  :  que  l'Eglise 
agil  ici  en  haine  des  personnes  et  eu  opposition 
au  progrès  des  sciences.  A  quoi  l'on  répondque 
la  haine  des  auteurs  hérétiques  n'e-t  pas  le 
motif  de  sa  conduite,  mais  seulement  la  justice 
et  la  prudence  ;  et  que  si  la  défense  de  la  foi 
nuisait  au  progrès  des  sciences  ou  des  lettres, 
il  en  faudrait  prendre  son  parti  ;  mais  qu'il  n'eu 
est  jins  ainsi,  comme  le  fait  le  prouve,  et  que, 
d'aillL'urs,  si  quelque  savant  a  b  soin  de  lire  les 
livres  défendus,  l'Eglise  ne  manque  pas  de  lui 
en  accorder  facilement  la  permission. 

On  demande,  en  outre,  si  la  défense  de  lire 
des  livres  nuisibles  ne  peut  pas  s'étendre  aux 
journaux?  —  Incontestablement.  Ou  publie 
aujourd'hui,  dans  les  deux  mondes,  environ 
quinze  cents  journaux.  La  plupart  sont  impies 
de  jiarti  pris,  soit  par  les  théories  hétérodoxes 
qu'ils  vulgarisent,  soit  par  les  attaques  (ju'ils  se 
permettent  contre  la  religion,  soit  par  les 
atteintes  qu'ils  portent  aux  mœurs  dans  des 
romans-feuilletons.  Bien  que  ces  journaux  ne 
soient  que  des  feuilles  volantes  et  que  chaque 
numéro  forme  un  ouvrage  à  part,  on  peut  ce- 
pendant, à  raison  de  la  suite  d'idées  qui  les 
inspire,  les  considérer  comme  formant,  par 
addition,  un  livre  collectif  en  cours  de  publica- 
tion ;  et  puisqu'ils  portent  atteinte  à  la  foi  et  aux 
mœurs,  il  est  donc  juste  qu'ils  tombent  sous  la 
défense  de  l'Eglise.  — On  olijecte,  il  est  vrai,  que 
l'Eglise  ne  peut  pas  faire  tomber  sa  défense  sur 
desnumérosnoupubliés,parcequ'alors  la  matière 
manque  à  son  jugement.  Mais  il  faut  dire  que 
si  l'EiiUse  n'avait  pas  ce  pouvoir,  le  mal  serait 
fait  lorsqu'interviendrait  sa  défense,  et  qu'elle 
peut  très-justement  défendre  la  lecture  d'un 
journal  sur  la  simple  connaissance  du  mal  qu'il 
à  l'habitude  de  faire.  Si  ce  journal  revenait  à 
résipiscence  et  prouvait,  par  une  série  consi- 
dérable de  numéros  sans  faute,  qu'il  est  sérieu- 
sement attaché  au  bien,  alors  l'Eglise  pouriait 
lever  ses  censures  et  rendre  justice  à  laàncérité 
de  la  conversion. 

Avant  de  conclure  ce  paragraphe,  nous 
dirons  que  l'Ei^lise    peut  défendre  encore  des 


ouvrages  contre  la  famille,  contre  la  société, 
contre  la  propriété,  contre  le  droit  politique  et 
international ,  soit  parce  que  les  principes 
moraux  qui  les  constituent  appartiennent  au 
décalogue,  soit  parce  que  les  réformes  même 
justes  parfois,  que  peuvent  proposer  ces  ou- 
vrages, ne  seraient  rénlisables  que  par  de  vio- 
lentes et  sanglantes  révolutions.  Dans  cette 
dernière  catégorie  rentrent  tous  les  ouvrages 
inspirés  par  b^s  idées  du  communisme,  du  socia- 
lisme et  de  l'internationale. 

Quant  aux  ouvrages  de  philosophie,  d'his- 
toire, de  littérature,  de  science  ou  d'art,  pour 
des  questions  de  goût,  de  forme  et  même  de 
fond,  si  elles  n'intéressent  pas  l'orthodoxie, 
nous  croyons  qu'ils  ne  tombent  pas  sous  la 
juridiction  prohibitive  de  l'Eglise. 

III.  A  qui,  dans  l'Eglise,  appartient  ce  pou- 
voir ? 

Le  pouvoir  de  défendre  les  mauvais  livres 
n'étant,  dans  l'application,  qu'une  forme  du 
droit  divin  île  l'enseignement  et  du  gouverne- 
ment spirituel,  ceux-là  et  ceux-là  seuls  possè- 
dent ce  pouvoir,  qui  appartiennent  à  l'Eglise 
enseignante  et  sont,  à  leur  rang  hiérarchique,  j 
revêtus  de  la  juridiction  ejr/éri'eure.  ^ 

{A  suivre).  Jusira  Fèvre, 

protonotaire  apostoli(iue. 


HERMÉNEUTIQUE  BIBLIQUE 

PREMIÈRE  PARTIE.  —  DE  LA  RECHERCHK  DO  SENS. 

A.  Tradition  des  Juifs. 

Sous  le  nom  de  tra  lition,  nous  entendons  ici 
tout  ce  que  ranti(]uilé  nous  a  transmis,  soit  de 
vive  voix,  .-oit  par  écrit,  touchant  la  lexicogra- 
phie et  la  grammaire  hébra'i  ]ues.  Cette  langue, 
nous  l'avons  dit  plus  haut,  s'est  insensiblement 
éteinte  après  l'exil,  d'abord  sur  les  lèvres  du 
peuple,  puis  dans  les  livres  mêmes  des  savants  ; 
mais  elle  avait  trouvé  un  asile  dans  l'S  écoles 
juives.  Et  quoique  les  monuments  écrits  de 
celte  tradition  scolaire  qui  sont  arrivés  jusqu'à 
nous,  soient,  en  partie  du  moius,  séparés  par 
un  assez  long  intervalle  de  l'époque  où  l'hébreu 
était  un  idiome  vivant,  ce[iendant  l'intelli- 
gence de  cette  langue  n'ayant  j;imais  cessé 
d'être  nécessaire  pour  le  service  du  culte  et  la 
lecture  de  la  Bible,  nous  n'avons  pas  à  craindre 
de  nous  tromper  en  faisant  remonter  au  temps 
où  elle  se  parlait  encore  la  connaissance  qui 
s'en  est  prujiagée  parmi  les  rabbins,  d'abord  de 
vive  voix  au  sein  des  écOies.  puis  dans  des 
écrits  de  divers  genres.  Celle  tradition  ne  resta 
pas  enfermée  dans  l'étroite  enceinte  de  la  syna- 
gogue ;  dès  les  premiers  siècles  du  chris- 
tianisme, sa  vois  se  fait  écouter  de  l'Eglise 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


leoï 


elle-même.  Origène,  et  surtout  saint  Jéiôme,  si 
supérieurs  à  tous  Ifs  autres  Pères  dans  la  con- 
naissance ile-i  lettres  hébrakiiies,  et  qui  en  re- 
commandent si  vivement  l'étutle  à  leurs  con- 
temporains, confessent  que  tout  ce  qu'ils  sa- 
vent de  la  langue  de  l'Ancien  ïeslameut,  ils  le 
-^Jiventaiix  le(;onsde3  Juifs  di;  Palestine.  Nous 
(levons  donc  alLrihuer  à  la  tradition  juive,  à 
raison  de  son  origine,  une  haute  autorilé,  si  ce 
n'est  dans  les  cas  où  nous  aurions  de  justes 
motifs  de  suspecter  les  canaux  intermédiaires 
qui  nous  l'ont  transmise. 

En  eflfet,  les  témoins  de  cette  tradition  philo- 
logique, pour  inspirer  confiance,  doivent 
réunir  deux  conditions,  la  science  et  la  sin- 
cérité. 

Or.  quant  à  la  première  de  ces  deux  condi- 
tions, quclques-uQS  sont  tout  à  fait  voisins  de 
l'époque  où  la  langue  hél)rai'[ue  était  encore 
vivante,  sinon  dans  le  lan'-rage  du  peuple,  au 
moins  dans  les  écrits  des  savants;  la  trailition 
qu'il  nous  apportent  est  donc  presque  immé- 
diate et  suflisamment  pure.  Ajoutez  que  la 
plupart  connaissent  p!us  ou  moins  parfaite- 
naent  une  ou  plusieurs  langnes  de  la  même 
famille,  ce  qui  leur  était  d'un  grand  secours 
pour  établir  le  sens  des  mots  héijreux.  Et  pour 
la  seconde  condition,  ils  nous  apparaissent 
doués  d'un  jugiiment  sain  et  exercé,  étrangers 
aux  préjugés  et  aux  opinions  bizaries  des  Juifs 
d'une  époque  [ilus  récente.  Eniin,cequi  achève 
d'en  faire  pour  nous  les  tidèles  échos  d'une 
tradition  constante,  c'est  que,  tout  en  appar- 
tenant à  des  écoles  distinctes  et  suivant  pour 
tout  le  reste  des  directions  différentes,  ils  s'ac- 
cordent néanmoins  dans  l'interprétalion  des 
mots  et  des  phrases. 

Quels  sont  ces  témoins  de  la  tradition  juive, 
ou,  si  Ion  veut,  à  quelles  sourc'S  pouvons-nous 
lapuisiT?  Nous  en  indiijuerons  quatre  princi- 
pales :  les  anciennes  versions,  le  tulmud  et  les 
midraschim,  les  livres  des  grammairiens  et  des 
exégètes,  enfin  la  Masore  (1).  Un  mot  sur  cha- 
cune d'elles. 

a)  Anciennes  versions. 

La  première  source  de  la  tradition  juive  nous 
est  fournie  par  ies  anciennes  versions,  et  nous 
enterjdons  par  là  uniquement  les  versions  im- 
médiates, c'est-à-dire  celles  qui  ont  été  faites 
immédiatement  sur  le  texte  hébreu,  à  l'exclu- 
sion de  toutes  les  aulres,  quelle  que  soit  d'ail- 
leurs leur  antiquité.  Il  est  clair,  en  effet,  que 
des  interprèles  qui  ont  fait  passer  dans  leur 

1.  Les  Pères,  te'*  ^u'Origéne,  et  surtout  saint  Jérôme, 
nous  ont  laissé  un  grand  nombre  d'explications  excel- 
lentes de  mots  et  de  tours  hébreux  ;  mais,  comme  ils  con- 
fessent eux-mêmes  les  avoir  empruntées  à  la  tradition  de 
la  Synagogue,  nous  ne  parlons  pas  d'eux  dans  ce  para- 
graphe, o'I  il  u'eit  questioa  que  dea  sources  primitives. 


iiHome  national  une  version  de  l'Ancien  Tes- 
tament sans  aucun  recours  au  texte  original, 
n'ont  aucun  droit  à  se  faire  entendre  comme 
témoins  d<i  la  manière  de  parler  propre  aux 
Hébreux. 

Or,  parmi  bis  versions  immédiates  de  l'An- 
cien Testament,  nous  mettons  au  premier  rang 
la  version  grecque  dite  alexandrine o\i  des  Sep- 
tante., parce  qu'elle  n'est  guère  postérii'ure  aux 
temps  oi!i   la  langue  hébraïque  était    encore 
vivante;  elle  y  touche  même  en  partie,  par  les 
livres  de  Moïse,  traduits,   à  ce  que    l'on  croit, 
sous  le  règn-i  de  Ptolémée  Lagus,  trois  siècles 
environ  avant  Jésas-Christ.   La  traduction  des 
autres  livr-es,  qui  répondait     à   un   véritable 
besoin  des  Juifs  hellénistes,  suivit  d'ailleurs  de 
près.   Un    grand   nombre  de  termes  hébreux 
rar-es  et  obscurs,  ou  même  qui   ne  se   rencon- 
trent qu'une  seule    fois  dans   la    Bible   (Sre«Ç 
XiYdiisva),  y  sont  parfaitement  rendus;  tels  sont, 
par  exemple,  les   mots  el  et  elak,  terefnnthus  ; 
aman,  artifex ;  as/iputh,  sterquilinium,  etc.  S'ils 
ont  atti'ibué  à  quelques  expressioirs  hébraïques 
des  significations  c(ui   ne  se   retrouvent   plus 
dans  ce  qui  nous  reste  de  l'ancien  hébreu,  mais 
seulement  dans  des  langues  de  la  même  famille, 
il  taut  croire,  ou  bien  que  les   interprètes   les 
ont  em|]runtées  à  ces  langues,  qui  leur  étaient 
familières,   ou  bien   que  ces  significations  au- 
raient été  aussi  en  usage  dans  la  vieille  langue 
hébraïque,  et  qu'elles  leur'  auraient  été  connues 
d'ailleurs.    Expliquons  notre  pensée  par  quel- 
ques exemples.  Dans  le  Psaume  lix  [Vulg.).  où. 
David,  sur  la  foi  d'un  oracle  (v.  8),  se  promet 
la  conquête  des  peuples  voisins,   il  s'écrie,  par- 
lant de  l'humilialirjn  qui  attend  l'orgueilleux 
Moab  (v.  10)  :  «  Moab  sera  mon  vase  â  laver,  » 
vas lotionis  meœ  (I),  les  Septante,  et  après  eux 
la  Vulgale,  ont  traduit  :  Moab  (erit)  olla  spei 
meœ,  XlZr]i  -ri)?  éXufSoç  (xca,  le  bassi?i  de  mon  espé- 
rance, rattachant   le  nom   hébreu   rachats  au 
chaldéen  rachats,  em[iloyé  par  Daniel   (ch,  m, 
28),  dans   le  sens  de   ''peravit.    De  même,  au 
Psaume  Lv,   io,  s'inspirant    d'une    acception 
néo-hébraïque,  ils  ont  traduit,  in  domo  Deiam- 
bulavimus  cum  consensu,  scil.  cordis,  au  lieu  de, 
m  domo  Dei  anùulauimus   inler  tumulium  turljce, 
c'e-t-à-dire,  comme  l'explique  très-bien  Heug- 
stenberg,  au  milieu  des  flots  de   la   multitude 
inondant    les    portiques    du    temple.    Enfin, 
/s.,  LUI,  10,  au  lieu  de.  Dominas  voluit  conterere 
eum  in   infirmitate,  sens  exact  donné    par  la 
Vulgale,  les   Septante  ont  mis,  Dominus  voluit 

1.  M.  Spiegel  [Avtsla,  1,  LXÎX},  uous  apprend  qu«, 
quand  les  rois  de  Perse  se  trouvaient  en  campagne  ou  en 
voyage,  un  haut  fonctionnaire,  appelé  laicht-ddr,  portait 
derrière  eux  un  bassin  rempli  d'eau  où  le  monarque  se 
tevait  les  mains  et  les  pieds.  Moab,  chante  le  Psalmiste, 
ne  sera  pas  seulement  mon  porte-raM;  plus  huiuilii 
«acore,  U  tara  mon  vase  à  laver. 


tfiûJr 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


fiurifirarfl  fum  (zxOspîsat,    coU.   daca,   syn.    de 
dacah,  /iwus  fuit). 

Les  divers  défauts  signalés  dans  la  version 
des  Seplaule  viennent,  en  pirtie,  de  l'inadver- 
tance des  auteurs,  et  de  la  connaissance  impar- 
faite qu'il=  avaient  de  la  .angue  hébraïque 
(surtout  en  ce  qui  regarde  l'étymologie,  l'ortlio- 
giaphe  etla  gramniiire),  en  partie  delaliberlé 
excessive  de  leur  système  de  traduction.  Tantôt 
ils  confondent  l':s  Ictlres  et  même  les  mots 
semblables.  Ainsi  Lcvit.,  xix,  26,  lisant  J,arum 
ou  Itwim  au  lieu  de  hadam,  ils  1i  adnisent,  ne 
mangez  pas  sur  les  mont'ijnes,  au  lieu  de  ne  man- 
gez rien  avec  le  ^so»?//, aucune  viande  où  ii*este  du 
sang.  Au  Psaume  LXVIII.  69,  lisant  remim  pour 
romim,  ils  tradui?enl,  et  h  Seigneur  bâtit,comme 
la  licorne  {sicut  iinicornium),  son  temple  dans  la 
terre,  etc.,  au  lieu  de,  et  le  Seigneur  bâtit  comme 
une  forteresse  (lilt.  sicut  exctisa,  comme  une  for- 
teresse élevée  sur  un  rocher),  son  temple  dans  la 
terre,  etc.  Tantôt  ils  rendent  des  noms  propres 
de  lieux  par  des  appellatils,  et  des  appellaiifs 
incompris  p  ir  des  noms  propres,  par  exemple, 
Phi-hachirotb,  nom  de  ville, [larlraûXiî.sraAw/ww; 
godesk  {Deut.yWxin,  2),  sainteté,  par  Carfes, etc. 
Nous  avons  dit  qu'ils  ont  pris  aussi  des 
licences  à  peini^  permises  à  un  traducteur. 
Ainsi,  fs.  I,  21,  ils  ^ijoutent  le  mol  .Szon  pour 
expliquer  civitas  jidelis.  Ailleurs  [Exoà.,  vi, 
12,  30), ils  évitent,  comme  une  métaphore  trop 
hardie,  prceputiatus  lubiis,  et  traduisent  SXoyot, 
privé  de  imison,  ou  îo^ç^vbipiovoç,  qui  a  une  voix 
grêle.  D'autres  ïoU,  ils  se  laissent  entraîner  par 
les  idées  théologiques  ou  philosophiques  de 
leur  temps,  par  exemple,  Deut.,  x.iSîJ,  8,  où 
ils  traduisent,  il  établit  les  limites  de»  peuples 
selon  le  nombre  des  anges  de  Dieu  (cont.  Eccli,, 
XTii,  14;  Dan.  x,  13,  20;  xii,  1),  au  lieu  de, 
selon  le  nombre  des  enfants  d'Israël,  en  ce  sens 
général  que  la  Providence  divine  a  tout  coor- 
donné dans  le  monde,  en  vue  dn  peuple 
d'Israël  et  du  Messie.  Ou  bien  ils  remplacent 
par  d'autres  des  expressions  qui  les  choquent, 
par  exemple,  Nwn.,  xii,  8,  où,  de  peur  de  s'ex- 
primer sur  Dieu  d'une  manière  trop  grossière, 
ils  mettent.  Moïse  voit  la  gloire  du  Seignenrj  au 
lieu  de,  Moïse  voit  le  Seigneur  (1).  Parmi  ces 
légères  infidélités,  il  en  est  une  des  plus  cu- 
rieuses. Le  mot  arbenetk,  qui  signifie  lièvre, 
n'est  pas  traduit  [Levit.,  ii,  6;  Deut.,  xiv,  7), 
par  Xaycij,  mais  par  SaaiÎTuou;  (lilf.  qui  a  les  pieat 
velus),  expression  rare  et  peu  pn-cise.  Et  pour- 
quoi a-t-on  éaarté  la  dénomination  ordinaire, 
XaYij;?Par  respect  pour  la  dynastie  régnante 
des  Lngides,  comme  nous  l'ap^irend  le  talmud 

1.  Ce  dernier  sens  est  celui  de  la  Vulgate.  Mais  nous 
devons  aiouter  que  l'hébreu  se  prête  &  celui  des  Septante, 
•t  ijne  iJusicurs  commaatateutt  modernes  ne  I'"-i»ndGnt 
pas  autrement. 


{Mér/illn,  fol.  9,  6).  Enfin,  il  leur  arrive  souvent 
d'abandonner  la  manière  déparier  de:;  îlidsreux 
pour  se  rapprocher  davantage  de  celle  des 
Grecs,  lorsque,  par  esemple.  .Is  dirent  {Gen., 
XLv,  18),  mangez  la  moelle  <h:  la  terre,  an  lieu 
de  la  graisse  de  ta  terre,  et,  en  général,  dans  les 
formules  d'entretiens  entre  divers  personnuges 
(Gen.,  xxix,  16;  xxxi,  33;  xliii,  27,  al.).  — 
Sur  les  imperfections  de  la  veision  :dexaii<lrine, 
voy.  Carpzow,  Critica  sacra  Vet.  Teslamenti, 
1728,  p.  513 et  s«q.). 

Dn  reste,  le  mode  de  traduction  diffère  dans 
les  différents  livres,  ce  qui  dénote  évidemment 
plusieurs  traducteurs.  Gomme  saint  Jérôme 
l'avait  déjà  remarqué,  le  Pentateuque  l'emporte 
sur  les  autres  parties  par  la  fidélité  et  l'élégance. 
Les  livres  hi-toriiiuessont,  dans  l'ensHmhle,  fidè- 
lement, parfois  même  trop  littéralement  ren- 
dus, en  même  temps  qu'on  y  remarque  des 
omissions,  des  additions  et  de  fausses  interpré- 
tations dn  texte.  Les  livres  prophétiques  sont 
souvent  inexacts  ;  la  traduction  s'écarte  des 
locutions  bibliques,  qu'elle  affaiblit  par  des 
péri[ihrases.  Les  additions  et  les  omissions  sont 
fréquentes,  à  ce  point  que,  pour  Daniel  en  par- 
ticulier, l'Eglise  grecque  avait  adopté,  dès  les 
premiers  temps,  la  traduction  de  Théodolion. 
Parmi  les  livres  poétiques,  la  version  des  pro- 
verbes passe  pour  la  me  Heure,  et  avec  raison, 
en  ce  sens  que  le  traducteur,  lors  même  qu'il 
s'écarte  du  texte,  fait  encore  une  bonne  et  belle 
version,  qui  a  toujours  dn  sens.  Gellc  du  livre 
de  Job  est  inférieure;  bien  plus  encore  celle 
des  Psaumes  qui,  en  rendant  l'original  mot  à 
mot,  est  souvent  inintelligible;  et  comme  les 
Psaumes  de  notre  Vulgate  latine  ne  sont  guère 
qu'un  calque  de  ceux  des  Septante,  il  est  ainsi 
arrivé  que  le  plus  beau  livre  de  l'Ancien  Testa- 
ment en  est  aussi  le  plus  imparfaitement  tra- 
duit. 

Quanta  la  langue  delà  version  alexandrine, 
c'est,  comme  on  doit  l'attendre  des  Juifs  par- 
lant grec,  le  dialecte  appelé  hellénistique,  im- 
prégné de  nombreux  hébraïsmes. 

A  la  version  des  Septante  nous  joignons  les 
fragments  d'Aquila,  de  Symmaque,  de  Théo- 
dotion  et  des  autresversions  grecques  recueillies 
par  Origène  dans  ses  ^exs^ofe;  traduits  sur  le 
texte  hébreu,  ils  conservent  les  figures  et  les 
images  de  l'original.  Aquila,  en  particulier,  serre 
la  lettre  de  si  près,  qu'il  reproduit  non-seule- 
ment le  sens  étymologique  des  mots,  mais  les 
particules  mêmes  qui  n'ont  pas  d'équivalent 
dans  la  langue  grecque,  etk.  par  exemple,  qui 
joint  le  complément  au  verbe.  Ces  mots  do 
Psaume  xc,  2,  antequam  montes  conditi  sunt 
(hebr.  ioulladoii),  sont  rendus  par  lui  lillérale- 
ment  antequam  montes  hbf^Ti'sm ,  partu  editi  sunt. 
Dans  ce  passage  d'Isaïe  Ci,  25),  et  auferam  omnt 


LÀ  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


lOOS 


stanntmi  Innm,  j'enlèverai  tout  ton  étain,  c'est- 

.   ft-dire  l'alliage  mêlé  à  l'or  pur  d'Israël,  an  lieu 

j  d'imiter  les  Septante  qui  fontdisparaître  l'image, 

j  j'enlèverai  du  milieu  de  toi  toits  les  impies,  izi-iiiui 

'  <5v6[ji.ou5,il  laconseiv(<  et  rend  fidèlement  l'hébreu 

par  xacakspov  aoû,  stannum  tuum.  Symmaque,  au 

conlraiie,  s'attache  moins  au  mot  lui-même 

qu'au  sens.  Pour  n'en  donner  qu'un  exemple, 

il  met  en  hoii   grec,  sans  en  altérer  le  sens,  la 

locution  biblique  bien    cunnxie.  gem  perulii  on 

pecuiioris.  en  la  traduisant  par  Aac  âi>ipfxoc,  gent 

ei.cf.a.  Théoootio!)  si-mble  avoir  adoptéb^  même 

système  de  tiaauetion  C;ue  les  Sentante .  il  tient 

ic  milieu  enire  At]uila  et  Symmaque,  moins 

servile  que  le  premier  et  plus  littéral  que  le 

second. 

L'hébraï?ant  trouvera  encore  un  grand  se- 
cours, snit  dans  la  version  latine  dite  Vulgate, 
composée  ou  révisée  pnur  la  plus  grande  partie 
par  saint  .icrôme  ;  soit  na<is  la  version  syria- 
que dite  Peschvo,  dont  l'idiome  est  lié  avec 
l'hébreu  par  la  parenté  la  plus  étroite. 

Le  mérite  de  la  Vuiqoie  a  été  reconnu  par  les 
théologiens  protestants  les  plus  éminents,  tels 
que  Paul  Fa;ie,  Grotius,  Louis  de  Dieu,  Casau- 
bnn,  David,  Micbaélis,  et  le  célèbre  auteur  de  la 
polyglotte  qui  porte  son  nom.  Br.  Walton.  Il 
sufiit  de  parcourir  le  'J kitaurus  deGéséiuus  pour 
se  convaincre  de  restitue  que  cet  illustre  savant 
•  avait  pour  i-ette  veisu)n,  dont  il  embrasse  et 
I  justifie  la  plupart  des  interprétations.  La  lati- 
I  nité  elle-même  de  la  Vulgate,  pour  laquelle 
plusieurs  n'avaient  que  du  dédain,  a  été,  de 
nos  jours,  remise  en  honneur  par  les  juges  les 
plus  comiiétents;  on  a  démontré  que,  si  elle 
dilïère  sous  beaucoup  de  rapports  de  la  langue 
littéraire  et  classique,  elle  se  rattache  au  latin 
vulgaire  nu  parié  (lar  le  peuple.  Il  faut  du  reste 
avoir  une  <;on naissance  parfaite  du  latin  pour 
en  bien  comprendre  tons  les  passages.  Dans  ce 
verset  de  Jon  fjviii.  H),  par  exemple:  Immiiit 
limpruf:]  in  reie  piass  suos,  et  in  rnaculis  ejm  am- 
butat.  il  faut  savoir  que  macula,  outre  l'accep- 
tion ordinaire  de  tache,  a  encore  celle  de  maille 
d'un  réseau:  «  Les  pieds  oe  l'impie  s'engagent 
dans  le  lilet,  et  il  mjrche  (héb.,  îles:  pris)  dans 
ses  mailles.»  Dans  les  livres  traduits  immédia- 
tement sur  le  grec  ces  Septante,  comme  les 
psaumes,  le  sens  est  quelquefois  obscur,  parce 
que  les  Septante  n'ont  pas  bien  compris  ou  ont 
mal  rendu  l'hébreu.  Ainsi,  Ps.  XXU,  31,  il  y  a 
dans  la  Vulgatt  :  Annuntiabitur  Domino  generatio 
Ventura,  ce  qui  est  un  calque  de  la  ver>-^ion 
alexandriue,  loriginal  n'offre  aucunedifficulté: 
JSarrabttvrde  Domino  (des  merveilles  opérées  en 
faveur  de  son  ptapie)  ad  gêner ationem  venturam. 
On  ne  peut  nier  cei>eudant  qu'un  certain  nom- 
bre de  passages  ne  soient  mal  traduits  dans  la 
Vulgate.  Parmi  les  causes  de  ces  imperieclious, 


saint  Jérôme  en  assigne  deux  :  il  avoue  qu'il  a 
fait  son  travail  très-rapidement,  et  que,  de 
ppurd'eflaroucher  ses  lecteurspar  quelque  nou- 
veauté, il  a  suivi  les  interprètes  grecs  lors  même 
qu'ils  avaient  défiguré  l'original.  Le  cardinal 
Bidlarmin,  qui  avait  pris  part  aux  travaux  pré- 
paratoires de  l'édition  officielle  de  Clément  VIII, 
s'exprime  ainsi  dans  une  lettre  à  Luc  de  Bru- 
ges :  «  Biblia  vulgata  non  esse  accuratissime 
Cas/igata,  multa  enim  a  correctoribus  de  industria 
multis  ex  causis  esse  prœtermissa,  quœ  corri' 
genda  viderentur.  «  Voyez  aussi  la  prélace  de 
l'édition  clémentine. 

Quant  à  la  version  syriaque,  faite  immédia- 
tement sur  le  texte  hébreu, elle  se  recommande, 
en  général,  parla  science,  la  clarté  et  la  fidélité. 
Des  mots  rareset  dilfi  ■iles,des  'iiial  )-eY6[i£va,ysont 
bien  compris  et  rendus;  des  passage^  obscurs  y 
trouvent  une  interprétation  très-vraisemblable, 
parexem[ile,  celui-ci  d'Isa'ie  (x,  21):  Et  compu- 
trescet  jugum  a  facie  pinguedinis ,  que  la  Pes- 
cliito  traduit,  confringitur  jugum  a  lauris  pin- 
guibus,  c'e=t-à-dire,  lorsqu'Israël  aura  recouvré 
la  faveur  divine,  il  arrivera  à  un  tel  degré  de 
force  et  deprospérité,  qu'il  brisera  courageuse- 
ment le  joug  de  l'esclavage. 

Les  autres  versions  de  l'Ancien  Testament, 
telles  que  la  samaritaioe,  les  persanes,  les 
arabes  et  la  grecque  de  Venise,  sont  de  date 
relativement  récente,  etcomme  elles  suivent  oa 
imitent  les  versionsanlérieures,  elles  méritent 
à  peine  le  nom  de  sources  primitives  ;  qu'il  nous 
sulfise  d'avoir  nommé  les  principales. 

{A  suivre.)  A.  Crampon, 

obanoine. 


LÉGISLATION 

EXPOSITIOS  DES  MOTIFS   ET  DES  PRINCIPES   QUI  OHT 
SERVI  DE  BASE  A  LA  LOI  RELATIVE  A  LA  LIBERTÉ 
DE  L'ESSEIGMEMENT  SUPÉRIEUR. 
(Suite.) 

A  l'ouverture  de  la  séance  du  12  juin,  M.  le 
président  de  l'Assemblée  donne  lecture  du  nou- 
vel article  préparé  par  la  Commission,  ensuite  de 
l'amendement  proposé  par  M.  Bouisson,  an 
sujet  des  facultés  de  médecine  et  des  facultés 
mixtes  de  médecine  et  de  pharmacie,  on  des 
écoles  de  médecine  et  de  pharmacie.  Cet  article 
additionnel,  qui  donne  satisfaction  à  M.  Bouisson, 
est  mis  aux  voix  et  adopté. 

Après  cette  votalion,  M.  Jules  Ferry  vient  à 
la  tribune  pour  continuer  son  discours,  inter- 
rompu la  veille.  Il  dit  que  la  question  de  la 
collation  des  grades  est, par-dessus,  une  question 
d'expérience  :  c'est  pourquoi  il  tient  à  dérouler. 


1808 


!  A  SEMAINE  Î)U  CLERGÉ 


â  ce  sujtt,  lf.3  résultais  de  rexpérionoe  des  deux 
mondes.    Il  croit  avoir    démontré  hier  que  hi 
liberté  de  la  collation  des  grades,   telle  qu'elle 
se  pratique   en  Amérique,  est  condamnée  par 
l'expérience.  Il  reste,  en  Europe, trois  systèmes  : 
le  système  des  examens  d'Etat,  usité  eu  Alle- 
magne; puis  le  système  français,  le  monopole 
accordé  aux  universités  de  l'Etat,  en  ce  qui  tou- 
che la  collalion  des  crades;  et,  enfin,  l'examen 
professionnel,  placé  dans  les  mains  des  corpo- 
rations qui  représentent  les  professions  elles- 
mêmes;    s'est  le  système   anglais.   Il  observe 
qu'en  Angleterre,  ni  la  profession  de  li>giste,  ni 
a  profession  médicale  ne  sont  libres.  La  profes- 
sion de  légiste,  elle  est  sévèrement  réglementée 
sous  la  forme  corporative.  Les  barreaux  font  eux- 
mêmes  leur  police  ;  ils  la  font  en  vertu  de  pri- 
vilèges qui  remontent  à  plusieurs  siècles  et  qui 
possèdent,  dans  ce  pays  de  traditions  et  de  res- 
pect pour  ce  qui  a  duré,  une  autorité  extraordi- 
naire :  l'exiiérience  de  ce  système  de  corpora- 
tions de  légistes,  maîtresses  des  diplôme?,  est 
décisive  en  sens  contraire.  Il  ajoute  qu'il  n'y  a 
pas,  en  Angleterre,  un  haut  enseignement  du 
droit  constitué  :  entre  le  haut  enseignement  du 
droit  tel  qu'il  existe  dans  les  facultés  françaises, 
et  les  éludes  de  droit  dans  la  Grande-Bietagne, 
il  y  a  un  abîme,  il  n'y  a  pas  de  comparaison 
possible.  Il  constate,  sur  l'autorité  de  lord  Brou- 
gham  et  de  lord  Campbell,  que  l'enseignement 
du  droit  y  est  tombé  aussi  bas  que  possible. 
Ex  visageant  l'étude  de  la  médecine,  il  observe 
que  l'enseignement  est  donné  dans  les  hôpilaux, 
c'est  dire  que  sa  tendance  est  nécessairement 
pratique,  beaucoup  plus  pratique  que  théorique. 
Quant  à  l'enseignement  des  vieilles  et  célèbres 
universités  d'Oxford  et  de  Cambridj^e,  l'enquête 
faite  par  ordre  de  M.  Duruy  prouve  qu'il  est 
véritablement  dérisoire. 

Le  gra  le  de  docteur-médecin  est  donné  en 
Angleterre,  par  dix-neuf  corporations  ou  auto- 
lités  ditlérentes,  quoique  Vaact  de  1858  les  ait 
soumises  à  l'autorité  du  conseil  général  médical, 
ou  à  ce  qu'on  appelle  les  recommandations  de  ce 
conseil. 

Quant  à  l'Allemagne,  c'est-à-dire  tout  l'em- 
pire d'Allemagne  actuel  et  la  Bavière,  est  en 
vigueur  l'examen  d'Etat,  parce  que  les  grades 
distribués  par  les  universités  étaient  tombés 
dans  l'avilissement.  C'est  en  1825  qu'on  ôta  aux 
grades  distribués  par  l'université  allemande 
toute  espèce  de  valeur  sociale;  ils  conservèrent 
leur  valeur  scientifique,  il  est  vrai;  mais,  pour 
exercer  la  médecine,  il  faut  un  diplôme  de  li- 
cence de  médecine,  déUvré  par  une  commission 
de  médecins,  tommée  par  le  gouvernement. 

Après  cette  assez  longue  excursion  au-delà, 
comme  en-deçà  del' Atlantique,  M.  Jules  Ferry  se 
rappelle  qu'il  y  a  uue  observatioa  (iu'il  aurait 


peut-être  dû  faire  au  commenceUient  de  son 
discours  ;  c'est  la  véritabin,  portée  de  l'amende- 
ment qu'il  a  signé  avec  M.  Bardoux.  11  dit  qu'ils 
ne  demandent  pas  simplement  le  statu  quo;  il 
est  évident  que  si  demain,  tout  en  acrordaiit  aux 
facultés  de  l'Etat  le  droit  exclusif  à  la  collation 
d«s  grades,  ils  voulaient  obliger  les  élèves  des 
facultés  libres  à  subir  toutes  les  règles  d'ins- 
truction, d'assiduité  et  de  stage  qui  existent 
aujourd'hui,  ils  feraient  une  œuvre  contradic- 
toire et  de  mauvaise  foi.  Il  lui  semble  que  dans 
le  second  paragraphe  de  son  amendement  se 
trouve  résolu  le  problème,  de  faire  vivre  ensem- 
ble le  droit  supérieur  de  l'Ltat  et  la  liberté  de 
l'enseignement.  La  liberté  de  renseignement,  à 
son  avis,  c'est  la  liberté  d  appieuàre  où  l'on 
veut;  elle  est  satisfaite  par  sa  proposition.  Ins- 
truisez-vous, dit  il,  où  vous  voudrez,  adressez- 
vous  à  telle  faculté,  à  tel  savant,  à  tel  répéti- 
teur que  vous  voudrez,  mais  venez  prouver, 
devant  le  jury  constitué  par  l'Etat,  devant  les 
facuUés  de  l'Etat,  qui  sont  les  meilleurs  des 
jurys,  voire  valeur  scientifique. 

11  croit  que  trois  objections  seulement  ont 
bté  faites  à  ce  système.  La  première  est  celle-ci: 
les  universités  libres  ont  besoin  de  la  collation 
des  grades  pour  vivre  et  sub.sister.   Ainsi  ce 
qu'où  réclame  pour  ces  universiies,  ce  n'est  pas 
seulement  le  droit  de  naître,  c'est  le  droit  de 
vivre  et  le  droit  d'avoir  des  revenus,  le  droit  de 
se  faire  une  prébende  par  la  collation  des  grades. 
A    cette   demande  il   n'a    qu'une    réponse  à 
faire;  c'est  que  les  universités  libres  vont  trop 
loin  et  qu'elles  se  trompent  d'interlocuteur  ; 
elles  n'ont  pas  le  droit  de  dire  l'ela  à  l'Etat. 
L'Etat  ne  leur  doit  que  la  liberté  ;  i!  ne  leur  doit 
pas  la  subvention.    Il  espère  qu'on  n'insistera 
pas  sur    ce  geure  de  considérations  et  qu'on 
D  abaissera  pas  à  des  intérêt?  mercantiles  la 
f^rande  question  de  l'enseignement  libre.  La 
S' conde  objection  lui  semble  un  peu  plus  déli- 
cate; c'est  celle  de  la  partialité.  On  dit  :  com- 
ment, vous  allez  remettre  aux  professeurs  de 
1  université   de  l'Etat    le  jugement  des  élèves 
des  universités  libres!  Mais  ils  ne  seront  pas 
impartiaux!  Ils  favoriseront  leurs  propres  élèves, 
et  ils  fermeront,  autant  que  possible,  l'eutrée  ^'.es 
carrières   aux   élèvi.s  des  institutions  rivales. 
Il   n'hésite  pas  à   déclarer  que  c'est  là  une 
vieille  calomnie  contre  l'Université  de  France, 
et  il  le  dit  parce  que  les  faits  le  prouvent.  Ce. te 
prétendue    partialité  des  professeurs  nommés 
par  l'Etat,  quelle  belle  occasion  elle  a  eue  de  se 
déployer  depuis  1850. 

En  i  850  aussi  ou  a  vivement  protesté  contre 
l'incurie,  contre  l'imprudence  du  législateur  qui 
laissait  aux  facultés  de  l'Etat  la  collation  du 
grade  de  bachelier.  Ou  a  dtt  alors  :  c'est  un  pri- 
vilège pour  l'Etat;  les  professeurs  de  l'Elal  voût 


LA  SEMALNE  DU  CIERGÉ 


ICOT 


favori?er,  outre  mesure,  les  élèves  de  l'Etat. 
Qu'csl-il  arrivé?  L'impartialité  la  plus  scrupu- 
leuse a  présidé  aax  épreuves  du  baccalauréat. 
El  poujtant,  si  !es  professeurs  n'avaient  pas  cet 
honneur  professiunnol,  cette  délicatesse  pro- 
lessionnelle,  qui  fait  qu'on  est  plus  srcupuleux, 
èlaut  professeur  de  TEtat,  dans  l'e.xamen  de 
l'élève  qui  n'a  pas  passé  par  les  écoles  de  l'Etat  ; 
si,  répète-t-il,  ils  n'avaient  pas  cette  délicatesse, 
est-ce  que  l'intérêt  de  l'université  restait  in- 
demne après  la  loi  de  18S0?  Est  ce  que  cette  loi 
n'a  pas  tait  naitre  une  rivalité  redoutable  et  re- 
doutée ?  Est-ce  que  ou  ne  sait  pas  que|de  20,000 
élèves  que  comptaient  les  collèges  ecclésiastiques 
en  1850,  ils  ont  passé  à  00,000,  tandis  que  le 
nombre  des  élèves  des  collèges  de  l'Etat  n'a 
augmenté  que  de  3,000? 

La  troisième  objection  est  celle  relative  à  la 
liberté  des  méihodes  Ou  dit  :  Si  les  élèves,  qui 
n'ont  pas  étudié  sur  les  bancs  de  l'université  de 
l'Etat,  ne  se  sont  pas  conformés  aux  méthodes 
de  l'enseignement  oiïiciel,  ils  seront,  au  point 
de  vue  de  l'examen,  dans  une  situation  infé- 
rieure. Et  on  ajoute,  comme  en  matière  d'axiome, 
que,  sans  la  liberté  des  méthodes,  il  n'y  a  pas  de 
liberté  d'cnspignement.  On  ne  veut,  k  aucun 
prix,  que  les  programmes  des  exame  us  devant 
les  universités  libres  soient  les  mêmes  que  les 
programmes  des  universités  de  l'Etat,  parce 
que,  dit-on,  la  liberté  des  programmes,  c'est  la 
liberté  de  l'enseignement  lui-même.  11  croit 
qu'à  cette  objection,  a  été  répondu  d'une  ma- 
nière décisive  dans  la  Commission  de  1870  :  la 
réponse  a  été  fuite  par  M.  de  Rèmusat;  il 
répondit  ainsi  «  Vous  vous  plaignez  des  pro- 
grammes, mais  c'est  vous  plaiudre  des  examens; 
les  deux  choses  si^nt  inséparables.  Que  vous 
ayez  ali'aire  à  des  univeisilès  tle  l'Etut  ou  à  un 
jury  spécial,  il  y  aura  toiijoms  un  programme, 
du  moment  qu'il  y  aura  des  examiies.  Il  ne  faut 
pas,  d'ailleurs,  exa.érer  l'impoi  lance  des  mé- 
thodes; il  y  a  diverses  manières  d'apprendre, 
il  n'y  a  qu'uue  manière  de  savoir.  " 

Avautde  terminei  suii  discours,  M.  Jules  Ferry 
veut  encore  mettre  eu  regard  de  la  solution 
qu'il  propose  par  son  amendement,  les  autres 
solutions,  cellesbien  entendu,  qui  reconiudssent 
le  dioit  de  l'Etat.  Dans  cet  ordre  d'idé's,  il  ren- 
contre le  svsteme  des  examens  d'Etat.  Il  ne 
croit  pas  qu'il  y  ait,  pour  la  liberté  générale  et 
pour  l'enseiguement  lui-même,  une  véritable 
importance  a  metUe  à  la  place  d'uu  jury  comme 
celui  des  facultés,  c'est-à-dire  d'uu  jury  iudé- 
pendaut,  inamovible,  un  jury  tiui  ne  serait, 
comme  en  Allemagne,  qu'une  simple  commis- 
sion admiuistraiive.  11  prie  l'Assemblée  de  ne 
8'arièler  non  plus  à  la  solution  du  jury  spécial. 
liC  jury  spécial  fut  l'œuvre  de  la  commission 
eilrs.-païkmentaire  de   1870;  mais  il  prétend 


que  cène  fut  qu'une  transaction,  et  rien  de  plus 
qu'un  expédient  :  le  droit  des  facultés  était 
maintenu,  sans  réserve  ni  aniendement, -<is-à- 
vis  des  élèves  formés  dans  les  facultés  de  l'Etal; 
seulement,  on  avait  à  côté,  pour  les  élèves 
libres  qui  ne  se  fiaient  pas  à  l'impartialité  des 
facultés,  uu  jury  spécial  nommé  par  le  ministre, 
composé,  on  ne  disait  pas  comment,  car  la  vraie 
difficulté  du  jury  spécial,  c'est  la  difficulté  de  le 
composer.  Laissant  donc  la  solution  par  les 
jurys  d'Etat,  ce  qu'il  appelle  la  solution  éner- 
gique du  problème,  il  ne  veut  pas  tomber  non 
plus  sur  la  pente  opposée,  qu'il  dési:;ne  comme 
des  solutions  énervantes.  11  pense  qu'il  y  en  a 
deux  qui  méritent  cette  quahticalion.  L'une  est 
la  solution  du  jury  mixte,  du  jury  combiné; 
l'autre,  c'est  la  délégation  ou  l'équivalent,  et, 
sous  sa  forme  plus  adoucie,  c'est  celle  que  pro- 
pose la  Commission  actuelle. 

11  observe  que  le  jury  belge  peut  paraître,  au 
premier  abord,  le  jury  impartial  par  excellence, 
mais  il  croit  que  beaucoup  d'erreurs  ont  cours 
à  ce  sujet.  Invoquant  le  témoignage  de  deux 
professeurs  de  l'université  de  Louvain,  et  du 
recteur  de  celle  de  Gand,  il  conclut  par  dire  que 
ce  régime  a  produit  des  conséquences  désas- 
treuses, qui  ont  apporté  un  grand  abaissement 
dans  les  éludes.  U  lui  reste  à  parler  de  la  der- 
nière combinaison  ;  c'est  celle  que  la  Commis- 
sion propose.  Oui,  dit-elle,  la  collation  des 
grades  appartient  à  l'Etat,  c'est  un  droit  de 
l'Etat,  c'est  un  office  social,  nous  ne  le  nions 
pas  ;  mais  nous  soutenons  que  l'Etat  peut  le  délé- 
guer, et  puisqu'il  le  délègue  actuellement  aux 
professeurs  de  ses  écoles,  pourquoi  ne  le  délé- 
guerait-il pas  aux  professeurs  des  universités 
libres?  M.  Jules  Ferry  se  demande,  par  contre, 
si  le  droit  de  l'Elat,  en  cette  matière,  peut  être 
délégué.  U  répond  oui  ou  non;  cela  dépend  du 
délégué  :  il  lui  parait  que  cette  distinction  n'est 
pas  arbitraire  de  sa  part.  U  dit,  oui  le  droit  de 
collation  des  grades  peut  être  délégué,  si  on 
entend  par  délégation  le  choix  de  certains  agents 
dépendant  de  l'Etat,  appartenant  à  l'Etat,  exer- 
çant, en  sou  nom,  une  attribution  qu'il  lui  appar- 
tient. Cela,  c'est  la  délégation  naturelle  de  toutes 
espèces  de  louctions  publiques.  Les  droits  de 
l'Etat  s'exercent  par  des  fonctionnaires  ;  en  ce 
sens,  ils  sont  ses  délégués.  Mais  si  on  entend  que 
la  collation  desgradessoit  déléguée  àuneinstitu- 
tion  indépendante  de  l'Etat,  il  doit  répondre  sans 
hésitation  que,  si  l'Etat  délègue  son  droit.il  l'ab- 
dique, dans  ce  cas, par  la  force  même  des  choses. 

En  huissaut  ce  long  discours,  qui  a  occupé 
une  bonne  partie  de  deux  séances  de  l'Assem- 
blée, M.  Jules  Ferry  formule  sa  pensée  finale 
eu  deux  ligues  :  «  Le  droit  de  collation  des 
grades  est  uu  acte  de  toi  ;  ce  n'est  pas  un  cahier 
de  charges.  » 


1603 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


M.  Chesiip'oDg,  ayant  demanJé  la  parole  poiir 
un  fait  persBiinel,  ne  vient  pas  répoiulre  au 
fond  du  di&<oiirs  de  M.  Ferry.  Celui-ci  a  parlé 
hier  des  aswniblées  et  des  comités  catlioliques, 
et  il  lui  a  t;ii(  1  honneur  de  prononcer  son  nom  : 
l'Assemblée  ;>  entendu  l'attoqi-.e,  elle  doit  lui 
permettre  qu'il  kiiiasse  entendre  ladéfense  :  elle 
sera  courte,  t  omment  M .  Ferry  peut-il  avoir  des 
inquiétudes  que  quatre  ou  cinq  cents  ckiéitiens, 
vemus  de  divers  points  de  la  France,  se  ré*uiîs- 
sant  paie-ibli  ment  chaque  année,  laissant  à 
l'écart  toute  question  politique,  s'entretiennent 
des  œuvrtt>  ansqaellesils  sont  dév\>ués.  et  s'exci- 
tent à  servii-  bien  selon  leur  foi,  à  iaire  du  bien 
à  leurs  semlilubles,  et  à  se  faire  du  bien  à  eux- 
m^mes?  Tout  ic'a  est  honorable,  et  tout  cela  se 
passe  au  si;ind  jour.  Tout  ce  qui  se  dit,  tout  ce 
qui  se  fait  est  publié  dans  des  comptes  rendus. 
En  parcour:uit  tous  ces  comptes  rendius,  on  y 
trouvera  peut-être  qmelqnes  formules  dont  l'ex- 
pression pourra  paraître  nu  peu  vive,  maison 
y  rencoiilrc!  i\ .  à  chaque  page,  des  aecents  de  foi, 
de  charité,  damour  pour  la  patrie,  de  dévoue- 
ment, de  soili'cilude  pour  le  peuple  et  les  psuvres. 
Voilà,  dit  M.  Chesnelcng,  ce  que  c'est  qaie  k-s 
comités  catholiques. 

Mais,  M.  Feri-y  a  prétendu  que,,  à  l 'oecasion 
de  l'ensciginTnent  supérieur,  il  s'était -produit 
dans  les  eoiig'rès  catholiques  des  ii'owveautés 
étranges.  M.  <.,hesnelong' se  (lemïinde  quelles  sent 
ces  nouveiuites.  Les  oo.mJlés  catliolinjurs  oïit  dit 
qu'ils  réi'lan  aient,  non  pas  le  monopole,  mais 
la  liberté  de  l'enseignement  au  nom  4(i  leur  loi 
catholique  et  parce  que,  selon  eux,  l'Eglise  tient 
de  sa  mission  le  droit  d'enseigner.  Peut-on  ap- 
peler cela  une  nouveauté?  Mais,  c'est  la  foi  de 
dix-huit  siècles,  et  la  France  catlioiique  n'y  re- 
noncera pas.  11  ajoute  que  .M.  Ferry  s'est  plaint 
de  ce  que,  tdut  en  récktnant  la  literie  de  ren- 
seignement les  comités  catholiques  protestaient 
cependiint,  n'on  pus  contre  le  principe  de  la  li- 
berté pom- fdus,  mais  contre  le  principe  delà 
liberté  poui'  ii.ws  de  tout  enseigner.  11  lui  paraît 
que  la  îiberié  pour  tous  de  tout  enseignei-,  c'est 
la  hberté  illin.ilce,  la  libeité  inconditiounelle. 
Qui  donc  la  ^•(•ut?  Ce  n'est  pas  M.  Ferry  qiii  est 
venu  la  demander  dans  son  discours;  seulement, 
entre  lui  e1  nous  voici  la  dilîérence  :  il  réclame 
des  gaiiioiïtii  s  contre  nous,  parce  que  noussom- 
mes  l'oiiWi  lïii,  l'enri'emi  inteliectuel  bien  en- 
tendu. Newis,  nous  rf'clamons  des  garanties  con- 
tre des  dwtriues  qwi  demandent  ce  qu'on  appelle 
les  desiruClKins  nécessaires.  Quoi  qu'il  eu  soit, 
M.  (Uie.sni  iiing  pense  (jue  la  liberté  illimitée 
conduit  à  r(qiiiression  par  l'anarchie;  et  les  ca- 
tholiques ii'in  veulent  pas.  Ils  veulent  une 
ïberté  forteiuent  réglée  et  solidement  garantie. 

Mais  il  y  a  encore,  d'après  W.  Fei-ry,  une  in- 
Tentiou  des  comités  catholiques  :  le  droit  de  col- 


lation des  grades  par  les  universités  libres,  ce 
droit  qui  n'avait  jamais  été  réclamé,  dont  on 
n'avait  jvss  entendu  parler,  que  les  évoques 
n'avaient  pas  revendiqué  pendant  leurs  longues 
luttes  pour  la  liberté  de  l'enseigiumenl,  ce  droit 
il  a  été  inventé  par  les  comitf's  catholiques  ;  la 
date  de  l'invention,  selon  M.  Ferry,  remonte  au 
premier  congrès  catholique  .Te  1872.  M.  Clies- 
nelung  dit  qwe  M.  Frrry  a  commis  une  sinf;ulière 
erreur  chronologique.  C'est  le  droit  de  collation 
des  grades  pur  une  université  uniciue  et  officielle 
qui  est  nouveau  ;  c'est  le  droit  de  <ollation  par 
les  uiiives filés  libres  qui  est  ancien.  I>ans  l'an- 
cienne Fr;iEce  les  comités  catholiiiues  n'exis- 
taient pas  apparemment,  et  toutes  les  universi- 
tés donnaient  îles  grades.  En  Angleterre,  il  n'y 
a  pas  de  comités  catholiques,  et  les  universités 
donnent  des  grades.  Donc,  les  comités  catholi- 
ques n'ont  rien  inventé;  ils  se  sont  borués  à  re- 
vendiquer un  droit  ancien  et  généralement  ac- 
cepté encore  partout  ailleurs  qu'(  n  France. 

11  observe  que  M.  Ferry  a  parlé  aussi  d'une 
pétition  adressée  à  l'Assemblée  nationale,  éma- 
nant dfs  comités  catholiques.  Cette  pétition  que 
réclume-t-elle?  Elle  réclame  quatre  choses  :  elle 
réckme  des  facultés  libres  dans  leur  existence, 
libres  dans  leurs  programmes,  libres  dans  leurs 
méthodes.  Est-ce  que  l'Assemhléi-  ne  le  veut  pas 
aussi,  elle  '?  Elle  demande  des  iacultis  libres  d'ac- 
quérir, de  posséder.  Est-ce  que  l'Assemblée 
n'accorde  j  as  cela  dans  une  certaine  mesure  ? 
EUe  demande  des  facultés  qui,  sous  certaines  ga- 
ranties, puissent  conférer  des  grades;  c'est  la 
question  dont  il  s'agit,  c'est  la  question  contro- 
versée. Sur  ce  point.  M.  Chesnelong  a  présenté 
lui-même  un  amendement  qu'il  ne  lépudic  pas. 
On  n^i  pas  besoin  de  s'adresser  aux  comités  ca- 
tholiques, il  est  là,  et  il  dira  pourquoi  il  a  pré- 
senté cet  amendement.  Enfin,  les  com  téscatho- 
tiques  réclament  de  l'Assemblée  l'abrogation  des 
édits,  des  décrets,  des  lois  qui  pèsent  sur  les 
congrégations  rehgieuses  non  autorisées.  Il 
observe  que  ces  lois  ne  sont  pas  exécutées,  et  il 
s'en  félicite  pour  l'honneur  de  son  pays  Ce  ne 
peut  pas  être  un  délit  légal,  dit-il  dans  un  pays 
olirétien  de  s'unir  à  Dieu  par  des  vœux  religieux, 
dans  la  liberté  de  sa  conscience;  ce  ne  peut  pas 
être  un  délit  légal,  dans  un  pays  libre, de  vivre  en 
commun  d'une  vie  de  prière,  de  détachement  et 
de  travail. 

Il  déclare  enfin  que  M.  Ferry  a  prétendu  que 
les  catholiques  asjiirent  au  monoiole  de  l'ensei- 
gnement supérieur  pour  l'Eglise. 

11  lui  demande  la  permission  o«  lui  dire  que, 
sur  ce  points  il  leur  fait  nu  pro«iC's  de  tendance. 
Ce  monopole,  ils  !ie  l'ont  jamais  ilemi.ndé,  ce 
qu'ils  onl"demandé,  c'est  la  liberté  de  l'enseigne- 
ment supérieur.  Le  monopole,  il  a  été  dem^  udé 
uar  d'autres  ;  il  a  été  demandé  à  cette  tribune 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


1601 


même,  par  M.  Cballemel-Lacour,  qui  est  venu 
s'opposer  à  la  loi  sur  la  liberté  de  l'enseignemLiit 
supérieur,  non  pas  en  niant  la  compéti'uce  de 
l'Eglise,  —  il  l'a  reconnue,  —  mais  parce  que, 
disait-il  dans  sa  francliise,  il  craignait  que  cette 
loi  ne  fût  iavorable  à  l'esprit  catliolique  et 
que,  pour  lui,  l'esprit  catholique  est  l'esprit  en- 
nemi. 


{A  svivre.) 


PnLipPE  Carkéri. 


PATROLOGIE 


IX.  THÈME  GÉNÉRAL  DES  ÉCOLES  CHRÉTIENNES. 

L'Eglise,  en  ses  nombreux  établissements 
d'instruction  publique,  devait  naturellement 
s'accommoder  au  goût  dei  maîtres,  à  la  capacité 
des  élèves  et  surtout  aux  exigences  du  temps. 
Aussi  les  étoiles  de  la  science  ne  brillent  pas 
toutes  de  la  même  clarté.  Le  génie  de  l'Orient 
n'a  pas  le  même  caraclère  que  le  génie  de 
l'Occident;  les  écoles  primitives  diffèrent  des 
univer?ités  du  moyen  âge  ;  l'enseignement  pren- 
dra des  formes  variées,  selon  qu'il  se  donne 
aux  laïques,  aux  religieux  et  aux  prêtres. 

Etpourtaut,  malgré  ces  nuances  nécessaires, 
l'instruction  a  toujours  conservé,  chez  les 
Pères  de  l'Eglise,  son  invaiiable  unité  de 
matières  et  même  de  méthode.  C'est  justement 
pour  avoir  sans  cesse  rajeuni  les  traditions 
anciennes,  que  nos  ancêtres  ont  fait  faire  à  la 
science  tant  de  progiès. 

Partout  et  toujours,  nous  avons  divisé  les 
connaissances  de  l'humanité  en  deux  hémis[ihè- 
res.  Les  catiiéchèses  d'Alexandrie,  les  insiitu- 
lions  de  Cassiodore,  les  éludes  ecclésiaàti<iues  de 
Rhabiin-Maur,  l'éiudilion  scolastique  de  Hugues 
de  Saiiil-Vic.tor  nous  attestent  hautement  que 
les  académies  chrétiennes  avaient  à  la  fois  une 
chaire  de  sainte^^-lettres  et  une  chaire  de  belles- 
lettres.  L'on  pourrait  dire  que  cette  division 
antique,  célèbre  et  universelle,  forme  le  pre- 
mier article,  l'article  fondamental  des  écoles 
de  l'Eglise.  Nous  savons  que  nos  rationalistes 
modernes  vont  sourire  de  te  programme;  mais 
qu'ils  l'avouent,  ou  con,  les  douze  premiers 
siècles  de  l'ère  nouvelli  se  dressent  contre  eux, 
pour  leur  dire  que  la  sagesse  humaine  n'est 
souvent  qu'une  iolie. 

Examinons  à  part  l'enseignement  des  saintes- 
lettres,  et  celui  des  belles-lettres. 

l.  Noa-6(;ulemeut  les  maîtres  ecclésiastiques 
avaient  à  cœnr  d'initier  leurs  disciples  aux 
mystères  de  nos  livres  saints  :  ils  prétendaient 
que  la  science  des  divines  Ecritures  est  la  seule 
et  véritable  sagesse;  que  cette  reine  doit  domi- 
ner toutes   les  études  naturelles^  et  que  la 


raison  est  l'humble  servante  de  la  foi.  En  con- 
séquimce,  ils  aimaient,  pour  elles-mêmes,  les 
lumières  de  la  révéUition  tandis  qu'ils  se 
livraient  à  l'étuile  des  sciences  humaines,  par 
amour  pour  la  parole  de  Die,i' 

Et  ce  n'était  pas,  chez  eux,  l'enthousiasme 
d'une  dévotion  puérile  qui  réglait  ainsi  le 
thème  des  écoles  :  la  philosophie  même  leur 
avait  démontré  que  la  science  divine  est  la  plus 
nécessaire  en  principe,  la  phis  vaste,  dans  SOQ 
ensemble  et  la  plus  féconde  en  résultats. 

El  d'abord,  une  parole  divine  était  indispen» 
sable,  soit  que  l'homme  vécût  sous  l'heureux 
empire  de  la  grâce,  soit  qu'il  restai  dans  l'ordre 
purement  naturel.  A 'supposer  que  la  Provi- 
dence nous  ait  élevés  à  la  hauteur  du  monde 
béatifique,  ne  fallait-il  p;is  qu'elle  daignât 
nous  révéler,  de  sa  propre  bouche,  la  cause,  les 
moyens  et  la  fin  de  cette  glorieuse  transfigura- 
tion? Si  l'œil  de  l'homme  n'a  pas  vu,  si  soa 
oreille  n'a  pus  entendu,  si  son  cœur  n'a  pas 
senti  les  biens  que  Dieu  distribue  à  ceux  qui 
l'aiment,  l'Espril-Saint  ne  devait-il  pas  révéler 
ces  mystères  impénétrables  à  notre  raison? 
De  toute  évidence,  un  soleil  particulier  est 
appelé  à  luire  sous  ces  nouveaux  cieux,  et  pour 
cette  nouvelle  terre;  et,  comme  l'ordre  surna- 
turel, par  son  essence  et  dans  sa  définitioa 
même,  surpasse  infiniment  le  règne  de  simple 
nature,  les  docteurs  de  l'Eglise  ont  eu  mille 
motifs  de  préférer  l'Ecriture  sainte  à  tous  les 
livres  des  hommes. 

Mais  l'Ange  de  l'école,  homme-tradition  par 
excellence,  va  même  soutenir  qu'une  révélation 
divine  était  encore  nécessaire  pour  la  rech'-rche 
des  vérités  rationnelles,  qui  regardent  Dieu. 
«  Car,  dit-il,  une  vraie  connaissance  de  Dieu, 
acquise  par  les  lumières  de  la  raison,  ne  se 
formerait  que  chez  un  petit  nombre  d'hommes, 
au  bout  d'un  temps  assez  long  et  avec  ua 
mélange  de  beaucoup  d'erreurs.  Et  cependant 
le  salut  de  l'homme,  qui  est  en  Dieu,  dépend 
tout  à  fait  de  cette  connaissance.  Pour  que  le 
genre  humain  fût  sauvé,  avec  plus  de  conve- 
nance et  de  certitude,  il  était  donc  nécessaire 
que  nous  fussions  instruits  des  choses  de  Dieu 
par  une  révélation  divine.  Outre  les  sciences 
philosophiques,  qui  forment  le  domaine  de  la 
raison,  il  nous  fallait  encore  une  science  divine 
et  révélée  {S.  S.  1*  i",  q.  I,  art.  1,0).»^ 

L'on  comprend  déjà  pourquoi  les  maîtres  de 
nos  écoles  chrétiennes  m'ttaienl  en  première 
ligne  l'étude  des  livres  inspirés.  A  leurs  yeux, 
c'était  là  l'unique  chose  nécessaire ,  et  l'on  ne 
pouvait  reconnaître  aux  antres  sciences  que  le 
mérite  secondaire  de  l'utilité.  Mais  un  nouveau 
motif  de  préférence  venait  bientôt  s'ajouter 
au  premier.  Non-seulement  l'Ecriture  est  une 
œuvre  de  Dieu,  dépasse  quelquefois  et  affermit 


16  : 5 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


toujours  ia  raison,  mène  pins  sûrement  les 
hommes  à  leur  dernière  fin;  elle  nous  oflre, 
en  outre,  dans  ses  pages  simples  et  profondes 
à  le  fois,  uniî  riche.-se  de  sens  que  vainement 
on  clierclierait  ailleurs.  Frétons  l'oreille  à 
saint  Tliomas,  que  nous  citions  d  jà  tout  à 
l'heure.  Le  grand  théologien  de  l'E^çlise.  tout 
en  nous  lévélant  ia  va-le  étendue  des  Ecritures, 
mms  apprendra  en  même  temps  les  règles  tra- 
ditionnelles de  l'exégèse  sacrée. 

«  Dieu,  dit-il,  est  l'auteur  de  la  sainte 
Ecriture;  et  il  ebt  en  son  pouvoir  de  faire  parler 
le  langage,  comme  nous,  et  de  plus,  les  choses 
elles-mêmes.  Les  autres  sciences  n'ont  qu'une 
Bignification  attachée  aux  mots;  l'iicriture  à 
cela  de  propre  que  les  choses  énoncées  par 
des  termes  de  grammaire,  renferment  un  sens 
à  leur  tour.  La  première  expression  de  la 
parole,  qui  nous  représente  les  choses,  cons- 
titue un  premier  sens,  qui  est  historique  ou 
littéral.  La  signification  des  choses,  traduites 
par  le  discours  et  nous  révélant  des  choses 
Douvelles,  se  nomme  le  sens  spirituel,  qui  se 
fonde  sur  le  littéral  et  le  suppose.  Ce  dt-rnier 
est  divisé  en  trois  espèces.  Comme  le  dit  l'Apô- 
tre, la  loi  ancienne  est  une  figure  de  la  loi 
nouvelle  [Hebr.,  vu);  et  cette  loi  nouvelle  est 
elle-même  une  figure  de  la  gloire  à  venir, 
ainsi  que  nous  le  témoigne  saint  Denys  l'Aréo- 
yagdti{fjierur.  Eccl.  c.  v,  p.  1);  enfi:i  l'Evangile 
nous  oiïre,  dans  les  œuvres  de  notre  chef,  un 
modèle  à  puivn-;  pour  notre  conduite.  Quand 
la  loi  ancienne  est  un  emblème  de  la  loi  nou- 
velle, c'est  l'allégorie;  quand  les  actions  du 
Christ  ou  des  figures  du  Christ,  nous  retracent 
une  obligation  morale,  c'est  le  sens  tropologi- 
que;  quand  les  choses  ont  du  rapport  avec 
l'éternelle  gloire,  c'est  le  sens  anagogique 
(76.,  a.  X,  o).  » 

L'S  fruits  que  l'on  se  proposait  de  retirer  de 
l'Ecriture  sainle  rehaussaient  encore  le  prix 
de  cette  science,  et  la  fiiisjient  aimer  par  nos 
anciens  docteurs  :  «  Quiconque  se  prépare 
à  lire  les  saintes- lettres,  dit  Hjgues  de  Saint- 
Victor,  doit  préalablement  savoir  quels  avan- 
tages elles  procurent.  Il  ne  faut  rien  désirer  sans 
cause;  et  c'est  une  promesse  d'intérêt  qui 
enflamme  le  désir.  L'étude  de  la  Bible  nous 
oflre  un  double  fruit  :  elle  orne  les  âmes  de 
science  ou  de  vertus.  Elle  nous  apprend  ce 
que  nous  aimons  à  savoir  et  ce  qu'il  nous 
importe  n'iû^iter.  La  science  dérive  surtout  de 
l'histoire  et  de  l'allégorie;  le  règlement  des 
mœurs  est  un  eflet  particulier  de  la  troptflogie. 
(De  Scrintur.  et  Scriptor.  sacris,  c.  xim).  » 

II.  Tels  étaient  donc  la  cause,  la  forme  et  le 
but  de  la  science  des  saintes-lettres,  jusqu'à 
l'époque  de  saint  Thomas. 

Depuis  longtemps  les  Pères  de  l'Eglise  avaient 


partagé  les  sciences  humaines  en  Trimum  et 
Quudrivium.  Le  ternaire  m3"stérieux  renfermait 
la  gr.mmaire,  la  dialectiipie.  et  la  rhétorique. 
Les  mathématiques,  c'est-à-dire  l'arithmétique, 
la  mimique,  la  géométrie  et  l'astronomie  for- 
maient le  quaternaire  de  la  science.  D'après 
Hugues  de  Saint-Victor,  ce  nom  de  trois  et 
quatre  voies  signifiait  que  les  hommes  studieux 
trouvaient,  dans  les  connai-sances  qu'il  ren- 
ferme, autant  de  chemins  qui  conduisaient  au 
temple  mystérieux  de  la  sagesse  {Etud.  Didasc, 
III,  3). 

En  se  combinant,  le  Trtvium  et  le  Quadrivium 
formaient  les  sept  arts  libéraux.  Mais  d'où 
vient  l'épithète  de  libérale,  appliquée  à  la 
science  humaine?  Jean  de  Sali^bnry,  le  plus 
spirituel  des  scolastiques  de  son  temps,  expli- 
que ainsi  la  chose  :  «  On  les  appelle  arts  libé- 
raux, ou  parce  que  les  anciens  avaient  soin 
d'en  procurer  la  connaissance  à  leurs  enfants 
{Itberi);  ou  parce  que  leur  étude  exige  une 
grande  liberté  d'esprit,  pour  préparer  les 
mêmes  hommes  aux  leçons  de  la  philosophie; 
ou  parce  qu'ils  préservent  réellement  le  sage 
de  tous  ces  embarras,  dont  la  science  n'admet 
pas  le  principe;  ou  parce  qu'ils  vont  même 
jusqu'à  faire  oublier  les  nécessités  de  la  vie, 
afin  de  rendre  les  âmes  plus  propres  à  méliter 
les  vérités  philosophiques  {Metaloy.  i,  12).  » 
Mais  nous  croyons  volontiers,  avec  Hugues  de 
Saint-Victor,  qu'une  telle  qualité  fut  donnée 
aux  arts  pour  les  distinguer  des  métiers,  ou 
des  œuvres  servîtes.  En  eû'et,  le  moyen  âge 
enseignait  sept  arts  mécaniques  :  le  tissage, 
l'armement,  la  navigation,  l'agriculture,  la 
chasse,  la  médecine  et  le  théâtre.  «  Les  autres 
arts,  dit  Hugues,  ont  le  surnom  de  libéraux, 
par  la  raison  qu'ils  demandent  beaucoup  de 
liberté  d'e-prit,  pour  examiner  le  fond  des 
choses;  peut-être  aussi  parce  que  jadis  les 
hommes  libres,  ou  les  nobles,  avaient  l'habitude 
d'en  faire  seuls  profession  :  tandis  que  les  plé- 
béiens, ou  les  fils  même,  de  la  populace  avaient 
au  contraire  le  monopole  des  métiers  (£'/•««/. 
Didasc.  ii,  21).  » 

Nous  avons  fait  de  longues  recherches,  pour 
découvrir  l'origine  des  sept  arts  libéraux.  Il 
nous  semblait  d'abord  que  cette  division  des 
sciences  naturelles  avait  subsisté  dans  les  écoles 
de  l'Eglise,  à  tous  les  temps.  Nous  la  voyons 
en  eûet  régulariser  les  études  du  moyen  âge. 
Elle  préside  à  la  renaissance  des  lettres,  sous 
l'empire  de  Charlemagne.  Cassiodore  l'introduit 
dans  son  monastère  de  Calabre.  Qui  le  penserait 
même?  elle  a  laissé  des  traces  visible.,  dans  les 
catéchèses  d'Alexandrie.  Encore  une  lois,  d'où 
vient  le  partage  des  connaissances  humaines 
eu  sept  arts  libéraux?  Si  les  Pères  de  l'Eglise 
l'ont  adopté  dès  le  commencement,  serait;!! 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


16<{ 


permis  de  Iftiir  en  attribuer  l'initiative?  Comme 
ils  ont  pris  la  science  des  païens  toute  faite, 
n'ont-ils  pas  emprunté  les  sept  arts  libéraux 
d'un  ancien  philosophe?  En  raisonnant  de  la 
sorte,  nous  pressentions  la  vérité  :  car  Hugues 
de  Saint-Victor,  l'un  des  liommes  les  plus  érudits 
de  son  sièile,  nous  cerlifieque  le  Trivium  et  le 
Quadrivium  servaient  de  base  à  l'enseignement 
de  Pythagore.  Le  philosophe  de  Samos  n'aurait 
donc  plus  l'unique  gloire  d'avoir  inventé  la 
table  de  multiplication. 

«  En  ces  temps-là,  dit  Hugues,  personne 
n'aurait  osé  prendre  le  titre  de  maître,  s'il 
n'eût  été  capable  de  professir  les  ?ept  arts 
libéraux.  Nous  lisons  de  Pyth.igore  (lu'il 
imposa  pour  règle  à  ses  di?eiples  de  ne  point 
lui  demandiT  raison  de  sa  doctrine,  pendant 
les  sppt  années  d'études,  qui  correspondaient  au 
nombre  des  arts  libéraux  :  chacun  devait  ajouter 
foi  aux  paroles  du  maître,  jusqu'à  l'heure  où, 
son  instruction  terminée,  il  pût  r:iisonn"r  lui- 
môme  ses  connaissances.  Tel  était  le  zèle  des 
pythagoriciens  à  s'approprier  les  principes  des 
sept  arts  libéraux  qu'ils  les  avaient  tous  pré- 
sents à  la  mémoire;  si  bien  qu'en  ouvra'it  un 
livre,  s'il  leur  fallait  érlaircir  ou  dér.iontrer 
une  question,  au  lieu  d'èlie  obligeas  de  recourir 
à  des  notes  écrites,  ils  trouvaient  aussitôt,  dans 
leurs  souvenirs,  lu  SDlution  de  chaque  proMèine. 
il  n'est  point  surprenant  qu'une  telle  époque 
ait  vu  naître  tant  de  philoso^ihes,  dont  les 
ouvrages  sont  trop  nombreux  jiour  i\\\e.  nous 
ayons  jamais  le  temps  de  les  lire.  Pour  les 
scolastiqnes  de  notre  temps,  ils  ne  veulent,  ou 
ne  peuvent  suivre  la  méthode  convenaMe  po  t 
leur  instriution;  aussi  voyons-nous  parmi 
eux  beaucoup  d'étudiants  et  peu  de  sages 
(/*..  m,  3).  » 

iJlaiiitenant  serait-il  vrai,  comme  l'avancent 
des  auteurs  même  estimables,  que  le  Tiivinm 
et  le  Quadriuium  aient  enrermé  le  génie  île 
l'homme  dans  un  cercle  lyraunique  et  vi  ieux? 
La  réponse  à  cette  qu  stion  nous  intére-se 
moins,  ilepuis  que  l'oi  igiiie  des  sept  arts  libé- 
raux nous  est  connue.  En  ellet,  si  le  programme 
du  septénaire  des  sciences  a  le  malheur  de  vnus 
fâcher,  la  jusiice  demande  que  vous  déeiiargiez 
votre  colère  sur  P\tliai;ore,  qui  paraît  en  ctie 
l'inventeur,  à  moins  pourtant  qu'il  ne  l'ait 
appris  de  -es  ancêtres.  Faites  alors  le  procès  à 
la  philosophie  de  l'homme,  et  respectez  l'Eglise 
de  Dieu 

Mais  admettri.ns-nous,  sans  preuve,  que  le 
thème  général  des  éludes  naturelles,  mis  en 
honneur  par  le  celèlire  Pylhagore  et  emijrassé 
par  tous  le>  Pères  de  l'Lglise,  ait  veritaMeraent 
tenu  les  peuples  sous  le  joug  d'une  tutelle  évèie 
et  jalouse  du  piogrès?  En  droit,  l'hypothèse 
semble  téméraire;  eile  est  erronée,  dans  le  fait. 


Que  l'on  veuille  blâmer  un  siècle,  un  homme 
et  surtout  une  action ,  la  sentence,  par  là 
même  qu'elle  restreint  sa  iiortée,  éveillera 
moins  les  soupçons  de  l'auditoire  et  semblera 
plus  conforme  aux  lois  de  l'équité.  Qu'il  s'agisse, 
au  contraire,  de  taxer  d'ignorance  ou  de  fai- 
blesse les  treize  premiers  siècles  de  l'Eglise,  la 
série  entière  de  ses  plus  illustres  docteurs,  une 
coutume  immémoriale  et  universelle  des  écoles 
chrétiennes,  l'entreprise  devieut  audacieuse,  et 
il  est  malaisé  d'avoir  seul  raison  contre  tous. 
C'est  pourtant  l'essai  imprudent  que  font  les 
détracteurs  du  programme  de  n»js  anciennes 
écoles. 

D'ailleurs  l'histoire  met  à  néant  les  plainles 
inqualifiables  de  certains  libérâtros  sur  la 
tyrannie  prétendue  de  notre  enseignement. 
Dans  les  articles  qui  vont  suivre,  tout  en  faisant 
ressortir  l'unité  traditionnelle  de  la  méthode 
scolaslique  usitée  en  nos  diverses  institutions, 
nous  aurons  soin  d'établir  des  nuances  assez 
fortes  pour  donner  place  au  libre  essor  de  1 1 
pensée  humaine.  Sans  avoir  besoin  de  revenir 
sur  les  catéchèses  d'Alexandrie,  où  les  Clément 
et  les  Origèue  déclaraient  toutes  les  sciences 
tributaires  de  la  révidaton,  nous  ferons  voir 
que  les  Pères  de  l'iîglise,  malgré  la  prééminence 
qu'ils  aceordaieut  justement  aux  sept  arts  libé- 
raux, se  gardaient  bien  de  proscrire  l'étude  des 
autres  sciences.  Cassiodore,  par  exemple,  après 
avoir  exigé  de  ses  religieux,  la  connaissance, 
au  moins  sommaire,  du  Trivium  et  du  Quadri- 
vium, ne  laisse  pas  de  leur  conseiller,  en  outre, 
la  lecture  des  autres  livres  de  géographie,  d'a- 
griculture, et  même  l'.e  médecine.  C'est  un  fait 
très-digue  d'observation  ijue  la  plupart  des 
monastères  île  ['rance  désignaient  d'iiabitude 
quelques-uns  de  leurs  religieux  pour  étudier 
les  maximes  d'Uvqiproerate,  et  soigner  les 
malades.  De  son  côté,  Khaban-Maur,  élevé  par 
Alcuiu,  dans  l'école  des  sept  aits  libéraux,  ne 
craint  pas  de  bmder,  sur  !e  canevas  ofliciel  des 
études,  des  ornements  de  fantaisie,  ou,  pour 
mieux  direjsauement  approiiries  aux  besoins  du 
mi  .istère  pas'.oral  :  traitant  eu  dehors  du  pro- 
gramme (  la-sique,  de  la  thé(jlogie,  des  rites 
ecclé.-iasliijues,  de  l'histoire  des  dogmes  et  des 
erreurs,  des  ve;  tus  réservées  aux  prèlres,  et  de 
l'art  il'annoucer  la  parole  de  Dieu.  Bien  qu'il 
res|  ecle  le  ^ystème  inauguré  par  l'école  italique 
de  Pythagore,  il  fait  une  mention  encore  plus 
élogï -u^e  de  saint  Augustin  et  de  sa  divi-ioa 
pliiosopliiiue  des  sciences.  Mais,  au  moyen 
âge,  l'eu. aneipaiion  des  esprits  semlile  encore 
plus  coaiiileie.  Hugues  de  Saiut-Victor  établit 
la  philosophie  comme  souveraine  des  lettres, 
des  sciences  et  des  beaux-arts.  11  lui  supposa 
quatre  bianehes  principale-  :  la  théorie,  la  pra- 
tique, la  mécauique  et  la  logique.  Celte  pre- 


mi 


LA  SEIIAÎNE  DU  CLEUGÊ 


mière  division  donne  naissance  à  une  foiile  de 
rameaux;  tellemeiil  que  l'buteur  compta  jus- 
qu'à trente-huit  sciences,  et  nous  avertit  qu'il 
en  existe  encore  beaucoup  d'autres.  {Eiud. 
Didasc.  m,  1). 

Ncaiituoins,  Hugues  de  Saint-Victor,  en  par- 
lant lie  l'crdn;  qu'il  faut  mettre  dans  ses  lee- 
tui-ps,  n'hésile  point  à  ilire,  avec  les  atici<?us, 
que  l'on  doit  apiirendre  avant  tout  les  sept  arts 
Jiliéraux.  Quelle  était  donc  la  raison  d'une  pré- 
férence si  marquée  et  d'ailleurs  si  universelle? 
On  voyait,  dans  lesseiit  sciences,  les  meilleurs 
instruments  pour  faciliter  l'étude  de  nos  livres 
saints.  «  Les  sept  arts  libéraux,  nous  dit  Hugues, 
sont  -ubordounés  à  la  science  des  Ecriliiri'S.  Le 
Iriciuni  s'occupe  du  sens  des  parob'S.  Le  Quadri- 
viuiii  i.ous  ouvre  le  symlioiisme  des  choses.  La 
grammaiie  enseigne  l'art  de  parler  conecte- 
m>  nt,  et  d'avoir  uue  bonne  prononciation.  La 
dialectique  compare  les  s-ns  divers,  et  fait 
jaillir  la  vérité  par  le  <'hoc  des  argument'*.  La 
rhétoiique  rem[ilit  à  elle  seule  la  mission  des 
deux  sciences  jTécédentt-s.  Pour  la  physique, 
ellt'  sonde  la  nature  intérieure  des  choses,  pen- 
dant que  les  mathématiques  font  connaître  les 
signes  et  bs  nombres  («terieurs  {De  Scriptia\  et 
sctiptoj'.sacris,  Xlii).  »  Rapprochons  de  ce  texte 
ce  que  le  moine  de  Saint- Victor  dit  ailleurs, 
sur  les  avantages  que  procurait,  aux  disciples 
de  Pylhagore,  une  connaissance  approfondie 
des  sept  arts  libéraux,  et  nous  verrous  que  les 
anciens  maîtres  de  1  Eglise  considéraient  le 
Triv'um  et  le  Quadrivium  comme  uue  pri'para- 
tion  f  écessaire  à  l'étude  des  divines  Ecritures 
et  de  la  philosophie  humaine. 

D'aulre>  docteurs,  par  exemple,  saint  Jérôme, 
saint  Augustin  et  saint  Basile  n'estiment  pas 
seulement  la  science  humaine  pour  les  services 
qu'elle  /end  chaque  jour  à  l'interprétation  de 
la  parob;  de  Uicu  :  ils  l'honorent  de  plus 
comme  doctrine,  émanée  du  ciel,  parente  de  la 
foi  et  conduisant  l'homme  au  bonheur.  De  là, 
saint  Jeiôme  admire  nos  premiers  écrivains, 
dont  les  livres  nous  tiûrent  une  telle  moisson 
de  dogmes  et  de  préceptes  philosophiques, 
qu'on  ne  sait  laquelle  doit  le  plus  nous  étonner 
de  leur  érudition  séculière  ou  de  leur  science 
des  Ecritures  {Eptsl.  lxx.kiv,  ad  Mugnum). 

PlOÏ, 
curé-doyen  de  Jazennecoart, 


Variété  s. 


LA  TERRE  SEULE  EST  HABITÉE 

{Sutle.) 

La  terre  seule  possède  des  créatures  intelli- 
gentes, parce  que  Uiiu  l'a  choisie  pour  recevoir 


d'elle  les  hommases  que  lui  doivent  tons  los 
êtres  corporels  qu'il  a  créés;  et,  afin  que  ces  hom- 
mages prennent  une  valeur  qui  corres|ionde  àl'é- 
tendue  de  ses  bienfaits,  il  s'est  uni  de  la  manière  la 
plus  intime  à  sesbaldiauts  chargés  de  l'adorer,  en 
prenant  substanliellement  leur  nature  [lour  les 
renilre  participants  de  sa  divinité,  au  point 
qu'il  s'honore  et  se  gloriue  lui  même  au  nom 
de  toutes,  ses  créatures,  dans  le  culte  que  lui 
adresse  l'homme  ainsi  uni  à  lui.  —  Cette  vérité 
est  conlirmée  par  les  paroles  Notre-Scigneur, 
lorsqu'il  dit  à  ses  Apôtres  :  «  Prêchez  l'Evangile 
à  toute  créature.  »  Dans  l'homme  se  trouvent 
les  éléments  dont  sont  formées  toutes  les  créa- 
tures visibles  (saint  Grégoire;;  c'est  pourquoi, 
étant  choisi  de  Dieu  pour  cette  hu  il  les  repré- 
sente tontes  et  rend,  en  leur  nom  ,1a  gloire  due 
au  Créateur,  eu  remplissant  les  devoirs  du  culte 
prescrit.  —  »  L'homme,  dit  saint  Grégoire  de 
«  Nnziauze,  n'est  pas,  comme  le  dit  un  philoso- 
«  phe  ancien,  un  petit  monde,  mais  un  grand 
«  monde  dans  le  petit  :  quidam  mundus  in  parvo 
«  magnus;  il  représente  tous  les  êtres  matériels 
«  dans  le  culte  (ju'il  faut  rendre  au  Créateur.  » 
—  «  il  est,  ajoute  Hossuet,  l'adorateur  de  Dieu 
pour  tout  le  reste  des  créatures.  «  —  «  Dieu,  en 
touchant  à  l'homme,  dit  un  savant  théologien 
(le  P.  Malignon),  touche  au  cœur  de  la  création; 
en  se  communiquant  à  lui,  il  s'est  communiqué 
à  l'universalité  des  êtres.  » 

III 

Un  autre  privilège  de  la  terre  qui  mérite 
d'être  remarqué,  et  fournit  sa  part  de  preuve 
à  notre  système,  c'est  (jue,  par  un  efl'et  de  l'in- 
carnation, elle  i-st  déjà  en  substance  pl.icée  dans 
le  ciel  même,  but  final  de  tous  les  mondes. 
Notre-Seigneur  l'a  dotée  de  ce  glorieux  avantage, 
lorsiju'au  jour  de  son  ascension  il  a  élevé  dans 
sa  personne  la  nature  humaine  au  plus  haut 
trône  de  la  gloire  (saiut  Gréi-'oire,  pape).  — 
Réunissant  eu  elle  les  éléments  de  tons  les  êtres, 
savoir  :  la  terre,  l'eau,  l'air  et  le  feu,  qui  sont 
les  substances  mères  et  génératrices  de  toutes 
les  autres,  la  nature  humaine,  qui  ajou'e  à  tous 
ces  éléments  la  noble  faculté  de  i'inlelligeuce, 
représente,  dans  le  ciel  comme  sur  la  terre,  tous 
les  mondes  ciéés. 

S'il  y  a  d'autres  mondes  habités  par  des  êtres 
raisonnables,  d'où  vient  que  la  terre  a  encore 
d'autres  avantages  qu'il  est  impossible  de  sup- 
poser ailleurs  sans  blesser  les  perfections  di- 
vines? Comment  se  fait-il  qu'eu  outre  de 
l'Homme-Dieu,  elle  possède  daus  la  Vierge 
Marie,  son  auguste  mère,  la  créature  incontes- 
tablement la  plus  parfaite'?  On  ne  peut  expli- 
quer toutes  ces  prérogatives  et  s'en  rendre 
raison  qu'en  admettant  l'hypothèse  énoncée,  sa- 
voir :  que  dans  l'œuvre  de  la  créatiou,  Dieu  a 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


Mit 


eu  en  vue  de  se  faire  glorifier  par  les  habitants 
de  la  terre,  au  nom  de  toutes  les  créatures  qui 
existent  dims  l'ordre  physique. 

On  est  autorisé  à  le  croire  par  une  autre  con- 
sidération. 

Est-il  étonnant  que  les  astres  ne  soient  pas 
habités  quoique  la  terre  le  soit,  puisque  la  terre 
elle-même,  qui  jouit  de  cet  avantage  et  possède 
tant  d'autres  privilèges,  n'est  habitée  que  dans 
une  faible  proportion  de  son  étendue  (moins 
d'un  quart  de  sa  surface)?  On  sait  pourtant 
que  les  vastes  régions  non  habitées  des  conti- 
nents et  de  beaucoup  d'îles  renferment  des  objets 
dignes  d'ackniration  qui  publient  hautement 
les  grandeurs  et  les  largesses  inexprimables  du 
Créateur.  La  mer,  qui,  seule,  occupe  les  deux 
tiers  du  globe  terrestre,  «onlient  elle-même 
dans  sou  seiu,  un  monde  merveilleux  en  son 
genre.  Dira-t-on  que  Dieu  ne  reçoit  aucun 
hommage,  auciine  reconnaissance  pour  tant  de 
merveilles,  parce  qu'il  n'y  a  parmi  elles  aucun 
être  capable  de  le  connaître  et  de  le  louer?  On 
ne  saurait  avoir  une  pareille  idée;  chacun  voit 
à  n'en  pas  douter  que  l'homme,  seul  être  intel- 
iigeut  sur  tout  le  globe,  est  chargé  de  payer  au 
souverain  maître  de  toutes  choses,  le  tribut 
■tradoratioa,  d'amour  et  de  louanges  qui  lui  est 
dû  pour  tous  les  bienfaits  accordés  à  la  terre. 
C'est  ce  qu'il  fait  pour  tous  les  mondes  créés, 
parce  que,  uni  à  Dieu  par  le  mystère  de  l'Incar- 
nation, il  est  seul  capable  de  lui  offrir  ses  hom- 
mages. 

D'ailleurs,  les  aslrcs,  quoique  non  habités,  ne 
sont  pas  sans  admirateurs  spéciaux  pour  les 
merveilles  qu'ils  renferment.  D'après  plusieurs 
Pères  de  l'Eglise  (entre  autres  siint  Jérôme), 
non-seulement  les  anges,  mais  même  les  saints 
du  ciel,  les  voient  clairement;  ils  ont  pleine 
connaissance  de  ce  qui  les  constitue  ;  ils  en  ad- 
mirent Tordre,  les  grandeurs,  les  beautés  mer- 
veilleuses qui  servent  à  orner  la  terre,  palais  du 
Verbe  fait  chair,  et  en  rendent  gloire  à  leur 
auteur  qui  a  si  bien  r^.glé  toutes  choses  pour 
honorer  la  plus  grande  de  ses  merveilles,  la 
divine  Eucharistie.  La  terre  étant  le  séjour  de  la 
divinité  incarnée.  Dieu  l'a  environnée  d'embel- 
lissements dignes  de  sa  majesté  suprême. 

IV 

Nécessita  de  l'union   dans  les  âtres 
adoi-ateurs. 

S'il  y  avait  des  habitants  dans  les  astres,  nous 
le  saurions  et  nous  communiquerions  avec  eux, 
parce  que  le  principe  d'unité  exige  qu2  les  ado- 
rateurs de.  Dieu  soient  unis  : 

1°  Dans  la  vie  du  temps; 

2°  Dans  la  rédemption; 


3°  Dans  le  jugement; 

i"  Dans  la  gloire. 

i"  Dans  la  nie  du  temps.  —  «  Toutes  les 
œuvres  du  Seigneur  sont  des  révélations  de  lui- 
même,  »  dit  un  auteur  pieux  (le  R.  P. 
Fabcr).  Ainsi  la  gloire  que  Dieu  attend  de  ses 
créatures  a  pour  modi'de  celle  qu'il  se  donne  à 
lui-même  par  l'harmonie  éternelle  que  produit 
l'union  ineffable  des  trois  personnes  divines,  de 
laquelle  découle  la  loi  d'unité,  cette  règle  im- 
muable qui  demande  que  tous  les  êtres  soient 
liés  par  des  rapports  réels  et  constants  dans 
l'ordre  naturel  comme  dans  l'ordre  surnaturel. 
Pour  cette  raison,  il  faut  que  les  créatures  des- 
tinées à  adorer  Dieu,  soient  unies  d'une  ma- 
nière cmiforme  à  leurs  qualités  naturelles, 
c'est-à-dire  que  leur  intelUgeuce  doit  se  corres- 
pondre jusqu'à  un  certain  point.  C'est  pourquoi, 
si  des  créatures  raisonnables  se  trouvaient  dans 
les  astres,  Dieu  aurait  révélé  au  moins  leur 
existence  pour  opérer  cette  union  indispen- 
sable. Dire  qu'elles  seraient  unies  après  le 
temps  d'épreuve,  dans  l'éternité  glorieuse,  ne 
satisferait  pas  au  principe  exposé  et  tiré  de  l'es- 
sence divine,  qui  exige  l'union  en  tout  temps, 
quoique  à  différents  degrés. 

C'est  ce  même  principe  d'union  qui  consti- 
tue sur  la  terre  les  liens  de  la  ciiarité.  Les 
hommes  étant  faits  à  l'image  de  Dieu,  doivent 
s'aimer  dans  l'unité  de  famille  comme  Dieu 
s'aime  lui-même  dans  l'unité  de  nature,  entre 
les  trois  [iri sonnes  diviues.et  en  s'aimant  ainsi, 
ils  forment,  dans  l'exercice  du  culte,  un  concert 
qui  met  en  évidence  leur  ressemblance  avec  la 
divinité.  C'est  ce  qui  doit  se  trouver  dans  le 
culte  universel  que  Dieu  exige  de  ses  créatures  ; 
toutes  celles  qui  sont  capables  d'exercer  ce 
culte,  doivent  être  dans  les  conditions  d'une 
réunion  proprement  dite  pour  louer  Dieu  avec 
une  harmonie  digne  de  celle  qui  existe  dans  les 
perfections  divines.  Ainsi  la  base  sur  laquelle 
repose  le  grand  précepte  de  la  charité  serait 
ébranlée  si  l'on  admettait  que  les  créatures  in- 
telligentes qui  composent  le  corps  uidversel  des 
êtres  adorateurs,  u'ont  besoin  d'aucun  rapport 
entre  elles  [lour  rendre  gloire  à  Dieu. 

Ce  serait  même  fournir  une  excuse  au  schisme 
et  à  l'iiéresie.  l'ourquoi  Dieu  réprouve-t-il  le 
schisme  et  l'hérésie?  —  Parce  qu'ils  brisent 
l'union  qu'il  veut  dans  ses  adorateurs.  Or  celte 
union  serait  rompue,  si  des  êtres  intelligents 
destniés  à  adorer  Dieu,  n'avaient  aucune  com- 
munication ave<  d'autres  êtres  du  même  genre, 
qui  seraient  créés  pour  la  même  fin.  Dans  cette 
hypothèse,  Jésus-Christ  qui  es'^  l'objet  principal 
du  culte  universel,  parce  qu'il  est  le  suprême 
auteur  et  réparateur  de  toutes  clioses,  serait 
adoré  isolément,  sans  connexion,  sans  cohérence, 
sans  cette  liaison  iudisneusable  qui  unit  toutes 


1G14 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


tes  partii^s  d'un  corps  pour  n'en  faiie  qu'un  seul 
tout.  L'union  existerait  entre  les  esprits  célestes 
et  les  hommes,  mais  non  eu  ce  qui  concerne- 
rait les  autres  êtres  intelligents.  L'Eglise,  avec 
ses  trois  parties  constitutives,  partie  triom- 
phante, partie  soutirante  et  partie  militante, 
parfaitement  unies  par  des  rapports  intimes,  ne 
serait  rien  en  comparaison  d'une  intinité  d'au- 
tres groupes  d'adorateurs  également  intéressants 
et  dignes  d'afifection,  avec  lesquels  elle  n'aurait 
pendant  la  durée  du  temps,  aucun  rapport,  pas 
même  celui  de  la  foi  à  leur  existence.  Comment 
concilier  cet  isolement  avec  les  lois  de  l'union 
qui  dérivent  des  principes  posés  par  la  nature 
de  Dieu,  et  qui,  on  ne  saurait  le  contester,  fontde 
tous  les  êtres  doués  de  raison,  une  seule  et  même 
famille?  Une  pareille  supposition  tendrait  à 
justifier  les  déchirements  sr.rvenus  dans  la  par- 
tie militante  de  l'Eglise.  L'union, manquant  dans 
le  culte  universel,  exercé  par  la  généralité  des 
êtres  intelligents,  pourrait,  dirait-on,  manquer 
sans  inconvénient  dans  le  culte  parliciflier 
adressé  par  les  habitants  de  la  terre. 

Qu'on  ne  dise  pas  que  nous  pouvons  être  unis 
avec  les  habitants  des  astres,  quoique  nous 
ignorions  leur  existence.  On  sent,  à  ne  pas  en 
douter,  qu'il  ne  peut  y  avoir  d'union  propre- 
ment aite  entre  des  êtres  qui  peuvent  être  con- 
sidérés d'un  côté  comme  des  chimères,  comme 
n'existnnt  pas.  Le  principe  qui  dit  :  «  En  tout,  il 
faut  de  la  réci|irocité,»  en  donne  la  raison. 

Pour  qu'il  y  ait  union  entre  deux  genres  de 
créatures  raisonnables,  il  faut  une  réciprocité 
au  moins  virtuelle,  c'est-à-dire  qu'il  doit  y  avoir 
de  part  et  d'antre,  au  moins  implicitement,  des 
actes  d'une  bienveillance  mutuelle,  qui  oprrent 
cette  union.  Comment  ces  actes  peuvent-ils 
avoir  lieu  d'une  manière  positive,  si  d'un  côté 
l'existence  des  créatures  qui  doivent  les  produire 
n'est  pas  certaine?  Ce  serait  donc,  de  ce  côté, 
des  actes  incertains.  Du  côté  où  les  êtres  existent 
réellement,  les  actesde  bienveillanceou  assistance 
auraient  bien  la  force  de  produire  l'union  d'une 
manière  explicite  ou  im|ilicite;  mais,  manquant 
d'agent  certain,  de  l'autre  côté,  pour  être  payés 
de  retour,  ils  seraient  sans  ell'ut  certain,  par  la 
raison  que  rien  de  Ibimel  ne  peut  s'opérer  sur 
ce  qui  est  douteux.  La  réciprocité  au  moins  im- 
plicite étant  incertaine,  il  y  aurait  également 
incertitude  sur  l'union,  et  dés  lors  ce  ne  serait 
pas  une  union  proprement  dite.  —  Sans  doute, 
la  certitude  de  la  réciprocité  n'est  pas  néces- 
saire quant  à  l'amour  en  puissance,  c'est-à-dire 
quenous  aimons  les  habitants  des  astres  s'ila 
existent  ;  mais,  dans  le  fond,  on  sait  qu'elle  estin- 
dispensable  pour  que  l'union  soit  réelle,  véritable 
et  parlant  proprement  dite. 

11  est  bien  vrai  de  dire  que  la  loi  d'unité  con- 
siste dans  la  cuntormité  des  moyens  que  Dieu  a 


établis  pour  atteindre  la  fin  qu'il  s'est  proposéa  ' 
en  créant  le  monde,  avec  le  résultat  obtenu 
qui  est  la  gloire  du  Très-Haut,  publiée  dans  une 
harmonie  admirable  par  tous  les  êtres  créés. 
Mais  on  ne  peut  soutenir  que  cette  conformité 
existe  en  ce  qui  concerne  le  cas  où  il  y  aurait 
dans  les  astres  des  habitants  doués  de  raison.  Il 
manquerait  à  ces  habitants  une  condition  essen- 
tielle pour  concourir  avec  accord  au  magnifique 
résultat,  l'union  proprement  dite  avec  le  reste 
des  êtres  intelligents. 

On  pourra  dire  :  Supposez  qu'il  existe  sur  la 
terre  des  hommes  isolés  et  entièrement  inconnus, 
mais  servant  Dieu,  tels  que  des  anachorètes 
cachés  dans  des  déserts,  ou  des  personnages 
dociles  à  la  grâce,  vivant  parmi  les  sauvages 
même,  ou  daus  une  ile  non  découverte,  où  ils 
auraient  été  poussés  par  une  tempête,  est-ce  que 
nous  n'aurions  pas  d'union  avec  eux  parce  que 
nous  ignorerions  leur  existence? 

Je  réponds  qu'il  n'y  a  pas  de  parité  entre  le 
cas  supposé  et  l'hypothèse  des  astres  habités. 
L'article  du  symbole,  qui  a  pour  titre  :  la  Corn- 
munion  des  saints,  nous  unit  parfaitement  et 
indistinctement  avec  tous  les  hommes  qui 
vivent  selon  Dieu  sur  la  terre,  connus  ou  incon- 
nus, an  point  que  les  liens  spirituels  sont  com- 
muns à  tous,  parce'  que  tous  sont  membres  de 
l'Eglise,  laquelle  comprend  dans  son  sein,  non- 
seulement  les  chrétiens  de  la  catholicité,  mais 
tous  ceux  qui  servent  Dieu  en  mettant  à  profit 
les  moyens  de  salut  qui  leur  sont  donnés;  tandis 
que  les  habitants  des  astres,  ne  faisant  pas  partie 
de  la  société  terrestre,  ne  pourraient  être  com- 
pris à  cette  communautéde  biens  dans  un  sens 
qui  marque  l'union,  puisque  nous  n'aurions 
aucun  rapport  avec  eux.  —  Nous  serions  réduits 
à  supposer  que  s'ils  existent,  il  y  a.  pour  eux, 
une  communion  spéciale  qui  les  unit  eutie  eux 
pour  les  attacher  à  Dieu  par  un  culte  commun, 
et  encore  taudrait-ildire  que,  vu  leur  isolement 
à  des  distances  considérables  qui  les  sépareraient 
de  la  même  manière  que  nous  serions  séparés 
d'eux,  il  y  aurait  parmi  eux  autant  de  commu- 
nions que  d'astres  habités.  Une  pareille  hypo- 
thèse romprait  le  cachet  d'unité  apposé  à  touieî 
les  œuvres  de  la  création,  lequel  doit  être  remar- 
quable surtout  daus  la  famille  universelle  des 
êtres  intelligents, 

{A  suivre.) 

L'abbé  Faery, 
curé  de  Villars-Heissier. 


TABLE  DES  MATIERES 


CONTENUES  DANS  LE  TOME  VI 


DE     LA    SEMAINE    DU     CLERGÉ 


ACTES  OFFICIELS  DU  SAINT-SIEGE 

Cbêation  de  cardinaux , IS'l 

Provision  dÉglises 816,  1179,  1531,  15CI 

CoNGRâGATioN  DE  l'Index 911,  1243 

Congrégation  dE3  Rites.  Décret  concernant  la 
conséoralion  du  monde  entier  au  Sacré-Cœur 

de  JÉSUS ,,,.  971 

Décret  concernant  les  sépultures ,  1147 

Abolition   de   quelques  abus , 1180 

Réponse  sur  les  messes  de  Noël ■•.■.  1211 

Décisions  concernant  les  vases  sacrés 1561 

Congrégation  de  l'Inquisition.  Décision  tou- 
chant le  culte  de  Notre-Dame  du  Sacré- 
Cœur ion 

•—  Lettre  de  Mgr  l'archevêque  de  Bourges,  con- 
cernant le  même  sujet 1018 

Lettre  de  N.  S. -P.  le  Pape  Pie  IX,  au  clergé, 
aux  fidèles  de  Malalar  contre  l'évêque Jean- 
Elie  Mellus 1051 

Lettre  de  N.  S. -P.  le  Pape  Pie  IX,  aux  pas- 
teurs et  aux  fidèles  de  Hollande  portant  ex- 
communication de  l'évêque  janséniste,  Jean 
Heykamp 1115 

Lettre  de  N.  S. -P.  le  Pape  Pie  IX,  portant 
condamnation  de  la  faction  dite  Eglise  catho- 
lique italienne  nalioiiale,  et  excommunication 
du  faux  archevêque  Panelli 1307 

Bref  à  Mt;r  d'Avauzo,  sur  les  classiques  latins.       1432 

Bref  relatif  aux  pouvoir»  des  aumôniers  mili- 
taires en  temps  de  guerre 1564 

CONGRÉSATTON  DU  CONCILE 1595 

BIBLIOGRAPHIE 

Tkie4ogia  mentis  et  cordis,  deContenson,,.,...,  949 

Clf/peus  theologjce  ihumislicce,  de  Gones 951 

Bssai  sur  ta   /jmp^rancé,  par  M.  l'fibbé  Richard.  1038 

Lumière  et  Vériié,  par  M.  l'abbé  Level 1135 

Ji-aité  des  Disri-nses  matrimoniales,  par  M.  l'abbé 

ïéphany , 1581 


BIOGRAPHIE 

(PBRSOSrriGBS   catholiques   CONTEMPOBAtNKS.) 

Le  p.  Gratry  (suite)...- 918,  946,  984 

Sabine  de  Ségur , 1004 

Constant-Irénée    Lubienski,    évêque    d'Agus- 

towo 1094,  1134 

Le  P.  Gaptier 1164 

Dom  Guéranger    1193,  12'2G,    1258,    1290,   1318,    1355. 

1389,  1416,  1451,  U75,  1512,  1577. 

CHRONIQUE  HEBDOMADAIRE 

Aicérle,  —  Les  juifs  de  Blidah  confiant  leurs 
enfants  aux  Frères 1009 

Si  l'Algérie  nous  coiite  plus  qu'elle  ne  vaut,,. .      1201 

Congréganistes  et  ligue  de  l'enseignement,  à 
Alger,  pour  le  brevet  Je  capacité;  échec 
complet  (le  la  Ligue 1265 

Allemagne.  —  Bilan  de  la  persécution  du 
premier  janvier  1875  à  Un  avril;  faits  récents.      1105 

Lettre  des  caiholiques  polonais  au  Pape  et  sa 
réponse,  relativement  à  l'élévation  de  Mgr  Le- 
dochowski  au  cardinalat.  —  Continuation  de 
la  persécution  religieuse ,      1201 

Progrès  de  la  persécution.  —  Défense  de  pour- 
voir aux  besoins  des  prêtres.  —  Développe- 
ments de  la  presse  catholique.  —  Conversions. 
—  Jugement  du  Times  sur  les  résultats  de  la 
persécution.  —  Lettre  du  Saint-Père  à 
Mgr  l'évêque  de  Paderborn.  —  Le  jubilé  de 
Mgr  de  Ketteler 1329 

Assemblée  dœllingérieiine,  à  Bonn 1425 

Le  congrès  de  Fribourj-en-Brisgau.  —  Résolu- 
tions votées •...,.,.  I,,.  :..,...,,,,.      1521 


1616  LA  SEMAINE 

Ai«ncc-torraine.  -  Fermeture  des  écoles, 
faute  de  maîtres 

Analeterre.  -  Deux  lettres  de  l'épiscopat 
nm.lais  aux  évêiues  allemands el  aux  eve'jues 
ïnTsses  -  Ouverture  de  l'église  de  Sam - 
Thomas-Becket,  à  Cantorbery.-  Discours  de 
So"  Em.  le  cardinal  Manning  sur  1  bglise  et 
de  la  liberté  des  peuples.  -  Conversion  de 
lord  Francis  Otburne.  —  Le  prince  de  balles, 
grand-maître   de  la  Franc-Maçonnerie    an-       ^^^ 

Suùatioiidèsyésuités'dèVant'la  loi;  refus  du 
gouvernement  de  les  expulser i"J«» 

Bavière.  -  Nouvelle  église  à  Munich,  bâtie 
par  la  reine-mère °"" 

Belalqne.  —  Profanation  d'une  hostie  consa- 
crée —  DémonstratiorkS  cainavalesquescontre 
Louise  Lateau.  —  Voies  de  fait  contre  une 
procession  jubilaire ••• •,;■"•■,■• 

Les  scènes  d'Anvers  et  de  Gand.  —  Meurtre 
d'un  pèlerin •.••'■IV À""::yj. 

Statistique  des  pèlerins  belges  blessés  par  les 
l.béraux,  à  Gand y/V'Àl 

Succès  des  élèves  des  Frèie^..  -  Mort  de 
M.  Adolphe  Dechamps.  -  Projet  d  un  sanc- 
tuaire national  belge  au  Sacré-Cœur.  —  Ua 
prêtre  à  l'amen  le  pour  avoir  marié  un  mou- 
rant non  marié  civilement.  —  Agissements 
de  la  maçonnerie '^°' 

Bréeil.  —  Condamnations  à  quatre  ans  da 
travaux  forcés  de  l'admini^rateur  du  diocèse 
li'Olinda.  —  Lettre  du  second  administrateur. 
Pétition  des  Dames  de  Rio  Janeiro  a  l'impe- 
r&tric6         « ■ • •••«■•••        0*0 

Condamnaiion  de  l'adminisiraieur  du  diocèse  de 
Para  à  six  ans  de  travaux  forces i"-** 

roohiacbloe.  —  Les  martyrs  de  1874.  —  Ce 
que  les  per=écuteurs  pourraient  en  apprendre.        yz» 

Cuba.— Amélioration  de  la  situation  religieuse.      10\2 

EnuBteui-.  —  Assassinat  de  Garcia  Moreno.. .      1426 

Détails  sur  l'assassinat  de  Garcia  Moreno.  — 
Ses  principales  œuvres  publiques.  —  Lins- 
truction  et  la  moralité  dans  l'Equateur WS5 

Espaone.  —  Consécration  de  l'armée  de 
Charles  VII  au  Sacré-Cœur.  —  Inexécution 
des  promesses  faites  au  nonce  par  le  gouver- 
nement  .le  Madrid. ...... ..■...•■••• ""■^ 

Comment  les  libéraux  de  Madrid  font  la  guerre. 

—  Letue  de  don  Carlos  à  don  Alphonse.  — 
Beaux  sentiments  des  carli»te3.  —  Lizarraga 
le  samt,  à  la  Seo  de  Urgel.  —Les  libéraux  de 
Ma.lrid  et  l'Eglise.  -  Abolition  du  regium 
eaequatw  par  don   Carlos • .      UUti 

Protestation  du  cardinal  Antonelli  contre  le 
projet  de  violation  du  concordat  espagnoL  — 
Le  libéralisme  du  gouvernement  madrilène.-      10.1 

■Tranfe.  —  Mort  du  irès-honoré  fière  Olym- 
pe —  Recettes  Je  l'OEuvre  de  la  Propasation 
de  la  Foi   en    1874.  —  Besoins  des  missions. 

—  Fête  'patronale  des  cercles  cathoUques 
d'ouvriers ;  "  ■  "  K  V  "  "  j" 

Œuvre  pour  le  recrutement  des  Frères  des 
Ecoles  clirétiennes.  Brillante  victoire  de  leurs 
élèves  dans  un  f.oncours oaS 

Sacre  de  NN.  sa  ^ucoq  et  Thibaudier.  — 
Mgr  de  Peretti,  évoque  auxiliaire  .1  Ajaccio. 

—  Inaiiguraiion  d'un  cercle  catholique  d'ou- 
vriers, a  Moulins.  —  Engagement  îles  entre- 
preneurs de  menuiserie  de  Saint-Quentin  h 
observer  le  dimanche.  —  Cinq  cents  pèlerins 
belges  en  France ,• •        "* 

P4te  de  Jeanna  d'Arc,  à  Orléans.  —  Comment 


DU  CLERGÉ 

nous  devons  aimer  la  France.  Fête  du 
Saint-Sacrement  de  miracle,  à  Douai.  — 
Première  apparition  de  Notre-Seigneur  dans 

l'Eucharistie ■ ••  • 

Mort  de  Mgr  Plantieret  de  M.  Armand  Ravelet. 

—  Le  congrès  de  l'Œuvre  des  cercles  catho- 
liques d'ouvriers.  —  L'armée  de  Dieu.  —  Les 
pèlerinages  de  juin.  —  Mauvais  vouloir  des 
conseils  généraux  actuels  envers  le  culte 
catholique.  —  Neuvaine  préparatoire  a  la 
consécration  au  Sacré-Cœur • . 

Inau^'ura  ion  du  monument  en  l  honneur  du 
vénérable  de  La  Salle.  —  Ajournement  de  li 
consécration  solennel  ede  la  France  ai-  Sacré- 
Cœur.  —  Pèlerinage  de  7,230  hommes,  a 
Lourdes.  —  Mort  de  l'abbé  de  la  Trappe  de 
la  Meilleraye.  —  Mort  de  M-  de  Rémusat... 

Le  16  juin  à  Paray-le-Monial.  —  Bénédiction 
de  la  première  pierre  de  l'église  votive  de 
Montmartre.  —  Pouvoir  de  conlérer^  les 
grades  reconnu  aux  facultés  libres  par  1  .\.s- 
semblée  nationale.  —  Mgr  Richard,  nomma 
coadjuteur  de  Mgr  l'archevêque  de  Paris,  et 
M.  l'abbé  Marchanl,  nommé  à  l'évôché  de 
Belley.  —  Création  des  ciiafelain^  de  la  Bnsi- 
liqw  de  Paray-le-Munial.  —  Erection  d'une 
statue  au  P.  Laeordaire,  à  Flavigny .... 

Les  inondations  des   départements  pyrénéens. 

—  Pie  IX  envoie  20,000  francs  pour  les  sinis- 
trés. —  Trois  nouveaux  cercles  catholiques 
d'ouvriers  à  Besançon,  Moulins  et  Lyon.  — 
Les  reliques  de  samt  Bernard 

Maux  causés  par  les  inondations  du  Midi.  — 
Les  secours.  —  Le  T.-H.  Fr.  Irlide,  supérieur 
général  des  Frères  des  Ecoles  chré'ienues.  — 
Couronnement  de  Notre-Dame  du  Port.  — 
Erect.oa  d'une  statue  votive  à  la  sainte 
Vierge,  au  Havre ■  • •  • 

■Vote  de  la  loi  sur  la  liberté  de  l'enseignement 
supérieur.  —  Mort  de  Mgr  Jeancard  et  du 
cardinal  Miihieu.  —  Découverte  des  reliques 
de   sainte  Fov •, 

Double  guéri-on  miraculeuse  dune  pauvre 
malade  a  Lour.les.  —  Gonsé.-.ratiou  de  la  basi- 
lique lie  Saint-Epvre.  —  Inauguration  d  un 
cercle  catholique  d'ouvriers,  à  Nancy.  —  La 
chapelle  du  clergé  de  France  dans  l  église 
votive  du  Sacre-tkEur ■  •  •. 

Extrait  du  testament  du  cardinal  Mathieu.  — 
Couronnement  de  Notre-Dame  des  Miracles. 

—  Cinq    guéiisons  miraculeuses  ii  Lourdes. 

—  Letli-e'i  d'étudiants  catholiques  an  Pape, 
et  réponse  de  Si  Sainteté.  —  Sept  licenciés 
es  loilres  eoolé,iastiques.  —  Victoire  des 
élèves  lies  frère.s  au  concours  pour  l'école  des 
arts  et  métiers,  de  Moulins •• 

Bref  du  Saint-Père  aux  comités  catholiques  de 
France.  —  M.  Iconl.  élu  supérieur  de  la 
con^'ré"ation  de  Saiut-Sulpice.  —  Budget  des 
culles  pour  187G.  —  Etat  officiel  des  pertes 
o  casiounéss  par  les  inondations  du  Midi.  — 
Les  soascniitious.  —  Bon  exemple  des  no- 
taires de  Béziers,  pour  la  sanctiQcalion  du 
dimanche •• •  •  •  •  ;  •.• 

Nomination  de  MM.  les  abbés  Besson  etCortet, 
aux  évèchés  de  Nimes  et  de  Troyes.  —  Le 
titre  de  Tnuilre  en  théologie,  dér->rné  par  le 
Pape  au    P.  Munsabré •• • 

Mer  Pauliuier,  nomme  archevêque  de  Besançon. 

—  M^T  Fava,  transféré  à  Grenoble.  —  Deux 
étabUsemeais  d'enseignement  supérieur  libre 
pour  la  rentrée  des  classes,  à  Lilleet  a  Pans. 

—  Suc'.ès  scolaires  des  Frères,  de  leurs  élèves 
et  des  élè\es  des  soBurs .V""* 

M.  Carmené.  nommé  à  l'évôohé  de  Saint-Pierre 
et  Foi  t-de-Ff ance.  —  M^jr  l'archevêque  da 


95» 


1003 


1041 


1104     "• 


1133 


1169 


1200 


1233 


1264 


1295 


1327 


t3S9 


LA  SEMAINE  DO  CLERGÉ 


!«41 


HcTîne's,  élcvê  au  carrlinolat.  —  Nouvelles 
universicé-!  i:at!iolique<.  —  Désprt.on  des 
cours   d'iiilultes.  —    Congrès   catliolique   (I9 

Poicier; ^ 1422 

Succès  de»  fi-èie-.,  à  Podensac  ;  —  du  collège  de 
l'Assomption,  à  Niiiies;  de  l'ins'itutiou  des 
PP.  Mai  is:es,  à  la  Si'yiie-sur-Mer.  —  Le 
congrès  de  Reims:  Comjjte  rendu  summaire. 

—  Bénédiction  de  l'usine  du  'Val-des-Bois, 
reconstruite  et  iiiau^'uration   di;  Notre-Dame 

de  rUsuie.  —  Les  Uic'jries  mises  en  pratique.       1455 

Bref  du  Saint-t'èr-  concernant  les  universités 
catholi'iues.  —  Zèle  de  NN.  SS.  les  évêques 
pour  les  pré)mrer.  —  Induit  accordant  le 
couronnement  solennel  dt;  la  statue  de  l'ar- 
change Micliel.  —  Les  pèlerinages  à  Lourdes, 
à  Issouduu  et  à  Paray-ie-Monial.  —  Guériàon 
miraculeuse  de  Marie  Tronet.  —  Erection  de 
la  statue  de  Chateaubriand,  à  Saint-Malo.. .       1519 

Promotions  ecc'é^iabtiques   dans  l'ordre  de  la 

Légion  d'houneur.  —  Un  baptême  radical...       1551 

Bref  du  Pape  aux  membres  de  l'Union  des 
Œuvres  catholi-iues.  —  Règlement  de  l'uni- 
versité calholii|ue  d'Angers 1584 

Crèce.  —  Erection  d'un  siège  archiépiscopal 
à  Athènes  1522 

Herzégovine.  —  Origine  et  causes  du  soulè- 
vement       1425 

Doliande.  —  Interdiction  du  nouvel  évèque 
janséniste  d'Ltrecht 1106 

Irlande.  —  Fêtes  du  centenaire  d'O'Connell. 

—  Amour  des  Ii  landais  pour  la  France 1327 

Italie.  --  Suppres-ion  virtuelle  du  clergé  ita- 
lien. —  Hypocrisie  rtH'oUuioniiaire tOlO 

Les  madones  miraculeuses.  —  Les  èvèques 
italiens  chassés  de  leurs  résidences 1138 

Eglise  nationale  italienne.  —  Excommunication 
du  faux  arelie\êque  Panelli. —  La  Mafia.  — 
La  criminalité  avant  et  depuis  les  aiin('Xions. 

—  Prisons  ei  prisonniers,  leur  nombre,  ce 
qu'ils  coùt>'Ut.  —  Procès  civils-  —  Lettre  du 
Pape  à  l'épiscopat  sicilien.  —  Les  élections 
municipales  italiennes 129S 

Expnlsien  des  évêques  italiens  de  leurs  de- 
meures. —  Gutrre  à  l'enseignement  catho- 
lique  -.      l'iî* 

Les  revenus  et  les  imi  ôts,  avant  et  depuis  la 
Révolution.  —  Le  quntnèm-  contenaire  da 
Micliel-.^n^'e.  —  Leiire  de  Garibaldi  célé- 
braul  M.  de  Bismarck '552 

'Mexique,  —  E-xpulsion  des  sœurs  de  la  Cha- 
rité. —  Comment  elles  sont  accnedlies  à  San 
Francisco.  —  Conduite   des  éiéqu^s 1234 

«»ereo.  —  Reconnaissance  officielle  du  délégué 
apostolique  par  le  shah 1266 

Jfortagal,  —  Déclaration  de  guerre  à  l'Eglise 

par  le  gouvernement 1170 

Prusoe.  —  Condamnation  de  Mgr  Gybirkowski 
à  neuf  mois  de  prison.  —  Excommunicatioa 
d'un  prêtre  apostat.  —  Prote-tation  contre 
l'encyclique  à  lépiscopat   prussien 660 

Projet  de  loi  lour  la  suppression  des  couvents 

—  Autre  projet  pour  le  partage  des  églises 
avec  les  vieux  catholiques.  —  Les  vieux  ca- 
tholiques confondus  par   Mgr  Haneberg..,.        923 

Rome.  —  Discours  du  Pape  :  La  croix  dans 
l'Eglise.  —  Les  persécuteurs  adjurés  de  s'ar- 
rêter dans  leurs  voies.  —  Si  notre  prière  est 
instante,  Dieu   l'eutendra 825 

R'  tour  sur  raiiniver;aire  du  12  avril.  —  Dépu- 
Ution  de  la  noblesse  romaine,  —   Pie  IX  et 


les  RoiTinins  calomniés  par  les  sectaire».  Ois- 
cours  du  Pape  :  La  persécution  sert  à  la 
gloire  de  l'Eglise.  —  Dépuration  du  cercle 
de  Saint-Pierre.  —  Autres  discours  du  Pape: 
sur  la  persévérance  et  l'union.  -  Sur  les 
desseins  de  Dieu,  sur  les  troubles  suscités  à 
sonEgli-e.  —  Le  R.  P.  Eschbacb,  supérieur 

du  séminaire  de  Sauta-Chiara 858 

Solution  de  la  question  de  la  consécration  (le 
l'Eglise  universelle  au  Sacré-Cœur  «le  Jésus. 

—  Formule  de  l'acte  de  consécration.  —  Gon- 
cêratioa.  —  Concession  d'une  indulgence 
plénière.  —  Mgr  de  Cabrières  et  quatre 
cenis  de  ses  diocésains  au  Vatican.  —  Dis- 
cours du  Pape;  Chrétiens  sans  vigueur  :  sans 
soumission  au  Pape;  nécessité  de  l'union  dans 
la  foi.  —  Autres  pèlerins  fiançais  à  Rome. 
et  autre  discours  du  Pape":  Amour  de 
Pie  IX  pour  la  France,  il  rixommande  la 
prudence;  éloge  des  pèlerinages;  fanatisme 
des  musulmans  ;  abandon  du  Pape  de  la 
part  des  puissances  de  la  terre,  il  reste  la 
prière gjo 

Le  Pape,  père  et  guide  du  peuele  chrétien.  — 
Deux  chrétiens  malg.iches  au  Vatican.  — 
Audience  aux  catholiques  allemanils.  —  Dis- 
cours du  Pape  sur  la  conliiiie  à  tenir  dans 
les  temps  de  persécution 952 

Députation  suisse  au  Vatican,  —  l/Œuvre  do 
saint  Paul  louée  par  le  Pape,  er  paironée  par 
les  cardinaux  Franchi  ei  Sacconi.  —  La  con- 
grégation de  saiut  Paul  en  Amérique  et  le 
R.P.  Eckerau   Vatican 1007 

Pèlerins  ilu  diocèse  de  Clermont  dnns  la  Ville 
sainte'^t  au  Vatican.  Discours  que  le  Pape 
leur  adresse  :  Eloge  de  la  France  catholique. 

—  Exhortation  à  pr.er  la  saute  Vierge. —  La 
rdne  douairière  de  Suède,  à  Rome  et  au 
Vatican 1039 

Le  16  juin  1873.  —  Consécration  ites  catholi- 
ques de  tout«  la  terre  au  Sacré-Cœur.  — 
Vinst-ueuvième  anniver.:aire  de  réiévalion 
de  Pie  IX  au  sou\eiain  pontilicat.  —  Dis- 
cours du  Pape  au  Sacré-Collége:  Lutte  entre 
la  vérité  et  l'erreur;  foi  et  constance.  — 
Sanction  royale  de  la  loi  italienne,  qui  as- 
treint le  cleigé  au  raélier  militaire.  —  Hypo- 
cr.sie  de  la  Révolution ilQB 

Anniversaire  du  couronueiuent  de  Pie  IX.  — 
Discours  du  Pape  à  la  noblesse  romaine  : 
Histoire  de  l'entrée  des  Piémontais  à  Rome; 
motifs  d'espérance 1136 

U'scours  du  Saint-Pére,  à  la  Jeunesse  catho- 
lique d'Italie  :  les  aveugles  et  les  boiteux  de 
la  Révolution.  —  Evêques  français  au  Va- 
tican. —  Etat  du  diocèse  de  Coustautine  et 
Hippone 1 168 

Discours  du  Pape  :  Sur  la  suppression  de  la 
Fêle-Dieu  à  Rome  ;  aux  enfauis  qui  accom- 
piignent  le  Saint- Vuitiqu'i  ;  aux  élèV'S  du 
collège  américain  des  Êtats-Dnis  :  aux  élèves 
du  sémiuaire  français.  —  Situation  actuelle 
de  cet  établissement ■_      1098 

X)iscours  du  Pape  aux  membres  de  la  Société 
de  secours  aux  pauvres  employés  pontilicaux 
civils  et  nulitaires.  Nouvelles /;7«i(/'(/'0'iv  de 
couvents.  —  Transport  des  plus  précieuses 
reliques  de  Rome  au  Vatican.  —  Les  Frères 
de  la  Conception  auloiisés  à  porter  des  ha- 
bits laïques.  —  La  charité  'tes  lévolutiou- 
naires  italiens ■•••      l-'^t 

La  sauté  de  Pie  IX.  et  le  Lauc.;!.  —  Régime  dd 
vie  du  Pape.  —  Réception  'les  jeunes  prêtres 
allemands,  ayant  fait  leur  éducation  a  Rome. 
h'imperatore  délia  Dultrina.  —  La  Bibixotkèpte 


1618 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


Viclor-Emmanuel .  ,....•  i  ..••..  i  ■ 1263 

Les  Gardes  d'honneur  du   Sacré-Cœur  de  JÉSDS. 

—  Piô  IX,  premier  garde  d'bonneur.  — 
L'arme  des  gardes  d'honneur.  —  Discours 
du  Pana  aux  élèves  du  collège  polonais  d3 
Rome 1 1204 

La  Société  promotrice  du  cuite  des  saintes  Images 

—  Audience  du  Pape  à  vingt-quatre  enfants 

Ëauvres,  retirés  d'une  école  jTotestante.  — 
lévotion  à  la  sainte  ân;e  de  Nolre-Se:gneur. 
Achat  d'yn  sujet  d'examen 13CG 

Allocution  familière  du  Pape,  où  il  parle  de  sa 
santé  et  de  ses  ennemis.  —  Biens  ecclésias- 
tiques liquidés  pendant  les  six  piemiers 
mois  de  l'aunée.  —  Les  biens  des  licispices 
menacés d^liquidalion.  —  Centenaire  d'O'Con* 
nell,  à  Rome 1358 

■Vûj'age  du  cardinal  Mac  Clofken  à  Rome.  — 
Adresse  des  New-Yorkais  au  Saint-Père.  — 
Brel  sur  les  classiques  latins.  —  Le  couvent 
Saint-Laurent  in  Luana,  transformé  eu 
théâtre 1421 

Jamais  il  n'y  a  eu  tant  de  crimes  !   —  Leçon 

qu'il  en  faut  tirer 1451 

Discours  du  Pape  aux  pèlerins  de  Laval  :  Les 
temps  actuels  comparés  à  ceux  où  les  phari- 
sien^  s'unissaient  au  gouvernement  d'alors 
pour  perdre  JÉscs-CHnisT.  Tableau  des  persé- 
cutions que  souffre  en  ce  moment  l'Eglise. 
Confiance  en  Dieu  et  penévéranle  revendica- 
tion des  droits  de  li  conscience  et  de  l'E- 
glise      1489 

Ecclésiastiques  français  en  pèltrinage  à  Rome, 
— Restauration  de' la  coupole  iie  Saint-Pierre. 

—  Médaille  pontiGcdle  commémorative  pour 
1875. —  As-eniblée  consistoriale  du  17  sep- 
tembie;  nomination  de  cardinaux  et  d'évê- 
ques.  —  Etat  éeonomique  actiiel  de  Rome, 
peint  par  la  Capitale 1519 

Nouvelle  réunion  consistoriale.  —  Les  habi- 
tants du  Vatican 1551 

Pèleiins  belges  au  Vatican.  —  Discours  du 
Pape  sur  les  épreuves  actuelles  de  l'Eglise. 
Le  Collège-Romain.  —  Succès  du  séminaire 
de  Sania-Cbiara 15S2 

nneele.  —  Le  Jubilé  facilité  aux  catholiques 
russes 12C6 

Menées  scliismatiques  du  gouvernement 1298 

Buisse.  —  Le  mariage  civil  obligatoire.  —  Le 
prochain  retour  des  curés  bannis.  —  Bris 
des  scellés  de  l'église  Notre-Dume  de  Genève 
par  les  vieux  catholiques 1042 

Profanation  de  Notre-Dame  de  GeLève;  protes- 
tation des  catholiques 1105 

Un  meeting  bernois.  —  Le  synode  schismati- 
que  d'O  ton 1170 

Mort  de  Mgr  de  Preux.  —  Prise  par  effraction 
de  l'église  du  Grand-Saconnex.  Belle  con- 
duite de  M.  Babel  et  de  ses  paroissiens.  — 
Excommunication  de  l'intrus  Langlois.  — 
M.  Babel  déféré  au  procureur  général 1361 

Expulsion  des  Sœurs  ae  charité  nu  canton  de 
Genève.  —  Les  Petites-Sœurs  des  pauvres  et 
leurs  vieillards 1425 

Mgr  Jardinier,  le  nouvel  évêque  de  Sion.  — 
Assemblée  annuelle  du  Pius  Verein.  —  Les 
religieux  de  Notre-Dame  de  la  Pierre  et  les 
Sdèles  compagues  de  JÉscschassésdc  Suisse  et 
établis  en  Fiance.  —  De  quelques  dépen-es 
faites  pour  la  déchristianisation  du  Jura  ber- 
nois. —  Nouvelle  loi  contre  le  clergé  juras- 
sien  w 1554 

jjjrrl*.  —  Prochaine  ouverture  d'un  collège 
catholique  à  Beyrouth <••#•< 12G3 


Xnntsie.  —  Restauration  r!u  tombeau  de  >nin» 
Louis  à  Carihage.  —  Les  Frères  des  écoles 
chiétiennes  à  Tunis 1428 

Torqale.  —  Spoliation  des  arméniens-unis  de 
Beyiouth.du  Caire  et  d'.^lepb 1138 

Xong-iiing.  —  Résultats  de  la  persécution 
de   1874 1170 

'Valaelite.  —  Etat  malheureux  de  l'Eglise; 
appel  à  la  charité  catholique 

XVeBtphalte.  —  Ovation  à  Mgr  Brinckman  à 

sa  sortie  de  prison.  -  Inter  notion  aux  ius- 
tituteuis  de  conduire  les  enfants  aux  prières 
pour  l'Eglise 

Zangaebar.  —Etat  satisfaisant  de  la  mission.. 


1106 


860 
13G2 


822 


1090,  1132,  1161 
1191,  1223,    1255 


CONTROVERSE  DOCTRINALE 
(les  ehheup.s  modernes) 

Le  Libéralisme  (suite) 

L'Origine  de  la  Soc;été 855,  8S8 

La  Souveraineté  du  peuila,    916,  944,  981,  999,    1031 
1067. 

Le  Droit  divin, 

La  Démocratie  et  la  catholicisme, 
1288,  1316,  1383. 

CONTROVERSE  POPULftIRE 

Voypz-vou5,  les  pèlerins  sont  tous  des  parti- 
sans dHenriV 1225 

Les  pèlerinages  ne  sont  autre  chose  que  dus 
démonstrations  politiques 1351 

Pourquoi  les  turês  s'occupent-, Is  tant  de  po- 
litique ?  Cela  ne  les  regarde  pas 1473 

DROIT   CANONIQUE. 

Du  concours  pour  la  collation  descures  (suite)  8Î0, 
996,  1065,  1155,  1250,  1411. 

ECHOS  DE  LA  CHAIRE  CONTEMPORAINE 

Le  R.  P.  Matigkon.  Sermon  piêché  à  Saint- 
Bonaventure  de  Lyon,  eu  faveur  du  patro- 
nage des  apprentis 

Mgr  Mfiimillod.  Di-ciursen  faveur  de  l'CEuvre 
des  Pauvres  malades 

HERiïIÉNEUTIQUE  BIBLIQUE 

Des  divers  sens  de  l'Enrituro.  et  spécialement 

du  sens  littéral  (suite) 878.991,  1056 

Premier  principe  de  i'Herméneutiiiue  biblique      1058 

Division  de  l'Herméneutique   b.blique 10.i9 

De  la  recherche  du  sens  par  l'usMire  de  la  lan- 
gue, et    1*  de  la  lan>;ue   en   général....     1216,  I3IJ 

2°  De  l'usage   de  la  langue  dans  la  Bible 1343 

A  quelles  sources  oa  p'ut  puiser  la  connais- 
sance de  la  langue  liébiaïque.., 1439^  1602 

HISTOIRE  (QUESTIONS  D') 

L'Eglise  a-t-elle  passé  par  la  démocratie  et  l'a- 
ristocratie, avant  d'arriver  à  la  monarchie 
des  Papes? 1034.  1072,  1093 

Origines  du  pouvoir  temporel  des  Papes  1353,1446, 1508 

JURISPRUDENCE  CIVILE  ECCLÉSIASTIQUE 

Fabriques.  —  Demandes  de  subventions  à  la 
commune.  Pièces  justificatives  à  fournir.  Re- 
gistres de  comptabiliié 852 

Conseils  de  tabrioces  et  bcreaux  de  marguil- 
LERS.  Majorité  nécessaire  pour  les  élections 


8S4 


933 
1049 


LA  SEMAINE  DU  CLERGÉ 


161S 


et  les  délibérat'ons.  Nullité  des  bulletins 
blaDcs  'Jaus  les  éleotioQS.  Cas  où  l'on  doit 
voter  au  scrutin,  el  cas  où  l'on  peut  voter  à 
haute  voix.  Nécessiié  'le  cousiater  les  élec- 
tiuns  par  un  procès-verbal 1027 

Cdr4,  son  concours  pour  les  éli-ciions  du  bu- 
reau des  luarguillers.  Inéligibilitt^  comme 
président  et  c  imme  trésorier.  Eligibilité 
comme  secrétaire 1027 

Entekhements  civils.  Limites  de  la  puissance 
p;iteruellu.  Droit  do  la  mère  de  faire  pré- 
sider [lar  un  pi  être  les  lunérailli.'S  de  son 
entant  baptisé 1086 

Invaliditi'  de  l'engagi-meut  pris  par  les  soli- 
daires d'exclure  le  piêtro  de  leur  lit  de  mort 
et   de  leurs  funéralles 1087 

Rosières.  Caractère  religieux  de  leur  institu- 
tion. Droit  du  curé  dans  leur  choix.  Interdic- 
tion di;  leur  couroiinemeDt  civil 1126 

Objets  d'art  appartenant  adx  églises.  Vente 
illégale.  Nullité.  Revendication 1157 

Etablissements  de  bienfaisance.  Comniissiuns 
administrative j.  Plénitude  des  pouvoirs  des 
membres  de  droit.  Remplacement  du  curé 
par  sou  vicaire 1221 

Ministres  du  culte.  Outrages.  Procétlure.  Ac- 
tion publique.  Plaïutu ,..,.      1233 

LÉGISLATION 

Loi  concernant  les  commissions  administrati- 
ves des  établissements  de  bienfaisance 1186 

Loi  sur  la  liberté  de  l'i  n^^eignemeut  supérieur      1^84 
Expositions  (les  motifs  et  des  iiriucipes  qui  ont 
Servi  do  bare  à  la  loi  relative  à  la  liberté  de 
^en^elgIlement  supérieur.     1378,     liU,    U41,   1501 
15i0,   15b9,  1005. 

LITURGIE 

EÈGLE3    À.   SmVRE  DANS  LE  CULTE  DES   SAINTES  RELIQDES. 
(Suite). 

Signes   auxquels    en   distingue    les  corps  des 

martyrs  dans  les  catacombes 874 

Règles  pour  l'extraction  des  reliques,  afin  d'en 

garantir  l'authenticité 972 

De  l'ollice  à  célébrer  en  l'honneur  des  reliques 

insignes S87 

Exposition   des  reliqu^-s 1019,  lOSÎ,  1116,  1147 

Reliques  dans  les  autels r211,  l'Z44  1466 

Reliques  daus  la  eruix  pectorale 1496 

Des  abus  à  éviter  dans  le  culte  des  reliques...       1533 

De  la  conservation  des  reliques 1.ÏB5 

Les  quatre-temps.      1277.  13U'J.  1339,  1371,  1404,  1433 

TiUFIC  OGS  fiOKURAlREs  DE    MESSES .  •  •         1053 

PATRÛLOGIE 

Catéchèses  scolastiques  d'Allemagne  (?uite)    886, 1029 
Récapitulation  des  catéchèses.  Les  trois   caté- 
chismes de  Bossuei 1088 

Ecoles  des  saintes-lettres  et  des  belles-lettres,  1129 

Des  écoles  patriarcales 1 159 

Ecoles  mo.=a'iques  jusqu'à  la  grande  captivité..  1189 
Les  Synagogues  depuis  le  retour  de  la  capti- 
vité jusqu'à  l'avéuement  du  messie. 1349 

Ecoles  de  Jésus-Christ 1443 

Ecoles  des  apôtres  et  de    leurs  disciples 1506 

Alliance  des  sam'es  lettres  et  des  belles-let- 
tres à  la  lin  du  règne  hébraïque f546 

Sommaire  historique  des  écoles  chiéiienncs..  1575 

Tbème  général  des  écoles  chrétiennes 1609 

PHILOSOPHIE 

DéSnition  de  la    Philosophie.   Philosophie  de 

saint  Thomas  d'Aquin 1002 

Lft logique,  aon histoire;  l'être  déraison 1069 


PRÉDICATION 

THÈMES  HOaîLÉTIQUES  SUR  LES   ÉVANGILES. 

Cinquième  dimanche  après  Pâques 8i'i 

Dimanche  dans  l'octave  de  l'Ascension 833 

Jour  de  la  Pentecôte 865 

Premier  dimanche  après  la  Ptntecoie 925 

Deuxième 928 

Troisième 961 

Quatrième 983 

Cinquième 1593 

S.xième I59i 

Sepiième 1079 

JHuiuèiue llll 

Neuvième 1143 

Dixième 1175 

Onzième 1207 

Douz  ème 1239 

Treizième 1271 

Quatorzième ,  1303 

Quinzième 1335 

Seizième 1367 

Dix-septième 1399 

Dix-huitième 1400 

Dix-neuviènie 1431 

Vingtième U63 

Vingt-et-unième 1495 

■Vingt-deuxième  el  vingt-troisième 1527 

SERMONS   POUR  LES  FÊTES    ET    CIRCONSTANCES  DIVERSES. 

Fête  de  l'Ascension  de  Notre-Seigneur 801 

("été  de  la  Pentecôte 834 

Féte-Dieu 897 

l''ète  du  Sacré-Cœur 962 

Fête  de  l'As-omption 1272 

Discours  pour  un  baptême  de  cloches 1561 

Fête  de  la  Toussaint 1591 

PLANS   d'instructions   POIR   UNE  RETRAITE    DE    PREMliRB 

coBNUNioN  (suite). 

IV.  Dignité  de  l'homme 809 

V.  Vie  naturelle  el  vie  surnaturelle 810 

VI.  L'absolution SU 

VU.  La  veille  au  soir 8)2 

ALLOCUTIONS  POUR   DN  JOUR    DE   PREMIÈRES  COMUOJtlONS. 

Avant  la  Communion 843 

Après  la  Communion 844 

Aux  Vêpres.  Promesses 'iu  Baptême 873 

Pour  la  consécration  à  la  sainte  Vierge 874 

Allocution  pour  le  lendemain  de    la  première 

Communion 909 

Allocution  pour  la  seconde  Communion 911 

INSTRUCTIONS  FAMILIÈRES  SUR    LE    SYMBOLE 

DES  APOTRES  (suite). 

37»  Instruction  :  Jésus-Christ  demeure  sur  la 
terre  pendant  quarante  jours  après  sa  résur- 
rection    °'3 

38"  Instruction  :  Ascension  de  Notre-Seigneur; 
il  a  été  humilié,  il  triomphe;  il  a  été  méconnu, 

il  est  glorifié °*5 

39-  Instruction  :  Ascension  de  Nolre-Seigueur  ; 
leçon  et  encouragement  pour  ses  Apôtres  et 

pour  nous .••,••■,■'•;•  "*' 

40*  Instruction  :  Jésus-Christ  assis  a  la  droite 
de  Dieu   le  Père  Tout-Puissant;  sa  royauté 

comme  Homme-Dieu ■;• ••  "bo 

41*  Instruction:  Jugement  général,  il  sera  la 
plus  éclatante  manifestation  du  pouvoir  de 
Jésus-Christ ^■■y\'kr'","'' 

42'  Instruction:  Descente  du  S&mt-bsprit ;  ce 
que  la  foi  nous  enseigne  touchant  la  troisième 

personne  de  la  très-sainte  Trinité .,..|  lUW 


l«» 


LA  SEilAINE  DD  CLEUGE 


43*  Inslruction  ••  Rôle  du  Saint-E-prif  dans 
l'œuvre  de  noire  sancU'GcaiioD;  iniporlance 
des  dons  qu'il  verse  dans  nos  àme- 1047 

44"  Instruction  :  EtabiiSîement  de  l'Eglise;  sa 
consiituiion 1080 

45«  Instruction  :  Marques  de  !a  véritable  Eglise  ; 
elle  est  une,  saïute,  catholique,  apostolique.      1112 

46*  instruction  :  Du  chef  de  rEgliSf,  toujours 
les  Souverains-Pontiles  ont  été  en  butte  aux 
persécutions:  toujours  ils  ont  triomphé  des 
ennemis  de  ^Egli^e U44 

47*  Instruction  :  Corps  it  âme  de  l'Eali.-e;  son 
infaillibilité;  nos  devoirs  envers  lEjlise.  ..      1176 

48*  Instruction  :  Coivimunion  des  Saints.;  vérité 
encourageante  pour  les  justes,  avantageuse 
pour  les   pécheurs 1208 

49'  Instruction  :  Communion  des  Saints.  Rap- 
ports de  l'Eglise  militante  avec  l'Eglise  tiiom- 
phante,  avec  l'Eglise  souffrante 1240 

50*  Instruction  :  Rémission  des  péché*.  A  qui 
jÉ-TS-CmusT  a-t-il  confié  le  pouvoir  de 
reme  tre  les  péchés?  Comment  sonl-ils  remiî? 
A  quelles  coadiiions 1274 

51*  Inslruction.  Vérité  de  la  résurrection  de  la 
chair;  circonstances  qui  doivent  accompagner 
cette  résurrection 1304 

52*  Instruction:  E-sisience  du  purgatoire;  souf- 
frances des  âmes  qui  y  sont  déienues  ;  nous 
sommes  obligés  de  les  sculiiger 1336 

53"  Instruction:  L'eufer;  souUrunces  des  dam- 
nés ;  ces  souffrances  seront  éternelles 1368 

54*  Instruclion:  Vie  éternelle;  idée  du  bonheur 
des  saints 1401 

WSTBCCTIONS    FAMILIÈRES    SUR    LES    COMMANDEMENTS 
DE      DIEU. 

!■•  Instruction  préliminaire  :  Promulgation  des 
commandements  de  Dieu  ;  combien  ce  qu'ils 
prescriTent  est  sage 1528 

2*  Instruction  préliminaire  :  Obligatiou  d'oi)- 
server  les  commanilements  de  Dieu  ;  que 
leur  observance  est  possible 1560 

IKSTRCCTIOKS  POtHI   LE  MOIS  DB  WABlB    (sUite.) 

Dilième  jour  :  Marie  préparé';  jar  les  propliélies.  804 
Onz.ème  jour  :  M'^rie  pré/jnrée  j,ar  la  cuunaissunce 

qu'a  eu  d'elle  le  layanisme 805 

Douzième  jour  :  Marie  est  venue  en  temps  con- 
venable          806 

Treizième  jour  :  ilurie  est  née  en  lieu  conv-nable .  8li7 
Quatorzième  jour  .  Conceptioniomaailée  de  Marie.        808 

Quinzième  jour  :  puissance  de  Marie 838 

Seizième  jour  :  Le  samt  nota  de  Marie 8J9 

Dii-5eptièQie  jour  :  Ce  qu'est  Marte  par  nature. 

Sa  nobt'-is-e,  sa  heavté 840 

Dix-liuitième  jour  :  Ce  qu'est  ilurie  pai-  nature. 

Son  inlellijeno; 842 

Dix-neuvième  jour  :  Ce  qu'est  Marte  par  nature. 

Sa  volonté 812 

Vinglième  jour  :  Ce  qu'est  Marie  dans  l'artre  de 

lu  grâ.r 866 

Vingt-ei-unième  jour  :  Ce  qu'et  Manu  d'ans  sa 

dtrnière  grâce 867 

'Vingt-deuxième  jour  :   La  présentation  de  la 

ioinle    Vierye 868 

Vingt-troisième  j  ur   :   L'instruction    de    Marie, 

modèle  de  l'tusiiulion  des  jeunes  filles 869 

Viait-quatiièiue  jour  :  L'éducation  de  Mirie.,,,  871 
Vingt-cinquième  jour  :  L'éducalwn  di  Mmi-.,  872 
Vingl-sixièn.e  jour  :  Le  Chrtst  dut  noiire  d'une 

vierge  menée 900 

Vingi->ept.ènie  jour  :  J/un'aje  de  ilurir 901 

Vingt-huit. èiiie  jour  :  Le  muriuge  de  Mar:e  <iw- 

àéle  det  autres  mariages. 903 


Vingt-neuvième  jour  :  Comment  Marie  a  attiré 

le  Verbe  sur  li  terre QOt 

Trentième  jour   :  Comment   Mari,;  a   attiré   le 

Ver  bu  sur  lu  lert , .         905 

Trente-et-uuième  jour  :  Ré'iabUitaiion  de  la  femme 
par  Marie ,         906 

REVUE  DES  LETTRES 

Académie  française.  Réception  de  MM.  Mé- 
z.èies,  Caru  et  Alexnndre  Dumas  lils.  Les 
principes  dramatiques  ite  ce  dernier  et  la 
morale  au  théâtre.  Election  de  M.  John  Le- 
moinn?.  So.i  l'sin'ii  v.iltaiiipu. 1320 

LiTTÉRATDBE  PROFANE.   L'éludltlOD  de  M.  VlOtOf 

Hugo 1322 

IIiSTOiKE.  La  scieuce  allemande.  Le  Regesta 
Pontificum  roi/ianorvm.  Félicité  d'un  savant 
allemand  interrompue.  David  et  Goliath,  ou 
un  abbé  romain  et  le  Reyesia  Pottha^t.  San- 
\'ons  la  cais-e  !  Prursieiis  et  libres-penseurs. 
I,es  clirétiens  accusés  d'avoir  détruit  la  bi- 
bliotlièqiie  d'Alexan.irie.  Un  chirurgien  pro- 
fesseur d'histoire.  Bonne  foi  de  M.  Lefort  et 
du  Temps 1322 

REVUE  DES  SCIENCES 

Archéologie.  Description  des  colliers  d'es- 
claves. Un  collier  de  chien  de  berger,  ven- 
geur des  liqaiduliun-!  italiennes 1385 

AÉosTATioN.  Catastrophe  du  Zénith.  Ellets 
physiologiques  de  la  décompression.  In- 
fluence méc.iniqu3  de  la  dépression.  Moyens 
proposés  pour  prévenir  l'asphyxie.  Limite 
des  altitudes  insupportables....". 1387 

HvGiÈ.NE.  Le  riiiçnge  des  bouteilles.  Grenaille 
de  plomb,  grenaille  de  fer.  Dangers  des 
ustensiles  de  plomb.  Procédé  pour  recon- 
naître la  présence  du  plumb  daus  les  élama- 
ges 1388 

THÉOLOGIE  ASCÉTIQUE 

L'Eucharistie  est  le  chef-d'œuvre    de  l'amour 

de  Jésus-Chbist 912    933,977 

La  communion  lré-|uente 934,1023,1060 

THÉOLOGIE  OOGiTUTigUE 

LE    PLEIN  PJUVOIH  DO  SAt.NT-SlÉGE  (suite). 

Chap.   I".   Episcopat  et    Primauté   (suite)    816,    848 

8S2    914.  935,  1121. 
Chap.   11.   La  primiuté    doctrinale  infaillible 

du   siège  aposiolique,     1151,    1181,  1219,  1247,   1281 

1347.   1375,  14U8,  1436. 
Notes  additiiinnellea.  1"  Constitutio  dogmatica 

prima  de  Eoclesia  Cliristi,  cap.  iv 1469 

2°  Le  domaine  de  rinfaillibilié  pipale 1470 

THÉOLOGIE  IHOR&LE 
Des  livres  défend  js 1537,  1600 

VARIÉTÉS 

Une  république  cléricale 891 

Notre-Dame  de  Lourdes 1096,  li!6t,  132J 

L'a;  ostolat  domestique 1197 

Les  années  du  pontificat  de  Pie  IX 1128 

La  question  ouvrière.  Ce  que  l'Eglise  fait  de 
nos  jours  pour  la  classe  ouvrière.  Précieux 
effets  qui  en  résultent  uu  point  de  vue  so- 
cial       139.\  1418,  1486 

Notre-Dame  de  Chartres 1179,  1516,  1580 

La  terie  seule  est  habitée «...     1548,  lâl2  ; 


1 


5 


JÊ"^-