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University of Ottawa
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LA SEMAIiNE
DU CLERGÉ
LA SEMAINE
DU CLERGÉ
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE DU PRÊTRE
PRINCIPAUX COLLABORATEURS :
MgrFÈvRE. protonofaire apostolique. — Mgr Pelletier, cliapelain d'honnourde sa Sainteté.
Mpr IUrbier de Montault, prélat de la Maison de Sa Sainteté.
Mgr PÉRONNE, évéque de Beauvais. — M. Crampon, chanoine titulaire d'Amiens.
M. AuBER, ehanoine titulaire, historiographe du diocèse de Poitiers.
M. EcALLE, vicaire général àTroyes. — M. Desorges, ancien professeur de théologie
curé de t>te-Elisabeth à Verh^ailles.
M.PiOT, curé-doven de Juzennetourt. — M. P. DIIauterivb, auteur du Grand Catéchisme
dp la PerxOvcrancf. Chrétiennf et de la Somme du Prédicateur.
M. l'Abbé Khetti-:. éditeur littéraire des Gùœres de St-Tlinnia/i.— M. l'abbé
LonuY, ariiien professeur de dogme au grand séminaire de Troyes
autour dos In^friirlions P(>piilairi'.<i. - M. l'abbé Bernarii, auteur des Instructions
d'un euré di' cHmpaijne.— M. le D' Hettihgeb, auteur
de i'Apfildi/io dn Chriffuinisme, -j? M. rabb(^JL|J3ARAS. M. Xavier Roux.
M. H. Féjiou, cure-doyen de N'ailloux. — xlTTPabbé Defourny, etc. etc.
NOUVELLE EDITION
TOME VI
DEUXIÈME r'.\RTIE
PAIUS
SOCIÉTÉ DE LIBRAIRIE ECCLÉSIASTIQUE ET RELIGIEUSE
13, RUE nELAMBRE, 13
1899
501980
LA SLMALNE DU CLEUGE
itS7
de la cliarilé, nous avons créé la charité elle-
même.
u Nousjouissons avec une superLe ingratitude
des bienfaits du liiristianisme ; nous parlons
avec faste de philanthropie, de fraternité, d'hu-
manité : et nous oublions que c'est à Jcsus-Christ,
et à Jésus-Clirist seul que nous devons le ben-
heur de connaître ces noms sacrés et le sens
bienfiijsaut qui y est attaché.
« Et qu'a-l-il fallu pour conquérir ces grandes
choses?... 11 a fallu le dévouement jusqu'au mar-
tyre ; il a fallu faire violence aulangage humain
pour donner un sens sublime à des noms vul-
gaires dans la langue de l'antiquité , il a fallu le
sang des martyrs, le saup de Jésus-Christ lui-
même ; c'est à ce prix que Jésus-Christ lui-même
a enseigné au monde la charité.
« Eh bien, messieurs, ce capital de la charité,
nous avons pendant plusieurs siècles contri-
bué à le créer, c'est incontestable ; et nous con-
tinuons tous les jours...
« Ainsi, près de vous, à Paris, à qui devez-
vous l'Hôtel-Dieu? A un vieil évèque. Et l'hos-
pice des Incurables, l'hôpital général, l'hospice
des Enlaiits-Trouvés? A un prêtre, à saint Vin-
cent de Paul...
« A l'heure qu'il est, messieurs, nous venons
de fonder en Fr.mce, par les mains des Petites-
Sœurs des Pauvres, cent vingt hospices nou-
veaux , dans lesquels sont recueillis vingt mille
vieillards...
« Ehbien, je dis que dansées 120 vingt hos-
pices, à l'heure qu'il est, 20,000 vieillards sont
recueillis, vêtus, logés, soignés avec la derniera
charité. C'est un fait. Etj'ajoute, — permettez moi
de conclure ces premières paroles, — j'ajoute
que, quand les choses sont telles, et incontesta-
blement telles... on comprend parfaitement que
pendant des siècles le clergé seul ait été chargé
de l'administration du patrimoine des pauvres.
« Puis le cours des temps a donné à la société
laïque la place naturelle et légitime qui lui ap-
partient. Cette place est devenue prépondérante.
Nous en sommis heureux, messieurs ; c'est au
fond l'esprit chrétien, l'inspiration chrétienne,
entrés dans nos mœurs, inliltrés dans nos lois et
dans nos pratiques administratives elles-mêmes.
Mais, pour cela, permettez-moi de vous le
dire, il n'était pas juste, comme la fait la Con-
vention, de nous chasser du grand domaine de
la charité et de nous dire :
La maison est à moi. c'est à vous d'en sortir.
Où bien encore, s'il est permis de citer un vers
latin :
Hœc Hiea suut ; veteres migrate coloni.
« Voilà ce qu'a fuit la Convention, messieurs,
et voilà pouripui vous ne pouvez ni le refaire
jDi le maintenir.., *
L'émincnt orateur a ensuite démonUé que
l'intérêt même des pauvres demande la présence
du prêtre dans les commissions des établisse-
ments de bienfaisance, parce que la confiance
qu'on a en lui attire losdonsetqueJ'exerciee de
la charité est de sa compétence et eu quelque
sorte sa spécialité. Et il a terminé en réfutant
cette objection, qu'il y aurait des conflits entre
les ministres des différentes cultes, et que les
pauvres d'un culte feraimit tort aux pauvres des
autres cultes. Non, a-t-il dit en substance, on ne
demande jamais à un malheureux de quelle
religion il est, as'ant de l'assister. Et quant aux
coutlits qu'on redoute, l'expérience atteste que,
bien loin de séparer, la charité rapproche et
unit.
Voici maintenant le texte complet de la sus-
dite loi :
Article premier. — Les commissions alministra-
tive^ des hus|iices et h6|iitiux et ccllis des bureaux
de bienfaisance sont composées de cinq meaibi es re-
nouvenaljles, du mau'e et du plus ancien curé de
la coiiinuine.
Oans les communes où siège un conseil preshy-
tér.d on un consistoire Israélite, les coannissioas
comprennent, eu outre, uu délégué de cliacun de ces
conseils
Toutefois, dans les communes où il existe, soit
pour les protestiints, soit pour les israéli'.es, des hos-
pices ou hôpitaux spéciaux ayant une administra-
tion séparés, le conseil presbyléral et le consistoire
n ont à désigner aucun délé^'uè pour faiie partie de
la comnii-sion administrative des autres étublisse-
uients huspilaliers.
Abt. "i. — Le nombre des membres des commis-
sions administratives peut, en raison de l'impor-
lan' e des établissements et ites circonstances lo-
cales, être augmenté par un décret spécial rendu sur
l'avis du conseil d'Etat.
Art. 3. — La présidence appartient au maire on
à raljoinl, au conseiller munidpal remplissant
dans 1' nr plénitude les fonctions de maire. Lo pré-
silentà voix prépondérante en cas de partage.
Les commissions nomment tous les an^ un vice-
président. En cas d'absence du maire et du vice-
pré->iJeut, la p ésidence apparlient au plus ancien
des meaibres , et, à défaut d'ancienneté , au plus
âgé.
Les fonctions de membre des commissions sont
gratuites.
Abt. 4. — Les membres des commissions admi-
ni-lralives sont nommés pour cinq ans. Chaque
année, la commis-ion se renouvelle par cinquième.
Si la commission est composée d'un nombre de
membre non divisible par cinq, le sort désii^iiera
également les années dans lesquelles il y aura lieu à
un renouvellement plus considérable.
Le nouveau membre est nommé par le préfet sur
une liste de trois candidats présentés par la cjui-
niission.
Il en sera de même en cas de décès et de dé-
mission.
Les membres sortants sont rééligibles.
ii88
LA SE31AIME DU CLLili^E
Si le r.'mpla'ernent a lieu dans le cours crune
année, lesfunctions du nouveau nieuibre expirent à
l'époque où auraient cessé celles du njembre qu'il a
remplacé.
No 'ont pa<: élisiWps ou sont révoqués de plein
droit les memlirrs qui se trouvernient dans l'un des
cas d'incapacité prévus par les luis électorilfs.
Art. s. — Le^ commissions pourrontélre dissoutes
et leurs membres léTuqués par le ministre de i'in-
rieur.
En cas de disRoIuHon ou de révocalion, la com-
mifsiMn scr.i remplacée ilans le délai d'un mois.
Les membres révoqués ne pourront êvre présentés
dans l'a. niée qui suivra la révocalion.
Eli eas de renouvellement tùt,.l nu de création
nouvelle, la cointiiissiou sera nommée par le minis-
tre de l'intéi leur, sur la proposition du préfet. Le
renouvellement ]iar cinquième de cette cummis.-^ioa
sera déterminé par le sort à la première séance
d'installation.
Art. 6. — Les receveurs des établissement? chiri-
tables sont nommés par b s [uéfels, sur la présenta-
tioo des commissions administrative';.
En cas de refus motivé par le préfet, les commis-
sions sont tenues de présenter d'autres candidats.
Le receveur jieut, sur la profiosition de la com-
missioà admir.is'ralive et avec l'aulorisation du
préfet, cumuler ses fonctions avec celles de secrétaire
do la commis-ion.
Les receveurs ne peuvent être révoqués que par le
ministre de l'in'.érieur.
Art. 7. — Les commissions administratives des
hospices et hôpitaux [.ourront, de concert avec les
bureaux de bienfaisance, assister à domicile les
malades indigents.
A cet elfet, elles sont autorisées, par extension de
la faculté ouverte par l'article 17 de la loi du
7 août 1831, à disposer des revenus hospitaliers
jusqu'à concurrence du quart, pour les ait. cter au
trait.'meut des m ladesk uoiuicil.tet l'allocalion des
secours annuels en faveur des vieillards ou infirmes
pfcicés d.ins leurs familles.
La portion des revenus ainsi emnloyés pourraêlre
portée au tiers avec l'assentiment du conseil général.
Aht. 8. - Il n'est poml déroijé, par la jiréspnto
loi, aux ordonnmces, décrets et autres actes du
pouvoir exécutif, eu veilu desquels certains bospiees
et bureaux de bienfaisance sont organisés d'une
manière spéciale.
Art. 0. — Le décret du 18 janvier 1871, relatif à
à l'organisation de l'assistance jmblique à Marseille,
est rapporté.
Abt. 10.— Les décretsdes23 marset 17 juinI8o2,
sur les commissions administratives d.s hospices et
des bureaux de l.ieufaisance, s.int abrogés.
Art. 11. — Les décrets des 29 septenilire 1870 i;t
18 février 1871, lelatifs à l'adiiunislration de l'assis-
tance pulili.|ue à Paris, sont rapporlés.
Cette adm;uvbLi-;'Uoii sera i roviseirement régie
par les prescripiiotis de 1 1 loi du 10 janvier \biii, «t
du décret réglementaire du 24 août suivant, rendu
en esécution de ceite loi.
Délibéré en séance publique, à Versailles, les
2 mars et 23 mai 1872, et 21 mai 1873.
Divers doutes se sont déjà élevés sur la pré-
scuteloi. Nous allons mentionner les principaux,
avec la solution qu'on y a donnée ou qu'on y
peut donner.
Ces mots de rartiele 1": «Le plus ancien
curé de la commune, » ont paru si obscurs an
ministre de rintérieur, qu'il a cru devoir en fixer
le sens dans la circulaire même qui accompa-
gnait l'envoi iifûciel du tpxte de la loi aux préfets.
Par ces mois donc, « il faut entendre le titulaire
dont la nomination comme curé dans la commune
prime, par l'ancienneté, celé de ses confrères.
A défaut du curé, le s\("j;> appartient au desser-
vant le plus ancien. » {( ivculaire du ministre de
l'intérieur du 23 juin 1873.)
Sur l'article -i, le ministre de l'intérieur dit
encore aux préfets : « Le nomlire des membre»
de chaque commission , ;rmsi augmenté des
représentants des divers cultes, a paru suffisant
pour la plupart des communes. Cependant, si
vous reconnaissez que, dans les grands centres
de po[iulation, rimporlance des services chari-
tables exige le concours d'administrateurs sup-
plémentaires, ou si déjà cette adjonction est
consacrée par l'usaiie, vous pourrez en faire
l'objet d'une proposition dont je saisirai le conseil
d'Etat. Mais toute mesure .le ce genre devra être
sérieusement justiliée, carrex[iérienee a démon-
tré que les commissions trop nombreuses lais-
saient, presque toujours, leurs pouvoirs se con-
centrer entre les mains d'un ou deux adminis-
trateurs. »
Relativement à l'ordo'mateur des bureaux de
bieutaisauce, c'est-à-dire à la personne chargée
d'en mandater les dépenses, la loi de 1873 ne dit
rien. Les dispositions du décret iiu7tloréal,anxii,
sont toujours applicables aux hospices. Ces dis-
positions exigent un ordonnateur pour ces éta-
blissements, et veulent qu'il soit nommé tous les
six mois parla commission. Quant aux bureaux
de bienfaisance, leur comptabilité é,tant ordinai-
rement moins étendue que celle des hospices,
c'est le plus souvent le maire qui signe les
mandats. Cependant, rien ne parait s'opposer à ce
que le bureau choisisse dans son sein un ordon-
nateur spécial. Dans ce cas, l'on préviendrait le
receveur, qui ne pourrait plus payer valablement
que sur la signature de l'ordonnateur nommé.
Il conviendrait surtout de jirendre cette me-
sure, si le maire se permettait de mandater sans
tenir compte des décisions du bureau. Le droit
du bureau de nommer un ordonnateur serait
alors positif; et le receveur qui ferait ensuite des
payements sur la signature du maire, s'expose-
rait à ce qu'ils ne fussent pas validés, et res-
tassent pour son compte peisunnel.
Est-il besoin, au reste, d'ajouter que. le maire
n'a pas la libre disposition des biens du bureau
de bienfaisance, et que s'il en dispose contraire-
ment aux délibérations du bureau, il peut être
actionné eu restitution? Il faudrait s'adresser
LA SEMAINE DU CLERGE
liS9
premièrpmcnt, dans ce cas, au finUet, et ensuite
au ministre, si le préfet refusait J'iiiterveuir.
C'est onpore le maire qui, en général, convoque
le bureau de bienfaisance ; mais tout mi-mbre
peut prendre l'initiative de celte convocation
pour une <jueslion grave et urgente, surtout si
le maire y met de la mauvaise volonté ou seule-
ment de la négligence.
En ce qui concerne le receveur, l'avis du mi-
nistre de l'intérieur est que l'article 6 de la loi
de 1873 n'a pas abrogé les règles antérieures, et
que par conséquent les commissions charitables
et hospitalières ne peuvent en présenter un spé-
cial à la nomination du préfet, qu'autiut que les
revenus des établis-emeuts dépassent 30.000
francs. Celte disposition a j>our but, ou le com-
prend, d'éviter de multip ier inutilement les
fonctionnaires, et, par suite, de ménager le
patrimoine des pauvres.
Le conseil ayant droit, en vertu des articles 8
et 28 de l'ordonnance du 31 octobre 1831, de
vi'rifier les comptes de gestion du receveur,
lorsoiril les reud, tout membre peut exiger la
représentation des bons qui ont servi de hase
aux mandats; et, s'il a sujet de faire des obser-
vations, ces observations doivent être transmises
au préfet en même temps que les comptes.
P. D'HAL'TEnm:.
PATROLQGIE
IIL — Ecoles mosaïques, jusou'a la ghanue
CAi'ïivriÉ.
Quand Moïse, obéiss;iutà l'ordre du Seigneur,
eut mis fin à l'ère palriarc;de, pour fondre les
tribus de Jacob en une seule et même n.alion,
l'enseignement, qui jus qu'alors était une lumière
cachée sous le boisseau, parut sur les toits
mêmes : au lieu de se concentrer dans le foyer
domestique, l'iusiructioii se développa au gr;uid
jour ; et les écoles proprement dites reçurent
leur organisation complète.
E-^t-il besoin de dire que le droit et le devoir
primitif des chefs de tainille ne subirent aucune
atteinte dans les nouvelles dis|)osilions de la loi
écrite ? Le mosaïsme n'est-il pas une perfection
delà loi naturelle? 11 e-tveuu non pour détruire,
mais [lour confiimec les doctrines et les vertus
des patriarch(!S. Voilà pourquoi le législateur
des H<'brenx, malirré ses institutions nouvelles,
insiste .sur l'oblit^/lion, pour les entants, d'inter-
roger leurs pères, qui leur apprendront les cho-
ses du passé [Dmt. x.xxii, 7).
Chez le peuple juif l'on distingue deux sortes
d'instituteurs : les uns sont ordinaires et les autres
extraordinaires.
L Tout le monde sait que, chez les peuplades
anciennes, les prêtres avaient la charge d'élever
les jeunes gens : l'instruction laïque n'était pas
alors de mode. Les hiérophantes d'Egypte com-
muniquent la science au fond de leurs temples
mystérieux ; elles druides tenaient leurs écoles à
l'ombre des bois sacrés. Partout l'histoire était
coîitiée à la rédaction des prêtres.
Ces usages, à peu près universels , avaient
pris racine dans la légi-lation de Moïse. En Judée,
c'était le prêtre qui distribuait ordinairement le
(i.iia de l'intelligence. Le Lévitique aous l'at-
lesle : « Le Seigneur dit aussi à Aaron : Vous ne
boirez point, vous et vos enfan'.s, de vin, ni rien
qui puisse enivrer, lorsque vous entrerez dans
le tabernacle du témoignage, de peur ipie vous
ne soyez pimis de mort ; parce que c'est une
ordonnance éternelle qui passera dans toute
votre postérité ; afin que vous ayez la science de
discerner ce qui est saint ou profane, ce qui est
pur ou impur ; et que vous appreniez aux euiants
d'Israël toutes les lois et ordonnances que j'ai
prescrites par Moïse {Lev. x, 10). » Au Deuléro-
nome, .Moïse fait au peuple lui-même l'obliga-
tion de consulter les prêtres, du moins en cer-
taines occasions : M Lorsqu'il se trouvera, dit-il,
une affaire embrouillée et où il sera difficile
déjuger et de discerner entre le sang et le sang,
entre une cause et une cause, entre la lèpre et
la lèpre; si vous voyez que, dans les assemblées
qui se tiennent à vt>s portes, les avis des juges
soient partagés, allez au Ueu que le Seigneur
votie Dieu aura choisi, et adressez- vous aux
prêtes de la race de Lévi, et à celui qui aura été
établi, en ce temps- là, juge du peuple : vous les
consulterez et ils vous découvriront la vérilédu
jugement que vous voulez en porter. Vous ferez
tout ce qu'auront dit ceux qui président au lieu
marqué par le Seigneur, et tout ce qu'ils auront
enseigné selon la loi ; et vous suivrez leur.^ avis,
s;ius vous détourner ni à droite ni à gauche
{l)eut. XVII, 8). B Cette persuasion, que le prêtre
est constitué gardien de la science, et que le
peuple l'interrogera pour s'instruire, se trouve
enregistrée dans un beau passage du prophète
M.ilachie : « Voici donc, ô prêtres! ce que j'ai
ordonné de vous dire... Vous saurez, dit le Sei-
gneur, que j'ai fait avec Lévi une alliance de
vie et de paix ; je lui ai donné pour moi une
crainte respectueuse, et il m'a respecté, et il
tremblait de frayeur- devaut ma fiice. La loi de
vérité a été dans sa bouche, et l'iniquité ne s'est
point trouvée sur ses lèvres : il a marché avec
moi dans la paix et dans léquité, et il a détourné
beaucou[i de monde de l'injustice. Car les lèvres
du prêtre seront les dépositaires de la science ;
et c'est de sa bouche que l'on recherchera la
connaissance de la loi, parce qu'il est l'ange
1190
LA SEMAINE DU CLERGÉ
d'.i Seigneur des arméps {Mnlnch. ii, \). »
Mais,\lira-t-ou peut-ètt-p. ces ioiiioi.uuges que
vous empniuti'Z à nos Ecritures Hémontrent que
les prêtres juifs euseii;naient seulement au peu-
ple "les lettres ilivines. Les lettres humaines
avaient-elles aussi un refuge auprès des enfants
de Lévi ?
Il est vrai : les prêtres de Judée s'occupaient
avant tout de lire en présence du p.uple et
d'interpréter le teste de la loi mosaïque ; loi que
les Hébreux devaient d'ailleurs étudier eux-
mêmes, nuit et jour, et enseigner à toute leur
famille ( Deut. vi, 7). iSIais il faut observer que la
Bible, outre son but principal, qui est de nous
initier à la vie divine, se propose encore de nous
ofl'rir les plus beaux modèles dans la littérature,
les sciences et les beaux-arts. Le Pentateuque, ou
les cinq livres de Moise, renferment en particu-
lier tout ce qu'un Israélite devait savoir. L'on y
trouve, en eflet,la création du monde et les prin-
cipes delà géologie ; l'histoire du monde, depuis
la sortie du paradis terrestre jusqu'à l'entréedaus
la terre promise; la description des pays, des
villes et des campagnes habitées tour à tour par
les enfants des hommes et les enfants de Dieu;
la généalogie de tous les peuples, et surtout des
descendants de Loth, d'Abraham, d'ismaël et
d'Esafi ; l'ensemble de toutes leslois ci\iles. A la
rigueur, les livres de Moïse suffisaient donc à
l'instruction du peuple de Dieu. La piété du
temple était déjà utile à tout : possédant à la
fois les biens de la vie présente et ceux de la
vie future.
Cependant il faut le dire : le Ciel qui réservait
le haut enseignement de sa parole à des prêtres,
hommes plus éclairés, plus libres de leur temps
et plus vénérables p:ir leur caractère que les
chefs ordinaires de famille ou de tribu, pensa
devoir abandonner à ces derniers le soin parti-
culier de transmettre à leurs fils le secret des
connaissances naturelles. Ici, l'intéièt lui-même
parlait as^ez fort pour stimuler le zèle du maitre
d'une maison ; et de plus l'erreur n'oll'rail guère
de péril dans renseignement privé des scieoces
physiques.
Les Hébreux s'adonnaient de préférence aux
études de l'agriculture, n Or, dit Fleury, un
Israélite qui, par la tradition de ses pères, par
«a propre expérience et quelque lecture, était
instruit de sa religion, des lois qui devaient ré-
gler sa vie, et de l'histoire de sa nation ; qui savait
se procurer lui-même toutes les choses néces-
saires ; qui coiuaissait parfaitement la qualité
dillérente des terres et des plantes qui y sont
propres; quelles façons il y iaut faire, et en
quelle saison ; quelles précautions on doit pren-
dre contres divers accidents qui fout périr les
ruits de la terre, comme on doit les cueillir et
es cyuserver ; qui savait la nature des bestiaux,
leur nourriture, leurs maladies, leurs remèdes et
tant d'autres choses semblables qui sont ignorées
parmi nous, de ceux qui s'appellent honnêtes
gens ou gens de lettres: ce bon Israélite valait
bien, ce me semble, un homme nourri <laiis les
affaires de justice ou de linances^ ou dans les
disputes des écoles ; car, il le faut avouer, on a
trop séparé, dans les derniers temps, les études
curieuses de celles qui sont vraiment utiles ; le
soin de l'esprit et des mœurs, de celui des affaires
et de la santé {Mœurs des Israélites, xv). »
li. Les prêtres juils n'avaient point le mono-
pole de l'instruction publique : nous voyons à
l'époque même de Josué, des espèces d'acadé-
mies tenues par les prophètes. Leurs disciples,
nommés enfants des prophètes, vivaient dans
l'exercice d'une vie retirée et austère, dans
l'élude, la lecture et la méditation de la loi de
iJieu. Du temps de Samuel, il y avait des écoles
de prophètes, à Najoth de Ramatha ; David et
Samuel s'y retirèrent (I Reg. xix, d9). Nous en
découvrons encore, sous les prophètes Elie et
Elisée, à Béthel (IV Reg. u, 3) et dans les plaines
de Jéricho (IV Reg. ii, oj. Il y en avait même
un grand nombre dans le royaume d'Israël
(II Reg. xviii, 4, 1.1— xix,1 — xx,35). Quelques
uns pensent qu'Elie avait une communauté de
ces prophètes sur le mont Carmel. Les moines
de l'ancienne loi étaient consultés sur les affai-
res importantes. L'on allait aussi écouter leurs
leçons, comme il paraît par l'hôtesse d'Elisée :
le mari demande à sa femme pour quel motif elle
va voir le prophète, puisque ce jour n'était ni le
sabbat, ni la néoménie (IV Reg. iv, 23). Ces éco-
les extraordinaires, tenues par des religieux,
subsistèrent jusqu'au moment de la captivité à
Babylone. Les exiles continuaient même, sur la
ti'rre étrangère, à visiter les prophètes, et à
recueillir de leur bouche des paroles assez mal
observées d'ailleurs {Ezech. xx, 1 — xxiv, 2 —
XXV, 3).
Quel éiait donc le programme des études en
ces monastères d'autrefois ? Nous le saurions à
peine, si l'Ecclésiastique ne nous l'eût révélé en
son éloge des prophètes. Nous lisons, dans ce
panégyrique, que ces hommes de Dieu, outre la
loi divine, enseignaient la musique, le chant,
l'éloquence et la poésie. Mais ce beau passage
mérite les honneurs d'une citation : « Louons ces
hommes pleins de gloire, qui sont nos pères, et
dont nous sommes la race. Le Seigneur, dès le
commencement du monde, a signalé dans eux
sa gloire et sa grande puis-ancc. Ils ont dominé
dans leurs Etats ; ils ont été grands en vertu et
ornés de prudence, et les prédictions qu'ils ont
f litcs leur ont acquis la dignité de prophètes.
Us ont commandé à ceux qui vivaient de leur
temps, et les peuples ont reçu de la solidité de
leur sagesse des paroles toutes saintes. Us ont
LA SEMAINE DU CLERGÉ
HOi'
recherchf', par leur habileté, l'art dos accorrlsde
la musiiiuc, et ils nous ont laissé les cantiiiucs
de l'Ecriture. Ils ont été riches en vertu, ils ont
aimé avec ardeur la véritable beauté, ils ont
gouverné leur maison en paix. Ils se sont tous
acquis pnrmi leurs peuples une gloire qui est
passée d'àf;e en âee, et on les loue encore
aujourd'hui povir ce qu'ils ont t'ait pondant leur
\ie{Ecc/i. xuv, 1-7). »
III. L'unsci^rnement prive ou public des Israé-
lites, depuis Moïse josqu'h la prande captivilé,
prenait assez volontiers les allures du symbo-
lisme.
Tel était le genre d'instniclion que Dieu
prescrivait lui-même aux pères de famille :
« Lorsque vos enlanls vous interrogeront à l'a-
venir, et vous diront : Hue signifient ces com-
mandi'ments, ces cérémonies et ces ordonnances
que le Seigneur Dieu nous impose ? vous leur
répondrez: Nous étions orclaves de Pharaon,
dans la terre d'l';:;ypie, et le Seigneur nous a
tirés de rEgyi)te avec une main forte... FA il
nous a tirés île ce pays là pour nous faire entrer
dans celle terre (pi'il avait pri^nis avec serment
à nos pères de nous donner ; et le Seigneur nous
il recommandé eii'^uite d'ohsi-rver toutes ces
lois, et (le craindre le Seijiueur, nolri; Dieu, afin
que nous soyons heureux tous les jours de notre
vie, comme nous le sommes aujourd'liui {Dcut.
VI, 20). »
Les formes mystiques convenaient d'ailleurs
au caractrre de la loi écrite. La b-gislalion de
Moïse était essentiellement transitoire. Confir-
mant la loi natuielle, dont elle conservait les
souvenirs ; préparant la loi de grâce, dont elle
était une ombre {H'.'h-. x, 1), elle av.iit institué,
au foyer domesticpie, dans le templeel au désert,
une école où les fils de Jnda se rappidaienl les
miracles du passé et les biens à venir. Tout par-
lait aux yeux : les persoinies, les actes et les
choses. C'est ainsi que les symboles servaient
eux-mêmes,à la loi du Sinai, de preuve et d'éclair-
cissement.
Ajoutons, pour terminer, cpie ce mode d'en-
seignement, recommandé par la voix du ciel et
conforme à la nature du mosaisme, se trouvait
encore approprié au caractère du [icuple juif.
Cette nation matérielle et oublieuse, coiuim,' ie
sont du reste toutes les autres nations, semlihiit
exiger des leçons tout élémentaires et souvent
répétées. Or le symbolisme procurait ce double
avantage : il donnait un corps à des vérités invi-
sibles, et sollicitait àeba(pie moment la curiosité
des esprits. <i Les pères, dit Fleury, étaient oMi-
gés d'instruire leuis .Mitants des grandes choses
que Dieu avait /aites pour eux et pour leurs
ancêtres ; et c'est pour eeJa que la loi leur com-
mandait si souvent d'ex|iliquer à leurs enfants
les raisons des fêtes et des auti-es cérémonies de
la religion ; ainsi ces instructions attachées à
des objets sensibles, étant recommencées si sou-
vent, ne pouvaient manquer d'être solides(iVa'«rs
des Israeliles, xv). »
PlOT,
curé-doyen do Juzennecourt.
Los Erreuls modernes
LA DÉMOCRATIE ET LE CATHOLICISME
(l" ariiole.)
Il existe un préjugé assez généralement
répandu, d'après lequel il y aurait entre l'iiglise
et la démocratie une hostilité naturelle, une
sorte d'état de guerre plus ou moins latente et
comme nécessaire, de telle manière, qu'entre
ces deux puissances, la paix serait fort difficile
et la bonne harmonie comme imiiossilde. Et les
faits semblent donner raison a cette o|iiuion ea
France, en Espagne, eu Italie, en Suisse et dans
toute l'Europe, à des degrés divers.
Cet état de choses mérite assurément qu'on
'étudie. Est-il fonde en raison? Celte espèce
d'hostilité est-elle dans la nature des choses?
C'est ce queuous al'ons examiner.
Qu'est-ce d'abord cjue la .lemocratie ? D'où
vient-elle? Est-elle entièrement nouvelle parmi
nous? N'existe-t-elle en France, comme plu-
sieurs semblent le croire, que depuis la grande
Révolution ?
La société ancienne, qui a disparu à la fin du
dernier siècle et dont la nôtre est sortie, se
composait de quaHe éléments, comme le monde
des anciens : la royauté, le clerué, la noblesse
et le liers-état. Le nom de ce dernier ii diipie
ce qu'il était, c'est-à-dire le tieis ou le troisième
état ou corps politiipie. Nos anciens auteurs
l'appellent aiiSsi le commun étui ; et, en eliet, il
ét.iit l'état commun de prescjue tons. Les écri-
vains modernes le nomment souvcntsimplemeut
le tiers.
iMais que faut-il entendre sous cette dénomi-
nation de tiers-étal ? Que comprend-il ? Qu'est-
ce qui le composait? Les pulilicistes se sont
partagés à cet e^ard en deux opinions. Les uns
jiensent que le tiers-état était ce i|ue nous appe-
lons aujonnrhuila bourgeoisie. Et ce sentiment
était autrefois assez commun. La raison sur
laipielle il s'apquie est que la bourgeijisie seule,
de toute cette classe immense, qui n'était ni le
clergé, ni la noblesse, était a|ite à la vie poli-
tique. D'antres écrivains, et à leur tête Augus-
tin Thierry (l),s'%levèrent avec force contre cette
opinion, qu'ils quabfient de dangereuse et de
1. Aiiï. Thierry. Essai tur ihisl. de la réformât, du Uerf
Cit. l'ici'.
1192
LA SEMAINE DU CLERGÉ
fausse. Elle est dangereuse, disent-ils, pnrce
qu'elle tend à introduire la division d'autrefois
dans la sooiété moderne. Elle est finisse en elle-
même, jaiisque historiquement, le tiers-état
comprenait tout ce qui n'était ni le clergé, ni la
noblesse. Là est la vérité puisque là est la
réalité des choses. Le tiers représentait tout le
peuple, eu principe toujours, et en fait surtout
dans les derniers siècles de la monarchie. Ainsi,
par exemple, nous avons l'ordouiinnee de
Louis XVI, relative aux élections pour nommer
L'S députés aux Etats généraux de 1769. Or
elle désigne comme ayant droit d'assister aux
assemblées électorales : v tous les habitants des
villes, bourgs et campagnes, nés Fiançais ou
naturalisés, âgés de vint;t-cinq ans, domiciliés
et compris aux rôles des impositions (1). »
Le tiers-état contenait donc eu lui-même la
démocratie, ou plutôt il Tétait, au moins dans
sa substance, et il a toujours eu une réelle
importance Uu regard rapide sur son histoire
nous le fera comprendre, et nous aidera dans
nos appréciations. Sa marche à travers les
sièces peut s(; diviser comme en deux parties :
il va une première période où celte démocratie
est peu dévclopi ée et comme à l'état d'incuba-
tion; elle dure jusqu'à ^étal)lis^cment des com-
munes sous Louis le Gros ; la seconde est celle
de son développement progressif jusqu'à son
triomphe iinal.
Ou peut dire dans un sens très-vrai que le
tiers-ctat, la démocratie , ont commencé en
France avec la monarchie. Au-dessous du roi,
de SCS Icudes ou fidèles, source de la nob'esse,
était le peuple, composé de deux parties, les
hommes libres ùigenui, et les serfs. Les pre-
miers possédaient des terres à eux, exempte? de
redevance, appelées de franc-alleu ou alloJiales,
et n'étaient tenus qu'au service militaire. Ces
hommes assis'taieut et votaient aux assemblées
générales de la nation au Champ de Mars. Le
roi, les prélats, les nobles et les hommes libres
les compo.saient ; et ainsi tous les éléments
sociaux s'y tnuivnient réunis. Laissons parler
un écrivain qui s'est occupé spécialement de
nos antiquités nationales : « Dans l'origine, ces
assembli'es se tenai -ut en rase canipatrne et se
eomposaient de tonte la paitic lilire de la
nation qui s'y rendait en armes ; mais, dans la
suite, il ue fut plus po-sible de les convoquer
sur une aussi grande éihelle, et au temps de
(".harlemagne, l'iles ne furent plus composées
que des prélats f.\ des grands du royaume.
Cependant quand il s'agis.-;nit de faire iU: nou-
velles 'nis, ou de d<'cider quelque chose d'im-
poi-taut, il faillait C" appeler au sciiliraent et au
t. Aiiiir/.. nc/i.ii, par Bouttevillc, i>ublic sous la direc-
tion de M. l'aulin l'aris, c. xxxiii.
sutfrage du peuple, représenté (]uelquefois par
l'armée, ou qui constatait son adhésion par sou
sceau. Dans ce dernier cas, chaqu'- magistral
convoquait les citoyens de son territoire (1). «
Le tiers-état, la démocratie ont donc eu dès h;
commencement de la monarchie et sous les
deux premières races de nos rois une existence
et une iuûueuee réelles.
Mais c'est surtout à parnr du douzième siècle
qu'il prend son essor. Louis le Gros émancipe
les communes, donne la hberlé lux villes de
son domaine, et la véritable vie municipale
étend sou action. L'abbé Suger qui gouverne la
France sous Louis le Jeune, et plus tard, saint
Louis étendent, développent ces libertés. Les
seigneurs résistent d'abord et refusent d'imiter
les rois en donnaut la libiTié à leurs vassaux.
Jlais ils sont bientôt entraînés par l'élan géné-
ral. Le servag'" disparait en grande partie du
royaume de France.
Les assemblées de la nation se maintinrent
tant bien que mal jusqcie sous la troisième race
de nos rois. Les Etats gé:iéraux proprement
dits leur succédèrent. Les premiers qui fureut
réellement complets et vraiment solennels
s'ouvriient en l'M-2, sous les voûtes de Notre-
Ilame de Paris. Dans cette assemblée se trou-
vèreut,avec les représentants du clergé et de la
noblesse, ceux du tiers état ou commun état,
disent les écrivains du temps ; ils parlèrent et
opinèrent comme ceux des deux autres ordres.
Et dans les autres réunions de ce geure, il en
fut de même ; le tiers avait sou vote , ses
cahiers, comme la noblesse et le clergé, o Le
tiers-état eu corps, dit de Bouald, était autant
élevé en dignité politique que chacun des deux
autres ordres, et sou conseiitemejit était aussi
nécessaire que le leur pour former les réso-
lutions de l'assemblée des Etats-Généraux (2). »
De plus, si le gouvernement proprement dit
était surtout dausies mains du roi et de la no-
blesse, l'administration était dans celles du tiers.
Eu outre, les rangs de la noblesse étaient ouverts
aux familles qui se distinguaient, et les digni-
tés les plus hautes aux hommes de grand mé-
rite.
L'histoire nous a conservé Je récit de ce qui se
pa^sa dans plusieurs assemblées des Etats géné-
raux et les résolutions (pii y fuient prises, réso-
lutions qui montrent que la liberté véritable est
ancienne en France. Augustin Thierry résume,
ainsi les décisions des Etats de t3oo : « Les réso-
lutions de cette assemblée, dit-il, auxquelles une
ordonnance royale donna sur-le-champ force de
loi, contiennent et dépassent même sur quel-
ques points les garanties modernes dont se corn-
1. Résl. de Louis XVI du 24 jauTier 1789.
2, Uémoml. phU. du princ. consht. de latociilé, c. XX.
L\ SEMAINE DU CLERGE
1133
f)ose le récrime constitutionnel. On y trouve
'autorité partag' e entre le roi et les trois Etals
représentant la nation, et représentés par une
coramission de neuf membres ; l'assemltlée des
Etats s'ajournant d'elle-même à terme fixe;
l'impôt réparlisur toutes les classes depersonnes
et atteignant jusqu'au roi ; le droit de percevoir
les taxes et le contrôle de l'administration finan-
cière donnés aux Etats agissant par leurs délé-
gués à Parisetdans les provinces ; l'établissement
d'unti milice nationale par l'injonction faite à
chacun de s'équiper d'armes selon son état; en-
fin la défense de traduire qui que ce soit
devant une autre juridiclioa que la justice ordi-
naire (l). ))
Pour suivre maintenant la marche du tiers-
•ëtat et de la démocratie, il faudrait écrire un
volume. Quelques indications suffisent à notre
but. Les progrès de cette classe sociale furent
constants, et cela parla nature même des choses
et le cours naturel des événements. A mesure
qu'un plus grand nombre d'hommes capables se
lormèrent dans son sein, son influence devint
plus considérable. L'administration passa de
plus en plus dans ses mains ; l'induslrie, le com-
merce, les richesses s'y développèrent. Louis XI
contribua beaucoup à ce résultat. 11 abaissa les
grands qu'il n'aimait pas, et éleva d'autant les
■autres. Il augmenta les libertés des villes, des
communes ; il fut en réalité le roi du [x'uple.
Anssi^aux Etals généraux qui furent réunis après
sa mort par la régente sa fille, Anne de Beaujeu,
le tiers-état exerça- t-il une influence considé-
rable. L'invention de l'imprimerie, la culture
des lettres qui fit de brillants progrès sous Fran-
çois I*', augmentèrent encore sa puissance. Elle
parut aux Etats généraux de 1501, de 1576, et
«urtoul aux derniers convoqués, avaut ceux de
S9, en 1P/l4,où le liers atlaqua avecune énergie
jusqu'alors inouïe les deux autres ordres, et re-
fusa de fléchir le genou devant le roi Louis XII (,
comme cela avait été jusque-là l'usage. Le pou-
voir absolu exercé par Richelieu et Louis XIV,
en réalité n'abaissa que la noblesse, et laissa la
classe moyenne poursuivre ses développements,
jusqu'à ce qu'enfin elle devint toute puissante.
Quand, à la fin du siècle dernier et à la veille
de la Révolution, l'abbé Siéyès publia sa célèbre
hiovhure Qu'est-ce que le tier-sl il put répondre:
tout cela allait être vrai dans quelques jours.
Aux Etats généraux qui devinrent l'Assemblée
nationale, le tiers était en nombre double de
chacun des deux «vitres ordres. Jusque là, dans
les assemblées précédentes, on avait voté par
ordre, et chacune des trois classes politiques
n'avait ainsi que sa voix. Le tiers dentandaqu'oa
i. Aug. Thierry : Essat jur i'hist. etc., du iiers-état.
e. u.
votât par tète, et l'nbfint de la faiblesse de
Louis XVI ; d'un seul bond il arriva ainsi à la
toute-puissance: ladémocratie était triomphante;
elle devenait le gouvernement de la France, et
allait bientôt coulera pleins bords.
Comme l'indique sou nom lui-même et l'idée
que tout le monde en a, elle est le pouvoir du
peuple, le pouvoir du nombre, puisque le suf-
frage est universel. Mais, comme d'uusiitrecôté,
les hommes les plus cousidé>.'al des par leur capa-
cité sontordinairenieni l'objet de ce suffrage, il
y a là une sorte d'atténuation de la puissance
brutale du nombre, qui sans cela bouleverserait
tout.
Quoi qu'il en soit, il est certain que cette dé-
mocratie effraye, et que telle qu'elle s'est mon-
trée dès le coramencementde sa toute-puissance,
et telle qu'elle se montre encore, elle présente
plus d'un sujet de crainte au catholicisme. Pen-
dant la grande révolution, elle s'est montrée
horrible sous tous les rapports, mais spéciale-
mcîut au point de vue religieux, et il n'est pas
douteux que son im|iie et songlaulc histoire à
cette époque ne ^-oit pour beaucoup dans les ap-
préhensions qu'elle soulève. Et encore aujour-
d'hui n'est-elle pas hostile un peu partout au
catholicisme? Ses chefs n'ont-ils pas la réputa-
tion bien méritée d être généralement ses enne-
mis? La démagogie et le ladicalisme ont-ils de
quoi rassurer beaucoup? Et ne sont- ils pas ea
fait le produit de la démocratie? Celle-ci ne pré-
tend-elle |)as, par la bouche de ses chefs et de
ses meneurs, briser, si elle le peut, le concordat
de )80t, et la siiuatiou politique de l'Eglise en
France? Qui oserait dire que toutes ces craintes
sont sans fondement ?
L'abbé Desorges.
{A tuivre.)
Biograpblak
DOM GUE RANGER
AIlBt: DE SOLCSJUES.
« La province du Maine apparaît dans l'his-
toire de l'Eglise d'Occident comme une des con-
trées destinées le plus particulièrement par la
Providence divine à recevoir et à propager les
traditions de la vie monastique. Cet honneur
lui vient principalement du zèle des évèques du
Mans, qui, à diverses épuques, se sont fait
gloire d'attacher leur nom comme protecteurs
à ces inslitutions de la perfection chrétienne,
qui ont été, en France, comme dans le monde
enlier, un foyer puissant de vie, de lumière et
àe chaleur.
HOÎ
LA SEMAINE DU CLERGE
B L'e?prlt de ?aint Martin, cet illustre évéque
que l'on peut bien appeler l'apôtre et le pa-
triarche de la vie ccnobitique dans les Gaules,
se reposa sui saint Liboire, l'ami de cet admi-
rable pontife, et le troisième successeur connu
de saint Julien, fondateur de l'église du Mans.
Mais aucun successeur de saint Liboire n'a plus
visiblement hérité de l'affection que professait
saint Martin pour l'orilre monastique, ni mieux
mérité de l'Eglise et de la patrie, par des ser-
vices rendus à l'Etat religieux, que le grand
évêque saint Innocent. On peut dire avec vérité
que ce pieux pontife fut le père des moines, et
son diocèse un asile ouvert à tous les serviteurs
de Dieu, que leur vocation appelait dans la so-
litude. Dès l'an 537, le saint abbé Calais fondait
sur les bords de l'Anillf, parla munificence de
saint Innocent, ce célèbre monastère autour
duquel une ville ne tarda pas à s'élever. Dans
le même temps, le diocèse du Mans se glorifiait
de posséder à la fois les saints moines Almire,
Ulface, Baumer, Constantien et Léonaid, que
la renommée d'Innocent avait pareillement
engagés à vouloir habiter les forêts du Maine.
u Mais l'influence d'un si pieux prélat devait
s'étendre bien au-delà des limites de son dio-
cèse. Non content d'eu avoir fait l'asile des
saints que nous venons de nommer, auxquels il
en faut ajouter encore plusieurs autres, il tenta
d'implanter en France une semence monas-
tique plus vigoureuse encore et plus féconde.
La renommée du grand patriarche des Moines
de l'Occident, saint Benoît, était parvenue jus-
qu'aux oreilles d'Innocent; mais l'heure appro-
chait où la gloire de cet homme rempli de
Pesprit de tous les justes, comme parle saint Gré-
goire le Grand, allait s'épanouir dans l'éternité.
Ses dernières bénédictions étaient réservées à
la France.
» Un jtKir de l'an 542, deux pèlerins gravis-
saient le sommet du Mont-Cassin et venaient se
présenter au saint législateur. Tous deux étaient
partis de la cité du Mans, envoyés par l'évcque
Innocent ; l'un était Flodegaire, son archidiacre,
l'autre Hardérad, son intendant. Ils venaient
demander à saint Benoit quelques-uns de ses
disciples, auxquels ils donneraient la mission de
transplanter en France cette règle déjà fa-
meuse, qui devait organiser l'élément monas-
tique, jusqu'alors flottant, et enfanter la civili-
sation de l'Occident tout entier.
» Le saint, touché de ces prières, accorda aux
désirs de l'évèque son plus cher disciple, Maur,
qui partit du Mont-Cassin le 10 île janvier 543,
avec quatre autres moini-s, Simplice, Conslan-
tinien, Antoine et Fauste.
» Les pieux voyageurs étaient encore en route,
quand ils apprirent, à Orléans, lamortdu saint
évèque qui les avait appelés. Son successeur,
saint Doumole, sî zélé à son tour pour l'i'tat
monastique, n'avait pas encore pris possession
de l'église du M.ins, qui était en proie à un in-
trus, nommé Scieufrid, ancien chor-évèque de
saint Innocent. Maur prit !e parti de se diriger
vers l'Anjou, d'nprès les conseils de Harderade,
et alla s établir, et avec lui le berceau de
l'ordre bénédictin en France, au lieu nommé
GlanFeuil, surins bords de la Loire. Là s'élè-
vera bientôt une célèbre abbaye qui a porté le
nom de Saint-Maur, jusqu'à la destruction des
monastères, en France, à la fin du dix-hui-
tième siècle (1). »
« La ville et le diocèse du Mans eurent bientôt
des colonies de Glanfeuil. Les monastères de
Saint-Pierre, de Saint-Germain, de Saint-Martin
de Ponilieue sont célèbres lians l'histoire. A ces
fondations monastiques s'ajouta, au dixième
siècle, suus l'évèque Avesgand, sur la rive
gauche de la Sarthe, près Sal)lé, la fondation
de Saint-Pierre de Solesmes. Ce monastère eut,
comme tous les autres, ses vicissitudes ; il fut,
en 1790, vendu à un sieur Lenoir de Chante-
loup, qui l'acheta pour le conserver. Chanteloup
vendit Solesmes à d'autres; des mains des trois
nouveaux propriétaires, l'abbaye passa aux
mains des personnes qui voulaient rendre So-
lesmes à son ancienne destination et rétablir
dans ses murs, irop longtemps inhabiles, l'ob-
servation de la règle de saint Benoît. De l'an
1010 à l'an 1833, les temps avaient changé ; les
moines n'avaient plus s attendre ni riches do-
tations, ni droits seigneuriaux ; mais le prin-
cipe de liberté sociale, pourvu qu'on l'applique
avec justice, suffira toujours au développement
des œuvres catholiques.
n Les évèques contemiiorains furent, comme
leurs prédécesseurs, favorables à la renais-
sance de Solesmes. Dès l'année 1831, Philippe-
Marie-Thérèse Gay-Carron. troisième évéque
du Mans depuis 1801, avait reçu la communi-
oation du projet formé par plusieurs ecclésias-
tiques, de rendre à l'Eglise le monastère de
Solesmes, et, au monastère lui-même, des dis-
ciples de saint Benoit. Le prélat avait accueilli
cette idée avec faveur, mais il avait voulu la
soumettre à l'épreuve du temps. Son consente-
ment définitif ne fut octroyé qu'à la fin de
1822; ce fut alors qu'il approuva de son auto-
rité d'ordinaire les constitutions qui devaient
organiser la nouvelle société et la disposer à se
fondre plus tard dans l'ordre de saint Benoît,
par l'autorité apostolique. Enfin, les prépara-
tifs étant achevés, le 11 juillet 1833, cinq can-
didats à la règle bénédictine, aspirant à devenir
religieux de chœur, et quatre autres destinés à
l'état de convers, furent installés dans le mo-
t. Essni historiques sur Cabbaye de Solesme*^ ia
initio.
LA SEMAINF DU CLERGE
1193
nastèrs rendu à sa deslinalion. Mgr Carron
était retenu loin de son diocèse par sa santé. Il
confia SCS pcjuvoirs, en celte ocension, à ses
grands-vicaires, et l'un d'eux, l'abbé Méno-
chet, vint présider la cérémonie et mettre en
possession le nouveau prieur et ses confrères.
L'Ej^iise et les lieux réguliers furent solennel-
le.iienl réconciliés, au milieu d'un clergé et
d'ur) peuple nombreux, auxquels l'abbé Méno-
chel adressa une touchante allocution, dans
laquelle il célébra celte restauration inattendue
d'une institution catholique dont les flots des
révolutions n'avaient pas submergé le prin-
cipe. La parole du vieillard, autrefois confes-
seur de la rade de Rnchcfort, était imposante,
lorsqu'il rappelait ainsi, aux fidèles, l'indes-
trucllble fécondité de l'ÉnIise de Jésus-I]lirist.
» A partir de ce jour, l'office (iivin et les exer-
cices léi-'itlicrs recommencèrent dans le mo-
nastère de Solesmes, après quarante-trois ans
de solitude; mais les nouveaux ha])itants de
cette demeure paisible étaient destinés à subir
plus d'une épreuve.
H La preniière fut la perle du prélat qui les
avait établis par son autorité. Mgr C:irron mou-
rut au Mans, .'e 27 août suivant; l'abbé Méno-
chet le suivit dans la tombe moins de six mois
après, étant mort le 4 février 183 i.
» La perte d'un évèque qui avait pris avec
maturité et aussi avec fermeté le patronage de
l'œuvre, avait le droit d'inspirer de sérieuses
inquiétudes aux habitants denotre prieuré. Des
oppositions peut-être invincibles leur étaient à
craindre, et d'autant plus que leur rétablisse-
ment n'avait pas été vu avec bienveillance par
tout le monde. La Providence vint à leur se-
cours pur la nomination d'un évèque qui ne
craindrait pas d'avouer ses sympathies pour
l'établissement, et dont l'influence devait un
jour l'aider à sortir drs limites étroites de sa
première institution, pour prendre place dans
la hiérarchie des congrégations monastiques
reconnues par le Sainl-Siége, et qui forment les
rameaux du grand arbre bénédictin.
» Jean-Baptiste Hoi.vicr, vicaire capitulaire et
supérieur du séminaire, monta sur le siège du
Mans, et, dès les premiers jours qui suivirent
sa nomination, il fit parvenir, à Solesmes, les
témoignages de sa bienveillance et les assu-
rances de sa protection.
» Au dedans, l'institution se développait, le
personnel de l'œuvre se complétait ; des enga-
gements annuels faisaient place à des vœux de
cinq ans, et, le 15 août 1836, les membres (te
l'association déclaraient au public leur inten-
tion arrêtée de consacrer leur vie au rétablisse-
ment de l'ordre de Saint-Benoît, en revêtant
publiquement fhabit qu'il impose.
iJjB moment était venu d'appeler sur ces com-
mencements d'une œuvre, désormais sérieuse,
la confirm:ition du Siège Apostolique, Mgr
Bouvier prêta cordialement son concours aux
démarches ijui furent faites auprès du Souverain
Pontife, dans le cours de l'année 1837. A son
suffrage se joignirent d'une manière active
l'intérêt puissant du cardinal Sala, préfet de la
sacrée Congrérration des évêques et Réguliers,
les recommandations de Mgr Moutbianc, arche-
vêque de Tours, et Mgr de (Jaélen, archevêque de
Paris, les bons offuesdu marquisde Latour-Mau-
bourg, ambassadeur de France à Rome, enfia
de plusieurs autres personnes de haute in-
fluence, que la reconnaissance des nouveaux
bénédictins n'oubliera jamais. Toutes choses
ayant donc été pesées avec maturité par une
Congrégation de sept cardinaux, formée au
s«in de celle des Evêques et Réguliers, Sa Sain-
teté Grégoire XVI, par un bref solennel du
1"' septembre 1837, commençant par ces mots :
Innumeras >nt''r, décréta l'érection en titre
abbatial de l'ancien prieuré de Solesmes, et le
déclara chef d'une nouvelle congrégation, sous
le litre de Congrégalion française de l'orar . de
Saint- Benoit, succédant aux anciennes con-
grégations de Cluny, de Saint- Vaune et Saint-
Hydulphe, et de Saint-.Maur. Par suite des dis-
positions de ce brt'f, le prieur du nouveau
monaslèrede I8;:3 fut institué abbé deSolesmes,
et suiiéiieur gém-ral des bénédictins de la
Congrégation de France.
» Ainsi fut restaurée, avec les seuls privilèges
que confère Vautoriu :piriluel'.e, une institution
qui n'a de garantie que dans la conscience de
ses membres et dans leur fidélité à garder les
engagements qui les lient à Dieu et à l'Eglise.
L'état religieux, dans notre siècle, est destiné,
comme le fut l'Eglise elle-même , dans les
temps apostoliques, à vivre, à se développer,
à se propager par la seule force intime que
Dieu lui a communiquée.
» Ceux des membres de la petite société qui
avaient revêtu l'habit de Saint-Benoit, le
15 aoùl 1836, émirent successivement la pro-
fession solennelle entre les maius du nouvel
abbé, qui, lui-même, avail prononcé ses vieux,
à Rome, le 27 juillet 1837, dans la basilique de
Saint-Paul hors les Murs, entre les mains du
llévérendissime Dom Vincent Bioi, abbé de
Saint-Paul et procureur général de la congré-
gation du Mont Cassin (I). «
Quel était l'auteur de Ci'tte restauration?
Par quelle prède-tinalion de la Providence
s'était formé cet abbé de trente-deux ans? Par
quelle suite de pensées et d'elTorls devait-il
soutenir et forlifii-r son œuvre? Dans quel des-
sein Dieu appelait-il au travail cette légion de
1. Dom Giierangcr, émoi historique tur VAblayt de
SoUime, ad fiiiem,
HK
LA SEMAINE DU CLEUGÈ
jeunes moines le lendemain d'une révolution
qui n'était guÀre qu'un nouveau triomphe de
l'impiété et comme sa loiiséciation [lolitique
acclaméi! pai' lus conservateurs de France?
La réj:on?.*e à ces questions se retrouvera dans
la suite do cette biographie. La mort, dit Bos-
fiuet, lévèle les secrets des cœurs ; elle révèle
aussi les secrets de la Provideuce, où, si elle ne
les découvre pas toujours entièrement, elle les
met assez en relief pour en apprécier les bieu-
fails et en célébrer la gloire. Nous tâcherons
de ue pas manquer à cet oitice en écrivant
l'histoire monastique et littéraire ilu révéreudis-
sime Père Prosper-Louis-Pascal Guéranger,
abbé de Solestaes, récemment retourné à Dieu.
Au sein d'une famille chrétienne et digne de
l'honneur que le ciel allait lui départir, naquit,
le 4 avril dSOo, cet entant prédestiné; le même
jour, le baptistère de Notre-Dame de Sablé le
plaçait sous le triple [mtronage d'un saint doc-
teur, d'un saint roi et d'un saint pape. Par une
grâce particulière, cet enfant, consacré à Dieu
cIp^ l'instant de sa naissance, donnait, dès
i âge de trois ans, des marques de vocation.
Comme but de promenade, l'enfant désignait
à sa b )nne le vieux prieuré de Sole mes, et les
jours où le cloilre s'ouvrait [lour quelque fête
mondaine, il y entrait avec la foule. Ce n'était
pas la musique et le bruit des fêtes qui le cap-
tivaient, mais les arcades, les boiseries, les
tal)les et les bassins qui avaient servi aux
moines. A son imagination naissante, tout sem-
blait d'une grandeur merveilleuse et il ne se
Lissait ni de voir, ni de toucher. Ses impres-
sions étaient plus vives encore lorsqu'il pouvait
se glisser dans l'église déserte et contempler
ce monde de statues, ces anges, ces apôtres,
ces femmes, ce dragon à sept têtes, tous ces
personnages dont on avait peint les yeux et
qui semblaient, en le regardant, lui parler un
mystérieux langage. Une curiosité question-
neuse le tenait comme enchaîné aux lèvres îles
vieillards qui avaient appartenu à la génération
précédente. Ou lui pariait des solennités an-
ciennes, bien diUérentes de celles qu'il avait
sous les yeux. A tous ces détails, il sentait les
regrets des vieillards devenir pour lui des
•désirs précoces ; une voix, faible encore, lui
criait dèji qu'il faudrait bien un jour repeu-
pler cette église, ces stalles, ces cloîtres de
Solesmes.
Prosper Guéranger fit ses premières études
dans sa ville natale. Les jours de congé, les
académiciens de l'école primaire poussaient
volontiers leurs capricieuses promenades jus-
qu'au bourg de Solesmes : on peut croire que
<e futur ablié ne manquait pas ces parties.
Petit à petit, la divine Providence développait,
dans l'àme du jeune élève, les germes d'une
vocation monastique. Il ne fallait pas moins
pour préparer dès lors la restauration du cloître
abandonné. Pie VII était captif à Fontaine-
bleau, l'Eglise, esclave malgré les honneurs
qu'on afleclait de lui rendre, i'incréilulité triom-
jdiante dans les hautes régions de la société, et
l'on ne voyait partout qu'églises ruinées, cou-
vents démolis, plus de moines, trop peu de
prêtres pour suffire au service des âmes. Deux
ou trois voix s'étaient élevées pour défendre la
cause d'Israël ; mais Chideaubriand, pour se
faire entendre, avait dû diminuer la grandeur
de sa cause; i. de Maistre n'avait pas encore
parlé ; et l'abbé de Lamennais avait vu mettre
au pilon l'opuscule où, d'une plume ptophé-
tique, il traçait le programme des restaurations
nécessaires. Dieu réservait aux enfants de cette
orageuse époque la charge et l'honneur d'ac-
complir ses desseins de miséricorde. A peine
adultes, nous les verrons s'élancer, comme des
géants, dans la carrière, sur la consigne de la
Providence^ Ce sera l'ère des jeunes yem, l'ère
des moines, l'ère des Lacordaire, des Guéran-
ger, des Gerbet, des Salinis, des Donnet, des
Dulêtre et des Montalembert.
Le jeune Guéranger fil ses études classiques
au collège d'Angers. Ce que nous apprend la
légende d'un illustre propagateur de la vi»
monastique, dans les solitudes du Maine à la fia
du onzième siècle, c'est, mot pour mot, ce qu»
nous ont appris de leur condisciple les anciens
élèves du collège angevin. Sans être Tennemi
d'un enjouement honnête, Guéranger préférait
aux jeux les choses sérieuses, se donnait tout
entier aux études, et préférablement aux études
sacrées : a ce point que ses condisciples le quali-
liaient gaiement du nom de moine, o Appella-
liiin jusiitiee par sa conduite exemplaire, par
sou amour des cérémonies religieuses, et par
son insatiable ardeur pour la l<îclure. Parallè-
lement a ses devoirs classiques, convenable-
ment et rapidement expédiés, il s'était incorçoré
avec cette puissance d'assimilation et cette
ténacité de mémoire qui lui étaient propres, la
biidiolhèque entière du vénérable aumônier du
lycée ; et ses contemporains nous attestentque,
quand il quitta les bancs, il s'était fait à lui-
même une éducation bien supérieure à celle
qu'il avait reçue de ses professeurs. Il en faut
ilire autiitit de ses anuécs de séminaire : à plus
d'un égard, i>ar ses aptitudes et son savoir
acquis, l'elévc de'à y débordait les maîtres, et
deja aussi le moiue éclatait dans le sémioa-
ribte (1). I)
Prosper Guéranger fit son cours de théologie
au séminaire du Mans. Là, étant encore sous-
diacre, il rêva du Mont-Cassin avec un de ses
1. Mgr Pie, Oraiian /unibri> de Dom Qu^anstr, f fUtit.»
— cr. Actu Huncioium, t, 1 bpril, ad diem i4.
Là SEMAINE DU CLERGE
1197
professeurs qui avait été élevé par an ancien
prieur de l'ordre de S.iint-Benuit. Par dispense
d'âge, il fut ordonné j)rèire, en "1827, dans
l'église raétioi'olitaine iie Tours. L'evèque du
Mans était alo.> Claude de la Myre-Mory, pré-
lat qui avait connu, dans shs diii'uiers jours de
grandeur, la tradition de l'ancienne société et
des anciennes é,i;li-es de France. Après avoir
assisté à la dernière assemblée générale du
clergé, il avait séjourné quelque temps dans
la capitale du monde chrétien, où, par les con-
seils du cardinal de Bernis, il avait étudié le
côté sérieux de la Rome ecclésiastique et diplo-
matique d'alors, réformant ainsi plus d'une
idée de son éducation nationale et acquérant
plus d'impartialité dans sos ojiinions, plus de
largeur tians ses jugements, plus de solidité
dans ses principes. Les vicissitudes de la Ri-vo-
lution l'avaient conduit ensuite en Allemagne ;
puis, il avait assisté aux triomphes de i\a[io-
léon I" contre ce pays dont le triomphe actuel
dégénère en attentat contre le genre humain.
Frapiiôde l'inlelligencc et des heureuses qua-
lités de l'abbé Guéranger, l'évè-iue l'attacha à
sa personne en qualité de secrétaire particulier.
Ce titre pouvait être, jiour le jeune prêtre, un
commencement de fortune; il s'en montra
digne en n'y cherchant (pi'un élément plus
éclairé de vertu morale et une source de gran-
deur par le dévouement. Ce que Guéranger re-
cueillit de ses entrciiens intimes avec ce prélat
et du contact quotidien, soit avec sa noble fa-
mille, soit avec ses vénérables visiteurs, impri-
ma, dans son caractère et sur sa vie, un cachet
qui ne s'etlinja jamais. Homme de réaction
romaine et de lut'e apostoli(iue, on retrouvera
chez lui, jusque dans les conflits les plus ar-
dents et les contradictions les plus énergiijnes,
ce tempérament de langage et ces accents de
modération qui décèlent la force en même
temps que la courtoisie.
{A suivre.)
Justin Fèvre,
Protonolaire Apostolique.
VARIÉTÉS
L'APOSTOLAT DOMESTIQL^
J'ai été élevé, quant à la religion, aussi mal
■que possible, non-seulement dans l'ignorance
de la vérité, mais dans le goût, dans le respect
dans la vénération de l'erreur, et j'achevai mes
classes bien muni d'arguments contre Notre-
Seignenr, contre l'Eglise catholique. Je vécus
ensuite en pur enfant de Paris, très-occupé do
«les affaires, consacrant aux amusements et à la
politique tout le temps que je ne donnais pas à
la fortune. Je me mariai. Dieu permit que je
rencontrasse une bonne et lionnèie créature, là
où je ne cherchais que de la beaut»i, de l'esprit
et de l'argent. Élevée comme moi, aussi igno-
rante que moi, ma femme ét-;iit beaucoup meil-
leure. Elle avait le sens religieux. Il se déve-
loppa lorsqu'elle devint mère : après la naissance
de sou premier entant, elle entra tout à fait
dans la voie. Quand je songe à tout cela, j'ai le
coeur r<'mué d'un sentiment de reconnaissance
pour Dieu, dont il cae semble que je parlerai
toujours ei que je ne saurai exprimer. Alors je
n'y pensais point. Si ma femme avait été comme
moi, je crois que je n'aurais pa- bOiiiçé à faire
baptiser mes enfants. Ccsenfants grandirent. Les
premiers tirent leur première < oinmuidon sans
que j'y prisse garde. Je laissais ]a mère gou-
verner tout ce petit monde, plfin de confiance
en elle, et modiiié à mon insu par le courant de
ses vertus, (yuc je sentais et que uu voyais pas.
Vint le dernier. Ce pauvre [letil était d'une
liumeur sauvage, sans grands moyens ; si je
1 aimais autant que les autres, j'étais c(q>endant
disposé à plus de sévérité envers lui. La mère
me disait : « Sois patient ; il changera à l'époque
de la première commimion. » i'.ti clianTCment à
heure iixe me parut fort invraisemblable. Cepeu-
dant l'enfant commença à suivre le uilikibisme
et je le vis, en cllét, s'améliorer très-sensible-
ment et très-rapitlement. J'y lis attention. Je
voyais cet esprit se développer, ce petit cœur se
combattre, ce caractère s'adoucir, devenir do-
cile, res.'cctueux, ulferUieux. J'ailmirais ce tra-
vail ([ue la raison n'opère pasdau- le^ hommes :
l'enTiUit que j'avais le moins aimé me deveuuit
le plus cher.
En même temps.jefai.sais de grandes rétlexions
sur une telle merveille. Je me mis à écouter la
leçon du cati'chisme. En écoulant je me rappe-
lais mes cours de philosophie «t de morale; je
comparais cet enseignement avec la morale (k»nt
j'avais observé la pratique dans le monde, hélas 1
sans avoir su moi-même toujours m'en préserver.
Le pr(d)lème du bien et du mal, sur lequel
j'avais évité de jeter les yeux, par incapacité de
le résoudre, s'oil'rait à moi dans une lumière
terrible. Je questiotmai le peiit naiçon ; il me
faisait des réponses qui m'écrasaient. Je seutais
que les objections seraient boMleuses et cou-
pables. Ma femme obsi'rvait ii ue disait rien ;
mais je voyais sou assiduiU' ;. a prière. Mes
nuits étaient sans .sommeil. .1. comparais ces
deux innocences à ma vie, ces deux amours au
mien ; je disais : « Ma fcmme et mon îjnfaut
aiment eu moi quelque chose que >e n'ai aimé
ni en eux ni en moi ; ils aiment mou àme.i)
Nous entrâmes dans la sem;niie de la première
communion. Ce n'était plus de i'atleclion seule-
1198
LA SEMAINE DU CLEPvCÈ
ment que l'enfaut m'inspirait; c'était un senti-
ment que je ne m'expliquais pas, qui me sem-
blait étrange, presque humiliant et qui se tra-
duisait parfois en une espèce d'irritation : j'avais
du respect pour lui ! Il me dominait. Je craignais
d'exprimer en sa présence de certaines idées
que l'état de lutte où j'étais contre moi-même
produisait parfois dans mon esprit. Je n'aurais
pas voulu qu'il osât les combattre ; je n'aurais
pas voulu qu'elles fissent impression sur lui.
Il n'y avait plus que cinq ou six jours à pas-
ser. Un matin, après avoir entendu la messe,
l'enfant vint me trouver dans mon cabinet où
j'étais seul.
— Papa, me dit-il, le jour de ma première
communion, je n'irai pas à l'autel sans vous
avoir demandé pardon de toutes les fautes que
j'ai faites et de tous les chagrins que je vous ai
causés, et vous me donnerez votre bénédiction.
Songez bien à tout ce que j'ai fait de mal, pour
me le reprocher, afin que je ne le fasse plus, et
pour me pardonner.
— Mon enfant, répondisje, un père par-
donne tout, même à un enfant qui n'est pas
sage; mais j'ai la joie de pouvoir te dire qu'en
ce moment je n'ai rien à te pardonner. Je suis
content de toi. Continue de travailler, d'aimer
le bon Dieu, d'être tidèle à tes devoirs : ta mère
et moi, nous serons bien heureux.
— Oh! papa, le bon Dieu qui vous aime
tant me soutiendra, pour que je sois voire con-
solation comme je le demande. Priez-le pour
moi, papa.
— Oui, mon cher petit enfant.
Il me regarda avec des yeux humides et se
jeta à mon cou. J'étais moi-même attendri.
— Papa!... coutinua-t-il.
— Quoi? mon cher enfant.
— Papa, j'ai quelque chose à te deman-
der... »
Je le voyais bien, qu'il voulait me demander
quelque chose, et ce qu'il voulait me demander,
je le savais bien. El, faut-il l'avouer, j'en avais
peur. J'eus la lâcheté de profiter de ses hési-
tations.
— Va, lui dis-je, j'ai des affaires en ce mo-
ment. Ce soir ou demain, tu me diras ce que tu
désires, et, si ta mère le trouve bon, je te le
donnerai.
Le pauvre petit, tout confus, manqua de cou-
rage. A pi es m'a voir embrassé encore, il se
relira déccnleuancé d.iiis une petite pièce où il
couchait, entre mon cabiuet et la chambre de
sa mère. Je m'en voulais du chagrin que je
venais de lui donner, et surtout du mouvement
auquel j'avais obéi. Je suivis ce cher enfant sur
la pointe des pieds afin de le consoler par
quelque caresse, si je le voyais trop affligé. La
porte élait entr'ouvene. Je regardai sans faire
de bruit. Il était à genoux devant une imaïf- de
la sainte Vierge ; il priait de tout son cœur. Ah I
je vous assure que j'ai su, ce jour-là. quel elfet
peut produire sur nous l'apparition d'un ange I
J'allai m'asseoir à mon bureau, la tète dans
mes mains, prêt à pleurer. Je restai ainsi quel-
ques instants. Quand je relevai les yeux, mon
petit garçon était devant moi avec une figure
tout animée de crainte, de résolution et d'amour.
— Papa, me dit-il, ce que j'ai à vous demamler
ne peut pas se remettre, et ma mère le trouvi'ra
bon : c'est que, le jour de ma première commu-
nion, vous veniez à la sainte table avec elle et
avec moi. Ne me refusez point, papa. Faites-le
pour le bon Dieu qui vous aime taul !
Je n'essayai pas de disputer davantai;e contre
ce grand Dieu qui daignait ainsi me contraindre.
Je serrai mon enfmt contre mon cœur.
— Oui, oui, dis-je eu pleurant, oui, mon
enfant, je le ferai. Quand tu voudras, aujour-
d hui même, tu me prendras par la main, tu me
mèneras à Ion confesseur et tu lui diras :
— Voici mon père.
CHRONIQUE HEBDOiyiADAIRE
Discours du Pnpe: sur la suppre-^ssion des process'ons
de la Fèle-Dieu à Rome ; aux enfants qui ace im-
pagnent le Saint-Viat\4\ie; aux élèves du collège
américain lie^ Eiats-Uuis; aux élèves du séminaire
français. — Situation aciuelle de cet élabli?sement.
— Vote de la loi mit la liberté de l'enseignement su-
périeur. — Mort de Mgr Jeancard et ilu cardmal
Mathieu. — Découverte des relic-iiies de sainte l''oy.
— Si l'Algérie nous coûte plus qu'elle ne vaut. —
Lettres des catholiques polinai* au Pape et sa ré-
ponse, relativement à réiévalion do Myr Lodochowslci
au cardinalat. — Continuation de la persécution al-
lemande.
14 juillet 1875.
Rome. — Le devoir que nous nous sommes
imposé de donner intéLrialement à nos lecteurs
tous les discours du Pape, nous oblige à remon-
ter quelque peu en arrière pour leur en rap-
porter plusieurs que l'aboudauce des matières
ne nous avait pas permis jusqu'ici de repro-
duire.
Le premier «n date est du jour de la Fêle-
Dieu. Le Saiut-Pêre l'a adressé à une députatioa
de dames romaines venues au Vatican pour dé-
poser aux pieds de Sa Sainteté le résultat d'une
souscription organisée pour le Denier de Saint-
Pierre.
a Nous devons regretter profondément, a dit
le Saiul-Père, de ne pouvoir plus célébrer,
comme par le passé, les magnifiques processions
du Corpus Domini (Fêle-Dieu). L'Eglise lésa ins-
tituées à titre de réparations solennelles des ou-
trages abominables que reçoit Notre-Seigueur
jÉàus-CuHiST, dans le sacrement de sou amour»
LA StlMAlNE DU CLEàGi;;
1199
et aussi dans le. luit s[)éeial de faire triompher
publiquement, au milieu des cités chrétiennes, le
Dieu de rEucliaristic.
<i Je me souviens, à ce propos, avoir vu en
Amérique, alors que j'y faisais mes premiers
essais dans l'exprcioe du saint ministère, une
procession des plusétranges. Le Saint-Sacrement
était porté par l'évèque de l'endroit, et, à l'en-
tour, s'agitaient dans d'étranges convulsions des
individus accoutrés en démons. Cela me surprit,
et, presque scandalisé, j'en demandai l'explica-
tion. On me répomiit que par là était repré-
sentée, aux yeux de ces chrétiens, encore gros-
siers, la fureur ijue ressentent ces démons en
voyant le splendide triomphe de Jésus-Christ.
« Aujourd'hui, hélas! ce sont les démons qui
triomphent puhliipu'ment, dans la personne de
ceux qui ont imposé aux peuples l'athéisme otQ-
ciel, taudis que Notre-Seigneur et Maitre est
deveini un objet d'indifférence ou de mépris.
Toutefois, les triom[ilies de l'enfer ne peuvent
être que passagers, et Dieu ne les permet que
pour éprouver les bons et pour ramener à lui
ceux qui se sont éloignés de l'accomplissement
de leurs devoirs.
(1 Pour nous, notre confiance est invincible, et
quelle <[ue soit la durée île l'épreuve présente,
nous es[)érons fermement (jne Dieu nous en dé-
livrera, pourvu que nous retournions à lui du
fond du cœur et ([uenous ne cessions d'imiilorer
sa miséricorde. Nous espérons même contre toute
espérauce, et bien que toutes les probabilités
humaines soient contre nous, que le Saint-Siège
recouvrera dans le pouvoir temporel la garantie
la plus sérieuse, et je dirai même la plus indis-
pensable, de sou autorité et de son indépendance
spirituelle.
« Et cependant il est de certains catholiques
(le Pape a appuyé ironiquement sur ce mot) qui
croient devoir m'écrire, pour me conseiller je ne
sais quels accomnio(h'mei;ls et qvelles transac-
tions avec les enufîmis jurés et les spoliateurs de
la sainte Eglise. Et moi, je leur réponds publi-
quement (jne je suis prêt à souflrir des maux plus
graves encore que ceux que je souffre préseute-
mt;nt;queje suis prêt, avec l'aide de Dieu, à
all'ronter la mort même plutôt que de trahir en
quoi que ce soit les droits imperscriptibles du
Saint-Siège, qui sont les droits mêmes de tous les
catbohques.
« Oui, je le répcle, j'espère que Dieu viendra
à notre aide, j'en ai l'inébranlable certitude,
sans que pour cela nous ayons jamais besoin de
nous dégrailer par de coupables condescendan-
ces. Uue sa céleste bénédiction nous réconforte
maintenant et jusi]u'à la mort; qu'elle soutienne
notre courage au milieu de la lutte ; qu'elle soit
enhn le gage de notre persévérance. » — Bene-
dictio Dei, etc.
Les libérateurs de Piome n exercent pas moins
leur zèle dans les petites choses que dans les
grandes ; leur haine de l'Eglise est ingétueuse à
détruire tout ce qu'elle a créé ou inspiré. C'était
l'usage de donner pour corli-ge aux enfants
défunts, les orphelins de l'hospice Sainte-Marie,
in Aquiro. Leur jeunesse et leurs vêtements
blancs symbolisaient d'une manière touchante
l'innocence, auprès de c^s petits cercueils. Ils
accompagnaient aussi le Saint-Viatiqne lorsqu'on
le portail aux malades Dès que les nouveaux
venus remarquèrent cette coutume, ils donnè-
rent aux orphelins des vêtements gris et interdi-
rent qu'on leur fît accom[)agner le Saint-Sacre-
ment et les enfants défunts. Mais bientôt la
coutume fut reprise, avec des enfante des meil-
leures familles romaines, que leurs parents revê-
tirent de l'ancien costume blanc des orpheUns.
Et, au lieu d'une seule congrégation pour l'ac-
compagnement du Saint-Viatique et des enfiints
défunts, il y en a aujourd'hui plus de dix. Voilà
comment les catholiques de Rome luttent contre
la révolation.Or,r'estàunedeces congrégations,
présentée au Pape par son directeur, qu'a été
adressé le second discours que nous avons à
rajiporter.
« Mes bons enfants, leur a dit Pie IX. je me
réjouis avec vous et je vous félicite du bun que
vous opérez en accompagnant le Saint- Viatique
que l'on porte aux malailes et les enfants délunts
qui sont »onduits au cimetière. Persévérez dans
raccomplissementde ces bonnes œuvres, et Dieu
vous en récompensera.
« De la sorte, vous éviterez les mauvais com-
pagnons, ceux-là surtout qui tournent en déri-
sion les prêtres et les religieux.
« A cet eflet, je vous rappellerai une histoire
qui est rapportée dans l'Ecriture sainte.
« Certains enfants se mirent à railler le pro-
phète Elisée, parce qu'il était chauve. Mais Dieu,
pour les punir, permit que des lions sertissent
de leurs tannières et les dévorassent aussitôt.
Il Je ne dis pas que le même châtiment soit
ré.servé de nos jours à ceux qui outragent le
clnrgé. Mais prenez garde, car il est d'autres
lions qui parcourent cette ville et qui s'en
prennent, non pas aux corps, mais à nos âmes,
bien autrement précieuses.
(I Par leurs séductions, par leurs blasphèmes,
par leurs artifices diaboliques, ils s'elîorceut de
vous circonvenir et de vous précipiter dans le
mal.
(i Ainsi donc, tenez-vous-en éloignés, et s'il
veulent vous ébranler par leurs railleries, ne les
écoutez point et méprisez-les.
(I A cet effet, je vous bénis et je prie Dieu de
vous donner la grâce de résister à toutes les atta-
ques et de persévérer jusqu'à ce que soit yenue
l'heure de l'éternelle récompense. »
li;o
LA 6t;.\UL\E DU CLEKGl::
Il n'arrive pourtantpasà l'auguste Prisonnip.r
du Vatican que des échos d'intolérance et de
persécution. Lf supérieur et les élèves du collège
américain des Etats-Unis sont allés réjouir son.
cœur en lui parlant des grands progrès que fait
le christianisme dans leur patrie. Pie IX leur a
répondu qu'il était heureux de voir que l'Eglise
y est libre et respectée ; que tout ce qui avait
été dit sur le Ion accueil fait au nouveau cardi-
nal était exacl, et que le peuple améiicain avait
manifesté sa joie par des réjouissances, par la
■voix de la pr^s^e et de toute manière.
« Il me semlde, a ajouté Sa Sainteté, que la
moisson est di^ i mûre aux Etats-Unis. Ce qu'il
faul maintenant, ce sont des ouvriers Préparez-
vous à ces travaux. Il faut que vous le fassiez avec
soin, afin de cueillir le fruit qui vous attend.
Pour réussir d:ins la conversion de ce grand peu-
ple, le premier moyen sera l'exemple. Le peuple
voudra d'abord voir en vous-mêmes la pratique
des enseignements de l'Evangile. Et après l'a-
voir édifié par votre exemple, vous compléterez
l'œuvre par la parole en lui enseignant les
saintes doctrines de la foi. Unissez à ces exem-
ples, à ses enseignements une vive dévotion à la
très-sainte Vierge, sous laprotection de laquelle
TDS frères prospéreront. Elle vous gardera dans
les dangers et vous obtiendra de Dieu les secours
dont vous avez besoin. Je vous béuls de tout
mon cœur. Je bénis votre patrie, afin que le
nombre des bons iidèles croisse chez elle de plus
en plus ; je bénis, en outre, vos familles, b
Bien que nous n'ayons pa*; parlé de la visite
des élèves de notre séminaire français au Vati-
can, pour l'anniversaire de l'exaltation Pie IX.
au Souverain Pontificat, on a bien dû penser
ipi'iis n'avaient eu garde de manquer à ce devoir
et de se jiriver de cette joie. Le Pape les a, en
effet, vu venir à ses pieds, et des premiers ; et,
à l'adresse qu'ils lui ont lue, il a répondu par
l'allocution que voici :
« Vous faites bien, mes chers enfants, d'être
ain.si unis d'esprit et de coeur au Saint-Siège.
C'est dans celte union que vous trouverez la
force nécessiiire pour encourager et fortifier les
âmes faibles. Elles sont nombreuses anjoiud'hui,
les âmes qui ont besoin d'être soutenues,, et le
secours doit leur venir par les prières et les
saintes instructions de bons prêtres-. 11 est
vrai, nous crions souvent au Seigneur : Do-
mine, satva nos, pmmva. Mais n'oublions pas
que le travail de notre vie doit contribuer à at-
tirer le salut sur les peuples.
« Il y a cjuelque temps, vous étiez peu nom-
breux. Maintenant votre nombre c'est de beau-
coup accru. Alors on pouvait vous appeler :
Pmillus grex. Aujourd'hui vous êtes un grand
troupeau de bons prêtres et de séminaristes qui
se diï^ierseront bientôt dans la France eulière.
« Vous aussi, mes enfants, vous êt.':s pèle-
rins. Votre vie est un pèlerinage qui doit s'effec-
tuer en faisant le bien. Ayez recours à l'ar-
change Raphaël, le patron des voyageurs. Dans
ces jours de tempêtes si furieuses et si singu-
lières, le saint archange vous apprendra à
chasser et à vaincre bs démons. Ils sont nom-
breux, et, à cette heure, ils se promènent dans
le monde avec une étrange facilité.
«1 La vertu spéciale du saint archange est de
chasser le démou. Vous savez qu'il a trouvé
contre lui un puissant remède. P.ecourez donc à
sa sainte protectiim. Si vous passez votre vie à
faire le bien, vous verrez, vous aussi, mes en-
fants, la fm du combat, et vous arriverez heu-
reusement au port. »
A propos de l'allusion que fait le Pape au
nombre des élèves, nous dirons que ce nombre,
après les événements du 20 septembre 1870,
s'était trouvé réduit à une quinzaine, mais qu'il
s'est élevé à plus de quarante lurs de la rentrée,
et que beaucoup de demandes sont déjà faites
pour la rentrée prochaine.
France. — La loi sur la liberté de l'enseigne-
ment supérieur a été enfin votée, le 12 juillet,
avec riuqnnnte voix de majorité, par l'As-
semblée nationale.
Après une aus.îi bonne nouvelle, nous en
avons deux bien douloureuses à enregistrer.
Le 6 juillet, Mgr Jeancart, évèque de Cérame w
pwtthui et chanoine de Saint-Denis, est mort à
Cannes, sa ville natale, où il s'était retiré depuis
un an. Il était ué le 2 décembre 1799, et appar-
tenait à la Congrégation des oblats. Sa nomina-
tion comme évèque auxiliaire de Mgr de Mazenod,
évèque de Marseille, datait du LS mars 1858. Il
était chanoine de Saint-Denis, depuis 1862.
Depuis l'arrivée à Paris, de Mgr Guibert, dont
il était l'ami, il avait exercé, sans en avoir le
titre, les fonctions d'auxiliaire.
Cette tombe était à peine fermée, qu'on a an-
noncé la mort de Son Em. le Cardinal Mathieu,
archevêque de Besançon, arrivée le 9 juillet.
Le vénérable cardinal était né à Paris, le 20 jan-
vier 1796, et avait été ordonné prêtre, eu 1823,
après avoir fait ses études ecclésiastitpies à Saint-
Sulpice. H fut successivement professeur puis
supérieur au petit séminaire de Dreux, chanoine
du chapitre métropolitain de Paris, curé de
l'église de Sainte-Madeleine et vicaire général
honoraire, évèque de Langres (1832) et enfin
archevêque de Besançon (1834). Son élévation à
la pourpre date du 30 septembre ISoO.Mgr Ma-
thieu était d'une activité très-grande et s'oc-
cupait de l'administration diocésaine jusque dans
les plus petits détiiils. Sa charité dépassait ses
ressources, et plusieurs lois il se trouva réduit au
plus complet déuùment.
Des travaux de restauration qui se font dan»
LA tj^^jULNt; DU c-Liiot.
1201
l'église de Conques, au diocèse de Rodez, vien-
nent d'amener la découverte d'uue châsse ren-
fermant Ihs reliques de sainte Foy, jeune vierge
d'Agen, (iui('ousomina son glorieux martyre par
la décollation, à l'ùi^e de douze à quinze ans,
l'an 287. Cetle cliàîse était eni»juie, depuis de
longs siècles, dans le mur contre lequel était
adossé le maitre-aulel. Un examen attentif à
même fait croire qu'elle y avait été placée lors
de la construction de l'église, qui est du xi" siècle.
Lâchasse elle-même paraît être de cetle époque.
On savait, imr tradition, que ces reliques pré-
cieuses étaient cachées dans l'éqîlise, mais on
ignorait en quel endroit. Urre commission, nom-
mée par Mgr révei^ue de Uodcz, en a reconnu
l'authenticité.
AiGftuTE. — De tontes nos guerres, depuis la
révolution de 8'J, une seule a produit des résul-
tats ht;ureux et durables, c'est celle d'Algérie.
Cette guerre, rappelons-le tout de suite, a été
entreprise par la royauté légitime, ce qui prouve,
en passant que cetle royauté n'a pas toujours
aussi mal mené qu'on le dit les affaires de la
France. Mais on est allé répétant que notre
conquête nous avait coûté plus qu'elle ne vaut.
Les guerres si célébrées delà République, jire-
mière et deuxième, du premier et second lùn-
pire, qui n'ont pas précisément arrondi noire
territoire, n'ont guère non plus, ([ue nous sa-
chions, rempli nos caisses. La vérité sur l'Algé-
rie, c'est qu'à n'euvisag'jrles choses qu'au pniut
de vue de l'intérêt, notre conquête à été une
bonne aflaire. Un rapport de M. le consul
général anglais Playl'air, sur le commerce de
l'Algérie en I87i, nous en fournit la preuve. A
la fin de l<S7.'{, l'Algérie avait coûté à la France
2,.500, 000.000 de francs, de laquelle somme
2,413.683,288 francs oulcté consacrés à l'armée.
Et d'autre part, les exportations et les im[)orta-
tions ne sont élevées, depuis la conquête, à
C milliards 213,779,271 francs. Or, si l'on con-
sidère, remarque M. IHayfair, que la colonie
avec ses porls, ses forlilications, ses édifices
publics lie ioute sorte, ses routes, ses chemins de
fer, ses villages, ses villes, ses travaux d'irriga-
tion, ses mines d'uue immense valeur, ses
terres arables rendues A la fertilité a été pour
ainsi dire arrachée au chaos, on verra que les
deux milliards el demi énoiîcés plus haut oat
été de l'argent bien place, même au point de vue
commercial. « Mais, ajoute M. Playfair, qui
pourra jamais apprécier ce que l'humanité a
gagné par la transl'ormalion d'un nid de pirateset
de voleurs en la magniliciue colonie que nous
Voyons ? » Si l'Eglise, nous l'avons montré na-
guère par des laits, eût été moins entravée sur
le solafric.iin, M. riayfair aurait bien d'autrt«
•ujets d'admirer. Sou témoignasa ceDeiidant
suffit pour nous faire mépriser les critiques de»
pirates de la civilisation laïque.
Allemagne. ~ Les catholiques polonais,
ayant envoyé une adresse au Souverain Pontife
pour le remercier d'avoir élevé Mgr Ledo-
chowski au cardinalat, Sa Sainteté a daigné leur
ré[)ondre par une lettre qu'a publiée le Courrier
de Posen, mais non en entier, à cause des cir-
con-tances actuelles. Dans cette lettre, le Pape
fait l'éloge de Mgr Ledocliowski,de sa piété et de
sa fermeté, puis il ajoute : « Cette conduite lui
u valu d'abord une foule de tribulations sup-
portées Uès-vaillamment par lui. Plus tard, il a
tellement bien mérité de l'Eglise. qu'il aétéjetéen
prison pour l'amour de la justice. C'est pour ce
motif q:ie nous l'avons jugé digne d'être appelé
dans ce sénat sacré doul les membres sont re-
vêtus de pourpre, pour apprendre qu'ils doivent
être prêts à verser leur sang pour l'Eglise. D'un
autre côté, l'inébranlable foi des Polonais, leur
dévouement pour ki chaire de Pierre, leur cons-
tance exeinplaii-e dans la détense de l'intégrité
de la foi lU- Uiirs [lores, gardée par eux au mi-
lieu de tant lie maliieurs, exigeaient de not.']'
part non-senlement un encouragement, maU
aussi une récuiufieuse propre à les fortitier dans
le combat aussi ilur qu'impétueux qu'ils sou-
tiennent. Ayant le dessein de donner aux Polo-
nais ce double témoignage, nous avons cru que
nous devions choisir à cjitetfet, avant tons, celui
•luils regardent dans cette pénible lutte comme
leur chef. U nous est agréatile que vous ayez
compris notre pensée, ainsi que vous l'exposez
dans votre adresse pleine de cœur. Cette adresse
nous a rempli de joie, car vous y exprimez votre
gratitude et la terme décision de persévérer
dans la lutte entreprise et d'i'ïviier tout ce qui
pourrait porter ombrage à cette gloire qui,
avant tout, revient à votre patrie. Nous vous
félicitons pour vos nobles résolutions, et nous
prions l>ieu de vous éclairer avec sa lumière, de
vous fortitier avec sa gr.àcc, afin que vous ne
perdiez jamais couraiie au milieu des tribula-
tions dont vous êtes accablés, mais que voua
soyez toujours animés d'un nouveau courage,
jusqu'à ceque le mal se change en bien... »
En présence de ce courage des catholiques,
on dirait parfois que la lutie civilisatrice semble
hésiter; mais elle se raffermit aussitôt et pour-
suit le cours de ses exploits.
Dms le seul décauat d'Oborniki, neuf curés,
le doyen compris, ont été dernièrement con-
damnés à des amendes variant de 300 à plusieurs
milliers de thalers. Ces curés étant tous pau-
vres, ils fer»ut de la prison poiu- acquitter leurs
amendes. .
Le curé de Lewice a été expulsé du territoire
du grand-duché de Posen, pour avoir prié après
-1202
LA SEHALNE DU CLERGE
la messe pour son arclievêque emprisonné, et
visité les malades d'une paroisse voisine dont le
curé était aussi en prison.
A Kosiany, quatre sœurs de Saint-Vincent-de-
Paul ont été jetées en prison pour avoir refusé
de déposer dans une aflaire dont elles ne sa-
vaient rien.
MgrMisgalski, exilé de la province de Posen,
a été condamné à huit jours de prison, pour
avoir dit la messe dans une paroisse de Silésie
privée de pasleur.
Le gouverneur de la province de Westphalie
a décrété que les ecclésiastiques ne pourraient,
à l'avenir, donner aucun enseignement, même
l'enseignemeut religieux, ce qui est contraire à
la constitution. Les pères de famille ont réclamé,
mais leur pétition n'a pas été prise en considéra-
tion. Ils vont en envoyer une autre en plus haut
lieu.
Dans le gouvernement d'Arnsberg, 39 prê-
tres qui dirige:iicnt l'instruction des enfants ont
été révoqués de leurs fonctions; 37 autres sont
obligés de se retirer. Il y aura donc 76 écoles
sans instituteurs.
Tous les ecclésiastiques deDortmund ont reçu
défense d'accomplir les cérémonies religieuses.
Les catholiques pourront baptiser eux-mêmes
leurs enfants ; ils devront se passer des sacre-
ments et des consolations de la religion, même
à leur lit de mort.
Mgr Tévèque d'Hildesheim a été assigné à
payer une somme de 3,400 marcs, total de
diverses amendes auxquelles il a été condamné,
et qu'il ne peut ni ne veut payer.
 Dingden (Westphalie), un père franciscain
et l'ecclésiastique Westarp ont été condamnés à
deux jours de prison pour avoir dit la messe en
cette ville.
Dans le duché de Bade, durantle mois de mai,
12 prêtres ont été condamnés à deux ans, six
mois et quinie jours de prison.
En vertu d'un ordre récent, les prêtres catho-
liques que le gouvernement a privés de leul
traitement n'en sont pas moins tenus à payer
leur impôt sur le revenu dans les mêmes pro-
portions que s'ils touchaient encore leur trai-
tement.
Un grand nombre de religieux et de reli-
gieuses ont reçu l'ordre de quitter incessam-
ment le territoire allemand. Nous en reparle*
rons.
Ont été condamnés, pour avoir publié l'ency-
clique du 15 février : le rédacteur de la Gazette
cTEtipen , à 1 5 jours de prison ; le rédacteur de
la Gazelle de Gcil<nkirchen, à 15 jours de ptison;
le rédacteur de la Gazette de l'Ems , de Papem-
bourg, à 400 marcs d'amende ou 2 mois de
prison ; le rédacteur du Messager du peuple ca-
tholique, de Meppen, à 400 marcs d'amende ; le
rédacteur du Mercure de We'^tpfinlie, à \ an
de prison ; le rédacteur delà Gazette d'Osnobruck,
à 13 jours de prison ; le rédacteur du Courrier de
r Eglise et du Peuple, à 13 jours de prison. —
Aucun des journaux non catholiques qui ont pu-
blié la même encyclique n'a été poursuivi.
Ont été condamnés, ces semaines dernières,
pour avoir défendu les droits de l'Eglise : deux
rédacteurs du Courrier de Posen, l'un à 5 mois ,
l'autre à 6 semaines de prison ; le rédacteur du
Vatertand, de Munich, à 6 mois de prison et 50
florins d'amende ; le rédacteur de la Gazette de
Ihorn, à 4 semaines de prison ; le rédacteur du
journal Oberschlesisch-Volkstimme , à 8 mois
de prison.
Ces condamnations et ces expulsions ne for-
ment pas le tableau complet de toutes celles qui
ont été prononcées depuis la dernière fois que
nous avons parlé de l'Ailemagne ; ce ne sont
même pas toutes celles que nous avons relevées
en lisant les journaux. Nous rapportons celles-
ci pour montrer que la persécution ne se ralentit
pas. Il y faudrait ajouter les vexations de toute
sorte que souffre le peuple; mais l'espace ne
nous permet pas d'en parler aujourd'hui.
P. d'Hauterive.
Tome IV. — N» 40. — Troisième année
28 juillet IS75.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÉISE HOISILÉTIOUE SUR L'ÉVANGILE
I)U .XI'' LlilA>'CHE APRÈS L.i PENIXCOÏE.
(Marc. VII, 31-37.)
En ce tempf-là Jésus quitta les confins de Tyr,
et vint pur Sidnn jusqu'à la mer île Guidée .
Notre-Seigueur ne séjourna pas longtemps sur
les (erres de la gentilité, afin de ne pas mal
éilifiiT les Juifs, en transgressant la loi qui leur
défendait lie se mêler aux gentils. Il nous ser-
vait ainsi d'exemple : non-seulement nous ne
devons pas faire le mal, mais il importe de
nous abstenir de la moindre apparence de mal,
pour ne pas scandUliser nos frères. In genti-
lium locis monim Dominus fucere non rolebut, ne
occasionem Judœis daret ut transgressa) em legis
eum œstimarent quod se gcntiliùus adiniscebat ; et
ideo confeslim reueriitur : unde dicitur. t't ilerum
exiens (I).
Et on lui amène un sourd-muet, et on le priait
de lui imposer tes mains. Dans cette démarche et
cette prière, nous voyons la charité de ces
hommes qui comluisent le malade au médecin
céleste, et leur loi qui les convainc que, pour
le guérir, Jésus n'a qu'à le toucher. Quand la
prière est ainsi faite, elle est si'ire d'être écou-
tée. Que de pécheurs inscu-ibles à leur état, et
qui seraient guéris si notre charité les amenait
à Jésus-Christ, et si on priait davantage pour
eux I
il. Et le tirant de la foule, et le prenant à
part. Il le tira de la foule pour nous apprendre
que les œuvres de Uicu ne s'accomplissent pas
au milieu du tumulte et que, quauil Dieu se
sert de nous, nous devons nous envelopper
dans l'humilité. Sco'sum a turba oblatum sur-
dum et mutum apprehendit , ut divina miracula
non faceret manifeste ; instruens rws vanam glo-
riam ejicere et tumorcm; nihil enim ex quo ait-
guis sic miracula opeielur, sicul si humilitatem
colat, et modestiam sequatur (2) . Ue plus, le sourd-
muet étant la figure du pécheur dont les
oreilles ne s'ouvrent plus aux enseignements
de la foi, et dont la bouche est fermée pour la
prière qui sauve et l'aveu qui justifie, parce
qu'il s'est endurci dans la dissipation et le bruit
des choses de la terre, Jésus, qui veut le guérir,
le mène à l'écart, il l'isole. Car c'est dans la
solitude, au moins spirituelle, que Dieu parle
au cœur pour le convertir. Suivons cet exemple:
1. Theofiliylact. Calen. aur,
X, Gtaarws^ in Cattn sur.
quand nous voulons transformer notre âme,
ou l'àme d'un de nos frères, cherchons le si-
lence et allons dans la retraite.
// lui mit les doigts dans tes oreilles et de la
salive sur la langue ; puis, levant les yeux au ciel,
tl^ poussa un gémissement, et dit : Epliphcta,
c'est-à-dire ouvrez-vous. La volonté aurait suffi
au fils de Dieu pour opérer la guérisoii deman-
dée Il procède néanmoins avec so'euuité, et,
dans ce qu'il fait, comme dans ce qu'il dit, il y
a de précieux enseignements à recueillir. Ne
voulait-il pas d'abord nous inspirer du respect
pour les cérémonies qu'à son exemple, l'Eglise
em|iloie dans l'administration des sacrements,
cérémonies augu-tes qui fixent notre légèreté
et nous empêchent de nous familiariser avec les
saints mystères de la grâce, cérémonies véné-
rables qui ont une origine sacrée. C'est ainsi,
par exemide, que, se conformant à ce que Jésus-
Christ a fuit dans lu Ruérisou du sourd-muet,
le ministre du baptême louche de sa salive
les oreilles de celui qu'il va baptiser, en disant
comme Jésus-Christ : Ephpheta, c'est-à-dire
ouvrez-vous.
// lui mit les doigts dans les oreilles. Le doigt
de Dieu, c'est sou action sur le monde; dans
l'oidre de la grâce, c'est l'adorable influence du
Saiut-Espril, dextrœ Dei lu digitus. Jésus qui
met les doigts dans les oreilles du sourd-muet,
c'est Jésus qui, par l'etfusion des dons du Saint-
Esprit, ouvre l'intelligence aux vérités de la foi
et incline l'àme à s'y soumettre. Quid per digi-
tos redemptoris nisi duna sancli Spirilus designan-
tur?... Diyitos ergu tn auriculas mittere est per
dona Spiritus sancti mentem sur-di ad obedienaum
aperu-e (I).
// lui mit de la salive sur la langue, La salive
qui sort de la bouche représente la sagesse
éternelle sortie de la bouche du Très- Haut. C'est
peu d'ouvrir les oreilles et de faire pénétrer la
vérité dans l'esprit, il faut la faire goûter au
cœur, pour qu'il la pratique et la confesse. C'est
ce que fait rE.«prit-Saint, en nous communi-
quant le don de sagesse. Saliva nobis ex ore
redemptoris, accepta sapienlia in eloquio devino
saliva quippe ex capile defluit m ore. In ergo
sapientia quœ ipse est, dum lingua nostra tangitur
mox ad prœdicatioms verba formatur (2).
Et levant les yeux au ciel, il poussa un gémisse-
mertt, et dit: Ephephta, c'est-à-dire, ouvrez-vous,
t. Grégor. sup. E^sch. HomiL X.
t. Id. ibid.
1208
LA SEMAINE DU CLllIKJii
11 lève les yeux au ciel parce que c'est là qu'il
faut dcirauder la parole pour les muets, l'ouïe
pour les sourds, et le remède pour toutes les
maladies, Suspexit quidem in calum. ut inde
mulis loquelam, inde auditum surdis. undc timctis
infirmantibus mcdelumdoceretesse qnœrendam (1).
Mais ce gémissement de celui qui est toujours
exaucé, et qui accorde lui-même ce qu'il de-
maude, n'était nécessaire que pour nous appren-
dre à gémir nous-mêmes devant celui à qui nous
devons tout. Ingemvit aitlem non quia ipsi opiis
esset cum gemitu aliquid ■/. etere a Poire, qui
cuncta petmiibus dimut cum Pâtre, sed ut nobis
(jemendi daret exempta, cum vel pro nostris vel
nostrorum ei'roribus proximorum supernw pietutis
prœs'dia invocamus (2).
Le gémissement, c'est l'expression de la dou-
leur, et Jésus gémit parce qu'il souffre envoyant
Dieu qui est olfensé et les âmes qui se perdent.
Lui seul peut comprendre l'étendue d'un tel
malheur et égaler le gémissement au malheur.
Vous pleurez ami rement sur des pertes ma-
térielles, et vous n'avez pas un soupir pour tant
d'âmes qui se perdent. Quand donc jugerez-vous
des choses comme Dieu en juge?
III. Et aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, et sa
langue se délia et il parlait disUnc'emetit. Aussi-
tôt ; car c'est la puissance iniiuie qui agit ; cette
giiérison instantanée n'est-elle pas aussi une
image de la promptitude avec laquelle le pé-
cheur doit correspondre à la grâce ? Que de
fois, hélas ! Jésus nous a touché les oreilles et
délié la langue ; mais est-ce que nous enten-
dons mieux? est-ce que nous parlons mieux?
£t Jésus leur commanda de n'en parler à per-
sonne. Nous enseignant ainsi à ne pas nous glo-
rifier de nos œuvres; per qvod non in vir-
Tutibus gloriandam esse docuit, sed in cruce et
liumiliatione (3). Mais phts il commandait de ne
pas en parler, plm ils le publiaient et plus ils
étaient dans l'admiration. Vous cherchez l'obs-
curité, la gloire ira vous y trouver ; ce qui
excite l'admiration des hommes ce n'est pas
rorgucil qui s'étale, c'est l'humilité qui se
cache. Ils publiaiint le miracle, parce que ,
quand ou reçoit un bienfait, la reconnaissance
demande qu'on exalte le bienfaiteur, même
malgré lui. Son devoir est de cacher le bien qu'il
fait, le nôtre est de le publier. Docemus autem
ex hoc, cum alicui bénéficia elargimur, minime
opplausus et laudes petere; cum vero accepimus
bénéficia, benefactores presdicare et lavdare, quam-
vis nulinc (4).
Et la foule ravie s'écriait: Il a bien fait toutes
choses. lîien n'était plus vrai que cet éloge. La
vie de Jésus-Christ a été eî» jerpéluel bienfait
1. Beda. in Cuten. aur.
2. Id. ibid.
3. UieroD, in Caten. aur
i. liieopbylact,
pour ceux qui en furent les heureux témoins ;
et aujourd'hui encore quel bien ne produit-elle
pas dans l'âme qui eu fait son élude ? Travail-
lons à manifester en nous la vie de Jésus, et,
quand nous arriverons au terme, on pourra
aussi dire de nous : il a bim fdt toutes choses.
L'abbé HER1L4.N,
(jur6 de Festubert,
INSTRUCTIONS FAMILIÈRES
SUR LE SYMBOLE DES APOTRES
(48" lustraotiûn.)
Communion des saints, vérité encourageante pour lesjustei,
avantageuse pour les pécheurs.
Texte. — Credo in... sanclorum communia-
nem. Je crois... à la communion des saints.
EvonDK. — Mes frères, après vous avoir
parlé de la sainte Eglise catholique, nous
allons maintenant vous donner quelques expli-
calions sur la communion des saints, qui en est
la suite indispensable...
Et d'abord, (pi'est-ce que la communion des
saints? — C'est, dit le catéchisme, la communi-
cation des biens spirituels entre les fidèles,
comme membres de l'Eglise... Je voudrais me
servir de termes plus clairs, car j'ai à cœur de
vous faire bien comprendre cette importante
vérité. Répétons ensemble les premiers mots de
cette belle prière que Jésus-Christ nous a ensei-
gnée : Pater noster, « Notre Père. » Nous ne
disons pas mon Père, parce que, comme chré-
tiens, nous sommes tous frères. Mais, comment
sommes-nous tous frères comme chrétiens? Ohl
vos enfants même le savent ; c'est parce que
nous n'avons tous qu'un même Père, qui est
Dieu, une même Mère, qui est l'Eglise, un
même héritage, qui est le ciel... Ainsi, nous ne
formons ensemble qu'une même famille.
Or, voyez ce qui se passe sur la terre, dans
une famille bien organisée. Tout n'est-il pas
comnnm entre les divers membres qui la com-
posent ? Vous êtes le père de plusieurs enfants ;
les uns sont petits, les autres grands ; ceux-«i
peuvent déjà gagner de quoi se noumr et se
vêtir ; les autres n'eu sont pas encore capables.
Mais, quoique les premiers travaillent et que
les seconds jouissent d'un repoi forcé, tous les
différents gains sont cependant réunis en com-
mun. Ce jemie homme se livre aux pénibles
travaux des champs, sa sœur s'occupe de la
couture ; peu imporie, tout entre dans le trésor
commun de la famille... S'ils sont malades, tons
ont droit aux mêmes soins, et tous participent
ensemble à l'aisance qui peut régner au sein de
la famille. Ainsi, mes frères, avec quelques
différences, que nous signalerons plus tard,
tous les membres de l'Eglise ont droit aux
LA SEMAINF DU CLERGÉ
1209
mêmes sacrements ; fous peuvent puiser dans le
trésor influi des méiiles du Jijsus Christ, Irésor
grossi des mérites de la sainte Vierge, de ceux
des saints, et s'auguientant chaque jour des
bonnes œuvres qu'accomplissent les pieuses
âmes qui \iveut sur cette terre...
Proposition. — Ce sujst peut être considéré
sous deux aspects : partiel [mlion des biens spiri-
tuels entre les chrétiens qui vivent sur cetie
terre, et communication de biens, également
spirituels, entre les saints qui sont au ciel, les
fidèles d'ici-bas, et les âmes qui sont au Purga-
toire. Ltans l'instruction suivante, nous parle-
rons de cette dernière communion des saints;
aujourd'hui, nous allons la considérer telle
qu'ell.! existe entie les membres de l'Egli-e
catholique, qui accomplissent encore ici bas le
pèlerinage de la vie.
Division. — Je m'eflorcerai, avec l'aide de
Dieu, de vous faire bien comprendre que cette
participation de biens spirituels est, première-
ment, encourageante pour les justes ; seconde-
ment, avantageuse pour hiS pécheursr
Première partie. — Saini Paul, pour expli-
quer aux lidèles cette communion des saints, se
servait de la comparaison du corps humain ()).
11 y a, en effet, dans notre corps, des mem-
bres dittVrenls qui, tous, par le rôle que la
Providence leur a assigné, contrib\ient à en faire
un tout plein d'harmonie; la même vie les
entretient, le même sang les nourrit ; ils tra-
vaillent, pour ainsi dire, l'un pour l'autre. .. Les
yeux voient, mais ils ne voient pas pour eux
seuls ; les oreilles entendent, mais c'est pour
préserver le corps entier des dangers ({ni pour-
raient le surprendre ; les mains travaillent, mais
c'est pour gagner la nourriture du corps tout
entier; les jambes marchent, c'est pour porter
chacun des membres où il a besoin ; l'estomac
transforme eu un suc vivifiant cette nourriture,
qui entretiendra la force et la sauté dans tout
notre èti-e. Vous le voyez ; bien que chaque
membre ait des fouctious différentes, cependant,
tous sont unis, tous vivent de la même vie, et,
8'il était permis de s'exprimer ainsi, on pourrait
dire que chacun d'eux, en travaillant pour soi,
travaille pour les autres.
Ainsi en est-il des divers membres de l'Eglise,
relativement à la communion des saints. Dieu a
donné à chacun de nous sa vocation ; heureux
sommes-nous, si nous l'avons suivie fidèlement 1 11
y a, dans lecorps del'Eglise, despasteurs.des pré-
lats qui doivent la gouverner, des missionnaires
chargés d'étendre au loin le règne de Jésus-Christ ;
il y a des religieux, des religieuses appelés à soi-
gner les malades ou à instruire les enfants ; il y
a les simples fidèles qui se sanctifient dans une
condition plus hi;ml)lo. Eh bien I tous ont part
aux mérites de chacun. Je vois sainte Thérèse,
agenouillée au pied de l'autel, dans la chapelle
de sou couvent ; elle prie, elle prie encore, ses
larmes coulent en abondance ; que demande-
t-elle?.. Que Dieu bénisse ei. rende fécond le
zèle des missionnaires qui travaillent à la con-
version des inlidèles et des hérétiques. Fran.;ois
Xavier, au fond de l'Inde ; d'autres saints
apôtres au sein de la France et de l'Allemagne
ressentiiMut les effets de la prière deTliérèse, et
Grégoire XV pourra dire que cette vierge, au
Sein de son monastère a, par ses prières, été
l'auxiliaire la plus efficace de tous ces saints
prédicateurs... Et tous les fidèles qui vivaient
alors, avaient pari aussi au mérite des prières de
Thérèse, elle-même participait aux récompenses
méritées par le zèle et les fatigues de ceux qui
travaillaient à éclairer les païens, ou à ramener
les hérétiques dans le sein de la véritable
Eglise...
Nous lisons dans nos Livres saints (1) que,
lorsque Dasid, après une bataille qu'il venait de
gagner, poursuivait ses ennemis, deux cents
soldats, épuisés de lassitude, furent obligés de
s'arrêter; les autres, plus forts, coutiniièrent
leur poursuite et revinrent avec un immense
butin. Ils ne voulaient point parlaj^er avec leurs
compagnons; mais le prirxe ordonna sagement
que tous ceux qui avaient contribué à la victoire,
devaient avoir part au butin. Ainsi, mes frères,
des àuie.< pieuses et ignorées qui, par leurs priè-
res, contrihuent à l'exaltation de la Siiiute Ef;lise,
à ce que Dieu soit plus connu et mieux aimé,
auront part aux récompenses méritées par tels
ou tels fervents serviteurs de Dieu, dont les
œuvres, eu apparence, sont plus héroïques et
plus dignes d éloges. ..
Quel encouragement pour toute âme .simple,
droite et fidèle que cette communion des Suints,
que eeite participation de tous aux méiiles de
chacun ! Je suis obligé de prendre part aux durs
travaux de la campagne ; je n'ai pas le temps
d'as>ist(r à la sainte messe tous les jours, de me
livrera la prière et à l'oraison. Cependant, si je
suis eu état de grâce, je participe à tou- l-s sa-
crifices qiM sont offerts dans l'Lglise, j'ai part au
mérite do toutes les communions que font les
âmes pieustisl... Un malade, qui aurait la foi,
mais une foi éclairée à la communion des Saints,
peut se (lire : « Je ne saurais supporter le jeûne
et les austérités; mais ily adansla saiuie tgfise,
dont je suis membre, des religieux tt es reli-
gieuses cpii jeûnent, qui portent des cilices, qui
fout des mortifications extraordinaires; je parti-
cipe a leurs mérites, car ils sont mes fières, et
nous appaileuons à la même famille. N'y a-t-il
1. Rom. xn-4, I Cotiot. xu-12, Ephe», iV-iSni j)«imb. 1. Livr» de» Roi», sxx-10 et srav.
1210
LA SEMAINE DU CLERGÉ
pas là vr.iîment, mes frères, un grand sujet
d'encouragement pourtous ceux qui sont en état
de Rrûce?...
Seconde partie. J'ai ajouté que si cette parti-
cipation aux liiens spirituels communs entre les
membres de l'Eglise élait encourageante pour
les justes, elle élait aussi très-avantageuse pour
les pécheurs. Voyons comment. Une histoire
tirée de l'Aucien Testament nous servira de com-
paraison.
Dieu déclare à Abrnliam que les crimes de
Sodome s'étant multipliés, il va détruire cette
ville. — Seigneur, dit le patriarche, perdrez-
vous donc l'inuocent avec le coupable ? S'il y a
cinquante justes dans cette ville sera-t-elle épar-
gnée?...— Si Sodome renferme cinquante justes,
répondit le Seigneur, en leur faveur je ferai
grâce à la ville... Abraham, de questions en
questions, descendit jusqu'à dis justes, et Dieu
daigna lui dire, que s'il se trouvait seulement
dix justes dans cette ville coupable, à cause
d'eux iirépargnerail(l)... Voyez, mes frères, dès
ces temps reculés existait une sorte de commu-
nion des Saints, puisque les mérites de dix justes
eussent suffi pour préserver Sodome et ses nom-
breux habiwnls de cette pluie de feu qui les
dévora. Ainsi, et d'une manière plus excellente
encore, dans la sainte Eglise catholique, les pé-
cheurs sont souvent épargnés, parce que chaque
jour au saint sacrifice de la messe on les recom-
mande à la miséricorde de Dieu, parce que les
prières des âmes ferventes désarment pour un
temps la justice de Dieu.
Citons d'autres exemples encore. C'est sainte
Catherine de Sienne, éprise de tendresse pour les
pécheurs; elle voit la justice de Dieu prête à
frapper : « Mon Dieu, s'écrie-t-elle, ce sont des
âmes rachetées au prix de votre sang, daieuez
les épargner; faites tomber sur moi les châti-
ments que vous leur réservez (2). » Acte de cha-
rité sublime, qui rappelle celui de saint Paul,
désirant être auathème pour le salut de ses
frères (3); ou bien encore les sen'iments géné-
reux de iSloise disant familièrement à Dieu :
» Seigneur, épargnez votre peuple ou rayez-moi
du livre de vie (4) m Et le Dieu de miséricorde,
qui ne demande qu'à pardonner, se laisse tou-
cher par ces supplications que lui font ses amis
en faveur des pauvres pécheurs... Que dis-je,
mes frères? il provoque cette intervention de la
part des justes, de la pari de son Eglise en faveur
des cou|iables; il la réclame, il l'exige, en quel-
que sorte, des âmes qu"il daigne combler de ses
faveurs. Voyez-vous, dans un couvent de l'ordre
de Ciieaux, une pauvre religieuse exténuée par
1. Genète, oli. xvnt, vers. 20 et suiv.
2. Voir sa vie.
3. Epil. Hom. ch. IX, v. S.
4. Exoci. cb. x.xxa, T. 32.
le jeûne et les austérités, c'est sainte Lutgarde,
Pendant sept ans, elle a rigoureusement jeûné
pour les pécheurs; Dieu seul s,ut combien
d'âme égarées ont dûleur conversion au.v austé-
rités de cette sainte. Cependant, peu de temps
avant sa mort, Jésus lui ajiparaît. Que va-t-il
réclamer d'elle? Que va-t-il lui dire? Ecoutez.
« Ma tille, bon courage ; le jour approche ou tu
recevras la récompense de tcstravaux. Mais pen-
dant le temps rpii te reste h vivre, je réclame
de toi deux choses : premièrement, beaucoup
de reconnaissance pour toutes les grâces dont je
t'ai comblée; secondement, prie avec le plus de
ferveur possible mon Père éternel pour que les
pécheurs se convertissent (I). »
Vous voyez, mes frères, combien eSv avanta-
geux pour les pécheurs ce dogme de la commu-
nion des Saints... Sans doute, le triste état.dans
lequel ils sont les prive de beaucoup de grâces ;
05 pourrait les comparer à un membre pnralysé,
qui ne reçoit plus l'influence dévie que le cœur
distribue au reste du corps. Mais comme ils n'ont
pas renié la foi, comme ils ne se sont point sépa-
rés de l'Eglise, ces membres paralysés du corps
de Jésus-Christ peuvent revivre encore, si le vice,
qui causait leur triste état, vient à disparaître.
En se mêlant aux autres fidèles pour assister à la
sainte messe, aux prières, aux instructions, les
pécheurs reçoivent de cette union de grands
secours pour les aider à recouvre!' la vie spiri-
tuelle qu'ils ont perdue . A ce titre encore la
communion des Saints est très-avantageuse pour
ceux qui n'ont pas le bonheur d'être en état
de grâce.
Mon Dieu, me suis-je fait bien comprendre?
J'ai dit que les pécheurs tiraient de grands avan-
tages de leur union extérieure avec les justes,
avec les saints, qui vivent dans l'Eglisf, et cela
pour trois raisons : parce qu'ils assistent et par-
ticipent comme les autres lidcles, au moins d'une
manière extérieure, au saint sacrifice de la messe
et aux autres exercices de piété; parce que la
miséricorde de Dieu les recommande tout parti-
culièrement aux prières des saints ; enfin parce
que chaque jour, la sainte Eghse catholique, dont
ils sont devenus les membres par leur baptême,
iutericde pour eux et les recommande comme
des enfants malades à la clémence divine, qui
seule peut les épargner et les guérir.., Ah! pau-
vre pécheur, tu n'y penses pas; peut-être même,
te complaisant dans de criminelles habitudes,
tu t'es dit à toi-même: «J'ai péché et je n'ai
éprouvé aucun mal ; Dieu ne m'a pas puni. »
Sais-tu puur!|Uoi tu as été épargné? Sais-tu
pourquoi le Dieu vengeur, que tu outrages depuis
si longtemps, ne t'a pas foudroyé ? pourquoi il
t'a conservé la vie et accordé le temps de faire pé-
nitence? Eh bien, je vais te le dire. Chaque matin
1 , Voir la vie de cette tainte dam Ribadeneira,
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1211
l'Eglise, ta mère, înfercédait pour toi au saint
sacrifice île l;i nipsse ; puis, au moment où tu te
livrais sau'^ remords à tes folles passions, il y
avait peut-être dans quelque couvent ignoré une
ème généreuse, que tu ne connaîtras que dans
l'éternité, qui offrait à Dieu ses austérités et ses
disciplines pour ton salut et ta conservation...
Mais, frères bien aimés,n'oublionspasquela pa-
tience de Dieu a des bornes et, pauvres pécheurs,
n'abusons pas plus lonnlem[is de ces avantages
que nous otlVela communiou des Saints; hàtons-
nous, au contraire, d'en profiter, en revenant à
Dieu de tout notre cœur et dans toute la sincé-
rité de notre âme...
Péroraison. — Frères bien aimés, ce n'est
pas seulement aux justes et aux pécheurs pris
isolément que profite la communion des Saints,
c'est à la société tout entière . Nous lisons
dans de pieux auteurs, (pie Dieu irrité se dispo-
sait autrefois à punir les crimes de la terre par
des châtiments inouïs, quand la sainte Vierge lui
présenta saint François d'Assise et saint Domi-
nique comme médiateurs entre lui et les
pécheurs (I). En effet, ces deux saints, par les
ordres religieux qu'ils fondèrent, firent fleurir la
vertu et la [liété où réguaicnt autrefois le vice
et la corruption. El de nos jours, mes frères,
où l'impiété s'affiche avec tant d'insolence, où
règne l'oubli des devoirs les plus élémentaires
de notre sainte religion, croj-ez-vous que ces
blasphèmes, !-i fréquemment réjiélés, cette pro-
fanation [iul)lique et scandaleuse du saint jour
du dimanche, ne sont pas capables d'attirer sur
nos villages, sur notre société tout entière la
malédiction du Très-Haut et les châtiments les
plus terribles...
Un jour, un roi deBabylone, qui avait comblé
la mesure de ses crimes, vit une niaiu mysté-
rieuse écrire sur la muraille trois mots qui signi-
fiaient : « J'.ii compté tes jours, je les ai pesés,
c'est fini, ton royaume sera transmis à un aulre.»
Et peu d'heures après, ce prince impie ex[iirait
sous le glaive (2). lime semble voir le Dieu tout
puissant, si méconnu de nos jours, écrire aussi
ces trois mois : « Vous abusez du temps que je
vous douue, vous ne faites que des œuvres mau-
vaises ; eh bien, c'est fini, ma colère va verser
sur vous ses fléaux. » Et cependant non. Qui
donc retient votre bras, ô Dieu trois fois saint ?
Ah 1 il y a à la tète de 1 Eglise un saint Pontife,
3ui, sans cesse, intercède pour ses enfants; il y a
ans le sein de l'Eglise un bon nombre d'âmes
ferventes, des religieux et des religieuses, fidèles
observateurs des règles de leur ordre, qui, jour
et nuit, lèvent leurs mains vers le ciel pour
demander pardon et miséricorde... Voilà, mes
Irères, ce iiui relient le bras de Dieu ; voilà les
1. Conf. }. Marcliant, Horliu /(uiorum,
2. Daii. V, 25.
véritables paratonnerres qui arrêtent la foudre
suspendue sur nos tel es. Oui, frères bien aimés,
la communion des saints est utile à nos sociétés
comme elle est avantageuse pour chacun de nous.
Bénissons donc le Seigneur de nous avoir appe-
lés à participer à tous ces avantages, et deman-
dons lui la grâce de nous en montrer digues.
Ainsi soit-il.
L'abbé Lobry,
Curé de Vauchassis.
ACTES OFFICIELS DU SAINT-SIÈGE
CONGRÉGATION DES RITE3
Réponse sur les messes de Noël.
LUCERIANA.
Rmus D. Joseph M' Colellessa Episcopus
Lucerinus a Sacra Riluuin CoiigreRatiMue de-
clarare petiit : Ulrum Sicerdos possilduis tantum
Missas celebrare in die IS'aiivitalis Dnmini Aosiri
Jesu Christi ; sitiuiilem cum privilegio ter
celebrandi eadem die leproesentet My.-;teiium
Generaliouis seternsB, temporali.'^ et per gratiam
in anima jusli, id non videtur signilieari si ia
praedicta festivitate du« tantum celebrentur
Missae.
Sacra vero Congregalio, audita relatione ab
infrascriplo Secrelario fada, re mature accura-
teque perpensa, rescribere rata est : Affirmative,
seu Sacerdotem passe pro suo arbùno in die
J\iativi(alis Domini duas tantum Missas celebrare;
alque ita declaravit die 19 junii 1875.
G, Epus Ostien, et Velit. Gard. Patrizi,
S. /{. C. Prœfectus.
Plac. Ralli, 5. R. C. Secrelarius.
Loco tSigilli.
LITURGIE
BÈGLES A SUIVRE DANS LE CULTE
DES SAINTES RELIQUES.
(10« article.)
VU. — Relques dans les autels.
1" Le sacrifice de la croix sera renouvelé et
continué dans l'Eglise jusqu'à la fin «les temps
par le sacrifice de la messe ; Jésus-Christ, notre
Sauveur, a voulu rester à l'état de victime, bien
que sa première immolation eût pleinement
payé notre dette et opéré notre rachat. Dans le
ciel même, il conserve cette attitude et demeure
dans celle condition devant le trône de la Ma-
jesté divine. C'est ainsi qu'il s'offrit à saint
Jean dans l'extase de Patmos : Et je vis, devant
le milieu du trône, entre les quatre animaux et au
mt
LA SEMAINE DU CLEUGÉ
milieu des vieilla>-ds, l'Agneau qui se tenait la
comme tué (I). Et ies vingt-quatrs ineillnrds tom-
bèrent jjrosternis devant l'Agneau, et ils chan-
taient un cantique nouveau, disant: T'oui êtes
digne, Seigneur, de prendre le livre et d'en ouvrir
les sceaux', parce que vous avez été tué et que vous
nous avez rachetés à Dieu par votre sang (2). L'A-
gneau victime a pour trône un autel. Et lois-
qu'il eut ouvert le cinquième sceau, poursuit saint
Jean, je vis sous l'autel les âmes de ceux gui
furent tués à cause du Verbe de Dieu et du témoi-
gnage qu'ils lui rendaient (3). L'Eglise militante
est une préparation et, par conséquent, une
image de l'Eglise triompliante. Elle a voulu que
l'autel où, tous les jours, elle oflYe mystique-
ment et très-réellement en sacrifice l'Agneau de
Dieu qui efface les péchés du monde, res-emblàt
à l'autel du ciel. Au ciel, les âmes dor, martyrs
sont sous l'autel de l'Agneau, l'Eglise de la
terre, qui ne possède que Lurs corps, les placera
pareillement sous l'autel du sacrifice eucharis-
tique, parce qu'ils se sont immolés aussi eux-
mêmes volontairement pour lui, et qu'ils ne
doivent pas en être séparés, et si des reliques
d'autres saints sont unies à cette place aux
restes des martyrs proprement dits, qui don-
nèrent n Jésus-Christ le suprême témoif^nage da
sang, c'est parce (jue le chrétien ne peut arriver
à la sainteté sans se soumettre au moins au sa-
crifice non sanglant, sans s'immoler par le
renoncement et la pénitence, sans devenir par
là aussi le témoin du Christ.
Telle est la grande raison pour laquelle l'E-
glise dépose avec des cérémonies très-expres-
sives et des prières spéciales des reliques de
saints dans tous les autels qu'elle consacre, dé-
fendant d'oiiVir le sacrifice de la messe sur ceux
qui en seraient dépourvus.
Cet usage, devenu une règle invariable, a
pris naissance dans l'Eglise romaine et remonte
à une très-haute antiquité. Il en faut reporter
l'origine jusqu'aux catacombes; non-seulement
les tidèles se réiuiissaient dans ces souterrains
sacrés, pour y célébrer les saints mystères dans
la compagnie des martyrs qui les avaient pré-
cédés dans la coniession de la foi chrétienne,
afin de puiser dans leurs exemples un semblable
courage ; mais le saint sacrifice était oflert sur
les tombe;, x des plus illustres, et on voit en-
core aujourd'hui de ces anciens autels cons-
truits simplement dans une excavation sur les
sépultures de quelques témoins de Jésus-Christ.
Lorsque Constantin eut doiuié la paix à l'E-
glise, des basiliques furent élevées de toutes
parts, et le culte chrélien put être exercé au
graud jour. Les édiâccs dédiés aux martyrs,
1. Apoc, V., 6.
2. Ibid., 8 et 9.
3. Ibid., VI, 9.
dont les corps y reposaient, cfaieut appelés
Martyria. Mais il ne suffisait pas que ces temples
fussent enrichis de ces corps renfermés d:ins des
tombeaux ; pour continuer l'usage adopté dans
les catacombes, il fut statué que des reliques
(les martyrs seraient insérées dans les autels.
Anastase le Bibliothécaire cite un décret du
pape saint Félix l*', promu au souverain ponti-
ficat en 269, qui ordonna, dit cet historien, « de
célébrer les messes sur les tombeaux en mé-
moire des martyrs. » Au iv° siècle, le poète
Prudence, après avoir fait la description du lieu
où reposait le corps de saint Hippolyte, indique
très-nettement, dans les vers suivants, que ce
corps était renfermé dans l'autel même.
Talibus Ilippolyti corpus mandatur opertis,
Propter ubi appo?ita pst aia dicat i Doo.
Illa suTaniéuti donatris mensa, eademque
Custos tida sui Mariyris, apposita,
Serval ad œlerni spem judicis ossa sepulchro,
Pascit item sanclis Tibricolas dapibiis.
Dans son hymne v° consacrée au martyr saint
Viuceut, le même auteur dit:
Sed mox subaclis liostibus,
Jam l'd.' e justis reddita,
Altar q'iielRm debilam
PrEeslat beatis 03-ibiis.
Subjecta nam facrario,
Imamque ad aram condila,
Cœlestis auram Miiinuris
Perfusi subter hauiiuiit.
Saint Paulin de Noie écrivait, à la même
époque, les vers suivants dans sou ix" poème
natal sur saint Félix.
Spectant de suneris altaria tota fenestris,
Siib quibus intus habcnt sanctorum corpora sedem.
Namque et Apostulici cineres sub cœlite menia
Depositi, placitum Christo spirantis odorein
Pulveris iuler saQcla sacri libamina rcddunt.
Saint Ambroise dit, dans sa lettre xxii, à sa
sœur Marcelline : « Comme je me préparais à
faire la dédicace de la basilique, la multitude
des fidèles m'interpella comme d'une voix, en
disant: « Dédiez-là à la manière des basiliques
« romaines. » « Je le ferai, répondis-je, si je
« trouve des reliques de martyrs. » C'est à cette
occasion que le gr.iud évèque découvrit, par
une révélation divine, les reliques des saints
martyrs Gervais et l'rotais. La demande adres-
sée à saint Ambroise par le peuple démontre
que la coutume de mettre des reliques dans les
autels existait alors à Rome, où sans doute elle
n'était pas une chose nouvelle.
Cette règle était obsi>rvée aussi dans les
autres églises d'Occident. On en trouve la
preuve dans la leltre xu de saint Paulin et
dans les actes du cinquième concile de Car-
tilage. Le treizième canon de ce coucile est
i^i Ululé : De basilicis quœ sine martyrum reli'
LA SEMAINE DU CLEUGE
1213
çuiis dedicafœ sunt. Il prescrit la mesure sui-
vante, qui, par sa sévérité, démontre péremp-
toiremeut l'existence de la loi : « On renversera,
s'il est possible, les autels érigés ça et là dans
la campagne ou sur les chemins à litre de nié-
moires des martyrs, si l'on constate qu'aucun
corps ou aucune relique de martyrs n'y ont été
renfermés par les évèques qui ont juridiction
sur ces territoires. »
L'Eglise grecque observait la même loi. Nous
en avons une preuve dans îes actes du second
concile de Nicée. septii'me général, assemblé
en 787, qui fil le décret suivant contre les ico-
noclastes : n De même qu'ils ont supprima
dans les églises le culte des images vénérables,
ils ont a\issi abandonné quelques autres cou-
tumes, qu'il faut rétablir el remettre en vi-
gueur, conformément à la législation écrite et
non écrite. Nous statuons donc que l'on placera
des ri liqui'S, avec la prière accoutuiuée, dans
tous les lemjdcs véiiéiables qui ont éle con-
sacrés sans qu'on y ait rais des reliques des
martyrs, n Le concile ajoute que si, posté-
rieurement à la promulgation de ce canon,
« il se trouve un évéque tjui consacre un
temple sans y placer de reliques, on le dépo-
sera, comme traiisgre?seur des traditions ecclé-
siasli([ues. » Les termes mêmes de ce canon
nous fout voir clairement qu'il s'agit d'une
loi positive, obligatoire, consacrée par la tra-
dition, et, par cons('quent, introduite depuis
longtemps en Orient. Il ne s'agit pas ici ,
évidemment , de relii[ues qui devaient être
conser\ées dans les églises, pour être exposées
à la vénération des lidrles; mais les reliipies
des martyrs soûl décbirées nécc-saires pour la
consécration des édifices destinés au culte
divin. l>es reliques ne pouvaient être insérées
que dans les autels, comme il se pratiquait en
Occident. Cette couc iisiou, déjà éviden.te par
elle-même, est tonliruiée par le témoignage
très-eiplicite de Suzomoue, qui au milieu du
cinquième sircle, laïqxjrtait que saiut Zenon,
évèqui! de Gaza, en l'alesliue, « construisit une
église, dans laquelle s'éiigea un autel où il mit
des reliques de martyrs (I). »
A ce témoignage , nous pouvons joindre
celui de Paul, diace, qui dans ses Mélanges
d'histoire, liv. XVI , ch. xxiv , mentionne la
dédicace de la basilique des Saints Aiôties, qui
eut lieu sous le règne de Ju^tinien. Il dit : n On
fit l'inauguration dis Saints-Apotres à Constan-
tinople, et on y reuferma les reliques des saints
apôtres André , Lue et TimoUr e. L'évêquc
Menas traversa la ville avec les reliques sacrées,
assis sur le cbar d'or de l'eraperi'ur orné de
pierres précieuses, el tenant eu ses mains les
ciiàsses des saints a[)otres ; et il célébra ainsi
la SczoïD., nui. lib. VIII, cap. vui.
cette inauguration. » Nous trouvons dans ce
bref récit , d'abord la translation solennelle
des reliques , qui se fait encore aujourd'hui
d'après le Pontifical, ensuite l'insertion des
reliques, qui ne peut ère faite que dans l'autel
même, puisqu'elbs furent, non pas exposées,
mais renfermées. D'ailleurs, s'il restait encore
le moindre doute sur le sens de ces paroles
prises isolément, il suffirait de les rapprocher
du texte de Sozomème, pour en dissiper l'obscu-
l'ité.
De même que, primitivement, les martyrs
avaient seuls le privilège des honneurs publics
et d'une fête sokiunelle, ainsi, à l'origine de la
coutume dout nous parlons, les r.'hques placées
daiis les autels n'étaient que des corps ou des
portions de corps des martyrs. Toutefois,
comme la sainteté n'a pas absolument besoin,
pour arriver à sa perfection, d'être consommée
et scellée par le témoignage du sang, l'Egfise en
vint à acc^jrder la canonisation à de simples
confesseurs de qui Dieu n'avait pas exigé le
sacritice suprême de leur vie en signe de leur
fidélité. Ce titre de confesseurs qui leur fut
donné, et qui a essseuliellement la même sigui-
ficiitiou que le nom de martyr, inditpiait qu'elle
les considérait aussi comme ayant été, dans la
forme >i le degré que comportait la pusition
que la l'rovideuce leur avait ménagie , les té-
moins du Seiiiueur. Une lois leur sainteté cons-
tatée, il était rationnel que, tout en les mettant
dans un ordre intérieur à celui où étaient placés
les martyrs, on leur rendit des honneurs ana-
logues et même semblables. Ainsi on ne tiirda
pas à leur dédier des églises. Théoiloreten men-
tionne une qui fut construite dans de grandes
proportions au lieu où avait demeuré le moine
Zébinas (1). Soziim'ue, après avoir raconté que
le uioiui; saiut Nihiumou, demanda à Dieu et
obtint de mourir pour se soustraire à la charge
épisi-opale, a, ouïe : « Les habitants du pavs
cle\èreut un temple sur son tombeau (2). » l'iU"
voie de eoiisé pieme, ou eu vint à associer bis
reliques des tontesseuis à celles des martyrs
dans les autels, et on en trouve d'assez nom-
breux exemples. TouUl'ois , les rebques dos
martyrs ont toujours été prélétées, lorsqu'on
pouvait s'en procurer, et il n i-st arrivé que
rarement que celles des autres saints aient été
employées seules. Le texte de ï Apocalxjpse où
les âmes de ceux qui furent tués a cause du
Verbe de Dieu, nous sout repi-ésentées sous
l'autel de l'Agneau, semble motiver et justifier
cette piélérei;ce, et c'est pour cela que, dans Li
brève loi mule du procès-verbal ipu doit accom-
pagner les reliques déposées dans l'autel, et qui
i. llisloria re/i'fliosa. cap. xxiv.
2. De Qlorla muiijrum, lib. Il, cap. X.tXIT,
LA SEMAINE DU CLERGÉ
121 i
se trouve dans le Pontifical, il n'est fait mention
que des reliques de deux martyrs.
En Uaitanl des reliques en général, nous
avons vu que, dès les premiers temps de l'Eglise,
on considérait comme reliques, non-seulement
les corps et les fragments des membres des
saints, mais aussi les"cboses qui avaient été à
leur usage, les suaires extraits de leurs tom-
beauXj et même les linges ou draperies dont
leurs sépulcres avaient été recouverts. Ces divers
objets lurent donc Ir.iuvés Ijons pour être in-
sérés dans les autels et y tenir lieu de reliques.
C'est aiusi que saint Grégoire de Tours raconte
que, lorsqu'il fit la dédicace de l'église de Sauit-
Julien, dans sa ville épiscopale, il ne mit pas
d'autre relique dans l'autel que des-franges du
linge ou dirap qui couvrait le tombeau du saint
martyr (.3). Parlant plus loin de la basilique de
Saiut-Julen, construite par l'abbé Adrien, il
dit : « Le pontife qui vint faire la dédicace de
cet édifice ne voulut renfermer comme relique
dans le saint autel autre choie qu'un petit vase
dont l'eau avait été changée en baume, et il
disait : « Voilà des reliques certaines, que le
saint martyr nous a révélées avec éclat par ses
vertus célestes A). » Le même auteur dit encore
qu'il employa au même usage, dans une autie
circonstance, des lils tirés d'un suaire qui avait
été mis sur le visage de saint Nizier, évèque de
Lyon, le jour de .'a mort (o). 11 est vraisem-
blable que saint Grégoire de Tours ne fit pas
cela sans s'y croire autorisé par des exemples an-
térieurs, et que cet usage se conserva encore
après lui, au moins dans les cas où les autres
reliques faisaient d'faut.
Le bois de la vraie Croix fut rangé, dès une
époque très-reculée, parmi les reliques que l'on
pouvait insérer dans les autels. Saint Pa\iliu de
Noie, répondant à un évè.juc ijui lui avait
demandé des reliques à cet etlet, lui exprimait
son regret de n'en poiut avoir à lui donner,
mais lui annouçiit qu'il lui envoyait une par-
celle d'un fragment de la croix de Notre -Sei-
gneur, qu'il tenait .le sainte Mélauie, laquelle
l'avait rapporté de Rome. Les reliques des an-
tres instruments de la Passion devaient être
admises au même litre. Une inscription, placée
dans l'antique église de Sainte-Marie ou Notre-
Dame de Vérone, donnait le détail des nom-
breuses reliques qui furent mises dans l'autel
majeur, consacré par le [ape Alexandre 111, en
1177. Voici cette én\imération : '( Du sang de
Notre-Seigneur Jésus-C.hrist ; de la couronne
d'épines ; du bois de la sainte croix ; de la lance
de Longin ; des lang-'s de Notre-Seigneur ; des
cheveux des vêlements et du voile de la bieu-
3. Ibid, cap. XL.
4. Vit i l'airum, cap. vilt»
i. Uisi, eccles., cap, XIX.
lieureuse Vierge Marie ; de la table de pierre sur
laquelle Jésus-Christ fit la cène avec ses disciples;
des trois mages, Gaspard, Ballkisar et Melchior ;
de saint Jean-Baptiste; des saints apôtres Pierre
et Paul, André, Jacques, Thomas, Barthélemi,
Simon, Thadée et Barnabe ; de saint Martin,
évèque et confesseur ; de saint Martin, pape et
martyr, o
Anciennement, on ne se contentait pas, à
Rome et dans tout l'Occident, de mettre des
reliques des saints dans les autels consacrés au
jour de la dédicace des églises; on y renfermait
encore trois parcelles de la sainte Eucharistie et
trois grains d'encens. Cette céiéinonie est pres-
crite dans des livres lilurgiques anciens et mo-
dernes. Dans un pontifical d'Egbert, archevêque
d'York, du commencement du huitième siècle, et
dans un autre pontifical venu d'Augb terre et
que l'on conservait autrefois dans l'abbaye de
Jumiéges, se lit la rubrique suivante: « Le pon-
tife met ensuite trois parcelles du corps du Sei-
gneur dans la confession de l'autel, puis trois
grains d'encens, et on y renferme les reli.jues. »
La même prescription se trouve dans les pfin-
tificaux de Nolre-Uame de lîeims et de Noyon,
du neuvième siècle, de Saiui-Lucien de Bauvais,
du dixième siècle, dans celui d'ilalinard, ar-
chevêque de Lyon, de la même époque, dans
celui de Salisbury, du onzième siècle, dans celui
de Saint-Remi de Reims, du douzième siècle,
dans un autre de Noyon, du treizième siècle.
Ce rite fut l'objet d'un canon spécial du concile
de Celchyte, en Angleterre, tenu en 8IG. En
voici la teneur ; « Lorsque l'on construit une
église, la consécration en doit être faite par le
propre évè.pie du diocèse. 11 fera lui-même la
bénédiction et l'aspersion de l'eau et achèvera
la céiémonie en suivant l'ordre marqué dans le
livre, minùlcriel. Ensuite, rEucharislie, consa-
créi' p,.r l'évè jue dans la même fonction, sera
renfermée dans une capsule avec les reliques^
pour être conservée dans la même basilique.
S'il ne peut pas y introduire d'autres reliques,
l'Eucharistie suffira très bien, parce que c'est le
corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. » Le Pontifical de Durand de Mende,
tant dans l'exemplaire connu par Dom Martène,
et qui était à l'usage de l'ivèque de Cbàlons-
sur-Marne, que dans celui de la bibliothèque
valicaiie, porte aussi cette rubrique : « A défaut
dereliques, lévêque y melle corps du Seigneur.»
Cet auteur n'a fait que rappeler la règle alors
en vi.;ueur et qu'il avait observée lui même
lorsqu il a écrit dans son Rutional des divins
offices, liv. 1, ch. VII, num. 23. « La consécra-
tion d'un autel fixe et aus?i celle d'un autel de
voyage ou portatif, ne se fait pas sans qu'on y
renlerme des reliques drs sjinls, ou, lorsqu'on
ne peut eu avoir dans le lieu où l'on se trouve, le
LA SEMAINE DU CLERGE
1215
corps du Christ. » Enfin, au quatorzième siècle
cet usage subsistait encore, témoin le pontifical
de Lyon que Dom Martène a signalé comme
appartenant à cette époque. On y lisait : « Le
soir d'avant le jour de la dédicace, le pontife
prépaiera les reliques destinées à être reufcr-
mccs dans l'autel qu'il doit consacrer, les met-
tant dans un vase décent et propre de verre,
d'airain ou d'une autre matière, avec trois grains
d'encens, ou, à défaut île reliques, il y mettra
le corps du Seigneur. Il y introduira également
un parchemin écrit en forts caractères et indi-
quant quelles reli(ines y sont déposées, en l'hon-
neur et sous le vocable de quel saint l'église et
l'autel sont dédiés, le nom du consécrateur,
l'indulgence qu'il accorde pour le jour anniver-
saire de la d''dicuce, ainsi que l'année, le mois
et le jour de la d-dicace, et il scellera soigneu-
sement ce vase. »
Catalani, qui nous a fourni en grande partie
ces renseignements, croit avoir trouvé la raison
de cette pratique dans des textes des saints pcres
qu'il rapporte. Ainsi, Optât de Milève, voulant
donner une sorte de définition de l'autel, dit :
(I Qu'est-ce que l'autel, sinon le trône du cor[)S
«t du sang du Seigneur'? (I) « Saint Jean-Chry-
sostome nous montre en ([uoi consiste sa sain-
teté : « L'aiiti'l, dilil, est par sa nature une
pierre, et il devient saint, parce qu'il reçoit V;
corps du Christ (2). » On peut encore ajouter
cette parole d'ilésychius : « L'autel est un lieu
saint; car c'est là que lepose le cor[)S du saint
des saints (3).» Nous avouons, malgré notre res-
pect pour le docte auteur, que ces passages ne
uous paraissent nullement devoir être inter-
prétés dans ce sens restreint. Les docteurs cités
ont évidemment en vue la célébration du saint
sacrifice, qui rend l'autel si vénérable, et en vue
duquel se fait la consécration prescrite par
l'Eglise. La sainteté <le celte grande fonction
rend saint le principal instrument de l'immola-
tion de la divine victime; voilà tout ce qui res-
sort pour nous de ces textes, et nous ne voyons
pas qu'ils aient pu suggérer 1 idée de mettre la
sainte Eucbarislie dans l'autel même sur lequel
est offert le sacrilice eucharisti.iue. Nous avons
indiqué, eu commentant, la raison mystique
et élevée pour laquelle l'Eglise a prescrit de
mettre dans l'autel, lors de la consécration, des
reliques de martyrs, aiin que l'autel de la terre
ressemble à celui du ciul, tel que le vit saint
Jean. Les âmes de ces témoins de l'Agneau
sont sous l'autel où l'Agneau demeure comme
immolé dans le ciel; il était convenable que
leurs corps, ce qui nous reste d'eux, iussuut
placés, au moins eu partie, sous l'autel d'ici-
1. Contra Panncnianum, lib. VI.
2. Ilomil. x.t in Eiiisl. u ad Corinlh,
3. Lib, II m Leiitticum,
bas , OÙ l'Agneau est tous les jours réellement
immolé. Ainsi se trouve symbolisée leur union
avec Celui à qui ils ont <lonné leur sang et
leur vie en témoignage de leur amour. On aura
voulu, sans doute, compléter cette idée et ce
symbole, enrenfirmant ensemble, dans l'autel,
le corps même de l'Agneau et quelquesfragmeuts
des corps de ses martyrs, pour exprimer d'une
manière plus sensible leur union et reproduire
plus parfaitement le type apocalyptique.
Remarquons, d'ailleurs, que la pratique a
Tarie à cet égard. D'après les plus ancii^ns
pontificaux que nous avons cités, la sainte
Eucharistie devait être renfermée dans les au-
tels avec les reliques, telle était la règle ; ensuite
les fragments d'hostie consacrée n'y furent mis
qu'à défaut de reliques de saints, c'est ce qui
ressort des textes les plus récents ci-dessus
reproduits. Celte coutume fiait par disparaître,
et ce ne fut pas sans que l'autorité ecclésias-
tique se prononçât sur ce point. Henri de Suze,
cardinal et évèque d'OstiCj qui est souvent cité
sous le nom d Ostiensis, de celui de son titre,
dit, dans sa. Somme dorée, publiée versl'an 1253,
qu'il cousulta sur cette question le pape Inno-
cent IV, par l'ordre duquel il composa cet ou-
vrage. Le pontife, après avoir pris l'avis de ses
théologiens, répondit qu'il n'était pas conve-
nable de renfeimer ainsi le corps du Seigneur
dans les autels. Les autres cauonisles qui vin-
rent ensuite professèrent le même sentiment
daui leurs commentaires sur le chapitre i de la
troisième partie du liécret de Cralien, intitulée
Deconsecraiione.'ïéilvLi l'avis, en particulier,
du cardinal Terrecremata et d'Antoine de Pa-
lerme, communément appelé le Punorrnitain,
qui écrivaient, le premier à la fin du «juator-
zième siècle, et le second dans le cours du
quinzième siècle. Ce derni'T motive sa décision
par ci:lte raison, « que le corps de Jésus-Christ
est la nourriture de l'âme, (jui ne doit être con-
servée que pour le brsoindes malades et pour la
réfection spirituelle de ceux qui sont eu santé. »
Il aurait pu ajouter encore que la sainte Eucha-
ristie,créée par la vertu toute-puissante de la pa-
role de Jésus-Christ, peut bien être consommée
par l'usage qu'en font les fidèles dans la commu-
nion, puisqui; c'est là la fin principale eldirectedu
sacrement, mais qu'elle doit être soustraite à la
corri:ption proprement dite, qui en serait la
profanation . Or, il est certain que les saintes
espèces renfermées dans la pierre de l'autel n'y
pourraient demeurer longtemps sans être alté-
rées et dénaturées. C'est sans doute pour cette
raison, autant que pour celle qu'allègue le Pa-
normitain, que cet usage, bien qu'il ait persé-
véré en beaucoup de lieux jusqu'au quinzième
siècle, finit par être complètement abandonné.
Le respect dû à l'auguste sacrement prévalut
121C
LA SEMAINE DTJ CLERGÉ
surlacoiisicléralîon mystique qui avait fait éta-
blir cetto coutume.
(A suivre). P.-F. ÉCAILe.
Professeur de théologie.
HEJÉNEUTIQUE BIBLIQUE
Première partie. — De la recherche du sens.
La Bible est un livre à lafoisliuniainetcliTJn.
En tant qu'elle est un livre humain, ceux qui
l'ont écrite ont dû se servir, pour exprimer
leurs pensées, delà manière de parler en usage
parmi les hommes de leur nation et de leur
temps. Eu tant qu'elle est un livre divin, qu'elle
a été écrite sous l'inspiration, elle a, dans nne
certaine mesure, subi l'influence et reçu la di-
rection de l'Esprit-Saint. L'interprète biblique,
avons-nous dit, tiendra compte de ce double
caractère; il aura égard, dans la recherche du
sens, et aux lois générales de l'heiméneutique,
et aux lois particulières propres à la sainte
Ecriture. La première partie de noire tiailé
d'herméneutique se divise dcnc naturellement
en deux grandes sections, dont la première aura
pour titre : J):' la recherche du sens, au moyen
des lois générales appliquées à la sainte Ecriture ;
et la seconde : De ta recherche du sens au moyen
des lois (Tinlerp) étuticn particulièi'es à la suinte
Ecriture.
SECTION L
De la recherche du sens au moyen des lois
générales d'interprétation appliquées à la
sainte écriture.
Tout lansage humain, qu'il soit proféré par
les lèvres ou conlié à l'écriture, se compose de
deux éléments, de mots, qui sont les signes de
la pensée, et des pensées elles-mêmes, qui sont
les choses signiliérs par les mots. Tels sont les
deux éléments ipi'il faul considérer pour com-
prendre un discours, un livre quelconque.
En ce qui ret;arde le premier, tout le monde
sait que les hommes communiquent leurs pen-
sées et leurs sentiments au moyen de mots qui,
en vertu de l'association des idées, éveillent
dans l'esprit des autres les mêmes pensées et
les mêmes impressions. Cet effet, se produisant
toujours dans les circonstances ordinaires, nous
en concluons justement qu'il existe un lien,
natarel ou arbitraire, néi'essaire ou factice, il
n'importe, entre les mots et les idées qu'ils
font naître. Ce rapport entre les mots el les
idées, sur lequel repose le commerce intellec-
tuel des hommes entre eux, s'appelle la mani»'::c
de parler, Yusnge de la lingue, usus loqnendi. Et,
comme tout éci-ivaiu raisonnable, par là même
qu'il veut être entendu de ses contemporains,
doit attacher aux mots qu'il emploie les signi-
licMtious consacrées par l'usage de sa nation et
de son temps, il s'ensuit que la connaissance de
la manière de parler des lecteurs pour lesquels
un auteur a écrit est non-seulement la pre-
mière de toutes les coudilions requises pour
comprendre son livre, mais encore la loi su-
prême de l'herméneutique générale. L'auteur,
en effet, voulant être entendu, n'a tenu ni pu
tenir uu langage étranger à celui de ses lec-
teurs; il n'a voulu et pu leur communiquer que
des choses intelligibles pour quiconque n'ignore
pas Yusage de la langue.
Toutefois Vusage de la langue n'est pas le seul
principe qui doit guider dans la recherche du
sens, et pour ainsi dire le seul arbitre qui dé-
cide tout en souverain. Il fait connaître, il est
vrai, les idées exprimées par les mots et les
locutions. Mais ces idées, nous l'avons u:ontré
ailleurs (1), sont souvent multiples et vagues,
d'une compréhension floUunte et mal définie, de
telle sorte qne les mots ne nous offrent que des
signes imparfaits à beaucoup d'égards. L'inter-
prète devra donc considérer en outre les choses
signifiées, c'est-à-dire les pensées que l'auteur a
eu en vue d'exprimer par les mots. Les lois aux-
quelles sont soumises les opérations de l'esprit
humain lui fourniront lànsi uu nouveau se-
cours pour découvrir le sens, une nouvelle
lumière pour dissiper l'incertitude et fixer le
vague des expressions. Comme son but e^t de
tirer de l'auteur à expliquer les notions qi-e
celui-ci a mises dans son livre, il se substi-
tuera, en quelque sorte, à sa place ; franchis-
sant l'espace et le temps, il se fera son conci-
toyen et son contemporain ; il se i énétrera de
ses idées, de ses aspirations et de ses tendances ;
il évoquera, dans son propre esprit, la séiie des
pensées que l'écrivain avait con(^ues dans le
sien. Les lois universelles qui président à la for-
mation et à l'association des idées, qu'elles :;ient
pour objet la nature môme des opérations de
l'âme, on qu'elles se rapportent aux circons-
tances au sein desquelles vit l'individu, sont
donc la seconde comlitiou de la recherche du
sens. C'est elle qui éclarrcira et précisera le
sens des mote dont Vusage de la langue aura fait
connaître la signification générale ; qui révé-
lera, lorsqu'un terme est su-ceptible de plu-
sieurs acceptions, ceSe qui était présente à l'es-
prit de l'auteur ; qui assignera aussi la valeur
exacte et la juste extendon qu'il faut donner à
la pensée.
En résumé, nous traiterons, dans la pre-
mière partie de rherméneutique, de la recher-
che du sens de l'Ecriture :
1. Voy. Semaine du Clergé, 5 fcvr. 1S75, p. 434 et suiv^
LA SEMAINE DU CLERGÉ
tMT
V Par manière Je parler, ou l'usage de la
langue ;
2° Par les lois universelles de la pensée.
Comme la rompuraùon des lieux parallèles
fournil un auxiliaire des plus utiles dans la re-
cherche du sens, un troisième chapitre sur ce
sujet com|)létera, sous furine d'appendice, cha-
cun des deux premiers (I).
Avant d'aborder ces divers chapitres, nous
poserons, à l'exeinplc* de nos grands exégètes
catholiques, et spécialemeut de Coru. de La-
pierre, quelques canons généraux qui dominent
toute la matière.
I. Toute signifii-alion qui répudie clairemMit
et certainement à l'usage de la langue ou aux
lois universelles de la pensée, no saurait cons-
tituer le sens de l'auteur, et doit être rejetée
comme fausse.
II. Toute siguiîicntinn qui s'accorde avec l'u-
sage de la langue et avec les lois universelles de
la pensée peut constituer, mais ne conslitiie
pas nécessairement, le sens de l'auteur. Car plu-
sieurs significations peuvent convenir à un seul
et même passage, et l'écrivain n'a voulu en
communiquer qu'une seule à ses lecteurs.
m. Si une siguiticalion unique s'accordi; avec
l'usage de la langue et avec les lois univL-rsclli'S
delà pensée, elle constitue, sans aucun doiil'-, le
sens de l'auteur. Si cet accord exclusif n'es! ptjs
clairement constaté, l'interprètre devra se con-
tenter d'une probabilité plus ou moins grande (2).
I.
DE LA HECnEncnE DU SENS PAR L'USAGB
DE L4. UNGUE.
Après avoir donné quelques notions sur l'u"
sage de la langue considéré en lui-même et sur
les moyens de lo constater, nous ferons l'appli-
1. Oacltuies auteurs divisent un peu autrement la pre-
mière seciion de rherméneuti(|ue consacrée à ia recherche
du sens au moyen des lois universelles d'interprétation :
ils ramènent tout à Vinttrprétalitmyrammaiicale et à J'in^er-
f relation historique, comprenant, dans la première, rusa;;e
de la langue elle contexte; dans la seconde, les diverses
circonstances de temps, de lieu et de personnes qui inté"
ressent l'explication du livre. Mais, comme Vliistoire doit
apporter aussi son témoignante pour affirmer l'nsagede la
langue, et la deuxième partie rentrant ainsi dans la pre-
mière, cette division nous paraît lécher contre la logiiue,
2, C'est ce nue nous trouvons équivalemment uana
l'Encyclopédie d ErsrJt et Gruber, ij l'art, fjerméneulijue
générale : i Les principes de l'iierménentique n'ont une
valeur absolue qu'au point de vue négatif, en ce sons
qu'elle repousse tonte interprétation contraire ii l'nsage
de la langue ou ii l'histuire. Cette valeur n'est plus la
même au point de vue positif, parce que, dans un cas
particulier, des explications ditférentes peuvent être
grammaticalement et historiquement admissibles, san»
que le choix à faire entre elles puisse être, soit a prinri,
soit a posteriori, soumis il aucune règle certaine : il doit
être laisse à un certain tact exégetique. L'interpréta
devra donc, au lieu de prétendre ce qui est objectivement
vrai, se contenter de ce qui est subjectivement et relati-
vement le vlus <uste. «
calion de ces notions générales aux langues bir
Cliques.
Aet. I. — De l'usage de la langue en général.
L'nsage de la langue, comme nous l'avons
dit plus haut, n'en pas autre chose que le lieu
ou rapport qui existe entre les mots et les idées,
lien si ferme et si constant, que les mêmes mots
éveillent toujours, dans certaines circonstances
données, les mêmes pensées ou les mêmes sen-
timents. Quelle est la nature de ce lien ? Existe-
t-il un rapport nécessaire enlre le mot et son
idée? Ou bien ce rapport est-il purement arbi-
traire et artificiel, n'ayant sa raison d'être que
dans une convention primitiveentre les hommes?
L'extrême diverr-ité des langues prouve mani-
festement que cette dernière hypothèse est la
seide vraie. Non, il n'existe pas, du moins au-
jourd'hui, de rapport intime, fondé sur la nature,
entre le mol et son objet ou sa re|irésentation
subjective dans la pensée. Les mots sont des
signes des noiious qu'ils expriment tout aussi
arbitraires que le sont les signes extérieurs,
très-variés chez les diffiîrents peuples, par les-
quels les hommes se témoignent mtUuellement
leur respect ou leur bicoveillance. Tout ce qu»
nous pourrions accorder, c'est qu'on trouve dans
phisieiu's langues un C' rtain nombre d'interjec-
tion [ô en hébr., oî, o/i/ ahl etc.) et d'oiio-
malopées (rahham, en hébr., ppo^i, tonitru,
tonnerre; ij-iOupisfib;, susurrus, murmure, etc.),
qui dénoteraient une propension naturelle de
l'homme à exprimer de cette manière telle idée,
telle impression de l'àme. Mais ces mots sont en
fort petit nombre, et leur expression offre en-
core des variations telles , qu'elles exclu^int
toute relation nécessaire entre la forme et
l'idée.
Mais le rapport entre les mots et les notions
qu'ils représentent une fois établi à l'origine, il
est devenu par l'usage une loi pour les hommes,
et leur impose la nécessité morale d'y conformer
leur langage, sous peiue de rendre impossible
l'échange mutuel de letu's pensées, ei d'amener,
dans leurs relations, une confusion semblable à
celle de la tour de Babel. Nous exprimerons
cette vérité eu deux mois, en disant : L'usnge de
la langue im/jHgue une nccessilé, non absolue,
mais /lypot/wtique. C'est la doctrine qu'Aristote
formulait ainsi : « Les mots n'appartienuent pas
à la nature; ils sont de convention. »
Toutefois la constance du lien, qui fait d'nn
mot le représentantotticiel et comme l'écho d'une
idée déterminée, n'empccha pas que les langues
ne subissent des changements d'acception^ plus
ou moins considérables, surtout lorsqu'elles sont
encore grossières et incultes ; celles mêmes cpie
le travail des grammairiens et le g'Uie des écri-
vains ont déjà polies ne s'en défendent pas tout
1218
LA SEALVINE DU CLERGÉ
à fait. On peut i-apporter ces variations à plu-
sieurs causes :
1" Au temps, dont le cours emporte certains
mots, en vieillit quelques-uns, en rajeunit, en
eiiiante d'autres, et ajoute à un '■ertain nombre
des sisçnificalions nouvelles. Ainsi le nom hé-
breu î, au plur. fan, désignait, au temps de
Moïse, une contrée confinant à la mer, spéciale-
ment à la iMéditerrauée {Gen. x, 5) (1) ; il dési-
gna dans la suiie une contrée éloignée en géné-
ral {Ps. Lxxi, 10; xcxvi, 1), et dans les derniers
temps delà république juive, une ileproprement
dite {Esih. x, 1). Ainsi encore les lévites, exclu-
sivement consaciés au service du Seigricur, sont
appelés au livre des Nombres (c. viii 14-16) do-
nali, en bébr. nelhounim, litt. dédiés). Après
l'exil, la même appellation, sous une forme uu
peu différente, nethinim (vulgr. Aathanœi) dé-
signera des prisonniers de guerre réduits en
esclavase et dévoués au service du peuple
(I Esdr. 11,43 suiv.viii, 17 suiv.). Tout lemonde
se rappelle les beaux vers dau- lesquels Horace
constatait une mobilité semblable dans la langue
latine :
Multa renasceniur, quae jam ceci 1ère, caiientque
Qtiae nunc sunt in lionore tociibula, fi volet usus,
Quem pênes arbarium e=t, jus et norma loquendi (2).
2° A la distance qui sépare les habitants
d'une même contrée. Tous parlent la même
langue; mais crtte langue présente, selon les
provinces, des dissonances plus ou moins mar-
quées, de véritables dialectes ditP'ant entre
eux, non-seulement par des légers change-
ments dans l'orthographe ou les tlesious, m us
par les mots eux-mèmes_, par leurs signiti-
catious et leur arrangement dans la phrase.
Le substantif vojj.ôç, par exemple, sinonyme de
voiiTj, qui désigne partout un pâturage {pas-
cuum), exprime, en Egypte, un district régulier,
un nome , ayant à sa tète un gouverneur.
On connaît les quatre dialectes de la langue
grecque.
3° A la religion et à l'éducation. Chaque reli-
gion a des notions qui lui sont propres, et, par
conséquent, des mots qu'on ne retrouve pas
ailleurs, ilu moins avec la même signification.
En outre, certains termes prennent, dans le
langage religieux, une acception différente
de celli' qui est usitée pour exprimer les choses
de la vie commune. Le substantif hébreu triin-
cAa/i, désigue, en général, uu présent, un don ;
1. Vulg. : Ab hh divisœ sunt insulte rjentium in reg'onibux
»ow, M. Glaire traduit : C'est par eux (les enfants de Japliet)
que furent d'tise'es Us îles des uutions dans leurs pay$.
Cette traducticn littérale ne laisse guère apercevoir le
sens, qui est celui-ci : C'est deux que descendent, iormant
des nations distinctes, les peuples riverains de la Médi-
terranée (de l'Asie-Mincure jusqu'à l'Espagn.), chacun en
Bon pava.
2. Pour notre langue, vov. Aug. Brachet, Granii/ir'r*
■bislorique de la langue française, p. Gâ suiv.
s'il est question du culte rendu à Dieu, il
signifie un gâteau sacré offert en sacrifîw.
Le verbe Iftasah veut dire facere, faire, dans
la vie commune; dans le langage religieux, il
marque l'action par excellence , le sacrifice
d'une victime. Il en est de même en grec et en
latin : pé^siv et Scîv s'emploient souvent à la
place de Ojav^ et fhccré à la place de sncrificare,
témoin ce vers de Virgile {Eclog. III, 77) :
Cum faciara vitula pro frugibus
c'est-à-dire, lorsque j'immolerai une génisse pour
les fruits de la terre.
Rappelons encoreles motsTv55iç,uiY(ij:r),3:(JoToiijt{
incamatio, communia, justificatio, prœdestinatio,
et cent autres créés par le christianisme ou par
les sectes sorties de son sein.
4° Au gouviTuement civil ou ecclésiastique,
dont les formes spéciales font naître pour les
mots des significations nouvelles. Ainsi les
verbes znnah et naaph, hioi-/ejeiv, forniccri, adul-
te rari , doivent s'entendre souvent, chez les
Juifs, eu égard à la forme théocratique de leur
gouvernement, non de la f(}ruication ou de
l'adultère proprement dits, mais de l'idolâtrie
ou de l'infidclilé à Jéhovah. Le mot zaqèn, senex,
avait souvent pour les Hébreux le sens de supé-
rieur, en souvenir du temps des patriarches, où
chaque famille avait pour chef le plus ancien.
Chez les romains, tyrannus était, à l'origine,
synonyme de monarque en général; à partir de
Tarqiiin, ce nom désigna un roi despote et
cruel.
S" A la vie commune, dont plusieurs termes
ou locutions passent quelquefois dans la lan-
gue littéraire. Telles sont les expressions keleb,
c'est-à-dire canis , chien , pour désigner un
homme abject (H lieg. m, 8) ; canis mortuus,
pour désigner un homme, à la fois abject et
impuissant.
6° Enfin, au génie même de l'écrivain, qui
s'affranchit parfois de la manière de parler en
usa'-re parmi ses concitoyens. Voilà pourquoi des
écrivains qui viveul à la même époque et chez
le même peuple , non seulement ont chacun
leurs expressions préférées, mais encore modi-
fient par des nuances l'acception de certains
mots. Quelle différence, par exemple, entre
1 élocution d'Isaïe et celle de Jérémie, entre la
manière de saint .lean et celle de saint Paul!
Ceux qui ont lu Thucydide et Tcrtullien savent
qu'une connaissance b-ès-exacte des langues
grecque et latine suffit à peine pour com-
prendre ces deux auteurs, tant ils s'abaii-
douneut à leur génie particulier et tiennent peu
de compte de la manière ordinaire de s'expri-
mer.
[A suivre). A. Crampo.x,
cbaQoine.
LA SEMAINE DU CLEllGE
121»
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SAINT-SIÈGE
{Suite).
« Qui peut douter, dit Bossuet (I). que saint
Pierre n'ait reçu par celte prière du Clirist que le
Père céleste écoute toujours (2), une foiconstante,
invincible, ini'l)ranUihle, et si aljoudante d'ailleurs
qu'elle fût capable d'affermir non-seulement le
commun des fidèles, mais encore ses frères les
apôtres, et Us paslcurs du troupeau en empê-
chant Satan de lescribler. Et cette imrole revient
manifestement à celle où il avait dit : Tu es
Pierre, je t'ai changé ton nom de Simon en celui
de Pierre, en signe de la fermeté que jeté veux
communitiuer, non-seulement pour toi, mais
encore pour toute mon Eglise, car je lu veux
bâtir sur cette pierre. Je veux mettre en toi d'une
manière émiiieute et particulière la prédication
de la foi, (lui en sera le fondement, et les portes
d'enfer no prévaudront point contre elle, c'est-
à-dire qu'elle sera affermie contre tous les efforts
de Satan, jusiiu'à êlre iuidiranlable. Et cela,
qu'est-ce autre chose que ce que Jésus-Christ
répète ici : Satan n demandé de vous cribler;
mais, Pierre, j'ai prié /jour loi, ta foi ne dé faudra
pas; et loi confirme les fières. J'ai prié pour toi
en particulier, pour toi avec distinction : non
qu'il ait négligé les autres ; mais, comme l'expli-
quent les saints f'ères, parce qu'eu affermissant
le chef, il voulaii empêcher par là que les mem-
bres ne vacillassent. C'est pourquoi il dit : J'ai
prié pour toi, et non pas, j'ai prié pour vous.
11 y devait toujours avoir un Pierre dans l'Eglise,
pour conlirmer ses frères dans la foi : c'était le
moyen le [dus propre pour établir l'unité de sen-
timents que le Sauveur désirait plus que toutes
choses; et cette autorité était d'autant plus né-
cessaire aux successeurs des apôties, que leur
foi était moins affermie que celle de leurs au-
teurs (3). » «Puisque lu es le prince desapôtres,
dit Theophylacle (4) commentant les paroles du
Seigneur, coutirme les autres, ce rôle te cou-
vieut, car tu es après moi la pierre fondamen-
tale de l'Eglise. » « Sois la force et la lumière
de ceux qui viennent à moi par la foi, » com-
mentaire de saint Cyrille d'Alexandrie (5). Saint
Bernard (G) écrit au pape Innocent il : « C'est
au tribunal de votre apostolat qu'il faut traduire
tous les périls et tous les scandales qui s'élèvent
dans le royaume de Dieu, surtout quaudils arri-
1. Médilat. sur l'Evangile. 70* jour.
2. Joau , II, 42.
9 Médit. 72.
4. In hune locum.
6. Ap. UigD. I, 72, p. 913.
•. £f. 190.
vent an sujet de la foi. En effet, les ilommages
de la foi ne ijeuveut être mieux réparés qu'au
lieti où la fii ne peut .«oulfrir d'altération. Or
telle est la prérogative de ce siège ; car à quel
autre a-t-il été jamais dit : Pierre, fat prié pour
toi afin que la foi ne défaillît Jamais"} C'est donc
du successeur de saint Pierre que l'on exige ce
qui suit : Et lorsque lu sej'as converti, aie soin
d'iifferndr les frères. »
Seul un docteur infaillible peut affermir dans
la foi, et c'est à un maître infaillible que les
frères devront avoir recours, pour trouver la
force qui affermit.
Sur le fondement de la Sainte Ecriture s'élève le
témoignage des saints Pères. Toutes les subtilités
d'interprétation que l'on a pu et que l'on pourra
encore inventer pendant des siècles n'empêche-
ront pas que saint Iréaée (1), dans le passage
que nous avons cité plus haut, n'indique l'ac-
cord avec l'Eglise fondée à Rome par sairet Pierre
et saint Paul, comme le critérium de la foi catho-
lique. « Pierre, selon un commentaire d'OrL-
gène (2), est le fondement de l'E'-'lisc et le roc
inébranlable sur lequel Jésus-Christ a bâti sou
Eglise. » « Jésus-Christ, dit saint Cyprien (3), a
bâti son Eglise sur Pierre ; de là procède l'unité
du sacerdoce (4), l'Eglise romaine est donc la
racine et le sein maternel de l'I'^glise l'a) catho-
lique, et l'erreur ne peut trouver d'accès eu
elle (6]. Etre d'accord avec le Siège apostolique,
c'est (loue la même chose que d'être d'accord
avec toute l'Eglise catlioli<pie {1\ cw de même
qu'il n'y a qu'un Dieu et un Christ, ainsi n'y
a-t-il qu'une Eglise et une chaire doctrinale
bâtie par la parole du Seigneur sur Pierre (8).
Réciproquement êlre séparé de Rome, c'est, au
jugement des Pères, la même chose que de
u'ôtre [ilus dans la pureté de la doctrine catho-
lique et apostoliiiue (D).
1. AJvcra. Hojres. su, 2.
2. Hom. V. in Exoil., p. 145.
3. Ep. 73, 7'J. Cl. Ep. 7û ; ilna eit Eccksia a Chrialo Do-
mino super Peirum origin» et ratione fundala.
4. Ep. 55,
5. Ep. 45.
6. Ep. 59.
7. Ep. 52.
8. Ep. 43.
9. Ne sedes quoqut apoalolica par eum poltuerelur conlaglU
perfiiorum, dignum que ejsel... ca(/iolica alque aposlolica intt'
griiale alque communions secltidi. Gelas. Eji. 28 (édit. Tiiiet,
>. 326) Si saint Cyprien résista au pape saiot Etienne sur
.a question du baptême des Lérétiiiues, il je faut pas ea
conclure qu'il niât l'autorité dans la cliaire apostolique,
qu'il défend et il laquelle il en appelle si souvenl. Cette
question était à ses yeux une question de discipline ; il
dit, Epitre 73, qu'il ne veut pas empêcher : Quommu*
unusquisque, quod pu<o(, ientiat et quod senliat, (acial. Il pou-
vait s'appuyer de la pratique des églises d'As'e et U A-
frique, comme des déclarations des synode! d Afrique, a«
Synnade et diconiura. Le pape saint Etienne prenait pour
règle la pratique romaine, mais il n'avait pas encora
reSdu un jugement définitif avec menace d excommuni-
cation. Saint Cyprien resta en communion avec bixle u.
L» coDtrovent avait doue été réglée.
l
ie20
LA SEMAINE DU CLERGÉ
a L i rlinire c[vî?eopn1p. rnmnine a clé donnée à
Pierre, (lit saint Optât dû Milève (I), afin qu'une
chaire unique servît de contre à l'unité de tous,
afin que les autres apôtres ne dressassent point
ciiacun sa rhaire particulière, de sorte que
celui-là fût ilevenu scliismalique et pécheur, qui
aurait érigé une autre chaire contre cette chaire
unique. » Cette chaire unique est le premier des
biens que possède l'E^^liso (2). Dan; le pape
Siricequi l'occupe présentement, toute la terre
trouve le lien d'une communion universelle (3).»
Cette chaire romaine est « unique en son
genre (i). » Que siirnific celte parole, sinon que
Celui qui est assis sur celte chaire unique, celui
par la communion de qui la communion catho-
lique est tiardée, possède dans l'Eglise une auto-
rit(! doctrinale unique en son genre et par con-
séquent infaiHil)le, à laquelle tous se soumettent,
parce que c'est seulement ainsi que toute l'Eglise
trouve l'unilé de sa foi?
A'nsi, d'après saint Cyprien et saint Optât, il
existe une chaire unique, la chaire de Pierre,
d'où descend l'enseignement qui s'adresse à tous
les liommes, comme dans chaque église par-
ticulière, il n'y a qu'un seul évèque, un seul
docteur autorisé. Sur la chaire unique et par
elle, l'unité de toute l'Eiilise est fondée et ga-
rantie , de mémo que dans chaque église par-
ticulière, l'unité de foi est sauvegardée prir
l'autorité doctrinale de l'évèque (5). Là siège la
plus haute autorité doctrinale qui soit au monde,
là se trouve le faite de l'autorité, dit saint Au-
gustin (0). Quiconque s'en sépare , se sé[>are
aussi de la religion chrétienne (7). De là dépen-
dent l'unité et la pureté dans la foi. En nous
appuyant sur cette ferme autorité, nous mon-
tons jusqu'à Dieu (8). Car tel est son crédit
qu'elle a servi de caution aux Evangiles eux-
mêmes (!»),
Parlant de l'ancienne Rome par opposition a
la nouvelle (Conslantinople), saint Grégoire de
Nazianzc(10)s'exprime ainsi : « La foi delà vieille
Rome fut de tous temps la vraie, et vraie elle
demeure, encore aujourd'hui , reliant par un
nœud sacré, tout.s les régions qu'éclaire le
soleil couchant (H),(;omme il sied à la Reine de
l'univers. .>
1. C. Parmen., II, 2.
2. II. 2.
S. II. 3.
4 Cathedra singurarli. Oap. ir. 2. Cathedra unira, n. S.
5. Cf. Jgnao. plus haat, p. IG.
6. Culmen auctd'itatis. Aitguat. De utilit. cred. D. 17.
Culmen aposlolicum. Bon. i. Ep. 15 (.\p. Roast. 1042).
Ârx mcerdotii. Booif. J. Ep. iv. (Op. Couet. 1019).
7. Fil chrislianœ religienis exiorris. Id. Ep. 14. fAp.
Coust. 1037). '^ *^
8. August. 1. c.
9. Id. C. Epist. fandam. c. 5.
10. De vit. sua. vers 571.
1!. Par opposition à l'Orieat (jue l'arianisins couvre d©
Ml ombrea épaisses.
Pour le même Pi'Tr, Fi^^rre est le rocher in-
destructible sur lequel l'Eglise est édifiée (1).
Selon saint Ambroise, celui qui est d'accord avec
l'évèque de Rome est d'accord avec tous les
évêques catholiques (^). Son principe, sur [cette
matière, est celui ci : « Où est Pierre là est l'E-
glise (3); » car il a été dit à Pierre ; sur toi je
bâtirai mon Eglise. L'union avec Pierre est donc
le critérium de la communion catholiipie. Saint
Ambroise écrit au nom du concile d'Aquilée aui
Césars, de ne pas souffrir que la foi de l'Eglise
romaine soit troublée, car de là découlent tous
les droits de la vénérable communion (4), ce qui
veut dire que, qui n'est pas en communion avec
cotte E'jrlise, n'est pas non plus en communion
avec l'Eglise catholique.
Nous avons déjà entendu le jugement de saint
Jérôme sur la puissance du Siège apostolique. La
loi du pape Innocent est pour lui la rAgle de la
vraie foi (5). A l'occasion d'une querelU' dogma-
tique, il consulte la chaire de Pierre et déclare
au pape Damase (6) : a Comme je ne veux suivre
]ici-sonne qne Jésus-Christ, je m'attache à Votre
Sainteté, c'est-à-dire à la communion avec la
chaire de Pierre : je sais que c'est le roc sur
lequel l'Eghsc est bâtie ; quiconque mange
l'agnean hors de celte maison, est impie. Tout
ce qui n'est pas dans l'arclie de No '■, périra. Je
ne connais pasVitalis, je repousse Mé!èce,jene
sais rien de Paulin. Celui qui n'am;)sse point avec
toi, dissipe; c'est-à-dire celui qui n'ap[)artientpas
à Jésus-Christ, appartient à l'antechrist... Celai
(|ui adhère à la chaire de Pierre est mon
homme... Je conjure Votre Sainteté de me faire
savoir avec qui en Syrie je dois entrer en com-
munion. » D'après Saint Jérôme la chaire de
saint Pierre doit confirmer l'enseignement de
la chaire de l'Evangéliste saint Marc (7).
Nous avons déjà en partie rapporté le témoi-
gnage de saint Augustin. Il invite les donalistes
a revenir s'incorporer à la vraie vigne ; ce qui se
fait en rentrant en communion avec le siège de
Home, parce que l'Eglise est bâtie sur ce rocher,
contre lequel ne prévaudront point les portes
orgueilleuses de l'enfer, et parce que la plénitude
de la foi catholique se trouve chez les successeurs
1. IIsTpr.ç i^^srjioi, tevItt); xX»j?8x Xïjçovto;. In lauâià.
Virg'n. 11. p. 2i4. éd. CaiUau.
2. De obit. [talr. Salyr. i. 47 : Pet contatusque eco »o
(e/'ti'copo) esi, utrumnam cul» ifiscopis cathoUcis, hoc etl
t-um Romana Eccicna conienires. De partit, I. 7, 33. :
No» httbent Pétri heredilatem, qui Pétri sedem non habent.
11 nomme aussi Pierre le vicaire du Chritl. la Luc. X. 175.
3. In Ps. .XL. 30. Ubi Peirus, Eccksia ; il continue :
ibi nulta mors, sed vita œlerna ; et ideo aildidit : Et portm
inferi non iiravalebuiit ei, U : Tibi iabo claBd regni
caiorum.
4. Ep. XI. 3.
5. Ep. cxxx. 16.
6. Ep. XV. Cf. Apolog. adv, RnSa. i. 4.
7. ho, 04. ad Pammach,
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1221
de Pi.^rre (i)--- »1 "'^ ^'■'•'^ qu'une seule foi dit le
poiMc Pruùeucc, celle que garde la chaire de
Pierre (2).
llna fidf^s vicjpa', prisro qtia> coniîita tfimplo e4:
()ua:ii P iidus r tinet, quaruque cathedra Patri.
(/est dans cette chaire d'unité, dit siint Autans
tin {?') queDieu a mis la docU ine de vcriti».» n Dans
ce siège si ancien et si solidement établi réside
la foi catholique claire et certaine (-4). » C'est
pourquoi saint Augustin, avec les évèques réunis
à Carthaa:o, im;ilorc d'Innocent I" une décision
contre l'hérésie des [lébîgicns ; l'accord avec
Rome est pour lui la marque certaine de l'accord
avec l'Eglise catholique (5). Célcstin et Pelage
avaient eux-mêmes déclaré vouloir se soumettre
au jugcm'ut du Pape (0). La condiimnation
portée, l'évèque d'dipvoue s'écrie : [tome a ré-
pondu, la cause '!st finie; plaise à Dieu que l'er-
reur le soit également (7).
Un homme qui fut en son temps la lumière
des catholiques d'Orient, le graml patriarche
d'Alexandrie, saint Cyrille s'adressa au pape
Cf^lcstin en le priant de lui faire savoir s'il pou-
vait continuer la communion ecclésiastique avec
Naslorius , patriarche de Cons'anlinoiile, ou de
déclarer hautement que personne ne pouvait
conserver de relations avec un homme ensei-
gnant ce qu'enseignait Nestoiius. » Quant à lui
il se conformera au jugement du Papn, « pour
ne pas être exclu tle la communion de tout
l'occident. »
D' 11ETTI.NGER.
(A suivre.}
1. Psatm. 0. Donat. : Kumerale snceriotii vel ab ipsa
Pelri jfi/e. El in ordiiie itio iiarum, quis cui siiectssil,
WiUte. Ii'Sa eu petra, quam iion viucunt superbre inferorum
fortœ, lalit si quis ad le veitial, filfnus cathotica fiUe, quales
iUos sanclos viras omncs solemus audira, etc.
2. Peristeph. Xlil. 31.
3. August. Kp. CV. 16.
4. ta. Ei>. 190. 23.
5. Non credideris veram fid'm tenere cathoUeam, qurr fidem
non doces esao servandam Itomanam. Serm. De aectdeiit. ad
gral. Ap. Mai, N. Dibl. n\ I. p. 27J.
6. Allouât. De peccal. oriQ. u. 7. Contr. dttas np, Pelag.
ad Bonif. u. 6.
7. Serin. 131. n. 10. JȈe rescripla renervnt, cauia
pnita est; utiuam aliquaudn finialur errnr ! Cf. ad Bonifac. It.
3 : Tata dubilniio suUI ita ps( ip.-vr Ui décision papale). Pulo
tibi eam partcm orftiî sufficere debere (pour une décisioa
définitive), m qua primum Aposlolorum suorum volait dovii—
fiu> ghriosisHmo martyrio coronnre.Aaç^ast. Contr. Julian. I.
13. Si saint Augustin excuse saint Cy[>rieu de: sa résistance
au pape saint Etienne {-(e Hapiismo n. 4. m. 1. i. 18), par
cette raison que la question n'avait pas encore été élu-
cidée par un concile «(écéral. il ne nie point par 1^ l'au-
torité du Saint-Siège. S«iut Etienua n'avait point porté ua
jugement définitif; Il question semblait purement disci-
plinaire (de niémeosm ponr Firmiliendans saint Cyprien.
Epit. 75. Cf. Basil. Kp. 188, 296). Saint Augustin avait
donc raison dans une question si difticile, de trouver
qu'une enquête sur la pratique de toutes les églises était
a^CHsaiie, Cf. Ballkui.m 1. c, xuu 53.
JURISPRUOENCE CIVILE ECCLÉSIASTIQUE
COjnitSSIOXS ADMINISTR.iTIVES DES ÉTABLISSEMENTS
BE BIENFMSiNCE. — PlÉ-NITUDE DES rOU-VOIRS
DES MEMBRES DE DROIT. — REMPLACEMENT DO
CURÉ PAR SON VICAIRE.
La loi n'ayant pas établi de distinction entre
les pouvoirs de% memhres élus des rommissions ad-
miiiistrutives des établissements de bienfaisance et
ceux des membres de droit, tous iis membres de
ces commissions jouissent des mimes pouvoirs.
/lien ne s'oppose à ce que le curé, qui est mem-
bre de droit de la commission administrative d'un
é/ijblissement de bienfaisance, se fasse suppléer par
son vicaire, si le bureau y consent, dans les réu-
nions auxquelles l'état de sa santé ne lui permet
pas d'assister.
Ces deux solutions sont à ajouter à celles dont
nous avons fait suivre le texte de la loi concer-
nant les commissions administratives des éta-
blissementsde bienfaisance publique, inséré dans
le dernier numéro de la Semaine du Clcrié.
Elles résul'.eut de deux décisions rainislérielles
que nous apporte le numéro de juin du Journal
des conseils de Fabriques, et que nous nous em-
pressons de reproduire à notre tour.
La première de ces décisions indique une
tendance de l'élément laïque dans les com-
missions à faire la plus petite place possible à
l'élément religieux. lin dépit de la loi qui appelle
le curé à être membre de droit des commissions,
celles-ci ne l'accueillent qu'avec déliauce, et ne
pouvant lui fermer la porte, elles voudraient, du
moins, lui fermer la bouche et lui lier les bras,
c'est-à-dire annuler ses pouvoirs, ou tout au
moins, les rogner et les hmiter. L'on ne dok, pas
s'éloiiner de cette mauvaise volonté; jamais
l'usurpateur ne consent, de bonne grâce, à ce
qu'on rende au légitime propriétaire même une
partie seulement de ce qui lui a été ravi.
Plusieurs fois déjà donc, assure-t-on, des
commissions administratives d'établi.-seineuts de
bienfaisance ont prétendu que les curés ne pou-
vaient pas être admis à remplir les fonctions
d'administrateurs délégués, et à gérer à lourde
njle, sous la responsabiUté des commissions, les
intérêts matériels de ces établissements. On allé-
guait, en preuve de leur iuaplitude, leur inamo-
vibilité, qui les rend irresponsables. On ajoutait
que lenr mission devait se borner à sauvegarder
les intérêt rehgienx.
Il ne pouvait se faire que cette difficulté ne
fût pas soumise an ministre de l'intéritur. Il eu
a été effectivement saisi, et voici la décision
qu'il y a donnée le 9 mars 1875 :
« Si la théorie admise par la commiraion des
hospices devait prévaloh:, ce ne seraient pas
seulement les membres de droit, représentant
uu cuite, qui se trouveraient atteiutSt Le maire^
1222
L\ SEMAINE Dl CLERGÉ
memlirc- d'i droU niissi, se verrait frappé île la
même exilhsioi!.
« Or, cette exclusion, la loi ne l'a pas établie,
et il ne saurait appartenir à l'administration de
créer, entre U'S divers membres de \i commis-
sion, quelle que fût leur origine, une inégalité
de situation et de pouvoir. Pour C-' qui est spé-
cialempnt des représentants de cultes, je pour-
rais citer des villes importantes où ils prêtent uu
concours très-utile aux commissions, en déchar-
geant leurs collègues d'une paitie du travail que
nécessite, dans les grands centres de popalation,
l'admiuislratiou des services de l'assistance pu-
blique.
« L'argument tiré de Virresponsahihté ne me
louche pas. Si, en effet, en tant que membres
d(î droit, certains meml)res de la commission
sont inamovibles, ils ne le sont nullement i!ans
l'exercice des fonctions spéciales qui pourraient
leur être temporairement dévolues. Le maire ou
le curé est chargé de tel ou tel service : sa ges-
tion ne répond pas à ce qu'attendaient ses collè-
gues; l'heure venue, sou mandat n'est pas re-
nouvelé.
0 D'une manière générale, je ne crois donc
pas que les mi'mbres de droit puissent être
exclus. C'est à la commission, délibérant à la
majorité, à décider si elle doit faire appel à leur
concours actif et dans quelles limites. »
Nous nous permettrons une observation sur
ce libellé de la décision ministérielle. De ce que
le maire devrait être frappé d'exclusion si le
curé s'en trouvait atteint, il ne s'ensuit pas
qu'il faudrait repousser cette exclusion si elle
était légale. Celte manière de parler donnerait
à entendre qu'on tolère le curé parce qu'on
veut favori.-er le maire. La vraie raison pour
laquelle et le curé et le maire peuvent remplir
toutes les fonctions administratives, c'est parce
que la loi ne les eu déclare pas inhabiles. Sauf
ce détail, la décisiou nous parait très-bien
fondée en droit et conforme à l'esprit du
législateur.
Nous n'en dirons pas autant de la seconde
décision, intervenue dans la circonstance que
voici. Un curé qui ne pouvait pas assister aux
séances de la commission administrative de son
bureau de bienfaisance, à cause de son grand
âge et de ses inGrmités, a demandé l'autorisa-
tion de se faire remplacer par son vicaire. Le
ministre de l'Intérieur a répondu, dans les
termes suivants, le 14 juillet 187i :
a Les fonctions d'administrateur étant per-
sonnelles, la substitution du vicaire au desser-
vant ne pourrait avoir lieu eu vertu d'un acte
officiel de uomiuation qui remplarerait l'un par
l'autre. Mais rien ne parait s'opposer, si le bu-
reau lui-même y adhère, à ce que le desservant
ee iasse suppléer par sou vicaire dans les réu
liions nnxqiiellcs l'ét:it de =a santé ne lui par»
mettra pas d'assister. »
Nous convenons, sans difficulté, quele vicaire
ne peut pas remplacé son curé comma adminis-
trateur. Mais son assistance aux réunions, lorsque
le curé ne peut pas s'y ti'ouver, ne devrait pas,
ce nous semble, êtresubordoisnée au bon plaisir
de la commission. Une saine interprétation de
la pensée du législateur nous paraît, au con-
traire, la lui accorder comme un droit.
Qu'a voulu le législiteur ? Il a voulu que
l'administration du patrimoine des pauvres se
fit toujours avec le concours de ceux qui
l'avaient créé et qui savent en faire le meilleur
usage. Or, si le curé ne peut assister aux séances
et que son vicaire n'y soit reçu qu'autant que
la commission le veut bien, il peut arriver que
la commission ne le veuille pas, et l'on doit
tenir pour certain que cela arrivera. Et, si le
curé est pendant des mois et des années sans
pouvoir sortir de chez lui, l'administration du
patrimoine des pauvres sera privée pendant tout
ce temps du représentant de la religioa. Assu-
rément, ce n'est pas là la volonté du législa-
teur.
Mais pourquoi ne pas reconnaître au vicaire
le droit d'assister aux séances de la commission,
lorsque le curé ne P'Hit pjs y venir ? Sans doute,
parce qu'il n'a pas le litre légal. Cependant,
sans avoir le titre de curé, il en exerce toutes
les fonctions dans l'ordre spirituel, à défaut et
au nom de celui qui possède ce titre. Or, ce
qu'il peut dans l'ordre religieux, ne serait-il pas
conforme à la logique et à une juste apprécia-
tion des choses qu'il le pût aussi dans l'ordre
;ivi
il?
En ne reconnaissant pas au vicaire le droit
d'.issister aux séances de la commission à dé-
faut du curé, on tait à la religion catholique
une situation pire qu'aux autres cultes re-
connus. Car si le délégué des conseils presbyté-
raux ou des consistoires Israélites venait à ne
pouvoir assister aux séances p-ndant longtemps,
il est hors de doute que ces conseils et consis-
toires s'empresseraient d'en désigner un autre.
Or, ce moyen ne peut ètrf employé par l'Eglise,
puisque la loi désigne elle-même le curé pour
la représenter (art. 1). D'oîi il suit que l'Eglis*»-
ne sera pas représentée, si l'on repousse celij||
qui tient la place du curé. _ _ J
Par ces motifs, nous ne saurions souscrire * V
la décision ministérielle qu'on a lue plus hau/ |
et nous conseillerions, le cas écliéaut, d'en * '
peler au Conseil d'Etat.
P. d'Hactebivb.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
Les Erreurs modernes
LA DÉMOCRATIE ET LE CATHOLICISME
(2= article.)
La dimocralie. nous l'avons vu, est l'avéne-
nient de tous, de .[nelque manière, l'avènement
de tous les membres de la nation à la vie poli-
ti<iue. Ce n'est pas seulement l'avénemi'nt du
peuple, en tant ^lu'il diff Te des classes lettrées
ce n'est pas seulement l'avénem.'nt du plus
grand nombre, c'est l'avènement de tous • la dé-
mocratie, c'est la nation ellc-mémp. '
Mais ici se présente un fait qu'il importe beau-
coup a notre but de signaler. Il y a deux espèces
de démocratie : l'une, qui est tonne, l'autre
qm ne vaut rien du tout ; l'une, qui e-t légitime'
I autre, qui est l'injustice même. Et comme, eu
tait elles ne sont pas parfaitement séiiarces luue
, de 1 autre, comme les limites qui les séparent ne
sont pas toujours praticpiement di-tinctes, et
que les éléments (pii les composent sont souvent
môles, il y a là, sans aucun doute, une des
causes de l'état d.- suspicion où un grand nom-
bre d boniiètes gens tiennent la démocratie et
eu particulier, une des raisons de cette espèce
d bostilile sourde qui nous occupe, entre la
démocratie et le chrislianisme.
Un publiciste catholique fort dislin-ué Bal-
mes, expose ainsi les éléments de la démocratie
légitime. Il la flatte un peu, à noire avis, si l'on
rreiid les choses telles qu'elles sont; mais ce
qu il dit est vrai en ce sens, du moins, qu'il la
décrit telle (lu'elle doit être : i Elle est basée,
dit-il, sur la connaissance de la dignité de
1 homme, et du droit qui lui appartient de jouir
d une certaine liberté conforme à la raison et à
la justice. Avec des idées plus ou moins claires
plus ou moius uniformes sur la véritable ori"iuè
de la société et du pouvoir, elle en a du moins
de fert nettes, de fort précises touch mt le véri-
table objet et la lin de lun et de l'autre- sa
coustaute opinion est que le nouvoir existe pour
le bien commun, et que s'il ne dirige pas ses
actions vers ce but, il dégénère et tend vers la
tyrannie. Les privilèges, les honneurs, les dis-
tmctions sont approchés par elle de cette pierre
, de touche, le bien commun ; ce qui est con-
traire a ce bien est rejeté comme nuisible : ce
«qui 11 y sert p^s est élagué comme superflu. Les
^ eules chos.-s qui aicui une valeur réelle, digne
to tie i.rise eu considération dans la distribution
ilî i*^"^'"^"* "Claies, sont, à ses yeux, le savoir
Ep '^ ^^''''" ^-i^'t'e démocratie qui place au
doi s haut de^ré la dignité de l'homme, qui rap-
qu' le les droits sans oublier les devoirs, s'iudiKue
*«'» seul nom de tyrannie, etc. (t). »
i. Balmès. Le Piotesl. comparé au Calhot., c. LXni.
1223
Il est facile de déterminer et de préciser les
caractères qui constiiuent cette démocratie et
de montrer qu'il n'y a, sous ce rapport, nulle
opposition entre elle et le catholicisme On peut
les ramener à six principaux. Elle admet qiîe la
nation est la source immédiate du pouvoir- elle
enseigne que les gouvernements existent et
doivent exercer l'autorité pour le bien commun-
elle demande que ce soit, non pas la volonté de
homme qui gouverne, mar« la constitution et
la loi ; elle veut que tous puissent arriver à t ms
les emplois, et que la raison du choix soit la
cai.acite <iu sujet et le bien public ; elle demande
que le peuple participe de quelque manière, par
ses votes, au gouvernement de la nation, et
eue veut enfin que ce gouvernement ne soit pas
ausolu, mais tempéré par desinstitutious modé-
ratrices du pouvoir.
Tels sont Ls caractères de la démocratie saine
et raisonnable. Or, ils ne contiennent rien par
eux-mêmes qui soit opposé au christianisme.
Et d abord, quant à l'origine du pouvoir, nous
avons vu précédemment que Dieu en est la cause
première et essentielle, mais que la nation en
est la source immédiate. La démocratie ne con-
sidère pas assez, et souvent pas du tout, le carac-
tère divin du pouvoir, dans le sens que nous
avons expliqué : c'est un tort grave, une lacune
considérable dans ses idées; mais elle ne se
trompe pas en disant que l'autorité a sa source
immédiate dans la nation, et elle est en cela
d'accord, comme nous l'avous vu, avec rensei-
gnement des plus grands théologiens catho-
liques. Il faut dire la même chose des autres
caractères. Que, par exemple, les gouveroementa
et les lois n'existent que pour le bien commun,
c est une vérité enseignée jusqu'à satiété par
tous les théologiens. « Comme la loi regarde le
bien commun, dit saint Thomas d'Aquin, aucun
précepte [larticulier, ne peut avoir force de loi,
qu'autant qu'il regarde aussi ce bien commun,
et ainsi toute loi doit être laite pour le bien com-
mun(l). » Ainsi tout, la loi et ses applications
par des ordres particuliers, tout a pour but le
bien commun.
La démocratie demande que tous puissent ar-
river, s'ils en sont dignes, à tous les emplois, et
que la raison du choix soit la capacité. Or, c'est
Li un principe que l'Eglise a toujours professé,
avant qu'il lut question de la démocratie mo-
derne et de ses principes. Ecoutons à cet égard
un homme qui n'est pas suspect de partialité
envers l'Eglise, le protestant (niizot. « Quant au
mode de formation et de transmission du pou-
voir dans l'Eglise, dit-il, il y a un mot dont on
s'est souvent servi en parlant du clergé chré-
tien, et que j'ai besoin d'écarter, c'est celui de
caste. On a souvent appelé le corps des magis-
1, Suffi, iheol,, I, 990, a. 2.
122i
LA SEJJALNE LU CLEHCÉ
trats eccl<^sîasliques une caste. Celle expression
n'est pas juste : l'iJée d'hérédilé est inhérfMiic ;i
l'idée de caste... Là o:"i il n'y a pas d'hérodité, il
n'y a pas de caste... Ou ne peut appli'ruer ce
niot à l'Eglise clirélienue. Le célibat des prêtres
a empêi'hé que le clergé chrétien ne devînt une
caste. Veus entrevoyez dt^jà les conséquiuces de
cette différence. Au système de caste, au tait de
l'hérédité est attaché inévitablement le privilège ;
cela découle de la définition même de Ja caste.
Quand les mêmes fonctions, les mêmes pouvoirs
deviennent héréditaires dans le sein des mêmes
familles, il est clair que le privilège s'y attache,
que persoime ne peut les acquérir indépendam-
ment de son origine. C'est, eu effet, ce qui est
arrivé : là où le gouvernement religieux est
tombé aux mains d'uue casle, il est devenu ma-
tière de privilège ; personne n'y est entré que
ceux qui apparteuaieut aux familles d ' la caste.
Rien de semblable ne s'est reuconlré dans
l'Eglise, et, non-seulement rien de semblable ne
s'y est rencontré, mais V Eglise a coiislnmment
maintenu le principe de l'égale admissibilité de
tous les hommes, quelle que lût leur origine,
à toutes ses charges, à toutes ses dignités. La
carrière ecclésiastique, particulièrement du
cinquième au douzième siècle^ était ouverte à
tous. L'Eglise se recrutait dans tous les rangs,
dans les inférieurs comme dans les supérieurs,
plus souvent même dans les inférieurs. Tout
tombait autour d'elle sous le régime du privi-
lège; elle mainfen.iit seule le priiidpe (le l'égalité,
de la concurrence, elle ap/xlait seule toutes supé-
riorités légitimes à la i ossessioit du pouvoir [\). »
L'Eglise n'est donc i>as du tout opposée au prin-
cipe Oe l'admission de tous à tous les emplois, et
elle le pratique depuis bientôt deux mille ans.
Nous verrous qu'elle ne l'est pas davantage à
l'union de la liberté etde l'autorité, à l'existence
des institutions modératrices du ivjuvoir.
Il est impossible de ne pas seiitir dans son
âme de sourds mouvements d'indignation, quand
on voit chaque jour des publicisles ignorants ou
haineux, prétendre que le christianisme est
l'ennemi de toutes les libertés et l'ami de tous
les despotismes. Ses doctrines, son esprit, son
histoire protestent contre cette accusation. N'est-
ce pas lui dont les prescriptions et l'esprit ont
dissous progressivement et jeté par terre l'an-
tique et universelle institution de l'esclavage ?
On admire les républiques anciennes, on exalte
leur amour de la liberté. Or, voici la vérité :
Athènes avait dans ses murs soixante mille
habitants, et quarante mille étaient desesclavcs;
à Rome, ils étaient iimombrables, et le sénat
défendit qu'on leur donnât un costume particu-
lier, de peur qu'ils ne vinssent à se compter.
C'est l'Eglise qui a appelé tous les peuples à la
1. Guizot, Bill, génir, de la civU. en Europe, 5* lejoa.
lilu'ru'% et à la Iratcrnité véiilable. tiOn nf
pourra contester, dit fort bien Balmès.que là où
n'a point existé le cbiistianisme, le peuple s'est
trouvé la vietinie d'un petit nombre, dout les
mépris et les injures ont été la seule récompense
de ses fatigues. Consultez l'histoire, l'expérience ;
le fuit est général, constant. Pas même une
exception à ce fait dans ces anciennes républi-
ques qui ont fait tant de bruit de leur li-
berté (I). »
Nous avons donc exposé lei éléments princi-
paux qui constituent la démocratie saine et rai-
sonnable; et nous avons vu qu'il n'y a pas, sous
ce rapport, d'opposition entre elle et le catholi-
cisme. Ces principes ne sont pns nouveaux ; ils
sont, dans un sens vrai, le fi'uit du christianisme,
et on le lit dans les livres de ses théologiens.
C'est donc une erreur de croire que l'Eglise ne
puisse pas s'accommoder de cette démocratie, si
celle-ci restait dans les principes que nous avons
indiqués, et qu'elle revendique.
Mais il y a uni; autre démocratie, que l'on a
très-bien nommée la démagogie, et qui est
comme la corruption de la première. Ses doc-
trines sont horribles. La négation de Dieu et de
toute religion, l'abolition du mariage comme
institution religieuse, le renversement de l'ordre
social actuel, et sou remplacement par un com-
munisme plus ou moins complet : tel est le
symbole de cette aimable démocratie. Nous la
connaissons déjà en Trance par ses œuvres. C'est
À elle que revient l'honneur des excès mona-
trueivx de la grande révolution. C'est elle quia
fait les sanglantes journées de juin 1848. C'est
elle qui porte la responsabilité des sauvages
horreurs de la Commune de Paris, d'ignoble et
sanglante mémoire. Elle n'a pas été lout-à-fait
ignorée dans les siècles antérieurs. Elle apparaît
mêlée aux hérésies armées d'autrefois : elle
combat avec les Albigeois au treizième siècle,
avec la Jacquerie au quatorzième, avec les Hus-
sites au quinzième, les anabaptistes et les
paysans au seizième. « Erronée dans ses
principes, dit Balmès, perverse dans ses in-
tentions, violente dans sa manière d'agir, cette
démocratie a partout marqué sa trace par un
ruisseau de saug; loin de procurer aux peuples
la vraie liberté, eile n'a servi qu'à leur enlever
celle qu'ils avaient... S'alliant aux passions mi-
sérables, elle a toujours été la bannière de ce
que la société a de plus vil, de plus abject; à ses
côtés, elle a groupé tous les hommes turbulents
et mal intentionnés. Cette semence de troubles,
de scandule.î, de haines acharnées, a porté enfin
ses fruits naturels : la persécution, les proscrip-
tions, l'échufaud (2).»
1. Daim. Le Prot. comj). au Cathol. o. LX.
2. Ibii. c. LXIU.
LA SEMINE DU CLERGE
lu-j
11 va de soi qne, entre une semblable démo-
cralie et l'Ei^lise, il ne peut y avoir de concilia-
tion, mais la guerre. Ce Qu'elle hait par-dessus
tout, l'objet de sa haine intime, spéciale, privi-
légiée, c'est le catholicisme : pour elle, c'est là
l'ennemi. Car elle est la négation de toutce qu'il
affirme, et l'affirmation de ce qu'il nie. C'est Sa-
tan d'un côté, et ki Divinité de l'autre.
Le malheur de la démocratie raisonnable,
c'est qu'elle n'est pas complètement réparée de
celle que je viens de décrire. Il y a des attaches
plus ou moins latentes; il y a (les unions plus
ou moins prononcées. C'est là qu'est le danger ;
et ceux qui croient qu'il n'existe plus sont dans
une gran<le illusion.
(À suivre.) l'abbé Desorges.
CONTROVERSE POPULAIRE.
Voyez-vODs, Ins pèlerins sont tous
des partisan» fl*iScni*l V,
Peste I vous ne les déchirez pas, vous, les par-
tisan? d'Henri V. Quel éloge vous en faites 1
Quoi 1 ces milliers d'hommes, de femmes et
d'enfants que vous voyez arriver par tous
les chemins aux lieux consacres par la puissance
de Dieu, former d'immenses processions, chanter
drs cantiques et multiplier les prières pour
obtenir de la miséricorde divine le salut de
la patrie, vous jugez que ce sont tous des parti-
sans d'Henri V l
Riais alors les partisans d'Henri V sont tous
des gens paisibles, car on ne dit pas que la po-
lice ait jamais besoin d'intervenir dans les pèle-
rinages pour y rétablir l'ordre trouble, ([ooique
les foules y soient souvent très-considérables;
ce sont aussi des gens qui aiment à s'ent'raider,
car il n'est pas rare que les riches payent dans
ces circonstances pour les pauvres ; ce sont des
gens d'une honnêteté parfaite, puisque jamais
personne n'a pu se plaindre d'avoir été lésé en
quoi que ce soit par les pèlerins ; ce sont enfin
des gens religieux, puisqu'ils croient en Dieu et
le irient.
Or, être religieux, respecter scrupuleusement
le bien d'autrui, aider ses semblables, ne pas
troubler l'ordre [ublie, ce n'est pas le lait
d'hommes dangereux, contre lesquels on doive
se tenir ec g.ude, comme vous semblez insi-
nuer qi:e sont les pèlenns.
Aussi, je le répète, dire que les pèlerins tous
sont des partisans d'Henri V, c'estfaire des par-
tisans d'Henri V un éloge qui n'est vraiment pas
petit.
Car combien de partisans aujourd'hui qui se
moquent de Dieu, de l'ordre public, des besoins
de leurs semblables, et qui n'aspirent qu'à tout
confisquer à leur profit, la liberté, les places, le
pouvoir, pour tyraunisrr les consciences, pres-
surer la bourse des contribuables et jouir à ou-
trance 1
Tous les pèlerins, parti?aus d'Henri V I — •
Vous n'y pensez pas.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a des pèle-
rinages. Bien des siècles avant qu'Henri V ne
fût, des pèlerins sillonnaient la France en tout
sens, comme aujourd'hui, sans penser à lui
assurément.
Longtemps après qu'Henri V ne sera p'us, il y
aura encore des pèlerins, et comme ceux des
siècles passés, assurément iJ ne penseront pas à
lui.
Dans le temps présent, s'il se fait des pèle-
rinages en France, il s'en fait aussi eu Belgique,
en Suisse, en Italie, en Allemagne, en Angle-
terre, en Pologne, eu Es pagne, en Amérique et
jusqu'en Chine. Il s'en fait par toute la terre.
Or, parmi ces millions' de pèlerins, le plus
grand nombre n'ignore-t-il pas juscju'à l'exis-
tence d'Henri V? Comment donc pourraient-ils
être ses partisans ?
Mais laissons cela ; car vous ne voulez parler
sans doute que des pèlerins de France, et de
celle époque.
Que parmi ces pèlerins il y en ait qui éprou-
vent pour Henri V des sympathies, d'ailleurs
plus ou moins vives et profondes, nous n'avons
pas de peine à le croire, et cela doit être.
Henri V est le rejeton d'une famille qui a donné
à la France de longs siècles de prospérité et de
gloire. Lui-même est uu prince rempli de piété,
et le modèle de l'honneur ; et comme homme
public, ses adversaires eux-mêmes ont maintes
fois rendu hommage à la hauteur de S'S vues,
à la dignité de son attitude et à sa complète
abuégalion. Quoi d'étonnant, dès lors, que des
Frau(;ais aiment Henri V, et souhaitent de voir
remettre entre ses mains les destinées de
notre chère et malheureuse patrie, que ses an-
cêtre s avaient su taire la reine des nations! Il
serait, au contraire, tout à fait incompréhensible
qu'il n'en tût pas ainsi.
Mais s'il est naturel qu'il y ait parmi les
pèlerins des partisans d'Henri V, s'il est pro-
bable, si l'on peut même affirmer qu'il y en a,
on se trompe assurément lorsqu'on s'en vient
dire que tous les pèlerins le sont.
Si je soutiens que les partisans d'Henri V ue
sont pas les seuls qui aillent en pèlerinage, ce
n'est pas, croyez-le bien, lecteur, pour les dé-
fendre que je le fais : on n'a pas besoin d être
défendu d'une bonne action ; mais c'est que je
réclame eu faveur des autres, en laveur de ceux
qui n'ont pas les mêmes idées politiques qu eux.
Les pèlerinages sont uu des plus puissant»
1226
LA SEMAINE lu; Ufll'iL
moyens pour altiror sur nous la prnfortinn cli-
vine. En recourant à ee moyen ponr oblnnir de
Dieu le salut de la patrie, les partisans d'Henri V
ne fout que remplir leur premier devoir de ci-
toj-ens. Mais si c'est pour eux un devoir d'agir
ainsi, c'en est un aussi pour tous les autres.
Cependant, quand vous dites que les partisans
d'Beuri V sont les seuls qui fassent des pideri-
iiages, cela équivaut à dire, d'une part, que seuls
ils aiment la France; et de l'autre, que leurs
adversaires politiques n'accomplissent ^ias ce
premier et principal devoir du citoyen, et par
conséquent qu'ils n'aiment pas vraiment la
France.
Admettez- vous cette conclusion ? — Non, n'est-
ce pas.
Ni moi non plus. Et c'est pourquoi je nie
que les pèlerins soient tous des partisans
d'Henri V.
De ce ijue je n'ai pas les mêmes opinions que
vous sur les moyens naturels propres à assurer
le salut de la patrie, il ne s'ensuit pas que je
l'aime moins que vous, ni que vous l'aimiez
moins que moi.
Mais si tous les deux nous l'aimons, tous les
deux nous prierons pour elle. El parce que
Notre-Seigneur a di'claré que la prière com-
mune et publique a plus de poids devant Dieu
que la prière solitaire et secrète, nous unirons
nos cœurs dans l'amour de la patrie et nous
ferons monter ensemble nos cris pour elle vers
le Ciel.
Et quand après cela vous verrez passer quel-
que longue lile de pèlerins, vous ne les trai-
terez plus de partisans d'Henri V, croyant les
insulter, mais vous vous joindrez respectueuse-
ment à eux si vous le pouvez ; et si vous ne le
pouvez pas, vous direz tout au moins, heureux
cètre désabusés de vos anciennes préventions,
à ceux qui pourraient en être encore aveuglés :
B Les pèlerins! ce sont tous des chrétiens qui
aiment la France 1 »
P. d'Hauterive.
Biographie.
DOr.: GUÉRANGER
ABBÉ DE SOLESMES.
{Suile.)
Le neveu de Mgr de Myre possédait, près de
Congis, aux enviions de Meaux, le château du
Gué-à-Tresmcs, où l'abbé Guéranger séjourna
avec le prélat, au mois d'août 1828. Ce fut pen-
dant ce séjour que le jeune secrétaire remplit
les fonctions de desservant de Vareddez, petite
Iiaroisse voisine, dont Guéranger loua toujours
e bon esprit. Mais ce n'était pas vers le u'eis ;
tère paroissial que se tournaient ses désirs. La
société des missionnaires de France, fondée
eo 1808, sous les auspices du cardinal Fescbt
par l'abbé Kauzan, brillait alors dans ,out
l'éclat de son zèle; elle comptait dans ses rangs
presque tous les hommes émiiicnls du jeune
clergé; et, soit attrait, soit appel, l'abbé (Jué-
ranger eût voulu prendre, à ses travaux, une
part ; mais il ne put en iibteuir l'autorisation.
Dieu le tenait en réserve pour un autre des-
sein.
Après la mort de son évèque, l'abbé Guéran-
ger, comme obsédé par la pensée de rétablir,
eu France, les ordres monastiques et, en parti-
culier, l'ordre de Saint-Benoît, vint à Paris,
^ Pendant quelque temps, il fut attaché, comme
vicaire, à l'église Saint-François-Xavier des
missions étrangères, où il rencontra l'abbé
Desgi^nettes, depuis fondateur de l'archicon-
f térie réparatrice, et l'abbé Sibour , depuis
archevêque. Mais il se lia particulièrement avec
les abbés G ;rbet et Salinis, tous deux lieute-
nants de Lamennais, alors dans tout l'éclat de
sa gloire. C'est dans le journal de l'école men-
naisienne, le Mémorial catholique, que Guéran-
ger fit ses premières armes. Ce recueil était
consacré à la réhabilitation des doctrines ro-
maines, à la justification des grands papes du
moyen âge et toujours en guerre avec les der-
niers sectateurs du gallicanisme doctrinal.
L'abbé Guéranger , trait significatif, débuta
dans les lettres par quatre aiticles sur la litur-
gie : on s'arrête devant ces débuts comme
devant une châs-e qui contient des reliques
illustrées par des miracles.
Dans le premier article, du 28 février 1830,
l'auteur insiste sur l'importance des éludes
liturgiques ; il signale la décadence de ces
études parmi nous, décadence que l'inlroduc-
lion des nouvelles liturgies devait nécessaire-
ment amener. En efl'et, si le culte est le corps
de la religion, la liturgie en est l'expression, le
langage, et quel moyen d'étudier une langue
qui se divise chaque jour en une multitude de
dialectes, etc.? Partant de ce principe : la litur-
gie est le langage de l'Eglise, l'expression de
sa foi, de ses vœux, de ses hommages à Dieu ;
il conclut : Donc l'antiquité doit être un de ses
caractères essentiels. Toujours et partout, en
effet, l'origine de la liturgie se confond avec
l'origine de la religion. Suivent les preuves
historiques de cette proposition, spécialement
pour les liturgies de l'Orient et surtout pour la
liturgie romaine. Ce caractère d'antiquité, les
liturgies nouvelles en sont dépourvues.
Le second article est consacré à prouver que
la liturgie, langue de l'Eglise, doit être univer-
selle comme l'Eglise et à étabUr, par l'histoire,
qtiç tout en autorisant, selon les temps et les
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1127
Heux, certaines exocptions qui confirra^nt la
règle, rr.glise a fait de constants ellorls pour
imposera tout l'Occidi^nt l'unité lilurgiijue. Co
que l'Kylisc a voulu, elle l'a réalisé, seules, le3
églises lie France se sont mises hors la loi com-
mune.
L'antiquité et l'universalité produisent un
troisième caractère que l'on nomme l'autorité,
«araclèie que possède au plus haut degré la
liturgie romaius et que les liturgies nouvelles
n'ont point. L'Eglise garantit la pureté, l'or-
Ihodoxie de la première ; mais, quand bien
même aucun auteur susi.ect n'aurait travaillé
aux autres, leur pureté, leur orthodoxie n'e^t
garantie que par des autorités particulières
sujettes à l'erreur et qii n'excluent ni le druit,
ni la possibilité du duule. Tel est l'objet tlu
troi-ièine article.
Dans le quatiième, l'auteur fait voir, fait
sentir, si j'ose ainsi dire, que Voncl ion alun
caractère distinctif de l'Kglise callioliiiue, et
que ce caractère est inlicr- nt d'une Uianière
loulepaiticulière à la liluigie romaine : œuvre
de l'F.glise doul la sainteté rejaillit sur tout ce
qui \ient d'elle, œuvre des saints qui y ont
laissé l'empreinte et le parfum de leur vcriu,
œuvre sanctiiiée par l'image des siècles et chère
à la simplicité des âmes pieuses, qui trouvent,
dans l'antiquité et l'universalité des formules
devenues populaires, je ne sais quoi de lou-
chant el de doux au cœur. Les nouvelles litur-
gies n'èlant pas l'ouvrage de l'Eglise, mais
plutôt ne devaut leur existence qu'à uneinl'iac-
tion de ses décrets; composées plus si)uvent
par des hommes de parti que par des saints;
n'ayant pas été sanctifiées par l'usage des
siècles et n'étant que des dialectes de (]ueL:]ae3
diocèses isolés, ne sauraient avoir et n'ont
point, en ellet, l'ouctioa de la liturgie ro-
maine.
Ces quatre articles, où l'on trouve en germe
tout Gnéranger, |ias3èreut presque inaiierçus
dans le Mcmurinl. Lamennais concentrait toute
son attention sur des questions de philosophie
et depoliliiiue; il détournait le clergé d'études
plus sérieuses, plus pratiques et plus vérita-
blement profitables. La question liturgique
n'entra donc point dans ses préoccupations.
Au surplus, ceux du dehors ne s'y arrêtèrent
guère plus. Lors.pie ces articles parurent, i'icot
dirigeait \'A?ni de la Iteligion, et l'on peut dire,
sans aucune exagération, qu'il était l'oracle
d'une partie du clergé. Très-heureusement
pour l'iionncur des contemporains, la postérité
Ignorera quelle influence cet écrivain a exercée
dans les églises de France pendant plus de
trente ans, et cela, sans autre titre que sa qua-
lité d'acoiytlie ; sans autre talent qu'une pointe
d'espr/L étroit, tracassier et assez piquant ; sans
autre savoir qu'une coniiaiii^ance assc~ exacte
des anecdotes relatives à l'histoire ecclésias-
tique du dix huitième siècle : le tout relevé
du sentiment intime et naïf de sa propre supé-
riorité. En présence des articles de Gnéranger,
Picot crut à-propus d'entrer en humeur et
donna, en deux articles, une verte leçon au
jeune ré lacteur du Mémorial. L'abbé Guéran-
ver refusa la leçon et releva plaisamment les
innombrables bévues du maître. Picot essaya
de se défendre, mais d'un ton moiiis docloral.
Une seconde réplique vin? .ui fermer la bouche :
Picot sut pourtant comprendre qu'il ne faut
pas s'olisliner à parler de choses qu'on ne sait
pas, surtout pour les apprendre à un homme
qui les sait. Tout le monde n'aura pas, plus
tari, autint d'esprit que PiCot.
Après celle escarmouche, l'abbé Gnéranger
revint au projet qu'il nourri-sait depuis son
enfance, à la resauralion, en France, de
l'ordre bénéticlin. Nous n'avons pas besoin
d'insister ici sur les grandeurs de cet institut.
Fondé par saint Benoît à Stibiaco d'a!)ord,
puis au M lul-Cassin, au commencement du
sixième siècle, il fut, en Oc(ndenl, le type des
autres institutions monastiques. La prod gicuse
ra[>idilé avec laipielle il se mulliidia rendit
nécessaire, au neuvième siècle, la réforme de
saint Benoit d'Aniane. .V pariir tlu onzième
siècle, les moines de Cluny, de Vailorabreuse,
de (îteaux, de Fontevraull, les Canialdules, les
Cèleslins, les Olivétains, etc, témoignèrent de
sa persistante vigueur. Les dernier s réformes
hrenl nnilre , en Lorraine, en dOOO, la con-
grégation de saint Hidul|ihe, et en 1G21, la
cong'ég,.tion de Saint-Maur, si célèbre par
SIS admirables travaux d'érudition, t^e fut un
membre de celle dernière congrégation ,
dom Grout d'Arcy, alors professeur à la
faculté de théologie «le Paris, qui aida
généreusement l'aid.é Gnéranger, à réaliser
le dessein qu'il lui avait cominuniiiué ; la
charité publique fil le reste. Il y avait d'ail-
leurs de grandes diliicullés à vaincre; le gou-
vernement était hostile, l'autorité ecclésias-
tique reculait par timidité. On allait démolir
ce qui restait de l'abbaye de Solesme lorsque
l'evé que du Mans accorda enfin, à ceux qui
voul lient rétablir la religion de saint Benoit,
l'autorisation d'acheter (1).
La restauration du prieuré de Saint-Pierre
de Solesmes fut entreprise en 1832 ; l'année
suivante, elle était assez avancée pour que
l'abbé Gnéranger, âgé de vingt-.-epl ans, pût
grouper autour de lui un certain nombre
de jeunes prêtres. L'un de ces premiers com-
pagnons fut dom Fontaine, qui feimait récem-
ment les yeux du Père abbé ; pu.s vinrent
1. Rtvitt du mon Je calkiti'ive, t. XXII, p, 227.
H?S
LA SEMAINE DU CLERGÉ
dom Pi'ra, Hiiftorien de saint Léger, lautenr
•des Etwles sur les actes des SaiiUs, l'crudit
éditeur <!u SpicUeqium Soksmense et du Droit
canon des Grecs, d .m Piolin, l'auteur dune
grande Ilisioiit du diocèse du Mans, l'éditeur de
la Gallia c/irislinna ; dom Le Bannicr, le tra-
ducteur de? méditaiions du ilocteur 3éra['hique
sur laPas^ion de Notre-Scisrv nr ; liom Gucpin,
qui vient d'écrire l'hiïloire de l'Église i^recque
en Pologne dans sa magnifique Vie de saint
Josapfiat ; dom Gai doreau, le savant théologien ;
dom Bastide, prieur de Ligugé ; et ilom Cou-
turier, qui vient de succéder à dom Guéi anger
comme supérieur général de la Congrégaliou
de France. Le lif juillet 1833, eu l.i fêle
de la translatinn de saint Benoit, l'église de
l'abbaye fut léconciliée et les nouveaux béné-
dictins reprirent la règle du saint patriarche
de la vie monastique.
Cette installation dans les ruines de So-
lesmes n'était qu'un premier pas. Pour fonder
quelque chose dans l'Église , et même sim-
plcm'-nt pour restaurer, il ne suflit pas de
halayer des araignr^es, voire de dépenser pour
quelques milliers de francs de moellons, de
mortier, de plâtre et de couleur. Il faut m-ttre,
dans tout élablissemeut qui doit vivre , un
esprit qui le viviiie, et se lioruât-on à ressus-
citer un or. Ire ancien, encore faut-il com-
prendre ses trad, lions pour en renouer la
chaioe. Un coufiilcnt de l'abbé Guéranger va
nous expliquer, avec la supériorité du génie
et l'autorité du caractère, comment compre-
nait sa tâche le restaurateur de l'ordre de
saint Benoît. « Certes, s'écrie Mgr Pie, cette
institution avait eu, à travers les siecli;s, d»;s
destinées plus glorieuses et plus durables
qu'aucune autre iu^titutiim créée. Elle avait
vu, à des époques sulennelles de rénovation,
l'Eglise entière et la papauté se personniher
presque en elle. Mais rien ici-bas n'est a|q>elé
à p;irticipcr au privilège qui n'a[.partient qu'a
l'Eglise. .\près des phases de relàchemtiil tt
de reforme, l'œuvie de saint Benoit, ailaiblie
et fractionnée, survivait dans dus congréga-
tions diversement organisées, dont chacune
avait son cac^et et son but particulier. Le
patrimoine était assez vasl.; pour que chacun
des partageants fut encore riche devant Dieu
et devant les hommes. Mais, parmi la dis-
persion de tout le reste, la i-iiose qu'il fallait
maintenir intacte à tout prix, je veux dira
la plénitude de l'esprit de saint Benoit, et, en
d'autres terme.-, .'essence de l'état monastique,
n'avait-clle pas subi d'aliéralioc et île ciiiuinu-
tion? Ce qui est certain, c'est <iu'à piirt un
vigoureux rejeton de la vie cistercienne mer-
veilleusement sauvé du déluge. Dieu venait
de faire parmi nous table rase du pass»;. et
que l'œuvre était tout entière à reprendre,'
puisque ses derniers débris, après un effort
infructueux, s'étaient eux-mêmes condamnés
a périr.
(A suivre.)
Justin Fèvre,
Protonol'iire Apostoliqu»
VARIÉTÉS
LES ANNÉES DU PONTIFICAT DE PIE IX.
L'Unilà callolica, ds Turin, a e.î j'heureuse idée, lors
du vingt neuvième anniversaire de l'e.xaitation de Pie JX
au souverain Pontificat, de dresser le tableau des actes
accomplis par notre grand Pape, et de caractéri?er
chacune des années de son long règne d'après les événe-
ments qui s'y sont accomplis. Quoique très-abrégé, oe
tableau n'en demeure pas inoin^ grandement éloquent, et
nous sommes assuré que nos abonnés le liront avec un
vif intérêt. — P. d'H.
i846. L'année de l'élection. — Ce ne fut pas
sans un dessein mystérieux de la Providence,
qu'après deux jours de concL-ivc, un accord
parfait choisit, le 16 juin 184(i, pour Pape le
cardmal MHsta'i-Ferreili. C est en ces termes
qu'il s'en exprime lui-même, le 27 juillet, en
recevant le Sacré-Col ége. Le 9 novembre, il
annonce au monde catholique son élection en
dévoilant les erreurs modernes, en confirmant
les constitutions de ses prédécesseurs contre les
sectes maç;onniques ; il finit en recomtartodant
à l'épiscopat un zèle nouveau [lour défendre
l'Eglise et former de bons prêtres. Le 20 novem-
bre, il promulgue un JubUé universel pour
obtenir l'assistance divine.
1847. L'année des éloges. — En 1847, le
monde retentit d'éloges sur Pie IX, mais le
Pontife peu attentif à ces félicitations ne
s'occupe que de l'Eglise. Le 23 mars, il demande
des prières pour la malheureuse Irlande. Il
complète l'administration pontificale par la
création d'uu conseil des ministres (11 juin). Il
voit les périls qui menacent les ordres reli gieux,
les excite à l'observance de leurs règles (17 juin),
il rétablit à Jérusalem le patriarcat latin
("23 juillet). En consistoire, il recommande
l'obéissance au pouvoir temporel '4 octobre). Il
réfute les calomnies déjà lancées contre lui,
déplore la guerre civile en Suisse, exhorte les
évèques à délendre 1 Eglise (17 décembre).
1848. L'année de la trahism. — L'-s hypocrites
continuent à applaudir le Pape ; sans s'y
arrêier, il est tout à l'Eglise; le 6 j;invier, il
exhorte les scliismatiques d'Orieut à revenir à
l'unité. Il proteste de son amour pour les
Allemands ([u'il déclare ses Ois (29 avril), et ne
veut pas leur faire la geune. Il signale les
livres défendus par l'/nc/ex' (2juin). Ilexposcaux
cardinaux l'état du catholicisme en Uusde et
ses ellorts pour l'améliorer ; il y crée les
pii-c>>nsciipiiiini Ciiis.opales (3 juillet). Il pleure
LA SEMAINE DU CLERGÉ
J2>v
Mgr Affre, archevêque de Paris, et fait célébrer
dans la basilique de Libère un service funèbre
(H septembre). Il confirme le patriarche chal-
ûéen de Babylone pour les catholiques. Enfin
ses applaudisseurs l'obligent à fuir Rome et à
-aller en exil (22 novembre).
1849. L'année de l'exil. — Réfugié à Gaëte,
sa première pensée est pour la Vierge Marie.
Le il février, il consulte l'épiscopal sur la
croyance catholique à la Conception Immaculée.
Il signale au monde les menées de la Révolution
i Rome, l'inutilité de son appel auprès des
princes. Il remercie les fidèles du Denier de
Saint- Pierre (20 avril). Il comprend ([iielle
terrible guerre va se livrer en Italie contre la
foi, et engrige les évoques à résister avec
«curage (8 décembre).
1850. L'année du retour à Rome. — Les armes
•catholiques ayant délivré Rome, Pie IX y
retourne triomjihant; il remercie les princes
qui l'ont secouru ; déplore les premières agres-
sions du Piémont contre l'Eglise et la condam-
nation de ''évéque de Turin (20 mai). Il rétaldit
la hiérarchie en Angleterre (29 septembre) ;
déplore que le gouvernement piémonlais viole
les concordats, et persécute les catholiques.
(1" novembre). Il crée en Angleterre les chapi-
tres canoniaux.
1851. L'année des concordats. — Pie IX con-
damne l'écrit lie Paul Vigii, Fran(;ais, résidant
à Lima, ([ui attaque le clergé (10 juin), et à
Turin (22 août), le docteur Noytz, qui fausse le
droit canon. 11 réjouit les cardinéuix en leur
annonç.inl le concordat conclu avec la reine
d'Espagni' (3 septembre). Il en publie le texte,
et, reconnnissant la U'-ccssilé de prières plus
ferventes |iour sauver l'Ei^lise, il promulgue un
second Jubilé (21 novembre).
1852. L'année des saints conseils. — C'est à
ses conseils que l'on doit le spectacle édifiant
qu'offre aujoiird'liui l'épiscopat (25 mars). 11
recommande la comiorde aux évèques d'Irlande,
le 27 mai à ceux d'Espagne. Il signale, dans la
Nouvelle-Grenade, les agissements de la maçon-
nerie contre la sainteté du mariage et la liberté
de l'Eglise (27 septembre). Pour indiquer
comment se soutiennent les combats du Sei-
gneur, il canonise Jeau Grande et Paul de la
Croix (1" octobre).
1833. L'année des belles institutions. — Il
rétablit la hiérarchie épiscopale en Hollande
(4 mars), signe ud concordat avec la Républi-
que de Cosla-RicH (7 mars), loue les évèques
de France ponT leur attachement à l'Eglise et
leur conrng'î pour la délendre (21 mars). Il éla-
blit le Sf-minaire Pie ; crée un collège à Siniua-
glia , [>ublie un admirable règlement d'cinJes
pour le séminaire .-oniain de Saiut-Appolli-
naire (3 octobre). U étabUt deux nouveaux
sièges du rite grec,' fait un concordat avec le
Guatemala, et déplore les outrages faits à
l'Eglise en Suisse et en Piémont.
1834. L'année de l' Immaculée-Conception, -i
En vue et comme préparation de la définition
du dogme delà Conception-Immaculée de Marie;
Pie IX accorde un 3' Jubilé (1" août). Il an-
nonctî aux cardinaux son prochain décret sur
ce dogme {V décembre). Le 8 décembre, il pro-
mulgue ce dogme par la Bulle Jne/fabilis, dé-
clarant que c'est le plus beat» jour de sa vie et
signale cette définition comuie le remède aux
erreurs cont' — "poraines.
1833. L'année de la révolution subalpine. —
Depuis quatre ans, le Saint-Père ''oufTpe, avec
une patience égale à celle de Notre-Seignenr,
les outrages de ce gouvernement. Le 22 février,
il se di'cide à parler, avec nne liberté apostoli-
que, des maux qui déchirent l'Eglise du Pié-
mont. Sa parole est méconnue, la révolte s'ac-
complit. Pie IX, le 26 juillet, en fait entendre
de paternels gémissements, et l'empereur d'An-
triclie le console par un admirable concordat
(3 novembre).
18.%. L'année du chaos européen. — C'est
l'année du congrès de Paris et du chaos euro-
péen. Pie IX accédant à la demande de l'épis-
copat français, étend à l'Egli-e universelle la
fête du Sacré-Cœur (23 août). Il y cherche des
motifs d'espérance et de consolation contre les
tristesses que lui cause Napoléon 111 en France,
Cnvour sur la Dora, d'autres impies dans le
duché de Bad>', au Mexi(juc, d;ms les réplubli-
qucs de r.\mériquc méridionale et en Suisse
(13 décembre).
IS.'jT. L'année du voyage triomphal. —Pour
répondre à ceux qui le disent déteste par ses
sujets, Pie IX traverse tous ses Etats : c'est un
triomphe qui dure du 4 mars au 5 septembre.
Il raconte aux cardinaux l'accufil enthousiaste
qu'il a reçu de ses peuples et des souverains
voisins( 23 septembre). Jamais l'Italie n'a vu un
aussi sinièrc plébiscite.
1858. L'année des sages admonitions. — Pie IX
prévoit, pour 1839, l'entrée de Garibaldien
Sicile et les malheurs qu'elle en éprouvera ainsi
que Naides;(le 20 janvier), dans une encycli-
que fameuse, il donne, non-seulement à deux
évêiiues .le Sicile, mais à l'épiscopattout entier,
de précieux avertissements : heureux le roi -..e
Kaples, s'il eût su alors en profiler!
1 «59. L'annéedes séditions . — En cette année.
Pie IX adresse une très-belle lettre à Alexan-
dre H, de Russie ; il publie une louchante ency-
cliiuic pour demander des prières pour la paix
(27 avril), une solennelle déclaration parlaquelle
il se dit prêt à mourir avant de faillir dans son
devoir (18 juin), une protestation éloquente
contre les révoltes de Bologne, Ravenne et 1 6- ■
12i»
LA SEMAINE DU CLEKGÊ
rousc (20 juin), qu'il termine par îles plaintes
contre le gouvernement, cause de tant de
maux.
1860. Vannée des excommvnicntions. — Le 26
mars, Pie IX excommunie les envahisseurs de
ses Etats; luauioup en plaisantèrent alors, mais
Napoli on m n'en rit plus, et si Minglntti en
plaisante encore, ce sera pour peu de temps,
car viendra l'heure de la divine justice. D'ail-
leurs, n'avons-nous pas entendu, il y a peu de
jours, un di pulé italien appeler le parlement
du Mont-Citorio, une chambre à' excommuniés?
1861. L'année du royaume d'Italie. — L'ori-
pine de ce royi;ume est racontée au monde par
Pie IX, le 30 septembre, dans une allocution
fameuse. Le Saint-Père s'en console à la vue de
l'union clans l'épiseopat, de la piété des peu-
ples, de la fidélité des Romains. Il crée à Goa
un siège épiscopal, exprime à l'évêque de Var-
sovie son amour pour la Pologne (6 juin), érige
de nouveaux évêchés à Haïti et prépare la cano-
nisation des martyrs japonais (23 décembre).
^862. L'année des martyrs japonais. — Voyant
les persécutions réservées à l'Italie, Pie IX par
la canonisation des martyrs du Japon et de Mi-
chel-des-Saints, montre commeut il faut souf-
frir (6 juin). 11 entretient les évéqucs accourus
de toutes les parties du monde des erreurs ac-
tuelles, les engageant à les réfuter (9 juin). Il
recommande le zèle à l'épiseopat portugais et
avertit l'aichevèque de Munich de l'hércsie qui
va dévorer l'Allemagne.
1863. L'année de la Pologne. — Avec un cou-
rage admiré, même par la Chambre italienne,
Pie IX poutient la Pologne contre le czar ; dans
le consistoire du 16 mars il raconte les malheurs
de ce pays; le 22 avril il écrit au tzar lui-
même une lettre sur ce sujet; il célèbre le 300'
anniversaire du concile de Trente, condamne
les catholitjues libéraux [\0 août) et, démasquant
Dœllinger, il écrit à )'urchevéi|ue de Munich
sur le congiès des docteurs de Bavière et sur
les erreurs de l'orgueilleux Père des vieux ca-
tholiquei (22 décemljie).
1864. L'année du ^yuji^vs. — Continuant sa
lutte contre l'erreur. Pie IX écrit aux évèques de
Pologne, flétrit la persécution russe contre
l'Eglise (30 juillet). 11 loue l'héroïsme de l'ar-
chevêque de Fribourg en Biisgau ; félicite l'épis-
eopat bavarois de sa fermeié : il béatifie la
grande apolre du Sacré-Cœur, la B. Margue-
rite-Marie Alaco(pie (19 août) et publie son
immortelle encyclique Quanta cura et le Syllubus
sur les erreurs contemporaines (8 décembre).
1863. L'année des Francs-Maçons. — Bien que
dès son avènement Pie IX n'eut pas cessé de
condamner celte secte, voyant ses continuels
progrès, il la frappe de nouveau en 1863; et,
après avoir pourvu aux bcsuius de l'Eglise à la
Plata (3 mars), au Pérou (17 mars), en Orient
(27 mars), aux îles Philippines (27 mai), le 25
septembre il signale au monde les agissements
des sectes et conjure les fidèles de s'en pré-
server.
1866. L'année de Sadcwc. — La Révolution
s'eftorce d'abattre les puissances catholiques et
s'unit aux protestants pour combattre l'Eglise.
Pie IX redouble donc de zèle pour défendre
cette Eglise ; par sa lettre apostolique du 12 fé-
vrier, il fonde à perpétuité che^ <!js Jésuites ua
collège d'écrivains pour la soutenir avec leur
plume. Dans le consistoire du 22 juin, il crée les
sièges d'Oran et de Constantine, confirme l'élec-
tion du patriarche syrien d'Aatioche et canonise
de nouveaux saints.
1867. L'année de saint Pierre. — En cette
année Pie IX est inondé de joies extraordi-
naires qui l'aideront à soutenir de nouvelle»
luttes. Tous les évèques du monde l'entourent
pour le centenaire de saint Pierre, le 26 juin,
il les réunit en consistoire, leur exprime son
bonheur de leur union au Saint-Siège. Dans une
adresse fameuse ils expriment leur fidélité au
Pape et la nécessité du pouvoir temporel. Le
30 juin, Pie IX leur répond par une allocution
et leur annonce un concile œcuménique. Il ca-
nonise de nombreux saiut-, érige en archicon-
frérie l'association des c/i'if/ies de Saint- Pierre;
le 20 septembre, il gérait sur la spoliation des
couvents en Italie; le 17 octobre, il démasque
l'armée de Garibaldi envahissant les Etats de
l'Eglise, et pleure de nouveau sur la Pologne.
1808. L'année de préparation au Concile. -—
Daus sa sagesse pour gouverner l'Eglise, il s'ad-
joint 9 cardinaux nouveaux (13 mais), consulte
le Sacré-Collége sur le futur Concile (22 juin),
et publie le 29 juin les lettres d'indiction du
Concile pour le 8 décembre lfc'69.
1869. L'année du Concile du Vatican. — Pie IX
célèbre ses noces d'or et ouvre aux fidèles les
trésors de l'Eglise (26 mars). Il refuse aux schis-
matiques l'entrée du Concile (4 septembre), les
invitant à discuter avec ses théologiens (30 oc-
tobre). 11 rédige un admirable règlement inté-
rieur du Concile (27 novemhie), inaugure les
congrégations du Concile par , 'étonnante allo-
cution du 2 décembre* pourvoit avec sagesse >
au choix de son succes-eur on cas de mort ;
enfin le 8 décembre il ouvre à Saint-Pierre le
Concile.
1870. L'année de la brèche de la porte Pia. —
Le Concile poursuit son œuvre salutaire pour
l'Eglise et pour la foi : Pie LK promulgue la
constitution dogmaticjue sur Dieu crcaieur, sur
la foi, sur la r.dson, sur la révélation (24 avril),
puis la seconde sur la primauté de Pierre, la
perpétuité et riulaillibilité [lonlificale (18 juil-
let); mais ce jour-là éclatait la guerre; 1»
LA SEMAINE DU CLEKGE
1231
20scptamliroRomc estenvaliie; le \" novem-
bre Fie IX raconte au monde cette inva-
sion, les effets du canon, la broclie de la porte
Pie : il prntesto, promet de rf'"*ister constarameut
à l'envaliisseur et il lient v^ro'e.
1871. L'année (ha garanties pontificales. — Les
envahisseurs lui nllrenl des garanties, il les re-
fuse I ohlement (le 2 mars). Par de continuels
discours et par ses actes il ne cesse de combat-
tre la Révolution. Il remercie Ditu de lui avoir
accordé les années de Pierre (4 juin); il établit
saini Joseph protecteur de l'Eglise (7 juillet); il
voit dais l'unité du monde catholi(|ue le gage
d'un tricimphe. Il refuse un trône d'or el le titre
de Grand {8 aoùl). Il pourvoit aux iunombraLles
sièges vacants en Italie (27 octobre).
1872. L'année de la guerre aux couvents. —
Quand il s'agit de suiiprimer les couvents à
Rome, Pic IX révèle ce que valent les garanties
promises. Par une célèbre lettre au cardinal
Antonolli, ils se déclare prisonnier du gouver-
nement italien, mais prêt à mourir plutôt qu'à
céder (IG juin). Devant ics cardinaux, il con-
damne et excommunie les siioliateurs, s'aban-
donnant à la justice et aux miséricordes de
Dieu (23 décembre).
1873. L'année de la persécution universelle . —
Beau( oup de gouvernements se mettent à per-
sécuter plus Duveitement l'Eglisi', la maçon-
nerie redouble ses rusf'S, le catholicisme libéral,
avec une fausse dévotion, cherche à semer la
division contie Rr)me. Pie IX encourage les so-
ciétés catholicjues d'Allemagne (10 lévrier), de
France, de Belgique, d'Italie. Il renouvelle les
anatlièmes contre les sectes (29 mai), en écri-
vant à l'évêquc d'Olinda, au Brésil. Il con-
damne le catholicisme libéral (6 mars), en écri-
vant aux sociélcs catholiques Saint-Ambroise,
de iVIilan, aux ceri les d'Orléans et de Belgique.
Le 21 novembre, il publie une encyclique dé-
nonçant à l'univers ce que souffie l'Eglise à
Rome, en Italie, en Suisse, en Prusse.
1874. L'année des alliances impies. — Il voit
l'Autriche préparer contre l'Eglise les mêmes
armes que la Prusse; le 7 mars, il en écrit à
l'épiscopat autrichien; le 13 mai, il recom-
mande à l'épiscopat rutbène la constance dans
la liturgie que veut leur ravir îe schisme russe.
Voyant le mal s'étendre toujours plus, dans le
consistoire du 21 décembre, il déplore l'aveugle-
ment des gouvernants qui s'unissent aux en-
nemis de l'Eglise partout. Il cite l'exemple de
l'Allemagne, de la Suisse, des divers Etats du
Nord et du Sud de l'Amérique, el la persécution
delà Turquie contre les Arméniens. Le 24 dé-
cembre, il convie les peuples à la pénitence et
au grand Ju/iilé.
4875. L'année des dernières conspirations. —
A la persécution vient s'ajouter la conspiration :
on calcule et on escompte la mort du Pape; le»
divers gouvernements cherchent à s'entendre
pour enchaîner en tel cas la liberté du Conclave.
Le Père des fidèles pense à la douleur de ses
enfants, il écrit aux évêques prisonniers d'Al-
lemagne pour les consoler; le 23 mars, il s'a-
dresse au clergé ot au».*dèles de Suisse. Le
15 mars il prononce une allocution se plaignant
qu'on veuille empêcher, en Italie, la publication
des actes et des discours pontifîraux. Pendant
que les gouvernements se séparent de lui, les
peuples accourent en foule à ses pieds pour y
puiser de la force, fêter sa naissame. et, en re-
tour, il les invite tous à aller puiser les secours
qui leur manquent dans le Sacré-Cœur de
Jésus.
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
Discours du Pape aux mombrea de la Société de
secours aux pauvres employés pontiQcaux civils et
militaires. — Nou\elles liqwdalions de couvents. —
Transport des plus précieuses reliquea de Rotnf^ ta.
Vatican. — Les Frères de la Conceplion autorisés à
porter des tiabits lairpips. — La charité d'S révolu-
tionnaires italiens. — Double guérlson miiaculeuse
d'une pauvre malade à Lourdes. — Consécraiion de
la basilique de Saint-Epvre. — Inauguration d'un
cercle calholiiue d'ouvriers à Nancy. — La clinpelle
du clergé de France dans l'église du Sacré-Cœur. —
Fermeture de> écoles en Alsace-Lorraine, faute de
maîtres. — Expulsion des soeurs de la Ctiarilé au
Mexique, — Comment elles sont accueillies à San-
Francisco. — Conduite des évoques mexicains.
21 juillet 1875.
Rome. — Le discours du Saint-Père qu'on va
lire est le dernier avec lequel nous étions en
retard. Il a été adressé, le 30 mai dernier, aux
membres de la Société de secours aux pauvres
employés pontificaux civils et militaires.
« Je me réjouis, leur a dit Pie IX, de vous
voir former autour île moi tmc agréable cou-
ronne, et cela pour deux motifs : d'abord, parce
que votre présence ici me fournit l'occasion de
vous donner la bénédiction qui. si mes voeux
sont accomplis, vous encouragera et vous ani-
mera dans l'exercice des œuvres de la charité ;
en second lieu, parce que je ^lis vous exprimer
ma joie et ma satisfaction do ;o'r que, depuis
cinq ans, vous ne cessez de vous cmjjloyer avec
un zèle louable à une œuvre extrêmement inté-
ressante, au soulagement d'une petite armée,
qui, par sa fidélité, sa lermeté et sa disciplin(!, a
excité l'admiration des personnes les plus exer-
cées dans le métier des armes. Telle a été,
j'aime à le dire, la conduite de cette petite
armée dont, bien cjue peu exercée dans l'art
militaire, j'ai dii néanmoins louer la bonne
discipline et la fidélité, pendant que je lui four-
nissais les moyens et les personnes nécessaires
pour qu'elle ne fût pas privée d« l'aliment sp i-
123Î
LA SESIAINE DU CLERGÉ
rituel, et que chaque soldat pût conformer sa
■vie au carurlère clirétieu que nous portons tous
gravé dans notre iino.
0 Ilonnenrdon'- à votre charitable sollicitude,
qui, non contente de pourvoir au modeste entre-
tien matériel de mes enfants, va jusqu'à cultiver
autant qu'il est possible, leur espiit, afin de les
mettre en garde contre les séductions et la cor-
ruption du siècle. Je vous en félicite d'autant
plus qu'il ne peut y avoir d'unions soit civiles,
soit militaires, sans l'élément religieux nr'ces-
«aire non-seutemrnt pour alimenter la piété daos
le cœur des soldats, mais encore pour les rendre
exacts dans l'accomplissement de leurs devoirs.
« Je me rappelle (il y a de cela vingt-quatre
ou vingt-cinq ans) que, lorsque les troupes fran-
cises vinrent garantir la ville de Rome, elles
étaient privées, pour dififérenls mo'.its, de l'as-
sistance spirituelle ; c'est pouninoi j'écrivis à ce
sujet uue lettre au chef de cette illustre nation
(qui porte aujourd'hui noblement en main la
palme du triomphe qu'elle a remporté sur le
respect humain), et il me répondit promptement
qu'il allait pourvoir à ce besoin conformément
à mes désirs. Les temps étaient alors favorables
à la religion. Mais comme cette salutaire in-
fluence déplaisait à tous les sectain s, il arriva
que Satan arma la main de quelques assassins,
et jeta, par son œuvre ténébreuse, la craiute
dans l'esprit dfs hommes qui étaient en France
à la tête des affaires publiques; ils conformèrent
dès lors leurs actes i)lutôt à la politique hu-
main;' qu'à l'esprit de l'Eglise ; et ainsi la nioin
protectrice se retira quelque temps. Cependant
l'ordre fut donné au commandant de la garnison
<ie Rome de procurer aux soldats l'assistance
spirituelle, et cet ordre eut sou etfct.
« Plût à Dieu qu'on en agît de même à l'é-
gard des soldats qui sont aujourd'hui sous les
armes ! Ce sont pour la plupart de pauvres
paysans abandonnés, qui, loin d'être favorisés
daus le libre exercice des pratiques religieuses,
en sont au contraire détournés par un art it des
ruses dialioliques. On voudrait même rendre
impralii-able l'exercice de la religion en di'trui-
sant (entreprise inipo-sihle, mais qu'on veut
tenter) le sacerdoce chrétien, qu'on prétend
obliger au service militaire. Tout le monde con-
nnit la loi présentée à ce sujet, loi en veitu do
biquelle on veut échanger l'élole contre le
fusil, le ma' ipule contre l'épée, l'amicl contre
le casque. Loi inique, et qui, comme on l'a dit,
tout en tendant à la destruction du saterdoco
chrétien, accumule ne nouvelles censures sui
l'âme de tons ceux qui la promulguent et de
•ceux qui la sau-tionnent. Déplorable condition
de tous ceux qui asfi'^seut aveuglément contre la
foi, tons ne la déte-lent pourtant pent-étre iwi-i
•du fond de lear âme, mais iU sont poussés pur
ces hommes aussi obscurs que puissants qui les
empêchent de s'arrêter au bord de l'abîme.
Quant à ces derniers, il leur faut, pour satis-
faire la rage infernale qui les dévore, il leur
faut diriger toutes leurs pensées et leurs déter-
minations au saul but de persécuter l'Eglise de
Jésus -Christ.
« Mais la religion demeurera inébranlable ;
et quoiqu'on ce moment aucune espérance de
secours ne se présente à el.'e du côlé des
hommes, la religioo et l'Eglise agiront d'elles-
mêmes (/"oranno da se). De même que l'arche,
fceule et en apparence impuissante, vit tomber
en morceaux à ses pieds l'idole infâme de
Dagon, de même l'Eglise triomphera de l'idol»
plus infâme encore de incrédulité. Je m'arrête
ici, car ce n'est pas !* moment de donner un
plus grand développement à celle vérité.
« En attendant, jetons-nous entre les bras de
la divine miséricorde. Espérons en la médiation
de la Mère de Dieu, laquelle aujourd'hui, à la
fin du mois qui lui est dédié, estplBS que jamais
disposée à exaucer nos prières; et soyons assu-
rés que nous obtiendrons les forces nécessaires
pour combattre et la confiance en Dieu, qui
nous fera voir l'accroissement de la foi et de la
charité chrétienne.
« Enfin, pour nous v^'ngerde nos ennemis et
des usurpateurs des droits de. Dieu et de l'Eglise,
souvenons- nous d'eux devant Marie, refuge des
pécheurs; qu'elle leur obtienne la connaissance
de leur déplorable état! Que la lumière péné-
trant ilans leur esprit et dans leur cœur, ils
retirent le pied de l'abime, et qu'ils évitent, par
un entier et sincère repentir, les malédictions
ultérieures de Dieu, su-pendues sur leurs tètes.
«Recevez, à présent, ma bénédiction. Qu'elle
TOUS fortifie, qu'elle s'étende aux diverses
familles auscjucllcs vous appartenez; que cette
bénédiction vous accompagne durant votre vie,
qu'elle touî fortifie au moment de la mort, et
qu'elle vous obtienne la grâce de louer et de
remcivier Dieu dans le ciel durant les siècles
des siècles. »
Rien de ce que peut dire le Pape ne ralentit
l'ardeur de la spoliation dont sont auimés les nou-
veaux venus à Rome. Comme les communards
de Paris, ils veulent ne rien laisser après eux,
s'ils sont forcés d'ahandonner la ville sainte.
En quelques jours, la fameuse junle liquidatrice
a. expuisi' de chez eux, après tant «l'autres déjà :
les Augustines Ôblales, au couvent des Selte
Ooliivi; les Clarisses de Saint-Sylvestre; les
Passionisles des Saints-Jean-el-Paul; les Capu-
cuis de ia place barberiui; les PaSïionistes de
la Scala -Santa (préposés à la garde de l'escalier
saint); h? Ciqiucins de Saint-Laurent hors les
Jlui.s, qui s«'»Teiil de chapelains au cimetière;
les B iK-Oicliucs Uljlatcs de ToideiUptichi. Dans
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1233
ce dernier couvent, l'tin «ies membres de la
junte, joignant la moquerie à la violence, a osé
tlemander aux religieuses de {irierpour lui afin
qu'il puisse bien remiilir sou devoir.
l'our préserver de la profanation les plus
insignes reliiiues éporscs dans les monastiMcs
et les églises de Rome, le P.ipe les avait fait
transporter au Vatican, aussitôt après l'iuvasinn
piéniontaise. On voit cooibien sa piévoyauce a
été foge. 11 vient d'y laiie tians(ioiter aussi
celles de saint Léonard dePorl-Jlauiice, confiées
à la giirde des religieux et son ordre, les Fran-
ciscains de la stricte observance, du mont
Palatin, parce que la junte avait également
chassé ces religieux de leur couvent, que l'on
va démolir sous prétexte de pouijeuivre les
fouilles qui doivent aboutir à la découverte...
des lupanars de Néron.
Le seul babit reliiiicux oflnsquc la vue des
envahisseurs; sans doute il est pour eux une
Jiçon parlante, dont ils ne venletit pas. Les
Frères de la (Àmccptipn étaient préposés à la
garde des inliiiues dans les bô|iilaux de Hume.
Le gouvernement nouveau leur a fait sii^nifier
d'avoir à quitter leur froc bleu s'ils voulaient
continuer leur service, ils en ont référé au
Sainl-Pôre, qui, tout hé de compassion pour les
malades qui seraient demeurés sans assistance
religieuse, les a autorisés à prendre des vête-
ments laïques. Cela rap[ielle encore les com-
munards, qui voulaient que les sœurs des
hôpitaux et des écoles abandonnasseut leur
costume religieux.
CepeUiianl les révolutionnaires iialiens, tout
en de()ouiUant l'Kglife, et en se partageant ses
Liens, se montrent lort peu géiéreux pour nos
malhenreux inondés du .Midi. Le plus illustie
<l'entre eux, ijui vient de reccviàr pour sa part
deux millions de capital et deux cent mille
livresde rente, a eliaigé, par une lettre piibli<|ue,
son ami Bordone de \erser 1U(J l'r. pour lui.
iUen ne prouve que ces 100 francs seront vei ses.
iiais le fussent-ils, ou convieiulra qu'ils feront
triste ligure à coté des 20,000 francs de l'ie IX
epolié, vivant d'auniones, et obligé de faire
face aux dépenses de l'Eglise dans tant de pays
où elle est |ierseeutée et indignement volée.
Les catbiilitiues se sont montres dignes de leur
<Jli(;f vénéré, et les révolutionnaires n'ont eu
garde de faire hnnte an leur, ainsi que, le
témoignent le cbllfre des offrandes; ma^sil nous
sultit d'avoii rapporté les deux faits ci-ilessus,
parée ([u'ils indiquent assez exactement lu
mesure de la charité des uus et des autres.
FnANCE. — Le jour même où les catholiques
de liiulc la terre se consacraient au sacré-eœur
de.ks'.is, le I G juin dernier, une pauvre sourde-
jnuclte, ùgée de 21 ans, éprouvait, pour la
seconde fois à Lourdes, les effets de la miséri-
cordieuse bontéde Marie. Cette infortunée bien-
heureuse est de Larny, au <liocèse de Poitiers,
et se nomme Jeanne Lepetit. Atteinte depuis
trois ans d'un lupus (ilartre rongeante) dont
rien n'avait pu arrêter les pnigres, elle en fut
«ubilement guérie en se plongeant dans lu
piscine de Lourdes, le 5 octobre 1872. Elle
avait fait vœu, dans cet instant, si elle gué-
rissait, d'entrer en religion et de communier
tous les samedis en l'honneui de la sainte
Vierge. Elle sollicita, <*n consé<;iience, d'être
admise dans une petite eongregalion fondée
exprès pour les sourdes-muettes, et elle y fut
reçue postulante. Mais, au commencement de
cette année IS'îo, sa ferveur s'etaut ralentie, au
point qu'une de ses maîtresses lui exprima la
crainte que son mal ne la reprit, le lupus
reparut en cfl'et peu après, et fit les plus
edrayanls progrès, endépit de tous les remèdes.
Grâce à une personne charitable, elle put faire
de nouveau le pèlerinage de Lour les. El étant
descendue liaiis la piscine, comme la première
fois, elle fut tout à coup etcom|détemcnt guérie.
D'admirables fêles ont eu lieu à Nancy, le
7 juillet, |)oor la consécration de la basilique
de Saint- Epvre. Le prélat conséeiateur était
Mgr. l'évéqae de Nancy lui-même. Après les
cérémonies secrètes, les (lortcs furent ouvertes,
et des flots de fidèles se précipitèrent dans
l'église. A droite de l'autel étaient placée ;
Mgr Guilberl, évêque de Gap, M-;r Meignan,
évcque de Cbàlons et Mgr Sleirieu, évêque de
Digne; à gauche: Mgr liocquard, évêque de
Verdun, et Mgr .\lermdlod, évêque d'Uebron et
vicaire apostolique de Genève. Sur le devant,
dans le rang le plus rapproché de l'autel, on
remarquait toutes les autorités militaires et
civiles de Nancy. Aux offices du soir, Mgr Mer-
millud a captivé so:i iminence auditoire en
développant ce sujet, que l'Kglise est le double
foyer de la vie reli;;ieuse et de la vie sociale.
V(Mei la brève analyse que donne du discours
do l'éloquent évêque proscrit le correspondant
de VUitivers. « L'église est le foyer de la vie reli-
gieuse. La nature est un tcra[de et la cons-
cience un sanctuaire. Mais ce sanctuaire est
souvent souillé et ce temple souvent vrcfané.
Il faut autre chose à l'homme; i'. iui faut un
lieu consacré où il se trouve, pour ainsi dire,
rappiochédcDieu. et comme faieà faceavecsou
Sauveur. — L Eglise est un fojcr de vie sociale.
Foyer de lumière, car contre elle s'adosse
l'école, et dans son enecinte même sont ensei-
gnées les glandes vi'.iiti's.jui rendent les nations
fortes et lieuieuses. Foyer de dévouement, car
ù son aiin les cojurs se "ililaient el se préparent
au sacrifiée. Ei lin. f. ver de paln.ti.-me I Si
les archives et les bibliolliequcs étaient délrui-
1234
LA SEMAINE DU CLERGÉ
tes, ne retrouverail-on pas l'histoire i^e France
écrite dan* Ifs églises et les calhédrales ? »
Le lendemain, sous la présidence de Mgr l'é-
vêque de Nancy, assisté de Mgr Mn-millod, et
en présence des autorités de la ville, avait lieu
rinanfi;uration d'un cercle catholiiiue d'ou-
vrier?. Mgr Mcrmillo;r a prii encore la parole.
Il a commiTicé par rappeler qu'il avait deux
patrie?, la France et la Suisse, que son cœur
d'évêijue réunissait dans une commune ten-
dresse ; il a dit ensuite qu'il aimait de toute
son âme les ouvriers, et a terminé son discours
par les paroles suivantes: « Ouvriers! ayez
confiance, vous avez la sympathie de l'Eglise.
Tous les prêtres, par leur dévouement à votre
cause, ne vous montrent-ils pas suflisamment
qu'ils sont vos amis? Ne vous laissez point trom-
per, car sachez que dans ce siècle de lumière,
c'est l'Eglise qui marche quand le reste du
inonde demeure immoijile. »
Après les ouvriers, après les soMats, après
les magistrats, après les législateurs, voici que
les prêtres aussi auront leur chapelle spéciale
dans la future église du Sacré-Cœur. Depuis
longtemps, beaucoup de demandes dans ce
sens avaient été adressées à Mgr Guibert ; mais
Son Eminence ne s'était pas hâlée d'y repondre,
parce qu'elles étaient isolées. M. l'APcliiprètre
de Bar-le-Duc s'étant uni à vingt-neuf doyen.";,
curés, aumôniers et vicaires de cet aichiprètré,
pour soumettre la même idée au vénérable car-
dinal, Son Eminence, après en avoir conféré
avec les membres rlu comité, l'a enfin accueillie.
La chapelle du clergé de Fiance sera dédiée à
Jésus-Cdrist pbêtre éternkl, et t'est à son
autel que sera conservé le Saint-Sacrement.
Nul doute que tous les membres du cleigé fran-
çais s'associeront à ce projet.
Puisque nous parlons de l'Eulise du Sacré-
Cœur, disons que la souscription qui doit servir
à la bâtir s'élevait, le 4 juillet, à 2,282,797 fr.
45 cent.
Alsace-Lorraine. — Les savants et les civi-
lisés de Prusse ne parais ent pas animés d'un
grand zèle pour faire participer à leurs lumières
le pays qu'ils nous ont arraché. Depuis qu'ils
en ont chassé les congrégations cnsrignantes,
le manque d'instituteuis et d'institutrices est tel,
que plus de 400 communes ont dû fermer leurs
écoles, fai.te de maîtres et de maîtresses.
Mexique. — 11 y a quehjues mois que non?
n'avons poiut parlé de l'Eglise mexicaine, contre
laquelle s'acharne M. Lerdo de Tcjada, succes-
seur de Juaicz à la pré.^idence de la Képubli
que, comme M. de Bismarck en Prusse et .M. Car«
teret à Genève. La loi volée par les irancs-ma-
çons, dont nous avons lait connaître les princi-
pales dispositions, a comnieneé de porter ses
fruits. Les sœurs de Saiul-Yincent-de-Paul, ne
voulant point quitter leur saint habit, ont été
expulsées du territoire de la République. Plus
de deux cents Françaises et Mexicimes sont ve-
nues en France. D'autres se sont dirig'^es vers le
Texas, ovi elles ont trouvé une cordiale récep-
tion de la part des autorités et des populations.
Cinquante-cinq se sont embarquées pour la
Californie et ont descendu à San-Francisco. Un
énorme meeting, composé Je catholiijues et de
protestants, s'est aussitôt formé, sous la prési-
dence du général Rosecrans, pour leur souhaiter
la bienvenue et protester contre les menées
odieusement tyranniques du gouvernement de
Mexico. Parmi b-s orateurs qui ont pris la parole
se trouvait Mgr Alemany, dont le discours a
été cent fois interrompu par les plus chaleureux
applaudissements. En voici un court extrait:
« Ces servantes de Jésus-Christ, a dit l'élo-
quent prélat, ont un titre particulier à notre
sympathie, parce que, toutes, elles ont droit au
respect de ce pays. De nos lacs du Nord aux
bouches du Mississipi, de New -York, à San-
Francisco, la nation entière est couverte d'hô-
pitaux et de refuges pour les orphelins, où les
filles de Saint-Vincent-de-Paul se montrent les
plus douces, les plus charitables infirmières des
malades et des mourants, et les plus tendres
mères des pauvres enfants qui n'ont plus de
mères. Quand le fléau du choléra a visité cer-
taines parties de la république et étendu la ter-
reur d'un Océan à l'autre, quand l'ami fuyait
son ami, la sœur de charité était ferme à son
poste, soignant les malades et n'abandonnant
même pas les morts : elle était étrangère aux
dangers qui menaçaient une vie qu'elle avait
vouée au service des enfants de l'.\méri.|ue. Et
quand la fièvre jaune désole la Nouvelle-Orléans,
ou .quelque autre lieu de l'Union, la sœur de
charité est encore là, toujours prêle au sacri-
fice de son existence terrestre. Ah ! si les osse-
ments de ceux de nos soldatsqui tombèrent dans
la dernière guerre civile pouvaient parler, ils
diraient, avec les accents de la reconnaissance,
ce que lessœursde chaiit ont fait poureuxl...»
Cette brutale expulsion des sœurs de la Cha-
rité a provoqué, au Mexique, de nombreuses
protestations, et les hommes du gouvernement
ont été qualifiés comme ils ie meril'iient. |,,es
évêques ont aussi élevé la voix; mais, tout en
protestant contre les lois de persécution, ils ont
exhorté les fidèles à la patience et leur
ont indiqué la conduite qu'ils devraient tenir 1
durant cette tempête.
P. dHaôierive.
ToBce IV. — N» ■il. — Troisième année.
4 août 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÈME HOWILÉTIQUE SUR L'ÉVANGILE
BU XH' DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.
(Luc. X, 23-37.)
I. Les disciples avaient été envoyés avec la
puissance de la parole et le don des miracles.
Ravis du succi's de leur mission, ils reviennent
pleins de joie. Jésus bénit son Père de ces pre-
miers triomphes, prélude de tant d'autres, et,
se tournant vers les siens, il leur dit : Heureux
les yeux qui voient ce que vous voyez. Us voient
le Christ vivant dans la chair, ils entendent sa
parole, plus heureux que les saints des anciens
jours qui u'avaient vécu que d'espérance, plus
heureux que nous qui vivons de la foi. Néan-
moins nous sommes encore souverainement
heureux, nous qui entendons et voyons Jésus-
Christ se manifestant dans l'église, et qui jouis-
sons de sa présence au tabernacle. Heureux
sommes nous, mais à la condition de profiter
des trésors de la grâce, de recueillir avec un
saint empressement la vérité divine et d'y
conformer nos mœurs.
II. Alors un docteur de la loi se leva et lui dit
pour le tenter: Maître quo faut-il que je fusse
pour posséder la vie éternelle ? Cette question
lonne en elle-même devenait mauvaise par
l'intention qui la dictait. Dans ses courses apos-
toliques, Jésus était souvent suivi de ces doc-
teurs jaloux, discoureurs malveillants qui cher-
chaient à le décrier et se donnaient la mission
de lui poser des questions perfides. Erant enim
qiidamverbosi circumcuntes totamregionem Judœo-
rum, incusantes Christum (l). Jésus déjoue la
use de son astucieux interrogateur en le for-
çant à répondre lui-même. Qu'y a-t-il d'écrit
dans la loi, lui dit-il? ju'y lisez-vous? Et le doc-
teur répondit : Vous aimerez le Seigneur votre
Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de
toutes vos forces et de tout votre esprit. Et Jésus
lui dit: Vous avez bien répondu; faites cela et vous
vivrez.
Aimer Dieu de tout son cœur, c'est ne rien
aimer plus que Dieu, c'est ne rien aimer autant
que Dieu, c'est ne vien aimer qu'en vue de Dieu
et pour Dieu. 11 aiine Dieu de toute son âme, le
chrétien qui est prêt à donner sa vie pour Dieu,
ù tout perdre plutôt que la grâce de Dieu. Il
l'aime de toutes ses forces, quand il consacre à
Dieu, sans hésitation et sans partage, toute son
«Ctivité, toute sou énergie, ses biens, ses talents,
l, Cyill., <n cattn. grcec. pair.
son influence et son autorité. Il aime Dieu de
tout son esprit, l'homme qui lui voue tout en-
tière la plus noble partie de lui-même, qui est
l'intelligeuce ; il aime Dieu de tout son esprit,
quand il fait son étude habituelle des perfections
et des volontés divines, quand son intelligence
demeure constamment comme en face de Dieu
pour s'inonder de lumière et s'emflammer d'a-
mour.
Dieu seul doit être aimé pour lui-même; mais
le prochain doit être aimé pour Dieu et selon
Dieu. Nous devons l'aimer comme nous-mêmes
c'est-à-dire avoir pour lui l'estime, le respect,
les regards que nous voulons qu'on ait pour
nous, telle est la voie qui mène à la vie. J\lais
cet homme, voulant faire parade de sa justice,
dit à Jésus: El qui est mon prochain? Voilà bien
le langage de l'homme superbe qui, dans son
orgueil, met entre les autres et lui une distance
infinie. In su/erbiam prorupit, nullum sibi proxp-
mum putans esse (2).
Que, de nos jours, on demande au dernier de
nos petits enfants quel est notre prochain, il
donnera instinctivement la réponse chrétienne :
Notre prochain, dira-t-il, ce sont tous les hommes,
même nos plus grands ennemis. Cette notion,
qui nous semble si naturelle, était pourtant
ignorée de l'antiquité pnïenne, et chez les juifs,
surtout dans la secte pharisaïque, l'égoïsme et
l'orgueil maintenaient un exclusivisme qui ré-
pugne à nos idées chrétiennes. Nous ne saurions
donc trop bénir le Verbe incarné, le Dieu qui
est charité, d'avoir ainsi vulgarisé la notion du
véritable amour mutuel.
III. Mais la charité doit être efficace; et le
divin maître en donne un admirable modèle
dans la parabole du bon Samaritain. La vraie
charité est universelle ; elle ne connaît ni juif,
ni gentil. Le Samaritain passe, il voit ce pauvre
blessé qui n'est pas de sa nation ; mais la misère
appelle la miséricorde, videns misericordia motus
est, c'est une charité active, qui ne s'arrête pas
à une stérile compassion. ^"^ appropians, alligavit
vulnera ejus, c'est une charité généreuse ; elle
se dépouille elle se sacrifie, infundens oleum et
vinum, c'est une charité persévérante, et duxft
in stabulario et curam eius egit, c'est une charité
prévoyante : et altéra aie protulit duos denarios.
III. Cette parabole a un sens encore plus élevé.
Jésus-Christ est le véritable Samaritain qui, pas-
sant sur la terre, est venu panser le genre nu-
i. CyriU; in nitn. grae.fairt
12Î0
^A i>LMAliNE DU CLLiUjL
main, blessé par Satan, et que la Loi et les Pro-
pliètes avaient abaudouné, dans l'impuissaQce
de le guérir. Jésus a versé sur ses plaies l'huile
de sa^ grâce et le vin qui est son sang, il l'a
abrité dans la divine hôtellerie qui est l'Eglise,
et où il a laissé, [ }nr son soulagement, des se-
cours eflicaces. il reviendra, et à son retour qui
sera l'benre du jugement, il récompensera, avec
générosité, ceux qui auront servi et sauvé les
pécheurs. Aiebat de presbyteris^volens parabulam
interpretari, hominem qui descendit, esse Adam :
leruaalem, paradisvm : Jéricho, mimdum : latro-
nes, contrarias fartiludines; sacerdotem, legem;
levitimi, prophelas; Samirritem, Ckn'stum, vulnera
verc tnobedientiam ; animas, corpus Domini; pan-
dochium, id est stabulum, eccksiam inlerpretari.
De eo vero quod Samarites reversurum se esse pro-
mittit , secundum Salvatoris figurabat adven-
tum (1).
Jamais l'homme ne pourra aimer ses frères
autant que Dieu nous a aimés. Néanmoins,
l'amour de Jésus-Christ, à l'égard des âmes, doit
être le modèle du nôtre. Oui, aimons les âmes,
et aimons-les avec d'autant plus de tendresse,
qu'elles sont plus coupables et plus malheu-
reuses.
Si la charité de Jésus-Cluist nous presse, la
méditation de celte parabole exercera dans nos
cœurs le sentiment de la reconnaissance. Pauvres
blessés abandonnés sur le chemin du péché, que
de fois le bon Samaritain n'est-il pas venu nous
guérir! 11 nous confie à TEglise qui, elle aussi,
est pleine de miséricorde, et dans le sein de
laquelle nous trouvons tous les remèdes et tous
les soutiens. Restons dans cette hôtellerie sainte,
laissons panser nos plaies par la main mater-
nelle de l'Eglise, et, au retour de notre céleste
bienfaiteur, ornés de vertus, riches des dons de
la grâce, nous irons avec lui, là où il n'y a plus
à craindre les larrons. Des ombres et des vicissi-
tudes de ce monde où nous sommes descendus,
nous remonterons dans les clartés immuables de
la Jérusalem éternelle.
L'abbé Heeîian,
Curé de Festabert.
INSTRUCTIONS FAMILIÈRES
SUR LE SYMBOLE DES ftPOTRES
(49« instruction.)
Ojmœnnîon des saints. — Rapports de TEglise militauU
»TïC l'Eglise triomphante, avec l'Eglise souffrante.
Texte. — Credo... sanciorumcommunianem.ie
crois... la communiou des saints.
ExoRDB, — Mes frères, daus notre de
1. Orîgen. Hom. xxxtv conf. Hier, in Uatth
le Vtrb, Dom, xvu, eto.
instruction, nous n'avon. pas expliqué d'une
niiinière compièle ce doguie si cousolaut de la
communion des saints ; nous avons seulement
parlé de la participation de tous les fidèles, qui
vivent sur cette terre, aux mêmes biens spiri-
tuels... Nous avons dit que les Ciifants delà
sainte Elglise catholique ne formaient qu'âne
seule et même tamille... Outre le tré-or infini
des mérites de Jésus-Christ, de la sainte Vierge
et des saints, qui leur est commun, nous avons
ajouté que tous participaient aux mêmes œuvres
et aux mérites de chacun... Parlant des pé-
cheurs, on vous a montré combien leur était
avantageuse, pour peu qu'ils veuillent y mettre
de la bonne volonté, cette belle vérité de la
communion des saints. J'aurais dû ajouter que
les excommuniés, c'est-à-dire ceux que le Sou-
verain Pontife ou l'autorité légitime des Evéques
retranche du nombre des entants de l'Eglise,
n'ont aucune part à ces biens spirituels com-
miras aux membres de la famille catholique...
Il me reste à vous exposer l'un des côtés les
plus intéressants de la communion des saints...
Pour les impies, pour les hommes qui n'ont
pas de foi, tout fuiit ici-bas ; quand la mort
vient saisir ceux qu'ils aiment, leur douleur est
sans compensation... Or, il n'eu est pas ainsi
pour nous, chréiiens ; nous avons des amis, des
protecteurs dans le ciel ; nous avons d'autre»
amis, des parents peut-être, qui gémissent dans
les flammes du purgatoire ; malgré la sépa-
ration, des liens nous unissent encore ; ils ne
forment avec nous qu'une seule et même fa-
mille, une seule et même Eglise. Bienheureux,
qui régnez daus la patrie et jouissez du bon-
heur du ciel, vous êtes l'Eglise triomphante...
Pauvres âmes, qui gémissez dans les cachols du
purgatoire, qui achevez de vous purifier au sein
de ces flammes ex[iiatrices, bon courage! le ciel
vous attend ; mais jusques ici vous êtes l'Eglise
sou^/aw^e... Et nous, chrétiens, qui ^•ivons sur
cette terre, incertains de notre sort éternel et
encore assujettis aux luttes de la vie, nous
sommes TEglise militante, car nous avons à
combattre contre nos passions, afin d'obtenir un
jour cette victoire, ce triomphe, qu'ont obtena
les saints...
Proposition. — Je me demande, mes frères,
s'il esisle des relations entre l'Eglise militante
et l'Eglise triomphante, entre les fidèles qui
vivent sur la terre et les saints qui sont au
ciel?... Pouvons-nous communiquer avec l'E-
glise souûrante, c'est-à-dire aider les âmes du
jiurgatoire ?.. C'est ce côté de la communion
des saints que nous allons étudier dans cette
courte instruction...
isio.\. — Je dis donc : Prevtièremcnt, nou»
ons les saints, et les saiuts intercèdent
0U8 ; tels sont nos rapports avec l'Eglise
LA SEJIAINE DU CLERGE
1241
triomphante ; Secondement, nons souliigcons, par
nos bonnes œuvres, les àiue3 du piirnatuire : de
leur côté elles nous obtieuucut des giâues; telles
sont nos relations avec l'Eglise soutirante...
Première partie. — «Je veux commencer par
une histoire, qui vous fera bien comprendre à
tous, même aux enfants, ces rapports entre les
trois Églises, cette communion des saints, dont
jo vais vous parler. C'était en (871, une famille
composée de trois frères s'était sépai'ée ; l'aîné,
s'étant embarqué pour l'Amérique, avait
amassé une immense fortune ; le second, resté
dans le pays natal, vivait modestement de la
culture des champs ; le troisième, ayant em-
brassé la carrière de soldat, avait été tait pri-
sonuier par les Prussiens, et languissait malade
dans une i'orteres^e d'Allemagne... Malgré la
diversité de fortune et de position, ces trois
irères s'aimaient, ils étaient demeurés unis de
cœur et d'atleetiou... Celui d'Amérique envoyait
au cultivateur de fortes sommes pour le sou-
tenir et l'aidei- dans ses travaux ; ce dernier, de
8on côté, faisait passer à son Irère prisonnier
d'utiles secours, qui procuraient à ce pauvre
captif du soulagement, liâtaieut sa guéiiiou et
le moment de sa délivrance...
Frères bien-aimés, ces trois frères, c'est l'image
de l'Eglise triomphante, de l'Eglise militante et
de l'Eglise souffrante, ainsi que des rapports qui
existent entre elles... Les saii\ts, qui sont au
ciel, sont pins riches qu'un parent que uous
aurions en Amérique ou ailleurs ; ils viennent
à notre aide eu intercédant pour nous, et les
f races qu'ils uous obtiennent sont sans nom-
re... Mais aussi luos frères, qui gémissent
dans les prisons du purgatoire, sont plus à
plaindre encore que nos pauvres soldats traînés
en captivité par un ennemi sans pitié; où, uous
le dirons plus loin, nous pouvons les soulager...
Entrons dans plus de détails... Nous honorons
les saints... bien lui-même autorise le culte que
nous leur i-endous, et la sainte Eglise a retran-
ché de son sein ceux qui accusaient d'être illé-
gitimes les hommages que nous oUrons aux
bienheureux... Mais, dites-moi, qu'est-ce donc
qu'honorer les saints?.. C'est les féliciter de la
ploire qu'ils ont obtenue ; c'est redire avec ad-
Lairatiou les vertus qu'ils ont pratiquées ; c'est
les supplier d'être nos avocats, nos interces-
seurs auprès du Dieu dont la toute-puissance les
a couronnés... 0 vous, nos frères aines, qui
régnez là haut dans la patrie, oui, nous vous
féhcitons de la fidélité avec laquelle vous avez
servi le Seigneur Jé^us. Saints apôtres, avec
quel zèle, avec quelle ardeur tous avez propagé
partout la connaissance de son nom sacré. Saints
martyrs, avec quel courage vous avez souffert
les tourments les plus cruels et sacrifié vgtre
îie, plutôt que de renier le Christ et la croix,
son immortel étendard !... Confesseurs, vierges,
fiMiiteiils, oui, nous vous iélicitons, et soyez à
j.imyis bénis d'avoir été fidèles au Dieu de voti'e
baptême... Ames bienheureuses, là haut dans
la patrie vous jouissez t'u liouhe'T éternel ; ah!
nous vous en conjurons, n'ouh/iez pas vos
frères d'ici-bas, tendez-leur une main secou-
rable, intercédez pour ceux qui, sur cette terre,
essayent de lutter et de combattre, afin de rester
comme vous fidèles au Seigneur.
Telles sont, mes frères, nos relations avec les-
saints, nous les vénérons et nous réclamons
leur secours ; eux, de leur côté, nous aiment,
intercèdent pour nous auprès du Tout-Puissant,
et nous oLlieunetit les grâces dont nous avons
besoin. El ici, que d'exemples je pourrais vous
citer... Je vois le pieux Surius écrivant avec
amour la vie des suints, racontant avec une
ineffable complaisance leur gloire et leurs ver-
tus... Quelle récompense lui donnerez- vous,
esprits bienheureux, vous dont il a transmis
aux âges suivants et les noms et la sahitelé? A
son agonie suprême, les saints, dit-on, se pres-
saient nombreux autour de leur pieux his-
torieu, ils l'aidaient et l'assistaient dans cette
lutte décisive qui devait décider de sou éter-
nité... (I). Glorieuse sainte Agnès, voici à vos
jiieds une jeune liUc, qui vous invoque avec la
dévotiou la plus tendre ; quelle sera sa récom-
pense ? La sainte martyre partage en quelque
sorte avec sa pieuse servante les mérites de ses
souffrances; et cette jeune fille qui l'honore et
la prie deviendra plus tard un prodige de sain-
teté et s'apellera sainte Melehtlde... Ailleurs,
c'est Stanislas Kostka... (2). Il a voué un culte
particulier à siinte Barbe martyre ; chaque
jour il la supplie de lui obtenir la grâce de ne
point mourir sans avoir reçu le saint-viatique.
Sera-t-il c.vaucé? Voici qu'il va rendre le der-
nier soupu- dans une maison hahilée par des
hérétiques; nul prêtre n'oserait y pénétrer;
mais sa s;ùute patronne ue l'a point abandonné;
accompagnée de deux anges, elle lui apporte
elle-même la sainte communion et Stanislas
pourra s'endormir dans la paix du Seigneur. . . (3).
Voilà, mes frères, comment les saints, par leur
intercession, par les grâces qu'ils nous ob-
tiennent, répondent aux hommages que nous
leur rendons.
Vous avez vu, sans doute plus d'une fois, des
vapeurs, s'élevant de la terre, se condenser dans
les airs et retomber eu pluie bienfaisante, qui
donnait à nos plaines la fiaicheur et la fécon-
dité. Ainsi nos prières montent jusque vers
les saints, et reviennent sur nous transformées
eu grâces et en bénédictions, qui répandent
1. ConP. Marchant, Jardin des Paaieuri.
2. Vide Loliner, Bihliotluca manualis.
S. Sa vie, voir aussi Roliibadier. fl«(. tcdù.
1242
LA SEMAINE DU CLERGÉ
dans nos âmes la piété, l'amour de Dieu, le
désir Je uotre sanctification...
Seconde partie. — Parlons maintenant de nos
rapports avec l'Eglise souffrante, des relations
qui existent entre les fidèles de la terre et les
âmes du purgatoire... Une comparaison encore,
car je tiens à ^,lre bien compris... Savez-vous
ce qu'on appelle faire une quarantaine?.. Voici :
Un vaisseau est parti d'un pays dans lequel
règne la peste, le choléra ou toute autre mala-
die contagieuse ; avant de laisser débarquer les
marins et les passagers, on les oblige à demeu-
rer quarante jours, plus ou moins, saus avoir
de communications avec la terre, de peur que
quelques miasmes renfermés dans le vaisseau,
ou absorbés par les passagers, ne viennent ap-
porter la contagion à une ville, à une province
entière... Cependant ces hommes, qu'on retient
ainsi éloignés, désireraient vivement fouler le
sol de la patrie, revoir leur foyer, embrasser
leur famille ; ces jours leurs paraissent longs...
Qu'ils seraient heureux, si un personnage puis-
sant, pas son intermédiaire, abrégeait le temps
de cette quarantaine, faisait lever la défense
qui les relient à l'écart, et leur obtenait la per-
mission d'entrer bientôt au port si désiré !...
Tel est, mes frères, l'état des âmes du pur-
gatoire : elles sont loin du ciel, leur uce et
bien-aimée patrie, dans une quarantaine qui
souvent dure de longues années... Kien de souillé
re doit entrer dans le paradis ; il faut, avant
d'y parvenir, être purifié de toutes les taches,
de toutes les imperfections, de tous les restes
du péché, qu'on avait en quittant ce monde...
Pauvres âmes souffrantes, que votre état est
digne de pitié!.. Non-seulement vous soupirez
après ce séjour du bonheur qui vous est des-
tiné ; non-seulement vous avez hâte de voir
Jésus votre Sauveur, Marie sa douce mère et
de vous plonger avec les saints dans ces inef-
fables délices de l'éternité ; mais de plus vous
souffrez et, dan? ces prisons du purgatoire,
c'est au sein de flammes expiatrices que la
justice de Dieu achève de vous purifier... Mais
consolez-vous, vous êtes toujours nos frères,
nos amis, et la foi nous enseigne que nous
pouvons vous soulager.
Oui, mes frères, le plus humble, le plus petit
d'entre nous, s'il est en étal de grâce, [leut jouer
ici le rôle d'un personnage puissant ; il peut
adresser à Dieu celte supplique : « Seigneur, les
âmes qui sont en purgatoire sont les âmes de
mes parents, de mes amis ; je m'intéresse à leur
sort; comme membres de l'Eglise, ce sont mes
frères; je vous sup[ilie, au nom de votre im-
mense miséricorde, d'avoir pitié de leurs souf-
fiiU)ces, de diminuer leurs tourments, d'abré-
ger la durée de leurs peines... >i El soyez-en sûrs,
chrétiens, une semblable requête, adressée avec
foi, avec piété même par ie moindre d'entre
nous au monarque des cieux, ne restera pas
sans réponse ; elle obtiendra un succès infail-
lible. J'en jure sur l'enseignement de la sainte
Eglise catholique qui nous dit : « Que les âmes
du purgatoire sont soulagées par les suffrages
des fidèles et principalemeut par le saint sacri-
fice de la Messe (1).»
Voilà donc, mes frères, les rapports qui
existent entre nous et les âmes du purgatoire.
Nous pouvons les aider par nos prières, les sou-
lager par nos bonnes œuvres et diminuer le
temps de leur exil, en suppliant pour eux le
Dieu de miséricorde. Membres vivants du Sau-
veur, ils nous sont unis par la même foi, la
même espérance, la même charité; Jésus-Christ
est leur chef comme il est le nôtre; jamais le
prêtre ne dit la sainte messe, sans recommander
à Dieu ces saintes âmes. « Souvenez-vous, Sei-
gneur, dit-il au Mémento des morts, souvenez-
vous de vos serviteurs et de vos servantes, qui
nous ont précédés avec le signe de la foi et
dorment du sommeil de la paix. » Comme s'il
disait : « Je vous recommande, ô mon Dieu, non
pas ces misérables qui sont morts en réprouvés;
mais ceux qui, marqués de votre sceau, ont
quitté cette teri'e avec le signe sacré de la foi
chrétienne; quoique séparés de corps, ils nous
restent unis par des liens spirituels, et Jésus-
Christ, qui s'offre comme victime sur l'autel, les
considère comme ses enfants; il veut que nous
les aidions, que nous les soulagions par les
mérites de sa chair précieuse et de sou sang
répandu... » Aussi, mes frères, comme les
saints, comme les âmes pieuses ont toujours été
fidèles à prier pour leurs frères du purgatoire 1
Citons-en un exemple seulement. Un illustre
prédicateur, un fondateur d'ordre religieux,
saint Dominique, le père des Frères prêcheurs,
passait en prières le temps que lui laissaient les
exercices du saint ministère; chaque nuit, il
récitait trois fois le saint Rosaire, trois fois aussi
il se donnait une sanglante discipline!... Pour-
quoi donc ces austérités renouvelées ti ois fois?...
Ecoutez la réponse du saint. — La première fois,
dit-il, c'est [lour mes propres péchés; la seconde,
c'est pour la conversion des pécheurs; la troi-
sième, c'est pour les âmes du purgatoire (1)...
Mais ces âmes du purgatoire, qui ne peuvent
rien pour leur proiire soulagement, ont-elles le
pouvoir de nous aider, de non? témoigner leur
reconnaissance?... Oui, mes frères. Dieu exauce
les prières qu'elles lui adressent pour ceux qui
s'intéressent à leur sort ; car elles nous sont unies
par la communion des saints. Nous lisons, en
eflet, dans la vie de sainte Catherine de Bologne,,
que, lorsqu'elle avait quelque grâce à demander,
1. Conc. Trid. sess. XXV, décrit, de Purgatorio,
2. In vUa ejtu.
I.A SEMAINE DU CI.Lliul
elle s'aflressnil aux àmps du pnrfçatnirc. Elle
confessait que, par fe moyen, nllc était prompte-
ment exaucée. Elle disait même, chose admi-
rable et (jui prouve l'inlimité de nos relations
avec ces âmes souffrantes, elle disait que, par
leur entremise, elle avait obtenu des faveurs
qu'elle n'avait pu ohtenir en recourant à l'inter-
cession des saintb (1). En cela, mes frères, rien
de surprenant; les âmes du purtçatoire, que
nous soulageons par nos prières, doivent inter-
céder pour nous avec toute la ferveur, avec fout
le zèle qu'un cœur bien né met à obliger ceux
auxquels il doit de la reconnaissance...
Péroraison. — Frères bieii-airaés, lirons de
cette instruction deux conclusions pratiques :
honorons les saints, et soyons fidèles à prierpour
les âmes du purgatoire. Honorons les saints, ce
Bout nos frères aînés. Parvenus au comble de la
félicité, ils jouissent là haut d'un bonheur
Immense, et leur désir le plus ardent, c'est qu'un
jour Dous soyons associés à leur félicité. Si nous
les invoquons avec ferveur, ils nous obtiendront,
du Dieu tout-puissant, les grâces qui nous sont
nécessaires... Je les vois s'inclinant vers nous,
nous encourageant, en quelque sorte, de la voix
et du geste, au milieu des luttes et des combats
de la vie : Bon courage, nous disent-ils, ô vous
qui vivez sur la terie; comme vous, nous avons
eu à combattre des passions, à lutter contre des
difficultés. L'avarice aussi nous conseillait de tra-
vailler les dimanches et les fêtes; mais nous
avons su résister à celte passion et sanctifier le
jour que le Seigneur s'est réservé. Nous avons
eu comme vous à hiller contre l'indill'érence;
les impies nous ont assailli de leurs sarcasmes et
de leurs plaisanteries; avec la grâre de Dieu,
nous avons vaincu tous ds obstacles... Aujour-
d'hui, ceux qui nous plaisantaient gémissent
dans l'enfer; ils soupçonnent noire gloire et ils
disent en parlant de nous : « Les voilà triom-
phants, ceux dont nous nous sommes moqués,
et dont nous avons fait l'objet de nos railleries.
Insensés que nous étions, leur vie nous paraissait
une folie, el leur mort sans honneur; cependant,
ils sont élevés au rang des enfants de Dieu, et
leur sort est désormais parmi les saints (2). » Ces
malheureux, qui se sont lassés dans la voie de
l'iniquité, ne viendront pas nous rejoindre;
mais vous, qui vivez encore sur la terre, une
{)lace vous attend parmi nous, venez, oh! venez
'occuper ; c'est une grâce que nous demandons
instamment pour vous...
Oui, honorons les saints... Mais prions aussi
pour nos frères du purgatoire; si un verre d'eau
donné au nom de Jésus-Christ ne sera pas perdu,
la moindre prière, faite eu faveur de ces âmes,
1. Cf. L'abbé Poiipelier, Dernier jour dé la vie, et »ur-
tont saint Léonard, Sermon sur le Puryafoi'n.
2. Sageese, cb. v, v, 3 et suiv,
recevra également sa récompense. C'est eu p ir-
Innt d'elles aussi que Jésus-Christ dira au der-
nier jour : n J'ai eu fiim el vous m'avez rassa-
sié; j'étais nu et vous m'avez revêtu; j'étais
prisounier, vous m'avez non-seulement visité,
mais vous avez hSté le moment ,1e ma déli-
vrance. Vous avez é"té miséricordieux envers les
âmes souffrantes, moi aussi, je veux être misé-
ricordieux à votre ég.ird; venez donc, cœurs
compatissants, venez, vous êtes les bénis de mon
Père, venez jouir du bonheur qu'il a pré[>aré
pour vous et pour les anges. » Douces et conso-
lantes paroles! Puissions-nous tous avoir le
bonheur de les entendre... Ainsi soil-il.
L'abbé Lobry,
Curé de Vauchassit,
ACTES OFFICIELS OU SAINT-SIÈGE
CONGRÉGATION DE L'INDEX
Feria VI, die 25 junii 1S75.
DECRETUM.
Sacra Congregalio Eminentissimorum acRe-
verendissimoruinSanctae Uomanse Ecclesiœ Car-
dinalium a Sanctissimo Domino Noslro Pic
Papa IX Sanctaque Sede Apostolica Indiui libro-
rum [iravae doctriua", eorumdemque proscrip-
tioni,, expurgation!, ac permissioni inuniversa
christiana Republica praepositorum et delega-
torum, habita in Palalio apostolico Valicano
die 25 jumi 1875 damnavit et damnât, pros-
cri|)sit, proseribitque, vel alias damnata atque
proscripta in Indicem librorum prohibitorum
referri mendavil et mandat quae sequuntur
opéra :
Sagyi di psicolo(jia e logica. — Saggio sulla
natura. — Dante, il pnela del pensiero. — Saggio
sulla filosofîa dello Spirito. — Dell' immortolila
deW anima. — Opère délia marquesa Marianna
Florenzi Waddinglon. — Firenze, le Monnier,
18G4, 1866, 1867, 1868.
// Papato à tempi dell' Impero da Costantino
a Giustiniano, e il Papato à tempi no.stricon alcune
note illuftrative suUe leggi del 13 maggio e 19
giugno 1873. — Romatipogr. Eredi Roita, 1874. ^
Sulla prossima fine del mondo ; rislretto dell' s
Opéra dell' ultima peritcuzione délia chiesa e 1
délia fine del mondo, per D. Bernardine Negroni, |
sacerdote regolare [alias F. Barnaba). — Bolo- ,^
gna, Societa tipografica de' composilori, 1874.
Trattato di morale umana emancipata da ogni
dogma e pregiudizio. Semplici letturead use del
popolo che legge, intende e rlji<>"«, per Au-
relio Turcotti. — Voll. 2, p^i^to Ermanno
Loescher in Roma, Toriuo, Firenze, 1875.
Durrschmitd : Die kloesterlieben Genossen-
an
LA SE.MAl^r. DU CI EP.GË
schnflen in Bmjern.mddie A'ifynbs der Rcicfisge-
setzijehuny . — iN'oerdinsori 1875. — Latine : De
congrcffiilioiiiùns religiosis in Bnvorm et de ordi-
naiuittibus ciicn eas e Iff/islatione fuciendis. —
Nerolin.cse !87o. — Opus prsedauiiualum ex
Régula ]} Vndici?.
Frieilricîi : Der Kampf ger/m die dcufschcn
Tfieologen und Ihcolngischen fukultneteu in dm
letzen zwanzig Jahren, elc Bernœ, !875. — La-
tine : De oppiignatione tlieolngdrum Germonico-
rum et facultalmn lliEologicarum hisce ultimis
viginli annis, elc. Bernfe i87o. — Ojius prae-
damnalum ex Régula II Indicis.
Auctor operis cui liiulus : Le mie preghiere^
per cura di M. Pietro liignami, canonico onii-
rario délia Chiesa milaiiese. — Milano 1866.
Prohib. Decr. 12 a|irilis 1867^ luudabililer se
subjecit et Opus reprobacit.
Auctor operuin ijuûruum tilulus : / Gesuili
e la Repubblica di Vcnezia. Documenti, etc., puh-
blicati per la prima voila, con aum^lazioni,
dal car. prèle GiusepiieCapeilelliVeneziano, etc.
— Venezia 1873. Et : Brève corso di Storia di
Venczin condotta sino a' nostri giurni, e facile
islruzione popolare, eli.'., pel mcdesiiuo Captl-
letti. — Venezia 1872, Prohib. Decr. li julii
i873, el 5 fcbruarii 1S74, luudabililer se subjecit
et opéra reprobuvit.
Ilaque nerao uujuscumque gradus et condi-
tionis prœdicta opéra damnata atque pros-
cripta, quocumque loco, el quocumqui; idio-
mate, aut in poslerum edere, aut edila légère
vel retinere audeat, sed locoruin Ordinaiiis,
aut baerelicœ pravilalis Inqui.sitoribns ea Ira-
dere tenealur -ub pœuis in Indice librorum
vetiloram indiotis.
Quibus Sanctissimo Domiao Nostro Pio
Papœ IX per me infrasciiplum S. J. C. a Se-
cretis relalis, Sanclitas Sua Decretuin probavit,
et promulgari praecepit. In quorum fîdem, etc.
Dalum Uoma; die 2 julii 1873.
Antônius Gard, de Ldca
Piœfectus.
Fr. Hieronymus Pins Saccberi, Ord. Prmd.
S. Iitd. congreg.a Sea'etis.
Loco t Sigilli.
LITURGIE
DES RÉGIES A sniVHE DANS LE CUITS
»E3 SAINTES RELIQUES.
(If article.)
VII. — Reliques dans Its autels (suite).
'9* A la fin de notre dernier article, nous
avons reproduit l'énurarralion des reliques qui
lurent rcnfennées, lors de la consécrartioii, dans
un autel de Vérone. Elles étraent très-nom*
brenses, comme on l'a vu ; ce ([ui indique que
rEL'lisc n'a pas [losé de limites à cet épani. il y
a cepeuilant un ininin/um obiii-'atoire. Le jirétre,
arrivé à l'aiilcl pour la coléhration du saint
sacrilice, commence ainsi la pr ère <[ui suit celle
qu'il a récitée en montant )fs degrés : «Nous
vous prions, Seigneur, ;:iaf ii-s mérites de vos
saints dont les reliques fonl ici, etc. » Po<7r que
CCS paroles soient vériOées, il faut qu'il se trouve
dans l'autel, les reliques di; deiix saints au moins.
Cette conclusion, fort rationnelle par elle-
même, est cor.firmée par les termes du procès-
verb:d succinct i]m doit accompagner les reliques
dans le p til sépulcre où elles sont déposées et
scellées. La formule donnée par le Pontifical
énonce les reliciues de deux martys. Quoique,
comme nous l'avons vu déjà, on puisse employer
à cet usage des reliques de saints de tout ordre,
il parait doue plus régulier, si l'on n'avait pus
un plus grand nombre de reliques, de préférer
celles des martyrs, et aujourd hui il n'est pas
bieu difficile d'en obtenir. Celles des autrt-s
saints, si l'on voulait en ajouter quelques-unes,
viendraient en surcroît. Nous avons vu plusieurs
sépulcres d'autels consacrés, ou dos vases en
étain contenant les reliques qui y avaient été
renfermées, toutes ces reliques portaient des
noms de martyrs, (.lutrr" que ce choix concorde
même avec le texte du Pontifical, il est plus con-
forme à l'idée symboli(pie exprimée [lar l'Eglise,
qui a voulu que l'autel de la terre ressemblât à
celui du ciel, sous lequel saiut Jean vit les âmes
de ceux qui furent tués à cause du Verbe de
Dieu, c'est-à-dire les âmes des martyrs propre-
ment dits. C'est d'aiileurs ce qui résulte du
décret rendu dans la cause de Rennes, que nous
reproduirons plus loin en entier.
Régulièrement les reliques appartiennent à
des saints de nom propre. Toutetois, cette règle
n'est pas si absolue qu'elle ne souffre aucune
exception. Nous en trouvons une indiquée dans
les décrets de la Congrégation des Rites, et que
l'exposé textuel de la cause fera comprendre.
(I L'évèque de Seardona (Dalmatie), faisant con-
naître tpie plusieurs reliques de saints, qui ne
portent aucun nom, lui ont été envoj'ées de
Rome, a adressé nue supplique pour obtenir
l'auton'sation de bnir imposer les noms qu'il
jugera bon de choisir. La sacrée Congrégation a
répondu : « .si les reliques sont authentiques, la
« permission demandée poirrra être accordée,
« apies qu'il en aura été coutéré avec le Saint-
tt Père. Le 24 août 16^0. »
« Le Saint-Père a dit : o Sices'TPlrqnes sont
« authentiques, i'évèque pourra les utiliser pour
u la cousécratiou des autels. I.e 7 septembre
« 1030. »
Nous ferons remarquer qu'il ne s'agit pas ici
i
LA SEMAINE DU CLERGÉ
iitë
de relîfines quelconques, bien qu'elles soient
anonymes, mais très-probablement, pour ne
pas dire cei tuinement, de reliques de martyrs.
Celles dont parlait l'évêque de Scardona, étant
venuesdc Rome, avaient été, sans doute, extraites
des catacombes, et on sait que toutes celles que
l'on tire de ces lieux sacres sont réputées reli-
ques de martyrs. On comprend, dès lors, que la
question des noms n'avait plus qu'une impor-
tance très-secondaire, puisque le symbolisme de
l'insertion était conservé.
Ici se place une observation que l'on perdrait
facilement de vue, parce que le Pontifical ne
donne aucune indication spéciale à ce sujet. Le
vase ou capsule destiné à renfermer les reliques
doit être préalablement bénit par l'évêque.
Catalan! affirme (1) qi;e tel est l'usage observé à
Rome, et il note avec soin que celte bénédictiou
fut faite lors de la dédicace de l'église de son
monastère. Il dit très-judicieusement que, si
cette cérémonie n'est point prescrite dans les
rubriques relatives à la consécration de l'autil,
il n'en faut pas moins se référer à la règle posée
dans un autre endroit du l'onlifical, où se trouve
la bénéilictiou des cliàsses ou sont conservées les
relii[ues. Cet antein- s'exprime ainsi dans son
commentaire sur cette partie : « La bénédiction
donnée à ces cbàsses avant que les saintes
reliiines n'y soient dé|)osées, est un rite très-
ancien dans TF-glise. Saint Charles, le restaura-
teur de la disci|)line ecclésiastique, le remit avec
soin en vigueur. Dans les Instiuctiom pour la
fabrique de l'cglise, insérées ilans les Ados de
l'Eglise de M iinn, Ua'dimt des lieux vases et petits
tombeaux où l'on conserve les reliques, il dit :
« Tout coifre, châsse, petit tonilieau, vase,
o de quelque sorte qu'il soit, sera bénit, confor-
« mémeut à la règle, avantque l'on n'y renferme
« les saintes reliques, et l'on se servira à cet
a effet des |irières qui se trouvent dans le Pon-
« tifical ou le liiiu'l. » Je suis donc étonné de
■voir mettre si facilement aujo(U-d'hui des reli-
ques dans de petits reliquaires en argent, sans
qu'ils aient été bénits par l'évêque. Je pense
qu'il faut observer, sur ce point, le rite institué
par l'Eglise et faire disparaître l'abus où l'on
tombe en ne faisaut plus bénir les petits reli-
quaires avant d'y placer les parcelles des saintes
reliques {'£). » La raison de haute convenance
qui a déterminé l'Eglise à prescrire la bénédic-
tion des cbàsses proprement dites, s'applique
également aux | elits reliquaires, et, par consé-
quent, asx vas s ou capsules que l'on introduit
dans les autels jiour leur consécration.
Dctuutceciui précède, ressort cette conclusion
que, si les reliques ont disparu d'un autel consa-
cré, elles doivent être remplacées, pour que l'on
t. in Pontificale rom. comm. De eccies. dedic* g 4, auni, &.
S. Ibid., tit, xi\, Je Bentd. caj^sarum, uviu, 8,
puisse continuer d'y célébrer le saint sacrifice.
Comment faut-il suppléer à ce défaut ? Nous ré-
pondrons à cette question en faisant connaître,
par les décisions authentiques, la jurisprudence
suivie jusqu'ici par la Congrégation des Rites.
Comme toute discussion serait superflue eu cette
matière, nous devons nous contenter de donner
ces décrets dans leur ordre clJJ'otiol jgique.
11 fut exposé à la Congréganon jue, pendant
les guerres, un grand nombre d'églises et d'au-
tels avaient été profanés. En ce qui concerne les
autels, on posait la question suivante : « 2° Lors-
que la pollution de l'autel n'est pas constatée
autrement que par la violation du sépulcre,
suffit-il de remettre des reliques dans le sépulcre,
ou bien est-il nécessaire de faire l'onction et les
autres cérémonies? » La réponse tut : « Que l'on
observe le Pontifical, n On ne voit pas si, d'après
cette décision, il faut réitérer entièrement la
consécration de l'autel, ou bien s'il siifût d'y
mettre de nouvelles reliques, avec les cérémonies
et prièri's jiresirites pour cette insertion. Ce
point sera éclairci par les décisions postérieures.
Dans une cause uulliui, la Congrégation des
Rites, a été plus explicite. Le cas est ainsi posé :
«Un prêtre voudrait célébrer sur un autel qui
est dans lesconditions suivantes. La partie plane,
faite d'une seule pierre, a été autrefois consacrée
en entier, mais, actuellement, les !■ liques ont
disparu, pane qu'elles ont été enlevées en même
temps que le couvercle du sépulcre qui les ren-
fermait, lequel sépulcre est resté toutefois à sa
place dans une cavité pratiquée au milieu de la
pierre. Ce prêtre désire savoir s'il suftit qu'il re-
mette lui-même d'autres reliques aulheuti(pies,
avec un nouveau couvercle en pierre ou eu
bois, ou bien si une nouvelle consécration est
nécessaire.» — a La sacrée Congrégation, ayant
examiné la matière et entendu le rapport de
l'Eminentissimeet Révérendissime Cardinal de
Laurea, a répondu : «L'autel doit êtrecon.-acré.»
Telle est sa tlodaration. Le ^3 mars 1686.»
La cause suivante offre un intérêt tout parti-
culier, parce qu'elle pose une question sur la-
quelle les avis seraient probablement très-parta-
ges, à défaut de toute décision de l'autorité
compétente : « L'évêque de Ramberg expose ce
qui suit: Cet évêque a reçu en don un autel
poriatif, ou autel de voyage, comme on l'appelle
vulgairement, avec un témoignage antbenlitjue
de la consécration qui en fut faite par un ancien
évèque de iMagdebourg. Cependant c<t autel
étant resté pendant un temps notable entre les
mains des hérétiques, le susdit évêoue, craignant
qu'il n'en soit résulté quelque inco.ivénient, sur-
tout celui du changement ou de la l'^dsiCicatioa
des reliques, a écarté, non par curiosité, mais
pour sa sécurité, le bois dans lequel celte pierre
a été incrustée, et, dirigeant ses recherches au-
12iS
LA SEMAINE DU CLERGÉ
dessous de cette cavité, il l'a ouverte, en a ex-
trait les reliques qui y avaient été insérées, et les
ayant trouvées authentiques, les a remises à leur
place et a fermé le sépulcre comme il l'était au-
paravant. Maintenant ce doute se présente à lui:
Cette ouverture, toute de précaution et néces-
saire, u-t-eMe fait perdre à l'autel sa consécra-
tion antérieure, et a-t-il besoin d'être consacré
de nouveau?
0 En conséquence, ce doute : « Le susdit autel
0 portatif est-il exécré et doit-on procéder à une
B nouvelle consécration, » ayant été exposé à
notre très-saint Seigneur et renvoyé à la sacrée
Congrégation des Rites, cette sacrée Congréga-
tion a répondu : «Puisque l'évèquea célébré sur
t cet autel, il n'est pas besoin d'une nouvelle
« consécration.» Le 14 mars 1603.»
Il faut conclure de cette décision, semble t-il,
que si le cas eût été posé avant que l'évèque
célébrât sur cet autel, la Congrégation aurait
exigé qu'il fût consacré de nouveau, l'enlève-
ment même momentané des reliques lui ayant
fait perdre, en droit, sa consécration. Mais
comme cette règle, quoique très-sage, n'a rien
d'absolument essentiel, on n'a pas voulu pres-
crire de réitérer la consécration, qui est faite en
vue du saint sacrifice, après que, de fait, il avait
été offert sur un autel qui était replacé matériel-
lement dans les conditions exigées.
Lorsque le Saint-Siège accordait la dispense
d'une nouvelle consécration, il le faisait en des
termes qui indiquaient bien sa volonté formelle
de maintenir la règle. C'est ce que nous voyons
dans la cause de Bénévent, dont voici l'exposé.
0 L'Eminentissime et Révérenrlissime Cardinal
archevêque de Bénévent, inspiré par uue muni-
ficence égale à sa piété, se proposant de suppri-
mer les bases de quatorze autels faits antérieu-
rement en moulage, pour les remplacer par des
constructioas en marbre, a prié instamment la
sacrée Congrégation des Rites de déclarer si, les
sépulcres des tables de ces autels étant restés
entiers avec leurs reliques intactes, on peut pro-
céder à une nouvelle consécration en omettant
les cérémonies relatives à l'insertion des reli-
ques.
a La sacrée Congrégation a répondu : n Que
0 l'on renvoie au décret donné dans les causes
« d'Augsbourg, le 21 avril 1G6S, pourvu qu'il ne
> passe pas en exemple.» Le 26 novembre 1696.
« Le rapport ayant été présenté par moi secré-
taireà noire très-saint Seigneur, Sa Sainteté a
bien voulu donner son consentement. Le 6 décem-
bre, de la mèmx, anuée 1696. »
« La teneur du décret donné dans la cause
d'Augsbourg, ci-Jessus énoncée est ainsi qu'il
suit:
u Augibnurg. Comme il se trouve actuellement
dans le diocèse d'Augsbourg plusieurs milliers
« d'autels qui ont été pollués par la seule viola-
a tion des sépulcres, desquels les reliques ont été
« enlevées dans les inrasions passées, l'évèque a
« adrepsé une supplique à la sacrée Congréga-
« tion des Rites pour obtenir la faculté de récon-
« cilier ces autels par la seule insertion de
« nouvelles reliques, en n'ob«ervant que les
« cérémonies prescrites à cet eflet, dans le Pon-
« tifical romain.»
« La mêm'î sacrée Congrégation des Rites, sur
le rapport del'éminentissimeBrancati, a émis cet
avis : « Dans le cas proposé, la grâce demandée
« peut être accordée, s'il plait à Sa Sainteté. » Le
21 avril 1668.
« Le rapport de tout ceci ayant été lait par
moi secrétaire à Sa Sainteté, elle a bénignement
donné son consentement. Le 1" mai 16C8. »
Une cause de Rennes extrêmement intéres-
sante et très-instructive, doit prendre place ici.
Nous traduisons intégralement la lettre du se-
crétaire de la Congrégation des Rites à l'évèque
de Rennes et l'instruction qu'elle accompagnait..
Ces pièces s'expliquent l'une par l'autre.
« Révérendissime Seigneur et Frère.
« La lettre de Votre Grandeur datée du 19
juillet de l'année courante, signale une chose
extrêmement grave , savoir que la consécra-
tion d'un très-grand nombre d'autels des éj^lises
paroissiales de ce diocèse de Rennes a été faite
de telle sorte par vos prédécesseurs, que les reli-
ques des saints martyrs y font absolument
défaut, ou bien, si elles y ont été mises, on les
y a placées sans observer les cérémonies pres-
crites par les lois de l'Eglise. Cette affaire a été
traitée avec d'autres dans l'assemblée ordinaire
de la Congrégation des saints Rites, à la date
ci-dessous indiquée, et les Eminentissimes et
Révérendissimes Fères préposés au maintien des
rites sacrés, considérant sérieusement qu'il ne
peut absolument pas être accordé, comme le
désirait Votre Grandeur, qu'elle tienne pour
récoi:ciliés les autels par la seule et simple repo-
sition des reliques, ont été d'avis qu'il n'y avait
lieu de rien statuer avant que notre très-saint
Seigneur le Pape eût été consulté, et ils donnè-
rent en conséquence celte réponse écrite : « La
« question est renvoyée au secrétaire, pour qu'il
en confère avec le Saint-Père, n Le 23 septem-
bre 1837.
0 Rempllssantle devoir de sa charge, le secré-
taire soussigné a exposé fidèlement toutes choses
à notre très-saint Seigneur le Souverain Pontife
(jrégoire XVI, et lui a fait connaître le sentiment
de la sacrée Congrégation. Mais Sa Sainteté
ayant ordonné ultérieurement qu'une instruc-
tion fût rédigée sur ce point par un des maître*
des cérémonies pour le révért^ndissime évèque
de Rennes, celte instruction ayant enfin été
iimise et ayaat obtenu l'approbatiou du Saint-
LA SEMAINE DU CLERGE
117
Père, Sa Sainteté a ordonné que cette sacrée
Congrégation prescrivît, par fine lettre particu-
lière à Voire Grandeur, de remédier selon les
indications contenues dans l'instruction ci-jointe
aux défauts commis par vos prédécesseurs dans
la consécration des autels dont il est fait mention
dans votre supplique, et de remettre ainsi tout
en ordre avo" la sollicitude et la prudence néces-
saire, sans exciter l'étonnement des fidèles ni
donner lieu à aucun scandale.
« En remplissant les ordres de Sa Sainteté et
de la Congrégation des Rites sacrés et faisant
connaître leur pensée à Votre Grandeur, pour
qu'elle la mette exactement à exécution, je lui
souhaite de vivre longtemps heureuse et en
bonne santé.
«Rome, le 6 octobre 1837.»
Voici la teneur de l'instruction jointe à cette
lettre :
a L'autel sur lequel la messe est célébrée,
qu'il soit fixe ou portatif, c'est-à-dire consistant
seulement dans une [tierre sacrée, doit absolu-
ment être consacré, et, pour ce i[ui est de l'autel
portatif, ou de la pierre sacrée, le principal rite
à observer se compose des onctions et de l'inser-
tion dans le sépulcre des reliiiues des saints
martyrs, conformément à cette parole de VApo-
calijpse : Je vis sous Cautel de Dieu les âmes de
ceux qui furent tués. Les reliques sont placées en
cet endroit, à cause du rapport et de l'analogie
mysticiue existant entre Notre-Seigneur Jésus-
Clirist, le chef des martyrs, et ses membres,
selon ces paroles de saint Augustin : « C'est
« pour satisfaire aux convenances et à raison
« d'une sorte de société existante, que la sépul-
« ture des martyrs a été fixée par l'autorilé là
« même où la mort du Seigneur est célébrée
« chaque jour, afin que ceux qui sont morts à
• cause de sa mort reposent à l'ombre du mys-
« tère de sou sacrement. » C'est pour cela que,
après avoir tait sa confession, le prêtre prononce
ces paroles en baisant l'autel : « V'os saints dont
les reliques sont ici. » Tout cela prouve qu'il est
nécessaire qu'il y ait un sépulcre des reliques
dans l'autel ; car, si des reliques n'y ont pas été
déposées ou ne s'y trouvent plus, ces paroles
«ont superflues et dépourvue* de sens. Eu outre,
comme uu autel quelconque, fixe ou portatif,
se trouve exécré par l'enlèvement d'un fragment
énorme par lui-même, à raison de la quantité,
ou bien parce que le fieu des onctions a disparti,
bien que celte ^larlie brisée soit peu considérable
en soi, et (lue, pareiilemeut, l'autel est exécré
par la disparition des reliques, il en résulte
aussi clairrmeut que les r«;liques sont nécessaires
pour la lousécralioo des autels. Si donc le Saint-
Siège a quelquefois dispensé de l'observation de
tous les autres rites, lorsqu'il y avait lieu de
consacrer de [nouveau des"autels, il n'a jamais
dispensé d'y remettre des reliques et de faire les
cérémonies prescrites pour cette insertion. C'est
ainsi que, dans la cause d'Augsbourg, du 21
avril 1668, l'évèque de cette ville ayaut présenté
une supplique pour obtenir la faculté de récon-
cifier plusieurs milliers d'auteK. exécrés par le
seul enlèvement des reliques, et dont la consé-
cration devait être renouvelée pour ce fait, eu
se contentant d'y replacer des reliques avec les
seules cérémonies prescrites dans le Pontifical
romain pour cette insertion, la sacrée Congré-
gation des Rites répondit que, m dans ce cas, la
(! grâce sollicitée pouvait être accordée, » et elle
le fut, en effet, par le pape Clément IX, de sainte
mémoire.
« Si donc notre très-saint Seigneur juge à
propos de suivre cet exemple, le révérendissime
évèque de Rennes pourrait être dispensé de
renouveler intégralement la consécration de
tous les autels mentionnés dans la supplique.
Toutefois, pour ce qui regarde les reliques, il ne
peut être autorisé à regarder ces autels comme
réconciliés par la seule el simple reposilion des
reliques, si les ci-rémonics prescrites pour l'ac-
complissement de ce rite ne sont pas observées.
Afin donc, que celle ailaire soit conduite sans
omettre ou altérer le rite constamment maintenu
jusqu'ici, et aussi sans aucun bruit ni scandale
que l'on pourrait prévoir, l'évèque procédera
secrélement dans son oratoire privé, et en faisant
toutes les cérémonies indiquées dans le Pontifical
romain, à la consécration de toutes les pierres
dans lesquelles les reliques manquent, ou pour
lesquelles on n'a pas accompli le rite prescrit,
bien qu'on y ait placé des reliques, et d enverra
ces pierres consacrées, munies des sépulcres des
reliques, aux curés, qui pourront les adapter à
chaque table d'autel. Cette fonction étant faite
avec précaution et prudence, lout danger d'éton-
nement el de scandale sera absolument évité,
puisqu'elle ne pourra èlre connue que d'un très-
petit nombre de personnes. Pour qu'il n'y ait
rien à craindre de ce côté, la détermination du
temps que l'évèque estimera nécessaire pour faire
toutes ces choses avec le soin nécessaire est
abandonnée à sa conscience et à sa prudence»
(A suivre.) P. F. Ecalle.
Professeur de tliéologio
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SftlNT-SlÉGE
CUAPITRE II. — LA rRIMAUTÉ DOCTRINALE INFAIL-
LIBLE DU SIÈGE Ar0ST0LI0UE.(S"l'?).
« Avant tout, écrit saint Pifrie Chrysolo-
3ue (1) à Eutychés, abbé à Constautmople, nou»
1. Ep. Gœlestin. vm. 7. Cf. iius haut, p. 83.
1S48
LA SEMAINE DU CLERGÉ
vous rerommanrions de suivre docilement ce
qiie le Pai>e de la ville de Rom", a écrit. Car
eaint Pierre toujours vivant dans sou propre
sipsre, qui est est le siège présidentiel de l'E-
elise procure à ceux qui le défirent le bieulait
de la foi (i). « Il répétait simplement ce que saint
Léon le Giaud, avait dit avant lui, ce que 1(3
légal l'hilippc avait déclaré au concile d'E-
plièse,
« Le bienheureux apôfre Pierre, écrit le pape
Sixte 111 (2), a transmis à ses successeurs le don
qu'il avait reçu. Qui oserait se séparer de la
doctrine de celui que le Seigneur lui-même a
choisi parmi les apôlres pour l'instruire S[iécial>
ment? » « Nous devons persévérer dans sa foi,
afin que, suivant avec un sens droit les traces
des apùtres, nous méritions d'être comptés parmi
les catlioliqucs(3). » C'est faire offense au Siège
apostoli'iue, écrit Innocent I", de tenir pour
douteuses les décisions ipi"il a rendues... Les au-
tres (':, lises doivent i ecevoir de lui leurs décisions
doctrinales conformément à l'esprit de tradition
et à la discipline ecclésiastique, de la même
manière que les eaux découlant de leur source,
répandent dans toutes les directions leurs ondes
fraîches et limpides. Dès que s'clève quelque
part une question de foi, c'est le devoir des
évèi]ucs de se tourner vers Pierre, auteur de
leur nom et de leur honneur (4-). » « Notre au-
torité, écritle pape Zosime (3) auxévèqiies d'A-
frique, est de telle nature que personne ne peut
appeler de notre jugement, n Mais il veut com-
muuiquer l'état de la question aux évêques, non
1. Inter Léon. éd. Daller. Dp 25.
2. Sei-iii. m. 3 : Bealus Pelrus in accepta fortiludine
fttrœ perseverans suscepta Ecclesiœ gubernacula non reliquil.
Conc. Epbcs. Art. ni. op. Mausi iv. p. 1295. Sanctus
ieatissimusque Pelrus, apoilohrum princeps et ciput fidei
dolumn^ et Ecctesiœ catlioiicœ fundamentum... ad hoc usque
tempus et semj'er in suis successori'^us vii:it et prœsidet et
fudicium cxercet,
5. Ep. 17. ad Jean. Antioch. ap. Coust. p. 1260,
4. Ep. 29. ad. Cono. Carthag. ap. Coust. 8S0: Scientea
quid Aposlolirœ SeJi dehe^ilur, a quo ipse ei-iscopalus et tma
auctoritas nomiuis hujus emersit... Paires 7ion fiumana, sed
divina decrevere senlenlia, ut quiJquid quamvis de disjunclis
remoti^que provinciis agcretur, non prius ducerent facienduvif
nisi ai hvjus sedis nolitiam peri-eniret, ut tolo hujus auclo-
rilate jusla qun (uerit proniintiatio firmarelur.
L'iujage de l'eau et de la source est adoptée, parce que,
dans la sjmbolique de l'ancienne Eglise, Moïse frappant
le rocher de sa verge est le type de saint Pierre. Cf.
Bomrt sotterranett, par Kraus, "p. 299. Ep. 30. ad conc.
Milev. ap. Coust. p. 890 : IHligenler et congrue apostolici
consuUlis houona (iionoris illius, quem roUiciludo manet
omnium ecclesiarum) arca'ta super anxiis let^us^ quœ sil
tenenda scnlejilin ; antiquœ scilicet regulœ formum secuti^
çuam toto s4 \er ab o be mecum nostis esse servalam...
Srtentes quod •^j; omîtes provint tas de Apostulico fonte ]>eten'
tibus respoma st'^pcr émanent. Prasertim, quoiies fidci ratio
ventilatur^ arbitror, omrtes fralres et coepiscopos nostros
nonnisi ad Petrum^ i e sui nominis et honoris auctorem
referre deliere, quod j>er totum mundum possit ecclesiis om-
Ilt6ui in commune prodessc,
6. Ep. XII. ap. Coust. p. 975.
qu'il ignore ce qu'il y a à faire (dans l'hérésie
des pélagiens^i non comme s'il pouvait prendre
des mesures tausses, mais afin de les as.^ocier à
6es conseils et d'agir de concert avec eux. « Dans
la promulgation de la vérité, écrit Sixte lll à
saint Cyrille d'Alexandrie, l'Eglise romaine a
toujours gardé une seule et même foi (I). n « Car,
remarque le pape Gélasp {'2\ Jésus Christ n'a
point parlé en vain, lorsqu'il a div <pie les portes
de l'enfer ne prévaudront jamais contre la con-
fession de saint Pierre. C'est pourquoi nous
n'avons pas à craindre d'échec pour la décision
ecclésiastique, elle qui s'appuie sur la parole du
Seigneur, sur la tradition de nos prédécesseurs
et sur l'autorité des canons, de sorte qu'elle fait
loi dans toute l'Eglise, o Si l'Eglise romaine
pouvait faillir dit ailleurs le même (3), quel
moyen aurions-nous de nous préserverde n'im-
porte quelle erreur et qui redresserait nos éga-
rements (-4)? »
Gouilamnô sur une fausse accusation d'héré-
sie, Tliéodoret évêque de Cjr recourut à saint
Léon le Grand ; il explique ainsi la raison de
son appel (.9) : « L'Eglise romaine possède la
suprématie sur toute les Eglises qui sont dans
l'univers pour plusieurs raisons, mais la prin-
cipale est qu'elle est toujours demeurée exempte
de la tache d'hérésie, et qu'aucune opinion op-
po ée à la foi ne prend chez elle ; elle a toujours
gardé !a foi des apôtres dans toute sa pureté. »
Saiut Théodore Sludite dit des iconoclastes (0) :
« Us Se sont séparés du corps du Christ et de
la chaire suprême, à laquelle le Christ a remis
les clefs de la loi, et contre laquelle n'ont
jamais prévalu et ne prévaudront jamais les
portes de l'enfer, c'est-à-dire la bouche des hé-
rétiques, ainsi que le lui a promis celui qui ne
ment pas. » Saiut Maxime de Conslantino;ile
écrit: « Tout regarde vers Rome, ainsi que vers
le soleil, pour recevoir d'elle la vraie foi ; là est
le fondement de toute l'Eglise, contre le luel
les portes de l'enfer en prévaudront point ;
Rome garde la clef de la foi et de la coniêssion
orlhoduxe ; à qui s'adresse à elle, elle ouvre la
porte de la vraie religion, mais elle ferme la
bouche à l'hérésie et aublaspliêiue.»
La prolessiou de foi ilu [lape Hormisdas est
d'une importance capitale (7). Le concile du
1. Ep. 1. ap. Coust. p. 1234.
2. Commonilor. ad Faust, ap. Thiel. Ep. X, p. 347,
3. Ep. 12. Ad Anast.
4. Uœc est quoi sedes apo^toUca magnopere pracavel, uf
quia omnia radix ex apost^ii gioriosa confes^tto. ttulit rima
pravitatis, nutla prorsus contagiong maculetur. j\am si, quod
fieri non posse confidimus. taie aliquid proveniret, vel eut jam
resistere, vel unde correctionem erranttbus procuremus.
5. Inter Epp. Léon. éd. Ualier. Ep. ,"ÛG
6. Ep. 11. G3. ap. Mign. T. 99. p. 128». — U écritdaue
le même sens au ]i:ipe l'asi^bal {Mign. ItJS), à Léon IIl»
[IHign. 1019), h l'Empereur. (Mifn. 1331),
7. Opusc. thtol. ll.;p. 72. (J. CàrtUief,
LV SEMAINE DU CLERGE
1249
Vatican la rapporte en ces termes : « Le salut
est avant tout île panier la rèi,Ie de la vraie toi.
Et pomme la parole de Nohe-Seigneiir Jésiis-
Cluisl (lisant : Tu es Pierre, et sur cette pierre
je bâtirai mon E^\i-e, ne peut être vaine, elle a
été vérifiée par les faits, car, dans le Siéj^e apos-
tolique, la religion a toujours été conservée im-
maculée et la s,iinte ./octriue toujours enseignée.
Désirant donc ne nous séparer en rien de sa f )i
et de sa doctrine, nous «spérons mériter d'être
dans l'uniijue communion que prêche le Siège
apostolique, en qui se trouve l'enlière et vraie
solidité de la religion chrétienne (1).» Cette
profession de foi fut composée par le pape Hor-
misdas en 517, et proposée à la souscription des
évéques qui renoncèrent au schisme des aca-
eiens, comme condition de leur réintégration
dans la communion de l'Eglise. Jean, patriarclie
de Constautinople et 2,500 évoques y souscri-
virent. Les évè(pU'S qui la signèrent furent seuls
admis à composer le huitièaie concile (809) (2).
1. Op. Mansi VIII. 441, 453.
2. A la fin il est dit : « C'est pourquoi nous suivons en
tout le Sié^e apostulinae, et confessons ce qui a été dé-
crété par lui. »
Bossuet dit îi ce sujet [Defensio declar. cler. Ga'/ic
X 7): Oinnrs crgo Eccletiis sub S'Qti'ila formula yrofilehantur
liomanam fi'lein SeJix apostoticiv. et Ecclesiœ Honuinre fiJeni
inli'fjra et perfectti miititate coîistare^ ac ne uiuftiam deficial,
rfclu Oomini poliicUcUiojie {irntatam. Nemp-; hanc idein ab
Ei>isC''pis nil M'tropi)litano!i, ab liis ad Putriarchfis. aPatriar'
vfiis a'I Papam emitli v^orUbal, ut omnium con(c\ûon^m
unam excipercty ac pro confes^ione fi'îci cammunionem om^
n bvts unii-itemquc repeiuleret Ilanc priyfrasioiicm eodem ini~
t-n, eaitem couclH.tionc, additix siibinde Unn'e.itbus attpn hcBre~
ticis qui .lui^ leinpnribus EccU:iiam conîi\rbassent per .«pciWa
svcula freqieiUatam scimm Hanc ii.'i smieto Uonni^da P ipa,
aanctoque Afjapeto at Nicolao 1 ornnes epùcopi fecerant ; ila
eitdem verhi.t Uadridni II in caticili'i w^wrcniro viu ler/imits.
liœc ergo ubiqite di/f^im, omnibus t(ernlii jirop'igata, ab œcti-
nienico concitio co '.srcrnM, quis rps/Mor (hrulianus ? — Cl'.
Vê:ie\on, Deux ème maniement sur la cinstUuliun Uniheni-
Tus. — .\pré3 cela nous ne nous étiinnons pas si Tour-
ncly (D? Ecclesia If, Ilî'il écrit; Xon di^simutandum, dif-
t^rile gsse iVt ta'ita leitimonioTum mole... 7ion a^iin^crt;
apostolicte sedis seu liomnnre Eechsioe ccrîam et infaltibU^m
auctorit'dem ; et longe difiiciliu-i e^se, e i conciliare cu<n de~
cltiratiofie G-Ulicana, a qua rcccdere nobit «ou permitfHur.
Bo*3uet lui aussi sentait le poids des preuves. 11 voulait
en conclure tju'il l'aliait attribuer l'iuraiUibilité iv la sac-
cession entière des papes, h la papauté, mais non K cln-.iHe
pape pris en partieuliir. [Ihf. declar. X. G. Ut in aliqai-
bus fide.i facillet aul c.onridat, jion timen déficit in lutuni,
quœ stalim rcriclura sit). M.ûs (ju'uu seul Pape erre et une
seule fois, est-ce ipi'alors la succession n'est paa rompue ?
Et si un particulier p"Ut faillir, n'nvuus-iious pas .'i re-
douter toujours la niêine ^''.ssilillité pour cha;un, et alors
cette iufaillihilité de la papauté [in abslraclo) ne dfviout-
elle pas illusoire pour un cas particulier ([uelcuaiue ?
C'est justement parce que cette suocossion n'a jamais été
interrompue qu'elle forme pour saint .\ugustin une preuve
convaincante contre les dnnatistcs (l's. c. D.mnt.): In
hoc ordtne surceasionis nuUuf episcopui Oonatista invcnitur.
Et puisque cette iafailli'oilité ne peut avoir d'autre prln-
ci;»e que Dieu, [loar pioi irion>-uoU3 raccourcir la puis-
s.ince de Dieu ? n est-il pas plus di^ne d'elle de provenir
la chute d un pape qun di? venir le relever après qu'il
serait tombé ? On aurait tort d'alléguer ici la distinction
dul'ape Sain» Léon entre la cUaire et la personne qui l'oo-
Eticnne de Dora adressa au siège de Rome
une lettri', qui fut lue |inl)liqiieineut devant le
co-icile de L:it;ansous Martini"', et dans laquelle
il invoquait le secours du Pape contre l'hérésie
des mouothélites ■ « Nous voudrions, dit-il, pren-
dre les ailes de la colombe et son vol rapide pour
porter ces paroles à cette chaire suprême à qui
tout est soumis, et auprès de qui toute bles-
sure trouve sa guérison, c'est la fonction que le
Pontife romain a toujours exercée dès le principe
en vertu de sou autorité apos'.olique et cano-
nique. C'est à lui qu'a été donné l'ordre de
paitre les brebis de l'EL'lise catholique, lorstiue
le Seigneur dit à Pierre : Pierre, m'aimez-vous ?
paissez mes brebis. Parce qu'il mon'ra, avant
tous les autres, une foi fi-rme en la divinité de
Notre-Seigneur, il fut jugé digne de confirmer
la toi chancelante de S!S compagnons et de ses
frères spirituels, et il reçut de notre Dieu, fait
chair pour nous, une puissance et une autorité
su péiieure à toute autre. 0 C'est pourquoi, re-
marqne-t-il plus 1 lin, Sophroue, patriarche de
JiTusalem l'a envoyé à Home où sont les fort'
dem"nts de la doctrine orthnd'Ue (I).
La prérogative du Pontife romain a été aussi
reconnue par les conciies. Saint Léon le Grand,
ayant, dans son épitre dogmatique adressée à
Flavien, patriarche de Constautinople, jugé et
condamné l'h'Tésie d'Eutychès (2), ne permit
pas tpie la question fut remise en discussion (3).
Et dans leur réponse au Pape les Pères ilu con-
i;i e de Chalcéiloine (i.'Ji) s'ex[)rlmeîil ainsi:
« Vous avez gardé la toi qui est veiuic jusqu'à
nous selon l'ordre du li'i^i'iialeur siiprèini!, et
vous êtes pour nous tous comme le porte-voix
de Pierre .. Vous êtes la tè!e et nous somaaes
cupe {Ep. 105 : Miud *unt sede^, aliullPreesiden'es). Saint Léoa
voulait seulement laire coniproulre par lii que les vices
d'un évèque (J'Acace) ne peuvent préjudicier aux droits
de la cliaire épiscopale, que les avantages de la ciiairs
épiscopale sont liés il la cii.ir^'j que revêt la personne et
qu'ils n'ont pas été donnés à la personne privée en tant
que personne privée, etqu-?, par conséquent, ils ne peuvent
se perdre par la f.iute de celle-ci. Mais d'un autre côté
la charge s'e.xerce par celui qui l'-iccupe. C'est pourquoi,
aux yeux de laati luité ecclésiastique, la cliaire loinaine
est identique avec ie ;:ipe de Home. £70 B;a(i/m/i'ii tua,
i'i est Caih'virœ Pétri communtone consocior. écrit saint
Jér^ime au p.ipe Damase. Cathedra Pelri per universum or-
bcm Papte Zosimi nre loquitur, dit saint l'rosper (C. Collât,
n. 15). La manière de voir opposée d stiogue entre la
papauté, la hiérarchie et l't'glise cons-dérées dans leur
idée et la papauté, la hiérarchie et '.Eglise dans leur
manifestation concrète ; conséquemment, elle conduit k
cotte doctrine protestante qui oppose rS^^Iise invisible,
idéale et vraie à sa manifestation concrète, empirique et
défcct'.nase.
1. lip. 14. Ep. 120: Qutr nostro priua riiniaterio Dominuê
dffinieral.
2 Ej). 9S : nejecla penilus audwia dispninndi contm
filem i/mîiii/ii! intpiratam vana errantiuil^ infuletilas con-
q>iie.^cat «fc lirciU dsfeiuii, quod non licet cYedi.
3. Int.^rEp. Léon. Ep. 98. Mansi, et. HS:Çuam... «*
praceplo legisUioris «eni''nlem usque ad nos i;)«e serviLli. rocis
B. Pétri om,it>us com'itulus intetprea {«««i xa6tati[ievO{.)
1250
LA SEMAINE DU CLEIiGE
les rcembios. Le? évèi]iins ajoulciit jue le Christ,
leur avait apprêté un festin spirituel dans la
letlrc de pape. Ils font ressiAtirla coupable con-
duite de Dioscore, qui anon-senlcmeulosé réin-
tégrer dans sa charge Euytchès déposé par le
Pape, mais qui a été jusqu'à excommunier le
Pape lui-même, à qui la garde de la vigne du
Seignyur à éth coufii^e et sur qui se fonde l'u-
nité ilu corps de l'Ei>lise (IV Le projet de com-
poser une nouvelle formule de foi fut repoussé
par eux ; qui n'est pas avec Léon, déclarèrent-ils,
est hérétique [-2). Pour conclusion, ils prient le
Pape de sauctionner leurs travaux (3). Pour
l'instruction des évèqucs d'Illyrie et de Pales-
tine, on confronta la lettre de saint Léon le
Grand avec le Symbole de Nicée et de Constau-
tinople, aussi bien qu'avec l'exposition de foi
donnée à Ephcse par saint Cyrille, mais cela
n'eut liru qu'à la quatiième session, et il s'a-
gissait non de mettre en doute la décision du
Pape ni de la soumettre à un examen, mais
simplement d'éclairer les membres errants, afin
que, la maf^nifique preuve de l'unité étant mise
sous leurs yeux, «la vérité fut plus clairement
connue, et imprimée plus avant, l'autorité des
supérieurs, sauvegardée, la liberté de? infé-
rieurs, conservée intacte et la contradiction,
vaincue ; afin que ce qui méritait d'être ré-
prouvé pour soi ne parût pas, étoutlé dans un
silence de p.irti pris (i). » il n'avait consenti à
la tenue du concile qu'à la condition que «la
pieuse sentence portée par lui ne serait point
contestée, pas même en apparence ; que toute
dispute sur un sujet où la foi est iisée ferait
pour toujours éteinte, et toute controverse ré-
duite à l'unité de la paix et de la croyance (3).»
Il ne convenait pas que la discussion s'ouvrît
comme sur une chose incertaine (6). 11 n'est
point question disait-il, quelle foi on doit
1. Mansi, I.c. 149: 'AuToO toû tjj; ci[ji7i£Xou Trjv ifu).»7.J)v
jcapi TOÛ owT^po; xljtiTETOiYH-^^^"'' ■^° owiia zrfi 'euxArj-
oi«5 'evoOv OTiO'jSctaavToç.
2. Mansi, vi. 'jfjS. 972.
i. nogamus igitur, et /uis decretis noilrum honora jiijicium,
et iicut nos capili in bonis atljecimus consonantiim, sic et
summitas tua filiis, quod decct, imjtleat. Int. Léon. Ep. 93.
4. Léo. E|). 120. ad TheoJor: Cui (Dcu-) nullum nos in
nosirii fratribus delrinscnlum suslmere permisil, sed qui>
nostro prius minislerio defiiiierat, univers/e fralemitalis
irretractiibih firmai'il assensu : ut vere a se prodiis^e aslen-
deret, quod iirius a prima omni'im sede /ormalum, lotius
Christiani orbis judicium recepisset, et in hoc quaque capili
membra concordent.. . Ipsa verilat et ctarius renitesctt et
fortius retinelur, dum. quœ fuies prius docuerat. hac postea
txaminatio co'ifirmavit. .Mulium sacerdolalis officii merilum
tplendetcit, ubi sic summorum servatur auctorilas, ut in
nutlo inferiorum pulelur imminula tiiierlas ; et ad majorem
Dei gloriam proficit finis exarninis, quando ad hoc se
accipit eiercenJi fiiucia, ut vincalur adcersilas, ne, quoj
fer se probatur reprobum, silentii praejudicio t<idealur
opprenum.
5. Ep. 89.
6. Quasi dt incerlo. Ep. 12.
tenir, mais à qui on doit pardonner (1).
Au concile d'Ephèse (.i3l), Philippe, légat du
Pape, qui présidait l'assemblée, put proclamer
les principes rapportés plus hauts ur la supré-
matie pontificale, et approuvés par le consen-
tement des Pères. Les léL-ats devAient, est-il dit
dans l'instruction que ceux-ci avaient reçue du
Pape Célestin (2), conserver l'autorité du Siège
apostolique, s'en tenir à lenrsinsifuctions, juger
les questions posées, mais ne pas se compro-
mettre dans les controverses. Dans sa lettre
adressée au concile, le même i'ape déclarait
encore : « Nous envoyons , comme représen-
tants de notre sollicitude, nos frères et col-
lègues, hommes éprouvés et de même sentiment
que nous, les évèques Arcade et Project, et
notre prêtre Philippe, qui assisteront à ce qui
se fait et exécuteront ce que déjà nous avons
ordonné. Nous ne doutons point que votre
Sainteté ne s'y accorde, attendu que la chose
dont il s'agit sera décrétée pour la paix de l'E-
glise universelle. » Uans la sentence prononcée
contre Nestorius les Pères s'exprimèrent ainsi :
« Nous, contraints par les saints canons et par
la lettre de notre saint Père Célestin, évêque de
l'Eglise romaine, nous en sommes venus à cette
lugubre sentence... (3).)
Le Pape Agathon (4), se référant à saint
Luc xxti, 32, déclara dans une lettre, lue devant
le sixième concile œcuméniijue qui donna son
assentiment, que par la grâce de Dieu et selon
la promesse du Sauveur, l'Eglise romaine n'a
jamais dévié de la tradition apostolique, ni
donné dans aucune nouveauté hérétique : telle
elle a reçu la foi dès le commencement, telle
elle la conservera sans altération jusqu'à la fin. »
C'est pourquoi la profession <le foi proposée par
les légats ne devra pas être discutée mais admise
comme certaine. La lettre du Pape tit loi dans
le concile et détermina la décision. Les Pères
déclarèrent que Pierre avait parlé par la bouche
d'Agalhon (5).
{A suivre). D' Hetiinger.
DROIT CANONIQUE
DU CONCOURS POUR LA COLLATIO.N DES CURES.
(13' article. Voir n" 38.)
« Le décret du concile de Trente, dit le doc-
teur Bouix, déclare qu'il n'y a pas de concours à
établir, lorsqu'on re<loule un dommage notable,
par exemple, des Ittctions e' des rixes graves
«. L. c.
2. Cœlestin. Ep. 14. ap. Coust. p. 1152.
3. K|). 18, op. Coust. p. IIGI.
4. 'Avay^aloo; xatEïtEiyâïVTEs. Mansi. t. IV. p. 1211.
6. Ep. ad Constant. ?ogon. ap. Mansi XI, 240.
LA SEMALNE DU CLERGÉ
1351
entre paroissiens. La loi du concours n'oblige
pas non plus, quaud il est certain qu'aucun can-
didat ne se présentera... Or^ au temps du Con-
cordat, la condition des églises de France était
telle qu'on n'eût pu, sans un grand dommage
pour le peuple chrétien, observer la forme d'un
concours régulier... (1). »
Nous revenons à ce passage d'autant plus vo-
lontiers que l'auteur de YAppendix inslit. juris
eccl. card. Soglia le reproduit et semble en ap-
prouver la doctrine (2). Donc au syllogisme
ci-dessus, nous répondons concéda mnjorem;
quant à la mineure, ueganda videtur. Encure
une fois, nous ne contestons pas les difficultés
particulières naissant des circonstances en t802,
cependant tâchons de nous eu rendre exacte-
ment compte, et, parla pensée, mettons-nous au
lieu et place d'un évê jue nouvellement iuslitué
et installé, sincèrement désireux d'observer
toutes les prescrii. lions canoniques, à moins
d'une impossibilité absolue.
Premièrement, cet évèque n'a aucune difli-
culté, en ce qui lou(die les cures amovibles. Ici
nous ne rétractons rien de ce que nous avons dit
dans nos articles sur la Question des desser-
vants (.'{). Nous écrivions que, régulièrement, les
évéqucs eussent dû, après le concordat et en
vertu de ce concordat et de ses annexes, ériger
toutes les cures sur le pied de l'inamovibilité ;
mais que, eu f.iit, l'immense majorité des pa-
roisses avait été soumise au régime de la manua-
lité, et que ce régime devait être accepté tant
qu'il serait maintenu par les évèques et toléré
par le Saint-Siège. Or, la loi du concours n'attei-
gnant pas les cures amovibles, il s'ensuit que,
en 1802, les difficultés éventuelles résultant de
l'observation de la loi ne touchaient qu'à un
très-petit nombre de cures.
Selon M. Bouix, « il devenait urgent de pour-
voir sans retard les paroisses de curés; ce que
les évè(]ues n'eiissent pu faire qu'à travers de
grandes difficultés, s'il avait fallu d'abord tenir
régulièrement le synode, etc..» Cet exposé
comprenant toutes les paroisses, le lecteur est
aussitôt frappé des difficultés qui pouvaient sur-
gir ; mais, quand on se rappelle les faits, tels
qu'ils se sont produits en 1802, les difficultés ne
concernent plus qu'un très-petit nombre de
paroisses, les plus importantes à la vérité.
Secondement, rien n'empêchait l'èvèque de
surseoir à la nomination des curés inamovibles
pendant un mois ou deux; de constituer ou
même simplement de maintenir l'administra-
teur provisoire. Car, en 1802, au moment de la
mise à exécution du Concordat, les églises étaient
). rracl. dt (\iiocho, p. 388.
2. l'âge Ih.
3. Semaine du cUrgi. T, I", n* 18 et suivanta. — T. IV,
11° 20 et euiraats.
ouvertes depuis longtemps, et l'autorité compé-
tente avait pourvu, autant que possible, aux
besoins les plus pressants. En outre, le décret
exécutorial disposait que les pou^oiv.- des anciens
titulaires ne cesseraient qu'au moment de l'ins-
tallation des nouveaux. Un délai, dans tous les
cas, se trouvait commandé par là plus vulgaire
prudence. Des nominations hiitées, précisément
parce qu'il s'agissait de postes inamovibles,
n'étaient certainement pas désirables, et nous
pourrions citer des choix fort tristes, faits dès la
première organisation, sous le prétexte qu'il
fallait avant tout prendre possession. En procé-
dant ainsi, on s'écartait visiblement de l'esprit
de l'Eglise.
Troisièmement, les lettres apostoliques pres-
crivaient aux évèques de constituer d'abord leur
chapitre, puis de s'occuper des cures. En effet,
dans le chapitre, les nouveaux prélats trouvaient
des ressources pour leur administration alors si
surchargée, des candidats pour la charge d'exa-
minateur synodal, et aussi le moyen de suppléer
canoniquement, avec l'autorisation du Saint-
Siège, à lu non-cèlèbration du synode.
Quatrièmement, la céièbration d'un synode
était-elle aussi hérissée de dilficultés que le donne
à entendre M. Buuix ? Nous n'ignorons pas les
dispositions peu favorables renfermées dans les
articles organiques, néanmoins, on ne pouvait
interdire à un nouvel évèque le droit de réunir
autour de lui les membres de son clergé, ne
fut-ce que dans une pensée de conciliation. On
sait que le clergé comprenait alors des ecclé-
siastiques qui avaient adhéré à la cun-tilution
civile, et d'autres qui n'y avaient point adhéré;
le gouvernement insistait beaucoup auprès des
évèques pour qu'ils opèrassenlentre ces éléments
opposés une fusion complète. A cet efifel, en cer-
tains lieux, notamment à Orléans, qui avait pour
évèque Etienne-Alexandre Berrier, un des pléni-
potentiaires du gouvernement français dans les
négociations relatives au Concordat, le clergé
fut convoqué et réuni pour entendre des exhor-
tations dans le sens de la paix, du support mu-
tuel et de la bonne harmjuie. Evidemment et
préalablement, tout prêtre assermenté devait se
rétracter. Or, rien n'empêchait un évèque de
profiter de la présence du clergé pour tenir une
assemblée synodale pour pratiquer ce qu'on ap-
pelle le scralin sacerdotal, c'est-à-dire obtenir de
chaque ecclésiastique les renseignements voulus
touchant sa personne, ses fonctions et ses pou-
voirs, informatioii£ alors plus nécessaires que
jamais; enfin pour proposer à l'approbation de
l'assistance un certain uombrft ,d'examinateurs
synodaux. Nous ne savons si, en écrivant ceci,
un amour exagéré du droit nous aveugle, mais,
eu vérité, avec un peu d« prévoyance ei d'habi-
leté, un évèque sincèrement désii-euy de suivre
t232
LA SE-MAÎME DU CLERGÉ
les prescriptions canoniipies psuvnit, sans en-
combre, faire tout ce que nous venons de dire.
Et, en supposant qu'il n'eût pas été possible de
réaliser toutes ces choses, était-il diflicile de
solliciter du Pape rinduU nécessaire pour con-
firmer diB examinateurs synodaux avec le seul
assen'imcnt au chapitre?
Cinquièoiement, dire que les candidals eussent
manqué, c'est poser une affirmation purement
gratuite. L'ancien clergé était habitué aux
épreuves et aux examens usités dans les univer-
sités; d'ailleurs, le désir d'obtenir une |>nsilion
stable, au milieu de tant de cures réduites à
l'amovibilité, eût certainement stimulé les ecclé-
siastiques, sans parler de la légitime influ'.'uce
qu'auraient exercée les conseils moines de
lévêque. Dans tous les cas, l'édit touchant le
concours devait être publié, et si les candiilats
eussent fait défaut, l'autorité diocésaine aurait
pu alors invoquer l'exception.
Sixièmement, on parle de factions, de rixes
possibles entre les paroissiens. Le cas, nous le
reconnaissons, n'est pas chimérique. Dans plu-
sieurs localités, Topinionse prononç;iii quelque-
fois en faveur de l'anrien curé, cauonitiuemeut
dépossédé par le Concordat et ses conséquences.
Ile plus, le schisme constitutionnel avait laissé
des traces. Pour assurer l'œuvre de la paeiOea-
lion, certains choix semblèrent s'imposer. Il est
évident que chacun de ces cas devait être atten-
tivement examiné et, l'exception tiréedu droit se
trouvant justifiée, l'évêque pouvait s'en préva-
loir; à cela point d'objection. Mais groupi'r par
hypothèse ces diflicultés purement locales et
éventuelles, les généraliser sans fondement, puis
eu tirer un argument contre l'observation du
concours, c'est un procéilé que la saine logique
ne saurait ratiiier. Soyons jxisies : le docteur
Bouix ne dit [las précisément que des factions et
des rixes fussent à craindre eu 1802, il se borne
à rappeler le passage du concile de Trente où
est mentionnée l'exi'eptiou dont il s'agit.
Pour rendre notre piésenie dissertation plus
complète, nous ajouterons une difticulté spéciale
dout Al. Liouix ne parle pas : diflicullé qui puur-
rait nous être opposée par ceux qui possèdent
la pleine connaissance des faits qui ont suivi le
Concordat. Le gouvernement d'alors eut la pré-
tention de réserver un certain nombre de titres
aux ecclésiastiipies ipii .ivaient adhéré au schisme
constitutionnel. Ooelque chose de semblable
déjà s'était lait au moment de la nomination
aux évèchés ; le Saint-Siège n'avait pas repoussé
les anciens conslilulionuels, à la condition tou-
tefois qu'ils rétracteraient leur s:'rment et qu'ils
seraient d'ai'.ieurs jt;gés dignes. Pour les tilies
de vicaires généraux, de chanoines et de ('ur('s,
le gûuverne.ncnt voulut que le tiers lût attribué
aùl colistUulionuels, réti-actés ou non. Celle
prétention devirt une source de difllculté.s, et
l'on cite l'illustre Mgr d'Aviace, archevêque de
Bordeaux, comme un des prélats nont la résis-
tance ne se démentit pas un sp'il instant. 11 est
fai-ile de comprendre dansqéel embarras ont pu
se trouver les évoques. Néanmoins, encore ici,
il faut se garder de généraliser, et nous ne
voyons pas de raisons suf.isantes pour affirmer
que l'observation de la loi du concours eût été
im[)ossible ou dommageable dans la plupart
des cas.
Jusqu'ici nous nous sommes oc3upé du pre-
mier paragraphe du cha[iitre dans lequel
RI. Bonix traite dii la loi du concours en ce qui
touche la France concordataire. Le deuxième
paragraphe aborde la question de savoir si le
non-usage du concours pendant un demi-siècle
suffit pi.ur prescrire la loi. Le canoniste expose
les raisons pour et contre. Les raisons en faveur
de la légitimité de la coutume française se tirent
du [irincipe d'après lequel nue coutume quadra-
génaire, de sa nature ni mauvaise ni dérai-
sonnable, peut prévaloir contre une loi ecclé-
siastique; de ce que le Saint-Siège a connu
pleinement ce qui se taisait chez nous et qu'il n'a
pas réclamé ; enfin de ce qu'il est impossible
d'admettre que tous les curés, durant un si
long espace de temps, aient été dépovu'vus de
juridiction. Les raisons contre la coutume sont
celles-ci : Même pour la coutume quadragénaire,
il faut le consentement du législateur au moins
légitimement présumé. Or, ce consentement ne
peut être présumé, si le Saint-Siège a eu des
motifs particuliers peur garder le silence, et ici
les motifs ne manquaient pas, eu égard aux pré-
jugés régnants. I\i. Bonix rappelle que la cou-
tume plus que centenaire n'a pas prot^'gé les
liturgies modernes, lorsqu'elles ont été déférées
au Saint-Siège, ce qui prouve que le sile:.ce de
Home n'empoitalt pas consentement. Ensuite,
d'après les auteurs les plus graves, et notam-
ment Ijenoit XIV, aucune coutume ne peut pres-
crire contre ies décrets du concile de Trente.
Eutin, la raison tirée du défaut de juridiction
s'évanouit en présence du principe qui veut que
l'Lgli^e su|iplée la jariiliction dans les sujets qui
ont un titre au moiss réputé légitime.
Nonobstant la valeur des raisons alléguées
contre la coutume, M. Bonis n<^f.t^ pas la con-
damner, et il termine par cette rtri-^ervalion, sa-
voir « que les difficultés et les iucouvénienls qui
ont empêché tout d'abord les évoques d'observer
la disc.pliue du concours, subsuieul peui-étre
encore en partie. D'où il suit ipTou ne doit pas
être surplis de voir maintenue hi [uatique intro-
duit'' après le Cout;ordat, quand bien même
cette pratique ne serait sutlisamm 'ni justifiée,
ni par les textes du Concor«iat, ni par la cou-
tume. »
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1253
Eviflemmenl, sîlVminentcanonisle eût connu
la réponse du Saint-Siège à l'évêque de Liéiie,
en 1834, il eût été \\\hs net et plus ferme. La
condition du diocèse de Liège et celle des dio-
cèses de France vst absolument la même. Eq
prononçant la néce^sitii, pour l'église de Liège,
d'observer la loi du concours, Rome a, du même
coup, déclaré cbimcrinucs les objections qui ont
arrêté le docteur Bouix et les caiionistes qui
l'ont suivi. 11 n'est pas jusqu'à la difliculté tirée
du défaut de juridiction qui ne soit, dans ladite
réponse, abordée en face. Le Pape, en déclarant
guérir les provisions accordées sans concours,
fait sentir que ces provisions étaient entacbées
de nullité, et que le titre réputé légitime ne
suffit point, dans le cas dont il s'aç;it, pour que
la juridiction soit sup[iléée par l'Eglise.
Quant à l'objection qui prétend que la disci-
pline du concours est o[)poséc à l'humiliié évan-
gélique, le docteur en fait bonne justice dans
son troisième paragraphe, où il démontre aisé-
ment qu'un pa:cil langage tend à blâmer les
plus saints personnages, les plus grands évèques
et l'Eglise elle môme.
Victor Pelletier.
Clianoiae de l'Eglise d'Orléans-
(A suivre).
JURISPRUDENCE CIVILE ECCLÉSIASTIQUE
MINISTRES DU CULTE. — OUTRAGES. — PROCÉ-
DURE. — ACTION PUBLIQUE. — PLAINTE.
L'oub'age commis envers un tninistre du culte
dans l'exercice de ses fonctions intéresse avant
tout l'ordre public.
L'outrage proféré seulement à raison des fonc-
tions ou de la qualité intéresse la partie lésée plus
que l'ordre public.
En conséquence, [outrage commis envers un
ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions
est poursuivi d'office par le ministère public, que
la pnrtie lésée le veuille ou ne le veuille pas.
Mais l'outrage proféré envers un ministre du
culte à l'occasion de ses fonctions et de sa
qualité n'est poursuivi que sur sa plainte.
Telle est la doctrine de 'arrêt de la Cour de
cassation que nous allons 'rapporter ci-dessous,
lequel casse un arrêt de la Cour de Limoges du
27 février 1874, portant condamnation pour
outrages publics envers un ministre du culte,
sans plainte préalable de la part de ce'.ui-ci.
Sur le pourvoi de la partie condamnée,
M. l'avocat général Tliiriol a présenté des
observations qui contiennent l'exposé de la
législation et de la jurisprudence en cette
matière. En les reproduisant, elles nous dis-
penseront de toute obsefvatioaetde tout éclair-
cissement sur l'arrêt de la Cour d t cassatior.,
qu'on lira après. Les voici donc :
« L'outiage par paroles envers un minisire
du culte, au moment aième où il remplit son
ministère, que cet outrage ait eu lieu pu!iliqtie-
mentou sans publicité, est réprimé par l'aiiicle
2G2 du coile pénal, modifié par l'article 6, § 3
de la loi du 23 mars 182i. Le législateur de
1822 a aggravé la peine prononcée par le Code
pénal, aiin de mettre cette peine en harmonie
avec la disi.osition toute nouvelle qu'il éilictait
dans le [laragraplie i" du même article 6; triais
il a laissé subsister l'an'iennc incrimination à
laquelle il s'est référé. Tel est le sens du para-
praph ■ 3 de l'article 6, d'après l'arrêt du 23
juin 1846. [Journal du Palais, 1846, 2,332. —
Sire;/, I84G, 1,763).
« Le mini-tie du culte est-il, au contraire,
outragé pnbli queniont hors de l'exercice de ses
fonctions, mais à l'occasion de ses tonctions ou
de sa qualité? — Jusqu'en 1822, ce délit ren-
trait, à défaut d'incrimination spéciale, dans
ceux d'injure ou de dilfamalion envers les
particuliers, le mot particulier comprenant,
pour le législateur de 1810, quiconque n'est
pas dépositaire ni agent de l'aulorité publique.
(Alt. IG à 1!) de la loi du 17 mai 18 lU). La
poursuite était donc, à ce titre, suboidonnée à
la piaille de la partie lésée (art. 5 de la loi du
2G mai 1819) et portée devant la juridiction
coriectionnello (art. 14 de la mèmi'. loi).
« La loi du 26 mars 1822 est survenue, elle a
accordé une protection plus énergique à une
catégorie de dépositaires de l'aulorité publique,
les fonv/ionnaires, en frappant ceux qui les
outragent de peines plus sévères que les dis-
positions de la loi du 17 mai 1819. mais n'a pas
pour cela enlevé aux agents du pouvoir aux-
quels elle a donné la dénomination de fonction-
naires, le caractère de dépositaires île l'autorité
qui leur appartenait jusque-là et leur rendait
applicable l'aiiicle 3 de la loi du 26 mai. Aussi,
dôs que la loi du 8 octobre IS.'JO eut abrogé
l'aiticle 17 de la loi de 1822, la jurisprudence
se forma-t-elle en ce sens que la plainte préa-
lable était néces-aire, en vertu de cet article 5,
aussi bien de la part des fonctionnaires que de
tous autres dépositaires de l'autorité.
« Pareillement, parmi ceux qu • les lois de
1819 comprenaient sous 'a dénomination géné-
rale de particuliers, il en est que le 1 -gislateur
de ^822 a voulu, par des raisons faciles à com-
prendre, couvrir d'une protection plus éner-
gique en ré[irimanl plus sévèrement les outrages
dont ils serdient l'objet : ce sont les ministres
des ditfèr.nts cultes. — De là, l'article 6 de la
loi du 26 mars. Mais ces ministres n'ont pas
cessé, pour cela, d'être des particufiers. Vous
l'avez jugé fréquemment, au point de vue des
I
LA SEMAINE DU CLERGE
questions de compétence (v. Cass. iO septembre
m(ï; P. -1837, 1,539; S., 837, 1,430; 2:> février
1843; P., 18i3, 1,698; S. 1845, 1,552; 23
août 1850; P. 1852, 1,606; S., 18SI, 1,293). 11
y a même raison de décider au poiul de vue des
questions de procédure et de l'exercice de
l'action publique.
« Cet état de choses n'a pas été modifié par
l'article 5 de la loi du 1 1 août 1848 qui a rem-
placé l'article 6 de la loi de 18i2 qui aurait dû
être invoqué contre Jeannot, au lieu de la
disposition, actuellement abrogée, en vertu de
laquelle on l'a poursuivi.
« Ce qui résuite de ces différents textes, c'est
qu'il faut faire entre les oiitrnges envers les
ministres du culte la même distinction qu'entre
les outrages envers les fonctionnaires puljlicset
par les mêmes raisons. — Le prêtre a-t-il été
outrané dans l'exercice de son ministère? C'est
la religion rlle-mème qui a été off'-nsée, la
répression intéresse l'ordre public; la poursuite
aura lieu, que la partie lésée le veuille ou ne le
veuille pas. — Le prêtre a-t-il été outrage
seulement à l'occasion de ses fonctions? Les
considéraiions d'intérêt privé l'emportent sur
les con>idérations d'intérêt public. La partie est
maîtresse de la poursuite. (V.Cass., 10 janvier
1833; S. 1833, 1,218, 25 juin 1816; P., 1816 :
2.332; S. 18i6, 1,763; 5 décembre 1872 : P.,
1872, 1,163; S., 1872, 1,446; 20 j:nu 1873:
P., 1873, 1,214; S. 1873, 1,488).
(( Peu importe que la loi du 26 mai 1819 soit
antérieure à la loi de 1822 qui a, la première,
caractérisé et frappé i l'une peine particulière
le délit réprimé aujourd'hui par la loi du 1 1
août 1848. La loi de 1819 est la loi de procé-
dure de toute poursuite à raison d'un délit
commis par un mode quelconque de publication
(art. 1"), quelle que soit la date de la loi qui
punit ce délit. — Peu importe encore qu'au
moment où rarlicle 6 de la loi de 1822 a été
promulgué, la plainte préalable se trouvât
momentanément supiirimée pour les outrages
envers les dépositaires de l'autorité (art. 17 de
la loi de 1822). La loi du 8 octobre 1830 a remis
les choses au même état que si l'article 17 de
la loi de 1822 n'avait jamais existé. Elle a fait
revivre la règle introduite avec éclat dans notre
législation en 1819, règle d'unegrande sagesse,
vraiment tutélaire, qui concilie les exigences de
la répressi(jn et les intérêts des parties lésées,
et qui est le complément nécessaire et le cor-
rectif de toutes nov lois en matière d'injure et
de diflamation ; c'est que toutes les fois que
l'intérêt privé est pris en considération avant
l'intérêt général, c'est-à-dire toutes les fois que
la personne offensée ne l'a pas été dans l'exer-
cice même de ses fonctions, « elle ne peut être
,t engagée, sans son consentement formel, dans
a les débats où la justice même et le triomphé
« ne sont pas toujours exempts d'inconvé»
« nients. » — Cette règle s'apjdique, suivant
l'énumération que donne la loi tUe-mème, aux
chambres législatives, aux souve-iins étranger*
et à leurs représentants en France, aux cour»
et tribunaux, aux corps constitués, à tous les
dépositaires ou agents de l'autorité, aux parti-
culiers comme aux hommes publics. C'est le
droit commun. Pourquoi le législateur de 1819
en aurait-il refusé le bénéfice au ministre du
culte, et comment admettre qu'il ait voulu le
faire lorsque le mot particulier, dont il s'est
servi dans la lui du 26 mai (art. 5), comprenait
certainement les ministres '.lu culte dans la loi
du 17 mai dont celle-ci n'a fait que régler la
procédure ?
« Reste une objection. Ces insultes envers
les ministres du culte sont des outrages ; la loi
du 26 mai 1819 n'exige la plainte préalable ■
qu'en matière à'injurcs ou de diflamation.
Le met injures, dans les lois de procédure et
de compétence, est un terme générique qui
comprend les outrages aussi bien que les
injures proprement dites. La Cour de cassation
n'a jamais varié sur ce point (v. Cass.,
chambres réunies, 10 juin 1834 ; S. 1834,
1,417, etc.). C'est par ce motif qu'une plainte est
nécessaire en cas d'outrage contre un fonction- ■
naire public (v. Cass., 10 juin 1834 précité;
25 septembre 1847 : Bulletin criminel, n» 241 ;
31 mai 1856 : P., 1856, l,5f.6; S. 1836, 1,689).
C'est par ce motif encore que les outrages par
paroles sont et ont toujours été déférés à la
juridiction correctionnelle, quoique l'article 14
de la loi du 26 m li 1819 et l'article 2 de la loi
du 13 avril 1871 ne dérogent que pour les
injures verbales envers toutes personnes à la
règle générale qui attribue aux Cours d'assises
le jugement de tous les délits commis par la voie
de la presse ou par tout autre moyen de publi-
cation (loi du 8 octobre 1830, art. !■='). — Si
l'outrage n'est pas une injure et constitue un
délit spécial, cedélit, non compris dans l'excep-
tion, reste sous l'empire de la règle ; il faut
renvoyer aux Cours d'assises les outrages par
paroles envers les officiers de police judiciaire
et tous les autres menus délits du naême genre
pour lesquels on n'a jamais songé à mettre le
jury en mouvement : résultat inadmissible, qui
cou.lamne la théorie qui y conduit. (V. Cass.,
10 juin 1834, précité; 31 janvier 1830; P.,
1830, 1,500 et 3 août 1850; P., 1831, 2,169;
S. 1831, 1,294). .)
Adoptant celte doctrine, la Cour de cassation
(chambre criminelle), a statué (4 avril 1874) de
la manière suivante :
« La Cour,
« Vu les art. 6 de la loi du 25 mars 1822;
5 de la loi du 26 mai 1819:
LA SEMAINE Mi CLf.nCE
a Sur le nio}''!! unique tiré de la violation
duclit ailicie 5, en ce que la ministère public,
sans plainte prcaiabli' delà partie lésée, a pour-
suivi d'dClice pour délit d'outrage public envers
un ministre du culte catholique à raison de sa
qualité;
« Attendu que si, aux tcrmos des articles 22
cl 182 du Code d'instruction criminelle, le mi-
nistère public est chargé de pouisuivre la
répression des crimes et délits, le législateur,
dans l'apidicatipn qu'il a faite de cii tirincipe
de droit commun à la matière spéciale des
crimes et délits commis par la voie de la presse,
ou par tout autre moyen de publication, a
distingué entre les faits délictueux portant
essentiellement atteinte à l'or.lre public et à la
société, et les faits qui intéressent le plus par-
ticulièrement, plus directement, les parties
lésées ;
« Que, pour les premiers, l'article 1" de la
loi du 2G mai 1319 attribue la poursuite d'office
au ministère ]uil)lic; que, quant aux seconds,
celui qui a été personnellement outragé ou
injurié a été laissé juge du soin d'apiirécier
l'outrage ou l'injure, et de décid'T s'il est
opportun de le laisser dans l'oubli ou d'en
demander la répression;
« Attendu que c'est par application de cette
distinction qu'a été édicté l'article 5 de la loi
du 26 mai 1819 ; que s'il avait été dérogé à cette
disposition par l'article 17 de la loi du '23 mars
1822 pour le délit d'outrage public commis
envers un ministre du culte à raison de sa
qualité ou de ses fonctions, prévu par l'article 6
de ladite loi, cet article 17 a été abrogé par la
loi du 8 octobre 1830;
a Que l'exception formulée dans l'article 5
de la loi du 26 mai 1819, pour cette matière
spéciale, a repris, dès lors, toute nx force obli-
gatoire ;
« Attendu qu'à la difiérence du délit d'ou-
Irage commis envers un ministre du culte dans
l'exercice de ses fondions, délit qui intéresse
Tordre public, l'outrage proféré seulement à
raison de^ fondions ou de la qualité, n'a pas le
même caractère, et que rien ne s'oppose à ce
que, dans ce cas spécial, le ministre du culte
soit assimilé à un simple particulier ;
« Que le mot outrage, employé dans ledit
article 6, n'est point un obstacle à cette assimi-
lation, lu loi ayant résumé dans cette expression
l'ensemble des injures, termes de mépris, des
articles 13 et 19 de la loi du 17 mai 1819;
a Attendu, d'ailleurs, que l'arrêt attaqué
constate, dans l'esiièce, que ce sont des injures,
des termes ûe mépris, des invectives qui ont
été proférés, et qui ont caractérisé l'outrage;
d'où il suit qu'en décidant, dans l'espèce, que le
miuiâlère public était recevable à poursuivre
ù'office le délit imputé au prévenu, Arèt a
faussement appliqué et violé les di-'^>-».';v.oos
des lois i*-di,'ssus visées;
« Casse, etc. »
Ainsi la jurisprudence, en matière d'outrages
aux minisires du culte, au point de vue de la
procédure, malgré la complication des lois sur
lesquelles elle s'appuie, n'en est pas moins très-
simple et très-claire. Elle se réduit à ces deux
hy[)othèses : ou le ministre du culte est outragé
dans l'exercice de ses fonctions, comme par
exemple lorsqu'il fait une procession, dit la
messe, baptise, marie, enterre, etc. ; ou il est
outragé à raison de ses fondions ou de sa qualité,
comme par exemple, si on l'injurie parce qu'il
est prêtre, parce qu'il a admis tel ou tel à la
réception des sacrements, etc. Dans le premier
cas, c'est l'i ministère public qui poursuit
d'office ; dans le second, il n'y a poursuite que
si le prêtre in-ulté porte plainte.
Il est d'un-.' grande impoi tance de connaître
ces principes et de ne pas les oublier; car,
comme le rappelle fort à propos la Revue catho-
lique des Institutions et du Droit, la Chambre
criminelle a, [larun arrêt du 5 avril I8U7, décidé
que l'absence de plainte préalable dans les cas
où elle est requise est une nullité d'ordre public
qui peut même être [u'oposéc pour la première
fois devant la Cour de cassation.
P. d'IIauterive.
Les Erreurs modernes
LA OtlVlOCRATIE ET LE CATHOLICISME
(3' article.)
L'?» (5s9 griefs le plus souvent articules contre
l'Eglise catholique par la démocratie et le libé-
ralisme, c'est qu'elle n'aime que les gouverne-
ments abso.'"", .(ue ceux-ci seuls ont ses sympa-
thies, et qu'elle a en horreur toute espèce de
liberté. Qui n'a les oreilles et les yeux fatigués
des déclamations qu'il a entendues ou lues sur
ce sujet? Mais, en revanche, personne ne s'est
fatigué à lire les preuves de cette assertion. On
affirme, on suppose, on laisse entendre que
l'Eglise n'aime que l'absolutisme; mais le prou-
ver, on s'en dispense. G est là, du reste, un
procédé dont on use avec un sans-laçon mer-
veilleux à l'égard du catholicisme.
Examinons donc cette question. Il y a trois
moyens principaux de connaître la doctrine, la
pensée de l'Eglise : d'abord sou enseignement
officiel; en second lieu, sa manière d'agir, sa
conduite ; puis les écrits de ses docteurs les plus
L'Eglise a-t-elle défini quelque chose sur cette
1250
LA SEULVIidL DU CLERGÉ
question? J.-imais. A-l-d'n; un caseiu:nement
otficiel sur les iliverses lormes de gouveine-
meiit? Aucummeiit. A-t-elIe défiai que tella
orme vaut mieux que telle autre? Nullement,
A-t-elle proscrit les institutions modératrices
du pouvoir, ks libertés eiviles ou politiiiues ?
Pas le moins du monde A-telle défiià que le
gouvernement al solu est préférable au gouver-
nement lempiri'? Pas davantage
La vérité latlioliquc est déposée dans trois
espèces de docum^^fits : l'Ecriture sainte, les
définitions des Papes et les décrets des conciles.
Or, nulle part on ne trouve rien relativement
aux lormes de gouvernement. A=?urément l'E-
glise, dans sa longue existence de dix-huit siècles,
a eu à s'occuper de doctrines de toutes espèces;
elle a défini bien des que^tio^s, elle n proscrit
bien des erreurs. A-t-elle proscrit quelque forme
de gouveineraent? Jamais.
Je me trompe, il y a une sorte de gouverne-
ment que rEj-dise a proscrite. Serait-ce les
institutions modéiatriiesdu pouvoir, les institu-
tions libres? Ecouton- : « 11 faut abolir, dit
Clément Xlll, ce qui sent le paganisme... Il faut
abolir ce qui, venant des doctrines, des usages
et des exemples des païens, nourrit la tyrannie
politique, et cette fausse raison d'Etat, tout à
fait éloignée de la loi évangéliiiue et chrétienne;
quœ tyrannicam poli'.iam fovent, et quam falso
vûcant rationem status, ab evangelica et chrhlinna
leqe al/horrentem inducunt, deleuntur (1). Ainsi ce
que l'Eglise a proscrit, c'est la tyrannie, c'est
le desjiotisme renouvelé plus ou moins du paga-
nisme par quclquesprinces chrétiens. Est-ce pour
cela qu'on l'accuse de favoriser la tyrannie?
IMais, à^i\.-on,\e.Syllabu$ n'a-t-il pas condamné
le suÛ'rage universel qui est la source même des
gouvernements modernes et libres, et l'expres-
sion même de la volonté de la démocratie?
Il est entièrement faux que le Syllabus ait
condamné le suffrage universel. Voici la propo-
sition qui s'y rapporte : « L'autorité n'est pas
autre chose que la somme du nombre et des
forces matérielles ; auctoritas nihil aliud est nisi
numeri et materiaUum viiium summa. n
Cette proposition est on ne peut plus juste-
ment proscrite, i/autorité est autre chose que
le nombre et la force matérielle. La raison, nous
l'avons vu, démontre que l'autorité vient de
Dieu de quelque manière. Elle vient aussi^ nous
l'avons vu encore, de la nation dans un sens
vrai; mais puisqu'elle vient de Uinu, et qu'elle
est le droit de cummander même à la conscience,
toute pro[iosition, qui afiirme qu'elle n'est pas
autre chose que le nombre et la force, est une
proposition fausse au point de vue rdtiouuel
comme au point de vue chrétien.
i. Corulil ad liidicem,
La condamnation de la proposition ([ue je
viens de citer est prise de l'allocution célèbre
Miixima quidcm, prononcée par Pie IX âa.\j^ le
Consistoire du 9 juin 1862 en présence d'un
très-grand nombre d'évèqui'S alors à Rome, et
voici les paroles mêmes du Souverain Pontife :
n Ue auctoritate et jure ita temcre effutiunt, ut
impudenter dicant, auctoritatem nihil aliud esse
nisi numeri et materialium virium summam,
ac jus in materiali facto consistera, et omnia
hominum officia e-se nomeu inane, et omnia
humana facta juris vim habere. »
Ce qui ressort évidemment de ces paroles,
c'est ipje le Pape conilamne le m:itérialisme de
l'jutoritèet dudroit,c'est-à dire ce matérialisme
qui ne voit dans ces deux nobles choses, i[ue le
nombre et la force. Et en cela Pie IX est l'organe
de la raison et de la conscience.
Le Syllabus, il est vrai, comme d'autres docu-
ments religieux, condamne la révolte, la révo-
lution. « Légitimis prineipibus obedieutiam de-
trectare.imoetrebellarelicet. » Cette proposition
est proscrite par Pie IX. JNIais d'abord une
révolution n'est pasuue forme de gouvernement ;
elle est même tout le contraire.il est vrai que,
pour les disciples de Proud'hou, l'anarchie est un
idéal. La révolution n'est pas non plus la liberté :
par elle-même, elle ne produit que la répression
et le pouvoir absolu, puis des révolutions nou-
velles, qui s'appellent les unes les autres. Elle
est le chancre qui ronge les nations qui en sont
atteintes : Lt France, l'Espagne, le Mexique sont
là comme exemples. Le bon sens et le patriotisme
sont avec l'Eglise, et condamnent comme elle la
révolution et sou esprit. Ah! ce n'est pas Pie IX,
ce n'est pas l'Eglise, ce n'est pas le Syllabus qui
sont les ennemis des nations; ce sont ces hommes
qui sèment dans les âmes des doctrines perverses
et subversives, et deviennent les chefs et les
guides de la révolution par la plume, par la
parole, par leurs actes Artisans de révoltes,
conspirateurs secrets ou publics, ils préparent,
organisent le désordre et assurent son triomphe.
Ils disent qu'ils veulent renverser les tyrans,
comme l'était Louis XVI, comme l'est Pie IX,
les plus doux et les meilleurs des hommes ; et
eux-mèaie.^ sont, quand ils le peuvent, des
despotes et (je s tyrans de la pire espèce, c'est-
à-dire de l'e-^pèce démagogique. Ils disent
qu'ils veulent amener parmi les peuples la
justice et le bonheur, et ilsu'ont, au fond, qu'un
but misérable et égoïste : jeter bas les autres,
et se mettre à leur place, béclamateurs vulgai-
res, ils chantent des hymnes et portent des
toasts à la fraternité, et leurs paroles ue portent
dans les âmes que la discorde et la haine.
Grands preneurs de liberté ils ne la veu'ent
que pour eux et leurs semblables. L'égaUté est
leur idole, disent-ils; mais à la coudiL'ou qu'il»
LA SEMAINE DU CLERCE
iiït
auront partout la première place. ProuiThon,
qui les connaissait iii(!n, a dit : la démagoj^ie,
c'est l'envie. (Chevaliers du désordre el de la
sottise, leur {iriitipal titre de gloire est d'être
sortis des seatiers de la vérité, du juste et sou-
vent du sens cominLiu. Une des plus illustres
preuves de la sottise humaine, c'est l'espère de
popularité qui les entoure, et l'aurérle malsaine
qui les enveloppe el leur servira dû linceul.
Un second moyen, avons nous dit, Je con-
naître la pensée de i'iîgliso. sur la question qui
nous occupe, c'est sa comluite, sa manière d'agir.
N'a-t-elle pas, dit-on, toujours favorisé les gou-
vernemi'nts absolus et despotiques?
Si avant de regarder en arriére dans les temps
écoulés, nous jetons un rcg:ird sur le monde ac-
tuel, nous constatons à première vue un fait
considérable. Le christianisme domine en Eu-
rope et en Amérique. Il n'est, au contraire, en
Asie, el en Al'riipie, qu'à l'état lie missions. Or,
c'est précisément en Europe et en Amérique, que
se trouvent les institutions modihalrices du pou-
voir, les gouvernements tempérés, la liberté
politiiiue. Et ailleurs, règne la monarchie abso-
lue et le desiiolisine. je ne prétends pas ijue la
seule cause do celti; différence £oit la religion
chrétienne. Le caractère national, le génie des
peuples y ont leur grande part. Mais le chri-lia-
nisme y a aussi la sienne. C'est lui qui, inspirant
une juste idée de la digniléde la nalure humaine,
fait que l'homme n'admet et n'établit qu'une au-
torité modérée, et ne veut point d'un pouv(dr
arbitraire. C.'e-l luicjui, en adoucissant les mœurs,
a adouci par là même l'autorité. G'estlui qui, en
élevant les peuples à la civilisiition véritable, les
rend plus pro[ires à participer à la gestion des
affaires. Hélas 1 l'es[>rit révolutionnaire vient
trop souvent tout gàler.
Mais, dit-on, au dix septième siècle, le chris-
tianisme avait en Europe un incontestable
empire ; et cependant c'est le pouvoii- absolu qui
régnait ; preuve évidente qu'il y a entre lui et
ce pouvoir uce afliniti; réelle.
Cette dilliculté n'a de valeur que peur ceux
qui ne voient que la suii-oe des cho>cs, et qui
neconnaissent de l'histoire que les deux derniers
siècles. C'est précisément à celte époque que
l'Eglise catholique a commencé à perdre de sou
influence sur les sociétés. Transpor'.-'ns-nouspar
la pensée à une époque, où tle l'aveu de tous elle
exerçait une action iiuis.sanle, au moyen âge.
Alors régnaient il'ahord de larges libertés ci-
viles, que nous n'avons- plus aujoiud hui en
France, où ilomine la centralisation. Alors ré-
gnait, en second lieu, la liberté politique sous la
forme que déterminaient les circonstances et les
éléments qui composaient la société, c'est-à-dire
sous le régime des états, régime où la monar-
chie était tempérée par des institutions vérita-
blement modératrices du pouvoir. En Angleterre,
alors parfaitement calholique, ou trouve le ré-
gime parlementaire, sous une forme plus ou
moins développée : on sait, en effet, que les
libertés anglaises, remontent à la charte de
Henri I", donnée en i 103, et surtout à la grande
charte de ieaiï Sans-Terre, de liJlo, et aux provi-
sions d'Oxford, de 1258, origine de la Chambre
des communes. En Espagne, la liberté se tra-
duit par les Coriès, et en Allemagne par les
diètes et les élections. En France, ce sont d'a-
bord les assemblées delà nation, les Champs de
fdars et de Mai, puis le régime des états, repo-
sant sur les libertés municipales, les libertés
provinciales et les libertés générales ou natio-
nales. Chose bien singulière I c'est naturellement
en Italie que l'influence politiipie de l'Eglise
romaine s'est le plus immédiatement exercée ;
cr, c'est l'Italie qui a été le terrain le plus favo-
rable au gouvernement républicain : Gènes, Pise,
Sienne, Florence, Venise, ont été des républiques
(jui ne sont pas sans gloire.
On le voit donc, en plein moyen âge, en pleia
régime de l'Eglise catholique, la liberié était
vivante, et les [irincipales nations de l'Europe
n'y connaissaient pas le pouvoir absolu.
Un des plus ardents défenseurs des libertés
modernes, le comte de Montalembeit, a écrit ces
lignes: «Je crois parfdlement, comme on a fini
par s'en apercevoir, que le moyen âge, en tenant
compte des éléments sociaux du temps, a été
l'ère d'uu véritable gouvernement représentatif,
beaucoup plus sincère et i)lus efficace, plus sé-
rieux et même plus populaire que tout ce qu'où
a ima;:iné deimis. Oui, le gouvernement repré-
sentatif est né au moyen à'.^e, et du moyeu âge.
Il rst né de la combinaison naturelle des élé-
ments qui constituaient la société à cette époque;
il est né de l'union et île l'action commune de la
royauté catholique avec I Eglisp, l'aristocratie
foncière et les municipalités émancipées (I).»
Montesquieu paile dans le même sens. «S'oici,
dit-ii, comment se forma le premier plan des
moni.:'cliies que nous connaissons. Les peuples
geristniques, qui conquirent l'Empire romain,
étaient, comme on sait, très-libres... Lorsqu'ils
furent dispersés dans la conquête, ils ne purent
plus se réunir. H fallait pourtant que la nation
délibérât sur ses atl'uires, comme elle avait fait
avant la conquête : elle le lit par des représen-
tants. Voilà l'origine du gouvernement gothique
(ou du moyen-âge) parmi nous. Il fut d'abord
mêlé de l'aristocratie et de la démocratie...
C'était un bon gouvernement, (jui avait en soi
la capacité de devenir meilleur. La coutume
vint d'accorder des lettres d''affranchissement;
ei bientôt la liberté civile du peuple, les préro*
I, UjnUl. Des inlirilê calhoUjutt au XIX' iWcl«, ch. VÎU.
I2S8
LA SEMAINE DU CLERGÉ
gatives de la noblese et du clergé, la puissaftcc
des rois se trouvèrent dans un tel concert, que
je ne crois pas qu'il y ait eu sur la terre de gou-
vernement si bien tempéré que le fut celui de
chaque partie de l'Europe dans le temps qu'il y
8ubsisla(l). ))
(A suivre.) l'abbé Desohges.
Biographie.
DOM GUÉRANGEB
ABBÉ DE SOLESMES.
{Suile,)
« Laissée à leurs inspirations premières, les
nouveaux fils île saint Benoît auraient naturel-
lement greffé la tige nouvelle sur le tronc de
Saint-Maur, sauf à en modifier la sève par
quelques correctifs. N'élait-ce pas l'arbre qui
ombrageait naguère encore de son feuillage
celte église et ce prieuré de Solesmcs dans
lesquels on venait de s'établir? Mais au-dessus
des conceptions de l'homme, il y a la sagesse
de l'Eglise, s'exprimant par l'oracle du Siège
Apostolique. Fil? lui-même de saint Benoît,
le pape Grégoire XVI voulut que cette famille
renaissante cherchât plus loin et plus haut
le principe de sa reconstitution. Ce fut là un
ordre du Ciel. A partir de cet instant, Prosper
Guéranger, s'appuyant sur la double force
de l'étude et de la prière, remonte d'âge en
âge le cours de la tradition. S'étant nourri de
la vie et des maximes de diflerents réfor-
mateurs qui, après l'unité brisée, ont créé
les diverses congrégations bénédictines aux
quinzième, seizième et dix-septième siècles,
il arrive et il s'arrête avec complaisance à ce
Louis de Blois, le disciple de celle que tout
l'ordre a nommée sainte Gertrude la Grande.
Là déjà, il se désaltère aux pures sources de
l'esprit du saint patriarche , il se jomplaît
dans ce miroir des moines, il se délecte dans
ces exercices et ces révélations des vierges
d'Hefta. Puis, traversant avec admiration les
richesses de Cîteaux et de Clairvaux , les-
quelles, pour être l'apanage propre d'une
autre branche de la famille, n'en appartiennent
pas moins à toute la descendance de Benoît,
il se plonge avec bonheur dans les eaux de ce
fleuve qui, de saint Odon à Pierre le Vénérable,
transforme Cluny en une terre où coule le lait
et le miel de la plus pure et de la plus forte doc-
trine monastique. Cluny lui-môme avait reçu
ce dépôt de ce Benoît d'Aniane, qu'on a pu
justement appeler Benoit second, homme vrai-
ment prodigieux, par lequel ont été rasti.m-
1, Montes^. Esprit dts toi; 1. XI, cb. VUI.
blés le code et l;i concordiinfe des règlîs, et
qui en souffla l'esprit, meilleur encore que la
lettre, sur la génération d'où Cluny allait
sortir. Ce n'est pa- tout. Le grand législateur
du Mont-Cassin demande à n'èlre pas seu-
lement étudié dans ce qui est venu après lui :
a parte post, comme dit l'école. Lui-môme a
déclaré, dans sa modestie sans doute, mais
dans une modestie fondée sur la vérité, que
sa règle n'est ni le premier ni le dernier mot
de la perfection, m lis une simple ébauche :
hanc minimam inchoationis regulam; et qui-
conque en veut connaître les sources, il le ren-
voie aux saintes Eiritures d'abord et aux
grands docteurs de la foi ; puis aux Pères du
désert et aux maîtres de la vie spirituelle qui
l'ont précedi' so't en Orient, soit en Occident :
a parle ante. Notre courageux restaurateur
ne recule devant aucune partie de ce travail,
qui sera celui de toute sa vie : à telle enseigne
que le produit de ses dernières années, le tes-
tament laissé à sa double famille, sera le
commentaire le plus lumineux, le plus nourri,
le plus substantiel de la règle du saint pa-
triarche. Mais déjà, dans les constitutions ré-
digées au début, et insérées dans le bref apos-
tolique qui rétablit en France l'ordre de saint
Benoît, vous trouvez toute la moelle de cette
tradition et de celte forte vie monastique au
développement de laquelle il devait s'employer
jusqu'à son dernier souffle »
Après s'être pénétré si fortement de l'esprit
de son ordre, Guéranger devait demander à
l'Église l'approbation canonique de son œuvre.
Dans ce dessein, il se rendit à Rome. Nou&
trouvons, dans la correspondance de l'abbé
Lacordaire avec Sophie Swetchine, quelques
notes relatives à ce voyage. Le 28 mars 1837,
Lacordaire écrit : « J'ai vu M. Guéranger,
chère ami.), et sa présence a été pour moi
un grand «icours et une grande consolation, o
Le 4 ma/, «aïvant, note plus détaillée : « Les
allaires de M. Guéranger vont à souhait. Les
jésuites qu'on devait se flatter tout au plus
de n'avoir pas pour adversaires, se sont mon-
trée de très-fhauds amis et poussent au succès
avec vigueur. J'en suis charmé pour les béné-
dictins et aussi pour eux ; car rien n'est
pénible comme les défauts que l'on rencontre
dans ceux qu'on estime et surtout dans les
siTviteurs de la vérité ; cette conduite des
ji'suites est, du reste, très-habile. Après tout,
ils ne peuvent pas se flatter d'avoir en France
des œuvres religieuses et monastiques ; et il
vaut mieux, pour eux, se faire des amis de
ceux qui doivent un jour participer à l'in-
fluence que donnent la vertu et le dévouemeut.
Tout va donc au mieux. La présence de l'abbé
Guéranger a été aussi pour moi uae véritable-
I
I
LA SEMAINE DU CLERGE
r.-j
consolation ; nous nous enlpwlons à merveille pour
toutes chosi'S : théologie, pUilosuiiliie, poliliijue,
présent rt artnir : il e~t si i-ire de tiouver
aujourd'hui un chrétien où la loi dcjmine le
reste. »
Le 4 juill t, il indique où on en est avec l'opi-
nion légitimiste : « La ditlerence qu'il y a
entre vous et mni sur la légitimité est proba-
blement peu de chose. Je regarde ainsi que
vous riiéi'édité comme un piincipe important,
respectable; mais la légitimité tel e qu'on l'a
faite depuis Louis XIV et Louis XVIll me [pa-
raît entachée de cette malheureuse idolâtrie
royale qui a perdu la maison de Bourbon. Au-
jourd'hui encore, par un aveuglemeot ([ui me
parait un signe d'endurcissement, la cause du
légitimisme et celle du gallicanisme sont abo-
minablemeut unies, et j'ai su des choses dont
la folie égale l'impiété, Croiriez-vous que pas
un journal religieux n'a voulu annoncer ,
même à tant la li:^ne, l'ouvrage de M. Guérai:-
ger sur les origines rom lines'.' »
Le 4 août, solution de l'atfaire bénédictine :
« Je ne vous dis pas, puisque vous le savez, que
M. Guéranger est abbé perpétuel de Solesmes,
ayant anneau, crosse et mitre, et chef de la
congrégation des bénédictins de France, allilice
au Sloiit-Cassin. C'est un résultat merveilleux ,
et qui doit nous porter à aimer de pins en plus
l'Eglise romaine, si divinement Uubile à distinguer
ses vrais enfants, ie \Aiii quitter Kome bientôt,
après un voyage et un séjOur (jui ont été véri-
tablement fructueux ; car Moulalerabertet moi,
nous avons certainement préparé les voies à
l'abbé de Solesmes. »
Le 16 septembre, la Providence éprouve l'œu-
vre naissante : « L'abbé de Solesmes a été sé-
rieusement frappé ( du choléra ) et en danger
pendant vingt-quatre heures ; grâce à Uieu, il
est sain et sauf aujourd'hui; il se dispose à
partir jeudi prochain par un bateau marchand
qui est en partance au port de Uioa-Grande
sur le Tibre. Car il faut que vous sacfiiez que
toutes les routes sont fermées depuis un mois et
que rien ne passe sinon la correspondance
portée par des courriers à cheval. »
Le 12 octobre: « Nous sommes arrivés avant-
hier à Milan, l'abbé de Solesmes et moi, bien
portants, après quinze jours de voyage en voi-
ture et à travers des fumigations innombrables
jusqu'aux bords du Pô où nous avons entin
retrouvé la liberté. Nous partons demain ma-
tin pour Lausanne, par le Simplon, ensuite par
Besançon et de là à Villersexel. M. Guéranger
vous porte un petit souvenir de Rome, que je
vous envoie, et que je vous prie d'agréer avec
bonté. (1) »
1 , Corrtsfondanii du P. Lasoriairê tt di Mad. Swilchini,
fCUtim,
En 1837, donc, l'abbé Guéranger voyuit la
réalisation de ses rêves d'enfant, de ses aspira-
tions déjeune homme et de son dévouement
sacerdotal. Son œuvre était fondée, il n'av.iit
plus qu'à la développer matériellement et mo-
ralement, par les agrandissements de Solesmes
el les améliorations qu'il ne cessa d'y intro-
duire, et pur les fondations qui ;i liaient soi tir
de cette abbaye-mère, comme l'abbaye de Li-
gugé, près Poitiers, en 1853, le prieuré de
Sainte-Madeleine de Marseille, un peu pins tard,
et en 1870. l'jibbaye de femmes de Sainte-
Cécile de Solesme.
Au milieu de ses travaux, qu'était dom Gué-
ranger comme moine et comme abbé ?
« Dora "îuéranger, dit son éloquent panégy-
riste, fut moine dans toute l'étendue du mot :
moine par la pauvreté et le détachement de
toutes ciioses ; moine par la pureté de vie I»
plus délicate, et par une chasteté angélique
qui égalait en lui la vivacité de l'alleciion;
moine par l'obéissance [lai faite à Dieu, à l'E-
glise et à la règle ; moine [)ar un amour en-
thousiaste et passionné de l'ofiice divin , de ce
que saint Benoît, nous le redirons bientôt, met
au premier rang des devoirs monastiques ;
moine par l'habitude constante du travail sous
toutes ses formes, sans excepter le trav.iil des
mains, dont il avait l'estime et dont il savait
donner l'exemple; moine par la mortification
du corps, par les austérités du cilice et de la
flagellation sanglante, en même temps par la
luite de toute vaine gloire et par l'Iiumilité
d'un esprit soumis et discipliné ; pour tout dire
euUn, moine par un sentiment de foi et par
une plénitude de vie surnaturelle, devenue
pour lui une seconde nature, qui le tenait cons-
tamment sous le regard et la conduite de
Dieu (1). »
Danslesmonastèresde l'ordrede Saint-Benoit,
redoutable est la tâche de l'abbé. C'est de lui
que tout part, c'est vers lui que tout converge.
Sans doute, avant de se décider, il doit prendre
le conseil de ses frères ; pourtant il décide tout
lui-même avec cr.iinte de Dieu et conformé-
ment à la règle, il faut donc qu'il soit docteur
et pasteur, chef et père, et qu'il préside réelle-
ment pour présider efticacemenl. Nous n'exa-
minerons pas ici, si c'est la règle d'un gouver-
nement pondéré, il suflit de savoir que tel est
le régime bénédictin. N'oublions pas cependant
que ce régime si simple et si sage a fondé des
familles religieuses et fondé des cités :.utourdes
cloîtres. L'Europe est, en grande parti3, son ou-
vrage.
Etant bon moine, comme il l'était, dom
Guéranger était un vrai père abbé; mais écou-
.jtis son admirable panégyriste;
1, Oraimn [unibrt l" partie.
1260
LA SEMAINE DU CLERGE
a Etant tout cela en Iiii-rtipmR. dit- il, il n'est
pascti.nnant inrune femîiia illustre, i[iii le con-
sullait et ['écoutait déjà comme un maître, à
l'heure où elle semblait en niriger et cooseilici'
(Taulrcs comme ilcs disciples, ait dit de lui
tt qu'il était né béuédicliQ et abbé de Sulcs-
mes. » Il faut, d'après saint Benoit, « que
l'abbé soit docle en la loi divine, sacbant où
puiser « les choses nouvi^lles et les anciennes : »
oporlet ergo evm rsse doctnm in lege dioina. ut
iciat vnde proférât nni:ii et vcta-c. Oui, la doc-
trine est nécessaire à l'abbépour donnerla vicau
monastère, en renouvelant !-an-;ce?scJe.^ esprits,
et détruis int par là l;i monotonie qui pourrait
endormir les àraes et ralentir leur élan da i»
la marche vers le souverain bien. Une mai-" i
religieuse n'est point un asile de somnolence ;
nul e paît les esprits et les eœnrs n'ont davan-
tage besoin d'être tenus en éveil: l'inslitution
monastique pér t, si l'enseisriiement s'ariète.
Jésus-Christ est venu a;qiortcr du fou sur \.i
terre, et que veat-il sinon (jue ce feu s'allume?
Mais quelle à:ne sera embrasOe de ce feu, si
ce ii'rst celle du moine ([ui doit être l'â-ne
chrétienne dans sa plus haute expressioi! ? Il
fautdoucque l'abbé entretienne, il faut qu'il
active ce feu autour de lui, il faut ([u'il épancbe
la lumière sans laipiclle il n'y apas dechaleni-.
Mais, pour cela, il faut qu'il ait lui-mèm ■ ie
front dans la lumière, qu'il connaisse les Ecri-
tures, les enseignement-v de rE>;li5e et da
Siège Apostolique, la théologie dogmatlipie et
morale, ascétique et mystique, les annales ec-
clésiastiques et la vie des saints, de aorte qui-,
puisant dans ce trésor qui lui est fainilier, il
sache égalemsnt en fairj soilir ce ijui est nou-
veau et ce qui est ancien.
a Nulle de ces choses n'échappait au trè"-
révérend l'ère alibé de Solesm. s. Ce front
haut et développé, arsenal immense d'érudi-
tion, contenait un des plus vastes dépôts de la
science ecclésiastique et profane : à to.it ins-
tant et selon que l'occasion le demandait, il
en tirait dcri armes lumineuses, avec ordre, en
leurrangàleui- place, sans confusion, sanseffort:
ut sciât unde proférât nova et vetcra. Pas un in-
cident nouveau, piiS' un événement contempo-
rain, dont il ne comprit et montrât la portée
au point de vue divin. Qui donc savait p:-ome-
ner comme lui son re;,'aird sur le globe efilinr
pour y découvrir ce qui se rapportait à l'Eglise, à
ses épreuves, à ses joiij*, à ses conquêtes? L-i
vulgarité même du journal devenait en ses
mains le thème d'uu enseiifncment. Mo» Pfcrcs,
vous étiez assis à une table royale où l3»mcis
les plus délicats, les plus variés-, voas' étaient
Bervis quolidieunement ; cas eouférenceà s .;■
la vie et les vertus chrétienn(?9, celte incompa-
rable explication de voltfijcylSj.que d&> notes
intelligenles vous ont conservées, vous n'avez
pas le droit de les garder pour vous seuls. Que
dis-je?ce ne sont pas seulement les écrits,
c'est la vie de votre vénérable Père que vous
devez à la chrétienté. A l'icuvre donc, et sans
retard. Là vous nous direz à quel point en lui
le docteur était père, tout ce que son coup
d'œil avait de pénéiralion , de clairvoyance,
tout ce que son cœur lui ilictait de tendresse et
de bonté; avec quelle patience, quelle autorité,
ea quelques paroles, il avait le don de baser
une vie entière, ayant pour règle de suivre
dans les âmes les moindres mouvements Je la
giâce, mais de ne point les prévenir ; se tenant
toujouv^ datis If. vrai, avec un admir.ible équi-
libre, et y ramenant les esprits les plus extrê-
mes, sans leur rien oter de ce ijui leur était
[■ropre si devait leur demeurer ; attentif, seloQ
la recoEiEiandation de saint iJmoît, à ne paa
enlever la rouille si fortement que le vase lut
exposé à éelater; en un mot, se ilépcnsant
tout entier au service intérieur et à h: culture
siiiritucUe de ses fils, comme s'il n'}' avait rien
autre cho.~e au monde, et ne faisant rayonner
parde-là h: monastère que ce qui débordait du
dedans,
« Ausî-i, laiïse-t-il après lui une œuvre qui
durera, tt cette œuvre, il l'a mise en possession
de tous les héritages dis-ipés : et servavi te ut
possidcres lunreditates-dissipatas. Me demandez-
vous, pieu.v fidèles, si l'on y garde toute obser-
vance rigoureuse de la ré^le première ? Je
pourrais vous réponilre que la discipline géné-
rale iiu temps de saint BenolLdilférait à peine
de la discipline monastique, et qu'en face des
Bidoucissements apportés par l'Egli e aux ob-
servances communes des chrétiens, les moines
de la congrégation de France, tels que les a
con.-îtitués canoniquement l'autorité du Saint-
Siège, vous laissent plus loin derrière eux que
leurs devaaoiei-s n'y laissaient vos pères. Fions-
nous à la sagesse de rEgii-e,ct quand, à cause
de l'aibuidiss ment général des corps qui a
suivi ratfaiblissement de la loi, sa conde>cen^
danco maternelle s'exerce si largement envers
nous, ne nous idaignons pas qu'elle veuille bien
ouvrira- un plus grand nombre de faibles les
portes de la vie parÊiite. Si il ailleurs vous aspi-
rez à de plus- grandes rigueurs, la providence de
Dieu continue devons les oflrir dans des asiles
saints et bénits. Pour moi,, je ne saurais perdue
de vue- les grandes maximes de Benoit et je ne
m'étonne point que l'Eglise elhf-mèiae s'en soit
inspiiée: rrÀsccn& temporihus lenifora : atenant
compte de la dilTiirence des tem[»s », et, « par
o i'esercice de la discrétion, qui est la mère
(I des vertus, tempérant tellement toutes cha-
« ses, que les forts désirent faire plus, et qu9
« les faibles ne se retirent pas en arrièrô.; ».
LA SEMAINE DO CLERGE
nn
Sic omnia temperet, ut sit quod et foiies cupiant,
et infirini non réfugiant.
« Cela dit, j'obéis à la seule vérité que jo
proclame en l'ace de celte tomlie, que celui (|ui
y reposa a été iii-bas l'un des plus grands affir-
mateurs de !a vie moaasti(iue, et que son œu-
vre le [ilace :ï la suite des quatre ou cinq prin-
cipaux restaurateurs de l'onlro bénédictin sus-
cités dans Ifi cours des siècles. Celte conviction,
que j'ai puisée dans ses entretiens, dans ses
cerrespondances et dans ses écrits, vous l'avez
affermie en moi, mes révérends l'èros, toutes
Tes fois que j'ai vécu parmi vous. Panlonnez-
inoi, 6 suint abbé, si mon zèle et mon amilié
vous ont harcelé souvent jusqu'à l'importunilé,
pour obtenir de vous cette vie et celte histoire de
saint Benoît , dont vous m'avez tant, de t'ois
exposé la synthèse et dévelofipé d'udrairables
parlies. Je ne me rrnilais pas compte que votre
œuvre s'écrivait d'une façon meilleure, puis-
qn'elb' se gravait, en lettres vivantes, dans l'es-
prit et le cœur de vos fils. Un jour pourtant
que je tremblais de vous voir mourir laissant
le travail inachevé, je m'aperçus que l'impres-
sion s'en faisait eu caractères d'or, je veux dire
dans ces âmes vir;^inales, fruit de votre seconde
paternité et donco joie de votre viei^;e^se. Pen-
dant huit ans, vous avez partagé entre cette
double famille vos >^oins et vos lalieurs, diri-
geant à la fois des deux côtés ces Jets de lu-
mière et de génie qui devenaient plus ardents
et plus vifs à me>ure que vous approchiez du
foyer éternel. Elevés a l'école 'e la généiosilé,
vos enfants, o ('ère, remercient !e Seigneur da
tout ce qu'il leur a doum; [lar vous; et ils ne se
plaignent pas qu'dvous ail donne à vous-même
le repos, après tant de fatigues : ils ont la con-
fiance que vos œuvres, dont le mérite vous a
précédé là-haut, continueront de vous survivre
ici-bas (2). »
VARIÉTÉS
NOTRE-DAME DE LOURDES
(suite. Voir le numéro 36.)
lîl. — UNE VISITE A BERNADETTE. DN rÈLEBINAGE
A LOURDES.
Le 13 février ISôo, après avoir dit la sainte
messe à Notre Dume tic Bétharram, nous lon-
geâmes à pied la chaîne des Pyrénées et nous
arrivâmes, vers le soir, au petit séminaire de
Tarbes, à Saint-Pé de Bigorre, où le supérieur
Doufi lit uu accueil d'autaat plus cordial qu'il
1. Oraiion funibre !'• partis,
venait de Faire lire au réfectoire des élèves
notre Philosophie catholique de Phistoire. Le len-
demain matin, 14 février, nous suivîmes la même
route nationale qui côtoie les Pyrénées, en nous
arrêtant de temps en temps pour admirer le»
beautés des sites et l'élévation des cimes. A no-
tre gauche, des troupeaux de chèvres et de
brebis bondissaient sur les collines. En face, se
dressait sur son rocher la forteresse de Lourdes.
En arrivant à cette ville, nous dirigeâmes de
suite nos pas vers la grotte. Après y avoir prié
quelque ^.emps et avoir bu de l'eau à la fontaine
miraculeuse, nous nous rendîmes au pension-
nat des Dames-de-Nevers, placé sur une petite
éminence boisée, à côté de la ville : Bernadette
y achevait son éducation. M"' la supérieure eut
la lionté de l'amener au parloir en nous priant
de l'interroger peu, parce que c'était l'anniver-
saire des apparitions, et qu'elle était maladive,
comme chaque année, quand revenait cet anni-
versaire. Bernadette avait vingt ans, on lui en
eût donné quinze à seize. Son visage rond, ses
traits réiruliers, son regard modeste, reflétaient
la beauté et la candeur de la vertu et donnaient
à sa physionomie un air intéressant. Voici tex-
tuellement le petit dialogue que nous eûmes
avec ille, nous le transcrivons sur la copie que
nous en [trimes le soir même.
C'e~t donc vous qui avez vu la sainte Vierge?
— Oui, monsieur, c'est moi. Et elle baissa les
yeux. — Que vous a dit la sainte Vierge? —
Elle m'a dit qu'elle voulait être honoiée à la
grotte, que je devais dire aux prêtres de lui
ériger une chapelle aux Roches-Massabielle ;
que je devais retourner pendant quinze jours
à la grotte ; chaque jour je la voyais. — Que
vous a-t-elle dit enore? — Elle m'oidonna de
boire de l'eau d'une source qu'elle m'indiqua
à l'aniile de la grotte^ mais c'était de la boue;
trois fois je la rejetai et regardai la Vierge,
chaque fois elle me fit signe de boiie. Alors je
bus, je me lavai, et la source commença à jail-
lir du rocher. — Que vous a dit encore la sainte
Vierge? — Ellem'aditde prierpourles pécheurs.
— Que vous a-t elle dit encore? — Qu'elle était
riiumaculéc-Conception. — Etait-elle sembla-
ble à la statce de marbre qui la représente à la
grotte? — Oui, monsieur, ais elle était infini-
ment plus belle, elle éta éblouissante de
beauté. — Aimez-vous beau, up Marie? — Ohl
monsieur, si je l'aime I Son visage s'illumina,
tout son corps tressaillit d'émotion. — La
priez-vous souvent? — Quand j'y pense.—
Quand est-coque vous y pensez? — Presque
toujours. — Voulez-vous me signer des images
représentant l'apparition? — Volontiers. — Et
passant à un bureau qui se trouvait à un des
angles de la salle, elle en si^na cinquante
qu'elle me remettait à mesure elle-même. Aux
1262
LA SEMAINE DU CLERGE
dernières, elle me dit en tournant vers moi im
regard souriant : J'ai la main tellement fatiguée
que je ne puis plus écrire. — Ecrivez tout de
même, mes amis et moi nous prierons pour
Yous. — Elle en signa encore quelcjues-unes.
En se retirant, elle salua gracieusement. Elle
avait une robe noire, et un foulard rouléautourde
la tète. Sa mise, bien quesimple, était élégante.
Actuellement, cent mille personnes se ren-
dent à Lourdes, chaque année, de toutes les
provinces de France, de tous les royaumes
d'Europe. Tous les sanctuaires de Marie de
France, de Belgique, d'Allemagne, d'Espagne
et d'Italie, ont envoyé leurs bannières de soie,
de pourpre et d'or, au nombre de plusieurs
centaines, à Notre-Dame de rimmacuJée-Con-
ception ; une splendide procession, formée des
députations de ces sanctuaires, et présidée par
les pontifes de l'Eglise, lésa portées triompha-
lement dans le nouveau temple de Marie, dont
elles tapissent les nefs et les chapelles. Quand
le printemps ramène les beaux jours, l'antique
forteresse du Sarrasin, ja^lis la clef des Pyré-
nées, qui vit passer les légions de Charlemngne,
voit déliler sans cesse les phalanges des nou-
veaux croisés ; elles arrivent du nord et du
midi, de l'est et de l'ouest, et se rendent au
grand combat de la foi et de la prière, de
l'amour et du dévouement, dans la vaste cha-
pelle de rimmnculée-Conception, (jue Pie IX,
notre grand et bien-aim épontife, vient d'élever
au rané; de basilique mineure.
Chaque diocèse, chaque ville de France
et de Belgique veut envoyer sou pèlerinage à
Lourdes. Le 29 septembre 1873, deux longs
trains parlaient des gares de Lille et d'Arras,
de Boulogne et d'Amiens, et conduisaient rapi-
dement seize cents pèlerins de la Belgique et
du nord de la France aux frontières de l'Es-
pagne, où ils assistaient, sous le chêne plu-
sieurs fois séculaire de saint Vincenl-dc-Paul,
à la messe pontificale do Mgr Lequelte, et
recevaient, dans la maison même da saint,
le Diiu de l'Eucharistie. Bientôt la chaîne des
Pyrénées avec ses cimes inégales se dessine à
l'horizon ; puis, les montagnes se rapprochent,
le Gave fait entendre ses mugissements, et la
grotte apparaît, illuminée de mille feux. Le
jour a fait place à la nuit, un superbe clair de
lune projette ses reflets argentés sur le monu-
ment en marbre blanc qui se dresse au flanc
du rocher. Un formidable vivat, suivi du chant
du Magnificat, salue la procession des quinze
cents pèlerins de la Bretagne qui passent, des
flambeaux à la main, devant la grotte et gra-
vissent le sentier en lacet formant un immense
M que leurs cierges rendent lumineux , et con-
duisant, à travers des arbustes, de la grotte au
«anctuaire placé au-dessus. Un miracle récom-
pense bientôt leur foi : une muette de Nantes
est guérie.
Le lendemain matin, 1" octobre, nous nous
préparions pour célébrer la sainte messe dans
la Basilique de Marie, quand y entra le pèleri-
nage de Mende, conduit par son évéque ,
Mgr Seivet. Au nombre des pèlerins se
trouvait la fille du juge de paix de Grandrieu,
Irma Dubois, qui avait gagné la petite vérole
au contact de malades pauvres soignés par elle,
et s'était vue, par le même contact, atteinte
ensuite de la lièvre typhoïde. Deux fois victime
de son dévouement, deux fois aux portes du
tomiieau en trois ans, Irma en avait conservé
une grande faiblesse : clouée d'abord sur un lit
de doubur, en proie à des attaques quoti-
ditnnes Ae ^atalepsie, qui avaient cessé, en
mars, à la scite d'une neuvaine à saint Joseph,
faite par ses compagnes , elle était réduite
depuis à rester étendue dans un fauteuil, inca-
pable de se soutenir sur ses jambes, et telle-
ment impotente, que ses doigts ne pouvaient
plus tenir un porte-plume. D'autres symptômes
plus graves indiquaient que l'organisme entier
était profondément atteint. L'estomac ne pou-
vait plus garder aucun aliment. Il y avait ra-
mollissement de la moelle épinière, avec para-
lysie des jambes et d'un côté du corps ; la
paralysie s'étendait jusqu'à l'organe de la voix.
Quand on parla devant elle du pèlerinage de
Lourdes qui s'organisait, la malade qui, d'après
les hommes de l'art, ne devait plus se rétablir
par des moyens humaius|, manifesta le désir
d'en faire partie. Le docteur appelé déclara le
transport impossible et s'y opposa ; le doyen,
M. Maurin, s'efforça pareillement de l'en dis-
suader. Tout fut inutile, Irma Dubois partit.
Le voyage fut bien pénible, on conçut bientôt
les craintes les plus sérieuses pour sa vie. Les
défaillances se multiplièrent , les membres
étaient contournés, les traits bouleversés, la
pauvre fille faisait pitié à voir. A chaque sta-
tion, M. l'archiprèlre Blanc allait à son wagon
s'informer de son état. Plusieurs lois on crut
qu'elle allait expirer.
Irma Dubois passa devant nous qui traçons
le récit de sa guérison, parlée par plusieurs
personnes dans la basilique. Après la messe à
iaiiuelle elle communia, elle fut portée à sa
voilure et conduite à la grotte. Notre ami in-
time, et plus que notre ami, M l'abbé Deroux,
au zèle duquel la paroisse d'Erny-Sainl-Julien,
au diocèse d'Arras, doit une ma.nuilique église
romane, était chargé en ce moment de la garde
des piscines. Il nous avait dit dans sa foi ar-
dente ; « J'y resterai jusqu'à ce que j'aie vu un
miracle. » Irma, appuyée sur le bras de sa
sœur Amélie d'un côté, et sur une béquille de
l'autre, attendait patiemment que son tour ar-
LA SEMAINE DU CLERGE
1203
rivât. Une personne présente «'approchant du
frère de son père qui l'accompagnait , lui dit :
« Il serait bon , monsieur , de prendre rang
« pour entrer dans la piscine au plus tôt. »
M. Dubois, capitaine retraité, ne croyant pas
aux miracles, répondit un peu brusquement :
« A quoi bon ? je vais la conduire aux eaux de
« Eagnères ! Quant à cela, » ajouta-t-il, en re-
gardant sa nièce avec un air de pitié et en
montrant les piscines, « on dit que c'est la foi
« qui y fait 1 » Son ton et son geste indiquaient
assez qu'il s'attendait bien à ce que la fui n'y
fit rien du tout.
Quelques instants après , Amélie obtenait
pour sa sœur, dont notre ami avait vu l'extrême
fatigue, l'entrée d'une des piscines, cl y plon-
geait la pauvre Irma tout entière. La malade
était depuis quelques minutes dans les eaux
salutaires, quand elle cria : « Amélie 1 donno
« moi mes habits je sens mes forces revenir ! »
Amélie, tremblante d'émotion, resta interdite
dans une sorte de stupeur et de d('f;iillcaice.
Quand elle revint à elle, Irma était tout ha-
billée, entrait dans la grotte, en fai?ait le tour,
et déposait sur le marchepied de l'autel sa bé-
quille désormais inutile.
{A suivre.)
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
La santé de Pie IX et le Lnncet. — Régime de vie du
Pape. — Réception des jeunes prêtres allemands
ayant fait leur éducation & Rome. — Vlmperalort
detta Dottrma.— La Bibliothèque Vicior-Eimnanuel. —
Extrait du testament du cardinal Mathieu. — Cou-
fonnement de Notre-Dame des Miracles. — Cinq
fuérisons miraculeuses à Lourdes. — Lettre d'étu-
iants caltioliuues au Pape et réponse de Sa Sain-
teté. — Sept licenciés es lettres ecclésiastiques. —
Vicioire des élèves des Frères au concours pour
l'Ecole des arts et métiers, de Moulins. — Congré-
fanistes et Ligue de l'enseignement, a Aljçer, pour le
revêt de capacité; écliec complet de la Ligue. —
Les Frères e:i Belgique. — Mort de M. Adulphe De-
champs, — Projet d'un sanctuaire national belge au
Sacré-Cœur. — Un prêtre à l'amende pour avoir
marié un mourant non marié civilement. — Agisse-
ments de la maçonnerie. — Le Jubilé in Russie. —
Prochaine ouverture d'un collège catholique à Bey-
routh. — Reconnaissauce olDcielle du délégué apos-
tolique par le schah.
28 juillet 1875.
Rome. — La santé du Saint Père est si cons-
tamment excellente, quenous ne croyons jamais
pécessaire d'en parler. Si nous commençons au-
jourd'hui notre chronique par ce sujet, c'est
pour signaler l'étonnement que cette santé si
précieuse excite jusque chez les médecins pro-
testants eux-mêmes. Voici, en efiet, ce qu'on lit
dans le numéro du 20 juillet du Lancet, le grand
journal médical de Londres :
€ Sans vouloir attribuer la force physique et
morale du Pape à un miracle, il faut néanmoins
constater ce phénomène. Ainsi, le 5 de ce mois,
Pie IX, après avoir tenu un consistoire très-fati-
gunt, a accordé trente audiences particulières sans
eu éprouver la moindre fatigue. »
Après cette constation, le Lancet entre dans
quelques détails sur le régime que suit le Saint
Père et que nous transcrivons avec l'assurance
qu'ils intéj-esseront nos lecteurs.
« Les médecins, ajoute donc le Lancet, lui
ont prescrit des bains sulfureux. A cet effet, on
fait venir chaque jour de l'eau sulfureuse des
thermes de Civita Veochia. On a construit au Va-
tican une salle île bain, oi'i le Pape peut se ren-
dre directement de son appartement privé, en
descendant seulement quelques marclies. Après
le bain, Pit*^lX prend un bouillon de poulet, et
un verre de j'ohaunisberg, provenant de la cave
particulière du prince de Metternich, ou un
verre de romanée-comti. C'est de cette manière
que l'auguste vieillard peut supporter les grandes
chaleurs. 11 marche très-souvent sans canne et
n'a ressenti, cesderniers temps, aucune incom-
modité. »
Nous voulons bien aussi ne pas dire que la
force physique et morale de Pie IX est miracu-
leuse, mais nous croyons qu'elle est providen-
tielle. Dieu la lui donne, évidemment, pour faire
face aux grandes diflicidtés contre lesquel'es il a
à lutter et pour soutenir tous ceux qui lui prè-
t»^nt leur concours. Encore le jour de la fête de
Notre-Dame du Carmel, ceux des élèves du col-
lège, germanique qui ont achevé leurs études
de philosophie et de théologie, sont venus à ses
pieds solliciter une dernière bénédiction, avant
d'aller affronter les périls de la lutte civilisatrice.
Ils avaient certainement besoin d'être encoura-
gés contre la lassitude et contre les déboires qui
ne manqueront pas de les atteindre. Ces encou-
ragements, Pie IX les leur a donnés, en leur
faisant l'application de ces paroles du divin
Maître à ses apôtres : Je vous envoie comme des
agneaux au milieu des loups, en leur recomman-
dant d'être s'mples comme des colombes et prudents
comme des seypents, etsurtouten les exhortant à
mettre toute leur confiance en Celui qui a vaincu
le monde.
Le Pape a aussi reçu, ces temps derniers,
Vimperatore delta Dottrina deVaimée. Ou nomme
ainsi l'enfant qui répond le mieux au concours
général des catéchismes, qui se fait tous les ans.
Après avoir été proclamé empereur, on conduit
l'heureux vainqueur en voiture de gala à son
église paroissiale, oil il entonne le Te Deum et
reçoit la couronne de laurier. Puis il se rend chez
le Pape ainsi que chez quelques cardinaux, qui
le comblent d'éloges et de petits présents. Cette
année, le triomphateur était un élève des Frères,
de la paroisse Saint- Augustin.
1264
LA SEMAINE Dl CLERGE
On sait que les envahisseurs de Rome, par
suite des liquidations de couveuts qu'ils ont opé-
rées, se trouvent en possession de nombreuses
bibliothèques. Sur un rapport du ministre de
l'instruction publique, le roi Victor-Emmanuel a
décrété qu'on réunirait toute? ces bibliothèques
dans l'édifice du Collège romain, aussi liquidé, et
qu'on en formerait une bibliothèque unique, qui
porterait le nom deVietor-Emmannel Uii-mème.
Il s'est trouvé des personnes pour dire qu'on n'a
jamais donné jusqu'ici son nom à une biblio-
tlièque qu'on n'avait pas soi-même fon lée. Eh
bien, Victor-Emmanuel n'a-t-il pas fondé la
bibliothèque à laquelle il donne son nom, avec
les livres des moines? La totalité de ces livres
s'élève, pour le moment, à 700,000. Lcr*^iportdu
ministre dit que les bois des biljliuthè<.i\ies liqui-
dées sont très-bons, et qu'on pourra s'en servir.
Ainsi, point de dépenses pour l'Etat. Sans doute
que, s'il eût fallu acheter des planchespour faire
des rayons, on aurait plutôt laissé pourrir les
livres dans le lieu où on les a entassés à tombe-
reaux. Mais ou pourra réaliser encore ici un boni,
en vendant lesdnpHcata. Le boni sera même joli.
Quand tout sera achevé, que le boni sera en poche
et que ce qui restera des livres des moines sera
replacé, dans les armoires des moines, on fera
peindra sur la façade du Collège romain : Biblio-
thèque VicTOR-Eiui.'VXLEL. Etde par les libéraux,
il sera défendu de rire. — Hélas! si l'envie nous
en vient un moment, elle est bientôt passée.
France. — L'Union franc-comtoise publie un
extrait si édifiant du testament de S. E. Mgr
le Cardinal .Matthieu, archevêque de Besançon,
que nous croyons devoir le reproduire ci-a()rès.
« Je tais profession de la foi de la sainte Eglise
catholique, apostolitjue et romaine, ma mère, et
d'une entière et fidèle soumission au Souverain
F'ontife.
« Je demande instamment au Seigneur de
mourir dans son saint aii:our et avec les sacre-
ments de l'Eglise, qui'j'ai procurés;! mes parents,
amis et <liocesaiiis autant que je l'ai pu.
« Je remercie L>eiu de toutes les «races qu'il
m'a faites pendant ma vie, et notamment de
celle i](\ ma [iremiéie communion, qui en a
éterminé luie loule d'autres.
« Je lui demajide pardon de toutes les fautes
que, j'ai commises pendant mou long épiscopat,
et je demantle aussi pardou à tous ceux que j'ai
pu coutrisler et otleuscr.
8 Je [iroleste que je ne conserve rien sur le
cœur de tuutes les injures qu'on a pu me faire,
et que je les pardonne cordialement.
«Je déclai'e, pour prévenir toute mauvaise
édification, que, si je ne fais ni foudation ni dona-
tion dans mon liiocése, c'est que je ne peux pas,
ayeuit donné île mou vivant eu œuvres et eo
aumônes tout ce que je pouvais et au-delà de c«
que je pouvais, de sorte que j'espère ne rien
laisser à ma famille de ce qui m'est venu de mes
charges ecclésiastiques.
« Fait à Besancon, en présence de la mort qui
peut m'atteindre à chaque instant, le 4 août 1866,
— + Césaire Mathieu , cardinal archevêque de
Besançon. »
Un codicille déclare que S. Em. a envoyé nu
Pape son adhésion aux d'Hinitions du concile du
Vatican, dès le o août 1870.
Notre-Dame des Miracles, après tant d'autres,
a été aussi couronnée solennellement, le 18 j uil-
let, au nom du Souverain Pontife, par Son Em,
le cardinal Piégnier, archevêque de Cambrai,
Comme dans toutes les fêtes analogues, l'em-
pressement des. foules a été, non-seulement
admirable, mais il a dépassé l'attente. La pro-
cession a été splendide. De nombreux groupes
de jeunes filles et de jeunes gens représentaient
symboliquement les mystères du Rosaire et les
faits les plus remarquables qui se rattachent à
l'histoire de Notre-Dame des Miracles. Une re-
traite préparatoire avait été prêchée par Mgr
Mermillod. Quatre prélats, trois évèques, ua
archevêque et le cardinal de Cambrai rehaus-
saient, de leur présence, celte émouvante solen-
nité, dont Saint-Omer ne perdra jamais le sou-
venir.
C'est aussi du nom de Notre-Dame des Mira-
cles qu'il faudrait appeler Notre-Dame de
Lourdes, si elle-même n'avait pris celui d'Im-
maculée Conception. L'Avra7ichinra.pimrle qu'au
seul pèlerinage du diocèse de Coutances à la
Viergtî des Pyrénées, il ne s'est pas accompli
moins de cinq guérisons miraculeuses, qu'il
énumère de la manière suivante : « i" Mlle La-
forge, de Coutances, qui avait une extinction
de voix presque complète, depuis trois ans, a
recouvré l'usage parfait de la parole ; 2° une
femme Vautier,de Cherbourg, imfiotente depuis
onze ans, est sortin de la grotte, marchant sans
nulle dillicullé-, 3" Mlle Rosalie Ledos, de Ville-
dieu, infirme depuis de lon^çues années, après
deux bams dans la piscine, a vu disiiaraitre
complètement loutcsst s infirmités -,4° une jeune
fille, d'une "iugtaiue d'années, Mlle Célestine
Lemargnieii tie Condé-sur-Vire, qui, à la suite
d'une fracture de la jambe, lors de sa première
communion, ne pouvait marcher depuis cette
époque qu'avec une béquille, et qui s'en reve-
nait désolée de n'avoir pas obtenu sa guérison,
taudis qu'elle continuait ses prières en union
avec tous sescompaguonsdevoy(ige,.s'esl sentie
subitement guérie en arrivant à Tours, et. ayant
laissé sa béquille, a parcouru tout le train, exci-
tant l'enthousiasme et l'admiration de tous les
pèlerins^ 5° uncjcuue fille de Poitiers, qui avait-
la main paralysée, et coolraclée, et le bras cou-
LA SEMAINE DU CLERGE
1205
Vert d'nlcpres, on h recinuTÔ. soudain, l'iiça^p,
et a vu ses plaies cicatrisées, apiès une immer-
sion dans la pisci-^n. »
11 y il dé,ù des élèves tout p'-èis pour les uni-
ver^/itùs cntlioliqucs, dôs qu'elles vont ouvrir
leurs poilcs. Au premier ranp. se placent les
eoiigréganistes de la Sainte-Vierj^^e du colléne
des PP. Jésuites de Vaiigirard. Ces j^■unt■s Rf-hs
oui écrit au Saint Fèie une l«ttre toute renqdie
(l'S seiitimculs les [dus sour.iis et les piiis dé-
voués. (( Nous véuérous, nous chérissons en
vous, très-saint i'ère, lui disent-ils, la pli'ui-
tude de ce pouvoir apostolique institué par
jÉsus-CnRiST po':r sau\er le monde; vous êtes
uotre vérité, notre rè,y;lc et notre uiaitre ; nous
ne voulons tenir que de vous le chemin à
suivre, la route <à parrourir... Nous metti'ons
notre gloire à penser, à dire, à faire comme
vous... Si jamais vous laites appel au sang e.i-
tbolique pour vous détendre, nous retenons
notre jtlace auprès de vous. Quand Jc'est pour
votre autorité, la mort est un don de Dieu... »
Le Pai>e leur a répondu qu'il était très-louché
de ce qu'ils lui avaient écrit, qu'il approuvait
entièrement leurs principes et qu'il les euya-
geail à écouter toujours les leço-js de leurs
makres. Voici la ]iensée principale de ce iirel':
« Assurément, dit le l'aiie, le t^hrisl a abisi liàli
son Eglise sur Pierre, pour qu'il i'ùt jns<iu'à la
fin du monde le centre, la règle et la tête de
toute la famille chrétienne, et que celui-là dis-
persât qui ne recueillerait pas avec lui. » Cette
parole en ellet dit toui ; elle riisume et coiiliruie
h; SyliitOus, et conipii;ud les devoirs de la vie
civile aussi bien ijue «eux de la vie religieuse.
Elle sera la devise des universités catholiques,
et c'est à cause de cela queccs universités seront
notre salut.
En attendant leur ouverture, le clergé ne fait
pas mauvaise figuie devant les examinateurs île
l'état. La semaine cathuU'iw nous apprend (ji/a
la session d'exaaien de la licence es leltrcf, qui
a eu lieu la seraaiiif derinère, lo« six candiilals
présentés par l'eccde eccli'siastique de.*" Hautes-
Etudes de Lyon ont tons éle reçus. Un septième
c.tudidat ecch siastupie, professeur à l'uisiilution
d'duUins, a été aussi iei;u. Lib laïques n'ont pu
faire admettre qiu: six candidats.
1^ retour des concours va aussi ramener les
vieioires des congri'ganistes. La première «[ue
nous avons à enregistrer a été remportée à
Uloulins, au concour> pour l'admission à l'école
des .^rts et'Métiers. Sur neuf candidats dècl.iiés
admissibles, les deux premiers appartiennent à
l'école dirigée par les Frères Maristes, de Saint-
!'our(;ain, et les deux suivants, troisième et ([ua-
trième, à l'école «le SaiulGilles, de Moulins,
dirigée par les Frères des écoles chrélienncs.
L'n ancien condisciide de ces derniers, M. Henri
Cliaverbert, est sorti de l'école des Arts et Métiers
avec les galons de f" sergent, la médaille d'ar-
gent el la prime de 500 francs.
Algérie. — Voici qui <st plus concluant enrnrci
i]!ie tout ce que nous avmis rapporté jusqu'ici,
rilativemeut à l'enseigmiment congréganiste et
kiique.
On lit dans VAkIthar du 19 juillet :
« Des e-samens viennent d'avoir lieu à Alger,
devant le conseil acadi'mique. |)Oiir l'oblei ii.in
du brevet de capacité exigé iioar les instituteurs
et institutrices. Tous les di[ilônies délivr^-s l'ont
été aux éhH'es iortant des écoles congréganistes
on d(^ réco'(. normale.
« A ucun dca ciinrliiinU présentés par la Ligue
de C Enseignement iiaé'é admis.
« (ferles, le résultat vaut la peine d'être
sigi&lé; et il en ressort inie conclusion sur
laquelle il n'est pas inutile d'appeler l'attenlinn.
« C'est la coQ<iamnatiou sans a[ipel du grntuit,
(tlligaloire et laïque, et de tout un système d'ins-
truction que la loi nouvellement volée sur
l'enseignement supérieur vient de réduire à
néant. »
Oni, les libres-penseurs peuvent fonder autant
d'univi isiv s qu'il leur plaira, lescallioliqu(!S ne
les craignent pas sur le terrain de la science.
Belgique. — Ce n'est pas en France seulement
que les congrégani^tes rèpondi-nt victoriense-
nient par les plus brillants siucès auxcalomidcs
ilont ils srtnt l'objet de la part de leurs adver-
Sviires. Voici eiu'ore ce que nous lisons dans V Ami
dr iOntre, de iNaraur :
« Il y a quelque temps, un chroniqueur de
VO/fire de jiuliti'ité représentait la viUc de Binche
comme un repaire d'ignorance, parce que 1 ins-
truction des garçons y était cnnrée aux Frères
les écoles chrétieiuies, et cclli' des liili-s à des
religieuses. Or, les Frères vu ii; en' «l'opposer,
comcn; d'Iiabituile, à ces iuepies .-.ttaqurs, le
plus péit'Ui[itoire des démentis, celui deschitlres
et des fait;
« Un ci-i'icours a eu lieu entre les dix-huit
écolns piimaires du canton. Voici quel en a été
le résultat :
ï PuEMiKii Prix (excellence) : F. Van Oen
Derghe, de l'école de Bincfie, l.'il (joints.
« ItEUMÈME Prix : J. Uievens, de l'école de
Dimhe, lii points.
« Troisième Prix : R. Graux, de l'école de
Dincitc\ il" points.
« Ul'atriéme Prix : R. Delsame, de Fécole de
Binche, il 4 poiuts.
Linstruetion en Belgique vient de perdre un
de ses plus vaiûanls Yliampions, dans la per-
sonne de M. Ad(j>;niie Dech.^mps, lière du cardi-
nal de Maiiues. ÎM. A. IVccliamps avait d'abcrd
I2fl9
LA SEMAINE DU CLERGÉ
appartenu au pnrtî catholique libéral; mais
l'espérience, lui ayjiil appris que les principes
de ce parti ue peuvent qu'aboutir à mal, il y
avait francbemeut et sincèrement renoncé, La
Semaine reliyieuse de Tournai lui consacre un
trcsbel article, dont nous extrayons les lignes
suivantes : « Orateur, publiciste, homme d'Etat,
dit-elle, M. Dechamps a mérité les auréoles les
plus enviées de la gloire humaine; mais il s'est
surtout attaché à être un homme de bonnes
œuvres, un défenseur dévoué de l'Eglise, et, ce
qui vaut mieux encore, son humble et docile
enfant. Le dernier acte de sa vie publique a été
un charmant di-couis qu'il prononça au cercle
calholique de Charleroi, et où il montra le fond
de sa belle âme et toute l'énergie de ses convic-
tions catholiques. Avec les grâces ex luises de
son talent oratoire, il parla à ses auditeurs di.
Syllabiis, du concile du Vatican et de ce qu'il
appelaitles prévisionsde :a Providence, et il leur
raconta comment étaient parties ses dernières
illusions libérales. Un témoin très-compétent
nous disait que c'était la plus belle page d'his-
toire ecclésiastique qu'il eût jamais lue ou
entendue. » M. Uechamps n'est pasregretté seu-
lement de ses amis, maisraèmesdesesadversaires,
qui rendent hommage à son caractère.
Comme hi France, la Belgique veut aussi élever,
au Sacré-Cœur, un sanctuaire national. C'est
S. Em. le cardinal Dechamps qui a pris l'initia-
tive de cette entreprise. Ce sanctuaire sera bâti,
avec le produit des oUVandes de tous les c;itlioii-
ques belges, près du monast: re des Filles du
Cœur de Jésus, à Berchem- lez- Anvers.
Les Belges n'ont pas moins besoin que nous,
hélas! de se mettre sous la [iroteclion spéciale de
ce Cœur qui doit donner le salut au monde, car
ils n'ont pas moins besoin que nous d'échapper
à la (tévolutiou. Cetteennemie déclarée du catholi-
cisme et de la civilisation a taussé leurs lois
comme les nôtres. Entre autres caïU-aux qu'elle
leur a faits, elle leur a aussi imposa, !e mariage
civil oblij;atoire avant le mariage religieux. Et
parce qu'un vicaire de la par'jisse de Saint-
Servais. à Seliaerl)eek,n'a ]iu respecter cette loi,
l'imminence de la mort de l'époux l'obligeant à
procéder sans délai au mariage religieux, il a été
condamné par le tribunal correctiouuel do
Bruxilles, à 30 fr d'amende.
L'un des priiuipriiix bras <lu monstre révolu-
tionnaire, la Mai;onnerie, s agite d'ailleurs avec
un redouhleiniTit d'activité 1 II résulte d'un
document secret, mais dont im exemplaire a été
ternis au t'ourrier de iJrusellcs, qui l'a publié
dans son iiuiuéio du 10 juillet, que les loges
belges sont récemment entrées en relations avec
les loges allemandes, et nommément avec les
auteurs de la Lutte civi'isalrice. Cu documeiil
est en soi peu de chose : c'est le simi)le prosp
lus du Bulletin du Gr *, Or *^ de Belgique, con'
tenant une table des matières des deux année^
déjà parues. Cependant il suffit à révéler le genre
de travaux auxquels se livrent les francs-macons
belges dans leurs réunions, et ces travaux lont
soupçonner les machinations les pluii menawuites.
Les maçons, à qui ce simple prospectus était
remis, étaient instamment priés de ne le com-
muniquer à nulle personne du « monde prof.*,, »
preuve que la maçonnerie agit avec franchise et
ue craint pas le grand jour.
Russie. — On se souvient que le ^onver-
nemeiit a interdit la célébration du Jubilé dans
tout l'empire. Nous disions alors que les ukases
moscovites n'auraient pas raison des grâces du
Saint-Espri'.. Vcici qu'en effet le Pape vient de
prescrire aux catholiques russes des pratiques
qui, moins formelles que les pratiques ordonnées
partout ailleur-, leur assureront néanmoins le
bénéfice de l'absolution jubilaire.
Syrie. — L'archevêque de Beyrouth, Mgr
Debs, est en ce moment en France. 11 était der-
nièrement à Rome, mais il n'a pas voulu retour-
ner dans sa lointaine mission sans aller faire ses
dévotions à la Grotte de Notre-Dame de Lourdes.
A Rome, Mgr Dcbs a naturellement été reçu par
le Saint Père, à qui il a fait part de la situation
des maronites, dont il a rappelé le ferme atta-
chement à la foi catholique. Grâce aux secours
du Saint l'ère et de la Propagande ; grâce au
dévouement de l'archevêque, admirablement
secondé par plusieurs évèques et le peuple ma-
ronite, un collège est eu construction, et sera
prêt à recevoir un grand nomlire d'élèves au
mois d'octobre. Ou s'occupe
taller une typographie.
également d'ins-
Peuse. — Le schah manifeste les meilleures
dispositions en faveur du progrès de la religion
catholique dans so.'i royaume. 11 a fait le ]ilns
bienveillant accueil â Mgr Cluzel, archevêque
d'Héiaclée, délégué du Saint-Siège, cliaigé par
le Pape du lui présenter eu son nom quelques
présents. 11 lui a dit qu'il était animé des sen-
timents de la plus prolonde vénération pour le
Souverain Pontife. Et, sur la demande de Mgr
Clusel, Sa Majesté lui a accordé un décret par
leiiuel il est reconnu ofllciellement comme dé-
légué apostolique.
P. d'IIaoteiuve.
Tome IV. — N* 42. — Troisième année.
11 août 187S.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÈME HOMILÉTIQUE SUR L'ÉVANGILE
DU XII1° DUIAN'CIIE APRÈS LA PENTKCOTE.
(Luc. xilt, U-19.)
}. En ce iPiiips-là, il arriva que Jésus, pour
aller à Jfiru'/item, passait à travers la Samarie et
la Galilée. C'est à Jérusalem qu'il doit mourir;
Jésus le sait: néanmoins il n'abandonna pas cette
ville ingrate; il s'y rend sanshésitatio-n, chaque
fois qu'il le faut pour observer la loi qu'il n'est
pas venu détruire, mais compléter; servant
ainsi d'exemple au chrétien qu'aucune considé-
ration ne doit arrêter quand il s'agit de remplir
un devoir.
Comme il entrait dans un vill"f}e. dix lépreux
vinrent au devint de lui. Ces inturtuiics, que la
loi séparait du commerce des hommes, s'étaient
sans doute réunis pour échapper au supplice de
l'isolement. Ne somblc-t-il pas que l'on sonfTre
moins; quand on est plusieurs à souffrir? Les
lépreux apprennent q>ie Jésus va passer et ils
accourent : il faut toujours profiter du passasse
de Jésus. Jésus d'ailleurs savait qu'ils devaient
venir, et il était venu pour les rencontrer. Dieu
prévient les pécheurs, el quand sa grâce ne va
pas les cherclier, elle les attire; ils se tinrent éloi-
gnes pour obéir à la loi et par respect pour Jésus-
Chrisl. C'est le premier etlet de la giàce d'inspi-
rer au pécheur la honte de son état. Et ils élevè-
rent la voix disant: Jésus, notre mai're,a>/ez pitié
de nous. Ils élèvent la voix parce qu'ils sont éloi-
gnés ; ils seront entendus. car le Seigneur est pro-
che de tous cexix qui l invoquait dans la vérité {l).
Procul steterunt luco, scd facti sunt prosimi
dcfirecando (2). Exilés sur la terre, nous sommes
bien loin de Dieu, mais crions vers lui eiiluous
entendra. Ce qui surtout nous éloiprne de
Dieu, c'est la lèpre du péché; élevons (l'autant
plus la voix qu(^ uous sommes plus éloignés;
appelons Jésus à notre aide, elle nom seul du
Sauveur prononcé avec foi nous apportera le
salut. A une condition ni^anmoins : c'est que,
comme les U'preux, dans Jésus nous reconuai-
Irons notre maître, prœceptor, notre Uieu, et
que nous serons décidés à lui obéir désormais.
Dicuntnomen Jesu, et lucrifaciunt rem : num Jésus
interpretotur salvator... Nec simpliciter obsecrant
eum, nec rogant eum ut morlatem: vocant enim
prwceptorem, id est Dominum; quo pêne videnlur
hune opinari Deani (3).
J. !>!. CXLV.
2. Theoph., in Calm. aur.
î. Cuten. uiâr.
Ayei pitié de nous. Le même malheur les
avait réunis ; le même désir met sur leurs lèvres
la même prière. Ils prient tous ensemble, ils
prient les uns pour les autres. C'est la prière
en commun que Jésus-Christ a tant recomman-
dée, iille va eue exauce, comme elle le sera
toujours.
II. Dès qu'il les eut aperçus .'allez, dit il, mon-
trez-vous aux p>âti es; et en y allant, ils furent
guéris. U'apiès la loi de Moie. les prèlres de-
vaient constater la L'uérisoM. Les lé(ueux ne
sont ]i,is u'uéris; mais Jésus à parlé, c'est assez
pour leur foi, et leur foi fut récompensée. .Mon-
trez-vous aux prêtres. Voilà la parole qui sauve
quiconque y obéit. Les prêtres de la loi nouvelle
ne constatent pas seulement la guéri>on, ils
l'opèrent [lar la vertu du .sacrement de péni-
tence, allons donc nous montrer à eux, ne crai-
gnons pas de leur dévoiler toutes nos plaies;
ils ont la missimi do ne les voir que pour les
guérir; et (|iiand nous sommes venus aux prê-
tres dans la simplicité et la vérité, quand nous
ne posons pas d'obstacle à 1 exen-i' e de leur
puissance, uous avons la douce certitude, en
nous relevant de leurs pieds, d'être absolument
guéris.
L'un d'eux, aussitôt qu'il se vit guéri, retourna
sur ses pas, louant Dieu à haute voix, et il se pros-
tcxia le visage contre terre aux pieds de Jésus, et
il lui rendit grâces ; et c'était un Samaritain. Pé-
v'hcurs, i|ue la pénitence a purifii'S, voilà votre
m'idèle : louez Dieu des grâces que vous avez
ri-'çues; mais louez-le à haute voix. Pour exalter
^,; ni'séiicorde aimez à redire les grandes et
<lonces choses iju'd a faites en vous, les justi'S
gloiitienut Dieu, et le~ pécheurs voudront vous
imiter. Ne rougissez pas de ttîmoigurr votre
n.'connaissance par des signes extérieurs, le corps
a souvent été le com[)lice de vos fautes, il e>t
juste qu'il prenne part à votre repentir, comme
à votre pénitence, aimez surtout à vous pros-
terner devant Jésus résidant dans le tabernacle,
et ne lui marchandez pas les hommages auxquels
il a droit. C'est lui qui vous a guéris et il est votre
Dieu. Jésus dit alors: tst-cc que tous lis dix n'ont
pas été guéris? Où sont donc les neuf autres? Aucun
n'est revenu pour rendre gloire à Dieu, sinon cet
étranger. Jésus savait bien où étaient ces ingrats,
et il ne devait pas être surpris de leur conduite.
Dieu n'est-il pas depuis longtemps habitué à
l'ingratitude des hommes? Mais il a voulu, par
ces paroles, nous montrer combien ce vice est
1272
LA SEMAINE DU CLERGE
pénible à son cœur. Hcbis ! que de fois nous avons
forcé notre Dieu .tcnirlc même larifiage? La grâce
nous avait visités ; la lèpre du jicclic avait disparu.
C'étaitau temps de Pâques, pendant une mission,
pendant un jubilé ; et nous ne sommes pas reve-
nus témoigner notre reconnaissance. Dieu ne
nous a pas vus plus emnressés autour des saints
autels; nous avons continué à mener une vie
toute terrestre; peut-être même sommes-nous
promptement retombés ilans le péché et ^'bal-i-
tude du pédié. Que si quelqu'un revient ptriir ne
plus s'éloigner, etgloritle Dieu par sa reconnais-
sance et sa fidélité, i^ouvent c'est un grand
pécbeur, un étranger, nlienigma, et les enfants
de la maison, ceux qui or't reçu de< grâces pl\is
abondandes, plus continues, bcias! voila les
ingrats.
Leuez-votis, allez, votre foi vnm a sauvé. Heu-
reux Samaritain, quittez les pieds de Jésus pour
aller où le devoir vous appelle, portez partont la
bonne odeur de l'édilication ; allez, en vivant de
la foi qui vous a sauvé, vous arriverez là où il
n'y a plus de foi, là où on ne croit plus, parce ipie
l'on voit tout dans les splendeurs de l'éternelle
lumière.
L'abbé HERM^i:.',
Curé de Kestubert.
SERT/iON
porn LE JOUR DE l'Assomption.
IJaria optimam partem elcgit quœ non auferetvir ab ea.
Marie a choisi la meilleure part, q)« ne M sera point
enlevée. (Luc. x.)
Mes Frères,
I. La sainte Eglise, dans la liturgie de ce jour,
applique à l'auguste mère de Jésus-Cliiist c s
paroles qu'il a dites de Marie, la secnr de
Marthe. Elles résument, en etïet, toutes le-; ver-
tus et toutes les grandeurs de la Vierge divine,
sa dignité iuconqiaiable, sa vie sainte, sa mort
précieuse et le triomphe de son assomidiou.
Cette mort et ce triomphe ont été autant la
récompense d'une vertu sans égale que le cou-
ronnement d'une gloire sans pareille. Arrêtojis-
nous quelques instants à les méditer et cher-
chions à en tirer des enseignements pratiques.
n. Après l'immense douleur du Calvaire et les
joies de la résurrection, iSlarie est témoin de
l'ascension de Jésus-Christ, et elle préside au
cénacle le jour de la Pentecôte. Ces deux mi-
racles accomplis, toujours soumise et résignée,
elle demeure sur la terre, pour être la conso-
lation, la lumière et la force des disciples de
J jsus dans leurs premiers combats. La tradition
r.ous apprend (ju'elle vécut encore environ
vingt-trois ans, suivant partout l'apôtre saint
Jean, que Jésus, sur la croix, lui avait donné
pour fils. Toute sa vie, jiendant ce temps, ne fut
qu'un soupir continu.-:'! vers son fils bien-aimé
qu'elle ne v(iyait pins ici-bas. Les anges seuls
pourraient nous dire i]uels élairnt les ravisse-
ments, les extases qiù enlevaient, pour ainsi
dire, vers le ciel son âme e."cilée dans la vallée
de.s larmes. Si les patriarches soupiraient après
le moment heureux oii ils verraient le Christ du
Seigneur; si saint, Paul brûlait du désir de
tomber en dissolution iiour aller vers son
maître, quelles saintes ardeurs devaient dévorer
le cœur de Marie , dans l'attente du jour fortuné
où elle pourrait se réunir à son fils et à son
Dieu I
Enfin elle a sonné, cette heure si longtemps
désirée ; la mère du Verbe va quitter la terre ;
elle aussi payera à la mort sou tribut. Mais
gardons-nous de penser qu'elle subisse la loi
c(.n«muno comme les aulies enfants d'Adam.
Tout est surnaturel en Marie : sa mort n'est
point, comme la nôtre, la peine du péché. Si elle
meurt, c'est pour honorer la mort de son lils
qui, lui aussi, a voulu pc.sser par le tombeau ;
si elle meurt, c'est pour nous apprendre com-
ment nous devons mourir nous-mêmes. 0
Vierge sainte, il nous est doux de le proclamer,-
ce n'est ni la maladie, ni la décrépitude de l'ài^e
qui ont tranché le fil de vos jours, mais ce fut
l'excès de l'amour divin, uni aux sainls trans-
ports de l'amour maternel, qui vous a donné
le coup de la mort. En vous s'est complètement
réalisée la parole des saints livres; l'amour est
fort comme la mort; car vous êtes morte d'a-
mour; comme un saint holocauste, une pure
victime, votre cceur a été consumé par les teux
de la divine charité.
Venez, chrétiens, venez voir mourir vo te
mère. Les ap(jtres sont tous agenouillés autour
d'elle; les anges, descendus du ciel, s'apprêtent
à recueillir celte âme la plus précieuse aju-ès
celle de Ji'sus-Christ ; Marie, absorbée dans «Iit
visions suiilimes, le visage enllammé d'amour,
étend une dernière fois la main pour bénir
l'Eglise ua'ssMiite, et son âme bienheureuse,
doucement détachée du corps, comme le fruit
niùr qui tombe de l'arbre sans secousse, va
rejoindre celui qui seul était dinne d'elle. 0
mort précieuse entre h?s morts. 0 sainte Iran-
qnillité ! 0 déliiieuii sommeil de la mère qui s'en-
dort sur le cœ..rdo son fils !
Ah! chrétiens, puisse notre mort ressembler à
ceke-lâ ! voulez-vous mourir comme Marie '.>
vivez comme elle, le cceur eu haut, détachés de
la terre. Habituez-vous à regarder la mort comme
la fin de l'exil, à la désirer comme le clnmin
qui mène a l»ieu. Mais la mort ne peut-être
.>-ainte, si la vie r.e l'a pas été. C'est p.ourqnoi
travaillons â nous sanctilier, car l'homme récolte
ce qu'il a semé, et l'arbre fonJ.ie du côté où il
penche. Que notre caur penche vers Dieu peu-
LA SEMA.LNE i)U CLEHCE
)?73
dantla vie, et, Is l'iicnre delà mort, nous tom-
berons dans SCS Ui-n# et nous y restoioiis.
III. Quand Jlu-ie eut fermé les yeux, les
ipotres eusevifUirent eux-mùmes son cor[is \ïr-
ginal, et iiienthiiif tr<»is jours, comme nous l'ap-
preiul saint Jean Duinsoène, on entendit le
chant des aivïes^n-di^susrle i'aiijîuste tombean.
L'ap6tre saint Thumis. ijui, par une ^-ue ; arli-
culière de hieiii, n'avait ;ias assisté àx .A mort de
Marie, voulut la voir. 0:i onvi-it le sépulcre où
elle avait été déposée, mais on n'y Iroiiva que des
fleurs effeuill'es, et il s'ea exlvjia une délicieuse
odeur. Le corps tclorieux et n-ssuscité de la
VÏCTge sans taciu: s'élair, réuni -i S!);i âtne saiite,
et était vciv.i s'iisscoii', [wur l'éieruiié, à c6!é de
J'ésMa-Clirist.au-dessoueds Dieu, mais au-dcs.-us
de tout ce tfui ii'e.st pas Dieu.
C'est une loi iovariaMe (|iie notre chair de
pécdié ne |>>>ut ifilrer dniis le royaume céleste
saare passer par la corruplini: rlu tombeau. !1
faut que le SciitHonr Iareco.i5sti'nedanssoii état
primitif et lui e,ominnniqu<', par la n-surreelioii,
les (ifualités de l'esprit. .Mais cette loi n'a pas été
établie pour vons, 6 Marie, nnnenim pro te, sed
ftro omnihus, et le Seip:neur n'a p.is permis que
te corps immaculé de sa mère vit la corruption,
ntc dahis Snnclitvi tiiiim vid/rc cnrruptionem. Non,
non, m<ïs frères, letrùnede la vir3;iiiilé,le temjde
de la sajiessf! incarnée ne pouvait pas devenir la
pâture des veris. A peine la mort a-t-flie rec^u sa
proie qu'elle In rend intacte, i'endant sou exis-
tence ici -bas, Marie a toujours été laVierpe sans
tache ; immaculée dans sa vie comme dans sa
conception, elle a fui jusqu'à l'ombre d'une
souillure. La saiute virginité fut comme un
baume divin qui préserva son âme et son corps
de toute corruption, et, au-delà du tombeau,
c'est elle qui éloic^ue de cette chair angélique
les atteintes de la décomposition.
Pour nous, mes frères, tristes enfants du péché,
nous deviendrons un jour la nourriture des vers;
mais si nous avons été chastes, l'innocence fera
fructifier en nous le fçerme de l'immortalité,
notre clwir prendra part a la gloire et nous
serons comme les ancres de Dieu, erunt sicut
angeli Dei. Oh ! aimez-donc bien la belle vertu
de pureté ; songez à quels honneurs elle prépare
vos corps : elle les sanctifie, elle les consacre,
elle y mortilie les désirs mauvais, et, par tant
de saintes prépai-ations, elle dispose cette chair
mortelle à une lumière incorruptible. Apprenez
donc à estimer ce divin trésor de l'innocence,
armez-vous, pour le défendre, des sages précau-
tions de la piété ; confessez-vous et communiez
souvent, portez le scapulaire, la médaille mira-
culeuse, fuyez jusqu'à l'apparence du mal, et
vous remporterez la palme des immaculéi, et, au
jour de la résurrection, votre corps demeuré pur
brillera d'une auréole privilégiée.
IV. Toute plci'.îc do l'amour qui avait brisé sa
vie mortelle, toute resi)lendissante d'une inrtom-
paral):e pureté, Marie, était prête pour le
triomiihe. Elle avait cependant un titre de plus
à la gloire, c'était son humilité. En devenant le
mère de Uieu, elle est élevée à la plus grande
diicnité pos-iibl.î pour une créature ; néanmoins
elle s'anpelle la servante du Seiifneur, et pns
d'Elisabeth sa parente, elle se fait la servante
des linmm:'.'- Elle est séparéo des pécheurs par
sa pureté immaculée, et el'^ vient au temple se
{•urifier comme la dernière des femmes ; elle a
dans Ih^s veines le sang des rois de Juda, et elle
accepte une vie pauvre et ignorée ; son tiis
par.iît souvent l'oublier, et elle ne sonse pas à
s'en pli'anrlre : dans les heures rapides où l'er;-
tl»ou«ia.smedela foule acclame le lils de l'homme,
elle se cache et n'entend pis l'hosannah; lorsqu'il
est d.aii'i l'opprobre el la douleur, ou la retrouve
au pied lie la croix : stnhat mater.
Mais, pir cet amour des humiliations, Marie a
dû ni'i-i'ssairemeut arriver à la gloire. Puisque
l'humilité (!st pour uous le chemin de la gi-an-
ileuv. Omnisqiii ne humi/iaC exalta/xtur, et qu'il
y a d'aulaTU plus de mérite à s'abaisMir que l'ou;
est plus élevé, Marie, qui a joint l'humilité! la
plus pro!"onde aux privilèges et aux grâces les
])lus suMimes, a reçu en récompense toute la
ploire dont une créature est capable. Si l'œil de-
l'homme n'a point vu, si le cteur de l'homme
n'a pas compris ce que Dieu réserve au moindre
de ses saints, comment sa faible parole pourra-t-
elle expnraer ce qu(! Jii'sus a fait pour la itloire
de sa mère? La voyez- vous, chrétiens, portée
sur le? ailes des anges jusipi'au seuil des demeu-
res éternelles? Toute la cour céleste marcher ai»
devant de sa souveraine qui revient de l'exil;
son Dieu lui-même se fait gloire de servir au
triomphe d'une créature, el les cieux, ravis
de ce spectacle nouveau, se demandent av('c
étonnement qu'elle est celle qui s'élève ainsi du
désert, appuyée sur son bieu-aimé. Elle s'a-
vance comme une aurore naissante, progre-
dititr quasi aurora consurgens, dont le brillant
éclat présnge à la terre el au ciel la sérénité
d'un bcaj jour ; elle est belle comme la lune,
pulchra ut luna, elle en a la beauté sans en avoir
'^es taches : elle éclate comme le soleil, electii ut
sol, elle en a toutes les arileurs dans la ch irité
qui l'embrase, toute la fécondité dans l'abon-
dance des grâces dont elle est constituée la
dé[)Ositaire. Elle est terrible comme une armée
en bataille, non pas terrible pour nous qui la
vénérons et l'aimons, mais terrible pour leuler,
terrible pour les ennemis de l'Eglise et de Dieu.
Ohl quel délicieux et sublime déilommagement
des abaissements de l'humilil.'! Marie entre au
ciel; l'auguste Trinité pose sur son frout virginal
une couronne incorruptible; le nom de la ser-
1274
LA SEMINE DU CLLRGC
vante du Seigneur est élevé au-dessus de tous
les chœurs des anges, elle s'assied à la droite de
son lils, comme son fils est à la droite de son
Père. Astilit regina a deœtristuis, et elle est cons-
tituée reiue du ciel et de la terre, mais reine de
miséricorde, reine pour sauver, pardonner et
bénir.
V. 0 sainte, ô bienheureuse Marie, en ce jour
de votre Iriomjihp. nou> ne vous demandons pas
les )oies trompeuses d'ici-bas. mais la grâce de
nous détacher de plus en plus de tout ce qui
doit passer. Attirez-nous à l'imitation de cette
innocence virginale, dont vous êtes le miroir
sans tache. Nous ne vous demandons pas les
gramleurs humaines; mais daignez nous obtenir
l'humilité par laquelle vous avez acquis une si
belle couronne; et si, comme vous, nous sommes
purs, si, comme vous, nous sommes tous rem-
plis du saint désir des choses éternelles, nous
mourrons, comme vous, le sourire sur les lèvres,
ridtbit in die novissimo, notre corps ne passera
par latombii que pour arriver à une immortalitô
glorieuse, et pour nous aussi s'accomplira celle
parole : Celui qui s'abaisse durant sa vie sera
exalté à jamais dans l'éternelle félicité.
L'abbe HebmaN,
curé de festubert.
INSTRUCTIO.NS FAMILIÈRES
SUR LE SYMBOLE DES APOTRES
(50' Instruction.)
Rémission des péchés. A qui Jésus-Christ a-t-il confié le
pouvoir de remettre los péchés ? Comment sont-ils remis?
 quelles conditions?
Texte. Credo... rcmissinnem p;ccatoi'um — Je
crois... la rémission des p'cliés.
ExoRDE. — La rémission des péchés! Frères
bien aimés, quelle vérité consolante pour nous
tous, pauvres pécheurs !... C'est là m des bien-
faits dont nous sommes redevables à l'amour
de notre divin Snuveur, et qui nous est transmis
par la sainte Eglise catlioli iue. Avant Jésus-
Chrisl, ce dogme n'existait pas, et pour obtenir
le pardon de ses fautes, il fallait la contrition
parfaite. Ni MeUhisédech, ni Aaron, le grand
prêtre, ni les pontifes et les prophètes de la loi
ancienne n'avaient le pouvoir de remettre les
péclics. David s'est rendu coupable de deux
crimes énormes ; le jft-ophèle Nathan va le trou-
ver de la part de Uieu. « Le Très Haut, lui dit-il,
vous a comblé de biens ; il vous a choisi dans la
maison de votre père jiour vous établir le roi de
son peuple; il a béni toutes vos entreprises, et
•vous, ingrat, vous l'avez in<lignemcnt outragé en
vous souillant d'bomicide et d'adultère...»
David, s'humiliant devant ce reproche, avoua
ses crimes et les pleura amèrement. Dieu, dont
la misérii.orde ne méprise point un cœur contrit
et humilié, daigna pardonner au roi pénitent; il
le lui fit dire par son prophète. Ecoutez les pa-
roles dont se servit ce dernier; il ne lui dit pas,
comme nous vous disons de la part de Dieu :
Je te donne t absolution de tous tes péchés; il ne le
devait pas, il n'avait pas ce pouvoir ; mais il se
contente de lui dire : Dieu, touché de vos larmes, a
transféré votre péché ( I ).
Notre-Seigneur Jésus-Christ, pendant qu'il
vivait sur cette terre, a exercé lui-même ce pou-
voir d( remettre les péchés. Venez, ô Marie
Madeleine, pécheresse si connue dans Jérusalem,
prosternez-vous à ses pieds, et vous entendrez
de sa bouche divine ces consolantes paroles :
fl Beaucoup de péchés vous sont pardonnes...»
Ailleurs (2) on lui présente un pauvre paraly-
tique; il l'accueille avec bonté : « Ayez confiance,
iQon enfant, lui dit-il, vos péchés vous sont
remis. » En vain les pharisiens haineux, qui
l'observent, se scandalisent ; Jésus lit dans leurs
cœurs, il va les confondre, en opérant sous leurs
yeux un miracle, n Lequel est le plus facile, con-
tiïiua-t-il, de dire à cet homme : Vos péchés
vous sont remis, ou lui dire : Levez-vous, mar-
chez... 1) Alors s'adressanl au paralytique :
« Levez- vous, lui dit-il, prenez votre lit sur vos
épaules et retournez dans votre mason ; que
votre guérisou soudaine prouve à ces hommes
que j'ai le pouvoir de remettre les péchés. »
Protosition. — Mon intention, mes frères,
est de vous montrer que Jésus-Christ a donné ce
même pouvoir à son Eglise, et d'examiner com-
ment ce pouvoir s'y exerce chaque jour.
Divisio.\. — Premièrement, à qui Jésus-Christ
a-t-il donné le pouvoir de remettre les péchés et
comment les péchés sont-ils remis? Secondement,
à quelles conditions obtenons-nous la rémission
de nos péchés? Telles sont les deux pensées sur
lesquelles j'appellerai votre attention.
Première partie. — A qui Jésus-Christ a-t-il
donné le pouvoir de remettre les péchés? :1 est
clair que lu péché étant une otTense contre Dieu,
Dieu seul a droit de le remettre, de prescrire
comment et à quelles conditions il consent à
pardonner ; il est également évident que Jésus-
Christ pouvait donner ce même pouvoir à son
Enlise... Mais le lui a-t-il donné réellement?
J'ouvre rt.vangile et j'y lis ces paroles solen-
nelles; Jésus-Christ ressuscité est au milieu de
ses apôtres : « Allez, leur dit- il, enseignez toutes
li'S nations et ba[>1isez-les au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit,... les péchés seront reniis
à ceux à qui vous les remettrez (3), ils seront
1. II Reg. ch. XII, V. 13.
2. .Matlli. ch. w, V. 2 et suivant*.
3. Jean. ch. xx, v. 23.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
3-^75
rfitenns à ceux à qui vous les retieiulicz. » Fou-
vait-il s'exprimer d'une maniéie plusclaire, plus
énergique?... Aussi, depuis ce temps lesapôtn'set
li-.urs successeurs ont usé de ce pouvoir; depuis ce
temps (l) aussi, la sainte ELîlise cntholique pos-
sède la puissance de remettre les péthés, puis-
sance qu'elle confie aux évêques et aux prêtres,
qui exercent légitimement le saint ministère...
Voyez, mes frères, si humbles, si petits que
soient les prêtres, qui sont chargés de la con-
duite de nos âmes, de quelle dignité pourtant
Dieu les a revêtus!... Ni les saints <ji!i sont au
ciel, ni les Anges, ni la sainte Vierge elle-même
ne sauraient nous remettre nos péchés; li>s
évê(]ues et les prêtres seuls ont reçu ce pou\ oir
de lu sainte Eglise; et quand ils ont prononcé sur
nous celle formule sacrée : « Je f .disons de tous
tes péchés au nom du Pêie, du Fils et ilu Saint-
Esprit, » si le pénitent est hiendis[iosi', l'auguste
Trinité ratifie la sentence du prêtre, et nous
quittons le confessionnal hénis et pardonnes...
Or, comment et par quels moveiis les péchés
nous sont-ils remis? Jel'ai déji dit, la contrilion
parfaite nous ohtient la rémission de nos fautes;
mais c'est un moyen rare, extraordinaire, c'est
une grâce de choix, qui n'est accordée qu'à Inen
peu de pi-rsonnes. Ce n'est donc pas de ce
moyen qu'il est question dans le symhole, (juaiul
nous disons : Je crvis la rémisfum ili's péclivs.
Non ; cela veut dire : Je crois que l'Eiilisi' catho-
lique a re(^u de Ji'sus-Christ, sou divin Epoux,
le pouvoir de me pardonner mes fautes... Mais
([uels moyens em[iloie-t-elle pour les pardon-
ner? Cherchons, examinons. Ah 1 vous avez
trouvé et vous me dites ; « Ces moyens sont sur-
tout les deux sacrements qu'on appelle le
baptême et la pénitence. >> Vous avez deviné
juste ; ce sont là, en effet, les deux sources par
lesquelles notre âme est purifiée. Deux mots sur
le baptême; jiuis nous parlerons de la pénitence.
Le baptême est un sacrement qui efface en
nous le péché originel, triste héritage de nos
premiers ancêtres, que nous apportons en nais-
sant. Si l'on recevait ce sacrement, ayant l'âge
de la raison, il remettrait aussi tous les péchés
qu'on aurait commis, jusqu'au moment où la
personne le recevrait. Mais dans ce cas, il fau-
drait s'y disposer par l'instruction, par des
exercices de piété, par des sentiments de con-
trition, comme les enfants se préparent quand
ils doivent faire leur première communion. Dans
les premiers siècles de l'Eglise, ou avait une si
haute idée du baptême et de son efticacité pour
purifier les âmes, que souvent on ditïérait de le
recevoir jusqu'au moment de la mort, afin d'être
trouvé plus juste en arrivant au tribunal de
iheu... Cependant, comme la mort ne prévient
1. Vit de saint Ambrant, et Rolirbacher, hisioiri £ccM^
ma»t.
pas toujours, il arrivait parfois qu'elle moisson-
nait ceux qui différaient ainsi, sans leur laissi^r
le temps de recevoir ce sacrement. Ainsi, un
jeune empereur, appelé Valcutinien II, mourut
à l'âge de vingt ans, sans ■luo le baptême pût
lui être donné ; saint Ambroise pleura sa mort,
et, tout en espérant bien de son sort éternel, le
saint évéqiie regrettait néanmoins que ce jeune
empereur n'eût pas été baptisé Ci)-.. Le fut pour
éviter ces accidents, que l'Sglise '•idonna sage-
ment, que les enfants des ch:etiens seraient
baptisés aussitôt après leur naissance...
Reste donc le sacrement de pénitence ; c'est
par lui surtout qu'a lieu la rémission des péchés ;
c'est l'une des inventions 1rs plus admirables et
les plus amoureuses de notre miséricordieux
Sauveur. Où en serions- nous, mes frères, sans
le sacrement de pénitence? Belle robe d'inno-
cence dont nous avions été revêtus au jour de
notre baptême, combien de fois nous t'avons dé-
chirée et flétrie? Qui de nous oserait dire qu'il
n'a pas eu besoin que des péchés lui fussent
remis, quand nous voyous les s lint Louis de
Gonzague, les saint Charles Borromée, les sainte
Colette, les sainte Catherine de Sienne, et tant
d'âmes virginales proclamer elles-mêmes, en
recourant si fréquemment au sacrement de pé-
nitence^ qu'elles ont besoin de la miséricorde du
Seigneur?... Aussi le saint concile de Trente
nous compare, nous tous qui avons péché depuis
notre baptême, à de pauvres naufragés surna-
geant avec peine sur un immense abîme... Du
sec'iurs ! vite du secours! nous allons être
submergés et disparaître pour toujours dans les
flots ! Et le sacrement de pénitence, c'est notre
planche de sauvetage, c'est lui qui nous arrache
au (langer ; c'est pourquoi on l'appelle avecjus-
tesse « une seconde planche après le naufrage, »
Secwifia post naiifrayium tabula. La pénitence,
mes frères, voilà donc le moyen par excellence
que Jésus-Christ a institué et confié à son Eglise
pour remettre les péchés. ..
S' confie /.artie. — Voyons maintenant quels
sont ceux qui jouissent de cette faveur, de la
rémission des péchés La tache originelle, comme
vous le savez, est effacée dans l'âme des entants,
quand ils reçoivent le ba>itème; cependant deux
conditions sont nécessaViiès : il faut que celui
qui leur administre ce sacrement se serve d'eau
naturelle, et qu'en versant cette eau, il prononce
les paroles sacramentelles : Je le haplisieau nom
du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En serait-il
de même s'il agissait d'un adulte, c'est-à-dire
d'une personne plus ou moins âgée possédant
l'usage de la raison? Non; comme nous l'avons
dit plus haut, pour que ce sacrement produise
ses effets d'une manière complète, immédiate,
outre ie désir de devenir chrétien et membre de
rEijlise, il faut, dans ce cas, une instruction suf-
<276
LA SEMAINE DU CLERGE
fisanle et im vorifc'Jjle regret de ses faiiies.
Vous ii'iiVL-y. jamais asEbté peut-èlre au bap-
tême sok'iiuel d'un adulte. EU bien, je vais
TOUS dire cnmmeiils'uccoinplit cette cercmouie.
Celui ou celle qui se présente pour recevoir le
buptiSne, est iueompygiié d'un pairaiu et d'une
m.-irraine, qui seront les témoius des promesses
qu'il va faire, et comme les gai"ints de sa fidé-
lité à les observer ; ou le reçoit aux portes de
l'Eglise ; là on récite sur lui les prières des
exorcismes. Puis il est introduit près des fons
du baptême : Crovez-vous, lui dit-ou, toutes les
vérités qu'eus.-: ;; ne lasaiute Efilise callioiique?..
Comme ou les lui a exidiquées, il les toiuiait, et
par conséqueut il sait ce qu'il uKirme quaud il
repond : Je les crois... Ilenoncez-vous à Satan, à
ses pompes, à ses œuvres? et il répond : J y re-
nonce. Mais il n'iguore pas que les pompes de
Satan ce sont les maximes et les vauités du
monde et que par œuvres de Satan ou entend
toute sorte de péchés... Puisqu'il y rti'^ouce, il
doit donc regretter les fautfs qu'il a commises,
et avoir riutenliou formelle de les éviter ù l'ave-
nir. Voulez-vous èlr» baptisé'.' Et il répoud : Oui,
je le vêtu-... .\vauce, heureux catéchumène, près
de la foutaiiie sacrée ; l'eau qui purifie va cou-
ler sur ton front, et non-seulement le péché
originel, mais toutes les fautes de ta vie vont
t'ètre pardo.nnées ; tu sortiras d'ici enfant chéri
<lu bon Di.'ii, membre de ia sainte Eglise catho-
lique ; viens, 6 mon hère ; désormais nous
pourrons dire ensemble : Notre Père, qui êtes
aux cieux..., Voilà comment, mes frères, quand
des juiis, des hérétiques ou des païens se coirver-
tissent, le sacrement du baptême leur doune la
rémission des péchés.
Parlons maintenant de la pénitence. A qui les
péchés sont-ils remis parce sacrement? L'Eghse
nous enseigne q\ie, «depuis que le monde existe,
le Seigneur n'a jamais remis de péché à aucun
homme à moins que celui-ci ne s'en soit re-
penti (I ;. » Donc le regret de nos fautes est abso-
lument nécessaire; et ce regret, pour être vrai,
suppose rhumilité,la sincérité, la bonne foi dans
la confession, et de plus le ferme propos de faire
ses efforts pour ne plus retomber à l'avenir dans
les mêmes fautes. EUes étaient sincères les lar-
mes de l'enfant pr'.Jigue quand il disait, en se
jetant, aux pieds de son père: «J'ai péché con-
tre le ciel et contre vous, je ne suis plus digne
d'être aiyielé votre fils...» Sincère aussi était sa
résolution de ne plus affliger le cœur de ce bon
père, de ne plus abandonner le foyer de la fa-
mille ; aussi reçut-il sou pardon. Frères bien-
aimés, telles sont les conditions exigées pour
que le sacrement de pénitence nous procure la
rémission de nos péchés: cnlrition, bon propos,
oonfession iiumble et sincère, volante tfticace de
1. C. Trid. Se&s, XIV, ; Œni(«i(i3, eap. rv
satisfaire à Dieu et au prochain ; si nous avons
tout cela quand le prêtre aura prononcé sur nous
ces paroles: «Je vous absous,» ^ous pourrons
croire avec confiance que Dieu nous a pardonné
nos fautes.
Je dis avec confiance cl non pas avec certitude,
parce que cette certitude nous exposerait à l'or-
gueil, deviendrait pour nous un danger, et Dieu
veut que nous sachions nous maintenir dans
l'humilité, et opérer notre salut avecune crainte
respectueuse, qui nous f»réserve de nouvelles
rechutes. Aussi les saints éus-mêmes, qui pou-
vaient être les plus assurés du pardon de leurs
fautes, continuaient-ils à les pleurer et à les re-
gretter pendant toute leur vie!... Si jamais un
homme put être certain de son pardon, ce fut
saint Pierre, puisque Jésus-Chiist lui-même lui
en donna la preuve en le nommant chef de son
Eglise; cependant l'apôtre pleura tous les jours
de sa vie son triple reniement, et ses larmes
étaient tellement abondantes qu'elles avaient
creusé deux sillons sur ses joues... Si une pé-
cheresse eut jamais le droit de dire: Toutes mes
fautes souteûacées, cefut bien sainte Marie-Ma-
deleine. N'avait-elle pas reçu de Notre-Seigneur
Jésus Christ lui-même l'assurance que ses péchés
lui étaient pardonnes? Et cependant, nous lisons
dans sa vie que, retirée dans une grotte sauvage
près de la ville de Marseille, elle passait les jours
et les nuits à gémir sur ses désordres passés, et
à pleurer sur ces mêmes fautes, dont elle avait
re-;u l'absolution de la bouche même du Sau-
veur... Apprenons par ces exemples, mes frères,
à demander sans cesse le pardon de nus fautes,
ce sera pour nous le moj'en de nous assurer de
plus en plus cette grâce de la rémission des pé-
chés...
Péroraison. — Oui, frères bien-aimés, la vé-
rité dont nous vous avons parlé ce matin, est
une vérité bien consolante. Mais, en finissant,
deux réflexiens assez tristes se présentent à ma
pensée. 11 est des chrétiens qui usent mal du
moyen par excellence établi par la miséricorde
de Dieu pour la rémission des péchés; c'est-à-
dire qu'il y a des chrétiens, qui s'approchent du
sacrement de pénitence sansavoir les dispositions
requises. Prenons garde; Dieu ht au fond de nos
cœurs, nous ne saurions le tros^per; ce n'est
point de vaines paroles qu'il réclame, mais des
seutimcnts véritables et sincères partant d'un
cœur contrit et humilié. Un jour, le roi Antio-
chus, persécuteur du peuple de Dieu, se sentant
malade, parut s'humilier sous la main qui le
frappait... Si vous saviez quelles belles pro-
messes il faisait, quelles pieuses paroles il pro-
nonçait!... Û Dieu, disait-il, épargnez-moi, j'or-
nerai votre temple, je réparerai tous les maux
que j'ai cauâés à votie peuple...! Or, le Seigneur,
<ui avait pardonné aux regrets sincères de David,
LA SEMiUNE DU CLERGE
1277
lisnit nu fond ihi cn^ur Je l'hypocrite Antioclms,
et c(! prince irioiiiut dans le désespoir et l'impé-
nitence. Aussi, mes frères, Jésus- Christ Ht au
fond de nos âmes; faisons eu smle, quand nous
nous approilioiis du sncremcntde [léiiilence, d'y
apporter des di£[iositious iutéiieures et sin-
cères...
Une autre réflexion, c'est qu'on néglige trop
souvent de proti ter de eetie i émission des pé-
chés qni nous isloUerle. On remet à plus tard,
on difl'ère an moment de la mort; et pourtant,
que d'exemples terrihles viennent, piesque clni-
quc année, nous montrer qu'au mnnient de la
mort il est souvent trop tnrd, et que tout estlini,
av.-mt (jne le prètri' n'ait pu remettre les pécliés
à te pauvre malad<'. l'onniuoi donc demenitz-
vous si longtemps dans l'élat du péeliè, disait
Thomas Morus ii un chrétien tiède qu'il connais-
sait?— Oh! Je ne serai (las perdu pour cela,
répondait ce dernier; an moment du ma morf,
je me réconcilierai avec Uieu, je n'aurai (jn à
dire trois paroles et il me pardonnerai l'anvre
homme, peu de jours ai.n-s,!! se noya, en traver-
sant un fleuve, et les derniers mots qu'il pro-
uoii(;a, au lieu d'être un acte de conlrilion, fu-
rent des paroles de malédiction ronlre hii-mème
et contre le cheval surlcipie) il était monté (1)...
C'est souvent de cette manière, frères bicii-aini/'s,
que linisseiit ceu>: qui attendent au nn>ment de
lu mort, pour ohlenir la rémission de lenr- pé-
ché», l'uisse la miséricorde de Dieu nous pré-
«rver tous d'im pareil malheur. Ainsi sijtt-il.
L'abii.'j LoBUT,
C v''* Ali VaucUassia; •
LITURGIE
tes OUATliE- TEMPS.
(1" arlic!<!)
I. Lc3 û 'a'rc-Tc Dps so:it le? trois jours de
jeûne et U'aL^tine^l■o qui reviennent quatre lois
l'année a des (•pnqM;>s lises et à chacune des
pér.iodes qui paitagent cette durée. Avant de
;aire connaître l'origine de cette in?tiluliuu,
nous nous arrétero'is au uomhre quatre, qui
n'a pBs été delorru né sans raison et do.i nn-
fermer quelipit; mystère. On sait avec quel soin
les Pères dei'Euhse, .saint Augustin en particu-
iier, redierchaient et truuvikienl lasigniticaina
mystique des nombres énoncés lians l'Ecriluie,
«A q^ielics belles explications ils en donnaient.
On leur a parfois repijcbé trop de subtilité et
il s'est trouvé des autems plus hardis (jue n flé-
•chia qui se (lermcltuieui de trouver leurs expl,-
catioiis plus inf;éiiiieiises (jue sérieuses. Ils o.il
pu, daxiv, quelques cas, loicer un peu Tapplica-
1. V irla r.eiic Thaniu.; J/oru».
tiondu système, mais il n'en faut pas moins
admettre le i'rincipe que l'Esprit-Saiul .a con-
signé dans TEcriture, où il nous atteste que
Dieu s'est soumis Ini-mème a la loi du nombre,
puisqu'il a tout ni'<po-éet réglé sur des mesures
précises, s'arré'ant à un nombre déteruiiaé
d'êtres et proportionnant exactement leur
poids (I). L'Eglise, dnns sa liturgie, où l'inspi-
ration divine est évidente, n'a p^iul négligé Is
loi (les nombres, et ia réçjlensentation du jeune
de; Quatre-Temps n'en est 'qu'une application,
parliculière.
L" nombre quatre est fondamental dans in créa-
tinunaturelleetiacrSution surnaturelle. Danslai
première, nous avons seulement à énoncer les
quatresaisûos, quidivisentl'annéed'une manière!
très-régulière et sont les phases diverses da
grand et complet travail qu'accom|dit la natuje
pendant une révolution de la terre autour du
soleil, qui est pour elle, matériellement et phy-
siquement, ce qu'estJésus-Christpourle monde
des âmes. Par une belle et vraie analugie, les
s;;ison3 répondent aux époques de l'histoire sur-
nrUurelle du monde et de la vie myslitjue de
clîaque chrétien : l'hiver est la mort, le prin-
temps est la naissance et la florais(m, 1 été est
la fructiûcalion et le terme du développcmeiit,
l'anlomne est le repos et la jouissance.
Donnons ici la parole à Durand de Mende,
cfui énonce à peu près de même et dévc oppe
cette correspondance de l'année surnaturelle
avec l'histoire religreuse de rhiimanité et lui
adapte la division de l'aunée liturgique.
« Exposons les distinctions du temps, l'annte
solaire comprend la succession des quatre sai-
sons, c'ert-à-d;re lu saison d'hiver, où l'oii ense-
mence les champs; le printemps, où les semen-
ces croissent et s'allongent en éuis ; l'élié, où les
moissons blanchisseut et tombent sous Le tran-
chant de la faulx; eniinraatouine,où le grain,
séparé de sua envelop[)epar le vanneur, istmis
en réserve dans i^c greniers. Ainsi la grande
année de l'histoirt- présente, qui s'étend depuis
le commencement des siècles justju'à la fin du
monde, se mesure aussi par quatre saisons
diverses.
a La première est une époque de dégénéres-
cenee pour ia iamilii' humainf. Elle s'étend
dep' is Adam jusqu'à Moïse. A cetlc époque, les
liommesabaudoiineni Iccnlie de Dieu, quiestla
vraie lumière ; ils deviennent idolâtres, ils ne
conservent plus l'ombre de la liuuière de la
vraie doctrine, et dès lors, devenus des mem-
bivs œiatiilés, il n'en est plus un seu\ qui fasse
le bien. Alors, l'homme ahandoune son crea--
t«ur, et, s'adrcssaut à une pierre brute, il lui
dit : « Tu es mon l>ieu . » Ce temps d'ignorune»
1. Sap., xn, !■!.
!:78
L.\ SEMAINE DU CLERGÉ
et d'aveuslemcnts'accorde bien avec l'hiver, où
domiue l'obscurité.
« LasecoDile saison est celle du rappel ou de
la résurrection. Elle s'étend depuis Moïse jus-
qu'à la nativité du Christ. A cette époque, les
hommes sontiostruits, jiarla loietlesprophèles,
de ravénemenl du Christ, de la rémission des
péchés et de l'amour que l'on doit à un seul
Dieu. Alors, le Seig-jeur dit à Israël : » Ecoute,
Israël, tu adoreras le Seigneur ton Uieu, et tu
ne serviras que lui seul; » et l'homme connut
alors ses devoirs envj slui-même, envers Dieu,
envers le prochain. Dtéu, dans la suite et pour
la même raison, suscita les Prophètes, afin que
leur prédication fit revenir de plus en plus
l'homme de ses erreurs. Cette épuqne concorde
avec le jirintemps, qui possède quelque lumière
mêlée à beaucoup d'obscurité.
« La troisième époque est celle du retour ou
de la réconciliation et de la Visitation. Elle s'é-
tend depuis la naissance du Christ jusqu'à son
ascension, où b^s hommes reçurent la grâce et
la prédication de l'Evangile. C'est de cette épo-
que qu'il est éciit : Voici maintenant le temps fa-
vorable, voici maintenant le jour du salut. Ce
temps est celui de la grâce, parce qu'alors
l'Orient, descendu de ses splendeurs, nous a
visités. C'est dans ce temps que le Seigneur,
qui est le soleil de justice, a visité le mondepar
sa présence et l'a éclairé autant qu'il en était
besoin par sa propre doctrine. Ce temps res-
semble à l'été, où régne la clarté.
« La quatrième est celle du pèlerinage. Elle
s'étend depuis le jour de l'ascension jusqu'au
jour du jugement, où se fera la consommation
des siècles. Ce temps est tout resplendissant de
lumière, parceque, parla miséricorde de Dieu,
les mystères divins ont été révélés ; toutefois,
elle renferme quelque obscurité produite par
notre négligence, et s'accorde ainsi avec l'au-
tomne, qui a beaucoup plus de lumière que
d'obscurité.
a Le temps de l'hiver et de la déviation, où
la mort a régné, est représenté par l'Eglise de-
puis le sepluagésime jusqu'à Pâques, et ainsi
sont rappelées à notre souvenir la chute et la
punition de nos parents après leur désobéis-
sance. C'est pourquoiles chants de joie cessent,
excepté le Gloria Palri. On ne dit pas non plus
le Gloria in excelsis, chant que firent retentir les
anges en signe de paix, quand la vérité sortit du
tein de la terre et que hi justice nous regarda favo-
rablement du haut des deux.
« L'Eglise représente l'époque du printemps
ou de la rénovation depuis l'Avent jusqu'à la
Nativité du Seigneur, par qui toutes choses ont
été renouvelées. Aussi, pour indiquer que les
patriarches de l'époque correspondante eurent
quelques lumières mêlées de beaucoup d'obscu-
rité, comparativement aux époques suivantes,
elle chante les cantiques luiocurs de l'allégres-e,
comme Gloria Putri cX Alléluia, mais elle sup-
prime les majeurs, comme Gloria in exiehis.
Te Dcum laudamus. Et, attendu que le pi'ché a
régné à celte époque, non parce qu'il procc-
daitde l'ignorance, comme primitivement, lors-
que la mort du péché planait sur l'humanité,
mais à cause de la faiblesse de la chair, on
chante Alléluia, par la raison que ce temps se
reporte â la loi mosaïque, mais on supprime le
Gloria in excelsis, qui est Je signe de la paix et
de la justice, que la lo'- fut impuissante à pro-
curer.
« L'Eglise célèbre f^poque de l'été et de la
réconciliation ou du retour, â partir de l'octave
de l'âviues jusqu'à l'octave de la Pentecôte, et,
parce que nous sommes réconciliés avec Dieu
par l'Agneau pascal , nous chantons tous
les cantiques de joie et multiplions presqi.e
à chaque mot les Alléluia, pour témoigner la
joie que nous ressentons de notre résurrection.
Celte époque est l'image du temps de l'étemelle
fidélité : alors on chante le Gloria in excelsis^
parce que, dans la résurrection , la justice,
c'est-â-dire la charité, sera perfectionnée, et
l'on jouira d'une paix surabondante...
« L'Eglise représente le temps de l'automne
ou du pèlerinage depuis l'octave de la Pentecôte
jusqu'à l'Avent du Seigneur, parce qu'après
notre réconciliation avec Dieu, il ne nous reste
plus qu'à nous considérer comme des pèlerins,
avec le Psalraisle, qui dit : Je suis un étranger et
unvoyageur ou un pèlerin. Nous chantons alors
tous les cantiques d'allégresee, pour exprimer
la joie que nous cause la révélation des divins
mj'stèrcs ; cependant l'Eglise en supprime par-
fois quelques-uns, et elle ne multiplie pas les
Alléluia, comme elle l'a fait dans le temps pré-
cédent, pour marquer l'éloignemenldubion où
nous jette notre prodigieuse négligeuce(l)...
L'année solaire, en se renouvelant et suivant
son cours, produit en nous, â chacune de ses
périodes, des etiels physiques semblables aux
transformations qui s'opèrent dans les autres
êtres. Notre vie surnaturelle passe aussi par des
phases diverses qui ne manijuent pas d'analogie
avec ces changements »t correspondent à la
marche du cycle liturgique, lequel nous ramène
régulièrement les fètcs commémoratives des
grands mystères de notre salut, et renouvelle
ainsi en nous les graves et belles pensées qui
ravivent la foi et les salutaires imiiressions de
la grâce. « Ce que l'année liturgique opéra
dans l'Eglise, en général, dit Dom Guéranger,
elle le répète dans l'âme de chaque fidèle
attentif à recueillir le dun de Dieu. Cette suc-
1. Daraad de Meude, Rational dti divins ofeu, Uv.
VI, ch. I.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1279
cession des ?aisons mystiques assure au chrétien
les mojens do celle vie surnaturelle, dans
laquelle toute autie vie n'e.-l «lu'uue mort plus
ou moins déguisée, et il est des âmes tellement
éprises de ce divin siiccessil' qui se déploie dans
le cycle catholique , qu'elles arrivent à en
ressentir pliy-iquoment les évolutions, la vie
sui naturelle abscrlmnl l'autre, et le calendrier
de l'E^li-^e celui des astronomes (1). »
La pénilcnce c( !a morlification sont des élé-
ments essentiels de la vie spirituelle, et parce
que nous avons naturellement plutôt de la
répugnance que dj Vinelliiatiou pour les prati-
ques austères, 1 iîi/.Iise est contrainle de nous
eu imposer quel lucô-i'.ncs, ufiu que nous ne
S'.yons pas [)rivé3 de ces moyens qui épurent
et fortifienl l'àme. Elle a assigné le jeùiie et
l'abstinence obliguloires à des époque fixes, et
■elle a eu soin de nous en ménager quelques
jours à chacune des ([uatie saisons, pour les
raisons que nous disnns [ilus loin, après avoir
fait connaître les origines historiques des Qua-
tre-Temps. En les iixant à ces époques, elle a
consacré de nouveau le ni^mbre qualernaire,
dont nous venons <'e voir l'imporlance.
II. — En traitant d'autres sujets, nous avons
eu déjà loccasion de constater que plusieurs des
observances cérémonielles de la loi mosciïiiue
ont passé dans la loi de grâce. La loi ancienne,
qui était essentiellement lii;uralivi! dans sa
parlie religieuse et rituelle, devait ètie et a
été, en ellel, absolument abrogée comme telle.
Cependaul de même que certaines fêtes ont dû
être conservées, fiaroe que nous avons le devoir
de télebrer et d'honorer les réalités qu'annon-
çaient les uncienni s solennités, ainsi des raisons
de c(invenance conseillaient d'imiter, dans l'es-
prit qui convient à la religion définitive,
cerlaines pratitiues prescrites et observc'^es dans
la période de préparation. Le jeCiue des Quatrc-
Temps est de ce nombre.
Quo (jue kis Juifs aient eu plusieurs autres
jours de jeu; e dans l'année, il est fuil spéciale-
ment meulion, dans la prophétie de Zaeiiarie,
des jeùi'.es des quiilrième, cinquième, septième
et dixiémj mois (2). Les Hébreux commeiK^aieut
l'année sacrée au mois de nisan, e'cst-à-dire
au mois de mars. Dieu l'avuil ainsi ordonné
lui-même (3). Le quatrième mois était nommé
tummus^ et répondiiit eu paitic à nos mois de
juin et juillet. Les Juifs jeûnaient le neuvième
jour de ce mois, parce que c'était en ce jour
que les Chaldéeus avaient fait une brèche dans
le mur de défense de Jéru?alem (4). Cette rai.-oa
est donnée par saint Jérôme et s^iul Cyrille.
1. L'année ii'tirjiiiu», prifacc générale.
2. Zach., vin, fj.
3. Exod., XV. ,i.
i.Jtnm, LU. G.
Le cinquième mois s'appelait ab, et comprenait
une parlie du mois de juillet et d'aoùl. Lu
jetine de ce mois était fixé au di.'sième jour,
où le temple fut brûlé parles Chaldéens (1). Le
mois à'isri était le septième, et prenait la fin
de septembre et le commencement d'octobre.
Le troisième jour de ce mois était consaeré au
jeûne en mémoire du meurtre de Godolian par
Ismaël (2). Le dixième mois était celui de tetet,
qui se composait d'une partie des mois actuels
de décembre et de janvier. On jeûnait le
dixième jour de ce mois, parce que ce fut en ce
jour que les Challéens commencèrent le siège
de Jérusalem (3).
Outre que le jeûne est par lui-même un acte
d'humi'iation et de pénitence, les tristes évé-
nements que rappelaient ces quatre jeûnes, et
qui avaient été en réalité des châtiments infli-
gés par Dieu en punition des infidélités et des
prévarications de son peuple, déterminaient
d'une manière plus expresse le caractère de ces
jours, consacrés au deuil et à l'expiation. Le
prophète Zacharie promet de la part de D'eu
au peuple qu'après le retour de la captivité de
Babylone, le Seigneur lui accordera, en récom-
pense de sa fidélité, des jours heureux et une
telle prospérité tiue ces jeûnes seront convertis
en joie. La suite démontre que, si cette pro-
messe, d'ailleurs conditionnelle en ce qui re-
garde les Juifs, leur permettait d'attendre des
bénéilietions temporelles extraordinaires, elle
ne s'applique complètement qu'à l'Eglise de
Jésus-Ciuiit, dans laquelle seule la vraie joie,
qui a son principe dans la jouissance île la vie
et des biens surnaturels, est accordée au nou-
veau peuple de Dieu. La parole de Zacharie,
toutefois, ne signifie pas que le jeûne et géné-
ralement les œuvres de pénitence devront être
supprimés, mais seulement (lu'ils seront accom
plis dans la joie que nous cause la présence de
l'Epoux parmi nous, tandis que l'am icn peuide,
qui ne le possédant pas, ne [louvait éprouver
en ces jours de deuil d'autre sentiment que
celui d'une profonde tristesse.
III. Saint Léon, qui a prononcé huit sermons
sur le jeûne du septième mois des Juifs, qui
répond aux qualre-temps de septembre, s'est
attaché particulièrement à démontrer que la
pénitence, et par conséquent le jeûne, qui eh
est la pratique principale, est tout aussi néces-
saire maintenant, sous la loi de grâ^e, qu'elle
le fut sous la loi ancienne. « Nous vous annon-
çons, nos bien- aimés, dit-il, le jeune attache
par une loi sacrée au septième mois, ahu de
de vous porter aux exercices qui entretiendront
notre commune dévotion, et nous vous enga-
1. Jerem., 12.
2. Ili-.d.; XLi, 2.
3. IV, Iteg., XXV, 1.
iîSO
LA SEMAL'SE DU CLEÎIGE
geoDS avec confiance, en vous ailressanl nos
paternelles exhortations, à rendra chrétien,
par la li'lélilé de voire observance, ce qui au-
trefois n'était que juduïque. Il est bon, eu ell'el,
dans tous les temps, et il convient également
BOUS les deux Testaments, de provoquer la divine
miséricorde par la mortification de l'esprit et
du corps; car rien n'est plus efficace pour nous
rendre Dieu propice, que le jug'^ment porté
par l'homme contre lui-même et la persévé-
rance qu'il met è implorer son pardon, ne
s'arrètanl jamais parce qu'il sait qu'il n'est ja-
mais sans péché (I). »
Dans un de ses neuf sermons sur le jeune du
dixième mois, qui correspond aux Qualre-Tcmps
de décembre, le même docteur établit que les
jeûnes anciens, ne devaient pas être compris
dans les prescriptions abrogées par la loi chré-
tienne. Après avoir parlé des tentcitions de la
vie présente, qui sont inévitables et nécessaires,
et qu'il faut énergiquement combattre, si l'on
veut se garantir des coups de l'ennemi et éviter
la mort, il ajoute : a Pour guérir les blessures
que l'on reçoit souvent dans la lutte soutenue
contre l'ennemi invisible, il faut surtout re-
courir à l'application de ces trois remèdes: la
persévérance dans la prière, la mortification
par le jeûne et la ditiusion d'abondantes aumô-
nes, et lorsqu'on les emploie avec un soin égal,
on se rend Dieu propice, on efface ses péchés
et l'on abat la tentation. En tout temps, l'âme
fidèle doit s'entourer de ces moyens de défense,
mais elle est tenue de se les ménager avec plus
d'empressement encore en ces jours qui ont
été particulièrement désignés pour l'accom-
plissemeut de ces devoirs de piété. Parmi ces
devoirs prend place le jeûne solennel de ce
dixième mois. Nous n'avons pas le droit de le
négligersous prétexte qu'il a été emprunté aux
observances de la loi ancienne, comme s'il était
du nombre des choses qui ont cessé d'être
pratiquées, telles que la prohibition de certaines
viandes, la distinction des ablutions au bap-
tême et des brebis et autres animaux pour les
sacrifices. En effet, toutes les figures des choses
à venir étant accomplies, tout ce qui n'était
qu'un signe est Uni. Mais la grâce du Nouveau
Testament n'a pas détruit l'utiiilé du jeûne, et
elle a pour but d'entretenir par cette pieuse
pratique, la tontinsuce, qui sera toujours pro-
fitable au corps et à l'âme. De même que l'esprit
chrétien a conservé ces commandements et
tous les autres semblables : Vous adorerez le
Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lut (2).
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout
votre cœur (3). Vous aimerez votre prochain
1. Serm. xc {alia* 88). De ieiwio »ep(,mi mensis y.
Dum. i.
2. itallh., IV, 10.
i- Ibut., XSU, 37,
comme vous-même (i); ainsi, aucune inlerpréla-
tion ne peut faire évanouir le précepte de la
sanctificalioa et do la gui^rison de l'âme par le
jeûne consigne d jus les livres où sont écrits ces
commandeiiieulà (2). »
Le grand Pape prend un soin particulier de
prémunir les fidèles contre la pensée que Ifs
jeûnes de l'Eglise ne seraieiLt autre cb- se au'un
reste des observances ilc la Sj'nagogue, et n'au-
raient ni un autre caractère ni une autre valeur.
11 insiste sur cette doctrine importante, que
tout ce qui a été conservé de l'ancienne loi
exprime aujourd'hui i:ne réalité, après avoir
été, dans l'instiliKion primitive, une simple
figure. Les chrétiens doivent donc observer ces
choses dans un esprit nouveau. «Dieu a réglé
de telle sorte les d.ispimsfttions de sa miséri-
corde, dont s'est chargé no^re Sauveur pour la
restauration du genre humain, que l'Evangile
de la grâce a enlevé le voile de la loi, mr.is n'en
a pas détruit les institutions. C'est pourquoi
nous devons nous conformer à la déclaration
qu'à faite Notre-Seigneur, lorsqu'il a dit qu'il
n'était pas venu supprimer sa loi, mais lui don-
ner son complément, en nous soumeltant à
celte règle autant que nous le pouvons, avec la
grâce de Dieu, saeliant bien que rien n'est à
négliger dans les institutions de l'Ancien Testa-
ment, si nousnous appliquons soigneusement à
distinguer ce qui était caché sous des voiles
destinés à périret ce qui fut établi comme pra-
tique permanente. En effet, la distinction des
viandes et des victimes, la circoncision de la
chair, la différence des baptêmes, les ablutions,,
ne sont plus à observer aujourd'hui avec leurs
significations figuiativss, puisque ces choses ont
reçu leur accomplissement par celles dont elles
étaient les signes. Quant au'^ commandements
et aux préceptes moraux, ils demeurent tels
qu'ils oui été donnés, parce qu'ils n'indiquent
que ce qu'ils énoncent, et la dévotion chré-
tienneleurdonne plusde forceenles prolongeant^
au lieu de les laisser s'évanouir en les abandon-
nant Les constilutiono apostoliques ontdonc
sagement réglé que les jeûnes anciens seraient
maintenus à cause de leur utilité, et que, biea
que l'Eglise eût déjà appris à multiplier davan-
tage les moyens de correction, elle adopterait
encore la privation sanclifiante que lui a trans-
mise la loi; car, il ne conviendrait pas que ceux
à qui il a été donné d'accomplirdes choses plus
grandes, s'abslinssint d'observer leschoses moin-
dres (3).» Elailleiii s il montre encore combien l'es-
pril lies deux lois est différent: uOù est l'esprit
de Dieu, là est L liberté (4), qui fait observer la
1. tiatih., 39.
i. Se;m. xvi {alias xv), Dt jejunio decimi mentit tt,
num. 2.
3. Serm. xx (alias 19), De decimi msnsisjejunioo., UVMU
4. II Cor., III, 17.
LA SEMAINE DU CLEr.G:
r:i
loi, non par crainte, muis par amoar; car l'o-
béissance adoucit le comranndemeDt et l'on n'e^t
pas as.-ervi à une dure m-cessité. quand on airae
ce qui est ordonné. Lors diinc^frères bien- aimes,
que nous vous exhortons à vous soumettre à
des institutions qui remontent jusqu'à l'Ancien
Testament, nous ne vous assujettissons pas au
joug des ob^ervances judaï lues, et nous ne vous
im[iosons pas les coutumes du peuple charnel.
L'abstinenci! chrétienne est su[iérieure à leurs
jeûnes, et s'il est des pralL[ues qui nous sont
communes avec eux et reviennent aux mêmes
époijues, il n'y a pas de ressemblance dans la
manière de les observer. Qu'ils marchent piûils
nus, qu'ils montrent des visaijes tristes, qu'ils
fassent ostentalion de leurs jeûnes oisifs; pour
nous, sans changer notre extérieur toujours dé-
cent et sans interrompre nos occupations légi-
times et nécessaires, nous restreignons, en la
limilaut avec simplicité, la faculté que nous
avons de prendre notre nourriture, en scjrte
que, noire choix porte seuiemeut sur la manière
d'user des aliments, sans condamner les créa-
tures mêmes au sujet desi-iuelles nous pronon-
çons ce jugement (I). n
{A suivre]. P.-F. Écalle.
Professeur de théologie.
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SAlNT-SIÉGE
CHAPITRE II. — LA PRIMAUTÉ DOCTRINALE IMFML-
LIliLE DU SIÈGE APOSTULIQUli. {Suitc).
Cette magistrature suprême, définitive, infail-
lible ciu siège apostolique n'exclut cependant
point le droit ipii appariient ausévêquescomme
docteurs et jng s dan-i la foi. Unis en concile
avec le Pape, leur chef, les évêques enseignent
et jugent avec lui (2). Si les évèques n'avaient
que voix consultative au concile, le concile ne
se formerait point exclusivement de l'assemblée
des évèques, successeurs des apôtres et pasteurs
divinement instilné.s; le^ Shéologiens et les sa-
vants auraii'ut U? mèiue droit que les évèques, ce
qui ne fut jamais ad'iïiis dans l'iiglise (3). Seuls
1. Serm. LXïxiX {alias 81), De jejunij leplimi mensis IV,
num. 1 .
•2. Sacro approbanli cmcUio... Seienlibus nobiscum et
judicar.tibus universia orbis episcopîj. Concil. Vatica.
constitut De Fide cath. Prœm. Concile Lateran. iv. v,
Viennense.
3. Melch. Can. I. o v. 5. p. 130: Episcapos conc lii in
fidci causa non modo consiîiarios esse, verum etiam judices,
Aliogai non solum Epivcopi ad ferendam senl^ntiam syno-
dalem adhibereniur. sed eliam docti theologi et viri in
Ecciesûi ifiidentes. Quod iiiauiitum est, contraqne fbrmam
Âctorum decimo fjuinto prœscriptam, ubi apcii(^ii tantum cum
frcib^leri.- de fiiei qttœstionejudicamnt. Cum igitur Ecctesiœ
les évèques lie:it et délient, ordonnent et défen-
deut. Le eonseutement des évèijues et le juge-
ment qu'ils rendent eu commun avec le Pape,
i^'est donc pas un acte de simple soumission et
ri'ooéissance, comme c'est le cas pour les simples
fîiièles, c'est une sentence juridique qu'ils pro-
noncent en union avec celui quiest jugesuprènce
dans l'Eglise (I). a Comme la iète etie? membres
sont un seul corps, remarque Midchior Cano,
ainsi le Pape et les évèques dans le concile sont
nue seule autorité. Au eon-ile de Jérusalem, ce
sont tous les membres de J'.Assembléequidisent:
// a plu au Saùit-Espnt et à '*<otis ; toussent donc
auteurs de la sentence conciMaire.» L'infaillibi-
lité personnelle que le3api)t\es possédaient sous
la forme de l'inspiration n'?:téra en rien la sen-
tence véritablement juridique de l'aïuHre saint
Jacques non plus que celle des autres apôtres
au concile de Jérusalem : la suprême juridictioa
du Siège apostolique n'exclut pas davantage la
fonction jniidique officielle de tous ceux, qui
ont été instiluès juges de la foi par le Saint-
Esprit. Celui-là est juge er.matièredefoi,qui,ea
vertu de sa charge et de souoffic<), connaît le
VI ai et le faux, c'est-à-dire ce qui est contenu
dan- le dépôt de la foi ou ce qui y contredit.
C'est pour juoi les évèques sont encore juges de
la foi alors même qu'ils énoncent <le nouveau
comme une doctrine de foi et comme faisant
partie de la révélation, une vérité de foi (|ui a
déjà été reconnue comme telle, soit en concile,
soit par le commun enseignement de l'Eglise,
soit parle témoignage formel de la Sainte Ecri-
tuie : et lorsqu'ils expriment leur adhésion à
une sentence rendue par le ju^e suprême, ils
cesseraient par cela même d'être véritablement
jugés!
11 n'est pas du tout de l'essence d'une sentence
judiciaire que celui qui la porte l'ait portée arbi-
trairement ou capricieusement et qu'il ait pu,
selon sa fantaisie, décider le contraire. S'il en
était ainsi : les conciles qui ont répété les déci-
sions des conciles antérieurs sous de nouvelles
formes et en les appuyant de motifs nouveaux,
n'auraient pas prononcé judiciairement. Et
c pendant même les conciles provinciaux ont re-
pris pour leur propre compte les décisions de
ferpeluo ttiu joK Pastorei in concilia sedeant, consequens /5(,
ceiisores eo» «je, n»n modo conaullores. Nam »i, ut coiwu-
lerenl, advorarenlur, its Episcoi^is, qui theoloyiœ nidtê il
iini^erili esseni, nullus esset omnino in concilia locus,quando
tlifulogitg quasiio veniret in dubiu7n. Prœtena non Romanai
e/irsc pus moilo, verum etiam Episcopi dates regnt cœiuti*
hatient, ergo in causa fidei ligandi quoqua et absolveiidi P°^
tairm. a Visum est, » inquiuni, Spiriiai sancio et nobis, nihiJ
ultra «obis imponere oneris, quam lure necettaria, •««.
Omnes ergo episcopi onus prceceplumqne imponunt, omniique
simul sententiaa synodaiis auctores suni. ^ .
1. De là cette formule de souscription epiaçopale dani
les anciens conciles: Definiens aubscripsi. Heléle, UttloirtOê
l ICglise. I. p. 48.
«282
LA SEMAINE DU Cl.EP.GE
conciles gén.'ranx sans luis cr pmir cela rVnuir
judiciaiicment. « Nous avons d'iihorM, par un
jueement unaniine, disent les Pères du quator-
zième concile de Tolède (l)j comparé les ados
du sixième concile œcuménique avec ceux des
aniiens conciles..., et lesayant trouvés iraciord
en tout avec ces anciens décrets, nous les avons
confirmés. »
Les évc.jucs exercent leur office de jugr>s de
trois ma ni ères, etse distinguent ainsi du lestedes
fidèles qui accomplissent un simple acte d'o! éis-
sance. Premièrement ils contrôlent par l'Ecriture
et la ti.idition, lesdécisions=oitdesconcilef anlé-
rieiirs, soit du Siège ^ipostolique, non pour déci-
der arbitrairement, mais pour scruter les motifs
de? di'cisiof.'' dogmatiques, afin de pouvoir encore,
les a]»profondir etleurdonner un développement
plus lumineux et plus complet ; car ils soni insti-
tués de Dieu pour être docteurs, juges, gardiens
et défenseurs de la foi. La véi ité brille d'un éclat
plus vif et s'affermit à proportiou, lorsque l'exa-
men confirme ullérieurement ce que la foi avait
d'abord enseigné (par la décision da Siège apos-
tolique.) La dignité du minisière épisco; al se
montre aussi dans tout son éclat, en ce qnel'au-
torité du rang suprême est sauvegardée sans
préjudice de la liberté des subordonnés. Et
l'enquête tourne à la plus grande gluiredeDioi,
lorsqu'elle est iuslituée et poursuivie avec l'in-
tention que les tendances hostiles soient vaincues
et que ce qui est sujet b réprobation ne paraisse
point seulement étouffé par un silence cal-
culé (->).
Deuxièraent après un exsmen approfondi de
la vérité dogmatique déjà pro lamée parleSiége
apostolique, ayant mis leurs lumières en com-
mun, ils découvrent l'expression, souvent con-
centrée en un seul mot, qui définit le mieux le
dogme et qui est la plus propre à r 'ndre le sens
vrai et plein de la décision et à le défendre de
toute fausse interprétation contre la sophistique
de l'héré-ie. Car ce n'est pas seulement la vérité
dogmatiiiue iniscen soi, mais encore l'expres-
sion, le mot ijui la mar :ue exac'.cmeut, cpii est
objet de décision dogm itique.
Troisièmement, If s évèipies proroncont avec
autoritéetcommejusessurledogiiie, parce qu'ils
1. Léo. M. Ep. 120.
2. Augustin. De Trinit. vn. 4: Quid restai, nisi ut
faleamur, loqucndi necessita'e porta hic vocabula, cum o'iiij
esset cojiiosa (lis;>utatione adversus hmiJiua vcl errores bnivcti-
corum ? Ambros. De Fitl. m. 3: Ideo Paires Mcœni veràum
^fiooûatoç in traclalu fidei potuerunl, quoi viderint, aJrer-
sariU id esse formidini ut veluli eeagitmto o6 ipsis ghidio
ipsorum ne(cmâic caput hœreseos ampularent, Athanas. De
décret. Nie. syn. 11, 19. Thom. Summ. theulog. I.
q. XXIX, art. 3. ad l : Ad inren endum nova ncminn anti-
quaii, fidem signifirantia coegil neces.'itas dispularidi cum
hœrelicis. Aiictor. lid. prop. 29 : Subtrululur notilia focis
ah Ecclesia cnnsecratœ ad illius (rfopma/iî) Itiendam profes-
siO'<em adversus hœreses.
ont 11- devoir et la charge d'e:xécntor'pjnn£mont
prononcé, en obligeant leurs subordonnés à s'y
soumettre; ce qui ne saurait appartenir à ceux
qui assistent au concile avec vo'x consultative
seulement.
Ainsi s'affirme l'autorité judiciaire dcsévèquos
dans le jugement qu'ils portent en commun avec
le Pape et comme subordonnés ,-j l'autorité du
Saint-Siège. Aussi bien, le pouvoir pastorale qu'ils
exercent dans l'Eglise leur a-t-il été accordé en
tant qu'ils sont unis et subordonnés à celui qui
possède le plein pomoir ci3e!é--iasti(iue. Ainsi,
chez les évèques, l'acte d'autorité est en même
temps acte d'obéissaice ; mais en obéissant,
parce qu'ih se savent membres d'un même corps
et qu'ils ne font qu'un avec la tète, ils exercent,
en même temps, leur autorité.
Une conséquence évidente de l'infaillibilité de
la chaire pontificale, c'est que, pour la décision
des questions defui^ la convocation d'un concile
général n'est ])as absolument nécessaire. Plusieurs
hérésies, par exemple le pélagianisme dans les
temps anciens, et, dans les temps modernes, le
jansénisme et le quiélisme, furent condamnées
et étoutlees par la seule autorité du Siège apos-
tolique. Toutefois, beaucoup de cas peuvent se
présenter qui rendront utile et commanderont
même de convoquer un concile général, quand
ce ne serait que pour répondre au désir gén'Mal
delà chrétienté, ainsi que le lit saint Léon le
(îrand pour le concile de Chnlcédoine, lorsque
d'ailleurs aucun obstacle extérieuriie s'opposera
à cette convocation. Le courile est donc un des
moyens indiqués par la Providence pour fixerla
véritédanslesquestionsde toi, quoique cemoyen
ne soit pas le seul. Le Concile de Trente expri-
mait la confiance qu'il avait que, si l'acceptation
de ses décrets rencontrait quelques dilficultés,le
Siège apost(dique userait, entre autres moyens,
de la convocation d'un concile général, s'il le
jugeait nécessaire ou ]dus commode (I). 11 peut
arriver qu'une question dogmatique présente des
difficultés de telle nature que le Pape lui-mèrae
juge nécess lire d'en confier l'examen non plus
seulement aux représentants de l'Eglise romaine,
au collège des cardinaux et aux congiégatioiis,
mais à un concile générrl , car Dieu a ouvert .i
son Eglise plusieurs voitiS ^.our l'investigation de
la véiité {2). «Le Papb Saint- Etienne, dit Bcl-
1. Sess. XXV. Cap. ultim. De reform. in fine : Quod si m
Ain" ■rrciiiiendis aliqua diffîcuUa^ oriutur,aiit aliqua inciden'^t,
qu(e dfcla' ationem aut de^nitionem postulant, prcpter alia
remédia in hoc coiisilio inslituta confiait sa:icta Synodus^ ut
vel evocalis ex illis prœserlim provinciis, un le difficultai orla
fuprit^ iis, quos eidem n gotio tractando viderit ejpedire, vel
etiam concilii generalis cetebrafione, si necessarium judica-
verit vel commodiore guacumque ra iont et si visum fueritf
proiinciarum necessitatibus pro Dei gloria et Ecclesiœ ntces-
silate consulatur.
1 Orsi, de Roman. Pontifie, auctorit. Tom. I, 2.
Mcichior Clanus 1. c. v. in fine. Romanus Ponlifeu net»
LA SEMAINE DU CLERG2
i283
larmiii (1), ne voulut pastrancliL-r Jéfmitivement
la quesliou du baptême des hérétiques, mais des
coufiles ultérieurs se chargèrent de ce suin. Eu
aliendant, des recherches actives fureut faites de
toutes parts, des principes furent ainsi éclaircis
et développés, qui jetèrent une vive lumière sur
celte question et sur beaucoup d'autres, n Le
jiape Cék'sliu permit le concile d'E|)lièje, qui
ii'i;tait pas d'une absolue nécessité : ni le Pape
ni saint Cyrille ne le jugeaient nécissaire (2) ;
le l'ai>e av:ùl même donné pour instnieliou à ses
lépals de j\<ger, sans discuter ; mais la puissante
iulluence de Ni.^torius, archevêque de Constan-
liuople, (juiavailsu gagner à sa cause plusieurs
évcqucs 1 1 1'. raperrur hii-mème, ue [louvail être
brisi-e que .ar rautorité im|ios.iute d'un concile
général (3). Ici comme à Clialcédoioc, d'après le
jugement de S. Léon, ce (pie l'on se proposait
ce n'était pas de mettre la vérité en question,
comme si elle eût été ilouteise, mais d'augmenter
le prestige et l'en'qiiie de la loi en la montiant
année de l'autorité de tant d'évèques et du
poids de leurs raisons, uiais d'étouffer net toute
résistance, d'éclairer les errants et de couvrir de
confusion les récalcitiants et les opiniâtres. Où
il iiarait plus nécessaire d'assembler h s évêqucs
en coi:«le, c'est quand il s'agit de questioiis de
(iisciiiliue. Là les conseils et les jug-emeiilj des
évéques sont delà plus haute imiuutance ; car
la puissance a été douuée à l'Eglise pour
l'é.lilication (4).
Dans un certain sens donc, l'aulnrié d'un
coiu'ile est plus grande que l'cUe du ISiege a[)os-
tolique tout seul, parct! que le corps épiscopal
tout entier, agissant de concert avec le Pape, pré-
temereel slulle, sei con^iJerale et mpienler débet filei conlro-
versiai defmiye, advoaiiidu sctticet con^itiarios tel plures, vel
pauciores^ juxla rei de (^ua ditferttur, firavitafem Juvan' enim
paires conciUi sutnmi l'oniifias jxdem atque aoctnuam.,.
Facit qnoftue concdimn ii'aii^ittiliorem populo fi l'ein projiter
acceptitsima multorum hstimonia alque judicùi :Vu/;i et
t'-ges^ quo' cumniuni optiinatum consni'U et roguntur et
feruntuVf l bentius j cpu.us acci^itf quant ii a rege soium
ederentur.
1. Uu Roman. Pontif. iv. 7.
2. Oignens igiiur tio-'-ii dedarnre, quij tibi rijfo'ur, et
u!rum aliquaudo fur» i Lo cointnuuicare oporteat, an libéré
denuiilioTet neiniuem cum eo,qui talta sentit, etuoiel, comiitu-
niciire. 0[W est autem^ ut tur piehitis super hac re serit'Utia
tumiiissimis Macedor.iœ ejdscojis, tum omnibus Orent'S
antisUlibus per iiievas viaiùft^sta fuit. Jliis eniin cupieutibus
ausam dabtmus [otûcojiev aço&aâ:) ut uno animo i» ufia
scutentia persistant, et recttt fidei, quœ inipugnatur, opem
ferant. Cyrill. ad l^œlestiu. op. Coust. p. 10'13.
3. Bossuit. Uefcn. Cler. Gallii;. ni, 7. 10: Piatie coii/S-
temur, Cœleslini ten'entinjn, ila ut Cyriltus speraverat,
vililuram fuisse ad novam haresim cçinprivienclum. jiin
graves suborti inolus resque ea vi-^a esset, quœ ad universalem
aynodiim d'ferretur. îùstorius^ rer;i'P ciritatis ein^copus ea
aucioritale jcUebot, ea Sfecie pictalis hon^inum unimis illu-
ierut. eos sibi conciliavcrat episcopos^ ea denique gratta npud
Th^odûsium jeuniorem imperatorem et procurée trat^ ut factte
vmnia commoveret.
4. B»llcrini, Vindic. Auctor. Pontif. viu, 8.
sente une plus grande masse de témoins et de
juges eu faveur de la vérité catholique contre
l'erreur, que si le Pape était seul. Mais si cette
nutorité devient plus grande extirieitrement,
eu-tensiV' ment, matmellement (I); elle demeure
fonrièreinent, intensivement et formellement la
même {i) Car « aussi longtemps que le Pape
n'a point confirmé les décrets d'un concile
quilque nombreux qu'il soit, ces décrets ne sont
puint en( ore ceux d'un concile général. Un con-
cile Général n'est donc pas possible séparé du
Pape (3). »
Quant à former une insliiuiion absolument
nécessaire, sans laipielle l'organisme de l'Eglise
ne saurait fonctionner d une façon normale, tel
n'est pas le concile, h'ahonl, cela ne peut pas
être, puisque la possibilité de tenir un concile
ne se présente que rarement ; ensuite, cela n'est
pas, puisque les plus beaux temps de la vie de
l'Eglise, les trois (iremiers siècles, n'ont pas
connu de concile général.
L'histoire nous présente, de la situation et de
l'action du Siège apostolique dans l'Eglise, un
tableau brillant, une image glorieuse sur
laquelle, seule, !a conduite et la condamnation
du pape lionorius semble jeter quelque ombre.
N'a-i-il pas adojité l'erreur des monothéiites'? Ne
fut-il pas, pour ce lait, condamné comme héré-
tique par le sixiéne concile?
La -qiu'slion d lionorius a été depuis long-
temps, mais princiiialemeut dans ces dix der-
nières années, 1 objet de couiri'Verses multiples.
Que f.iul-il en penser?
Dans une lettre insidieuse et longuement élu-
1. La maxime, orbis major est urbe vaut sous ce rapport.
S. I.éon-le-G'and (ICp. 3'J), parlant du jug-inent du con-
cile, dit pleinut judicium, ce que Thoniassin (Dissert. XU.
14, in concil. Clialced) explique ainsi; pt more judicum
numéro (t pompa majore eantUem, >uam fidein scnlenliamque
in L--I riabitein promu Iga ta m .
2. BellArm. De concil. II. in : Si accipialur Ecrl-sia cum
Papa, tune major est auctorilas Ecctesice extensive, quam
Pap'i' solius, intensive autem ftqualis.
3. Uélélé, Histoire de I conciles. 1.47: Si l'infaillibilité ne
rcsulie p:is de la force .lu sens clirétien, dit le protestant
Bœttiolier (Ireuve de la foi li>7'2. ]>. Ô4I), te don est
alori purement diviii Dans ce cas il e.-t évidemment plus
raisonnable delà lare résider dans l'esprit d'un sent chef,
que dans toutes les tètes dont se jompose un concile.
U après l'.oettiotier, l'infaillibilité dii Pape ettlv conséquence
logique de la doctrine de l'Eglise visible, dont le chef
v.sible est ie Pape. C'est seulement par la négation de ces
deux principes, pense-ti), "lue 'lùn peut se soustraire à
cette conséquence, et il a raison. Attaquer seulement
1 int'iillibilité du Pape, et laisser passer celle de l'Eglise,
c'est selon Frohscbammer; Importance politique de l'infail-
liijlUté du Pape etde l'Kglise, 1871), s'arrêter à nii-'-heniia,
c'est un moyen terme impossible à tenir. De uiéme le pro-
testant Fromaun, Histoire du concile du Vaiian, 137:!; Les
nouveaux adversaires de l'infaillibilité pontificale o«tpose
pour l'œcnménieité d'un con:ile des conditionî^tout à '.iit
irréalisables, je veux dire l'adoptico unani::K <.e ses déci-
sions p,ar tous les membres de l'asseiiiblti; concihairs,
avec cela le magistère infaillible se trouve Sii;)i,nu*
ea fait.
I5?i
LA SEMAINE DU CLEP.GS
i''"''', Srrciiis, p.itri.-irrlip rie Co'if;!aiilinn;\',
e'oliit aiiresté au pape Houorins, faisant ni'i ni-
ter ;i sivs yeux le succès, longtemps désiré, ('.■■ l\
rémiiou lies monnphysiles avec les catholiqni ?.
11 le su|>i>liait iliiilcrveinr avec toute son atiio-
ri)i' à l'encoulre de ceux qui rejelaiei.t la L:-
njule, une opémlicn théandrique unique (•yx
esavSoi/.r, ^/^f■J■=■=')l ''cjà employée par Denys I'Am'o-
pngile(l), moyeunaut laquelle tout pouvait se?
r.oncilic)-. S:iint Sophrone. patriarche de Jérusa-
lem rejetait la foimulc, et c'étaitlui que Ser^irs
avait e:i vue sans le nommer. Les monotbé !;:: s
aliusaieiit de cette expression, qui en soi coa-
tieut un sens droit, savoir l'unité de la personne
divine, qui a une oyero/iOH divine et humaine (21,
de m:iuicre que D'eu, dans l'inimanitc qnii a
prise, n'opère pas le divin sans coopération de
l'humanité, et réciproquement que Ihumanito
n'opère pas l'humaiu sans coopération de la
divinité. Ou ne devait pas, remarque Spr:.iiis,
parler île deux volontés on Jésus (Christ, comnrîo
si c'élaieut deux volontés ojiposécs entre elles,
comme si. tandis que le Verbe veut oj-.ércr
l'œuvre du salut, la volonté humaine hittait à
l'encontre l^i). Tel est le sens selon leijurl ihiuo-
riiis comprenait la controverse, et c'est dans ce
sens qu'il déclara qu'il n'y avait (las deux volon-
tés en Jésus Chiist, savoir une volonté qui obéit
à Hieu et une autre qui lui résiste, pas de con-
cupiscence, laquelle, en un certain sens, est une
volonté de la cltair, une seconde volonté.
Cette exiilication de lécrit d'ilonorius est
celle de l'écrivain qui l'a rédigé, de l'ublié Jean,
son se(^rétaire, qui avait répondu au nom du
Pape (4). C'e.-t aussi celle du pape Jean IV,
deuxième successeur d'Honoriiis, cnfln, c'est
celle du saint abbé Maxime (3). « Quel est, dit
ce dernier (C), l'interprète le plus antor.sé do
cette li'ttro, de l'homme éclairé qui l'a écrite au
nom du l'a[)e, l'abbé Jean encore vivant, ou
bien de ces hommes de Coustautino|]le à la
lau'^^ue double cl téméraiic? o
Mais, sans sortir de l'écrit du Pape, nous
sommes en état de montrer que le sens en est
pleinement catholitpie. lintrant dans le vit' de la
vqurstion, telle que l'avait ixposée Sergius, le
l'apedit: « Nous conl'i^ss'uis dui;c u'je volonté
u eu Jésus-Christ^ purco -{nv. la di-'iuité a pris
J. Ep. » ad C;lj.
2. Concil. Later. (C19) sut Martin. I. Act. v. Can. 15 :
Si quis Dti ^:i^•ikm opcrattonem^ qucdGrœci drcun/OeavBpiXT^V,
unam optrationtm, miijueuttr tuicipil, non aulem du-
pliiem esse coufiletur secundum sanctos patres, hoc e.ft
diviiifim et tiumanam. aut ipiain Dei virilis quœ posita est
nov'im tccabuii dictionem uuius essf designativam, sed non
utriu-ique mirificœ et gloriosix umonis dsviottstratii:dm,
tondemnalut sit. Cf. Ex[iliciition de S. Uaodme, abbé.
3. .Maiisi, XI b3i.
4. M;inïi, X. 6IS'J. 739.
5. Man-i. .\. 683 seqq. 739.
•. Uispui. C l'j/rrh. Mansi, 1. c. 740,
e no!re i r.tuie, mais non pes nnSe péclu^. et
« notie uature telle qu'elle a été créée avant
H que le péché l'eût corrompue... n'ayant pas
« pris le péché, il n'a pu avoir part à la tache
« de la nature pécheresse... Donc, le Sauveiir
« n'a point pris la nature corrompue, qui aurait
« contredit ù la loi de l'esprit... U n'y a en lui
0 aucune volonté différente et contraire, attendu
H iiu'il est né au-dessus de la nature humaine.
(1 Et, quand il est écrit : Je ne !<uis pas venu pour
« faire ma volonté, mais celle de mon Père, ces
(( paroles ne désii^nent pas une volonté dilTé-
0 rente, mais l'humanité que le Seigneur a
<■. prise poiu' la sauver (littéralement, l'éconowie
<i du salut de l'humariiU'- prise) (J). » Cetîe
unique volonté, c'est i'nnique volonté humaine
d'accord avec la volonté divine, l'unique opéra-
tion déivirile dans le sens du concile de Latran.
S'il continue en visant saint JMatlhieu x.wi, M9et
saint Luc x.\ii, 42, et cii di.-ant : « Ceci a été écrit
« à cause de nous, pour nous montrer l'uKemple,
(' alin que nous marchions sur ses traces; il ins-
« trnit ses disciples comme un bon maître, afin
<( que chacun de nous préfère en tout non sa
u volonté, mais celle du Seigneur ; » personne,
n'a le droit d'en conclure que, dans la pensée
d'Honorius, Jésus-Christ disait ces paroles seu-
lement pour l'apparence, et qu'il n'a pas réelle-
ment soumis sa volonté humaine à Dieu.
{A suine.) Dr IltniNGER.
Législation
LOI SUR La LIBERTÉ CE L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR Ci
TITRE rUEMlER
Des cours et des élablissements libres d'enseigne-
ment supérieur.
Article 1". — L'enseisiiement supérieur est
libre.
Art. 2.
Tout Fram^ais âgé de vingt-cinq
1. Tr,ç o!xovo;j.!a; -ri; d.OpundTriTo; tt); rpoaXrifOsîariS.
Mansi, XI. p. 539. La o'xûvojx'a, le mystère de liacinia-
tion, se dit chez les Pères par opposition à laOtoXu-jlx,
!e ni3'stère de la sainte Trinité. Cf. Mansi, 1. c. p. 756.
Cette simple observation a suffi pour faire justice d'une
interprétation étrange de Dœilinger [Papsifubtln, p. 132) :
Selon lui. Honorins aurait expliqué les passages décisifs
de l'Ecriture dans le sens dune simple ecotiomif, oa
Binière de dire employée par Jésus-Cbrist, c'e»t-ii-dir«
dans le sens d'une accommodation qui n est pas i> prendra
dans le sens propre, et au moyen de laquelle .lésus-Clirist
aurait voulu nous avertir, de soumettre notre volonté k
celle de Dieu. Cette interprétation a de quoi surprendr»
chez un tliéuloirien.tel que lJœllinf;er, on la comprendrait
venant de quelqu'un qui n'aurait jamais ouvert les Pères
de l'Eglise.
2. Nous commenoerons it donner, dans notre prochain
numéro, ni. résumé complet de tous les débats qui ont eu
lieu il ciuicune des trois Iccturts de la présente loi. Kli«
est publiée car le Journal ojjiciel du 'iO juillet 1876,
LASSMAINBDD CLERGÉ
«3
ans, n'ayant encouru aucune des incnpncités
prévues par l'article 8 de la présente loi ; les
associations formées légalement dans un dessein
d'enseifjnement supérieur, pourront ouvrir li-
brement des cours et des établissements d'cn-
seiL'iiement supérieur aux seules conditions
prescrites par les articles suivants.
Toutefois, pour l'enseignement de la méde-
cine et de la pharmacie, il faudra justifier, en
oulKr, des conditions requises pour l'exercice
des professions de médecin on de pharmacien.
Les cours isolés dont la publicité ne sera pas
restreinte" aux auditeurs régulièrement iuscrits
restiTont soumis aux prescriptions des lois sur
les réunions pubUipies.
Un règlement d'adminisfrafion pnbliixiie dé-
terminera les formes et les délais des inscriptions
exigées par le paragraphe précédent.
Art. 3. — L'ouverture de chaque cours devra
être précédée d'une déclaralion signée par l'au-
teur de ce cours.
(;ette déclaration indiquera les noms, qualités
«t domicile du déclarant, le local ofi seront faits
les cours, et l'objet ou les divers objets de l'en-
seignement qui y sera donné.
Elle sera remise au recteur dans les départe-
ments où est éiabli le chef-lieu de l'académie,
et à l'inspecteur d'académie d:ins les autres dé-
partements. 11 en sera donné immédiatement
récépissé.
L'ouverture du cours ne pourra avoir lieu
ijue dix jours francs après la délivrance du ré-
cépissé.
Tonte modification aux points qui auront
fait l'objet de la déclaration primitive devra
être portée à la connaissance des autorités dé-
signt'i's dans le paragraphe précédent. Il ne
pourra être donné suite aux modiUcations pro-
jetées que cinq jours après la délivrance du
récéiii-sé.
Art. 4. — Les établissements libres d'ensei-
gnement supérii'ur devront être administrés par
trois personnes au moins.
La déclaration prescrite par l'article 3 de la
présente loi devra être .Mgnée par les adminis-
trateurs ci-dessus désigner; elle indiqnerti Uiirs
noms, qualités et domicues, ie siège et les
statuts de rélablissoment, ainsi que les autres
énouciations mentionnées dans ledit article 3.
En cas de décès ou de retraite de l'un des
administrateurs, il devra être procédé à son
remplacement dans le délai de six mois.
Avis en sera donné au recteur ou à l'inspecteur
d'académie.
La liste des professeurs et le programme des
cours seront communiqués chaque année aux
autorités désignées dans le paragraphe précé-
dent.
Indépeadamment des cours proprement dits,
il pourra être fait dans les-lifs établissements des
conférences spéciales sans qu'il soit besoin d'au-
torisation préalable.
Les autres formalités prescrites par l'art. 3
de la présente loi sont applicables à l'ouverture
et à l'administration des établissements libres.
Art. S. — Les établissements d'enseignement
sup(M-ieur, ouverts conformémiuit à l'article
précédent et comprenant au moins le même
nombre de professeurs pourvus du grade de
docteur que les facultés de l'Etat qui comptent
le moins de chaires, pourront prendre le non:
de faculté libre des lettres, des sciences, de
droit, de médecine, etc., f'ds appartiennent à
des particuliers ou à de* assoei .tions.
Uuand ils réuniront xrois facultés, ils pour-
ront prendre le nom d'université libre.
Art. 6. — Pour les facultés des lettres, des
sciences et de droit, la déclaration ?ignée par
les administrateurs devra porter que lesdites
facilités ont des salles de cours, de conférences
et de travail suffisantes pour cent étudiants au
moins, et une bibliothèque spéciale.
Pour une faculté des sciences, il devra être
établi, en outre, qu'elle possède des labora-
toires de physique et de chimie, des cabinets
de physique et d'histoire naturelle en rapport
avec les besoins de renseiguemciil supérieur.
S'il s'agit d'une faculté de médecine, d'une
faculté mixte de médecine et de plianuarie, ou
d'une école de médecine ou de pharmacie, la
déclnration, signée par les administrateurs, de-
vra établir :
Qui^ ladite facilité on école dispose, dans nn
hôpital fondé pir elle ou mis à sa disposition
par l'assistance publique, de 120 lits au moins
habitnellemenl oecul'és par les trois enseigne-
meutschniquesprincipaxix: méilical, chirurgical,
obsli'lrical;
Qu'elle est pourvue ; !• de salles de dissection
muuicsde tout ce qui est néoe.ssaire ans e.^erci-
crs aualomiques des élèves; 2° des laboratoires
ni! -l'ssairesaux études de chimie, de physique et
du physiologie; 3" de coll(>c(ions d'étude pour
l'anatômie normale et pathologique, d'un cabi-
net A", physique, d'une collcclinn de matière
médicale, d'une collection d'instruments et ap-
pareils de chirurgie ;
Qu'elle met à la disposition des élèves un jar-
din de plantes médicinales et une bibliothèque
Spi'ciale.
S'il s'agit d'une école spéciale de pharmacie,
les administrateurs de ces établissements devront
déclarer qu'ils possèdent des laboratoires de phy-
si.iue, de chimie, de pharmacie et d'histoire natu-
relle, les collections nécessaires à l'enseignement
de la pharmacie, un jardin de plantes médiei-
calcset nue bibliothèque spéciale.
Art. 7. — I.es cours ou établissemeiib libres
}285
LA SEMAINE DU CLERGE
â'eDsuignement supérieur seront toujours ou-
verts et accessibles aux délégués du miuistre de
l'Instruction publique.
La surveillance ne pourra porter sur 1 ensei-
gnement que pour vériiier s'il n'est pas contraire
à la morale, à la Constitution et aux lois.
j\rt. 8 — Sont incapables d'ouvrir un cours
et de remplir les iouclions d'administrateur ou
de oroCesseur dans un établissement libre d'en-
seignement supérieur :
1° Les individus qui ne jouissent pas de leurs
droits civils ;
2° Ceui , 'i ont subi une condamnation pour
crime, ou pour uu délit contraire à la probité ou
aux mœurs ;
3° Ceux qui, paï smtè de jugement, se trou-
veront privés de tout ou partie des droits civils,
civique et de famille indiqués dans les n°' 1,
2, 3", 5, G, 7, et 8 de larlicle 42 du Code
pénal ;
4° Ceux contre lesquels l'incapacité aura été
prononcée eu vertu de l'article 16 de la pré-
sente loi.
Art. 9. — Les étrangers pourront être auto-
risés à ouvrir des cours ou à diriger des établis-
sements libres d'enseignement supérieur dans
les conditions prescrites par l'article 78 de la loi
du 55 mars IS-^O.
TITRE II.
Des associations formées dans un dessein d'enseignement
supérieur.
Art. 10. — L'article 291 du Code pénal n'est
pas applicable aux associations formées pour
créer et entretenir des cours ou établissements
d'enseignement supérieur dans les conditions
déterminées par la présente loi.
Il devra être fait une déclaration indiquant
les noms, iirofessions et domiciles des fonda-
teurs et adiuinisLraleurs desdites associations,
le lieu de leurs réunions et les statuts qui doivent
les régir.
Cette déclaration devra être faite, savoir :
1° Au recteur ou à l'inspecteur d'académie,
qui lu transmettra au recteur; 2* dans le dé-
partement (le la Seine, au préfet de police, et,
dans les autres départements, au préfet; 3° au
procureur géni'ral de la Cour du ressort, en
son parquet, ou au parquet du procureur de la
République.
La liste complète des associés, avec indica-
tioa de leur Jomicilc, devra se trouver au
siège de l'association et être communiquée au
parquet à toute réquisition du procureur gé-
néral.
Art. i\. — Les établissements d'enseignement
supérieur fondés, ou les associations fui mées en
vertu de la présente lui, pourront, sur leur
demande, être déclarés établissemeuts d'utilité
;jublique, dans les formes voulues par la loi^
après avis du conseil supérieur de l'instruction
publique.
Une fois reconnus, ils pourront acquérir et
contracter à titre onéreux ; ils pourront égale-
ment recevoir des dons et des legs dans les con-
ditions prévues par la loi.
La déclaration d'utilité publique ne pourra
être révoquée que par une loi.
Art. 12. — Eu cas d'extinction d'un établisse-
ment d'enseignement supérieur reconnu, soit
par l'expiration de la société, soit par la révo-
cation de la décliration d'utilité publique, les
biens acquis par donation entre-vifs et par
disposition à cause de mort, feront retour aux
donateurs et aux successeurs des donateurs et
testateurs, dans l'ordre ré^lé par la loi, et, à
défaut de successeurs, à l'Etat.
Les biens acquis à titre onéreux feront égale-
ment retour à l'Etat, si lesstatuts ne contiennent
à cet égard aucune disposition.
11 sera fait emploi de ces biens pour les
besoins de l'enseignement supérieur par décrets
rendus en Conseil d'Etat, après avis du conseil
supérieur de l'instruction publique.
TITRE m.
De la collalion des grades.
Art. 13. — Les élèves des facultés libres pour-
ront se présenter, pour l'obtention des grades,,
devant les facultés de l'Etat, en justifiant qu'ils
ont pris, dans la faculté dont ils ont suivi les
cours, le nombre d'inscriptions voulu par les
règlements. Les élèves des universités libres
pourront se présenter, s'ils le préfèrent, devant
un jury spécial formé dans les conditions déter-
minées par l'article 14.
Toutefois, le candidat ajourné devant une
faculté de lEt-it ne pourra se présenter ensuite
devant le jury sfiécial, et réciproquement, sans
en avoir obtenu l'autori-atiun du ministre de
l'instruction publique. L'inf-aclion à celte dis-
position entraînerait la nullité du diplôme ou
du certificat obtenu.
Le baccalauréat es lettriv, et le baccalauréat
es scien.'.es resteront exclusivement conférés par
les facultés de l'Elat.
Art. 14. — Le 'ury spécial sera formé de pro-
fesseurs ou agi igés des facultés de l'Etat et de
professeurs des universités libres, pourvus du
dipWme de docteur. Ils seront désignés, pour
chaque session, par le ministre de l'intruction
publique, et, si le nombre des meiLbres de la
commission d'i.'xamen est pair, ils seront pris
eu nombre égal dans les tacuUés de l'Etat et
dans l'universil- libre k laquelle appartien-
dront les candidats à examiner. Dans le cas
où le nombre est impair, la majorité sera du côté
des membres de renseignement public.
LA. SEMAINE DU CLERGÉ
1287
La présidence, pour cliaque cij;iiiiiis'--'n'^.
apparlieudra à un membre de l'enseignemunt
public.
Le lieu et les époques de sessions d'examen
seront fixés chaque année par un arrêté du
ministre, après avis du conseil supérieur de
l'iustruciiou pul)liqne.
Art. 15. - Les élèves des universités librfj
seront soumis aux mêmes règles que ceux dès
facultés de l'Etat, notamment en ce qui con-
cerne les conditions préalables d'âge, degiades,
d'inscriptions, de stage ians les hôpitaux, le
11 uubre de-i épreuves à subir devant le jury
spécial pour l'obienlion de chaque grade, les
délais obligatoires entre chaque grade et les
droits à percevoir.
Un règlement délibéré en conseil supérieur
de l'instruction pub'ique déterminera les condi-
tions auxquelles un étudiant pourra passer d'une
faculté daus uae autre.
TITRE IV.
Des pénalités.
Art. 16. — Toute infraction aux articles 3,
4, 5, 6, 8 et 10 de la présente loi sera punie
d'une amende qui ne pourra excéder mille
francs (i,()00 francs).
Sont passibles de cette peine :
1° L'auteur du cours dans le cas prévu par
l'article 3;
2° Les administrateurs, ou, à iléfaut d'admi-
nistrateurs régulièrement constitués, les orga-
nisateurs dans les cas prévus par les articles -i,
(Jet 10;
3° Tout professeur qui aura enseigné malgré
la di'feiisc de l'art. 8.
Art. 17. — En cas d'infraction aux prescrip-
tions des articles 3, 4, S, 6 ou 10, les Irihunaux
pourront prononcer la suppression du cours ou
de l'établissement pour un temps qui ne devra
pas excéder trois mois.
En cas d'infraction aux dispositions de l'ar-
ticle 8, ils prononceront la firraeture du cours
et pourront prononcer celle de l'établissement.
_ 11 en serade même l'orsqu'unc seconde infrac-
tion aux prescriptions des articles 3, 4, 5, 6 ou
^0 sera commise dans le courant de l'année qui
suivra la première condamnation. Dans ce cas,
le délinipiant pourra être frappé pour un temps
n'excédant pas cinq ans de l'incapacité édictée
par l'art. 8.
Art. 18- — Tout jugement pronon(;ant la
suspension ou la fermeture d'un cours sera
exécutoire par provision, nonobstant appel ou
opposition.
Art. 19. — Tiiut refus de se soumettre à la
surveillanci-, telle qu'elle est prescrite par l'ar-
ticle 7, sera puni d'une amende de mille à trois
mille Iitancs 1 1,000 à 3,000 francs), et, en cas
de récidive, de trois mille à six mille fr.' -,
(3,000à 6,000 francs).
Si la récidive a lieu dans le courant de l'année
qui suit la première con lamnation, le jugement
pourra ordonner la fermeture du cours ou de
l'établissement.
Tous les administrateurs de l'établissement
reront civilement et solidairement responsables
du payement des amendes prononcées contre
l'un ou plusieurs d'entre eux.
Art. 20. — Lorsque les déclarations faites con-
formément aux articles 3 et 4 indiqueront comme
professeur une personne frappée d'incapacité ou
contiendront la mention d'un sujet contraire à
l'ordre public ou à la morale publique et reli-
gieuse, le procureur de la Ilépublique pourra
former opposition dans les dix jours.
L'oppo>ilion s Ta notifiée à la personne qui
aura fait la déclaration.
La demande en main-levée pourra être formée
devant le tribunal civil, soit par déclaration
écrite au bas de la notification, soit par acte
séparé, adressé au procureur de la République.
Elle sera portée à la plus prochaine audience.
Eu cas de pourvoi en cassation, le recours sera
formé dans la quinzaine de la notification de
l'anèl, par déclaration au greUe de la Cour ; il
sera notifié dans la huitaine, soit à la partie, soit
au procureur général, suivant le cas, le tout à
peine de déchéance.
Le recours formé par le procureur général sera
suspensif.
L'affaire sera portée directement devant la
chambre civile de la Cour de Cassation.
Le cours ne pourra être ouvert avant la main-
levée de l'opposition, à peine d'une amende de
seize francs à ciiui cents francs (10 francs à 300
francs), laquelle pourra être portée au double eu
cas de récidive dans l'année qui suivra la pre-
mière condamnation.
Si le cours est ouvert daus un établissement,
les administrateurs seront civilement et solidai-
rement responsables des aiaendes prononcées
en vertu du présent article.
Art. 21 . — En cas de condamnation pour délit
commis dans un cours, les tribunaux pourront
prononcer la fermeture du cours.
La poursuite entraînera la suspi-nsion provi-
soire du cours; l'aflaire sera portée à la plus
prochaine audience.
Art. 22. — Indépendamment des pénalités
ci-dessus édict- es, tout professeur pourra, sur la
plainte du préfet ou du recteur, être traduit
devant le conseil départemental de l'instruction
publique pour cause d'inconduite notoire, ou
lorsque son enseignemt«it sera contraire à la
morale et aux lois, ou pour desordre grave occa-
sionné outoliTé par lui dans sou cours. U pourra,
à raisou de ces faits, être soumis à la léprimaude
i26it
LA SEMAINE DL CLERGÉ
avec ou sans publicité ; l'enseignement pourra
même lui être interdit à temps ou à toujours,
£aD8 préjudice des peines encourues pour crimes
ou délits.
Le conseil départemental devra être convoque
dans les huit jours à partir de la plainte.
Appel de la décision rendue pourra toujours
être porté devant le conseil supérieur dans les
quinze jours à partir de la nolilicalioa de cette
décision.
L'appel ne sera pas suspensif.
.Art. 23 — L'article -i63 du Code pénal pourra
être appliqué aux iulractions prévues par la
présente loi.
BISFOSITION TRiNSÎTOIKE
Art. 24. — Le Gouvernement présentera, dans
le délai d'un an. un projet de loi ayant pour
objet d'introduire dans l'enseignement supé-
rieur de l'Etat les amélioration reconnues néces-
saires.
Art. 23. — Sont abrogés les lois et décrets
antérieurs en ce qu'ils ont de contraire à la pré-
sente loi.
Délibéré en séances publiques à Versailles, les
5 décembre ^874, 17 juin et 12 juillet iS75.
Lee Erreurs modemea
LA DÉMOCRATIE ET LE CATHOLlClSia E
(4« aiiicle.)
L'influence de l'Eglise catholique, nous l'avons
vu dans notre dernier article, a été favoraide
dans toute l'Europe à l'établisfement de irou-
vernements tempérés. (>e n'est qu'au xvi° siècle
que ic pouvoir absolu à commencé à prendre son
essor et à dominer. Or, vi-ut-on en connaître la
cause principale. Je n'hésite pas à le dire : c'est
le pri test;intisme ; l'Iiistoire et la raison le pro-
clsment hautement. « Le plus grand accroisse-
ment du pouvoir royal en Europe, dit Balincs,
date précisément de réioquodu protestanti-nn'.
En Anglelerre, à pnrlir d>' Henri VIII, ce qui
prévalut ne fut pas même la monarchie; ce fut
un despotisme cruel dont Ips excès ne peuvent
être déguisés par un vain simulacre de formes
représentatives. En France, après la guerre dea
huguenots, le p^'Uvoirroyal se trouva plus absolu
qne jamais. En Suède, Gustave monte sur le
troue, et, de cet instant , les rois exercent un
pouvoir presque illimité. En bammark, la
monarchie se perpétue et se fortifie. En Alle-
magne, on voit se former le royaume de Prusse,
et prévaloir généralement les formes absolues.
Eu Autriche, l'empire de Charles-Quint garde
V>ii(«sa puissance, toute sa splendeur. En Italie,
les petites répiibliqueî disparaissent, et les peu-
ples, sous un titre quelconque, se rangent sous la
douiination des princes. En Espagne, enfin, les
antiques Cortès de Caslille , d'Aragnon , ds
Valence et de Calologue tombent en désué-
tu>le(l). »
Voilà le fait dans sa réalité : le pouvoir absolu
est contemporain en Europe du protestantisme.
El j'ajoute que ce dernier en a été la cause prin-
cipale. La raison en est extrêmement simple.
Le protestantisme a produit la révolte, et celle-ci
a produit le pouvoir absolu : l'action engendre
la réaction. A la voix du moine apostat, une
formidable explosion révolutionnaire eut lieu
en Europe. Les princes, sentant leur trône
ébranlé, se sontarmcsde puissance ; et les peu-
ples, voyant l'ordre social compromis, se sont
réfugiés d'instinct sous l'égide du pouvoir absolu.
Et cela est dans la nature même des cho.<'?s; la
révolution produit l'anarchie qui dure plus
ou moins longtemps, et de celle-ci d-ûr natu-
rellement le pouvoir absolu ; car enfin les na-
tions veulent vivre, et elles ne sortent guère des
révolutions que par l'action d'un pouvoir fort.
Js ne ilis pas que l'on n'ait pas quelquefois,
devant telle et telle nation, dépassé le but. Mais
le moyen de ne jamais franchir les limites vou-
lues ! L'humanité ne comporte pas cette per-
fection.
.Ainsi donc, de même que l'Eglise, comme
nous l'avons vu, ne favorise point par ses doc-
trines le [louvoir absolu, de même sa conduite
ne le favorise pas davan'age ; au contraire, son
action, son influence, l'histoire l'aiteste, est
bi u plutôt favorable à la monarchie tempérée.
li y un troisième moyen de connaître la [len-
s :'e de l'Eglise catholiipiesurcelte question, c'est
('•; consulte.'' ses docteurs, ses théologiens les
plus aul irises. Ils n'ont pas, sans doute, l'autorité
u ■ FEglise elb-mème, détinissant par la bouche
(les 'fapi'S cl des conciles sa propre doctrine ; et
cela n'est nullement nécessaire relativement à la
q ii^stion qui nous occupe, puisque nous savons
<.U\k qu'il n'y a point, à cet égard, de doctrine
« ijjiûie. Mais l'autorité des *héologiens ne nous
c-t p:;s raoîrv; utile, car leur doctrine est tacite-
u.ciit apiirouvca par l'Eglise. Or, les plus accré-
dités et les [dus autorisés enseignent qoe la
nKîi Heure forme du gouvernement est le gon-
vern''ment tempéré par des institutions modé-
ralricas du pouvoir.
Ecoulons d'abord leur chef et leur maître,
s:iint 'FlioraM (l'Aquin. a La meilleure organi-
.•■^ition d'une cité ou d'une nation, dit-il, est
celle où un seul a l'autoiité principale et régna
sur tous ; et sous lui sont des chefs infTieurs,
' t, de cctt'j manière le gouvernement appartient
en ce sens qne tous peuvent
I
;i tout le monde
t. Bll:u. Le rioUil amp.
aucatM., t. III. c)i. LVit.
I
1
LA SEMAINE DU CLERGE
1^89
èlre élus rhe(>, et que fous peuvent élire. Tout
gouvernement bien constitué est donc un mé-
lange de riiyaulé, puisqu'un seul règne, d'aris-
tocratie, puis(iue les grands participent à l'au-
torité, et de démocratie ou de la puissance du
peuple, puisque c'est dans son sein qu'on prend
les chefs et que Ifur élection lui appartient (1).»
Les autres théologiens orjl presque tous suivi
leur chef. (Citons-en deux dont l'autorité est le
plus f^énéralernciit acceptée. « La monarchie,
ditSuarez, existe rarement pur-e. Et, en eQet, la
Iragililé, l'ignorance et la malice humaines étant
ce qu'elles sont, il est d'ordinaire expédient de
modifier cette forme en y mêlant quelque chose
du gouvernement non motarchique confié à
plusieurs, à un nombre plus ou moins grand
eeloD les diverses coutumes et appréciations des
hommes : tout dépend en cela, ajoute-t-il, de la
raison et de la volontés humairres (2).» Le cardi-
nal Bellarmin parle comme Suarez. « Suivant,
dit-il, les traces de saint Thomas et des autres
théologiens catholiques, pnnui les trois formes
simples de gouvernemerrt (la monarchie, l'ai-is-
tocralie et la démocr-atie), nous donnons la pré-
férence à la monarchie; mais, attendu la corrup-
tion de la nature humaine, nous admettons que,
dans l'état présent de choses, e. le est plus utile
à l'homme si elle est tempiuce par l'aristocra-
tie et la démocratie, que si elle est pure (3).
Ainsi, les Iniis théologiens les plus autorisés
sont partisans des gouvernements tempérés, et
non de la monarclde absolue. Tout les autres,
du reste, à part quelques rares exceptions, sont
du même avis Mais il est manifeste que 1 Eglise
ne laisserait pas ainsi enseigner à tous ses doc-
teurs dans toutes ses écoles une doctrine à
laquelle elle ne serait pas favorable.
Nous avons enfin comme un quatrième moyen
de connaître sur le point qui nous occupe la
pensée de l'Eglise, Il est daus la nature même
des choses qu'une nation, une société, qui a telle
forme de gouvernement, l'aime considérée en
elle-même, et ait pour elle de la sympathie : on
aime ce que l'on est. Quel est doue le gouver-
nement de l'Eglise? Quelle est la forme que
Jésus-Christ lur a donuée? L'Eglise, nous allons
le voir, est une monarchie tempérée, et cela par
sa nature même, par sa constitution divine.
Qu'elle soit une monarchie, c'est un fait et
une vérité de foi catholique. Son divin fonda-
teur a placé saint Pierre à sa tête et lui adonné
l'autorité monarchique, comme l'Evangile nous
l'apprend (4). L'Eglise tout entière, latine et
grecque, assemblée à Florence, a défini cette
Térilé (5). Elle est, de plus, un fait visible à
1. s. Tliom. Summa iheot. 1 1. q. 105, a. 1.
2 Suarez, Dt Ugib. 1. III, c.IV.
3. Belluriu. Conlrov Ul gentralia, I. I, c. I.
4. Matth. XVI, 18-19 — Joan. xxi, Iô-lC-17.
X S^uod. Uoient. Sess rr.
tous les yeux : depuis dix-huit siècles le Pape
gouverne comme monarque l'Eglise catholique.
Mais est-elle une monarchie tempérée ? Tout
le monde sait qu'elle est gouvernée par le Sou-
verain Pontife et par les évoques. Si Jésus-
Christ n'avait institué que le souverain ponti-
ficat et non l'épiscopat, et que ce fat le Pape
lui-même qui l'eût établi, les évèques ne seraient
alors que ses vicaires et ses lieutenants, l'auto-
rité éi)i3copale n'entrerait point dans la consti-
tution même de l'Eglise, et elle pourrait êti-e
supprimée ; les évèques ne seraient point, de
par la constitution divine de l'Eglise, des légis-
lateurs et des gouverneurs du royaume de
Jésus-Christ ; l'autor^'é pontificale seule apjiar-
tiendrait à cette constitution divine, elle serait
seule constitutive et seule divine: dans ce cas,
il est évident que la monarchie dans l'Eglise ne
serait point et ne pourrait èlre appelée tempé-
rée, puisque l'autorité du monarque y existerait
seule. Mars on sait que c'est le contraire qui est
la vérité. Jésus-Christ a fondé l'épiscopat,
comme il a fondé le pontificat suprême, l'un et
l'autre sont divins, 1 un et l'autr'e sont consti-
tutifs dans l'Eglise. Ces deux vérités sont aussi
certaines l'une que l'autre, et elles sout toutes
les deux de loi catholique. Or, cela posé, la
mouarchie dans l'Eglise est par là même et doit
èlre dite tcmpéi'ée, et nous allons entendre tout
à l'heure le cardinal Delarmiu nous dii'e que
c'est là le seutiment de tous les docteurs catho-
liques. C'est là, du reste, une vérité facile à
démontrer.
Un gorrvernement monarchique est tempéré
lorsqu'il n'est pas une monarchie pure et sim-
jde, mais mélangé, au contraire, d'aristocratie
et de démocratie. Or, il en est ainsi du gouver-
nement de l'Eglise. Elle est, sans aucun doute,
une monarchie; mais elle est une monarchie
tempérée d'abord par l'aristocratie. En etlVt,
les évêi]ues sont, de droit divin, sous l'autorité
du Souverain Pontife, les princes de I Eglise,
les chefs des dilïérentes parties ou diocèses qui
la composent. Us sont donc une véritable aris-
tocratie ; non pas seulement de nom, mais en
réalité et efficacement; ils gouvernent l'Eglise
avec le Pape et sous son autorité ; et cela de
droit divin et en vertu de la constitution mèmL'e
donnée à l'Eglise par son di\iu fondateur. Le
gouvernement de cette Eglise e^t donc une
mouai'chie mélangée d'aristoci-atie. En second
lieu, la démocratie elle-même y a sa jiart, non
pas assurément en ce sens que le peuple gou-
verne, mais en ce sens que les plus h:iuts em-
plois, les dignités les plus considéraides ne
sont pas du tout réservés, c«rame cela avait
lieu dans certains gouvernements aristocra-
tiques, à une classe spéciale de personnes, mais
sout au contraire accessibles à tou£, de teila
1290
LA SEMAINE DU CLERGE
çftite que le dernier des entants du peuple cliiC-
lien peut être appelé, non-seulement à \'é[>ii-
copat, mais au souverain pontificat.
Il est donc parfaitement certain que l'Eglise
est une monarchie, mais tempérée d'aristocra-
tie et de démocratie.
Le pouvoir législatif, la puissance de faire
des lois est dans toute espèce de gouvernement
une partie principale. Y participer, c'est donc
avoir part à la partie la pius haute de l'auto-
rité. Or, dans l'Eglise catholique, les évêques
y participent de deux manières. Chacun d'eux
peut d'abord faire certaines lois pour son dio-
cèse. En second lieu, les évêques réunis en
concile général sous l'autoiilé du Suuverain
Pontife peuvent faire des luis qui regardent et
obligent l'Eglise tout entière. Ils sont donc
réellement législateurs. Ils ne sont pas seule-
ment des conseillers du Pape, comme sont,
par exemple en France, les conseillers d'Etat,
mais ils sont de véritables législateurs. Ils par-
ticipent même à un pouvoir encore plus haut :
ils sont juges de la loi. Le Souverain Pontife
est sans doute le juge principal, mais les
évèqui s sont juges au^si et ils déliuisseut avec
lui la vérité catholique. L'autorité ecclésias-
tiqni-, dans ses deux parties les plus hautes, ne
réside donc pas dans le monarque seul ; elle est
partagée, et cela en vertu même de la consti-
tution divine de l'Eglise, par les évêques. La
monarchie dans l'Eglise est donc tempéiée par
l'iusliiutiun divine de l'épiscupat.
Enfin, tout le monde sait que, de même que
les évêques ont dans l'Eglise le pouvoir légis-
latif, ils ont aussi le pouvoir de gouverner. Le
Souverain Poutife est le chef supiéme, le mo-
narque de l'Eglise, il en a le gouvernement
général; mais sous son autoritu les évêques
gouvernent chaque partie, chaque diocèse. Et
ils ne sont pas simplement, diions-nous avec
Bellarmin, des vicaires du Pa;:e, de simples
envoyés, mais de vrais princes, de vrais gou-
verneurs, veri principes et pastoi-es, non vkarii
poiilifiçis maximi. L'e[iiscopat a élé, eu eflèl, ins-
titué par Jésus-Christ pour gouverner l'Eglise,
sous l'autorité du Souverain Pontife.
Je viens de prononcer le nom du cardinal
Bellarmin. 11 est un des théologiens qui ont le
mieux étudié la question de l'Eglise. Or, il
enseigne que son gouvernement est une mo-
narchie tempérée. 11 commence par poser ce
principe qui ouvre son traité De Suimuo l'onti-
fice: « Personne ne doute, dit-il, que notre
Sauveur Jésus-Christ n'ait pu et n'ait voulu
donner à son Eglise la meilleure forme de
Êouvernement et la plus avantageuse» (1).
l le meilleur gouvernement, d'après lui, est
la monarchie tempérée. «Tous les docteurs
1, Bellarm. Controv. III gentr., 1. I, c. I.
catlioliqucs, dit-il, conviennent que le gou-
vernement de l'Eglise, conPié pir IHeu aux
hommes, est, il est vrai, une monarchie, maii
comme nous l'avons dit plus haut, une monar-
chie tem^iérée d'arislocr«tie et de démocr.ilie :
Doclores catholici in hoc C'iiveiii'int omnes ut re-
giincm ecclesidsticam, hi-minibus a Deo commis-
sum, illwl quidem monarcldcum, sed lemperatum,
ut supra diximus, ex wiUocratia et democra-
tia {{).»
C'est donc un fait et une vérité certaine, le
gouverneinent de l'Eglise est, par sa constiiu-
lion divine elle-même, un gouvernement tem-
péré. Mais à qui fera-t-on croire qu'un gou-
vernement tempéré n'aime pas ceux qui le
sont, et qu'il n'ait de sympathie que pour
Ceux qui ne le sont pas? La vérité est, comme
nous l'avons vu, premièrement, que l'Eglise
laisse ses enfants parfaitement libres d'ad-
mettre ce qu'ils veulent relativement aux dif-
férentes formes de gouvernements ; seconde-
ment, (ju'elle n'en a condamné qu'une seule,
la tyrannie; troisièmement, qu'elle entretient
en fait, avec tous, les meilleurs rapports qu'elle
peut, et que, euliu, elle est, par sa nature et
par renseignement de ses docteurs, plutôt fa-
vorable aux gouvernements tempérés.
(A suivre.) L'abbé Desorges.
Biogra pbie
DOM GUÉRANGER
ABBÉ DE SOLES.MES.
{Sliile.)
La Papauté venait donc de rétablir, en France,
l'ordre de Saint-Benoit et de confier, à un
homme de sa droite, l'œuvre ressuscilée. L'éhi
de Dieu et du Saint Siège n'avait que trente-
deux an-. A quels desseins rece\ait-il sa mis-
sion et saurait-il y faire honneur?
Nous savons ciéj i ce qu'il fut comme restau-
rateur d'ordre, comme moine et comme abbé ,
il faut voir maintenant ce <)u'il lut comme
thaumaturge de notre siècle.
A la fin du dix-huitiême siècle, une tempête
furieuse s'était ruée sur la Fiance. Li vieille
monarchie de Clovis et de Churlemagne avait
été abattue dans le sang et dans les ruines ; les
vieilles églises fondées par saint Martin et saint
Remy avaient été effacées sous les deluis de la
monarchie. La France était mise à sac, livrée
à des scélérats qu'on ne suit comment élever à
la dignité de 1 histoire. Les factions s'extermi-
naient l'une l'autre ; la guillotine ne s'arièlait
un instant que pour laisser voir l'or.ie. Les
horreurs du forum étaient surpassées encore
par raliuminaiiou dans le lieu saint. Un mélaugs
I Bellarm. Ibid. 1, V. c. I.
l
LA SEMAIN": DU CLERGÉ
1291
lion ibie qu'on ne peut appeler ni le «cliisme ni
l'hérésie, souilluil les temple ; les fidèles élaient
perséeulés comme au temps de Dioolétieo.
Inondée de sang et couverte de ruines, notre
nation, qui ne demandait .]n'à ?e relever, n'y
fut j.aïuiis paivcniie, si l'Eglise catholi(jue,
qu'elle venait de persécuter et dépouiller, ne
lui cùl tendu sa main compatissante et mater-
nelle. Le principe de notre salut fut le concor-
dat conclu entre Rome et la France : « Eu
droit, dit (>ncore Mgr l'ie, il fut la reconnais-
sance aulhentique de l'autorité sociale de
l'Eglise et du su[)rêm:; pouvoir monarchique de
son chef; et, à ce point de vue, il démolissait,
par des mains plus ou muiiis conscientes, tout
un passé de maxim s fausses et perricieuses, en
même temps qu'il prc[iarait et nécessitait les
définitions dogmatiques de l'avenir. En fait, il
rétablissait la hiéiaichie légitime et la ci>mmu-
nion officielle avec le iSiége apostolique, il ren-
dait plus de vingt tiiilie iirè'.rcs à leur patrie et
à leur niinislèie, il relevait les autels et rou-
vrait à toutes les âiries lidèlcs les sources de
l'enseignement et de la grâce; il as-urait, dans
la proportion du strict nécessaire, la sustenta-
tion ( t le recrutement du sacerdoce. Au hnde-
main d'une situation dé espérée, c'était beau-
coup ; le temps, le zèle actif it patient de deux
ou Iroi.s généialions sacerdolalcs, la pieuse et
intarissable générosité des familles chrétiennes,
par-dessus tout la providence de Dieu sur la
France, se chargerai 'Ut du reste. (I) »
.Mais autre chose était a'écrire le concordat
sur le 1 archf min, autre (hose était de le tra-
duire en lait publie el triomphal. L'acte ponti-
fical laissait, dans leur tombe histoiique, nos
anciennes égli.-es; il eu rétablissait «le nou-
velles par une décision personnelle du Pape,
par uue résolution radicale et lullemciit abso-
lue qu'elle est sans exemple dans l'histoire.
Manifestemcht, la Provitlence voulait nous
débarrasser de quelques courants fàcluux, de
quelques mélanges funestes, (jui s'étaient intro-
duits dans la suite des âges, notamment depuis
Philiiipe le BlI. Ce dessein rencontrait de ter-
ribles obstacles. L'homme, suscité de Dieu pour
reniire l'Eglise à la France, était l'incarnation
du despotisme ; il n'av;iit concédé, par le con-
cordat, que ce ([u'il n'avait pu retenir ; il avait
notamment refusé les deux éléments ordinaires
de [u-ospeiité cléiicale, la propriété et l'imlé-
peiidance ecclésiastique ; et il était prêt à
roprcn ire, au premier mouvement de colère,
tout ce qu'il u'avail pu lefuser. Mais l'homme
propose el Uieu di--po-e. llélablies [lar cette
même Eglise romaine qui les avait piimilive-
ment fondées, les jeunes églises de Fiance
devaient répudier tout ce qui louvait mainle-
(, Oraison funibre, premier poiut.
nir un nv.agc enlre elles est la mère commune;
11 y avait, pour cela, des coutumes à quitter, des
diflicultés à vaincre, des routines à contredire.
Le moine, qui est le soldat de l'Eglise univer-
selle, le sujet immédiat de l'Eglise romaine,
devait avoir, dans ces nécessaires conquêtes de
la vérité, une part illustre. Dcm Guéranger,
dans la phalanije de jeunes conquérants, devait
recevoir sa mission propre et conr;ourir, par
des efforts aussi intelligenls qu'efficaces, à uue
salutaire restauration.
L'acte qui l'avait aipelé publiquement à la
professiim bénédictine portait ces mots souvent
cités en tête de ses ouvrages : Sacras Pontifiai
juris et IJlurgiœ sacrœ truditiones labescoites am-
fûvere. Ce coup d'œil de Grégoire XVI à travers
les obscurités d^ la Fran< e assignait donc, .i la
jeune congrégation de Solesmes, le devoir de
ranimer les traditions détaillantes de la liturgie
sainte et du droit pontifical. C'était une parole
vraiment romaine ; nous verrons ensuite dom
Guéranger procurer son accomidissemenî.
Au moy<'n âge, l'hiimanilé, rég uérée par la
grâce de Jésus-i;iirist, vivait dans l'Egli-e sous
le gouvernement des Papes, en vue de se sanc-
tifier pour glorifier Dieu. En 1523, un moine
séditieux, frappé d'un anathème pontifical,
brûlait sur la place publique de Wilternberg,
\3l Somme théologique Ac sami Thomas d'Aquin
el le Corps du droit canonique. Le démon avait
bien inspiré ce moine ; il lui avait appris qu'en
troublant les sources de la doctrine et du droit
il mettrait en échec l'œuvre de Jésus-Christ. En
cilrt, partout où il put prévaloir, substituant, au
régime tiaililionuel de l'autorité, le fait révo-
lutionnaire et essentiellement destructif du
libre examen, il jcla le pcuidc dans tous les
désordres des mœurs et de la pensée, puis, pour
sauver au moins les apparences Je l'ordre exté-
rieur, il remplaça I autorité spirituelle de
i'Eulise par le vit bàlon des Césars. Dans les
pays où le prot'staiitisme ne put s'établir, il
agit par ses inlhiences lointaines et par ses
menées seciètes. En France, celle inQuence pro-
testante se produisit sous trois formes: le jan-
sénisme, le gallicanisme et l'absolutisme royal.
Le jansénisme altérait la notion chiétieunede
l'homme baptisé; il en faisait l'instrumenta
peu près passif de la nature el de la grâce méca-
niquement victorieuses par les allernalives de
leur prépondérauce ; sous couvert de rigorisme,
il désolait el corrompait. Le gallicanisme dimi-
nuait l'autorité des Pontifes romains, el faisait
de l'Eglise, suivant ses degiv?. {l'évolution, une
monarchie constitutionnelle ou uue république.
L'absolutisme royal béuidiciait des erreurs du
gallicanisme et du jansénisme en exaltant, outre
mesure, le pouvoir des reds. En ce qui concerne-
spécialemeul la couslilution de l'Eglise, il deta-
i202
Ï.A SEMAINE DU CLERGE
chait les évêities de la papauté pour les a^Bu-
jettir au pouvoir temporel et détérait, aux
évéquee, d'ailleurs asservis, sur les prêtres el
les fldi'lea, un« aulorit' qu'il refusait au Saint-
Siège. L'évèqup élait Pape dans son diocèse et
le roi était, en aftendant le schisme positif, le
premier pape de fait en l'Eglise g-allicane, puis-
qu'il étaitj par corruplion ou iutiaiidation, le
régeut des évèijues.
De cette source empoisonnée, jaillirent une
multitude d'erreurs et un détestable esprit.
Nous perdîmes touie dévotion envers la Chaire
apostolique. Oa ces?a, en Fran^ e, de suivre, je
ne dis pas les coaseils, mais même les lois des
Souverains Pontifes. Cha.|ue évéque s'arrangea
dans son diocèse, de manière à tout régir par
lui-même ou par ses créatures, non pas en
vertu du droit divin des évèques ou du droit
canonique qui ré srlemente l'exercice de ce droit
divin, mais simplement en vertu de l'ariillraire
et de l'absolutisme civil del'épiscopat g^dlican.
L'évè [ue, résidant pour l'ordinaire à la cour,
gouvernait son église-cathédra!e par un vicaire ;
le vicaire distribuait, à d'autres subalternes, les
diverses parties de l'administration diocésaine.
Oq ne célébrait ni synode, ni concile provin-
cial ; il n'y a-vait point de commissions cano-
niques pour les séminaires, point de présenta-
tions canoniques pour la nomination aux
bénéfices, point d'oificialités canoniques pour
procéder aux jugements. On jugeait ex infor-
rmita conscientia, par conscience informée oa
informe, sans entendre les parties ; on admi-
nistrait suivant son esprit propre, à cela près
que ce fût l'arbitrnire de l'aveuglement ou
l'absolutisme de la faiblesse. Les villes épisco-
pales étaient des vilbs de coleries, et tout se
faisait par intrigu'>s. La science n'était plus en
conï-idéralion. Les hommes de mérite se tenaient
à l'écart, les flagorn -urs seuls savaient avan-
cer. L'antichambre élait une institution ecclé-
siastique. Jamais nos églises ne descendirent
plus bas ; jamais il n'y eut, [larmi nous, une
telle corruptioa de principes, corruption qui
devait à la longue amener toutes les autres, et
qui nous a fuit subir les plus misérables
épreuves.
Ce qui arriva pour la liturgie, dépasse toute
croyance. En dépit des bulles pontificales de
saint Pii! V, qui avait, d'autorité souveraine,
tranché cette question, les évèqnes gallicans,
devenus pontifes diocésains, se mirent à fabri-
quer chacun sa liturgie. L'innovation commença
par l'introduction du pro Rcge nostro dans le
canon de la Mos^e, par la raison décisive que le
TiÀ était un grand personnage ecclésiastique.
Malgré le secret que la langue latine impose à
la liturgie, Devoi^in trailuisit le Missel et
Letourneux le BréTiaire. Pavillon, évoque d'Alet,
publia un Rituel janséniste. Après quelques réé-
dtions ad fbrmam concilii Triden(ini\ mais où
l'arbitraire faisait déjà des siennes, l'arche-
vêque de Harlay fit rédi'^er, par une commis-
sion, un Bréviaire parisien, auquel oa reproche,
outre le dejeclns natalium, de pitoynlili;s substi-
tutions de textes scripturaires, la dimiautioa
du culte de la Vierge et des saints et l'alTaihlis-
scment de l'autoriié pontificale. Le Bréviaire de
Cluiiy, réiligé par Claude de Vert, Kabusson et
Letourneux, encourait les mêmes reproches,
était de plus hétérodoxe en dogme et en
morale, se permettait les innovations de Yéleé-
son et du Paracletus, ilonnait enfin les misé-
rables offices de la semaine sainte et des morts.
Son hymnographeSanteuil, si vanté, n'avait ni
la pureté de foi, ni la gravité rie mœur*, ni la
délicatesse d'esthélique, ni même, si l'on en
croit Arevolo, la pureté de style qu'on pourrait
désirer. La décadence élait partout, dans l'ar-
chitecture, la piîinture, la musique, le chant, et
l'on n'a, pour se consoler, que la messe royale
du vieux Dumont.
Dès le commencement du dix-huitième siècle,
la déroute liturgique est i;éaérale. Ledieu, dans
le Missel di- Meaux place des R rouges devant
les amen du canon Petitpied, dans le Missel de
Troyes, apprend qu'il faut prononcer les paroles
de la consécration sub mh'iiori voce. A Asnières,
près Paris, le jansénisme, pour simplifier les
choses tout d'un cou[i, réduit le culte à toute la
pauvreté du protes'anlismo. Poissard et Gran-
colas puldient des projels à priori de bréviaires
édifiants, instructifs et courts surtout ; ces pro-
jets sont mis à exécution par Viger, Mesenguy
et Coffin dans le Bréviaire janséniste et u:allicaa
de Vintimille, archevêque de Paris. Robinet
édite son Breviarium ecclesiasticum adopté an
Rlans, à Cahors et à Carcassonne. Le lazariste
Jacob, à Poitiers, le convulsionnaire Kondet, un
peu partout, sci livrent à des prouesses qu'imi-
tent Lomcnie deBrieune, Montaz^'t et Siéyès. A
la fin du siècle, lesévèques constitutionnels font
table rase, et, pour égayer un peu les églises,
désormais sans culte, l'évêque intrus Grégoire
propose sérieusement l'adoption du tam-tam.
Pourquoi pas le chapeau chinois el le tambour
de basque, les castagnettes et la danse?
Au rétablissement du culte, les nouveaux
évèques adoptèrent les errements des anciens.
Ed ISJO, la France suivait vingt liturgies parti-
culières, sans compter la liturgie "omaine. Ces
liturgies comptaient, parmi leurs auteurs, non
pas des saints, mais des écrivains suspects et
même des hérétiques reconnus ; elle^ avaient été
établies par une violation flagrante des loie
canoniques ; elles avaient pour caractère la con-
tradiction et la variation ; elles n'étaient garan-
ties que par l'autorité faillible de quelques
J
LA SEMAINE DB CLETlGÉ
120»
êycqucs; le Saint-Siège ne faisait que les
tolérer.
De plus, à l'époque du concnrilal, le noQibre
des diocè-es aycinl élé réduit de cent trente à
quatre-vingts, les diocèses nouveaux se trou-
vaient composés fies rognures des anciens.
Chaque iliocèse avait quatre ou cinq liturgies.
A Langres, par exemple, nous avions du rite
langrois, du rile truyen, du rite cliâlonnais, du
rite toulois. D'une paroisse à l'autre, c'était un
autre ordie de prières publiques. Par le fait,
nous étions tombes, eu matière liturgique, dans
la confusion des langues; nous étions revenus à
Babd.
En 18i7, l'évêque de Langres, Mgr Parisis,
en tournée pastorale avec si n viiaire M.Favrel,
proposa de d re le bréviaire en commun. le
vicaire suivait le rile romain, l'évêcjue le riliî
de Versailles : il n'y eut pas moyen de donner
suite i\ la pieuse proposition olu piélat. Fiano
du collier, l'abbé Faviel se hasarda de faire, à
son évêque , quehiues remontranci s re-pc-
tucuses sur cet emploi d'un bréviaire imiiroiiv.;
par le Saint-Siège. L'évèi)iie avait une (iévo-
tion profonile envers la chaire apostolique; il
joignait d'aillcHis à un esiiril très-droit, un sens
divinatoire et le génie des saintes initialiv. s.
Le propos de son vicaire fut, pour lui, le point
de départ de réflexions sur un sujet qu'il ne
connaissait point ; mais tel fut la recliliiile lie
son flair qu'il comprit, comme d'intuition, ;a
nécessité de rétablir le rite romain, l'ar u; o
circulaire d'octobre 1839, il rétablit, en ellVt,
ce rite dans son diocèse Je J.angres : circulaire
qui l'ut le premier monument du mouvement
liturgique, pièce qui, dans sa lirièveté décisive,
étonnera longtemps les lei leurs par la fermeté
d'aperc^us dont elle est la preuve.
Presqu'à l'autre extrémité de la France, Dom
Guéranger, qui travaillait sur les consignes du
Saint-Siège à relever les traditions de la litur-
gie et du droit canonique, se préparait à entrer
en lice. C'est à lui ijue Dieu réservait l'honneur
d'opérer parmi nous une révolution liturgique,
ou mieux un retour à l'ancien droit. Certes nous
n'entendons pas méconnaître le très-grand
mérite de Mgr Parisis ; ce prélat fut, après
Dieu, l'auteur de notre vocation, et s'il y a en
nous quelque mérite, c'est à son souvenir qu'en
revient tout l'honneur. La piété filiale ne sau-
rait, du reste, nous abuser sur les vertus de
notre père en Dieu, car ou jeut, sans exagéra-
tion, lui décerner les pius grandes louanges.
Mais, ici, l'équité historique oblige à lui recon-
naître la pleine gloire de sa résolution. Depuis
cent soixante ans, les évoques frani^ais faisaient
•ans façon des liturgies, ou, ce qui est pis
encore, les faisaient faire ; depuis cent soixante
ans, ils répudiaient l'unaprè.s l'autre la liturgie
de l'Eglise mère et maîtresse sans que personniï
songeât seulement à s'en étonner. L'évêque de
Langres, foulant aux pieds les préjugés de som
temps et de son pays, secoua '•? pi'emier le joug
de cette détestable coutume ; le premier il com-
prit l'importance de la liturgie, ia puissance de
son action intérieure comme prières publiques,
la portée de son aclion extérieure comme ensei-
gnement; le premier, il vit (]ue, morceler cette
force, la diviser à l'inlir.i, la manipuler sansr
relâche, c'était lui enlever la raystéiieuse essence
de sa vertu ; le premier, il reconnut que la
nouveauté et la mnlli[dirité ne valent rien, et
que la puissance de la liturgie, pour le dévelop-
pement de la vie religieu-e des peuples, est ea
rai-on directe de son antiquité et de son unité.
Aujourd'hui, la controvi-rse a rendu ces vérités
vulg:ii;cs; en 1839, elles étaient universelle-
ment iifnon'e-; pour les retronver,pourles expli-
quer, il fallait à un évèque plus que du savoir,
plus que de Tintellig-nce ; il fallait et ce coup
d'œil de l'inlnition (jui l'ait les hommes supé-
rieurs, et cctti' grande lumière de l'amour qui
mr^itre, a- x s-rvileurs de Dieu . les plaie»
cachées à tous les yeux, les remèdes eflicaces
auxquels nul ne songe.
Si grande que soit la gloire de l'évêque, elle
le celle, sur laqui'slion liturgique, à la gloire
de l'abbé. Dom Guéranger a fait, du retour à la
liturgie romaine, son œuvre propre ; il no s'est
pas borm; àen comprenilre le premier, dès 1830,
la haute importance; il en a tracé le programme,
il en a rempli les parties principales, il a soutenu
presque tout seul l'effort de la partie adverse,
et ce qui ne s'est pas effectué [lar ses propres
mains est dû à son influence. Malgré l'oubli où
éta.ient tombés les articles du yttmorkd, il n'a-
vait pas délaissé sa science de prédilection: rien
n'avait pu l'en séparer, ni l'oubli universel où
cette science était tombée, ni les controverses,
ni la liberté d'enseignement qui commentjaient
ù absorber les esprits, ni même l'œuvre dilficile
à laquelle il avait voué sa vie. Pendant que
d'autres construisaient de laborieux systèmes et
demandaient à la philosophie et à la politique,
les secrets de l'avenir, lui, il ressuscitait, sur le
sol labouré par la révolution, l'ordre de Saint-
Benoît , il l'enfermait dans l'enceinte de la
science sacrée, et portait l'efTort de son zèle à
l'endroit des remparts de Sion, où avait prévalu
l'attaque de l'ennemi. Certes, s'il n'eût considéré
que sa jeunesse, la difficulté de ^entreprise,
la nécessité d'affermir d'abord sur ses bases la
maison de Solesmes, il n'eût eu garde dé se
commettre en pareille affaire. S'il eût seule-
ment songé un instant à sa tranquillité et à sa
considération personnelle, eùt-il osé jeter le cri
d'alarme, présenter bravement sa poitrine aux
flèches, parfois empoisonnées, duf léjugé et de
5294
LA SEMAINE DU CLERGÉ
l'envif. nom Guérangcr ]ai?sa de côté tontes
ces considérations: son regard portait [ilus
haut et son cœur était à l'unisson de sa
pensée.
Les Insliliitions liturgiques parurent, le pre-
mier volume en 1840. le secon ', en 1841, le
troisième, en 185 1 . Ue cinq dont devait se com-
poser l'ouvrage , les deux derniers volumes
n'ont pas vu le jour, mais ont été suppléés par
des brochures que feront naître les nécessités
delà défense. Malgré l'éclat de la controverse
dont il a été l'objet et l'immensité de l'œuvre
dont il a été l'instrument, le livre n'a pas eu uq
grand succès de librairie ; il n'est pas parvenu
à la seconde édition, la première s'est à peine
vendue : preuve que parmi tous le- l'aileurs de
liturgie, il y en a pkis d'un qui parle par ouï-
dire. En tout cas, ce défimt de propagation
réelle nous oblige à présenler,de tout l'ouvrage,
une fidèle analyse.
Les Institutions lifurgiguessonl Aôàlées an car-
dinal Lanibruschini, seeiétaire d'Etat du p^pe
Grégoire XVI, ancien membre i1e i'ordre des
Barnabites qui a donné à l'Eglise, entre autres
lilurgistes, Gavanti Gerdil et Foiitana. En pla-
çant son travail sous le patronage du ministre
de Sa Sainteté, l'auteur ju-tifis celte dédicace
par ce fait que son livre raconte « les mysté-
rieuses boaulcs et les harmonies célestes que
l'Esprit-Saint à ré[iandues sur les fi>rmes du
culte divin, tel que l'exerce la sainte Eglise
romainf, mère et maîtresse de toutes les égli-
ses. » Mais peut-être n'est-il pas téméraire de
croire, qu'en prot'v-tant, devant le représentant
du S;;iut-Siège, de la pureté de ses doctrines
liturgiques, il voulait^ on cas de querelles, se
prép.-.rerune couverture. C'était, pour l'adver-
saire, un arte de charité, pour l'auteur une
mesure, hélas ! trop peu inutile de prudence.
La dédicace est suivie d'une préface de vingt-
six pages. Dans cette préface, l'auteur propose
son suji-t et indique sa raison d'iniliati'.e; après
quoi, il annonce V Histoire de la Liturgie et des
Liturgistbs dans fon ensemble. « Lliisloire li-
turgique de l'Eglise, que nous devons conduire
jusqu'au dix-ueuvième siècle, étant termint'e,
dit-il ensuite, nous commencerons à traiter les
matières spéciales. A la suite de notions né-
cessaires sur les livres de la lilurgie, sur le
calendrier, sur le partage du teinps et ses
mystères dans la liturgie, nous passons à l'ex-
plication des traditions, et des symboles con-
tenus tant dans la partie mobile de l'année
ecclésiastique, que dans la partie immobile de
ce cy«le merveilleux.
» Le sacrifice chrétien est ensuite traité avec
tous les détails qui peuvent conlribue-r à bina
faire connaître ce centre divin de toute la Li-
turgie, iNous venons^ après cela, aux traditions
qui concernent les sacrements, cps sept sources
de grâce desquelles émane sa' s cesse le salut
du peuple chrétien. L'ensemble imposant des
sacramentaux attire ensuite notre attention et
ï;ous fournit l'occasion de montrer la réhabili-
tation universelle de l'œuvre de ^ieu parla
vertu de la Croix, d'oti découle b, divin pouvoir
de l'Eglise. Une dernière partie comprend les
actes et fonctions liturgiques qui ne se rangent
pas sous les divisions que nous venons d'in-
diquer.
{A suivre.) Justin Fêvrb,
P:-otonoiîire Apo^toliqu»
CHRONIQUE HEBDOf/iADAIRE
L"< Gardes ii'/ur,neur rlu Sieté-Cœur tU Jésus. — Pie IX,
jTTiiier Garde d'honneur. — L'arme des Gardes
d honneur. — Discours du Pape aux élèves du
collé:^e l'Oonais de Rome.— Bief du Saim-Pere au.x
co;iMés caUioliques de France. — M. Icar'l élu supé-
r.riir de la Congrégation de Saint-Siilpice. —
Biilget des cultes pour 1876. — Eiat officiel des
paries occasionnées par les inomlatioas du midi. —
Le^ -ousoriptious. — Bon exemjile des notares de
Btz ers punr la sanctiDcatioii du diiiinnche. — E.iiise
nationale ilalienne. — Excommunication du !aux
archevêque Panelli. — La ili.fin. — La criiii nalité
en llalie avant et depuis les annexions. — Prisons
et prisonn ers, leur nombre, ce qu'il»! coùlen". —
Procès civils. — Lettre du Pape à l'épi copat sici-
lien. — Les élections municipales italiennes. —
Menées schiîmatiques russes.
4 août IS73.
Rome. — H y a quelques années qu'une jeune
fille de l'aristocratie belge fondait la pieuse
milice connue sous le nom des Gardes d'Iumneur
du Savré-< œur de Jésus. De la Belgique, la
nouvelle association se répandit rapidiiuent
dans les principales contrée» de l'Europe l'X de
l'Amérique. En 18G7, le Saint-Père ayant bien
voulu accepter le tiire de premier garde cl'hon-
neur du Sacré-Cœur de Jésus, la Cou y légation
des Rites, qui jusque-là avait hésité à approu-
ver canoniquement la sainte milice, rendit un
décret par lequel elle en autorisa l'organisation
et la ditfii'^ion.
Or le 21 juillet dernier, la section romaine
des Gardes du Cœur de Jésus a envoyé au Saint-
Père une dèputalion comi)osée des membres les
plus influents de la noblesse et de la bour-
geoisie. Celle députation avait pour mission de
ieire conniiîlre au Saint-Père la seiie de felcs
qu'avaient célébrées les Gardes d'Iionneur du
tœur de Jésus tant pendant la neuvaine (]ue
pendant l'octave de la grande solennité du
16 juin.
Dans sa réponse à leur adresse, Pie IX a
rappelé, comme une de ses plus douces gloires,
le titre d(; premier Garde d honneur du Cœur
de Jésus II a vivement loué l'a-sislance du zèle
ilurt elle a fait preuve pour honorer le divin
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1293
Cœur de Jésus-Christ. « Nous n'avons, a-t-il
dit, ni fusils, ni canons, à la manière des ar-
mées de ce monde ; mais nous avons l'arme de
la prière, et avec elle l'assistance de Celui qui a
dit : Voilà que jo svù avec vous lous les jours
tusqu'à la fin «/"« siècles. Nous n'avons donc pas
à douter de la victoire, (|uels que soient d'ail-
leurs le nombre et la puissance de nos adver-
saires. »
La fin di^ l'année classique a aussi amené au
Vatican, après les jeunes ecclésiastiques alle-
mands dont nous parlions dans notre dernier
numéro, les élèves du collège polonais de
Rome. Les paroles que Pie IX leur a adressées
font soupçonner que l'Eglise est menacée de
quelque coup terrible dans leur malbeureuse
patrie. Nous en diro«- un mot plus loin, à l'ar-
ticle de la Russie. « Mes enfants, leur a-t-il dit,
avec un accent paternel très-ému, je suis con-
tent de vous voir et de pouvoir vous bénir. Nous
devons en ces temps-ci prier beaucoup pour
que le Ciel nous accorde à tous une grande
force d'âme et une patience inaltérable. Vous
•devez vous préparera une dure existence, caries
temps sont durs partout, mais ils sont les plus
durs en Pologne. Priez 1 Priez 1 Adressez-vous,
avant tout, à la très-sainte Vierge, la principale
protectrice du royaume de Pologne, puis à vos
saints patrons, et enfin à tous les saints mar-
tyrs, car la Pologne est la terre des martyrs, et
il vous faut être jirêts à le devenir à votre tour, u
France. — Nous avons parlé en son temps de
l'adresse que les comités catboliques, lors de
leur dernière assemblée générale, ont envoyée
au Pape. Le Saint Père vient de leur répondre,
le 22 juillet dernier, par un bref que nous
reproduisons en partie ci-après, et dont il n'est
pas besoin de taire ressortir l'importance.
«... Parce qu'il ne se peut rien établir de stable
et d'utile au vrai progrès des âmes, dit Sa Sain-
teté, s'il ne s'appuie sur -la saine doctrine ou
s'il s'écarte en quoi (jue ce soit de la vérité,
vous, qui avez en vue le bien solide de vos frères,
•vous avez résolu avec une grande sagesse de
suivre fiddemenl et en toute obéissance les
enseignements de cette Chaire de vérité et, la
prenant pour guide, d'éviter avec soin toutes
les erreurs et les opinions périlleuses, surtout
celles qu'ont proscrites la lettre apostolique
Quanta cura et le Syltabus qui y est joint. Or,
nous nous réjoui>si)ns de voir la constance avec
laquelle noes avons poursuivi ce dessein une
fois conçu e: l<^s fruits que vous en avez déjà
retirés, soit en pt-opageant les principes de
notre très-sainte religion, qui, seuls, peuvent
raflermir les bases de la société humaine, qui
chancelle, soit en arrêtant la difilusion des er-
reurs. Soit en rejetant ces opinions qui aflai-
Wissent leu forces de la vérité, en voulant
qu'elle concilie le vrai et le faux et apportent
ainsi des obstacles à son triomphe, soit en
affirmant les droits de l'Eglise en ce qui con-
cerne l'éducation de 1 adolescence et de la jeu-
nesse, soit en vous occupant du peuple et sur-
tout de la classe ouvrière, soit par foutes les
autres œuvres, oii se porte et s'étend chaque
jour de plus en plus votre charité. En raison
de votre pié'é, vous comprenez facilement,
chers fils, que cette efficacité, qui féconde les
œuvres entreprises par vous pour la gloire de
Dieu et le salut des âmes, ne peut venir que de
la vertu divine qui vivifie l'Eglise et qui, par
son chef visible, se répand dans tous ses mem-
bres. C'est pourquoi, en nous réjouissant des
progrès considéraldes de votre association,
nous avons justement confiance qu'affermis
par votre propre expérience, vous adhérerez
avec un respect et un amour de plus en plus
grands à ce Saint-Siège, et que vous en tirerez
de nouvelles forces pour étendre encore les
bienfaits de vos travaux... »
Tous les cinq ans, le grand conseil de la
Compagnie de Saint-S ilpice se réunit à Issy.
Cette réuion quinquennale tombait cette année
et a eu lieu récemment. Le supérieur général,
M. Caral, accablé par ses infirmités plus que
par l'âge, car il n'a encore que 78 ans, en a
profité [)0ur donner sa démission, et le grand
conseil a pourvu à son remplacement. Il a élu
pour lui succéder M. l'abbé Icard, depuis long-
temps directeur du séminaire de Saint-Sulpice,
à Paris, et vicaire général du diocèse. M. Icard
est auteur de plusieurs ouvrages, dont le prin-
cipal, intitulé : Prœlectiones Juris canonici, a
été honoré d'un bref du souverain Pontife.
Voici le budget des cultes pour l'année 187 G,
tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale,
dans sa séance du 29 juillet dernier ;
« Chap. I". — Personnel des bureaux des
cultes, 243,400 francs.
« Chap. 2. — Matériel des bureaux des cultes,
36,000 francs.
« Chap. 3. — Cardinaux, archevêques et
évêques, 1,646,000 francs.
B Chap. 4. — Vicaires généraux, chapitres
et clergé paroissial, 39 007,793 francs.
« Chap. 0. — Chapitre de Saint-Ueniset cha-
pelains de Sainte-Geneviève, 260,300 francs.
« Chap. 6. — Bourses des séminaires catbo-
liques, 1,172,200 francs,
(' Chap. 7. — Pensions ecclésiastiques et
secours personnels, 887,000 francs.
« Chap. 8. — Secours annuels à divers éta-
blissements religieux, 105,000 francs.
« Chap. 9. — Service intérieur des édifices
diocésains, 611,200 francs.
« Chap. 10. — Entretien des édifices diocé-
sains 800,000 francs.
izm
LA semw^î: ,mj clehg:^
« Chap. 10 bis. — Travaux aux édifices dio-
cV'sai- s d'AI;;éiie, 200,000 francs.
(I Chai». 11. — Constructions et grosses répa-
ration? ((es édifices dioi'ésains, 2,400,000 fiancs.
« Cliap. 12. — Crédits spéciaux pour diverses
cathédrales, 880,000 francs. »
■Nous donnor" également liraprès l'état des
dégâts m,itérieïs causés par les inondations du:
Midi, et que M°° la maréchale de Mac-Mahrn
viçnt de communiquer au comité de souscrip-
tion.
Dépa'^tement de la Haute-Garonne : commu- 1
nés atteintes par l'inondation, 70; personnes qui
ont péri dans l'inondation, 330; maisons dé-
truites, .2.1)00; liêtes de bétail qui ont été
noyées, 3,000; pertes matérielles, 23 millions.
— Le faubourg Saint-Cyprien a été campléte-
ment détruit.
Département de Lot-et-Garonne : commno,es
atteintes par l'inondation, 60; personnes qui ,
ont péri dan? l'inondation, 30;, maisons iclcui-i.
tes, 600 ; pertes matérielles, 24,300,000 fr.a»cs.
.département de Tarn-et-Garonnie : cii;umu-
nes atteintes par l'inondation, 31; per^OJines ,
qui ont péri dans l'inondation, 116; tète- i!c ,
bétail, 1,968; pertes matérielles, l."», 690,000 fr. ,
Déparlement de l'Ariége : pertesBiatériclles,
7,739,408 francs.
Département de rAudo : communes, atteintes ,
par l'inondation, 120; pertes matérielles,
3,409,700 fr.
Département de la Gironde: communes at-
teintes par l'iiiondation, 54; pertes matérielles,
3 millions de francs.
Dép'artement des Landes; coramunesatteintes
Ear l'inondaliun, 107; hectares de terres enva-
ies, 30,(i00; pertes malérieUes , 2,900,000
francs.
Département du Gers : ipertes .malérielles,
5 millions de francs.
Département des Hautes-Pyrénées i.pertcî; ,
matérielles, 1 million de francs.
Le total (les pertes matérielles infligées aux
9idépailements cités plus haut, s'élève donc à
84,039,108 francs.
Celui des sommes versées tant à la Présidence
qu'aux cai.sses du Trésor public s'élevait, le
2 août, à la somme de 14,264,083 fnuacs.
Le total des sommes recueillies par les évè-
cliés n'est pas encore connu. Mais nous savons
dès maintenant qu'il se chiUrera ,par plusieurs
millions.
Les souscriptions ouvertes dans les journaux
neeont pas encore closes. Celle de VUmceis dé-
passe présentement 38,000 francs.
Niyut relevocs quelques offrandes qui méri-
tent particulièrement d'être mentionnés. M. le
comte de Ckamhord a envoyé 13,000 francs; les
cercles catholiques d'ouvriers ont déjà recueilli
parmi leurs nn^:nbrcs plus de 2-2,lhj'.> francs; les
élèves du pensionnat des Frères, à Passy, out
donné 6,370 francs; le roi catliolique don
Carlos, relativement pauvre, a envoyé 2,S0O
francs; son cousin don Alplion?e, roi libé-
ral à lladrid, en disposant des finances de
laiplus grande partie de l'-Espagne, n'a rieu
envoyé du tout. L'Angletenc, la Belgique, et
en général toutes les nations voisines ont aussi
envoyé des sommes plus ou moins fortes. Mais
le total général de toutes ces généreuses offran-
des sera toujours très-loia de couvrir les seule»
perles matérielles.
Les notaires de Béziers, à l'exemple de leurs
cttofrèrcs de diverses villes, ont décidé qu'à
l'avenir leurs études seront fermées les dimaa-
ches-et jours de fêtes légales.
Italie. — Le Pap'' a adressé au cardinal
archevêque de Naples une lettre par laquelle
ilexpommunie le prétendu archevêque Panelli,
que nous avons déjà vu en Suisse, et qui enire-
pread de fonder, avec le secours du gouver-
nement )tali(;n, une église dite catholique
nationale italienne. Cette lettre appartenant
tiiut entière à l'histoire, nous la donnerons
intégralement dans notre prochain numéro.
On se souvient des faits que nous avons rap-
portés ici concernant Ja Sicile, et qui montraient
quç dans celte île il n'y avait plus aucune sécu-
rité pour les biens ni pour la vie de personne.
Le parlement italien a fini par s'occuper de cet
effroyable état de choses. Des révélations pro-
duites à la tribune, il résulte que le pays tout
entier est ie.festé d'une société secrète qui
s'appelle la M'i/in, et que c'est à celte société
qu'il faut attribuer la situation de la Sicile.
La âlafia serait comparativement d'origine
récente. Elle commença à donner sigue de vie
dans la province de Messine vers IStiO, précisé-
ment l'année des annexions italiennes. Le
préfet de Messine n'hésite pas à la faire procéder
en droite ligne des bandes de Garibaldi, com-
posées, dit-il, de « la lie de la société, » et qui
répandaient partout la terreur.
L'impénétrable mystère dont le Mafia entoure
son action n'a pas encore permis de connaître
le mécanisme par lequel elle se meut, les règles,
les liens, les pénalités de l'association. On
ignore même si elle forme une association
régulièrement conslilué(!. Il semble en effet que
les adeptes de la i]Jiifîa ne sont pas liés par
l'espoir d'avantages clairement définis, ni par
des lois rigoureuses, ni par de«peiaes à encou-
rir, ni enfin par des obligati./us quelconque»
lilvreinent acceptées; mais que, « semblables
aux oiseaux de même plume, » ils subissent
l'atti-action qui [iorte les êtres paresseux, vicieu:
et mécuuteuts à faii'e cause commune, «a tus
LA SEMAINE DU CLERGE
1297
de b(5néficps mnhiels, ronlre la irinmle ri
l'onlre public. C'est l'action particulière ou
collective, selon que les circonstances l'exigent,
de (dus ceux qui metlent leur volonté au-dessus
du droit.
Il y a la haute et la basse Mafia. La basse
Mil fia se coronose de gens grossiers, propres à
jouer du couvoau, et qui généralement exécu-
tent les coups, lesquels sont préparés par la
haule Mafia, qui comprend les adeptes intelli-
gents, élégants et riches.
Un mafioso aurait écrit au préfet de Girgenti,
entre autres choses, ce qui suit: « On acquiert
le titre de mafioso en donnant des preuves de
courage, en portant des armes prohibées, en
se battant en duel sous un prétexte quelconque,
en poignardant ou en trahissant quelqu'un, en
feignaut de pardonner pour mieux se venger
plus tard, en celant un acte coupable, en men-
tant à la face de la justice, en volant par n'im-
porte quel moyen. »
Or cette lèpre abominable de la Mafia est à
n'en pas douter un cadeau de la Révolution
piémontnise à la malheureuse Sicile. M. Crispi,
un député de la gauche, et révolutionnaire
ardent, l'a prouvé, sans le vouloir, jusqu'à la
dernière évidence: « Avatit 1800, a-t-il dit, la
Sicile, Messieurs, ne coonaissait pas le brigan-
dage... En recourant à la stalislique pénale du
gouvernement bourbonien, et en m'y référant
pour un laps de six années entières, je n'y vois
pas même l'ombre de ces terribles méfaits que
depuis 1860 nous avons à déplorer... Sous les
gouvernements antérieurs à celui-ci, les chitl'i es
des grands méfaits l'urentinfiniment moindres.»
Avant 18G0, sous le gouvernement légitime,
peu de méfaits; </e>/î!i/5 1800, sous un goin-rr-
nement révolutionnaire, des méfaits sans nom-
bre: "M. Crispi ne pouvait être plus net. Ci'pen-
dant, à entendre les révolutionnaires, c'étîiit
précisément pour faire régner Tordre et répri-
mer les abus et l^s crimes que l'on renversait
les princes de leurs trônes, sous prétexte qu'ils
ne voulaient pas ou ne iiouvaient pas donner
la paix et la sécurité à leurs sujets.
Le gouvernement ayant demandé à être
armé de lois spéciales pour rétablir l'ordre, le
parlement lésa volées; mais on croit qu'elles
ne pourront être appliquées, pHrce que les
propres agents du gouvernement sont eux-
mêmes des mafiosi.
Nous ajouterons que l'accroissement des
crimes n'est pas particulier à la Sicile ; il est
comuiun à toute l'Italie. Ce sont les ministres
eux-mêmes qui nous révêlent cette situation.
En 1872, lors du vote du budget, M. Lanza
avait otliciellement déclaré que le nombre des
détenus s éleva t au chiffre de 72,000. Celte
année; M. Minj^Letii a déclaré, non moins olli-
'■•"^Ipmnnf, que re clilfl'io e«t mainlenant de
i, .,.')00, soit une augmentation de plus de 13,000
on trois ans. C'est un beau progrès. Depuis
fpiinze ans, le nombre des prisons a triplé en
li.ilie; et elles sont si pleims malgré cela, que
c'est une question d'humanité d*; les multiplier
et de les ar;raiidir encore. L'itarie tient la pre-
mière place dans le monde, — honneur peu invia-
ble,— par le nombre desesprisonnier5,qui égale,
à quelques milliers près, le nombre des prison-
niers français et angiais réunis, suivant la
remaR]ue qu'en a faite avec douleur et confu-
sion le rapporteur de la commission du budget.
L'Etat italien est obligé de payer sa gloire,
comme on le pense bien ; il n'y a que cela qu'il
paye. Ses prisonniers lui coûtent environ
trente millions de francs pat" an; il leur donne
en outre, pour les servir et les soigner, 4,831
employés, et à peu près autant de soldats pour
monter la garde à leur porte.
Les tribunaux civils n'ont pas moins à faire
que les tribunaux criminels. En dépit de leur
nombre et de leur activité, il ressort des débats
parlementaires qu'il existe, en cassation, un
arriéré de neuf mille causes, et que quelques-
unes d'entre elles attendent une solution depuis
plus de 5e/>< années. On a cité ainsi de malheu-
reux condamnés à mort qui attendent, dans
li'urs cellules, depuis des mois et des anm^es,
l'issue de leur recours en grâce ou de leur pour-
voi en cassation. Et pourtant il y a dan^ lu.
péninsule quatre Cours de cassation qui fonc-
tionnent sans relâche. Que serait-ce s'il n'y en
existait qu'une seule, comme en d'autres pays !
Les sectaires ont 6té à l'Italie l'Eglise, et lui
ont donné la Révolution : voilà le fruit de leur
œuvre.
Le triomphe de la Révolution ne décourage
cependant pas l'Eglise, ijui se sait immortelle.
Elle attend que les peuidc'; désabusés revien-
nent à elle, tout en s'elTou^ant d'arrêter le plus
qu'elle peut le cours du m.d. Tels sont les sen-
timents qu'exprime le Pape dans une lettre
qu'il écrit aux évêques siciliens, qui lui avaient
envoyé une adresse collective.
« Sachant, vénérables frères, leur dit-il, com-
bien tendre est votre affection pour nous, et
avec quelle force vous vous tenez fermement
attachés à celte chaire de Pierre, avec quel cou-
rage vous combattez avec nous pour la cause de
l'Église et avec quel soin vous vousappliquez à
arrêter le mal toujours croissant, nous avons
rfçu très-atlectueusement vos homma^-'es et
tous les souhaits dont vous vous , ïorcez cons-
tanaraent et avec tant de peine d'aaaener la
lealisation.
(( 11 nous a été surfont fort agréable de voir
que votre confiance s'appuie principalement
sur la manière vraiment merveilleuse dont la
i208
LA SEMAINE Dl CLERGE
divine Providence a touj'i'rs dirigé et dirige
encore notre faiblesse. Ce- témoignages, en
même temps qu'ils démontrent que Dieu est
avec nous, doivent relever votre courage et
nous donner re?]."ir d'un secours qui ne saurait
être mis en doute et d'une victoire brillante et
ccrlùine.
« Et vraiment, si c'est le propre d'un homme
sage d'emploj'er des moj^ens adoptés au carac-
tère de la fin qu'il se propose, il ne doit paraître
étrange à personne que nous nous attendions
à un événement prodigieux quand déjà, d'une
cprtaine manière la voie est aidanie par une
continuelle série de prodigi-s. L'E-riise n'est-elle
pas accoutuirée à sortir du combat avec une
auréole d'autant plus éclatante qu'elle a été
attaquée avec plus de violence au milieu des
plus grands périls?
Eh bien! fut-il jamais rien de plus pernicieux,
que la persécution présente, dans laquelle ont
été associées partout les fraudes et les embûches
les calomnies, l'appareil d'une fausse science,
les lois iniques et les violences contre l'Eglise ;
dans laquelle cette persécution, qui s'étend par
toute la terre, semble obéir à une même direc-
tion et n'avoir qu'une règle; dans laquelle l'im-
piété est arrivée à cette impudence de professer
une haine ouverte contre la religion, en rejette
non plus comme autrefois telle et telle vérité,
mais prétend renverser entièrement et ouverte-
ment tout l'ordre surnaturel des choses et Dieu
même?
« Mais ce bouleversement universel de tous
les principes, inouï jusqu'ici, et cette conspira-
tion générale de tant de forces ennemies contre
l'Eglise, en nous présentant le spectacle d'une
persécution tout à lait inusitée, nous font croire,
plusque dans touteautreper.-écu'.ion.à lanéces-
sité d'une intervention extraordinaire et mani-
feste du Tout-Puissant.
(i Quoi qu'il doive advenir, la certitude que
nous avons du triomiihe de l'Eglise et la patience
qui est aussi un témoignage de la faveur cé-
leste, doivent nous donner la force et nous
rendre plus vigoureux dans la lutte. Pour com-
battre donc avec vigueur et intrépidité, nous
demandons pour vous, à Dieu, le secours et les
dons abondants de sa grâce, et eu attendant,
comme un gage de ces dons <;t comme un témoi-
gnage de notre bienveillance particulière, nous
vous accordons à vous, Vénérables Frères, et à
chacun de vos diocèses, notre bénédiction apos-
tolique. » 5 juillet 1873.
Après les faits rapportés plus haut, on doit
comprendre que nous ayons tenu à reproduire
intégralement cette importante lettre.
Disons enfin que les élec lions municipales,
qui ont eu lieu dans le courant du mois dernier,
et auxquelles les catholiques ont pu prendra
part, même dans les grandes villes, ont été par-
tout, défavorables aux partisans de la Révolu-
tion. Ce résultat a jeté le désarroi au camp des
gijuvernementaux. Ce aérait bien autre chose
si les catholiques pouvaient prendre part aux
élections politiques. .Mais on impose aux élus,
avant de les ailmellre à siéger au parlement,
un serment que les catholiques ne peuvent
prêter; dès lors, à quoi bon voter? Par leur
succès dans les élections munici[ialcs, les catho-
liques se trouvent à avoir la haute-main sur les
écoles, sur la police du culte, sur les théâtres,
sur le colportage, sur les cimetières, etc. Leur
action préservatrice et réparatrice pourra donc
être considérable, malgré le mauvais vouloir du
gouvernement.
RussLE. — Depuis plusieurs mois l'on parlait
de dispositions plus conciliantes de la part de
l'empereur Alexandre II, à l'égard des catholi-
ques de Pologne. Il a efiectivement retiré au
collège catholique de Pétersbourg les attribu-
tions qu'il lui avait conférées en 1868 et qui
mettaient les évèques polonais sous la dépen-
dance de ce collège, lequel recevait toutes ses
impulsions du ministre des cultes. Eu faisant
celte concession, le czar avait espéré, assure-
t-ou, que le Pape autoriserait l'usage de la
langue russe pour la prédication. Mais le Pape,
sachant par l'expérience qui en a été faite dans
le gouvernement de Minck, en Lithuanie, que
cette autorisation éloignerait totalement le
peuple des prêtres, lesquels tomberaient dans
le mépris dès qu'ils prêcheraient eu russe, a
déclaré qu'il ne pouvait l'accorder. L'envoyé
officieux du gouvernement russe auprès du
Vatican est retourné à Pétersbourg, soi-disant
en congé, mais en réalité pour demander de
nouvelles instructions. Reviendra- t-il? C'est ce
qu'on ne peut pas dire. Voilà où en sont les
choses. Mais il est certain que le Saint-Siège,
est très-préoccupé des menées schismaliques
russes en Pologne, puisqu'il a fait insérer dans
les journaux catholiques polonais, un avis par
lequel il invite tous ceux qui peuvent donner des
renseignements sur la situation de l'Eglise
grecque-unie en Gaiicie, à les adresser directe-
ment au Pape.
P. d'Hauterive.
Tome TV. — N" 4G. — Troisième année.
18 août 187S.
SEMAINE I)U GLEIIGÉ
THÈME HOBILÉTIQUE SUR L'ÉVMGiLE
DU xiv^ DiiLVJjr.iiii Arniis la pentecote.
(Malth. VI, 24-33.)
I. Parmi tous les noms que le prophète
Isa\e lionne au Sauveur pour f.iire coinprenrire
sa (lignite et sa gloiie, un des plu? (•('■lèhres est
celui de conseiller, parce que Jé-'^U'-Clirist, lors
de sa venue en ce inonde, devait apporter aux
hommes les conseils les plus salulain-s. Et c'est
un admirable conseil, en efl'et, que celui que
nous trouvons dans tout rEvaiip,il(Mle ce diman-
che (I). » Etre bon et être heureux, ou plutôt être
heureux en élant bon, voilà le but que tout
homme raisonnable doitassiufuer à sa vie. Ji'sus-
Clirist le sait : c'est pourquoi, voulant le bon-
heur et la perfection de ses créatures, il s'elîorce
de les prémunir contre un vice, qui empèilie
l'homme d'être bon et d'être lieureu.'c, paice
qu'il est la rncinr de tous les maux, c'est-à-dire
la cause d'une multitude de pi'clies et une source
inépuisable d'inquictudes et d'alarmes. Ce vice,
c'est la cupidité, l'avaiice.
II. Personne ne peut avoir deux mnitres dont
le caractère, les intérêts et les ordres sont oppo-
sés. C'est pourquoi vous ne pouvez servir llieu
et Mamnion, c'est-à-dire l'argent. Le Dieu des
chrétiens est un Dieu magnilique qui commamlc
le désintéressement et la charité; iMammon, le
Dieu de l'avare, er.durcit ses esclaves et les eu-
ferme dans un hideux égoisuie. L'uu m'élève
vers le ciel ; l'autre me rabaisse vers la terri;.
L'homme détaché des choses de ce monde est
semblable à l'aigle, <pii plane dans les liauleurs;
l'avare, c'est le reptile qui rampe dans la pous-
sière. Je ne puis donc servir Dieu et l'aiyent.
U faut nécessairement que je sacrilie l'un à l'autre;
et de toutes les raisons qui doivent me détourner
de l'avariée, celle-là est la plus luitc. L'av.irice
m'empêche de servir Dieu comme il veut êtn;
servi, et de gagner le ciel en le servant ; car il
est écrit que les avares ne posséderont pas le
royaume de Dieu. C'est à ce motif déterminant
que s'arrête Jésus-Christ. In anteriorilms uvari-
tiœ compressa tyrannidem per muUn et nirujna;
sed adhuc alia apparut meliora ; non enim m hoc
totum nobis nocent diuitiœ quod lutiona aUversus
1. Grenade, tome V, éd. Vivèa.
nos armant, et quod viidlrctum ohtenebrant ; sed
ctiam ex servitute Uni nus expellunl (I ).
Servir l'argent n'est pas la même chose que le
posséder. Jésns-t^hrist ne condamne pas la pos-
session, mais l'amour desordonné des richesses.
Quandon possède léfiitimement, noblement, chré-
tiennement, on n'est pas esclave, on est maître.
Ce qui fait l'esclave, c'est la passion qui sacrilie
tout au désir d'amasser, c'est la cupidité «jui en-
chaîne le cœur en le dégr.idant. iXnn dixit : qui
hf'bet divitias; sed qui servit diviliis : qui enim
divitiarum servus est, divitias custodit ut scrvus;
qui autem servilutis excussii jn'jum, distribuit
eus u'. Dominus (2).
m. Mais, comme il est aisé de trouver dans
a nécessité de pourvoir aux exigences de la vie
matérielle l'excuse des excès de l'avarice, le
divin Maître prend soindedissiiier cette illusion.
Il ne condamne pas une .•sollicitude légitime, ni
une prudence raisonnable; ce qu'il réprouve,
ce sont ces inquiétudes exagén-es, contraires
à la conliance ipic nous devons avoir en
Dieu, et ces préoccupations excessives qui ab-
sorbent toute notre activité et nous détour-
nent du service de Dieu. Non luilcm omnem
prtjliihet sollicitudinern , sed eam qnœ ex dif-
fidenti'i crua Dtuni pro/icisci'.ur,ul a/iparet ex his
qnœ dieuntnr infra, ei eatn quœ a iJei .-ervitute
liomincmdistrahit, ut constat ex vers. l>-4 : « Non
p'deslis D'O si-.rvire et Mammnnœ (:îl. » J\'e soyez
dtnc pas tiop inquiets de votre aie, pour savoir ce.
que vous muiigerez; ni de votre corps, pour savoir
commint vous le vêtirez. La vie n'est-elle pas plus
que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?
Ayez coiilîanee; le llieu qui vous a dounéla vie
saura bien len tretenir; et comment \w. ponrait-il
pas couvrir ce corps qu'il a si me; veiileusement
formé? (;.,( mjoia prœstitit, utique et minora
prwst.ibit (i). Et d'ailleurs, qu'est-ce que ces
dons terrestres, soutiens d'une vie qui doit passer,
eu coin[iaraison des richesses de la grâce dont
votre àme est comblée tous les jours, eu compa-
raison de ctte vie divine qu'entretient un ali-
ment d:viir? Qu'est-ce que le vêtement qui cou-
vre le corps, comiiaré à ce riche vêtement de la
gloire dont la main de Dieu nous enveloppera
dans le ciel? Loin de nous donc ee^ inquiétudes
exagérées pour les choses terrestres; apprenons à
\. Cl.rysost., lu Moiih., Homil. xx;v,
2. Hieion., /n Mal'ih.
3. M:i!iion.. m .Mnilh,
Uieron , in lUllh,
1301
LA SEJÎAINE DU CÎ.Er.GC
Tivre d'une vie pUis haute et que nos aspirations
soient alignes de la deslince qui nous attend.
Cœterum de spiriiunlihvi cihis et ttslimentis scm-
per dcl/e mvs e-se snllkiii (1).
La seconde raison que fait valoir le divinDoc-
teur, c'est que la Providence ne peut manquer
de subvenir d toutes lesnéeessilésde l'homme, sa
créature de prédilection, puisqu'elle fircnd soin
de nourrir Jusqu'aux o'.seauxdu ciel. Votre Père
céleste /es nourrit ; comment donc, puisque vous
êtes ses enfauts, vous refasera-t-il lc qu'il tous
faut, à vous que sa grâce a élevés si haut. Nonne
vcsmatjis pluriscstii illis?
Vous vous tourmentez, mou fils, semble con-
tinuer Notre-Seigneur, vous vous tourmentez
jour et nuit pour ac«oitrc votre bien; songez
donc que c'est un tourment tout à fait inutile.
Quel est celui d'entie vous qui puisse, avec tous ses
soins, ajouter à sa taille la hauteur d'une coudée?
Il en est de même à l'égard de votre fortune, de
vos travaux; le but que vous poursuivez, vous
ne l'atteindrez pas sans Dieu; et s'il n'y met la
main, votre travail est stérile. D'ailleurs, quel
qu'en soit le l'ésultat, souvenez-vous toujours
que Dieu ne veut que votre bien, et qu'il le veut
beaucoup jilus parfaitement que vous.
Et les vêtements, pourquoi vous en inquiétez-
vous? Considérez les lis des champs, comme ils
croissent; ils ne travaillent ni ne filent ; néan-
moins.je vous disque Salomon, dnnstoule sar/loi>-e,
n'était pas vêtu comme l'un d'eux. Or, si une herbe
des champs, qui est aujourd'hui, et qui demain
sera jetée au four, Dieu a soin de la vêtir ainsi,
combien ftlus vous, hommes de peu de foi; vous
qui n'avez pas réphémèrc beauté île la fleur,
vous qu'il a créés pour lui, comme il a créé la
fleur pour vous, ah! que votre foi est petite I
Prenez parde: celte foi si faible, elle vous rend
semblables aux païens: //(t'c enim onmia rjentes
inquirunt. Pourquoi vous agiter? Plus heureux
que les païens, eu Dieu vous adorez et vous
aimez un père; c'est pourquoi, quand l'inquié-
tude vous prend, vous devez vous dire : à quoi
bon me troubler? Mon Père céleste sait que j'ai
besoin de toutes ces choses; et s'il me les refuse,
c'est évidemment qu'elles me seraicut nuisibles.
U est Dieu, et il est père ; pourquoi donc ne pas
me confier eu lui?
IV. Enfin, comme conclusion de ces adorables
paroles, l'ange du grand conseil ajoute: Cher-
chez d'abord le roi/aume de Dieu et sa justice et
toutes ces choses vous seront surajoutées. Chercher
le royaume de Dieu et sa justice, c'est marcher
sur les trace* de Dieu lui-même: Dieu le Père,
dans la Création, Dieu le Fils, dans la Rédemption,
Dieu leSaint-Espritjdans la Sanclific.Uion, u'nnt
pas eu d'autre but. Tel doit être aussi le but
premier de toute la vie du chrétien. Cherchez
1. Hicrou , n îlallh.
d'abord le royaume ût. Dieu, c'est-à-dire efror-
cez-vous de mériter le ciel, imi établissant dans
vos âmes le règne de Dieu. Or, le régne de Dieu
ne s'étab'.it que par la justici', c'est-à-dir.i par
l'observance des préceptes du Seigneur et la
pratique des vertus dont l'ensemble n'est ;;utre
que la justice. Nisi abundarerit justitiu vestra
plus çuam scribarum et pharisœorum, non intra-
bitis in reqnum cœlorum.
Et le reste vous sera surajouté. C'est-à-dire que
Dieu s'engage à prendre soin, sur la tcire, de
ceux qui auront tout sacrifié pour établir son
règne en eux et dans les autres. C'est, en effet,
le tableau que nous offre la vie d'un juste, il
s'abandonne à Dieu; et Dieu ne rabamlonne
pas ; il s'occupe de Dieu et Dieu s'occupe de lui.
Lors même qu'il est dénué de tout, le juste n'est
jamais mallieureux ; car le juste se regarde
comme heureux quand il a ce que Dieu veut
qu'il ait. Et d'ailleurs, qu'importe le surcroit,
quand on est sûr d'avoir l'essentiel?
L'abbé Herman,
curé (le Festubert.
INSTRUCTIONS F.VJIILIÈRES
SUR LE SYMBOLE DES APOTRES
(51' instruction.)
Vériiéde la résurrection de, la cliair ; circonstances
qui iloivt-nt accompaguer celle riisui lection.
Texte. Credo... resurrectionem carnis. Je
crois... larésuriection de la cliair.
ExoRDE. — Mes frères, je ne sais si vous avez
quelquefois assisté à la bénédiction d'un cime-
tière; mais surtout je doute que vous ayez
jamais lu les belles prières que l'Eglise pres-
crit pour cette touchante cérémonie... Je veux,
en commençant, vous citer quelques phrases de
ces prières; elles vous montreront avec quelle
énergie la sainte Eglise catholique croit à la
résun-ection de la chair... El d'abord, pourquoi
bénir un cimetière? Les lieuxoù pourrissent les
cor[)s des autres animaux sont des lieux igno-
bles; on redoute d'en approcher et les bètes
fauves seules y font des visites nocturnes. Aux
yeux de la foi, l'endroit où reposent lescopps
des chrétiens est une sorte de sanctuaire, tou-
jours respecté, dans leijuel les parents et les
amis viennent réjiaiidre leurs prières et leurs
larmes, sur la tombe de ceux qui ne vivent
plus sur cette terre... Quelle diU'érence, et
comme déjà la sainte Eglise nous montre la
dignité, la noblesse de l'homme, et combien,
mieux par sa dépouille mortelle, il l'emporte
sur les animaux !...
Mais j'ai parlé ce la bénédiction d'un cime-
tière... Voyons. Le prêtre charge de cette
cérémonie, debout devant la croix, près
de laquelle trois cierges snni allumés, récite
d'abord cette oraison : « Dieu tout-puissant,
I
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1305
TOUS le gardien des âmes, l'asfurance tle leur
salut, l'espoir des croyants, jetez un regard fa-
vorable sur l'ot'ficeque uoiis reinplissous ; puri-
fiez, bénissez el sauclifiiz ce eimetiùre. Que les
corps (les fidèles, qu'on y déposera après le
terme de leur vie, méritent, au jour du juge-
ment, d'obtenir avec leurs âmes bienheureuses
les joies de la vie éternelle. » Le prêtre par-
court alors le cimetière, en l'arrosant d'eau bé-
nite; puis il récite cette autre prière: « 0 Dieu,
créateur de l'univers, rédempteur du genre
humain, daignez purifier, bénir et sanctifier ce
timelière, où doivent reposer, après les jours
rapides de cette vie mortelle, les corps de vos
serviteurs et de vos servantes... Votre immense
miséricorde pardonne à ceux qui mettent en
vous leur confiance; veuillez aussi accordrr le(s
consolations éternelles aux corps qui dormi-
ront dans ce lieu, en attendant la_trompelte dn
jugement... «
Vous savez, mes frères,'comment, selon la
pensée de l'Rglise, les cimetières sont des lieux
saints, et combien est respectable la dépouille
mortelle duchiétien. Du reste, et la place d'hon-
neur que nous accordons dans l'église pendant
l'office des morts aux restes du défunt, et ces
cérémonies d'aspcr.-ion de l'eau bénite, d'en-
censements, aveclcsi|uclles nousaccompiignons
le corps jusiju'à la tombe, doivent être pour
vous une preuve encore de celte vénération, de
■ce respect avec lequel, aux yeux de quiconque
a la foi, doivent être traités les restes mortels
■des enfants de la sainte Eglise.
PROPOsnioN. — C'est, mes frères, de la rest/r^
reclton delà chair, de cette vie nouvelle, que re-
prendront un jour nos corps, que je dois vous
parler dans cette instruction. Grande est l'im'-
portance de celte vérité ; elle entraîne avec elle
des conclusions pratiques; soyez donc atten-
tifs pour bien comprendra ce que nous allons
vous dire.
Division. — Premièrcmemt : rëni^ Aq la ré-
surrection de la chair; seconrfwienf : circonstan-
ces qui doivent accompagner celte résurrec-
tion.
Première partie. — Vérité delà résurrection de
la chair. Frères bien aimés, vous connaissez tous
l'histoire du saint homm« Job; vous savez com-
ment, après avoir étéricheet puissant, il tomba,
p!ir la permission de Dieu, dans la plus allreuse
misère... Couché sur un fumier, il raclait, avec
des débris de pots cassés, la pourriture et les
vers, qui sortaient des ulcères qui couvraient
son corps... «A quoi t'a servi ta vertu ? lui di-
sait sa femme, /ance un blaspbèmecontw Dieu
qui t'éprouve, et meurs en le maudissant!... »
Et ce juste, le modèle de la résigUiiUon au mi-
lieu des épreuves, répondait: « Non, jesaisuue
mon Rédempteur est vivant, et qu'à la lin du
monde, mon corps sortira Je la terre pour res-
susciter ; cette peau qui m'environne comme une
tunique je la revêtirai de nouveau ; et, avec
celte même cbnirressuscitée, je contemplerai
le Seigneur, qui doit me sauver !... » Et il di-
sait vrai, mes frères... Oui, saint patriarche,
déjà votre âme est récompensée des vertus que
vous avez pratiquées sur la terre; mais un jour
ce corps, autrefois couvert d'ulcmcs, aujourd'hui
réduit en poussière, ressuscitera glorieux; votre
espoir ne sera pas trompé, vous verrez dans
votre chair le Dieu à la volonté duquel vous
vous êtes si humblement soumis (1)...
Plus tard ce sont les Maiduibees. Ils étaient
sept frères ; ils furent odieusoiaent tourmentés
par ce même Antiochus, dont Dieu, nous le
disions dimanche dernier, no voulut poiut ac-
cueillir le respentir hypocrite. On leur arra-
chait la langue, on coupait, avec un raffine-
ment de cruauté, chacun de leuis membres; et
ils disaient aux bourreaux : « Vous nous enle-
vez cette vie; mais Dieu nous ressuscilcra un
jour pour uue vie étemelle. »... (. Ces membres
que tu tortures, disait l'un d'entre eux à Antio-
chus, je les méprise, je les saciifie pour Dieu ;
coupe mes bras, dépèce mon. corps ; j(!sais que
Dieu, un jour, me rendra ces membres et ce
corps glorieux et ressuscité (2). »
Notredivin Sauveur, dansson Evangile, parle
lui-même do celte résurrection, et lépouiianft
aux inipiis de son temps, qu la niaient et lui
faisaient d s objections, il leur disait que, dans
cette résurrection, nos corps perdraient tout ce
qu'ils avaient de terresti'e, qu'ils seraieul spiri»-
tualisi's et quo nous serions comme des angeS
deDieu(3)... Dès les premierojoursde l'Eglise, il
se trouva [larmi les païens convertis de prcten»-
dus sages, qui refusaient d'admetlri- celle vérité
de la résuriection de la chair. Saint Paul les
réfutait avec énergie^ et leur ilisait: » Si vous
croyez à larésurrection du Sauveur Jésus, vous
devez oroire à la vôtre, car elle en est à la fois
la preuve etle modèle (4)...» Dans une autre cip-
coiislance, s'adris&ant aux fidèles de Thessala-
riqne, que des deuils douloureux avaient frap-
|)és, il lus consolait en leuréerivanl : «Mesc.her»
amis, je ne veux que vous ignoriez le sort qui
attend Vis parents, qui sont morts dans la loi;
oh! ne vous attristiz pas comme les autres, i|ui
n'ont pas la foi. Vous croyez que Jésus-Chriît
est mort et qu'il est ressuscité; eh bien, ainsi
Dieu ressuscitera ceux qui sont morts dans lia
paix de Jésus et les conduira un jour près de
lui (5). Je n'en Unirais pas, mes frères, si je vou-
1. Job. c. XXV et passim,
2. 11. Macliab.. vu.
3. Malin., .\.\ii, :iO.
4. 1. Cor., passim-
r. Thess. IV, 13.
13jô
LA SESIAINE DU CLERGÉ
lais cîter tous les témoignages du l'Ancien et du
Nouveau Testament qui prouvent la résurrec-
tion de la chair.
Du reste, la raison elle-même trouve dans les
pbénomènesde la nature de quoi appuyer celte
croyance. Tout dans l'administration de ce
mon. le, disait saintAuguslin(l), est une preuve,
un témoignage delà résurrection future. Pendant
l'hiver, les arbres sont dépouillés de leurs fruits
et de leurs feuilles; ils semblent morts ; mais
au printemps, ils nous figurent la résurrec-
tion, quand ils commencent à renaître d'abord
par les bourgeons; puis ils se parent de fl-urs,
ils se revêtent de feuilles, pour eusuite se char-
ger de fruits... 0 toi, incrédule qui doutes de
la résurrection, arrête un instant, je veux t'in-
terroger !... Où sont les créatures avant qu'elles
ne paraissent dans le temps que Dieu leur a mar-
qué? Où était, il y a deux cents ans, le chêne
que tu abats? Ou était, il y a dix mois, le fro-
ment que tu moissonnes?... L'herbe que tu
fauches était sècheà l'automne ; elle était morte
pendant l'hiver ; voici que le printemps l'a fait
renaître et que l'été l'a fait mûrir. Ainsi toute
graine doit se dissoudre avant de renaître plus
Jeune et plus belle ; ainsi nos cor(is doivent
subir la corruption du sépulcre avant^de renaî-
tre immortels et spiiiluidisés.
Ne dites pas, mes frères, comment Dieu fera-
t-il pour réunir tant d'éléments épars;le corps
de celui-ci a été dévoré par les bêtes ; cet autre
s'est noyé ; ce troisième a été calciné jusqu'aux
os dans un incendie?... Une pareille objection
est sotte et insensée, car, diti-s-moi, de quoi
Dieu s'est-il servi pour créer le monde?.. De
rien, n'est-ce pas.. . Eh ! ne soyez point embar-
rassés pour lui, je vous prie ; cette même toute-
puissance qui vous a formés de rien pourra
bien vous reconstruire avec des éléments qui,
pour être dissous, ne sont cependant pas dé-
truits...
Seconde partie. — Voyons maintenant, mes
frères, les circonstances qui accompagneront
la résurrection de nos corps... Eu quel lieu res-
susciteront-il? A l'endroit même où ils ont été
déposés, et la puissance de Dieu les transpor-
tera en un clin d'oeil au lieu où ils doivent être
jugés... Si vous me demandez à quelle époque
aura lieu cette résurrection , je vous répondrai
que je l'ignore, que je sais seulement une chose,
c'est qu'elle aura lieu à la fin du monde, alors
qu'un ange, messager des ordres du Très-Haut,
criera d'unç voix releiitissante et qu'on l'uten-
dra jusqu'aux coins les plus reculés du monde:
« Morts, levez-vous et venez au jugement !.. u
Moins prompts sont les ellets de la foudre,
moins rapides les phénomènes qu'elle prohiil,
que ne le seront les résultats de ce cri foroiidu-
! . Ai ud Lu)iner, verb. Resurrcctio.
ble retentissant à travers l'espace. Justes da
ciel, vous l'entendrez et vous accourrez avec
joie reprendre vos corps. Ames maudites des
réprouvés, celle voix retentira aussi à vo»
oreilles comme un grincement solennel, et la
justice de Dieu, vous chassant devant elle comme
un vil troupeau, vous amènera sur la terre re-
prendre les corps que vous ave' animés autre-
fois el qui ont été pour vous des instruments de
ruine et de damnation. Pauvres chères âmes du
purgatoire, des souffrances inouïes peut-être
auront compensé les longues douleurs que vous ^ ,
deviez supporter ; réjouissez-vous, c'en est fini ,;
de vos épreuves ; l'Ange de la délivrance a enfia ■■■.
ouvert les portes de votre prison ; venez, vous
aussi, reprendre les corps que vous avez autre-
fois habités.
Frères bien aimés, le prophète Ezéchiel, dans
une vision mystérieuse, nous représente une
image de cette résurrection générale, a Je fus,
dit-il, transporté en e-prit dans une plaine cou-
verte d'ossements. Prophète, me dit le Seigneur,
crois-tu que ces os puissent revivre? — Oui, si
vous le voulez, vous qui êtes tout-puissant. —
Eb bien, dis-leur en mon nom de se réunir et de
reprendre la vie. — Je prophétisai, dit le Pro-
phète, et je vis chaque ossement reprendre sa
place; des nerfs et des chairs vinrent s'unir au
squelelte, puis la peau recouvrit le tout comme
un vêlement, et une âme vivante vint animer
chacun de ces corps... » Cette vision du Pro-
phète n'est qu'une figure bien imparfaite de la
résurrection de la chair qui aura lieu à la fin du
monde!... Ce n'est plus seulement une vaste
plaine, c'est l'univers entier, qui est couvert
d'ossements humains!... Levez-vous, morts de
toutes les nations, de tous les peuples du monde,
ressuscitez pour être jugés...
A ces mots, les sépulcres s'ouvrent, des mon-
ceaux d'ossements sortent de nos cimetières;
caveaux scellés, tombes somptueuses, vous aussi
vous rendrez les débris des cadavres renfermés
dans votre sein... Egayez, mes frères, de vous
représenter cette résurrection universelle!...
Quel terrible, quel émouvant spectacle!. ..Toutes
ces pierres sépulcrales se détournent d'elles-
mêmes, un horrible cliquetis d'ossements se fait
entendre; ils cherchent à s'unir pour se rejoin-
dre, la poussière se pétrit et redevient chair;
les cheveux se replantent sur les crânes dénu- ■
dés, et les cadavres se dressent hors de leurs
sépulcres... Mais quelle différence entre eux t. ..
Les uns sont beaux, brillants et resplendissent
comme la lumière, les autres son' hideux, dif-
formes, misérables!... Soudain s'é.ance du ciel
une multitude d'âmes bienheureuseset brillante»
comme des étoiles, qui viennent reprendre le
corps qu'autrefois elles ont animé... D'un autre
côte sort de l'enler une multitude uou moins
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1307
graviiîed'àme?. réprouvées, contraintes de s'unir
aux corps ijui furent les instruments de leur
dam nation... Instant de bonheur pour les justes;
« Pauvre corps, dira l'âme, je l'ai morlilié, pen-
dant que je t'étai? Jnie sur cette terre; j'ai con-
senti, dira l'âme du martyr, à ce que tu fus-
ses meurtri, broj'é par toute sorte de supplices;
mais vois comme nous sommes récompensés de
notre fidclilé; désormais unis à tout jamais,
nous jouirons d'un bonheur qui n'aura pas de
fin!... (1) »
Mais voyez-vous l'âme réprouvée, obligée de
reprcDiIre ce corps qui fut pour elle un sujet de
perte et de damnation éternelle. Quelle dou leur,
quel désespoir !... Pauvre àme damnée, reprends
ces yeux qui, tant de fois, s'arrêtèrent, avec con-
voitise, sur des objets défendus; reprends cette
langue, souillée par tant de mensonges et de
calomnies ; elle blasphémait Dieu sur cette terre,
son rôle ne sera pas changé; tout à l'heure,
elle le maudira en enfer ; reprends ces mains
rapacis qui, peut-être, ont ravi plus d'une fois
le bien du prochain, et qui si souvent ont pro-
fané, par le travail, les jours consacrés au Sei-
gneui' ; elles auront désormais toute l'éternité
pour s'agiter dans les brasiers où elles vont être
plongées. Et ainsi chacun des membres de soa
corps maudit rappelle à l'âme les fautes dont
il fut l'occasion. Mais je m'arrête; je ne veux
pas de nouveau vous conduire au tribunal du
souverain Juge; je vous ai déjà dit ce qui de-
vait suivre cette résurrection : la joie des justes,
le désespoir des méchants. Croyez seulement
que, loin d'exagérer, je suis resté au-dessous de
la vérité, et que, s'il est vrai, comme on n'en
saurait douter, que les justes verront Dieu avec
leurs corps ressuscites, les réprouves égal'ment
subiront les tortures de l'enfer avec celte même
chair que leur âme animait ici-bas...
Péroraison. — Frères bien aimés, je pourrais
vous dire, en terminant, que si les corps des
damnés seront difformes et hideux après la
résurrection, ceux des justes seront exempts de
difformité et, selon le mot de l'Apôtre, ressusci-
teront avec toute la perfection que comporte la
nature humaine. Mais non; je finis par une ré-
flexion pratique. C'est que nous devons avoir
beaucoup de respect pour nos corps; les traiter
comme une chose sainte et consacrée à Dieu.
Ne sont-ils pas les instruments, les canaux
par lesquels la grâce des sacrements arrive
à notre âme? C'est sur notre tête qu'on a
versé l'eau au baptême; c'est sur notre front
que l'évoque a fait la sainte onction, le jour où.
nous avons reçu le sai.rement de confirmation ;
que ce front, du moins, conserve la noble pu-
deur du chrétien! S'il doit rougir, que ce soit en
1. Confsr saint Léonard da Port-Mauric«, Sur le Juge-
aient,
entendant des paroles de blasphème ou il'im-
pureté, mais jamais lorsqu'il s'agira d'affirmer
notre foi... Souvenons-nous que la Sainte-
Eucharistie a reposé sur notre langue, que de
là elle est descendue dans nos poiVrines, tout
près de notre cœur; puisse notre laflgue, sanc-
tifiée par ce précieux attouchement, éviter !a
médisance, la calomnie, le blasphème; puisse
notre cœur, chauffé de si près par la pre-ence
de Jésus, n'avoir que des sentiments de charité
pour le prochain, de piété, de fidélité et
d'amour pour son auguste Rédempteur ! Puis-
sent tous nos membres qui, si Dieu nous en fait
la grâce, seront consacrés par une onction su-
prême, le jour où nous recevrons le sacrement
des mourants, ne servir qu'à la sanctification de
nos âmes. Ah! s'il en était ainsi, le jour de la
résurrection de la «hair serait pour nous un
jour d'allégresse, de glorification, de triomphe.
Demandons tous celle grâce au divin Rédemp-
teur qui, dans un instant, va descendre sur
l'autel; puisse-t-il, dans sa miséricorde, nous
l'accorder à tous. Ainsi soit-il.
L'abbé Lobrt,
curé lie Vaucliassis.
ACTES OFFICIELS DU SAlNT-SltGE
Lettre de Notre Saint-Père le pape Pie IX ao
CARDINAL ARCnEVÉQUE DE NaPLES, PORTANT
CONDAM.VATION DE LA FACTION SCUISMATIQUE ET
nÉRÉTIQUE QUI SE DONNE LE TITRE d'EGLISB
CATIIOLIOUE NATIONALE ITALIENNE, ET EXCOMMU-
NICATION DE l'apost.\t Dominique Panelli.
A notre bien aimé Fils Sixte, au titre de Sainte-
Sabine de la S. R. C, Cardinal-prètre Hiario
Sforza, archevêque de Naples.
Bien aimé Fils, salut et bénédiction apostoli-
que.
Dieu tout-puissant permettant dans ses juge-
ments inson laides que ceui'qui nuit à au-
trui lui nuise toujours, et que celui qui est
dans l'abjection devienne toujours plus ahject,
jusqu'à ce qu'il vienne rendre justice à chacun
selon ses œuvres, Nous avons à déplorer que
dans cette région aient surgi un certait» nom-
bre de fils d'iniquité, ne craignant pas de
donner un grave scandale aux chrétiens fidèles,
et s'etlorçiint d'y troubler l'unité de la commu-
nion catholique. Ainsi Nous avons Jeconnu, et
Vous-même vous le regrettez avec Nous, 6 Fils
bien aimé, que quebiues malheureux déser-
teurs de la Foi et de la discipline régulière
sont arrivés à un excès de témérité au point de
13(."
LA SEMAINE DU CLEr.Cî
vouloir, dans leurs desseins et altenliUs, fonder
une secte impie, ou lacliou, sous le litre d'^-
glise catholique nationale italienne ; et qne, pour
la gouverner, ils ont rédigé des statuts qu'ils
apiiellent dogmatico-organico-disciplinaires, et
décidé qu'un Chef, ou faux Pasteur, avec le
titre de Premier Evèque, doive présider ladite
secte,avec l'aide d'un coadjuteui-,qu'ou veut re-
vêtir du titre d'Evèque,et d'un Vicaire général.
Ces desseins impies ne pouvaient que Nous
apparcùtre graves et regrettables. Parce que,
«omprenez-le bien, cette œuvre de conspiration
inepte a pour but Je semer l'ivraie dans cette
partie du champ du Seigneur, et de corrompre
la. foi de ces peuples qui ont toujours conservé
intacte et inviolable la religion catliolique re-
^ue du Prince des Apôtres.
ûue si l'on considère le chef lui-même qu'on
a la prétention de mettre à la tète de cette fac-
tion d'hommes perdus, on verra d'autant plus
apparaître la turpitude et la scélératesse de
celte secte. Car Nous avons vu qu'on a désigné
pour cette charge l'apostat trop connu de la
religion catholique, Duminique Panelli, clerc
napolitain, depuis longtemps frappé de sus-
pension pour ses attentats sacrilèges, tombé
dans l'irrégularité, et sur lequel Nous aurions
à dire bien des choses si les hauts faits de son
impiété extraordinaire, de sa méchanceté, de
ses tromperies et de sa témérité, prouvés par
des documents sûrs que nous avons en main,
et pour la plupart avoués par lui, n'étaient déjà
trop connus.
Néanmoins,, ce que nous croj'ons ne paS' de-
voir passer sous silence ici, c'est que Domini-
que Panelli s'utant vu refuser les Ordres ma-
jeurs dans cette ville, pour défaut.de la doctrine
nécessaire, il e»t passé aux grecs suhismatiqucs
d'Orient, et là, ayant fait adhésion à la per-
versili; schismatique, il a commis la honteuse
apostasie de l'Eglise catholique. Et parce que,
postérieurement, feignant de vouloir se réeon-
cilier avec l'Ei;lise catholique, il assurait avoir
reçu rOidination sacerdotale et la consécration,
épiscopale auprès des schismatiques, en. attri-
buant la valeur d'une Ordination ecclésiastique
ou Consécration à une certaine cérémonie; noc-
turne et oiandesline, précédée d'agapes, pro-
£anes, il demandait que ce Saint-Siège re-
connût son Ordinaliou sacerdotale, uous avons
ordonne à celte <;oi)grégatiùn Komaine île la
Suprême Inquisition de passer à un examen
avec la procédure habituelle. Après avoir soii-
gneuseaiont et mûrement examiné celte Citn<-ej.
ladite Coa^jCcgalion a promnigué la sentence
suivante, sanctionnée par Nous, c'est-à-diro
que par pei-soiiue et d'aucune manière ne peut
être reconnue la validité do l'Ordination, et
Consécration du uommé Dominique Paneili,,Gt
^.arcela on ne peut le compter que parmi les
clercs, et le regarder corjme exclu à perpétuité
de l'exercice de quelque Ordre que ce soit.
Mids, par les choses que N-ms avons briève-
ment énoncées, étant clairement /econnu quel-
les siint les cabales et (juels sont les cabnleurs
qui tendent des pièges à la foi de ce peuple,
et dans la situation pré.sente de nos fils, notre
patf^rnelle charité envers eus et le devoir de
Notre suprême ministère ne permettarit pas le
silence. Nous, ô bien aimé fils, pour obvier aux
scandales et éloignetr les loups qui rêvent la
ruine des brebis du Christ, Nous avons jugé
nécessaire du prendre sans retard cette déter-
mination que, selon les prescri[)tions des sacrés
canons et l'exemple des Pontifes romains Nos
prédécesseurs, Nous reconnaissons être oppor-
tune.
C'est pourquoi, de Notre autorité apostolique^
Nous déle-tons, condamnons et réprouvons la
faction schismatique et hérétique qui se donne
le titre d'Eglise catholique nationale italienne;
qui, par le fait même, nie que la foi soit une,
une l'Eglige, un le Chef de l'Kglise constitué
par Notre-Seigfieur Jésus-Christ, tandis qu'elle
ose élever ainsi un nouvel et profane édifice de
religion humaine selon les éléments du monde,
les maximes dépravées de ce siècle; et tous
ceux qui peut-être ont malheureusement donné
ou (îonneront leur nom à cette faction, Nous
déclarons et prononçons qu'ils se sont séparés
de l'Unité catholique.
Eu outre, par rautorité du Dieu tout-pnis'-
sant. des saints l>ierre et Paul et la Nôtre,
Nous excommunions i-t anathématisons solétt-
nellement, p:ir los présentes lettrées, l'apostat
Dominiipic Pant4ii, qui ne craint pas de se
faire un insivum^nt de ruine pour le peupife
de Dieu, un brandon d'iniqu.té, et tous ceux'
qui-s'assouientà sa témérité et à son apostasie,
quii, do quelque manière que ce soit, lui prè-
tiitit ou lui prêteront leur aide, leur œuvre;
leur con.»cil, leur adhésion ou faveur; et ordon-
nons, dècvélons et dénonçons les uns et les au-
Ucs sepaixîs dn curps de l'Eglise et tout à faits
ù fuir [iUP tous.
Aujourd'hui donc, tan,lis que Nous croyons:
qu'il est de Notre devoir d'accomplir ces actes"
et ces obligations de Notre prévoyance aposto-
lique et diaii té envers Nos très-chers fils qui*
N'iLts restent IMéJes, et dont la religion et l'at-
tachement à NdIiv peisonue et à re Saint-Siège-
N.ia&orit tout' récemment valu rie si illustres
témoignnges de dévouement, Nous ne pouvions
noas disjiunser de vous exhorter vous, Notre
fils chéri, dans notre sollicitude particulière, à
associer à Nos soins votre coopération, votre
zèle, pour sau.ver oes rulèles eus-mèmeÈ dotout
contact avec rim|)ie.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
rjj3
A oi'tfn inlenlion, il faut les avertir qu'ils su
garilent des embûches du trompeur et de l'inl-
ouité, qui n'ont pour but que leur perle; rap-
peler à leur esprit que les hérésips, que les
schismes ne s-ont permis de DLiîu que pour faire
reconnaître ses élus, et i[ne rien ne sera plus
salutaire pour eux, plus cxcelieut que l'ocoa-
sion qui leur est otlerte, dans ce siècle de per-
versité, de prouver : « que l'épreuve de leur
« foi, beaucoup plus précieuse que l'or qu'on
« éprouve par le feu, soit trouvée louable, glo-
n rieuse et honorable dans la manifestation de
« Jésus-Christ. »
Quoique Nous soyons contraint dans une
chose aussi grave d'user des armes spirituelles
contre ceux qui (ont (cuvre d'iniquité, Nous ue
pouvons pas toutefois oublier que Nous rem-
plissons ici les fonctions d'ambassarleur pour le
Christ, qui est venu pour chercher et sauver
ceux qui s'étaient éi;arés. Donc, Nous ne négli-
gerons pas de rappeler à ceux-là;, en les exhor-
tant par les entrailles de Notre Dieu, par la
venue de Noire-Seigneur Jésus-Christ, afin
qu'ils y pensent sérieusement, que Notre Ré-
dempteur disait : « Malheur à celui par la faute
de qui naît le scandale; » ([u'ils se retirent
promplement de la voie de perdition et du
nombre de ceux chez lesquels s'accomplit mal-
lieureuFement, comme nous l'appiend une
triste expérience, l'ornclo du propl)éte : « que
leur voie soit téiicbreuse et glissante, et que
l'Ange du Sii^neur les chasse. » Et pour que
le Dieu de clémence i-claire leur esprit de son
flambeau, et qu'il ramené leurs eoîurs, ne ces-
sons pas, cher lils, de lui ailresser de ferventes
prières. (Jue si malgré, tout, il y en a encore parmi
eux qui, ayant comblé la mesure d'iniquité,
veulent se précipiter dans l'ahime, s'il yen
a qui ne font rien pour en sortir, prions Dieu
pour que le mal horrible ne s'attaque qu'àeux,
et que ce mal ne vienne iniestcr aucune partie
du troupeau demeuré sain.
Enhn, pour vous et i)our votre clergé et
pour les lidéles, eu implorant do tout cœur que
la force et la lumière cle Uieu soient toujours
avec vous, et que la grâce et la paix se multi-
plient pour vous, en vous souliaitant ces cé-
lestes dons et en témoignage de Notre bien-
veillance particulière, avec toute l'afTection de
Notre cœur. Nous vous donnons tendrement
dans le Setgneur la bénédiction aposloliqne.
Donué ;t llome, près Saint-l'ierre, le JÎ juillet
4875, de Notre PontiUcat la trentième année.
PIE PP. IX'.
(rraducd'on du Journal de Florence.)
LITURGIE
lES OUATHE-TEMPS.
(2' aiticle)
IV. La pratique du jeune fûl-e!îc seulement
convenable et utile, ces doux qualités auraient
suffit pour que l'Eglise l'adoptât et nous la pres-
crivît. Saint Léon va plu» loin et n'hé?ite pas à
dire que cette pensée a été formellement suggé-
rée par le Saint-Esprit aux apôtres, à qui, seloa
la parole de Notre-Seigneur, il ilevait enseigner
toutes les choses qui importent le plus à notre
salut, et que ceux-ci, après a/oir d'abord ins-
titué le jeûne par leur exemple, en ont fait une
instituliou fixe par uneloipo.sitive. Trailaut du
jeilne de la Pentecôte, c'est-à-dire de celui qui
était prescrit pendant l'octave de cette grande
solennité et qui n'est autre que le jeûne des
Quatre-Temps d'été, le saint docteur dit: « Vous
le savez, frères bien aimés, la fétc de ce jour,
consacrée par la descente du Saint-Esprit, est
suivie d'un jeûne solennel, qu'une institution
salutaire nous a donné comme remède pour nos
âmes et nos corps, et qu'il faut observer avec
une exactitude pleine de dévotion. Car, lorsque
les Apôtres eurent été remplis du la vertu qui
leur avait été [uomise, et ijue l'Esprit de vérité
£ut entré dans leurs cœui-s, nous ne doutons pas
que celte règle disciplinaire, qui a pour but
d'imposer un frein à l'esprit, fut tout d'abord
coni'ue sous la dictée du l'aradet, avec les
autres mystères de la doctrine ccleste, alin de
mieux préparer les âmes à recevoir les grâces
qui leur sont destinées, en les sanclilianl par le
jeûne. Les disciples du Clirist, il esl vrai, étaient
couverts par le secours du Tout-Pui-sant, et
toute la divinité du Père et du Fils présidait les
chefs de l'Eglise naissante par le Saint-Esprit
qui leur était présent. Mais ce n'était ni par la
lurce corporelle, ni par la v.gueur d'une chair
bien nourrie qu'ils devaient résister à la vio-
lence imminente des per.sôcutcuis et braver lesr
menaces des impies suri'xcitcs; car ce qui cor*,
rompt surtout l'intérieur de 1 homme, c'est ce»
qui flatte ses sens extérieurs, et l'àme rai?on-
cable se purifie d'autant plus, que la chair est
plus abaitue. Ces docteurs, qui ont ftiili>énélren
par leurs exemples et leur easeignement dans
tous les enfants de l'Eglise l'esprit qui doit les;
animer, ont donc inauguré par des jeûnes sacrés
Leur apprentissage île la milice vhrétienne, et
devant combattre contre les esprfts mauvais, ilff
oui voulu d'abord saisir l'arme de l'ubst.uencei
pour retrancher tout ce qui fomente les vices(l).»
Dans le sermon suivant, le saint Pape revient
sur le même sujet, et démontre plus longuement
1. Serra. LXXVm (alias IS), Dejejunio P»n(«oi(M I, num. 1.
1310
LA SEMAINE DU CLEr.GE
encore l'origine divine du jeûne de la loi nou-
Telîe. . .
Dans les pas=a2;es que nous avons citis. saint
Léon a parle déjà des jeûnes du septième el du
dixième mois, c'est-à-dire des Quatre-Temps
d'automne et d'hiver. Dans un autre sermon, il
énumére les jeûnes des quatre saisons. Après
avoir dit que l'âme doit refuser et retrancher
quelque chose à la substance qui est dans sa
dépendance, pour la maintenir dans l'ordre et
prévenir ses révoltes et ses écarts, il ajoute :
« L'utilité de cette observance se rencontre sur-
tout dans les jeûnes ecclésiastiques, qui, selon
l'enseignement du Saint-Esprit, ont été distri-
bués de telle sorte dans tout le cours de l'année,
que la loi de l'abstinence est attachée à toutes
les saisons. Le jeûne du printemps est, en etfet,
placé dans le carême, celui de l'été, dans le temps
de la Pentecôte, celui de l'automne, dans h» sep-
tième mois, et celui de l'hiver, que nous obser-
vons présentement, dans le dixième mois (i). »
Ailleurs nous lisons encore : « L'observance de
l'abstinence (ce qui s'entend, comme plus haut,
du jeûne) a été fixée aux quatre saisons, afin
que, le cours de l'année revenant toujours dans
cet ordre, nous sachions que nous avons inces-
samment besoin de purification (2). »
Le saint docteur ne se contente pas d'affirmer
que l'institution du jeûue, en général, est due
aux apôtres, à qui le Saint-Esprit en a suggéré
l'établissement; il leur attribue aussi très-posi-
tivement la distribution des jeûnes dans le cours
de l'année; et notamment la fixation du jeûne
des quatre saisons. Il dit du jeûne du sep-
tième mois : « Quoique tous les temps soii-nt
bons pour u?er de ce remède, la circonstance
présente est particulièrement favorable, puisque
les inslituti(jns apostoliques et légales ont déter-
miné que, comme on le fait à d'autres époipies
de l'année, nous devons, dans ce septième mois,
nous dégager l'e nos souillures par les purifica-
tions spirituelles. Car, si nous nous rencontrons
dans le même dessein pour nous appliquer à
ces trois œuvres : la prière, l'aumône et le
jeûne, Dieu voudra bien, dans sa miséricoide,
ECUS accorder la grâce de réprimer nos pas-
sions, exaucer nos prières et nous remettre nos
péchés (3). »
Il semblerait résulter d'un autre passage de
saint Léon que le jeûne du dixième mois, ou les
Quatre-Temps de décembre, est d'une institution
moins ancienne que les autres. En eflet, après
avoir rappelé, comme il le fait en plusieurs
autres endroits, que « les constitutions aposlo-
1. Serm. XI.X (alias 18), De jrjunio decimi memii VIII,
num. 2.
2. Serm. XCIV (alias 92), De jejunio seplimi mensU IV,
aum. i.
3. Serm. XQXUI (alias 91), Ce /e;unio Mpdmi mtnnis VIII,
■uci. 3.
liqnes ont sagement décrété que les jeu. '3
anciens seraient maintenus à cause de leur uti-
lité, n il dit : « Cette raison indiquant avec la
plus grande netteté ce qu'il fallait faire, nous
ajoutons à ce que les règles de l'Eglise ont déjà
déterminé le jeûne du dixième mois, et, selon
la coutume, nous en faisons l'indiction à votre
dévotion (1). » Mais le même docteur dit aussi
ailleurs, parlant toujours du jeûne : « Tous les
temps, frères bien aimés, sont bons pour celte
œuvre, mais l'épo pie lu-ésenle est parliculière-
ment opportune et convenable, et nos saints
Pères, divinement inspirés, ont prescrit d'y
observer le jeûne du dixième mois (2). » Saint
Léon n'aurait pas attribué l'institution de ce
jeûne à « nos saints Pères, » si elle eût été
encore récente. Ces expressions employées au
milieu du v° siècle iniliqueraient, même si le
sens n'en était pas fixé pani'autres textes, qu'il
faut remonter bien près des commencements de
l'Eglise, pour avoir la date approximative de cet
établissement, et comme saint Léon a précé-
demment assigné une origine commune aux
jeûnes des quatre saisons, et qu'il a affirmé à
diverses reprises que celle origine est d'institu-
tion apostolique, il en faut conclure que, par
les saints Pères, il entend aussi, dans ce dernier
passage, les apôtres.
Nous n'avons pas craint de multiplier les
citations de saint Léon le Grand, tout en laissant
de côté plusieurs autres de même valeur, parie
que c'est sur ton témoignage sut tout que nous
pouvons nous fonder pour démontrer que l'ins-
titution des Quatre-Tcmpsdoit être reportée jus-
qu'aux temps apostoliques, et eut pour auteurs
les apôtres eux-mêmes. Saint Isidore de Séville»
dans le siècle suivant, s'est prononcé dans le
même sens que saint Léon (3), et lîaban-Maur,
dans le IX' siècle, n'a pas vu de difficulté à se
ranger à ce sentiment (4).
Quelques auteurs ont considéré le Pape saint
Calixte comme l'auteur de cette institution,
s'appuyant sur le texte suivant d'une lettre à
l'évêque Benoît, qui se trouve dans le décret de
Gratien : « Nous avons décrété, comme étant
plus convenable, que l'on observera maintenant
aux Quatre-Temps le jeûue que vous avez appris
parmi nous à célébrer trois fois, afin que, comme
la révolution de l'année s'opère en quatre sai-
sons, nous pratiquions de même uu quadruple
jeûne solennel à ces quatre époques (5). » Nous
devons remarquer d'abord que cette décretale
i. Serm. XX (alias 19), De dtcitni mentis jejunio IX,
nain. ï.
2. Serm. zvi (alias 15), De jcjunio decimi mentit V,
Dum. 2.
3. lie Ofliriis, cap, xxxvii et xxxvin.
4. Initiiui., M). II, cap. xviri.
5. Distinct, lxxvi. cap. I. Jejunium,
L.\ SEMAINE DU CLERGE
::i
suppose que le triple jeûne était déjà on usar
à ti ois (ijjoques île l'année, même avant saint
Calixte, puisqu'il parle d'un quatrième qu'il a
ajouté, l'ar conséquent, il ne peut être consi-
déré comme le premier auteur de rinstitulion.
Nous verrons de plus que s'il parle seulement
de trois jeûnes observés jusque-là, ce sont ceux
de l'hiver, de l'été et de l'automne. On ne men-
tionnait pas distinctement le jeûne du prin-
temps, qui se confondait avec celui du carême,
comme aujourd'hui, et saint Calixte aurait seu-
lement atiécté trois jours du carême à la sanc-
tification de cette saison. Cette explication nous
est exposée par saint Léon, qui distingue très-
positivement, comme nous l'avons vu, les jeûnes
des quatre saisons, leur assigne la même origine
et leur attrilnie la même antiquité.
Ou a allégué, pour renverser l'autorité de ce
texte de saint Calixte, qu'il a été emprunté aux
Décrélales publiées sous le nom d'Isidore Mer-
cator ou Feccator, et <iue certains auteurs, sur-
tout parmi les gallicaiin, appellent en bloc les
fausses Décrétales, leur imprimant ainsi une
flétrissure qui, à leur sens, iloit leur ôter toute
autorité. Barniiius (1) et d'autres historiens et
canomistes sérieux et d'une science incontes-
table ont reconnu, il est vrai, que cette collec-
tion, qui n'est autre pour le fond que celle de
saint Isidore de Séville, renf.'rmedes documents
dont l'authenticité n'est pas démontrée, et qui
ont été ajoutés on ne sait au juste par quel
compilateur. Mais il ne s'ensuit pas nécessai-
rement que la décrétale de saint Calixte soit
supposée, et que l'institution des Quatre-Temps
soit de beaucoup postérieure à ce pape, ainsi
que l'ont prétendu, avec une assurance mal
justifiée, nos auteurs gallicans.
Baiilet, combattant l'oiiinion qui fait remon-
ter jusqu'aux apôtres l'établissement des (jua-
tre-Temps, et écartant avec assez peu de respect
le témoignage de saint Léon, dit: « Baronins et
quelques modernes qui se sont déclarés pour
celte opinion, et qui s'y sont crus favorisés par
saint Isidore de Séville, parlebienheureux Raban
de Mayence et par d'autres, n'ont pu -outirir
qu'on en ait attribué l'institution au jiape Ca-
lixte, qui vivait du temps des empereuis Hélio-
gabale et Alexandre Sévère, estimant que
c'était déroger à l'antiquité de cette pratique.
Ils devaient dire plutôt que c'était la rendre
trop ancienne ; et c'est la raison qui devait les
empêcher d'en croire le pape Calixte auteur.
Aussi cette opinion semble n'avoir été appuyée
que sur une fausse décrétale supposée à Ca-
lixte par Isidore Mercator, dans laquelle on fait
dire à ce saint pape qu'au lieu des trois temps
de jeûne on eu ferait quatre dorénavant, pour
fianctifier les quatres saisons de l'année. L'im-
i. Ai annum 8C5.
postenr parlait ainsi sur la connaissance qu'il
avait que l'Eglise avait été longtemps sans obser-
ver les Qualre-'I'cinps du printem(is, ou pre-
mier mois, parce que c'était le temps du
Carême (I). » C'est aussi sur le même fonde-
ment que Grancolas a dit: « Il faut affirmer
sans l'ombre d'un doute que l'on ne trouve
aucun vestige des Quatre-Temps avant saint
Léon (2). »
Et il cherche à justifier son assertion, en
alléguant que la décrétale Jejunium de saint
Calixte est tenue par tous les autours pour sup-
posée, comme si tous les documents contenus
dans la collection où elle se trouve étaient né-
cessairement apocryphes, parce que l'authenti-
cité d'un certain nombre n'est pas démontrée.
Saint Léon, en revenant si souvent sur la thèse
de l'institution apostolique, ne parlait pas,
apparemment, à la légère, et s'il n'a pas admi-
nistré ses preuves dans les nombreuses homé-
lies qu'il a prononcées sur les jeûnes en ques-
tion, parce qu'il ne faisait pas une dissertation
histoiique et que d'ailleurs ces discours fort
brefs ne s'y prêtaient guère, il serait absurde
d'en conclure qu'il se comidaisait à professer
une opinion hasardée qu'il eût été bien embar-
rassé de justitier.
Nous ne prétendons pas, de notre côté, que
la décrétale Jejunium soit incontestablement
authentique. Mais est-il absolument vrai pour
cela que l'on ne trouve, avant saint Léon,
aucun vestige du jeûne des Quatre-Temps? Ce
grand pontife fut élevé sur le Siège apostolique
dix ans après la mort de saint Augustin. L'il-
lustre évèque d'Hippone a pailé d'une manière
assez claire du jeûne des Quatre-Temps observé
à Rome. Le prêtre Casulanus lui avait envoyé
une dissertation dans laquelle l'auteur, dont le
vrai nom est inconnu, et qui est apfielé Urbicus,
sans doute parce qu'il était originaiie de la ville
éternelle, prétendait prouver que le jeûne du
samedi, en usage à Rome, et qui n'était point
gardé partout, était obligatoire , et il priait
saint Augustin de lui faire connaître son senti-
timent sur ce sujet. Le saint docteur blâme la
témérité de l'auteur et relève sa manière imper-
tinente d'établir sa thèse, et entre autres choses
il dit ceci : « Si l'on jenùe quatre et même cinq
fois la semaine, sans excepter d'autres joursque
le samedi et le dimanche, comme le font pen-
dant toute leur vie certaines personnes, princi-
palement dans les monastères, on dépassera
non-seulement le pharisien, qui jeûnait deux
fois par semaine, mais aussi les chrétiens qui
ont coutume de jeûner la quatrième et la
1. Baillet, Lit vin de» saints, etc. Hùtoirt df Qvalr^
Temps, l l. in-fol. tom. IV, p. 139.
2. Grancolas, Comment, hisl. in Ereviar. rêf»., lio. il,
cap. IX.
1312
LA SEMAINE DU CLEUCE
sixième fOrie, et aussi le samedi, ce que l'-.ùi
fréquemment le peuple de Rome (1). » Au ?en-
timent de Thomassin (2), qui paraît très-fondé,
le jeiine dont parle ici saint Augustin était fa-
cultatif et de pure dévotion. Plus loin le grand
évèque ajoute, après avoir exposé et réfuté les
arguments d'Uibicus : « Qu'il considère quelle
injure il fait à l'Eglise romaine elle-môiue,
au sein de laquelle, dans ces semaines où l'on
jeûne la qual^'ième et la sixième férié et le
samedi, on ne prend R repas du milieu du
jour que pendant trois jours consécutifs, savoir
le dimanche, lasecondeetla trois;èmeférie(3).»
Que sont ces semaines dans lesquelles se trou-
vent trois jeûnes placés aux jours où nous les
observons encore aujourd'hui, sinon des semai-
nes qui se distinguent spécialement par ces
jeûnes? Si saint Augustin voulait parler ici du
jeûne libre observé ces mêmes jours par lesfidè-
les qui en avaient la dévotion, il s'exprimerait
tout autrement. Le jeûne tlu samedi, dont
l'usage était établi à Rome, sans qu'aucune loi
l'eût prescrit, n'était pas observé partout. Ur-
bicus prétendait le rendre obligatoire en-
dehors de Rome, et ce zélateur indiscret infli-
geait, dans son langage intempérant, les épi-
thètes les plus blessantes à ceux qui ne se
soumettaient pas à sa décision. Déjeuner le
samedi, c'était, selon ses expressions, « céder
à la tentation du ventre; » ceux qui agissaient
ainsi n'étaient que des a ventricoles ; » ce repas
était « un festin consacré à l'ébriété, où Ton '
n'offiaitpas à Dieu les louanges qui luisent dues,
mais des ilasphèmes inspirés par le diable. »
Ces dures apprécialions ont été consignées tex-
tuellement par saint Augustin dans sa leltre.
« Slle déjeuner du samedi a ce caractère, dit le
grand évèque, celui des autres jours doit bien
lui.ressembli'r. Urbricus, en nous jugeant si
sévèrement, ne prend donc pas garde que ses
injures retombent sur l'Eglise romaine elle-
même, qui, dans les semaines où elle fait jeûner
lemercrcdi, le vendredi et le samedi, pernist
de d^euuer pendant trois jours consécutifs,
savoir le dimanche, le luuiii et le mardi, et au-
torise, ces jours-là, selon Urbicus, à céder à la
tenlatio n du ventre, à faire des festins con-
sacrés à l'ébriété, etc.» Il est très-évident qu'il
s'agit ici de semaines où les trois jeûnes sont
obligatoires, la liberté étant laissée pour les
autres. Si saint Augustin ne nomme pas expres-
sément les Quatre-Temps, il li;s désigne suffi-
samment, en parlant de semaines qui ne peu-
vent être auties que celles auxquelles saint
Léon a consacré ses nombreuses humèlies sur
les jeûnes des quatre saisons. Grancolas, qui
i. Efisl. XXXVI (alias 8G), ad CasulaTTum.ncm. 8.
1. Traiithisi. et dogm. dv jeûne, ch. TXI, num 15,
3. Ubisupra^ aum. li).
avilit pi)urlant lu pJ isieurs passages de saint
Augustin relatifs .'lU jeûne, n'a [las su lire
celui-ci, s'il l'a rencontre, et l'assurance avec
laquelle il aftirmi- qu avant saint Léon on ne
trouve très-cert:) .nement aucun vestige du
jeûne des Quatre- Temps, serait diflieile à jus-
tifier et pourrait, à bon droit, être tenue pour
téméraire, ou du moins pour irrédècliie.
Baillet^ qui es' au fond du même sentiment
que Grancolas, ou plutôt, dont Grancolas a
reproduit l'opin on, en l'accentuant davantage,
dit : « D'autrei estiment que la coutume de
jeûner au corp'.neiieeniGnt des saisons, s'élant
introduite en divers lieux dès la fin du me siècle,
le pape saint Sylvestre en fit un établissement
qui fut suivi, dans la suite des temps, comme
une espèce de loi. Il faut avouer néanmoins
que nous ne trouvons t;iicre de vestiges de cette
pratique avant le v° siècle, et ceux qui ont cru
que saint Athanase en avait jiarlé, ont été
trompés, en attribuant aux Quatrc-Temps de
l'été, ce qu'il dit du jeûne d'après la Pentecôte
observé en Orient à l'orcasiou des cruautés que
les ariens exercèrent alors contre les catholi-
ques dans Alexandrie. 11 n'y a même aucune
apparence que le jeûne solennel d'après la Pen-
tecôte, dont parle saint Augustin, doive s'en-
tendre des Quatre-Temps, dans le sermon qu'il
fit à Cartilage l'an 41 1, exhortant le peuple de
prier, en ce temps de jeùue publie, pour le
bon ordre et le succès de la grande conférence,
qui se devait tenir entre les catholiques et les
donalisles, puisqu'on ne jeûnait point le samedi
on Afrique. Mais on ne peut nier que l'observa-
tion du jeûne des Quatre-Temps ne fût tout
communément établie à Rome, d'où elle s'était
peut-être communiquée à l'Italie et à l'Afrique,
du temps du pape saint Léon, qui gouverna
l'Eglise depuis l'an MO jusqu'en 461 (-1). »
Ou remarquera, dans ce passage, d'abord le
parti pris chez Caiilet d'affaiblir autant que
possible la note et le caractère d'antiquité qui
rendent si vénérable la plupart des intitulions
disciplinaires de l'Eglise catholique ; ensuite
un embarras bien marqué, qui va jusqu'à la
contradictioi' dans l'exposé de cette thèse. Cet
auteur, d'ailleurs fort erudit, s'est souvent
trouvé dans cette situation gênée, où le mettait
forcéme'nt la nécessiti- qu'il s'était imposée de '
tout faire cadrer à un plan préconçu et de plier
à son idée les faits les plus significatifs et les
documents les plus clairs. Quand au texte de
saint Augustin, qu'il récuse, le voici. Après
avoir recommandé instamment la prièse, il
njoule : « Dites ces choses avec ardeur, dites-les
avec douceur, dites-les avec l'ardeur, i[ui; donne
la ferveur do la charité, et non avec la hauteur
qu'inspire l'esprit de dissension, et suppliez
1. Baillet, ubi lupra.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
d31}
avec nous le Sei,£:neur par ces jeûnes solennels.
Ce que nous avons coutume d'oflrir auSeigneur,
ofirons-le lui pour notre cause. Car nous obser-
vions déjà un jcimc solennel après la Pentecôte,
eticertes nous jeûnerions, lors même que nous
n'auninr.s pus ce motif actuel île le faii-e (1). »
Il s'agit évidemment, dans ce passage, d'un
jeûne établi, observé depuis un temps indé-
terminé et que le saint ilooteur veut faire otli'Lr
spécialement pour obtenir de Dieu le triomphe
de la vérité. Ce qui est de circonstance, ce n'est
pas le jeûne lui-imême, mais l'intention dans
laquelle les fidèles sont invités à se l'imposer.
XiC savant Gavanli {!) n'hésite point à ea
croire saint Léon, lorsqu'il affirme que l'institu-
tion des Quatre-Tem[)s est due aux apôtres. Il
considère la décrétale de saint Calixtc comme
confirmant et expliquant seulement la loi
antérieurement en vigueur. Son très-docte
annotateurMérati fait le sacrifice de la décrétale,
parce que la collection isidorienne renferme uu
certain nombre de documents apocryphes, ou
d'une autbenticité douteuse, mais il s en tient au
témoignage de saint Léon, qui, à ses yiix,
étiblit avec certitude la tradition sur ce iioint.
Nous nous arrêtons, pour notre part, à cetta
conclusion, 'contre laquelle nous n'avoiis:ren-
contré aucun argument sérieux,
V. PouKiuoi les trois jours indiqués ont-ils
été choisis de préférence pour y placer les
jeûnes des Quatre-temps à ceux qui, autrefois,
étaient communément en usaire. quoique
facultatifs, dans l'Eglise romaine? Saint Augus-
tin nous en donne la raison dans la lettre
précé'temment citée, où il justifie contre le trop
zélé Urbicus la coutume établie dans l'église
d'Afri([ue'de ne pas jeûner le samedi. 11 pose
lui-même la question et y répond ainsi : « Pour-
quoi l'Eglise jeûne-t-elle Je préférence la qua-
trième et la sixième férié? A mon avis, voici la
raison qu'il en faut donner. En lisant attentive-
ment l'Evangile, on y voit que les Juifs tinrent
conseil le quatriôme jour après le sabbat, ([ue
l'on appelle maintenant communément la qua-
trième féri(;, dans le dessein de mettre à mort
Notre-Seigneur. Il y eut un intervalle d'un jour,
au Boir duquel Notre-Seigneur mangea la
pâque avec ses discipbs, et ce soir fut la fin du
jour que nous appelons ie cinquième après le
sabbat, qui est certainement celui de sa mort.
Ce jour, qui était le [.remier des azymes, com-
mençait le soir précédent... Donc, après cet
intervalle d'un jour, Notre-Seigneur souffrit,
comnie personne n'en doute, le sixième jour
après le sabbat. C'est pour cette raison que ce
sixième jour est justement consacré au jeûne;
i. Aug.,sarm. ccCLvii {aiias inter SirmoruUanosii], nom. F
2. Tlit*aurus sacr. Riluum. la Aab.<Uies. ^Uom, BareJ'
tjt. n, de IV Temp. Adv, '
car le jeûne est un si;-:îe d'humiliation, et à
cause de cela il a été dit : Et flmmUiais mon
âme par le jeûne (1). Vient ensuite le sabbat, et
en ce jour le corps de Notre-Seigneur reposa
dans le tombeau, dî même que lors de la
création du monde, Dieu se reposa ce jour-là
après avoir ai^compli toutes ses œuvres. De là
est venue cette variété que nous remarquons
sur le vêtement de la reine : les uns, par-
ticulièrement les peuples de l'Orient, ont cru
qu'il était mieux de se relâcher du je^ue,
pour symboliser ce repos; les autres, comme
l'Eglise romaine et quelques églises d'Oiient,
ont préféré jeûner, pour honorer l'humiliation
de la mort de N^tre-Seigneur (2). Nous n'avons
rien àiijouter à ces paroles, qui nous expliquent
tiès-elairement le choix des jours consacrés au
jeûne des Quatre-Tamps et la divergence qui
exi.-^tait, pour le samedi, entre les églises d'O-
rient ctd'Aù'ique, d'un coti;, et de l'autre l'Eglise
romaine et yéuéralement les autres églises
d'Occident.
P.-F. ECALLE.
(A iuitre).
7>To:cs3cnr de théotogia.
HERr.1£r:EUTigUE BIBLIQUE
I. DE LA RECnERCUE Df SF.XS PAR L'USAGE DE LA
LANGUE {suite).
Abt. II. — De rasage de la.Uague en général (suite).
L'usage delà laiicjue, avons^-nousdit, consiste
dans la fermeté du lieu qui. daus éhaq\ie iiliome,
attache à chaque mol une ou plusieurs simiifi-
cations déterminées. Mais comment. constator
cet usage quand il s'agit d'une langue qui nous
est inconnue? La réponse à cette question se
présente d'elle-même. Que les hommes apparte-
nant à une nation, à une époque donnée, aient
attaché telle ou telle siguifieatiou à des locutions
formées et construites d'uue certaine manière,
c'e-st tout simplement uu fait qui se constate,
comme tous les autres, par le témoignage de
l'histoire. Or, ce témoignagne peut être direct
ou indirect : direct, s'il aîlirme de suite et .par
lui-même ia signification des mois ; indirect, si,
à l'occa.sion d'un autre tait, il fournit les élé-
ments d'une conclusiou plus ou moius certaine
en faveur de l'usage de la langue.
I. Témoignages directs. — Personne n'ignore
pnr quels moyens ou arrive à conunître l'usage
de la langue dai.s un irliome Wvant, comma le
frinçais ou l'italien. Cette constatation n'est
pas plus diffioile pour une langue morte dont ij
1. Pj. .\xxiv, 13.
2. E|<ist. xxxvi (alias 86J, ad CasuUnum, nam. 30etll«
LA SEMAINE DU CLERGÉ
nous reste d'assez nombreux témoignages du
temps où elle était encore en vigueur. Les
témoi2;nfiges de ce genre sont empruntés :
1° Aux écrivains qui ont eux-mêmes parlé
cette langue, ou qui l'ont apprise de ceux qui la
parlaient. Ainsi quand Xénophon attribue à un
mot grec, Cicéron à un mot latin, telle signifi-
cation, nous avons un témoignage direct et
immédiat que tel était l'usag'' <lt' la langue chez
lesGrecs et chez les Romains. L'AfricainTéreuce,
lorsqu'il écrivait ses Jmédies latines; les Juifs
Philon et Flavius Jos^plie, lorsqu'ils rédigeaient
leurs écrfls en langue grecque, ne s'exprimaient
pas, il est viai, dans l'idiome de leurs pères; ils
sont cependant pour nous des témoins autorisés
de la manière de s'exprimer soit eu latin soit en
grec, parce qu'ils connaissent partaitement ces
langues, les ayant apprises de la bouche même
de ceux qui les parlaient de leur temps. Mais
parmi les témoins de cette classe, nous mettons
au premier rang les écrivains mêmes que nous
avons à interpréter. Comme il leur arrive tantôt
de définir, quelquefois dans la même page, les
termes dont ils se servent; tantôt de les expli-
quer par des exemples, par des synonymes, par
des périphrases; tantôt de les mettre en lumière
en employant le même mot ou la même phrase
dans des endroits parallèles (1), on peut les
regarder à bon droit comme les interprètes de
leurs propres écrits. Au second rang et presque
sur la même hgne, viennent les auteurs contem-
porains de ceux que nous avons à expliquer.
Nul doute que les Epîtres de Cœlius et de
Sulpicius, par exemple, ne soient d'un grand
secours pour comprendre celles de Cicéron, qui
vivait à la même époque et dans la même ville.
2° Aux anciens traducteurs, lexicographes,
scholiastes, slossateurs et grammairiens qui,
lorsque la langue était encore parlée, en ont
expliqué les mots et les phrases. On sait que
Cicéron a mis en latin plusieurs [lassages des
dialogues de Platon ; ces passages ainsi traduits
par un auteur connaissant parfaitement la langue
grecque sont autant de témoignages sur la
siguilication et la valeur des termes employés
par le philosophe d'Athènes.
II. Témoignages indirects. — Siles témoignages
directs manquent tout-à-fait ou sont insuffisants,
OD aura recours aux témoignages in irects, tels
que :
1* La ^rarfîVîonrfdmes/îiyî^e. Nous appelons ainsi
la connaissaoce d'un idiome ancien, transmise
jusqu'à nous de vive voix ou p:ir écrit. Telle est,
par exemple, la langue latine. Morte depuis des
siècles dans la bouche du peuple, elle trouva, au
1 . I.e« concordance» verbales, qui mettent sous les yeux
ton» les passages où le même mot se rencontre, sont d'une
immense utilité pour la comparaisoD des endroits pa-
TAllélet.
moyen âge, un asile dans les cloîtres et les écoles;
aujourd'hui encore, elle n'a pas cessé de s'ap-
prendre et de s'écrire, et cela sans s'écarter es-
sentiellement de l'ancien .asagf,. Ce •'oi'ours fera
rarement défaut à rinl'''7'pi'cle d'une langue
morte; car, à moins ^e yuppf^ser un entier asser-
vissement et même une exlincliini complète du
peuple qui la parlait, aucune langue ne saurait
disparaître subitement sans Laisser, au moins
dans la mémoire de quelques fidèles, un souve-
nir suffisant pour eu transmettre la connaissance
à la postérité. — Les sources de cette tradition
sont:
a) La connaissance d'une langue morte propa-
gée par l'enseignement des écoles.
b) Des écrits, tels que traductions, lexiques,
scholies, gloses, grammaires et commentiiires
philologiques, rédigés par des savants ijui avaient
appris cette langue dans les écoles ou autre-
ment (1).
2° La philologie, qui comprend :
a) L'étymologie, c'est-à-dire la recherche de
la signification primitive et essentielle d'un mot
d'aprèises éléments constitutifs, ou de sa signi-
fication secondaire et accidentelle, résultant de
quelque similitude ou rapport avec la première.
11 va de soi qu'il faut d'abord connaître histori-
quement la signification étymologique, et partir
de là pour établir les significations dérivées.
Ainsi, le sens du nom composé lithrotritie n'of-
frira aucune difficulté, si l'on connaît celui des
deux mots dont il est formé, XiSos, pierre, et
Tpt6w,ye broie. De même si Ion sait que y»|-io{ dé-
signe d'abord un mariage, on devinera sans
peinequ'ildésigneaufsi,par extension, un festin,
parce qu'il n'y a guère de mariage sans cet ac-
compagnement. L'étymologie, toutefois, n'est
pas à elle seule un guide suffisant ; car, outre
que l'usage de la langue modifie souvent la signi-
fication essentielle et primitive des mots, qui
pourrait deviner a priori, par la seule connais-
sance d'une rdcine, toutes les acceptions qu'elle
peut avoir reçues chez un peuple — toutes les
acceptions, par exemple, données par les Grecs
au radical îw ou '{rifii, mitttre, dans les dérL»"és
ou les composés si nombreux où ils l'ont fait
entrer? Le témoignage des auteurs qui se sont
servi de ces mots est seul capable de nous l'ap-
prendre. Du reste, l'étymologie rend à l'inter-
prète les plus utiles services. Elle éclaire et pré-
cise la signification dérivée, eu montrant le lien
1. Il y a une diSërence entre la scholie et la glos» : la
première s'attache à la pensée pour la mettre en lumière,
le plus souvent en la degagL-ant d'un contexte obscur et
embarrassé; la seconde explique les mots, surtout les ex-
pressions vieillies ou rares, et leur assigne leur véritable
signilîcation. Les leiiques ou dictionnaires, embrassant
tous les mots d'une langue, sont plus utiles que les scho-
lies et les gloses, surtout s'ils signaient les changemeata
d'acception amenés par le temps.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
131S
qui la rattache à la signification primitive. Pour-
quoi, par exemple, le substantif sAeo/ désignait-
il, chez les Hébreux, l'enfer, le . "jour des âmes
après la mort? Ce nom vient de la racine sAaa/,
postulavit, poposcit : l'enfer réclame tous les
hommes sans exception ; c'est Vorcus rapax de
Catulle, {'amde Achéron de Racine (1). Pour une
raison analogue, le verbe moyen lepiljixi (de i-ftr,|jii,
mitto ad) signifie desidero, litt. j'envoie, avec
l'idée réfléchie de retour ters moi. Enfin, l'éty-
mologie donne la raison de eerlaines particula-
rités syntaxiques, pourquoi, par exemple, les
Hébreux coustruisaient-ils le verbe hhagab avec
hhal : amavit super aliquo, au lieu de amavit ait'
quem.
A l'étymologie nous pourrions joindre l'rtna-
logie, c'est-à-dire la similitude dtf formes et des
expressions; mais, quoique la ressemblance dans
les formes soit en fait, dans un très-grand nom-
bre de cas, un indice de la ressemblance dans
les signifîcatitms, ce moyen de constater l'usage
de la langue est sujet à trop d'exceptions pour
qu'on puisse en tirer des inductions tout à fait
certaines. Donnons quelques exemples. Les
formes actives des verbes latins, amn, doceo,
lego, etc. dénotent une signification active; mais
deux verbes, vapulo, je suis frappé, et veneo, je
suis vendu, joignent une signitication passive à
une forme active. En grec, le verlue, I6au, uni à
un autre mot, signifie affectare aliquid, vouloir,
parailre quelque chose. Ainsi, on appelle èOeX^oooos
celui qui atfccte desairs de philosophe, JOEXtecvoç,
celui qui, par vaine fzloire, veut paraître labo-
rieux, leeXâaiEioç, celui qui affecte l'urbanité ; ce-
pendant lOeXiSouXot est simplement uu esclave
volontaire.
b) La comparaison des dialectes. Comme il
existe entre toules les langues, surtout parmi
celles (jui se rattachent à la même souche, des
rapports plus ou moins étroits, soit dans les mots,
soit dans les formes grammaticales, il s'ensuit
•que les rapprochements établis entre une langue
morte et les autres langues sont d'un grand se-
cours pour arriver à connaître la manière de
s'exprimer en usage dans la première. Cepen-
dant ce n'est la qu'un secours, et nou un moyen
toujours efficace. Non-seulement les iiliomes
d'origine diflérente, mais ceux mêmes qui sont
issus d'une souche commune, présentent de
nombreusrs particularités propres à chacun; et
les mots d'une langue perdent souvent, en pas-
saut dans une autre, leur antique acception
pour en recevoir de nouvelles, inconnues à la
langue mère ou à la langue sœur. 11 faut doue
apporter, dans ces sortes de rapprochements,
beaucoup de prudence et de réserve ; autrement
1. D'autres, pourtaat, toai dvrivei iheol do radical
ihehhol, cavilcu.
on courrait le risque d'attribuer à un dialecte ce
qui n'est vrai que pour un autre. Ainsi le verbe
hébreu amar signifie il a dit, et le même verbe
signifie en arabe il a ordonné (d'où le mot émir,
chef); l'hébreu abad veut dire il s'est perdu, il a
péri, et l'arabe abnda, qui lui correspond, i7 a
duré longtemps. Les Grecs donnent au substantif
(prJiJLT) (çijjLT) dans le dialecte dorien), entre autres
acceptions, celle d'oracle, d'augure, acception
tout à fait étrangère au latin fama. Par le mot
parens, les Romains entendaient le père ou la
mère; les Français, çax parents, et les Italiens
par parente, entendent un meml>re quelconque
{consanguin) de la même famille. Mittere signifie
envoyer;le itsiu(^\s mettre, quien dérive, signifie
seulement poser. Missus, dans les autours de la
décadence, est synonyme de ferculum, ce que
l'on apporte sur la table à chaque service; nous
en avons fait le moimets, qui a une signification
générale, tandis que méat, en anglais, ne se dit
que d'une viande {caro). L'allemand jutter et
l'anglais food sont sortis du même radical ; mais
le premier de ces deux noms ne s'emploie q'^e
pour la nourriture des animaux, et leseu^a
que pour la nourriture de l'homme.
Pour ce qui regarde les locutions et les phrases,"
l'accord entre les diverses langues, surtout entre
les langues de la même famille, s'est maintenu
avec plus de persistance. Parmi les nombreux
exemples que nous pourrions apporter pour dé-
montrer ce genre d analogie, nous nous borne-
rons à deux. Les Hébreux disent : islion, hhaïn,
iltt. homunculus oculi, le petit homme de l'œil,
pour \apupille, dans laquelle on aperçoit comme
dans uu miroir une très- petite figure d'homme
{Deut.xx\u, 10; Prov. vu, 2). On rencontre ail-
leurs {Ps. XVI, 8), pupilla filia oculi. Cette gra-
cieuse imagese retrouve dans plusieurs langues:
en arabe, en grec et en latin, où la pupille est
désignée par le nom même qui signifie petite
fille: xopT), xopàaiov, xopaaîôiov. lat. pupu, pupilla,
pupulu ; les Espagnols la nomment aussi la fille
de l'œil, la nina del ojo. — Chez les Hébreux,
un homme ivre est un homme émoussé, frappé ou
renvei se, et ailleurs vaincu par le vin {/s. xxviil,
1 ; Ps. «sxvii, (55). Les Arabes s'exprimaient de
la même manière (Cf. Gesenii Comment, in
/s. x.wiii,!); on trouve également chez les Grecs
(j'.vo^iX/iÇ.etchezlesLatiust'i/iosaucfaiMsXTite-Live),
mt-ro sauctus (Martial), percussus tempora Baccho
(l'ibulle).
{A suivre)
A. Crampon,
cliauiMiiSt
lais
LÀ SEMAINE DU CLEHOÈ
Les Erreurs nxoderues
U DÉMOCRATIE ET LE CATHOLICISIVIE
(5» arlide.)
Continuoas à il-étmre les griefs de la démo-
eratie et du liUératisme moderne contes le ca.-
tholicifime et l'E^ii^e.
Une piieuve, dit-on, qui» l'Eliriise n'nime i;Hi»re
la liberté des peuples, l'égalité sociale, c'est
qu'elle a m.iiuteau pendant des siècles l'es-
clavage sur la terre : il faiit bien quelle ne
vît pas d'un mauvais œil cette horrible insti-
tution, puisqu'elltt s'en occupait si peu» alors
qu'avec sa toute-puissance elle aurait pn l'a-
bolir rapidemeut. 11 y a même des écrivains qini
Tont jusqu'à prétendre qu elie n'a à peu près
rien fait à cet égard, et que ce sont les idées
modernes, en germe dans tous les temps, qui
ont aboli l'esclavage.
Examinons donc cette question à la lumière
de la raison et de l'histoire.
Faisous-nous d'ahord quelque idée de l'im-
mensité de la tâche que le christianisme avait
à remplir, et de l'énorme diificulté qu'elle pré-
seniail. Ce serait une graude erreur de s'imnr
giner qu'il ne sagissait que de mettre en liberté
quelques millions d hommes. Avant que le
christianisme exerçât sur la terre son action
bienfaisante, le nombre des esclaves était, en
quelque sorte, infini et supérieur sans compa-
raison à celui des hommes hbres. Athènes comp-
tait quarante mille esclaves et viuirt mille ci-
toyens (t) Thucydide nous apprend que, dans la
guerre du f éloponèse, vingt mille esclaves pas-
sèrent à l'ennemi. X. Chigo, leur défection mit
le-urs maîtres dans une grande exti-émité. Chez
les lMessénien,->, les Tliessaliens, le^ Lacéilémo-
niens, la trahison et les complots des esclaves
étaient souvent un danger pour l'Etat ; c'est
Platon et Aristote qui nous l'apprennent (2). A
R»jme, la mnltiUide des eselaves était prodi-
gieuse. Il fut (luestion de leur donner un cos-
tume particulier ; mais le S<iiiat s'y opposa, dans
la crainte qu'ils ne vinssent h se compter. Un seul
citoyen en possédait quelquefois ,Musieurs mil-
liers (H). Pudentilla, femme d'Apulée, en donna
quatre cents à s<ju fils. Lors de l'assassinat de
Pédaiiius Seetiudns, préfet de la \ille, quatre
cents de ses eselaves furent condamnés à
mort (4). Enlin les choses en vinrent à ce point
qu'au rapport de Pline, le cortège d'une fa-
mille ressemWait à une véritable armée. Au
reste, le monde enli'T était couvert d'esclaves.
1. Larchcr, sur Hérodote 1. I, note 258.
2. Plat. Dei Loi; VI , ATWt l'ai" I. '1 », va
3. Juven. Salir, III.
4. Tacit, An-^ 1 XIV.
A Tyr, par exemple, leur nombre était tel
qu'ils se soulevèrent et massacrèrent leurs
maîtres. Les Scythes à leur retour de la Médie,
trouvèrent les leurs soulevés, et devenus le»
maîtres à leur tour. César, dans ses Commen-
taires, parle de la multitude d'esclaves qui cou 4
vraienl la Gaule (<).
Mais l'esclavage n'était pas seulement un fait
immense et universel dans le monde païen, il
était encore une doctrine ; il existait non-seule-
ment par la force des cho.-es, mais par la force
des idées. C'était une opinion admise par tous,
que l'humanité était partagée par la nature
elle-même en deux grandes classes, les hommes
libres et les esclaves, et que la divinité était
l'auteur de cettL disUnction. £t sur ce point, le»
philosophes parlent comme les poètes. Homère
veut bien nous apprendre que «Jupiter a enlevé
aux esclaves la moitié de l'esprit (2). » C'est
heureux qu'il n'ait pas enlevé le tout. Platon
nous dit également <; que, dans l'esprit de l'es-
clave, il n'y a rieu de sain et d'entier (3). » Mai»
écoulons Aristote : « Ceux d'entre les hommes,
dit-il, qui sont aussi inlérieurs aux autres que
le corps l'est à l'Ameet l'animal à l'homme,
ceux-là sont naturellement esclaves... La nature
a soin de créer les corps des hommes libres dif-
férents des corps des esclaves... Ainsi ou ne
peut mettre en doute que certains hommes
ne soient nés pour la liberté, comme d'autres
sont nés pour l'esclavage. »
Ainsi, l'efclavage était une doctrine, c'était
un drojt ; c'était, aux yeux de tous, une insti-
tution fondée sur la nature même et parfaite-
ment légitime. Et qu'on veuille bien le remar-
quer, l'ordre social reposait sur elle : le travail,
l'industrie, l'agriculture, la production, tout en
dépendait. Elle était regardée comme néces-
saire, et l'idée ne venait à persomie qu'elle put
jamais être abolie.
Telle était donc l'horrible doctrine qui pos-
sédait tous les esprits dans le monde païen, et
l'institution qui les liait tous. Chacun sait du
reste ce qu'était alors l'esclave et qu'elle était
sa condition. Le droit de propriété que le maître
s'arrogeait sur lui n'atteignait pas seulement
son travail et sou temps, mais sa personne elle-
même, sa vie, sou être tout entier. L'esclave est
régarde comme une chose, comme uu animal,
c'était une propriété comme ime antre: telltt
était la législation.
Eu face de cet état de choses, que devait faire
l'Eglise? Devait-ftllu procéder, ou du moins
chei-cher à procéthir a une abolition immédiate
et gèaéiale, ou liien seulement à une abolition
préparée, longue et successive ?
1. César, De Bell. gall. 1. VI.
2 Hum. ('(iiriw. ck. xvili.
t put. Uu Lui, vill.
LA SEJfAIW DU CLKltf.É
1347
rîcmarqtions d'alionl t\ur. prndaiit les tro':
premiers sièclrs de s<m cxistenuu. l'Eglise n'a
eu aucune ai'tion politique : ks puissniits de la
terré ue lui rocouiiaissaieut qu'uu droit, celui
d'arroser la terre du sang de ses eafants. Les
siècles qui suivirent l'urenl ceux de l'invasion
des Barbares et de la dissolution du l'Empire
romain, époque de confusion indescriptible où
l'Eglise eut assez à faire de pmer aux maux les
plus pressants, et où les sociétés chrétiennes
naissantes devaient d^'abord pourvoir à leur
existence.
Du reste, l'abolition iramcdiale de l'esclavage
était une impossibilité phjsiijue et morale. Je le
disais tout à l'heure, cette institution et;dt non-
seulement un fait, mais une docti ine, elle était
dans les esprits comme dans- les, fats, et était
regardée comme juste et nt'cessaire. 11 fallait
donc d'abord changer les idées à cet égard,
substituer dans les esprits la doctrine contraire,
et les amener à d'autres appréciations. De plus,
nous l'avons vu, reselavug;e était universel et
souillait le monde entier, il était profondément
enraciné dans les esprits et dans les faits; il
était dans la constitution même de la société.
Or, cela posé, renverser immédiatement une
pareille institution était une impossibilité pour
l'Eglise ; l'autorité civile ne s'y serait pas prêtée,
et encore moins k;s maîtres. Appeler les es-
claves à la liberté et à la révolte, c'eut été pro-
voquer des attentats et des massacres que l'ima-
gination épouvantée ose à peine se représenter,
et faire voir par avance au monde entier les
les scènes de Saint-Domingue ; c'eût été la
guerre sociale la plus bofrible sur tonte la sur-
lace de la terre ; l'Eglise laisse de pareilles pro-
cédés à la démagogie. Au reste, les esclaves eux-
mêmes, pour pouvoir entrer dans la société
nouvelle, pour pouvoir devenir un élément du
monde nouveau (pie le christianisme travaillait
alors à former, les esclaves avaient besoin d'être
préparés, et l'Eglise par sa sage lenteur servait
leurs intérêts commeceux de la société toutentière.
Ecoulons Balmès; «Le nombre des esclaves
était partout si considérable, qu'il était tout-à-
fait im]iossible de lenr prêcher la liberté snu s met-
tre le feu au monde...L'étatintellectuel et moral
des esclaves les rendait incapables de faire tour-
ner un tel bienfait à leur proht et à celui de la
société. Encore abrutis, aiguillonnés par le désir
de vengeance, que les mauvais traitements entre-
tenaient dans leurscœurs, ils auraient reproduits
en grand les sanglantes scèn-es dont iU avaiuut
déjà dans les lemp-^ antérieurs marijuéleB pages
de l'histoire. Et que serait-il alors arrivé? La
société, dans cet horrible péril, se serait mise en
garde contre les principes qui favorisaient
leur liberté; elle n'aurait plus envisagé ces prin-
cipes qu'avec prévention et méfiance; les chaînes
delà servitude, loin de se relà- her, auraient été
ri\ées avee, jihisde soin. De cette m.isse immense
et brutale d'hommes fiu'ieux, mis suis [irépara-
tion en liberté, il était impossible qu'on vit sortir
■une organisation sociale; car, une orgaiiisatioa
sociale n<j s'improvise pas, surtout avec des élé*-
ments sembtalili's; et, dans ce cas, puisipi'il et'it
été nécessaire d'adoiitcr eulre l'esclavage ou Va.r
néantissemeiit de l'ordre social, l'instinct de
conservation qui anime la socitjté aussi bien que
tous les êtres, aurait indubitablement amcué la
continuation de res<lavage (1).»
Ainsi donc l'abolition immédiate était impos-
sible. Restait rab'jlition préparée et snccessiveà
la(|uelle l'Eglise ;j travaillé avec nue persé-
vérance incessanlt._ <,t sur laquelle nous allons
jeter un regard rapide.
Quand ou veut aiiir sur 1rs hommes et sor la
marche des choses d'une manière séiieuse et du-
rable, et(iui soit vraiment salutaire, il faut s'at-
tacli r d'abord à moilitier les idées et les doc-
trines. Les esprits superficiels ne voient que les
dehors et les surfaces; mais, dans le vrai et en
réalité, les principes et les doctrines sont l'àme
du monde et l'esprit qui remue le genre humain.
L'Eglise le sait, et c'est pourquoi, en ceci comme
eu toutes choses, elle commença par agir sur l'es
espiitset changer h^s idées. Saint l'aui, le grand
apôtre de la gentilité ,ne cesse rie proclamer d'a-
bord l'égalité devant Dieu: «Nous avons tons ('■té
baptisés dans le même Esprit, dit-il, pour n'eire
tous ensemble qu'un même corps, soit juifs, .soit
gentils, soit esclaves, ou hommes libres (2). »
« Vous êtes tous enfants de Dieu..., il n'y a plus
de Juif, ni de Grec, il n'y a plus d'esclave ni de
libre (3).» Quel langage! Quelle doctrine élevée
et pure! Quel éclair jeté sur le monde avili I Ces
paroles contiennent l'espérance et la liberté dti
genriî humain (4).
Le pn^mier soin du christianisme fut donc
d'agir d'abord sur les idées. La doctrine de saint
Paul, exposée, développée, commentée par les
docteurs de l'Eglise qui, comme saint Augus-
tin (5), voyaient dans lesclavage uou pas une
loi de la nature, mais un effet de la chute et des
vices de l'homme; cette doctrine, disje, amena
deux résultats. Les maîtres chrétiens s'habi-
tuèrent à regarder leurs esclaves avec d'autres
yeux, à voir en eux des hommes, des chrétiens
et des égaux. Les esclaves, de leur coté, furent
relevés à leurs propres yeux et ouvrirent leurs
C(enrs à l'espérance. Un esprit nouveau agitait
le monde comme un ferment divin, et préparait
l'avenir.
1. Arist. Polit , m.
2. Ii.Um. Proiesl.comp. au eath. 1. 1, o. 15.
3. I. L'or, m, 13.
4. Galat. m, 2i;.
5. Aug. De Civil. Dei, U XIX, C, XIV, XT. XVt
«318
LA SEMAINE DU CLERGÉ
« La première chose, flit encore Bilmcs, qne
lit le christianisme par rupport aux esclaves, fut
de dissiper les erreurs qui s'opposaient non-seu-
lement à leur cmnncipalion universelle, mais
même à l'amélioration de leur élat; c'est-à-dire
que la première arme dont il se servit tut, selon
sa coutume, la force des idées. Et c'était bien la
première force à mettre en jeu. En ellet, tout
mal social est accompagné de quelque erreur qui
le produit ou le fermente. Non seulement il y
avait oppression, dégradation d'une grande
partie de l'humanité, mais il y avait, déplus, une
erreur accréditée qui tendait à humilier chaque
jour davantage cette portion de l'humanité. Selon
cette opinion, les e-cbre? iormaient une race
vile qui était loin d'approcher de la race des
hommrs libres: c'était une race dégradée par
Jupiter lui-même, marquée par la nature d'un
sceau humiliant, et destinée d'avance à cet état
d'abjection et travilissement. Doctrine détes-
table, sans doute, démentie par la nature hu-
maine, par l'histoire, par l'expérience, mais qui
ne laissait pas d'être défendue par des hommes
distingués, et que nous entendons proclamer
pendant des siècles à la honte de l'humanité et
de la raison, jusqu'au jour ovi le christianisme
vint la di-siper et se chargea de revendiquer les
droits de l'homme (I). »
Oui c'e^t le christianisme qui a reveniliquéet
établi les véritables droits de l'homme. Tous les
écrivains de l'antiquité païenne, tous les philo-
sophes, tous les hommes d'Etat, n'avaient qu'une
voix pour légitimer et maintenir l'horrible
institution ilc' l'esclavage. C'est le christianisme
quia ébranlé de sa main puissante cet arbre
immense qui couvrait la terre; il l'a attaqué
jusque dans ses racines, et a Qui par le jeter par
terre.
(A suivre.)
l'abbé Desorges.
Biographie
DOM GUÉRANGER
ABBÉ DE SOLESMES.
{Sidle.)
« Après avoir développé en di tail toutes les
parties de cette 5om."?!e. nous la faisons suivie
de plusieurs traités spéciaux dans lesquels
nous examinons : !• les règles de la symbulique
en matière de liturgie; 2° la langue et le
style de la liturgie ; 3° le droit de la liturgie ;
4° l'autorité de la liturgie, comme moyen d'en-
seignement dans l'Eglise, et nous terminons
cette dernière subdivision de notre sujet par
un petit travail dans lequel, sous le titre de
1. Balm, IM. c, t6.
Thenloqià liturgicn , nous avons rangé, par ordre
de matières, tout ce que la liturgie, telle que
Rome la promulgue aujourd'hui, renferme de
secours pour l'éclaircissement du dogme et de
la morale catholiques (1). »
A ce plan général des Institutions liturgiques,
plan dont l'exécution eût demandé une dou-
zaine de volumes , dom Guéranger ajoutait
l'annonce de tAnnée liturgique, « travail des-
tiné, disait-il, à mettre les fidèles en état de
profiter des secours immenses qu'offre à la
piété chrétienne la compréhension des mystè-
res de la liturgip, dans les différentes saisons
de l'année ecclésiastique. Cet ouvrage n'aura
rien de commun avec les diverses Années chré-
tiennes qui ont été publiées jusqu'ici. Il sera
destine, à ai<ler les fidèles dans l'assistance aux
offices divins; on pourra le porter à l'église et
il tiendra lieu de tout autre livre de prière. »
« Quant aux Institutions liturgiques, disait-il
encore, nous espérons les faire suivre d'un au-
tre ouvrage de même dimension et d'un genre
analogue, qui portera le titre d'Institutions ca-
noniques. On commence pourtant à sentir, de
toutes parts, la nécessité de cottn;âtre et d'étu-
dier le droit ecclésiastique. L'itiditference dans
laquelle a vécu la France, depuis quarante ans,
sur la discipline générale et particulière de
l'Eglise, est un fait sans exemple dans lesanna-
les du christianisme. Les conséquences de cette
longue indifférence se sont aggravées par le
temps, et ne peuvent se guérir qu'en recourant
aux véritables sources de la législation ecclé-
siastique, aux graves et doctes écrits des cano-
Distes irréprochables. Nous n'avons plus de
Parlement aujourd'hui pour fausser les notions
du droit, pour entraver la juridiction ecclésiasti-
que; plus de gallicanisme pour paralyser l'ac-
tion vivifiante du chef de l'Eglise sur tous ses
membres. »
En parcourant ce programme, on voit que
l'auteur n'a (^ue trenlt-cini] ans, et bien qu'il
soit à la tête d'une congrégation laborieusn, on
se demande comment il aurait pu le remplir.
Au surplus, nous n'entendons émettre ici, ni
une critique, ni même un regret. La science
demande un peu plus le concours du temps et
la vie est si courte. D'ailleurs, poar une con-
grégation, même bénédictine, l'essentiel n'est
pas de produire beaucoup et vite : un moine
n'est pas un homme de lettres : l'important est
d'observer la règle, de prier, de se mortifier,
d'obéir : les œuvres scientifiques ou littéraires
viennent par surcroît : c'est la fleur de la vie
monastique, j'allais dire sa distraction néces-
saire et utile, mais seulement comme surcroit
de dévouement.
1. Inatitutiona liturgiqutê, t. I, préface, p. XVI.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
4319
L'auleur termine en soumettant d'c=prit et
de cœur, au jugement et à la correction du
Siège apostolique, son travail, « ce que nous n'a-
vons entrepris, rlit-il. que dans le but de servir
l'Eglise, suiva;>tniis faibles moyens, attendant
le succès de Celui-là seul, qui, prêtre et vic-
time, est, à la fois, le moyen et le terme de
toute liturgie. »
Nous entrons maintenant dans le corps de
l'oiiviage.
Qu'est-ce que la liturgie? Nous pouvons la
délinir avec Borgier : «Le culte rendu publique-
m'ii; M la divinité^ » avec Muiatori : (( Lama-
ni'Te lie rendre le culte au vrai Di-ii, parles
rite* extérieurs, légitiiï»e=, afin de témoigner
i'Iionacur ipii lui est dû, et d'attirer ses bienfaits
sui' les hommes; » avec Gallicialli : « Le culte
rendu à Dieu, non d'après l'idée de chaque pp.r-
ticulier, mais d'après un mode commun et une
institution légitim'; » avrc Zaïcaria : v Tout
culte de Uieu ctaiili par l'autorité de l'Eglise ;»
ou enfin d'une manière plus détaillée, mais
dans le même esprit que ces illustres liturgistes,
avec l'auteur des Instilulmn : « L'ensemble des
symboles, des chants et des actes au moyen des-
quels l'Eglise exprime et manifeste sa religion
envers Dieu. »
11 y a au ciel une liturgie. Les ministres qui
l'exécutent sont Jésus-Chiist , la Vierge, les
Anges et les Saints. De même, il y a, dans l'E-
glise,société de Uieu avecles hommes voyageurs
ici-bas, une participation à la liturgie céleste,
pour nous préparer à l'acte éternel de l'adora-
tion béatifique.
Au commencement. Dieu enseigne la liturgie
aux hommes; ceux-ci l'observent suivant les
prescriptions. Le sacrifice, œuvre principale du
culte, est universel et uniforme, quant à la
matière, à la forme et au ministre. Enos intro-
duit de nouveaux rites. Les patriarches, pour
leurs sacrifices, consacrent des lieux et des au-
tels. Jusqu'au déluge, il y a des bons et «les mé-
chants, mais il n'y a pas deux sociétés ; il n'y a
que la cité de Dieu,
Après le déluge, distinction des deux cités.
Dans la famille d'Abraham, puis dans le peuple
de Dieu, nous rencontrons des lois écrites.
Nous y distinguons : 1" une église mieux dé-
terminée, des grands prêtres, un sacerdoce, des
lévites ; 2° un culte complet, sacrifices, fêles,
cciémonies, observancos légales, hymnes, tem-
ple avec son mobilier liturgique. Dans la cité
du démon, nous trouvons pareillement des mi-
nistres hiérarchiques, lamas, hramines, iéréis,
sacerdotes ; un culte identique dans ses parties
essentielles ; des sacrifices d'animaux et d'hom-
mes ; des hommages rendus à d'in< ligues divi-
nités ; des mystères; des cérémonies publiques.
Dans la plénitude des temps, iacarnatioa du
Verbe. Avant .le retourner à son Pèr.>, Jésus-
Christ institua une E.;lise fondée sur Pierre de
Bethsaïde , un sacrifice perpétuel de son corps
et de son sang, sept sacrements, vrais canaux
de sa grâce, des sacramenlaux pour communi-
quer la plénitude surabondante de ses mérites,
des prières publiques et des cérémonies. Les
a|iôtres dispensateurs des mystères de Dieu,
conservent ces rites primilif-*, les développent et
composent les premières liturgies chrétiennes.
Pendant les persécutions, les symbules litur-
giqups continuent à se développer. Une lettre
fie Pline, les constitutions apostoliques et saint
Cyprien attestent l'existence des heures cano-
niales. Au premier établissement de la messe,
on ajùule la lecture de l'Ancien Testament,
l'homélie, l'oblation avec encens et l'assistance
des diacres. Les sacrements sont siunalés par
l'initiation des catécbumèues, la solennité du
baptême pascal, la communion sous les deux
espèces, la confession auriculaire et la péni-
tence publique. On ajoute d^ nouvelles fêtes.
Lespapes |iromuI,:,'uenl divers rendements; saint
Victor not imment fixe le jour de Piques.
Au sortir des catacombes, le christianisme se
signale par l'érection des basiliques; les céré-
monies de la dédicace sont réglées par saint
Sylvestre; les détails graphiques et le symbo-
lisme architectural se trouvent dans Eusèbe.
Grâce à saint Jérôme et à saint Jean Chrysos-
tome, le bréviaire s'augmente de leçons et de
répons ; les antiennes sont usitées d'abord dans
la seule église de Milan ; le cliant dos psaumes
en iliœur est impurlé d'Orient; le Glorir. Pali-i
est dirigé contre l'arianisme. Le Missel rei^oit
quelques additions; les sacrements s'adminis-
trent d'après les mêmes rites; les disciplines
du cutéchuménat et de la pénitence publique
s'observent toujours.
Lorsque l'Empire romain se partage, nons
voyons, en Orient, s'ajouter à la liturgie de
saint Jacques, de saint l'ierre et de saint Marc,
les liturgies de saint Basile et de saint Jean
Chrysostome. Plus tard, s'introduisent les litur-
gies' hérétiques des jacobiles ou Cophles, des
Ethiopiens, desArméovens et des nestoriens. A
rcDcuiitii;. se dressent fcs liturgies orthodoxes
des Armi''nieus, des Syriens et des Maronites.
En Occident, nous rencontrons également
les liturgies particulières de Milan, de l'Espa-
gne, «les (îaules. de la Bretagne, de l'Alriiiueel
des ordres religieux, liturgies orthodoxes, di-
sons-nous, revêtues de l'approbation du Sainl-
Sié;;e.
Quant à la liturgie romaine, dès l'origine, elle
tendait à l'unilé ; mais elle trouvait des obsta-
cles dans l'esprit des peuples et dans les diffi-
cultés de la prédication. Après les hérésies d'A-
rius et d'Eutychès, on comprit mieux la nécessité
1320
LA SEMAINE DL CLERGÉ
de venir à des forti.ules iilenliques, pour mieux
assurer la validité <les sacrements, l'inlc^riLé
des sacrilices, l'unilé très-désirable du j<ouver-
nement e clésiaaiique e( la partie de la tradi-
tion, dont la liturgie est l'un des principaux
instruments. Ainsi quand flome envoie Aes mis-
si»)inaires, elle leur remet ses livres liluri,^i-
ques, sans laisser ouverture au particularisme.
Les papes s:iiul Sévère, saint Céleslin, saint In-
nocent I" émptient des vœux et portent des
décrets dans le même sens, décrets auxqueJ'^ ré-
pondent, dans les cinquième et sixième siècles,
les canons de Milève, de Vannes, d'Agde et de
Girone.
Voilà les tendances , voici les conquêles.
Etienne II supprime la liturgie ç:allicane;
Charleuia^^ne étend la liturgie i-omaue dans
son empire. La liturgie mnzarahe tombe
sous un décret du pape saint Grégoire Vil, et
ne trouve ;diri, yrâce à Ximenès, que dans quel-
ques chapelles de Tolède. Cependant i s p'Ui-
tifes romains, saint Céleslin, saint Léon, saint
Gélase travaillent à perfectionner le sarreinen-
taire et l'iintiplionairc, établissent les slations
etune école de cbantni. Le bréviaire rom^iin
est porté, |iar les franciscains, jusqu'à Jérusa-
Iran. L'admirable office du Saint-Sacrement en-
tre dans le corps du droit liturgique. 11 se
produit toutefois quelques abus, des bréviùres
abrégés par itidiscréUon, des saints ajoutés
saas discernement, des usages locaux, des
mystères, des fêtes de l'âne, des fous, de la
mère aux sabots. C'est l'époque de la correc-
tion des hymnes par Ferrèri , du brévi.iire
court et commodedu cardinal (J'uignonez jus liiié
jiar la distinction de roJLice particulier el de
l'ofûce du chœur, du c^urt bré\iaire de Sainte-
Croix, rejeté par saint François-Xavier. Mais
voici le concile de Tiente et ses vœux décisifs ;
à l'époque déformation, succède l'ère de l'unité.
Saint Pie V publie le bréviaire et le missel
qu'adoptent les conciles provinciaux de France;
Grégoiie XIII donne le Calendrier et le Mai--
tyrolitge; Clément VIU, le Contitical et le Céré-
naoDJal des évè(jues ; faut. '*',, le Rituel ; et, pour
couronner l'œuvre, Uibain VIII corrige tous
ces livres, auxquels, aprè* les ti-avaux infruc-
tueux de Guidellietde Palestrina, Uajunlc les
livres de chant. La liturgu; romaine est déliui-
tive; en droit comme eiiXailt iic i-.ir'' ^"n
près sans exception, l'uni. ta» orthodoxe.
(A Si'ivre.) Justin Fèvre,
protaoQUiipe ajJOûtoliqae
REVUt DES LEHRES
l.AciDÉMiE PBASÇMSE : Récojition de MM. V.'-''l'i-i-<,
Caj'o et Alox/iuijre /)umas Itls. Les prmcipes flrama-
tiques (le coilernier et In morale au tliéàtre. Kleciion
d« &!. JuliQ liBiDoiuiie. ëoq esprit voUairiea. i. Lit-
rÉKxTuriE PROFANE : L'érudilioQ rie M, Victor Huon-
3. Histoihe : L^ science allenianile. Le Regetta i>onti-
pcum romanorum. Fciicité 'l'un savant allemaniJ inter-
rompue^ D.vi.l et Gol.ath, ou un abbé romain et le
/ie^^i/a-Pùtthast. Sauvons la caisse ! Priissi-ns et
JiL]rer,-|ien-ieurs. Les chréi'ens ac-usés d'avoir détruit
la Uitiiioitièriue d'AlexanJiie. Un chirurgien, proles-
seur d'histoire. Bonne loi de M, Lefort et du Temps.
Nos revues des lettres et des sciences, vien-
nent de subir une interruption beducoup plus
longue que nous n'aurions voulu ; nous espérons
pouvoir les donner à l'avenir d'une manière plus
suivie.
1. Les trois académiciens dont nous avons an-
nonce l'élection ont été reçus depuis avec la
pompe accoutumée: M. Mézières, le 17 décem-
brel87'i,.M. Caro, lo-H mars 1873, et .M. Alexan-
dre Dumasfils, la 1\ février suivant. C'est M. Ca-
mille Rou-set qui a répondu aux deux premiers
et M. d'Haiissonville au troisième.
Les discours de M.M. .Mézières et Caro n'ont
rien offert de particulièrement intéressant. Nous
croyons qu'il suffira de dire que .M. Mézières
s'est plus spécialement occupé de littérature, et
i\I. Caro de philosophie. Leséloges qu'ils avaient
à faire le voulaient ainsi ; on se rappelle que
M, Mézières succède a M. Saint-Marc Girardin,
et M. Caro à M. Vitet. En répondant a M. Mé-
zières, M. Rousset a justement taxé le dix-hui-
tième siècle d'avoir été un siècle de décadence
générale. En répondant à M. Caro, il a plusieurs
fois égayé l'auditoire aux dépens des divers sys-
tèmes d'athéisme el fait couvrir d'applaudisse-
ments des paroles franchement chrétiennes.
Mais il nous faut nous arrêter un peu au dis-
cours de M. Dumas. On se rappelle aussi que
M. Dumas succède à M. Lebrun. U devait donc
parler théâtre, et il n'y a pas manqué. Avec son
audace ordinaire, il a même profité de la cir-
constance pour faire l'apologie de son propre
théâtre, foit malmené, rencontre singulière,
par son prédécesseur, dans un discours acadé-
mit[ue prononcé en 1838 en réponse au discours
de réception de M. Emile Augier.
M. Lebrun avaitdit, entre autres choses: o De-
puis un certain nombre d'années, il s'est ré-
pandu sur les théâtres, en laveur de certaines
personnes bannies du monde, un goût de réha-
bihtution que je puis aussi peu comprenilre que
partager, La mode est vrnue partout d'ollrir à
l'intérêt public des femmes tombées et souillées
,'uela passion é ure et relève. La passion autre-
»'jis était humilie» et repentante, elle esttiujour-
"hui nlorilièe dans ses plus vifs excès. Elle ten-
( lit à se faire excuser; elle porte le front liaut,.
C- iî défie, elle est insolente : c'est à l'honnêteté
? baisser les yeux . Ou place ces femnies sur le
•'iédestal, et l'on dit a nos femmes el à nos
,_lles : Heganlc^, eilessonl meilleures que vous.»
ÏL. Duuius s'est souvenu de cette protestation
LA SEMAINE DU CLERGÉ
J321
trop juslifif'e, et il a entrepris (ie prouver qu'elle
De l'était nullement; ce qui montre une fois de
plus le goût de M. Dumas pour les paradoxes.
S'il croit avoir réussi dans sou entreprise, il se
trompe ; pour nous, il n'a fait qu'aggraver ses
torts, en formulant des principes absolument
destructifs de la morale, sans nous occuper d'au-
tre chose.
Selon M. Dumas, « i'art dramatique n'a pas d«
limites.» L'écrivain peut traiter tel sujet qu'il
lui plaît et de la manière qu'il lui plaît, il eu a
le droit. 11 a toutefois un juge ; mais ce juge n'est
ni l'Evangile ni la conscience, c'est le public.
« Nous empiéterons toujours, dit-il, sur les pou-
voirs coustilué;^, ne reconnaissani Jautres
limites que la résistance du public. Tant qu'il
nous laissera aller, nous ferons chez nous. »
Peut-on faire meilleur marche de la morale?
Le public, en général, et le public des théâtres en
particulier ne suivra-t-il pas l'auteur jusqu'où
il plaira à celui-ci de le mener, à la seule condi-
tion de rendre le vice intére.ssant? M. Dumas
n'en a-t-il pas fait l'expérience? Kt bien loin que
le public Tait jamais arrêté, ne l'a-t-il jias, au
contraire, toujours invité à aller plus loin?
Cependant M. Dumas et ses confrères du
théâtre ont l'habitude d'aller si loin, qu'il
n'hésite pas à faire cette solennelle déclaration :
1 C'est un homme de théâtre qui vous parle, il
ne faut jamais nous amener les jeunes filles. »
Pourquoi? Parce que les jeunes filles que uous
mettons en scène, les Agnès, les Rosine, les
Juliette, les Desdémone, seraient pour elles des
levons de dépravation. Eh bien, que venez-vous
nous dire, que le public est votre juge souve-
rain, quand vous vous croyez obligé de donner
à ce juge une régie contre son propre eulruiue-
ment à vous suivie?
Venant à l'applicalion de son principe,
M. Dumas dit que « si le poète dramatique a eu,
ne fût-ce qu'une fois dans sa vie, la preuve qu'uu
sentimeut pur et vrai peut subsister dans une
créature momentanément avilie, peut-être plue
par la faute des autres que par sa propre faute,
c'est son droit, c'est sou devoir de le dire, a
Puis il ajoute : a Cette créature est l'exception,
m'objecterez-vous. Hé! Messieurs, le théâtre ne
vit que d'exceptions. » 11 y aurait bien des
obsei'vations à faire sur ces quelques lignes. N'y
voyons que le sens géné^'al.
Si le théâtre ne vit que d'exceptions, et si, en
conséquence de cela, le poète dramatique a le
droit et le devoir de nous montrer l'éclair de
bien qu'il a pu voir dans une créature avilie,
c'est sans doute aussi son droit et son devtûr de
nous montrer l'éclair de mal qu'il a pu remar-
quer dans une honnête et pure créature. Fort
bien. Mais le public, qui juge par ce qu'on lui
(ait voir, applaudit le misérable iKjur une seule
bonne ac'.ion. et concpue l'honnête homme
pour une seule faiblesse. Et comme tous les
jours on lui préseute le même double speclacle,
on conviendra qu'à la fin ses iilées doivent se
trouver sensiblement brouillées.
M'allons pas plus loin pour le crier hautement :
Tout cela peut être fort productif pour le poète
dramatique, mais tout cela est abominablement
faux au point de vue de l'ait et immoral devant
la conscience. Non, qu'on ne nous donne pas à
admirer des hauiiits et des prostituées et à mau-
dire des cœurs habituellement droits et dévoués.
Si vous transportez le vice sur la scène, que ce
soit pour le taire détester ^rrément, et non pour
l'excuser, ou seulement apitoyer le spectateur
par ce qu'il peut avoir encore d'intéressant.
On allègue qu'au dernier moment le crime
est toujours puni et la vertu récompensée. San»
doute ; mais le spectateur n'en a pas moins vécu
pendant tou'.e une soirée dans une atmosphère
fétide, et il est certain que la dernière impres-
sion n'eSacera pas toutes les autres.
M. d'flausson ville a répondu très-finement à
M. Dumas, et repris bien des choses dans ce
qu'il venait de dire et dans tout son théâtre.
Mais cela nous eutraiueraLt trop loin d'entrer
dans le détail.
Si nous avons regretté l'élection de M. Du-
mas, nous croyons qu'il faut regretter Iden
davantage celle de M. Johu Lemoinne. qui a
eu lieu le mois dernier, en remplacement de
M. Jules Janiu. Nous connaissons peu les titres
de M. Li'inoinne à l'Académie frawaise. Nous
savons seulement qu'il est, comme était son
prédécesseur, rédacteur du Journal des Dcbais.
Et, quant à l'esprit, nous savons de plus que
c'est au par&ùt voitairieu. Ou en jugera sufii-
sammeut p&.i '.'JB ligues suivantes, parues ces
jours derniers sous si» signature daos le Journal
des Débats, mais qui feraient très-bonne figure
dans le lla^pel :
« Les fanatiques insensés qui rêvent encore
une nouvelle croisade et une nouvelle expéili-
tion de Rome sont, dans les conditions actuelles,
de véritables conspirateurs contre la sécurité et
l'intégrilé de la Frauce. Qu'ils fassent tant qu'il»
voudiont des pèlerinages, qu'ils inventent et
débitent des eaux curatives, qu'ils tassent appa-
raître des femmes en blanc et qu'ils aillent inai.
gurer sur les buttes Montmartre des religions
absoluniieut étrangères au elirisliauisme, cela
importe peu tant qu'ils n'associent pas à leurs
idolâtries la politique extérieure du pays. Mais,
quand ils mêlent clans leurs cantiques Rome, la
France et k Sajcré-Cœur, nous trouvons que la
France a bien assez à iaire avec le soin de son
pj opre salut, et q,ue celui de Rome ne la regarde
pas. »
C'est proprement écrit tant que l'on voudxa ;
U2
LA SEMAINE DU CLEllGÉ
mais c'est impie, méoliant, calomniateur. Et
l'Académie ne devrait jamais accueillir dans
ion sein des hommes au front desquels on
peut coller ces adjectifs. Elle y gagnerait en
considération. Elle veut faire preuve de tolé-
rance et de libéralisme ; elle ne fait preuve que
de mauvais goût. 11 y a de ses membres qui
vont en pèlerinage prier pour la reslanralion
du Saint-Père, comme font les calholiqnes du
monde entier, qui croient aux miracles de la
Salette et de Lourdes et adorent le Sacré-Cœur.
M. John Lemoinne est allé solliciter leur voix
et ils la lui ont don.iée ; et pour les remercier,
il les traite aujourd'hui de « fauatiques in-
sensés. » La place du malappris était certaine-
ment à la porte.
2. C'est encore d'un académicien que nous vou-
lons dire un mot, d'un vieux, celui-là, de M. Vic-
tor Hugo. L'homme immense a des prétentions
inouïes à l'érudition. A l'en croire, toutes ses
pièces de théâtre et tous ses romans lui ont
coûté de vastes recherches, pour les baser sur
l'histoire jusque dans leurs plus petils détais.
Pure réclame. Le fatras de science qui s'étale
dans ses anciens ouvrages a déjà été examiné
d'un peu près par de vrais savants, et trouvé du
plus mauvais aloi. En ce qui concerne son der-
nier roman, intitulé : Quatre-vingt-treize, où il a
cherché à réhabiliter les monstres de la Ter-
reur, la Revue critique (n" du 4 avril 1874) a
prouvé, mathématiquement prouvé, que le pré-
tendu patois breton, que l'auteur place sur les
lèvres de ses héros, a été servilement emprunté
par lui à un Glossaire du pnlois guernesiais, qu'il
n'a même pas cité. Un dialecte normand parlé
en Bretagne ! c'est joli. « Le poète, dit l'auteur
de l'article, fait de la couleur locale bretonne
avec des mots guerncsiais. Il fait montre de
science, et d'une science en apparence très-
scrupuleuse, avec des renseignements pris au
hasard dans un livre qu'il ne se donue pas tou-
jours la peine de comprendre. » Ce coup d'é-
pingle dans le colosse de Viinité est de nature à
le dégonfler assez radicalement. Mais laissons-
la le pauvre ex-grand poète des Odes el Ballades
et des Feuilles d'automne, et passons à quelque
chose de plus intéres^ant pour nous maintenant.
3. Nous n'apjirendrons rien à nos lecteurs en
leur disant que les Allemands n'ont pas moins
de prétentions à la science que notre immense
compatriote. Sont-elles mieux fondîmes? On le
dit assez g uéralement. Pour notre compte,
nous croyons que leur réputation est grande-
ment surfaite, et qu'ils s'annexent la renommée
î avec aussi peu de scrupule et de justice ([u'uu
territoire quelconque. Les motifs de notre ré-
serve abondent, et cette revue des lettres nous
fournit l'occusiua d'eu exposer uu qui est de
taille.
On connaît, an moins de nom, \e Regesia Pon-
tipcum Romanorum. C'est la collection des lettres
des Papes, depuis saint Pierre jusqu'à Inno-
cent III. Elle parut en 1851 , et fit dans le monde
savant une sensation profon^le. L'auteur, qui
se nomme Philippe Jafle, ne l'acheva pourtant
pas, on ne sait pour quelle raison, et tourna
ses recherches d'un autre côté. L'Académie de
Berlin eut alors la louable idée d'en projyoser
la continuation comme sujet de prix. Et ce fut
M. Auguste Potthast, conservateur à la Biblio-
thèque royale de Berlin, qui se chargea de con-
duire le recueil des lettres pontificales de 1198,
date où s'était arrêté Jafifé.jusqu'à l'année 1304.
Son travail, présenté à l'Académie, eut les hon-
neurs d'un double prix, auquel furent joints
des subsides abondants pour l'impression.
Tout allait pour le mieux pour notre Alle-
mand ; il avait palpé les thalers, et la Renommée
commençait à tiompetter aux quatre vents du
ciel le nom d'Auguste Potthast. Mais voilà tout
à coup qu'un simple abbé romain, — ce n'est
pas un jésuite, — s'en vient jeter dans le pavil-
lon de la trompette de la Renommée une petite
brochure (1) qui en fausse aussitôt le sou. Cette
brochure disait et prouvait que le Regesta-Pot-
thasl n'était qu'une œuvre informe, inexacte et
incomplète. Elle disait et prouvait que l'érmlit
berlinois avait quelquefois pris uu passage dé-
taché pour une pièce entière; qu'il s'était
trompé sur la date des lettres et le lieu d'où
elles ont été écrites ; qu'il n'avait même pas su
corriger les fautes manifestes qui se trouvent
dans les pièces déjà éditées ; qu'il n'avait pas su
trouver toutes ces pièces ; eufiii, qu'il y eu
a plus de quatre cents inédites qui manquent
totalement à sa collection.
La réponse du llerr Doctor Profefsor, qui
parut dans un journal de Berlin, fut telle qu'on
devait s'y attendre. 11 commença par une sortie
furibonde contre le Vatican, centre et protec-
teur de l'obscurantisme ; puis vint une bordée
d'invectives à l'adresse de M. Prcssuti, qui avait
osé contester l'infiillibililé de la science alle-
mande. Cependant, h()mn>« pratique avant tout,
il opéra une adroite retraite mi vue de sauver
la caisse : il annonça à les souscripteurs qu'il
allait préparer un sn^plév^ent où seraient ré-
parées les erreurs si^Aalèes par l'abbé romain
et insérées les pièces omises.
D'un Prussien à un libre-penseur français,
la différence n'est pas t'rande,ctron peut passer
de l'un à l'autre sans aucune sorte de transition.
Bans le cas dont nous voulons parler, l'avantage
est même au Prussien, nous le constatons sans
tristesse. 11 est vrai qu'ici il n'y avait pas de
1. Begetti dei Romani pontefici à'aU'anno 119Q all'anm
1304. Oburvationi (lorico-cri(ic/i«. Romu, IS71.
L\ SEMAINE DU CLERGE
1323
misse à sauver, mais seulement l'honneur de la
bonne foi ; et nous ne jurons pas que, pour si
peu, le Prussien aurait opéré la susdite retraite.
Ainsi, tout bieu considéré, nous ré|iéton< que,
d'un Prussien à un libre-penseur français, la
différenre n'est pas grande.
M. licfort ne s'esl pas replié du tout, ni bien
ni mal ; il ne s'est pas avoué vaincu; il n'a pas
rendu hommaue à la vérité, même en blasphé-
mant, comme <ûnt les démons dans l'enfer,
même en injuriant, comme a fait le Prussien. 11
a lancé sa calomnie contre l'Eglise, puis s'est
évanoui, et personne n'en a oncques entendu
parler depuis. Il sait qu'il a dit une fausseté,
mais ses lecteurs et auditeurs continueront à
croire qu'il a dit vrai. Ajoutons que les jour-
naux qui lui ont servi de porte-voix, le Temps
en particulier, n'ont pas cru devoir séparer leur
cause de la sienne. Voilà les amis de la vérité,
voilà les apôtres du progrès.
M. Let'ort esl professeur à l'Ecole de médecine
de Paris. Uans un ouvrage sur la chirurgie et
dans sou coursa l'Ecole, voulant démontrer, ce
qui était tout à fait le liei» et l'occasion, que les
chrétiens ont toujours été les ennemis de la
lumière et de la science, il s'estavisé de rééditer
une vieille calomnie de Gibbon, lequel a accusé,
soi-disant sur l'autorité de Paul Orose. les chré-
tiens d'avoir détruit la fameuse bibliothèque
d'Alexandrie, en Egypte, l'an 389 de notre ère.
Ce n'est pas de cela que nous le reprenons, il
pouvait être alors de bonue foi.
Mais voilà que l'Univers, par la plume d'un
ingénieux anonyme, pose à M. Lefort quelques
questions naïves, etcelui-ci s'empresse de donner
triomphalement toutes ses preuves. Le Temps
déclare qu'il n'y a rien à répondre. L'anonyme
de V Univers répond cependant, et de telle sorte,
que la science historique de M. Lefort est misé
en poudre. Le Temps, invité à reproduire cette
réponse, ayant accepté d'être l'organe de l'at-
taque, fit la sourde oreille. M. Lefort, invité à
donner la riposte, n'en fit rien non plus. Le rôle
de ces amis de la science était rempli : le meu-
songe avait eu tonte la publicité possible.
Le rôle du champion de la vérité ne l'était
pas. Après avoir rétorqué les dires de M. Lefort
par une argumentation ad hominem, il a, dans
une dernière lettre à \\' Univers, fait l'histoire
vraie de la Bibliothèque alexandriue. Encore
Erovoqué au combat, M. Lefort a continué de
lire le sourd.
^ Ce tournoi, si piteux pour la libre-pensée,
«'achève donc à l'honneur de l'Eglise. Il reste
acquis, non-seulement que les chrétiens n'ont
pas détruit la Bibliothèque d'Alexandrie, mais
que Paul Orose n'eu dit pas un mot.
P. o'Hadtebits.
VARIÉTÉS
NOTRE-DAME DE LOURDES
|(£a. Voir le numéro 4f.l
Après avilir rendu grâces à Marie, elle sort de
la grotte, les yeux levés vers le ciel avec une ex-
pression indicible d'amouret de reconnaissance.
La foule se précipite, l'entoure, l'interroge : c'est
alors que, fendant la presse, écartant du geste
et de la voix plusieurs centaines de personnes,
M. Dubois s'écrie : « Laissez que j'arrache ma
paralytique des mains de ces insensés I » La
multitude s'écarte, Irma se présente à lui,
douce et sourianti-. Sa pâleur mortelle a fait
place aux couleurs vermeilles de la santé,
«Marchez, » lui dit-il, dans son étonnement.
Les pèlerins laissent une voie libre, elle marche,
elle court. On crie : Miracle ! on entonne lé
Te Deum! Les pèlerins qui sont sur la teirasse
de la basilique, répondent et forment le second
chœur, Irma y monte et reste, une heure en-
tière, prosternée sur les dalles du "sanctuaire,
pour remercier la Vierge Immaculé'-.
Le lendemain, pendant que des voix mélo-
dieuses redisaient les louanges de Marie, Irma
était de nouveau prosternée sur le pavé du
temple et comme abîmée dans son amour re»
connaissant. Mgr Seivet invita, dans une élo-
quente exhortation que nous entendîmes, ses
diocésains à remercier la Mère de Dieu de l'in-
signe faveur obtenue. Durant le jour et demi
que Mlle Dubois passa à Lourdes après sa gué-
rison, elle mangea abondamment toute espèce
d'aliments, elle qui ne pouvait plus rien digérer
auparavant, et dont l'estomac rejetait tout. On
la voyait donner d'une main ferme des cen-
taines de signatures. Une fois même, trop
pressée par la foule, elle s'échappa , en gravis-
sant au pas de course une peule abrupte, au
grand étonnement des pèlerins.
A ces détails, tirés de la Semaine religieuse
ei Aw Journal de la Lozère, qu'a daigné nous
adresser Mgr Seivet, avec une lettre de sa main
qui confirme le miracle, nous joignons une
lettre que M. Dubois,, le capitaine retraité,
écrivit à son frère, ancien conseiller à la Cour
d'appel de Lyon, résidant à Paris, et une autre
du père d'Irma, ancien chef de bataillon, che-
valier de la Légion d'honneur. Ces lettres sont
tirées du journal VUniven où les fit insérer
M. Dubois.
«Bagnères (Hautes-Pyrénées), ce 4 octobre 1873.
0 Mon cher frère,
« Le premier de ce mois a été un jour bien
beau pour les parents de notre nièce Irma. Tu
sais qu'elle était paralysée et muette depuis
trente mois ; or, le jour précité, après la com-
1311
LA SEMAINE DU CLEHCE
munioD préalable , on l'a transportée à. la
groUe, où, à peine au hain, elle a élé guérie
raili>^lt'ment, presque en une seconde. Elle
s'est écriée : Je suis guérie ! elle s'est levée,
s'est bail liée seule, elle est allée au ) ied de la
statue de la Vit-rge pour y rendre grâces. Là,
elle a dé[iosé sa béquille, à la vue d'un public
immense, composé des pèlerins de la Lozère,
de ceux de Nantes, des pèlerins de Lille et de
la Belgique. Tout te public ^ulait la voir, et
iJ me fallut attendre plusieurs heures avant de
pouvoir la ramener à l'hôtel. Pendant le trajet
(trois kilométies), la fnule l'escortait en chan-
tBDt le Te Deurn, le Magnificat et divers can-
tiques
« Même dans notre cbambre, doik n'étions
pas chez nous ; il fallait que nos portes restassent
ouvertes pour laisser entrer le monde et des
personnes de liistinetion ; les uns demandaient
la permission de l'embrasser ; les autres vou-
laient sa signature sur des estampes, sur des
livres de prières, sur des bréviaires ; quelques
personnes sont tombées à ses genoux en récla-
mantsa médiation. Cette espèce de délire a duré
deux jours, et je craignais que notre Irma n'y
pût résisU.T. — EnlLi , je la remis, an départ
du peleriiiajse, entre Ifs mains de l'évoque de
la Lozère. Av,i nt son d'^part, elle avait déjà fait
avec mwi srx kilomètres à pied.
«La réaction miracaleuse dunt je te parle, a
élé. je te le répète, immédiate. Le prodige a
été des plus beaux ; et quelque incn>y»b:e qn'il
puisse te pitrailre, alfirmé par moi, et fait en
mu présence, il ne le laissera nul doute -et te
comblera de joie. J'en ai télégraphié Ja imravelle
à ses [laPenls. Tout un monde p été lémoiu de
l'évi nemcnt; chacun voulait voir ]&iainteet la
toucher.
a Tcm frère,
0 Louis DuDOis. »
Grandrîem (Lozère), 7 octobre
JiloD r.ber ami ,
« Je raVmpresse de l'annoncer que notre obère
malade Inna a voulu se rendi-e en pèlerinage à
Lourdes pi/itr itBplowr la protcetion de la
sainte Vierge. Elle était encore bien fa?ble et
complètement infirme, et ce n'est qu'à regret
ijue j'ai consenti à te -voj-age, mais sa foi était
tellement vive, elle avait nu te"! secret pi-esst'n-
timent de ^a gucrison, qne j'ai mi devuir cciler
à ses désirs. Elle nous revient eomjrlélement
guérie, «t cela., an'iès use sàauLe lîie alaliua
dans la | iscme.
a Voilà des laits qui parlent assez éloquera-
ineut. l'ouriail-ou lus mer ? Je sais bù'u qu'd y
a des incrédules, des gous de mauvaise foi ;
t^ue Dieu leur pardonuc 1 :\'oli c Ji:crc Looiià,
qui avait bien voulu, sur ma prière, aller at-
tendre Irma et sa sœur à Lourdes, a dû t'é rire
et te raconter ce qu'il a vu , de ses yeux vu ; il
ne croyait pas aux miracles, mais il s'est rendu
à la vérité.
« Ton frère et ami,
« Acliille Dubois, b
Voici la lettre que nous écrivit notre ami,
M. l'abbé Deroux, en nous communiquant une
lettre autographe que lui adressa Irma Dutois,
et que BOUS sommes heureux do donner ici
après la sienne.
a Erny-Saint- Julien, 5 décembre 1813.
« Monsieur et cher ami,
a J'arrivai à la grotte vers sept heures du
matin, pour être ITieureux témoin des prodiges
qne Marie devait y opérer. J'y restai jusqu'à
midi, occupé à faire entrer les infirmes dans
les piscines, et à leur ménager un passage au
milieu de la foule. Parmi ces infirmes qui
attendaient leur tour, je remarquai une jeune
personne qui me parut un ange de vertu : c'é-
tait JI"' Irma Daliois. Courage ! lui dis-je , en
la faisant avancer, Noire-Dame de Lourdes
vous guérira. Elle me rép(jndit par un sourire;
vous savez qu'elle ne pouvait plus répondre
autremenL Jetant alors un regard vers la Vierge
de la grolte, je lui aili essai une prière pour la
malade. Quelle ne fut point ma surprise et ma
joie, quand je vis M"° Dubois instantanémeut,,
co[!i.p!éteujciit guérie !
0 Le Icnd'ciiiaiin, 2 octobre. M'" Irma vint me
troin-crri la tiroite, elle était accompagnée de
sa sœur Amélie, et d'une autre personne ; une
d(nice émollon se peignait sur sa ligure. La
foule nn^ssis-aLt autour de nous; elle donoa,
en ma présence, sa signature à plus de deux
ccjjts [clerinà. M:us il était impossible de con-
tcjiWr celte fouJe injoiense. Sa sœur lui de-
lu.iiidu piiiutjuoi elle pâlissait : Je suis encore
à jeùu., lépoiiJîl-ene, et vois cette multitude I
Pour lui évlé?ipper, elle gravit, en courant, la
pcn1e d'ua roch'T. Une dame alla aussitôt
thcrcber en ville toutic espèce de provisions, et
nous dejejinàine- ii la grotte, ayajit pour bois-
son l'eau liiiipiile de la tontaioe. Qui n'a point
vu, à la sialioindeBètliarram, dieux demoiselles
belge? ijui, coinine Uebecca, diont elles pos-
sèdent la eau tic '. il r et les tdiaj-mes, allaient pui-
ser lie l eau à la fontaine, pour la présuuter
aux jièJai ijis alltiiiès V 11 senU)le que- la Mère tle
Dieu iut voulu tlonuer à ce verre d'eau sa ré-
cum|>cnsc : Siil»- Jl.a-ie Wviéeur et Mlle Léonie
LUtf'LrccUt rureut heureuses d'emporter dans
jeur cioyante Jjcigi'jue l'es reste» de ce oofiieux
déjeuner, (|ui •liesiaiciil avec quel appétit
rMiiu-ea. 'Intu.iilu'boJi, dont l'cstomac, la veille
LA SEMAINE DU CLERGÉ
i323
encore , ne pouvait plus supporter aucune
Douiriture.
« Votre affectionné,
« Derûux. »
« P. S. — Je vous adresse la lettre même
d'Irma ftubois, et le rapport de sou méilecin. »
a Grandrieu , le 29 novembre 1873.
« T^oDsieur le Curé,
En VI nant vous remercier de votre bon sou-
venir, permettiz-moide vous exprimer ma bien
•vive recxinnaissancfi posr toutes les bontés que
vous m'avez témoi çnées à Louriies, d'abord ea
m'introduisnnt une des premières dan? la pis-
cine, ensuite pour le bon déjeuner que vous
avez daipné m'offrir. Tout entière à mon bon-
heur , j'avais oublié de vous remercier ; aussi
ai-je été Lieu heureuse de connaître enfin votre
nom. Merci donc , je conserverai un précieux
souvenir île toutes vos boules.
Mes impressions de Lourdes sont profondé-
ment gravées dans man cœur. Pouirais-je ou-
LDcr ces lieux où Marie me combla d'un si
grand bienfait? Oh! non. jamais! Aussi, n'ai-
je point dit adieu à ce béni sanctunire , mais
plutôt au revoir. Oui, l'année prochaine, je
retournerai à Lourdes, pour épajichcr auprès
de la Vierge Immaculée les seulimenls de
reconnaissance qui débordent de mon cœur.
B Je n'étais pas du tout fatiguée lorsque vous
me vîtes sur la montagne ; seulement j'étais
accablée par un trop grand nombre de per-
sonnes, je ne pouvais plus avancer. Depuis lors
j'ai toujours joui d'une très-bonne santé ; mes
forces n'ont tait que s'accroître ; aujourd'hui je
suis tout à fait dans mon état normal, telle que
j'étais avant ma maladie. Ma guérisou a vive-
ment impressionné les Lozériens, surtout les
habitants de notre pays. Notre docteur n'a pas
hésité à donner le ra^>port que je lui avais ile-
mandé au sujet de ma maladie; j'ose prcndu'C la
ILberlé de vous l'envoyer.
H Je (lis avec vous, monsieur le Curé, que
Bolre malhciu'euse patrie est dans une bien
triste {josition. Pauvre France ! Oli ! oui, prions
jiour cJe et pour l'augaste Prisonnier du Va-
tican.
« Je n'avais pas entendu parler de la stigma-
tisée de Buis-d'H:iioe, je serais vraiment heu-
reuse de voir ce prodige.
« Mu sœur a été très-sensilileà votre bonsou-
V£nir„ elle vous [jric d'agréer l'expression de
ses xeapcclueux sentiments. Elle est née dans
le Pas-de-Calais, à Boulogne ; elle a même ha-
bile Saint-Omer ; aussi , elle est doublement
henceuse de vous connaître.
« Puissions-Dous nous ihitrouver à Lourdes
.ran-bée prochaine 1
«iEq vous renouvelant aies sinoèi'es xemiirct-
ments, je vous prie cle voulwr bien agréer
l'hommage de mon prc'fond respect.
« Irma Dubois,
« Enfant de Jlarie. »
Après avoir caractérisé la maladie, M. le doc-
teur Pontier termine ainsi son rapport :
« La guérison instaulaoée de M"" Duliois,
« opérée dans la journée du 1" octobre 1873,
« à la grotte de Notre-Dame de Lourdes, est
« un fait qui tient du prodige et ne peut être
« que le résultat d'un mh'acle.
« Signé : Portier , docteur-médecin. »
Les pèlerins étaient encore tout émus du
bruit de ce miratde, quand, à leur retour d'une
excursion au sanctuaire de Bétharram, ils ap-
prirent qu'un nouveau prodige venait d'éclater
à la grotte : Barbe Canelet , qui faisait partie
de notre pèlerinage d'Arras et Cambrai, était
guérie miraculeusement. Atteint»», depuis dix-
huit ans, d'une paralysie oq de rachitisme
qui l'empêchait de se mouvoir sans l'aid^j de
béquilles, elle avait la jambe gauche plus courte
que la jambe droite ; le genou , gonflé outre
mesure, avait la teinte violacée des membres ma-
lades, les douleurs étaient très-vives. Des pièces
oflicielles constatent l'état d'incurabilité de l'or-
pheline de l'hospice de Cambrai. Sur le registre
des malades incurables "n lit, à son nom, «a
date du 19 janvier 4839: Mul au 'jenou ; en
date du 5 avTil 186G : Marche à beqiiiiles ; eu
date du 28 avril 1868 : Ankylose du genou.
Le lô août 1871, l'administration des liuspices
ayant pris la résolution de ne conserver que
des malailes incurables, i^nrUe Qiuelel fut sou-
mise à la viaite de deux docteurs en médecine,
M. Dclbaie père, et M. DelUur-e fils; ils écri-
virent sur le registre ces mois à son nom :
Arthrite chronique du g-citou. En conséquence
elle resta à l'Ilospice-Genéral.
La générosité de quelques personnes permit
à Barbe Canelet d'accomplir le plus cher de
ses désirs, le voyage de Lourdes. Le merirredi
1" octobre, aprè-' avoir rei^u la sainte commu-
nion à la basilique, la malade avait prié avec
feiveur. L'après-midi, vtrs trois heures et de-
mie, elle se trouvait à la grotte. Un piètre par-
lait en ce moment à la foule, et ra[ipelait
qu'avec la foi on peut obtenir des miracles.
L'orphelioe de Cambrai se dit en elle-mèine :
« Oiri, la sainte Vierge me guérirai » Au
même instant, une force irrésistible la fait
tomlier à genoux sur la roche , elle reçoit une
commotion extraordinaire duns Ions ses
membres, accompagnée d'une douleur très-
vive, sa j'Tmbe plus courte s'allonge, l'eujlure
du genou dispajait, elle se relève , jette ses bé-
quilles, et s'écrie : « Je suis gutriet » La loulo
1320
LA SEMAINE DU CLERGÉ
présente fait retentir les airs de ses roligieuses
accIamalioDs (I).
C'est sous l'impression de ce? trois miracles
que les six mille pèlerins des iliocèses de Bruges,
de Malines, de Cambrai, d'Aira^:, d'Amiens, de
Nantes, de Vannes, de Lyon, de Mende, s'ali-
gnent sous leurs riches bannières de soie et
d'or, en longues files interminables qui se dé-
roulent en gracieux méandres sur les flancs de
la montagne du Calvaire dominant la chapelle.
Involontairement, on s'arrête pour contempler
les plis et les replis de cette immense procession
qui s'étend de la ville au sommet de la Mon-
tagne ; on entend çà et là trente chœurs de
chants différents et les harmonies d'une musi-
que lointaine. Toutes ces lignes, aux costumes
les plus variés, viennent s'arrondir sur le gazon
du plateau en un large ovale, autourd'un auti.'l.
Du haut de cette cime élevée, on aperçoit, d'un
côte, la forteresse de Lourdes avec sa petite cité
assise à sa base, et l'extrémité delà floche delà
basilique Notre-Dame ; de l'autre côté, on ad-
mire les sommets de la chaîne des Pyrénées,
formant une ceintura de dômes majestueux, les
uns couverts de neige, les autres éclairés par les
rayons d'or du soleil couchant. Cinq iirclats
entourent l'autel sur lequel un prêtre ap[iorte
le Saint-Sacrement. Six mille cierges s'allumint
instantanément; la musique de Nantes joue le
Stabat Mater que le chœur des pèlerins reprend.
Personne ne peut résisteràl'émotion, onchante
en pleurant. Mgr Lequette soulève son audi-
toire par les accents d'une irrésistible éloquence;
les six mille voix acclament la Vierge Imma-
culée : Vive Notre-Dame de Lourdes 1 Vive la
France catholique ! Vive Pie L\ I Mgr Lâchât,
évêque suisse persécuté pour la foi, donne la
bénédiction du Saint-Sacrement. Le cantii_,'ue
Dieu de démence, sauvez Rome et la brawe, ter-
mine ce salut solennel dont nous conserverons
le souvenir toute notre vie.
On descend la montagne que des milliers de
lumières transforment en une montagne de feu,
et l'on va se grouper autour de la grotte illu-
minée. Alors un évêque missionnaire, Mgr Char-
bonnel, s'écrie, à la fin d'une exhortation su-
prême : Jurez de rester jusqu'à la mort fidèles à
Warie. Tous nous répondons dans un unanime
élan: Nous le jurons ! Alors les pèlerins de Bre-
tagne entonnent leur chant national si entraî-
nant : Catholiques et bretons toujours l Ainsi finit
cette fête de Ja terre, avant-goùt de celles du
ciel 1
CHRONIQUE HEBDOMADAiRE
La Société promotrice du culte lies sai'Hes Images. —
AudieDce 'lu Pape à viagt-quatre ea. nts pauvres
t. Semaine religieuie de Cambra» 11 oct. 1873. — £man-
«tfoteur, oct. iali.
retirés d'une école pror?>tante. — Dévolion à la
sainte Ame d- Notre-Seigneur. — Acnat J'ho sU]Qt
crexainen. — Nomination rln MM. Iesf.l)hi;, Besson
et Cortet aux évècliés de Nimes et de Troyes.
Le titre de innitre en théologie décerni; aii K. P.
Monsabré. — Fêtes du centenaire d'O'Conneîl. —
Amour des Irlandais pour la France. — Nouvelles
de la persécution allemande. — Défense de pour-
voir aux b'isoins des prêtres. — Déveloiipements de
la presse calhol qu?. — Conversions. — Jugement
du Times sur les résultats de la persécu'.ion. —
Lettre da Siini Père à Mgr lëvêque de Paderbora.
— Le jubilé de Mgr de Ketteler.
11 août 18/".
Rome. — Au lendemain du jour où les Pié-
montais eurent pris possession de la ville de
Rome, des banles de misérables iconoclastes
commencèrent à faire la guerre aux oratoires,
aux statues et aux pieuses images qui en
ornent toutes les rues, les profanant, les sac-
cageant et les brisant. Inutile de dire que la
police fermait les yeux sur ces sacrilèges. Les
catholiques furent donc obligés d'y porter re-
mède. Ils organisèrent en conséquence une so-
ciété, à laquelle ils donnèrent le nom de Société
promotrice du culte des saintes /mayff, ; des sous-
criptions furent ouvertes; et bientôt les images
et les oratoires qui se trouvaient le plus expo-
sés furent protégés par des grilles en fer.
Pareillement les images qui avaient été ravies
ou brisées à coups de pierre furent refaites à
neuf et remises à leur place, enfin on célébra
des triduums solonnels partout oii l'on avait
eu à déplorer des sacrilèges de ce genre. Les
iconoclastes comprirent qu'ils n'aboutissaient
à autre chose qu'à réveiller la piété de la po-
pulation. Aujourd'hui ils se sont éclipsés, tan-
dis que les images de la mère de Di''U brillent
dans toute leur splendeur et continuent d'être
l'objet de la vénération des Romains La Sniété
promotrice du culte des ;aint:s >'mgts, quoique
le but premier de son institution n'existe plus,
ne s'est cependant pas dissoute. Comme son
nom l'indique, après av ir réparé les outrages
faits aux saintes images, elle travaille à en
étendre le culte. Le Saint-Père a daigné récem-
ment en recevoir les membres, à la tète desquels
se trouve M. le marquis Cavalletti , ancien
maire de Rome. Il s'est fami!ièrement entre-
tenu avec eux des résultats oMeuus par la
Société.
Le Saint-Père a aussi reçu, dans ses appar-
tements privés, vingt-quatre enfants catho-
liques arrachés par M. l'abbé Minoccheri à une
école protestante, qui les avait atiirés eu don-
nant à leurs parents, qui sont fort pauvres,
quelques petits secours. M. l'abbé Minoccheri a
placé ces enfants dans des écoles catùoiii^ues,
et il a ouvert une souscription pour les habiller
et assister leurs parents, n pré er.tint au Pape
ses chers protégés, M. l'abbé Minoccheri s'est
exprimé eu ces tvrmes : « Je vous prie, Très-
LA SEMAINE DU CLERGÉ
ÎSÎT
Saint Pi-re, de daigner bénir ces jeunes arti-
sans et li'urs familles. La bénédiction de Votre
Sainteté les c.ontirmera dans la foi catholique
et sera pour eux le gage d" la persévérance
dans l'exercice des vertus chrétiennes, n Le
Pape a répondu « Oui, mes enfants, je vous
bénis de grand cœur, vous et vos familles.
Souvenez-vous, au milieu des périls qui vnus
entourent, que Dieu a placé à vos cotés un dé-
fenseur perpétuel : c'est voire saint ange gar-
dien. Invoquez-le avec confiance, et assuré-
ment il vous viendra en aide et il vous
délivrera des embûches de l'ennemi infernal
qui souvent emprunte la forme de perfides
conseillers. Cet ennemi et ses agents, il saura
les mettre sous vos pieds comme autrefois
l'archange saint Michel a su terrasser Lucifer.»
Ensuite le Saint-Pére a chargé un prélat de sa
maison, Mgr Negrolto, de l'informer des pro-
grès de l'œuvre de M. Minoccheri et des secours
dont elle pourrait avoir besoin.
Si nous en croyons la Semaine liturgique
de Marseille, le cardinal Patrizzi, préfet de la
sacrée Congr('gation du Saint-Olfice, aurait écrit
au cardinal-arehcvêque de Paris, une lettre en
date du t7 mars deinier, dans laquelle il lui
fait savoir que ladite Congrégation, chargée jiar
le Souverain Pontife, d'examiner une dévotion
nouvelle, dite dévotion envers la très-sainte âme
de Notie-Seigneur Jésus-Curist, qui s'est intro-
duite en quebpies endroits, a déclaré :
i' Qu'on ne pouvait permettre de lire et de
répandre les écrits «le la sœur Aimée de Jésus,
avant la correction et l'autorisation du Saint-
Siège ;
2° Qu'on ne peut, sous prétexte de dévotion
envers la très-sainte âme de Jésus, introduire
dans le culte public de l'Eglise, des nouveautés
condamnables dans les images, formules de
prières et tous objets pieux.
a La sacrée Congrégation, ajoute l'éminent
préfet, ne voit pas moins de gravité dans la
question de la lor.-ne du culte de la très-sainte
âme de Jésus-Ciirist, que l'on vomirait intro-
duin», et qui déjà, dit-on. aurait commencii à
s'introduire quelque part. Il s'agit, en elîet,
d'une nouveauté liturgique et d'un litre inusité
dans toute l'Eglise, et conséquemment d'une
chose excessivement grave, qu'il n'est permis,
ni convenable, ^urtoul sans l'avis du Sainl-
Siége, de livrer à l'arbitraire et à l'ardeur de
la dévotion de chacun.
« On doit aussi porter le même jugement sur
les gravures et prières que l'on a imaginées, à
cause de leur nouveaulé et pour les nombreux
inconvénients ijui pourraient en résulter, si
rimagioation était ainsi livrée à elle-même. »
Nous ne connaissons de cette dévotion nou-
velle rien de ce qu'on vient de lire. Nous nou^
permettrons donc seulement .'îe rappeler que
saint Ignace de Loyola , dans sa prière bien
connue : Anima Christi, invoquai! Tàme de
Noire-Seigneur même avant son cœur.
Les études dans les établissements du gouver-
nement sont si brillantes, qu'elles ont amené,
pour la clôture de l'année scolaire, un scfindale
inouï. Les élèves du collège Ennius-Viseonti,
qu'on a substitué au Collège-Romain, ne se
sentant pas de force à subir les examens de fin
d'année, ont corrompu un des professeurs et lui
ont acheté, au prix de 1,500 francs, le sujet des
examens. La fraude a été découvei4e et une
enquête se fait pour connaître les coupables.
Mais que fera le ministre si on les découvre,
puisque le cas n'a jamais été prévu, et qu'il n'y
a pas de pénalité édictée qu'on puisse leur
appliquer ? Oh 1 l'éducMlion de la jeunesse va
bien à Rome, depuis qu'on l'a délivrée de l'obs-
curantisme clérical !
France. — Deux décrets du président de la
République française, portant la date du 3 août,
nomment :
M. l'abbé Besson, chanoine de l'église métro-
politaine de Bes;inçon, à l'évèché de Nîmes, en
rem|ilacement de .Mgr Plantier, décédé.
M. l'abbé Cortet, ancien vicaire général, à
l'évèché de Troyes, en remplacement de Mgr
Ravinet, dont la démission est acceptée.
Nos lecteurs apprendront avec plaisir que le
plus haut titre scientificiue qui puisse être porté
dans l'ordre de Saint- Dominique, celui de maître
en théologie, vient d'être déceruéauR. P. Mon-
sabré, l'éminent [irèdicaleur de Notre-Dame.
L'acte qui lui confère lu dignité et les préroga-
tives de ce titre a été signé par le Pape le
3 juillet, et la cérémonie de la remise de la
barelte et de l'anneau doctoral a eu lieu le
27 suivant, au couventde Saint-Jacques, à Paris.
Le P. Lacordaire avait reçu de Pie IX la même
distinction.
Irlande. — La nation sœur de la Pologne
par ses malheurs a célébré, les 5 et 6 de ce
mois, le centenaire de celui qu'elle appelle son
libérateur, d'O'Connell. Des invitations avaient
été adressées par le lord-maire de Dublin,
M. Mac-Swiney, à toutes les célébrités catholi-
ques du monde entier ; un grand nombre de ces
invités se sont rendus à ce gracieux et fraternel
appel. Les autres ont écrit que ne pouvant être
présents de corps à la grande fête, ils y seraient
présents par le cœur. Celte fête a eu un carao-
tère essentiellement catholique. On a voulu se
conformer à la pensée de celui qui en était
l'objet, et dont le patriotisme avait pour base
l'amour de l'Eglise. Le peuple s'y est préparé
par la communion. Le premier jour, la messe
solennelle a été célébrée par lecardinal Cullen,
entouré de plus de quarante évèqueset d'innom-
1328
LA SEMAHE DU Él.EUGÉ
brables prêtres, séculiprs et religieux, el en pré-
senccde? maires et «les aldermen de touslrs com-
tés d'Irlande, en grand costume. Le Pape avait
acioidé une indulgence plénière et la bénédic-
tion apostolique, qui a été donnée par le car-
dinal Cullen, après TEvangile. La messe ache-
vée, un Te Deum a été chanté d'une seule voix
etd'un seul cœur par Fassistance tout entière.
Puis Msr Crok43, évèque de Cashe'i,en l'absence
du prélat dominicain qui devait faire l'éloge
d'O'Coanell, et qu'une indisposition avait empê-
ché de se rendre à la fête, est morité en chaire.
Il a montré O'Connel non pas comme orateur, ni
comme hommed'Etat,ni même comme patriote,
mais comme catholique, fidèle observa*eur de
sa foi dans sa vie privée et dans sa vie publique.
C'est la foi catholique qui a fait O'Connell ce
qu'il est, en le maintenant dans les stricles
limites du devoir et de la loi, en l'empêchant
de n'être, comme Mirabeau ou tout autre orateur
populaire, qu'un heureux tribun au lieu d'un
libérateur, en donnant à son nom, dans saclière
Irlande, ce prestige magique que le peuple
n'accorde qu'à celui qui l'a véritablement aimé,
à celui qui partage ses souflrances et sa foi.
Les grands hommes font le plus souvent le
malheur de leur pays ; O'Connell, parce qu'il
était catholique, en a été le salut. L'orateur a!
bien voulu associer la Frauce à l'éloge d'O'Con-
nell, et a rappelé les conquêtes de la liberté
chez nous, notamment celle de renseignement,
qn'à revendiquée O'Connell et que Tlrlande
attend encore. Il faut dire que le drapeau de
la France, flottait partout dans la ville, à l'ex-
ception de tout autre, sauf !e drapeau améri-
cain, et que les Français venus à la fête ont été
en toute circonstance l'objet des allcutious les
plus délicates.
Le soir, au banquet offert par le lord-maire,
de nombreux toasts forent portés, le premier,
comme il avait été annoncé, au Saint-Père, et
celui à la reine seulement en second lieu. Los
trois filles d'O'Connoll assistaient aux toasts,
dans une galerie supérieure, avec les dames de
la famille du lord-maire et quelques amis.
Le lendemain eut lieu une gigantesijue pro-
cession formée de piétons, de chars et de cava-
liers, venus de tous les points de l'Irlande et
se développant en cercle par les rues de la
ville sur une longueur de jilus de deux lieues.
Noua empruntons au récit d'un des rédai.--
teurs de Vinivers, présent à la fêle, la page
suivante, qui'aucun Français ne lira sans alteu-
drissenfient :
« La procession s'avance lentement à travers
les raesr pour aboutir, en saiTant le parcours
indi.iué, à remplacement où, daus Sackville
êtrevi, est dressée nne estrade recouvrant
l'endroit même oii doit s'élever le grand
laoninnént d'O'Connell. Sur les quais, le long
de« rues, aux fenêtres, jusque sur les toits, la
foule se presse, entassée, innombrable. A
mesure que défile le cortège, son enlhou-iasme
éclili! par des cris et des applaudissements. Il
dtbord^ quand il voit passer la voiture où se
trouvent l'évoque de Naotes et l'évèque de
Dâle, puis celle où ont pris place les Finançais.
Ff^ench, yood Frcnclt, God Savethe Frmcli, God
blesse the frcnc/i! (Français, bons Français, que
Dieu sauve la France, que Dieu bénisse la France !)
Ces cris partout retentissent el >'appe!lent et se
répètent; c'est uoe clameur, un tourbillon de
voix que rien ne sijurait rendre et où il semble
qu'ait passé l'àme tout entière de la catholique
Irlande, saisissant et embrassant sa sceur de
France; aux fenêtres, les dames agitent leurs
mouchoirs, et dans le peuple, les plus pauvres
femmes se jettent près de notre voilure au
risque d'en être écrasées. Un membre du comité,
qui nous accompagne, leur en fait la remar-
que : Eh! qu'importe, dit l'une d'elles; mainte-
nant je peux mourir. De ces braves femmes, il
j' en a beaucoup qui pleurent de joie au sou-
venir, et, comme elles disent, à la vue de la
France. Ah! nous ne savons pas combien l'on
nous aime en Irlaniie, et nous ne le saurons
jamais bien, car on sent ces choses et on ne les
raconte pas, il faut les voir. C'est ce matia
qu'un bon religieux, de la congrégaiion du
tiamt-Esprit de France, me contait deux traita
qui feront peut être deviner ce que je ne puis
tiire suffisamment corapreuiire.
(1 C'était pendant la malheureuse guerre de
4870. On récoltait des secours pour la France,
pour ses blessés, pour aider toutes ses misères,
et l'Irlande donnait des millions, obtenus, veirt-
on savoir comment? Un charpentier, père d*
six enfants, gagnait 35 francs jiar semaine. Erv
deux mois, il eut économisé aOO francs, qa'iï
versa à la souscription pour la France. « Mais,
lui dit-on, comment avez-vous fait pour obtenir
pareille somme? — Ah! dit-il, c'est bien sim-
ple, comme c'était pour la France, nous avon*
jeûné troisjours par semaine depuis deux mors.
Voilà 200 francs, c'est pour la France! » Au
comité de Cork, les nouvelles depuis plusieurs
jours arrivaient mauvaises pour nous; les
Irlandais n'y pouvaient croire; de iontes parts
il se faisait des meetings en notre feveur où
l'on protestait contre ces nouvelles, hélas! trop
vraies, mais que l'on croyait falsillées à dessein.
Et comme le télégraphe continuait d'apporter
des nouvelles désastreuses, un brave paysan,
I»lc:;-.--,nt de colère et de rage, s'écria ua
j-our : « Eh- bien, nous le couperons, ce lélé.»
graphe! »
« Voilà comme ils aiment la France. Atrssi la
vri tu re de l'évèque de Nantes n'avançait qae
{
LA SRMAiRa DC CLERGE
132f
lenteraent à trai'crs nae foule paitoiit com-
pacte, a(>)ikui. lissant fiéni'tiiiutr^'ent, souvent
agenouillée. Les femmes lui apportaient leurs
euf.inls à Kéuir ; les hommes criaient en atçi*
tant leurs chapeaux ou les feuillages verts
qu'on voyait se balancer partout; et pnrfois,
l'explosion, toujours ardente, reiloublalt encore.
Il fallait iiue la voiture a'arrètàt, que l'évâquB
parla*, sans savoir un mot d'anglais, mais sur-
tout qu'il les bénît. Pl'us d'une fois, pour sous-
traire les évèques à ces ovations prolongées,
dont il redoutait pour eux la fatigue, l'excel-
lent docteur Sigseron dut descendre de voilure
et interposer son autorité. Elle était toujours
obéie. Car c'est un Bouvel homraajje à rendre à
ce peuple que de constater Tordre admirable
et le calme i|u'il conserve au milieu îles plus
ferventes manifcslalions- de son religieux pa-
triotisme. Se figure-t-on nulle part ailleurs une
lile de voitures interminable traversant de la
sorte, sans être jamais coupée, sans qu'il soit
besoin d'escorte, une pareille foule, et cela,
durant six heures t
« yvar répondre aux premiers élans de celte
(iiria irlandaise en l'honneur de la France,
nous nous étions conteutés des l'abord de sou-
lever nos chapeaux de temps à antre , bientôt
il nous fallut marcher tète-nue. A cliaque pas
celaient, des cris, et à toutes les maisons, à
chatpie étage, à chaque fenêtre des mouchoirs
qui s'agilaienl et des têtes qui s'inclinaient
gracieusemeut pour nous souhaiter la bien-
venue. Dans les quartiers les plus populeux,
*ctte furia redoublait encore, ou du moins elle
semblait encore plus intense, tant cette foule
de peufile,massée comme elle pourrait l'être en
notre faubourg Saint-Antoine, jetait de cris
snr notre passage. Là aussi, des décorations
s'étai-enl pour ainsi dire multipliées, moins
riches peut-être, mais non moins émouvantes ;
partout des bannières et des statues de sa nts,
partout desslatu^sd'0'CiMirmell, partout quel-
que écharpe verte, quelque cocarde, quelque
ruban, hommage du cœur de ses lils à lu verte
Erin »
Malgré deux tentatives arorlées «lu parti
nalioualisle, «jui est le parti libiial, la fêle a
conservé jusqu'à la fia son caractère essentiel-
lement catholique. Ce parti aurait voulu ma-
nifester d'une manière quelconque en faveur
des fénians condamnés, mais personne ne s'est
associé à eux.
Conformément à Tinvitalion que le cardinal
Culien avait Faite par une lettre pastorale, de
garder durant les fêtes une tempéreoce par-
faite, on n'apas vu un seul homme ivre pendant
ces deux jours de réjouissances de tout un
peuple. Faisant passer leur religion et leur
patriotisme avant leurs intérêts, tous les caba-
xetiers ont epontauément fermé leurs établisse-
ments. C'est nn bel exemple de la puissance de
la foi .
Allkmagke. — Toutes les six semBines, les
six prêtres qu'ion a jusqu'ici enfermés dans la
prison die Poeen pour refus de déclarer quel est
l'administrateur du diocèse, sont amenés de-
vant If juge, qui leui' répète ses questions ; et
comme ils refusent de faire aucune révélation,
ils sont aussitôt renvoyés en prison. C'est une
véritable torture morale, savamment calculée
pour briser la volonté et les forces de l'àme par
l'enmii, la lassitude et les tristesses d'auK réclu-
sion prolongée. La chaleur, les miasmes délé-
tires, la vermine, le défaut d'air ont déjà
ébranlé gravement la santé de la plupart d'entre
eux.
Toutes les indemnités dues au clergé par le
jrouvememcnt prussien ne sont plus payées
oepui^^ le I" juillet. Ces prêtres qui n'avaient
pas d'autrii moyen d'existence sont réduits à
la misère. Les autres sont dépouilles par les
amendes; le fisc vend maintenant jusqu'à leurs
lils, jusqu'à leurs habits.
Le gimvernemenl ayant défendu de quêter
pour les curés spoliés, voulant qu'ils vendent
ii'ur conscience pour un morceau de pain oa
qu'ils meurent di; faim, les fidèles portent leurs
aiimôni's au moment de l'olïrande, à la messe
du dimiiiiche, comme cela se pratiquait dans
la primitive Eglise. Les journaux libéraux
demandent au gouvernement que cala soit
aussi interdit. Si le gouxernement accède à ces
vœux d'humanité, les hdéles trou-veront bien
d'autres moyens pour ne pas laisser les pasteurs
mourir de f.iim.
Les boulangers dn diocèse de Paderbom
ayant décidé qu'ils fourniraient gratuitement
du pain aux prêtres tout le temps de la persé-
cution, ont été cités en poU.^c correctionnelle.
M. le baron de Loë a été condamné à sis
mois de forteresse. L'accusation lui reproche
d'avoir prononcé à Tassemblée catholique de
Dormund, ilya un an, les paroles suivantes;
« L'empereur et le ministère, se sont jetés dans
les bras du libéralisme; or, le libéralisme, c'est
la lulle contre Dieu. » Six mois de prison pour
ces paroles, c'est dur, car l'on ne voit pas en
quoi elles impliquent, comme Ta a<lmi^ le tri-
bunal, le crime de lèse-majesté. MaisM.de Loô
prétend ne les avoir pas prononcées.et il appelle
de ce jugement.
Défense ayant été faite d'orner les maisons
sur le passage de Mgr Tévèque de Munster, les
populations décorèrent de drapeaux et de ban-
nières tous les arbres longeant les routes.
Les prélats de Kurilau, de Gogolewo et de
Wieeowa viennentde recevoir Tordre de quitter
la province de Posen.
A Bad-Rolhenfelde, les sœurs de saint Fran-
çois, qui soignaient une quaraataint d'enfaatj
<330
LA SEMAINE DU CLERGÉ
et de femmes pauvrrs, ont é!é expulsées. Des
dames de la ville sont allées volontairement les
remplacer.
Les sœurs bénédictines de Fulda, ayant
venJu leurs immeubles, ordre leur a été donné
d'annuler la vente. Elles se garderont bien de
le faire.
L'abbé Meurin, de Aldenau, a été condamné
à une semaine d'emprisonnement par le t: ibu-
nal deCoblentz,pour avoir prononcé un sermon
où l'on a cru voir des attaques contre l'Etat.
A Dahll, le prêtre Goress a été condamoé à
cinq jours de prison pour avoir assisté un pas-
leur malade.
Pour critiquer des lois de persécution, ont été
condamnés depuis une quinzaine : deux rédac-
teurs du Courrier de Posen, l'un à onze mois de
prison, l'autre à six semaines ; le rédacteur du
Bole am Rkein, à viujst jours; celui du Schle-
sisiche Volkszeitimg, à huit jours.
Tous les rédacteurs de la Gazette le Cologne
sont en prison. Elle continue néanmoins à
paraître, rédigée par des confrères.
Cette guerre à la presse catholique est comme
le sang des martyrs: au lieu de l'abattre, elle
ne fait quy multiplier ses organes. On n'en
comptait pas cent avant 1866 ; il y en a aujour-
d'hui plus de trois cents, dont plusieurs ont
jusqu'à 30 et 40,000 abonnés.
Les conversions aussi se multiplient. Depuis
queli|ue temps on en a enregistré un grand
nombre, principalement dans l'Oldenbourg, le
Mecklembourg et la Poméranie. Parmi les nou-
veaux convertis, il y en a beaucoup qui appar-
tiennent aux plus hautes classes de la société,
et plusieurs aux Universités.
Aussi le Times, le grand organe du protestan-
tisme en Angleterre, disait ouvertement il y a
quebiues jours : « Nous nous tromperions gra-
vement, si nous prétendions qu'il n'est pas
prouvé que les prétentions de M. de Bismarck
de miner le pouvoir papal ont beaucoup con-
tribué à le consolider. 1)
Le Times pense donc comme le Saint-Père
lui-même, qui vient d'écrire (15 juillet 1875)
à Mgr Martin, évéque de Paderborn, la lettre
suivante que donne la Germania en y faisant
quelques suppressions voulues par les circons-
tances :
« Nous sommes persuadé, vénérable frère,
que les premiers chrétiens ne pou s'aient rece-
voir de lettres plus précieuses que celles que
leur adressaient les apôtres et cvéqnes du fond
de leurs prisons. Nous avons ressenti la même
joie en recevant la votre, qui nous témoignait
que vous combattiez vaillamment pour les vé-
rités de l'Eglise. Vous comprendrez tout votre
mérite si vous jetez les yeux sur qui a tant
contribué à l'atlermissemenl des âmes et à l'or-
.liûer les catholiques.
■ L'C^lise ne saurait désirer des victoires
plus brillantes. Tout le monde comprendra
quelles voies triomphales ces victoires lui ou-
vrent. Elles dessilleront les yeux de nos adver-
saires, qui s'apercevront qu'ils ont puissam-
ment contribué à l'extrnsiou de la grandeur et
de la puissance de l'unité catholique. Comme
homme, nous devons plaindre votre sort; mais
comme vicaire de Jésus-Christ, Nous ne pou-
vons que vous féliciter d'avoir été jugé digne
de ressembler à Celui qui s'est donné tout en-
tier pour son Eglise, de celui qui a vaincu le
monde en chassant Satan. Vous concevrez quelle
joie Nous a causé votre conduite.
i> Notre cœur est rempli à la
vue de ce que contre vous,
votre petit clergé et contre les lidèles Nous
implorons le Ciel afin
qu'il vous fortifie pour pouvoir supjioiler tous
les maux dans la délensse des
droits
<i Kecevez, comme gage de Notre bienveil-
lance, la bénédiction apostolique, etc. »
Nous terminerons par un récit de fête ; il y
en a encore dans l'Allemagne calholiiiue et de
belles. Témoin celle de Mayence, celélirant,
les 26 et 27 juillet, le jubilé de son évéque,
Mgr de Ketteler. Tout ce que l'Allemagne ca-
tholique compte d'illustre s'était donne rendez-
vous dans la ville de saint Boniface. Le clergé
était très-nombreux, la noblesse avait envoyé
1 17 membres, représentant toutes les grandes
familles allemandes. Toutes les familles de la
noblesse rhénane y étaient venues. Un peuple
immense remplissait les rues. Les maisons
étaient magnifiquement décorées.
Les orateurs ont naturellement parlé de la
lutte que soutient l'Eglise, et ils ont exprimé le
ferme espoir riu'elle en sortira viclm u'use.
Le second jour de la fête, le délile des dépu-
tations n'a pas duré moins de deux hciires. La
cérémonie sur la place publique a ollerl un
magnifique spectacle, Mgr Kelteler, ileboul sur
l'estrade, a prononcé un discours auquel la
foule, comprenr.nt au moins 50 ObO personnes,
a répondu par le chant du Te iJenm et les ac-
clamations répétées de V.vat Piusl
P. D Uauterive.
I>os abonnés qui connaî' raient qiu'hiu'au-
tographe ou quelque lettre inédite rie saint
Yiiicent de l'aul, sont priés de vouloir faire
connaître la claie de. la lettre et le nom du des-
tùiaiaire au Secrétariat des Lazaiislcs, rue dô
Sèvres, 95, à Paris.
Tome IV. — N" 44. — Troisième année.
25 août 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THEME HOWILETIQUE SUR L'EVANGILE
DV XV" DIMAUCUE APRÈS LA PENTECOTE.
(Luc. VU, 11-16.)
I. En ce temps-là Jésus allait dans une ville ap-
pelée Nuïm, et ses disciples laccompat/naient avec
une grande foule de peuple. Or, comme il s'appro-
choii de la porte de la ville, il se trouva qu'on
portait un mort en terre. Chez les Juifs, les lieux
de sépulture étaient situés en-delioi s des villes ;
c'est pourquoi le convoi funèbre est ici rencon-
tré à la porte de la ville. Cette circon-^tance du
récit évangélique en atteste la véracité. La ren-
contre de ce cercueil avec l'auteur de la vie
n'avait rien de fortuit ; le hasard est un mot
vide de sens et qui n'est pas chrétien. Tout est
prévu de Dieu jusque dans la vie du dernier des
hommes; à combien plus forte raison n'en était-
il pas ainsi de chacune des démarches de Jésus-
Christ? Il venait de guérir le serviteur du
centurion; et des orgueilleux incrédules ayant
contesté l'importance de ce miracle, Jésus voulut
les confondre par un prodige plus grand encore.
On s'attaque à votre conduite, on critique vos
actions; si vous êtes dans la bonae voie, laissez
dire et continuez ; redoublez même de zèle pour
faire mieux encore et vaincre le mal à force de
bien. Dicil enim aliquis de puero centurionis, quod
moriturus non erat : ut igitur temerariam linguam
cotnpesceret,jam defuncto juveni Christumobviam
ire fatetur {\). Et ce mort était le fils unique de sa
mère, qui était veuve, et qu'accompagnaient un
grand nombre de personnes de la ville. Comme la
suite du texte nous l'apprend, le défunt était
un jeune homme, moissonné dans sa fleur, en-
levé dès le printemps à toutes les espérances de
la vie, emporté sans doute à l'heure où il y pen-
sait le moins, comme il n'arrive que trop sou-
vent à tous les âges, mais surtout à l'âge de la
présomption et de l'imprudence. C'était le fils
unique d'une mère demeurée veuve, le seul
appui, la seule consolation de cette pauvre
abandonnée. Tout se réunissait donc pour ins-
pirer la pitié, et la foule compatissante suivait,
avec commisération cette femme éplorée, irap-
pée deux fois dans ses aflfections les plus chères.
En faisant l'homme à son image. Dieu a mis,
dans le cœur de celte créature privilégiée, le
sentiment de la bouté qui est en l'homme comme
1. Titut Joi. Pr. in calen. iur.
le cachet de l'effigie divine. Il faut plaindre
ceux qui restent froids en face de l'iuHjrtune
d'aulrui; il leur manque ce qui rapproche de
Dieu, ce qui fait l'homme et le chrétien; ils
sont « sans otfectioa, sans miséricorde (1). »
Cette miséricorde, Jésus Christ , tils de
l'homme et fils de Dieu, Jésus-Christ l'éprouve,
en voyant la veuve de Naïm abîmée dans sa
douleur, et il lui dit: Ne pleurez pas/ Ah! il
faut être Dieu pour oser dire à une veuve, traî-
nant le deuil de son fils uni(iue : Ne pleurez
pas. Voulez-vous être efficacement consolé; ne
vous adressez pas aux hommes, et ne comptez
pas sur eux. « Toute consolation humaine est
vide et dure peu (2). » Jetez-vous dans le sein
de Ùicu, le père de Àotre-Seigneur Jésus-Christ,
Père de miséricorde et Dieu de toute consolation,
qui nous console dans toutes nos épreuves (,'{). Il
tst le Sei,/neur; c'est lui qui fortifie au jour de la
tribulatiun {i). Ses consolations ne s-nt point
comme les vaines p.i rôles des hommes; il essuie
toutes les larmes et retire des portes du tom-
beau.
t'I Jésus s'approcha et toucha le cercueil. Le
contact de son corps suffit, quand il le veut,
pour communiquer la vie. Ideo autem, non so-
lum verbo peragit miraculum, sed et feretrum
tangit, ut cognoscas efficax esse sacrum Christi
corpus ad humanam salute-n; est enim corpus
vitœ et caro Verbi omnipotentis cujus habet vir-
tutem : sicut enim ferrum adjunctum igni perficit
opusignis, sic postquam caro unita est veibu quod
vwificat omnia, ipsa quoque fada est vivificativa
et mortis exjiulsiva{o). Ceuxqu: portaient le cer-
cueil subissent l'ascendant irrésistible de la di-
vinité, ils s'arrêtent; le mort entend la voix qui
le rappelle à la vie; il se lève de son cercueil,
qui, selon l'usage, n'était pas fermé; il se mon-
tre à la foule stupéfaite et commence à parler.
Et Jésus, le prenant par la main, le donna à sa
mère. Il est difficile de se former une idée de
l'émotion, de la joie de cette heureuse mère, et
de son heureux enfant. Dans le concert de
louanges qui s'élevait de toutes parts, il est
naturel de penser que leur voix dominait.
Dieu n'a jamais cessé, et ne cessera sans
doute jamais de faire des miracles. Il les fait
l. Rom. I, 31.
•2. Imitât. I. II, c. XVI.
S. U Cor. 1,3 et 4.
4. Nah. 1, 7.
5. C'jiiti, m calen. grme. pair.
«333
LA SEMAINE DU CLEnCE
pour la gloire de son nom cl riionncur de ses
bainls. pour la joie des forts, riiÛermisscmcnt
des laiklt.s et la confusion des iiiiiiics. S'il a le
droit d'exiger la reconnaissanee de ceux qui
sont rolijerimméiiiat de ses prédileclions, «le
ceux que la langue cntholique appille les mi'
raciilcs, il comj'ta aufsi sur la grrn'itude de
ceex qui FOut témoins de ses prodiges; c'est
pourquoi Dieu visite son pevplc, quand il ré-
veille la foi par un miiacle, de tovUes le? bou-
ches chiéiicnncs doit monter vei-s le ciel un
cantique li'action de grâecs.
II. iV.yis il est des miiacles non moins écla-
tants que la guérison d'une lualuiiie incurable
ou la résurrection d'un raort, miracles que la
grâce opère dans le secret des âmes, et dont le
prodige aocomidi aux portes de N;iïm était la
tjguie siilisfaisautc. Ce r.iorl que l'on va met-
tre enterre bo; s des portos de la ville est l'image
de ces pécheurs scandaleux dont les fautes de-
venues publiques alfligenl sas amis et désolent
l'Eglise sa mère. Il est éto.ndu dans son cer-
cueil; froid et insensible, il n'entend pas les
sanglots de ceux qui l'accompagnent, il ne
peut pas se rendre compte du malheureux état
dans kqufl il se trouve. Tel est le pauvre pé-
cheur endormi dans un calme slupide et ui:e
sécurité trompeuse : Jacet wortuus in feretro,
cum anima peccatrix requiescil in sua conscient ia
maie secura (1). Le mort, cndavre inerte €t
immobile, se laisse porter en terre; ainsi le
pécheur s'abandonne en aveugle à ses passions
homicides, à ces faiix amis qui ont creusé sa
tombe éternelle el l'y mènent. Ces passions et
ces piétcndus amis s'acharnent surtout à la
fleur de la vie, à la jeunesse hélas! trop peu
déliante. Que d' pauvres jeunes L'-ens menés
hors de la cité, loin de ^i£gli^e, loin de la fa-
mille et préciiiités dans l'abinie! Qui vero sepe-
lienduni pmtaiit, cet irmrtunda dendcria siint quœ
truhiint hominem in interilum, lenocinia blan-
dkntiwn sunt vtneniifa sociorum, qvœ peccata
nimium juieiubus iollunt et accuniulunl (2).
Ce malheureux jeune homme, ce [lécheur
infortuné, il a une mèi-e qui iuit son cercueil,
une mère qu'il a ahaudounée lorsque, dans son
veuvage, elle avait tant besoin de lui. Celle
mère délaissée, c'est Ja sainte Eglise, veuve de
son céleste époux, et qui pleure la mort spiri-
tuelle d'un de ses enfauts ; c'est la mère cb ré-
tienne qui gémit sur la perte d'nu cœur qu'elle
avait formé pour Dieu, c'est Monique derritTe
le cercueil d'AuguBlin (3)1
Hais Jésus s est approché, et il a dit : Noh
1. Bedn in Calen. aur.
i. M. ibid.
3. Par une de ces allusions touchantes et profondes,
dont l'Eglise a seule le secret, c'est cet évangile que nous
liMot en la fête de saints MoBiqae.
j'cre, ne pleurez pas! Non, ne pleurcT pas, 6
sainte Eglise; vous avez entre les mains le
moyen de tout guérir et de tout ressusciter;
loin devons la doctrine désespérante qui refuse
le pardon et nie la rémission des ]>échés. Per
verba : noli flere, itovati dor/motn confunditur qui
hianilem qiddem pœnilenlnim mimdutionem eva-
cuoi'e conaiw'i vcrcmqne mntrem Ecclesiam, de
natorum sv.orum extinctione plornntem, spe vitœ
rcJunimdte ner/ot consolori (kticre{\). 0 mère
désolée, ne pleuTi'z pas saiiS espoir; si, à vos
larmes, vous mêlez vos prièi'cs el vos péni-
tences, si vous suivez vo'.re cher enfant jusque
diins li2S voies où il se pcid, p 'ur l'empêcher de
rouler au fond de l'abime, il vous sera rendu;
Jésus-Christ viendra qui touchera le cercueil;
il posera sa main sur cette conscience eudurcie,
et. à l'instant même, ceux qui portaii?nt votre
enfant en terre s'arrêteront; ses passions se
calmeront, son imagination mieux réglée, son
intelligence illuminée, sû. volonté forliiiée ces-
seront de l'entraîner à sa perte; l'enfer et le
momie verront ce changcmi nt soudain ; ils
s'arrêteront subjuguéspar l'as-TCudant divin, et,
dans cette stupéfaction et ce calme, la voix qni
ressuscite pourra se faire entendre : Jeune
homme, je vous le commande, levez-vous. Et le
mort se lève; il parle; il parle pour confesser
son péché, il paile pour louer Dieu, et Jésus le
rend à sa mère; et c'est dans le c<Eur de la
mère une joie profonde, la joie de la résurrec-
tion, la joie d'un nouvel enfantement : et c'est
dans la famille, dans toute l'Eglise, an ciel
comme sur la terre, ime joie sans pareille, sur-
tout au fond de ces âmes dévouées qui, par
leurs prières et leurs larmes, ont rendu à l'Eglise
un de ses enfants. Et maynificabont Deum.
L'abbe Hebman,
caré de Festubert.
INSTRUCTIONS FA3IIUERES
SUR LE SYMBOLE DES APOTRES
(52' Instructioa.)
Sujet. — Enisteiiee du Pnrjfatoire; «onffrances des âme»
qui y sont détenues; noa> aommes obligés de les soa-
làger...
Texte. — Credo... vitam tetemam. Je crois la
vie éternelle.
ExoBDE. — Nous voici, mes frères, arrivés au
dernier article du Symbole des Apôtres : la vie
éternelle, . . Cet article est la concUisiou et comme
le couronuemeut de toutes les vérités, que nous
I. Btin.
LA SEMAINE DU CLERGE
133T
TOUS avons e?:p1iqnées... Pourqnoi Dieu a-l-il
créé riiommi^ et Ta-t-il floué d'une âme libre,
raisonnable et immortelle?... Afin que l'homme,
usant sagement de son intelligence et de sa li-
berté, pût obtenir un jour la vie éternelle... Si
j'interroge noire divin Sauveur, si je lui de-
mande pourquoi il est venu sur la terre ; dans
quel but, après avoir vécu au milieu des humi-
liations, il a voulu mourir sur l,i croii.?... il me
réiioudia, que tout ce qu'il a fait, que les ensei-
gnements divins qu'il a donnés, les souffrances
tju'il a endurées, comme les sacrements (lu'il a
institués, c'était pour nous procurer la vie éler-
nelle Et vous, Esprit-Saint, pour quelle flu
descendez-vous dans les âmes et les ornez-vous
de vos dons? — Parce que ces âmes sont desti-
nées à la vie éternelle. — Sainte Ei^lise catho-
lique, pourquoi le divin Rédempteur vous a-t-il
établie? Nacelle si souvent battue par l'orale, à
qu(îl port devez-vous conduire les iimes qui vous
sont confiées? — Au port delà vie éternelle. —
Si les péchés nous sontremis, c'est pourqueuous
puissions jouir de la vie éternelle, et si notre
chair doit un jour ressusciter, c'est afin que nos
corps, devenus immortels, posscdenteux-mènfies
cette vie qui n'aura point de lin... J'avais donc
raison, me.s frères, de vous dire que ce dogme de
la vie éternelle était la conclusion, le courouue-
menl de toutes les autres vérités...
Ai-je besoin de vous dire qu'il y a deux sortes
■de vie élernellc : l'une élernellement malheu-
reuse; elle est le partage des réprouvés; on t'ap-
pelle aussi l'enfer, ou la mort éternelle; l'autre
éternellement heureuse; c'est le sort des élus,
c'est le ciel, c'est ce que nous nommons simple-
ment/a «î'e éto"ne//e. Nous parleinns de l'une et
de l'autre dans les instructions suivantes...
Proposition. — Aujourd'hui, pour être com-
plet, je voudrais vous dire quelques mots sur le
purgatoire... Bien qu'il ne doive pas durer l'é-
ternité, mais seulement jusqu'au jugement gé-
néral, cependant un si grand nombre d'âmes
passent par ce lieu d'expiation pour arriver au
pai-adis, qu'il se rattache en quelque sorte à la
vie éternelle ; puis le sort des âmes, qui y sont
détenues, est si digne d'intérêt, que votre piété,
j'en suis sûr, écoutera avec une vive attention ce
que je dois vous dire à ce sujet...
Division. — Premièrement, il existe pour les
âmes, qui n'ont pas entièrement satisfait à la
justice de Dieu, un lieu appelé purgatoire, où
elles achèvent d'expier leurs fautes; secondement,
c'est pour nous une obligation de soulager les
âmes qui sont détenues dans le purgatoire...
/Première partie. — Nous lisons dansnos Livres
saints que Judas Machabée, après avoir rem-
purté une grande victoire, fit une qnète parmi
ses compagnons, auxquels il avait distribué le
butin... il réunit ainsi une forte somme d'argent.
Dans quel but et pour quelle intention?... C'était
pour l'envoyer au temple de Jérusalem, a&Q
qu'un ofl'rit des sacrifices pour les âmes des
guerriers, qui étaient morts dans le combat...
Mais ils étaient morts et jugés; leur sort était
fixé; à quoi bon offrir pour eux des prières et
des sacriiices?.. . Ecoutez la réflexion qu'ajoute ici
l'auteur sacré, dont l'Esprit-Saint lui-même gui-
dait la plume... «C'est une sainte et salutaire
pensée, continue-t il, de prier pour les morts,
afin qu'ils soient délivrés de leurs pi'chés...»
Sanctaergo et saluhris est cogitatio, etc. (1).
Cependant, je voudrais savoir ce qui se passait
du temps des .\pôtres, et si réellement, dès ce
temps de la primitive Eglise, on disait la sainte
messe pour les défunts. J'écoute; voici que des
témoins se dressent de tous côtés!... «Oui, me
dit saint Jean Chrysostome, les Apôtres, d'après
l'enseignement de leur divin Maitre, ont voulu
qu'on recommandât à la miséricorde de bieu les
iidèles défunts, et ils l'ont ordonné avec sasesse,
car ils savaient que ces âmes reliraient delà ua
grand profit et un immense soulagement...»
Entendons cet autre témoin qui se présente;
c'est saint Uenys l'Aréopagite; il fut le contem-
porain, le disciple des Apôtres; il pourra nous
dire commeut les choses se passaient. Parlez donc,
saint docteur, nous vous écoutons avec respect...
« S'approchant de l'autel pour le saint sacriiice,
nousiiit-il, le pontife adresse à Dieu di'> suppli-
cations pour les morts; il conjure la miséricorde
divine de remettre au défunt tous les pécltés,
que la faiblesse humaine lui a iaitcommettre, de
le placer dans le séjour de la lumière, dans
la région des vivants... (2). »
Mais pourquoi chercher des témoins? Ouvrez
vos livres de messe, lisez le Mémento des Morts,
Cette belle prière remonte Jusqu'au temps des
Apôtres ; saint Pierre l'a confiée à l'Eulise ro-
maine, et cette tglise, toujours infaillible, nous
l'a fidèlement transmise. Que dit donc cette
prière? Ecoutez: « Souvenez-vous, Seigneur, de
vos serviteurs et de vos servantes, qui nous ont
jn'écédé avec le signe de la foi et qui dorment du
sommeil de paix. Nous vous supplions de leur
donner, ainsi qu'à tous ceux qui reposent ea
Jésus-Christ, iin lieu de rafraithissemeut, de
Inniière et de paix... »
Voulez-vous encore imc preuve de cette vérité,
prenous-là dans la vie iks Saints. La pieuse Mo-
nique, le modèle des mères a vu sou cher Augus-
tin non-seulement se convertir, mai-^ embrasser
la vie sacerdotale. Sa joie est complète, il ne lui
reste plus rien à désirer sur cette terre et, comme
le saint vieillard Siméon, elle peut dire : « Nunc
dtmitUs. iMaiuleuaut, Seigueur,vous pouvez rap-
1. Macchabée, !iv. II, «bap. xii-46.
2. Conler, Lohner. Verb. PtrQalonum ; et Jac^ttsi MM»
citant, Jardin des Pastiurs.
1C38
LA SEMAINE DU CLEP.CK
peler votre servante, car le plus anlent de mi..;
vœux est exaucé... » Quelles sont les dernières
paroles qu'elle adresse à ce iils bien aimé, dont
elle est deux fois la mère? « Enterrez, dit-elle, ce
corps où vous voudrez ; ne vous en mettez nul-
lement en peine ; n'importe où je sois, Dieu
saura bien me reconnaître .1 la fin des siècles pour
me ressusciter. La seule chose que je réclame
de vous, mon cher fils, c'est de vous souvenir
de moi à l'autel partout où vous serez... » Le
saint le promit ; et avec quelle fidélité, avec
quelle tendresse il priait chaque jour pour l'àme
de sa mère et la recommandait aux prières de
ses amis (I).
Frères bien aimés, cet usage si antique, si so-
lennel de prier pour les morts nous montre deux
choses: la vérité du purgatoire et le secours que
retirent de nos iirières les âmes qui s'y trouvent
retenues. En etTet, ou ne prie pas pour les réprou-
vés; à quoi leur serviraient nos suffrages, puis-
que leur sort est fixé pour l'éternité? On ne [irie
pas pour les Saints ; ne jouissent-ils pas là haut
dans le ciel d'un bonheur parfait? Restent donc
lésâmes du purgatoire ; celles-là seules peuvent
tirer profit de nos supplications et de nos sacri-
fices, celles-là seulement peuvent être soulagées
par nos prières... Voilà comment l'usage si vé-
nérable de prier pour les défunts est une preuve
manifeste qu'il existe réellement un purgatoire .
c'est-à-dire un lieu d'expiation pour les âmes
qui, sans èlre criminelles, au point de mériter
l'enfer, ne sont pas encore assez pures pour
aller directement au ciel...
Seconde partie. — Voyons maintenant quelles
siint les souflVances du purgatoire, et comment
nous sommes obligés de soulager les âmes qui
y sont détenues. INous n'exami:;erons pas, mes
irères, en quel lieu e4 situé ce cacbotdu purga-
toire ; question oiseuse et inutile... J'aime mieux
considérer ce que souffrent le? pauvres âmes
qi)i y sont plongées... J'interroge la liturgie,
organe de la sainte Eglise ; j'interroge les doc-
teurs les plus savants, interprètes légitimes de
la tradition... Dites-nous quels tourments endu-
rent ceux de nos frères que la justice de Dieu
retii'nt eu purgatoire. Et, de toutes leurs bouches,
j'entends sortir cette réponse : Elles soutirent des
tourments auxquels toutes les douleurs de la
terre ne sauraient être comparées (2) ; le même
leu de l'enfer qui sert à punir les damnés est
employé pour purifier ces âmes des élus... Pé-
nétrons, mes frères, en esprit dans ce séjour
de douleurs et de larmes; voyons ce qui s'y
pa^se... Un Dieu, plein de clémence, purilie ses
enlants, comme ou purifie l'argent ; il les fait
passer par le feu pour les conduire daus un
1. Con feulions, livre IX, chapitres xr, met xni.
2. Coni. saint Thomas Somme theologique, supplément
^uest. L!^XI1.
lieu de rafraîchissement... Ces âmes chéries de
Dieu sont en proie a d'horribles tourments ; un
noir tourbillon enveloppe leur obscur séjour ;
cette nuit, dans laquelle elles sont plongées, ne
sera point comptée ni parmi les mois, ni parmi
les jours de l'année ; elle est épaissie par les
ténèbres, l'obscurité, les ombres de la mort ; la
tristesse et l'amertume l'environnent (i)... Et ce
qui est pour ces âmes le plus grand de tous
les maux, elles sont rejetées loin de la face de
Dieu, et privées pour un temps de la douceur
de sa présence. « Dans un moment d'indigna-
tion, dit le Seigneur, je t'ai caché ma face,
pauvre âme désolée, agitée par la tempête et
privée de toute consolation [2). n Et quelle joie
pourraient goûter ces chères âmes loiu du ciel,
privées qu'elles sont de la douce clarté de la
lumière incréée?...
Pour attendrir les coeurs, les poët'îs anciens,
dans leurs fictions, nous représentent parfois
des malheureux, abandonnés dans les Iles dé-
sertes et sur des rochers sauvages ; ils nous les
montrent tendant vers les navires qui passent
des mains suppliantes et poussant des cris de dé-
tresse, capables d'attendrir des monstres... Ah!
frères bien aimés, au purgatoire la réalité dé-
passe de beaucoup tout ce qu'a pu inventer
l'imagination des poètes... Voyez-vous vos pères,
vos mères, vos amis, ceux avec lesquels vous
viviez hier peut-être, plongés dans des flammes
dévorantes et comme enchaînés dans ce lieu de
douleur et trop souvent d'ubandon...De ces rives
deux fois désolées, leurs âmes tendent vers nous
des mains suppliantes et poussent les cris les
plus déchirants: m A mon secours! ô vous qui
vivez encore sur la terre ; ayez pitié de moi, vous
du moins , mes parents, mes amis, car la main
du Seigueur m'a frappé ; elle s'est appesantie
sur moi, je ne puis en supporter l'insupportable
poids... 0 vous que j'ai tant aimés sur la terre,
vous pouvez encore m'ètre utiles ! Ce n'est pas
la flamme qui brûle le mauvais riche qui me
dévore ; non, le feu qui me consume f)eut per
dre son ardeur ; vos prières peuvent l'éteindre ;
ayez donc pitié de moi, vous du moins mes pa-
rents, mes amis?...
Frères bien aimés, vous le savez, ces gémisse-
ments ne sont pas toujours entendus, trop
souvent nous passons sourds et indilTérents à
côte de ces pauvres âmes délaissées, dont il nous
serait cependant si facile d'abré^er les souffran-
ces et de soulager la misère. Or ne l'oublions
pus, prier pour les âmes du purgatoire, c'est
un devoir qui nous est imposé [lar la charité
comme par la justice. Laissons pour un instant
de coté les liens du sang et de l'amitié. Ces
âmes souflrautes ne sont-elles pas, dites-moi, les
1 . Bona. De di':iui Psalmodia,
'î. Liïe, uv-il.
L\ SEMAINE DU CI.ERCË
J33»
feiiies de nos fièrfs en Jésus-Christ? Ne xous
sont-elles pus imies par la même foi, par le
même Liapiême?... Si, pour arracher un homme,
saisi par des hiigands, vous n'aviez qu'à pousser
un on, si po.ir sauver un homme qui se noie,
vous n'aviez qu'à leuJre la main, si pour re-
donner la vie à ce pauvre qui va expirer de
besoin, il suffisait que vous lui présentiez un
morceau de pain, seriez-vous assez cruels, assez
barbares pour refuser votre assistance?. ..Et vous
verrez les âmes de vos frères tourmentées par
les démons, noyi'es dans une mer de flammes,
en proie au dém'imeut le plus complet, sans que
votre cœur s'attendrisse? Allez, vous n'avez pas
la charité, et vous n'êtes pas des chrétiens...
Après tout, si le sort des étrangers vous tou-
che peu, venez donc avec moi dans ces prisons
du purgatoire; examinons l'une après l'autre
chacune de ces âmes, et voyons s'il ne s'en trou-
vera point, que la justice vous oblige d'aider et
de secourir. Regardez bien : reconnaissez-vous
celle âme, c'est celle d'un ami, d'un voisin que
vous avez plus d'une fois scandalisé; il expie
la complaisance avec laquelle il a écouté vos
médisances ou vos paroles trop libres. Voyez-
vous là-bas tout au fond ce père, cette mcre;
l'affection qu'ils eurent pour vous fut trop hu-
maine et trop vive; vous étiez l'objet unique de
leurs pensées; ils expient maintenant cette ava-
riceavec laquelle ils ont travaillé à vous amasser
des biens, cette faiblesse avec la ,uelle ils vous
ont élevés, ces molles complaisances qu'ils ont
eues pour vous. Femme, voyez-vous votre époux,
homme, n'apercevez-vous pas votre femme;
pères et mères, ne sont-ce pas là les âmes de
ces enfants que vous avez tant pleures, et que
vous avez si vite oubliés devant Dieu ? Qui île
nous oserait dire qu'il n'a contribué en rien aux
supplices que ces âmes endurent? Et quand la
justice, ainsi que les liens du sang, nous obli-
gent à les secourir, nous passerions hisensibles
à côté de leurs souffrances pour nous livrer aux
folles joies de celte viel... Quoi, parents sans
entrailles et sans cœur, vainement retentirait à
nos oreilles ce cri suppliant de ceux qui nous
furent chers : Mon iils, ma lille, mon père, ma
mère, vous du moins ayez pitié de moi, sou-
lagez ma détre«se. Non, mes frères, il ne sau-
rait en être ainsi ; car alors, quel nom faudrait-
il donc nous donner!...
Péroraison. — Fièies bien aimés, oui, le pur-
gatoire existe ; oui, les pauvres âmes y endurent
de cruels tourments ; oui, nous pouvons les sou-
lager et la charité comme la justice nous obligent
à venir à leur secours . Mais il est une autre conclu-
sion pratique que nous devons tirer de cette ins-
truction. C'est de faire tous nos efforts, pendant
que nous vivons sur celte terre, atin de gagner les
indulgences que nous offre l'Eglise et de vivre
îi'une manière assez clirétienne pour éviter Li
flammes du purgatoire... Souvent il arrive que,
compt.mt pour peu les douleurs qu'on endure
dant- ce lieu d'expiation, nous nous disons :
« Oue m'importe le temps que je doive rester,
pourvu que tôt on tard j'arrive au ciel?... •
— Que personne d'entre vous, disait a ce sujet
saint. Césaire d'Arles, ne tienne un pareil lan-
gage; car le feu du purgatoire est plus terrible
que tout ce que nous pouvons imaginer, voir ou
éprouver ici-bas. — « Aveugles et insensés,
disait un autre saint; si Dieu purifie les taches
qui restent à ces pauvres âmes, ce sera avec une
justice sévère et un feu vengeur; ne vauilraLt-
il {las mieux pour vous vous puriher par uu
acte de contrition, par une bonne confession,
que de vous exposer à ces brasiers, qui, sans
être éternels, surpassent cependant toutes les
peines et tous les tourments qu'on peut endurer
sur la terre (1).
Frères bien aimés, ponsons-y sérieusement,
rachetons nos péchés par des aumônes versées
dans le sein des pauvres, par di's œuvres de
piété et surtout en nous montrant compatis-
sants à l'égard des âmes du purgatoire. Bien-
heureux les miséricordieux, a dit notre ilivic
Sauveur, parce qu'ils obtiendront eux-mêmes
miséricorde... Puissi(nis-nous tous un jour de-
vant le Souverain Juge être au nombre des mi-
séricordieux et obtenir de sa bonté la miséri-
corde et le pardon complet de nos fautes... Ainsi
soit-il.
L'abbé I.orry,
curé de Vaucliassis.
LITURGIE
LES OUATRli-TEMrS.
Ci' article.)
VI. — Une foimu'.e qui se trouve à la fin de
plusieurs sermons de saint Léon sur les jeunes
du septième et du sixième mois a causé quelque
embarras aux auteurs qui ont traité cette ma-
tière. M Jeûnons donc, dit ce l'ape. la quatrième
et la sixième férié, et faisons la vigile le samedi,
à Saint-Pierre. » A première vue, il semblait que
saint Léon, qui avait tant de fois parlé du jeune
des trois jours, et qui néanmoins n'indiquait au
peuple pour le samedi que la vigile, après lui
avoir instamment recommandé de jeûner le
mercredi et le vendredi, se mettait en contra-
diction avec lui-même, et il paraissait étrange
qu'il supprimât, en ces jours spécialement con-
sacrés à la pénitence, le jeûne du samedi, qui
était généralement observé par dévotion pendant
toute l'année. Quelques-uns ont cru résoudre
cette difiiculté, en supposant que le saint Pontife
1. Afiud Lohner, ubi supra.
1340
LA SEMAINE DU CLERGÉ
dispensait on réalité du j( l'uie ce jour-là, à
cause fie la louiiueur fie l'otllre et de la fatigue
des veilles passées dans l'église, et ils invo-
quaient, à l'appui de leur cxpUcation, la dispense
qui, au témoignage de Cassieu, était souvent
donnée à cette époque, pour la même raison,
dans les monastères, lorsque les jeûnes étaient
seulement prescrits par la règle de la commu-
nauté. Cette solution ingénieuse a le défaut de
n'être basée que sur une hypothèse. Quesnel en
a imaginé une autre, fort commode assurément,
et qui était très en vogue dans son parti, chaque
fois que l'on éprouvait le besoin de se débarras-
ser d'un texte gênant. Laissons Baillet lui-même
annoncer, avec une admiration naïve, cette
belle découverte. « Le P. Quesnel, dit-il, les
a tirés tous heureusement de cet embai'ras,
et a rendu toutes leurs solutions inutiles, lorsqu'il
nous a appris que cette formule, qui sert de
conclusion aux sermons de saint Léon, est une
addition étrangère faite longtemps après ces ser-
mons par des moines qui, en les copiant pour
les usages de leurs maisons, ajoutaient cette
espèce d'avertissement pour leurs frères, sans
prétendre le faire passer pour un avertissement
de saint Léon(i). » Sur quui repose celte asser-
tion? On ne le dit pas. Quesnel, tout avisé qu'il
était, n'a pas pris garde que l'on devrait trouver
singulier et étonnant ijue les moines qui, en co-
piant les sermons de saint Léon, y ajoutaientcet
avertissement, aient désigné précisément pour
leurs monastères l'église de Saint-Pierre de
Rome, où se faisait la station dans la ville sainte.
Cette coïncidence inexplicable ruine absolument
cette hypothèse, déjà par elle-même très-aven-
turée.
Thomassin et après lui Mérati ont trouvé une
solution )i!us acceptable. Le jeûne du samedi,
observé à Kome pendant toute l'année, était de-
venu oblii-'atoire, et c'était la ba^e de l'argumen-
tation d'Urbicus, que saint Augustin réfutait
dans sa lettre à Casulanus, dont il a été question
plus haut. Il n'en était pas ainsi du jeûne du
mercredi et du vendredi, qui demeurait facul-
tatif et de pure dévotion. Il était donc bon, à
l'approche des Quat^-e-Temps, de rappeler au
peuple qu'il était tenu de jeûner ces deux der-
niers jours, et il suffisait de lui annoncer la
vigile du samedi qui s'ajoutait au jeûne accou-
tumé. Cette réponse est assurément sérieuse et
très-plausible, .\joutons que la vigile emportait
par elle-même le jeûne, conformément à la disci-
pline eu vigueur, et comme nous le pratiquons
encore aujourd'hui pour les fêtes les plus
solennelles, bien que les veilles aient cessé, de-
puis une époi]ue déjà bien reculée, de se taire la
nuit dans les églises. L'indiclioudela vigile em-
I. BailIct, Le$ Viu du Saint*., etc., llisl. de) Quatrf
Ternis, J l.
portait donc par elle-même celle du jeûne, qu'il
était inutile de mentionner spécialement. D'ail-
leurs, en examinant soigneusement la fornmlc
par laquelle saiut L"on termine ordinairement
ses homélies touchant les Quatre-Temps. nous
avons cru constater qu'en invitant les fidèles
à la vigile, ii n'a pas toujours complètement
passi'^ le. jeûne sous silence. A la fin de son
premier sermon sur le jeûne du septième
mois, ou les Quatre-Temps de septembre, il
dit : « Et parce que, frères bien aimés, il con-
vient que nous célébrions le jeûne du sep-
tième mois, nous avertissons Votre Sainteté que
nous aurons à jeûner la quatrième et la sixième
férié, et le samedi nous ferons pareillement la
vigile près du bienheureux apôtre Pierre. Sab-
bato vero ajiud bcntum Pelrum Apos/olum pariter
vigikmus {\), » A la fin du troisième sermon
sur le même sujet, nous lisons encore : Sab-
bato aiilem apnd bentissimum Pelrum aposto-
lum pariter t'j'/iVms relebremus. Nous savons bien
que pariier peut se traduire par ensemble; mais,
en convoquant une assemblée comme celle qui
se réunissait jiour lUie vigile,- il serait bien su-
perflu d'avertir que l'on y sera ensemble. L'ad-
verbe signifie plus ordinairement pareillement,
semhhblement, de la même façun. Il nous semble
qu'il faut ici le prendre tians ce sens, et alors
saint Léon rappelle d'un mot aux fidèles qu'il»
devront passer le samedi , jour de vigile, de la
même manière que le mercieth et le vendredi,
c'est-à-dire en observant le jeûne. Quelle que
soit l'interprétation que l'on adopte, on voit que
le samedi était réellement compris dans les
Quatre-Temps et consacré au jeûne.
VIL — Toutes les institutions ecclésiastiques
sont dirigées vers la double fin de la gloire de-
Dieu et lie la sanctification des âmes, la première
étant procurée par la seconde. 11 nous faut donc
rechercher les raisons spirituelles de rétablisse-
ment des Quatre-Temps.
Nous avons dit déjà que la pensée d'instituer-
ces quatre jeûnes a été inspirée à l'Église par
l'ancieime institution des quatre grands jeûnes-
de Tannée qu'observait la Synagogue, et que la
loi nouvelle a conservé de l'ancienne la plupart
des observances qui, n'ayant pas un caractère
excluêivement figuratif, pouvaient s'adopter au
nouvel ordre de choses et tourner au bien des
âmes. La répartition des jeûnes actuels est
moins ini-gale que celle des jeimes d'autrefois, et
correspond mieux à la division de Tannée en
quatre saisons distinctes. Leur but premier et
direct est de consacrer chacune des saisons par
la pénitence, sans laquelle l'homme w; peut
faire nu bon usage du temps, en se munissant
contre les tentations et acquittant sa dette pour
les péchés où sa faiblesse l'a entraîné. Saint
1. rrail«Aù(«r. H dogtii. iujeime, p. 4t et 42.
I
LA SEMAINE DU CLERGE
!3il
Léon, que nous oontinnons de proiulre pour
guide duus cette élmle, nous l'indique assez
claireiiii'iit dans ce passage déjà cité en partie
et qui revient naturellement se placei- ici :
n L'utilité de cette observance (de la pénitence)
se rencontre surtout dans les jeûnes ecclésiasti-
ques, qui, selon renseia:nement du Saint-Esprit,
ont été distribués dételle sorte dans tout le cours
de l'année, que la loi de l'abstinence cstattachée
à toutes les saisons. Le jeûne du printemps
est, eu effet, placé dans le carême, celui de l'été
dans le temps de la Pentecôte, celui de l'automne
dans le septième mois, et celui de l'hiver, que
nous observons présentement, dans le dixième
mois. Cela nous fait comprendre que rien n'est
soustrait aux divins préceptes et que Dieu, en
répandant sa parole, se sert j.etous lesélémenls
pour notre insiruclion, puisque les quatre sai-
sons, qui sont comme les points cardinaux du
monde, nous a|)prennent constamment, comme
les quatre Evanj^iles, ce ipic nous devons prê-
cher et acconi;ilir(l).)) Le saint docteur poursuit
en montrant comment ces jeûnes saiictilient la
vie, si, à la mortiiication corporelle, on sait
joindre la vraie pénitence, qui consiste dans le
regret du pédié et le sacrifice g'énérenx de tout
ce qui y conduit. C'est sur ce sujet qu'il se plait
à revenir dans le plus grand nombie des ser-
mons qu'il a jjroiioncés à l'occasion des Quatre-
Teraps : « Puisque tous les vices sont ttéiruits
par la coutineuce (c'est-à-dire par le rctranclie-
ment de ce qui les nourrit), et que la soif de
l'avai'iee, les aspiratioiis dr l'ortiueil et les con-
voitises de la luxure sont absolument domptées
par la fermeté de celte vertu, qui ne voit quel
préservatif puissant est le jeûne, puisqu'il nous
est reeommaniié, non-seulemeutde nous y res-
treindre dans l'usage des aliments, mais ausî^i de
retrauchiT tous les désirs charnels ? Ce serait
certes une chose vaine que de s'imjioser la faim
et de ne poiut renoncer à une volonté perverse,
que de s'allliger par la soustraction des aliments
et de ne pas reculer devant le péché déjà pré-
sent à la pen-ée {i).» Si le ieùue produit di' tels
etïets et procure de siurands avantaj^es spirituels,
pourquoi ne l'observe-t-on pas cluujue jour"?
Saint Léon répond : « S'il est oiflicile, dans cette
vie, de s'astreindre continuellement à cette pra-
tique, il est cependant possible de la reprendre
fréquemment, en sorte que noua soyons a[ipli-
qués [ilus souvent et plus longtemps aux intérêts
de l'àrae qu'à ceux d)i corps, et, lorsque nous
consaeron.! plus de temps aux soins les plus
élevés, nos actions mémetempoiellessont trans-
formées et nous acvpiièreutles richesses incorrup-
tibles (3). /> Il dit encore : a Quoi de pins juste
!. Serin. Xix (nlïas, 18), De je j unit dttUiU i;u'«si« VIII,
num. 2.
2. Itiid.
Z. lOid. Duiu. I.
que l'homme nccompIi?se la volonté de celui
dont il piirte l'image, eti|u'ensc reuamhaut les
aliments matériels, il s'impose le jeûne du péché
par la ré-istance à sa loi ? C'est pour cette raison
que cette obs avance a été fixée aux Quatre-
Temps, afin que, dans tout le cours de l'année,
qui s'écoule pour recommencer, nousreconnais-
si(uis que nous avons incessamment besoin de
nous jinrifier, et que tant que nous sommes
l)alliittés par les vicissitudes de cette vie, il nous
faut faire de continuels elïorts pour effacer, par
les jeûnes et les aumônes, le péché contracté par
la fragilité de la chair et sous l'intlueiice des
passio;:s impures (1). »
Si !a succes?ion des saisons nous repré.^ente
les diverses phases de ia vie humaine, qui par-
court des périodes très-distinctes avant d'aller
s'abimcr et se perdre dans Véleruité, elle opère
aussi dansla nature sensible une révolution com-
plète, aboutissant, dans l'ordre matér'cl, et sui-
vant le desiL'in de Dieu, à la production di-s fruits
de la terre, qui deviennent l'aliment de la \ie
corporelle. Cbaque saison concourt à sa manière
à ce résultat. Ces biens sont, dans l'ordre
naturel, une bénédiction de Dieu, qui nous les
donne ou nous en prive selon son bon plaisir et
aussi en proportion de nos mérites. L'Eglise,
pleine de soilicitude pour nous et attentive à
tous nos besoins, ne m-glige point de demander
à Dieu pour ses enfants les biens icmporels. Elle
a mis, dans les litanies des saints, une invoca-
tion siiéciale ; deux des processions indiquées
dans le lii'.ud .=ont faites poiir obtenir un temps
favorable aux fruits de la terre, et des onisons
correspotiilantes ont été insérées dans le Missel.
Les saisons ayant une iiiibieuee décisive sur
noire bienètie matériel, rKglIsc a voulu aussi
qu'à chacune d'elles, nous tissious des actes de
pénitence, (pu. en expiant nos péchés, sup-
priment l'obstacle radical aux fivoiirf divines,
et, nous rai'prociiantde Dieu, l'ex^itout à nous
traiter avec la paternelle libéralité a laquelle son
cieur e.st enclin. Le jeûne des Çiiatre-Tempa
nous est iînposi'^ pour cette fin, ainsi que l'ex-
pliquent les auteurs qui ont traité ce sujet, et
;)articu!ièrc'raent Coriiélin« à. Lapide, dans soa
Coinmciiliiire sur le cinpitre xiii ilu prophète
Zaeharie,où il est parlé du ji une deji[uatrième,
cinquième, septième et di.viéme mois observé
par le peuple juif.
Lorsque Dii'u s'est lai.ssé toucher par nos
prières appuyées par notre pénitence, et qu'il
nous a donné, dans la mesure convenable, les
choses ncvessairts à notre subsistance, nous lui
devons, en retour, nos actions de grâces, et il
convient encore de nous prémunir par le jeûne
contre les excès auxquels pourrait nous porter
1. Serin. -XCIV {'rlias. 92), D: Jejwtio seplimi mentU l~t
Dum 3.
Tome IV. — N» li.
im
LA SEMAINE DU CLERGE
l'abondance de fontes clioscs en offrant à notre
appétit naturel de l'aciles jouissances. Cette dou-
ble pensée nous est spécialement remise eu mé-
moire par le jeûne des Quatre-Temps d'hiver où
les Iruils de la terre sont recueillis et assurés.
Saint Léon dit à propos de ce jeûne : « Tous les
temps, frères Lien aimés, sont bons pour cette
œuvre, mais l'époque présente est pai ticuliôre-
ment opportune et convenable, et nos saints
Pères, divinement inspirés, sont prescrit d'y ob-
server le jeûne du dixième mois, afin que, la
récolte de tous les fruits étnnt achevée, chacun
pratique, en l'honneur de Dieu, une abstinence
que conseille la raison chrétienne, etse souvienne
fl'user de telle sorte de son «abondance, qu'en
s'imposant à soimcme des retranchements, il
puisse se montrer plus large envers les pau-
vres (1). 1) Et encore : « Les constitutions apos-
toliques ont sagement décrété que les jeûnes
anciens seraient maintenus, à cause de leur
utilité... Cette raison indiquant avec la plus
grande netteté ce qu'il falluit faire, nous ajou-
tons à ce que les règles de l'Eglise ont déjà dé-
terminé le jeûne du dixième mois, €t selon la
coutume, nous eu faisons l'indication à votre
dévotion. Nous agissons ainsi, parce que la par-
faite piété et la pleine justice demandent que,
après avoir terminé la récolte des fruits de la
terre, nous rendions à Dieu nos actions de grâces
et nous lui offrions un sacrifice de miséricorde,
en y joignant l'immolation de nous-mêmes par
le jeûne. Chacun peut se féliciter de son abon-
dance et être satisfait d'avoir rempli se? gre-
niers, mais il doit user de ses biens de telle sorte
que les pauvresaieni lieu aussi de se réjouir de
le voir ainsi comblé. Que la fécondité des âmes
imite ili multiplication des moissons, les écoule-
ments de la vigne, la fruclification des aibres;
que les cœurs donnent à leur tour ce qu'a donné
la terre, afin que nous puissions dire avec le pro-
phète : Notre terre a produit son fruit (2). En
effet, Dieu, le vrai et souverain laboureur, n'est
pas seulement l'auteur des fruits matériels, mais
aussi des fruits spirituels, et il sait appliquer,
aux deux genres de semence et aux deux tiiaraps,
la double culture qui leur convient, donnant à
la terre le développement des graines et aux
âmes le progrès dans les vertus, en sorte que
ces deux prospérités ayant pour [irinei pc la même
providence, ellesprovoiinent à unememe œuvre
qui est leur comnmn résultat. Car l'homme, créé
à l'image et à la ressemblance de Dieu, n'a rien
qui soit autant sa propriété dans les attiibuts
qui sont l'honneur de sa nature, que la faculté
d'imiter la bonté de sou auteur, lequel n-paml
largement ses dons par miséricorde et exige jus-
1. Serm. XVI (ii.os 15), de jejunio decmii mensis V,
num. ï.
2. P$. LXi, 6.
tement que nous le payions de retour, voulant
nous associer par là à ses œuvres. Ainsi, quoi-
que nous ne puissions créer aucun des êtres de
la nature, la grâce que Dieu nous a fidte nous
donne le pouvoir de diriger vers leur fin les
choses matérielles (t). » Le jeûne des Quatre-
Temps étant compris de cette Inçon, les vertus
de pénitence, de religion, de charité sont simul-
tanément pratiquées; nous sommes dégages du
péché. Dieu est honoré, le prochain est soulagé,
et alors se vérifie cette parole du prophète Za-
charie : Les jeûnes du quatrième, du cinquième, du
septième et du dixième moia se tourneront en jour»
de joie pour la maison de Juda (2).
Ce n'est pas seulement à chacune des quatre
saisons prise comme une des grandes périodes
de l'année que se rapportent les jeûnes des
Quatre-Temps. Saint Léon, dans des passages
que nous avons déjà cités, dit que ces jeûnes
sont distribués de telle sorte, qu'ils s'appliquent
à l'année entière. En eflfet, les trois jours de
jeûne de chaque saison correspondent aux trois
mois dont elle se compose, et le total égale celui
des mois de l'année entière, et ainsi toutes les
divisions principales du temps ont un jeûne dont
la vertu les sanctifie. Cornélius a Lapide, qui
fait ce calcul pourjustifier l'observation de saint
Léon, ajoute que l'application de ce principe est
encore poussée plus loin par l'observation du
carême, et c'est à saint Grégoire le Grand (3)
qu'il emprunte celte autre supputation. « Pareil-
lement, dit-il, nousjeûnons pendant le carême,
afin de payer à Dieu la dîme de toute l'année
par l'abstinence et la pénitence. Divisez, en effet,
les trois-cent-soixante jours de l'année par le
nombre dix, et vous obtiendrez trente-six. C'est
le nombre des jours de jeûne que nous obser-
vons dans les six semaines du carême. Ces trente-
six jours sont comme la dîme des jours de l'an-
née entière (4). » il est vrai qu'un reste de cinq
jours est néiiligé; mais il ne s'agit que d'un
calcul approximatif.
La doctrine précédemment exposée par saint
Léon a traversé les siècles. Durand de Mende
nous apprendra dans quel esprit étaient observés
lesQuatre-Temos au .xni" siècle:
B Nousjeûnons quatre fois l'an, premièrement
pour corriger, en chacune des quatre saisons
de l'année, les qnatreéléments viciés qui entrent
dans la composition de notre '<orps ; car le corps
de l'homme se compose de quatre éléments, et
son àmc de tiois puissances, la rationnelle, la
concupiscible et l'irascible. Abu donc d'équili-
brer eu nous ces éléments et ces puissances^
1. Serm. XX {alias 19), dt decimi mensis jejunio IS,
num. 2.
2. Zach., VIIII, 19.
3. Ilomil. 26 tn Ecang.
4. Comment, in cap. viii t>. 19 Zacharia proi>helm.
LA SEMAINE DU CLERGE
1 »
nous jf ùnons qnntre fois dans le cours de l'an-
née, et chaque jeûne est de trois jours, afin que
le nombre quatre se rap[)orte au corpSj et le
nombre Irois à l'âme.
En effet, l'année se partage en quatre sai-
sons : le printemps, l'été, l'automne, l'hiver,
qui, par leurs agréments, ont coutume de nous
détourner de l'amour de Dieu. Le printemps est
chaud et humide, et nous jeiinons dans cette
saison, afin que l'élément de l'amour soit cor-
rigé en nous et ne dévie pas sous l'influence de
la vaine beauté du printemps. Le jeûne a donc
alors pour fin de nous prémunir contre l'impu-
reté, qui provient de l'humidité et de la cha-
leur. L'été est chaud et sec. Nous jeiinons en ce
temps pour tempérer en nous l'élément de la
chaleur et l'empêcher de déterminer en nous
l'incendie de la chair; ou bien le jeûne combat
l'orgueil, parce que nous sommes exposés à nous
complaire orgueilleusement dai)s les fruits de la
terre, qui fleurissent et mûrissent à celte
époque. L'automne est froid et sec, et le jeûne
de cette saison empêche notre âme de se dessé-
cher et de périr de langueur, et la préserve de se
présenter aux tabernacles éternels dépourvue de
la graisse et de l'huile. Nous jeûnons encore pour
nous garantir de l'avarice, parce que c'est en ce
temps que l'on recueille les moissons pour b's
conserver. L'hiver est froid et humide. Alors
nous recourons au jeûne pour soustraire nos
membres à l'énervation que produisent le luxe
et la mollesse, et qui ré^uUe de l'excès du boire
et du manger, et par là nous nous mettons en
garde contre la négligence dans la pratiiiue de
l'amour divin ; ou bien encore nous combattons,
par le jeune, la paresse, en ce temps où la froi-
dure est une cause d'engourdissement.
a Nous jeûnons donc dans ces quatre saisons
de l'année, alin de nous préserver des vices et
de nous purifier de nos péchés. Et parce que
chaque saison se compose de trois mois, nous
observons dans l'année quatre jeûnes de trois
jours, un jour par chaque mois, alin de consa-
crer ce jour à satisfaire pour les péchés commis
pendant le mois correspondant.
» Ces jeûnes s'expliquent, en second lieu, par
les raisons suivantes : Le premier est placé au
mois de mars, dans la première semaine de
carême, afin de développer en nous le germe
des vertus et de dessécher, pour ainsi dire, les
vices qui ne peuvent être entièrement exter-
minés. Le second a lieu en été, dans la semaine
de la Pentecôte, parce que c'est le temps de la
venue du Sainl-Esprit et que nous devons être
remplis de la ferveur qu'il répand dans les âmes.
Le troisième vient dans le mois de septembre,
avant la fêle de saint Michel et au moment de
la récolle des fruits. Nous devons alors offrir à
Dieu le fruit de nos bonnes œuvres. Le quatrième
est fixé an mois de décembre, époque où les
herbes se desséchent et meurent, poumons rap-
peler que nous élevons mourir au monde.
« On jeûne en ces temps, en troisième lieu,
parce que le printemps se rapporte à l'enfance,
l'été à la jeunesse, l'automne à la maturité on à
la virilité, l'hiver à la vieillesse. Nous jeûnons
•^ onc, dans le printemps, pour obtenir d'être
toujours des enfants par l'innocence ; dans l'été,
P<'ur devenir jeunes par la con-tance ; dans
l'automne, pour être mûrs par la modération;
dans l'hiver, pour acquérir la prudence des
vieillards et l'intégrité de la vie.
« Nous jeûnons encore, en quatrième lieu,
aux quatre saisons de l'année, pour oljtenir de
Dieu qu'il nous conserve tout ce que (uoduit la
terre dans ces saisons et qui sert à l'usage de
l'homme (I). »
S'il y a, dans l'exposé de Durand comparé à
la doctrine de saint Léon, des variantes et des
idées nouvelles, c'est le même tond, et bs pen-
sées di: grand docteur n'y sont, en réalité, que
développées.
{A mivre.) P.-F. Ecaue,
professeur de théologie.
HERiVlÉNEUTlQUE BIBLIQUE
III. — DE LA RECHERCHE DU SENS PAR L'USAGE DE
LA LANGUE {suUe).
Art. II. — De l'usage de Ja langue dans la bible.
Nous avons maintenant à faire l'application
aux langues bibliques des principes généraux
exposés dans l'article précédent. Quelles sont ces
lani-'ues, tout le monde le sait. Les livres pioto-
canonique de l'Ancien Testament, à l'exception
de quelques fragments en langue chaldéenne
{Dan. II, 2, VII, 28; Esdr. iv, 17 ; VI, 18; vu,
-12-26; Jerem. X, 11), ont été écrits en hébreu ;
les autres parties de la sainte Flcriture ou bien
ont été composées primitivement en grec, ou
bien ne remontent plus qu'à un texte grec, d'où,
comme de la source primitive, sont sorties à
peu près toutes les autres versions. Nous parle-
rons donc en premier lieu de lu langue hébraï-
que, en second lieu de la langue grecque. Le
génie et l'origine de ces deux idiomes offrent
des diflerences si profondes, qu'il nous a paru
nécessaire de traiter séparément de la manière
de parler propre à chacun d'eux.
Que 1 interprète catholique puisse et doive re-
courir aux langues originales de la sainte Ecri-
ture, c'est uu point qui ne fait plus question
aujourd'hui. Sans doute le concile de Trente,
dans sa IV session, a déclaré authentique la ver-
i. fiofionol des dhins offict; liv. VI, ch. vi.
1344
LA SEMAINE DU CI.ERGE
BÏon latine <lite Vnignie; mnis ce dntTft no parle
que des versions, et des seules versions latines
exislaut à cette époque, et seulement de leur
usage public; il ne dit pas un mot des textes
originaux, que Ton doit naturellemi'ntpri'férer,
comme on préfère la source aux ruisseaux qui
en découlent (1). Que le théologien qui en a la
facilité lise donc la Cible dans sa langue iirimi-
iive ; toutes les versions trébuchent pins ou
moins, et il est souvent plus dilficile de les
bien entendre que les originaux cux-mèmcs.
Cette étude est môme absolument nécessaire
dans la polémique avec les incrédules et les
hérétiques, qui allèj^uent toutes sortes d'objec-
tions contre la Vulgate latine.
§ I. — De l'usage de la langue hébratqm.
La langue hébraïque, parlée autrefois par le
peuple d'Israël, est une des trois grandes bran-
ches du tronc sémitique (2). De nombreux in-
dices prouvent qu'elle ne différait guèic du
dialecte en usage chez les Cananéens de Pales-
tine et de Pbéuicie. Ainsi les noms prni)iLS de
personnes et de lieux présentent manitVsleiueut
une étymologie et une forme hébraïqnes, par
exemple, Mclckisédech, Abimé!ec/i, Jénis'iem,
Sichem, etc.; il en est de même des nom- «[u'on
a pu déchiffrer sur les inscriptions et les mon-
naies ; entin les Cananéens, dom[ités par les des-
cendants d'Abraham, ont longtemps encore ha-
bité le pays, sans que la Bible laisse apercevoir
la moindre trace d'une diff'ércnce entre leur
langage et celui de leurs vainqueurs, l/liébieu
est même appelé [lar Isaie « langue des Cana-
néens H {/s. .MX, 18), parce qu'Abraham, étant
venu de la Clialdée en l'alestine, avait adopté
le dialecte des Cananéens, presque identiipie à
celui de son ancienne pairie, et l'avait transmis
à ses enfants. Merveilleusement cultivé par ses
derniers, cet idiome atteignit son plus haut
1 . Ce point recevra plus tard tous les éclaircissements
désirables.
2. Les Pères de l'Eglise, et spécialement saint Jérôme,
donnaient le nom à'orientaUs au groupe de langues en
usage dans l'Asie antérieure (Syrie, l'bénicie, .Arabie, etc.),
ctauquel Ihobrcu appartenait. Cette dénomination l'ut long-
temps eu vigueur; mais elle cessa d'être adéquate, lors-
que d'autres idiomes importants de l'Asie, qui ne pou-
vaient se rattacher à ce groupe, furent révélés aux savants
de l'Europe. Vers la fin du siècle dernier, Eichhom la
remplaça par celle de sémitique, parce qu'en effet, la plu-
part des peuples qui se servaient de ces langues descen-
daiei.t de Sem (Gen. X, îl suiv.). Nous disons la plupart,
car les Elamites, que Moise l'ait remonter au2si à Sem,
Sarlaient vraisemblablement un idiome alliédu persan); et,
'un autre coté, des nations issues de Cbam, toiles' que
les Cananéens, les Phéniciens, les Cousbices, etc. se
servaient aasù d'un dialecte sémitique. La nouvelle déno-
mination, on le voit, est loin d'être juste; ello s'est
néanmoins maintenue ju-squ'ii nos jours ponr désigner
une famille de langues bien déterminée, comjirenant
trois dialectes princijjaux : l'araméen, l'hébreu et l'arabe,
•u^uel se rattache l'éthiopien.
degré de perfection Siiiis les règnes de David
et de Salomon. Il ne subit jusqu'à l'exil aucun
changement essentiel; mais, à pari ir de cette
époque, il reçut des expressions et des formes
étrangères, qui altérèrent sa pureté primitive.
Il ne pouvait en être autrement. Durant ces lon-
gues années de l'exil, les Hébreux avaient pris
l'bnbitude de parier la langue des lieux où ils
vivaient, c'est-à-dire l'araméen oriental, ou
chaldéen ; après le retour de la captivité, l'an-
tique idiome de la nation disparut peu à peu
des lèvres du peuple, qui le comprenait à peine,
pour n'être pins employé que dans les livres,
dofi:;uré plus ou moins, dans ce dernier asile,
par le mélange d'éléments empriuilés soil à la
langue vulgaire, soit à d'autres langues d'ori-
gine récente. Vers la fin de l'ère des Maccha-
bées, beaucoup plus tôt selon d'autres, l'hébreu
était devenu une langue morte.
Nous commcmerons par décrire le caractère
propre de l'hébrea de la Bible ; ensuite nous
indiquerons les sources où l'on pourra puiser
une connaissance de cette langue.
1° Caractère propre de l'hébreu de la Bible.
Il n'est personne, tant soit peu famiheravec
ces matières, qui ne sache combien les langues
fémitiques diffèrent de toutes les autres, surtout
de nos lanirùes occidentales. Que si, aux parti-
cularités (lu langage sémitique en général, ou
ajoute ce qui appartient au dialecte hébreu, on
aura une notion e:iacie et complète l'e la ma-
nière de s'expi iraer propre à ce dernier. Mais
ici plusieurs distinctions sontnécessaires. Quelle
différence, d'abord, erdre les nombreux écrits
antérieurs à l'e.vil, et ceux qui furent composés
pendant ou après cette époque! Tandis que la
plupart dts premiers, pour la pureté de la lan-
gue, pourTéligance et la sobriété du style, sont
dits avec raison appartenir à l'âge d'or de la
littératiu-e hébraïque, les seconds, d'un style
moins noble, moins serré, d'une langue moins
pure, où l'on démêle toutes sortes d'éléments
étrangers ou de formation récente, ce que nous
pourrions a;. peler des aramuhmes et des néo-
àébraïsmes, appartiennent à l'âge d'argent. En
outre, les ouvrages poétiques su distinguent des
compositions en prose par le choix des mots et
les formes gramm.ilicales. Les auteurs, enfin,
ne se ressemblent pas entre eux. Tels sont les
divers points de vue où nous devons nous placer
successivement, pour donner une idée du ca-
ractère sjiécial de la langue hébraïque.
a) L'hébreu de la Bible^ considéré en général,
se distingue des autres langues soit par des
caractères communs à tous les dialectes sémiti-
ques, soit par des caractères qui lui sont propres
ou du moins plus familiers.
Comme tous les idiomes sémitiqiu>s, l'hébreu
a des radicaux composés ordiuairem'.'nt de trois
LA SEMAI NX DU CLERGE
r.:
consonnes. Un tv^s-pclit nombre en ont quatre,
soit ji.ir suise île l'aiUlitiori jiosloncure d'une
l£ltr>;. coiniue (l.-.iis ohenetli^ baudrier, et qnre-
dom, huche ; soit par la réunion des deux mots
en un seul, comme dans /iharnp/id (1)^ obscurité
profonde. Ou n'y lenooulre nuenn vi-rbe com-
posé, comme aheo., dispcr(/n, et fort peu de noms
en dehors des noms propres. Plusieurs parties
du discours y fort délaut ou sont à [lome repré-
sentées psft' quelques mots. C'est surtout en
adjectifs et en pnrticules que cette langue est
fort pauvre ; elle ne connaît qu'une conjonction,
ve, et, qu'elle réiiôto à cliaque instant, et qui
prend, selon lescircoriStance>,uu seus advcrsalif,
causal, iiual, etc. Si nous la considérons au
point de vue des formi's !ïi'''"''iii'dicales, nous
lui trouvons deux f^oures, le masculin et le fé-
miuin, sans le no\itrc <pie possèdent le latin 1 1
le grec (2); l'article deiini n'a ([u'unc seule
forme pour tous les génies, tous les nomhres
et tous les cas ; les pionnms destinés à expri-
mer les diverses relations des personnes, sont
nombreux et variés, les autres se réduisent à
un petit noml)re. Le verbe hébreu n'a i|u'une
seule conjuj^aistHi proprement dite, où la dis-
tinction des modes et des temps est laiblement
marquée, et il ne sait pas, comme les autres
langues sémiiiqiies, suppléer à celle indi.:ence par
l'emploi d'a".xiiiaires. Liice qui rej^arde le nom,
leshébreuxdistin^ueutpardrstermiiiuisonsditlé-
rentcs le genre et le nombre, mais non les cas.
Ils n'ont aucune forme spéciale pour marquer,
flans les adjectifs, les divers degrés de significa-
tion. Enfiu ils suivent des procédés tout parti-
culiers pour unir les mots les uns aux autres,
d'où résulte une maltitudo d'idiotismes.
Comparée avec la langue arabe et la langue
araméennc ou syriaque, la langue hébraïque
tient comme le milieu entre ses deux sœurs;
inférieure à la première, elle l'emporte sur la
seconde, soit pour la richesse des mots et des
synonymes, suit pour la variété des formes, soit
pour l'orthographe des voyelles.
A ces propriétés natives do l'hébreu biblique,
se joignent d'autres éléments qui doivent leur
origine à l'influonoe que d'autres langues ont
oxeicée sur lui, ou à la corruption qu'il subit ;\
l'époque de la décadence. Nommons tout d'a-
boixl les aramaïsmes et les néo-hébrahmes. Sans
doute les aramaïsmes se rencontrent jusque
dans les plus anciens monuments de la langue,
tels que le Penlateuque , mais on les trouve
bien plus nombreux, en général, à partir de la
c:-^*.ivilv, nui mit les Hébreux eu contact plus
1, Noos figurons toujours la lettre ain par deux h.
2. Les Hébreux expriment le neutre par le féminio. On
■era|>p''lle ce verset du Ps. XXVI : o Vnam petii a Domino,
Jk«»c requiroiu, » j'ai demandé an Seigneur une 8cal><
chose, Htum, je la soUicitie ar«lemmeQt,
intime avec des peuples parlant araméen. Les
nêo-hébraïsmes, c'est-à-dire des mots, des ac-
ceptions ou des formes inconnus à l'hébreu de
l'âge d'or, sont le produit inévitable du temps ;
car les langues, x>mme tout ce <]ui vit, sont
vouées à une perpétuelle mobilité. Donnons
quelques exemples: 1° Introduction d'un iod
dans le nom de David, d'un aleph dans celui
d'haïe, d'un resk dans celui do Damas ; sup-
pression du tkau final dans plusieurs noms fé-
minins. 2° Bouts, byssits, pour le nom plus
ancien shes/i; nasfi, iss/tah, uxorem duxit, pour
laqncli isshah. 3° Medinah, province; rab, chef
pour swr, surtout en composition.
L'hébreu biblique ne renferme pas seulement
des mots dérivés d'idiomes sortis de la même
souche, il en emprunte aussi à des langues non
sémitiiiues, telles que l'égyptien et la vieille lan-
gue des Perses. Qu'il nous snilise de signaler,
comme appartenant à la première catégorie :
ac/;o«, herbe des marais; or, fleuve, le Nil par
antonomase ; /)Aareo.'<, titre des rois d'Lgypte;
mopit, .Mempliia, etc.; comme appartenant à la
Seconde : tapsar , satrape; paredès, parudisus,
parc, etc.
Quant à lalangue grecque,c'est un point géné-
ralement admis parmi les philologues qu'elle
n'a fourni aucun mot à l'hébreu de la Bihle,
pas même p/ulleyesh , concubine , et lappid ,
lampe, que quelques-uns, séduits par une res-
semblance extérieure, ont crus dérivés de
T.iàXn'i et X»;ji-»; ; ces mots trouvent, dans les
langues sémitiques,ane expliuation qui ne laisse
rien à désirer.
b) Ce n'est pas ici le lieu d'exposer d'une
manière complète la nature de la poésie hébra'i-
que, ses divers genres et le style qui la dislin-
gue. Cependant, puisque nous devons exposer
les propriétés de cet;c langue, nous ne pou-
vons passer sous silence que l'éloeution des
poêles hébreux ditl'ère notablement de celle des
écrivains eu prose, soit pour le choix et la signi-
hcalion de muts, soit poiu" les formes gramma-
ticales et les constructions. .\iusi les poètes disent
omeron //a'//a/i, parole, discours, pourrftiia'V oruch
ou nathib, voie, sentier, pour derek, etc. A ce
chet se rapporte l'emploi de certaines épithétes
à la place du substantif auquel ellesconviennont
éminemment, par exemple a6»r, tort, pour Ûieu,
et quelquefois pour un cheval ou un taureau ;
chammiih et lehuneh. litl. chaude et blanche,
pour le soleil et la lune ;ou bien encore l'emploi
de substantifs abstraits pour les ooncrets, ou pour
les adjectifs correspondants. Ainsi, dans ce verset
du Ps. XI ( Vu/fj) : « ^alviwn me fac. Domine,
qitoniam defecite sanctus, quoniam dwnnutœ sunt
yenlB.\ç.i a filiis hominum, n le moi i'm/a<e«, mis
en parallèle avec sanctus, désigaie non la. vérité
dogmatique, comme ou l'entend souvent, maiS'
1346
LA SEMAINE DU CLERGÉ
les hommes fidèles et consciencieux. De même,
Ps. XXXiv, 6 : u Fiat via iltorum tenebra-, » est
pour, « fiât via illorum teuebrosa. • Les formes
et les constructions propres à la poésie hébraï-
que sont iûdiquées par les grammaires. Ajou-
tons seulement une remarque : plusieurs de ces
particularités du langage poétique se retrouvent
dans d'autres dialectes sémiliques, spécialement
dans le syriaque; mais là ils appartiennent à la
langue vulgaire. C'est ce qui explique qu'on les
reocontre, sous la forme d'aramaïsmes, dans la
prose des auteurs hébreux de la décadence.
c) Nous avons sommairement exposé les
caractères de la langue hébraïque communs à
tous les écrivains de l'Ancien Testament et les
propriétés qui distinguent les écrits poétiques
des ouvrages en prose. Ce n'est pas assez :
chaque écrivain hébreu a des nuances qui le
caractérisent. Ces nuances lienurnt à ré[ioque,
au milieu où il a vécu, à son génie propre, à
son éducation, à son degré de cullure intellec-
tuelle, au sujet, enfin, qu'il avait à traiter. De
là, dans chacun d'eux, des mots, des locutions,
des formes grammaticales, des tours, ou tout à
fait particuliers, ou plus fréquemment em-
ployés.
L'interprète doit tenir compte de ces diffé-
rences, et ne pas demander à l'usage commun
de la langue une lumière que pourra seule lui
donner la connaissance du caractère spécial de
l'écrivain. Bornons-nous à quelques traits.
La langue du Penlatevgue, pure et correcte,
porte en général le cachet de sa haute antiquité.
A part quelques mots égyptiens, on n'y ren-
contre aucune expression exotique. Elle offre un
certain nombre de mots et de formes qui ne
reparaissent plus, ou très-rarement, dans les
écrits postérieurs, par exemple, gozal, petit des
oiseaux, plus lard, ben ; gabab, il a maudit,
plus tard nngab ; hou, il, lui, et nahhar, esclave,
mis pour le féminin ; shemahUan, écoutez, forme
apocopée de l'impératif fém., etc.
La langue du livre de Job dénote également
une haute antiquité ; le style coupé, plein d'élan
et de fougue, se rapproche des morceaux poé-
tiques du Pentateuque. 11 renferme à côté
d'un certain nombre d'aramaïsmes, beaucoup
d'expressions rares ou iirconnues ailleurs, qui
conviennent d'autant mieux à la haute poésie,
€t pour lequel le riche idiome des Arabes a
fourni de fort belles explications.
h'Ecclésiaste, tout rempli d'aramaïsmes, se
complaît dans l'emploi de iesh, est, et de son
opposé en, non at, et en général des expressions
abstraites.
/saie l'emporte sur tous les autres prophètes
par l'élégance et la sublimité. U brille, non-
«eulemeiit par l'élévation des pensées et la
richesse des images, mais aussi par les anti-
thèses, les paronomases et tous ces jeux de
mots si goûtés des Orientaux. Que si, à la pu-
reté classique de la langue, il mêle quelques
tours archaïques, quelques formes araméennes,
il ne faut pas oublier que la haute poésie s'ac-
commode mal du langage vulgaire.
Jérêmie aime les chalduïsmes, et sonélocutioa
porte l'empreinte de la décadence. Sans doute,
il affecte d'imiter l'auteur du Pentateuque et les
anciens prophètes ; mais, aux exiTcssions an-
tiques, il en substitue de nouvelles, inconnues
avant lui, ou écrites autrement, ou employées
dans une autre acception.
Les Paralipomènes appartiennent également à
la décadence de l'hébreu biblique. Si l'on com-
pare attentivement cet ouvrage avec les quatre
livres des Rois, on constate que l'auteur, lors-
qu'il rencontre, dans ces derniers, des expr'îs-
sions archaïques ou obscures, leur donne, dans
son livre, une orthographe et une forme plus
en harmonie avec l'hébreu récent, ou même les
change tout à fait, afin, sans nul doute, de les
rendre plus intelligibles aux lecteurs de son
temps. Citons-en un curieux exemple. Le cha-
pitre XVIII du premier livre des Paralipomènes
est la répétition à peu près httérale du cha-
pitre VIII du deuxième livre des Bois. Vers la
fin, l'historien des /lois fait connaître les prin-
cipaux offîLiers de David, et termine par ces
mots ( I«/^.) : « Filii autem David sncerdote$
erant. > Que peut signifier ici sûce;rfo/es ? Certes,
il serait difficile d'entendre des prêtres propre-
ment dits: d'après la Loi, la dignité sacerdotale
est la prérogative exclusive des descendants
d'Aaron. Pour trouver la solution de la diffi-
culté, nous avons consulté !a Bible récente de
M. Glaire ; mais ce savant, loin de la résoudre,
n'a pas l'air de la soupçonner ; il traduit litté-
ralement, comme à son ordinaire : Les fils de
David étaient prêtres, sans ajouter aucune note
explicative. Cette solution, c'est l'auteur des
Paralipomènes qui nous la fournira. Sachant
bien que le mot cohanim, outre l'acception ordi-
naire de prêtres, en a une autre plus rare, celle
de ministres à la cour d'un souverain, mais
craignant que ses lecteurs aient oublié cette
dernière, il remplace le mot cohanim du livre
des Rois par un autre qui ne laisse lieu à aucun
doute, et s'exprime ainsi : « Filii David erant
primi (hcbr. rishonim) ad manum régis, » litt.
les fils de David étaient premiers à côté du roi,
c'est-à-dire ses premiers miuislres et ses con-
seillers intimes. L'explication que nous venons
de donner a sou fondement dans la signification
étymologique du radical cahan, qui veut dire,
en arabe, il a géré les affaires de quelqu'un :
de Dieu, comvac prêtre ; d'un roi c(imme premier
ministi-e. Elle trouverait, au besoin, une confir-
mation dans les Septante qui, dans la traduction
LA SEMAINE DU CLERGÉ
!S47
grecque An pass.igo cité plus haut ilu ileuxième
livre des Rots, ont (5vité le mot Upi'i, sacerdotes,
et mis à la place aùXifya*, lilt. maîtres du palais.
{A suivre.)
A. Crampon,
chanoine.
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SAINT-SlÉGE
(suite.)
Daus sa seconde lettre, le Pape dit : « Nous
« devons confesser deux natures daus un même
« Seigneur Jésus-Christ... deux natures qui
« opèrent et agissent chacune avec la participa-
« tion de l'autre, la nature divine opérant ce qui
« est de Dieu, la nature humaine exécutant ce
« qui est de la chair... au lieu d'une opération,
« comme disent quelques-uns. il nous faut con-
« fesser sincèrement un seul Seigneur opérant
« dans l'une et daus l'autre nature; et au lieu
« de deux opérations, il faut plutôt prêcher avec
« nous que les deux natures, la divinité et l'hu-
« manité, dans la seule et même personne du
« Fils unique, opèrent, sans confusion, sans divi-
« sion, sans altération, chacune ce qui lui estpro-
« pre(l). » Kn parlant de la sorte, ilitHéfélé (2),
Honoriiis exprimait la doctrine orthodoxe, et il
serait absolument injuste de le taxer d'hérésie.
Il ne faisait que redire cî que S. Léon, dans sa
lettre dogmatique au patriarche Flavien, avait
proposé au concile de Chalcédoine comme étant
l'expression de la foi catholique. Ces paroles, af-
firmant une double opération, furent adoptées
par le W" concile qui condamna le monothélisme.
Honorius a donc confessé les deux opérations
non-seulement quant au fond, mais encore
expressément.
Il fut d'accord avec Sergius pour dire que
l'on ne devait pas se servir des expressions d'une
ou de deux volontés, pour ne point paraître, aux
yeux des simples donner dans l'erreur soit de
Nestorius, soit d'Eutychês (3). « l>e savoir si, à
« cause des œuvres de la divinité et de l'huma-
« nite, on doit dire ou entendre une opération
« ou deux, c'est ce qui ne doit pas nous impor-
« ter, et nous le laissons aux grammairiens, qui
« ont coutume de vendre aux enfants les mots
1. Tiç Sûo cpiîaEiç... IvEoyoûiaç tJi fSia, Man»i, ï^
f. 579, 582.
2. Histoire des conciles, III. p. 147.
3. Àgilutraque forma cum alleriua communion», quod fia-
prium est. Verbo scilicet opérante, quoi Verbi «»(, «Icoiiie
tXHequente quod curais est.
« qu'ils ont inventés, a « Il ne nous faut ni
« définir ni prêcher une opération ou deux, »
est-e dit d.ms un fragment dd la seconde lettre.
D là, il résulte ceci : qu'Honorius, à cause de
son autorité comme Pape, fut sollicité par Ser-
gius de rendre une décision ; qu'il lut exact sur
le fond de la question et correct dans l'expres-
sion, mais qu'il ne voulut pas prendre de déci-
sion dog'maticpie sur les expressions à employer.
En négligi-ant d'user de l'expresssion, deux vo-
lontés, il commit une faute, par ce que, dans la
la circonstance, il rendait \a défense de la vérité
plus difficile aux catholiques, tandis que, pour
nous servir d'une locution vulgaire, il donnait
un coup d'épaule aux hérétiques.
C'est pour(|uoi Honorius fut condamné parle
sixième concile œcuméuique , non pour être
Uy.:)bé lui-même dans l'erreur et l'avoir enseignée,
mais, ainsi que le pape Léon 11, dans sa lettre
à Constantin Pugonat, l'cxpliiiue en confirmant
le jugement porté (I), d parce que, au lieu de
purilier cette Eglise apostolique par la doctrine
traditionnelle des apôtres, il a permis que la
(tradition) immaculée fût maculée par une tra-
dition profane. « Ecrivant à Ervige, roi d'Es-
pagne, Léon II (2) dit encore: « Et Honorius,
qui a laissé miculer la rèyle de la tradition
apostolique, qu'il avait reque immaculée de ses
prédécesseurs. » Enfin même explication dans
la lettre du même Pape aux évèques d'Esp-igne :
« El Honorius qui, au lieu d'éteindre dans sa
naissance la ûamme de l'hérésie, comme il
convenait à l'autorité apostolique, l'a fomentée
par sa négligence. »
D'ailleurs, ce sens ressort de la teneur de la
sentence conciliaire elle même. Elle est ainsi
con(}ue : « Nous anathématisons Théodore...
(suivent les autres noms) et avec eux (3) Hono-
rius. » On retrouve la même rédaction daus
l'édit que l'empereur publia pour l'exécution
des décrets du concile : « Nous frappons d'ana-
thème tel et tel et de plus Honorius, qui a fa-
vorisé l'hérésie et s'est montré peu d'accord
avec lui-même (4). Dans la treizième session où.
il fut condamné pour s'être, dans sa lettre à
Sergius, ralUé à l'opinion de celui-ci et avoir
confirmé sa perverse doctrine (3), Honorius
1. L. c. p. :42, 543.
2. L. c. p. 731, 733.
3. Kai auv aÙTi;. I. c. p. 665.
4. '0 TT)? atp^oEuî pepaitotjiî xa\ aùti; lx\)X& rtpo(i[i«-
5^6[iivo;, 1. c. p. 711.
5. Conchdamus, dit le galllican Noël Alexandre (H. E-
rom, X, p. 410, sqq,), Honorium a sexta syiofio condem'
natum non fuisst ut hoereticum, lecl uty^^freseos et hareli-
corum foutoréiit, nique reum neyliyenlia m Mis coercendts...
Honorius monothelitarurs voces usurpavit, sti mente calho-
lica, et sensu ab eorum error» penitus alieno. siqmdem
absotuie duat voluntatea Chrisli non negafil, ti »oiu»(o(M
{>u;nan(M.
13i8
LA SEMAINE DU CLERGE
apparaît également si^paré des mitres. C'eït
d'après celu qu'il faut .juger de toute les alléga-
tions où Mniiorius se trouve mis au rang des
hériHJques (I).
C'est pourquoi le saint abbé Maxime, qui,
combatlit avec lant de vigiionr les mouothé-
lites, mettait aussi le pape Uonorius parmi les
adversaires de cette hérésie (2). Si la lettre du
l'ape eût été considérée comme une décision
dogmatique par le concile, celui-ci n'aurait paa
admis la dédaraliou du pape Agalhon disant
que le Sié.se de Rome n'avait jamais erré. IjBS
légats du Pape n'auraient pas non plus souscrit
à la condamnation d'ilonorius, si celle-ci avait
été entendue autrement que dans le «ens indi-
qué parle pape Léon II. D'ailleurs, Honorius a
droit, comme tout ilicologicn, à ce que son écrit
soit interprété dans le sens .orlliodoxe, tant que
la lettre et le contexte ne l'excluent pas abso-
lument.
Le sévère jugement porté contre Honorins
prouve précisément que, de tout temiis, l'Eglise
a regardé la papauté comme l'asile et le reluge
suprême de la foi contre l'hcrésie.
Celte manière de voir et d'agir de l'ancienne
Eglise, qui nous révèle sa foi dans riufaillibilité
du Siège aposiolique, résulte nécessairement de
l'essence même de la primauté et de sou rap-
port avec l'Eglise.
La nature, la constitution de l'Eglise visible
est déterminée par l'unité visible de tous les
membres eutre eux et avec leur chef. Mais cette
unité consiste, avant tout, dans l'unité de la foi;
la foi est le fondement de l'Eglise et du salut(3).
Pour la conservation de l'unité, Notre-Seigneur
Jésus-Christ a institué la primauté. Il devait
donc la munir d'une force qui la mit en état de
pouvoir, d'elle-même et par elle-même, retenir
tous les membres de l'Eglise dans l'unité de la
foi et empêcher les schismes. Je dis d'elle-même
et par eUe-même ; car si ses décisions dogma-
tiques ne devenaient obligatoires qu'après avoir
obtenu l'assentiment de l'Eglise universelle ou
tout au moins celle de l'épiscopat, alors l'auto-
rité du Pape ne serait plus suffisante pour main-
tenir l'unité dans l'Eglise. Si un décret du Pape
n'avait de valeur qu'à cette condition, quelle
prérogative la Chaire apostolique, cette cathedra
singulaiis aurait-elle donc sur tout autre siège
dans l'Eglise? La nécessité de cette condition
mériterait d'être démontrée par les raisons les
plus évidentes et les plus fortes, puisque Jésus-
Christ, en couÊérant à saint Pierre une si haute
prérogative, en le destinant à de\'enir le fonde-
ment de l'Eglise, le pasteur du troupeau, en
1. Mansi, X, 740.
t. Joan. 17. Ephes. 1, 4.
3. Ambrof. D* /neam. L 5. Oadl. Trident, S«a. VI.
Cap. 8.
l'invitant à confirmer ses frSres dans la foi, ne
mentionna point cotte condition restrictive de
sa puissance, puisque les conciles et les .symboles
de foi qui désignent le Pape comme père et doc-
teur de tous les chrétiens, ■^.t l'Eglise romaine
comme la mère et la maîtresse de toutes les
Eglises, ne l'ont pas non plus ajoutée. Le plein
pouvoir que les conciles reconiiaissent au Pape
ne deviendrait-il réellement plein que par l'ad-
hésion subséquente de l'Eglise (1)? Cet accord
universel, ce consentement tacite de tous, qui
doit, dit-on, communiquer aux décisions papales
leur valeur et leur force ohligatoire, ne sera-t-
il pas lui-même u:i sujet de controverse, sur
lequel le ûdèle voudra avoir cette clarté et cette
certitude qui est nécessaire à l'acte de foi et qu'il
ne pourra obtenir? Est-ce que ce n'est pas pré-
cisément la chaire apostolique, vers laqneOe
chacun se tourne, qui, par l'autorité de ses
déclarations, manifeste et certifie cet accord et
ce consentement universel? Si la valeur des déci-
sions papales dépendait de l'adhésion de l'Eglise
universelle, il serait absolument impossible aux
fidèles, quand des hérésies s'élèvent, d'obtenir
la certitude sur le devoir de la foi dans les ques-
tions controversées. Toutes les hérésies, depuis
l'ariaiiisme jusqu'au jansénisme, ont toujours
eu grand soin de présenter leurs opinions
comme étant celles de l'Eglise universelle, ou
tout au moins celles de la partie la plus intelli-
gente et la meilleure. C'est avec ce prétexte
qu'elles refusent d'obéir aux décisions papales.
Le consentement général de l'Eglise est bien le
sceau qui marque en définitive la vraie doc-
trine, mais il n'est pas pour mms le moyen le plus
pfocliain de le conniiître. Ce moyen le plus pro-
chain, c'est l'enseii^ntment de la chaire aposto-
lique. Celui-ci fomle le censentement général
des memiîres s'nnissant à la tête, des brebis en-
tendant la voix du Pasteur suprême. VoilàjXMir-
qnoi cette chaire est la première dans l'Eglise,
pourquoi elle est unique en son genre. Vcàtà
encore pourqudi il faut que lesseiilenccs doctri-
nal<?s du Pape possèdent une autorité qui exclue
tout doute. Il faut qu'il soit infaillible par lui-
même, en vertu de la prérogative attachée à la
primauté doctrinale, et non qu'il le devienne
par l'hadhésion de toute l'Eglise à ses décrels(2).
Considérons le même sujet à un autre point
de vue.
De l'aven même de Febronius (3) et des galli-
t . Rnmani Pottlificis definiltonn ex ns}. non aolem ft»
CffMensu EccUsiâi irreformabiles osse. Gunc. Vatic. 1. c.
2. Le Pape possède un pouvoir fondamental non-seule-
ment dons le domaine du droit, mais «acore dans celui
de la toi et de la doctrine. Schuilé, Croit ecctétiasiigat,
p. 193.
3. U c II. i. art. 4. Decl. Gallic ; In fiiei qtuesUonilmê
pracifnM»! atumm fontificis tatt, tjutiiat décréta ad omnes *t
tinqulas Ecctesias perdnere, nec tamtn iirtfornabiU eut j»"
(îi..(u»», nxsi ICcclesiœ conseitsui acctssfrtt — iJaret, da Conm
cile générât et dtla faiw rcligiiiue. Il, 63 seqtj. 'i9S.
LA SSM.MNK DU CLERGÉ
<3W
cans, un rMe pnpôriour et princinnl nppniiicnt
au siège de Rome dans les questions de foi,
mais, selon les mêmes, ses décisions ne nous
obliseraieut que provisnirenient et nous devrions
seulement y obéir tant que l'Eglise n'aurait pas
réclamé. Ou'est-ee à dire? Croire provisoirement
peut s'entendre dans le sens de ci cire pour un
temps, jusqu'à nieilleui'es enseignes. Mais cela
implique contradiction, car l'acte de foi repose
essenliellemcnt sur une certitude qui ne soulfre
pas de doute. Une croyance provisoire contredit
le motif sur lequel nous nous appuyons pour
croire, c'est-à-dire l'aulorité de Dieu infaillible;
elle contredit le Saint-Esprit en tant que prin-
cipe énergique dans lequel et par lequel nous
croyons ; elle contredit absolument le caractère
surnaturel de la foi catholique. Ou bien, faut-il
prendre cette obéissance provisoire dans le sens
d'une profession de foi purement extérieure et
n'ayant rien de commun avec la conviction
intérieure? Mais ceci h été condamné par les
évèques français eux-mêmes (I) ; et sur lare-
quête des chefs les plus éminents du gallica-
nisme, de Bossuet entre autres, le Sié.^e apos-
tolique déclara (2) qu'il n'est pas permis de
prononcer une profession de foi à laquelle on
n'adiière pas du fond do son cœur, décision qui
fut adoptée par l'Eglise gallicane et promulguée
dans tous les diocé9es(3).
{A sunre). D' Hettingeb.
PATRQLGGIE
IV. — LES SYNAGOGUES, DEïUIS LE KETOTR DE LA
CàJPTlVITÉ JUSûC'A L'AVÉNEMEnT EU HESSIE.
Le mot de synagogue, d'après son étymologie
grecque, représenterait toute espèce de réunion.
C'est ainsi que les saintes Ecritures nousiwrlent
d'une synai^ogue des dieux, des notables, des
1. Lettre & Innocent X, du 15 juillet 1655. Il v est dit
que Ifis décisions papales s'.ippùieat sur une "autorité
divine : Dirina aque ac summa per unirersam Ecclesiam
auctupitale nili, oki christiani omnea et officia ipsius quoque
matUis obsufuiam priFstare t»itentur.
2. Dans la C;un^tltution ViTica.n Dotnini donnée par Cla-
ment XI, 14 juillet 1705 : Ut qu.tvs in j.osicrunt errons
occasio peniun pmscindalur, atque omne.i catholicœ Eectt'-ice
filii ipsam audire non tamitdo soium (nam et impii in (enebris
conlicescunl), aed ut inlcriiis obaequendo, qvœ vert eu ortho-
daxi hominis obedientid, mndiscant, hac naslra perpétua
velitura consUtultone, abeilienlico, quie iirmnsertis conslita-
lionibut apasloiicis debelur, obsequfom illo siknlio •ninime
tatis fierL.. non ore tolum. sed et corde recipi Idamuatum
temum) debere, nec a/m mente, anima aut creduiiiale
upradicta formula licite ivbscribi passe,
8. BsUfhni 1. c. xiii '5.
pécheurs, du peuple et des c^g'jsîîloux Mais, ici,
nous l'entendons dans un sens plus restreint :
c'est un lieu où les Juifs s'assemblaient pour
prier, pour lire et écouter la lecture des Livres
saints, pour suivre rinterprétation du texte sacre
et même des discours en règVp. Pourtant,, l'on
dislin:rue avec raison, deux sortes de synago-
gues : l'une, nommée école, expliquait le
tbalmud, et nous offre le spécimen d'un enseigne-
ment supérieur ; l'autre, toujours appelée syna-
gogue, se bornait à commenter l'Ecriture, et
donnait ainsi le modèle d'une instruction élé-
mentaire.
L L'on a disputé longuement sur l'origine des
synagogues. Certains auteurs font remonter ces
étalvlisreinents d'instruction publique jusqu'au
temps du prophète Elisée ; d'autres historiens
les fnnt naitrc après la captivité de Bahylone.
Il y a du vrai dans chaque système. Le mot de
synagogue se trouve en la vie d'Elisée (IV /ieg.
IV. -23), dans l Histoire de Judith (vi,2l), au livie
dis Psaumes (xxxiii, 21), parmi les prophètes
{iLzi'rh. x.\xiii,ol), et enlin,dans Eslker{i\, 36).
Mais il est à croire i]uc touios ces assemblées ne
formaient alors qu'une sinipli' ébauche des svna-
gogues, et que ces dernières attendirent, jus-
(ju'au gouvernement des Machabées.lcur organi-
sation définitive et leurs innombrables essaims.
Quoi qu'il en toit, tel fut le zèle des Juifs au re-
tour de Bahylone, pour multiplier leurs maisons
d'enseignement, suit en Judée, soit dans les pays
du voisinage, que les rabbins ont compté, dans
la seule ville de Jérusalem, près de quatre cents
synagogues. 11 y a peut-être exagération dans
ce cbiftire ; mais il n'eu reste pas moins certain
que les écoles juives étaient Uès-florissaiites, au
moment de la naissance du Sauveur.
IL Les synagogues et les écoles étaient bâties
sur le plan du tabernacle, du temple et de nos
églises d'aujourd'hui. Au fond de l'édifice, était
un meuble où l'on conservait les rouleaux de la
Loi, enveloppés dans quelque hnge tout enrichi
de broderies. A l'endroit du chcenr, se dressait
une table, devant laquelle on lisait les saintes
Ecritures. Sous la nef, qui était orientée, se te-
naient les disciples et les auditeurs. Les femmes
y étaient séparées des hommes. On les plaçait
dans une tribune fermée de jalousies ; en sorte
qu'elles voyaient sans être vues. Les assemblées
se tenaient trois jours de la semaine : les lundis,
les jeudis et les samedis. Chacun de ces jours
marqués, il y avait réunion le matin, après midi
et le soir. Le livre des Psaumes semble déjà
faire allusion à cet usage : <■• Le .soir, le matin et
à midi, je raconterai mes misères et j'annon-
cerai ses miséricordes, et il exaucera ma voix
(Ps. LIV, 19). ))
C'était aux prêtres de diriger les exercices de
la synagogue ; «ar le Seigueur leur avait confié
nbo
LA SEMAINK DU CLEnGE
le soin l^e lire au peuple les livres de sa loi et
d'en doiiiKT le commentaire autlieuiiqne. Mais
la multiplication des écoles forqa bientôt de
choisir, parmi les anciens du peuple, des hommes
insiruits et vertueux, qui présidaient eux-mêmes
les réunions sous ^a haute su'veillance des prê-
tres : l'Evangile les lomme princes de la syna-
gopue. Ces personnases enseignaient la foule, à
moinsquil ne leur plût de donner la parole à quel-
que céKbre visiteur. C'est ainsi que l'Apôtre des
nations, étant arrivé, un jour de sabbat, dans la
ville d'Antioclie de Pi^idie, les hommes de la
synagogue de cet endroit envoyèri'nt, après la
lecture de la loi et des prophètes, leurs chefs ou
princes vers saint Paul et sa suite, pour leur
dire : « Frères, si vous avez un mot d'édification
pour le peuple, parlez {Act. xiii, 15) »
Saint Luc nous retrace fidèlement la méthode
employée,deson temps, pour instruire dans la sy-
nagogue. «Jésus vient à Nazareth, lieu oiiil avait
été nourri, et il entre, le jour du sabbat, dans la
synagogue, comme il avait coutume de le faire ;
ensuite il se lève pour lire.» On voit que l'usage
des chrétiens de se tenir debout, pendant la lec-
ture des saintes Letties, est bien respectable par
son antiquité. : « Et l'on donna au Sauveur le
livre d'Isaïe; et, après avoir déroulé le livre, il
tomba sur le passage où il est écrit : « L'esprit
du Seigneur est sur moi... » La lecture était
ordinairement accomiiai^uée d'un commentaire
verbal plus ou moins détaillé, selon l'obseurilé
du passage où le degré d'intelligence des audi-
teurs. « Et, après avoir replié le livre, J^sus-
Christ le rendit au ministre, et il s'assit. Et
tous les yeux de la synagogue se fixèrent sur sa
personne. Et il commença àleurdire... » C'était
le moment de la conférence, ou du discours
proprement dit (Z,ue. iv, 16).
IIL Sous l'empire des synagogues, un élément
nouveau se substitue à l'ancien programme des
études, et opère une révolution complète dans la
république desesprits. Du temps des patriarches,
comme nous l'avons fait observer, l'enseigne-
ment se donnait avec autorité et sous la torme
historique. Depuis la Loi jusqu'à la captivité de
Babylone, les leçons des prêtres et des prophètes
étaient basées sur le texte des Ecritures et véri-
fiées par les monuments publics ; ce qui leur
donnait beaucoup d'affinité avec le symbole.
Désormais la raison va se mêler d'expliquer la
parole de Dieu.
Ce progrès, ou pour mieux dire cette déca-
dence des études chez le peuple juif, répond
d'abord à une loi qui régit la marche de l'huma-
nité. L'enfant écoute avec loi la parole de son
maître ; le jeune homme suit l'école des sens;
l'homme mûr consulte sa raison individuelle.
Quand arriva la plénitude des temps, les Israé-
lites étaient à l'âge de raisonner ; ils le firent.
Les circonstances favorisèrent d'ailleurs le d*sir
qu'ils avaient di'jà d'émanciper leur intelli-
gence. La captivité les avait mi- en rapport avec
les savants du pa;;anisme. A leur retour dans
la Judée, pays depuis longtemps \uculte et dé-
solé, les enfants de Jacob abandonnèrent l'agri-
culture, pour se tourner du côté de l'inilustrie
etilu commerce. Ils échangeaient leurs marchan-
dises avec les peuples de la Grèce. L'historien
J(jsèphe nous affirme que les trois sectes prin-
cipales des Juifs, à l'époque du Messie, repré-
sentaient les trois grandes écoles de la philoso-
phie païenne : les pharisiens avaient épousé les
idées du sloïcisme, Epicure fusait paitre les Sad-
ducéens, les Esséniens et Thérapeuies se mon-
traient disciples de Pythagore {Arcficol. xv, 10).
IV. EQectivemont, pour peu que l'on examine
l'origine, l'enseignement et les mœurs de ces
diflérentes sectes, l'on verra les points de res-
semblance qu'elles ont avec les diverses écoles
de la philosophie grecque.
Les pharisiens jouent déjà un rôle sous le
gouvernement des Marhabées. On voit eu même
temps paraître sur la scène, les Sadducéens et
les Esséniens. Or, nous avons dit qu'après le re-
tour de Babylone, les Juifs, abandonnant l'agri-
culture pour l'industrie, liaient de fréquents
rapnorts avec l'Asie-Mineure et les îles de la
Grèce. A l'époque de Mathathias, les Grecs firent
subir à la Judée d'insupportables visites ; mais
quelques idées pacifiques marchent toujours à la
suite de l'armée des envahisseurs. La paix et la
guerre servirent donc à propager, dans les syna-
gogues, les systèmes philosophiques de l'Orient;
et le peuple de Dieu, séduit par la beauté des
muses païennes, leur rendit un culte d'honneur
et d'imitation.
La plus célèbre des écoles juives, celle des
pharisiens, se proposait, comme les deux au-
tres, d'interpréter les saintes Ecritures ; mais
elle se distinguait de ses rivales par un amour
exagéré des traditions anciennes , conservées
dans les souvenirs du pays. Ces traditions non-
écrites, d'origine parfois équivoque et d'une
portée souvent arbicraire, finirent à la longue
par surcharger le texte sacré de notes inutiles,
incommodes et même fausses. Néanmoins, à
part ces erreurs de méthode, les pharisiens res-
pectaient l'ensemble de la loi. Comme les élèves
du Portique, ils admettaient une sorte de destin,
qui présidait au gouvernement de ce monde ;
mais, avec l'Ecriture, ils revendiquaient pour
l'homme une entière liberté. Partisans de 1 im-
mortalité des âmes, ils disaient qu'après la mort
temporelle, l'esprit des méchants était condamné
à des châtiments éternels, pendant que celui des
bons, jouissant des ri compenses légitimes, avait
la permission de retourner sur la terre, pour y
animer d'autres corps. Us confessaient l'exis-
LA SEMAINE DU CLERGE
1331
tenee des bons et des mauvais anges, et leur
reconnaissaient une influence très-sensible sur
notre destinée. Enfin, l'Evangile nous apprend
qu'ils proclamaient, avec Job, leur espérance
dans la résurrection des morts. En vraie stoï-
ciens, leurs modèles, les pbarisiens se regar-
daient très-sérieiisement comme les premiers et
mènîe les seuls sages de l'univers. Toutefois
cette morgue, qui est devenue proverbiale, ne
laissait pas de couvrir une multitude de défauts.
Hypocrites, ambitieux et avares, ils bluncliis-
saient l'extérieur de leur tombeau, sans s'in-
quiéter du dedans, qui était plein d'ordure, re-
chercbaieut les salutations dans la rue et la
première place aux festins ; s'enritbissaient des
offrandes du peuple et des deniers de la veuve.
L'Evangile, qui nous a laissé de la secte ce
tableau peu flatteur, ne nous défônd pas toute-
fois de supposer, avec l'historien Josèphe, que
la philosophie stoïcienne ait produit certains
personnages illustres dans la science et la vertu-
Nous n'en dirons pas autant de la troupe des
Sadducéens. Ces bourgeois et ces fonctionnaires
de la Judée n'avaient guère (jue des vertus de
parade, assez pour ne pas encourir le blâme d'un
peu] de ami des pharisiens. Ennemis déclarés de
la tradition non écrite, ils alfectaient de s'en
tenir rigoureusement à la lettre des Ecritures. Il
faut avouer pourtant que leur système donnait
de cruelles entorses à la Bible; car, à l'exemple
d'Epicure, ils reléguaient Dieu au fond de sou
éternité, sans lui permettre des'occuper du gou-
vernement des choses de ce monde. Tout eu
faisant notre âme raisonnable, ils ne lui assu-
raient qu'une vie limitée par celle du corps.
Par une conséquence nécessaire, ils rejetaient la
résurrection de la chair et l'existence des anges.
Enfin, quoique le plaisir fût leur unique vertu,
ils ne laissaient pas de punir très-sévèrement
certaines fautes.
Les Esséniens de la Palestine et les Théra-
peutes d'Egypte formaient une sorte de commu-
nauté religieuse, où l'on expliquait nos saintes
Lettres suivant la méthodealléuorique de Philon.
Ces moines à la taçoiide Pylbagore, méprisaient
la logique, la physique et la métaphysique, et
s'adonnaient àl'étudedela morale. Leur maxime
O.tait qu'il faut aimer Dieu, la vertu et le pro-
chain. Retirés des villes, dont ils blâmaient la
corruption, ils exerçaient dans la campagne la
profession de laboureurs. 11 se livraient encore
aux travaux des métiers paisibles, et se refu-
saient obstinément à préparer les engins de
guerre. Ils v, raient horreur du sang, lors même
qu'on l'eût versé sur l'autel des sacrifices. Cequi
fait le plus bel élogedes Esséniens, c'est que plu-
sieurs Pères de l'Eglise, et en particulier saint
Jérôme, les aient pris pour des chrétiens.
V. En terminant cette notice, nous ne sau-
rions nous empêcher de faire une double obser-
vation. La première, c'est que l'enseignement
donné par les prêtres, dans le temple de Jéru-
salem, conserva toujours, malgré la divergence
des sectes, la pureté des dogmes divins et, par
là même, les droits de la raison humaine. Les
Juifs, répandus dans tout le monde, revenaient
souvent eux-mêmes adorer Dieu dar.=i le temple
de Salomon ; ou, dans le cas d'un empêchement
grave, y envoyaient par d'autres leurs offrandes
et leurs présents. Ces rapports continuels avec
le Grand-Prêtre, fidèle gardien de la doctrine et
de la vérité, resserraient de plus en plus les
liens qui attachaient le peuple à la Loi et aux
Prophètes. Aussi notre Sauveur ne parle-t-il
jamais de l'enseignement des prêtres qu'avec
éloge.
Mais les synagogues, ayant des laïcs pour maî-
tres et la raison pour guide, aboutirent fatale-
ment à la division des langues et des cœurs.
Malgré l'obUgation d'étudier sur le texte des
Ecritures, et la surveillance des prêtres de
Moïse, ces écoles laissaient dépérir la science et
la religion. U en résulte évidemment que l'ins-
truction laïque, et voire rationnelle, a produit
de tout temps des sectes dans les écoles, un
alTaiblissement dans le caractère des peu [îles et
la ruine totale des mœurs. Voilà, sans doute, ce
qui faisait dire au Psalmiste : c< Les hommes
injustes m'ont raconté leurs systèmes fabuleux;
mais ce n'était pas comme votre Loi. {Ps.cxxxui,
85). »
PlOT,
Curé-doyeo de Juzennecoort.
CONTROVERSE POPULAIRE.
LES PÈLERINAGES NE SONT AUTRE CHOSE OUB
DES DÉMONSTRATIONS POLITIOUES
A peu près comme les accompaunemenls de
morts au cimctirre sont des démonstrations de
joie, et les mascarades du mardi-gras des démons-
trations de deuil.
Des démonstrations politiques, nous en avons
tous vu, plus ou moins, et il n'y a personne
en France à qui l'on puisse apprendre ce que
c'est.
En 1815, — pour ne pas remonter plus haut
et ne citer que les principales, — la fleur de lis
et le drapeau blanc, après trente ans de pros-
cription, reparaissaient partout avec honneur.
Mais en 1830, fleur de lis ev drapeau blanc
étaient de nouveau foulés aux pieds, et c'était le
drapeau tricolore et le coq gaulois qw. portaient
triomphalemeut pour lors les manifestants. En
1848, des bandes tumultueuses de citoyen»
'J"?>
LA SEMAINE DîJ CLLI.CE
pronionaionl par toufcs las rues îles vjllos et îles
vilhmts, uu chriiil lie Vj. May\ictlkiise.û:si\r\iTCS
de Ju libi'i'lé, qu'ils {ilun'.;iiMil eusurle un miliuu
de boaiicotip de ccn'iTumioset non s:\ii-s pronon-
cer aussi lioaucoup do discours. Eu IS7Û, les
mêmuB bandes prceiptl:iieMt par les feuètreB des
miiiries les bustes cie iSajioLtîou IJI, et brisaient
les aigles imp'uiales parldut où il s'en trouvait,
aux cris -mille lois ri'pclés de : Vive la Ilépubli-
que! Eu (871, a l^iris et dan> plusieuts autres
Tilles, le drapeau tric(d;n'e était à sou tour coiis-
•pué et remplacé par le drapeau rouge, et les
atclamalioHS étaient pour la Corumune.
Tout cela, nul ne s'y est ni»',}i: iâ, nul ne s'y
méprend encore, c'était bieudes il.'TUvuiStratioiiB
pQliliijues. La fleurde lis syaib(disait la légiti-
milé; le coq gaulois, l'orléanisme ; l'arbre de la
liberté, la République; l'aigle, l'iCDapiie; le dra-
peau rouge, la Commune. Eu s-, rengeaut sons
l'un l'U fous l'autre de ces symboles, on témoi-
{iuait, ou démontrait que l'on professait les opi-
nions [loliliqnos qu'ils re[iré3eii!a;eut.
îilais quel est le symbo.c sinis lequel s'assem-
blent les pèlerins? Quel est leur signe de
ralliemenl? Uegardez,c'erit ausùi l'étendard d'r.n
roi. Vexilia Reijiis p'odciml; mais ce roi, c'«-t
Koire-Seigueur JÉsus-CnniiT, car cet élendardj
c'est la Croix!
Dites-moi si vous avez vu un seul pèlerinage
entête duquel ne brille pas cet étendard divi ?
Or puisque J'étendard symbolise les senti-
ments de ceux qui marchent à sa suite, vous
pouvez aisément coiiiKÙtre ceux des pèlerins.
Quel est donc le régime politique que symbo-
lise la Croix? Est-ce la li'gi^imité? Est-ce l'orléa-
nisme? Est-ce l'Empire'.' Est-ce la Kiqublique?
Est-ce la CiemœmMi'.'' Lacroix ne symbolise rien
de tout cela. Toutes ces formes de gouvernement
peuvent s'en décorer, mais jamais elle n'a
désigné et jamais elle ne désignera l'une plutôt
que l'autie.
Ce que la Croix symbolise, je le répète, c'est
Notre Seigneur Jésus- Cnuisr, lui seul, à l'exclu-
sion de toute ctiuti'e chose.
fin fie reu.neaiït euus l'étendard de la Cr )ix,
les pèlerins témoignent donc, dùmontrcnt doue
piibliqneHienl tpi'rls tout les disciples de jEsus-
Cbrist, (ju'ils l'adoreut comuic Dieu, croieirt
sa doctrine et ne loudeuit qu'eu lui tuut laur
espoir.
Car les pè'.crinages, — en mèni*' temps qti'ils
«ont des supplications plus audentes et plus
efficaces que lu piàère ordiiiaune, ce qui l'ail ipie
nous en avcr'"* un extrême hesoiai dans ue UaapB
de misère nixjroude, — eoiiit etlècUv<.>ment aussi
des démouïtra^joiis. Bien, loin »ie le nier nous le
^roclamone hautement. Mais ilssout des démons-
trations religieutes.
Depuis cent ans, l'impiété éteadadt de plus en
plus ses raviiiics. Elle trioni[)bait insolemment
drtnslouli'8 les oeiélés. Aenti-ndreses eirypbées
la religion avait fàiit son temps. D'ailleurs elle
manquait de base; le suiiialurel n'existait pas;
la science expliquait tout; i«r miracle était une
jonglerie.
Si longuement provoqués, les catholiques se
sont eutin levés pour munit. Jcr leur foi outra-
gée. Et ils ont dit à Dieu que ,"!.iit à lui-même
de juger sa cause et de vengei- l'Liouneur de son
nom. Et ils ont pris des sourds, des aveugles,
des muets, des parality<iues, des infirmes de
toute sorte, et ils les oat conduits à telle ou telle
fontaine, et ils les y ont plongés, et Dieu les a
guéris au nez de la seieuce, et la sciemie a
analysé l'eau, et l'eau s'est trouvée naturelle, et
la science n'a pu rien expliquer, et le miracle a
été démoutri-, et le surnaturel aussi, et Dieu
aussi, et l'impiété couverte de coulusion at
réduite à balbutier. Et la foi a été glorifiée, et
la religion reprend peu à peu dans les masses
désabusées san légitime empire.
Nos législaicms moderne-, issus de l'impiété,
en avaient embrassé la cause. A l'exemple des
païens, et malgré l'insuccès de ceux-oi, ils
avaient d'aliord voulu noyer la religion de.
Jésus-Christ dans le sang des catboli(iues. Mais
ciimme on ne peut pas guillotiner toujours ui
tout le monde, ils durent à leur tour abandon-
ner leur entreprise.
Cependant Us ne renoncèrent pas à entraver
tout au moins de leur mieux la divine persécutée.
En couséqueuce, elle qui avait l'onné à notre
pays ses lo s et sa liberté, ils l'exclurent de nos
lois et voulurent l'emprisonner. Ils délibérèrent
donc et volèrent qu'elle serait mni'ée dans ses
églises, et qu'elle n'en sortirait pas. Si le texte
de la loi ne dit pas cela brutalement, on sent
que c'est là qu'il tend. Et les continuateurs de
ceux qui l'ont rédigé ne nous laissent pas igno-
rer que, le jour même où ils redeviendront les
maîtres, la petite porte laissée au temple par
où l'Eglise de JÉsus-CiiuiST peut eneiire se
montrer au monde, dont elle est le salut, sera
hermétiipiemeut fermée, en attendant qu'ils
ailli.'ul jusqu'au couperet, comme leurs mo-
dèles.
Leurs amis de l'étranger nous font voir cela,
dès maintenant, dans les pays où ils ont réussi
à escalader le pouvoir, ils ont commencé par
interner l'Eglise dans ses te.œiples ; puis ils ont
supprimé son culte, ei om,piisonaé ou chassé
ses ministres ; puis ils se sont approprié ses édi-
fices sacrés, bâtis jiar elle, a.vec tout ce qu'ils
contonaieut d'ornements et d'objets d'art, et ont
en derniei- lieu mis la mufi:: sm- le patrimoiûe
qu'elle avait amas.sé depim des siècles poi\r
nourrir les pauvres. Vodà où ils cr; sont pour
le moment. S'j arréleiout-ils? qd ne yeut
LA SEMAINE DU CLERGE
133$
guère l'cspi»rer. Pent-ètre que, ayant rorluit les
catholiiiiies à se caclicr luuir honover I>iou, iis
les accuseront bimitôt, c^nnme !'(int fait les
païens, de mniiger (les enfants ila: s leurs réu-
nions, et s'écrieront avec une inilignation feinte :
Les cliréfiens aux bétes!
Eh bienl c'est encore contre toutes ces hon-
teuses c.itravesettoutes ces abominables oppres-
sions, consommces ou menaçantes, que les pèle-
rinages sont des démonstrations. Les pèlerins,
en ne s'armant que de la prière, protestent
contre l'abus de la force brut;ile ; ils protestent
contre la méconnaissance des droits de la cons-
cience humaine ; ils protesicnt pour les droits
de Dieu, éL'alement méconnus. Les pèlerins re-
gardent l'impiété en face, et lui disent ([u'ils
n'ont point peur d'elle, car en tin de compte,
c'est elle qui sera vaincue. Ils lui disent encore
que, si elle a chassé Uii^u des lois et de la
société, elle ne l'a point chassé et ne le chassera
jamais de leurs cœurs, et qu'ils prétendent
avoir la liberté de le servir et de le prier en
plein soleil!
Ainsi je vois bien dans les pèlerinages des
démonstrations conire l'incrédulité et contre la
tyrannie, sa iille, mais rien qui ressemble à des
démonstrations politiques, rien qui u'jil un
caractère essentiellement religieux.
D'où je coi'.clus ((ue c'est encore ici une de
ces mille insinuations calomnieuses et perlldes
lancées par rira[iii'fé elle-même contre les pèle-
rinages, à cause du tort qu'ils lui font et dn
désarroi daus lequel ils la jettent. Elle voudrait
les compromettre, afin de tourner contre eus
la défiance publique et de neutraliser leur bien-
f;asaii1e puissance. Jlais elle ne trompera cette
fois que ceux qui voudront positivement être
trompés. Il suffira aux autres, pour sourire de
son mensonge, de roL'arder et d'écouter.... Une
croix, des cierges allumés, la lécitation du cha-
pelet, le chant des Litanies, du Mi^iTcre, du
Maçinificat, et cela en Chine comme eu France,
en Turquie comme en Suisse, eu Italie comme
en Prusse... non, diront-ils, décidément cela ne
sonne pas politique.
P. d'Hautebivb.
QUESTIO'^S D'HISTOIRE
ORIGI.\ES DU rOUVOlR TEMPOREL DES PABES.
l
Auttientici'iA dea Donations de Conslantjn.
Le premier grand fait historique auquel il est
permis de rattacher, comme à son origine, l'éta-
blissement du domaine temporel des Papes, est
contenu daus les fameux document connus sous
le|Duœ de Douatioas de Constantin..
Jusque vers le aix-septième siècle, ces pièces
furent admises comme authentiques, sans récla-
mation, sans inscription de faux de la part de
t|ui ([ue ce soit. Dans nu grand nombre d'ai-tes
diplomatiques, les Pontifes romains s'y référaient
paisiblement et sans contradiction.
Après la Réforme, cette révolution radicale et
violente qu'il avait soufflée à Luther et à Cal-
vin contre la papauté, Satan poursuivant son
dessein de bouleverser at d'anéautir l'Etrlise de
Dieu, inventa l'hérésie gallicane, dont une des
visées fut toujours d'amoindrir le P:ipe et de
noircir le Siège apostolique, pour ruiner tout
ensemble et la plénitude de la juridictioH ou la
primauté réelle des vicaires de Jésus-Christ, et
leur sujirèmejudicature sur tous les fidèles du
Chris), iiouple^s et rois. Un de ses moyens fut
cette scitjnoe qui enfle, selon saint Paul ; en
d'autres termes, les prétentions présomptueuses
des ôrudits. La pente îles esprits, pins ou moins
favorables à l'hérésie gallicane, les porta à diri-
ger l'érudition propre à cette époque, comme
un bélier destructeur, tantôt contre les tradi-
tions antiques et jusque-là reeues, qui, en ratr
tachant la fondation des églises des Gaules au
siège apostolique attestaient ainsi le fait même
de leur dépendance juridictionnelle à l'égard de
ce Saint-Siège ; tantôt contre les fondements
historiques du domaine temporel des Pontiies,
Ljarautie de l'exercice de sa suprême magistra-
ture sur le monde chrétien (I).
Cette propension et cette présomiitioa furent
telles, que des hommes judicieux d'ailleurs
n'hésitèrent pas à parler du document qui nous
occupe daus les termes suivants:
Noël Alexandre l'attribue à Anastase le bi-
bliothécaire, de connivence avec Isidore Mer-
cator, ot ne le fait remonter qu'à l'an 870.
Ledocte Moriu, dans sa Sil/liothP(/ue dvs Prres,
veut que ce soit Jean le Diacre qui l'aurait forgé
en S80. PieiTe de Maroa, le grave et savant
archevêque de Paris, trouve qu'il est vraisem-
blable d'en faire hommage à la pieuse fraude
des Pontifes romains eux-mêmes; et Cila, da
consentement et avec la comiilicité de Pépin le
Bref. Il n'est plus étonnant ensuite de voir le
sceptique Gibbon, esprit très-léger malgré ses
dons naturels et sa physionomie d'érudit. affir-
me' que Gratien en est l'inventeur, à la date de
HoO, ui le vieux catholique Dœllinger, que c'est
le clergé romain qui fabriqua la fausse pièce au
temps de Grégoire 11. — Mais ce qui a lieu de
surprendre, c'est de voir ce faux courant d'opi-
nion entraîner les catholiques eux-mêmes et les
1 . Les erreurs gnllioanes, condamnées p»r le concile
du Vatican, sont aujourd'liui des. >i&resies. Personne ne
s'étonnera de cette qualifîcntion , couime personne n'en
intorcrn que nous songions à appeler héréiiques ceux qui
les ont soutenues de bonne foi, avant le concile.
13Si
LA SEMAINE Dl CLERGÉ
meilleurs défenseurs du Saint-Siép;e : La Civiltà
cattolica, il y a peu d'années, et le dernier pro-
fesseur au collège romain, avant 1848, ont
déclaré impossible « de reprendre eu sous-
œuvre la défense de la donation constauti-
nienne (I). »
Cependant l'entreprise a été tentée par deu-s
professeurs français, MM. Dumont et Maupied,
et par l'historien Darras, qu'avait précédé le
docte allemand Sclielstrale. On va voir si c'est
avec succès.
L'erreur spéculative la plus commune,qui fait
dévier les érudits, consiste à supposer qu'il
n'esiite de documents historiques que ceux qui
sont connus de leurs contemporains, ou d'eux-
mêmes. Appliquant cette fausse donnée à l'édit
pe Constantin, ils l'ont déclaré apocryphe, puis
œuvre de faussaire; sous prétexte d'abord qu'ils
ne le voyaient pas cité dans d'autres documents
avant telle ou telle époque. Contre Gibbon qui
assigne la date de 4150, et nomme Gratien
comme fabricateur de ce document, il s'élève un
lait de premier ordre. Eu 9 58, Luitprand,
évéque de Crémone, fut envoyé comme ambas-
sadeur par Othon le Grand à Constantinople,
pour y traiter de diverses affaires relatives à
f Empire et à l'Eglise romaine. En s'adressaut à
l'empereur byzanlin Nicépliore Pbocas, Luit-
prand lui disait : «L'auguste César Constantin,
« fondateur de votre capitale, était de son temps
« le maître du monde.
« En cette qualité, il fit à la sainte et aposto-
(I lique église de Uome des donations considé-
fl râbles, non-seulement eu Italie et dans les
« principales contrées de l'Occident, mais encore
« dans lesrégiims de l'Orient, dans les provinces
« du Midi, telles que la Grèce, la Judée, la
«c Perse, la Mésopotamie, la Babylonie, l'Egypte,
« la Lybie. Les diplômes attestant ces privilèges
« sont entre nos mains. Or, l'empereur Othon,
« mon maître, soit en Italie, soit en Saxe, soit
« en Bavière, dans toute l'éleuduc de sa domi-
■ nation enfui, respecte cette donation et laisse
« jouir le Pape, vicaire des saints apôtres, des
« bieus qui ont été co :cèdcs à sou siège. J'en
« jure par le Dieu vivant, jamais mou auguste
« maître n'en a rien retranché, ni en villes, ni
u eu hommes, ni en terres, ni en serviteurs.
« Pourquoi donc l'empereur de Constantinople
« n'eu lait il pas de même ? Pourquoi retuse-
0 t-il au Siège apostolique la jouissance des terri-
« toires qui lui ont été concédés dans son
« royaume (2) ? »
1, Voir Darras: Histoire de l'Eglise, Pontificat de saint
Syhestre, Donation de Conslatilm. Cet ouvrage, que nous
estimons au-dessus des éloges qui eu ont été faits, nous
a inspire ia pensée d'écrire cette dissertation, et nous a le
plus souvent servi de guide.
2. Pair, iaixne, tume tlXXXVI, col. 916-917 : Luitprand
tgatio Conslantinopolitana.
Voilà pour Gibbon. Voici pour tous les
autres. L'empereur d'Orient fait cette réponse
par son premier ministre : (( Hoc faciet, ait Basi-
« leus paro)kinumenos,quum ad nutum suum Roma
« et romana Ecclesia ordinabilur. » Au lieu de
répoudre qu'il ne doit rien, qu'il ignore les actes
de Constantin, lesquels, d'après les adversaires,
seraient l'œuvre d'Anastase le Bibliothécaire, à
peine son contemporain, il répon.i simplement
qu'il remplira les obligations prescrites par les
actes, quœapudillos sunt. Notez qu'il s'agit d'in-
térêts matériels, de possessions considérables,
dont les revenus s'élevaient à plus de deux rail-
lious de notre monnaie. Croit-on, d'une part,
que 1 empereur germain eût agi et parlé de la
sorte, s'il n'avait eu, dans ses archives, autre
chose qu'un parchemin tout neuf, forgé par
Anastase le Bibliothécaire? et de l'autre que
Phocas aurait si facilement accordé ce qu'on lui
exposait, et admis des actes inconnus comme
un titre qui l'obligeait à se dépouiller, en faveur
du Saint-Siège, de domaines considérables?
C'est que, en effet, il existait des titres de
la donation coustautinienne, à Constantinople
comme à Rome ; et Luitprand n'est pas notre
seul témoin. Nous possédons un document
positif, certain, authentique, irrécusable. Nous
avons entre les maius deux fragments grecs de
l'édit de Constantin, lesquels ont été reproduits
dans le Nomocanon de Plwtiusl Un siècle avant
l'ambassade de Luitprand, et avant Anastase le
Bibliothécaire et Mercator , trois siècles avant
Gratien, vers 850, les copistes que Photius avait
chargés de recueiUir dans les archives impé-
riales le texte des anciennes lois, lui apportèrent
celui-ci. L'auteur du schisme grec le bilfa outra-
geusemeut, comme il interpola bien d'autres
textes. Mais on pouvait toujours lire sous la
rature ; et quand plus tard Théodore Balsamon
publiait le Nomocanon de Photius., il y reprodui-
sit la pièce qui avait si fort déplu à l'orgueilleux
patriarche. Ce texte grec est le seul qui nous soit
parvenu jusqu'ici; et, daus un manuscrit delà
Bibhothèque impériale de Vienne, on lit la note
suivante : « Ce texte avait été biffé par le très saint
patriarche de Constantinople, le seigneur Pho-
tius. » U est écrit en style élevé et pur, et il
révèle son origine constaulinieune, comme nous
aurons l'occasion de le constater plus loin.
Ce n'est pas tout. Dans deux diplômes de
Dagobert, auxquels ont souscrit saint Eloi et
saint Oueu, l'un de 632, l'autre postérieur, la
donation constantuiienne est meutionnée.
Dans le premier, qui est le privilège de l'il-
lustre abbaye de Saint-Denys dont il tut le fon-
dateur, le roi des Francs s'exprime en ces
termes : 11 adjure aies rois et les princes ses
successeurs, au nom de la sainte et indivisible
Trinité, et par l'avénemeut du souverain Juge,,
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1355
Vie maintenir l'honneur et révérence de la
sainte Mère Eglise en la maison où repose
notre seigneur et très saint-patrou Denys, avec
autant de vigilance que l'on conserve à Rome dans
les basiliques du bienheureux Pierre et Paul le
priviléye si connu de l'empereur Constantin (I). »
Enfin, et ces paroles sont du P. Labbe, n il est
certain par un témoignage formel de saint Op-
tât de ÎNlilève, que le palais de Latran fut donné
par Constantin aux Papes, » — ce qui est le
premier article du document constantinien atta-
qué. « D'ailleurs, ajoute le grand compilateur,
à moins d'avoir perdu le sens, on ne saurait
s'inscrire en faux contre le fait de la possession
de ce palais par les souverains Pontifes depuis
l'ère constautjuitnne. L'édit est conforme à
tout ce que nous connaissons de la munificence
de l'empereur, de son zèle pour la religion
chrétienne et de son ardeur à éteindre los
superstitions idolâtriques. J'ajouterai une autre
preuve, qui n'est pas moins considérable à mes
yeux. Quand les rois francs eurent triomphé
des Lombards en Italie, ils prirent soin, dans
leurs diplômes, de déclarer qu'ils restituaient au
Saint-Siège. Pourquoi cette expression signifi-
cative ? Pourquoi restituer et non pas donner ?
Cette parole de notre chancellerie nationale est
la reconnaissance explicite d'une donation anté-
rieure. On n'en connaît pas d'autre que celle de
Constantin. » Ainsi s'exprimait le P. Labbe.
« Je le déclare, s'écrie à son tour .M. le profes-
seur Dumont; ces palais de Latran et du Vati-
can, fabriquant, emmagasinant des bulles, lé-
gendes, lettres et diplômes , pour toutes les
occasions prévues et imprévues; cet atelier
perpétuel de fraude et de superstition, prépa-
rant des actes faux et les propageant durant des
siècles, au moins jusqu'en 1447, où un P;ipe
citait encore la donation constantinienne , —
sans que personne soupçonnât l'imposture : tout
cela ressemble à une fantasmagorie. Un tel des-
sein révolte ma pensée, un tel succès décon-
certe ma raison 1 Pépin , Charlemagne , les
Othons, qui avaient tant d'intérêt à découvrir la
fraude et à la conspuer, eussent été les premiers
à la r»,coaDaître. Et ces turbulents Romains si
hardis contre leurs papes, et ces petits princes
d'Italie qui usurpent sans cesse le patrimoine
de saint Pierre, ils auraient gardé le silence,
accepté l'imposture. Nul n'aurait eu l'idée de
protester. Cela est impossible (2). » D'autant
plus impossible, dirons-nous à notre tour, que
Grotius, un protestant, un critique, et un érud't
de premier ordre, reconnaît, dans son livre d'.
Antichristo que «les Papes, loin de favoriser les
faussaires, les ont toujours condamnés et répri-
més, et qu'ils n'ont pas cessé d'encouragtr les
1. Cité par Darras, loc. cit.
2, Pair. lat. tome Lxxx, Dlpl. xi et xviii, col. 510-032.
travaux des habiles critiques (1). » Il était ré-
servé aux érutlits gallicans de méconnaître ce
fait avoué par Grotius, et d'affirmer le contraire,
avec un emportement ou un calme qui désole
également. Mais dit le docteur Maupied c l'au-
thenticité de la donation constantinienne est
appuyée sur des monuments trop graves, trop
nombreux, trop certains, pour qu'il soit permis
de la répudier (2). »
II
Objections.
Persécution momentanée sous saint Sylvestre. —
Lèpre de Constaïuia. — Son baplôme. — Interpo^
lation d'Eusèhe. — Quelle sone de pouvoir public
CoDslantin donna au Pape en Occident. — Résumé
de ledit de Coiibtaalin.
Notre tâche ne serait qu'à moitié remplie, si
nous ne réfutions pas les objeclions tirées des
prétendues faussetés ou invraisemblances con-
tenues, au dire de nos adversaires, dans le
véiiciable document. Cette réfutation nous
montrera, au contraire, les preuves intrinsèques
de celte authenticité, tout en nous initiant ila-
vantage au caractère de la donation constanti-
nienne, et le rapport qu'elle a avec l'origine
du Domaine temporel des Pontifes romains.
La pièce fabriquée par Anastase le Bibliollié-
caire, disent les érudits, est intrinsèquement
prouvée fausse, parce qu'elle renferme plusieurs
fables inconnues avant lui, savoir : 1° une sorte
de persécution qui aurait forcé le Pape saint
Sylvestre lui-même à se réfugier hors de Rome
sur le mont Soracte ; 2° la prétendue lèpre de
Constantin, et son prétendu baptême en 324
par saint Sylvestre, démontré faux par le récit
d'Eusèbe de Césarée qui le fait baptiser par les
ariens à Nicomédie, la veille de sa mort et près
de trente ans plus tard ; 3° des contradictions et
des impossibilités ridicules dans les dates four-
nies, c est-à-dire inventées par Anastase, et un
mot étranger au style officiel ; 4° enfin l'absurde
donation à Sylvestre de la puissance impériale
sur l'Occident.
(.4 cuivre). L'abbé Defourny,
curé de Beaumont en Argonno.
Bio gr a ph 1 e
DOM GUÉBANGER
AUIiÉ liE SOLES.MES.
{Suite.)
Toutefois ce ne fut pas sans conteste. Dès
.'origine, les hérétiques s'étaient appliqués à
«. Cité par Bergier, récente édition, au mot Pop»,
tom. I!I. p. 589. „ , ...
2. B.MIIMED. VEglise et let loit eternelies dtt n^idét
humainti.
13:3
LA SEJÎALNE DU CLERGÉ
empoisonner cette source rie la doctrine. Arius
et Vi-^ilam-e s'étaient surtout distingués dans
cette entreprise mal venue. Les iconoclastes
du septième siècle , les manicliéens du dou-
zième, les hussites, enfin les protestants repri-
rent ce hei ouvrage. Les caractères qui distin-
guent cetti' liérésie anti-liturgiste sont : t" La
haine de la tradition dans les formulesdu culte;
2° La manif de remidacer les fornmiesile style
ecclésiastique pa\ des textes d'Ecriture sainte;
S" L'introduction de formules de fabrique nou-
velle, ce qui paraît, avec les principes de la
secte, une contradiction; 4° Le retranchement
des cérémonies et formules mystiques, |>arce
qu'on a dérogé à la pureté du dogme; 5° l'ex-
tinction de l'esprit d'onction, l'amour remplacé
par le respect et la crainte ; 6° L'exclusion
de l'idolâtiie papiste, le rejet du culte de la
Vierge et des saints ; 7° L'usage, dans le service
divin, de la langue vulgaire; 8° L'abolition des
pratiques chrétiennes de mortification corpo-
relle et rabrotralion des longue? prières; 9" l'éta-
blisscment d'un vaste presbytérianisme où tout
homme sera propriétaire roi et prêtre; 10° entin
l'adjudication du droit liturgique au peuple et
surtout au prince.
C'est sur ces principes faux qu'avaient tra-
vaillé plus ou moins les fabricants .:es liturgies
françaises. Tous gallican?, la plupart jansé-
nistes, sous couleur d'une latinité plus [uire et
d'une critique plus éclairée, ils avaji^nt introduit,
dans les nouveaux livres, un esjirit de secte,
une piété sans y\e, la légèreté doctrinale, toutes
Choses d'où devaient sortir, par une voie plus
on moins directe, Thérésie, le schisme et la
négation même de la sainte Eglise. Si la France
se débat, depuis ,S'J, dans d'horribles convul-
sions, il ne faut pas s'imaginer que l'impiété
révolutionnaire se suit introduite dans son his-
toire, sans antécédents logiques, et sans titres
doctrinaux. A cet égard, l'ancien régime et le
régime nouveau, malgré l'opposition fonda-
mentale qu'on ieurattribue,seressemblentpour
l'esprit d'hosliiilé à l'Eglise, à la religion et à
l'ordre surnaturel. Il ne serait pas diftjcile
d'établir, entre les liôro? du dis-septième siècle
ei les aventuriers du dix-ueuvième, des paral-
lèles à la manière do Plutarcjue.
Le pire qui pouvait arriver aux Inslitnfions
liturgiques., c'était de passer sans bruit. « Savoir
lire, disait saint Martin, est beaucoup plus diffi-
cile que savoir écrire, » car on écrit sa pensée
et le mouvement naturel de la parole l'exprime
toujours assC. lidèlemenl, tandis qu'on lit la
parole d'autiui à travers le voile plus ou moias
épais de sa propre pensée, des idées, des prin-
cipes, des passions et des préjugés qui dominent
dans notre esprit. l'n livre peut donc fecomler
(Vj germes jjiàexistauts ; quand ces germes
n'existent pas, un livre n'a jamais la puissance
de les créer. 11 ne suftit pa? di'ji^t.T la lionne
semence; il faut encore qu'elle ne tombe ni
sur le roc aride, ni sur une terre dévorée par
les ronces. Les raisonnements les plus péremp-
toires, les faits les plus déiMsifs n'apportent
aucun enseignement aux esprits ;i',Cbpab:cs d'en
apprécier la valeur. Lesconiradictioas n'avaient
pas manqué aux pseudo-liturràstes du dix-!iui-
tieme siècle; lus lloiignaul, les jelutour, les
Lanyuet, avaient dit à peu pièssans prolit tout
ce que dira Tabbé de Solesmes. L'ouvrage de
dom Guérauger pouvait d^nc subir le même
mauvais sort: livres savants, les savants les
auraient consultés, mais ils seraient demeurés
sansaction immédiate, pratique et réelle. Fort
heureusement, l'abbé de Lamennais avait tracé,
dès 1SÛ8, le programme à piu prés complet des
restaurations nécessaires ; et, par ses ouvrages
subséi]ucnts, avait produit, dans les esprits, un
prodigieux mouvement de retour vers Rome.
Par uneadmirable transformât! on, celte France,
autrefois si oublieuse et si hostile, avait réjeté
ses préjuges et s'était inclinée vers le Saint-
Siège, 'fout ce qui était resté catdiolique, tout
ce qui l'était devenu, n'avait plus qu'un cri :
En avant, vers Rome !
On pouvait donc espérer le succès, mais il
fallait s'attenilre à des attaques. Le 14 octobre
1843, un ami de dom Guéranger, devenu domi-
nicain, uu esprit élevé, un soldat d'avant-garde,
le Père Lacordaire enfin, osait bien écrire à
Sophie Swetchine : cJ'ai lu les Institutions litur-
giques. Assurément le livre n'est pas sans re-
proche ; dom Guéranger suppose une secte
anti-liturgique qui remonte aux premiers âges
du christianisme; il donne les caractères géné-
raux de cette secte, puis il les applique à
l'œuvre liturgique française, fondée par la
presque totalité de ré[iiscopat au dix-huitième
siècle, en montrant, de plus, les jausénist(!S
comme auteurs de cette innovation. C'est une
bien rude injure pour une église qui n'a jamais
été séparée de lacommunion universelle, et qui,
prise dans sa masse, a résisté constamment aux
jansénistes! Car, qu est-ce que les réclamations
qui ont eu lieu? Malgré la bonne volonté de
l'auteur, il est obligé de constater vingt fois
l'entraînement universel ; l'archevêque deSens
lui-même, Languet. n'attaque que les excen-
tricités jansénistes ou simi-jansènistes de l'évê-
que de Troyes ; il ne toui'he pas à la question
du fond, qui était le remaniement général delà
liturgie.
« Je ne crois pas qu'il y ait eu d'hérésie anti-
liturgisle. La liturgie étant l'expression du
dogme, chaque fois que les hérétiques ont tou-
o!ie an dogme, ils ont touché parallèlement et
proi>orlioncllement à ia liturgie, afin d'expri-
LA si:mainf du clergé
1351
mer visiblnmcnt leurs erreurs ; mais ce n'est
point là aUa(|U('rla liturçic catholique par un
dessein premier et princi]):!!, ayant ses rarac-
tère> fîéûéraux, tels, par exemple, que de se
servir uniquement de l'Ecriture sainte dans la
suite des sacrci-s formulrs. Celte idée dese sprvir
iiniquemenl de l'EiTituie sainte dans la litur-
gie est venue, même ani'ieunement, à des évo-
ques très-catholiques, comme on le voit par
l'autei'.r lui-mcmo, et, au fond, presque
toute la liturgie romaine est com; osée de |ia-
roles de l'Ecriture sainte. En voyant sans cesse,
avec la suite des temps, de nouveaux oflires, de
nouvelles j^roses, des liymncs, composées par
des évèqiies, des prêtres, des laïques il a pu
venirà l'esprUd'esccllents catholiques, de moins
donner au génie propre et d'employer les pa-
roles mêmes dictées par TE-prit-Saint, et cela
sans la moindre pensée d'innover, ni de faire
injure à la tradition.
« Il est évident, par l'auteur même, qu'au
dernier siècle, deux pensées préoccupaient tous
les esprits : le goût d'une latinité plus pure,
plus latine, ce qui était la conséquenee de !a
renaissance des ietti-es anciennes en Occident ;
en second lieu, le goùtirune critique plus fine,
qui était dû aux travaux des mordernes sur
toutes les lirauclies de l'antiquité sacrée et pro-
fane. (Vêtait là tout ce que voyait le clergé
français dans sa grande massse, lorsqu'il s'est
agi du rcma;iiciuent de la liturgie, et il ne
croyait pas plus tombi'r dans une secte anli-
liturgisle, en agis'-atil ainsi, qu'on nec.royaily
tomhcr à Rome, du temps de Léon X, en éle-
vant le [\iiitt;éon dans les airs; et pins lard, au
dix- huitième siècle, en chargeant le lîorromini
de deligurcr une foule d'églises, par la plus
barbare ardiilccliire. C'était un goût qui s'éten-
dait à la peinture, à la sculpture, à tous les
arts, et (juc nous appliquions eu France à la
liturgie après en avoir reçu le premier exemple
de Rome, à l'éiioque où les Papes eux-mêmes
s'occupaienl de reComlre et d'abréger le Bré-
viaire. Nous avons tort comme ces Papes-là
avaient tort; mais, quelle diUtreiice d'.ivoir
tort par un goût universel, iiuoique mauvais,
ou d'avoir tort par liypoeri-io cl imbéc'llit" !
Personne ne déplore plus qui- moi la perte de la
liturgie romaine, mais de lann'me manière que
la perte de rarchilecture gothique, des lettres
sacrées vaincues par les lettres profanes, et je
n'aecuserai point pour cela les jansénistes, qui
ont cr-rrii^è Virgile et Horace, au lieu de rési.-ler
an lnrrjiiit, au lieu d'enseigner la latinité cJire-
lienui; avec des auteurs chrétiens. Si nos évo-
ques choisissaient Sanlenil et Collin pour fur
laire des hymnes, c'était tout simplement
comme on choisit encore des (leintres incrédules
ponr peindre nci3 églises; c'est un giaud n:al-
heur, mais fort explicable, même quaud ces
peintres seraient choisis par nos évolues (1).»
Le P. Lar'(>rdaire montrait, par cette lettre,
qu'il ne comprenait ;as un mot à la question
liiur:;ique et, bien qu'il ait lu l'ouvrage de dom
GniTangcr, il était manifestement litranger à sa
doctrine. Ce qu'il y a de pire, il n'était pas
iidèle à lui-même ; il se dérobait au mouve-
ment j)rogressif des esprits éclairés d'en haut ;
il n'entrait pas dans l'intelligence chrétienne
tout à fait nécessaire pour la lecture d'un ou-
vrage li'avenir. Je ilemande la permission de lui
opposer son propre témoignage. Le 0 janvier
18-iO, à propos de l'abbé Bautain, il écrivait de
la Quercia : « Le mouvement du vrai chrétien
est de cliercher la vérité et non l'erreur dans
une doctrine, et de faire tous ses elTorts pour
l'y trouver, tous ses efloits jusqu'au sang,
comu:e on cueille une rose à travers les épines.
Celui tpii fait bon marché île la p -nsée d'un
homme sincère, d'un homme qui a l'ait à Dieu
des sacrifices visibles, celui-là est un pharisien,
la seule race d'hommes qui ait été ma idite par
Jésus-Christ. Celui qui dit d'un homme travail-
lant à ce qu'il croit pour la gloire de Dieu :
Qu'importe un homme? Est-ce que Dieu a
besoin des gens d'esprit? celui-là est un pha-
risien ; «il enlève la clef de la science, » dit
Jcus-Chiist ; « il n'entre pas et empêche les
autres d'entrer. » Y a-t-il un Père de ^E^'lise
qui n'ait des opinions et môme des erreurs?
Jetterons-nous leurs éciits par la leuèlre pour
que l'Océan de la vérité soit plus pur? Oh! que
l'hommeipii comliat pour Uieuest un êtres icrc,
et -jne, jusqu'au jour d'une coiulumnalion m i-
nifesle, il faut jiorter sa p ;nsée dans des en-
trailles amies {'l). •)
Alis'.ractiiin laite dc^ âprctés françaises, je
m'étonne que le !'. Laeordair •. avec son maître
esprit, soit si peuenlié dans ■•ctte grande ques-
tion, dont le tenant était son ami,et surla pielle
il avait reçu, sans doute, quelque amicale confi--
dence. La question lilurgiijue touche à toutes
bs pari ics de la sc'enec s.icrée : c'est une ques-
tion tliânl.igifjuf! si l'on s'attache à la nature
même de la liturgie, au rôle (pi'elle j'>ue dans
l'eci'nomie du christianisme, à la valeur dog-
matique qu'il faut lui attribuer; c'est uneques-
tion de droit canoniqiiP, si l'on considère le
degré resp ctif de pou\oirqu'ont sur lalilurgie
les diverses autorilt''S hiêrarihiques ou les déci-
sions rendues pi)ur la légler; c'est une question.
à'/iisloire el derudiliou c clésiastiques. si l'on
s'occupe dc^ tliversesiiturg.es, des preuves his-
torii^uesqu'elles iouruis:e;ilen favcurde certains
1. Ccrre-spondanci du P. i«corJaire avec iSai. Swetchint,
p. ;i7-.'.
■2. Conv',ion!.',i)i-j, et.:, p. 215
1359
LA SEMAINE DU CLERGE
dogmes, (3es lumières qu'elles donnent sur Ki-
croyances, les usages de certains peuples, à
certaines époques ; c'est une question de litié-
rature sacrée, si l'on entreprend de faire ressorlir
les beautns littéraires, que le- liturgies renfer-
ment; si l'ori'^tablit entre e les, sous ce rapport,
des parallèle* etilesc"mpar;nsons ; ce peut être
enlin une question de .%n^(Vf' civile, si l'un veut
pour la France, par exemple, chercher dans
nos lois des preuves pour ou contre la possibi-
lité d'un rétiblisseraent de la liturgie rom.iine.
— La controverse, avecses allures un peu capri-
cieuses, va nous faire parcourir successivement
tous ces horizons.
Mais d'aliord on opposait, à dom Guéranger,
une fin de uon-recevoir. Ou lui disait, avec un
sans façon peu poli : Qui êtes-vous? et de quel
droit parlez-vous réforme?
L'abbé de Scdeîmes aurait pu répondre : Je
suis prélat, crosfé et mitre, juge de la foi, ayant
siése dans les conciles. De ce chef, j'ai droit de
parler avec auti>rilé. » Et par celte décisive ré-
ponse, il eût offert lui même une bonne leçon.
Car nous ne manquons pss de sujets, voire ul-
tramontiiins, qui se montrent toujours jiallicans
lorsqu'il s'agit de s'incliner devant une détision
pontificale. Que le Souverain Pontife nommeun
prélat mitre, un abbé, un prolonotaire, un ca-
mérier, vite on donne, au jeune prélat, du
monsieur, avec une affectation solennelle. Il
peut se faire que l'clu soit, en effet, un petit
monsieur, furtdéci léà s'attribuer encore moins
qu'on ne lui attribue. Mais colin, puisque le
Pape a fait descendre, sur cette humble tète,
un rayon si iailde soit-il de la primauté ro-
maine, il nous semble que la raison chrétienne.
Il piété catholiijue exigent qu'on resjiecte ce
rayon, au moins par respect pour le Sainte
Siège.
Cette réflexion tombe à plein sur les contra-
dicteurs de dom Guéranger, mais, par modestie,
jl refusa (l'en taire usage et se borna à reven-
diquer les immunités de la professitm litté-
raire.
A ceux qui niait^nt son droit de parler, il
répondait: s,Ie dirai que si la prétention de
vouloir faire l'éducation religieuse des ivêques
doit être attribuée à tout écrivain non (ivécjue,
qui vient à traiter des matières épiscopoles,
tous les prêtres désormais devront renoncer à
écrire, non-.-- ulement sur le droit canonique,
farce que )<;s évèques sont chargés d'ollice de
appliquer, mais encore sur le dogme, parce
qu'ils sont chargés de l'enêcigner et d'en con-
server le dé[iôt; mais encore sur la morale,
parce que c'e^t à eux de l'expli^iuer aux peu-
ples dont ils sont les pasteurs. Cette maxime a
cependant été mise en avant, et je sais undiocèse
où l'on avait songé à iVj^trt^ire toute publication
en matière religieuse, aux ecclésiastiques, sans la
permission préahble de l'évêque. El n'avons-
nous pas entenlu mettre en question, si les
laï.|ues pouvaient prendre publiquement la dé-
fense de l'Eslise ?
(A suivre.)
Justin Fèvpj;,
protonotaire apostolique.
CHRONIQUE HEBDOIÏIAOAIRE
Allocution familière du P.ipe, où il parle de sa santé
et de ses ennemis. — Bif-as ecciésiasiiques àquidés
pendant les six premiers mois de l'année. — Les
.biens des hospices menacés de liquidaiinn. — Cen-
tenaire d'OCimnell à Rome. — Mgr Paullnier nommé
archevêque de Besançon. — Mgr Kava. traMsféré à
Grenoble. — Deux éta'ilissements d'enseignement
supérieur libre pour la rentrée des classes, à taille
et à Paris. — Succès scolaires des Frères, de leurs
élèves et ries é'ève.^ des Sœurs. — Comment les libé-
raux de Madrid font la guerre. — Lettre de don
Carlos à don Alfonse. — Beaux sentiments des car-
listes. — Lizarraga le snint}à. la Seo de Urgel. —Les
libéraux de Madrid iH l'Eglise. — Abolition liuregium
exequiitur par don Carlos. — Mort de Mgr de Preux.
— Prise parelT"ac;ion de l'église du Grand-Saconnex.
— Belle conduite de M. Babel et île s^^s [laroissinns.
— Exi-ommunication ûel'mlrus l.anglois. — M. Babel
déféré au procureur géuéral. — Eial de la mission
de Zjnguebar.
17 août 1875.
Rome. — La Semaine religieuse de Rome, pu-
blie la charmante allocution suivante, adressée
par le Saint-Père, le 23 juillet dernier, a un
certain nombre de paroissiens de Saint-Pierre,
de Saint Esprit et de Sainte-Marie in Trunspon-
tina, qui s'étaient rendus chez le Pape avec
leurs curés et une commission des ordres reli-
gieux, des œuvres pies et des instituts de ces
paroisses, pour lui présenter leur devoirs. C'est
le curé de la basili'jue vaticane qui s'est fait
l'interprète de leur sentiments.
« Mes irès-chers, repondit Pie IX, vous avez
bien fait, vous aussi, de verur chez le Pape,
cela vous était plus facile qu'à beaucoup d'au-
tres, puisque vous êtes, selon l'expression du
père curé de Saint-Pierre, les plus proches
voisins du Vatican. De la sorte, vous voyez de
vos yeux si le Pape est vivant ou mort, s'il
marche avec des béquilles ou s'il se sert d'une
canne, s'il est bien ou mal. Enfin, vous pourrez
donner votre témoignage à ceux qui vous
demanderont des nouvelles de la santé du
Pape.
« Or, en ce qui to«che wa santé, je n'ai pas
à me plaindre; grâce en soit rendue à Dieu
Tout-Puissant, je me sens très-bien. Mais, pour
le reste, vous pouvez imaginer, et vous savei
d'ofilleurs, si je souflre depuis que les nouveaux
l\ SEMAINE DU CLEI^GÉ
1339
ffisUrPS iont venus réaliser ici leurs mauvais
desstina Et pourtant ces gens-là disent qu'ils
font tout bien, et que nous faisons tout mal;
qu'ils savent tout faire et que nous ne savons
rien faire. Ce I? «gage est ancien de dix-huit à
dix-n'-uf siècles, et saint Paul l'atteste : IVos
nobUes, vos autem ignobile.f, etc.
n Ils sont scQihlables à ce pharisien dont
parle prôciscmenl l'Evangile d'aujourd'hui, qui
se vantait de faiie toutes sortes de bonnes
ceuvrcs, jt'ù::ait : Jejunio bis in sabbate, et ainsi
de suite. En vérité, ceux-ci jejunare fuciunt ter
in hcbilomade, avec les impôts, les taxes, les
misères qu'ils ont apportés.
« Us disent qu'ils savent tout faire... et puis
ils fondent leurs œuvres sur le mensonge,
comme ces maisons qui, bâties sur le salde, ne
tardent pas à s'efïondrer. Ils sont maities, et
ils enseignent l'erreur; ils sont le progrès, et
ils ressuscitentla barbarie; ils aimentla lumière,
et ils marchent dans les ténèbres.
« Quant à nous, imitons le publicain et con-
fessons au Seigneur que nous avons péché,
frappons-nous la poitrine et supplions-le d'avoir
pitié de nous, en disant avec humilité de cœur:
Projiilius eslo mihi peccatori , afin qu'il nous
juslilie.
« Prions-le aussi d'illuminer nos ennemis et
de détourner leurs pas de la voie mauvaisi' où
ils marchent. Ils se croient ou voudraient se
croire en sûreté de conscience; mais ils s'aper-
cevront de leur erreur quand il ne sera plus
temps de la riparor, et ils tomberont dans la
damnation éternelle.
CI Mais nous espérons, par les mérites de Jésus-
Christ et de Marie très-sainte, et par le moyeu
des bonnes œuvres, obtenir la gloire éternelle,
et aussi le triomphe ici-bas, quand il plaira à
Dieu.
« Eu attendant, je vous bénis et je désire que
ma bénédiction vous suive dans la vie et vous
assiste à la mort, afin que vous puissiez rendre
en paix votre âme à Dieu et le louer éternelle-
ment dans le ciel.»
Les « nouveaux m.'iitres, qui font tout bien, »
dont parle le Pa|ie, ont liguidé, dans le courant
de juillet dernier, 836 luis de biens immeubles
provenant de la propriété ecclésiastique. De
janvier à juillet, le nombre des lots liquidés a été
de 4,780. Les «nouveaux maîtres, qui font tout
bien,» en ont retiré 13,019,412 francs. Ce
sont les chill'ies de leur Journal officiel. Le
\nènje joiiiuai donne également les séries de
citoyens dont les maisons et les champs sont
mis en vente par le lise, qui doit percevoir des
im|>ôts aniérés (]ue ces malheureux citoyens
n'ont pu absolument payer.
Les «nouveaux mailres, qui font tout bien,»
parlent trés-lorl de liquider les biens des hos-
pices, c'est-à-dire de^ pauvres, aes infirmes,
des vieillards et des malades, aussitôt qu'il ne
restera plus rien à liquider des biens ecclésias-
tiques. Alors tout sera dévoré, et après, les «nou-
veaux maîties, qui font tout bien, » se dévore-
ront sans doute entre eux. Ainsi "^pit-il.
L'Eglise ensuite, qui fait tout mal, affranchie
des libérateurs, suscitera parmi ses enfants,
comme elle l'a déjà fait tant de fois, des dé-
vouements pour fermer toutes les plaies et sou-
lager toutes les misères.
La Rome catholique, qui possède dans son
église sainte Agathe des Goths le cœur d'O'Con-
nell, suivant le dernier vœu du libérateur de
l'Irlande, s'est associée aux fêtes de sou cente-
naire. De belles folennités ont eu lieu à cette
occasion à ladite église Sainte- Agathe, qui est
celle du séminaire irlandais. L'assistance était
très-nombreuse; on y remarquait un certain
nombre de prélats. L'éloge du grand patriote
catholique a été prononcé par S. Em. le
cardinal Franchi. D'autres discours et des poé-
sies ont été ensuite lus.
Mais cette tète aurait été incomplète si Pie IX
n'y avait pas eu sa jiart. Fà parce (ju'il ne pou-
vait se rendre au milieu de ses enfants irlandais,
ils sont allés à lui, la veille. Après la lecture de
leur adresse, faite par le supérieur du séminaire,
le Pape a adressé à l'assistance, un discours
qui l'a profondément émue. Les hardiesses de
sa parole nposlohque, ses revendications en
faveur du droit opprimé et de la vérité mécon-
nue, ont prouvé une fois de plus qu'il est le
gardien suprême de toutes les libertés acquises
au bien par le Christ et par son Eglise. Si le
texte de cette magnifique improvisation est
publié, nous ne mauquerons pas de le reproduire
dans nos colonnes.
France. — Par décret du Président de la
République, en date du 3 août, Mgr Paulinier,
évèque (le Grenoble, est nommé à l'archevêché
de Besançon, en remplacement de S. Em. le
cardinal Mathieu, décédé.
Un décret de la même date nomme évèque
de Grenoble, Mgr Fava, évè(|ue de Saint- Pierre-
et Fort-de-France (ile de la Martinique).
Les catholiques s'apprèlent activement à pro-
fiter sans retard delà liberté de l'enseignement
supérieur, qui leur était refusée depuis si
longtemps. Des mesures sont prises pour qu'à
la prochaine rentrée des classes, deux établis-
sements d'enseignement supérieur soient ou-
verts, l'un à Lille, l'autre à Paris. L'établisse-
ment de Lille réunira unt 'acuité de droit,
comprenant les cours de trois années, et un
cours de première année en médecine. L'éta-
blissement de Paris réunira les trois facultés de
droit, de lettres, de sciences et pourra par con-
séquent prendre le nom d'université libre,
I.>M
L.\ SEMAINE DU CLEI',GÉ
conformément à l'art. 5 de la loi du 12 juillet
4873. . ,
Dans renseignement primaire, les cons:rép;a-
nisles et leurs élèves continuent à cueillir à
peu près toutes les conronnes. Au conprès in^
ternafional de p^oçrrophie, la rare médaille de
vremihe classe, la jilus haute récompense (pi
pouvait être accorilée, a été rléccrnéi: à l'ins-
titut (les Frères des Ecoles chrétiennes, pour ses
travaux de géographie scolaire. A ce même
congrès, un étranger de distinction disait, dans
un langage plus expressif qne correct : « La
collection des objets exposés par les Frères est
encore ce qu'il y a de plus mieux pour les
écoles. ))
L'Echo de la Province rapporte que le 2 juil-
let ont eu lieu pour la [ucmière fois, à Verreil,
les examens pour le certiiicat d'études [irimaircs
dans les écoles de garçons de tout Iiî canton.
Trois enfants seulement se pré-enlèrcnt, et
c'étaient trois élèves des Frères de V instruction
chrétienne qui dirigent à Vcrctil une école
primaire libre; et tous les trois oljtinreut le
oertîtical d'étud-s. Ce succès est d'autant plus
honor<ible pour les Frères que la circulaire de
l'inspecteur ordonnant ces examens n'avait été
remise aux instituteurs que le 23 juin. Ils n'a-
vaient donc pu préparer spécialoinent leurs
élèves, ce qui prouve l'assiduité des soins qu'ils
leur donnent. Aa=fi les instituteurs laïques
n'ont-ils osé en présenter aucun.
Les Ursulines de Beaugenny ont présenté
quatre jeunes filles aux examens pour le brevet
de capacité , dont trois à Blois et une à Tours:
toutes les quatre ont été reçues, celle-ci la
première.
Espagne. — Les liliéraux qui gouvernent à
Madrid sont comme les libéraux de paiinut. Il
n'est |ias un seul de leurs principes qu ils ne
trahissent par leurs actes. Entendez-les, sur-
tout lorsqu'ils ne sont pas encoie arrivés aux
afiaires, ils n'ont à la bouche que les mots de
liberté, d'instruction, de progrès, de resjicctdu
peuple, d'humanitarisme, principalcmeul à
l'égard des bandits. Mais, voyez-les a l'oeuvre I
feux de Suisse, de Prusse, de Tiir(iuic, du
Mi'Xique, du Brésil, de Chine et autji's lieux
nous sont fort connus; jetons aujourd'hui un
coup-d'ci'il sur les agissements de leurs frères
et amis d'Espagne.
Viici, d'abord, quelques articles de Vfnstrve-
tion approuvée par S. M. le roi (don Ai[)honse)
pour l'exécution du décret royal du 2!' juin der-
nier, sur la confiscation des Liens des rebelles car-
listes et de leurs auxiliaires. En vertu de celle
instruction, qui porte la date, à Madrid, du
14 juillet 1873,
a Sont soumis au séquestre :
m 1" Toutes les propiiélés (à la campagne oo
à la ville), avec le matériel d'exploitation;
« 2° Les meiiidesct b'tail;
« 3" Les élaiilissomenls industriels et autres,
avec toutes leurs dépendances et marchandise*
en vente ;
(c A" Los rentes et valeurs publiques;
0 5° Les actions de la banque d'Hspagne ;
« G" Les actions ou obligations des sociétés
ou entreprises publiques quelconques;
« 7° Les comptes courants dans les socl'tés,
compagnies, élablisscmcnts publics et maisons
de commerce;
a 8° Les appointeinents, pensions et tous
droits ou crédiis, npparieuant aux carlistes.
« La saisie comprend aussi les produits des
biens en usufruit.
<i Art. 11. La di-simulation des biens, rentes,
valeurs, comjitcs courants, appointements, etc.,
CONSTITUANT l'.VE YliRITADI-E PHAUDE ENVERS
l'Etat, il ser-a alloué aux dénonciaieurs un tant
pour cent à fixer par le ministre.
« Les bieus non alfcrmé'^ le seront par adju-
dication pour le compte de l'Etat. »
Rivalisant avec son gouvernement, le général
Quesada, chef de l'armée du Noid, adresse à
SCS généraux de division les ordres suivants:
« Article premier. — Les arrest;itions des
carlistes auront lieu dans uu bref déiai.
(t Art. 2. — Les familles expulsées ne de\'ront
emporter que les objets nécessaires à leur
voyage, maispoint de meubles ni de [irovi-ions.
(I Art. 5. — Nos troupes en contragncrrillas
protiteront de leurs excursions dans les pays
ennemis pour emporter les récoltes, lin'ilanl sans
pitié tout ce qu'ils ne pourront pas enlever... »
Le général Quesada est naturellement le pre-
miiT à accomplir ses propres ordres. Aussi
télégraphie-t-il tranquillement à son gouver-
nement des dépêches comme celles qui suivent:
Je viens de faire une reconnaissance à Salva-
tierra. Toutes les moissons ont été bi-ûlées : la
destruction n'en est pus complète, à cause de l'hu-
midité et de la rapiidité de nos mouvements .
... Villarcal n'est plus qu'un foyer ; les récoltes
des environs ont été incendiées.
Le fameux « Flambez finances n n'est plus
qu'une gaminerie à côté de ces exécrables l'or
laits. Les sauvages peuvent-ils doue faire autre-
ment la guerre?
Tous les villages carlistes de la eùie sont
bombardés sauspiliépar la marine madrilèn;
et anéanlis autant que possible.
Le roi Charles \H, à la vue de ces hontes
infligées à l'Espagne par les conseil le is de son
cousin, don Alphonse, s'est décide à iui écrire
p(iur l'inviter à les faire cesser. La lettre est
superbe, tonte pleine des sentiment» les plus-
nobles cl les [dus c.ii-Vi'iieresques. Mais elle n'a
produit aucun ivisultal. Les incendies des f«r-
LA SE\).\rNE DU CLERGE
13M
mes, fies ■villages et des villes, et des réeoUes,
nef'Dnt que se multiplier. Lfs proscrits arrivent
de toutes parts snr le territoire curliele, dénnés
de toute ressource. Ils sont né.inmoinsnccueillis
à bras ouverts, ,<t les députations des provinces
se sont déclarées en mesure de pourvoir à tous
les besoins, sans grever le peuple.
Les circulaires qu'elles ont lancées à cette
GceasioD sont admirables de dévouement et de
magnanimité. Elles protestent contre les hor-
reurs commises par les libéraux. « C'est une
amère dérision, dit la cirt-iihure de la province
d'Alava, qu'au moment où viennent d'avoir lieu
des conférences diploiaHiticpics, grâce à l'ini-
tiative d'une grande puirsriiue, en vue d'huma-
niser la guerre, et quand on en prépare d'autres
dans le même sens, il soit toléré ici, que l'une
des deux parties fasse la ;;ii»>rre à la manière
(les horoes sauvages de l'Alrique et de l'Amé-
rique. » Cille di; la province de Navarre dit de
son côté: « La Navarne ne recourra ]ioint aux
mesures sauvages des hommes de la civilisation
moderne, niesurcs réprouvées par la leligion
que nous professons, par le droit des gens et
jusque 1 ar le sens comuiiin. » Nous ne serions
pourtant pas étonné que l'excès du mal n'ame-
nât quelque sorte de reprr'snilles.
On conçoit que nous ne pouvons entrer dans
aucun détail sur cette guerre atroce. Voici
pourtant un épisode tr.;p sublime pour que
noua le passions sous silence. La Seu de Urgel
se trouve actuellement assiégée par lesllbér.iux
avec un matériel qui leur a été expédié par voie
de France, hélas ! Son délenseur est Lizarraga
le saint, comme l'uiipellent ses soldats. Lors-
qu'il a vu les apprêts du siège, il a fait placer
une croix, formée de troncs d'arbres, sur .le
point le plus éle.é de la citadelle. Et le soir
après le chapelet, la montrant à ses hommes,
il les harangua ainsi : « J'espère que bientôt
nous promènerons cette croix triomphante par
toute l'Espagne, car Dieu est avec nous. Hlais
si nouvs devions suceumber, l'ennemi nous
trouvera les derniers à cette place, d'où nos
âmes s'envoliirout vers le ciel. » A notre sens,
cette scène égale en grandeur les plus belles de
l'histoire.
Sur le terrai» religieux, les différences entre
le gouvernement canoviste de IMadrid et le gou-
vernement de don Curlus ne sont pas moins
prol'oiii.les et radicales que sur le terrain poli-
tique, social 1 1 humanitaire. Le premiei- tend
à amoinilrir et à enchaîner l'influence de
rEgli88 ; le second au contraire tend à l'agrandir
le plus possible et à l'affranchir de toute en-
trave. Le premier insère dans les bases consiitu-
tiontulles un article qui consacre la hberté des
cultes ; il lavorise le protestantisme au point
qu'à Madrid il exisie déjà huit temples et que
oOO enfants sont élevés dans les religions de
Luther, de Calvin et autres; par contre les
injustices commises envers l'Eglise ne sont tou-
jours point réparées et ses prérogatives con-
tinuent d'être méconnues. Don Carlos, au
contraire, ne reconnaît que la seule religion
eatholiijue, et il vient de suppi'imer le reijiwn
exequatur pour les bulles, brefs, et autres docu-
ments émanant de l'autorité du Saint-Siège, en
sorte que liberté entière est donnée à la circula-
tion de ces documents sur le territoire carliste,
sans qu'il soit besoin du consentement royal.
Suisse. — Le doyen des évêques suisses,
Mgr de Preux, évèque de Sion, dans le Valais,
est mort le lo juillet dernier, à l'âge de 81 ans,
après trois jours seulement de maladie. Mgr de
Preux, était né à Venthone, riant village du
district de Sierre, dans le Valais. Il fil ses
études classiques au collège des jésuites à Sion,
et son cours de théologie au collège germanique
de Rome, d'où il revint à Siou avec le titre de
docteur en théob'gic. il fut successivement
chanoine de la cathédrale do Sion, professeur,
puis supérieur au grand séminaire diocésain.
Le 25 janvier 1844, il était préconisé évèque de
Sion par Grégoire X\I. M^r de Preux, a été
mêl(! à toutes les manife-tations religieuses qui
ont illustré le règne de l'ie IX. C'était un giand
esprit, et il jouiss lit d'une liante cousidération
dans l'episrupat catholique, i'ie IX avait pour
lui «ne alleetion particulière, el ses diocésans
l'aimaient comme nu père. C'est pour toute la
Suisse une perte difficile à réparer.
Passons aux acUîs de la secte hideuse qui
résulte de l'union de la franc- maçonnerie avec
le vieux-catholicisme. Le 23 juillet ilcrnier,
elles'est emparée par la force, comme elle a tait
pour tant d'autres déjà, de l'église du Grand-
Saconnes. Le curé, M. Babel, a résisté avec une
énergie font apostolii|ue. La paroisse entière,
forte de 1,700 habitants, était avec lui, sauf '.5
individus qui s'étaient prononcés pour les sec-
taires, et auxquels précisément les droits des
J.noO habitants allaient être sarrifii's. Lors-
qu'on vint demander à M. Babel les ciels de son
église et du presbytère, il répondit qu'il était
cliez lui et qu'il n'avait pas de clefs à donner.
Mais il pensa qu'on allait employer la force. Il
enleva donc le Saint-Sacrement de l'église et
le porta en lieu sur; puis il vint s'y enfermer et
s'y barricader avec vingt hommesde sa paroi.sse.
Etlectivement, le lendemain, à quatre heures de
l'après-midi, vingt gendarmes^ et six agents de
police arrivent au Graud-Saconnex. Ils frap-
pent à la porte de l'église et somment « au nom
de la loi » ceux qui sont à l'intérieur de l'ou-
vrir. Cemme ou ne répond rien, ils vont aa
presbytère, crochetlent les serrures, s'y intro-
duisent et mettent tout en désordre. Ensuite ils
1362
LA SEMAINE DU CLERGÉ
reviennent & îa porte de l'église, dont ils
essayent de cMcbeter aussi la serrure. Mais pour
la première fois, le rossignol iesl vaincu. Hon-
teux et exaspérés de leur iosncrès, les assail-
lants s'arment de haches et de leviers et enfon-
cent une petite porte latérale. Arrivés en pré-
sence du curé, ils le somment de SOI tir. M. Babel
dit qu'il garde son église et ne sortira pas. 11
s'asseoit sur une chaise entouré de ses hommes.
On télégraphie à Genève pour demander des
ordres. Genève envoie un renfort d'ngenlset un
commissaire de police, M. Coulin, celui-là
même qui a expulsé MgrMerraillod. M. Coulin,
ayant sommé M. Babel de sortir, et M. Babel
ayant refusé, M. Coulin le saisit parle bras et
l'entraîne dehors. M. Babel, ne sachant pas ce
qui était arrivé à son presbytère, va pour y ren-
trer, mais la porte en était fermée par un gros
cadenas. M. Coulin arrive et le somme de sortir
du jardin. M. Babel refuse encore, et pour la
seconde fois, M. Coulin le saisit par le bras et le
jette à la rue, sans lui laisser rien emporter de
ce qui est sa propriété personnelle, même son
chapeau.
La population, quientourerEgliseet lepres-
bytère, s'ouvre avec respect pour laisser passer
son vénérable pasteur et l'acclame avec énergie :
« Vive M. Babel, notre seul curé légitime I A
bas les intrus ! »
Puis elle le suit au Hou où est placé le Saint-
Sacrement. M. le curé le prend et le transporte
processionnellementdans la chapelle d'une noble
famille qui habite à vingt minutes de distance.
La foule, surtout leparcours, récite des prières.
La pieuse famille chez laquelle on se rend vient
au-devant du cortège avec des cierges allumés.
Après labénédictiondu Saint-Sacrement, M. le
curé félicita ses paroissiens de leur belle con-
duite et leur recommanda la prudence. Ceux-ci,
avant de le quitter, voulurent l'embrasser, lui
serrer les mains et lui jurer fidélité. Depuis, et
en attendant qu'on puisse mieux faire, les
fidèles assistent aux offices du dimanche dans
une grange, à côté de l'église profanée.
M. Babel a reporté les clefs de son église à
M. le grand vicaire Dunoyer; et en les lui met-
tant entre les mains, il a dit : « Voilà les ciels
de mon église. Vous me les avez confiées il y a
vingt et un ans; je ne les rends qu'à vous-
même. » Quel bel exemple de fidélité sacerdo-
tale! Et comme M. Babel a bien tenu le serment
que fait le prêtie lors de son installation, de
défendre les droits de l'église à la tête de
laquelle il esl placé I
Aussi son évêque, Mgr Mermillod, lui a-t-il
écrit pour le féliciter une magtiilique lettre, qui
se termine par ces paroles : « Par votre paci-
fique résistance, par votre désintéressement et
•votre charité, par la généreuse abstention de
1.1 majorité de vos paroissiens d'un piège élec-
toral coupable, vous pouvez vous rendre le
témoignage que vous avez servi deux saintes
causes, celles de l'Eglise et de la patrie, dans
une foi sans peur et un patriotisme sans
reproche. »
M. Langlois, le curé intrus qui le remplace,
a été aussitôt frappé d'interdit et déclaré excom-
munié par Mgi' Mermillod. La pièce qui renferme
ces censures était adressée à tous les fidèles de
la juridiction de Mgr Ib^rmiliod. M. Babel en a
donné naturellement lecture à ses paroissiens,
spécialement intéressés à la connaître. Mais le
Conseil d'Etat de Genève, qui veut arriver à
l'expulsion de M. Babel, en a pris occasion de
k déférer au procureur général, comme cou-
piïlile d'outrages envers le curé intrus. Certes,
il n'y a aucun outrage de la part de M. Babel
à l'égard de l'intrus, en lisant une lettre épis-
topale où ce dernier est déclaré exclus de la
communion catholique. Toute société a le droit
d'exclure de son sein un membre qui n'en
observe pas les règlements. Mais il n'y a plus
de justice à Genève, et M. Babel parla géra bien-
tôt, sans doute l'exil de son noble évèque.
Z.\KGuicB.\R. — Le sultan de Zanzibar était
naguères notre bote en France. A Paris, il a
vi-ité la maison mère de la congrégation du
Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie, qui a
fondé ces années dernières la mission du Zan-
guebar. A cette occasion, les j1/('ss!ons catholiques
ont publié un état de cette mission intéi essante,
que nous allons résumer en quelques mots.
Les principaux centres de la mission sont
Zanzibar et Bagamoyo. A Zinzibar, les mis-
sionnaires ont établi un petit séminaire indi-
gène, qui est en pleine prospérité, et un hôpi-
tal international pour les marins et les autres
Européens, qui jusqu'ici étaient abandonnés et
mouraient sans aucune assistance matérielle et
religieuse. A Bagamoyo, ils ont bâti une mai-
son pour les Sœurs et leurs élèves, une chapelle
et une résidence pour eux-mêmes. 11 y a dans
ce village trente familles chrétiennes. La veille
de la Pentecôte, deux cloches y ont été bénites,
et quarante adultes baptisés. Et voilà que ces
plages, où ne retentissait il y a quelques années
que le cri des bètes fauves, lions, panthères,
hyènes et autres, sont maintenant cultivées par
des travailleurs qui bénissent Dieu au son har-
monieux des cloches. Gloire à l'Eglise de Jésus-
Christ! il n'y a qu'elle seule pour opérer ces
merveilles.
P. D'IlALTCniVE.
Tome IV. — N» 45. — Troisième année.
1" septembre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THEME HOMILÉTIQUE SUR LtMNGlLE
DU XVI' DIMANCHE ArRÈS LA PENTECOTE.
(Luc. VU, 11-16.)
I. Le divin Sauveur, quand on l'y invitait,
se rendait dans les fêtes de famille, non pour y
satisfaire une grossière sensualité : il se con-
tente du nécessaire, manducare panetn, mais
pour donner à ses hôti'S, en échange du pain
qui nourrit le corps^ le pain qui nouriil l'iimo.
11 allait dans les festins, parce que, là aussi, on
avait besoin de le voir, et que ceux qu'il y trou-
vait ne venaient point l'entendre ailleurs. Les
pharisiens surtuut avaient besoin de lui. [Js
oubliaient Dieu ; satisfaits d'une religion toute
extérieure, ils ne cherchaient iju'à sauver les
apparencesetse livraient dans le secretà tous les
ratiinements di; la sensualité. C'est là que Jésus
va les trouver. Ainsi tait-ilencoretousles jours:
parles inspirations de sa grâce, il vient à nous
jusque dans nos joies les plus insensées et nos
fêtes les plus bruyantes; souvent, du sein des
plaisirs qui corrompent, il fait naître le remords
qui sauve et purifie. Il portait en même temps
le bienfait de sa présence aux serviteurs des
pharisiens qui ne les laissaient pas libres
d'arriver jusqu'à lui. Car toujours sa bonté
s'étend aux plus petits pour les gagner à son
amour.
Les pharisiens recevaient volonliers le Sei-
gneur à cause de sa renommée. Mais, au lieu
de l'écouter, ils l'observaient, non pour admirer
la noble simplicitéquibrillaitdans sa personne,
non pour s'édifier auprès de lui, mais pour le
trouver coupable et condamner sa conduite.
L'envie, qui s'acharnait contre le Maître, a de
tout temps poursuivi les disciples. Semblable à
un vil insecte qui s'attaque de préférence aux
fruits les plus exquis, plus une vertu est écla-
tante, plus elle cherche à l'obscurcir; mieux
une réputation est établie, plus elle met d'achar-
nement à l'ébranler. Rapports malveillants,
insinuations perlides, calomnies persistantes,
dénigrements systéraaViques, voilà les armes
habituelles des pharisiens contre Jésus-Christ,
et il ne faut pas être surpris si les méchants
s'en servent encore tous les jours contre ses
plus fidèles serviteurs.
IL Cependant, comme les pharisiens l'obser-
avient, U vint un hydropique qui se tenait debout
devant lui. L'avarice et l'orgueil étaient les
deux grands vices des pharisiens. L'hydropisie
en est la figure. L'hydropique est brûlé par la
soif; c'est l'avare toujours altéré, toujours
inassouvi, pauvre au sein de l'abondance,
n'ayant que des pensées de lucre, n'aspirant
qu'à se remplir de ce breuvage d'or qui le
gonfle et qui le tue. Regardez l'hydropique :
il a une partie du corps horriblement enflée,
l'autre se dessèche. De ce corps où tout se cor-
rompt s'exhale une odeur féti.le; c'est l'orgueil
semblable à l'enflure que rien ne peut contenir.
Il déborde de toute la personne du vaniteux, il
se trahit dans sa tenue, dans sa démarche, dans
son regard, dans sa parole. L'orgueilleux a
l'esprit gonflé de sa prétendue valeur; pendant
que son cœur est desséché par l'égoisme. Il
n'aime personne et il méprise tout le monde.
D'une source aussi gâtée, il ne peut sortir que
l'infection du vice, car l'orgueil est le commen-
cement de tout péché. Qui pourra guérir de
tels maux? Jésus-Christ seul. Mais il f lut le lui
demander comme faisait l'hydropique, en se
tenant d.'vant lui, erat ante'ilium, dit l'Evan-
gile, indiquant, avec une brièveté divine, la
fermeté de l'espoir dans cet homme et la cons-
tance de sa prière muette. Il est là debout, mais
il se tait, dans la crainte d'oll'enser les phari-
siens, parce que leur rigorisme hypocrite avait
déclaré qu'il était défendu de guérir le jour du
sabbat.
Et les pharisiens se disaient en eux-mêmes :
Que fera-t-il? S'il guérit ce malade, nous l'ac-
cuserons de violer le sabbat ; s'il le renvoie sans
le guérir, il n'est donc ni si miséricordieux, ni
si puissant qu'il le dit. Jésus devine leur pensée
et, d'un mot, il déjoue leur astuce. Est-il permis
de guérir le jour du sa/jbut? Les [iharisiens
n'osent répondre. Ils craignent de paraître trop
cruels en interdisant la guèrison. Jésus leur
montre qu'il peut se passer de leur permission,
et qu'il ne redoute pas leurs invectives. 11 veut
aussi prouver aux siens que c'est bien sanctifier
les jours de fête que de les consacrer à la cha-
rité, et qu'il ne faut faire attention ni au scan-
dale des insensés, ni aux murmures des mé-
chants, quand il s'agit des œuvres de Dieu.
Pour récompenser la foi de ce ujalade qui
attend humblement, et qui n'ose prier qu'en
montrant son infirmité, il prend l'hydropique
par la main et le guérit.
Voilà le crime que les pharisiens altendaleol:
13C8
LA SEMAINE DU CLEUG?
lajaliu'ic sonir'V'-, leur cœiir, pcnl-être lours
murmiiics écl;ilcnt-ils. Les mcr.lianls s'inili'iit
à l'aspect des triomphes de la gracie; mais Dieu
fait son œjivresans souci des méchants, et Jésus
les réduit au silence. Si c'était votre bœuf ou
votre âne. vos moindres intérêts tecnporels (jui
fussent en péril, vous ne songeriez guère au
sabbat. Un âne tombera dans un puits et on
l'en relirei-a anssilôl; une âme immortelle
tombe dans Tiibime du péché, et on l'y laisse
des années entièics !
III. La hideuse maladie que l'hjdropique
portail en fon corps, his phur siens l'avaient
dans l'âme. .\fin d'a|i['li(iiicr le remède qui con-
venait à ces cœurs gonflés et durs, Jésus,
voyant leur cmpi-csscmeut à s'élever, leur dit :
« Quand vous serez invités à un iéstin, n'allez
pas vous étaler à la premién; place ; prenez, au
contraire, la dernière, afin que l'on \ohs fasse
monter plus haut. » 11 ne veut pas sans doute les
autoriser à s'abaisser dans la vue de se faire
mieux honore:-; mais il profile seulement du
vain désir d'être dislingués qu'il remarque en
eux pour corrigea- leur orgueil. C'est un ména-
gement digne du céleste médecin : l'humilité
extérieure est un pas pour arriver â l'humilité
du cœur. Il luit bon t:e suivre le conseil de
Jésus et de choisir la dernière place au banquet
de la vie. L'homme que la Proviilenee y a mis
doit s'eslimer heureux; car plus ou est élevé,
plus il e.-t facile de tomber et plus les chutes
sont dangereuses. D'ailleurs, il est écrit (jue les
dernieis seront les premiers. La première place
dans un royaume n'est-elle pas à côté du roi?
Or, notre roi, c'est Jésus qui s'est mis volontai-
rement à la dernière place : et plus on s'humilie
et [dus on se rapproche de Jésus.
Il ne faut donc pas craiudre de s'abaisser.
Quand on entre par une porte qui est basse, on
n'a rien à redouter en se baissant trop, et l'ou
peut se faire beaucoup de mal en ne se baissant
pas assez. Que les vrais cliréLiens s'étudient
donc à la pratique de l'humililé, en uese glori-
fiant ni de leur naissance, ni de leur fortune,
ni de leurs talents; mais qu'ils rajiportent tout
à Dieu, qui leur a donné le peu qu'ils ont.
Qu'ils voient avec allégresse, ou du moins avec
inditléronee, qu'on les laisse au dernier rang;
et quand viendra le festin éternel, Dieu dira à
cet humble : .Won ami, montez /dus haut; et
ceus qui, sur la terre, auront connu son amour
des abuissements, témoins de son triomphe,
répéteront la parole du Muilre : Quiconque
s'abaiise, i:eia étevc.
L'abbé Hebmaw,
curé de Festabert,
INSl nrCTlONS FAMIT.IÈRE5-
SUR LE SYMBOLE DES APOTRES
(53" instruction.)
L'enfer ; souSrances des damnés ; ces souffrances seront
éternelles.
Texte. — Credo vitam œternam. Je crois....
la vie éternelle.
ExoRDE. — Par ces paroles, mes Irères, nous
faisons profession de croire quenotre âme «irvit
à notre corps, et qu'heureuse ou malheureuse
elle doit vivre éternellement ; car, comme je
vous le disais, en commençant notre dernière
instruction, il y a deux sortes de vie étemelle,
celle des réprouvés dans l'enfer, et celle des élus
dans le paradis. J'ai même ijouté quelesortdes
damnes, à jamais séparés de Dieu, qui est la
véritable vie, était souvent désigné sous le nom
de mort éternelle.
Qu'il existe un lieu «le supplices où les mé-
chants seront punis pour 1 éternité, c'est une
vérité tellement évidente que les ignorants ou
les impies jieuvent seuls en douter... J'ouvre
l'Evangile ; je tombe sur l'histoire du mauvais
riche, racontée par Noire-Seigneur Jésus Christ
lui-même. Cet homme, velu de pourpre et de
soie, passait sa vie au milieu des fesii«s, des
divertissements et des joies de ce monde... Un
pauvre estropié, appelé Lazare, venait souvent
mendier à sa porte ; au lieu d'aumônes il ne
recueillait que îles insultes et des mépris. En
vain, l'infortuné se fut contenté des miettes, qui
tombaient de la table du riche ; personne ne les
lui donnait ; les chiens, plus humains que leiu"
maître, lui témoignaient seuls de la compassion
en venant lécher ses plaies... .Mais, dit le .Swi-
gucur, ce riche au cœur dur mourut et son âme
fut transportée en enfer ; le mendiant mourut
aus-i. et, comme il avait supporte sou sort avec
résignation, son àme recueillie par les auges fut
portée dans le sein d'Abraham. Dieu permit que
le mauvais riche aperçût la gloire dont jouissait
le pauvre Lazare: «Père Abraham, s'écria-t-il,
envoyez moi, je vous prie, Lazare, qu'il trempe
l'extrémité de son doigt dans l'eau, et qti'il en
laisse seulement tomber une goutte sur ma
langue desséchée, car je souffre cruellement
dans ces flammes Non, malheureux, lui répon-
dit le patriarche; ce que tu demandes est impos-
sible ; sur la terre tu as eu toute sorte de satis-
taclioiis ; soulfie maintenant, souffre pendant
l'éternité (i) !...
Frères bien aimés, c'est.Jésus-Christ lui-même
qui racontait cette histoire; vous voyez liieu. par
consé<iuent, qu'ii enseignait l'existence de l'eu-
fer, et que les réprouvés étaient tourmentés par
les tlammes. Ailleurs (2), il nous apprend qu'au
1. s. lue, cb. XVI.
2. S.llatih. x.xv-41.
LA SEMAINE DU CLEf.GÉ
jour cln in'Tmnnt il dirn à cpux qui seront à
sa gaucbc : Allez, maudits, allez au feu éternel.
Il y a (lonu \m enfer, où ceux que maudii'a le
Souvei:iin hvs^Q s'iront à tout jamais séparés de
lui, Ht brùliT'iir il'un feu qui ne s'éteindra
point... Ji/nem œlernura.
PROPOàIlI0^. — C'est, mes frères, de cette
vérité terrible, et trop souvent oubliée, que je
veux vous parler dans cette instruction.
Division. — Pnrmèi'ement, souffrances des
damnés ; secondement, ces souffrances seront
éternelles ; telles sont les deux pensées sur les-
quelles nous allons nous arrêter...
Première partie. — Souffrances des damnés.
Mes frères, les peine- que subiront lesré|irou-
vés sont de deux sortes : la privation de Dieu,
c'est ce qu'on appelle la peine du dam : puis le
tourment du feu, que l'on nomme la. peine des
sens... Notre divin Sauveur indiiiue i es deux
aortes de peines en quelques paroles : « Elo'v^unz-
vous, maudits, alb'z au feu éternel. » Quelle
énergie dans ces simples motsl... Voilà le pre-
mier sermon sur l'enfer ; ce sera aussi le der-
nier qu'on entendra au jour du jugement, car
apoès régnera l'élernité ; siirmon énergique,
complet, et dont tous nos sermons ne sont qu«i
dfimpnissunts commentaires!... Diicedite, mnle-
dicti, éloif,'uez-vous de moi, miiudit> ; voilu bien
la peine du dnm ; l'àme éternellement séparée
du Dieu qui devait faire sou b.jnlicur !... Jte in
ignerri ceterwirn, allez au feu éternel ; c'est bien
la peine des sens, e,'est l)ien ers Uauimcs di'vo-
rantes. au sein desquelles s'agite depuis si long-
temps le mauvais riche.
Nous ne comprenons pas, mes frères, le
tourment qu'il y a pour l'àme réprouvée d'être
séparée de Dieu. Celte peine nous s(;mble moins
cjiuelle que la peine des sens; et pourtant, si
nous voulions refléchir, nous saurions que les
blessures les plus cruelles sont celles (jui aitei-
gnent le cœur. Il en est parmi vous qui ont
perdu soit un époux chéri, soit des eut'iuits bien
aimés; si Dieu, dont la providence adoralile les
a éprouvés, daifinait leur dire en ce moment :
« Vous aMez subir une longue et douloureuse
maladie ; puis je. vous rendrai ces enfants que
vous. pleurez, cette mére([aivousétaitsi chère, »
«sac quelle joie jjlusieurs accepteraient une
pareille promesse!... Vous comiii'cnez doiic
qu'il y a de^ peines ilu CG3ur ([ui, souvent, sont
plus sensibles et plus poignantes que toutes les
soviffi-auties du corps.
L-'ùme réprouvée a entrevu, au moment de
■on juçemoiit, h* Joins du ciel, la beautJé de
Dieu, le bonheiu' ineffable dont jouissent ceux.
qui le posséilent; la malheureuse, à cette vue,
elle sJélançuit vers lui comme vers son centre...
Arrête, maudite, tu ne mérites point ce bon-
heur, ces délices ne sont poiut. laites pour toi,;
Dieu tr- rejette! f/iicedite. Siouàa'in Satan s'en
empare, il l'entraiue dans l'abime. Or, comme
un cerf blessé, qui, tout en s'enfuyant, em-
porte le plomb dont il fut percé; ainsi l.i pauvre
âme, même en descendant vers l'enfer, em-
porte le souvenir du bonheur qp'elle a entrevu
et dont e'Ie est privée, du s:rar(d Dieu qu'elle
eût posséilé, si elle s'était montrée fidèle... I! se
fait en elle un niélanaede d(;sirs, de rej^rcts, de
haine et de dése>"poir en voyant quel trésor elle
a perdu, et en se rappelant qu'elle l'a perdu par
sa faute... Mais, ô infortunée, tes regrets seront
vains, ton désespoir inutile; non, tu ne verras
pas le .Sauveur Jésus dans la splcmleur de son
royaume, couronnant ses élus do gloire et
d'immortalité; jamais tu ne contempleras la
douce fit majestueuse figure de la Vierge Marie.
Les hurlements des damnés remplaceront pour
toi les suaves harmonies du ciel ; maudite. Dieu
te repousse à jamais, suis Satan, ce chef infer-
nal, dont tu fus trop docile à écouter les inspi-
rations !...
.Je vois celte pauvre âme ; elle s'avance vers
ces gouffres fumants et dé-olés qu'on appelle
les lieux inférieurs. Déjà elle entend des soupirs
et desuémissemeuts lameutables; m;iis ils sont
mêlés de prières et de supplications. Descends
plus bas, malheureuse.; il est triste, sans doute,
ce séjour que tu aperçois; mais l'espérance et
la ri'.-isimtion en adoucissent les souffrances,
c'est le purgatoire... Plus bas. jilus bascncore I...
Et comme un moiislre béant, l'enfer s'eulr'oirvre
et ri'çuit sa nouvelle vietime. Là, des brasiers
éternels l'attendent, ignein œtcrnum; c'e.st sur
(;ux qu'(dle doit se tordre et s'agiter pondant
l'éternité tout entièi'c. Oucl supplice! Un feu,
dont le nôtre n'est que l'ombre, enveloppe l'àme
réi)rouvée; il la pénètre, il la rou;j:it, il la dé-
vore sans la consumer; puis, quand après la
résurrection le corps sera réuni à eettr' àme, il
partagera ses tourments; ce fou pénétrera les
os des réprouvés, le sang bouillira dans leurs
veines, le cœur daus leur poitrine ; feu dans les
yeux, feu dans les oreilles; feu dans les en-
trailles, teu partout!... Grand Dieu, quel sup-
plice!... Qui de nous, frères bien aimé.s, pourra
babiterau milieu do ces flammes di>.vorantes(l)!
A ce tourment se joindront tous les autres tour-
ments; une faim qui ne sera jimais satisfaite,
une soif que n'étaiichera jamais le moindre
rafraiehis.sement... Voyez ce malheureux, dont
les flammes enveloppent 'ous les meud)res; il
lève sa tète, sa langue pen-îaute et d(;ssécbée
réclame inutilement une goutte (^* >u depuis
vingt siècles; il la demandera sans l'obtenir
pendant l'éternité tout entière.
Je lie vous parlerai pas des autres tourments.
Vous savez que l'enfer est l'assemblage de tous
1. Isaïe cb. xxxip-li.
«570
LA SEMAINE DU CIERCÈ
les maux sans mélange d'aurun bien. Imaçluez,
réunis, tous les supplices <iu'ont endurés les
martyrs, les haches, les gibels, les scies, les
ongles de ter, la poix bouillante, le plomb
fondu, tout cel^ n'est lien comparé à l'enfer.
Lavuf sera tourmehtéepardes ténèbres épaisses,
par le spectacle hideux des démons. Sainte
Françoise Romaine, ayant vu dans sa laideur
un de ces anges maudits, en était tellement
effrayée, qu'elle priait Dieu de la préciidter
toute vivante dans une fournaise ardente, plu-
tôt que de lui montrer encore une créature
aussi abominable (I). Et c'est par millions que
ces monstres effrayent les damnés... Hurlements,
reproches, malédictions, blasphèmes, tel sera
le concert infernal qui frappera les oreilles.
L'oJorat, le goût, le toucher auront aussi cha-
cun leur supplice...
Seconde partie. — Mais venons à une autre
considération, qui sera le tourment le plus
épouvantable des réprouvés, je veux dire l'éter-
nité de leurs souffrances. Comment, mes frères,
avec des choses qui passent, vous donner une
idée de cette éternité de souOrances, qui durera
toujours et ne finira jamais? Les [dus grandes
peines sur la terre ont leur instant de répit; le
laboureur se repose après son travail, les galé-
riens eux-mêmes interrompent plusieurs fois
ces travaux pénibles, auxquels ils sont condam-
nés. Les maladies les plus douloureuses ont leurs
moments de calme et de relâche. Mais, en
enfer, rien de pareil : les damnés brûleront
dans cet étang de flammes, sans éprouver ja-
mais ni soulagement ni répit. Mille et mille fois
le soleil se lèvera pour nous et se couchera à
l'horizon ; mille et mille fois la terre se revêtira
et se dépouillera, tour à tour, de son manteau
de verdure; les saisons succéderont aux saisons;
les empires feront place à d'autres empires ;
mille et mille fois la terre engloutira les gitné-
rations qui la couvrent et en verra naître de
nouvelles ; les vivants succéderont aux morts et
toute? ces révohitions cesseront à la fin du
monde, et des damnés, qu'en sera-t-il? Voyez-
les, ils brident encore ; ils brûleront à toujours
dans ces feux dévorants, parce que l'éternité ne
finira jamais (2).
Supposez, dit saint Isidore, que Dieu envoie
aux portes de l'enfer un ange dire à ces mal-
heureux : « Bonne nouvelle ! Le Seigneur veut
enfin user de miséricorde à votre égard; il vent
éteindre un .'"^ur ces fournaises ardentes; il
m'envoie vousannoncer votre délivrance. (Juand
vous aurez soutlert autant de siècles qu'il y a
de feuilles dans les forêts, de grains île sable
sur les rivages de la mer, de gouttes d'eau dans
le vaste océan, alors vous cesserez de souflrir;
i. Voir sa vie, tr.iduite d'après les BollaDdistei.
t. Sïiot Léonard, À'ermon >ur l'en/er.
les flammes qui vous dévorent s'ét-iindront .. »
Quel nombre énorme de siècles I Autant qu'il y
a de gouttes d'eau dans l'océan, de grains de
sable sur tous les rivages, de feuilles dans les
forêts!... L'imagination effrayés recule devant
ce nombre immense... Eh bien, mtr frères, si
cette annonce retentissait eu enfer, à la rage et
au désespoir des damnés, succéderaient des
transports de joie et d'allégresse... Ils pour-
raient se dire, si énorme que soit le temps
qu'elles doivent durer, du moins nos peines
auront une fin. Et ils savent bien qu'elles du-
reront toujours, qu'elles ne finiront jamais!...
Terrible pensée que cette éternilé de souf-
frances ! Oh ! combien d'âmes elle a ramenées à
Dieu! Et, en effet, mes frères, comment un
pécheur peut-il dormir tranquille, quand il
sait qu'une éternilé de supplices le menace...
C'est bien là le tourment le plus cruel des ré-
prouvés ; mais, aussi, c'est bien la vérité la plus
effrayante que nous puissions méditer, et la
plus capable de nous faire penser sérieusement
à notre salut. Un jour, sainte Lidiviue s'entre-
tenait avec un pécheur de haut rang, qui se
raillait de cette éternité de tourments. « Si vous
avez le courage, lui dit-elle, de rester immobile
pendant une nuit seulement dans un lit de
plumes bien doux, sans faire le moindre mou-
vezcîut, sans jamais changer de posture, non-
se i yneut je ne troublerai plus vos passions,
maij je vous promets une belle récompense, d
Le jeune homce accepta en souriant la propo-
sition et il enviât à l'épreuve... Mais, au bout
de trois ou quatre heures, il éprouvait déjà une
telle fatigue qu'il se croyait à la torture. Il se
fit néanmoins violence une heure encore ; mais,
enfin, l'immobilité à laquelle il était condamné
lui devint si insupportable, qu'il se sentait
mourir... Alors, rentrant en lui-même, il se
dit : « Malheureux que je suis, si je vais en
enfer, que sera-ce donc?... Comment pourrai-je
rester couché sur un lit de feu, non pas pen-
dant une nuit seulement, mais pendant l'éter-
nité tout entière (1). » Cette pensée seule suffit
pour le convertir.
Je le sais, mes frères, on s'étourdit, on aime
à se faire illusion sur cet important sujet. Ce-
pendant, nous l'avons dit, c'est Jésus-Christ
lui-même qui affirme que le feu où brûlent les
damnés est éleruel. v Ite in ignem (elernum. •
Oh ! si Dieu permettait que l'enf^S s'ouvrit et
qu'un damné nous apparût, comme il nous ins-
truirait ! Viens, Cain, toi, le premier réprouvé
que la terre ait porté. Combien y a-t-il de temps
(jue tu expies ton fratricide dans ces flammes
clévorantcs? Six mille ansl Six mille ans! C'est
déjà beaucoup. Que de jours, que d'heures se
1. Jacq. Marchant, Jardin du PatHurt, et Miat UoBUd,
êtrmon lur Célemilé,
LA SEMAINE DU CLERGÉ
font écoulés pendant ces soixante siècles!... Et
quand cesseras-tu de soutlrir? — Jamais I Ja-
mais I... — Telle serait la réponse de tous les
damnés, s'ils nous apparaissaient. C'est surtout
cette inexorable éternité de tourments, qui
cause le désespoir et la rage de ces malheu-
reux... Souiïrir toujours ! Jamais ne sortir de
ces sombres abîmes! A cette pensée, ils vomis-
sent et contre "ux-mêmes, et contre les démons,
et contre Dieu juste, qui les a condamnés, les
plus épouvantables blasphèmes... Blasphèmes
impuissants, hurlements stériles! Pauvres dam-
nés, vous êtes là; vous y resterez toujours et
vous n'en sortirez jamais!
Péroraison. — Frères bien aimés, il me pesait
de traiter cet eflrayant sujet de la mort éter-
nelle, oud'une vie élcrnellement malheureuse...
Cependant, il est bon d'y penser souvent, sur-
tout quand l'amour de Uieu et le .lésir du ciel
ne sont pas assez forts en nous pour nous faire
éviter le péché et triompher de nos passions...
Un noble magistrat d'Angleterre, un fervent
chrétien, dont je vous ai déjà ]ilus d'une fois
parlé, Thomas .Moorus, était renfermé dans un
cachot. Bientôt il devait être mis à mort pour
n'avoir pas voulu prêter un serment qui répu-
gnait à sa conscieuie. . . Sa femme vint le voir;
et, dans cette visite, qui devait être la dernière,
«lie esseya d'ébranler le courage de cet époux
qu'elle aimait tendrement. « Prêtez donc, lui
disait-elle, ce serment, et conservez ainsi une
vie et des biens dont vous pouvez jouir encore
longtem[)S. » Moorus lui répondit : « Combien
de temps pensez-vous que je puisse vivre en-
core? — Une vingtaine d'années, lui répondit-
elle. — Oh ! madame, lui ditil en souriant,
vous seriez une habile marchande ; pour vivre
encore vingt ans siiir cette terre, selon vous, je
doism'exposer à une éternité de tourments... »
Et l'inébranlable chrétien portait, peu de jours
après, sa tète sur l'échafaud...
Frères bien aimés, sachons, nous aussi, la
valeur des chose*, et ne nous exposons pas aux
supplices éternels de l'enf-^r pour des plaisirs
d'un moment, pour des biens fragiles et péris-
sables Où sont maintenant, pour les réprouvés,
l'argent, les biens, acquis p;ir le travail du di-
manche?... Où sont CCS vains plaisirs, qu'ils
ont pu trouver à satisfaire de folks passions?...
Hélas! que d'âmes expient et expieront, par
une éternité de supplie. 'S, et ces passions satis-
faites et cetlft profanation du dimaiicnn, et les
autres violations de la loi du Seigneur!... Pen-
sons y, frères bien aimés, et puisse cette vérité
si sérieuse et si terrible d'un enfer éternel nous
inspirer à tous de salutaires réflexions. Ainsi
soit-il.
L'abbé Lobry,
curé de Vauchassis.
LITURGIE
LES QUATRE-TEMPS.
(4* article.)
VIII. — Le jeûne des Quatre-Temps a encore
une fin très-importante. L'Eglise nous le fait:
observer pour attirer les bénédictions de Dieu
sur les ordinations qui sont depuis longtemps
fixées principalement à ces époques.
Depuis saint Pierre jusqu'au pape saint Sim-
plicius, qui fut élevé sur le Saint-Siège en 468,
les ordinations ne se faisaient régulièrement
que le samedi des Quatre-Temps de décembre,
que l'on appelait, comme nous l'avons vu, le
jeûne du dixième mois. C'est ce (Jue nous rap-
pelle la mention tirée du Liber poutificalis, con-
signée plusieurs fois au Bréviaire, dans les lé-
gendes des papes des premier? siècles, et qui
indique combien d'ordinations furent faites par
chacun d'eux au mois de décembre, avec le
nombre des diacres, des prêtres et des évoques
ordonnés. Dès ce temps, le jeûne du dixième
mois était observé par les fidèles et oflert à Dieu
pour obtenir les grâces nécessaires aux nouveau.x
ministres de l'Eulise. Cette pratique n'était que
la continuation de ce qu'avaient failles apôtres,
et avec eux les premiers chrétiens, lorsque, sur
l'orclre du Saint-Esprit, ils séparèrent, c'est-à-
dire élurent Saul, ou saint Paul, et Barnabe,
pour les consacrer au ministère pour lequel
Dieu les avait choisis. Alors, jcùimnt et priant,
ils leur im/josèrent les mains, et leur donnèrent
ensuite leur mission (1). Saint Léon rappelle cette
circonstance dans sa lettre à Dioscore d'.\lexan-
drie, et l'indique comme l'origine de la coutume
dont il recommande le maintien (2).
Dans les premiers temps, l'Eglise romaine et
les églises particulières n'ayant pas bt-soin d'uu
clergé trèj-nombreux, il suffisait de faire une
seule ordination chaque année. Cette cérémonie
avait été fixée aux Quatre-Temps de l'Avent,
afin, dit Amalairc (3), que la naissance des nou-
veaux miaistres coïncidât avec la nativité du
Christ, dont les prêtres et les évèques sont les
continuateurs. D'autres auteurs, sans rejeter
cette raison, en donnent une autre moins mys-
tiipie, et disent que l'ordination était placée à
la fin de l'année pour que les ordonnés fussent
prêts à entrer en fonctions au commencement
de l'année suivante.
La rapide extension de l'Ef^'.ise obligea de
multiplier partout le nombre des iP'Xiistres si-
crés de tout rang, et, pour satisfaire plus aisé-
ment et plus amplement aux nécessités du peu-
ple chrétien, on fit des ordinations a toutes les
époques, selon les besoins et les convenances
1. Àct., XIII, 3.
2. i■.';Jl^^ IX (ulias 11), cap. I.
3. Anialar., lib. II, e. i.
1372
LA SEMAINE DU CLERGE
des lieux et des personnes. Nous trouvons, dans
l'histoire ecclésiastique, uu fait qui se reproduit
très-fréquemment, surtout au troisième et au
quatrième sicrles. Lorsqu'un siège épi^copal de-
venait vacant et que le clergé et le peuple
élisaient et souvent acclamaient à l'improviste
ua nouveau yastenr, il était consacré presque
aussitôt, et quelquefois le jour même, si les
évèques de la province étaient assemblés pour
l'élection. Il eu était de même pour la promo-
tion au saceriioce de diacres et quelquefois de
laïques, que les suffrages des fulèles siuualaient
aux évèques comme méritant cet honneur, ou
que les evèquts choisissaient eux-mêmes; en
quelques jours des hommes qui n'avaient pas
encore fait le premier pas pour entrer dans la
cléricature, étaient élevés, en franchissant rapi-
dement tous les degrés, au sommet de la hié-
rarchie, et l'on ne se ci-oyait pas obligé d'ajour-
ner leur promotion jusqu'à 1 époque primitive-
ment fixée : outre que le service des églises
exigeait souvent l'ad jouction de nouveaux mi-
nistres, on hâtait aussi quelquefois l'ordmation
de peur que les élus, que leur sainteté avait
trahis, ne parvinssent à se soustraire à l'honneur
du sacerdoce ou de l'épiscopat dont ils se
croyaient indignes. Ce qui se taisait alors dans
toute l'Eglise, les Grecs le pratiquent encore
aujourd'hui, et chez eus les ordinations ae
sont pas fixées à des jours déterminés.
Au V' siècle, les ordres étaient conférés seu-
lement le dimaueho. Nous en avons une preuve
dans la lettre précitée de saint Léon à Dioscore.
Il nous semble bon de reproduire en entier le
passage relatif à cette question. « Nous voulons,
dit ce grand Pape, que vous gardiez la coutume
que nos pères, ainsi que ul-us l'avons appris,
ont observée avec un soin très-particulier. Elle
ne permet pas de célébrer l'ordination des prê-
tres et des lévites tous les jours indistinctement,
mais on doit choisir pour cette cérémonie, après
le samedi, le commencement de la nuit qui se
termine à l'aurore du premier jour après le
sabbat, et c'est dans ce temps que la bénédic-
tion saitite sera donnée par le consécraleui" à
jeun à ceux qui doivent être consacres, et qui
seront pareillement à jeun. Cette règle sera
encore respectée, si, continuant le jeune du
samedi, on célèbre l'ordination le matin même
du dimanche, dont n'est point sejiaré le com-
mencement de la nuit précédente, qui appar-
tient indubj*-ablemeut un jour de sa résmTCC-
tion, ainsi (^ae cela nous est déclaré dans la
solennité de la Pàque du Seigneur. Car, outre
l'autorité de la coutume, que nous savons éta-
blie sur l'eubeignemeut apostoLi(iue, la sainte
Ecriture uous a[iprend que, lorsque les apôtres
durent, sur l'ordre du Saint-Esprit, envoyer
Saul et Baraabé ammoucer l'iiivaugile aux ua-
tions, ils leur imposèrent les mains en jeûnant
et priant. Cet exemple nous est signalé pour
uous montrer avec quelle dévotion et le minis-
tre et le sujet de l'ordination doivent prenore
soin que le sacrement qui renferme tant de-
grâces ne iwrais^e pas avoir été. traité négligem-
ment. Vous vous cOiiforraerez vous-même à
l'iuslitulion apostolique, si, dans toutes les
églises auxquelles il a plu au Seigneur de vous
préposer, vous observez cette règle pour l'ordi-
nation des prêtres : savoir, que la bénédiction
sainte ne soit jamais donnée aux sujets choisis
pour être consacrés qud le jour de la résurrec-
tion de Notre -Seigneur, lequel commence,
comme il est constant, dès le soir du samedi, et
a été sanctitié par de si grands mystères pré-
parés dans le plan ilivin, que tout ce que le
Seigneur avait résolu de plus grand a été accom-
pli dans ce jour le plus noble de tous. Ce jour
a été le premier du monde. C'est en ce jour
que la résurrection de Jésus-Christ a tué-
la mort et inam^n-é la vie. C'est en ce jour que
le Sauveur a remis aux apôtres la trompette de
la prédicaiion, pour annoncer l'Evangile à tou-
tes les nations, et leur a confié le sacrement de
la régénération, pour le porter dans toutes les
parties du monde. C'est en ce jour, comme nous-
l'attesle le saint évangéliste Jean, que, les disci-
ples étant assemblés, les portes closes, Notre-
Seigneur entra près d'eux, souffla sur eux et
leur dit : Recevez le Saint-Esprit, les péchés te-
7'ont remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils
seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez.
Enfin, c'est en ce jour que le Saint-Esprit des-
cendit sur les apôtres à qui Notre-Seigneur
l'avait promis. Nous savons qu'il nous est venu
du ciel une sorte de règle qui nous indi-pie et
nous apprend que nous devons célébrer le mys-
tère de la consécration sacerdotide le jour
même où nous ont été confères tous les dons
de la grâce (1). »
Nous voyons, par cette lettre introduite dans
le corps du droit (2), que les ordinations pou-
vaient se faire bien plu< fréquemment qu'aux
premiers temps de l'Eglise, mais qu'elles-
etaient fixées au dimanche. Il est vrai qu'il est
parlé du comracncomeut de la nuit du samedi
uu dimanche, mais les cérémonies préparatoires-
remplissant la première partie de la nuit, l'or-
dination propremenldile n'avait lieu, en réalité,
(]ue vers le milieu et appartenait de fait au
dimanche. Il reste encore aujourd'hui quelque
chose de cette discipline , Lorsque le Saint-Siège
permet, à. raison de quelque nécessité ou d'une
grande utilité, de faire ime ordination en-dehor»
des époques réglementaires, c'est toujours à la
1. Léo Magn., Ep. u. (alias 1), cap. I.
2. Decr., dist. I, cap. rv. Quoi a falribui, et cap, T. Quoi
iidt ommic».
LA SEMAfNE DU CLERGÉ
i4n,
condition que l'on choisira un dimanche ou uup.
fête de préceple.
Remarquons, en outre, que le jeune du
samedi^ qui n'était rompu qu'après l'heure des
Vêpres en temps ordinaire, devait être continué
jusqu'au dimanche, après l'ordination. I^e ji.'ùne,
en se pro'ongeant si longtemps, devenait très-
pénible et extrêmement difficile à observer.
C'est pour cette raison que, dans le x' ou le xi"
siècle, l'ordination fut anticipée et placée au soir
du samedi.
Les «iimanches où se célébraient les ordina-
tions étaient appelés vacants, parce qu'ils
n'avaient pas de messe propre. La messe de
l'ordination, qui avait été eélébiêe de grand
matin, tenait lieu de celle du dimanche. Nous
trouvons un vestige de cette coutume dans les
messes du quatrième dimanche de l'Avent et du
second dimanche du cai'ême, (jui ont le même
évangile que les messes des samedis des Quatre-
Temps précédents. C'est pour la même rai^on
que, dans les sacramentaires antérieurs au
ix" siècle, on trouve, à la messe du samedi avant
le quatrième dimanche de l'Avent, l'épître et
l'évangile placés à Home dans la messe du
dimanche qui précédait la Nativité de Notre-
Seignenr.
La coutume de célébrer les ordinations le
dimanche matin finit par disparaître complète-
ment, et cette cérémonie fut tixée au samedi
des Quatre-Tcmps, et aussi au samedi qui pré-
cède le dimanche de la Passion. Nous en avons
une preuve dans la lettre neuvième de saint
Gélaso, qui fut élevé sur la chaire pontificale
en 49S. et nous trouvons, dans le Corps du droit
l'extrait suivant de cette lettre adressée aux
évèques de la Lucanie, qui fut plus tard le duché
de Lucques : « Les ordinations des prêtres et
des diacres ne doivent être faites qu'en des
temps et à des jours hxcs. Que l'on sache bien
qu'il faut les célébrer vers le soir, au t(>mps du
jeune du quatrième, du feptiême et du dixième
mois, et aussi du commencement du carême et
dans la semaine médiane concourant avec le
jeîme du samedi (I). » Cette décrétale ajoute aux
Quatre-Temps la semaine médiane du carême.
La glose ajoute : « C'est le jour où l'on chante
Sitienles, et ({ui précède le dimanche de la
Passion. » L'introït de la messe du samedi
veille du dimanche de la Passion commence, en
effet, par le mot Sitienles, et il ne peut y avoir
aucun doute sur ce jour. Ces mots: a Et.saf/bati
jejunio, qui suivent rénumération des ti'mps in-
diqués pour les ordinations, ont fait croire à
quelq»es auteurs qu'ils désignaient une sixième
époque, et ils en ont conclu qu'ils se rappor-
taient "îu samedi-saint, jour où l'on peut con-
férer, en effet, le sacrement de l'ordre. S'ils
1. Deor,, dist, LXXV, cap. viu. Oriinaiiontt
eussent examiné de plus près ce texte, Hs
auraient vu que ?aint Gélase n'énonce d'abord
que les temps elles semaines.et qu'en ajoutant:
Et sabaltijepmio, il a simplement déterminé la
jour où il est permis de donner les ordres dans
chacune de ces semaines. Notre traduction, que
nous tenons pour très-exacte, l'ait disparaître
cette équivoque. On remarquera encore qiK
l'henre des ordinations est avancée du matin da
dimanche, ou du milieu de la nuit, au soir da
samedi, et non pas encore au matin de ce jour.
Nous ne savons comment le docte Wérati, qui
cite le texte de saint Gélafe, a pu s'en emparer
pour prouver qu'à cette époque, les ordinations
furent avancées, non-seulement au samedi, mais
aussi au matin de ce jour (1). Il est vrai que tout
d'abord il ne donne i>as les mots ci)-ca vesperam,
mais reproduisant de nouveau, plus loin, ce
passage de la constitution pontificale, il les ré-
tablit et détruit ainsi, sans paraître s'en aper-
cevoir, ce point de sa thèse. L'autorité sur la-
quelle il s'appuie prouve, au contraire, que c'est
seulement plus tard que la cérémonie de l'ordi-
nation fut placée au matin du samedi. Nous
aurions à faire les mêmes observations sur le
passage suivant d'une lettre du pape saint Gré-
goire II adressée après l'an 713 au clergé et as
peuple de la Thuringe. « Que l'on sache bieo
que les ordinationsdes prêtres ou des diacres ne
doivent être célébrées qu'au temps des jeune»
des quatrième, septième et dixième mois, aii si
qu'au commencement du carême et au milieu
du soir du samedi. » La semaine médiane du.
carême n'est pas mentionnée ici. Cependant,
comme l'a prouvé le maintien de la coutume, la
décision de saint Gélase, relative à la veille de la
Passion, n'a pas été considérée pour cela comme
annulée. On remarquera que l'heure de l'ordina-
tion reste la même qu'au v° siècle.
Nous sommes naturellement amené à recher-
cher à quelieépoque s'introduisit réellement l'u-
sage de conférer le samedi-saint les ordres ma-
jeurs,desquelsil s'est agi jusqu'ici. Un assez grand
nombre de théologiens et de canoni^tes l'ont
fait remonter à une haute antiquité. Les uns on
prétendu que cette coutume fut établie par saint
Léon le Grand, les autres, allant plusloin encore, t
ont afhrmé que ce pontife ne lit que la remettre
en vigueur. Ils n'ont pu invoquer un seul docu-
ment ( ertain à l'appui de leur sentiment, qui
n'est basé que sur des conjectures. Ils invoquent,
il est vrai, la décrétale de saint Gélise que nous
avons citée, mais nous venouf' de voir qu'elle ne
peut être sérieusement entendue d ins ce sens,
et que, très-claire par elle-même, elle est encore
exiiliquée conformément à notre iuterprétatioB
par la lettre de saint Grégoire II.
1. Iq r/iesour. Gavauti observ. et addit. In ifisa. Ram^
part. IV, tit. U, addit. Viii.
Tome IV. — N" 45.
1374
LA SEMAINE DU CLERGÉ
En réalité, on ne rencontre aucun monument
où il soit parlé de l'ordination du samedi-saint
avant le pontificat d'Alexandre III, c" est-à-dire
avant la seconde moitié du xii^ siècle. Le con-
cile romain tenu pendant le rè^ne du pape saint
Zacharie, en 743 , et le concile de Limojrrs,
célébré sous le pontificat de Benoit IX, en lOJi,
qui ont précisé le temps des ordinations, ont
passé complètement sous silence le samedi-
saint. Enfin le pape Urbain II renouvela, dans
le concile de Clermont, en 1095, les décrets de
ses prédécesseurs, slatuaiit que les ordres ma-
jeurs ne pouvaient être conférés qu'aux Quatre-
Temps et le samedi de la semaine médiane du
carême, et il prescrivit de prolonger le jeûne
jusqu'au soir, et même, autant «pie possible,
jusqu'au dimancbe, pour mieux montrer la liai-
son de la cérémonie sacrée de l'ordination avec
Je jour de la résurrection du Sauveur. Dansée
■^glement solennel, il n'est fait encore aucune
inention du famedi-saint. A ces preuves qui,
toutes négatives qu'elles soient, ont une impor-
tance décisive, nous pouvons ajouter les ordres
romains et ceux des autres églises, publiés par
les PP. Morin, Mabillon et Martine. Les époques
des ordinations y sont marquées, et les rites y
sont exactement décrits. .Mais on n'y trouve pas
une seule indication relative à rordinatiou du
samedi saint.
Il paraît donc certain que l'on n'a jamais en-
tendu parler de la cullalion des ordres le sa-
medi-saint avant le xii' siècle, où nous en trou-
Yons le premier vestige Alexandre III, élevé au
souverain pontificat, en 1 i39,é'rivait ùTévèque
d'Héresford, en Angleterre : « Vous avez de-
mandé s'il est permis de promouvoir en-dehors
du jeûne des Ouatre-Temps, quelques élèves
aux ordres de portier, de lecteur, d'exorciste, d'a-
colylhe. ou même au sous-diaconat. Nous vous
répondons qu'il est permis aux évèques de pro-
mouvoir, aux ordres mineurs, un ou deux élèves
les dimanches et les autres jours de fête ; mais
il n'est permis à aucun évèque, le Pontife ro-
main excepté, de donner à personne, l'ordre du
sous-diaconat en d'autres jours que les Quatre-
Temps, ou le samedi-saint, ou le samedi avant
le dimanche delà Passion. » On ne peut objecter
que, dans cette lettre, Alexandre 111 ne fait au-
cune nouvelle ordonnance et qu'il expose seule-
ment l'antique discipline de l'iiglise. Si l'usage
de donner les ordres sacrés le samedi-saiut eût
réeUemcnt existé depuis longtemps comme ap-
partenant à la discipline générale de l'Eglise,
î'évèque d'Héresford ne l'eût certainement pas
ignoré et U n'eût pas consulté le Pape sur ce
sujet. Cependant il demande s'il est permis de
faire des ordinations en-dehors des Quatre-
Temps. Nous ne prétendons pas cependant
Qu'Alexandre 111 ait permii le premier d'ajouter
le samedi-saint aux autres jours Cxés p.Mir les
ordinations ; les termes de son resc rit ne per
mettent pas de le supposer. Nous disons seule-
ment, et cela est de toute évidence, que la lettre
de ce pape étant le premier document connu où
ce jour soit indiqué, et le concile de Clermunt,
qui donne les épi)(]ues des ordinations, ne l'ayant
pas compris dans son énuiuération, cette coutume
nouvelle s'est introduite nécessairement entre
l'année 1093, o'"i fut célébré le concile de Cler-
mont, et l'année 1139, où se place l'avènement
d'Alexandre III. \ous n'avons découvert aucun
texte qui non? permette de déterminer avec plus
de précision l'auteur et la date de cette inuo-
vation.
N.ius ne devons pas omettre de faire con-
nailre un texte inséré par Gratieu, dans le
décret, et qui a servi de base à une objection
contre notre thèse. Le pape Pelage écrit à Pierre,
évèque de Potenza : « Nous avons reçu les let-
tres de Votre Charité, par lesquelles vous nous
annoncez que Latinus, diacre de l'église d'Agri-
moute, a été élu unanimement évèque de Mar-
cellion ou Cosilina, ce que vous nous avez déjà
rapporté précédemment, et nous avons ordonné
qu'il vînt ici, pensant que ceux qui l'ont élu
avaient reçu des lettres diniissoriales délivrées
par son évèque. Si cela a été exécuté depuis,
faites en sorte qu'd vienne promplement à Fiome,
afin, si c'est la volonté de Dieu, qu'il soit or-
donné le grand samedi, après l'heure de l'admi-
nistration du baptême. S'il n'arrive pas avant le
jour indiqué il sera forcé d'attendre jusqu'au
jeûne du quatrième mois (1). » Rien ne nous
indique auquel des deux papes du nom de Pe-
lage, cette lettre est attribuée. Ce point, d'ail-
leurs, a peu d'importance. Pelage 1" ayant été
élevé sur la chaire pontificale, en 333, et Pelage
II, en 578. Plusieurs canoniales, parmi lesquels
Hallier et Gonzalez, et après eux Mérati, qui
discute ce document, considèrent cette réponse
comme probablement supposée. On sait, du reste,
qu'il se rencontre, dans le Corps du droit, plu-
sieurs pièces dont l'authenticité n'est point
établie, et qui, cependant, ne sont pas dépour-
vues d'autorité, en tant qu'elles ont contribué à
confirmer la disciphne établie ou à la modifier
en quelques points, puisque, sans se prononcer
sur la question d'origine, le Saint-Siège a sanc-
tionné les dispositions législatives qui y sont
énoncées. Quoi qu'il en soit à cet égard, dans
le cas présent, ce rescrit fût-il certainement au-
thentique, notre démonstration n'en serait nul-
lement ébranlée. Il ne prouverait pas qu'il était
permis dans toute l'Eglise b/à tous les évêques
de conférer les ordres majeurs eu ce jour, mais
seulement que le Souverain Pontife y consacrait
des évêiiues, lorsqu'il croyait avoir uue raison
1. Dist. LXiYI, cap. XU i>.i;clionù.
1
LA SEMAINE DU CLERGÉ
ir,73
de le faire. Or, nous avons vu q^\(^ la consécra-
tion (les évciiues n'était pas restreinte aux épo-
ques fixées jionr les autres ordinations et cette
exception subsiste encore dans la discipline ac-
tuelle. D'autre part, dans sa réponse à Tévèque
d'IIércsford, Alexandre III, après avoir énuméré
les jours affectés canoni.iuement aux ordinations,
di\ (jue, eu dehors de ces jours aucun évêiiue,
le Pontife .omain excepté, ne doit conférer les
ordies. Cette exception est de droit, et, de ce
qne le pape Pelage a annom é l'intention d'user
pour la consécration d'un évè(]ue du privilège
attaché à la plénitude de sa puissance, on n'est
aucunement autorisé à en conclure qu'à cette
époque, il était déjà permis aux autres évècjues
d'ordonner, le même jour, des prêtres et des
diacres dans leurs diocèses (I).
IX. — Introduction des Quntre-Temps dans 1rs
diverses églises. — Il est certain, comme nous
l'avons établi, que le jeûne des Quatre-Temfis
était observé à Kome, avant l'époque de s.iint
Léon le Grand, et que cette institution doit être
reportée jusqu'à l'époque apostolique. Toutefois,
pendant longtemps, il n'est question, dans divers
documents et Icssacramentaires, que des jeùni-s
de l'été, de l'automne et de l'hiver, qui sont ap-
pelés les jeûnes des trois temps. C'est ainsi qu'ils
sont dénommés dans les sacramentuires de saint
Pelage et de saint Grégoire, et aussi dans les
actes du concile de Clitf ou Cloveshowe, en An-
gleterre, assemblé en 747. Cette désignation ne
contredit nullement l'affirmation de saint Léon
et ne supposeaucunchangement postérieur dans
la discipline du jeûne, mais elle s'explique par-
faitement. Les Ouatre-Temps de mars, ou du
premier mois, se rencontrent toujours dans le
carême, et, ayant étéfixés à la première sem;iiiie,
les deux jeûnes, quoiqu'on les observât pour
des raisons distinctes, se confondaient en réalité
en un seul ; la coutume s'établit de ne dénoncer
expressément aux ii^lèles, avant les époques qui
les ramenaient, que les jeûnes séparés de tout
autre, et c'est ainsi qu'on en vint h appeler ciis
derniers, les trois temps. Alton de 'Verceil, élevé
sur le siège épiscopal de cette ville en 947, à la
dénomination des trois temps, ajouta celle des
Quatre-Temps, qui était généralement en usage
hors de l'Italie, et qui prévalut désormais dans
ce pays.
Le jeûne des Quatre-Temps passa de bonne
heure île l'Eglise romaine aux autres églises.
Quelques différences ont pu s'introduire (;à et là
dans la manière de l'observer, mais l'institution
même était ra^ue dans tout l'Occident. Au com-
mencement du VII' siècle, saint Isidore de
Séville mentionne expressément les jefuies du
t'aréme, de la Pentecôte, du septième mois et
I. Id Tkesaiir. Gavanti, observ. et addit. In Miu. Rom,
ptrt. IV, til. il, addit. Vlll, J 5 «t 6.
des calendes de novembre (I). Ce dernier était
donc anticipé en Espagne. Il y en avait encore
un fixé aux calendes de janvier et que les fidèles
s'imposaient à l'occas^ju des fêtes profanes et
des jeux indécents et indignes des vrais chrétiens
qui continuaient d'être célébrés en ce jour et
étaient un reste des uf5ages païens ; cet acte de
pénitence était à la fois, une piotestation et une
expiation (2). Ce n'est pas le seir cas où une
institution générale ait subi quelque modification
dans une église particulière ou dans toute une
région.
{A suivre.) P. -F. Ecalle,
professeur Je théologie.
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SAINT-SIÈGE
{.■iU.'lC.)
La raison de cette condamnation est claire.
La foi aussi est un acte d'oliéissuiice. L'''ibiJis-
sance de la foi, dit l'Apotre (3); et ailleurs :
Réduisant toute in(clli(/ence à la servitude de
l'obéissance au C/nist {i), ce que saint Chrysos-
tome explique par la conviction obéissante et
so(/7?i!'ie (.5). Soumettre à la vérité divine infail-
lible, cpii se manifeste par l'enseignement de
l'Eglise, notre raison humaine ipie Uieu a faite,
et qui est dans la dépendance absolue de son
auteur, et par elle-même sujette à l'erreur, c'est
le premier et principal devoir de toute reli-
gion (6), c'est le fondement de notre justifica-
tion. Aussi la foi est-elle le strict accomplisse-
ment d'un précepte divin (7). Mais croire de cœur
et confesser de bouche, c'est la condition de la
justice et du salut {S). C'est la volonté qui déter-
mine l'intelligence à adhérer ; par elle la foi
devient libre et méritoire (9); formellement, la
foi est un acte de l'intelligence (10). ('e tut préci-
sément ce précepte de la foi, a%ec lequel l'Eglise
se présente à nous pour nous l'imposer, qui
poussa saint Augustin, dans sa jeunesse, entre
1. De divin. Offic, lib. I, cap. xxxvi-xxxii.
2 Ihul.. cap. XL.
3. Uom. 1, 5.
4. II. Cor. 10, 5.
5. In Rom. 16, 19. Hotn. 32. 1.
6. Concil. vatic. De fid. catbol. can. I d« fid. : Siçui»
dixerit. ralionem liumanam rfa independenlem esse, ut /idé»
et a Deo imiicrari non posait, a. *.
7. Uq grand nombre de prêtres obéissaient k l'Evangile.
Act. 6, 7. Rom. 7, ib; 16. 26, 10. <6. Oal. 3, 1 ; 5, 7. —
1 Tira. 6, 3. — ''. Thess. l, 18. Les xcredulcs sont les déso-
béissants, lit. 1, 10.
8. Rom. 10, 10. Cf. August De fid. et symb. c. 1.
9. Mire 16, 16. Rom. 10, 16. Cono. Trid. Sess. VI.
cap. VI. . . .
10. Ipsum credere est actus intellertui assenlienl» «erilolt
ex impirij wlunlatis. Thom. Summ. Thiol. II. U. ^U. U.
•xt. ».
jro
LA SEMAINE DU CLERGÉ
les bras Aos mnnirhéens(l). Mue par la grâce,
notre vo'.onté diHormiue notre iutelligen'^e à
faire artc d'adhésion, alors que la nécessité de
l'adli'sion n'est pis imposée par une vérité dont
l'éviileiice n'est j)as en soi absolue : et c'est
précisément en cela que consiste le mérite de la
foi (2).
Donc une confession purement extérieure,
«un re-pectueux silence,» n'est ni nu acte de
foi, ni un acte d'obéissanco, mais un mensonge
et une hj'pocrisie. Sans doute, là où un acte
extérieur d'obôi-sance à la toi suffit, comme
dans les relations de la vie civile, l'autorité peut
et doit même borner là ses exigences. Nos pen-
sées et nos sentiments intimes ne relèvent pas
du for extérieur. Mais en matière de foi et de
doctrine, l'acte extérieur n'a de prix que comme
manifestation et expression de l'acte intérieur.
Par conséquent, dans les questions de foi, l'au-
torité ecclésiaslique ne peut exiger l'acte exté-
rieur qu'en raison et à cause de l'acte intérieur.
Croire provisoirement : mais cela implique
rontradiction. Si tous doivent croire provisoi-
oement et se taire jusqu'à ce que l'Eglise ré-
eîame, l'Eglise ne rcclami;ra jamais, car elle ne
saurait tnul ensemble et se taire et réclamer (3).
I)'un côté, le plein pouvoir appartient au Pape
dans l'Eglise, de l'autre, ce même Pape dépen-
drait des évoques, de manière que les choses
qu'il enseii;iic demeureraient indécises, jusqu'à
ce que les évèjues eussent ap[irouvé. Alors
même que le Pape promulguerait une vérité
doi^matique ù croire suus iieiue d'excommuni-
cation, nous devrions eucore douter et attendre
jusqu'à ce qu'une remontrance publique, ou
uue adhésion tacite, vinssent nous taire savoir
si nous devons en lire ou non. Mais qui donc
constatera cette adhésion tacite, laquelle, prt'ci-
séinent jiar ce (prelle est tacite, sera difficile à
constater"? Eu vertu de sa charge, le Pape doit
1, De Ctilit. cred. n. I.
1. Sunt qua-dam appreltenta^ qua noii adeo convincunt in*
ttUectum, quin p).»i< as»eiUire vel disseutire, rei sat/eiii assen-
«um vet consensuni ^usjieiide' € praïUer aLiqu<iin cau^am. et in
ialibus axsensus vel dissensuw in nosira polestale ^st et ,\ub
imjierio (colunlalis) caJit. Th(;in. Suinm. Tluol. i, ii.
Ou. XVII. art. 6. Et ideo quanliunai utruniqae {quoad exar-
€itiwn et quoai specificationetn) actus fidei est meritorius. Id.
1. c. Cf. II, II. q. IX. art. 9.
3. Selon l'ebronias 1, c. et les néo-pallicans (Cf. Maret,
if Paiic ri (es évcquei, p. 5i), un évéque iiartioulier ne
doit se inctti-e on révolte contre les décisions papales
(«0» dit'jinatizando eonirariitm quandia non réclamât Ecvte-*
Ma). Les ûdcles attendent ((u'un concile ait décidé la con-
tro»erse. ou b'en nu'une majorité bien constatée se soit
prononcée pour It Vpe. C'esl-à-dire qu'il faut donner au
mal 1» tenif's de croître assez pour devenir incurable,
liais, pour jiouvoir adhérer, il faut aussi avoir la liberté
de se déchirer en sens contraire. Et, cependant, cela est
interdit. Kebroniiis n'est donc jias conséquent avec lui-
mèiue en acconlaot aux é^-lises particulières le droit
de s'opposer il une décision papale, lorsqu'elles la trou-
Tent en desaccord avec leurs traditions. Ce serait iotro-
doire la révolution dans l'Eglise.
commander, et nous, obéir; et cependant il
sera aussi incapable de celui-lk, que nous de
celui-ci. Contredire l'enseignement du Pape suf-
lirait pour ébranler la ceriitude de la foi. Quel
parti prendre? Conlredire? Nous n'oserions?
Croire? Nous ne le pouvons. C'est le système le
plus fou qu'on ait jamais inventé(l)l
Essayons maintenant d'embrasser d'un seul
regard la doctrine de l'infaillibilité papale.
Elle se fonde sur la nature même de l'Eg)ise.
Le Seigneur a promis ô sou Eglise une durée
éternelle; elle doit subsister jusqu'à la fin des
temps. Les formes extérieures peuvent clian::er;
ce qui tient à l'essence, ce qui fait que l'Eglise
est la véritable Eglise de Jésus-Christ ne change
point ; la foi et les éléments constitutifs de l'or-
ganisation que Dieu lui-même a donnée à l'E-
fflise demeurent immuables. De même que
l'Eglise ne pourrait pas èUre la véritable Eglise
de Jésus-Christ sans la raie foi, de même elle
ne serait pas l'Eglise instituée par Jésus-Christ
1. SchaMé (Qiiellen des KiTchairechls, p. 85) déclare ceci :
La primautà a été accordée au Pape pour maintenir
l'unité, pour erapéclier tout désaccord, pour maintenir
constamment l'Eglise dans le droit chemin. Comme mo^en
d'atteindre ce lut, la plus haute juridiction lui a été
donnée. Il s'ensuit de là, nécessairement, qu'il a autorité
pour décider non-seulement les questions de discipline,
mais aussi les questions de droit et de doctrine... L'Église
ne fait pas les dogmes, elle les proclame seulement.
Comme ces proclamations sont nécessaires toutes les fois
que des doutes s'élèvent, qu'un point de floctrine est
attaqué, que des controverses se produisent sur le sen»
d'uu dogme ■. comme il est impossible de convoquer de»
conciles généraux il toute occasion; comme d'ailleurs
une semblable autorilé est réclamée par l'esprit de la
constitution ecclésiastique, il faut, de toute nécessité;
que ce droit it proclamer le dogme appartienne au Pape.
A-t-il rendu une décision dogmatique, en vertu du droit
de lé;;is|ation qu'il possède, elle devient aussi obligatoire
que n'importe quelle autre loi qu'il fera. — Page 98 :
Une telle influence (de la part des évèquos) ne se conçoit
pas dans les constitutions dogmatiques. Celles-ci ont pour
objet des clioses qui ne peuvent absolument pas être
traitées autrement dans l'Eglise (comme dans les mesurea
disciplinaires). Puisqu'un décret du Pape, en crftte matière,
ne saurait être soumis au jugement de chaque évéque, la
publication de constitutions dogmatiques et leur exécu-
tion est rigoureusement nécessaire. Benoit XIV (ix, 4, 3)
dit lii-dessus : JHullo minus liic agitur de pond/Sciis conililu»
tiouibnx dognmticitf qutB ad fiilem lerlinenlj cum in bisirre*
formnbiie sU Romani pouli/icis judicium. — La possibilité
de la susjiension entraînerait la possibilité du change-
ment, autrement dit, de l'errenr. Ce n'est pas encore
aujourd'hui un dogme formel qne le Pape soit infaillible
de lui-même, cependant l'allirmation, ou même la simple
déclaration tacite qu'il peut rendre des décisions erro-
nées, est impossible, par la nature mâ«ie de la ques-
tion.
D'ailleurs, la réformation des décisions papales par Ici
évéques est contraire ii la définition du deuxième ooncittt
de Lyon : Sicut prce ceterit [Homanus ponlifex) tenetur fidei
rerilatem defendtre, sic et, si qnie de fide suborla fuennt
qwrsliones, tuo debent Sadicio DEfitnai Cf. Conc Vatican.
L c, cap. IV. Le mot definire, arrêter définitivement,
exclut toute réformation ou confirmation du décret da
P.i[ie par les évéques. Autrement, le Pape ne serait plB»
le docteur, il n'enseignerait pas. il serait enseigné ; il ue
conduirait pas, il serait condulL
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1377
•sans le chef visible qu'il lui a donné, sans le
Pape ; elle ne le serait pas davantage sans le
•collège des évoques, qui ont été unis au Pape,
comme les membres du corps le sont à la tète.
Donc la véritable Eglise de Jésus-Clirist ne sera
jamais sans le fondement qui lui a été donné,
jamais sans le pasteur suprême institué par le
divin fondateur, jamais sans celui qui confirme
lafoideses frères. Mais, à son tour, le fondement
ne sera jamais sans le temple qui repose sur
lui, ni le suprême pasteur sans le troupeau qui
-entend sa voix, nile confirmalew delà foi sansles
frères qui reçoivent de lui la stabilité dans la
foi. Si le chef vivant, si le pape légitime pou-
vait se séparer du corps de l'Eglise et de ses
membres principaux qui sont les évêques, si à
leur tour ceux-ci pouvaient se séparer de leur
•chci, alors l'Eglise, ce corps mystique du Sei-
gneur, dans lequel sou esprit habite et gouverne,
l'Eglise que l'apôtre appelle CfirL4 (1), à cause
■de son intime union avec Jésus-Clirist, l'Eglise
serait détruite, les portes de l'enfer auraient
prévalu coulre elle, les promesses seraient frus-
trées.
Mais cela ne peut pas être. Ce que le Seigneur
a donné à son Eglise, il ne le lui reprend plus ;
il l'assiste par sa puissance et par son esprit, jus-
<[u'àlafiii. C'est pourquoi il ne peut jamais arri-
ver que le Pape, exerçant son pouvoir et sa
■charge comme fondement, comme pasteur su-
prême et comme docteur de l'Eglise, ne trouve
pas des fidèles qui s'édifient sur lui, qui l'écou-
tent, qui reçoivent ses enseignements, et enfin
•qui se joignent à lui dans l'unité vivante de la
foi el de la communion ecclésiastique. Or, ceux
■qui se tiennent en communion avec lui, ce son
les membres unis avec la tète, les successeurs des
apôtres unis avec Pierre, ce sont les membres
de la vraie Eglise du Christ, qui ne font qu'un
avec la tète et par suite un entre eux. Où ils
sont, là est la vraie Eglise catholique, dont l'unité
forme lamai'quedistiuctive la plus hauteetla plus
■éclatante.
On a dit : le Pape est infaillible lorsqu'il ex-
prime au dehors ce qui est dans la conscience de
l'Eglise, et qu'il s'en fait l'organe. Cette condi-
tion sera toujours réalisée. Jamais la chaire
apostolitpie n'imposera à la croyance de l'Eglise
universelle une décision dogmatique, contre
laquellelesévèques devraientélever des remon-
trances, par la raison qu'elle ne serait pas con-
tenue dans le déj>ôt de la foi et qu'elle nuirait à
•«elle-ci ; non, ^eiâ ne peut pas arriver, et cela
n'arrivera pas. Celane s'est pas encore vu, quoi-
que le Siège apostolique ait déjà rendu bien des
décisions, et cela ne se verra pas, précisément
{larce qu'un tel événement abolirait l'union de
a tète avec les membres, anéantirait l'Eglise,
i, I Cor., 12, 12,
ferait mentir honteusement les promesses du
Seigneur, il peut bien arriver qu'une fraction
du corps épiscopal élève des objections contre
les décisions dogmatiques prononcées par le
Pape et soutenues par les membres restés unis à
leur chef, comme il peut arriver qu'un parti
d'évêques prenne nue attitude schisrantique ea
face d'un concile général, comme à Eplièse, à
Chalcédoineet ailleurs. Mais alors la question de
savoir où se trouve la vraie Eglise n'est pas dif-
ficile à résoudre. Lîbiest Petriia, ibi Erc/e.iiu, c'est-
à-dire où est la tète avec les membres, là est la
vraie Elglise; les autres sont morts, étant séparés
du corps vivant de l'Eglise, lis s'etiorcent peut-
être de fonder une église humaine (I), à côté de
l'Eglise catholique divinement institutéeetcoutre
elle; mais ils entreprennent Tiraiiossilile. La
branche détachée du tronc se dessùilie ; ils ne
fout qu'ajouter un anneau de plus .à la longue
chaîne des scandales et des défections que
l'Eiilise souffre et qu'elle répare dans clia^jne
siècle. Mais le Seigneur a prédit tout cela, et
recouvrant toujours de nouvelles forces à chaque
perte qu'elle fait, l'Eglise reprend sa route et
continue sa marche en avant.
Le Pape ne serait pas infaillible, si l'Eglise ne
l'était pas (2;; mais c'est le propre il'une tète
vivante que les membres lui soient unis intime'
ment. Le l'ape ne serait donc pas infaillible s'il
n'était pas la tète ou le chef de l'Eglise, chef qui
a reçu de Jésus-Christ sur l'Iiglise et sur tous les
les évêques une autorité qui leur fait un devoir
de se tenir unis i lui dans l'unité de l.i foi el
de la communion ecclésiastique, comme .le fait
on les voit adhérer conslainmeul à lui par le lieo
de cette double unité, et recoimaitre leur [>riipre
foi dans chacune de ses sentenci's doctrinales;
car il faut bien que la parole du Seigneur s'ac-
complisse. Ainsi, danssesdécisions dogmatiques,
le Pape est ce qu'il est el faiten vertu de la seule
nature de la primauté, il agit comme la tète
vivante d'un corps vivant qui ne peut se séparer
de sa tête. Croyant à l'institution divine de l'E-
glise comme à sa durée indestructible, c'est avec
la même certitude que nous devons croire à la
permanence invariable de son unité, laquelle se
manifeste par la communauté de foi des mem-
bres avec leur chef, et c'est précisément pour
cette raison que pour pouvoir adhérer aux déci-
sions dogmatiques du Siège apostolique, nooB
n'avons pas à attendre l'adhésion des membres.
Celle-ci se produira, par ce qu'il faut nécessai-
meut qu'elle se produise, puisque les membres
doivent obéissanœ à la tète, et que la parole du
Seigneur promettant à sou Eglise une durée in-
1. nvmanam conaJur fnetre EecUsiam. Cypr., Ep. 52.
2. Homanum Panltficem ea in/alMUitate jioUere, WO
divinus ReJimplor Ecttesiam ioam in de/iniendadoclnna iê
fût t-nariàus imiruclam eue votuil. Conc. Vatlc. 1. C.
1378
LA SEMAINE DU CLERGE
destruclible ne peut être déjouée ni par la ruse
ni par la violence des hommes (1),
C'est poui -luoi toute décision rendue par le
Pape ne saurait procéder autrement que du
fond même de la croyance de l'Eglise univer-
selle. Qu'on ne dise donc pas : Nous U'! pourrons
pas faire qu'il ne soit pas possible que le Pape
tombe personne^Uement dans l'erreur et qu'en-
suite il promulv Je son erieur ex catedra. Cette
dernière supposition n'est plus possible après la
promesse du Seigneur et à cause de cette pro-
messe. C'est aussi une chose possible en soi que
chaque évêqne en parlicuUer et par conséquent
tous les évêques tombent dans l'erreur et qu'ils
la proclament en concile, et qu'ainsi ils se sépa-
rent tous de leur chef dans la foi, car ils sont
libres; mais à cause de la promesse que Notre-
Seigneur a faite à l'Eglise d'une perpétuelle
unité, cela n'est plus possible. En soi il est pos-
sible également que chaque fidèle, et partant,
tous les fidèles dévient de la foi, et qu'ainsi l'E-
glise cesse d'exister, car leur foi est une foi libre;
mais après la promesse d'une durée perpétuelle
que l'Eglise a reçue de Jésus-Christ, cela n'est
plus possible. Sans porter préjuilice à la liberté
humaine. Dieu exécute infailliblemeul les des-
seins qu'il a une fois arrêtés ('2). Loin de pou-
voir déjouer ses plans, la liberté est précisément
l'instrument (non pas l'instrument mort) dont il
se sert pour les mettre à exécution.
Par la raison que la vraie Eglise ne sera ja-
mais divisée dans la foi, on ne verra jamais non
plus l'épiscopat catholique embrasser une hé-
résie et se mettre en opposition avec le chef de
l'Eglise (3). En ce sens, nous devons rccoimaître
que l'épiscopat cathohque. lui aussi, est infail-
lible, non pas d'une infaillibilité indépendante
de celle du chef de l'Eglise, ou en opposition
avec elle, mais d'une infaillibilité qui est l'etfet
d'un seul et même esprit, l'esprit de Jésus-Christ
qui agit perpétuellement dans l'Egliseet enseigne
la vérité. Quant à savoir où se trouve l'épicopat
1. Melch. Can. I. c. V. 5 : EccUsim rero auctorilatem eam
nunc oppelio, quce tynodorum etiam gtntraltum oc summi
Pontificis eos. Hœc enim est una res prorsus^ u' non différât
tnullum inter Ecclesie conciliorum leditijue Aposlolira juh-
cia ; propterea quod connexa htrc et colUgata lunt, qaem'
admodum esse vidi^mus humanum corpus et caput.
i. August. Buchirid. c. 97. Non supiratus ab homini»
In/irmilate ownipolentis tolunta). De Sfiirit. et lit. c. 33 :
Son vincitur Dei votunlas qua semper ini-ir/a est, — Thom.
Aquin. Summ. Theolog. I. q. LXxxiil. Art. 1 :Deus...
movmdo coussiw roluntarias, non auferl, juin actionei
êarum tint votuntarioBj sed potius hoc facit.
3. Melcb, Can. i. c. V. : Pondus conduis dat lummi
Pontificis auctoriiO^ \quœ si desit, nulli sunt satis, sint quam-
libet plurimi. A'ec si major pars Patrum vere senliat, summut
PontifieT repugnabit. Idenim ad pecuUarern Chrislt pror.urn~
tionem pflinet xemperque pertinutt, ne Eccleiia in factiotia
duasdivxdatur. — De mémo Stûttler (Loc. theolog J 130) :
Bis qua parte Primas Ecrlesitg ttat, et E.iscopos certo quo-
cum)ut nftmtro tibi inadificalos habet, ibi vtra Christ» EccU-
«1 Ht.
catholique, l'épiscopat de la vraie Eglise dci
Christ, l'approbation de ses doctrines par le Siéga
apostolique tranche la question ; lu, en effet, oii
les membres sont en communion avec le chef,
là se trouve l'unité voulue de Dieu, c'est-à-dire
l'Eghse catholique. Ceux qui contredisent le
Saint-Siège, ce sont les membres qui ne commu-
niquent plus avec la tête, des t>. anches séparées
du tronc ; ils n'appartiennent plus à l'Eglise ca-
tholique, ils ne sont plus des membres légitimes
de l'épiscopat (1). La papauté et l'épiscopat sont
donc tous les deux les dépositaires et les dispen-
sateurs de l'enseignement dans l'Eglise, mais
non pas sur le pied d'égalité. Il appartient au
chef d'enseigner les membres qui sont obligés
d'adhérer à ses enseignements, mais non réci-
proquement. Voilà pourquoi nous disons iafail-
libililé du pape, et non infaillibilité de l'épis-
copat.
{A suivre.) D' Hettinger.
LÉGISLATION
Exposition des motifs et des principes qui ont
servi de base a la loi relative a la liberté
DE L'E.\SEIGNEMEKT SUPÉRIEUR.
Les annales parlementaires offrent peu d'exem-
ples d'une pmposition plus longuement préparée
et plus laborieusement discutée que celle rela-
tive à la liberté de l'enseignement supérieur. Ce
n'est pas que CfS dispositions introduisent un
droit nouveau et inconnu parmi nous; elles ne
sont que la sanction, quoique imparfaite, des
maximes antiques de l'Eglise ; maximes que
l'Eglise a pratiquées de tout temps^ alors même
qu'elle n'avait point à se défendre, comme au-
jourd'hui, contre les menaces derimpiétéet l'as-
servissement à la puissance laïque : mais la pro-
position de cette loi est devenue suspecte à
certains esprits, parce qu'elle a été énergique-
ment réclamée par l'épiscopat français pendant
plus de cinquante ans, et qu'elle a été vive-
1. On ne peut donc pas dire que la définition de l'in-
faillibilité du Siège apostolique, proaoncée par le concile
du Vatican, soit u une révolution religieuse, d'autant plus
« profonde qu'il s'agit ici du t'ondement destiné à porter et
« à soutenir la foi religieuse de l'humanité, et, qu'il la.
« place de toute l'Eglise universelle dans l'espace et dans
a le temps, on substitue un seul homme, 1«. Pape. « Ce
n'est pas l'Eglise qui est le motif de notre foi, mais l'au-
torité de Dieu qui se manifeste ; ('Eglise n'est que la fidei
régula proxima qui nous propose la révélation divine à
croire : mais ceci, encore, ce n'est pas toute l'Eglise qui
le fait, mais seulement l'Egliss enseignante, le Pape et
les évéques. Or. le Pape et les év*'"\ues ne se montrent
jamais séparés, toujours nous som>,,e9 conduits par toute
l'Eglise enseignante, c'est-ii-dire par ré|)iscopat catho-
lique uni avec le Pape. Car le Pape, comme pape, non
comme homme isolé, en vertu de son plein pouvoir et de
sa charge de docteur apostolique, ne sera jamais que
l'organe même de l'Eglise, qui, tout entière, Eglise en*
leigoante et Eglise enseignée, parler* par sa bouche.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
i3T9
ment (îésirée par l'Eglise tout entière, comme
nécessaire à l'accomplissement de sa mission
divine.
En considération de l'immense intérêt pra-
tique qu'elle offre à un très-grand nombre de
ses lecteurs, lu Semaine du Cteryé a publié dans
son numéro du il août courant, le texte officiel
de cette importante loi, que l'Assemblée natio-
nale a délinilivement adoptée le 12 juillet 1875,
après lui avoir fait subir l'épreuve des trois lec-
tures. El aujourd'hui nous commençons à pu-
blier le résumé de tons !es débats qui ont eu
lieu à chacune de ces trois lectures, dans le but
de donner, par une analyse bien complète, le
meilleur commentaire qui se puisse faire de cette
nouvelle loi. Par ce moyen nos lecteurs trouve-
ront réuni tout ce qui a été dit di! plus impor-
tant sur ce grand sujet, et ils pourront s'y
reporter toutes les fuis qu'ils en auront besoin.
Cependant, avant d'exposer les motifs et les
principi'S qui ont servi de base à cette loi, il est
peut-être utile de rappeler que sa propositiou à
l'Assemblée nationale a eu lieu dans la séance
du 81 juillet 1871 . C'est à M. le comte Jaubert,
de regretliible et regrettée mémoire, qu'eu est
due la noble initiative, quoi(iu'il eût soin de
déclarer que ce qu'il apportait n'était pas une
idéeàlui, mais qu'il s'agissait du projet élaboré
par la commission extra-parlementaire, sous la
présidence de M. Guizol, instituée le 1" mar*
4870, par M. Segris, ministre île l'Empire.
M. Edouard Laboulaye, président et rappor-
teur àla^foisdela commission instituée par l'As-
semblée nationale, pour étudier cette proposi-
tion et pour en faire une loi, a déposé, dans la
séance du 21 juillet 1873, son remarquable rap-
port sur le bureau du président de l'Assemblée.
Toutefois la première délibération n'a été
appelée à l'ordre du jour de l'Assemblée natio-
nale que le jeudi, 3 décembre 1874.
L'honorable M. le comte Jaubert était alors
absent de Versailles; il était dans lemidi, à Mont-
pellier, où il est mort deux jours après le com-
mencemeut de la discussion de son projet, c'est-
à-dire le 3 décembre 1874.
Selon les usages parlementaires, la discussion
est ouverte, dans la séance du 3 décembre, par
un membre de l'opposition. C'est à M. Paul
Bert qu'appartient cet honneur par ordre d'ins-
cription des orateurs. Il aborde la question en
déclarant que peut-être il trouvera occasion de
prouver qu'on s'; ~j[ exagéré des deux parts tout
à la fois les bieuiaits qu'on peut retirer de cette
loi, et les dangers qu'elle peut préseuter. Il lait
un amer réquisitoire contre les gouvernements
qui se sont succédés en France depuis la cons-
titution déiinilive de l'Université ea 1808, au
sujet d'un certain nombre de professeurs, éloi-
gnés et privés de leurs fonctions à cause des
opinions qu'ils avaient manife^^tées dans leurs
cours. Il se voit forcé à admettre que ces déplo-
rables faits n'auraieut pu se répéter si la France
s'était trouvée dès lors sous le régime de la
liberté d'enseignement.
Il observe que ce n'est pas d'aujourd'hui seu-
lement que la question de la liberté de l'ensei-
gnement supérieur se pose : il prétend qu'elle
s'est présentéfî avec la révolution de 1789. C'est
dans la déclaration des droits de l'homme,
ajoute-t-il, que la Convention a proclamé, pour
la première fois, la liberté d'enseignemen*. Aussi
il se déclare favorable à cette liberté qu'il recon-
naît a être de droit naturel. » Mais il veut autre
chose; «nous sommes prêts, dit-il, à nous asso-
cier à vous pour la liberté de l'enseignement
supérieur, si vous nous donnez en même temps
la liberté de réunion et d'association, la liberté
de la presse, la liberté de la parole et l'exercice
de toutes les autres libertés. »
Il reconnaît que l'Univer-ité mérite la plupart
des graves reproches que ses alversaires lui
adressent, et il faitun triste tableau de l'état dans
lequel se trouvent, môme à Paris, lesbibliothé-
queSj les laboratoires et les collectious des éta-
blissements afl'ectés à l'instruction publique.
A son avis la liberté d'enseignement est en
exercice en Allemagne, quoiqu'elle ne soit pas
proclamée dans ses lois.
Tout en désirant la décentralisation de l'ensei-
gnement dans le sens du système suivi dans les
universités de l'Allemagne, et ainsi la création
chez nous de nouvelles universités, il craïut que
la liberté reconnue dans lette proposition de loi
n'amène des résultats fâcheux et fort regretta-
bles. Il croit que la concurrence entre des éta-
blissements opposés, qui auront prospectus
contre prospectus, programmes d'études contre
programmes d'études, amènera des résultats fort
divers, et des conflits nuisibb's entre les deux
groupes de Français séparés dès les bancs de
l'école. Il craint enfln que la concurrence ne
produise un fâcheux abaissement daus le niveau
des éludes, déjà malheureusement fort abaiS'
secs.
M. Laboulaye, remplaçant M. Bert à la tri-
bune, approuve entièrement ce que ce dernier a
dit sur le triste état de nos établissements d'ms-
truction publique, et sur l'enseignement offi-
ciel. Jl déclare cependant que si l'enseignement
abaissé chez nous ce n'est pas par faute du per-
sonnel enseignant; celte faute réside unique-
ment dans le défaut, que tout le monde recon-
naît, des moyens matériels.
Il observe que la liberté d'enseignement dans
les universités de l'Allemagne est moins réelle
qu'on ne suppose ; elle est tout au plus relative à
la liberté scientifique jusqu'à un certain di'gré ;
mais cela tient à des conditions toutes paiticu-
1380
LA SEMAINE DU CLERGE
lières: à la divisLin de l'Allemagne en étals
distincts.
La réforme des éludes dans les écoles de 1 Etat,
que M. iîert désirerait introduire en France,
M Laboulaye ne ";roit nullement qu'elle puisse
se lier au vole de la liberté d'enseij,'ueraent
au profit de tout le monde. Le jour, où
l'Etat accordera la liberté aux autres, ce
jour-là il s'affranchira et il conquerra sa pro-
pre libesté. L'unité que nous voulons, dil-il, ce
n'est pas une unité matérielle, une barre de fer;
c'est une unité d'harmonie à laquelle on arrive
par la diversité, une unité qui s'obtient entre
hommes qui cherchent également la vérité et
dont chacun va au même but par des voies dif-
férentes. Voilà ce que nous désirons, et c'est
pour cela que nous demandons la liberté de
î'enseitrnement.
M. Beaussire succède à M. Laboulaye. Il ne
vient non plus lui à contester le principe de la
liberté de l'enseignement supérieur. II appelle,
au contraire, de tous ses vœux cette liberté fé-
conde. U reconnaît, avecriioûorable rapporteur
de ce projet de loi, que la liberté sera pour l'Uni-
versité un stimulant utile : c'est de la liberté
principale qu'on doit attendre les réformes pro-
fitables dans l'enseignemeut officiel. Aussi, il
déclare accepter le principe de la loi en discus-
sion : j'accepte, dit-il, toutes les dispositions qui
ont pour objet de faciliter l'ouverture de confé-
rences libres, de cours libres, de facultés libres,
d'universités libres. Toutefois, il craint que la
loi proposée ne favorise certaines associations au
détriment d'autres associations, ce qui, à soq
avis, remettrait un nouveau privilège à la place
de l'ancien, ou ferait partager le monopole
universitaire, au lieu de le détruire. 11 désire
que la en dation des grades soit conservée à l'Etat,
et qu'elle reste un acte de la puissance publique.
Il dit que l'Etat, renonçant au monopole de l'en-
seignement, doit se réserver, dans l'intérêt de
la science et de la liberté même, le droit de la
collation des grades, qui seuls ont donné, jus-
qu'ici, l'entrée de toutes les professions libé-
rales.
Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, en mon-
tant à la tribune dans la séance du 6 décembre,
dé<;lare que le clergé ue veut qu'une chose,
aider, pour sa part, à relever les forces intel-
lectuelles lie In Franco par l'émuiation et la
concurrence. i\ observe (ju'eu parlant et agis-
sant ainsi le clergé estsim|)lcmeut lidèlo à lui-
même et à son passé, car enfin, iju'est-ce qui
a crée en France et eu Europe l'en.seignemont
supérieur, l'enseignement public, les univer-
eités? Le clergé seul, l'Eglise. « L'Eglise ! dit-
il, il en a été pour elle des lettres, des scicoces
et des universités comme de la charité, des
ctililissemeuts de bienfaisance et du défriche-
ment des terres incultes. Nos papes et nns évê»'
ques, de concert avec nos vieux rois, voilà ceuT.
qui ont été les fondateurs des universités de
Fiance. Et d'accord avec eux, les peuples chré-
tiens, entraînés dans ce vif éla'> que l'Eglise
i.'nprimait à la science, ont libepiilement doté
les universités fondées par nns pape^ et nos
évoques.» Il expose qu'avant la Ptévoiulion on
avait fondé en France vingt-trois universités
liiires et indépendantes les unes des autres, et
indépenilantesdu gouvernement dans la mesure
convenable; elles se gouvernaient, s'adminis-
traient elles-mêmes; elles avaient leurs statuts
propres, leurs bâtiments à elles, leurs biens
indépendants, leurs professeurs, leurs conseil-
lers, leurs recteurs, leur esjirit, sachant allier
le respect nécessaire de l'autorité des traditions
avec le sentiment du progrès; demandaut à la
lilicrté et à l'autonomie ce qu'en général on
est beaucoup trop porté à attendre «le la seule
puissance de l'Etat; rivalisant de zèle dans la
composition du personnel enseignant, dans le
choix des méthodes, dans le régime des études,
dans la rédaction des programmes; répandant
partout une généreuse et féconde émulation;
fertilisant le sol autour d'elles, et couvrant la
France de collèges où venaient des écoliers
innombrables, plus nombreux même à la veille
de 1789, avec les vingt-quatre millions d'habi-
tants que possédait alors la France, qu'aujour-
d'hui avec ses trente-six millons d'habitants.
Avec son éloquence habituelle, il Ûétrit ce
qu'a fait la Révolution en mal, et puis il ajoute:
« Je vi^ms vous indiquer, messieurs, en quel-
ques traits rapides et absolument inattaquables,
ce que l'Eglise avait fait pour l'enseignement,
et ce que la révolution en fit. La religion et la
liberté avaient tout créé; la tyrannie révolution-
n;uie et l'impiété ont tout détruit. Ce fut un
immense malheur. Mais leprojetdeloi qui vous
e.<t présenté est un projet réparateur dans les
plus hautes régions de Fenseignemeat, c'est
P'>uniaoi je l'adopte, et j'espère que vous l'adop
ferez aussi. »
A ce point de son éloquent discours, Mgr
Dupauloup se demande qu'est-ce que l'ensei-
gnement supérieur? « C'est, dit-il, si je sais
bien leiléfinir, le savoir humain dans sa dignité
la plus haute; c'est, par conséquent, la plua
liaule éducation, la plus haute culture de l'in-
telligence humaine; c'est, par conséquent, la
forme la plus distinguée, l'expression la plus
.«olide et la pins brillante de la civilisation
intellectuelle d'un pays. Et s'il ."aut délinirplus
précisément i'en.seignement supérieur, ce sous
d'abord les lettres, dans ce qu'elles ont de plus
noble, de plus élevé et de plus exquis, et, je
l'ajouterai, de plus religieux et de plus civili-
sateur; les leiti-es qui renferment, avec les
LA SEMAINE DU CLERGÉ
I33f
lilléiL-lures anciennes et moderne^, l'élude des
langues, de li pliilosopUie, de l'histoire et de
cette géograpiiie qu'on nous accuse tant de ne
pas savoir as-cr Ce sontencoio les sciences; les
sciences si belles en elles-mêmes et dans leurs
grandes théories, et si fécondes en inventions
et en applications de toutes sortes à l'industrie,
à l'açricnlture et au commerce, n II explique
en même temps pourquoi une large et forte
oriçaaisalion de l'enseignement supérieur est
surtout nécessaire dans une sociéié à tendances
démocraliques comme la nôtre. Plu^ les bases
de la société s'élargissent, s'il peut ainsi dire,
plus il importe que les sommets ne baissent pas.
La véritable égalité n'est pas celle qui passe
un niveau grossier et barbare sur toute supé-
riorité et toute f^randeur, mais celle qui permet
atout ce qui est noble et généreux de se pro-
duire, de s'épanouir et de monter.
En Unissant son discours il ajoute : « Sauf de
rares exceptious, il n'y a qu'une voix pour dire
que la libertii est le seul remède eflicace, sinon
immédiat, certain du moins, aux maux que
nous dé|dorons tous. La liberté donnera à l'en-
seigoement lui-même plus de vie, lui ouvrira
des horizons nouveaux, lui suscitera des mé-
thodes nouvelles, des proférés nouveaux, une
originalité, une fécondité qui n'appartiennent
qa'à elle, et dos secours inattendus. »
« Vous n'avez pa-; de locaux, vos bibliothè-
ques, vos cabinets £cieutifi(iues, vos laboratoires
souffrent, l'argent vous mancjue? La liberté
vous eu donnera commi; elle eu a donné aux
vinjjt-trois universités libres et iadépendanles
que la révolution a détruites. Vous n'avez pas
d'élèves, les ministres et les professeurs s'en
plaignent. La liberté vous en donnera, comme
elle en a donné aux cent collégfs libres que la
loi di; IX.")0 a suscités tout à coup parmi nous.
Ces collèges sont 8ni(ui's,[ieuplés, remplis d'une
florissaute jeunesse, et vos lycées n'en n'ont pas
s')utïerl; vous en ave:: créés de nouveaux. C'est
que la libiulé, l'émulation, c'est la vie, c'est la
fiamme créatrice.
« Vo'is n'avez pas de professeurs ; vous vous
en plaignez. Eh bien, la lib rte vous en don-
nera comme elle en avait donné autrefois à nos
anciennes universités, comme elle en a donné
récemment à renseigrioment secondaire, l'armi
ces professeurs, il y aura sans doute des ecclé-
siastiques ; et quel malheur s'ils enseignent
bien? Non, Messieurs, ne coupez pas, renouez
plutôt la noble et antique alliance, toujours né-
cessaire e' léconde, entre la religion et les
lettres, eh.re le génie et la foi. »
M. Challamel-Lacour remplace Mgr Dupan-
loup à la tribune. 11 déclare aussitôt qu'il votera
îoutre ce projet de loi, parce qu'il ne croit pas à
cette liberté, et parce qu'il lui parait fort étrange
qu'une prétention inconniie àTancienne France,
que les juristes, les juriconsultes et les hommes
d'Etat de la monarchie ont presque unanime-
meat considérée comme diaraétrainrnent con-
traire aux bases de notre droit pubhe; qu'une
prétention, qui paraissait absolument fausse à
des esprits tels que Royer-GoUard, soit tout à
coup passée à l'état d'axiome et érigée en
principe indiscutable.
C'est par une haine profonde contre l'église
catholique qu'il parle et qu'il votera. Il renon-
cerait, peut-être, à toutes les autres libertés à
condition que celle relative à l'enseignement
supérieur ne fût pas consentie. Il déclare qu'en
accueillant dans des éLiblissements spéciaux
des jeunes élèves tout préparés, en les soumet-
tant à une discipline spéciale, à un régime
savamment combiné, en les protégeant contre
toutes les inQuences sociale?, on veut, dans
ces universités, dans ces futurs médecins, dans
ces futurs avocats, dans ces futurs magistrats,
préparer des auxiliaires à l'esprit catholique,
il craint que sortis de là, ils ne se répandent
dans la société, et que, dans leurs carrières
diverses, ils ne mettent au service de l'esprit
catholique, dont ils auront été pénétrés, aa
service de l'Eglise à laquelle ils devront tout
ce qu'ils sont, toutes les ressources, tous les
moyens d'action que leur fourniront leurs pro-
fessions mèmi^s. Ils ne se contenteront plus, dit-
il, d'être croyants, ils seront des zélateurs, ils
seront des apôtres. On pourra, il est vrai, s'en
féliciter beaucoup ; (pianl à lui il en a peur, il
en est épouvanté. Cal à regret sûrement qu'il
est forcé de déclarer qu'il n'est nuUentent pos-
sible de douter que dans les universités catho-
licjues la stdence ne soit sincèrement étudiée,
qu'elle n'y soit sincèrement enseignée, a II n'y
a nul doute, dit-il, que la médecine, le droit,
les humanités et les sciences n'y soient pro-
fessés avec une rare supériorité, n II admet que
le cierge en général et le clergé catholiqna
en particulier a un don d'en^f^lgnement que
tout le monde admire. Et mal^Té ce témoi-
gnage, aussi juste que mérite, M. Challemel-
Lacour ose ajouter qu'il repousse cette loi de
liberté, parce que l'Eglise catholique devrait en
proûter, parce que la liberté lui serait utile, et
parce que l'intérêt de l'Eglise catholique lui
parait seul en question, et non celui des lettres,
des sciences, de la [«hilosophie et de l'histoire.
M. Laboulaye moule aus-itôt à la tribune
pour déclarer qu'en écoutant 't liscours pas-
sionné de M. Challemel-l^acour. A a pensé in-
volontairement à une ftiiTole de Burke , le
grand orateur anglais. Parvenu à la fin de sa
longue carrière et résumant sa vie tout entière
dans une phrase, Burke disait: «J'ai toujours
défendu la liberté des autres. » C'est la devise
1381
LA SEMAINE DU CLERGÉ
du vrai libéral. Demamler, au contraire, la li-
berté pour soi et la refasi;r aux autres, c'est
la délinitiou du despotisme. Il lui parait évi-
dent que la liberté protitera à tout le monde, et
que, la liberté donnée à l'enseignement, il n'y
aura ni vainqueurs ni vaincus. Après avoir
ajouté que, quand on demande la liberté, on
entend répondre : vous travaillez pour l'Eglise
catholique, elle seule en profilera, sans que
l'on donne la démonstration de cette assertion,
à la fois absurde et malveillante, il conclut
son discours par cette éloquente apostrophe ;
«Comment! vous dites à des hommes: vous
n'aurez pas le droit de parler ; vous êtes peut-
être la majorité de la France, mais vous vous
tairez; nous aurons l'enseignement officiel! Et
c'est ainsi que vous entendez la réconciliation 1
Non, il n'y a qu'un moyen de réconcilialioa
possible pour les partis: c'esl d'apprendre à se
connaître par la pratique commune et sincère
de la liberté.»
Dans la séance du 5 décembre, M. Chevan-
dier se r^illie entièrement aux paroles et aux
idées de M. Cliallemel-Lacour. Il est contraire
à la loi, parce que si M. le comie Jaubert avait
su qu'en proposant la liberté de l'enseignement
supérieur, il allait donner la liberté aux libres-
penseurs .l'ouvrir des écoles, bien certainement
il ne l'eût point fait, tandis que toute sa
préoccupation était d'augmenter les forces du
clergé catholique. Traçant ensuite l'historique
de la question, il rappelle qu'elle fut agitée au
sénat sous l'Empire, et que ce régime lui-même
jugea cette liberté de l'enseignement dan-
gereuse et contraire aux prérogatives de l'Etat.
Reprenant le rapport de M. Laboulaye, il y
trouve beaucoup à blâmer. Il parle longue-
ment des facultés catholiques en Belgique, et
de la liberté d'enseignement en Amérique.
Mais, au milieu de toutes ses divagations, il
est précieux de constater la déclaration qu'il a
bien voulu faire dans les termes suivants:
« Que Mgr Dupanloup me permette de lui dire
qu'il s'est mépris sans doute sur le sens des
paroles de M. Bert. Quand notre honorable
collègue a dit qu'on a le droit d'enseigner tout
ce qui est démontrable, il n'a eu en vue que les
matières qui sont du domaine de la critique.
Jamais U n'a entendu faire invasion sur le do-
maine de la morale. »
Mgr Dupanloup revient à la tribune pour
déclarer que le discours de M. Cballemel-Lacour
est un réquisitoire passionné, le procès de
l'Eglise catholique; oui le jugement, la con-
damnation de l'Eglise catholique, du clergé
catholique, de tous les catholiques. Il ajoute
que, quand des adversaires, guand un parti en
sont là, il ne leur reste pas assez de générosité,
il ne dira pas de loyauté, ne voulant pas se
servir de ce mot, pour faire des lois, parcequ'ib
n'éprouvent pius ce sentiment généreux qui
cherche, dan^ le droit commun, dans la liberté
commune, l'alliance de tous les hommes pour le
bien du pays, et, alors surtout qu'il s'agit de
l'éducation de la jeunesse, c'est-à-dire de ce que
la France a de plus cher au monde.
M. Bardonx, appelé par ordre d'inscription à
la tribune, dit qu'au milieu de louti's les crises
sociales, politiques l't religieuses qui, depuis la
lin du siècle dernier, menacent la société, il n'y
a qu'une solution, c'est la solution libérale,
(l'est purce qu'il croit à la solution libérale,
qu'il demande qu'on veuille voter le principe
de la liberté de l'enseignement supérieur. Nous
n'avons qu'un but, njoutet-il, c'est la grandeur
intellectuelle et morale de notre pays. Ce but,
personne ne l'a désigné à nos efforts et en
termes plus éloquf^nts, que l'illustre président
de la commission extra-pailemonlaire chargée
de préparer, eu 1870, la proposition de loi qui
nous est soumise.
Il observe que concilier la liberté qu'on
demande avec l'esprit de la civilisation fran-
çaise, tel est le problème à résoudre. Nos
prédécesseurs l'ont déjà résolu, sauf des amélio-
rations à introduire, pour l'instruction primaire
et secondaire. Le problème est posé aujourd'hui
pour l'instruction supérieure. Il lui semble
qu'une grande confusion existe dans certains
esprits, et que l'on ne s'entend pas sur un point
essentiel. Il veut faire allusion à la notion des
devoirs, des limites et du rôle de l'Etat moderne
en matière d'enseignement et de collation de
grades. Le projet en discussion se divise en deux
parties principales : l'uue concède et organise
la liberté de l'enseignement supérieur, l'autre
accorde comme conséquence, a^vecquelqui's con-
ditions, la collation des grades. Il voudrait bien
distinguer les prémisses de la conséquence et
établir bien nettement en matière semblable
quels sont les principes. Il est certain que lors-
qu'on sera d'accord sur ces principes, le vote de
l'assemblée sera plus éclairé. A son avis, le droit
d'enseigner n'est pas, de son essence, propre à
l'Etat : ce droit est une manifestation de la
liberté de conscience. L'Etat moderne, en fait
d'enseignement, n'est pas souverain ; il ne doit
être qu'un protecteur et qu'un guide. La con-
science prime l'Etal en matière d'enseignement,
et avant tout, la liberté appartient au père da
famille, qui a le droit de choisir entre les divers
régimes d'enseignement auxquels il vcut confier
son enfant. Voilà le principe selon M. Bardoux.
L'Etat ne doit intervenir que comme surveillant
d'une part, et, de l'autre, pour suppléer ou à
findigence du père de famille, ou à sa négli-
gence, ou enfin à l'insuffisance des moyensgéné-
raux d'instruclion.Tel estle rôle très-netde l'Etal.
LA SEMAINE DU CLERGE
1383
M. Bardoux demande quel est, au contraire,
le rôh de l'Etat, quand il s'agit de la collation
des grades? Asoa avis, il est tuut autre. On nu
doit pus oublier, en efTet, que, daus la société
française, le diplôme, le litre n'est pas simple-
ment un signe lionorilique. Dans notre organi-
sation sociale, le diplôme ouvre la porte de cer-
taines cari iéres libérales, qui ne sont pas entière-
ment libres ; le diplôme est, aussi, une condition
nécessaire à l'admission dans certaines fonctions
de l'Etat. Qu'est-ce donc que l'Etat quand
il s'agit de la collation des grades? M. Bardoux
pense que l'Etat est une sorte de juridiction, de
tribunal, et il délègue à des professeurs qu'il
connaît, qu'il nomme, qu'il surveille, qu'il ré-
voque au besoin, cette portion du pouvoir
socia'. C'est un véritable droit régalien.
Ainsi, d''ine part, liberté de l'enseignement,
liberté pour tous, liiicrlé, non pas seulement,
comme on le disait, pour des corporations reli-
gieus''S puissante*, riches, nombreuses, mais
liberté pour tout citoyen qui se sera soumis aux
lois, et qui aura les c-i parités nécessaires exigées
dans tous Is pays libres. 11 ajoute que c'est un
sentiment de justice, de respect de la conscience
qui le déterminent à vi)ter le principe de la liberté
de l'enseignement supérieur. Mais en cela «je
vais très-loin, dit-il, je reconnais que ce n'est pas
seulement à des corporations ou congrégations
ou à des associations, et en vue de la création
d'universités, que le principe doit être concédé ;
je suis heureux d'une conquête, d'une conquête
sérieuse, celle de la liberté des cours. » Selon
M. Bardoux, les cours isolés SDut, en effet, dans
le sens élevé du mot, le véritable enseignement
de la science pour la science; ils n'ont pas
pour but de cotifércr des grades et des diplômes.
Les cours sont et seront souvent le refuge des
esprits supérieurs, qui, ne s'élant pas enrégi-
mentés dans une association quelconque, vien-
dront, obéisssaut à leurs inspirations honnêtes
et droites, faire faire un pas assuré à la science,
en-dehors des méthodes reçues et des lieux
communs. Tant que le cours n'est pas une
provocation ou un appel aux mauvaises pas-
sions, il ne doit pas y être fait obstacle.
Après la proclamation de ces principes,
l'assemblée prononce la clôture de ladiscussion,
en première lecture, et décide, par 531 votes
pour, et 124, contre, sur 655 volants, qu'elle
passera à une seconde délibération.
{A suivre.)
PniLiPPE Carréri.
Les Erreurs moderne»
Lft DÉWIOCRATIE ET LE CATHOLICISME
(G« article.)
La première clisse à faire, nous l'avons dit,
pour amener l'abolition de l'esclavage, était de
changer les idées et les doctrines qui régnaient
dans les intelligences. Et c'est ce que l'Église a
fait. Mais ce n'était que le premier pas ; elle ne
se contenta pas d'émettre des doctriops géné-
rales, elle travailla à les appliquer. Ne pouvant
briser tout d'abord les chaînes des esclaves, elle
commença par adoucir leur sort. On sait avec
quelle ciuauté féroce ces malheureux étaient
traités par leurs maîtres païens, qui avaient sur
eux le ilroit de vie et de mort. Celui-ci, comme
Quinfus Flaminius, tuait un esclave an milieu
d'un festin par manière de passe-temps; celui-là,
comme Védius :Follion, en jetait un aux murè-
nes pour le crime énorme d'avoir brisé une
coupe par mégarde. Le fouet était la punition
habituelle des moindres fautes. Mais écoutons
saint Paul : o Maîtres, s'écrie-l-il, ne conduisez
pas vos esclaves par la terreur et la menace,
sachant que vous avez les uns et les autres
un Maître commun dans le ciel, devant lequel
il n'y a point d'acception de personnes (1). » Qui
ne connaît la touchante épîlredu grand apôtre
à Philémon en faveur d'un pauvre esclave? Ani-
mée de cet esprit généreux, l'Eglise mit tout
en œuvre pour adoucir le sort de ces malheu-
reux. Les conciles sont remplis de prescriptions
à cet égard. Ceux d'Epaone et de Worms, par
exemple, excommunient et soumettent à une
pénitence de deux années le maître qui, de son
autorité privée, aura ôté la vie à son esclave.
Un concile d'Orléans ordonne que si un esclave,
coupable de quelque faute, cherche un refuge
dans une église, on ne le rende à son maître
qu'après le serment qu'il ne lui sera fait aucun
mal; si le maître ne tient pas son serment, qu'il
soit excommunié. La sollicitude de l'Eglise va
jusqu'à défendre qu'on coupe les cheveux aux
esclaves ; ce qui était alors une marque d'igno-
minie.
Mais améliorer n'était point assez pour elle :
elle voulait abolir une institution qui dégradait
l'humanité. Sa doctrine île l'égalité de tous les
hommes devant Dieu, en se répandant, prépa-
rait les esprits; la charité chrétienne disposait
les âmes. Les sociétés ne sauraient rester tou-
jours dans un état contraire aux idées qui les
out une fois pénétrées. Et l'Eglise, du reste,
agissait directement et pratiquement dans le
but d'amener graduellement l'émancipatioa
générale. « La loi divine parut sur la terre,
écrit le comte de Maistre ; tout de suite elle s'en>
1384
LA SEMAINE DD CLEr.GÉ
para du ceetir de l'hrmme, et le changea d'iino
manière faite pour exciter radœir.-itii.n étcr-
Dclle (le tout véritable observateur. La religion
cotnmenra surtout à travailler sans relâche à
l'abolition de l'esclavage; chose qu'aucune
autre religion, aucun législateur, aucun philo-
sophe n'avait osé entreprendre ni même rêver.
Le christianisme, qui aj;issait divinement, agis-
saitparla même raison lentement... 11 livra
donc, un combat continuel à l'esclavage, agis-
sant tantôt ici et tantôt là, d'une manière ou
d'une autre, mais sans jamais se lasser (1). »
L'Eglise travailla d'abord à propager et à
étendre partout le rachat des esclaves et des
captifs, en Europe, en Asie et en Afrique. Dès
les premiers temps de son existence, elle déploya
à cet égard son zèle et son admirable charité.
Elle vendait, à cet effet, jusqu'aux vases sacrés;
et même « nous avons connu, dit le pape saint
Clément, plusieurs des nôtres qui se sont livrés
eux-mêmes en captivité, afin de racheter leurs
frères (2). » Les conciles deMàcon, de Lyon, de
Reims, ti nus au vi' et au vu" siècles, font foi
que le bien de l'Eglise, et mé-me les vases
sacrés étaient employés au rachat des esclaves,
et on ne pouvait rien exiger d'eux en retour
dans la suite; saint Grégoire le Grandie défend
expressément (3). Qui ne sait que plus tard des
ordres religieux furent fondés pour racheter les
captifs? Les philanthropes des Etats-Unis dédai-
gnent de s'asseoir à côté de leurs esclaves affran-
chis; les religieux de la Merci baisaùent leurs
chaînes, et pour les racheter s'exposaient à tout,
à l'esclavage et à la mort.
Nous ne pouvons indiquer ici tout ce qu'a
fait l'Eglise pour l'abolition de l'esclavage. Le
concile de Lyon, célébré au milieu du vi' siècle,
frappe d'excommunication ceux qui retiennent
en esclavage des personnes libres. Celui de
Reims, de l'an 623, excommunie également ceux
qui cherchent à réduire les personnes libres ea
esclavage. Celui de Coblentz, tenu en 922, va
jusqu'à déclarer coupable d'homicide celui
qui séduit quelqu'un pour le vendre comme
esclave. Il est tléfendu, sous les peines les plus
sévères, par les conciles de Tulêile, de Maçon, de
Reims, etc., de vendre aux juils et aux païens
des esclaves chrétiens. Un concile de Londres,
célébré en 1102, s'élève avec force contre la
coutume de trafiquer des homme?, coutume
alors très-commune en Angleterre. Et le concile
d'Armagh, en Irlande, donne la liberté à tous
les esclaves anglais que cette coutume barbare
a amenés dans le royaume.
L'esclavage, chacun le sait, était regardé
comme le dernier degré de la dégradation hu-
1. De Maistre, DuPapt, 1. III, C. 0.
2. Lettre aux Car.
S. L. V31, Epiit. XIV.
maine, et il pn était aivisi surtout dans !e monde
païen. L'Eg'ise travailla à relever les csi-laves à
leurs yeux et à ceux des autres. Elle le fit d'abord
parla propagation i!e sa doctrine de l'égalité de
tous les hommes devant Dieu. En seoonit lieu,
elle reçut les esclaves, comme les autres, dans
ses monastères : or l'état religieux était regardé
tomme une condition aussi honorable que
sainte. Eu troisième lieu, elle les éleva jus-
qu'au sacerdoce, après avoir amené leuraflran-
ehissement. Enfin, elle entoura leur mariage
de la dignité qui lui convient comme à celui
de l'homme lilire. Leur union n'était pas re-
gardée comme un véritable mariage, et cette
union, telle quelle, ue pouvait être contractée
rans le consentement des maîtres, sous peine
de nullité. L'Eulise repoussa avec énergie une
pareille doctrine. Ecoutons, par exemple, le
pape Adrien I" : « Selon les paroles de l'Apôtre,
de même qu'en Jésus-Christ on ne doit écarter
des sacrements de l'Eglise ni l'homme libre,
ni l'esclave, de même, il n'est permis, en au-
cune manière, d'empêcher les mariages entre
esclaves. Que si ces mariages ont été contractés
malgré l'oiiposition des maîtres, néanmoins ils
ne doivent pas être dissous en aucune fa-
çon (1) ».
En 1 167, le pape Alexandre III déclara solen-
nellement, en plein concile, que tous les chré-
tiens doivent être exempts de la servitude.
<: Cette loi seule, dit avec raison Voltaire, doit
rendre sa mémoire chère à tous les peuples. »
Dès lors l'esclavage disparut peu à peu de l'Eu-
rope. Les colonies seules et les nations non
chrétiennes restèrent souillées de cette lèpre,
et la traite des noirs occupe encore l'Europe.
Or, relativement à ce dernier point, l'Eglise
s'en occupa dès le xv'' siècle, par l'organe du
pape Pie II, qui, dans une lettre à un évèque
parlant pour la Guinée, lui recommanda de
s'opposer énergiquement aux Européens qui
réduisent les indigènes en esclavage. « Qui fut
le premier, s'écrie Balmès, à élever la voix
contre une aussi horrible barbarie? Ce ne fut
point la politique, qui se réjouissait peut-être
de consolider ses conquêtes par la servitude;
ce ne fut point le commerce, qui trouvait dans
ce trafic infâme de honteux mais abondants
profits; ce ne fut pas non plus la philosophie,
qui, tout entière à commenter les doctrines de il
l'iaton et d'Aristote, aurait vu peut-être sans f^
peine ressusciter la dégradante théorie des
races nées pour l'esclavage : ce fut la religion
catholique, s'exprimant pab la buuohe du vi-
caire de Jésus-Christ. C'est assurément pour
les catholiques un spectacle consolant de voir
un pontife de Rome condamner, il y a déjà
1 . Balm. Le proliil. compari au caihol. Notes dei ch. XV
XlXt i;
LA SEMAINE DU CLERGE
i38S
qnatre siècles, ce que l'Europe, avec toute
sa civilisation, ne condamne que dans le
nôtre (1) ».
Les papes, du rp?te, ne cessèrent de s'occu-
per de celle question. Paul III en 1637, Ur-
bain VIll en 1039, Benoît XIV en 1741 et enfin
Grégoire XVI en lfa39, s'élevèrent avec énergie
contre ce trafic infâme. « C'est avec une profonde
douleur que nous le disons, écrit ce dernier,
on a vu, même parmi les chrétiens, des hommes
qui, honteusement aveuglés par le désir d'un
gain sordide, n'ont point hésité à réduire en
servitude, dans des contrées éloignées, des
Indiens, des noirs et autres races malheu-
reuses; ou bien à aider cet indigne forfait en
instituant et organisant le trafic de ces infor-
tunés, que d'autres avaient chargés déchaînes.
Plusieurs pontifes romains, nos prédécesseurs,
de glorieuse mémoire, n'oublièrent point de
condamner, selon toute l'étendue de leui-
charge, la conduite de ces hommes comme oj>-
posée à leur salut et flétrissanle pour le nom
chrétien. » Après avoir ludique ce qu'ont fait
ses prédécesseurs à cet ég;ird, l'illustre pontife
flétrit lui-même énergiquement la traité des
noirs, et défend à tous d'enseigner qu'elle soit
jamais licite.
Nous pouvons maintenant conclure. Il n'-snlte
de tout ce que nous avons dit, que l'Eglise ca-
tholique, relativement à la question que nous
■venons d'examiner, est enlièremeut inallaqua-
ble. Ses doctrines, sacon.luile.son langage ont
été ce qu'ils devaient être. C'est à elle, c'est à
ses doctrines généreuses, c'est à sa manière
d'agir, que l'on dod la chute de celte institu-
tion antique, puissanle, universelle de l'escla-
vage. Ki la politique, ni les religions fausses,
ni la philosophie indépemlaiile ne songeaient
à la renverser. C'^st le christianisme qui l'a
minée, qui l'a affaiblie, qui l'a jetée par terre.
Si cela n'est pas arrivé plus tôt, c'est que la
politique avait intérêt à la conserver; c'est à
elle qu'il faut s'en prendre. Et si, aujourd'hui
encore, resclavage n'est pas partout aboli, c'est
la politi(iue, c'est le commerce, c'est l'inlerèt,
c|est l'amour du lucre qui le mainliennent, et
c'est l'Eglise qui cherche à l'adoucir, à civili-
ser les nègres, à en faire des hommes et des
chrétiens. El pourquoi nos démocrates ne vont-
ils pas l'aider dans cette œuvre? Pourquoi ne
les voit-on pas avec nos missionnaires, avec
nos frères enseignants, avec nos religieuses,
dans la Nigritie et aillvars, travailler à ins-
truire et à régénérer ces peuples dégradés ? Ils
ont véritablement bonne grâce à étaler leurs
exigences, et il leur sied bien de s'attaquer à
l'Eglise qui prodigue, à ces races malheureuses,
ses travaux, ses sueurs et son sang? Que ne
, i. D* eoni. MO». 1. lY, c. I.
vont-ils porter sur ces plages lointaines quel-
que chose de celte belle ardeur qui les anime
ici pour la ré;;,éuération de l'humanité ? Ils
sont si habiles à renverser parmi nous! Que ne
vont-ils là-bas renverser ce qui ne doit pas
être?
Au resta, la démocratie est-elle donc si im-
maculée? N'a-t-elle rien sur la conscience. Les
horreurs de toute sorte delà grande révohitiou
française ne pèsent-elles pas sur elle? Quelle
invasion violente et sanglante d'uue classe plus
avide que préparée I Quelle suite perpétuelle,
depuis cette époque, de révolutions sans fin, qui
usent la vie de la France et finiront par la faire
mourir! Combien déraisons d'être modeste!
Cien loin de s'attaquer à la reli;4ion, la dé-
mocratie devrait comprendre qu'elle a grand
besoin au contraire, de s'unir à elle. Cette
union contribuerait à lui donner ce b;st qui lui
manque, cet esprit conservateur qu'elle n a pas
a:"j..z. Son premier devoir est de laisser à
^E^ll5e toute sa liberté. On ne gouverne pas
le.5 peuples sans religion. Et la démocratie a
plus mauvaise grâce encore quo tout autre gou-
vernement à coulisquer la lil.erté. elle qui en
a toujours le nom sur les lèvres. Elle doit aussi
laisser à l'Eglise, en France, tous ses droits
acquis. Elle ne passe pas, sous ce rapport, pour
être très-scrupuleuse ; (ju'.dle laisse au chris-
tianisme tous ses moyens d'action; ce sera
travailler à la régénération de la France.
L'abbé Desohges.
REVUE DES SCIENCES
1. AnCnioLOGiE : Description des collier? d'esclaves.
Un colii.r de ctiien de berger, vei.geur des liquida-
tion iiulieniies. — 2. Abrostation : Catastroptie du
Zéailh. Etiets physi! logiques de la décoinfiression.
Influence mèciiu que de la dépression. Moyens pro-
posés pour prévenir l'asphyxie. Limite des altitudes
supportables. — 3. JItgib.nb : Le rinçage des bou-
teilles. Grenaille de plomb, grenaille (le 1er. Dangers
des usiensiles de plomb. Procédé pour recountSlra
la présence du plomb dans les ôtamages.
Plusieurs abonnés de la Semaine du Clergé,
ne voyant plus paraître notre Revue mensuelle
des Sciences, nous ont écrit pour nous en expri-
mer leur regret, ajoutant avec une encoura-
geante bienveillance qu'ils l'avaient toujours lue
avec intérêt. Malgré notre vil désir, il nous a
été impossible de la reprendre plus tôt; mais
nous espérons bien qu'à l'avenir elle ne subira
plus pareille interruption.
1. Tous nos lecteurs connaissent M. de Rossi,
le célèbre archéologue romain. Or, l'an dernier,
tandis que le gouvernement envahisseur ache-
vait son œuvre de spoliation des biens de l'église
de Rome, M. de Kussi taisait uae trouvaiUs
î?"?
LA SEMAINE DU CLEP.CÊ
très-petite en soi, mais qui constitue une nou-
velle et importante preuve de la haute antiquité
du domaine ecclésiastique.
Celle trouvaille est un simple collier de chien.
Nous rappellerons à cette occasion qu'avant le
chrislianistne, il n'y avait pas que les chiens qui
porlassent des colliers; on en mettait aussi
au cou des esclaves qui avaient l'habitude de
s'enfuir. Ces colliers d'esclaves sont trèi-connus
à Rome, où l'on en a trouvé beaucoup dans les
fouilles. Ils sont formés d'une chaiiiette ou d'an
anneau de bronze. La chaiuette portait, scellée,
une plaque destinée à l'inscription ; parfois aussi
l'inscription était gravée en légende sur l'anneau.
Cette inscription variait peu ; elle était géné-
ralement conçue en ces termes :
TENE. ME. QUIA. FUGIO.ET. REVOCA. AD.DOMINUM...
C'est-à-dire : « Appréhendez-moi, car j'ai l'habi-
tude de m'enfuir, et ramenez-moi à mon maî-
tre Suivait l'indication du nom et de la
demeure du maitre. Voilà comment le paga-
nisme, que la libre-pensée d'aujourd'hui admire
et voudrait ramener, traitait l'homme jusqu'au
temps où l'Eglise du Christ, ayant renversé le
paganisme par sa vertu intime, fit tomber ces
ignobles colliers du cou des esclaves et leur res-
titua leur titre de frères des hommes libres.
Revenons au collier de chien découvert par
M. de Rossi. Ce collier est tout à fait pareil aux
colliers d'esclaves que nous venons de décrire.
Mais ce n'est pas cela qui le rend [larticuliére-
ment intéressant, car on eu avait déjà trouvé
plusieurs semblables. L'importance de ce collier
consiste en ce qu'il porte le monoiîramme du
Christ, avec l'indication que le chien apparte-
nait à l'administration des troui'eaux de la
basilique deSaint-Paul. Voici, en effet, l'inscrip-
tion qui se trouve gravée sur une tablette de
bronze suspendue au collier :
AD. BASILICA. APOS
TOLI. PAULI. ET
DDD. NNN.
FELICISSIMI. PECOR.
Ad basiUca{m) aposloli Pauli et trium domi-
norum nostrorum Felicissimi pecor (arii).
Or, écoutons M. de Rossi nous expliquer lui-
même ce que nous apprend et ce que confirme
sa découverte :
!i Le monument n'est pas seulement un objet
très-rare, dit-il, mais une pièce trè<-précieuse
en histoire. La basilique de la voie d'Ostie,
appelée apostoli Pauli et trium dominai uni nos-
trorum, nous reporte aux premiers temps de sa
construction, quand vivaient les trois augustes
(Gratien, Valentinieu II et Théodose le Grand)
qui en ordonnèrent la conslructicn, l'an 386,
dont l'un Valentinieu 11, mourut en 31*2; ou,
au plus tard, auxan^ies de Théodose, Arcadius
et Honorius régnant ensemble de 39.'} à 31)3, qui
en continuèrent la fabrique, depuis achetée par
Honorius seul. Theodorius cœpit, perfecit Hono-
rius aul'im, doctoris mundi "icmiam corpore
Pauli, dit l'inscription monumentale que nous
voyous encore en mosnïque au sommet de l'arc
triomphal de la basilique. Notre tablette est
donc un monument historique couhrmant la
notice reçue de la religieuse et maguitique
entreprise dps trois Augustes en l'honneur du
sépulcre de l'Apôtre. En outre, c'est la confir-
mation de ce fait que ladite basilique était déjîi,
dans le iv° siècle, dotée de biens ruraux,
puisqu'elle possédait du bétail, et qu'à son
patrimoine appartenaient des troupeaux et des
beruers.
(i La date de cette tablette ainsi fixée dans la
limite du décennal de 386 à 395, son importance
me paraît considérable pour l'histoire du patri-
moine de la basilique de l'Apotre Le livre
pontifical, dans la Vie de saint Sylvestre, enre-
gistre des fonds très-nombreux assignés par
Constantin aux basiliques romaines, et eu particu-
lier à celles des deux apôtres Pierre et Paul. Les
documents historiques de la libéralité de Cons-
tantin envers les églises de tout l'empire rendent
facilement croyable et persuadent la vérité de
cette riche dotation faite à l'Eglise rom line par
le premier empereur chrétien. Quelques-uus
cependant, refusant d'ajouter foi à ce ([ui est
consigné à cet égard dans le livre pontifical, et
soupçonnant ce livre d'avoir attribué une origine
trop ancieiinne au patrimoine des basiliques
romaines, au v' siècle, et aux suivants, tout
indice certain de leurs possessions au iv" siècle
est pour nous d'un grand prix. Les grottes
vaticanes nous en oflfrent du reste un monument
très-insii^ne.
« Une pierre gravée, dont la troisième partie
environ est seulement venue jusqu'à mms, nous
fait lire une loi impériale qui, au nom des droits
divin et humain, défond toute aliénai ion des
fonds destinés sacris ministeriis atque mysteriis
(v. Dioysii crypt. vat. p. 65, tab. xxvii, 2).
Dans le recueil des inscriptions chrétiennes, je
démontrerai que cette loi a été promulguée
entre 38! et 392; et j établirai sa relation
directe avec le patrimoine antérieurement cons-
titué de la basilique vaticane. Ainsi, l'humble
tablette du collier d'uu chien de beri.;er, et une
loi impériale gravée solenneUement sur la
pierre, attestent dans le même femps les très-
anciennes origines de ce patrimoine de l'Eglise
romaine, qui, maintenu en grande partie à tra-
vers seize siècles et mille vicissitudes jusqu'à ces
derniers jours, est à présent vendu aux enchère»
et mis en liquidation sous nos yeux. Je n'ai
jamais fait allusion dans mou Bulkttino aux
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1337
bouleversctncnlspo'itiqr.es contemporains; mais
cette allusion par laquelle je conclus cette
dissertation archéologique re-sorlail si ioexora-
blement de mon sujet que c'eut été une honte
pour moi de l'omettre, o {Bulletin d'archéologie
chrétienne, 11° cahier trimestriel, 1874.)
N'y a-t ii pas Je quoi ailmiiei- i^-'i! Un simple
collier de cliien d« berger élevé à la dignité de
monument historique, et venant après quinze
siècles dé|ioser contre les ennemis de la propriété
ecclésiiistique!
Le gouvernement usurpateur, en dépouillant
l'Ejilise comme il le fait, au mépris des droits
divin et humain, ne peut ignorer qu'il accomplit
une œuvre abominable et sacrilège ; mais esclaviî
volontaire de la liévolution, il s'est lais-é passer
au cou le collier des eselaves, et il faut qu'il
marche, qu'il avance toujouis, qu'il aille au
fond. Qu'il y aille donc ! La pensée que les gou-
vernements ne sont pas immortels, comme les
droits divin et humain, nous donne de la patience
et soutient notre courage.
2. Quoique la catastrophe du ballon le
Zénith soit déjà bien ancienne en tant que fait
divers, nous en dirons cependant quehiues mots
en tant que lait scientifique.
Deux des trois aéronautes du Zénith, précisé-
ment les deux victimes, MM. Sivel et Crocé-
Spinelli, avaient déjà oiiéré avec succès, l'an
dernier, une ascension à une grande latitude,
7,500 mètres. Ils avaient de plus expérimenté,
également avec succès, les ell'ets |iliysiologi(iues
de la iléeompression, au moyen de l'appareil de
RI. Paul Bert. Cet apiiareil consiste dans un
grand cylindre où des pompes (icuveot entretenir
un courant d'air à des pressions qu'on fuit varier
à volonté.
Or, ce sont justement ces expériences qui, en
leur inspirant uie confiance exagérée, tout en
leur laisant pourtant connaître le véritable état
dos choses, furent en partie cause du fatal
événement.
M. Paul Bert rapporte (numéro des Comptes
rendus de l'Académie des sciences du 30 mars
1874), qu'en essayant sur lui-même l'eOet de
son appareil, il avait constaté, à une pression
comprise entre 45 et 41 centimètres, correspon-
dant aux altitudes de 4,100 à 5,000 mètres, qu'il
éprouvait un sentiment de lourdeur et de fai-
blesse, avec état nauséeux, fatigue de la vue,
indiUérenee générale et paresse de l'espiit diffi-
cile à surmonter -.jusqu'au point de ne pouvoir
faire la moindre opération d'arithmétique. Il
avait remarqué en outre, à cette même pression,
que ses jambes étaient prises de tremblements
convulsifs, que sa face était congestionnée, que
sa capacité respiratoire était réduite presque
d'un tiers, que la fréquence du pouls, augmentée
de plus de moitié, ne s'abaissait que pour peu
de tem[ia par chaque inspiration d'oxigène,
laquelle lui causait d'ailleuis un éblouissement
fort désiisréable.
Les deux victimes de l'ascension du Zénith
avaient expérimenté ces mêmes effets. M. Paul
Bert dit à leur occasion dans le mémoire
précité :
« MM. Crocé-Spinelli et Sivel, qui ont voulu
se préparer, dans mon appareil, à leur belle
ascension du 22 mars 1874, ont éprouvé des
effets analogues. Je les ai amenés jusqu'à la
pression de 30 centimètres. M. Sivel, homme
très-robuste, ne fut affecté qu'au-dessous de
40 centimètres, et n'éprouva pas de troubles
sérieux. M. Crocé, beaucoup plus faible, fut
malade de très-bonne heure ; à 30 eenlimèlres,
il avait les lèvres bleues et l'oreille droite pres-
que noire : il asphyxiait. Or, une seule inspira-
lion d'oxygène pur faisait disparaître momenta-
nément ces symptômes redoutables; le pouls
tombait, la respiration devenait libre; à un
moment où M. Crocé était devenu aveugle,
l'oyxgène lui rendit soudain la vue.
« Mais ils avaient éprouvé, comme moi, l'ira-
possibiliié de respirer régulièrement l'oxygène
pur; aussi leur donnaije à emporter deux
mélanges d'air et d'oxygène; l'un contenait
43 0/0 de gaz comburant; l'autre, à 73 0/0,
était réservé pour les plus grandes hauteurs.
« Sans l'oxygène, ces aéronautes intrépides
n'auraient pas pu atteindre les régious uù ils
retrouvèrent, avec 22 degrés de froid, les 30 cen-
timètres de pression qu'ils avaient supportés
dans mon appareil. Sans oxigène, M. Sivel ne
pouvait soulever les sacs de lest, ni M. Crocé-
Spinelli voir les raies du spectre qu'il avait
mission d'observer. Ils respirèrent les mélanges
sans éprouver d'éblonissement. »
Ce n'est pas tout, M. Paul Bert avait observé
une chose plus importante encore, savoir, que
sous la cloche à expériences, quand le malaise
commence à se produire, le peu d'oxygène qui
reste à la disposition de l'organisme est employé
tout entier par le bulbe pour la respiration, et
que si l'on en distrait la plus petite partie pour
une contraction musculaire, pour le plus léger
effort, l'asphyxie survient aussitôt.
Les choses étant ainsi, que commandait la
prudence? La prudence voulait que les aéro-
nautes s'attachassent à la bouche l'appareil à
oxygène, à peu près comme font les plongeurs,
de manière à n'avoir à faire au^un eflort de
corps ni d'esprit pour y trouver le complément
d'oxygène nécessaire. Us ne le firent pas. Aussi
lorsque M. Tissandier eut jeté les yeux sur le
baromètre pour constater l'arrivée du Zenith aax
environs de 8,000 mètres d'altitude, « soudain,
dit M. Paul Bert, racootant la catastrophe à la
J3S3
LA SEMALNE Dl CLERÇÉ
Société de biologie, il éprouve uu violent ma-
laise ; il veut aussilô! atteindre le tube par lequel
il devait ;isiiirer l'oxygène ; mais, par suite d'un
phénomène sur lequel j'ai déjà eu l'occasion
d'insister eu parlant de mes propres expériences,
son bias se trouva comme paraisse, et le seul
effort qu'il fait p.,,tr l'élever à la hauteur du tube
suffit pour le l'aile rouler au foi. d de lanncelle.»
Mais les aéronautes an Zenith eussent-ils pris
toutes ces précaulious, il n'est pas certain que
la catastrophe n'aurait pas eu lieu, tlar si les
expériences delà Sorhonue, ainsi que l'ascension
de l'un dernier ont pleinement réussi, c'est
parce qu'elles n'ont laissé durer que peu de
temps lus phénomènes morbides, auxquels le
retour au\ pressions supportables est venu appor-
ter un prompt remède.
M. le docteur Ed. Fournier signale, dans la
Gazette des hôpitaux, une autre cause qui n'a
pas dû être sans une grande influence sur l'issue
malheureuse de l'ascension du Zmith. « M. l'aul
Bert, dit-il, et avec lui les aéronautes, paraii-sent
s'être préoccupés exclusivement de l'influence
chimique de la dépreesion atmosphérique. Cette
influence est évidemment incontestable; mnis
elle n'est pas la seule dont on doive tenir compte
en p;ireil cas, puisque nos malheureux aéro-
nautes s'étaient muuis de ballons d'uxyt;éne. et
que cela ne les a pas empêchés de succomber.
L'influence mécanique de la dépi'ession, déjà
signalée et éprouvée [lar Gay-Lussac, doit provo-
quer des troubles dans la constitution des tissus
dont on ne parait pas s'être sullisamment préoc-
cupé. 1)
L'un de ces troubles, le plus grave de tous,
puisque ses conséquences sont presque nécessai-
rement moiielUs, se produit lorsque la décom-
pression est trop brusque, ce qui a lieu quand
l'ascensicui est trop rapbîe: c'est le dégagement
à l'état de bulles gazeuses des éléments de l'air,
dissous dans le sang proportionnellement à la
pression, (^es bulles,arrivées aux petits vaisseaux
artériels, arréicut mécaniquement le cours du
sang, et déteimiiient l'a.^iiliyxieen faisant obsta-
cle à la circulation.
Telle paraît avoir été en eflet la principale
cause de la mort de iiM. Sivel i.'t Oocé-Spinelli.
Car l'ascension a dû être d une rapidité eftVayant*'
au moment où M. Crocé-Spinelli, affolé, a jeté
inconsciemment par-dessus bord le double aspi-
lateur plein d'eau destiné à faire passer l'air
dans [es tubes analyseurs, puis les couvci turcs,
etc», c'est-r» dire un poids d'au moins 50 kilo-
gra iUines. (.Vuez M. Tissaudier, évanoui, et d'un
tempérament lymphatique, la circulation étaht
ralentie, et le.* i^lobules, par suite les gaz dissous,
moins alx>nda«ts, la production de cet accident
a t-n être eoujuiee, lainlis qu'il n'en était pas de
m cmu cLez ses deux comi^aguons. Coulrc ce
danger, les ballonni.ts d'oxygène, même Mis en
communication avec la bouche, ne peuvent être
d'aucun secours.
D'antres causes encore ont sans doute aussi
contriJJiK' au fatal événement, comme par
e.\eiu|ile, l'extième abussemeiit de latempér.'-
Uire de l'air, et rextrème puissance des rayons
du soleil ipii ne sont plus tamisés par la vapeur
d'eau atmosphérique.
On s'est naturellement beaucoup occupé
depuis à chercher les moyens d'empêcher le
lelour d'une aussi douloureuse catastrophe.
Plus de cent systèmes ont été proposés à la
société d'aérostatiou française; mais aucun ne
lui inspire de confiance. 11 avait d'abord semblé
qu'on pourrait adapter aux aéronautes l'appareil
des plongeurs. Mais jus ju'ici on n'y a pas encore
réussi. Si l'on veut enfermer l'aéionaute tout
entier, on se condamne à construire un îippareil
d"nn poids énorme, puisqu'il faut le rendre
capable de résister à la pression atmosphérique,
dont la force est si grande ; à quoi il fautajouter
que l'aéronaute, devenu prisonnier, ne peut
plus guère se livrer aux observations scientifi-
<}ucs. Si on lui enferme .«ieulement la tête, la
décompression dans laquelle se trouverait le
reste du corps y ferait promptement affluer le
sang et toutes les autres parties liquides dt la
tête. Autant vaudrait la lui couper tout de suite.
En présence de ces difficultés, M. Faye a pro-
posé à l'Académie des sciences, qn'i! fallait
exiger des aéronautes, au moins pour le moment,
l'engagement de ne pas franchir l'altitude de
7,0U0 mètres, la dernière qui soit reconnue
supportable. Cette conduite parait d'autant plus
raisonnable à tenir que les aéronautes, en s'éle-
vant plus haut, exposent gratuitement leur vie,
puisipi'alors, même en évitant la mort, ils se
trouvent dans l'impossibilité de faire aucune
élude sérieuse.
3. L'approche des vendanges donne de l'actua-
lité à ce q le nous voulons dire encore. Si le
bon Dieu nous envoie du \iii, il convient de ne
pas l'empoisonner. C'est cependant ce que font
beaucoup de personnes, eu rinçant leurs bou-
teilles avec de la grenaille de plomb. Un chi-
miste distingué, M. Fordos, a constaté que ce
mode de rinçage dépose sur la paioi intérieure
du verre une imperceptible couche de céruse,
qui se dissout dans le via qu'on y met ensuite.
M. Fordos a analysé des vins qui n'avaient sé-
journé que deux jours seulement dans des bon-
teiUes ainsi rincées, et il les a trouvés chargés
d'une quantité notable d' sel de plomb. Le
danger est bien plus grand lorsqu'il reste des
grains de plomb, ce qui n'est pas rare, engagés
dans le pli du lond des bouteilles. C'est de là que
viennent la jdnpart de ces maux d'entrailles,
dont ou cherche bien loin la cause.
LA SEMAINE DU CLERGE
138»
Pour éviter ce grave inconvénient, M. Fordos
remplace la grenaille de plomb par une ckaiue
flexible il'acicr, ou mieux par de la grenaille de
fer, qu'on obticut en coupant du gros fil de fer
en petits iiouts d'un demi- centimètre. Par ce
dernier procéilé, les bouteilles sont mieux et
plus lapideaiHiit nettoyées qu'avec de la gre-
naille deplomo. b.1 s'il reste dans la bouteille un
peu d'oxyde de 1er ou même quelque grenaille,
cela n'a aucun inconvénient pour la santé et
n'altèic ni la couleur ni la qualité du vin. Si
tontelois il s'agit de vin blanc, et qu'on veuille
en conserver la couleur absolument intacte, on
remplace la grenaille de fer par de la grenaille
d'étain, celle-ci n'ayant d'autre inconvénient que
d'être un peu plus chère.
Pour empêcher l'oxydation de la grenaille de
fer lorsqu'on ne s'en sert pas, on la met dans
une bouteille pleine d'eau et bien bouchée. La
conservation ?<■ l'ait mieux encore si l'on ajoute
à l'eau un peu de carbonate de soude.
C'est l'occasion d'ajouter que l'usage d'usten-
siles de plomb, pour la cuisine, est toujours un
peu dangereux; au moins lorsqu'ils sont neufs
ou nettoyés à vif, car alors ils sont jibis sensibles
et s'oxydent plus aisément. 11 en est de même
des tuyaux de plomb qui servent à eon<luire
l'eau. Toutefois ceux-ci, après quelque temps de
service, se couvrent à leur surface intérieure
d'un enduit qui empêche l'eau de les attaquer,
et par suite de s'empoisonner, en sorte que, de
leur fait, elle est à peu près inoti'ensive. La pru-
dence veut néanmoins qu'on laisse s'écouhr celle
qui a séjourné dans les tuyaux, avant d'en
recueillir ce qu'il taut pour les besoins de l'ali-
meutation.
Les étamages avec de l'étain mélangé de plomb
«ont également, ou le comprend, mallaisants, et
{tour la même raison qui a été donnée plus haut,
ci l'on pourrait être aisément trompé par la
Iraude des étameurs. Mais il existe un moyen
très-simple de constater la présence du plomb
dans un étainage. Pour cela, on commence par
nettoyer soigneusement de tout corps gras un
endroit où l'ètamage est assez épais, puis on y
verse une goutte d'acide azotique, vulgairement
eau forte, et l'on fait un peuchautTer. Une tache
pulvérulente blanche ne tarde pas à paraître.
Alors on touche cette tache avec une petite
baguette oe verre trempée <lans une dissolution
dlodure de potassium à 5 0/0. Si la coloration
jaune qui se produit est très-légère et lavée de
gris, la proportion de plomb est minime et ne
rend pas l'éidmage insalubre ; mais si cette colo-
ration est vive, intense, c'est un signe que la
Froportion de plomb est considérable et que
étamage pourrait amener des accidents toxi-
ques. P. b'Hadtebive.
Biogra phi»
DOM GUÉRANGER
ABBÉ LE SOLESIOES.
{Sicile.)
« Cerles, quand il s'agit de l'Ecriture sainte,
des versions nouvelles, des commentaires à
publier sur ce texte divin, rien de plus sage
que la disposition souveraine du concile de
Trente, qui soumet tous les travaux de cette
nature à la censure préalable de l'évêque. Le
texte sacré est la propriété de l'Egase entière;
il n'e-t pas possible d'y rien ajouter, i,i d'en
rien retrancher. L'interprétation de cette divine
parole appartient à l'Eglise seule ; son texte
doit demeurer sous la surveillance txclusive des
évéïjues qui en doivent compte à leur troupeau
et à t.ute l'Eglise. C'est donc dans l'intérêt de
la foi que des limites ont été opposées au zèle
des [iiètres et des laïques qui veulent livrer au
imblie le résultat de leurs études sur la parole
de Dieu.
» Mais s'agit-il de traiter des diverses sciences
eccli'siaslitjiies, il est iuoui qu'on ailprétt'uJu
que l'écrivain qui publie des travaux sur de
telles matières méritât d'être accusé d'entre-
prendre sur le droit des évèques, et de se poser
pour leur donner des le(;onE. Assurément,
quanil l'autorité sacrée de l'épiscopat brille
dans l'auteur d'un livre de science ecclésias-
tique, ce livre acquiert dès lors une gravité
toute i>articulière; ainsi aimons-nous à vénérer
la qualité de pontifes dans les tirégoii'o, les
Athauase, les Chrysostome, les Auguetiu ; mais
la 'loctrine de vie n'est pas moins sûre, ni
moins lumineuse dans les Jérôme, les Bernard,
les Thomas-d'Aquin, les Bonaventure. Depuis
répo<|ue des docteurs de l'Eglise jusqu'au-
jourd'hui, le vaste champ de la science ecclé-
siastique a été cultivé par de savants hommes
en lesquels l'orthodoxie a brillé autant que
l'érudition ; la majeure partie de ces écrivains
appartient au clergé du second ordre ; mais
je ne sache pas que Bossuet ait jamais rougi
d'emprunter à leurs lumières sur la controverse,
ni que Benoît XIV ait cru abdiquer la majesté
de son trône en interrogeant tant de savants
canonistes du second ordre sur la manière dont
il devait non-seulement gouverner l'Eglise de
Bologne, comme archevêque, mais aussi régir
l'Egli.-e universelle comme Souverain Pontife.
Il Ces piinei[ies généraux sont applicables à
tout écriL'ain catholique, et je ne sais pas pour-
quoi te dernier des jjrêlres n'ea réclamerait pas
sa part. Au reste, si j'ai cru pouvoir, ù mon
tour, écrire sur la liturgie après tant et de si
illustres prêtres, les Mabillon, les Le Brun, les
Zaccaria, et cette innombrable nuée de litur-.
1390
LA SEMAINE DU CLERGÉ
gistes, je me suîs fait un devoir, dès qu'il s'est
agi de la question pratique, d'ea remeltre
exclusivement l'application à la prudence de
DOS prélats (f).
On objectait à dom Guérang.ir le respect de
l'autorité et l'on prétendait que, par égard
pour Irf ' Vendes gallicans et jansénistes du
dix-huilièine siècle, il eût du se taire ; comme
si c'était manquer de respect à la mitre que de
flétrir Photius ou de condamner Eusèbe de
Césarée. Dora Guéranger, sensible à l'objection,
déclarait (juc sou attache au Saint-Siège était
la meilleure preuve de son respect pour l'épis-
copat ; rappelait le grand nombre d'évèqucs
du dix-huitième siècle qu'il avait comblés de
louanges, les Fénelon, les Bissy, les Languet,
les Saint-Albin, les Parisière, les Fume), les
Belzunce, etc; puis, abordant l'objection de
front, opposait ces considérations qu'il repro-
duit, à cause de leur importance, dans ses
deux lettres aux archevêques de Reims et de
Toulouse. Je les reproduis moi-même ea les
abrégeant.
« Que si les faits que j'ai rapportés sont véri-
tables, il n'y a que deux partis à prendre :
les ta>re par égard pour l'èvèque défunt, ou
les publier par respect pour la vérité histo-
rique.
« Le parti du silence n'est pas praticable à une
époque où chacun sait lire, dans un temps où
des intérêts de tous genres poussent des gens
à écrire des biographies avec une minutieuse
fidélité. Pour moi, je déclare partager pleine-
ment les idées du grand cardinal Barooius, qui,
après avoir pesé les inconvénients de produire
ou de taire les mauvaises actions de certains
Pripes, jugea prudent de s'exécuter avec fran-
chise, plutôt que de laisser dire que les historiens
catholiques, dont le devoir est de démasquer
tout mal, sont indulgents pour les faiblesses
de leurs Pontifes.
« Reste donc le second parti qui consiste à
donner, dans toute sa rigueur, la vérité histo-
rique, et, certes, n'y a-t-il pas une leçon bien
précieuse à tirer de la chute ou de l'affainlisse-
ment de ces colonnes que Dieu a établies, mais
qui tieiment de lui seul leur solidité. Les deux
"Testament?, écriis pour notre instruction, nous
entretiennent, sans fausse pudeur, des préva-
rications commises sur le trône et dans le sanc-
tuaire, et l'Apocalypse débute par la critique de
sept évèques ; afin que nous sachions que la
main de Dieu conduit son peuple et que le
Seigneur se glorifie alternativement dans sa
miséricorde et sa justice.
« Je sais bien que nous avons, en France, la
prétention d'être le premier clergé du monde;
et que notre évêque, parfois critiqué de son
1. PrimUrt Utiri i Mgr IHéqui d'Orliam, p. 22.
vivant, devient, après sa mort, un bon, un saint,
un savant, un incomparable prélat. Il ne s'agit-
pas i -i de cette question oi-euse.
« Les monuments de l'histoire sont entre nos
mains ; c'est à eux seuls qu'il faut faire appel.
L'historien, surtout l'historien ecclésiastique^
n'est d'aucun diocèse, et il est d'autant plus^
lidèle serviteur de l'épiscopat qu'il est plus
attaché au Saint-Siège. La. question, je le
répète, est toute dans les faits. J'accepte, dans
l'occasion, telle controverse qu'on vouilra sur
la valeur des sources ou sur celle des faits eux-
mêmes ; mais je persiste à dire que. les églises
de ces derniers temps étant aussi bien l'Eglise
de Jésus-Christ que les églises du quatrième
siècli\ il nous faut jug^r les personnes et les
chuse^ des années récentes absolument comme
s'il s'agissait d'une époque perdue dans le loin-
tain (les âges. I)
La question préalable vidée, Guéranger se
voyait attaqué sur le fond, au nom de la foi,
au nom de la loi et au nom de la science. La
question de foi prime les autres ; c'est naturel-
lement par elle que nous commençons l'histoire
de cette controverse qui sera, comme le disait
l'abbé de Solesmes,« l'une des plus belles pages
des annales de nos églises (1).
Nous posons d'abord, comme points de repère,
quelques notes bibliographiques. La première
attaque parut en 1843, sous ce titre : L'Eglise
de France injustement flétrie, dans un ouvrage
intitulé : Institutions liturgiques, par l'arche-
vêque de Toulouse. Par lettre circulaire du
14 août 18*3, l'archevêque de Paris, Denis-
Auguste Afire recommande au clergé de soo
diocèse l'écrit de son vénérable collègue, dont
une seconde édition, où l'on remarque des
corrections importantes, fut donnée au mois
d'octobre de la même année. En 1844, fut
publiée, en réponse à cet ouvrage, la Défense
des Institutions liturgiques par dom Guéranger,
L'Examen des Inslitutiom liturgiques, [lar l'évê-
que d'Orléans, porte la date de 1846, mais avait
paru à la fin de 1845. En janvier 1846, l'èvèque
de Langres, originaire d« diocèse d'Orléans,
prenait part à la controverse par un bref et
solide opuscule, intitulé : De la question liturr
gique, où il prenait la défense de l'abbé de
Solesmes ; le mois suivant, 10 février 1846,
l'èvèque de Montauban, Jean-Marie Doney,
opinait dans le même sens, dans une lettra au
journal l'Univers. Quelques mois plus tard,
paraissait, dans un senscon'raire, VExamende
la défense des iristilutiotis liturgiques, et courte
réfutation de la lettre à M. l'ai chevéïjue de Reims^
par l'archevêque de Toulouse. Presque en même
temps, dom Guéranger reparaissait sur la
brèche et publiait, coup sur coup, en 1846 et
1. /iMl<(u(. iiluryi}., t. m, p. Tl.
LA SEMAINE DU CLERGE
4391
<847, ses trois lettres àl'évêque d'Orléans, sous
le tilre général de Nouvelle défense des institu-
tions liturgiques. V.n 184fi, paraissait un nouvel
cx.unen des Institutions liturgiques , sous ce
litre : /inflexions d'un laïque, par Philippe
Guignard. écrit piquant et tout à fait apolo-
gétique. En 1H49, Melchior Dulac de Montvert
reproduisait dans un livre intitulé : la Liturgie
romaine et les liturgies françaises, une foule de
détails historiques et stati?ques sur la question.
En 1851, l'évèque de Montauban offrait au
puhlic, sur la question liturgique^ de Nouvelles
observations ;ei en 1832, l'arch 'véque de Reims,
dans stïs Observations sur un mémoire adressé à
Vépisœpat, rendait, aux derniers adversaires de
dom Guéranger, les honneurs, un peu nar-
quois, d'une définitive sépulture. La victoire
était gagnée, il n'y avait plus qu'à en recueillir
les bénéfices et s'en assurer les avantages.
iMainlenant, pour reprendre les péripéties du
combat, nous trouvons, comme premier agres-
seur, l'archevêque de Toulouse, Paul-David-
Thérèsfi d'Astrog, depuis cardinal. Originaire
de la Provence, cousin de Portails l'Ancien,
mis en prison comme vicaire général de Paris
en liSI I, pour avoir servi d'intermédiaire à un
bref du pape, prisonnier lui-même à Fontai-
nebleau, depuis la restauration évècjue de
Perpignan, enfin archevêque de la métropole
du Midi, ce prélat était un confesseur de la foi,
un haidie administrateur, et, au demeurant un
saint homme. Uom Guéranger pense que son
écrit fut, pour une bonne part, fait par d'autres
mains que celles de l'auteur; on aurait, pour
engager le prélat dans cette entreprise malheu-
reuse, exploité ses préjugés d'éducation et ses
vieilles sym|ialhics pour la liturgie' parisienne.
Enfin, il signa le livre; il en reste, devant
l'histoire, le ré[)oudant.
Certes, le vieil évèque n'y va pas de main
morte. De sa [dume irritée, s'échappent, contre
l'abbé lie Solesmes, les notes à' imprudence, de
témérité, ti'injustice, d'absurdité, de calomnie, de
fureur, de blasphème, d'indécence et d'obscénité ;
il s'oublie même jusqu'à découvrir, dans le
style de dom Guéranger, les caractères qui font
celui d'un jeune impie. Si le vénérable paladin
s'était borné à reprocher des erreurs histori-
ques, le défaut de discernement dans l'emploi
des autorités, l'ignorance des faits ou de la
doctrine, à la bonne heure. La profession
monastique impose l'obligation d'être probe;
elle ne conière point le privilège de ne pas se
tiomper, pa. plus qu'elle ne donne l'heureux
euuui de n'être attaqué qu'à propos. Mais
accuser un abbe milré d'avoir voulu flétrir
l'église (il fallait les églises) de Fiance et
d'avoir, à cet effet, entassé les calomnies les
plus odieuses, les falsifications les plus gros*
sières, et, pour le bouquet, lui pronostiquer la
fin malheureuse de Lamennais, c'est se donner
gratuitement les torts qu'on impute à son
adversaire et lui imposer la disgracieuse néces-
sité d'une apologie. L'archevêque de Toulouse
cessait de raisonner ; il posait plutôt en exécu-
teur dus hautes œuvres de la sainte Eglise.
Sur le fond des choses, dom Guéranger
répond :
« L Dans le but de ranimer, du moins en
quelque chose, les traditions liturgiques qui ont
faibli chez nous, j'ai pris la liberté de publier
un ouvrage longuement élaboré, dans lequel
mon but est uniquement de rappeler les prin-
cipes de tous les temps, les maximes de la tra-
dition catholique sur le culie divin.
« Ces maximes sont que la liturgie doit
tendre à l'unité des formules; que cette unité
est le vœu de l'Eglise; que les Souverains
Pontifes, interprètes de la volonté de l'Eglise,
l'ont recherchée dans tous les temps ; que
l'obligation, pour les églises du Patriarche
d'Occblent, d'embrasser et de conserver la
liturgie de Rome, est incontestable.
« i\iera-t-on ces principes fondamentaux?
Ce serait donner un démenti à tous les théolo-
giens et canonistes orthodoxes et me faire
trop beau jeu dans la (]uestion.
« IL En racontant l'histoire de la liturgie,
ji! me suis trouvé amené à faire voir comment
les livres liturgiques, actuellement en usage
dans un grand nombre d'églises de France, ont
détruit l'unité de culte qui existait avant leur
fabiication; comment ils ont été rédigés con-
trairement à tous les principes admis ians tous
les temps, en matière de liturgie ; quelle part
ont prise les sectateurs de l'hérésie jansénienne
à celt ■ grande révolution qui a tant influé sur
le sort de la piété chrétienne parmi nous.
« Me trouvant, par le plau même de mon
ouvrage, dans la nécessité de traiter à fond de
la prière liturgique de toutes les Eglises,
ponvais-je passer sous silence celle de l'Eglise
actuelle de France ? N'aurais-je pas rendu
comme inutile tout mon travail, en le privant
d'une de ses principales applications? Quanta
la vigueur avec laquelle j'ai procédé, depuis
quand est-ce un crime de traiter avec énergie
la cause de l'Eglise? Ai-je d'ailleurs manqué
d'égards aux contemporains? Ai-je insulté,
comme on le dit, les prélats de nos églises?
j'en appelle à mes lecteurs. Qu'ils disent si j'ai
j imais attaqué d'autres hommes que les secta-
leui s ou les fauteurs de l'hérésie; si j'ai manqué
une occasion de relever le mérite de tant da
grands evèques, qui, au siècle dernier, se
mesurèrent, sans calcul elsans respect humain,
contre l'hydre maudite, trop souvent caressée,
ou du moins ménagée par d'autres.
tIM
LA SEMAINE DU CLERGE
« m. Enfin si, après avoir cherché par mes
cris à rompre le sommeil trop £;énéral sur la
situation liturpique, j'ai paru sniihailer et môme
prédire à la France nu retour vers I unité de la
prière romaine, ai-je accusé la lenienr ou la
prudeneo de nos évêques ? Ai-je rt'clamé la
destruction immédlale des livres actuels ? Ai-je
cherché à exciter des trouhles dans les liiocèses ?
« Je vois qu'on cherche à faire peser sur moi
celte calomnie. Heureusement, mon livre est
là, et, sur ce point comme sur bien d'autres, il
demeure lui-même la meilleure réponse à toutes
les diaUibes lancées contre lui (I). «
Ces trois points répondent au livre de l'ar-
chevêque et nous dispensent d'entrer dans les
particularités de la polémique. Nous noterons
seulement, comme plus remarquable, le pas-
sage oîi dom Guéranger prouve que l'a.iver-
saire ne pouvait même pas se réserver les bé-
néfices de son silenci' :
« Quant à croire, dit-il, que le silence gardé
par moi sur ces matières eût empêché le clergé
de s'occuper des oiigines liturgiques, ou i|ue,
du moment qu'il s'en fût occupé, on aurait pu
l'empêcher d'être choqué d'événements certains
en eux-mêmes, mais déplorables, c'est une
idée qui, malheureusement, ne se pourrait
soutenir. La trouée est faite désormais par la
science moderne dans le domaine des origines
et antiquités religieuses, et l'élude de la litur-
gie comiite maintenant parmi les accessoires
obligés de toute sciencearchéologique et esthé-
tique. Déjà l'éveil nous avait été donné du
dehors sur l'importance archilectoniqtie denos
églises. Les symboles conhés à nos anliijues
sculptures, à nos vitraux vénérables, étaient
déjà inspectés avec zèle par des étrangers, et
Térudition profane en allait exploiter le mono-
pole, avec plus d'un péril, si un rare et ma-
gnifique dévouement ne fût venu se jeter à la
traverse pour sauver notre honneur clérical. Le
comité historique des arts et monuments pour-
suit, en ce moment, avec activité, des recher-
ches intelligentes sur les couleurs liturgiques,
sur la forme des vêtements sacrés; et, tandis
que nous en sommes encore à produire pério-
diquement ces misérables vwthodes de plain-
çhant, destinées à éterniser la dégradation de
cette principale branche de la liturgie, des
sociétés savantes dissertent sur l'hi-toire, sur
les monuments et sur la réhabililation de
l'œuvre immortelle de saint Grégoire. L'élmle
des chartes et îles chroniques a fait découvrir
aux apprenli'î ;le. la science diplomatique que ■
nous avions remis à neuf les inimit de nos
messes, aussi bien que les verrières de nos
absides. Les travaux récents entrepris sur la
poésie légendaire, la nécessité de rétablir les
1. Défense dei Imlituliom lilurginun, p. 11.
textes liturgiques, cites en nature ou par allu-
sion dans tous les monuments du moyeu âge,
ont fini par faire remarquer à plus d'un homme
sérieux que les livres, dans lesquels nous chan-
tons aujourd'hui, diti'érent essentiellement de
ceux dans lesquels ou chantai' au moyen âge.
Il est naturel de vechercher la cause de cette
refonte de la prière publique qu'on croyait
inviolable ; arrêterons-nous ces investigations?
N'esl-ce pas, après tout, la plus facile des con-
frontations que celle qui peut se faire en quel-
ques minutes, par la comparaison des diverses
éditions du missel ou du bréviaire de telle ou
telle église? Mais, quand on aura fixé, au
moyen des da»es typographiques, l'époque de
l'inuovation, n'en viendra-t-on pas tout natu-
rellement à en rechercher les auteurs ? Les mo-
numents du dix-huitième siècle sont là, au
service des savants laïques aussi bien qu'au
Dôirc. Seulement, si nous ne prenions les
devants pour désavouer une entreprise con-
traire, après tout, au génie de l'Eglise catho-
lique, ne serions-nous pas, eu quelque ma-
nière, responsables des inconvenances de plus
d'un genre qui seraient proférées sur ces ma-
tières délicates? Que d'idées incomplètes I
Qu'îlle confusion d'idées et de principes I Di-
sons le mot, que de scandales au milieu d'une
pareille mêlée (1). »
(A suii'ie.) JusTH"! Févre,
protonotaire apostolique.
Variétés.
LA QUESTION OUVRIÈRE
CE OtJE L'EGUSE fait DE NOS JOURS POUR LA CLASSE
OUVRIÈRE. — ruÉClEUX EFFETS QUI EN EÉSOL-
TENT AU FOINÏ DE VUE SOCIAL.
I. Qui ne connaît, pour l'avoir lu plusieurs
fois, ce pathétique épisode du règne de Salo-
mon? Deux femmes se disputaient la propriété
d'un enfant encore au berceau : chacune pré-
tendait en être la vraie mère. L'une des deux
se trompait évidemment. Or, ce sera l'éternel
honneur du grand roi d'avoir su, en celle occa-
sion, opérer un sage discernement. Le prince
adjugea l'eufant à celle qui ne voulut pas con-
sentir à ce que l'on en lit deux part. Le refus
de cette femme était un argument péremploire
qui mettait fin au débat.
Eh bien ! souffrez que je vous le dise, appren*
tis, travailleurs de tout âge et de toute profes-
sion, c'est vous qui èles aujourd'hui cet enfant
souverainement digne d'intérêt : l'Eglise et la
Uévolution revendiquent toutes deux i'hon-
t. Béfmst, p. 36.
LA SEMAINE DU CLERGE
1393
npurde ynnsavoir afiranclii.s" lon(ps deiixaffir-
meol qii'dios vous traitent avec le mèmeiiiléièt
qu'une bonne mère traite son enfant. Mais, vu
lenrs tendances ab-olument opposées, il est
impossible (]ue toutes deux aient raison. Quelle
est donc celle à qui vous devez donner sans
crainte le doux nom de mère, et dont il vous
faiit prenjlre '-«jur guide les enseignements?
Cette question, on le comprend, a une im|ior-
tance suprême. Pour l'ouvrier, ce n'est ni plus
ni moins qu'une question de vie ou de mort :
ses intérêts les plus cliers en ce monde et en
l'autre, je dini mcm-' l'avenir de notre société,
dépendent de la solution qni lui sera donnée.
Etudions-là donc, le fl imbeaa de l'expérience
à la main, et, marchant sur l?s traces du plus
sage des rois, cherchons, avant de porter un
jugement, une preuve irrécusable à laquelle un
homme de bon sens ne puisse rien oiiposer.
H. C'est par les fruits qu'on connaît l'ariire
et qu'on peut au juste en apprécier la valeur.
A friatibm eonim cognoscefis eos. 0:t adage est
du divin M;iître. Ou ne cueille pas des raisins
sur des épines, ni des figues sur des ronces. Si
les fruits sont mauvais, il faut en conclure que
l'arbre l'est aussi, et. par conséquent, le rejeter;
si, au contraire, les fruits sont bons, l'arbre
l'est aussi, et on peut le cultiver en toute con-
Cance.
Ce principe posé, examinons de quelle nature
est l'influence morale exercée de nos jours sur
l'ouvrier, et par l'Eglise et par la Révolution.
Commençons par cette dernière.
L'influence morale des sectes révolution-
naires sur l'ouvrier peut se résumer en trois
mots : elles U\ melteul dans un élut conlinui.l
A'isolemenl , de haine et d'insuhordination à
l'égard Ae tout ce qui peut le rendre bon et
heureux.
Les sectes révolutionnaires isolent l'ouvrier
de Dieu, en l'éloignant de l'église, du prêtre et
de l'autel. L'ouvrier qui se fait leur disciple
perd bieu vile la croyance à une vie future; la
religion ne lui paraît plus i|u'unc supcrfluité,
un amusement pnur les simples ou un instru-
ment au service de l'ambition.
Les sectes révolutionnaires isolent l'ouvrier
des classes supérieures, en ne lui montrant dans
leo riches et les puissants de ce monde que des
ambil eux, avides de bien-être, et n'aspirant
qu'à sucer le sang du pauvre peuple ; elles {arri-
vent ainsi à tuer en lui tout respect, toute aflec-
tion, toute couUance à légard de ses maîtres.
Les sectes révolutionnaires isolent l'ouvrier
de ses frères les travailleurs. Qui ne sait que,
si les anciennes corporations ont été dissoutes
et leurs biens confisqués, ça été l'œuvre de la
Révolution?
Enfin, les sectes révolutiounaires isolent l'ou-
vrier des siens, en étoufTani l'espru de famille,
pour lui substituer ce que j'appellerai les ins-
tincts du cabaret.
J'ajoute : un tel isolement n'engendre pas
que (le l'indifr.'rence dans le cœur de l'ouvrier,
il y produit j.r.'sque toujours la haine et VinsU'
bnidinadon. Interrogez les ]palrnns, ceux-là
même, si vous voulez, qui faviir-isent et encou-
ragent ces sociétés secrètes, dont la mission
s-mble être d'habituer l'ouvrier à se passer de
Dieu, tous n'auront ([u'une voix pour recon-
naître, dans la classe actuelle des travailleurs,
une effroyable iniliscipline, des exigences de
plus en plus croissantes, et une tendance très-
manpiée à se débarrasser de tout joug.
Après cela, peu importe qr î les sectes se
vantent d'assurer à leurs adeptes, pour les cir-
constances critiques, le pain, le lit, le vête-
ment, de l'ouvrage, si elles commencent par
anéantir en eux la foi, la conscience, la crainte
de Dieu, la croyance à la vie futur ■, toutes ces
choses, en un mot, qui contribuent au bien-
être même matériel de l'oumer. plus que
quelques secours momentanés, otl'erts par une
in,iin froide et parcimonieuse I Quand l'ouvrier
n'a plus de frein suffisant contre le torrent des
passions, et que, d'ailleurs, il éprouve lebi'soin
de donnerle change aux ennuis qui le dévorent,
que veut-on qu'il fasse? On lui a enlevé tout
ce qui aurait pu l'arrêter sur la pente de l'abîme
el verser en son ùme le baume de la consola-
tion : il se préciiiile alors tète baissée dans
d'ignobles orgies, oii il laisse tout à la fois son
honneur, son gain de chaque jour, sa santé
même, en attendant qu'il devienne l'instru-
ment de ([uclquc vil amliitieux, et, ce qui est
plus déploralile, qu'il se per.le pour l'éternilél
Tels sont quilqurs-uns seulement des fruits
amers iju'ufl'ie aux traviilleurs l'arbre révolu-
tionnaire. Si ou taxait uics paroles d'exagéra-
tion, on montrerait par là qu'on ii,'nore le pre-
mier n;otde ce qui se passe joui uellement dans
les usines et les ateliers. Doue l'arbre est essen-
ticllemenl mauvais; ilonc la Révolution ijui a
jil.iiitc cet arbre et qui lui fournit chaque jour
son aliment, ne peut être pour l'ouvrier une
vr.iie mêie : ce n'est qu'une marâtre et encore
une marâtre de la pire espèce.
La vraie mère de l'ouviier, c'est la sainte
Ki-lise de Die^i, c'est le prêtre à tous les rangs
de la hiéraiciiie sacrée, ce sont les religieux el
les religieuses si dévoués à ses intérêts, ces
fervents laïques, qui, non contents d'ouvrir
bar bourse en sa faveur, lui ''K-lribuent le pain
de la vérité, les conseils de iicur expérience, et
liii rendent tous les services que dicte une
chai ité sincère; et cela dans l'unique but de
guérir des cœurs, déjà ulcérés peut-être par
Icà fiassions, de ramener la concorde, l'afisc-
130i
LA SESIAINE l)U CLERGE
tioD, l'obéissan'-.e là où bouillonnent déjà la
liaine et la soif de la vengeance. Au contact de
ces hommes île Dieu, sous la bienfaisante in-
fluence de l-jurs parol''s et de leurs exemples,
l'ouvrier comprend qu'il n'a pas été fait seule-
ment pour ce monde de misères, et qu'il doit
poit?r ses rej-'firds plus linut; il contracte
insensiblement i salnlaiie habitude di* travail,
de l'économie, df la pratique de ses devoirs
envers Dieu et envers ses semblables ; en recou-
rant aux moyens que la Religion met à son
service, il arrive à résister à ses instincts per-
vers; en un mot, petit à petit il devient bon,
laborieux, compatissant, réglé; il est heureux;
oui, il est heureux parce que sa conscience ne
lui reproche rien et (|ue son cœur a rencontré
le seul aliment capable de le rassasier, l'amitié
de Dieu!
111. Pour arriver à une transformation aussi
coDijlanle de la classe ouvrière, voyons un peu
comment, c'e nos jours, l'Eglise prend à tâche
de justilier ce glorienx titre de mère de l'ou-
vrier, qui lui appartient en propre et exclusi-
vement.
Se contente-t-elle de mettre en œuvre ses
moyens d'action ordinaires.: l'enseignement de
la divine parole dans la chaire de vérité, la
diffusion des livres moraux, l'intluence isolée
des bons exemples? etc.. Non. S'en tient-elle
même à quelqi'es mov-^ns extraordinaires,
comme seraient, par exemple, les prédications
faites uniquement pour l'ouvrier, le catéchisme
de persévérance, les retraites? kIC... Non
encore. De son regard maternel elle a mesuré
la profondeur des [ilaies morales de notre société
ouvrière, et ces iilaies lui ont paru te kment
graves, tellement invétérées qu'tlle a jugé les
remèdes employés, en d'autres temps, inefli-
caces et insuffisants. Alors elle s est dit : Contre
un mal extrême et nouveau, il faut un spéci-
lique exUemo et nouveau. Kssayons l'associa-
tion; par les nombreux avaniages temporels et
spirituels que l'ouvrier tmuv.'ra dans nos
œuvres, forçons-le à s'y enrôler. Sans doute,
pour établir ces œuvres, des eliorts héroïques
seront nécessaires, vu l'inditl'érence des uns et
la perversité desaulres; n'importe, essayons.
Et l'association fut essayée sous des noms et
avec des applications multiples, et le chef au-
guste de la catholicité, nosseigneurs lesévètjues
ont béni et encouragé les premiers efforts de
ceux qui ont bien voulu se dévouer; et voilà
que, après quelques années, sous les yeux
étonnés des méchauts, le sol de la patrie est
couvert d'un grand nombre d'œuvres ouvrières,
toutes maguAiiques, en pleine floraison, que
dis-jel pro.it-'sant déjà des fruits au centuple!
Sans doute, il a fallu lutter énergiqueraent et
par la parole et par la ^ilumei il a fallu donner
beaucoup de sa bourse et de sa personne ; Dieu
seul sait au prix de quels généreux sacri-
fices les vaillants défenseurs delà cause de l'ou-
vrier, tous fervents chrétiens, Sont arrivés à
faire surgir de partout des associations, et
quelle énergie de persévérance ces vaillants
joiileurs ont chaque jour besoin pour continuer
d'arracher de nouvelles proies aux serres de la
Révolution. Au nom de nos frères les travail-
leurs, qu'ils en soient à jiraais bénis!
IV, Une œuvre ouvrière catholique, en géné-
ral, n'est autre chose qu'une association formée
par des catholiques dévoués en vue de mora-
liser, disons mieux, de christianiser l'ouvrier.
Dans toute œuvre ouvrière Cgurent : 1° Les
fondateurs, c'est-à-dire les personnes chari-
tables (jui ont fourni et fournissent encore les
ressources matérielles nécessaires à son fonc-
tionnement; grâces à Dieu, on trouve encore
de ces chrétiens généreux qui, favoris s des
dons de la fortune, en consacrent une partie à
la création des œuvres ouvrières; 2° un person-
nel dirigeant, qui, sans aucun autre motif que
celui de l'intérêt bien compris du travailleur,
organisent l'œuvre et la font marcher ; 3° des
ouvriers ou des enfants d'ouvriers sur lesquels
s'exerce l'influence des directeurs.
Les ressources matérielles d'une œuvre se
composent des dons gratuits, meubles ou im-
meubles, qui lui sont faits, des cotisations pério-
diques (les membres titulaires ou honoraires;
des quêtes qui ont lieu le jour d'une fêle ou
après un sermon, etc.
Des œuvres de ce genre, je le répète, existent
dans presque toutes nos grandes et nos petites
cités; elles se diversifient suivant les besoins à
satisfaire et l'âge des personnes auxquelles
elles s'adressent ; mais elles ont toutes le même
but, savoir : préserver ou lelirer l'ouvrier du
vice et en faire, non pas seulement un honnête
homme, mais un chrétien fortement convaincu
et pratiquant.
Au mois d'août 1874, M. Camille Rémont,
avocat à Paris, membre du Bureau central,
siguidait, au congrès de Lyon, l'existence, en
France, de 972 œuvres de charité en pleine
activité. Il e-t vrai qu'il faut défalquer celles
qui ne sont pas précisément établies en faveur
de l'ouvrier, co.nme les cercles de militait 'S et
de marins. Néanmoins, la majeure partie de
ces œuvres coucerne la classe si intéressante
dont nous nous occupons,
(A suivre.) L'abné Garnier,
curé de BelmoQt.
Tome TI, — N» 46. — Troisième année.
8 septembre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÈmE HODIlLÉTiQUE SUR L'ÉVANGILE
DU XVII* DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE
(Malth., xxn, 34-46.)
\ . Quel est le grand commandement de la loi?
Cette question est posée au divin M.ùtre pour
le tenter. Tout est grand, tout a sou importance
dans la loi de Dieu ; et quelle que soit la ré-
ponse de Jésus, ses adversaires comptent trou-
ver à y reprendre. Interrogat quod ni primum
tnandatiim magnumgne; ut rum omniu qnœ Deus
mandauerit maijna suit, quicquid Me respondeat,
eccasionem habeat calumniandi (l). Mais la sa-
gesse infinie déjoue cette ruse, en indiquant,
comme le premier des préceptes, celui qui ren-
ferme tous les autres, et elle rapj elle aux Juifs
endurcis cette loi fondamentale de l'amour de
Dieu, promulguée dès l'origine, et qu'ilsavaicnt,
hélas! fi peu comme. Le grand coramande-
men .n'est pas de craindre le Seigneur, c'est de
l'aimer. Diligcre mnjus est quam timei'e. Dieu
ne veut pas de nous la crainte servile de l'es-
clave, mais l'amour respectueux et tendre de
l'enfant. Non vult Deus ut timealw serviliter ah
hominibus quasi dominus, sed ut diligntur quasi
pater (2). Il est dans notre nature d'aimer ce
qui est beau et ce qui est bon ; or. Dieu étant
la souveraine beauté et la souveraine bonli',
doit être aimé souverainement. Dieu s'est ré-
vélé dans ses œuvres, et toutes les merveilles
qu>! nous y admirons nous commandent aus'^i
de l'aimer. Et puis, ne savons-nous pas que
toutes ces merveilles ont été créées pour nous?
Il nous la donné tout ce que nous sommes et
tout ce que nous avons, il nous conserve ce
qu'il nous a donné si libéralement et si gra-
tuitement; et après que nous avons tout peiilu
en alnisant de ses dons contre lui même, il
nous le rend par une miséricorde incompré-
bensible. Sortis de ses mains, rachetés par son
sang, sanctifiés par sa grâce, destinés à sa
gloire, pourrions nous ne pas l'aimer? D'autant
plus que notre bonheur même ici -bas dépend
de la manière dont nous aimons'Dieu. « Qu'est-
ce que le bonheur, sinon l'amour? Et .[u'est-
ce que le bonheur infini, sinon un amour sans
bornes? 11 faut donc à notre cœur un objet in-
fini, il faut Dieu : rien de créé ne saurait le satis-
1. Hieroii in Jlatth.
2. Clir^si/st. in Uallh. op. itKptrf
faire jamais. Que me veut le monde? Qu'ai-je
besoin de lui? Que peut-il me donner? Mon
cœur est plus graml que tous ses biens et Dieu
Stiul est plus grand que mon cœur {{). Dieu seul
donc, Dieu seul, maintenant et toujours; éter-
nellement Dieu seul (2).
11 faut aimer Dieu, il faut l'aimer pour lui-
même, et la mesure de l'aimer, c'est de l'aimer
sans mesure (3). fous aimerez le Seigneur votre
Dieu de tout votre cœur, de toute votre dme, de
tout votre esprit, c'est-à-dire qri'il n'y a rien en
vous (]ui ne doive être à Dieu, votre cœur avec
tontes ses affections, votre âme avec toutes ses
puissances, votre esprit avec toutes ses pen-
sées. Sur celte terre d'épreuves il manquera
toujours quelque chose à l'entier accomplisse-
ment de ce précepte souverain ; jamais ici-bas
nous n'arriverons à l'amour parfait. Mais notre
devoir est de travailler à faire continuellemeat
des progrès dans la piété ; car la piété c'est
l'amour ; Dieu, qui aime et qui veut être aimé,
demande que nous tendions incessamment vers
lui, et notre cœur que veut-il, si ce n'est le repos
dans l'amour? et les vicissitudes de ce monde
éphémère, nos faiblesses, nos misères, nos in-
constances, tout nous prouve qu'il n'y a de
repos qu'en Dieu. Aimons donc (e Dieu de notre
cœur ; aimons-le dans les ombres ([ui nous le
cachent, et qu'au-del.i de ces ombres notre
amour s'élance. Sitivit anima mea ad te, Deus.
Qiiis milà dahit pvnnas et volaho et requiescam (4).
A ce premier commandement s'en ajoute un
secoiiA, qui lui est semblable et qui en est l'io-
dispensable corollaire : l'ous aimerez le prochain
comme vous-même. Nous devons nous aimer d'un
amour cjui se rapporte à Dieu : si nous aimons
en nous ce que Dieu n'aime pas; si nous flat-
tons nos passions mauvaises, si nous caressons
en nous des penchants honteux, en un mot si
nous aimons l'iniquité, nous ne nous aimons
pas nous-mêmes : qui diligit iniquitalem, odit
unimam suum (5). Or, ce n'est pas ainsi que nous
devons aimer le piochain ; nous devons l'aimer
pour Dieu seul ; s'il est juste et aime Dieu,
aimons-le parce qu'il ressemble i .^ieu, comme
on aime, avec tendresse et respect, un
enfant digne d'un bon père ; s'il marche dans
1 . Joun. ni, 20.
2. Lamennais, Héflex. sur t'imllal.
3. Bernard. De dUigendo Dio. c. XI.
4. Ps. XLI et Liv.
5. PS. X.
liOO
LA SEMAINE DU CLERGE
les voies mauvaises, eiitoiiroii?-lc de toutes les
sollicitudes de l'amour compatifsant, aimons-lc
pour ramener à l'amour de Dieu. Qui uvtim
aniat liomirie% 'tut quia jusli sunl, iwlutjusti
sint, amare d'oel: sic enim et sci/ifvm omare
debel, aul qvut jusius est, aut ut justus sil : sic
enim dilii/it proxinnmi sicut sei/mim siue veri-
culo{\). (Juifquis recle proximum diligit, hoc
cum eo débet agere ut etiam ipse tolo corde diligat
Deum (2).
C'est à ces deux commandements qne se mppor-
teni la loi et les prophètes. Les troispremiers pré-
ceptes du décalopne di'vcloppent les règles de
l'amour euvers Dieu^ et les sept autres, les obli-
gations envers le proibain : Prcrcepta quidcin
primœ tabulœ ad dilectionem proxiini {\i). Lespro-
y)/ii?/es, avec leurs instruetions sublimes, se ratta-
chent aussi à ces deux préceptes, car les pro-
phètes du l'ancienne loi, comme ceux de la nou-
velle, ne parlent que pour prêcher l'amour-de
Dieu et du prochain. Le salut et le bonheur des
individus et des sociétés est doue uniquement
dans la fidélité h ces deux grands | réceptcs. Il
n'y a ni salut, nibonheureudehors de la veilu;
or, (ouïes les vertus se trouvent renfermées
dans l'amour de Dieu et du prochain; caria
vertu n'est autre chose que l'nmour de ce qu'il
faut aimer. Ajoutons que la société i:c peut sub-
sister heureuse qne sur le fondement de l'union
des ereurs; et celle union n'est pos.-^ib'e qu«
lorsqu'on aime le bien commun à tous, c'est-à-
dire Dieu, le seul bien véritable, et lorsipic les
bommes s'aiment ks uns les autres eu Celui
qui les unit.
II. Aux pharisiens réduits au silence, Jé;u.5-
Chrisl, à son tour, va poser une qursiion: Que
pensez-vous touchant le Christ? De qui est-il fils?
Il ne propose pas cette question par raiiport à
lui-même, mais du Christ en général, parce qu'il
voulait ménager leur faiblesse.
Les pharisiens répondentquele Christ doit être
fils de David, et, en cela, iU sont dans la vérité.
Mais, ignorant le mystère de rincaruation^ilsne
voyaient, dans le iMcssie^ qu'une créature mor-
telle, et c'isl pourquoi le divin Jlaitre leur fait
voir qu'il y a dans le Christ deux natures, la
uature humaine, par laquelle il est fils de David
selon la chair, et la nature divine, que le pro-
phète inspiré adore en l'apiielant son Seigneur,
deux natures hyposlatiquemenl unies clans la
personne de Celui que le Très-Haut traite d'égal
à égil et à qui il a dit : Assei/ez-vous à ma droUe.
Enfants de la foi, nous conn^dssons et nous
croyons ce dogme fondamental que les Juifs
ignoraient. Oui, Seicneur .lésiis. nous confe.,-
Bons que vous êtes le Chiist, lils du Dieu vivant;
1. Aug. de Trinilate, Iract. VIH. S,
2, Id. de Docirina dir. I, 22.
t. RabaD. iu Caten, aur.
nous vous adorons à la droite de votre Père:
comme Dieu, vous y êtes assis éternellement;
comme homme, vonsy régnez '^-puis votre glo-
rieuse ascension ; vous y triomphez dans vos
saints; vous y triomphez aussi dans vos ennemi?
qui viennent vous servir de marche-pied. Vous
y triompherez [deinement, lorsque, jugeant les vi-
vants et les morts, vous aurez rendu justice à
chacun.
L'ahhé Hetiman,
curû (Je le^iubert.
THÈr^E HOf^.ILÉTiQUE SUR L'ÉVANGILE
BU XVIII= IiIMA>XIlE APr^ÈS lA PEXTECOTE.
(Mattli. IX. 1-8.)
I. Et Jésus, montant sur une barque, passa le
lac et vint dans sa ville. Cette ville, c'était
Caphiirnaum. I/Evanirélisle l'appelle la ville de
Jésus, parce que le divin Maître se plaisait à y
habiter. Là, si voix était aimée, ses miracles
bénis, les ingrats moin? nombreux qu'ailleurs;
et Jésus, qui avait trouvé des peuples rebelles à
sa parole, revenait avec bonheur à Capharnaum.
C'est toujours ainsi qu'il agit : là où on l'écoute,
là où on l'aime, où on observe sa loi, où l'on
porte son joug avec bonheur, Jésus réside, et
avec lui, la grâce, la lumière, la force et la paix.
A peine le Sauveur est-il arrivé qu'on lui
apporte les malades à guérir, et voilà que, devant
lui, on dépose un paralytique, étendu dans son
lit. Admirons la foi de ces hommes qui amonens
à Jésus un de leurs frères malade. Sans doute,
pour le guérir, ils ont essayé déjà tous les
moyens humains; mais la science a été impuis-
sante; alors ils se sont tournés vers Dieu. Imi-
tons-les, ne négligeons pas les ressources de la
terre, je le veux bien : mais n'oublions jamais
d'appeler le Ciel à notre aide. Dau? les maladict
du corps, et surtout dans les maladies de l'âme,
dans nos afflictions, dans nos embarras et nos
inquiétudes, allons à Jésus, le médecin de
toutes les douleurs, le Dieu de toute consolation.
Faisons de même pour nos frères malheureux :
s'il est un cœur noyé dans i'amirtume, s'il est
une,àmequeladouleurou lepécbéont paralysée,
par nos saints exemples, nos pieuses paroles,
nos ferventes prières, amenons-les doucement
aux pieds de Jésus-Christ. Si oauvres paraly-
tiques, ils ne peuvent plus s'y traieer, portons-
les; Jésus uerra notre joi, et il leur dira, comme
au paralytique de l'Evangile : Mon fils, ayez con-
/iaucr, vos péchés vous seront remis. Pauvre
pécheur, prends courage; il y a, quelque part,
d^iiis un coin ignoré de la terre, un cœur qui
s'immole pour obtenir ton ]iaidon;il y a de»
maius pures, qui déposent ton ùme au pied da
LA SEMAINE DU CLERGE
liOJ
taberîiacle; et, gràcfià cotte immolation oarhée,
à ces prif'u-es sileuùeuses, tu seras réconcilié
avec le Ciel.
Voyez le paralytique aux pieils de Jésus : c'est
un pauvre malade, c'est un pécheur, et le Dieu
trois fois saint l'appelle son fils! Il n'a rien dit, il
s'est scnlem''nt laissé conduire; pour Jésus, c'est
assez; il lui remd ses péchés. Le corps, chez le
^-aralylique, était malade; mais l'àme l'était
plus encore; et, comu'.e l'àme est plus précieuse
que le corps, c'ct par la guérisou de l'âme que
le divin Médecin cummence. Quand Uieu nous
envoie la maladie, elle est souvent une punition
du péclié, et toujours un avertisfcmcnt. Prenons
garde de ne pas en profiter : dans les loisirs que
nous laisse la soufirance, arrélons un regard
sérieux sur l'élat de notre àme; que notre
maladie soit mortelle ou non, notre premier
soin doit être de nous confesser, alin d'être prêt
à tout événement. La tranquillité de la cons-
cience, la paix du cœur hâteront la a;uérison du
corps. C'estuue vérité d'expérience, cette douce
parole : Mon fils, oifz confiance, vos péchés vous
sont rfmk est souvent un remède eificace contre
les souffrances les pins aiiçuë-î.
H. Malheureusement les vérités les plus con-
solantes ne réussissent pas toujours à rappro-
cher de la voie droite les esprits orgueilleux. A
côté de ces hommes simples et bons qui ont
amené le paralytique à Jésus-Christ, il y a des
scribes et des pharisiens, qui se posent comme
les surveillants du Messie, déiidés à conti61<T
ses enseignements et se-s actes. Mais Jésus ne
s'inquiète pas de leur pri'senie, et leur mali-
gnité ne l'umpéche pas de passer eu faisant le
bien. A peine a-t il prononcé cette parole: Vos
péchés vous sont remis, (jue ces pervers se disent
en eux-mêmes : Cet homme blasphème. Hecou-
naissez ici cette chose hideuse qu'on appelle le
jugement téméraire : il y a, de par le monde,
des gens d'un uaturel tellement mauvais, (pi'ils
ne semblent occupés qu'à épier le procliain.
Us ont l'esprit et le cœur tellement gâtés que
les paroles les plus innocentes, les actes les plus
simples, les iuleutious les plus pures ne sont à
leurs yeux que méchanceté, corruption, hy[io-
crisie; ils voieut le mal partout, parce qu'il est
dans leur cœur. Semblables à certains malades,
pour lesquels tous les objets sont de la même
couleur, ils croient tous les hommes pervertis
■parce qu'ils les jugent d'après eux-mêmes.
Egoïstes, corrompus et meuleurs, ils supposent
que tout le monde leur ressemble. Pour vous,
a dit le Maitre, ne jugez pas, afin que vous ne
soyez pas jugés.
Les pharisiens 0^.1 jugé témérairement Jésus-
Christ en doutant de sa divinité, et Jésus-Christ
leur prouve (ju'il est Dieu, eu leur montrant
qu'il u lu dans leur cœur. Pourquoi, leur dit-il.
pensez-vous le mal dans vos cœurs? Toujours
en faci' du Dieu qui sonde les cœurs, apprenons
à régler nos pensées, afin qu'elles soient tou-
jours dignes de Celui qui en connaît les secrètes
profondeurs.
III. Cependant le fils de Dion, pour confondre
l'orgueil des pharisiens et leur prouver que la
guérison de l'àme ne lui est pas plus dilficile
que la guérison du corps, s'adresse au para-
lytiipie et lui dit: Lèoetoi, emporte ton Ut et
retourne en ta maison, et le paralytique se leva et
s'en alla.
Et cela fut fait afin qu'on sache que le Fils de
l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les
péchés. Ce n'est (]ue sur la terre, pendant les
jours du pèlerinage, que les péchés peuvent
être pardonnes. Au-delà du tombeau, il n'y a
plus de pardon. C'est donc une folie île compler
sur l'avenir pour rentrer en grâce avec Dieu.
D'un moment à l'autre, la terre peut maui[uer
sous nos pas, et nous seront jetés aux pieds de
Jésus-Christ, non plus pour entendre la parole
du [)arilon, mais le terrible arrêt d'un juL'utneut
sans miséricorde. Profitons de la grâce pendant
qu'elle nous est accordée; et, comme la foule
ravie de Capliarnaum, bénissons le Seigneur
qui a donné à des hommes l'incomparable
puissance de nous tirer de l'enfer et de nous
ouvrir le ciel. Comme le paralytique guéri, le-
vons-nous aussitôt et emportons notre lit; c'est-
à-dire montrons par notre vigueur à porter les
crnix de la vie et le poids de ce misérable corps,
qui est comme le lit de notre àme, montrons
que l'absolution a lait de nous des hommes
forts ; et, sans nous arrêter ni aux charmes, ni
aux dangers de la route, allons dans notre
maison, la maison de notre Père céleste, la
maison de notre éternité. Pour nous y assurer
une place, aimons la vie intérieure, la vie re-
cueillie, évitons de uous répandre au dehors, et
soyons tldêles à demeurer dans cette maison,
qui est l'Eglise : c'est là que l'on trouve la per-
sévérance et le salut. Sugere est animam a car-
noiibus desideriis abstrahere; leclum tolk-re, est
curnem a tcrreuis desidcriis advotuntatem spiritus
attollere ; domum ire, est ad Faradisum redire, vel
ad internamsuicustodianineiterumpeccel (Ij.
L'abb'^ Heuman.
curé de Fe-stuberU'
INSTRUCTIONS FAMIUÈHES
SUR LE SYMBOLE DES APOTRES
(54°" lustruclion.^
Vie éternelle ; idée du bonheur des saints.
Texte. Credo... vitam œternam. Je crois la vi«-
cternelle.
1. Kabau, ' ■. Caten. *ur.
1402
LA SEMAINE DU CLERGÉ
ExORCE. Mes frères, un poëte chrétien, con-.
templant le ciel, s'écriait :
Oh ! mille fois lieureus, n'importe en quelle peine.
Ou loué sur le troua, ou courbé sous la croix,
E-iIave fous les coups, ou captif sous la chaîne,
Cflui qui, le fronl haut, peut s'écrier: Je crois 1...
Je crois 1 Au fond du cïur l'espérance me reste ;
Je ne suis ici-bas que l'hôte d'un instant ;
Aux dési^^: de mon cœur si la terre est funeste,
J'aurai mjins de regrets demain en la quiitant...
Frères bien aimés, souvent nous entendons
des impies blasphémer Dieu et même le mou-
dire, lors ju'il leur arrive quel jue peine, quand
une; prèle ou tout autre fliîau vient compro-
mettre le fruit de leurs travaux... Que voulez-
vous, ils n'ont pas la foi ; ils ne comprennent
pas que ce sont leurs jéchés qui, souvent, at-
tirent sur la terre ces châtiments de Dieu...
Mais les justes eux-mêmes ne sont pointexempts
de ces peines, et vraiment, sans la croyance à
ia vie éternelle, tout ce que nous voyons sur
celle terre serait parfois, pour nous, uue énigme,
une chose inexplicable... Comment compiendre,
en effet, tant d'inégalités choquantes; d'opu-
lents libertins, s'engraissaut du sel de la terre,
nageant dans l'abondance et les délices; d'ho-
iiètes ouvriers, ne recueillant de leur travail
que la misère et des infirmilés?... Ici des âmes
pieuses, éprouvées par de dures et cruelles
maladies ; à côté, drs indifférents, des iucréiliiles
auxquels tout semble réussir; Louis XVI, le
modèle des bons rois, portant sa tète sur l'écha-
faud; le cruel Henri VIII, roi d'Angleterre,
sorte de monstre conronné, expirant tranquille-
ment sur sa couche royale... Ce serait à n'y
rien cnmproudre ; mais, avec la vie éternelle,
tout s'expliiiue. Justes, prenez courage ; les
épreuves de la vie bien supportées ne seront
pas pour vous sans mérite. Au milieu des souf-
frances, fleurissent des couronnes immortelles
qui orneront vos fronts dans la patrie des
âmes; ne portez donc point envie an bonheur
dont les impies ou les mécréants semblent jouir
sur cette terre. Nous avons dit, dans notre der-
nière instruction, quel était, pour l'éternité, le
sort du mauvais riche; c'est celui qui les at-
tend...
I'roposition. — C'est, mes frères, de cette
vie éternelle, pour lacpielle nous avons été créés,
où doivent aboutir tons nos travaux, qui doit
être l'objet de nos pensées et de nos désirs, que
je veux vous parler aujourd'hui... Et comment
vous en donner un» vlée? L'apôtre saint Paul,
revenu d'une extase pendait laquelle il avait
été ravi jusque dans le troisième ciel, disait :
« L'œil de 1 homme n'a point vu, son intelli-
gence ne saurait comprendre, sa langue ne peut
exprimer la félicité, le trésor de ciélices que
Dieu a préparcs pour les élus (I)...
1. I. Cormth. u-9.
Division. — Pour nous former une idée de la
vie éternelle, du bonheur que Dieu garde à ses
saints, nous allons : Premièrement, employer
quelques comparaisons puis, en second lieu,
nous essayerons d'accompagner une âme à son
entrée dans le ciel.
Première partie. — Le ciel, c'est un séjour où
l'on est exempt d'! tous les maux et oii l'on pos-
sède tous les biens. Sur cette terre, que de
misères!.. Notre corps est exposé aux fatigues,
anx douleurs, aux intirmités. Ici, c'est la pau-
vreté avec ses privations et ses augoi-ses; là,
ce sont des malheurs inattendu?, des pertes,
des revers .. Faut-il vous parler de ces haines,
de ces jalousies, de ces persécutions, ouvertes
ou cachées, qui viennent attrister l'àme ? Est-il
rare, dites-moi, de trouver ici-bas des amis qui
vous trompent, des parents qui vous haïssent
et même des enfants dénaturés?.. Puis ces oscil-
lations de l'àme entre le bien et le mal, ces
rechutes décourageantes, cette incertitude où
nous sommes de notre sort éternel, ne sout-ce
pas là encore des maux presque iDséparabbs de
kl vie ? Entiu, la mort, dont l'heure est incer-
taine, et qui cependant plane sur chacune de
nos heures, comme un spectre sinistre toujours
prêt à nous entraîner, n'est-ce pas un sujet
continuel de crainte qui nous empêche de pou-
voir goûter ici-bas un bonheur pur et sans mé-
lange (1) ?... Au ciel plus de douleur, plus d'an-
goisses, plus de mort à craindre ; c'est l'exemp-
tion de tous les maux.. .
Mais non-seulement la vie éternelle est
l'exemption de tous les maux, c'est la réunion
de tous les biens. Avez-vous jamais contemplé,
pendant quelques minutes, la beaulé, \\ s[)len-
deur de cet univers que nous liibitons? Voyez
donc la magniticeuce de celte voûte azurée
que Dieu a étendue sur nos tètes. La nuit, des
myriades d'éioiles. qui brillent comme autant
de diamants, semblent clouées à sa surface ; au
milieu d'elles, la lune se promène majestueuse-
ment comme une reine au milieu de ses filles
d'honneur... Le jour, le soleil l'inonde des flols
de sa lumière; qu'ils sont beaux ces nuages
dont SI lumière dore la bordure frangée !..
Abais-ez maintenant vos regards sur la terre.
Contemplez ces moissons qui jaunissent, ces
arbres au feuillage si divers, aux fruits si variés,
hcoutez le bruissement majestueux des vents à
travers les chênes et les pins, le chant de l'a-
louette entonnant gaîment son hymne du matin;
puis ce gazouillement harmonieux de milliers
d'oiseaux au plumage si brillant, au vol si
b'ger. l'encliez-vous pour respirer les parfums
du toutes ces fleurs dont la terre est émaillée
comme un riche parterre. Quel admirable spec-
t. Conf. s. Augustin, ètédilalioru. Tom. X7JI, p. 596.
Edition Vives.
fuA SEMAINE ,ÎU awiGE
uo$
tacle... Que ce monde est beau ! Comme on s'y
plairait, si l'on pouvait y vivre exempt de tous
les maux, si le priiilem[is devait être perpétuel
et si l'éternité pouvait se trouver i'i bas !...
Pourtant, fièrci bien aimés, ce n'est rien à
côté du pabis que Uicu nous a préparé, ce n'est
rien en comporaison de la demeure qui nous
attend là-haut. Alil du moins, que ce spectacle
erve à élever nos cœurs 1 Disons-nous à nous-
-mêmes : Si cette terre, qui n'est qu'un lieu de
passage, est déjà si belle, quelle doit être la ma-
gnificence du séjour qui nous attend à l'arrivée!
Si ce monde, qui n'est qu'une prison, me semble
si merveilleux, que doit être l'appartement royal
qui m'est destiné !.. Là-haut, plussplendide sera
la voûte du ciel : Jésus, le soleil de justice, l'illu-
minera de ses rayons ; Marie l'éclairera de sa
douce lumière ; les anf^es et les saints seront les
étoiles qui l'orneront... Quel bonheur, quelle joie
d'entendre pendant l'éternité les harmonies di»
vines, de courir à l'odeur des parfums de Jésus,
de savourer, comme un miel divin, la douceur de
son amour! 0 terre, ô monde 1 quelle que soit la
splendeur avec laquelle la Providence vous ait
ornés, que vous me paraissez peu de chose,
quand je vous compare à la vie éternelle 1...
Je pourrais, mes frères, employer beaucoup
d'autres comparaisons; vous dire que le ciel
ressemble à un somptueux festin, à uu empire
florissant, à des noces [ileines d'allégresse ; nuis
que seraient toutes ces comparaisons? Non, l'œil
de l'homme n'a point vu, son oreille n'a point
entendu, son intelligence ne saurait comprendre
les trésors de bonheur que Dieu prépare à ses
élus...
Seconde partie. — Essayons, pour mieux com-
prendre ce que c'est que la vie éternelle, de
suivre une âme à sou entrée dans le ciel. Com-
mençons d'abord par une histoire, de laquelle
nous tirerons une comparaison. Un empereur
grec, nommé Isaac Commène, ayant été fait pri-
sonnier pendant une révolte de ses sujets, fut
plongé dans uu cachot obscur et ténébreux.
Livré à de barbares geôliers, chaque jour il était
soumis à de nouvelles avanies, à de cruels
outrages. On lui refusait jusqu'au vêtement; la
vermine le dévorait ; de lourdes chaînes char-
geaient ses membres. Ses ennemis lui mesu-
raient avec avarice le pain noir dont ils le
nourrissaient ; chaque soir des bandes de furieux
rôdaient autour de son cachot en demandant sa
mort... Tout à coup les cris deviennent plus
violents, des pas tumultueux se font entendre
dans les longs corridors delà prison ; ils appro-
chent; les portes du cay^aot crient sur leurs
gonds rouilles t. .. Pauvre empereur, sans doute
ta dernière heure a sonné ; ce sont des meur-
trieriqui s'avancent!... Isaac se laisse tomber
a^ec désespoir sur la paille qui lui sert de lit;
déjà il présente sa gorge aux poignards... Mais,
ô surprise! ses fers sont brisés ; ceux qu'il avait
cru des assassins sont des libérateurs- On l'em-
porte en triomphe ; son rival est vamcu, et lui-
même est replacé sur le trône au milieu des
acclamations d un peuple entier...
Frères bien aimés, la joie de ce prince, échan-
geant le cachot contre un trône, passant des
privations de la prison aux douceurs de l'empire,
n'est rien comparée à ce qu'éprouve une âme
quittant celte terre pour la vie éternelle. Com-
ment vous peindre sa joie, son bonheur, son
ravissement?... Celte vie d'ici-bas pleine de
douleurs, de fatigues, de privations et de larmes,
elle la quitte pour retrouver au sein de sa nou-
velle patrie un calme, une paix, une félicité
immenses... Ses derniers moments ont été cruels;
que de transes, que de frayeurs au moment de la
mort ! Elle a laissé sur un lit, témoin de ses
luttes suprême?, un corps amaigri par la mala-
die, défiguré par la soutirance, et voici qu'à ses
frayeurs succède une douce sécurité, à ses dou-
leurs, des joies; à ses souflrances, un bonheur
inaltérable... Conduite par son ange gardien,
jugée avec miséricorde au tribunal de Jésus,
elle s'avance, elle monte par-de-là les sphères
étoilées !... Ame heureuse, nous allons te >uivre,
el puisse un jour notre bouheur ressembler i
ton bouheur !...
La voyez-vous dépassant le firmament et ar-
rivant sur ces frontières de la vie éternelle?
Quelle clarté 1 quelle lumière! quelle douceur I
quels parfums!... Comme tout annonce l'ap-
proche du paradis !.. Le voilà donc, ce délicieux
séjour, cet océan de délices! Elle commence à
voir ce que l'œil n'a point vu!... Aux portes
sont accourus, pour la recevoir, ses bien aimés
patrons, les saints pour lesquels elle eut une
dévotion spéciale; puis j'aperçois son père, sa
mère, ses aïeux qui viennent à sa rencontre ;
quels tendres embrassements 1 « Père chéri,
tendre mère, s'écrie-t-ellc ; sur la terre vous étiez
mes soutiens; que de larmes j'ai versées à votre
mort; maisje suis consolée, je vous retrouve en
Dieu ; oh ! laissez-moi vous embrasser avec ten-
dresse ; voici que nous allons èlre réunis pour
toujours... » Puis viennent les âmes que, par
ses prières, elle a tirées des flammes du purga-
toire : elles s'empressent à lui faire un cortège
d'honneur. Elle s'avance encore, et plus elle
monte, plus elle voit croître la majesté, la
pompe, la gloire de ce magnifique séjour. Son
œil ébloui contemple un spectacle dont rien ici-
bas ne saurait nous donner une idée; ses oreilles
sont inondées d'une harmonie divine; les odeur»
les plus suaves réjouissent son odorat I...
Ame bienheureuse, que penses tu du bonheur
des élus, de leur beauté, des jouissances qui
vont devenir ton partage? N'est-ce pas, les e;i-
<40i
LA SEMAINE DU CLERGE
scipucuTicnls <le la foi no t'oi\t point trompée ; tu
nV'siiérais pas une si maguilique récompense!...
Alais, au lien de nous répoudre, je la vois déjà
baignée dans le iionhour, s'avançant jusqu'au
pied de la Vierge Marie... Oh ! quelle est belle
dans sa m;iji ?tc, l'augusle Mère de Jésus, la
reine glorieuse des prédestinés ! qui pourra
redire la joie dont une ùme est inondée en
voj-ant cette majeslueuse priucesse, si belle, si
aimalde. si tendre, si p^ratieuse, accueillant avec
uu doux sourire et pressant sur son cœur 1 ame
qui lui fut dévouée (I) : « Te voilà, ma chère
enfant, je suis lieurouss de te voir ici avec moi
pour toute l'éternité !.. » Puis la Vierge après
avoir béni celte àme sainte, va elle-même la
présenter à son Fils. Dou.k cœur de Jésus, c'est
alors que l'on comprend votre bc.iulé, et la ten-
dresse immense avec laquelle vous nous avez
aimés. Quelle douceur, (jnels suaves pirfums
s'écbappeut de vos plaies ! quelles ineffables
délices ou respire prés de vous, ô roi Jésus 1
Qu'il est bon de vous avoir aimé et servi sur
cette terre!... Je vouJrais, mes frères, suivre
cette âme bienheureuse jû5;;r.-~ au trône de
l'adorable Trinité, vous montrer les trois per-
sonnes divines déposant sur sa tète la couronne
des prédestinés; mais uu nuage éblouissant de
gloire la dérobe à mes yeux ; elle disparaît,
noyée dans les profondeurs des perfections de
Dieu... Ame heureuse, oui je le répète, puisse
un jour notre sort être semblable à ton sort...
Frères bien aimés, ai-je pu, à l'aide de ces
images, de ces comparaisons, vous donner une
idée de la vie éternelle, du bonheur du ciel...
Non mille fois non... Vous ai-je montré nos
corps ressuscites semblables au corps glorieux
de Jésus, revêtus de gloire, étalant une incom-
parable beauté et baignés dans un océan de
lumière? Vous ai-je parlé de ce nectar ineffable
réjouissant éternellement les saints, de ces har-
monies suaves, de ces concerts divins, de ces
hozauna éternels? Vous ai je dit... Mais non, les
paroles sont impuissantes ; l'œil de l'homme n'a
point vu, sou oreille n'a point euteudu, son
intelligence ne saurait comprendre les trésors
de délices que Itieu garde à ses amis. . . 0 paradis,
ô vie élernellement heureuse, nous pouvons,
avec la grâce de Dieu, te mériter, mais il nous
est impo-sible de te comprendre (2)1...
Péroraisos. C'était, mes frères, le souvenir de
cette vie éternelle, le désir ardent de la posséder
qui soutenait [ei îiiiuts au milieu de leurs tra-
vaux et de leurs souffiances. — Quoi, disait-on
à sainte Cécile, sacrifier ainsi tant de jeunesse,
tant de beauté, un si riclie avenir!... Mais vous
n'y pensez pas... Sacrifiez aux dieux, jeune
1. Conf saint Léonard sermon sur la Paradis.
2. Acquiri poleU, œiUmar: ntt poletl. — Saiut Aagastin
•pnd. Drexel. ; Cœ.'um. cap, i.
patricienne, et jouissez d'utiê vie que tout
embellira pour vous sur la terre... — Et la
jeune martyre répondait : Mourir pour Jésus-
Christ, ce n'est pas sacrifier .sa jeunesse, mais la
renouveler; c'est donner un peu de boue pour
recevoir de l'or ; échanger une demeuie étroite
et vile contre un palais magnifique (1)... Voyez-
vous cette autre jeune fille que des bourreaux
entraînent dans un sombre cachot ? c'est sainte
Agathe. Pourquoi cette joie qui illumine son
Iroiii ? Pourquoi l'allégresse qu'elle éprouve en
pénétrant dans cette prison humide (2) ?.. Dites-
no;:;-le vous-même, généreuse martyre?....
« C'est que ce cachot sera pour moi le vestibule
du ciel; déjà j'entrevois la couronne que Jésus
me destine, déjà je savoure les joit-s infinies qui
m'attendent dans la vie éternelle. »
Frères bien aimés, ce bonheur immense doit
être aussi notre partage ; c'est au ciel que Dieu
nous appelle, c'est là qu'il nous veut, c'est pour la
vie éternelle qu'il nous a créés... Le cœur en
haut 1 soyons de bons chrétiens, la chose en vaut
la peine, et la récompeuse qui nous attend
mérite bien quelques efforts de notre part... 0
vie éternellement heureuse, vrai séjour d'un
bonheur qui n'aura point de fin ; royaume divin,
dont la durée n'aura point de bornes, puissions-
nous, après avoir obtenu le pardon de nos péchés
et déposé le fardeau de ce corps mortel, avoir
part un jour à vos joies éternelles, à cette
immense félicité, à ce doux repos qu'on ne
trouve qu'en vous. Ainsi soit-Jl.
L'abbé LOBHT,
curé de Vauchassis.
LITURGIE
lES OUATaE-TEllPS
(5* article.)
Les monuments publics des viii* et iï* sièclss
nous montrent les Quatre-Temps établis dans les
Gaules. Dans les capitulaires de Charlemagne,
publiés en 769, il est ordonné que « les prêtres
eux-mêmes observeront le jeiîue des Quatre-
Temps et qu'ils l'annonceront au peuple pour le
lui faire observer.» Il y est dit encore : «Les prê-
tres enseigneront au peuple qu'il doit observer
les jeunes des Quatre-Temps étabhs par la loi,
savoir, dans les mois de mars Ae juillet, de
septembre et de décembre, aux époques où les
ordres sacrés sont conférés selon Les dispositions
des canons (3). » Le trente-quatrième canon du
concile de Slayence,tenu en 8! 3, est ainsi conçu:
« Nous prescrivons que tous observent les Qua.
1. Vie de sainte Cécile par dont Gu^anger j).
2. .\otes et oflii.-e de celle sainte.
3 Lib. V. cap. 86.
11
LA SEMAINE DU CLERGE
1405
tre-Temps de l'annrp , en se soumettant au
jeûne, suloa la tradiliou de l'E^liso romaine,
savoir dans la première semaine du mois de
mars, dans la sefinde semaine du mois de juin,
dans la troisième semaine du mois de septembre,
et dans la semaine du mois de dccembie qui est
complète avant la vigile de la Nativité du Sei-
gneur. » Le second jeune indiqué dans le second
passage des capilulaires que nous avons eiié ne
peut être que celui de la Pentecôte, et comme
cette fête ne tombe jamais assez tard pour que
lesQuatrc-Temps qui viennent dans son octave
soient reculés jusqu'au mois de juillet, nous
pensons que le texte a dû être altéré en cet
endroit. 11 y e?t dit positivement, en eilet, que
ces jeûnes sout placés aux époques des ordina-
tions, i^t nous avons vu qu'une de ces époques
est le samedi qui suit la l'entecôte; sans celte
explication, on ne compreiulr.ùt pas celte diver-
gence des capilulaireâ avec les documents plus
anciens et les actes du concile de Mayence célébré
peu d'années après la publication de ces ordon-
nances.
Il n'est pas possible d'équivoquer sur ces
cxtcs, (jui sont parfaitement clairs. Granc<.his
les note et ne les conteste pas (1) ; mais, de ce
qu'on n'en produit pas d'autres qui prouvent
directement i[ue les Qualre-Ti mps éliient obser-
vés dans les Gaides avant l'année 709, il se croit
autorisé à allirmer iiue c'est seulement au viii''
siècle qu'il s'y introduisirent. Il ne fait, en cela,
que prendre pour son compte la thèse de Baillet,
un des plus i'rvents adeptes de cette école galli-
cane, qui, boslile de parti prisa l'autorité du
Saint-Sié^e, n'a pas craint d'altérer avec une
persévérance ilij^ne d'une meilleure cause, la
vérité historique, pour d(''natiirer les rapports
de l'Eglise romaine avec les églises parliculières
dans les premiers siècles, et essayer de demou-
Irer les prétendues franchises et libertés de ces
•dernières à l'égard du cenlre de l'unité. Baillet
lui-même, dans la question qui nous oc^'upe, ne
trouvait pas messéanlde se faire l'écho du minis-
tre proteslanl Daillé, qui trouva dans Bossuct
■un si rude et si triomphant adversaire.
Il nous paraît inléres?ant de f^ire parler
Baillet lui-même, afin de montrer toute la force
de son raisonnement: « L'insiilution du jeûne
des Quatrc-Temps étant parliculière à l'Eglise
romaine, ( fi il paraît que les papes en firent
l'établisse'" lit vers les commencements du cin-
quième siècle , l'us.ige en demeura pendant
■quelque temps nsserré dans les limites île la
ville de Rome, il se communiqua ensuite en
diverses villes de l'Italie. M, as ceux qui ont pré-
tendu qu'il était ré[ianda et observé générale-
ment par toute l'Eglise dès le milieu du cin-
-quiènae siècle, semblent avoir été trompés par la
i. Ctmnunt, hist. in Dreviar. Rom., lib. II, cap. 2,
manière dont saint Léon s'en est expliqué dans
quelques-uns de ses sermons devant son peuple.
Ils devaient considérer que, par le terme de toute
l'Eglise et de tous les Odèles, ce saint lape enlen-
dail seulement tous ceux k qui il pariait ou tous
ceux qui étaient de la ville et du diocèse parlicu-
lier de Borne. On peut juger que, dans le sixième
siècle même, il y avait beaucoup de lieux en Italie
où l'observation du jeûne des Quatre-Temps
n'était pas encore reçue (1). »
Nous n'avons pas à revenir fur l'origine apos-
tolique des Quatre Temps, que lijillet nie assez
timidement, il ne i)eut plus rester de doute sur
ce point. On admireia le sans-gêne avec lequel
Daillet se débari'asse du tCmoiguago de s^int
Léon par l'interprétation fantaisiste qu'il en
donne, afin de persuader à son lecteur que les
Qualre-Temps, d'institution fort récente, n'é-
taient encore connus ou du moins observés qu'à
Rome |)endant le pontificat de l'illustre docteur.
Noël Alexandre défend la thèse opposée, qu'il
formule ainsi: « 11 est certain que les jeûnes des
Quatre-Teraps étaient observes religieusement
par toute l'Eglife au cinquième siècle (!).» Ce
savant auteur tire toutes ses preuves des sermons
de saint Léon, dans lesquels nous avons déjà
puisé largement, et où nous trouverons de nou-
veaux et irréfutables arguments pour le cas
présent. Le grand l'ape dit à propos des Qnalre-
Temps d'hiver: « Le jeune du dixième mois.(jui
arrive dans le temps de l'hiver, nous invite à
nous livrer à la culture myslique de nos âmes,
laquelle, par nos soins spirituels, fera pous-er
vigoureusement les moissons, hs vignes et les
arbres dans lesquels l'infiimitc humaine trouve
son soutien; en sorte que le champ du Sei-
gneur s'enrichira de tout ce que nous y auious
dépensé, et parce qu'il faut qu'il ne soit jamais
dépourvu de fruits, il deviendra pins productif
par sa propre fécondité. Votre Sainteté comprend
assurément que tout cela doit se rapporter au
progrès de toute l'Eglise, progrès qui a son
germe dans la foi, sou développement dans l'es-
pérance, sa maturité dans la charité {-2). » Il nous
se'mble bien que, sans le dire explicitement, saint
Léou entend ici que le jeûne, qui doit profiter à
toute l'Eglise, est aussi observe dans toute
l'Eglise. Si l'on voulait néanmoins expliquer ces
paroles en ce sens que le jeûne de l'Eglise
romaine, qui est la tête du monde cathohque,
attirera sur l'Eglise universelle l'^-" bénédictions
de Dieu, nous aurions à appovter d'autres pas-
sages [ilus formels pour montrer que cette inter-
prétation est peu fondée. Dans le même sermon,
après avoir parlé des armes sphituelles que Dieu
a mises eu nos mains pour combattre et vaincra
1. La Vie dit Sanis, Hsilore det Quatre-Temps, ia-fol,
tom, IV, page 14'J.
'2. ll'Sl. cet)., iu;cu/ii»i II, art, 4,
Tome IV. N" 46.
1K6
L\ SEMAINE DU CLERGE
les vices, saint Léon ajoute : « A ces moyens de
conversion, la {;iàce de Dieu a ajouté dans sa
prcvoyanr;e les saints jeûnes qui, à certains jours,
exigent de l'Eglise nniver.-elîe ta dévotion qui
doit arcomiia|,'uer celle observance générale. En
cflét, s'il csf beau et louable que chacun des
membres du Christ se décore lui-même p:ir l'ac-
complisscment descsdevoirsindividuels, l'action
a une valeur plus haute et sa vertu prend un
caractère plus sacré, lorsque lescœvjrs de tout un
peuple s'unissent pour courir au mêm'; but, et
ainsi celui qi-e le tnivad de notre saiictification
met au supplxe n'éprouve pas seulement une
défaite partielle, mais succombe sous l'ellort de
ce peuple uni en un tout compact. Le dixième
mois, trcrcs bien aimés, se présente pour êlre
consacré à ce:te œuvre, nous exhortant en quel-
que sorte, par sa température, à ne point nous
laisser engourdir par leisoid de l'inlidéUté, mais
plulôl à nous fortifier par l'esprit de la cha-
rité (1). » 11 serait bien difficile d'appliquer à ces
paroles l'interprétation de Baillât, Les suivantes
ne peuvent avoir un autre sens: «tiien qu'il
soit loisible à chacun de nous d'iuD'ger à son
propre corps des mortifications volontaires et de
réprimer tantôt plus modérément et tantôt plus
rigoureusement les désirs de la chair oui com-
battent contre l'esprit, il faut cependant qu'un
jeûne général soit observé par ton j ensemble à
certains jours, et la dévotion acquiert plus d'ef-
ficacité et prend un caractère plus sacré, lorsque
l'Eylise tout entière est unie dans un même
es, rit et un même sentiment. Car les actes pu-
blics sont préférables aux actes privés, et l'on
doit comprendre que les plus grands avantages
se ren<'ontrerout là où la communauté entière
s'appliqu(! à veiller ("2).» Nous ne devons pas
hésiter entre les affirmations de saint Léon et
les objections de nos gallicans, qui n'ont pas
même oS'i produire ces passages redoutables
pour eux, et qui ont cru faire accepter leur néga-
tion à la faveur d'une explication arbitraire,
isolée soigoeusement des textes, et dont la faus-
seté éclate lorsqu'on la met en regard des cita-
tions que nous venons de faire. Nous concluons
donc, avec Noël Alexandre et Mérati, contre Gran-
colas,Baillet et leur compromettant associé Daillé,
qu'au temps de saint Léon, au v» siècle, les
Ûuatre-Temps étaient reçus et observés dans
toute l'Eglise latine. A quelle époque furent-ils
introduits dans chaque région? Nous l'ignorons.
Saint Léon ne dit rien qui autorise à croire que
l'adoption de ce' i pratique par les églises par-
ticulières fût récente ou seulement devenue
gi-nérale depuis peu de temps. Ce qui est certain,
c'est que l'Eglise romaine tenait celte institution
1. Serm. xviii (alias 17). Dt jejimit dtcimi mituiivu,
Dum. 3.
2, Itid., num. 2.
de la tradition vjposlol'iu'e, et qu'e'le la fit pas-
ser de bonne heure, un peu plus tôt ou un peu
plus tard, suivant les progrès delà religion dans
chaque contrée, dans les diverses églises, de
telle sorte qu'au v'sièclerunanimitéétaitétablie
sur ce point dans tout l'Occident.
Bailletct Grancolas ont appliqué leur système
d'interprétation à un décret de saint Charles
Borromée, pour prouver que l'église de Milan
s'était tenue jusqu'alors à l'écart delà discipline
générale sur ce })oint et n'avait jamais accepté
le jeune deî Quatre-Teraiis. Voici ce décret qu'ils
ont soigneusement évité de citer, il est tiré des
actes du quatrième des conciles provinciaux,
convouuéset présiilés par saint Chai-les:» La sol-
licitude pastorale devra instruire les fidèles pour
leur faire observer et remettre en usage selon
la pieuse [.ratique léguée par l'antiquité, lesjeûnes
des Quatre-Temps, cette ins'itution salutaire
établie selon l'enseignement du Saint-Esprit, et
que l'on célèbre, comme autrefois, avecun nom-
breux concours de fidèles et en adres.'sant à Dieu,
dans les assemblées solennelles, de religieuses
supplications... C'est pourquoi dans toutes les
églises de notre itrovince, conformément au
règlement donné par le premier concile de
Mayence, les fidèles assisteroi.t en plus grand
nombre, encisféries solennelieo, savoir la qua-
trième, la sixième et le samedi, au sacrifice de la
messe et aux divins offices, et ils y ajouterons
des prières, des jeûnes, des aumônes et toutes
autres œuvres pies. » Baillet dit , à propos de ce
décret : « L'église de Milan a été plusieurs .siè-
cles sans recevoir celte institution, et l'on di
que l'usage des Quatre-Tcmps ne s'y est établ
que depuis environ six-vingts ans que saint
Charles, archevêque du lieu, en lit une obliga-
tion pour la ville et son diocèse, n Grancolai a
enchéri sur son maître, qui ne iiarlc, comme on
le voit, qu'avec une certaine hésitation, et il (fit
du ton le plus assuré : « Les Quatre-Temps ne
furent jamais observés dans l'église de Milan
avant saint Charles ; car il est le premier qui ait
pris soin d'eu prescrire l'observation dans son
diocèse par un décret du cimpiième concile de
Milan. » Ce concile n'est pas le cinquième mais
le quatrième, ainsi que nous lavons noté. Si
ces auteurs, d'ailleurs îortérudits et très-capables
d'entendre les textes qu'ils discutaient, avaient
lu sans préventionce décret, ils auraient vu que
saint Charles n'introduisit pas, dans son diocèse
et sa province, une observance nouvelle, mais
qu'il remit simplement eu vigueur une loi qni
n'était pas complètement oubliée, mais mal
observée, et ttmdait à tomber en désuétude dans
l'église de Milan, où sur divers points, et sur-
tout dans les choses liturgiques, un droit parli-
culier s'était établi. Une exception en appelle
une autre, et le saint archevêque, très-zélé pour
LA SE^UINE DU CLERGÉ
I40T
lemainlien de la discipline ecclésiastique^ vou-
lut sagement liUipêcher que l'abus devînt la
règle. Nos deux auteurs avaient à cœur de prou-
ver, OU plutôt de faire croire, que les Quatre-
Temps ne sont pas d'origine aposlolique, i;u'ils
ne furent institues à Komequ'au.cinquièine siècle,
qu'ils ne pénétrèrent en France ({u'au huitième
sièclfe, et que, même eu Italie, dans les régions
les plus voisines de Rome, on ne se soumit que
tardivement à cette loi. Le fait de Milan, s'il eût
été vrai, confirmait leur assertion ; la conclusion
qu'ils ne tirent pas expressément dans leurs dis-
sertations, mais qui est leur objectif habituel,
c'est que les églises particulières conservèrent
fort longtemps leurs franchises à l'égard de
l'église romaine, et lorsqu'ils rencontraient des
textes embarrassants qui compromettaient leur
système, sans aucun scrupule, ils en dissimu-
laient les termes et Jleur faisaient violence pour
les pliera leur idée, transformant les objections
en arguments favorables. C'est ainsi (lu'a tou-
jours procédé l'esprit de secte.
X. Lors même que lejeûue dcsQiiatre-Tcmps
était déjà ce vigueur dans toute l'Eglise latine,
quelques divergences existèrent encore pendant
un temps notable sur l'époque précise où il
devait être observé en chaque saison, et ce n'est
que peu à peu que l'on arriva partout à l'uui-
formité désirable à cet égard.
Nous avons une lettre de l'abbé Jeoffroy
adressée à Hildebert, évêque du Mans, pour lui
demander en quelle semaine de juin il fallait
placer le jeûne des Quatre-Temps d'été. Cette
consultation prouve qu'antérieurement au temps
où vivaitcetabbé, c'est-à-dire avant 1129, toutes
les églises n'étaient par d'accord sur ce point.
Dans les décrets qui nous restent du concile
de Clermont de 1095, le vingt-septième statue
que, « désormais, le jeûne du printemps aura
lieu dans la première semaine du carême et le
jeûne de l'été dans le cours de la semaine de la
Pentecôte. « L'évêque Gébéhard, légat du Saint-
Siège, avait déjà porté un décret semblable dans
le concile de Constance de l'année précédente.
Ces faits démontrent avec évidence que l'acconl
ne s'était pas encore établi sur cette question,
et ce qui achève de le prouver, c'est le canou
que nous allons citer du concile de Selgenstad,
assemblé en 1022, qui déclare de la manière la
5 lus positive que le jeûne des Quatre-Temps
emeuraittncer^aiV» à cette époque.
Bien que, dans la plupart des églises, le jeûne
de l'été fût fixé à la seconde semaine de juin,
ainsi que le foP-l voir les décrets des conciles dé
Mayence de 8irf, et de Rouen, de 1072, on ne
s'accordait pas sur \a manière de déterminer
cette semaine. Les uns commençaifent le jeûne
le mercredi, selon la prescription du concile de
Selgenstad, les autres le samedi. Ici on plagiait
le jeûne dans la semaine qui précédait immédia-
tement la Pentecôte, lorsque le second samedi
de juin tombait la veille de cette fête; là on l'an-
ticipait, dans ce cas, en le mettant dans la
semaine de l'Ascension; ailleurs il était ajourné
invariablement à la semaine qui suit la Pente-
côte, et c'est cette dernière coutume qui a fini
par prévaloir universellemeik. Le désaccord
n'était pas moindre touchant la fixation des
jeûnes du printemps et de l'hiver.
Le concile de Selgenstad voulut faire dispa-
raître ces divergences, et il promulgua, à cet
effet, le canon suivant : o Nous établissons cette
règle fixe, touchant le jeûne des Quatre-Temps,
jusqu'ici incertain. Si les calendes de mars tom-
bent le metcredi. ou bien un des jours qui pré-
cédent, le jeûne sera célébré dans cette semaine.
Si les calendes de mars sont rejetées au jeudi,
ou au vendredi, ou au samedi, le jeûne sera
ajourné à la semaine suivante. Pareillement,
si les calendes de juin tombent le mercredi, ou
bien un des jouis qui précèdent, le jeûne sera
observé cette semaine même. Si ces calendes
viennent le jeudi, ou le vendredi, ou le samevli,
le jeûne sera réservé pour la semaine suivante.
Dans le cas où, d'après la règle qui vient d'être
posée, le jeune du mois de juin coiucidera avec
la veille de la Pentecôte, il ne sera pas célébré
alors, mais dans la semaine solennelle de la
Pentecôte. Le jeûue du mois de septembre est
réglé de la même manière. Si les calendes de
septembre arrivent le mercredi, ou un jour pré-
cédent, lejeûue sera rélébré la troisième semaine.
Si ces calendes viennent le jeudi, ou le vendredi,
ou le samedi, on jeûnera dans la quatrième
semaine. Ou observera ceci dans le mois de dé-
cembre. Un jeûne sera célébré le samedi qui
précède immédiatement la veille de la Nativité
de Notre-Seiguenr, parce que, si la vigile
tombe le samedi, il ne convient pas de célébrer
en même temps cette vigile et le jeûne des
Quatre-Temps. »
Ce décret, rendu pourjune région parliculière,
n'eut pas la vertu d'établir partout l'uniformité.
Le huitième canon du coucile d'Oxford, tenu en
122-2, le constate de nouveau. Il est ainsi conçu :
(I On doit jeûner en mars, le mercredi, le ven-
dredi et le samedi de la première semaine. En
juin, le jeûne est placé dans la seconde semaine.
Celui-ci est observé de deux manières en nom-
bre de lieux, ou bien la première semaine
après les litanies, ou bien la semaine de la Pen-
tecôte. En septembre, ou jeûne trois jours. On
jeûne encore dans la semaine «ntière la plus
rapprochée de la Nativité de No..,*-Seigneur. »
Cette diversité dans l'observation des Quatre-
Temps n'était pas nouvelle en Angleterre, puis-
que le concile d'Enham, tenu en 1009, avait
déjà tenté de la supprimer par son canon
liOG
LA SEMAINE DU CLEUCE
stizième, fVont voici la fcnenr : « Nous rlcvons
observer les jeùues des Quatre-Tenips selou la
règle que nous a donnée saint Gré.u;oire, quoique
la pratique d'autres nations soit diDérente (I). »
En vertu de l'influence constante de l'Eglise
romaine sur !le oglises particulières et de la
tendance à laqueUe celles-ci ont toujours obéi,
malgré des rcsiiiauces passagères, à se coofor-
mer à l'Eglise mère et maîtresse eu tout ce qui
tient à la discipline générale, les divergences
que nous venons de signaler devaient s'effacer
peu à peu et ont disparu de fait à la lougue.
Nous ne saurions dire à quelle époque chaque
pays en est venu à se plier exactement à la règle
suivie à Rome, pour l'observation des Qualrc-
Temps. mais il n'est pas besoin de démontrer
que ce fait est acquis depuis longtemps dans
l'Eçrlise latine. Quant à l'Eglise grecque, elle a
ses jeu es, dout le plus grand nombre concor-
dent avec les nôtres, mais jamais elle n'a adopt j
celui des Quatre-Temps (îi). C'est même chez
elle une sorte de principe que l'on ne doit pas
jeûner le samedi, et cette règle a sans doute
beaucoup contribué à l'cmpècher d'adopter le
jeûne des quatre saisons tel que nous le prati-
quons.
(A suivre.) P.- F. Ecaue.
professeur 4e théologie.
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SAINT-SIÈGE
(suite.)
Demandons-nous pour finir, en quel seus le
dogme de l'infaillibililé du Siège aiic«tolique est
nouveau. Ainpi que le remarque le concile du
"Vatican, ce fut l'affaire des conciles, » priucipa-
« lement de celui de Trente de définir avec plus
0 de préi'ision les dogmes de notre foi et d'en
« donner une exposition plus complète, de con-
« damner les erreurs et de leur opposer une
a digue (3). » Ces paroi. "s, qui marquent clai-
rement la part qwi est celle des conciles dans la
définition des dogmes, serviront à nous orienter
dans la question de savoir si, et jusqu'à quel
point, un accroissement du contenu du symbole
catholique est admissible, dans quel sens, par
conséquent, un dogme peut éUe dit nouveau.
Une chose à reconnaître avaut tout, c'est qu'il
n'a été et qu'il ue sera jamais tionné damsl'Eglise
1. Vovei Ko&l Alexandre, HM. eccles. sect. n, dissert.
IV, art. IV.
2. Grancolas, Cammenl. kittor, in£rtcitr. roti., lib. n,
cap X.
3. Concil. Vatic. De fide cathol. init : Bine sanclissimœ
rehgionis dogmua prttsiut de/l«ta, vberiutque tapasila,
unrtt damnait alju; oêhibiU,
à aiipun docteur d'aucun temps de poFséJer la
vérité chrétienne, d'une mauiire plus approfon-
die , plus étendue et plus complète que les ap
tres(l). Ceux-ci avaient reçu la foi immédiate-
ment par l'inspiration du Saint- llsprit, et ils eu
conjiaissaient la vérilé parfaitiwnt ; puJM^ue
c'étnit par eux que le Seigneur vciiait la révéler
au monde. Nécessairement rien n'ajipartieiit au
dépôt de la foi catholique, qui n'ait été publié
par Jésus Christ et les apôlrcs. 11 est certain
néanmoins que ces vérités révélées ne furenlpas,
dès l'origine, léguées à l'Eglise avec toos ces
ccb'ircissemeuts, ces commentaires et ces appli-
cations, qu'elles ont reçus et peuvent encore rece-
voir dans le cours des siècles, afin de mieux dis-
siper les erreurs qui s'élèvent pour les obscur-
cir {2) Ainsi, bon i omlue de vérités qui servent
à produire une intelligence plus exacte, uneélu-
cidation plus large des dogmes, ne se trouvaient
contenues qu'en germe et implicitementdans ja
tradition apostolique; beaucoup de choses étaient
moins claires et moins développées qu'elles ne le
sont présentement. Favorisée par les circons-
tances, ou pressée par les hérésies mais toujours
sous la couduilede la divine Providence, l'Eglise
enseignante a la mission de développer lesdoe-
trincs qui lui ont éié communiquées en germe,
d'en éclaircir les obscurités, d'en approfondir la
connaissance, d'insistersur lessimplesaperçus,de
montrer lesrelationscUesapplicationset tout l'en-
semble delà révélation. A mesure que l'intelli-
gence de la vérité chrétienne s'accroit et se dé-
ploie, le trésor profond, inépuisable des divins
mystères s'ouvre de plus en plus devant nous (3).
Les enseignements deTEgUse ne deviennent pas
1. Lugo. De fide. Disp. in. Sect. V. n. 67. Fatenûum
videiuT, nunquam coniingsre magis eipliciltan rerum fidem,
quam ,uerit in ufostoltcts et primia dirisUanœ ritij/ionit
capitiùus.
2. C'est ainsi que saint Athanasê jastiEe l'expression
(Sjiooûa'.oç fOe décret. Conc. Nie. n. 19, ÎJ. — Saint Gré-
goire de Nazianze, pûrlaot de définitions plus précisée de
la dirinité du Saint-Esprit, dit (,Orat. xxxj, 24) : 1*9
expressions qui ne sont pas dans la sainte Ecriture, peu-
vent cependant se comprendre par ta sainte Ecriture.
3. Cf. Tliora. Sam-m. Tbejl. u, u. q. t . art. Ifl. ad. 1 :
In doctrina Cbristi et apoèlai^Tviii veriiai firiei tst sufficieHttr
eTpUcata. Sâd quia jterpetri honuncs ap'jxîoitcam doctriiiam
et cetsras dortr.na^ et scripturas perverluntf ideo neces^aria
fuit erjAicat oftdei contra insurgtnlet errorrs. — Snarez. De fid,
Diàpal. U, sect. 6 : SimpUcUar asurmtdum ett, Eocleaiam
non tradere navam fidtm, tcd autiquaf» Kiuptr tt»b\liiie et
explicare .. Venim est, aliquam pT»positionem upUcite nuso
ciedi de fide qum antea exjilicilt non credebatur ab Ecritsim,
guainvis implicite in antiqua Evclesm contineretnr. — Killïer,
De fide, p. 230 : ArlicttU fidd ,0, lempore Clirùti tt oftslo-
lorum iwn cirvcrujU simpUciter, sed lantum te^jindum quid.
Quia experieutia etrepetito strpiususu Cftistul, quod ex teinpor»
npostolomtn occmione hœresum vet^'Ueriuf necps'itatin Ecflt*
sia per varias deftnitiones muttos fiu^ ariiouloe i!t WêdHioMt
clariue eiplicavit, aul TtoilaliBnes ai objecta partiailaria ttttm
quam impUcile rei-clata exlendit., assieteiUt eemper Spiritm
jancio, ne in ejusmodi decisionitms erraret. — Grcg. de V»"
ientia, ism. Ml. I>i«put. i. <)«. 1 -. forlmu laUiU aUmC'i»
Si»JesM ai>u*fe vintàtn.
L\ SEMAINE DU CLERGÉ
im
plus'yrais,ils(1eviennprilsenleînentplnsclairs(1).
Sous les trois points de vue indiqués, Vinceut
de Lérins reconnaît un progrès dans la foi. « La
a religion pourrait,» dit-il, « se comparer au dé-
n veloppement da corps ; le corps croît et se dé-
cr veloppe dans le cours des ans, et cependant il
« restfi ce qu'il était. La relij;ion chrétienne est
a comme un griàii de froment que l'on sème en
« terre, qui se développe et produit des fruits
« dont les hommes se nourrissent, mais sa na-
«ture.commegraindefroment, n'a point changé.
a L'Eglise, cette gardienne attentive et prudente
« du dépôt de la foi, n'y change rien, n'en re-
a tranche rien, n'y ajoute rien ; mais elle met
« tous ses soins à travadier et à faire fructifier
a le fond qui lui a été légué dans le commence-
« ment, ainsi qu'à conserver ce qui est acquis,
a c'est-à-dire confirmé et défini. Ce qui, dans le
a principe était seulement l'objet d'une foi im-
« plicite, elle s'applique à le démêler pour le
0 mieux comprendre. La postérité comprend ce
a que l'antiquité vénérait sans en avoir une in-
« telligence aussi nette : ce que vous parvenez
« à mieux comprendre, enseignez-le, pourvu
« que, en parlant d'une mauiire nouvelle, vous
« ne disiez rien de nouveau ("2J. »
Plus les dogmes sont profonds et mystérieux,
plus aussi ils contii^niient de vérités et otlient
de ressources pour subvenir aux besoins des
temps et pour la réfutation des erreurs que l'es-
prit humain oppose à la vérité divine. Il en
résulte naturellement que toutes les applications
dont ils sont susceutihles n'ont pu être cxphci-
tement indiquét^s dès le principe dans lu tradi-
tion ecclésiastique, ('/était d'autant moins indis-
pensable que le Seigneur a promis à TtgUse de
lui envoyer l'esprit de vérité , qui doit lui
■enseigner toute vérité (3).
« Pour qu une proposition devienne un dogme
catholique dit Vérou (4), il faut qu'elle réunisse
1. Suarez 1. c. Ecclesia non facit novum fidei articulum,
sed tantuni déclarât. — Thom. 1. c. ad 2 ; Les cunciies
peuvent noa quidem aliam fiJem facere, sed eamdem magit
tspoiitntn.
2. Commonitor. n. 27.
3. Joarn. 14, 26. Augu&t. C. Crescon, i, 32 : Cum mler
episco]'0^ anUrioris a)tatis hsoc qu303tio flucluantf et variai
haberet inter se coUeijarum soha unitale tenUntiat-, hoc yer
^mivfrsam Ecclesiam ubaeivari piacuit^ quod tenemui. Cf. de
Baptitui. II. 5. In Va. .54, 22 : Multo latebant i» scripturis,
et cwiu prœcisi esaeni hœretici.,. asserla nmt qute lalt-
bant.
4. Hegul. ûd. I 2. — Lugo, he fid. Dispnt. i, sect. 18.
j 1 : Jluijliciler patesl Eccksia aliquid definire, quoi aniea
non erat obtigaiio uJ credundum ; primo si ex duabm prœ-
miasis rci'eJuU' ufii/uuni conctusionem deducalel eam definiat.
Secandn, quaujo ex uno /trin' ipio recelalo etaliero non rme-
tato alîquid Ueductl alque de/inil.,. Aiite iilam Jefinitioiiem
Ecclesiii jam ubjeclum hoc erat implicite et confuse a Deo
revelalum et accedenle Ecclesio) definitione incipit apparert
explicite... Falemur i,'cc(esiam non definire de fide proposi-
Jionem, quœ j'am nntea rtveiata non fucrit a îko, tdlicet tn
deux conditions. Elle doit exprimer une vérité
qui soit contenue dans la révélation, et être pro
mulguée par l'autorité chargée d'enseigner dans
l'Eglise. Une vérité peut être contenue dans la
révélation, mais d'une manière implicite et assea
obscure pour n'avoir pas encore été proposée
à la croyance des fidèles par l'Eglise, à qui il
appartient d'expliquer le sens de la divine parole,
soit écrite, soit traditionnelle. C'est ainsi qu'on
voit se formuler dans l'Eglise de nouvelles déci-
sions dogmatiques, par exemple, celle qui dé-
clire valide le baptême des hérétiques. » Tous
les théologiens s'accordent à dire que ces sortes
de propositions ne sont point de fide catholica
avant la définition de l'Eglise. Cependant, tout
homme, qui reconnaît avec évidence qu'une
vérité est contenue dans les documents de I9
révélation, est obligé, en conscience [fide dinina),
d'y croire, quand même elle n'aurait pas encore
été définie expressément par l'Eghse. Par la dé-
cision ecclésiastique, la vérité de foi divine est
simplement affirmée comme telle par l'autorité
compétente, et l'erreur rendue impossible.
De cette manière il y a dans l'Eglise un accrois-
sement, un progrès dans la foi, mais pas d'al-
tération (1).
De là se déduit le sens vrai de la règle de
saint Vincent de Lérins, dont on a si sou-
vent abusé dans ces derniers temps : a Ce qui
« a été cru en tout lieu, en tout temps, et pa>
particulari oel in gênerait; definilio aulem Eccleeia) facit, ut
id nobis constet atque ideo tncipiat obtigatio cedendi deter*
minale. Cf. Melcb. Can. I. c vi, in fine : Hoc etiam (ai
doctrinam catltokcam perlinel), quod ex altéra propotitioM
revetala et altéra certa in lumine naturalt syttoyiamo collée»
ttoneque evideiiti conficitur. — Benettis. Privilej;, S. Petrî
vinJio. l^, II. T. V. art. 12 : Multa fide dicina teneri jtqui
credi. quœ non quidem explicite, directe et ititinediate revelata
sunt, sed duntazat imi)ticite, medi(tte et indirecte. — Gela
peut arriver. \' ut prnpositio particularit in unicersaH
tontentaj 2* ut propositio ex prceinûisis consequensj 3* ut
pars in toto contenta ; 4" ut propositio cnnfusa et obscura,
quœ co*nfirehenditur in jtropOititione dura et distincta. —
Nombre de vérités ne furent, dans le principe, qu'expri-
mées pratiquement dans l'Eglise, qui, plus tard, les pro-
clama formellement lorscjue le besoin s'en fit sentir. Cf.
Suarez, 1 c. II. sect. 6. — Saint Augustin s'exprime ainsi
au sujet de la grâce de la persévérance finale (de Dono
persever. n. 63) ; De hac re, quam nunc adversus novo»
lurrelicos non commemorare tantum, sed plane tueriet defetf
dtre compeliimur, nunquatn tacuit Kcclesia inprecihus *uif,
etsi atiquando in se/-monibus exserendam nulio urgentt
adversario non pulaoil. Et par rapport il certaines exprei"
sions peu précises employées par les l'ères (Gontr. Julian.
I, 6.) : Vobis nondum liiigantibus wcuriM loquebantur. Cf.
Melcb. Can. 1. c. xu, 14.
1 Vincent. Urin. 1. c. 38 : lia tamen, ut vere profectui
titille fitdei, non permutatio. Siquidem ad profectum \ertinet,
ut in semetipsa unaqudque res amplificelur; jd permuta'
lioiMni vero, ut aliquid ex alio in aliud Iransvertalur. Cres-
cal igiiur oportet, et muUum i-ehementelque profiriat tam
tingulorum quam omnium, tam unius hominis quam lottui
Eciiesiœ. (etalum ad seculorum gradibus inlelliganlia, ■■<clent^t^,
sapienlia ; sed -in auo dumtaxal génère^ in eodem scilictt doj-
mote, eodêm sentu iademque senltntia.
IHO
LA SEMAINE DU CLETtGE
«tout, voilà ce qui est catholique (1). » Vue
nouvelle hérésie s'élève, un parti se sépare de la
commuuiou catholique, la lèpre menace de
gagner tout le corps, lesnovateurs allèguent des
textes anciens et oliscurs; saint Vincent veut
oflfrir aux fidèles (2) uu signe extérieur facile à
recouiiaître qui les préservera des illusions de
l'erreur. Une parle nullement des principes su! i
vaut lesiiuels les conciles et les papes doivent
procéder dans leurs décisions dogmatiques. 11
parle seulement de la foi de l'Eglise ensei-
gnante (3), qui est la règle de la catholicité, il
ne veut pas parler de la totalité des fidèles. 11
parle, en troisième lieu, non de ces doctrines de
foi qui sont à développer par ceux qui, dans
l'Eglise, ont charge de le faire, mais de celles
qui sont déjà clairement et positivement ensei-
gnées {fides explicita). En ce sens, la règle est
absolument vraie : ce qui contredit la croyance
générale par rapport à ces vérités n'est point
catholique. Mais que dire de ce qui est encore
obscur et qui se trouve seulement en germe
dans la révélation? En raison des véritts de
cette catégorie, saint Vincent déclare qu'il faut
qu'il y ait, dans l Eglise, un progrès (4), qui dé-
veloppe ce qui est en germe, qui éclaircisse ce
qui est trouble, qui démêle et détaille ce qui
n'est connu qu'en gros et eu général. A ce qui est
contenu de la sorte dans la tradition ecclésiasti-
que, le critérium de saint Vincent ne peut point
s'appliquer. Une cbose, en effet, qui ne se trouve
qu'implicitement contenue dans le dépôt de la
foi, ne saurait, par cela même, être l'objet d'une
foi explicite. Si le critérium en question était
règle absolue, même pour cette catégorie de
i. L. 0. 2 : Magnopere curandum est, ut id leneamua
quod ubi'{ue, quod semjjer, quod ab omnibus credilum est; hoc
tst enim vere proprieque catholicum, quod ipsa vis nominis
ratioque derlarat .. Sed hoc ita deinum fiât, si sequamur
universitaiejn anliqttitatem. conaensionem,
2. Qu d tgilur faciet christianus, sise aliq'a Ecclesiœ par-
iicula ab universuUs fidei communione prœciderit... si novelta
cliqua conttigio non particulam (an/um, sed totam pariter
Ecciesiam commaeulare conelw ? c. 4. Caftant pterum<^ut
cujuspiam rete.ris viri stripla paulo invalutius édita, quœ pro
ipsa sui ob^curitate dogmati suo congruant. c. 7.
i. Si in ipsa vetustale omnium vel certe pTne omnium
sacerdotum pariter et magisliorum defiuitiones sentenliasque
tectemur. c. il. Malch. Gao. I. c. IV, 6 : Duo suni rerum
gênera, qu<f ab Ecciesia creduntur, Unum, quod ad omnes
œque perlmet ; et in hoc génère non est valde difficile omnium
^dem sensurnque cugnoscere...Âlterum est genus earum rerum,
qvsa cognosrere non rudium et imperitorum in Ecciesia, sed
majorum et sapientium interest. Quo m génère si vulgarem
plebis sentrntiam ruges, perinde erit, ut si a c3>co .^ensum
colorum j'ustules... . In fide earum rerum, qux> proprie su7it
doctorum nique sapientium, tolum horum senlentiam ear/)«-
tendam, vulgt ne eirspeclandam quidem... Et vero utrarum
Çue rerum dtcrnis atque teyibus nec vulgus nec sapientes
omnei ha;,ere locumj ted ii lanlum, qui suni Ecclesiœ pas-
tores. Cf. V. 6.
4. Pas est fntm, u( prisca illa ctvlestis philosophiœ dogmata
yrocessu temporit excureutur, Umentur, poltantur, Accipiant
*vid*nliam, lucem, iitlincliimem. c. 30.
vérités, alors tout accroissement dans la foi,
tout progrès, toute définition dogmatique devien-
drait impossible. A l'égard de ce que tous croient
partout et toujours explicitement, il n'est pas
besoin de définition. Pour les autres vérités de
foi, celles qui sont contenues implicitement dans
la révélation, elles n'ont point, parla même, été
crues expressément de tous, ni partout, ni tou-
jours ; donc, si on leur appliquait la règle, au-
cune définition ne pourrait avoir lieu.
La règle de Vincent de Lérins n'est donc
vraie et juste que dans le sens positif et affir-
matif : ce que tous croient de tout temps etpar-
tout est catholique. Que si ce triple caractère
manque, cela ne prouve pas cependant qu'une
vérité ne soit pas contenue eu principe et im-
plicitement dans le dépôt de la foi ; cela prouve
seulement que l'Eglise ne l'a pas encore expres-
sément définie comme article de foi. Les défini-
tions dogmatiques sont précisément nécessaires,
non pour affiimer ce qui est déjà cru universel-
lement et l'a toujours été et en tout lieu, mais
pour décider si, dans ce que l'on croit déjà, quel-
que chose est contenu et quoi, afin de le préciser
mieux et de l'élever, par le ministère de l'Eghse
enseignante, au rang d'un dogme positif obli-
geant tout le monde à le croire, afin, encore,
de signaler l'erreur contraire et de la con -
damner.
Vincent de Lérins est donc bien éloigné de
vouloir donner l'accord effectif des fidèles pour
la règle de foi la plus haute et qui fasse auto-
rité. Il dit lui-même que le venin de l'arianisme
s'était immensément répandu, que la question
du baptême des hérétiques en avait fourvoyé un
grand nombre (I). La règle de la loi est pour
hii l'Eghse enseignante qui parle dans les dé-
crets des conciles généraux ainsi que dans les
décisions de la chaire romaine (2). En cas d'hé-
résie naissante, alors que l'Eglise n'a pas encore
parlé, le fidèle doit recourir aux Pères et aux
docteurs catholiques d'une orthoxie éprouvée(3),
t. G. 4. Cap 38, 42. D'après Vincent de Lérins, I»
Siège aposlolifjue de Rome est le gardien de l'an/ii/oe foi.
C. 9 ; Sios iste semper in Ecciesia viguit, ut quo quisque f-.ret
religiosius, eo proinptius novellii inventionibas contrariet.
Exemplis talibus plena sunt omnia. Sed ne longum fiât, unum
aliquod et hoc ab Apostolica potissimum sede sumemus, ut
omnes luce clarius videant, beatorum apostolorum beala «uc-
cessio quanta vi semper, quarito studio, quanta contention9
défendent susceptw semel religionis initgritatem .. Cum erga
undique ad nocilatem rei cuneti reclaniarent (dans la ques-
tion du baptême des hérétiques), atque omnes quajuarersum
sacerdotes pro suo quisque studio reniterentur, tune beatœ me*
morin Papa Siephanus apostolicœ sedia antistes cum ceterii
quidem collegis <,uis, sed lamen prcc ceteris retitit, dignum,
ut opinor, ejistimans^ si reliquos omnes tanlum fidei devotionê
vinceret, quantum loci auctorilate superabat... Quis trgo tun»
unùerji nepolit eiitus ? Quid utique, nisi usitatut «I loliitu /
Retenta est sciiicel aniiquitat, explosa notiilat.
2. C. 4 30.
3. Cl', ilelch. Can. 1. c. VI, 4.
f
LA SEMAINE DU CLERGE
{41f
c'est-à-dire comme nous nous exprimerions au-
jourd'hui au commun enseiguement des théolo-
giens (!).
Dire après cela, qu'une décision dogmatique
ne peut intervenir qu'à la condition de l'unani-
mité morale des juges de la foi, c'est une pré-
tention insoutenable et qui tombe d'elle-même
devant ces principes (2). Quoique fort désirable en
général, une telle uuanimité ne fut jamais exigée
dans aucun concile, et elle ne pouvait l'être,
parce qu'il y a toujours une opposition, quelque
faible qu'elle soit, et que, de fait, il y en a tou-
jours eu : le maintien d'une telle condition au-
rait donc pour résultat de rendre impossible
toute décision ainsi que tout rétablissement de
la paix dans l'Eglise (3).
La doctrine de l'infaillibilité de la chaire
romaine n'est donc pas nouvelle. La nouveauté
apportée par la définition du concile du Vatican,
n'atteint pas la substance de la croyance catho-
lique, mais seulement l'exposition de cette
croyance, formulée comme dogme exprès de
l'Eglise. Avant cette définition, le catholique
était obligé, en conscience, d'obéir aux décisions
du Pape; mais aujourd'hui il doit obéir, sous
peine d'être retranché de la communion de
l'Eglise. Comme Pichler (i) en convient, Bel-
larmin, sur l'infaillibilité du Pontife romain,
n'a fait que reprendre l'opinion de la plupart
des théologiens scolastiqucs. Au moyen âge elle
était si généralement admise, que la doctrine
opposée aurait été condamnée comme héritii|ue,
au dire de Gerson lui-même (5) , et lorsque le
pape Martin V, se fondant sur les antiques maxi-
mes de l'Eglise, défendit d'appeler du Pape à
un concile général, il condamna par là même,
l'opinion de Gerson, concernant la supériorité
du concile sur le Pape. Car, si le Pape n'était
pas infaillible, le concile aurait à se prononcer
€u dernier ressort sur ses décisions.
1. Cette prétention était ce'le des pallicans {Defens.
Declar. Cler. Gallic. VI'. 1) et des jansénistes.
1. .\u Concile de Nicée, il 6e trouvait plus de vingt
évêques ariens, quelques-uns refusèrent de souscrire
(Hélélé, Hîs!. des conciles, I. p. 272, 282); au premier
concile de Conttantinople, vingt évèques mai^édoniens
quittèrent l'assemblée par esprit d'opposition (Héfélé. II.
p. 8) ; malgré l'opposition de Jean et de ses quarante-
trois évêques, le Concile d'Ephèse lança l'anatheme contre
Nestorius (Héfélé, II. p, 106, 174.) Au Concile de Chal-
cédoiue on fit remarquer aux évêques opposants, que
leur opposition était sans effet (Héfélé, II. p. 437. J Même
«hose pour les conciles postérieurs.
3. Les ariens reprochaient déjà aux Pères de Nicée
qu'ils innovaient, prétendant conserver, eux, la vieille
doctrine de l'Eglise. Le» ariens étaient les vieux-catho-
liques de ce tempe-là. Cf. Héfélé, Hist. des Concii. I. p. 438.
Les décrets du Concile d'tCphése furent aussi une doc-
trine nouvelle, au dire des nestoriens. (Héfélé, op. cil.
S. 228.) Même objection contre le Concile de Cbalcc-
oine.
4. Geichlchte àer Kirchlichen Trtnnung Zwischen iem
Orient uiid Occident. II. p, 690.
i. De potestate eccltt. contii, 12.
L'enseignement unanime des théologiens ert
d'une très-grande importance dans l'Eglise;
y contredire dans les questions de foi n'est pas
hérésie, mais confine à l'hérésie. Un tel accord
prouve que la doctrine est puisée à la source
de la tradition. S'il en était autrement, l'Eglise
serait donc induite en erreur par ses théologiens
eus-mômes, car ce sonv eux qui forment la
partie active de l'enseignement ecclésiastique.
L'Eglise serait compromise et semblerait parta-
ger une erreur à laquelle elle ne ferait pas d'op-
position et que son silence autoriserait. Si d'ail-
leurs nous y faisons attention, nous verrous que
les décisions de l'Eglise sont préparées et ame-
nées à maturité par la théologie; il n'est donc
pas possible que tous les théologiens enseignent
ensemble une même erreur (1). C'est pourquoi
Pie IX parle de l'adhésion que nous devons
non-seulement aux décrets des conciles et aux
décisions des papes, mais encore au commun
enseignement des théologiens (2).
{A suivre.)
D' Hettinger.
DROIT CANONIQUE
DC CO.N'COURS POUR LA COLLATION DES CURES.
(14' article. 'Voir n" 41.)
Les décrets portés parles conciles provinciaux,
célébrés en France en 1849 et années suivantes,
touchant la nécessité d'étudier le droit canoni-
que dans les séminaires, prirent au dépourvu
les supérieurs et professeurs de ces établisse-
1. Melc. Can. 1. c. VII. 3. p. 191 : Coneordem omnium
theohgorum schola de fide aul moribu» sententiam coniradi-
cere. si hœresis non est, al /tœresi pniximum est., . Nullum
lam ;)ro;irium scholœ decretum est, quod vel ex sacris /tiens, tel
e.rajiostolorum traditione vet ex concitio> um et Pontiftcum de/i'
niliunibus non habeal rerlnm originem... Pnelerea, siqua in
quœilione utiiversi Iheologi eadem inler se concinunt, projecio
ti in eo errant, Kccksiam item errandipericulo exponunt Sict
enim qui confessiones audiunt, sive qui ad poputum habent
conciones utnque plebem instituunt, ut a Iheotogis acceperunt.
lia fil, ut Ecclesia eorum in fide communem errorem dissimu-
lando, Chrisli fidèles suo silentio diciperet... Si quas Ecclcsia
hateses condemnatil; si qua de fide el moribus decreti tulit,
in ulrisque scholasticorum studio etdiligentiavehemeuler adjuta
est... quamdiu C/irisli corpus, t, c Ecf.lesia fueril, ad dici-
nnm procurationem perlinebil, ut li, qui in Ecclesia sacrœ
ducirince doclores habentur, tunquam a Deo dati verilalem in
fide tencaiit, ue populus parculorum more circumferalur.
2. l'iiisIX. d.d. 21 Dec. 1863 ad arcliiepiscopum Monach.:
laptenlibus calhoUcis haud salis esse, ut pr(r/ala dogmata «-
cipiant. . sed ad ea quoque ejlendenda {subjectio), quœ ordi-
nario lolius Ecclesiœ perorbem dispersa uiiicersali et constanti
consensu a calhoUcis theologis ad fijem pert.nere relininlur...
(uœ cimmuni et constanti calholiCrum consensu relinenlur
ut Ihenlogicce teritales et conclusion,., tam cei tœ, ut opinionu
ejusdem doctrinal capitibus advenœ. quanquam hœreticœ dict
nequeant, (amen aliam theologicam mereivlur censuram. —
Svllab. Prop. XX\l : ObUgalio, qua catholtci magislri eiscnp-
tires umnino adslringuntur, coarclalur in iis tanlum, qua ab
inlaxUibiU Ecclestce judxcio ve'uH dogmata ab omn\bus credeni»
propfinitniur
1412
LA SEJLUNE DU CLERGE
menfs. Un auteur classique mauquait. On pos-
sédait, à la vérité, l'ouvrage de M. Lequeux,
chanoine de Soissons, et même un abrégé à
l'usage lies commençants. Mais il y avait partout,
plus qu'un pressentiment que ces livres, em-
preints de l'esprit gallican, ne seraient pas tolérés
par l'Eglise ; et en effet ledit ouvrage ne tarda
pas à figurer sur les pages de l'Index. L'occasion
était donc favorable pourfaire pénétrer en France
les œuvres d'un cauoniste digne de confiance.
Les Institutions de Devoti se trouvaient sans
doute dans quelques mains; elles ont rendu et
rendront encore de grands services à l'ensei-
gnement. Néacmoins, un nom nouveau pouvait
être articulé avec chance de succès, et ce nom fut
celui du cardinal Soglia, auteur des Institutiones
Juris publici et privali ecclesiastici. L'éditeur
Courtier, à Paris, publia donc une édition de ce
livre, et, pour la mettre en harmonie avec les cir-
constances, uu prélat attaché à la nonciature
de Paris, rédi.;ea un Appendix, ad usmn cleri
gallicani. Cet Appendix se vendit séparément.
Le lecteur comprend sur-le-champ l'intérêt
qui s'attacha audit Appendix, composé d'une
quarantaine de pages in-octavo. Quoique cet
écrit n'eût aucun caractère officiel et que l'au-
teur eût positivement déclaré le soumettre à la
correction du Siège apostolique : omniasuh cor-
rections sanciœ Sedis apostolicce, cependant par
la force des choses, il revêtit un caractère par-
ticulier qui le faisait sortir de laligne ordinaire;
on le regarda comme l'expression vraie des sen-
timents du Saiut- Siège sur les points contestés
ou non observés en France. Assurément V Appen-
dix, dans les vingt-cinq articles qu'il renferme,
est le plus souvent l'écho des saines docirines;
mais dans l'article XVII, où il est question de
la loi du concours, l'auteur biaise d'une ma-
nière fâcheuse, eu s'altachaut aux ]>as du doc-
teur Bouix, et même en lui faisant dire ce qu'il
ne dit pas. Au surplus, voici la traduction exacte
de cet article xvii :
« Faut-il considérer comme étant aujourd'hui
eq vigueur en France la loi du concours portée
par le concile de Trente ?
« Dans tous les diocèses de France, depuis le
concordat jusqu'à ce jour, la pratique constante
a été de conférer les paioissis sans aucun con-
cours préalable. Les évoques oi:t coutume de
nommer seuls à toutes les paroisses et de les
conférer a*ix sujets de leur choix. Or, à l'occa-
sion de cette pratique, surgit uaturellement celte
question : la pratique est-elle fondée ? et sur
quoi est-elle lundèe ?
« Du concordat de 1801 suit-il que les églises
i)aroissiales de France ne sont pas soumises à la
oi du concours? 11 y a des raisons pour et des
raisons contre. Mais, dit le très-estimable doc-
teur Bouix, ces raisons pour et contre étant pe-
sées, je confesse que le texte du concordat me
paraît insuftisant pour alfirmer que les églises
de France sont exemptes de la loi générale du
concours ; De Perocho, page 359.
h La coutume quinquagénaire de conférer les
paroisses sans concours préalable prouve-t-elle
que la loi du concile de Trente touchant le con-
cours n'est pas aujourd'hui en vigueuren France ?
Il y a également des raisous poar et contre,
mais l'auteur déjà cité s'exprime ainsi: « Raisons
« de part et d'autre ayant été exposées, j'avoue
« queje n'ose pas, en matière si grave, conclure
« quoi que ce soit. Je noierai seulement ceci,
u savoir que les difficultés et les inconvénients
a redoutés, qui ont pu être la cause de la non-
n observation de la forme du concours dans les
« jours quionl suivi immédiatement la promul-
a gation du concordat, existent encore aujour-
t( d'hui en partie. Or, il est certain qu'une loi
« ecclésiastique, qui ne peut être observée d'aa-
« cune manière, ou ne peut être observée
« qu'avec une grande difficulté et au détriment
« des àme^, à cause des circonstances particn-
« Hères, n'oblige point. »
« N. B. Le concours n'est point applicable aux
curés amovibles ad tmtum. Cela est certain, en
vertu d'une déclaration de la sacrée Congréga-
tion du concile du 12 janvier 1619 ainsi conçue:
« Quant au curé amovible, l'ordinaire n'est pas
« tenu de se servir des examinateurs synodaux,
« et pareillementil ne doit point y avoir de con-
« cours. 1)
« Comme la loi décrétée au concile de Trente
appartient à la disciplinegénérale, etque l'Eglise
catholique ne saurait admettre dans sa législa-
tion une disposition intrinsèquement mauvaise
et nuisible, il estabsolumentdefeudude censurer
ladite loi, comme étant p:ir elle-même intrinsè-
quement mauvaise et contraire à la doctrine
évangélique. Si quelqu'un, parlant en toute mo-
dératiou, venait à dire que cette discipline,
quoique licite et bonne en elle-même, et très-
utile autempsduconciledeTrentequi l'a portée,,
est devenue cependant sujette à divers inconvé-
nients, dans certains pays, à cause du change-
ment des mœurs, et qu'il est à souhaiter que
cette discipline soit modifiée par l'autorité apos-
tolique, il ne s'écarterait pas de la manière de
l)arler qui convient à un catholique, car telle est
la condition des choses humaines que la meil-
leure institution est parfois sujette à ces abus, a
Franchement, pareille argumentation, ou plutôt
ce verbiage, est indigne d'un cauoniste. Assuré-
ment en ce monde, rien n'est parfait ; même,
dans le sein de l'Eglise catUoliiiue, l'idéal pour-
suivi par le législateur n'est jamais atteint d'une
manière adéquate ; cependant, s'il existe une
législation aussi opposée que possible aux abus,
c'est incontestablement l'ensemble des dispos*- •
LA SEMAINE DU CLERGÉ
I4!:j
tions canoniques touchant le concours. D'ailleurs
lesévêqiies institués au moment du concordat et
teux qui ont suivi n'ont point parlé d'abus résul-
tant du concours. Ce n'est pas après expérience
faite qu'ils se snnl écartés du droit, c'est en-de-
hors (le toute ap|iii(îa'ion, de tout essai, et uni-
quement par -«uite d'erreur sur la nature et
l'étendue de. unir pouvoir personnel, ou même
tout simplement par ignorance ou inattention,
Si, au ti'mps du concordat, il s'était rencontré un
esprit assez ferme pour observer la loi, sans
regarder ni à droite ni à gauche, il eût eu bien-
tôt des imitateurs et la règle, l'excellente règle,
e(it été sauvée. Cette grâce n'a point été faite à
la France, dont le clergé, à l'époque dont nous
parlons, n'était pas encore débarrassé des pré-
jugés, des erreurs et des ignorances du gallica-
nisme.
Revenons à l'auteur de l'/l/j/jerî'/ij:. Ce cnno-
niste écrivait avant l'importan!e décision rcmlue
par Pie IX, en 1854, cl notiti(!e à Mgr l'évéqne de
Liège. L'attachement qu'il léraoigue beaucoup
trop discrète ment à bi loi du conconrsse fùlaus-
sitôt révélé, ses hésitations eussiuit sur-lc-cliarnp
cessé, s'il eût pu .soupçonner que, peu d'années
plus tard, le Siège apostolicpie insisterait d'une
manière aussi formelle sur la nécessiclé de s'en
tenir au décret du concile de Trente.
Bien plus que serait-il arrivé, si ce cannuiste
et son muilre et modèle le dortcur [t'uiix,
eussent été à même de pressentir le quf-stidii-
naire adressé à tous les ordinaires, le 6 juia I8()7,
par le cardinal Catarini, préfet de la sacrée Con-
grégation du concile, en vertu des ordres de
Sa Sainteté? hididiilahleuieul leur enseigne-
ment eût été meilleur. Que porte donc le susdit
questionnaire en ce qui concerne la discipline
du coufoiirs '( l'article 12 est ainsi con(;u :
« En (pielle form ■ est indiquée et comment
se fait le concours, qui doit avoir lieu pour la
[irovisioii des églises paroissiales, selon les dé-
crets du concile de Trente, sess. XXIV, de rc-
jorm., cliap. .wiii ; et la constitution de Ue-
iioît XlV, di! Innii e méamire, donnée le li
décembre 174-2, et qui commence par ces mots :
Cum illnd ( I ) ?»
N'est-il [las évident, d'après le texte même,
que la loi du concours est réputée en vigueur
dans toute rii.;lise? Y a-t-il ici le moindre mot
impliquant res riclion? pour une portion quel-
cauque de la catholicité? Ueplus, dans la letlie
qui accompagne le questionnaire, on ht ce qui
Bi'iit :
« Les points 'le discipline, sur lesquels par
mandement de Sa Sainteté, la sacrée Congréga-
tion du Concile attend de votre Grandeur un
lapport et un avis, en ce qui touche votre
1, Âcta et •Moreta concilii Vatican'^ Fâboarg en Brisgau,
1871. îbez HerJer, |)a;;es 22 et suiv.
diocèse, sont clairement définis dans la nomen-
clature des questions ci-jointes. S'il existe, par
hasard, quelque autre point qui prête à l'aljus ou
qui implique une difficulté grave, quant à l'exé-
entio'i des saints canons, il dépendra de vous
de l'exposer en toute clarté ; car le Siège apos-
tolique, le sujet mûrement examiné, ne tardera
sans doute point à s'en occuper et à y pourvoir,
autant que l'exigeront les circonstances des
choses et des temps (I). »
^ De ce langage, il suit nécessairement qu'il
n'appartient à aucun évèque d'adopter des réso-
lutions en ce qui touche les points de iliscipline
rapi^elés dans le questionnaire susdit, et tous
autres non mentionnés, mais qu'il faut attendre
les décisions du Siège apostolique. Et en ce qui
concerne la loi du concours, il résulte de la
lettre ilu cardinal préfet, combinée avec le
questionnaire, qu'il ne saurait y avoir difficidté
aux yeux du Saint-Siège, quant à la loi elle-
même, u ais uniquement, quant à la m.inière
d'iudiqu r le concours et à la forme à garder ;
et enfin, nous le répétons qu il n'appartient
à aucun ordin:\ire de prendre par lui-même uu
parti, ni de suivre une pratique introduite par
le seul fait des prédécesseurs en opposition avec
la loi. Nous ne croyons pas qu'il soit possible
désorma s de contester la volonti' formidle du
Saint-Si 'ge. manifestée par l'^icle dont il s'agit,
(1 ! maintenir partout la discipline du concours.
La coutume, dira-ton. Mais la coutume lire
toute sa valeur du consentement du h-gislateur,
et ici le législati'ur parle de manière à Délaisser
aucun dnute sur le défaut de tout consentement
de sa [lart.
Nous aurions pu. dans cette dissertation, in-
voipier plus tôt l'argument irrésistible qui se
tire du doi'ument émané en 18(37 de la sacrée
Congréî;alii)n du Concile, mais nous avons voulu
11! tenir en réserve pour le produire à la suite
(le nos critiques contre l'Ai'imniliz in^titiilioniim
jurù pubUci <l privait card. Sojia, cet Appindix
pouvant èlrecimsidéré comme uu écho des doc-
trine s romdi'.cs. On doit reconnaître mainte-
nant que, sur la loi du concours, ni le docteur
boiilx, nirauionr de \'A}>jiendix, ne reflèirntla
pensée du S;ii;il-Si>'ge. ^ous m- faisons pas un
crime à cescanonisti s de n'avoir |ias connu uu
dociimeu' po>térieur à leurs écrits, mais oous
sommes surpris que leur flair, ordinairement si
romain, ne les ait pas mieux dirigés.
Le licteur voudra bien noter que le question-
naire de 1867 se rattache au Concile du Vatican,
en ce sens que le Saint-Siège faisait alors pro-
céder à une enquête sur Ictat de la discqiline,
afin lie favoriser plus tard les études et les déli-
bérations conciliaires. Victor Pelletiur.
(.1 si:ivn\) Chanoine de l'K^Use d'Orléans,
1, Actt (1 décréta, etc.
1414
LA SEMAINE DU CS.EnCE
LÉGISLATION
Exposition des motifs et des principes oui ont
servi de base a la loi relative a la liberté
db l'enseignement supérieur.
{Suite.)
L'ordre du jour de la séance du 21 décembre
1874 appelle la seconde délibération sur la
proposition de cette loi, M. le président de
l'Assemblée nationale donn ■ lecîure de l'ar-
ticle ^", qui dil : L'emeignemcnt supérieur est
libre, et il ob.-erve qu'à propos de cet arlicle, il
y a plusieurs amendements. Celui qui paraît
devoir être mis le premier en discussion est
l'amendement de M. B'^itauld : celui-ci prépose
demodilier l'iirtic'c l'r de la manière suivante :
L'enseignement supérieur est libre, sous la con-
dition du respect des lois, de l'ordre public et des
bonnes mœurs.
Les cours des facultés libres, seront publics,
coiime ceux des facultés de l'Etat.
M. Bertault vient à la tribune pour exposer
que le premier paragraphe de son amendement
réclame une limite à la liberté de l'enseigne-
ment supérieur, limite qui semble s'imposer ;
le second réclame une garantie pour l'observa-
tion de cette limite: la publicité.
S'il ne s'abuse, dit-il, il en est de la liberté
de l'enseignement comme de toutes les autres
libertés; il ne sullil pas île la proclamer, il est
nécessaire de l'organiser, la liberté de l'ensei-
gnement sera un bienfait ou un fléau, suivant
qu'elle sera bien ou mal organisée. 11 déclare
que s'il demande des garanties avant de pro-
clamer le principe de celte liberté, il ne cède
nullement a un sentiment de méfiance ou de
préciiuti'in contre aucune des coasmunious
chrétiennes; il n'en a surtout aucune contre
la communion à laquelle il appartient. « Je ne
saurais m'accoutumer, njoule-t-il, à l'i lée que
notre société moderne doive considérer le catiio-
licisme comme un cnueuii. Le catholicisme, il
est la source, il est le fond, il est l'àine de notre
civilisation. » 1! croit que le projet en liiscus-
sion manque des deux plus essentielles garan-
ties que les lois du 1833 et de 18oû avaient
sanctionnées.
La première garantie qu'il trouve dans la loi
de 1833, ([ui concerne 1 1 linerlé de l'enseigne-
ment primaire, c'est In définition de cet enseigne-
ment; la seconde est relative à des exigences
sous le rapport de .a capacité et de la m(jialite
des [ler.-onnft \\i\ distriljueront l'enseignemeut
primaire (.es deux garanties se répètent dans
la loi del8i)0, quand il s'agit de l'enseignement
secondaiic; mais on ns 'ôC retrouve poiut dans
le projet soumis à la sanction de l'Assemblée
au sujet de renseignement suiiérieur. 11 dit
que s'il se reporte des dispositions de ce projet
aux motifs exposés dans le rapport de M. Labou-
laye, il doit se demander comment il a défini,
ou plutôt comment il n'a pas défini l'eueigne-
ment supérieur. Pour confirmer ^« qu'il avance,
il donne lecture du passage suivant du rapport
de Jl.Laboulaye : « C'est également dans le sens
le plus large que nous prenonf 'e mot cours.
Il ne s'agit pas seulement de leçons faites en
concurrence avec celles qu'on donne dans les
chaire-; publiques. Il y a une foule d'études,
générales ou particulières, qui ne figurent pas
et ne peuvent pas figurer sur nos programmes
officiels, qui ne seivent point à obtenir des
grades universitaires, et qui cependant peuvent
très-uiilement faire l'objet d'un cours. Aussi
avons-nous refusé à l'administration le droit de
décider si un cours présenLait ou non le
caractère d'enseignemenl, u nous a semblé
qu'aecorder une pareille autorité au ministre
de l'in-truction publique, c'était remettre indi-
rectement entre ses mains l'enseignement suiié-
rieur. Nous voulons la liberté tout entière; nous
n'entendons exclure de l'enseigncm'nt que les
sujets contraires à l'ordre puliliv, à la morale
puhlique et religieuse. Eu deux mots, il sera
permis de tout enseigner, hormis ce qui cons-
titue un délit, snivant nos lois. »
11 paraît à M. Bertault, que s'il y a là une
définition, elle est bien large, bien vague, bien
compréhensive et bien élastique. Il avoue qu'il
en éprouve une certaine inquiétude. Dans les
lois de 1833 et de 1830, on avait deux garanties
qui manquent essentiellement dans le projet
de la commission. Le législateur, en proclamant
le princii>e de la liberté d'enseignement, décla-
rait alois que ceux qui le distribueraient de-
vr.iient d'abord justifier de leur moralité et de
leur capacité. Au contraire, d'après le projet
actuel, tout Français m ijeur, qui n aura cmouru
aucune cond imnation, pourra ouvrir un cours,
se dresser une chaire et ilevenir professeur.
Cette seule garantie lui parait pen consid.'rable:
il craint (lu'elle ne pourra pas euiiiéclier la
manifestation, l'enseignement de thé nies mal-
saine?, immorales, en réliellion contri; nos lois,
contre les priuci[ics de notre organi-'alion so-
ciale. (I II y a, obierve-t-il, un débordement de
théories mauvaises, qui exposent la conscience
de la jeunesse française à une véritable corrup-
tion, qu'il faut empèiher. » 11 lui parait, au
contraire, que. snivant les rapports de la com-
mission, ou devra accorder un laisser-passer à
toutes les doctrines, à tnutes le^ théories qui ne
seront pas conslilnlives d'un T'.uic ou d'un
délit prévu par la loi péaale. M ds il se
demmde si la comm;s-ion y a bien songé.
U dil que la négation de l'existence de l)ieu,
quand elle n'est accomp ignée d'aucun on-
LA SEMAINE DU CLERGE
1413
trage, ne tombe «ous l'application d'aucune
de nos lois [lénales. Est-ce que l'Assemblée
entend autoriser par celte loi l'ouverture des
cours dans lesquels on propasera,on enseignera
l'athéisme?
La négation de la spiritualité an l'àme, de
son immortalité, ne constitue ni crime ni délit
tant qu'elle se renferme dans un livre. Est-ce
que l'Assemblée veut dire qu'on pourra ensei-
gner publiquement le matérialisme?
La négation du sens moral, qui nous permet
de distinguer le bien du mal; de la liberté
morale, qui nous permet de préférer le bien au
mal; de la responsabilité morale, qui est la
conséquence de l'usage de la liberté, ne cons-
titue ni crime ni délit. Est-ce que l'Assemblée
veut permettre qu'un enseignement public,
sous le manteau de la liberté, vienne propager
la négation et du sens moral, et de la liberté
morale, et de la responsabilité morale? Pour
son compte il proteste énergiquement contre la
possibilité de ces enseignements impies. Aussi,
en résumant son dist;ours, M. Bertault réclame
des garanties plus sérieuses, et surtout celle de
la plus large publicité des cours.
M. Laboulayemouteà la tribune pour repous-
ser, au nom de la commission, la propixsition
de M. Bjituult. 11 décliire avant tout qu'il ne
faut pas qu'il puisse venir à la pensée de per-
sonne qu'en votant cette définition : « L'ensei-
gnement supérieur est libre, » la commission
ait voulu dire autre chose que ceci : le mono-
pole de l'Université est aboli. 11 pense aussi
qu'il ne peut venir à l'idée de personne que la
commission veuille autoriser un enseignement
contraire au respect des lois, contraire àror<ire
public, contraire aux bonnes mœurs. 11 croit
que rexamen des questions soulevées par l'ho-
norable iM.Beitault, trouvera mieux sa place
dans la discussion des articles suivants du pro-
jet de la commission,
M. Laboulaye déclare que les cours, ilans les
facultés de l'Etat, ne sont point publies; il
rap(ielle un icglemenl publié eu 1825, suivant
lequel les cours ne sont accessibles qu à ceux
qui ont obtenu une carte d'admission.
Quant à lui il n'admet, comme public d'un
cours, que les auditeurs sérieux, au profit des-
quels le profe.-seur fait un cours suivi, régulier
et méthodique, et non les curieux et les
déœavrés auxque s il suffit tout au plus d'un
cour» guperliciel.
il ne fait pas d'objection à ce que les facultés
libres aient îo droit de recevoir tout le monde,
.'j l'elles puissent admettre à leurs cours des
audit-i:ursbéuévides: mais il ne peut reconnaître,
comme contrôle de l'opinion publique, la libre
entrée dans ces cours de six ou huit désœuvrés,
qui viennent à contester les leçons d'un profes-
seur. Ce serait transformer un tranquille
amphithéâtre d'enseignement en tout autre
chose; ce serait, dit-il, chercher et provoquer
le désordre.
Il invite conséquemment l'Assemblée à
repousser la première partie de cet amende-
ment comme inutile, et la seconde comme
tournant contre les intentions de son auteur.
Après l'échange de quelques observations
entre M. Bertault, le rapporteur et M. le minis-
tre de l'instruction publique, M. le président
met aux voix cet amendement, ijui n'est pas
adopté par l'Assemblée.
M. Pasctil Duprat remplace M. Laboulaye à
la tribune pour développer l'amenilement qu'il
a propose d'accord avec M. Jules Ferry. Cet
amendement est ainsi conçu :
Uenseignemenl su/jériew est libre, sous la sur-
veillance de l'htat, qui reste seul investi du droit
de conférer les grades. Il n'hésite pas à recon-
naître que ce projet de loi a pour but, en
apparence et dans le fond, d'établir parmi nous
la liberté de l'enseignement supérieur. Cette
liberté a provoqué des défiances, des scrupules
et des craintes ; il vient défendre cette liberté
et lui assigner ses véritables limites. Parmi
ceux qui réclament avec lui celte liberté de
l'enseignement supérieur, il y en a qui con-
tesleul et méconnaissent absolument le rôle de
l'Etat dans l'enseignement. Il déclare que,
qnant à lui, il veut allirmer les devoirs de
l'Etat, et revendiquer ses droits en cette matière.
H est persuadé que l'Etat est seul capable de
former et de maintenir un ensemble de grandes
écoles et de haut enseignement; il ajoute que
l'Etat doit représenter l'héritage intehectuel du
passé, c'est-à-ilire les trois siècles de gloire
scientifique et littéraire qui sont derrière nous;
admirable et merveilleux patrimoine qu'on ne
peut abandonner sans tr.ihir les intérêts les
plus précieux de la nation.
Après avoir longuement examiné les diverses
objections que la proposition de cette loi a
soulevées, il résume ses ditlérenles observations
en déclarant maintenir, de sa part, que l'ensei-
gnement supérieur doit être libre, non-seule-
ment l'enseignement collectif, mais aussi l'en-
seignement individuel, qui est la racine, en
quelque sorte, suivuntlui, de l'enseignement
Collectif.
11 soutient que cette hberlé d'enseignement
ne produira pas les inconvénients iàeheux qui
semblent pouvoir en résulter, et que la société
civile et laïque n'a pas à crainilre, quoiqu'il
arrive, la domination de l'Eglise et du cierge
dans renseignement.
Il affirme que l'unité des esprits dans notre
pays n'en sera pas atteinte, et que la liberté
D'abaissera pas le niveau de renseignement.
mi
LA SE.MAINE DU CLERGÉ
Il lui paraît, en même temps, avoir démontré
que l'Etal a des devoirs à remplir el des droits
à revendiquer en matière d'enseignement;
qu'il peut el doit, dans notre milieu social,
enseigner par lui-même dans des grands éta-
blissements, qu'il aura créés et qu'il doit déve-
lopper pour les mettre au niveau d s progrès
de la science moderne, et qu'er.lin l'Etat doit
garder, dans ses mains, le droit de conférer les
grades. En finissant son discours, il dit:
a Blâmer et repousser la liberté de l'ensei-
gnement, c'est violer la nature même de
l'homme ; refuser à l'Etat le ro'e qui lui ap;iar-
tient dans l'enseignement, c'est méconnaître
l'intérêt social dans ce qu'il a de plus sacré. »
M. Laboulaye lui répond qu'on ne peut pas
voter une amendement qui admet appartenir
seulement à l'Etat de conférer les grades, parce
que ce serait conserver, de cette manière, le mo-
nopole universitaire. Chacun ne peut voter
celte disposition qu'autant que la manière de
conférer les grales lui convient. 11 demande
conséquemment que la discussion sur la colla-
tion des grades soit réservée à l'aiticle 13 du
projet de loi.
M. le Président de l'.^ssemLlée observe que
cet amen, ement, tel qu'il l'st rédigé, embrassant
deux questions, ne peut être renvoyé complète-
ment à l'article i'à, qui s'occupe seulement
d'une de ces deux questions. La seule manière
de renvoyer la soluJon à l'article 13, en ce
qui concerne la collation des grades, serait
pour SI. i'ascal Duprat de réserver aussi la
question de la surveillance de l'Ltaluu moment
où cette question viendra en discussion, c'est-
à-dhe à l'article 6.
Ijans ces conditions, M. Pascal Duprat con-
sent à retirer provisoirement son amendement,
sauf à le représenter plus tard sur les articles
que l'on vient d'indiquer.
Lecture est donnée de l'amendement de
M. Jean Brunet, qui voudrait r.jmplacer l'ar-
ticle i" par le suivant :
« A) tick i". Est /j/okibé tCMt éiablissement d'en-
seignement supérieur qui ne s'a/ifjuieia pas sur le
"principe suprême de Dieu, le ciéatew et le direc-
teur de l'univers.
Cille croyance étant officiellement déclarée et
publiée, l'euieigiteinent supèivur est libre. »
Dans la séance du leudimain, 22 décembre,
M. Jean Brunet vient dévelo( per son amende-
ment. 11 croit indispensable d'inscrire, dans
cette imporiante loi, le principe de la croyance
en bieu, non 'jAS seulement comme un ailicle
de foi uécessaipc, mais encore comme moyen
efficace pour oiiposer une barrière uilraiicliis-
sable u à la marée fangeuse , toujours mon-
tante, de l'athéisme. «
Dans soQ admirable discours, que nous
regrettons de ne pom'oîr répéter tout enîÎCT,
il dit que l'enseignement réservii exclusivement
catholique avait produit, jusqu'en 1789, de
grands bienfaits, mais qu'il y a actuellement
un devoir supérieur à exercer, qui empêche
aujourd'hui d'établir un priniege en faveur
d'un culte spéci il ; li observ c qu'abandonné
d'une manière absolue à lui-même, l'enseigne-
ment conduirait à l'anarehie, au bouleverse-
ment, aux abrotissements de toute es[ièce. Il
ajoute que, ab indonné exclusivement à l'Etat,
l'enseignement n'est que l'accaiiarement, comme
la voulu le fondateur de l'Université, des intel-
lig-'nces el d s conditions morales des popula-
tions. Quand à lui, il croit impossible de coa-
duire la science dans les conditious supérieures
d'S grandes lois organiques, quaud on est
privé du sentiment religieux.
La conséquence de ces démonstrations est,
à son avis, q«e.(iour l'enseignement supérieur,
les libertés individuelles, les besoins de l'Elut et
la science générale doivent ètie soumis au
principe divin.
En finissant son éloquent discours, il répond
à ceux qui hésitent a décrétir la liberté de
l'enseignement supérieur parcrainte d'accorder
une puissance trop grande à l'ensiignemeut
catholique, par crainte que celui-ci domine
toutes les autres parties de l'enseignement dans
la nation, et qu'il s'ensuive de telles haines
et puis de telles séparations, qu'elles détruiront
l'unité nationale. « iNon, s'écrie-t-il, cela n'est
pas pos^ible; croyez-le bien, messieurs, ce n'est
pas la puissance catholique qui est à craindre
aujourd'hui, car c'est le salut; mais bien
l'athci-me, car c'est la ruine. »
Cet amendement est également repoussé par
la commission et par l'Assemblée liatiouale,
laquelle adopte l'article I" dans la forme pro-
posée par la commission.
(A suivre.) PniLirPE Carbéui.
1
B io gra phi»
DOM GUÉRANGER '
ADBÈ DE SOLES.MES.
(^Suile.)
Pour les personnes peu versées dans les
SL'ieiices, des thèses contraires, soutenues par
des hommes de mérite, peuvent Kjre illusion.
Le mode le plus décisif iies controveises, c'est
de voir les deux parties en pn scnce. Dom Gué-
rauger n'a garde de négliger cet avanlage.
Sou aiitagoni-le avait beauiou[> incidente sur
les délails ; i'ubbé produit, dans une page, le
LA SEMAINE DU CLERGÉ
14iT
texte de l'évëqoe et mut, sur la page en facp,
ses ol)servati>3ns. Cette lutte coips à corps,
qui se poursuit cent-ciniiuanle pagesdurant, se
f'^imine en vérilablc exécution : de l'Eglise
félna il "^e reste rien que l'injure du tilre,
chose vaine lorsque l'exposé dos molifs e^t
coulé à fiind d'une manière aussi évidemment
péremptoire.
Le seioFid ap;rpsseur fut Jean-Jacques Fayet^
évêque d'Orlùans, prélat, grand seiL^ncur et
homme de bi^aucoup d'e?prit. Ancien vicaire
général du cardinal de Croï, iiavait publié, d'a-
bord sous le nom du prince, ensuite sous son
nom, des mandements d'un style un peu
échaufié peut-être, mais souvent très-réussi et,
parlant, très-bienvenu des ji'unes gens et des
dames. Député à la Constituante de 18'«8, il
devait, grâce à son esprit, rempoiier sur d'ha-
biles adversaires, plus d'uti triomph'!. Dans
l'aflaire présente, on le trouve semblable à
loi même, trop spirituel, parfois emporté,
mais sans force réelle. Ainsi, lui, évèque et
grand seigneur, il appelle d(jm Guérangcr le
papedeSolesmes; il le reiircseute dans sonan-
tique abbaye, transformée en citaitelle, cous-
trnisant une machine do guerre pour battre en
brèche, du haut de ses tours, le- liturgies des
églises de France ; il l'arme d'une longue vue
pour explorer la plaine et courir sus au pre-
mier venu ; il le dit prétendant à la succession
de saint Grégoire VI!, comme aôie'deCluoy,
où, par parenthèse, Hildi brand a été tout au
plus prieur; il le montre attablé àl'aub'rge de
l'Ours-Noir à Wiltemberg (à léna, Monsei-
gneur) et ailleurs, priant la Sorbonne de cou-
vrir, contre le pape, ses pauvres petits de son
égiile titulaire; exécutant des procédés de fan-
tasmagorie ; cherchant à piper les esprits par
di's sophismes; enseignant une théologie et un
droit canon qui font très-mauvais ménage
ensemble, attemhi qu'il y a incompatibilité
d'huftieur, et que, tôt ou tard, cela finira par
un divorce ; écrivant enfin un livre tel qu'on
ne sait si c'est un traité, une dissertation, une
satire ou un loman, problème qui se trouve
plus tard résolu en faveur d'un roman-feuille-
ton.
J'en passe de plus fort??, puis, après le feu
roulant de plaisanteries, je tombe sur les choses
sérieuses. Or, l'évêque ose dire sérieusement, il
le croit du moins, quedomCuéranger a déclaré
la guerre aux églises de France et à leurs pre-
miers pasfeurs; qu'il lance les foudres de l'ex-
communication sur plus de cent évéques ; que
le drapeau de l'unité liturgique est le drapeau
de l'insubordination et de la révolte ; que
l'église de France est agitée comme la mer ;
que, sous un air de science et de piété, l'auteur
coQTre le schisme du drapeau de l'unité; que.
par ses deux gros volumes, il veut révolution-
ner l'église de France ; que ses paroles ont
une étrange conformiti; avec le langage des
factieux et des révolutionnaires ; qu'il se sert
d'armes e:npoisonnées. Ce qui l'amène à le
comparer à Voltaire, à proph^ti-er en lui un
nouvel Arius, à lui attriliuer les doctrines du
presbj'térianisme, l'erreur des pauvres de Lyon,
le système humanitaire, enfin, jusqu'à la soli-
darité des cours de JMichelet et de Quinet au
Collège de France. Pendantqu'il était en veine,
l'évoque aurait pu a''cuser encore dom Gué-
ranger d'avoir tué Abel, insulté Noé, veudu
Joseph, brûlé le temple d'Ephèse, incendié
Rome; ces retours sur l'histoire eussent pro-
duit le meilleur effet d'éloquence.
Ces invectives et ces plaisanteries, si peu
conformes à la gravité ecclésiastique, étaient
d'abord des fautes de goût, fort ctiangères à
la question, bonnes uniquement à concilier, à
l'auteur, les sympathies de l'intelligent public.
De [)ius, elle n'avaient pu se produire qu'en
violation des règles '!e la sainte Eglise dans la
lecture des ouvr^iges d'esprit. « Nous vous
avertissons, avait écrit Benoit XIV, de bien
comprendre qu'il est impossible de porter, sur
le sens d'un auteur, un jugement qui soif juste,
si on n'a pas lu son livre en entier ; si l'on n'a
pas comparé ensemble les divers passai^es qui
se trouvent en dillérents endroits du livre. Il
faut reconnaître aussi le but général que s'est
proposé l'auteur, et ne pas prononcer s»r une
ou deux propostions isolées du contexte, ou
considérées et appréciées à [lart de,p autres qui
sont contenues dans le mémo livre. En effet, il
arrive souvent que des choses qui sont données
par l'auteur, en passant, et d'une manière
obscure, dans certain endroit de son livre, se
trouvent expliquées ailleurs distinctement,
abondamment et clairement, en sorte que les
ombn s qui couvraient la première proposition,
et sous lesquelles elle otTrait l'apjjarence d'un
sens mauvais, se dissipent entièrement et cette
même proposition est reconnue exemiite de
reproche.
« Que s'il arrive que des propositions ambi-
guës aient échappé à un auteur catholique, et
d'une réputation entière sous le rapport de la
religion et de la doctrine, l'équité semble exi-
ger que ses paroles soient expliquées et prises
en bonne part, autant qu'il est possible (1). »
Moine pieux et conlroversisle intelligent,'
dom Guéranger n'eut garde de ■cendre coup
pour coup. Sans doute, il accueillit avec satis-
faction des luttes qui tenaient, sur la liturgie
l'attention du puli!ic et permettaient à l'auteur
des Institutions de préciser victorieusement ses
projets de réforme ; mais il s'imposa le devoir
1, Bentdicti XIV Const.tutio SoUicila, Id. Julii 1753.
U18
LA SEMAINE DU CLERGE
d'une jiéfîcnTense urbanité et crut qu'il aurait
assez fait jiour sa personne, s'il réussissait à
faire triompher son œuvre. Après avoir relevé,
dans son adversaire, des erreurs de détail et
«les imputations mal fondées, il singularisait
ces erreurs et les prenait l'une après l'autre,
corps à corps, pour les abattre sous la puis-
sance de ses étreintes. Sa défense, présentée
en trois lettres, et complétée, après la mort
de Tévêque d'Orléans, dans la préface du
tome ni.ies/«s<?'M/('ons, n'a pas été analysée en-
core de manière à la faire bien apprécier. Nous
croyons qu'il importe de le faire, et, après
l'avoir fait, nous nous persuadons qu'il est
difficile de trouver un plus bel exemple d'ordre,
de viu'ueur, de décision et de respect.
L'évèque avait dit que « la religion est une
vertu morale qui ne produit par elle-même que
des actes intérieurs d'adoration, de louange, de
sacrifice, qui n'a, par conséijuent, rien à dé-
mêler avec la liturgie, » que « la liturgie pro-
prement dite n'a aucun rapport nécessaire avec
la vertu de religion ; » qu'il faut a laisser la
liturgie dans son domaine et le culte divin dans
le sien , » enfin que « par l'exercice public de la
liturgie, l'Eglise se met plutôt en communica-
tion avec Dieu qu'avec les bomraes (1). »
11 n'est personne qui, à la réflexion, ne sai-
«isse le danger d'une telle doctrine, dont les
conséquencesmèneraient directement au déisme
et, franchement, c'eût élé acheter trop cher le
droit de refaire à neuf la liturgie que de sacri-
fier ainsi les bases de la religion révélée. Il fut
aisé, à Dom Guéranger, d'établir, dans sa pre-
mière lettre à Mgr Fayet, que la religion n'est
pas comiilète sans le culte extérieur et que la
iituigie n'est autre chose que le culte extérieur
rendu à Dieu par l'Eglise. C'est une démons-
tration facile de théologie, une thèse presque
vulgaire de bon sens.
{A suivre.)
Justin Fèvre,
protonotaire apostolique.
LA QUESTION OUVRIÈRE
(?■ aniele).
CE QUE l'Église fait de nos jours poua l'ouvrier.
— RÉSULTATS SOCIAUX DE SON ACTION SUR LA
CLASSE OUVRIÈRE ET LES CLASSES DIRIGEANTES.
V • Les œuvres, telles que nous les entendent!
cl telles qu'il les faut pour réagir puissamment
1. Eœamtn dis Inslitulioni liturgiques, p. 36, 40, 43 et
contre la démoralisation de la classe ouvrière,"
ne sont pas et ne peuvent pas être simplement
le produit de ce qu'on appelle la philanthropie,
c'est-à-dire l'effet de ce sentiment vague d'hu-
manité qui ne fait penser qu'au soulage-
ment des misères physiques, et dont les ef-
forts sont, la plupart du temps, insuffisants et
stériles.
Le but principal des OEuvres ouvrières doit
être, si on veut arriver à un résultat sérieux et
durable, de moraliser, disons mieux, de chris-
tianiser l'ouvrier. Or, ce but ne peut être obtenu
par ce qu'un appelle aujourd'hui la philan-
thropie, qui ne repose que sur un sentiment
vague d'humanité, qui ne vise le plus souvent
qu'au soulagement physique, et dont les efforts
quand même demeurent stériles, parce qu'ils
n'atteignent pas même le mal dans sa racine.
C'est à l'Eglise seule, qui a reçu de son divin
fondateur avec les promesses de la vie future
celles de la vie présente, et dont l'action se tait
sentir jusque dans les profondeurs de l'âme
humaine, c'est à l'Eglise, représentée par le
prêtre, le religieux, la religieuse, de pieux laï-
ques de l'un et de l'autre sexe, qu'il appartient
d'être la tête et le cœur des associations ou-
vrières. Aussi trouvons-nous toujours comme
directeurs de ces associations, ici les Pères de la
Compagnie de Jésus, là les Frères prêcheurs,
plus loin les Augustins de l'Assomption, ailleurs
les Frères de Saint-Vincent de Paul ou de la
Doctrine chrétienne, les Filles de la charité,
les Petites sœurs des pauvres, etc. Nos confé-
rences de Saint-Vincent de Paul, nos Comités:
catholiques, les Bureaux des Dam ;s de charité
fournissent également des directeurs laïques :
ce sont toujours des chrétiens zélés, apparte-
nant quelquefois aux rangs les plus divers, aux
conditions les plus opposées de la société de-
puis le magistrat, l'officier, le fonctionnaire, la
grande dame, jusqu'au simple patron, au plus
petit employé de bureau, à la femme du plus
modeste négociant; tous puisant leurs inspira-
tions dans le sentiment du devoir et les motifs
les plus élevés de la religion.
VI. Pour l'apprenti et l'ouvrier, il y a aujour-
d'hui presque dans toutes nos cités ce ijue l'on
appelle un patronage et un cercle catholique.
Comme ce sont là les deux principales insti-
tutions de notre temps en faveur du la classe
si digne d'intérêt des travailleurs, il est bon
que nous doimions ici une idée de l'organisa-
tion de ces deux œuvres. Nous nous en tien-
drons aux traits généianx, parce que chaque
patronage, chaque cercle tout en présentant
une physionomie commune, est régi par un
règlement spécial.
Les loiiilateurs et directeurs d'un cercle ou,
d'un patronage s'appliquent avant tout à pré-
LA SEMAINE DU CLERGÉ
14i»
server l'ouvrier ou rnpprcnti,pcm]anl les jours
et les heures de repos, d'un désœuvremeutlou-
jours funeste et de la fréquentalion de certains
lieux où ils contracteraient infailliblement des
habitude») .l'intempérance et entendraient les
propos les plus licencieux : c'est là un des
points fondamentaux. Aussi les catholiques
qui président à ces œuvr<'s prenn nl-ils à
tâche de procurer aux membres, chajue diman-
che entre les offices et pendant les longues soi-
rées d'hiver, des délassements honnêtes, tels
que jeux bruyants et jtux tranquilles, repré-
sentations amusantes, promenades, pi-Lrina^es,
banquets, etc., toutes choses qui attirent l'ou-
vrier et le réîrécnt sans danger pour son âme.
C'est afin d'atteindre le même but que, dans
plusieurs villes, on a créé des hôtelleries, qui re-
çoivent l'ouviier â sou arrivée, et lui fournis-
sent le logement et les vivres à des prix très-
modérés, des maisons de famille, où celui ijui
n'a point de foyer domestique trouve une autre
famille non moins empressée aie secourir dans
ses besoins physiques et moraux. On ne peut
s'imaginer de quelles précieuses ressources sont
pour les œuvres, les deux dernières institutions.
En premier lieu elles mettent l'ouvrier à même
de résister auxsollicitationsdes soeiétéssecrètes,
qui rob>èdent pour l'attirer dans leurs filets, à
son début surtout; et en second lieu elles le
tiennent sans cesse éloigné des compaguies
dangereuses.
Les dimanches et les jours de fêtes, on va à
la messe en corps. Nous connnaissons un grand
nombre d'oeuvres qui ont un aumônier à elles,
ainsi qu'une chapelle où les ofDces se font
comme dans les églises paroissiales; les mem-
bres du patronage ou du cercle s'y rendent d'au-
tant plus volontiers qu'ils n'ont pas à lutter
contre le respect humain. Ordinairement, il y a
prédication, et même de temps en temps on leur
ménage une petite retraite pour les disposer, par
exemple, au devoir pascal. On les invite à s'ap-
procher fréquemm.enl du tribunal de la péni-
tente, et c'est dans leur chapelle qu'ils font la
sainte communion, toujours ensemble. De plus
ils paraissent en corps aux processions de la
Fête-Dieu, de l'Assomption, et aux grandes fêtes
Frovinciales ou nationales, la bannière de
œuvre en tête.
En outre des hommes instruits, d'éminents
professeurs quelquefois, leur font le dimanche,
et même, certains jours de la semaine, des con-
férences sur un sujet religieux, scientifique ou
littéraire, toujours à leur portée, et de nature
a piquer vivement leur curiosité.
La visite des pauvres et des malades est aussi
en usage dans plusieurs cercles et patronages.
Celte visite se fait toujours en la comjjagnie
d'un des patrons ou d'un directeur. Les ou-
vriers s'hnbiluent ainsi à voir le pauvre de près,
à compatir à ses misères, â lui adre.-ser quel-
ques paroles d'encouragement, en même temps
qu'ils déposent entre ses mains leur jtetite au-
mône : touchante démarche qu\ .loit réjouir
les sages et aller droit au cœur de Dieu.
Glace au zèle du conseil de chaque œuvre,
on trouve ordinairement, dans le local affecté
aux réunions une bibliothèque, à l'usage exclusif
des membres. Cette bibliothèque n'est composée
que d'ouvrages en rapport avec l'âge, le degré
de connaissances, la profession de ceux à qui
elle s'adresse ; et il va sans dire qu'ils sont soi-
gneusement choisis tant sous le rapport reli-
gieux que sous le rapport littéraire.
A côté de la bibliothèque, il y a un cabinet
de lecturp, chauffé en hiver. C'est aussi là que
des publications périodiques, irréprochable»
quant à la doctrine et à la morale, sont mises
gratuitement â la disposition des membres du
cenle ou du patronage.
Un certain n(jmbred'Œuvres possèdent déjà
une caisse d'épargne, où l'ouvrier peut placer
le fruit de ses plus petites économies, cerl.iia
de le retrouver un jour avec l'intérêt en plus,
lorsque le besoin se fera sentir. On a essayé
aussi avccavantage, en plusieurs endroits, l'éta-
blissement de sociétés de secours mutuels, et
même de sociétés coopératives de consomma-
tion.
Les directeurs de patronages proprement
dits, qui sont toujours de très-bons catholiques,
se chargent de placer lesjeunis apprenti- qu'on
leur confie chez des patrons chrétiens, faisant
respecter dans leurs ateliers le repus dominical,
et y interdisant les discours liceutieux ainsi que
les mauvaises lectures. De plus, ils vont les vi-
siter eux-mêmes à des intervalles assez rappro-
chés, interrogeant les patrons sur leurconduite,
et distribuant les encouragements où les répii-
mandes selon qu'il y a lieu. Si un de leurs
protégés tombe malade, c'est à la maison pater-
nelle qu'ils se rendent pour lui porter des se-
cours et s'informer de l'état exact de sa santé ;
ils trouvent là l'occasion d'adresser à tous quel-
ques bonnes paroles.
En outre, les apprentis ont chacun un livret
sur lequel le patron couiheses notes de chaque
jour; et ce livret doit être présenté chaque di-
manche aux directeurs du patronage.
On sait déplus que, tous les ans, il se fait, à
Paris et dans d'autres villes de France, une
exposition industrielle où les jeunes ouvriers
sont admis à faire figurer un échantillon de leur
travail, lequel est examiné avec attention, ap-
précié selon son mérite, et quelquefois même
couronné s'il y a lieu; c'est là, on le comprend,
on des stimulants, un des principes d'émulatio»
les plus énergiques.
1420
I.V SEMAINE DU CLERGÉ
Au patronage, les dimanches et les soirées
d'hiver sont emploj-és à peu prés de la même
manière qu'au cerce.
Pour nous résumer, disons que l'ouvrier
trouve, dans les œuvres dont nous venons de
parler, les distractions et les avantages maté-
riels qui lui sont olferls ailionrs, avec cette
énormu difiérence qu'il ne n^ncoritre rien qui
ne le détourne du mal. Il échappi^ ainsi à l'ia-
fluence délétère de la taverur; il apprend à
connaître de mieux en mieux ses devoirs en-
vers Dieu, envers ses semblables, et, après un
certain temps, il est comme nécessairement
initié aux salutaires habitudes de la vie chré-
tienne, habitudes qui peut-être le fixeront dans
le bien pour toute sa vie.
Ce n'est pas tout. L'ouvrier qui s'est enrôlé
sous la bannière des associations catholiques
possède dans l'institution des Crèches un se-
cours bien précieux pour sas petits enfants et
leur mère.
Cette œuvre des Crèches, que Mgr de Ségur
appelle avec raison h le premier pas de la cha-
rité de l'Eglise à l'égard de la classe pauvre
et laborieuse, » a pour but de procurer d'abord
les ressources nécessaires à l'acquisition et à
l'ameublement d'un local spacieux destiné à re-
cueillir les petits enfants encore au berceau,
qui, sans cela, seraient le plus souvent délaissés,
ou confiés à des nourrices sans conscience. De
bonnes sœurs acceptent la garde de ces enfants
durant le jour, et leur donnent, aux frais de
l'œuvre, tous les soins que réclame leur état,
pendant que les mères vaquent à leurs travaux
ordinaires.
Ailmirons ici en passant quel trésor de dé-
vouement notre sainte religion met au cœur de
ces généreuses filles. Humainement parlant,
que sont pour elles ces enfants des Crèches? des
étrangers, ni plus ni moins; l'exercice de leurs
pénibles fonctions ne leur présente d'ailleurs
que dégoût, ennui, fatigue accablante, quelque
chose même de repoussant; pour la nature, il
n'y a rien, absolument rien. Lorsque l'enfant a
franchi le tout premier âge de la vie, on pent
dire jusqu'à un certain point que ses petites
caresses sont pour ceux ou ci lies qui lui pro-
diguent leurs soins une espèce d'encourage-
ment, au moins un sujet de récréation; mais
ici, encore une fois, rien, rien, rien; la nature
•est totalement onbiic.^. Et cf'pendiint, les bonnes
religieuses préposées à la direction des Crèches,
loin de se rebuter, ne cessent de reudie à ces
petits èti es dofll elles sont les gardiennes, les
servicei les plus vulgaires, les plus répugnants,
et cela sans ancuu espoir de récompeus* ici-
bas, avec one patience et uu courage vraiment
snrhumains. 0 sainti! et divii;e religion catho-
lique, c'est là un des mille p it>diges que tu en-
fantes chaque jour, prodige aussi admirable,
plus admirable même que ceux opérés autre-
fois par ton auguste fondateur! Oh! je te
bénis!
A peine l'enfant de nos ouvriers a-t-il atteint
l'âge de trois ou quatre ans, que l'OEuvre le
place dans Vasile, fournissant sinon toujours
gratuitement, au moins à des prix très-réduits
les objets nécessaires. Là, on lui apprend déjà
à tracer sur lui le signe de la croix, à bégayer
quelques prières; on lui inculque les premiers
éléments de la lecture; il n'y a pas jusqu'aux
petits exercices de gj'maastique qu'on lui fait
exécuter qui ne le forment à des habitudes de
discipline et de régularité, tout en développant
son agiUté et son adresse. Quel service ren-
dent d'ailleurs les asiles au point de vue moral!
Sans cela, je le demande, que deviendraient
ces pauvres petits enfants laissés à eux-mêmes
dés cet âge? Le vagabondage ne jetterait-il pas
en eux la semence malheureusement trop fé-
conde de l'immorahté et de beaucoup d'autres
vices? L'expérience est là pour attester cette
triste vérité.
En sortant de l'asile, l'enfant passe à Véeole,
où on lui enseigne, gratuitement toujours,
toutes les matières qui composent l'enseigne-
ment primaire, et où on le prépare, avec un
soin tout particulier, au grand acte par excel-
lence de la vie : la première communion.
Dans le but d'aider les enfants à demeurer
sages avant et après la première communion,
on a introduit dans les œuvres de pieuses asso-
ciations, telles que celles de la Sainte-Enfance,
de saint Louis de Gonzague, des setints ^Vnges,
des enfants de Marie, l'apostolat de la prière,
la communion ré{iaratrice, etc. De plus, nous
connaissons plusieui s patronages et cercles où
existe une association eu faveur des âmes da
purgatoire. Cette association, tout en rappelant
aux ouvriers et appreatis l'existence du lieu
d'expiation, tout eu les intéressant au sort de
leurs fières qui les ont précédés dans la même
profession, peut-être dans les mêmes ateliers,
ménage à chacun d'eux nue inhumation gra-
tuite, honorable, et leur assure des prières après
la mort.
Vcilà un résumé bien court et bien pâle de ce
que fait l'Eglise, de nos jours, pour la classedes
travailleurs, pour ceux, cela s'enlend, qui veu-
lent se placer sous sa maternelle direction. Que
de soins elle leur prodigue! Comme elle craiut
surtout qu ils ne se perdent pour l'éternité l Et
quand quelques-uns s'éloignent du droit tlie-
min, comme elle les poursuit! Que d'eiforts elle
lait pour pouvoir les atteindre H hs ramener
aubercaili Convenons que 1 ouvrier qui repous-
serait un tel dévouement se rendiail coupable
d'une bien noiru ingratitude i il ne rosseiubie-
LA SEMAINE DU CLERGE
au
rait que trop, ln'l.s! à celui qui, marchant vers
un abîme et sentant une main amie le retenir,
ne baignerait pas même la regariler, mais pren-
drait scm élan de plus belle pour plus tôt arriver
à sa ruine.
J'avais donc raison d'affirmer que l'Eglise est
la VI nie more de l'ouvrier. Qu'on me montre,
dans les sectes anti-chrétiennes, quelijue chose
qui apprdclie seulement de l'héroïque abnéga-
tion, d« l'ailmirable dévouement de ces bons
frères, ijiar exemple, si dévoués aux œuvres de
jeunesse? Nous rencontrons bit'n encore de
ces philosophes libéràlres qui s'apitoient dans
de pom|i.'iix discours sur le sort de l'ouvrier,
accusent en (crmes amers la classe opulente de
l'esclavage où il géoiit, font miroiter à ses yeux
les graniis nnots de liberté, d'égalité, de frater-
nité ; miis où s nt, jr- le demande, ceux de ces
libéràtres i|ni pour lui reEoncent volontaire-
ment aux joniissaners de ce monde, consacrent
leurs loisirs et UHcnt leur vie au service de la
classe ouvrière? Qa'on me les montre'/ A fruc-
tibus eorum coynoscctis eos.
{A suivre.) L'abbé Gabnier.
curé du Belmont.
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
Voyage du cnnlinal Mac Cljpk-yà Rome. — Adresse
des New-Yoïkaisau Saiut-Père.— Brel'sur lus c'as-
Srque^ lalins. — Lu couvent Haint-Laurent in Lucinn
tmn-lormé en tli(''àtre. — M. CaTrtH'né, nommé à
l'évôcbij lie Saint-Pieire el Fort-du-France. — M(,'r
l'archevôqUL' de Rennes élevé au carilinalat.— Nou-
velles universités catholiques. — Désertion des cours
d'adultes, — Oongrès catholiiiue de Poitiers. — E\-
puUion des évèques italiens de leurs demeures. —
G-uei'fe à l'ensBign-ment catlioiii|ue. — Expulsion
des Sœurs de lUiarité du canlou de Genève.— Les
PelUes-Sii'Ui'- des Pauvres et leurs viedlards. —
Asseuildée d(Kllin('''rii;nne à Honn. — Soulèvement
de l'Heizégoviue. — Reslauratiou du tombeau de
ssiat Louis à Cai thage. — Les Frè es des Ecoles
chréiieuues à Tunis. — Assassinat de Gai cia Moruuu.
2 septembre 1875.
Rome. — Peu de nouvelles du Vatican. Deux
■on trois caravanes de [ èlerins fraii(;als y sont
allées porter nu Vicaire de Jésus Curist i'hoiu-
înage de leur tendre et respectueuse iidéilili!'. Le
«cardinal Mae Closkey y est attendu, peut-être
arrivé, pour reci'voir des mains du Pape le cha-
peau de sa dignité, dans la prochaine as.^emblée
coïKiBtontde, On assure, dès maintenant, que
celle assemblée idl'rira un grand intérêt, que de
nouveaux cardinaux y seront nommés, et que
les cardinaux réservés y seront publiés. Mais
nous n'avons pas coutume de parler des bruits;
il sera donc temps de parler de ces faits lorsqu'ils
seront arrivés
Le cardinal Mac Closkcy apporte au Pape une
«dresse descat'iolitjues du diocèse de New York,
dans laquelle ils lui expriment leur reconnais-
sance pour l'honneur de la pourpre qu'il a
accordé a leur premier pasteur, et leurs doulou-
reuses sympathies à l'occasion des maux que
soutfre l'Eglise en Europe. II;. -remarquent en-
suite que la grande révolution moderne coïncide
précisément avec une incomparable extension
du christianisme dans leur pays, dont ils Iraceot
en finissant le rapide mais frappant tabl au que
voici : « Quand, disent-ils, au commencement
de ce siècle trois fois béni, une petite église
suffisait dans la première cité du premier de nos
Etats à contenir aux offices le petit troupeau
fidèle tout entier, l'immense étendue du terri-
toire des provinces ignorait le vrai culte. Au-
jourd'hui que le siècle est aux trois quarts
écoulé, nous pouvons voir dans la ?eulo métro-
pole cinquante-dnix églises et beaucoup plus
encore dans ses faubourgs, pendant que dans
tout le pays on élève des autels partout où il y
a des hommes. Ces conquêtes d'^ la vraie reli-
gion dans un pays où le pouvoir terrestre ne
travaille pas pour elle, sont une manifestalioH
éclatante de la grandeur de l'Eglise. Ces nom-
breuses conquêtes et l'exemple que donne Voire
Sainteté ont une telle grandeur qu'ils peuvent
convaincre le monde que jamais les puissances
de la terre ne réussiront à empêcher le triomphe
de notre sainte foi. »
La question des classiques chrétiens et païens,
qui a alimenté dans la presse de si longues po-
lémiques, est définitivemant tranchée jKiur les
catholiques. Dans un bref ailrcssé à .Mgr fiarto-
loraeo d'Avanzo, évêque de Calvi el Teano, le
Pape se prononce nettement pour l'admission
des auteurs chrétiens dans les classes. Voici
pour aujourd'hui le principal passiige de ce
bref, dont nous donnerons k texte tout entier
dans notre prochain numéro : « Nous avons eu
aussi pour très-agréable la savante lettre que
vous avez écrite au sujet de l'enseigaernent
mixte de la langue latine, car elle venge fort
bien l'honneur de la latinité chrétienne, que
plusieurs ont accusée d'être une corruption de
l'ancienne langue, taudis qu'il est évident que
la langue, c'est-à-dire l'expression de l'esprit,
des mœurs et des coutumes publiq es, a dû,
nécessair-ement, revêtir une l'orme nouvelle
après rirtroduolion de la loi du Christ. Cette
loi, en ell'et, qui avait relevé la société humaine
et l'avait reconstituée poiu' les choses spiri-
tuelles, exigeait par cela même une langue
d'un caractère nouveau, ditlérente de celle que
le génie d'une société charuelie, esseutiellemcat
adonnée à la molles.~e, avait loniitemps main-
tenue. Cette observation a néceôsairement
trouvé la preuve de sa justesse dans les monu-
ments que vous avei cités avec intelligeiice, en
les empruntant AUX difiérenU siècles de l'Eglise,
J155
LA SEMAINE DU CLERGÉ
monuiEcnts qui expliquent la genè=e i1e la nou-
velle forme, ses pro^rrès et sa supériorité, tout
en montrant que l'Eglise eut conslammeat
l'usage il'ioUier la jeunesse à la connaissaace de
la langue\f(line par la lecture combinée des
auteurs sacrés et des écrivains classiques. Par
les lumières plus abondantes que votre opuscule
jette sur cettequestion,d'ailleursdéjà tranchée,
cet écrit peisuadera plus effuacement aux ins-
tituteurs de la jeunesse qu'ils doivent mettre
entre ses mains les ouvrages de ces deux caté-
gories d'écrivains. Nous souhaitons que ce
succès soit réservé à votre œuvre, b
Il faut rendre cette justice aux sectaires qui
gouvernent à Piome, qu'ils n'accaparent pas
absolument pour eux seuls les biens du clergé ;
ils viennent de faire à un de leurs amis, entre-
preneur de bâtisse, un joli cadeau. Ils lui ont
donné le couvent de Saint-Laurent in Lucina.
Ledit entrepreneur va le transformer en un
grand théâtre qui contiendra deux mille person-
nes. Pareille profanation s'était déjà vue en
Sicile il y a quelques mois. Au nom de la liberté,
on chasse de chez eux des gens qui prient et prê-
chent la vertu par leurs paroles et leurs exem-
ples, et on y installe des gens qui font métier
d'outrager Dieu et d'enseigner le vice. C'est le
progrès.
France. — Par décret en date du 24 août,
M. l'abbé Carmené.vicaire général de Saint- De-
nis (île de la Réunion), est nommé à l'évèché de
Saint-Pierre et Fort-de-France (île de la Marti-
nique), en remplacement de Mgr Fava, nommé
à l'évèthé de Grenoble. Avant d'être vicaire
général de Mgr Delannoy, M. l'abbé Carmené
l'avait été de Mgr Maupoint, également évêque
de Saint-Denis; et eu remontant encore plus
haut, il avait été curé de Saint- Pierre et direc-
teur du collège Saint-Benoit, toujours à l'ile de
la Réunion.
La Gazettede Bretagne annonce que, le 30 août
dernier, Mgr l'archevêque de Reunes a reçu la
nouvelle officielle de son élévation au cardina-
lat. Le même jo^irnal fait en même temps obser-
ver que c'est pour la première fois que la pour-
pre romaine tombe sur les épaules d'un archevê-
que breton, d'un fils né sur le sol de la Bretagne.
La question de fondation d'universités catho-
liques préoccupe au plus haut point tous les
esprits. Les catholiques veulent user de la
récente loi partout où cela est nécessaire et
Eossible. Après Lille et Paris, Poitiers, Angers,
yon et Toulouse ont également décidé d'avoir
chacune leur université pour la prochaine ren-
trée des classes. Avignon y travaille aussi, mais
il n'y a encore rien de déojdé. La plus parfaite
entente régne entre tous les évoques, qui deman-
dent ou vont demander aux fidèles des prières et
des secours. L' Univers ouvre une souscription
dans ce but et s'y inscrit le premier pour 2,000
francs. 11 place cette souscription immédiate-
ment après celle du denier de Saint-Pierre,
parce qu'après le Pape, qui est le premier maî-
tre d'école du peuple chrét'en, il n'y a rien qui
doive tenir plus au cœur des catholiques fran-
çais que leurs universités.
Les journaux de la libre-pensée ne peuvent
rester témoins de cette aclivilé sans exprimer
leur mauvaise humeur et sans tenter de l'en-
traver. Ils ont l'œil au gué pour voir s'il n'y a
rien à reprendre dans ce qui se fuit, et ne pou-
vant reprendre à raison, ils ne s'épargnent pas
de reprendre à tort. Ils en appellent, les fiers
patriotes, jusqu'à l'opinion de l'étranger, de
M. de Bismarck sans doute, comme si nous
devions prendre pour règle de conduite le goût
de nos voisins, de nos ennemis.
A côté de l'ardeur catholique pour l'instruc-
tiou supérii>ure, nous avons le regret de cons-
tat t, dans les écoles de l'Elat pour l'instruction
primaire, l'abandon croissant des cours d'adul-
tes, créés il y a quelques années. C'est le minis-
tre de l'instruction publique lui-même qui fait
celte révélation, dajs une letlrc aux préfets. Il
paraît que, pour la seule année scolaire 1873-
1874, la différence avec l'année précédente a
été de 80,000 élèves au moins. Cette désertion
de l'école primaire, malgré tous les eSorls .
de l'Etat pour la conjurer, tient évidemment à
certaines causes politiques qu'il ne nous est pas
permis d'indiquer ici. Mais, tant que ces causes
persisteront, on peut s'attendre à voir la déser-
tion dont il s'agit ne faire que s'accroître.
Deuximporlants congrès catholiques ont tenu
leurs assises à Poitiers et à Reims, depuis notre
dernière chronique. Nous ne nous occuperons
aujourd'hui que du premier, renvoyant à notre
prochain numéro le compte rendu du second.
Le Congrès des comités de l'Union catholique de
Poiliers a tenu ses séances au grand séminaire,
dans la grande salle de théologie, du 18 au
22 août. Au bureau d'honneur ont siégé, ensem-
ble ou successivement: Mgr Pie, évêque de
Poitiers, Mgr Perché, archevêque de la Nouvelle-
Orléans, Mgr de La Bouillerie, coadjuteur de
Bordeaux, Mgr Nardi, auiliteur de Rote, et le
T. R. P. Dom Bastide, abbé de Ligugé. Un
grand nombre d'évêques étaient représentés par
des délégués, et l'assistance, qui était fort nom-
breuse, était composée en majeure partie d'il-
lustrations catholiques.
A la messe d'ouverture, Mgr Pie a prononcé
une magnifique homélie sur les congrès, dont il
a fait ressortir les avantages, qui sont de se
voir, de se connaître, de s'encourager, de s'en-
tr'aider et de se consoler.
M. le baron de Traversai/, organisateur et pré-
sident du congrès, a ouvert la première séaace.
I
LA SEMAINE DU CLERGE
U23
après la prière, en remerciant tous ceux qui lui
avaient prêté leur concours, et en exposant le
butdescoiniiés catholiques, qui est df; s'as=ocier
pour former une ligne de résistance contre les
coalitions impii'S, di/t^ndie le Saint-Siège, servir
sa patrie en siîrvant l'Eglise, et dans cette tache
réaliser la parole de saint Paul : Unum corpus
multi sumus. Il a ensuite proposé un projet de
télégramme pour demander au Saint-Père sa
Lénèdictiou, que l'assemblée a accueilli avec
enthousiasme.
La parole à été ensidte donnée à M. Lalle-
mand, délégué du comité de Paris. M. Lallemand
a commencé par exprimer sa joie de voir les
catholiques de l'Ouest s'organiser comme le font
partout les catholiques. Puis il a abordé son
sujet, en développant les deux propositions
suivantes : 1° Tous les membres du congrès
s'engagent à favoriser, avec le concours de
l'aulorité ecclésiastique, la formation de comités
catholiques là où il n'en exisle pas ; 2° Les co-
mités maintiendront l'union indispensable avec
les œuvres qu'ils ont fondées. » Ces résolutions
ont été votées.
Le discours deil/g'rPeJT^^ a clos celte première
séance. Mgr Perclié a parlé de l'Union catholi-
que américaine, tondée à l'exemple des comités
catholiques. Le vénérable prélat a raconté qu'il
avait eu la pensée de ces comités en 1871, après
une audience dans laquelle Pie IX lui avait dit:
« Jusqu'ici il y a eu union de foi entre les catho-
liques, il faut maintenant qu'il y ait entre eux
VMion d'action, n Sa Grandeur a ajouté que cette
parole du pape est en train de s'accomplir, eta
terminé en parlant de l'amour de ces diocé-
sains pour la France, dont tout le monde croit
la destinée lien à celle de l'Eglise.
La deuxième séance a été consacrée à la lec-
ture des rapports approuvés dans lajournée par
les commissions. Le premier concernait l'union
catholi(iuu et était l'œuvre de iV. Guyot de Salins,
*on président. M. Guyot de Salins y racontait
l'origine de celle œuvre, ses développements
et les apiirobations dont elle a été l'objet de la
part du Pape et des évèques.
Le R. P. Sambin, delà Compagnie de Jésus,
a ensuite présenté un rapport du plus haut
intérêt « sur l'importance et la nécessité des
nouvelles facultés de droit au point de vue catho-
lique. » Le P. Sambin a démontré que ce sont
ces facultés qui contribueront principalement à
la restauration de notre pays. Car ce qui l'a
Îierdu, c'est l'eTcliision de Dieu de la loi ; or,
es facultés cailioliques de droit auront précisé-
ment pour but «Je taire prévaloir la vraie doc-
trine, qui placb Dieu à la basede tous les codes.
Le troisième ra[)port, « sur 1 Union des asso-
ciations catholiques ouvrières, » a été lu par
M, le comte Yverl, qui a raconté l'iiistoire de
l'Union et le rôle de son bureau central dans la
direction des œuvres particulières créées sur
tous les points de la France.
Puis la jiarole a été donnée àjV. l'abbé Fossin,
secrétaire du congrès, pour présenter le résumé
des travaux de lajournée des commissions sui-
vantes: Œuvres charitables, Presse et conten-
tieux, OEuvres ouvrières, OEuvres pontificales.
— La commission des œuvres charitables, s'était
occupée de la Société de Saint-Vincent de Paul,
et de la nécessité d'établir des conférences
rurales et une caisse de crédit pour favoriser
les œuvres de charité, l'enseignement et la pro-
pagande religieuse. — La commission de la
presse et du contentieux avait entendu un
rapport du R. P. Taupin, de la Compagnie de
Jésus, sur la mauvaise presse, qui se terminait
par les deux conclusions suivantes: « La pre-
mière, qu'un chrétien doit rejeter tout mauvais
livre loin de lui; la second'-, que le législateur
doit défendre nettement d'outrager Dieu, la re-
ligion et la morale dans les livres et dans les
journaux. — La commission des œuvres ou-
vrières avait discuté la question des livrets et
diplômesà donner aux membres des associations
catholiques. — Enlin, M. l'abbé Garnier, notre
collaborateur, avait entretenu la commission
des œuvres pontilicales, de l'œuvre dite des
Vieux Papiers, que nos Iccleurs connaissent, et
qui a été fondée, à Langres, par M. Menne.
Le discours de clôture de celle journée a été
prononcé par Mgr Cartuyvels, vice-recteur de
l'université calholiiiue de Louvain, de passage
à Poitiers en se rendant à Lourdes. Mgr Car-
tuyvels a parlé de la sympathie de la Belgique
pour la France catholique, et des combats qu'elle
a eu à soutenir dans ces derniers temps contre
la minorité libérale, à l'occasion des pèleri-
nages, des cimetières, etc.
Au début de la troisième séance, M. le baron
de Traversay a donné lecture d'un projet d'a-
dresse au Saint- Père, qui a été vivement ac-
clame. Précisément en ce moment est arrivée la
bénédiction du Pape, demandée l'uvant-veille ;
elle a été accueillie par les cris de : Vive Pie! A/
Le premier rapporteur a été M. Legentil, qui
a fait devant l'assembla 'C l'historique du vœu
national au Sacré-Cœur. Il a rappelé que c'est
Mgr Pie qui, le premier, en a approuvé la pen-
sée. Mgr Pie a interrompu le rapporteur pour
dire que dom Guéranger, présent quand M. Le-
genlil était venu lui en parler, y avait égale-
mi'ul donné la plus chaleureuse adhésion.
Le K. P. Matlhieu a ensuite lu un rapport
envoyé par M. Baudon, président du comité
catholique de Paris, sur les « devoirs des catho-
liques envers la bonne presse. » Les catholiques
sont trop exigeants pour celte presse et trop
peu généreux pour la soutenir. Au lieu de
im
LA SEMAINE WU CLEnCÊ
porter leur argent aux mauvais journaux,
qu'ils aciièteut les bons et l'on pourra les
améliorer.
Le rapport suivant a été présenté par^f. Tal/l/é
JUontbrùn, curé de Saint-Porcbaire, sur le cercle
catholique des écoles qu'il a lonJé, et sur la
nécessilé de faire pour les écoliers ce qu'on
fait pour les ouvriers.
Puis, M. le marquis deChampagnc a lu une note
sur les découvertes faites dans les catacombes
de Rome, par M. deRossi.
Aï. l'abhé Cliabant, curé-doyen de la Villedieu
a ensuite présenté un rapport sur la fondation
des œuvres rurales qui a vivement iuléressé. Les
habitants des campagnes, a dit M. Cliubant, ont
à lutter contre ceux des vïWqs, contre leurs
propres passioins et contre FimpitUé. On les
néglige totalement; il faut aussi aller à leur
secours par des çeuvi.es approjiriées à leur
situation.
A la prière du vice-reoteur de Louvain,
Mgr Perché se^t fait entendre uoje seconile fois.
11 a ex;posé la situation des catboliques de la
Louiâiiine, dont il eat le métropolitain. Pour
émanciipor la miuurité catbolique, il a eu de
grands combats à livrer contre la majorité pro-
testante. Aujourd'hui, la Nouvelle-Oiïéaiis, qui
ij'avaitil y a vingt-cinq ansquequalte paroisses,
en possède viugt-neuf, toutes pourvues d'écoles
cougréganistes des deux sexes. Les oeuvres
câtholiquei y sont nombreuses et llorissautes,
toutes reliées entre elles par des comités. Mal-
heureusement, la gueire civile a ruiné la Loui-
siane, et c'est pour soutenir lei œuvres fondées
naguères, que Jlsr Perché est venu solliciter la
générosité delà France.
La quatrième séance a commencé par un
rapport du R. P. Ramière, de la Coin|iagnie de
JÉSUS, sur rapo>lolal de la prière. <Jette œuvre,
fondée il y a quatre ans, a pris v.u développe-
ment considérai)le. Sun but qsA d'unir dans le
cœur de Jésus tontes les œuvrc's, dont l'action
particulière doit toujours rester distincte.
M. de Moyissuc, président du comité catholi-
que de Montmorilluu, a ensuite lu un rapport
sur l'orf^anisution des œuvres catholiques dans
les arrondissements, les cantons et les com-
munes. 11 a vivement intéressé rassemblée en
se bornant à raconter ce qui a été fait à Mont-
morillon même. « Uue les 3oO arrondissements
de France, a-l-il dit en terminant, suivent
l'exemple de celui de Montmoiillon, et la France
sei'a sur la voie de sa rénovation. Largement
a^>[iliqué, Je principe d'asso. iatiun deviendra
jHM»» notre cause une force inviiuùble. »
La «éauce a été close par Myr Nardi, qui a
] ailé d<»soiitlrances de Pie l.X, des persécu-
tions auxquelles sont soumis les évéques, le
clergé el les oïdi'es reUgieux, çt cl«» consola-
tions (ju'apporle au saint Père l'amour de ses fils
de Fi'aiice.
On était arrivé au dernier jour du congres.
11 y eut le matin, avant la grand'messe, une
messe de communion.
Vers une heure et demie, la séance de clôture
fut ouverte, et ;)/. de Monssac eut d'abord la
parole pour lire les vœux admis par les com-
missions et qui n'avaient pas encore été soumis
au congrès.
3Igr Curluyvels fit ensuite connaître l'organi-
sation de l'université catholique de Louvain. Ce
discours a particulièrement intéressé, à cause
des éludes qu'on fait de toutes parts pour l'or-
ganisation de nos propres facultés.
En!in,il/jr Pie a clos le congrès par une
causerie grave, exprimant de grandes espé-
rances pour l'avenir de notre pays, dont le»
facultés catholiques vont bientôt assainir les
idées.
En ce même jour, Poitiers célébrait la fètede
sainte Kadegonde, avec un éclat particulier.
Après vèpws, eut lieu la procession annuelle
autour (le l'église, avec la statue el la châsse de
la sainte. Tous les membres du congrès y prirent
part.
Le soir enfin, une charmante fête de nuit fut
ofleite aux congressistes, dans le magnifique
cej-cle d'ouvricis de Notre-Dame des Dunes.
IiALiE. — La Révolution poursuit implaca-
blemeut sou entreprise contre l'Eglise, non avec
éclat pour éviter tout bruit et tout cri, mais
sourdement et comme à coups d'épingle. Nous
appelons cela, savoir plumer la poule sans la
faire crier; et les sectaires italii^ns, savoir
manger l'artichaut feuille à feuille. Après
l'expulsion des religieux et des religieuses,
c'est le tour des évêques qui est venu. Nous
avions l'éjà dit que deux ou trois avaient été
chassés de leur demeure; à la date du 24 août, on
en comptait quarante, dont viugt-quatre appar-
tenant aux provinces mériiiionules, sept à la
Sicile, sept à l'Etat de l'Eglise, un au duché de
Modène, un à la Toscane. Tous auront infail-
liblement le même sort.
En même temps, ardre a été donné de suppri-
mer toute allocation municipale pour les frais
du culte.
De son coté, le mini&tre de l'instruction pu-
Kliquo fait à l'enseignement religieux la même
guerre que son collègue de l'intérieur fait à la
propriété ecclésiastique. xVuxtermes d'une lettre'
qu'il vient d'écrire au préfet de Rome, ceux
qui voudront continuer a iu-truii-e la jeunesse
devront passer un nouvel examen devaijt une-
commission ni)mmée par lui-meine. Naturelle-
ment, on refuserait tout diplôme à ceux qui
auraient la bonhomie de se présenter. Le but
de cette campagne est de faire fermer toutes le»
LA SEMAFKE BD CLERGÉ
1425
écoles eccltJsîasliques et congrcganistes et do
forcer les familles C'ilboliqui's à livrer leurs
enfants aux institutions du gouvernement.
On avait espéré un moment pouvoir échapper
à cette tyrannie, en créant des écoles cilles
écoles paternelles^ suivant le droit qu'en dimne
la loi. Mais on avait oublié qu'il n'y a pas de
loi pour les libéraux, et le ministre s'est hâté
d'en faiie souvenir les oublieux en fermant les
écoles paleruclles.
D:in^ celte extrémité douloureuse, lecardinal-
\icaire a décidé que le séminaire de l'Apolli-
naire serait transformé en école primaire dés
la rentrée des classes, et qu'on y subirait l'ins-
pection des délégués du Kouvernemeut piémon-
tais. Un peu plus tard on essayera de faii-c
davaninse, car on ne pourra jias accueillir
pour Je moment toules les denaandes, qui dc-
pa.esent déjà le nombre de 1,200.
Suisse. — C'est toujours en Suis-e comme en
Italie, avec la brutalité de plus. Tous les libé-
raux ont juré la mort de rÉgiise; ils ne désar-
meront donc pas d'eux-mênies, mais seulement
quand Dieu permctlra qu'où les y force. Le
dernier exploit du i;raud Conseil est l'expul-
sioTi des Sœurs de charité du canton de Genève.
Aucune maison n'est exciqitéc, pas même celle
des Petites Sœurs des Pauvres de Caronge.
Leurs biens seront ligmilés. On sait ce que
cela veut dire dans le jar;,'on révolutionnalrt'.
Il se iiréscnlc toutefois plus d'une difficulté.
Une imrtie des immeubles occupés par les
Sœurs appartiennent à un Anglais, et l'on se
demande < ouimcnt on pourra les liquider, car
on tient à la iiquidniion. i\Iais si fort qu'on y
tienne, il fhuiira probablement y renoncer. Le
coup du grand Con.-ellne sera bon (]u'à denai.
Cependant les Petites Sœurs des Pauvres, en
quittant le sol de leur patrie, entendent oe pas
quitter leurs pauvres vieillards, au nombre
d'environ cent cinquante. EJes emmèneront en
France tous ceux (fui voudront les y sui'VTe,
comptant que la charité chrétienne, qui les
nourrissait dans le canton de Genève, saura
les nourrir ailleurs.
Al1uEM.\gî{e. — Le malheureux Dœllinger a
réuni à Bonn, comme l'an dernier, un certain
nombre d'iiéntiqnes et de schismatiques, venus
un peu de partout, mais surtout d'Angleterre,
de Russie et de Tuiquie. On sait i\ue son but
est d'unir tous ces gens-là ensemble, et de plus
avec les vieux catholiques, pour faire échec
au Pape. Pour se jeter en pareille entrepiise,
il fautêlre doué d'autant de folie que d'orgueil.
C'est ce que fait entendre une note de la
Correspondance f/avas, où sont résumées les
opinions de plusieurs journaux anglais, et que
nous reproduisons d'autant plus volontiers
qu'elle émane d'une source moins hostile
au trop célèbre chanoine. Voici celte note;
« En apprenant i;ue les membres apparte-
nant à l'éi;lise d'Orient se sont entendus avec
les aut.'cs membrcsde la conférence dirigée par
le doctoor Dreliluger sur la doctrine de ia,
procession dr. Saint-Espiit, les fraction-; dissi-
éentes de l'église d'Angleterre n'ont pas trouvé
là un motif de ra[>procliément entre elles, ni
ceux qui tiennent pour le ]iriacipe d'une église
nationale une raison d'y substituer l'expérimea-
tation d'un catholicisme an.;lo-germano-russe
et spécialement aoti-francais on anti-romain.
« Maigre les rapi'orts des trois églises galli-
cane, luthérienne et russe, au pidnt de vue de
leur caractère éminemment schismatique, ii
est peu conforme aux tendances anglaises de
sortir du scliisme par un rapprochement parti-
colicr avec la Russie et l'Allemagne. Les pro-
fess<'urs qui rêvent d'accomplir une révolulioa
religieuse par un mouvement d'école trouveront
peut-être un échec dans certains cercles inté-
resses à l'uniiioation, c'est-à-dire à l'assujet-
tissement de l'Europe; ils n'en trouveront pas
dans le peuple anglais, malgré le soin que
prend le Morning Posl de l'assurer qu'il peut
en confiauce s'avancer sur l'autorité de caoo-
nisti> tels que les evèqu's de \Yinchesler et de
Lincoln, et le chanoine Lidden.
« Le iJaily Tekyvaph ne croit pas que le
prestige du caiholicirme soit menacé par ccl*
coalition d'adversaires, et le Times dit ne'- cé-
ment aux amateurs de paciflcation qui s'éioi-
gnent de la Tamise et vont à Bonn, qti'ila
feraient mieux d'employer chez eux leurs cha-
ritables intentions, et que toute pacification
bien orionnée commence par soi-mêm'. Le
Ddily News dit que chaque église a a-sez à
faire chez elle contre le doute et l'indiflérence,
et que le matérialisme envahissant ne prendra
même pas garde aux distinctioas et aux com-
promis subtils, sur lesquels repose l'union rêvée
par le docteur Dœllinger. n
Herzégovine. — Deimis plus d'un mois l'Her-
zégovine s'est levée eu armes, refusant de payer
les impôts au gouvernement turc. L'insurrec-
tion a gagné la Bosnie, et à tout moment elle
peut éclater aussi dans la Serbie, la Roumanie
et le Monténégro. Un grand nombre d'engage-
ments ont déjà eu lieu avec les troupes turques,
et l'extension du mouvement montre assez que
celles-ci ne sont pas les plus fortes. Les gou-
vernements européens paraissent s'enteniire
assez pour conseiller à la Pi^rte de laire des
reformes dans l'administralion des provinces
soulevées ; mais il semble que ces conseils sont
mal accueillis et ne seront pas suivis. D'ailleurs
les griefs de ces provinces contre le gouverne-
ment turc n'ont pats encoi'e été nettement for-
mulés. Toutefois, ils paraisieut èlre extrême-
1428
LA SEMAINE DU CLERGE
ment grave?. A colé des impôts écrasants, il y
aurait des mauvais traitements de tonte sorte,
et l'outrage journalier des femmes et des filles
chrétiennes par les Turcs.
TuMSiE. — L" sani'tiiaire élevé en l'honneur
de saii t Louis sur les ruines de Carthaçe, à
l'endroit même où il mourut, était depuis
longtemps dans un état il'abandon qui affli-
geait profondément le cœur des visiteurs fran-
çais. Cet état de choses a cessé. Il y a quelques
mois, ce sanctuaire vénéré a été nnidu au culte,
et le Saint-Père vient d'en confier le service
et la garde à la société des missionnaires ré-
cemment fondée à Alger par Mgr Lavigerie.
Les pieux gardiens en ont aussitôt entrepris
la restauration, et ils se proposent de le rendre
digne de la France et des grands souvenirs
qu'il rappelle, espérant que le concours des
catholiques français ne leur manquera pas
pour une telle œuvre.
Tandis que nous sommes en Tunisie, où nous
n'allons pas bien souvent, on nous permettra
de dire quelques mots des Frères qui s'y
trouvent, car il y en a partout, de ces igno-
rantins, amis de l'obscurantisme. Les Frères
ont donc à Tunis une école, sans parler de
celles qu'ils ont dans les environs. Or cette
seule école deTunis compte plus de 400 élèves,
dont plus de 60 Israélites indigènes, 20 à 30
musulmans de tout âge, appartenant aux
familles les plus distinguées, des Grecs en
nombre considérable, etc. Avant l'arrivée des
Frères, la langue française était à peu près
inconnue dans cette ville; maintenant elle y
est devenue la langue ordinaire de la popula-
tion instruite. La présence des Frères à Tunis
ne fait donc ni tort ni honte à la France.
Au mois d'avril dernier. M"' la générale
Chanzy a honoré de sa visite l'école congréga-
niste de Tunis, et elle a été si satisfaite de la
bonne tenue, des progrès et de l'harmonie que
les Frères savent faire régner parmi cette
nombreuse population écolière appartenant à
sept ou huit nations ditïérentes et de cultes si
variés, que non-seulement elle en a hautement
témoigné sa satisfaction, m;us qu'elle a géné-
reusement alloué un pris de 50 francs pour
l'élève le plus méritant jusqu'à la fin de l'an-
née scolaire.
Mais voici qui est plus intéressant encore.
Le Bey, ayant été lui-même témoin des magni-
fiques lésiiltats obtenus par les indigènes qui
fréquentaient l'école des Frères, demanda à
ceux-ci de vouloir bien ériger une, école dans
son propre palais, pour les princes, ses fils et
petils-fils et pour les enfants des principaux
officiers de sa maison. Malheureusement pour
le Bey, les règlements des Frères et l'insuffi-
sance de leur personnel ne leur permirent pas
d'accepter son ofTre. Mais il voulut, qu'au
moins ils désignassent eux-mêmps le profes-
seur le plus apte à suivre leur méthode, afin de
lui ronger ce poste. Et quand le Frère provin-
cial est allé, récemment, visiter les écoles de
la Régence dirigées par les membres de son
Institut, le Bey le fit prier avec les plus vives
instances deconsacrer au moins une di^mi-journée
à examiner les études et les travaux des jeunes
princes. Le Frère provincial accéda à ce désir ;
et lorsqu'il se relira, il dut promettre de reve-
nir l'an prochain constater de nouveau les
progrès des jeunes princes dans les diverses
parties de l'enseignement.
Equateur. — Une atireuse nouvelle est arri-
vée de cette lointaine république : le président
Gabriel Garcia Moreno a été assassiné. Nos
lecteurs savent que ce grand homme d'Etat
était dévoué à lEilise : c'est ce qui a armé
contre lui les assassins. Il s'y attendait :
ennemi déclaré de la révolution, la révolution
devait se défaire de lui à sa manière. Elle
avait essayé d'abord de lui faire perdre la con-
fiance du peuple ; n'ayant pu y réussir, il ne
restait que le poignard, elle s'en est servi.
Garcia Moreno avait habité Paris dans sa
jeunesse, et y avait fait de fortes études. Il
reconnaissait ce que la civilisation moderne a
de bon, mais il ne se faisait pas d'illusion sur ce
qu'elle a de très-mauvais. Elevé à la prési-
dence de son pays, il s'appliqua à le rendre
prospère et heureux, et il y réussit, en ap-
puyant franchement son gouvernement sur
l'Eglise. Dans une petite république, il rappela
les grandes figures de Charlemagne et de notre
roi saint Louis. Piété, instruction, agriculture,
commerce, tout était florissant. Seul il avait
protesté contre l'invasion de Rome par Victor-
Emmanuel; seul il avait consacré solennelle-
ment sa république au Sacré-Cœur de Jésus;
seul il payait, avec l'assentiment des repré-
sentants de la nation, la dîme des impôts au
Souverain-Pontife dépouillé, sans qu'ils fussent
augmentes ni que les finances fussent moins
prospères.
La mort de Garcia Moreno est une perte
peut-être irréparable pour la république équa-
toriale. Si les quelques sectaires qui s'y
trouvent parviennent à saisir le pouvoir de
leurs mains toutes dégouttantes de '=ang, ce
sera l'anarchie en permanence, comme dans
les autres républiques américaines.
P. d'Hauteriye.
Tome VI. — N"> 47. — Troisième ann'^l;.
15 septembre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÈIHE HOMILÉTIQUE SUR LtVANGILE
DU Xl\° DIMANCHE APRÈS LA PEXTECOIE
Mutth. XXII. 1-15.
I. Le royaume des deux est semblable à un roi
qui fit les noces de son fils. Le roj-aume des
cieux si;.;iiitie 1 assemblée des justes, l'Eglise de
Dieu, dont les véritables enfants ne doivent
avoir (jue <les pensées célestes, et au milieu de
laquelle Dieu règne comme il règne dans le
ciel. Ilef/num cœlorum est Ecclesia /ustoi-um, quia
dum eortmi corda in terra ml at/ibiunt, per hoc
quod est superna suspiranl, jum in eis Dominus
quasi in cœlesdbus rer/nat (I). Ce roi qui f.nt les
noces de son lils, c'est Dieu le Père qui unit
le Verbe à la nature humaine, union sacrée
qui s'étend à toute âme régénérée dans les
eaux du baptcrae, qui se perpétue à travers
les siècles et qui se consommera dans le ciel.
Nous sommes tous invites, non pas seulement
à la fête des noces, mais au.\ noces mêmes;
Dieu nous appelle tous à cette inellable alliance
qui nous nnil à son Fils et nous fait participer
à la nature divine. Les premiers invités furent
les Juils, à ipii la voix des prophètes ne cessait
pas de rappeler les promesses de ralli.ince nou-
velle. Mais les Juifs n'écoutaieut point les pro-
phètes et ne voulurent pas venir.
Qui aulem noluerunt venire in primis incilati,
sunt gui noluerunt audire vcrba proplularum {•2).
Les prophètes, et en parliculier celui qui iHait
plus que pro[>hète,Jeau-Ua{itiste, avaient annoncé
la venue dix Messie, et les Juifs avaient fermé
l'oreille. Alors le roi envoya d'aulrus serviteurs
dire de sa part aux convives : j'ai préparé mon
festin ; j'ai fait tuer 7iies bœufs et tout ce que
j'avais enfjraissé : tout est prêt, venez aux noces.
Cette nouvelle invitation, c'est la parole des
apôtres qui retentit à travers tous l.'s chemins
de la Judée, pour appeler les Juifs à la foi en
Jésus-Christ. Mais les brelds perdues de la mai-
son d'Israéi ont dédai.^né l'appel du pasteur.
Les invités du grand festin ont préféré les joies
trompeuses, les satistactioHs éphémères de la
vanité et du plaisir; au dessus de l'alliance
I divinf, ils ont mis les intérêts de la terre et la
cupidité. Ambiliinie enim sœculi tanquam villa
homines oc.cupantur, plures vero propler pccuniœ
cupiditalem ncyitiatione detinentur (3).
Les chefs de cette orgueilleuse nation pons-
fièrent encore plus loin riugratilude : Us se sai-
1. Gregor.. Honul. xxxvut,
2. Orij;en. xx in Ualth.
i. Hilar. initatlth.
sirent des serviteurs, et, les ayant chargés d'où- • .
troges, ils les mirent à mort ; ils clierchèreui à
étoulîer, dans le sang des apôtres, l'Eglise
encore au berceau. Mais le Dieu de l'Eglise s'est
levé : i\ a pris en main la cause de celle (lui est "^
son épouse, et, ayant envoyé ses armées, il exter-
mina ses meurtriers et brûla leur ville. Poussées
par la main de Dieu, les armées romaines cam-
pèrent autour de Jérusalem; Vespasien et Titus
furent les exécuteurs inexorables des célestes
vengeances. Ostendit mortem discipulorum suo-
rum, guos post ascensum ipsius occiderunt Judœi ;
Stephanum lapidantes, et Jacobum Alphœi acci-
dentes : propltr quiP Hierusnlcm deslructa est a
liomariis (I). Dieu fait toujours de même :
quand un peuple le rejette et ne veut pas de ses
lois, il réitère avec patience les sollicitations de
la grâce; mais quand l'ingratitude persévère, il
envoie des iléaux ijui rap[iellent à lui, eu qui,
du moins, servent à manitester que ce n'est pas
en vain qu'on lui résiste. Ce qui est vrai îles
peuples l'est également des familles et des indi-
vidus. Ileureuv le[ié(heur s'il reconnaît la main
de Dieu dans les coups iiui le frap[ie, et qui pro-
lite de ses é[>reuves ^.our se détacher du monde
et s'attacher a Dieu.
M. Alors il du à ses serviteurs: le festin des
noces était prêt, mais ceux qui y avaient été invités
n'en étaient pusdif/ncs. Allez-vous en donc dans les
carrefours, et invitez aux noces tous ceux que vous
y trouverez. Et les apôtres se dis|iersèrcnt par
toute la terre, ils prêchèrent la parole du salut,
ils annoncèrent aux nations païennes que le
festin des noces était prêt et qu'elles étaient ap-
pelées à y prendre la place des Juifs. Ce ne fut
pas en vain que les Gentils eniendirenl celle
heureuse nouvelle, et tous les peuples vinrent
tour à tour s'asseoir dans la salle du festin. Et la
.«a//i? fut remplie; catholique dès l'ori.i^ine, [luis-
qu'elle remonte au berceau des temps et qu'elle
est le commencement de toutes choses, l'Eglise
s'étendit à tous les houx. Mais l'Eglise n'est pas
encore le ciel ; c'est pourquoi il est dit que les
mauvais enlrérent dans la salle du festin eu
même tem[>s que les bons. Les mauvais ont,
dans l'Eglise, tous les moyens de devenir bous,
et, s'ils restent mauvais, c'est qu'ils abusent des
grâces de Dieu. Néanmoins, pour .les raisons
pleines de sagesse. Dieu permet dans son Lglise
le mélange des bons et des méchants ; il le per-
met pouV exercer la patience des bons et les
maintenir dans la vigilance; il la permet pour
1. CliTYSOst. in Mallh.
1432
LA SEMAINE DU CLERGE
îaÎ55cr anx méclianls une ressource de convcr-
sioii ilnns les exemples édifiants dos bons. La
séparation ne se fera qu'au dernier jour(l).
m. Ce sera alors que le roi entrera et qu'il
dira au convive non revêtu delà rol)enn[itiale :
tnon ami, cnimncnt èlcs-vou» irnu ici? Lu robe
nuptiale c'est la clinrilc c'est le vêtement Je la
gràee que nous avons reçu au baptême, qu'il
est de notre devoir de couferver et d'orner de
la brillante parure des vertus chrétiennes. La
îoi ne suffit pas pour entrer au ciel, il faut les
œuvre- qui vivifient la foi. Quid uiitem debemus
intelligere per nupttalem vestem, ràsi caritateui?
Quia /unie in se Domiaus hnbuit , dum ad sociandœ
sili Ecclcsiœ nuptias venirit. Intrat evgo od
riuptias, sed sine vesle nuptiali qui in Ecciusia
frdeiH habety sed caritalem non liabet (2). Et cet
homme dumeiira mu/tt. Qu'ani-ait-il, en effet,
Tépotidu? Selon l'usage oriental, il avait rei-u
la robe nuptiale de celui-là même qui l'avait
invité, il lui était doue bien facile des'en revétL'-.
Ne re~lera-t-ilpasaussimuet,le pauvre pccbi'i'.r
à qui Jésus-Christ dira : Vous que j^avais fait
mou ami, vous que j'avais couvert d'un vête-
ment d'innocence, vous qiii, au sein de mou
Eginsc, avez reçu tant dej^iùces, vous osez vous
présenter devant moi avec toutes les souillures
du vice!
Ah! Cet infortuné en sera réduit à attendre
sous la confusion la sentence de son juge : Liez-
Ivi les mains et les pieds. C'est iini : il est trop
tard pour agir; c'tsi l'heure de l'impuissance;
c'est 1 heure aussi du châtiment ; jetcz-U dans ks
ténèbres extàicwrcs; sur la terre; en-dehors de
l'Egiise, de la vérité, de la vertu, tout était
léuebres ; et maintenant il n'y a plus de lumière
que dans la salle du festin éteruel. Au dehors,
c'est une nuit qui commence puur ne plus finir.
Jntei'iores aiiteni tcnebras dicimus cœcitateni cor-
dis, exteriores vero tenebras, csleinam noctem
dumnalionis (3). C'est là qu'il y aura des pleurs et
des gruicements de dcnls. Souilrauce du corps,
soufirance de l'àme tout se réunira pour tortu-
rer le reprouvé; mais la plus grande de ses
douleurs sera de penser qu'il était du nombre
des uppf'lés et que, par sa faute, il n'a pas été élu.
*our uous, qui sommes encore dans la voie,
jivous dans une crainte salutaire, car uous
savons que uous sommes appelés, mais uous
igiifu'ons si nous scr(U!S élus : qitia vuaUi su?nus
novinius ;. si sumus e/ecti, ncsctvius. Tanto ergo
xecessr es/ ut uuus quinjue noslium in /lumilitute
K déprimât, quanlu usU electus iynorat (4).
L'ahbé Hermas,
curé de l'caiulierU
1. Gregor. llomit. xz^vill
ï, Gre^or Ib d, ^.
3. Gre^^or. t'jtdt
l, Ura. 1I)M.
ACTES OFFICIELS DU SAlNT-SlÉGE
BREF A MOSSEIGXEUR d'avANZO, SUR iES CLASSIQUES
LATINS.
Plus pp. IX.
Ycnerahilis Frater, Salutem et Apostolkam
BemUictionem.
Quo libenlius ab orbe calholico indirti a
Noliis .lubilœi beneficium fuit exccptum, "Vene-
rabilis Frater, eo uberiorem inde fructum ex-
pectandum esse coufidimus , divina favente
clementia. Grati propterea seusus animi, quos
bac de causa prodis, jucunde excipimus, Ueo-
que exiljemus ut emoinmentum laîtiliae a le
conceptai respondens Diaîcesilius tuis concedere
velit. Acceptissimam autem babemus eruditam
epistolam a te concinnatam de mixta lalinœ
linguœ institutione. Scitissime namque ab
ipsa vindicalur decus chrislianœ latinitatis,
quam multi corruptionis insimularunl veteris
sermonis; dum patet, linguam ulpote mentis,
morum , usuum publicorum enuncialionem.,
necejsario novam induere debuisse for.mam
post invectam a Cliristi; legem, quœ sicuti con-
sortium humauum extuleral et rennxerat r.d
fpiritualia, sic imligebat nova eloquii iudole ab
eo discreta, (juod societatis carnalis, fiuxis tan-
lum addictaî rébus, ingenium diu rctulerat.
Cuiquuiem obscrvatioui sponte sufTragalasunt
recensita a te s'ilerter monumenta singulorum
EcclesicS sœtulorum; quse dum exordia novse
formse suLjeceruut ; oculis,ejusqueprogressum
et prœstanliam, -imul docuerunt conslanter ia
more fuisse posilum EcclesiEe, jnventutim
latina erudire liogua per mixiam saciorum et
classicorum auctorum leclionem. Qnœsaneelu-
cubratio tuacum diremptam jam disceplationem
clauiore luce perfuderit, efticacius etiam sua-
debit instilutoribus adolescentiaj, utrorumque
scriptorum opéra in ejus usum esse adhibeutia.
Hune Nos laboii tui) successun ominamur; et
intérim divini favoris auspicem et prsecipus
Nostrse benevolentiœ testem lild, Venerabilis
Frater, uuiversoqne Clero et populo luo Bene-
dictionem Aposlolica.'n peramauter 'mperti-
mus.
Datum Romse. apud S. Petrum, die 1
Aprilis Anno 1875. Ponlilicalus Nostri Anao
vicesimonono.
PiUS PP. IX.
Venerabili Fratri
BartholomacQ Episcopo Calvensi et TheancBsi
TuEANua.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
143»
LITURGIE
tES QUATRE-TEMPS.
(5* et dernier article).
XI. Les Stations. — Nous ne pouvons nous
dispenser de parler ici des stations indiquées
dans le Missel pour les fériés des Qualre-Tcmps,
et, pour donner sur ce point les renseignemeuti
Décossuires, il nous faut étendre un peu le
sujet.
Il est queslioa de stalions dès la plus haute
anli([uité, et notamment dans les écrits de Ter-
tullien. Viiulant montrer combien la pratique
de la religion chrétienne est difficile à une
femme mariée à un piiïen, il dit : « Elle ne
peut certainement pas satisfaire le Seigneur en
se conformant à la loi, ayant à coté d'elle un
serviteur du diable qui se fait le mandataire de
son maître pour empêcher les fidèles de suivre
leurs pieux désirs et de remplir leurs devoirs.
Si, par exemple, il faut faire une station, le
mari indique ce jour pour aller au bain ; si un
jeune se présente à observer, ce jour-là même
le mari donnera un festin ; si une procession
est indiquée, il n'y aura jiimais eu tant d'occu-
pation pour toute la famille (1).» Ailleurs, nous
lisons : « Un grand nombre de personnes ne
croient pas devi)ir prendre part aux prières qui
accompagnent le sacriliee les jours do sta-
tions, parce que la station se tertnine par la
réception du corps du Soigneur (2). L'eucha-
ristie empèche-l-elle dune de rendre à Dieu
l'hommage qui lui est dû? Ne lie-t-elle pas
plutùt l'homme à Dieu? 'Votre station ne sera-
t-elle pas plus solennelle, si vous vous êtes ap-
proché de l'autel de Dieu? Lorsque vous avez
reçu le corps du Seigneur et que vous le tenez
en réserve, tout est sauf, vous avez participé au
sacrifice i-X rempli votre devoir. Si le nom île
station est emprunté à la pratique militaire (car
nous sommes l'armée de Dieu (3), ni la joie ni
la tristesse qui survient au camp ne disperse les
stations des soldats, la discipline est suivie avec
plus d'empressement dans la joie, avec plus de
soin dans la tristesse (4). » Le même auteur dit
encore : « Je vous interpelle, vous (jui jeûnez
en-dehors de la l'âque, au-delà di^s jours ou
l'Epoux nous a été ravi, et qui y intercaliez les
demi-jeûnes des stations , vous contentant par-
fois, pour toute nourriture, de pain et de vin,
selon que chacun le trouve bon (5;. \>i
De ces textes, il ressort qu'à certains joursde
jeûne, les fidèles se réunissaient dans les églises"
1. Ai uaorem, /ib. II, cap. iv.
2. Ces persod js craignent de rompre le jeûne par la
«ommunion.
3. II Our., X, 4; ITim., i, 18.
4. De Oralion», cap. xi.x.
5. Dt jtjuiiiis, cap. XIII.
pour y prier ensemble et assister au saint sacri-
fice, où tous communiaient, excepté ces chré-
tiens trop scrupuleux (jui craignaient de rompre
le jeûne en communiant, et que TerluUicn
gourmande et reprend avec sa mordante ironie.
Il y avait, ces jours-là, des jeûnes complets, qui
se prolongeaient jusqu'après l'heure de vêpres,
ou six heures du soir, ou des demi-jeûnes, que
l'on cessait à l'heure de none, ou trois heures
du soir. Ces as-^emblées, comme nous le dit
notre auteur, s'appelaient les stations, par com-
paraison avec les stations des armées, qui
suspendaient de temps en temps leur marche
pour se reposer et reprendre les exercices par
lesquels elles se perfectionnaient dans l'art mili-
taire. Les stations des chrétiens, dont il est ici
question, étaient donc comme des haltes pen-
dant lesquelles les actes et les opérations de la
vie naturelle et commune étaient interrompus,
afin de consacrer exclusivement un temps dé-
terminé aux exercices de la viespirituelle,dont
les principaux sont : le jeûne, qui, atlaiblissant
la chair, la rend plus facile à Vuincro ; le saint
sacrifice de la messe, l'acte do religion par l'X-'
cellence; la communion, qui est tout à la fojq
la participation au sacrifice par l'union à la
divine Victimi'i.cl' la grande réfection de l'àine.
Dans ces cireoiislances, les sliitionsétaient donc
proprement, au sens spirituel, un arrêr^ et l'on
ne peut pas plus dire de cas stations que de
celles dont ckius allons parler, que ce mot, qui
vient de stmv, a été choisi, comme le préteml
Bergier (I), pour exprimer que les fidèles
priaient dehout; car, si st/rre signifie se tenir
debout, on l'entend tout aussi bien d^ms le sens
do s'art'ètcr, et lacompanison de Tertullien ne
permet pas de se prononcer [lour une autre ao^
ception.
Les stations no turent pas, dans la suite, unii-
quem^mt atTectées aux joursde pénitence, il y
en eut aussi à certains- jours do fête, comme
nous le voyons encore présentement par les
indications du Missel romain.
C'était une coutume Irês-ancienne à Rom»;
que le clergé se rendit tantôt dans une église,
tantôt dans une autre, pour y prier, y célébrer
la messe et y laiie d'autres offices, et ordinai>-
Peinent une homélie était adressée au peuple.
Le lieu de la réunion était toujours indiqué à
l'avance, et on s'y rendait individuellement oa
en corps. Dans ce dernier cas, l'assemlilée se'
faisait dans une église désignée à l'avance. Le
clergé s'y formait eu procession, le peuple sui-
vait, et, pondant le parcouri, comme cela con-
tinue de s'observer aux Uogations, on chantait
les litanies ou des psaumes. La procession est
une marche qui représente symboliquement,
comme nous l'avons expliqué, le graml peler*-'
t. Dictionnaire de théologie, V. Station.
un
LA SEMAINE DU CLERGE
nage de la vie présente, dont le terme est la vie
éternelle du ciel. Le temps que l'on passait dans
l'église choisie îomme but de la procession,
pour y célébrer les saiuts mystères, s'appelait,
dans ïti sens propre du mot, la station, et ce
nom était donné aussi au lieu où se faisait cet
irrèt. Nous ne voyons donc aucune nécessité
de chercher à expliquer l'adoption de ce mot
par quelque circonstance accessoire telle que la
posture dans' laquelle le peuple priait alors,
d'autant plus qu'il n'est point vrai que l'assis-
tance demeurât debout durant toutes les prières
qui se faisaient pendant la station. Lorsque la
station était terminée, le clergé et les fidèles
revenaient dans .le mêms ordre au point de
départ.
Avant saint Grégoire le Grand, les lieux de
station n'étaient pas fixés et devaient être dési-
gnés à chaque fois. C'est ce ponlife qui déter-
mina, dans son Sacramentaire, les basiliques,
les églises et les martyria ou confessions des
martyrs qui devaient être visités à l'avenir
chaque jour de station. C'était principalement
aux jours des fêtes des saints les plu.^ illustres
que l'on faisait les stations dans les temples ou
les oratoires qui leur étaient dédiés. Ces der-
nières stations étaient généralement connues à
l'avance par tous, puisqu'elles étaient attachées
aux fêtes mêmes des saints, qui se célébraient à
jour fixe ; mais il était bon que les autres, qui
étaient en usage à certaines époques de l'année,
comme les Quatre-Temps et le Carême, ou aux
plus grandes solennités générales, tt-lles que
Pâques, la Pentecôte, fussent certainement et
invariablement déterminées. C'est ce que fit
saint Grégoire, ^n marquant dans le sacramen-
taire, en tète de la messe, les diverses églises
patriarcales, titulaires, dinconales, e* même les
simples oratoires où devaient se faire désormais
les stations aux jours indiqués. Ces indications
sont restées, pour la plupart, dans le Missel
romain tel que nous l'avons, et qui n'est, du
reste, pour le fond, que le sacramentaire gré-
gorien. Ceci nous explique quelques mentions
que nous trouvons dan^ les collectes de certaines
messes des jours de stations, et dont on ne ver-
rait pas la raison, ?i l'on ne se reportait au
titre de la messe. La collecte du dimnmhe de la
Sexagésime est ainsi conçue : «0 Dieu! qui
voyez que nous ne pouvons nous confier dans
aucune de nos actions, accordez-nous miséri-
cordieuseracnt la grâce; d'être défendus contre
tous nos adversaires par la protection du Doc-
teur des nations. » Pourquoi le souvenir et
l'invocation de viint Paul sont-ils consignés
dans celte oraison, en ce jour qui n'a rien de
commun avec la fête du graml apùtre ? C'est
parce que la station de ce dimanche est indi-
quée à Home dans la basilique majeure de Saint-
Paul hors les Murs, et toute l'Église, priant en
union avec l'Eglise mère, adresse à Dieu les
mêmes vœux. La collecte suivante se lit à la
messe du jeudi de la troisième semaine de ca-
rême : « Que votre grandeur éclate. Seigneur,
dans la bienheureuse solennité de vos saints
Côme et Damien, dans laquelle vous leur avez
conféré la gloire éternelle, et vous nous accor-
dez à nous-mêmes, par votre inefiable provi-
dence, le secours dont nous avons besoin. »
Cette oraison n'aurait aucun rapport avec la
messe où elle est placée, si la station ne su
faisait pas ce jour-là dans l'église des deux
saints Côme et Damien.
Bien que les églises stationnales fussent notées
d'une manière détinitive dans le sacramentaire,
chaque station était publiquement indiquée
pendant la messe solennelle qui la précédait.
L'archiiliacre en faisait l'annonce après la com-
munion. Quelquefois cette fonction était remplie
par le notaire de l'Eglise romaine. Le ministre
chargé d'avertir le peuple, lui faisait connaître
l'église choisie pour la réunion des fidèles et le
dôiiart de la procession, et celle oii devait se
faire la station, et l'on avait soin de transpor-
ter préalablement dans cette dernière les vases
sacrés nécessaires pour la cérémonie, et que l'ork
prenait dans la basilique de Saint-Jean de
Latran. Le Pape présidant ordinairement la
cérémonie, ces vases étaient sans doute ceux
que l'on réservait pour son usage. La proces-
sion était précédée de la croix stationnale. Le
Pape était porté, selon l'usage qui subsiste encore,
sur la sedia gestatoria, à moins qu'il ne fit le
trajet à cheval. Apiès la station, la procession
revenait dans le même ordre à l'église d'où elle
était partie.
Saint Grégoire le Grand, en fixant les lieux
de station pour les différents jours de l'année
où elles devaient se faire, laissa sans doute
de côté plusieurs églises ou oratoires où l'on
s'était rendu avant lui, alors que la désignation
était faite pour chaque fois. Après lui, divers
changements furent introduits à la lungue dans
cette liste, qui n'a pas subi de mudification
depuis la publication du Missel actuel, faite par
saint Pie V. Si doue on veut connaître exacte-
ment les églises stationnales de Rome, on n'a
qu'à en relever les noms inscrits en tête des
messes des jours que nous allons énumérer.
11 y a station à Rome tous les dimanches de
l'A vent; les trois jours des Quatre-Temps de
chaque saison; aux trois messes de Noël et les
trois fêtes suivantes ; les dimanches de laSeptuar
gésime, de la Sexagésime et de la Quinquagé-
sime; les dimanches et les fériés dt Carême, y
compris les trois derniers jours de la semaine
sainte; la fête et la semaine île Pâques; le
dimanche inAH/ti;\a. tète de Saint-Marc ; le&^
LA SEMA.INF DU CLERGÉ
113S
trois jours des Rogations et la fête de rAscen-
sion ; la l'èle et la semaine de la Pentecôte.
Les stations n'étaient pas établies seulement
à Rome, mai;; aussi dans un grand nomlire de
villes. Elle? se faisaient dans les principales
églises, où l'on transportait le siège épiscopal,
lorsque l'évêque devait présider celte assemblée.
Ces dispositions sont énoncées dans le troisième
canon du quatrième concile d'Orléans, de l'an
541. Au témoignage de saint Grégoire de Tours,
son prédécesseur saint Perpéiue fil la désigna-
tion des égli-^es slationnalesdela ville de Tours.
Les staiions se faisaient aussi régulièrement à
Paris, et, dans le mi?sel de 1738,elles sont rédui-
tes à trois pour chacune des cinq premières
semaines du carême. Les quinze églises y sont
indiquées. A Troyes, où la liturgie était foncière-
ment romaine, les stations avaient lieu, pour la
cathédrale, non pas en des églises dislincles,
mais successivement dans les diverses chapelles
de la vaste basiliciue, suivant l'ordre consigné
aa missel. On s'y rendait et on en revenait ea
procession. Il n'en est plus question dans le mis-
sel de 1736 publié par l'évêque janséniste Bos-
8uet, neveu du grand évè(iue de Meaux. L'i sec-
taire Petitpied, curé d'Asnières, qui tut chargé
de la rédaction de ce livre, n'eut garde d'y lais-
ser ce trait de ressemblance avec rE'.?lise
romaine. Ce qui se praliiiunit dans les églises
que nous venons de nommer s'observait aussi
' dans beaucoup d'autres, la liturgie romaine
faisait toujours le fond des liturgies parlicu-
lières, là même où elle avait subi le plus de
modifîcalions.
En parlant de la station du mercredi des
Quatre-Temps de l'Avent, Dom Guéranger dit:
« Elle a lieu à Sainle-.Marie-Majeure, à cause
de l'évangile de l'Annoncialion, qui a fait, pour
ainsi dire, attribuer à ce jour les honneurs d'une
véritable fête de la sainte Vierge (I). » Nous ne
saurions dire si l'évangile de ce jour a vrai-
ment déterminé dans l'origine le choix de cette
basilique poiii la station du mercredi des Qua-
tre-Temps de l'Avent; car la station se fait
pareillement dans la même église le mercredi
des trois autres Quatre-Temps, où l'on n'avait
pas la même raison de préférer une église
dédiée à la sainte Vierge. Si le texte de l'évan-
gile de ce jour ne fut pas le motif déterminant
de cette désignation, on doit reconnailre au
moins dans cette circonstance une coïncidence
heureuse. Les staiions des deux autres jours des
Quatre-Temps sont aussi invariablement atta-
chées aux mèn îs basiliques aux quatre saisons.
Le vendredi, la station se fait dans l'église des
1 Saints-Apôtres, eu reposent, sous l'autel, les
corps de saint Philippe et de saint Jacques le
Mineur. Le samedi, elle a lieu à Saint-Pierre, «à
1, Année liturgique, L'Àtenl,p. 229.
cause de l'ordination, dit Dcm Guéranger. Celte
basilique convenait mieux que toute autre pour
réunir le peuple, ayant toujours été une des
plus vastes de la ville de Home.). Nous ne
garantissons pas non plus la parfaite exactitude
de cette explication. Nous avons vu précédem-
ment qu'au temps où les stations étaient déjà
établies, les ordinations ne se fais;]ieul réguliè-
rement à Rome que le samedi de? QualreTi;mps
de l'Avent. S'il paraissait préférable d'indiquer
pour ce jour, à cause de l'ordination, la basi-
lique de Saint-Pierre, comme la plus vaste, ce
motif n'existait pas alors pour le=aulres Quatre-
Temps ; à moins que l'on ne dise que cette
église devant être plus commode une fois sur
quatre, cela dut suflire pour qu'on l'adoptât le
même jour aur \]uatre saisons, tout comme on
choisit li basilique de Saintf-.Marie-Majeure pour
tous les mercredis des Quatre-Temps, afin d'y
faire chanter, dans l'assemblée solennelle du
peui)le, l'évangile de l'Annonciation le mer-
credi des Quatre-Temps de l'Avent. Si ces expli-
cations ne reposent sur aucune preuve histo-
rique, rien ncmpèchera de les admettre à
titre de conjectures plausibles.
La messe des Quatre-Temps. Celte messe a
toujours été privilégiée, el, en aucune circons-
tance, elle n'a dû être omise, du moins complè-
tement. Si une fêle scmi double ou d'un rite
supérieur vient en occurrence avec une férié des
Quatre-Temps, on doit célébrer, dans toutes les
églises, cathédrales, collégiales et conven-
tuelles, deux messes, l'une, après tierce, de la
fête, sans commémoration de la lèrie, l'autre,
après none, de 1 1 férié, sans commémoration de
la fête, et, à la lin de ces deux messes, on recite
l'évangile de saint Jean. C'est à la première
messe que l'on fait mémoire d'une fêle ^imple
occurenle, et si une vigile tombe aussi ce jour-
là, la commémoration en est renvoyé à la
messe de la férié. Dans les églises non soumises
au régime conventuel el dans celles où il ne
peut être célébré ([u'uneseulemesse, cette messe
est de la fête, avec commémoration et dernier
évangile de la férié. En France, les charges de
nos chapitres calhédraux ont été diminuées, à
cause du petit nombre des chanoines et à raison
des faibles ressources dont ils disposent. Géné-
ralement, et même universellement, croyons-
nous, ils sont dispensés de la double célébialiou,
et la messe de ces jours est celle de la fêle oceur-
rente, avec commémoration de la férié, excepté
dans le cas que nous allons indiquer.
La règle que nous venons de rappeler pour
l'occurrence d'une fête avec un jour des Quatre-
Temps, souffre une exception, quand l'oltite
semi-double est celui d'un jour dans l'octave
d'une fête, mais non du jour octave. Mais 1 u-
nique messe, soit conventuelle, soit privée, est
1436
LA SEMAINE DU CLERGE
ricin. fiTÏn, avfic coTnTnémoralîon de l'octave, et
l'on prend poiii- troisiimie oraison celle qui se-
rait vcrine .'i !a suite de la commémoration de 1^
férié, si l'on eût dit la messe de l'octave. Ce
cas peut se rencontrer chaqne année, dans ua
certain nombre d'églises, aux Quatrc-Tcmps de
septembre, à raison des octaves des fêtes patro-
nales. En parcourant le calendrier, nous ne
voyons pas qu'il puisse s'ofïrir simultanément
partout en-dehors du mercredi des Quatre-
Teraps de l'Avent, lorsqu'il est eu occurrence
avec le septième jour dans l'octave de l'imma-
culno-Conception. On a quelquefois indiqué pour
cette messe, dans les calendriers, mais à tort,
la préfare commune : celle de la Conception
doit servir pour toute l'octavo, s'il no survient
pas une autre fcte ayant une iiréface propre et
dont on soit tenu de faire l'offlce. Toutes ces
indications sont tirées d'un déiTel. de la Con-
grégation des Pkiîcs du 23 juin i7u6.
P -F. KOALLE,
professeur de théologie.
Théologie dogmatique
LE PLEIN POUVOIR DU SAINT-SIÈGE
{auite.)
La doeti-ine de la faillibilité du Siéore apostoli-
que fut exprimée pour la première fois dans
l'assemblée du clergé de France de 1682. Mais
ainsi que nous l'avons déjà vu. les fameux qua--
tre articles n'étaient point le résultat d'une-
science libre et exempte de prévention ; ils n'é-
taient que l'œuvre de théologiens de cour au
service de l'alisnlutisme ïonvernemental et de
la bureaucratie (1). Louis XIV voulait faire pré-
valoir son système de violence et d'absolnli^rae
même contre l'I'Iijlise et contre son chef; Les-
quatre articles devinrent, dans la main des par-
lements, infectés de jansénisme, un instrument
d'oppression contre la liberté de l'Eglise et un
encouragement pour les tendances sehismati-
ques {-I). Fénelon, apns avoir donné hii-mèm'e'
l'exemple île la soumission la plus complète et'
la moins équivoque aux décisions du Sai.'iti-
Siège, avertissait ipi'on se tînt en garde contre
les empiétements du pouvoir temporel. l'Lt der"-
nièn-ment im écrivain prolestanlfrançais, avouait
que le gallicanisme faisait de l'Eglise la. ser-
1. Gérin, Hccherches /ii,<Mri>/ues sur Ca^nfmblée du cler(fi
de France, |r,83. Paria, 1«C9. LacreteHe. fWrtoired* franc*
ou xvur siicle.
î. Ia [jhipart des évêqucs, disait le jiroourrur génér.il
Harliiy. auraient rétracté leur jugement le lendemain, s'ils
en aviiient en la permission. Gérin, p. 335. — 11 faut ira-
\-ailler à réformer la faculté de théologie, disait- le>aiérae^
pour la niaiateoic daos U <]»va\x
vante des princes, et que ses fameuses libertés
n'étaient .jue les libertés du roi de régler le»
allaires spirituelles aussi bien ;;ue les tem-
porelles. Les appels au futur concile, la consti-
tution civile du clergé, le .schisme et la chute da
la religion, tels furent les fruits amers d'une
doctrine faus?een principe. .Malgré la contrainte
gouvernementale, la doctrine de l'infaillibilité du
Pape conserva de nombreux partisans. Jus-
qu'au milieu du siècle dernier, partout, excepté
en France, elle fut maintenue par les théolo-
giens, à de rares exceptions près (1). A partir
de cette époque, l'absolutisme de l'Etat et le
jansénisme s'eiîorc.èrent de répandre aussi Ter-
reur opposée hors de France; Nicolas de Hon-
tlieim (Febronius)et les théologiens de Joseph II
se firent les dociles instruments de ces tendances.
Un intérêt mal entendu avait aussi tait laisser
dans l'ombre l'infaillibilité du Pape dans l'es-
jioir de gagner les prolestants. Beaucoup encore,
furent bientôt entraînés par le courant rationa-
liste à dénaturer Us dogmes fondamentaux de
la religion et à les nier. Malgré tout, cependant,
si l'on réunissait les ouvrages des théolog'iens de-
tout pays, ceux des gallicans ne seraient à l'é--
gard des autres que dans la proportion de trois
à cent.
Ainsi, la grande majorité des théologien»
demeure toujours fidèle à l'infaillibilité (2). Ja-
mais l'opinion contraire n'a pu se poser comme
égalemntautorisée enfacede celle-là ; toutau plua>
a-î-elle été tolérée par l'autorité occlésiasti.|uei.
en co sens qu'elle n'était pas encore flétnie-
comme une hérésie formelle; mais jamais elle-
lie passa pour un sentiment correct et en har-
monie avec la doctrine de l'Eglise ; elle fut mémo
plusieurs fois réprouvée, tandis tpie la doclriae
de rinfaillibilité fut de tout temps en vigueiir
diuis rEgiise comme règle de la \\% pratique:
Parmi les immbreux dommages que l'Eglise,
elle même a en à sonilVir île l'inlluence du
protestantisme et du rationalisme, que leconr-
y. Ep. DJnedict. XIV. Ai Inquisit. Hàpan. d. d. 1748. Cf.
Pcrtr. de Marciv. O'jservalionrs mpra Iheses Claromontanar
n. 17. L'êpiseopnt l'rannais de ce siècle s'est prononcé poiif
l'infaillil'ilitii dans |ih>5i<?urs conciles provinciaux, ainsi quel
co-axd'.\lleni:i^ne. d'i lîftiiirjue. il'.Vngleterre et d'.\mcrique.
Cf. Sehiicemami, Stimmen aus Miria-Laach. x. p. \S&.
■2. Buniip. Uie rjiifthibarkeit des Papstet, 1870. Gi'iother'et:
Yeith cuxniànes i>nt reconnu l'infaillibilité du Pape. Lw
premier a dit {.Sùif-und Nordlù-hter, p. '354) : <t La base de>
1". ouvre du Saint-Ksprit se trouve comme partie iatégrante
ilaiw cette irtfaillrbitité. st détestée, qu'exerce le dépositaire
(le hi. primante ejclésinstique dans la<;oiidiute désintérêt*
de 1» foi. n Voiai U témoignage du second {Weitiebin unS
Christetilhum. p. 1G3) : 11 est de l'essence de l'organismaf
ecclésiastique que cette infaillibilité, dans les affaires de la
loi, appartienne' .aussi au suprême Pasteur qui oceupe I».
Siéjîe ;ijpostoJique. — Gratry [Connaiisance dr'Dien, II, 412^-
l'aiùs, ISjll) dit : Presque tous les catholiques croient, et
tciiis iidnietlent en pratique que : le Souverain Pontife, ja»
gwirt solennelléiTwnt [tj? cathtdra) enmatièrrdi^for ou di»
«uanirs, est infaiUibUj
LA SEMAINE DU CLERGE
V.
file ri II Vaticnn (1) a déplnrés et adxqnols il
clicc. h;iit 1111 n^mèilr*, Oçrui-unotiimm.'nluHlui ci,
savoir qiiL", : « beaucoup ilps enfaïUs de l'Eglise
« e:it!iolii[iie se sont écartés du sentier de la vraie
« et fidèle piété, et que, dans l'obscurcisseraent
« graduel des vérités, leur sens catholique s'est
a alTaildi. » C'est pouniuoi, prenant occasion
d(;s erreurs qui ont tait irrupliou dans certains
esprits dciiuis le concile di; Trente, sous les noms
(le gailicunisme, de fébroniunisme et de josé-
plusme, l'Eglise a enfin converti en dogme for-
mel une croyance qu'elle avait toujours portée
en substance dans ssn cœur, qu'elle avait appli-
quée et fait passer dans la vie pratique, mais
qu'oile n'avait pas encore fi)rmellemeut procla-
mée comme arliclo île foi. Déveio[)[icr complè-
tement, formuler avec la dernière précision,
une croyance substantiellement préexistante,
voilà justement eu ([uoi consiste ce proyrès Je
la foi catliolique si éioquemment loué par
saint Vincent de Lérins, et que les conciles ont
mission de provoquer et de réaliser. Les systè-
mes précités ayant tenté d'ébranler la croyance
à riiifaillibilité du siège apostoliipie tomme si
elle n'était point fondée sur l'Ecriture, ni sur la:
tradition, et la controverse ayant été portée sur
le Uiéàtre retentissant de la publicittî, les esprits
des lidèles se sentaient émus et inquiets, et une
décision délinitive était nécessaire pour ramener
le calme et la paix. Comment ! depuis des siè-
cles tous les lidè'es, les prêtres et les évècpies en
tùle, se soumettent avec autant de confiance
que d'humilité aux décisions du siégi; cU; Home,
ils y adhèrent du fond du cieur, résolument et
sans arrière-pensée, sacriliaut quelquefois leurs
plus chères opinions, et cela sans attendre qu'une
opposition se produise, ou qu'une approbatiou
tacite intervienne, et ces décisions des papes ne
seraient pas infaillibles! Mais alors, sur quoi
donc se fonderait une telle soumission ? Si le
Pape n'est pas infaillible, comment a-t-on pu
voir en lui le juge eu dernier ressort de la toi?
D'un autre coté, des hommes éminenls, parleur
science et par leur position dans l'iv4lise, ont
emiiloyé vme vaste érudition et toutes les res-
sources d'un génie perçant à vouloir démontrer
que plusieurs papes ont erré, que ni l'Ecriture,
iii la tradition, ni les conciles, ni les saints pères,
ni les grands <locteurs n'ont recoiiuu l'iulailli-
bilité du Sii'ge apostolique, que prétendre sou-
mettre la foi aux décisions du Pape, c'est une
USur()ation injiistiliable d'un droit ipii n'appar-
tient qu'à Dieu et aux conciles généraux, eiiûn,
une oppression criante des consciences : dès
lors, quelle perplexité «lans les àmcs 1
1, Ainii, la proposit. 7 de Pierre d'Oam». 1-479 : Eo-
tlesiaurbis /îomœ ervure polesl. Rrojj, 23,28. Luther, l'rop.85:
JVuctor. fîdei, où la cepiobaliou des quatre articles est
Une décision suprême devait nécessairement
intervenir. Si ceux-ci ont raison, il fallait que
l'empire exercé sur notre foi p.ir le Siège apos-
tolique fût dénoncé comme abusif, sans fonde-
ment, illicite, contraire à l'essence de la foi,
préjudiciable à l'Eglise et funeste au saint des
âmes; il fallait que les décisions papales fussent
déclarées faillibles etrévocables. Si, au contraire
la primauté doctrinale est réellement infaillible,
il fallait aussi de toute nécessité, que le concile
proclamât cette croyance de l'Eglise p::r une dé-
cision formelle et solennelle, et qu'il Taflirmât
de nouveau, en l'établissant sur des bases iné-
branlables.
C'est ce qui a eu lieu. La drîeisiona été portée.
Tous les évèquos du monde catliolique, sans (jn
excepter un seul, ont ailliéré. La divine provi-
dence a visiblement tout disposé ; comme tou-
jours l'homme s'est agité, et Uieu l'a mené d'une
manière admirable. Les oppositions ipii s'étaient
déclarées d'abord, n'ont servi ([u'à r.iviver la vi-
gueur de la foi catlioli([ue, laquelle consiste sim-
plement à faire l'abainlon complet de notre rai-
son à Jésus-Christ et a sou Esprit, qui gouverne
l'Eglisi! et qui a [>arlé par l'Eglise (l). Toute
nouvelle délinition d'uu dogme catholique est
une bènédictiou pour l'Eglise, une source de lu-
mière et de force qui jaillit d'eu haut et nous
laisse voir de plus en plus prés celui qui est la
vérité même. A peine trfiis ans se sontécoulés
depuis le concile du Vatican, et déjà un tait iu-
coutest;d)le se montre même aux yeux les moins
clairvoyants, c'est que le Saint-Esprit a com-
muniqué àrEgliscune n'iuvelle lumière et une
nouvelle force, afin qu'elle puisse sans dommage
traverser les jours difliciles qui étaient si pro-
ches et dont nul mortel a'avait soupçoauc la
venue.
Ue nouvelles et violentes tempêtes, les plus
formidables peut-être qu'on ait jamais vues, mena-
cent l'Eglise. Des assauts terriblesnous attendent;
ejicore un peu et nous serons au fort de. la lutte.
Unis dans la foi sous un Pape infaillible, étroi-
tement serrés les uns contre les autres par le
lien de l'unité ecclésiastique, cuiintenant nouS'
sommes forts, et notre Eglise est une citadelle (2)
désormais inexpugnable .nii renferme la vérité'
catholique, le vrai cbi-istianism.e et, avec lui, les
biens les plus grands et les plus précieux de la
vie, et qui les gardera, fût-elle assaillie par le»
plus furieuses persécutions.
Vraiment, l'autorité doctrinale infaillible n'est
point du tout ce joug act^iblant de res[int, cette
indigne chaîne, liont la fobe de ce monde s'ef-
force de nous faire l'elfrijanta peinture, u La;
1. Qtiantum quisque amat Ecctesiam Dri, tantum Aabet Spi'»
ritum Sancium. Au^ust. Tract. S.KS.II, 8. in Juau.
2. Arx saierdolii. llonilac. 1. Ey. IV. — Aix auclorilatiSé
August. Ep. cxvui, cap, uc.
ms
LA SEMAINE DU CLERGÉ
théologien, vraiment digne de son nom, et de
sa vocation, est à la fois libre et lié, libre quoi-
qu'il se sache lié, ou plutôt parce qu'il se sait lié.
11 ne fait pas consister la liberté à laisser errer
son espnl à /aventure, sans boussole ni gouver-
nail sur la mer sans rivage des opinions et des
interprétations, à renoncer à toute connaissance
fixe, comme aussi à tout pouvoir de convaincre
les autres. Il se sent libre, au contraire, parce
que, par un choix volontaire et iatelligent, il s'est
une fois pour toutes abandonné à l'autorité de
l'Eglise pour être conduit et enseigné par elb^,
sachant que Dieu l'a faite et instruite, afin qu'elle
soit la gardienne des vérités du salut et l'iusli-
tutrice des peuples. C'est dans l'Eglise et par
l'Eglise qu'il est devenu libre. L'Eglise l'a délivré
de l'incertitude, qui est aussi un péuilile escla-
vage, de l'instabilité inquiète des pensées et de
la conscience, du doute poignant, de la per-
plexité où se consume un esprit qui n'est sûr de
rien, pas même des principes qui sont les fon-
dements et les points de repère de ses investiga-
tions. U se sait maintenant aflianchi de la pers-
pective accablante que, dans dix ou vingt ans, il
reconnaîtra peut-être qu'il s'était trompé et
qu'il écartera alors, comme une vaine illusion,
ce qui lui paraît maintenant si sûr et si certain.
Il a épousé l'autorité pour toujours, et toute sa
vie intellectuelle ne fait plus qu'un avec elle, et
son intimité avec elle va toujours croissant, tel-
lement que, dùt-elle s'eO'acer et devenir muette
pour lui, il ne croirait, n'entendrait et n'ensei-
gnerait pas autrement qu'elle. U est la partie
qui se sait en parfait accord avec le tout ; il est
un membre adhérant au corps, et comme tel, par
le simple rapport organique qui l'unit à lui, il
participe à la lumière qui éclaire tout le corps (1).»
u II est incontestable, dit Goethe (2), qu'au-
cune doctrine ne nous délivre de nos préjugés,
excepté celle qui sait auparavant abattre notre
orgueil. Et quelle est la doctrine qui bâtit sur
l'humilité, sinon celle qui vient d'en haut?»
Mais la vraie humilité, celle qui nous délivre du
doute poignant et de l'incertitude anxieuse, où
se trouve-t-elle, sinon dans notre soumission et
notre abandon à une autorité vivante existant
en-dehors et au-dessus de nous. Le {irotestan-
tisme ne la connaît point, caria foi qu'il se forge
à lui-même, en puisant dans l'Ecriture, est
son œuvre propre. Les adversaires de la pri-
mauté doctrinale infaillible ne la connaissent
point; il est vrai que l'autorité à laquelle ils se
veulent soumettre n'est pas seulement la lettre
morte de l'Ecriture, c'est la tradition de l'Eglise,
mais la tradition telle qu'ilsla reconnaissent, qu'ils
la détinisseut, qu'ils l'iulerprèteul à leur point
I. Dœllinger, l'erhandtungen der Venammlung Kath.
Gelehrien in Mùnachen. Regcnsburg, 1803, p, 53
». Œuvres, XIV, p. 253.
de aie et l'appliquent eux-mêmes; ce n'est point
l'autorité telle que la fixe et la proclame la pa-
role vivante qui descend de la chaire de Pierre,
ce n'est point celle devant laquellt» sjint Cyprien,
saint Cyrille d'Alexandrie, saint -Kugustin, saint
Optât, saint Jérôme s'inclinaient avec respect,
celle qui a reçu mission d'enseigner toute
l'Eglise. Pour le grand martyr saint Ignace
d'Antioche, l'évêque était le centre, de son
église particulière, et le père auquel tous doi-
vent se soumettre avec un abandon plein
d'amour et de confiance. L'évêque des évê-
ques, qui siège sur la chaire de Pierre, est
aussi le centre de l'Eglise universelle, le père de
la chrétienté en qui et par qui s'unisseut tous
les fidèles, parce que celui qui est lié à lui est
aussi lié par lui à toute l'Ei^lise catholique (I).
Sans lui, qui est l'anneau le plus élevé de la
chaîne, tous les mimbres de la hiérarchie tom-
bent les uns après les autres ; avec la hiérarchie
tombe la sacerdoce, tombe l'Eglise, comme ins-
titution visible établie par Jésus-Christ, c'est-à-
dire le corps du Christ et du christianisme. L'E-
glise tombant, le christianisme tombe, aussi en
même temps.
La guerre faite à l'Eglise depuis trois cents
ans montre tout ce que vaut la papauté. Le Pape
n'est pas l'Eglise, mais l'Eglise est fondée sur
lui, il est l'instrument visible voulu de Dieu, par
le moyeu duquel l'unité, et par conséquent
l'existence même de l'Eglise, est sauvegardée.
Sans lui la grande Eglise universelle, qui em-
brasse tous les peuples, se brise et s'émiette en
CCS églises nationales qui ne sont (jue des instru-
ments dans les mains des chefs d'Etat, que les
peuples méprisent, que l'esprit de Jésus-Christ
a délaissées et qui languissent sans diguité et
sans puissance. Si donc la chaire apostolique
romaine pouvait être brisée, avec elle serait bri-
sée l'unité de l'Eglise, et alors ce serait fait de
1 Eglise elle-même. Après cela, le christianisme
passerait lui-même du domaine de la vie réelle
dans celui de l'histoire. Ses ruines formeraient
encore un objet de recherches savantes, sujet de
dispute pour les archéologues ; mais il ne rem-
plirait plus le monde de son souille et de sa vie;
l'intluence salutaire qu'il exerce sur les individus
comme sur les nations qu'il sauve, qu'il consacre
et qu'il bénit, serait aboUe pour jamais,
(A suivre.) D' Hettihgeh,
1 . FiJem suam quam vocat ? Eam ne, qua Hamana pollet
Ecclesia ? Si liomanam rfv;ion(/fri(, ergo catholici iumui. Hi»»
ronym Apolog. adv. Ruiiu. I. 4.
LA SEMAINE DU CLEUCE
li39
HERMÉNEUTIQUE BIBLIQUE
PRËMIÈnE PARTIE.
De la recherche du sens par l'usage de la langue.
(Suite.)
Après avoir, t1ans l'article précédent, exposé
les caractères distinctifs de l'iiébreii biblique, il
nous reste à indiquer les sources où l'on devra
puiser, si l'on veut acquérir une connaissance
exacte de cette langue.
2* A quelles sources on peut puiser la cor^naissance
de la langue hébraïque.
Quoique l'Iiébreu ait cessé de vivre, comme
idiome parlé, trois siècles environ avant Jésus-
Christ, et que nous ne possédions, en-dehors des
auteurs sacrés, aucun monument littéraire con-
temporain de lai inguc période de son existence
qui lui apporte son témoignage et lui prête sa
lumière, eo()end;mt il ne s'est pas éteint si com-
plètement que les docteurs juifs n'aient point
continui'de l'enseigner dans leurs écoles et dans
leurs écrits, aux âges suivants. La tradition juive,
telle est doue la premiri-e source à laquelle on
devra puiser pour acipiérir la connaissance de la
langue hébraïque. .Mais, dans les monuments de
cette langue ([ue la Bible nous a transmis, que
de passages la tradition des juifs n'éclaire pas
d'une manière suffisante, disons le mot, laisse
obscurs et incertains! Eh bien, il reste à l'inter-
prète une autre ressource : ces points obscurs,
qu'il les compare avec d'autres endroits analo-
gues de la Bible qui ne sont pas douteux, et, le
plus souvent, ce rapprochement suflira pour en
faire deviner ou pour en fixer la véritable signi-
iicatiou. Mais l'hébreu, nous l'avons dit, n'est
pas un idiome isolé; il constitue une bramhe
du tronc scientifique, et des rapports intimes
l'unisseiitaux langues de cette fimille. lia même,
avec les autres langues primitives, des relations
qui, pour être moins étroites, peuvent néan-
moins fournir de précieuses indications à l'in-
terprète de la Bible. La ccmp.iraison de l'hélireu
biblique, soit avec lui-même, soit avec les autres
tangues anciennes, surtout de souche sémitique,
tel est le second moyen d'arriver à rintelligence
de cette langue. Ajoutons que l'emploi de ces
deux moyens, pour conduire à un bon résultat,
doit être soumis à certaines règles dictées par
la raison et le bon sens. — A vaut d'examiner les
ressourcesque chacun d'eux îft're à l'hébraisaut,
qu'on nous permette de jeter un coup-d'œil his-
torique sur l'étude de l'iiébreu, depuis les pre-
miers temps du christianisme jusqu'à nos jours.
Durant les siècles qui suivirent de près la pé-
riode apostolique, les docteurs de l'Eglise puisè-
rent dans les ceoles juives la connaissance qu'ils
avaient de la langue hébraïque. Parmi ••:'uxqui
s'y apidiquèreul avec le plus de succès, Origène
et saint Jérôme occupent le premier rang : ce
sont eux qui jetèrent dans l'Eglise le premier
fondement de ces études. Toutefois, il faut
reconnaître que cette science, empruntée à peu
près uniquement à la tradition de la synagogue,
ne dépasse guère le domaine de l'hébreu talmu-
dique, et resta, jusqu'au wii" siècle, dans uq
état d'enfance et d'imperfection.
A cette époque, grâce à la merveilleuse ex-
tension des missions catholiques, les dialectes
sémitiques et les autres langues de l'Orient fu-
rent révélés à nos savants d'Europe. On se livra
avec ardeur à l'investigation de ces nouveaux
trésors, et, comme on l'avait déjà fait pour le
grec et le latin, on compara ces antiques idiomes
avec l'hébreu. De cette comparaison naquirent
des œuvres harmoniques, telles que le Lexicon
pentaglotton de V(d. Schindler (Hanov. 1612),
souvent réimprimé, le Lexicon keptarjlollon,
d'Edmond CastelU (Lond. IGG9); ainsi que des
grammaires, parmi lesquelles nous citerons la
Ctrammatica lingutrum orienlnlium (Lugd. Bat.
^C2i)du célèbre hollandais Louis de Uieu, la
Grammatiça quatuor linguarum hebr. child. syr,
etarub. harmonica (Tigur. IGW), de J. N. Not-
tinger, etc. Le mérite commun de ces savants
est d'avoir inauguré la comparaison de l'hébreu
avec les autres idiomes de la même famille, et
ouvert ainsi aux hébraisants un champ des plus
féconds, inexploré jusque-là. Mais, sans parler
de ceux qui ont fait entrer dans leurs études
harmoniques la langue perse, étrangère à la
source sémitique, on leur reproche, à bon droit,
de se contenter de rapprochements superliciels,
et de se livrer, sans frein ni mesure, à des conjec-
tures qui ne reposent que sur une similitude pa-
rement accidentelle dans les sons ou les formes.
Plus exclusifs encore, d'autres vinrent après
eux qui rejetèrent à la fois et la traditionjuive,
et la comparaison de l'hébreu avec les dialectes
sémitiques, et les versions anciennes. La langue
hébraïque, disaient-ils, ressemble au soleil : elle
tire sa clarté de son propre sein et n'a pas besoin
d'une lumière étrangère. Tel lut Jacques Gous-
set, de Blois, qui, dans ses Commenlarii linguct
hebraicœ (.\mstelod. n02), essaya d'expliquer
l'hébreu, comme une lettre écrite en caractères
inconnus, en s'aidant seulement des passages pa-
rallèles, du contexte ou de la suite du discours,
et en général de l'analogie de la langue. Il fon-
dait cette opinion sur cette considération sin-
gulière que l'héijreu, étant une langue divine,
ne peut avoir aucun rapport avec les autres
langues, qui sont purement humaines. Il ajou-
tait qu'on ne peut, saus s'exposer à de nombreux
ennuis, aller chercher des secours pour déter-
miner le sens des mots et se rendre compte des
formes grammaticales de l'hébreu, qui est la
souche des autres dialectes sémitiques, dans ces
dialectes qui, venus après lui, ont éprouvé d»
r-10
LA SEMMNE Dt «.-ERGÉ
grandes modifications, inconnues et élraiiKères
à la langue mère. Gaspard Neumanu et Valent.
Lœscher soutinrent un système analogue, le
premier dacs divers ouvrages, inilLulOs : Gencsis
hiigttœ siinclœ, Eu:odus lingiue sanclœ, Ckwis do-
tnus Eeber (tle dTOO à 1706) ; le second, dans son
livre de Causis linguœ hebr. (1706). Ramenant
toutes les racines hébraïques à deux lettres es-
sentielles, appelées par Noumann churacleres
signiftcatiunis, et par Lœscher, simina vocum, ils
tiraient, de la vertu native Ae ces lettres, ia signi-
fication des mots. Certes, ces ex[)lications de
l'ancien hébreu sont bien arbitraires et bien
ridicules; elles eurent cependant l'avantage d'at-
tirer l'attention sur une ressource un peu né-
gligée jusqu'alors, mais infiniment précieuse
pour l'intelligence de la Bible, savoir, la com-
paraison de la langue avec elle-même.
C'était surtout dans les académies protestantes
que le système dont nous venuub di [larler ob-
tenait une grande faveur. Il trouva un ru'le
adversaire dans Alb. Schultens, qui composa,
pour le combattre, ses Origines /wfjrœœ {\~23-
1737), et SCS Jnstilu.tioues ad fundw/enta linguœ
hebruicœ {\~ili~). Dès l'âge de dix-huit ans, cet
orientaliste, l'orgueil de l'uuiversiLé de Leyde,
avait soutenu contre Gousset, dans une discus-
sion publique, que l'étude de l'arabe était iudis-
pensable pour la counaisjauce complète de
l'hébreu. Tout eu reconnaissant que Schultens
iin[)rima une vive impulsion et rendit d incal-
culables services à l'élude de cette langue, nous
devons ajouter que, dans l'application de son
excellente méthode, il négligea un peu trop le
dialecte chaldéen, et poussa jusqu'à l'excès sa
firédilection pour l'arabe, qu'il préférait à la
aDgue hébraïque elle-même. Plus d'uue fois il
impose lies signiticalions arab';s à des mots hé-
breux, malgré le contexte et l'usage bien cons-
taté de la langue, ce qui l'entraîne à des expli-
cations forcées, arbitraires et dénuées de sens.
Ses disciples, comme il arrive d'ordinaire, exa-
géi'crenl encore ses défauts.
Pai'mi les doctes hébraisauls que notre siècle
a produits, ceux qui ont le mieux mérité de la
langue siinte sont, à notre avis, — et cet avis
ne saurait être suspecté, puisque nous n'avons
à nommer que des savants plus ou moins imbus
de ratiunaUsme : — Géséuius, Ewald, rlupfcld,
Jal. Fiii'st et son disciple, Fr. Delitzsch.
Gésénius est le chef de l'école que les Alle-
mands appeUeut empirique, c'est-à-dire que,
saus adopter les prijici|.es exclusifs des écoles
précédenies, il s'attach(! aux laits, et applique
la iiiétLode expédmentale aux textes hei)reux.
Les nombreuses éditions de sa Grammaire com-
plète {Ausfuhrliches gramnwt. krit. Lehrge'mudc
àer hi:tr. .^pruche, etc. Leipz. 1817), et surtout do
sa Ufummuire élémentaire {Ueùr. £kmmlarbvuik
îîallc, 1813. suiv.) proclament a'sez haut le
mérite et l'utilité de ces deux ouvrages. Sou
Thésaurus pkilolog. cr/t. linijuœ hebr. et chald.
vetei'is Testamenti (Leipz., 1827-33) est le travail
le plus considérable que nous possédions sur la
lexicographie hébraïque. Dans cet ouvrai^e, il
ramène a une juste mesure l'usage de l'arabe
et la comparaison avec les langues sœurs, dont
on avait abusé au siècle précédent. Quoiqu'il
n'ait pas toujours, surtout dans ses premiers
travaux, assez tenu compte de la tradition, il
tira des livres de grammaire composés par les
anciens rabbins une masse d'observations utiles,
et, ce qui est d'une grande importance dans la
lexicograplde sémitique, il répandit de vives
lumières sur les étymologies. On sait que Gésé-
nius mourut en 1842, à Halle, où il avait pro-
fessé pendant plus de trente ans.
EwakI, ce polémiste passionné, si prompt à
l'invective, a déployé dans l'étude d(!s langues
orientales, et spécialement de l'hébreu, un
véritable génie. Nul n'a mieux compris les pro-
pj-iétés intimes de cet idiome; nul n'a expo=é
sous une forme plus scientilique les luis de lu
grammaire hébraïque, en les faisant dériver de
la nature même de ia langue. Aussi sa méthode
a t-elle reçu le nom do rationnelle. Hàtons-nous
d'ajouter que, comme notre Gousset, il néglige
beaucoup trop la tradition de la synagogue et
les imlications des versions anciennes, et pré»
tend aussi expliquer l'hébreu par l'hébreu lui-
même, sans aucun secours étranger. Ou a de
lui une grammaire élémentaire et une gram-
maire critique de la langue hébraïque; cette
dernière ne s'adresse pas aux commençants.
Est-il besoin d'avertir nos lecteurs que ses Livres
poétiques et ses Livres prophétiques de l'Ancien
7'«s/amen^,traduits et expliqués, ainsi que son jff«-
toire du peuple d'Israël (eu allem.), tout en ren-
fermant des choses Irès-bunnes et très-belles, en
contiiunent aussi beaucoup de hardies et de
téméraires, inconciliables avec l'enseignement
de l'Eglise? iVé à Goettiiigue. au eommence-
ment de ce siècle, Ewald professa longtemps
les langues orientales dans cette célèbre uni-
versité, jusqu'à ce que, en 1860, il perdit sa
chaire pour refus de serment au nouveau maître
(jui avait supprimé le Hanovre. Il mourut en
oiai dernier.
tlupfeld accorde une importance plus grande
à la comparaison des langues, nou-seulcmeul
des langues sémitiques, mais encore de celles
d'origine japclique, en teoant compte de leur
nature parlic.uhere et de leur degré de parenté
avec la langue sainte. Voulant donner ime base
solide à ces rapprochements, il se livra à de
patientes recheiches sur les caractères hébreux,
leur histoire, leurs formes et leurs sons ou arti-
culatioûs. Cette méUiode a re<iu le uam d'histO'
il
LU SEMAINE DU CLERGE
nu
iùijue. Quoique toutes les coiiflusions qu'elle a
proclamiM's soient loin d'avoir la tnèiisc valeur,
jDU ne peut nier qu'elle ait mieux expliqué uu
œrtaiu nombre de ratines et jelé quelque jour
sur l'histoire des lettres hébraïques.
C'est ainsi qu'uu a tenté toutes les voies,
essayé tous les moyens pour arriver à lu cou-
naissance de riiébreu. Mais, trop souvent, au
Mou de faire réc;uer un juste tempérament dnns
l'emploi de ces moyens, on a été exclusif, soit
6n s'attaohatit à un seul et répudiant tous les
autres, soit en accordant à un seul une prépon-
dérance exagérée. L'école qui s'est appelée elle-
même historico-anabjtique essaye, en ce moment,
d'éviter ce défaut. Jules Fuist et son disciple
Delitzch eu sont les plus illustres représentants.
Non-seulcraent elle remet en houueur la tradi-
tion si longtemps dédaignée par le traditiona-
lisme, et compare la langue hébraïque soit avec
ello-mème, soit avec les antres id.ioim.-s d'origine
commune, ou même de soiiilie diOV-renle — et
parmi (h^s derniers avec le sanscrit surtout, —
mais elle établit uu lien et comme une sorte de
concert entre toutes ces ressources, et les met
en œuvre avec un ensemble qui ne peut ge.ère
miUKjuer d'atteindre le but. On trouvera cotte
méthode exposée tout au long dans l'ouvra'^e de
Fr. Deliizscli intitulé : Sephath Jes/iouvoun (liLt.
Linyua Jealwuroun, scil. /jojiuli Jsraolitici}. sive
Isugoge in linguavi et Icxicof/rapfiiani l.uf/nce
hebr. Filrst a publié un excellent dietioniiuire
hébreu-nllemaud, auquel on reproche pourtant
des étym^^logies plusique hasardées, inspirées à
l'auteur par la comparaison de l'hébreu avec le
sanscrit.
La France n'a rien produit en ce siècle qui
approche de ces grands travaux. Un seul homme,
le regretté M. Le Uire, de la vénérable Compa-
gnie de Saint Sulpice, aurait pu. sous ce rap-
port, rivaliser avec les savants d'Outre-Rhin ;
mais, à part quehiuus Iragmouls écrits, qu'une
main [ilus pieuse ([u'hubile recueille comme de
précieuses relicjues, il s'elail borné à l'ensL-igûe-
ment oral, lorsqu'une mort prématurée vint le
ravir à la scieuee.
Nous dhons, dansuupi'oahain artide, quelles
ressources la tradition des Juifs fûiuruit à l'hé-
bxiflisanJ;.
A. GK.iJII'Oîi,
chunoine.
LÉGISLATION^
EXPOSTTIOS DES MOTIFS ET DES rRI?;CIPES QUI ONT
SERVI DE BASE A LA LOI RELAOlVj; A LA. UBEUXÉ
DE L'E.NiEIGHJiMEKT SCPÉIIXEUK.
{Suite.)
L'article 2, rédigé par la même commission
dit : lout français n'ayant encouru aucune des
ivcopacilcs préinies par l'arlicle 7 de la présente
loi ; les associations formées dans un dessein d'en-
siignement mpérieur, conformément à l'article
y ci-après ; les départements et les communes
pourront ouvrir librement des cours et des établis-
sements d'enseignement supérieur, aux seules condi-
tions prcscriies par les articles suivants.
M. Henri Fournier vient à la triijune pour
développer l'amemlcment (lu'il a proposé à cet
article, d'aecoid avec MM. Buisson (de l'Aude)
et Adnel. Cet amendement est ainsi conçu :
Les établissements libres devront êtres adminis-
trés par trois personnes au moins. Ils devront com-
prendre au moins une faculté ayant le même nom-
bre de chaires que l'une des facultés similaires de
l'Etat ; les professeurs devront être pourvus du
grade de docteur.
Il oli?erve que l'enseignement supérieur a
ses rè:;les,sa discipline et son but; il croit utile,
pour bien de le définir, de donner lecture du
discou;s de M. Guizot, dans la première séance
du 25 mars 1870 de la commission extra-par-
lementaire.
Il dit que son amendement laisse les cours
isolés ou conférences en-dehors de la loi
actuelle; on ne doit s'occuper t|ui; de la liberté
des étûbiisSiîments d'enseignement supérieur. 11
s'empresse cependant de déclarer qu'il n'entend
pas exclure absolument les cours isolés acci-
dentels.ces cours qu'on appelle des conférences,
et qu'il est si diflJcile de ilislintruer de la véri-
table conférence ; mais ils veut que ces cours
accidentels isolés ne puissent être faits sans
autorisation préalable, que dans l'intérieur des
établissements. Dans ceux-ci liberté complète,
absolue, entière. En-dehors de là, il ne .s'agit
pas, suivant lui, d'enseignement su[térieur;
c'est une tout autre matière qu'il faudait exa-
miner, c'est la question des réunions publiques.
Il ne pense pas qu'il soit nécessaire de s'en
occuper à propos de l'enseignement supérieur.
11 examine longuement le système de garan-
ties, étudié par la commission extra-parlemen-
taire de 1870, pour corrigei" les abus possibles
delà liberté accordée si large dans son article
premier, (jui est textuellement reproduit dans
le projet en iliscussion.
11 lui semble que la susdite commission avait
entrevuuue. des garanties rechei'ché.'S. Se préoc-
cupr.nt uniquement des conférences, il est vrai,
— mais, à son avis, on ne peut pns les distin-
guer des cours, — cette commission s'est dit à
elle-même : Si l'on peut trouver quelque chose
de saisissahle, uue respr.'.;isab;lité sérieuse, non
pas celle du conférencier, mais celle de l'éta-
blissement, alors les couférences peuvent être
permises.
C'est celle garantie qu M. Fournier propose
dausTauieadtaieni qu'il a soumis à l'Assemblée,
LA SEMAINE DU CLERGE
Il lui parait que, par son amenclement, la loi
de liberté s'appliquera aux établissements d'eia-
seignemenl supérieur, mais elle ne pourra s'ap-
pliquer aux cours isolés, aux conférences qui
seraient faites en-dehors de ces établissements.
Les cours isolés doivent continuera être soumis
à la législation actuelle. Il veut que les établis-
sements, par contre, soient complètement libres;
pour eux, il ne demande pas de juridiction
exceptionnelle, il ne veut les soumettre qu'à la
juridiction ordinaire et aux règles du droit
commun.
Mais pour pouvoir bénéficier de celte large
liberté, il reconnaît nécessaire que ces établis-
sements se soumettent aux trois conditions pro-
posées dans son amendement: trois administra-
teurs, une faculté au moins, des professeurs
gradués.
Ces trois conditions, il les croit convenables:
quand on aura un établissement ainsi conslitué
et atjf^inistré, établissement qui constitui'ra une
propnité considérable, qui n'aura pu être créé
qu'à la suite de grands efforts, on aura devant
soi une responsabilité sérieuse.
En exigeant que l'établissemi'nt contienne
une faculté au moins, il n'entend pas obliger
les établissements libres à se modeler sur le
système de l'Etat. 11 attend, au contraire, beau-
coup de la liberté, il croit qu'elle amènera des
réformes considérables dans l'enseignement
supérieur, des réformes dans les programmes
et dans Ihs méthodes, et une augmentation du
nombre dos chaires, même et surtout dans les fa-
cultés del'Etat. Il ne veut pas imposer par avance
aux élabli-sements libres le moule des établis-
sements de l'Etat; il observe qu'à coté du la fa-
culté exigée, toute chaire pourra être établie,
tout enseignement pourra y être annexé. A côté
de la faculté obligatoire il y aura conséquem-
ment d'autres chaires, d'autres écoles, un autre
enseiguement; mais on aura au moins la certi-
tude que l'enseignement, en restant aussi large,
aussi élevé qu'il souhaite, se tiendra dans le
domaine de l'enseignement supérieur. Il se de-
mande ensuite si l'axigeance qu'il réclame des
grades des professeurs est jusie. Du moment
que les lois qui ont établi la liberté de l'ensei-
gnement primaire et de l'enseignement secon-
daire, exigent des garanties, des conditions
d'aptitude des instituteurs et des professeurs de
l'enseignement primaire et secondaire, il trou-
verait étrange qu'on n'en doive exiger aucune
des professeurs de l'enseignement supérieur.
Mais, pour qu'on ne se méprenne pas sur ses
inteution<, il déclare accepter entièrement les
dispositions de l'art. 4 du projet de la commis-
sion, qui accorde la faculté aux établissements
libres de faire des cours spéciaux et des confé-
rences. Il reconnaît qu'une persouue étrangère
à l'enseignement, un savant de passage, un
voyageur de retour d'une longue expédition,
pourra faire ainsi un cours, deux cours, une
conférence dans rétablis*;ment libre. Dans ces
cas il ne demande pas de conditions de capacité
et d'aptitude.
Si l'Assemblée veut adopter son amendement,
M. Fournier la supplie de croire qu'elle aura
fait tout ce qu'elle a mission de faire au sujet
de l'enseignement supériteur. Elle aura laissé
les conférences, les cours isolés, comme ils sont
aujourd'hui, soumis au régime des réunions
publiques; mais, s'occupant de l'enseignement
supérieur véritable, elle lui aura donné toute
la liberté qui est depuis si longtemps réclamée.
En effet, dit-il, ce qu'on demande c'est la
concurrence librement faite aux établissements
de l'Etat par des établissements librement
créés, la concurrence dans le domaine de l'en-
seignement supérieur, comme nos lois anté-
rieures l'ont ouverte dans le domaine de l'ensei-
gnement primaire et secondaire.
M. Laboulayes'emprcssederemercierM. Four-
nier d'avoir rappelé à l'Assemblée que l'article
en discussion n'est autre chose que l'article
adopté par la Commission extra-parlementaire
de 1870. Il regrette cependant que le bruit de
l'Assemblée ait empêché peut-être à plusieurs
de ses membres d'entendre ce que M. Fournier
a dit tout-à-l'heure; à savoir, que le défenseur
des conférences, l'homme qui reclamait la li-
berté, au sein de cette Commission, était
un dominicain, le révérend père Captier, lâche-
ment assassiné par des scélérats dans lesderniers
jours de la Commune.
Il observe que quant au po^nt de savoir si
l'enseignement supérieur doit appartenir à tous
les citoyens, sauf à exiger d'eux telles condi-
tions que l'on pourra désigner, ou si cet en-
seigueinent n'appartiendra qu'àdi!sasso 'iations
ou à des corporations, c'est à l'Assemblée de
l'établir. Mais il déclare que, pi>ur lui pour la
majorité de la Commission, la liourlé de l'en-
seignement supérieur, c'est la iibei le de l'indi-
vidu.
Il lui paraît que, sur cette importante ques-
tion, il y a dans l'Assemblée trois grandes opi-
nions dilferen tes, trois partis respectables. Après
avoir exposé quelles sont ces trois upi nions, il
examine le texte de la proposition de M. Four-
nier et de ses collègues. Il dit que, sur ce point,
il y a une difliculté, un malentendu entre les
auteurs de l'amendement et les auteurs du pro-
jet de loi. Q.iand ceux-ci, dit-il, se so ittr'ouvés
en présence de l'enseignement su[ii,'rieur, ils
ont dû se demander s'il s'agissait simplnnent
de faire conrurrence à renseigiemeut du droit,
de la médecine eî des lettres donue par l'Etat.
S'il se lût agi de cela seulemi;nt, ils auraient
LA SEMAINE DU CLERGE
U43
compris que l'on puisse dire: on va établir des
facultés rivales. Mais la Commission s'est trouvée
en présence d'une question bien plus grande ;
elle s'est Irouvétî en présence du monopole de
l'Université, qui fait que personne ne peut en-
sei,!,'ner,sur quelque sujet que ce soit, sans l'au-
torisation du gouvernement.
Dira-l-on maintenant que, si l'on admet le
principe de liberté pro[iosé par la Commission,
on peut se trouver exposé à avoir des cours
abominables, à laisser professer l'athéisme et
toute espèce de doctiines funestes? Il ne le pense
pas, et cela ne lui paraît pas possible. Il déclare,
à ce sujet, que le projet de la Commission offre
tous les moyens de défense contre la possibilité
de tels désordres. Les tribunaux sont chargés,
par ce projet de loi, de réprimer les abus, et on
peut être assuré que la justice Sera là vigilante
pour arrêter le mal, le supprimer, l'anéantir.
Il ajoute qu'en sanclionnant la répression de
toute espèce d'abus, on aura cent fols raison,
car l'abus doit être sévèrement réprimé; mais,
À son avis, on ne doit pus aller au delà.
A ce point, M. Laboulaye déclare que le sort
de la lui est engagé dans cet amendement, car
il est évident que si l'Assemblée n'accepte pas
l'enseignement individuel, en l'entourant de
toutes les garanties qu'elle jugera nécessaires,
la loi n'a plus raison d'être. C'est une autre loi,
<[it-il, qu'où pourra fiii[e, une loi qui partagera
le pouvoir entre certaiues associations et le
gouvernement, mais ce ce sera plus une loi de
liberté.
La Commission, ajoute-til, a cru faire une
loi qui n'exclue pas les associations divcr-es, et
<jui n'éloigue pas celte jeunesse studieuse, ins-
truite, qui a besoin de vivre et qui veut vivre
par l'enseignement.
« Dans les conditions, s'écrio-t-il, la loi nous
intéresse, mais, dans des conditions coutraires,
nous serions obligés de nous eu désintéresser
«empiétement. 0
M.deCuniout. ministre de l'instruction publi-
-que et des cultes, observe qu'il ne croit pas pouvoir
aller aussi loin que l'amendement de M. Four-
nier et de ses collègues. Il ne conteste pas le
principe; il désire seulement des garanties
■valables : « Donnez-nous des garanties, dit-il,
■ei nous vous accorderons le principi:. » Ces ga-
ranties, M. le ministre ne les trouve point dans
•le projet de loi aiqiorté par la Commission. Il
croit que si ou n'exige aucune condition que ce
soit de ca[iacilé ou (raiilituile, on ne pourra dou-
ter que ces chaires, absolument libre», seront
envahies par le premier venu ; elles seront,
dans toi"* les cas, envahies par qui voudra les
envahir, puisque l'accès en sera ouvert à tous,
«ans autre réserve que celle de l'âge et d'une
déclaration absolument iuefticacc.
Il ajoute que, lorsqu'il s'agit de voler une
loi, il est bien naturel qu'on se préoccupe des
conséquences que cette loi pourra produire.
M. le ministre croit que, si on adopte l'article 2
et l'article 3^ tels qu'ils sont proposés par la
Commission, ae n'est pas l'enseignement supé-
rieur qu'on organisera dans les conditions que
l'Assemblée voudrait l'organiser; ce sera le
chaos, l'anarchie intellectuelle. 11 dit que cette
anarchie sera produite de deux manières : elle
sera produite par la multiplicité iifinie des
cours, et elle sera produite par la confusion des
doctrines et des systèmes.
Après quelques paroles de M. Laboulaye, qui
demande à M. le ministre de préciser les garan-
ties qu'il désire, M. Fournier remonte à la tri-
bune pour demandera l'Assemblée le renvoi de
son amendement à la Commission. La demande
de ce renvoi est repoussée par M.\I. Laboulaye
et Bardoux, et appuyée par MM. Lucien Brun
et Albert Uesjardins.
La demande de renvoi étant mise aux votes,
l'Assemblée l'adopte à une majorité de ^Jo voix.
En pri'sence de celte votatiou, M. Laboulaye
déclare que la Commission a besoin d'un cer-
tain temps pour pouvoir examiner les garanties
que l'on réclame. Par conséquent, la suite de
la seconde délibération sur ce projet de loi
cesse, d'aujourd'hui, de tî;;urer à l'oidre du
jour de l'As emblée nationale.
Phiuppe Carréei.
{A suivre.)
PATROLOGIE
V. ÉCOLES DE JÉSUS CHRIST.
L'on donnait ordinairement à notre Sauveur
le titre de Maître. Lui-même encourageait cette
manière dt: parler : « Vous m'appelez, disait-il.
Maître et Seigneur, et vous faites bien, car je
le suis {Joan., xiii, 13^. ') Un autre jour, le Fils
de Dieu, devenu fils de l'homme, s'attribuait
exclusivement le droit d'instruire la terre, et
défendait à ses disciples de prendre pour eux-
mêmes le nom de rabbi : « Ne vous laissez
jioint appeler maîtres : votre seul maître, c'est le
Christ ; [lour vous tous, vous n'êtes tpie des
frères... que l'on ne vous nomme point maître :
car votre unique maître, c'est le Clirist [Matth.,
.\xni, 8, 10). 1) Etlectivement les prophètes
l'avaient annoncé : « Tous seront les disciples
de Dieu {Joan., SI, 43). » H faut «loue tenir
Jésus Christ pour le vrai fondateur des écoles
que, de son nom, l'on appelle chrétiennes.
I.Conséquemment nous allons retrouver, dans
l'Evangile, les choses anciennes et nouvelles;
c'est-à-dire, une continuation progressive d§
an
LA SQIACVE DU CLERGE
l'enseignement des Juifs, et le type de l'instruc-
tion donnée plus lard dans l'Èi^lisr. Quand le
Sauveur, par exemple, RCrueillait p]ès di^ lui
les enfants, il fouinisfait l'iiîce des catéchèses
et même des écoks priu^aircs. « Et on lui oUrait
des enfants pour qu'il les touchât. Mais les dis-
ciples faisaient des menaces aux personnes qui
les lui préseDt;uent. Jésus, les voyant, le sup-
porta avec peiue, et leur dit; «Laissez les petits
enfants venir à moi, et ne les empêchez pas :
c'estàleurs semblablesqu'ap[arlienl leioy^ume
des cieux. En vérité, je vous le dis : quicf nque
ne recevra pas le royaume de Dieu comme ua
petit enfant, n'y entrera point. Et, les baisant,
il leur impo.=ait les mains et les bénissait
{ilarc.,x, 13-16). » Remarquons-le bien : parmi
ces enfants, que l'on oflrait au Sauveur du
monde, il en était d'un âge assez avancé ; car
nous lisons, dans sfiintllatlbieu,que l'un d'entre
eux interroge le Maitre. 11 est donc à présumer
que le t( rrae de bénir doit être accepté dans sa
signification la plus large, et que ces enfants,
proposés comme modèles de docilité, recevaient
le royaume de Dieu par la foi, ou, pour mieux
dire, par les instructions du divin Maitre ; car,
de tout temps, la foi est venue par l'ouïe.
Jésus, au milieu des docteurs, qu'il écoute et
qu'il interro(;e {Luc, u, 46), ou bien lisant
Isaïe, au milieu de la synngngue de Nuziir.th,
pour faire ensuite le commentaire du passage
et adresser à la foule un mot d éiiiUcation
{Luc, IV. 16), nous semble crayonner le pro-
gramme de l'euseignenient secondaire ou
supérieur.
Un jeune homme s'approche du Maître, et lui
dit: «Bon 5Iailre,quel bien faire pour obtenir la
vie éternelle? » Jésus lui fuit cette réponse :
« Si tu veux être parfait, vends ce que tu as et
donne-le aux pauvres, et tu auras un tiésor
dans les cieux; puis viens, et sui5-moi(.l/fl/^,.\I.\',
^6, 21). » Dans ce moment, le Seigneur ouvre
la première é.ob- m<iu;istique.
Enfin Jésus se cbià.-il douze disciples, (]u'il
instruit sans paraboles, qu il rend dépositaires
de sa puissance, qu'il envoie prèclier son Evan-
gile, qu'il formi; par des conseils de tout genre :
c'est là le germe de nos séminaires actuels
{Mate, x).
11. Suivant la doctrino du grand Apôtre, il
entrait dans les vues de Dieu de restaurer, par
le moyen de son Fds, à l'heure de la plénitude
des temps, tout ce qui est au ciel et sur la terre
{Ephes., I, 10). En nous ramenant à l'Edea
de la grâce, le Sauveur fit d'abord revivre,
parmi nos ancêtres dans la foi, les mâles vertus
de l'ère patriarcale. Aussi parlait-il d'aulorité.
L'Evangile nous rapporte qu'après avoir ;ichevé
son sermon de la montagne, Jésus laissa, au
milieu de la foule, une vive admiration pour la
^
i:.iélhode qu'il emplnyait flans son enseigne-
ment. « Et il arriva, quand Jésus eut fini ces
paroles, que la foule admirait sa doctrine. Il
enseignait comme un homme revêtu de l'au- '
toiité, et mm point à la facnn des scribes et des
pharisiens (Molt., vu, 28). d Les synagogues
juives, comme nous le faisions observer plus
haut, souflraient, à cette époque, de la gangrène
séuile du rationalisme. Les pharisiens, par
exemple, non lontents d'être en o|)positioa
avec les E^séQiens et les Sadilucéens, nourris» ^
salent encore cliez eux des guer res intestines. "
L'on connaît les disputes (|ui s'élevèrent entre
les célèbres doclcurs ilillel et Siliimaï. Les
seribes et les pli:iri>içns, pour défendre leur
système, raeltiiient donc en œuvre toutes le*
ressources de la didcctiqno, invoquaient le té-
moignage de leuis savants et chcrcliaient à
persuader leur auditoire. Mais le divin Maitre
emploie un remèile énergi(iue pour guérir ce
malaise des esprits. Au lieu d'argumenter, il
expose; au lieu de prouver, il raconte. Docteur
habi'e dans la science du royaume des cieux, il
ressemb'.ait à l'un des anciens patriarches,
tirant de sou cœur les choses anciennes et
nouvelles {Mait.,\\n.ï>2). Pouvait-il agir autre-
ment? La doctrine du Sauveur n'était pas la
sienne, mais la doctrine de celui qui l'a en-
voyé {Joan., \i, 16). « Ce que mon Père m'a
enseigné, je vous l'expose, disait-il lui-même à
la foule des Juifs (/«/. viii, 28). » L'évangéliste
saint Jean nous révèle, en un seul mot, le pre-
mier caractère de l'enseignement du Maitre; ou
plutôt, c'est Jésus-Christ lui-même qui nous
fait sa propre peinture : « Je ne vous appellerai
plus mes serviteurs, parce que le serviteur ne
sait pas ce que fait le maitre. Pour vous, je
Vous nommerai amis, parce que je vous ai ra-
conté tout ce que j'ai appris de mou Père {Joan.,
XV, 15). »
Ainsi le Docteur du monde, placé en face d'un
peuple ergoteur, se cnnt nte d'exposer sa doc-
trine, sans la déirionlreraiilrcm' ni i^epar des
œuvres. 11 refait, au milieu de Tadmiralion de
la multitude, l'hislcjire du passé, du présent et
de l'avenir. Un tel exemple nous donne à réflé-
chir. Le clergé, dans notre siècle rationaliste,
ne devrait-il pas, (omme le Maitre, laisser-là
souvent les subtilités de l'éccde. pour raconter
les merveilles du Tout-Puissant? Ce mode tout
d'abord cnnviendrait mieux à la dignité du pré-
dicateur. Obtiendrait-il de moinilres résultats
que le genre scolastique? Nod. Un jour, le grand
Ijossuet se fatigua de-porler au protestantisme
les coups de massue de la dialectique. U conçut
l'heureux projet d'écrire un nouveau livre (ju'il
intitula : £j:posUion de la fui calhoUque. Jamais
levécjue <îe Mea'.ix ne fit paieilie sensation en
Europe : les éditions de l'ouvrage se mulU;
LA SEMAINE DU CLERGE
li45
pliaient, les éloges arrivaient, di toute part et
les protestants se convertissaient en foule. La
première conquête 'le cette méthode liistoric2ue
avait été le grand Tur^nne.
III. Cependant, après avoir remis en vigueur
l'enseignement di; l'ère patriarcale, notre divin
Maitre, (jui était venu, non pour détruire la loi
et les prophètes, mais pour les perfectionner,
voulut bien aussi rendre gloire à la méthode
jadis usitée par les prêtres du temple et les
croyants du désert. Avec la narrati(in,il adopta
les symboles. Nous les voyons ordinairi^raent
parler en paraboles ; et, comme Mnïse, il aimait
à se voiler la face, quand il s'agissait de ma-
nifester au monde les volontés de son Père. Un
auteur du .xii" siècle remarpie, avec uue sorte
déplaisir, que le Snuvcur régla le nombre de
M3S paraboles sur celui de ses apôtres. En effet,
l'Evanuile nous rappelle douze similitudes, à
l'aide ilesquelles le S'uivcur dépeignait au-X
douze les beautés du royaume des cieax :
c'était la Semence et l'Ivraie, le Gisin de sénevé
et le Ferment, le Tn-sor caclié et la Perle, le Fiiet
du pêi-lieur et la Reddition de comptes, le Mai; i e
delà vigne et les Noces du roi '33 Dix Vierge-set
les Talenls. Li-s autres p;i rabotes, comme la
Mminaie éganie, la lîrebis perdue, le Fils pro-
digne... sont à l'adresse du peuple, des scribes
et des phari-iens
La symbolique, comme nous l'avons dit,
n'était point incinnue avant l'arrivée du Fils de
l'homme. La loi s'était présentée au monde
comiae une ombre des biens futurs. Toutefois,
en-dehors di'S prêti es et des prophètes, un pelit
nombre était à même de percer les ténèbivs
mystérieuses des Livres saints. Les étrangers
surtout avaient des yeux pour ne pas voir, et
des oreilles pour ne pas entendre le secret caché
de nos Ecrituics. Le Soigneur avait dit : « Mon
secret est à moi '!t aux ûls de ma maison.» Voilà
pour(iuoi le So-uvcrain Pontife Eléazar, au mo-
ment de la ver^iou des Septante, envoyait à
Ptolémée la solutii)o des pioblèmes de Moïse,
ainsi (jue nous l'atteste [:\ J'ié parution évangé-
lique d'Eu<ébe. La syniigogue avait donc entre
ses mains la clef de* niy>téres ; de là notre divin
Maître blâmait les prèlros qui avaient leçu la
clef des sciences, et ne voulaient ni entier eox-
mêmesj ni laissereutrer les autres(/v«c., xi, 5i).
En elTet, la nation juive se partageait en deux
tlassijs d'hommes: le vulgaire, qui s'en tenait à
la lettre; les sages, qui sondaient l'esprit des
Ecritures. L'an de ces sages, nommé chercheur,
développait devant nu auditoire choisi les sens
profonds et mystiques delà loi. C'est à ce per-
sonnage que l'ait allusion l'Apôtre, en ces ter-
mes: « Où est le sa^e, le scribe, le chercheur de
ce siècle (l Cor. , i, 20)?»
Laméthode symbolique de l'enseignement eut
le malheur de déplaire à la Renaissance. Les
protestants l'ont niée, les philosophes l'ont ea-
Joiiiniée, les catholiques l'ont tournée. C'est un
loit des plus graves; on ne nie pas l'histoire,
l'on ne calomnie pas le genre humain, l'on n8
rougit pas de son Dieu. Le symbolisme existe ;
il a sa raison d'être. Cclonne de nuée mysté-
rieuse, il a pour double effet de cacher la vérité
aux yeux des profanes, et delà rendre plus sen-
sible aux yeux de Dieu. On peut le dire sans
crainte, autant il aveugle les uns, autant il
éclaire les autres. Pourquoi done avoir saerifié
à la 'égère l'un de ces modes évangéliques de
l'instruction? Qu'-ivons-n us g-igné à le pros-
crire? La nature divine, qui se reflète en images;
l'esprit de l'homme, qui doit peindre ses irlées ;
notre besoin il'abréger les formules, pour .sou-
lager la mémoire; le travers 4le notre intelli-
gence, qui nous porta à vouloir sonder orgueil-
leusement la nature invisible des choses, et
qu'il était bon de réprimer; notre v.inité, qui se
plait à vaincre les obstacles; notre engoûment
pour les ohjetsmaléiiels; notre assnjettissement
au corps, source d'Iiuiniliation et de grâces; en
un mot, tout, en Dieu et chez nous, exigerait
e.'icore l'emploi du symbolisme. Mais nous re-
viendrons un jour sur et» sujet.
IV. En adoptant de préférence les systèmes
historique et symbolique, le Sauveur ne visait
point à dénigrer l'empire de la raison. Ce serait
folie de le croire. De;>ui3 i]iiand le Seigneur ne
serait-il plus le Dieu der sciences? Le Créateur,
qui aime ses ouvrages, haïrait il h; clief-irœuvre
de ses mains? Et toutelois, le M.iilre ne manie
que très-rarement l'arme de la lo 'ique. Ce
mode n'est pour lui qu'un moyen de défense
contre les ennemis de sa personne ou de sa vé-
rité. S'il fait un dilemme, c'est pour protester
contre le ministre du Grand- Prêtre, qui lui
avait d'Anne un injuste soufflet {Joan., xxiii, 23).
Comme lesSadduccens, tout en respectant l'au-
torité des saintes Ecritures, niaient, malgré Inb,
la résurreetiùn de la chaire, le Sauveur leur dit:
«N avez-vous pas là ces paroles que Dieu vous
adresse: Je suis le Dieu d'.Vbrahamefde Jacob?
C'est le Dieu dps vivants et non pas des morts.
{Mutt., XXII, 32). » Quelques momentsaprès, Jé-
sus-Christ établissait encore le dogme de sa di-
vinité contre les pharisiens, en raisonnant sur
ce verset d'un psaume: «Le Seigneur adilftmon
Seigneur: Asseyez-vous à ma droite. Si le Mes-
sie n'était que fils de David, pourquoi celui-W
l'eùt-il nommé son Seigneur {Ps. cix, 1)? o
D'après l'exemple du Maitre, la logique ne
serait guère iju'une arme défensive de la reli-
gion. Mais la science humaine jouit-elle d'une
grinde efficacité lorsqu'il faut instruire? Hélasl
non, quoique l'on veuille dire. On rapporte que
les ouvriers de la Judée, voulant restaurer les
LA SEMAINE DKJ CLERCE
murailles de !a villeetilnfcmpln, tenaient d'une
main l'épée, et de l'autre la truelle. Avec l'épée,
OD écarte les ennemis, mais l'on ne bàlit guère.
V. Un impie de nos jours s'élonnedc voirque
Jésus-Clirift, dans ses diverses écolcSi semble
ne pas tenir com[)te des sciences philosoidiiques
ou natureHes. Eh bien ! le contraire serait de
nature à nous scandaliser. D'abord, .lésus-
Chrisl est Dieu. Or, suivant le texlc de VEcclé-
siaste, livre signé de la main d'un roi, qui avait
étudié les sciences humaini'S, « Dieu a fait
toutes les créatures bonnes, en leur temps; et
il a livré le monde à la dispute des hommes,
afin que nul d'entre eux ne trouve, du commen-
cement à la fin, les œuvres que Dieu a produites
(Jîccl'-., m, ii).n II suivrait île là qu' Jésus-
Christ, Fils unique du l'ère, ne pouvait ensei-
gner les sciences positives, à moins d'empiéter
sur le tercain qu'il a cédé jalis à l'homme. Alors
le silence qu'il garde sur ces m.it;ères forme
l'une de> innombrables preuves de sa divinité.
D'ailleurs, le Messie était Juif de naissance, et
nous avons dit que, sauf les derniers temps,
les Israélites, comme les vieux Romains, étu-
dièrent pr ncipalement les sciences et les arts
qui se rattaclient à l'agriculture. Sous ce rap-
port, le Sauveur manifeste des connaissances
qui l'égalent à ses concitoyens les plus éclairés,
et le meitent au-dessus de la plupart île nos
académiciens modernes. Enfin, Notre-Seigneur,
dont le royaume n'était ni de, ni dan<, ni pour
ce monde, avait à s'occuper d'abord de relever
les ruines de l'ordre surnaturel. Il vint pour que
nous ayons la vie, et que nous l'ayons plus
abondamment. Et s'il a vraiment restauré les
sciences naturelles, comme l'histoire en fait foi,
c'est seulement par voie indirecte, et parce que
l'étoile de la raison humaine s'éclaire au soleil
de justice.
PlOT,
curé-doyen de Juzjnnecourt.
QUESîlQflS D'HISTOIRE
OBiGh\'Es DU POUVOIR tempouel des papes.
(Suite. — Voir le ii° 4i.)
l'eta". Rome a cru et enseigné pendant
quinze cents ans que Constantin a été baptisé à
Rome par saint SyKestre eu 32i. Les érudits
de la nouvelle école ^irétondent que c'est une opi-
nion qui n'a été accréditée que depuis la fin uu
neuvième siècle, par Anastase le Dibliothécaire.
Voyons s ils ont raison, et si la sentence de
M. A. 'le Broglie : « l'époque du biptème de
Constantin ne fait plus question aujourd'hui, et
persouae ae s'anêle plus au récit apocii'pUc
d'Anasfase le BiblioUiécaire (1); « si, dis-je^
celte semence est vraiment sans ajipel.
En l'an 324, il se tint à Romi' un concile,
connu sous le nom de Concilium Romanum II,
(deuxième du Pontificat de saint Sylvestre). Les
actes s'en trouvent dans la collection des Con-
ciles (2). Jam.Tis Anastase le Bibliothécaire n'a
été accusé d'avoir forgé les actes de ce concile,
peul-ètre parce que les érudits modernes n'y
ont pas pensé. Quoi qu'il en soit, voici ce qu'on
lit an début de la première session :
<( Sous le troisième consulat de Crispus et de
« Constantin (324), la joie fut universelle, parce
« que Constantin, baptisé par Sylvestre, évèque
« de la ville de Rome, fut, par la vertu du sa-
« crement, guéri de la lèpre. Reconnaissant de
Il cette faveur nouvelle, qu'il tient de Notre-
II Seigneur Jésus-Christ par les mains du pape
Il Syhestre, l'au:;uste empereur mnntre pour
Il noire religion sainte un z^le infatigable. Il
« confesse la vraie toi et proclame hautement
(I les bienfaits dont Jésus-Christ l'a comblé.
« Telles sont les circonstances au milieu des
« quelles Sylvestre, évèque de Rome, a voulu
« réunir en concile, ses frères évèques, prêtres
n et diacres. Comme notre sainte Mère l'Eglise
« vient d'enfanter à la foi Constantin son fds
« bien-aimé, révèî^ue de Rome , Sylvestre veut
H pourvoir à la discipline intérieure de l'Eglise,
« à l'édification de ses enfants, au maintien de
« la hiérarchie sacrée et des règles canoniques.
« Le concile de Rome a donc été réuni par les
0 soins de Constantin auguste et de sa mère.
Il L'empereur a fait préparer pour le recevoir
« le palais anciennement appelé Thermes de
« Dioclétien, et connu aujourd'hui sous le nom
« de Trajan. Deux cent quatre-vingt-quatre
« évèques y sont venus. Constantin Auguste a
« mis a leur disposition les postes de l'Etat, et
a a voulu que les frais de leur voyage fussent
« supportés par le fisc impérial (3). »
■Voilà un récit simple, sans préoccupation
d'esprit de parti, joyeux sans emphase, et dans
lequel tous les points sont pourtant sur les )'. La
couleur locale, comme on disait il y a quelques
vingt ans, ne laisse rien à désrer. Les 'fhermes
appelés auparavant de Dioclétien et aujourd'hui
de Trajan ; la mention de l'avis de la pieuse et
sainte Impératrice HiMène ; l'expression : &es
//wes les évèques, prêtres et rfwo es, qui révèle
si bien l'importance propre à cette époque de
celte charge du diaconat ; les postes, les Irais de
voyage à la charge du fisc impérial : louty est,
rien n'y manque. Et il faut avouer, qu'Anastase
le Bibliothécaire eût été un maître faussaire, s'il
1. VEijlise et l'Empire rornain, par A. de Broglie.
tome JI, ],. 370.
2. L\i!DL-, Conc. Hom. II, Actio prima, tom. I. Conc.
pag« IJli-ifl.
;i. iiiui.
LA SEMAINE DU CLEr.UÊ
14 il
avait rédigé celte pièce revêtue si visiblement
des caractères d'autheuticiléles ^\us inti'in.sè(/nes,
et qu't.u scut avoir été écrite à l'heure même de
l'événement. Mais, encore une fins, M. de Bro-
glie et les autres ont oublié d'accuser d'une habi-
leté aussi inima;;inahle le fami>ux bibliothécaire.
Un tf! document suffira t, en vérité, pour
mettre à néant la sentence de M. de Brugiie.
Mais il est loin d'être le seul.
Personne n'a j;imais songé non plus à attri-
buer à. Anastase le célèbre canon des Ecritures
et des autres livres ecclésiastiiines du pape
Gélase. Or, voici ce (pi'on y lit :
« Item les fçestcs des marlyrs Cependant,
d'après l'ancienne coutume et par uni! pniflcnce
singulière, ou ne les lit pas tous publiipu'nKjut
dans la sainte Eglise romaine, et parce qu'on
ignore les noms des auleurs qui les ont écrits,
et parce qu'on croit ciu'il s'y est glissé <les er-
reurs ou di's inexactitudes ; telles sont le* Pas-
sions de Quirice et de Juliie, de Georges et de
beaucoup d'autres ; atin de ne pas fournir la
moindri- occasion de crili-iue. Mais nous rece-
vons avec respect les vies îles l'èrcs, de Paul,
d'Antoine, d'IJilarion, écrites (>ar le bienheureux
Jérôme, ftem les Adcs dic bienlieureux Si/hestre,
pontife du Siège apostolique. Lîien que nous
ignorions le nom de celui qui les a écrits, nous
savons que ces actes sont lus [lar nu ^raad
nombre dans la ville de Home, et beaucuiip
d'églises les imitent en cela. «
Disons en passant que ce document du pape
Gélase, dans ce passage comme dans d'autres
qu'il n'est pas nécessaire de transcrire, justi-
fie parfaitement l'appréciation de Grotius sur
la prudence singulière des papes en matière
d'écrits authentiqiics . Disons encore que ce
canon célèbre fut dressé par le pape Géla^e, dans
un concile de 70 évoques. Or, les actes de saint
Sylvcst7-e, ainsi approuvés solennellement ici,
ont pour trait principal le baptême de (Cons-
tantin par ce pape ; et ce sont ces mêmes actes
que reproduit le liber l'ontificalis dans sa notice
si impudemment attribuée à rinveulion d'Anas-
tase le Bibliothécaire.
Deux conciles, l'un de 28 i évoques, contem-
porains de l'événement, l'autre de 70, tenu
un siècle et demi après; deux papes tels que
Sylvestre et Gélase qui les ont présidés; le canon
même des Ecritures dressé pour l'Eglise univer-
selle ; tout cela est inconnu à nos critiques pré-
venus, ou sans valeur à leurs yeux. Qu'ils
écoutent du moins des témoins étrangers à
Rome, inconnus d'Auastase le Bibliothécaire
qu'ils n'ont jamais pu connaître, étant morts
plusieurs siècles avant lui ; inconnus même à
l'église occidentale pendant mille ou douze cents
ans.
Eb 1719, le savant anglais Ceutham consacrait
une notice à un livre récemment découvert et
édité à Oxford pour la première fois. C'était la
chronographie de Jean d'rtulioche, dit Malala,
mort en 675. Il était divisé en dix huit livres.
On crut d'abord n'avoir alTaire qu'à un chroni-
queur byzantin du bas-em])ire, à un auteur de
seconde main. .Mais en étudiant plus attentive-
ment l'œuvre de Jean de Malala , on s'aperçut
que les douze premiers livres de sa chronogra-
phie n'étaient que la riproduction du livre d'un
très-s ige chronographe, ioçu'ito; ypuivovpa^o? du
r.om de Nobtarimius, mort en 474, à Antioche.
Après une pareille découverte, la chronographie
dite de Jean de Malala , prenait rang parmi les
sources les plus autoricées, et Louis Hindorf en
donii.iit à LcipsilL une nouvelle èditinnj coUa-
tioniièe sur diveis manuscrits, en iHJit. Le «tres-
sage chrouogra[)he, » qui écrivait en Syrie, vers
4r>0, aux lieux mèmi'S où la tradition contraire
du baptême de Constantin, répandue sous le
nom d'Eusêbe de Césarée, devait être le mieux
connue, pirle en ces termes :
« Constantin victorieux entra à Rome en
triomphe ; il faisait porter devant lui l'etend.ird
de la croix, dont il (expliquait aux siens la vertu,
en racontant sa vision céleste ei en leur disant:
aC'estlesigneduUieudesGaliléens ou chrétiens.»
Il renversa les temples et les idoles de la genti-
lilé, il adressa à toutes les provinces de l'empire
1111 ibcrct qui rendait aux chrétiens leurs églises.
Api es qu'il eut accompli le jeûne préparatoire et
qu'il eut été insiruit des vérités de notre foi, il
fut baptisé par Sylvestre, évèque de Rome. Tous
Ses proches, ses amis, une muUituile immense
de Uoraains, reçurent le baptême àson exemple.
C'est ainsi que Constantin devint chrétien. »
Ce témoignage rst loin d'ètie isolé chez les
Orientaux. Le savant Assemani, dans sa Bihlio-
thtca oricnlalis, dédiée au pape Clément XI. en
1710, donna le catalogue des ouvrages compo-
ses l'n syriaque par saint Jacques, évèque de
Sarug, l'ancienne Baina de Mésopotamie. Il .se
trouve que Jacques de Sarug, mort eu 3'20, a
laissé un sermon intitulé : De Cunstantino impe-
ratore et de Lepra e/us, dans lequel il résume
l'histoire de la lèpre de Constantin et de son
baptême, absolument comme s'il analysait les
Actes de saml Sylvestre.
Enfin, car il faut se borner, un démenti plus
vigoureux encore et plus explicite, était réservé
aux critiques modernes. Au-delà des légions
méditerranéennes de la Syrie, plus loin que les
plaines de la Mésopotamie, au milieu des monta-
gnes d'Arménie, dans la petite bourgade de
Kborn (Corène) , naissait vers l'an 370 , un
homme qui fut l'historien de sou pays. .Muise de
Corène visita successivement Antiociie, Alexan-
drie, Home, ConstanliiiDile. Au retour de se8
lointains voj Siies, il tut nommé gai dieu des «jr-.
n;8
LA SEMAINE DD CLERGÉ
<!i!ves patriarcales d'Arménie, pui? archev.'-jiio
du l'alvrevcin ; son histc laorneniaca, après d nu .e
cents ans de silence et d'oubli, parut à Londres
en 1730. Voii-i le possnpe rela'.if à Coustautin :
« Après la morl île ("onstance, sou fils Constan-
o tin recneillit riicritage paternel. Ce prince
a n'était encore q'.ie César lorsqne. prcouciipé
« de divers c-cliecs reçns p nr ses troupes, il vit on
« songe une croix constellée qui lai apparais-
« sait lumineuse au milieu des airs. Celle croix
n portait l'iuscription suivante : 'foc siijnovinces.
a Constantin l'adopta comme étendard, la fit
« porter au milieu du combat, et remnorta la
« victoire. Dans la suite, cédant à rinflui.-nce de
a Maximina (Flavia Maximina) sa femme, il
« persécuta l'Eglise et fit périr uugrand nombre
« d'innocents. Sur ces entrefaites, il fut atteint
« d'une elepltantia.ns, horrible nialali!; qui lui
t couvrit tout le corps. Les médecins de M.irsi-
« que, les raies onocences ne purent le guérir.
« Coustantin demanda à Tiridata de lui envoyer
« des m iges les plus habiles de la Perse et de
a l'Inde, pour essayer les ressources de leur art.
(I Tout échoua. Quelques-uns de ces idolâtres
« conseillèrent à rem;icreur de se plonger dans
« un bain de sang chaud tiré des veines de
u jeunes enfants égorgés. Ils garantissaient le
« succès de cette cruelle expérience. On avait
« déj.'i réuni ces tendres victimes; elles allaient
a être immolées. Mais leurs vagissements, les
« cris de leurs mères touchèrent le cœur de
o Coustautin. Il déclara qu'il aimait mieux mou-
« rir que île se prêter à une telle barbarie. Dieu
« le recompensa de cette généreuse délcrmi-
« nation. P.-ndaut son sommeil les apôtres lui
« apparurent, et lui ordonnèrent de se faire bap-
« tiser par l'évèque de Uome, Sylvestre, qui se
« tenait alors caché dans la montagne de Soracle,
u par crainte de la persécution. Constantin,
« instruit des vérités de la foi par le l'ontife,
a reçut le baptême, fut guéri, et combattit dès
« lors éuergiquement le piganisme. Tels sont
« les faits qu'on peut lire dam V Epitome à' A.n-
« galhaagflus. 1)
_ C'est un demi-siècle après la mort de Constan-
tin que Moïse de Corèue éi'rit, et il se réfère à
un auteur qui l'a précé lé, et qu ■ nous ne con-
naissons que par la mention qu'il en lait.
_ Nous voyous ici, outre le baptême, de Constan-
tin par Sylvestre, le nom technique de sa mala-
die, l'intervention de Tiiidale qu'on ne lit pas
dans les Actes de saint Si/lcestre,laL pei-sècu-
tion m(.meiitanée indiquée dans les actes, bien
alfirmée, ici, et attribuée à l'instigation deFiavia
Maximina.
Vn autre document complètT encore ce récit.
Ce sont les actes du martyr Arlemiiis, sujiplicié
par .1 nlien. On y lit que « la femme ùe Constantin,
renouvelant le crime de l'hcdre, amena l'empe-
reur à fiire mourir son propre Ëls Crispus,
nouvel Hippolyte, dc|i chrétien, et d'autres
personnages de sa cour » Le Souverain Pon-
tife Sylvestre ue put se taire dans ces circons-
tances; il dut parler avec la liberté de son
ministère apostolique à l'empereur caté ihumène
et vainqueur par le Lab; ] um ; de là sa fuite au
mont Soracte; et tout est expliqué. Ou se rend
compte de l'épigraœme du consul Ablavius,
citi'c par Sidoine, et qui comparait cetl» époque
de la vie de Coustautin au tem^is de Néron. On
s'explique enfin qu Ammien Marcellin, païen,
qui récrivait avec amertume les gestes chrétiens
de Conctantin, désignant le baptistère de Latran,
se serve, comme les rtctes de saint Si/lvestre du
terme Lnvucruin Comtoittinianum.
Le ba[>fème de Constantin, parsaint Sylvestre,
la persécution momentanée, la lèpre et toutes
le-! circonstances sont donc allestées par les
Conciles, les Papes, les auteurs orientaux mêmes,
et les ai. tours païens contemporains. Anastase
le liib'iothécaire n'a donc rien inventé; en re-
produisant la tradition romaine; il lui a fallu
omettre même des circonstances qu'il n'aurait
pas pu connaître, les livres qui les renferment
ayant été oubliés durant douze cents ans.
Picsle le récit d'Eusèbe de Césarée dans la
Vie de Constantin, d'après lequel le grand empe-
reur aurait reçu le baptême des ariens, d'Eu-
sèbe de Nicomédie, deux ou trois jours avant
sa mort. — La tradition romaine étant si bien
appuyée, il est tout logique de conclure que ce
récit est l'œuvre d'un faussaire, puisqu'il en
faut un. Ou n'en accuse pas Eusèbe de Césarée,
dont le earaclére parait à l'abri de ce soupçc»,
bien qu'il ait par trop uicliné vers l'arianisme.
Du reste , Eusèbe de Césarée , qui était un
homme judicieux , n'aurait pas commis les
imprudences du faussaire qui «autent aux yeux
dans le récit. Le faussaire prête un discours à
l'empereur, dans lequel celui-ci dit que, quand
il sera baptisé, « il aura la foie d'être admis dans
l'Eglise à la participation des prières avec tous les
autres fidèles. » Or deux pages auparavant, on
lit ces paroles d'Eusèbe : « L'empe]>eur, au ra-
« tour de sou expédition contre les Perses,
K célébra la grande solennité de Pâques, avec
«tous les fidèles, et passa au milieu d'eux la
<i nuit en prières. » 11 est impossible d'imaginer
une contradiction plus palpable. — Ensebe a
jirononcé en présence de Constantin même un
cloge de son empereur à la fête des triceanales,
et il s'y exprime en ces termes : « Notre empe-
« reur, chéri de Dieu, puise sa ïoTdi aux sources
«de la grâce céleste; il a attaché son nom à la
« phalange divine, voilà le secret des propeii'.é9
n de son règne. Au lieu des sanglants sac.-''' ;ea,
« il a appris à immoler la seule victime di^ae
« de Dieu, cette victime que le souverain devenu
LA SEMAINE DU CLERGE
U$9
« notre commensal , Baa!>.Euc î rjjisSano; offre
« dans le sanciuaire d'une âme purifiée, gou-
« vernant son esprit selon les règles de la piété
« dans la rectitude des dogmes infailliljles ; cé-
a lél)rant la gloire de Dieu par un langage plein
« d'élévation; conformant sa vie royale à la loi
« divine ; tout entier dévoué à Jésus-Christ, et
« lui offrant son cœur comme les prémisses
« de l'univers entier qu'il veut mettre à ses
« pieds (1). >) Voilà un texte authentique d'Eu-
sèbe, eu pleine contradiction avec le passage
intercalé dans sa l'ie de Constantin, où il est dit
que c'est seulement la veille de sa mort que
Constantin fut muni du sceau divin et admis à
la participation des prières et des sacrements.
Eusèbe raconte encore lui-même ailleurs l'en-
trée de l'empereur au concile de Nicée « L'em-
• pereur, dit-il. n'avait point son escorte ordi-
« naire. Il n'était accompagné (jne de ceux de
« ses officiers qui faisaient profession de la foi de
« Jésus-Gliiist. » L'historien parle ensuite de la
« modestie vraiment chrétienne, de la piété vive,
de l'amour de Dieu qui respiraient sur son
visage, et ijui frappaient les regards plus que
la s[)lendeur de la pourpre, l'or et les pierre-
ries dont était parsemé son manteau impérial.
Enfin, il tait la remarque que des chrétiens,
faisant profession de la foi de Jésus-t^Urist, pu-
rent être seuls admis au concile dont chaque
session était précédée de la célébration des
saints mystères; il d;t que Constantin y assistait.
Eusèbe oublie si peu qu'un simple catéchumène
ne pouvait assister au sacritice eucharistique,
qu'en décrivant les tunérailles même de Cons-
tantin, et en mentioiMiant la présence de Cons-
tance, qui conduisait le deuil de son père, il se
•liâte d ajouter : « Constance n'étaut pas encore
« baptise, se relira immédiatement de l'église
«r avec ses solilr.ts. Les ministres de Dieu et tout
« le peiiple liilèle s'avancèrent seuls etaccompli-
« reut les pi-ieres et les cérémonies de la litur-
« gie (2). »
11 est donc contradictoire ipie la même plume,
intelligente et habile, si c'était celle d'Eusèbe,
ait écrit ces pages et le récit du baptême in
extremis. Comme les ariens n'ont jamais vu de
€rotius leur décerner le brevet de sincérité his-
torique que ce sav.int protestant décerne aux
Papes, il est prouvé que les deux pages en ques-
tion sont une interpolation, et qu'ils les ont
insérées dans le but de se faire gloire et profit
du prétendu baptême arien de Constantin. De
là, celte donnée de taussaire s'est répandue, et
a passé dans les récits d'un certain nombre
d'auteurs respectables. Ainsi ont expliqué ce fait,
après discussion, et dès le neuvième siècle, des
i. De taudibus Constatitini ; cap. n. Patrol. grec.tom. SX,
eol. 32G.
2. Vila Ctntlantini, lib.ix. c. LXItl.
chroniqueurs grecs, tels que saint Théophane (^),
Cedrenus (2), Michel Glycas(3) et .NicéphoreCa-
]ixte(4).
En résumé, tous les détails insérés dans les
Actes de saint Sylvestre, qui renferment le texte
de la donation constantinienne, sont confirmés
par toute sortes d'auteurs, contemporains et
presque contemporains; et les témoignages con-
traires reposant tous sur l'interpolation arienne
d'Eusèbe, remplie de faux visibles, et de contra«
dictions palpables, sont sans valeur.
Il ne reste plus que la prétendue absurdité de
la donation faite par Constantin à saint Sylvestre,
de l'empire sur l'Occident.
Les actes de saint Sylvestre portent cette note :
« Or , le quatrième jour après sou baptême
B l'empereur Constantin conféra au pontife de
« l'Eglise romaine le privilège d'être considéré
« comme un chef dans l'empire et le constitua
« juge-roi. » Le privilège ou la donation conS»
tantinienne est datée du 111 des calendes d'avril,
sous le consulat IV' de notre seij;neur Flavius
Constantin Auguste et de Gallieanus, homme
clarissime, — c'est-à-dire de l'an 329, cinq ans
après le baptême. Elle est annexée aux actes du
concile romain de la môme année, dont nous
avons parlé plus haut, se réfère plusieurs fois à
des édits précédents, et reproduit dans les termes
suivants le passage noté en abrégé, ou résumé
dans les actes de saintSylvestre, et qui vient après
celui dans lequel Constantin règle des privilèges
d'honneur, « pour rehausser l'éclat de la dignité
et la grandeur de l'Eglise romaine. »
n Alin, .ijoute-t-il, de grandir à jamais la ma-
« jesté du poulilicat, nous allons de notre pef-
0 sonne abaudonner, outre le palais de Latran,
« la viîte de Rome elle-même, les provinces
« d'Italie et l'occident au bienheureux Pape
« Sylvestre et à ses successeurs, qui y exerceront
« un pouvoir royal, [lour transporter notre em-
a pire et le siège de notre puissance dans les
« régions orientales, en la cité que nous élevons
« sur remplacement de Byzance, et à laquelle
0 nous voulons donner notre nom. Puisque
« Jèsns-Christ, le roi céleste, a constitué à Rome
« le centre de la religion et le priucipat de son
« sacerdoce, il ne nous semble pas convenable
« (|ue désormais un empereur terrestre vienne
« tenir le .sceptre dans cette ville. Toutes ces
« mesures ont déjà été décrétées dans nos pré-
a cédents édits; nous les confirmons, etc. »
Le mot {jouvoir royal, traduit textuellement
1. Theophanus, chronog. Pair, grec, tom. cvni, col.
90-92. _^
■i. Cedren. Hislor. Compendium, Patr. grec. tom. CXM.
col. 5tS-320.
3. Micliel Glyoas. Annal, lib. iv. Patr. grec. tom. CLVHl,
col. 4fii;-î74.
4. Kiuepli. fii-ciMias/. »■«. lib. Vil, cap. XXXV; /"oJr.^***.
tom. CXLV. 1285-1286.
LA. SEMAINE DU CLERGÉ
sur le latiu Je l'édit annexé aux actes .lu Con-
cile dt^ Rome, a fait bondir, et tiiomplier en
même temps, les critiques hostiles à l'édit. Eu le
rapprochant du texte des actes de saint Sylvestre,
auquel se réfère Constantin lui-même en rappe-
lant les décrets précédents, on saisit aisément
que cette expression n'implique pas de la part
du premier empereur chrétien le renoncement à
l'empire d'Occident eu faveur de saint Sylvestre,
comme les dits critiques le supposent ou feignent
de le croire. Maij toute hésitation , tout doute
disparait devant le texte original grec , que
nous a transmis, malgré Ini, l'hérésiarque Pho-
tius. En voici la traduction exacte et le cexte:
« Nous donnons à notre Père Sylvestre l'autorité
et la puissance royale du jugement, n Ilarpi ^ip.av
SuX6£aTou -af ao(oo;i£vlEojai'av 7.a( ô'JvafitvoTFp^*'' 6aoiXix>)V
Tou npoaraY[i2-o;. On devrait même traduire littéra-
lement une autorité et une puissance, puisque
l'article, qui a son importance en grec, ne pré-
cède ni l'un ni l'autre des deux termes. Eu réa-
lité, l'afTixe Bïar/.i/./,v , royal ou impérial, ne
diminue pas l'importance du pouvoir très-réel
et aussi ample que possible accordé ici aux
Papes par Constantin ; mais l'absence de l'article,
et la restriction renfermée dans ces mots ; duju'
gement, sulTiseat et au-delà pour qu'on ne puisse
pas dire, comme le fout nos adversaires, que
Constantin abandonne ici l'aulorité et la puis-
sance impériale purement et simplement à saint
Sylvestre et à ses successeurs. Et ce passage est
en parfait accord avec les actes de saint Sylves-
tre qui le résument ainsi : <( Constantin conféra
au Pontife de l'Eglise romaine le privilège d'être
considéré comme un chef dans l'empire et le
constitua Juge-«Roi. »
Notons qu'il ne s'agit pas ici de la judica-
ture spirituelle au sens strict de ce mot. Cons-
tantin a constaté cette judicature, et l'a reconnue
extérieurement et publiquement comme une loi
religieuse de l'empire, dans un autre endroit de
son édit, par ces magnifiques et remarquables
paroles : • Le Pontife de la sainte Eglise romaine
« sera eu tout temps le chef et le prince de tous
n les évéques de l'univers ; à lui appartient le
« jugement définitif sur toutes les questions qui
« intéressent la science de iJieu, l'intégrité et
« la stabilité de la foi chrétienne. Il est juste en
« efl'et, qui! le chef et le principal de la loi divine
0 soient attachés au siège que notre divin légis-
• lateur et Sauveur Jésus - Christ a voulu
« choisir pour celui du bienheureux Pierre... »
La justice royale, la fonction de juge-roi qu'il
constitue dans les papes, selon le passage cité
plus haut, n'est donc pas à confondre avec la
magistrature ecclésiastique, établie dans le second
que noub venons de rapporter. Il y a encore à
cela une autre raison ; c'est que les papes exer-
ceront la fonction de juge-roi surtout eu Occi-
dent. — Assurément les deux judicatnres se tien-
nent. Le grand Constantin le seut;iit; mais la
seconde implique davantage la juridiction sur
les aifaires humaines ou temporelles, pour nous
servir de l'expression adoptée dans les temps
modernes.
Maintenant que l'authenticité de l'édit de do-
nation de Constantin est établie, nous n'aTons
plus qu'à le résumer dans ses principales dis-
positions.
Constantin règle : 1° les honneurs dont les sou-
verains Pontifes seront entourés. Ces honneur»
sout les mêmes que ceux rendus à l'Empereur et
même ils leur sont supérieurs, parce que, dit-il,
nous voulons choisir le prince des Apôtres et se»
successeurs pour nos patrons et nos interces-
seurs auprèsde Uieu.
2° Il confirme les donations précédentes, outre
celle du palais impi'rial de Latran. Elles consis-
taient en fonds de terre, dans presque tous les
parties de l'empire, avec maisons, villas, es-
claves, dont les revenus, (jue plusieurs estiment
à plus de cinq millions de notre monnaie, de-
vaient servir à l'entretien du Pape et du clergé
romain, des basiliques et des pauvres. Ce n'est
pas le revenu seulement, c'est le fond que donne
Constantin, et ceci est à considérer. Car d'après
la législation romaine alors en vigueur, le Pater
famtlias , ou le propriétaire, comme nous di-
rions aujourd'hui, est vraiment le chef et le
maître de tous ses biens et de tout le personnel
qu'ils renferment. A ce point de vue, par le fait
de ces donations si ci>nsidérables, si l'on ne peut
pas dire que le Pape devient souverain temporel,
on doit dire qu'il eu est le Seigneur temporel, en
employant une expression très juste, et qui, dans
la suite des siècles depuis Constauliu jusqu'à
Pépin le Bref, est devenu la seule qui convint à
cette sorte de domaine.
8° Constantin donne aux Papes en Occident
la fonction de juge-roi dont nous avons parlé.
Tels saut les éléments du domaine temporel
des souverains Pontifes, contenus dans la dona-
tion constantinienne. Ils ne constituent pas en-
core la souveraineté temporelle proprement dite;
mais chacun verra que nous n'avons pas exa-
géré en les qualifiaut d'élémeuts de cette sou-
veraineté , lorsque nous aurons assisté à leur
développement.
m
LE BAS-EMPniE, LES LOMBARDS, PÉPI»
ET CHARLEilAGNK.
Ce développement fut torit providentiel, en ce
sens que les prévisions de Constimtin se réali-
sèrent d'une manière toute ditl"''reute de cello
(lu'il avait prévue. En etl'et, les biens qu'il aval:
LA SEMAINE DU CLERGE
lîSf
assi.e;n(5s à l'Eglise romaine dans les divers pays
soumis à sou empire, les papes ne purent en
jouir presuue nulle part, sauf aux environs de
Rome, et encore pas toujours, durant plusieurs
siècles. La fonction de juge-roi fut de même
lontïtcmps entravée.
Moins d'uH siècle après la mort de Honstantin,
l'empire d'Occident commença à se disloquer.
Les barbares l'euvaliissi.'nt de toutes parts ; les
Francks dans les Gaule-, de 420 à 300 ; lesWisi-
goths en Espagne., vers la même époque et un
peu plus tard. En même temps il ne reste plus
rien de la domin-'ilion romaine ou constanti-
nienne, ni en Germanie, ni dans la Grande-Bre-
tagne. L'Italie avait eu plusieurs fois son tour,
lorsque les Lombards se liscrentdans le Nord de
cette contrée, et y attachèrent leur nom. Durant
cette piiiode de 229 ans, ou cet âge de l'Eglise,
qui s'étend de !a mort de Constantin à l'invasion
de? Lombards, il ne fut guère possible aux papes,
on l'avouera, d'aller montrer leurs titres, leurs
privilèges constantiuiens aux Germains, aux Wi-
sigoths. à Attila, Genséric ou Alaric. En revan-
che, ils exercent providentiellement leur fonc-
tion de juge-royal, non pas comme Constantin
l'avait prévu, mais en arrêtant ou en modérant
les barbares, et surtout, avec leur prérogative de
chef de l'Eglise, en convertissant et en adoucis-
sant les barbares vainqueurs, par leurs lé^'ats,
leurs évèques et leurs missionnaires. Il suffit de
rappeler entre autres, saint lunocent l", saint
Léon et saint Grégoire. L'empire d'Occident dé-
généré et impuissant, usant un reste de vie à
Élire de la théologie le plus souvent contre Rome,
n'apporte aucun secours aux contrées envahies.
L'exarchat de Ravenne est emporté, et les Lom-
bards menacent Rome elle-même. Cette ville
unique dont Constantin avait dit dans la dona-
tion : Là où se trouve la « puissance sacrée, » le
« sacerdoce-principe » ipyini^ !fpax£{a, le « Chef,
donné par le ciel, de lo'utu la religion chré-
tienne, il n'est pas juste qu'un empereur ter-
restre demeure , cette ville unique va tomber
dans les mains d'Astolphe. Le pape et les Ro-
mains ne cessent de demander du secours à la
cour de Constautinople , qui ne tirait depuis
longtemps que de l'argent de l'Italie, sans aucune
compensation Ils n'obtinrent rien, et furent ré-
duits à se défendre eux-mêmes. La dernière ré-
ponse du Ras-Empire deveau iconoclaste, faisant
la guerre aux saintes images au lieu de se dé-
fendre contre les barbares, avait été celle-ci :
J'enverrai à Rome, briser la statue de saint
Pierre, el j'aurai soin qu'on amène ici le Pontife
Grégoire chargé de chaînes (1). On voit alors le
Pape, au nom des Romains comme au sien pro-
pre, traiter d'égal à égal avec les rois lombards,
I . Codex Carlovingten , cité daas les Analteta Jurit Pon-
tificii, novembre ISi'o, col, i71i.
et faire signer à Astolplie, au moment où celui^
ci voulait frapper les Romains et la Penta»
pôle d'une capitalion de 90 francs par tête, une
paix de quarante ans. Quatre mois après, lebar-
.bare se parjure, et vient assiéger Rome. C'est
alors que le Pape se tourne vers les Francs, dont
il a récemment, en qualité de juge-roi, décidé
une question dynas'.ique. Les Francs accourent
à la voix du Pontife. Pépin bat les Lombards
dans les gorges des Alpes, et leur roi fait un
nouveau traité de paix. Il se parjure de nou-
veau, est de nouveau battu ; celle fois, le roi des
Francs s'assure lui-môme de l'exécution du traité,
reprend les villes usurpées auroi lombard, et en
fait donation authentique à saint Pierre et aux
Pontifes romains. Didier, successeur d'Astolphe,
qui ne veut pas plus que lui se contenter de la
Lombardie, recommence la guerre, envahit de
nouveau l'exarchat, et saccage les environs de
Rome. Charlemagne accourt, et cette fois dépos-
sède le roi lombard ; puis il vient à Rome, con-
firme la donation de Pépin, sur le tombeau du
prince des Apôtres, et reçoit bientôt lui-même;
sans s'y attendre, le titre et la charge de roi de»
Romains ou d'Empereur d'Occident.
{A suivre) L'abbé Defournt,
curé de Beaumoat en Ârgonas»
Bio gra ph le
DOM GUÉRANGER
ABBÉ DE SOLESMES.
{Suile.)
Dieu est Dieu, Créateur, conservateur, répa-
rateur et terme de toute création. Nous devons
donc l'adorer dans sa grandeur infinie et lui
rendre hommage pour tous ses bienfaits, con-
formément à ses droits et à ses exigences. Or,
l'homme a été créé corps et âme, être animé,
raisonnable et social. De là, nécessité d'un culte
intérieur, pour rendre, au souverain Maitre,
l'hommage de notice corps, perfectionner, en les
traduisant au dehors, les sentiments intimes
de l'àme et nous édifier mutuellement; publie
et social, pour augmenter l'efficace de cette
mutuelle éditicalion et reconnaître l'action
créatrice et conservatrice de Dieu sur les so-
ciétés. De l'obligation de rendre à Dieu un
culte intérieur, extérieur, public et social, ré-
sulterait, pour l'homme, le devoir de créer lui-
même le fond et la forme de ce culte, si Dieu
n'y avait pourvu par les révélations primitives,
mosaïques et chrétiennes. Dieu a confié le
dépôt du culte à l'Eglise, avec pouvoir de le
développer, de le modifier, de créer même des
rits accidentels. La religion révélée fait aiasi
i452
LA SEMAINE DU CLERGE
le fond du culte; les rits, les cérémonies, les
formules du cuite sont l'expression, le miroir,
le corps visible de la religion. La liturgie, qui
-étudie les formes du culte dans leur ensemble,
les actes extérieurs du culte et de la prière du
culte, forme donc un tout avec la religion et ce
serait tout confondre que de l'en séparer.
L'évèqno, en conséquence de sa iremicre
■erreur, avait refasé, à la litiirfjie, tout caraclère
les lois de la dacipl'ne. En soutenant cette pré-
tention, l'évêque allait directement contre une
parole du pape saint Célestin, passée à l'état
d'axiome, savoir, que la loi de la prière établit
la loi de la croyance. Dans la seconde lettre,
dom Guéranger établit, avec saint Augustin,
par les témoignages répétés de Bossuet, de Fé-
nelon, de Nouilles, de Languet, de Uenaudot,
de MabilloneldeDergier, tous auteurs français,
que non-seulement la liturgie a une valeur
dogmatique, mais qu'elle est i'un des principaux
insiruments de la tradition. A ces témoignages,
dom Guéranger ajoute ces propositions, que
l'autorité de la liturgie se confond avec celle
de l'Eglise universelle et de l'Eglise romaine;
qu'elle est supérieure à l'autorité des Pères et
des théologiens , qu'elle a toujours été em-
ployée par l'Eglise comme une arme défensive
contre riiéré=ie ; et que les héréliijues, en
essaj'ant de la corrompre, ont montré qu'ils ne
la tenaient pas pour une forme indiÙ'érente.
Avant de poser la plume, l'auteur reprenit une
à une les objections de l'adversaire, et, par la
manière dont il les explique, les tourne à son
avantage. — Celte seconde phase de la lutte
montre en quel péril s'engageait l'évêque d'Or-
léans; ptjur di'montrer l'innocence des nou-
velles liturgies, il privail l'Eglise du principal
dépôt dans lequel se conserve la <'ûi.
L'évêque avait dit que les changements litur-
giques intéressaient tout au plus les règlements
généraux et particuliers que l'Eglise a faits sur
-cette matière; en sorte qu'il se jugeait fondé
à conclure que le meilkur Brécaire est celui
qu'on dit le mieux. Après avoir étaDli, dans ses
deux premières lettres, les rapports de la litur-
gie avec la religion et la foi, dom Guéranger,
dans sa troisième lettre, étudie ses rapports
avec la discipline. Conséquent avec lui-même,
l'adversaire avait nié le caractère dogmatique
et religieux de la liturgie : il déduisait de ces
deux faux principes un système qui ren-
versait, de fond eu comble, toute la discipline.
Toute subordination dans l'Eglise était abolie,
si l'on pouvait regarder comme légitime, un
ordre de choses qui avait contre lui ni plus ui
moins q^ue les règlemeuts généraux ou parlicu-
licrs de l'Eglisosur la matière ; du moment qno
les particuliers se trouvaient aOrancdiis des lois
qui [ircsciivenl telle forme dans l'accomplisse-
ment d'un devoir, à la seule condition d'aicom-
plir ce devoir à leur guise. C'était purement et
simplement l'anarchie qu'on proposait, comme
moyen de venir en aide à la légitimité des nou-
velles liturgies. Pour repousser une erreur si
funeste, dom Guéranger s'attache à découvrir
le lien intime qui relie la discipline à la foi, à
rappeler les droits de la discipline générale
contre laquelle les tentatives isolées sont nulles,
enfin , l'existence d'une réserve apostolique,
qui fait de la liturgie une chose papale, non
une affaire diocésaine.
L'évêque, passant du dogme à l'histoire,
avait dit (]ue l'InTésie, qualifiée par dom Gué-
ranger d'a«/i7i^î<r^(VyMe, ne pouvait frapper les
correcteurs du dix-huitième siècle, sans frapper,
au même titre, les correcteurs des précédentes
époques. Sans lamortde son antagoniste, l'abbè
de Solesmes se proposait, dans une quatrième
lettre, d'établir que l'hérésie antiiiturgique est
le crime de ceux qui ont corrigé la lilurgesans
titre, sans mission légitime, en dehors de toute
tradition, contrairement à toute autorité. Cette
qualification ne tombait pas sur toutes les mo-
difications que peut subir la liturgie, mais sur
des œuvres tentées ou accomplies dans un esprit
d'opposition aux doctrinfts et aux habitudes de
son [lassé. Le Saint-Siège reste maître de renou-
veler, d'augmenter, de corriger, s'il le jugea
propos, les livres liturgiques ; il peut, pour ces
entreprises, adopter des travaux dus à l'initia-
tive privée. Ce n'est pas ainsi que les choses
s'étaient passées au dx-huitième siècle. Des
particuliers, de simples prêtres s'avisèrent de
publier des projets de bréviaires ; ils firent im-
piiiuer des plans, des otfices, enfin, des bré>-
viaires entiers, à l'usage des églises qui dési-
raient goûter des produits de la nouvelle
liturgie. D'autres, comme le P. Vigier, ea
avaient en portefeuille et les offraieut à qui
voulait les accepter. Tout cela était assurément
iiioui dans l'Eglise qui, jusqu'alors, avait tou-
jours considéré le passé de le liturgie comme
digne de tous les égards, et qui n'avait jamais
vu des hommes sans autorité et sans mission
s'en venir ollrir, au.'c pasteurs, un corps entier
(le la liturgie dont l'adoption ne pouvait que
briser, avec le lien de l'unité dans la prière, la
chaîne tle la Iradillun des rites et des formules
i aérées.
La suite de la controverse eût amené la dis-
cussion du Créviaiie d'Orléans : celte questioo
est désormais sans importance.
Dans la troisième lettre à Mgr Fayet, dom
Guéranger avait traité de l'obéissance person-
nelle que les fidèles, clercs et laïques, doiveot
LA SEMAINE DU CLERGE
!4S3
an Pnpe, sn.DS inferrrédiairp. A ce propos, il
avait relevé r.n passa;;c île rabb*^ Bernier, dans
une alliiiutton de jour i!e l'an à l'évêqve d'An-
gers, (iuillau ne Angebault. Le vicaire général
avait dit : « Nous ne connaissons pas d'autres
moyens à noire portée, pour mettre en pratique
nos sentiments tic vénération et d'amour envers
la Chaire Ponlifiralo et pour accomplir le devoir
quenom impose l'unité, que d'entourer des mar-
ques de notre atic^ lion et de notre déférence,
le pasteur que le successeur de saint Pierre nous
a donné. » L'ablié Bernier confondait deux
degrés entièi-ement dislinds de la liicrarcliie,
et deux devoirs snr lesquels on ne saurait se
mépr.Tûdre sans tomber dans les plus fâcheuses
conséqui'Dces. Ou doit dire, sans doute, que
nous devons le respect et l'obéi-sanceà l'évèque
dans toute l'étendue de son pouvoir, cl l'on peut
ajouter qu" cette déférence si; rapporte à Pierre,
qui est la source de l'épiscopat. Mais dire <iu'on
De connaît pas d'autre moyen pour accomplir
le devoir qu'impose l'unité envers le Sain>-
Siège, c'est renverser l'ordre divin de la hiérar-
chie cathoTuiue. L'abbé Dernier prit teste de
cette aniniadversion pour adresser, à dom Gué-
ranger, en 1847, un opuscule intitulé : Humble
remontrance. Dans cet écrit, l'abbé Beinier pro-
testait ccmtre les conséquences qui semblaient
dériv< r de su doctrine, mais arrivait, d'autre
part, à soutenir, avec plus de hardiesse enc.ire,
des principes qui tendaient à faire de l'i^jclise
une vpste aristocratie, au sein de laquelle l'au-
torité monarchique no paraissait que pour faire
des lois dont l'efticacité et l'observation dépen-
draient totalement de la volonté de ceux qui lui
sont subordonnés. Une telle doctrine était trop
■contraire aux principes fondamentaux de la
divine constitution de l'Eglise, pour ne pas
encourir la réprobation du Saint-Siège. La bro-
chure de l'abbé Bernier fut mise à l'index,
en 1830, et dès lors, entre les deux adversaires,
il n'y avait plus lieu à polémiciue.
Avec une intention iiacilique, toutefois, et en
vue de relever le principe du droit pontihcal,
l'abbé lie Solesmes ht une exception. Dans sa
troisième lettre, il avait dit que la prétention
de n'admettre que les cinq premiers livres des
Décrétâtes, de choisir entre les canons du concile
de Trente et de rejeter toutes les constitutions
aposlolii]iies depuis ce concile, saut trois ou
quatre, avait produit, en F-ance, au point de
vuedisci|ilinaire. les plus funestes conséquences.
L'abbé Bi:r:)ier avait émis ce doute qu'on put
citer une seule Bulle, dont l'exécution eût été
nécessaire ou très-salutaire en France, et qui eût
éié rejetée. « (I n'est douteux pour personne,
reprend dom Guéranger, que la société fran-
çaise ne soit, en ce moment aux abois, que les
4)ius extrêmes périls ne soient à craindre pour
tous les intérêts religieux, moraux et politiques ;
maintenant, si nous demandons à M. l'abbé
Bernier quelle est la cause qui a produit cette
situation, il nous répondra, sans aucun doute,
qu'elle est due tout entière aux doctrines irré-
ligieuses qui lurent enseignées au dix-huitième
siècle, par ceux qu'on appelait philosophes, et
dont les écrits pestilentiels ont amené l'extinc-
tion de la foi et la corruption des mœurs. Nous
insisterons et nous demanderons encore, à notre
honorable adversaire, si les Souverains Pontifes
ont manqué à leur devoir au milieu d'un tel
péril de l'Eglise et de la société, s'ds n'ont pas,
au contraire, mis à couvert leur responsabilité
en décrétant les mesures les plu=; salutaires.
L'abbé Bernier sait comme nous que tous ces
livres empoisonnésétaientproscrits par l'autorité
du Saiut-SiéL;e,que défense était faite, sous peine
d'excommunication, non-seulement de les lire,
mais même de les retenir. Une telle prohibition,
sanctionnée par les peines les plus terribles,
suffisait a garaulirtous les pays catholiques des
fiéaux sous lesquels nous gémissons mainte-
nant ; comment est-elle demeurée sans effet
pour la France? pour une seule raison, parce
qu'il nous a semblé bon de dire que nous ne
recevions pas l'index et ses censures. Nous
avions donc, à la place de l'index, M. le chan-
celier qui répondait de tout, mais qui n'avait
point d'accès dans les consciences, et qui, plus
d'une fois, a donné la main à l'impression et à
la piopagation furtive de tant de malheureuses
pnjductious dont nous recueillons aujounl'hui
les fruits.
« Plus d'une fois, sans doute, les assemblées
du clergé, au dix-huitième siècle, ont porté leurs
doléances au pieil du trône, sur l'impunité dont
jouissaient les propagateurs des mauvais livres ;
CCS remontrances ont pu obtenir quelquesarrêts
de parlement contre les plus pervers de ces
écrits; mais de telles protestations étaient et
devaient être stériles. Ce n'était point aux tri-
bunaux séculiers, déjà lancés dans une voie
d'oiipression à l'égard de l'Eglise, qu'il appar-
tenait de subvenir efficacement à de semblables
nécessités; c'était à la conscience des entants
de l'Eglise qu'il fallait s'adresser. A l'ouverture
du dix-huitième siècle, si la nation française,
encore profondément attachée au cathoL^icisme,
eût connu que tout fidèle, qui lit ou retient un
livre flétri par le Sainl-Siége , est par là même
dans les liens de rexcommuuicaUc«o majeure
réservée au Pape, qu'il n'y a pour lui aucun
espoir de participer aux sacrements tant qu'il
n'a pus renoncé à celte lecture, à ce livre ; si les
ministres de l'Eglise eussent appliqué coura-
geusement celte législation nu lieu de la
regarder comme contraire aux libertés de
l'église gallicane; Voltaire, Rousseau, les ency-
LA SEMAINE DU CLERGÉ
clopéilistes eussent été Jispenscjs cle se donner
tant de mouvement pour corrompre notre
patrie, au nom des progrès de l'esprit humain.
Les constitutions apostoliques nous eussent
préservés de la démoralisation universelle, des
horreurs de la révolution françnise, entln, de la
(j-:Ssolulion dont nou^ sommes l^s témoins et les
victimes, comme elles en prés.Tvèrent l'Ilalie
et l'Esparçue jusqu'au jour où notre influence, à
la faveur des révolutions et des conquêtes, vint
ouvrir une voie aux mauvaises doctrines dans
ces malheureux pays.
« Ayons donc la franchise de convenir que si
les règlements ins[d:és par l'Esprit-Saint au
Siège apostolique eussent été, non pas dédai-
gnés et repoussés, mais appuyés énergiquement
par l'autorité spirituelle eu p>ance dès le com-
mencement du siècle dernier, celte autorité eût-
elle été réduite à ses seuh moyens d'action, si
puissants encore à cette époque, la religion et
la société en eussent retiré une protection qui
leur a fait défaut, et dontl'ab-ence les a livrées
sans défense à l'eavahissernent toujours crois-
sant des doctrines qui flattent l'orgueil et les
passions (1). »
Ces réflexions n'ont pas perdu leur à-propos.
Le Sainl-Siége a continué de frapper les erreurs
contemporaines. Lescondamnaticûs portées par
les papes, depuis Pie VI, n'ont plus été consi-
gnées à la frontière, mais est-il vrai qu'on en
ait fait toujours une suffisante ap|)lication ? nous
ne le croyons pas. Les conciles provinciaux,
célébrés en 1849-16.30, aux applaudissements
des catholiques, n'ont pas été suivis dans toutes
leurs prescriptions et les programmes de réfor-
mes indiqués par le Saint-Siège, dont les lettres
d'approbation pontificale sont restées lettres
mortes par iléfaut Je nouveaux conL-iles. De plus,
le Saint-Sii'ge a publié notamment ce fameux
Syllab' s de toutes les erreurs du temps présent;
il y avait, dans ce document, matière à qua-
rante années d'études conciliaires ; mais, saut
quelques travaux dus à l'initiative privée, et pas
tous dignes d'estime, il ne s'est pr-'sque rien fait
sur le Syllabus. Enfin, nous avons vu, en France,
depuis les derniers conciles, sortir du puits de
l'abîme comme parle Bo-sui-t, des monstres
d'erreur, !e spiritisme, le matérialisme, le posi-
tivisme, les doctrines de l'Internationale, etc.,
erreurs anciennes qui, pour séduire les peuples,
ont fait peau neuve, et, [lar la presse quoti-
dienne exercent le plus elTroyable travail d'éga-
rement. D'obscurs soldats de l'Eglise militante
ont pu combattre sommairement ces erreurs;
quelques évèques ont appuyé, dans des lettres
pastorales, ces elïorls des voltigeurs de la vérité.
Mais la réfutation d'autorité a fait d'ifaut; mais
la qualification exacte des erreurs n'est point
1 . ItuMutxon» lilurgii)uei, t. III, p. 57.
faite; mais nous manquons surtout Je ce trav.iîl'
d'appropriation populaire qui permettrait à la
vérité de combattre victorieusement l'erreur
Nous possédons, à un haut degré, dfux vertus
qui dispensent, à ce qu'il parait, lie toutes les
autres, nous savons nous adairer et dormir.
La légende orientale parle d'un peisonnage
qui, entrant dans une caverne, rencnntr.n d'a-
bord une toile d'araigoée qu'il rompit facile-
ment ; puis il en recontra deux ou trois autres,
qu'il brisa avec une égale facilité ; puis se|it ou
huit qu'il écarta ; puis il en trouva tant et tant,
si bien enchevêtrées, qu'il fut garolté par ces
toiles et ensuite étouBè. Ce conte est un peu
notre histoire. Nombre «le curés, dans leur pa-,
roisse, prêchent à peu près dans le désert,
parce que leurs ouailles ont l'esprit occupé par
la presse, et que des préju^és d'erreur ne lais-
sent plus la vérité aller jusqu'à eux. Ce sont là
les toiles d'araignées qui arrêtent les pauvres
pasteurs. N'est-il pas vrai que, si, par les uni-
versités et les conciles, on avait opposé, aux'
erreurs contemporaines, un gigantesque et lu-
mineux travail de réfutation, chaque prêtre
isolément serait plus fort, et nos églises, par
leur ensemble, réagiraient puissamment contre
le mal qui menace de tout emporter.
Il s'est accompli, p.irmi nous, grâce à la Pro-
vidence, depuis 1830, un graud travail de ré-
novation ; il faut Turhever par un retour pur
et siniple de nos diocèses à la discipline dti
Concile de Trente et par la restauration des
études, condition nécessaire à un régime de
droit canoniiiue. Mais revenons aux adveriai-
res de dom Guéranger.
I.,'anné3 1848 vil paraître , sous le titre de
Lettres parisiennes, un pamphlet dirigé, p;ir uq
abbé Laborde, contre les Institutions rtwgigues
de dom Guéranger et la Ihèulof/ie viO'ule du
cardinal Gousset. L'auteur était parfaitement
inconnu, mais il rachetait ce défaut ,1e noto-
riété par la violence de ses diatribes et par
l'inintelligent mépris avec lequel il traitait ses
adversaires. Le livre fut cloué au pilori de
r//(6?OT,et l'auteur est resté pendu aux l'oui'c'aea
de la sainte Eglise.
(A suivre.)
Justin Févre,
protoQotaire apostolique.
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
Jamais il n'y a eu tant Je crimei! — Leçon qu'il ea
faut tirei-. — Succès des Frèros à Polensac ; — du
colii^gf! de l'Assomption, à Nimes; —de l'insritutioa
de» l'P Maristes, à la Seyne-sur-M-r — Le C^mviès
>ie Ueitns : compte rendu sommaire. — Bénédiction
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1455
de rusin« du Val-des-Bois reconstruite et inaugura-
tion de Notre-Dame de l'Usine. — ijes théories
mises en pratique.
9 septembre 1875.
Rome — « Les drames sanglants se succèdent
à Rome avec une fréquence extraordinaire. Et
ce n'est pas seulement à Rome. En vérité, dans
toute l'Italie, il n'y a jamais eu, comme à cette
heure, tant de crimes si éclalaots, tant de sui-
cides si tragiques. A Rome, la tragédie va jus-
qu'au sublime (! ?), eile s'élève à la hauteur de
la Rome antique, de cette Rome appelée forêt
de bêles frémissantes. »
Ainsi parle la Gazetla del Popolo, du 25 août.
Il y a quelques années, ce journal et tous les
autre? journaux sectaires ne tarissaient pas sur
les abus et l'immoralité du gouvernement du
Pape et des gouvernements des princes italiens.
Ils appelaient à grands cris le roi de Piémont,
pour assainir toute cette corruption et délivrer
des frères infortunés. Le roi de Piémont, «sen-
sible aux gémissements des populations» de la
péninsule, est venu briser leurs chaînes II a
chassé tous les princes, et le Pape est prison-
nier au Vatican. « Le peuple, » maintenant sous
le sceptre chéri de son libérateur, marche sans
doute à pas de géant, pour rattraper le temps
perdu, dans les voies glorieuses de la justice,
du devoir et de l'honneur, qui conduisent les
nations aussi bien que les individus à lafélititél
C'est là ilu moins ce qu'on avait promis au
« peuple. » Eh bien, le lésultat de ces belles
campagnes, c'est que jamais it n'y n eu, à Rome
et U'ins toute l'Italie, autant de crimes qu'à cette
heure.
L'aveu est bon à recueillir. Il est à la honte
de ceux qui, par leurs mensonges, ont plongé
l'Italie daus cet état effroyable où ils nous la
moijtrent eux-mêmes aujourd'hui. Mais il doit
surtout nous donner cette leçon, de n'écouler
iamnis ces mêmes hommes ni leurs amis, qui
mainteuant voudraient tout renverser et tout
détruire chez nous comme ils ont tout renversé
et tout détruit là. S; nous les laissions consom-
mer leurs desseins, nous verrions alors à notre
tour pariui nous plus de crimes qu'on n'en a
aussi jamais vu.
France. — Les succès continuels obtenus par
les écoles catholiiiues dans l'enseignement pri-
maire et dans l'enseignement secondaire sont
de sûr.^ garants de ceux qu'obtiendront nos fu-
ures universités. Parmi les quelques laits que
U)us avons à citer aujourd'hui, nous donnons
la première place aux braves Frères, qui sont
Il's l.ifaligables soldats de la ligue de l'armée
catholique.
lu concours contonal de Podensac (Gironde)
pour le certificat d'études primaires, (|ui a eu
lif.U le 25 du mois dernier, les Frères, qui ins-
truisent environ 300 enfants dans trois écoles,
ont présenté tO candidats, et les laïques, qui
en instruisent environ 600, en ont présenté 6.
Or, 9 candidats congréganistes, dont 8 avec les
premiers numéros, ont obtenu leur (.ertthoat.
Les élèves laïques qui l'ont aussi obtenu sont
au nombre de 5. Si l'on compare ces chiffres,
on trouve que les congréganistes font admettre
au certificat d'études 1 élève sur 33, tandis
que les hiïques n'en, font admettre qu'à peine
1 sur 120; c'est-à-dîre ; que les congréganistes
en font admettre quatre fuis de plus que les
laïques.
Le collège de l'Assomption de Nîmes a pré-
senté dans les douze ilerniers mois 34 élèves
aux examens du baccalauréat complet. Sur ce
nombre, 30 ont été adniissiblcs, et 27 ont été
reçus délinitivement. — Aux éiueuves du bac-
calauréat scindé, qu'on dit si redoutable cette
année, tous les élèves de rhétorique, sauf un,
ont été admissibles. — Ajoutons que, dans la
liste des élèves sortants de l'école navale, le
n° 2 a été obtenu par un assomplionniste.
L'institution de la Seyne-sur-Mer (Var),
dirigée par les PP. Maristes, a eu cette année
51 élèves qui ont conquis leur diplôme à l'un
ou à l'autre baccaliuréat. De plus, treze can-
didats présentés par elle, également celte an-
née, pour l'école navale, ont tous été déclarés
admissibles.
Voici maintenant le compte rendu du Con-
grès de Reims, que l'abondance des matières
nous a forcé, la semaine dernière, à renvoyer à
aujourd'hui. Les congressistes de Reims repré-
sentaient VUnion des œuvres catholiques. La
plupart d'entre eux appartenaient à la France;
mais il y avait aussi un cerlaio nombre de re-
présentants des œuvres cath«:iques d'Angle-
terre, de Belgique, du Luxembourg et d'Ita-
lie.
Les séances du congrès se sont tenues du 24
au 28 août, dans la salle du sacre, là même où
saint Rémi baptisa jadis le roi CloVi^. « Mes-
sieurs, a dit Mgr Langénieux aux congressistes
en les y recevant, vous êtes ici au berceau de
la France ; c'est la terre française par excel-
lence, vous êtes donc chez vous. »
Mgr de Ségur, empêché par la maladie, a été
remplacé à la présidence par le R. P. Bailly,
vice-président du bureau central de l'Union,
qui a eu le premier la parole pour do: mer lec-
ture du compte rendu annuel des travaux.
Après avoir salué les représentants de toutes
les œuvres réunis autour du drapeau catholique
sous cette devise ; « Sint umm, » le rapporteur
a ajouté : .
« Toutes les œuvres ouvrières sont déuni-
tivement unies : riants patronages d'autrofois,
mâles et sombres légions de l'usine, bon»
ii:o
LA SEMAINE rVTJ f.LEîîCE
frèrps des école?, brillants officiers sons la croix
fui mirante, laïques ?ous le frac ou moines sous
le troc, tous ont répondu : Nous voilà I »
Mais quels moj-ens l'union a-t-elle employés
pour arriver à ce résultat merveilleux? Elle en
a trois : le premier, c'est de n'agir point direc-
tement, c'e-t-à-dire de ne faire aueune œuvre
par elle même; le second, c'est de spi'vir hum-
blement les œuvres en leur procurantiles lumiè-
res et des moyens d'action; le troisième, c'est
de provoquer le travail des autres. Ce triple pro-
cédé résout le difficile problème de la centra-
lisation, et l'Union, u ce rayonnement de la
charité, se contente d'imiter de loin le soleil,
qni ne sème pas, ne moissonne point, et qu'au-
cun agriculteur n'a jamais accusé d'être un
serviteur inutile. »
M. Pabbé rouraeî/r.vicaiie général de Reims,
a ensuite lu une courtf- mais intéressante
monographie de la cathédrale de Rpiras.
Puis Mgr Langénievx a eu la parole. Il a
d'abord donné lecture d'un bref du l'ape à
Mgr de Ségur, dans lequel Sa Sainteté bénit
les travaux du congrès et recommande la
profefsion des pures doctrines de la Chaire apos-
tolique. Ensuite il a recommandé la prière et
le travail, en union avec Pie IX : « Les hommes,
a dit Sa Grandeur en terminant, se riaient de
Noé construisant l'arche. Demèmeaujounl'hui
ils insultent Pie IX captif dans son palais; mais
au milieu de ses persécutions et des souflrances,
il construit une arche mystérieuse qui sera
bientôt le seul et unique refuge de la socii'tc 1 n
Le 23, la séance a commeacé par la lecture
dn rapport, faite par M. le comte Yvert, sur les
travaux des bureaux diocésains, 'des assemidées
diocésaines et !des correspondaiits du bureau
central. En 4873, le congrès de Nanties n'en
comptait que onze; celui .ic Lyon, vingt seule-
ment l'année dernière. Celte année, ils sont
quarante, et l'on prépare la formation de trente-
trois autres. Quoi de plus éloquent que cette
statistique pour montrer le développement de
la vie catholique !
M. Cubbé Townamitle à la ensuite un rapport
sur les inondations de Toulouse et l'œuvre de
la charité à propos de ces inondations.
Puis M. l'abbé Fernique, du clergé de Paris,
a donné le spécimen d'une séance instructive,
telle qu'on peut la donner dans les cercles
ouvriers, à l'aide de tableaux photographiques
illuminés à l'électricité.
Le H. P. Marquigny, de la Compagnie de
Jésus, a eu ensuite la parole pour un rapport
sur les corporations, qui a vivement intéressé
l'assemblé!', et qui depuis n'a cessé d'être l'objet
des attaques les plus ardentes de la part de la
presse révolutionnaire. En perdant Ié.sus-C.urist,
a dit en substance l'éloquent rapporteur, le
monde a tout perdu. Avec Jésus -Cnp.iST, la
charité régnait dans le monde; avec la révolu-
tion,il n'y règne plus aujourd'hui que l'eg'>ï^me.
L'ouvrier est redevenu ce (ju'il était dans le
monde païen : esclave. De là sa haine contre
la société, de là le péril social. Pour apporter
un remède çfûcace à ce péril, il faut refaire ce
qu'a (loià fait l'Eglise, et qui a valu de longs
siècles lie paix à notre pays, il faut afirauchir
l'ouvrier par le moyen des corporations.
La séance s'est terminée par une clialeureusô
allocution de M. l'abbé llelch. du diocèse d'Or-
léans, qui a commenté diverses paroles des
livres saints plus spécialement applicables au
congrès, telles que : Sint unum' vos estis lux
mundi ; ignein veni mittere in lei'ram ; instaurare
omnia in Christo.
A la séance du 26 assistaient, aux côtés de
Mgr Langénieux, M. le général de division de
Fontanges, M. de Biancourt, sous-préfct de
Reims et M. Pelletreau-Villeneuve, procureur
de la république, qui ont ainsi associé l'armée,
l'administration et la magistrature au fonction-
nement et au dévelopjûmentdes œuvres catho-
liques.
On a entendu d'abord M. le commandant comte
de In Tour du Pin, qui a donné leclure d'un
rapport sur les cercles catholiques d'ouvriers,
dont il a raconté les origines et les développe-
ments. En terminant, il a demandé au congrès
d'émettre le vœu que l'œuvre des cercles calho-
liijues d'ouvriers fût recommandée aux inten-
tions des tîdôles partout où cela pourra être
autorisé par l'ordinaire diocésain, ce qui a été
accueilli par d'unanime; applaudissements.
Puis M. l'abbé Tournamûle a rendu compte
des travaux de la journée dans les diverses
commis.sions.
M. l'abbé Blanchard, curé de Noisy.a ensuite lu
la monographie d'une œuvre rurale, si intéres-
sante que nous la donnerons à nos lecteurs
dans notre prochain numéro, souhaitant qu'ils
en tirent bon protit.
M. l'abbé i)Jimtl,anmàD\eT de l'Hôtel-Dieu de
Reims, vint ensuite lire un rapport sur les
œuvres ouvrières de Reims et sur le projet
d'une œuvre nouvelle pour les jeunes ouvriers.
Après, l'assemblée, invitée à se prononcer sur
différentes conclusions prises en commun dan»
les commissions, se prononce unanimement :
1° Pour l'introduction des œuvres ouvrières
dans les petits séminaires et les collèges;
2° Pour la formation d'œuvres de jeunesse dans
les campagnes même les plus petites; 3° Pour
la multiplication des orphelinats agricoles pré-
férables à beaucoup d'égards aux oridiellnats
des villes; 4° Pour l'institution, en faveur des
enfants des écoles, les jours de jeudi, d'œuvres
analogues à celles qui existent le dimanche
T.\ SEMAINE Dl CLETiGE
nsT
pour les jpunes gpiis; 5" Le conîrrps adopte une
s'^rie de vœux relatifs au rélalilissement de la
Corporation fondée sur l'esprit chrétien ; 6° Enfin
le congri'S vote une nouvel e série du vœux
pour riulroduclioa dans les cercles de confé-
rences au moyen de projections à la lumière
oxydrique.
Viveoieut pressé par Mgr Langéoieux de
prendre la parole, M. Limboury, professeur à
Verviers et viee-président de la fédération
onvrière bclgi', a parlé de l'amour de la Bel-
gique pour la Fiance, en qui elle voit sa sœur
atnée, et son initiatrice pour toutes les bonnes
œuvres.
Mgr Langénieux a clos la séance en faisant
voter di's remercîments à la Belgique pour sa
charité envers nos inondés du ftlidi et en recom-
mandant aux membres du Cougrès de s'appro-
cher de la sainte table pendant la durée de leurs
travaux.
Au début de la séance du 27 le R. P. Germer
est venu proi'lamer le résultat d'un concours
de compositions dramatiques pour les collèges
et les cercles. Le prix a été accordé au Saint
Jean de Campistran de M. le comte Lafond.
M. l'abhé de Beauvoir, délégué de S. Em. le
cardinal areiicvèque de Rouen, a lu ensuite un
rapport s-ur l'OEuvro de l'adoption, à Kouen.
On sait que celle œuvre a son centre à Paris.
Depuis seize ans, 1 Œuvre del'adoplion, à Bouen,
a r.ima-sé, nourri el élevé 960 enfants. Le zèle
des collcclcurs a fait monter les ressources de
l'œuvie, en 1874, à 183,000 francs.
Puis le li J' . de fioi s leyve est vemi lire un rap-
port sur les liiùliolkérjiws dans les Œuvres catho-
liques. En terminant, il a proposé et fait adop-
ter les vœux suivant* :
1" Que les directeurs d'œuvres éléminent de
leurs bibliolhèi]ue8 tout livre contraire aux
doctrines de l'Eglise ou affectant l'indidérence
religieuse; 2" Qu'un catalogue de livres irré-
prochables au point de vue de la foi et des
mœurs .soit publié, parles soins du bureau cen-
tral, pour les œuvres ouvrières; 3" Que les
journaux franchement catholiques soient intro-
duits dans les lieux de réunion publique, cercles,
cafés, etc. ; 4° Que les tracts, petits livres et
petites lectures soient répandus à profusion,
M. l'abOi- Millaud, curé de Sainl-Koch, a pro-
posé et aussi fait adopter ces deux vœux:
1° Que les associations ouvrières, grandes ou
petites, etabli."sent activement dans leur sein
les œuvres de charité dont les formes sont mul-
tiples, telles que la Propagation de la Foi, la
Sainte-Enfance, l'œavrc de saint François de
Sales, le denier de Saint-Pierre, l'Adoration
perpétuelle et tant d'autres; 2° Que l'on éta-
blisse le plus tôt possible de petites conférences
de jeunes apprentis ou d'enfants des classes
aisées, placées sous le proteclorat des plus
anciennes pour leur servir de noviciats.
AJ. le comte de Gennwy, avocat et membre du
conseil municipal de Paris, a ensuite lu ua
mémoire sur les Moyens d'assurer la vie des
Œuvres de la corporation, qui se résument à
utiliser le penchant naturel de l'ouvrier pour
les associations, en lui en ouvrant de bonne»
pour qu'il n'aille pas aux mauvaises.
Le J{. P. Joseph, aumônier du cercle catho-
lique de Genève et ancien aumônier militaire,
a eu la parole pour adresser quelques paroles
d'édification à l'assemblée avant la clôture de
de la séance. Il en a profité pour parler de la
mission de l'armée, qui est son sujet favori, et
del'CEavre des tombes. Cette œuvre a fait élever
■189 monuments à nos soldats morts en Allema-
gne, el leur a assuré à per[>étuilé le bienfait de
la prière.
La dernière séance a commencé par l'adop-
tion lies vreux suivants : 1° Que le bureau cen-
tral de l'Union fasse connaître à NN. SS. les
évèipies les bureaux diocésains fondés et leurs
piinci[iaux. i-.-uUats; 2° Que les évoques de
France, qui ii'oal pas encore formé de bureau
diocésain, soient respectueusement priés d'ap-
porter leur attention à cette grave question;
3° Que les bureaux diocésains fassent d'abord
le recensement des œuvres ouvrières existant
dans le diocèse; qu'ils aient des réunions fré-
(luenles et périodiques, et que les nouvelles
œuvres fondées soient insérées dans la Semaine
religieuse comme mojea de propagation; 4° Que
les réunions, à l'occasioi d,.* retraites pasto-
rales, soient encouragées comme un excellent
moyen de communication entre les hommes
d'œuvres.
Sur la proposition du R. P. Bailly, l'assem-
blée adopte encore ces quatre vœux : 1° Que les
bureaux diocésains de fondation récente s'agrè-
gent à l'Union des œuvres ouvrières catholiques;
2° Qu'ils fournissent au bureau central tous Jes
détails capables d'intéresser les directeurs d'œu-
vres; 3° Que les œuvres particulières viennent
eu aide, dans la mesure du possible, à la caisse
du bureau central ; 4° Enfin, que la fête de
saint Joseph, fête patronale des œuvres ouvriè-
res, soit célébrée par chacune d'elles avec le
plus grand éclat.
i\J. Wagner, de Nancy, a ensnite commencé
la lecture des rapports. Le sien concernait une
Œuvre rurale, ayant de la ressemblance avec
celle de M. Blanchard, dont il a été question
dans une des précédentes séances.
Le second rapport a été présenté par M. Be-
rnant, avocat à Pari», (l'élail une Monographie
du Cercle des Frimcs-Bourgeois, à Paris, établi
pour les jeunes gens du commerce, des admi-
nistrations, et en général de la classe moyenne.
i*v9
LA SEMAINE DU CLERGE
M. le curé de Saint-Sernîn, de Toulouse, a
demandé à l'assemblée dVmettre le vœu que
de semblables cercle-; fussent établis dans toutes
les villes où cela serait possible, ce qui a été
accepté.
M. Lesueur, avocat à Reims, et président des
conférences de Saint-Vincent de Paul, a traité
du travail du dimanche, dont il a fait voir le
côté abrutissant nour l'ouvrier, et l'incompati-
biMé avec les œuvres catholiques. Une grande
amélioration s'est déjà faite sur ce point en
beaucoup d'endroits. Ce qui laisse présentement
]e plus à désirer, ce sont les chemins de fer,
dont le service de la petite vitesse, qui pour-
rait être si aisément suspendu le dimanche,
prive 150,000 employés d'un repos et d'une
liberté que leur conscience ne réclame pas
moins que leur santé. Des efforts ont déjà
été faits pour changer celte situation, et l'on
espère arriver bientôt au résultat désiré. En ce
qui cuncerne les industries et travaux particu-
liers, l'on doit aussi s'occuper avec ardeur à
affranchir du travail du dimanche ceux qui y
sont occupés.
L'assemblée approuve avec enthousiasme les
vœux suivants : 1° Le travail du dimanche,
dans les usines, ateliers ou chantiers quelcon-
ques, établit pour les ouvriers un esclavage vé-
ritable, en les privant des libertés les plus
sacrées, celles de la conscience et de la famille,
en même temps qu'il ruine la sauté. C'est donc un
devoir rigoureux pour tous les amis de l'ou-
vrier de contribuer à son aflrancbissement en
lui procurant le repos du dimanche; 2' Pour
les chemins de fer, solliciter des chambres de
commerce un règlement ministériel autorisant
les compa^tnies à ne pas compter le dimanche
dans les délais de petite vitesse. Le commerce
n'en souffrirait aucune atteinte, et les deux
tiers des employés de chemins de fer pourraient
observer le dimanche; 3° Pour les usines et ma-
nufactures, se servir de tous les moyens et, au
besoin, des moyens légaux pour faire respecter
le dimanche.
Le H. p. Marquigny a la parole une seconde
fois pour lire un rapport sur l'association des
jeunes ouvrières de Notre-Dame de Ftiurvière,
à Lyon. On comprendra l'importance de celte
association, si l'on songe que la ville de Lyon
ne renferme pas moins de 30,000 ouvrières,
dont beaucoup, venues du dehors, sont sans
protection.
Le P. Marq\iigny rapiiellc ensuite le vœu,
déjà plusieurs fois exprimé, qu'une statue soit
élevée au pape Urbain II, à ChA(iil(>n_;nr-'
Marne, sa ville natale. Ce vœu est appuyé par
les applaudissements du congrès, et nous espé-
rons bien qu'il Unira par se réaliser avant long-
temp.>.
Les travaux du congrès étaient achevés,
Mgr Lnngénieux, a donné lecture de l'Adresse
au Saint Père, votée la veille. Puis, il a re-
mercié les congressistes et NN. SS. les évêques
qui avaient envoyé des délégués En finissant,
il a nommé Mgr de Ségur chanoine d'honneur
de sa métropole.
Le soir a eu lieu un salut d'adieu, à la ca-
thédrale, toute remplie par la foule des fidèles
rémois. Le P. Joseph a prononcé un chaleu-
reux discours sur ce texte : Qui sunt isti, et
undc venerunt? Il a expliqué au peuple que ces
hommes étaient venus pour le sauver, que
l'Eglise, qu'ils représentaient, a pour l'ouvrier
des entrailles de mère, et il l'a adjuré de se
dépouiller de ses préjugés et de venir recevoir
le baiser de paix et d'union au nom de JÉsus-
Cerist.
Après le salut, la foule a chanté le Credo:
puis Mgr Langéuieux est monté à son tour
dans la chaire, et après une courte mais
émouvante allocution, il a donné la bénédic-
tion papale aux membres du congrès, qui tous,
ajoutons-le ici, avaient fait le matin la sainte
communion.
Le lendemain, tous les membres du congrès
se retrouvaient au Val-desBois, cette usine
chrétienne première-née que nos lecteurs con-
naissent. Brûlée l'an dernier par la malveil-
lance, elle est maintenant reconstruite. MM.
Harmel ont profité de la circonstance du con-
grès pour la faire bénir par Mgr l'archevêque
de Reims et inaugurer Notre-Dame de l'Usine,
en présence des congressistes. La cérémonie a
été des plus touchantes, et tous y ont pris part,
depuis les chefs de la maison jusqu'aux petits
enfants. C'était un parfait à-propos. Les con-
gressistes ont trouvé là mises en pratique les
théories qu'ils s'efforcent de faire prévaloir et
de vulgariser, et cette vue n'a pu que les en-
courager dans leur entreprise. Ils ont eu le
spectacle de tout un peuple d'ouvriers, hommes,
femmes, jeunes gens, jeunes filles, enfants, vi-
■ant dans la plus parfaite harmonie, unis par
le lien de la charité clirélienne, grâce aux
•Buvres créées pour chacune de ces catégories
il dans lesquelles il n'est personne qui ne soit
enrôlé. Voilà ce qu'a fait l'influence de l'Eglise
ntre les murs si défavorables d'une usine. Elle
e fera dans toute la France, nous l'espérons, si
Dieu le permet, et alors il n'y aura plus à
'.raindre quelque nouvelle révolution pétro-
se.
P. d'Hadterive.
Tome VI. — N« 48. — Troisième année.
22 septembre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THEME HOVIIUTIQUE SUR L'ÉVANGILE
BU XX* DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
Joan. IV. 46-53.
I, Nous voyons dans l'Evangile de ce jour un
fersonnage investi de la contiance d'Hérode, le
étrarque de la Galilée, et qui était peut-être lui-
même de la famille royale, venir aux pieds de
Jésus solliciter la guérison rie son fils. C'était un
grand du monde, dont la foi imparfaite ne s'a-
dressait à Jésus que pour obtenir une faveur
touletemporelle. Les foules suivaient le Sauveur,
avides de l'entendre, admirant sa doctrine et ses
Vertus plus encore que ses miracles; mais ce
puissant ne vient à lui que guidé par l'intérêt;
il prie Jésus de descendre de Caua à Ca[iharuaûm
pour guérir son iils. 11 ne connaît même pas la
puissance infinie du. inédecin qu'il invoque; il
semble, en elfet, supposer que la présiaice de
Jésus soit nécessaire [lour opérer une guérison.
Pauvre père! il est plus malade que son fils, et
il n'y songe pasl nue tie [)écheurs, hélas! aveu-
glés sur leur état, qui s'iuiiuièluut sans mesure
de la santé du coriis, et qui ne voient pas les
blessures mortelles de lour âme ! Que de chré-
tiens qui prient, qui font prier, qui entrepreii-
ïient des pèlerinagis, quand leurs uitérëts maté-
riels sont en piril, qui ne cherchent pas Jésus
pour lui-même et qui ne vont à lui ([ue lorsqu'ils
en ont besoin. Que si vous considérez, dans cet
officier, le modèle de la sollicitude paternelle,
remarquez qu'il n'utleiid pas que son fils soit
mort pour invoipior Jésus ; incijjieùal enim mori.
Ainsi doivent agir des parents chrétiens, quand
ils ont un eufaut dont le conir est malaJe, et qui
s'avance vers la mort. C'est dès le début qu'il
faut aller à Uieu, pour le supplier d'arrêter le
mal dans son principe.
II. 6i vous ne voyez des prodiges et des mira-
cles, vous ne croyez pas. Les miracles ont con-
couru, dans le plan divin, à l'établissement de
la foi; tous les jours ils la confirment. Mais,
après dix-huit siècles d'épreuves et de triomphes,
ils ne sont plus nécessaires, et il faudrait plain-
dre ceux qui, pour croire, en attendraient
encore.
Jésus, par ces paroles, voulait éclairer la foi
de celui qui le priait; mais, tout entier à l'objet
de son dtsir, cet officier lui dit : Seigneur, venez
avant que mon fils meure. Et une fois de plus, la
divine condescendance se prête à la faiblesse
humaine. Allez, lui dit Jésus, voire fils va bien.
Au Maître de la vie, la volonté suffit ipour la
rendre comme pour la donner. L'officier de
Capharnaùm ne l'ignore plus; il crut à la parole
que Jésus lui avait dite, et il s'en alla. 11 crut, et
ri s'en alla : Heureux l'homme qui croit et qui
marche dans la vie en croyant! Pour mériter de
croire, il faut écouter Jésus; non content de
l'écouter, il faut lui obéir et suivre sans hésiter
la route qu'il indique. Et, quand on suit la voie
marquée par Jésus-Christ, on ne tarde pas à
s'apercevoir que celte voie est la bonne, la seule
bonne, des grùces, des consolations, des joies
inefTables nous y attendent. Comme il était en
chemin, ses serviteurs vinrent au-devant de lui, et
lui dirent que son fils se portait Lien.
A cette heureuse nouvelle, la pensée de l'offi-
cier de Capharnaùm s'élève; il oublie le bien-
fait, pour ue plus songer qu'au bienfaiteur. Et
s'éiant enquis de l'heure à laquelle le malade
s'était trouvé tnictx... il reconnut que c'était à
l'heure à laquelle Jésus lui avait dit : votre fils se
porte bien; et il crut, lui et toute sa maison. Il
crut que Jésus est le Christ, ills du Uieu vi-
vant; il crut et il comprit que sa vie désormais
devait être digne de sa foi. 11 crut; et, par sa
parole et par ses exemples, il fit partager sa foi
a toute sa maison. Ses enfants, ses serviteurs,
suivant l'exemple du maitre, s'attachèrent à
Jésus-Christ. Un père, un magistrat, un supé-
rieur de tout ordre qui a la foi ne doit pas la
garder pour lui seul, mais s'efforcer de la faire
partager aux siens.
Heureuse la famille que les exemples et les
leçons de son chef confirment dans la foi!
Heureuse la maison où la foi est non-seulement
la lumière d^is croyances et la règle des mœurs,
mais encore la consolatrice de toutes les peines
cl la conseillère que Fou écoute dans toutes les
incertitudes et tous les embarras. La foi dans la
famiile, c'est la religion assise au foyer, comme
une reine et comme une mère ; c'est Jesus-
Christ qui y réside par toutes les croyances
dont il est la base, toutes les aflections dont il
1464
LA SEMAINE DU CLERGE
est le centre, tous les souvenirs dont il est
l'âme et toutes les espérances dont il est le but.
Oui, heureuse cette famille ; c'est une citadelle
inexpugnable contre les assauts du mal, c'est un
sanctuaire où fleurissent ces grandes et fortes
vertus qui, en sanctifiant les familles élèvent
les sociétés et remplissent les cieux. Deus in
tmdio ejus non comtnovebiiur.
L'abbé Herman,
curé ds Festubert.
ACTES OFFICIELS DU SAINT-SIÈGE
BREF RELATIF AUX POUTOIRS DES AOUONIERS
MIUTAIRES.
Pour la future mémoire de la chose.
La charge de l'Apostolat suprême que nous
remplissons, malgré notre indignité, nous en-
gage à procurer sans retard tout ce qui peut
assurer et accroître heureusement l'honneur du
Nom catholique et le salut éternel des fidèles.
C'est pourquoi l'Assemblée française qiii a
mission de porter des lois et de fixer les impôts,
ayant examiné l'an dernier la question d'établir
des prêtres pour les fonctions sacrées à remplir
auprès des catholiques qui servent dans les
armées de terre <ïe la République, c'est-à-dire
des chapelains , appelés aumôniers ; et ayant
décidé que ces prêtres ou chapelains seraient en
effet institués, sous le nom d'aumôniers mili-
taires, et attachés aux divisions, aux régiments
ou au'x bataillons des troupes de terre, pour y
remplir les fonctions sacrées sous la juridiction
et l'autorité dos évêques dans les diocèses de qui
ces troupes tiennent garnison, Nous, afin de
pourvoir de la façon la plus favorable au bien
de ces mêmes catholiques, de Notre autorité
apostolique. Nous avons décrété ce qui suit:
Dans tous les lieux où se trouvent dus troupes
françaises en garnison, lesdits prêtres ou aumô-
niers militaires seront absolument soumis, pour
le spirituel , aux archevêques ou évêques de
ces heux. Mais lorsque les troupes seront mo-
bilisées, pour éviter tout détriment au salut
éternel des àmcs, qui occupe tout Notre zèle et
toutes Nos pensées, de Noire autorité apostoli-
que Nous accordons, en vertu des [irésentes, à
tous et à chacun des [trêtrcs ou chapelains, soit
aumôniers militaires, soit aumôniers auxiliaires
qui suivront les drapeaux, que chacun d'eux
puisse user librement et licitement, même hors
de son diocèse, soit sur le terriloire. soit en
dehors du territoire de la République française,
de tous les pouvoira doot il usait dans sou
diocèse, en vertu de la concession de son arcie^'
vêque ou évêque, avant que les troupes fussent
mobilisées.
Eifsuilo, Nous ajoutons les pouvoirs qui
suivent ;
1° Que chacun d'eux puisse célébrer, une
heure même avant l'aurore ou après midi, et,
s'il est besoin, hors de toute église et en plein,
air, mais cependant d'une manière décente, sur
un autel portatif pourvu d'une pierre sacrée et
des autres objets nécessaires, et cela en présence
même des infidèles, des hérétiques et des excom-
muniés, si l'on ne peut faire autrement et s'il
n'y a d'ailleurs aucun danger de sacrilège, de
scandale ou d'irrévérence: et aussi, si la néces-
sité l'exige, qu'il puisse célébrer deux fois dans
le même jour, en observant tout ce qui doit
être observé sur ce point ; enfin, qu'il puisse
célébrer une messe de requiem chaque lundi ou
mardi non empêché (1).
2° 'Que chacun d'eux puisse administrer les
sacrements de l'EgUse à tous les fiilèles qui
servent dans l'armée française ou qui appar-
tiennent actuellement à cette armée à quelque
titre que ce soit, et 'es absoudre de tous les cas
réservés soit à ce &iége apostolique, soit aux
Ordinaires des lieux que traversent ces mêmes
armées ou de ceux où elles s'arrêtent; de même
qu'il puisse donner l'indulgence plénière et la
rémission des péchés, à l'article de la mort, à
tous les fidèles ci-dessus indiqués, même con-
vertis de l'hérésie et de l'apostasie de la foi ou
du schisme, et qui n'auraient pas la possibilité
de faire une confession sacramentelle, pourvu
qu'ils soient au moins contrits de cœur;
3° Que chacun d'eux puisse accorder l'indul-
gence plénière et la rémission de tous leurs
péchés auxdits fidèles, qui, vraiment pénitents
et confessés, et munis de la sainte Communion,
prieront pieuseminu pour l'union des princes
chrétiens, rexlirpation des hérésies, la conver-
sion des pécheurs et l'exaltation de notre sainte
mère l'Eglise, aux jours de Pâques, de Noël, de
l'Immaculée-Coneeplion et de ^As^omlltion ;
4° Que chacun d'eux puisse librement et lici-
temen't absoudre, au for de la conscience, tous
les fidèles dont il a été fait mention, des crimes
d'hérésie, d'apostasie et de schisme, et de les
réconcilier à f £i;lise, en observant ce qui est
prescrit pour ce cas ; enfin, bénir les ciboires,
les tabernacles, les vêtements et ornements
sacrés, et tout ce qui appartient au culte divin
ou est nécessaire pour les fonctions sacrées.
Mais Nous voulons et Nous ordonnons que les
prêtres ou chapelains susdits usent de tous et
chacun de ces pouvoirs seulement pendant la
1. Dans lo lana;a-i« liturgiiue, un jour non empêché,
quant à l'Objet pivsent, est an jour où il ny a piHBt d»
lùte d'un rite sui)ériei« au rite double mineur.
LA SIMAINE DU CLEUQÉ
I46S
duré*? de IVxptïditJnn 6t irntnnt qTio los circons-
taBcesou la iK-cpÂsiié l'exigent ; ei ([u'ils puissent
en user sans èlre soumis aux onlinaircs des
lieux que traverse l'armée ou de ceux où elle
réside pour les besoins de cette exi-éditiou.
Nous voulons aussi que les copieTi ou même
les exemplaires imprimés des présentes, muuis
de la signature d'un notaire public et du sceau
d'un ecélésioSti([ue constitué en dignité, jouis-
sent de la même auloriîé que les lettres mù-
ginales. Noaobitant toutes autres dispositioûs
contraires.
Donné à Rome, à Saint-Pierre, sous l'anneau
du Pècheiir.le 6 juillet -1875, de Notre Pontificat
l'an trentième.
■F. Gard. AsQtiKi.
Void le texte latin de ce Bref 1
AD FOTUIIAM REl MEMOIUAM.
Quœ catholico nomini, aetermeqne Sdelinm
saluti, bcne, prospère, ac féliciter eveniant, ea,
ut mature prsestemus, nos admonet summi
Aposlolatus munns, quod, immeriti licet, «bi-
mus.
Itaque, cum anno superiore, in Gallorum con-
sessulegibus fercndis, vectigalil)us decernendis,
verba facta fueriut de instaurandis presbjteris a
sacris, seu capellanis vulgo « aumdniers » pro
catholicis qui militant in terrestri exercilu Rei-
p-nblicœ, placueritque hujusmodi presiiytcros,
seu capellanosstatueudos, precsidiarii qui nimii-
nantur, quique terrcsUiumcopiiirum Icgionibus,
cohortibns, manipulisve addicti, rem divinara
eurent suh jurisdictione et potfstate saerorum
Aiitistitura, quarum in diœcesilnis memoraloe
copiae st.itivis mnneant : NfHs, quo eoriimdem
catholicorum bono satins opiiortuniusque con-
Bultum sit, bœc, quœ infra scripta sunl, aposto-
licaNoïtra auctoiitate, ck'ere\'iraus.
Quibus in locis 'Gallorum copiœ instativisba-
beantur, conim lororfrm Archicpiscopis , aut
Episcopis, talcs presbyt-eri, seu ca]ipellani prœ-
sidiarii in spiritnalilius omnino subjecti suuto.
Quum vero esedem copiae c stativis eductee
fueriut {mobilisées), tune ne tetema animarum
salus, in qua procuranda, omne studium, cogi-
tationesque colloeamus, quidpiam detrimeuti
capiat, siugulis universisque presbyteris, seu
cappellanis hujnsmodi, nimirum tam prœsi-
diariis, quamsufi'cctis, qui yexilla sequuli tue-
rinl, auctoritate iNostra apostolica, tenore proe-
senlium, elargimur, ut siuguli quique eorum,
vel extra diœcesim, et tam in ditioue, quam
extra dilionom Reipublieae Gallorum, omnes et
singnlas facultates exercere libère et licite
queant, quibus in diœcesi ex concessione pro-
prii Arcbiepiscopi, vel Episcopi utebantur, an-
te<faam copiae slutiva reliquisseût.
Prœterea facultiilcs adjicimus, qi>.ce ii.fra
si'iiplœ sunt.
i. Ut singuii quique cnrnm, nna etinm boni,
vel aute auronim, vel post mciidiem, ac ucccs-
sitiite id insente, extra eccJesiam, et sub dio,
ileccnti tamen in looo, siiper ullari portaliJ.i,
lapide sacro et ncce?saria ad id supeilectili in-
structo, prseseutibus quoque iiifiile!«bns, bBexe-
ticis atque excouimunicalis, dummodo aliter
iieri nequeat, et absitpericulumsrtcrilegii, scan-
dai! et irrevereutise, sacrum peragere, illudque
upcessitate pariter exigenle, servalis tamen ser-
vandis, bis eodem die fuceie; nec non qualibet
feria secuuda, vel tertia non impeditis, unam
missam de Requiem super altari poitatili, lapide
sacro, et supelleLlili ut supra instructio, cele-
Lrare possint, et valeant.
U. Ut singuli quique eorimi omnibus Christi-
fidelibus, qui Gallorum vel in exercitu militant
vel in re prœscuti, quovis modo ad exercitum
perlinuerint, Ecclesiae sacramenta administrare,
eos a quibusvis rcalibus, cum buic apostolicae
Sedi, tum ordinariis locornm, per quae exerci-
tus iidem transeant, vel in quiinis consistant,
reservatis,ai(Sodvere; item (^bristiCdclibus, quoi
descripsimus, etiam couversis ab haeresi atque
apostasia a fide, et scbismate, qui tamen facul-
tatem sacramentalem coufessioncm peragendi
non bîtbeant, dummodo saltcm fueriut corde
contriti, plenariitm indulgentiam et peecatomm
T'-missionem in mortis articulo imperlire iu
Domino possint.
m. Ut singuli qnique eorum memoratis Chri-
stilidelibus, qui vere pœnitentes, et confesssi, ae
saiTa communione refecti, dominica Resurrec-
tionis, et fcstivitatibus Nativitalis Dumiui No-
stri Jésus Christi, et Immaculatse l'.onceplionis et
Assumptionis Beatœ Mariœ Virgiuis, pro cbri-
ftiauorum principum coucor Jia, bœresum extir-
palioue, jieccatorum convir-ione, ac sauetae
iMatris Ecclesiœ exaltalioue pias ad Deum preces
etVuderunt, plenariam omnium peccatorum suo-
rum indulgentiam et remi^^sionem, etiam defuno
tis applicabilem, concedere ut supra, queaiit.
Ut singuli quique eorum quoscumijue Chri-
stitideles, de quibus habita aute meutio est, a^
liœresi, etiam ab apostasia et scbismate in foro
conscientiœ nbsolvere, eosque, servatis servan-
dis, sauetae Matri Ecclesiae recouciliare; tandem
vasa, taberuacula, vestes, ornameutaetquidquid
ad cuUum divinum spectet, et spirituali servitio
sit uecessarium benedicere, libère et licite pos-
sint.
At enim volumus, edicimus, ut presbyteri,
sive capellani, quos memoravimus, singulas
atque uoiversas facultates Jiiijusmodi, durante
timtum expeditione, et nouuisi quum tempus,
et nécessitas postulet, exerceant, eisdemque uti
valeaut, quin cas ordinariis locorum per qaa
iiCC
LA SEMAINE DU CLERGÉ
aut exTtitns trnnseat, aut in qiiibns expeditio-
nis pansa constiteiit, sulijiceie teneanlur.
Simnl volumns ut praesentinm litterarum
transnmitiSjSeuexempliseliamimiuessis, manu
alicujns iiotarii publie! subscriplis et sigillo per-
sonœ eccli'siastica in dignitate eouslitutœ muni-
tis, eadem prorsus tides adbibeatur, quae adhi-
beretur ipsis pra^sentibns sifuprint exbibitse, vel
osteufai. In contrarium facientibus nou obstan-
tibus quibnscumiiue.
Datnin Roma;, apud Sanctnm Pelrnm, sub
annulo Piscatoris, die VI Julii MDCCCLXXV,
Poiitiiicatus Nostii anno trigesimo.
F. Gard. ASOUINIUS.
Loco f sigilli.
Pour copie conforme :
Le Conseiller d'Ftat, chef de la V division
de l'Adndicist ration des cultes.
LITURGIE
DES RÈGLES A SUIVRE DANS LE CULTE DES SAINTES
UEMQUES.
(12* article.)
VII. — Riliques dans les autels (suite).
Le principe posé dans les décrets précédents
a été maintenu d'une manière absolue par
l'ordre de notre Trcs-S;iint Père le Pape Pie IX,
dans une cause de Saint-Flour. La lettre suivante
faitconnnître la teneur delà supplique adressée
au Saint-Siège et la décision qui fut notifiée
eu réponse :
(1 Révérendissimo S' igneur et Frère,
« Dans l'assemblée ouliuaire do la Congréga-
tion des Rites sacrés, tenue le 23 mai de l'année
Ciiurantc au palais du Vatican, le secrétaire
soussigné de celle sacrée Coiigréi:ation a exposé
la demande présentée au nom de Votre Gran-
deur et ain-i conçue :
B Un grand nombre d'autels portatifs de
diverses églises du diocèse de Saint-Flour, en
France, avaient ou paraissaient avoir perdu les
reliques dessaints qui y furent insérées. Quoique
les sépulcres d'autres autels eussent été scellés
avec de la poix ou de la cire, comme ils n'étaient
pas muni du sceau episcopal, on craignait qu'ils
n'eussent été ouverts et que les saintes reliques
ne s'y trouvassent plus. Comme on s'était per-
suadé que ces autels n'étaient pas exécrés i^our
eela et qu'il sut'li?ait il'y déposer de nouvelles
reli(iues de Saints, l'évêque de Saint-Flour, ou
ses vicaires généraux, ayant inspecté ces autels
dans le cours de leurs visites ou en d'autres cir-
constances, ordonnèrent que des nouvelles reli-
ques a ulheu ligues iusseiit déposées dans les
sépulcres de tous les autels cî-dessus mentiom-
nés. Mais on eut ensuite connaissance d'une
récente déclaration de la Sacrée Congrégation
des Rites qui décide que les autels dout les sépul-
cres ojit été ouverts, sont exécrés. E\ parce qu'il
est très-difficile de distinguer les autels dont il
s'agit, attendu que l'évêque a consacré un cer-
tain nombre d'autels portatifs et a scellé du
même sceau leurs sépnlcres, ledit évèque de
Saint-Flour, prosterné aux pieds de Votre Sain-
teté, la supplie de vouloir bien remédier au
défaut signalé et de permettre que, nonobstant
ce défaut, on puisse célébrer sur ces autels, qui
ont été certainement consacrés autrefois. •
« La sacrée Congrégation, après avoir pris
connaissance de toutes ces choses et les avoir
attentivement examinées, a été unanimement
d'avis qu'il fallait enjoindre à Votre Grandeur de
consacrer selon la coutume établie un nombre
assez considérable d'autels portatifs pour sup-
pléer à la nécessité accusée dans le cas allégué ;
et ensuite, s'il en est besoin à cause du manque
d'autels consacrés, parce que tous ceux dont il
est parlé ont perdu leur consécration à raison
du défaut énoncé, il faudra adresser une sup-
plique à Sa SainteMJ, pour obtenir la faculté qui
a été demandée.
• Le même secrétaire soussigné ayant entre-
tenu de toutes ces choses Notre Très-Saint Sei-
gneur Pie IX, le jour indiqué ci-dessous, Sa Sain-
teté, constatant que la concession de la faculté
qui lui est demandée serait une nouveauté con-
traire aux règles établies par la loi de l'Eglise,
s'est vue dans la nécessité de préférer imposer
une charge à laquelle, du reste, il sera facile de
satisfaire, plutôt que d'accorder cette dispense.
Elle a décidé, en conséquence, qu'un nombre
assez considérable d'autels portatifs étant consa-
crés, comme il a été dit ci -dessus, ces autels
seront substitués peu à peu à ceux qui ne sont
pas consacrés ; ceux qui seront enlevés recevront
une nouvelle consécration, et ces derniers, que
l'on avait à tort prétendu rendre légitimes,
seront reconnus propres à l'oblation du saint
sacrifice, soit par la qualité du sceau nouvelle-
ment imposé, soit par l'inscription ou registre
de la visite des objets sacrés, lequel doit men-
tionner l'autel ainsi placé récemment et le lieu
oîi il a été posé.
« En communiquant à Votre Grandeur les
ordres de Sa Sainteté, je lui souhaite de tout
cœur une longue prospérité.
« Rome, le 3 juillet 1846. »
L'évêque de Saiut-Flour vitapparamment des
inconvénients sérieux à api)liquer dans sa ri-
gueur lu décision qui lui avait été transmise, et
comprenant qu'il ne pouvait s'en écarter sans y
ctrc rcgulioremcut autorisé, il eût recours une
j
1
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1467
seconJofois ;ui Saint-Siégn, exposant la situation
telle qu'elle lui ajuiniaissait. Le Souverain Pon-
tife, prenant eu fousiiléialinn les raisons qui lui
étaient soumises, consentit à teiipérer, par
grâce exceiitiontielle, et pour ce ca:' ^^pécial^ sa
première ilécision. C'est ce qu8 cous appreil
l'induit suivant adressé ii l'évèque.
« Lorsipie le révérendissime évêquede Saint-
Flour apprit que la volonté de la sacrée Congré-
gation des Rites et deNotreTrés-Saint Seigneur
le Pape Pie IX était qu'au lieu de remédier delà
manière qu'il le demandait, pour les rendre à
l'usage ordinaire, au défaut des autels dont la
consécralion élait devenue douteuse, à cause de
la disparition des reliques nu de-; sce;aix, il cou-
saciât un immbre suflisanl d'aulels portatifs
pour les substituer à ceux <loiit la consécration
régulière n'était pas constatée, ledit évèque
8'aper(jut qu'il ne pouvait mettre à exécution
l'intention de Sa Sainteté sans un notable incon-
vénient, pour la raison suivante: Il n'a été tenu
note ni dans le registre des visites, ni ailleurs,
des autels qui furent réhabilités par un(! nou-
velle insertion derelicjues ou ]iar l'apposition du
sceau, pour (pie l'on put yuflVir le saint sacri-
fice de la me«se. L ^uit de là que pour mettre
les consciences en reuos. il serait nécessaire de
consacrer de nouveau tous les autels, ou bien
de distrilaier des autels portatifs à cinq cents
églises ou cliapelles. Or. ni l'un ni l'autre de
ces moyens ne peut étrt; em[doyé sans exciter
l'étonuement du peu[ile et imjioser au clergé
une certaine dépense. En conséquence, ledit
évèque de Saint-Flour a adressé une nouvelle
supplique à Sa Sainteté, la priant de lui accor-
der, dans sa bienveillance aii)stolie|Ue, un in-
duit, lequel remédiant à tout défaut, il soit
permis de célébrer sur ces autels; car, dans la
suite du temps, les sceaux de chacun île ces
aut(;ls disparaîtront peu-à-peu, les sépulcres
seront ouverts, et les autels eux-mêmes en
viendront à recevoir une nouvelle consécration.
« Sa Sainteté, sur le rapport qui lui fut pré-
îenté par moi secrétaire soussigné de la Congré-
gation des Rites sacrés, ayant pesé les raisons
exposées et déterminée par les autres circon-
stances particulières, a bien voulu, par grâce
spéciale et sans ([ue l'on puisse s'en prévaloir
comme d'un précédent, ayant la valeur cl'un
exemple, accorder qu'il soit remédié de la ma-
nière iniliquée au défaut signalé, pourvu toute-
fois qu'il ne puisse être établi par aucune
preuve, ni par le témoignage vies curés, que les
autels n'ont pas été de u. uveau consacrés,
nonobstant toutes choses conti lires. — Le 2S sep-
tembre 1846. »
Dans le cas présent, une dispense extraordi-
naire est accordée, à raison de circonstances
ipécialeî et d'une sorte d'impossibilité morale
de rentrer romplétemfnt ilans la règle, iLais
cous la Ti'serve expresse v.it 'a règle elle-même
est maiuteon»-, et que 1 on ne pourra pas con.ii
déier cette c^ncesiiun comme uo exemple qui
autorise à sgir de mèm" ailleurs On induit
postérieur accordé à l'évèriue q? Liraboing ad
fem pus consacre de même leprincipe et témoigne
de la ferme volonté du Saint Siée," de ne pas
laisser tomber la loi.
« Le Révérendissime évèque de Strasbourg,
faisant la visite du diocèse qui lui est confié., a
trouvé un grand nombre de sépulcres d'aulels
dans lesquels les reliques étaient à découvert,
en sorte qu'on ne pouvait en constater l'authen-
ticité, les sceaux et les lettres testimoniales
faisant défaut, ou bien qui étaient absolument
dépourvus de reliques, en sorte que, d'après les
lois de l'Eglise, le sacrifice de la messe ne pent
être célébré sur ces autels. Désirant parer au-
tant que possible à ce mal, le Révérendissime
évèque a déjà envoyé une supplique pressante
pour obtenir îles r.'liques, mais il a d>-mandé à
la sacrée Congrégation des Rites, qu'elle dai-
gnât permettre de célébrer dans l'intervalle sur
ces autels.
« Sur le rapport qui lui fut présenté par moi
secrétaire soussigné, la même sacrée Congré-
gation, réunie au (Jnirinal en assemblée ordi-
naire, le jour ci-dessous indiqué, a bien voulu
accéder à cette demande, par extension du bref
accorilé à l'cvéïiue de Nantes, le 15 janvier de
l'année courante (I). Remédiant donc à tout
déf.iut, elle a permis que le saint sacrifice soit
célébré sur ces autels, jusqu'à ce que de nou-
velles reliques y aient été placées. — Le 24 fé-
vrier tSiî. »
L'état actuel de la question aux yeux du Saint-
Siège nous est connu par les dee.isions rendues
dans une cause de Bourges, de l'année 1851.
On verra que, tout en se montrant très ferme
sur le principe de la nécessit'' de cliques au-
tlientiiiucs dans lesa^itels, la Congrégation des
Rites a accordé des facilités nouvelles, pour
faire disparaître les nomhreu.-es irrégularités
qui exislaii-nt, sous ce raiipoil, dans une fouie
d'églises. Voici celte cause :
(1 La sacrée Congrégation des Indulgences et
des saintes reliques, ayant renvoyé, le 31 jan-
vier de l'année présente, à la sacrée Congréga-
tion des Rites, la supplique du Révérendissime
arclicvê que de Bourges, par laquelle il deman-
dait la solution de quelques doutes, touchant
la con"écialion des autels portatifs, eiensemble
l'avis du Révérendissime l'icrre Minettl, avocat,
assesseur de celte sacrée Congrégation, ces
doutes furent proposes dans rassemblée ordi-
naire tenue au Uuirinal, le jour ci-dessous in-
1. Ce bref ne se trouTe point dans ! '. collection d8
.- rdellini
nos
LA SEMAINE DU CLERGË
cliqué, par rEminontisslnie et Révérendissime
car.iinaJ Josepli Ugolini, rapporteur, daus les
termes suivants:
« 1° Les autels portatifs périment ils leur con-
sécration lorsque le sceau apposé sur lest reli-
ques renfermées dans le sépulcre est brisé; ou
seulement lorscjne, comme disent les théolo-
giens, le sépulcre lui-même est rompu?
« 2° L'autel portatif dont le sceau n'existe
pas. doit-il être envoyé à la ville épl-copale,
pour y être consacré de nouveau ; ou bien suf-
lit-il d'ajouter de nouvelles reliiiues aux an-
ciennes renfermées dans le sépulcre et qui man-
quent d'auUieidicité, et d'apposer ensuite le
sceau épisi'opal.
« 3° Que faut-il penser de la consécration des
autels portatifs du diocèse de Bourges? Il est
établi, de fait, que depuis la rév<dution de
1790, il n'existait plus de sceaux sur le^ autels
portatifs. Des reliques ont été placées par les
archidiacres dans les sépulcres vides, ou, lor—
q;u'il s'y trouvait encore des reliques, qui
rtaient dépouivues d aiithenticilé, ou y ajouta
des reliques autheniiques et le sceau épiscopal
y fut apiiû-é.
• Les Eminenti-simes et Révérendissime?,
l'crcs préposés au maintien des Rites sacrés,
pesant avec le soin accoutumé les doutes ci-
dessus et soumettant à un mùi- examen les rai-
sons et les circonstances alléguée- par le Uévé-
rendissime assesseur, à l'appui de sou seatiment,
ont éti; d'avis de répondre :
« i° Il est repondu négnthtment à la première
partie, à moins qui' le sépulcre ne soit rompu,
ou que son couvercle ne soit bri~é, ou seule-
ment séparé du sépulcre; il est pourvu à la
seconde partie dans la première.
« 2° Il est pourvu il la première partie de
cette questiondi'.ns la première question : quant
à la seconde, il u'est jamais [lermLs de mêler des
rcliijues certaines à des reliques douteuses, et
l'autel, soit hxe, soit mobile, une fois qu'il est
exécré, a besoin, de droit comœuD, d'une nou-
velle consécration.
«3° Les autels mobiles sont exécrés, dans le
cas proposé, et il est répondu ad mciiicm. La
pensée de la sacrée Congrégation est que les
reliques douteuses doivent ab-olument être re-
tirées des sépulcres, et il faudra s'adresser au
Suint-l'ère, [lour que l'archevêque de Bourges,
soit par lai-même, soit même par le ministère
«le simples prêtres qui seront délègues, uni-
quement pour ce cas, au nom du Siège Aposto-
lique, remette des reliques dans ces autels, en
observant seulerneut les cérémonies prescrites
dans le l'outilical romain, puur rinsertion des
reliques dans le sépulcre et l'apposition de la
pierre qui le ferme; c'est-à-dire que la confes-
sion ou le s'pulcre sera marqu(!e du signe de
la croix avec le sainî-clirèrae, et que l'on dira
en même temps l'oraison: Comecretur et sancli-
(î'-elur; ensuite les rehques ayant été déposées
dans le sé|)ulcre avec trois grains d'encens, et
le couvercle ayant été ajusté à 1 ouverture, et
solidement appliqué, on dira cette autre orai-
son : Deuf qui ex omnium cùhabitationesanctorum,
et l'on n'ajoutera rien autre chose.
« Ainsi a-l-il été répondu. — Le 23 septem-
bre 1848.
« Un rapport fidèle de tout ce que dessus
ayant été fait à notre très-saint seigneur le
Souverain- Pontife Pie IX par moi secrétaire
soussigné, Sa Sainteté, mue par sa bienveillance
apostolique, a accordé, pour ce cas seulement,
1 induit demandé, à la condition que l'on se
conformera très-exactement à tout ce qui est
prescrit dans les réponses qui précèdent, — Le
5 •lécembre 1851. »
Un induit conçu dans les mêmes termes fut
obtenu par l'évèque de Limbourg, le 12
août 1858.
Nous voyons apparaître pour la première
fois, dans l'induit de Bourges, la délégation de
simples piètres pour la réconciliation des
autels exécrés par la perte complète des reli-
ques ou la disparition des signes de l'authen-
ticité. Les fonctions sacrées qui exigent l'usage
du saint-clirème sont réservées aux évèques.
Parmi ces fonctions la consécration des autels,
qui comprend l'insertion des reliques, tient uue
des [iremiêres places. Toutefois cette réserve-
n'est que d'institution ecclésiastique, et, pour de
justes causes, il y peut êire dérogé. Si un simple
prêtre est le ministre extraordinaire du sacre-
ment de confirmation, dont l'administratiiin est
un des attributs principaux de Tordre épisco-
pal, et s'il en est ainsi en vertu môme de l'ins-
titution divine, puisque l'Eglise, qui ne peut
rien sur la substance des sacrements, ne saurait
CQ changer le ministre; à plus forte raisoa
une prérogative attribuée aux évèques par
l'Eglise, et très-justement, peut-elle être coa-
muniquée exceptionnellement et ilans des cas
déterminés aux prêtres. Il semble même qu'à
l'origine, la réserve dont nous parlons u'existait
pas ou était moins exclusive. U est constant
que de simples prêtres consacrèrent des autels,
et s'ils ne le firent pas en vertu d'un pouvoir
ordinaire, ils remplirent certainement ce mi-
nistère par délégation. Théodore parle d'un
moine prêtre, nommé Julii-n S;ibas, «jui cons-
t uisit un autel sur le mont Siuaïet en consacrd
l'autid (1). Celle faculté accordée ou laissée
autrefois à de simples prèlrcs est conférée
encore aujourd'hui à de certains dignitaires qui
n'ont pas reçu l'ordre épiseoiial, mais qui ont
droit a quelques-uns déshonneurs apporleuaût
I . Theodoretug, Phiiothtus^ cap. u.
lA SEMAINE DU CLERGE
IH9
«nx évêques, par exemple, à l'usage de la
crosse et de la mitre, qui emporte la faculté
d'officier ponliticalemeot en des circonstances
déterminées. Nous lisons dans le Missel romain
la rubrique suivante : « L'autel destiné à la
célébration du très-saint sacrifice de la messe,
doit être en pierre et consacré par un évêque
ou un abbé qui en a reçu la faculté du Siét^e
apostolique: ou du moins il faut une petite
table de pierre pareillement consacrée par un
é\'éque ou un abbé, comme ci-dessus, et insérée
dans l'autel, et assez étenJue pour recevoir
riiiistie et la plus grande partie du calice (I). »
Nous ferons remarquer, toutefois, comme
eela est d'ailleurs formellement exprimé dans
«elle rubrique, que la ilignité abiiatiale ne
suppose pas par elle-même et nécessairement le
pouvoir de consacrer des autels, mais que, si
les abbés sont déclarés ici aptes à faire cette
fonction, il faut néanmoins qu'ils en aient
obtenu l'autorisalioii du Souverain-Pontife, dont
ils sont alors les delé^^ués.
Si les circonstances le demandent, cetta per-
mifsion peut être accordée à des prêtres noa
constitués en dignité. Sans doute, il est rare
qu'ils soient délégués pour faire une consécra-
tion seleunelle, accoinii.ignée de toutes les
cérémonies prescrites jians le pontifical, et,
pour notre part, nous n'en connaissons aucun
excmiile, parce que cette dérogation à la rèi^le,
«[iii peut devenir nécessaire dans les missions
luinùiines souvent privées d'évèques, serait
diliicilemenl justiiiée dans nos contrées. Mais
les induits de Bourges et de Mrabourg nous
montrent que, le Saint-Siège usant d'une con-
tlcscendance raisonnable, ne refuserait pas da
déléguer de simples prêtres pour réconcilier,
sans aucune solennité, les autels exécrés par la
dispai'tion des reliques ou la destruction des,
signes requis pour eu garantir l'authenticité.
Cette concession fut faite d'abord pour des
cas particuliers et ne duvait durer que le temps
iiècessaii'c à la réconciliation des autels alors
■exècres. Des évèqucs ont obtenu depuis des
induits qui les autorisent, sans limitation de
temps, à déléguer au nom du Souveraiu-Pon-
tile, et dans chaque cas, des prêtres pour faire
cette réconciliation. Nous avons sous les yeux
un re.-crit de lu Congrégation des rites du
ô mars 1872, en vertu duquel Mgr l'évèqufi de
Troyes peut confier cette fonction à des prêtres
toutes les fois que des autels exécrés, comme il
a été dit, devront être réconciliés. Cette pièce est
conçue absolumeut dans les mêmes termes que
la troisième réponse du décret rendu pour
Uourges, saut diUerence considérable, que ce
pouvoir est conféré pour tous ies cas où il sera
besoin d'en user, quaniocumque. Peut-être lira-
t, Riibnca; aentrults ilùta, UL XX.
t-on avec intérêt le cérémonial rédigé à Rome
pour celte réconciliation. Nous le donnons ici
dans son tpxte :
1° S'gnandum est sancto Chrismate sepulchrum^
ac intérim ■licendum :
Conse t cretur et sanctifi f ceiur hoc sepul-
chrum. In nomine Pa f tris, et Fi f lii, et
Spiritus f sancti. Pax huic domui.
2° In eodem sepulchro recondendœ sunt reliquice
cum tribus granis incensi, sicut jam paratœ i
Ciincellnria episcopali recipiuntur.
3° Cdlce vel cœmento poslea daudendum est os
îe/nik/iri, ita ut reUquiœ intus optime firmenlur.
4° Clouso sepulchro, si de fdtari portatiti agu-'
tur, superponendum est cum cera hispanica sigil-
tum episcopole, si habeatiir, vel, eo déficiente,
altero quolibet ulenduui sigiilo, donec ci ipsomet
Poitti/ico vel ejus vicurio gênerait, tempore con^
qruo, meliori modo provideotur .
Si aulem ngalur de altiiri fixo claudatur et fir~
metur sepulckrum cum lapide seu tabula ad id
parata calce vel cœmento coagmentata.
5" His peiactis, recitanda est sequens oratio.
OncMus. Deus, qui ex omnium cohabitatione
sanctorum celernum majcslati tuae condis habi-
taculum : da aedificationi tuae increraenta
cœleslia ; et prœsta, ut quorum hic reliquias
pio amoro complectimur, eorum semper meri-
tisadjuvcmur.PerChristumDominum nustrum.
— ^. Amen.
In prœdicta aulem cœremonia adimplenda,
superpellicco cum stola alba inrluatur.
Les prières ci-dessus sont tirées du Pontir
Ûcal. P.-l''. ECALLE,
professeur de théologie.
{/i suivi'e.)
Théologie dogmatiqua
LE PLEIN POUVOIR DU SAINT-SIEGE
{suite.)
NOTES ADDITIONNELLES DU CHAPITRE II.
I.
Conslitutio dogmatica prima de Ecclesia Chrisii,
Cap. /K
Ipso autem Apostolico primatu, quem Roma-
mis Pontifex, tanquam Pétri principis aposlolo-
rum successor, in universam Ecclesiam obiinet,
supremam quoque magisterii potestatern cona-
prehendi, hsec sancla Sedes semper tpnuit, per-
pétuas Kcclesise usus comprobat, ipsa que œcu-
menica concilia, ea imprimis, in quibus Oriens
cum Occidcnte in fidei cliaritatisque umouem
conveniebat, declaraveruut. Patres enim coji-
cilii Constatitinopolitaui quarti, majorum vesti/-
uiis iiibaireutes, banc solemuem edideruat pro»
t4T0
LA SEMAINE DU CLERGE
fessionem : Prima salus est, rertœ fidei regulam
custodire. Et quia non potest Domiiii nostri
Jesu CUristi prwtcrmilti seatentia dicentis : Tu
es Petrus et super hanc petram sedificabo Eccie-
siam mpam. liaîc, quœ dicta sunt, rerum pro-
bantur effeclibus, quia in Sede apostolica imma-
culata est semper catholica reservata religio, et
sancta celebrata doctrina. Ab liiijus ergo fide et
doctriua separari minime cupieutcs, speramus,
ut in una communione quam Sedes apostolica
preedicat, esse mereamur, in qua est intégra et
vera chrislianee religionis solidilas (I). Appro-
bante vero Lugduneusi concilie secunrlo,
Grœci professi sunt : sanctamRomanim Ecclesiam
summum et jdenum primatum et principatum
super univcrsam ecclesiam catholicam obtinere,
quem se ab ipso Domino in beato Fetro Aposto-
lorum prUifipesivevertice,cujusRumanus Pon-
tifex est successor, cum potestatis plenitudine
récépissé verïciter et humiliter recognoscit ; el
sicut prie cœteris tenetur Odei veritatem deien-
dere ; sic et , si quœ de fide subortœ fuerint
quœstiones, suo debent jiidicio definiri. Floren-
tinum deniqne concilium definivit : Pontificem
romanum, verum Christi Vicarium, totiustiue
Ecclesiae taput et omnium cUristianorum patrem
ac doctorem oxislere; et ipsi in beato Petro pns-
cendi, regendiau gubernaudiuuiversalem eccle-
siam a Domino iiostro Jesu Christo plenam potes-
tatemtraditam esse.
Huic pastorali muneîi ut satisfacerent, prœ-
decessores Nostri indetessam semper operam
dederunt, ut salutaris Cbristi doctrina apud om-
nes terrae populos propagaretur, parique cura
vigilarunt, ut, ubi rccepta esset.sincera et pura
conservaretur. Qnocirca totius orbis Antistites,
iiQDc singuli, nunc in synodis coiigregati, lou-
gam Eccicsiarum cousuetudinem, et antiquae
regulae formam sequentes, ea prœseriim peii-
cula, quae in uegotiis fidei emergebant, ad banc
Sedem apnstolicam retulerunt, ut ibi polissimum
resarcirentur damna fidei, ubi fîdes non potest
senlire defeclum {-2). Romani autcm ponlifices ,
prout temporuin el rerum conditio suadebat,
nunc convocalisœcumenicis conciliis, autexplo-
rata Ecclesiae per orbem dispersa; sententia,
nunc per synodos particulares, nunc allis, quae
divina suppeditabat l'rovidunlia, adbihitis
auxiliis, ea teneada definiveruut, qua; sacris
Scripturisetaposlolicistraditiouibuscousentanea,
Deo adjutore, cognoverant. Neque euim Pétri
successoribus Spiritus Sanctus promissus est^ ut
eo révélante uovam doctrinam palefacerent, sed
ut, eo aisistenle, traditam per Apostolos revela-
tionemseu fidei depositum saucte cuslodireutet
1. E:i formula S. Hormisja Papœ, jiTout ab fladriano !I
Concilii oecûmenici VIII, Conttanlinopoltlani IV proimsila il
•6 ùsdem subsrriiita est.
I. Cf. s. BerD. K{ii«t. CZC.
fideliter exponerent. Quorum quidem apostoli-
cam doctrinamomnesvenerabilesPatrp^ amplexi
et sancti Doctores orlhodoxi venerali atque se-
cuti sunt; plenissime scieutes, hanc sancti Pe-
tro sedem ab omni semper errore illibalam per-
manere, secundura Domini Salvatoris nostri
diversara poUicitalionem discipulorum suorum
principi factum : Ego rogavi pro te, ut non defi-
ciat fidestua, ettu aliquando conversus confirma
fratres tuos.
Hoc igitur veritatis et fidei nunquam defi-
cientis charisma Petro ejusque in hac cathedra
successoribus diviuitus coUatum est, ut excelso
suo munere in omnium salutem fum^erentur, ut
universus Christi grex per eos ab erroris vene-
nosa esca aversus, cœlestis doctrinae pabulo nu-
triretur, ut sublala schismatis occasione Ecclesia
tota una conservaretur, atque suo fu.idameuto
innixa firma adversus infeii portas coasisteret.
At vero cum bac ipsa aetate, qiia salutifera
apostolici muneiis efticacia vel maxime requi-
ritur, non pauci inveuiuntur, qui illius auctori-
tati obtrectant ; necessarium omnino esse cen-
semus, prœrogativaai, ruam unigenitus Dei
Filins cum summo pastorali officia conjuugere
dignatusest, solemniter asserere.
Itaque nos traditioni a fidei chrislianae exor-
dio prœceptœ fideliter inhaerendo, ad Dei Sal-
vatoris nostri gloriam, religionis catbolicae exal-
tationem et christiauorum populorum salutem,
sacroapi>robante concilio, docemiis, et divinitus
revelatum dogma esse definimus: Romanum
Pontificem, cum ex cathedra loquitur, idest,
cum omnium christianorum Pastoris et Doctoris
munere fungens prosuprema suaapostolica auc-
toritate doctrinam de fide vel moribus ab uni-
versa Ecclesia tenendam delinit, per assisten-
tiam divinam, ipsi in beato Petro promissam,
ea iufallibilitate poUere, quadiviuus Redemptor
Ecclesiam suam in definienda doctrina de fide
vel moribus instructam esse voluit ; ideoque
ejusmodi Romani Pontificis defiuitiones ex sese,
non autem ex consensu Ecclesiœ, irreformabiles
esse.
Si quis autem huic Nostrœ definitioni contra-
dicere, quod Deus avertat, praisumpsent ; ana-
themasit.
II
LE DOMAINE DE L'INFAILLIBILITÉ PAPALE,
1. Le concile du Vatican s'est prononcé en
principe sur ce sujet : le domaine de l'infailli-
bilité papale est le même que celui de l'infailli-
bilité de l'Eglise catholique, lorsqu'elle prend
en concile une décision définitive (1). Or, l'in-
faillibilité de l'Eglise s'étend à tout ce que
1. Ea infaUibititntf jiuUere [tiomajium Pont fircm)^ qua
divinus Hedem/'tor Ecclrsiam suam m d^^i^ietida doctrifM
dt fid» el moribui imlructam eisc tuiuil. Cap. !V.
LA. SEMAINE DU CLERGE
im
Jésu'-Christ a révélé explicitement ou implici-
tement au ,2;enre liiimain, pour son salut, à tout
ce qu'il a commanàé aux hommes de croire et
de fairi! {in rehus fidei et morum) (1). Il est clair,
en efîet, (jne nous ne pouvons croire fîde divina,
sur l'aulorilé de Dieu révélateur, que les seules
choses i|U" Dieu a bien certainement révélées.
2. L'infaillibilil-" de l'Eglise enseignante ne
s'étend pas seuL-piènt à la vérité en soi, mais
encore à i'exj)ression, à la formule, au mot qui
rend le mieux la vérité révélée. « Gardez le dépôt
qui vous a été confié, dit l'apôtrc (2), en évitant
toute profane nouveauté dans les paroles.
3. Le domaine de l'infaillibilité de l'Eglise,
et conséquemment ilu Siège apostolique, devait-
il se borner là ? Non, car avec la vérité révélée,
beaucoup d'autres vérités qui ne sont pas par
elles-mêmes des vérités révélées, se tiennent en
si étroite relation ([ue, sans celles-ci, l'irglise ne
saurait enseigner les vérités révélées ni les expli-
quer suffisamment, ni les mettre à couvert des
attaques (.J). Beaucoup de vérités rationnelles
sont donc incluses, soitexplicit.ment soit impli-
citement dans les vériti's de la foi, et cela non-
seulement à cause des vérités de la religion natu-
relle que lafoiembrasseégaiement, quoique non
comme son objet adéquat ; mais les mystères
eux-mêmes contiennent toute une série de vé-
rités rationnel les (4). Il est clair que l'Eglise pri>
nonce infailliblement sur ces vérités rationnelles
qui touchent directement ou indirectement,
immédiatement ou médiatcment au domaine de
la foi. Elle juge de ces choses d'après les prin-
cipes de la révélation et conduit les esprits à la
1 Matth. xxvill, XXIX.
2. I Tim. 6,20.
S. Suarez, de fid. Di=;pTit. V. sect. 6, 8. Lugo, de fid.
Disput. XX. Cf. Vatk-an. 1. c. Cap.: Ul eo{Spirilu Sancto)
asûstentf, traditam per aposlolo.i revelationem teu fidei
depoaitum sancte cu^todirent et ^déliter exponerent.
4. « Prenons, pai- exemple, le dogme de la très-saint»
Trinité, il est clair qu'il ne se concilie pas avec n'importo
quelle conception de la divinité, par exemple, avec le
panthéisme ou le dualisme, mais uniquement avec la
doctrine du théisme. Si nous prenons le dogme de la
création, celui-ci encore est incompatible avec ie matéria-
lisme comme avec le panthéisme et beaucoup d'autres
erreurs ; il cadre seulement avec la doctrine qui voit, dans
l'univers, ia réalisation des pensées d'un esprit créateur.
La doctrine de l'état primitif et de la chute originelU
eonl;ent pareillement une conception très-précise da
l'essence de l'homme... la doctrine de la personne du
Christ, une idê très-précise de la nature humaine ; la
doctrine de la justiâcatiou, une idée parfaitement nette de
la liberté humaine. la doctrine des sacrements, une idée
non moins bien déternilnée de la nature et de ses rapports
arec l'homme; enftn la doctrine des fins dernières nous
enseigne très- clairement quel est l'ordre naturel et moral
du monde. La. doctrine de l'Eglise exclut formellement
toute autre philosophie que celle-là... Ainsi, autour de»
dogmes cbrétie&s s'est donc formée une philosophie chré-
tienne, qui adhère avec eux si étroitement qu'elle ne
Sourrait en être sép.trée sans qu'ils soient eux-mêmes
étruits en substance. Uagemana, » Vtrnunfl und Offinbarunj,
1869. p. es.
lumière de la foi. La définîtion du cinquième
concile de Latran, laquelle a été reprise par
le concile du Vatican, est donc la conséquence
nécessaire de l'idée vraie de la foi (I). A cet égard
l'Eglise a plus qu'un droit à faire valoir, elle a
un devoir imprescriptible à remplir, sa mission
étant de veiller sur la parole de la foi et sur le
salut des âmes. Par exemple, étant donné le cas
qui rendit nécessaire la définition du concile de
Florence, c'est-à-dire la doctrine pseudo-aristo-
télique de l'unité de l'intellect chez tous les
hommes, dont la conséquence nécessaire est la
négation de l'immortalité individuelle, l'Eglise
devait-elle attendre que la science se corrigeât
d'elle-même, et cela en présence d'une erreur
fondamentale qni allait à ruiner toute religion et
toute morale? Maintenant une semblable défini-
tion portée par l'Eglise est pour la science ua
point de repère (2), une indication d'un résultat
à conquérir scientifiquement, une anticipation
de la vérité à constater ensuite par la science,
ce n'est pas un principe intime de connaissance
ni une lègle scientifii}ue. C'est une solution du
problème par une autre voie et par d'autres
moyens que ceux que fournit la méthode scien-
tifi]ue, ce n'est pas un empiétement sur la mé-
thode elle-même ; l'Eglise ne veut pas nier
l'autonomie de la science ni son droit à connaîtra
par elle-même et conformément à ses principes;
encore moins prétend-elle contondre le domaine
de la foi avec celui de la science et, des deux
sphères, n'en faire qu'une (3). La science cor-
rige elle-même ses erreurs, c'est très-vrai, elle
le doit même. Mais le Christ est le libérateur de
tout ce qui est dans le monde, et même de la
sciimce. Ce qui la trouble, l'entrave, l'égaré
dans sa marche vers la vérité, n appartient pas
à la vraie science : ce sont les mensonges de l'ima-
gination, la tyrannie des sens, l'iusuflisancedela
force intellectuelle, les préjugés et les passions
du coeur (4). Le Christ nous a donc délivrés en
1. Ap. Hard. IX. p. 1719: C«im rerum i'«ro minime cen/ru-
iicat, omnem assertionem reritali iltuminalce fidei contra^
riam... omnino faUam e$se definimus, Concil. Vatic. Coust.
De Kd. cath. cap. IV. can. :i. 8i quis dixeril, disciplinât
humanas ea cum libertate IractanJtts «ue, u( earum aster»
iiones, etii Joc(riii« rerelala ndrerienlur, lan^uam ver»
rttiwri, neque ab Eccletia proscribi poise, A, S.
2. Stella recirix. PiuslX ad Archiepis;. Monach. d. 2t.
Déccmb. 1863.
3. lia ul philosophia niliil m se admilleret, quod no»
fueril ab ipsa eui$ conditiontbus acquieilum aut (uerit ifti
oliVnum. Id. ad enmd. d 11. Dec. 1362.
4. Sur l'erreur comme résultant de l'influence de la
volonté, voir Thom. Summ. Theotog. II. 1 1 . Ou. CLIV.
Art. '2.0- in. De mal. Art. 13: Sur l'influence de la
aensuiilité. Id. 1. c. I. ri. Qu. xxxiii. art. 3; de 1 orgueil
I. II. Ou. LXXVII. art. 4; de 1 aversion et de la colère,
I. II. Ou, xviii. art. 3;de la présomption de la raison,
1. II. Ou. H. art. h in il. Metaph. Lee. I. De là se tir»
la raison qui a fait repousser la Prop. X du Syllabus:
Quum aliud lit phUoaophus, aliud philosophia, ille jui et
officium kabet te tubmUlendi auctoritali, judm »erai» if i»
«^72
LA SEMAINE DD CLERGÉ
nons donnant, par anticipation, sur certaines
questions de l'ordre naturel, une solution que la
science peut maintenant fournir par la méthode
qui lui est propre.
4. 11 est vrai, les erreursénoncées contre cette
dernière catégorie de vérités, qui ne se ti-ouveut
pas formellemeut comprises dans le dépôt de la
ioi, ne sont pas des hérésies ; car l'hérésie est
une opposition directe contre une doctrine expres-
sément révélée et pi-oposée par l'Eglise. Néan-
moins, la censure théologique, prononcée par
la plus haute autorité enseignante contre une
«rreur de cette sorte, est infailliblement vraie
par elle-même, et la proposition censurée est à
prendre par nous comme infailliblement erronée
dans le sens où eile a été condamnée (1). La
raison par laquelle nous accordons notre adhé-
sion à ce jugement, c'est l'autorité du magistère
ecclésiastii[ue infaillible, ipsi est accepté par
nous comme tel, à cause de l'autorité divine in-
faiUible. L'acte de foi par lequel, dans le cas
donné, nous dous soumettons à la décision du
magistère ecclésiastique, n'est donc pas un acte
probavfrit: at pliUosophia neque potest neque débet uïli s9se
4MbmitUre auctorilatt. (\iti9i parle Frohschammer, Einlet-
tuug ùi die Philosophie, lâô8, p. 2.72). A,a coutraire, saint
Thomas (iuper Boeth Tr.n. fram. Qu. il. art. 3, dit :
Hcut sacra doctrina fundatur tuper lumen fiiei, ila philoso*
pftio super lumen fidei ita phitosophia su}>er lumen naturale
TiUionû. Uitde impassibite est, quod ea, qute tanLphiLûsophicef
ùut contraria tif, qwp svnt fidei; sed deficiaiU aj eis... Si
quid autem in diclts pkilosophorum inveniatur contrarium
fidei. hoc tton est ptiilosophiWf sed migts philosopfiia abusus
«X defectu rationis^
t. Ëanner. in 11. Qa. XL Art. 2; Erroreet, vei proximum
trrori, asserere, quod Ecrdesia irt ejasmodi ceit'uns possU
errare. Liij^o 1. c. n. 106 : Kquidem nonest duùium, quanda
£ectesia déterminât et déclarât aliquam proiositionem esse
kœreitcam; tune imphrite déclarât contradictorium- esse de
pde; lion putesl aulem Eccle^ia errare pruponeiido tiobie,
aliqaid ut de fide, quod non sit rêvera de fide. De aiiis au:oJit
cenynris potest esse major àifficultas. Communiler tamen.
itoctares fatentur, certum esse Ecctesi ff judiciiun in his censuri^
^atuetidis. Kgo etiam puto esse erroretn rei errori proœimum:
dicere, quod in his censuris dccenieiidis poseit i>umnius Pon-*
tifex errare, çnia infaltibUis spiritus sancti a.'<sistéiUia Ecclesiœ
^romissa, non videtur limilanda ad ea solam doqmata. quce
ntnquani de RJe praponuntur et creduntur ab Ecclesia, sed
débet exiendi ad ea omnia, juo» pdeles ex frœcepto Ecclesice
credere tenentur.
Directement, immédiatement et en soi, l'ini^illibilité
eeelésia<itiqae ne s étend certainement qu'au domaine de la
foi rérelée; mais indirectement et immèjiateaiéut elle
«'étend aussi sur des vérités de Tordre naturel.
Lugo 1. en. 111: Dicendutn est, posse ipsum quasi,
potestate et ass'Stentia directe d-.cernere cifca docirinas reve-
ialas ; q-jasi indirecte t;ero circa doctrinas naturates et
naturad lunine cognoseibileSy qwitulo harum ettam cogmtio
deserrit ad doctrinam taiulu et tlieologicam staidiendam et
jmdicanjam.
C'est ainsi que conformément à la bulle de Martin V,
litter cuncias et lu emitientis, de l'an 1418, les persoimcs
soupçonnées d'hérésie durent être questionnées, savoir si
elfes crevaient aux décisions du convile sur les 40 arti-
cles de Jem W'icieff et sur les 3U de Jean Mas : cepenùar.t
ces articles ne sont pas tous hérétiques.
L erreur est poâsijle dans la déclaration de l'autorilé,
lorsqu'ellt se borne- à présenter une opinion comme plus-
prelnbls pro'jaiiUor, dit le coacile de Vienne au sujet d<i
de foi immédiatement divine, mais il résulte d9
celui-ci et se fonde sur lui {{).
5. Ayant à décider ce qu'il faut croire ou ne
pas croire, le magistère infiillible est aussi infail-
lible quand il s'agit de déterminer l'étendue ao
ses attributions. La préroiiative qu'il possède do
rendre des décisions infaillibles avec l'assistance
du Saint-Esprit, il ne peut donc pas, précisé-
ment parce qu'il est coudait par le Sainl-Esprit,
l'étendre a des objets et à des questions auxquels
ne s'étend pas l'autorité qu'il tient de Dieu.
6. Le magistère ecclésiastique prononce infail-
liblement sur les fiits dogmatiques, c'est-à-dire
sur le sens objectif et réel d'une proposition
dogmatique exprimée oralement ou par écrit,
orthodoxe ou erroné [-2). Le sens de l'écrivain ce
n'est pas celui qui peut se trouver dans le premier
passage venu pris séparément, mais celui qui ré-
sulte du plan et de l'ensemble de tout l'écrit.
Ce qui tombe sous la compétence de l'autorité
doctrinale, ce n'est pas la personne de l'écrivain
comme telle {sensus subji^cttous), c'est le sens tel
qu'il se présente dans l'écrit [sensus objectiuus).
La raison de cela n'est pas difticile àapercevoir.
La pensée et l'expression sont deux enfants
jumeaux de l'esprit, ils naissent ensemble. Si
l'enseignement de l'Eglise est infaillible, il faut
nécessairemeut que l'Eglise soit aussi miaillible
pour trouver l'expression juste, le mot précis
qui rend la vérité à enseigner. C'est à cett! con-
dilion seulement qu'elle peut remplir sa mission
d'iustitutrice des peuples. 11 faul, pour la même
i-aisoii, ipi'cUe soit aussi infaillible dans la répro-
batioa cks mots, des propositions, des écrits qui
cspiimunt le contraire de la vérité révélée; ainsi
le concile de Trente enseignait la foi catholique
lorsqu'il réprouvait dans les canons les expres-
sitHis des rel'urmatôurs. Cela se prouve aussi par
lu conduite du l'I-^^lise dans tous les temps. Elle
emiJiiuite à ï'Ecnture et aux antiques documents
dtf U traJiLioa, le couteu<i de la révélation et
elle les explique d'une manière infaillible. D'autre
part, elle condamne les hérésies ainsi que les
écrits qui les contieimeut (3). Sans cette iuiailli-
1 infusion de la grâce et des vertus surnaturelles, dans
le» eiilauts que Ion baptise. Car alors la proiiosition e«t
prësestce uou comme vraie, mais comme vraisemblable.
Taim:i posse credi, dit Lugo (1. c. n. t2i*), quod lictt cirta
Itoc natta exstet divina promissio, Deus tamen non permittet
0/1 Ecclrsia doctrina'ii aliquum circa hujasmodi materiam fide*
lif>uf omnibus ut proLainliorem proponi, qu(s reipsa faim
s>t. Voici la raison : daret occasionem mugnam fidelibuê
adlverendi magis et magis doctrinte falsœ propteneverentiam
erga caminiLnem jirœcepiorem. et redderet difficiliorem iuventu
fhi-*italem. si qute m ea opinione esset.
1. C'est pourquoi cette toi est dite fides eccle^iaslica Ott
bieu' meditited.tina. Lu^ 1, c. Uisp. I. u. 27b. Suarez 1.0*
Ui»)!, II. Scct VI.
2. ^'c'lMl»*■ ab aactore rnten'.us,
3 .^iiisi, l;s Pères du Concile de Nieée co.idamnèrent
l'écrit d'.lrius intitulé (jâ^eia et îeux d'iiiphèse, les écrits.
li<jrtt.qnc« Je Nfsi^.rius, etc. )li':é\é. Histoire des Concile^lt
p. VSj. u. 207. iiausi, T. V. p, 413.
LA. SEMAINE DU CLERGÉ
mt
hilité, l'Eglise ne pourrait pas distinguer qui est
l'organe de sa vraie doclrine et qui parle au
service de l'hérésie. Car l'Eglise enseignante
consiste réellement dans l'ensemble de ses doc-
teurs. Elle ne pourrait pas préserver les fidèles
du poison des fausses doctrines, si elle pouvait
leur permettre, leur ordonner d'adopter une
fausse doctrine et d'en rejeter une orthodoxe.
Certainement le sens d'un livre n'est pas révélé
à l'Eglise directement, immédiatement et en
lui-même, mais bien indirectement et médiate-
meiit. Ce qui lui a été révélé directement, c'est
la vérité exprimée ou niée dans les écrits qu'elle
doit juger, et l'assistance du Saint-Esprit lui a
été promise dans l'exercice de sou ministère
doctrinal.
7. L'E;;lise enseignante est infaillible dans
toutes lus décisions obligatoires pour l'Eglise uni-
verselle rendues sur des questions de morale(l).
l'our cette raison, la discipline ecclésiastique, en
tant qu'elle forme une règle pour toute l'Eglise,
ne peut rien contenir contre la foL ni contie les.
moiurs (2). Au contraire, dans les prescriptions
qui n'obligent pas toute l'Eglise, linliiillibilité.
n'existe pas. Nous ne sommes donc pas tenus
de trouver bonnes toutes les mesures adoptées
par les Papes (3); nous ne sommes i^h non plus
obligés de croire que certains points de la disci-
pline ecclésiastique seraient encore utiles dans
des circonstances tout autres.
Au reste, l'Eglise elle-même a, dans le cours
des siècles, introduit plusieurs changements
dans la discipline ecclésiastique. De ce que l'au-
torité ecclésiastique est infaillible dans l'expo-
sition des principes généraux delà morale, il ne
s'ensuit nullement qu'elle soit aussi infaillible
dnus l'application de ces mêmes principes aux
cas particuliers des personnes et des temps (4).
(, Melch. Can. 1. c. V. 5: Eccluia non potett difinire,
quilipiam esst vicium, quod hoiuitum sst, aut contra Uonatium
ême (juod est turpe.
2. Angust. El). 119 ad Januar. cap. xix : Ecclaia Dti,
inter viultam paUam muUaque zizaiiia coustUuta, multa
tolérai, et tamen, quai &\int contra fidem vet bonam vitam,
«on approbat, riec lacet, nec ^.ici(. Kp. LI\'; Si quid tinivena
jper orbcm frcttuentat Kcclesia, quin ita (a', ietidum ut âi^-jm-
tare, aperti^siriœ insanioa e^t. Auctor. I''id. prop. 78 : Qucui
Ecclesia di'iciiiltnarn constituere possit non soium jhutilem
^t onerosiorcm quam tibtrtas cUristiana pntiatur, ud et
periculosam , noxiam, inducentem in suj^erstitioitein ot-mate-
rialismum... Ëcclesias ac Hpiritui Dei quo ipia rcgitur
{prcpo»itio)^ injuriosa, ad minus erronea.
3. Melcli "un. 1. c. Non ey hio omne» Ecclesiœ leget
approbo non ^nivcrsas pœnat, censuras, excommunicationet,
auspensiones irreqularitates, interdicla commewlo.Scio nonnut"
las ejusmodi leyes esse, in quibus, si non aliud prceterea quic-
quajn, at prudenliam certe modumqne dfsideres... Nanc illud
hreviter dici potest, qui Summi Pontif^cis omni dere qttaetim^
que judicium temejeac sine deteclu défendant, hos Sedis apo*'
toticœ auclorttatem labefactare, non fovere, evertere, non firmare.
A^on eyet Petrus mendac\o nostro, nostra adtdattone non eget.
4. Suarez, 1. c. secl. VIU : Hoc intelligendum quantum ad
tmbstantiam seu quantum ad honestatem moruni; nam quùad
•ArcumstantiM vei multiiil\caudo pracepta, vel rigorem aut
8. Les décisions des congrégations romaines,
en particulier de l'inquisition et de l'index, ne
peuvent prétendre, par elles mêmes, à l'infaillir
bilité; mais, à cause de l'autorité doctrinale de
laquelle elles sont issues, nous leur devons no-
tre respect et notre considération (I).
9. Celui qui, après la canonisation d'un saint,
mettrait encore en doute sa sainteté ne serait
point pour cela hérétique : cependant le doute,
en pareil cas, n'est point permis, il mérite répro-
bation. Si l'Eglise pouvait faire rendre un culte
public à des impies et à des damnés, etordonner
de célébrer leur fête, les proposer aux fidèles
comme des modèles à suivre et à imiter (2). une
telle erreur porterait le plus grave préjudice aux
mœurs; elle serait en contradiction compléta
avec le caractère de l'Eglise qui est sainte (3),
et enflu elle aurait pour cons-qeuuce de rendra
impossible le culte des saints.
D' Hettinger.
CONTROVERSE POPULAIRE
PoarquoI le» cnriÇs B*occuppnt-II» tont d»
politique? Cela ne Io»rc^ai'<le pu».
Si un père de famille avait un ennemi qui,
eût entrepris, an moyen de faux-titres, de
l'expulser de chez lui, de s'approprier sa mai-
son et son champ, et ensuite de lui ravir le
cœur de ses enÊinls en leur disant de lui toute
sorte de mal, puis de les corrompre et de les
entraîner dans le chemin du crime, qui aboutit
à la prison et à l'échafaud, certes, son àme'
serait saisie d'une émotion protonde, et je me
représente aisément son ardeur .à défendre ses-
droits de propriétaire et à remplir ses devoirsi
de père.
Je le vois invoquant aussitôt la protection des
tribunaux, produisant ses titres et usant de
tous les moyens honnêtes pour convaincre les
juges de la justice de sa cause et de la fausseté
des prétentions de sou ennemi.
nimias pmias, non est inconrenieni aliquando eommillere ait-
quem humanum deflctum, quia hoc non est contra Ecclesi»
ianctitatem .
1. Pins IX. Ad arotiiep. raonacli d. 21 dec. 186T : »paf
etse, ut (liri ci(hoJici) se subjiciani decisionibus, quœ ai doc-
trinam pertinentes a porilificiis congregitionibas proferentur.
2. Bonum alque utile esse, lupplici.er «os [sanctos) invocarl
doceant fpisoopi, ul (fidèles) ad sanctorum imitationem vitam
moresque sucs componant. Oonc. Trident. se>s. XXV
3. Me!cli. can. 1. c.Nonesset i-oHe a/jjurduin (dans cette
hypotlièse) diiorum omnium cuitum ab Ecciesia exptoJere...
Nec differt, diabolum colas an hominem conJemi.atum. . . Qui'
fidem in hit EccUsia detrahunl. eos non ha:re:icos quidem, ui
temerarios, imprudentes, irreligiosos esse c cdamus. Thom.
quodlib IX, art. IG : Quia honor, quem sanctis ejhibemai,
pie credendum est, quod nec etiam i/i lus judiaum Ecclm»-
errars potest. Suarez 1. c. sect, Benedict XjV. fis «eni. -n».
Dei beatificalione et canonir.atione. PutaT, lii3.
an
LA SEMAINE DU CLERGE
Je le vois en même temps rassembler autour
de lui ses enfants, leur dévoiler les desseins de
celui qui aurait juré sa perte et la leur, et les
prémunir contre ses mensonges et ses machi-
nations, en leur recommandant de le tenir pour
un ennemi, de n'avoir jamais avec lui rien de
commun, et de repousser jusqu'à ses bienfaits,
parce qu'ils cacheraient certainement un piège.
Mais si un voisin, le voyant si justement
tout occupé à déjouer les entreprises de son en-
nemi, s'en allait répélairt : — Pourquoi un tel
se mêle-t-il donc tant d'expliquer son affaire
aux hommes de ioi, et de sermonner ses en-
fants? Cela ne le regarde pas: les uns et les
autres savent bien ce qu'ils ont à faire ; — dites-
moi, que penseriez-vous de ce voisin ? Sans par-
ler de la sottise de ses discours, n'est-ce pas lui
précisément qui se mêlerait de ce qui ne le re-
garderait pas ? Mais si c'était un de ses enfants
qui tînt le propos que je prête au voisin, je vous
le demande encore, qu'en penseriez-vous?
Hélas ! le cœur du pauvre père serait-il assez
douloureusement atteint en l'entendant! Et
n'aurait-il pas lieu de craindre que l'œuvre
exécrable de sou ennemi ne fût déjà beaucoup
avancée ?
Eh bien ! ce voisin malveillant, ce fils déjà
gâté, c'est vous-même, qui trouvez mauvaisque
le prêtre s'occupe de politique ; car le prêtre,
c'est le père de famille dont nous parlons, que
l'impiété veut dépouiller de ses droits au moyeu
de faux principes^ rendre odieux à sa famille
spirituelle par toute sorte de calomnies, afin
d'entraiuer ensuite plus aisément celle-ci au
mépris de la vériti> et de la vertu.
Et parce qu'il plaît à l'impiété d'exécuter son
eeuvre infernale sur le terrain de la politique,
le prêtre devrait regarder faire et ne se mêler
de rien, par )a raison que la politique ne serait
pas de sa compétence?
Jolie raison ! eu vérité. Quoi ! dans un temps
et un pays où tout le monde s'occupe de poli-
tique, où beaucoup même demandent (jue les
femmes puissent s'en occuper comme les hom-
mes, le prêtre seul ne le pourrait pas? En 'e
faisant prêtre, a-t-il donc cessé d'être citoyen ?
Ne paye-t-il pas l'impôt comme tout le monde?
Serait-ce qu'il connail moins h s hommes et les
choses que ceux qui ne savent ni a ni 6, et qui
Sourtant ont le 'roit de s'occuper de politique ?
'u bien l'ordre public aurait-il plus à craindre
de lui que de cette foule d'individus qui n'ont
ni foi ni Dieu, ni loi ni lieu, et qui malgré cela
s'occupent de politique plus que personne, sans
que l'on songe à leur eu retirer le droit?
On ne peut donc pas non plus, sans la plus
criante injustice, sans la plus révoltante tyran-
nie, ie retirer au prêtre, ni seulement le lui con-
tester. Jl le possède comme tous les citoyens, eu
vertu lie son titre de citoyen. C'est le droit com-
mun. Et lorsqu'il en use, il ne commet pas
d'usurpation.
Je dis plus, les lumières et les vertus du
prêtre devraient lui faire accorder ce droit, s'il
n'y avait qu'un certain nombre de citoyens qui
pussent eu être investis. Ainsi, bien loin que le
prêtre doive être privé du droit de s'occuper
de politique, il en est plus digne et plus capable
que beaucoup d'autres.
Ce n'est jias à dire qu'ayant le droit de s'oc-
cuper de politique^ le prêtre doive en user tou-
jours. Il peut y renoncer comme l'on peut re-
noncer à tout droit quelconque, et la prudeuce
veut même qu'il y renonce effectivement^ ce
qu'il ne manque pas de faire, toutes les fois
qu'il ne s'agit que de questions de politique
pure, dans lesquelles les intérêts de l'Eglise ne
sont point engagés.
M;iis lorsque ces intérêts divins sont en jeu,
soit directement, soit indirectemeal, s'occuper
de la politique n'est plus pour le prêtre un droit
auquel il peut renoncer, c'est un devoir, et un
devoir sacré, dont il lui est commandé de s'ac-
quitter, s'il le faut, jusqu'à Fexil, jusqu'à la pri-
son, jusqu'à la mort. Dans ce cas, le devoir du
prêtre est infiniment plus impérieux que le
devoir du chef de famille de défendre le patri-
moine de ses enfants, car ce patrimoine n'est en
somme qu'un bien matériel et périssable ; il
égale le devoir du père de préserver ses enfants
des mauvais conseils et des mauvais exemples,
pour préserver leur âme du péché et de la dam-
nation, qui est un mal éternel.
Car le prêtre n'est ptis seulement comparable
à un père ; il est elFcciiveineut et véritablement
pi-re, père spirituel des enfants qu'il a donnés à
l'Eglise par l'administration des sacrements.
Voilà pourquoi, aussi coupable serait un père
qui, cununi>sant les trames ourdies contre la
vertu de ses enfants, ne les préviendrait pas-
pour les en sauver, aussi coupable serait le
prêtre qui, connaissant les projets de la poli-
ti(iue contre la vérité, centre la justice, en ua
mot contre l'Eglise, ne les dévoilerait pas devant
les fidèles pour qu'ils s'y opposai>sent selon leur
pouvoir ; ou qui, ces projets une fois réalisés,
n'avertirait pas les âmes qui lui sont confiées
de les tenir pour non avenus. Il serait ce chien
muet dont parle l'Ecriture, commis à la garde
d'un troupeau, et qui n'aboie pas à l'approche
du loup. Il serait un père sans entrailles, un
prèlre sans foi.
l'uis donc que c'est un devoir pour le prêtre
de s'occuper de la politique qui touche à l'E-
fîlise, et même de la combattre lorsqu'elle l'at-
taque, à ceux qui se plaignent que le prêtre
s'occupe trop de politique, je Llir.ii : ÎSe faites
l'as de la oolitiiiue qui touche à l'Eglise, 00
LA SEMAINE DU CLER02
1475
.Cilles pas de la politique qui tende à l'asservis-
semeul et à la destructiou de l'Eglise, et le prê-
tre, qui aurait encore le droit de s'occuper de
votre poliliqm;, no s'en occupera cependant
pas, ou que fort peu. Il vous laissera en paix
voter Jt répartir les impôts, construire des
chemins de fer, ouvrir des routes, creuser des
canaux, lever et former des soldats, conclure
des traités de commerce et d'alliance, en un
mot, travailler à la sûreté et à la prospérité du
pays. Encore un coup, sans rester indifférent à
ces questions, il vous laissera les trancher ea
toute liberté, et s'occupera même à faire res-
pecter vos décisions.
Mais vous fuites à l'Eglise par vos lois une
guerre sans trêve ni merci ; vous voulez qu'elle
vous soit soumise, elle (jui vient directement
de Dieu ; vous vouk-z i-nchaîner son action, elle
à qui il a été commando de l'étendre par toute
la terre ; vous voulez changer sa constitution,
qui est au-dessus de votre pouvoir, ce qui amè-
nerait infailliblement sa destruction, comme
changer la constitution du corps humain, par
exemple, serait lui donner la mort : et vous
prétendez que le prêtre, ministre de l'Ei^lise,
chargé par Dieu de la gouverner et de la dé-
fendre, n'a pas le droit de s'occuper de ce que
vous faites contre elle, que cela ne le regarde
pas? Vous lui demandez à lui-même des ser-
ments sacrilèges, et votre politiipie ne le regar-
derait pas? Vous lui deuianilez de vous livrer
les consciences dont il est le guiile et de vous
ailler à les corrom[ire, et votre politique ne le
regarderait pas ? Vous lui demaudez que les
âmes qu'il a pour mission spéciale de conduire
au ciel, il les conduise sous votre surveillance
en enfer, et votre politique ne le regarderait
pas?
S'il cédait à vos volontés, ce serait un lâche,
un traître, un misérable. 11 serait le soldat cjui
abandonne le jioste dont la garde a éle confiée
à sa bravoure ; l'iuleudant qui forfait à l'hon-
neur ; le capitaine qui livre son armée et se met
à la solde de l'ennemi ; il serait l'indigne père
de famille qui négocie lui-même l'entrée de ses
fils dans une bande de voleurs et qui conduit
ses filles au lupanar.
Il en existait malheureusement quelques-uns
en France, de ces prêtres infâmes : à peine une
douzaine sur soixante mille. Ils sont allés de-
mander aux protestants radicaux de Genève et
de Berne le prix de leur servilité et de leur
apostasie. Avec les deniers de Judas, ils re-
çoivent les justes mépris de ceux-là mêmes dont
ils servent les exécrables desseins.
Et vous voudriez que tous les prêtres imi-
tassent ces prêtres? Ne l'espérez pas, le bon pas-
teur donne sa vie pour ses brebis. Les prêtre^
fidcles s'opposeront, jusqu'à la mort, à la poli-
tique qui veut détruire l'Eglise. Et tout en les
chargeant d'amendes et de chaînes, tout en les
détestant, vous admirerez malgré vous leur résis-
tance à votre tyrannie. Ce cera leur première
récompense ; ils la tiendront de vous-mêmes,
luutile de dire celle qu ils recevront de Dieu.
P. D'HAUTiiRIVE.
Biographie
DOM GUÉRANGER
ABBÉ DE SOLES.MES.
{Suite.)
Dans le cours de 1830, les Instilu'ions liturgi-
ques furent assez maltraitées, dans le journal de
l'abbé Migne, La Voix de ta vérité, par labbé
Prompsault. L'objet des récriminations de l'ho-
norable écrivain, avait pour objet l'insertion
du P/oyîer/e au Missel. La question est réso-
lue canoniquement par la république.
A ces attaques contre les Irslitv.tions lilurgi-
ques, comme œuvre de réforme religieuse, il
faut joindre les attaques ou plutôt les obsta-
cles que les légistes prétendaient opposer.
L'abbé Bernier avait reproché à dom Guéran-
ger un mépris peu intelligent ou peu sincère de
noire ancienne magistrature. Le fait est, ré-
pond dom Guéranger, que nous avons toujours
considéré ce corps comme le plus redoutable
adversaire de l'Eglise, par cela même que ses
membres, jusqu'au temps de d'Aguesseau, se
distinguaient généralement par une probité
une intégrité, une science, un courage qui leur
vaudront le lespect des siècles. Nous disons
jusqu'au temps de d'Aguesseau, parce que la
magistrature du xviii' siècle dérogea notable-
ment aux traditions de ses ancêtres. Il y a
loin assurément d'un Dupatz ou d'un de Bros-
ses à un d'Aguesseau. Nous n'enveloppons donc
pas dans un même mépris, tous les membres
des anciennes magistratures ; mai s nous les
considérons comme les ennemis les plus actifs et
les plus LRingereux de l'Eglise. Les doctrines
des parlements, doctrines sur lesquelles repo-
sait leur système d'intervention dans les aÛ'ai-
res ecclésiastiques, avaient pour un-que fon-
dement ce principe, que la puissance séculière
est investie d'un pouvoir sur les choses spiri-
tuelles. Les gens du roi ne professaient pas
cette maxime pour l'ordinaire aussi crûment
que Denys Talon, par exemple; il est visitlo
qu'ils avaient une théorie, parce que toute cor-
poretion active doit avoir la sienne, et c^te
théorie n'était autre que la doctrine de Bj-
1476
LA SBIAINE DU OJERGÈ
«ance, le nomo-canon, lescliisme. Il y parut
îbien lorsqu'ils se tniient à rédiger la Constitu-
tiuH CIVILE du ckrgé.
Malgré cette improbation des doctrines par-
lementaires, -Jorn Guéranger ne croyait pas
les liériticrs des anciens parlements recevables
contre les Institutions liturgiques.Dupms et Isatn-
bert, deux fanatiques du temps, les allaquèrent
dans des discours à la tribune et dans des
écrits, comme attentatoires aux libertés galli-
canes et aux francbises du pays.
L'étude de l'uuité liturgique dans ses rapports
avec la légalité eût pu otirir matière à eu-
rieuse dissertation. Guéranger se borne à de-
mander, aux deux célèbres magistrats, quel
genre de léf^ilité leur semble de nature à être
invoquée cuntre le Bréviaire romain.
« S'il s'agit, dit-il, de l'ancien droit des par-
lemimts, ou trouve que les auteurs b's plus
accrédités au palais n'ont cessé de combler le
Bréviaire romain des témoignages de leur
vénération. Ainsi l'avocat général Marion, en
1573, dans la cause de Kerver,imprimeui- privi-
légié de ce Bréviare pour la France ; l'avocat
général Servin, dans l'affaire du chapitre de
Chinou, où il présente dans son plaiddver le
Bréviaire romain, comme le plus répurf/'' et le plus
autorisé de tous; Chopin, dans son j)Ionasticon,
Févret dans son Traité de l'abus, enseignent
tous constamment que l'introduction de ce
Bréviaire dans les cathédrales du royaume est
louable, désirable même, et ne discutent que
sur les formalités à observerpour l'y introduire.
Je rapporterai même ici les paroles pur les-
quelles l'illustre Antoine d'Hauteserre, pwofes-
seur de droit en la faculté de Toulouse, dans
ses VindiciiS ecclesiasticœjurisdictionis,n'pttnd à
ceux qui regardaient comme une nouveauté
l'introduction du Bréviaire romain dans les
églises de France : « Celui-là n'apporte rien de
nouveau qui suit seulement les rites de l'E-
glise romaine, mère et maîtresse de toutes les
églises; il ne produit rien de nouveau, mais il
rétablit les choses anciennes et meilleures ; il
ôte les ta' hes et les rides de l'Eglise, celui qui
ôte la difformité des rites, pour se conformer,
lui et son cglise, à l'Eglise romaine (1). » Nos
anciens magistrats étaient donc bien loin <ie
regarder l'usage du Bréviaire romain comme
une servitude pour les églises ; aussi ne trou-
vons-nous pas un seul mot contre ce Bréviaire
dans le recueil de nos prétendues Libertés, pas
plus qu'on ne saurait découvrir, dans les motifs
de ne pas recevoir en France la discipline du
Concile de Trente, motifs discutés fort au long
par les jurisconsultes du [)alais, la plus légère
répugnance contre le canon de ce Concile qui
^o^v(>yi^ nu Pontife Romain la publication du
Bréviaire et du Missel jnivorsels.
« Si maintenant il s'agit du Droit actuel de
la France, il est bien clair que la CSiarle de
1830, qui ne prescrit aux Français la profession
d'aucune religion en particulier, ne saurait ni
favoriser telle forme de Bréviaire comme plus
légale, ni proscrire, telle autre comaio moins
coiistitutionneile. Ici donc, si on veut aller plus
loin, il faut se résigner à tomber d'aplonbdans
le li.licule.
« S'appuiera-t-on sur les articles organiques ?
Mai*, outre (ju'ils sont absuides au point de
vue cOQstitutionnel, et un grand nombre d'en-
tre eux gravement et notoirement contraires à
la conscience des catholiques, le seul de ces
arlielcs qui fasse allu^ion à la liturgie ne sau-
rait recevoir d'application qu'au moyen de
l'iiUruduction de la liturgie romaiLie ea
Frirtnce.
« 11 est ainsi conçu : Article 39. //n'y aura
qu'une liturgie pour toutes les églises de l'L'mpire
français. — TMais quelle sera cette liturgie ? Les
églises la choisiront-elle? Dans ce cas, la ques-
tion est loin d'être vidée. Chaque église tiendra
pour ses usages et d'ailleurs les anciens canons
antérieurs aux bulles papales pour l'unité ro-
maine recommandent simplement aux évêques
de suivre les rites de la métropole; mais il n'ont
rien i|ui favorise des circonscriptions nationales
qui n'existent pas dans l'Eglise.
« Le gouvernement impos Ta-t-il cette litur-
gie, élaborée dans les bureaux du ministère
des cultes ? Je ne le lui conseille pas ; nos évê-
ques étant peu disposés à reconnaître un Pape
civil.
« Reste donc le Pape de Rome, et lui seul.
Or, on n'ira pas croire, j'imagine, que mille ans
après Charlemagne, trois siècles après le concile
de Trente, et les huit conciles français qui ont
accepté la Bulle de saint Pie V, le Saint-Siège
consente à reconnaître pour la France une au-
tre liturgie que la liturgie romaine. Le bref de
Sa Sainteté à Monseigneur larcbevèque de
Reims n'a rien appris là-dessus à la généralité
des catholiques; tout au plus, aura-t-il servi à
distraire de leur illusion quelques honnêtes
gens qui s'étaient plu à rêver pour la France
une litin-gie nationale qui ne serait pas la to-
maine (i). »
Enfin, aux objections faites au nom de la foi
et au nom de la légalité s'ajoutaient les objec-
tions, faites au nom de la science. Le nom seul
de l'auteur de ces objections pouvait en faire
le crédit ; c'était Benjamin Guérard, professeur
il l'Ecole des chartes, savant éditeur du Polypti-
que de l'abbé Irminon. Mais autant le nom du
1. Lib. II, cap. XXII, p, 71, éd. de Naplcs,
li Diftnn (kl Imlilulion» litvrgijuta, préface p. XI»
L.\ SEMAINE DU CLERGE
1477
savant était recomm.inJuble. autant les objnc-
tions l'étiiient (leu. Guérard reprochait il'aboril,
au bénédictin , son défaut de cbarité. On
voit que ce reproche e-t adressé depuis long-
temps aux défenseurs de l'Eglise : ce n'est pas
d'hier seulement (|ue le monde voudrait pacti-
ser avec la vérité. Mais, outre que la Bibliothè-
que de l'Ecole des chartes n'av.iit pas mission de
prédication charitable, on m; comprenil pas la
justesse, encore moins l'à-propos de cette ex-
hortation. L'homme qi;i raisonne ou qui raconte
des fails fà'-heux, s'ils sont vrais, ne manque à
personne; la seule vengeance à tirer de ses
récits ou de ses aiguments, c'est de raisonner
contre lui. Si l'on nn pmit attaquer ni ses récits,
ni ses raisons, il est clair que cet auteur n'est
pas sorti de la charité, suivant celte parole de
saint Augustin : « Qu'est-ce qui triumplic, si-
non la vérité, et qu'est-ce que la victoire de la
vérité, sinon la charité ? »
L'autre objection de Guérard touchait aux
sentiments de Dom Guéranger sur la constitu-
tion de liEg'.ise et l'aulorité des Pontifes ro-
mains. Non, disait le [irofesseur, les nouveaux
bénédictins ne sont pas les successeurs des Jla-
billon et des lirial : ce n'est ni leur esprit, ni
leur méthode, ni leurs doctrines. Les q[iinions
ullramontaines ont succédé aux opinions galli-
canes. Ce trait d'érudition académique n'a rien
de redoutable pour la théologie tie Dom Gué-
ranger. 11 prouve seulement que Guérard avait
des préjugés, non que l'abbé île Solosmes fût
dans l'erreur. Les décisions ultérieures de la
sainte Eglise ont conlirmé les doctrines de Dom
Guéranger.
Les critiques du savant professeur étaient
donc, en somme, fort peu de chose. Les auteurs
de notices qui répètent Vaporeau prétendent
que l'illustre abbé répondit longuement à Gué-
rard et que c'est contre ses objections (]ue fu-
rent dirigées pendant (jualre ai>«, les diverses
défenses des institutions liturgiques. Il n'en
est rien. La. Défense des institutions liturgiques,
citée dans plusieurs catalogues comme un ou-
vrage à part, est la môme chose que la Lettre à
l'archevêque de Toulouse. L'auteur incriminé se
contenta de faire observer quelque |>art, que
Guérard était sans doiUe un Irès-gr.ind savant,
mais que, malgré toute sa science, il n'avait
pas l'intelligence des choses de l'Eglise. C'était
l'ensevelir sous les Heurs.
On voit, du Te=te, par les présomptions de
Vapereau, que Te rotentissemant àQs Institutions
/îV«r^i'7«es pénétra jusque dans les régions où
l'on n'a pas l'habitude de s'occuper des affaires
de l'Eglise. Les journalistes s'emparèrent, en
effet, de ia que.-ition liturgique, et, par la grâce
de Dieu, dans les;ècle du cinq pour cent et du
pmduU net, âlie occupa.ua iaslanl les gens du
monde. Parmi les feuilles quotidiennes, l'Uni-
vers et la Voix da la Vérité tinrent pour la
liturgie romaine; t Ami de la relitfion, qxû. àt-
mentait souvent son titre, opinait dans un sens
opposé; parmi les feuilles périodiques, fZ/ni'ycr-
sité cathuli'f !<e , 1 es ,4 nnnles de philosophie eh ré tienne.,
le nouveau iMémorial cathoti//ue, la. Voix de th-
glise et plusieurs antres défendaient l'élendard
romain ; la Bibliographie catholique, pilait du
poivre dans le camp opposé. Quant aux jour-
naux purement politique, la Gazette de Prince,
le Journal des Débats, le Cons'.itutionnel, le Siècle
et le National, les gallicans, les éclectiques et
même les impias défendaient unguibus et rostre
la liturgie de Foinard : c'était leur manière de
se montrer dévoués à nos antiques et vénéra-
bles traditions. Lorsqu'on date, en politique,
de 89. il cit naturel de faire niiître la vraie li-
turgie au diK-iiuitième siècle : Voltaire, Jean-
Ja (lues et Diderot sont les contemporains
nécessaires des grands liturgistes les émules
mystiques de ([""oiuard, de Robinot et des con-
vulsionuaires.
Un vénérable curé de Rennes, l'abbé Meslé,
prit, à la controverse, une part active et hono-
rable; un anonyme publia, dans un sens con-
traire, la Notice historique sur les rites de l'Eglise
de Paris.
Nous avons déjà cité le piquant écrit de
Philippe Guignard : Réflexions d'un laïque. Elève
de l'Ecole des chartes, devenu archiviste de dé-
partement , depuis traducteur de l'excellent
livre du cardinal Antoniauo sur l'éducation do-
mestique, condamné à ofïrir plus tanl, à un
autre évoque d'Orléans, de nouvelles réflexions
sur l'infaillibilité, il perçait à coups d'épingle
MgrFayet. Le successeur de l'évéque Rousseau
avait fait, à Dom Guéranger, une guerre de
broussailles, très-redoutable par les traits d'es-
prit dont elle était ornée. Dans une controverse
théologique, les gaietés ne sont pas de mise,
sauf parfois pour dérider le lecteur fatigué par
de longues thèses, et si l'on est armé pour la
satire, le mieux est de ne pas vi.lcr son caniuois.
Mais si l'on a lancé des flèches à l'adversaire
et qu'il y ait matière à représailles, si les re-
présailles sont réussies, le public se réjouit de
voir l'application du proverbe : A bon chat, bon
rat. Philippe Guignard a cet avantage; aux
ressources de la bonne cause et à un très-grand
sens catholique, il joint une érudition remar-
quable et un remarquable esprit. Sans dépasser
jamais les limites de la bienséance, il crible
r.\.chillc vinaigré d'Orléans. Les lettres de
Dom Guéranger au prélat étaient des c«ups de
massue; la brochure de Guignard est un coup
de jarnac.
Un autre lieutenant de Dom Guéranger fut
Melchior Dulac, rédacteur de l'Univers. Un iah
1473
LA SEMAINE DU CLERGE
tant novice à Sole?mes, il avait étudié I;i litur-
gie sous la discipline du mailre , et lursquTl
en parliiit au pujjlie, il était du nombre des
rares personnes du temps qui savaient cfi qu'elles
disaient, i! n livre la Liturgie romaine et les litur-
gies françiiises est, à certains égards, l'abrégé, et
sous d'autres r.ipports, le complément des Insti-
tutions liturgiques. Dulac n'est pas un discuteur
armé à la légère; il fait donner la grosse
artillerie. Aussi les adversaires trouvaieut-ils
scandaleux qu'un simple laïque osât parler de
choses réservées aux évèques. Ce trait est un
peu de tous les temps; voici la réponse de
Dulac : « Ce beau raisonnfment, dit il, va plus
loin qu'on ne pense : si les laïques ne peuvent
ni étudier les sciences ecclésiastiques, ni en
parler, ni écrire sur les questions qui s'y
rattachent, parce qu'ils ne font pas partie du
corps sacerdotal; si, d'autre part, la même in-
terdiction pèse sur le clergé du second ordre,
parce que ses mi-mbres sont inférieurs aux
évèques, seuls chargés de régir les églises, de
les gouverner, de prononcer comme juges, ne
faudra-t-il pas refuser aussi le droit d'écrire
aux évèques eux-mêmes, sous prétexte que le
Pape est leur supérieur et le seul juge souve-
rain? Je connais des logiciens qui ne icculent
jias devant cette couséiuence, et pour lesquels
une église ainsi pétrifiée, où tout membre se-
rait immobile et toute intelligence muette, est
le beau idéal. Par malheur, Notre-Seigneur
Jésus-Christ en a disposé autrement ; le sacer-
doce qu'il a établi ne ressemble en rien aux
sacerdoces du paganisme, qui s'attribuaient le
monopole de la vérité et la dérobaient aux re-
gards des profams avec un soin jaloux; ses
prêtres sont les apôtres de la doctrine sainte,
ils n'en sont pas les propriétaires, et laïques ou
clerc^, prêtres ou évèques, tous ont le droit ou
plutôt le devoir de la connaître, de l'aimer, de
la servir, île la propager, chacun dans la me-
sure de ses forces et des grâces qu'il a reçues :
à tous il est défendu de tenir la vérité captive.
a Nous avous honte, ajoutait Dulac, de nous
arrêter si longtemps à de pareilles objections.
Ceux qui nous les adres-ent confondi nt de la
{'oçon la plus ridicule deux ordres de questions.
Jn évèque a daigne pourtant le leur expli-
quer : a Quant à la quesliou pratique de la
liturgie, elle se développera d'elle-même avec
le temps ; mais elle doit marcher plus lente-
ment que la question doctrinale. Celle dernière
est ouverte à l'examen de tous; mais l'autre est
exclusivement entre les mains du chef de cha-
que diocèse. Partout c'est à l'èvèque seul qu'il
appartient et de donner le signal et de faire
arriver au but (1). »
t. Mgr Pansis, De la Queilion liturg<qut, p, 4S ; et OuiAC,
La Lilurgii romaine, p, 11.
Dom Giiéranger, soutenu dans sa campagne
liturgique par quelques pieux laïques et par
quelques bons prêtres, reçut, par surcroit,
l'appui fort inattendu de doctes prolestant?.
L'Angleterre, récompensée alors d-l'hospiialité
qu'elle avait oDjrte aux prêtres proscrits par
la Révolution, sentait s'allumer dans son sein
le feu que Jésus-Christ est venu allumer sur
la terre. L'estime pour les hommes lui avait
inspiré quelques considérations pour les doc-
trines, et, par sympathie d'érudition, elle s'é-
tait mise à étudier les Pères de l'Eglise. L'étude
des Pères avait conduit quelquis savants pro-
fesseurs d'Oxford à ce qu'on a appelé depjis le
ritualisme. c'est-à-dire à l'admission, dans le
culte protestant, des formes primitives du culte
catholique. Forma dat esse rei, avait dit les scho-
lastiques ; la forme devait faire prévaloir le
fond, el l'adoption, en apparence inofïensive,
de quelques usages des vieux rituels, amènerait
à la longue ce mouvement de retour, prépara-
tion providentielle de la conveision de l'An-
gleterre En attendant, les ritualistes de l'école
du docteur Pusey acclamaient les Institutions
liturgiques et les partisans de l'Eglise établie,
dans le British critic d'octobre t84l, ne se
montraient pas moins bienveillants à cet
ouvrage. Voici la conclusion de leur article :
« Toutes formes donc, disaieot-ils, autant
qu'elles sont religieuses, étant des symboles des
choses spirituelles, l'uniformité, comme nous le
rappelle l'abbé, en doit être la condition, et,
par là même, le gage de l'unité de l'esprit. En
effet, pour employer les propres paroles de l'ar-
chidiacre Manning, n'est-il pas certain que l'uni-
formité est le langage symbolique el silencieux de
l'unité? Y a-t il quelque loi, dans l'œuvie de
Dieu, qui n'ait sa propre forme invariable?
Qu'est-ce que la variété de la nature, sinon
l'expression uniforme d'une variété des lois, et
non pas l'expression variée d'une seule loi ? Là
où il n'y a qu'un cœur, il n'y aura aussi qu'une
voix, a dit Jérémie. En conséquence , l'abbé
•condamne la variété des rites dans l'Eglise, il
la poursuit comme un manque d'appréciation
de l'importance de l'unité chrétienne, et il [iro-
pose de surmonter la difliculté, en pn-uant
Rome pour centre. Ici, il ouvre une i|ueslion
dans laquelle nos lecteurs nous pardonneront
certainement de ne pas nous engager, à la fia
d'un long article. Noua nous bornerons donc,
pour le [)résent, à dire que, quant aux vues de
l'abbé sur l'importance de l'unité religieuse, et
sur la futilité de tous les efforts dépenses a pro-
curer cette unité sans l'unifoi mité, il peut, si .
cela lui est de quelque cousolaliou, être assuré
de la franche sympathie de plus d'un cœur
anglais.
« Certes, il n'est pas un cœm catholique qui ne
LA SEMAINE DU CLERGE
447§
soupire ardomraent vers une rèsle plus forte,
vers une plus grande unité d'action, et non-
seulement 0X1 Angleterre, mais par toute la chré-
tienté. Nous sympathisons du fond de nos cœurs
avec l'auteur dont nous venons d'examiner
l'ouvrage, en ce qu'il dit contre l'esprit de na-
tionalité en religion. Nous m; pouvons ressentir
le moindre attrait pour le parti gallican, en tant
qu'il s'oppose à l'école ultramonlaine. Les
théories nationales, y compris même la théorie
gallicane, qui, par le fait, est plus ou moins la
théorie actuelle des divers pays de la commu-
nion romaine, nous paraissent receler un subtil
éraslianisme, et témoigner en même temps d'une
véritable insouciance pour la plénitude et pour
la liberté de l'Evangile. C'est en émettant cette
profession de sympathie que nous prenons congé
de l'ubbé, lui souhaitant de cœur la santé et
une longue vie, pour mener à terme l'ouvrage
de si haute importance et de si ardue difficulté
dont ce volume n'est que le premier gage(l). »
Ainsi la controverse sur les Jnsii lut tons liturgi-
ques, balance faite des agresseurs et des défen-
seurs, se réduisait à rien. Après plusieurs passes
d'armes, la matière môme mani|iiait à la con-
troverse. « Le savant bénédictin, disait le car-
dinal Gousset, s'est si bien défendu, surtout
dans ses lettres à Mgr l'évéque d'Orléans, dont
l'ouvrage paraît avoir été tait un peu à la hàle,
que les attaques contre les Institutions semblent
n'avoir pas eu d'autre résultat que d accélérer
le mouvement qui nous ramène à l'unité litur-
gique.'.. Pourquoi donc cette espèce d'acharne-
ment contre l'abbé de Solesmes ? A part ces
quelques fautes qui se glissent facilement dans
un ouvrage d'érudition, que peut-on lui repro-
cher, si ce n'est d'avoir raison contre ses adver-
saires? Il serait certainement bien coupable, si
c'était un crime de penser comme l'Eglise ro-
maine, de prier comme l'Eglise romaine et de
faire ce que fait l'Eglise romaine, en tout ce qui
tient à l'ordre liturgique (2). »
Le fait est que la plupart des adversaires, un
moment si hostiles, mis en demeure de s'expli-
quer, n'avaient plus rien à objecter contre les
Institutions liturgiques, si ce n'est qu'il y était
question d'étui de violon et de bonnets pointus.
Û eût été difficile, cependant, de fournir deux
gros volumes sur une si mince donnée, et c'était
vraiment abuser de deux pauvres phrases, que
d'y voir le but et la portée de tout l'ouvrage.
(A suivre.) Justin Fèyre,
protonotaire apostolique.
1. Institutions liturgiques, t. Il préface p. Sis.
2. Observations sur un mémoirt adressé à i'épiseopat.
page 79. '^ '
Sanctuaires célèbres.
NOTRE-DAfflE DE CHARTRES»
L4 VIERGE-MÈRE ÉTAIT ATTENDUE PAR TOUTES
LES NAT10.\S,
LES DRUIDES LUI RENDAIENT UN CULTE.
La Vierge, future Mère du Messie, n'était point
seulement l'espérance de la nation juive à qui
Dieu l'avait révélée, elle était encore l'attente
des nations au milieu desquelles la tradition en
avjit porté la connaissance. De là, un concert
unanime chez tous les peuples en faveur de la
Vierge qui devait enfanter un Sauveur. Isaïe,
inspiré par le Verbe, chantait «la Vierge qui
allait mettre au monde l'Emmanuel, Dieu avec
nous. » L'écho île sa parole retentissait au sein
de la gentilité.LaSibylle d'Erythrée redisait son
chant: «Réjouis-toi, jeune Vierge, livre-toi à
« l'allégresse, le Créateur de l'univers demeu-
« rera en toi et tu posséderas la lumière éter-
« nelle ; il sera le soleil qui se lèvera du sein
« d'une vierge (2). » Le poëtede Mantone, s'inspi-
rant des vers de la Sibylle et des traditions po-
pulaires, chantait à son tour la Vierge d'Israël
et l'Enfant divin : « Déjà revient la vierge et avec
« elle le temps heureux de Saturne. Déjà du haut du
« ciel descend un nouveau rejeton.» Quelle est,
demande l'empereur Constantin, cette Vierge
qui revient? N'est-ce pas Celle qui est devenue
féconde par l'Esprit-Saint sans cesser d'être
Vierge, la seconde Eve annoncée dès l'origine
qui nous revient en Marie (3)?
L'Egypte ancienne, fidèle conservatrice des
antiques traditions, l'Egypte où vécurent long-
temps les Hébreux, garde, tout en la défigurant
pour l'adapter à son culte idolàtrique, la notion
d'une vierge, Isis, qui doit mettre au monde un
Dieu, Bacchus, sans cesser d'être vierge. Sur le
zodiaque égyptien on apercjoit une vierge allai-
tant un enfanl, le Dieu du jour (4). La Grèce
nous montre sous des formes diverses sa croyance
en une Vierge-Mère. C'est Minerve, la déessede
la Virginité; c'est la reine des dieux qui, parle
simple toucher d'une fleur, donne naissance à
Mars, le dieu des batailles, allégorie de la fleur
qui s'épanouit sur la tige de Jtssé et donne le
jour au Fils de Dieu dont la puissance est invin-
cible. «Si nous afiîrmons, » dit aux Grecs saint
Justin, oque Jésus-Christ est né d'une Vierge,
vous en affirmez autant de Persée, né de la vierge
Danaé. « « Les Romains, » ajoute saint Jérôme,
1. Extrait de 1 Histoire des pèlerinages de la sainte Vierge,
par M. l'abbé Leroy, 3 vol. in-8. 15 francs. — Paris, li-
urairie L Vives, 13, rue Uelarabre.
2. Sibyllf, chants grecs, 1. III. v. 784 et suiv.; 1. V,
T. 255 et suiv.; 1. VI, v. 15; 1. VIII.
3. Virgile, Eglogue àPoltion. — Constantin, Discourtaiu
fidèles dans Eusèbe.
4. V. Myihologit, par Odolan-Denos et Ulande, Cours
i'tilrsnoafie.
1ÎS3
LA SEMAINE DU CLERGE
« n'^aiiihiient-ils pas la iiaisr-mirc ilii fomlateur
deHoiiii'.-uiiiifu Mais et à la vierge llia? Qu'ilsiie
nous h'iàmei ' lîoiic pas si nous croyous que
Kolre-Sci'^iicur fst né d'iuie Vierge (1). »
dans rinilc, la prédiction que le Sauveur naî-
trait d'u!>i! Vierge donna lieu à la troyauce que
« Uouddha, l'aulenr de la religiou, est venu au
monde en sortant du côté d'une vierge (2).» Les
livres sacrés de l'Inde d'-elavcnt que, quand un
di«u daitïne prendre la forme linmaiue pourins-
iruH-e et eunsoler les hommes, il s'incarne dans
le sein d'une vierge (3). Dans la Chine et le ïhi-
bet, on croit que le dieu Foë, voidaul retirer le
genre humain de la corruption, s'est incarné
dans le sein île la plus helle et do la plus \er-
tueusedes viprses(4). Dans le royaumedeSiara,
une tradition affirmait que «dieu, le désiré des
nations, serait conçu par une vierge des rayons
du soleil. « Eu Perse, sous Cambyse, un mage
aainonça à ses disciples «qu'une étoile paraîtrait,
quand un dieu naîtrait d'une vierge (5). »
Les druides, prèU-es des Gaules, versés dans les
sciences, dépositaires des doctrines religieu-
ses (fi), avaient certainement connaissance des
ti-adilions partout répandues de la Vierge qui
devait enf;mter le Messie attendu. «Originaires
de la Perse et disciples des Mages,» dit Fabor,
0 ils avaient apporté d'Orient dans la Grande-
Bretagne et les Gaules, la prophétie d'Isaïe et
celle de Balaam sur la Vierge-Mère et le Libéra-
teiL futur (7). » Tandis cpie les solitaires de
Carmel, les disciples d'Elie, rendaient à Marie
un culte anticipé sur cet'.e montagne de l'Orient,
les druides rendaient dans les sombres forêts de
l'Occident à la future Vierge-Mère un culte puise
à la même source orientale et aux mêmes tradi-
tions. Eu etlet, Guillert, abbé de Nogent, rap-
porte que « l'églLse de sou monastère était bâtie
« sur remjdacement d'un bocaLre sacré, où le.s
« druides sacrifiaient à ia mère future du dieu
« qui devait naître (8). » Selon M. Chasseneux,
l'inscription : Matri jutune Dei nafcituri se lisiiit
près d'Auluu, près de Dijon, et à Fontaine, près
dulieu où naqnitsaint Bernard, dansd'auciennes
enceintes druidiques (t)). Le savant Schédius,
versé dans l'étude des antiquités, affirme que
les druides érigeaient dans les grottes, au mi-
lieu des forêts de la Germanie et des Gaules, des
1. s. Justin, !'• apologu. — S. Jérôme, Con(r< Jovinien,
1. I, n- 4ï.
2. S. Jirilme, Contre Jovinien, 1. I, n' 42.
3. ÛBui'RS du chevalier \V. Joues, suppl. in-4., t. II,
p. 548.
4. Alphnbelum Ubtlanum, par Paulin de S. B., p. 32.
5. Huet, Démonstration évang/tiçue, in-folio. — D'HcT-
bclot, Bibliotli. orierttaU, art. Zcrdascbt, — Abulfarage,
etc.
8. César,/)» la gwrre desGauln, 1. VF, ch. xiil et xiv
7. Faber, Origine de tidotâtrie patenns, culte druidique.
8. Goilbert, De nia tua, lib. II. ch. I.
t. Chasseneux, Histoire dii coulumet de Bourgogn».
slatues à la Vierge qui devait enfanter (<).
Or, le pays de Cliartres était, au témoignage
de (lés ir (2), le centre [ rinci[)ul des réunions
druidiques, le lieu où les druides tenaient, cha-
que aimée, leur assemblée générale. Là, comme
dans la capitale de leur religion, résidait le chef
suprême du druidisme gaulois.
Sur la Colline où a été liàtie la cathédrale,
nous apprcnil ane ancienne tradition locale,
transcrite depuis des siècles, était un bois sacré,
et, nu mil eu de ce bois, une vaste grotte
qu'éclairait à peine un jour sombre, et dans
cette grotte une statue de Vierge sur le pipd de
laquelle était gravée cette inscription .' \ irgini
pai-ilurœ, à la l'iei'ge qui doit enfanter. Une
autre tradition porte que cent ans avant la nais-
sance de Jésus Christ, les druides élevèrent
dans cette grotte un autel en l'honneur de la
Vierge qui devieudrait mère du Hédempteur.
A l'occasion de cette «olennité, Priseus, roi de
Chartres, enci lu païen, consacra, en présence
de toutes le» notabilités de sa nation, son
royaume à cette reine future qui devait en-
fanter le Dhiré du royaume. Dès lors furent
jetés dans le pays chartrain les premiers fonde-
ments de la dévotion à la sainte Vierge, et
du superbe temple qu'on éleva plus tard à sa
gloire (3).
Le roi de France Charles Vfl semble confir-
mer ce récit, lorsque, accordant les lettres pa-
tentes en faveur de l'église de Chartres, il la
déclare «la plus ancienne de son royaume,
« fondée par prophétie en l'honneur de la glo-
« rieuse Vierge Marie, avant l'Incarnation de
« Notre- Seigneur, et dans laquelle elle fut
honorée de sou vivant (4). n M. Olier appelle
Chartres « une sainte et dévote ville, la pre-
« mière du monde par l'antiquité de sa dévo-
« lion, puisqu'elle y a été érigée par pro-
« phétie f3).
Sébastien Rouillard, avocat au Parlement de
Melun, qui recueillait, dans le bon vieux temps,
les récits des voyageurs, pour en composer un
volume, vint a Chartres vers l'an 1608. Se dé-
fiant des vagues rumeurs, il consulta les ar-
chives et fouilla si bien les antiquités grecques
et latines, qu'il parvint à appuyer de toute son
autorité la tradition locale qui faisait remonter
jusqu'aux druides l'origine de Notre-Dame. Il
composa alors sa délicieuse Purthénie. La scène
se passe dans les forêts d'Amricum, sous les
dalles de la cathédrale. Nous sommes au temps
des Galls ou plutôt des Kymiis, dont la religion
1. Schédius. De iiis germani$,ca\>. ni.
2. César, De BeUo galtic.lih. VI, cap. XU et XUl.
3. Vincent Sablon. Uitt. de l'église de Charlret, ch. I,
p. 8 et suiv.
4. Ozeray. Bist. de la tM ia CanMfê, t, U, piicM JOS-
ti&catires.
b. U. Olier. if^moirM.
LA SEMAINE DU CLERGE
iiSI
semble plus éievée que celle de leurs devan-
ciers. I.e druidisme domine partout, la Gaule
entière est soumise à ses lois, à ces usages et à
ses dieux. De lous côtés on ne rencontre que
bardes et messagers, dont la voix tonnante re-
tentit dans les forêts. Les peuples s'ébranlent,
les chefs et les cavaliers s'arment du glaive et
de la lance, et se mettent en m«rclie pour ar-
river au jour fixé dans le bois d'Autricum.
C'est pourtant une triste saison ; les feuilles
jaunies et privées de sève sont tombées des
arbres, la nature sommeille, tout en elle dort, les
parfuns et les floraisons. Le soleil ne jette qu'à
de rares intervalles de pâles rayons à travers
cette immense suite de forêts qui couvrent le
sauvage pays des Gaules. Le pontife des druides,
couronné de lierre, la taille entourée d'une
ceinture de lames d'or, s'avance majestueuse-
ment à la lueur des flambeaux, et monte sur le
rocher de granit (pii lui sert de tribune. Les
traits de sou visacre expriment une sorte d'allé-
gresse que ses regarils veulent communiquer à
l'assemblée, il s'écrie : «Ciel, pourquoi mettre
« tant de retard dans l'accomplissement de nos
« vœux? Je désirerais que, du liant de ta voûte,
« descendit le Juste promis depuis tant de
a siècles à l'univers! Divinité suprême, jeté
« rends grâce d'avoir iiiP[iiii' à notre sacré col-
« lége de consacrer une statue à celle qui doit
« enfanter le Juste. Princes et nobles, vous
« tous ici présents, vous (jui dans nos écoles
« avez été instruits de ce mystère, ne consen-
« tirez-vous pas i ollVir vos hnnimages à cette
« nouvelle divinité?» A ces paroles, les chefs
et les cavaliers se bâtent de donner leurs suf-
frages, et font retentir la forêt de leurs applau-
dissements. L'Arcliidruide descend de sa tri-
Lune, entre dans une grotte voisine, suivi des
nobles et de quelques prêtres, et fait placer la
statue de la Vierge sur un autel. Puis, touciiant
de la main l'autel, il continue « Je te dédie en
« l'honneur de la Vierge qui doit enfanter, et
« j'ordonne que toute la Gaule vienne t'adres-
« ser de soleunelles prières dans cette grotte,
« au pied de ton image. 0 Vierge, dont la
« naissance est seulement connue du ciel, si
« notre pieté anticipe sur le temps, daigne an-
« ticiper sur nous l'eflet du salut que uous at-
« tendons de ton enlautement ! »
La Vierge de la grotte, qu'on appela pour
cette raison Notre-Dame de Sous-Terre, paraît,
dit uij ancien historien, être faite de bois de
poirier que le temps a bruni. Assise dans une
chaise à quatre piliers, elle tient sur ses genoux
son Fils qui, de la main droite, donne la béné-
diction, et de la gauche, porte le globe du
monde. Sa robe est recouverte d'un manteau
l'antique, arrondi par devant et se retroussant
sur les bras eu forme de dalmatique. Sou visage
ovale d'un noir luisant, bien fait et bien propor-
tionné, est encadré par un voile qui retombe
sur les épaules. Une couronne simple, ornée de
fleurons, est pos'e sur sa tète- Ses yeux sont
fermés, pour montrer que celle qu'honoraient
les druides n'étaient pas encore née(l). Tandis
que les historiens de Chartres et de son église,
Pintard et et Sablon, attribuaient celle Vierge
druides, MM. Bulteau et Souchet, autres histo-
riens du pèlerinage, pensaient que la Vierge
druidique avait péri daus le grand incendie
allumé par la foudre, qui consuma la cathédrale,
l'an 1020, et que cette statue, dont la couronne
et l'enfant Jésus portaient le cachet du christia-
nisme, ne remontait pas au-delà de l'épiseopat
de Fulbert, mais qu'on avait conservé à la
Vierge sa forme et son inscription druidique.
LE CCLTE DEMABIE PRÊCnÉ A CnARTHES PAR LES
MISSIONNAIRES DU CHRIST. LE VOILE DE LA VIERGE.
L'Apôtre des Gentils, prêchant à Athènes
devant l'Aréopage, s'écrie : Je viens de lire sur
le frontispice d'un de vos temples: « Au Dieu
inconnu.» Eh bien! c'est ce Dieu inconnu et
son Fils Jésus-Christ que je viens vous faire con-
naître (2). Ainsi firent à Chartres les premiers
missionnaires saint Savinien et saint Potentien:
« Nous venons de lire, o dirent-ils aux habi-
tants, « sur une de vos statues : A la Vùrge qui
« doit enfanter ; c'est cette Vierge que noos
H venons vous annoncer et son Fils Jésus que
« tous les peuples attendaient. » Et, ayant con-
verti la population, ils dédièrent la grotte à la
IMère du Sauveur, l'uis saint .Savinien s'éloigna.
Poursuivi plus tanl par les émissaires du gou-
verneur Aurélien, furieux de ce que Dieu avait
délivré son apôtre do la prison, il arriva sur les
bords de la Marne que les pluies avaient grossie.
Là, se prosteruaut sur la rive, il demanda au
Seigneur de lui ouvrir un passage, afin qu'il
allât recevoir la couronne du martyre à l'endroit
où il avait reçu le baptême. L'eau devint aussi-
tôt, sous ses pas, comme un marbre solide. Les
soldats de l'empereur qui le poursuivaient, arri-
vèrent à leur tour, mais s'arrêtèrent devant le
torrent.
L'apôtre de Chartres , voyant leur em-
barras, pria le Seigneur de leurlivrer aussi pas-
sage; les eaux se durcirent une seconde fois;
ils passèrent à pied sec et lui tranchèrent la
tète (3). Durant la persécution, les nouveaux
convertis, réunis dans la grotte de la Vierge,
avec Modeste, la fille du gouvermnir, scellèrent
de leur sang leur inébranlable attachement à la
foi chrétienne. Quiriuus, agissant au nom de
1. Pintard, His/. de la ville de Chartres. — Catatogm
de> reliques, manuscrit de la bibliothèque de Cliartres.
2. Avies des Apôtres,
3. Recueil des historient d« France, t. Il, p. 43t, «t
t. III. D. iU.
1482
LA SEMAINE DU CLERGt
l'empereur Claude, les fit précipiter dans uu
{luits de la grotte mystérieuse, que l'on appela
e puits des saints forts ( 1 ) .
Quand reiP')ereur Constantin eut accordé la
paix à l'Eglise,' un temple s'éleva au-dessus de
la grotte pour abriter les nombreux chrétiens
récemment convertis. Dans cette enceinte, vint
crier saint Emau, dans le cours du vi^ siècle.
Originaire de la Cappadoce, il arriva à Chartres,
poussé par une inspiration divine et guiilé par
son amour pour Marie ; il bâtit, à l'ombre du
sanctuaire, un petit ermitage, plus tard trans-
formé en une chapelle, dont on voit encore les
restes, dans la rue qui porte son nom. Vers la
même époque, saint Béthaire arriva de Rome
dans la cité des Carnutes, poussé par la même
dévotion ; il y séjourna et dans la suite en fut
l'évêque. Au vu" siècle, Frédegaire compte le
pèlerinage de Chartres parmi les plus célèbres de
France (2).
A la suite du pèlerinage que le roi Charles le
Chauve fit à Notre-Dame de Chartres, dans
la seconde moitié du xix' siècle, il offrit au
trésor de la cathédrale un voile provenant de la
Vierge de Nazareth. Ce voile, long de quatre
aunes et demie, d'un blanc jaunâtre, est tissu
de soie et de liu, ce qui ne doit pas étonner de
la part de la sainte Vierge, toute pauvre qu'elle
était. Si modeste que fût sa position, la fille des
rois de Juda pouvait bien posséder un tel vête-
ment par héritage de ses ancêtres. 11 n'est pas
rare que, dans les familles anciennes, certains
objets de prix se transmettent de génération en
génération, et s'y conservent, lors même qu'elles
sont déchues de leur première splendeur. Quant
à la forme, c'était autrefois l'usage parmi les
femmes d'Orient de porter non point des che-
mises comme les femmes d'aujourd'hui, mais un
long voile qui, couvrant la tète, se croisait sur
la poitrine, se repliait sous les bras et envelop-
pait toute la partie supérieure du corps. Or, il
est facile de reconnaître combien parfaitement
était approprié à cet usage le voile dont nous
parlons, et qu'on a appelé, pendant plusieurs
siècles, la chemise de la sainte Vierge (3).
Selon Nicéphore Calixte, dans son Histoire
ecclésiastique (4), ce vêtement, doublement véné-
rable, et parce qu'il a touché la chair virginale
de Marie, et parce que, d'après la tradition, elle
l'a porté pendant tout le temps que le Fils de
Dieu demeura renfermé dans ses chastes en •
trailles, fut laissé comme un souvenir par la
Vierge mourante à une personne de ses amies.
Ce vêlement éta^t ensuite tombé entre les mains
1. Vie des Saints S. Savinien, 29 janvier,
2. Pintard. Uisl. de Chartres. — Bulteau, Description
il la calMdralt. -^ Longueval, Hisl. de i'E'jlise galli-
«Me, t. I,
3. .\ssier, Notre-Dame de Chartres, ch. it.
4. Nicéphore, lib.XIV, ch. U, et lib. XV, ch. XIV et XXIV.
d'un Juif chrétien de Galilée, deux frères de la
race des patriciens, Candidus et Galbius, par-
vinrent à se le procurer dans un pèlerinage
qu'ils firent en Palestine, et le rapportèrent avec
eux à Constantinople. Leur intention était
d'abord de tenir leur trésor caché, de peur qu'on
ne le leur enlevât ; mais les miracles journalieri
dont ce saint voile était l'occasion, ayant trahi
leur secret, ils s'en ouvrirent à l'empereur Léon,
dit le Grand ou l'Ancien. Celui-ci, heureux de la
confidence, fit aussitôt construire un temple
magnifique pour y déposer le précieux vête-
ment, le regardant, dit l'historien, comme le
rempart à tout jamais inexpugnable de son em-
pire, vciuti invictum perpetuumque vrbis prœsi-
dium .
On sait que Charlemagne eut de fréquents
rapports avec les empereurs de Constantinople,
dont il reçut les ambassadeurs et les présents;
que l'impératrice Irène lui demanda sa fille en
mariage pour son fils, lui offrit sa propre main,
afin de réunir sous un même sceptre les deux
empires d'Orient et d'Occident, et que, dans ces
deux circonstances, elle lui fit de riches pré-
sents? Comme l'esprit religieux de Charlemagne
et son estime pour les reliques sacrées étaient
connus, on peut présumer qu'au nombre des
présents figurait le voile de la Sainte Vierge.
Un des anciens vitraux de la cathédrale de
Chartres représente, en effet, l'envoi de ce voile
par l'impératrice Irène à Charlemagne. Charles
le Chauve, son petit-fils, obligé de quitter Aix-
la-Chapelle pour venir régner en France, l'ap-
porta avec lui et eu fil présent, vers l'an 876, à
l'église de Chartres, centre alors du plus illustre
des pèlerinages de la Vierge. Ainsi le rapporte
Dom Bouquet (1), tousles historiensel toutes les
vieilles chroniques (2) ; ainsi l'atteste la tradition
constante de cette antique église, tradition con-
firmée par les témoignages les plus respec-
tables, par un consentement unanime autant
que par une suite de miracles; ce qui fait dire
au savant Mabillon ces remarquables paroles :
« Ne serait-ce pas une témérité de nier que-
« cette relique soit authentique? Ne serait-ce pas
« faire injure à cette église vénérable de croire
o qu'elle l'ait exposée à la vénération des fidèles
« sans en avoir de bonnes preuves (3)? »
Ce précieux vêtement qu'on a longtemps
appelé la Sainte Chemise de Marie, parce qu'en
effet il lui avait tenu lieu de chemise, suivant
l'usage oriental, était enveloppé d'un voile de
gaze de façon bizantine, orné de broderies en
soie et en or, offert par l'impératrice Irène; il
1. Dom Bouquet, t. V et VIII.
2. Berraut-Bercastel, edit. de Henrion, t. IV, p. 138.—
Pointe des Mir.tcUs, p. 180. — Guillaume le Breton, Phi»
lij^pidos, lib. II.
3. Lettre dun bfnidictin à Ugr dt Blois, tOUcbtnt Uix»^
ccraemeat des reliques, p. 13.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1481
était enfermé dans une cli'isse en nois de cèdre»
recouverte de lames d'or et de pierreries. Durant
toute la période iu moyen âge, comme dans
cdle de la Reuaissauce, ce voile fut l'objet de la
vénération publique. On faisait toucher à sa
châsse des chemisettes qtf'on appelait les chemi-
settes de Notre-Dame, et qu'on portait sur soi,
comme une précieuse relique. Il s'en faisait dans
la ville un commerce considérable. Tous les
pèlerins qui venaient à Chartres, en empor-
taient avec eux; M°° de Sévigué, entre autres,
ne passait jamais par cette ville, en se rendant
à sa campagne des Rochers, sans en acheter.
Des hommes de guerre voulaient être revêtus
de ces tunicelles de Notre-Dame. A leurs yeux,
c'était un préservatif assuré, un bouclier avec
lequel les chevaliers se tenaient pour invulné-
rables, à ce point que, dans les duels, celui qui
était muni d'une telle garantie, devait en aver-
tir son adversaire, parce qu'alors la partie ces-
sait d'être égale. Un ancien manuscrit raconte
« comment le Chevalier sans peur et sans
« reproche vint à Chartres se faire enchemiser
« de la sainte chemisette de Notre-Dame (l). »
Sous le règne de Charles le Chauve, en 838,
les Normands, conduits parle farouche Hastings,
s'emparèrent de Chartres et l'incendièrent avec
sa cathédrale. Cette ville opulente, et célèbre
par ses écoles, renaissait de ses cendres et répa-
rait ses murailles et ses tours, lorsc}ue le bruit
d'une seconde invasion des Normands se répan-
dit dans son enceinte. Les pauvres habitants de
la Rauce émigrèrenl dans les torèts, ou se réfu-
gièrent dans les églises. Mais lorsqu'ils virent
les forêts incendiées et les éghses renversées, ils
s'enfuirent vers la cité, chassant devant eux leurs
troupeaux. De pauvres religieux retirèrent des
tombeaux le corps des saints et prirent la fuite,
en emmenant avec eux à Chartres les reliques
de saint Wandregisile et de saint Piat. Lorsque
la ville fut encombrée, dans ses rues étroites et
tortueuses retentit bientôt cet etfroyable cri : les
Normands! C'était Rollon lui-même, le chef des
Normands de la Seine, ce terrible pirate qui
faisait traiuer à ses bateaux ceux qui lui résis-
taient.
L'évêqnc de Chartres, le vénérableGousseaume,
qui a imploré le secours de puissants sei^ineurs,
se prépaie à détendre son peuple. Les Normands
débarquent pendant la nuit, se présentent devant
les murs de la ville et font retentir des cris sau-
vages. Toute la cité se réveille dans la conster-
nation. MaisGousseanme, le vaillant pontife, se
■montre sur les tours avec de braves guerriers.
Il en descend, il entre dans l'église de Notre-
Dame et célèbre l'oftice divin, devant une mul-
1 . Lellrt d'un bénédictin à Mgr l'évêque ii« Bhit, t m-
rhamt U ditcernement dea reliques, p, 13.
titude d'hommes, de femmes, d'enfants qui, sai-
sis d'une égale terreur se mettent à invoquer le
secours de la Reine des cieux. Ensuite il donne
l'absolution à la multitude. Puis, se revêlant de
ses habits pontificaux, et précédé de la croix et
d'une bannière à laquelle est suspendu le voile
de la Vierge, l'évèque retourne sur les murailles,
et y fait élever l'étendard de Marie. Tout-à-coup
brillent dans le lointain des casques et des bou-
cliers, ce sont ceux des braves Bourguignons
et des Francs qui volent au secours des Char-
trains, sous la conduite de deux vaillants chefs,
Richard et Robert. Le combat s'engage, les Nor-
mands, pressés de toutes parts et frappés de
stupeur, quittent le champ de bataille et se
retranchent sur la montagne de Lèves, d'oi'i ils
se retirent en silence, abandonnant leurs armes
et laissant à leurs ennemis des retranchements
sans défenseurs. Cette victoire est remportée
le 20 juillet de l'an 911. La plaine, où les Nor-
mamls sont défaits, reçoit le nom de Pré de la
Reculée. Un bas-relief du chœur de la cathé-
drale rappela cette journée, dont la mémoire
fut encore perpétuée par l'érection d'une madone,
dite Notre-Dame du Vuu-Hou, dans i'eufonce-
ment d'un petit vallon, par lequel Rollon opéra
sa fuite. Presque tous les historiens ont attribué
celte éclatante victoire à la sainte chemise de la
Vierge. Plus tard, Rollon, converti à la foi chré-
tienne, reçut le baptême dans la cathédrale de
Chartres (1).
CONSTRUCTION DE N0TRE-D.4ME DE CHARTRES.
DÉVOUE.ME.NT ADMIRABLE DES POPULATIONS. LES
SPLENDEURS DE L'aRT CHRÉTIEN.
Lorsque les pèlerins visitaient, au x' siècle, la
ville de Chartres, ils ne venaient pas encore
contempler cette majestueuse cathédrale dont la
splendeur frappe d'admiration. Us vénéraient la
sainte reli(]ue à laquelle les Chartrains devaient
leur salut, et dont les chroniqueurs de l'époque
vantaient l'insigne vertu. Ils savaient que des
prodiges s'opéraient de temps en temps dans
une grotte mystérieuse, devant une antique
madone des druides, et ils venaient la prier.
L'église de Chartres n'offrait alors rien de re-
marquable dans son architecture. Ce n'était
qu'u.ie de ces pâles copies en boi« des monu-
ments romains, où les arcades se trouvaient
entassées sous de sombres nefs et sous des
voûtes écrasées. L'an lOiO, le feu dp ciel alluma
un -errible incendie qui la réduisit en cendres.
Fulbert occupait alors le siège épiscopal ; il réso-
lut de la reconstruire avec maguihcence. Ses
talents l'avaient mis en relation avec les grands
personnages de France et des royaumes étran-
1 . Assier, XotrkBumt 4e Chartres. — Hiil. de VEglite àt
Chartres,
n^
!,A SEMAINE DU CLERGE
gers; il fit apiifl à leur gônérosité. Le roiRolntri;
répondit à cet illustre pontife et lui envoya de
grosses ^sommes. Guillaume, duc d'Aquitaine,
Richard, duc de Normandie, Canut, roi de
Danemarck, voulurent aussi concourir à la re-
construction de l'église Sainte- Marie. Le comte
Eudes, alors absent, lit don de quelques terres.
Les travaux furent poussés avec tant d'activité,
que Fulbert put voir les cryptes achevées. Elles
formèrent une magnifique église souterraine,
comprenant la grotte où était et où est encore
Notre-Dame de Sous-Terre et le puits des Saints-
Forts. Saint Yves plaça dans les tours des cloches
envoyées par Mathilde, reine d'Angleterre (I).
Longtemps après le départ de Bohi-mond de
Tarente, prince d'Antioche qui, debout sur les
marches de l'autel de la Vierge, avait appelé
tous les chevaliers à la défense de la Terre-
Sainte, des maçons normands viennent offrir
leurs truelles et leurs marteaux pour la construc-
tion lie Notre-Dame. Ces pèlerins désirent accom-
plir le vœu fait par eus de travailler pour
l'amour de la Vierge. Us n'admettent aucun
ouwier, à moins qu'il ne se soit confessé et
réconcilié avec ses ennemis. Arrivés à Chartres,
ils élisent un chef et traînent sous sa conduite
leurs chariots en silence avec humilité.
Ce qui frappe d'admiration, c'est de voir des
homme? puissants, fiers de leur naissance et de
leurs richesses, accoutunn'S à une vie molle et
oisive, s'attacher à un char, avec des traits, et
voiturer les pierres, la chaux, le bois, tous les
matériaux nécessaires pour la cnnrtruction de
l'édifice sacré. Quelquefois mille personnes,
hommes et femmes, so)it attelées au même char,
\ant la charge est considérable, et cependant il
jègne un si grand silence, qu'on n'entend pas le
moindre murmure. Si l'on s'arrête dans les
chemins, si l'on parle, ce n'est que pour con-
fesser ses péchés. Et tel est le zèle des ouvriers,
que la nuit ne peut interrompre le travail. Les
travaux cou'inuent à la lueur îles flambeaux (^2).
« Là, ou vit pour la première fois des hommes
« traîner à force de bras des chariots chargés de
« pierres et de bois nécessaires à la construction
« de l'église. Qui n'a pas été témoin de ces
« merveilles, n'en contemplera jamais de sem-
« blableseu France. Qui a jamais vu des princes,
o des seigneurs puissants, des hommes d'armes,
« des femmes ilélicutes, ployer le cou sous le
« joug, comme des bêtes de somme, pour char-
o rier de lourds fardeaux (3). » La, une des
premières fois, on vit à l'œuvre ces corporations
de maçons chrétiens, qui se transporUdent par-
tout où il y îvait une église importante à bâ.ir ;
. .\ssier, Noire-Dame de Chartres.
2. Annotes BénHict., t. VI, p. 392 et saiv.
3. Robert du lloi>l, dans Uoiu Bouquet, Recueil du hittO'
rieru des Gaulée, et Uaimoa^ cité par Mal)illoa.
là, on vit ces logeurs du bon Dieu, comme le9
appelait le peuple dans son naïf lang;i;;e, ces
ouvriers de sainte Marie, commeilss'inlilulaient
euxmémes, qui dotèrent notre France de
superbes cathédrales dédiées à la Kcine des
deux.
Des populations entières, poussées parlapuis-
sance de la foi, pouvaient seules commBncer et
mener à bonne fin ces prodigieux travaux.
Quand on voulait reconstruire une église,
l'évêque appelait le peuple, lui accordait des
iudulgences, et le peuple accourait. C'était même
une sorte de pèlerinage qu'on entreprenait pour
la rémission de ses péchés et pour obtenir des
grâcesspirituelles.Alorsdel'intérieur des cloîtres
sortaient des architectes et des artistes, et les
travaux commençaient. Les habitants des cam-
pagnes amenaient les matériaux, les jeunes irens
taillaient la pierre, les maçons élevaient les
gigantesques colonnes snus l'œil du maître de
l'œuvre. Non loin de l'église, quelquefois dans
un monastère, des peintres-verriers coloriaient
les vitraux ; des sculpteurs ciselaient les bas-
reliefs et les statues. Les riches donnaient de
bon cœur du bois, des pierres, souvent même
des sommes immenses, de sorte que l'église
s'élevait rapidement.
Or, eu ces temps-là, les routes qui conduisent
à Ciiartres s'encombrent de pèlerins et d'ouvriers
qui viennent travailler à la construction de la
cathédrale. Partout on rencontre des chariots
sur lesquels les habitants des bourgades trans-
portent des pierres et du froment. Dans les
villages, au pied de la tour féodale, tous,
seigneurs et vassaux, se sont ébranlés ; la voix
solennelle de l'Eglise s'est fait entendre, pro-
mettant des indulgences à ceux qui répondront
généreusement à son appel. Les citoyens de
Châtean-Landon, dans l'Orléanais, hommes et
femmes, dit uu auteur contemporain, émus par
le discours de leur pasteur, s'engagent à fournir
uu chariot de froment et se mettent en route.
Arrivés à Chante-Reine, nos bons pèlerins re-
marquent un peu tard qu'il ne leur reste aucune
provision. Les habitants du village se trouvaient
alors dans une grande détresse et ne pouvaient
vendre que quelques pains. .Mais la Vierge ne
voulut point délaisser ceux qui venaient si géné-
reusement lui apporter du froment. Les paios
se multiplièrent tellement, que personne n'ea
manqua ; le lendemain, ils conduisirent leur
blé à Chartres (I).
Bien loin traînaient eux-mêmes leur chariot
de froment les bons habi*,.nts de Pithiviers ea
Gatinais. Arrivés près du Puiset, brisés de far
tiguc, ils voient venir à leur rencontre de»
hommes et des femmes de la ville, qui les prient
1. Le U&rcbaot, Litre du JUiracIt», p. 67.
LA SEMALNE LU CLERGE
i]S»
de se rp.posHr qtielqne temps, tandis qu'eux,
;r."'3 et lii^pus, trainei-ont leur chnriot. Mais nos
pèlerins répondent qu'ils le traîneront eux-
jEêmeD [lour ne point pt-rtlre le îrui*. de leur
pèlerin;i,np. Les habitants du Puisnt, tou-.hé' de
ce noble refus, prient les pèlerins d'accepter une
pièce de Jon vin. Ceux-ci, que la lassitude
accable, acceptent le vin et s'attellent à leur
chariot, pour s'achemiuer vers la ville de
Chartres. Mais ils n'ont pas fait queUjues pas,
que les gens du Puiset les rappellent et leur
racontent qu'ils ont îvauvé la pièce pleine d'un
■vin merveilleux. Tous admirent ce pri)di;j;i3,
quelques-uns même recouvrent la santé eu
huvani de ce vin. Joyeux et touchés de ce pro-
dige, les pèleiins tirent avec tant d'ardeur lour
chariot, (ju'ils arrivent bientôt à (.liartres.
Les habit;uits de Boniieval, |irès de Château-
dun, charfïent quelques charrettes de chau>: et
quittent le bourg pour se rendre à Chartr(!S.
Quelques heures a[irès leur départ, le ciel se
couvre tout à coup de nuajies épais. Le vent
souffle avec violence, le tonm-rre f.'ronde et la
pluie tombe à flots. Les pèlerins ell'rayés aban-
donnent leurs charrettes, laissant assise sur la
chaux une pauvre jjarulytiiiue, (pii se rendait à
Chartres pour y im[dorer la protection de Marie.
L'orngc dissipé, les habitants de Bonneval
sortent de leur retraite et s'avancent sur la
route pour conduire leurs charrettes. Mais quelle
n'est poiut leur surprise, lorsqu'ils les voient se
mouvoir d'elles-mérces, et qu'ils retrouvent la
pauvre paralytique pleine de vie, toujours a-sise
sur la chaux que l'eau n'a point consumée.
Touchés de ces prodii^cs, les [lèlerins remer-
cient la Heine des Cieux et se hâtent d'arriver à
son église [irivilé^^iée.
Les habitants ('e liatiUi en Gatinais, chargent
quelques charrettes de troment pour les offrir
aux ouvriers de l'église de <",bartres. La veille
de l'Assomiition, une jeune tille tombe dans nu
puits du bourg. Sa mère, surprise de son
absence, iutenogc ses voisins, et, redoutant
quelque midheur, se dirige vers le puils. Ses
cris sont bientôt ent(;ndiis : sa iillc revient saine
et sauve, protégée par la glorieuse Daine de
Chartres. Touches de ce prodige, les habitants
de Batilli emmènent la jeune liUe avec eux et
■viennent olïrir leurs dons à celte Vierge, r;'.con-
tant à tous les ûdèles sa merveilleuse protec-
tion (1).
Des lireton.s. établis à Chartres, se rassemblent
pour transporter quekiucs chariots de ]uerre. lis
sortent donc un soir de la ville et se mettent eu
route pour aeconi|dir leur li\che. Le soleil dis-
parait bientôt de l'iiorizon, de gros nuages suc-
cèdent à ses rayons, une nuit obscure surprend
nos pauvres pèlerins qui, perdant tout sentier,
1. Le JUarchaat, Linre des Uiracles, p. 03.
s'égarent dans 'es vastes plaines de lu Bcauce.
La frayeur s'empare •^■là iTeu.-:, lorsque Die»
♦■ait luire devant ces hommes dévoués trois lu-
mières pour les éclairer. Joyeux, émerveillés,
ces serviteurs de Marie regagnent Ir. roule de
Chartres, dont ils aperçoivent l'iijlisc et la tor, et
viennent déposer leurs offrandes, en publiant la
proihge dont ils ont été les témoins.
Tous ces miracles, vus [lar les pèlerins et ra
contés par les habitants de la cité, sont bientô
connus des contrées voisines et des provinces les
plus éloignées. La renommée de l'église de
Chartres s'étend dans les royaumes au-delà des
mers. Dans la Beauce, chaque bourg veut four-
nir quelque chose. Ceux qui ne possèdent
aucune carrière de pierre, aucune pièce de bois,
s'empressentde charger des voilures de froment;
ceux ilont les moissons ne sont pas abondantes,
amént'nt de la chaux ou offrent quelques deniers.
C'est plaisir de voir l'ardeur avec laquelle
chacun contribue à la reconstruction de la basi-
iH]ue. Sur les routes, on ne rencontre que char-
rettes traînées par d'humbles serviteurs de
Marie; à l'imtrée des villages, sur le passage des
pèlerins stationnent des malades, des aveugle»,
des muets, des paralytiques, qui ne demandeat
pour toute laveur que d'aller
A la sainte chasse touchier.
S'il faut en croire les chroniques, nn samedi soir,
lorsque les compiles sont terminées, l'église est
soudainement illuminée d'une éblouissante
lumière. Les assislaut.*; (émerveillés croient que
la Vierge est venue visiter, ce jour-là, son église
et la Sanctifier (1).
Un jeune .-Vnglais, noble, venant de Paris,
suivait la route deSoissons pour se rendre dans
son île. Arrivé à la piemière ciléciu il rencontra,
il cuire par hasard dans l'é-'lise. Un jirètre de
Chartres, monté d.ms la cliarre, touchait telle-
niëiit le peuple jiar son éloquence eu faveur de
Niilre-b.inie, cpie cIk'.ciih ilmouait sa bourse. Le
jeune Anglais m; possède ([u'iiu collier d'or qu'il
(Ichlitie a sa liane e. Enui de.< paro es du prédi-
cateur, il oU'ie son collier d'uret se met en route
vers la mer, pour s'emharqucr siu- un des na-
vires «pii s-talionnent sur les cotes. Ouel([aes
jours après, il s'arrête sur le soir devant une
modeste holeherie et demande nn logement.
L'hùle ne lui oUre pour gile qu'une grange. Le
jeune Anglais, accablé de taligne, se couche sur
la paille et s'eudort. Mais quelle n'est point sa
surpri-e, lorsqu'au mili-u de la nuit, la grange
se tiouvetout à coup illuminée, <;t qu'il voit uue
femme d'une éblo'..is.^aule beauté, lui montrant
sou collier d'or. A celle vue, le jeune noble
reconnait la Dame de CItarties, et lui promet de
se con-ucrer a mn service. Deux mois après, il
1. /.icn de» Miracles.
!-:86
LA SEMAINE Db CLERGE
quille Lon.^res et se retire dans une île dc?erte.
Le roi Kichaiil, apprenant ce miracle, conçut
di s lors une grande vénération pour l'église de
Chartres. Il re.;nt avec bonté les envoyés du
Chapitre et leur permit de pan'ourir son royaume
pour y recueillir d'abondantes aumônes (I).
Plus de cinquante ans s'étaient écoulas,
lorsque l'cvêcjue de Chartres écrivit au roi de
France pour le prier d'obtenir du Souverain
Poutife quelques indulgences. Saint Louis, qui
venait quelquefois visiter nu-pieds l'église de
Chartres, ne voulut point n-jeter la demande
du prélat. Il écrivit lui-même au pape pour la
consécration de Notre-Dame, fit élever à ses
frais le splendide porche septentrional, donna
quelques verrières et fonda deux autels pour le
repos de ses ancêtres et pour le salut de son
âme. Alexandre IV envoya au clergé de cette
ville une bulle conçue en ces termes : « Notre
bien aimé fils, l'illustre roi de France, nous a
appris que vous deviez consacrer votre église,
et qu'une prodigieuse multitude de pèlerins y
accourait depuis longtemps pour vénérer l'au-
guste Vierge Marie et les précieuses reliques
qui y sont exposées. C'est pourquoi, désirant
que votreéglisesoit toujours dignemeuthonorce,
nous accordons à tous ceux qui ser')nt vraiment
contrits et qui la visiteront, le premier ilimanche
après la fêle de saint Luc, jour de sa dédicace,
jusqu'à la fêle de la Nativité de Notre-Seigneur,
trois ans et trois quarantaines d'indulgences. »
{A suivre.) L'abbé Leroy.
LR QUESTION OUVRIÈRE
(3- article).
CE OCE L'ÉGUSB fait DE NOS JOURS POUR l'OUVRTEH.
— RÉSULTATS SOCIAUX DE SON ACTION SUR LA
CLASSE OUVRIÈRE ET LES CLASSES DIRIGEANTES.
IV. Au point de vue social comme au point
de vue individuel, les OEuvres ouvrières catho-
liques exercent une très-heureuse iutluence en
haut et en bas : elles contribuent à dissiper une
foule de préjugés, et opèrent dans les cœurs un
salutaire rapprochement.
Depuis longtemps déjà il existe, on le sait,
entre le petit et le grand, le pauvre et le riche,
celui qui n'a pas et celui qui posèile, un anta-
goni?me implacable, menaçant, ([ui s'accentue
de jour en jour : ce fait a été laut de fois mis en
lumière par de cruels événements, qu'il n'a nul
besoin de démonstration.
Or, cet antagonisme fiévreux est un péril con-
tinuel pour l'ordre social, et tant qu'un ne sera
pas parvenu à le faire disparaître, l'avenir res-
1. Le Livre des Miracles, p. 141. Un vitrail, .Tpjelé rilrail
dt$ Miracles, racontait lc8 princiiiaux iiiiracles <iue la
Vierge daigna faire en faveur des [jélerins de Cliaitres.
tera sombre et cbargéde nuages. On peutmème
affirmer que, de tous les problèmes qui s'im-
posent aujourd'hui à nos recherchas., la réccn-
ciliation sincère des deux classes «l le plus
grave, le pluspres>ant, j'ajoute le p.^^-, diflicnc :
de nobles intelligences ont essayé de le résoudre
en-dehors de la religion ; elles s'y sont usées, eu
ce sens que leurs eiiorts ont été sinon complè-
tement stériles, au moins très-iusutfisants ; les
moyens proposés par elles n'étaient que des
expédients, des palliatifs, qui n'atteignaient pas
la racine du mal.
Et cependant n'est-il pas écrit que le Sei-
gneur a fait les nations guérissables, Sanabiles
fecit nationes ())? La parole divine pourrait-elle
manquer de vérité? Nous devons donc demeurer
convaincus que, si lamentable que soit l'état
moral de notre pauvre société, il est encore
susceptible d'une heureuse transformation.
Or, je l'affirme en mon âme et conscience, et
éclairé par l'expérience que Dieu m'a donnée, je
ne vois rien de plus propre à diminuer, à éteindre
même cet affreux antagonisme qui nous dévore,
que la création, en au<si grand nombre que
possible, d'œuvres ouvrières catholiques. Voici
mes preuves.
1° Toute œuvre ouvrière catholique se pro-
pose avant tout, nous l'avons dit, de faire du
travailleur un chrétien convaincu et pratiquant.
Les hommes éminents qui se placent à la tète
de nos associations agissent sous l'impulsion de
cette pensée : que le salut de la société ne peut
venir que de l'accomplissement loyal et éclairé
des commandements de Dieu et de son Eglise;
c'est pourquoi ils saisissent tous les moyens de
faire pénétrer dans l'intelligence de l'ouvrier
les enseignements de la religion : sermons, con-
férences, missions, cathéchismes pour les en-
fauts, pour les jeunes gens des deux sexes avant
et après la première communion, coufessioa
fréquente, associations et confréries, bonnes
lectures, etc., rien n'est négligé pour rappeler
au travailleur sa céleste origine, ses hautes des-
tinées, et asseoir ses convictions religieuses sur
des bases solides.
De l'enseignement catholique qui lui est pré-
senté sous toutes les formes dans nos Œuvres,
il résulte tôt ou tard pour l'ouvrier celte con-
viction : Que le travail est imposé à l'homme
par le Maître souverain, non pas seulement
comme une loi générale qui atteint tous les êtres
de la création, mais comme un châtiment, et
une épreuve qui satisfait en même temps qu'elle
purifie; que les fatigues d'ici bas, enduréesaveo
patience, nous donnent droit pour l'autre vie à
une récompense magnifique et éternelle; que
tout ce qui parait injustice ici-bas, sera par delà
a tombe suraboudammenlréj,'aré; qu'à vrai dire
\. Sap. 1, 14.
LA SEMAINE DU CLERGE
le sort le pi Is digne d'envie dans cette vallée de
misères n'est pas celui du riche, vœ vobis divi-
tihusl mais celui du pauvre et du travailleur,
beati pauperesl etc.. II n'est pas difficile de
comprendre qu'au fur et à mesure que de telles
vérités passent dans l'ouvrier à l'état de convic-
tion, il devient plus souple, plus respectueux,
plus obéissant, plus dévoué.
D'ailleurs, la religion ne lui montre-t-elle pas
sans cesse, pour le soutenir au milieu de ses
durs labeurs, le Fils de Dieu lui-même, Celui
qui a fait le ciel et la terre, tenant en main,
dans l'humble atelier de Nazareth, la varlope,
la scie et le marteau? A cet éloquent souvenir,
comment le travailleur ne se sentirait-il pas
ennobli, et ne se dirait-il pas : Après tout, mon
état n'est pas si misérable, si honteux qu'on
voudrait me le faire croire, puisque j'ai l'hon-
neur d'avoir pour compagnon de travail le Roi
des anges et des hommes?
D'autre part, les personnages émineuts qu'on
voit presque toujours à la tête de nos OEuvres,
et qui pourraient peut-être, à raison de leur
brillante fortune, se croire exempts de la loi du
travail, sentent parfaitement que, pour justifier
aux yeux de l'ouvrier leur doctrine, ils n'ont
pas de meilleur moyen que de donner l'exemple;
et que, si leur position les dispense de manier
la scie et la truelle, il est un autre genre de tra-
vail en leur pouvoir, que le Seigneur exige
d'eux, celui d'uu dévouement continuel aux
intérêts physiques, moraux surtout, de la classe
laborieuse. J'ajoute : leur conviction à cet égard
grandit au fur et à mesure qu'ils se font les
maîtres et les professeurs de l'ouvrier.
2° Si les deux classes qui partagent la société,
la classe ouvrière et la classe aisée, n'ont entre
elles que les rapports résultant de leurs intérêts
matériels, elles se supposeront aisément des
sentiments hostiles. Le riche verra dans l'arti-
san qu'il emploie, non pas un frère qu'il doit
respecter et aimer, mais plutôt un esclave né
pour satisfaire ses caprices et ses passions, dont
il usera et abusera à son gré, et qu'il abandon-
nera quand l'âge ou la maladie l'aura rendu
incapable de travail.
L'ouvrier, de son coté, jalousera facilement
son maitre; il le regardera, non comme un père
qui veut son bien et cherche à le rendre heureux,
mais comme une espèce de petit tyran, contre
lequel sou t'ceur se soulèvra fréquemment, en
attendant qu'il trouve l'occasion de secouer le
joug, comme nous l'avons vu notamment en
1848 et en !S7<.
L'isolement des deux classes, dans le sens que
nous l'entendons, ne peut donc produire d'un
côté que défiance et tyrannie, et de l'autre que
haine et révolte.
Mais si on trouve le moyen de les mettre en
contact fréquent, de telle sorte que l'une, celle à
qui la Providence a départi la fortune et les ta-
lents; se dévoue au bien-être matériel et moral de
l'autre, le feu de la charité ne tardera certaine-
ment pas à fondre la glace des cœurs; l'antago-
nisme diminuera insensiblement, en attendant
qu'il disparaisse tout à fait.
Le riche, qui s'abaissera jusqu'à instruire lui-
même l'ouvrier, à le soigner dans la maladie, à lui
prodiguer ses conseils, s'apercevra bientôt que,
sous l'habit grossier du travailleur, il y a quel-
quefois, souvent même, un cœur d'or, dont les
généreuses aspirations ne demandent pour s'é-
panouir que la culture d'une main amie; et
alors il se sentira porté à l'estimer, il l'aimera,
il s'attachera à lui, comme un père s'attache à
son enfant. Sansdoute,il ne sera pas sans remar-
quer, à coté de précieux sentiments, des instincts
pervers, des misères de toutes sortes; mais ce
spectacle, au lieu de le rebuter, servira à exciter
sa compassion, et lui fera comprendre de mieux
en mieux la nécessité de l'aider, par la parole,
par l'exemple surtout, à se débarrasser de ces
germes funestes.
D'autre part, l'ouvrier, se voyant ainsi l'objet
des attentions et de la sollicitude du riche, se
sentant honoré et aime de lui, ne tardera pas à
le prendre en grande estime, le respectera, l'ai-
mera, et demeurera avec joie à son service.
Or, liâtons-nons de le dire, c'est encore là un
des précieux résultats de nos œuvres ouvrières
catholiques; les directeurs de ces œuvres sont
pour les travalleurs plutôt des pères que des
maîtres; ceux-ci le sentent, et se montrent
généralement [ileins de déférence et de dévoue-
ment à leur égard. L'expérience en a déjà été
faite nombre de fois. Qu'on interroge, par exem-
ple, les directeurs et les membres de nos cerles
catholiques : on ne rencontrera sur les lèvres
de tous qu'une seule et même réponse qui se tra-
duira par ces mots: Dans le personnel dirigeant,
bonté et dévouement ; dans les membres, res-
pect, confiance et soumission.
3° Le riche et le pauvre ainsi reconciliés goû-
teront les nobles satisfactions que l'exercice des
œuvres de charité procure toujours, et à celui
qui les accomplit et à celui qui en est l'objet,
El ainsi ils seront amenés l'un et l'autre à esti-
mer, à aimiT notre divine religion qui, seule,
inspire de tels dévouements. L'homme opulent,
en consacrant ses loisirs, ses talents, une partie
de sa fortune à instruire et à soulager ses frères
moins bien favorisés, sentira combien il est doux
de s'abaisser, de se donner pour celui qui le
premier s'est, fait esclave et à livré sa vie pour
nous racheter; et il se dira : C'est pourtant à la
religion, à la religion qui m'a suggéré l'idée et
le courage de me dévouer, que je dois ce bon-
heur I 0 religion de mon Dieu, soyez bénie 1
1488
LA SESIAINE DU CLERGE
Le pauvre, de son coté, comprenJra que, snns
les admirables enseignements de l'Evangile et
les grâces qu'il répand, le riche ne serait jamais
venu à lui, et que son malheureux fort n'aurait
fkit qu'empirer chaque jour. Lui aussi s'écriera :
0 religion sainte, soyez bénie !
De cette sorte, il y aura de part et d'autre un
attachement plus fort et plus généreux aux
devoirs qu'impose le christianisme ; les âmes se
sanctifieront, la paix serarendue à la société ; la
terre se peuplera de fidèles serviteurs de Dieu,
et le ciel verra se multiplier le nombre des élus.
L'abbé Gab?<ier,
cuié de Bi;lmont
CHRONIQUE HEBDOMACflIRt
Discours du Pape aux pèlerins de Laval; Lestpmps
actuels comparés à ceux où les pliaiisiea^ s'uui-
rent au gouveroement d'alors pour perilreN'otr-e-Sei-
gneur. Tahleau des persécuiions que souffre en ce
momeni l'Kgiise. Confiance en Oieu et peisévérante
revendication des dioUs de la conscience de l'Eglise.
16 septembre 1873.
Rome. — Le discours du Pnpe qu'on va lire,
a été prononcé lejour de la Nativité de la sainte
Vierge, en réponse à l'adresse lue par.fl. le cha-
noine Sauvé, au nom des pi'lerir.s de Laval,
auxquels s'étaient joints d':iutres pèlerins, for-
mant ensemble plus de 300 personnes. Les
pèlerins de Laval ont ollert au Saiul-Pére, au nom
de tout le diocèse, la statue en argent de No-
tre-Dame de Pontmain et 80.00U IVaiics pour
le denier de Saint-Pierre. Voici le discours
du Saint- Père. P. d'H.
« Votre présence, fils bien aimés, en me rem-
plissant le cœur de joie et de consolation, me
rappelle aussi ces premiers jours du chrislia-
nisme, alors que le Fils de Dieu, revêtu de la
nature humaine, vint converser avec les hommes
et fonder sa trcs-sainte religion. En parcourant
les routes de la Judée, il laissait partout des tra-
ces de son infinie charité, répandant de tous
côtés la lumière de sa céleste doctrine et multi-
])liant les prodiges de sa main toute puissante:
Periransiit beiwjaciendo et sanando.
« Les peuples stupéfaits devant ce pouvoir
absolu de l'envoyé de Dieu sur la nature, s'é-
criaient: Propheta muynui surrexil in nobisi
Mais, en entendant les doctrines qui découlaient
de ses lèvres si attrayantes et si persiutsives, ils
étaient transportes de joie et le suivaieut —
même par trrju[ies très-nombreuses — avec tant
d'empressement, de cœur et d'ail'ectioii, qu'ils
a'Iuicut justpi'à mettre en oubli la nourriture et
le repos qui leur étaient nécessaires.
« Une si grande popularité uép'.ut grande-
ment aux hypocrites de ces temps-là, et tous se
mirent à l'œuvre afin de discréditer le Divin
Fondateur près du peuple. Ils prétendaient, en
blasphémant, que tous les prodiges opérés par
lui n'étaient pas son œuvre, mais uniquement
l'œuvre du démon. Par cette calomnie, et par
une foule d'autres de tout genre, ils essaj'èrent
de jeter le doute sur les merveilles qu'il opérait,
afin de lui aliéner le peuple; mais tout fut en
vain. Voyant l'inutilité de leurs efforts, ils pen-
sèrent à s'adresser au Gouvernement, et, unis-
sant ainsi la force à la calomnie, ils parvinrent
à perdre le Divin Rédempteur. Mais, aveugles et
insensés qu'ils étaient! ils ne s'apercevaient pas
qu'ils devenaient les instruments de la Provi-
dence, qui. pour le rachat du genre humain,
avait déjà décidé, dans ses éternels décrets, la
consommation du Grand Sacrifice. Et le Grand
Sacrifice s'accomplit.
« Les apôtres et les disciples furent investis
du pouvoir de faire des miracles ; et, devenus
les propagateurs de cette même doctrine, ils
illuminèrent le monde entier et multiplièrent
d'une façon merveilleuse le nombre des disciples
de Jésus-Christ. Puis ne tarda pas à venir le
moment où la cité déicide, avec tous ses incré-
dules et les perfides pharisiens, fut punie d'une
manière exemplaire.
« De nos jours aussi, Jésus-Christ est persécuté
dans ses ministres et dans sa religion saiote. Les
pharisiens modernes, non contents de persécu-
ter l'Eglise, voudraient, eux aussi, comme les
pharisiens d'autrefois, la voir entiùroment
détruite. A cette destruction s'opposent avec
courage les évèqucs, les prêtres, les peuples. Les
sectaires, les incrédules, les libres penseurs,
voyant l'inutilité de leurs etîorts, ont songé,
eux aussi, à se tourner du côté des potentats et
à leur demander leur appui. Malheureusement
ils n'y ont que trop bien réussi.
« Cette complicité du puissant avec le sectaire
se manifeste en mide manières... Mais je suis en
Italie, et, pour le moment, je parlerai de l'Ita-
lie, parce qu'ici je vois, je dirai presque de mes
propres yeux, les succès de cette ligue perfide
qui, après avoir dépouillé l'Eglise, persécuté ses
ministres, a voulu établir le monopole d"ua
déplorable enseignement tendant à rien moins
qu'à arracher la foi du cœur, a promulgué une
loi qtii rend nou-seuleiueiit ditlicile, mais à pea
près impossible, l'oniiiiatioa des jeunes clercs;
foule aux pieds tous les droits de i'Kgîie. même
ceux ilu sacrement de mariage-, protège t.uis le»
apostats, les rendant uou-seuiement ilc-s pierres
d'achoppement, mais s'en servant aussi comme
de moyens de corruption, taudis qu'elle met
toute sorte d'euipèchemenl au libre exercice de
la saine doctrine. Voilà les fi-uits monstrueux
LA SEMAINE DU CLEHGE
1489
qu'a enfantés l'horrible alliance des nouveaux
pharisiens avec la forte.
<i Et rorame la soif de l'or est la pa?sion qui
est la plus aivleute au cœur de tous les novateurs
politiques et relij^ieux, non contents de toutes
les dépouilles et de toutes les usurpations con-
gomniôes jusqu'ici, ils veulent s'en prendre
maintenant aux administrations de hienf.dsance,
à ces institutions destinées au soula^'emcnl ilc
l'infirme, à l'aide de la jeunesse indif^ente, au
soutien du pauvre, an maintien du jeune
homme voué aux sciences ou aux arts. Toutes
les subventions sont pourtant déjà considérahie-
ment diminui^es, et ont été, en partie, détruites
afln de rassasier li-s désirs sans lin, et <i'apaiser
les réclamations, les aboiements (/«//■«/() des soi-
disant amateurs de la piitrie, qui sont les vrais
sadducéens de nos jours.
« En attendant, i'épiseopatest pris pour point
de mire. Ou chasse les évèques des résidences
qui leur appartiennent, on leur enlève leurs
rentes et ou les livre à tous les caprices du plus
fort. Et ici, remarquez-le, la haine de l'Eglise
et l'amour de l'aiij^eiit s'iniissent étroitement,
afin de mieux caractériser l'instinct et la nature
de la Révolution. La haine de l'Eglise pousse à
chasser de leurs demeures les évèques que le
Gouvernement dit no pouvoir reconnaître comme
tels; tandis que le même gouvernement sait
Lien les reconnaître et les qualitier de leur titre
quan.l il s'agit de frapper de divers impôts les
aumôues qu'ils reçoivent en leur qualité d'évè-
ques.
« Ce lugubre tableau, peint ù grands traits,
s'assombrit toujours davantage, non-seulement
si l'on considère l'abandon complet où se trouve
réduite l'Eglise de Jésus-Christ, A'on est qui
consoklur eam, mais surtout si l'on jette les yeux
sur les puissants ennemis dont elle est assaillie
*t combattue de toutes parts.
« En ell'et, parcourez d'un regard les divers
points du glohle, et voyez les hostilités de tout
genre contre lesquelles l'Eglise est obligée de
se défendre.
« Dans le Nord, un puissant empire qui, par
cou radictioii, se fait appeler orthodoxe, est
toujours ferme et constant — et cela, malheu-
reusement, depuis déjà de longues années —
dans la mise eu pratique de toutes sortes de
moyens qui, à la fin, conduiront à la destruc-
tion du catholicisme dans ce vasle empire.
« L'autre empire, récemment constitué, et
qui se dit ouvertement protestant, emploie tous
ses eti'orts pour faire disparaître la religion ca-
tholique non-seulement de l'empire, mais aussi
de toute la superficie de la terre. El afin d'at-
teindre ce but, il met en œuvre tous les moyens
possibles, et principalement tout ce qu'un fa-
Qatism« iuseusé peut suggérer de plus violent,
de plus âpre, de plus injuste, afin d'arriver à la
destruction tant désirée.
« Dans une répunlique, que l'on appelle des
cantons, se trouve certain gouvernement qui se
fait le perfide imitateur de la persécution alle-
I e.
« Si cet affligeant spectacle, en remplissant
votre cœur d'amertume, vous porto à tourner
vos regards d'un autre côté, eh bien, allons
chercher un peu de soulagement au-delà de
l'Océan, et nous verrons. . . Que verrons-nous
donc? De nouveaux sujets d'affliction et de
larmes. Là, nous verrons dans ces pays où l'Es-
pagne et le Portugal ont planté la foi de Jésus-
Christ, les évèques et les ministres sacrés dans
l'horreur des prisons, victimes sacrifiées à la
haine des francs-maçons, qui repoussent et rejet-
lent toute sorte d'influence catholique. Nous
verrons quelques-unes de ces républiques faire
pompe de leur force en exilant les évèques, en
chassant les religieux, en arrachant de leurs
asiles de paix les épouses de Jésus-Christ et en
s'emparant ensuite du sacré patrimoine de
l'Eglise.
« Si, au milieu d'un délire aussi grand et
aussi général, il surgit merveilleusement une
répablique qui, sous l'Equateur, se distingue par
la rectitude d'esprit de ceux qui la gouvernent
et par la foi inébranlable de son Président,
lequel s'est monti-é de plus en plus chaipie jour
le fils obéissant de l'Eglise, afléetionné à un
point extrême au Saint-Siège, désireux de con-
server dans la République l'esprit de piélé et
de religion, voici que l'impiété se réveille et
considère comme une honte pour la prétendue
civilisation moderne qu'un gouvernement se
consacre non-seulement au bien-être matériel
du |ieup!e, mais sonî<e aussi à joindre à ce bien
matériel le bien des âmes, persuadé que ce
dernier est le vrai bien, parce qu'il regarde
non pas tant le présent qui passe, que l'avenir,
qui est éternel. Les impies, donc, se réunirent
eu un téuebreux conciliabule tiaus une répu-
blique Voisine, et, en valeureux sectaires, ils
vouèrent à la mort le respectable ['résident,
qui tomba sons le ter de l'assassin — du moins
si l'on en croit la voix publique — et tomha
victime de sa foi et de sa chanté chrétienne eu-
vers sa patrie.
« Le musulman aussi, qui, dans les dernières
années, a\ail fait montre de tolérance, libre au-
jourd'hui de tout faire, s'est déclaré le protec-
teur des néo-schismatiques et a retrouvé son
ancienne férocité ajiti-chrétiennc.
« Il semblerait, à la rue <le laat Je fflatix, qca
la faiblesse humaine devrait se sentir à bout de
forces et succomber écrasée sous le poids
énorme de tant de calamités. Mais il ne doit pas
eu être ainsi. Dans les premiers jours du chris-
1190
LA SEMAINE DU CLERGE
tianîsme, l'impiété vit, il est vrai, le succès cou-
ronner ses eflorts; mais l'expansion et la dilata-
tion de la ioi, ainsi que la punition des impies,
consolèrent grandement le cœur des vrais
croyants, qui biîilèrent par les actions les plus
glorieuses et par l'béroïsme de la patience. La
barbarie des tyrans ne parvint qu'à produire ces
martyrs qui resplendissent par millions dans les
cieux, et que nous vénérons sur la terre. Grâce
à ces actions généreuses et à la patience, l'Eglise
put enfin jouir des fruits de la paix.
<; Il en sera de même aujourd'bui ; avec les
mêmes moyens nous atteindrons le même ré-
sultat.
o Oui, lils bien aimés, mettons toute notre
confiance en Dieu; il nous fortifiera, afin que
nous puissions accomplir les œuvres de sa gloire :
Omnia possum in eo gui me confortai. Mettons
doae la main à l'œuvre et faisons en sorte que le
scandale cesse chez les faibles, les craintes exa-
gérées chez les pusillanimes, et chez ceux qui
s'illusionnent, la ûéploratjle et ndicuîe espé»
rance d'un accord cordial.
0 Parlez, oui, élevez la voix pour que l'Eglise
soit libre dans le choix de ses ministres et que
l'on ne suscite pas des obstacles afin d'interdire
aux jeunes lévites l'entrée du sanctuaire. Elevez
la voix pour que l'on fasse justice à l'Eglise elle-
même, afin qu'elle puisse exercer librement son
droit d'enseignement, droit que Jésus-Christ lui
a donné. Elevez la voix afin qu'un frein soit
posé à la licence de la presse, qui est devenue
désormais partout une école d'immoraUté et de
corruption. Parlez, élevez la voix pour que le
droit méprisé soit reconnu et puisse agir libre-
ment.
(( Et toutes ces réclamations doivent être
foites et continuées avec persévérance, opportune,
importune, afin qu'avec l'aide de Dieu ou puisse
obtenir la liberté de l'Eglise. Vous avez sous les
yeux un bel exemple à imiter, celui de Daniel
O'Connell, dont l'Irlande, dans le mois passé, a
pompeusement célébré la vénérable mémoire.
Il n'épargna rien afin d'entretenir, dans toute
sa vivacité, chez le peuple, cet esprit de pétition,
et sa persévérance fut couronnée du triomphe
tant désiré, triomphe qui a presque rendu libre
sa patrie. Avec le concours des premiers pas-
teurs, avec une constance généreuse, et, par-
dessus tout, avec la prière, et grâce à l'interces-
sion de la Vierge immaculée et de tous les
saints, Dieu sortira de son repos et nous con-
solera en exauçant nos suppliques et nos
vœux.
« En finissant, je conclurai comme j'ai
commencé, et je vous dirai que je me réjouis
avec vous de ce que vous êtes venus ainsi en
réunion à Rome, donnant par là un exemple de
cette concorde si nécessaire dans les circons-
tances présentes, et qui cause de sérieux soucSi
à nos communs ennemis. Ce que vous faites est
précisément ce que je désire que tout le monde
fasse, c'est-à-dire de prier en commun et unis
ensemble, de réclamer de concert et de ne
jamais faiblir devant les difficultés, redoublant
d'autant plus de confiance en Dieu qu'elle»
grandiront davantage et deviendront plus sô»
rieuses. Dieu, je l'espère, vousregardera toujours
d'un œil paternel et vous considérera commeles
défenseurs de la plus juste des causes.
« Le Seigneur a protégé, en France, les pre-
miers efforts de cette concorde qui a eu pour
résultat l'obtention de la liberté d'enseigne-
ment. J'aime à espérer que ce triomphe con-
firmera de plus en plus cette iOustre et catholi-
que nation dans l'unité de doctrines avec le
Saint-Siège.
« 0 mon Dieu, exaucez les prières que vous
adressent et que vous adresseront toutes ces âmes
de bonne volonté qui désirent la liberté de
l'Eglise que vous avez plantée et que vous avez
ensuite arrosée de votre très-précieux sang!
Donnez la force, inspirez le courage et la cons-
tance à ses ministres ; maintenez au milieu d'une
grande partie des peuples cet esprit que vous
leur avez inspiré, esprit d'union entre eux et
de soumission à l'Eghse. Vous voyez en ce mo-
ment une députation de ce peuple entourer et
faire couronne à votre indigne vicaire. Bénissez-
le, ô mon Dieu, ainsi que son premier pasteur,
et écartez de votre Eglise les ténèbres des incré-
dules qui l'assaillent, en même temps que les
doctrines des aveugles conciliateurs.
« Bénissez, ô mon Dieu! oui, bénissez la
France, celte généreuse nation; bénissez ses
évêques, bénissez ses prêtres, bénissez ceux qui
la régissent. Avec elle, bénissez aussi l'Italie et
secourez-la au milieu de toutes ses infortunes.
Béuisssez également l'immense famille humaine
qui soupire ardemment pour la paix au milieu
de tant de préparatifs de guerre, incertaine des
grands événements ^ui vont surgir. Toutefois,
de vous seul, ô mon Dieu ! nous espérons la
force et le courage. Vous êtes le médecin, et de
vous seul nous espérons le salut de l'esprit et
du corps, afin de nous unir un jour à vous.
Vous ètee la lumière et vous nous montrerez la
route que .lous devons suivre, route qui con-
duit au ciel et où nous vous trouverons vous-
même, et où vous serez notre récompense. —
Benedictio Lei, etc. ;
Tome VI. — N» 49. — Troisième année.
29 septembre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÈME HOHLÉTIOUE SUR LtVANGILE
DU XXl" DIKANCHE APRÈS LA PENTECOTE
Matth. XVIII. Î3-35.
I. La foi nous enseigne que nous sommes tous
les serviteurs de Jésus-Christ, l'Homme-Dieu
constitué roi de toute la terre, et que nous lui
rendrons un compte rigoureux de la manière
dont nous l'aurons servi : Per serras hujus
hominis régis designantur omnes hommes, quos ad
laudandum se creavit, et quibus legern naturœ
dédit : cum quibus rationem pnnit, quando vitam,
et mores, et acttts singulorum discutit, ut unicv.ique
stcundum qiiod gessit tribuat (1).
En attendant le compte délinitif qui se ré-
glera au moment de la mort, Dieu commence à
entrer en compte avec nous dès cette vie. C'est
dans une heure de grâce, pendant une mission,
un jubilé, un temps pascal, une retraite, que
Dieu nous invite à nous acquitter de ce que
nous lui devons.
Que ne devons-nous pas à Dieu?Ce serviteur,
qui doit à son maître la somme considérable de
dix mille talents, n'est-il pas notre image? Cet
homme n'a pas de quoi payer sa dette : le pé-
cheur n'esl-iî pas également insolvable? Toutes
les créatures réunies ne pourraient jamais arri-
ver à réparer dignement un seul péché. Debitor
decem talcntoruvi est homo, qui conti-a Deum,
multa graviaque commisit peccata, quibus con-
traxit dehitum insoluhile ideoque promeruit œter-
nam damnationvvi {î).
Et, comme il n'avait pas de quoi payer, son
maître ordonna qu'il fut vendu, ainsi que sa
femme, ses fils et tout ce qu'il avait, pour acquitter
cette dette. Chez les Juifs, les débiteurs insol-
vables devenaient les esclaves de leurs créan-
ciers (3). C'était le droit du maitre, et cet ordre
était juste. Le droit de Dieu n'est pas de nous
vendre : nous nous sommes vendus nous-mêmes
au démon, en consentant au péché; le droit de
Dieu, c'est d'exercer sa justice, en nous laissant
aux mains de celui à qui nous appartenons,
non pas jusqu'à l'acquittement de notre dette,
puisque cet acquittement est impossible; mais
pendant toute l'éternité. Cette sentence, Dieu
ne cesse de nous la répéter ; avant le jour où
elle s'exécutera impitoyablement, acceptons- la
comme l'effort de sa tendresse et l'appel de sa
1. Bem'ig. in Caten aur.
2. Klofutay. io Matth.
S. Exod,, xxu, 3 ; Lev. zxv, 36.
miséricorde. Nous n'en sentirons pas les ter-
ribles effets, si nous en faisons l'objet ordinaire
de nos méditations, si surtout, comme le servi-
teur de noire Evangile , nous nous jetons aux
pieds de notre maitre pour implorer sa patience.
La patience! oli ! quel touchant attribut de
notre Dieu! comme il le manifeste depuis six
mille ans à l'égard de l'homme! Mais souve-
nons-nous que Dieu n'est patient que parce
qu'il est éternel ; il attend parce que l'éternité
sera toujours assez longue pour punir, et que
le châtiment sera d'autant plus sévère qu'il
aura été plus difTéré. La patience divine ne doit
donc n'être jamais un motif pour retarder la
conversion : Dieu ne nous a pas dit l'heure où,
sa patience étant poussée à bout, il viendra
dans sa justice.
Dieu est encore patient parce que les mérites
infinis de Jésus-Christ son fils servent de contre-
poids à nos crimes. C'est en considération de
ces mérites qu'il attend avec une telle longa-
nimité et que, touché de compassion, il laisse
aller le pécheur et lui remet sa dette. Le serviteur
insolvable ne demandait que du temps ; tout
lui est remis, et, des pieds de son maître, il se
relève entièrement libéré. Vide autem divini
amoris superabundantiam : petit servus soliut
temporis dilationem, ipse autem majus eo quod
petit dédit et dimissionem, et concessionem totius
mutui {\).
II. A une si grande générosité Dieu met une
condition, c'est que vous-mêmes vous pardon-
nerez. Ce serviteur ne fut pas plutôt sorti que,
rencontrant un de ses compagnons qui lui devait
cent deniers, il le prit à la gorge, et l'élouffait
presque en lui disant : rends-moi ce que tu me
dois. Quelle difléreuce entre Dieu et les hommes!
un pécheur s'humilie devant Dieu et obtient
tout de sa miséricorde, un homme s'humilie
devant uu homme et n'obtient rien que des
outrages ! C'est après de grandes grâces reçues,
en sortant, pour ainsi dire, des bras de Dieu
qui nous a tout pardonné, qu'à l'égard de
notre père, nous nous montrons impitoyables.
Nous qui traitons notre Dieu aveo ua laisser-
aller révoltant, nous exigeons pour notre petite
personne tous les hommages et tous les égards;
nous ne savons rien soufinr et nous ne voulons
rien pardonner. Cet orgueil et cette dureté
excitent l'indignation du ciel et de la terre.
Les autres serviteurs, voyant ce qui se passait, en
1. Chrjreost. in Matth,
1496
LA SEMALNE DU CLERGE
furent extrêmement affligés et vinrent avertir leur
maître. Quel spectacle pour les antres et les
vrais serviteurs de bieu! ils voient un homme
couvert lie ;i»."i!liés, incapable de çalisfaire,
obtenir grâce devant Dieu, et ils voient Dieu
abaissé dans sa créature, Jésus-Ch^i^t dans un
de ses niemlires demander à cet homme une
grâce infiniment moindre et ne rien obtenir!
Méchant cerciieur ; tout à l'heure malgré ses
dettes immenses et ses prévarications, il n'en-
tendit pas ct'tîe dure parole ; elle n'est ijue le
châtiment merilé de son ingratitude... ne fallait-
il pas que vous eussiez pitié de votre compagnon,
comme f ttVdis eu pitié de vous? Comparez vos
dettes envers moi avec ce que vous doit votre
frère ; rappelez-vous que, non content de vous
faire nn précepte du pardon des injures, je
vous en ai donné rcxem(>!e, et ne soyez pas
surpris de ma colère qui vous livre aux exécu-
teurs de ma jnstice jusqu'à l'entier acquitte-
ment de votre dette. Souvenez-vous que cette
colère est celle d'un Dieu, que ces exécuteurs
de ma justice sont les démons, que le supplice
qui vous attend est le feu de l'enfer et que le
terme du payement est une éternité qui n'a
point de terme.
C'est ainsi que vous traitera mon Père céleste,
si chacun de vous ne pardonne à son frère du fond
du cœur. Qui ne se réveille point à ce tonnerre,
dit saint Augustin, ne dort point, mais est
mort (1). Remarquez cette parole : du fond du
cœur. C est dans le cœur, ce n'est pas sur les
lèvres que doit être le pardon. Une apparence
de réconciliation pourra peut-être tromper les
hommes, mais ne trompera jamais Dieu, Ideo
Dominusaddidit : de cordibus vestris, ut omnem si-
mulationem fretœ pacis averteret (2). Quelque dif-
ficile que soit à la nature cette obligation de
]iardonuer, souvenons-nous que notre salut en
dépend... Nous sommes pécheurs (car voilà
toujours où il en faut revenir), et pécheurs en
toutes manières. Comme pécheurs, nous avons
un besoin infini que Dieu nous pardonne. Par-
donnons et espérons tout de sa miséricorde
dans le temps et dans l'éternité bien-heu-
reuse (3). L'abbé Herman,
curé de Festubert.
LITURGIE
CES BÈGLES A SUIVRE DANS LE CULTE DES
SADiTES REI.IIJUES.
(IS* article.)
VIII. — Meliques dans la croix pectorale.
La croix pectorale est un des insignes paiti-
1. Enthirii.
2. Hieron. in Slalth.
3. Bourdaloue, serm. sur le pardon des iaioTts
culiers da la dignitécpiscopale, hien que, comuie
nous allons le voir, elle puisse être accordée et
l'ait été déjà en fait â quelques diL'nités in fé-
rieures. Régulièrement, cette croix renferme des
reliques, et c'est cette raison qui nous en fait
parler ici.
L'usage de porter des croix suspendues au
cou est fort ancien, mais il n'en est pas de
même de la règle cjui a fait de la croix pectorale
un ornement spécial aux évèques. Le docte car-
dinal Doua en a parlé ainsi : « Les savants ont
écrit des volumes considérables sur le signe de
la croix, la vénération qui lui est rendue et
l'usage que l'on en fait, ainsi que sur les petites
croix que les fidèles avaient coutume, dès les
premiers temps de l'Eglise, de suspendre à leur
cou, pour leur servir en quelque sorte d'amu-
lettes. Mais tous les écrivains qui ont traité des
rites de l'Eglise, tels que Alcuin, Amalaire, Stra-
bon, et même d'autres plus modernes, n'ont
rien dit de la croix garnie de reliques des
saints, que nous appelons croix pectorale, parce
qu'elle se porte suspendue sur la poitrine, et à
laquelle les Grecs donnent le nom de ivxbXmov,
parce qu'elle est placée sur le sein. Bien que
tous les ornements pontificaux soient énumérés
dans la messe d'IUyricus et dans celles que
Ménard a éditées il n'y est fait aucune mention
de cette croix ; ce qui donne à penser que ce
rite n'est pas très-ancien. Je sais bien que quel-
ques-iuis voient une allusion à cet usage dans
ce vers de saint Grégoire de Nazianze.
Kamqve crucem in membri» meiioqut m corpon gttio (1),
Mais, si l'on examine avec soin le contexte, on
verra que ce passage ne peut s'appliquer à la
crois que l'évèque porte suspendue sur sa poi-
trine en célébrant; car l'usage de porter la croix
sur soi était commun à tous les chrétiens, y
compris les laiqpies et les femmes, ainsi que
l'ont abondamment prouvé les écrivains qui
ont traité de la croix. C'est à cet usage que
se rapporte le tait, que cite Barouius (2), de
l'envoi que fit Nicéphore de Conslantinople à
Léon in, d'un àvxbXitiov en or, renfermant des
l>arcelles du bois de la vraie croix. Selon cet
auteur, ce nom désigne une croix pectorale du
genre de celle dont nous parlons 11 invoque à
Tappui de son sentiment le témoignage du hui-
tième concile œcuménique. Dan? -.'action cin-
quième de ce concile, Elie, vicaire du siège
opiseopal de Jérusalem, raconte son arrivée dans
la cité royale et de quelle manière l'empereur
le reçut avec ses compagnons.» L'empereur, dil-
« il, nous mit au con son ltri>\r.toi et nous dit :
\. Carra. XI.
2. Adann. 811.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1491
< Qu'nmsi, an jour du jurrnmr'iit, Dieu vous
« soumette auin'rt'meut de l'Edise au péril de
« vos tètes. » Pour mni, je ne vois pas comment
ou peut courlurc lU Vi, que la erois pectorale
f'tail uu iiiS'iîiie épiscopal, car c'est l'empereur
!;ui l'imposa, et Eli.,- était prêtre et non évèque,
et de plus, comme le, prouve manifcslemenl le
contexte, il ne s'a^'it pas ici de 1 1 croix que le
pontife porte suspeiidue sur sa poitrine lorsqu'il
va remplir ses fondions sacrées (I ).
Le cardinal fîona, tout en constatant que l'usage
de porter une croix suspendue au cou remonte
à l'oriç;iue mi'me de rÈu;liso, et aussi que celui
d'insérer des reliques <iaus ces sortes de croix
est fort ancien, bien que ranius i^i^uéral, estime,
ainsi qu'on le voit, que la croix pectorale n'a
été considérée comme un insif,'ne épiscopal qu'à
une époque relativement moderne, sans la dé-
terminer.
Catalani nepirla2;e pas ce sentiment, et nous
allons voir quelles sont Sc'S raisons. Tout ce
<[u'il a écrit tonchiiit la croix pectorale ren-
fermant des reli<pu'S, et qui se trouve dans son
comi^nntaire sur le Poiitificd romain, a été
inséré par Ganlellini dans une noli^ ajoutée par
lui à la cause d'Imola, u" 46i0 de sa collection.
Le chapitre d'imola, déjà comblé de faveurs par
le Saint-Siépje, demandait, en outre, pour tous
ses membres, la facult'^ de porter chaque jour
une croix pectorale. Cette distinction, accordée
plusieurs fois auparavant et fréiyucmment de-
puis à d'autres chapitres, lui fut refusée par
une décision de la GonL»ri>i;atiou des Rit^^s
du 27 septembre 1828, confirme par Léon XII
le 1" octobre suivant. C'est à ce sujet que
Gardcllini écrivit une note importante où nous
prenons tout ce qui a trait à la croix pecto-
rale. Nous ne rcfjfrettons pas que la question
spéci.de que nous avons à traiter se trouve ainsi
un peu étendue.
« .le n'ignore pas, dit notre auteur, que l'usa^ço
de la croix pectorale n'est p;L< un attribut telle-
ment propre aux évèques, qu'il ne puisse, par
grâce, être acrordé à quelques autres ecclésias-
tiques constitués en dit-nilé et môm(! aux
dii^nités et aux chanoines d'une église métropo-
litaine ou cathédrale, ainsi qu'à certaines col-
légiales des plus insignes. Cependant, il est
expédient que ces concessions suieat faites avec
précaution et après avoir examiné toutes les cir-
constances, de peur qu'en muUiiiliant à l'excès
les distinctions honorifiques, ou ellace presque
aux yeux du peuple, la distance ([ui sépare les
chanoines de l'évèipie, et que l'honneur qui
appartient à celui-ci ne paraisse en quelque ma-
nière diminué. C'est po\iriiuoi l'église d'Imola
étant déjà enrichie de privilèges nombreux, et
particalièrement de l'usage des pontificaux, il
1. Bona, Rerum lilurq., lib. I, cap. xxrv, num. 10.
.u'est pas étonnant que la sacrée Congrégation
lui ait refusé un autre insigne honorifique, sa-
voir la faculté de porter chacp? 3 jour la croix
pectorale, afin qu", au moins' 'i ce qui regarde
cette décoration extérieure, il înt bien reconnu
que l'cvèque seul a le droit de porter cet insigne
exclusivement à tout antre.
» Et parce que j'ai eu à parler inciilemment
de la croix pectorale, qui, comme je l'ai dit,
n'appartient pas tellement en propre aux évè-
ques, que l'usage n'en puisse quelquefois être
accordé, avec les restrictions et les conditions
convenables, à d'autres personnes constituées
en dignité, il m'a paru bon, dans un intérêt
d'érudition, d'ajouter ici la dissertation que le
très-docte Catalani a insérée tort à propos sur
ce sujet dans ses Prolégomènes au Pontifical
romain, ch. xm.
« Personne (c'est Catalani qui parle) n'a pu
jusqu'ici constater suffisamment si, dès les pre-
miers siècles, les évèques étaient dans l'usage
de porter suspendue au cou une croix renfer-
mant des reUques des saints et que nous appe-
lons la croix pectorale. L'Eminentissime cardinal
Bona et André du Saussay ont conclu, du pro-
fouil sileuce gardé sur ce point par les anciens
écrivains, que ce rite ne remonte pas bien haut.
Je ne puis me ranger à ce sentiment. En effet,
ainsi que l'affirme et le démontre Thomassin,
dans la première partie de sa Discipline, liv. II,
ch. Lviii, num. .4, dès l'antiquité la plus reculée,
presque tous les chrétiens, soit de l'Orient, soit
de l'Occident, avaient adopté librement et sous
kl seule inspiration de leur piété, l'usage de
porter, suspendue au cou, une croix renfermant
ou du bois mèaie de la vraie Croix ou des saintes
reliques. Il n'est pas douteux, dès-lo.'s, que,
non-seulement les évèques, mais aussi les clercs
aient aussi porté cette croix. Dans l'ouvrage
qu'il a publié sur la croix, Gretser prouve lon-
guement et avec beaucoup d'éruditiou que les
premiers fidèles étaient toujours munis de la
croix. Pour ce qui est des évèques, nous avons
un témoignage précieux dans un passage du livre
De la gloire des muiiyrs, de saint Grégoire de
Tours, liv. Il, ch. .\i. Il dit en cet endroit qu'il
avait porté au cou une croix en or, qui renfer-
mait des reliques de la sainte Vierge, des saints
Apôtres et de saiut Martin, et ilont il se servit
pour arrêter un incendie <iue l'on n'avait pu
éteindre avec de l'eau. « Alors, dit-il,^ tirant la
1) croix de ma poitrine, je l'élève en l'opposant
I) au feu, et aussitôt la préseJice des saintes
» reliques ôta au feu toute st>.L activité, et il
I) tomba comme s'il n'eut point été allumé. » A
la suite de l'homassiu, l'illustre Dominique
Georges rapporte d'autres exemples semblable»
dans sou traité De la liturgie du Pontife romain^
liv. I, ch. XIX.
1498
LA SEMAirCE DU CLERGË
» 11 faut convenir que, bien que l'on puhse
citer en exemple un grand nombre d'évêqaes
qui ont observé cette coutume, comme néan-
moin'? les premiers sacramcntaires et surtout les
anciens liturgistes qui ont traité des ornements
sacrés des pontifes et des autres ministres, tant
en Orient qu'en Occideul, pour en exposer les
significations mystiques, n'ont jamais touché la
question de la croix pectorale, c'est une preuve
qu'elle ne fut alors adoptée en vertu d'aucune
loi ou d'une coutume générale, en sorte que,
dans le cours du xiii" siècle, les évêques
étaient libres de porter ou de laisser la croix
pectorale. En effet, Durand de Mende, qui vivait
à cette époque, dit dans son Pontifical : « Les
« vêtements sacrés nécessaires à l'évèque sont
« les suivants : les bas, les sandales, l'amict,
« l'aube, la ceinture avec \esubcinclcrium, qui a
« la forme d'un manipule et est suspendu à la
« ceinture, du côté droit, la croix pectorale, si
« l'on veut en faire usage, l'étole, la tunicelle. la
« dalmatiqiie, etc. » Dominique Georges, déjà
cité, dit avec raison, à la fin de l'endroit indi-
qué, que les pontifes romains, qui portaient
depuis longtemps la croix pectorale, l'avaient
inscrite parmi les ornements particuliers aux
évèques.
« Il n'est pas douteux que. dès une époque
fort reculée, les pontifes romains ont porté la
croix pectorale. Joseph Viscontil'afârmeavecas-
surancedans son traité /?e/«îss£7a/)/)ara^u,lib. IV,
cap. XXX, de môme que Thomassin, au num. 4
de l'endroit précédemment cité, et tous deux
tirent la preuve de l'usage de la croix pectorale
garnie de reliques des saints de la vie du pape
saint Grégoire écrite par le diacre Jean. Eu
effet, cet auteur énumérant, liv. IV, ch. vni, les
vêtements sacrés dont était couvert ce pontife
lorsqu'il fut transporté à son tombeau, dit que
les fidèles témoignèrent une gran<le vénération
à ses phylactères. Or, cet auteur démontre dans
le mêraeendroit que, sous ce nom de phylactères,
est désignée la capsule renfermant des reliques
qui était suspendue au cou du pape. Saint
Gré:joire lui-même fixe le sens de ce mot, en
l'appliquant à une croix garnie de rehques et
renfermant particulièrement un fragment de la
très-sainte croix de Jésus-Cl.rist, ainsi qu'on peut
le voir dans sa lettre à Théodelinde, reine des
Lombards, où il dit : « Nous avons eu soin de
« transmettre à notre très-excellent fils le roi
• Adelvald des phylactères, c'est-à-dire une croix
« contenant du bois de la croix sacrée de Notre-
« Seigneur, et un exemplaire du saint Evangile
« renfermé dans un coffret somptueusement
« décoré, n
Dans les siècles suivants, la croix pectorale
devint l'ornement spécial de l'évèque de Rome,
•insi que le montre clairemeat laaoceat lil,
dans son traité Des int/slères de la messe, liv. I,
ch. tni. Expliquant le sens de chncun des or-
nements dont le pape est revêtu à l'autel, il dit
que la lame d'or, que le souverain Vontife de
l'ancienne loi avait seul le droit de porter, est
remplacée par la croix suspendue au cou par
une petite chaîne, et qui est elle-même une sorte
de lame appartenant en propre au Souverain-
Pontife de la loi nouvelle. « Parce que, dit-il, la
« lame d'or a cédé la place au siijue de la (Toix,
« au lieu de la lame que le pontife ancien portait
« sur le front, le Pontife nouveau porte la croix
a sur la poitrine. La raison Ai' ceci, c'est que le
n mystère qu'exprimait la lame d'or pesant
« quatre livres est expliqué par les quatre par-
« ties dont se compose la forme de la croix, selon
« cete parole de l'Apôtre : « Afin q><e vous com-
« preniez, avec tous les saints, quelle est la Ion-
« gueur, la largeur, la hauteur et la profondeur.
« C'est pour cela que le Pontife romain se place
a sur la poitrine une croix passée dans une petite
i chaîne et suspendue à son cou, pour signifier
« que le mystère que l'ancien pontife présentait
« écrit sur son front est renfermé dans le cœur du
a pontife nouveau ; car il faut croire de cœur
pour être juitifié. mais, pour être sauvé, il fjul
« confesser de boiicke sa foi. » Ainsi parle Inno-
cent ill, dont les paroles ont été presque littéra-
lement transcrites par Durand de Meude dans
son Rational, liv. III, ch. ix, où il ajoute cette
observation, que le Souverain-Pontife se place
la croix sur la poitrine, pour exprimer en acte
ce que dit saint Paul dans sa première épître aux
Corinthiens, ch. vi : Glorifiez et portez Dieu en
votre corps. Durand note encore qu'eu s'impo-
sant et en quittant sa croix, l'évèque la baise^
pour marquer qu'il croit et confesse la passion
de Jésus-Christ, dont la croix est le signe, et
qu'il se prépare à la représenter dans la célé-
bration de la messe.
« Des auteurs pensent que les évêques grecs
ont porté la croix pectorale, qu'ils appelaient
hv.QXr.im. Ce point n'est pas suffisamment établi,
et môme beaucoup de savants auteurs le nient.
Les représentants des patriarches orientaux arri-
vés à Constantinople pour assister au huitième
concile œcuméuique, ont, il est vrai, attesté que,
dans la première audience qu'ils obtinrent de
l'empereur, ce prince leur mit au cou la croix
qu'il portait suspendue sur sa poitrine, pour
leur certifier qu'il ne recherchait et ne voulait
poursuivre autre chose que le bien de l'Eglise.
« Il nous mit au cou, dirent-ils, son Jvx'oXtiiov, et
« nous dit : o Qu'ainsi, au jour du jugement,
« Dieu vous soumette au jugement de l'Eglise. »
Ces paroles sont consignées dans la cinquième
af lion de ce concile, et Anastase le Bibliothé-
caire remarque à ce sujet que les Grecs portent i
coutiuueikzaout sur la poitrine une crois <iui
LA SEMAINE DU CLERGÉ
■1499-
rènlerme toujours quelque parcelle de la vraie
Croix ou d'autres reliques, et que les Grecs
appellent cette croix ImAmo-j. « Ou appelle
a Imoln.oi, dit-il, un objet que l'on porte sur le
« sein; car le mot grec zoXzo; se rend eu latin
<i par sinus, (/est la coutume des Grecs de porter
« sur la poitrine, et suspendue au cou, une
« croix renfermant du bois précieux de la vraie
« Croix ou des reliques des suints, o
On ne peut pas tirer de ce fait un argument
valable pour démontrer que \'lT/.h\moi était alors
un insiiçue épiscopal; car, en premier lieu,
Elie, vicaire du siège de Jérusalem, qui, en ra-
contant son arrivée dans la cité impériale et la
réception que fit l'empereur à lui et à ses com-
pagnons, dit : « H nous mit au cou i'IvzbXjctûv,
etc.,» n'élait pas évêque, mais simple prêtre;
en troisième lieu, Gretser, dans son traité De la
croix, liv. If, ch. xxxiv, remarque, et après lui
André du Saussey reconnaît dans sa Panoplie
épiscojjale, livr. IV, pag. 299, que le mot
ivxbXniov ne se trouve ni dans le texte grec de
l'action cinquième dont il s'agit, ni dans la ver-
sion latine, mais qu'on y lit lia'iaop», mot qui
signifie humerai ou surhuméral. Georges con-
firme celje observation dans sa Liturgie du Pon-
tife romain, liv. I", ch. xix. Enfin, en quatrième
lieu, on essaye inutilement d'appliquer ce texte
à la croix pectorale des évêques, puisque, comme
le prouvent longuement les auteurs qui ont
écrit sur la croix, la coutume de porter la croix
#tait commune à tous les chrétiens, et taainte-
nant encore, elle est particulièrement conservée
par les femmes riches, qui, plutôt par vanité
qu'en témoignage de leurs sentiments religieux,
portent suspendue au cou une croix ornée de
{lierres précieuses. Au reste, pour ce qui est de
a croix (pie nius appelons pectorale et que les
évêques latins portent habituellement, l'usage
de la bénir s'est introduit depuis quelques siè-
cles, et il y a, dans la seconde partie du Ponti-
fical romain actuel, le titre De bened'ctione crucis
pectoratis. Voyez ce que nous en disons dans le
commentaire de ce titre.
a Le même Catalani a mis la noie suivante au
titre quatorzième de la seconde p;irlie du Pon-
tifical, titre ainsi iormulé: De benedictionc crucis
pectoralis.
« Nous avons déjà traité longuement de la
croix pectorale des évêques dans le premier
tome de cet ouvrage, au treizième des Prolégo-
mènes, où nous avons donné quelques rensei-
gnements sur l'origine et l'usage de cette croix,
non-seulement chez les Latins, mais aussi chez
les Grecs. Pour ce qui est de la bénédiction de
la croix pectorale, je ne trouve rien sur ce sujet
dans les premiers Pontificaux manuscrits, rien
absolument non plus dans les anciens auteurs.
Le préseuf titre ne se rencontre pas même dans
les Pontificaux imprimés avnnt Clément VlJT.
Après le titre De la bénédidion d'une croix
nouvelle, vient immédiatement, dans ces livres,
le titre De la bénédiction d'une image de ix
bienheureuse Vierge Marie. Or, ainsi que nous
l'avons remarqué ailleurs, il est clairement
établi par le Pontifical de Durand de Mende,
que de son temps, c'est-à-dire au xiu° siècle,
les évoques portaient bien la croix pectorale,
mais sans qu'elle fût rangée encore parmi
les ornements propres aux évêques, qui avaien*,
la faculté de l'adopter ou de la laisser. Il est
certain néanmoins qu'au xiv" siècle, non-seu-
lement la croix pectorale était comptée au nom-
bre des ornements particuliers des évêques,
mais encore que, lorsqu'ils la prenaient en se
préparant à célébrer la messe, ils prononçaient
cette formule, consignée dans un Missel romain
des Frères Mineurs, qui fait partie de la biblio-
thèque Vaticane, sous le u° 5743 : « Nous ado-
rons votre croix. Seigneur, et nous faisons
« mémoire de votre glorieuse passion. Ayez
« pitié de nous, vous qui avez soulïert miséri-
« cordieusement pour nous. Ainsi soit-il. »
« Quoique le présent titre De benedictione
crucis pectoralis, c'est-à-dire de la bénédic-
tion de la croix que les évêques portent
suspendue au cou, paraisse avoir été ajouté par
Clément VIII, puisqu'il ne se trouve dans au-
cun des Pontificaux imprimés avant le règne de
ce pontife, l'autre titre (I) n'est pas aussi récent,
puisqu'il existe non-seulement dans les Ponti-
ficaux imprimés, mais aussi dans le Pontifica 1
manuscrit de Guillaume Durand, qui vivait au
XIII» siècle, et dans d'autres il est ainsi couçu :
De benedictione et immsitione crucis proficiscen'
tibus in subsidium et ae/ensionem fidei christiance,
seu récupérât ionem Terrœ sanclœ. Ce titre est le
vingt et unième, suivant l'ordre établi dans la
seconde partie du Pontifical romain actuel. Il est
donc certain, d'après notre rubrique [-2), que le
Pontife peut se servir, pour la bénédiction de la
croix pectorale, de la formule du titre] vingt et
unième. »
Gardellini reprend : « Tout ce qui précède dé-
montre que, :: partir du xia" et du xiv° siècles,
la coutume a prévalu pour les évêques de por-
ter la croix pectorale, s'ils le voulaient. Cette
coutume est devenue commune et a passé en
règle, lorsqu'on eut inséré dans le Pontifical
romain le titre de la bénédiction de la croix
pectorale, qui est mise au nombre des orne-
ments pontificaux. Il suit de là que la croix pec-;
1 . Voici en entier le titre XIV : o Pour bénir la croix
pectorale, le Pontife peut se servir de la formule indiquée
pour la bénédiction de la croix donnée à ceux qui partent
au secours de la Terre-Sainte, et qui est placée plus
l(>in, n C'est cette bénédiction que désigne ici Catillam.
2. Celle nue nous venons de donner en note.
1500
LA SEMAINE DU CLERGÉ
torale appartient tellement aux évêqnes, que
les ecclésiastiques d'un ordre inférieur ue peu-
vent se l'atiiibuer, si ce n'est eu vertu d'un
privilège. Ce privil(''g:e n'est acconlé que rare-
ment, poar des motifs raisonnables, et la con-
cession est environnée de certaines précautions.
Il n'est do^-'.c pas étonnant que lu sacrée Congré-
gation cics Rites ait répugné à accorder ce
nouvel insigne au chapitre de l'église calhé-
drale d'imola qui le demandait. Ce cliapitre
ayant été déjà comblé de tant d'autres privilèges,
les chanoines et les dignités ayant obtenu, eu
particulier, l'usage des pontificaux, il n'a pas
paru convenable d'ajouter encore la distinction
de la croix pectorale, qui les aurait rapproches
davantage encore, pour l'extérieur, des hon-
neurs propres au pontificat, et aurait amoindri
la diynité cpiscopale en proportion de ce qu'on
lui aurait emprunté pour l'ajoutera tout ce que
possédaient déjà les dignilaii'es et les chanoines
composant le chapitre. »
La note de Ciardellini nous donne à entendre
que le chapitre ù'Imola sollicitait le privilège de
porter une croix pectorale semblable à celle des
évêques, telle que celle qui est accordée, par
exemple, aux protonotaires apostoliques, lors-
qu'ils célèbreui pontificalement. La raison qu'il
donne pour expliquer le refus de la Congréga-
tion des Rites est excellente. Depuis ce temps,
nombre de chapitres ont obtenu l'autorisation
de porter une croix pectorale ; mais il ne peu-
vent user de cette décoration que pendant les
offices capiiulaires, en la mettant sur le costume
canonial, et non en dehors ; ensuite la forme
de cetie croix n'est point celle de la croix que
portent les évêques, elle n'est point déterminée
et varie suivant les lieux, en torle que la con-
fusion n'est plus jiossible. Déplus, ces croix pec-
torales ne renferment pas de reliques, et si elles
différent déjà de la croix épiscopale par leur
conformation extérieure, elles s'en distinguent
encore par cette autre diûerence considérable,
quoique inseus ible. Ajoutons que ces croix sont
portées stispnii'ucs, non point par une chaîne,
comme celles des évêques, mais par un ruban
dont la largeur et la couleur sont exactement
précisées dans les brefs de concession.
Dans nos recherches sur l'antique coutume
de garnir les croix de reliques, nous avons
trouvé la description d'une croix fort remar-
quable qui éliiil autrefois conservée dans l'église
de Mayeuce, et qu'on lira sans doute .avec io-
térét. La voici telle qu'elle est donnée par l'é-
vêque Conrad dans Vi Chrnnique dj Mayence,
année 1360 : « v* y avait encore une autre croix
toute recouverte -ie l'or le plus lin et portant
une image en or du Christ crucifié. Cette image
dépassait en hauteur la taille moyenne d'un
homme, elle était creuse, mais fort épait&e; «t
l'intérieur était rempli de reliques et des pierre* • ;
les plus précieuses. On disait que l'empire ro-
main n'en posséJait pas d'une plus grande va-
leur. Ce crucifix pouvait se démouler membre
par membre, aux jointures : d'abord au talon,
aux genoux, aux cuiss'^Sj aux épaules, aux
coudes, aux mains, au cou, c'est-à-dire aux
endroits par où ces membres tiennent au corps.
Le reste du corps, savoir le dos et la partie an-
térieure, était assemblé de la même manière, et
l'on avait imaginé cet agencement pour pouvoir
renfermer plus commodément et pins sûrement
le tout dans un coÛVe fait exprès. On exposait
rarement cette croix, et seulement en la pré-
sence d'un roi ou d'un autre prince du premier
rang, et aux fêtes de l'âques, et il fallait un
ordre de l'évoque. Lorsqu'on devait faire cette
exposition, des ministres digues de toute con-
fiance plaçaienl la croix sur une sorte de pou-
tre qui se trouvait en un lieu très-élevé de
l'église, où nul autre n'avait accès. On voyait
dans la tète de cette image, à la place des yeux,
deux de ces pierres précieuses que l'on appelle
des escarboucles, comparables pour leur gros-
seur à deux jaunes d'eeuf, et qui bi illaient dans
l'obscurité. La croix portait en inscription le
vers sidvant :
Âuri sexcentas habet hœc crux aurea libras,
dont voici le sens : « Il y a dans cette croix d'or
six cents livres de ce métail. » Notez qu'une
livre équivaut à deux marcs d'or. Le poids
total montait donc à douze cents marcs d'or
très-pur. Je ne dois pas omettre de dire que la
valeur exceptionnelle de cet or éprouvé dans la
perfection avait fait donner à cette croix un
nom propre, et elle s'appelait Bmnn. »
Cette croix qui avait été faite par l'ordre et
sous la direction de l'archevêque Willégise, fut
vendue par parties dans la suite.
Nous avons à peine besoin d'ajouter que la
croix pectorale que portent les évêques, et qui
est accorclée par privilège à quelques prélats
d'un rang inférieur, devant surtout leur servir
dans les fonctions pontificales et étant devenue
dès lors un ornement liturgique, elle ne doit
renfermer que des reliques d'une authenticité
certaine. Toutes celles qui n'ont pas ce carac-
tère, lors même que l'on aurait de très-graves
raisons de penser qu'elles sont de vraies re-
liques, sont exclues du culte public.
{A suivre.) P. F. Ecaile,
professeur de théolo^<^
LA SEsiAK-sE DU CLKRGÉ
lôOl
LÉGISLATION
Exposition des motifs et des tr.wcirES qui ont
SERVI DE BASE A LA LOI RELATIVE A LA LIBERTÉ
DE l'enseignement SUPÉRIEUR.
(Suite.)
Après cinq mois de longue attente, dans la
séance du 28 mai 1875, Mgr Dupanloup de-
mande vivement à l'Assemblée de mettre enfin
un terme à tous les injusliiiables délais que ce
projet do loi a suliis, et an décréter ainsi la
mise à l'ordre du jour de sa seconde délibéra-
tion, interrompue dans la séance du 22 dé-
cembre 1874.
M. Laboulaye explique les retards de la
commission ; il dit que, s'ils peuvent paraître
extraordinaires, il est pourtant faoils de les
comprendre. Il rappelle que cinq ministres de
l'instruction publique se sont succédés pendant
la durée des études de la commission ; chaque
ministr.! lui a naturcllemeat apporté ses vues
et ses idées, de sorte que son travail a été un
peu la toile de l'énélope.
n ne croit pas avoir besoin, au reste, de jus-
tifier la commission ; elle met à son œuvre tout
le zèle possible, mais elle ne pourrait, avant
huit ou dix jours, apporter son travail. M. le
vice-président du conseil vient à déclarer, en
l'absence de M. le ministre de rinslruction
publique, que le gouvernement ne fait aucune
objection à la discussion immédiate ; et l'assem-
blée décide conséquemmentquela continuation
de la deuxième délibération soit placée à son
ordre du jour, à la suite des projets qui y sout
inscrits.
Huit jours après, le 5 juin, M. Laboulaye,
venant à la trihune, observe qu'il a paru néces-
saire à la commission, au moment d'arriver
aux détails de la loi, d'exposer à l'assemblée
par quelles pbuses elle a passé, et comment,
dans un intérêt de concorde, elle a admis cer-
taines modifications à son premier projet. Dans
son brillant rapport verbal, il fait mention des
garanties que le ministre actuel de rinslruction
publiijue a trouvées satisfaisantes : vingt-cinq
ans, un grade universitaire et un stage.
La commission peut accepter la garantie de
l'âge de vingt-cinq ans, parce que demander
qu'un homme ait vingt-cinq ans pour ensei-
gner, c'est demander, en quelque sorte, qu'un
homme ait achevé son éducation.
Quant à la garantie du grade et du stage, la
commission ne p'«nt y adhérer : il dit que s'il
s'agissait uuiquementde professeurs des futures
université,, libres, établies en concurrence de
l'Université de rEtat,onpourrait,san6dif0cullé,
admettra celte garantie, parce qu'il serait
juste que tout soit égal entre les concurrents.
Mais la commission vent la lib'rl^ pour tous;
elle veut établir la liberté des ceuis, qu'elle
réclame au nom même de la liberté indivi-
duelle.
La commission, dit-il, s'est demandé si, après
tout, le droit d'enseii^ncr, le droit de communi-
quer sa pensée, n'est pas de même nature ([ue
toutes les autres liiiertés qui ontclé acce[ifées :
alors, elle a dï reconnaître qu'il faut accorder
la liberté d'enseignement au prulit de tout le
monde, qu'il taut admettre une liberté gé-
nérale.
Il ajoute que la liberté des individus emporte
nécessairement la liberté des a?sociations; ou,
pour retourner le |)i obîême et le placer sous soa
véritable sens, la liberté des associations n'est
pas la liberté des individus, mais la liberté des
individus comprend nécessairement la liberté
des associations. 11 s'i mpresse à déclarer que
cette idée a été défendue par les chefs des asso-
ciations des comités catholiques.
Kn finissant son discours, il reconnaît que
cette loi achèvera la grande œuvre de concilia-
tion que l'assemblée a commencée et qu'elle
poursuit si hardiment à la face du pays.
Le lundi, 7 juin, Mgr Dupanloup, s'associant
aux vœux exprimés par M. Laboulaye dans la
séance précédente, déclare que celui-ci a jugé
avec raison que la liberté de l'enseignement
supérieur est un noble sujet, un terrain paci-
fique où l'accord est facile, malgré les dissenti •
menls inévitables en toute question de celtj
impoitance.
Il croit que, si cette loi est bien faite, elld
contribuera puissamment à préparer l'œuvre de
conciliation et d'apaisement des esprits, que
l'Eglise désire aussi vivement que personne.
« Sans doute, dit-il, nous réclamons notre part,
— pas autre chose, — dans la distribution de
l'enseignement supérieur : c'est notre droit;
j'ajoute que c'est notre devoir; c'est aussi notre
honneur. •
Il observe que le clergé eatholicpe n'a jamais
demandé autre chose que la liberté de l'ensei-
gnement; la liberté, non pas inconditionnelle et
illimitée, qui ne serait qu'une forme nouvelle
de la licence et bientôt de l'ignorance, mais la
liberté à des conditions équitables et égales
pour tous, avec les garanties sérieuses que l'Etat
et le père de famille ont droit d'exiger.
Quant aux associations, ajoute-t-il, ce serait
vraiment une erreur plus qu'étrange de croire
que les associations en faveur desquelles le
clergé catholique réclame la liberté ne sont
que les associations religieuses. Non, les catho-
liques entendent les associations laïques aussi
bien que celles religieuses; c'est aussi le bon
sens et la lettre même du projet en discussion
qui l'indiquent clairement. Laïques et ijeli-
1302
LA SCMAhNE DU CLERGÉ
giciis, la canière est ouvcrle pour tous; ils
peuvent y entrer avec une égale ardeur, et,
dans de' conditions égales, se disputer le ]irix
de la confiance et de l'eftime publiques.
Mgr Dupanioup achève son discours par un
généreux appel à tous les fentimenls de paix,
de concorde et d'allinnce dans la liberté com-
mune, pour l'éducation delà jeunesse française.
Pour répondre à cet appel, M. Fournier
retire l'amendement qu'il avait proposé d'ac-
cord avec MM. Adnet et Buisson. Venant le
tour de l'amendement, sur le même article 2,
présenté par MM. Henri Martin, Charton, Ma-
Jézieux, Carnot père, Barthélémy Saint-Hilaire,
Carnot tîls et Levôque, M. Henri Jlarlin monte
à la tribune pour le développer.
Il affirme que la liberté d'enseignement est
une et entière; elle est ou elle n'est pas. 11
croit que le véritable terrain de conciliation e=t
celui de la liberté qui peut profiter à chacun et
à tous, et non pas celui de la liberté, qu'il
appelle privilégiée, dans ce sens qu'elle ne peut
profiter qu'à un petit nombre, qu'à une orga-
nisation puissante, qui vise au privilège de
partager les attributions de l'Etat. C'e-t pour-
quoi, lui et ses collègues, ont proposé cet
amendement, qui est ainsi conçu : a Tous
Finançais majews, nuynnt encouru aucune des
incapacités prévues par l'art. 7 de la présente loi,
pourront ouvrir, individuellement ou collective-
ment, des cours et des conférences aux seules con-
ditions prescrites par les articles suivcmts. n
Il observe que c'est essentiellement dans l'in-
térêt delà science qu'il demande la liberté sans
réserve pour les cours et les conférences. Quant
à la liberté de fonder des grand- établissements
pour lesquels la personnalité civile, celte grave
conces-ion de l'autorité nationale qui implique
la déclaration d'utilité publique, ne serait pas
même le but, mais serait le moyen de s'élever
jusqu'à la collation des grades, il croit que,
sous le nom de liberté, c'est essentiellement
d'autorité qu'il s'agit.
Le droit d'ouvrir des cours, des séries de cours
sous un fitre quelconque n'implique point la
personnalité civile, et celle-ci implique bien
moins encore la collation des grades. Quant à
ce dernier point, aucune transaction ne lui
parait possible, c'est là, suivant lui, un attribut
incommunicable de la puissance publique :
l'Etat n'a pas le droit de se dessaisir d'une
attribution aus-i imporlante ; il n'a pas le droit
d'en faire partager la responsabilité à des par-
ticuliers ou à des associations privées.
M. Laboulayc, en lui répondant, ne croit pas
que l'assemblée puisse accepter ce contre-projet.
Quelque araoïT qu'il ait pour la liberté, il
pense que cette liberté doit être définie, réglée ;
il faut que l'Assemblée examine quelles sont les
îimiles que, dans l'inlérct de l'ordre public, il
faut poser à la liberté de l'enseignement su-
périeur.
M. Edouard Charton avoue qu'en signant cet
amendement, il n'avait entendu, quant à lui,
modifier aussi profondément le projet de la
commission. Ce qui l'avait surtout touché dans
le texte de cette proposition, c'était le vif désir
qu'il a de voir admettre la liberté des confé-
rences au même titre et aux mêmes conditions
que la liberté des cours.
Après l'échange de quelques paroles entre
M. le président de l'Assemblée et M. Ilenpi
Martin, l'amendement est retiré, sous réserve
d'y revenir à la troisième lecture. De même,
M. Raudot retire l'amendement qu'il avait
déposé à son nom. 11 ne reste, par conséquent,
que celui proposé par M.M. Chesnelong, Kolb-
Bernard et plusieurs autres membres, qui con-
siste à ajouter dans le paragraphe 1" de
l'article en discussion, après les mots, « les
déparlements et les communes, » le mot a dio-
cèses, » et à dire : les départements, les communes
et les diocèses pourront ouvrir, etc. »
En venant à la tribune M. Chesnelong dit,
avant tout, que si l'article )i se bornait à
reconnaître à tout Français, et à toute associa-
tion le droit d'ouvrir des établissements d'ensei-
gnement supérieur, l'amendement, qu'il prend
à développer, deviendrait superflu. 11 ne lui
serait pas venu à la pensée, il ne serait venu à
la pensée de personne qu'un droit donné à tous
les Français et à toutes les associations, pût être
contesté à cette haute personnalité civile, qui
est représentée par les évèques dans les diocèses.
Mais l'article mentionne ensuite les départe-
ments et les communes; il craint que celte
énumération ne puisse être considérée comme
limitative ; il craint qu'on puisse en induire
qu'elle exclut toutes les personnalités civiles
qui n'y sont pas nommées.
Il tient à dire que ce n'est pas à titre de pri-
vilège au profit des diocèses seulement qu'il
réclame leur désignation dans cet article; il lui
parait naturel et légitime d'y comprendre éga-
lement les consistoires protestants et israé-
liles.
Après cette déclaration, il établit d'une ma-
nière irréfutable que cet amendement n'est à
aucun degré en contradiction avec l'esprit de
notre législation actuelle, car les diocèses sont
des personnalités civiles reconnues. La loi de
germinal an X a, en elTet, reconnu aux évèques
le droit d'établir des fondations pour l'entre-
tien des ministres et pour l'exercir-e du culte.
Le décret de thermidor an XIII leur a reconnu
le droit de créer des fonds de secours pour venir
en aide aux prèlres âgés et infirmes. Donc, au
point de vue de la loi, comme du décret, les
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1U03
diocèses ou les évôchés — car les deux noms
étaient indifléremment employés dans ce temps-
là — étaient reconnus comme personnalité ci-
vile.
11 rappelle qu'ensuite est venue la loi de 1817,
qui a riéciaré que les établissements ecclésias-
tiques seraient aptes à acquérir, soit à titre
gratuit, soit à litre onéreux. Et, en se deman-
dant si les diocèses étaient tompiis parmi
ces établis-ements ecclésiastiques, il n'hésite
pas à répondre quo oui. Il en a la preuve dans
l'ordonnance royale du 7 mai 182(5, qui désigne
les évè(jues, comme devant recevoir les dons et
legs faits aux évêchés. Aus^i, à partir de c;
moment et jusqu'en 18i0, la personnalité civile
des diocèses ne fut pas contestée.
Il Git vrai qu'en 18iÛ, survint un avis du
comité de législation du Conseil d'Etat; d'après
cet avis, les diocèses auraient dû être consi-
dérés comme des circonscriptions a^lminislra-
tives, et non pas comme des personnalités
civiles: le mot «évèché», employédansl'ordon-
nance de 182G, aurait dû être entendu au sens
restreint de la mense épiscopale, et les évèques
n'auraient dûêlre autorisés à recevoir des dons
ou des legs qu'autant ([u'ils seraient laits à des
établissements diocésains spécialement recon-
nus.
Mais M. Chesnelong se hâte de dire que
celte interprétalion est restée dans le domaine
purement théorique, et qu'elle a soulevé les
réclamations incessantes de tous les ministres
qui se succédèrent au pouvoir, depuis M. Alar-
tin (du Nord), jnsi|u'à M. Baioche; depuis
M. Vivien, jusqu'à M. Jules Simon.
En fait, ajoute-t il, et depuis que cet avis du
comité de législation fut émis, des legs ont été
faits aux diocèses, non pas pour des établisse-
ments diocésains spécialement reconnus, mais
pour les besoins généraux des diocèses, et, ces
legs, les évèques furent autorisés à les recueil-
lir. Il était donc naturel que le droit fût mis
d'accord avec le fait; aussi, sur l'initiative de
M. Jules Simon, quand il était ministre de l'ins-
truction publique, le conseil d'Etat, par un avis
émis l'année dernière, a reconnu de la fai; n la
plus nette et la plus catégoriciue, que les dio-
cèses sout des personnalités civiles.
Ace point, il se demande si ces personnalités
civiles ont qualité pour fonder des établisse-
ments d'enseignement supérieur, et il rap-
pelle qu'une question analogue s'est présentée
à l'égard des fubriiiues, à l'occasion des fonda-
lions d'écoles primaires. 11 dit que d'après une
jurisprudence constante jusqu'en 1837, les fa-
briques étaient^ntes à recevoir les dons qui
leur étaient fai>^., pour fondation d'écoles pri-
maires. Mais, à partir de ■1837, et surtout à
Darlir de 18G3, une jurisprudence dill'érente
prévalut, et, lorsque des legs étaient faits aui
fabriques, le conseil d'Etat prenait sur lui de
violer un peu la volonté des tcblateurs, en dé-
crétant que ces legs étaient dévolus aux com-
munes.
Cette interprétalion était évidemment con-
traire à tous les précédents. Jusqu'en 1S37,
avant comme après la révolution, toujours les
fabriques avaient été reconnues aptes à recevoir
des legs pour fondation d'écoles.
M. Chesnelong ajoute que cette inleriiréta-
tion était conliaire au droit. Chaque fois, en
etïet, que la (juestion s'est présentée devant les
tribunaux au point de vue du droit de pro-
priété, les tribunaux n'ont jamais admis qu'on
pût attribuer aux communes des dons ou des
legs qui étaient faits aux fabricjues.
Il observe l'galementque celte iuterprélalion
créait une inégalité choquante entre les fabri-
ques catholii]ues d'une part, et les consistoires
des cultes dissidents de l'autre. Ceux-ci, de par
la loi de leur fondation, avaient le droit d'ins-
tituer des écoles, et ce droit ils l'exeiçaient. il
y a plus; la loi de 1850 leur avait reconnu le
droit de présenter des candidats aux écoles
communales pour les instituteurs deleur culte.
Ainsi, il ne pouvait y avoir aucune raison de
refuser aux fabriques catholiques un droit
qui appartenait aux consistoires protestants et
Israélites.
Tant que piévalut celle jurisprudence, elle
souleva des contradictions incessantes aussi
bien dans le sein du Conseil d'Elat ([ue de Itt
part de l'administration. Au début même de la
controverse, M. Guizot, minisire de l'instruc-
tion publique, se montra formellement con-
traire à celte jurisprudence par l'avis suivant :
« Je ne vois, eu ce qui concerne mon mi-
nistère, écrivail-il, aucune difliculté à ce que
les fabriques soient autorisées à accepter les li-
béralités qui ont [lour objet le service de l'ins-
truction publique... C'est une heureuse idée,
ajoutait-il, que celle de resserrer par un lien si
droit que possible rintérët de la religion et
celui de i'in-lruction publique. C'estelle qui ins-
pire les donations qui se font assez fréquem-
ment aux fabriques catholiques et aux consis-
toires (le scuiles dissidents, à la charge de fonder
et d'entretenir des écoles. L'autorité doit pro-
teclion et encouragement à ces dispositions, b
En constatant que le Conseil d'Etat de 1873
a partagé le généreux avis que M. Guizot émet-
tait en 1837," M. Chesnelong s'empresse de dé-
clarer (lue les fabri(jues sont désormais recon-
nues aptes à recevoir les dons et les legs qui
leur sont faits à ce sujeL ^ .
Pourquoi donc, se demande-t-il, un i.roit
reconnu aux îabri^iues serait-il contesté aui
diocèses, qui sont des personnalités civiles d'un
ICCi
LA SEMAINE DU Cî.KRCË
orilre analogue, oiirncmc d'un ordre plus élevé ?
Pour.jiini un dioil que l'ou icconniiît en ma-
lièio d'cii-eignement pii maire, serait-il mé-
connu lorsqu'il s'agit de l'ensci'^ncinent supé-
rieur? Aussi,il se (.roit en droit de dire que
raineudemci*! qu'il a proposé, d'accord avec ses
collègues Cit.- en Harmouie parfaite avec l'es-
prit Je la législation :»ctuclle.
M. Chesneloiig exaini.ie ensuite les raisons
morales qui, à son avis, recommandent l'adop-
tion de cet amendement. Il lui parait que,
parmi les inlérèis lrès-j;ravc3 et très-considé-
rables eng.igés dans la question de Ifi liberté de
l'enseignement SLi[iérieiir, il en est deux qui
sont paiticiilirremcnt sacrés ; c'est le droit du
père de famille, et le droit des cro yauces reli-
gieuses.
Il ne croit pas nécessaire de démontrer que
la liberté d'enseignement est le droit du père de
famille. Le [lère de famille ne doit pas seule-
ment transmettre à son enfant son patrimoine
matériel, le fruit do son travail et de ses sueurs,
il doit lui transmettre sou cœur, son âme, son
caractère moral, sa foi I C'est plus que son droit,
c'est son devoir. 11 ne pourrait s'en affranchir
sans mampier à sa mission ; on ne saurait le lui
ravir sans usurper son antorité.Et voilà, pour-
quoi, pour la position de cliarge qu'il ne peut
pas exercer par lui-même, il importe que la
ïilierté de l'enseignement le mette en mesure de
la déléguer à des maîtres de son choix. « Voilà
pourquoi, ajoute-t-il, nous, pères de famille
catholiques, et nous ne le dissimulons pas, nous
réclamons avecardeur la liberté de l'enseigne-
mentsupérieur; nous désirons, et nousaviins le
droit de désirer, qu'arrivés à cet â^e de la vie,
d'où déjiend tout l'avenir, nos entants puissent
recevoir un enseignemcr^ pénétré et iéeondé
par la religion ; un enseignement qui leur
apporte, dans l'accord de la science et delà foi,
la confirmation de leurs premières croyances. »
La plus sûre garantie de ce d;oit, c'est que
l'on donne aux évêques, en tant ([u'évèques, le
droit de fonder des établissements d'enseigne-
ment supérieur.
Uuant au droit des croyances religieuses,
il pense que l'Eglise catbolitjne a, en matière
d'cnseiunement, un droit [uopre et supérieur
qu'elle tient de son origine et (jui fait partie de
sa mission. Ce droit, il l'atteste et il y croit. Et
partout où l'Eglise catholique ne peut pas
prendre sa place dans l'cnsiigucnient à tous ses
degrés ets-jus toutes ses formes, les catholiques
ont raison île dire que, dans une certaine me-
sure, la vérité est captive.
Mais il veut se placer sur le terrain de notre
droit public, .•^ur le terrain de la liberté reli-
gieuse. Il stipule (lour toutes Icseroyances, et il
dit oue la liberté de i'cuseiïncmenl suuérieur
est une conséquence de la lib^.rlé religieuse elle-
même. Il ne lui parait pas qu'on puisse lui objec-
ter que la liberté de l'enseignement supérieur
ne touche pas aux croyanc(!s religieuses. On
ne peut pas scinder l'indivi-ibilité de l'àme hu-
maine, pas plus chez le professeur, ']ui ensei-
gne, que chezl'éiève, qui est enseigne. Derrière
tout enseignement, quel qu'il Snit, il y a, par
la force des choses, qu'on le veuille ou qu'on ne
le veuillepas, une doctrine religieuse ei morale.
Peut-on, d'ailleurs, séparer la philosophie des
notions sur Dieu et sur l'àme humaine? Peut-
on séparer les lettres des doctrines qui en sont
l'inspiration? Peut-on séparer le droit de ses
principes supérieurs de morale et de justicequi
en sont la règle et la sanclion? Cela étant
donné, et étant donné aussi que l'épiscopat est
la représentation la plus élevée des croyances
catholiques en France, u'est-il pas juste, u'est-
il pas convenable, n'est-il pas nécessaire de
reconnaître aux évêques, en tant qn'évéques, le
droit de fonder des établissemeuts d'enseigne-
ment supérieur? Et il ajoute volontiers: n'est-
il pas également juste, également convenable,
également nécessaire de reconnaître le même
droit aux consistoires des cultes dissidents?
«Soyez justes envers l'Eglise catholique, dit-
il en finis-ant son discours; n'ayez [las peur
d'elle; laissez les évèciues nous apporter libre-
ment le concours de leurs lumières et de leur
ascendant; laissez l'Eglise prendre sa place,
comme tout le monde, dans ce domaine de l'en-
seignement supérieur, où elle peut vous rendre,
à coup sûr, d'immenses services. La science,
soyez-en certains, n'y perdra rien; la moralité
intellectuelle pourra beaucoup y gagner. Ce
a'est pas l'indépendance de la pensée qui, au-
jourd'hui, est en péril, c'est plutôt la dignité de
la raison, et l'autorité de la loi morale. L'Eglise
catholique, et c'est son fteruel honneur, a été
et sera toujours la gardienne incorruptible de
l'une et de l'autre. »
A ce discours, aussi élevé par la noblesse des
sentiments, que profond par la vigueur de l'ar-
gumentation, M. Robert de iilassy oppose la
langue et les subtilités du droit. H prétend que
les diocèses nesont qu'une circonscription admi-
nistrative comprenant, selon la doctrine de
M. Dalloz, plusieurs personnalités civiles, mais
n'étant pas par eux-mêmes une personnalité
civile; c'est-à-dire qu'ils n'ont pas la faculté
de recevoir, d'acheter, d'aiiéncr, de se livrer
enlin à tous les actes qui sont ouverts à tous les
citoyens |)ar nos lois civiles, et ([ui constituent
ce qu'on appelle, dans lapureté du droit, la vie
civile.
Il observe que, quand même les diocèseseus-
seul-ils la personnalité civile, qu'il leur con-
teste, i'As.-emblée ne pourrait pas les désigner
LA SEMAINE DU CLERGÉ
'iô(4
dans l'art. 2 ou ailleurs de celte loi; pas plus
qu'elle ne peut y comprendre la nomenclature
infinie de tous les étalilis-ementsd'utililé publi-
que qui jouissent de la personalité civile.
Il ajoute que les consistoires protestants et
Israélites son' entièrement désintéressés dansla
question, parce que, à ladifïércnce des diocèses,
leur personnalité civile est reconnue par la
loi.
Celte déclaration ramène M. Chesnelong à
la tribune pour observer que si les consistoires
israélites et les consistoires prolestants possè-
dent la personnalité civile, comment les évê-
cbés, les diocèses représentés par les évêques
et qui ri^puudent administrativement dans la
hiérartliie catbolique à eu que sont les consis-
toires dans les cultes dissidents, u'auraient-ils
pas celte même personnalitécivile? Il comprend
qu'il y ait une loi égale pour les éTèibés et
pour les consistoires ; il ne comprendrait pas, à
aucun degré, qu'il y ait personnalité civile
accordée aux uns et refusée aux autres.
Le scrutin public au sujet de cet amendement
ayant été demandé, le résultat du dépouille-
ment donne 331 votes pour et 289 contre, sur
6:20 volants.
Après quelques courtes paroles de M. Alfred
André (Seine), l'Assemblée adopte également la
Î)roposition qu'il vient de lui faire, ajoutant à
a suite des mots : « Les diocèses, » et les con-
sistoires protestants et israclites ; ce qui ter-
mine la discussion sur le premier paragraphe
de l'ait. 2.
Toutefois, M. le ministre de l'instruction pu-
blique demande à faire des réserves sur les
mots « les départements et les communes, o qui
se trouvent inscrits danslepremier paragraplie.
Il observe que les départements et les communes
ne devraient pas avoir place ici, car il s'agit de
fonder des écoles libres. Or, les écoles fondées
parles départements elles communes sont des
écoles publiques : cela résulte de la détinition
donnée par la loi de 1850. 11 regrette donc de
voir ces mots dans ce i>aiagiaphe, et il se ré-
serve, lors de la troisième lecture, de demander
à l'Assemblée de vouloir bien revenir sur clUc
rédaction.
M. le ministre n'entend pasôteraux départe-
ment? et aux communes la faculté de fonder des
école=, il demande seulement qu'ils les fondent
dans les conditions qui sont d'ailleurs prévues
par les règlements, et notamment par le décret
du 22 août l8oi, qui règle quelques parties éle-
vées des s'-'iences et des lettres dans les villes
qui ne sont pas sièges de faculté.
M. Gatien-Arnouit expose, au nom de la
Commission, les raisons qui l'ont porté à
maiûtenir, pour les communes et les départe-
ments, le droit d'ouvrir des cours et d'établir
des écoles d'enseignement supérieur, lesquelles,
pins lard, pourront devenir des facultés.
Il dit que le premier motif est celui de ré-
pondre au désir général d'une dé'3entrnli=alion
sage et modérée, qui, tout en respectant l'exis-
tence d'un grand centra, favorise une foule de
petits centres particuliers dans les dôparte-
meuts et dans les communes. Le second motif
est d'ailmetire la grande collection de citoyens,
rej'résentant la commune ou le département,
et offrant par cela toutes garanties désirables,
à user du droit que ce paragraphe de l'article 2
accorde à un simple individu, d'ouvrir un
cours et d'établir une école sous certaines
garanties, qui ne sont pas très-grandes. Le
troisième motif enfin, c'est l'intéièt local. On
parle beaucoup d'intérêts loraux, et on a rai-
son de s'en occuper sérieusement. Ces intérêts
sont de plusieurs sortes ; il y a des intérêts
matériels, mais ily a aussi des intérêts moraux,
et ceux-ci sont incontestablement beaucoup
plus respectables que les autres. En matière
d'instruction, c'est l'intérêt local qui exige
l'établissement de chaires spéciales répondante
certains besoins tout à fait locaux.
C'est par ces motifs princiiialeraent qu'il
demande, contre le désir manifesté par M. le
Ministre de l'intruction publique, de ne pas
retrancher les départements et les communes
de ce paragraphe, qui, mis aux voix, est adopté
par rAssemblée.
Au sujet du second paragraphe, qui est ainsi
conçu : Pour l'enseifjncment de la médecine et
de la ji/iarmacie, il faudra jmtifiei-, en outre, des
conditions requises pour l'exercice des professions
de médecin ou de pharmacien, M. de Salvandy
observe ([ue les docteurs en médecine peuvent
exercer leur art partout; par conséquent, ils
pourront, sans doute, enseigner partout. Mais
les officiers de santé scroul-ils soumis, pour
l'enseignement, aux mêmes conditions que
pour l'exercice de leur art?
M. Labouiaye répond que la Commission n'a
pas entendu toucher à la loi actuellement en
vigueur, et que, conséquemment, la question
de l'enseignement de la médecine sera réglée
comme la question d'exercice de la profession.
Il ajoute que la Commission n'a pas voulu, au
reste, que, sous prétexte d'enseignement, on
puisse aller taire des cours, dans les campagnes,
sur les pilules et les drogues de toute espèce.
Après cette déclaration, le se.;ond para-
graphe est également adoiité, renvoyant a la
séaice du lendemam la discussiou de l'amen-
dement de M. Chevandier, qui propose de sup-
primi r le troisième et quatrième paragraphes.
(A suivre). Philippe C.\iiKÉfii.
isod
LA SEMAINE DU CLERGE
PATROIOGIE
VI. — ÉCOLES DES APÔTRES
ET DE LEURS DISCIPLES.
I. A l'exemple au Maître, qui s'était choisi
des apôtres, des disciples et des frères, les apô-
tres conduisaient avec eux des fidèles, des
diacres et des prêtres qu'ils formaient à la triple
école de la prière, de la parole et de l'Ecriture,
jusqu'au jour où, leur imposant les mains, ils
leur donnaient la consécration opiscopale, pour
ensuite les envoyer prêcher la fui chrétienne,
fonder, ou du moins, gouverner des églises.
Aussi l'apôtre des nations, après avoir fait lui-
même l'éducation de Timolhée, lui recom-
mande de choisir à son tour dos hommes
éprouvés, afin de les exercer au ministère de la
parole : « Ce que vous avez appris de moi,
devant plusifurs témoins, dile?-le à des hommes
capablcsd'instnàre aussi lesantreî(II Tim.; 2).»
La tradition nous a conservé le souvenir de
qucli]ues disciples des apôtres. Autour de Pierre
se groupent saint Marc l'évangèliste, que son
maître envoj'a dans la ville d'Alexandrie; les
saints Lin, C.let et Clément, ses successeurs à
Rome; saint Pancrace, saint Marcien, saint
Ilomiile, saint Apollinaire, saint Aspren, saint
Plolômèe, saint Prusdocimo, saint Martial et
d'autres évèques de la Gaule. L'apôtre saint
Paul marche environné d'une brilliinle escorte :
c'est saint Luc, saint Timothée, ?aint Tite, saint
Onésirae, saint Silas, saint Archippe, saint
Tj'chique, saint Sosipatre, saint Epaphras, saint
Aristarque, saint Hiérothée, saint Sagar, saint
Denys l'Aréopagite, saint Carpe, saint Philolo-
gue, saint Patrobas, saint Philémon, saint Sos-
thènes, saint Apollo, saint Crescent, saint
Trophime, et le reste. L'évangéliste saint Jean
lègue son génie et son amour à Polycape,
Ignace, Papias et Eiityche. Quelques autres
personnages ont le titre as-ez va^ue de disciples
des apôtres; c'est par exemple, Aristobule,
Epaphrodite, Ilermas, Quadratus, Quartus,
Syr, avccil'aulres encore. Plus tard les disciples
des apôtres formèrent à leur tour de nouvelles
écoles. Ainsi Polycarpe nourrit, du lait de sa
doctrine, Pothin, Irénée et Bénigne. Saint Bar-
nabe compte parmi ses élèves, Analhalon et
Caïus. L'on donne à saint Denys une douzaine
de compagnons.
II. En communiquant à ses apôtres les pou-
voirs que lui-même avait reçus de son Père,
Jésus-Christ avait, d'un seul mot, qualifié lé
ministère des douze :« Vous serez pour moi des
témoins. >; La doctiiue qu'ils annoncent ne
leur appartient pas; c'est un dépôt. « Nous vous
annonçons, dit l'aigle des évangéli<les, nous
vous annonçons la parole de vie qui était dans
le commencement, que nous avons entendue,
que nous avons vue de nos yeux, que nous
avons regardée avec attention et que nous
avons touchée de nos mains. Car la vie même
s'est rendue visible; nous l'avons vue, nous en
rendons témoignage et nous rous l'annonçons
cette vie éternelle, qui était dans le Père et qui
s'est venu montrer à nous. Nous vous prêchons,
dis-je, ce que nous avons vu et ce que nous
avons entendu, afin que vous entriez vous-
mêmes en société avec nous, et que notre société
Suit avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ
(I Joan., I et seq.). »
Tel est l'exorde habituel des apôtres. Ambas-
sadeurs de l'Evangile, ils ne dissertent point.
Voyez les instructions de Pierre, à Jérusalem;
de Paul, au conseil des Juifs; d'Elienne, à ses
perséeuteurs : c'est de l'histoire.
Ce genre hislorique allait bien au caractère
des apôtres, hommes sans lettres et pleins de
foi. Il convenait aussi à la majesté du Sauveur,
dont les disci|des propageaient l'enseignement
sans oser lui faire subir la moindre altération.
L'auditoire y prenait de même un sensible
plaisir; car l'histoire est la meilleure école du
pauvre, et c'est à lui d'abord que fut destinée la
bonne nouvelle. Les savants, du reste, ne pou-
vaient qu'applaudir à cette méthode : Juifs, ils
y trouvaient les allures de la Bible; Gentils,
ils faisaient trêve aux interminables disputes de
leurs savants.
Les Pères apostoliques continuèrent la mé-
thode de leurs diivanciers. Alors « l'évèque
expliquait l'Evangile et les autres livres sacrés,
avec l'assiduité d'un professeur, quoique avec
plus d'autorité ; d'où vient que dans le style
des anciens, le nom de docteur ne s'applique
guère qu'aux évoques. Ils inslruisaii;nt, et publi-
quement dans l'assemblée des fidèles, et par
la maison, comme dit saint Paul; et ils accom»
modaient leurs instructions à chaque genre de
personnes, comme il e-t marqué dans les épîlrea
à Tite et à Timothée. Ils faisaient profession de
ne rfen dire d'eux-mêmes, de n'être point
curieux, de ne rien rechercher après l'Evangile,
mais de rapporter fidèlement ce qu'ils avaient
appris de leurs pères, c'est-à-dire des prêtres
et des évèques plus anciens, par une traditioa-i
qui remontait sans interruption jusqu'aux apô-
tres (Fleury. Mœurs des chrétiens, vu), o
Saint Irénée, dans son épîtrc à Florin, nousi
atteste que saint Polycarpe, son illustre maître^
n'était pas moins lidèle à la ductriue qu'à la
méthode de l'évangéliste saint Jean : « Voa
principes, Florin, n'appartiennent nius à Vota
thodoxie. Ces principes, vous ne les avez pas
reçus des prêtres qui vécurent avant nous eA
furent les disciples des apôtres. Je vous ai val
dans mon enfance, en l'Asie-Mincure, près do
Polycarpe... Je me rappelle les événements de
LA SEMAINE DU CLERGE
15(f7
cette date beaucoup mieux que les circonstaDces
d'hier : ce que nous apprenons en bas-âge
semblo se graver dans notre mémoire en carac-
tères ineLïiçaliles. Aussi, pourrai-je vous dire
aujourii';iu' dans quel endroit Pulyrarpe avait
riiabiiude de s'asseoir pour nous instruire;
quels plaient son port, sonatlitnde, sa conduite,
ses tr^iié^ et les discours qu'il adressait à la
foule; coinmo il nous entretenait de son com-
merce intime avec Jean et 1rs disciples qui
avaient vu le Seigneur; comme il nous rappor-
tait, au sujet d{: \.\ personne, de la doctrine et
des miracles du Sauveur, ce qu'il avait entendu
de la bouche des témoins du Verbo, confirmant
ainsi à chaque pas le texte des Ecritures. Dès
celte époque, grâce à la bonté de Dieu, j'écou-
tais avec zèle ces traditions que j'inscrivais, non
point sur des laijjfttes, mais au fon 1 de mon
cœur, où je les retrouve encore parfaitement
lisibli'S. 1)
Papiiis, autre disciple de saint Jean, s'ins-
truisit de même, nous dit-il, à l'école de lliis-
toire ou de la tradition : <i Ce n'était puint la
société des grands raisonneurs que je cher-
chais, je préférais les personnes qui ensi igncnt
la vérité. Je ne m'arrêtais jamais près de crux
qui publient des maximes étranges ou des nou-
velles inventées par les hommes, mais près de
ceux qui rac 'nient fidèlement les préceptes du
Sauveur, laissés pour noire éilificalion et pro-
cédant de la vérité comme de leur source. Si je
rencontrais un homme qui avait suivi et en-
tendu les anciens, je l'interrogeais sur toutes
les paroles qu'il avait retenues d'eux. J'exami-
nais ce qu'avaient dit André, Pierre, Philippe,
Thomas, Jacques, Jean, Matthieu, ou tout autre
disciple du Seigneur, Aristien et Jean l'Ancien.
La lecture des livres me faisait moins d'impres-
sion qu'une parole vivante et continuée jusqu'à
nos jours (Euseb. Hisl. eccl. III, 38). »
Le plan historique était donc en honneur
dans toutes ces églises de l'Asie-Mineuie, que
l'évangéliste saint Jean avait fondées ou gou-
vernées. Nous les retrouvons assez dans les com-
mencements de la glorieuse école d'Alexan-
drie, instituée, comme nous l'avons vu, par un
disciple de saint Pierre. Clément l'Alexandrin
fait ainsi le portrait de son maître saint Paulène :
« Véritable abeille de Sicile, il parcourait les
fleurs des prophètes et de l'Evangile, afin d'en
exprimer, pour^on auditoire, les sucs limpides
et incorruptibles de la vérité. Ces hommes con-
servaient intacte la bienheureuse tradition
fondée par les saints apôtres Pierre, Jaccjues,
Jean et Paul. Ils l'avaient reçue comme les fils
la reçoivent de leurs pères; et bien que l'eufaut
dégénère ordinairement de ses ancêtres, ces
docteurs, par une permission divine, recueilli-
rent avec fidMité la semence apostoliijue dont
leur famille était établie comme dépositaire
(Clém. Strom. in init.). »
Si la religion chrétienne se fût présentée au
monde comme le résultat des méditations hu-
maines, il lui eût fallu, dès sa naissance, des
esprits savants pour défenseurs, des raisonne-
ments ingénieux pour appui, la dialectique pour
diplomatie. Une activité littéraire brillante,
ferme et continuelle pouvait seule étendre et
aficrmir les conquêtes du nouveau système.
Mais, au lieu de prendre d'abord les voies de la
science, le christianisme affecta les allures de
riiistoire. Ce n'est pas que la révélation soit des-
tituée de principes, d'où la raison tire une suite
de conséquences logiques. Non; car la foi est
une idée avant d'être un fuit; et la théologie
brilla d'un éclat particulier, au temps des apô-
tres même, dans les grands ouvrages de saint
Denys l'Aréopagite.Mais il entrait dans le plan
divin que la sagesse des hommes fût détrônée
par la folie de la croix; les philosophes, par
douze pêcheurs; la science humaine, par la foi
divine, et cela pour que personne n'eût à se
glorifier devant Dieu. Alors, selon que nous
l'avons déjà fait observer, l'enseignement de la
religion devait être simple comme un monu-
ment, abrégé comme l'histoire, invariable
comme un t'ait. Il devenait inutile d'écrire
beaucoup, et, jusqu'à un certain point, de par-
ler longuement. On racontait la vie du Sauveur,
et c'était toute la religion ; on s'exprimait avec
amour, et c'était toute l'éloquence; on guéris-
sait les malades, et c'était toute la preuve.
III. L'époque où nous touchons est fertile ea
explications symboliques. L'apôtre des nations
surtout y excelle. A l'entendre, la loi est une
figure de la grâce, et celle-ci l'image de la
gloire; le monde ancien porte l'ère nouvelle en
ses flancs; c'est-à-dire que la lettre prophétise
le Messie, et que les personnes, les lieux, les
choses, les temps et les nombres sont des signes
de l'avenir. De la sorte, tout parle dans nos
Ecritures; et la lettre tue, si l'esprit ne vivifie.
Fort de ce principe incontestable, l'Apôtre nous
montre la vérité des biens présents sous l'om-
bre des biens passés, et fait jaillir de cette
élude comparée des flots de lumière et de
poésie. Melchisédech n'est plus seulement le
prêtre-roi de Salem ; c'est l'image du Pontife
éternel. Les holocaustes de Mo'i-e préli'dent à
l'immolation du Calvaire. Les enfants de Sara
et d'Agar prédisent la double alJiance de Dieu
avec son peuple. La mer Rouge se transforme
en piscine du baptême, où s'engloutisseut lea
armées de l'enfer.
La simplicité des Pères apostoliques aimait
aussi à se (larer de fleurs naturelles, c'est-à-dire
d'images sensibles, de paraboles transparentes
et d'un symbolisme délicieux. Et ce n'était
1S08
LA SEMAINE DU CLERGE
point, qo'on le sache, une servile imilalion de
l'école apostolique. Peu satisfaits de la pra-
tique oïdinaire, ils élevèrent les symboles à
toute la hauteur d'un système de philosophie.
Pendant qu'Hi-rmas donnait ses gracieuses para-
boles, l'Aréopagite en élablissailla raison scien-
tifique.
D'après saint Denys, les matières de la foi
dépassent les bornes de notre intelligence. Ne
pouvant saisir la vérité infinie, telle qu'elle est,
U a fallu l'apprendre, comme nous sommes.
Or, il nous est naturel d'aller du visible à l'in-
visible, et de l'effet à la cause. Voilà pourquoi
d'abord les idées inlelligibifes nous ont été
offertes sous la figure des objets matériels. Ce
fut ensuite pour exercer toutes les puissances
de notre âme : l'entendement et l'imagination.
A l'aide des images, nous parvenons à con-
naître les vérités supérieures; car 1 imagina-
tion, par les figures qu'elle se représente,
instruit notre raison sur des réalités qu'elle ne
saisit pas elle-même. Le symbolisme, en outre,
convient mieux que le style naturel, au genre
d'étude que nous devons faire sur l'être inhni.
Ouand on parle de Dieu, la négation seule est
vraie; l'aliirmalion est inconvenante. Or, les
figures sensibles accoutument notre esprit à
penser que les pertcctitns attachées à des
ombres ne conviennenlpoinl à D eu. Elles nous
forcent ainsi à procéder par voie à* négation ;
ce qui nous fait entrer plus avant dans le foyer
de la lumière, lùifin, le symbolisme cache la
•vérité : aux infidèles, de peur qu'il ne l'insul-
tent; aux simples, de peur qu'il n'en soient
aveuglés.
IV. L'histoire et le symbolisme dominèrent
donc l'enseignement des apôtres et de leurs suc-
cesseurs, notamment lorsque ces docteurs par-
laient au peuple juif; néanmoins, saiut Paul
jette les bases de l'instruction scientifique, le
jour qu'il descend dans la ville d'Athèn^ s. S'il
prêche au s^ in de l'Aréopage, vous croiriez en-
tendre le disciple de Platon et le favori des
Muses : il se faisait tout à tous, pour le? ga-
gner tous à Jésus-Christ. Le beau discours sur
le Dieu in( onuu prépare déjà les fiançailles de
la foi avec la raison. Les Hiérarchies de saint
Denys crayonnent, d'une main sûre, les con-
tours de la théologie dogmatique ; et l'épiîie
à Diognke ouvre la série des traités de contro-
verse pour la réfutation des philosophes.
V. Sous la pé'iiide apostolique, nous voyons
les pères et les mères exclusivement ehai-f^és
du soin d'élever l'enfance. « Pères, lisons-nous
dans les Constiluliuns (jui portent les noms des
apôtres, pères, instruisez vos l;ls dans le Sei-
gneur, formez-les à la discipline, dressez-les
suivant la loi de Dieu ; apprenez-leur, en outre,
des métiers utiles et conformes à la uarole du
Sauveur; de crainte qn3, l'occasion vpnne,'
s'ils n'ont pas fléchi sous le joug de l'obéis-
sance, ils ne s'émancipent de Nmne heure et
ne s'éloignent orguiiileusenien\: du chemin de
la vertu... Si la perte des enlàn'.s est due àl'in-
curie des père et mère, ceux-ci deviendront res-
ponsables de leur mort {Const. ajjOil., iv, 12). »
Une marque du grand soin qu'avaient les
pères ellesmcres debien instruin' leurs familles,
c'est que l'on ne voit, dans l'Eglise des pre-
miers siècles, aucun vestige de catéchèse pu-
blique pour les enfants, ni aucune école pour
ceux qui avaient été baptisés avant l'usage de
la raison. « Les maisons particulières étaient
alors des églises, dît saint Jean Chrysostome
{Bomil., iLVi, in Epist. ad Cor.). »
PlOT,
curé-doyen de Juzennecourt.
QUESTIONS D'HISTOIRE
OHIC-KES DU POUVOIR TEMPOREL DES P.\PES.
(Sjite et fin. — Voir le n' 47.)
IV
INSTITCTION DES EMPEP-EURS d'oCCIDENT. — CARAC-
TÈRES HE LA SOUVERAINETÉ TEMPORELLE DES PON-
TIFES ET DU SAINT EilPlRE ROMAIN.
(( Nous demandons, dit Bergier, quelle infi-
a délité le Pape a commise envers l'empereur
« d'Orient. Celui-ci ne voulant plus être le pro-
a lecteur de Rome, ni de l'exarchat, le Pape en
« chercha un autre. Ce n'est pas cette contrée
u qui s'est soustraite à la domination des empe-
0 reurs, ce sont eux qui l'ont abandonnée à son
« malheureux sort (1). »
« l'"urcut-ils usurpateurs, ces papes qui mon-
trèrent jusqu'au dernier, leur fidélité aux em-
pereurs d'Orient? » — Etienne 111 reprenant la
politique de ses prédécessnrs , intervint près
d'Asloiphc , et pai .ses légats cl par une démar-
che personnel. e, ^àin d'obtenir la restitution de
l'cxaichat à rem[iire, et celle des autres cités du
duché romain à la république de Home... Astol-
phc, piévenant la requête du saint Pontife,
intima à celui-ci la double défense de revendi-
quer pour les empereurs l'exarchat de Ravennc,
et de réclamer pour la république romaine les
cités euvahies par les rois lombard* (2). a Etienne
répondit ipie nulle violence ne saurait enchaîner
la parole sur les lèvres d'un pontile ; et en pré-
sence même d'Astolphe, le Pape éleva la voix,
et somma le roi parjure de rendre à chacun ce
1. Liber PoHi ficnh's, Etienne III,
2. Ik'iiitr au :ii.>t I au*.
LA SEMAINE DU CLERGE
I50t
qui lui appartenait : tit propria propriis restitue-
rci. Et c'était au bén('fi(;e de rempercnr byzan-
tin Copronyme, cet iconoclaste sanguinaire dont
il espérait la conversion, que le pnpe Elienne
affrontait la colère du roi lombard. Il remettait
à ce dernier Jes li;',tros impériales écrites et
signées par le (!6sar de Byzaiice : et impériales
litteras illi trihuit. Nous insistons sur tous ces
textes, ajoute M. Darras nprès avoir raconté ces
taits, parce que les historien : modernes, après
avoir reproché à saint Grégoire le Grand sa tidé-
lité à l'alliance l)yzantiue, font un crime à
Etienne !II d'avoir abandonné les empereurs de
Constantinople. U faudrait pourtant mettre quel-
que logiijue dans les incriminations qu'on se
permet contre la papauté. Non, « les papes ont
gardé jusqu'au dernier moment la même ligne
de conduite. Aucun d'eux n'abandonna l'em-
pire byzantin, mais cet empire s'abandonna lui-
même. »
Furent-ils vassanx des princes francs? On va
être immédiatement fixé sur ce point, par des
documents authentiques. « En 774, la IV" férié
après le dimanelie de Pâques (6 avril), Cliarle-
magne, vainqueur de Ditlier, se rendit accom-
pagné de ses juges, clercs et leudcs, à la basili-
que vaticane. Là sur l'autel de la confession, —
dit le Liber Pontificalis, le pape Adrien ra[)pela
au héros, la promesse que son père de sainte
mémoire, le roi Fépiu, ainsi que lui-même le
très-excellent Charles, et Carloman sou fière,
avec l'assentiment de tous les leudcs, avaient
souscrite au bienheureux Pierre, et à son vi-
caire le seigneur pape Elienne III, lors du voyage
de ce dernier en France, s'engageant à concé-
der et livrer diverses cités et territoires en Italie
an bicnheiH'eux Pierre et à tous ses vicaires
pour en jouir par eux à perpétuité. Charlemagne
fit alors donner lecture du texte do la j^roinesse
autrefois l'cdii-'éc en France, à la villa de Caii-
siacum (Quercy-sur-Oise). 11 en ajqirouve de
nouveau la teneur; les juges qui l'accompa-
gnaient y donnèrent de même leur assentiment.
Son chapelain et notaire, le religieux et pru-
dent Etherius eut ordre de rédiger une nouvelle
formule de donation dans la teneur de la pre-
mière. » — Or, jusqu'à ces derniers temps, on
«royait ne plus posséder la promesse de Quiercy-
sur-Oisc , et les adversaires du pouvoir tem-
porel, notamment le président Bonjean, se dou-
naietit carrière en su[iposaut que ce pouvoir
n'était qu'un iloma'-\e utile, et non une souve-
raineté proprement dite. Voici le texte de ce
document c.qtital, tel qu'on l'a retrouvé dans le
« Codice di/jlninatico longobordo » du savant
paléographe nupohtain Carlo Troya, au tome V,
page 503, n° oSt.
« Pacte a alliance conclu avec le pape Etienne
« war le roi Péiùn à Carisiacum, du cousente-
< ment de tous les ahbi?s, ducs et comtes francs;
« — Si le Seigneur notre Dieu nous rend vain-
a queurs de la nation et du royaume des Lom-
« bards, nous concédons à vous^. bienheureux
• Pierre, prince des apôtres, et aux Papes vos
0 Ticaires,à tout jamais, en totalité sans aucune
a réserve pour nous ni nos successeurs, — sauf
« seulement lebénéfice de vos prières pour notre
a âme et le litre que vous nous con Ferez de patrice
« des Romains, — toutes les cilés, duchés et ckà-
« teaux compris dans l'exarchat de Ravenne, en-
« semble tout ce qui précédemment relevait de
« la domination des empereurs avec toutes les
« annexes des territoires aujourd'hui dévastés,
« envahis, ou de toute auti'e manière usurpés
« par la très-inique race des Lombanls, et com-
o pris de Saint-Pierre à Pistoie, à Luni, Luc-
« ques, le monastère Saint-Vivien sur le mont
« du Pasteur, Parme, Regium, Mantoue, Vérone,
0 Viceuce, Moule Silice, Bilunca {Paîud) le
0 duché de Venise el d'Islrie en totalité, avec
« toutes les villes, châteaux, bourgs, vKlas, pa-
« roissses etéglises ; la cité d'Adria, Comacchio,
« Ravenne avec tout l'e.xarchat sans aucune ex-
« ception ; l'Emilie; les deux Toscanes, celte
« des Romains el des Lombards ; la Pentapole,
« Moutefeltro, Urbino, Cagli, Luccoli, Eugubio,
« Jési, Osimo ; le duché de Spolèle en entier,
« Polimarjo, Narni, Ulricoli, Marlierario, Cas-
« Irum Velus, CoUinovo, Selli, Popolonia, Cen-
« tum-Cellœ (C/y(Va Vecc/iia), Porto. Ostie ; la
a Campauic intégralement : Anagni, Segni, Fri-
« silio, Piperno, Veroli, Palrica, Castrum, Fer-
« ratus, Teriaciiie, Fundi , Spelunca (id. est
Cl Grolla Fcrrala), Gaëte. — Et si le même Sei-
« gneur notre Dieu fait tomber en notre pou-
a voir les cilés de Bénévenl et de Naples, nous
« les concédons d'avance à vous, très-bienheu-
« reux Pierre, avec les provinces déjà nommées,
« savoir l'Emilie, la Pentapole, leà deux Tos-
< canes, le duché de Pérouse, le duché de
« Spolèle, avec toutes leurs cilés, châteaux,
« monastères, évêchés : et ainsi eu faisons le
'I S'rment. i> — Tel est le pacte de Quiercy-sur-
Oise, restitué de nos jours à l'h stoire par la
science palôographique. Bien qu'on l'ait tenu
le plus possible dans l'ombre chez nous, M. Da-
reste, dans son Histoire de France, n'hésite
point à le signaler comme un monument de la
plus haute importance. Il y trouve la preuve la
plus irréfragable qu'il s'agissait pour la papauté
non pas d'un domaine utile, mais d'une véri-
table souveraineté pour les pr'»vinces concé-
dées.
Notons ici que la ville de Rome et la Répu-
blique romaine, pour parler comme les pièces
authentiques citées plus haut, ou encore l-J
duché de Rome, ne sont pas mentionnés dans
Il donation. Pépin n'y songeait guère, par la
iSJO
LA SEMAINE DU CLERGÉ
raison, dit Rolirbac ^er, que déjà précédemment
Rome et les villes Je sa dépendance apparte-
naient à i'Es'ise romaine par la donation du
Temps, premier ministre de la Providence pour
es aCfaipe's de ce monde.
J'ai lu dans le même Rohrbaclier une lettre
de Pépin au pape Etienne III dont voici le sens
(je n'ai pas le texte sous les yeux en ce mo-
ment, mais le sens en est certain, et très-pro-
bant)': 11 y a trois grandes autorités sur la
terre; celle du Souverain Pontife, qni est la pre-
mière, et qui vous appartient ; celle de l'empe-
reur de Constantinople ; celle de roi, qui est
aussi à vous.
Si les Papes sont restés, de droit, vassaux des
empereurs d'Orient, pour vingt-deux villes don-
nées,dontrambassadeurde Pépin apportelesclefs
sur le tombeau de saint Pierre, voici les règles
du droit des gens qui nous le diront. Pères d'un
peuple eu pCiril, dit Mgr Mathieu, archevêque
de Besançon (1), les papes avaient le droit de
demander pour lui asile et protection aux Francs,
quand l'empire (d'Orient) les abandonnait. »
C'est le fait. Des protestants vont nous expli-
quer le droit en s'appuyant sur im des plus
grands docteurs de l'Eglise. Pufiendorf : « Tout
le monde convient que les sujets d'un monar-
que, lorsqu'ils se voient sur le point de périr,
sans avoir aucun secours à attendre de leur
, souverain, peuvent ge soumettre à un autre
prince. » Grotius n'est pas moins explicite :
« Aucune partie d'un Etat, dit-il, n'a le droit
de se détacher du corps, à moins toutefois que
sans cela elle ne soit manifestement réduite à
périr : car tous les établissements humains
semblent renfermer l'exception tacite du cas
d'une extrême nécessité, qni ramène les choses
au seul droit naturel. » — Grotius cite un pas-
sage de saint Augustin qui n'est pas moins for-
mel : « Parmi toutes les nations, on a mieux
aimé se soumettre au joug d'un vainqueur, que
d'être exterminé en s'exposantauxderniers actes
d'hostilité : c'est comme la voix de la nature. »
A plus forte raison, dirons-nous, l'Exarchat, la
Pentapole, l'Emiha, les deux Toscanes, les du-
chés de Spolète et de Béuévent, pouvaient-ils
mieux se soumettre au joug de libérateurs
tels que Pépin et Charleraagne, qui les déli-
" vraient des dernières hostilités et de la tyrannie
des barbares de Lombardie; non pas et cela,
pour les garder, mais pour les donner au sou-
verain de leur choix, à leur protecteur sécu-
, laire, à leur juge-roi, dont elles désiraient et
appelaient de tous leurs vœux la paternelle
eouveraineté.
Insistons, et donnons de nouvelles preuves
l. L) Pcuvoir temporel des fapii justifié par thisloirt;
page 7i^ obte 2.
que le domaine temporel des Papes a revêtu les
caractères d'une véritable souveraineté, et qu'ils
ne tombèrent pas, après la chute de l'empire
d'Occident, sous la dépendance des empereurs
francs ou germains.
La dignité impériale fut rétablie par le Pape
seul. Tous les documents prouvent ju-qu'àl'évi-
diuce que Charlemaf;ne ni ne l'a désirée, ni
môme ne s'y attendait lorsque le saint Pontife
Léon III l'en investit. Depuis "53, Pépin et ses
fils étaient patriccs des Romains, c'est-à-dire
défenseurs de l'Eglise et du peuple soumis au
Pape, contre les barbares qui les avaient envahis
et menaçaient de les envahir. C'est le Souverain
Pontife, en son nom et au nom du peuple, qui
avait conféré cette charge de patrice aux rois
francs. En 799, Léon III fut l'objet et la victime
d'un attentat horrible, d'une conspiration ourdie
par des mécontents devenus rebelles. On lui creva
les yeux, et il fut contraint de se laisser con-
duire hors de Rome. Il se réfugia d'abord à Spo-
lète, puis en France. De retour à Rome, il prit
la résolution de compléter son œuvre : c'est-à-
dire d'investir le roi Charles de la dignité im-
périale, aliu de le constituer dans un rang si
élevé, ([u'il fût le défenseur de l'Eglise et du
Saint-Siège , selon toute l'acception du mot,
qu'il les protégeât contre les ennemis du dehors
et contre ceux du dedans qui pourraient surgir.
Pour cela, il fallait uu lien de plus entre le
Saint-Siège, le peuple qui lui était soumis, et le
patrice devenu empereur. L'éeueil à éviter con-
sistait dans le danger pour le Pape et le peuple
du nouvel Etat de perdre leur indépeudauce.
Avec Charlemagne, rien n'était plus facile que
d'éviter cet écueil. Le fds, comme son père, avait
agi dans les vues les plus religieuses et les plus
désintéressées en taisant restituer au Pape Rome
et le duchéet, eu lui donnant enplus l'Exarchat
et la Pentapole. Les sentiments admirables, les
vues pleines de sagesse ressortcntdcsformulesde
serment qui accompagnaient etsuivaient lesacre.
Voici la formule du seiment prononcé par les
empereurs à la solennité de leur couronnement,
telle qu'elle a été conservée dans un ancien Ofdo
du couronnement des Carlovingiens, et qui a
pour titre: Jncipit Ordo romamus ad benedican-
dum /mperalorem, quundo coronam accipil. —
Promesse de l'empereur. — in nomine C/itisli
promitto, spondeo atque polliceor ego N-, impera-
tor, corain Deo et B. Petro^ me protectorem, atque
defensorem esse /tu jus sanclœ llomanœ Ecclesiœ in
omnibus vtilitatibus, in quantum dtcino jultus fuero
adjutuiio, sccundum m''um scire ac passe . — C'est
après ce serment que les cardinaux procédaient
à la cérémonie de l'onction, et ensuite le Pape
à celle du couronnement. Rien dans cette for-
mule n'attribue la souveraineté à l'Empereur,
ni sur le Pape, ni siA ses sujets. Il n'y est que**
LA SEMAINE DU CLERGÉ
«Sil
tion que d'engascmonls très-nobles, très-chré-
tiens de la part de l'élu, à titre de protecteur et
de défenseur, non à l'égard de sujets, mais de
cette sainte Eglise romaine dont la dignité,
comme l'écrivait Pépin naguère, est la pre-
mière du monde, et ne reconnaît pas de supé-
rieur sur la terre. Toutefois, il n'y a pas d'enga-
gement de ce genre sans réciprocité ; et le but
du saint pontife Léon 111 n'aurait pas été suffisam-
ment atteint, s'il n'y avait eu d'engagement que
de la part de l'empereur. Ce n'est ni la sainte
Eglise romaine, ni le Pape qui prêteront serment
à l'empereur ; mais ce sera le peuple. La formule
de cet autre serment nous a été aussi conservée.
On va voir qu'elle ne laisse rien à désirer, et
qu'elle achève de démontrer que la dignité im-
périale et la fonction de protecteur et de défen-
seur de la sainte Eglise romaine n'emportait ni
la dépendance du Pape, ni l'aliénation des droits
et des obligations du peuple romain. Les annales
de la fameuse abbaye de l'ulda nous ont conservé
la formule de serment de fidélité du peuple ro-
main à l'empereur, comme le Codex Carlovin-
gien ceWttdii serment impérial. Je jure par tous
ces mystères de Dieu, que, sauf l'honneur et ma
loi, et la fidélité au St'ifjntur N. Pape, je suis
fidèle et le sei'ai tous les jours de ma vie, au Sei-
gneur N. empereur, et que je ne f'!rai société
avec qui que ce soit pour lui manquer de fidélité.
C'est en ces termes que tout le peuple romaii!
prêta serment à Louis le Pieux, empereur, en
816, à la mort de saint Léon III, sur l'ordre
d'Etienne son successeur (I).
Ainsi, associé à la souveraineté temporelle du
Pape, l'empereur ne recevait pas pour cela com-
munication de la puissance législative : Salvo
honore et Lege hea, dit la formule. Le peuple
romain stipulait e.Kiiressémcnt laconservation de
ses lois particulières dans leserment delà fidélité
qu'il prêtait à l'empereur. En second lieu, la fidé-
lité au Pape primait toujours celle que l'on j>ro-
mettait à l'empereur : Salva fiddilate D. Pupœ.
Disons en passant que si ces .importants docu-
ments mrttent en évidence la puissance suprême
du Pape, àlatiuclle l'empereur était associé par
son couronnement, elles montrent aussi que les
Romains étaient loin de rester étrangers à l'ad-
ministration de leur ville.
Toutefois, nous le répétons, rien n'était plus
utile, plus nécessaire et plus noble, que cette
délégation de la souveraineté papale aux empe-
reurs, et l'exercice du pouvoir dont elle était la
source, à cause des factions qui pouvaient trou-
bler Rome et bouleverser l'ordre établi, et que
l'autorité impériale était seule en mesure de
comprimer effiiacement. Dans la conception de
cette création tutélaire pour l'Eglise romaiue et
■ i. Ànaltcta Juris Pontificii, col. 1719. Nov. 1855.
pour le peuple romain, tout avait été prévu, et,
avec le temps, la véritable nature de ce pouvoir
se démontrait. Ainsi, l'histoire nous a conservé
deux formules de serment au temps des Carlo-
vingiens. En voici deux autres que prononçaient
les empereurs germains, loisque, après 98 ans
d'interruption, l'empire passa à la Germanie.
La première formule est celle du serment
qui précéda le couronnement du premier
empereur germain, Othon. Il le prêta par ses
mandataires, qui jurèrent de la manière sui-
vante: « Le roi Othon promet par nous au
seigneur Pape Jean XII, et jure par le Père, le
Fils et le Saint Esprit, et par ce bois de la croix
salut.aire, et par ces reliques des saints, que
s'il vient à Rome, Dieu le permettant, il exal-
tera de tout son pouvoir la sainte Eglise ro-
maine, et son recteur, le dit seigneur Jean pape,
s'il le trouve en vie, sinon, celui qu'il y aurait ;
et ni lui, ni aucun de ses successeurs ne perdra
jamais, par la volonté et le consentement dudit
Othon, ni par son conseil et son instigation, la
vie ou les mi'mbres ainsi que l'honneur qu'il a.
Et le dit Othon ne tiendra dans Rome aucua
plaid {placilum) et no fera aucune ordonnance
sans votre consentement touchant les choses qui
appartiennent au Pape et aux Romains. »
Les empereurs germains répétaient les mêmes
engagements lors de leur couronnement : « In
« Romana urbe nullum plucitum,aut ordinationem
(( facinm de omnibus quœ ad te, aut ad Homanos
V. pertinent, nisi de tuo consilio{\). »
Enfin, dans l'édit que l'empereur publiait
à l'occasion de son couronnement, et qui n'était
antre que le pacte solennel de confirmation ou
de reconnaissance de tous les droits temporels
du Saint-Siège, il disait en parlant de toutes
les provinces qui constituent ce domaine tem-
porel : Nullamque in eis nobis partem aut potes-
tatem disponendi, vel judicandi, subtrahendive
aut minorandi vindicamus, nisi quando ab illo qui
eo tempore hujus S. Eccksiœ regimen tenuerit,
rogati (uerimus (-2).
Ces documents, dont l'importance est capitale,
ne peuvent plus laisser aucun doute dans l'es-
prit des hommes de bonne foi sur le vrai carac-
tère du saint empire romain : Il est une protec-
tion et une défense pour l'Eglise romaine et le
peuple qui lui est soumis. Il n'a de domination
ni sur l'une ni sur l'autre. (1 n'est établi, dans
les vues des Papes qui l'ont institué, comme
dans celle des princes qu'ils en ont revêtus, que
pour assurer, au dedans comme au dehors,
l'honneur et l'indépendance du vicaire deJésus^
Christ, et la hberté du chef de l'Eglise.
Non-seulement les catholiques, les juriscon
1. Amdeota J.
« Ibii
P. ibîi.
1512
LA SEMAINE DU CLERGE
suites pvofestants que nous avons nommés, mais
encore des Français tels que Thomassin, des
gallicans tels que Fleury et Bossuelout proclanié
la justice originelle et les bienfaits de la domi-
nation temporelle des Papes. On peut voir
leurs témoignage" dans Rohrbaclier et Darras,
loc. cit. Terminons par un extrait du cardinal
Grassollini. Après les pages éloquentes de Joseph
de Maistre, le témoignage de Téminent cardi-
nal, citant Gioberti, qui depuis a fait fausse
roule, ne sera pas sans valeur :
0 Le dogme catholique ne saurait être indé-
« pendant si la société commise à sa garde ne
« l'est elle-même ; elle ne saurait l'être au point
« de vue spirituel, si son chet lui-même n'est
« pns aussi indépendant au point de vue poli-
« tique, eu étant placé au-dessus de toute puis-
« sauce humaine : car la liberté et la sujétion
« sont contradictoires. D'un autre côté, la
c parole étant une chose extérieure, ne jouit
H pas d'une liberté intrinsèque, comme la pen-
« sée ; elle peut être sujette à la violence aussi
« bien qu'elle peut être étouffée. Le souverain
« interprète des enseignements divins ne pour-
« rait doue remplir sou office de langue et
« d'oracle de la chrétienté, s'il ne jouit pas au
« point de vue civil de la plus complète indé-
o pendance. »
A le bien prendre, telle est la raison provi-
dentielle du pouvoir temporel des Papes. Car
Dieu, dans le gouvernement de ce monde, ne se
propose pour lin que le salut et la sanctification
des âmes. Ni l'un ni l'autre ne sont possibles et
faciles que par ceux qu'il a établis sur la terre
pour enseigner, paître et gouverner son bercail
avec le titre, la grâce et les fonctions de ses
vicaires. Voilà pourquoi, dans des temps de
barbarie, de trouble, d'hérésies et de schismes
de tout genre, il a procuré leur indépendance
par le pouvoir temporel. Voilà pourquoi ce pou-
voir est plus que jamais nécessaire dans des
temps d'impiété, de troubles aussi, d'obscurcis-
sement et de négation de toutes les lois divhies
et humaines.
L'abba Defourst,
curé de Beaumout en Argonne
B iograph i o
DOM GUËRAN6ER
ABBÉ DE SOLESMES.
(.Suite,)
Ces deux appréciations esthétiques, dont l'une
n'était pas de l'auteur, ne tiennent pas déjà tant
d« place dans le livre^ pour qu'il puisse être
jugé comme s'il ne contenait pas d'aut.ts choses.
Mais ou ne l'a pas remarqué d'aujourd'hui : la
pa-^sion et la liberté, loin de s'exclure, se ren-
contrent volontiers dans les mêmi'S jugements.
Les étuis de violon étaient emprualés à un
archéologue anglais, Welby Pugin; ce savant
avait observé que nos chasuldes françaises, à
force d'être roides etéchancrées sur le devant,
ressemblaient assezàun violon vu deface,etpour
s'épargner l'irrévérence, il n'avait parlé que de
l'étui. Cette citation , d'un écrivain fort estimé dçs
évêques et du clergé d'Angleterre, ne pouvait
constituer un scandale. Qianl au bonnet de
chœur, il avait pris en France la forme d'un
pain de sucre surmonté d'une pomme de jeune
choux : il était fort ridicule, surtout, lorsque
ses porteurs étaient un pf>u gros, et excitait si
efficacement le rire qu'il est reste, comme une
arme, dans le répertoire de la caricature. Le
rétablissement de la barelte romaine est assu-
rément la meilleure réponS'i qu'on puisse faire
à ceux qui trouvèrent mauvais que dom Gué-
ranger eût signalé, dans le bonnet pointu, ua
défaut de goût et de conveiance. Par ces deux
critiques, Pabbé de Solesmes voulait seulement
porter l'attention sur l'extrême liberté avec
laquelle les fabricants d'orne ^nts travaillaient
dans leurs ateliers, et sur lu déplorable docilité
avec laquelle on acceptait leurs caprices sans
s'inquiéter si la coupe des vêtements sacrés est
déterminée ou non par les règles de la sainte
Eglise. Dom Guéranger, comme Kohrbacher,
comme plusieurs autres, se sera donc permis
ces fautes volontaires, qu'une critique fine peut
ne pas admettre, mais qui, en tombant sous la
critique, ont, dans l'intention de l'auteur, pour
but de provoquer l'attention de l'esprit, voire
la réaction d'un meilleur goût.
Pour le surplus, on avait souvent imputé, à
l'abbé de Solesmes, des assertions qui, non-
seulement ne lui appartiennent pas, mais qui
étaient contraires, diamétralement contraires,
à ses thèses. Il eût été difiicile de l'en rendre
responsable. Mais ce sont la effets de passion,
que la passion se permet en ses emportements,
dont elle rougit après coup, et qui, finalement,
ne contribuent que mieux au triomphe de l'au-
teur incriminé.
Sur le fond de la controverse soutenue en
France par l'évêque d'Orléans et l'archevêque
de Toulouse, voici ce qu'écrivait cinq ans plus
tard le cardinal Gousset :
« Les papes, dit le savant et judicieux cardi-
nal, ont toléré nos liturgies particulières, mais
les ont-ils approuvées ? Non : on n'approuve
point ce que l'on tvlère ; car on ne tolère que ce
qui est défectueux, irrégulier, contraire au texte
ou à l'esprit d'une loi. Aussi, loin de regardrer
la tolérance du Saint-Siège comme une approj
I
I
LA SEMAINE DU CLERGE
151»
batîon de ce qui s'est fait en France relative-
ment à la liturgie, on doit plulùl en conclure
que les papes ne l'ont jamais approuvé. Cepen-
dant, par cela même qu'ils les ont tolérées, et
qu'ils les tolèrent encore, les liturgies particu-
lières à divers diocèses, quoique malériellemeut
anticanoniques, peuvent, à noire avis, être
regardées comme «juasi-canoniques pour les
simples prêtres aus^vrcls on ne permet pas de
se servir de la liturgie romaiue, et même pour
ceux des évoques qui les ont introduites de bonne
foi, ou qui, en eti reconnaissant l'irrégularité,
d'après les décisions de la sacrée Congrégatioa
des Rites, ne les conservent qu'en travaillant à
préparer le retour à l'unité liturgique, tant
désirée par notre Saint-Père le Pape et la plu-
part de nos vénérables collègues dans l'épisco-
pat. On sait, en effet, que conformément aux
constitutions de saint Pie V et aux vœux des
souverains pontifes, sur treize conciles provin-
ciaux qui ont eu lieu récemment en France,
huit se sont déclarés pour le rétablissement de
la liturgie romaine, et que la même tend;iuce
6'est manifestée dans les autres provinces (1). »
« Du tout ce qui s'est dit et de tout ce qui
s'est passé au sujet de la liturgie, écrivait un
autre prélat, il résulte que l'attention publique
est complètement éveillée et les études sérieu-
sement dirigées vers la science liturgique ; que
la propagation de la liturgie parisienne est ar-
rêtée et que le mouvement de retour à la litur-
gie romaine la remplace (2). »
Le vœu d'un retour à l'unité n'était pas, en
effet, un vœu chimérique ; ce vœu n'était pas,
ne pouvait pas être un outrage aux évêques ; ce
n'était pas un outrage aux églises de France
qu'une déviation passagère n'avait pu engager
à jamais dans tics voies funestes. S'il apparte-
nait aux premiers pasteurs et à eux seuls de
choisir le jour et l'heure propice, pour eu pro-
curer l'accomplissement dans leurs diocèses res-
pectifs, tout catholique avait le droit de dire
combien ce vœu était légitime, et de faire res-
sortir les avantages de l'unité. Enfin la question
était importante et la discussion utile, oppor-
tune.
Le cardinal Gousset qui avait, à un degré
éminent, la sens de ces opportunités providen-
tielles, offrit à Dom Guérang^r le moyen d'en
hâter raboulissement , .' "3 diocèse de Reims
avait, comme tant d'autres, une de ces liturgies
de moins en moins conformes au rite romain ;
et son rituel étant épuisé, il y avait, pour le
cardinal, mise en demeure de publier un nou-
1. OSserwidons tur un mémoire adressé à Vépiscoptt. p. 34
Ceremarquabie jugement du cardinal Gousset s'apjiliqueà
notre régime actuel du gouvernement diocésain. C'est af<
laire li voir.
2. U^t Pariais, De la quetticn lilurgique, coaclusioo.
veau rituel ou de revenir au rituel pnntiBcal
Pour l'archevêque de Reims, cette question n'en
était pas une, mais autant l'illustre successeur
de saint Remy, d'Hincmar et de Gerbert était
décidé sur les principes, autant, dans l'action, il
étiiit l'homme de tempérament, trop heureux
s'il pouvait s'y tenir en conciliant son goût
personnel pour la science ecclésiastique et sa
dévotion aussi fervente que réfléchie envers la
Chaire de saint Pierre. Le cardinal Gousset,
l'auteur d'uu cours de théologie parvenu à sa
douzième édition et promoteur d'une rénova-
tion analogue à celle qu'amenaient les Institu-
tiom liturqirjues, consulta donc l'abbé de Soles-
meselle Souverain l'on tife,le pape Grégoire XVI.
Le cardinal avait poié à l'abbé de Solesmes
les (juestiiius suivantes :
•1° Quelle est Tautorito d'un évèque particu-
lier eu matière de liturgie, dans un diocèse ou
la liturgie romaine se trouve actuellement en
usai^e ?
2° Quelle est l'autorité d'un évèque particu-
lier en m .tià-e de liturgie, dans un diocèse ou
la liturgie romaine n'est pas actuellement en
usage ?
3° Quelle conduite doit garder un évèque
dans un diocèse où la liturgie romaine a été
abolie depuis la réception de la bulle de saint
Pie V dans ce même diocèse ?
Dom Guéranger, parlant Ju principe que la
discipline Cit l'application des dogmes, cherche,
dans la théologie liturgique, le secret de sa
discipline. Pour donner à sa réponse une plus
décisive évidence, il procède par propositions,
savoir :
1° L'immutabihté et l'inviolobiUlé de la litur-
gie importent au maintien du dépôt de la
foi.
2" L'immutabilité et l'inviolabilité de la litur-
gie importent au maintien de la hiérarchie
ecclésiastique.
3° L'immutabilité et l'inviolabilité de la litur-
gie importent un maintien de la religion chez
les peuples.
4" L'unité liturgique est le vœu de l'Eglise,
et nous procure cette unité avec zèle et discré-
tion.
5° L'unité que se propose l'Eglise dans la
liturgie n'est pas l'unité matérielle et judaïque ;
mais l'unité vivante, animée par un progrès
légitime et sans péril.
6° Le droit des coutumes locales doit céder
au principe d'unité, dans la mesure nécessaire
an maintien et au développement de ce principe,
fondamental en matière de liturgie.
7. Avant le décret du Concile de Trente et
la bullede saint Pie V, la liturgie romaine était
l'unique liturgie des églises d'Occident et do
l'église de France en particulier.
15H
LA SEMAINE DU CLERGE
8° La bulle de saint Pie V, cnre=serrnnt l'unité
liliirgique, fut l'expression du vœu de l'Eglise;
ECS dispositions sont admirables de vigueur et
de discrétion.
9° Les bu lies de saint Pie V,pour la publication
du bréviaire et du missel romains de la réforme
du concile de Trente, ont été reçus dans l'Occi-
dent tout entier, et particulièrement dans l'é-
glise de France.
10° Les églises qui ont adopté les livres
romains de saint Pie V n'ont plus la liberté de
reprendre leurs anciens livres, ni de s'en donner
de nouveaux ; elles n'ont pas non plus le droit
de corriger ou de modifier les livres romains.
11° Les églises qu'une proscription de deux
cents ans exempta, au xvie siècle, de l'obliga-
tion d'embrasser le bréviaire et le missel réfor-
més desaintPie V,n'en sont pas moins tenues à
garder la liturgie romaine, et n'unt pas le droit
de passer à une autre liturgie, bien moins encore
de s'en fabriquer une nouvelle.
12° Les églises non astreintes aux livres de
saint PieV, en même temps qu'elle demeurent
inviolablement obligées au rite romain, exer-
cent cependant un certain droit de correction
sur leurs propres livres.
13° La prescription peut faire passer une
église, autrefois astreinte à la liturgie propre-
ment dite de saint Pie V, dans la classe de celles
qui sont simplement tenues à la forme romaine,
avec un certain droit de correction.
1 4° La solution des questions relatives au
droit de la liturgie intéresse la conscience au
plus haut degré.
15° Dans une église non astreinte aux livres
de saint Pie V, quand l'ordinaire publie une
nouvelle édition des livres du diocèse, et qu'il
s'élève un droit sur l'usase compétent de son
droit en matière de correction liturgique, dans
ce doute, la présomption demeure pour l'ordi-
naire, et les clercs ne doivent point faire ditû-
culté d'user des livres qu'il leur impose.
16° Dans une église astreinte aux livres de
saint Pie V, la simple volonté de l'ordinaire ne
peut rendre licite l'usage d'un bréviaire ou
d'un missel différents de ceux de l'Eglise Ro-
maine.
Telle était, en substance, la réponse de l'abbé
de Solesmes; voici maintenant la réponse du
Souverain Pontife :
« Nous avons reconnu le zèle d'un pieux et
prudent archevêque dans lus deux lettres
que vous nous avez adressées, renfermant vos
plaintes au sujet de la variété des livres litur-
giques qui s'est introduite dans un grand nom-
bre d'églises de Franci; et qui s'est accrue en-
core, depuis la nouvelle circonscri[ition des
diocèses, de manière à ofJenser les fidèles. As-
surément, nous déplorons comme vous ce malheur,
vénérable Frète., et rien ne nous semblerait plu$
désirable que de voir observer partout, chez vous,
les constitutions de sair>!, I*ie V, notre prédéces-
seur d'immortelle mémoire, qui ne veulent
excepter de l'obligation de recevoir le bré-
viaire et le missel, corrigés et publiés à l'usage
des églises du rite romain, suivant l'intention
du concile île Trente, que ceux qui, depuis
deux cents ans au moins, avaient coutume
d'user d'un bréviaire et d'un missel différents
de ceux-ci; de façon, toutefois, qu'il ne leur
fût pas permis de changer et remanier à leur vo-
lonté ces livres particuliers, mais simplement
de les conserver, si bon leur semblait. Tel serait
donc ainsi notre devoir, vénérable Frère; mais
vous comprendrez parfaitement combien c'est
une œuvre difficile et embarrassante de déraciner
cette coutume implantée dans votre pays de-
puis un temps déjà long; c'est pourquoi, redou-
tant les graves dissensions qui pourraient s'en-
suivre, nous avons cru devoir, pour le présent,
nous abstenir, non-seulement de presser la
chose avec plus d'étendue, mais même de don-
ner des réponses détaillées aux questions que
vous nous aviez proposées. Au reste, tout ré-
cemment, un de nos vénérables frères du même
royaume, profitant avec une rare prudence
d'une occasion favorable, ayant supprimé les
divers livres liturgiques qu'il avait trouvés dans
son église, et ramené tout son clergé à la pra-
tique universelle des usages de l'Eglise ro-
maine, nous lui avons décerné les éloges qu'il mé-
rite {i), et, suivant sa demande, nous lui avons
bien volontiers accordé l'induit d'un office vo-
tif pour plusieurs jours de l'année, afin que ce
clergé livré avec zèle aux fatigues qu'exige le
soin des âmes, se trouvât moins souvent as^
treint aux offices de certaines fériés, qui sont les
plus longs dans le bréviaire romain. Nous avons
même la confiance que, par la bénédiction de
liieu, les autres évèques àe ? tance, suivront tour
à tour l exemple de leur collègue, principalement
dans le but d'arrêter cette très-périlleuse faci-
lité de changer les livres liturgiques. »
Ainsi la question de droit était résolue dans
le même sens, avec une parfaite conformité do
vues, par la science et par l'autorité. Entre le
docteur et le Pontife, i' y avait accord parfait,
accord qui fait grand honneur à l'abbé de So
lesmes, et constitue, à l'adresse de ses contra-
dicteurs, une réponse sans réplique possible.
Dans cette France, tilhi aînée de l'Eglise, où
le dévouement envers le Saint-Siège est un
acte de patriotisme, la discorde liturgique ne
pouvait pas durer longtemps ; l'accord devait
petit à petit se rétablir entre le fait et le droit;
mais, par le fait des controverses et des inci-
dents dont elle fut l'occasion, le mouvement de
i II ('agit ici de Mgr Parisis.
LA SEMAINE DU CLERGE
ir>is
retour fut encore accél(5ré. La liturgie ro-
maine fut rétablie, en 1844, à Périgueux ; en
1813, à Gay; en 1846, à Rennes ; en 1847, à
Saint-Brieue, à Troyes et à Montauban ; en
1848, à Reims ; en 1833, à Blois ; puis succes-
sivement, durant vin^t années, dans tous les
diocèses de France. Si bien qu'à son dernier
jour, dom Guéianger, traité d'athée et de nou-
vel Aiius, pour s'être constitué le défenseur bé-
Eévole de le liturgie romaine, put voir, avant
de fermer les yeux à la lumière, cette lilurgie
rétablie dans toutes les églises de France : A
Domino factum est istud et est mirabile in oculis
nofins.
Ce^ rétablissements successifs du rite romain
ne s'ellectuèreBt pas, au surplus, sans fournir
l'occasion de manifester, sous toutes ses faces,
la piété française. Les évéques rivalisaient d'ar-
deur dans l'expression de leurs sentiments per-
sonnels ; l'esprit si vivant et si vivifiant de
l'Eglise romaine coulait à Ilot de toutes les
plumes épiscopales. « L'unité romaine <i souri à
notre tœur d'évèque, écrivait Mgr Georges Mas-
sonnais, le doux neveu du cardinal de Chevrus.
Les vœux du successeur de Pierri; seront ac-
complis, ses craintes dissipées et ses espérances
réalisées. » — « C'est pour nous fortifier da-
vantage au millieu des tempéles que soulève,
plus violent que jamais, le vent des variations
humaines, éciivait le vaillant elspiriluelMgrlré-
née Dupéry, c'est pour nous conformer aux
bulles si pressantes de plusiiurs saints pontiiés
et donner un éclatant témoignage de notre at-
tachement au Saint-Siège ; c'est jour obéir à
la voix lie notre conscieute d'évèque que nous
avons cru devoir resserrer encore It^s liens dtijà
si étroits qui attachent l'antique église de Gap
à l'Eglise mère et maîtresse, eu lui ri-ndant
cette forme liturgique dont elle fut dépouillée
en 1764, malgré ks hautes et unanimes rékima-
tions de sa cithédrale et de tout son cierge. » —
B 11 est toujours [dus opportun, écrivait le docte
et ferme Jlgi- Jean-Mane Uoney, de se ra[ipro-
cher de l'Eglise mère et maîtresse de toutes les
Eglises, qu(i de se grouper ou de rester groupé
autour d'une église particulière quelconque, à
laquelle nulle prééminence n'a été donnée,
aucune promisse n'a éé faite. » — « Un simple
désir du V.caire de Jesus-Ghri-t sera toujours
pour nous un ordre, écrivait l'évcque de Saiot-
Brieuc, un oidre auquel nous nous empres-
serous d'oblempcrer. Ain^i nous sommes déter-
miné à uduplcr cette litur;
changement
qui ne sera proiue qu'à fornfier et à rcss rrer
les liens qui nous attachent à la Chaire de
Pierre. » — « Vous ne serez donc i-as é;onués,
écrivait l'archevêque de Reims, si, a[irès y
avoir mûrement réfléchi, nous venons aujour-
d'hui réclamer le toucours de votre zèle pour
l'accomplissement d'une œuvre qui, en rétablis-
sant à perpétuité l'uniformité pour le culte,
dans toutes les provinces de ce vaste diocèse,
doit resserrer de plus en plus les liens qui
unissent l'église de Reims à l'Eglise qui est la
m^re et la maîtresse de toutes les églises, et
nous mettre d'une manière plus parfaite encore
en communion de prières aV". le Père commun
de tous les fidèles. »
Dansée concert d'évèques, il y en eut un, le
pieux Mgr Théophile Pallu-Dwparf, évéque de
Blois, qui, dans son mandement de retour agran-
dit, aux applaudissements de 1 Eglise, les hori-
zons de la controverse. Les partisans des liturgies
françaises versaient sur leur tombe, des pleurs
pins ou moins poétii]ues, et, incapables de les
défondre sur le terrain du droit, ils voulaient
s'adjuger au moins le rôle touchant des pieux
regrets. L'évèque de lilois les poursuivit dans
ce dernier retranchement. Dans un mandement
qui est presque un livre, et certainement un
beau livre, il établit un parallèle entre la
liturgie romaine et les liturgies françaises
dans leurs rapports avec le beau littéraire, ainsi
qu'avec le corps et l'âme de l'Église. Dans ses
rapports avec l'Eglise en tant que société exlé-
rieun-, la liturgie romaine a l'autorité doctri-
nale, l'antiquité, l'unité, l'immutabilité sans
exclusion pour les progrès légitimes. Par le
lien (pii l'attache à l'àuie de l'Eglise, la litur-
gie romaine possède : l'esprit de foi dans
l'action attribuée aux anges, l'estime de la
virginité et des vertus surnaturelles; l'esprit
de prière simple, aOectueuse, suppliante, longue
et souvent rétiélée; l'esprit (tonclion et d'amour
qui produit confiance en Dieu, familiarité sainte
et consolation ; l'esprit de dévotion envers
Jesus-Christ, la Vierge, les Saints et le Saint-
Siège. Quant au beau littéraire, elle pourrait
s'en passer, mais la liturgie romaine possède :
le beau liturgique, car elle est organe fidèle de
la tradition et de la pieté ; le beau de l'éloquence
classique dans les idées, les sentiments, les ima-
ges et les comparaisons ; le beau de la poésie
classique par l'élévation des sentiments et des
idées, la hardiesse des figures, la chaleur des
mouvements, le coloris des images et l'harmo-
nie du style. Ces beautés avaient été méconnues
ou mal appréciées du xviii" siècle, parce qu'il
n'aviit pas les qualités nécessaires pour les
comprendre ; et, dansses liturgies de labrication
jun^^éniste, il n'a su que trahir la pensée de
l'Eglise et se dépouiller de toutes les beautés
accessibles à la liturgie. — Certes, l'exécution
était de main d'ouvrier; elle neprêta matiér-.' à
aucune réclamation. La sépulture jdes liturgies
gallicanes et janséni-^tes se lit désormais sans
cérémonie ; saut quelques complaintes burles-
queSjle retour s'accomplit sans autre incident.
1910
LA SEUAWE DC CLERGE
Il n'y eut, dans le retour à la liturgie ro-
lûaine," un peu de difficulté qu'à Orléans, par
snite d'un dissentiment entre l'évè.jue et le
chapitre, et à B-sançon, à cause des illusions
persoDDelles de l'archevêque. Ce dernier prt-lat
avait proposé à Rome : l' la conservation ut sic
de la liturgie bj-sontine ; 2* le retour à la litur-
gie antérieure du diocèse; 3° ou la fusion des
deux liturgies. La Revue catholique de Louyain
a expliqué comment cesdifféreniespropnsitions
avaient été successivement rei)Ous?ées par le
Saint-Siège. La liturgie romaine a été rétablie
depuis à Orléans et à Besançon.
il y eut aussi, à Lyon, en ^86^, une espèce
d'esclandre, causée par l'opjxjsition aveugle rie
quelques membres du clergé, de compte à demi
avec les fonctionnaires de l'Empire. La difficnîlé
fut écartée par la sagesse du cardinal de B'î-
Dald, digne fils de l'auteur de la Législation
primitive.
Enfin, à Paris, la question tirée dans tons les
sens, un peu au gré de la politique et de la cona-
plaisance des aixhevcques, a été résolue réeem-
ment par une décision du cardinal Guibert.
(A suivre.) JusTis Fèvre,
protonotaire apostolique.
Sanctuaires célèbres
NOTRE-DAIÏIE DE CHARTRES
{Saite.)
En coûséquence, le 17 octobre 12G0, Pierre de
Mincy, assisté de son Chapitre et de plusieurs
évêques, dédia cette cathédrale à la sainte
Vierge, en présence de saint Louis, de sa royale
famille et d'un grand nombre de seigneurs et
de pèlerins (1).
Lorsque, pour la première fois, un voyageur
contemple les portails de la cathédrale ds Char-
tres, un sentiment d'admiration s'empare de
lui. Mais s'il examine les parties même les plus
obscures, où s'étalent encore de ravissantes
beautés, son admiration devient enthousiasme.
C'est, il faut l'avouer, un magnifique coup d'oeil
que ces |iarvis, chargés de statues, de dais, de
pinacles, de denlelles et de feuillages, «lii l'art
semble avoir épuisé toute sa verve féconde.
Mais, pour quiconque est artiste, le tableau se
transforme. Les statues ne sont plus là pour
orner seulement l'édifice, chaque pierre devient
la page d'un grand drame. Ce drame, c'est
l'histoire de l'humanité, depuis la création du
monde jusqu'au jugement dernier. Si de l'ex-
1 . Gallia Chrùliana, t. VIII, p. S70. — Bulteau, Detcrip-
(ion it la calkédralt.
teneur vous passez à l'intérieur, le dram.e vou»
apparaît sur les vitr.uix, dont l s cinq mille
figures ne sont, pour ainsi dire, que lecommea*
taire ou la répétition de la statuaire.
Construite en pierres, sorties des carrières de
Berchères-Lévèque, presque aussi dures que le
fer, la cathédrale de Chartres a des soubasse-
ments dont la hardiesse el la puissance excitent
l'admiration dssaichitectes. Le génie des géants
qui jetèrent les fondements de ce te basilique,
se révèle avec le même éclat dans les construc-
tions supérieures. Murs, cOntre-forts, tours,
tout offre le rare mélange de la force et de la
majesté. Trente contr.=forts à ressauts contour-
nent l'élifice et renforcer,, les voûtes, en ser-
vant d'appui à de gracieux arcs-houtants. Le
porche élevé au xue siècle, sous l'épiscopat de
Guillaume de Champagne, est entièrement cors-
sacré à l'attente, à l'avènement et à la glorifi-
cation de Jésns-Clirist. Sur les six parois laté-
rales des trois jiortails ouverts aux regards du
spectateur, se dressent de grandes statues,
représentant cette majestueuse succession d&
patriarches, de prophètes, de rois et de reines,
qui ont eu l'honneur de se transmettre d'âge
en âge l'espérance d'engendrer le Sauveur du
monde. Ces statues et celles plus colossales d©
la porte centrale figurent les ancêtres les plus
illustres du .Messie. Plus loin, se déroule la vie
du Fils de Marie. Puis on contempl- son triom-
phe. Entouré d'une auréole de gloire, il est
assis sur un trône; la terre quu a arrosée de soa
sang est à ses pieds; il bénit le genre humain
qu'il a racheté. Au porche septentrional s'étale-
la vie de la Mère de Dieu qui a joue un si grand
rôle dans la création et la Ré.lem|ition.
Pour connaître toute la délicatesse de l'art
chrétien, il faut parcourir les parties les plu»
reculées, les plus inaccessibles de cette cathé-
drale. Elevez-vous dans ces déserts aériens où.
le couvreur ne se hasarde qu'en tremblant,
vous rencontrerez, souvent solitaire, sous l'œil
de Dieu, quelque ouviage délicat, quelque
chef-d'œuvre de sculpture uù un pieux ouvrier
a usé toute sa vie. Pour soulever ce roc, pour
asseoir ces pierres sculptées, le courage ne lui
a pas manqué. Quand l'architecte lui ordonnait
de s'élever à cent, à deux cents pieds, le jeunfl-
ouvrier ne disait point : h Maître, j'ai peur,
l'abîme m'épouvante. » 11 montait en chantant,
et soulevait audacienseinent le bloc de pierre.
Que pouvait-il craindre î La Vierge ne veillait-
elle pas sur lui?
De ses miracles la renommée
Par le paJs, par la contrée (t).
s'était si rapidement propagée, qu'il pouvait
compter sur la protection de la Dame de Char-^
l. Le Livre des Miracles, p. 40.
LA SEMAINE DU CLERGE
1517
très. Plus son oiivra2;e écliappait aux roçartls,
plus il travaillait; cajp il ne dovaitpas échapper
à l'œil de Marie. Lorsijue l'œuvre était i^raa-
diose, il ne disait jioint : « Maitrii, fiuirai-je? La
tâche est longue et la vie est courte. Mes cheveux
blan';hiront, mes mains seront vieilles, avant
que l'œuvre ne soit terminée. » Pèlerins sur la
terre, ces ouvriers savaient que les demeures
éternelles leur appartenaient, qu"apr.J3 eux
viendraient leurs tils, puis leurs petit-ii!s, avec
leurs truelles touœs neuves pour continuer
l'œuvre, cela leur suUisait. lis se mettaient
prom[itement à l'ouvrage et laissaient couler le
monde à leurs pieds, sains distinguer souvent
dans ses flots orageux quelque chose que le bleu
du ciel. L'éveque, louché d nue si profonde
humilité, d'une si sublime ahm'^atioti, leur
accordait des indulgences, visiiail leurs travaux
et se montrait libéral, comme ce Regnault de
MoDçon qui fit présent de ses rentes durant trois
années entières (1).
Le soleil éclairait de ses dem'ers rayons
Notre-DamedeCliartres,lorsquenoi)s aperçûmes
son vaisseau sévère qui se dressait devant nous.
Il y a tant de noblesse, tant de majesté dans
cet imposant monument que le temps anoirei;
il possèJe un caractère si éminemment reli-
gienx, une expression si saisissante; il renferme
un tel enseuihle de beautés arlisti(iues, de, ma-
gnificences «Jouissantes, que l'œil croit voir
une apparition de-* merveUlcs céb'stes.
La vieille flèch'" lorme, par l'uuslerité de ses
lisncs verticales et relancement de sa pyramide
pleine, un contraste frappant avec le fameux
clocher, tout percé à jour, tout couvert de festons
et de dentelles, lequel par sa giàce, sa coquette-
rie, son élévation de 122 mètres et sa hardiesse,
est classé au rang des plus remarquables chefs-
d'œuvre. On connaît l'ailage: le portail de
Reims, la net d'Amiens, le chœur de Reauvais,
le clocher de Chartres et la Ûeche de Stras-
bourg, feraient la plus belle cathédrale du
inonde. Chaïun de ces morceaux d'architecture,
pris isolément, est un admirable chef d'œuvre ;
mais si on les iéui»issait,on n'obtiendrait (ju'ua
ensemble disgracieux, manquant d'Iiaïuionie,
parce qu'ils n'ont point été faits l'un pour
l'autre, et qu'ils appartiennent à des époques
(liflérenles du style ogival,
Nolrc-Danit de Chartres est l'expression des
siècles chrétiens. Il laut le temps des croisades,
pour (ju'un léger souffle gonfle les voùles, pour
que les aics-boutants montent aux combles de
la nef, avec leurs balustrades légères, leurs
roues rayonnantes et leurs ponts dentelés; pour
que les rosacess'ouvrent, s épanouissent, étalent
leurs riches compartiments ciselés et représen-
1. Tbéopb.il(^, Esiai lia dhors états. — Assier, Nolr$-l)t/mn
fi'e Charlrci . Le; u< .i^tyt au mo-jtn âge.
lent la gloire célestf. La prière dos ccni-rations
catholiques monte au ciel avec ces flèches élan-
cées; la sublimité des dogmes chrétiens apparaît
dans ces nefs grandioses; la majesté du cuUe
se déploie dans ces chœurs spacieux ; la foi
s'épanouit dans cette belle floraison architec-
turale qui semble porter jusqu'au trône de Dieu
le pai'fum des âme=. L^'poque du siyle ogival
fut celle des graudescntreprisesdu catholicisme.
Les sentiments religieux f.e Iraouisaient en
monuments élevés à la gloire de la Reine des
deux: témoignages [permanents de la reconnais-
sance des peuples pour les bienfaits signalés dont
elle les combiad. Chaque cité épisccipale ambi-
tionnait l'iionncur \_ ()os3édcr une cathédrale
dédiée à Marie. C'était Notre- IJame de Char-
tres, Notre-Dame de Piiris, Notre-Dame de
Reims, Notre-Dame deCbâloiis, Notre-Dame de
Rouen, Notre-Dame de Coutance, Notre-Dame
de Sf'nlis, Notre-Dame d'Amieus, et une foule
d'autres placées sons le vocable de la Mère du
Sauveur. Les villes, toutes religieuses alors,
reposaient tranquillement au pied de ces monu-
ments, protégées par leur ombre tutélaire.
CnARTRES An MOYEN AGE. LES SAINTS, LES PAPES
ET LES ROIS VISITENT SA CATHÉDRALE.
La vue de Notre-Dame de Cliaitres nous
reparla en plein moyen âge. Il nous semblait
Hiicrcevoir encore, au-dessus des portes de lii
cité, les statues de Marie, surmontées de la
légende : Carnutum tuiela, et sa statuette aux
coins des ru'^s, ainsi qu'aux façailes des mai-
sons. Il nous semblait voir passer dans ses rues
étroites et tortueuses menant à la basilique, des
milliers de pèlerins, venus de France, d'Angle-
terre, d'^sj^agne, d'Italie, marchant silencieu-
sement en laisant glisser dans leurs doigts les
grains d'uu rosaire. Il nous semblait enteadre
les chants des processions, les vivats des peuples,
les voix sonores des bourdons remplissant l'en-
ceinte de la cité d'une poétique mélancolie; il
nous semblait enfin, heureux spectateurs, assis-
ter à l'entrée solennelle de quelque souverain
Pontilé, de quelque inonaniue, venant vénérer
la Vierge illustre entre toutes. Chartres avait
alors sa cour brillante où 'es trouvères chan-
taient les louanges de cette .leine de la cité, où
les poètes récitaient des poésies eu sou hon-
neur. Chartres était en ces siècles, sillonné par
ce que l'Europe comptait de plus illustres et de
plus saints personna^. s. Trois papes vinrent
prier Notre-Dame de Chartres. En 1107, Pas-
cal U vint, sur l'invitation de l'éveque Yves,
célébrer les fêles de Pâques dans la cathédrale.
En 1130, Innocentll fîtun pèlerinage à Chartres,
et y reçut l'obédience de Henri 1", roi d'Angle-
terre. U y reparut une seconde fois, quelques
années açirès, et nonama son légat pour la
15J8
LA SEMAINE DU CLERGÉ
France, GonfTroy, siirrp?fnur de saint Yves.
En H(;3, Alexnndre lll passa quelques jours
d,:ns la mcino vil h'.
Los nionuuienls des âges chrétiens ne se pré-
sentent qu'accompagnés d'un cortège de souve-
nirs rappelant les grandes époques de notre
liistoiie nationale. En visilant l'intérieur de la
cathédrale de Cliarlrcs, où les antiques vitraux
reflétaient les rayons du soleil couchant et
répandaient une lueur iBélancolique, en par-
courant ces nefs, longues de cent vingt-huit
mètres, larges de trente-trois, il nous semblait
y voir ciTer encore les souvernins de France,
dévols serviteurs de la Viert;e-Mcre, les Eudes,
les Robert, les Henri I", L'année il06 y vit le
roi Philippe I", accompagné de toute sa cour;
il s'y é;ait rendu pour assister au mariage de sa
fille Constance avec le célèbre fils de Robert
Guiscard, Bohéraond de ïarente, prince d'An-
tioche. En dH8, Louis le Gros était venu dans
l'intention d'assiéger Chartres pour punir la
fierté du duc Thibaut IV; mais il n'osa liiriger
ses armes contre la ville de Marie : au lieu de
lui livier assaut, il y entra jiacifîquement, et
alla se jeter aux pieds de Notre- l'-ame de Sous-
Terre, pour lui demander pardon de son des-
sein (I). Isabrlle de Hainaut, épouse de Plii-
lippc-Augui-te, vinldemanilerà la même Vierge
un liéritifr pour le trône de France. Penilant
qu'elle était en prière, les cierges de l'autel
s'albimèrcnl ireex-mèmes, si l'on en croit le
témoignnuo de Guil:aume le Breton au roi
Loui- VIll (5).
Le .\ir .Mècle vit deux fois à Notre-Dame de
Charti es saint Anselme, archevêque de Cantor-
béry. Saint Thomas Becket, son illustre succes-
seur, pendant son exil en France, vint y puiser
la résignation dans les privations, la force dans
sa résistance aux injustes prétentions de Himri IL
Saint Bernard y donna:'* deux reprises le grand
spectacle de sa sainteté et de son action toute-
pui'sante sur les rois et les peuples; la pre-
mière fois, eu juin H3I, lorsqu'il assista à l'en-
trevue de Henri I", roi d'Angleterre, avec le
pape Innocent II; la seconde en 1147, lorsqu'en
présence de l'abbé Suger, li'un grand nombre
de prélats et de soigneurs, il y prêcha la
deuxième croisade, et que la plupart des barons
chartrains, cédant à l'empire de sa sainte parole,
se croisèrent, jurant aux pieds de Notre-Dame
de marcher à la conquête des lieux saints.
Vinrert ensuite le cardinal Melchior, légat du
pape Célesti 1 111, le chancelier Gerson et une
foule d'autres grandj persjuuages.
Dès le xii* siècle, l'atfluence des pèlerins est
si grande, que le saint Voile est exposé sur un
autel, au pied duquel se tient, jour et nuit, un
i. Suger, Vie de Louis le Gros,
t. Philiiiidoi, lib, XII, couclui^o.
ecclésiastique. Aux têtes sol 'nuKlles, le.s loge-
ments manquent dans la ville, des milliers de
fidèles passent la nuit sous les portiques ou dans
l'i-plise. Pour satisfaire à la dévotion des pèle-
rins, on frappe des médailles à l'empreinte de
la précieuse relique. Lfs pèlerins les emportent
avec eux, en souvenir de leur pèlerinage, elles
distribuent dans leurs pays (I).
Dans le cours du xiii' siècle, la reine Blanche,
mère de saint Louis et la bie;ihenreuse Isabelle
de France, sœur du «ranrl roi et fondatrice de
l'abbaye de Longchamps, s'agenouillèrent en-
semble aux pieds de l'antique Madcjne. S^unt
Louis y reçut Henri III, roi d'Angleterr.?, Vers
le même temps, Richard-Cœar-de-Lion tra-
versa le détroit, saint Ferdinand III, rni de
Castille, franchit les Pyrénéi's, l'un et l'autre
venant déposer aux pieds de Marie la majesté
du diadème.
Au ,\ive siècle, Philippe le Bel oflrit à Notre-
Dame de Chartres l'armure qu'il portait à la
bataille de Mons en Puelle, composée, entre
autres pièces, d'une cotte de mailles surmontée
d'un heaume en fer. C'était l'accomplissement
d'un vœu fait au milieu de la mêlée : se voyant
près de périr parmi plusieurs seigneurs tués à
ses cotés, il avait prié No'ro-Datne de Chartres,
et avait échappé comme miraculeusement à la
mort, en se sauvant préeipitamrueni. à cheval.
Son tils, Charles IV, alors âgé de dix ans, l'ac-
compagna dans ce pèlerinage; et, à l'exemiile
di- son père, il otlrilà Marie le pourpoint rouge
dont il était revêtu.
Imitant l'exemple de ses prédécesseurs, Phi-
li|ipe V de Valois, vainqueur des Flamands à
à Cassel, en 13iS, entrait dans le saint temple,
monté sur son coursier, armé de toutes pièces
et suivi des principaux barons. Descendant en-
suite de son cheval, il s'agenouillait devant la
Vierge antique dans son mystérieux sanctuaire,
laissait 1,000 tournois pour racheter son ar-
mure et son coursier qu'il avait offerts à la
Vierge, et faisait la communion à l'autel de la
Mère de Dieu. Il y revenait l'année ^uivrtnte et
y assistait au mariage de Jean, duc de Breta-
gne, qui avait voulu s'unir à son épouse, ea
présence et sous les auspices de Notre-Dame de
Chartres (2).
{A suiure.) L'abbé Leroi.
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
Eoclésiastiques français ea pèlerinage à Rome. —
EestanraUon de la coupole de Saint-Pierre. —
Médaille pootilicale comtnémorative pour 1875. —
1. Histoire de Chartres, p».' Soaohet, liv, III. Biblio-
thèque de Chartres.
2. IJisluire de Chartres, par Clievard, t. II. — Soachet,
Histoire de la ville et l'église de Chartru, — I.épinois, Bit-
loin de Chartres,
LA SEMAÎME DU CLERGE.
lol9
Assemblée consistorinle du 17 septembre; nomina-
tion lie ciinlinaux et d'évêques. — Etat économique
actuel di' Rome peint par la Capitale. — Br^it' du
Saint-Père roncprnant le^ Universités ca:holiques.
— Zèle de NN. SS. les évêques pour les prépar.-r. —
Induit accord.int le couronnement solennel île la
statue de l'archange Michel. — Les pèlerinai,'es à
Lourdes, à Issoudua et à P,iray-le-Monial. — Gué-
rison miraculeuse de Mirie Trouet. — Erection de
la statue de Ghàteaubrjand à Saint-Malo. — Protes-
tation du carilinal Autoaelli contre le proiet de
violation di co'icordat e-^p.ignol. — Le libéralisme
du gouvei riem>'nl madrilène. — Le conjurés de Fii-
bour;;-iMi-I!i-isiau. — Ré^ol iiinn^ volée", — Erec-
tion d'un siét'e urcb ép.scopal à Aihones.
23 s.'plemb e 1875.
Ro'îîi. — Cciuc.'jup d'tîcclrsiasliques fr.in-
f;iis ?c Irouvi'nl ei; ce nioirn'nt dans la Ville
suint;;. Ce sont pour la plii|iart des piètres ap-
partenant au cleigé ensi'i','naiit, et qui, n'ayant
de lil/PC que le tcinjis des vacam-os, l'emploient
à ce pieux |ièleriniifi;e tnaLré Irs futii;iies et les
flanjjers de la s.iison dos chaleurs. Tous sont
reçus en ainlience spéri.tlu par le Saint-Pèie,
(pi'un tel altachcment à sa personne console
beaucoup. Ils entrelieunent Sa Sainteté des
insliUitions auxquelles ils aipartiennent et des
di?po liions de leurs élèves. Puis le Pape les
enii:urng;e et leur donne les avis dont ils peu-
vent avoir hesdin. Il les bénit ensuite et les
charge de Iransmeltre sa bonédif^tion h leurs
parents et l'i leurs <;léves. Eu se retiitint, dia-
cun laisse l'obole de sou atnonr filial avec les
oûraudes dont il esV chargé, parfois modestes,
mais le plus souvent considérables. On sait
que les besoins du Pape augmentent, qu'à
toutes ses charges anciennes vient de s'ajouler
celle de loger les évèques d'Ualie, expulsés de
leurs demeures par le gouvernement, el l'on
s'impose des sacrifices plus grands, qui per-
mettent d'épargner au Pape la douleur de voir
ces vénéiables l'asteurs sans asile.
Le Pape s'est aussi trouvé dans la nécessité
de faire à la coupole de Saint- Pierre des répa-
rations urgentes. Elles sont prés d'être ache-
vées. On ti'avail fait aucun travail au gigantes-
que monument depuis le pape B "noît XIV. Les
répartitions qu'on viciil d'exécuter otit co.i'islé
principalement à dianger la couverture de
plomb, jiisqii à bi boule. Cette couvrrture se
compose lie seize tranches, dont chacune coûte
quinze mille francs.
Ou sait ([ue char,ue année Pie IX fait graver
une médaille pour tappeler quelque evi'nement
de sou régne. Celle pour 1875 représente les
mai.sons qu'il a l'ail construire à ses frais près
de la place Masla'i, et qui sont louées à bas
prix aux ouvriers. On y voit avec les maisons
la fontaine et le square qui ornent la place et
dans la perspective l'égl se de San l'ielro in
Moulorio. Cela forme uu pylii paysage plein de
fines-e et d'exa 'tittide. Sur la face i''e la mé-
daille se trouve l'elliu'ie du Saint-P<''re telle
qu'elle est dans l'année présente.
Le 17 de ce mois a eu lieu une as'semblée con-
sistoriale, dans laquelle le Pape a proclamé les
noms des cardinaux précédemment ré ervés
in petto, créé cardinal M-;r l'archevêque de
Piennes et pourvu trente-une églises. Nous
donnerons dans notre (irochtun numéro la liste
cfiicielle de cesprotuotions et provisions.
Nous rappoi lions réccuiuient les aveux d'un
journal seciaire sur les résultats du régne des
libéraux à Piome. En voici d'autres em; runtés
h la Cnpitnfe.VnnQ i\e.% feuilles les plus dévouées
à la Piévolulion. Ces aveux ne peuvent être
si;spects, coinnie s'ils émanaient de feuilles
caliioliques, ni taxés d'exagération, puisqu'il
serait pliilot de l'iutcrét des sectaires de
diminuer les maux que. font naître leurs prin-
cipes et leurs œuvras. Parlant du gouvernement
de Viclor-Emmanuel à Rome, voici doue ce que
dit la Capitale :
« Il a pris l'argent sonnanl dans toutes les
caisses publique-, ell'a remphicé p;;r du papier;
d'un seul coup, il a frappé Uome d'impôts aux-
quels les divi'fses provinces de la péuiu-ule
avaient élô habituées peu à peu; il a sacrifié
1 inilustrie au mutnent où on disait vouloir la
relever; il a élouUé toute ii.iliative privée et
tout (dément de vie économique ; il a augmeulô
eufii) tuules les misères publiijues.
« De nouveaux négoces ont été ouverts, sans
doute; les anciens se sont embellis; les rues
ont fait éclater de pompeuses eusei'^nes; mais
les éludes d'huissiers ont été cnvtihies par des
lettres de change piotestées, mais les tribunaux
ont eu des masses d'aUaires à juger, mais les
fiilliles se sont précipitées avec des passifs
épouvantables.
« On a institué des écoles ; mais soit la stupi-
dité des méthodes, soit l'ineptie des professeurs,
on a travaillé au profit de l'euseignemeat
clérical.
« On a supprimé comme une honte, l'aumône
aux portes îles couvents, et l'on a vu les tnal-
h' iireux iomlmiil épuisés sur la voie publique.
« Les vols .se sont multipliés et les prisons
regorgent d'individus ramasst'is par la siireté
publique, parce qu'il sont privés de moyens de
subsistance et vagabonds.
« On a prodigué les promes'^fts, et, sur la foi
du Gouvernement, des spéculateuis s'étant mis
à exalter la vie oUerle au capital par le régime
nouveau, ont liiii [lar la banqueroute fraudu-
leuse et par la prison. »
Si un ami ne peut se taire d'en dire tant,
qu'on juge tie ce que doit être la réalité!
Trance. — Les Universités catholiques sont
appelées à exercer une si salutaire intlueoce
rîû
LA SEMAINE DD CLERGÉ
sur l'avenir, que le Saiul-Père a jugé qu'il
n'ùliiil pas inulile d'encourager tout le monile
à concourir à cette œuvre capitale. C'est ce qu'il
a l'ait le 16 septembre, par un liref adressé à
51yr Freppel, cl que voici pn^sque tout entier :
« Nous ne sommes nul'etnenL surpris, véné-
rable frère, île ce qu'un peuple, se souvenant
de son antique tiloire nationale dans les lettres
et dans la scieme, après avoir éprou^^é si long-
temps les plus grandes diflii'ultés [lour donner
à la jeunesse um saine et pieuse éducation,
se réjouisse d'avoir obtt'nu la liberté de l'en-
seignement et s'applique à la mettre à exécution
le iili!S prnmptement possible, en réunissant
spontanément ses efforts et ses ressources. Aussi
le felicitons-Nous d'avoir saisi avec empresse-
ment l'occasion que lui offre une loi favorable
et Nous l'exhortons à donner son concours
persévérant et ses suffrages à une entreprise
eomme:;cée avec tant de bonne volonté. Quant
à vous, Nous donnons les plus grands éloges à
votre sollicitude pastorale. Ne [)0uvant encore
exiger les cliaire= de celle science suprême, qui
est la muderalrice de toutes les autres, vous
vous êtes appliqué surtout à former l'esprit des
laïque-, pour les pénétrer d'une saine et solide
«onnaiisjnce des lois civiles et canoniques.
Et, ('ij effet, ce ne sera pas un mince proUtque
la connaissance vraie el claire du droit et du
juste pour la société civile et religieuse, troublée
depuis si long'em,)S par tant de commotions,
qui ont infecté les lois de beaucoup d'erreurs.
C'est pourquoi nous souhaitons de tout cœur le
succès do vos desseins et de votre entreprise, et
nous aimons à. présager que, par l'ailjonctioa
des autres branches de l'enseignement, votre
institution croîtra r ipidem -nt et se perfection-
nera; et qu'ainsi recommandée par l'expérience
et par les résultats, elle méritera les éloges et
la condrmati(m de c • Saint-Siège... »
Presque à la nii'.nio date, le 8 septembre, LL.
EEm. le cardiual-arcoevéque de Uouen, le car-
dinal-archevêque de Paris, NX. SS. les arche-
vêques de Bourges, Sens et Reims et NN. SS.
les évoques de Meaux., Beaavais, Séez, Orléans,
IJlois, Versailles, Chartres, Troyes.Saint-Brieuc,
Soissons, Cliàlons, Bayeux, Verdun, Nancy,
Evreux, Limoges, Nevers et Amiens, réunis à
Paris pour délibérer au sujet de l'Université
libre qui va s'y ouvrir, ont arrêté les t.'rmes
d'une lettre commune à leurs diocésains respec-
tifs, dans laquelle ils leur demandent la double
coopération de leurs prières et de leurs ortVan-
des. L'archevêque de Paris a offert, pour l'ins-
tallation de cette Université, la maison dite des
Carmes, qui est une propriété diocésaine,
acquise précisément en vue d'eu faire une
maison d'éducation.
Le cardinal-archevêque de Cambrai et Mgr
l'évèque d'Arras ont également écrit à leurs
diocésains dans le même sens, au sujet de
l'Université catholique de Lille.
Dans le Midi, les évèques sufl'raganls de la
province de Toulouse ont répondu à l'appel qui
a été fait par le vénérable archevêque pour In
fondatiim d'une Université libr 'dans cette ville,
et ont garanti la somme de 400, 0;j() francs \\oiiv
la réalisation de c:- g;-and projet. Le local e^-t
également prêt, c'est l'hôtel Saint-Jean, maiîni-
fi.iufi bâtiment occupé autrefois par les cheva-
liers hospitaliers d ■ Saint-Jean de Jérusalein.
Ainsi [jarloul l'activité l'S". t.-i'ù-grande, et l'on
peut compter que dés celte innée la jeunesse
catliolique pourra recevoir une instruction,
sinon encore tout à fait romplète, au moins
saine de toute doctrine perverse.
Et parce que toute la France catholique, dan»
ee temps de combats el de labeurs, a besoin de
la protection céleste, le Siinl-Pére ne s'est pas
contenté de nous encoiragerde sa voix vénérée,
il a voulu tourner nos regards vers notre puis-
sant protecteur, qui a précisément vaincu la
première révolution qui a éclaté, celle des
mauvais anges contre Dieu. Le Saint-Père
donc, par un rescrit apo^loli jue, vient de
décerner à notre bienlieui'eux [)rotecteur l'ar-
cliange saint Michel, les honneurs du couron-
nemeul solennel. La statue d'argent vénérée au
Mout-Saint-Michel recevra, des mains d'un
délégué du Vicaire de Jésus-Christ, une cou-
ronne d'or, qui témoigneia de sa paternelle
sollicitude pour la France et de son i:ivincibl«
conhance en l'archange saint .Michel. Mais les
catholi({ue? de France ont compris qu'il était
de leur honneur de faire eux-mêmes les frais
de celte couronne. Plusieurs comités se sont en
conséquence organisés pour recevoir les sous-
criptions, qui pourront être aussi envoyées à
l'abbaije du Mont-Saùit-Michel, par Pontorson
[Manche).
Les pèlerinages ont été plus nombreux dans
tout ce mois qu'ils n'ont pas encore été. Lourdes
en particulier a vu accourir à son miraculeux
sanctuaire presque toute l'Europe. Belges, Alle-
mands, Hollandais, Français de toute province
y sont allés supplier la Vierge Immaculée.
Souvent il s'y trouvait jusqu'à cinq ou six
pèlerinages à la fois, yl isieurs guérisons mira-
culeuses ont eu lieu, notamment celle d'une
jeune personne nommée Marie Tronet, àgee d-".
27 ans, elqui était depuis huit ans à l'hospice
de la Charité de Marseille, oii elle avait reçu
successivement les soins de neuf méiecus, qui
l'avaient tous abandonnée comme incurable. En
quelques secondes la sainte Vierge l'a guérie,
A Issouduo, les 6, 7, 8 et 9 septembre, grandaa
fêtes en l'honneur de Notre-Dame du Sicre-
Gœur. Mgr l'archevê.jue de Bourges, eaiouié dfl
LA SEMAINE DU CLERG2
^l2l
quelques autres évéques, a présidé aux diverses
cérémonies, qui ont élé splerididcs. Le nombre
des pèlerins venus de Bourges, de Paris, de
Belgique, de Hollande, d'AIlcmiigne et des
diverses parties de la France, a été incalculable.
Le Saint-Père, par un télégramme, a envoyé
la bénédiction aporiolique à tous les pèlerins
accourus à Noti e Dame du Sacré-Cœur.
Paray-le-Monial ne cesse pas non plus d'être
visité par de' nombreux pèlerins. Un inspecteur
des chemins de fer, ayant fait le relevé des
convois de pèlerins airivés à ce sanctuaire
depuis le mois de janvier, en y comprenant les
pèlerins i^olés, croit pouvoir aftirmcr que Paray
a vu cette année cent soixante-quinze mille pè-
lerins. Il est à présumer, en s'appuyant sur la
moyenne probable, qu'il en ira encore une
vingtaine de mille jusiiu'à la fin de l'année.
Une le e religieuse et littéraire a eu lieu le
6 septembre à Saiut-Malo, à l'occasion de l'érec-
tion d'une statue à Chateaubriand. Elle a en
efifet commencé jiar la p^lébration du saint
sacrifice, auquel ont assisté les autorités civiles
et militaires du département et les délégués de
l'Académie et de la Société des gens de lettres,
venus do Paris. C'est au sortir de l'église que
le voile qui couvrait la statue a été enlevé, aux
applaudissements de la foule. Chateaubriand
est représenté assis, le front dans sa main, et
eccouilé sur son œuvre principale, le Génie du
Christianisme. Quatre discours ont élé prononcés
le premier par M. Camille Doucet, au nom de
l'Académie française, le second par M. le duc
de Noailles, successeur de Chateaubriand à
l'Académie, le troisième par M. Paul Féval, au
nom de la Société des gens de lettres, et le der-
nier par M. le comte Geoffroy de Chateaubriand,
le chef actuel de la famille du héros de la fête.
Le moins goûté de ces discours a été celui de
M. Doucet, qui a jugé à propos de faire l'éloge
de Voltaire en même temps que celui de Cha-
teaubriand. Ce rapprochement de l'auteur igno-
ble de la Pucelle, de l'auteur du Génie du
Christianisme, était en eiiet tissez peu honoiable
pour ce dernier.
Espagne. — Les libéraux de Madrid avaient
adroilument écarté dans leur projet de Consti-
tution deux ou trois paragraphes qui suppri-
maient tout simplement le premier et principal
article du Concordai signé avec le Saint-Siège
€n 1851. Ce premier article est ainsi conçu :
« La religion catholique, apostolique, romaine,
qui, à l'exclusion de tout autre culte, continue
à être l'unique religion espagnole, se main-
tiendra toujours dans les domaines de Sa Ma-
jesté catholique avec tous les droits et préroga-
tives dout elle doit jouir, selon la loi de Dieu et
les dispositifs des s;icrés canons. » Et voici main-
tenaul ce qu'on lit, entre autns choses, dans le
projet de la nouvelle Constitution : « Nul ne
pourra être inquiété sur le territoire espagnol,
ni pour ses opinions religieuses, ni pour l'exer-
cice de son culte respectif, sauf le respect dîi à
la morale chrétienne. »
Le Saint-Siège ayant eu connaissance de ce
projet de Constitution, le cardinal Antonelli a
adressé au nom du Pape une protestation au
gouvernement de Madrid, et donné ordre au
iionce d'en communiquer le coulenu aux évè-
ques d'Espagne, ce que Mgr Simeoni s'est hâté
de faire. La prostestaliou commence par rappe-
ler qu'il n'est point permis ? l'une des parties
qui ont signé le Concordat, d'y rien changer,
sans une entente préalable avec l'autre partie :
puis elle démontre que lanouvelle Constitution,
si el!e était volée comme elle est projetée,
serait la violation formelle du concordat. Les
libéraux, voyant leur jeu découvert et publi-
quement réprouvé, ont poussé des cris et des
menaces. Ils assurent qu'ils iront de l'avant, et
en appellent aux prérogatives royales, comme
si c'était une prérogative royale de violer les
traités. La question de liberté des cultes a
d'ailleurs éteplusleurs fois déjàdiscutée parles
Corlès, et tranchée négativement presque à
l'unaniinilé. Elle n'est donc pas voulue par la
nation. Mais les libéraux veulent la lui imposer,
apparemment pour la plus grande union des
es|)rits. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour en
inspirer le goût, et favorisent en conséquence
de ieur mieux la propagande protestante. En
sorte que dès maintenant c'est déjà pour quel-
ques centaines d'héréliques que sont les privi-
lèges. Toutes leurs demandes sont accueillies
dans les ministères; tandis que celles des catho-
liques sont jetées au panier. On leur bàlit les
chapelles qu'ils demandent, tandis qu'on laisse
tomber en ruine les églises. Voilà le système
libéral, toujours iirécurseur de la persécution,
s'il vit assez longtemps pour la préparer. C'est
sans le vouloir, nous l'accordons, mais ce ne
peut plus être maintenaut sans le savoir.
Allemagne. — Les actes de la persécution
vont toujours se multipliant. Nous n'en parle-
rons cependant pas aujourd'hui, afin de con-
sacrer la place qui nous reste au Congrès, que
les catholiques allemaiids viennent de tenir
à Fribourg-eri-Brisgau L'ouverture s'en est
faite le 31 août, et il s'est continué jusqu'au 4
septembre. A la plupart «les séances, l'assis-
tance était au moins de 5,000 personnes. Plu-
sieurs évèques, en Ire autres NN. SS. de
Strasbourg et de Mayence, ont pris part aux
travaux. On comprendra aisément que nous
ne pouvons pas même en donner le compte
rendu très-abrégé, comme nous le faisons
pour les congrès de France. Mais nous
allons Iranscriie cd-dessous les résolutions gêné*
1522
LA SEMAINE DU CLERGÉ
raies qu'on y a volées, et qui feront connaître
les questions dont on s'est occupé et dans quel
sens on l'S a Irauchées. Voici ces résolutions :
n 1. L'Eglise est une institution complète en
elle-même, qui a reçu de Dieu un droit
propre à elle dans le domaine de son pouvoir
d'enseignement, de consécration et de juridic-
tion. Elle est, en vertu du droit divin et posi-
tif, indépendante de l'Etat dans toute l'étendue
de sa mission. Il lui est di!i donc pleine liberté
sur le domaine entier de ^-a mission.
(1 2. L'Etat est soumis comme l'individu à
l'ordre et aux lois établis par Dieu. E.\iger une
obéissance absolue et illimitée aux lois de
l'Etat, c'est porter atteinte à la morale et au
droit divin, qui sont au-dessus des prescriptions
de l'Etat.
« 3. C'est attaquer l'existence de l'Eglise
que de vouloir entraver le Pape, chef de
l'Eglise, dans l'exercice de ses fonctions ensei-
gnantes et de sa juridiction.
« 4. Le Congrès renouvelle sa protestation
contre la suppression du pouvoir temporel du
Pape et la violation qui en résulte des droits
du Siège apostolique et de la chrétienté.
« 5. toute tentative qui a pour but d'entra-
ver la libre dispensation des sacrements et la
libre promulg.»lion de la vérité chrétieme est
un empiétement sur les droits de l'Eglise et
des fidèles.
o 6. Le pouvoir civil s'attaque à l'ordre
divin et aux lois de rE'.;lisi' lorsqu'il pousse
son ingérence dans les affaires religieuses jus-
qu'à s'arroger l'éducation, la nomination et la
destitution des ecclésiastiques, et qu'il se donne
le droit de décider .le la constitution et de l'al-
ministration de l'Eglise.
« C'est méconnaître la foi catholique et la
vérité notoire que de donner le titre de catho-
liques et les propriétés ecclésiastiiiues à des
personnes qui se sont soustraites à l'autorité
de l'Eglise et qui, de fait, sont placées sur le
terrain du protestantisme.
(i 7. La suppressicm et la mise sous tutelle
des couvents et congrégations, les(juels sont
en connexion intime avec le développement de
l'Eglise et le bien-être d^i la société, sont une
atteinte aux droits de l'Eglise et de la liberté
personnelle.
« 8. En vertu des pleins pouvoirs qu'elle
tient de Dieu, l'Eglise a l'autorisation et la
mission d'enseigner tous les peuples. Elle a
donc le droit inprescriplible de fonder et de
maintenir des écoles quelconques, où la jeu-
nesse chrétienne puisse recevoir une instruclioa
et une éducation conformes aux principes de
la foi.
« L'Eglise ne peut, en aucune circonstance,
reconnaître au pouvoir civil le droit de pour-
voir à l'enseignement religieux. Les institu-
teurs ealholiijues ne peuvent recevoir la mis-
sion de l'enseignement religieux que de la part
de l'autorité ecclésiastique, et les parents ne
doivent confier leurs enfants qu'aux écoles
approuvées et autorisées par l'Eglise.
« 9. Le Congrès se fait l'interprète de tous le»
catholiques en exprimant son respect et son
admiration pour les iligues évèques et le fidèle
clergé qui souffrent aujourd'hui de si graves
persécutions.
« Il s'agit, dans la lutte actuelle, de l'exis-
tence de l'Eglise catholique, du maintien de la
foi et de la liberté de lu lY'ligion chrétienne,
« L'Eglise catholique ne peut se soumettre et
ne se soumettra jamais à des lois qui vont à
rencontre de sa constitution divine.
« La paix ne sera établie cjue lorsque l'Eglise
catholi(jue aura recouvré le droit et la liberté
qui lui reviennent en vertu de l'ordre divin et
du droit public.»
Ce Congrès réserve le faisceau des forces ca-
tholiques, et, en affirmant les vraies doctrines,
il met en poudre les prétextes dont se sert le li-
béralisme pour enchaîner l'Eglise.
Après avoir décidé que la prochaine assem-
blée se tiendrait à Munich, les congressistes se
sont séparés au cri de : Vive Pie IX !
Grèce. — Depuis l'époque du grand schisme
grec, Athènes n'était plus qu'un litre in partibus
infidelium. Mais l'Eglise y ayant fait île grands
progrès dans ces derniers temps, et le roi Geor-
ges témoignant une entière bienveillance à ses
sujets catholiques, le Saint-Père a vnulu profiter
de ces circonstances favorables pour ériger la
capitale de la Grèce en métropole. Le prélat
choisi par Pie IX, pour occuper le nouveau siège
est l'éminent Mgr Marango, délégal apostolique
à Athènes, où sa charité et son zèle lui ont con-
quis le respect et l'amour non-seulement des
catholiques mais même de ceux qui ne profes-
sent pas notre sainte religion. Le Saint-Père
veut qu'il ne manque rien au premier arche-
vêque d'Athènes. A l'occasion de sa promotion,
il lui a envoyé de riches cadeaux, entre autres
une croix jiectorale et un anneau pastoral, un
calice et de très-beaux ornements. Les catho-
liques grecs ont salué cette nomination avec
joie, et tout fait croire que les progrès de l'E-
glisesur cetteillustreterre vont prendre un essor
eucore plus grand.
F. d'Hauterive.
N» 50. — Troisième snnée.
Tome VI. — 6 octobre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
THÈME HG!\11LÉTIQCE SUR L'E'WNGILI
DU XXIII' DIMANCHE APHÈ3 I.A PENTECOTE '^1)
Mallh. IX, 18-27. — Cf. Marc. v. Luc, vin.
1. En ce temps-la, comme Jésus parlait ù la
foule, vint un homme, nommé Jnïre; il était chef
de fyiingogue. A la vite de Jésus, il se jeta à ses
pieds, le suppliant de venir chez lui, parce qw sa
fille, l'i peine âgée de douze <;»<, se mourait. Il le
suppliait avec instance : ma fille est à ii-jjtrêvDlé,
disait-il, venez, imposez-lui la main, a/in qu'elle
soit sauvée et qu'elle vive. La prière di; J.;ïre
était fervente, ruais sa foi n'était pas com[)lèle.
11 devait croire que la présence de Jésus-(;iu-i.st
n'était pas i;écessaire pour guérir sa tille. Jé-sus,
néaniiioins, consent à n'compenser celte foi
im[)urfyite, car Dieu est toujours meilleur que
nous, et Jésus, se levant, s'en alla avec lui, suivi
de ses disciples et d'une si grande multitude que la
foule le serrait de toutes parts. Et voilà qu'une
femme qui, depuis dnuze ans, souffrait d'une
perle de sang, perça la foule, et, s'approchant par
derrière, touchu le bord de son vêtement. Car elle
disait en elle-même : Si je puis stulcmcnt toucher
le boi'd de son vêtement, je serai guérie. Admirez
l'humilité de cette pauvre femme : elle s'ap-
proche timidement par derrière ; admirez sa
foi : elle ne doute pas un instant ; elle est cer-
taine (jue le seul contact du véteineiit de Jésus-
Christ suffira pour la guérir. Et, en effet, elle
fut guérie à l'heure même.
Les docteurs callioliiiues ont vu, avc-c raison,
dans ce miracle, un argument en faveur de
l'eflicacilé des saintes reliques. Qu'élail-i'e, ea
effet, ([ue la roho de Jé-us-Clirist, qu'il siUfil à
l'hémorroïsse de loucher pour être guérie,
.sinon une relique auguste? Est hoc exemplum
ad probandum vim et efficaciam sanctarum reli-
quiarum; lalis enim fecit vestis Clmsii{'2).
Cependant le divin Maître, voulant mani-
fester &\ sa gloire et la foi de cette humble
femme, es tourna vers la foule, et lui dit : Qui
m'a touché? qui a touché ines vêtements'? Et
Pierre, avec sa simplicité habituelle, lui répondit :
Maître, voyez, la foule vous oppresse, vous écrase,
et vous dites : qui m'a touché! Et Jésus reprit :
Quelqu'un m'a touché ; car f ai connu '/u'une vertu
était sortie de moi, et il promenait son regard autour
i. Four le xxti" ilimanche. voir le n» 47 de la 2* année*
2. Coi-nel. a l.iu.id.
de 'vi, pour vc
mti avait fait cela. 11 le
savait; mais il voulait le prouver à la foule,
apprendre que tout lui est connu et donner au
monde, dans la personne de l'hémorroïsse, ua
modèle d'humilité, de confiance et de foi. Il la
distingue dans la foule; mais il veut qu'elle
vienne d'elle-même. Qui m'a touché? Ce n'est
pas celle multitude qui me presse ; c'est celte
âme aimante, perdue dans la foule, qui m'a
réellement touché. Quel empressement quel-
quefois autour de Jésus-Cliri-t, dans nos solen-
nités saintes; niais la foi, la piété sont-elles tou-
jours en rapport avec la foulu? Jésus passe,
et la foule ne ressent pas le bienfait de sa pré-
sence ; mais s'il est un cœur humble et pur qui
se cache et s'ané;inlit, c'est h ce cœur tout seul
que va la vertu qui sort de Jésus-Christ; c'est à
cette âme qu'il dit : Ma fille, ayez confiance,
voire foi vous a sauvée. L'est la foi qui nous
élève à l'adi'ption divine : Et fdiam, eamvocat,
qwa fides cam filinm feccrat (1 ).
n. Pendanl <;ette scène touch.inte, les gens
du chef de la synagogue vinrent lui dire : C'est
inutiled'importuiier le Maître davantage, votre
lille vient de mourir. VA le malheureux père
redoublait ses instames, et Jésus lui dil : I\'e crai-
gnez pas, croyez seulement. Et lorsqu'il fut ariivâ
à la maison du chef de la synagogue, il ne laissa
entrer avec lui que Pierre, Jacques, Jean, frère
de Jacques, et le père et la mère de la jeune fille.
Pour nous apprendre à fuir la vaine gloire <t
pour bien d'autres raisons dignes de sa sagesse,
il ne veut avoir avec lui que les témoins absolu-
ment indispensables de ce qu'il va faire; ses
principaux apôlres qui devaient en inslruir-,
l'Eglise et les parents de la déluiiti', par égard
pour leur amour paternel, et afin qu'ils puissent
en témoigner (levant la synagogue.
Il chassa les joueurs de fl'ile qui, selon l'u-
sage, faisaient entendre des airs lugubres:
lietirez-vous, leur dit-il, cette jeune fille n'est pas
morte, inais elle dort. Et ils se moquaient de lui
sachant bien qu'elle était morte.
Elle est morti; pour vous, hommes impuissants,
mais pour moi qui suis Dieu, cette enfant n'est
qu'endormie, vobis mortua est, mihi dormii (2).
Quand la toule eut élé mise dehors, il entra
où la jeune fille était couchée, et, la prenant par
1(1 main, il dit : Jeune fille, je le le commande,
lève-toi, et la jeune fille se leva aussitôt, et, pour
1. Chrvsost. n ifallk.
2. HieroQ. in itatlh.
r^
LA SEMAINE DU CLERGE
attesftr la vêrîté de sa résurrection, il ordonna
qu'on lui servit immédiatement à manger.
Cette jeune lille qui vient de mourir, dont le
corps est encore dans la maison paternelle est
la ligure du pécheur qui n'a pas encore con-
tracté l'habitude du péché, et dont le malheu-
reux état n'est pas encore devenu un scandale.
Jésus ressuscite la fille de Jaïre, presque immé-
diatement après Si. mort; le pécheur qui vient
de tomber se relèvera facilement ; qu'il n'attende
donc; mais qu'il appelle Jésus aussitôt: Qui
peccat et continua conigitur, cito revit'iscit, guia
nondum est comuctudine iwplicatus, nondum est
sejiutius (t).
Jésus viendra, il fera, dans le cœur de ce pé-
cheur, ce qu'il a fait iiàus la maison de Ja'ire, il
«hassera la foule importune des alfections et
des soucis terrestres, il fera taire ces bruits du
monde, ces voix tumultueuses qui ne révèlent
que trop souvent la mortd'une àme. Turba foras
ejicitur, quia nisi prius secretioribus cordis expel-
iatur secularium multitude curarum[il). Jésus pren-
dra ce pécheur par la main ; et aussitôt il se
lèvera et il marchera ; il marchera avec une
nouvelle vigueur dans les voies de la vie. Et,
pour le fortilier, en même temps que pour at-
tester qu'il est vraiment ressuscité, Jésus, or-
d*nnera aux ministres de son église de lui
doDDer àmanger,il se noiurira, avec une sainte
avidité, et un véritable proUt spirituel, du
pain de l'inlelligince qui est la parole de Dieu,
et de l'aliment divin qui est ^Euchari^tle.
Anima ex peccatis ressuscitata, non solum a scela-
tum sordibus resurgere débet, sed et in bonis opé-
rions proficere (3). Spiritualiter oinnis qui ressus-
<:itutur a Deo de morte animes ad vilam, manducare
débet, id est vesci de Verbo Dei et de corpore
Christi li).
Les Pérès de l'Eglise ont encore vu, dans la
mort et la résurrection de la fille de Ja'ire, une
image de la mort des ju.-tes. La mort du juste
est un sommeil passager. Cette jeune fille n'est
pas morte, eUe dort, disait Notre-ISeigneur. S'ins-
piraat de la pensée du Maître, la langue chré-
tienne a[ipelle la mort un sommeil. Nos lieux
de sépulture, nous les appelons des cimetières,
c'est-à-dire des limx où l'on dort, des champs
de repos. Lorsijue quelqu'un de nous part pour
réteraité, nous disons de lui : il s'est enduriui
dans le Seigneur. En efTel, la mort dans la grâce
de Dieu, la moi* dans l'espérance d'une éter-
nelle vie, n'est-ce pas un doux sommeil, i.ont
le réveil sera plus doux encore. Oh ! se réveiilLr,
comme la liUe de Jaiie. S'! réveiller dans la so-
■ciété des. ipoli es! se réveiller la main dans la
(. Aug. (It Vtrb. Dom.
2 Gre^. iforat. IV.
9. Ucà. 1/1 Marc.
4. Jyin. cj-jv. Caten. aur.
main de Jésus-Cbrisl ! se réveiller i celte donco
voix : lève-loi; c'est moi qui le le dis ; moi ton
Dieu, ton père, ton ami, la couronne! se ré-
veiller pour marcher, pour marcher toujours de
clartés en clartés, d'allégresses en allégresses 1
se réveiller pour être servi par les anges, pour
s'asseoir éternellement à l'éternel festin 1
L'abbé Herman,
curé de Feaiubcrt.
INSTRUCTlOiNS FAMILIÊBES
SUR LES COrslMANDEMENTS DE DIEU
1"* Instruction préliminaire.
Promulgation des commandements de Dieu; combien
ce qu'ils prescrivent est sage.
Texte. — Si vis ad vitam ingredi, se7'va mgn-
dota. Si vous voulez arriver à la vie éternelle,
observez fidèlement les commandements. {Saint
AJatthieu, ch. xix, v. 17).
EïORiiE. — Mes frères, en terminant nos ins-
tructions sur le Symbole, nous vous parlions de
la vie éternelle... Nous avons essayé, selonnotre
pouvoir, de vous donner une idée du ciel, du
bonheur immense, de^ joies éternelles, qui
seront notre partage dans le paradis, si nous
avons le bonheur d'y aller un jour... Et pour-
quoi iricious-nons pas dans ce séjour de délices ?
Pourquoi seri(uis-uons privée de cette félicité
immortelle, puiS'iue c'est pour la posséder que
Dieu nous a placés sur cette terri-' Le ciel! c'est
notre pays, c'est notre véritable patrie, et Dieu
lui-tnème, dans son immense amour, a voulu
nous indiquer le chemin qui devait nous y con-
duire... (Juel est donc ce chemin? Ecoutez une
histoire tirée de l'Evangile.
Notre adorable Sauveur, manifestant la honte
de son cœur divin, venait de dire à ceux qui
eloij;naicnt de lui les enfants : k Laissez ces chers
petits s'uiiproclier de moi, car le royaume des
cieux !our ap[uirtient. » Enhardi pur tant de
douceur, un jtunc homme lui fit cette question.
« Maître si bon, veuillez me dire ce que je dois
faiix' moi-même pour obtenir la vie éternelle. »
Et Jésiis lui répondit: « Si vous désirez posséder
un jour cette vie bienheureuse, vous n'avez
qu'une seule chose à faire: Observez fidèle-
ment les commandements de Dieu. » Si autem
vis ad vilain ingredi serva mandata. Pouvait- on
mes frères, nous indiquer plus clairement le
ch- min qui doit nous conduire au ciel. 0 para-
dis, palais .splcndide habité par les saints, sé-
jour de gloire et de félicité dans lequel notre
(li\in Kéilempteur nous a préparé une place à
tous; une seule ronte peut nous conduire dans
son seul, l'obàcriaLiou des commaudemeutB de
Dion.
LA SEMAINE DU CLERGE
132»
Pboposition. — S'il en est ainsi, frères bien
aimés, vous comprenez combien il est impor-
tant |ionr vous tons, d'écouter avec une religieuse
altentioa, et surtout de mettre à profit les ins-
tructions, dans lesquelles nous chercherons à
vous expliquer avec délai! ce que prescrivent et
ce que défendent ces préceptes divins... Aujour-
il'liui, afin du vou<<i]ispirer un grand respect
pour ces augustes commandements, je vous
dirai comment Dieu les a donncsauxtiommes,
puis j'essayerai de vous montrer combien ils
sont justes et saces.
Division. — Donc, premièrement : promulga-
tion des commaniifments de Dieu. Secondcjnent:
leur sai^esse. Telles sont les deux considéra-
tions snr lesquelles nous allons nous arrêter.
l'ieviih-ejiartif.. — Dieu, en créiint l'homme a
son ima*;!', en lui donnant l'intellisence et la
raison, avait, dès l'origine, gravé dans son âme
toutes les prescriptions que renferment ses com-
mandements divins. Abel, Noé, Abraham et les
autres Patriarches adoraient le Très-Haut, et lui
ofiraient des sacrifices, longtemps avant que
Dieu eftt donné sa loi sur le Sinai. Gain, en
tuant son frère Abel, était coupable, bien quece
commandement : Tu ne tueras pas, ne fût pas
encore écrit sur les tables de pierre. Avant que
Moïse eût, au nom de Dieu, formulé ces pré-
ceptes: Honore ton pè^e et ta mère... Ne commets
point d'impuretés, Cham était maudit pour
n'avoir pas rcsiu'cté son père, le dJUige punis-
sait les désordres dans lesoueLs se vautrait le
genre humain, et une pluie de soufre et de feu
dévorait Sodome et ses habitants, comme ua
juste châliment de leurs abominations... C'est
que, comme je le disais, le Créateur, dès
l'origine, a imprimé dans le cœur de l'homme
le.-i obligations contenues dans les commande-
ments; ils forment comme le fond, la base de
notre intelligence... l'our les connailre, il suflit
d'interroger sérieusement cette lumière inté-
rieure, qu'on appelle la conscience... Voilà
pourquoi, avant, comme depuis Woise, l'obser-
vation de ces commandements a toujours été
obligatoire pour tous les hommes à quelque
nation qu'ils appartinssent.
Mais,lièlas! frères biou aimés, quelle large
brèche le péché a faite dans l'àiue humaine!...
l'eu de siècles se sont écoulés depuis 1« déluge,
et je vois l'idolâtrie répandue dans tout l'uni-
vers; le vrai Dieu est méconnu, ses préceptes
sont oubliés; les passions ont obscurci la raison
de l'homme et faussé sa conscience. C'est alors
que le Seigneur, dans sa miséricorde, daigna
promulguer d'une manière solennelle ses com-
mandements divins, les grava sur deux tables
de pierre, et chargea Moïse de les communiquer
aux enfants d'Israël.
Voici comment eut lieu ceUe promulgation.
Les Hébreux, après avoir traversé la mer Rouge
à pied sec, étaient arrivés au pind du mont
Sinaï, lorsque Dieu parla ainsi à Moïse : « Dis
à ton peuple que je veux contracter alliance
avec lui, qu'il se prépare à recevoir ma loL
Puis, trois jours après, le peuple, réuni au pied
de cette sainte montagne, la vit tout à coup se
couvrir d'une nuée très-épaisse. Le tonnerre se
fit entendre, des éclairs formidables sillonnè-
rent cette nuée. Le rocher paraissait fumant et
semblait chanceler sur ses bases, quand, tout à
coup, du milieu d'un tourbillon, un ange dicta
à Moïse, au nom du Très-Haut, les commande-
ments suivants :« C'est moi, ô Israël, qui t'ai tiré
de l'Egypte, tu n'auras point d'autre Dieu qae
moi, tu n'adoreras et ne serviras que moi seul.
Tu ne prendras point mon nom eu vain... Sou-
viens-toi de sanctitier le jour du Sabbat... Tu
peux travailler pendant six jours ; mais, le
septième, je me le réserve, il m'appartient...
Honore ton père et ta mère, afin que tes jours
soient longs sur la terre... Tu ne tueras point.
Tu ne seras point adultère. Tu ne déroberas
point. Tu ne porteras point de taux témoi-
gnage contre ton prochain. Tu ne convoiteras
ni la femme, ni les auties biens de ton pro-
chain. D
Les enfants d'Israël, aveuglés par les éclairs,
épouvantais par l'éclat de cette voix terrible, qui
retentissait à leurs oreilles comme le bruit de
la foudre, prièrent i\l(.iïsc de rnnnter sur le
Sinaï, de s'entretenir seul avec i^Eteruel, qui
daigna graver ses commandements sur deux
tables de pierre, afin que le peuple juif le con-
servât comme un témoignage ini[iiiissable de
l'aUiance que Dieu contractait avec lui.
Telles furent, frères bien aimés, hs princi-
pales ch-constauces qui accompagnèrent la pro-
mulgation des dix commandemi-nts de Dieu.
Notre-Seigneur, tout en abolissant les lois céré-
moniales des Juifs, a conservé et confirmé Ini-
mème, par ses enseignements, ces préceptes
divins. Au jeune homme qui lui demandait ce
qu'il fallait Liire pour obtenir la vie éternelle,
il disait — Il faut garder les commauilemenls.
— Et quels commandements dois-je donc obser-
ver? répliciua le jeune homme. — Et notre Sau-
veur lui répondait en énumèrant les précepics
donnés par Dieu sur le mont Siniiï.
Seconde partie. — Frères bien aimi'S, je désire
maintenant vous montrer combien ces comman-
dements sont justes et sages, comment i s ré-
pondent aux désirs les plus Lgitimes de notre
cœur, aux lumières les plus pures de notre
couscience. Un mot seulement sur chacun d'eux.
Vn seul Dieu lu adoreras et aimeras parjaite-
ment! Est-il rien de plus conforme à la justice
que d'adorer le Dieu qui nous a créés, qui nous
enUetiu'ut la vie et qui, chaque jour, nou»
153©
LA SEMAINE DU CLERGE
comble fie ses biens?... Voj-ez-vous les pauvres
idolâtres, prodiguant leurs bommagcs à une
foule de dieux dont ils ne pouvaient rien espé-
rer? Que le ebrétien serait coupable, si, malgré
les lumières que \xn donne la loi, il se livrait à
de pareils errements! Le second commande-
ment nous empêcbe de jurer et de blasphémer...
Que penseriez-vous d'un homme qui, comblé
des faveurs d'un roi, insulterait ce prince et
vomirait des imprécations contre lui?... Vous
diriez : c'est un misérable ; et vous auriez rai-
son... Ainsi, mes frères, ceux qui jurent et qui
blasphèment contre Dieu, sont des misérabbs
et diS ingrats... Les Dimanches tu sanctifieras
en servant Dieu dévoteinent . Ah! voilà bien l'un
des commandements les plus scandaleusement
violés de notre temps! Cependant, réfléchissez...
Quoi de plus juste que de consacrer, au Dieu
qui nous donne chaque heure et chaque minute,
le jour qu'il s'est réservé... Hommes insensés,
qui profanez par le travail le jour du Seigneur,
que de misères de l'âme, que d'infirmités du
corps vous attendent. ..
Voyons maintenant les commandements qui
regardent nos devoirs à l'égard du prochain.
Père et mère honoreras, nie. Est-il juste, dites-
moi, est-il bou, est-il sage de respecter ceux qui
nous ont donné la vie, d'honorer ce père dont
les bras se sont si souvent fatiL;ués pour nous,
cette mère, qui nous a nourris de son lait, ber-
cés tant de fois dans ses bras, élevés avec tant de
tendresse et d'amour... Mais peut-être le cin-
quième précepte : Homicide point ne seras, etc.,
vous paraitra-t-il moins juste, moins sage?...
S'il défendait seidement d'atlenttr aux jours
de son prochain, on comprendrait encore; mais
il défend d'avoir contre le prochain de la hnine,
de la rancune, il commande que nous pardon-
nions les injures que nous avons reçues de nos
frères, comme nous voulons que Dieu lui-inèrae
nous pardonne. Est-ce juste, t st-ce s:ige? Oui,
frères bien aimés, en défendant jusiju'aux pen-
sées de haine, ce commandement s'oppose aux
terribles etfets qu'elles produisent, quand elles
sont nourries avec com[daisance dans un cœur
ulcéré. Que de meurtres, ([ue d'homicides ont
eu pour principe une simple pensée de haine,
et ce commandement est sage en arrêtant le
mal jusque dans sa source...
Luxurieux point ne "ei-as, etc. Tel est le sixième
'.ommandement. DiVes-moi, vous tous qui m'é-
îoutez, aimeriez- vous que le libeitinage allât
porter le désordre au sein de vos foyers?
Hommes, je vous ai vus pendant la dernière
guerre; ce que vous craigniez le plus pour vos
épouses et pour vos filles, c'clait le déshonneur;
ce qu'elles-mêmes redoutaient davantage, c'é-
t.iient les insultes auxquellc'; aurait pu les exposer
la brutalité des soldats... Ah 1 vous aimez doue la
pudeur, et vous ne voudriez pas qu'un liberîîa
vint jeter le trouble et porter la honte dans vos
familles. C'est précisément ce que défend le
commandement dont nous parlons... 11 ne sera
pas difficile, mes frères, de vous montrer la
sagesse et la justice du précepte qui défend le
vol, la rapine et la fraude... Bien d'autrui ne
prendras, ni retiendras à ta connaissance, .lamais,
direz-vous, prescription ne fut plus sage; il est
juste que le vol, le larcin, soient défendus par
la loi divine, et la justice humaine punit ce
crime avec raison. Mais, remarquez, ce com-
mandement va plus loin ; il défend ces usurpa-
tions, ces fraudes cachées, ces industries coupa-
bles, contre lesquelles la loi humaine est souvent
impuissante. C'est comme s il disait : D.uis
toute votre conduite, vous serez loyal et honncte;
laboureur, tu n'échancreras pas le sillon de ton
voisin; domesli}ues, vous emploierez religieu-
sement votre temps et vous ne prendrez point j
le bien de vos maîtres ; négociants de tout genre, j
vous agirez avec bonne foi, vous contentant j
d'un gain légitime, vous ne fraudrez ni sur la i
quantité ni sur la qualité de la mardi ludise. ■
Ah ! si toutes ces prescri[itions étaient observées,
combien les relations sociales deviendraient
plus douces et plus faciles !... Quant au huitième
commandement : Faux témoignage ne diras 7ii
mentiras nucum ment ,(.im n'eu comprend la sa-
gesse et l'équité? Ne parlons pas de ces misé-
rables qui, [.ar do faux témoignages, ont plus
d'une fuis conduit des innocents dans les pri-
sons et peut-être à l'échafaud. Mais le simple
mensonge, quel vice hideux 1 Quelle humiliation
pour un humme, quand on peut lui i;ire eu
tace : Vous êtes un inentiur. Et si ce mensonge
a contribué à décrier injustement le prochain,
à noircir sa réputation, quelle infamie! qu'elle j
est criminelle, la langue du calomniateur! Eh '^
bii'u! mes Irères, calomnie, mensonge, faux
témoignage, tout cela n'est-il pas sagement
défendu par le huitième corainaiidemeut? Je
ne parlerai pas des deux derniers qui nous de-
fendeui de convoiter la femme ou les biens du
prochain. Pourtant, ils sont aussi justes et sag^ s.
le mal ayant sa racine dans le coeur, eu défeiT
daut les mauvais désirs ils tendent à le détruire*
jusque dans ses plus intimes protondeurs.
l'i;R(iii.\isoN. — Frères bien aimés, ces quel-
ques mots sufiisent pour vous montrer la sagesse
et l'équité des commandements divins; daus les
instructions suivantes, entrant dans plus de
détails, nous espérons, avec l'aide de Dieu, vous
faire comprendre combien il nous est utile et
avantageux de les observer fidèlement.
Le saint roi David, après les dmix énormes
faut(!s dont il s'était souillé, regrettait vivc-me t
son iulidélité... « Heureux, s'ecriait-il, ceux qui,
ayaut toujoiu-s suivi les sentiers de riuuoceucc.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1531
font dp la loi fin ?piçrneiir la rôplp rie leur con-
duite... Heureux ceux qui médiient san.s cesse
Jes commandements de Dieu, et font tous leurs
efforts pour les observer. . Les pécheurs, ceux
qui commettent le m.il, ô mon Dieu, ne mar-
chent poiut dans la voie que vous leur avez tra-
cée... » Puis il faisait un masnifique éloge de la
loi de Dieu... Il disait que c'était en observant
les commandements divins qu'on pouvait réparer
les fautes de la jeunesse... Seigneur, ajoutait-il,
De me repcnissi'Z pas ; afin de ne plus vous
otTeuser, j'ai fait de votre loi l'objet de mes affec-
tions... Elle m'a parn préférable à toutes les
richesses de ce monde (f). » Croyez-vous,
Ircies bien aimés, que ce saint roi fût dans l'er-
reur, quand l'observation des commandements
de D'eu lui paraissait préférable aux richesses,
aux honneurs, à la possession même du trône
sur lequel il était assis... Nullement, car ni les
aichesses, ni les honneurs, ni tous les biens de
ce monde ne sont le but, la fin pour laquelle
nous avons été créés ; ils ne sont pas même le
chemin, la route qui doit nous y conduire;
tandis que si nous ob-ervons fidèlement les
commandements que Dieu nous a donnés, nous
arriverons infailliblement à celte vie éternelle,
à ce bonheur sans fin pour lequel Dieu nous a
donné l'existence. Si vis ad vitam ingredi, serva
mandata. Si vous voulez arriver à la vie ét-'r-
iielle, gardez les commandements. Ainsi soit-il.
L'abbé Lobry,
curé de Vaucliassis.
ACTES OFFICIELS DU SAINT-SlÉGE
CRÉATION UE CABDINAUX ET PHOYISION d'ÉGLISES.
Le 1" septembre, le Souverain-Pontife, après
avoir transféré S. Em. le cardinal Marlinelli
de l'Ordre des Diacres à l'Ordre d» s Prêtres, et
changé sadiaconie de Saint-Georges au Velabre
contre le litre de Saiute-Prisque, lui a donné
rang immédiatement après S. Em. le cardinal
Simor. Puis, après avoir clos, suivant l'usage,
la bouche au cardinal Jean Mac-Closkey, créé
et publié dans le consistoire du 15 mars dernier,
Sa Sainteté a prononcé une allocution et a
daigné ^ publier les cardinaux suivants de la
sainte Eglise romaine créés et réservés in pelto
dans ledit consistoire du 1.^ mars dernier ;
DE l'ordre des prêtres :
Mgr Roger Louis-Einidius-Antici-Mattei,
patriarche de Constantinople, audilenr de la
Révérende Chambre Apostolique, né à Récanati.
le 23 mars 181 1.
Mgr Sauveur Nobili-Vitelleschi, archevêque
de Séleucie, secrétaire de la Sacrée-Cougréga-
I. Pi. CXVIil.
tion des Evêques et Réguliers, et de l'Immu-
nité ecclésiastique, né à Uume, le 22 juillet
1818.
Mgr Jean Siraéoni, archevêque de Chalcé-
doine, nonc» apostolique près Sa Majesté catho-
lique, né à Pagliano, le 27 décembre 1816.
DE l'ordre des diacres :
Mgr Laurent Randi, vice-camerlingue de
la sainte Eglise romaine, né à R.ignacavallo,
dio èse de Faenza, le 12 juillet 1818.
Mgr Barthélémy Pacc:i, majordome de Sa Sain-
teté, n-! à Bénévent, le 25 février t8l7.
Enfin le Pape a créé et publié cardinal de la
sainte Eglise roin.iine,
DE l'ordre DES PRETRES :
Rlgr Godefroy Brossais Saint-Marc, archevê-
que de Rennes, né à Rennes, le 4 février 1803.
Ensuite Sa Sainteté a daigné pourvoir aux
Egli^^es suivantes :
L'Eglise métropolilaine de Valladolid pour
Mgr Ferdinand Blanco y Lorenzo, transféré du
siège d'Avila.
L'Eglise métropolitaine de Torragone pour
Mgr Constantin Bouet y Zanuy, trauféré du
siège de Gérone.
L'Egliae arc'népiicopale de Sardes in partibus
infidvlium pour Mgr Philippe Manetti, transféré
du fii'ge de Tripoli in partibus.
L' Eglise métropolitaine de Besançon pour Mgr
Pierre-Antoine Juslin Paulinier, tran.sféré du
siège de Grenoble.
L'Eglise métropolitaine de Brindisi, avec l'ad-
ministration perpétuelle du siège épiscopal de
Ostuni, pour Mgr Louis-Marie Aguilar, des
Clercs réguliers de Saint-Paul, transféré du siège
d'Ariane.
L'Eglise archiépiscopale de Mélitène in partibus
infidelium pour Mgr Félix Mai ie de Neckere,
prêtre diocésain de Bruges, prélat domestique
de Sa Sainteté, prùtinotaire apostolique ad
instar, référendaire de l'une et de l'autre signa-
ture, et chanoine de la patriarcale archibasili-
que de Saint-Jean-ile-Latran.
L'Eglise cathédrale de Majorque pour Mgr
M.itliieii Jaume y Garan, transféré du siège de
Miuorque.
L'Eglise cathédrale de Cuzsco pour Mgr Pierre-
Joseph Tordoya, transféré du siège in partibus
de Tiberiopolis.
_ L'Eglise cathédrale d'Astorga pour Mgr Ma-
riano Brezmes y Arredondo, transféré du siège
de Guadix.
L'Eglise cathédrale de Nouvelle - Pampelune
pour Mgr Ignace-Antoine Para, ancien èvèque
de Panama.
L'Eglise cathédrale d'Ariano pour le R. P.
Sauveur--Marie-Jean Nisio de Molfetta, prêtre
de la Congrégation des Clercs réguliers de la
1532
LA SEMAINE DD CLERGÉ
Mère de Dieu, provincinl de sa Congrégatioa
à Naples, recteur de Saint-Charles aU'Arena,
inissionnairea[iostoliqueetdocteur en Ihéologie.
y Eglise cathédrale d'Albe royale pour le R.
D. Ferdinand Dulanszki, prêtre f!e Strigonie,
chanoine de la métropole, abbé titulaire de
Saint-Eyide de Simighio et docteur en théo-
logie,
L'Eglise cathédrale de Iluesca pour le R. D.
Honoré de Ouaindia, prêtre de Buii;os, adminis-
trateur économe de cet archidioci-e, examina-
teur prosynodal et docteur en llicolugie.
L'Eglise cathédrale de Vick pour le R. D.
Pierre Colomer y Mestres, prêtre de Géroiiu,
professeur de philosophie et de tliéologie au
Séminaire de cette ville, et docteur en théo-
logie.
L'Eglise cathédrale de Minorgue pour le R. D.
Emmanuel Mercadery Arioyo, piètre de Barce-
lone, secrétaire de Mgr l'évéquede Pampeluni-,
chanoine de cette cathédrale et docteur eu
théologie.
L'Eglise cathédrale de Cuença pour le R. D.
Sébastien Herrero \' Espinosa de los Monteros,
prêtre du diocè?e de Cadix, prévôt i e la Con-
grégation de l'oratoire de Saint Philippe île
Néri, recteur du séminaire de Caiiix, archiprétre
de la cathédrale, vic^iire gi'néral du diocèse et
docteur en l'un et l'autre droits.
L'Eglise cathédrale de 6<yuer,zp pour le K. D.
Emmanuel Gnmez-Salazar, préliede i'arch'alii>
cése de Burgo>, profii-sseur et lecteur du -émi-
maire de Val'ni;e, chanoine à la oiélf.pid ■ de
cette ville, docteur en théulugie et hceucie eu
droit canon.
L'Eglise cathédrale de Guadix pour le R.
Frère Vinrent Ponte? y Canlelar, de Mii''r;d,
prêtre profés de l'Ordre des Ermites de Sriint-
Augustin, Iccleiu- dans ledit Ordre, professeur
<!e religion et de morale à Malaga, directeur de
l'institut provincial de celte ville, et curé de
l'église des Saints-Charles et Dominique.
L'Egli.-e cathédrale de Panama pour le R. P.
Joseph TelcsphurePaul, de Santa-Fé de Bogota,
prcire profés di^ la Compagnie de Jésus, ancien
reeleur du collège de Guatimala, missionnaire
• t piol'esseur à Panama, et docteur en Ihco-
L'Eglise cathédrale de Loja, de nouvelle créa-
tion, pour le li. P. François-Joseph Alasia, de
rarchidioièse de Tarragoue, prêtre proies de
l'Ordre des Mineurs Ohsetvautins de Saint-rran-
<;ois, gardien du collège aiiostolique de Saixite-
Âlaiiu-des-Anges, à Lima, examinateur synonal
et commissure général de son Ordre au Pérou
et dans la Kc[iiiblique de l'Equateur.
L'Ei/làc caihéiùale de Guamanga od Ayacucho
pour le l\. D. Jean-Jo-cph de Polo, piètre de
rui.ciiiJiii ruse Je Limu^ ULrtxteur spirituel des
monastères de l'Incarnation, de Sain te Thérèse
et de la maisou des Exercices spirituels de
Sainte-Rose, chanoine maître de la métropole et
docteur en théologie.
Le Pape a déclaré ensuite qu'il avait été
pourvu, par brefs particuliers, aux Eglises sui-
vantes :
L'Eglise métropolitaine d'Athènes pour Mgr
Jean ilarango, transféré du siège de Tyne et
Alicone.
L'Eglise métropolitaine de Naxia pour le R. D.
Joseph ZaLino.
L'E'jlise cathédrale de Lubiona pour le R. D.
Jeau-Chrysostome Pogarar, prêtre diocésain de
Lubiana, prévôt de la cathédrale, professeur de
théologie do'.;matique au lycée, directeur des
études théologiques, examinateur prosynodal,
président des causes ecclésiastiques et matrimo-
niales, docteur en théologie.
L'Eglise cathédrale de Tyne et Micone pour le
R. D. Ignace Giustiniani.
L'Eglise catliAdi-ale de Scia pour le R. D. An-
dré Timoni.
L'Eglise épiscopale de Mallo in partibus infide-
lium pour le R. Hermaun Cleich, prêtre diocé-
sain de Breslau, chanoine de la cathédrale, dé-
puté auxiliaire de Mgr Henri Foerster, évéque
de Broslau.
L'Eglise épi<Cf>pale de Melasso in partibus infi-
delium pour le R. U. Joseph Boltizar, prêtre de
l'archidiocèse de Strigonie, chapelain secret
d'honneur de Sa Sainteté, chanoine de la mé-
tropole de Strigonie, auditeur et vicaire général
pour le district de Tiruavie, député auxdi.iirede
l'èmineutissime cardinal Simor, archevêque de
Strigonie.
L'Eglise épiscopale de Gerase in pnnibus infi.de-
l/wn pour le R. D. Ludovic Vey, élève du sémi-
naire des Missions Etrangères à Paris, député
vicaire apostolique du Siam oriental.
L'Eglise épiscopale de Lirba in partibus infide-
lium pour le R. 1). Jean Prendergast, député
coadjutenr de 31gr EugèueO'Couneli, évèque de
Grass-Valley.
L'Iiglise épiscopale de Dansara in partibus infi-
delium pour le R. D. Joseph Buu'liari, prêtre
diocésain de Saint-Marco et Bisignano, nommé
évéque ordinand pour les Italo-Grecs des Cala-
bres.
Sa Sainteté a ensuite ouvert, dans les forme»
ordinaires, la bouche à rEininentissime et Ré-
vérendissime cardinal Mac-Closkcy; puis elle a
agréé l'instance du Pallium qui lui a été adres-
sée pour les Eglises de Valladolid, Tarragone,
Besançon, Brindisi, Athènes et Naxia; et enfin
elle a posé l'anneau cardinalice au doigt du car-
dinal Mac-Closkcy, lui assignant le titre presby-
téral de Sainte-Marie-de-la-Minerve.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
153»
LITURGIE
DES RÈGLES A SUIVRE DANS LE CULTE DES SAINTES
RELIQUES.
(14» article.)
IX. — Des abus à éviter dans le culte des Rdiques.
Nous avons vu, par tout ce qui précède, avec
quel soin minutieux l'Ej^lise a réçlé les hon-
neurs (lus aux reliques des saints. Elle u'i'ût
accompli qu'une partie de sa tache à cet ét^anl,
si elle se tût contentée de déterminer la formedu
culte (nblic qui leur est rendu en son nom par
les fidèles ; elle devait interdire encore les alius
qui pouvaient s'introduire eu cette importante
matière. La dévotion des peuples s'égare facile-
ment, si elle n'est dirigée et maintenue dans les
justes limites. Outre que la masse du peuple
restera toujours dans une certaine ignorance
qui ne lui permet pas de saisir nettement les
caractères de la vraie dévotion et d'en éviter
les excès et les déviations, Satan, qui veille assi-
dûment pour corrompre tout ce qui est bon,
lorsqu'il ne peut porter directement les hommes
au mal, s'eflorce d'altérer le vrai culte rendu à
Dieu et à ses saints, et pour cela il cherche à y
introduire les idées et les pratiques supersti-
tieuses au moyen desquelles il parvient à s'attri-
buer à lui-même une partie des honneurs qui
semblent être otloris à Dieu. C'est sa tactique
habituelle de ώler le faux au vrai, pour em-
pêcher le triomphe complet de la vérité, qui
vient de Dieu, et étendre le règne du mensonge,"
qui est de lui. Par le traflc simouiaque et sacri-
lège que l'Eglise a proscrit avec une juste sévé-
rité, le démon se servait (le ces choses vénérables
l)our laire ofteuser Dieu et les saints par l'ava-
rice; la supersiition est pour lui un moyen de
détounier de leur vérilable objet les hommages
que l'on croit adresser aux restes sacrés des
saints, et qui, ne pouvant être acceptés par
eux, parce qu'ils ne sauraient leur convenir,
retournent, implicitement au moins, à l'ennemi
(le Dieu et des saints, qui se délecte du dérègle-
ment dans lequel il entraîne ceux qu'il trompe.
D'ailleurs, l'homme, qui est déjà naturellement
religieux, est naturellement aussi enclin à la
superttition, parce qu'il est porté à accommoder
son culte à ses passions et à ses intérêts, comme
s'il voulait rendre la divinité complice de ses
errements. Ceci nous explique pourquoi la loi
mosaïque contient tant de défenses portées
pour préserver le peuple de l'idolâtrie, et c'est
aussi, proportion irardée, la raison d'un grand
nombre de prohibitions faites par l'Eglise aux
chrétiens pour les détourner des pratiques
superstitieuses.
La superstition s'est donc introduite, à des
époques diverses et sous des formes plus ou
moins accusées, (Lins le culte des saintes reliques'
dont on a voulu faire parfois un usage impli-
quant une doctrine erronée ou simplement
inconvenante. Lorsque ces pratiques étaient seu-
lement locales, l'autorité épiscopale prenaitsoin
de les interdire autant qu'elle le pouvait, et on
retrouverait aisément, dans les statuts des dio-
cèse-sun grand nombre d'ordonnances relatives
à cette matière. Quand ces abus tendaient à se
généraliser, l'autorité suprême du Saint-Siège
intervenait, et nous avons à reproduire ici
qnel([ues décrets rendus par la Congrégation
des Rites pour supprimer des usages qui bles-
saient plus ou moins le respect dû aux reli(|ues.
Par ces ordonnances, le Saint-Siège mettait à
exécution ce décret du Concile de Trente : a Que
toute supersiition soit écartée de l'invocation
des saints, de la vénération des reliques et de
l'usage des images sacrées (I). >>
1» Il n'est pas permis de plonger dans l'eau
les reliques dt^ lu Passion ou des saints, pour
obtenir de la pluie, ainsi (ju'on croyait pouvoir
le faire eu Espagne au \vii« siècle. Cet abus
nous est connu par le décret suivant rendu
pour Barbastro, eu Arngon :
« L(! sam(,'di 1!) janvier 16(9. La sacrée Con-
î^régatwn d(,-9 Kiies a émis ra\is qu'il n'est
IJermis en aucune façon, sous prétexte de quel-
que coutume que ce soit, coutume que l'on
appellerait plus exactement un abus, de plonger
dans leuu ou de mouiller le bois de la très-
sainte croix ou les reliques des saints, dans les
temps de sécheresse, pour obtenir de Dieu de la
pluie. »
Cet usa?e n'existait pas seulement en Espi.'-
gne, mais s'était aussi introduit en France. Nous
ignorons si, eu quelques endroits, ou continue
de plonger les reliques dans l'eau pour obtenir
la cessation des sécheresses, mais jusqu'au
temps actuel ou a traité ainsi, en certains lieux,
des statues de saints. Nous connaissons une sta-
tue de sainte Marguerite, honorée dans la cha-
pelle d'un hameau, qui maintes lois a subi une
immersion partielle. Dans les temps de sécheresse
persistante, les paroisses voisines se rendaient
en procession à cette chapelle, pour y de-
mander à Dieu de la pluie par l'nitercession
de la sainte. Ces processions, toujours au-
torisées par rOrilinaire, étaient parfaitement
régulières. Les habitants du lieu, ne con-
sidérant pas les prières publiques comme
suffisantes pour obtenir l'etiet désiré, bien
qu'elles aient été exaucées souvent avec une
remarquable promptitude, descendaient la sta-
tue de sa niche et lui plongeaient les pieds dans
un baquet d'eau. A leurs yeux cette cérémonie
devait être plus efficace que toutes les supplica-
1. Conc. Tnd. Sess. xxvi. Dt invocat., venerat, et reliq.
fWi
LA SEMAINE DU CLEr.GÊ
lions. Il y a peu d'aiiDées, ccUr pralique
superstitieuse était encore en us;ige; nous
croyons qu'on ne permettrait pas aujourd'hui
de la renouveler.
2° L'immersion des reliques ne se faisait pas
seulement, en Espagne, pour obtenir île la
pluie, mais aussi pour repousser les inondations.
C'est ce que nous apprend la cause de Tortose,
en Catalogne, et la condamnation de cette
coutume. En voici la teneur :
« De la part du chapitre, des chanoines et
de tout le clergé, ainsi que de la municipalité
et de tout le peuple de la ville de Tortose, il a
été exposé à la sacrée Conc;régation d'S Rites
ce qui suit : Lors lue le fleuve de l'Ebre, qui
coule au-delà de Tortose, grossit à l'excès et
met en danger les iruits de toute sorte et les
autres biens, on a coutume, depuis un temps
immémorial, de se rendre en procession au
bord du fleuve, en y portant une relique de
sainte Candide, patronne de la viUi;, laquelle
relique est reufermée dans une urne en argent
sur laquelle est représentée l'image de la sainte.
Là, à la vue de tout le peuple, on plonge la
relique dans l'eau de l'Ebre, avec l'espérance
que, par l'intercession de sainte Candide, Dieu
daignera contenir dans ses rives le fleuve qui
s'enOe. Mais, dans ces derniers temps, on en est
venu à douter sérieusement si le rite et la céré-
monie qui viennent d'être ex['0sés sont légi-
times et convenables, ou ne sont pas, plutôt,
inconvenants et superstitieux, surtout pour cette
raison, qu'ils sont absolument interdits par une
constitution synodale. En conséquence, tout le
cleigé et le peuple de Tortose ont très-humble-
inejit supplié la sacrée Congrégation des Rites
de daigner déclarer, si le rite, qu'ils ont observé
jusqu'ici dans les supplications que l'on a cou-
tume de faire pour prévenir les débordements
de l'Ebre, pourra être conservé à l'avenir
comme licite et exempt de tonte superstition,
ou bien s'il doit être entièrement supprimé
comme ofleusant la raison et les convenances et
touchant à la superstition.
« La Sacrée Congrégation des Rites, après
avoir mûrement examiné la question qui lui a
été soumise, sur le rapport de l'Emineutissime
et Révérendissime cardinal Albaui, évoque de
Sabine, ponent, a été d'avis qu'il faut répondre :
« Que l'on observe la constiiulion synodale. »
Et telle est sa déclaraliou, à laquelle elle a
ordonné de se conformer. — Le 11 septembre
i769. »
3° On a vti bien des fois des malades deman-
der que les reliques de quelques saints auxquels
ils avaient une dévotion particulière leur l'ussunt
apportées, pour leur être appliquées. En soi, ce
désir est louable, mais il cini! être modéré et
réglé. Ou trouve, dans le troisième des conciles
provinciaux de Milan, présidés par saint
Charles, la défense expresse de porter les re-
liques des saints aux malades. Nous lisons aussi,
clans un décret rendu dans la première session
du concile de Cosenza, de, l'année 1379, et qui
est relatif aux reliques : « Que les reliques ne
soient p(o tées sous aucun prétexte aux malades.
Ceux qui auront la témérité de contrevenir à
cette défense seront punis par les évèqucs selon
le degré de la faute (I). » Evidemment ces
décrets s'appliquent seulement aux reliques
conservées dans les églises el qui sont publique-
ment exposées à la vénération des fidèles, soit
li.iliituellement, soit à des jours fixes ou dans
des circonstances exceptionnelles. Pour C' Iles-là,
comme elles sont la propriété collective de la
communaulc des fidèles, elles ne peuvent, régu-
lièrement, être consacrées, même momentané-
ment, à un usage privé, et d'ailleurs les lois de
l'Eglise exigent qu'elles soient gardées et con-
servées avec le plus grand soin, pour être
garanties de tout danger de perte ou de profa-
nation. Si donc, dans un cas spécial, on croyait
avoir une raison assez grave de condescendre
au désir d'un malade, en lui portant quelqu'une
de ces reliques, il faudrait obtenir préalable-
ment la permission de l'autorité compétente.
Quant aux reliques qui appartiennent à des
particuliers, comme chacun peut les porter sur
soi, conf irmémentà l'antique coutume que nous
avons d' montrée, rien ne s'oppose à ce qu'on
les applique aux malades qui le demandent,
pourvu que leur dévotion soit pure de toute
pensée superstitieuse.
Dans le Formulaire de Monacelll(2), à l'article
de la visite des reliques, nous trouvons cette
question : « Transporte-t-on les reliques chez
les malades? Si cela se pratique, on doit le
défendre. » 11 s'agit ici, comme on le voit, des
reliques qui appartiennent aux églises.
Il est interdit pareillement, et à plus forte
raison, de racler des reliques pour en mélanger
la poussière à la boisson que l'on donne aux
malades. Cette défense est formellement expri-
mée dans un décret de la Congrégation des
évêques et réguliers du 17 décembre 139t. Il
n'est pas nécessaire d'insister sur l'inconvenance
d'une s mblable pratique pour faire comprendre
la prohibition dont elle a été frappée. Nous
croyous, pour la même raison, qu'il ne serait
pas même permis de tremper une relique dans
la boisson destinée à un malade. La dévotion
n'est irréprochable qu'autant qu'elle se concilie
avec le respect dû rigoureusumeut aux choses
saintes.
1. Suppl. Coleii ad concil. Labbœi, tom. V, col. I!03.
2. iMouacelli. Formulnrium légale jjraclicum for» eccletio*»
lici, Roane, 18i4, i vol. ia-lbl.
LA SEMAINE DU CLERGE
1335
L'Eglise admet pourtant une exception en
faveur des personnes possédées ou obstklées par
le démon. fcUe est ainsi énoncée dans le Rituel
romain, dans le préambule des exorcismes. « Que
le possédé ait dans les mains ou devant lui un
crucifix. Là où l'on pourra avoir dns reliques
des saiuts, on les attachera ensemble décemment
et de manière à les mettre en sûreté, et, les
ayant couvertes, on les approchera avec respect
de la poilrine ou de la tête de l'obsédé; mais
on prendra garde que ces choses sacrées ne
soient traitées indignement, ou que le démon
ne leur tasse quelque outrage. Quant à la très-
sainle Eucharistie, on ne l'apiirochera pas de la
tète de l'obsédé ou d'une autre partie de son
corps, à cause du danger d'irrévérence. 0
Baiioit XIV rappelle cette distinction au § 13 de
sa constitution Cum, ut recte nostri, du '■11 juil-
let 1733.
Calalani a accompagné de la note suivante
!a rubricpie que nous venons de citer : « Rien
ne se rencontre plus souvent dans l'histoire
ecclésiastique, les vies des saints et les écrits
des Pères de l'Eglise, que ce fait, que les dé-
mons sont mis en fuite par le signe de la croix,
Boit passager, soit permanent, et surtout par
l'image du Sauveur cruciiié. Quant à ce qui est
dit ici de la présentation des reliques des
saints, que l'on approche de la poitrine ou de
la tète de l'olisédé, on peut justilier 1 e rite par
un grand nombre d'exemples anciens, qui nous
montrent quelle vertu ont h.'s reliques pour
chasser les ilémons, si on les approche de la
poitrine ou de la tête de l'obsédé. Le pape
Victor 111 racoDte, au deuxième livre de ses
Dialogues, qui se trouvent dans le tome dix-
huitième de la Bibliothèque des Pères, qu'un
jeune homme, dont le démon s'était emparé,
fut délivré au Mont-Cassin par l'intercession
de saint Maur, « les frèies qui étaient demeurés
« dans l'église avec le possédé lui ayant mis
« sur la poitrine, avec une grande dévotion et
« une ferme espérance, lesrelii|uesdecesaint.i>
Mais qu'est-il besoin de citer tous ces exemples
qui sont presque innombrables, de même que
les témoignages des Pères, qui ont rappelé et
exalté en mamt endroit la vertu des s.iintes re-
liques? Dans son sermon sur les vertus et les
vices, saint Jean Chrysostome, après avoir dit
que « les vêtements de saint Paukiioignaientlct
maladies, et que l'ombre de saint Pierre met-
tait en fuite la mort, » ajoute aussitôt : « la
cendre des saints martyrs, chaise les infâmes
démons. » Pour ne pa? parler des autres mar-
tyrs, saint Ambroise atteste la même c'nose des
reliques des suints Gervais et Protais, dans sa
lettre sur l'invention des corps de ces saints,
qui est la vingt-deuxième du livre dixième,
dans l'édition des Bénédictins. C'est là tjue se
trouve cette parole : « Vous avez su, et même
« vous avez vu qu'un grand nombre de per-
« sonnes ont été délivrées du démon. » L'exor-
ciste doit prendre garde, comme l'en avertit
justement notre rubrique, « que ces ch^^ses sa-
crées, c'est-à-dire les reliques qu'il approche
de la tête ou de la poitrino du possédé, « ne
soient traitées indignement, ou que le démon
ne leur fasse quelque outrage. »
C'est pour assurer le respect dû aux reli-
ques, que le Rituel prescrit de les attacher
ensemble et de les couvrir.
Barufialili, dans son commentaire sur le Ri-
tuel romain, dit aussi, en expliquant la même
rubrique : « Saint Jean Damascène, au livre
quatrième de la Foi orthodoxe, ch. i, appelle
les reliques et les dépouilles des saints « des
sources de salut d'où découlent pour nous un
grand nombre de biens. » C'est ce qui a fait In-
troduire parmi les fidèles la coutume d'employer
les reliques pour chasser les démons du corps
des possédés; car les âmes des saints auxquels
appartiennent ces reliques prient pour ceux
qui en tout usnge avec le respect convenable,
ainsi qne l'observe Bellaimin, dans son traité
des Reliques, ch. vu, n. 19.
« On prend des précautions pour présenterdé-
cemment ces reliques aux énergumcnes, afin de
ne pas les exposer au mépris, parce que, comme
les démons étaient les ennemis des saints pen-
dant la vie de ceux-ci, de même ils délestent
leurs noms et abhorrent bien plus encore leurs
restes, dont le contact les torture, les fait hur-
ler et frémir, et ne leur laisse aucun repos. Ils
vont même jusqu'à tenter de les outrager et
de les fouler aux pieds; mais ils ne parviennent
pas à consommer cet acte. C'est co qui est
arrivé, à ma connaissance, à un énergumène,
qui, au moment où l'exorciste approchait de
lui, une relique des vêtements de saint Fran-
çois de Paule qui est conservée à Ferrare, essaya
audacieusement de cracher dessus; mais le cra-
chat adhéra tellement à ses lèvres qu'il ne put
sortir. Je pense néanmoins qu'il ne faut livrer
qu'avec précaution ces reliques aux possédés,
parce que ce qui n'a point encore eu lieu jus-
qu'ici pourrait arriver, Dieu le permettant pour
apprendre aux exorcistes avec quelle prudence
ils doivent employer ce remède sacré. »
4° Nous sommes amené naturellement à par-
ler ici de l'épreuve du feu, à laquelle on avait
recours anciennement pour établir la vérité des
reliques. Nous donnons la parole à Mabilljn,
qui, dans une brève dissertation, reproduit un
décret important du second concile de Sarra-
gosse. que nous avonrs rencontré nous-mème
dans la collection des conciles :
« A notre traité des reliques sacrées extraites
des cimetières de Rome, peut se rattacher
1538
LA SEMAINE DU CLERGE
l'épreuve du feu, à laquelle ont recouru plu-
sieurs fuis les anciens pour discerner les vraies
et les fausses reliques. Des nombreux exem-
ples que nous fournil l'antiquité, il suftîra d'en
citer deux, qui sont du commeDcement i;u
XI' siècle.
<( Le premier est rapporté par Léon Sfnrsi-
canus,au chapitre trente-troisièmedu deuxième
livre de sa chroni |ue du Mont-Ca?sin. Il y ra-
conte que des religieux venant de Jérusalem,
apportèrent avec eux et offrirent aux moines
du MoDt-Ca?sin, un petit fragment du linge
dont se servit Notre-Seignenr Jésus-Clirisl p.xir
essuyer les pieds de ses disciples. » Mais, dit
« Léon, comme plusieurs refusaient absolument
« de croire à la vérité de cette relique, c*'ux-
« ci, fermes dans leur croyance, mirent aussitôt
« le fragment de linge sur les charbons em-
n bradés d'un encensuir. Le linge prit en un
« iu?lant la couleur du feu, et peu de tem[iS
« après, retiré de dessus le brasier, il reprit
« miraculeusement l'apparenre qu'il avait au-
« para vaut. » Mais, pour que l'on ne puisse pas
nous opposer que ce linge était incombustible
de sa nature, il nous faut citer un autre exem-
ple oii U s'agit d'un corps solide.
« Nous prenons ce fait dans la vie de saint
Meinwerc, évéque de Paderborn. Il y est dit que
ce snint construisit un monastère dans un fau-
bourg de la ville, elque le patriarche d'Aquilée,
Wolfgand, lui envoya le oorps de saint Félix,
avec deux suaires, pour être déposés dans ce
mona-lère. « Mainwerc, dit l'iiislorien, qui
« était contemporain du saint, voulant s'assurer
« si ses restes pourraii nt le protéger lui et son
« peuple, fit allumer un grand bûcher en plein
« air, au milieu du cloître. Il y plaça trois fois
« le corps et à chaque fois on attendit que le
« feu s'éteignit et que le bois fût réduit en cen-
« dres, A la grande joie et exaltation de toute
« l'assistance, il enle\^ Ye curps de ses propres
« mains et le porta sur l'autel |irincipal, et il
« ordonna qu'à partir de ce moment tous vené-
« reraient ce saint devenu désormais illustre, d
n Si quelqu'un prétendait que ce genre
d'épreuve a été imaginé à une époque récente
et fut introduit par le bon plaisir de quelques
individus, sans être sanctionné par l'autorité
légitime, nous avons à produire sur ce sujet un
décret du second concile de Sarragosse, tenu
sous le pontifii-at de saint Grégoire le Grand,
en l'année 30:2. Le second canon de ce concile
est ainsi conçu : « Le saint concile statue que
« les reliques trouvées dans tous les lieux qui
« sont au pouvoir de l'hérésie arieune seront
« produites par les prêtres dans les églises des-
« quelles on les découvrira, et présentées aux
« évoques, et qu'elles subiront ensuite l'épreuve
« du feu. » Ceci prouve que cette pratique est
ancienne, et que depuis le sixième siècle au
moi';s, les éveques l'ont approuvée et en ont
fait u'î.'ige.
« J'ajoute une expérience récente faite sur
une parcelle de la vraie croix qui était renfermée
dans la croix pectorale ou hwXmot d'Emmanuel
Coranène. Cette croix pectorale fut léguée par
testament à notre basilique de Saint-Germain
des Prés, par la sérénissime princesse Anne de
Gonzague de Clèves, épouse d'Edouard, prince
palaliii du {>hin. Cette princesse avait vu jeter
eu sa présence, dans les flammes, c^tle parcelle
de la sainte Croix, sans qu'elle en reçut aucune
atteinte, ainsi qu'elle l'a attesté dans ce passage
de son testament : u Je leur donne encore ma
« croix de pierreries, avec la sainte vraie croix
« que j'atteste avoir vue dans les flammes sans
« brûler. » Cette croix est double, comme celle
de Jérusalem, et sur la partie postérieure sont
gravés ces vers grecs, précédés du uom sacré de
Ji'sus, en celle manière :
Sxaupû T.xfA% jijxôsa; àvBficûjituv fiait
l'pœsEt Uojj.vr|V6; MavourjX OTEÇri96po5.
Ce qui signifu- : « Jésus-Christ, attaché à la
« croix a éli;vé la nature humaine. Ecrit par
« Comnèue Manuel, empereur. »
ÎMabillon reproduit ici l'image de cette croix,
et il ajoute : « Quoique cette expérience faite sur
la croix soit récente, elle ne fut pas faite selon
les règles canoniques; car ce moyen d'éprouver
les reliques est depuis longtemps tombé en
désuétude, et il ne ]iourrait pas être remis en
usage sans une nouvelle autori-ation de l'Eglise.
Cependant ce rite ancieu n'était pas employé
autrefois indiscrètement et au hasard, mais il
était accompagné d'une formule solennelle de
prières, que notre Théoderic Kuinart a extraite
d'un manuscrit du monastère de Saint-Remi et
ajoutée en appendice aux œuvres de Grégoire de
Tours (1). » Suit dans M.ibillon la formule dont
il parle, et que nous nous abstenons de repro-
duire, pour ne pas allonger à l'excès cet
article (2).
Nous devons faire observer ici que, si l'épreuve
du feu a été autrefois [lermise et même prescrite,
ce ne fat jamais par une loi générale de l'Eglise.
Elle n'en était pas moins licite dans les circons-
tances où elle fut régulièrement autorisée; mais,
ainsi que le dit tres-judicieusement Mabillon,
personne ne pourrait aujourd'hui y recourir de
son autorité privée sans tenter Dieu, et, par
conséquent, sans pécher. Dieu exauce voloiitiers
les demandes que lui fait son Eglise ; mais il n'a
jamais pris envers les individus rengagement de
leur accorder des démonstrations qui tienne n.
1. Mabillon, Vclera analecta, p. 568, Appendiw II ad X>ue>
bii e}>iit.
2. Ibid., p. 569, Appcndix III.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1537
du miracle, si elles ne sont pas absolument mira-
culeuses. Si nous avons le droit de solliciter de
lui avec confiance, par nos prières, de vrais
miracles, lorsque nous les juf^eons utiles, en
nous en rapportant toutefois entièrement à lui,
quant à ropportunité, il nous est évidemment
interdit de poser de nous-mêmes, et en suivant
notre seule inspiration personnelle, des faits qui
le mettent dans l'inévitable alternative ou d'in-
tervenir par un prodige, ou d'abandonner nue
relique à la profanation, dans le cas où elle est
véritable. Nonobstant ce principe incontestable,
aujourd'liui encore on rencontre des personnes
qui croient pouvoir soumettre les reliques de la
vraie croix à une autre épreuve, celle de l'eau.
Elles affirment, nous ne sivons sur quel fonde-
ment, que, si la relique est vraie, elle tombe
nécessairement au fond de l'eau, au lieu que, 61
elle est fausse, elle doit surnager. Nous avons
vu fiiire^ sous nos yeux, cette expérience, qui
n'a point donné le résultat attendu pour une par-
celle dont on avait c:aranti préalablement la par-
faite authenticité. Nous avouons que la submer-
sion de cette relique, lors même qu'elle se serait
produite de la manière annoncée, n'aurait pas
eu pour nous la valeur d'un document sip:né par
l'autorité compétente. Nous ne voudrions pas
vénérer en notre particulier, encore moins nous
permettrions-nous d'exposer publicpiement une
relique dépourvue de toute autre garantie, et en
cela nous ne ferions que nous conformer aux
sages prescriptions de l'Eglise.
Puisque nous avons été amené à parler de la
croix pectorale d'Emmanuel Comnène, nous
devons rectifier, ou plntôt compléter une note
de notre premier article sur les règles à suivre
dans le culte des reliques, note qui se trouve à
la page 3()S du cinquième volume de la Snnaine
du Clergé. Nous avons rapporté à cet endroit une
consultation de l'évèque de Dijon, adressée à la
saerée Congrégation des indulgences et des
saintes reliques, au sujet d'un assez grand
nombre de reliques soastrailes à la profanation
et à la destruction au temps de la Révolution
française. H y était demandé « si l'on doit per-
Bîettre de remlre un culte... à la célèbre croix
palatine, que les religieux Bénédictins de Saint-
Germain des Prés présentaient à la piété des
fidèles et exposaient à la vénération publique
sur l'autel principal de leur église. » La Congré-
gation répondit (iffîrmatkement, le 22 février
1847. D'après les renseignements incomplets que
nooas avions pu recueillir, nous avons dit que
Cbarlemagne avait fait placer dans ses divers
palais des croix renfermant du bois de la vraie
croix, et qu'il avait distribué à un grand nombre
de monastères «t d'églises des croix pareilles,
que l'on avait appelées, pour cette raison, croix
palatines. Nous ajoutions que la croix nrovenant
de Saint Germain des Prés, et maintenant con-
servée à Dijon, est vraisemblablement une de ces
croix En rapprochant la consultation que nous
avons citée en entier à l'endroit indiqué, de la
petite dissertation d,-, iMabillon, nous constatons
avec la plus parfaite évidence, que la croix de
Dijon estbien la croix pectorale ou l'Ivz'oX-tov d'Em-
manuel Comnène donnée au monastère de Saint-
(jermaiu des Prés, par Anne de Gonzague,
morte en ICSA, et connue sous le nom de Priu'
cesse palatine, en sa qualité d'épouse d'Edouard,
]>riiice palatin du Rbni. L'intérCt historique qui
s'attache à ce précieux objet ne nous permettait
pas d'omettre ces importants détails.
P. -F. ECALLE,
professeur de théologie.
(A suivre.)
Théologie morale.
DES LIVRES DÉFENDUS
La tiuestion des livres défendus est, eu soi,
«ne question de discipline canonique, et, par
les résultais qu'implique sa solution, une qucB-
tiou religieuse, morale et politique de la plus
haute importance.
11 n'est douteux pour personne que la société
ne soit en ce moment aux abois et que les
intérêts sociaux ne courent les plus extrêmes
périls. La cause de celte situation déplorable
est tout entière dans les doctrines irréligieuses
répandues eu Europe depuis trois siècles,
d'abord par les hérétiques protestants, ensuite
par les soi-disant philosophes du siècle der-
nier. Leurs écrits pestilentiels ont produit, en
beaucoup d'endroits, l'extinction de la foi, la
corruption des mœurs, l'athéisme pratique et le
péril social. Depuis les conciles de Latran et de
Trente, les pontifes romains, en détendant,
sous peine d'excommunication, de lire, même
de retenir ces écrits empoisonnes, avaient fait
tout ee qui était nécessaire pour conjurer un
danger si grave. Mais, par suite de la gremde
abi^rration gallicane, nous ne recevions pas
V Index, m ses censures; et la police des livres
était aux mains d'un chancelier royal qui, mun-
seulement n'avait pas d'accès dans les cons-
ciences, mais qui, souvent, aidait eu secret à
l'impression ou à la propagation des ouvrages
malsains que son devoir était de prohiber.
Abisi se répandirent les écrits de Voltaire, de
Piousseau et des encyclopédistes ; puis, par une
conséquence naturelle, éclata une révolution
impie jusqu'au satanisme, révolution qui, pro-
clamant comme droits les libertés subversives
de la pensée, de la conscience, de la presse et
des cultes, a essayé de coucilia:, avec les dé-
1538
LA SEMAINE DU CLERGÉ
flordros, l'nrilre public Nous n'en avons lire
jusqu'à présent, qu'unu (iissolution raiiiralo.
M;iis, bipu que la voix de TEglise ne soit plus
écoutée comme il y a cent ans, bien que les
sacrements ne soient plus fré(]ucutés que par
une minorité courageuse, il ne faut pas moins
rajqieler ces règlements salutaires, inspirés au
Saii'.t-Siéjie par le Saint-Esprit. « L'homme ne
vit pas seîilemeut de pain, a dit le Sauveur,
mais detoule parole qui sort de la bouche de
Dieu. )) De même l'humauité ne vit et ne pros-
père que par la vérité. 11 faut donc nous en-
quérir de sa défense,. 11 faut nous demander si
l'Eglise a le pouvoir de défendre les mauvais
livres? A qui, dans l'Eglise, appartient ce pou-
voir? Quelles lois ont été promulguées pour dé-
fendre la foi et les mœurs? Quel est le caractère
obligatoire de ces lois et jusqu'où peut s'étendre
leur proliibition? Tel est l'objet de ce travail.
Puisque la société a encore besoin d'être sju-
vée, nous verrons, ici comme ailleurs, qu'elle
ne peut l'être que par la Chaire apostolique.
I. L'Eglise a-t-elle le pouvoir de défendre cer-
tains écrits?
Les droits de l'Eglise dérivent de sa constitu-
tion, de sa tin et de l'autorité de son fondateur.
Or, l'Eglise a été fondée sur la terre par Jésus-
Christ, afin qu?, dans son sein et sous l'auto-
rité qui la gouverne, les hommes soient instruits
et maintenus dans la profession de la vraie foi,
soumis à la règle des mœurs, enrichis de la
grâce des sacrements et conduits à rétcrnelle
béatitude. Que telles soient la fia et la consti-
tution de l'Eglise, c'est im dogme catholique.
Par là même que Jésus-Christ a institué l'Eglise
pour cette fin, il lui a donc conféré la puissance
nécessaire pour l'atteindre; et si l'on ne refuse
pas à l'Jllglise cette puissance, il faut lui recon-
nuitre le droit de prohiber tout ce qui met
obstacle au salut éternel. Si donc il y a des
livres impies, immoraux ou simplement nui-
sibles aux âmes; et si la pratique de la loi
naturelle ne suflit pas pour nous en éloigner,
il faut ailmetlre que l'Eglise a le droit dd les
proscrire.
Existe-t-il réellement de mauvais livres?
Tout le monde connaît le proverbe : « Dis-
moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es. »
Telle est. en effet, la force du commerce et de
l'habitude avec les autres hommes, c]ue nous
épousons, la plupart du temps, leurs idées et
leur manière d'agir. Aussi l'Eglise a-t-elle tou-
jours été pleine de sollicitude pour éloigner ses
enfants de la compagnie des méchants. Dans sa
première aux Corinthiens {v. H), saint Paul
écrit aux fidèles que s'il y a, parmi eui, (jucique
frère fornicatear, avare, idolâtre, médisant, ivro-
gne, ravisseur... il ne faut pas prendre même
de uourriture ea sd société. Daus l'épîlre aux
Romains, il recommande (xvi, 17) d'éviter
ceux qui excitent des querelles et des discus-
sions. En s'adressaut à Tite (m, 10), il lui
ordonne d'éviter la rencontre de l'hérétique
après une ou deux corrections, et alors Théré-
lique ne s'entendait pas dans le sens odieux et
ré;irouvé d'aujourd'hui, mais impliijuail seule-
ment des opinions trop particulières et des sen-
timents trop personnels. Eu écrivant à Tiino-
thée (11° Ep. Il, 17) et aux Corinlhiens (l Cor.
XV, 33), il donne les raisons de cette défense :
c'est que les discours de l'hérétique s'insinuent
avec artifice et sans qu'il y paraisse, comme le
cancer qui ne se découvre que quand il est incu-
rable : sermo eorum ut cancer serpit; et que les
entretiens dépravés corrompent les bonnes
mœurs: corrum/nmt mores bonos rolloquia prava.
C'est pourquoi saint Jean, le disciple de l'amour,
défend de recevoir de telles gens dans sa mai-
son et même de les saluer dans la rue en s'ar-
rètant pour les entretenir: défense qu'un grand
interprète de la tradition, saint Cyprien, ap-
plique de la manière la plus rigoureuse, en
mettant en quaranatine ces hommes contagieux,
en les évitant comme la peste.
Lire de mauvais livaes est la même chose
que s'entretenir avec des auteurs pervers. On
doit donc conclure, des textes précités, que
l'Ecriture sainte défend absolument toute mau-
vaise lecture.
Il y a même ici une circonstance aggravante, j
c'est que les paroles écrites frappent beaucoup ■
plus l'àme du lecteur que les paroles tombées *
de la bouche d'un interlocuteur.
Les livres exercent une espèce de magistère,
à l'autorité duquel les lecteurs ont l'habitude
de céder. Ecrire, suppose toujours un certain
talent, certaines connaissances, une certaine
énergie d'esprit. Les paresseux de l'intelligence
n'écrivent pas; ils peuvent porter des chefs-
d'œuvre dans 11 tête, ils n'ont garde de les en-
fanter, et c'est leur gloire, dit ironiquement
Labruyère, de ne pjs écrire. La plupart des
hommes sont atteints de cette paresse, et, bien
qu'ils puissent produire quelque chose par le
travail intérieur de la pensée, ils sont, pour
l'ordinaire, des êtres enseignés, qui reçoivent
à peu près tout du dehors. Les Hvres sont donc
leur nourriture. Et comme on prend la nourri-
ture avec plaisir, on lit de même un livre tou-
jours avec une certaine délectation. On suppose
naturellement que l'auteur, avant d'écrire, a
étudié son sujet. S'il montre du savoir, de l'es-
prit, de la délicatesse, on le lit avec intérêt,
d'abord, puis avec affection, enfin, on devient
son disciple. Si l'auteur est, bon chrétien, il a
fait, par son livre, un acte de louable prosély-
tisme ; s'il esi impie, il a fait un acte digne de
réprobation.
LA SEMAINE DU CLLRGÊ
m9
Ce mag'slôre qne possô(1ent tons les iivros,
les marnais livres l'emploient à pervertir la toi
et les mœurs. Les uns présentent l'erreur sou3
l'apparence du vrai, combattent la relijîion avec
des sopbismes, avec l'appareil séduisant d'une
érudition menteuse et ne peuvent être lus,
sans que la foi périclite; les autres, avec des
propos déshounêtes, excitent les mauvaises pas-
sions et blessent d'autant plus l'iu: oceuce, lue
l'auteur écrit d'une plume plus élégante et se
défend davantage du dessein de nniie.
D'autant plus que le grand nombre des lec-
teurs est mal défendu par sou cœur et par son
esprit. S'il s'agit de livres traitant de matières
religieuses, combien en trouve-t-oii suftisam-
meiit instruits dans la science des dogmes, de
l'Etriture, des Pères, delà philosophie, de l'his-
toire et du droit, iiour diftinguer le faux par
la critique, découvrir l'infidélité des citations'
discerner l'abus de l'ujaue, les opinions des
croyances et répondre periiiu'mraentaux objec-
lious? 11 s'en trouve peu, memt' parmi les théo-
logiens, ditZaccaria, et Benoit XIV a prévu le
cas où un consvilteiir de V Index, se trouvant
trop peu compétiut pour juger un livre, doit se
récuser lui-même.
Si les qualités de l'esprit sont si rares, que
dire des qualités du cieiu? U'abord. en ce qui
regarde les livres obscènes, à cjuse de la tragi-
lité de respèco humaine, ira^'ilité dniit les
saints ne sont pas excmjits, ils sont i;riiéi.de-
meut nuisibles. Aussi est-ce un péchr .le les
lire, à moins qu'on ne les lise comme théolo-
gien, par nécessité et avec prudence, pour
savoir s'ils doivent être défendus. Les autres
lecteurs, par là même qu'ds recherchent ces
lecluies, se montrent de[iourvus de la force
nécessaire pour se piémunir du poison, et,
comme dit Rous?eau, qui s'y entendait, c'est
être déjà perdu que de les ouvrir. Mais, même
s'il s'agit seulement de livres à doctrines [ler-
verses, la faiblesse du cœur avuugle lacilcment
l'esprit. Supposez, par exemple , un homme
assez haliile pour démêler le sophisme, s il est
esclave de ses passions, en lisant un mauvais
livre, il désirera trouver, contre la foi catho-
lique et les préceptes de la religion, des raisons
péremptoires, ou simplement plausiblee, pour
émousser la délicatesse de sa conscience et s'a-
bandonner aux mauvais désirs. Dans cette dis-
position, il n'appréciera pas à leur valeur les
arguments favorables à la foi, supposera solides,
pourvu qu'elles .soient spécieuses, les raisuus
opposées, et coulera tout doucement dans l'er-
reur à la mode, si tant est qu'il ne tombe
misérablement dans l'hérésie.
Aussi est-il remarquable que tous les nova-
teurs, lors.ju'ils veu'eut répandre les nouveautés
et former secte, recourent à la plume et pu-
Iilient des ouvrages. Le livre est, h leurs yeux,
le véhicule naturel de l'erreur et l'engin favori
de la corruption. S'ils se présentaient en per-
sonne, ils pourraient avoir contre eux, l'infir-
mité de leur [irésence corporelle, la faiblesse de
leur esprit ou la déloyauté de leur conduite.
S'ils provoquaient des contradictions publiijues,
ils se verraient terrassés par l'adversaire, comme
cela arriva souvent à Luther et à Voltaire. Avec
le livre, on dissimule aisément la pauvr.-té de
sa cause et la disgrâce de sa pc'rsunne. Oa se
drape en héros; on joue un rôle de grandeur;
et le prestige de l'inconnu, le mirage du loin-
tain, sans parler du concours empressé des pas-
sions et des complaisances de la politiqui-, fout
d'un homme de rien un personnage redoutable,
parfois un chef de secte, le fondateur il'uii parti
qui prendra place dans l'histoire.
Combien ne cite t-oii pas d'hommes perdus
par les mauvaises lectures! Bardesane avait
confessé la foi ; il tomba dans l'hi'irésie et devint
même bérésianpie, pour avoir lu les livres de
Valentin. iMaiiès fut perverti de la memi; !'ai}on,
ainsi que l'Espagnol Avitus, Julien d'Halicar-
iiasse, Euty elles, et, de nos jours, Uœlliiiger et
Zwiiigle. Dans les temps de troubles, ou les
esprits sont plus facilement eulrainés, plusieurs
papi's ont mémo dû révoquer les permissions
c'.e lire les livres hérétinues. Et malgré ces pré-
cautions, que de cliuU-s. que de iiiuliitudes
si'-duites! Les livres de l'E^'ytien N.'qios eutrai-
ncient beaucoup de catholiques dans Teneur
di'S miilénaiies. Les livres des [iriscilliinisles
hrenl ravage en Espagne et dans la Gaule nar-
bonnaise. Les écrits de Wiclef mirent en feu la
Bohème. 0" sait assez que de ruines entas-
sèrent les livres de Luther de Calvin. Nous
avons encore sous les yeux, les ravages causés
par les écrits de Voltaire et de Proudhou.
Au reste, pour coniiaitre de la manière la
plus certaine, le droit iiihéreut à rEj,lise de
défendre les mauvaises lei;turcs, nous ne pou-
vons pas invoquer argument plus décisif ([ue sa
pratique L'E,lise ne peut pas errer dans sa
pratique générale et perpétuelle. Voyons donc
ce qu'elle a fait contre les mauvais livres.
El l'an 6tJ, fut déposé un prêtre d'Asie, qui
avait écrit un livre faux sur les voyages de
saint Paul et sur sainte Thècle. Tertuilieu et
saint Jérôme, qui rapportent le fait, ne disent
pas que le livre fut interdit, mais l'interdictioa
de l'ouvrage résulte suffisamment de la déposi-
tion de l'auteur.
En 2rjl , il avait été écrit, contre le pape saint
Corneille, un opuscule calomnieux. Les légats
de l'anti-pape Novation ie portèrent à Cartliage.
Saint Cyprien (épist. 42) rai)porte qu'il mit
sess'dns àen empêcher la lecture età eu inspirer
le dégoût. Les textes de l'Ecriture que.i'evèque
1549
LA SEMAINE DU CLERGE
de Cartilage rite pour motiver sa comlnite pron-
Tenl qu'il entendait défendre aussi bion la lec-
ture privée, que la lecture publique.
En 325, le concise de Nicée condamna solen-
nellement les éciils d'Arius. Soerate (1, 6) et
Sozomène (I, 20) rapportent le fail; le preuiiM-
cite même à l'appui un édit de Constantin pour
assurer l'exécution de la sentence du concile.
Eu 336 et en 330, les eusébieus, se tenant
pour légiiimes représentaiîts de FEj^lise, i-on-
damnent un écrit de Marcel d'Ancyre, puis les
écrits el les lettres «l'Aéliiis. (Sozom. Il, 31 ;
Théodoret, i, 2, cap. 23).
En 373, le concile romain dresse un catalo-
gue de livres reçus, et mentionne quid Ecclesia
vitare debeot, si l'on eu croit les Balleiini
{De antiq . col. can. H, c. 9, u° 3).
En 398, le coticiledeConstantinoplecondainne
Eunomius et ses adhérents. A l'appui de cette
condamnalion, l'empereur Arcadius porte une
loi qui ordonne de brûler les écrils de l'iiôrésiar-
que (Cod. Theod. lei;. Si, lib. 16).
La même année, le 1V'= concile de Carthaa;e
porte un décret sur les livres à lire selon les
temps et les circoustauces, et contre les livres à
s'interdire.
L'an 400, célèbre condamnalion des écrits
d'Origène : Soerate, Sozumène, Suipice-Sévère
ne laissent aucun doute à cet égard.
L'an 40-5, le pape saint Innocent 1" adresse à
Exupcre de Toulonse. le canon des saiiitis
Ecritures, et ajoute, au sujet des apuci-yphes :
iV'on sol uni re/judianda . sed dnnimandit.
L'an 416, les évoques d'.\iriiiuc demandent
à saint Innocent ('.luatiiématiser les écrits de
Pelage. (Constant., Ejiist. roni. Pont., 906).
L'an 431, le concile d'Ephèse condamne les
écrits de Nestorius.
L'an 440, la Chronique de Prosper rapporte que
saint Léon lit brûler les livres des manichéens.
L'an 447, prohibilicm des livres des priscillia-
nisles. (Mansi, V. 1280).
L'an 490, célèbre il^crct du pape Gtlase où
l'on trou\e le \ncmKvJiidcx des livres défendus.
(Labbe, IV, I2o0). Le Liber /'onù/tcalis rapporte
que les papes Geiaac, Symiuaquc* et Horniisdas
tirent, en paiticuLier, brûler les livres mani-
chéens.
L'an 301, le concile de Braque, can. 17, con-
damne les écrits de l'risciilien, de Dictriuus et
de t'JU.s les hérétiques.
En 390, saint Grégoire le Grand défend à ua
prêtre d'isauiie de conserver des livres hé-
rétiques.
En 049, le concile de Latran, can. 8, anatln'ma-
tise t(nis le'S livres des liénHiqm-s, et le pape Mar-
tin l" coulirme la sentence (Labbe, \ 1, 303-84-4).
En OSU, le sixième. -oncile ;;énéral, sess. l.i,
fait brûlée les livres muuutbéiUes. Eu 692. le
concile in Trullo ordonne de prendre cû fait
comme règle.
En 745, au concile romain, on Ut les écrits
d'un certain Arlalbeit et le pape Zacharie les
fait brûler. (Labbe VI. 1337).
En 787, au deuxième concile de Nicée, il est
ordonné de déposer les évèques, prêtres ou
diacres, et d'analhématiser les la'i.|U(^ et les
moines qui cacheraient des livres hérétiques.
On sévit, eu particulier, contre un faux livre des
Actes des apôtres (Labbe VII, 603).
En 829, le concile de Paris ordonnede recher-
cher tous les livres ccmfra cnnoninn auctorilatem.
En SOG, le pape Nicolas 1" ordonne aux Bul-
gares de brûler les livres qu'ils ont reçu des
tjarrazins.
En 808, le pnpe Adrien II. dans son concile,
reçoit à la communion de l'Eglise ceux qui ont
brûle les écrits schismatii|ues île Pholius et rejette
ceux qui les ont admi~. (Labbe, VIII, 1093).
En 1140 et 1142, les cnnciles de Reims con-
damnent les écrils d'Abailard, d'.\rnaud de
Bescia et de Gilbert de la l'orrée. (Labbe, X, 1023
et 11-23).
En 1-299, le concile de Paris condamne les
écrits de David de Binant, défend la lecture de
quelques hvresd'Aristote et de certains ouvrages
théulo;;iques.
En 1229, le concile de Toulouse, présidé par
le Pape, règle l'usage des livres saci'és et
profanes.
En 1236, Alexandre IV condamne le livre de
Guillaume de Saint-Amour, sur les périls des
derniers temps (I).
11 est superflu de pousser plus loin cette no-
menclature lie faits, puisqu'à celte époque,
l'Eglise, par le tribunal de l'inquisition, ne se
borne pas à brûler les mauvais livres, mais brûle
encore les auteurs hérétiques et ceux qui fout
simplement profession \erbale d'hérésie. Rien
ne prouve mieux son droit. On sait d'ailleurs
que tous les sectaires ne reprochent, à l'Eglise,
rien tant que sa prétention à établir qu'il y a
des péchés del'esprit, péchés qu'il est nécessaire,
de réprouver et juste de punir : reproche pair
où l'on voit qu'en-dehors de l'Egdse on ne croit
pas à la vérité ou l'on décharge l'homme da
devoir de s'y attacher.
{A suivre). Jusn.v FiivuE,
protoaolaire ajjo^italiqae.
LÉGISLATIOW
Exposition des motifs et des principes qui ont
servi de base .4. l.4. loi rel.\tive .\. la ubehié
ce l'e.\àeignement supérieur.
(Suite.)
Les deux paragraphes dont M. Chevandier
demande la suppression, sont ainsi connus ;
LA SEMAINE DU CLERGE
ISif
« Les cours isolés, dont la ptihliàté ne sera pas
restreinte aux auditeurs régulièrement inscrits,
resteront soumis aux prescriptions des lois sur les
réunions publii/ues.
Un règlement d'administration publique déter-
minera les formes et les délais des inscriptions
exigées par le paragraphe précédent, n
M. Pascal Duprat, reprenant la discussion
dans la séance du 8 juin, regrette profondément
le vote de la veille, <iui a consacré solennelle-
ment la personnalité civile des diocèses. Il dit
que ce vote, quels que soient les motifs qui
l'aient inspiré, est une dérogation déplorable
au Code civil.
En se déclarant partisan très-résolu de la
liberté d'enseignement, dans le domaine surtout
des hautes études, il ne croit pas apprendre
riun de nouveau à l'assemblée. C'est parce qu'il
en est partisan qu'il vient défendre l'ancien
texte de la Commission et combattre le nou-
■vel article qu'elle propose.
Que demande la Commission dans ce nouveau
texte? Elle veut que, pour donner des confé-
rences et des cours, on soit tenu d'ouvrir un
registre sur lequel les auditeurs devront être
régulièrement inscrits. Cette inscription, M. Pas-
cal Duprat la croit possible dans les facultés de
l'Etat; il y a là des usages, il y a un personnel
et une organisation qui rendent cette formalité
facile; mais le propre des cours individuels est
de changer à chaque instant de public. Il fau-
drait donc modilier sans cesse le registre des
inscriptions, et le cours serait à tout moment
entravé.
La Commission veut, à d faut de cette for-
malité, soumettre les cours et les conférences
à la législation des réunions publiques; U
regrette profondément celte idée, car il y trouve
une antre entrave à la liberté de l'enseignement.
11 dit qu'imposer de pareilles conditions à l'en-
seignement individuel c'est blesser, c'est muti-
ler cet enseignement et le condamner à l'im-
puissance. 11 ajoute, qu'il lui paraît qu'on craint
un professeur, ([ui va faire un cours ou donner
une conférence, tandis qu'on accorde en même
temps, avec une entière conliance, la plus
large liberté aux associations. Cette diliérence
de traitement lui paraît étrange; un professeur
parle aujourd'hui, et se tait demain; les audi-
teurs qui l'écoutent un jour n'iront plus l'en-
tendre le jour suivant. Au contraire, les asso-
ciations sont permanentes, elles traversent les
années et les siècles et elles n'aspirent à rien
moins qu'à être immortelles, a Vous refusez
tout, dil-il, à 'in homme, à un orateur d'un
jour, à une parole qui passe, et qui aujourd'hui
n'a même plus d'écho, et vous accordez toute
sliberté aux associations et auxfacultés. »
Quant à lui, il craint cette puissance à des
associations qui s'apprêtent déjà à dominer
l'avenir. Chez nous, ajoute-t-il, où dominent
déjà tant de divisions, où chacun entend la
liberté à sa manière, il ne pourra y avoir que
lutte et une scission complète entre les fils de
l'Eglise et les enfants de la Révolution et du
libre examen. Par ces considérations il croit
avoir raison de demander le retour à l'ancien
texte proposé par la Commission de 1870, et
adopté, la première fois, par la Commission
actuelle.
M. Laboulaye vient à la tribune pour dire que
M. Pascal Duprat a fort peu discuté ces deux
paragraphes. Il lui parait que non-seulement
M. Pascal Duprat est revenu sur la décision
prise dans la séance précédente relativement au
droit des associations, mais qu'il voudrait
recommencer, peut-être, l'éternel procès de
l'Eglise et de la libre pensée. Il observe que ce
projet de loi a précisément pour objet de tran-
cher la question autrement qu'il ne le comprend,
c'est-à-dire par la liberté.
Il lui semble (jue le silence n'a profité à per-
sonne ; et si les divisions doivent être grandes
quand on discotera, elles ne pourront pas être
plus grandes qu'elles ne le sont aujourd'hui
qu'on ne di.scute pas. Il lui paraît surtout que
la publicité d'un enseignement tel que celui des
nouvelles facultés, que l'obligation pour des
professeurs de raisonner et de motiver leurs
convictions, en les exposant à des étudiants,
doit amener beaucoup plus de maturité dans
des thèses, qui sont abandonnées aujourd'hui
à la polémique et à la passion des journaux.
Bien loin de croire que la liberté auamen-
tera les divisions, il est convaincu qu'elle amè-
nera des rapproihements. Il est surtout per-
suadé ijue, lors(}u'on saura de quelle façon les
professeurs de facultés catholiques ensi iguent
le droit et l'iiisloire, beaucoup de préjugés
pourront se dissiper : à ce propos il cite l'exem-
ple de l'enseignement de Saint-Sulpice qui est
parlaitement conforme à l'esprit de nos lois
civiles.
M. Laboulaye observe ensuite que les garan-
ties proposées dans ces deux (laragraphes ne
gênent en aucune façon la liberté. Que se pas-
serait-il dans la pratique? Précisément ce qui
se passe actuellement à l'école de médecine, où
on entre avec une inscription et une carte.
Est-il un homme voulant sérieusement étudier
qui soit arrêté par une pareille difliculté? Il
reconnaît, au contraire, qu'il y a à cela un
grand avantage, c'est qu'on ne pourra pas
entrer en troupe dans un cours pour troubler le
professeur, pour l'égarer quelquefois par des
applaudissements, et que l'enseignement aura
un caractère sérieux, didactique, en un mot,
que ce sera véritablement de l'enseignemenl.
1512
LA SEMAINE DU CLERGÉ
Où sera le mal? Quant à lui, il n'y voit que
des avantages qui ne peuvent gêner la liberté
sainement comprise.
Telles sont les rai-nns principales pour
lesquelles il demande à 1 Assemblée de ne pas
accepter l'amendement de M. Chevandier,
défeudu par M. Pascal Duprat.
M. Wallon, ministre de l'instmclion publique,
expose, en quelques mots, combien il est difli-
cile de concilier à la fois les droits de la liberté
et la sûreté de l'Etat. Il ne lui parait pas que le
texte des deux paragraphes en discussion oiïre
les garanties désirables pour assurer la publi-
cité des cours privés et pour empêcher ou
pour réprimer l'enseignement des doctrines
mauvaises. La seule garantie réelle qu'il trouve,
est dans le dernier par^igi-aplie, où il est dit
qu'un règlement d'administration publique dé-
terminera les formes et les ilélais des inscrip-
tions exigées. Mais la Commission n'a pas indi-
qué quelles seront les conditions de ce rèijle-
ment.
Ces observations ramènent M. Laboulaye à la
tj-ibune. Il déclare que la Commission se trouve
dans une étrange condition; à l'occasion de la
première délibération, on lui a objecté : vous
voulez faire des cours publics! il n'y a pas de
garanties; ce seront des réunions publiqr.es.
Qu'-dst-ce que lui dit aujourd'hui M. lemiaistre?
Vos cours ne sont pas publics; je ne suis pas
armé pour les surveiller. Mais, comment faire,
dit-il, pour qu'un cours soit public et ne le soit
pas?
Eq résumé, il ajoute que la Commission a
cherché des garanties contre ce qui inquiétait
l'Assemblée, et il trouve qu'elle avait raison de
s'inquiéter. La Commission n'a pas voulu livrer
le pays aux expériences des gens qui courront
de place en place pour faire des cours publics;
si elle a été trop sévère, c'est dans les meil-
leures intentions, c'est pour rassurer les esprits
peut-être trop timides. Quant à la loi en elle-
même, il veut pour elle, comme pour toutes
les autres, que le bien qui en sortira surpasse
la somme du mal qui pourrait en naître.
Après la proposition de M. le Président de
mettre aux voix les deux paragraphes que l'a-
mendement de M. Chevandier vuudrait sup-
primer, une demande de voter, au contraire,
par scrutin public est déposée. Le résultat du
dépouillement de ce scrutin donne 4(4 votes
pour l'adoption des deux paragraphes, et 222
contre, sur 636 votants.
M. de Pressensé propose et déveioppe un
paragraphe adililionnel pour déclarer que l'in-
terdiction de traiter de matières religieuses,
formulée dans l'article l" de la loi du 10 juin
1868, ne sera pas applicable aux cours isolés. Celte
proposition ne réunit, au scrutin public, que
214 votes, contre 3S5 votes, sur 599 votants;
Après la votation sur l'eusemblede l'arlideS,
qui donne 403 votes pour son adoption, contre
2i0, sur 643 votants, M. Jean Brunet propose
une disposition additionnelle, qui devrait pren-
dre place entre l'article 2 et l'article 3. Cette
disposition, qui voudraitaccorderlafaculté«aux
musulmans d'ouvrir librement des cours et des
établissements d'enseignement supérieur, dans
la France européenne comme dans la France
coloniale, » mise aux voix, n'est pas adoptée.
Dans la séance du 9 juin, l'assemblée adopte
sans discussion l'article 3 et les deux premiers
paragraphes de l'article 4. Mais M. Bouisson pro-
pose une disposition addilionnelle à ces deux
paragraphes, toute spéciale aux facultés libres
de médecine, ou auxfaculés mixtes de médecine
et de pharmacie.
M. Bouisson développe sa proposition avec
tous les détails historiques et techuiques (ju'elle
comporte. Nous ne rapportons pas les oliserva-
tions qu'il a exposées avec une incontestable
autorité, car M. Laboulaye ayant demandé le
renvoi à la Commission de celte proposition,
nous nous en occuperons, lorsque la nouvelle
rédaction des susdits paragraphes sera apportée
à l'Assemblée.
Au moment de mettre également aux voix
l'article 3, M. le Ministre de l'instruction publi-
que demande leretranchemenldii dernier para-
graphe, déclarant que ce retranchement prou-
verait la dis[iosilion dans laquelle parait se
trouver l'Assemblée de supprimer, à latroisièno^
lecture, dans l'article 2, les mots : «Les départe-
ments, les communes et les diocèses. »
M. Laboulaye accepte, au nom delà Commis-
sion, la proposition de M. le Ministre; mais
M. Lucien Brun vient à la tribune pour deman-
der instamment à l'Assemblée de ne pas revenir
sur le vote qu'elle a rendu dans la séance pré-
cédente : elle le doit à sa dignité. L'importance
de ce vole est assez manifestée par ce qui se
passe en ce moment ; aussi il prie l'Assemblée
de maintenir ce paragraphe, sauf à donner acte
à M. le Ministre de la réserve qu'il a déjà faite
d'ailleurs à l'occasion de la discussion de l'ar-
ticle 2, pour une discussion future sur ce sujet,
que lui et ses collègues acceptent loyalement et
qu'ils soutiendront sans crainte.
A ce point, M. le Président met aux voix le
premier paragraphe, qui est adopté ; il déclare
eu même temps que, sur le second paragraphe,,
dont M. le Ministre de l'Instruction publique
demande la suppression d'accord avec la majo-
rité de la Commission, il y a deux demandes
de scrutinpublic.
M. le général Robert observe être évident,
pour quiconque sait lire et comprendre que.-
cette suppression détruirait virtuellement l'ar-
Là SEMAINE DU CLERGE
1S43
ficle 2, que rÂs?emblée a voté. Il ne lui paraît
pas admi-sible que deux artiiles d'une même
'.oi soient en conlra'liction l'un avec l'autre.
Il demande par conséquent à l'Assemblée de
ne pas faire une ceiivri' boiteuse en rédigeant
l'articli! 5, d'une manière absolument contraire
à ce qui a été voté, et bien voté, à l'article 2.
Par contre, M. Robert de Massy demande,
au nom de la majorité de la Commission, qui
s'associe, dit-il, aux paroles de M. le Ministre,
le rejet dndit paragraphe, avec celte pensée,
ajoule-l-il, que c'est un retour contre le vote
qui a été émis à l'avant-dernière séance.
M. Wallon, ministre de l'instruction publique,
déchire qu'il n'entend, en aucune façon, rouvrir
le débat sur cette question. Il se borne à faire
seulement srs réserves sur ce paragraphe,
comme il a fait ses ré-ervcs au sujet de l'artiLle 2,
et il se propose, laissant passer à présent ce
paragraphe, de demander en troisième lecture
le rejet des mots : « départemculs, communes
et diocèses. »
La séance se termine par un scrutin nul, qui
devait être repris le lendemain, et qui ne fut
pas repris après une longue discus-iun au sujet
ou procès-verbal, et ensuite de la déclarai ion
de M. le général Robert de retirer la demande
de scrutin public qu'il avait faite d'accord avec
plusieurs de ses collègues. Le Président met
aux voix le paragraphe en contestation, que
l'Assemblée adopte. L'ensemble de l'article 5 est
également mis aux voix et adopté.
M. Wallon, ministre de l'instruction publique,
observe que l'article 6 purle : « Les cours ou
établissemnnts libres d'enseignement supérieur
seront toujours ouverts et accessibles aux délé-
gués du ministre de l'inslruclion publique ; »
il demande qu'on y ajoute ces mots : « ou aux
agents de l'adminisljalioa publique. » Cette
adjonction lui paraît nécessaire, car il pourra y
avoir un si grand nombre de cours, que le
minisire sera dans l'impossibilité de trouver
assez de délégués [lour les y faire assister.
M. Laboulaye lui répond que la disposition
de cet article avait, dans la pensée de la Com-
mission, une portée particulière. Il dit qu'il
n'est pas douteux qu'eu France, le gouverne-
ment a le devoir et le droit de savoir ce qui se
pas?e dans les cours : ce que la Commis-
sion a voulu établir par cet article, c'est la
surveillance du ministère de 1 Instruction pu-
blique pour savoir comment se donne l'eusei-
gnement dans ces cours particuliers.
L'Université, si celte loi est adoptée, perdra
son monopole; mais loin que cela affaiblisse
le ministère de l'instruction publique, M. Labou-
laye croit que cela le grandira. Il y aura une
surveillance plus grande, surveillance tout à
fait compatible avec la liberté. C'est ainsi, par
exemple, qu'aux Etats-Unis, où l'enseignement
est complètement libre, il y a un bureau de
l'éducation, qui est un bureau de statistique, de
centralisation de tous les documents, et qui
tient chaque année l'Amérique au courant des
progrès et du développement de l'éducation.
C'est en ce sens que les délégués du Ministre de
l'instruction publique auront toujours accès dans
les cours privés. Il ne voit donc pas la nécessité
de moililier la disiiosition de cet article, et il
espère que son explication donnera satisfaclloa
à M. le Ministre.
11 est évident, ajoutet-il, que la police supé-
rieure du gouvernement n'est en rien affaiblie
parcelle disposition. La commission demande
seulement au gouvernement de surveiller «es
cours, de manière à tenir le pays au courant
des progrès de rinslruction. Il est bien entenda
que cette surveillance n'est pas une censure,
qu'on n'a pas le droit d aller critiquer les mé-
thodes; c'est une surveillance [lour savoir ce
qui s'y passe et pour signaler les cours qui
seraient contraires à la morale, à laconstiluticjn
ou aux lois. Dans ces limites, il est bon de con-
server cette délégation au Ministre de l'Instruc-
tion publique.
M. le Ministre de l'Instruction publique re-
vient à la tribune pour dire qu'il ne récuse pas
la faculté d'envoyer des délégués dans les cours
et établissements d'enseignement supérieur ; il
constate seulement que, dans l'état actuel des
choses, il est absolument impossible au ministre
d'exercer cette surveillance à lui seul et par
ses agents.
M. Victor Lefranc observe qu'il est évident que
ce que la commission désire, c'est que l'attache-
de la délégation du Ministre de l'Instruction pu-
blique caractérise la misson de l'ageut envoyé
pour rendre compte de ce qui se passe. Quant
à lui, il verrait avec regret retrancher cette
attache. Du moment qu'on dit, «les délégués
du Ministre de l'instruction publique» celui-ci
a le droit de choisir q*i il voudra. Mais il est
utile que l'agent, (juel qu'il soit, ait été délé-
gué par le Minisire de l'Instruction publique,
et non par d'autres. 11 espère ainsi que M. le
Ministre renoncera à cette addition.
Malgré cela, le Ministre maintient sa propo-
sition, laquelle, mise aux voi.\, n'est pas adop-
tée ; est adopté, au contraire, l'article selon
le texte proposé par la Commission.
M. Cbesnelong propose l'addition suivante
au même article : a La surveillance de l' L'(ut aura
exclusivement pour objet d'asswer le respect de
l'ordre et de la morale, et de veiller à l' obsirvation
de la présente loi. •
Il se borne à dire que, d'après le rapport
même de la Commission, elle entend que la
surveillance nait, à aucun degré, le caractère
tm:
LA SEMALNE DU CLERGÉ
d'un contrôle universitaire. Elle admet que
celte surveillance ne doit porter ni sur les mé-
thodes ni sur la direction de l'enseignement,
et qu'elle doit être purement et simplement
une inspection d'ordre public, d'atiiité géné-
rale. Il admet aussi, lui, comme la Commission,
le droit de surveillance de l'Etat ; i) le consi-
dère non -seulement comme un droit, mais
encore comme un devoir. Il demande enfin que
la loi elle-même détermine ce que la Commis-
sion a dit dans sou rapport.
M. Bmile Beaussire remplace M. Chesnelong
à la tribune. Au nom de la Commission il ac-
cepte, en principe, cet amendement qui ré-
pond à la pensée si bien exprimée dans le rap-
port de M. Laboulaye. Mais la proposition de
M Chesnelong ne lui paraît pas sulfisammeut
précise : ce dernier demande que la surveillance
ne porte que sur le respect de la morale et de
la présente loi. La Commission voudrait qu'elle
portât sur le respect de toutes les luis, et que
l'amendemeut fût modifié en ce sens ; « La sur-
veiliunce ne pourra poitersw l'eiueirpiement que
pour vérifier s'il n'est pas contraire à La morale, à
la constitution et aux lois, n
RI. Chesnelong se rallie à la rédaction de
celte disposiliou additionnelle, qui est mise aux
voix et adoptée. Sont également adoptés, sans
discussion, les articles 7 et 8.
Sur l'article 9, ainsi conçu : h Les dispositions
de l'article 291 du Code pénal ne sont pus appli-
cables aux associations formées pour encourciyer et
propager l'enseignement supérieur, » il y a trois
amendements; un de M. Paris, un autre de
M. Beaussire, et le troisième de M. Uelorme.
L'amendement de M. Paris dit: Les disjjosi-
tions de l'article 291 du Code pénal ne sont pas
applicailes aux associations forméfs pour fonder
des établissements d'enseignement supérieur. »
M. Paris (Pas-dc-Cala s), venante la tribune,
observe de comprendre que la Commission pro-
pose d'apporter, en ce qui concerne i'en-eigne-
rD'iit supéiieur, une dérogation à l'article 29 i
du Code pénal, qui règle le droit d'association.
Pour fonder des établissements d'enseignement
supérieur, il est indispensable de réunir des
Capitaux, de relier en laisceuu des l'oices indi-
viduelles, et, par conséquent, d'user de ce droit
d'association. Mais si on admet 1 exception pro-
jetée, il craint que l'on puisse abuser de la
géneraiilé des termes de la rédaction soumise
à l'Assemblée, et créer subrepticement des as-
sociations, qui, s'appliquant en apparence à
l'enseiguemfut, pouisuivraient, eu réalité, un
but tout dillurcut; qui, d'un autre côté, au
lieu d'avoir la durée temporaire que la fonda-
tion d'une faculté comporte, deviendraient per-
manentes. Il demande couséquemmeut de don-
ner à cet article uue portée plus spéciale,
mieux définie ; garantissant, en un mot, que
les associalioas établies dans le but de favori-
ser i'pnseignements supérieur ne Sv-ront pas
détournées de leur véritable objet, et qu'elles
auront une durée temporaire.
M. Beaussire déclare que son amendement
ressemble beaucoup à celui de M. Pari<, et il
vient à la tribune moins pour le combattre que
pour expliquer en quoi :1 est d'accord avec
M. Paris, et en quoi le texte qu'il propose dif-
fère du sien.
M. Paris demande que le texte de l'article 9
soit moins large, moins élastique que dans la
rédaction de la Commission. Mais M. Beaussire
croit que la rédaction proposée par M. Paris
est beaucoup trop restrictive ; il veut que les
asiociatous formées en vue de l'enseignement
supérieur se bornent à fonder des établisse-
ments, et qu'elles cessent une fois ces établis-
sements fondés. Il ne suffit pas, dit M. Beaus-
sire, de créer un établissement, il faut le faire
vivre, il faut l'entretenir.
Par conséijuent, il propose une nouvelle ré-
daction de cet article 9, ^ians les termes sui-
vants : a Les dispositions de l'article 29i du Code
pénal ne sont pas applicables aux associations
ayant exclusivement pour objet la (ondanon et
l'entretien des cours et des étalAissements libres
d'enseignement supérieur. »
M. Wallon, ministre de l'inslruclion pu-
blique, accepte cette rédaction au nom du
gouvernement, et M. Paris, revenant à la tri-
bune, l'adopte sur un point aussi, lui. Il recon-
nait la raison pratique de cette rédaction par
ran[iorL aux clablissements d'enseignement
suiieneur, mais il lui parait inutile et peut»
eue dangereux de ra[ipliquer également au
prolit des cours. Autant M. Paris comprend
î'uiilité de lassocialion, quand il s'agit de créer
de.i élabli.<sements, de fonder des facultés,
autant l'idée d^ société ne lui parait avoir au-
cune espèce d'application pratuiue, lorsqu'il
s'agit de simples cours, de conférences isolées.
Dans ces deux derniers cas, l'action indivi-
duelle du [irofesseur est tout; son initiative est
seule en jeu. 11 ne comprend pas qu'il soit
utile de rci-.ourir à l'association pour favoriser
une œuvre purement personnelle, et qui, pour
rencontrer le succès, ne demande que deus
clioscs : une chaire dans laquelle uue parole
libre se lasse entendre, et un auditoire syinpa-
ttiii;ue auquel celle parole s'adresse.
il ajoute que, si le professeur ne possède pas
le capi.al sulii-aiit à la fondiiiion de son cours,
1» rémunération de ses auditeurs lui créera des
ressources s'iflisantcs. Il ne croit pas que l'As-
seiulilec veuille tléiiaturer ainsi l'institution des
cours qui ont, il le répète, un caractère essea-
ticilciucut persoQBei. 11 la prie de ne pas laisser
LA SEMAINE DU CLERGE
154^
inlrodiiire dans !a loi le mot d'MSsocialion s'ap-
pliquant à un ohj^t sur lequel l'assccidtion n'a
rien de commun.
M. Be:iu5sire, rappelé de nouveau à la fri-
hune par ces observations, dit que M. Paris
sembli; croire que tout cours individuel sera
Bécessair('ment un cours rétribua, pouvantvivre
du droit d'entrée ou d'insiription exigé des
élèves; mais il peut s'agir également d'un
cours ouvert dans un grand intérêt moral ou
scientifique, un de ces cours qui ne peuvent
attirer un grand nombre d'auditeurs et surtout
d'auditeurs payants ; il peut s'agir d';:ne asso-
ciation lonilce pour créer dans ces conditions
une chaire unique, isolée. Il lui paraît que
M. l'aris confond le cours avec la cunférenee;
ee sont deux choses tontes difôirentes. La con-
férence est un enseignement non-S''ulemeut
isolé, mais n'ayant pas de lendi-mam, ou
n'ayant qu'un lendemain ou deux tout au plus;
un cours, au contraire, est un enseignement
suivi, qui peut durer plusieurs années; il lui
faut un local, souvent un matériel coûteux, s'il
8*agit de certaines sciences; il lui faut un pro-
fesseur rémunéré. 11 y a dune là maiière, non-
seulement auxeUorts dun individu, mais d'une
association.
M. Robert de Massy vient expliquer les
«onsidérations qui ont décidé la Onnujissioa
à admettre que l'association devrait être auto-
risée, sans être soumise aux conditions restric-
tives de l'art. 291 du Code pénal, non-seule-
ment quand elle aurait pour but de distribuer
l'enseignement, mais quand elle serait lor-
mée [lour l'encourager, pour le faciliter, pour
l'aider dans ses développements. Il déclare,
au reste, que l'Assemble a à choisir entre
la formule très-étroite de M. Paris, la for-
mule plus large do M. lîeaussire,ctlal'ormule
plus libérale et plus largii encore qui lui est
offerte ]iar la Commission. M. le Ministre de
l'Instruction publique observe que c'est précisé-
ment parce que la proposition de la Commis-
sion parait trop large que le gouverne-
ment ne s'y associe pas. Il s'associe, au con-
traire, à l'ami'ndement de M. Beaussire en
tant qu'il implique la fondation et l'entretien
<les éta lisseinenls litves, mais non pas en tant
qu'il s'applique à des cours isolés. 11 ne lui
parait p:is qu'on doive dispenser de l'applica-
tion de l'art. 291 du Code pénal les associations
qui seraient fondées uniquement en vue d'ou-
vrir et d'entretenir des cours isolés,
A ce point, M. Batbie dit que l'Assemblée
ne doit pas, par la disposition sur laquelle elle
déhbère en ce moment, autoriser des associa-
tions en dehors du droit commun pour entre-
tenir ou fouder des cours et des établissements
><i'enseigoement sucérieux qui ne seraient pas
soumis aux conditions fixées par celle loi. II
observe que toutes les parties de celte loi ses
suivertet se tiennent. Pour établir entre les
artidcj la cohésion qu'ils doive nt avoir entre
eux, il propose la rédaction suivante, qui lui
parait de nature à couper court à toute objec-
tion : <\ L'ait. 291 du Code p^nnl n'est pas appli-
cable aux a^.sodations formées pour créer et
entret.nir des murs ou établiaspiwMts d'enseigne-
ment supérieur dons les conditions où ils sont auto-
risés par la présente loi. »
Il demande la priorité pour son amende-
ment. M. Beaussire se rallie à cette proposi-
tion, M. Laboidaye déclare que la Commission
l'accepte, et l'Assemblée, consultée, l'adnpte.
M.Laboulaye observe qu'après cette votatioa
l'art. 10 lui parait inutile, n'étant que le déve-
loppement de la même idée. Comme il ne s'élève
pas d'opposition, l'art. 10 est amsi supiirimé.
Avant de passera la dis;:ussion de l'art, il,
M. Delorme demande à la Commission, pais-
qu'elle n'a pas admis l'amendement qu'il lui
avait soumis au sujet du susdit art. 9, si le
décret du 3 messidor an Xll doit être considéré
encore en vigueur.
iU. Robert de Massy lui répond, au nom de
la Commission, que l'esprit de la loi qu'elle a
préparée, le terrain sur lequ'd elle s'est cons-
tamment maintenue, ne se prêle pas à ce qu'on,
doive rechercher qu'elles seront les associations
laïques ou religieuses ([ui proliteronl de celle
loi pour distribuer l'enseignement supérieur.
Il observe que le décret de messidor an XII,
qui prohibait les associations religieuses, soit
abrogé ou ne le soit pas, c'est là une grande
thèse longtemps agitée, mais qui est en-dehors
de cette loi. La commission n'a pas â introduire
ces grandes thèses de droit, deliattues dans
d'autres temps, dans celle loi qui doit se cir-
conscrire aux facilités données a tous, à Imdi-
vidu comme à la collectivité, de distiibuer
l'enseignement supérieur. Ausurplus, la Commis
sion Veut assurer la liberté à tous sans deman-
der qu'elle e^t l'origine ou la condition des
citoyens qui entreront dans l'association des-
tinée à faciliter l'enseignement supérieur.
M. Uelorme, n'insistant pas davantage sur ce
point, ^A^semblée adopte les autres dispositions
additionnelles qu'il avait [iroposées à l'art. 9,
et qui avaient été déjà acceptées par la l^ora-
miSîion. Ces dispositions sont ainsi coni^uis :
« il devra être fait une déchiration faisant
connaître les noms, professions et..omiciles des
fondateurs et administrateurs desdites associa-
tions, le lieu de leurs réunions et les-tatuts qui
doivent les régir.
H Cette déclaration devra être faite, savoir :
1» dans le département de la Seine, au préfet
depulice, et dans les autres départementSj au
1516
LA SEMAINE DU CLERGE
préfet; 2° au procureur général de la cnur du
ressort, en son parquet, ou au parquet du pro-
cureur de la République. La liste complète des
associés, avec indication de leur domicile, devra
se trouver au siège de l'association et être com-
muniquée au parquet à toute réquisition du
procureur général. »
(A suivre.) Philippe Carréri.
PATROLOGIE
VII. AI.UANf.E DES SAINTES LETTRES ET DES BELLES-
LETTilES A LA FIN" DU REGNE HÉBRAÏQUE.
l. Nous appelons règne hébraïque cette pé-
riode lilté:aire qui renferme les travaux du
Sauveur, des apôtres et de leurs premiers dis-
ciples. Il fermerait à l'arrivée de saint Justin,
martyr, vers l'année 167.
Le chrisiianisme s'était conformé jusque-là,
pour sa méthode d'instruction, aux usages et au
goût de la Judée. Bien que nous ayons un seul
Evangile composé en hébreu, tandis que les
autres sont écrits en grec ; bien que les livres
du Nouveau Testament parlent les trois langues
sanctifiées sur la croix ; cetle variété d'idiomes
ne change point le caractère de notre littérature
primitive. Le grec et le latin hébraisaienlilans ce
temps-là. 11 le fallait, du reste. Les prémices de
la bonne nouvelle étaient destinés aux Juifs,
peuple héritier des promesses. Aussi le divin
Maître a-t-il l'intention de borner ses courses
aux limites de la Judée : « Je n'ai été envoyé,
disait-il, que vers les brebis égarées de la maison
d'Israël. » Ce n'est pas toutefois qu'il voulût ex-
clure les Gentils du bienfait de sa lumière, puis-
qu'il s'entretint quelquefois avec des étrangers,
des mystères du royaume des cieux : mais il
était veau d'abord puiir les siens. Les apôtres,
à son exemple, travaillent premièremeiit à ferti-
liser le champ de leurs frères. S'ils passent aux
Gentils, c'est que la maison d'Abraham rejette
leur enseignement et persécute leur ministère.
Jusque-là, nous les verrons prêcher dans le
temple et dans les synagogues. L'Evangile, de
prime abord, fut donc obligé, comme les fidèles
eux-mênies, de judaiser dans ses formes exté-
rieures. Du reste, l'essence même du christia-
nisme l'eût exigé à défaut des circonstances. Le
Sauveur et ses disciples ne voulaient pas établir
une religion nouvelle. Jésus-(>hrist n'est point
venu détruire, mais perfectionner l'œuvre de la
Loi. Malgré la déposition des faux témoins et la
sentence du Grand-I'rêtre, jamais il ne blas-
phéma contre Moïse et les prophètes. Bien loin
de là, il invoque souvent leur autorité : « Son-
dez les Ecritures, disait-il; elles me rendent
témoignage. i> Les apôtres en usent de même
pour établir la divinité du Christ : ils grcllent la
loi nouvelle sur l'antique Alliance qui était, à
leur jugement, la figure des Liens a venir. Uiie
pareille méthode ne leur permettait guère de
choisir une autre littérature que celle ties Hé-
breux, leurs auditeurs, et des livres sacrés, leur
pierre fondamentale. Ajoutons une nouvelle
considération aux précédentes. Les apôtres et
les pères apostoliques, hébreux de naissance et
d'éducation, du moins pour le grand nombre,
durent infailliblement conserver, au mdieu de
la civilisation de Home et d'Athènes, l'accent à
jamais ineflaçable de la patrie. Croyons-nous,
par exemple, que saint Paul ait oublié leslei^ous
de Gamaliel ; et, s'il parlait assez mal le grec,
cela ne tenait-il pas aux souvenirs de sou en-
fance?
La Bible domine donc, dans le principe, les
formes de l'instruction chrétienne. Aussi remar-
quons-nous, chez les Pères apostoliques, la sim-
plicité du style, la noblesse des images et la
vivacité du tour. De, nombreux chefs-d'œuvre
appartiennent à ce règne hébraïque, qui semble
une prolongation de nos divines Ecritures.
Eu ce temps-là, les cvèques ot les prêtres ne
laissaient pas de lire les livres profanes et de les
employer utilement pour combattre les Gentil- '
par l'autorité île leurs poètes et de leur.' philos
sophcs. Mais l'on recommandait aux simples
fidèles d'éviter la lecture des ouvrages idolâ-
Iriipies, comme étant eapables de renverser la
foi des faibles et d'ailleurs inutiles : « Abstenez-
vous, disent les constitutions apostoliques, de
tout livre des Gentils. Qu'y a-t-il de commun
entre vous elles discours, les lois, les faux pro-
phètes du paganisme'? Tout cela n'esl-il pas de
nature à détourner les hommes de la loi ? D'ail-
leurs, que vous manque-t-il. dans la loi de
Dieu, pour que vous appliquiez votre esprit à
ces fable~ des nations? Désirez-vous lire de l'his-
toire? Vous avez les livres des liois. Des pièces
de philosophie on de poésie? Ouvrez les pro-
phètes, Job et l'auteur des Proverbes. Dans ces
ouvrages vous découvrirez plus de raison et
d'ornements que chez les écrivains profanes.
L'Ecriture est la parole de Dieu, qui seul a la
sagesse en partage. Désirez-vous des poèmes
lyriques? Voici les psaumes. Un tableau des ori-
gines anciennes? La Genèse s'offre à vos regards.
Des lois, des préceptes? Voyez l'admirable loi
du Seigûeur. Abstenez-vous donc de tous ces
livres étrangers, diaboliques {Const. Apoit., I^
Ainsi les premiers chrétiens, tires pour la plu-
part de la nation juive, fuyaient, comme les
anciens Hébreux, la lecture des livres idolà-
triques. La Bible, d'abord, suffisait pour le»
instruire, ainsi que le fait obserser le rédacteur
des Constiiutions ; l'élude des étrangers leur
eut été ensuite dangereuse, puisqu'ils y auraient.
LA SEMAINE DU CLEBGE
154T
appris les fables impius et extravcif^nnlos qui fai-
saient la théologie, la morale et le culte du
pagauisme. L'interdiction temjioraire de la litté-
rature profane, au niomeut de la naissance de
l'Eglise, était doiic due mesure de salubrité pu-
blique, prisedaus l'intérêt du commun des fidè-
les, qui, dans li'ur enfance, n'avaient point connu
les histoires et l'immoralité des faux dieux.
IL Maiutenanl la scène va changer : les doc-
teurs chiéliens ne sortent plus de la race d'Abra-
ham ; ils sont revêtus du manteau des philo-
sophes et introduisent dans le sanctuaire les
dépouilles de la science païenne. On a laissé le
peuple déicide au fond de son abîme, pour émi-
grer vers les nations où l'esijérance des moissous
paraît plus heureuse. La Grèce et Rome appren-
nent de leurs concitoyens la nouvelle doctrine ;
et peuvent-elles l'entendre, sinon dans leur
langue muteruelle, cl avec leur littérature par-
ticulière ?
A partir de ce moment, et pour le reste des
siècles, l'alliance des saintes lettres et des belles-
lettres est irrévocablement contractée et cou-
ronnée.
Qu'était donc la philosophie ancienne? Un
enseignement séculier, ou mieux encore^ une
école laiipie de la révélation primitive. Les phi-
losophes, en leur qualité d'historiens de la doc-
trine, transmettaient à leurs disciples de pré-
cieuses vérités; mais, comme dialecticiens, ils
tombaient dans uue foule d'erreurs. La science
païenne ressemblait donc à ces fleuves qui rou-
lent des paillettes d'or au milieu de leui s eaux
fangeuses. Voili pourquoi la lecture des anciens
offrait à l'Eglise des avantages mêlés d'iuconvé-
nients, selon la diverse préparation des esprits.
C'est aussi le motif qui, dans le procès des écri-
vains du paganisme, divisa les Pères de l'Eglise
en trois classes, plutôt varices dans la forme
que séparées pour le fond.
Les premiers docteurs permettent l'étude des
classiiiucs païens. Que dis-je? ils l'approuvent,
la conseillent, la louent el la défendent contre
les anatlirmes de certains catholiques. Chose
merveilleuse! les plus beaux panégyriques de
l'antiquité profane furent l'œuvre des plus
grands génies du christianisme. Quels noms
égalent, sur la liste de nos hommes illustres,
ceux de Clément d'Alexandrie, d'Origène, de
saint Giéyoire de Naziauze, de saint Basile, de
saint Grégoire de Nysse, de saiut Jean Chrysos-
tome, de Tliéodoret, de saint Jean Damascène?
Chez les latins, quelle n'est pas la gloire de Ter-
tullien, de saint Cyprien, de saiut Augustin, de
saint Jérôme, de saiut Grégoire le Grand, de
saint Bernard ? Eh bien 1 tous ces auteurs, aux-
quels nous aurions pu eu ajouter beaucoup
d'autres, n'ont que des éloges pour les savants
du Dagauisine.
Saint Jean Damascène nous fait l'énumération
suivante des fruits qu'uu lecteur chrétien peut
retirer de la philosophie ancienne : « Comme
l'Apôtre nous donne le conseil de tout raisonner
et de conserver ce qui est bien (1 Thess., v, H),
il est avantageux de consulter aussi les livres
des sages. Sans doute nous trouverons du profit
dans leur commerce; et nous retirerons de leur?
ouvrages certains aliments pour notre âme. Un
artiste a besoin d'instruments pour confec-
tionner ses œuvres; et il est juste qu'une reine
ait des suivantes à son service. Ne méprisez
donc pas ces études, qui secondent l'empire de
la vérité, qui détruisent l'erreur, autrefois maî-
tresse tyraunique de la science. Mais loin de
nous la pensée de changer le bien en mal, et
d'apprendre la dialectique pour tromper les
âmes simples. Bien que la vérité se passe aisé-
ment de l'appui des syllogismes, il est bon de
les employer contre des ennemis qui nous décla-
rent injustement la guerre el po\!r confondre les
préleutions d'une fausse science {Dialecl., cap.
1). »
Eu égard aux avantages que nous procure
l'étude des anciens, l'un de nos plus célèbres
docteurs du moyen âge, saint Bernard, tenait à
ses moines le langage suivant : « Néanmoins, je
ne dis pas qu il faut mépriser ou dela'sser la
science des belles-lettres, qui fout l'ornement
de l'âme, donnent l'instruction à l'esprit et nous
rendent propres a enseigner les autres {In Cant.
seim. .xx.xvii, 2). » Mais quelques Pères de l'E-
glise, n'envisageant que les taches des livres
fiaiens et les dangers dont ils menacent la foi et
es mœurs, semblent vouloir en proscrire l'usage :
tels seraient, entre autres, saint Isidore de Se-
ville, saint Paulin de Noie, Sidoine-Apollinaire.
A vrai dire, ces écrivains ne blâment pas préci-
sém.^nt l'étude des sages de l'ancien monde : ils
en défendent les abus. Ainsi d'abord ils regret-
tei'aieut amèrement de voir que des études pro-
fanes nuisissent à la lecture de nos hvres saints;
c'est pour avoir commis une faute de ce genre
que saint Jérôme fut gourmande en songe, et
même durement flagellé. Us interdisent, mais
sans pitié, tous les ouvrages qui reposent sur
un faux principe, comme les productions de la
secte d'Epicure, où l'on ne trouve ni science,
ni vérité. Les tableaux obscènes des poètes ne
peuvent être exposés aux regards de personne.
Ue là, saint Augustin déplore ces années d'en-
fance où il pleurait sur les aventures de Didon.
Enfin, comme la scène mondaine édifie peu
d'elle-même, les docteurs de l'Eglise tiennent
pour misérables ceux qui cherchent, dans le
culte des belles-lettres, une occasion favorable
pour s'attirer des louanges, se pousser aux hon-
neurs et acquérir de l'argent.
Nous avons lu et relu le chapitre des Sentences
fSiS
LA SEMALNE DU CLERGÉ
qne saint Isidore de Séville a dirigé contre
l'étude des livres du paganisme. 11 résume, en
cet endroit, les diverses accusations que ses pré-
décesseurs avaient dressées contre les partisans
de la littérature ancienne ; et nous n'avons
trouvé, dans son rétinisitoire ;;éDéral, que les
griefs analysés par notre plume.
On détourne les chrétiens de lire les ouvrages
des Gentils. Pourquoi? C'est que les fictions des
poètes allument dans le cœur le icu des passions
immondes ; que les vains ornements de l'élo-
quence païenne font méi^riser la majestueuse
Eimplirtté des Ecritures ; que les maximes des
sages ont plus de brillant que de solide; qu'il
Tant mieux aimer la vérité nue et mépriser l'er-
reur parée de ses atours; que la science du
inonde enfle d'orgueil, tandis que la science de
Dieu forme les saints. Tel est, en un mot, le
système des docteurs d'Espagne {Seiilent. , m, ' 3).
A Dieu ne plaise qu'il nous vienne à l'idée de
le condamner. Toutefois, nous donnerons la
préférence à la troisième opinion qui, recon-
naissant le bien et le mal de la piiilosopbie
païenne, nous en permet l'étude, sous la condi-
tion qu'après avoir éliminé toutes les produc-
tions absulument fausses ou immorales, l'on
épurera les autres livres, mêles d'ombre et de
himière, avant de les mettre entre les mains des
élèves de nos écoles chrétiennes.
Saint Jérôme, l'un des plus chauds partisans
de la littérature grecque et romaine, ne suivait
pas une autre méthode. Le rhéteur Maguus lui
demandait un jour, à la suggestion de Rufîu,
pourquoi, dans ses ouvrages, il citait des pus-
sages empruntés aux écrivains idolâtres. Après
s'être justifié par l'exemple de Salomon, de
•aint Paul et des Pères de l'Eglise tant grecque
que latine, le docteur ajoute : L'Apôtre avait lu,
dans le Ùeuteronome , qu^il fallait^ par ordre du
Seigneur, raser la tète de la femme captive, lui
enlever les sourcils, lui couper les ongles, afin
de l'épouser ensuite. Est-il étonnant qu'a mon
tour je désire naturaliser fille d'Israël l'esclave,
la captive païenne, remarquable par l'éloquence
de sa sagesse et la beauté de sou visage. Pourvu
que je la dépouille et la purifie de toutes ses
parties mortes, comme de l'idolâtrie, de la mol-
lesse, de l'erreur et de la débauche, et que je
m'unisse à cette épouse réhabilitée en vue d'en-
gendrer des fils au Seigneur, mou œuvre est
avantageuse à la famille du Christ; et mon al-
liance avec l'étrangère multiplie les membres
fJ" l'Eglise (6\ Hier. Epist. lxx, ad Muguum). »
Piox,
carê-at^en de Jazennecoart.
Variétés.
LA TERRE SEULE EST HABITÉE )
Y a-l-il dans les astres des êtres corporels et J
intelligents à l'état d'épreuve, comme le sont les i
habitants de ia terre'? Aux yeux de tout homme •'
qui la consi.lère attentivement, cette question J
intéressante dépasse la portée de l'intelligence 1
humaine, et ne peut être risolue ijuc par des i
déductioustirées de ce qu'enseigne la Révélation,
guide suprême de toutes les sciences.
Des savants illustres penchent à croire que
les astres sont habités, parce qu'aimant se rendre
raison des merveilles que la science nous dé-
couvre dans ces corps célestes, ils trouvent dans
la pluralité des mondes, un moyen de tout
expliquer d'une manière satisfaisautc. Ils conci-
lient par là la sagesse de Dieu, qui ne crée lien
d'inutile, avec le magnifique spectacle que pré-
sentent une infinité de globes immenses, dotés
d'avantages naturels, analogues à ceux de la
terre. Mais les enseignements qui se déduisent
des vérités révélées, nous guident, en cela, avec
plus de sûreté, parce qu'ils donnent aux diffi-
cultés une solution plus conforme à l'idée que
nous devons avoir de la souveraine sagesse de
Dieu, après tout ce qu'il a opéré sur la terre
dans l'ordre de la grâce comme dans l'ordre de
la nature. fl
Cela posé, je dis que le mystère de l'Iuearna- ■
tiou est le flambeau qui nous éclaire dans les
profondeurs de la question émise. Considéré
dans toutes ses conséquences, conjointement
avec le principe d'union, qui découle de l'Es-
sence diviue, il sert à faire conuaitre le plan du
Créateur dans toutes ses œuvres, et nous met
par 1,1 dans une voie plus sûre pour arriver ave;:
plus de justesse à la solution que nous cher-
chons.
Privilèges qui revieunent à la terre du mys-
tère de l'iucaruation ;
Nécessité de l'unioa dans les êtres adora*
leurs.
Tels sont les deux points fondamentaux du
système présenté dans cette thèse, qui a pour
but de prouver que la terre seule est habitée.
Les raisons invoquées pour appuyer ce sys-
tème, pri,-es séparément, ne prouvent pas,
d'une manière claire et précise, le sentiment
avancé ; mais j'estime que chacune d'elles a une
valeur qui mérite d'être appieciée, et que,
réunies ensemble, elles peuvent fournir uue
preuve suffisante.
1.
Ralsoas tirées des prlvUéges de la topno.
D'après le récit des livres saints, la terre a
existé avant les autres corps semés dans l'es-
LA SEMAINE DD CLEftGË
15i»
pace, qui n'ont reçu l'être, tel qu'ils le possè-
dent à nos J'eux, que le quatrième jour de la
création. Cette préexistence donne à notre
globe, quoique relativement fort petit, un pre-
mier piivili'fji? qui en amène un autre, celui
d'être crnlre de tous les mondes; elle marque,
de la part du Créateur, un dessoin particulier
qui donne à la terre plus d'importance qu'aux
autres globes et la rend point central de tous
les êtres matériels; c'est-à-dire que tout ce qui
existe dans l'ordre de la naltn-e se rapporte à la
terre et a été créé |iour elle. Cette assertion est
conforme aux enseigni nicnts de la foi qui nous
disent que les aslres, lesanimaux, les plantes...
tout a été créé pour le service de l'homme.
Ainsi l'homme est le but où t^endent tous les
Stres corporels, parce qu'il participe à la nature
divine. Des auteurs Irès-estimcs pensent que le
Fils de Dieu se serait fait homme, lors même
qu'Adam n'aurait i)as péché. C'est pour cette
raison, disent-ils, qu'en donnant l'existence à
l'homme, après avoir créé tout le reste des
êtres pour lui former une demeure. Dieu a pris
un soin tout particulier; il ne s'est pas contenté
de le <'réer comme les plantes, les arbres, les
animaux et les étoiles même; il s'est comme
recueilli en lui-même en disant : « Faisons
l'homme à notre image et à notre i^essein-
blance, » et l'a lornié de ses propres mains, eu
répandant dans son corps, ainsi façoîmé, un
souffle de vie, où résident surtout les traits de
cette ressemblance. Tous ces soins, ajoutent-
ils, ne servent pas seulement à marquer la di-
gnité de l'homme et à lui indiquer ses devoirs,
ils étaient pris surtout en vue de l'Homuie-ISieu,
pour préfxirer l'humanité sainte où devait habi-
ter la Di\ mité même, le Verbe, image substan-
tielle de Di-eu le l'ère. — Ces mêmes auteurs, et
d'autres éfialement respectables, sont d'avis que
tout a été créé pour rendre hommage à la très-
sainte humanité du Verbe fait chair. Tout est
rapporté à Dieu eu se rapportant à l'homme,
tout est fait {>oar honorer dans l'homme l'ado-
rable humanité du Fils de Dieu, qui s'est fait
homme.
Ce que dit un auteur récent (B. Dion), dans
son livre : Le Monde de l'Eucharistie, en parlant
du sacrement adorable de nos autels, qui est
l'abrégé des merveilles du Créateur,' sert à
mieux faire connaître les privilèges de la terre,
et à résoudre le fond de la question dans le sens
que nous soutenons. « La terre, dit cet auteur
« estimé, compai-ée au soleil, autour duquel elle
« a son orbite tracé dans un rayon de trente-
« huit millions 3e lieues, est un atome perdu
« dans l'espace, ^ussi, des astronomes qui ont
« voulu voir, dans la sphère céleste, une méca-
o uique sans Dieu, un mouvement sans moteur,
o et qui ont calculé que le soleil, treize centmille
<( fois plus gros que la terre, n'est presque rien
« si on le comjtare aux étoiles, se sont moqués
« de rEvau:,'ile qui fait de la terre le centre de
« la créaliou » — « C'étaitbou, disaient-ils, au
a temps où l'on croyait, avec Ptolémée, que U
« terre était le centre du monde,. > — « Les in-
« sensés! lis s'imaginent que Dicu choisit ses
« centres comme les hommes, et qu'il se laisse
« prendre par la grandeur matérielle de ses
« créatures ; est-ce que l'hostie où réside Jésus
« sur la terre, l'humble et divine hostie dont le
n diamètre a, relativement à celui des astres,
8 une petitesse ini:<ilculable, n'est pas le centre
« de Dieu et, psu- conséquent, de tout ce qui
« existe? Eu apparence, c'est elle qui, portée
«par les ;a ihn du p ontitc ou du prêtre, tourne
«autour du temple ou de la ville; eu réalité,
» dans l'ensemble de toutes choses, le ciel et la
« terre touiiieut autour d'elle. De même que le
« soleil est le cœur de notre monde planétaire,
«le centie de ses i-évolutions, la force intime
« en vertu de laquelle tout se meut, gravite et
« tàrcMle aiulaur de lui ; de même, l'hostie est le
<i centre de tous les mondes. Tout ce qui existe,
« tout v.<:. qui a vie ou mouvement ne se soutient
«que par rinlluencc de Celui qui se trouve
(1 dans cette hostie sur la terre... La science nous
«révèle que cha que étoile est un monde plus
« gi'aud que notre soleil et ses planètes, et que
« l'étoile la i)lus rapprochée de nous mat au
« moins trois ans à nous faire parvenir sa lu-
« mière; et pourtant celle-ci parcourt (juatre-
c vingt mille lieues par seconde. <,)uelles mer-
ci veilles! notre esprit se perd en y pensant. Eh
« bien! l'kosite, où notre œil ne déeouvi-e qu'une
« frêle et transparente créature fort petite, et
« peut-être diminuée encore de sa grandeur or-
(I diuaire par nue fraction nécessaire, cette
<( /tuslie n'est pas seulement un monde comme
« chacune des étoiles, mais le Créateur de tous
0 les mondes. »
Telle est la dignité de la terre I seule, elle pos-
sède le créateur uni à la c réatuie.
II
On dira peut-être que Dieu a pu s'unir aux
habitants des astres comme à ceux d e la terre,
eu prenant, avec leur nature respective, une
union hypostatique, et que, dés lors, ces aslres
sont également riches, précieux, et adorables
même en ce sens qu'en eux se trouve la divinité
sous une forme seosible ; la terre,, dans ce cas,
n'a aucun avantage sur eux et /le peut être
considérée comme centre. A cette supposition,
je réponds que l'idée est inadïaissible par la
raison que les conséquences qui s'en suivraient
sont absurdes, ridicules, blessent les perfections
de Dieu. Entre autres absurdités que présente
cette hypothèse, qui ne voil qu'il serait étrange
loîO
LA SEMAINE DU CLERGÉ
et contraire à la sagesse divine de dire que Dieu
s'est uni substantiellement à une infinité de
natures distinctes? S'il existait des habitants
dans les astres, ils seraient dans des conditions
d'existence diiTercntes, et auraient certainement
une nature distincte, spéciale à chacun des glo-
bes où ils se trouveraient, à cause de leur isole-
ment à des distances immenses qui mettent de
la variété dans l'action des éléments. Dieu, d'ail-
leurs, ne fait rien d'inutile, pourquoi donc sup-
poser tant d'unions substantielles, puisqu'une
seule suffit pour sanctifier tout les mondes par
reû'et qu'elle produit sur tous?
On dira encore : Dieu peut se communiquer à
ses créatures en une infinité de manières. —
Cela est incontestable ; mais on peut assurer
aussi que le genre de manifestation qui s'est
opéré sur la terre dans l'ciuguste mystère de
l'Incarnation ayant une efficacité sans bornes,
Dieu, dans sa sagesse, n'en emploie pas d'autres
qui ne soient une émanation de celui-là. D'où
il suit que la terre est point central sous tous
les rapports, dans l'ordre surnaturel, comme
dans l'ordre nattirel.
Le mouvement que fait la terre autour du
soleil ne l'empêche pas d'être centre dans l'or-
dre physique. L'espace étant occupé par une
infinité de mondes qui, tous, renferment des
merveilles, comment discerner le centre de tous
ces mondes, sinon en le reconnaissant dans celui
où se trouve la plus grande des merveilles? —
De même que l'hostie, simple parcelle de pain où
réside le Verbe lait chair, est incontestablement
le point principal de toute la terre, ainsi la terre
elle-même, quelque petite qu'elle soit en com-
paraison des astres, est le centre, le point prin-
cipal de tout l'univers, à cause de cette hostie
adorable, unique dans tous les mondes créés.
Comment s'arrêter à la pensée que Toibite
de la terre autour du soleil, qui a plus de 206
millions de lieues, soit un obstacle à croire
qu'elle est le centre de tous les mondes, quand
il est reconnu que cette vaste enceinte parcou-
rue annuellement par notre planète, n'est qu'un
point dans l'immensité de l'espace? « Supposez,
« dit un auteur estimé (Perrault iMaynand), que
« nous puissions nous transporter jusqu'à l'étoile
« réputée la plus proche de notre globe [a du
« Centaure), nous verrions de là sous un angle à
« peu près nul, l'espace entier de 68 millions de
« lieues, compris entre les deux extrémités de
« l'orbite terrestre, de telle sorte que le soleil,
« la terre et la lune ne formeraient plus qu'un
« seul point et que l'épaisseur d'un clicveu suf-
« firait pour éclipser à nos yeux ces trois corps
« volumineux et les intervalles immenses ijui
« les séparent. » ■-- Ce résultat, on ne saurait
en douter, s'applique indistinctement à tous les
astres mis en rapport de la même manière.
Du reste, le mouvement annuel de la terre
autour du soleil, est, dans les desseins du Créa-
teur, une image et un enseignement pour
l'homme. De même que la terre tourne sans
cesse autour du soleil, astre ..entrai qui paraît
immobile et lui est commun avec d'autres pla-
nètes, ainsi l'homme est appelé durant sa vie à
graviter constamment vers Dieu (jui doit être
le centre, l'objet principal de toutes ses pensées,
de toutes ses affections et de tous ses désirs.
S'il estimpossiblededémontrerd'ime manière
rigoureuse et précise que la terre soit contre
matéiiellement, le fait demeure suffisamment
prouvé par là même qu'elle est centre du monde
surnaturel. Tout étant lié dans la création, on
peut soutenir que le monde naturel est réglé
d'après le monde surnaturel, qui est plus par-
fait.
Les raisons qui, à cause de notre manière de
voir, nous empêchent de considérer la terre
comme centre physique, ne sont riou aux yeux
de Dieu dont le plan principal dans les œuvres
de l'ordre naturel échappe à toute> les recher-
ches de l'esprit humain, et ne peut être connu
que par le moyen des manifestations qu'il a
daigné nous faire dans l'ordre surnaturel.
D'ailleurs Dieu, qui se dépeint dans ses ouvra-
ges, ayant son centre partout, ne peut-on pas
dire (|ue, par un secret mystérieuxqui lie le fini
avec l'infini, comme celaarrivedansladivisibilité
de la matière et autres phénomènes de la
nature, il en est de même de l'ensemble de
tous les corps qui existent ou peuvent exister
dans l'immensité de l'espace? que leur centre,
c'est Dieu? En ce cas, tout de même, on ne
peut, pour saisir les rapports qui unissent toutes
choses, se figurer un centre dans la création,
qu'en le plaçant là où se trouve le Créateur
lui-même se communiquant à ses créatures, et
où se sont opérées les œuvres les plus mer-
veilleuses dans l'ordre de la grâce, qui est le
type réglant l'ordre de la nature.
Mais, de ce que la terre est centre delà création,
sinon matériellement, du moins par suite de
l'euchaîncment qui relie l'ordre naturel avec le
surnaturel, comment conclure qu'elle est seule
habitée? — Je le conclus par le seul fait
qu'elle est point central. Si la terre n'était pas
seule habitée, la qualité de centre perdrait en
elle de sa raison d'être, parce que le privilège
de posséder seule la divinité incarnée, qui est la
source de toutes les grâces, sérail, dans ce cas
inexplicable. Comment comprendre, en effet, que
Dieu ait si bien partagé la terre dans les dons
de sa libéralité, si d'autres globes sont, comme
elle, habités par des êtres raisonnables? On con-
cevrait qu'il y eût de es êtres dans /es astres,
s'il y avait, entre les divers genres d'habitants
répandus dans l'espace, une communicatioa
LA SEMAINE DU CLERGE
155!
connue qui les mit en état de puiser avec union
au trésor des grâces placé sur la terre. Cette
communication n'existant pas, la loi àHuiiilé,
qui fait la base des principaux arguments
employés dans cetle thèse, ne permet pas le cas
supposé.
(vl suivfe.)
L'abbé Fa but,
curé de Villars-Heisàicr.
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
Nouvelle réunion consistoriale. — L-s habitants du
Vatican. — Promotions ecrlésiastiques duns l'ordre
de la Légion d'honneur. Un baptême radical. — Les
revenus et Isa im|iôls en Italie, avint et depuis le
règne de la Révulution. — Le quatrième cent^'oaire
de Michel-An;.'e. — Lettre de Garihuldi célébrant
M. de Bismarck. — Mgr Jardinier, le nouvel évèque
de Sion. — Assrmblée annuelle du Pias Verein. —
Les religieux de Notre-Dame de la Pierre et les
Fidèles Compagnes de Jésus chassés de Suisse et
établis en France. — De quelques dépenses faites
pour la déchristiuni-ation du Jura bernois. — Nou-
velle loi contre le clergé jurassien.
30 septembre 1875.
Rome. — Le 23 <1e ce mois, notre Saiul-Père
le Pape, assisté des membres du Sacré-Collège
présents à Rome, a tenu au Vatican une nou-
velle réunion consistoriale, dans laquelle ii a
préconisé un archevêque et treize évèques. Sui-
vant notre coutume, nous en donnerons les
noms dans le prochain numéro du journal.
Pour des motifs qu'il est inutile d'indiquer ici,
la presse libérale de France et d'Allemagne
exagérait outre mesure le nombre des personnes
qui ont trouvé un refuge au Vatican. On était
allé jusqu'à dire qu'il y avait bien trois mille
personnes. Une note communiquée à l'Univers
dément ces chififres fantastiques. Il y a eu tout,
dit cette note, cinq cent trente-sept personnes,
savoir :
Le Saint-Père, le cardinal Antonelli, le ma-
jordome, le maitre de la chambre, le grand
aumônier, le secrétaire, l'intendant, le gouver-
neur, le général Kanzler, et cinq camériers
secrets, soit quartorze personnes.
Le personnel admnistratif de la secrétairerie
d'Etat, qui monte au chiffre de vingt personnes.
Celui de l'administration du palais, comptant
quinze personnes.
L'imprimerie secrète, employant huit per-
sonnes.
Le Saint-Père a un valet de chambre et six
omestiques.
L'antichambre apostolique est composée iViia
doyen, de vingt-truis courriers, trois domes-
ti'iues et trois ordonnances.
L'ensemble monte à cent une personnes.
Le cardinal Antonelli et le général Kanzler
ont une suite de quarante-huit personnes.
La garde suisse et la gendarmerie pontificale
comptent deux cents personnes, dont vingt-trois
mariées, ce qui fait deux cent vingt-trois per-
sonnes.
Et en tout, comme il a été dit plus haut, cinq
cent trente-sept personnes, ce qui est loin de
trois mille.
France. — Par décret du 3 août 1875, rendu
sur le rapport de M. le Ministre de la marine et
des colonies, a été nom naé chevalier delà Légion
d'Honneur, Mgr Blanger, évèque de la Guade-
loupe.
Par un autre décret du 4 ai ût 1875, rendu
sur le rapport de M. le .Ministre de Tinstruction
publique et des cultes, ont été nommés, dans
l'Ordre national de la Légion d'honneur, au
grade de chcvaher :
Mgr Paulinier, évèque de Grenoble, trente-
huit ans de fonctions sacerdotales.
M. l'abbé Manec (Jean -Pierre-Edouard), vi-
caire général d'Agen; dévouement exceptionnel
pendant l'inondation de la ville d'Agen, les 23,
24 et 25 juin 1873.
M. l'abbé Scott, curé d'Aire-sur-la-Lys (Pas-
de-Calais) depuis 1829.
Un journal de Paris racontait il n'y a pas
longtemps l'anecdote suivante, qui a son côté
sérieux, quoique plaisamment présentée :
<i Nous avions eu des enterrements civils, des
mariages civils; un bon citoyen, ami du pro-
grès de la libre-pensée, vient de donner le grand
exem[ile d'un baptême civil.
« Ce bon radical se nomme Rose. Il eût évi-
demment préféré un nom plus accentué; mais
dame ! on fait ce qu'on peut. Il s'est uni civile-
ment l'année dernière, un vendredi, à une jeune
sectatrice delà déesse Raison : il faut des époux
assortis.
« C'était hier le jour choisi pour baptiser
civilement le jeune citoyen issu de cette union.
Le ban et l'arrière-ban des frères et amis avaient
été convoqués chez les parents, 35, rue du
Chemin-Vert. Un grand tapis rouge recouvrait
la table destinée à servir de fonts baptismaux,
et qu'ombrageait un drapeau rouge. Rouges
étaient également les langes du bébé,/ouge8 les
rubans de la ceinture de la mère. Enfil.., le père,
en manches de chemise, ceinture écarlate et
coiffé du bonnet phrygien, tenait à la main un
verre et un litre de vin rouge, dont il versait
fraternellement une rasade à chacun de» ac i-
vanls.
15j2
LA SEiLVlNE DU CLERGÉ
« EnQu, la rénnion étant nu complet, legraud-
père, non moins pour|)ie que l(?s autres, s'appro-
rha lentement, et élevant ses mains tremblantes
au-dessus de la tête du bébé, iirououça ces
paroles : « Au nom de la République je te bap-
« tisc Raoul ! n
« Si lea radicaux avaient un ciel, comme
Raoul RigauU, béatifié, serait content!
(( Mais ils n'en ont pas, hélas! Cela leur man-
que. Ne pourraient-ils, pour la circonstance,
inventer aussi un ciel... civil? u
Italie. — Souvent nous avons vu le résultat
des doctrines et des œuvres révolutionnaires sur
le terrain de la moralité publique; voyons- le
aujourd'hui sur le terrain de l'économie sociale.
En 18(j9. les revenus des divers Etats qui
compose t aujourd'hui l'Italie, ad(liti(mncs en-
semble, formaient un total de 509, 128,891 francs.
Les di'penses n'étaiant que de 48Û,2!4,3Û0fraucs,
ce qui donnait uu excédant de revenu de
21,082,72.1 francs.
Aujourd'hui, les impôts atteignent un cliifFre
total de l milliard, 396,307,886 francs; les dé-
penses sont de i milliard, 494,152,530 fianc-.=.
Le déficit est donc de 97.814644 francs. Sur le
chiffre des dépenses, 612 millions sont aflTeclés
au service de l'intérêt de la dette nationale.
Les impôts trip!és, l'excédant de revenu changé
en déficit, voilà de nouveaux bienfaits apportés
à l'Italie par la Révolution.
Le quatriènfe centenaire de Michel- Anse,
remis de l'an dernier à cette année pour éire
célébré avec plus de pompe, l'a été d'une ma-
nière navrante, lln'y a pas eu decérémcmie reli-
gieuse en l'honneur du grand artiste chrétien !
La municipalité florentine s'est bornée à porter
une couriiUîie sur son tombeau, dans l'église
Santa-Croce. A défaut de prières, il y a eu des
discours, et le soir, des banque's et des repré-
sentations théâtrales. Michel-Ange vivant, se
serait enfui de la ville pour ne pas prendre part
à ces réjouissances bruyantes et grossières, où
aucun sentiment élevé ne se fit jour. Les Man-
dais ont autrement célébré leur 0' Connell! Mais
les Irlandais ont la foi, lundis que les malheu-
reux Floreu lins sont travaillés par le mal révo-
lutionnaire, qui dessèche et stérilise leurs cœure
comme fait le philloxéra en s'abaltant sur uu
cep de vigne.
Voici une nouvelle lettre du héros italien, en
qui, on le sait, l'homme de guerre égale l'cpis-
tolier. Si ses» partisans de France étaient moins
aveuglés par leur haine contre l'Eglise, ils rou-
giraient jusqu'au fond de l'âme en lisaut cet
éloge de celui qui a démembré notre patrie com-
mune par celui-là même qui favorisait srs des-
seiuB en ayant l'air de combatire pour nous. C'est
Garibaldi qui parle :
« Mou très-cher Villani,
« "Vous m'avez fait un portrait de Bismarck»
empreint d'une grandeur et d'une vérité san*
pareilles.
« Vous avez véritablement compris cet illustre
grand homme, à qui le monde est redevable de
ces généreuses batailles mcraîes, qui, plus que
les matérielles, éci aseront dans la poussière l'hy-
dre sacerdotale du mensonge.
n Pour ma part, je vous en remercie de tout
mon cœur, et je suis pour la vie,
(1 Votre Gauiualpi. »
Garibaldi, célébrant Bismarck jour avoir
démembré la France, et insultant le >
^é qu'il
a aidé à dépouiller, et sur les biens duquel il a
eu pour sa part un million de capital, et touche
en plus une rente de cent mille francs : voilà un
de ces grands modèles qiie la Révolution pro-
pose à notre admiration.
Suisse. — Le successeur de Mgr de Preux
sur le siège épiscopal de Sion est M. le chanoine
Adrien Jardinier, doyen des Trois-Torrents.
M. Jardinier o*t né eu 1808, à Mouthey. Il a fait
ses études théologiques au séminaire de Sion.
En 1853, il exerçait le ministère dans sa ville
natale, et depuis 1844 jusqu'à ces derniers jours,
aux Trois-Torrreuts. La Gazette du Valais fait
l'éloge du nouveau prélat et insiste sur le carac-
tèrecordial de l'élection qui répond, dit-elle,
avec plénitude aux aspirations du peuple valai-
sani. La Liberté, de Fribourg, dit de son côté :
H Depuis longtemps, M. Jardinier est connu
des catholiques de la Suisse française. Il n'est
resté étranger à aucune œuvre chrétienne, que J
nécessite la situation faite à la sainte Eglise dans %
nos temps. Il e.>t le protecteur des étudiants,
l'un des membns les plus zélés de l'Association
suisse de Pie IX et de l'Œuvre de Saint-François
de Sales. Les catholiques du Valais savent tout
ce qu'il a fait depuis de longues années, pour le
bonheur de son pays et la défense de nos libertés
religieuses. »
L'Association de Pie IX, dont il vient d'être
parlé, a tenu son assemblée les 2i, 25 et
26 août à Schwylz. L'ass stance, comprenant
des représentants de tous les cantons de la
Suisse, était nombreuse et choisie. Mgr Lâchât
était présent et a parlé. Ou s'est occupé princi-
palement de la nécessité de l'apostolat de la
presse et d'uu projet d'université catholique à
fjndcr pour toute la Suisse, '"e çrojet a été
accueilli avec une très-grande faveai U est pa-
troné par tous les évêques suisses. Ou espère
que la réalisation ue s'en fera pas longtemps
attendre.
Les religieux bénédictins du monastère de
Notre-Dame de la Pierre, expulsés de leur aiiti-
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1SS3
que ablîaye par les radicaux de Soleure, se sont
décidément fixés à Délie (Doubs), à queL|ues
pas de la froctière Suisse. Ils y ont acheté un
vaste domiiine où ils vont ouvrir, à partir du
1" novembre, un ^jllége qui rendra de farauds
services à la contrée et surtout au Jura bernois,
I privé de tou'' collège catholique.
Les Fidèles Compagnes de Jésus, qui tenaient
à Carouge un pensionnat renommé, ayant été
aussi expulsées, se sont également réfugiées en
France et établies près de la frontière, pour
continuer à élever les enfants des familles ca-
tholiques du canton de Genève.
D'après les comptes mêmes de Berne, la tenue
des registres de l'état civil, faite gratuitement
par le clergé avant iiu'il ne fût chassé, a coûté
a l'htat [jour le seul Jura ieruois, la première
année, 21 994 francs. Tout ce qu'on peut dire
de cette déiiense, c'est qu'elle pouvait être
évitée sans qu'il eu résultât aucun inconvé-
nient.
Mais il y a des dépenses véritablement scan-
daleuses. Des sommes relitiveuient énormes
ont été fournies à un certain nombre d'indi-
vidus pour aller à la recherche, c'est ainsi que
s'exprime le rédacteur ofiiciel, de curis qui con-
sentent à fijuler aux pieds leurs serments peur
venir prêter leur concours aux tyrannaux de
Berne contre les catho'iques du Jura. On a
aussi fait des insertions dans les journaux lo-
caux et étrangers également pour demander des
ecclésiastiques, et dont deux notes seulement
s'élèvent a la somme de 3,247 fr. 85. Il y a des
journalistes qui reçoivent 1,000 francs par mois
pour prôuer le vieux catholicisme et injurier
l'Eglise romaine. Il y a jusqu'à des mémoires
de cafetiers et limonadiers, pour consommations,
toujours concernant les affaires religieuses du
Jura. Et de toutes ces dépenses, faites contre
les Jurassiens, les Jurassiens payent naturel-
lement leur bonue part. Trop heureux encore
sont-ils de ce qu'on ne les impose pas exception-
nellement pour les solder à eux seuls. On y
■viendra. Il ne sera pas difficile de trouver de
bons considérants pour justifier celte mesure.
N'est-il pas juste, diront les Bernois, de taire
«upporter les frais à ceux pour lesquels ils sont
faits? Au même titre l'assassin fait supporter à
sa victime les frais cki couteau qu'il a acheté
pour l'égorger. Si je n'avais pas eu à te tuer,
lui dit-il, je n'aurais pas eu besoin d'acheter un
couteau ; pui.,que tu m'as occasionné cette dé-
pense, c'est donc à toi à la supporter. C'est
celte logique qui a dicté la conduite du gouver-
nement de Genève, lorsqu'il a fait supporter
aux seuls habitants de Compesières les frais oc-
casionnés par les troupes envoyées pour pro-
téger l'effraction et la profanation de leur
église. Ou peut s'attendre à ce que Berne ne
restera pas en arrière; et le jour n'est pas loin
où les Jurassiens devront payer eux seuls les
dépenses faites par les curés schisma tiques dans
les cabarets et ailleurs.
Pour le moment, les tyrann l'.ix de Berne
sont tous occupés à la confection d'une loi des-
tinée à rendre l'exercice de>_ fonctions ecclé-
siastiques impossijjle aux curés exilés, lorsqu'ils
vont rentrer dans le Jura le -15 novembre, par
suite de la décision du Conseil fédéral, dont
nous avons parlé en son temps. Les populations
vont faire à leurs héroïques curés, suivant
l'aveu échappé au président du gouvernement,
RI. Teuscher, un accueil enthousiaste; il faut
donc, a-t-il ajouté, que le gouvernement soit
armé de lois nouvelles adaptées à la situation,
pour continuer la lutte commencée. D'jà la loi
présentée au Grand-Conseil a été votée en
deuxième lecture, et elle passera à la troisième
sans modification. C'esl pourquoi nous croyons
pouvoir en donner dès maintenant, non une
analyse, mais le teite complet. Voici cette loi,
monument incomparable d'injustice et de rage :
Art. 1". — Quiconque excite, d'une manière
à mettre en danser la paix publique, des adhé-
rents d'une confession ou d'une communauté
religieuse à des hostilités contre des adhérents
d'une autre confession ou communauté reli-
gieuse, sera jiuni d'une amende pouvant s'éle-
ver jusiu'àî/iiY/e [rancs, ou d'un emprisonnement
d'une année.
Art. 2. — Tout ecclésiastique ou autre mi-
nistre d'une religion qui, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice d'actes se rattachant au
service divin ou à toute autre de ses fouclions,
fait, des institutions publiques, politiques et ci-
viles, ou d'ordonnances et arrêtés rendus par
des autorités de l'Etat, l'objet dune publication
ou d'une critique qui mette en danger la paix
ou l'ordre publics, ou qui abuse d'une autre ma-
nière de sa position officielle dans un but poli-
tique, est passible d'une amende pouvant s'éle-
ver jusqu'à mille francs, ou d'un emprisonnement
jusquà une année.
Art. 3. — - llest interdite tout eeclés'astique ou
autre ministre d'une religion, qui n'est pas^ ins-
tallé dans une paroisse reconnue par l'Etat
(art. 6 de la loi sur les cultes), d'ex.rcer des
fonctions ecclésiastiques auprès d'une conamu-
nauté religieuse ou dans une école (soit publique,
soit privée) :
1» Lorsqu'il fait paille d'un ordre religieux
interdit par l'Etat;
2° Lorsqu'il est notoire qu'il oppose résistance
aux institutions de l'Etat et aux ordres émanant
des autorités publiques pour aussi longtemps
que dure cette résistance.
Quiconque exerce des fonctions ecclésiast^
r"i
LA SEMINE DU CLERGÉ
qties, contrairement à ces prescriptions, est pas-
sible' d'une amende pouvant s'élever jusqu'à
mille francs ou d'un emprisonnement pouvant
aller jusqu'à une année.
Art. 4. — L'autorisation du Conseil exécutif
est requise pour l'exercice de fonctions pontifi-
cales (actes de juridiction épiscopale) sur le ter-
ritoire du canton de la part de sujérieurs ecclé-
siastiques étrangers non reconnus par l'Etat
(c'est-à-dire le Pape et Mgr Lâchât).
Cette autorisation ne sera accordée que tem-
porairement et seulement pour des actes déter-
minés et spécialement désignés (par exemple
pour des confirmations); elle ne pourra être
déléguée à wcun chargé de pouvoirs sur le terri-
toire du canton de Berne.
Quiconque exerce des fonctions pontificales
dans le canton sans être pourvu d'une autorisa-
tion de cette espèce, ou dépasse les limites qui
y sont posées, est passible d'une amende pou-
vant s'élever jusqu'à deux mille francs, ou d'un
emprisonnement de deux ans au plus.
Art. 5. — Aucune procession publique, reli-
gieuse ou autre cérémonie religieuse quelcon-
que ne pi'Ut avoir lieu en-dehois des églises,
chapelles, oratoires, bâtiments privés, maisons
mortuaires ou autres locaux fermés.
Font exception à cette mesure :
•1° Le service divin pour les troupes en cam-
pagne, conformément aux prescriptions ulté-
rieures des lois militaires et aux dispositions
prises par les chefs militaires;
2° La cérémonie religieuse des inhumations,
d'après les dispositions spéciales à établir à ce
sujet;
3° Les discours, prières et chants religieux qui
ne sont pas de nature à troubler l'ordre public
(adoucissement en faveur des piétistes protes-
tants).
Les contraventions à cet article seront punies
d'une amende pouvant s'élever jusqu'à i200 francs
ou d'un emprisonnement jusqu'à soixante jours.
Art. 6. — Les assemblées ou réunions de cor-
porations religieuses à l'occasion desquelles
l'ordre public serait troublé, soit par les partici-
pants, soit par des tiers, ou dans lesquelles il
serait conlrevenu aux bonnes mœurs, devront
être dissoutes par la police. Les délinquants
seront punis d'une amende pouvant s'élever jus-
qu'à 200 francs, ou d'un emprisonnement de
soixante jours au plus, pour autant qu'il n'existe
pas d'autre délit ou crime déterminé.
Art. 7. — Les prescriptions de la partie géné-
rale du Code pénal /livres I et XI), ainsi que
celles du Code àe procédure pénale, sont, en
général, applicables pour la poursuite et le juge-
ment des acles que la présente loi punit d'une
peine, toutefois avec les modifications spéciales
suivantes :
L Le juge compétent et le président du tri-
bunal qui connaît en première instance, comme
juge de police, de tous les cas s[)écifiés dans
cette loi; il est interjeté appel de ses jugements
auprès de la Chambre de police de la Cour d'ap-
pel et de cassation.
II. Relalivcment à l'instruclion et au juge-
ment, le mode de procéder applicable est celui
prescrit pour les contraventions de police (artc
287 et art. 'M6 et suiv. du Code de procédure
pénale), avec cette moiJifîcation que le juge,
après appréciation des preuves, prononcera
selon sa conviction.
IlL Les peines prononcées (amendes, empri-
sonnement) auront le caractère de simples peines
de police, et l'emprisonnement sera subi, lors-
qu'il ne dépassera pas six mois, dans une prison
de district, et, dans les cas de plus longue durée,
dans une maison de détention qui sera désignée
par la direction de la justice et la police.
Art. 8. — La présente loi entrera en vigueur
immédiatement après son acceptation par le
peuple.
Le Conseil exécutif est chargé de son exécu-
tion.
Deux choses principalement sont à remarquer
dans cette loi. La première, c'est le vague de
ses dispositions, qui permettra toutes les inter-
prétations et tous les arbitraires. En vain la
minorité du Grand-Conseil a-t-elle demandé
plus de clarté et de précision ; on ne l'a point
seulement écoutée. La seconde chose qui ré-
volte, c'est la rigueur des pénalités. Un juurnal
protestant de Berne les a comparées à celles
qui atteignent les crime» de viol, d'attentat pu- i
blic à la pudeur et à la morale, et il résulte de
son parallèle que ces dernières sont trois fois ;
moins graves que celles édictées dans la loi '
qu'on vient de lire.
Les députés catholiques ont dès maintenant
résolu de recourir auprès des autorités fédé-
rales pour faire prononcer l'inconstitutionnalité
de la nouvelle loi, aussitôt qu'elle aura été
sanctionnée par le peuple Bernois, en majorité
protestant. C'est le dernier moyen légal qui
reste à employer. S'il échoue, les vénérables
curés du J ura seront emprisonnés au lieu d'ètra
exilés. P. d'HAUTERlVE.
I
Tome VI. — N» 51 . — Troisième année.
13 octobre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
INSTRUCTIONS FAMILIÈRES
SUR LES COWlWlftNOEMENTS DE DIEU
Seconile instruction préliminaire.
Sujet : Obligation d'observer les commandements
de Dieu ; que leur observation est possible.
Texte. Inclinavi cor mcvm ad faciendas justi-
ficationes tuas, propter relributionem. Ps. cxviii,
V. 112.
J'ai disposé mon cœur a accomplir vos justes
«ommauJements, à cause de la récompense que
vous promettez à la tidélité.
ExoRDE. Frères bien aimés, dans l'instruclion
précédente, nous vous avons raconté comment
Dieu avait donné aux hommes ses commande-
ments divins; puis nous vous avons montré en
peu de mots combien ils étaient sages. Mais ce
n'est pas tout; Dieu, dans son immense miséri-
corde, a promis de grandes récompenses à ceux
qui les observeraient avec fidélité. Ce ciel, ce
beau paradis, dont nous yarlons si souvent,
doit être leur partage. Le saint roi David avait
été un grand pécheur; cependant, plein de con-
fiance en la bonté de Dieu, il liiit des eflbrts, il
combat ses passions, il lutte contre toutes les
séductions île la royauté, pour se montrer dé-
sormais fidèle. « Oui, mon Dieu, s'écrie t-il,
vos commandements sont justes; je veux les
observer. Quels que soient les pencliauts qui
cherchent désormais à troubler mon cœur, à
l'entraîner de nouveau au mal, je veux qu'i
s'incline devant votre loi. n Et pourquoi donc,
ô prince, im|ioser ce frein à vos passions? Pour-
quoi ne dites-vous pas, comme tant de chrétiens
de nos jours: il faut jouir de la vie, amas-er
des biens, satisfaire ses penchants? Au milieu
des épreuves, qui parfois leur arrivent, au lieu
de répéter avec vous : « Dieu est juste, il me
Î)unit, parce que je l'ai beaucoup offensé, » je
es entends se plaindre et murmurer. Ah! mes
frères, c'est que nous ne comprenons pas les
récompenses qui nous attendent, c est que
nous n'avons pas cette foi énergiiiue qu'avait le
prophète, quand il disait : Oui, j'ai dispose mou
cœur à observer fidèlement vos commande-
ments, parce que la rémunération qui m'attend
est grande. » Inclinavi cor meuin, etc.
Proposition. — Je me propose, mes frrTCs,
de vous montrer dans cette instruction, l'obliga-
tion où nous sommes d'observer tous les cnm-
mandements de Dieu, sans en excepter un seul,
et de vous prouver que cette observation n'est
impo sible à aucun de nous.
DivisiOiN. — Doue : Premièrement, Oliligation
pour nous d'observer les commandements de
Dieu; secondement, il nous est possible de les
observer.
Prennère partie. Il me suffit, chrétiens, de
m'adresser à votre bon sens naturel, pour vous
faire comprendre que nous sommes obligés de
noussoumettreauxcommandementsde Dieu et, de
les observer fidèlement. ..Pénétrons ensemble au
sein de la jiremière famille venue... Voyez-vous
ce père? Il donne des ordres aux noml)reux
enfants réunis autour de lui. Aucun ne l'écoute ;
on méprise sa parole, on le regarde avec dé-
dain, on se moque de ses prescriplions... C'était
ainsi hier, il en sera de même demain... Vous
blâmez les enfants et vous ave?, raison. Mais
dites-moi, que pensez-vous de ce père, qui ne
sait pas faire respecter son autorité? Que c'est
un pauvre homme, nn caractère faible, incapa-
ble de gouverner une famille. Et nous, chrétiens,
en n'observant pas les commandements (jue nous
a faits notre Père qui est aux cieux. le grand ckef
de la familli- humaine, en nous faisant un jeu
de les violer, quelle iilée nous furmons-nous
donc de lui ?.. Est-ce qu'il seraitaussi,lui,un père
faible, incapable, donnant à ses entants des
commandements qu'ils peuvent impunément
mépriser?... Certes, mes frères, avoir une telle
liensée de ce Maître suprême qui gouverne le
monde, ce serait blas[iliémer sa sagesse et outra-
ger ses perfections infinies... Donc, quaml Dieu
commande, nous, ses enfants, nous sommes
obligés de lui obéir.
Mais, disent certains impies et quelques mau-
vais chrétiens, il est impossible d'observer tous
les commandements de Dieu. Frères bien aimés,
examinons ensemble ce que peuvent signifier
ces paroles. Lequel donc des commandements
vous parait impossible? Est-ce celui qui vous
oblige à adorer Dieu votre créateur, à le prier
le matin et le soir? Ce n'est pas celui là j'espère.
— Est ce celui qui vous défend de blasphémer
le saint nom de Dieu? Oh non! Vous convien-
drez vous-mêmes que l'habilude de jurer est
quelque chose de vil et d'abject, indiiine d'un
l'ionime et d'une femme qui se respectent. —
Mais, je vous comprends; impossible, direz-
vous, de ne pas travailler le dimanche; les
temps sont mauvais, l'ouvriige presse, c'est le
temps de la moisson, c'est la saisou des ven-
danges. — Vous croyez, sans doute, avoir donné
une bonne réponse? Non, non, c'est le Dieu
qui fait croître les épis dans vos (.'.^amps et les
raisins dans vos vignes, qui a tait le comman-
dement, et ce commandement, vous devez l'ob-
server. La preuve qu'il est possible, c'est que
vos aïeux s'v montraient fidèles, c'est uue. dan»
1560
LA SEMAINE DU GLiiJKGi
certains pays, on le garde encore avec fidélité;
or, vos aieux étaient aussi riches et plus heu-
reux que vous.
D'autres diront : Ils nous est impossible
d'être chastes, de pardonner à nos ennemis, de
ne point laire de médisances, que sais-je? Frères
Lien aimés, écoutez ma réponse : vous êtes tous
probes et honnêtes ; eh bien, imaginons un voleur
faisant le même ra-isonnemeut; il a dérobé voire
liuîe, voire arL;Laf; il est arrêté et convaincu;
les juges l'interrugent : «Impossible à moi, dit-il,
d'être honnête, je ne saurais observer le com-
mandement qui défend de prendre le bien
d'autrui. » Que punseriez-vons de sa réponse?
« Juges, diriez-vous, condamnez ce fripon, ce
voleur. Que deviendrait la société, si Ton accep-
tait de pareilles excuses!... » Eh bien, vous qui
vous livrez à de folles passions, vous qui élevez
mal vos enfants, vous qui profanez le dimanche,
Dieu non plus n'accueillera pas vos excuses, et
vous serez coudiimnés avec justice à son tribunal.
Frères bien aimés, il suffit de connaître Dieu,
de réfléchir un instant sur sa bonté et sur sa
justice, pour comprendre qu'il nous est possible
d'observer ses divins commandements. Nous
avons déjà parlé d'un père, reprenons encore
celte comparaison. Voici un bloc énorme de
pierre. « Mon fils, dit un père à son petit enfant,
tu vas prendre ce bloc dans tes bras, et le trans-
porter sur la montagne voisine...» Ne faudrait-il
pas que cet homme fût iusensé pour exiger une
telle chose de son enfant. Or, vous qui préten-
dez que l'observation des commandements de
Dieu est impssiUle, vous comparez Dieu, le
meilleur des p^ics, à cet homme stupidc. et
sans intelligence. U est donc manifeste que l'ob-
servaticn des commandemeuls de Dieu n'es! pas
imposGiblt;,et que c'est pour nous une obligation
rigoureuse ds m:us y soumettre.
Seconde partie. — Pour mieux vous montrer
cette véritc; p^ur bien vous faire comprendre
qu'il nous est possible et môme facile à tous tant
que nous sommes de garder ces préceptes divins,
que de preuves j'aurais encore à vous donner!
Ici, c'est le prophète David affirmant que les
ordonnances du Seigneur sotit droites et quelles
font naître la joie dann le cœur (I); ailleurs, c'est
'apôtre saint Jean nous disiuit que les comman-
dements deDiev son/ faciles (2) ; enfin, c'est Jésus-
Christ lui-mènie, nous avertissant que le joug
qu'il impose eU facile à porter (3).
I Mais citons des preuves qui seront plus com-
préhensibles "ucoro, je les emprunte à la Vie
■ des Sain/s. \i y a quelques années à peine, le
j Souverain l'ontife plaçait au rang des bienheu-
reux un grand nombre de martyrs qui, dans un
1. Psaiim. xvni, 9.
a. I. J«aQ V, 3.
i. UatU., XI, 30.
pays appelé le Japon, avaient soufiert les plus
cruels tourments plutôt que de renier leur foi...
Ah 1 Les courageux chrétiens avaient bien pu
garder la loi du Seigneur! Agenouillés près des
croix, sur lesquelles ilsallaieut mourir, la prière
s'exhalait encore de leurs lèvres et tous, pères,
mères et même les enfants eu bas âges répé-
taient : « Un seul Dieu tu adoreras (1), «puis ils
mouraient avec le même coui-age, avec la même
joie que les anciens martyrs dont nous vous
avons si souvent parlé. Frères bien «jimés, comme
ce courage des saints martyrs confondra un
jour notre lâcheté, à nous qui négligeons de
dire nos prières le matin et le soir, et qui pré-
tendons qu'il nous est impossible de rendre au
Dieu qui nous a créés les hommages et les ado-
rations que nous lui devons...
Vous montrerai-je tant d'autres martyrs expi-
rant dans les tortures pour n'avoir pas voulu
blasphémer le nom du Dieu tout puissant et
celui de Jésus Christ, son fils? Mais non, le
commandement qui, de nos jours, semble le
plus difficile, le commandement le plus souvent
et le plus scandaleusement violé, c'est celui qui
nous oblige à sanctifier le dimanche. La cupidité,
l'avarice allèguent mille raisons pour se dispen-
ser d'observer ce précepte; soyons sincères,
voyons, vous n'ignorez pas, chrétiens, ce que
valent ces raisons... Vous n'avez pas le temps
d'assister aux ofiices, le dimanche ; mais qu'un
ami, qu'un parent viennent vous visiter, vous
ne manquez pas de les recevoir, de leur consa-
crer de longues heures et loin de vous en plain-
dre, souvent vous trouvez leur visite trop
courte... Et vous oserez dire que vous n'avez pas
le loisir de consacrer quelques heures par se-
maine à vous entretenir avec le bon Dieu, qui,
pourtant, est votre premier parent et votre meil-
leur ami!.. Chaque dimanche, nous, vos prê-
tres, nous oflVons le saint sacrifice pour vous,
pour les besoins de la paroisse entière et vous
négligez d'y assister sous les plus frivoles rai-
sons!.. Vous n'avez donc pas la foi, vous n'êtes
donc pas chrétiens?... 0 Jésus, Dieu de l'eucha-
ristie, qu'il me soit permis de vous adresser la
prière que vous adressiez vous-même à votre
Père: «Mon Dieu, pardonnez- leur, car ils ne
savent ce qu'ils font. » Frères bien aimés, lais-
sez-moi vous dire que tous cevix qui sont au ciel
ont sanctilié le jour du Seigneur, et j'ajouterai
pour vous, chers ouvriers, qu'ils ont été moins
malheureux que vous sur cetie terre et surtout
plus rassurés au jour du jugement.
Les saints ont honoré leurs parents; inutilft
d insister sur ce point, tle vous raconter l'his-
toire si connue du jeune ^obie, de vous dire
avec quelle ilocilité il écoutait leurs avis, et de
'juel pieux respect il environnait leur vieillesse,
I, Uarlyrt iu Japon, par le P. Charlevalz,
LA SEMAINE DU CLERGE
J50J
lel
Je ne veuT pas être trop long. Quelqniis moli;
seulement sur le sixième précepte, sur celui qui
prescrit la pudeur, la chasteté, la modestie.
Ecoutez à ce sujet saint Augustin : «Moi aussi,
dit- il, avant de me convertir, je croyais qu'il
était impossible d'observer ce commauderacnt :
Luxurieux point ne seras. Les passions, l'habilude
tyraunique de me livrer au mal cherchèrent
souvent à ébranler mes résolutions. Quoil me
disaienl-idles à'uue voix doucereuse, tu nous
renvoies, tu renonces à nous pour jamais; pour-
ras-tu vivre sans noiis?Alors je me représentais
cette foule d'eufauts, de jeunes filles de chré-
tiens de tout âge et de tout sexe qui avaient su
s'arracher aux étreintes de l'impureté el conser-
ver une vertu parfaite, et je me disais : com-
ment, avec la grâce d- Dieu, ue pourrais-tu jias
ce qu'ont pu tant d'âmes exposées aux sédoe-
tions les plus fortes? Alors, je rougissais de ma
faiblesse et je comprenais par l'exemple de ces
fidèles chrétiens qu'il était possible et même
facile d'observer tous les commaudemeuts du
Seignetir (I)... »
PÉaDRAisoN. — Je m'arrête, frères bienaimi''?;
plus tard, eu vous espliquaut chaque comm;iii-
dement, nous vous montrerons cette vérité avec
plus d'évidence; mais, dès maintenant vous
devez comprendre que nous sommes obli^és
d'observer tous les commandements de Dieu,
et que nous pouvons les ^jarder avec fidélité,
puisipie tous les saints qui ^ont au ciel, ne doi-
vent le bonheur dont ils jouissent qu'à l'exac-
titude avec laquelle ils les ont pratiqués. Pour-
tant, je dois vous dire en terminant que nous
avons besoin de la giàce de Dieu pour bien
remplir toutes les obligations qu'ils renferment.
Cette grâce, Dieu neuo\is larefu.^era p.is pourvu
que nous la lui liemamlions avec humilité et de
tout notre cœur.
Mais vous savez qu'il y a deux sortes de grâce :
l'une qu'où appelle habituelle, c'est la vie de
l'âme, rexemptinn du piulié mortel; si nous
la possi'doiis, l'oliserve.tion des commandements
nous devient plus t.icile; ainsi l'homme qui
jouit d'uucbonne suite exécute a^ec facilite des
travaux qui lui seraient impossibles s'il était
faible ou malade. Soyons toujours en état de
grâce, et il nous sera non-seulement possible,
mais facile de garder les préeejites divins. L'au-
tre genre de giàee qu'on api^elle acluellc est un
secours, que la bouté de Uieu nous donne, lors-
que nous en avons besoin. C'était un secours de
retfe sorte qui foi' i trait saint Laurent, sur le
gril, et les auuic, ,aarlyrs au milieu de leurs
tourments. Ce sont ces grâces actuelles, ces lu-
mières, ceî. bous mouvements qui éclairent,
soutiennent et dirigent les bons chrétiens, au
tuilitfu des difdcullés que peut otfrir à notre
1. Contut. et mid tu'.io.is, vaiatm.
nainrc déchue l'obsen'ation des commande-
ments de Dieu. Or, nous avons un moyen
infaillible d'obtenir ces grâces, c'est la prière.
Frères bien aimés, une in re pieuse disait à sou
enfant qui est devenu un saint (1) : o Mon fils,
dans les tentations, dites à la sainte Vierge :
bonne mère, venez à mon aide, et (^\ e y vien-
dra. » Et moi, je vous dis, chrétiens, dans les
diificultés que vous rencontrerez pour l'obser-
vation des commandements de Dieu, dites à
votre Père céleste, à notre divin Sauveur, à sa
douce mère, la vierge .Marie : venez à mon aide,
et soyez en sûrs, ils y viendront . Ainsi soit-il.
L'abbé Lobrt.
curé de Vaucbassis.
DISCOURS
rnoxoxcÉ a roye (somme), a l'occasion d'un bap-
TE.MIC DE CLOCniiS, PAR M.
CHANOINE TITULAIRE D'AMIEKS.
L ABBE HERBET,
HofHe si vocem efus axidierilis, rK^Ut" nhinfare cor la ves.
tra. — Si vo is entenlez anjouidlmi sa voi.x, ne lui
fermez pas l'oreille de votre cœur.
Dieu a plusieurs manières de faire entendre
sa voix. Sans rappeler ici le rôle des prophètes
qu'il suscite, des écrivains sacrés qu'il inspire,
fies prédicateurs de son évangile (piil envoie
après les avoir remplis de son esprit, ou peut
dire qu'il donne à cli.i'pi" i-réature mèmi' maté-
rielle i!e ce inrnlc visible, la double mission de
c.ilébrer ses grande-irs, et de rappeler à lui les
hommes qui l'oubliLut.
Celle mission, mes i'rè:es. sera remplfe, n'en
douiez pas, par iJît airain lnMit dont les accords
lartaonicux seionl portés au loin sur l'aile des
ve.its. .\ussi majosiueusf'sdans leurs accents que
le bruit des grandes eaux, de ces fieuves aux-
quels le [)ro[)hète prête des m:.ias pour applau-
dir au Dieu créateur, f.am'ca plaudent manu,
nos cloches scuiblei)! avoir été douées de l'ins-
tinct de lalor.ange. .Moins terrible pourlantque
le siiulfle de li tempête qui éclate au désert, et
jette, au lUi' c de la montagne le tronc brisé des
cèdres découronnos par la foudre, vox Doiiiini
confriiigenl/s cedros, la voix sévère de nos clo-
ches, daos nos joisrs de deuil et de calamité
sème la crainl'! dans le i œur des pécheurs, et
I 'S convoi[uc au pie I de l'autel, pour implorer
grâce el pirdon. Venue... procidamus... plore-
mus cormn Dunùio. Nous avions donc raison de
vous dire aujourd'hui : si vous entendez sa voix,
ne lui ferm ■/. pas l'oieille do votri? cœur. 0 ma
lyre! s'écri it le psalmisie, toi qui es la gloire
de mes doigta eserc 'S, lève-toi., exwge qloria
mea, exurye /.snlterium et cithara... Instrument
consacré de uotrc culle public, m'écrirai-je à
1. Bienheureux CKsinu de Vlterbe.
I5C2
LA SEMAINE DU CLERGÉ
mon four, apparais et viens nous apprendre le
rang. .]uf tu ocnipes ilan^ notre liturgie sacrée.
La cloche catholique est un signal : elle nous
appelle.
La cloiae catliolique est un enseignement :
elle nous instruit.
L-i choche catholique est, dans un sens, une
règle et un -.nodcle, elle nous invite à l'imiter.
L Nous l'avons dit : !a clorhe catholique, dans
notre liturgie sacrée, est un signal : elle nous
appelle; mais que ce signal est doux, qu'il est
sj-mpaliiique! Jugez en par les contrastes. Voici
deux armées en présence: pour en régler les
diverses évolutions, des signes de convention
sont adoptés : c'est le cri strident du clairon
qui fait Iicnnir le cheval de bataille, c'est le bruit
sourd et saccadé du tambour qui bat aux
champs, convoque les légions. Cent, deux cents
mille hommes, que dis-je, dans notre siècle de
pn)-:rès, où tous les eflurls de la science sont
dirigés pour inventer de nouveaux engins de
destruction, et où toutes les ressources du pays
sont épuisées au profit d'un militarisme qui fera
r culer l'Europe jusqu'à la liarbarie,un million
d'hommes, qui ne se connaissent pas, ne se sont
jamais vus, n'ont eu entre eux aucun dissenti-
ment personnel, attendent qu'un mot tombe d^s
lèvres d'un général pour s'égorger sans savoir
pourquoi. L'Eglise aussi est une milice, chacun
de nous est soldat, ne soyez donc pas sur[iris
que nous ayons nus signaux; mais ne craignez
pas: la guerre que nous faisons, n'est pas de
celles, dont parle le poëtc, qui sont le désespoir
des mères, iella matribus dctcstata, nos guerres
à nous sont paciQques, si l'on peut unir ces
deux mots; elle ne coûte ni pleurs, ni saug,
car notre seule arme est la prière. A l'heure
dune où le [letil oiseau chante au Ciéjiteur son
hymne du matin, la cloche du hameau ou de la
cité fuit au rlirétien sa première invitât ou, qui
lui sera renouvelle au milieu et au déclin du
jour. S'il est fidèle à s'armer du signe de la
croix, s'il appelle à son secours le Dieu des
armées, je dis des armées invisibles au«si bien
que des armées visibles, il sera victorieux,
n'en doutez pas, de tous ses ennemis. Une
heure, deux heures se sont écoulées, un nou-
veau signal est donné. Cette fois ce signal
ne s'adresse pas à tous, mais, si je [luis pjrler
ainsi à un corps .le réserve ou d'élite, l^a veuve,
le vieillard, l'enfant du catéchisme; la sœur
de l'école, lî dame du château, les pieuses
lemmi's de la paroisse, toutes celles en un mot
qui^ jouissant d'une plus grande liberté, ne sont
pas arrêtées par ;l-s impérieux devoirs de leur
position, onteulend'i cette invitation, elle tin-
teuien' de la clocli". a été pour chacune d'elle
ce mrf (li'îiicieu.x de ilaitho sœur de Lazare: Le
maître est là qui vous appelle. Mais voici qne le
grand jour, le jour réservé, le jour qui appar-
tient au Seigneur, puisqu'il porte son nom, est
arrivé! La cloche, discrète et p.-esque timide la
veille et les jours qui ont précédé, ne craint pas
de parler haut et ferme. Elle exige même le con-
cours des autres cloches, ses sœurs, pour renfor-
cer sa voix : n'espérez pas vous y dérober en
fuyant, car, dans la plaine, dans la vallée, au
sommet des monts, celte voix vous poursuivra
comme un remords. Vous essayez de l'étouffer
par le btuit de la scie ou du marteau, vains ef-
forts 1 Elle vous criera avec plus de force encore :
Les dimar^ches tu garderas en servant Dieu déuo-
temmt; vous voulez l'assourdir parle nonotone
va et vient de vos machines, elle dominera et
vous l'entendrez répéter : L''s ptes tu sanctifieras
qui le f ont de commandement. Enhn, lacloche s'est
tue; Vous croyez être quitte i le ses avertissements,
erreur! Voici une secondi. sommation plus sonore
et plus prolongée, et si vous faites la sourde
oreille, elle sera suivie d'une troisième injonc-
tion plus pressante encore. La cloche, voyez-
vous, c'est tout simjilemeni l'écho de cette
grande objurgation de saint Paul : argue, obse-
cra, increpa. Ne me parlez pas de vos bœufs, de
vos métairies, de vos parties de plaisir, de vos
aûaires ; le maître a envoyé par les rues et les
carrefours, ses serviteurs; ce sont lesclochiis qui
vous invitent au festin du père de famille; ce
festin est préjiaréjUe lui faites pas l'injure de le
refuser, autrement vous serez un jour exclus du
banquet céleste, et l'on vous dira : jH-scio vos. Je
ne vous connais pas. Hélas! mes frères c'est notre
désolation à nous de voir nos églises abandon-
nées. Dans une de ses apologies les plus célèbres,
aux empereurs romains, Terlulieu disait : Nous ne
som:nes que d'hier et voiià que nous remplissons
vos rues, vos places publi |ues, votre sénat, vos
armées, nous ne laissons vides que vos temple.*.
Ces temples, mes frères, étaient voués au culte
des fausses divinités, les vôtres sont consacrés
au viai Uii'u.lly ades hommes honorables, mais
catholiques honoraires, qui, sans avoir absolu-
ment rompu tout commerce avec Dieu, n'ont
conservé avec lui que des rapports officiels.
Qu'ils enlenJeut noire a[qDel et qu'ils nelerment
pa~ à notre voix l'oreille de leur cœur. liodie
si vocem ejus audiei'ilis, nolite obdurare c^rda
vestia.
il. Mais la cloche n'est pas seulement un si-
gnal que nous avons désigné par ces trois mots :
argue, obsccra, increpa, invitez, pressez, com-
mandez, c'est encckre un enseignement qui doit
nous instruire. Et voiLi pourquoi nnuc coioplé-
tons ce texte en ajoutant : Inccpa in (mnia
doctrina. Saint Paul, que nous aimons à citer,
nous apjirend, dans une autre de ses épilifes,
que la foi nous vient de l'ouïe, Fides ex auditu.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1561
ELI quoi, allez-vous me dire: transformez-
vous donc la cloche en prédicateur? Mais avez-
vùus oublié qu'elle n'a qu'une note, et qu'uu
proverbe dit que celui qui n'entend qu'une
cloch? n'i'ntend qu'un son? Supposez-vous,
au contraire, un magnifique accord de trois
ou quatie cloches? Il y a loin de là à toutes
les notes de la musique, pour composer un
récitatif; plus loin encore a toutes les lettres
de l'alpliabet, pour faire un discours. Per-
mettez moi, mes frères, de répondre par une
naïveté à cette païve objection. J'ai besoin
de votre assentiment pour faire descendre
des hauteurs de cette chaire, un langa2;e que
tolère seul l'usage de la vie privée. Puisque
donc vous voulez bien être indulgents, je vais
oser. Vous avez souvent rencontré de par le
monde des esprits timides et incertains, «les
•:;prits hésitant toujours et ne se décidant
jamais; écoutez ce qu'ils disent : je ne sais
quel parti prendre, quel conseil me donnez-
vous? Irai-je ou n'irai-je pas? ferai-je cette
chose ou ne la ferai-je pas? Instruits par l'expé-
rience, vous avez répondu, non sans un peu de
m.ilice peut-être : puisque vous ne savez à ([uoi
vous arrêter, écoulez les cloches. Ne souriez pas,
mes frères, car il y a, dans cet avis, en apparence
peu sérieux, une grande sagesse et une pro-
fonde connaissance du cœur humain. Les
cloches, en eiîel, ne sont pas toujours une voix,
mais elles sont quelquefois un écho. Or, dans
cette circonstance, la voix est dans la personne
même qui interroge, l'écho dans la cloche qui
répond. Car, dans tout esprit per[ilexe en a[)pa-
rcnce, il y a une pensée intime, un désir secret
qui ne demande qu'à être encouragé. C'est tout
ce qu'il me faut pour établir ma thèse, à savoir
que, dans notre culte catholique, les cloches
peuvent nous être un enseignement. Nous som-
mes à la veille de Nuët : les bons, les vrais
catholiques ne l'ont pas oublié. Mais, accablés
d'affaires, rongés de soucis, remplis de projets,
envahis par toutes sortes de soins et de distrac-
tion-, et appartenant plus à la terre qu'au ciel,
il en est qui vivent sinon dans l'indilTérence au
moins dans l'oubli des devoirs religieux. Seule-
ment le sens chrétien leur est resté, il ne de-
mande qu'à être réveillé. Que faut-il pour cela?
pour leur rappeler, par exemple, l'anniversaire
des grands mystères de notre foi? La voix des
prédicateurs; ils ne viennent guère les écouter :
celle des cloches sera plus eflicace. C'est ainsi
qu'à l'entrée de la nuit, à l'heure du grand
silence, ils ont cru les entendre répéti-r dans
leur langage, le cantique des anges : Uloriain
excelsis Deo. Joyeux à Noël, le carillon, qui an-
nonçait gaiement au monde la naissance du
Saiiviur, a pris, à Pâques, un ton plus grave et
plus solennel; ce ton était presque la traduc-
tion du psaume de Dav'3 : Quare fremucrun
gentes et /jopuli meditati $unt vmnia ? Pourquoi
les nations ont-elles frémi? et d'oii vient que
les peuples ont ourdi de vaim complots? Et il
en est ainsi de toutes nos solennités religieuses:
la Pentecôte, l'Ascension, les fêtes de vierges ou
de saints, A la vérité les sons qui résultent de
la vibrali m de l'airain sont toujours les mêmes;
mais ils vous ont paru ces jours-là avoir un
langage spécial et tout de circonstance. Sans
doute l'homme qui passe sa vie en-dehors de
toute pensée religieuse ne comprend rien à
toutes ces nuances; il n'y voit qu'un bruit as-
sourdissant et importun, mais l'âme en qui vit
une étincelle de foi ne saurait s'y méprendre;
pour elle, nous l'avons dit, la cloche est un en-
seignement. Et voyez toutes les déductions qui
en découlent ; supprimez la cloche, vous arri-
verez à supprimer la tour qui l'abrite. La tour
tombée, l'église croule, et, avec l'église. Dieu
lui-même ilisparaît, l'Eucharistie sera remplacée
par la cène, nos belles cathédrales par le salon
protestant. Car, en fait de monuments, nos frè-
res dissidents n'en possèdent guère d'autres que
ceux qu'ils nous ont pris; voyez l'Angleterre, Ge-
nève, etc. Mais non, ne touchons à rien, mes frè-
res, respectons nos chères cloches surtout. Lais-
sez-les publier dans les airs, les grandeurs de
Dieu, laissez-les aussi redire notre reconnaissance
pour les généreux bienfaiteurs qui nous les ont
données. Et si jamais la voix de nos cloches
était muette, il faudrait les briser pour faire
disparaître les chers noms qu'elles porteront
gravés jusqu'aux générations les plus reculées.
Je me résume: nos cloelios sont un enseignement,
je viens de vous dire tout ce que cet enseigne-
ment renferme.
III. Après les délicieux accents de la voix hu-
maine, dont je neveux [>as faire l'éloge, de peur
de l'alïaiblir, je ne connais rien qui flatte au-
tant l'oreille, que le chant des cloches à dis-
tance ; car la cloche est un chant, c'est même
tout un poëme. Q" il me soit permis de placer
ici un souvenir personnel. Il y a quelques an-
nées une gracieuse hospitalité m'était otierle
dans un établissement religieux au sein de notre
mallicureuse Alsace. La maison est assise au
milieu d'une charmante vallée, boruée aux
quatre points cardinaux pas autant d'églises,
riches chacune d'un beau campanille. Or, un
soir, veille il'une de nos graiides solennités, à
un moment donné, et, comme si elles avaient
été agitées par un fil électrique, toutes les clo-
ches furent mises en branle. S'échappant à la
fois, de toutes les tourelles, et répètes par les
échos d'alentour, les sor» nous arrivaient en
parfaite harmonie. Pas une notb i*~jsonante
dans ce concert aérien. Ce n'était'pas beau
reulement, c'était pour ainsi dira touchant:
16«i
L.V SEMAINE DD CLEi\GÉ
carpour moi je n'ai jamais entendu de sermon
prèrliant plus éloquemment l'union des es-
prits et des cœurs. Plus favorisées sous ce
rapport, que nos grandes villes, que nos popu-
leuses capitalej surtout, les paroisses de cam-
pagne ne sont q-j'une agl■é^'ation d-j plusieurs
familles n'en formant qu'une seule. Aussi, la
cloche est-elle une sorte de messager ami,
chargé de faire part à tous de ce qui intéresse
spécialement quelques-uns. Qu'un enfant, par
exemple, vienne à naître, nul ne sera
étranger au bonheur do ceux qui l'entourent.
Tandis que les petits anges du bon Dieu, oi>t
environné le berceau du nouveau-m'', et que sa
garde est onfiée à l'un d'entre eux, les sons
allègres de la cloche ont mis tout le monde en
joie. Venez, venez, semble-telle dire, c'est une
cérémonie si belle et sî touchante que celle d'un
baptémi^, d'autant que les parrains sont géné-
reux. Mais que se passe-t-il donc dans ce pays,
demande un étranger nouvellement arrivé, où
vont ces jt^unes gens si pieux et si recueil is, et
ces jeunes Giles si modestes, si gracieuses avec
leur voiie de si éclatante blancheur? Les clo-
ches ont répondu, mais c est un jour de pre-
mière communion, et toutle monde prend part
à la fête. M.ds hélas ! la joie n'habiie pas seule
sur la terre, et le sage me dit que la douleur
met le pied sur les vestiges encnif tout frais dn
bonheur évanoui: e^c^rew^ gaudii Itictus occupât.
Au tintement lent et lugubre de la cloche, j'ai
distingué comme le râle de l'agonie. Oh! prions
vite pour le pauvre malade qui va mourir; il
est mort, les cloches vont en porter au loin la
triste nouvelle; elles appelleront demnin toute
la paroisse autour du cercueil ; car, nous l'avons
dit, dans nos campagnes tout le monde est
parent ou ami. Que peisonne donc, dans une
pensée égoïste, n'accuse les cloches de troubler
son repos.Les riches ne se plaindront pasqu'elles
apportent quelque solenuilé à leurs funérailles,
et il y a qut-lque chose de louchant dans ce mot
populaire queje ne veux pas rendre plus correct:
Notre cher défunt, du moins, a été bien sonné. Mais
que ce défunt soit riche ou pauvre, il nefiutpas,
mes frères, que l'on dise de lui, quesa méiuoiro
a péri avec le son : l'unie memon'a eorum cum
soniltt. Non, non n'oublions pas que chacun
n'emjiorlera que ses œuvres, opéra enim itlorum
sequimtur eos, et alors, qu'impoile à l'heure der-
nière d'avoir régné sur des empires, ou même
sur le inonde entier. Mais laissons la mort, par-
lons rie la vie, de ^'immortalité. Le jour viendra
où le sou de r;os^^ioches sera remplacé par le
bruit de la trompette; aujourd'hui, pendant
qu'on couvre de terre notre dépouille mortelle,
la voix des cloches semide nous dire: Seminalur
tn corruptione, comme une semence le corps est
jeté en terre pour y pourrir. La voix de la trom.
pelle dira: il va rcs3u=citcr încorrnptihle, 4ttr^
gef m incurntptione. Aujourd'hui la voix des
cloches proclame c|ue le corps est mis en terre
tout ditlorme, seminnlur in ignolAUtnte; la trom-
pette proclamera qu'il ressuscitrr.- tout glorieux j
surget in gloria. Aujourd'hui, ir» voix des clo-
ches annonce que le corps est mis en terre,
comme un corps tout animal: seminalur corpus
animale, la trorapelle annoncera qu'il ressusci-
tera comme un cor[iS spirituel : surgel corpus spi-
ritale... Oh! le grand jour, mes frères, où tous
les vaincus de la mort, secouant le suaire qui les
enveloppe, cl s'élevant de la poussière, où ils
ont dormi leur sommeil, jelterontàrette cruelle
cette sanglante apostn iphe. 0 mort, où est ta vic-
toire: ubi est Victoria tua? 0 mort ou est ton
aiguillon : ubi est mors, stimulus tuus. Ah! s'il y a
des larmes dans la voix des cloches, au jour de ■
nos funérailles, quel cri de joie et de triomphe
dans cette exclamation de tous les élus : Deo
grattas gui dédis nobis victoriam per Jesum Chrt'S'
tuum. uloire à Dieu qui nous a fait remporter
celte victoire par Jésus Christ Notre-Seigneur,
ACTES OFFICIELS DU SAlNT-SIÉGE
Provisions cl*ÉgIIt>es
Notre Très-Sainl Père le Pape, assisté des
membres du Sacré-Collège présents à Home, a
tenu, le 23 septembre, une nouvelle réunion
consisloriale, au palais du Vatican.
Après avoir procédé à la cérémonie de la fer-
meture de la bouclie aux trois cardinaux Nobili
Vitelleschi, Randi et Pacca, créés le 16 mars et
publiés vendredi 17 septembre dernier, Sa Sain-
teté a préconisé un archevêque et treize évo-
ques, dans l'ordre suivant.
Ont été nommés :
A l'église archiépiscopale de Thèbes in partibus
infidelium, Mgr Luigi Biscioni .\madori, traus-
feré du siège de Borgho San Sepidcro.
A l'église cathédrale de Grenoble, iMgr Amand
Fava, transféré du siège de la Martinique et
Saint-Pierre.
A l'église cathédrale de Borgho San SepoJcro,
le R. don Giustino Puletti, curé archi[irclre de
la cathédrale, lecteur de théologie au séminaire
et exam'naleur pro.'^ynodal de la même ville.
A l'églifc cathédrale de Nimes, le R. don
Nicolas- François-Louis Besson, chanoine dô
Bisançou et directeur du collège de Saint-
François-Xavier.
A téglise cathédrale de Troyes, le R, don
Pierre-Marie Cortet, ancien professeur de théo-
logie au séminaire de Nevers, vicaire général
de la Rijchelle et de Nevers.
A l'église cathédrale de Caone, le R. doa
LA SE.\IAINE DU CLERGE
lo65
hitft.re Valls y Pappiial, arciiiprètre et adminis-
trateur de la cathédiaie de Lerida, juge et
examinateur synodal, licencié en droit civil et
canoni»inc.
A l'éylUe cathédrale de Pîasencia, le R. don
Pierre Cassas y Soulo, clianoin^, pénitencier
delà cathédrale de Orense, autrefois professeur
de théologie «lu scminaii-e de Tolède, docteur
en théologie.
A l'église cathédrale de Pampehine, le P. don
Joseph Oliver y Hurtado, clianoiiie de la ca-
thédrale de Grenade, vicaire général du même
diocèse, docteur m ulroque jure.
A l'église cathédrale de Almeria, le R. don
Joseph Orberà y Carrion, chanoine de la métro-
pole de Sîiint-Jaeiiues de Cuba, vicaire-général
et capitiilaire de ce même sié^e vacant,docleur
en théologie et licencié en droit civil et canoni-
que.
■ A t église cathédrale de Saint- Christophe de la
Havane, le R. don Api-ollinaire Serrano Uiez,
chanoine de la cathédrale d'Avila et docteur m
utroque jure.
A l'église cathédrale d'Orense, le R. ilon Cé-
sarée Roilrigo, trésorier de l'église métropoli-
taine de Valladolid, docteur en tliéologie.
A l'église cathédrale de Lerida, le R. don
Thomas Costa y Foi*nagiiera, chanoine de la
cathédrale de Cadix, docteur en tliéologie.
A l'église cathédiaie d'A vila, le R. don Pierre-
Joseph Sanchez Carrascosa y Carion, autrefois
prêtre de la congrégation de l'oratoire de
Saint-Philippe de Néri, missionnaire, docteur
m utroque jwe et licencié en théologie.
A l'église cathédrale deSion, le R. don Adrien
Jardinier, du diocèse de Sion, curé à Trois-
torreuts, clianoine titulaire d'! la cathédrale de
Sion et vi<'.aire forain du doyenné rie Monihey.
Sa Sainteté a ensuite ouvert la bouche,
selon le rite prescrit, aux trois cardinaux
Nobili Vitelleschi, Randi et Pacca, puis il leur
a remis l'anneau cardinalice, en assignant à
S.E. le cardinal Nobili Vitelleschi, le titre pres-
bytéral de Sun Marcello, à S. E. le cardinal
Randi le titre diaconat de Santa Maria in Cos-
medin, et à S. E. le cardinal Pacca le titre
diaconal de Santa Maria iu Portico.
Ck>ngrégatlua dos Rites.
ROMANA.
Acadeinia liturgica in Urbe erecta cupiens
occurrere abusui, qui latius serpere incepit,
adbibendi in sacrosancto Missse sacriiicio calices,
quorum cuppae ex métallo sunt confectae, a
S. R. C. insequentium dubiorum solulionem
bnmillime exquisivit, nimirum:
Dubium 1. An fabricari possint calices pro
sancto sacrificio MiS!>ffi, quorum cuppae Jint ex
métallo, anrichalco, vel cupro confectae?
Dubium II. An hujusnio'li cuppae etsi inaa-
ratœ licite consecrari queaul ab Episcoijo?
Dubium m. An tolérai i possinl quod Ecclesise,
quae praîdictos calices jam habent, '^orumdem
usum valeant retinere?
His tribus dubiis aliud fuit ariditum ad defi-
nicndum qui I csset seutiendum de usu Talit;l-
lamm ex métallo, quae nonnuliis in Diœcisibus
adbibenlur, quaudo fidelibus praebetur S. Sy-
naxis. nimirum :
Dubium IV. An in ministranda fidelibus sacra
communionii liceat loco Tobalearum liuearam
uti Tabelli.s ex métallo, vel ejusmodi usus tole-
rari possit in iis diœcesibus, iu quibus fuit
introductus?
Sacra eadera Congregalio voliiit ut super pro-
positis dubiis anteasentenliam suam ex oflicio
aperirent aller ex suis Tlieologis Consullorihus
et aller ex Apnstolicarum Cœremoniarum Ma-
gislris. Quum vero votis exaratis typisque
cusissubrcriptus Cardiualis Prœfectus, ejusdem
causée Punens constitulus, supradicla quatuor
duhia relulorit in Oïdinariis Sacrorum Ûiluum
Comitii- ad Vaticanum infrascripta die habitis,
Emi l't Rmi Patron sacris tuendis Ritibus prae-
posili post accuraium omnium examen rescri-
bendum censuerunt :
Ad I. Servi-nlur liubricœ.
Ad. 11. Provisumin prtmo.
Ad. 111. Abusum esse interdicendum : congrua
tamen assignalo lempore ut de aliis culicibus prO'
videanlur.
Ad. IV. Non esse interloquendum, nihilon.inus
significetur Rmo D. Efuscopo Alexandriœ non
esse iwprobdndum usum Tobalearum linearum.
Atque ita decrevei'unt, ac scrvari mandaruut.
Die 20martii 1875.
LITURGIE
DES RÉGIES A SUIVRE DANS LE CULTE LES SAINTES
RELIQUES.
{15» article.)
X. — De la conservation des reliques.
1" IMusieurs fois déjà, nous avons eu l'occa-
sion de remarquer avec quelle sullieitude l'E-
glise veille sur les reliques des saints, qui sont
pour elle des trésors sacrés et de précieux
joyaux, et de quelles précautions elle prescrit
d'user pour les soustraire à tout danger de pro-
fanation et en assurer l'authenticité. Les reliques
qui sont la propriété des chapitres, des parois-
ses et des communautés religieuses, peuvent
cire exposées publiquement à h vénération
des fidéle.'=, et des règles spéciales sont tracées
pour ces e.xiiositions solennelles ; mais eu-dehors
<5«6
LA SEMAINE DU CLERGE
du lemps pendant lequel elles sont ainsi offertes
aux pieux hommages du peu]ile, elles doivent
être Irnnsportées dans un lieu particulièrement
affecté à leur conservation. Cette règle a été
bien souvent rappelée dans les conciles pro-
vinciaux, les synodes diocésains et autres actes
pub ic?.
Le Concile deManfredonia, ^^pon/inum, assem-
blé en 1307, ordonne expressément de tenir les
reliques babiUiellemen trenfermécs sous clef,
et de ne point prolonger les expositions. Voici
sa décision : « En exécution du décret du saint
concile de Trente, ce saint concile ordonne de
vénérer avec tout le respect possible les reliques
dns saints, qui furent autrefois le temple du
Saint-Esprit et les membres vivants ,1e Jrsus-
Christ. En conséquence, elles seront gardées
sous clef, renfermées avec soin et décemment
dans leurs reliquaires, et ou ne les exposera pas
pendant un long temps sur les autels, mais
cbaque fois qu'il y aura lieu de les montrer au
peuple ou de les porter en procession, on le fera
avec la solennité cunvenulde et en les accom-
pagnant de lumières, et on les remettra ensuite
sous clef. On n'admettra pas de nouvelles reli-
ques, à moins que l'évèque ne les ait reçues et
approuvées, après les avoir examinées avec le
plus grand soin (1). »
Le conc ile de Cosenza, de 1379, quoique moins
explicite sur ce 'point, maintient suflisaiumeiit
cette règle dans le canon suivant : «Les reli-
ques des saints seront conser>ées dans les égli-
ses, dans les lieux entretenus avec grand soin
et dans des rt-liquaires très-décents ; elles ne
seront montrées au peuple que pour satisfaire
sa piété et sans chrrcber à retirer aucun gain
de ces expositions. Ou ne ks sortira jamaisdes
reliquaires sans la permission de l'évèque et
elles ne seront portées sous aucun prétexte aux
malades. Ceux qui auront la témérité d'agir au-
trement seront punis par les évèques selon le
degré de la faute (2).
Le concile de Salerne, de l'an 1396, ne se
conlente pas de recommandatioiis générales,
mais (lé;crmine la manière dont la règle qu'il
pro. lame devra èlre exécutée, en même temps
qu'il défend de multiplier à l'exc; s les exposi-
tions des reliques, et surtout de les rendre per-
manentes. « Il est juste et très-raisonnable,
dii-il, que nous ayons la plus grande vénération
pour ceux dont nous recevons le secours et qui
intercèdent pour nous, lorsque nous sommes
alfli,:;ès de quelque mal. A cittr; fin, notre con-
cile provincia' rxliorte tous les évèques à recun-
nailre cbaque année, avec le plus grand soin,
en s'iuspirant de leur pieté et de leur prudence,
4es reliques sacrées des saints conservées tant
1. SufiiUm. Coleri ad Cunc. laôdiri, tom. V. col. lOSI,
2. IbU., col. 1103.
dans leur cathédrale que daus les autres églises
de leurs diocèses. Pour que ce devoir puisse
être rempli partout plus exactement, nous
ordonnons à tous les arcbiprêtres, abbés, rec-
teurs, bénéficiers, et à leurs procureurs, d'éta-
blifjdans l'espace de six mois, là où elle n'a pas
encore été construite, une armoire placée dans
un liru apparent, bien clos et orné de tous
côtés, fermé de deux clefs différcntes.dont l'une
restera aux mains du recteur, qui enverra
l'autre à l'évèque.
« Toute- les fois que, la solennité d'une fête
le demandant, ou la coutume des lieux le per-
mettant, les reliques des saints seront montrées
au peuple ou placées sur l'autel, les prêtres
seront attentifs à les traiter avec les honneurs
qui leur sont dus, les accompagnant de lumières,
afin d'appreu !re par là au peufile commi'nt il
doit vénérer les saints amis de Dieu et ses
avocats. Les recteurs auront soin alors de ne
pas retirer sans respect ni précaution les reli-
qnes sacrées des armoires ou des coffres où elles
sont renfermées, ni ce qui est absolument con-
damnable,' de les exposer à la vue du peuple et
de les lui présenter à baiser, pour en retirer un
gain honteux et un bénéfice illicite, sous les
peines les plus sévères, qui seront infligées
selon la décision de l'évèque (1). »
Plus loin, nous lisons : « Les reliques ne
seront pas présentées au peuple eu tout temps
indifféremment, mais en des solennités détermi-
nées, et particulièrement aux jours des fêtes
des saints auxquels elles a;ipartienoent, et on
n'enlèvera jamais leurs couvertures ou voi-
les (2). B
Le concile d'Amalplii, assemblé en 1397, a
rendu un décret semblable : « Les relicpies des
saints seront conservées en des lieux très-con-
venables, et ne seront montrées au peuple que
pour satisfaire sa piété, sans chercher à tirer
profit de cette exposition, et alors elles seront
accompagnées de lumières. Pareillement, on ne
les pré-enteraà voir ou à toucher que pour un
motif de dévotion (3).
2° Nous avons vu, par le dé -ret du concile de
Salerne qui précède, que les clefs de l'armoire
ou du trésor où sont conscrvces les reliques
doivent re-t^r l'Utre les mains de l'évèque et du
recteur de l'('glise. Cette disposition regarde,
saus doute, siécialemont la [irovince dans la-
quelle s'est tenu ce concile, mais il eu résulte,
en principe, que les clefs de ces armoires ne
peuvent être laissées aux laïques, et on en
comprend facilement la raison. L'intérêt qui
s'atticheàla conservation des reliques est tout
spirituel, et doit, par conséquent, ètie confié à
1. Supptem. Coleti ai cor.cUia £a(toi, tom. V, col. 116&.
e. Ibtd., col. 1166.
3, Ibid.. col. 1232.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1567
l'autorité spirituelle. Cepenclanl, les laïques peu-
vent êtro admis à participera la garde dij ces res-
tes précieux, lorsque quelque circonstance parti-
culière leur a lait conférer ce privilège. Dans ce
cas, ils ne peuvent ruvemliquer un droit alisolu
et encore moins un droit exclusif, mais seule-
ment ce que la Congrégation des Rites ap(ielie
un droit lionoraire; car il répugne que des
laïques puissent disposer à leur gré des cli'jses
saintes.
Nous trouvons, dans les actes du cinquième
concile de Milan, une disposition qui a, sans
doute, contribué à établir cette jurisprudence.
11 y est dit : « Il y aura deux clefs nu lieu où
l'on conserve les reliques, et elles seront entre
les mains de l'évêque et du recteur de l'i-glise.
Si la communauté ou d'autres laïques sont en
possession d'en avoir une, on en ajoutera une
troisième, o Les décisions postérieures que nous
avons à citer, et qui ont une portée générale,
consacrent ce règlement édicté par un concile
particulier.
Ferrari^ dit : «Une clef des reliques des saints
patrons d'une ville peut être accordée au ma-
gistrat séculier de cette ville. Ainsi l'a décidi? la
sacrée Congrégation des Kitcs.par son décret du 8
mai 1604, que rapporte Barbosa dans sa 5or?ime,
et la sacrée Congrégation des évèques et ré^^u-
liers, dans la cause de Civita Castellana du 6
avril 1096, ijui se trouve dans le Formulaire de
Monacelli, tom. 1. litr. v, form. 2, n. 39, où
il est parlé aussi des autres laïques. (I) »
La décision de la Congrégation des Rites que
cite Ferraris n'est pas dans la colleciion de
Gardellini; n'ayant pas sous la main Barbosa,
nous la prenons dans les Analerta juris ponti-
ficii. En voici le texte : « Une di.-^cussion s'est
élevée dans l'église paroissiale de Saint-Michel
Archange de la ville de Primonte.du diocèse de
Lettere (royaume de Naples), touchant la garde
des clefs des reliques des épines et du sang de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui sont conservées
dans uue chapelle de la mémo église, renfer-
mées dans un reliquaire orné. Le procureur de
la fabrique prétend retenir une de ces clefs, la
seconde est léclamée par la commune de Pri-
monte, et la troisième par la commune de
Franche. La sacrée Congrégation des Rites a été
suppliée de la pai t de l'évêque de daigner dé-
clarer à qui où auxquels appartient la conser-
vation de ces clefs. — La sacrée Congrégation
des Rites a été d'avis que l'une de ces clefs doit
être conservée p;ir l'évêque, la seconde par le
procureur d(( i-i fabrique, la troisième par le
syndic de la commune di; Primonte. — Telle
est sa déclaiation du 8 mai 1604 ('2). La Con-
1, Ferraris, Prompte bibliotUecv, V" Cullua tanclorum,
num. 83.
2. AnaUctJ ]uri> pontijicli, T série, col. 33.
grégation maintient ici le droit de l'évêque. Le
procureur de la fabrique était, sans doute, ua
ecclésiastique. Le décret, en repoussant la pré-
tention de la seconde commune comprise dans
le territoire de la paroisse, pourvoit à ce que
l'autorité séculière n'ait pas la prédominance
dans cette affaire.
Un autre décret, rendu dans une cause de
Pavie, du 12 juin 1660, consacre ce principe,
que la garde et la conservation des reliques
appartiennent en droit à l'autorité spirituelle,
et il règle, en le limitant, l'usage que fera le
magistrat séculier du privilège qui lui est ac-
cordé en cette matière. « Bien que, dit la Con-
grégation des rites, les épines sacrées de la
couronne de Notre-Seigneur et les reliques des
saints ne puissent aucunement être laissées au
pouvoir absolu des laïques, le droit de détenir
une des trois clefs du tabernacle enrichi de
magnifiques ornements, parla religieuse muni-
ficence du magistrat et du peuple, et dans le-
quel sont très-décemment conservées ces reli-
ques, pour être exposées à la dévotion du peuple
et portées dans les supplications publiques,
selon que l'évêque et le chapitre le trouvent
bon, — ce droit s'étendra jusiiu'à ce point. Oa
n'ouvrira et on ue fermera pas le tabernacle,
sans que le déli'gué du magistrat ait été averti
et soit présent, et ces reliques ne seront tenues
hors du tab irnacle qu'autant que ce même dé-
légué sera présent, parce que, comme il jouit
de l'honneur de détenir une des clefs, il doit
avoir aussi la charge de garder les reliques.
Toutefois, l'exposition n'aura lieu que rarement
et seulement aux jours accoutumés, ou eu-de-
hors de ces jours pour une cause publique, de
peur que la fréquence du culte n'en fasse perdre
le goût. » — Remarquons cette dernière dispo-
sition, qui condamne les expositions perma-
nentes, et surtout celles qui se continuent sans
qu'aucun signe d'honneur soit rendu aux reli-
ques, sans qu'une seule lumière brille devant
elles, contrairement à la règle que no js avons
établie et qui nous a été rappelée ensuite par
plusieurs conciles.
3° Il est d'une haute convenance que les re-
liques de la Passion ne soient pas confondues
avec celles des saints, et nous avons cité un dé-
cret de la Congrégation des Rites du 18 févrie?
Î843, qui prescrit de renfermer les reliques de
la vraie Groi,n dans des reliquaires particuliers,
séparément de toute autre relique de saint. Nous
pensons que celte règle doit être appliquée aux
reliquaires des instruments de la Passion, par
rapport aux autres reliquaires, dans le lieu où
sont conservées les reliques. Nous trouvons,
dans la collection des décrets de 1» Congréga-
tion des indulL^ences et des reliques, ia décisioa
suivante: « A ce doute soumis par l'évêque du
13C3
LA SEMAINE DU aERGE
Jlans: «La nrfii'no de séparer les reliques de
« la très-saiûle Croix de Notre-Seigaeur Jésus-
« Christ des reliques des saints est-eue exacte
« et doit-elle être observée? o La sacrée Con-
grégation après avoir entendu l'avis des con-
sulteurs et tout pesé mûrement, a décidé de
sépondre: Affirmativement. La 22 février 1847.')
On pourra nou alire que ce décret ne paraît
pas avoir un autre sens que celui du 18 lévrier
1843, et qu'il ne prescrit directement que de
placer les reliques de la vraie Croix et des au-
tres instruments de la Passion dans des reli-
quaires particuliers, où elles soient séparées de
toute autre relique. Nous accorderons cela volon-
tiers, mais en faisant observer que les termes
de la question décidée sont généraux et ne la
restreignent jias à ce point précis. A cause du
culte de latrie, qui est dû aux reliques de la
Passion, il est prescrit d'une manière générale,
de ne pas les coniondre avec les autres et de
marquer leur prééminence par une distinction
qu'exigent les convenances les plus rigoureuses.
Les reliques devant être disposées décemment
dans le lieu destiné à leur conservation, la même
raison paraît exiger que, iàaussi, les reliquaires
de la Passion aient une place d'honneur parmi
les autres, s'il n'est pas alisolument exigé qu'ils
soient renfermés dans une armoire sépaiée.
4° Il est d'un intérêt majeur, pour les églises
qui possèdent des reliques, de prendre toutes
les précautions nécessaires pour constater Texis-
tenee de ces précieux trésors et ne point s'ex-
poser à les voir disparaître. Ce n'est point assez
que les reliquaires soient habituellement dépo-
sés dans des lieux fermant à clef, il faut encore
que chaque église ait un inventaire ou cata-
logue exact des reliques qui sont sa propriété.
Si le mobilier ordinaire consacré au culte divin
doit être exactement inventorié, il en doit être
de même, à plus forte raison, des châsses et
reliquaires, qui ont fouvent, à raison de la
matière et du iravail artistique, une grande va-
leur, mais qui sont plus précieux encore par
les choses sacrées et vénérables qu'ils renfer-
ment.
Celte règle a été consacrée par les décrets de
plusieurs conciles particuliers, et se retrouve
dans beaucoup de statuts sj'nodaux. Le concile
de Saleriie, que nous avons déjà cité, a pres-
crit les formalités suivantes:
« Tous les écrits, registres, lettres, papiers,
documents b-storiques et autres de tout genre
qui se trouveront dans toutes les églises denotre
province, lors même qu'ils ne consisteraient
qu'en de petits papiers renfermés dans les va-
ses et cottrels contenant des ssintes reliques ou
appliqués à l'extérieur, seront transcrits dans
l'espace de quatre mois par l'abbé, le procu-
reur ou tout autre Léuélicier de chaque église,
et après avoir été consignés dans un inventaire,
ils seiont envoyés le pluspromptement possible
et tres-tidèlement àrévèque. U'- recherchera,
en outre, s'il en existe, les lémoiosqui pourront
donner quelques renseignements sur ces reli-
ques et ces éerits.
« Oq préparera aussi un registre dans lequel
seront topiés clairement et avec ordre les sus-
dits inveniaires de reliques qui se trouveront
dans chacune des églises de celte province; on
tiendra note également déroutes les reliques
que l'on acquerra postérieurement, et le tout
sera conservé à perpétuité dans les archives
épiscopales.
« Si, dans la suite, il en survient d'autres ou
que l'on en découvre qui ne soient pas accom-
pagnées d'une permission ou approbation écrite
de l'évèque, il est interdit aux réguliers eux-
mêmes et à tous autres, même exempts, de les
faire connaître et de les exposera la vénération
du peuple. De même, si 1 on en apporte de
nouvelles sans que leur provenance soit cons-
tatée par l'autorité du siège apostolique ou par
les
pas (i). I)
quelque document public, on ne les recevra
Il faut remarquer l'obligation imposée par ce
décret à tous les supérieurs des églises de trans-
mettre aux archives de l'évêché une copie de
l'inventaire des reliques. Cette formalité est
requise pour deux raisons. D'abord il est d'un
gfrand intérêt pour l'évèque de connaître toutes
les richesses de ce genre que possède son dio-
cèse. Ensuite, comme nous le verrons bientôt,
la présence et l'étal des reliques sonservées dans
chaque église comptent parmi les principaux
objets dont doit s'eni[uérir, lors des visites ré-
gulières et périodiques, le délégué de l'ordi-
naire. A l'aide de l'exemplaire de l'inventaire
déposé à l'évêehé, le visiteur peut exercer sûre-
ment sou contrôle, etsi l'oiiginal venait à périr,
la copie resleraii comme moyen sûr de vérifi-
cation. Lorsqu'il s'agit de conserver ces choses
précieuses, aucune précaution ne doit paraître
superflue.
Nous retrouvons la même prescription dans
les actes du premier des conciles de Milan tenus
sous l'épiscopat de saint Charles. Nous y li-
sons :
o Les écrits, registres, lettres, documents,
châsses et colîics à reliques, ainsi que les
inscriptions, seront révisés avec soiu et déposés
ensuite dans les archives, pour y être conservés
en sûreté.
« Les reliques seront inscrites, avec les docu-
ments qui s'y ranporteut, dans un registre qui
sera consei-vé dans les archives épiscopales. o
Telle est la discipline qui est partout en
vigueur aujourd'hui, et à laquelle les curés et
1, Sujiplem. Cote li ad Concil. Labbai, tomeV, col, IIW,
LA, SEMAINE DU CLERGÉ
1Ô69
autres snpf^rîcurs des églises sont tenus de se
Boumellre.
5° Le» 1(11 qui ordonne de dresser un inven-
taire exni't des nliques conservées dans chaque
église, et d'en déposer le double aux archives
de l'évèché est excellente, mais ne suftirait
pas seule. 1/évèque est oblii;é, en outre, d'en
assurer la conservation, c'est-à-dire de veiller
à ce qu'elles ne disparaissent pas, et à ce qu'on
les niainlieniie dans les conditions exigées pour
que leur authenticité puisse toujours être ga-
rantie. Ite là, une autre loi qui prescrit la visite
des r. li(|iies, et qui est rappelée par le concile
de Trente (1).
Celle disposition est contenue dans le décret
du concile de Salerne que nous avons précé-
demnienl rapporté : oiSOtie concile provincial, y
est-il dit. exhiirte tous k'S évêques à reconnaître
chaque année, avec le plus grand ^oin, en
s'inspirant de leur piété et de leur prudence,
les reliques sacrées des saints conservées tant
dans leurs calhcdralts (|ue duns les autres
églises de leurs di^ cèses (4). »
Le concile diS Uulhènes, tenu à Zamosc, en
1720, enjoint aux évoques de s'occuper spécia-
lement des reliques dans les visites des églises:
a Bien que le concile professe que l'on doit
vénérer et conserver décemment, avec un grand
respect, dans les églises, les reliques des saints,
qui furent autrefois le temple de l'Esprit-Saint
et les membres vivants de Jésus-Christ, toute-
lois, pour empêcher que l'on n'en offre au
culte de nouvelles dont l'identité soit douteuse
ou très-incertaine, les évêques les soumettront
à un examen soigneux pei.dant leur visite, et
ils décideront ensuite ce qui leur paraîtra plus
conforme à la vérité et à la pidi; (3). d
L'évèque ou son délégué doit donc examiner
soigneusement dans quelles conditions se trou-
vent les reliques, afin de statuer sur celles qui
ne seraient pas dans un étal réguli' r. Si les
documents attestant leur authenticité sont
perdus, il ne s'ensuit pas qu'on doive, pour
cette seule raison, détendre de les exposer dé-
sormais publiquement à la vénération des
fidèles, mais il y a lieu de procéder à une infor-
mation sérieuse, qui peut aboutir à la consta-
tation de ri.leutité, et alors on rédige une
nouvelle pièce dans laquelle sont consignées
toutes les preuves de l'authenticité, et la relique
demeure en ixissession du culte qui lui a été
rendu jusque là. Barbosa, cité par Gavanti,
rapporte celte décision de la Congrégation du
Concile : « Si l'on aouve, Jaus la visite, d'an-
ciennes reliques qui, par suite des ravages du
temps ou de l'incurie des gardiens, soient
1. Se»3. XZV, De invocat. et veneral. sanct.
t, Sufpitm. Coleli ail CodcU. Labbai, tom. V. coL 11S5.
t. Ibid., tom. VI, col. 3G4.
dépourvues de leurs authentiques, le visiteur
doit permettre qu'elles continuent d'être véné-
rées comme elles l'étaient précédemment (I). o
Dans son opuscule intitulé Praxis rompm-
diaria msilationis epùcopalis, G*vanli énumère
les articles suivants relatifs anx reliques, sur
lesquels doit porter l'examen lurs Aa la visite :
l'armoire, — sa garniture intérieure, — les
châsses, — les noms des reliques, — l'approba-
tion des reliques, — l'exposilion, — les clefs,
— les offices particuliers, — le- fêtes.
Monacelli a mis dans son Formulaire un
questionnaire détaillé, pour servir de guide
dans la visite des églises. Voici les questions
relatives aux reliques :
« Les reliques sont-elles conservées décem-
ment dans des chasses qui soient au m uns en
bois doré et fermées par un cristal ou verre
entier, et portent-elles les inscriptions qui leur
conviennent?
« Sont-elles tenues renfermées dans une
armoire ornée et fixe, munie d'une serrure et
de sa clef, avec cette inscription : Reliquiœ
sanctoritm ?
« Existe-t-il un catalogue de tontesj les
r, liqucs, indiquant si elles sont authentiques,
ou bien inconnues ou douteuses?
« Les traosporte-t-on près des malades? car
si cela s • pratique, on devra l'interdire.
a Lorsqu'on les expose publiquement, sont-
elles accompagnées de lumières, et si de» corps
entiers sont déposés sous des autels, tient-on
devant une lampe allumée? »
Ce questionnaire serait utilement inséré, au
moins en substance, dans les formules que
doivent remplir les délégués épiscopaus chargés
de la visite des églises. Il est bon que tout y
soit précisé, j)Our rendre plus facile l'accomplis-
sement de leur mission, et afin que l'autorité
soit exactement renseignée sur tous les points
qu'il lui importe de connaître.
{A suivre.) P.F. Ecalle,
professeur de ttiéologie.
LÉGISLATION
Exposition des motifs et des principes qoi ont
servi de base a la loi relative a la ubbrté
DE L'E.N5E1GNEMENT SUPÉRIEUR.
(Suite.)
L'article lia donné lieu à plusieurs amende-
ments.
M. Guichard, appelé à la tribune comme
auteur de l'amendement le plus large, déclare
1. Batbosa, Swnma, V' Miq. ionet., oujn. 3.
rjTO
LA SEMAINE DU CLERGÉ
que net article, dans les termes proposés par la
Commission, porterait une alleinte des plus
graves à la législation existante, c'est-à-dire
aux principes iur lesquels repose notre droit
public, les articles les plus essentiels du Code
civil.
Il observe que, dans la loi de 1823, relative à
l'autorisation et à l'existence légale des con-
grégations et communautés de femmes, il n'est
pas question du Conseil supérieur de rinstriie-
tion publique, il est question de l'avis favorable
de la municipalité de la localité, et de l'avis du
Conseil d'Etat. Il voit entre ces deux disposi-
tions une distance qui donne à réfléchir. Est-ce
que l'avis du Conseil supérieur de l'instruction
publique peut remplacer l'avis de la municipa-
lité du lieu où l'établissement d'utilité publique
peut et doit être déclaré? Comment veut-on que
le Conseil supérieur d'instruction publique
puisse posséder les connaissances locales que le
Conseil municipal seul possède, et comment,
d'un autre côté, le même Conseil supérieur
peut-il suppléer aux traditions administratives
du Conseil d'Etat? Aussi il répète que c'est là
une innovation on ne peut plus grave à la légis-
lation actuelle. Entraîné par le désir de confir-
mer sa thèse, en donnant leilure de l'article 3
de la susdite loi du 24 mai 18-25, il en modifie
un petit peu le texte officiel; celui-ci est ainsi
conçu : u II ne sera formé aucun établissement
d'une congrégation religieuse de femmes déjà
autorisée, s'd n'a été préalablement informé
sur la convenance et les inconvénients de l'éta-
blissement, et si l'on ne produit, à l'appui de la
demande, le consentement de l'évèque dioc(''sain
et l'avis du Conseil municipal de la commune
où l'établissement devra être formé. » M. Cni-
chard lit au contraire : « Il ne sera foimé
aucun établissement, aucune congrégation reli-
gieuse de femmes déjà autorisé... » La suite
comme dans le texte officiel.
Pour simplifier la discussion, M. Laboulaye
■vient à donner, avec la permission de M. Gui-
chard, des explications à l'Assemblée.
Il dit qu'on a paru croire que la Commission
voudrait faire une législation particulière, et
supprimer l'avis préalable du Conseil d'Etat.
Rien n'cjst plus loin de sa pensée, la Commission
a cru, en nisant que ces établissements pour-
raient être déclarés établissements d'utilité pu-
blique, qu'il stait compris implicitement qu'on
demanderait /'avis du Conseil d'Etat. Cependant
pour trancher toute difficulté, la Commission
rédige ainsi cet article : <t Les élahiissements
d'enseignement supérieur, fondés par de$ associa-
tions formées en vertu de la présente loi, pourront,
sur leur demande, être déclarés établissements d'uti-
lité publique, dans la forme voulue par la loi, api es
avis du Conseil supénew de l'instruction publique, o
I
Ainsi, cette innovation ajoute une garantie de^
plus, demandant lavis du Conseil supérieur.
La Commission n'a pas parlé de l'autorité mu-
nicipale par la raison bien simple aue des
facultés n'intéressent pas si'ulemenl une ville,
mais tout un département.
Il ajoute que quelques personnes ont paru
croire que le second paragra(die de cet article
introtuisait un droit nouveau, parce que la
Commission a dit : « Une fois reconnus, ils pour-
ront acquérir et contracter à titre onéreux; ils
pourront également recevoir des dons et legs. »
Pour éviter toute équivoque, la Commission
ajoute ï la suite de ce paragraphe : « dans les
conditions prévues par la loi. .) Quant à la fin de
l'article, n'étant pas contestée, elle reste la
même : n La déclaration d'utilité publique ne
pourra être révoquée que par une loi. »
M. Guichard répond qu'il y a là une confu«
sion facile à élucidei' : M. le rapporteur vient
de dire que les communes n'ont aucun intérêt
à ce que les facultés se fondent ou ne se fondent
pas; c'est vrai. Mais les communes ont un
immense intérêt à cii que ces collèges soient ou
ne soient pas répulés établissements d'utilité
publique, et à ce qu'ils ne soient pas investis du
droit de recevoir des li'gs, d'acquérir, de recons-
tituer des propriétés qui deviennent complète-
ment inaliénables, car il ne faut pas perdre de
vue le grand intérêt qui s'attache à cet article ;
c'est un moyen, à son avis, sous prétexte de
collèges, d'établir les substitutions au profil des
congrégations ultramontaines. Il cite un grand
nombre d'arrêts et d'ordonnances, quelques-
unes de date très-ancienne, et il conclut soa
discours en demandant de rester purement et
sinipli'ment sous la législation de 1666, de
1749, de 1817 et de 1825.
M. Octavre Depeyre ne vient pas à la tribune
pour répoudre à tout le discours de M. Gui- -
chard. Il veut seulement indiqiier de nouveau
quel est le véritable caractère de la loi soumise
à l'Assemblée. Il observe que dans le cours de
ce di^bat on a entendu de si étranges choses,
qu'il n'est pas inutile de bien préciser quel est
le sens, quel est le caractère de cette loi. On a
entendu parler tout à l'heure, et ce n'est pas
pour la première fois, de rétablissement de
biens de mLunmoite, de familles spoliées, de
nos lois fiiulées aux pieds. A propos de la per-
sonnalité civile des diocèses, on a entendu, à
l'ouverture même de cette séance, se renouveler
des protestations aux termes desquelles l'article 2,
que l'Assemblée a voté, serait ei, contradiction
formelle avec tous les principes de notre droit
civil et de la société moderne. U comprend que
quelqu'un puisse le penser; mais il croit qu'il
lui est bien permis de penser le contraire, et de
mettre son opinion à l'ubri d'une autorité que
LA SEMAINE DU CLERGÉ
i571
l'opposition ne récusera peut-être pas, si il lui
rappelle que l'avis du Conseil d'Etat de 187-4
sur la personnalité du diocèse, qu'on a si vive-
ment attaqué, avait été poursuivi et demandé
par divers ministres de l'instruction publique
et des cultes, et que la queslion a été nettement
engagée, daiis .'e sens de la personnalité civile
du diocèse, par l'honorable 11. Jules Simon.
11 croit aussi qu'alors qu'on parle des principes
duCv>de civil, ou oublie beaucoup trop ces prin-
cipes eux-mêmes, etqu'oQ ne veut pas voirquela
loi en discussion est en parfaite harmonie avec
la législation moderne. Toutefois, dit-il, pour
dissiper les anxiétés persistantes iSl. le rappor-
teur a ajouté à cet article : « Les établissements
déclarés établissements d'utilité publique,
dans les conditions et formes [irescrites par la
loi. » C'est une redondance, mais M. Defieyre
ne la regrette pas si elle doit calmer les appré-
hensions de M. Guichard.
Il ajoute que, lorsque cerîains établissements
auront été déclarés d utilité publique, ils auront
une vie civile. La loi a déterminé alors dans
quelles formes et dans quelles conditions ils
pourraient recevoir des libéralités, soit entre-
vifs, soit testamentaires. Il y a un arliele 910 du
Code civil qui dispose que les établissements
d'ulilité publique ne peuvent recevoir de libéra-
lités, soit entre-vifs, soit testamentaires,
qu'après avoir reçu l'autorisation du gouverne-
ment. Aussi lorsqu'on dit que les associations
formées pour douner l'enseignement supérieur
pourront être déclarées établissements d'utilité
publique, on dit par voie de suite qu'après
avoir obtenu, à leur profit, celte déclaration
d'utilité publiijue, ces associations sont réglées
par quoi? Par les dispositions du droit commun,
par le Code civil, c'est-à-dire que, si elles veu-
lent recevoir des libéralités, il leur faudra
l'autorisation de l'Etat.
« Voilà, dit-il, comment procède cette loi. Et
cependant on parle des frayeurs qu'elle excite,
des intérêts qu'elle alarme. C'est surtout le mot
diocèse introduit daus l'article 2 qui, paraît-il,
épouvante davantage. Comme si cette personna-
lité civile n'existait pas déjà en-dehors de cette
loi, sans le besoin de cette loi. Comme si tous
les gouvernements qui se sont succédés n'a-
vaient pas autorisé, comme si on n'autorisait
pas chaque jour des libéralités faites au diocèse
dans la personne de l'évèque représentant le
diocèse, de l'évèque agissant, non pas en son
nom privé et comme personne privée, mais
agissant pou»- «-epréseuter cette chose qui se
continue après \ui : le diocèse et l'évêché. »
Convaincu que l'article 11 n'a besoin d'être
amendé d'aucune façon pour être conforme aux
véritables principes de la législation actuelle,
M. Depejre repousse l'ameûdemeat proposé
par M. Guichard, qui, mis aux vois, n'est pas
adopté.
M. de Belcastel vient à la tribune pour expli-
quer l'amendement qu'il a proposé. Il dit que
la ditférence entre sa proposition et l'article de
la commission consiste simplement en ce que,
d'après lui, le titre d'établissement l'utilité
publique sera accordé de plein droit à toute
université libre, composée d'au moins trois
facultés ayant chacune Julant de professeurs
que celle dos facultés de l'Etat du même ordre
qui en compte le moins, après cin^ ans de
plein exercice, taudis que, d'après la Commis-
sion, il dépendra d'une autorisation qui sera
ou ne sera pas accordée.
Après une chaleureuse exposition des raisons
positives qui appuient sa proposition, il arrive
aux objections, taciles à rétuter, qui ont paru
frapper quelques esprits défiants. Ces objections
peuvent se résumer en trois mots : abus des
biens de mainmorte, multiplicité des personnes
civiles, privilège pour l'Eglise qui pourra seule
en protitcr.
Uuant aux abus des biens de mainmorte tout
a été dit par l'honorable .M. Dopeyre, et il n'a
rien à ajouter. Mais pour ce qui concerne la
multipiicilé des personnes civiles, il y a un mot
àdiri'. Si quelque chose manque à l'organisme
de la société française, c'est assurément un
nombre suffisant de personnalités civiles.
Craindre les abus des corps constitués dans
une société comme la nôtre, pulvérisée faute
d'organes vivants qui en relient les atomes,
dans une société où l'individualisme est la plaie
principale, lorsque l'association libresous toutes
ses formes, et à tous ses degrés, est l'unique
remède, c'est faire preuve de peu d'intelligence
de ses besoins et de ses périls.
Mais objecte-t-on encore, l'Eglise en pro-
fitera seule. Oui, l'Egli-e enprolitera; il le
désire et il le croit. <c Je ne veux pas, dit-il,
dissimuler mon espérance. 11 serait indigne
d'elle et indigne de nous de la faire petite et
faible, pour que vous soyez magnanimes et que
vous lui laissiez la vie. Mais l'Eglise sera-t-elle
seule à en profiler? Qui vous empêche d'ouvrir
des cours, des facultés, des universités libres?
L'Eglise... non. Messieurs, je me trompe, l'ex-
pression est absolument impropre, ce n'est pas
l'Eglise qui en profitera, c'est la société tout
entilère qui recueillera les fruits de l'enseigne-
ment que les jeunes gens et leurs famille-, iront
librement lui demander. Et qui donc serait assez
oublieux de la patrie pour méconnaître les
Services que l'Eglise a rendus à la France et à
la civilisation? Est-ce la science qui vous
préoccupe, Messieurs? Mais saint Paul glorifiait
longtemps avant vous cette science que vous
croyez avoir inventée. Parlez-vous des lettres?
1572
LA SEMAINE DD CLERGE
Est-ce que les plus beaux génies ilont l'huma-
uité s'honore ne sont pas nés dans l'atmosphère
chrétienne? Est-ce que ce ne sont pas des
corps religieux, enfants de l'Eglise, qui ont
sauvé aussi de l'oubli les œuvres du génie
antique? Est-ce que, à l'heure présente, le
clergé catholique n'est pas le corps le plus
lettré, le plu> instruit de l'univers?
« Parlez-Vous liu droit? Messieurs; comparez
seulement la loi antique avec le droit chrétien.
Tout ce qui, dans notre civilisation et notre
droit moderne, a relevé la dignité et la liberté
humaine, tout ce qui a protégé le laible, la
femmi: et l'enfant est sorti des principes libéra-
teurs de l'Eglise et du catholicisme. Vous ne
pouvez pas le nier, Messieurs, et, certes, ce
n'est pas dans le code indien ou dans les rêves
du jiositivisme que vous irez chercher les
progrès du droit, les règles de la justice et de
la vérité.
« Sont-celes libertés publiques, les libertés né-
cessairi'S d'un graml peuple qui vous mettent
en souci ? Eh ! messieurs I l'Eglise a dans ses
traditions et dans ses doctrines toujours com-
battu l'absolutism • des Césars. Elle a protesté
parson enseignement séculaire contre toutes les
tyrannies de la force, au nom du bien des peu-
ples et de la justice. » En se résumant, il croit
qu'on ne craindra pas les personnalités civiles;
ce sont des puissances conservatrices : on ne
craindra pas de donner de pl'in droit le titre
d'établissements d'utilité publique aux sociétés
qui prendront la noble initiative de relever en
France l'éducation publique.
M. Paul Jozon observe que l'amendement de
M. de Belcastel repose,à son avis, sur une confu-
sion, souvent signalée et tout aussi souvent re-
produite, entre la liberté des associations et la
personnalité civile des associations. « La liberté
des associations, dit-il, nous en sommes parti-
sans, au moins en grande majorité dans cette
Assemblée; nous voulons faire dispir.iître les
entraves qui ont été apportées àla faculté qu'ont
naturellement les hommes de se réunir, de
se concerter, de relier leurs eiïorls dans un but
commun. C'est là la liberté d'association. »
« Tout autre chose est la personnalité civile,
qui attribue à une association le droit d'acqué-
rir, de posséder, de plaider, de transiger, de
recevoir des dons et des legs tout comme un
simple particulier.» La personnalité civile, ajou-
te-t-il, n'est pas de droit naturel pour les asso-
ciations. Cette personnalité n'appartient qu'aux
êtres humains aux individus vivant d'une vie
réelle, parce qu'elle est attachée à leur qualité
d'hommes. Au contraire les associations ne
peuvent avoir la personnalité civile qu'en vertu
d'une fiction de la loi.
U fait observer qu'il parle des associations
intellectuelles et morales, et non pas des asso-
ciations civiles et commerciale?. Celles-ci sont
composées d'un certain nombre decitoj^ens, de
particuliers, dont chacun est propriétaire, pour
sa quote-part, du fonds social; c'est une collec-
tivité d'èlres humains. Mais dans une associa-
tion intellectuelle, qui donc est le propriétaire
du fonds social ? l'as un de ceux qui font partie
de rassociation ne pourrait réclamer sa juste
part dans le fonds social, i.a propriété repose
dans ce cas sur une idée, un but, un être abstrait
placé au-dessus et en-dehors de l'association.
Sans doute on peut, dans l'intérêt général,
accorder la personnalité uivile à ces êtres de
rais(;n ; il ne s^ oppose pas ; loin de là ; mais il
ne faut pas dire que pour eux la personnalité
civile est de droit naturel; elle est de droit arti-
ficiel, c'est une ciéation arbitraire de la loi,
c'est l'intérêt général seul qui peut justifier
cette dérogation au droit commun. Et l'intérêt
général, quiestia raison de cette dérogation, en
est en même temps la mesure, i-n ce sens qu'on
ne peut l'accorder que dans les limites que com-
mande l'intérêt général. Tandis que l'on ne
pourrait restreindre la personnalité civile d'un
particulier, d'un citoyen sans porter atteinte à
ses droits les plus essentiels.
11 repousse, par conséquent, l'amendement,
sans se prononcer sur les restrictions qu'il con-
vient d'apporter à la pnrsoiinalité civile des asso-
ciations enseignantes; il n'en est admis encore
aucune ; et il se réserve le droit de discuter
quelles seront les restrictions qu'il faudra ap-
porter à ce sujet.
M. Lespinasse, qui remplace M. Jozon à la
tribune, n'admet pas, non plus, lui, qu'ilpuisse
de plein droit être attaché à un établissement
quelconque le titre d'utilité puldique, par cette
raison que l'utilité déclarée officiellement en-
traîne des conséquences très-considérables, qui
sont en opposition flagrante avec le texte et
l'esprit de notre droit public. U déclare qu'il
lui est impossible de s'associer à cet amende-
ment, qui, au scrutin public, ne réunit que 81
votes sur 460 votants. Dans la séanee du H
juin, M.M. Chesnelong, Delorme, .lozon et Beaus-
sire retirent les amendement? qu'ilsavaientpro-
posés chacun en leur nom, el au nom de plu-
sieurs de leurs collègues au sujet de cet article :
aussi, M. le Président le met aux, voix, et l'As-
semblée l'adopte.
MM. Ferry et Delorme proposent de substi-
tuer à l'article 12 du projet de la Commission
les dispositions suivantes :
« Art. 12. — £n cas d'extinc/éon d'un établis-
sement d'enseignement supérieu) reconnu, soit par
l'expiration de la société, soit par la révocation de
la déclaration d'ultltié publique, les biens acquis
par donation entre-vifs et pur disposition à came
LA SEMAINE DU CLERGÉ
ism
tfe mort feront retovr aux donateurs ou testateurs,
ou à leurs parents au degré succesnble, et, à défaut
de parents au degré surcessible, à l'Etat.
Les biens acquis à titre onéreux feront également
retour à l'Etat. Il sera fait emploi de ces biens
pour les besoins de l'enseignement supérieur par
décrets rendus en Conseil d'Etat, après avis du
Conseil supérieur de l'instruction publique. »
M. beiorme dit n'avoir pas besoin de donner
de grandes explications à l'Assemblée sur cette
nouvelle rédaclion. Le texte a été emprunté par
lui et M. Ferry à une loi actuellement exis-
tante, la loi de 1825, qu'ils ne font que repro-
duire, et i|ue la Commission a acceptée. Dans
tes conditions il ne croit pas utile d'arrêter l'at-
tention de l'Assemblée par des développements
qui serairnt peu opportuns.
Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.
Le titre: III, «de la Collation des grades, » de-
vait provoquer un grand nombre d'amende-
ments.
L'amendement auquel l'Assemblée accorde 1»
priorité est celui présenté par MM. Jules Ferry
et Bardoux, à qui se rallie aussi M. Burni. Ils
proposent de supprimer le titre III et y substi-
tuer cet article: « Art. 13. Les facultés de l'Etat
auront seules le droit de conférer les grades.
Les candidats aux grades des facultés de l'Etat
sont dispenws de l'inscription et de l'asùduité aux
<ours, s'ils justifient de conditions équivalentes
dans les facultés libres, o
M. Jules Feiry, appelé à la tribune pour dé-
velopper Cet amendement, commence par dire
que la ijuestion de la collation des gradis en
comprend deux autres : une question de doc-
trine et une question de bonne administration.
La question de doctrine est celle-ci: la faculté
de conférer les grades est-elle une attribution
légitime de l'Etat? La question de bonne ad-
ministration se pose ainsi : Parmi les différents
systèmes pratiqués autour de nous, ou suggérés
dans les nombreuses prupositions que celte ma-
tière a fait surgir, quel est le meilleur pour
l'Etat? Quel est celui qui lui permet de mettre
le mieux en œuvre ce droit supérieur que la
doctrine qu'il vient de soutenir lui reconnaît?
Dans cette seconde partie de la question vien-
nent alors s'inscrire à leur place : le système des
examens professionnels ou examens d'Etat, en
vigueur en Allemagne ; le système des jurys
mixtes ou combinés, qui fleurit en Belgique;
le système anglais des corporations faisait el-
les-mêmes leur police en vertu d'une délégation
de l'Etat; le s^ ti'me enfin du jury spécial re-
commandé par M. le comte Jaubert.
Il croit que tous ces systèmes ne peuvent se
présenter devant l'Assemblée, que lorsqu'elle
aura résolu la question de doctrine qui est au
fond de tout. Dans soa sentiment, les lois ac-
tuelles ont sagement réglé l'intervention de
l'Etat dans la liante culture intellectuelle fran-
çaise. Il observe que ce grand intérêt de la
haute culture intellectuelle est de ceux qui
exigent à la fois beaucoup de liberté et beau-
coup de vigilance de l'Etat. Il n's pns besoin de
rappeler qu'il a voté avec la majoiité pour la
liberté du haut enseignement ; mais il ajoute,
bien que cela paraisse un peu contradictoire,
qu'à côté de beaucoup de liberté il croit néces-
saire beaucoup d'intervention de la |.ui-sance
publique. « Cette intervention de l'Etat, dit-il,
se manifeste de deux manières dans le système
actuel : par de larges subventions, par des
créactions de chaires, par des libéralités et des
encouragements répandus suc des branches
d'enseignement que jamais ni l'intérêt privé,
ni les associations particuUères ne pourraient
mettre en œuvre et auxquels ils ne pourraient
donner la vie.
« Elle se manifeste sous une seconde forme,
sous la forme du contrôle des études ; contrôle
des études générales par le baccalauréat, con-
trôle des éludes professionnelles par des exa-
mens qui ouvrent les carrières du droit et de la
médecine, n
Il n'a rencontré encore personne disposé à
nier la première de ces formes d'intervention et
à contester à l'Etat le droit et le devoir do
subventionner le haut enseignement. Il pense
qu'il n'en est pas de même de la seconde forme
d'intervention, le contrôle des études par les
examens. Il prétend qu'il y a aujourd'hui une
société qui a écrit dans son programme cette
propo-ition : que l'Etat n'a pas le droit, parce
qu'il n'a pas la compétence, de contrôler les
études ; et qui a proclamé la liberté de la col-
lation des grades. A ce point de son discours,
M. Jules Ferry reprend la grande lutte entre
l'université et l'épiscopat français sous le règne
de Louis-Philippe, de 1841 à 1846, qui se renou-
vela aussi vive sous l'Empire, en 1868. Il sur-
charge son discours de citations de ce qu'on
avait écrit ou publié dans ces temps-là, Jlgr Pa-
risis, l'archevêque de Lyon, les évèques d'A-
miens et de Nantes, aussi bien que S. E. le
cardinal de Bonnechose.
Il déclare toutefois que ce n'est pas dans les
écrits dont il a donné lecture, que l'on trouve-
rait les origines de la doctrine qui nie le droit
de l'Etat en matière de coUalioa dos grades.
(( Celte doctrine, dit-il, a pris naissance dans une
association récente de catholiques laïques, c'est-
à-dire dans la grande association des comités
catholiques de France, b dont il ne critique nul-
lement l'existence, ni ne conteste en aucune
façon la légalité et le droit. Il analyse les
vœux que cette association a émis depuis 1872;
il en donne également lecture à l'Assemblée, et
<S74
LA SEMAINE DU CLERGÉ
a se demande ensuite si c'est dans ses vœux
que l'on pourrait reconnaître la liberté au profit
de tout le monde, la doctrine da droit com-
mun : pourrait-on nier encore qu'il y a deux
manières d'entendre la liberté de l'enseigne-
ment supérieur ; une manière laïque et une
manit-re plus particulièrement catholique?
Quant à lui, il s'empresse de déclarer qu'il n'a
pas la simplicité de croire que les auteurs c'e
cette doctrine aient eu la pensée de se rattacher
d'une façon quelconque aux idées libérales
ayant cours en matière d'enseignement. Il
pense que, dans cette doctrine, il y a tout autre
chose qu'une thèse libérale, et il va dire très-
franchement et très-respectueusement ce qu'il
y aperçoit : il y voit la revendication pour
l'Eglise catholique du monopole de l'enseigne-
ment.
Il sait que le conflit entre les droits de l'Etat
et les droits de l'individu est aussi vieux que la
société elle-même; mais quant à des conflits
entre les droits de l'Eglise catholique et les
droiU de l'Etat, il ne les reconnaît pas, il ne
consent pas à les discuter. Quand un conflit,
observe-t-il, s'élève entre un droit individuel et
un droit de l'Etat, entre l'individu ou l'associa-
tion d'individus et l'Etat est-ce qu'il n'y a pas
des rèiîles, est-ce qu'il n'y a pas des principes
pour le juger? des règles qui permefifut de
dire : voilà le droit indiviiluel, vodà le droit de
l'Etal? En un mot, est-ce qu'il n'y a pas une
base rationnelle, une délimitation rationnelle
des fonctions de l'Elat? Si cette délimitation est
possible, il faut voir si le droit de collation des
grades, dont il s'agit en ce moment, y rentre
ou n'y rentre pas.
Il croit qu'il y a une règle fort simple pour
délimiter les fonctions de l'Etat, très-simple,
parce qu'elle est empirique et qu'elle ne vise
pas à la haute théorie. Les fonctions de l'Etat,
ce sont celles qui ne peuvent être remplies que
par lui, parce qu'il manque aux particuliers ou
les allocations, ou la volonté^ ou le pouvoir de
les remplir. Ainsi, quant à la difl'usiun de l'en-
seignement supérieur, il admet qu'elle n'est pas
un monopole de l'Etat, parce que les iiatticu-
liers, les associations peuvent remplir cette
fonction aussi bien et souvent mieux que lui,
Etat. Mais le contrôle des études générales et
professionnelles, qui résulte de la collation des
grades, est essentiellement un office social, une
fonction de l'Etat. Et pourquoi? Parce que ce
Contrôle a pour but de maintenir le niveau des
études; [larce quh /"a libre concurrence des in-
dividus et des associations tend à abaisser la
valeur des rituiies. Il faut bien s'en rendre
compte; dans Tordre économique où fonction-
nent les mobiles intéressés, où domine l'intérêt
personnel, la concurrence est bonne : elle élève,
elle fortifie, el'n agit dans le sens du progrès
social. Mais dans l'ordre des choses intellec-
tueiies, et pour le haut enseignement, au point
de vue de la collation des grades, la concur-
rence risque fort d'agir en sens contraire, si
l'Etat n'y prend garde, la concurrence pourra
bien abaisser les ctudes. Il est incontestable que
le niveau des études sera plus facile à maintenir,
dans une société où il t'y aura qu'un seul pou-
voir chargé de délivrer les grades. On ne peut
pas nier, ajoute-t-il, que h; fondement de cette
institution, si ancienne dans notre pays et dans
beaucoup d'autres, qui remet à l'Etat le contrôle
des éludes sous forme de grades conférés aux
étudiants, on ne peut nier, répète-til, que la
nécessité de ce contrôle résulte de la situation
même de la société très-laborieuse, très-pressée,
au milieu de laquelle nous vivons. Ce qui fait à
l'état moderne un devoir étroit de veiller au
maintien du niveau des études, c'est cette force
des choses, ce courant irrésistible qui entraîne
les jeunes gens vers les carrières hâtives. Le fait
est là, la nécessité est incontestable, nous vivons
dans un monde ainsi fait; l'époque est aux
études promptes, accumulées, hâtives : il faut
que les jeunes gens embrassent très-vite une
carrière. Ue cette pi'emière condition, qui tient
au fond même de notre société si occupée et si
laborieuse, dérive une tendance trè.-marquée
vers l'abaissement des études, et, pour l'Etat,
le devoir strict d'en surveiller la valeur. Mais ce
n'est pas assez; on veut ajouter à ce courant, si
fort par lui-même, l'impulsion de la concur-
rence d'un grand nombre d'établissements dis-
tribuant les grades. Or, qui peut mer que,
malgré la bonne volonté de ces établissements,
comme ils ne sont déterminés, après tout, que
par des mobiles individuels, des mobiles inté-
ressés,— très-noblement et justement intéres-
sés, il le déclare, — comme il faut vivre, en
somme, et que c'est des grades que l'on vit quand
on a le droit de les conférer, il est inévitable
que les établissements qui font les gradués sa-
crifient, bon gré malgré, à ce besoin général
d'études faciles et rapides. C'est pour cela que,
à son avis, l'intervention de l'Etat est justifiée.
Ce qu'il vient de dire du contrôle des études
générales, de l'examen de capacité que, sous
une appellation ou sous uneautre.ou fait subir
en tout pays à la jeunesse arrivée au terme de
ses études, devient une thèse plus forte encore
et tout à lait irréfragable lorsqu'il s'agit des di-
plômes professionnels. Ces diplômes ne consti-
tuent pas seulement un contrôle exeicé sur les
études afîu d'en maintenir la valeur, ils contien-
nent, en outre, une garantie donnée par l'Etat
au public.
Il prétend que cette liberté d'enseignement,,
telle qu'on la voudrait, c'est-à-dire avec la né-
LA SEMAINE DU CLERGÉ
<S7S
gation du droit de l'Etat sur la collation des
grades, n'existe en Allemagne, où l'Etat fonr,-
tionne dans la collation des grailes de la manière
la plus rigoureuse et la plus despotique, sous la
forme des examens d'Etat. Elle n'existe pas en
Italie, où les universités de l'Etat confèrent
seules les graJes. Elle n'existe pas en Belgique,
car le jury jnixte, qui a remplacé depuis 1849
le jury d'Etat, est uu organe du gouvernement.
C'est l'Etat qui confère les grades par l'entre-
mise du jury, croyant avoir trouvé là le meilleur
moyen d'exen-er son contrôle, tandis qu'il n'a
réussi qu'à abiisser les étuiles et qu'à avilir les
grades. Le seul pays où cette liberté de la col-
lation des grades existe, c'est aux Etats-Unis.
Mais il déclare que cette liberté a fait que
les grades y sout absolument dépourvus de va-
leur. En Amérique, dit-il, les règles protec-
trices, qui ferment à l'ignorance l'entrée des
professions de médecin ou de légiste, sont abso-
lument inconnues. Il y a des universités qui
donnent des grades, mais des grades sans
valeur sociale, et si dépourvus de valeur morale
en Amérique même, que beaucoup de ceux qui
se destinent à l'exercice de la profession médi-
cale viennent prendre leurs grades dans les
écoles de Paris ou de Berlin.
Il dit qu'on ne rencontre pas aux Etals-Unis
un épanouissement de baule culture scientifique
et littéraire, un mouvement intellectuel compa-
rable à ce qui se voit, selon les époques, en
France et en Allemagne. La moralité qu'il tire
de cet exemple, c'est que, dans un pays qu'em-
porte la fiévreuse activité, la furie de s[iécula-
tion.le torrent de la vie pratiquée! industrielle,
il est indispensable que la liante culture intel-
lectuelle soit défendue contre l'industrialisme
qui l'étoufFe, contre la pratique qui le tue, par
l'intervention supérieure de l'Etal.
A ce point, M. Jules Ferry échange quelques
mois à voix bas^e avec M. le président de l'As-
semblée, et celui-ci déclare que, par l'heuie
avancée, la fia de ce discours est remise au
lendemain.
{A suivre.)
Philippe Carréri.
VIII.
PATROLOGIE
S01I5IAIRE HISTOnIQUE DES ÉCOLES
CURÉTlEiNNES.
Essayer une histoire, même fort abrégée dans
sus détails, de toutes les écoles qui sont nées ou
sein de lliglisc : racouter l'origine, les dévelop-
pements et iLd bienfaits de ces mille et de ces dix
mille institutions, où les chrétiens de tout âge,
de tout sexo et de tout état, puisèreut, à partir
du divin Maître, jusqu'à nos jours, la double
science du monde, de la nature et de l'ordre de
la grâce, ce serait, nous en faisons l'humble
aveu, un travail bien au-dessus de nos forces.
Cette étude, d'ailleurs, n'offrirait souvent que
des particularités fort intéressantes, il est vrai,
mais cependant moins utiles que des vues d'en-
semble, sur les annales de reuseigneinenl ecclé-
siastique.
Depuis l'établissement du cliristianisme jus-
qu'aux universités du moyen âge, les écoles,
malgré leur multiplication, se résument en trois
classes. Etîectivement, nous n'avons pu distin-
guer, dans le nombre, que les fondations épisco-
pales, monastiques et curiales.
I. Les évêquesont ouvert nos premières écoles.
Ils ne faisaient en cela que suivre les préceptes
et l'exemple du Sauveur, des apôtres et des
pères apostoliques. Ces établissements primitits
avaient pour but principal d'instruire les jeunes
lévites, mais l'ou y enseigna de bonne heure les
lettres humaines, dont la connaissance a tou-
jours paru très utile et même en partie néces-
saire à l'interprétation de nos livres saints. En
ces temps de missions continuelles, les évèques
se faisaient parfois accompagner dans leurs
voyages d'un groupe de disciples, qui, sembla-
bles aux péri[iatèUtieiis de raneiennu Grèce,
devisaient de philosophie et de sciences, eu se
promenant ; l'on trouve encore, dans la vie de
saint Martin, éveque de Tours, un vestige de
cet usage des temps apostoliipies. Quand le pon-
tife pouvait se fixer dans une ville, sa maison
elle-même, devenait une académie, comme on
le voit dans l'histoire de saint Athanase le Grand.
Assez souventc'était dans une dépendance de la
cathédrale que l'on élevait les jeunes gens ap-
pe es à remplir des fonctions dans l'Eglise ou
dans le siècle ; et la célèbre école d'Alexandrie,
où l'on professait les sciences divines et humai-
nes, nous semble avoir été le plus beau type de
ces maîtrises, que l'on a tort heureusement res-
taurées de uos jours. Docteur né de sa province,
l'évèque enseignait volontiers de sa propre bou-
che ; mais plus tard, lorsque le soin des églises
absorba les hauts dignitaires du clergé, ceux-ci
désignèrent, tantôt parmi les laïques, tantôt parmi
les prêtres, des professeurs qui iustrui*iieut la
jeunesse sous la direction d'un archidiacre,
d'un théologal ou d'un écolàtre.
Au moment des persécutious et même aux
premières années de la liberté de l'Eglise, les
écoles épiscopales, tenues par les membres du
clergé n'empêchaient pas les fidèles de fréquen-
ter les cours de grammaire, de rhétorique et de
philosophie ouverts pa\- les savants du poly-
théisme. Ce fut d'abord une nécessité : sous la
tyrannie des empereurs, l'Eglise était assuré-
ment dépourvue de tout ce qui est indispensable
à l'iustrucliou, nous voulous dire de maîtres, de
1S76
LA SEMAINE DU CLERGÉ
bibliollièques et fie maisons. Alors, les évêques
ee charfçeiiieul rVexpliquer les divines Ecritures
à des disciples cnchés dans Tombre, et que l'on
envoyait osteasiWementpour la partie littéraire
dans les (^coles publiques de l'Etat. Depuis Cons-
tantin, l'iisage dura longtemps encore : et, cette
fois, c'était le plaisir qui invitait les étudiants.
De tous les dieux auxquels la superstition avait
dédié un temple, Apollon et les Muses furent
expulsés les derniers, avec une couronne de
fleurs sur la tête. Lors même que le pag.misme
était à son déclin, le culte des lettres survivait
au culte des autels. Des écoles florissantes dans
les cités de l'Asie, de l'Europe et de l'Afrique
entretenaient partout l'amour des fables et des
beaux-arts. La jeunesse se forme d'abord aux
éléments de la science, au milieu des villes de sa
province; c'est Poitiers même nui nourrit saint
Hilaire; .\ntioebe reçoit saint Jean-Chrysostome ;
Alexandrie instruit Synérius ; Coustautinuple
donne l'hospitalité à Socrate ; Carthage ensiigne
la rliélorique à saint Augustin. Mais les hommes
désireux de perfectionner leur style ou leurs
idées prenaient, les uns le chemin de Rome, et les
autres celui d'Ahlènes. Rome, capitale de l'em-
pire, expliquait à saint Jérôme YEnéideàe Vir-
gile et VOmleuràe Cicéron ; Athènes, la savante,
captivait les intelligences de l'Orient. Elle seule
avait gardé les traditions de ce pur atticisme,
qui a flatté le goiit de toutes les nations civili-
sées. Bazile et Grégoire de Nazianze, les deux
inséparables amis, furent initiés, dans ses écoles,
aux mystère^ de ia poésie et de l'eloqiience.
Pourtant l'Eglise se fatigua de demander aux
professeurs du paganisme les richesses lilléraires
qu'elle voulait plus tard consacrer à l'embellis-
sement des temples de Jésus-Christ. Dotée pa
les empereurs et la générosité des fidèles ; pro
priétaire de vastes édifices et de riches bibliothè-
ques ; pou/v'ue de crammairieusel de rhéteurs,
qui aiùupf.r. au sein de l'épiscopat et brillent de
commuuiCjUer leurs trésors à la jeunesse; enri-
chie déjà d'une foule de cbels-d'ueuvre ecclésia»'
tiques, propres à l'instruction des chréti'jD;',
pourquoi n'aurait-elle donc passes écoles ^vY^'
culières? Lui sied-il bien de rester sans cift^
tributaire d'hommes orgueilleux comme Liba-
nius, ou moqueurs comme Julien l'Apostat? Elle
aura donc ses piofesseurs, ses livres et ses éta-
bhssements. C'e-t alors que paraissent lesins-
titutioDs de Cesarce, de Jérusalem, d'Antioche,
de Néocésarée et d'une ioule d'autres villes.
Tant que dura l'Empire, les écoles épiscopales
trouvaient encore d'utiles auxiliaires dans la
personi'.e de quelques rhéteurs laies, mais chré-
tiens. Par exemple, Victorin élevait, à ({orne,
une chaire de rhétorique et de philoso|)liie;
Bourges écoutait avec avidité les leçons d'Auron,
poète et grammaiiiuu; saint Augustin profes-
sait la rhétorique dans les villes de Rome et df
Milan. Les invasions des barbares détruisirent
à la fois les écoles publiques ds l'Ei;lise et les
établissements, soit officiels, soit ^irivés de l'Em-
pire romain. La science se réfugia dans les
déserts; et c'est là que les évêques lui ménagè-
rent un séjour iiaJsible.
IL Donc, à l'épo(|ue oïl l'Ep^pire était en feu
de toute part, le tumulte d'une geicrre, le meur-
tre et le pillage avait chassé dans la solitude des
peuples entiers. Les Muses chrétiennes, à l'ins-
tar des antiques déesses, quittèrent les villes en
ruine pour fixer leur demeure au fond d'obscui'es
vallées ou de bois mystérieux. La vie religieuse
s'était répandue en Egypte, en Syrie, dans la
Grèce, en Italie, en Gaule et jusqu'en Irlande.
Chaque monastère avuil double école : l'une
intérieure, formait les recrues de la milice mo-
nastique ; l'autre, extérieure, communiquait la
science de Dieu et de soi-même aux enfants du
peuple et même aux fils des rois. Deux maisons
brillaient, dès le principe : saint Jérôme, au
monastère de Bethléem, commentait les divines
Ecritures, donnait des leçons de grammaire,
expliquait Virgile, lisait les auteurs comiques,
analysait les historiens à des enfants qu'on lui
avait remis pour les élever dans la crainte de
Dieu. A l'opposé de la Méditerranée, sur les
côtes de Provence, un autre religieux, de famille
consulaire, jetait aussi les fondements d'une
abbave, où l'élite du siècle se donna rendez-vous;
saint Honorât, dans son école de Lérius, établit
un vrai séminaire pour les évèqiies de la Pro-
vence, de la Gaule et de l'Italie. L'ile des
Serpents, changée en demeure des colomlies,
intruisit saint Maxime de Riez, saint Hilaire
d'Arles, saiut Loup de Troyes, saint Jacques de
Tarantaise, saint Euche de Lyon, le théolo-
gien Vincent et le satirique Salvien. Dans la
suite, les monastères, eu couvrant le moule de
leurs colonies, conservèrent les chefs-d'œuvre
de l'antiquité, civilisèrent les hommes de l'éi^ique
et préparèrent, pour l'avenir, d'inestimables
progrès.
Les écoles monastiques remplacèrent au be-
soin, mais aidèrent toujours, les institutions
épiscopales. Non contentes de travailler à l'édu-
cation des lévites et des religieux, elles n'ou-
bliaient point, même au vm° siè^'e, l'instruction
des jeunes gens et des filles du monde. Un con-
cile de Cioveshon, tenu en Angleterre, vers
l'année 747, porte, à son article 7 : « On aura
soiu, dans les monastères tant d'hommes que de
femmes, de faire des lecluress et d'ouvrir des
écoles pour l'instruction de la jeunesse; afin que
l'Eglise puisse, dans ses besoins, en retirer de
l'utilité. » Nous avons lu aussi, dans la vie du
bienheureux Guillaume, abbe de Saint- Bénigne
de Dijon, que ce grand homme voulut, dans
LA SEMAINE DU CLERGÉ
ISTO
toutes les dépendances de sa maison, comme
dans tous les monastères reformés par son zèle,
entretenir des écoles primaires, où les en-
fants du peuple, livrés à l'ignorance la plus
profonde, apprendraient gratuitement à lire et
à chanter; deux petites choses que ne sait plus
notre grand siè''*e. Mais nous avons anticipé sur
le cours des âgc;s : revenons sur nos pas.
Charl^magne, ayant amené de Ilome une
société d'hommes de lettres, écrivit, en s'adres-
sant à l'abbé de Fulde, une épitre destinée aux
métropolitains, aux évèques et aux supérieurs
des monastères de tous ses Etats. Comme le
malheur des temps avait fait baisser le niveau
des études épiscopales et monastiques, l'empe-
reur veut que désormais les maîtres de ces éta-
blissements d'instruelion publique emploient
tout leur zèle à répandre la lumière : car, dit-
il, s'il importe de bien agir, il n'est pas moins
nécessaire de savoir ce qu'il faut faire. D'ailleurs
il craint que l'ignorance des lettres humaines
ne soit préjudiciable à l'élude des livres saints.
« C'est pourquoi, ajoute-t-il, nous vous exhor-
tons, non-seulement à ne point mépriser les
lettres humaines, mais encore à les apprendre
avec une humble soum'ssion et avec un zèle qui
devra plaire à Dieu, afin que vous puissiez com-
prendre plus vite et plus sûrement les mystères
de nos divines Ecritures. Puisque l'on trouve
dans la Bible des figures, des tropes et d'autres
ornements du discours, il est évident que le
lecteur en saisit la portée S[)ii'ituel!e, d'autant
mieux qu'il est plus versé dans les belles-lettres
'Carol. Magn. Epist. m). » L'on voit, dans les
capilulaires de ce prince, que les écoles épisco-
pales ou monastiques de son temps enseignaient
déjà la grammaire, la médecine, les lois civiles,
les canons de l'Eglise, la théologie des Ecritures
et des l'éres,lc compul. et, en un mot, les saintes
lettres avec les arts libéraux.
III. Une autre institution, qui doit faire bénir
éternellement le nom de (Iharlemagne, c'est la
forme définitive qu'il sut donner aux écoles des
villages et des bonrL's.Jus(pie-U'i,lcs prêtres n'a-
vaient instruit des enfants du peuple qu'en vue
de préparer des vocations nu ministère pa-toral.
Le concile de Vaison, célébré le 17 novembre
b29, dit, en son premier iirticle: « Que, sui-
vant un usage (tabli salutairement en Italie,
tous les prêtres de la campagne recevront chez
eux les jeunes lecteurs qui ne sont point m iriés,
pour laséleverelnourrir spirituellement, comme
de bons pères ; leiu- faisant apprendre les, psau-
mes, lire les l^.-rilures, et les instruisant dans la
loi du Seigneur, alin de se préparer, dans res
jeunes élèves, de dignes successeurs, et de rece-
voir, pour cette bonne œuvre, des éternelles ré-
compenses de la part de Dieu. » La canon ajoute
qu'étant venus à l'âge parlait, si quelques-uns
d'entre eux, par suite des farnlesses de la nature,
veulent contracter mariage, ou ne leur en
ôtera point le pouvoir.
Eviili'mment, le conciie présidé par saint Hi-
laire d'Arles se propose seulement d'entretenir,
dans les presbytères, un noviciat pour les ordres
sacrés. Bing'nam cite deux ca'JOms ou Vl" concile
général de Gonstantinople qui ordonnent d'éta-
blir des écoles gratuites, même dans les villages,
et recommandent aux prètresd'en prendre soin .
Mais, à défaut du texte original et jusiiu'à
preuve du contraire, nous entendons ces deux
articles dans le même sens que celui de Vaison.
Mais, sous l'empire de Gharlemagne,les écoles
curialessont reconstruites sur un nouveau plan.
Les pasteurs continueront, sans doute, comme
par le passé, à instruire les jeunes gens qui
montrent de la vocation pour ï'ètat ecclésiasti-
que; mais ils recevront, en outre, tousles enfants
qui veulent apprendre les lettres, les sciences et
les arts.
Théodnlfe, évèque d'Orléans, l'un des amis
et des confidents de Gliarlemagne, s'exprime
ainsi dans son capitulaire, chapitre xx i- « Que
les prêtres aient des écoles dans les bourgs et
villages, et si quelque fidèle veut leur confier
ses enfants, pour qu'ils apprennent les belles-
lettres, qu'ils les rei;oivent ►■t ne refusent point
de les instruire, avec toute sorte de dévouement,
se souvenant du passage des Ecritures, où il est
dit : Ceux ([ui seront savants brilleront comme
les étoiles du ciel; et ceux qui forment la multi-
tude à la justice brilleront comme des astres
dans l'éternité (Dan. xii, 3). » En instruisant,
qu'ils n'(^■^iL;ollt aucun sa uire pour leur travail,
etn'acciptent des fainilics qi:c le tribut spon-
tané delà reconnaissance. »
Ainsi marchèrent les écoles de l'Eglise, jusqu'à
la fondati(]n des universités ilu moyen âge. Ces
dernières, attirant à eilcs une foule d'étudiants,
nuisirent à la prospérité des écoles épiscopales
et mouastiquesjmais la centralisation des lumières
dans un mi'me foyer, donna un vigoureux élan
au génie de celte glorieuse époque.
PlOT,
curé-doyea de Juzenuesoait.
Biogra p h i e
DOM GUÉRANGER
ABBÉ DE S0LESME8.
(Suite.)
Noua pouvons, en cette année 1873, saluer le
jour l'ù. selon la doctrine du jinpe Clément VHI,
« dans l'Eglise répandue pav tout l'univers, les
fidèles du Ciirist invot^ueront et loueront Dieu
iS78
LA SEMAINE DU CLERGE
Tar les seuls et mpmes rites de chants et
prières (1).» Lo temps est venu où, toutes les
églises de France, successivement ramenées,
par la piuflence et la vigueur de leurs évêques,
aux tradt^ons vénérables de l'antique litui gie,
attestent p,\;s iiautement encore que celles (jui
ne s'en écartèrent jamais, l'importance de
l'unité daub /es formes d'une religion établie
sur l'unité de la croyance et du gouvernement.
Trois grandes circonstances de l'histoire nous
mettent à même de reconnaître le lien qui unit
le sort de la liturgie aux premiers intérêts de
l'Eglise et de la société. Lorsque Dieu voulut
enfin mettre un terme à l'anarchie des races
barbares et constilue»- l'Europe, il donna Char-
lemagne au monde. Or, ce grand prince ne
crut pas avoir assuré la solidité de l'empire
chrétien, tant qu'il n'eut pas appliqué à toutes
les provinces la rcsle romaine de la liturgie.
Plus tard, le Chariemngne de l'Eglise, s;iint
Grégoire Vil, luttant jusqu'à la mort contre la
barbarie qu'avaient enfantée les désordies du
X^ siècle, et poussant avec autant d'intelligence
que d'énergie l'œuvre d'épuration qui sauva
l'Eglise et le monde, taisait appel au principe
de l'unité liturgique, et soumettait l'Espagne à
la prière romaine, en même temps qu'il faisait
reculer devant elle, en Bohême, la liturgie
slave qui s'avançait vers l'Occident. Eutin,
lorsque l'Eglise eût besoin de recueillir toutes
ses forces pour surmonter l'iiffreuse tempête du
XVI* siècle, et sérier d'un lien plus étroit que
jamais les provimes qui lui étaient demeurées
fidèles, ne vit-on p;is le saint concile de Trente,
principal moyen de cette sublime réaction,
après avoir préparé le retour à une liturgie
universelle, remettre aux mains du Pontife
romain cette œuvre d'unité que saint Pie V
accomplit avec tant de gloiie?
Or, si jamais le péril général a semblé récla-
mer, piiur le salutde l'Eglise, le retour vers ces
formes antiques et universelles qui nous relient
aux âges de loi, et rendent visible l'homogénéité
du chiistianisme, n'est-ce pas aujourd'hui où
la religion de Jésus-Christ, est à la veille d'es-
suyer et de livrer les plus violents combats?
L'heure n'est-elle pas vi.nue dedisci[irmer l'ar-
mée, de faire appel à tous les genres de force,
d'effacer tout ce qui ra[ipelle de malheureux
souvenirs, d'arborer partout les couleurs du
Chef contre lequel les portes de l'enfer ne sau-
rnicnt prévaloir? La querelle n'est plus seule-
ment entre l'hérésiii et l'orthodoxie. Quiconque
tient au mariage, à la famille, à la propriété, à
l'ordre Kocia!^ est ou doit être catlioli()ue; qui-
conijue aspire à renverser ces bases sacrérs de
toute soeieli! humaine est ou doit être sectateur
de lu révoluiion imi)ie du xi\° siècle. Dans
1, Cpastitution Cum in Ecclesia, du 10 mai 1602.
des conjonctures si tranchées, il appartient
aux catholiqui'S de comprendre que leur dra-
peau est le drapeau de Rome, et que le moindre
défaut de conformité avec Rome ne saurait que
les énerver. Portons haut l'étendard sur lequel
brillent la tiare et les clefs du Vatican: nous
vaincrons par ce signe (1).
Le retour à la liturgie romai'nfe /était donc,
en France, effectué a l'heure prupice et dom
Guéranger avait été, pour ce retour, l'ouvrier
choisi par la Providence. Toutefois cette révo-
lution si heureuse et si prompte, n'élait que le
côté négatif de l'œuvre. Après l'extirpation des
liturgies particulières, il fallait entrer dans
l'intelligence de la liturgie IraditionEelle; il
fallaiten comprendre le sens religieu.i, la portée
dogmatique et la force morale. Dès le début, le
jeune abbé de Solesmes avait dressé, pour cette
entreprise pieuse, un programme complet. Par
la suite, les péripéties de la polémique l'avaient
obligé de sacrifier un peu l'ordre de son pro-
gramme et d'anticiper sur la suite de ses con-
clusions. De plus, comme il avait eu, dans la
polémique, des auxiliaires dévoués, il lui venait,
pour l'œuvre morale, de puissants collabora-
teurs. Dominique Bouix, l'auteur d'un cours de
droit canon, avait pris en sous-œuvre la thèse du
droit liturgique et offert, en abrégé, la théo-
logie de la science des rites ; François Roulet
de la BouiUerie, évèque de Garcassonne, et
Anne-Thomas Landriot, archevêque de Reims,
avaient étudié la question du symbolisme ; Pros-
per Maugère, l'abbé Bouvry, l'abbé Falise et de
Herdt avaient donné ou promis un commentaire
complet du Missel, du Bréviaire, du Rituel, du
PontiGcal et du Cérémonial des évèques. Dom
Guéranger pouvait donc, pour cerlaiues parties
de sou travail, se décharger sur d'autres, sans
désespérer de leur bon accomplissement. Pour
faire œuvre de bon moine, il avait, au sur plus,
de quoi occuper son zèle apologétique. U'iand
il s'agit de recevoir un frère, la première règle
tracée par saint Benoît, c'est de s'assurer s'il
cherche vr;iiment Dieu, et s'il est empressé à
l'œuvre de Dieu : ^ivere Deuin quœrit, et si sol-
licitus sit ad opus Dei. Or, l'œuvre de Uieu, c'est
le service divin, c'est le chant des louanges du
Seigneur, c'est l'acquittement du tribut de la
nuit et du jour devant l'autel où s'accomplissent
les s.iiuts mystères. Destiné au rétablissement
de la vie mcnastique. dom Guéranger fut tout
d'ab(jrd, et comme d'instinct, passionné pour la
liturgie. De bonne heure il gnùta, il admira,
« l'onction ravissante, l'iûelfEL'le mélancolie, la
teudri'sse incommunicable de ce/. î.,rmules dans
lesrjuelles apparaît taïuot la Joaoe et tendre
confiance d'une royale épouse envers le mo-
narque qui l'a choisie et couronné;, tantôt la
1. Instilutions Ulurgi'iues, t. III, préface, p. U.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
157*
sollicituile empressée d'un cœur de mère qui
s'alarme pour des entants bien aimés; mais tou-
jours cette science des choses d'une autre vie,
sipo'foiide et sf délicate, soitqu'elle confesse la
vérité, soit qu'elle désire en goûter les fruits,
que nul sentiment ne saurait être comparé
au sien, nul langage rapproché de son lan-
gase(l).»
Ce goût précoce pour le culte divin devait
trouver, dans la vie claustrale, une entière sa-
tisfaction. L'Eglise est une maison de prière ;
elle ne répond nulle part à cette destination
mieux que dans les chapelles monastiques. C'est
là qu'on prie avec recueillement, ferveur, ordre,
fréquence et persévrance. A force de prier, dit
le panégyriste de l'abhé de Solesmes, « la vie
liturgique de l'Eglise était devenue sa vie per-
sonnelle, et elle lui offrait toute la méthode de
sa puissante spiritualité. Appliqué à mettre
partout la théologie dans la piété, comme sa
nourriture et sa sève nécessaire, s'il se diffé-
renciait de quelques autres avec lesquels il
sympathisait par la pleine similitude de pen-
sées et par un fonds commun de doctrines (je
nommerai ici William Faber, et je pourrais pro-
noHcer encore un autre nom désormais inscrit
parmi ceux des gran.ls maîtres de la vie spiri-
tuelle), si, dis-jc, il avait son cachet distinct,
c'est que pour lui toutl'orde de l'oraison et des
saintes affections, toute la connaissance et la
contemplation des mystères de Jésus-Christ et
de sa sainte Mère, toute la pratique ie la vie et
des vertus chrétiennes se réglaient sur le mou-
vement el sur le signal quotidien de la litur-
gie (2). »
Après s'être assimilé la vie liturgique de
VEglise, dom Guéranger voulut en écrire le
mystère. C'était, pour la France, une entie-
prise tout à l'ait nniivelle ; une année liturgique
courrait risque <l''étre moins encore que les Ins-
titutions Htv.r gigues. L'esprit nouveau, dont La-
mennais avait été le prophète, l'amour spécu-
latif du Saint-Siège sui'fisait pour faite com-
prendre la nécessité dogmatique d'un retour
aux anciens rites; mais, pour comprendre la
nécessité d'un retour aux anciennes oraliuiies,
il fallait en goûter les mœurs et rien n'était
plus loin de nos habitudes. Depuis deux siècles,
le fait moral, prépondérant en France, c'était
le jansénisme, entant légitime, mais très-dé-
guisè du jiotcstanti-me. Le jansénisme, par
son inQuence propre et par ses accointances,
sympathisait, sous le couvert menteur du li.i^o-
risoie, avec toute» les erreurs, avec toutes les
passions. Fort bien accommodé du gallicanisme,
au moment même où il feignait de hérisser
d'épines les aliords des sacrés tabernacles, il
1. Annéz /i7ur^i7ufi, préface générale.
2. M^r. Pie, Eio^i funèbre da dom GuéranQtr.
élargi-sait les. voies du vice, ccrrompaif, d'un
côté, te gros de la nation, stj de l'autre, ratati-
nait le petit tronpiîau des vrais croyants. La
dévotion était devenue quelque cJaose de sec,
d'étriqué, de froid, de grincheux, Je haïssable,
et elle ne s'est pas encore relevée de cet ana-
tlième. La France avait perdu, depuis Bourda-
loue, les tra lilions de la mysticité, les tradi-
tions de Bosraet et de saint François de Sales,
traditions qui, par les mystiques du moyen âge
et les Pères des temps barbares, remontent jus-
qu'au berceau du christianisme. Un livre sur
l'année liturgique, puisé aux sources, fidèles à
leurs inspirations, était donc tort exposé à être
un livre fermé par les sept sceaux de l'igno-
rance.
Mais il faut entrer ici dans l'économie de ce
grand ouvrage.
{A suivre). Justin Fèvre,
protonotaire apostolique.
Erratum. — A propos du passage où nous
parlons du rétablissement de la liturgie ro-
maine dans le diocèse d'Orléans (n° du 29
septembre), nous avons reçudeux réclamations.
Dans la première lettre, on nous écrit: « Le
dissentiment qui s'est produit, en 1835, entre
l'évèqueetle chapitre, n'avait point pour objet
la liturgie, et n'a jamais été un obstacle à son
rétablissement, proclamé en principe par l'évè-
que et annoncé comme prochain dans une lettre
pastorale de 1834. En fait, à l'heure qu'il est,
la liturgie n'est pas rétablie à Orléans, elle
doit l'être le premier dimanche de l'A vent pro-
chain. »
Dans la seconde leltre, on nous fait observer
que, si, entre l'annonce du rétablissement et le
rétablissement de la liturgie, il s'est écoulé
vingt années, ce n'est pas la faute de l'évèque.
Le retard provient uniquement de ce qu'il res-
tait en magasin un trop grand nombre de livres
de liturgie orléanaise.
Nous admettons ces observations, en faisant
observer, à notre tour, que nous n'avions ac-
cusé ni le chapitre, ni l'évèque.
En présence de ces réclamations, un prélat
delà sainte Eglise nous disait: « Du moment
ijue le diocèse d'Orléans ne pouvait pas être le
premier dans le rétablissement de la liturgie,
i! ne pouvait être que le dernier. » — Pour ne
pas nous attirer uu quatrième procès, nous
avons fait semblant de ne pas comprendre, et
nous avons répondu par le ver* classique :
Devine, si tu peux, et choisis, si tu l'oses,
J.F.
1S80
LA SEMAINE DU CLERGÉ
Sanctuaires célèbres.
NOTRE-DAME DE CHARTRES
{Suite.)
Mais voici que la guerre éclate avec l'Angle-
terre. Vainqueur à Poitiers, Edouard s'avauce
« vers le beau pays de Beauce, » tandis c]ue le
roi Jean subit à Londres sa captivité. Chartres
appreoil que le monarque anglais approciie de
ses murailles. C't'a est fait, les chevaux des
cavaliers anglais foulent déjà sous leurs [lieds
les champs fertiles de la Beauce, lorsque^ tuut
à coup, une tempête eflroyable remplit les sol-
dats du roi d'Angleterre d'une indicible terreur.
Des pierres tombent en telle abondance, dit
Froissard, que beaucoup d'hommes et de che-
vaux succombent (I). Se tournant alors vers
l'église de Notre-Dame dont il pouvait aperce-
voir les majestueuses flèches, Edouard s'age-
ncuille et promet d'accorder la paix, si la Vierge
aux Miracles fait cesser cette terrible tempête
qui décime son armée. Tout à coup l'orage se
calme; le monavqueanglaisserend à Chartres,
« remercie la Vierge, » et signe la paix dans le
château de Brétiguy, le 7 mai 1360. Quelques
jours après, E louard, suivi de ses [irincipaux
officiers, retourne a Chartres, y passe pieuse-
ment sous la sainte châsse avec son lils, le
célèbre Prince noir, et se retire, après avoir
laissé de nombreuses marques de se muni-
ficence.
Le roi Jean, célèbre dans l'histoire par la
fidélité à sa parole, et par sa maxime favorite :
« Quand la bonne foi 'erait bannie de ia terre,
elle devrait se retrouver dans la bouche des
rois, » ne fut jias moins fidèle à ce qu'il avait
promis à la Vierge. 11 se rendit trois fois à
Chartres, (lortant le bâton de pèlerin, et s'ac-
quitta royali'meut de toutes ses promesses. Il
est écrit dans les anciens livres, dit-il dans ses
lettres patentes données en 1356, a que la glo-
rieuse Vierge a choisi l'église de Chartres pour
sa demeure spéciale, comme il a été révélé par
maints miiacle>; » et cette eonsiilératiou lui
rendait chère Notre-Dame de Chartres entre
toutes les églises.
Charles V fut plus remarquable encore par
sa dévotion à la Vierge de Cliartres. 11 s'y ren-
dit pieds nus. et raconte lui-mè.ne son pèleri-
nage dans sel iettres patentes du mois de juil-
let 1 367 : « Nous, Charles, étant venu en l'église
« de Chartres, prosterné dévotement devant
« rim;ige de Nolic-Dame, considérant les
« beaux, gi;mds et notables miracles que notre
a Seigneur Dieu fait de jour en jour eu ladicte
1. Chronique dt Froisiart, édit. Buclion, t. I, p. 432. —
issier. N.-D de Chartres, pèlirinaçis.
« dores en avant en paix et prospérité. » Jean,
duc de Berry, son frère, signala sa dévotion,
non-seulement par des pèlerinages, mais par
le don d'une magnifique Vierg" en or. Après
eux, arrivent Léon de Lusignan, dernier roi
d'Arménie, le comte de Valois, le duc de Bour-
gogne et le valeureux Du Guesclia.
Le xV siècle s'ouvre, pour cette cité, par un
spectacle grandiose. Le 9 mars HO'J, ie roi de
France, Cliailes VI, se re!)d à Notre-Dame et
s'assied sur un trôae. Près de lui prennent
place la Reine, le Dauphin, les rois de Sicile et
« église à l'honneur de la gl iriiîuse Vierge
« Marie, et aussi pour la très-grande et spé-
« c'idle dévotion que nous avons en icelle et à
« ladicte église, nous avons ferme C'^pérance
« que, par ses prières et intercessions, l'état de
« nous et de notre royaume soit et demeure
de Navarre, les ducs de Bourbon et de Berry,
le cardinal de Bar et tous les plus nobles sei-
gneurs tlu royaume. A leursuiîe paraissent les
avocats et procureurs du roi, le prévôt des
marchands, les échevins, l'un des présidents du
Parlement et de la chambre des Comptes,
mandes de Paris pour è;re témoins de cette
cérémonie. Lorsque tous les grands personna-
ges sont réunis, que le silence le plus protond
règne dans cette imposante assemblée, deux
hommes paraissent, le duc de Bourgogne et le
seigneur d'OUehain. Quoique Jcan-sans-Peur
soit le meurtrier du duc d'Orléans, pas un mur-
mure ne s'élève, quelques larmes seulement
coulent, parce qui; le duc de Bourgogne est un de
ces seigneurs terribles dans leur colère, que les
grands et le peuple redouteat. Jean s'avance,
suivi de son avocat, met un genou en terre de-
vant le trône et laisse la parole au seigneur
d'Oliehain, qui implore sa grâce. Le due de
Berry, le Dauphin, les rois de Sicile et de Na-
varre, fléchissant le genou, répètent : « Sire,
« nous vous prions de pardonner à votre cousin
a le duc de Bourgogne. »
Le roi se lève alors de son trône et dit : « Mon
« cousin, pour le bien de notre royaume, pour
« l'amour de la reine et des princes du sang
M royal, nous vous accordons voire pardon. »
Les deux enfants du duc d'Orléans entrent
alors avec cent chevaliers, et viennent prendre
place sur l'estrade. Le ri leur fait part du par-
don qu'il vient d'accorder, les prie de l'avoir
pour agréable, d'y consentir en leur nom, au
nom de leur frère le duc ù'A'^gf^ulèaïc, et de
leur sœur madame Marguerilc. >s ileux pau-
vres enfants voient alors rentier le duc de
Bourgogne qui s'avance vers eux, suivi de son
avocat. « Monseigneur d'Orléans et messei-
gneurs ses fières, uit le seigneur d'OUehain,
voici monseigneur le duc de Bourgcgua qui
vous supplie ae bannir de vos cœurs toute haiu»
LA SEMAINE DU CLERGÉ
138}
et toufe vengeance, et d'être bons amis avec
lui. I) Le duc ajoute de sa propre bouche :
« Mes chers cousins, je vous eu prie. » Les
jeunes priuces ne peuvent retenir leurs larmes.
La reine, le dauphin et les seigneurs du sang-
royal approchent d'eux et les prient d'oublier
le meurtre de leur père. L'assemblée tout en-
tière ne peut contenir son émotion, chacun
déplore le trépas du duc d'Orléans, lorsque le
roi, du haut de son trône, adresse ces p.noles
aux fils de la viciime : « Mon trés-chei- tils 1 1
mon très-cher neveu, pardonnez, n Et ils par-
donnent (1)1
Sous Charles VI, Louis de Bourbon, comte
de Vendôme, vient à Chartres pour accomplir
un vœu fait à iNotre-Dame, au fond de la pri-
son où son frère, le comte de la Marche, le rete-
nait depuis dix mois. La procession du Chapi-
tre, le 31 mai 1413, jour des Rogations, rencontre
ce prince monté sur un cuursier et suivi de
nobles chevaliers et de ses écuyers. Louis de
Vendôme met pied à terre et suit la procession
jusqu'à la calhédjale- Le lendemain, jour de
l'Ascension, il se rend à l'issue desmaliues, nu
en chemise, tenant un cierge à la main, devant
la porte royale où le clergé vient le recevoir.
Descendant ensuite dans la sainte grotte, il
accomplit sou vœu devant l'antel de la Vierge
Noire, et fournil les sommes nécessaires pour
l'érection de la chaiielle qid porte son nom (2).
Quelque temps après, les Anglais, expulsés de
la Beauce, regagnent leur royaume, et Char-
les VU reconnaît l'éclatante renommée de Notre-
Dame. Louis XI séj(iurne quelquefois à Charlrrs,
dont il aime à vénérer les statues privilégiées,
laissant presque à chaque pèlerinage des mar-
ques de sa munihoence. Peu de temps avant la
mort de ce monarque, sortent de la maison
d'un docte chanoine, Piirre Plume, le premier
missel et le premier bréviaire du diocèse, impri-
més par les presses ambulantes de Jean Dipré.
Deux gros bourdons, Marie de 27,000 livres et
Gabrielle de 20,000 ajoutent un nouvel éclat à
la sonnerie déjà si célèbre de Notre-Dtime.
Louis XII fit, comme comte de Chartres, son
entrée solennelle dans cette cité, en 1503; son
premier ministre, Georges d'Amboise, l'y avait
précédé. François 1", ayant hérité du comte
de Chartres en devenant roi de France, fit
pareillement son entrée solennelle en cette
ville, et y revint plusieurs fois dans le cours de
son règne. Il se plaisait à prier dans la cathé-
drale avec Louise de Savoie sa mère. Henri H y
vint avec une brillante escorte remercier Notre-
Dame de ses succès. Eu 15G0, ou y vit Fran-
çois II, qui y passa trois jours avec la reine
1. MoQstrelet. Chronique. — Juvéaal des Ursins, Vie de
Charles VI. — De l'Epinois, Histoire de Chartres. — Assier,
Notre-Dame de Chartres.
2. De riipinoiSj Histoire de Chartrts,
son épouse, Marie Stuart, accompagnée des car-
dinaux de Lorraine et de Chàtillon, du duc
de Guise, de Catherine de Médicis, et d'un grand
nombre de seigneurs. Charles IX y célébra les
fêtes de Noël de l'année 1563. Henri III y fit
jusqu'à dix-huit voyages et y fut visité par le
légat du oaint-Siége, par la reine de Navarre
et la reine mère, par le cardinal de Bourbon,
les ducs de Montpensier et de Nevers, le maré-
chal de Biron, Grillon, d'Enlragues, et plusieurs
autres qui s'unirent au roi, tant dans les |)ro-
cessions faites à son occasion à travers la ville,
que dans les confréries de pénitents qu'on y
établit (I). La reine voulut y venir à son tour,
elle accomplit ce dessein d'une manière digne
de sa piété. Elle fit à pie.l le voyage de Pans à
Chartres; les dames de la cour qui l'accompa-
gnaient, partagèrent avec bonheur cette grande
fatigue.
{A suivre.) L'abbé Leroy.
BIBLIOGRAPHIE
Traité «Ses dîspcaisefiiiitatrâjmoniales,
manuel pratique à l'usuge du curé, du confes-
seur et de l'oi-dinaire, par M. L'abbé Joseph-
Marie TÉPHA.NY, chanoine titulaire de l'Eglise
cathédrale dft Quinjper. 1 vol. iu-8 de 4til p.
Chez L. Vives, libraire-éditeur, rue Delam-
bre, 13, Paris.
Nous croyons rendre un véritable service à
MM. les curés, confesseurs et ordinaires en leur
indiquant un livre ()ui leur est. sinon néces-
saire à tous, certainement de la plus grande
utilité. Sa bonne méthode, son exactitude, sa
clarté, sa facilité d'exposition le rendent d'un
usage facile. 11 a, sur les anciens traités touchant
les mêmes matières, l'avantage de donner les
décrets et décisions postérieurs aux anciens, et,
par cela même, de f.iire connaître les modifica-
tions qu'on ne peut ignorer dans la pratique. Il
ramène aux vraies notions canoniques, et offre
les moyens de remédier à de graves abus contre
esquels les ordinaires ont souvent à lutter. L'au-
teur, attaché aux bmis principes et aux saines
doctrines, s'appuie continuellement sur les dé-
crets et rescrits du Saint-Siège et sur les cauo-
nisles les plus autorisés. Il s'agit ici de droit posi-
tif, (jue l'on n'analyse point; en induiuaut
sommairement ce dont traite l'ouvrage, nous
l'aurons tait connaître. Dans la première partie,
il traite des empèchemeuts dirimants et prohi-
bants; — daus la seconde, des ^'aisons cano-
niques; — dans la troisième, de la dispense des
empêchements; — dans la quatrième, de la sup-
plique, de la taxe, de l'examen et des clauses des
rescrits ou brefs, du vicaire capitulaire, de la
seconde enquête, des vices des lettres apostoli-
ques, de l'obreption, de la subreption, de l'exé-
1, Chevarii t. II. o 305.
i58S
LA SEMAINE DU CLERGE
cution des dispenses, du perinde valere, du ma-
riage occulte, du mariage morganatique, de la
publication de? bans. — On ajoute ditlerentes
formules pour robtention et l'exécution des dis-
penses, et quelques questions touchant la célé-
bration des man'ages. M. le chanoine Téphany a
rendu, par son excellent livre, un vrai service
dont tous ceux qui en profiteront lui sauront
gré. Mgr Le D' Maupied,
caménier secret de S. S. Pie IX,
CHRONIQUE HEBOOmADAIRE
Pèlerins belges au Vatican. — Discours du Pape sur
les épreuves actuelles de l'Eglise. — Le Collége-
fiomain. — Succès du séminaire de Santa-Chiara.
— Bref du Pape aux membres de l'Union des
Œuvres caiholiques. — Règleiaent de l'université
catholique d'Angers. — Détails sur l'assassinat de
Garcii Moreno. — Pes principales œuvres publii-iues.
— L'instruction et la moraliié dans l'Equateur.
Paris, 8 octobre 1875.
Rome. — De nombreux pèlerins continuent
d'affluer dans la Ville Sainte, tant pour gagner
l'indulgence du Jubilé que pour porter à l'au-
guste prisonnier du Vatican l'hommage de leur
filial attachement. Après ceux de Laval sont
arrivés ceux de Besançon et de Nîmes. La Bel-
gique a aussi envoyé un groupe d'une soixan-
taine de pèlerins, qui ont été reçus par le Saint-
Père dimanche dernier, le 3 de ce mois. Pie IX
s'est présenté à eux avec une affabilité extrême,
entouré de cardinaux, de prélats et de person-
nages de distinction. Après la lecture de l'A-
dresse des pèlerins, le Saint-Père a répondu par
le discours suivant :
« Je ratifie ce qui vient d'être dit avec un si
grand accent de vérité, en votre nom et au
nom de vos si nombreux amis et compatriotes;
et pourtant, il est douloureux pour moi, au
moment où j'ai ressenti tant de joie de vos
protestations d'amour si bien exprimées, pro-
testations qui me viennent aussi d'autre part,
d'avoir toujours à répéter des paroles de lamen-
tations et de tristesse, à cause de l'état dans le-
quel se trouve l'Eglise de Jésus-Christ.
» Pourrais-je tenir un autre langage ? Etabli
par Jésus-Christ comme première sentinelle
dans celte mystique vigne, devrais-je donc
dire : Posuerunt me custodem in vineis : et vineam
rneam non custodivi? Avec l'aide de Dieu, son
Vicaire ne sera jamais réduit à être le chieu
muet. Que le monde entier le sache ; si je me
lamente sur les maux de i'Eglise, c'est que Dieu
le commande et que je dois lui obéir. L'Eglise
dépouillée, enchaînée, opprimée, se tourne
vers ses persécuteurs, surtout vers ceux qui
dirigent les destinées des peuples, pour jeter
un cri de douleur, repétant les paroles de son
divin Fon/lateur : Cur me cœdis ? Pourquoi me
faut-il voir dans quelques contrées de l'Europe ,
mes enfants exilés, punis, condbiflinés et jetés
dans les cachots, uniquement parce qu'ils sont
mes enfants, c'est-à-dire les enfants de la vé-
rité.
» Pourquoim'enlevez-vous les droits que Jésus
Christ m'a donnés, la liberté d'enseignement,
la liberté de choisir les lévites qui doivent faire
partie de la hiérarchie? Pourquoi empêchez-
vous les évêques de laver les taches et de guérir
les plaies qui souillent le sanctuaire, non-seule-
ment en leur enlevant les moyens de punir,
mais ce qui est pire encore, en accordant des
bénéfices et des honneurs à ceux qui méritent
un châtiment exemplaire?
» Pourquoi ici, oui ici à Rome, dans le centre
du catholicisme, permettez-vous le libre exercice
de toute fausse religion? Pourquoi permettez-
vous aux docteurs de l'erreur de pouvoir ensei-
gner n'importe quelle hérésie? Et pourquoi
opprimez-vous les instituteurs et surtout les
institutrices catholiques, en les soumettant à
des examens insidieux, en vous érigeant en
juges dans des matières qui ne vous appar-
tiennent pas? Pourquoi profanez-vous les fêtes
en commandant d'exécuter des travaux et en
vous moquant ouvertement des commande-
ments de l'Eglise? Cur me civdis?
1) Et vous, gouvernants de l'Italie, que pré-
tendez-vous? avoir le patronat des bénéfices
ecclésiastiques, en alléguant que vous l'avez
reçu par héritage, sans penser que la patronat
ne s'acquiert pas par des successions de ce
genre et encore moins par usurpation? Telles
sont les questions et bien d'autres que pose
l'Eglise et auxquelles, ou on ne répond pas, ou
on répond avec un cynique mépris.
» Mais, pendant que vous me persécutez, dit
l'Eglise, vous chargez votre âme de mille pé-
chés, qui augmentent chaque jour et accélèrent
votre tin : Paucitas dierum vestrorum finielur
brevi, et peregrinatio vestra super terram vergit
ad finem. «
u Arrêtez-vous donc, ou vous serez foudroyés
par cette terrible sentence : Mors peccaiorum
pessima. Plaise à Dieu que je puisse me faire
entendre 1
« Du reste, mes très-chers fils, je vous renou-
velle l'assurance de mes sentiments affectueux
pour vous Je vous engage, avec tous les bons
catholiques, à être fermes, constants et unani-
mes à revendiquer toujours des gouvernants la
liberté de l'Eglise; et de même quft j'ai dit, il
y a quelques jours, aux bons pèlerins dt; Laval :
« Parlez, » je le dis aussi à vous. Kutre toutes
les choses que vous devez reclamer de vos
gouvernants, demandez que le sacrement de
mariage précède le contrat civil, et la con»:
LA SEMAINE DU CLERGE
1S83
cîcnce des prêlres ne sera plus en angoisses.
n Ils ne se trouveront plus daos des situa-
tions parfois bien dilficiles, et les contractants
qui ne se sont pas mariés à l'égiise ne vivront
plus dans une union illicite et répiouvable.
Parlez? afin que l'Eglise soit libre de toute en-
trave et qu'elle puisse agir pour le bien des
âmes.
» Je sais que l'Eglise ne craint aucune opposi-
tion, parce qu'elle est bâtie sur un roc iné-
branlable. Ses ennemis mêmes le comprennent,
s'ils ne l'avouent pas. Mais loin de vouloir la
reconnaître pour ce qu'elle est, pour une mère
aimante, ils la regardent comme une ennemie,
avec défiance et jalousie, lui niant la liberté
qui lui appartient. S'ils étaient affianchisdes
passions qui les aveuglent, ils reconnaîtraient,
en con.'^idérant le caractère de l'Eglise, que la
liberté qui lui est accordée est toujours avan-
tageuse à celui qui la donne. Accordez, par
exemple, aux religieux la liberté de se consti-
tuer en corporations, et vous verrez les avanta-
ges qui en résulteront.
» Je ne referai pas ici leur apologie, déjà faite
en d'autres circonstances ; je ne rappellerai
qu'un exemple des avantages pratiques de leur
existence, celui de l'aumône faite à la porte
des couvenis au pauvre qui souflVe de la faim,
qu'un peu de soupe remet et qui retrouve ses
forces avec un morceau de pain. 11 en était ainsi
avant l'expulsion sacrilège des ordres religieux
à Rome, et la société se ressentait de ces bien-
faits. Maintenant que tout cela a disparu, n'est-
il pas arrivé plus d'une fois qu'un pauvre mal-
heureux, exténué de faim, soit tombé par terre ?
Si le clergé n'était pas dépouillé, il pouirait
avec plus de soin catéchiser et instruire le
peuple et rendre à la société le grand service de
diminuer le nombre des délenus en prison.
» Moralisez notre peuple, qui en a grande-
ment besoin, i> disait à un évèque, qui me l'a
raconté, un personnage anglais, membre du
ministère, un peu avant le rélablissement de
la hiérarchie en Angleterre; et l'évéque promit
de faire tout son possible, avec ses cotlègues,
pour répondre au si juste désir du noble lord.
Ici, le cabinet agit en sens contraire et aban-
donne 11' peuple à ces prédicateurs, qui sèment
le vent pour recueillir la tem^tête.
» En général, certains gouvernements crai-
gnent que leurs peuples ne deviennent trop
a cléricaux, » comme ils disent, et voudraient
pour cela que ceux-ci s'occupassent peu ou pas
du tout de Jésus-Christ, semblabl a aux liabi-
tants de Gerasa dont ils imitent la conduite.
1) Ces habitants de Gerasa, voyant plusieurs
de leurs concitoyens délivrés des esprits infer-
naux dont ils élaient possédés, mais ensuite ce»
esprits infernaux entrer dans un troupeau d'a-
nimaux immondes et les précipiter dans un lac
où ils périrent entièrement, se présentèrent
devant Jésus-Christ, pour le prier de quitter
leur territoire. Craignant sans doute que le
reste de leur bétail ne pérît de la même ma-
nière^ ils se déterminèrent à éloigner Jésus-
Christ, aimant mieux être privés de sa présence
que de s'exposer à perdre leurs bestiaux et leurs
biens.
» De même l'on préfère à présent l'amitié des
libres-penseurs à celle de Dieu, et l'on qunlifie
un genre dévie vraiment chrétien de fanatisme
religieux.
« Mais si telles sont les pensées de ceux qui
sont à la tète du mouvement révolutionnaire,
ce ne sont pas les vôtres ni celles de tant de
millions do catholiques, qui sont unanimes à
chercher, avant tout, la gloire de Jésus-Christ,
le bien des âmes et la liberté de l'Eglise.
« Après avoir quitté les habitants de Gerasa,
Jésus-Christ traversa le lac sur une petite bar-
que, et, de l'autre côté du rivage, il trouva un
peuple nombreux qui l'attendait, avide de re-
cevoir les paroles de la vie éternelle, qui ve-
naient de ses lèvres, et d'admirer les prodiges
opérés par son bras tout puissant.
a C'est ce qui arrive encore aujourd'hui. Jé-
sus-Christ est chassé par les novateur? politi-
ques, mais il e.-t accueilli par vous el tous les
peuples qui vivent dans la foi. Les malheureux!
ils chercheront un jour le Rédempteur ; mais
hélas ! ils ne le trouveront pas. Quœretis me et
non invenietis, et in peccato vestro nioriemini
Quel sujet de réflexion pour tousl
» Mais, vous qui appartenez à Dieu, parce
que vous l'écoutez : l'os audilis me, quia ex Deo
estis, vous trouverez Dieu toutes les t'ois que
vous aurez besoin de lui. Persé\'érez ainsi, très-
chers fils el que tous ceux qui vous sont unis
d'esprit persévèrent avec vous : Sic slate m
Domino, carissimi.
» Mon Dieu, jetez vos regards de miséricorde
sur tous vos enfants. Bénissez tous ceux qui
sont ici, leurs amis, parents et alliés. Bénissez,
réconfortez et éclairez ceux qui les gouvernent,
bénissez-les tous, de quelque condition qu'ils
soient, afin que votre bénédiction rende pour
eux moins triste celte vie mortelle et qu'elle
soit comme un gag:e de la vie future et éter-
nelle. » — Benedicrio Dei, elc.
Il nous semble avoir déjà dit que le célèbre
Collège-Romain, chassé par les hommes du
20 Septembre des locaux où il existait depuis sa
fondation, tient maintenant des cours dans les
bâtiments du collège germanique. La haine
particulière dont la Révolution poursuit le célè-
bre collège n'en a pas détourné les étudiants,
dont un grand nombre ont conquis, à la fin de
ISSi
LA SEMAINE DU CLEP.GÉ
l'ariTiée scolaire, les praires cle docteurs, de
l'ccDciés et lie bacheliers en théologie et en
Philosophie. Aux concours qui s'y sont faits
Pour la distribution des prix, et auxquels pren-
nent parties élèves de tous les collèges et sémi-
naires étrangers existant à Rome, le triomphe
a été pour notre établissement de Santa-Chiara.
Les prix les plus impurtants ont été remportés
par ses élèves. Le séminaire de Santa-Chiara a
fait recevoir trois docteurs en théologie et trois
docteurs en philosophie. On comprend qu'en
présence de pareils succès, le Saint-Père témoi-
gne à cet établissement un intérêt tout à fait
spécial. Aussi la rentrée s'annoncet-elle^ ainsi
que nous l'avons déjà drt, comme devant être
très-nombreuse. Ce séminaire est appelé à
donner à nos universités catholiques et surtout
à nos séminaires diocésains la plupart de leurs
professeurs.
France. — En réponse à l'Adresse des mem-
bres du Congrès de l'Union des œuvres catholi-
ques, le Saint-Père a envoyé, le 16 septembre,
à Mgr Langéuieux, archevêque de Reims, un
bref dont voii;i les passages les plus intéres-
sants :
« Il y a là (dans le développement de l'Union)
une marque sensible de ia bonté divine et en
même temps un insigne bienfait, rendu non-
seulement aux âmes arrachées en grand nom-
bre aux embûches et à la perdition des sociétés
secrètes, mais encore à la religion, à la famille,
à la pairie, contre qui on aurait employé et
poussé toutes ces forces. Aussi quand, grâce à
vous tous, ces hommes, imbus des maximes
chrétiennes, auront appris à aimer Dieu, à
garder des mœurs pures, à respecter l'autorité,
à obéir à leurs chefs, à supporter de bon cœur
l'infériorité de leur condition, sans porter envie
à personne, et seront dç.venus ainsi les défen-
seurs de cet ordre social dont ils auraient été
sans cela les destructeurs, vous aurez accompli
une œuvre si sainte, si noble, si utile, qu'il est
{iresque impossible d'en imaginer une meil-
eure, surtout dans les temps où nous vivons.
» 11 est lourd, sans doute, le fardeau de
sollicitudes, de dépenses et de pei»es que vous
vous imposez volontairement; mais pourriez-
"vous ne pas voir combien tout cela est grand
devant Dieu comme devant les hommes, et
quelle récompense vous réserve le Père céleste?
Excités par cette espérance, continuez de grand
cœur à développer l'œuvre que vous avezentre-
Î irise ; enlevez à l'impiété sa proie, ramenez à
ésus-Cheist les brebis qui lui ont été ravies,
rendez à la patrie ses citoyens, aux enfants
leurs pères, aux parents leurs lils, au travail
des ouvriers utiles, et ainsi faites eu sorte, dans
la mesure de vos forces, de raflermir la société
qui chancâlle sur ses bases... »
La déclaration légale pour l'ouverture de la
faculté catholique de droit, à Angers, a été
faite le 1" octobre. En même temps, le règle-
ment a reçu l'approbation de S. Em. le cardinal
archevêque de Rennes, de S. G. Mgr l'arche-
vêque de Tours et de NN. SS. les évêques de
Laval, d'Angers, du Mans, de Luçon. L'intérêt
qui s'attache à tout ce qui concerne la fonda-
tion de nos universités calholiques nous fait un
devoir d'insérer ici ce règlement. Le voici donc,
el que le publie l'Etoile, d'Angers :
RÈGLEMENT DE LA FACULTÉ DE DROIT D'AN&ERS
TITRE PREMIER. —DE l'INSCRIPTIOH.
Art. 1". — Pour prendre une insciipliop. à la
Faculté de droit, il faut avoir seize ans rév.tlus
et fournir les pièces suivantes : 1° une expédi-
tion dûmeiit légalisée de sou acte de naissance;
2° son diplôme de bachelier es lettres, ou un
certificat d'admission à ce giade, visé par le
recteur de l'Académie dans laquelle on aura été
reçu.
Si l'étudiant est mineur, il doit justifier du
consentement du parent sous la puissance du-
quel il se trouve, ou de son tuteur.
Art. Sî. — Ceux qui n'aspirent qu'à obtenir un
certificat «le capacité, ne sont pas tenus de pro-
duire le diplôme de bachelier es lettres.
Art. 3. — Le registre des inscriptions pour
le premier trimestre de l'année scolaire est ou-
vert du 1" au 15 novembre, de une heure à
deux heures.
Ceux qui ont été reçus bacheliers es lettres
dans la session de novembre sont admis à pren-
dre leur première inscription jusqu'à la fin de
la session.
Le registre sera ouvert : pour le deuxième
trimestre, le 3 janvier ; pour le troisième, le
1" avril ; pour le quatrième, le 1" juin, il sera
clos le tô des mêmes mois. Le prix d'inscrip-
tion est de 40 francs.
Art. 4. — Les étudiants ne peuvent prendre
de nouvelles inscriptions qu'après avoir jus-
tifié de leur assiduité aux cours du trimestre
écoulé.
TITRE II. — DE LA FRÉQUENTATION DES COURS.
Art. 5. — La durée de chaque leçon est d'une
heure au moins et d'une heure et demie au plus;
personne ne peut sortir de l'auditoire avant
que la leçon soit terminée.
Les professeurs peuvent s'assurer des progrès
des étutiiants en leur adressant des questions
sur les matières de l'enseignement.
Une dissertation écrite sur les mêmes matières
fst obligatoire pour chaque trimestre. Il en
sera rendu compte publiquement par les pro-
fesseurs respectifs.
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1585
Art. 6. — Les cludiants Pont tenus de fré-
quenter avRC exaeliluilc tous les cours, même
extraorilinaires ou facullatifs, pour lesquels ils
se sont 'jiscrits et qui sont mentionnés dans le
programme. La même obligation existe pour
les conférences préparatoires du baccalauréat,
de la licence et du doctorat.
Art. 7. — Les étudiants qui désirent être
dispensés de la f.-équentation d'un ou de plu-
sieurs cours doivent adresser une demande mo-
tivée à la faculté.
Art. 8. — Ne sont admis à fréquenter les
cours que ceux qui ont été portés au registre
des inscriptions, et qui sont munis de leur
carte d'entrée.
Art. 9, — Ceux qui, sans avoir été inscrits,
veulent suivre un cours, doivent s'adresser par
écrit au professeur, qui transmet leur demande
eu recteur. Le professeur leur communique ce
qui a été arrêté.
Ceux qui désirent assister à une leçon doi-
vent en faire la ilemaude au professeur, soit
directement, soit par l'entremise de l'appari-
teur.
Art. iO. — Un concours annuel sera ouvert
entre les étudiants de la même année. Des
prix seront distribués aux lauréats.
TiTRE m. — DES AUTORITÉS DE LA FACCLTÉ.
Art. 11. — La faculté sera administrée con-
formément à l'article 4 de la loi du 22 juil-
let 1873.
Art 12. — Les autorités académiques de la
faculté sont le recteur et le doyen. Les profes-
seurs, conjointement avec le secrétaire, for-
ment sous la présidence du recteur, le conseil
rectoral. La réunion ordinaire du conseil a lieu
le premier lundi de chaque mois.
TITRE IV. — DE LA DISCIPLINE DE LA FACULTÉ.
Art. 13. — Le maintien de la discipline est
spécialement confié au recteur.
Des internats serontouverts pour les étudiants
au gré de leurs familles. Ces maisons auront
chacune un règlement particulier, approuvé
par le conseil rectoral.
Arl. 14. — Les étudiants doivent professer
la religion catholique et en remplir les de-
voirs.
Art. 15. — Les dimanches et les jours de fête,
les étudiants externes assisteront aux othces de
leur église.
16. Des conférences religieuses, obligatoires
pour tous les étudiants, auront lieu a diflé-
rentes époques de l'année.
Art. 17. — Les étudiants externes doivent,
dans les trois jours de la prise de domicile, re-
mettre au recteur leur adresse, portant le nom
•delà rue, le numéro de la maison, le nom et
la profession des personnes chez lesquelles ila
se sont loués.
Les mêmes renseignements devront être
fournis à chaque changement de domicile.
Art. 18. — Les étudiants externes devront
habituellement rentrer chez eux à dix heures
du soir.
Les habitants de la ville qui louent des ap-
partements à des étudiants sont engagés à prê-
ter leur concours au maintien de cette dispo-
sition.
Art. 19. — L'entrée de toute maison dont la
réputation ne serait pas reconnue irréprochable
est rigoureusement défendue.
TITRE V. — DES PEINES ACADÉMIQUES.
Art. 20. — Les peines académiques sont :
1° Les admonitions ;
2° La suspension du droit de fréquenter les
cours ;
3° L'exclusion de la faculté.
Art. 21. — Les admonitions sont faites par
le conseil rectoral.
Comme on s'y attendait, les prétendus parti-
sans de la liberté, qui ont combattu la loi de la
liberté de l'enseignement supérieur avec une
passion furieuse, n'ont point épargné au règle-
meut d'Angers leurs critiques. Mais, de même
que leurs attaques contre la loi en faisaient
mieux voir l'importance, de même aujourd'hui
leurs diatribes contre le règlement ne servent
qu'à en faire mieux comprendre l'excellence.
S'il n'était pas si bon, ils n'en diraient pas tant
de mal. La désapprobation des ennemis trompa
moin^ que l'approbation des amis.
Equateur. — On connaît maintenant quel-
ques détails sur l'assassinat de Garcia Moreno,
président de la République équatoriale. Ce
crime, ce parricide avait été concerté depuis
quelque temps dans les antres de la franc-
maçonnerie. Le bruit s'en était répandu, et l'on
en parlait avec effroi. Mais Garcia Moreno n'en
poursuivit pas moins son œuvre. En abandon-
nant l'Eglise, il eût sauvé sa vie : il n'y pensa
même pas. Il est donc mort martyr, et Pie IX
l'a publiquement honoré. C'est le 6 août, fête
de la Transfiguration de Noire-Seigneur, qu'il
est tombé sous les coups de trois assassins.
L'un d'eux a été tué sur place par une senti-
nelle accourue au bruit; les deux autres ont pu
échapper et ne sont pas encore retrouvés. Gar-
cia Moreno rentrait de l'église voisine au palais
du Gouvernement. Il portait sur lui le message
qu'il devait adresser au Congrès national, le
jour prochain de l'expiration de ses pouvoirs.
On l'a trouvé lâché de son sang. C'est un admi-
rable document, rempli de patriotisme et de
foi, mais que sa longueur ne nous permet pa»
de reproduiïe. Garcia Moreno y trace le tableau
1S86
LA SEMAliNE DU '^lERCË
de ce qui s'est fait ai bien dans 1 Equateur
durant sa dernière présidepce. et il en fait
remonter tout le mérite « à Di3u t.t à l'Imma-
culée dispensatrice des inépuisables tfésors de
sa miséricorde. »
Garcia Moreno n'a vécu que quelques ins-
tants après avoir été frappé. Sa dernière parole
a été : Dieu ne meurt pasf Son corps a été aus-
sitôt reporté à l'église, d'où il venait de sortir,
et déposé dans la chapelle de Notre-Dame des
Sept- Douleurs, pour laquelle il avait une par-
ticulière dévotion.
Toute sa nation le pleure, comme Israël pleu-
rait autrefois ses héros. Mieux encore que pen-
dant sa vie, elle comprend ce qu'était Garcia
Moreno, et quelle perte elle a fait en le per-
dant.
Voici le bref résumé que publie Y Univers des
principales œuvres publiques de Garcia Moreno
pendant sa dictature t-t ses deux présidences,
c'est-à-dire dans l'espace de onze ans :
n Refonte de la Constitution.
» Recettes des douanes converties en revenus
nationaux, et non provinciaux.
s Re[irésentation nationale basée sur la popu-
lation totale du pays, et non sur le privilège
des villes.
» Etablissement d'un tribunal des comptes.
» Organisation des cours de justice.
» Fondation d'une école polytechnique, con-
fiée en partie aux religieux jésuites. Pour le
moment, l'école est trop grande; le pays ne
fournit pas encore assez d'élèves.
B Création d'un oliservatoire astronomique
dirigé par les jésuites et construit par eux. Cet
établissement est l'un des plus beaux et des
mieux meublés qu'il y ait au monde. A cause
de la position de Quito, Garcia très-versé dans
les sciences mathématiques, voulait le rendre
incomparable. 11 a donné la plupart des instru-
ments.
» Voies de communications et routes. Garcia
a fait et presque achevé cinq grandes routes.
La principale, celle de Guayaquil à Quito,
s'étend sur quatre-vingts lieues. Elle est pavée
et compte cent vingt ponts. C'est un travail
soli'le et admirable, dont les difficultés parais-
saient invincibles.
M Fondation de quatre nouveaux diocèses.
R Concordat avec le Saint-Père.
» Réforme du clergé régulier, rétablissement
de la vie commune et de l'état monastique.
» Formation de l'armée. L'armée était un
ramas qui n'avait ni organisation, ni obéissance,
ni unitorme, ni chaussure. Elle est organisée à
la française, habillée, chaussée et disciplinée,
et l'exemple et le salut du pays.
» Etablissement de phares à Guayaquil. Il
n'y en avait pas sur toute la côte.
>: Réforme de l'administration des dcuanes,
monlitè rétablie, revenus triplés.
» Collèges dans toutes les villes; écoles dam
les moindres villages; des Frères de ^a doctrine
chrétienne partout.
» Ecoles de tilles. Sœurs de la Charité, di
Sacré-Cœur, du Bon-Pasteur, de la Providence
Petites-Sœurs des Pauvres.
» Hôpitaux. Pendant sa prem.iére présidence
M. Garcia destitua le directeur de l'iiôpital d(
Qiùto, qui avait refusé de recevoir un pauvre
et qui était fort négligent. Il se fil nommej
directeur à sa place. Il visitait l'hôpital tous le;
jours, réforma le service et le mit sur un bor
pied. Il fit là plusieurs actes de charité héroïque
» Maintien et accroissement des congréga-
tions. 11 était membre de la congrégation de:
pauvres.
» Création de quatre musées.
» Le protectorat ealholipie, vaste et magni-
fique école des métiers, à l'exemple de San Mi-
chèle de Rome, tenue par les Frères de la doc-
trine chrétii'une.
» Conventions postales avec divers Etats.
» Embellissements et nettoya; ge de villes
Guayaquil, et surtout Quito, sont absolumen
transformés.
I) Lorsqu'il y avait une révolution, et c'étaii
souvent, le gouvernement nouveau frappait ar-
bitrairement de fortes contributions sur le part
vaincu. Garcia Moreno a aboli cette coutume.
Pondant son pouvoir, il n'aimposé aucune con-
tribution à personne, et celles que prélève l'Etal
n'ont pas été augmentées. »
A ce brillant tableau, nous ajouterons deuî
traits qui nous sont fournis parle dernier mes-
sage de Garcia Moreno, dont il a été questior
plus haut, et qui regardent l'instruction publi
queetla moralitépublique. Il résulte des stati.^-
tiques de l'instruction publique que le nomb.f
des élèves fréquentant les écoles a plus ru-:
doublé sous l'administration de Garcia Moreno
Eu 1867, ces élèves étaient au nombre de < 3, COO
et, en tS75, ils sont de 32,0l;0. En ce qui con-
cerne la moralité publique, il suffit dédire c.a':
sur une population de plus d'un million d'ha-
bitants, il ne se trouve pas assez de criminel;
pour remplir la « pénitencerie, » laquelle ce
pendant ne peut contenir que 300 individus.
Eh bien ! c'est l'homme quia accompli toute;
ces grandes choses que les sectaires ont fait as-
sassiner. Et ils se disent les amis du progrès,
de la civilisation, du peuple.
P. d'Hautkrive.
Tome VI. — N° 52. — Troisième année.
20 octobre 1875.
SEMAINE DU CLERGÉ
SERMON POUR LA FÊTE DE LA TOUSSAINT
LES SAINTS.
Qui vcerit, daho et seilere meciim in trono meo. —
La victoire de mon disciple lui vaudra l'honneur de
partager mon trône. {Ai'oc, m, 21.)
Vo\is avez là, mes frères, en deux mots, la
définition d'un saint et le résumé des gloires
dont Notre-Seigni'ur se plalt à l'environner.
Un saint, c'est un victori 'ux, un triomphateur...
guivkeiit... Il aura le privilège de partager le
double trône sur lequel le Cliiist est adoré, son
trône du ciel et son trône de la terre... dabo ei
tedere mecuin...
La fête d'aujourd'hui réalise, en partie, la pro-
messe de Notre- Seigneur. Après avoir fait dé-
61er sous nos yeux cette foule innombruble de
tout âge, de toutes conditions et de toutes tri-
bus, après avoir entr'ouvert les cieux et nous
avoir montré les élus dans la gloire céleste de
leur chef, l'Eglise se recueille, et, unissant leurs
Qoms au nom du Christ, elle entonne leur gloire,
recueille leurs ossements et les installe sur un
trône impérissable Dabo ei sedei-e mecum...
Mais reprenons, mes frères, j'ai dit que les
saints sont des victorieux... Qui l'ïcenY... Toute
victoire suppose un combat, une lutte... Avant
3e porter une plume à la main, les saints ont
donc tenu les armes du combat... Oui, mes
frères, et c'est au combat que je dois vous ap-
peler aujourd'hui. Car la guerre nous est dé-
clarée, une guerre de tous les jours et de tous
les instants. Les Saintes-Ecritures n'appellent
la vie de l'homme (jue du nom de combat.
Militia est vita honiims super terrum. Tout le
monde vous résistera, dit Noire-Seigneur a ses
disciples... Il faut une âme violente pour en-
lever le ciel. C'est au milieu de loups que nous
sommes envoyés... Pour suivre le Christ, il faut
savoir renoncer à tout. Enfin, revendiquant
l'homme et la responsabilitii de cette prise
d'armes générale, Notre-Seigneur s'écrie : je
ne suis pas venu apporter la paix, mais c'est
un glaive que je jette au milieu du monde,
non veni pacem mittere sed gladium {AJattfi. x. 34).
Cette guerre a commencé pour tout homme dans
les langes du berceau, et la dernière bataille se
livre sur les bords de la tombe.
C'est une guerre terrible, car nos ennemis
sont de ceux dont les défaites multipliées ne
diminuent ni le nombre, ni le courage ; de
ceux auxquels rien ne fait défaut, ni l'intel-
ligence, ni la puissance, ni l'audace, ni surtout
la persévérance. C'est une guerre où beaucoup
succombent, oii tous reçoivent des blessures.
Car, selon la belle parole de saint Paul {Ephes.
Vi. il), nous n'avons pas affaire avec gens de
notre taille, avec la chair et le sang, mais avec
les principautés et les puissances déchues, avec
les directeurs de ce monde ténébreux, avec tous
les esprits mauvais. Cet ennemi, avec lequel
nous nous sentons aux [irises, cet ennemi, mes
frères, qui nous fait commettre le mal que nous
détestons et omettre le bien que nous aimons,
cet ennemi de tous les jours, le voilà; le Saint-
Esprit l'a nommé par la bouche de saint Paul,
c'est le prince du mal, le démon. Arrière, mes
frères, arrière ces explications naturalistes qui
n'expliquent rien. La voix qui nous fait si bien
valoir le séduisant attrait du mal, ce n'est pas
la voix de la nature, comme on nous le dit pré-
sentement, c'est la voix du premier insurgé
contre l'autorité divine; c'est lui qui nous ap-
pelle directement ou imlireclemeot à secouer
a noti e tour le joug bienfaisant de Dieu. Autre-
fois, il se parait des apparences de la vertu, au-
jourd'hui il s'appelle la science, le progrès, la
civilisation; mais, pour s'habiller à la moderne,
il ne change que de nom... C'est toujours le
même.
Eh bien, mes frères, il me semble qu'au
milieu de cette solennité, Dieu pose aujourd'hui
à toutes les âmes, qui ont gardé quelque chose
de la vieille générosité chrétienne, la question
qu'il posait à saint Pierre : Simon, fils de Jean,
maimez-vous? m'aimez-vous plus que ceux-
ci?.. M'aimez-vous plus que le mal, plus que
vos passions, plus que votre tranquillité, plus
que vos aises... M'aimez-vous? Pouvez-vous
boire le calice que mon Père m'a préparé ? —
Pouvez-vous lutter ? Or, mes frères, nous n'a-
vons pas le choix entre deux réponses. Une
seule est digne de nous, digne de ceux qui
nous ont précédés ; une seule est digne du nom
que nous portons. Nous devons accepter la lutte
avec toutes ses peines, avec tous ses sacrifices ;
nous devons refuser un repos qui ne s'achèterait
que parla honteuse désertion denotr» drapeau.
Nous devons combattre, puisque Die»i ne nous
a pas donné un esprit de crainte, uais un es-
159?
LA SEMAINE DD CLERGÉ
prit de force. Connaissant notre ennemi, il
BOUS reste à connaître ses armes et sa tac-
tique.
1. — Ses armes n'ont pas varié, et sa tactique
est toujours la même. Les armes sont les créa-
tures et sa tactique consiste à les détourner de
leur foi et à renverser le plan divin. Dieu, pour
tromper la soif inextinguible de bonheur qu'il
a allumée dans le cœur de l'homme, a semé,
sur notre route, quelques fleurs éphémères, lia
cru devoir nous donner en particulier trois
choses qui devaient, en le chaimant, élever
notre cœur plus haut : Ja fortune, le plaisir,
les honneurs, présents terribles dont tous les
hommes ont savouré, au moins une fois dans
leur vie, le parfum enivrant. Car il n'i st pauvre
si malheureux qui n'ait eu des jours où il a
oublié sa pauvreté, malade si affligé qui n'ait
eu se? heures de calme; car il n'est pas jus-
qu'au malheureux assis dans la poussière qui
n'ait eu certains instants où il s'est cru quel-
que chose. Dieu voulait préparer ainsi les âmes
au p ids éternel de richesses, de bonheur et de
gloire pour lequel il les a toutes créées, il vou-
lait leur donner le courage d'attendre.
Eh bien, mes frères, l'esprit mauvais s'est
emparé de tout cela, et il a rempli le monde de
cette triple passion que saiut Jean appelle la
concupiscence de la chair, la concupiscence des
yeux et l'orgueil de la vie: il l'a rempli de
l'amour désordonné de la fortune, du plaisir et
des honneurs, et il a travaillé à faire prévaloir
cette idée, que la fin de l'homme est là tout
entière.
Dieu nous avait prévenus de cela ; il nous
avait dit que, sans nous interdire les jouissances
extérieures, il avait placé le vrai bonheur dans
la pauvreté réelle ou affective, dans tes larmes
et dans les persécutions : il avait lancé une
triple malédiction contre les riches qui se com-
plaisent dans leurs trésors, contre les rassasiés
et contre ceux qui se laissent applaudk par les
hommes.
L'esprit mauvais, toujours semblable à lui-
même, est venu, et il a fait ériger en maximes
les principes diamétralement opposés,.. 11 les a
répandus par le monde, et, peu à peu, on en est
venu, sinon à croire, au moins à redire, sinon
à répandre, au moins à supporter des paroles
comme celles-ci ; Bienheureux les riches ! Bien-
heureux ceux qui jouissent 1 Bienheureux ceux
qui commandent 1 Bienheureux ceux qui sont
honorés 1 Avec la même effronterie qui per-
suada que Dieu ne gardait le privilège de sa
divinité que grâce à ea simplicité obéissante,
il assure, par les cent voix dont il dispose («ar le
monde, la voix des livres, des journaux, la
voix des hommes et la voix des femmes, que
tout est légitime quaud on réussit, que tout est
pardonné quand on est riche, qu'il suffit de
posséder pour être heureux et flatté !
Et c'est ainsi que la société, a peu à peu, cessé
d'être chrétienne; n'est ainsi que se sont pré-
parées les révolutions sociales; c'est ainsi que
la mode s'est établie de ne plus être religieux
et chrétien; c'est ainsi qu'est morte la généra-
tion des saints.
L'heure est venue, vous dirais-je avec saint
Paul, l'heure est venue de secouer ces rêves et
ces illusirms. De grâce, mes frères, arrêtons-
nous et voyons où nous allons. Sous prétexta
d'émancipation et d'indé[)undance, nous noua
livrons à la plus abjecte des servitudes. Toute la
tactique de notre ennemi aonsiste à nous la faire
prendre pour la liberté : La vraie liberté, celle
que nous cherchons par les chemins détournés
qui nous égarent, la vraie liberté est celle que
Dieu donne à ses enfants, celle qui s'appuie sur
la vérilé... Veritas Uberabil vos...
Or, mes frères, la vérité est que les trois
choses dont nous parlions tout à l'heure doivent
nous conduire à Dieu. La vérité est que les
richesses de la terre, augmentées de tous les
plaisirs et de tous les honneurs d'ici bats, sont
insuffisants pour remplir Je vide de notre cœur.
Dieu seul, mes frères, Dieu seul, voilà le repos
des âmes, voilà leur nourriture, voilà leur
bonheur!
Pour le vrai chrétien, les richesses sont le
moyen d'avoir le nécessaire à une vie honnête
et celui de le donner à ceux qui ne l'ont pas.
Saint Augustin a dit, dans une charmante image,
la conduite du chrétien par rapport aux rich«s-
ses : «Semblable, dit-il, à l'abeille qui vole au-
dessus de son miel, ne s'y enfonce pas et con-
serve ainsi la hberté de ses ailes, le chrétien
plane sur les choses d'ici-bas, il commande, mai*
il ne se laisse jamais enchaîner. »
Pour le vrai chrétien, le plaisir est dans l'ac-
complissement du devoir. Jlse garde aussi bien
de l'exagération qui pousse certains esprits
maussades à fuir toutes les légitimesjooissances,
que la passion immodérée qui les accueille
toutes «ans distinction de provenance et de qua-
lité.
Pour ie vrai chrétien encore, les honneurs
sont des charges,et le seul qu'il ambitionne est
celui de porter la croix de Jésus-Christ.
Tels sont, mes frères, les principes qui ont fait
les saints. Je le sais €t me plais à le reconnaî-
tre, il faut du courage, il faut de l'énergie, il
faut du sérieux poor la mettre dans son cœnr et
dans ses actes. Mais, mes frères, est-ce que
l'esprit de Dieu, cet esprit de force et de vertu
qui les a fait pratiquer parles saiuts ne pourra
pas rendre notre faiblesse assez courageuse pour
les embrasser sans craindre.
Nous changerons donc nos convictioas, me*
LA SEMAINE TU CLERGE
15M
frères, nous les ramènerons aux principes do
Jésus-Christ et nous asseoirons notre vie sur
leur base solide.
Mais, après ce premier rfTort, un second obs-
table nous attend. Malgré la proclamation inces-
sante de 'olérance, de liberté, modération dont
on nous fatigue, rien n'est plus rare, dans la
pratique, qui; la vraie liberté; rien n'est plus
rare que la vraie tolérance. On tolère le mal...
maison ne tolère pas la vertu; on veut bien
que les autres soient mauvais, on ne suppoitepas
qu'ils soient meilleurs que nous. Aussi , tout
liomme qui voudra aller à Dieu f^incèn.'ratnt,
par le vrai chemin, rencontrera de l'opposition,
de la critique, peut-être delà haine. Il fnut
savoir se mettre au-dessus de tout cela, comme
on s''est mis au-dessus des séductions etdes faus-
ses doctrines.
Enlin, mes frères, car il faut bien dire toute
la vérité, le disciple ne sera pas plus privilégié
que le Maître. Celui-ci a été persécuté violem-
ment, le disciple le sera aussi. Ne nous flaltons
point, la situation ne s'est pas améliorée. Depuis
saint Jean-Baptiste, le ciel souffre toujours vio-
lence, et nous n'emporterons notre place que de
vive force.
Je m'arrête, mes frères. J'ai essayé de vous
faire comprendre la véritable nature de la vii»
chrétienne. Elle pourra vous paraître tout
d'abord bien dure. Mais n'oubliez-pas que, sou5
cette écorce aride, se cachent des trésors de
suavités, une paix et un bonheur qui dépassent
tout sentiment. Je surabonde de joie, disait
snint Paul, au milieu de toutes les tribulations.
Essayez vous-mêmes et vous éprouverez que la
béatitude réelle e?t dans les sept choses que le
Christ vous a indiquées, et que l'Eglise nous
faisait lire tout à l'heure. Bienheureux les pau-
vres en esprit, car le royaume des cieux est à
eux... Bienheureux ceux qui ont le cœur pur,
car ils verront Dieu... Bienheureux ceux qui
pleurent, car ils seront consolés... Bienheureux
ceux qui ont taim et soif de la justice, car ils
seront rassasiés ; et le reste que vous pourrez
relire... El, au terme de tous les combats, le
trône du Clirist. Qui vicerit dabo ci sedere me-
cum in tronomeo. Amen. L'abbé Deguin.
curé d'Ecliannay.
THÈMES HOWIILÉTIQUES SUR L'ÉVANGILE
V* DIMAHCHE APRÈS hL PENTECOTE (1).
(Malt. T. 20-25.)
I. La justice est la vertu qui renferme toutes
1. C« Mme et le suivant nous sont arrivés trop tard
pour paraître en leur temps. Nous croyons néanmoins faire
plaisir à nos abonnés en les insérant ici, afin de compléter
le cours donné pai U • i'abbÀ lUcm»u
t
les autres; le juste est l'homme vertueux en
toutes choses. Juslitiam hic dicit universalem vir-
tutem{i). Quand donc le divia Maître veut que
la justice des siens soit plus abondai^'eque celle
des pharisiens et des scribes, il révèle d'un mot
toute la sublimité de la vertu chrétienne. La
vertu pharisaîque s'arrête à l'extérieur ; la vertu
chrétienne doit pénétrer jusqu'au fond de l'âme
pour en régler toutes les affections et toute.-; les
pensées. Elle élève les plus humbles à des hau-
teurs inaccessibles à la sagesse antique, et laisse
loin derrière elle toutes ces vertus naturelles,
qui, trop souvent,' n'ont que l'apparence de la
vraie vertu. Inlende graliœ additamentum: disçi-
pulos enim suos adhucrudes, magittris qui in Veteri
Testamento erant, vult esse meliores (i). Jésus-
Christ va nous dire, relativement au cinquième
précepte, jusqu'où doit s'étendre la vertu de son
disciple. Aux anduns, il a été dit: vous ne tuerez
pas. Celui qui tuera, méritera d'être condamné par
le tribunal dujugement. Et moi, je vuus dis : qui-
conque se mettra en colère contre son frère méri-
tera d'être condamné par le tribunal du jugement.
C'est le même tribunal, c'est la même condam-
nation pour celui qui tue et pour celui qui se met
en colère. L'anti([ue législation ne condamne
que l'homicide; et moi, le Législateur suprême
de la nouvelle loi, comme de l'aucienue, je
poursuis le mal daus sa racine, je condamne
la colère qui est la source de l'homicide. La
colère ainsi condamnée n'est pas ce premier
mouvement qui s'élève dans l'âme, pour ainsi
dire avant qu'elle s'en aperçoive, mais c'est un
mouvement que l'âme connaît et qu'elle ne ré-
prime pas ; c'est un sentiment délibéré qui nous
irrite contre le prochain, et nous porte ou à le
mépriser, ou à nous éloigner de lui, ou à nous
venger ; en un mot, qui éteint la charité.
Après avoir condamné la colère, Jésus-Christ
condamne les paroles injurieuses et les outrages
qu'elle met ordinairement sur les lèvres. Pour
en montrer la gravité, il lesassimile àcesgrands
crimes qui, chez les Juifs, étaient jugés parle
Conseil, qui ne connaissait que des cri mes contre
l'état et la religion. Et quand ces injures arri-
vent à l'excès, il ne voit plus, pour les puuu-,
que la géhenne du feu. Eh quoil de simples pa-
roles si sévèrement punies 1 Prenons garde de
taxer d'exagération la justice divine. 11 vaut
mieux l'adorer et la craimlre, sans en sonder
les abîmes ; et profiter de ces grandes menaces
pour régler tous les mouvements de notre cœur
et n'offenser personne dans nos paroles. Non
ergo cestimes hoc esse onerosum: plwes enini pœ-
narum et peccatorum a verb's habent principium:
etenimparva verba multoties koniicidium pepe-
1. Chrysost. in Mail. xvi.
2. Id.. iàid.
159&
LA SEMAINE DU CLERGÉ
tcrunt; et ch-ilates intégras cverferunt ; nec enim
parum œstimes fratrem stultum vocare, auferem
et prudenliam et intellectum, quo homines sumus,
et ab irrationabilibus dùtamus (1).
H. Si la colère est un grand péché, si les pa-
roles de mépris soutcondamualiles, la persévé-
rance dans la rancune et la haine est bien plus
répréhensihle. C'est pourquoi la charité fait du
chrétien une rigoureuse obligation de ce jamiis
conserver en son cœur le moindre ressentiment.
Si donc étant sur le point d-i faire cotre offrande
à l'autel, vous vous souvenez que votre frère a quel-
que chose contre vous, laissez- là voti-e offrande de-
vant l'autel , et allez vous réconcilier avec votre
frè)-e; et cela fait, vous viendrez présenter vott e
offrande. Dieu aime mieux la miséricorde que le
sacrifice; il veut qu'un l'invoque avec des mains
pures et im esprit rempli de charité. Le sacrifice
de la loi nouvelle, surtout, est le signe de l'union
qui doit régner entrfi tous les enfants de Dieu.
Avant d'y prendre part, faisons donc la paix
avec ceux de nos frères que nous avons pu
blesser. Si nous voulons que Dieu agrée nos
LommaL'os. Ecce a discordantibus accipere non
vul* sacrificium [-ï).
Comment vous approcher du Dieu de la paix,
si vous èiesen guerre avec vos frères? Comment
le Père céleste pourrait-il vous accueillir, s'il
voyait en vous de la haine contre un de ses en-
fants? Donc, avant toutes choses, que vous
soyez roffenseur ou l'otfensé, cherchez à vous
reconciher. Pour atteindre ce but nécessaire,
recourez à toutes les industries de la charité.
L'amour est agissant et n'a point de repos qu'il
n'ait obtenu ce qu'il désire. Aimez votre frère,
désirez sincèrement qu'il soit convaincu que
vous l'aimiz, et vous trouverez infailliblement le
moyen de l'eu convaincre.
L'abbé Herman,
curé de Festubert.
M' DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.
(Mire, VIII. 1-0).
I. En ces jours là, dans le désert, où Jésus
s'était retiré, la foule était grande autour de lui
et elle n'avait pas de quoi manger. Alors Jésus
appela se- disciples et leur dit : J'ai pitié de cette
foule : toilà trois jours qu'elle est avec moi et elle
n'a pus de quoi manger. 11 y a deux leçons ici :
d'abord l'empressement de ce peuple nui a tout
quitté pour suivre Jésus-Christ au désert, sans
s'inquiéter des besoins de la vie matérielle, con-
damne notre apathie pour les choses de la foi.
La bontt* de Jésus, sa tendre sollicitude pour
ceux qui le suivent sont de nature à encourager
1. Chrj60st,, in Mallh. X\t,
S. Gregor.. tup. Euch,
ri'tre confiance; plus nous saurons nous oublier
nous-mêmes, pour chercher le royaume de Dieu,
plus Dieu pourvoiera largement à nos nécessités
temporelles.
Le miracle qui va s'opérer renferme un ensei-
gnement plus haut encore : Jésus promène son
regard divin sur le monde et il voit les nations
qui meurent d'épuisement, parce qu'elles n'ont
ni le pain de la vérité, ni le pain de l'Eucharis-
tie Elles viennent de bien loin, du fond des tur-
pitudes de l'idolâtrie, et Jésus s'émeut de com-
passion pour elles. Misercor super turbam.
Aujourd'hui encore, Jésus, du haut de son
autel, porte, en nos âmes, un regard tendrement
scrutateur, et il voit que, pour la plupart, nous
n'avons pas de quoi manger, parce que nous ne
venons pas cheriher la nourriture là oii il la
multiplie tous les jours, en nous donnant sa
chair et sou sang à l'autel. Et il a pitié de nous
et il ne vent pas nous renvoyer à jeun, parce
qu'il sait bien que nous tomberions en défail-
lance sur la rouie.
L'expérience n'est-elle pas là pour le prou-
ver? Toutes nos ignorances, toutes nos fai-
blesses, toutes nos langueurs, toutes nos chutes
et toutes nos fautes viennent de ce que nous
nous éloignons de Celui qui, dans le festin de
l'Eucharistie, est pour les siens, lumière, force,
chaleur et innocence.
II. Dans la première multiplication des pains
qui se rapportait à la vocation des Juifs, les
apôtres, figure des patriarches et des prophètes
zélés pour le salut du peuple choisi, intercé-
dèrent en faveur de lafoule affamée. Mais cette
fois, Jésus seul en eut pitié, personne ne son-
geait aux Gentils, personne excepté Dieu.
Il y a sept pains et deux poissons. Les sept
pains représentent les sept sacrements institués
pour nourrir les enfants de la nouvelle alliance
dans le déseit de la vie Bene panes septem in mys-
terio Novi Testamenti pionurdur, in quo septifor-
tnis Spiiitui Sancti yratia plenius cunctis fidelibus
credenda revelatur et crédita datur. Aperitionem
sagnificat sacramentorum, quibus ad perjjetuatH-
salutem mundus erat nutriendus (1).
Ces pains sont des pains de froment; tous le»
sacrements, comme tous les mystères, con-
vergent vers l'Eucharistie, le froment divin qui
multiplie les élut : Cibavit eos ex adipe ftumenti...
A fructu frumenti... multiplicati sunt (2).
Aux sept pains sont joints quelques petits
poissons. Le poisson passé par le feu est le sym-
bole traditionnel de Jésus -Christ dans sa pas-
sion : Pit'Cis assus est Chrislui passus (J). Les
sacrements tirent toute leur efficacité de la
passion du Sauveur.
1. BeiU.
2. Ps. LXXX, V. 4.
9. Aug.
LA SEMAINE DU CLERGE
159S
Quatre mille hommes sont miraculeusement
rassasiés et représentent la multitude des nations
qui, des quatre vents du monde viendront à
Jésus-Christ et recevront, dans l'église, par le
ministère des apôtres, le pain de l'intelligence
€t du cœur. Quand ils furent rassasiés, les
apôtres, sur l'ordre du Sauveur, recueiUirent
sept corbeilles des restes du pain miraculeux.
Ces sept corbeilles sont encore rimasse des sept
sacrements, qui dureront autant que l'Eglise, et
qui, par elle, sont toujours à la disposition du
peuple fidèle. Sunt ad hanc usque diem et erunt
usque ad consummationcin sœculi coplnni pkni
tacramentorum panis vivi, quos Jésus discipulis
dereliquil {\). Que cette paternelle prévoyance
de Dieu à notre égard ne soit pas rendue inutile
par nos dédains orgueilleux. Allons à Jésus-
Christ, allons aux prêtres, allons à l'autel, et
nous n'aurons pas de défaillance sur la route.
Mangeons le pain qui fortifie ; mangeons le tous,
et n,.us serons rassasiés : MnnducuverunC omnes
et saturait mut.
L'abbé Hebman,
curé de Festubert.
ACTES OFFICIELS CU SAINT-SlÉGE
Congrégation du Concile
MISSA PRO POri'LO.
Episcopus T. literis datis ad S. C. Congrega-
tionem exposuit: « Dubium exorlum esse de
applicatione Misssae a Farochis faciendae in iis
Festis, qua? in Germania qnidem siippiessa, in
choro autem celebranda sont. Cum onim SS. D.
N. Plus PP. LX, perepistolam Encyclicam dédie
.'J maii 1858 concesserit, ut quimdo una cum so-
lemnitate divinum officium translatum fuerit in
diem Dominicam, una tactum Missa pro Populo
sit applicanda, qua^ritur an idem indullum valeat
et pro bis casibus, in quibus propter occurrentem
Festivitatnm majoris dignitatis festum aliquod
£uppressum, v. g. Inveiitionis S. Crucis occur-
rentefesto Tunicae, Clavorum et Lanceœ Domini,
ad aliam diem ferialem transferri oportet. Cum
in bis temporum angustiis absque gravissima
causa onera Parochis iniposita araplianda non
videntur, mibi quidem in desideratis est, ut
S. G. Coucilii declarare dignetur, in dict» casu
appli(,atiouem pro parochiauis non esse facien-
dam. »
Cum vero S. G. Congregatio ad tollendum
omue dubium quaesiisset, « an dies ferialis, in
quam trausfertur festum suppressum, ferialis
remaneat, aut veluti feslum publiceservetur, vel
1. Origoa, in JUallh.
saltem in Ecclesia peragantur oœterse functiones
et ritus in diebus tum festis adhuc de preecepto
servatis tum suppressis peragi solitis; -i Episco-
pus respondit: « In feria ista, in quam casu praî-
fato festum suppressum transfertur, nuUas func-
tiones et ritus peragi in diebus de prœcepto
servandis solitas; sed Missam solummoido de
festo translate ceiebrari officinmque d'viuum
aut privatum a dero aut iu ecclesiis colledatis,
in choro absque solemuitate festi absolvi solere.»
S. C. Congregatio, causa cognita, sub die
24 aprilis 1873, respondere ceiisnit:
« In caxH de quo agitur Parochum non teneri,
tdque notificelur Episcopo.
LITURGIE
(10* et ilen.ier article.)
X. — De la conservation des reliques (suite et fin).
5° Il nous paraît à la fois utile tt intéressant
de prendre, dans Y Instruction touchant la fabri-
que et le mobilier de léglise, de saint Charles
Borromée, la partie qui regnrde les reliques, et
de la rcproihiire iri en entier. Ou y trouvera
des indications d'après lesquelles on pourra se
guider dans les soins à prendre pour traiter les
saintes reliques avec le respi et convenable et
en assurer la conservation (1).
« Nous avons maintenant à faire voir quels
diriveiit ètie les lieux, les vases et les châsses
nù les saintes reliques sont renfermées ou con-
servées.
» Tous les corps des saints, qui doivent être
conservés dans une église munie de cette partie
souterraine que l'on appelle la confession, ou
la crypte, seront renfermés pieusement et
décemment de préférence dans cette partie et
dans les autels en pierre, ou sous ces autels,
selon la coutume antique.
» Il convient de construire à cette fin un
tombeau de marbre ou au moins de pierre dure,
posé avec soin à l'intérieur, fermé par un cou-
vercle du même genre en forme de toit, et pou-
vant contenir les corps saints soigneusement
enfermés. Ce tombeau sera placé dans les autels
ou au-dessous, et solidement fixé.
1. Les reliques pourront être placées aussi dans
un lieu autre que les autels de l'église. Dans ce
cas, on construira une armoire du marbre le
jilus précieux^ qui sera garnie de sculptures à
l'extérieur et couronnée d'ornements expri-
mant des idées pieuses et religieuses.
0 Celte armoire reposera sur quatre colon-
nettes de marlire, d'un travail soigné, ou même
sur un plus grand nombre, si le lieu s'y prête
1. Monacelli, Formuiarium J«3oi'! pra(tcum/bri tccUtiatlit,
t. ], ifl /i«f, et t. IV, «upp. ud t. 11, icst num. 267,
1596
LA SEMAINE DU CLERGt
commodément. Elle sera placée, aussi décRm-
menl que possible, dans l'intérieur de l'église,
là où il y aura un espace suffisant, ou dans la
chapelle principale, pourvu que ce ne soit pas
celle oii est conservé le Saint-Sacrement.
« Si elle est placée à l'intérieur de l'église,
elle sera séparée de toute part de la muraille
et de tout autre ouvrage. Si on la met dans
une clianellf;, on pourra la placer au fond ou
sur le côté de l'auiel, ou bien appliquée à la
muraille, ou bien un peu engagée dans une
cavité qu'on y aura ménagée décemment, et
elle sera éle-vée de quatre coudées (l°'90 envi-
ron) au-dessus du pavé.
» Toute armoire de ce genre placée dans un
lieu apparent, qu'elle soit élevée au-dessus du
pavé ou détachée de la muraille, doit être en-
tourée d'une grille de fer ornée et adaptée se-
lon la disposition du lieu.
» Si des corps de saints ont déjà été déposés
non dans l'autel ou dessous, mais dans un autre
lieu, sous le pavé, l'emplacement sera complè-
tement couvert d'un tapis et défen ii de tous
côtés et au-dessus par une grille de fer serrée.
r Pour tiue les corps des saints ou leurs osse-
ments sacrrs soient préservés do la corruption
et do toute atteinte, conservés purs de toute
souillun^, garantis de la poussière et mis à
l'abri de la violence et de tout outrage, on
prendra la précaution suivante. Lorsqu'un tom-
beau sera placé dans un lieu apparent, ou dans
l'autel, ou dessous, les parties en seront assem-
hlées solidement à l'extérieur et attachée- l'une
à l'autre pnr lics agrafes de fer scellée- au
plomb, de tidle sorte qu'aucun interstice ne
reste visible. En outre, on mettra, dans ce tom-
beau, une autre châsse en or, ou en argent, ou
en étain doré, dans laquelle le corps saint
sera renfermé.
M Avant d'oire enfermés dans les châs=es,
les corps saints seront entourés et revêtus
d'une étofie de soie ou d'une enveloppe plus
précieuse, de la couleur qui convient, d'après
les règles de l'Eglise, au saint ou à la suinte
dont les ossements sacrés y sont déposés.
» La châsse, le reliquaire, les petits tom-
beaux, les urnes, quelle que soit la forme de
ces objets, seront bénis selon ta règle, avant
que l'on y renferme les saintes reliques, et on
prendra les prières assignées et prescrites pour
cet usage dans le Pontifical ou le Kituel.
» Lorsqu'on devra mettre dans le même tom-
beau les corps de plusieurs saints, on les dis-
posera de telle sc>''te qu'ils puissent être distin-
gués entre eux. A cette fin, le tombeau sera
divisé par le sculpteur en deux uu trois parties
selon le nombre <les corps sacrés ou des saintes
reliques qu'on devra y renlermer, ou bien on
le narlagera proprement et en faisant avec
soin li^s jointures en plusieurs compartimenta
au moyen de planchettes, de plaques de mar-
bre, ou de toute autre manière, ou au moins
ces reliques seront mises séparément dans de
petites châsses en argent ou en étain.
» Un écriteau en bronze, portant gravé 1«
nom de chaque saint, sera placé dans chacune
des châsses.
» Une autre inscription sera gravée, en outre,
sur la pierre du tomlieau, laquelle fera con-
naître clairement les noms des saints, le nom-
bre des corps, le temps auquel ils ont été dé-
posés là, le lieu d'où ils ont été transférés.
» Il conviendra de mettre à part, de la ma-
nière qui va être dite, les tètes de saints que
l'on a séparées des corps, afin de les montrer
et de les expo-er à certains jours aux fidèles»
pour sali-faire leur pieté. Chacune sera ren-
fermée dans une châsse en or ou en argent, ou
bien, là où les ressources font défaut, dans
une uhàsse en bronze doré. Cette chasse repré-
sentera une tète avec le cou et la moitié de la
poitrine.
» Si l'on veut renfermer dans un autel ou
dans un tombeau à jour, pour qu'ils puissent
être vus en certaines circonstances, des corps
de saints restés entiers et dont les membres
sont parfait(>mcnt unis ensemble, on construira
l'autel ou le tombeau de telle sorte qu'on y mé-
nage dans la partie antérieure une petite fe-
nêtre par laquelle on puisse voir à l'intérieur.
Cette ouverture sera garnie d'une grille de fer
ou de bronze pouvant èlie fermée solidement
et reb'vée de quelques ornements.
» Dans les lieux où sont conservés des mem-
bres de saints ou des reliques insignes, on
pourra préparer, pour les y placer décemment
et religieusement, un endroit uniquement af-
fecté à cet usage, sur l'un ou l'autre des mo-
dèles qui vont être immédiatement indiqués,
et conformément à ce qui se voit dans les basili-
ques sacrées de Rome.
» Première forme. — Si la nef de l'église est
large, on construira, du côlé de l'Evangile, et
séparé des colonnes ou piliers de la nef, uu sup-
port de quatre à cinq coudées (1"" 88, ou 2"° 35
environ) d'épiiisseur, ayant eu largeur environ
cinq coudées (2"" itô). Ce support reposera lui-
même sur quatre colonnes de marbre eu d'autre
pierre, hautes de six ou huit coudées (de 2" 80-
à 3" 75 environ).
» Sur ce rapport, on fera une armoire de
marbre ou d'autre pierre, décorée et ornée, pour
y déposer les saintes reliques. Cette armoire sera
revêtue, à l'inlérieur et sur toutes les faces, de
minces planches de noyer, ou d'un bois plus-
précieux, garnies de soie, de la couleur qui con-
vient, suivant les règles de l'Eglise, aux reliques
qu'on devra y renfermer. Elle auia une petite
LA SEMAINE DU CLEllGÉ
rm
porte à (îeux jattants couverts de bronze à l'ex-
térienr et gînnis à l'intérieur de soie de même
couleur que ci-dessus. Cette porte se fermera
par deui: venoiix ou dpux serrures ayant clia-
cune sa clef différenle de l'autre.
» A la partie supérieure des colonnes, aa
niveau de la plate-forme du support, on placera
un marchepied ou palier d'une coudée et demie
(O" 70 environ) de lar^îeur et de la même Ioq-
gueur que le support. Ce marchepietl aura, sur
le devant, uue balustrade en bronze fondu ou en
fer, ou bien eu marbre ou autre pierre solide,
ou encore en bois avec montants tournés.
» On ne fixera pas à ce marchepied un esca-
lier en escargot nu d'une autre tonne, mais on
se servira seulement d'un e-calier portatif en
bois lorsqu'il faudra extraire les saintes reliques,
à certains jours solennels, pour les exposer au
peuple.
» Deuxième foi-me. — Dans les é;;lises qui ne
seront pus assi'z jurandes pour que les reli'iues
puissent y être placées comme il vient d'être
dit, on adaptera un mar^ihepied à peu près au
milieu en se rapprochant un peu du maitre-
autel, ou contre le mur du chevet de l'Eglise,
ea-dehors de la chapelle principale et du coté
de l'Evangile. Ce marchepied, applique .'i la
muraille, aura la même loui^ueur et la même
largeur qu(^ ddui dont les dimensions ont été
données ci-dch^us.
» On prati(]uera, dans l'intérieur du mur
auquel sera attaché le marchepieJ, une armoire
de marbre ou d'autre pierre solide. Cette
armoire rcra revêtue tout autour à. l'intérieur
de planches de chèue ou d'un autre bois de
longue durée, et garnie partout, par-dessus, de
soie de la couleur qui convient, suivant les
règles de l'Eglise, aux saints dont les reliques
y devront être déposées. Elle se fermera par
deux battants garnis de bronze et armés de
deux serrur .s diCférentes, ainsi qu'il a été dit
précédemment.
» On pO'irra adapter au marchepied un esca-
lier en pierrt' ou en bois, pour y monter, si
l'espace '(ui reste devant l'armoire permet de
l'y placer commodément; autrement on se ser-
vira, comme ci-des3us, d'un escalii;r portatif.
» Troisième forme. — Une troisième forme
qui va être liccrétce, sera adoptée dans les
églises qui possèdent des saintes reliques, et oii
l'on n'a pas préparé et l'on ne peut disposer,
pour les recevoir, une armoire conforme au pre-
mier ou au second modèle.
» A l'intérieur de la principale chapelle,
on creusera, dans lu muraille, du coté de l'E-
vangile et regardant directement, s'il se peut.
Je maîtr>:-autel, une armoire qui aura la lar-
geur, la longueur, la hauteur et la profondeur
exigée par le nombre et les dimensions
dos saintes reliques qu'on y devra conserver
» Elle sera élevée de quatre coudées (1° 90
environ) au-dessus du sol, et revêtue de tontes
parts, à l'intérieur, d'une boiserie recouverts
d'une étoffe de soie de la couleur qui convient
aux saintes reliques.
» Elle sera fermée par deux battants solides
et propres, garnis de bronze à l'extérieur, mnnia
d'une serrure solide pourvue de deux clefs
différentes.
» Les reliijues renfermées dans des vases oa
châsses seront placées en ordre dans l'armoire
ainsi préparée.
» Des vases et châsses des reliques qui doivent être
disposées dans les lieux ci-dessus décrits. — Le»
vases ou châsses destinés à recevoir les reliques,
seront en or, en argent ou en cristal, ou bien
faits d'un autre métal, artistemenl travaillés, et
ces derniers seront dorés : leur magnificence
sera proportionnée à l'importance des reliques
et aux ressources de l'église dans laquelle elles
sont conservées.
» Il y aura autant de chaises que de reliques,
et on les mettra, en distinguant les ordres,
une à une, ou deux à deux, ou plusieurs ensem-
ble dans chaque châsse. Chaque vase ou châsse
aura aussi son voile pour le couvrir, et ces voi-
les seront de diverses couleurs, selon la nature
des reliques renfermées dans les reliquaires.
» Si les reliques sont d'un si faible volume,
qu'elles ne demandent pas à être mises dans de
grands vases ou chassas, mais dans de petits
reliquaires, on les disposera comme il suit :
» On préparera une tablette divisée en com-
partiments, faite de noyer ou d'autre bois, ou
même il'uue matière jdus précieuse, telle que
l'ivoire ou l'argent, d'un travail tiui, bien polie,
d'un(î largeur el d'une lon^'ueur sullisantespour
l'usage, aucpiel elle s'ia d ■slinée.
» On creusera, dans celte tablette, autant de
capsules qu'il y aura do r. li [ues à placer, et
chacime aura une laigeurde trois oni.es (6 cen-
timètres).
» Ces capsules seront ornées, dans leur par-
tie supérieure, de petits encadrements dorés.
» Celle tiblette ainsi pourvue de ses capsules,
sera recouverte d'un verre Irés-clair, de telle
sorte que chaque capsule soit fermée par ce
verre.
» Celte fermeture en verre sera munie da
tous côtés d'un encadrement en bois doré ou
même d'une matière plus précieuse qui servira
d'ornement, de manière qu'elle demeure fixe et
solide.
I) En outre, chaque relique sera enveloppée
dans un double talletas de soie, ou dans une.
autre élolïe de soie plus précieuse, brochée d'or
ou d'argent, eu observant de distinguer les
couleurs qui conviennent, couforiiiément àl4^
159»
LA SEMAINE DU CLERGÉ
règle établie par noire sainte mère l'Eglise,
pour les apôtres, les martyrs, les vierges et les
confesseurs dont on aura à placer les reliques,
» Dans quelqu" genre de châsse ou de vase
que soient mises ces reliques, celles dont les
noms sont certains porteront une inscription
tracée sur parchemin en petites lettres bien
lisibles et attachée à chacune d'elles, ou plutôt
à l'étoffe do soie dont elles seront enveloppées,
afin que l'on reconnaisse clairement, à ces signes,
les reliques de chaque saint ou sainte.
» S'il est établi par quelque- documents cer-
tains à quels saints appartiennent principale-
ment plusieurs reliques, qui sont cependant
tellement confondues, que l'on ne puisse décider
celles qui sont de tel ou tel saint, on les renfer-
mera ensemble dans le même vase ou la même
châsse, et, dans ce vase ou cette châsse, on ins-
crira les noms de tous les sainls dont les reli-
ques y sont conservées.
» On mettra une inscription semblable aux
vases ou châsses où les reliques qui y sont con-
servées ont bien des inscriptions, mais séparées
des reliques et tellement mêlées ensemble, qu'on
ne puisse aucunement s'en servir pour distin-
guer les reliques entre elles.
» S'il en est dunt les noms ne sont par cer-
tains, on les renfermera dans une même châsse,
avec cette inscription : Reliquùe sacra quarum
nomina ignoranlur.
D Sur la paroi de l'armoire où sont renfer-
mées les saintes reliqjies, on peindra avec soin,
en leur donnant une expression religieuse, les
images des saints dont on y conserve les reli-
ques, de ceux surtout dont les reliques insignes
s'y trouvent.
» On préparera deux baguettes de bois garni
d'ivoire ou d'acajou, vulgairement aiipelé
bois du Brésfi, ou d'un autre bois conve-
nable. Elles auront trois coudées de longueur
(1™ 40 environ), l't seront munies, â leur par-
tie supérieure, d'une lame d'argent se termi-
nant par deux petits crochets, auxquels on
Buspendra les chapelets des fidèles, pour k-ur
faire toucher les saintes reliques, ou plutôt les
reliquaires.
» Dans toutes les églises où se trouvent des
reliques ou des corps de saints, on placera, dans
on lieu apparent et distingue, jiar exempb^ à
une colonne de la chapelle piincipale, du côté
de l'Evangile ou dans un autre endroit bien en
vue, une plaque de bronze ou de marbre soli-
dement scellée, et portant, gravé en lettres
assez grandes, un sommaire de tout ce qui
regarde les rciiqucs conservées dans cette
église (1). »
En reproduisant ce règlement rédigé pour
1. Àcio'. EccUt. Uedio'.an,, pars IV. Inatntcl. (abricm
mclet. lit. I, cap. ivu.
l'église de Milan, nous n'avons pas l'intention
de le présenter comme obligatoire partout ail-
leurs dans toutes ses parties. On y trouve des
règles qui sont à observer en tout lieu, en
vertu des lois générales de l'Eglise : le reste
peut servir de direction, et l'ensemble montre
avec quel respect on doit traiter les reliques
des saints et de quelles précautions il faut user
pour les garantir de tout danger de disparition
et de profanation. On sait, du reste, en quelle
estime sont tenues les ordonnances de stiiut
Charles et quelle autorité elles ont dans l'Eglise.
Là où l'on se conformera, autant que possible,
à ces sages dispositions, on sera assuré d'avoir
pleinement rempli les devoirs qui incombent
aux supérieurs des églises à l'égard des restes
sacrés des saints.
XI. — Reliques des saints apôtres Philippe et
Jacques le Mineur. — Nous njoulons, sous forme
d'appendice, â nos artitles sur le culte des
siinies reliques, un document important relatif
aux reliques des deux apôtres saint Pliilippe et
saint Jacques le Mineur, récemment décou-
vertes â Home, dans la basilique des Siints-
Apôtres. Cette pièce n'ofire pis seulement un
intérêt historique considérable, elle montrera
avec quel soin on observe, dans l'Eglise Mère
et Maîtresse, les règles qu'elle a tracées pour les
cas semblables et que nous avons précédem-
ment rappelées. Voici le décret publié à cette
occasion par le cardinal-vicaire :
« CoNST.\NTiN Patrizi, par la miséricorde divine,
évêque d'Ostie et de Velletri, cardinal de la
sainte Eglise romaine, doyen du Sacré-Col-
lége, archiprèlre de la sainte église de
Latran, vicaire général de notre Irès-saint
seigneur le Paiie, juge ordinaire de la Cour
romaine et de son district, etc., etc.
» Selon la tradition, la basilique sacrée des
douze apôtres fut primitivement construite,
sous le règne de Constantin le Grand, au
centre de la ville. Ensuite le papt; Pelade I" la
fit reprendre par les fondements et lui donna
des dimensions plus grandes. Le pape J an 111
l'acheva, et, vers l'an oGO, la consacra à Dieu,
en l'honneur de ses douze apôtres et particu-
liêrem''nt des saints Phili[ipe et Jacques le
Mineur. Elle avait le bonheur de posséder,
outre un très-grand nombre de reliques in-
signes, les corps des mêmes apôtres Philippe et
Jacques le Mineur.
» Quoique cette basilique, incendiée, dévas-
tée et ébranlée par la vétusté, ait été rétablie
par les soins de plusieurs Souverains-Pontifes,
dans son premier étal et son ancienne dignité,
et qu'enUn, sous Clément XI et Benoit Xlll,
qui la consacra, les Fréres-.Mineurs conventU'.ls
LA SEMAINE DU CLERGÉ
iS9|
de l'Ordre de Saint-FrançLfs,à la garde desquels
Vur II l'avait coiifiée, l'aient rétablie de l'oiid
en comble sur de tiès-grandes proportions et
r.vec une magnificence merveilleusi?; une an-
thiuiî et constante tradition, confirmée par
l'accord des historiens et une ancienne ias-
ciiplion placée au portique de l'éJifice, a tou-
jours attesté que les restes sacrés des apolres
Fliilippe et Jacques le Mineur reposaient sous
le maître autel de ladite basilique.
» Ce n'est pas sans un dessein particulier de
la divine Providence qu'à notre époque, tandis
que la sainte basilique était décorée, par les
soins et la piété des mêmes Fières-Jlineurs
conventuels, de peintures et de dorures appli-
quées sur les murailles et les voûtes, d'un pavé
orné et d'une nouvelle crypte préparée pour y
conserver avec plus d'honneur les reliques des
saints, <-.e sacré trésor des corps des saints apô-
tres FMiilippe et Jacques parut à la lumière.
» Eu cûVt, le 15 janviei' de l'année courante,
a[jrès que l'on eut enlevé le maître-autel, pour
le remplacer par un autre plus élevé et plus
maguitique, et que l'on eut l'ait une brèche
dans un mur très-épais, on put voir, à l'intérieur,
un tombeau placé directement sous la table de
l'autel, composé de pierres de marbre phrygien
paifaitement polies et construit dans le goùl du
vi° siècle, et dans lequel reposaient, suivant la
trailllion ancienne et très-fondée, les re=tes
sacrés des deux apôtres.
» Des artistes habiles examinèrent longue-
ment et avec le plus grand soin, comme la
ci [Constance l'exigeait, le tombeau découvert ;
on compara en même temps les reliques que
l'on pensait appartenir àsaint Jacques le Mineur
avec la tèie sacrée du même apôlre qui est
conservée et vénérée dans l'église cathédrale
d'Ancôiie ; cet examen fut répété plusieurs fois
avec soin et maturité par des hommes habiles
à qui est confiée la conservation des antiquités
chrétiennes, devant nous et en présence dos
cardinaux delà sainte Eglise romaine Antoiue
Marie Panebianco, prêtre du môme litre, et
Antoine Deluca, protecteur de l'ordre des Mi-
neurs conventuels, et après avoir entendu notre
promoteur fiscal, il ne pouvait nous arriver rien
de plus agréable que d'avoir à décréter et
déclarer, comme, en vertu de notre autorité
ordinaire et pour la gloire de Dieu tout puissant
et l'honneur de ses saints, nous décrétons et
déclarons, « qu'il couste de la vérité des corps
» récemment découverts sous l'autel majeur de
B la basilique des Douze-Saints-Apôtres de la
u ville de Rume, et que, selon une tradition
» constante tas corps doivent être tenus pour
• ceux des' "bienheureux apôtres Philippe et
• Jacques le Mineur, frère du Seigneur, et que,
» par conséquent, ils ont droit à être honorés,
» comme il est juste, par tous les fidèles de
» Jésus-Christ.
» Nous voulons toutefois que ces précieux
trésors de l'Eglise catholique soient déposés, en
présence de notre promoteur fiscal et d'uo
notaire chargé d'en dresser l'acte, dans la nou-
velle crypt-i construite directement sous ledit
autel principal, afin que les fidèles puissent
plus facilement les honorer et les vénérer.
I) Nous voulons, en outre, qu'une copie du
présent décret soit transcrite sur parchemin,
avec la relation du notaire qui conserve dans
ses minutes le procès de reconnaissance des
corps sacrés des saints Philippe et Jacques le
Mineur, et qu'on la renferme dans le même
tombeau de marbre, pour y être conservée.
» Nous décréions et mandons qu'il soit fait
ainsi et même de toute autre manière qui sera
jugée meilleure. En foi de quoi, etc.
I) Donné en notre palais, le 29 avril de
l'an 1873, indiction romaine première, la vingt-
septième année du pontilîcat de notre trés-
saint Père en Jésus-Christ et seigneur Pie IX,
Pape par la divine Providence.
Lieu du sceau.
I G. CAHDINAL-VICAIBE.
P. chan. Pelw.ci, secrétaire.
Nous faisons suivre ce décret d'une notice
publii';e dans les Analecta juris pontifiai, et
qui ajoute quelques renseignements tant sur
la basilique, que sur la reconnaissance des re-
liques.
« La basilique des Saints-Apôtres, à Rome,
est désignée de temps immémorial sous le nom
de constanlinienne, vraisemblablement parce
qu'elle fut construite sous cet empereur. Elle
existait certainement au V siècle; c:ir le con-
cile tenu à Rome jiar le pape saint Symmaque,
l'an 501, offre, entre autres souscriptions, celle
de quatre cardinaux de la basilique des Apô-
tres : Epiphanius, Agapetus, Stephanus et Cre-
scenlius. Ainsi le Liber ponlificalis se trompe
grossièrement, s'il veut dire que la basilique
n'existait pas avant Pelage 1", élu l'an 555,
ainsi qu'on lit dans la prétendue vie de ce
pontife : Eodem tempore initiata est basilica
Apostolorum Pldlippi et Jacobi. Adrien l", dans
une lettre à Cliarlemagne, assure que les papes
Pelage et Jean III construisirent entièrement
celle basilique : Pelayius et domnus Joannes mirœ
magnitudinis ecclesiam Apostolorum a toto œdifi-
cantes, kistorias diversas tam in musivo quarn in
variis coloribus cum sacris pingenter imaginibus,
etc. Pelage et Jean 111 substituèrentà l'ancienne
église constantinienne une nouvelle basilique
plus grande et plus riche.
» Au XV' siècle, le cardinal Bessarion entre-
prit la restauration de la basilique des saint»
1(00
LA SEMAINE DU CLEr.CE
Apôtres : elle fut continuée par le pnpe Sixte IV
et achevée par Jules II. L'église actuelle est
du siècle dernier, Benoit XIII la consacra le 17
septembre 1724.
» Les conventuels, qui desserrent la basili-
que, ayant entrepris de grandes réparations en
1870, on a découvert, le 15 janvier 1873 une
erypte sous le grand auli-l, laquelle contenait
la tombe des deux Apôtres.
u La commission d'archéologie a été chargée
d'examiner les inscriptions, le local, la forme
de crypte. Faisaient partie de cette commissiim :
Wgr Mariueili, M. de Rossi, Mgr Bartolini,
M. Visconti, le P. Tongiorgi, Mgr l'rofîli,
MM. Fontana et Carimini, architectes.
)i Les relit! nés ont été examinées par une
commission spéciale ainsi composée : le P. Sec-
chi, doiteur Rudel. docteur Toncioni, docteur
Maroni, docteur Sanli, Scognamiglio, le P.
Adragua, général des cons-entaels, les PP. Bo-
nelli et Gualtieri, du même ordre, et Munti,
notaire du vicariat.
» Les deux commissions ont reconnu l'iden-
tité des reliques (I). »
Nous avons à faire une observation impor-
tante sur un passage de cette notice.
Nous ne voyons pas comment on peut taxer
le Liber ponlifr.alis d'eneur grossière, parce
qu'il dit que la basilique des Saints-A poires fut
commencée sous le pontificat de Pelage 1". Le
pape A.drien I", ainsi que le constate lui-même
fauteur de la notice, atlirme la morne cbosoo
Pourquoi cette affirmation n'est-elle pas aussi
qualifiée d'erreur grossière, et est-elle, au con-
traire, admise, malgré la note scvëre infligée
aa Liber ponlifcalis pour le même cas? Nous
ne saurions expliquer celle diilerence dans les
procédés de l'auteur.
Le décret du cardinal-vieaire donne une so-
lulinn toute naturelle. La basilique fut cons-
truite d'abord pendant le règne de Constantin
le Grand, et reconstruite entièrement ensuite
sur de plus grandes proportions par Pelage 1".
Le Liber pontificatis ne dit nullement que celte
basilique n'existait pas avant Pelage I", il
signale seulement un fait considérable à l'hon-
neur de ce Pape dont il résume la vie, et,
comme il est très-sobre de détails, il ne parle
point de la construction antérieure. Il y a loin
de cette prétermission aune négation.
Si l'on avait rapproché plus soigneusement
les textes et réiléchi davantage, ou se serait
abstenu de noter si rigoureusement le Liber
pontificalis et de qualifier de prétendue vie le
récit succinct qu'il fait des actes de Pelage P^
Quoique ce livre précieux ait été interpo.é par
les ariens, pour les besoins de leur couse, il
n'est pas impossible de distinguer les parties
t Ânaltrta iurit pontiUcîi, série 13*, col.U3 et.lti.
ajoutées, et les écrivains sérieux, leconnatssant
son autorité incontestable, sont habitués à
traiter avec plus de respect.
P.-F. ECAILE.
professeur de tliéolog
Théologie morala
DES LIVRES DÉFEriDUS
{Sidle.)
Il y a donc de mauvais livres. La loi natu-
relle défend de lire ces livres nuisibles à la foi _
et aux mœurs; mais la loi qui les défend, ne m
les fait pas connaître. Pour protéger les fidèles, ■
il est donc nécessaire qu'en -dehors de la loi na-
turelle, intervienue tine autorité qui dénonce
les mauvais livres. I)£ plus, outre celte dénon-
ciation géiiérule, il est indispensable, pour
qu'elle sorte son eflet, qu'on résolve la ques-
tion pratique : si tel livre déterminé est réelle- i
ment nuisible. Or, avec le peuchaut qu'ont leS' ^
hommes à préjuger favorablement de leur
esprit, beaucoup croiront pouvoir lire sans
péril un livre d'ailleurs mauvnis. D'autant
plus qu'ils ne se poseront la question de savoir
s'il peuvent, oui ou uoHj le lire, qn'aulnut
qu'ils le désireront déjà, qu'ils l'auront peut-
être déjà entre les muins et seront poursuivis
l'ar la tentation de s'en repnitre. Si l'on s'en
tenait au seul dictumen de la conscience, ua
grand nombre seraient donc perdus par les
mauvaises lectures.
D'ailleurs, l'Eglise militante ne se compose
pas que de saints ; elle comprend aussi beau-
coup d'hommes que la délicatesse de la con-
science n'éloignera pas assez promptemeut des
mauvais livres. Or, de même qu'on enlève aux
furibonds, le fer avec lequel ils pourraient com-
mettre l'homicide, de même il faut, par des
lois coercitives, ôter aux faibles le moyen de
s'iugérer du poison. La loi naturelle n'attein-
drait pas suffisamment ce but ; et si tous les
gouvernements temporels poursuivent les ou-
vrages qui portent jitleinte à la constitution et
à la paix publicjue, il est juste, au même titre,
que l'Eglise règle l'impression et l'usage des-
livres et prohibé ceux qui porti raient atteinte à-
l'équilibre intellectuel et moral de la cliré-
tienté.
L'homme ne vit au fond que de lumière. La
connaissance de la vérité par la raison est ce
qui distingue l'homme de l'animal et la pra-
tique de la vérité par la grâce de Dieu, seule,
conserve et élève l'homme dans toutes les
sphères de son existence. Les p:issions humaine,
cherchent à se donner l'apparence de la vérité»»
LA SEMAINE DD CLERGÉ
160r
à se couvrir des semblants de la justice, pour
s'attribuer, sous cette forme, de la viileur et
des jouissances. C'est pour l'humanité une con-
dftion vitiile de renverser aussi promptomeut
que possible ce (jui n'est que trompeuse appa-
1 3nce. Ce droit appartient, ce devoir incombe
i avant tout à l'Es^lise, munie de la lumière ries
r.H'clalions divines et de la vertu du Saint-
Fsprit. C'est à elle ifue .lésus-Christ a confié
le mandat divin de l'enseii^neraeiit surnaturel
cl la charge de ri'i^ir, sous la loi révélée, tous
les peuples, jusqu'à la consommation des siècles.
II. Quels livres lomhent sous le droit prohi-
bitif de l'Eglise?
Les raisons, prises de la constilulion de
l'Eg-lise, pour établir sun droit piohibitif, in-
diquent approximativement la latitude et les
limites de ce droit ; les raisons, prises de la
nature humaine, pour confirmer ce droit de
défense, obligent d'eu recubr les limites et
d'eu étendre la latitude. D'autres raisons jieu-
vent s'emprunter accidentellement, en faveur
de cette thèse, soit des conditions de la publi-
cité, soit des circonstances de la vie sociale.
Enlin, pour déterminer davantai^i encore la
réponse à celte question, il faut teidr compte
des actes du Saiut-Siége apostolique, actes qui
montrent, daus sou exercice régulier, le droit
prohibitif de la sainte Eglise.
La première chose que l'Eglise doit défendre,
c'est elle-mèm',, c'est la divinité de son insti-
tution, sa hiérarchie d'ordre et de juridiction,
son autorité doctrinale, son infaillibilité, l'ori-
gine, l'énoncé et l'étendue du pouvoir juridic-
tionnel, les droits souverains du Saint-Siége, le
pouvoir temporel des papes, l'indépendance de
l'Eglise vis-à-vis des pouvoirs civils, ses droits
ratione peccati sur les puissances temporelles,
son autorité dans la famille et dans l'école,
son droit de propriété, son droit à la profes-
sion des conseils évangéUques, la liberté de sou
culte, enfin tout ce qui constitue le plein exer-
cice de ses divins pouvoirs. Par conséquent,
tous les livres qui portent atteinte à ces droits
sacrés de l'Eglise, tombent très-justement sous
ses censures. Autrement, il faudrait dire que
Jésus-Glirist, eu instituant l'Eglise, a permis de
l'attaquer et ne lui a pas permis de se dé-
fendre.
En second lieu, l'Eglise doit défendre le
dépôt s Ecritures, l'authenticité des textes,
le sens e.'tact des paroles, l'exactitude des tra-
ductions. S'il s'élève des écoles critiques,
naturalistes ou mythiques, soit pour récuser
les textes soit pour les adultérer ; s'il se ren-
contre des traducteurs infidèles ; s'il se forme
des sociétés bibliques pour propager ces traduc-
tions fausses ; surtout si, dans ces temps agités,
la. lecture dit la Bible eu langue vulgaire, peut
prêter à séduction et fanatiser les foules, il ap-
partient à l'Eglise de défendre les Ecritures,
d'eu régler l'usage, au besoin d'en interdire la
lecture en langue vulfîiire.
En troisième lieu, l'Eylise doit défendre l'en-
semble de la révélation, c'est-à-dire les vérités
d'ordre naturel qui appartiennent à l'ordre de
foi et toutes les vérités de l'ordre surnalurel.
Par conséquent, si des athées, des panthéistes,
des matérialistes nient Dieu, auteur et créateur
de toutes choses; si des rationalistes nient te
fait, la nécessité et les bienfaits de la révélation;
si les fidéistes et les positivistes altèrent l'ordre
de la foi, ou bouleversent ses rapports harmo-
nieux avec la raison; si des hérétiques et des
philosophes faussent la nation des articles du
symbole ; il appartient à l'Eglise, soit d'op-
poser à l'erreur la définition de la vérité,
comme elte l'a fait dans les conciles et dans les
constitutions pontificales, soit de frapper d'ana-
thème les livres qui combattent la vérité tradi-
tionnelle.
En quatrième lieu, l'Eglise doit défendre la
loi morale. Si des indifférents ou des fanatiques
en récusent ou en aggravent l'autorité; si des
rigoristes ou des laxistes en restreignent ou en
augmentent la facilité ; si des visionnaires trou-
blent l'ordre des préceptes et des conciles : de
Marcion à Junséuius et de Pelage à Viutras,
l'Eglise frappera leurs ouvrages.
En cinquième lieu, l'Eglise doit défendre son
cnlte, sa lituricie, son rituel, ses formes de
prières, et si des faiseurs de liluraies altèrent la
prière publique ou veulent nous ramener aux
fêtes païennes, l'Eglise dira anathême à leurs
innovations.
Eu sixième lieu, l'Eglise doit se défendre des
empiétements du pouvoir civil soit daus l'exer-
cice de la puissance pontificale, soit dans les
rapports des évèques avec le Pape, soit dans la
tenue des conciles, soit dans ses droits sur la
célébration du mariage et sur la profession de
la virfjiiiilé. Et s'il se présente des fabricants de
placel ou i\'exi-i/ttalur, des inventeurs de mariage
civil ou des sécularisaleurs de couvents, l'Eglise
leur dit auathème.
Enfin, l'Eglise à le plein droit de censure
contre tous les ouvrages, même orthodoxes en
eux-mêmes, mais nuisibles par occasion aux
fidèles. « Eu ce cas, dit Ernest de Moy, l'Eglise
agit comme un médecin qui reconnaît que cer-
tains aliments sont nuisibles ; en les désignant
comme tels, il défend par là même de s'en
nourrir. Crtte défense loit être observée et l'est
naturellement par l'homme qui se possède;
pour l'homme fiiible, qn\ n'est pas maître de
lui-même, il faut que ceuK qui prennent soin de
lui fassent, malgré lui, reepecter et observer la
défense. »
^602
LA SEMAINE DU CLERGE
Celle puissance de l'Eglise sur les livres nui-
sibles seulement par occasion s'éteml aux livres
composés par fies hérétiques, même sur des
matière? étrangères à leur hérésie, par exemple
sur lef sciences physiques ou mathématiques.
Ces livres tombent sous la loi prohibitive de
l'Earlise, parce que, en les lisant, s'ils sont bien
faits, le lecteur sera induit, par le charme du
style et l'éclat du savoir, a eu lire d'autres, du
même auteur, contraires à la saine doctrine.
L'Eglise agit ainsi par prudence il par justice;
par prudence, pour prémunir les fidèles contre
leur faiblesse; par justice, pour punir l'hérétique
de ses attaques contre la foi. — On objecte, à
celle mesure, une chose, savoir : que l'Eglise
agil ici en haine des personnes et eu opposition
au progrès des sciences. A quoi l'on répondque
la haine des auteurs hérétiques n'e-t pas le
motif de sa conduite, mais seulement la justice
et la prudence ; et que si la défense de la foi
nuisait au progrès des sciences ou des lettres,
il en faudrait prendre son parti ; mais qu'il n'eu
est jins ainsi, comme le fait le prouve, et que,
d'aillL'urs, si quelque savant a b soin de lire les
livres défendus, l'Eglise ne manque pas de lui
en accorder facilement la permission.
On demande, en outre, si la défense de lire
des livres nuisibles ne peut pas s'étendre aux
journaux? — Incontestablement. Ou publie
aujourd'hui, dans les deux mondes, environ
quinze cents journaux. La plupart sont impies
de jiarti pris, soit par les théories hétérodoxes
qu'ils vulgarisent, soit par les attaques (ju'ils se
permettent contre la religion, soit par les
atteintes qu'ils portent aux mœurs dans des
romans-feuilletons. Bien que ces journaux ne
soient que des feuilles volantes et que chaque
numéro forme un ouvrage à part, on peut ce-
pendant, à raison de la suite d'idées qui les
inspire, les considérer comme formant, par
addition, un livre collectif en cours de publica-
tion ; et puisqu'ils portent atteinte à la foi et aux
mœurs, il est donc juste qu'ils tombent sous la
défense de l'Eglise. — On olijecte, il est vrai, que
l'Eglise ne peut pas faire tomber sa défense sur
desnumérosnoupubliés,parcequ'alors la matière
manque à son jugement. Mais il faut dire que
si l'EiiUse n'avait pas ce pouvoir, le mal serait
fait lorsqu'interviendrait sa défense, et qu'elle
peut très-justement défendre la lecture d'un
journal sur la simple connaissance du mal qu'il
à l'habitude de faire. Si ce journal revenait à
résipiscence et prouvait, par une série consi-
dérable de numéros sans faute, qu'il est sérieu-
sement attaché au bien, alors l'Eglise pouriait
lever ses censures et rendre justice à laàncérité
de la conversion.
Avant de conclure ce paragraphe, nous
dirons que l'Ei^lise peut défendre encore des
ouvrages contre la famille, contre la société,
contre la propriété, contre le droit politique et
international , soit parce que les principes
moraux qui les constituent appartiennent au
décalogue, soit parce que les réformes même
justes parfois, que peuvent proposer ces ou-
vrages, ne seraient rénlisables que par de vio-
lentes et sanglantes révolutions. Dans cette
dernière catégorie rentrent tous les ouvrages
inspirés par b^s idées du communisme, du socia-
lisme et de l'internationale.
Quant aux ouvrages de philosophie, d'his-
toire, de littérature, de science ou d'art, pour
des questions de goût, de forme et même de
fond, si elles n'intéressent pas l'orthodoxie,
nous croyons qu'ils ne tombent pas sous la
juridiction prohibitive de l'Eglise.
III. A qui, dans l'Eglise, appartient ce pou-
voir ?
Le pouvoir de défendre les mauvais livres
n'étant, dans l'application, qu'une forme du
droit divin île l'enseignement et du gouverne-
ment spirituel, ceux-là et ceux-là seuls possè-
dent ce pouvoir, qui appartiennent à l'Eglise
enseignante et sont, à leur rang hiérarchique, j
revêtus de la juridiction ejr/éri'eure. ^
{A suivre). Jusira Fèvre,
protonotaire apostoli(iue.
HERMÉNEUTIQUE BIBLIQUE
PREMIÈRE PARTIE. — DE LA RECHERCHK DO SENS.
A. Tradition des Juifs.
Sous le nom de tra lition, nous entendons ici
tout ce que ranti(]uilé nous a transmis, soit de
vive voix, .-oit par écrit, touchant la lexicogra-
phie et la grammaire hébra'i ]ues. Cette langue,
nous l'avons dit plus haut, s'est insensiblement
éteinte après l'exil, d'abord sur les lèvres du
peuple, puis dans les livres mêmes des savants ;
mais elle avait trouvé un asile dans l'S écoles
juives. Et quoique les monuments écrits de
celte tradition scolaire qui sont arrivés jusqu'à
nous, soient, en partie du moius, séparés par
un assez long intervalle de l'époque où l'hébreu
était un idiome vivant, ce[iendant l'intelli-
gence de cette langue n'ayant j;imais cessé
d'être nécessaire pour le service du culte et la
lecture de la Bible, nous n'avons pas à craindre
de nous tromper en faisant remonter au temps
où elle se parlait encore la connaissance qui
s'en est prujiagée parmi les rabbins, d'abord de
vive voix au sein des écOies. puis dans des
écrits de divers genres. Celle tradition ne resta
pas enfermée dans l'étroite enceinte de la syna-
gogue ; dès les premiers siècles du chris-
tianisme, sa vois se fait écouter de l'Eglise
LA SEMAINE DU CLERGÉ
leoï
elle-même. Origène, et surtout saint Jéiôme, si
supérieurs à tous Ifs autres Pères dans la con-
naissance ile-i lettres hébrakiiies, et qui en re-
commandent si vivement l'étutle à leurs con-
temporains, confessent que tout ce qu'ils sa-
vent de la langue de l'Ancien ïeslameut, ils le
-^Jiventaiix le(;onsde3 Juifs di; Palestine. Nous
(levons donc alLrihuer à la tradition juive, à
raison de son origine, une haute autorilé, si ce
n'est dans les cas où nous aurions de justes
motifs de suspecter les canaux intermédiaires
qui nous l'ont transmise.
En eflfet, les témoins de cette tradition philo-
logique, pour inspirer confiance, doivent
réunir deux conditions, la science et la sin-
cérité.
Or. quant à la première de ces deux condi-
tions, quclques-uQS sont tout à fait voisins de
l'époque où la langue hél)rai'[ue était encore
vivante, sinon dans le lan'-rage du peuple, au
moins dans les écrits des savants; la trailition
qu'il nous apportent est donc presque immé-
diate et suflisamment pure. Ajoutez que la
plupart connaissent p!us ou moins parfaite-
naent une ou plusieurs langnes de la même
famille, ce qui leur était d'un grand secours
pour établir le sens des mots héijreux. Et pour
la seconde condition, ils nous apparaissent
doués d'un jugiiment sain et exercé, étrangers
aux préjugés et aux opinions bizaries des Juifs
d'une époque [ilus récente. Eniin,cequi achève
d'en faire pour nous les tidèles échos d'une
tradition constante, c'est que, tout en appar-
tenant à des écoles distinctes et suivant pour
tout le reste des directions différentes, ils s'ac-
cordent néanmoins dans l'interprétalion des
mots et des phrases.
Quels sont ces témoins de la tradition juive,
ou, si Ion veut, à quelles sourc'S pouvons-nous
lapuisiT? Nous en indiijuerons quatre princi-
pales : les anciennes versions, le tulmud et les
midraschim, les livres des grammairiens et des
exégètes, enfin la Masore (1). Un mot sur cha-
cune d'elles.
a) Anciennes versions.
La première source de la tradition juive nous
est fournie par ies anciennes versions, et nous
enterjdons par là uniquement les versions im-
médiates, c'est-à-dire celles qui ont été faites
immédiatement sur le texte hébreu, à l'exclu-
sion de toutes les aulres, quelle que soit d'ail-
leurs leur antiquité. Il est clair, en effet, que
des interprèles qui ont fait passer dans leur
1. Les Pères, te'* ^u'Origéne, et surtout saint Jérôme,
nous ont laissé un grand nombre d'explications excel-
lentes de mots et de tours hébreux ; mais, comme ils con-
fessent eux-mêmes les avoir empruntées à la tradition de
la Synagogue, nous ne parlons pas d'eux dans ce para-
graphe, o'I il u'eit questioa que dea sources primitives.
iiHome national une version de l'Ancien Tes-
tament sans aucun recours au texte original,
n'ont aucun droit à se faire entendre comme
témoins d<i la manière de parler propre aux
Hébreux.
Or, parmi bis versions immédiates de l'An-
cien Testament, nous mettons au premier rang
la version grecque dite alexandrine o\i des Sep-
tante., parce qu'elle n'est guère postérii'ure aux
temps oi!i la langue hébraïque était encore
vivante; elle y touche même en partie, par les
livres de Moïse, traduits, à ce que l'on croit,
sous le règn-i de Ptolémée Lagus, trois siècles
environ avant Jésas-Christ. La traduction des
autres livr-es, qui répondait à un véritable
besoin des Juifs hellénistes, suivit d'ailleurs de
près. Un grand nombre de termes hébreux
rar-es et obscurs, ou même qui ne se rencon-
trent qu'une seule fois dans la Bible (Sre«Ç
XiYdiisva), y sont parfaitement rendus; tels sont,
par exemple, les mots el et elak, terefnnthus ;
aman, artifex ; as/iputh, sterquilinium, etc. S'ils
ont atti'ibué à quelques expressioirs hébraïques
des significations c(ui ne se retrouvent plus
dans ce qui nous reste de l'ancien hébreu, mais
seulement dans des langues de la même famille,
il taut croire, ou bien que les interprètes les
ont em|]runtées à ces langues, qui leur étaient
familières, ou bien que ces significations au-
raient été aussi en usage dans la vieille langue
hébraïque, et qu'elles leur' auraient été connues
d'ailleurs. Expliquons notre pensée par quel-
ques exemples. Dans le Psaume lix [Vulg.). où.
David, sur la foi d'un oracle (v. 8), se promet
la conquête des peuples voisins, il s'écrie, par-
lant de l'humilialirjn qui attend l'orgueilleux
Moab (v. 10) : « Moab sera mon vase â laver, »
vas lotionis meœ (I), les Septante, et après eux
la Vulgale, ont traduit : Moab (erit) olla spei
meœ, XlZr]i -ri)? éXufSoç (xca, le bassi?i de mon espé-
rance, rattachant le nom hébreu rachats au
chaldéen rachats, em[iloyé par Daniel (ch, m,
28), dans le sens de ''peravit. De même, au
Psaume Lv, io, s'inspirant d'une acception
néo-hébraïque, ils ont traduit, in domo Deiam-
bulavimus cum consensu, scil. cordis, au lieu de,
m domo Dei anùulauimus inler tumulium turljce,
c'e-t-à-dire, comme l'explique très-bien Heug-
stenberg, au milieu des flots de la multitude
inondant les portiques du temple. Enfin,
/s., LUI, 10, au lieu de. Dominas voluit conterere
eum in infirmitate, sens exact donné par la
Vulgale, les Septante ont mis, Dominus voluit
1. M. Spiegel [Avtsla, 1, LXÎX}, uous apprend qu«,
quand les rois de Perse se trouvaient en campagne ou en
voyage, un haut fonctionnaire, appelé laicht-ddr, portait
derrière eux un bassin rempli d'eau où le monarque se
tevait les mains et les pieds. Moab, chante le Psalmiste,
ne sera pas seulement mon porte-raM; plus huiuilii
«acore, U tara mon vase à laver.
tfiûJr
LA SEMAINE DU CLERGÉ
fiurifirarfl fum (zxOspîsat, coU. daca, syn. de
dacah, /iwus fuit).
Les divers défauts signalés dans la version
des Seplaule viennent, en pirtie, de l'inadver-
tance des auteurs, et de la connaissance impar-
faite qu'il= avaient de la .angue hébraïque
(surtout en ce qui regarde l'étymologie, l'ortlio-
giaphe etla gramniiire), en partie delaliberlé
excessive de leur système de traduction. Tantôt
ils confondent l':s Ictlres et même les mots
semblables. Ainsi Lcvit., xix, 26, lisant J,arum
ou Itwim au lieu de hadam, ils 1i adnisent, ne
mangez pas sur les mont'ijnes, au lieu de ne man-
gez rien avec le ^so»?//, aucune viande où ii*este du
sang. Au Psaume LXVIII. 69, lisant remim pour
romim, ils tradui?enl, et h Seigneur bâtit,comme
la licorne {sicut iinicornium), son temple dans la
terre, etc., au lieu de, et le Seigneur bâtit comme
une forteresse (lilt. sicut exctisa, comme une for-
teresse élevée sur un rocher), son temple dans la
terre, etc. Tantôt ils rendent des noms propres
de lieux par des appellatils, et des appellaiifs
incompris p ir des noms propres, par exemple,
Phi-hachirotb, nom de ville, [larlraûXiî.sraAw/ww;
godesk {Deut.yWxin, 2), sainteté, par Carfes, etc.
Nous avons dit qu'ils ont pris aussi des
licences à peini^ permises à un traducteur.
Ainsi, fs. I, 21, ils ^ijoutent le mol .Szon pour
expliquer civitas jidelis. Ailleurs [Exoà., vi,
12, 30), ils évitent, comme une métaphore trop
hardie, prceputiatus lubiis, et traduisent SXoyot,
privé de imison, ou îo^ç^vbipiovoç, qui a une voix
grêle. D'autres ïoU, ils se laissent entraîner par
les idées théologiques ou philosophiques de
leur temps, par exemple, Deut., x.iSîJ, 8, où
ils traduisent, il établit les limites de» peuples
selon le nombre des anges de Dieu (cont. Eccli,,
XTii, 14; Dan. x, 13, 20; xii, 1), au lieu de,
selon le nombre des enfants d'Israël, en ce sens
général que la Providence divine a tout coor-
donné dans le monde, en vue dn peuple
d'Israël et du Messie. Ou bien ils remplacent
par d'autres des expressions qui les choquent,
par exemple, Nwn., xii, 8, où, de peur de s'ex-
primer sur Dieu d'une manière trop grossière,
ils mettent. Moïse voit la gloire du Seignenrj au
lieu de, Moïse voit le Seigneur (1). Parmi ces
légères infidélités, il en est une des plus cu-
rieuses. Le mot arbenetk, qui signifie lièvre,
n'est pas traduit [Levit., ii, 6; Deut., xiv, 7),
par Xaycij, mais par SaaiÎTuou; (lilf. qui a les pieat
velus), expression rare et peu pn-cise. Et pour-
quoi a-t-on éaarté la dénomination ordinaire,
XaYij;?Par respect pour la dynastie régnante
des Lngides, comme nous l'ap^irend le talmud
1. Ce dernier sens est celui de la Vulgate. Mais nous
devons aiouter que l'hébreu se prête & celui des Septante,
•t ijne iJusicurs commaatateutt modernes ne I'"-i»ndGnt
pas autrement.
{Mér/illn, fol. 9, 6). Enfin, il leur arrive souvent
d'abandonner la manière déparier de:; îlidsreux
pour se rapprocher davantage de celle des
Grecs, lorsque, par esemple. .Is dirent {Gen.,
XLv, 18), mangez la moelle <h: la terre, an lieu
de la graisse de ta terre, et, en général, dans les
formules d'entretiens entre divers personnuges
(Gen., xxix, 16; xxxi, 33; xliii, 27, al.). —
Sur les imperfections de la veision :dexaii<lrine,
voy. Carpzow, Critica sacra Vet. Teslamenti,
1728, p. 513 et s«q.).
Dn reste, le mode de traduction diffère dans
les différents livres, ce qui dénote évidemment
plusieurs traducteurs. Gomme saint Jérôme
l'avait déjà remarqué, le Pentateuque l'emporte
sur les autres parties par la fidélité et l'élégance.
Les livres hi-toriiiuessont, dans l'ensHmhle, fidè-
lement, parfois même trop littéralement ren-
dus, en même temps qu'on y remarque des
omissions, des additions et de fausses interpré-
tations dn texte. Les livres prophétiques sont
souvent inexacts ; la traduction s'écarte des
locutions bibliques, qu'elle affaiblit par des
péri[ihrases. Les additions et les omissions sont
fréquentes, à ce point que, pour Daniel en par-
ticulier, l'Eglise grecque avait adopté, dès les
premiers temps, la traduction de Théodolion.
Parmi les livres poétiques, la version des pro-
verbes passe pour la me Heure, et avec raison,
en ce sens que le traducteur, lors même qu'il
s'écarte du texte, fait encore une bonne et belle
version, qui a toujours dn sens. Gellc du livre
de Job est inférieure; bien plus encore celle
des Psaumes qui, en rendant l'original mot à
mot, est souvent inintelligible; et comme les
Psaumes de notre Vulgate latine ne sont guère
qu'un calque de ceux des Septante, il est ainsi
arrivé que le plus beau livre de l'Ancien Testa-
ment en est aussi le plus imparfaitement tra-
duit.
Quanta la langue delà version alexandrine,
c'est, comme on doit l'attendre des Juifs par-
lant grec, le dialecte appelé hellénistique, im-
prégné de nombreux hébraïsmes.
A la version des Septante nous joignons les
fragments d'Aquila, de Symmaque, de Théo-
dotion et des autresversions grecques recueillies
par Origène dans ses ^exs^ofe; traduits sur le
texte hébreu, ils conservent les figures et les
images de l'original. Aquila, en particulier, serre
la lettre de si près, qu'il reproduit non-seule-
ment le sens étymologique des mots, mais les
particules mêmes qui n'ont pas d'équivalent
dans la langue grecque, etk. par exemple, qui
joint le complément au verbe. Ces mots do
Psaume xc, 2, antequam montes conditi sunt
(hebr. ioulladoii), sont rendus par lui lillérale-
ment antequam montes hbf^Ti'sm , partu editi sunt.
Dans ce passage d'Isaïe Ci, 25), et auferam omnt
LÀ SEMAINE DU CLERGÉ
lOOS
stanntmi Innm, j'enlèverai tout ton étain, c'est-
. ft-dire l'alliage mêlé à l'or pur d'Israël, an lieu
j d'imiter les Septante qui fontdisparaître l'image,
j j'enlèverai du milieu de toi toits les impies, izi-iiiui
' <5v6[ji.ou5,il laconseiv(< et rend fidèlement l'hébreu
par xacakspov aoû, stannum tuum. Symmaque, au
conlraiie, s'attache moins au mot lui-même
qu'au sens. Pour n'en donner qu'un exemple,
il met en hoii grec, sans en altérer le sens, la
locution biblique bien cunnxie. gem perulii on
pecuiioris. en la traduisant par Aac âi>ipfxoc, gent
ei.cf.a. Théoootio!) si-mble avoir adoptéb^ même
système de tiaauetion C;ue les Sentante . il tient
ic milieu enire At]uila et Symmaque, moins
servile que le premier et plus littéral que le
second.
L'hébraï?ant trouvera encore un grand se-
cours, snit dans la version latine dite Vulgate,
composée ou révisée pnur la plus grande partie
par saint .icrôme ; soit na<is la version syria-
que dite Peschvo, dont l'idiome est lié avec
l'hébreu par la parenté la plus étroite.
Le mérite de la Vuiqoie a été reconnu par les
théologiens protestants les plus éminents, tels
que Paul Fa;ie, Grotius, Louis de Dieu, Casau-
bnn, David, Micbaélis, et le célèbre auteur de la
polyglotte qui porte son nom. Br. Walton. Il
sufiit de parcourir le 'J kitaurus deGéséiuus pour
se convaincre de restitue que cet illustre savant
• avait pour i-ette veisu)n, dont il embrasse et
I justifie la plupart des interprétations. La lati-
I nité elle-même de la Vulgate, pour laquelle
plusieurs n'avaient que du dédain, a été, de
nos jours, remise en honneur par les juges les
plus comiiétents; on a démontré que, si elle
dilïère sous beaucoup de rapports de la langue
littéraire et classique, elle se rattache au latin
vulgaire nu parié (lar le peuple. Il faut du reste
avoir une <;on naissance parfaite du latin pour
en bien comprendre tons les passages. Dans ce
verset de Jon fjviii. H), par exemple: Immiiit
limpruf:] in reie piass suos, et in rnaculis ejm am-
butat. il faut savoir que macula, outre l'accep-
tion ordinaire de tache, a encore celle de maille
d'un réseau: « Les pieds oe l'impie s'engagent
dans le lilet, et il mjrche (héb., îles: pris) dans
ses mailles.» Dans les livres traduits immédia-
tement sur le grec ces Septante, comme les
psaumes, le sens est quelquefois obscur, parce
que les Septante n'ont pas bien compris ou ont
mal rendu l'hébreu. Ainsi, Ps. XXU, 31, il y a
dans la Vulgatt : Annuntiabitur Domino generatio
Ventura, ce qui est un calque de la ver>-^ion
alexandriue, loriginal n'offre aucunedifficulté:
JSarrabttvrde Domino (des merveilles opérées en
faveur de son ptapie) ad gêner ationem venturam.
On ne peut nier cei>eudant qu'un certain nom-
bre de passages ne soient mal traduits dans la
Vulgate. Parmi les causes de ces imperieclious,
saint Jérôme en assigne deux : il avoue qu'il a
fait son travail très-rapidement, et que, de
ppurd'eflaroucher ses lecteurspar quelque nou-
veauté, il a suivi les interprètes grecs lors même
qu'ils avaient défiguré l'original. Le cardinal
Bidlarmin, qui avait pris part aux travaux pré-
paratoires de l'édition officielle de Clément VIII,
s'exprime ainsi dans une lettre à Luc de Bru-
ges : « Biblia vulgata non esse accuratissime
Cas/igata, multa enim a correctoribus de industria
multis ex causis esse prœtermissa, quœ corri'
genda viderentur. « Voyez aussi la prélace de
l'édition clémentine.
Quant à la version syriaque, faite immédia-
tement sur le texte hébreu, elle se recommande,
en général, parla science, la clarté et la fidélité.
Des mots rareset dilfi ■iles,des 'iiial )-eY6[i£va,ysont
bien compris et rendus; des passage^ obscurs y
trouvent une interprétation très-vraisemblable,
parexem[ile, celui-ci d'Isa'ie (x, 21): Et compu-
trescet jugum a facie pinguedinis , que la Pes-
cliito traduit, confringitur jugum a lauris pin-
guibus, c'e=t-à-dire, lorsqu'Israël aura recouvré
la faveur divine, il arrivera à un tel degré de
force et deprospérité, qu'il brisera courageuse-
ment le joug de l'esclavage.
Les autres versions de l'Ancien Testament,
telles que la samaritaioe, les persanes, les
arabes et la grecque de Venise, sont de date
relativement récente, etcomme elles suivent oa
imitent les versionsanlérieures, elles méritent
à peine le nom de sources primitives ; qu'il nous
sulfise d'avoir nommé les principales.
{A suivre.) A. Crampon,
obanoine.
LÉGISLATION
EXPOSITIOS DES MOTIFS ET DES PRINCIPES QUI OHT
SERVI DE BASE A LA LOI RELATIVE A LA LIBERTÉ
DE L'ESSEIGMEMENT SUPÉRIEUR.
(Suite.)
A l'ouverture de la séance du 12 juin, M. le
président de l'Assemblée donne lecture du nou-
vel article préparé par la Commission, ensuite de
l'amendement proposé par M. Bouisson, an
sujet des facultés de médecine et des facultés
mixtes de médecine et de pharmacie, on des
écoles de médecine et de pharmacie. Cet article
additionnel, qui donne satisfaction à M. Bouisson,
est mis aux voix et adopté.
Après cette votalion, M. Jules Ferry vient à
la tribune pour continuer son discours, inter-
rompu la veille. Il dit que la question de la
collation des grades est, par-dessus, une question
d'expérience : c'est pourquoi il tient à dérouler.
1808
! A SEMAINE Î)U CLERGÉ
â ce sujtt, lf.3 résultais de rexpérionoe des deux
mondes. Il croit avoir démontré hier que hi
liberté de la collation des grades, telle qu'elle
se pratique en Amérique, est condamnée par
l'expérience. Il reste, en Europe, trois systèmes :
le système des examens d'Etat, usité eu Alle-
magne; puis le système français, le monopole
accordé aux universités de l'Etat, en ce qui tou-
che la collalion des crades; et, enfin, l'examen
professionnel, placé dans les mains des corpo-
rations qui représentent les professions elles-
mêmes; s'est le système anglais. Il observe
qu'en Angleterre, ni la profession de li>giste, ni
a profession médicale ne sont libres. La profes-
sion de légiste, elle est sévèrement réglementée
sous la forme corporative. Les barreaux font eux-
mêmes leur police ; ils la font en vertu de pri-
vilèges qui remontent à plusieurs siècles et qui
possèdent, dans ce pays de traditions et de res-
pect pour ce qui a duré, une autorité extraordi-
naire : l'exiiérience de ce système de corpora-
tions de légistes, maîtresses des diplôme?, est
décisive en sens contraire. Il ajoute qu'il n'y a
pas, en Angleterre, un haut enseignement du
droit constitué : entre le haut enseignement du
droit tel qu'il existe dans les facultés françaises,
et les éludes de droit dans la Grande-Bietagne,
il y a un abîme, il n'y a pas de comparaison
possible. Il constate, sur l'autorité de lord Brou-
gham et de lord Campbell, que l'enseignement
du droit y est tombé aussi bas que possible.
Ex visageant l'étude de la médecine, il observe
que l'enseignement est donné dans les hôpilaux,
c'est dire que sa tendance est nécessairement
pratique, beaucoup plus pratique que théorique.
Quant à l'enseignement des vieilles et célèbres
universités d'Oxford et de Cambridj^e, l'enquête
faite par ordre de M. Duruy prouve qu'il est
véritablement dérisoire.
Le gra le de docteur-médecin est donné en
Angleterre, par dix-neuf corporations ou auto-
lités ditlérentes, quoique Vaact de 1858 les ait
soumises à l'autorité du conseil général médical,
ou à ce qu'on appelle les recommandations de ce
conseil.
Quant à l'Allemagne, c'est-à-dire tout l'em-
pire d'Allemagne actuel et la Bavière, est en
vigueur l'examen d'Etat, parce que les grades
distribués par les universités étaient tombés
dans l'avilissement. C'est en 1825 qu'on ôta aux
grades distribués par l'université allemande
toute espèce de valeur sociale; ils conservèrent
leur valeur scientifique, il est vrai; mais, pour
exercer la médecine, il faut un diplôme de li-
cence de médecine, déUvré par une commission
de médecins, tommée par le gouvernement.
Après cette assez longue excursion au-delà,
comme en-deçà del' Atlantique, M. Jules Ferry se
rappelle qu'il y a uue observatioa (iu'il aurait
peut-être dû faire au commenceUient de son
discours ; c'est la véritabin, portée de l'amende-
ment qu'il a signé avec M. Bardoux. 11 dit qu'ils
ne demandent pas simplement le statu quo; il
est évident que si demain, tout en acrordaiit aux
facultés de l'Etat le droit exclusif à la collation
d«s grades, ils voulaient obliger les élèves des
facultés libres à subir toutes les règles d'ins-
truction, d'assiduité et de stage qui existent
aujourd'hui, ils feraient une œuvre contradic-
toire et de mauvaise foi. Il lui semble que dans
le second paragraphe de son amendement se
trouve résolu le problème, de faire vivre ensem-
ble le droit supérieur de l'Ltat et la liberté de
l'enseignement. La liberté de renseignement, à
son avis, c'est la liberté d appieuàre où l'on
veut; elle est satisfaite par sa proposition. Ins-
truisez-vous, dit il, où vous voudrez, adressez-
vous à telle faculté, à tel savant, à tel répéti-
teur que vous voudrez, mais venez prouver,
devant le jury constitué par l'Etat, devant les
facuUés de l'Etat, qui sont les meilleurs des
jurys, voire valeur scientifique.
11 croit que trois objections seulement ont
bté faites à ce système. La première est celle-ci:
les universités libres ont besoin de la collation
des grades pour vivre et sub.sister. Ainsi ce
qu'où réclame pour ces universiies, ce n'est pas
seulement le droit de naître, c'est le droit de
vivre et le droit d'avoir des revenus, le droit de
se faire une prébende par la collation des grades.
A cette demande il n'a qu'une réponse à
faire; c'est que les universités libres vont trop
loin et qu'elles se trompent d'interlocuteur ;
elles n'ont pas le droit de dire l'ela à l'Etat.
L'Etat ne leur doit que la liberté ; i! ne leur doit
pas la subvention. Il espère qu'on n'insistera
pas sur ce geure de considérations et qu'on
D abaissera pas à des intérêt? mercantiles la
f^rande question de l'enseignement libre. La
S' conde objection lui semble un peu plus déli-
cate; c'est celle de la partialité. On dit : com-
ment, vous allez remettre aux professeurs de
1 université de l'Etat le jugement des élèves
des universités libres! Mais ils ne seront pas
impartiaux! Ils favoriseront leurs propres élèves,
et ils fermeront, autant que possible, l'eutrée ^'.es
carrières aux élèvi.s des institutions rivales.
Il n'hésite pas à déclarer que c'est là une
vieille calomnie contre l'Université de France,
et il le dit parce que les faits le prouvent. Ce. te
prétendue partialité des professeurs nommés
par l'Etat, quelle belle occasion elle a eue de se
déployer depuis 1850.
En i 850 aussi ou a vivement protesté contre
l'incurie, contre l'imprudence du législateur qui
laissait aux facultés de l'Etat la collation du
grade de bachelier. Ou a dtt alors : c'est un pri-
vilège pour l'Etat; les professeurs de l'Elal voût
LA SEMALNE DU CIERGÉ
ICOT
favori?er, outre mesure, les élèves de l'Etat.
Qu'csl-il arrivé? L'impartialité la plus scrupu-
leuse a présidé aax épreuves du baccalauréat.
El poujtant, si !es professeurs n'avaient pas cet
honneur professiunnol, cette délicatesse pro-
lessionnelle, qui fait qu'on est plus srcupuleux,
èlaut professeur de TEtat, dans l'e.xamen de
l'élève qui n'a pas passé par les écoles de l'Etat ;
si, répète-t-il, ils n'avaient pas cette délicatesse,
est-ce que l'intérêt de l'université restait in-
demne après la loi de 18S0? Est ce que cette loi
n'a pas tait naitre une rivalité redoutable et re-
doutée ? Est-ce que ou ne sait pas que|de 20,000
élèves que comptaient les collèges ecclésiastiques
en 1850, ils ont passé à 00,000, tandis que le
nombre des élèves des collèges de l'Etat n'a
augmenté que de 3,000?
La troisième objection est celle relative à la
liberté des méihodes Ou dit : Si les élèves, qui
n'ont pas étudié sur les bancs de l'université de
l'Etat, ne se sont pas conformés aux méthodes
de l'enseignement oiïiciel, ils seront, au point
de vue de l'examen, dans une situation infé-
rieure. Et on ajoute, comme en matière d'axiome,
que, sans la liberté des méthodes, il n'y a pas de
liberté d'cnspignement. On ne veut, k aucun
prix, que les programmes des exame us devant
les universités libres soient les mêmes que les
programmes des universités de l'Etat, parce
que, dit-on, la liberté des programmes, c'est la
liberté de l'enseignement lui-même. 11 croit
qu'à cette objection, a été répondu d'une ma-
nière décisive dans la Commission de 1870 : la
réponse a été fuite par M. de Rèmusat; il
répondit ainsi « Vous vous plaignez des pro-
grammes, mais c'est vous plaiudre des examens;
les deux choses si^nt inséparables. Que vous
ayez ali'aire à des univeisilès tle l'Etut ou à un
jury spécial, il y aura toiijoms un programme,
du moment qu'il y aura des examiies. Il ne faut
pas, d'ailleurs, exa.érer l'impoi lance des mé-
thodes; il y a diverses manières d'apprendre,
il n'y a qu'uue manière de savoir. "
Avautde terminei suii discours, M. Jules Ferry
veut encore mettre eu regard de la solution
qu'il propose par son amendement, les autres
solutions, cellesbien entendu, qui reconiudssent
le dioit de l'Etat. Dans cet ordre d'idé's, il ren-
contre le svsteme des examens d'Etat. Il ne
croit pas qu'il y ait, pour la liberté générale et
pour l'enseiguement lui-même, une véritable
importance a metUe à la place d'uu jury comme
celui des facultés, c'est-à-dire d'uu jury iudé-
pendaut, inamovible, un jury tiui ne serait,
comme en Allemagne, qu'une simple commis-
sion admiuistraiive. 11 prie l'Assemblée de ne
8'arièler non plus à la solution du jury spécial.
liC jury spécial fut l'œuvre de la commission
eilrs.-païkmentaire de 1870; mais il prétend
que cène fut qu'une transaction, et rien de plus
qu'un expédient : le droit des facultés était
maintenu, sans réserve ni aniendement, -<is-à-
vis des élèves formés dans les facultés de l'Etal;
seulement, on avait à côté, pour les élèves
libres qui ne se fiaient pas à l'impartialité des
facultés, uu jury spécial nommé par le ministre,
composé, on ne disait pas comment, car la vraie
difficulté du jury spécial, c'est la difficulté de le
composer. Laissant donc la solution par les
jurys d'Etat, ce qu'il appelle la solution éner-
gique du problème, il ne veut pas tomber non
plus sur la pente opposée, qu'il dési:;ne comme
des solutions énervantes. 11 pense qu'il y en a
deux qui méritent cette quahticalion. L'une est
la solution du jury mixte, du jury combiné;
l'autre, c'est la délégation ou l'équivalent, et,
sous sa forme plus adoucie, c'est celle que pro-
pose la Commission actuelle.
11 observe que le jury belge peut paraître, au
premier abord, le jury impartial par excellence,
mais il croit que beaucoup d'erreurs ont cours
à ce sujet. Invoquant le témoignage de deux
professeurs de l'université de Louvain, et du
recteur de celle de Gand, il conclut par dire que
ce régime a produit des conséquences désas-
treuses, qui ont apporté un grand abaissement
dans les éludes. U lui reste à parler de la der-
nière combinaison ; c'est celle que la Commis-
sion propose. Oui, dit-elle, la collation des
grades appartient à l'Etat, c'est un droit de
l'Etat, c'est un office social, nous ne le nions
pas ; mais nous soutenons que l'Etat peut le délé-
guer, et puisqu'il le délègue actuellement aux
professeurs de ses écoles, pourquoi ne le délé-
guerait-il pas aux professeurs des universités
libres? M. Jules Ferry se demande, par contre,
si le droit de l'Elat, en cette matière, peut être
délégué. U répond oui ou non; cela dépend du
délégué : il lui parait que cette distinction n'est
pas arbitraire de sa part. U dit, oui le droit de
collation des grades peut être délégué, si on
entend par délégation le choix de certains agents
dépendant de l'Etat, appartenant à l'Etat, exer-
çant, en sou nom, une attribution qu'il lui appar-
tient. Cela, c'est la délégation naturelle de toutes
espèces de louctions publiques. Les droits de
l'Etat s'exercent par des fonctionnaires ; en ce
sens, ils sont ses délégués. Mais si on entend que
la collation desgradessoit déléguée àuneinstitu-
tion indépendante de l'Etat, il doit répondre sans
hésitation que, si l'Etat délègue son droit.il l'ab-
dique, dans ce cas, par la force même des choses.
En huissaut ce long discours, qui a occupé
une bonne partie de deux séances de l'Assem-
blée, M. Jules Ferry formule sa pensée finale
eu deux ligues : « Le droit de collation des
grades est uu acte de toi ; ce n'est pas un cahier
de charges. »
1603
LA SEMAINE DU CLERGÉ
M. Chesiip'oDg, ayant demanJé la parole poiir
un fait persBiinel, ne vient pas répoiulre au
fond du di&<oiirs de M. Ferry. Celui-ci a parlé
hier des aswniblées et des comités catlioliques,
et il lui a t;ii( 1 honneur de prononcer son nom :
l'Assemblée ;> entendu l'attoqi-.e, elle doit lui
permettre qu'il kiiiasse entendre ladéfense : elle
sera courte, t omment M . Ferry peut-il avoir des
inquiétudes que quatre ou cinq cents ckiéitiens,
vemus de divers points de la France, se ré*uiîs-
sant paie-ibli ment chaque année, laissant à
l'écart toute question politique, s'entretiennent
des œuvrtt> ansqaellesils sont dév\>ués. et s'exci-
tent à servii- bien selon leur foi, à iaire du bien
à leurs semlilubles, et à se faire du bien à eux-
m^mes? Tout ic'a est honorable, et tout cela se
passe au si;ind jour. Tout ce qui se dit, tout ce
qui se fait est publié dans des comptes rendus.
En parcour:uit tous ces comptes rendius, on y
trouvera peut-être qmelqnes formules dont l'ex-
pression pourra paraître nu peu vive, maison
y rencoiilrc! i\ . à chaque page, des aecents de foi,
de charité, damour pour la patrie, de dévoue-
ment, de soili'cilude pour le peuple et les psuvres.
Voilà, dit M. Chesnelcng, ce que c'est qaie k-s
comités catholiques.
Mais, M. Feri-y a prétendu que,, à l 'oecasion
de l'ensciginTnent supérieur, il s'était -produit
dans les eoiig'rès catholiques des ii'owveautés
étranges. M. <.,hesnelong' se (lemïinde quelles sent
ces nouveiuites. Les oo.mJlés catliolinjurs oïit dit
qu'ils réi'lan aient, non pas le monopole, mais
la liberté de l'enseignement au nom 4(i leur loi
catholique et parce que, selon eux, l'Eglise tient
de sa mission le droit d'enseigner. Peut-on ap-
peler cela une nouveauté? Mais, c'est la foi de
dix-huit siècles, et la France catlioiique n'y re-
noncera pas. 11 ajoute que .M. Ferry s'est plaint
de ce que, tdut en récktnant la literie de ren-
seignement les comités catholiques protestaient
cependiint, n'on pus contre le principe de la li-
berté pom- fdus, mais contre le principe delà
liberté poui' ii.ws de tout enseigner. 11 lui paraît
que la îiberié pour tous de tout enseignei-, c'est
la hberté illin.ilce, la libeité inconditiounelle.
Qui donc la ^•(•ut? Ce n'est pas M. Ferry qiii est
venu la demander dans son discours; seulement,
entre lui e1 nous voici la dilîérence : il réclame
des gaiiioiïtii s contre nous, parce que noussom-
mes l'oiiWi lïii, l'enri'emi inteliectuel bien en-
tendu. Newis, nous rf'clamons des garanties con-
tre des dwtriues qwi demandent ce qu'on appelle
les desiruClKins nécessaires. Quoi qu'il eu soit,
M. (Uie.sni iiing pense (jue la liberté illimitée
conduit à r(qiiiression par l'anarchie; et les ca-
tholiques ii'in veulent pas. Ils veulent une
ïberté forteiuent réglée et solidement garantie.
Mais il y a encore, d'après W. Fei-ry, une in-
Tentiou des comités catholiques : le droit de col-
lation des grades par les universités libres, ce
droit qui n'avait jamais été réclamé, dont on
n'avait jvss entendu parler, que les évoques
n'avaient pas revendiqué pendant leurs longues
luttes pour la liberté de l'enseigiumenl, ce droit
il a été inventé par les comitf's catholiques ; la
date de l'invention, selon M. Ferry, remonte au
premier congrès catholique .Te 1872. M. Clies-
nelung dit qwe M. Frrry a commis une sinf;ulière
erreur chronologique. C'est le droit de collation
des grades pur une université uniciue et officielle
qui est nouveau ; c'est le droit de <ollation par
les uiiives filés libres qui est ancien. I>ans l'an-
cienne Fr;iEce les comités catholiiiues n'exis-
taient pas apparemment, et toutes les universi-
tés donnaient îles grades. En Angleterre, il n'y
a pas de comités catholiques, et les universités
donnent des grades. Donc, les comités catholi-
ques n'ont rien inventé; ils se sont borués à re-
vendiquer un droit ancien et généralement ac-
cepté encore partout ailleurs qu'( n France.
11 observe que M. Ferry a parlé aussi d'une
pétition adressée à l'Assemblée nationale, éma-
nant dfs comités catholiques. Cette pétition que
réclume-t-elle? Elle réclame quatre choses : elle
réckme des facultés libres dans leur existence,
libres dans leurs programmes, libres dans leurs
méthodes. Est-ce que l'Assemhléi- ne le veut pas
aussi, elle '? Elle demande des iacultis libres d'ac-
quérir, de posséder. Est-ce que l'Assemblée
n'accorde j as cela dans une certaine mesure ?
EUe demande des facultés qui, sous certaines ga-
ranties, puissent conférer des grades; c'est la
question dont il s'agit, c'est la question contro-
versée. Sur ce point. M. Chesnelong a présenté
lui-même un amendement qu'il ne lépudic pas.
On n^i pas besoin de s'adresser aux comités ca-
tholiques, il est là, et il dira pourquoi il a pré-
senté cet amendement. Enfin, les com téscatho-
tiques réclament de l'Assemblée l'abrogation des
édits, des décrets, des lois qui pèsent sur les
congrégations rehgieuses non autorisées. Il
observe que ces lois ne sont pas exécutées, et il
s'en félicite pour l'honneur de son pays Ce ne
peut pas être un délit légal, dit-il dans un pays
olirétien de s'unir à Dieu par des vœux religieux,
dans la liberté de sa conscience; ce ne peut pas
être un délit légal, dans un pays libre, de vivre en
commun d'une vie de prière, de détachement et
de travail.
Il déclare enfin que M. Ferry a prétendu que
les catholiques asjiirent au monoiole de l'ensei-
gnement supérieur pour l'Eglise.
11 lui demande la permission o« lui dire que,
sur ce points il leur fait nu pro«iC's de tendance.
Ce monopole, ils !ie l'ont jamais ilemi.ndé, ce
qu'ils onl"demandé, c'est la liberté de l'enseigne-
ment supérieur. Le monopole, il a été dem^ udé
uar d'autres ; il a été demandé à cette tribune
LA SEMAINE DU CLERGÉ
1601
même, par M. Cballemel-Lacour, qui est venu
s'opposer à la loi sur la liberté de l'enseignemLiit
supérieur, non pas en niant la compéti'uce de
l'Eglise, — il l'a reconnue, — mais parce que,
disait-il dans sa francliise, il craignait que cette
loi ne fût iavorable à l'esprit catliolique et
que, pour lui, l'esprit catholique est l'esprit en-
nemi.
{A svivre.)
PnLipPE Carkéri.
PATROLOGIE
IX. THÈME GÉNÉRAL DES ÉCOLES CHRÉTIENNES.
L'Eglise, en ses nombreux établissements
d'instruction publique, devait naturellement
s'accommoder au goût dei maîtres, à la capacité
des élèves et surtout aux exigences du temps.
Aussi les étoiles de la science ne brillent pas
toutes de la même clarté. Le génie de l'Orient
n'a pas le même caraclère que le génie de
l'Occident; les écoles primitives diffèrent des
univer?ités du moyen âge ; l'enseignement pren-
dra des formes variées, selon qu'il se donne
aux laïques, aux religieux et aux prêtres.
Etpourtaut, malgré ces nuances nécessaires,
l'instruction a toujours conservé, chez les
Pères de l'Eglise, son invaiiable unité de
matières et même de méthode. C'est justement
pour avoir sans cesse rajeuni les traditions
anciennes, que nos ancêtres ont fait faire à la
science tant de progiès.
Partout et toujours, nous avons divisé les
connaissances de l'humanité en deux hémis[ihè-
res. Les catiiéchèses d'Alexandrie, les insiitu-
lions de Cassiodore, les éludes ecclésiaàti<iues de
Rhabiin-Maur, l'éiudilion scolastique de Hugues
de Saiiil-Vic.tor nous attestent hautement que
les académies chrétiennes avaient à la fois une
chaire de sainte^^-lettres et une chaire de belles-
lettres. L'on pourrait dire que cette division
antique, célèbre et universelle, forme le pre-
mier article, l'article fondamental des écoles
de l'Eglise. Nous savons que nos rationalistes
modernes vont sourire de te programme; mais
qu'ils l'avouent, ou con, les douze premiers
siècles de l'ère nouvelli se dressent contre eux,
pour leur dire que la sagesse humaine n'est
souvent qu'une iolie.
Examinons à part l'enseignement des saintes-
lettres, et celui des belles-lettres.
l. Noa-6(;ulemeut les maîtres ecclésiastiques
avaient à cœnr d'initier leurs disciples aux
mystères de nos livres saints : ils prétendaient
que la science des divines Ecritures est la seule
et véritable sagesse; que cette reine doit domi-
ner toutes les études naturelles^ et que la
raison est l'humble servante de la foi. En con-
séquimce, ils aimaient, pour elles-mêmes, les
lumières de la révéUition tandis qu'ils se
livraient à l'étuile des sciences humaines, par
amour pour la parole de Die,i'
Et ce n'était pas, chez eux, l'enthousiasme
d'une dévotion puérile qui réglait ainsi le
thème des écoles : la philosophie même leur
avait démontré que la science divine est la plus
nécessaire en principe, la phis vaste, dans SOQ
ensemble et la plus féconde en résultats.
El d'abord, une parole divine était indispen»
sable, soit que l'homme vécût sous l'heureux
empire de la grâce, soit qu'il restai dans l'ordre
purement naturel. A 'supposer que la Provi-
dence nous ait élevés à la hauteur du monde
béatifique, ne fallait-il p;is qu'elle daignât
nous révéler, de sa propre bouche, la cause, les
moyens et la fin de cette glorieuse transfigura-
tion? Si l'œil de l'homme n'a pas vu, si soa
oreille n'a pus entendu, si son cœur n'a pas
senti les biens que Dieu distribue à ceux qui
l'aiment, l'Espril-Saint ne devait-il pas révéler
ces mystères impénétrables à notre raison?
De toute évidence, un soleil particulier est
appelé à luire sous ces nouveaux cieux, et pour
cette nouvelle terre; et, comme l'ordre surna-
turel, par son essence et dans sa définitioa
même, surpasse infiniment le règne de simple
nature, les docteurs de l'Eglise ont eu mille
motifs de préférer l'Ecriture sainte à tous les
livres des hommes.
Mais l'Ange de l'école, homme-tradition par
excellence, va même soutenir qu'une révélation
divine était encore nécessaire pour la rech'-rche
des vérités rationnelles, qui regardent Dieu.
« Car, dit-il, une vraie connaissance de Dieu,
acquise par les lumières de la raison, ne se
formerait que chez un petit nombre d'hommes,
au bout d'un temps assez long et avec ua
mélange de beaucoup d'erreurs. Et cependant
le salut de l'homme, qui est en Dieu, dépend
tout à fait de cette connaissance. Pour que le
genre humain fût sauvé, avec plus de conve-
nance et de certitude, il était donc nécessaire
que nous fussions instruits des choses de Dieu
par une révélation divine. Outre les sciences
philosophiques, qui forment le domaine de la
raison, il nous fallait encore une science divine
et révélée {S. S. 1* i", q. I, art. 1,0).»^
L'on comprend déjà pourquoi les maîtres de
nos écoles chrétiennes m'ttaienl en première
ligne l'étude des livres inspirés. A leurs yeux,
c'était là l'unique chose nécessaire , et l'on ne
pouvait reconnaître aux antres sciences que le
mérite secondaire de l'utilité. Mais un nouveau
motif de préférence venait bientôt s'ajouter
au premier. Non-seulement l'Ecriture est une
œuvre de Dieu, dépasse quelquefois et affermit
16 : 5
LA SEMAINE DU CLERGÉ
toujours ia raison, mène pins sûrement les
hommes à leur dernière fin; elle nous oflre,
en outre, dans ses pages simples et profondes
à le fois, uniî riche.-se de sens que vainement
on clierclierait ailleurs. Frétons l'oreille à
saint Tliomas, que nous citions d jà tout à
l'heure. Le grand théologien de l'E^çlise. tout
en nous lévélant ia va-le étendue des Ecritures,
mms apprendra en même temps les règles tra-
ditionnelles de l'exégèse sacrée.
« Dieu, dit-il, est l'auteur de la sainte
Ecriture; et il ebt en son pouvoir de faire parler
le langage, comme nous, et de plus, les choses
elles-mêmes. Les autres sciences n'ont qu'une
Bignification attachée aux mots; l'iicriture à
cela de propre que les choses énoncées par
des termes de grammaire, renferment un sens
à leur tour. La première expression de la
parole, qui nous représente les choses, cons-
titue un premier sens, qui est historique ou
littéral. La signification des choses, traduites
par le discours et nous révélant des choses
Douvelles, se nomme le sens spirituel, qui se
fonde sur le littéral et le suppose. Ce dt-rnier
est divisé en trois espèces. Comme le dit l'Apô-
tre, la loi ancienne est une figure de la loi
nouvelle [Hebr., vu); et cette loi nouvelle est
elle-même une figure de la gloire à venir,
ainsi que nous le témoigne saint Denys l'Aréo-
yagdti{fjierur. Eccl. c. v, p. 1); enfi:i l'Evangile
nous oiïre, dans les œuvres de notre chef, un
modèle à puivn-; pour notre conduite. Quand
la loi ancienne est un emblème de la loi nou-
velle, c'est l'allégorie; quand les actions du
Christ ou des figures du Christ, nous retracent
une obligation morale, c'est le sens tropologi-
que; quand les choses ont du rapport avec
l'éternelle gloire, c'est le sens anagogique
(76., a. X, o). »
L'S fruits que l'on se proposait de retirer de
l'Ecriture sainle rehaussaient encore le prix
de cette science, et la fiiisjient aimer par nos
anciens docteurs : « Quiconque se prépare
à lire les saintes- lettres, dit Hjgues de Saint-
Victor, doit préalablement savoir quels avan-
tages elles procurent. Il ne faut rien désirer sans
cause; et c'est une promesse d'intérêt qui
enflamme le désir. L'étude de la Bible nous
oflre un double fruit : elle orne les âmes de
science ou de vertus. Elle nous apprend ce
que nous aimons à savoir et ce qu'il nous
importe n'iû^iter. La science dérive surtout de
l'histoire et de l'allégorie; le règlement des
mœurs est un eflet particulier de la troptflogie.
(De Scrintur. et Scriptor. sacris, c. xim). »
II. Tels étaient donc la cause, la forme et le
but de la science des saintes-lettres, jusqu'à
l'époque de saint Thomas.
Depuis longtemps les Pères de l'Eglise avaient
partagé les sciences humaines en Trimum et
Quudrivium. Le ternaire m3"stérieux renfermait
la gr.mmaire, la dialectiipie. et la rhétorique.
Les mathématiques, c'est-à-dire l'arithmétique,
la mimique, la géométrie et l'astronomie for-
maient le quaternaire de la science. D'après
Hugues de Saint-Victor, ce nom de trois et
quatre voies signifiait que les hommes studieux
trouvaient, dans les connai-sances qu'il ren-
ferme, autant de chemins qui conduisaient au
temple mystérieux de la sagesse {Etud. Didasc,
III, 3).
En se combinant, le Trtvium et le Quadrivium
formaient les sept arts libéraux. Mais d'où
vient l'épithète de libérale, appliquée à la
science humaine? Jean de Sali^bnry, le plus
spirituel des scolastiques de son temps, expli-
que ainsi la chose : « On les appelle arts libé-
raux, ou parce que les anciens avaient soin
d'en procurer la connaissance à leurs enfants
{Itberi); ou parce que leur étude exige une
grande liberté d'esprit, pour préparer les
mêmes hommes aux leçons de la philosophie;
ou parce qu'ils préservent réellement le sage
de tous ces embarras, dont la science n'admet
pas le principe; ou parce qu'ils vont même
jusqu'à faire oublier les nécessités de la vie,
afin de rendre les âmes plus propres à méliter
les vérités philosophiques {Metaloy. i, 12). »
Mais nous croyons volontiers, avec Hugues de
Saint-Victor, qu'une telle qualité fut donnée
aux arts pour les distinguer des métiers, ou
des œuvres servîtes. En eû'et, le moyen âge
enseignait sept arts mécaniques : le tissage,
l'armement, la navigation, l'agriculture, la
chasse, la médecine et le théâtre. « Les autres
arts, dit Hugues, ont le surnom de libéraux,
par la raison qu'ils demandent beaucoup de
liberté d'e-prit, pour examiner le fond des
choses; peut-être aussi parce que jadis les
hommes libres, ou les nobles, avaient l'habitude
d'en faire seuls profession : tandis que les plé-
béiens, ou les fils même, de la populace avaient
au contraire le monopole des métiers (£'/•««/.
Didasc. ii, 21). »
Nous avons fait de longues recherches, pour
découvrir l'origine des sept arts libéraux. Il
nous semblait d'abord que cette division des
sciences naturelles avait subsisté dans les écoles
de l'Eglise, à tous les temps. Nous la voyons
en eûet régulariser les études du moyen âge.
Elle préside à la renaissance des lettres, sous
l'empire de Charlemagne. Cassiodore l'introduit
dans son monastère de Calabre. Qui le penserait
même? elle a laissé des traces visible., dans les
catéchèses d'Alexandrie. Encore une lois, d'où
vient le partage des connaissances humaines
eu sept arts libéraux? Si les Pères de l'Eglise
l'ont adopté dès le commencement, serait;!!
LA SEMAINE DU CLERGÉ
16<{
permis de Iftiir en attribuer l'initiative? Comme
ils ont pris la science des païens toute faite,
n'ont-ils pas emprunté les sept arts libéraux
d'un ancien philosophe? En raisonnant de la
sorte, nous pressentions la vérité : car Hugues
de Saint-Victor, l'un des liommes les plus érudits
de son sièile, nous cerlifieque le Trivium et le
Quadrivium servaient de base à l'enseignement
de Pythagore. Le philosophe de Samos n'aurait
donc plus l'unique gloire d'avoir inventé la
table de multiplication.
« En ces temps-là, dit Hugues, personne
n'aurait osé prendre le titre de maître, s'il
n'eût été capable de professir les ?ept arts
libéraux. Nous lisons de Pyth.igore (lu'il
imposa pour règle à ses di?eiples de ne point
lui demandiT raison de sa doctrine, pendant
les sppt années d'études, qui correspondaient au
nombre des arts libéraux : chacun devait ajouter
foi aux paroles du maître, jusqu'à l'heure où,
son instruction terminée, il pût r:iisonn"r lui-
môme ses connaissances. Tel était le zèle des
pythagoriciens à s'approprier les principes des
sept arts libéraux qu'ils les avaient tous pré-
sents à la mémoire; si bien qu'en ouvra'it un
livre, s'il leur fallait érlaircir ou dér.iontrer
une question, au lieu d'èlie obligeas de recourir
à des notes écrites, ils trouvaient aussitôt, dans
leurs souvenirs, lu SDlution de chaque proMèine.
il n'est point surprenant qu'une telle époque
ait vu naître tant de philoso^ihes, dont les
ouvrages sont trop nombreux jiour i\\\e. nous
ayons jamais le temps de les lire. Pour les
scolastiqnes de notre temps, ils ne veulent, ou
ne peuvent suivre la méthode convenaMe po t
leur instriution; aussi voyons-nous parmi
eux beaucoup d'étudiants et peu de sages
(/*.. m, 3). »
iJlaiiitenant serait-il vrai, comme l'avancent
des auteurs même estimables, que le Tiivinm
et le Quadriuium aient enrermé le génie île
l'homme dans un cercle lyraunique et vi ieux?
La réponse à cette qu stion nous intére-se
moins, ilepuis que l'oi igiiie des sept arts libé-
raux nous est connue. En ellet, si le programme
du septénaire des sciences a le malheur de vnus
fâcher, la jusiice demande que vous déeiiargiez
votre colère sur P\tliai;ore, qui paraît en ctie
l'inventeur, à moins pourtant qu'il ne l'ait
appris de -es ancêtres. Faites alors le procès à
la philosophie de l'homme, et respectez l'Eglise
de Dieu
Mais admettri.ns-nous, sans preuve, que le
thème général des éludes naturelles, mis en
honneur par le celèlire Pylhagore et emijrassé
par tous le> Pères de l'Lglise, ait veritaMeraent
tenu les peuples sous le joug d'une tutelle évèie
et jalouse du piogrès? En droit, l'hypothèse
semble téméraire; eile est erronée, dans le fait.
Que l'on veuille blâmer un siècle, un homme
et surtout une action , la sentence, par là
même qu'elle restreint sa iiortée, éveillera
moins les soupçons de l'auditoire et semblera
plus conforme aux lois de l'équité. Qu'il s'agisse,
au contraire, de taxer d'ignorance ou de fai-
blesse les treize premiers siècles de l'Eglise, la
série entière de ses plus illustres docteurs, une
coutume immémoriale et universelle des écoles
chrétiennes, l'entreprise devieut audacieuse, et
il est malaisé d'avoir seul raison contre tous.
C'est pourtant l'essai imprudent que font les
détracteurs du programme de n»js anciennes
écoles.
D'ailleurs l'histoire met à néant les plainles
inqualifiables de certains libérâtros sur la
tyrannie prétendue de notre enseignement.
Dans les articles qui vont suivre, tout en faisant
ressortir l'unité traditionnelle de la méthode
scolaslique usitée en nos diverses institutions,
nous aurons soin d'établir des nuances assez
fortes pour donner place au libre essor de 1 1
pensée humaine. Sans avoir besoin de revenir
sur les catéchèses d'Alexandrie, où les Clément
et les Origèue déclaraient toutes les sciences
tributaires de la révidaton, nous ferons voir
que les Pères de l'iîglise, malgré la prééminence
qu'ils aceordaieut justement aux sept arts libé-
raux, se gardaient bien de proscrire l'étude des
autres sciences. Cassiodore, par exemple, après
avoir exigé de ses religieux, la connaissance,
au moins sommaire, du Trivium et du Quadri-
vium, ne laisse pas de leur conseiller, en outre,
la lecture des autres livres de géographie, d'a-
griculture, et même l'.e médecine. C'est un fait
très-digue d'observation ijue la plupart des
monastères île ['rance désignaient d'iiabitude
quelques-uns de leurs religieux pour étudier
les maximes d'Uvqiproerate, et soigner les
malades. De son côté, Khaban-Maur, élevé par
Alcuiu, dans l'école des sept aits libéraux, ne
craint pas de bmder, sur !e canevas ofliciel des
études, des ornements de fantaisie, ou, pour
mieux direjsauement approiiries aux besoins du
mi .istère pas'.oral : traitant eu dehors du pro-
gramme ( la-sique, de la thé(jlogie, des rites
ecclé.-iasliijues, de l'histoire des dogmes et des
erreurs, des ve; tus réservées aux prèlres, et de
l'art il'annoucer la parole de Dieu. Bien qu'il
res| ecle le ^ystème inauguré par l'école italique
de Pythagore, il fait une mention encore plus
élogï -u^e de saint Augustin et de sa divi-ioa
pliiosopliiiue des sciences. Mais, au moyen
âge, l'eu. aneipaiion des esprits semlile encore
plus coaiiileie. Hugues de Saiut-Victor établit
la philosophie comme souveraine des lettres,
des sciences et des beaux-arts. 11 lui supposa
quatre bianehes principale- : la théorie, la pra-
tique, la mécauique et la logique. Celte pre-
mi
LA SEIIAÎNE DU CLEUGÊ
mière division donne naissance à une foiile de
rameaux; tellemeiil que l'buteur compta jus-
qu'à trente-huit sciences, et nous avertit qu'il
en existe encore beaucoup d'autres. {Eiud.
Didasc. m, 1).
Ncaiituoins, Hugues de Saint-Victor, en par-
lant lie l'crdn; qu'il faut mettre dans ses lee-
tui-ps, n'hésile point à ilire, avec les atici<?us,
que l'on doit apiirendre avant tout les sept arts
Jiliéraux. Quelle était donc la raison d'une pré-
férence si marquée et d'ailleurs si universelle?
On voyait, dans lesseiit sciences, les meilleurs
instruments pour faciliter l'étude de nos livres
saints. « Les sept arts libéraux, nous dit Hugues,
sont -ubordounés à la science des Ecriliiri'S. Le
Iriciuni s'occupe du sens des parob'S. Le Quadri-
viuiii i.ous ouvre le symlioiisme des choses. La
grammaiie enseigne l'art de parler conecte-
m> nt, et d'avoir uue bonne prononciation. La
dialectique compare les s-ns divers, et fait
jaillir la vérité par le <'hoc des argument'*. La
rhétoiique rem[ilit à elle seule la mission des
deux sciences jTécédentt-s. Pour la physique,
ellt' sonde la nature intérieure des choses, pen-
dant que les mathématiques font connaître les
signes et bs nombres («terieurs {De Scriptia\ et
sctiptoj'.sacris, Xlii). » Rapprochons de ce texte
ce que le moine de Saint- Victor dit ailleurs,
sur les avantages que procurait, aux disciples
de Pylhagore, une connaissance approfondie
des sept arts libéraux, et nous verrous que les
anciens maîtres de 1 Eglise considéraient le
Triv'um et le Quadrivium comme uue pri'para-
tion f écessaire à l'étude des divines Ecritures
et de la philosophie humaine.
D'aulre> docteurs, par exemple, saint Jérôme,
saint Augustin et saint Basile n'estiment pas
seulement la science humaine pour les services
qu'elle /end chaque jour à l'interprétation de
la parob; de Uicu : ils l'honorent de plus
comme doctrine, émanée du ciel, parente de la
foi et conduisant l'homme au bonheur. De là,
saint Jeiôme admire nos premiers écrivains,
dont les livres nous tiûrent une telle moisson
de dogmes et de préceptes philosophiques,
qu'on ne sait laquelle doit le plus nous étonner
de leur érudition séculière ou de leur science
des Ecritures {Eptsl. lxx.kiv, ad Mugnum).
PlOÏ,
curé-doyen de Jazennecoart,
Variété s.
LA TERRE SEULE EST HABITÉE
{Sutle.)
La terre seule possède des créatures intelli-
gentes, parce que Uiiu l'a choisie pour recevoir
d'elle les hommases que lui doivent tons los
êtres corporels qu'il a créés; et, afin que ces hom-
mages prennent une valeur qui corres|ionde àl'é-
tendue de ses bienfaits, il s'est uni de la manière la
plus intime à sesbaldiauts chargés de l'adorer, en
prenant substanliellement leur nature [lour les
renilre participants de sa divinité, au point
qu'il s'honore et se gloriue lui même au nom
de toutes, ses créatures, dans le culte que lui
adresse l'homme ainsi uni à lui. — Cette vérité
est conlirmée par les paroles Notre-Scigneur,
lorsqu'il dit à ses Apôtres : « Prêchez l'Evangile
à toute créature. » Dans l'homme se trouvent
les éléments dont sont formées toutes les créa-
tures visibles (saint Grégoire;; c'est pourquoi,
étant choisi de Dieu pour cette hu il les repré-
sente tontes et rend, en leur nom ,1a gloire due
au Créateur, eu remplissant les devoirs du culte
prescrit. — » L'homme, dit saint Grégoire de
« Nnziauze, n'est pas, comme le dit un philoso-
« phe ancien, un petit monde, mais un grand
« monde dans le petit : quidam mundus in parvo
« magnus; il représente tous les êtres matériels
« dans le culte (ju'il faut rendre au Créateur. »
— « il est, ajoute Hossuet, l'adorateur de Dieu
pour tout le reste des créatures. « — « Dieu, en
touchant à l'homme, dit un savant théologien
(le P. Malignon), touche au cœur de la création;
en se communiquant à lui, il s'est communiqué
à l'universalité des êtres. »
III
Un autre privilège de la terre qui mérite
d'être remarqué, et fournit sa part de preuve
à notre système, c'est (jue, par un efl'et de l'in-
carnation, elle i-st déjà en substance pl.icée dans
le ciel même, but final de tous les mondes.
Notre-Seigneur l'a dotée de ce glorieux avantage,
lorsiju'au jour de son ascension il a élevé dans
sa personne la nature humaine au plus haut
trône de la gloire (saiut Gréi-'oire, pape). —
Réunissant eu elle les éléments de tons les êtres,
savoir : la terre, l'eau, l'air et le feu, qui sont
les substances mères et génératrices de toutes
les autres, la nature humaine, qui ajou'e à tous
ces éléments la noble faculté de i'inlelligeuce,
représente, dans le ciel comme sur la terre, tous
les mondes ciéés.
S'il y a d'autres mondes habités par des êtres
raisonnables, d'où vient que la terre a encore
d'autres avantages qu'il est impossible de sup-
poser ailleurs sans blesser les perfections di-
vines? Comment se fait-il qu'eu outre de
l'Homme-Dieu, elle possède daus la Vierge
Marie, son auguste mère, la créature incontes-
tablement la plus parfaite'? On ne peut expli-
quer toutes ces prérogatives et s'en rendre
raison qu'en admettant l'hypothèse énoncée, sa-
voir : que dans l'œuvre de la créatiou, Dieu a
LA SEMAINE DU CLERGÉ
Mit
eu en vue de se faire glorifier par les habitants
de la terre, au nom de toutes les créatures qui
existent dims l'ordre physique.
On est autorisé à le croire par une autre con-
sidération.
Est-il étonnant que les astres ne soient pas
habités quoique la terre le soit, puisque la terre
elle-même, qui jouit de cet avantage et possède
tant d'autres privilèges, n'est habitée que dans
une faible proportion de son étendue (moins
d'un quart de sa surface)? On sait pourtant
que les vastes régions non habitées des conti-
nents et de beaucoup d'îles renferment des objets
dignes d'ackniration qui publient hautement
les grandeurs et les largesses inexprimables du
Créateur. La mer, qui, seule, occupe les deux
tiers du globe terrestre, «onlient elle-même
dans sou seiu, un monde merveilleux en son
genre. Dira-t-on que Dieu ne reçoit aucun
hommage, auciine reconnaissance pour tant de
merveilles, parce qu'il n'y a parmi elles aucun
être capable de le connaître et de le louer? On
ne saurait avoir une pareille idée; chacun voit
à n'en pas douter que l'homme, seul être intel-
iigeut sur tout le globe, est chargé de payer au
souverain maître de toutes choses, le tribut
■tradoratioa, d'amour et de louanges qui lui est
dû pour tous les bienfaits accordés à la terre.
C'est ce qu'il fait pour tous les mondes créés,
parce que, uni à Dieu par le mystère de l'Incar-
nation, il est seul capable de lui offrir ses hom-
mages.
D'ailleurs, les aslrcs, quoique non habités, ne
sont pas sans admirateurs spéciaux pour les
merveilles qu'ils renferment. D'après plusieurs
Pères de l'Eglise (entre autres siint Jérôme),
non-seulement les anges, mais même les saints
du ciel, les voient clairement; ils ont pleine
connaissance de ce qui les constitue ; ils en ad-
mirent Tordre, les grandeurs, les beautés mer-
veilleuses qui servent à orner la terre, palais du
Verbe fait chair, et en rendent gloire à leur
auteur qui a si bien r^.glé toutes choses pour
honorer la plus grande de ses merveilles, la
divine Eucharistie. La terre étant le séjour de la
divinité incarnée. Dieu l'a environnée d'embel-
lissements dignes de sa majesté suprême.
IV
Nécessita de l'union dans les âtres
adoi-ateurs.
S'il y avait des habitants dans les astres, nous
le saurions et nous communiquerions avec eux,
parce que le principe d'unité exige qu2 les ado-
rateurs de. Dieu soient unis :
1° Dans la vie du temps;
2° Dans la rédemption;
3° Dans le jugement;
i" Dans la gloire.
i" Dans la nie du temps. — « Toutes les
œuvres du Seigneur sont des révélations de lui-
même, » dit un auteur pieux (le R. P.
Fabcr). Ainsi la gloire que Dieu attend de ses
créatures a pour modi'de celle qu'il se donne à
lui-même par l'harmonie éternelle que produit
l'union ineffable des trois personnes divines, de
laquelle découle la loi d'unité, cette règle im-
muable qui demande que tous les êtres soient
liés par des rapports réels et constants dans
l'ordre naturel comme dans l'ordre surnaturel.
Pour cette raison, il faut que les créatures des-
tinées à adorer Dieu, soient unies d'une ma-
nière cmiforme à leurs qualités naturelles,
c'est-à-dire que leur intelUgeuce doit se corres-
pondre jusqu'à un certain point. C'est pourquoi,
si des créatures raisonnables se trouvaient dans
les astres, Dieu aurait révélé au moins leur
existence pour opérer cette union indispen-
sable. Dire qu'elles seraient unies après le
temps d'épreuve, dans l'éternité glorieuse, ne
satisferait pas au principe exposé et tiré de l'es-
sence divine, qui exige l'union en tout temps,
quoique à différents degrés.
C'est ce même principe d'union qui consti-
tue sur la terre les liens de la ciiarité. Les
hommes étant faits à l'image de Dieu, doivent
s'aimer dans l'unité de famille comme Dieu
s'aime lui-même dans l'unité de nature, entre
les trois [iri sonnes diviues.et en s'aimant ainsi,
ils forment, dans l'exercice du culte, un concert
qui met en évidence leur ressemblance avec la
divinité. C'est ce qui doit se trouver dans le
culte universel que Dieu exige de ses créatures ;
toutes celles qui sont capables d'exercer ce
culte, doivent être dans les conditions d'une
réunion proprement dite pour louer Dieu avec
une harmonie digne de celle qui existe dans les
perfections divines. Ainsi la base sur laquelle
repose le grand précepte de la charité serait
ébranlée si l'on admettait que les créatures in-
telligentes qui composent le corps uidversel des
êtres adorateurs, u'ont besoin d'aucun rapport
entre elles [lour rendre gloire à Dieu.
Ce serait même fournir une excuse au schisme
et à l'iiéresie. l'ourquoi Dieu réprouve-t-il le
schisme et l'hérésie? — Parce qu'ils brisent
l'union qu'il veut dans ses adorateurs. Or celte
union serait rompue, si des êtres intelligents
destniés à adorer Dieu, n'avaient aucune com-
munication ave< d'autres êtres du même genre,
qui seraient créés pour la même fin. Dans cette
hypothèse, Jésus-Christ qui es'^ l'objet principal
du culte universel, parce qu'il est le suprême
auteur et réparateur de toutes clioses, serait
adoré isolément, sans connexion, sans cohérence,
sans cette liaison iudisneusable qui unit toutes
1G14
LA SEMAINE DU CLERGÉ
tes partii^s d'un corps pour n'en faiie qu'un seul
tout. L'union existerait entre les esprits célestes
et les hommes, mais non eu ce qui concerne-
rait les autres êtres intelligents. L'Eglise, avec
ses trois parties constitutives, partie triom-
phante, partie soutirante et partie militante,
parfaitement unies par des rapports intimes, ne
serait rien en comparaison d'une intinité d'au-
tres groupes d'adorateurs également intéressants
et dignes d'afifection, avec lesquels elle n'aurait
pendant la durée du temps, aucun rapport, pas
même celui de la foi à leur existence. Comment
concilier cet isolement avec les lois de l'union
qui dérivent des principes posés par la nature
de Dieu, et qui, on ne saurait le contester, fontde
tous les êtres doués de raison, une seule et même
famille? Une pareille supposition tendrait à
justifier les déchirements sr.rvenus dans la par-
tie militante de l'Eglise. L'union, manquant dans
le culte universel, exercé par la généralité des
êtres intelligents, pourrait, dirait-on, manquer
sans inconvénient dans le culte parliciflier
adressé par les habitants de la terre.
Qu'on ne dise pas que nous pouvons être unis
avec les habitants des astres, quoique nous
ignorions leur existence. On sent, à ne pas en
douter, qu'il ne peut y avoir d'union propre-
ment aite entre des êtres qui peuvent être con-
sidérés d'un côté comme des chimères, comme
n'existnnt pas. Le principe qui dit : « En tout, il
faut de la réci|irocité,» en donne la raison.
Pour qu'il y ait union entre deux genres de
créatures raisonnables, il faut une réciprocité
au moins virtuelle, c'est-à-dire qu'il doit y avoir
de part et d'antre, au moins implicitement, des
actes d'une bienveillance mutuelle, qui oprrent
cette union. Comment ces actes peuvent-ils
avoir lieu d'une manière positive, si d'un côté
l'existence des créatures qui doivent les produire
n'est pas certaine? Ce serait donc, de ce côté,
des actes incertains. Du côté où les êtres existent
réellement, les actesde bienveillanceou assistance
auraient bien la force de produire l'union d'une
manière explicite ou im|ilicite; mais, manquant
d'agent certain, de l'autre côté, pour être payés
de retour, ils seraient sans ell'ut certain, par la
raison que rien de Ibimel ne peut s'opérer sur
ce qui est douteux. La réciprocité au moins im-
plicite étant incertaine, il y aurait également
incertitude sur l'union, et dés lors ce ne serait
pas une union proprement dite. — Sans doute,
la certitude de la réciprocité n'est pas néces-
saire quant à l'amour en puissance, c'est-à-dire
quenous aimons les habitants des astres s'ila
existent ; mais, dans le fond, on sait qu'elle estin-
dispensable pour que l'union soit réelle, véritable
et parlant proprement dite.
11 est bien vrai de dire que la loi d'unité con-
siste dans la cuntormité des moyens que Dieu a
établis pour atteindre la fin qu'il s'est proposéa '
en créant le monde, avec le résultat obtenu
qui est la gloire du Très-Haut, publiée dans une
harmonie admirable par tous les êtres créés.
Mais on ne peut soutenir que cette conformité
existe en ce qui concerne le cas où il y aurait
dans les astres des habitants doués de raison. Il
manquerait à ces habitants une condition essen-
tielle pour concourir avec accord au magnifique
résultat, l'union proprement dite avec le reste
des êtres intelligents.
On pourra dire : Supposez qu'il existe sur la
terre des hommes isolés et entièrement inconnus,
mais servant Dieu, tels que des anachorètes
cachés dans des déserts, ou des personnages
dociles à la grâce, vivant parmi les sauvages
même, ou daus une ile non découverte, où ils
auraient été poussés par une tempête, est-ce que
nous n'aurions pas d'union avec eux parce que
nous ignorerions leur existence?
Je réponds qu'il n'y a pas de parité entre le
cas supposé et l'hypothèse des astres habités.
L'article du symbole, qui a pour titre : la Corn-
munion des saints, nous unit parfaitement et
indistinctement avec tous les hommes qui
vivent selon Dieu sur la terre, connus ou incon-
nus, an point que les liens spirituels sont com-
muns à tous, parce' que tous sont membres de
l'Eglise, laquelle comprend dans son sein, non-
seulement les chrétiens de la catholicité, mais
tous ceux qui servent Dieu en mettant à profit
les moyens de salut qui leur sont donnés; tandis
que les habitants des astres, ne faisant pas partie
de la société terrestre, ne pourraient être com-
pris à cette communautéde biens dans un sens
qui marque l'union, puisque nous n'aurions
aucun rapport avec eux. — Nous serions réduits
à supposer que s'ils existent, il y a. pour eux,
une communion spéciale qui les unit eutie eux
pour les attacher à Dieu par un culte commun,
et encore taudrait-ildire que, vu leur isolement
à des distances considérables qui les sépareraient
de la même manière que nous serions séparés
d'eux, il y aurait parmi eux autant de commu-
nions que d'astres habités. Une pareille hypo-
thèse romprait le cachet d'unité apposé à touieî
les œuvres de la création, lequel doit être remar-
quable surtout daus la famille universelle des
êtres intelligents,
{A suivre.)
L'abbé Faery,
curé de Villars-Heissier.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE TOME VI
DE LA SEMAINE DU CLERGÉ
ACTES OFFICIELS DU SAINT-SIEGE
Cbêation de cardinaux , IS'l
Provision dÉglises 816, 1179, 1531, 15CI
CoNGRâGATioN DE l'Index 911, 1243
Congrégation dE3 Rites. Décret concernant la
conséoralion du monde entier au Sacré-Cœur
de JÉSUS ,,,. 971
Décret concernant les sépultures , 1147
Abolition de quelques abus , 1180
Réponse sur les messes de Noël ■•.■. 1211
Décisions concernant les vases sacrés 1561
Congrégation de l'Inquisition. Décision tou-
chant le culte de Notre-Dame du Sacré-
Cœur ion
•— Lettre de Mgr l'archevêque de Bourges, con-
cernant le même sujet 1018
Lettre de N. S. -P. le Pape Pie IX, au clergé,
aux fidèles de Malalar contre l'évêque Jean-
Elie Mellus 1051
Lettre de N. S. -P. le Pape Pie IX, aux pas-
teurs et aux fidèles de Hollande portant ex-
communication de l'évêque janséniste, Jean
Heykamp 1115
Lettre de N. S. -P. le Pape Pie IX, portant
condamnation de la faction dite Eglise catho-
lique italienne nalioiiale, et excommunication
du faux archevêque Panelli 1307
Bref à Mt;r d'Avauzo, sur les classiques latins. 1432
Bref relatif aux pouvoir» des aumôniers mili-
taires en temps de guerre 1564
CONGRÉSATTON DU CONCILE 1595
BIBLIOGRAPHIE
Tkie4ogia mentis et cordis, deContenson,,.,..., 949
Clf/peus theologjce ihumislicce, de Gones 951
Bssai sur ta /jmp^rancé, par M. l'fibbé Richard. 1038
Lumière et Vériié, par M. l'abbé Level 1135
Ji-aité des Disri-nses matrimoniales, par M. l'abbé
ïéphany , 1581
BIOGRAPHIE
(PBRSOSrriGBS catholiques CONTEMPOBAtNKS.)
Le p. Gratry (suite)...- 918, 946, 984
Sabine de Ségur , 1004
Constant-Irénée Lubienski, évêque d'Agus-
towo 1094, 1134
Le P. Gaptier 1164
Dom Guéranger 1193, 12'2G, 1258, 1290, 1318, 1355.
1389, 1416, 1451, U75, 1512, 1577.
CHRONIQUE HEBDOMADAIRE
Aicérle, — Les juifs de Blidah confiant leurs
enfants aux Frères 1009
Si l'Algérie nous coiite plus qu'elle ne vaut,,. . 1201
Congréganistes et ligue de l'enseignement, à
Alger, pour le brevet Je capacité; échec
complet (le la Ligue 1265
Allemagne. — Bilan de la persécution du
premier janvier 1875 à Un avril; faits récents. 1105
Lettre des caiholiques polonais au Pape et sa
réponse, relativement à l'élévation de Mgr Le-
dochowski au cardinalat. — Continuation de
la persécution religieuse , 1201
Progrès de la persécution. — Défense de pour-
voir aux besoins des prêtres. — Développe-
ments de la presse catholique. — Conversions.
— Jugement du Times sur les résultats de la
persécution. — Lettre du Saint-Père à
Mgr l'évêque de Paderborn. — Le jubilé de
Mgr de Ketteler 1329
Assemblée dœllingérieiine, à Bonn 1425
Le congrès de Fribourj-en-Brisgau. — Résolu-
tions votées •...,.,. I,,. :..,...,,,,. 1521
1616 LA SEMAINE
Ai«ncc-torraine. - Fermeture des écoles,
faute de maîtres
Analeterre. - Deux lettres de l'épiscopat
nm.lais aux évêiues allemands el aux eve'jues
ïnTsses - Ouverture de l'église de Sam -
Thomas-Becket, à Cantorbery.- Discours de
So" Em. le cardinal Manning sur 1 bglise et
de la liberté des peuples. - Conversion de
lord Francis Otburne. — Le prince de balles,
grand-maître de la Franc-Maçonnerie an- ^^^
Suùatioiidèsyésuités'dèVant'la loi; refus du
gouvernement de les expulser i"J«»
Bavière. - Nouvelle église à Munich, bâtie
par la reine-mère °""
Belalqne. — Profanation d'une hostie consa-
crée — DémonstratiorkS cainavalesquescontre
Louise Lateau. — Voies de fait contre une
procession jubilaire ••• •,;■"•■,■•
Les scènes d'Anvers et de Gand. — Meurtre
d'un pèlerin •.••'■IV À""::yj.
Statistique des pèlerins belges blessés par les
l.béraux, à Gand y/V'Àl
Succès des élèves des Frèie^.. - Mort de
M. Adolphe Dechamps. - Projet d un sanc-
tuaire national belge au Sacré-Cœur. — Ua
prêtre à l'amen le pour avoir marié un mou-
rant non marié civilement. — Agissements
de la maçonnerie '^°'
Bréeil. — Condamnations à quatre ans da
travaux forcés de l'admini^rateur du diocèse
li'Olinda. — Lettre du second administrateur.
Pétition des Dames de Rio Janeiro a l'impe-
r&tric6 « ■ • •••«■••• 0*0
Condamnaiion de l'adminisiraieur du diocèse de
Para à six ans de travaux forces i"-**
roohiacbloe. — Les martyrs de 1874. — Ce
que les per=écuteurs pourraient en apprendre. yz»
Cuba.— Amélioration de la situation religieuse. 10\2
EnuBteui-. — Assassinat de Garcia Moreno.. . 1426
Détails sur l'assassinat de Garcia Moreno. —
Ses principales œuvres publiques. — Lins-
truction et la moralité dans l'Equateur WS5
Espaone. — Consécration de l'armée de
Charles VII au Sacré-Cœur. — Inexécution
des promesses faites au nonce par le gouver-
nement .le Madrid. ...... ..■...•■••• ""■^
Comment les libéraux de Madrid font la guerre.
— Letue de don Carlos à don Alphonse. —
Beaux sentiments des carli»te3. — Lizarraga
le samt, à la Seo de Urgel. —Les libéraux de
Ma.lrid et l'Eglise. - Abolition du regium
eaequatw par don Carlos • . UUti
Protestation du cardinal Antonelli contre le
projet de violation du concordat espagnoL —
Le libéralisme du gouvernement madrilène.- 10.1
■Tranfe. — Mort du irès-honoré fière Olym-
pe — Recettes Je l'OEuvre de la Propasation
de la Foi en 1874. — Besoins des missions.
— Fête 'patronale des cercles cathoUques
d'ouvriers ; " ■ " K V " " j"
Œuvre pour le recrutement des Frères des
Ecoles clirétiennes. Brillante victoire de leurs
élèves dans un f.oncours oaS
Sacre de NN. sa ^ucoq et Thibaudier. —
Mgr de Peretti, évoque auxiliaire .1 Ajaccio.
— Inaiiguraiion d'un cercle catholique d'ou-
vriers, a Moulins. — Engagement îles entre-
preneurs de menuiserie de Saint-Quentin h
observer le dimanche. — Cinq cents pèlerins
belges en France ,• • "*
P4te de Jeanna d'Arc, à Orléans. — Comment
DU CLERGÉ
nous devons aimer la France. Fête du
Saint-Sacrement de miracle, à Douai. —
Première apparition de Notre-Seigneur dans
l'Eucharistie ■ •• •
Mort de Mgr Plantieret de M. Armand Ravelet.
— Le congrès de l'Œuvre des cercles catho-
liques d'ouvriers. — L'armée de Dieu. — Les
pèlerinages de juin. — Mauvais vouloir des
conseils généraux actuels envers le culte
catholique. — Neuvaine préparatoire a la
consécration au Sacré-Cœur • .
Inau^'ura ion du monument en l honneur du
vénérable de La Salle. — Ajournement de li
consécration solennel ede la France ai- Sacré-
Cœur. — Pèlerinage de 7,230 hommes, a
Lourdes. — Mort de l'abbé de la Trappe de
la Meilleraye. — Mort de M- de Rémusat...
Le 16 juin à Paray-le-Monial. — Bénédiction
de la première pierre de l'église votive de
Montmartre. — Pouvoir de conlérer^ les
grades reconnu aux facultés libres par 1 .\.s-
semblée nationale. — Mgr Richard, nomma
coadjuteur de Mgr l'archevêque de Paris, et
M. l'abbé Marchanl, nommé à l'évôché de
Belley. — Création des ciiafelain^ de la Bnsi-
liqw de Paray-le-Munial. — Erection d'une
statue au P. Laeordaire, à Flavigny ....
Les inondations des départements pyrénéens.
— Pie IX envoie 20,000 francs pour les sinis-
trés. — Trois nouveaux cercles catholiques
d'ouvriers à Besançon, Moulins et Lyon. —
Les reliques de samt Bernard
Maux causés par les inondations du Midi. —
Les secours. — Le T.-H. Fr. Irlide, supérieur
général des Frères des Ecoles chré'ienues. —
Couronnement de Notre-Dame du Port. —
Erect.oa d'une statue votive à la sainte
Vierge, au Havre ■ • • •
■Vote de la loi sur la liberté de l'enseignement
supérieur. — Mort de Mgr Jeancard et du
cardinal Miihieu. — Découverte des reliques
de sainte Fov •,
Double guéri-on miraculeuse dune pauvre
malade a Lour.les. — Gonsé.-.ratiou de la basi-
lique lie Saint-Epvre. — Inauguration d un
cercle catholique d'ouvriers, à Nancy. — La
chapelle du clergé de France dans l église
votive du Sacre-tkEur ■ • •.
Extrait du testament du cardinal Mathieu. —
Couronnement de Notre-Dame des Miracles.
— Cinq guéiisons miraculeuses ii Lourdes.
— Letli-e'i d'étudiants catholiques an Pape,
et réponse de Si Sainteté. — Sept licenciés
es loilres eoolé,iastiques. — Victoire des
élèves lies frère.s au concours pour l'école des
arts et métiers, de Moulins ••
Bref du Saint-Père aux comités catholiques de
France. — M. Iconl. élu supérieur de la
con^'ré"ation de Saiut-Sulpice. — Budget des
culles pour 187G. — Etat officiel des pertes
o casiounéss par les inondations du Midi. —
Les soascniitious. — Bon exemple des no-
taires de Béziers, pour la sanctiQcalion du
dimanche •• • • • • ; •.•
Nomination de MM. les abbés Besson etCortet,
aux évèchés de Nimes et de Troyes. — Le
titre de Tnuilre en théologie, dér->rné par le
Pape au P. Munsabré •• •
Mer Pauliuier, nomme archevêque de Besançon.
— M^T Fava, transféré à Grenoble. — Deux
étabUsemeais d'enseignement supérieur libre
pour la rentrée des classes, à Lilleet a Pans.
— Suc'.ès scolaires des Frères, de leurs élèves
et des élè\es des soBurs .V""*
M. Carmené. nommé à l'évôohé de Saint-Pierre
et Foi t-de-Ff ance. — M^jr l'archevêque da
95»
1003
1041
1104 "•
1133
1169
1200
1233
1264
1295
1327
t3S9
LA SEMAINE DO CLERGÉ
!«41
HcTîne's, élcvê au carrlinolat. — Nouvelles
universicé-! i:at!iolique<. — Désprt.on des
cours d'iiilultes. — Congrès catliolique (I9
Poicier; ^ 1422
Succès de» fi-èie-., à Podensac ; — du collège de
l'Assomption, à Niiiies; de l'ins'itutiou des
PP. Mai is:es, à la Si'yiie-sur-Mer. — Le
congrès de Reims: Comjjte rendu summaire.
— Bénédiction de l'usine du 'Val-des-Bois,
reconstruite et iiiau^'uration di; Notre-Dame
de rUsuie. — Les Uic'jries mises en pratique. 1455
Bref du Saint-t'èr- concernant les universités
catholi'iues. — Zèle de NN. SS. les évêques
pour les pré)mrer. — Induit accordant le
couronnement solennel dt; la statue de l'ar-
change Micliel. — Les pèlerinages à Lourdes,
à Issouduu et à Paray-ie-Monial. — Guériàon
miraculeuse de Marie Tronet. — Erection de
la statue de Chateaubriand, à Saint-Malo.. . 1519
Promotions ecc'é^iabtiques dans l'ordre de la
Légion d'houneur. — Un baptême radical... 1551
Bref du Pape aux membres de l'Union des
Œuvres catholi-iues. — Règlement de l'uni-
versité calholii|ue d'Angers 1584
Crèce. — Erection d'un siège archiépiscopal
à Athènes 1522
Herzégovine. — Origine et causes du soulè-
vement 1425
Doliande. — Interdiction du nouvel évèque
janséniste d'Ltrecht 1106
Irlande. — Fêtes du centenaire d'O'Connell.
— Amour des Ii landais pour la France 1327
Italie. -- Suppres-ion virtuelle du clergé ita-
lien. — Hypocrisie rtH'oUuioniiaire tOlO
Les madones miraculeuses. — Les èvèques
italiens chassés de leurs résidences 1138
Eglise nationale italienne. — Excommunication
du faux arelie\êque Panelli. — La Mafia. —
La criminalité avant et depuis les aiin('Xions.
— Prisons ei prisonniers, leur nombre, ce
qu'ils coùt>'Ut. — Procès civils- — Lettre du
Pape à l'épiscopat sicilien. — Les élections
municipales italiennes 129S
Expnlsien des évêques italiens de leurs de-
meures. — Gutrre à l'enseignement catho-
lique -. l'iî*
Les revenus et les imi ôts, avant et depuis la
Révolution. — Le quntnèm- contenaire da
Micliel-.^n^'e. — Leiire de Garibaldi célé-
braul M. de Bismarck '552
'Mexique, — E-xpulsion des sœurs de la Cha-
rité. — Comment elles sont accnedlies à San
Francisco. — Conduite des éiéqu^s 1234
«»ereo. — Reconnaissance officielle du délégué
apostolique par le shah 1266
Jfortagal, — Déclaration de guerre à l'Eglise
par le gouvernement 1170
Prusoe. — Condamnation de Mgr Gybirkowski
à neuf mois de prison. — Excommunicatioa
d'un prêtre apostat. — Prote-tation contre
l'encyclique à lépiscopat prussien 660
Projet de loi lour la suppression des couvents
— Autre projet pour le partage des églises
avec les vieux catholiques. — Les vieux ca-
tholiques confondus par Mgr Haneberg..,. 923
Rome. — Discours du Pape : La croix dans
l'Eglise. — Les persécuteurs adjurés de s'ar-
rêter dans leurs voies. — Si notre prière est
instante, Dieu l'eutendra 825
R' tour sur raiiniver;aire du 12 avril. — Dépu-
Ution de la noblesse romaine, — Pie IX et
les RoiTinins calomniés par les sectaire». Ois-
cours du Pape : La persécution sert à la
gloire de l'Eglise. — Dépuration du cercle
de Saint-Pierre. — Autres discours du Pape:
sur la persévérance et l'union. - Sur les
desseins de Dieu, sur les troubles suscités à
sonEgli-e. — Le R. P. Eschbacb, supérieur
du séminaire de Sauta-Chiara 858
Solution de la question de la consécration (le
l'Eglise universelle au Sacré-Cœur «le Jésus.
— Formule de l'acte de consécration. — Gon-
cêratioa. — Concession d'une indulgence
plénière. — Mgr de Cabrières et quatre
cenis de ses diocésains au Vatican. — Dis-
cours du Pape; Chrétiens sans vigueur : sans
soumission au Pape; nécessité de l'union dans
la foi. — Autres pèlerins fiançais à Rome.
et autre discours du Pape": Amour de
Pie IX pour la France, il rixommande la
prudence; éloge des pèlerinages; fanatisme
des musulmans ; abandon du Pape de la
part des puissances de la terre, il reste la
prière gjo
Le Pape, père et guide du peuele chrétien. —
Deux chrétiens malg.iches au Vatican. —
Audience aux catholiques allemanils. — Dis-
cours du Pape sur la conliiiie à tenir dans
les temps de persécution 952
Députation suisse au Vatican, — l/Œuvre do
saint Paul louée par le Pape, er paironée par
les cardinaux Franchi ei Sacconi. — La con-
grégation de saiut Paul en Amérique et le
R.P. Eckerau Vatican 1007
Pèlerins ilu diocèse de Clermont dnns la Ville
sainte'^t au Vatican. Discours que le Pape
leur adresse : Eloge de la France catholique.
— Exhortation à pr.er la saute Vierge. — La
rdne douairière de Suède, à Rome et au
Vatican 1039
Le 16 juin 1873. — Consécration ites catholi-
ques de tout« la terre au Sacré-Cœur. —
Vinst-ueuvième anniver.:aire de réiévalion
de Pie IX au sou\eiain pontilicat. — Dis-
cours du Pape au Sacré-Collége: Lutte entre
la vérité et l'erreur; foi et constance. —
Sanction royale de la loi italienne, qui as-
treint le cleigé au raélier militaire. — Hypo-
cr.sie de la Révolution ilQB
Anniversaire du couronueiuent de Pie IX. —
Discours du Pape à la noblesse romaine :
Histoire de l'entrée des Piémontais à Rome;
motifs d'espérance 1136
U'scours du Saint-Pére, à la Jeunesse catho-
lique d'Italie : les aveugles et les boiteux de
la Révolution. — Evêques français au Va-
tican. — Etat du diocèse de Coustautine et
Hippone 1 168
Discours du Pape : Sur la suppression de la
Fêle-Dieu à Rome ; aux enfauis qui accom-
piignent le Saint- Vuitiqu'i ; aux élèV'S du
collège américain des Êtats-Dnis : aux élèves
du sémiuaire français. — Situation actuelle
de cet établissement ■_ 1098
X)iscours du Pape aux membres de la Société
de secours aux pauvres employés pontilicaux
civils et nulitaires. Nouvelles /;7«i(/'(/'0'iv de
couvents. — Transport des plus précieuses
reliques de Rome au Vatican. — Les Frères
de la Conception auloiisés à porter des ha-
bits laïques. — La charité 'tes lévolutiou-
naires italiens ■••• l-'^t
La sauté de Pie IX. et le Lauc.;!. — Régime dd
vie du Pape. — Réception 'les jeunes prêtres
allemands, ayant fait leur éducation a Rome.
h'imperatore délia Dultrina. — La Bibixotkèpte
1618
LA SEMAINE DU CLERGÉ
Viclor-Emmanuel . ,....• i ..••.. i ■ 1263
Les Gardes d'honneur du Sacré-Cœur de JÉSDS.
— Piô IX, premier garde d'bonneur. —
L'arme des gardes d'honneur. — Discours
du Pana aux élèves du collège polonais d3
Rome 1 1204
La Société promotrice du cuite des saintes Images
— Audience du Pape à vingt-quatre enfants
Ëauvres, retirés d'une école jTotestante. —
lévotion à la sainte ân;e de Nolre-Se:gneur.
Achat d'yn sujet d'examen 13CG
Allocution familière du Pape, où il parle de sa
santé et de ses ennemis. — Biens ecclésias-
tiques liquidés pendant les six piemiers
mois de l'aunée. — Les biens des licispices
menacés d^liquidalion. — Centenaire d'O'Con*
nell, à Rome 1358
■Vûj'age du cardinal Mac Clofken à Rome. —
Adresse des New-Yorkais au Saint-Père. —
Brel sur les classiques latins. — Le couvent
Saint-Laurent in Luana, transformé eu
théâtre 1421
Jamais il n'y a eu tant de crimes ! — Leçon
qu'il en faut tirer 1451
Discours du Pape aux pèlerins de Laval : Les
temps actuels comparés à ceux où les phari-
sien^ s'unissaient au gouvernement d'alors
pour perdre JÉscs-CHnisT. Tableau des persé-
cutions que souffre en ce moment l'Eglise.
Confiance en Dieu et penévéranle revendica-
tion des droits de li conscience et de l'E-
glise 1489
Ecclésiastiques français en pèltrinage à Rome,
— Restauration de' la coupole iie Saint-Pierre.
— Médaille pontiGcdle commémorative pour
1875. — As-eniblée consistoriale du 17 sep-
tembie; nomination de cardinaux et d'évê-
ques. — Etat éeonomique actiiel de Rome,
peint par la Capitale 1519
Nouvelle réunion consistoriale. — Les habi-
tants du Vatican 1551
Pèleiins belges au Vatican. — Discours du
Pape sur les épreuves actuelles de l'Eglise.
Le Collège-Romain. — Succès du séminaire
de Sania-Cbiara 15S2
nneele. — Le Jubilé facilité aux catholiques
russes 12C6
Menées scliismatiques du gouvernement 1298
Buisse. — Le mariage civil obligatoire. — Le
prochain retour des curés bannis. — Bris
des scellés de l'église Notre-Dume de Genève
par les vieux catholiques 1042
Profanation de Notre-Dame de GeLève; protes-
tation des catholiques 1105
Un meeting bernois. — Le synode schismati-
que d'O ton 1170
Mort de Mgr de Preux. — Prise par effraction
de l'église du Grand-Saconnex. Belle con-
duite de M. Babel et de ses paroissiens. —
Excommunication de l'intrus Langlois. —
M. Babel déféré au procureur général 1361
Expulsion des Sœurs ae charité nu canton de
Genève. — Les Petites-Sœurs des pauvres et
leurs vieillards 1425
Mgr Jardinier, le nouvel évêque de Sion. —
Assemblée annuelle du Pius Verein. — Les
religieux de Notre-Dame de la Pierre et les
Sdèles compagues de JÉscschassésdc Suisse et
établis en Fiance. — De quelques dépen-es
faites pour la déchristianisation du Jura ber-
nois. — Nouvelle loi contre le clergé juras-
sien w 1554
jjjrrl*. — Prochaine ouverture d'un collège
catholique à Beyrouth <••#•< 12G3
Xnntsie. — Restauration r!u tombeau de >nin»
Louis à Carihage. — Les Frères des écoles
chiétiennes à Tunis 1428
Torqale. — Spoliation des arméniens-unis de
Beyiouth.du Caire et d'.^lepb 1138
Xong-iiing. — Résultats de la persécution
de 1874 1170
'Valaelite. — Etat malheureux de l'Eglise;
appel à la charité catholique
XVeBtphalte. — Ovation à Mgr Brinckman à
sa sortie de prison. - Inter notion aux ius-
tituteuis de conduire les enfants aux prières
pour l'Eglise
Zangaebar. —Etat satisfaisant de la mission..
1106
860
13G2
822
1090, 1132, 1161
1191, 1223, 1255
CONTROVERSE DOCTRINALE
(les ehheup.s modernes)
Le Libéralisme (suite)
L'Origine de la Soc;été 855, 8S8
La Souveraineté du peuila, 916, 944, 981, 999, 1031
1067.
Le Droit divin,
La Démocratie et la catholicisme,
1288, 1316, 1383.
CONTROVERSE POPULftIRE
Voypz-vou5, les pèlerins sont tous des parti-
sans dHenriV 1225
Les pèlerinages ne sont autre chose que dus
démonstrations politiques 1351
Pourquoi les turês s'occupent-, Is tant de po-
litique ? Cela ne les regarde pas 1473
DROIT CANONIQUE.
Du concours pour la collation descures (suite) 8Î0,
996, 1065, 1155, 1250, 1411.
ECHOS DE LA CHAIRE CONTEMPORAINE
Le R. P. Matigkon. Sermon piêché à Saint-
Bonaventure de Lyon, eu faveur du patro-
nage des apprentis
Mgr Mfiimillod. Di-ciursen faveur de l'CEuvre
des Pauvres malades
HERiïIÉNEUTIQUE BIBLIQUE
Des divers sens de l'Enrituro. et spécialement
du sens littéral (suite) 878.991, 1056
Premier principe de i'Herméneutiiiue biblique 1058
Division de l'Herméneutique b.blique 10.i9
De la recherche du sens par l'usMire de la lan-
gue, et 1* de la lan>;ue en général.... 1216, I3IJ
2° De l'usage de la langue dans la Bible 1343
A quelles sources oa p'ut puiser la connais-
sance de la langue liébiaïque.., 1439^ 1602
HISTOIRE (QUESTIONS D')
L'Eglise a-t-elle passé par la démocratie et l'a-
ristocratie, avant d'arriver à la monarchie
des Papes? 1034. 1072, 1093
Origines du pouvoir temporel des Papes 1353,1446, 1508
JURISPRUDENCE CIVILE ECCLÉSIASTIQUE
Fabriques. — Demandes de subventions à la
commune. Pièces justificatives à fournir. Re-
gistres de comptabiliié 852
Conseils de tabrioces et bcreaux de marguil-
LERS. Majorité nécessaire pour les élections
8S4
933
1049
LA SEMAINE DU CLERGÉ
161S
et les délibérat'ons. Nullité des bulletins
blaDcs 'Jaus les éleotioQS. Cas où l'on doit
voter au scrutin, el cas où l'on peut voter à
haute voix. Nécessiié 'le cousiater les élec-
tiuns par un procès-verbal 1027
Cdr4, son concours pour les éli-ciions du bu-
reau des luarguillers. Inéligibilitt^ comme
président et c imme trésorier. Eligibilité
comme secrétaire 1027
Entekhements civils. Limites de la puissance
p;iteruellu. Droit do la mère de faire pré-
sider [lar un pi être les lunérailli.'S de son
entant baptisé 1086
Invaliditi' de l'engagi-meut pris par les soli-
daires d'exclure le piêtro de leur lit de mort
et de leurs funéralles 1087
Rosières. Caractère religieux de leur institu-
tion. Droit du curé dans leur choix. Interdic-
tion di; leur couroiinemeDt civil 1126
Objets d'art appartenant adx églises. Vente
illégale. Nullité. Revendication 1157
Etablissements de bienfaisance. Comniissiuns
administrative j. Plénitude des pouvoirs des
membres de droit. Remplacement du curé
par sou vicaire 1221
Ministres du culte. Outrages. Procétlure. Ac-
tion publique. Plaïutu ,..,. 1233
LÉGISLATION
Loi concernant les commissions administrati-
ves des établissements de bienfaisance 1186
Loi sur la liberté de l'i n^^eignemeut supérieur 1^84
Expositions (les motifs et des iiriucipes qui ont
Servi do bare à la loi relative à la liberté de
^en^elgIlement supérieur. 1378, liU, U41, 1501
15i0, 15b9, 1005.
LITURGIE
EÈGLE3 À. SmVRE DANS LE CULTE DES SAINTES RELIQDES.
(Suite).
Signes auxquels en distingue les corps des
martyrs dans les catacombes 874
Règles pour l'extraction des reliques, afin d'en
garantir l'authenticité 972
De l'ollice à célébrer en l'honneur des reliques
insignes S87
Exposition des reliqu^-s 1019, lOSÎ, 1116, 1147
Reliques dans les autels r211, l'Z44 1466
Reliques daus la eruix pectorale 1496
Des abus à éviter dans le culte des reliques... 1533
De la conservation des reliques 1.ÏB5
Les quatre-temps. 1277. 13U'J. 1339, 1371, 1404, 1433
TiUFIC OGS fiOKURAlREs DE MESSES . • • 1053
PATRÛLOGIE
Catéchèses scolastiques d'Allemagne (?uite) 886, 1029
Récapitulation des catéchèses. Les trois caté-
chismes de Bossuei 1088
Ecoles des saintes-lettres et des belles-lettres, 1129
Des écoles patriarcales 1 159
Ecoles mo.=a'iques jusqu'à la grande captivité.. 1189
Les Synagogues depuis le retour de la capti-
vité jusqu'à l'avéuement du messie. 1349
Ecoles de Jésus-Christ 1443
Ecoles des apôtres et de leurs disciples 1506
Alliance des sam'es lettres et des belles-let-
tres à la lin du règne hébraïque f546
Sommaire historique des écoles chiéiienncs.. 1575
Tbème général des écoles chrétiennes 1609
PHILOSOPHIE
DéSnition de la Philosophie. Philosophie de
saint Thomas d'Aquin 1002
Lft logique, aon histoire; l'être déraison 1069
PRÉDICATION
THÈMES HOaîLÉTIQUES SUR LES ÉVANGILES.
Cinquième dimanche après Pâques 8i'i
Dimanche dans l'octave de l'Ascension 833
Jour de la Pentecôte 865
Premier dimanche après la Ptntecoie 925
Deuxième 928
Troisième 961
Quatrième 983
Cinquième 1593
S.xième I59i
Sepiième 1079
JHuiuèiue llll
Neuvième 1143
Dixième 1175
Onzième 1207
Douz ème 1239
Treizième 1271
Quatorzième , 1303
Quinzième 1335
Seizième 1367
Dix-septième 1399
Dix-huitième 1400
Dix-neuviènie 1431
Vingtième U63
Vingt-et-unième 1495
■Vingt-deuxième el vingt-troisième 1527
SERMONS POUR LES FÊTES ET CIRCONSTANCES DIVERSES.
Fête de l'Ascension de Notre-Seigneur 801
("été de la Pentecôte 834
Féte-Dieu 897
l''ète du Sacré-Cœur 962
Fête de l'As-omption 1272
Discours pour un baptême de cloches 1561
Fête de la Toussaint 1591
PLANS d'instructions POIR UNE RETRAITE DE PREMliRB
coBNUNioN (suite).
IV. Dignité de l'homme 809
V. Vie naturelle el vie surnaturelle 810
VI. L'absolution SU
VU. La veille au soir 8)2
ALLOCUTIONS POUR DN JOUR DE PREMIÈRES COMUOJtlONS.
Avant la Communion 843
Après la Communion 844
Aux Vêpres. Promesses 'iu Baptême 873
Pour la consécration à la sainte Vierge 874
Allocution pour le lendemain de la première
Communion 909
Allocution pour la seconde Communion 911
INSTRUCTIONS FAMILIÈRES SUR LE SYMBOLE
DES APOTRES (suite).
37» Instruction : Jésus-Christ demeure sur la
terre pendant quarante jours après sa résur-
rection °'3
38" Instruction : Ascension de Notre-Seigneur;
il a été humilié, il triomphe; il a été méconnu,
il est glorifié °*5
39- Instruction : Ascension de Nolre-Seigueur ;
leçon et encouragement pour ses Apôtres et
pour nous .••,••■,■'•;• "*'
40* Instruction : Jésus-Christ assis a la droite
de Dieu le Père Tout-Puissant; sa royauté
comme Homme-Dieu ■;• •• "bo
41* Instruction: Jugement général, il sera la
plus éclatante manifestation du pouvoir de
Jésus-Christ ^■■y\'kr'","''
42' Instruction: Descente du S&mt-bsprit ; ce
que la foi nous enseigne touchant la troisième
personne de la très-sainte Trinité .,..| lUW
l«»
LA SEilAINE DD CLEUGE
43* Inslruction •• Rôle du Saint-E-prif dans
l'œuvre de noire sancU'GcaiioD; iniporlance
des dons qu'il verse dans nos àme- 1047
44" Instruction : EtabiiSîement de l'Eglise; sa
consiituiion 1080
45« Instruction : Marques de !a véritable Eglise ;
elle est une, saïute, catholique, apostolique. 1112
46* instruction : Du chef de rEgliSf, toujours
les Souverains-Pontiles ont été en butte aux
persécutions: toujours ils ont triomphé des
ennemis de ^Egli^e U44
47* Instruction : Corps it âme de l'Eali.-e; son
infaillibilité; nos devoirs envers lEjlise. .. 1176
48* Instruction : Coivimunion des Saints.; vérité
encourageante pour les justes, avantageuse
pour les pécheurs 1208
49' Instruction : Communion des Saints. Rap-
ports de l'Eglise militante avec l'Eglise tiiom-
phante, avec l'Eglise souffrante 1240
50* Instruction : Rémission des péché*. A qui
jÉ-TS-CmusT a-t-il confié le pouvoir de
reme tre les péchés? Comment sonl-ils remiî?
A quelles coadiiions 1274
51* Inslruction. Vérité de la résurrection de la
chair; circonstances qui doivent accompagner
cette résurrection 1304
52* Instruction: E-sisience du purgatoire; souf-
frances des âmes qui y sont déienues ; nous
sommes obligés de les sculiiger 1336
53" Instruction: L'eufer; souUrunces des dam-
nés ; ces souffrances seront éternelles 1368
54* Instruclion: Vie éternelle; idée du bonheur
des saints 1401
WSTBCCTIONS FAMILIÈRES SUR LES COMMANDEMENTS
DE DIEU.
!■• Instruction préliminaire : Promulgation des
commandements de Dieu ; combien ce qu'ils
prescriTent est sage 1528
2* Instruction préliminaire : Obligatiou d'oi)-
server les commanilements de Dieu ; que
leur observance est possible 1560
IKSTRCCTIOKS POtHI LE MOIS DB WABlB (sUite.)
Dilième jour : Marie préparé'; jar les propliélies. 804
Onz.ème jour : M'^rie pré/jnrée j,ar la cuunaissunce
qu'a eu d'elle le layanisme 805
Douzième jour : Marie est venue en temps con-
venable 806
Treizième jour : ilurie est née en lieu conv-nable . 8li7
Quatorzième jour . Conceptioniomaailée de Marie. 808
Quinzième jour : puissance de Marie 838
Seizième jour : Le samt nota de Marie 8J9
Dii-5eptièQie jour : Ce qu'est Marte par nature.
Sa nobt'-is-e, sa heavté 840
Dix-liuitième jour : Ce qu'est ilurie pai- nature.
Son inlellijeno; 842
Dix-neuvième jour : Ce qu'est Marte par nature.
Sa volonté 812
Vinglième jour : Ce qu'est Marie dans l'artre de
lu grâ.r 866
Vingt-ei-unième jour : Ce qu'et Manu d'ans sa
dtrnière grâce 867
'Vingt-deuxième jour : La présentation de la
ioinle Vierye 868
Vingt-troisième j ur : L'instruction de Marie,
modèle de l'tusiiulion des jeunes filles 869
Viait-quatiièiue jour : L'éducation de Mirie.,,, 871
Vingt-cinquième jour : L'éducalwn di Mmi-., 872
Vingl-sixièn.e jour : Le Chrtst dut noiire d'une
vierge menée 900
Vingi->ept.ènie jour : J/un'aje de ilurir 901
Vingt-huit. èiiie jour : Le muriuge de Mar:e <iw-
àéle det autres mariages. 903
Vingt-neuvième jour : Comment Marie a attiré
le Verbe sur li terre QOt
Trentième jour : Comment Mari,; a attiré le
Ver bu sur lu lert , . 905
Trente-et-uuième jour : Ré'iabUitaiion de la femme
par Marie , 906
REVUE DES LETTRES
Académie française. Réception de MM. Mé-
z.èies, Caru et Alexnndre Dumas lils. Les
principes dramatiques ite ce dernier et la
morale au théâtre. Election de M. John Le-
moinn?. So.i l'sin'ii v.iltaiiipu. 1320
LiTTÉRATDBE PROFANE. L'éludltlOD de M. VlOtOf
Hugo 1322
IIiSTOiKE. La scieuce allemande. Le Regesta
Pontificum roi/ianorvm. Félicité d'un savant
allemand interrompue. David et Goliath, ou
un abbé romain et le Reyesia Pottha^t. San-
\'ons la cais-e ! Prursieiis et libres-penseurs.
I,es clirétiens accusés d'avoir détruit la bi-
bliotlièqiie d'Alexan.irie. Un chirurgien pro-
fesseur d'histoire. Bonne foi de M. Lefort et
du Temps 1322
REVUE DES SCIENCES
Archéologie. Description des colliers d'es-
claves. Un collier de chien de berger, ven-
geur des liqaiduliun-! italiennes 1385
AÉosTATioN. Catastrophe du Zénith. Ellets
physiologiques de la décompression. In-
fluence méc.iniqu3 de la dépression. Moyens
proposés pour prévenir l'asphyxie. Limite
des altitudes insupportables....". 1387
HvGiÈ.NE. Le riiiçnge des bouteilles. Grenaille
de plomb, grenaille de fer. Dangers des
ustensiles de plomb. Procédé pour recon-
naître la présence du plumb daus les élama-
ges 1388
THÉOLOGIE ASCÉTIQUE
L'Eucharistie est le chef-d'œuvre de l'amour
de Jésus-Chbist 912 933,977
La communion lré-|uente 934,1023,1060
THÉOLOGIE OOGiTUTigUE
LE PLEIN PJUVOIH DO SAt.NT-SlÉGE (suite).
Chap. I". Episcopat et Primauté (suite) 816, 848
8S2 914. 935, 1121.
Chap. 11. La primiuté doctrinale infaillible
du siège aposiolique, 1151, 1181, 1219, 1247, 1281
1347. 1375, 14U8, 1436.
Notes additiiinnellea. 1" Constitutio dogmatica
prima de Eoclesia Cliristi, cap. iv 1469
2° Le domaine de rinfaillibilié pipale 1470
THÉOLOGIE IHOR&LE
Des livres défend js 1537, 1600
VARIÉTÉS
Une république cléricale 891
Notre-Dame de Lourdes 1096, li!6t, 132J
L'a; ostolat domestique 1197
Les années du pontificat de Pie IX 1128
La question ouvrière. Ce que l'Eglise fait de
nos jours pour la classe ouvrière. Précieux
effets qui en résultent uu point de vue so-
cial 139.\ 1418, 1486
Notre-Dame de Chartres 1179, 1516, 1580
La terie seule est habitée «... 1548, lâl2 ;
1
5
JÊ"^-