JOHN M. KELLY LIBRARY
Donated by
The Redemptorists of
the Toronto Province
from the Library Collection of
Holy Redeemer Collège, Windsor
University of
St. Michael's Collège, Toronto
%^
%M
*****
l&5>
J^SA
bim
sr^?
mM.
-N?'>^'
w m
■EHEBrM5
HOLY REDEEMER LIBRARY, WINDSOR
PARAPHRASE
DES LITANIES
DE LA
SAINTE VIERGE
PARAPHRASE
DES LITANIES
DE LA
SAINTE VIERGE
FORMANT
TKOIS MOIS DE MARIE
DE SIX EXERCICES DU CHEMIN DE LA CROIX
Par M. L'Abbé LEMARCHAL
Ancien professeur de Rhétorique du diocèse de Verdun.
QUATRE
Qiiïwïïcïdanffîie , {*$ihyé œ tei na m
ibebuntl^f
^ront connaître,
nelle.
(Eccli. xxiv, 31.)
TOME SECOND
A THONNE-LE-THIL,
PRÈS MONTMÉDY (MEUSE),
CHEZ M. L'ABBÉ LEMARCHAL
1888 <£>
HOLY REDEEMER LIBRARgf INDSOR
H
PARAPHRASE
DES LITANIES
DE LA SAINTE VIERGE.
CHAPITRE XXVII
VASE HONORABLE
C'est à beaucoup de titres que Marie mérite et qu'on
lui donne cette qualification . Ne fut-elle pas le Vase
d'honneur, qui, rempli d'abord de toutes les richesses
de la grâce, renferma ensuite le Saint des saints, et
avec lui le baume divin qu'il apportait aux plaies de
l'humanité dégradée ? Mais envisageons aujourd'hui
plus spécialement le reflet de gloire qui de Marie, ce
Vase si honorable, a rejailli sur le monde entier et
principalement sur son sexe. Cette réhabilitation de la
femme par le Christianisme ou par Marie est un de
leurs beaux triomphes trop peu apprécié, parce qu'il
n'est pas assez connu. Il importe donc de le mettre
au grand jour, par le rapprochement de deux contras-
tes :
I . L'état de dégradation et d'abaissement dans le-
quel gémissait la femme, avant la venue de la sainte
Vierge.
IL Le merveilleux changement opéré par sa venue
et son culte, dans la position de la femme.
VAS HuNiïllAIHI.1-:
ARTJCLE PREMIER
Etat d'abaissement et de dégradation morale
où gémissait la femme, avant la venue
de la sainte Vierge
Quand on jette un regard observateur sur le monde
avant Jésus-Christ pour en étudier la constitution et
g joutâmes, le cœur saigne de l'oppression qu'on
voit peser sur la femme, rabaissée jusqu'au niveau de
l'esclave chez la plupart des nations même les plus
civilisées. Le mariage ne la faisait pas la compagne
honorée de l'homme, mais sa propriété et le jouet de
tous ses caprices, voire même les plus odieux et les
plus vils : il accumulait sur elle tout ce qu'il pouvait
imaginer de duretés et d'humiliations. Loin de la re-
garder comme son aide et son égale, il ne voyait en
elle que la chair et le sang, l'assimilait à ses richesses
matérielles et ne la mettait guère au-dessus de ces
êtres dénués de raison qu'il employait à son service,
elle restait complètement étrangère à ces réunions
domestiques dont elle aurait dû faire les charmes et
les frais ; et. au lieu d'intervenir dans le gouverne-
ment delà famille, elle passait sa vie sous une tutelle
permanente, sans pouvoir jamais devenir elle-même
la tutrice de ses enfants, ni disposer à son gré de sa
personne et de ses biens. Elle était déclarée inha-
bile à hériter, à témoigner en justice. Dans quelque po-
sition qu'elle se trouvât, les charges lui incombaient et
jamais les honneurs. Comme elle eût été repoussée, si
elle avait songé à briser cette enveloppe de mépris,
sous laquelle sommeillaient des facultés puissantes,
des qualités augustes, un cœur riche de sentiments,
donl elle n'avait pas même le soupçon !
Pour mieux l'enchaîner dans son abaissement, on la
VAS HONORABILE 7
laissait croupir dans la plus grossière ignorance; et si
les hommes progressèrent dans l'ordre intellectuel, la
femme resta toujours stationnaire; et même, à mesure
que l'homme gagnait en lumières, elle semblait des-
cendre encore plus dans l'avilissement. Sauf quelques
rares exceptions, elle ne vit pas sa position sociale
améliorée par la civilisation Grecque ou Romaine, qui
passa à côté d'elle comme une amère dérision . La di-
versité des lois et des coutumes à son égard, chez les
différents peuples, n'était qu'une diversité de dégrada-
tion sous toutes les formes. Ainsi partout, se trouvaient
bouleversés les rapports établis par Dieu entre l'un et
l'autre sexe.
Deux usages surtout, à peu près généraux, nous ré-
vèlent l'état de misère morale où la femme était
plongée : la polygamie, qui autorisait à avoir autant
d'épouses, disons plutôt autant de martyres que l'on
voulait, et le divorce, qui laissait à l'homme, sans ré-
ciprocité pour la femme, la liberté de répudier sur de
simples soupçons, le plus souvent pour satisfaire les
exigences d'une passion qu'il ne savait pas maîtriser.
Ainsi se trouvait-elle abaissée à la condition d'esclave
pendant quelques années, après lesquelles le caprice
d'un mari spéculateur ou débauché la dépouillait de
son titre de mère en lui ôtant celui d'épouse.
Trafic honteux pour la femme, venue jeune, dévouée,
et bientôt renvoyée flétrie par l'âge ou les infirmités,
comme l'on se défait d'un meuble hors de service
qu'on s'ennuie de voir chez soi. Polygamie et divorce
qui aboutissaient l'un et l'autre à faire disparaître la
pudeur du cœur de la femme, à lui ravir toute sa di-
gnité, à la rendre le jouet des plus vils instincts. Ce
sont là seulement quelques traits du triste et lamen-
table état d'asservissement, qui dégradait la moitié du
8 VAS H0N0RAB1LE
génie humain avant la bienfaisante apparition du
Christianisme Note lre).
Chez le peuple juif, il est vrai, la femme n'est point
descendue aussi bas dans l'ignominie et la servitude.
Comme épouse et comme mère elle jouissait d'une as-
sez grande considération . Le mariage, qui lui conci-
liait tendresse et vénération, ne se formait point sans
son agrément : elle n'était pas vendue ni enlevée, mais
demandée et consultée: une large part lui était con-
cédée dans l'administration des biens et même dans
les intérêts généraux de la nation. Mais, hàtons-nous
de le dire, si elle jouissait ainsi de quelque honneur,
c'est en vue de la Femme bénie que cette nation de-
vait produire un jour. Elle subissait néanmoins les
deux grandes humiliations de la poly garnie et du di-
vorce, qui avaient leur raison d'être dans le désir de
donner naissance au Messie attendu. Aussi, malheur à
la stérile; et la virginité était chose inconnue. C'est ain-
si que généralement avant Jésus-Christ la femme était
dépossédée de sa dignité, de sa pudeur et des égards
dus à sa faiblesse et à son caractère.
Tel est encore, à peu près, l'état des choses partout
où n"a pas brillé le flambeau de la foi, chez les peu-
ples même les plus civilisés. On y trouve la femme
mise au rebut comme un objet de honte, chargée d'i-
gnominie, accablée- de rigueurs, subissant le despo-
tisme le plus ignoble, comme écrasée sous le poids
d'un anathème primitif et d'un mépris traditionnel.
Ce triste spectacle nous est offert surtout par les
usages du Mahométisme. Rejetant la divinité de Jé-
sus-Christ et par là même la divine Maternité de
Marie, croyances qui peuvent seules donner à L'homme
des mœurs pures et le rendre victorieux de ses ins-
tincts mauvais, Mahomet n'offril à ses adeptes,
VAS HONORA BILE y
comme appas et pour bonheur, que la fange de jouis-
sances charnelles : et la femme devenue le honteux
instrument de ce sensualisme effréné fut ainsi refoulée
dans une dégradation peu différente de la dégradation
païenne. L'àme se soulève d'indignation à la vue de
cette corruption des mœurs orientales, de cette lèpre
dégoûtante de la volupté qui ravale au niveau de la
brute des créatures faites à l'image de Dieu . Et, d'un
autre côté, c'est très remarquable, ces mêmes hommes
qui affichent un si profond mépris à l'égard de la
femme, sont saisis d'un respect involontaire pour la
Sœur de charité, en présence de son dévouement et
de ses vertus sublimes : hommage frappant rendu à
l'influence de Marie ; car c'est elle que le Turc et l'A-
rabe honorent en honorant la fille de saint Vincent de
Paul, qui n'est grande et ne conquiert ainsi l'estime
que par les vertus de la Vierge dont elle est la fidèle
imitatrice .
Et dans le Protestantisme, qui a ignominieusement
chassé Marie de ses temples, qu'est-ii résulté de ce
sacrilège bannissement? Demandez-le à l'Angleterre
et à l'Allemagne : la femme jouissant auparavant de
tous les privilèges de la réhabilitation est rentrée avec
la Réforme sous l'asservissement de l'homme, elle a
vu s'affaiblir considérablement son influence au sein
de la famille : elle est sans garantie contre le divorce,
aussi contraire à son bonheur qu'à sa qualité d'épouse
et de mère. Mais tirons le voile sur tous ces faits si
déshonorants pour lhumanité.
Telle était donc avant Jésus-Christ, et telle est en-
core maintenant chez les nations non catholiques la
position de la femme. Convenons quelle l'avait un
peu méritée. C'est elle qui, à la naissance de l'univers,
sous les frais ombrages de l'Eden, au pied de l'arbre
10 VAS HONORA BILE
fatal, s'était laissée séduire la première par l'astucieux
serpent : c'était par elle, que la mort avait pénétré
dans le monde avec le lugubre cortège de douleurs
qui depuis soixante siècles pèsent si lourdement sur
la pauvre humanité. Elle subissait une déchéance per-
sonnelle, ayant été l'agent primitif et principal de la
déchéance commune. Pour avoir eu l'ambition de s'é-
lever plus haut qu'il n'était permis, elle fut surtout
humiliée et soumise à la malédiction. Sans le péché,
la femme eût été l'heureuse compagne de l'homme,
qui ne lui aurait fait sentir sa supériorité que par
plus de raison, de sagesse et d'amitié. Mais, parce
qu'elle avait entraîné l'homme dans sa prévarication,
celui-ci ne fut plus pour elle qu'un maître sévère,
qu'un tyran sans pitié, se vengeant ainsi des calamités
sans nombre qu'elle lui avait attirées, et exécutant
l'arrêt porté contre elle dès le commencement ; parce
que tu as fait cela, avait dit le Créateur, tu seras
sous la puissance de V homme, et il te dominera. 0
mon Dieu î convenait -il cà votre bonté de laisser cette
infortunée créature éternellement courbée sous l'anti-
que anathème ? Rassurons-nous ! le ciel a compté les
heures, et celle de la réhabilitation a sonné : nous le
verrons avec bonheur dans le second Article.
Morale : Cet état de dégradation aussi immorale
qu'humiliante, où gémissait la femme avant la venue
de Jésus-Christ , n'est qu'un des traits du tableau
hideux que présente le monde païen. N'étant point
éclairé par l'étoile de la foi, il cheminait au milieu
des ténèbres et au hasard dans le sentier de la vie. ne
sachant ni d'où il venait, ni où il devait tendre. Sans
principes et sans frein qui continssent leurs instincts
mauvais, les nommes suivant la pente de leur nature
se roulaient dans le labyrinthe des erreurs les plus
VAS HONORABILE 11
grossières, dans la fange de tous les vices. C'est pitié
de voir la pauvre espèce humaine descendue à ce
point au-dessous de sa dignité. Mais, grâce soient
mille fois rendues à l'Auteur de tout don, qui, touché
de la profonde misère des mortels, est venu les retirer
de ces abîmes de Terreur et du vice. A la lueur de ce
divin Soleil de justice qui éclaira le monde, nous
connaissons notre origine, notre fin, et les moyens de
l'atteindre. Nous pouvons marcher en sûreté, ayant
devant nous le flambeau de la foi qui dirige nos pas.
Oh! que nous serions coupables de dévier du droit
chemin, de vivre comme les nations qui ne connaissent
pas Dieu, de reproduire dans le Christianisme les
mœurs des païens ! Nous mériterions le sort de ces
villes maudites, auxquelles Jésus-Christ reproche de
valoir moins que ces autres qui n'ont pas eu l'avan-
tage de sa présence, de ses miracles et de ses bien-
faits. Permis à nous d'être fiers de l'élévation où la
grâce de Jésus-Christ nous a placés, non pour nous
enfler d'un sot orgueil, mais pour ne point descendre
de ce haut rang par la bassesse de nos sentiments et
de notre conduite. Soyons chrétiens par nos mœurs,
beaucoup plus encore que par le nom : sachons par
des vertus sublimes, qui soient au niveau de notre
dignité, nous honorer et en même temps la religion
qui nous a faits ce que nous sommes. Prenons garde
de fournir à ses ennemis un prétexte de la décrier, en
nous reprochant avec raison de ne pas avoir plus de
vertus que ceux qui n'y croient pas. Ils seraient en
droit de nous dire comme Alexandre à un de ses sol-
dats qui, portant son nom, le déshonorait par des
mœurs infâmes : « Change de nom ou de conduite . »
Mais notre auguste dignité de chrétien nous impose
encore un autre devoir que celui de la soutenir par
12 VAS HONORABILE
une rie irréprochable, c'est la reconnaissance pour
cet immense bienfait. Si plus privilégiés que ces
malheureux infidèles, idolâtres et sauvages, toujours
assis à l'ombre de la mort, nous avons été éclairés des
lumières de la foi, placés par là même sur la voie du
ciel, et munis de tous les moyens pour y arriver, c'est
à la bonté toute gratuite de Dieu que nous sommes
redevables d'une grâce aussi précieuse, qui fut comme
le premier anneau de cette longue chaine d'autres
grâces dont il nous a ensuite favorisés. Quoi donc de
plus juste que souvent, mais au moins au jour anni-
versaire de notre baptême, nous en témoignions au
Père de miséricorde notre vive reconnaissance? Rien
ne lui serait aussi sensible que l'ingratitude, ce vice
déshonorant, dont un cœur élevé n'a garde de se
rendre coupable, et que le monde même ne pardonne
pas. Dix lépreux avaient obtenu de Jésus- Christ la
guérison de leur maladie honteuse : un seul était venu
le remercier : et le Sauveur, de s'écrier avec l'accent
de la douleur et du blâme : Où sont donc les neuf
autres? Gardons-nous d'encourir un reproche aussi
dur!
Sainte Mère de Dieu, sans être à votre hauteur,
nous sommes, après vous, les êtres les plus nobles de
la création ; mais, pour ne point descendre de ce rang
si élevé, nous avons besoin de votre toute-puissante
assistance : daignez, ô Vierge bénie, nous la continuer.
Pratique : Demandez souvent à Marie qu'elle vous
éclaire et vous dirige dans les voies du salut.
EXEMPLES.
SENTIMENTS DE LA DIGNITE DE CHRETIEN.
Un jour que l'on bâtissait, ;'i L'aide de pienses lar-
3, nue magnifique église, nne femme vertueuse,
VAS FONOItARILE U
toute pauvre des biens de la terre, mais riche des
biens de la grâce, animée de l'esprit de Jésus-Christ
et d'un tendre amour pour la sainte Vierge, s'empressa
d'apporter un écii, fruit de ses épargnes, ne voulant
pas rester étrangère à la bonne œuvre. Mais le prêtre
à qui elle présentait son offrande la refusa, en lui
disant qu'il pensait lui donner des secours plutôt que
d'en recevoir, parce qu'à sa mise, elle lui paraissait
bien pauvre. — Moi pauvre ! mon père, reprit-elle
d'un ton élevé : Eh ! ne suis-je pas chrétienne, fille
par là même d'un grand roi, et héritière d'un riche
royaume ? — Cette femme comprenait la dignité de
chrétien et savait la soutenir.
— Un sauvage, suffisamment instruit de notre
sainte religion, avait reçu avec les plus vifs sentiments
d'amour.et dte reconnaissance le Baptême et la sainte
Eucharistie." Le missionnaire, étant parti de là pour
aller faire d'autres conquêtes à Jésus-Christ, revint
un an après dans l'endroit où se trouvait ce nouveau
chrétien. A peine eut-il appris l'arrivée du Mission-
naire, qu'il alla le trouver pour lui demander la sainte
communion. — Très volontiers, mon fils, lui dit le
bon Père : mais il faut auparavant vous confesser des
fautes graves que vous avez pu commettre ; ne crai-
gnez pas, je vous aiderai. — Quoi, mon Père, reprit
le sauvage avec étonnement, est-ce qu'il y aurait des
chrétiens qui, après avoir été baptisés et avoir reçu
Jésus-Christ, seraient assez ingrats pour l'outrager
par quelque péché mortel ? Grâces à Dieu, je ne pense
pas avoir commis aucun de ces péchés. Et il fondait
en larmes en accusant quelques fautes toutes légères.
— Il y a là de quoi couvrir de honte tant de eh retiens
qui perdent si facilement et si tôt la grâce de leur
baptême.
1-4 VAS HONORA BILE
— Tout le monde sait la haute idée que saint Louis
attachait à sa dignité de chrétien : il signait le plus
souvent Louis de Poissy, parce que ayant eu le bon-
heur de recevoir en cet endroit le sacrement dé
Baptême, il estimait le titre d'enfant de Dieu et de
l'Eglise bien au-dessus du titre de roi.
ARTICLE SECOND.
Heureux changement opéré dans la position de la
femme, par le Christianisme
et le culte de Marie qui en est inséparable.
Fatigués et comme honteux d'avoir assisté à ce
triste spectacle qui nous a montré une partie du genre
humain si humiliée, si dégradée par l'autre, laquelle
par cette injustice criante ne se couvrait pas d'un
moindre déshonneur, nous allons reposer nos regards
sur un théâtre bien différent, le monde catholique,
qui nous révélera la réhabilitation de la femme. Oui,
sa grandeur, son émancipation, sa haute position dans
la société et la famille sont des fleurs qui ne pouvaient
éclore qu'en Terre sainte, au soleil de la foi et sous la
bénigne influence de la Vierge. En effet, ce fut l'In-
carnation du Verbe et son apparition au monde par
Marie qui mit un terme à la dégradation de la femme.
Alors, commença pour elle une ère d'émancipation et
et d'égalité qui la réintégra dans ses droits si long-
temps méconnus. Le Fils de l'Eternel vouloir naitre
d'une femme et d'après son consentement, d'une
femme à laquelle il reste soumis pendant trente ans,
qu'il associe à toutes ses opérations pour notre salut,
qu'il lègue pour Mère à tout le genre humain, qu'il
couronnera dans le ciel d'une gloire incomparable et
d'une puissance sans limite : n'était-ce pas déjà rele-
ver magnifiquement la femme de l'état d'abaissement
VAS HOXOHABILE 15
et de servitude où elle était tombée ? Tant d'honneurs
accumulés sur Marie sa Mère ne rejaillissaient-ils pas
surtout son sexe ? (2)
Mais cette réhabilitation ne fit que s'accroître et se
consolider par le culte de la sainte Vierge. En effet,
quand le symbole proclamait, et que les Conciles
consacraient sa divine Maternité, base de toutes les
autres vérités catholiques, n'était-ce pas abolir la
malédiction portée contre la première femme ? Quand
les peuples voyaient les autels se dresser pour Marie
à côté de ceux de son Fils, sa bannière flotter en
regard de la Croix, un culte tout spécial être rendu à
cette humble fille de Juda devenue Mère d'un Dieu,
pouvaient-ils supporter après cela que la femme
restât dans son état de dégradation et d'esclavage, et
ne pas reporter sur tout le sexe une partie de tant de
vénération décernée à Marie ? D'ailleurs, il paraissait
de toute justice qu'une femme ayant réparé la faute,
la gloire de cette réparation rejaillit sur toutes les
autres. Pouvait-on ne pas leur tenir compte de ce
qu'une d'entre elles ait été Médiatrice avec le Média-
teur, Rédemptrice avec le Rédempteur ? Ainsi la
femme s'éleva graduellement dans l'estime des
hommes à proportion des progrès que fit, avec les
croyances chrétiennes, le culte de Marie. Autant elle
avait été asservie et dégradée dans l'antiquité païenne,
autant son élévation devint un principe et un fait dans
le Christianisme .
Qu'elle est belle, en effet, la position qu'il fit à la
femme ! Il la trouva sur le chemin du monde, expiant
dans l'ignominie l'orgueil de la première Eve, et la
prenant par la main, il la fit remonter sur le trône où
dès l'origine l'avait placée le Créateur. Il lui rendit
tout à la fois sa dignité morale, religieuse et civile, en
Ili V VS HUNOHABILK
ôtant à l'époux le droit tyrannique de vie et de mort
que lui conféraiejil les lois anciennes ; eD frappant de
réprobation la pensée même d'adultère, l'usage de la
polygamie, la désastreuse liberté du divorce: en lui
faisant partager avec l'homme 1rs bienfaits de l'ins-
truction religieuse e1 tous les droits civils. Devenant
par le sacrement de mariage l'égale, la compagne de
son époux, elle aura son amitié morale, confiante et
durable, au lieu de cet amour sensuel, capricieux et
inconstant que l'idolâtre jetait en passant à sa jeu-
; elle pourra à son tour, par l'empire de la vertu
et les charmes de la parole, se rendre maîtresse de son
cœur et obtenir les plu- beaux triomphes.
Reine dans le sanctuaire de la famille, au lieu d'y
être en tutelle comme auparavant, elle y commandera,
elle dirigera et déploiera -on beau privilège de faire
_ î- la concorde, fleurir la pieté et les bonnes mœurs,
exerçant ainsi la plus noble des magistratures, avec
le sceptre d'honneur reçu des mains de Marie.
Ange de douceur et de paix au foyer domestique,
elle sera aussi un ange de compassion dans la grande
famille humaine. Et c'est là encore un des beaux
du rôle sublime dévolu aux femmes par le christia-
nisme. Oui, elles sont devenue- les premières Coad-
jutrices de la Providence pour le soulagement de tout
ce qui souffre : monopole honorable dont elles n'ont
garde de se dessaisir. Aussi, les divers établissements,
où la charité déploie toutes ses Industries, sont un
théâtre trop restreint pour leur zèle ; le monde entier
- »ii immensité de misères à soulager, de plaies à
guérir, d'angoisses à consoler, de calamités particu-
iilà leur domaine. La. elles sauront
dépenser toute leur vie avec un dévouement plus que
maternel. Et Dieu seul peut compter tous les actes
VAS HONOMABU-E 17
héroïques reproduits à chaque heure et dans tons les
climats, par cette milice innombrable de vierges et de
dames qui joignent l'intelligence du zèle aux tendres-
ses de la charité la plus désintéressée, la plus infati-
gable.
Or, à quelle école nos femmes chrétiennes se sont-
elles inspirées de cette grandeur d'âme et d'un hé-
roïsme aussi sublime ? C'est Marie qui leur en a ouvert
la voie ; c'est sous son influence qu'un sentiment si
noble a germé et s'est épanoui en prodiges de dévoue-
ment . Le premier cœur de femme qui ait brûlé du beau
feu de la charité, et qui l'ayant reçu de Jésus, l'a com-
muniqué à son sexe, c'est le grand cœur de Marie.
C'est elle qui au Calvaire, sous l'inspiration du dernier
souffle du Rédempteur, forma la première association
de charité. Tandis que les apôtres et les disciples se
dispersaient comme un troupeau sans pasteur, Marie,
la pieuse Mère de Dieu, s'est tenue près de l'infâme
gibet, en compagnie de ces autres femmes qui avaient
pleuré sur le sort de l'Homme-Dieu, qui s'étaient pré-
cipitées à sa rencontre pour essuyer sa face, et l'avaient
suivi du Prétoire à la montagne sanglante, aussi dé-
sireuses de compatir à ses souffrances (pie de recueillir
ses dernières paroles. C'est ainsi que la sainte Vierge
et ses compagnes, mettant leurs larmes en commun
au pied de la Croix, s'étaient consacrées au soulage-
ment de la plus grande des douleurs, dans la personne
de Jésus mourant. Et dès lors, animée par un si noble
exemple, la femme chrétienne, digne émule de ses
ainées, n'a reculé devant aucun sacrifice, regardant
tous les malheureux comme sa famille : honorable res-
semblance avec Marie, qu'elle est toujours jalouse de
conserver.
C'esl encore par un autregenre de gloire, celle du
18 VAS HONOHABILE
martyre, que la femme catholique signala sa réhabili-
tation . Le beau spectacle que présentent les premiers
siècles surtout, où se déclarer chrétien était un crime
capital, digne de tous les tourments et de la mort!
Alors on a vu par milliers, des vierges délicates, des
épouses, des mères, des esclaves même, brisant toutes
les affections les plus tendres et les plus légitimes, in-
sensibles à toutes les promesses, bravant toutes les
menaces, affronter les tortures les plus cruelles, aigui-
ser dans l'amphithéâtre la fureur trop lente des botes,
monter intrépides à l'échafaud, courir à la mort comme
à un banquet, plutôt que de permettre la plus légère
atteinte à leur pudeur ou à leur foi. Et d'où est venu
à ce sexe naturellement si faible et si impropre à la
peine, cette force plus que virile qui le rendit supé-
rieur à toute la rage des tyrans et des bourreaux !
C'est sans doute du Dieu du Calvaire, dont le supplice
a charmé et charmera toujours tous les supplices en-
durés pour son amour ; mais c'est aussi de la Reine des
martyrs, la divine Mère, qui debout aux pieds du Cru-
cifié partageait toutes ses agonies et s'immolait avec
lui.
Près de Marie encore, qui la première avait levé l'é-
tendard de la virginité, la femme chrétienne vint s'ins-
pirer d'amour pour cette vertu, qui n'avait point germé
sur le sol païen, mais qui plantée par la Reine des
vierges dans le champ de l'Eglise se multiplia avec une
étonnante fécondité, et compléta la réhabilitation de
la femme .
C'est donc ainsi que sur les pas de Marie elle con-
quit, par le triple héroïsme de la charité, du martyre
et de la virginité, une gloire que le vieux monde ne
connaissait ni ne donnait. Honneur donc au Christia-
nisme, honneur à Marie, sous l'influence desquels la
VAS HONORABILE 19
femme s'est relevée si noblement de l'état d'abjection,
d'asservissement et de nullité où elle gisait dédaignée !
Morale : Mais aussi, ennoblie à ce degré, qu'elle
doit paraître respectable ! C'est avec cet œil de la foi
qu'il faut, enfants, voir votre mère, époux votre épouse,
frère une sœur, et nous tous, devenir plus justes en-
vers ce sexe dont les services et le mérite sont trop sou-
vent méconnus par ces hommes égoïstes et orgueilleux
qui, bouffis de leur prétendue supériorité, humilient
par leurs dédains, si ce n'est par l'insulte d'une raille-
rie, celle que Dieu a rehaussée dans l'ordre social .
Pour vous, femmes chrétiennes, n'oubliez pas que le
Sauveur vous ayant délivrées d'une abjection autrefois
si humiliante, a droit à d'autant plus d'amour et de dé-
vouement. Etant près d'exhaler son dernier soupir, il
promène un regan I sur la foule qui l'entourait, cher-
chant quelques âmes généreuses dont la vue le conso-
lât un peu de l'ingratitude d'un peuple si aimé; et ses
yeux comptèrent un homme et trois femmes. En ce jour
solennel, vous fûtes honorablement représentées : vous
saurez donc garder précieusement le patrimoine de
cette antique gloire. Aujourd'hui, comme alors, Jésus
est insulté, méconnu, délaissé. Ce n'est presque plus
que dans vos rangs qu'il rencontre des disciples fidèles;
Voudriez-votis donc anssi vous en aller? Non ! vous
n'en serez, au contraire, que plus empressées à le dé-
dommager par un redoublement d'amour et de cons-
tance, de tant d'injures et de froideur.
Quant à Marie, outre les motifs de l'aimer qui vous
sont communs avec tous les chrétiens, le bienfait ines-
timable de votre émancipation, à laquelle elle a eu tant
de part, vous en fait un devoir qui pèse sur vous pres-
que du poids d'un commandement. On se plait à dire
que la pieté et la dévotion à Marie ne sont bonnes que
"20 v\s HONORA BILE
pour les femmes. En effet : et je ne comprendrais même
pas comment une femme put être assez ingrate pour
n'avoir que de l'indifférence envers la sainte Vierge, sa
sœur, et de plus le principe de sa réhabilitation per-
sonnelle. On vous veut dévotes à Marie; acceptez ce
titre qui, loin de vous flétrir, vous ennoblit et vous
honore. La nature vous a douées d'un cœur sensible et
reconnaissant : tournez vers la Vierge une disposition
capable des plus généreux sentiments: et que cette
tendresse qui vous distingue, s'échauffe auprès d'une
Mère si aimable. (3)
Ce n'est pas tout encore : appliquez-vous avec cette
même énergie à reproduire en vous les vertus dont elle
vous offre un si touchant modèle. Vous la retrouvez dans
toutes les phases de votre vie : vierge timide, modeste,
pure comme Tange ? épouse fidèle, soumise, complai-
sante : mère pleine de tendresse et de dévouement ;
veuve solitaire et pourtant charitable. Les vertus de
Marie, dont vous vous embellirez, sont l'armure im-
pénétrable qui vous protégera contre la malignité et
les assants d'un monde aussi corrupteur que corrompu.
Les vortus de Marie, voilà votre plus précieux trésor,
le plus magnifique de vos joyaux, le fleuron le plus
riche de votre couronne, l'auréole la plus glorieuse qui
puisse ceindre votre front .
0 Marie, devez-vous dire, à qui nous sommes rede-
vables de notre heureuse réhabilitation, achevez en
nous votre ouvrage, en nous aidant à soutenir ce haut
rang par l'imitation de vos sublimes vertus.
Pratique : Scion le sage conseil de Tobie à son fils,
témoignera sa mère le plus grand respect en toute
manière.
VAS HOXOKABILE 21
HISTOIRES.
HONNEUR RENDU AUX FEMMES.
On raconte du bienheureux Henri Suzo, que rencon-
trant une femme dans une rue très sale, il se détourna
aussitôt pour lui laisser la place la moins boueuse.
Confuse de cet acte d'humilité. « Mon Père, lui dit-
elle, vous êtes prêtre et religieux, pourquoi céder le
chemin à moi qui ne suis qu'une pauvre femme ? » —
Frère Henri répondit : « Ma sœur, j'ai l'habitude d'ho-
norer toutes les femmes parce qu'elles rappellent à mon
cœur la puissante Reine du ciel, la Mère de mon Dieu
à qui je dois tout . » — De si beaux sentiments sont pré-
cieux à recueillir pour règle de conduite.
— En France surtout, à l'époque du moyen âge, où
le sol de notre patrie se couvrait de basiliques élevées
par l'enthousiasme de nos pères, en l'honneur de Celle
qu'ils appelaient Notre-Dame, la vénération pour la
femme allait jusqu'à l'exagération. Ainsi, l'on vit un
roi de France, Louis VII, dater ses actes du couron-
nement de sa chère Adèle. Et qui ne sait que saint
Louis avait fait graver sur son anneau nuptial, avec
l'image sacrée du Crucifié entourée de lis, des fleurs
appelées Marguerites, pour faire allusion au nom de
la reine? Puis au dessous, on lisait ces trois mots qui
résument tous les amours de sa vie : Dieu, la France,
et Marguerite .
— C'était aux jours des grands malheurs de la
France. Edouard, roi d'Angleterre, ayant réduit Calais,
voulut bien lui faire grâce, à cette condition que les
six principaux habitants viendraient dans son camp, la
corde au cou, s'offrir en holocauste à sa grande colère.
Ces généreuses victimes étaient sur le point d'être im-
molées à son courroux inexorable, lorsque l'épouse du
22 VAS HOXORABILE
roi tint ce langage : « Si vous me croyez digne de
vaincre avec vous ; si vous jugez que j'ai servi la cause
commune avec quelque bonheur ; si enfin j'ai des droits,
je les réclame tous, moins pour sauver ces hommes
vertueux que pour sauver votre honneur. Si mes prières
n'ont plus de force, je ne supplie pas, j'exige ; je de-
mande leur grâce pour prix de mes services et je dois
l'obtenir. » — « Madame, lui répondit Edouard, je
n'ai rien à vous refuser ; mais vous me gênez fort en
ce moment, et je voudrais vous savoir loin d'ici. » —
Voilà une grande colère qui tombe respectueusement
devant une femme !
ARTICLE SUPPLÉMENTAIRE
Influence de la femme et surtout d'une mère
Etre plus dévouées à Marie, vous embellir de ses
vertus, serait-ce assez, femmes chrétiennes, pour ré-
pondre à [la glorieuse réhabilitation dont vous lui êtes
redevables ? Non, certes ; mais il faut, et ceci surtout
devient votre spéciale et immense obligation, il faut
utiliser pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes,
pour le culte de Marie et le bien moral de la société,
l'ascendant attaché à votre sexe, les charmes si per-
suasifs de vos discours, l'autorité imposante de vos
exemples, en un mot cette force de conviction et d'en-
trainement dont vous jouissez, et qui est souvent plus
efficace que la plus éloquente prédication. La femme
peut beaucoup de bien, comme elle peut beaucoup de
mal . Jamais ses vices non plus que ses vertus, ne se
bornent à elle seule : elle ne se perfectionne, ni ne
se dégrade, sans perfectionner et dégrader tout ce qui
l'entoure : c'est elle qui rend meilleures ou plus mau-
vaises, les familles, les sociétés, les mœurs publi-
ques : elle porte dans ses mains les destinées du monde
entier.
VAS HONORABILE 23
Gardez- vous donc, femmes chrétiennes, de devenir
un foyer de démoralisation, au lieu d'être des auxiliai-
res de la vérité et de la vertu. Soyez non plus des Eve
qui perdent, mais des Marie qui sauvent. Une de vous
a bouleversé dès son origine le genre humain ; votre
mission est de le reconstituer. Sainte Hélène a con-
verti l'Empire romain par Constantin son flls. Sainte
Clotilde a amené le fier Clovis à courber la tète devant
le Dieu des chrétiens. La reine Blanche a fait de
Louis IX un saint et un modèle de rois. C'est une
femme qui fonda dans ce siècle l'Œuvre éminemment
catholique de la Propagation de la foi, par laquelle
s'étendent sur les plages infidèles et barbares les bien-
faits de la civilisation avec la connaissance du vrai
Dieu. C'est par les femmes que les François de Sales,
les Charles Borromée, les Vincent de Paul ont établi
ces précieux asiles ouverts à la piété qui veut une plus
grande perfection, et à toutes les misères humaines,
qui y rencontrent les secours de la plus héroïque cha-
rité.
J'ai nommé la charité : c'est déjà et surtout par les
industries qu'elle inspire qu'il faudra vous ouvrir les
cœurs, pour ensuite les tourner au bien. Quittez donc
souvent les douceurs de la retraite, pour aller en goû-
ter de beaucoup plus délectables dans ces réduits où
languissent un vieillard invalide, une veuve désolée,
un orphelin sans appui, un ouvrier sans travail, un
malade abandonné, un moribond aux prises avec la
mort, et tant d'autres, plus dénués encore des biens
de la grâce que des richesses de la terre. Si ce hideux
spectacle répugne à votre délicatesse, ranimez votre
ardeur au foyer de la foi. A la clarté de la lumière,
l'asile du malheureux vous paraîtra une riche mine de
mérites à exploiter ; ses larmes à essuyer, ses plaies à
24 VAS RONORABILR
panser, comme autant de rubis qui rehausseront l'éclat
de votre couronne : sous les haillons de l'indigence,
vous découvrirez les membres du Dieu de la crèche et
de la Croix : et à travers les difformités de la uature,
une âme toujours l'image de la Divinité et destinée à
la félicité des élus .
Electrisées par ces vues sublimes, femmes chrétien--
ros mains s'ouvriront pour soulager, vos lèvres
pour verser un baume consolant dans ces cœurs endo-
loris : mieux que tout autre, vous en connaissez l'art
et le secret. Et quand vos largesses assaisonnées de
l'onction de vos paroles vous auront donné l'entrée du
cœur, vous parlerez à ces malheureux du Dieu qu'ils
ont peut-être oublié. Vous ferez luire aux yeux de
leur intelligence, ordinairement obscurcie, quelques
rayons des vérités saintes, qui favorablement accueil-
lies relèveront leur abattement, et leur rendront les
peines tout à la fois plus tolérables et plus méritoires.
Ainsi, anges visibles de la Providence, vous aurez
subvenu aux nécessités de l'ànie, tout en soulageant
celles du corps. Ainsi, vous aurez remis sur la route
de la vertu et de la céleste patrie, des êtres vos sem-
blables qui ne la connaissaient plus. Et voilà une fonc-
tion qui n'est ni la moins utile, ni la moins noble de
ce vaste et sublime apostolat que vous êtes appelées à
exercer dans le monde.
Mais, sans sortir de vos maisons, quelle belle ma-
ture vous y est dévolue ! quelle est grande
tnce sur le cœur d'un mari d'abord, par une
complaisance qui aille au-devant de ses i, sans
jamais se rebuter, par votre patience inaltérable à
supporter ses défauts, par une prudence qui sache
prévenir ses colères et un sourire qui les calme, par
une amabilité toujours sereine, par un dévouement
VAS HONORABILE 25
qui commande son admiration et son amour ! Ce sont
là de pacifiques assauts, auxquels le cœur le plus dur
ne sait résister. Saint Jérôme, le plus austère des
Docteurs de l'Eglise, écrivant à une noble Dame ro-
maine, dont le père était encore plongé dans les ténè-
bres du Paganisme, lui enseigne un stratagème qu'il
croit infaillible, pour obtenir la conversion d'une àme
si précieuse : « Que votre petite fille, dit-il, saute au
cou de son grand papa, qu'elle le caresse et l'embrasse
en lui parlant de Jésus. » Ingénieuse image des atten-
tions délicates dont la femme doit, dans une juste me-
sure, entourer le mari. Combien furent ramenés de
l'erreur et du vice dans la voie de la vérité et de la
vertu, par une épouse solidement chrétienne et chré-
tiennement aimable ! (4)
Mais non moins grande est l'influence d'une sainte
mère sur la famille. Si l'homme en est la tête, la
femme en est le cœur : au premier la raison qui mon-
tre la sagesse, à elle l'adresse qui l'inspire. Les leçons
que le père présente à l'intelligence, la mère par le
charme de sa parole les fait pénétrer dans les replis
de l'àme : elle possède l'art de transformer les pré-
ceptes en habitudes vertueuses, les lumières en senti -
ments, la vérité en amour. Le cœur est tout l'homme ;
et un bon cœur est l'œuvre d'une bonne mère.
Ajoutons que la médiation de la mère chrétienne au-
près de Dieu n'est pas moins puissante que ses dis-
cours, pour le bien moral et religieux de la famille.
Portées sur les ailes de la foi et de l'amour, sentiments
qui prédominent en elle, ses prières arrivent plus vite
au cœur de Dieu et en triomphent, surtout si elles sont
présentées par Marie qui les appuiera de toute la puis-
sance de son crédit. Devenez d'autres Moniques, mères
chrétiennes, et vous aurez des Augustins. Ce que la
PARAPHRASE. — T. II. 2
26 VAS IloNOUABILE
force de vos exemples et le prestige attaché à vos pa-
roles n'auront point obtenu, emportez- le par la sainte
violence de vos prières.
Mais, c'est dès le berceau que doit commencer l'ac-
tion maternelle sur l'enfant. « La première éducation,
a dit quelqu'un, se donne sur le giron de la mère. »
Belle parole, qui renferme deux grandes vérités : la pre-
mière, que c'est à la mère surtout qu'est dévolue l'im-
portante et difficile mission de former l'enfant ; la
seconde, que c'est dès le bas âge qu'elle doit s'en oc-
cuper.
1° Oui, c'est à la mère plutôt qu'au père qu'appar-
tient le glorieux sacerdoce de l'éducation. Oh, le père !
d'autres soins, d'autres occupations demandent son
temps et ses forces. Chaque matin, avant de sortir
pour reprendre son labeur, il s'arrêtera peut-être un
instant auprès de ce berceau où l'enfant dort encore ;
il soulèvera de ses mains durcies le léger tissu qui
abrite ce sommeil angélique ; mais, après un baiser et
un sourire, il s'en va, préoccupé de cette pensée qu'il
doit gagner une autre vie que la sienne, et que ce
nouvel hôte de la maison lui impose un surcroît de
travail. Le soir, rentré à sa demeure, il prendra encore
dans ses bras cet objet de sa tendresse en le laissant
caresser son âpre visage, mais ce sera pour se dire au
fond de son cœur ému : je ferai si bien, que, s'il pleure,
ce ne sera point de misère. Au père donc la pénible
charge de pourvoir aux besoins de la famille.
Mais à la mère, que son genre d'occupations retient
au logis, la douce et auguste fonction de l'éducation
morale et religieuse de l'enfant. A elle, de lui appren-
dre les noms bénis de Jésus et de Marie, de lui incul-
quer les premières notions de Dieu et de ses droits : à
elle, de lui inspirer l'horreur de tout péché, lui répé-
VAS HONORABILE 27
tant souvent, comme la digne mère de saint Louis,
que sa mort l'affligerait moins que la souillure d'une
seule faute mortelle : à elle, de l'assouplir de bonne
heure aux vertus dont son âge est capable, d'om-
brager cette jeune plante du regard vigilant de sa ten-
dresse, et de la garantir contre tous les souffles qui
pourraient la flétrir : à elle, de prémunir longtemps
d'avance son cœur innocent contre tous les assauts
qui lui seront livrés du dehors et au dedans. Oh !
comme il reste profondément gravé le souvenir des
paroles d'une mère, parce qu'il se mêle au souvenir
de l'amour le plus tendre et le plus désintéressé ! —
Que volontiers nous vous détaillerions, mères chré-
tiennes, tous les ingénieux secrets à employer pour
une bonne éducation ; mais ce serait allonger un sujet
qui peut-être l'est déjà trop ; ce qui ne trouve son ex-
cuse que dans son importance ; nous terminerons en
vous disant :
2° Que c'est sur votre giron que doit s'élaborer cette
seconde naissance morale et chrétienne de l'enfant. Ils
sont si beaux ces petits anges, si bons ces enfants,
quand ils sont assis sur vos genoux ! Chère et aimable
créature, elle ravit par ce coloris si pur, ce regard si
vifetsidoux, et ce front que ne voile encore aucun
nuage. Ame blanchie naguère aux eaux du baptême,
elle n'a pas encore senti les ouragans des passions
effleurer son innocence. C'est un agneau qui dort
calme dans une forêt qu'il ne sait point remplie de
bêtes fauves. C'est une fleur à peine éclose, encore
humectée de la rosée du matin, que n'a point flétrie le
soleil de midi. Ah ! qu'à tous ces titres de pureté na-
tive, ils doivent vous être chers ces petits enfants !
C'est donc à vous de féconder par la chaleur vivifiante
du souffle maternel les germes de vertu cachés au fond
28 VAS HONOHABILE
de leur âme. L'onction de suavité, le parfum de grâ-
ces qui coulent de vos lèvres auront une merveilleuse
puissance pour façonner leur jeune cœur. Un invin-
cible attrait attache l'enfant aux idées et aux senti-
ments que lui transmet sa mère. Naturellement enclin
à une imitation aveugle de celle dont le sein est son
lit de repos, il la prendra pour modèle avant de com-
prendre la valeur de ses actes. Comme une cire molle,
il recevra donc la marque impérissable que vous lui
aurez imprimée. Arbre tendre et flexible, c'est alors
qu'il faut le dresser. Vase tout neuf, toujours il con-
servera le goût de la première liqueur que vous y ver-
serez. C'est une terre vierge qui ne demande qu'à
produire : mais les fruits en seront bons ou mauvais,
selon la semence que vous y aurez répandue. « Un
enfant, a dit un grand orateur, est un petit être placé
entre le bien et le mal, qui peut devenir un scélérat
ou un saint. » Or, c'est l'éducation que vous lui don-
nerez qui le fera l'un ou l'autre. Ayez donc pour règle
de conduite, cette maxime :
Formez l'homme au berceau, certain âge accompli.
Le vase est imbibe, l'étoffe a pris son pli.
Oui, ô Marie, comprenant ce que la religion, la so-
ciété et la famille attendent de nous, nous ne voulons
pas faire défaut à la sainte et noble mission que vous
nous avez léguée. Mais aidez-nous, par votre puis-
sante médiation, à la remplir dignement, en précédant
-mêmes nos frères et nos enfants dans le sentier
de l'honneur et de la vertu.
Pratique : Enseigner aux enfants dès l'âge le plus
tendre à Louer e1 à invoquer Marie : saint François de
Borgia eut ce bonheur qui lui aida beaucoup à acqué-
rir sa sainteté.
VAS HONORABILE 29
EXEMPLES
EFFET DE LA PRIERE D'UNE MERE POUR LA PURETÉ
DE SON ENFANT.
Marie Leczinska, digne épouse de Louis XV, donna
sur ce point un exemple admirable. Des seigneurs
ayant perdu tout sentiment de pudeur, tendaient des
pièges à l'innocence de son fils aîné. Elle en fut infor-
mée ; il y avait urgence d'y porter remède. Mais la
reine ne pouvait se rendre auprès du jeune prince.
Que fait-elle ? Elle se jette au pied de son crucifix,
ensuite devant une image de la sainte Vierge et de-
mande que son fils meure plutôt que de perdre la
vertu. Puis, elle se lève pleine de confiance que sa
prière est exaucée. Peu de temps après, elle apprend
du jeune prince, qu'en effet, malgré d'instantes solli-
citations, il avait énergiquement résisté. A quelque
distance de là, il tombe malade et meurt dans les sen-
timents les plus chrétiens. Aussitôt qu'elle l'eût appris,
elle réunit ses enfants, et les yeux baignés de larmes :
« Chers enfants, leur dit-elle, votre frère aîné vient de
mourir ; c'est moi qui ai demandé sa mort. Il était
exposé à perdre son innocence ; j'ai prié Dieu el la
sainte Vierge qu'il perdit plutôt la vie. Le ciel m'a
exaucée ; je l'en bénis ; je pleure néanmoins; car je
l'aimais autant qu'une mère peut aimer son enfant, »
— Sentiments admirables qui devraient être ceux de
toutes les mères !
AIMER LE DOUX PLAISIR DE FAIRE DES HEUREUX.
C'était la èeiieieuse jouissance de sainte ^Elisabeth
de Hongrie, plus élevée encore par ses vertus que par
les richesses et par le rang. Elle aimait [à descendre
souvent la colline que couronnait son château, pour
:{<) VAS HONORA BILE
s'en aller distribuer aux pauvres du voisinage les pro-
visions abondantes dont elle remplissait son manteau
de duchesse. Son mari l'avait priée plusieurs fois,
mais en vain, de respecter un peu plus sa dignité. Un
jour qu'elle avait profité de son absence pour se pro-
curer la joie de ces excursions charitables, elle le
rencontra revenant de la chasse plus tôt que de cou-
tume. Que faire? Prise en flagrant délit, notre Sainte
se recommande à Dieu. Le duc s'approche tout près,
ouvre de la main le manteau avec an sourire qui
semble dire : « Je t'y trouve encore. » Et au grand
étonnement de tous les deux, il n'y avait plus que des
roses ! — Consolant et gracieux symbole de la couronne
immortelle qui l'attendait au ciel, tressée d'aumônes
transformées en fleurs.
— Le même prodige se renouvela en faveur de la
bienheureuse Germaine. Cette pieuse fille, possédant
toutes les vertus qui font les saints, se distinguait
surtout pour sa tendre compassion envers les malheu-
reux. Un jour d'hiver, apprenant qu'un pauvre n'avait
pas mangé depuis longtemps, elle lui porta un mor-
ceau de pain. Sa belle mère, qui ne l'aimait pas,
l'ayant surprise en son chemin, tablier relevé, soup-
çonna la ruse pieuse, et s'apprêtait à lui faire sentir le
poids de sa colère. Germaine voulut bien lui montrer
ce qu'elle portait. Mais au lieu de pain, c'étaient des
roses nouvellement épanouies, qui exhalaient les
plus doux parfums. Ce prodige fit une impression sa-
lutaire sur le cœur de la marâtre qui déposa ses pré-
ventions et ses duretés
VAS INSIGNE DEY0T10NIS 31
CHAPITRE XXVIII.
VASE INSIGNE DE DEVOTION.
Tous, nous sommes en naissant, dit saint Paul, des
vases de colère, destinés à être brisés. Si à la souillure
de notre origine nous ajoutons des iniquités nou-
velles, nous devenons des vases d'ignominie, dont le
ciel détourne ses regards. Le repentir vient-il effacer
nos taches, nous sommes changés en vases de misé-
ricorde, mais nous restons toujours de fragiles vases
de terre.
Rien de tout cela n'est applicable à Marie. Elle fut
non-seulement un Vase tout spirituel, embelli princi-
palement d'humilité, non-seulement un Vase hono-
rable dont la splendeur rejaillit plus spécialement sur
son sexe, mais un Vase rempli de tous les parfums de
la dévotion. Et c'est ce Vase insigne de dévotion que
nous venons ouvrir aujourd'hui devant vous, pour
vous faire aspirer la bonne odeur d'édification qu'il
renferme et qui s'en exhale. Ce sont là les deux
riches significations de ce vocable figuratif, Vase in-
signe de dévotion. Oui,
I . Marie fut un vase rempli de dévotion ;
II. Marie est un Vase répandant au dehors la dé-
votion.
ARTICLE PREMIER.
Marie, Vase rempli de dévotion.
« La dévotion, dit saint François de Sales, est un
amour de Dieu plus vif, qui nous rend prompts ,
actifs et diligents non-seulement dans l'observation
de tous ses commandements, mais encore dans les
bonnes œuvres, lesquelles n'étant point ordonnées ne
sont que de conseil ou d'inspiration toute particu-
32 VAS INSIGNE DEVOTIONS
lière . » La dévotion , en d'autres mots , est cette
promptitude de volonté avec laquelle on se porte à la
pratique des actes intérieurs et extérieurs qui regar-
dent le service de Dieu. C'est une religion qui ne se
borne pas à croire, mais qui aime Dieu jusqu'au dé-
vouement (dévotion vient de dévouement). « C'est,
dit encore l'aimable évèque de Genève, la perfection
de la charité : la charité est une plante, et la dévotion
en est la fleur : la charité est un rubis, et la dévotion
en est l'éclat. » Quelqu'un l'a aussi très ingénieuse-
ment définie, « l'amour de Dieu aux petits soins. »
Or, tel fut la disposition habituelle de Marie.
D'abord, que ne pouvons-nous dire la ferveur de sa
prière, les ardeurs de ses aspirations vers le ciel , la
continuité de son union à Dieu, dont tout lui rappelait
le délicieux souvenir ! En elle, pas une pensée, pas un
désir, pas une parole, pas un élan du cœur qui ne s'y
rapportât. C'était bien ce Vase des parfums placé
dans le temple en forme d'autel, où brûlaient sans
cesse et s'exhalaient en l'honneur du vrai Dieu l'en-
cens et toute espèce d'aromates : emblème naturel de
la prière, qui doit s'élever à Dieu comme un encens
d'agréable odeur, et pour cela partir d'un cœur em-
brasé de son amour.
Morale : Aimons aussi à prier comme Marie.
Quand la prière ne serait pas, ainsi que l'aspiration
de l'air pour le corps, l'aliment nécessaire de la vie
surnaturelle de l'âme qui, sans le secours divin que
la prière attire, languirait impuissante contre sa fai-
blesse ; car, qu'est-ce qu'une âme qui ne prie point ?
c'est un soldat sans armes au milieu d'une foule
d'ennemis acharnés à sa perte ; c'est un pilote embar-
qué sur une mer orageuse avec un vaisseau sans
rames, sans voiles et sans gouvernail : c'est une ville
VAS INSTGNE DEV0T10NIS 33
assiégée de toutes parts et dont les murailles sont
sans défense : quand la prière ne serait pas un devoir
pour l'homme qui, Prêtre de l'univers, doit porter de-
vant le trône de l'Eternel le tribut animé de la louange
et de l'adoration, et par là s'élève et s'ennoblit en se
mettant en rapport avec le Créateur des mondes ; tou-
jours elle serait pour l'âme ce qu'il y a de plus déli-
cieux et de plus consolant. C'est le chant de l'espé-
rance que l'exilé adresse du bord des fleuves de Baby-
lone aux rives du Jourdain, à la douce patrie du ciel ;
c'est la suavité du miel tempérant l'absinthe de la
douleur ; c'est une joie de plus dans les enivrements
de la joie. Qui, après avoir été prié, n'a pas senti son
cœur plus léger, son âme plus contente ? Memor fui
Dei, et delectatus su?n .
C'est dans le temple surtout que Marie mettait ses dé-
lices à épancher son âme dans le sein de Dieu. Dès ses
plus tendres ans, elle était venue se cacher à l'ombre
silencieuse des tabernacles, afin de vaquer plus libre-
ment, loin du tumulte du monde, à la prière et à de
pieuses contemplations . Et quand il lui fallut immoler
les plus chères affections pour accomplir dans une vie
moins solitaire ses hautes destinées, le saint temple ne
resta pas moins son lieu de prédilection favorite. La loi
ordonnait aux hommes seulement de s'y présenter trois
fois l'année, aux grandes solennités de Pâques, de Pen-
tecôte et des Tabernacles, prescription qui n'obligeait
aucunement la Vierge, empochée d'ailleurs par la dis-
tance. Cependant, le désir d'adorer Dieu dans le Lieu
de sacrifices et de prière qu'il s'était choisi, l'y amenait
souvent avec Joseph et l'Enfant- Jésus.
Morale : Admirable exemple pour les chrétiens, de
l'empressement qu'ils doivent mettre à venir dans la
maison de Dieu . L'église est le Paradis de la terre :
VAS INSIGNE DBVOTIONIS
c'est là qu'on se repose des agitations du monde, de la
fatigue des affaires, de toutes les préoccupations de la
vie. Elle est un lieu tout spécial de prière, où réunis
tous ensemble autour de Jésus-Christ , on est sur
d'être exaucé. Elle est le vestibule du ciel, porta cœli:
c'est là que l'esprit chancelant dans sa croyance voit
toutes ses incertitudes se dissiper au flambeau de la
vérité ; là que le cœur sans énergie pour la vertu se
ranime à la vue de la douce paix qu'on lui montre
réservée à la victoire sur soi-même ; laque le pécheur,
brisant son orgueil sur les dalles du sanctuaire,
trouve dans l'aveu de ses fautes et les larmes du re-
pentir le calme du pardon ; là aussi que le plus juste
s'excite à croître toujours dans la perfection, par la
méditation de nos sublimes espérances. C'est pour
tous que l'église est l'école des plus utiles leçons. Ve-
nez-y, riches, pour voir la vanité de ces biens qui
fascinent vos yeux, et apprendre le secret d'en faire
des trésors inaccessibles aux vers, aux voleurs et à la
rouille. Venez-y, pauvres, et vous que le malheur ou
la souffrance accable . vous y puiserez cette patience
qui, avec la résigation. vous procurera le mérite de
vos peines. Venez, jeunes gens, autour de cette chaire
où se donnent les leçons de la plus haute sagesse ;
vous y apprendrez à échapper aux écueils de votre
âge. Et vous qui touchez au terme de votre carrière,
venez -y vous préparer à une sainte mort, Venez-y
tous, pour resserrer les liens de cette fraternité uni-
verselle, qui est le cachet des disciples du Christ, et
l'avant-goùt de cette charité parfaite qui seule règne
dans la commune patrie. Venez-y dans toutes les cir-
constances, toujours vous en sortirez heureux et
meilleurs.
Une autre dévotion de Marie était de recueillir, de
VAS INSIGNE DEVOTIONIS 35
méditer ensuite et de conserver dans son cœur les vé-
rités précieuses qui sortaient de la bouche de son ado-
rable Fils.
Morale : Ainsi doit-on agir à l'égard de la parole
sainte, aliment, comme la prière, aussi nécessaire à la
vie de l'âme, qu'est le pain à la vie du corps. Car ce
n'est pas seulement de pain, dit Jésus-Christ, que vit
l'homme, mais de toute parole qui sort de la, bouche
de Bien. Cependant, apporter à cette nourriture spiri-
tuelle un cœur ouvert par un vif désir, et affamé de de-
venir par là plus juste, ne suffit point ; il faut encore
la savourer, la digérer, pour qu'elle devienne profita-
ble. Si cette bonne semence reste à la surface du cœur
même bien préparé pour la recevoir, elle aura le sort
de la semence de la parabole, d'être emportée par le
vent des passions, par les sollicitudes du siècle, de ne
point germer et de rester infructueuse. La terre, dit
le Prophète, est remplie de désolation, parce qu'il
ri y a personne qui réfléchisse dans son cœur.
Marie aurait pu se dispenser d'aller au Calvaire ;
c'eût été déjà pour son cœur de mère une pensée assez
amère, un glaive assez tranchant, de sentir son Jésus
entre les mains de cruels bourreaux, attaché à une po-
tence aux portes de Jérusalem. Quelle raison ensuite
de retourner si fréquemment sur les lieux marqués par
les humiliations et le sang de ce cher Fils ? Mais, ou-
tre que ces souvenirs lui étaient un adoucissement de
son exil prolongé sur la terre, elle voulait nous servir
de modèle pour toutes les pratiques de dévotion .
Morale : Une des plus agréables à elle-même et à
Jésus, c'est de se rappeler Celni qui a souffert une
telle contradiction pour les pécheurs, de se reporter
sur le théâtre de ses douleurs et de sa mort, pour y
lire la grandeur, la sainteté, la justice de Dieu, l'amour
36 VAS INSIGNE DEV6TI0NIS
infini de Jésus-Christ pour les hommes, l'énormité du
péché, le prix de notre àme qui lui a coûté tout son
sang. Aussi saint Paul disait-il que toute sa science et
ses prédications se résumaient dans la coyxnaissan-
ce de Jésus crucifié. Et le grand Docteur Augustin
assurait en avoir plus appris au pied de son crucifix
que dans les livres. «Apportez-moi mon livre, disait un
Saint qui touchait à l'agonie, en parlant de son cruci-
fix : c'est un beau livre que celui-là : quand on Ta lu
et baisé, on n'a plus qu'à verser des larmes d'amour,
et ces larmes font toujours du bien. » — « Qu'il fait
bon avec Jésus crucifié, s'écriait saint Bonaventure! Je
veux y faire trois tentes : l'une en ses mains, l'autre
en ses pieds, et la troisième dans la plaie de son côté :
là, je veux me reposer, je veux veiller, je veux lire je
veux parler. » Or, les touchantes Stations du chemin de la
Croix, que Marie a parcourues la première, sont préci-
sément ce livre abrégé ouvert à tous les yeux, à toutes
les intelligences, ce livre où s'apprendra cette science
qu'il importe le plus à l'homme d'acquérir et de per-
fectionner, la science de la Croix, qui fait les saints.
Parmi les actes de dévotion de la sainte Vierge, il en
est encore deux trop instructifs pour que nous en pri-
vions votre piété. Quoique sa vie eût toujours été tout
intérieure et entièrement cachée en Dieu, elle voulut,
en la compagnie des apôtres, se préparer par la retraite
et la prière à recevoir dans toutes la plénitude les divi-
nes effusions de l' Esprit-Sain t. Un surcroit de grâces
lui était trop précieux pour qu'elle ne saisit pas cette
occasion si favorable de s'en enrichir .
Morale : Telle est l'estime que fera des moindres
choses, aidant au salut, le vrai chrétien, désireux de
se l'assurer par tout moyen . Rien de ce qui peut y con-
tribuer ne doit lui paraitrc indifférent. Et un des earac-
VAS INSIGNE DEVOTIONS
tères de ïa véritable dévotion, c'est de se porter avec
empressement et joie à tout ce qui peut être agréable à
Dieu, et est un pas de plus dans la voie de la perfection .
Heureux le serviteur fidèle clans les petites choses,
il sera établi sur de pins grandes !
De plus, la très sainte Vierge, au rapport de la tra-
dition, communiait tous les jours. Est-il besoin de dire
avec quelle foie vive, quel profond respect, quels désirs
enflammés ? Ainsi se dédommageait-elle de l'absence de
son bien-aimé Jésus! Ainsi se renouvelaient les joies de
l'avoir porté dans son sein, nourri et élevé avec la plus
affectueuse tendresse !
Morale : La fréquente communion doit être un des
bonheurs de l'âme sincèrement dévote. C'est répondre
aux intentions les plus formelles de Jésus-Christ, qui,
dès l'institution, manifestait son brûlant désir de
faire ainsi la Paque avec ses disciples, qui nous as-
sure que ses plus chères délices sont d'être avec les
enfants des hommes, et menace de la mort éternelle
ceux qui dédaigneront de manger de sa chair. La com -
munion est aussi un acte des plus agréables à Marie.
Uue mère n'est-elle pas toujours et délicieusement flat-
tée de l'estime que l'on témoigne à son enfant, des ca-
resses qu'on lui prodigue ? C'est encore pour l'àme qui
se nourrit de cet aliment céleste un gage précieux d'im-
mortalité: et ego ressuscitabo eum... plus on se le sera
incorporé, plus on y aura acquis de droits. Mais ce qui
doit autant nous en rendre avides, c'est le besoin pres-
sant d'être souvent nourris de ce pain des forts, « Point
d'arme, dit saint Grégoire le Grand, n'est plus puis-
sante contre les ennemis du salut que la fréquente
communion : point de nwen plus sur et plus prompt
pour réprimer les passions, pour déraciner entièrement
les mauvaises habitudes, pour fortifier l'âme contre les
PARAPHRASE. — T. II,
38 VAS INSIGNE DEVOTIONIS
tentations, pour l'encourager et la porter aux entre-
prises les plus difficiles, pour la rendre inébranlable
dans la pratique du bien et l'enflammer de l'amour de
Dieu. » Sur cette vérité, trop peu sentie, nous pour-
rions apporter beaucoup d'autres témoignages, tant
des saints Pères et Docteurs de l'Eglise que des plus
habiles maîtres de la vie spirituelle, qui s'accordent à
appeler la sainte communion, l'antidote le plus efficace
contre le péché.
Que je serais heureux, ô Marie, si mon cœur était
comme le vôtre un vase de dévotion : au lieu de pren-
dre en dégoût les pratiques relgieuses, j'en ferais mes
délices ! Epanchez donc dans mon âme de votre pléni-
tude de piété, et faites-y revivre le feu d'une sainte
ferveur pour le service de Dieu et le vôtre.
Pratique : Eviter la singularité dans la dévotion ;
mais qu'elle soit sincère, sans ostentation et aussi sans
crainte.
EXEMPLES.
LE SOLDAT CONVERTI.
Un soldat virant dans le désordre, n'avait conservé
de pratique chrétienne qu'une courte prière que sa
mère lui avait apprise dès son enfance, et qu'il adres-
sait à la sainte Vierge tous les jours en se couchant :
un jour pressé par une faim qui pouvait le faire mou-
rir, il adresse à Marie sa prière accoutumée. Alors, la
Vierge lui apparut tenant en ses mains un mets exquis,
dans un vase si sale, qu'il ne put se décider à y
toucher. — Eh! comment dune voulez vous, lui dit-
elle, que j'agrée vos prières de dévotion, venant d'une
âme si gâtée par les vices et le péché. » Le soldat, com-
prenant cette forte leçon, sortit du bourbier de l'ini-
quité, vécut trente ans dans la plus austère pénitence ;
VAS INSIGNE DEV0T10NIS 39
et la sainte Vierge, lui apparaissant de nouveau au mo-
ment de la mort, le conduisit au ciel .
LEÇON DU CRUCIFIX .
On raconte d'une jeune personne que, désirant entrer
dans une maison religieuse, elle eut à ce sujet un long
entretien avec i'abbesse. Et celle-ci lui faisant le détail
de toutes les obligations qui lui seraient imposées, des
sacrifices quotidiens qui briseraient sa volonté, du pau-
vre ameublement de sa cellule, une chaise, une table
de bois, un bénitier... la postulante l'arrêta tout court,
et lui demanda : Y aura-t-il un crucifix? — Eh oui !
ma fille, j'allais vous le dire ; ce sera même le premier
meuble. — Ma mère, cela me suffit. — Que ce mot est
riche ! c'est qu'en effet ce livre est suffisant à qui veut
le comprendre.
FORCE QUE L'ON TROUVE DANS LA COMMUNION.
Citons à l'appui de cette vérité seulement le témoi-
gnage de quelques saints. David, en parlant de cette
nourriture céleste, disait déjà par avance : Vous nous
avez préparé cette table, Seigneur, contre tous ceux
qui nous tourmentent . — Saint Paul ne craint pas
d'affirmer qu'ilpeut tout en Celui qui te fortifie. — Saint
Ignace, invitant les fidèles à la fréquente communion,
leur disait : « Plus vous y participerez, plus vous affai-
blirez les forces du démon votre ennemi : les traits
qu'il vous lancera rebrousseront contre lui. » — Et
saint Jean Chrysostôme va jusqu'à dire « qu'on doit se
retirer de cette table sacrée comme des lions jetant le
feu par les yeux, et devenus terribles au démon.» Aussi
voyons-nous que dans la primitive Eglise, alors que cet
adorable sacrement était pour les fidèles le pain de
chaque jour, ils y puisaient la force non-seulement de
garder inviolablement la loi de Dieu, mais aussi de ré-
40 VAS INSIGNE DBVOTIONtS
sister à la rage des tyrans, à la cruauté des bourreaux,
et de donner courageusement leur vie pour la cause
de Jésus-Christ. Des vierges faibles et délicates , de
saints pontifes courbés sous le poids des travaux et des
années, après avoir participé à ce pain de bénédiction,
se laissaient enfermer dans de noirs cachots, y trou-
vaient leurs chaînes légères, et de là volaient à la mort
comme à un festin. C'est pourquoi saint Cyprien écri-
vait à son peuple : c< Mes frères, la persécution est al-
lumée . . . , il vous faudra du courage et de la force pour
vous soutenir. Mais où en trouverez-vous , si vous
n'êtes pas unis à Jésus-Christ par la communion...? Le
cœur manque, si son sang ne le soutient. »
ARTICLE SECOND
Marie, Vase répandant au dehors la dévotion
Marie ne fut pas seulement un Vase insigne de la
plus parfaite dévotion, nous en avons admiré les actes
principaux ; mais elle est toujours un Vase rempli des
plus doux parfums de la dévotion, et versant de sa
plénitude à tous ceux qui viennent y puiser. En d'au-
tres mots, le culte de Marie ne peut qu'aider puissam-
ment à la véritable dévotion . Telle est la thèse magni-
fique que nous avons à développer .
Pour plus de clarté et d'exactitude, il est essentiel
d'observer qu'ici nous ne restreignons pas le mot dé-
votion à certaines pratiques extérieures de la piété
chrétienne, mais nous entendons aussi par là, dans un
sens plus large, La religion bien comprise et fidèlement
pratiquée. Et nous osons bien affirmer que pour y arri-
ver le culte de la sainte Vierge est d'un merveilleux
secours, à toutes les époques, dans toutes les condi-
tions, dans toutes les phases de la vie. Semblable à
L'astre du jour, il féconde tout de sa vivifiante chaleur;
VAS INSIGNE DEV0T10N1S 41
il étend ses salutaires influences sur l'humanité tout
entière, qu'il saisit à tous les degrés et dans toutes les
situations .
I. C'est déjà sur l'enfant, chez lequel commencent à
poindre les premières lueurs de la raison, que se pro-
duisent les heureux effets d'une éducation où inter-
vient la sainte Vierge. S'il est vrai que la mère est la
personne la plus apte à faire la première éducation et
à former le tempérament moral de l'enfant , il est
aussi vrai que c'est en lui parlant de Marie qu'elle
réussira le mieux dans l'accomplissement de ce grand
devoir. La faible intelligence de l'enfant ne peut encore
atteindre à la notion abstraite de Dieu ; il le compren-
dra déjà mieux sans doute et commencera à l'aimer,
par l'image offerte à ses yeux, du Dieu mort sur la
Croix pour nos péchés . Mais cette idée d'un Homme-
Dieu crucifié est encore pour lui bien élevée. Il faut
lui dire que ce Fils éternel de Dieu s'est fait petit en-
enfant, conséquemment qu'il avait une mère qui est
Marie, qu'il lui était soumis, qu'il grandissait sous
ses yeux en science et en sagesse, à mesure qu'il
grandissait en âge; qu'après l'avoir élevé, sachant
bien que c'était pour être condamné à mort afin de
nous rendre à la vie, elle-même l'accompagna au lieu
de son supplice, comme pour y donner son consente-
ment, et compléter par ses propres douleurs l'œuvre
de notre rédemption ; qu'elle est maintenant au ciel,
aussi puissante auprès de son Fils qui ne sait rien lui
refuser, que bonne pour les hommes, ses enfants adop-
tifs. Ainsi l'enfant, par ces considérations bien sim-
ples et à sa portée, apprendra à connaître Jésus par
Marie, et sera amené à aimer, à prier un si bon Sau-
veur, et Celle qui nous l'a donné avec un si généreux
dévouement. Or, qui ne comprend quelles impressions
42 VAS INSIGNE DKVOTIONIS
vives, salutaires et durables ee commencement de dé-
votion pour Jésus et pour Marie laissera dans l'âme
tendre et innocente de l'enfant ? « Je me vois encore,
écrivait le Comte de Maître, sur les genoux de ma mère
m'apprenant à croire en Jésus-Christ, et à balbutier
le nom de cette Vierge-Mère, qui porte l'Enfant-Jésus
dans ses bras. » A ces paroles, que tant d'autres di-
raient avec autant de sincérité, ajoutons celles-ci aussi
vraies, sorties de la bouche de cet homme illustre, et
que chaque mère devrait avoir constamment présentes
à la mémoire : « Si la mère surtout, dit-il, s'est fait
un devoir d'imprimer profondément sur le front de son
enfant le sceau divin, on peut être à peu près sûr que
la main du vice ne l'effacera jamais. » Que pensez-vous
d'un enfant ainsi élevé dans cette atmosphère tout im-
prégnée de foi et du souvenir de Marie? Il grandira
croyant, pieux, soumis, toujours parfumé de son inno-
cence baptismale. Ce serait une histoire bien touchante
et interminable que celle de toutes les personnes, dans
tous les rangs, à qui la dévotion pour Marie sucée avec
le lait a procuré une vie solidement chrétienne, ou le
retour à la vertu, ou la grâce finale d'une sainte mort,
après de longs égarements. Comprenez donc, mères
chrétiennes, toute Pinfluence que par Marie vous pou-
vez exercer sur votre jeune enfant, et sachez profiter
de son jeune âge innocent et flexible, pour lui inoculer
le germe de la dévotion à la sainte Vierge, qui lui sera
un gage assuré de salut.
II. Mais c'est dans l'adolescence plus encore qu'elle
est nécessaire et qu'elle produit les plus heureux fruits,
en excitant aux vertus propres à cet âge. c< La vraie
dévotion à Marie, nous dit un de ses plus doctes ser-
viteurs, le l\ Ventura, est une rosée précieuse qui fait
germer toutes les vertus, l'ombre céleste qui les abrite,
VAS 1XSIGNE DEV0TI0N1S 43
rornement qui les embellit , le charme qui les rend
aimables. » La beauté de la vertu proposée en elle-
même est une chose presque insaisissable, qui n'a point
de prise sur une jeune nature, ne jugeant encore que
par ce qui frappe les sens. Mais la vertu, apparaissant
dans une créature du même limon que nous, est rame-
née et se trouve à la portée d'une faiblesse humaine.
Or, parmi les vertus propres au jeune âge, il en est une
que l'opinion publique regarde comme son caractère
distinctif, et que les Evangélistes ont eu soin de signa-
ler en Jésus : c'est l'obéissance.
Si à cette époque de la vie, elle est essentielle au
bonheur de la famille, que ne coùte-t-elle pas à
l'orgueil du jeune homme et de la jeune fille, qui en
grandissant ont trop la conscience de ce qu'ils valent,
ou plutôt de ce- qu'ils croient valoir ! Mais qu'y a-t-il
de plus capable de faire plier ces natures rebelles,
que , d'abord la vue d'un Enfant-Dieu soumis à sa
mère, simple créature, passant en sa compagnie et
sous sa dépendance trente années de sa courte vie, et
devenu ensuite obéissant jusqu'à la mort de la Croix?
Or , un souvenir aussi salutaire est nécessairement
réveillé par celui de Marie sa mère. Mais ne montrâ-
t-elle pas elle-même la plus ponctuelle soumission à
la volonté divine, sous quelque forme qu'elle se ma-
nifestât, et en toute circonstance? Ainsi, malgré son
vœu de virginité perpétuelle, qu'elle avait sans doute
l'intention d'allier avec les devoirs du mariage, elle
obéit à ses tuteurs et aux Pontifes qui veulent lui
donner un époux ; elle obéit à l'Ange, en acceptant la
maternité divine : nouvelle Eve, elle réparait par cette
soumission les maux qu'avait causés la désobéissance
de la première, changeant ainsi le nom d'Eve, matans
Evœ nomen ; elle obéit à redit d'Auguste en se ren-
i'i vas INSIGNE DEV0T10MS
dant à Bethléem, malgré les rigueurs de la saison et
les embarras de sa position, qui lui défendaient pres-
que un aussi long voyage ; elle obéit à Joseph, en
entreprenant de nuit, et toujours en hiver, le pénible
trajet au pays d'Egypte : sur quoi Ton remarque que
l'ordre en fut communiqué à Joseph et non à la Vierge,
afin qu'elle eût le mérite d'obéir à cet époux plutôt
qu'à l'Ange lui-même . La synagogue avait ses assem-
blées, ses cérémonies, ses usages ; Marie s'en montra
toujours la fidèle observatrice. Ainsi, elle va au temple
se purifier avec les femmes souillées, et y fait l'of-
frande légale, qui ne l'obligeait pas plus que la dé-
marche. A l'exemple de son divin Fils, elle est obéis-
sante jusqu'à consentir à sa mort, et la mort sur une
Croix, souffrant mille fois plus que si elle avait eu à
subir pour elle-même cet horrible trépas. C'est ainsi
que déjà l'obéissance, qui fait partie de la dévotion
propre à la jeunesse, lui deviendra facile par l'exemple
de Marie.
Il est une autre vertu qui est le plus bel ornement
de cet âge et aussi la plus exposée, l'aimable pureté.
A cette époque de la vie, non moins fougueuse que
fragile, commence à s'éveiller l'inclination vers les
plaisirs mondains, vers les jouissances sensuelles qu'on
croit avoir le droit de goûter. Or, quel frein plus puis-
sant peut être imposé à cet essor des passions, pour en
contenir ou en régler l'ardeur, que l'exemple de la
Vierge des vierges, qu'on saura avoir tant chéri l'an-
gélique vertu de chasteté, et n'accorder ses bonnes
grâces et ses faveurs privilégiées qu'à ceux qui l'imi-
tent en ce point :' Et quel secours encore n'obtiendra-
t-on pas par elle, pieusement invoquée, pour la conser-
vation de ce riche trésor qui est un don spécial de
Dieu : Nemo potest esse cantinens^ nisi Deusdet!
VAS INSIGNE DEVOTIONIS 45
Aussi combien de naufrages évités et d'innocences
sauvées, sous la direction de cette Etoile qui découvre
les écueils et en détourne ! Combien de mères ne sont
parvenues à préserver leurs filles de tous les pièges
tendus à l'inexpérience de la jeunessse, qu'en leur ins-
pirant une tendre piété envers la Reine des vierges !
Un père ne manquait pas de parler de Marie dans
toutes les lettres qu'il écrivait à son fils, et le jeune
homme continua d'être au collège ce qu'il avait été
sous le toit domestique, un modèle d'innocence et de
piété.
Ce n'est pas tout encore ; pour un cœur ainsi devenu
chaste par la dévotion à Marie, vide de toute affection
charnelle, et libre de ces cruelles anxiétés qu'apporte
le vice, combien il est plus facile de tourner vers Dieu,
qui suffit, le besoin d'aimer si impérieux à cet âge, et
de mettre son plaisir à lui en donner des preuves ! Et
puis, l'amour pour Marie qui s'est emparé de ce cœur,
loin de nuire, ne pourra que l'aider puissamment à
cette noble fin. Nul, sans doute, a dit l'éternelle Vé-
rité, ne peut servir deux maîtres : l'attachement
pour les créatures affaiblit d'autant celui qui est dû au
Créateur ; ce sont comme les deux plateaux d'une ba-
lance, dont l'un baisse à proportion que l'autre s'élève.
Mais l'amour de la sainte Vierge, loin de contrarier
celui de Jésus, tout au contraire y conduit et l'en-
flamme. L'amour pour une mère se transporte à son
enfant : c'est par la pensée d'être agréable à la mère
que l'on prodigue des caresses à son fils : on sait qu'elle
le tient comme fait à elle-même. Ainsi, le dévouement
pour Marie rendra zélé, attentif à plaire à Jésus.
« Elle est le moule de Dieu, dit si ingénieusement saint
Augustin : celui qui est jeté dans ce moule divin de-
vient bientôt un autre Jésus-Christ. » Immense et
46 VAS INSIGNE DRVOT10NIS
sublime pensée que saint Bonaventure reproduit en ces
termes : a On distingue deux fils de Marie, l'Homme-
Dieu et l'homme qui n'est qu'homme. Marie a formé
l'un eorporellement et forme l'autre spirituellement. »
Or, devenir par Marie un autre Jésus-Christ ; aimer
Jésus-Christ davantage parce qu'on aime Marie, n'est-
ce pas là la dévotion prise dans son sens le plus élevé,
et se trouvant réalisée pour l'adolescence par le culte
de la Vierge ?
Mais ce culte consiste encore en des pratiques émi-
nemment propres à activer la dévotion dans la jeu-
nesse. D'abord, quels heureux effets devront résulter
de ces cantiques aussi harmonieux que riches de senti-
ments et de vérités, qui, après avoir satisfait un besoin
de cœur et célébré Marie au saint temple, charment
encore et sans danger les loisirs de la jeune fille, lui
rappellent quelque maxime en tout temps utile, et
tiennent lieu de ces chansons profanes si nuisibles
à la chasteté ! — Et les insignes de Marie portés avec
foi, ne sont-ils pas aussi une défense des plus sûres
contre les ennemis du dedans et du dehors ? Quel puis-
sant bouclier qu'un scapulaire, une médaille, un sim-
ple ruban, ne serait-ce que par le souvenir de la
Vierge qui s'y rattache ! Quel frein sur la pente du
mal ! On raconte qu'une jeune personne près de partir
pour un amusement dangereux à l'innocence, fut
arrêtée par le tableau de Marie Immaculée, qu'un prê-
tre ami de la maison lui fit remarquer sur la muraille.
Combien, que la seule vue de la Médaille appendue
à leur cou rendit victorieuses de tous les assauts livrés
ta leur chasteté] Ces! ainsi que de toute manière, la
dévotion ;i Marie produit, dans L'adolescence, les effets
Les plu- heureux qui constituent la véritable dévotion.
Morale ; Nous sommes donc eu droit de dire à la
VAS INSIGNE DEVOTIONIS 47
jeunesse : Voulez- vous passer saintement, sans re-
mords et dans la paix, cette époque la plus belle et
aussi la plus critique de votre vie, qui influe si acti-
vement sur le reste de vos jours ? Soyez dévouée à
Marie. Si elle préside aux premières émotions du
cœur, si elle vous dirige dans vos premiers pas au
milieu du monde, ce sera toujours là le plus sûr pré-
sage du bonheur pour votre avenir ; ce sera comme
une haie de préservation contre toutes les occasions
dangereuses, et une garantie presque certaine de per-
sévérance dans la vertu.
Mais, ce qui importe autant, c'est que nous disions
aux pères et mères : d'abord, félicitez-vous, et ban-
nissez toute inquiétude, si votre enfant donne des
signes de tendre dévotion pour la sainte Vierge, si
vous la voyez revêtue de ses livrées, enrôlée dans
quelqu'une de ses Confréries, communiant au moins à
ses fêtes, préférant ses autels aux amusements mon-
dains, se récréant du chant de ses louanges, sachant
se ménager un moment chaque jour pour lui ren-
dre ses hommages. Mais aussi, favorisez de la voix et
de l'exemple une si fructueuse dévotion. Ecoutez,
comme si c'était à vous qu'elles aient été adressées,
ces paroles touchantes de Bourdaloue. Il prêchait à
la grande solennité de l'Assomption, et après avoir
rappelé le vœu de Louis XIII, dont on faisait en ce
jour la commémoration , il ajoutait : « Voulez-vous,
mes chers auditeurs, que je vous donne une pratique
digne de votre piété ? Elle est aisée, il n'y a point de
précepte qui vous en puisse dispenser ; faites, chacun
dans votre condition, ce que fit ce prince très chré-
tien et très religieux, dont nous accomplissons le
vœu, il consacra son royaume à la Reine des Vierges ;
consacrez-lui vos familles et vos maisons; il lui dé-
18 VAS INSIGNK DEVOTIONIS
voua sa personne et celle de ses peuples: dévouez-lui
la vôtre et celle de vos enfants. Ce n'est pas assez :
mais, comme ce grand Monarque, par une conduite
solidement pieuse qui ne lui acquit pas moins devant
Dieu que devant les hommes la qualité déiste, voulut
q^e son dévouement fût public, ne rougissons point
de faire connaître le nôtre; confessons librement ce
que nous sommes, puisque c'est la profession de ce
que nous sommes qui doit nous sauver. Xe souf-
frons pas que les libertins du siècle soient plus hardis
à railler le culte que nous rendons à la Mère de Dieu,
que nous à le défendre... surtout, chrétiens, souve-
nez-vous de cette parole de saint Anselme, « que,
comme toute famille solidement et saintement dévouée
à la glorieuse Vierge ne périt pas, aussi ne devons-
nous pas compter que la bénédiction de Dieu se trouve
dans une famille où la glorieuse Vierge n'est pas hono-
rée. »
Vierge bénie, ô tendre Mère ! communiquez à tous
les parents ces admirables dispositions: régnez aussi
sur les cœurs de tous les jeunes chrétiens; car s'ils
vous aiment, vous invoquent et vous imitent, tout le
reste leur viendra comme par surcroit.
Maxime : Heureuse la famille où la mère attentive,
Façonne de l'enfant Pâme pure et craintive,
Et lui fait bégayer, assis sur ses genoux,
De Marie et Jésus, les noms toujours si doux.
EXEMPLES
ENFANTS DÉVOTS ENVERS LA SAINTE VIERGE.
Une pauvre Mère avait eu Je bonheur de gagnera
la loterie une petite statue de la sainte Vierge; c'était
ce qu'elle avait ambitionné le plus parmi tous les lots,
la plupart beaucoup plus riches. La statue, réputée
VAS INSIGNK DEVOTIONIS 49
le plus beau meuble de la chaumière, fut placée dans
l'endroit le plus apparent; et, tous les jours au soir,
la pieuse mère faisait devant elle et faisait faire une
prière par ses deux enfants plus âgés. Le troisième,
atteignant à peine quatre ans, tomba malade. Le mé-
decin des pauvres étant venu le visiter, déclara que la
maladie était mortelle, et qu'il n'avait plus que quel-
ques heures à vivre. Ce fut un coup de foudre pour la
pauvre mère qui va sanglotant se jeter aux pieds de
la statuette. Les deux enfants suivent son exemple, et
leur petite prière étant terminée : « Maman, dit le
second âgé de sept ans, maman, ne pleure plus, j'ai
prié la bonne Vierge pour petit frère ; elle m'a dit que
petit frère ne mourrait pas. » La mère, reprenant
confiance, se tourne vers le berceau de son enfant;
il était déjà mieux ; et bientôt la guérison se com-
pléta .
— Des missionnaires évangélisaient en 1848 dans le
sud de l'Egypte. Ayant acheté sur le marché aux es-
claves quelques Maures assez doués d'intelligence, ils
purent, secondés par leur bonne volonté, les mettre
en état d'être régénérés à la Toussaint de la môme
année, par le Sacrement de Baptême. La nuit, veille
de ce grand jour, un des Pères étant ailé visiter le
dortoir des néophytes, pour s'assurer si tout s'y pas-
sait avec ordre, en trouva plusieurs, qui, au lieu d'être
couchés, priaient à genoux avec une ferveur extraor-
dinaire. — Que dites-vous là, leur demanda-t-il ? —
Nous prions la bonne Vierge, pour que nous ne mour-
rions pas cette nuit, niais que nous vivions encore
demain, où nous devons entrer dans le soin de l'E-
glise.— Que devront être ces enfants, qui, n'étant pas
encore chrétiens, avaient déjà pour Marie une si ten-
dre dévotion !
50 VAS INSIGNE DEVOTIÔNIS
— Ce serait ici le lieu de citer les Louis de Gonza-
gue, les Stanislas de Kostka, les Sousi, les Décalogne,
les Berchmans et tant d'autres, qui, par leur précoce
et ardente piété pour Marie , sont parvenus rapide-
ment à une haute sainteté et que Dieu recueillit de
bonne heure étant mûrs pour le ciel, où ils s'applau-
diront éternellement d'avoir aimé Celle dont la vue
ajoute à leur bonheur, après les avoir aidés à le con-
quérir.
TESTAMENT D'UN SERVITEUR DE MARIE.
Un bon père chrétien et surtout fort dévoué à Marie,
sentant sa fin approcher, réunit autour de son lit de
mort tous ses enfants et leur dit du ton le plus péné-
tré : Mes chers enfants, je vais mourir : j'ai vécu cin-
quante ans; je n'ai pas été, dans le cours de mon
pèlerinage, sans goûter quelques joies ; mais les plus
pures et les plus célestes, je les ai trouvées dans mes
pratiques envers Marie . Son souvenir purifiait toutes
mes autres joies , les élevait, les ennoblissait. Je le
déclare devant Dieu .
J'ai vécu cinquante ans ; ma vie ne fut point
exempte de tribulations; mais dans toutes mes épreu-
ves, ce fut le service de Marie qui me procura le plus
de consolation. Je le déclare devant Dieu.
Faites comme j'ai fait; je mourrai plus tranquille, si
je puis emporter avec moi ce consolant espoir.
De grosses larmes coulèrent de leurs yeux ; ils pu-
rent néanmoins répondre : Oui, ô père, nous aimerons
Marie. Ils tinrent parole, et Marie les bénit.
ARTICLE TROISIEME.
Marie, vase répandant au dehors la dévotion.
Continuons à constater les heureux effets de la dé-
votion à la sainte Vierge, dans toutes les positions de
VAS INSIGNE DEVOTIONIS 51
la vie. Deux conditions, d'abord, partagent le monde,
l'état religieux, et l'état du mariage. Or, dans l'un
comme dans l'autre, Marie est un besoin et plus que
cela encore un très puissant secours pour en remplir
les devoirs .
Ce serait une belle tâche que de venger les ordres
religieux de toutes les préventions et attaques susci-
tées contre eux par la malice et l'ignorance . Après
avoir étalé tous les services qu'ils ont rendus à la reli-
gion, à la société, à la civilisation et même aux scien-
ces et aux arts, thèse immense, nous ajouterions qu'il
importait au Christianisme qu'il y eût en dehors du
monde comme des foyers d'édification et de sainteté,
où s'entretint et se ravivât le feu sacré de la dévotion.
Or, tels furent dans tous les temps, à quelques excep-
tions près, ces Institutions admirables, connues sous
le nom d'Ordres religieux. Mais, chose non moins ad-
mirable et digne de profondes réflexions , c'est que
Marie en fut la base première, et c'est son culte qui
en devint ensuite l'âme et le soutien.
Trois vœux constituent la vie religieuse ; et le mo-
dèle en avait été trouvé en Marie : la chasteté, qu'elle
estima jusqu'à la préférer à la sublime dignité de Mère
de Dieu ; X obéissance, qu'elle professa très formelle-
ment par cette humble réponse : Voici la servante du
Seigneur ; la pauvreté et le sacrifice, qu'elle pratiqua
si admirablement à Bethléem, à Nazareth et au Cal-
vaire. L'observation de ces trois vœux, en quoi con-
siste la dévotion propre au religieux, se trouvait donc
intimement liée dans tous les Ordres à la dévotion
envers Marie. Aussi, n'en vit-on aucun qui n'eût été
jaloux d'honorer plus spécialement la sainte Vierge,
qui n'eût fleuri par cette dévotion, qui n'eût dégénéré
quand il l'a laissée se ralentir et qui ne s'y fût re-
:;->
v\> INS1GNB DEVOTIONIS
trempé quand il a voulu se réformer. Tous ont offert
le spectacle d'une famille d'enfants qui se disputent
les tendresses d'une mère et l'honneur de la servir ; et
son culte fut toujours l'aliment et le soutien de leur
première ferveur. (5)
Même prédilection pour Marie, et par elle mêmes
résultats de tendre piété dans toutes ces Communautés
de femmes, principalement de celles qui de tout temps
se sont dévouées et aujourd'hui encore se dévouent
avec autant de désintéressement que de courage au
soulagement de toutes les misères de l'humanité. Où
s'inspirèrent-elles de cette sublime vocation? Dans
l'affectueuse dévotion envers la sainte Vierge, dont fut
nourrie leur jeunesse et qui en fit les délices. Qu'est-
ce qui les soutient dans cette vie de continuelle abné-
gation ? Ce sont principalement leurs diverses prati-
ques envers la Céleste Mère. Elle remplace dans leurs
pensées et leurs affections la mère qu'elles ont quit-
tée. Son chiffre, une médaille, le rosaire sont leurs
plus beaux ornements. Partout, son image se rencon-
tre, ordinairement entourée d'ingénieuses devises que
le cœur a trouvées. Ici vous lisez : a C'est elle qui nous
protège ; » là : c< Montrez -vous notre Mère ; » ailleurs :
« Cachez-nous sous vus ailes: » etc Tout en rap-
pelle le souvenir : c'est sous son influence que l'on vit,
sous son œil que l'on agit : c'est à elle que Ton recourt
en toute circonstance.
Doit-on s'étonner qu'avec Marie ainsi présente, ainsi
aimée, ainsi invoquée, la ferveur se maintienne, et
qu'il y ait tant de vertu dans ces anges de la terre,
servantes tour à tour delà sainte Vierge, des pauvres,
- orphelins ? Heureuse, mille fois
L'âme que Dieu appelle à un genre de vie,
où, par le culte de Marie plus en honneur et le oon-
VAS INSIGNE DEVOTIONIS 53
cours de tant d'autres moyens, le salut est plus fa-
cile, plus assuré, j'allais dire immanquable !
Mais, d'après les dispositions de la Providence pour
les choses d'ici-bas, le plus grand nombre est destiné
à passer sa vie au milieu des embarras et des dangers
du monde, et le plus communément dans Pétat du
mariage. Or, quelque position que l'on occupe, com-
bien est nécessaire la dévotion à là sainte Vierge, et
que d'avantages elle procure !
D'abord dans le mariage. Si cet état est un remède
aux ardeurs de la concupiscence, il n'y est pas tou-
jours un frein suffisant. Selon le sage moraliste, saint
François de Sales déjà cité, « la licence que le mariage
accorde et les secours de la grâce reçus par le Sacre-
ment peuvent, sans doute, servir beaucoup à éteindre
la passion naturelle ; mais l'infirmité de plusieurs per-
sonnes qui s'en servent, les fait passer aisément de la
permission à l'usurpation, de l'usage à l'abus. » Or,
pour se contenir dans les règles de cette chasteté es-
sentielle aux époux chrétiens, et la conserver même
dans les jouissances permises, un des moyens les plus
efficaces, c'est l'exemple et la protection de cette ad-
mirable Vierge qui porta si loin l'estime et la pratique
de la pureté. Et ces époux devenus chastes comme
Marie et Joseph, combien ne sont-ils pas aidés, par
cette sainte modération dans leur amitié, à ce pur
amour de Dieu qui veut avoir, comme il en a le droit,
la première place dans tout cœur, qui n'entend pas
que même un père, une mère y aient sur lui la préfé-
rence i Et ce tendre amour pour Dieu, nous l'avons dit
avec tous les maîtres de la vie spirituelle, qu'est-ce
autre chose que la dévotion ?
Mais, l'état du mariage impose encore aux époux
d'autres devoirs, pour l'accomplissement desquels le
5'i VAS INSIGNE DEVOTIONIS
culte de lu sainte Vierge est d'un merveilleux secours.
D'abord, une des causes d'union sincère et de bonheur
permanent dans la famille, c'est la religieuse estime
et le respectueux attachement de l'époux pour l'épouse.
S'il la regarde comme une esclave, et non comme une
compagne, comme une amie que le ciel lui a donnée
pour adoucir, en les partageant, ses peines et ses la-
beurs ; s'il ne la chérit comme un autre lui-même, dès
lors l'égoïsme remplace le dévouement ; il la traite en
maître dur et despote ; la brutalité le domine au lieu de
la tendresse. Mais, que Marie soit connue et honorée
au foyer domestique, le mari, sachant qu'en elle, éle-
vée à la suréminente dignité de Mère de Dieu, toutes
les filles d'Eve ont été relevées de l'abjection où elles
gémissaient malheureuses, et sont ainsi devenues
grandes, nobles et reines dans la famille, nécessaire-
ment ce souvenir rehaussant ainsi son épouse à ses
yeux, une profonde impression de respect saisira son
cœur ; elle sera sa compagne religieusement estimée
et chérie, l'objet d'attentions les plus délicates, les
plus empressées. La femme à son tour, dévouée à
Marie, ne pourra oublier que c'est par cette Eve régé-
nératrice qu'elle est sortie de son état de dégradation
et de servitude, pour reconquérir le haut rang et les
privilèges de sa primitive grandeur ; elle se croira dès
lors obligée et n'en sera que plus empressée à imiter
la Vierge sa Libératrice et son modèle. Contemplant
dans ce miroir toutes les vertus de la vie conjugale,
elle s'appliquera à devenir chaste, fidèle, douce, sou-
mise, dévouée comme Marie . Cette précieuse épouse
sera, pour le compagnon de ses destinées, un ange de
paix et de consolation, le remède à la souffrance, le
repos après le travail, le calme succédant à l'agitation.
Elle tempérera ses chagrins, dissipera ses ennuis, ré-
VAS INSIGNE DEVOTIONIS 55
jouira toute son existence, ^doublera son bonheur :
une sainte et inaltérable affection unira ces deux
cœurs qui n'en feront plus qu'un. Que toutes les femmes
deviennent des Marie, et la terre sera bientôt un pa-
radis anticipé.
Après une succession plutôt de peines que de bon-
heur, on arriveà la vieillesse. Ah ! la vieillesse, cette
seconde enfance, réclame aussi, comme la première,
une mère. Mais, la mère a disparu ! Solitaire, délaissé,
quelquefois même par ses enfants, le vieillard cherche
en vain autour de lui un appui nécessaire. Nul autre
ne s'offre que Marie ; mais aussi, au pied de ses autels,
ou devant une statuette, précieux héritage de famille,
ou ne pouvant plus que dire son chapelet, quel déli-
cieux rafraîchissement n'éprouve-t-il pas ! Quelle
agréable diversion à l'ennuyeuse monotonie de son
désœuvrement ! Et puis, quel admirable modèle de
patience ne trouve-t-il pas dans une vierge qui, du-
rant ses vieux jours, ne se plaignait que de ne pas
être réuni plus tôt au Bien-Aimé de son cœur? Et
encore, si la vue du formidable jugement qui appro-
che, si le souvenir des fautes accumulées pendant une
longue vie lui inspirent de justes alarmes, avec
quelle douce confiance il se jette dans les bras de la
miséricordieuse Mère ; il espère tout de Celle qu'il a
tant de fois invoquée pour le dernier moment ; et bien-
tôt, comme le juste Siméon, il pourra dire son Nunc
dimittis et s'endormir en paix, en exhalant vers la
céleste Vierge son dernier soupir dans un dernier
Ave ! (6).
C'est aussi pour tous les rangs comme pour les con-
ditions diverses, que Marie est tout à la fois un besoin,
un attrait, un très puissant moyen de dévotion. L'in-
digent voit en elle une créature la plus rapprochée de
56 VAS INSIGNE DEV'OTIONIS
son obscurité, l'épouse d'un charpentier, enfantant
dans une étable le Dieu devenu esclave, allant le ra-
cheter par l'offrande des pauvres, vivant oubliée avec
lui dans la chétive maison de Nazareth, partageant ses
ignominies au Calvaire, et terminant sa carrière en
compagnie de Jean le batelier. Tout ainsi, dans Marie,
inspire aux simples et aux pauvres la vertu qui leur
est la plus essentielle, la résignation. Aussi son culte
est-il universellement populaire. Ce sont surtout les
humbles et les petits qui affluent dans ces sanctuaires
où la misère humaine vient l'invoquer sous les diffé-
rents noms qui répondent à ses besoins : et sa douce
image est, après l'image du Crucifié, l'ornement le
plus cher de la chaumière, dont elle console la tris-
tesse et les rigueurs. De plus, tant d'amour pour la
Mère conduit tout naturellement à l'amour de son
Fils, à l'accomplissement plus parfait de ses pré-
ceptes et même de ses conseils, disons le mot, à la
dévotion .
Mais les rois aussi et les grands de la terre, n'ou-
bliant pas que les rois Mages déposèrent devant la
Vierge les présents apportés à 1 Enfant-Dieu, tiennent
à honneur d'honorer Celle qui est la Reine de tout
l'univers, et font de sa dévotion le Palladium de leur
personne et de leurs Etats. On est heureux de trouver
ce fait buriné dans l'histoire, presque à chacune de
ses pages, et de voir aussi le chiffre de Marie briller
dans les décorations princières comme sur les haillons
de l'indigence, le sceptre et la béquille se croisant au
pied de ses statues, l'or offert par les rois et les puis-
sants confondu avec les humbles présents du pauvre.
Mais là ne se borne pas leur dévotion : à l'exemple de
cette Fille royale à qui sa noblesse d'origine n'enfle
point le cœur, ils ne voient dans leur élévation qu'un
VAS INSIGNE DEVOTIONS 0/
moyen d'opérer plus de bien, et de briller par des
exemples plus éclatants, qui descendus de plus haut
ne seront que mieux compris .
Au temps du prophète Elisée, une pauvre mère se
trouvant poursuivie par des créanciers qui voulaient
lui enlever jusqu'à ses deux fils, eut recours à l'homme
de Dieu, déjà si célèbre par ses miracles. Cette femme
ne possédait plus qu'un peu d'huile que le Prophète
multiplia, de manière qu'elle put remplir tous les vases
qui se trouvaient dans la maison et d'autres encore
qu'elle se procura. C'est ce prodige, ô charitable Vier-
ge, que nous vous prions de renouveler, en nous com-
muniquant de cette huile de dévotion dont vous fûtes
si abondamment pourvue.
Pratique : En se livrant aux exercices de religion,
se rappeler que Dieu veut principalement être adoré
en esprit et en vérité.
EXEMPLES
DÉVOTION DES SAVOYARDS A LA SAINTE VIERGE.
La Savoie surtout nous fournit un exemple touchant
de dévotion à Marie parmi les simples et les pauvres.
Vous avez vu, sans doute, de ces petits enfants tout
noirs de la suie des cheminées qu'ils nettoient avec
tant d'adresse, et qu'on appelle ramoneurs. Le pays
qu'ils habitent est tout pauvre : et leurs parents se
voient obligés de les envoyer au dehors pour gagner
leur vie. Mais la misère de ces bonnes gens est bien
adoucie par leur grande dévotion envers la sainte Vier-
ge. Partout l'on rencontre sa douce image, au bord des
torrents, dans l'épaisseur des bois, au milieu des
champs, sur tous les chemins, à l'entrée du plus petit
hameau ; et à cette vue leur courage renaît, les cha-
grins se dissipent. Mais il est une scène des plus tou-
58 VAS INSIGNE DBV0T10NIS
chantes qui chaque année se renouvelle, ce sont les
adieux devant la grande croix et l'image de Marie, à
l'entrée du village, quand les enfants vont partir pour
la France ! Là, s'est rendue la paroisse tout entière,
parents, amis, enfants et leurs maîtres. Alors, le plus
âgé des vieillards prieJésue et Marie de conserver bien
innocents les petits voyageurs, de les ramener à leurs
mères désolées, et il les bénit. Ils se relèvent, les lar-
mes aux yeux, le cœur bien gros, mais pleins de con-
fiance en Celle à la garde de laquelle on vient de les
remettre. Embrassés et bénis de nouveau, ils prennent
leur route, regardant souvent derrière eux. Ils s'ani-
ment par quelques cantiques à Marie ; et ceux qui ne
pleurent pas trop répètent le refrain . Les parents et
amis sont restés là, regardant le plus loin qu'ils peu-
vent, et quand ils n'aperçoivent plus rien, ils récitent
le Chapelet pour recommander encore à la Vierge ces
pauvres petits enfants. Touchantes prières qui arrivent
droit au cœur de la bonne Mère , aussi, les prend-elle
sous sa protection ; à leur arrivée, elle leur procure des
établissements où leur innocence est en sûreté, et les
protège pendant qu'ils vont péniblement gagner quel-
ques petits sous pour leur pauvre mère.
EFFET DU SOUVENIR DE MARIE
Dans une famille, où l'on ne connaissait guère de
Jésus et de Marie que le nom, naquit un enfant. La
marraine plus religieuse obtint qu'on l'appelât Marie,
et eut la pieuse pensée de donner à la mère, pour ca-
deau, une image représentant la Vierge bercée par les
anges sous les yeux de sainte Anne. Le tableau, sans
être du goût de la famille, fût accepté et conservé par
égard pour la marraine, qui étant riche pouvait faire
beaucoup de bien à sa filleule. Cette pieuse image,
ROSA MYSTICA 59
placée au-dessus du berceau, ne tarda pas à faire en-
tendre son langage. Les regards de la petite Marie
s'arrêtaient naturellement sur la sainte enfant de Na-
zareth , dont les charmes innocents ravissaient son
jeune cœur. Elle se trouvait chérissant Marie à son
insu, et bientôt elle voulut la connaître. La jeune mère,
uniquement jalouse de satisfaire ce qu'elle appelait un
caprice d'enfant, mais ne sachant plus assez les ensei-
gnements de sa propre jeunesse, fut obligée de recourir
à des livres depuis longtemps négligés. La grâce l'at-
tendait là : en lisant, pour le redire à son enfant, la
vie de la Vierge immaculée, elle sentit le besoin pour
elle-même de l'imiter ; le profit fut pour toutes les deux,
ou plutôt pour la maison tout entière. La jeune fille
ainsi élevée dans la dévotion à la sainte Vierge, par-
vint avec les années à une solide piété ; et la mère elle-
même par l'imitation des vertus de Marie fut pour la
famille une cause de paix et de bonheur.
■ —
CHAPITRE XXIX.
ROSE MYSTIQUE
Parmi les emblèmes que l'Eglise va emprunter à la
nature pour rendre sensibles les augustes qualités de
Marie, la rose s'offrait naturellement un des premiers.
Nul ne la peint avec autant de vérité, avec un charme
plus ravissant et plus propre à nous la faire aimer.
Qui, et surtout le jeune âge, n'a pas une prédilection
particulière pour la rose ? La suavité de son parfum,
l'éclat et la variété de ses couleurs, qui lui donnent
une beauté douce et mystérieuse, vous charment et
vous réjouissent encore plus. Les épines mêmes qui
l'entourent, sans nuire à son odeur et à sa beauté,
80 ROSA MYSTICA
semblent au contraire ajouter à son mérite, en proté-
geant sa fragilité. Aussi, n'est-il point de parterre où
elle ne figure avec orgueil ; elle en est la perle, le plus
bel ornement ; elle y occupe le premier rang parmi ses
sœurs .
Dans cette gracieuse peinture de la reine des fleurs,
on a pu facilement reconnaître Marie, Rose mystique
toujours agréablement épanouie pour charmer et ré-
jouir nos yeux par la splendeur et la riche variété de
ses vertus. Entre toutes, dit saint Bernard qui se la
figure comme un parterre enchanteur, on en remarque
trois plus excellentes : l'humilité, figurée par la vio-
lette, viola humilité dis ; la chasteté, par le lis, Ulium
castitatis ; la charité, par la rose, rosa caritatis.
Nous nous restreindrons à cette dernière, comme étant
l'objet direct de l'Invocation actuelle. Car, de même
que la rose est à tous les titres la reine des fleurs, ainsi
la charité tient le premier rang parmi les vertus : ma-
jor autem caritas : la rose aussi, par la couleur pur-
purine qui la distingue ordinairement, est encore l'em-
blème du feu de la charité. Et telle fut Marie : son
cœur était un foyer de l'amour le plus ardent et pour
Dieu et pour le prochain.
ARTICLE PREMIER
Amour de Marie pour Dieu
Quand j'entends saint Anselme nous dire « qu'au-
cune intelligence humaine ne pourrait mesurer , ni
même la voix toute pure des anges, exprimer l'immen-
sité de l'amour de Marie pour Dieu; » sacba.nl d'ail-
leurs que Dieu seul qui le lui inspira, et qui en fut
l'objet, peut le comprendre: n'est-ce pas de ma part
une impardonnable témérité d'oser l'entreprendre?
Mais rassuré par le même saint Docteur, qui ajoute
ROSA MYSTICA 61
(< que c'est toujours un grand bonheur de pouvoir seu-
lement y penser, » je crains moins de l'essayer, dussé-
je ne produire que cet effet dans l'esprit du pieux lec-
teur .
Disons d'abord, avec l'illustre Suarez, que l'amour
de Dieu pour Marie surpassant l'amour qu'il porte à
tous les autres saints ensemble, il s'ensuit, par une
conséquence légitime, que Marie aima son Dieu elle
seule plus que tous les saints réunis ; car, étant impos-
sible à Dieu d'aimer un objet plus qu'il ne le mérite,
Marie a dû l'aimer la première dans la proportion qu'il
l'aima ensuite : Quantitas animœ estimatur de men-
surâ caritalis (S. Bern.).
De plus, dit encore saint Anselme, si l'amour de Dieu
se mesure sur la pureté du cœur : ubi major puri-
tas^ibi major caritas ; comme elle dut aimer Dieu
cette Vierge aussi pure que la rosée de l'aurore, cette
Reine de toutes les vierges ! Elle l'aima avec ce cœur
pur et ardent que n'a point flétri le péché d'origine, ce
cœur entièrement dégagé de toute affection terrestre,
et par là disposé à ne brûler que du divin amour. Saint
Bernard, sentant aussi son insuffisance à l'exprimer,
ne dit que ces mots bien courts, mais pleins de sens :
« Elle l'aima plus que les séraphins, » dont le carac-
tère spécial est d'être tout enflammés d'amour. Ils au-
raient pu descendre de leurs trônes, pour apprendre
d'elle comment ils doivent aimer. Il ajoute c< que Ma-
rie, bien différente des autres saints qui renouvellent
à chaque instant des actes détachés d'amour de Dieu,
eut le privilège de l'aimer constamment par un seul et
continuel acte d'amour. » Ses actions journalières et
habituelles étaient faites par des motifs si relevées,
que chacune formait une suite non interrompue d'ac-
tes de parfait amour : elles ne l'empêchaient point d'ai
PARAPHRASE. — T. II. 4
bZ RUSA MYSTICA
mer, pas plus que l'amour ne l'empêchait d'y vaquer.
Ayant les yeux incessamment fixés vers Dieu, le bien-
aimé de son cœur, par ce souvenir toujours présent et
la contemplation de ce divin objet, elle activait sans
relâche la flamme de la charité la plus ardente. Voyez
ce fer jeté dans la fournaise ; il est tellement pénétré
de feu, que cela ne fait plus qu'une seule et même
chose : image du cœur de Marie qui, au dire de saint
Bernard, « était non seulement percé, mais transpercé
de l'amour de son Dieu, de sorte que pas une seule
parcelle n'en fut vide, et qu'elle l'aima exactement de
tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces. »
Aussi la lyre inspirée des prophètes l'avait-elle chan-
tée la mère du bel amour, la mère de la chaste di-
lection.
Morale : Si Marie eut pour Dieu un si tendre amour,
nul doute que son plus grand désir ne soit de le voir
régner dans l'âme de ses serviteurs. L'affection que
l'on ressent pour quelqu'un n'a point de plus douce
réjouissance que de rencontrer dans les autres les
mêmes sympathies. Nous serons donc d'autant plus
aimés de Marie, que notre amour pour Dieu sera plus
vif et plus tendre. Et n'y a-t-il pas tous les droits?
Ne trouvons-nous pas en lui tout ce qui est capable de
toucher, d'attirer, de gagner les cœurs ? Il est la su-
prême bonté, la beauté souveraine, la miséricorde
sans bornes, une source inépuisable de tous les biens,
un océan infini de toutes les perfections. Elles ne peu-
vent, il est vrai, être conçues par notre esprit, encore
moins aperçues par la faiblesse de notre vue, mais
n'en a-t-il pas laissé tomber sur la terre comme quel-
ques gouttes, ou des échantillons qui peuvent nous
faire deviner ce que doit être la source même ? Et si
ces objets terrestres, ravissants par leurs charmes ou
ROSA MYSTICA 63
leur bonté, attirent si activement les affections de notre
cœur, ne les devons-nous pas mille fois plus à Celui
en qui tout cela est réuni comme dans son principe et
à un degré infini ?
Mais à titre de bienfaiteur, Dieu n'a-t-il pas des
droits nouveaux et imprescriptibles à être aimé ? En
présence des dons de toute espèce et dans l'ordre spi-
rituel et dans l'ordre temporel qu'il ne cesse de nous
prodiguer, soit directement, soit par les créatures qui
sont toutes pour nous, ne peut-on pas dire que l'homme
est Y enfant gâté de la Providence ? Et après tous ces
biens de la vie présente, que pourrait-on imaginer et
que pourrait-il donner de meilleur que ce bonheur,
infini de sa nature, puisque c'est Dieu même qui sera
notre récompense, infini dans sa durée, puisqu'elle sera
éternelle, et cela pour le peu que nous aurons fait
pendant notre court passage sur la terre ? « 0 mon
Dieu, s'écrie à cette vue saint Augustin, fallait-il donc
nous faire un précepte de vous aimer ? N'était-ce pas
assez de nous le permettre ? Est-il besoin d'un com-
mandement, pour qu'un ami aime son ami, une épouse
son époux, un enfant les auteurs de ses jours ? » Et
vous aimer, ô mon Dieu, n'est-ce pas le bonheur su-
prême ? comme ne point vous aimer est le comble du
malheur. « Vous nous avez créés pour vous, Seigneur,
et notre cœur est inquiet tant qu'il ne se repose pas en
vous, » dit encore le pieux Docteur, qui l'avait éprouvé.
Aussi, tout après sa conversion, sitôt qu'il eut connu
les amabilités de Dieu et ses bontés pour les hommes,
son cœur devint tout brûlant d'amour pour lui. « O
beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, s'é-
criait-il, trop tard je vous ai connue, trop tard je vous
ai aimée ! »
Tendre et vif amour de Dieu, ce fut le sentiment do-
tii ROSA MYSTICA
minant dans le cœur de tous les saints. Peut-on, d'ail-
leurs, être admis à l'aimer éternellement au ciel, si déjà
sur la terre on n'en a fait un long apprentissage? La
vie présente doit être comme le noviciat de la vie fu-
ture. — Si je savais, dit saint François de Sales, qu'il
y eût dans mon àme un seul filet d'affection qui ne lut
pas de Dieu, ou pour Dieu, je le couperais à l'instant
même. J'aimerais mieux ne pas exister que d'exister
n'étant pas à Dieu sans réserve. » Encore enfant, il
disait souvent avec une grande naïveté : « J'aime bien
Dieu et ma mère. » Elles étaient fréquentes dans la
bouche de saint Philippe de Néri, ces paroles où se
peignait son amour : «Comment est-il possible que celui
qui croit en Dieu puisse aimer quelqu'autre chose que
Dieu, à moius que ce ne soit pour l'amour de lui? » Et
souvent il se soulageait en lui adressant cette plainte
amoureuse : « 0 mon Dieu, vous êtes si aimable ! et
vous me commandez de vous aimer ! pourquoi donc ne
m'avez-vous donné qu'un cœur, et encore un cœur si
petit ? — On dit de saint François d'Assises, qu'aussitôt
qu'il entendait parler des bontés de Dieu, son cœur
s'enflammait, et ses yeux versaient des larmes abon-
dantes.— Saint Louis de Gonzague, dans ses transports
d'amour pour Dieu, tombait aussi dans un ravissement
ineffable, toutes les fois qu'il entendait prononcer son
nom.— Une pieuse paysanne, quand on lui demandait
quelle heure il était, avait coutume de répondre : c'est
précisément l'heure d'aimer Dieu. — On raconte qu'un
jeune homme, qui assistait à Paris aux leçons de théo-
ayant entendu développer quelques-unsdes motifs
d'aimer Dieu, se leva subitement, disposé à s'en aller.
Saisi d'étonnement, le maître lui en ayant demandé la
cause, reçut cette remarquable réponse : « Avant de
continuer à écouter, je veux mettre en pratique ce que
ROSA MYSTICA 65
je viens d'entendre. » Et dès ce moment il renonça au
monde, entra dans un ordre sévère, «pour aimer Dieu,
disait-il, tout à son aise. » — Une jeune personne disait
à un Missionnaire avec une admirable candeur : Mon
Père, parmi les commandements de Dieu, il en est un
que je n'ai jamais pu comprendre. — Lequel, mon
enfant ? — Mon Père, c'est le premier : Un seul Dieu
tu aimeras parfaitement . Est-ce que ma mère m'a
jamais commandé de l'aimer ! Est-ce que cela ne s'ap-
prend pas tout seul ? Pour moi si le bon Dieu me le dé-
fendait je serais bien ennuyée, je l'aimerais en cachette.
Ah ! que nous sommes loin de partager toutes ces heu-
reuses dispositions .
Amour de Dieu, vertu pourtant pleine de charmes et
procurant les plus pures délices ; ne point aimer au
contraire est un enfer anticipé ; c'est en cela que sainte
Thérèse faisait consister le tourment des démons : c< Les
malheureux, ils n'aiment pas ! » Amour de Dieu, vertu
sublime, qui nous élève au-dessus de tout ce qui est
créé et nous associe aux Intelligences célestes ; vertu
divine, qui nous transporte dans le sein de Dieu même,
pour y vivre de sa vie, y être heureux déjà de son bon-
heur ! Mais, disons-le en gémissant, amour de Dieu,
vertu bien rare, même parmi les chrétiens ! Combien
peu l'aiment, comme il le demande et qu'il y a droit, de
toute retendue de leur esprit, de toute l'ardeur de leur
âme, de toute la puissance de leur volonté, de toute
l'énergie, de leurs efforts, à la sueur de leur front,
comme l'a si bien dit un grand saint ! Cependant, selon
la belle parole de saint Augustin, totum te eœigit,
qui totum le fecit. A la fin de notre vie, on ne nous
demandera compte que de notre amour. « Le salut, dit
saint François de Sales, est montré à la foi, il est pré-
paré à l'espérance, mais il n'est donné qu'à la charité . »
GG hosa mtstica
Commençons donc, bien que trop tard, à l'aimer et
à lui en donner des preuves, en pensant souvent à
lui, en aimant à lui parler par la prière et de fréquen-
tes aspirations, mais surtout par la fidélité à observer
ses commandements ; ce qui est la pierre de touche du
véritable amour. Il doit non pas se borner à des pa-
roles stériles et trop souvent mensongères, mais se
manifester par des œuvres et des sacrifices : non di-
ligorniis verbo, neque linguâ, sed opère et veritate.
« Il ne consiste pas, disait sainte Thérèse, dans ces
sentiments de dévotion que nous désirons quelquefois
éprouver, mais dans une forte détermination d'éviter
les moindres péchés, et de prendre les moyens pour
cela, dans un ardent désir de plaire à Dieu en toutes
choses, et de procurer sa gloire. » — Si quelqu'un
ranime, nous assure Jésus-Christ, il gardera ma
•parole.
Que je serais donc heureux, ô douce Marie, si une
seule étincelle de ces flammes ardentes qui embras-
saient votre cœur venait se reposer sur le mien et fon-
dre la glace qui le resserre ! C'est la grâce que je viens
solliciter, 6 Mère du bel amour ; pourriez-vous me la
refuser? Si je vous demandais autre chose, par exem-
ple, les honneurs, les richesses, les délices de la terre,
vous auriez sujet de ne point m'exaucer ; ce sont de
bien minces avantages, et que je pourrais tourner con-
tre le Donateur et la Donatrice ; mais d'aimer Dieu,
n'est-ce pas là le bien suprême ? X 'est-pas aussi le
désir de votre divin Fils, qui proteste que son but en
venant sur la terre était d'allumer cette céleste flamme
dans le cœur de tous les hommes ? Dieu veut donc que
le mien en soit embrasé ; je \o veux ardemment ; reste
que vous aussi le vouliez, ô bonne Mère, et mes vœux
seront accomplis ; car pour vous, vouloir c'est faire:
ROSA MYSTICÀ 07
faites donc que mon cœur soit embrasé d'amour pour
Jésus-Christ, mon Dieu : Fac ut ardeat cor meum in
amenda Christum Dewn.
Pratique : Saint Stanislas de Kostka offrait tous
les jours à Marie une couronne de fleurs spirituelles,
c'est-à-dire composée de différents actes de vertus et
de mortifications, sachant bien qu'on ne peut lui faire
un présent plus agréable que de se vaincre pour son
amour et d'imiter ses vertus.
HISTOIRES
LES DEUX ROSES
Une jeune personne voulant devenir servante des
pauvres entra chez les sœurs hospitalières de Compiè-
gne, et choisit Rose pour son nom de religion. « Je
veux, disait-elle, ressembler à la sainte Mère de Jésus,
que j'ai toujours honorée et tendrement aimée. Je sais
que l'Eglise l'appelle une Rose mystique, parce que
son cœur, comme une rose odoriférante, exhala les
plus suaves parfums de toutes les vertus, et qu'il brûla
de la plus ardente charité représentée par la couleur
vermeille de la rose. Ce nom me rappellera sans cesse
que sur ces deux points je dois imiter ma Patronne et
ma Mère. » Elle mourut à cinquante-trois ans, riche
de mérite et de sainteté, conservant même après sa
mort, comme une rose épanouie le matin, sa fraîcheur
et sa beauté virginale, qui ravissaient tous ceux qui
vinrent prier auprès de son corps.
— Une autre sainte fille avait nom Rose de sainte
Marie ; et voici à quelle occasion. La mère de cette
enfant, enthousiasmée de sa beauté, voulut qu'au bap-
tême on lui donnât le nom de Rose. Parvenue à l'âge
de raison, la jeune personne craignant que ce nom ne
lui eût été donné pour flatter sa vanité, en conçut de
68 ROSA MYSTICA
vives inquiétudes, et se plaignit naïvement à la sainte
Vierge. Cette bonne Mère, pour la consoler, lui appa-
rut, et l'assura que ce nom de Rose était très agréable
à son Fils, rappelant à celles qui le portaient, la cha-
rité dont elles devaient brûler pour lui et la bonne
odeur que leurs vertus devaient exhaler. Elle ajouta
qu'elle l'honorait encore de son nom, et qu'ainsi elle
s'appellerait Rose de sainte Marie. Dès ce moment,
son humeur devenue plus douce, plus affable, son air
pieux et candide la rendirent si aimable, qu'on disait
« qu'elle ne méritait que la moitié de son nom puis-
qu'elle n'en avait avait pas les épines. »
ENCORE QUELQUES BEAUX TRAITS D'AMOUR DE DIEU
Cette disposition est tellement essentielle, que le
Sauveur voulût s'assurer si elle dominait dans le cœur
de saint Pierre, avant de l'élever à la dignité suprême
de Chef de l'Eglise. C'est jusqu'à trois fois qu'il lui de-
mande s'il l'aime, afin qu'il répare par cette triple pro-
testation les trois reniements dont il s'était rendu cou-
pable. Et ce n'est qu'après l'assurance formelle qu'il
en donne, que la mission de paître les brebis et les
agneaux lui est confiée .
— Il est rapporté, dans Rodriguez, que saint Bona-
venture avait parmi ses religieux un brave homme,
peu intelligent, mais d'une simplicité extrêmement
naïve. Un jour il disait à notre Saint : mon Père, vous
êtes bienheureux, vous autres savants, de pouvoir ai-
mer Dieu beaucoup mieux que nous, et opérer plus
facilement votre salut. — Sur quoi le saint Abbé lui
dit: Vous êtes dans l'erreur, bon frère; car, avec le
secours de la grâce, tout le monde peut aimer Dieu
autant qu'il le voudra. — Quoi! reprit le religieux,
les ignorants, les idiots qui ne savent ni lire, ni écrire,
ROSA MYSTICA 69
peuvent aimer Dieu tout aussi parfaitement que ceux
qui ont fait des études ? — Mais certainement; et
même une simple paysanne peut quelquefois aimer
Dieu plus qu'un savant théologien. — A ces mots, le
bon frère tout transporté de joie court au fond du jar-
din, ouvre la porte qui donnait sur la rue, et se met à
crier de toutes ses forces : hé ! pauvres gens, bonnes
femmes, enfants, venez apprendre une grande mer-
veille ; vous pouvez aimer le bon Dieu autant qu'un
théologien, autant même que notre P. Bonaventure.
Cette bonhomie prête un peu à rire ; et pourtant rien
n'est plus vrai : pour cela il ne faut que vouloir, vous
dirait saint Augustin.
— On dit de la Duchesse de Montmorency qu'à la
nouvelle de la mort de son mari qui avait péri sur un
échafaud, elle prononça ces admirables paroles :
« Vous le savez, Seigneur, je n'aimais que lui ; vous
me l'avez enlevé, afin que je n'aime plus que vous. »
— C'est une grande sagesse de savoir ainsi entrer dans
les desseins de Dieu et s'y conformer.
ARTICLE SECOND.
Amour de Marie pour le prochain.
Quand même, selon l'Apôtre saint Jean, le comman-
dement d'aimer Dieu ne renfermerait pas celui d'aimer
aussi ses frères : hoc mondatum habemus à Deo, ut
qui diligit Deitm, dilignt et fratrem suum ; le pre-
mier de ces sentiments doit nécessairement produire
le second. Plus l'amour de Dieu est vif dans une àme,
plus aussi elle en éprouve pour ses semblables . Un
beau palmier étend au loin ses rameaux bienfaisants,
à proportion que la cime s'élève plus haut dans les
nues : plus est abondant le jet d'eau, plus grande est
la quantité, qui retombant rafraîchit et fertilise ; de
7'» ROSA MYSTICA
même dans une âme qui aime Dieu, ses affections ar-
rivant près de son trône, éprouvent une espèce de ré-
flexion qui les renvoie sur le prochain. L'amour de
l'un conduit donc à l'amour de l'autre. C'est "ce qui a
été remarqué dans les saints. Ainsi Ton a vu un saint
Paul, dont le cœur était une fournaise d'amour pour
Dieu, disposé à ne point entrer de suite dans la gloire
céleste, s'il eût fallu être encore utile à ses frères ; un
saint Martin, malgré son ardent désir du ciel, 'prêt à
continuer les fatigues de l'apostolat, si elles pouvaient
encore être de quelque avantage à son peuple ; un
saint François Xavier, qui aimait Dieu si tendrement,
se transporter à travers mille périls et avec des fati-
gues incroyables jusqu'aux extrémités des Indes et du
Japon, ivre du bonheur de conquérir à ce prix des
âmes à Jésus- Christ ; un saint Vincent de Paul, dont
le cœur était un foyer débordant d'amour divin, se faire
l'esclave de son maitre devenu mahométan, pour le
ramener à la foi catholique. « Celui qui aime Dieu,
nous dit le docteur angélique, aime tout ce qui est
aimé de Dieu. » Un jour que sainte Catherine de Gê-
nes exhalait ainsi les élans de son amour : « Seigneur,
vous voulez que j'aime le prochain, cela m'est impos-
sible, car je ne puis aimer autre chose que vous ; »
Dieu lui répondit : « Ma fille, celui qui m'aime sincè-
rement aime tout ce qui m'est cher. »
De là il suit que Marie ayant surpassé tout autre
créature par l'ardeur de son amour pour Dieu, jamais
non plus il ne s'en trouva de plus dévouée au prochain.
Combien, en effet, le Dieu de charité n'a-t-il pas dû
imprégner de cette vertu les entrailles de sa Mère du-
rant les neuf mois qu'il y reposa, et toujours après,
lorsqu'elle le portait dans ses bras et qu'elle le pres-
sait amoureusement sur son cœur ! « Est-ce que, dit
ROSA MYSTICA 7i
si gracieusement saint Bernard, la main qui a tenu
pendant quelques heures un fruit parfumé, n'en con-
serve pas l'odeur le reste du jour ? » Aussi, quel ne
fut point l'amour de Marie pour tous ! Elle en donna
déjà une preuve bien frappante dans sa visite à
Elisabeth. Arrêtons-nous y un moment. c< Avant
l'Incarnation du Verbe, dit saint Ambroise, elle aimait
constamment la retraite. Dès sa plus tendre enfance, .
elle s'était arrachée aux bras de ses parents pour se
réfugier à l'ombre sainte et tranquille des tabernacles ;
revenue à Nazareth, elle s'y tenait cachée à tous les
regards, et ce fut dans le secret de sa maison que la
trouva Gabriel, quand il vint la saluer au jour de
l'Annonciation. » Et pourquoi donc, aussitôt que
l'Ange se fut retiré vers les cieux, la voyons-nous quit-
ter sa chère solitude, sortir du repos de sa contempla-
tion habituelle, entreprendre, toute faible et délicate
qu'elle était, un long voyage, traverser en toute hâte
les. déserts et les montagnes, prendre le chemin le plus
court, pour arriver plus tôt ? Ah ! c'est que la charité
la presse : elle a appris de l'Envoyé céleste que sa pa-
rente a conçu quoique âgée et jusque-là stérile ; elle
n'attend pas qu'on l'ait prévenue ni invitée. Elle vole
porter à l'enfant du miracle les prémices de la ré-
demption dont elle a le germe ; et servante du Sei-
gneur, elle se rend la servante d'une femme qu'elle
surpasse infiniment en grandeur. Elle restera trois
mois durant auprès de sa cousine, pour lui prodiguer
tous les soins et les secours que réclament sa vieillesse
et les besoins de sa position , pour l'édifier aussi
par de pieux entretiens et les cantiques ravissants de
sa reconnaissance. — Plus tard, il nous faut ici le
redire encore, la détresse des époux de Cana atten-
drit son bon cœur; elle leur épargne L'humiliation
7:2 ROSA MYsriCA
d'une demande qu'elle fait elle-même à sou cher
Fils.
Du reste, on sait par la tradition que dans tout le
cours de sa vie, malgré son extrême pauvreté, une de
<es plus douces jouissances était de remplir envers ses
semblables tous les offices de la charité. Voici l'admi-
rable tableau que nous en a laissé saint Ignace d'An-
tioche : « Les misères communes, dit-il, étaient les
siennes, et personne ne put croire qu'il lui fût étran-
ger. Elle ressentait les douleurs de tous les infirmes,
les souffrances de tous les malades, les privations de
tous les pauvres, la désolation de toutes les veuves et
de tous les orphelins . Si chère que lui fut la retraite,
où les entretiens avec Dieu étaient ses délices, lors-
qu'une nécessité du prochain l'appelait au dehors,
aussitôt elle courait à l'assistance des malheureux, à
la consolation des affligés. Chacune de leurs plaintes
éveille sa compassion ; et l'on s'étonne de trouver tant
de larmes dans son œil : c'est l'œil d'une mère qui
pleure sur tous les maux de son innombrable famille. »
A cette ravissante peinture, nous ajoutons que les
ennemis mêmes de son Fils, qui étaient aussi les
siens, ne furent point exclus de sa charité. Témoin au
Calvaire et sur la voie de leurs blasphèmes, de leurs
calomnies, de leurs cruautés envers Jésus, ni haine,
ni indignation n'eurent jamais d'accès dans son
cœur : pas un mot de reproche ne s'échappa de ses
lèvres .
Placée maintenant au faite de la gloire, son cœur
n'en est que plus dilaté par la charité. Tout au ciel
s'épure ; tout se divinise. Continuellement absorbée
dans l'adorable Trinité qui es1 toute charité pour Les
hommes, elle en reçoit les ineffables émanations. A la
vue du Père qui, par un accès d'amour pour nous, n'a
ROSA MYST1CA 7.'-}
pas épargné son propre Fils ; à la vue de ce Fils qui,
par le même motif, versa tout le sang qu'il avait pris
dans ses veines ; à la vue de l'Esprit d'amour, tou-
jours attentif et pourvoyant avec une si tendre solli-
citude aux besoins de l'Eglise, le cœur de Marie ne
peut que se portera aimer du même amour des objets
si chéris de Dieu. Aussi, du haut de son trône, ses
yeux sont toujours ouverts sur nous, qui gémissons
sur le sol des épreuves. Attentive à tous nos besoins,
présente à tous nos dangers et à nos peines, son bon-
heur est de pouvoir nous être Mère. Si on lui deman-
dait comment elle nous aime, on recevrait cette tendre
réponse : Vous êtes mes enfants .
Morale : Voulons-nous mériter ce beau titre et par
là son amour, animons-nous de ce môme sentiment
envers notre prochain. C'est là, selon saint Ambroise,
la recommandation qu'elle nous fait. « On saura, dit-
elle, que vous êtes mes enfants, à votre charité pour
vos frères. Qu'elle fasse découler de votre langue des
ruisseaux de lait et de miel, pour adoucir les cha-
grins des affligés ; qu'elle remplisse vos mains de
bienfaits pour tous ceux qui sont dans le besoin ;
qu'elle attache des ailes à vos pieds et les rende agiles
comme ceux du cerf pour courir au soulagement des
misérables ; qu'elle vous fasse supporter les imperfec-
tions des autres, les contrariétés de leur caractère et
de leurs discours : le gain en sera d'autant plus grand,
que vous serez plus approchant de la sainte charité qui
a couronné toute ma vie. » On ne pouvait mieux des-
siner l'amour qui doit se déployer en toutes manières
pour le prochain.
Charité, vertu tellement indispensable à un chré-
tien, que, s'il est une seule personne que l'on aime
pas, c'en est assez pour être rejeté de Dieu. Aussi,
l'ARAI'HR'.SE. — T. II. 5
74 HOSA MYSTICA
est-ce là le grand commandement du Sauveur, qui le
donne comme la marque à laquelle on sera reconnu
pour Sun disciple : Et si vous l'accomplissez, dit saint
Jean, tout esl accompli . C'était la vertu favorite de
cet Apôtre bien-aimé, qui sans doute l'avait puisée
dans le sein de Jésus . On sait que sur le déclin de sa
vie, cassé de vieillesse, il se faisait porter par ses disci-
ples dans l'assemblée des fidèles, et que là, ne pouvant
plus leur faire de longs discours, il leur répétait sans
cesse : Mes petits enfants, aimez-vous les tins les
autres. Et comme on lui témoignait sa surprise, qu'a-
près avoir écrit de si belles pages, il n'avait pas d'au-
tres paroles à dire, il répondait : C'est que ce comman-
dement suffit, s'il est bien observé .
Charité, vertu aussi nécessaire que l'amour de Dieu,
lequel ne peut exister sans celui du prochain. Celui
qui hait son frère, et qui prétend aimer Dieu, est
un menteur, dit encore le même Apôtre ; car s il
n'aime pas son prochain qu'il voit, comment aime-
ra-t-il Dieu qu'il ne voit pas? — Vertu, d'ailleurs des
plus aimables, qui de tous les cœurs n'en fait qu'un,
qui répand le plus de délices et de douceurs sur les amer-
tumes de la vie, et ferait de la terre un paradis anti-
cipé ; car, dans ce fortuné séjour de paix, il ne reste de
toutes les vertus que la charité qui complète le bon-
heur des saints .
Vertu enfin la plus rationnelle. Ne sommes-nous
pas tous frères, et à plusieurs titres, descendant d'un
même père commun, Adam, qui est le chef de la
grande famille humaine, dont Dieu a voulu qu'il fût
la tige unique, afin que nous ne puissions contester
notre parenté, bien qu'éloignée ? N'avons-nous pas
tous une autre origine commune, beaucoup plus noble,
qui esl Dieu, el une même fin qui est le Ciel? Coin-
ROSA MYSTICA 75
ment aussi ne pas aimer des hommes que Jésus-
Christ aima plus que sa propre vie, puisqu'il mourut
pour les racheter ? Et n'est-ce pas sur lui-même que
rejailllissent nos sentiments pour nos frères ? Si nous
les aimons ou si nous les haïssons, c'est Jésus-Christ
même que nous aimons ou que nous haïssons : mihi
fecistis. En faut-il davantage pour ses véritables dis-
ciples ?
Et que les défauts, les vices même de tel ou de tel
ne deviennent jamais un prétexte de ne point l'aimer.
Que vous n'aimiez pas ses défauts, soit ; mais vous
devez aimer sa personne; et même plus elle est vicieuse,
plus^elle est à plaindre, plus elle est digne de votre
affection et de vos bons offices. Si un défaut était une
raison de ne point aimer, on devrait haïr tous les
hommes ; car aucun n'en est exempt. Et Dieu, le Père
de tous, ne fait-il pas luire son soleil sur les méchants
comme sur les bons ? Et s'il agissait envers vous selon
cette rigoureuse mesure dont vous usez envers vos
frères, où en seriez-vous avec tous ces vices qui vous
rendent si méprisable à ses yeux ? Et vous-même, qui
trouvez tant à reprendre dans les autres et à vous en
plaindre, seriez-vous donc assez aveugle pour croire
qu'il n'y a rien en vous qui puisse aussi les indisposer ?
Insensés, dit Jésus-Christ, qui remarquez un fétu
de paille dans l'œil de votre frète et ne voyez pas
la poutre qui crève le vôtre ! N'est-ce pas à tous qu'il
pourrait dire comme aux accusateurs de la femme
adultère : Que celui qui est sans péché lui jette la
première pierre ! Qui de vous dont le bras ne serait
pas arrêté par le reproche de sa conscience? Ayant
donc besoin d'indulgence et de pardon de la part de
Dieu et de vos frères, soyez assez sage pour vous y
donner des droits par une semblable indulgence envers
76 MUSA MYSTICA
tous. Les paroles du Sauveur sont formelles: Par-
donnez, si vous voulez être pardonnes. — Vous serez
■r.< dans la mesure dont vous vous serez servi
pour lr< autres.
Vierge sainte, dont le cœur fut embelli de l'or de la
charité la phis pure, la plus indulgente et la plus effi-
formez vous-même dans le mien ce généreux sen-
timent qui me donne droit à vous aimer éternellement
dans le royaume «le paix.
Pratique : Aimez le doux plaisir do faire rie* heureux :
El soulagez surtout le pauvre vertueux.
HISTOIRES.
BEAUX TRAITS DE CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN
Un religieux, qui avait mené une vie en apparence
fort imparfaite, se trouvait néanmoins très calme au
moment de la mort. Son supérieur craignant que ce ne
fût un piège du démon s'en alarma et lui en demanda
la cause: « Mon Père, répondit le religieux, j'ai tâché
toute ma vie de pratiquer le grand commandement
du Seigneur, d'aimer tous mes frères, de les supporter,
de leur rendre service, de ne faire de mal à aucun,
de ne blâmer qui que ce soit, et surtout de penser
bien de tous. Voilà ce qui fait ma consolation, et me
donne, malgré mes nombreuses imperfections, tant
de confiance pour aller paraître devant Dieu. » —
a Ah ! mon frère, lui dit le Supérieur, mourez en
paix, heureux d'avoir vécu dans «I'aussi saintes dispo-
sition-
— Nous avons dans le bon saint François de Sales
un modèle ach • • des sentiments les pins sublimes
qu'inspire la charité. « Je ne sais . disait-il av<
ordinaire, je ne sais comment Dieu m'a fait le
-. mais, s'il me commandait de haïr un ennemi,
ROSA MYSTICA 77
je crois que je n'en viendrais jamais à bout. » —
« Quand une personne, disait-il encore, m'aurait arra-
ché un œil, je la regarderais toujours de l'autre avec
bonté. »
— La vrai charité s'exerce de toute manière , aussi
bien par les pensées d'esprit que par les sentiments
du cœur et par les actions. On raconte d'une excel-
lente chrétienne qu'elle avait pour habitude de donner
à tout une interprétation toujours charitable : si elle
voyait une personne élégamment parée ; sans doute,
se disait-elle, elle a autant de soin de son àme. Si, au
contraire, une autre apparaissait dans une mise né-
gligée, elle disait : C'est parce que l'embellissement de
son àme l'occupe tout entière, qu'elle oublie ainsi le
soin de son corps.
— Sainte Jeanne Françoise de Chantai, si dévouée
à Marie, mettait au premier rang dans ses hommages
journaliers l'imitation de ses vertus et principalement
de sa charité. En voici quelques traits. Veuve à vingt
ans, elle pardonna de tout son cœur à l'assassin de
son mari. Obligée de vivre avec un beau-père d'une
humeur très difficile, elle ne lui montrait que douceur
et prévenance. Soumise à une gouvernante qui était
plus que maîtresse, elle supportait sans se plaindre
tous ses mauvais traitements, elle n'y répondait que
par toute sorte de bons offices. Pleine de compassion
pour les malheureux, elle avait fait vœu de ne jamais
leur refuser l'aumône : et un jour que trois pauvres la
surprirent sans argent, elle aima mieux leur donner
son anneau de mariage, auquel elle tenait beaucoup,
que de les contrister par un refus. Enfin, en établis-
sant, de concert avec saint François de Sales, l'Ordre
de la Visitation, son but était que ses filles s'appli-
quassent surtout à la pratique de la charité.
78 TU RNIS DAVIDICA
CHAPITRE XXX
TOUR DE DAVID.
Jadis sur la montagne de Sion, David avait construit,
pour protéger Jérusalem, une forteresse inexpugna-
ble, renforcée par une tour dont la hauteur, la force
et la beauté faisaient la gloire, la sécurité du peuple
Juif, et en même temps la terreur de ses ennemis. De
nombreux et vaillants guerriers la défendaient, lan-
çant par les créneaux des flèches et des dards qui por-
taient la mort à quiconque osait en approcher. Elle
était tout à la fois un refuge pour certains crimes,
une retraite en cas d'attaque, et un lieu de défense
assurée par elle-même et par les armes de toute espèce
dont on l'avait pourvue. David n'en sortait jamais que
pour aller signaler sa valeur et couronner son front
d'immortels lauriers.
En entendant ces détails, qui n'a deviné pourquoi
Marie est appelée Tour de David? Qui n'a déjà saisi
les divers traits de ressemblance : la beauté : Marie
n'est-elle pas le plus bel ornement de la terre et des
deux après la Divinité, le plus digne objet de notre
admiration, par l'excellence de ses privilèges, la subli-
mité de son rang, la riche variété de ses vertus ? mais
surtout la force ; elle est une Tour mystérieuse, élevée
sur la sainte montagne de l'Eglise, et dans laquelle
nous pouvons toujours nous retirer ; une Tour envi-
ronnée de boulevards et imprenable, où viennent
échouer toutes les tentatives, soit de la ruse, soit de
la rage de nos ennemis , une Tour abondamment
pourvue de glaives, de boucliers, de toutes les armures
spirituelles quidonnenl La victoire. Et c'est sous ces
consolants aspects que nous .-liions l'envisager.
TURHIS DAVIDICA 79
Oui, retranchés en Marie comme dans une forte-
resse inexpugnable , castellum undique vallatam
(saint Ans.), nous sommes certains d'y trouver les armes
pour combattre les ennemis de nos âmes, et la force
nécessaire pour les vaincre. La vie de l'homme sur la
terre, qui ne le sait par une triste expérience, est une
carrière semée d'épines et de dangers, une vie de com-
bats contre notre mauvaise nature, contre le monde
et le démon. Le monde que Jésus-Christ a condamné,
et avec lequel nous sommes pourtant toujours en con-
tact, obligés de respirer son air corrompu, le monde,
par la séduction de ses discours impies et immoraux,
de ses railleries et de ses maximes, par le courant de
ses exemples pervers et le prestige de ses usages, de
ses plaisirs si contraires à l'esprit de l'Evangile, cher-
che à nous entraîner avec la multitude loin des sen-
tiers de la justice. De son côté, le démon, que l'excès
de son envie contre nous et de sa haine contre Dieu
rend acharné à notre perte, rôde sans cesse, cherchant
une proie à dévorer. Devenu plus furieux encore de-
puis que la Vierge lui a fait sentir la force de sa puis-
sance, et ne pouvant souffrir que nous so}Tons heureux
du bonheur qu'il a perdu, il ne songe qu'à nous faire
partager son malheur, il multiplie ses artifices, nous
tend des pièges partout, il fait jouer tous les ressorts
de sa rage pour la défaite de nos âmes . Ses échecs
n'amortissent pas sa fureur ; il se relève chaque fois
avec une énergie redoublée et une perfidie de plus en
plus insidieuse. Cet implacable tentateur, qui ne
s'endort jamais, est d'autant plus à redouter qu'il
trouve dans notre cœur et dans nos sens un puissant
auxiliaire, des intelligences secrètes qui s'entendent
avec lui pour nous trahir et nous faire tomber dans
ses embûches. Le pauvre cœur ! le vice se développe
80 rUBRIS DAV1DICA
si spontanément, et la vertu s'y élabore avec tant de
peine ?
Ayant donc à lutter contre tant d'ennemis, dont les
attaques ne finiront qu'avec notre vie, pour n'être point
vaincus dans une guerre aussi périlleuse, ne nous fal-
lait-il pas un secours continuel et tout-puissant ? Le
ciel nous l'a donné en Marie. « Elle est, dit sainjt Jean
Damascène, la ville de refuge pour quiconque est
poursuivi par le dragon infernal. « Elle est cette Tour
défensive, où nous trouvons des armes de toute espèce
pour repousser tous ses assauts et devenir vainqueurs.
Quelles que soient ses ruses et sa fureur, fùt-il escorté
de toutes les noires phalanges de l'enfer, rien n'est à
craindre, si Marie nous protège. De même qu'un ro-
cher battu par les flots de la mer en furie les repousse
et reste inébranlable ; ainsi retranchés derrière les
remparts de sa protection, nous demeurerons inacces-
sibles à tous les traits de ce formidable Goliath. Il y
asix mille ans que Dieu disait d'elle par avance, en
parlant au démon qui venait de vaincre nos premiers
parents : Un jour une femme t'écrasera la tête, et
depuis que Marie a paru sur la terre, mille fois par
jour elle réalise cette puissante prédiction, en obte-
nant la victoire à ceux qui réclament son secours dans
l'imminence du péril.
Il est rapporté dans la sainte Ecriture que Barac,
se trouvant en face des Cananéens, refusa malgré son
désir et sa valeur, d'engager le combat : et que, ne
comptant pas assez sur ses forces, il dit à la vaillante
Débora : Si vous voulez venir avec moi, j'irai sans
crainte : mais, sivous ne m'ftccomivtgnezje ne puis
me décider à combattre. Et nous aussi, soldats de la
milice chrétienne, qui par une longue expérience de-
vons avoir le sentiment de noire faiblesse, si nous
TURIUS DAV1DICA 81
commettions l'imprudence d'entrer en lice avec le dé-
mon notre ennemi sans l'assistance de Marie, bientôt
de tristes défaites nous puniraient de notre témérité.
Mais, si, répondant à notre appel, la Vierge nous ac-
compagne dans la lutte, la pensée de sa présence déjà
nous donnera de la confiance et plus de courage ; et
combattant du haut de cet imprenable donjon, armés
de l'invincible bouclier de la foi, du casque brillant
faY espérance, de l'impénétrable cuirasse delà charité,
nous remporterons autant de victoires que nous au-
rons eu de luttes à soutenir. Satan, cet audacieux en-
nemi, sera forcé, malgré son orgueil, de lever le siège
et de se retirer, en nous voyant retranchés dans cette
Tour. De môme que les murs de Jéricho s'écroulèrent
devant l'Arche sainte ; ainsi toutes les tentatives de sa
fureur se seront' abîmées devant cette Arche vivante
de la nouvelle alliance. Il sera pour nous comme ce
chien à l'attache, qui a beau aboyer, grincer des dents,
bondir et s'élancer l'œil étincelant de rage, mais qui
est retenu par une chaîne qu'il ne peut briser.
Morale : Lors donc que cet astucieux serpent vient
nous attaquer par des tentations secrètes et directes,
ou par l'intermédiaire des méchants ses suppôts, réfu-
gions-nous auprès de Marie comme dans une tour de
protection assurée. Là, nous sommes à l'abri de ses
coups, ou bien nous y trouverons des armes fortement
trempées pour nous défendre et les repousser. Voyez-
vous ce petit enfant, un objet hideux, quelque animal
en fureur l'a effrayé : il se sauve éperdu près de sa
mère, et ne se croit en sûreté que dans ses bras. Et ces
petits poussins que la vue de 1 epervier ou tout autre
danger épouvante, comme ils accourent en toute hâte
sous les ailes de la poule-mère, ne revenant de leur
frayeur que quand ils se sentent sous cet abri protec-
82 TURRIS DAVIDICA
teur î Et ces faibles agneaux, pourquoi se précipitent-
ils tout tremblants vers la bergerie ? Un loup sorti de
la foret, la gueule béante, allait les dévorer ; mais dans
cet asile qui les défend, ils n'ont plus à redouter sa
dent meurtrière. Ainsi, à la vue du démon s'élauçant
sur nous pour en faire sa proie, accourons près de Ma-
rie, nous abriter sous le manteau de sa royale protec-
tion. Disons-lui :0 Marie ! Sauvez-nous, nous péris-
sons : Tour de David, protégez-nous ! Que fait une ar-
mée sortie des murs pour en venir aux mains avec les
assiégeants ? Si ses forces comparées lui apparaissent
inférieures, et lui donnent peu d'espérance de la vic-
toire, elle se hâte de rentrer dans la citadelle : ainsi
dans ces luttes où nos forces seraient inégales à celles
de notre ennemi,' cherchons un asile près de Marie,
forteresse inexpugnable qui nous garantira .
< ". ardons-nous donc bien de céder aux séductions fal-
lacieuses de ce rusé Géant du mal. qui voudrait nous
séparer de Marie : si cette Tour de défense et de salut
venait à nous manquer, si nous laissions tomber par
notre négligence ce rempart avancé qui nous protège,
et que nous nous dessaisissions de ce bouclier conser-
vateur, exposés cà découvert aux traits de nos ennemis,
notre défaite serait inévitable et leur victoire assurée.
N'allons pas cependant placer une confiance aveugle
et présomptueuse en cette Tour défensive. Marie veut
bien protéger notre faiblesse, mais non favoriser notre
indolence, moins encore notre témérité. Tour éminem-
ment protectrice, elle met à couvert le chrétien qui ren-
contre le péril et non pas celui qui s'y expose ; elle le
défend des traits meurtriers qui le poursuivent, et non
de ceux qu'il va imprudemment affronter. Nous au-
rions donc été le jouet d'une bien déplorable erreur,
si nous nous étions flattés que sa main puissante va
TURRIS DAVIDICA 83
nous préserver des chutes que nous aurions cherchées.
Ayant peut-être appris par notre expérience combien
était trompeuse cette confiance téméraire, sachons du
moins profiter des leçons qui nous ont coûté si cher, et
prenons pour règle de conduite celle de Marie qui fut
si différente de la nôtre. Prévenue à sa Conception
des grâces les plus signalées, exempte de tout pen-
chant qui favorise tant soit peu les efforts du démon,
toujours elle se défie d'elle-même ; elle s'alarme de
l'ombre même du danger, et s'environne de toutes les
précautions de la prudence ; elle craint tout, elle qui
n'a rien à craindre. Jamais personne ne porta une
lampe allumée à travers le vent avec plus de circons-
pection ; jamais épouse n'eut plus d'attention à con-
server la belle robe de ses noces, que la sainte Vierge
n'employa de' soin pour se garantir de tout ce qui au-
rait pu altérer quelque peu la pureté de son âme . Sa
vie est une vie toute dé retraite, de prière et de silence.
Et nous, conçus dans l'iniquité, sans cesse ouverts par
le seul vice de notre origine à mille tentations, entourés
d'occasions multipliées et si entraînantes, nous, tou-
jours courbés vers le mal, si nous nous exposions en-
core au danger d'une faiblesse, si, presses par tant
d'ennemis conjurés pour la ruine de nos âmes, nous
marchions étourdiment, sans vigilance et sans crainte,
nous heurtant à tous les écueils, ne comptons pas alors
sur la protection de Marie ; notre espérance serait
vaine : elle nous dit à tous : Aide-toi, et je t'aiderai.
0 Marie, ô Tour mystérieuse, formidable à nos en-
nemis, forte pour repousser leurs attaques et pour les
vaincre, recevez-moi sous votre protection, défendez-
moi . Gardez aussi les faibles, afin qu'ils ne tombent
pas : gardez les justes, afin qu'ils persévèrent : sou-
tenez-nous tous dans nos combats : donnez-nous la
M TURRIS DAVIDICA
victoire, qui nous rende dignes de la palme du triomphe
et de la couronne de l'immortalité.
Pratique : Ayons toujours quelque objet qui nous
rappelle la sainte Vierge, une médaille, un scapulaire,
un chapelet : on n'a rien à craindre muni de ce-- ar-
mures portés avec confiance ; mais un soldat désarmé
est à moitié vaincu.
EXEMPLES
PROTECTIONS MIRACULEUSES DUES AU SCAPULAIRE.
Après une Tour, rien ne figure mieux la protection
dont Marie environne ses serviteurs que le Scapulaire,
espèce de cuirasse, propre à nous défendre contre les
ennemis du salut. En voici quelques preuves entre
mille :
Dans une grande ville de France, se trouvait un
homme vivant depuis plus de quarante ans dans une
haine mortelle contre Dieu et la religion. Etant tombé
malade et se doutant bien qu'on lui parlerait du salut
de son âme, il mit sur le chevet de son lit un poignard,
bien décidé à frapper le premier qui oserait lui en dire
un mot. Personne ne se sentait le courage d'aborder
la question. Néanmoins, comme le mal empirait et
qu'on craignait une mort prochaine, une de ses pa-
rentes, pleine de confiance en Marie Refuge des pé~
cheurs, se détermina à lui passer un scapulaire au cou
pendant qu'il dormait, et conjura la Mère de miséri-
corde d'avoir pitié de ce chrétien, revêtu de son habit.
Le lendemain matin, le malade se réveille comme d'un
profond sommeil : mais ce nVs! plus le même homme;
lois, implore hautement la
miséricorde de Dieu, jette au loin son poignard, de-
mande instammenl un prêtre, se confesse avec une
grande abondance de larmes, et meurten proclamant
qu'il doit à Marie le bonheur d'être réconcilié avec Dieu.
TURR1S EliURNEA
85
— Un prêtre était occupé dans une église à entendre
les confessions, lorsqu'il aperçoit un jeune homme dont
la figure décelait dans son àme un violent combat. Le
prêtre se décide à sortir du tribunal, l'aborde et lui
demande s'il était venu pour se confesser. Après un
moment d'hésitation, il répond que Oui, mais qu'il
désirait le faire dans un lieu retiré. Quand ils furent
seuls : Mon Père, lui dit-il, entré ici par hazard,
j'éprouvai à l'instant de vifs remords de conscience,
quelques velléités de me confesser, mais retenu par
la honte et la défiance de la bonté de Dieu, j'étais sur
le point de sorlir, lorsque vous vous êtes avancé vers
moi ; la grâce a triomphé et me voici à vos pieds . Le
confesseur, surpris d'un changement aussi extraordi-
naire, lui demanda ce qu'il aurait pu faire pour méri-
ter cette grâce singulière . Hélas ! répondit-il, en por-
tant la main sur sa poitrine, et montrant son scapu-
laire : voilà tout ce que j'ai conservé de religion. Ni
l'un ni l'autre ne douta que ce fût à cette dévotion
qu'il dût cette insigne faveur. Bientôt rentré en grâce
avec Dieu, il permit au missionnaire de publier partout
la grande bonté de Marie à son égard. (7)
CHAPITRE XXXI
TOUR D'IVOIRE.
L'ivoire, que la main de l'artiste façonne en mille
objets divers, se distingue par trois qualités, la dou-
ceur de son poli, l'éclat de sa blancheur et la force
résultant de sa dureté. Cette ingénieuse image de Tour
tCivoire, sous laquelle Marie nous est ici présentée, ne
sernble-t-elle pas rappeler à notre souvenir trois de
ses propriétés, sa douceur, sa pureté, sa puissance?
86 TU II m S EH LU NI. A
Ce serait donc ici le lieu, si déjà nous ne l'avions fait
ailleurs, de préconiser sa mansuétude, son aménité,
sa charité qui la rendent si aimable et si bonne à tous.
Souvent aussi nous proposâmes à votre imitation son
inviolable pureté, dont le symbole naturel est la cou-
leur blanche.
Mais la propriété distinctive de l'ivoire, matière
compacte et solide, c'est la force quïl tient de l'animal
gigantesque et puissant qui en est le type le plus vrai :
on dit : Fort comme un éléphant. L'ivoire était donc,
ainsi qu'une tour, l'emblème de la force, c'est pour
cela que l'Eglise, voulant exprimer la puissance dont
Marie est revêtue, lui a appliqué cette heureuse déno-
mination de Tour d'ivoire. Et ce sera dans ce sens
que nous l'envisagerons pour le développement de cette
Invocation. Mais, au lieu de reproduire les considéra-
tions déjà présentées sur la puissance de Marie et sur
la force que l'on trouve dans cette Tour mystérieuse
contre les ennemis du salut en général, nous préférons
signaler à votre attention ce qui est moins connu,
quoique non moins certain, ses victoires sur l'hydre
des hérésies, qui de tout temps a ravagé l'Eglise de
Jésus-Christ, et qui toujours fut terrassée par le bras
puissant delà céleste Vierge. C'est là un de ses beaux
triomphes, bien capable d'accroitre notre confiance en
sa protection et que nous nous reprocherions de ne pas
mettre au grand jour. Il est doux de constater que l'on
trouve en Marie non-seulement la pureté qui attire et
la bonté qui accueille, mais aussi la puissance qui en
tout temps servit à l'Eglise de bouclier contre les en-
nemis de sa foi .
Marie fut, en effet, la terreur et la ruine des hérésies
Cette assertion, au premier énoncé, paraîtra sans
TURRIS ERÙRNÉA 87
doute hardie ; mais écoutez un moment les raisons et
les faits qui l'appuient, d'où nous serons en droit de
conclure que l'Eglise doit à la Vierge tous ses triom-
phes sur l'hérésie.
D'abord , n'est-ce pas d'Elle que le monde a reçu
Jésus- Christ, brillant Soleil de justice qui dissipa les
ténèbres de l'erreur ? Or, de même que l'aurore parti-
cipe à l'honneur qu'a le soleil de chasser les ombres
de la nuit, ainsi Marie partage avec son divin Fils la
gloire d'avoir fait disparaître les ténèbres qui nous
dérobaient la lumière de la vérité. Avant rendu visible
Celui qui est la voie et la vérité, elle est comme un
Phare qui empoche de s'égarer dans les écarts de l'hé-
résie et prévient ainsi tout naufrage dans la foi.
D'ailleurs, tout ce que pendant les premiers siècles
on opposa à la croyance de l'Eglise aboutissait à nier
Jésus-Christ en lui contestant tantôt son humanité,
tantôt sa divinité. Or, l'une et l'autre de ces erreurs
avait sa réfutation dans le virginal enfantement de
Marie. Car , par la naissance temporelle donnée au
Verbe divin, elle prouvait admirablement qu'il était
Homme; et restant vierge, tout en devenant véritable-
ment mère , c'était montrer évidemment qu'il était
Dieu. C'est ainsi que toutes les hérésies relatives au
dogme de l'Incarnation se trouvaient condamnées par
la Maternité virginale de Marie. Elle était comme la
navette, si l'on peut parler ainsi, qui servait à tisser
la trame de la foi, à entrelacer et à nouer en Jésus-
Christ sa divinité et son humanité. Ainsi, après avoir
donné, nouvelle Eve, le fruit de sa vie, elle n'a cessé
de le garantir contre toutes les erreurs qui le dispu-
taient à notre foi ; elle en est devenue comme le sou-
verain Palladium. Aussi, dès que la liberté de l'Eglise
put le permettre, la profession doctrinale de la Mater-
88 TUiltlS BBURNEA
nité divine éclata par des louantes et des invocations
sublimes qui retombaient en anathèmes sur les héré-
sies.
Mais [a plus belle «les victoires de Marie en ce genre
fut le coup fatal qu'elle porta à l'hérésie de Nestorius.
Quoique sa Maternité elle-même fut évidemment im-
pliquée dans toutes les attaques dirigées contre son
Fils, elle ne les avait ressenties que par contre-coup,
et même elle avait grandi en les brisant. Et ce fut
cette victorieuse puissance qui la désigna à la fureur
du démon de l'hérésie ; il se retourna contre le talon
qui l'écrasait. Il voulut, pour déclarer la guerre à
l'Enfant, s'en prendre cette fois directement à la Mère.
Voici le fait : toutes les attaques dirigées contre le
Christ dans les siècles précédents n'avaient servi qu'à
faire ressortir plus lumineux ce point de notre foi,
qu'il y a en Jésus-Christ deux natures, et une seule
Personne. Mais au 5e siècle, parut un certain Nesto-
rius, indigne évèque de Constantinople, qui, tout en
admettant dans le Christ un Dieu et un homme, pré-
tendait que le Dieu et l'homme formaient deux person-
nes distinctes, consequemment qu'il n'y avait pas unité
de personne : d'où il arrivait à dire, et c'était là son
but. que la sainte Vierge n'était point Mère de Dieu,
mais seulement Mère du Christ, distinguant ainsi la
une du Christ de celle du Verbe. C'était enlever
à Marie sa plus brillante auréole, sa divine Maternité ;
croyance universellement vivante au cœur des fidèles
et professée invariablemenl dans toute l'Eglise. Bien-
tôt un Concile oecuménique es1 convoqué dans la ville
d'Ephese, qui longtemps habitée par la Vierge allait
témoin de son triomphe; et sa divine Maternité
solennellement reconnue y reçoil une suprême c
cration. C'est encore ainsi que ce glorieux privilège.
TU BRIS EBURNEA 89
sortant victorieux de cette attaque, vint étouffer l'hydre
de l'hérésie qui, avec ses multiples variations, s'était
ameutée contre la divinité de Jésus-Christ, fondement
de toutes nos croyances. Ainsi Marie justifla-t-elle cette
louange composée alors par les Pères du Concile, et
que l'Eglise continue de lui adresser : Gaude, Maria
Virgo, canotas hœreses soin interemisti in universo
mundo. Ainsi s'accomplit visiblement la victoire pro-
mise à la femme sur le démon, ce perpétuel fauteur de
toutes les hérésies.
Nous traversons sept à huit siècles, non que l'ac-
tion de Marie ne parut point pour la défense de la foi,
mais nous n'avons voulu signaler que les faits les
plus saillants. Sur la fin du 12e siècle, une autre secte
d'hérétiques , appelés Albigeois (d'Alby) , désolait le
midi de la France, et non moins ennemie de la vertu
que de la vérité, portait en tout lieu le cynisme de la
débauche en même temps que le ravage par le fer et
par le feu. Il fallait opposer à un tel débordement une
barrière capable de l'arrêter. Deux hommes se ren-
contrèrent, Simon de Montfort et saint Dominique,
fondateur d'un ordre justement célèbre. Montfort
porte l'épée; à saint Dominique est réservée l'arme de
la prédication et de la prière. La lutte durait depuis
des années, et l'hérésie n'était point abattue. Enfin,
le Saint inspiré d'en haut crée une espèce de Chevale-
rie pieuse, qui devait par une prière continue faire
violence au ciel et obtenir le retour des sectaires. La
répétition de Y Ave Maria sous le nom de Rosaire fut
l'arme pacifique et puissante qu'il mit en main aux
catholiques restes fidèles ; et cette croisade d'un genre
tout nouveau remporta la victoire. Au bout de quel-
que temps, la foi de l'Eglise était sauvée, et les héréti-
ques vaincus par l'action protectrice de Marie, à qui
fH» TURRIS BBURNBA
l'on dut incontestablement l'extinction de ces mons-
trueuses erreurs.
Le démon de l'hérésie a beau être abattu, il ne se
tient jamais pour complètement défait .
Une autre erreur, qui n'a pas moins désolé l'Eglise
quelques siècles après, c'est le Protestantisme. Il a
pour base, sous les apparences de Christianisme, l'in-
terprétation de l'Evangile par le sens individuel de
chacun, de manière à produire autant de sentiments
qu'il y a d'intérêts divers, mais qui s'accordent en ce
point, la protestation contre les enseignements et les
actes de l'Eglise. Avec tous les éléments de succès que
le Protestantisme trouva dans l'état du monde à cette
époque, et favorisant lui-même l'orgueil et toutes les
passions mauvaises, il fit malheureusement d'immenses
et d'épouvantables ravages, principalement dans le
centre et le nord de l'Europe. Mais aussi, il rencontra
des barrières qu'il lui fut impossible de franchir. Ainsi,
chose singulièrement remarquable, il ne put jamais
s'implanter ni dans la magnanime et généreuse Polo-
gne qui a la Vierge pour Patronne, ni dans la catho-
lique Espagne où son culte n'est pas moins en honneur,
ni dans l'Italie si dévote à ses Madones, ni enfin dans
notre France si justement nommée le Royaume de
Mr/rie. La Vierge ne pouvait qu'avoir la plus vive
horreur pour cette prétendue Réforme qui, en la ban-
nissant de son culte, la privait des hommages de tant
de milliers de ses enfants. (8)
Voilà comment toujours et partout, sa main a fait
sentir aux ennemis de la vérité, le marteau de Dieu qui
les écrase. Cependant, en attribuant à Marie sente,
quœ sola, l'honneur de tant et de si glorieux triomphes,
la pensée de l'Eglise n'est assurément pas de ravir à
Dieu la première pari de gloire qui lui en revient de
TURRIS BBURNEA 91
droit. Elle proclame seulement qu'il se sert du bras de
cette humble Vierge pour dissiper les ténèbres de l'er-
reur, comme on l'a vu user de l'épée d'une simple ber-
gère pour délivrer les Français de farouches ennemis,
comme on voit la lune partager avec le soleil l'honneur
de chasser les ombres de la nuit. Si donc la haine et la
ruse des sectaires sont restées impuissantes à altérer
un seul article de notre Symbole, nul doute que nous
n'en soyons redevables à la sainte Vierge qui fut de
tout temps et sera toujours notre Tour de défense et le
Piller de notre foi.
Morale : Cette protection visible de Marie jointe à
l'assistance dont Jésus-Christ lui-même environne son
Eglise, doit singulièrement nous rassurer sur ses des-
tinées. Malgré les brèches que l'erreur lui a faites, elle
n'a jamais perdu les caractères d'autorité que les héré-
sies ne peuvent s'approprier. Ainsi elle fut toujours
catholique ou universelle : chaque fois que l'erreur ou
le schisme lui enleva un de ses membres, elle répara
ses pertes par de nouvelles conquêtes, semblable à un
grand arbre auquel on arrache quelques branches
malades, mais dont la sève se reproduit en d'autres
branches qui ne donnent que de meilleurs fruits. Elle
est apostolique, remontant par une succession non
interrompue de pasteurs jusqu'aux apôtres établis
par Jésus-Christ ; au lieu que les sectes séparées et dé-
signées par le nom de leurs auteurs, portent sur leur
front un cachet de nouveauté et de rébellion qu'elles
ne peuvent effacer, et qui dépose contre elles, mon-
trant à l'univers qu'elles sont l'œuvre des hommes.
Aussi ces branches retranchées du corps de l'arbre ont
toujours manqué de fécondité, et ne prenant point d'ac-
croissement, elles vont se dessécher et mourir dans
quelque coin isolé.
92 TURRIS EBURNEA
C'est ainsi que les ouvrages des méchants périssent,
malgré l'enfer qui les soutient. Mais l'œuvre de Dieu
peste ferme et immuable. C'est ce que reconnaissait très
sensément un des hommes du Sanhédrin, Gamaliel,
appelé à donner son avis sur la conduite à tenir envers
les apôtres: Si leur entreprise, disait-il, vient des
hommes, elle se dissipera d'elle-même ; mais si elle
vient de Dieu, vous ne pourrez l'empêcher de
réussir. L'Eglise a triomphé des hérésies, comme elle
avait triomphé de l'idolâtrie et des persécutions. Ainsi
en sera-t-il de toutes les erreurs par lesquelles le gé-
nie du mal, toujours vivrait, essaiera encore de la
troubler, elles tomberont toutes à ses pieds : ses vic-
toires passées nous sont un sur garant de celles qu'elle
remportera a l'avenir. Les promesses qui lai ont été
laites }>ar son divin Fondateur ne peuvent être vaines:
bâtie sur le roc, elle se rit de la fureur des flots, de la
violence des tempêtes : dix-huit siècles d'attaques et
de triomphes se dressent pour le garantir. — Qu'il est
consolant pour nous d'être dans le sein de cette Eglise,
centre de la vérité, port assuré où nous pouvons trou-
ver le salut ! Ne craignons donc les ennemis de la foi
que comme il faut les craindre, pour les fuir ; plai-
gnons-les plutôt, et prions pour eux. — On rapporte
que saint Jean, se disposant à prendre un bain, s'en-
fuit aussitôl qu'il appril que L'hérétique Cérinthe se
baignait dans la même maison ; il craignait, disait-il,
qu'elle ne s'écroulât à cause de la présence de ce mé-
chant homme.
0 Marie ! soyez toujours la Tour protectrice de nos
croyances ; conservez-les nous comme règle de nos
mœurs et gage delà bienheureuse immortalité !
Pratique: Remercions souvent le Seigneur de nous
avoir l'ail naître au sein de L'Eglise catholique.
TUHHIS EBURNEA 9M
HISTOIRES
PUNITIONS TERRIBLES DE CERTAINS HERESIARQUES
Il ne sera pas sans intérêt de voir quelques traits de
la vengeance divine contre les audacieux sectaires, qui
s'attaquant à la Mère s'attaquaient à son Fils et récipro-
quement, car leur cause est commune.
Ainsi Nestorius paya par le plus épouvantable des
châtiments l'outrage sanglant qu'il fit au plus beau
privilège de la Vierge. Un cancer incurable se manifeste
à sa bouche, et les vers, fidèles exécuteurs de la ven-
geance céleste, dévorent lentement avant sa mort la
langue de l'audacieux blasphémateur.
— Quelque temps après, l'empereur Constantin
Copronyme s'arme aussi, contre la gloire de Marie, de-
toute l'autorité de sa couronne et de la ruse la plus
subtile d'un sectaire. Reconnaissant qu'elle mérita les
plus grands honneurs pendant qu'elle portait le Fils
de Dieu dans son sein, il prétendait qu'après son en-
fantement elle était redevenue une femme ordinaire.
Insensé, il a voulu enlever à ce Sanctuaire auguste
son plus bel ornement ! Eh bien ! son diadème et ses
richesses ne pourront le sauver de la mort la plus
affreuse : un feu intérieur et horrible le dévore, sans
qu'aucun remède puisse lui apporter le moindre sou-
lagement : il expire dans les convulsions d'une rage
tout infernale.
— Déjà longtemps auparavant, d'autres ennemis de
Jésus-Christ et de sa divine Mère avaient payé chère-
ment leur audace à les attaquer. Manès a nié la réa-
lité de la chair du Dieu fait homme, prétendant que
ce n'était qu'un fantôme. Lui-même sera dépouillé de
de cette chair que dans sa haine sacrilège il a refusée
à sun Sauveur. La loi du talion lui est appliquée ; un
94 DOMUS AIKEA
roi idolâtre le fait éeorcher tout vivant, pour le livrer
ensuite à la voracité des chiens. — Arias niant au
Verbe sa génération éternelle qui le rend égal à son
Père, expire dans les douleurs affreuses du trépas le
plus ignominieux, au milieu d'un égoùt. — Bien des
siècles après, parmi les hérétiques Albigeois, une mul-
titude innombrable fut taillée en pièces par le vaillant
Simon de Montfort ; d'autres en très grand nombre,
atteints d'une maladie sans nom qui déconcertait la
science des gens de l'art, périrent misérablement, lais-
sant aux siècles futurs une page de plus dans les tri-
omphes de Celle contre laquelle personne ne peut
impunément lever la main. — Ainsi moururent tragi-
quement beaucoup d'autres ennemis de la sainte
Vierge et de Jésus. Tel est assez souvent, même dès
cette vie, le sort des gens hostiles à Dieu et à sa reli-
gion.
CHAPITRE XXXII
MAISON D'OR
C'est du temple de Jérusalem tout éblouissant d'or,
dans toutes ses parties, que l'Eglise a emprunté
ce titre si pompeux de Maison d'or qui n'est ce-
pendant qu'une bien imparfaite image de la beauté
intérieure de la Vierge très sainte. Dès sa conception,
elle était déjà un Sanctuaire enrichi de l'or spirituel
d'une pureté parfaite; mais cette magnificence s'accrut
encore, lorsque le Verbe divin en lit son temple vivant.
Pénétrons aujourd'hui dans l'intérieur de cette mys-
térieuse Maison d'or. Cet intérieur sacré, c'est le
Cœur admirable de Marie. Voyons à quels titres il
mérite confiance, vénération, amour. Ces titres sont :
DOMUS AUREA 95
I. Les perfections dont il est orné,
II. Ses relations intimes avec l'adorable Trinité,
III. L'amour dont il brûle pour nous.
I. Perfections du cœur de Marie. — Ce n'est point
arbitrairement que dans cette qualification de Maison
d'or, nous voyons désigné le Cœur de la Reine des
vertus. Comme l'or en lui-même et par son usage tient
le premier rang parmi les métaux, ainsi le cœur est dans
l'homme la partie la plus noble. C'est le cœur qui
joue le plus grand rôle dans le mérite de nos œuvres.
C'est par le cœur que chacun est bon ou mauvais :
bien que ce soit la main qui donne, c'est le cœur qui
met le bienfait dans la main ; et le coup qu'elle porte
est également dirigé par le cœur mécontent, indigné,
irrité. C'est dans le cœur que se forment les bons dé-
sirs, les saintes affections, les généreux sentiments,
aussi bien que les noirs projets, la haine, la maligne
envie. Dieu lui-même, en maints endroits des saints
Livres, montre sensiblement l'importance qu'il attache
aux sentiments du cœur : C'est de tout notre cœur
qu'il veut être aimé ; — c'est notre cœur qu'il nous
demande ; c'est le cœur contrit et humilié, qu'il
nous assure ne point repousser ; — c'est sur le
cœur qu'il dit avoir les yeux ouverts. Et l'Esprit-
Saint parlant du mérite de Marie, nous dit qu'il vient
tout entier de son intérieur : Omnis gloria ejus ab
intus .
Quel cœur, en effet, que le Cœur de Marie ! Si tous
les autres sont infectés de la souillure originelle, non-
seulement celui de Marie en fut préservé ; mais de
même que la rouille ne s'attache pas à l'or, ainsi la
plus légère faute n'altéra jamais la beauté de ce Vase
honorable . Oh ! avec quel amour Dieu dut-il le con-
templer ce Cœur, que l'ombre même d'une tache ne
% DOMUS AUREA
défigurait pas, que ne flétrissait le souffle d'aucune
passion, dont les mouvements étaient toujours saints,
ri Les affections toutes célestes ! C'était bien là la créa-
ture faite à son image et dans laquelle il trouvait re-
produits, comme dans un miroir fidèle, tous ses traits
divins, si altérés chez le reste des hommes. Aussi voyez
en quels termes il exprime sa tendresse et son admi-
ration pour ce chef-d'œuvre. A la vue des créatures
sorties de ses mains à l'origine du monde, il se con-
tenta de dire qu'elles étaient bonnes; mais la Vierge
immaculée, il l'appelle sa Bien-aimée, sa toute belle.
Ses yeux, qui ont découvert des taches et des imper-
fections jusque dans les plus pures Intelligences envi-
ronnant son trône, n aperçoivent en elle aucun dé-
faut: elle est la clmste colombe, sans égale, seule
parfaite, unique dans Vunivers. Et les heureux ha-
bitants de Sion, en la voyant, sont transportés d'un
indicible ravissement : ils comparent l'éclat dont elle
brille à la douce et bénigne lumière de t astre des
nuits, à la clarté de la plus brillante aurore, à la
splendeur éblouissante du soleil. Et d'où s'exhale
encore cette odeur embaumée qui les attire à elle ?
N'est-ce pas de son Cœur, comme d'un vase précieux,
plein d'essences exquises dont le mélange forme
te pins délicieux par fum ? Ex aromatibus myrrhœ
et thuris, et universi pulveris pigmentarii. Et ne
soyons nullement surpris que tant de richesses et de
beauté aient embelli ce saint Cœur : c'était comme une
conséquence nécessaire des
II. Relations de Marie avec l'adorable Trinité j
premièrement avec Dire, le Père. — Il était arrêté
dans 1'-- d ernels que le monde sérail sauvé par
L'Incarnation du Verbe ; et cet ineffable mystère devait
s'accomplir dans le sein d'une Vierge par l'opération
DOMUS AUREA 97
du Saint-Esprit. Dès lors, Dieu prit soin que rien ne
manquât à la perfection de l'Eve réparatrice, destinée
par ce titre au sublime honneur d'être sa Fille, la
Mère de son Fils, et l'Epouse du divin Esprit. Ainsi
il se plut à l'enrichir d'une plénitude de dons sans
exemple et sans mesure. Dès l'aurore de ses voies, on
aurait pu déjà, en empruntant par avance les paroles
de l'Archange, la nommer en toute vérité pleine de
grâce, lui dire que le Seigneur était avec elle, ornant
son âme des dons les plus rares, et la préconiser
zomm<d\memerv eille parmi toutes les autres feni7nes .
A peine est-elle éclairée des première lueurs de la rai-
son, que Dieu se montre jaloux de la posséder tout
entière. Oublie, ma fille, lui dit-il, ton peuple et la
maison maternelle ; car le Seigneur ton Dieu, épris
de ta beauté, demande ton cœur et veut y régner
seul. Docile à cette voix secrète, la jeune Marie s'arra-
che aux affections de famille , s'élève au-dessus des
sentiments delà nature, et va s'enfermer dans le tem-
ple, où, captive volontaire, enchaînée par l'amour au
pied des autels, elle n'a plus de commerce qu'avec le
ciel, et se lie irrévocablement au Dieu de son cœur par
le vœu de perpétuelle virginité. Oh ! comme l'Eternel
dut se complaire dans la vue de ce Tabernacle inacces-
sible à tout ce qui tient de l'homme, et qui devait être
la digne demeure de son Fils !
C'est dans ce Cœur virginal, en effet, que se célé-
breront bientôt les noces toutes célestes avecl1 'Esprit-
Saint. Descendez, ô divin Esprit, votre Epouse est
prête ; elle est parée de chasteté, d'humilité, d'amour,
de tout un cortège de vertus aussi variées que magni-
fiques, qui lui forment une robe nuptiale bien digne
de vous ! Et le divin Esprit, qui toujours l'avait en-
richie de ses dons, les lui communique cette fois dans
PAPAPHRASE. — T. II. 6
98 DOMUS Al'ltEA
toute leur plénitude. Ah ! si pour être descendu sur
les apôtres en forme de langues de feu, il en fit des
hommes tout nouveaux, que iva-t-il pas dû opérer en
Marie, survenant en elle lui-même, et la couvrant
de sa vertu l Si telles furent les faveurs accordées aux
simples serviteurs, quels durent être les présents faits
à l'épouse qu'il daigne s'attacher par les liens les plus
étroits et les plus indissolubles ! Je m'arrête, car ici
l'expression manque à ma pensée, et ma pensée elle-
même est trop au-dessous de la merveille .
Mais Marie n'est pas seulement Fille et Epouse,
elle est encore Mère de Dieu. — Celui qui donne tout
à ses créatures, et qui ne reçoit rien d'aucune d'elles,
a voulu recevoir la vie de Marie. Dans son humanité
sainte, il s'est fortifié de sa substance, Lui qui a tout
fait d'une parole et qui fournit la nourriture à tout ce
qui respire. Or, quelle abondance de grâces n'a pas dû
recueillir le Cœur de Marie de cette présence de la
Divinité qui l'inondait en quelque sorte et le parfu-
mait ! Comme ses pensées et ses sentiments durent se
diviniser, pendant que le Verbe incarné séjourna dans
son sein ! Quelle feu dut allumer en elle ce Soleil qui ne
laissait encore échapper au dehors aucun de ses
rayons ! De quelle sainteté son Cœur ne se remplit-il
pas, et lorsqu'elle tenait dans ses bras cet Enfant-
Dieu, et durant les trente années de ces ineffables et
mutuels épanchements entre le Fils et la Mère ! Mais
ce qui doit encore nous rendre vénérable et cher le
divin Cœur de Marie, c'est,
III. V amour ardent dont il brûle poumons ; —
Amour qui surpasse autant tout amour, que sa dignité
de Mère de Dieu l'emporte sur tout ce qu'il y a de
grandeur sur la terre ; amour non-seulement tendre et
généreux, mais porté au plus haut degré de l'héroïsme,
DÛMUS AU RE A 39
jusqu'à l'immolation de son propre Fils pour le salut
du monde. C'est toujours attendrissant de contempler
cette scène de sublime dévouement. Jésus condamné
à mort est conduit au supplice. Ne craignons pas que
Marie endure seule en sa demeure les cruelles angoisses
qui déchirent son Cœur. Elle accourt à côté du divin
Isaac, et gravit avec lui la montagne du sacrifice. Elle
voit les bourreaux arracher à son Fils ses habits tout
sanglants, l'étendre sans pitié sur le bois ignominieux,
enfoncer les clous dans ses pieds et ses mains ; elle voit
cette innocente Victime suspendue, son sang ruisseler,
son corps pâlir et s'affaisser ; elle entend les insultantes
railleries se mêler aux cris de rage de ces barbares en-
nemis ; elle est au milieu des bourreaux et des soldats,
entourée de tout le lugubre appareil du supplice, au
pied môme du gibet, si près de son Fils mourant, que
son sang jaillit sur elle et qu'aucun de ses soupirs,
comme pas une de ses souffrances, ne lui échappe. Elle
est là debout, plus forte encore que sa douleur, debout
devant l'autel où se consomme le grand holocauste,
offrant elle-même son Jésus, consentant à ses ignomi-
nies et à sa mort qui doivent nous sauver, conjurant
un Dieu offensé de donner cours à sa vengeance sur cet
innocent Agneau, afin de nous épargner. Voilà jus-
qu'où le Cœur de Marie nous a aimés, c'est-à-dire plus
que la vie de son propre, de son unique Fils ! Sic
Deus... Sic Maria dilexit mundum , ut Filium
suum unigenitum daret (S. Bonav).
Morale : Quels sentiments la vue d'un tel cœur ne
doit-elle pas exciter dans le nôtre ! Il en est deux sur-
tout que nous ne pouvons lui refuser, la vénération et
la confiance. La vénération : Si le nom seul de Marie
la mérite, à cause de la Vierge bénie qui le porte,
combien plus son propre cœur, la plus noble partie de
100 DOMUS AU RE A
son auguste personne, le trône de son brûlant amour
pour Dieu e1 pour les hommes, le sanctuaire de toutes
les vertus, vaste abîme de grâces et de perfections en
est-il digne!
Rien au monde n'est plus sacré que le cœur d'une
mère. On a vu beaucoup d enfants, inspirés par la ten-
. s'empresser de le soustraire à la corruption du
tombeau. Après l'avoir embeaumé respectueusement,
ils aiment à le conserver sous leurs yeux, pour se rap-
peler et goûter toujours, par le souvenir, les douceurs
de son affection. Et nous, nous n'aurions qu'une gla-
ciale indifférence pour le Cœur de Marie, notre tendre
Mère ? Si Jésus, enlevant à la terre sa dépouille mor-
telle, y avait laissé son Cœur, avec quel respectueux
empressement nous irions visiter cette relique sacrée,
lui portant le tribut de notre vénération et de notre
amour! Mais est-il moins digne de respect, parce qu'il
est au ciel, toujours vivant et glorieux, palpitant sans
cesse pour nous d'un amour sans borne, brûlant du
désir de nous faire partager son bonheur ? Refuserons-
nous donc à ce Cœur immortel les honneurs que nous
aurions rendus à ses restes inanimés ?
Mais ne devons-nous que le vénérer'. Ne mérite-t-il
pas autant notre confiance la plus filiale? Fut-il ja-
mais Cœur plus pur et plus agréable à Dieu, plus digne
conséquemment d'obtenir ce qu'il demande ; Cœur plus
rempli d'amour pour les hommes, dont il sollicite et
eux ? Grand Apôtre, héros sublime de dé-
vouement, vous écrivez à vos chers fidèles de Corinthe,
que votre cœur était ouvert et vos entrailles dilatées
pour les recevoir, et vous vouliez que ces chers en-
fants dilatassent > nés leur confiance sans li-
mite dans les vastt isions de votre amour; ce
qui l'ait dire à saint Jean Chrysostôme « que votre cœur
DOMUS AUREA 101
était le Cœur de Jésus-Christ. » Et qu'aurait-il dit du
Cœur de la divine Mère, qui fut le Tabernacle du Dieu
de charité infinie ? Ah ! notre confiance pourrait-elle
encore être froide et rester muette devant ce foyer d'ar-
dent amour ? Recourons-y donc avec empressement et
sans nulle défiance, pour nos propres besoins et pour
ceux de nos frères. Recommandons-lui surtout les pau-
vres pêcheurs, qui dans ces temps malheureux semblent
être l'objet des prédilections de sa maternelle charité.
N'en n'avons-nous pas une preuve aussi consolante
qu'irrécusable dans ces milliers de faveurs signalées
qui, chaque jour, découlent sur le monde plus abondan-
tes, et sous toutes les formes, du sanctuaire de Notre-
Dame des Victoires, où l'immaculé Cœur de Marie est
tout spécialement invoqué en faveur des âmes cou-
pables et égarées ? Pourrions-nous, si, à l'exemple de
Jésus-Christ, nous aimons encore les pécheurs, ne pas
employer pour leur conversion un moyen reconnu si
efficace et pourtant si facile, le recours au Cœur de la
meilleure des mères? N'est-ce pas l'œuvre la plus ex-
cellente de la charité chrétienne, et la plus sûre garan-
tie de partager un jour la gloire du ciel avec ceux que
nous y aurons introduits.
Oui, ô bonne Mère, nous irons frapper à votre
Cœur, pleins de confiance que vous l'ouvrirez à nos
demandes pour les présenter à votre Fils et en assurer
l'accomplissement.
Pratique : Demander souvent la conversion des
pécheurs : tous le peuvent, ne serait-ce que dans la
prière quotidienne : Sainte Marie. . . priez pour nous,
pauvres pécheurs . . .
102 DOMUS AUKEA
EXEMPLES
CONVERSIONS OBTENUES PAR LE SAINT CŒUR DE MARIE.
Ici l'embarras n'est que dans le choix parmi ces
milliers de traits où se révèlent les richesses et la
bonté de ce Cœur si aimant; c'est en tous la même his-
toire d'ineffable miséricorde. Nous prenons presque au
hazard.
Un riche négociant de Lyon, livré exclusivement à
son commerce, avait depuis fort longtemps négligé
toutes les pratiques religieuses. Venu à Paris pour af-
faires et retardé d'un jour pour son départ, il le dissi-
pait à visiter quelques monuments de la capitale.
Au milieu de ses courses la Providence le dirige vers
Notre-Dame des Victoires; il y entre uniquement par
curiosité. Arrivé en face du premier des tribunaux, il
y aperçoit un homme agenouillé faisant sa confession,
et près de là cinq ou six autres qui, à leur maintien
recueilli, lui parurent s'y préparer. Tiens, se dit-il
tout bas, des hommes qui se confessent! Oh ! que c'est
bète ! Il s'avance néanmoins lentement, attentif à con-
sidérer les plaques de marbre, les cœurs en or et en
argent qui tapissent les murs. Ces pieux et innom-
brables témoignages de la reconnaissance l'intriguent;
il lit les inscriptions qui les expliquent. Arrive près
de l'autel, s'offre à ses yeux une magnifique couronne
d'or, et au-dessous le nom d'un notable habitant de
Lyon, tristement connu par son impiété et le scandale
de ses mœurs . Lui aussi, converti par le saint Cœur
de Marie, avait voulu donner ce tribut de sa gratitude.
Des hommes qui se confessent, tant de faveurs signa-
lées en tout genre, dont il a sous les yeux les preuves
irrécusables, tout ce spectacle pour lui si extraordi-
naire excite dans -un esprit une certaine agitation.
DOMUS AUnBA 103
mais qui est bientôt calmée par cette pensée sata-
nique : Se confesser, oh ! que c'est bête ! Et il se dis-
posait à sortir de l'église. 0 Marie, qui avez sauvé ici
tant de pécheurs obstinés, laisserez-vous celui-ci vous
échapper ? Il a vu les mille prodiges de conversion
obtenus par votre divin Cœur ; serait-ce pour lui seul
que vous arrêteriez le cours de vos bontés ? Non, non !
la Mère de miséricorde, qui a conduit ce pécheur dans
son sanctuaire, achèvera son œuvre . En effet, près de
franchir le seuil, une force invincible l'arrête et le fait
reculer. Il va se placer devant un des autels latéraux ;
et là, après quelques moments de réflexion, il se dit :
Je me confessais autrefois, et j'étais plus heureux.. .
j'avais la paix de l'àme, la plus belle de toutes les
fortunes. . . si je me confessais. . . personne ici ne peut
me connaître... qu'ai-je à risquer ?. . . Et le voilà aux
pieds d'un prêtre. Dieu seul sait ce qui se passa ; mais
ce que l'on a su depuis, c'est que, de retour dans son
pays, il répara par la conduite la plus édifiante les
scandales qu'il avait donnés.
— Un jeune homme devenu promptement libertin,
partant pour Paris, alla par politesse demander, à une
dame amie de la famille, ses commissions. — J'en
aurais bien une, lui dit-elle : ce serait d'aller dire pour
moi un Are Maria à Notre-Dame des Victoires. —
Quoique peu de son goût, notre voyageur l'accepte.
Après un mois de séjour et sur le point de repartir, il
se rappelle Y Ace Maria promis. — Tant pis, se dit-il,
je n'irai pas... pourtant, si, j'y vais... j'ai promis...
Arrivé à l'église, il cherche dans sa mémoire la prière
à Marie presque oubliée et la récite. . . Soudain cette
douce invocation pénètre jusqu'à son cœur ; il verse
des larmes qu'il ne se connaissait plus. Le vénérable
pasteur, accoutumé à ces signes de conversion,
104 FOEDERIS AïtCA
l'aborde avec sa bonté exquise, et bientôt Marie a une
nouvelle conquête. Rentré dans son pays, sa première
visite fut pour la dame à Y Ave Maria, que ce chan-
gement n'étonna pas trop, car elle s'y attendait
presque.
CHAPITRE XXXIII.
ARCHE D'ALLIANCE.
Le temple de Salomon, si célèbre par sa magnifi-
cence, nous a fourni, dans l'Invocation précédente,
un très gracieux emblème de Marie. Mais si nous
pénétrons dans le sanctuaire, nous y trouvons une
autre figure non moins expressive de l'auguste Vierge :
c'est l'arche sainte, objet le pins vénérable du culte
mosaïque, gloire et espérance d'Israël. Pour rendre
plus sensibles les admirables rapports entre ces deux
Arches, il nous faut exposer préalablement, en peu
de mots, ce que c'était que l'Arche de l'ancien Testa-
ment .
L'arche d'alliance que Moïse avait fait construire
d'après les ordres et le plan que Dieu lui-même en
avait donnés, était une espèce de coffre ou de Taber-
nacle, fait d'un bois incorruptible très précieux,
revêtu de lames d'or en dedans et en dehors, surmonté
d'un couvercle ou Propitiatoire, et ombragé par deux
Chérubins d'or aux ailes déployées. Le Propitiatoire,
autrement appelé Oracle, était orné dans tout son
contour d'une riche couronne aussi d'or. C'était
comme le trône de la majesté de Dieu, qui de là faisait
entendre ses réponses et donnait ses décisions. Cette
Arche était une merveille, non-seulement par la
richesse de la matière et le fini du travail, mais beau-
FOEDERIS ARGA 105
coup plus encore par les objets si vénérables qu'elle
contenait : la verge miraculeuse d'Aaron, une mesure
de manne recueillie au désert, et les deux tables de la
Loi. Elle était comme un monument qui rappelait aux
Israélites l'alliance contractée par le Seigneur avec
leurs pères, et les bienfaits dont il les avait si souvent
comblés. C'était aussi pour eux un gage de protection
divine, un instrument dont Dieu se servait pour opé-
rer en leur faveur les miracles les plus éclatants.
D'après cet exposé, qui n'entrevoit déjà les ressem-
blances frappantes entre cette Arche de l'alliance
ancienne et Marie, Mère de Dieu ? Mais voyons-les de
plus près :
I . Analogies de Marie avec l'Arche considérée en
elle-même.
II. Analogies de Marie avec l'Arche considérée dans
les bénédictions qu'elle attirait.
I. Analogies de Marie avec V Arche considérée en
elle-même. — 1° L'Arche d'alliance s'appelait ainsi,
parce qu'elle renfermait principalement la Loi, ou
l'alliance que Dieu avait faite avec son peuple, en lui
assurant la possession de la terre promise pour prix
de sa fidélité. Aussi, dans le langage des saints livres,
les mots testament, pacte, alliance signifient indis-
tinctement l'obligation contractée avec Dieu d'être
fidèle à sa loi et de n'adorer que lui. De même par
l'union du Verbe avec la nature humaine en Marie,
l'alliance primitive fut rétablie entre le ciel et la terre,
entre l'homme et Dieu ; réconciliation qui ne se borna
pas, comme autrefois à un petit peuple, mais qui
s'étendit à tous les habitants de l'Univers ; car le
Verbe incarné mourut pour tous.
2° L'Arche contenait les tables de la loi. Et vous, ô
Marie, vous avez porté dans vos chastes entrailles le
100 FOEDKIUS kl\C\
divin Législateur, lui-même, qui vint remplacer la loi
de crainte par une loi toute de grâce et d'amour.
Aussi, quand vous le mites au monde, on n'entendit
plus, comme sur le Sinaï, le fracas du tonnerre et des
éclairs, mais le ciel apaisé publia son arrivée par les
harmonieux concerts des anges annonçant la paix et
l&joie. Et cette loi de paix, vous vous fi tes un bon-
heur et un devoir de la conserver précieusement dans
votre esprit et votre cœur, et de la traduire dans
toutes vos œuvres .
3° L'Arche était faite d'un bois incorruptible. Admi-
rable ressemblance encore avec Marie ! Elle aussi,
quoique sortie d'une tige coupable, fut dans sa Con-
ception immaculée, préservée de la souillure origi-
nelle, du vieux levain de la concupiscence, de la plus
légère tache pendant la vie, et de la corruption du tom-
beau après la mort .
4° Des lames de l'or le plus fin recouvraient l'Arche
en dehors et en dedans. L'or, le plus précieux de tous
les métaux, ressemblant au feu par sa couleur comme
par son éclat, est l'emblème de la divine charité : et
n'étant sujet ni à la rouille, ni à l'altération de sa teinte,
il est encore le symbole parfait de l'inviolable pureté.
Y. >ilà précisément ce quidistingua la Vierge très sainte.
Brûlant du plus ardent amour, belle de la splendeur
des plus éminentcs vertus, ravissante surtout par les
charmes d'une virginité qui ne fut jamais flétrie, elle
présenta au divin Ouvrier une matière digne de devenir
l'Arche de la nouvelle alliance.
5° Dans l'Arche était renfermé un vase de manne.
souvenir du miracle par lequel Dieu, pendant quarante
ans. avait nourri son peuple dans le désert. Blanche
comme la neige, très agréable au goût, la manne qui
tombait du ciel tous k-s matins n'était que la figure de
FOEDEIUS ARC\ 107
Jésus-Christ ; mais Marie fut l'Arche vivante qui ren-
ferma en réalité Jésus-Christ, la pureté môme, manne
céleste infiniment plus précieuse que celle du désert,
aliment délicieux qui fortifie l'âme, et la console dans
son voyage vers la véritable terre promise. Quelle tou-
chante similitude !
6° Dans PArche ancienne se trouvait encore la verge
cCAaron, qui souvent avait été un instrument de pro-
diges, entre autres, quand Dieu voulait confirmer la
légitimité du sacerdoce d'Aaron : il permit que la verge
du grand Prêtre placée devant l'Arche poussât sans
sève et sans racines des feuilles et des fleurs, et pro-
duisit des amandes toutes formées ; et ce fut en souve-
nir de cette merveille qu'elle fut déposée dans PArche.
Les saints Pères l'ont toujours regardée comme une
figure très convenable de la miraculeuse fécondité de
Marie, qui, restée Vierge en devenant Mère, donna au
monde le fruit de toute bénédiction .
Morale : Si l'Arche en elle-même, et surtout par
les objets qu'elle contenait, était si vénérable, com-
bien plus est digne de respect le chrétien devenu
par la communion l'arche vivante du Saint des saints !
Quel motif puissant de garantir du péché tous les
membres de son corps, comme toutes les facultés de
son âme ! Oh ! comme doivent être conservés purs ces
yeux, qui ont vu de si près le Dieu de toute sainteté !
Devra- t-on les souiller encore par aucun regard sur
les objets tant soit peu dangereux ? Serait-il permis de
leur accorder toute liberté dans la prière, ou au saint
Lieu, en ouvrant ainsi la porte aux pensées étrangères,
qui viendront prendre la place de l'attention que l'on
doit alors uniquement à Dieu et à ce qu'on lui dit?
Dans quelle pureté ne doivent-elles pas être gardées
ces mains, qui se sont comme avancées pour recevoir
108 FOEDERIS AKCA
Jésus-Christ, et lui ont dressé la table du banquet !
Pourront-elles après cela devenir encore l'instrument
du péché? Osera-t-on la souiller de nouveau cette
langue, sur laquelle a reposé la chair immaculée de
l'Agneau? Quelle indigne profanation de la faire servir
au blasphème, aux injures, au mensonge, à la détrac-
tion, à des paroles impies ou obscènes ! Mais c'est le
cœur surtout, devenu le trône de Jésus-Christ, qui bien
plus que toutes les autres parties du corps doit être
conservé sans tache. Quelle abomination d'y laisser
revenir le péché, ou d'y entretenir quelque disposition
secrète, soit d'orgueil, soit d'envie, soit de haine, soit
d'affection désordonnée à une créature ou aux richesses
de la terre. De quelle vigilance donc le communiant ne
doit-il pas entourer tous ses sens et toutes les avenues
de son cœur, afin que rien n'y entre ou n'y subsiste,
qui afflige l'hôte divin qui Ta honoré de sa présence !
Comme il doit craindre de retomber dans le péché !
C'est ce que sentait ce jeune enfant qui fit à son père
une bien courageuse réponse. Il venait de faire sa pre-
mière communion. Le dimanche qui suivit, il s'était
vêtu proprement et se disposait à sortir. Eh ! où vas-tu
donc, lui dit son père irréligieux ?. — Je vais à la messe,
répondit l'enfant, sur le ton le plus réservé ; le com-
mandement est positif : Les film miches messe enten-
dras... et, après la double grâce que le bon Dieu m'a
faite de me pardonner et de se donner à moi, je n'ai
garde de lui désobéir. — Bah ! reprit le père ; la messe,
c'est bon pour les prêtres qui sont payés pour cela ; mais
toi, ne sois pas si niais que de te croire obligé par cette
loi. — Si c'est ainsi, répartit l'enfant, je n'ai plus à
m'inquiéter de cet autre commandement : Tes père et
mère honoreras... Vous ne vous offenserez donc point,
si je ne fous obéis pas. Le père, frappé d'une réponse
FOEDEMS ARCA 10!)
si juste, à laquelle il était loin de s'attendre, et ne
trouvant rien à y répliquer, se retira plein d'admira-
tion pour cette force d'âme dans un enfant qui n'avait
encore communié qu'une fois. Que devra-t-il être plus
tard, avec ce vif sentiment de la sainteté qui doit être
le fruit de la communion !
II. Analogies entre Marie et V Arche d'alliance,
considérée dans les bénédictions qu'elle attirait. —
C'était dans le Saint des saints et devant l'Arche que
le grand Sacrificateur, au nom de tout Israël, devait se
prosterner les mains teintes du sang des victimes, pour
désarmer la colère du ciel, solliciter du secours con-
tre l'ennemi, et réclamer le Seigneur dans toute sorte
de périls et de besoins. De même aujourd'hui, chez le
peuple chrétien, c'est auprès de Marie, Arche de sa-
lut, c'est au pied de son trône, saint Propitiatoire de
la nouvelle alliance, que nous devons demander à
Dieu, sûrs d'être exaucés, sa miséricorde et sa pro-
tection .
De plus, l'Arche sainte fut souvent le Palladium du
peuple juif contre les dangers qui le menaçaient, sa
sauvegarde dans les combats, lui obtenant la victoire
sur ses ennemis. Devant elle, les eaux du Jourdain se
séparèrent et fournirent aux Hébreux un libre pas-
sage. Devant elle, les murs de Jéricho s'écroulèrent, et
la ville leur fut livrée. Aussi, était-ce chez le peuple
de Dieu une pratique invariable de recourir à cette
Arche de salut; dans toutes les extrémités où il se
trouvait. On la portait ordinairement sur les champs
de bataille ; et toujours, quand aucun démérite ne s'y
opposait, quelque prodige signalait la puissance du
Dieu qu'elle représentait. A son aspect, les ennemis
étaient saisis d'une telle frayeur, qu'ils se regardaient
d'avance comme vaincus ; ils prenaient la fuite, ou se
PAPAPHRASE. — T. II. 7
11U FOEDERIS ARCA
voyaient promptement mis en déroute. Sa présence
dans fin lien quelconque y attirait les plus abondantes
bénédictions: on le vit sensiblement dans la maison
d'Obedèdom, ou elle séjourna pendant trois mois, et
que pour cela le Seigneur bénit avec sa famille et tout
ce qu'il possédait.
Morale : Et votre culte, ô Marie, quand il est en
honneur dans une maison, quand votre image en fait
le plus bel ornement, quand votre nom y est pieuse-
ment invoqué, n'y attire-t-il pas les bénédictions du
ciel ? Sous votre puissante égide, que de périls évités
et pour le corps et pour l'ànie ! Que de victoires rem-
portées sur le Philistin des enfers ! Devant vous, s'en-
fuient les nombreuses et redoutables cohortes de nos
ennemis : vous faites rétrograder les flots des tenta-
tions et les grandes eaux des tribulations humaines,
qui auraient submergé notre pauvre cœur. La force
de votre bras renverse les obstacles qui semblent fer-
mer l'entrée de la véritable terre promise . Vous êtes
le gage de salut pour le chrétien fidèle, et même pour
les pécheurs les plus désespérés. A combien de cou-
pables le Juge suprême, cédant à votre prière, n'a-t-il
pas dit comme autrefois Salomon au prêtre Abiathar :
Tu as mérité la mort ; mais, parce que tu as porté
V Arche du Seigneur, c'est-à-dire, parce que tu as
gardé dans ton àme la confiance en Celle qui fut l'Ar-
che de son humanité, je ne te perdrai pas. Justes ou
pécheurs, n'est-ce pas la un motif toujours de plus en
plus pressant de nous donner, par une dévotion sin-
la Mère de Dieu, un droit assuré à sa toute-
puissante assistance dans toutes nos alarmes, dans
t.»ut,- qos peines, dans toutes nos nécessités ? A
•ij.lt' si rempli de confiance en la
protection de l'Arche, qui n'était qu'une figure de Ma-
FOEDERIS ARCA 111
rie, nous qui plus heureux possédons la réalité, allons
souvent, et avec d'autant plus d'espérance, nous réfu-
gier près de cette Arche vivante et véritable, qui sera
aussi pour nous une source toujours abondante de
grâces et de bénédictions ,
Telle est, ô Vierge sainte, la volonté de notre cœur :
affermissez-là, afin que fidèles à la suivre nous re-
cueillons les faveurs dont votre Fils vous a rendue la
riche dépositaire .
Pratique : Dans toute circonstance critique, adresser
à la sainte Vierge le cri confiant des apôtres à Jésus-
Christ: Sauvez-nous, nous périssons ; infailliblement
elle arrivera à notre secours.
EXEMPLES
PROTECTION OBTENUE PAR QUELQUE PIEUX INSIGNE
DE LA SAINTE VIERGE
Tous les insignes, scapulaire, médaille, chapelet, un
simple ruban bénit à son autel, peuvent être comme
une Arche de salut pour ceux qui les portent avec une
véritable religion. Citons-en deux exemples parmi tant
d'autres.
La guerre de Crimée, où se déploya en traits si hé-
roïques la bravoure française, révéla aussi ce qu'il y a
de confiance en Marie dans le cœur du soldat, et la
protection dont elle se plaît souvent à la récompenser.
Combien qui, ne rougissant pas de porter quelqu'une
de ses livrées, y ont trouvé un gage assuré de conserva-
tion ! Parmi les faits nombreux qui le prouvent, en
voici un qui se passa à la terrible attaque du Mamelon-
Vert, le 7 juin 1855.
Le signal était donné pour monter à l'assaut : à cet
instant où la mort apparaît presque certaine, les com-
battants se regardent comme pour se dire un dernier
H 2 FOEDERIS A RCA
adieu : de noirs pressentiments obsèdent le cœur.
Mais un des guerriers se distingue par la sérénité de
son visage ; il espère contre toute espérance. C'est le
jeune J** ; il s'est rappelé les exhortations de sa Ter-
tueuse mère, qui avant son départ lui recommandait
de ne point oublier la sainte Vierge, et lui avait donné,
comme souvenir et comme gage de protection, un
chapelet et une médaille. Le jeune guerrier les avait
placés sur sa poitrine, et muni de cette sainte cui-
rasse, il marche au combat. Une grêle de balles,
d'obus, de boulets, a bientôt semé la mort dans tous
les rangs : le sol est jonché de cadavres, la terre arro-
sée de sang . Le feu des batteries se ralentit ; et notre
vaillant guerrier peut s'assurer, hélas ! qu'il n'est plus
personne des siens : officiers et soldats, tous ont suc-
combé : il ne reste que le protégé de Marie qui n'a pas
même reçu la plus légère blessure.
— Ce n'est pas seulement pour le corps, c'est aussi
pour l'âme qu'un insigne de la sainte Vierge peut
devenir une Arche de salut.
Il y a peu d'années, se trouvait à l'hôtel des Inva-
lides un militaire dangereusement malade qui refusait
obstinément de se confesser, prétextant, comme beau-
coup d'autres, qu'il était un honnête homme, que
n'ayant ni tué, ni volé, il n'avait besoin nullement de
confession. L'aumônier avait, sans aucun succès, em-
ployé toutes les industries de son zèle : d'autres per-
sonnes firent plusieurs tentatives également infruc-
tueuses : le dernier essai ne servit même qu'à
provoquer d'horribles blasphèmes. Cependant la mort
devenait imminente. Dans cette extrémité, la bonne
sœur qui servait le malade se sentit inspirée de mettre
sous son chevet, sans qu'il le soupçonnât, la médaille
miraculeuse de la Vierge immaculée : elle en avait
JANUA CQEU , M 3
éprouvé si souvent les salutaires effets ! Mais au mo-
ment qu'elle accomplissait son pieux dessein, elle
trouva le malade en proie à une sorte d'agitation fré-
nétique, comme s'il eût été pressé par une tentation
de suicide . Il y avait urgence : elle fit mettre toute la
communauté en prières pour obtenir la conversion du
malheureux endurci . Marie ne fut point sourde à des
vœux qui allaient si bien à son cœur. Le lendemain,
l'agitation était calmée ; et la première parole que le
malade adressa à la sœur fut pour demander l'aumô-
nier. Quelle douce surprise ! en attendant l'arrivée du
prêtre, le converti cédait au besoin de dire ses péchés
à haute voix, sans qu'il fût possible de lui imposer
silence. Sa confession terminée, on lui montra la mé-
daille qu'il avait près de lui ; il la baisa alors avec
effusion, en s'écriant : C'est elle, je n'en doute pas,
qui m'a donné la force de me reconcilier avec Dieu !
Je veux qu'on l'attache à ma boutonnière, à côté de
ma croix d'honneur ; non, je ne rougirai pas de la
porter. Mais ce désir aussi noble que religieux ne put
se réaliser. Quelques jours après, sentant sa fin ap-
procher, le pauvre infirme demanda les derniers sa-
crements, qu'il reçut avec les plus vifs sentiments de
foi et de piété. On put voir alors peints sur son visage
le calme et la joie qui inondaient son âme purifiée.
Ce fut dans ces heureuses dispositions qu'il exhala son
dernier soupir. Que Marie est puissante !
CHAPITRE XXXIV.
PORTE DU CIEL.
Dans les temps anciens, pour tracer l'enceinte d'une
ville, on creusait un sillon qui désignait l'emplacement
il i IANUA COKLI
des murs, et pour marquer l'endroit des portes on
soulevait la charrue que Ton rabaissait ensuite, selon
la dimension que devaient avoir les entrées de la ville.
Telle est l'origine du mot Porte, appellation si juste-
ment appliquée à Marie.
Le péché d'Adam, en le faisant rompre avec le ciel,
avait élevé un mur de séparation entre Dieu et l'hu-
manité. Or, la Vierge bénie, portant dans son sein le
Rédempteur du monde, est venue faire une interrup-
tion dans ce mur fatal, nous y ouvrir une porte qui
nous introduit dans la céleste cité. Il est bien vrai que
la seule entrée, c'est Jésus-Christ qui nous dit lui-
même : Je suis laporte, et nul, pour arriverai! salut,
ne peut entrer que par moi. Seul, en effet, il a mérité
notre pardon ; et la grâce qui vient de lui peut seul
nous sauver. Mais, dans un sens qui n'est pas moins
vrai, la Vierge Réparatrice peut être appelée Porte du
ciel, et cela pour deux raisons principales :
I . Parce qu'elle nous a ouvert le ciel, en nous don-
nant le Sauveur,
II. Parce que sans son intercession il est impossible
d'aller au ciel ; et que par elle le ciel nous est assuré.
ARTICLE PREMIER
Marie nous a rouvert le ciel, en nous donnant le
Sauveur.
Outre le péché du premier homme transmis à sa mal-
heureuse postérité, nos propres péchés nous fermaient
encore à tout jamais l'entrée du séjour de la gloire.
Prenant pitié de nos malheurs, le Fils de l'Eternel, le
Verbe divin, consubstantiel à son Père, s'esl livré vo-
lontairement pour accomplir le grand acte de notre
réconciliation avec la justice divine. Mais, peu content
de nous rendre qos droits au ciel, il nous a montré dans
JANUACOELI 115
sa doctrine et ses exemples le chemin qu'il faut suivre
pour y arriver ; il nous aide par ses grâces à surmon-
ter les obstacles qui l'encombrent ; et, pour nous sou-
tenir dans cette lutte pénible par l'encourageante pers-
pective de la récompense, il est remonté à la céleste
patrie pour nous y préparer une place. Ainsi rachetés,
éclairés, aidés par Jésus-Christ, nous pouvons, si nous
voulons, entrer sûrement en jouissance de ce royaume
heureux, et devenir ses cohéritiers. Or, ce Dieu sau-
veur, selon la pensée de saint Augustin, ayant passé
par Marie pour descendre visiblement sur la terre, afin
que par elle les hommes méritassent de remonter au
ciel, nous pouvons déjà dans ce sens l'appeler la Porte
du ciel. Mais contemplons de plus près la sublime sa-
gesse de Dieu dans l'économie de la restauration hu-
maine, où Marie intervient d'une manière si merveil-
leuse. Il a voulu, afin de confondre l'audace du démon,
faire tourner au salut de l'homme tout ce que l'auteur
du mal avait employé à sa perte. Venez donc admirer
les étonnants rapports de contraste et de similitude,
trop méconnus, entre Eve et Marie, entre la chute et
la restauration. L'esprit de ténèbres était venu inspirer
le mal à Eve, et l'enivrer de l'espoir d'une fausse élé-
vation ; il lui avait dit : Vous serez comme des dieu. \ • ;
un Ange de lumière transmet à Marie les volontés du
ciel, et l'établit dans une véritable grandeur : Vous
enfanterez , lui assure-t-il, un Fils que vous nom-
merez Jésus-, ce Fils sera grand et sera même ap-
pelé le Fils du Très-Haut. — Satan avait porté Eve
à uu acte de rébellion qui devait nous perdre : Pour-
quoi, disait-il, Dieu vous a-t-il défendu de manger
de ce fruit* Eve croit au démon : l'Archange persuade
à Marie l'obéissance qui nous sauvera. Ne craignez
point, lui dit-il, rien n'est impossible à Dieu ; et
UG ANUA COEM
Marie, sur la parole de Gabriel, admet le mystère le
plus incompréhensible : une foi humble efface ainsi
la faute d'une orgueilleuse crédulité. — Eve touche
au fruit qui causa la mort ; Marie nous apporte le
Fruit qui donne la vie. — Eve encourt cette malédic-
tion : Tu enfanteras dans la douleur ; Marie re-
çoit ce Salut d'ineffable consolation : Vous êtes bénie
entre toutes les femmes. — Par une femme encore
vierge, la déchéance ; par une Femme toujours vierge,
la réparation. — La mort fut la punition du péché ;
la mort sert de remède au péché. — L'arbre de la
science du bien et du mal nous avait tués ; l'arbre de
la Croix nous guérit . — Eve nous avait exilés non-
seulement de l'Eden, mais aussi du paradis de délices
éternelles ; Marie, en nous donnant un Sauveur qui
le rouvre, nous en rend l'entrée à la fois possible et
facile. C'est donc elle qui a relevé nos parents déchus,
et assuré le salut à leur malheureuse postérité . C'est
elle qui nous a retirés du milieu des ruines, qui a
brisé nos fers, essuyé nos larmes, calmé nos gémisse-
ments, enrichi notre pauvreté. C'est elle dont l'enfan-
tement divin a levé l'anathème qui pesait sur la race
humaine, rendu l'espérance et la vie au monde désolé,
sanctifié la terre et repeuplé le ciel : elle en est donc bien
justement appelée l'heureuse Porte : Félix cœli Porta.
Sur cette sublime mission de Marie, il faut entendre
le beau langage des Pères et Docteurs de l'Eglise. C'est
un concert dont l'harmonie est toujours délicieuse pour
les cœurs, surtout quand cet hymne est à la gloire de
Celle que l'on aime. — a Comme rien n'a été fait sans
Dieu, nous déclare saint Pierre Damien : rien non plus
n'a été refait sans Marie. » — « En concevant le Créa-
teur, elle a conçu la rédemption du monde (Sophrone). »
— (( Si le Fils de Dieu a paru pour chercher ceux qui
ÏANUA COEM 1 17
étaient égarés, pour éclairer les aveugles, rappeler les
morts à la vie, rendre la liberté aux esclaves, il n'y a
pas un seul de ces bienfaits que n'ait apportés Marie,
en engendrant l'Auteur de tout don excellent (S.
Grégoire). » — « Marie est le remède des âmes, la
paix, la joie et le salut du monde (S. Ephrem). » —
« Elle est le jardin fermé d'où a jailli la source de vie
pour arroser la terre desséchée ; le lieu secret où Jésus,
le Prêtre éternel, s'est revêtu de notre humanité, pour
aller ensuite offrir à son Père le sacrifice expiatoire
(S. Germain). » — « Au jour de l'Incarnation, elle a
préparé un port assuré à tous ceux qui voguaient sur
la mer orageuse du siècle ; en ce jour, toutes les espé-
rances, auparavant voilées, ont commencé à briller
avec toutes les merveilles du salut (S. Grég. de Néo-
césarée). » — Et l'infortuné Adam, dit admirablement
Pierre de Blois, s'est écrié : « Depuis tant de siècles
que je suis repoussé de ma patrie et relégué dans le
lieu d'expiation, j'ai souvent cherché une issue à ma
peine, mais toujours en vain. Que pouvaient les hom-
mes enveloppés eux-mêmes dans l'arrêt de ma pros-
cription? Les anges aussi n'ont pu opérer ma déli-
vrance, incapables qu'ils étaient de payer la rançon
nécessaire. Enfin, j'ai vu la Mère de mon Dieu, j'ai vu
Celle qui est la Porte par où le Libérateur est venu
du sein de son Père pour me tirer de l'abîme. 0 mes
enfants ! Eve votre première mère, faisant entrer
avec moi le péché en ce monde, avait ouvert pour vous
la porte des pleurs et Marie votre seconde Mère, en-
gendrant le Dieu de toute sainteté, devient le principe
de votre allégresse . Séchez vos larmes : une femme
vous sauve. » Marie est donc réellement Réparatrice ,
puisqu'elle nous a donné le Réparateur, et que par
lui elle nous a rouvert le ciel.
llS JANT'A C0EL1
Morale : De quelle vive reconnaissance alors ne
devons-nous pas être animés envers cette généreuse
Libératrice ! Supposez un criminel condamné par une
juste sentence à passer le reste de ses jours dans un
cachot fétide et profondément obscur, écrasé sous le
poids de lourdes chaînes, et privé de toutes relations
semblables.; tout à coup une main puissante
et charitable vient briser ses fers : sans aucun mérite
de sa part, elle le tire de son affreux état : et le voilà
jouissant de la liberté et de la lumière, pouvant aller
contempler les beautés de la nature, goûter les délices
de la patrie, les joies de la famille. Sa vie tout entière
serait-elle assez longue pour reconnaître un service
de si grand prix ? Pourrait-il jamais devenir ingrat au
point d'oublier un bienfaiteur aussi généreux ? Si le
sacrifice de toute sa fortune, de sa vie même, pouvait
lui être agréable ou nécessaire, balancerait-il pour lui
donner cette preuve de dévouement? Mais ne devons-
nous pas infiniment plus à Marie, qui par Jésus-Christ
nous a arrachés à la mort éternelle, et réintégrés dans
tous nos droits au céleste héritage :'
Toutefois ne nous reposons pas avec une confiance
ssive sur ces droits qui nous ont été rendus. Le
ciel nous est redevenu accessible: niais il ne nous est
point garanti, « Dieu qui nous a créés san> nous,
affirme saint Augustin, ne nous sauvera pas sans nous:
il faut le vouloir, disait-il à sa sœur: » tout est dans
ce mot bien compris. Oui, le ciel ne s'obtient que par
des efforts généreux et constants. C'est une récom-
pense : elle suppose nécessairement la peine et le tra-
vail: c'est une citadelle : il faut la prendre d'assaut:
une couronne; elle ne peut être décernée qu'à
ceux qui auront vaillamment combattu. C'est par la
voie étroite, raboteuse, semée de ronce-, el bordée
JANUA COEM 119
d'épines, qu'il faut marcher pour atteindre le bât. Le
royaume des deux souffre violence, nous assure
Jésus-Christ, la Vérité incarnée : ce n'est donc que
par l'immolation de tout nous-mêmes, par des renon-
cements coûteux à la nature, que nous pourrons en
faire la conquête. Et quoi de plus juste, que la peine
soit en raison du salaire, et qu'un bonheur sans fin
demande de nous un tout autre travail que les baga-
telles de ce monde qui passe, pour lesquelles, néan-
moins, on sait trouver du temps et du courage ? Soyons
donc assez amis de nos véritables intérêts, pour met-
tre au premier rang, dans nos pensées, dans notre
estime, dans nos projets et dans* nos poursuites, la
grande affaire du salut, la seule nécessaire . Regar-
dons tout le reste comme inutile, sijnous l'avions man-
quée. Eussions-nous conquis le monde entier, dit
encore le divin Maître, de quoi nous servir a-t-il, si
nous avons perdu notre âme : et quel autre gain
pourra jamais compenser une telle perte ? Est-ce
aujourd'hui pour ies malheureux réprouvés un adoucis-
sement à leur supplice, d'avoir joui sur la terre de tous
les biens, réussi dans toutes leurs entreprises, et mené
une vie exempte de toute contrainte, dans cette voie
large et commode qui aboutit à la perdition ? Ah !
craignons vivement un tel malheur. N'imitons pas la
folie -de cet homme qui, se rendant au château qu'il
venait d'acheter pour y passer le reste de ses jours,
employa tout son avoir à se faire un logement com-
mode dans l'hôtellerie où il n'avait que la nuit à sé-
journer : privé de toute ressource, force lui fut de
traîner une longue vie de souffrance entre les murs
nus et froids de son palais désert. Plus sages que cet
insensé, ayons moins d'estime et d'empressement pour
ce qui n'est que passager, et donnons la préférence à
120 JANUA COEI-I
ce qui doit durer éternellement. Souvenons-nous que
les joies de ce monde sont éphémères, et que les sup-
plices de l'autre vie sont éternels : momentanexim
qnod delectat, œternum qnod cruciat. Travaillons à
faire le bien tandis qu'il fait jour : n'attendons pas pour
sauver notreàmeà cette nuit où l'on ne peut plus rien.
Epargnons-nous les regrets tardifs de cet officier qui,
près de paraître devant Dieu, s'écriait en soupirant :
« Ah ! quelle fut ma folie ! j'ai écrit plus de vingt ra-
mes de papier pour le service de mon prince, et pas
une seule ligne pour le salut de mon âme ! » — C'est
ce que reconnaissait, et aussi trop tard, cet autre mo-
ribond, qui réclamait, sans que personne pût le satis-
faire, une seule heure de ce temps dont il avait tou-
jours abusé. — Un grand roi sur son lit de mort
exhalait la même plainte, mais aussi inutilement :
« Tout est passé pour moi, disait-il ; ah ! qu'il me se-
rait bien plus avantageux d'avoir été un pauvre villa-
geois craignant Dieu, que d'avoir été un puissant
monarque ! » Puissent tous ces aveux nous être une
salutaire leçon ! (9)
0 bonne Marie, pénétrez- moi de ce vif désir de mon
salut, qui me porte à la sainte violence nécessaire pour
l'assurer, afin qu'un jour j'aie le bonheur de vous
contempler aux brillantes demeures éternelles dont
vous nous avez ouvert l'entrée, en nous donnant le
Sauveur !
Pratique : Se dire souvent comme un grand pape :
c< Si j'avais deux âmes, je pourrais en risquer une;
mais, comme je n'en ai qu'une, rien au monde ne peut
m'enga^er à la perdre. »
JANUA COELI 121
EXEMPLES.
ZÈLE ADMIRABLE POUR SON SALUT.
Saint Bernard, parvenu à la vigueur de la jeunesse
et comprenant de mieux en mieux l'extrême difficulté
de se sauver dans le monde, résolut de le quitter.
Quatre de ses frères, comme lui touchés de la grâce,
avait pris la même détermination. En traversant la
cour du château qu'ils abandonnaient, ils aperçurent
le petit Nivard, leur plus jeune frère, qui jouait avec
des enfants de son âge. « Adieu, petit frère, lui dit
l'aîné, voilà que nous partons ; tu seras seul héritier
de notre maison et de tous nos biens. » — « Oui, ré-
pondit avec vivacité le sage enfant, vous prenez le
ciel, et vous me laissez la terre ; le partage n'est pas
égal, et je ne. puis m'en contenter. » Quelque temps
après, il assurait aussi son salut, en courant se réfu-
gier dans la solitude, laissant à son tour la terre pour
le ciel .
— Un célèbre astronome, M . Leverrier, venait de
découvrir une planète nouvelle ; et dans une réunion de
savants, c'était à qui lui adresserait ses félicitations.
Mgr Robiou, évêque de Coutances, qui faisait partie
de l'assemblée, enrichit encore sur tous les autres par
ce compliment aussi spirituel que flatteur : « Monsieur,
on ne peut pas dire de vous, comme de beaucoup d'au-
tres, que vous vous êtes élevé jusqu'aux nues, mais
on doit dire jusqu'aux astres. » — « Monseigneur, re-
prit l'astronome, je médite une entreprise beaucoup
plus importante ; je veux encore monter plus haut. »
Que ce soit là aussi notre ambition : elle est bien per-
mise !
— Thomas Morus, illustre chancelier d'Angleterre?
avait eu le rare courage de ne point approuver les déré-
122 JANUA C0BL1
glements et les erreurs du roi Henri VIII. Par son or-
dre, il est arrêté, mis en prison et bientôt frappé d'une
sentence de mort. Quelques perfides amis, se joignant
à la famille du noble prisonnier, mirent tout en œuvre
pour l'amener aux sentiments du monarque ; mais ils
iront rencontré qu'une chrétienne et invincible résis-
tance. Sa femme elle-même, étant venue le visiter dans
son cachot, le conjure avec larmes de céder au désir
du prince, lui représente qu'un seul mot de sa bouche
peut l'arracher à la mort, le rétablir dans les bonnes
grâces du souverain, lui rendre ses anciens honneurs,
et le conserver encore pendant de longues années pour
elle et pour leurs enfants. — « Et combien de temps,
lui demande Morus. pensez-vous que je pourrai jouir
de tous ces avantages ? » — « Au moins vingt ans, et
peut-être plus : vous êtes encore jeune. » — « Vingt ans !
Madame, répéta énergiquement le généreux chrétien :
et vous voulez que pour vingt ans d'une vieillesse même
la plus honorable, j'abandonne une éternité de bonheur?
je ne gagnerais pas au change ! » Peu de jours après,
le vertueux chancelier, demeuré inflexible, payait de
sa tête son attachement à son devoir et à sa foi .
ARTICLE SECOND.
Marie Porte du ciel, parce que sans son intercession
il est impossible d'y arriver, au lieu qu'avec sa
puissante médiation le ciel nous est assuré.
Si cette dernière assertion doit verser dans l'âme
sincèrement dévouée à Marie un baume délicieux d'es-
pérance et de joie, elle n'est pas moins glorieuse pour
la très sainte Vierge. Quoi de plus honorable, en effet,
qu'après nous avoir donné le Sauveur qui nous rouvrit
Le ciel, elle soil encore pratiquement la Porte par où il
nous faut passer pour y être introduits : quœpervia
cœli Porta mânes. C'esl elle qui en tient les clefs : en
JANUA COELI 123
d'antres mots, sans la méditation de Marie point de
salut possible ; mais aussi par elle, il est immanquable.
Sur cette double vérité nous ne voulons point être
cru d'après nos propres paroles. Ici surtout, les saints
Pères et Docteurs de l'Eglise seront nos guides ; en les
suivant nous ne pouvons faillir ; devant l'écho de ces
grandes voix autorisées, nous restons orthodoxe. Venez
donc entendre comme sur ces deux points leurs témoi-
gnages sont expressifs et unanimes.
I. Impossibilité de se sauver sans l'intercession
de Marie. — « Il ne se peut pas, dit saint Ignace mar-
tyr, qu'un pécheur parvienne au salut sans le secours
de la Vierge ; au lieu que son intercession délivrera
ceux que ;la justice divine aurait condamnés. » — « 0
très sainte Mère de Dieu, s'écriait un célèbre patriar-
che de Constantinople, saint Germain, que deviendrions-
nous, si vous nous abandonniez, vous qui êtes l'esprit
et la vie des chrétiens ? Nul ne peut espérer le salut
sans votre médiation, nul obtenir miséricorde et arri-
ver à la grâce sans votre intercession. » Le salut est
la première de toutes les grâces, pour laquelle existent
toutes les autres grâces. « Eh bien ! affirme saint Ber-
nard, aucune grâce ne descend du ciel sur la terre,
sans passer par les mains de Marie. » Et selon la pen-
sée de saint Antonin, celui qui prétendrait atteindre le
bonheur éternel, sans le demander par iMarie, ressem-
blerait à l'oiseau qui voudrait voler sans ailes. « Non,
s'écrie Bonaventure, personne ne peut entrer au ciel,
s'il n'est aidé par Celle qui en est la Porte. Et, comme
il n'est pas possible qu'un nouveau-né vienne bien sans
le secours d'une nourrice, de même le chrétien ne peut
arriver au salut, sans la protection de Marie. » Il est
rapporté que saint François de Borgia s'attristait jus-
qu'aux larmes, quand il voyait quelqu'un de ses reli-
12i JANI'A C0BL1
gieux non pas manquer entièrement de dévotion envers
la sainte Vierge, mais n'en avoir qu'une faible et tout
ordinaire : il n'hésitait pas de lui dire que sûrement il
n'était point sur le chemin du ciel. Nous voyons dans
la sainte Ecriture qu'Holoferne, voulant réduire les
habitants de Béthulie , fit couper les aqueducs qui
amenaient l'eau à la ville. Et voilà ce que fait le dé-
mon : sachant que l'on ne peut rien pour le salut sans
la grâce, que Marie en est la Trésor 1ère et le Canal
nécessaire , il s'efforce d'éteindre en ceux qu'il veut
perdre toute dévotion pour elle ; et les conduits de la
grâce étant ainsi interceptés, ils sont à la merci de ses
ruses et de ses attaques, ce qui lui rend la victoire
facile et par le fait trop souvent certaine.
Néanmoins, serait-il juste de dire que l'absence de
dévotion pour la sainte Vierge est une marque assurée
de réprobation? Aucune plume catholique ne l'a jamais
écrit : et nous n'avons garde d'émettre une proposition
aussi désespérante. Mais ce que l'on peut dire sans té-
mérité, c'est que n'avoir pour la Mère de la divine
grâce qu'une glaciale indifférence, ne se mettre en peine
ni de l'invoquer, ni de l'imiter, c'est refroidir le cœur
de Dieu, c'est, en renonçant à la protection de sa sainte
Mère, se priver d'un des plus puissants moyens de sa-
lut, et courir les plus grands risques d'une malheureuse
éternité. Nous n'insisterons pas davantage sur ce point ;
il nous sera beaucoup plus agréable de voir que,
II. Avec In dévotion à Marie, le salut est imman-
quable. — Il est clair que par la dévotion, sur garant
de salut, nous entendu]]- doii poinl celle qui à quelques
exercices plus ou moins sérieux de piété associerait
des désordres, des vices, mais bien une dévotion qui,
selon l'esprit du Christianisme, soit sincère, sage et
pratique. En ce sens, il est hors de doute que le culte
JANUA COELI 125
de la très sainte Vierge est un des signes les plus as-
surés d'élection éternelle. Et voici sur quoi nous fon-
dons cette consolante vérité.
Les livres saints comparent Marie au platane. Pour-
quoi? se demande un Père des premiers siècles : « parce
que, de même que le platane est l'arbre qui étend ses
rameaux le plus au loin ; ainsi Marie couvre de son om-
brage protecteur tous ceux qui viennent s'y réfugier ;
et sous cette ombre hospitalière, ils n'ont plus à crain-
dre ni le feu des passions, ni aucun accident fâcheux. »
— Vous avez été remplie de grâce, s'écrie saint Atha-
nase, afin de devenir la voie par laquelle on arrive à
l'heureuse patrie. » — « Le vrai serviteur de Marie,
attestent saint Hilaire et saint Anselme, ne peut se
damner , eût-il par le passé gravement offensé son
Dieu ; » — « parce que, dit un autre saint, invoquer
Marie c'est être sur de sa protection, et sa protection
est une garantie certaine contre les trois ennemis les
plus dangereux, le monde, la chair et le démon. »
Saint Bonaventure se livre à la plus vive allégresse,
en considérant le riche moyen de salut que nous trou-
vons en la Vierge puissante : « Grande Reine, lui dit-
il, celui qui vous honore et qui se recommande à votre
bonté est bien loin de la perdition ; son àme n'ira ja-
mais dans les flammes éternelles. Il y a, ajoute-t-il,
une neuvième béatitude à joindre aux huit proclamées
par Jésus-Christ ; c'est celle-ci : Heureux ceux qui se
seront confiés en Marie ; leur nom est inscrit au livre
de vie. » — « La dévotion envers la Mère de Dieu est
comme une lettre d'affranchissement de l'esclavage
éternel, » déclare saint Ephrem, qui ose bien l'appeler
« la clef du paradis ; » — « où elle commande en Reine,
selon Richard de saint Laurent, y faisant entrer qui
elle veut. — « C'est un gage certain de prédestina-
126 JAXLA COELI
tion, nous assure saint Bernard, parce qu'elle ne man-
que ni du pouvoir ni de la volonté de nous sauver.
Soutenus par elle , continue-t-il , vous ne tomberez
pas : si elle vous porte, vous n'avez rien à craindre ;
sous sa conduite, vous ne vous égarerez pas dans la
route : avec sa protection, vous parviendrez sûrement
au terme. » C'est aussi la ferme conviction de saint
Antonin : « Comme il ne peut se faire, dit-il, que ceux
dont Marie détourne les yeux soient sauvés ; de même,
il est de toute nécessité que ceux qu'elle regarde avec
bonté arrivent à partager sa gloire. » — « 0 Vierge im-
maculée, s'écrie saint Jean Damasc?ne, dans le même
sens, si j'ai placé en vous mon espérance, et que vous
me défendiez, je dois bannir toute crainte ; armé de
votre protection , comme d'un bouclier impénétrable,
je poursuivrai mes ennemis et j'en serai vainqueur ! »
Nous pourrions certainement nous en tenir à ces té-
moignages ; mais continuons à citer : c'est éprouver
comme un avant-goùt des voluptés célestes, que d'en-
tendre les graves autorités qui nous les garantissent
par la douce Vierge. ■
Quand nous considérons d'une part tous les périls
semés sur cette terre d'épreuves, et de l'autre notre
extrême fragilité, nous nous écrions comme les apô-
tres : Et qui donc sera sauvé? « Voulez-vous le savoir,
répond Denis le Chartreux? Ce sera celui pour qui
Marie aura prié ; » — « et même une seule fois, ajoute
saint Anselme ; elle le conduira à Jésus, qui déposera
sur son front une couronne de gloire, laquelle brillera
embellie du sourire de cette bonne Mère.» — « Quand
je serais à demi dans l'enfer, affirmait une sainte célè-
bre, j'espérerais en la Reine du ciel, personne ne peut
périr entre les mains de Marie. » — « Si Jésus, en éta-
blissant saint Pierre chef de son Eglise, dit encore un
JANUA COELl 127
pieux auteur, lui a confié pour lui et pour tous ses suc-
cesseurs les clefs du royaume des cieux, n'est-il pas per-
mis et surtout bien consolant de croire que Marie a
reçu le même pouvoir avec une extension encore beau-
coup plus grande ? » Concluons donc, avecun saint reli-
gieux, que « servir Marie c'est être aussi sur du ciel
que si déjà l'on y était arrivé. »
Tous ces témoignages sont assurément des plus im-
posants par leur étonnant accord, et par le ton de cer-
titude dont ils sont empreints. N'allons pas penser,
néanmoins, que ce ne soit là qu'une pieuse exagération
d'esprits exaltés qui aiment à se grossir le mérite de leur
dévotion envers l'auguste Vierge : ce serait une
funeste erreur. Toutes ces affirmations si positives
reposent sur un des grands dogmes fondamentaux de
la doctrine catholique, la Maternité divine de Marie :
c'est là qu'elles puisent leur force démonstrative. En
effet, il est certain que c'est en vue de notre salut que
Marie a été appelée à la sublime dignité de Mère de
Dieu. En cette qualité, elle a eu une part très active
dans cette rédemption du genre humain, en fournis-
sant la Victime qui l'a opérée, en sanctionnant son
immolation sur le Calvaire, en unissant ses propres
souffrances à celles de son adorable Fils, et ses larmes
à son sang. Evidemment, elle .voulut notre salut au-
tant qu'elle pouvait le vouloir; évidemment, nous sau-
ver était son désir et sa mission; et parce qu'elle doit
achever son œuvre, nous sauver c'est toujours son
rôle et son office. Dès là donc que nous l'invoquons
dans ce même but, dès que nous venons nous placer
sous son égide et lui confier nos éternelles destinées, il
ne se peut qu'elle nous rejette.
Il y a plus : au pied de cette même Croix, c'est tou-
jours avantageux de se le rappeler pour y puiser de
[28 JANTA Q0BL1
nouveaux enseignements, nous devînmes ses enfants.
Mère pleine de tendresse, quel n'est pas son désir de
nous associer à son bonheur ! Dès le moment donc que
nous recourons à elle avec cette confiance qui frappe
à son cœur, elle ne peut ni ne doit oublier qu'elle
est notre Mère : il faut qu'elle exécute le testament
de son Fils qui nous a faits sa famille d'adoption.
L'histoire vient aussi consacrer de son autorité irré-
fragable cette délicieuse vérité, en nous révélant par
des milliers de faits que Marie a remué ciel et terre,
dérogé à toutes les lois, multiplié le miracle en vue
des âmes qu'elle voulait sauver. C'est dans ce but,
manifeste à tout observateur croyant et sincère, qu'elle
conduit les événements, qu'elle ménage les occasions,
qu'elle envoie la maladie ou ramène la santé, qu'elle
éclaire, qu'elle touche, qu'elle convertit et fait persé-
vérer. Ses innombrables faveurs, diverses pour la
forme, convergent toutes vers la même fin, de nous
aider à conquérir le ciel.
Des annales du Christianisme ressortent encore
deux faits généraux, singulièrement remarquables et
des plus consolants, savoir, que tous les saints ont été
vivement affectionnés à Marie, et que tous les chré-
tiens qui lui furent généreusement dévoués sont par-
venus à la sainteté. Oui, et n'en doutons pas, c'est
par son secours que tant de justes ont avancé rapide-
ment dans la voie de la perfection, que tant d âmes
tièdes ont trouvé le courage nécessaire pour secouer
leur léthargie ; c'est à elle que tant de coupables doi-
1 une conversion subite et souvent inespérée. Ma-
rie, c'est la planche du salut pour les naufragés ; c'est
l'armure la mieux trempée contre toute sorte d'enne-
mis: c'est, redisons-le avec le dévot Bernard, un gage
tain de prédestination : certissimum > mlur
ÏANTJA nOEL! 129
Us conseqiienclœ'. Marie, c'est le ciel, puisque, nous l'a-
vons prouvé, elle en est la Porte, aussi sûre que néces-
saire : Félix cœli Porta. Elle y sera, après Dieu, les
délices de l'âme, la joie et l'ivresse du cœur, sa félicité
sans fin.
Morale : Ici, la conséquence pratique se tire d'elle-
même ; tant elle est conforme aux instincts de notre
cœur. Marie Porte du ciel! Oh ! comme ce titre, l'un
de ses plus beaux, doit rafraîchir notre âme desséchée
et relever notre espérance, si elle venait à faiblir!
Créés pour ce délicieux séjour, qui doit être le plus
cher objet de nos désirs et de nos efforts, faisons-nous
donc du culte de Marie, comme un appui pour y mon-
ter. Aidons-nous de ce char, ainsi que l'appelle un de
ses pieux panégyristes, sur lequel ses serviteurs arri-
vent sans accident au terme de leur carrière. — « Sur
cette barque, dit encore un Père, nous traverserons
heureusement les flots soulevés, nous éviterons les
écueils de la mer orageuse du monde et nous arrive-
rons heureusement au port. » Si donc, par une dévo-
tion sincère et ardente, nous avons su mériter ses
bonnes grâces, levons des yeux pleins de confiance vers
les régions célestes. Là, nous verrons, non point comme
autrefois sur le seuil du jardin de délices, un Chérubin
armé d'un glaive de feu pour nous en défendre l'entrée,
mais une aimable Vierge, une douce et bénigne Mère,
nous tendant les bras, pour nous introduire au sein de
son immortelle béatitude .
Pratique : Tous les jours, au moins cinq fois, en
l'honneur des cinq plaies adorables du Sauveur, répé-
ter cette suave invocation : Doux cœur de Marie, soyez
mon salut !
130 IANOA CCEL1
EXEMPLES
IGNi: ASSURÉ I
Voici, à l'appui de cette vérité, un fait arrivé tout
récemment dans les missions d'Amérique. — Une
pauvre femme, qui avait conservé précieusement la
grâce de son baptême, était connue dans toute la con-
trée par la vivacité de sa foi, l'ardeur de sa piété et
surtout sa tendre dévotion envers la sainte Vierge.
Elle tomba dangereusement malade et fit appeler le
missionnaire, a Mon Père, lui dit-elle, je sens que je
n'ai plus longtemps à vivre ; ce n'est point pourtant
que cela m'afflige, tout au contraire, je me réjouis de
mourir dans l'espérance de voir Dieu au ciel, où je
compte être introduite par la sainte Vierge. Seulement,
je vous prie d'offrir après ma mort une fois le saint
Sacrifice pour le repos de mon âme, et je vous pro-
mets de ne point vous oublier quand je serai dans la
gloire. »
Elle reçut les derniers sacrements avec une ferveur
admirable, et peu de temps après, elle tomba en
léthargie : on la crut morte. Le lendemain, comme on
se disposait a l'ensevelir, elle revint à elle et demanda
sa petite image de la sainte Vierge : on la lui présente;
elle la couvre de baisers et de douces larmes ; on ne
pouvait l'en séparer.
Le Père est appelé ; elle lui dit : « Mon Père, un
ange m'a c induite a l'entrée de l'enfer, j'en suis encore
toute épouvantée. Une chose pourtant adoucit ma
frayeur, c'est qu'il m'a asssuré que, parmi les millions
de damnés, aucun sur la terre n'avait eu de dévotion
envers Marie. Aussi, dès maintenant, je veux redou-
bler pour elle d'amour, de confiance et de zèle à l'imi-
ter. •■ — (yMie cet exemple est propre à raviver i'espé-
STELLA MATUTINA 131
rance au cœur des eufauts de Marie, et à les animer
dans son service !
r» — Saint Charles Borromée avait la plus ardente
dévotion pour la sainte Vierge ; il jeûnait au pain et à
lfeau la veille de ses fêtes, récitait chaque jour son
Office et le chapelet, malgré ses nombreuses occupa-
tions, et n'était pas moins soigneux à la saluer, quand
le son de la cloche donnait le signal de X Angélus. Il
établit dans sa cathédrale une chapelle et la confrérie
du Rosaire avec une procession solennelle le premier
dimanche de chaque mois. Et, par un autre acte de
respect autant que de confiance envers la sainte Mère
de Dieu, il ordonna que sa statue serait placée au
portail de toutes les églises de son Diocèse, voulant
ainsi faire entendre qu'on ne peut entrer au temple de
la gloire céleste que par Marie, si justement nommée
la Porte du ciel.
0 Marie !
Contre moi seul, que tout l'enfer conspire,
Je ne crains rien de sa vaine fureur ;
Un cœur soumis a votre aimable empire
Est assuré du souverain bonheur.
CHAPITRE XXXV.
ETOILE DU MATIN
On appelle étoile du matin celle qui brille encore
après la disparition des autres, et annonce le prochain
lever du soleil, dont elle est comme l'avant-garde. C'est
une étoile toute d'espérance et de joie. Devant sa douce
clarté, commencent à se dissiper les ténèbres de la nuit,
la nature se revêt d'une nouvelle beauté, l'allégresse
renaît en tout lieu . A son aspect, les oiseaux gazouil-
lent plus mélodieusement sous le feuillage ; leur chant
132 STELLA MATOTINA
matinal est comme un salut à la lumière qu'ils retrou-
vent ; la confiance revient au cœur du nautonnier et
du voyageur, que l'obscurité continue de la nuit aurait
pu égarer dans leur course ; les animaux malfaisants,
qui redoutent l'éclat du jour , s'empressent avec
effroi de regagner l'épaisseur des bois et leurs sombres
tannières ; l'homme devançant l'aurore prend le bâton
du pèlerin ou se rend tout joyeux au travail des champs .
Par cet exposé, on a déjà pu entrevoir les rapports
entre cette étoile matinière et Marie, l'astre précur-
seur du Soleil de justice. Toutefois, cette admirable
ressemblance va mieux ressortir encore par des détails
du plus vif intérêt.
Oui, c'est bien ajuste titre que Marie est appelée
Etoile du matin. — Chers lecteurs, vous avez sans
doute joui quelquefois du radieux spectacle d'une belle
aurore ; et les merveilleux effets du point du jour vous
ont jetés dans l'extase de l'admiration. 11 serait bien
à plaindre celui qui, insensible à un si imposant coup-
d'œil, ne se sentirait pas disposé à glorifier Dieu dans
la magnificence de ses œuvres. Mais qu'il y a loin de
tous les charmes de l'aube matinale, la plus brillante
et la plus pure, à Marie, la véritable Etoile du matin,
annonçant à l'univers attristé que la longue nuit de
malédiction touche à sa fin, et que le jour béni de la
grâce commence à poindre dans l'arrivée toute pro-
chaine de Jésus-Christ, Lumière de lumière! Oui,
c'est là l'heureux présage qui fut donné, au moment où
naquit la très sainte Vierge, moment sans contredit le
plus beau après celui où elle enfanta le Messie-Rédemp-
teur. Jusque-là, le berceau de tous les enfants d'Adam
avait été environné de craintes et de larmes, qui suc-
cédaient bientôt aux joies passagères de la maternité :
et Les plaintes, que Job exhala sur le jour de sa nais-
STELLA MAIL- TINA 133
sauce, trouvaient un lamentable écho sur la couche de
toutes les mères. Mais la naissance de Marie fut un
principe de joie universelle : de joie pour Dieu, de joie
pour les anges, de joie pour les hommes.
Qui pourrait, en effet, se faire une idée de l'ineffable
joie des trois Personnes divines, au moment où appa-
rut à la terre cette Vierge immaculée ; de la joie de
Dieu le Père, quand des hauteurs de la gloire, il
abaissa son regard sur ce berceau, où reposaient les
destinées surnaturelles de l'univers dans la personne
de cette Fille d'Eve, qui allait bientôt partager sa mys-
térieuse fécondité ; de la. joie de Dieu le Fils, le Yerbe
éternel, lorsqu'il vit éclore cette Fleur ^ virginale qui
devait le donner à la terre, comme le Fruit de vie ; de
la. joie du Saint-Esprit, contemplant ce sein très pur,
où sa puissance vivifiante devait unir par le lien le plus
étroit la nature divine et la nature humaine, afin que
cet Homme-Dieu fût une victime pleinement expiatoire
pour les péchés du monde ?
Les anges aussi, qui vinrent plus tard chanter leur
amour sur la pauvre étable de Bethléem, quels trans-
ports de bonheur ne durent-ils pas ressentir, lorsque,
doucement inclinés vers le berceau de la Mère du Christ,
ils admiraient leur Reine future, qui devait les faire
messagers de ses grâces et missionnaires de sa clémence?
Dès ce moment, n'ont-ils pas dû s'écrier : Quelle est
donc Celle qui se lève ainsi avec la brillante ma-
jesté de V aurore ? Quœ est ista . . .
Et tous ces pauvres captifs, retenus dans les limbes,
où ils vivaient d'espérance, de quelle allégresse ils
tressaillirent, en voyant resplendir dans leurs som-
bres demeures les rayons de cette Etoile bienfaisante,
qui leur annonçait le jour naissant de leur délivrance,
et la fin prochaine de leur dure captivité !
PARAPHRASE. — T. H.
134 STELLA MATUT1NA
L'enfer seul ne partagea point la joie universelle ;
le démon y était obsédé de la cruelle et juste crainte
que cette femme merveilleuse, qui faisait son entrée
dans le monde, ne fût la Femme destinée à lui écra-
ser la tète, à ruiner son empire sur les âmes, qu'il
tenait enchainées sous son joug dès le commencement.
Mais la terre surtout dut se réjouir de l'apparition
de Marie, gage le plus rassurant des miséricordes di-
vines envers le genre humain . Quand un peuple, ne
voyant point d'héritier de la couronne sur les marches
du trône, s'alarme à juste titre des perturbations et de
l'anarchie qui peuvent à la mort du souverain ré-
gnant compromettre la paix et la prospérité publiques,
avec quels transports et par quelles fêtes pompeuses
ne fait-il pas éclater sa joie, si tout à coup la nais-
sance d'un prince inespéré vient relever sa confiance
dans un avenir de concorde et de bonheur ? Dut-elle
causer moins de joie la naissance de -Marie, cet astre
précurseur d'un règne de gloire et de paix , cette
avant-courrier du Géant des cieux qui doit bientôt ve-
nir renouveler la face de la terre ?
Que la nuit parait longue à un malade, et de quels
désirs ardents il appelle l'aurore, qui le réjouira déjà
de sa clarté et ensuite de l'espérance que le médecin
va apporter quelque soulagement à sa douleur ! Ainsi,
gémissant dans les ténèbres de l'erreur et sous le poids
de ses misères, l'humanité s'est-elle sentie allégée, en
voyant apparaître Marie, douce aurore du jour de la
grâce, nous annonçant l'arrivée prochaine du céleste
médecin de nos âmes !
Il y a une fleur que sa précocité a fait nommer Perce-
neige. La terre est encore enveloppée de ses vêtements
d'hiver ; les oiseaux sont toujours muets ; et l'eau cap-
tive sous sa voûte de cristal n'a pas repris son doux
STELLA MATUTINA 135
murmure. Mais les premiers jours de mars ont à peine
commencé à luire, que le Perce-neige se dégage de
son froid manteau, se préparant à nous montrer ses
cloches d'un blanc d'ivoire : c'est l'ar-en-ciel terres-
tre, qui présage au monde ennuyé le retour prochain
du gracieux printemps et semble nous dire : Je viens
vous consoler de la longue absence du soleil, et vous
apporter l'espérance des beaux jours. Ainsi Marie ap-
paraissant à la terre lui annonce que bientôt va ger-
mer son Sauveur, et que les unes feront pleuvoir
le Juste.
Lorsqu'après une longue et terrible tempête, qui
bouleversant les ondes a jeté le vaisseau bien loin sur
une mer inconnue, réapparaît l'étoile polaire, le cœur
s'ouvre à l'espérance, les forces se raniment ; la main
au gouvernail et l'œil au ciel, on salue déjà le rivage
qu'on désespérait de revoir. Ainsi encore Marie, véri-
table Etoile de la mer, se levant sur l'horizon du mon-
de moral et annonçant la fin de la tempête, nous mon-
tre dans Jésus-Christ qui va venir, le port du salut
prêt à nous recevoir. C'est la Messagère aimable de la
splendeur céleste qui doit éclairer ceux qui sont assis
dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, pour
diriger leurs pieds dans les voies du salut.
Morale : Mais Marie ne fut pas seulement le gage
de la lumière qui va luire sur le monde : de son pro-
pre berceau jaillirent déjà des traits qui commencèrent
à dissiper nos erreurs, en nous montrant la véritable
valeur des choses. Entre autres enseignements, là
nous apprenons le mérite et le bonheur de l'obscurité.
Marie est issue d'une race royale ; elle a derrière elle
toute une longue histoire d'oracles et de figures qui
l'annoncent à la terre ; elle est, ainsi que le Messie, la
Désirée des nations, appelée à régénérer, à sauver le
136 STELLA MATUTINA
monde par le Fils qu'elle enfantera à Bethléem et sa-
crifiera sur le Calvaire : elle doit nous consoler par sa
toute-puissante et miséricordieuse protection. Jamais,
depuis L'origine des siècles, naissance ne pesa d'un
poids égal sur les destinées du genre humain. Et ce-
pendant. Marie reçoit le jour ensevelie dans l'obscu-
rité la pins profonde : inutilement chercherait-on le
palais de son auguste Princesse : sa naissance n'est
marqué d'aucun trait qui la signale à l'attention des
hommes : nulle démonstration publique ne salue son
entrée dans la vie : ses parents eux-mêmes n'ont pas
le moindre soupçon de son glorieux avenir. Qui donc
pourrait encore se laisser séduire par la distinction de
sa naissance, ou se faire une honte de la bassesse de
sa condition, quand la plus illustre des créatures ne
tire aucun honneur de la royauté de ses aïeux, et ne
ressent aucune humiliation de l'abaissement de sa fa-
mille? Devant Dieu, sachons-le bien, on n'a de valeur
que par la vertu : tel est né dans la pourpre, qui peut
être bien vil aux yeux du Seigneur : tel autre reçoit
la vie dans une chaumière, qui est grand aux regards
du ciel, où il est appelé à régner dans la splendeur des
saints.
La véritable grandeur est toute intérieure : telle est
celle d'une aine, prête à tout ce qui est bon, et capable
de tout ce qui est sage ; pénétrant chacune de ses
actions et tous ses sentiments d'un inflexible amour
de la vertu et de la vérité ; ramenant tout à Dieu, sa
fin dernière , nu trouvant qu'en lui la raison et la va-
leur des choses ; tenant pour grand ce qu'il estime,
pour petit ce qu'il condamne ; faisant tout ce qu'il
veut, et de la manière qu'il veut ; ne comprenant
pas d'autre gloire ici-bas que de traduire sa pensée
en œuvres généreuses et de lui ressembler en toute
STELLA MATUTINA Vtf
chose. Avec ces admirables dispositions, tous vos actes
revêtent un caractère de grandeur, qui les ennoblit et
les élève jusqu'à une hauteur divine.
Devant les hommes aussi, le rang ne fait pas tou-
jours le vrai mérite. La réputation peut bien n'en être
pas un infaillible garant. Combien de braves, combien
de héros, qui vus de près ne sont que des hommes
vulgaires ! On est grand, non point parce que l'on a
des titres, mais parce que l'on a des vertus . Les titres
placent au-dessus des autres ; les vertus seules en
distinguent. Celui dont la tête porterait trois cou-
ronnes est encore pauvre, si la vertu n'y mêle son
éclat.
Un philosophe de l'antiquité a dit fort spirituelle-
ment que, si les femmes savaient comme la vertu re-
hausse même la beauté, elles voudraient toutes se
rendre vertueuses pour être belles. — Un célèbre
Romain eut l'ingénieuse idée d'élever deux temples
contigus, l'un à la Vertu et l'autre à la Gloire, vou-
lant par là faire entendre qu'on ne pouvait entrer dans
le second sans passer par le premier.
Grande devant Dieu, grande devant les hommes, la
vertu est donc la source de la gloire solide ; elle est
aussi la route la plus sûre pour trouver le bonheur.
Et c'est de préférence dans l'ombre d'une vie obscure
que croit la vertu et qu'elle trouve un abri plus assuré .
Loin donc de nous plaindre de la bassesse de notre con-
dition, chérissons-làet surtout mettons-lààprofit(lO).
C'est la grâce que je vous demande instamment, ô
divine Mère ! obtenez-moi d'affectionner mon état,
d'en sanctifier tous les devoirs, toutes les œuvres, tou-
tes les joies, toutes les peines ; et d'être ainsi vertueux
en vue de la récompense promise au serviteur fidèle :
Beatus Me servies...
138 STELLA MATDTINA
Pratique : A l'exemple de saint Stanislas de Kostka,
offrir à Marie dès son réveil une couronne de fleurs
spirituelles , c'est-à-dire une couronne composée des
différents actes de vertu et de mortification que l'on
pratiquera dans la journée.
EXEMPLE ET ALLÉGORIE
VISITE A MARIE DÈS LE POLNT DU JOUR
Saint Bernardin de Sienne avait pris l'habitude de
sortir avant le lever du soleil , et revenait quelque
temps après, le visage empreint d'une sérénité d'ànie
extraordinaire. Des conjectures étaient hasardées sur
cette démarche ; il était jeune encore, on finit par pen-
ser mal. Un jour, quelques étourdis, voulant lui arra-
cher le secret de ces sorties si matinales et si empressées,
lui posèrent nettement la question. Bernardin, sans
s'émouvoir , répondit avec une douceur angélique :
a Pas loin d'ici se trouve une personne que je chéris ;
c'est à elle que tous les matins je fais une visite. » Ces
paroles, on le devine, ne firent qu'aiguillonner la curio-
sité de ces jeunes gens, qui aussitôt se donnent le mot
pour se mettre en vedette dès le lendemain sur son
passage. En effet, ils l'aperçoivent se dirigeant d'un
pas ferme et pressé vers une chapelle de la Vierge,
dont le petit clocher s'élevait gracieusement au milieu
d'un bosquet d'arbres verts. Us l'avaient suivi de loin ;
et quand il fut entré dans le silencieux sanctuaire, ils
vinrent ouvrir doucement la porte, et là, ils virent
Bernardin à genoux devant la statue de la Vierge,
tout absorbé dans l'extase de la prière ; de douces
larmes coulaient de ses yeux en flammés d'amour ; on
eût dit un ange descendu sur la terre, répandant ses
soupirs devant sa Reine. Les jeunes curieux se reti-
SALUS INFIKMOtfUM 139
rèrerit, aussi édifiés de sa conduite, que confus d'avoir
suspecté les démarches d'un saint.
JUGEMENT EN FAVEUR DE LA VERTU CHEZ LES PAÏENS
Un certain jour , les divinités qui président à la
Richesse, à la Volupté, à la Santé et à la Vertu appa-
rurent tout à coup devant l'Aréopage, demandant que
dans leur sagesse les juges assignassent à chacune
d'elles le rang qu'elle devait occuper, d'après son degré
d'influence sur le bonheur des hommes. La Richesse fit
valoir sa magnificence, les satisfactions de tout genre
qu'elle procure ; et déjà les juges éblouis par ce pom-
peux étalage allaient lui assigner le premier rang,
lorsque la Volupté rabaissa le mérite de sa rivale, en
démontrant que l'unique but des richesses était de
conduire au plaisir : et toute l'Assemblée de donner
gain de cause 'à la Volupté. Mais tout aussitôt, la Santé
s'étant levée, n'eut pas de peine à prouver que sans
elle L'abondance des richesses servirait peu, et que les
plus douces voluptés deviendraient des amertumes.
L'Aréopage séduit paraissait incliner en sa faveur. Plus
vite encore, la Vertu se dressant, fit observer que la
richesse, le plaisir et la santé ne sont que des biens
fragiles, et qu'en son absence ils deviennent même des
maux pour qui ne sait pas en user avec sagesse. A cet
exposé simple et vrai, toute l'Assemblée battit des
mains et adjugea le premier rang à la Vertu.
CHAPITRE XXXVI
SALUT DES INFIRMES
Les titres que jusqu'ici nous avons contemplés en
Marie, nous ont révélé principalement ses privilèges
et ses vertus. En voici d'autres bien touchants, non
140 SALUS IXFJUMOIU'M
plus voilés, mais qui expriment nettement sa puissante
et bénigne intervention dans les souffrances, dans les
différentes épreuves, dans les dangers même pour le
corps, inévitables en cette désolante vallée de larmes.
Le premier de ces titres est Salut des infirmes.
La maladie , les infirmités de toute espèce sont le
triste apanage de la pauvre humanité. L'enfant souffre
dès son entrée dans le monde ; c'est par les larmes
qu'il annonce ses premiers malaises : les douleurs le
suivront, comme son ombre, dans tout le cours de son
pèlerinage sur cette terre d'exil ; et les douleurs encore
précéderont son dernier soupir. C'est là une terrible,
mais juste punition du péché. Toutefois, en donnant
ainsi un libre cours à sa justice, Dieu n'a pas oublié
sa miséricorde. Au pauvre infirme abattu sur sa cou-
che, à tout malheureux accablé sous le poids de quel-
que souffrance, sourit un nom plein de puissance et de
charmes ! ce nom est celui de Marie, véritable Salut
des infirmes ;
I. Par les secours et consolations qu'ils reçoivent de
ses fidèles servantes ; par les soulagements et guéri-
sons qu'elle-même leur proeure ;
II. Par la grâce d'une bonne mort qu'elle sait leur
obtenir.
III. Par le jugement favorable qu'elle leur assure.
ARTICLE PREMIER.
Marie, Salut des infirmes, par les secours et con-
solations qu'ils reçoivent de ses fidèles servantes ;
par les soulagements et guérisons qu'elle-même
leur procure.
I. Secours et Consolations que les infirmes reçoi-
vent de Marie pa \r ses fidèles servantes. — Vous avez
sans doute, de ces asiles qui sont comme le rendez-
vous de toutes les douleurs, où l'enfant abandonné
SALUS INF1RM0RUM 141
reçoit le lait que lui refuse le sein maternel, et retrouve
en môme temps une nouvelle famille ; où la vieillesse
indigente jouit enfin du repos et termine en paix des
jours consumés par la peine ; où la démence que la so-
ciété repousse est entourée de secours qu'elle ne peut
ni comprendre ni reconnaître ; où les infirmités de tout
genre reçoivent chacune le soulagement qu'elle réclame.
Et là, près de toutes les misères humaines, qui s'est
offert à vos regards ? De modestes filles, qui dès le
printemps de leur vie s'arrachent aux enchantements
de leur jeunesse, à l'amour d'une mère, aux jouissances
de la famille, renoncent aux plaisirs du monde, quel-
ques-unes même à de brillantes destinées, pour se dé-
vouer tout entières au soulagement des plus obscures
infortunes. Et dans ces anges de la terre, quelle dou-
ceur, quelles précautions délicates à l'égard du malade !
Présentés par leurs mains, les remèdes lui sont moins
amers. Faut-il panser ses plaies, prêter un appui à
son corps défaillant, le déplacer sur sa couche devenue
dure, quelle attention, quels ménagements pour ne
point ajouter à ses douleurs ! Au plus fort de ses souf-
frances, en dépit même de ses rebuts, quelle tendre com-
passion, quelle charité patiente que rien ne déconcerte,
et qui fait autant de bien que le soulagement même !
A l'approche seule de la bonne religieuse, les dou-
leurs sont déjà moins vives, les inquiétudes, les
alarmes s'apaisent, le courage renaît ; et sous l'in-
fluence de ses pieuses paroles, la résignation pénètre
dans le cœur, les angoisses de l'agonie se changent en
espérance, l'inévitable mort inspire moins de crainte
et d'horreur.
Voilà le spectacle admirable que donnent au monde
ces milliers de femmes, restées vierges par sacrifice et
devenues mères par l'adoption, qui se consacrent avec
U2 SALUS [NFIRMORDM
un dévouement si héroïque à soulager les innombra-
bles infirmités humaines même les plus rebutantes.
Or, qui les enflamme de cette piété compatissante?
Qui les soutient dans cette courageuse immolation
d'elles-mêmes? C'est Marie, qui. après leur avoir ins-
piré cette sublime vocation, pour prix d'une dévotion
précoce envers elle, leur révèle le secret d'être au che-
vet de la douleur, le soutien, la force, la consolation
des pauvres malades qui n'ont plus de mère. Eprises à
son école de l'excellence de la virginité, elles ont voulu
n'avoir d'autre Epoux que Jésus-Christ, à qui elles
voueraient dans ses membres souffrants toutes les
affections de leur cœur ; point d'autre famille que
les pauvres, les infirmes, les orphelins, tout ce qui
souffre .
Et ne pensez pas qu'aucun motif, soit de vaine gloire,
soit de cupidité, soit de jouissance humaine quelcon-
que, puisse être le mobile d'un dévouement si magna-
nime. En dehors du Christianisme, rien ne se trouve
de semblable. La foi seule peut rendre ainsi supérieures
à elles-mêmes ces vierges naturellement faibles et ti-
mides. Elles sont jalouses de ceindre la double cou-
ronne delà virginité et du martyre continuel. Elles
ont compris et veulent mériter ces consolantes paroles
du Sauveur: Venez, les béais de mon Père, posséder
le royaume qui vous esl préparé ; fax eu faim et
vous m'avez donne à manger ; j'ai eu soif, et vous
m'avez donne à boire ; fêtais nu, et vous m'avez
revêtu: j'étais dans les prisons, et vous m'avez
visité. C'est ainsi que Marie, remplacée près des ma-
lades par ces saintes filles qui leur prodiguait secours
et consolations, devient véritablement Salut des infir-
mes... C'est encore ;
II. Par les soulagements et guerisons réelles
SA LUS INFIRMORDM 143
qu'elle-même levr procure. — Secourir et soulager
semblent être un besoin pour son cœur maternel. N'a-
t-elle pas appris à compatir aux souffrances de la pau-
vre humanité, en voyant les affreuses tortures de son
cher Fils au chemin du Calvaire, et sur l'infâme gibet
qu'il arrosa de son sang ? Et puis, n'est-elle pas devenue
alors notre Mère? Et, si rien ne console les peines
d'un enfant comme les caresses d'une mère, qui aussi
sait mieux qu'elle prendre part à ses douleurs? La
voyez-vous cette mère dont le fils est malade? Clouée
à son chevet et la nuit et le jour, elle ne peut souffrir
auprès de lui d'autre main que la sienne ; les remèdes
qu'elle lui donne sont assaisonnés des plus tendres
paroles ; aucun dégoût ne la rebute ; rien ne lui est
une fatigue. Image bien imparfaite de ce que fait Marie
envers tous ceux que la douleur oppresse, qu'une in-
firmité accable.
Qui pourra jamais dire, en effet, avec quel amour
elle a toujours soulagé et souvent même guéri les
maux les plus invétérés, des maladies réputées incu-
rables ? Est-il un seul point du globe, où ne s'élèvent
de magnifiques sanctuaires construits en mémoire de
quelque faveur obtenue, et devenus célèbres ensuite
par des milliers d'autres guérisons dues à la confiance
que l'on venait déposer à ses pieds ? Partout, ses au-
tels, ses statues, le's murs sont chargés d'eoc voto,
attestant l'action de sa puissance. Qui n'a vu, ici des
lampes, des couronnes, des cœurs en or ou en argent,
et d'autres dons, offrandes d'une vive reconnaissance ;
là des marbres précieux, portant les noms de ceux
qui ont été miraleusement guéris, et de gracieuses
inscriptions que leur cœur a trouvées sans effort ; très
souvent encore, des trophées de béquilles ou autres
instruments, qui avaient aidé le malade à se traîner
li'l SALUS INF1HM0HUM
aux pieds de la Madone, et qu'après le miracle de sa
guérison, il a suspendus à l'autel de la Bienfaitrice?
Tous ces monuments sont là, pour apprendre à la pos-
térité qu'on ne l'invoque jamais sans la trouver Salut
des infirmes. (11)
Et combien de fois, dans ces épidémies qui répan-
daient la terreur et la mort, menaçant de dépeupler
les villes et les campagnes, n'a-t-on pas vu le fléau
meurtrier arrêter tout à coup ou modérer sa fureur,
vaincu par les neuvaines, les processions, les suppli-
cations publiques ! Et actuellement encore, dans ces
sanctuaires récents, que la confiance plus vive que ja-
mais élève de toute part à la Vierge immaculée (entre
autre à Séez), ne semble-t-elle pas prendre plaisir à
multiplier les miracles de sa puissance pour le soula-
gement de toute espèce d'infirmités? Chaque jour,
quelque trait nouveau vient nous en apporter l'irré-
fragable témoignage. Et combien d'autres guérisons
qu'un motif d'humilité, aussi louable que le sentiment
de la reconnaissance, laisse dans le secret ! A la vue
de tant de prodiges si souvent renouvelés et sous tou-
tes les formes, qui sont un mémorial vivant de sa ma-
ternelle bonté, ne dirait-on pas qu'elle a quitté le ciel
pour venir habiter la terre, et y devenir comme un
asile ouvert à tous les infirmes, qui sont sûrs d'y être
accueillis et secourus? ?se semble-t-il pas que Jésus,
en l'instituant notre Mère, lui ait légué le pouvoir
dont il a si souvent usé en faveur des pauvres mor-
tels ? Oui, du cœur de la Mère, comme autrefois de la
personne du Fils, sort une vertu secrète qui guérit
tous les maux. Par le recours à Marie, les aveugles
voient, les boiteux marchent, les sourds entendent,
les muets recouvrent la parole, les paralytiques l'u-
sage de leurs membres, les agonisants renaissent à la
SALUS ÏNF1RM0RUM • >
vie, Elle esl certes en droit de nous adresser ces -pa-
roles que saint Jean Damascène lui met dans la
bouche et qui résument tout ce que nous venons
d'exposer : «Je suis Celle qui soulage et guérit les
malades. »
Morale : Quel puissant motif, ajouté à tant d'autres,
de redoubler de confiance en cette tendre Mère, aussi
compatissante pour les maladies du corps que pour les
misères de l'àme ! Lorsque Dieu, toujours bon môme
quand il châtie, nous visite par l'infirmité, autant pour
mettre notre foi à l'épreuve que pour nous épurer par
la souffrance ; mieux serait, sans doute, de nous réjouir
dans nos infirmités, avec saint Paul, et de soupirer
après l'heureux moment qui doit nous unir à Jésus-
Christ ;• de penser et de dire, comme saint Louis de
Gonzague, au moment de la mort : « Ne faites rien pour
m'empècher de mourir, car je ne sais ce qui peut m'ar-
river, si je vis plus longtemps : » de faire généreuse-
ment, à l'exemple des martyrs, le sacrifice de notre
vie, par le désir de jouir plus tôt de la céleste béati-
tude. Cependant, puisque Dieu le permet, nous pou-
vons lui dire, comme les sœurs de Lazare : Cetai que
vous aimez est malade , ou avec le paralytique : Sei-
gneur, si vous le voulez, vous pouvez me guérir; ou
comme Jésus lui-même à son Père : Que ce calice
passe loin de moi !
Et, puisqu'il le veut encore, intéressons au. succès
de nos vœux Celle qu'il a établie Trèsorière de tous
ses dons, etconséquemment Salut des infirmes. Mais,
pour être plus sûrement exaucés, n'ayons en cette de-
mande que des intentions pures. Si nous souhaitons le
rétablissement de la santé, que ce soit pour avoir le
loisir d'amasser une plus ample moisson de mérites,
et d'avancer de plus en plus dans la vertu et la per-
i'ARAPHRASE. — T. II. Q
146 SALUS INFIRMORUM
fection . C'est principalement dans ces vues qu'il est
permis de désirer et de chercher la prolongation de son
existence. Car, la longueur de la vie doit se mesurer
non sur le nombre des jours, mais sur la quantité de
bonnes œuvres qui les auront remplis. Au jugement,
il sera demandé non pas combien d'années on aura
vécu, mais comment elles auront été employées : non
qicàm dlù, sed quàm ijenè. Et s'il plaît au Seigneur de
nous retirer des portes de la mort, en nous rendant la
santé, ne manquons pas d'en être plus dévoués à Marie
qui nous l'aura obtenue, et plus empressés à rendre
fructueux le temps qui nous est prolongé .
0 Marie, merveilleux Salut des infirmes, obtenez-
moi, vous dirai-je avec l'Eglise, Concède... perpétua
mentis et corporis sanitate gaudere.., la santé du
corps en même temps que celle de l'âme, afin que j'aug-
mente la somme de mes expiations et de mes mérites !
Pratique : Exercer en l'honneur de la sainte Vierge
les œuvres de miséricorde, comme d'assister les mala-
des, consoler les affligés, prier pour les pécheurs, et
autres actes de charité qui réjouissent singulièrement
le cœur de notre mère.
EXEMPLES.
GUERISOXS OBTENUES PAR MARIE.
Une pieuse mère, à son lit de mort, avait prié la
sainte Vierge de prendre sous sa protection sa toute
jeune fille jusqu'à l'âge de sept ans. Une de ses tantes,
touchée de compassion pour cette nièce délaissée, se
dévoue à remplir les intentions de la défunte. Lorsque
l'enfant fut arrivée à la septième année, sa tutrice lui
dit qu'elle n'avait plus de mère, puisque le temps du
vœuétail expiré. A L'instant même, la pauvre orphe-
line, comme autrefois la pieuse Thérèse, court à l'é-
SA LUS INFIRMORUM 147
glise, fondant en larmes ; et là prosternée devant l'au-
tel de Marie, elle la conjure de lui continuer sa bien-
veillante protection, dont elle a plus besoin que jamais.
Un prêtre qui l'observait, lui ayant demandé pourquoi
elle était là ; elle lui fit la confidence avec une grande
simplicité. Vivement touché de ces heureuses dispo-
sitions, il la félicite d'un si beau choix, et l'encourage
à persévérer au service de la sainte Vierge, l'assurant
que cela lui portera bonheur. En effet, bientôt atteinte
d'une maladie dangereuse contre laquelle tout l'art des
médecins restait impuissant, elle se fit porter presque
morte à l'autel de Marie, d'où, sans le secours de per-
sonne, et par un miracle frappant, elle put revenir chez
elle, pleine de force et de santé.
— Peu de temps après sa naissance, saint Jean Né-
pomucène tomba dangereusement malade. Ses parents
ay ant eu recours à la sainte Vierge obtinrent sa gué-
rison ; ce qui fut pour notre Saint un motif très pres-
sant d'honorer d'un culte tout spécial sa bienfaisante
Libératrice .
— Saint Jean Damascène, à qui les hérétiques avaient
coupé la main, fut guéri par une prière fervente adres-
sée à Marie ; seulement il lui resta, sans doute pour lui
faire souvenir qu'il ne devait jamais l'oublier, une ci-
catrice qui avait la forme d'un anneau couleur de sang.
ARTICLE SECOND.
Marie, Salut des infirmes, par la grâce d'une sainte
mort qu'elle leur procure.
Salât des infirmes, par les secours corporels qu'ils
reçoivent de ses fidèles servantes, et par les guérisons
que souvent sa médiation puissante leur obtient, Marie
est encore plus le Salut de l'âme en cette pénible et
dangereuse situation. Nous pourrions dire, d'abord
par la patience quelle suggère au malade, en réveillant
I 18 SALOS INFIRMORUM
les pensées de la foi au fond de son âme abattue, en
lui montrant Dieu qui voit toutes ses douleurs, qui
compte tous ses soupirs pour les recompenser, et lui
inspirant ainsi une résignation soumise, qui le porte à
tout accepter de la main de ce bon Père : les plaintes
alors se changent en louanges, et les douloureux ac-
cents font place à de joyeuses actions de grâces.
Mais, c'est principalement par la grâce d'une
sa bile mort que Marie devient le Salut des infirmes.
— C'est un moment terrible que celui des approches
de la mort. L'art de guérir se trouve impuissant :
les s )ins les plus empressés sont superflus : les larmes
inutiles ; l'heure du trépas a sonné : il faut mourir !. . .
II faut se séparer de sa maison, de ses biens, de ses
parents, de son corps : il faut dire adieu à tout ce que
l'on aime. Pour tous, quelle anxiété! un passé éva-
noui, un présent qui échappe, un avenir inconnu dans
lequel on va entrer seul. Mais, au point de vue chré-
tien, qu'il est effrayant ce passage du temps à l'éter-
nité î Alors, l'âme la plus juste est parfois assiégée
d'étranges frayeurs : la crainte d'échouer au port, la
cruelle incertitude si L'on est digne d'amour ou de
haine, les redoutables jugements de Dieu qui appro-
chent, la durée infinie de cette éternité qui s'ouvre
avec ses joies pures ou ses flammes dévorantes, quel
poids écrasant pour l'âme dont la foi n'est pas éteinte !
Ajoutez à tout cela les attaques du démon, qui re-
double de fureur et de ruses pour saisir au dernier
■« ge cette proie qui va lui échapper sans retour;
et il ne veut pas être seul ; il a appelé à son secours
toutes 1rs furies de Cenfer. qui, «lit Isaïe, assiègent
la maison du mourant^ se concertent et réunissent
leurs efforts pour le perdre.
Mais rassurez-vous, pieux serviteurs de Marie, qui
SALUS INFIRMORUM 149
vous êtes fait un bonheur et un devoir de conquérir
ses bonnes grâces par un culte constant et sincère.
Alors, vous n'aurez rien à redouter ; sa protection
aussi douce que puissante vous viendra en aide. L'ami
fidèle aime toujours, mais principalement au temps
de V affliction . Or, à qui mieux qu'à la divine Mère de
bonté conviennent ces belles paroles de nos saints
Livres ? Si, dans la crise de la mort surtout, un ami
ne délaisse point son ami, une mère son enfant, un
enfant ses parents bien -aimés, Marie, la plus douce
des amies, la plus tendre des mères, pourra-t-elle ne
l'être plus, alors que vous aurez plus besoin de son
secours ? Tant de fois, vous l'avez suppliée, emprun-
tant à l'Eglise cette invocation si touchante de saint
Augustin, de venir au secours des malheureux, suc-
curre miser is-\ d'aider les faibles, juva pusillanimes ;
de consoler ceux qui pleurent, refove flebiles. Eh !
Qui est plus misérable, plus faible que l'agonisant !
qui, plus que lui, a les yeux pleins de larmes ? Qui,
plus de combats à soutenir, contre le démon, contre
les douleurs du corps, contre les angoisses de l'âme ?
Chaque jour, vous l'avez invoquée pour le jour qui
devra être le dernier : Priez pour moi... à l'heure de
ma mort. Vous l'avez conjurée de vous assister au
moment de l'agonie : devez-vous craindre qu'elle
oublie vos droits et son devoir? Croyez bien, au con-
traire, qu'alors elle se trouvera pour consoler votre
dernière désolation, pour encourager vos derniers
combats, bénir vos derniers moments, vous adoucir
les horreurs du trépas et recevoir votre dernier soupir.
Partout où l'Evangile parle d'elle, il nous la montre
accomplissant un acte de charité. N'est-ce pas ce
qu'elle fit chez Elizabeth, aux noces de Cana, et sur
le Calvaire? J'ai nommé le Calvaire !. . . Ah ! c'est bien
150 SALUS IXFIRMORUM
là, qu'en assistant à la mort de son cher Fils, elle a
appris et commencé le ministère de présence protec-
trice au chevet des mourants. Et quand, ainsi qu'au
Calvaire, elle voit le moribond, l'œil éteint, les mem-
bres froids, la sueur de la mort sur le front, subissant
une agonie semblable à celle de son Jésus, un aussi
douloureux spectacle pourrait-il ne pas attendrir son
bon Cœur ? Comme au pied de la Croix, n'en doutez
pas, elle sera debout près de sa couche funèbre, de-
bout pour être plus prompte à le secourir. « Pendant
la vie, disait-elle à sainte Gertrude, je m'engage à
donner à mes serviteurs les grâces nécessaires ; mais
à la mort, je viens près d'eux en personne, et mon
regard fait faire les puissances infernales. » Ainsi
réalise- 1 -elle cette consolante parole qu'elle fit entendre
à saint Jean Damascène : « Jamais je n'abandonne à
cette heure suprême ceux qui m'ont honorée. » Enten-
dons maintenant le dévot saint Bernard : c< On a jamais
vu, dit-il, et jamais on ne verra qu'un vrai serviteur
de Marie fasse une mauvaise fin. » Et le Séraphique
saint Bonaventure : « Ceux qui l'invoquent, nous
assure-t-il, n'ont rien à craindre des ennemis de leur
âme ; et pour cela il ne faut pas de longues prières ;
son nom seul suffit, nom d'espérance et de vie, qui
soutiendra les mourants dans leurs angoisses, et les
fera triompher de toutes les attaques des esprits de
ténèbres. »
Ces faveurs sont, sans doute, de préférence pour les
justes ; mais délaissera-t-elle pour cela le pécheur ?
Tant de fois, elle l'a recherché dans ses égarements ;
tant de fois, elle a arrêté le bras de son Fils prêt à le
frapper ! Et le voilà immobile sur son lit de mort ; le
gouffre est béant, devant lui va s'ouvrir l'éternité;
tuut l'abandonne : ni les ressources de l'art, ni ses
SALUS INFIHMORUM 151
richesses, ni son crédit, ni les dignités, ni le dévoue-
ment de ses amis, ni les vœux de sa famille, ne peu-
vent prolonger sa vie d'un instant, bien moins encore
lui remettre ses péchés, lui fermer l'enfer, lui ouvrir
le ciel, lui rendre favorable le souverain Juge. Dans
cett suprême détresse, au milieu de cet abandon uni-
versel, le délaisserez-vous aussi, bonne Marie? Oh!
non : la divine Mère plaidera sa cause devant Celui qui
est venu non pour les justes, mais pour les pécheurs ;
elle en obtiendra pour cet infortuné des sentiments de
confiance et de repentir, elle le plongera dans la piscine,
et le présentera purifié au tribunal de Dieu qui lui sera
indulgent.
Que de pécheurs, en effet, ont dû leur salut à la mi-
séricordieuse Mère qui veillait sur leur agonie. Le
prêtre avait été repoussé, le crucifix méprisé, la sœur
de charité méconnue ; épouse, enfants, amis, n'avaient
rien pu obtenir de ce cœur de bronze ; un cri sata-
nique était sorti de sa poitrine ; il voulait mourir
comme il avait vécu. Mais tout à coup, quel change-
ment miraculeux ! Le voilà ému, ébranlé, attendri,
repentant ; son regard s'adoucit, ses yeux se mouillent
de larmes, il demande le prêtre, se recommande aux
prières des assistants, reçoit les Sacrements de
l'Eglise, et meurt avec le calme du juste. Comment
donc s'est opéré ce prodige de la grâce ? On a eu
recours à Marie, à Marie, la Mère de miséricorde, le
Refuge des pêcheurs, « l'aide des délaissés, l'espérance
de ceux qui n'en ont plus ; » et Marie fut le Salut de
cet infirme.
Morale : Qu'il est donc consolant de pouvoir espé-
rer une mort précieuse devant Dieu, pour prix d'une
tendre confiance en cette bonne Mère pendant la vie !
Qu'il sera doux à la dernière heure, d'avoir aimé,
152 SALIS INFIRMORUM
honoré, servi et surtout imité Marie, si libérale dans
ses faveurs, si magnifique dans ses récompenses !
Qu'ils paraîtront légers, alors, les liens qui nous
auront attachés à son service ! Comme nous nous ap-
plaudirons des sacrifices, des violences, de toutes les
ingénieuses pratiques que nous nous serons imposées
pour lui être agréables, nous assurer son amour et
mériter sa protection puissante, à ce moment qui va
nous ouvrir les portes de l'éternité ! Quel pressant
motif de nous ranimer dans cette dévotion, qui est le
gage assuré d'une sainte mort et du bonheur suprême
qui la suivra ! C'est maintenant qu'il faut nous ména-
ger cette précieuse ressource pour nos derniers jours .
Méritons qu'en passant près de notre tombe on puisse
dire : C'était un véritable serviteur, une pieuse ser-
vante de Marie, ce qui signifiera : Marie lui a procuré
une sainte mort : il est maintenant au ciel. — Dans
un cimetière de Paris, on voit un monument surmonté
d'une statue de la sainte Vierge tenant l'Enfant- Jésus
dans ses bras : au-dessous, se lisent ces admirables et
consolantes paroles : « Sous la protection de Jésus et
de Marie, on repose en paix. » C'est bien dire qu'avec
ces protecteurs, la mort a été sainte. Heureux sort !
qui ne l'envierait ? Qui ne s'efforcerait de le mériter ?
— Une pieuse carmélite, pénétrée d'amour pour Marie,
s'étonnait que le médecin, qui venait de lui annoncer
sa fin prochaine, ne demandât pas une forte récom-
pense pour lui avoir apporté, disait-elle, «une si bonne
nouvelle. » Tant la dévotion à la sainte Vierge inspire
alors de confiance !
0 Salut puissant des infirmes, obtenez-moi de vh re
dans votre service, pour mourir saintement dans vos
bras maternels !
Pratique : Ne point dire par routine. niai< avec
SA LUS INF1KM0RUM 153
intention, ces paroles quotidiennes : Priez pour moi.,
et à r heure de ma mort.
EXEMPLES
SAINTE MORT DUE A MARIE
Un pieux serviteur de Marie, calme et presque
impassible à cette heure effrayante qui fait trembler
les plus justes, semblait même ne plus prier, lui dont
toute la vie avait été une prière continuelle. Ses amis,
étonnés de cette tranquillité étrange, lui en deman-
dèrent la raison. « J'espère, répondit-il, en ma Mère
céleste ; si souvent, je lui ai recommandé l'heure de
mon trépas, que ce n'est plus à moi, mais à elle de
prier maintenant pour moi ; je me repose sur elle, et
cette confiance fait toute ma sécurité. » — Ainsi,
puissions-nous' un jour nous endormir en paix sur le
sein de Marie.
— Un homme, qui toute sa vie avait tendrement
aimé la sainte Vierge, étant tombé malade, se prépara
avec ferveur à rendre son âme à Dieu . C'était un ven-
dredi : se sentant plus faible, il prit entre les mains
son crucifix, et les yeux fixés au ciel, il attendait avec
confiance son dernier moment, car il avait demandé
souvent de mourir ce jour-là. Il comptait les heures
qui ne s'écoulaient pas assez vite au gré de ses désirs .
Vers les dix heures du soir, il dit en soupirant : « Ah !
ce ne sera donc pas encore pour aujourd'hui. » —
« Non, lui répondit son confesseur, mais ce sera pour
demain ; car un visiteur de Marie doit mourir un
samedi. » A minuit, il prend de nouveau son crucifix,
le presse contre son cœur, puis sur ses lèvres, atten-
dant le moment de sa mort. Une heure après : « Nous
nous en allons, dit-il, avec un sourire de bonheur
inexprimable, nous nous en allons. . . en paradis. » Le
loi SA LUS INF1RM0IU M
prêtre le voyant près d'expirer, ajouta : « Fils de
Marie, montez au ciel ! » Et le serviteur de la Vierge
exhala son dernier soupir dans le cœur immaculé de
sa divine Mère. — Ainsi meurent les vrais enfants de
Marie !
ARTICLE TROISIÈME.
Marie, avocate des âmes au jugement.
Mourir est une chose triste : ce n'est cependant pas
ce qu'il y a de plus lamentable dans notre fin ; l'agonie,
si cruelle qu'elle soit, est toujours courte ; la mort plus
encore est l'œuvre d'un moment. Mais ce qui doit ef-
frayer le plus, c'est le jugement sévère qui va fixer ir-
révocablement le sort pour l'une ou l'autre des deux
éternités. Qiiil est redoutable, en effet, de tomber
entre les mains du Dieu rivant, de comparaître seul
avec ses œuvres bonnes ou mauvaises, en présence
de Celui qui sonde les cœurs et les reins, qui juge les
justices mêmes ! Armé de sa science infaillible et de la
plus équitable justice, il fera voir alors, sans que l'on
puisse y opposer de réclamation, tous les péchés de la
vie : péchés de l'esprit et du cœur ; péchés intérieurs et
des sens ; péchés de paroles, d'actions et d'omissions ;
péchés secrets et publics ; péchés personnels, péchés
d'autrui. Il en montrera le commencement, les progrès
et la fin , il en comptera le nombre, en démêlera les
circonstances et les espèces, en recherchera les motifs,
en mesurera la durée, en calculera toutes les suites.
Quel effroi et quelle honte, quand se déroulera cette lon-
gue chaîne de fautes sur lesquelles on cherchait à s'é-
tourdir, voulant à peine les reconnaître? Le bien même
et Les vertus n'échapperont pas à la discussion sévère
du souverain Juge, qui doit peser au poids du sanctuaire
tions les plus saintes. Ah! quelle surprise atté-
rante, quand on verra peut-être le peu de valeur de ces
SALUS INFIRMORUM 155
œuvres et de ces vertus sur lesquelles on fondait quel-
que espoir. Mais devant un Juge aussi rigoureux ne se
présentera-t-il donc pas de défenseur ? Ici encore, ban-
nissez toute alaime, dévots serviteurs de Marie ! Tant
de fois vous Pavez priée sous le titre d'avocate, advo-
cata nostra ; elle se trouvera à cette heure suprême
pour plaider éloquemment votre cause, et vous conti-
nuer son ministère de miséricordieuse protection. Cette
inépuisable bonté de la sainte Vierge s'accorde trop
bien avec les instincts de son cœur, pour que nous de-
vions avoir à cet égard la moindre défiance. Néanmoins,
il nous sera agréable de voir cette consolante vérité
appuyée sur les raisons les plus solides et sur les té-
moignages les plus imposants des Pères et des Doc-
teurs de l'Eglise.
I. Nous venons de quitter le monde ; une famille
éplorée entourait notre lit de mort ; les fidèles amis
étaient à nos côtés ; le ministre de Jésus-Christ nous
prodiguait les consolations de la foi ; le viatique des
mourants avait réconforté notre âme ; et des prières
ferventes sollicitaient pour nous la grâce d'une heu-
reuse fin. A cette pieuse assistance s'était adjointe
Notre-Dame de la bonne mort ; car à l'heure décisive,
une mère n'abandonne pas son enfant ; sa sollicitude
habituelle, au contraire, s'accroît de l'urgence du péril
et des besoins. Et maintenant que sans amis, sans pa-
rents, sans le prêtre, nous allons comparaître au tribu-
nal de son Fils et entrer dans les régions de l'éternité,
Marie, la plus dévouée des mères, nous laisserait seuls,
dénués de tout appui, de toute défense, au moment où
nous en avons le plus besoin ! Ah ! gardons-nous de
l'outrager par une telle défiance de sa tendresse ! Ce
serait nous rendre indignes de la ressentir alors. En-
fants de Marie, apprenons à mieux connaître notre Mère.
150 SA LUS INTIHMORUM
Et ne fut-elle pas assidue près de son Fils à toutes
les heures pénibles ? Hérode en veut à ses jours : elle
s'enfuit en Egypte, le portant dans ses bras : à la - ar-
tie du temple, son absence momentanée lui cause les
plus cruelles inquiétudes : il commence ses courses
èvangéliques : elle est à la suite avec les saintes femmes :
l'heure est venue de boire le calice de sa passion ; son
dévouement de Mère se montre encore plus empressé ;
elle l'accompagne gravissant la montagne du sacrifice,
elle assiste à son agonie, reçoit son dernier soupir et
enfin son corps inanimé, qu'elle embaume et dépose
dans le sépulcre où se prépare la résurrection. Son
amour maternel ne s'arrête que quand tout est con-
sommé. C'est de la même assistance qu'elle vous en-
toura dans toutes les circonstances de votre vie : elle
s'est trouvée présente à votre entrée clans le monde, et
vous adopta pour enfant au sortir de la piscine sacrée ;
elle vous ouvrit de son égide tutélaire, et vous con-
duisit comme par la main dans toutes les péripéties de
votre pèlerinage : elle se trouva au chevet de votre
couche pour vous obtenir une sainte mort. Ah ! ne crai-
gnez point que là se termine son ministère de protec-
tion : elle ne peut le laisser incomplet : mais, vous pre-
nant dans ses bras, elle vous portera sur les marches
du trône de son Fils, pour consommer, par un jugement
qu'elle vous rendra favorable, l'œuvre de votre salut.
II. Sur ce point consolant, les Pères et les Docteurs
de l'Eglise n'ont qu'une voix. « Cette Mère compatis-
sante, écrivait saint Jérôme à la Vierge Pulchérie, non
contente de vous avoir assistée à la dernière heure,
viendra a la rencontre de votre — « elle L'em-
portera dans le- plis de sa robe, dit mgénieusemenl
saim Liguori, el la présentera elle-même au redoutable
tribunal de sou Fils, afin qu'il lui ><»it propio
SA LUS INFIRMOMJM 157
(( Pourra-t-il nous être sévère, dit Richard de saint
Laurent, lorsque cette Mère, qui est aussi la nôtre,
tiendra en main les pièces du procès et plaidera élo-
quemment notre cause ? C'est une avocate si prudente,
si habile et si puissante, que son Fils ne saurait con-
damner les coupables dont elle entreprend la défense.»
— « Mère du criminel et Mère du Juge tout à la fois,
dit aussi saint Bernard, elle ne souffrira pas qu'il y ait
de la discorde entre ces deux frères et mettra tout en
œuvre pour les concilier. » Devant les tribunaux de la
terre, l'accusé est plein de confiance, lorsqu'il a pour
défenseur un homme que son caractère et ses talents
rendent recommandable, il compte sur la puissance de
sa parole, sur l'autorité de son nom , sur le prestige de
ses vertus, il espère. Mais, si c'était la mère de son
juge qui voulût bien prendre sa défense, aurait-il la
moindre inquiétude sur le gain de sa cause ? Qu'avons-
nous donc à craindre du jugement que portera le plus
miséricordieux des fils en présence de la plus aimée des
mères ? C'est pourquoi saint Jean Chrysostôme ne craint
pas d'avancer, « que Marie sauve par sa miséricorde,
ceux à qui son Fils en rigueur de justice ne peut pas
faire grâce . » Ne vous semble-t-il pas voir une espèce
de combat entre le Dieu qui veut frapper et Marie qui
arrête les coups, entre le Fils qui voudrait perdre et la
Mère qui veut sauver ? et c'est la Mère qui triomphe.
« Je me la figure, dit aussi le pieux Thomas à Kempis,
s' adressant ainsi à Jésus : 0 mon Fils, je vous en con-
jure par votre amour pour moi, ayez pitié de l'àme de
votre serviteur ! Vous le savez, vous l'avez vu, il m'a
consacré son cœur et ses louanges. Combien souvent,
les anges ne sont-ils pas venus m apporter la dévote et
joyeuse Salutation recueillie sur ses lèvres ! Que de fois
il a médité sur nos douleurs ei nef ro amour ! Souvenez-
158 SALUS INFIRMOHUM
vous donc aujourd'hui de son dévouement, et souffrez
qu'il trouve miséricorde devant votre face î » et une
telle prière pourrait essuyer un refus ! Non ! ce sont des
prières de mère, c'est-à-dire les plus puissantes, les
plus irrésistibles. — a Qui me dira que je ne trouverai
pas mon Juge favorable, s'écriait à son tour saint Bo-
naventure, si j'ai pour moi la Mère de miséricorde ?
J'ai espéré en vous, ô Marie, et je ne serai point con-
fondu.)) Et, dans l'excès de sa joie, il ajoute : « O bonté
admirable de notre Dieu, qui n'a pas voulu que la sen-
tence que nous avons encourue nous effrayât, et qui
nous a donné pour avocate sa Mère elle-même î »
David allait passer au fil de l'épée Nabal et tous
ceux de sa maison, si Abigaïl ne se fût interposée en
faveur des coupables. — Que disait Esther au roi
Assuérus ? Si j'ai trouvé grâce à vos yeux, ô prince,
accordez-moi le salut de mon peuple. Et ces deux
avocates furent puissantes ; car elles sauvèrent la vie
de ceux qu'elles défendaient. « Mais Marie, dit encore
saint Bernard, est plus qu' Abigaïl, plus quEsther ;
elle est mère, elle demande à son Fils la vie d'une
àme qui lui est si chère, et cette âme lui est don-
née.» Voici, à l'appui de cette vérité., un trait charmant,
que rapportent saint Antonin et saintLiguori. Un grand
pécheur se crut comparaissant au tribunal de Dieu.
Le démon présentait contre lui l'inventaire détaillé de
tous ses péchés, qui dans la balance se trouvèrent
peser beaucoup plus que ses bonnes œuvres. Marie,
qu'il n'avait point oubliée dans ses désordres, était là ;
et avançant sa douce main, elle la plaça sur l'autre
bassin de la balance qu'elle lit ainsi pencher en faveur
de son client. Peut-on mieux exprimer sa puissante
influence sur le jugement que va prononcer son Fils ?
— Sainte Brigitte fut aussi favorisée de cette conso-
SALUS INFIRMORUM 150
lante révélation. Un de ses fils, bien dévoué à la sainte
Vierge, venait de périr dans un combat, ce qui met-
tait sa mère dans la plus vive anxiété sur son sort
éternel. Marie, prenant pitié de cette mère si sainte-
ment désolée, lui fit connaître qu'elle avait assisté son
fils mourant, qu'elle l'avait protégé devant son Juge,
qu'il était au nombre des bienheureux. — 0 bonne
Mère ! c'est bien avec raison qu'un de vos serviteurs a
dit : « Si Marie est pour nous, qui sera contre nous ? »
Morale : Elle doit donc nous établir dans une grande
sécurité contre les rigueurs du jugement, cette puis-
sante intervention de la sainte Vierge, qui alors
prendra vivement notre défense. Néanmoins, en nous
reposant sur elle, faisons dès maintenant de notre
côté tout ce qui peut nous rendre ce jugement moins
formidable et moins sévère. Un moyen des plus effi-
caces, c'est, selon le conseil du Sage, de préparer nos
comptes avant de les présenter à notre Juge ; c'est
comme le dit saint Paul, de prévenir le jugement de
Dieu en nous jugeant nous-mêmes, pour y paraître,
ainsi que le recommande saint Bernard, tout jugés et
non pas comme un homme à juger : Volo judicatus
prcesentari, non judicandus. Au lieu donc d'être si
habiles à excuser nos défauts, à nous pardonner nos
fautes, à trouver des prétextes pour justifier nos omis-
sions, notre vie peu chrétienne, devenons plus soi-
gneux et plus sévères à peser toutes nos pensées, nos
paroles et nos œuvres dans la balance de Dieu : con-
frontons-les avec son infinie sainteté ; voyons de tout
près s'il peut avoir pour agréables l'intention qui nous
dirige, le motif qui nous anime, les efforts de notre
volonté, le degré de perfection que nous avons atteint ;
assurons-nous bien que son œil perçant n'y découvre
rien qui puisse lui déplaire. C'est par cette pratique
160 SALIS INFIRMORUM
éminemment utile, que les saints se préparaient à pa-
raître avec moins d'alarmes an tribunal de Dieu.
Un autre moyen également salutaire, c'est avant
chacune de nos actions, de nous rappeler qu'elle sera
présentée an jugement, pour y devenir un titre à la
récompense ou au châtiment, selon son degré de malice
ou débouté. Qui oserait jamais se portera un acte
mauvais sous les yeux d'un juge de la terre, qui a en
main le pouvoir de l'en punir? Mais la pensée du
Juge suprême et infaillible devant qui nous compa-
raîtrons un jour, rendu sensible à notre esprit par la
foi, ne sera-t-elle pas un frein beaucoup plus fort sur
la pente du mal, dans la violence de la tentation, dans
l'entraînement de l'occasion? Et pourra-t-on ne pas
mettre toute la perfection possible à des œuvres qui
doivent être pesées au poids du sanctuaire ? Car, au
souvenir du jugement de Dieu se rattache nécessaire-
ment la pensée de sa science éclairée qui connaît tout,
de sa justice souverainement équitable à laquelle rien
ne peut être opposé, de la sévérité de la sentence que
nulle puissance ne peut adoucir, et qui va fixer irré-
vocablement le sort pour des siècles sans fin. Or. est-
il rien au monde qui puisse dès maintenant impres-
sionner l'âme, la détourner du mal et la porter à toute
espèce de bien, comme cet ensemble de circonstances
dont se composera la scène qui termine le temps et
commence l'éternité? Il est donc éminemment sage ce
conseil de l'Esprit-Saint : Souvenez-vous de vos fuis
dernières, pour ne point pécher ; conseil si bien re-
produit par les vers suivants :
Mortel, quoiqu'il i bas tu veuilles entreprendre,
ge a ce compte exa<t qu'un jour il on faut rendit'.
Et mets devant tes yeux celte dernière tin.
Qui fera ton mauvais mu ton heureux destin.
le avec quel front tu pourras comparaître,
Devanl le tribunal de ton souverain Maître,
SALDS INFIHMORUM 161
Devant ce juste Juge à qui rien n'est caché,
Qui jusque dans ton cœur sait lire ton péché,
Qu'aucun don n'éblouit, qu'aucune erreur n'abuse,
Que ne surprend jamais l'adresse d'une excuse,
Qui rend justice à tous, et pèse au même poids,
Ce que font les bergers et ce que font les rois.
(Pierre Corneille).
0 Marie! quand viendra le terrible jour du juge-
ment, où notre vie sera sévèrement examinée, inter-
cédez auprès de votre Fils afin que notre partage soit
d'être avec les saints. (In tremendo Dei judicio.)...
Pratique : Se demander, avant de s'endormir, si
Ton est en état de paraître au jugement.
EXEMPLES
VIVES CRAINTES DU JUGEMENT
Job lui-même, cet homme juste, tremblait au seul
souvenir du jugement . Que deviendrais-je, s'écriait-il,
quand Dieu se lèvera pour me juger*. Que lai répon-
dfai-je quand il m'aura examiné et convaincu? Et
cette pensée le pénétrait de la plies vive crainte pour
toutes ses actions. Hélas! se disait-il encore, en me
croyant innocent, je serai trouvé criminel.
— On sait ce qu'avait fait saint Paul pour gagner
des âmes à Jésus-Christ. Les peines et les persécu-
tions en tout genre ne lui manquèrent pas : ses veilles
et ses travaux avaient été continuels, ses succès im-
menses. Cependant, ce vase d'élection, cet homme
tout divin frémit en pensant au jugement de Dieu. Il
craint, qu'après a voir prêché aux autres, Une soit mis
au nombre des réprouvés ; parce que, dit-il, Celui
qui do// me juger est un Dieu dont les regards per-
çants voient tout, et pourrait découvrir les iniquités
là où les yeux des hommes n'aperçoivent que des
vertus.
— Jérôme, après une vie entièrement consumée à
162 REFUGIUM PECCATORUM
la défense de l'Eglise et à la conduite des âmes, mal-
gré les plus, sanglantes austérités dans la solitude,
peut à peine se rassurer contre les terreurs que lui
inspire ce véritable jugement. Il en a continuellement
l'image devant les yeux, et croit entendre à chaque
instant le son effrayant delà trompette qui l'y appelle.
— Saint Hilarion, retiré au désert dès l'âge de quinze
ans, en avait passé soixante dans la plus rigoureuse
pénitence . Toute sa nourriture consistait dans un peu
de pain d'orge et quelques herbes. Son lit ne se com-
posait que de roseaux étendus par terre. Néanmoins,
aux approches de la mort, il est saisi de frayeur, à la
pensée du jugement qu'il va subir. Sa vive crainte
n'était un peu tempérée que par la confiance en Jésus-
Christ et en sa sainte Mère.
— Cette même appréhension pénétrait tellement le
grand Augustin, qu'il ne cessait de demander à son
peuple le suffrage de ses prières. Et dans les derniers
jours de sa vie, il voulut qu'on plaçât autour de son
lit les plus touchants versets des psaumes de la Péni-
tence, afin de s'exciter davantage à la componction du
cœur, avant de paraître devant son juge. « Malheur
à la vie, même la plus pure, s'écriait-il, si vous l'exa-
minez sans miséricorde, ô mon Dieu. »
CHAPITRE XXXVII
REFUGE DES PÉCHEURS
Nos maladies les plus dangereuses ne sont pas celles
qui crucifient nos membres, et ne peuvent après tout
nous ravir qu'une passagère et misérable vie, mais
celles qui atteignent nos âmes immortelles, et nous
mènent par la honte el le remords à l'éternité malheu-
REFUGIUM PECCATOHUM 163
reuse. Ces maladies, ce sont nos passions ; les plaies,
ce sont nos péchés ; maladies terribles, plaies profondes
et très difficiles à guérir. Dieu, néanmoins, dans sa mi-
séricordieuse bonté, y a préparé un remède ; c'est la
toute-puissante entremise de Marie. Si le ciel s'ouvrait,
que nous serions ravis de reconnaître, sous leurs vête-
ments de gloire, des phalanges de saints dont la vie
n'avait été d'abord qu'une longue succession de crimes
et de désordres, mais à qui la divine Mère a obtenu la
grâce du repentir et du pardon, vérifiant ainsi le titre
si doux de Refuge des pécheurs ! Oui, sa miséricorde
autant que sa puissance à les tirer de leur malheureux
état, sont un fait authentique, et qui intéresse au plus
haut degré toutes les classes de chrétiens. Le juste lui-
même ne péche-t-il pas sept fois par jour? Et qui sait
jamais s'il est digne d'amour ou de haine ? Il sera donc
bien consolant de voir les raisons qui justifient ce titre
de Marie. Ce sont:
I . La ressemblance admirable entre son cœur et le
cœur de Jésus ;
II. La mission de miséricorde qu'il lui donna du haut
de la Croix ;
III. Sa qualité de Mère reçue alors, et l'état mal-
heureux du pécheur ;
IV. Le témoignage unanime des saints Pères et
Docteurs de l'Eglise, qui sera complété par quelques
allégories.
ARTICLE PREMIER
I. Marie doit aimer les pêcheurs , à cause de la
parfaite conformité de ses affections avec celles de
Jésus. — Marie, n'en doutons point, partage les dis-
positions de son cher Fils ; jamais deux cœurs ne furent
plus ressemblants. Or, le caractère distinctif de Jésus-
Christ fut la bonté et la miséricorde envers les pécheurs,
164 REFUGIfM PECCATORUM
objet spécial de sa venue sur la terre. Avant de leur en
donner la preuve la plus significative par le sacrifice de
sa vie sur le gibet de la Croix, avec quelle bonté, en
mille circonstances, ne les a-t-il pas accueillis ! Ainsi,
le publicain lui crie avec confiance : Ayez pitié
de moi qui suis un pécheur; et Jésus le justifie à
l'instant même. — Madeleine, cette grande coupable,
verse à ses pieds une larme de repentir ; et tout de
suite, elle entend de la bouche même du Sauveur, que
ses péchés sont remis, parce quelle a beaucoup
aimé. — On lui amène une femme surprise en adultère,
et il trouve le secret de ne point la condamner, sans
encourir le reproche d'une clémence trop indulgente. —
Le bon larron lui demande sa gloire ; et il lui en donne
l'assurance par ces précieuses paroles : Vous serez
aujourd'hui avec moi enparadis. Et. pour nous ren-
dre plus sensible encore son immense charité envers
les pécheurs, il se peint sous différentes images ; tan-
tôt, d'un père inconsolable de l'absence de son enfant,
et faisant éclater de toutes manières la joie que lui
cause son retour ; tantôt, d'un pasteur qui laisse là les
quatre-vingt-dix-neuf brebis restées fidèles, pour cou-
rir après celle qui s'est égarée, et qui, loin de la mal-
traiter, la rapporte sur ses épaules pour lui épargner
la fatigue du voyage ; tantôt, de cette femme qui ayant
perdu une drachme, bouleverse toute la maison, ne se
donne de repos que quand elle l'a retrouvée, et convo-
que toutes ses voisines pour prendre part à son bon-
heur . Images assurément très imparfaites de l'affliction
• le Jésus sur Féloignement du pécheur, de son empres-
sement à le rechercher, de sa joie à le recevoir, de sa
charité à dissimuler et à ouvrir ses uffenses.
Eh bien ! tel fut le Fils, telle fut la Mère, cor Filii,
cor Mariœ. Eli..- aussi aime les pécheurs, qod sans
RKFUGIUU PECC\TOKtJM 165 ,
doute d'un amour de prédilection, que, comme son
Fils, elle réserve pour les justes; mais de cet amour
de compassion, qui la porte à s'attendrir sur leurs mi-
sères et leurs besoins, plus qu'elle n'est sensible à leurs
outrages. Ainsi que Jésus qui ne demandait qu'à
déployer sa puissance et sa bonté, témoin Lazare qu'il
rend aux lamentations de ses sœurs ; le fils de Natin
et la fille de Jair pour lesquels il se laisse toucher par
les prières et les larmes de leurs mères, Marie aussi,
pénétrée de la plus tendre commisération pour ses en-
fants, met son bonheur à leur en donner des preuves.
— Il est rapporté par saint Liguori qu'un pécheur
pleurant aux pieds d'une statue de la Vierge, vit cette
tendre Mère offrir ses larmes à Jésus, en lui disant :
« Mon Fils, ces larmes seront-elles perdues ? « Et Jésus
répondit qu'il pardonnait.
IL Marie doit aimer 'les pécheurs, en vertu de
la mission de miséricorde qu'elle a reçue du haut
de la Croix.— Quelques instants encore, et Jésus aura
consommé l'œuvre de la rédemption. Mais, qui va-t-il
charger, à ce moment suprême, de veiller à ce qu'au-
cun fruit ne soit perdu de ce sacrifice si douloureuse-
ment consommé ? Les apôtres se sont enfuis, un seul
excepté : son dévouement autant que son amour de la
virginité lui mériteraient, sans doute, l'honneur d'ou-
vrir la voie du pardon au repentir ; mais le Sauveur a
d'autres pensées. Pour compatir aux plus profondes
des misères, celles où conduit le péché, il faut un
cœur tout pétri, tout composé de mansuétude et de
charité ; il faut un cœur de mère. Jésus va donc en
créer une, véritablement digne de ce nom : ce sera îa
sienne, ce sera Marie ! Femme, lui dit-il, en nous dé-
signant dans la personne de saint Jean, voici vos en-
fants désormais ; dilatez vos entrailles, bonne Mère,
166 REFUGÏUM PECCATORUM
pour y recevoir cette nouvelle et nombreuse famille :
Eh ! Seigneur, aurait-elle pu dire, à quels enfants me
forcez-vous d'ouvrir mon sein ! Celui-ci est un impie ;
celui-là un libertin ; cet autre un blasphémateur ; voilà
encore tant d'endurcis ! Mais non ; ni plaintes ne s'é-
lèvent dans son cœur, ni réclamations ne s'échappent
de ses lèvres. C'est ainsi que, en vertu d'une sorte de
contrat formulé par la bouche de l'Homnie-Dieu mou-
rant, et accepté par le cœur de Marie présente, elle
devint la Mère, et par là même le Refuge obligé de
tous les pécheurs, qui composent la majeure partie de
la famille. L'avez-vous entendu, frères infortunés ? De
par la volonté formelle d'un Dieu, vous avez place au
cœur de la plus aimante des mères. Ce qui vous Pas-
sure encore, c'est que,
III. Vous êtes, pêcheurs, malheureux, et qa'Elle
est votre Mère . — Est-il donc bien vrai que les en-
nemis de Dieu, les plus vils des êtres, inspirent un si
tendre intérêt à la sainte Vierge; que Celle qui fut
toujours sans tache, daigne abaisser ses regards si
purs sur des monceaux d'iniquités ? Comment Marie,
cette beauté céleste, toute rayonnante de sainteté,
peut-elle éprouver quelque attrait pour un malheu-
reux, tout dégoûtant de plaies honteuses et gangre-
nées ? Voici le mot de ce mystère. Rien n'égale son
horreur pour le péché ; il fait un si prodigieux con-
traste avec son innocence ! Et c'est précisément pour
cela qu'elle voudrait voir disparues ces abominables
souillures. Pouvons-nous donc douter qu'elle en ins-
pire le repentir, quelle l'accueille et le présente à son
Fils avec l'autorité de sa prière, qui obtiendra sûre-
ment la grâce du pardon? Pourrait-elle, d'ailleurs, ne
pas observer elle-même dans toute sa perfection ce
J*écepte de sublime charité, qu'elle a mille fois en
REFUGIUM PECCATORUM 167
tendu : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux
qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous per-
sécutent. Or, les pécheurs sont ses ennemis, comme
ils sont les ennemis de son Fils ; elle doit donc les ai-
mer.
Et aussi parce qu'ils sont malheureux. La raison
nous dit que tout être hors de la loi souffre et gémit.
Or, un cœur coupable s'est soustrait à la loi essen-
tielle, qui est Dieu ; et il n'est point heureux. La foi
dit, à son tour, qu'il n'y a point de paix pour Vimpie.
L'expérience que dit-elle ? Les coupables avouent eux-
mêmes que le chemin de l'iniquité, qui paraissait semé
de roses, s'est trouvé hérissé d'épines : les pécheurs
sont donc des êtres malheureux. Eh bien ! qui leur
portera plus d'intérêt ? Qui aura pour eux plus de
remèdes pour leurs maux, que la Femme de douleurs,
dont l'existence ne fut qu'une succession de peines et
d'angoisses ? Elle peut bien dire, comme cette infortu-
née reine de l'antiquité : « Mes propres souffrances
m'ont rendue sensible à celles d'autrui. » Son sein
maternel, si cruellement déchiré, sera donc un asile
ouvert à toutes les infirmités spirituelles : et qui a
plus de droit d'y être admis, que les plus malades, les
pécheurs conséquemment ?
Elle est Mère, ne l'oublions pas ! Or, pour lequel de
ses enfants une mère a-t-elle plus de tendresse, plus
de soins compatissants et empressés ? N'est-ce-pas
pour celui qui de sa faute ou non est souffrant, malade
ou disgracié de la nature? Fut-il vicieux, elle oublie
qu'il est méchant, pour ne voir en lui qu'un être mal-
heureux et d'autant plus digne de pitié. Quelle est la
mère qui, voyant son fils atteint d'une blessure mor-
telle et accourant pour trouver auprès d'elle un prompt
secours, irait s'irriter contre lui, et ne s'empresserait
1()S REFUGIUM PECfiATORl M
pas plutôl de lui prodiguer ses -oins, avec d'autant
plus de dévouement et d'adresse que ses plaies sonl
plus profondes? Ainsi, pécheurs, l'excès de vos maux,
loin de rebuter Marie, ne lui apparaîtra en vous qu'un
div.it de pi us à sa miséricorde. Qu'elle voie une larme
couler de vos yeux, la confiance et le repentir agiter
votre cœur, plus vite encore elle s'occupera d'obtenir
votre pardon, et si le retour d'un seul pécheur cause
tant de joie parmi les anges, quelle doit être celle de
la Reine du ciel, et que ne fera-t-elle pas pour jouir
le plus souvent possible de ce bonheur !
Elle est Mère ! Or, quelle est la fonction principale
de la maternité ? C'est de donner l'existence. Mais
quelle vie peut donner la Vierge ? Ce ne peut être que
la vie spirituelle. Et à qui ? N'est-ce pas à ceux chez
lesquels le péché l'a éteinte ? Venez donc, pécheurs,
en toute assurance, venez renaître dans les entrailles
vivifiantes de votre Mère.
Mais en devenant leur Mère, elle n'a pas cessé d'être
la Mère de Jésus-Christ. Elle est donc à la fois Mère
d'enfants pécheurs, et d'un Fils qui n'a jamais péché ;
mère de ces frères fratricides qui n'osent plus lever les
yeux vers Celui qu'ils ont outragé et mis à mort. Or,
qui apaisera les inimitiés divisant des frères ? Qui re-
nouera les liens brisés entre les membres d'une même
famille ? N'est-ce pas la mère ? Marie, en vertu de ce
titre qu'elle a accepté pour en remplir toute l'étendue,
est doue la plénipotentiaire, la fondée de pouvoirs pour
opérer cette réconciliation. Oui, des hauteurs de sa
gloire, elle descendra dans l'abîme où gémit le pé-
cheur, lui inspirera le regret et l'aveu de son crime,
et retournera près de Jésus pour conclure avec lui le
traite de paix.
Morale : Quel pressant motif de confiance, pour
REFOGIUil PECCATORPM 169
vous, infortunés pécheurs ! Si enfonces que vous soyez
dans les profondeurs du crime, dans la fange des vices ;
enssiez-vous amassé sur vos têtes des montagnes d'ini-
quités ; fussent-elles rouges comme 1 ecarlate, multi-
pliées comme les grains de sable qui couvrent le bord
de la mer ; gardez-vous de pousser le cri satanique de
Caïn : Mon pèche est trop grand pour que fen ob-
tienne le pardon. Non, non! tout n'est pas désespéré.
N'avez-vous pas en la très sainte Vierge une Mère,
dont la miséricorde surpasse vos iniquités de beaucoup
plus encore que le ciel n'est au-dessus de la terre ? Par
les larmes d'une sincère pénitence, qu'elle présentera
à son Fils, et par l'application de ses mérites, votre
àme peut redevenir blanche comme la neige : ouvrez
donc votre cœur à l'espérance. Quand on s'est oublié
jusqu'à injurier, offenser une personne, on ne peut se
défendre d'une vive crainte de paraître devant elle,
fût-ce même pour lui en témoigner son repentir, à
plus forte raison pour lui demander grâce ; et comme
alors on serait allégé, si un ami commun venait offrir
sa médiation entre l'offenseur et l'offense ! Mais, si la
mère elle-même daigne interposer en faveur du cou-
pable la puissance de son crédit auprès d'un fils plein
de tendresse pour elle, quel doux espoir et quelle joie
renaissent au fond de l'àme ? Pauvres pécheurs ! voilà
pourtant ce qu'est pour vous la Vierge débonnaire
auprès d'un Fils dont vous avez méconnu l'amour et
méprisé la souveraine majesté. Ah ! fussiez -vous mille
fois plus coupables, prenez courage. Si jusque-là, lors
même que vous ne pensiez plus à l'invoquer, elle
a été, croyez-le bien, un paratonnerre invisible
contre la divine justice, doutez-vous qu'elle de-
vienne aujourd'hui votre grand Propitiatoire et vo-
tre inviolable refuge? N'oubliez pas que, si Jésus est
PARAPHRASE. — T. H. 10
170 REFUGIUM PECCATORUM
le bon Pasteur, Marie est la divine Bergère, et que ni
l'un ni l'autre n'a jamais refusé de rapporter sur ses
épaules la brebis égarée.
Allez donc, enfant prodigue, couvert des haillons
du péché, pâle et défait par le vice et la misère, allez
vous jeter à ses pieds, elle vous ménagera la rentrée
dans la maison paternelle, vous rétablira dans tous
vos droits et dans l'amitié de votre Père céleste.
Voilà, ô sainte Vierge Marie, ce que nous osons bien
promettre aux pécheurs de votre part, assurés que
nous sommes de votre fidélité à l'accomplir. Puissions-
nous l'éprouver tous, à quelque degré que nous soyons
coupables. Ange de notre pardon, vous serez l'objet
ici-bas de notre reconnaissance la plus vive, et au ciel
de nos éternelles louanges .
Maxime : Ne jamais désespérer à la vue de ses pé-
chés : sainte Catherine de Sienne assure que Dieu est
plus offensé du désespoir du pécheur que de tous ses
autres crimes. C'est à la confiance que Jésus-Christ
accordait ses faveurs.
EXEMPLES
LE BON LARRON
En preuve de la bonté de Marie pour "les pauvres
pécheurs , nous pourrions apporter , presque sans
choix, tous les traits qui abondent dans les écrits com-
posés en son honneur . Car, c'est envers les pécheurs
surtout que de tout temps elle s'est plu à faire éclater
la force de son crédit et l'étendue de sa clémence. Nous
allons citer le premier des actes où elle l'a montré.
Aux côtés de Jésus mourant, deux criminels subis-
saient la juste peine de leurs forfaits ; peut-être même
avaient-ils mêlés leurs blasphèmes à ceux de la popu-
lace déicide ! Tout à coup, l'un d'eux, touché, atten-
REFUGIUM PECCATOKUM 171
dri, reconnaît le Crucifié pour le fils de Dieu, avoue
humblement ses crimes et les déplore ; il se livre à la
confiance et demande miséricorde. Sa douleur est ac-
ceptée, et il reçoit de la bouche même de Jésus l'assu-
rance que le ciel lui est ouvert. D'où vient que ce n'est
qu'à ce dernier moment que le larron se rend justice
et ouvre son cœur au repentir? Ah! c'est peut-être
que jusque-là il n'avait rencontré personne qui s'inté-
ressât à demander et obtenir la grâce de sa conversion.
Mais au pied de la Croix, se trouvait la sainte Vierge,
qui venait d'être proclamée la mère des humains . Est-
ce trop présumer de son bon cœur, de lui attribuer une
large part dans un changement aussi subit? Les sou-
pirs de ce coupable, passant par elle, arrivèrent de sa
toute-puissante médiation jusqu'à Jésus, qui voulut de
suite, par un acte solennel, justifier son titre de Re-
fuge des pécheurs : d'un brigand elle en fait un con-
fesseur et un martyr. Saint Pierre Damien et saint
Liguori ne craignent pas d'affirmer que c'est à ses
prières que le bon larron dut sa conversion et son sa-
lut : Vlrgo pro latrone preces effudit, primusque
extitit peccator quisanctissimœ Mariœ rogala resi-
puit (P . Dam . ) .
— Un jour Marie apparut à sainte Gertrude avec
son manteau entr'ouvert , sous lequel s'était réfugiée
une troupe de bêtes féroces, lions, tigres, etc... et non-
seulement la Vierge ne les repoussait pas, mais elle
les accueillait, leur souriait, et leur prodiquait les
caresses les plus tendres avec une grande commiséra-
tion . La Sainte reconnut dans cette vision une image
sensible de sa bonté pour les pécheurs les plus coupa-
bles, quand ils vont avec confiance se réfugier dans ses
bras.
172 HEFLGIUM PECCATORUM
ARTICLE SECOND
Témoignages des saints Pères ; — Ingénieuses allégo-
ries en faveur de cette consolante vérité
Ce fut chez les anciens une généreuse pensée d'ou-
vrir aux criminels un asile qui s'appelait lieu de
refuge, où la vengeance de leurs ennemis, et même le
glaive de la justice ne pouvait les atteindre : ces lieux
protecteurs défendaient le faible contre le fort, l'inno-
cent contre le méchant, l'opprimé contre son oppres-
seur , l'immense population des esclaves contre les
cruautés des maîtres inhumains. Là encore, l'accusé
ne pouvant être recherché ni puni, jouissait du temps
nécessaire pour justifier son innocence, ou intéresser
les juges en sa faveur.
Sous la loi de Moïse, Israël aussi était doté de ces
asiles, où les coupables s'abritaient contre la sévérité
de la justice. Tous les chemins qui y conduisaient
devaient être aplanis et désignés par des poteaux, afin
que l'accès en fût plus facile et plus sûr.
Ce n'était là qu'une bien pale image de ce que nous
possédons sous la loi de grâce. La miséricorde divine
a ménagé, chez le peuple chrétien, un lieu de refuge,
où les pécheurs sont assurés de trouver le plus bien-
veillant accueil et la sécurité : c'est le cœur de Marie.
Nous avons déjà vu à combien de titres ils lui sont
chers. Mais c'est là une vérité qui répand dans le
cœur coupable un si doux baume d'espérance, qu'elle
ne saurait y être gravée trop profondément. Voyons
donc d'abord les témoignages si imposants des saints
Pères et des Docteurs qui l'établissent : ensuite quel-
ques ingénieuses ai. la mettront dans son plein
jour.
I. Merveille» v accord dessalais Pères el des Doc-
teurs à pro lamer la clémence de Marie envers les
REFUGIUM PECCATORUM 173
pécheurs. — Qu'il nous serait agréable de dérouler
devant vous dans toute leur étendue, ces pages tou-
chantes écrites par tout ce que l'Eglise compte d'il-
lustrations parmi les Pères et les Docteurs, qui, après
la sainte Ecriture , sont les oracles de la doctrine
catholique ! Vous y verriez en quels termes magni-
fiques ils exaltent comme à l'envi une des plus déli-
cieuses fonctions de la Vierge, celle d'être la douce
réconciliatrice des pécheurs. Vous entendriez saint
Léon enseigner, « que le trône de Marie s élève sur
la miséricorde, où plutôt qu'elle est elle-même toute
miséricorde et toute charité ; » — saint Augustin la
proclamer « l'espérance de ceux qui n'en ont plus; » —
saint Ephrem l'appeler « la puissante ressource de
tous les pécheurs, le port assuré de ceux qui ont fait
naufrage ; » — • le vénérable Pierre de Blois vous dire
c< qu'elle est la joie de ceux qui ne connaissent point
le bonheur ici-bas ; que lorsqu'elle n'est plus le para-
dis de l'innocence, elle est toujours l'asile du repen-
tir;»— saint Anselme nous assurer, « que sa très
indulgente miséricorde n'a jamais méprisé aucun
suppliant, quelque grand pécheur qu'il fût ; que, s'il
appartient à Jésus-Christ, comme Juge, de punir, il
appartient à Marie, comme avocate et comme mère,
d'avoir toujours compassion du pécheur. « Il aimait à
répéter souvent que, s'il avait déjà un pied dans l'en-
fer, la main maternelle de Marie viendrait l'en arra-
cher au premier de ses cris ; à plus forte raison
empêchera-t-elle d'y tomber. — Saint Bonaventure
semble enchérir encore, lorsqu'il dit non plus seule-
ment qu'elle est le refuge des pécheurs, mais qu'elle
les adopte, et demande grâce pour eux. «0 Marie,
s'écrie-t-il ensuite, le pécheur, fût-il devenu le rebut
du monde entier, ne vous fait point horreur ; mais vous
174 RBFUGIUM PECCATORUM
l'accueillez avec bonté, et ne le quittez point que vous
ne l'ayez réconcilié avec son redoutable Juge. Elle
était grande, dit-il encore, la miséricorde de Marie
pendant son exil sur la terre ; mais maintenant qu'elle
est au ciel, sa miséricorde a pris les proportions de sa
gloire ; elle est d'autant plus étendue, que les innom-
brables maux des hommes lui sont plus à découvert.»
Et il exhorte avec zèle les pécheurs à pousser vers
elle au moins un soupir du fond de leur misère. — Il
est dit que le Seigneur a les yeux fio:és sur les justes ,
« mais, ajoute un autre saint Docteur, ceux de la
Vierge sont fixés sur les pécheurs comme sur les
justes ; car les yeux de Marie sont des yeux de mère ;
et une mère veille sur son enfant, non-seulement pour
qu'il ne tombe pas, mais pour le relever dès qu'il est
tombé. » — Ecoutons encore sur cette douce vérité
saint Thomas, nous disant de concert avec le pieux
Gerson, « que Dieu semble avoir fait deux parts de
son empire, donnant à Marie le sceptre de la miséri-
corde, et réservant à son Fils seul, le redoutable
glaive de la justice et de la vengeance. » Nous nous
arrêtons, car il y aurait à transcrire sans fin de sem-
blables passages.
Cependant nous ne pouvons priver votre piété des
suaves paroles du dévot saint Bernard, cet admirable
zélateur des gloires et des miséricordes de la divine
Mère. « Pauvres pécheurs de la terre, s'écrie-t-il,
nous avons envoyé devant vous une avocate au ciel,
une mère de miséricorde, la Mère de notre Juge, qui
traitera merveilleusement la cause de notre salut ! Là,
elle n'est occupée que de nos besoins pour les soula-
ger, de nos peines pour les consoler, de nos misères
pour y remédier, de nos péchés pour en obtenir le
pardon. Elle est, dit-il ailleurs, l'échelle des pécheurs
HEFUGIUM PKCCATOHUM 175
et l'unique source de mon espoir. » D'où il conclut que
« nul, si criminel qu'il soit, ne peut périr, si Marie lui
prête l'appui de sa protection.» Après cet harmonieux
concert de voix si éloquentes à exalter la clémence de
Marie, pourrait-il nous en rester l'ombre même d'un
doute ? Mais,
II. Quelques allégories du plus vif intérêt vont
achever de nous en convaincre, et comme nous le
faire toucher au doigt. — Une femme de Thécua s'é-
tant présentée à David, lui demandait instamment sa
protection, après lui avoir exposé ainsi le sujet de sa
douleur, f avais deux fils, dit-elle ; en se querellant
ensemble, l'un deux frappa et tua son frère. V indi-
gnation publique est à son comble, et Von me dit de
toutes parts : il faut que tu nous livres ton fils cou-
pable, et que le sang qu'il a répandu soit vengé par sa
mort. Mais pourrais-je jamais, moi sa mère, me
priver de mon second fils ? Ne suîs-je pas assez mal-
heureuse d'avoir perdu le premier? 0 roi, ayez pitié
d'une mère désolée et ne permettez pas qu'on lui
ravisse l'unique enfant qui lui reste. Attendri par une
demande aussi raisonnable, David dit à cette femme de
retourner dans sa maison, avec l'assurance qu'on
ne l'inquiétera plus et que pas un seul cheveu ne
tombera delà tête de son enfant. — Ici il n'y a que
les noms à changer, et nous aurons l'histoire de Marie.
Oui, voilà ce qu'elle fait pour les pécheurs. Elle va
trouver le Seigneur et lui dit : J'avais deux fils, mon
Jésus et l'homme que j'adoptai sur le Calvaire. Cet
enfant a crucifié de nouveau mon Jésus ; son crime
mérite la mort ; mais pourriez-vous, Seigneur, me
priver encore de mon second Fils, après que j'ai déjà
perdu le premier ? Et Dieu, touché de sa prière, sauve
le pécheur.
176 REFCG1UM PECCATORUM
Nous voyons, dans une hymne liturgique, Marie dé-
signée sous le nom de fenêtre du ciel : fenestra cœli
fixcta est. Laissez-moi vous expliquer, par une com-
paraison toute simple, le sens qui me parait caché
sous cette gracieuse image. Un père de famille, cruel-
lement affligé des désordres de son fils, a essayé de
tous les moyens pour les arrêter. Insensible à toutes
les défenses, il continue, selon son habitude, de ne
rentrer que fort avant dans la nuit. Un jour, le père,
poussé à bout, ferme solidement la porte et se retire.
Mais la mère, dont le cœur se refuse à tant de dureté,
et ne voulant pas, néanmoins, contrarier directement
les volontés du père, va entr'ouvrir une fenêtre que
son enfant puisse apercevoir pour rentrer au foyer. Voilà
les mères ; voilà Marie merveilleusement ingénieuse à
ménager au pécheur, même le plus indigne, le secret
de revenir à la maison paternelle.
L'histoire raconte qu'un prince, justement irrité de
la révolte d'un de ses sujets, avait résolu d'en tirer
une vengeance éclatante. Le crime était certain, les
preuves inattaquables et rigoureusement concluantes.
Que fera ce malheureux, écrasé sous le poids de sa
culpabilité? Inutilement chercherait-il à se justifier.
Mais il lui vient en pensée d'aller trouver la mère du
prince ; il la supplie avec larmes d'interposer la puis-
sance de son autorité maternelle auprès de son fils.
Croyez-vous que cette mère ait pu s'y refuser, et le fils
résister à la prière de sa mère ? Cela n'est point dans
les lois de la nature. Autant par condescendance que
par respect, le prince lui accorde l;i grâce de son
client. Voilà, pécheurs, le rùle de charité que Marie
remplira près de Jésus, et ce qu'elle obtiendra, aus-
sitôt que vous l'en prierez .
Alexandre-le-Grand ayant reçu d'Anjtipater une
UEFUGIUM PECGATORUM 477
longue lettre qui chargeait gravement Olympias, sa
mère, ne répondit que ces mots : « Antipater ne sait
donc pas qu'une seule larme de ma mère effacerait
toute une liste d'accusations ? » De même, une larme,
un mot de Marie à Jésus abolira tous les crimes qui
formeraient contre le pécheur la plus atterrante des
accusations .
Morale : Pécheurs qui m'entendez, peut-être avez-
vous fatigué le ciel et la terre par le nombre et Ténor-
mité de vos attentats ; peut-être que votre vie, tissue
de crimes et d'infidélités, vous jette, sinon dans le
désespoir, du moins dans une grande défiance de la
divine miséricorde ? Comment échapper, dites-vous, à
la colère d'un Dieu que tant de fois j'ai irrité ? Me re-
cevra-t-il, Celui qui souvent m'a appelé, et dont je
n'ai pas écouté. la voix? Après avoir lassé sa patience
et ses poursuites, puis-je espérer le retrouver encore ?
Si je regarde le ciel, j'y vois non plus un Père tendre
et miséricordieux, mais un Dieu armé de sa justice et
de sa colère. Si j'abaisse mes yeux sur la Croix, ce
signe consolateur de notre rédemption, j'entends le sang
que j'ai profané crier vengeance contre moi . La terre
avec ses bienfaits, dont Dieu l'a rendue prodigue pour
l'homme, m'accuse d'ingratitude envers un si généreux
bienfaiteur. Nos temples avec leurs autels, leurs tri-
bunaux de paix, source abondante de consolations pour
le juste, ajoutent à mes frayeurs.
De quel côté donc apparaîtra quelque lueur d'espé-
rance ! Où trouver un asile contre le courroux du ciel ?
Rassurez-vous, bien-aimé frère. Un accès facile vous
est toujours ouvert près de Marie, cette bonne et ten-
dre Mère à tous . Ne la voyez- vous pas qui vous tend
les bras et vous invite à vous y jeter avec confiance,
afin qu'elle vous présente à son Fils qui ne peut la re-
178 REFUGIUM PECCATORIM
pousser? Vos égarements, sans doute, ont contristé
son cœur ; mais enfin, nous vous l'avons dit, vous n'en
êtes que plus digne de sa pitié. Ah ! pourriez- vous res-
ter insensible à tant de bonté ; toujours enchaîné dans
les liens d'un dur esclavage, tandis que de sa main
puissante elle peut les briser ; toujours sur le bord de
l'abîme, ayant près de vous celle qui peut vous en éloi-
gner ? Marie, ainsi que Jésus, peut bien se comparer à
la poule-mère, qui veut rassembler ses petits sous ses
ailes ; mais si un jour elle était forcée de vous dire le
terrible et nolnisti, tu n'as pas voulu, ce serait le
sceau d'une réprobation irréparable ! ... Ah ! tandis qu'il
est encore temps, à l'aide de sa divine protection, met-
tez-vous en sûreté contre un si grand malheur.
Oui, le voilà, ô tendre Mère, cet infortuné pécheur
qui, profondément touché de votre miséricorde, dont il
ne connaissait guère la vaste étendue, vient la saisir
comme une planche de salut, pour sortir de l'abime de
ses iniquités, et retourner au Dieu qui l'appelle. Vous
lui viendrez en aide, et son pardon est assuré.
Pratique : Malgré tout l'espoir qu'on peut fonder
sur la sainte Vierge, ne point différer sa conversion : si
le pardon est promis au repentir, le lendemain n'est
point assuré au pécheur.
EXEMPLES
LE PRÊTRE BERNARD ET LES CRIMINELS
Au commencement du 17e siècle, vivait à Paris un
saint prêtre, nommé le prêtre Bernard, et surnommé
le pauvre prêtre et le père des pauvres. Son emploi
habituel était d'instruire les prisonniers, de travailler
à leur conversion, et d'accompagner les criminels au
moment de la mort. Un jour, entre autres, il en con-
duisait un dont l'obstination avait résisté à toutes les
HEFUGIUM PECCATOI\UM 179
industries de sa charité, et qui à ses crimes ajoutait
les plus horribles blasphèmes. Le P. Bernard, qui
jamais ne désespérait, monte avec lui sur l'échafaud,
lui dit de ces choses capables de vaincre les plus en-
durcis à ce moment suprême de paraître devant Dieu ;
il veut même l'embrasser. Mais pour toute réponse, il
en reçoit un coup de pied qui le précipite sur le pavé.
Tous les spectateurs jettent un cri d'épouvante et
d'horreur : Bernard seul n'est point déconcerté.
Quoique blessé grièvement, il se relève, se met à ge-
noux, et réclame l'assistance de Marie par sa prière
accoutumée, le Memorare. La prière n'était pas ter-
minée que ce criminel fond en larmes, demande à se
confesser, et subit sa peine dans les sentiments les plus
chrétiens.
Une autre fois, Bernard avait affaire à un scélérat
condamné à être rompu vif, et bien résolu à mourir
dans son péché. Le saint prêtre avait employé tous les
moyens pour vaincre un tel endurcissement, sans pou-
voir rien obtenir. Dans cette extrémité, il recourt à la
très sainte Vierge, qu'il n'invoquait jamais en vain, il
la prie pour ce malheureux et veut le faire prier lui-
même, en lui présentant sa prière chérie, le Souvenez-
vous, mais plusieurs tentatives ne rencontrent que la
même obstination. Eh bien ! s'écrie le digne prêtre, dans
le zèle qui le transporte, puisque tu ne veux pas la
réciter, tu la mangeras ; et il s'efforce de la faire entrer
dans sa bouche. Le coupable, pour ne plus être impor-
tuné, et ne pouvant guère se défendre consent enfin à
la réciter ; il se met à genoux, et dit avec le saint prê-
tre: Souvenez-vous... 0 prodige! à peine a-t-il pro-
noncé les premiers mots, qu'il est complètement changé ;
les larmes coulent de ses yeux, il éclate en gémisse-
ments et en sanglots. Tout transporté de joie le P.
180 CONSOLATRIX AFFLICTORDM
Bernard l'embrasse en disant : Heureux frère, n'en
doutez pas. c'est à la Sainte Vierge que vous devez cette
conversion ! Il se confesse : mais la vue de ses crimes
et d'une si prodigieuse miséricorde le saisit tellement,
qu'après quelques minutes il expire au pied de son saint
confesseur, échappant ainsi, par la protection de Marie,
au supplice éternel qui le menaçait.
CHAPITRE XXXVIII.
CONSOLATRICE DES AFFLIGES
« Le déluge des eaux. ditBossuet. n'est venu qu'une
fois, celui des afflictions est perpétuel, il inonde toute
la vie. dès le berceau. » Les peines, les douleurs sont
la destinée inévitable et le cortège habituel de l'homme
ici-bas. La terre fut toujours et toujours elle sera comme
une vaste arène, où l'on est aux prises avec la souffrance ;
et le courage faillirait bien vite, si l'on y était seul.
L'arbre isolé dans les plaines du désert est plus en pé-
ril : la tempête peut le déraciner, le soleil dessécher le sol
ou brûler son feuillage. Mais dans la forêt, les arbres
rapprochés se protègent mutuellement. Dès l'origine des
choses, le Créateur, ne trouvant pas bon que V homme
fût seul, lui donna une aide semblable à lui. Et
nous aussi, sur cette même terre, si justement nommée
vrillée de larmes, nous ne sommes pas seuls. Ou-
tre le Père des miséricordes, qui s'appelle en même
temps leDieu de toute consolation, nous soutenant par
l'espoir d'un poids immense de gloire, en échange de
peines passagères, nous avons encore dans Marie une
douce Consolatrice, non moins bonne pour compatira
nos maux, qu'elle est puissante pour en adoucir l'amer-
tume et même nous en délivrer. La main qui berça le
CONSOLAÎRIX AFFLIGTOHUM 1*1
sommeil de l'Enfant-Dieu était destinée à endormir
toutes les douleurs, à soulager toute espèce de misères.
On ne pourrait dire quelles sont les plus poignantes
des peines morales ou des peines spirituelles ; mais
pour les unes comme pour les autres on trouve la sou-
veraine Consolatrice. Surnom aimable, touchant mi-
nistère, que nous allons méditer avec délices, et dont
l'annonce seule a déjà réjoui les cœurs désolés.
ARTICLE PREMIER.
Comment Marie sait consoler dans les peines morales.
Ayant subi elle-même tous les genres d'épreuves qui
rendent l'existence ici-bas si amère, elle connaît toutes
les angoisses qui peuvent déchirer le cœur ; et quel-
que peine que nous ayons à lui confier, elle peut nous
dire : Console-toi, mon enfant, j'ai passé par cette voie.
Et si, selon saint Ambroise, « la louer est doux à la
bouche,, si l'aimer est suave au cœur, si se la rappe-
ler est délicieux à la mémoire, c'est surtout dans
l'infortune qu'il fait bon goûter cette spirituelle jouis-
sance, qui ne manque jamais à l'enfant de Marie.
Une première peine, bien fréquente, qui fait au cœur
une plaie profonde et longtemps saignante, c'est la
mort, prématurée surtout, d'une personne chère, d'un
époux, d'une épouse qui rendaient l'existence si heu-
reuse, d'un père, d'une mère si utiles, d'un frère, d'une
sœur, dont l'affection mutuelle doublait les joies de
famille, d'un enfant qui donnait les plus riantes espé-
rances, et sur lequel on comptait comme soutien de
vieillesse. Marie aussi fut éprouvée par des priva-
tions de ce genre. Au printemps de ses jours, elle se
vit orpheline par la mort de saint Joachim, son père,
et bientôt après d'Anne, sa mère, enlevés trop tôt à sa
légitime tendresse. La jeune enfant eut le cœur brisé
PARAPHRASE. — T. II. H
182 CONSOLATAIX AFFLICTORUM
de cette première peine, qui était le prélude de tant
d'autres, et comme son apprentissage de la douleur ;
l'infortune lui arrivait sur le seuil de l'adolescence ;
mais elle ne recula point à l'entrée de la voie.
Un autre deuil lui était réservé, non moins navrant
pour son cœur, ce fut la mort de Joseph, cet époux si
chastement aimé ; ce qui la condamna à toutes les tris-
tesses du veuvage. Mais, résignée aux volontés du ciel,
toujours prête à tous les sacrifices, Marie se courba
dans un humble silence sous la main qui la frappait, en
lui retirant un protecteur , un ami dévoué, qui avait
partagé ses joies et ses douleurs, et l'avait constam-
ment entourée de son respect, de son amour, de ses
soins empressés. Jésus lui restait ; sa main adorée
était encore là pour essuyer ses larmes. Mais bientôt,
l'isolement et la solitude vont se faire autour d'elle ; en
vain elle cherchera son époux et son Fils, leurs places
sont vides au foyer désert : cruelle séparation, dont
l'angoisse fut complétée, lorsqu'elle reçut au pied de
la Croix le dernier soupir de son Jésus, et ensuite dans
ses bras son corps froid et défiguré ! Ce fut bien alors
que le glaive de la douleur transperça son àme de
Mère. Néanmoins, tant d'épreuves si rudes la trou-
vèrent toujours calme, toujours aussi résignée.
Morale : Quel est celui d'entre nous, pour peu qu'il
ait vécu, dont le cœur n'ait été brisé par la perte de
quelque personne chère ? Est -il une demeure, où l'im-
pitoyable mort n'ait pas fait ses victimes précoces ? 0
vous qu'elle aurait frappés d'un de ces coups inatten-
dus qui sont d'autant plus sensibles, jetez les yeux sur
Marie qui a passé par le sentier de ces mêmes délais-
sements : n'est-ce pas déjà une délicieuse consolation
d'avoir avec elle ce trait de ressemblance ? Mais d'ail-
leurs, comme son divin Fils qui le promettait à ses
CONSOLA TRIX AFFLICTORUM 183
apôtres, avant de les quitter, elle non plus ne veut point
vous laisser orphelins. Du haut du ciel, où sa gloire,
loin de détruire en elle la nature, l'ennoblit et la per-
fectionne, elle vous adresse cette maternelle et conso-
lante invitation : Venez à moi, vous tous qui êtes sous
le poids des afflictions et des angoisses, et je verserai
dans vos cœurs le baume de mes consolations. « Elle
est, dit Chateaubriand, la Divinité des malheureux, —
la mère des abandonnés, dit saint Bonaventure, — leur
appui, ajoute saint Ephrem ; et mille fois elle s'est plu
à vérifier ses beaux titres, — Saint Pierre Damien, en-
core à la mamelle, fut délaissé par une cruelle marâtre.
Mais, en récompense de sa future dévotion, la sollici-
tude de Marie suscita une femme étrangère qui, s'étant
revêtue de la tendresse d'une véritable mère, en prit le
même soin que de son propre enfant. — Saint Bernar-
din de Sienne, ayant perdu sa mère dès l'âge de trois
ans et son père peu de temps après, une de ses tantes,
qui aimait bien Marie, le recueillit chez elle, et l'éleva
dans l'amour de cette bonne Vierge, à laquelle il resta
si dévoué. — Qui ne sait comme elle servit aussi de Mère
à la pieuse Thérèse, qui orpheline à douze ans était
venue se jeter entre ses bras? On en dit autant de saint
Louis qui, après la mort de la vertueuse Blanche, pria
Marie de la remplacer et n'eut qu'à s'applaudir de ce
choix. La sainte Vierge lui vint en aide dans toutes les
conjectures critiques où il se trouva. — Mères chrétien-
nes, s'il arrivait que la mort menaçât de vous ravir à des
enfants encore jeunes, vous ne pouvez, à l'exemple de
tant d'autres, les remettre en de meilleures mains que
celles de Marie ; et vous mourrez tranquilles, pleines
de confiance qu'ils ne seront point orphelins !
Une autre affliction, aussi humiliante que pénible
pour la nature, c'est de se trouver aux prises avec toutes
184 CONSOLATRIX AFFUCTORCM
les privations et les angoisses de la pauvreté : sans res.
source et sans crédit pour fournir aux premières né-
cessités de la vie : n'ayant quelquefois pas même où
s'abriter, ni de quoi satisfaire la faim de petits enfants,
moins avantageusement traités que le passereau à qui
la Providence prépare sa pâture. Eh bien! alors que
l'existence est si amère , quelles consolations forti-
fiantes ne puise-t-on pas dans le souvenir de Marie à
Nazareth, ne possédant qu'une chétive maison, et obli-
gée de pourvoir aux besoins de la famille par son assi-
duité à façonner la laine et le lin, en même temps que
Joseph et le divin enfant gagnaient par un travail quo-
tidien le pain nécessaire à la vie ! Et à Bethléem déjà,
ne rencontrant point d'asile même chez ses parents,
méconnue et rebutée partout, n'avait-elle pas été ré-
duite à se réfugier en la compagnie des animaux, dans
une êtable en ruine, et dénuée de toute ressource, ne
pouvant donner au Dieu naissant d'autre lit que la
paille . d'autre berceau qu'une froide et misérable
crèche? Cependant, combien elle fut alors encore,
admirable de patience et de résignation !
Morale : Pourriez-vous ne pas la partager, vous
tous que la pauvreté accable de ses rigueurs, mais qui
êtes heureux de ressembler en ce point à Marie et à
Jésus lui-même, qui n'avait pas où reposer sa tète, qui
vécut souvent du pain de l'aumône, et dont l'exemple
a rendu l'indigence si honorable? Qu'il vous siérait
mal de vous abandonner au murmure, en vous voyant
traités comme ces deux véritables modèles des élus :
Beati pauperes. . .
Il est une autre peine bien navrante aussi pour le
cœur, c'est de se sentir l'objet d'odieux soupçons, de
voir ses intentions les plus pures mal interprétées, sa
réputation malignement déchirée par les traits de la
CONSOLATKIX AFFLICTORUM 185
médisance et de la calomnie. Or, sur cette voie de tri-
bulations, on trouve encore Marie pour Consolatrice.
Joseph s'étant aperçu de son état, et ne pouvant se
l'expliquer dans une si vertueuse épouse, fut très pro-
fondément affligé. Mais, ne voulant point la diffamer,
il pensait à la quitter secrètement; et, malgré son in-
nocence, elle se voyait sur le point d'être accusée d'un
crime que la loi punissait de mort. Quelle cruelle si-
tuation pour la Vierge ! Cependant, elle garde le si-
lence, elle s'humilie, elle repose en Dieu toute sa con-
fiance, et attend que lui-même prenne la défense de
son honneur.
Morale : Ainsi faut-il nous résigner, à son exemple,
quand nous sommes attaqués dans ce que nous avons
de plus cher, notre réputation. Armons-nous de pa-
tience et de courage ; laissons au temps notre justifica-
tion. Tôt ou tard, la Providence saura ménager quel-
que incident qui mettra en plein jour notre innocence.
En attendant, n'avons-nous pas deux témoins éclairés
de nos actions, Dieu et notre conscience? « Pourquoi,
dit le pieux auteur de l'Imitation, nous inquiéter du
jugement des hommes ; que nous font leurs vaines
pensées ? Ils ne voient tout au plus que le dehors, leur
œil ne pénètre pas au fond de l'âme, là où sont cachés
le bien et le mal. Quand on a fait ce qui dépendait de
soi pour ne point scandaliser ses frères, la conscience
doit être tranquille. Qu'on dise de vous tout ce que
peut inventer la plus noire malice, laissez- le passer
comme la paille que le vent emporte ; en perdrez-vous
un seul cheveu ! Et puis, n'oubliez pas cette maxime
si consolante du divin Maître : Heureux ceux qui
souffrent persécution pour la justice0. » — D'ail-
leurs, la médisance et la calomnie sont de ces maux
qu'inutilement on voudrait guérir, il faut savoir ne pas
186 CONSOLATRIX AFFLICTORUM
trop s'en affecter, si l'on veut conserver la tranquillité
du cœur. Imitons en cela ce Sage qui, apprenant qu'on
parlait mal de lui, disait : c< Si ce qu'on dit de moi est
vrai, pourquoi m'en fâcher? cela servira à me corri-
ger. Si, non ; ce que l'on dit ne me regarde point. »
Nous n'avons pu signaler que les peines les plus
ordinaires ; il en est encore une, cependant, que nous
ne pouvons ometlre. Quelquefois, l'avenir paraît bien
sombre ; on se croit menacé de malheurs dont on ne
peut préciser aucun ; c'est une cruelle anxiété compo-
sée de toutes les appréhensions réunies. Alors la mé-
lancolie, la tristesse viennent saisir le cœur, l'étreindre
dans leur bras de fer ; et la crainte de ces maux éven-
tuels , qu'on est ingénieux à se grossir , rend plus
malheureux qu'on ne le sera de leur réalité. Dieu, qui
voulait nous donner en Marie un modèle pour toutes
les circonstances, ne lui épargna pas ce genre d'épreu-
ves. Lorsqu'elle vint au temple présenter au Très Haut
son cher Fils, accomplissant pour elle-même la loi de
la Purification, quelle parole atterrante pour son cœur
que cette prédiction du saint vieillard Siméon : II sera
en butte à toute sorte de contradictions ; et an
glaive de douleur percera votre âme. Cependant,
vous retrouvez , ô Vierge sainte , votre résignation
habituelle ; vous acceptez d'avance tout ce qu'il plaira
au Seigneur de vous envoj-er.
Morale : Ici encore, elle est votre modèle et votre
Consolatrice^ ô vous qui prévoyez dans l'avenir plu-
tôt des peines que des jouissances : son exemple ne
doit-il pas relever votre courage ? Mais d'ailleurs, à
quoi bon vous affliger de maux qui n'arri veront peut-
êl iv pas 7 « Y penser pour les détourner, c'est sagesse ;
mais pour s'en tourmenter, c'est folie. » Que revient-il
de ces soins conçus d'avance, sinon un poids de tris-
C0NS0LATR1X AFFLICTORUM 187
tesse fort inutile ? A chaque jour suffit sa peine :
pourquoi tant s'inquiéter du lendemain ?
0 Marie, puisque votre éminente sainteté ne vous a
pas mise à l'abri de la mauvaise fortune et des cha-
grins, ce précieux souvenir, en de semblables conjec-
tures , versera sur mon cœur déchiré le baume des
plus douces consolations .
Pratique : Un prince avait fait graver pour armoi-
rie sur son bouclier une autruche avec cette inscrip-
tion : « Elle digère les choses les plus dures. » Telle
doit être, dans l'affliction, la devise d'un enfant de Ma-
rie, d'un disciple de Jésus-Christ.
EXEMPLES
LA PRINCESSE MATHILDE
C'est dans toute espèce de dangers , comme dans
l'affliction , que l'on trouve Marie toujours prête à
assister.
Une princesse anglaise, nommée Mathilde, fut sur-
prise en mer par un orage effroyable. Les flots se
soulevaient et se chargeaient d'écume ; les mâts du
vaisseau s'inclinaient sur les vagues comme les joncs
que la brise ploie en passant ; une nuit profonde déro-
bait à la vue les eaux et le ciel ; tout annonçait une
furieuse tempête. Mathilde était sur le tillac, le visage
pâle, mais ferme. « Ayez bon courage, dit-elle aux
matelots déconcertés, Notre Dame est aussi bonne que
puissante, elle nous sauvera certainement ; que l'un de
vous se mette en vigie ; et sitôt qu'il apercevra la terre ,
je chanterai un hymne à la Vierge de Bon-secours, et
je fais vœu de bâtir une chapelle sur le rivage ou nous
aborderons. » La princesse avait à peine prononcé son
vœu, que les signes de la tempête disparurent, les
vagues soulevées s'aplanirent, le vent changea et fit
188 CONSOLA TRIX AFFLICTORUM
voler le vaisseau vers les côtes de la Normandie. Tout
à coup le pilote de s'écrier: Cante. reyne!... Vechi
terre. . . « Chantez, reine ! voici la terre. » Et la reine
entonna d'une voix douce et pénétrée un cantique de la
Vierge, que tous les matelots répétèrent joyeusement,
les mains jointes et la tète nue. Le vaisseau, en effet,
ne tarda pas à aborder dans la petite baie de Norman-
die. Le premier soin de la princesse fut de désigner
l'emplacement de la chapelle dont elle voulut, avant
de s'éloigner, poser elle-même la première pierre.
ARTICLE SECOND.
Marie, Consolatrice dans les afflictions spirituelles
« Notre bonheur ici-bas , dit encore Bossuet , se
compose de tant de pièces, qu'il est bien rare qu'au-
cune d'elles ne fasse défaut. » Ce n'est qu'au ciel qu'il
se trouve complet : inutilement le chercherait-on en
ce monde . Trop semblable au papillon volage que l'en-
fant poursuit dans la prairie, il nous échappe au mo-
ment où nous croyons le saisir. Les causes de chagrin
sont si nombreuses, qu'il y a plus souvent à pleurer
qu'à se réjouir.
Nous ne sommes pas, néanmoins, sans quelques
adoucissements à nos peines : un des principaux se
trouve dans la dévotion à Marie. Elle nous a apparu
une douce Consolatrice dans les afflictions morales ;
voyons-la maintenant aussi riche en consolations dans
les afflictions spirituelles. Les justes eux-mêmes y
sont sujets, et plus encore que les pécheurs ; mais,
pour les uns comme pour les autres, le souvenir de
Marie et son secours viennent répandre sur le cœur
ulcéré le baume délicieux de l'espérance et des plus
suaves consolations.
I. Marie Consolatrice des justes.— Quoique Notre-
CONSOLATRIX AFFLICTORUM 189
Seigneur nous assure que son joug est léger et que
l'âme y trouve son repos, il est peu de chrétiens qui
soient entièrement exempts d'angoisses et d'inquiétu-
des : les satisfactions delà vertu ne sont pas toujours
sans mélange d'amertumes, il y a de ces moments, où
le cœur est tellement oppressé de tristesse, que l'on
serait tenté de s'écrier, comme un grand personnage :
« Il faut vivre, que cela est pénible ! » Tel est parfois"
l'excès d'accablement même pour le plus juste: il ne
peut se défendre des plus vives alarmes sur l'état de
son àme, sur la grande affaire de sa sanctification.
Tantôt, ses infidélités si souvent renouvelées le font
douter du pardon et désespérer de son amendement ;
sa confiance l'abandonne. Tantôt, le peu de profit des
grâces, la vue de ses actions si imparfaites le mettent
sous le pressoir de la crainte ; il s'effraie en pensant à
la sévérité du jugement, il n'ose lever les yeux vers le
ciel objet de nos saintes espérances. D'autres fois,
interrogeant son cœur, ai-je pour Dieu, se dit-il, ce
degré d'amour qui réponde à ses bienfaits, la mesure
de justice qu'il est en droit d'exiger de moi ? Mérité-je
son amour ou sa haine ! Ma conscience ne m'adresse
aucun reproche grave ; mais suis-je pour cela justifié ?
Mille sombres nuages viennent ainsi souvent obscurcir
la sérénité de son àme et y verser l'inquiétude, au lieu
des consolations qu'il se promettait au service du bon
Maître .
Mais, si au milieu de ses doutes et de ses frayeurs
il peut se croire clans les bonnes grâces de la sainte
"Vierge, parce qu'il lui a voué sa confiance et son
amour, cette délicieuse pensée ramène bientôt la paix
et la joie. Il sait que le vrai serviteur de Marie ne peut
périr ; que le salut remis entre ses mains est en sûreté ;
qu a la clarté de cette Etoile on ne peut s'égarer,
190 CONSOLATRIX AFFUCTORDM
et qu'elle conduit sûrement au port. Heureuse, en effet,
lame juste, ô Marie, qui se repose avec un entier
abandon sur votre sein maternel !
II. La sainte Vierge est aussi bien la Consolatrice
du pécheur. — Est-il tombé dans une faute qui l'a mis
en disgrâce avec son Dieu, déshérité du ciel, dévoué
à l'enfer, il ose encore ranimer sa confiance, au sou-
venir de Celle qu'on lui a tant de fois proclamée le
Refuge des pécheurs, « le port de ceux qui ont fait
naufrage, — la voie pour retrouver le ciel, — l'échelle
pour y monter. » Il n'ignore pas qu'elle aussi ne veut
pns la mort du pécheur, mais qu'Use convertisse et
qu'il vive. Inquiet de son malheureux état, harcelé
par le remords, la terreur et la crainte, veut-il se-
couer le pesant fardeau de ses chaînes, il jette un
regard plein de confiance vers Marie, assuré que son
bonheur est de réconcilier ses enfants avec son Jésus.
Et à cette pensée qu'il a près de Dieu irrité une avo-
cate aussi puissante que généreuse, l'espérance lui
renaît au cœur et dissipe toutes ses alarmes. Il n'a
pas oublié, saint Ambroise l'avait dit, a que, si les
mères voient les chutes de leurs enfants avec plus de
piété que de colère. » Marie ne leur cède pas en bonté ;
et le voilà dans ses bras !
C'est ainsi que. juste ou pécheur, et généralement
dans toutes les angoisses de rame, l'instinct d'une
confiance toute filiale nous porte à nous réfugier sous
les ailes de cette souveraine Consolatrice, comme l'en-
fant blessé aime à répandre ses larmes dans le sein
d'une mère. On sait que la bonté compatissant
son apanage distinctif : bonne est le nom qu'on lui
donne communément : la bonne Vierge. Et s'il fallait
définir Marie, on pourrait emprunter le mot de Join-
ville à saint Louis : k Dieu est chose si bonne, que
CONSOLATRIX AFFLICTORUM 101
meilleure ne peut être ; » et dire : « Marie est chose si
bonne, que meilleure ne peut être. » On n'oublie point
que sur la terre ses délices étaient de secourir le mal-
heureux, de consoler dans les peines : sentiments de
commisération que sa grandeur au ciel n'a fait qu'aug-
menter. Oui, semblable au soleil, qui à son zénith
répand sa lumière et plus vive et plus ardente dans
les sinuosités des plus profondes vallées, comme sur
la cîme des montagnes, Marie placée au sommet de la
gloire n'en est que plus portée à épancher ses bien-
faisantes largesses dans tous les rangs des affligés : sa
majesté de Reine ne lui ôte rien de sa tendresse de
Mère .
Mère ! ce titre seul n'est-il pas pour tous une ga-
rantie plus que suffisante de la part qu'elle prend à
nos souffrances et de son empressement à les soula-
ger ? Une mère opulente peut-elle voir un fils abimé
sous les rigueurs de l'indigence, et ne pas les adou-
cir ? Une mère sensible verra-t-elle des enfants dans
la détresse, sans leur prodiguer les soins les plus em-
pressés ? Non : car rien n'est plus compatissant que
le cœur d'une mère. Qu'un enfant vienne à tomber,
qui le consolera mieux que sa mère ? Et pour le con-
soler, que faut-il ? peu de chose : un regard, un sou-
rire, une larme de ses yeux, moins que cela, un souffle
de sa bouche. Oui, le souffle de la maternité emporte
toutes les douleurs de l'enfant. Et la sainte Vierge a
aussi son souffle maternel. Trésor inépuisable de con-
solation, il n'est point de maux qu'elle ne sache soula-
ger ou guérir, point de misère qu'elle ne partage et
n'adoucisse, point d'àmes affligées au fond desquelles
elle ne fasse briller un rayon d'espérance .
C'est donc près d'elle concluerons-nous avec les
saints Docteurs, que l'on trouvera les plus douces cou-
192 C0NS0LATR1X AFFL1CTORUM
solations. « Elle a tant de soin des affligés, dit saint
Bonaventnre, que l'on pourrait croire qu'elle n'a d'au-
tre désir que de les soulager. » — « En elle, assure
saint Germain, l'esclave trouve sa rançon, l'infirme la
santé, l'affligé sa consolation, le pécheur son par-
don. » — (( Elle est, répéterons-nous ici avec un pieux
auteur, comme un hospice public, ouvert à tous les
genres de misères et de souffrances, dans lequel, si
l'on n'est pas toujours guéri, on trouve au moins quel-
que adoucissement à ses maux. » — « L'univers en-
tier, dit aussi le grand Bossuet, est devenu un temple
immense, où apparaissent de toutes parts les augustes
monuments de la compassion, de la miséricorde, de la
charité de Celle qui est si bien nommée la Consolatrice
des affligés. » Et saint Liguori, si zélé à décrire les
bontés de Marie qu'il avait tant de fois expérimentées,
ne se lassait pas de l'offrir comme la plus fidèle con-
solalrice à ceux qui étaient oppressés sous le poids
de quelque peine. « Mes enfants bien-aimés, disait-il
souvent à ses auditeurs, quand la tribulation et les
chagrins s'empareront de votre àme, allez aussitôt à
l'autel de Marie, et vous serez soulagés.
Il se peut néanmoins, qu'elle ne délivre pas toujours
ou entièrement des peines qu'on vient lui confier. Mais
c'est par un autre genre de bonté: elle les voit utiles
et nécessaires pour nous purifier davantage, pour nous
rendre plus conformes à elle et à son Fils, pour em-
bellir notre couronne ; pour nous détacher dé ce monde,
et nous faire soupirer avec plus d'ardeur après les
biens de l'autre vie. Et par ces considérations qu'elle
réveille en nous, elle rend nos peines réellement plus
légères, sans qu'elles perdent rien de leur mérite.
Morale: Le moyen le plus assuré d'avoir quelque
droit à sa compassion, c'esl de compatir souvent nous-
C0NS0LATR1X AFFLICTORUM 193
moines à sa douleur et à celle de son bien-aimé Fils .
Elle nous y invite par la bouche de Jérénrie : 0 vous
qui passez par le chemin, considérez et voyez s'il y
eut jamais douleur semblable à la mienne ! Nous
lisons dans saint Liguori, qu'un prêtre fort dévot à
xMarie affligée, vit, sur le point d'expirer, une belle
dame lui essuyant la sueur du visage, et lui disant de
douces paroles de compassion ; après quoi il se trouva
guéri. Et comme il lui demandait qui elle pouvait
être, la dame répondit en disparaissant ; je suis Marie,
dont tu as si souvent essuyé les larmes, en compatis-
sant à mes douleurs.
A l'exemple de ce saint prêtre, rendons -nous fré-
quent le souvenir de ses douleurs : non- seulement nous
lui en adoucirons l'amertume, mais nous y puiserons
une plus vive horreur pour le péché qui les renouvel-
lerait. C'est le sage conseil que donnait l'Evêque de
M eaux, dont le langage a toujours tant de charmes :
« Ah î chrétien, s'écrie-t-il avec le Sage: N'oublie
pas les gémissements de ta mère. Quand le monde
t'attire par ses voluptés, pour détourner ton imagina-
tion de ses délices pernicieuses, souviens-toi des pleurs
de Marie, cette mère si charitable... Dans les tenta-
tions violentes, lorsque tes forces sont presque abat-
tues, et tes pieds chancelants dans la voie droite ; que
l'occasion , le mauvais exemple ou la passion te
presse, n'oublie pas les gémissements de ta mère
Souviens-toi des incroyables douleurs qui ont dé-
chiré son àme au Calvaire. Misérable, que veux-
tu faire ? Voudrais-tu élever encore une Croix pour y
attacher Jésus-Christ, le montrer à Marie crucifié de
nouveau, couronné d'épines... et par un si triste spec-
tacle, rouvrir encore toutes les blessures de son cœur ma-
ternel?...)) Ah ! gardons-nous bien d'une telle barbarie.
194 CONSOLATRIX AFFLICTOHUM
Dans ce souvenir des gémissements de Marie, nous
trouvons de plus une force intérieure qui nous sou-
tiendra calmes et résignés au milieu des plus grandes
défaillances de l'âme, et dans toute autre conjoncture
accablante. Après que la Mère et le Fils, en passant
par le chemin du Calvaire, l'ont applani, devrons-nous
encore en redouter les aspérités ? Pourquoi nous plain-
dre de la faveur si honorable de marcher à leur suite,
étant sûrs d'arriver au même terme, et de les retrou-
ver dans la gloire, après avoir bu au même calice ? Si
tamen compatimur, ut conglorificemiir.
0 puissante Consolatrice des affligés, c'est avec
une confiance sans bornes qu'au milieu de nos peines
nous irons nous jeter dans vos bras maternels, mais
avec cette disposition de rester souffrants, si vous le
jugez plus utile pour notre salut.
Pratique : Compatir souvent aux douleurs de la
très sainte Vierge ne peut que lui être fort agréable :
nous aimons ceux qui viennent prendre part à nos
peines .
EXEMPLES.
CONSOLATION OBTENUE PAR MARIE
Saint François de Sales, jeune encore, avait fait
devant l'autel de Marie le vœu de chasteté perpétuelle.
Pendant plusieurs années, la pensée de cette ressem-
blance avec sa bonne Mère inondait son âme de déli-
ces. Mais vers l'âge de dix-huit ans, il fut affligé d'une
horrible tentation de désespoir, s'imaginant que tout
ce qu'il faisait pour Dieu était inutile et sa réprobation
inévitable. Cette angoisse le tourmentait à un tel point,
que sa santé dépérissait à vue d'ceil ; il passait la nuit
et le jour à gémir, à pleurer, et n'osait confier sa peine
à personne. Une si affreuse situation durait depuis un
CONSOLATRIX AFFLICTORUM 195
mois : encore quelques jours dans ce martyre, il était
aux portes de la mort. Mais Dieu, content de l'avoir
éprouvé, lui inspira la pensée de retourner devant la
statue de la sainte Vierge, près de laquelle il avait
fait son vœu (elle est toujours dans l'église de Saint-
Etienne-des-Grés à Paris) ; et là, prosterné jusqu'à
terre, lui renouvela le vœu avec plus de ferveur en-
core, lui promit en outre de réciter chaque jour un
chapelet de six dixaines (appelé le chapelet de saint
François de Sales), la conjura de le délivrer delà peine
qui l'accablait, et de lui obtenir de Dieu « qu'il pût
l'aimer de tout son cœur au moins pendant la vie, s'il
devait être condamné à le haïr durant l'éternilé. »
Une prière, si éloignée des sentiments d'un réprouvé,
fut exaucée à l'instant. Ses tribulations se dissipèrent :
la santé lui revint avec le calme du cœur. Il redoubla
de dévotion envers la sainte Vierge, dont il ne cessa
ensuite d'exalter la puissance et les miséricordes : il
avait éprouvé par lui-même qu'on ne la nomme pas
en vain la Consolatrice des affligés.
— La vie du saint Curé d'Ars ne fut point à l'abri
des peines de tout genre : c'est le cachet des élus. Où
cherchait-il des forces et des consolations ? Dans les
épanchements de l'amitié, auprès des consolateurs
impuissants du monde? Non ; mais devant l'image de
Marie, objet de sa plus tendre affection. Le cœur de
cette mère aimante était son refuge dans toutes les
peines, et l'arsenal où il prenait incessamment des ar-
mes contre une excessive désolation . « J'ai si souvent
puisé à cette source, disait-il, qu'il n'y resterait plus
rien, si elle n'était inépuisable. »
ÎUG AIX1LIUM CHKISTIÂKOttUU
CHAPITRE XXXIX
SECOURS DES CHRETIENS
On peut dire que jusqu'ici nous honorions en Marie
Notre-Dame Auœiliatrice, puisque toutes les Invo-
cations précédentes se terminent par la supplication
commune Priez pour nous, ou Soyez notre Auxilia-
trice. Cette invocation nouvelle placée après les diffé-
rents appels que nous venons de faire à sa bonté et à
sa puissance pour toute espèce de besoins et de l'âme
et du corps, s'y trouve implicitement contenue. Et, si
nous l'implorons maintenant sous le nom spécial de
Secours des Chrétiens, c'est afin de lui présenter
comme un titre plus assurée à son assistance,
I. Notre qualité de Chrétien :
II. La protection efficace qu'elle a visiblement accor-
dée aux chrétiens dans tous les temps.
I. Notre qualité de chrétien nous donne un droit
tout spécial à son secours. — Marie, à l'exemple du
Dieu qui fait luire son soleil sur les méchants en même
temps que sur les bons, se plait, sans doute, à secourir
tous les enfants de la grande famille humaine. Coadju-
trice de la rédemption universelle, elle n'exclut, de sa
vigilante affection, ni les fidèles ignorant le vrai Dieu,
ni les hérétiques que l'erreur tient en dehors de l'E-
glise : pour tous elle a des grâces dont elle peut dispo-
ser. Mais ses laveurs privilégiées sont pour les elnv-
tiensqui portent l'empreinte du baptême, et le nom de
son bien-aimé Fils, qui le reconnaissent el l'adorent,
AUXILU'M CIIR18TIAN0IUJM 197
qu'il s'est acquis au prix de sou sang, et avec lesquels,
il veut partager son héritage d'ineffable bonheur. Cet
amour infini de Jésus, Marie le ressent dans toute son
étendue. — De plus, en acceptant le titre de Mère de
Dieu à Bethléem et de Mère des hommes sur le Cal-
vaire, elle a comme signé l'engagement d'employer sa
puissance auprès de Dieu et sa bonté pour les hommes,
à protéger plus spécialement sa famille adoptive et
chérie, les chrétiens. Devenus ses enfants au pied de
la Croix et dans les plus amères douleurs, il nous faut
ici le redire, elle doit nous aimer de cet amour qu'une
mère éprouve plus vif pour l'enfant qui lui a coûté le
plus d'angoisses et de souffrances . Elle aimait Jésus-
Christ bien tendrement comme son Dieu et comme son
Fils ; cependant, combien ne nous aima-t-elle pas nous-
mêmes, puisqu'elle l'a sacrifié pour nous sauver ! — Et,
après avoir ainsi coopéré avec ce cher Fils au grand
œuvre de notre rédemption, quel ne doit pas être son
zèle à nous en faire recueillir les fruits, et à lui assu-
rer des âmes qui lui ont coûté tout son sang ? Pourrait-
elle donc ne pas accueillir les vœux qui ont le salut
pour objet, et ne pas les appuyer de son tout-puissant
crédit ? Si, trésorière de toutes les grâces, la moitié de
son bonheur est de les distribuer, avec quelle prédilec-
tion ne les répandra-t-elle pas sur le chrétien qu'elle
voit décoré des livrées de son cher Fils ?
Morale : Cependant, gardons-nous de penser que la
qualité de chrétien soit un titre absolument certain à
ses faveurs privilégiées. Pour mériter l'amour de Marie
et par suite sa protection, il faut l'aimer soi-même.
L'éternelle Vérité a dit : J'aime ceux qui m'aiment,
ego diligente* ?ne diligo. Oui, l'affection pour une
personne est d'autant pins vive, qu'elle est provoquée
par des avances plus démonstratives. Voyez cet enfant :
198 AUXILIL'M CWISTIANORUM
le doux sourire de sa mère, le charme de sa voix, tou-
tes les gênes qu'elle s'impose, les soins délicats et em-
pressés dont elle l'entoure, ont captivé ses yeux, ses
oreilles et son cœur . Bientôt ses faibles mains la cares-
sent ; et la mère paie cette tendresse par un retour de
tendresse plus vif encore .
Tel est le secret de conquérir les bonnes grâces de
la sainte Vierge, d'attirer un regard de son amour et
la faveur d'une spéciale protection. Sans doute, elle
est indulgente à toute créature ; mais quand on l'aime,
on est encore plus avant dans son cœur. Accomplissez
pleinement envers elle la parole que Jésus vous
adressa du haut de sa Croix, Mon Fils, voilà votre
Mère ! Elle réalisera à votre égard celle que Jésus lui
dit : Femme, voilà votre fils ! — Si tu veux être ma
servante, disait un jour la Reine du ciel à une reine de
la terre, sainte Elisabeth de Hongrie, je serai ta Dame. »
A ces mots, Elisabeth joignant les mains, les étendit
vers la Vierge qui, les prenant dans les siennes, accepta
l'engagement et ajouta : « Tu veux être ma fille, moi,
je serai ta mère. » Qui n'envierait le bonheur d'Elisa-
beth ? Qui ne voudrait entendre ces délicieuses paroles !
A cette fin, « épuisons, disait saint Liguori, épuisons
toutes les inventions de l'amour pour aimer Marie. »
Mais, outre les droits que par là nous aurons à ses fa-
veurs, ce qui doit augmenter de beaucoup notre con-
fiance, c'est que,
IL Elle s'est montrée dans tous les temps, et en
toute circonstance la puissante AuxUiatrice des
chrétiens. — Ce fut dès le berceau du Christianisme
que commença cette protection manifeste et spéciale .
La fureur de la Synagogue a juré d'étouffer à son dé-
but la religion du Christ ; le nom seul de chrétien
est un titre à la persécution, à l'emprisonnement, à la
AUXILIUM CHRISTIANORUM 199
mort. Mais Marie, plus dévouée à mesure qu'elle voit
sa famille plus en danger, multiplie son action, pour
ranimer la foi de ses enfants, les réchauffer de son
amour, les revêtir d'une force qui les rend vainqueurs
de tous les tourments.
Si déjà sur la terre elle fut ainsi l'âme et le soutien
de l'Eglise naissante, si elle entoura les premiers chré-
tiens de sa constante sollicitude., pouvait-elle, placée
au sein de la gloire, oublier cette grande famille, qui
n'a pas moins besoin qu'alors de son tout-puissant
secours ? Non ; personne au ciel, excepté Jésus, ne
porte autant d'intérêt à la foi catholique, ne désire
aussi ardemment la prospérité de la religion de son
Fils. Aussi la protection dont elle l'environne n'est m
moins active-, ni moins efficace qu'au commencement.
Pour la mettre en relief, il faudrait remonter d'année
en année jusqu'à la naissance de l'Eglise, et nous ver-
rions que dans toutes les circonstances critiques^ le
secours de Marie ne lui a jamais fait défaut, pour l'en
tirer avec gloire. Lorsque tour à tour, ou simultané-
ment, les persécutions , l'hérésie, le schisme, le scan-
dale de ses propres enfants mirent sa foi, et même son
existence dans le plus grand danger, sa confiance tour-
née vers Marie, comme vers l'Arche du salut, la rendit
victorieuse de tous les assauts. Elle reparaissait même
plus belle et plus vigoureuse, après les terribles
épreuves qui humainement devaient lui donner le coup
de la mort.
C'est à regret que nous ne pouvons relater ici avec
leurs intéressants détails toutes les circonstances où
Marie s'est ainsi montrée visiblement Auxiliatrice des
chrétiens. Les fameuses victoires, que par son secours
ardemment imploré ils ont remportées sur les ennemis
de leur foi, entre autres dans le golfe de Lépante, a
AUXILIOM CHRISTIÀNORUM
Vienne, à Belgrade, à Corfou, à Témeswar, publieront
à jamais la force de son bras. Et si la fureur des mé-
chants contre l'Eglise ne s'est point ralentie, s'ils con-
tinuent à lui déclarer une guerre à mort, Marie est tou-
jours là une Tour inexpugnable qui la protège et la
sauve du péril. Pourrait-on le méconnaître, surtout
dans cette crise religieuse et politique, qui sur la fin
du siècle dernier avait mis l'Eglise de France à deux
doigts de sa ruine. Les prêtres en exil ou au cachot,
les maisons religieuses veuves de leurs hôtes pieux,
Dieu chassé de ses temples, tout culte proscrit, les fi-
dèles obligés de renfermer leur foi au fond de leur cœur,
l'échafaud toujours dressé pour le crime d'être chré-
tien, qui n'eût cru, à cette vue, que c"en était fait de la
religion dans notre catholique royaume? Mais Marie
y comptait, alors même, des milliers de serviteurs qui
lui payaient en secret le tribut de leurs hommages ; et
si à cet orage révolutionnaire ont succédé des jours
plus sereins ; si la religion détrônée pour un moment
sortit de sa captivité, et put relever sa tête humiliée;
si. par un exemple unique dans l'histoire, la foi pres-
que généralement abjurée repris son empire, n'en dou-
tons pas. c'est que Marie, toujours pieusement invo-
quée dans son royaume chéri, a détruit toutes les
tentatives des ennemis de TEglise, et empêché que les
portes de l'enfer ne prévalussent contre elle.
Morale : Maintenant encore, si les croyances chré-
tiennes sont toujours vivantes au fond des cœurs fran-
co-, en dépit des efforts incessants, de l'impiété et de
la dépravation des mœurs, ;'i qui attribuer l'honneur
de cette victoire? sinon à Marie Reinede l'Eglise cou-
ronnée au ciel, Reine de L'Eglise qui souffre, elle est
Reine aussi de l'Eglise qui combat, et ses triomphes
passés qous sont un sur garant de ses triomphes a
AUXILIUM CHRIST1AN0RUM
201
venir , toujours elle sera le Secourt des chré-
tiens.
G France, toi si grain le dans tous les siècles parmi
les autres nations de l'Europe; toi qui portes encore
sur ton front le sceau glorieux d'une foi que toutes les
révolutions n'ont pu déraciner, plus ton dévouement à
la Reine du ciel croîtra, et plus augmenteront ton bon-
heur et ta gloire, parce que tu recueilleras avec plus
d'abondance les bénédictions célestes !
Et vous, ô divine Marie, veuillez nous continuer votre
bienveillante prédilection, en retour des hommages que
nous serons toujours plus empressés de vous rendre !
Pratique : Dans nos dangers personnels, comme dans
les dangers communs, recourrons à la puissante Auxi-
liatrice : et qui invoqua Marie, ne le fit jamais en
vain.
HISTOIRE
LES PÈLERINS DE MARIE.
La scène se passe aux approches d'un sanctuaire de
la sainte Vierge .
Pèlerin, d'où viens- tu? n'est-ce pas toi que j'ai vu
assis dans le chemin, demandant l'aumône, et qui est
connu sous le nom d' Aveugle ? Comment tes yeux se
sont-ils ouverts ? — Hier quelqu'un passa, et, comme
je tendais la main dans l'espérance de recevoir quel-
que chose, il s'arrêta et me dit : Je n'ai ni or ni argent,
mais viens demain à la sainte chapelle, et ce que j'ai,
je te le donnerai. Le matin on m'y conduisit :\e prêtre
qui m'avait parlé, a prié pour moi ; j'ai prié avec lui,
et j'ai'vu clair.— Sois béni, pieux pèlerin, puisque tu
a eu foi en Marie .
— Soldat, d'où viens- tu? — J'étais à mon poste, at-
tendant la bataille. Le signal est donné : je me recom-
mande à Notre-Dame. L'ennemi fait feu ; on se mêle ;
202 AUX1LIUM CHRISTIANuHUM
tous tombent autour de moi ; je combats sur les morts •
la nuit mit fin au carnage; je n'avais pas même reçu
une blessure. Je devais des actions de grâces à Celle
qui m'a visiblement protégé : c'est pourquoi je suis
venu à la sainte chapelle. — Sois béni, pieux soldat,
puisque...
— Matelot, d'où viens-tu ? — Nous voguions à pleines
voiles, et le ciel était calme. Tout à coup, un vent vio-
lent secoue le vaisseau sur la mer houleuse : les flots
s'amoncelaient; le naufrage était imminent. Vite je
m'élançai sur le tillac : 0 Patronne des mariniers,
m'écriai-je, sauvez-nous î Ce cri de confiance était à
peine sorti de ma poitrine, que le vent s'apaise, et toute
crainte s'évanouit. Une juste reconnaissance était due
à Celle qui m'a sauvé du péril ; je viens de la lui té-
moigner. — Sois béni, pieux matelot, puisque. . .
— Jeune fille au front pâle, d'où viens-tu ? — Je lan-
guissais, et ma vie allait s'éteindre. Un jour, le méde-
cin, près de mon lit, m'observait d' un air triste ; ma
mère épiait son regard et soupirait ; puis, j'entendis
qu'on murmurait tout bas : A la chute des feuilles . . .
Quoi ! pensé-je en moi-même, si jeune encore et déjà
mourir !... Je promis alors que, si je voyais la feuille
reverdir, je ferais un pèlerinage à l'autel de la Vierge.
Et la feuille a reverdi: j'ai pu célébrer sur la terre le
beau mois de Marie. Aujourd'hui j'ai voulu acquitter
mon vœu. je suis venue à la sainte chapelle. — Sois
bénie, pieuse fille, puisque...
— Mère au sourire joyeux, d'où viens-tu? — Je n'a-
vais qu'un fils ; on l'appelle pour l'armée. Depuis son
départ, quelles angoisses ! que de craintes obsédaient
mon pauvre cœur ! Bientôt l'heure des combats a son-
né : quelles alarmes, dans la crainte qu'il n'ait péri
dans la mêlée ! Un souvenir pourtant me consolait ;
REGINA ANGELORUM Z\)ô
j'avais recommandé le cher enfant à Marie, et pendant
neuf jours un cierge avait brûlé à son autel. Il m'est
revenu sain et sauf ! Je n'ai point oublié ma Bienfai-
trice ; je reviens de la sainte chapelle. — Sois bénie,
mère chrétienne, puisque...
— Femme, d'où viens-tu avec cette jeune enfant? —
Un époux que sa conduite édifiante m'avait fait choisir,
s'était bientôt perverti dans les compagnies mauvaises ;
l'absence de toute pratique religieuse faisait mon tour-
ment. Attentions délicates, gaieté d'humeur, douceur
inaltérable, parfois quelques remontrances d'à-propos,
j'avais mis tout en œuvre pour lui rendre la religion
aimable et le ramener à la foi ; mais sans aucun succès.
Je fis une neuvaine dont il ne savait pas le but, et Ma-
rie exauça ma prière : le dernier jour il m'accompagna
à la table sainte ! Que pouvait-il m'arriver de plus heu-
reux ? Je viens de la sainte chapelle avec mon enfant,
que j'ai voulu associer à ma reconnaissance . — Sois
bénie, heureuse épouse, puisque...
Envérité, en vérité, je vous le dis, celui qui invoque
Marie la trouvera toujours puissante Auœiliatrice.
CHAPITRE XL.
REINE DES ANGES.
Nous avons parcouru les titres qui proclament les
privilèges de Marie, ses vertus, son pouvoir et ses
bienfaits. Maintenant, nous allons exalter à la fois sa
puissance et sa gloire, en la saluant sous le titre pom-
peux de Reine.
Si l'élection populaire suffit souvent pour conférer la
royauté, nulle ne fut jamais plus légitime que celle de
Marie ; car toutes les générations depuis dix- huit siè-
-20 i KEGINA ANGELORUM
cles, l'ont acclamée leur Reine, ont ployé le genou de-
vant son sceptre béni. Mais c'est au ciel plus encore
qu'elle jouit de cette gloire incomparable. Depuis
qu'un trône lui a été donné à la droite de son Fils Roi,
Astitit Regina à dexlrù tuis, devenue Souveraine elle-
même, elle est Reine de toute la cour céleste, et d'a-
bord des Chœurs des Anges, qui tiennent le premier
rang dans la hiérarchie des cieux. Le nom d'Ange ré-
veille l'idée de beauté, d'innocence, de douceur ; et sous
ce rapport déjà Marie mérite bien d'être nommée Reine
des Anges /mais elle l'est encore,
I. Par la prééminence de sa gloire et de son éléva-
vation :
II . Par son empire sur les mauvais Anges comme
sur les bons .
ARTICLE PREMIER.
Prééminence de Marie sur les Anges, par sa gloire et
son élévation.
Qu'il existe, en dehors de ce monde visible, des créa-
tures invisibles et purement spirituelles, que l'on dé-
signe sous le nom d'Anges, la sagesse de Dieu semblait
le demander, pour que l'œuvre de la création fût plus
complète par des êtres à tous les degrés et dans toutes
les conditions, dans la sphère la plus élevée, comme
au rang le plus bas. Il y a des êtres entièrement maté-
riels ; au-dessus d'eux et à une grande distance, se
trouve l'homme composé d'un corps et d'une àme. Mais
cette àme, bien que simple et indivisible, grande et
noble, est, par suite de son union intime avec le corps,
bornée dans ses facultés, limitée dans l'exercice de sa
puissance. On conçoit aisément la possibilité et aussi
la convenance d'autres natures plus élevées sans être
Dieu, occupant le sommet de la création, et qui, pures
REGINA ANCKLOKUM -ilC)
de tout limon terrestre, affranchies de toutes entraves,
soient douées d'une force plus grande et d'une activité
moins circonscrite : ce sont les Anges, qui comblent,
d'ailleurs, l'espace trop grand, ce semble, entre Dieu
et l'homme, entre le ciel et la terre.
Mais, ce que la simple raison insinue sur l'existence
d'êtres purement spirituels qui confinent en quelque
sorte à la Divinité, la voix unanime de la tradition,
appuyée sur l'autorité des saints Livres le consacre.
Nous voyons les Pères et les Docteurs de l'Eglise,
parler dans les termes les plus positifs de la nature et
de la condition des Anges, des différents degrés qui
en composent la hiérarchie, de leur nombre prodi-
gieux, et des fonctions qu'ils remplissent. La sainte
Ecriture en fait une mention plus formelle encore ;
leur intervention apparaît manifestement dans la vie
des patriarches et des prophètes. Dieu s'en sert, tantôt
pour intimer ses volontés, tantôt pour annoncer les
événements futurs, presque toujours comme d'organes
de sa justice ou de sa miséricorde Leur présence se
môle aux diverses circonstances de la naissance, de la
vie et de la passion du Sauveur. Leur souvenir est lié
à celui des hommes et des faits les plus importants de
l'antiquité religieuse et môme païenne ; car la croyance
aux bons et aux mauvais génies et le culte qu'on leur
rendait, n'était qu'un reste défiguré du dogme primitif
sur l'existence des Anges.
Les Anges dans le ciel sont, sans contredit, les créa-
tures les plus belles, les plus saintes, les plus nobles,
les plus approchant de la majesté divine, aussi bien
par leur nature que par leurs fonctions ; ce sont les
grands dignitaires du Monarque souverain, les pre-
miers officiers de sa cour, les ministres de ses suprê-
mes volontés, les bien-aimés de son cœur, ses favoris
PARAPHRASE. — T. II. 12
206 REGINA ANGELOBUM
enfin. Cependant, Marie les surpasse de beaucoup en
gloire et en élévation .
Si je me transporte par le regard de la foi dans ce
brillant séjour où le Seigneur est si magnifique dans
ses récompenses, que rencontrent d'abord mes yeux
éblouis ? Les différents trônes des patriarches et des
prophètes, des apôtres, des martyrs, des vierges, tous
comblés de grandeur et de puissance. Mais là, je cher-
cherais en vain le trône de Marie ; il faut monter plus
haut. Voici les Chœurs des Anges, des archanges, des
chérubins, des séraphins, de tous ces milliers de purs
esprits qui, nageant dans l'océan de la divine gloire,
rayonnant comme autant de soleils devant le Saint
des saints. Est-ce là que se trouve la Vierge par ex-
cellence ? Non, non ! plus haut encore, dans les ré-
gions les plus élevées du céleste royaume, bien au-
dessus des séraphins, tout près du trône de l'Homme
Dieu, un autre trône est dressé, éclipsant tout ce qui
l'environne par sa magnificence et la splendeur de sa
beauté. C'est là qu'est assise et que règne, tout éblouis-
sante de gloire et de majesté, la Reine des Anges, les
dépassant de toute la distance qui sépare la Mère d'un
Dieu de ses ministres : Exaltata est sancta Dei Geni-
riœ super choros Angelorum da cœlestia régna. Là,
elle est au-dessus des Dominations, par l'étendue de
son pouvoir sur tous les mondes ; au-dessus des Ver-
tus, par sa force dans l'emploi des moyens pour arriver
à toute fin ; au-dessus des Puissances, par son éner-
gie contre les ennemis de nos âmes ; au-dessus des
Chérubins, par l'abondance de ses lumières ; au-
dessus des Séraphins, par l'ardeur de son amour ;
au-dessus des Anges, des Archanges et des Princi-
pautés, par le succès dans toutes ses entreprises.
Aus^i toute la gloire réunie des neuf Chœurs des Anges
HEGINA ANGELORUM "207
sert à peine de soutien à la première marche de son
trône. Ainsi que le soleil, qui au milieu de sa course
efface toutes les étoiles du firmament, Marie dans le
ciel fait disparaître toutes les gloires de ses habitants.
Et quoi de plus juste ! Autant elle fut humble, autant
elle est élevée sur tous les Ordres de la milice angé-
lique : Ancillœ tribitit qnœsibi nomen, cœlestidomi-
nans régnât in aida. Et, s'il est vrai, selon l'Apôtre,
que Dieu proportionne la récompense au mérite et
rend à chacun selon ses œuvres. Marie ne doit-elle
pas l'emporter en gloire sur tous les Ordres du ciel,
puisqu'elle les a tous surpassés en toute manière ? Le
savant Gersôn ne craint pas d'avancer qu'au-dessus
des trois hiérarchies, dans lesquelles on range de dif-
férentes classes d'esprits célestes, Marie forme à elle
seule une hiérarchie à part, la plus élevée et la pre-
mière après Dieu. Jusqu'à sa naissance, ils tenaient
le premier rang dans la création ; mais, en devenant
Mère de Jésus leur Roi, elle fut constituée leur Reine ;
et à ce moment ils l'avaient déjà reconnue comme
telle, en s'associant du haut des cieux à l'Archange
Gabriel, un de leursainés, qui venaient la saluer comme
Mère future du Très-Haut. Toutefois, c'est au jour de
son Assomption glorieuse que lui firent confirmés
solennellement le titre et le rang de Reine des cieux,
de Reine des Anges. C'est là un spectacle assurément
bien digne d'être comtemplé de tous près.
Depuis l'instant où le Sauveur avait quitté la terre,
l'existence de Marie n'avait été qu'un long soupir vers
les demeures éternelles, où elle devait partager la
gloire de son bien-aimé Fils. Quand elle l'eut assez
Longtemps pleuré, alors il voulut l'appeler à lui. Elle
avait reçu son dernier soupir, il descendit pour recueil-
lir celui de sa Mère. Marie, fille d'Adam, paya le
808 BEGINA AXGELORUM
tribut commun à tous les hommes, mais elle ne fit
que passer à travers les ombres de la mort. Il ne con-
venait pas et Dieu ne voulut point que ce corps virgi-
nal, exempt de toute souillure et sanctifié par la pré-
sence de son Verbe incarné, subit la corruption du
tombeau. Une voix se fait entendre, voix puissante
qui avait rendu Lazare à la vie, mais qui prend ici les
accents de la plus vive tendresse : Levez-vous, ô ma
bien aimée, venez du Liban, venez recevoir votre
couronne'. A ces mots, lame de Marie tressaille dejoie,
ses membres glacés se raniment ; elle sort du tombeau,
et s'élance vers les deux se réunir à Jésus ressuscité :
elle avait pris part à son sacrifice, il veut qu'elle par-
ticipe à son triomphe. « Si l'humble Marie, disait à
ce sujet l'Aigle de Meaux. a reçu autrefois le Sauveur
Jésus, il est juste que le Sauveur reçoive à son tour
l'heureuse Marie ; et n'ayant pas dédaigné de descen-
dre en elle, il devait ensuite l'élever à lui pour la faire
entrer dans sa gloire. Il ne faut donc pas s'étonner
qu'elle ressuscite avec tant d'éclat, ni qu'elle triomphe
avec tant de pompe. Jésus, à qui cette Vierge a donné
la vie, la lui rend aujourd'hui par reconnaissance ; et
comme il appartient à Dieu de se montrer toujours le
plus magnifique, quoi qu'il n'ait reçu d'elle qu'une
vie mortelle, il est digne de sa grandeur de lui en don-
ner en échange une glorieuse. Ainsi les deux mystères
de l'Incarnation et de l'Assomption sont liés ensemble:
et afin que le rapport soit plus complet, les Anges in-
terviennent dans l'un comme dans l'autre et se ré-
jouissent avec Marie de voir une si belle suite du mys-
tère qu'ils ont annoncé. »
La voyez-vous, en effet, s élevant dans les airs, ac-
compagnée de ces esprits qui ne la touchent
même point par respect, mais délicieusement appuyée
REGINA ANGELORUM 209
sur son Bien- Aimé, venu au-devant d'elle pour l'intro-
duire dans son palais? Et lorsque les Anges qui
l'entourent répètent à leurs compagnons les mêmes
élans qu'ils ont exprimés à Jésus en entrant au céleste
séjour : Princes du ciel, élevez vos portes pour rece-
voir la Reine de gloire ; quittez vos superbes demeu-
res, venez honorer son entrée ; ces heureux habitants
de Sion accourent de tous les points du ciel pour lui
faire le plus beau des triomphes. Quelle est donc celle
qui vient du désert, s'écrient-ils, dans le transport de
leur admiration ! Comme elle est pure et riche de ver-
tus ! C'est la Mère de notre Roi ; c'est notre Reine !
Soyez la bienvenue, ô Marie ! Régnez sur nous ; nous
sommes vos sujets; notre bonheur sera de vous obéir.
Ainsi environnée d'une brillante escorte, la glorieuse
Vierge pénètre dans la profondeur des deux : Montez
plus haut, lui dit son cher Fils, asseyez-vous à ma
droite. Et il l'établit à ses côtés sur un trône le plus
éblouissant du Paradis, lui met en main le sceptre du
monde, sur le front le diadème de la royauté univer-
selle, l'exalte au-dessus de tous les saints, de tous les
Chœurs des Anges et des séraphins, leur commande
de la reconnaître pour leur souveraine, de la servir,
d'exécuter ses ordres.
Morale : Souveraine des Anges, quel nouveau droit
n'a-t-elle pas à notre filiale confiance, et aussi à notre
vénération la plus profonde ! Mettons-nous donc à
l'unisson de ces esprits bienheureux pour la louer et
la bénir. Soyons glorieux d'être aussi les sujets d'une
si grande Reine, portons avec fierté ses livrées qui fi-
xeront sur nous un regard bienveillant et protecteur.
Ne craignons pas que des sommets d'une si haute élé-
vation, elle oublie notre misère ou dédaigne notre bas-
sesse. Mère en même temps que Reine, son désir et son
MO HEGIXA ANGELORUM
tière menaçait de n'être bientôt plus qu'un vaste tom-
beau : toutes les précautions humaines étaient restées
impuissantes devant la voracité du fléau. Dans cette
extrémité, le saint Pontife, sensiblement affecté des
maux de ses enfants, prêcha la pénitence et prescrivit
des prières publiques : mais l'indomptable fléau ne sé-
vissait pas avec moins de fureur. Alors le saint Pape,
tournant toutes ses espérances du côté de la Mère de
Dieu, ordonna que le peuple et le clergé iraient en pro-
cession à l'église de Sainte Marie-Majeure au chant des
Litanies de la sainte Vierge, et que l'on porterait par
toute la ville son image, qu'une pieuse tradition attri-
bue au pinceau de saint Luc. 0 prodige ! A peine la
procession fut-elle en marche, que la Reine du ciel
manifesta sa puissance. Partout où passait l'image
vénérée, la contagion cessait sur le champ : et avant
la fin de cette touchante cérémonie, la ville eut la cer-
titude que Marie avait entièrement désarmé la colère
de Dieu. On vit apparaître sur le môle d'Adrien, appelé
depuis Chàteau-Saint-Ange en mémoire de cet événe-
ment, un Ange de forme humaine, qui remettait dans
le fourreau une épée sanglante. En même temps, des
voix célestes firent entendre dans les airs ces paroles
de joyeuse reconnaissance : Regina cœli Lœlare. . . Reine
du ciel, réjouissez-vous... et les suivantes, auxquel-
les Grégoire ajouta aussitôt : Ora pro nobis Deum.
L'Eglise continua depuis à employer cette antienne
pour saluer Marie au temps de Pâques. Le saint Pon-
tife ordonna que chaque année, vers le même temps,
on ferait une procession générale appelée Litanie ma-
jeure, ou procession de saint Marc.
ltKfilNA PATMAUCHAIUÏM
211
CHAPITRE XLI
REINE DES PATRIARCHES
Après les Anges, qui à leur création brillèrent d'un
si grand éclat dans la splendeur des cieux, et qui aujour-
d'hui encore sont comme la garde d'honneur de la Reine
du monde, devaient venir dans l'ordre rationnel des
Litanies les Patriarches, en d'autres mots, les Pères
de l'ancien Testament. On appelait de ce nom, chez le
peuple choisi , ces vénérables personnages , tels que
Noé , Abraham , Isaac , Jacob et autres , par qui se
transmettait d'âge en âge la promesse d'un Sauveur
faite à Adam. Ils étaient regardés comme des princes
dans leurs maisons par leurs serviteurs tout dévoués
et une famille nombreuse, car ils vivaient plusieurs
centaines d'années. Semblables à des phares élevés,
ils faisaient rayonner autour d'eux la lumière de toutes
les vertus. Ce qui les distinguait surtout, c'était une
fidélité inébranlable à la loi du Seigneur, et une aver-
sion bien prononcée pour le culte des idoles, dont il se
trouvait si outragé, voulant ainsi qu'il en a le droit
être seul adoré : c'était encore leur foi ardente, qui
brillait dans ces temps de ténèbres comme une étoile
solitaire, dont l'éclat est d'autant plus vif que sont plus
épais les nuages qui l'entourent. Aussi Dieu se plai-
sait-il à les combler de toute sorte de bénédictions, gage
sensible de son amour pour eux et des récompenses plus
magnifiques réservées à leurs vertus.
Or, Marie est à juste titre nommée la Reine de ces
vénérables justes ; car,
I. Elle les a surpassés tous par la fermeté de sa foi ;
II. Elle a eu le bonheur de voir réalisé ce qu'ils n'a-
vaient qu'espéré .
i\ 2 REGITVA PATRIARCHARUM
I. Elle a surpassé les Patriarches par l'ardeur
et la fermeté de sa foi. — La foi est L'adhésion de
notre esprit à des choses qui existent ou que nous
attendons; c'est l'intime conviction de leur réalité,
conviction fondée non point sur leur évidence, mais
sur l'autorité et la véracité de Dieu qui les a révélées.
Telle fut la Foi qui caractérisa les Patriarches. Pères
de cette heureuse postérité de laquelle devait sortir le
Rédempteur du monde, ils reçurent de Dieu sur ce
point capital une foi extraordinairement vive et solide.
Adam et Eve avaient cru à la promesse d'un Répara-
teur des maux résultant de leur péché, et ils la com-
muniquèrent à leurs enfants:. Eve en particulier, dans
son repentir, aimait sans doute à leur rappeler que, si
elle avait été la première cause de leur malheur, une
fille qui descendrait d'elle serait un jour aussi la
cause d'une réparation surabondante. Abraham ne
douta point, malgré son âge avancé et la stérilité de
Sara, qu'il put avoir un fils, et que des descendants de
ce fils naîtrait le Désiré des nations. Et ce bien-aimé
Isaac , sur qui reposaient les promesses divines . il
allait l'immoler, comptant que Dieu saurait trouver
les moyens d'accomplir ses desseins : c'était là assuré-
ment une foi bien vive. Jacob et ses enfants eurent la
même croyance à un Libérateur futur, et la transmi-
rent à leur postérité. Dans les temps postérieurs, Job
aussi, ce juste de l'idumée. entrevoyait le Rédemp-
teur, s'at tendant à le contempler dans sa chair au jour
de sa résurrection. Souvent les conducteurs du peuple
en appelèrent des promesses à cette foi traditionnelle,
pour le fortifier dans les différentes épreuves et le main-
tenir fidèle à son Dieu.
Niais, si ces saints Patriarches sont regardés et avec
raison comme les premiers Pères de la foi. Marie fut
HEGIKA PATHIARCHAUUM z43
véritablement leur Reine, les surpassant tous par la
solidité de cette même vertu. En effet; sur la simple
parole de l'Ange, sa raison s'incline humblement devant
le plus sublime et le plus incroyable des mystères,
l'Incarnation du Verbe dans son sein, sans préjudice
pour sa virginité. Elle croit, sans balancer, que ce pe-
tit Enfant, né faible, souffrant, dans la pauvreté d'une
étable , et qu'elle voit ensuite , pendant trente ans,
obligé de gagner péniblement sa vie, vivant dans l'obs-
curité la plus complète, sans rien faire d'éclatant, n'en
est pas moins, le Dieu éternel, le Créateur des mondes,
le Roi de gloire, le souverain Dominateur de toutes
choses. Et au début de sa vie publique, ne fut-elle pas
la première qui ait cru fermement à sa divinité, avant
qu'aucun signe ne l'eût manifestée? Ce fut la foi vive
en sa puissance, .qui la porta à lui demander un mi-
racle en faveur des époux désolés de Cana. Au Calvaire
encore, l'abandon presque général, pas plus que ses
humiliations profondes sur l'ignominieux gibet , ne
peut faire chanceler aucunement la fermeté de sa
croyance. Et tandis que les disciples, les apôtres et
surtout l'incrédule Thomas hésitent à croire à la réalité
de la résurrection « Marie, dit saint Bernard, reste iné-
branlable dans sa foi. » Elle est donc justement ap-
pelée Reine des Patriarches, puisqu'elle les a surpassés
de tant de manières dans cette vertu qui fut leur pré-
rogative, qui leur mérita la grâce et la gloire ; réputa-
tion est ei ad justitiam; comme elle valut à Marie
l'honneur d'attirer dans son sein le Fils de Dieu : C'est
votre foi, lui dit Elisabeth, qui a fait voire bonheur :
ajoutons, et le nôtre ; « car, dit saint lrénée, ce que
l'excessive crédulité d'Eve avait perdu, la foi de Marie
le sauva. » Eve avait cru au serpent ; Marie crut à
Gabriel .
~2\ï REGINA PATRIARCHARUM
Morale : Nous aussi, sous le rapport de la foi, nous
avons sur ces anciens justes, un avantage bien pré-
cieux, c'est, depuis que le divin Soleil de justice est
venu dissiper nos ténèbres, de voir plus clairement
les vérités qu'ils n'ont pu qu'entrevoir? Il en est, ce-
pendant, dont Dieu s'est réservé la connaissance claire
et parfaite, qui ne peuvent être atteintes par notre fai-
ble raison, sans néanmoins lui être contraires, et qu'on
appelle mystères. Mais cette obscurité ne doit nullement
être un motif d'y refuser notre assentiment. Comme
il y a quantité d'objets que les yeux de notre corps
ne peuvent découvrir au delà d'une certaine distance,
et qu'il serait souverainement déraisonnable de révo-
quer en doute, par la raison qu'on ne les voit pas ;
de même dans l'ordre surnaturel, prétendre qu'il n'y
a de vérités que celles qui peuvent être saisies par
notre intelligence serait une extravagance beaucoup plus
grande encore. — Dans le monde physique, abandonné
aux disputes des hommes, que d'objets nous rencontrons,
nous voyons, nous touchons sans pouvoir les expliquer,
dont cependant nous ne pouvons nier l'existence : et
les choses les plus éloignées de nous, les plus inacces-
sibles à notre raison, les choses de Dieu, nous les re-
jetterions pour le seul motif que nous ne voyons pas
comment elles peuvent êtres ! Tout est mystère au mi-
lieu de nous : tout est mystère dans la nature; et
nous voudrions que la religion seule n'en eut point !
Ils prouvent sa divinité bien loin qu'ils doivent rebu-
ter l'exigence de notre esprit. Si elle eût été l'ouvrage
des hommes, elle porterait le sceau de leur faiblesse; Us
l'auraient mesurée k leurs courtes vues et accommodée
à la politesse des nôtres, [ls n'eussent pas été assez ma-
ladroits pour la baser sur des vérités en apparence
contraires à la raison, qui les aurait de suite repousséeSj
UEG1NA PATK1ARCHARUM 2K>
comme heurtant par trop les idées généralement reçues.
— Et puis, Dieu ne devait-il pas à sa grandeur de s'en-
tourer de nuages impénétrables à notre faible intelli-
gence, tant qu'elle sera sous les enveloppes de la chair?
Il ne serait pas l'Etre infini, s'il nous était donné de le
connaître pleinement. « Dieu ne serait plus Dieu, disait
un sage païen, si l'on pouvait le comprendre, » —
« ni fort élevé au-dessus de nous, selon la remarque si
judicieuse de saint Augustin, s'il ne pouvait faire que ce
que notre raison peut concevoir. »— N'a-t-il pas droit,
d'ailleurs, à l'hommage de tout notre être, de notre in-
telligence conséquemment, par l'adhésion à des véri-
tés qu'elle ne comprend pas, comme de notre volonté
par la soumission à des préceptes qui la contrarient ?
Sans ce double sacrifice, quel mérite aurions-nous de
croire et d'obéir ? C'est précisément à cet abaissement
de notre esprit devant la suprême raison de Dieu, et
de notre volonté devant ses commandements, qu'est at-
taché le bonheur de le voir au ciel à découvert dans
toute la splendeur de sa gloire : Beati qui non vide-
ntnt et firmiter crediderunt .
II. Marie eut le bonheur de voir réalisé ce que les
Patriarches n'avaient qu'espéré— Dieu leur avait
promis qu'un Sauveur viendrait un jour; mais ils ne
pouvaient que l'entrevoir à travers les nuages obscurs
de l'avenir. Marie reçut de l'Ange non pas seulement la
promesse mais l'assurance positive de cette naissance
prochaine. Abraham a bien vu l'image du Messie Ré-
dempteur dans la personne d'Isaac, son fils unique;
mais ce ne fut toujours qu'une figure présentée à ce
Père des croyants. David aussi savait que de sa famille
devait naître un jour le Sauveur ; et même, dans ses
psaumes il a écrit par avance son histoire, les princi-
pales circonstances de sa vie, sa passion, sa résurrec-
216 JIEGINA l'ATHIARCHARLM
tion ; mais il n'a pu que le prédire et désirer le voir.
Marie plus favorisée, après l'avoir attiré par l'ardeur
de ses vœux, et comme par l'aimant de sa pureté et
de son humilité, l'a porté dans son sein, l'a vu de ses
propres yeux, beaucoup plus heureuse de sa présence
que les Patriarches ne l'avaient été de l'espérance et
du désir. La possession et la jouissance d'un bienfait
l'emportent assurément sur la promesse et l'attente.
La lettre d'un ami qui annonce sa venue est très
agréable, sans doute, mais son arrivée et sa présence
causent une joie toute autrement délicieuse. On aime
les fleurs pour elles-mêmes et comme heureux présage
du fruit; mais la vue et la cueillette du fruit, parvenu
à sa maturité, réjouit beaucoup plus encore. Ainsi les
Patriarches reçurent comme les lettres de Dieu qui an-
nonçait l'arrivée du Sauveur, mais Marie fut témoin
de l'avènement ; ils virent les fleurs, Marie reçut et
donna le fruit.
Morale : Sous ce rapport notre position a quelque
ressemblance avec celle de ces anciens justes. Nous
aussi, nous ne pouvons ici-bas que désirer les biens
célestes ; c'est dans l'autre vie que nous aurons la réa-
lité. Ce désir doit animer habituellement le vrai chré-
tien gémissant sur la longueur de son pèlerinage, et
Dieu en est tellement honoré, qu'il l'a mis au nombre
des sentiments qui doivent lui être exprimés chaque
jour : Que votre règne arrive. Mais pour que ces paro-
les divines ne soient pas un vain son dans notre bou-
che, ne cessons d'augmenter en nous ce désir : la con-
sidération suivante, peut, parmi beaucoup d'autres,
y servir puissamment. On éprouve quelquefois des
jouissances bien vives et bien pures, pour l'esprit, pour
le cœur et pour le corps. Si Dieu a semé ce lieu de
notre exil do ronces et d'épines de peur que, nous devo-
REGINA PATRIAHCHARUM 217
nant trop aimable, il nous fasse oublier et dédaigner
la patrie, il y a aussi entremêlé quelques roses, qui
nous donnent comme un échantillon de ce qu'est le ciel
lui-même : il a laissé tomber quelques gouttes de cet
Océan de beautés et de bonheur, pour nous faire tra-
vailler avec plus d'ardeur à en acquérir la plénitude.
Lors donc que la Providence nous ménage quelqu'une
de ces jouissances morales ou physiques qui nous im-
pressionnent agréablement, sachons entrer dans ses des-
seins. Ne les savourons pas pour elles-mêmes, portons
nos vues plus haut. Qu'elles nous soient comme un
avant-goût des célestes délices ; et que cette radieuse
perspective redouble notre activité à nous rendre dignes
de les goûter éternellement à la source même.
0 glorieuse Reine de ces vrais croyants que leur foi
a rendus si magnanimes d'espérance, de désirs et de
force, communiquez-moi leurs saints empressements
pour cette terre des vivants, où le Soleil de splendeur
infinie éclairera notre âme de sa lumière, et pénétrera
nos cœurs de ses ardeurs vivifiantes !
Pratique : A l'exemple de saint Ignace, trouvons
viles et méprisables les choses de la terre, auprès de
la couronne immarcessible qui nous attend au ciel.
EXEMPLE
CHATEAUBRIAND ET LES MARINS DEVOTS A MARIE.
« Un soir, dit Chateaubriand, nous nous trouvions
dans ces belles mers qui baignent les rivages de la
Virginie : toutes les voiles étaient pliées : j'étais oc-
cupé sur le pont, lorsque j'entendis la cloche qui ap-
pelait l'équipage à la prière ; et je me hâtai d'aller
mêler mes vœux à ceux de mes compagnons de voyage.
Les officiers étaient sur le château de poupe avec les
passagers: l'aumônier, un livre à la main, se tenait
218 REC1NA PROPHKTARUM
un peu en avant d'eux : les matelots étaient répandus
pèle-mèle sur le tillac ; nous étions debout, le visage
tourné vers la proue du vaisseau qui regardait l'occi-
dent.
Le globe du soleil, près de se plonger dans les
eaux, apparaissait entre les cordages du navire, au
milieu des espaces sans bornes. . . Il est bien à plaindre
celui qui dans ce spectacle n'eût point reconnu la
beauté de Dieu ! Des larmes coulèrent malgré moi de
mes paupières, lorsque mes compagnons ôtant leurs
chapeaux goudronnés, vinrent à entonner d'une voix
rauque leur simple cantique à Notre-Dame de Bon-Se-
cours, Patronne des mariniers. Qu'elle était touchante
la prière de ces hommes qui, sur une planche fragile,
au milieu de l'Océan, contemplaient le soleil couchant
sur les flots ! Comme elle allait à lame cette invo-
cation du pauvre matelot à la Mère de douleur ! » —
Dans ce récit, avec toutes ses circonstances si émou-
vantes, respire la foi vive et éclairée d'un homme jus-
tement célèbre par son génie, qui est sensible aux
beautés de la nature, et qui ne crut pas indigne de soi
de vénérer la sainte Mère de Dieu.
CHAPITRE XLII
REINE DES PROPHÈTES.
Cette qualification, non moins glorieuse que les
précédentes, Marie la mérite à plusieurs titres.
D'abord, elle-même fit entendre des accents inspirés,
et surpassa les prophètes de toute la dignité d'une
reine, lorsque dans son sublime cantique, mêlant au
souvenir des bienfaits reçus la prédiction de sa future
grandeur, elle annonça queloittes lesnationsla salue-
REGINA PROPHBTARUM "21!>
raient du nom de Bienheureuse. Cette étonnante pro-
phétie trouve, en effet, son accomplissement dans dix-
huit siècles de vénération, d'amour et de gloire, qui
placent ainsi la vierge au premier rang dans le corps
des Prophètes.
Elle est leur Reine, par ce qu'elle vit de ses yeux,
couvrit de ses baisers, et entoura de sa sollicitude
maternelle Celui qu'ils n'ont vu que dans le lointain
de l'avenir et sous des formes confuses.
Elle est leur Reine, parce qu'avec toute la hiérar-
chie céleste, ils sont admis à contempler ses traits
augustes. Moïse reconnaît en elle l'Arche sainte dont
celle du Tabernacle avait été la figure ; David, la Reine
assise, revêtue d'or, auprès du grand Roi ; Isaïe, la
Femme qui devait enfanter, sans cesser d'être vierge ;
Ezéchiel, la Porte fermée, par où seul passerait le
Seigneur ; tous, Celle qui devait s'élever fraichccomme
le lys parmi les épines, — pare comme la colombe,
— radieuse comme Vaurore, belle comme la lune,
unique comme le soleil, — et portant au front le
diadème de douze étoiles. Tous ces gracieux sym-
boles, longtemps allégoriques, sont maintenant dévoilés
aux yeux des Prophètes, qui tous en chœur accla-
ment Celle qu'ils voient sans ombre ni figure au sommet
de la gloire.
Marie est encore et surtout Reine des Prophètes,
parce que Vierge et Mère, elle fut, en même temps
que son Fils, l'objet de leurs prédictions, de leur éton-
nement, de leur admiration. Peut-être n'avez-vous
jamais prêté l'oreille aux sons mystérieux de cette
harpe touchée tour à tour par ces hérauts inspirés,
qui annoncèrent au monde sa miséricordieuse Libéra-
trice, intimement associée dans nos saints Livres au
divin Libérateur ? Et c'est sous ce point de vue que
220 REGINA PHOPHETARUM
nous allons envisager la majestueuse figure de Marie.
Il sera beau, et non moins glorieux pour nous que
pour elle, de voir que son existence ne s'est point bor-
née aux jours qu'elle a passés sur notre terre, et que,
si elle vit dans l'amour, la confiance et les hommages
de tous les peuples, elle a aussi vécu dans l'ancien
monde, figurée par les patriarches et autres person-
nages célèbres, prédite par les Prophètes, objet des
soupirs et de l'attente universelle, aussi bien que le
divin Rédempteur dont elle devait être la Mère. Tel
est l'intéressant tableau, voilé alors et aujourd'hui
mis en plein jour, qu'il nous faut dérouler sous vos
yeux. Mais comme les traits divers dont il se com-
pose perdraient au raccourci, nous le partagerons
en deux parties.
I. Nous allons grouper les principaux fragments
des prophéties, de manière à former un ensemble qui
nous montrera Marie révélée dès l'aurore du monde,
et l'objet de l'espérance générale.
II. Nous la verrons ensuite dépeinte sous différen-
tes figures, dont la réunion formait d'avance son his-
toire .
ARTICLE PREMIER
Marie, prédite dès le berceau du monde et dans la
suite des temps
C'est une loi assez générale qu'un effet est précédé
par quelque signe. Voyez dans la nature : la plante est
annoncée par le germe ; la fleur par la plante ; le fruit
par la fleur : l'aurore est l'avant-courrière du jour ;
l'éclair précède l'éclat de la foudre. Marie, ce germe
heureux de notre salut., cette fleur charmante d'odeur
et de beauté, cette aurore du Soleil de justice, devait
longtemps d'avance comme préluder aux grands évé-
nements qu'elle était destinée à produire. Aussi Dieu
REC.INA PROPHETAIU M 221
lui-même la fit connaître au monde en même temps
que son Libérateur futur.
Nos premiers parents venaient de tomber : la honte
et le remords les poursuivent : ils ont entendu la sen-
tence foudroyante qui les chasse du paradis de délices
et les condamne au travail, aux souffrances, à la mort:
un immense désespoir dût saisir leur âme si prompte-
ment coupable. Mais bientôt, la divine bonté vient
sécher leurs larmes, calmer leur effroi et les fortifier
par l'espérance. Je mettrai, dit le Seigneur au serpent,
des inimitiés entre toi et la femme, entre ta postéri-
té et la sienne; un jour elle V écrasera la tête. Par cet
oracle sorti de la bouche de Dieu même, et fondement
de tous les autres, qui dans la suite des temps n'en
seront que le développement, la Sagesse éternelle pro-
phétisait à nos infortunés parents leur rédemption fu-
ture, par l'entremise d'une femme privilégiée qui, en
enfantant le Réparateur de la gloire de Dieu et le Sau-
veur des hommes, doit briser la tête de leur ennemi
commun. Or, quelle est cette femme merveilleuse? Si
l'univers chrétien a constamment reconnu le Christ
dans cette race de la femme destinée à détruire l'em-
pire du démon, la Femme promise ne peut être que la
Mère du Christ . Voilà donc Marie en tête du nouveau
combat où l'enfer sera terrassé, comme Eve a été la
première dans l'attaque où l'homme a succombé.
Ainsi fut dévoilé à Marie la gloire d'avoir été annoncée
dès l'origine du monde, comme devant accomplir avec
Jésus le grand œuvre régénérateur de l' humanité dé-
chue. Après cette solennelle promesse, elle devint,
avec son Fils, l'objet de l'espérance et des brûlants
désirs de nos premiers parents et de leur postérité.
L es patriarches la montraient à leurs enfants comme
l'astre messager de ces jours de salut réservés au
2-22 REGIXA PnOPHETARUM
monde. Abraham plus privilégié reçoit de la bouche
de Dieu même l'assurance positive que la Mère du
Messie sortira de sa race, et que dans ce Fils qu'elle
doit enfanter seront bénies toutes les nations de la
terre.
A mesure que les siècles se déroulent, les prophéties,
qui la regardent, deviennent et plus nombreuses et
plus claires. La délicieuse attente d'un Libérateur
et d'une Femme Libératrice traverse les âges, s'aug-
mentant par les prédications successives des prophètes,
comme échelonnés de loin en loin, pour raviver dans
le cœur des peuples ce consolant espoir.
Ainsi David, l'illustre ancêtre de Marie, en trace le
portrait avec la complaisance de l'amour paternel . Il
nous la montre oubliant dès ses jeunes années son
peuple et la maison de son père, se consacrant au Roi
des rois, et pour prix de ce généreux sacrifice conce-
vant un Fils qui sera Dieu. Il a distingué son vête-
ment d'or, relevé par de riches et multiples variétés : il
l'a vue assise comme une Reine à la droite du Roi, en-
tourée des filles de Tyr et de Sidon, qui lui apportent
leurs présents, et des riches de la terre qui viennent
implorer son respect .
Jérémie, plongeant dans l'avenir s'attendrit sur les
douleurs de la fille de Sion ; il la voit blessée au cœur
dans ce qu'elle a de plus cher, oppressée d'amertume et
déchirée jusqu'au fond des entrailles ; on dirait qu'il a
assisté aux scènes du Calvaire.
Ecoutons Isaïe qui, impatient de voir le jour tant
désiré, demande, aux mies de pleuvoir le Juste, et à
la terre de s'ouvrir pour faire enfui germer le
Sauveur. Puis persant par son intuition prophétique
l'espace de six siècles, il entend d'aussi loin la voix de
l'Archange apportant la parole de la délivrance, et salue
REG1NA PitOPHETARUM ^223
d'un mémo cri et avec un même enthousiasme le prodige
inouï d'une Vierge Mère et d'un Dieu fait homme :
Ecce virgo concipiet... et vocabitur Emmanuel.
Qui ne voit dans cet oracle la Vierge Marie avec son
caractère miraculeux et exclusif de virginité féconde et
de maternité virginale?
Daniel va jusqu'à compter le nombre de semaines,
d'années qui doivent s'écouler avant l'accomplissement
de cette grande merveille : et comme ses devanciers il
parait avoir été admis aux conseils de l'Eternel, et
publier les Mémoires de Marie plutôt que crayonner
son avenir.
C'est ainsi que dans la Bible sacrée, comme dans
un registre ouvert, chaque Prophète venait inscrire un
mot, une page que l'on prendrait pour l'histoire anti-
cipée du divin Rédempteur et de sa divine Mère plutôt
que pour la prédiction du grand événement qu'ils doi-
vent réaliser. Ainsi Marie était-elle vivante dans la
foi et les espérances du peuple des promesses, comme
depuis son apparition au monde elle est vivante dans
notre culte. Pendant quatre mille ans, son attente en
même temps que celle du Messie entra dans les insti-
tutions, les usages, les cérémonies religieuses, les cou-
tumes même nationales de ce peuple, chez lequel tout
était figure, et que saint Augustin appelle « un seul
grand Prophète. »
Cette promesse, ces espérances et ces désirs sont
maintenant réalisés. La Femme merveilleuse qui a
tenu en suspens l'amour de tous les siècles, et occupé
une si large place dans le cœur des Prophètes, est en-
fin connue. Le vieux Testament n'est plus un livre
scellé : Marie nous en a apporté la clef ; elle a déchiré
le voile qui en couvrait les obscurités mystérieuses.
En étudiant dans les moindres détails toutes les pha-
"2iï REGINA PROPHETARIM
ses de son existence, le rôle sublime qu'elle a rempli,
et en les rapprochant des prédictions, on est forcé d'y
reconnaître la concordance la plus parfaite et de s'é-
crier avec Pascal : « En vérité, toute cette enchâssure
est divine î »
Morale : Oui, croyons fermement à un fait si conso-
lant pour nos cœurs. Félicitons-nous d'avoir dans la
plénitude de la réalité Celle que les prophètes n'ont
pu que prévoir et désirer. Ils n'avaient que le demi-
jour de la vérité et comme le crépuscule de l'espérance,
et cependant ils aimaient à rafraîchir leur àme par
l'attente de cette Vierge Réparatrice, ils adoucissaient
la rigueur et l'ennui de leur exil, en reposant leurs
regards sur le jour de la rédemption dont elle annon-
çait la prochaine arrivée. Nous, plus heureux, nous
jouissons de sa venue et de ses bienfaits, nous contem-
plons ses charmes ravissants. Vénérons donc de tout
près Celle qu'ils n'entrevoyaient que dans le lointain ;
vivons d'amour pour Marie, comme ils vivaient d'es-
pérance. — Un voyageur visitant la magnifique cathé-
drale dont Florence s'enorgueillit à bon droit, aperçut
un tableau de Marie, qui attira surtout son attention .
Frappé des attraits divins de la Mère de Dieu, il répé-
tait sans cesse qu'une des choses qui lui inspiraient le
plus d'horreur pour l'enfer, c'est qu'on y était à jamais
séparé de la présence de la Vierge, dont une ombre
l'avait transporté hors de lui-même. Qu'était, cepen-
dant, ce portrait, auprès de l'admirable original qui
est dans les deux ! Et si les Patriarches et les Prophè-
tes qui ne l'ont vue que dans les obscurités de l'avenir,
l'ont néanmoins tant désirée, combien encore une fois
devons-nous l'aimer, nous qui en connaissons les ravis-
santes beauté
Non, vous n'êtes plus pour nous un objel d'attente,
REGINA PROl'HETAltUM 225
auguste Vierge, vous êtes une Mère véritable, une
Reine à tous. Du haut de votre trône, vos bras nous
sont ouverts, vos yeux veillent sur nous, votre cœur
nous est un asile. Continuez-nous une protection qui
nous réunisse et nous fixe avec vous dans les immua-
bles réalités du bonheur éternel.
Pratique : Remercions souvent le Seigneur d'être
nés dans le sein de l'Eglise catholique, où, entre autres
avantages, nous avons celui de connaître et de pouvoir
prier la très sainte Vierge .
EXEMPLES
HEUREUX EFFETS DU SOUVENIR DE MARIE .
Je fus mandé, racontait un missionnaire, par un
homme déjà âgé, dont la vie n'avait été qu'un long
tissu de désordres et de scandales. A peine étais-je
arrivé, qu'il se jette à mes pieds, en me disant : Vous
voyez, Monsieur, un pécheur abominable, sauvez-le !
— Je le rassure de mon mieux, et lui demande ce qui
a pu éveiller en lui ces sentiments ?— Je l'ignore absolu-
ment, me répondit-il. — Avez-vous pu suivre nos ins-
tructions ? — Pas du tout, j'étais retenu au lit ; et quand
même...— Vous alliez, sans doute, quelquefois aux of-
fices? — Jamais. — Quelque ami mieux pensant vous
aurait-il?... — Des amis, je n'en ai point, et je les
eusse choisis selon mes principes. — Suspendant mes
questions, je réfléchissais, lorsque mes yeux aperçoivent
un tableau de la sainte Vierge. — Quoi ! m'écriais-je,
un tel tableau chez vous ? — Eh oui ! Monsieur, reprit
le vieillard ; et même je n'ai respecté que cela ; chaque
jour, pour toute prière, je saluais cette image en réci-
tant un Ave Maria, par respect pour les dernières
volontés de ma mère. — Ah ! cher ami, lui dis-je tout
ému, réjouissez-vous: c'est à Marie, n'en doutez pas.
226 REGI X A PROPHETARIM
c'est à ce faible tribut de respect pour elle que vous
devez votre conversion .
— Un prince idolâtre résistait à toutes les instances
d'un missionnaire ; rien ne pouvait amollir son cœur,
le tourner vers Dieu ; et l'apôtre découragé ne savait
plus à quel moyen recourir. Il lui vint en pensée de
mettre sous les yeux du roi l'image de la Vierge qu'il
portait avec lui. A cette vue, l'infidèle s'attendrit ; il ne
connait pas encore le Dieu du ciel ; mais en voyant
cette divine Mère qui sourit à son enfant, il comprend
que la religion qu'on lui annonce doit être une loi
d'amour et de clémence ; il tombe à genoux devant
cette image, et se relève chrétien.
ARTICLE SECOND
Marie figurée dans l'ancien Testament.
Tout, chez la nation juive, ses institutions, ses sa-
crifices, ses cérémonies, ses grands hommes, ses édi-
fices même, était l'ombre de l'avenir, la figure de ce
qui devait être dans le Christianisme. Ainsi, la loi de
Moïse figurait la loi du Christ ; les sacrifices sanglants,
celui de la Croix ; l'Arche sainte et le Temple étaient
l'image de nos temples ; Abel représentait l'innocence
du Dieu Sauveur ; Melchisédech, son sacerdoce ; Jo-
seph, sa sagesse : Jouas, sa résurrection : ainsi se
dessinait d'avance la figure de Jésus-Christ. « Mais,
dit saint Bernard, si l'Ecriture montre partout le Fils,
elle n'a pas oublié la Mère, par laquelle le Verbe s'est
fait chair, et qui coopéra si activement à l'œuvre de
la Rédemption. » Dès l'origine des siècles, la terre
entière est occupée de Marie : nous l'avons vue pro-
mise à Adam après la chute, ardemment désirée par
les patriarches, prédite par les Prophètes conjointe-
ment avec son Fils : maintenant contemplons les
UEG1NA l'ROPHETARUM 2*27
nobles Figures de son sexe qui l'ont représentée. Elles
forment comme une longue galerie commençant à Eve
et venant aboutir à Marie, en qui se résument tous
leurs traits divers. Soulevons un moment le voile qui
les couvre, et nous verrons que toutes ces femmes
fur l.s, ces mères illustres, ces veuves désolées, ces
reines majestueuses, que nous pourrions appeler les
aïeules de la Vierge, n'étaient que comme les plans
en relief de ce Temple magnifique que devait se bâtir
la Sagesse éternelle.
Le premier personnage qui se présente à nous, c'est
la mère des humains, figurant Marie par ressem-
blance et par opposition. — Eve, dit saint Irénée,
vierge encore lorsque le démon lui parle ; Marie,
Vierge à l'arrivée de l'Ange, et toujours Vierge en
concevant le Christ. — Eve, écoutant l'esprit de
ténèbres, pour se laisser séduire ; Marie, croyant à
Gabriel, pour nous sauver avec elle. — Eve vaincue
par le serpent ; Marie, lui écrasant la tète. — Eve,
prodige d'orgueil et de révolte ; Marie, miracle d'hu-
milité et d'obéissance. —Eve, introduisant la mort
dans le monde ; Marie, y ramenant la vie. — Eve,
s'associant Adam pour la prévarication ; Marie, asso-
ciée à Jésus pour l'expiation. — Qui ne voit entre ces
deux femmes si diversement fameuses, des rapports
que le ciel seul a pu dessiner ?
Après Eve, qui parait au berceau du monde, se
montre Sara, à la naissance du peuple des promesses.
Sara, type aussi très expressif de Marie, par son nom
d'abord, qui signifie Souveraine ; puis par sa fécondité
miraculeuse. Sara, malgré la double stérilité de la
nature et de l'âge, met au monde un fils unique, et
devient la mère d'une postérité plus nombreuse que
les étoiles du ciel : Marie, féconde nonobstant son
228 REGIS A PROPHETARUM
vœu de virginité et contrairement à toutes lois de la
nature, devient, par Jésus, Mère et Reine de toutes
les générations à venir. L'une et l'autre ont cru à
l'Ange qui leur annonçait un fils. Isaac Lui-même
figure la grande Victime qui gravira la même mon-
tagne, portant aussi le bois de son sacrifice, mais qui
ne demandera pas où est la victime de l'holocauste.
Une autre figure de l'ère patriarchale, c'est Rébecca.
Rébecca, modèle de sagesse, sapiens ut Rebecca /Ma-
rie, Trône de la sagesse. Rébecca, brillante de tous les
charmes de la nature : Marie, belle des dons bien au-
trement précieux de la grâce . Rébecca, choisie parle
plus fidèle serviteur d'Abraham pour être l'épouse
d'Isaac : Marie, à qui Dieu députe le premier des
archanges pour lui annoncer la maternité divine. Ré-
becca, mère de Jacob, l'héritier des promesses ; Marie,
enfantant Jésus l'accomplissement de ces mêmes pro-
messes . Ce tableau précurseur de la Vierge-Mère ne
semble-t-il pas achevé dans toutes ses parties ?
Cependant pour le rendre plus complet, citons en-
core Rachel. dont le nom. AmaMlis, exprime la dou-
ceur et les charmes. Rachel. triste et solitaire au
foyer de Jacob : Rachel. dont Dieu n'exauce qu'après
de longues années la prière d'être mère, et devenant
ensuite par la perte de son enfant, l'expression de la
plus inconsolable des douleurs . A tous ces traits, qui
n'a reconnu Marie ignorée, et dont les jours ont été si
traversés par l'épreuve et la souffrance? Rachel
encore, mère du Sauveur de l'Egypte, et Marie, Mère
du Sauveur du monde, vrai Joseph qui, vendu par ses
frères, leur a ensuite pardonné, les a nourris, enrichis
et sauvés de la captivité et de la mort.
Dans la vaillante Débora, prophétesse et juge
d'Israël, qui. voyani la détresse de son peuple, n'hésite
REGINA PROPHETARUM 229
point à quitter le palmier sous lequel elle conciliait
les différents, pour accompagner son fils au combat,
et remporte sur l'ennemi une éclatante victoire, peut-
on ne pas reconnaître Marie, plus que Prophétesse,
assise dans le temple séjour de paix et de concorde,
et montant sur le Calvaire avec Jésus, ce Géant invin-
cible, qui ne veut pas combattre sans l'avoir à ses
côtés, et terrasse le redoutable ennemi du genre
humain .
Et Judith, cette noble femme, la plus irréprochable
de toutes les veuves, victorieuse d'Holoferne, et pro-
clamée la libératrice d'Israël, la joie et l'honneur de
la nation, n'est-ce pas trait pour trait Marie sur la
terre et au ciel ?
Dans ce tableau de femmes illustres, types figura-
tifs de Marie, pourrions-nous oublier le nom d'JEslher,
qui vient dignement les couronner ? Esther, idéal de
la beauté, vierge jusque-là ignorée, attire sur elle les
regards du plus puissant des rois qui l'a fait asseoir à
sa droite sur le trône de Vasthi rejetée pour avoir
désobéi à son Seigneur ; Esther, obtient d'Assuérus la
révocation de redit porté contre son peuple, fait atta-
cher à la potence l'orgueilleux Aman, et sauve avec
Mardochée toute la nation juive. 0 Marie, Vierge par
excellence, inconnue de tout Israël, c'est ainsi que,
aj'ant plu au Seigneur, vous en reçûtes le titre de
Reine de l'univers qu'Eve avait perdu par sa prévari-
cation ; vous déjouâtes les trames de l'enfer, et ob-
tîntes Une sentence de grâces en faveur de votre peuple !
Que ces harmonies sont ravissantes! Quelle remar-
quable identité entre ces héroïnes judaïques et Marie,
réunissant tous les traits divers qui les ont caracté-
risées ! Oui, dans sa personne se reflète, comme dans
un miroir, tout ce que ces célèbres existences ont
2'M) REGINA PROPHETA1UM
offert à l'admiration de leurs contemporains. Et cha-
cune de ces allégories animées étail comme une pa-
role d'espérance, que le ciel laissait tomber dans le
cœur des peuples, pour y entretenir l'attente de la
rédemption future.
.Même au sein des nations idolâtres et sauvages, on
retrouve vivante la tradition d'une Vierge qui devra
donner naissance à un grand Libérateur. Au milieu
de ce cahos d'erreurs et de vices qui constituaient le
Paganisme , deux grandes croyances surnageaient
étroitement liées, la croyance à un Messie futur et à
une Vierge qui devait être sa mère: croyances bien
vagues, il est vrai, revêtues de formes différentes, et
mélangées de beaucoup d'erreurs et de superstitions,
mais dans lesquelles on reconnaît facilement un reste
altéré de la tradition des premiers âges : les hommes
ayant tous une même origine avaient emporté la
même foi en se dispersant sur la terre.
Morale : Et pourquoi donc Dieu voulut-il sauver
du grand naufrage des vérités primordiales ce point
fondamental de la religion primitive ? Pourquoi veil-
lait-il avec un soin si délicat à sa conservation ?
Cétait pour préparer les hommes à la venue de son
divin Fils, et pour donner à Marie, sa Mère, une gloire
à laquelle rien ne manquât. Quelle grandeur, en effet,
d'avoir, avant de naître, vécu des milliers d'années
dans la foi et le désir rie l'univers entier, là même où
s'était perdue la connaissance du seul vrai Dieu, là où
la terre se souillait des crimes les plus abominables !
Quel héros s'honore d'avoir ainsi préexisté dès l'ori-
gine et sur tous les points du monde ?
Vous seule, ô Marie, avec Jésus, avez ainsi vécu et
par le plu- brillant côté de votre mission sublime,
dans la pensée des âges? Vous deviez en eela être
TIEfiINA PROPHETAKUM 231
associée à votre Fils, comme vous participâtes à toutes
les phases de sa vie et à sa mort sur le Calvaire,
comme aujourd'hui encore vous partagez au ciel et
sur la terre sa gloire et sa puissance. Ah ! que nous
devons être fiers d'avoir une telle Reine ! Si dans le
monde l'ancienneté d'origine, la noblesse de famille,
les hauts faits et les vertus éclatantes des ancêtres sont
aux descendants un sujet d'orgueil et de gloire ; nous,
chrétiens, loin de rougir d'appartenir à Marie, ne de-
vons-nous pas être saintement orgueilleux de former
sa famille, de compter parmi ses enfants ? Marchons
donc sous ses étendards avec une sainte liberté et une
religieuse indépendance.
0 très sainte Vierge, non-seulement je m'en ferai
honneur, mais tout mon désir serait qu'il n'y eût pas
sur la terre un seul esprit qui ne se courbât devant
vous, pas un cœur qui vous ne aimât, pas une bouche
qui ne publiât vos grandeurs, pas un genou qui ne
fléchît à vos pieds, pas une douleur ni un besoin dont
le cri ne montât jusqu'à vous. Puissé-je du moins,
pour ma part, vous aimer et vous honorer autant que
vous en êtes digne !
Pratique : Visiter les églises consacrées à la sainte
Vierge : saint Henri, empereur, et saint Vincent de
Paul avaient pour habitude, en entrant dans une ville,
d'aller d'abord offrir leur hommage à Marie, au pied
de ses autels. Il faut , pour l'honorer , se mettre au-
dessus de tout respect humain .
EXEMPLES
BEAUX DÉVOUEMENTS POUR LA SAINTE VIERGE.
Il y a quelques années, un élève de l'Ecole poly-
technique trouve un chapelet dans une des salles. In-
digné à la pensée que dans l'illustre Ecole on puisse
2M"2 REGINA PROPHETARUM
réciter cette humble prière, il réunit ses amis, leur
fait part de la découverte, et tous jurent de faire bonne
justice d'une pareille superstition. En effet, le mot
d'ordre est donné : après un des exercices, on se ras-
semble dans la cour ; le chapelet est attaché à la bran-
che d'un arbre, et l'élève qui l'a trouvé s écrie sur le
ton de la plus insolente raillerie : « Que celui de nos
chers camarades qui a perdu son chapelet, vienne le
prendre. » Tous gardent un profond silence ; mais on
voit s'avancer noblement un jeune étudiant, proclamé
naguère le premier numéro sortant de l'Ecole; il va
prendre tranquillement le chapelet, et s'adressant à
celui qui l'a défié : « Merci, mon cher ami ! en restant
chrétien, je ne crois pas avoir déshonoré l'Ecole. »
Bravo ! s'écrie-t-on de tous les rangs ; bravo ! c'est
avoir du courage !.... Le Directeur, témoin de cette
scène va prendre la main à ce vaillant soldat de Jésus-
Christ, et lui dit avec une profonde émotion : « Bravo !
mon ami ; quand on sait ainsi défendre ses convictions
et sa foi, on saura servir son pays, on saura mourir
pour sa patrie ! »
— Sous le règne de François Ier, quelques luthé-
riens iconoclastes avaient porté leur haine contre la
sainte Vierge jusqu'à briser sa tête et aussi celle de
l'Eiifant-Jésus, à une statue placée sur la façade d'une
maison. L'indignation fut générale ; et le roi lui-même
ne rougit pas de tirer une vengeance éclatante de cette
sacrilège profanation, D'abord, il promit une somme
de mille écus à celui qui en découvrirait les auteurs :
de plus, il rit faire en argent une autre statue sembla-
ble., Et le 13 juin 1528, entouré des princes du sang,
de tous les corps du royaume, après une messe solen-
nelle, en présence du chapitre de Paris et de plusieurs
évéques, il accompagna, à pied, un cierge à la main.
REGINA APOSTOLORUM V'M
la procession expiatoire, où Ton portait la sainte image.
Arrivé sur le lieu du crime, il la plaça lui-même dans
sa niche, après l'avoir baisée respectueusement, et
pria pendant quelque temps à ses pieds, non sans
avoir répandu, pendant toute la cérémonie, de douces
larmes qui complétaient les autres témoignages de sa
foi et de sa tendre dévotion. — Après de si nobles
exemples, on est bien encouragé à ne pas rougir d'ho-
norer la sainte Vierge.
CHAPITRE XLIII
REINE DES APOTRES.
La cour céleste se compose de trois classes bien dis-
tinctes, qui ne forment qu'une seule famille , n'ont
qu'un même sentiment, l'amour de Dieu, une même
occupation, celle de le louer sans cesse. La première
classe est celle des anges, purs esprits qui n'habitèrent
jamais notre monde. La seconde est celle des justes de
l'ancienne Loi, et principalement des patriarches et
des prophètes, qui par la vivacité de leur foi, l'ardeur
de leur espérance et une régularité de conduite remar-
quable, méritèrent au céleste séjour une place distin-
guée. La troisième comprend les saints de la loi nou-
velle, à la tête desquels sont les Apôtres, qui ont vu de
leurs yeux le Sauveur, ont recueilli de sa propre bouche
les oracles de son infinie sagesse, les ont ensuite portés
dans tout l'univers et scellés de leur sang. Après de si
généreux travaux, le front ceint d'immortelles couron-
nes, ils se reposent sur douze trônes de gloire près du
Christ, leur divin Maître. Mais Marie siège sur un
trône beaucoup plus élevé et plus radieux.
PARAPHRASE. — T. II. 14
234 REGIXA APOSTOLORUM
I. Parce qu'elle les a surpassés sur la terre en fidé-
lité, en zèle, en science ;
II. Parce qu'elle a contribué avec eux et même plus
qu'eux à la formation de l'Eglise.
I. Marie surpassa les Apôtres, d'abord en fidélité
à l'égard de son divin Fils. — Dans le cours de
sa passion, je cherche en vain les Apôtres ; tous, à l'ex-
ception d'un seul, l'ont abandonné, et si saint Pierre
reste présent, c'est pour le renier. Mais Marie alors
se trouve là : aussitôt qu'elle sait Jésus entre les mains
de ses bourreaux, elle accourt à sa rencontre et ne le
quittera plus : rien ne peut l'arracher à ce cruel spec-
tacle, et s'il l'eût fallu, elle aurait de grand cœur joint
le sacrifice de sa vie au sacrifice offert par son Fils :
c'est bien là être fidèle jusqu'à la mort.
Supérieure aux Apôtres par son courage et sa fidé-
lité, Marie le fut encore par son zèle à faire connaître
Jésus- Christ , même avant sa naissance. Car , il est
bien permis de croire qu'un des buts de sa visite si
empressée à sa cousine Elisabeth, fut de procurer à
l'enfant, que celle-ci portait, la connaissance de Celui
dont il devait être le Précurseur. Et, lorsque plus tard
Jésus aura commencé de s'annoncer pour Je Messie,
si Marie sollicite son premier miracle aux noces de
Cana, ce n'est point seulement par un sentiment de
charité envers les époux qui manquaient de vin, c'est
aussi pour que ce fait miraculeux, proclamant tout
haut la divinité de Jésus, lui attire des croyants : et
alors encore, ne fut-elle pas Apôtre par excellence, en
disant aux serviteurs : Faites tout ce que mon Fils
vous dira ? Il était venu sur la terre non-seulement
pour nous rouvrir le ciel, mais encore pour nous mon-
trer le véritable chemin qui y conduit, et nous poser
:idilions auxquelles on le gagnera. Or, Marie, par
RBGINA APOSTOLORUM *1X>
ces paroles prononcées au début de la vie publique de
Jésus-Christ, nous donne à tous l'avertissement salu-
taire, que dans cette soumission parfaite à sa volonté
consiste tout l'esprit du Christianisme.
C'est aussi par la science des choses divines que
Marie l'emporta sur les Apôtres. Jusqu'au jour de
leur vocation, occupés uniquement des besoins de la
vie matérielle et des moyens d'y pourvoir, ils n'avaient
eu ni le temps, ni la facilité de développer leur intel-
ligence; et, quoique formés ensuite pendant trois ans
à l'école du divin Maître, ils en avaient souvent reçu
le reproche de pesanteur d'esprit. Marie, au contraire,
dès le moment de sa Conception, fut privilégiée, selon
de graves auteurs, d'une raison très avancée et d'une
mesure de science qui alla toujours croissant, surtout
quand elle eut renfermé dans son sein le grand Doc-
teur de toutes choses. « Cette fontaine de la divine
sagesse, .dit Denys-le- Chartreux, venant à déborder,
pour ainsi parler, de son lit éternel, sur qui d'abord
devait-elle s'épancher, si ce n'est sur sa Mère? Qui
devait-elle inonder plus abondamment que sa Mère ? »
Et pendant ces longues années qu'elle passa avec Celui
qui est toute science, que ne dut-elle pas acquérir,
attentive qu'elle était à recueillir et à conserver dans
son cœur toutes les paroles de sa bouche ! Aussi saint
Léon l'appelle « le plus élégant volume des pages du
Verbe divin. » Et saint Ambroise ne s'étonne nulle-
ment que saint Jean se soit élevé, comme un aigle, si
fort au-dessus des autres Evangélistes, attendu qu'il
avait étudié si longtemps à l'école de Marie. Cette
supériorité de science et de lumières était déjà un titre
à devenir la présidente et comme l'institutrice du Col-
lège des Apôtres, et la Reine-Mère de toute l'Eglise
qu'ils allaient fonder. En effet,
236 MEfilNA APOSTOLORUM
II. Elle contribua avec eux et même plus qu'eux
à l'établissement de la religion, à la formation de
l'Eglise naissante. — A peine revêtus de la force d'en
haut, au jour de la Pentecôte, les Apôtres s'élancent
dans l'arène pour combattre les erreurs et les désor-
dres du vieux inonde. Bientôt, au son de leur parole
les terres auparavant stériles, arrosées de leurs sueurs,
et plus tard engraissées de leur sang, produisent une
riche moisson de chrétiens. L'Eglise de Jésus-Christ,
victorieuse de tous les obstacles, s'élève sur les ruines
du Judaïsme et du Paganisme : et c'est là le plus
beau triomphe qui se soit jamais vu, mais dans lequel
une large part revient à la Vierge Marie .
En effet, si après l'Ascension les bienséances de son
sexe et sa profonde humilité ne lui permettent pas
d'aller par le monde faire connaître Jésus-Christ, elle
n'y aida pas moins en toute manière et même plus
que les Apôtres. D'abord au Cénacle, à la tète de cette
vénérable Assemblée, n'avait-elle point, par l'ardeur
et la continuité de ses prières, attiré sur eux les dons
du Saint-Esprit ? Lorsque ensuite ils seront sur le
champ de bataille, Marie dans la sollitude, comme un
autre Moïse, élèvera ses mains vers l'auteur de tout
don, et par les grâces obtenues elle contribuera à la
conversion du monde, autant que les Apôtres par la
sainteté de leur vie et la force de leurs paroles. Ses
sublimes vertus aussi, quittaient un Evangile vivant,
et la copie fidèle de son divin Fils, montraient en ac-
tion la doctrine que prêchaient les Apôtres.
A cette bonne odeur des vertus elle joignait la
lumière de ses instructions, la sagesse de ses conseils.
Elle était l'oracle de l'Eglise naissante, le guide et le
flambeau des Apôtres et des fidèles. C'était près d'elle
qu'ils se faisaient un bonheur et un devoir de venir
REGINA APOSTOLORUM 237
s'éclairer dans leurs doutes , se décider dans leurs
embarras, se ranimer dans leur découragement, se
consoler dans leurs peines, réchauffer leur zèle pour
le salut des âmes, s'encourager au martyre. Telle fut
l'occupation de la sainte Vierge durant le reste de sa
vie, vingt-cinq ans environ ; vie d'apostolat continuel.
C'était la Femme forte, qui gouvernait la maison en
place de Y Epoux . Si donc elle vécut longtemps après
Jésus remonté au ciel, c'est qu'il voulait donner à son
Eglise encore au berceau, une mère pour la nourrir
et l'élever, un modèle pour la former, une maîtresse
pour l'instruire et la diriger : c'est qu'il fallait l'ombre
tutélaire de cette auguste Vierge à ce petit grain de
sénevé, pour germer, prendre racine, grandir, et de-
venir cet arbre aux rameaux étendus qui couvre main-
tenant tout l'univers de son ombre bienfaisante.
Morale : Mais qu'il ne vous suffise pas d'admirer
ce zèle si empressé de Marie pour la religion de Jésus-
Christ. Puisez-y, chrétiens, une sainte émulation à
continuer cette grande œuvre de la sanctification des
hommes, qui demande le concours de tous. Sachez
bien que sans être par état, apôtres, prédicateurs,
pasteurs, vous avez aussi un genre d'apostolat à exer-
cer. Ne pensez pas que le devoir de travailler au salut
des âmes n'incombent qu'aux seuls pasteurs : chacun
le doit dans l'étendue de son pouvoir : imicuique enim
mandavit Deas de proximo suo. Vous vous croiriez
coupables, si voyant un animal près de périr vous ne
lui portiez secours ; mais une âme que Jésus-Christ a
estimée jusqu'à répandre pour elle son sang, et qu'il
destine à régner éternellement au ciel, serait-elle donc
sous vos yeux d'un moindre prix ? Pour peu que vous
ayez encore d'amour pour Dieu et de charité pour vos
frères, dispositions indispensables à un chrétien,
238 REGI N A APOSTOLOIU'M
pourrez-vous voir d'un œil sec, et sans y porter re-
mède, Dieu outragé et une âme qui se perd? Qu'un
membre du corps ressente quelque douleur, reçoive
la moindre blessure, tous les autres viennent à son
secours ; chacun s'empresse de lui prêter son ministère
pour le soulager ou le guérir. Même compassion, même
sollicitude, même activité de la part d'une famille, s'il
arrive que l'un d'eux soit frappé d'un malheur quel-
conque. N'est-ce donc que pour la grave question de
biens ou de maux éternels, et dans la grande famille
chrétienne, qu'il sera permis de rester indifférent ?
Sauver une àme, la préserver du péché ou l'en retirer,
n'est-ce pas l'acte le plus parfait de dévouement pour
Dieu et pour le prochain ? « C'est, dit saint Denys, de
toutes les œuvres la plus divine. »
Pour atteindre un si noble but, vous avez en main
plusieurs moyens aussi faciles qu'efficaces, des prières
ferventes, et souvent renouvelées, l'assistance à la
sainte Messe, l'action d'une douce remontrance, d'un
avis charitable, d'un sage conseil donné à propos, et
par-dessus tout la force du bon exemple, qui est plus
puissant qu'une bonne parole pour toucher les cœurs.
Il est impossible de ne pas respirer, une fois ou l'autre,
le parfum qui s'échappe d'un exemple édifiant. C'est
une leçon muette, mais dont le sens vivement exprimé
ne se perd jamais, et qui est d'autant plus persuasive,
qu'en rappelant à un devoir elle en applanit les diffi-
cultés sans froisser l' amour-propre . «L'exemple aide
plus à la conversion que les miracles, nous assure
saint Jean Chrysostôme. » — « C'est, a dit un sage
moraliste. l'Evangile des faibles et des ignorants. .0
Voilà un genre de prédication imposé à tous, mais
encore plus à ceux <jue la science, la fortune, l'âge.
nniturit*'-. la position dans le monde mettent au-dessus
RBGINA APOSTOLOKUM 239
du vulgaire. Plus l'exemple tombe de haut, plus l'effet
en est prompt et étendu.
Mais à qui principalement devez -vous ce zèle de
l'exemple et les autres moyens de sanctification ? Si-
non à ceux que Dieu a placés sous votre dépendance,
et dont la responsabilité pèse sur vous. Votre vie, vos
actions, vos discours, n'en doutez pas, seront la règle
de leur vie, de leurs actions, de leurs discours. Mal-
heur donc à vous, si, au lieu d'édifier, vous prépariez,
par une coupable négligence ou la perversité de vos
exemples, la ruine de ceux dont le salut vous est confié !
Mieux vaudrait, dit Jésus-Christ, ri être pas né ou
trouver la mort au fond de la mer, que de scanda-
liser un seul de ses petits.
0 très glorieuse Reine des Apôtres, qui les avez
enflammés de ce beau zèle dont vous brûliez vous-
même pour les âmes, mettez aussi dans mon cœur
une étincelle de ce feu que votre Fils est venu apporter
sur la terre, et dont il voudrait nous voir tous em-
brasés !
Pratique : Priez souvent la Reine des Apôtres pour
les besoins de l'Eglise.
EXEMPLE
DÉVOTION ENVERS LA SAINTE VIERGE, EN ALGÉRIE
Partout où les armes guerrières ont subjugué les
nations barbares et infidèles, les Apôtres de Jésus-
Christ ont succédé aux vainqueurs, pour y apporter
les immenses bienfaits de la civilisation par le Chris-
tianisme.
Il n'y a pas longtemps que l'Algérie a joui de cette
insigne faveur. A la suite de nos armées victorieuses,
la religion chrétienne y est rentrée, après en avoir été
bannie depuis tant de siècles par le Mahométisme. Et
240 REGI S A APOSTOLOItUM
là, comme partout, les nouveaux convertis n'eurent
pas plutôt entendu parler de la sainte Vierge, qu'ils
s'empressèrent de l'entourer de leurs hommages et de
leur confiance. Voici ce qu'en écrivait, dès le com-
mencement, un curé de cette colonie : « Ces peuples
ont une tendance toute particulière à la dévotion en-
vers la sainte Vierge. Aussi me suis-je empressé de
faire construire un autel à cette bonne Mère. Pour
piquer leur curiosité et exciter leur dévotion, nous
avons fait tant bien que mal une Vierge en cire que
nous avons habillée magnifiquement. Tous ces bons
Arabes se portent en foule à la chapelle de Celle
qu'ils appellent Madame Marie ; ils la regardent tout
étonnés, et la prient spontanément à leur manière,
par un mouvement de leurs mains, la paume tournée
vers le ciel, les élevant et les abaissant tour à tour,
en prononçant avec vivacité et onction des paroles de
confiance et d'amour. Puis, se tournant avec satis-
faction vers nous, ils nous disent dans leur langage:
« Madame Marie est la Mère de Dieu : c'est aussi
notre Mère, puisque vous nous l'avez dit. Elle est
bien bonne, puisqu'elle vous a inspiré de venir nous
faire tant de bien. » Ils finissent toujours leur éloge
à Marie par ces mots : « Tous ensemble, vous et nous
aimons beaucoup Madame Marie. » Les femmes des
principaux habitants ont demandé des médailles et
des statuettes de la sainte Vierge, qu'elles portent à
leur cou, comme la plus belle parure, et qu'elles
baisent avec dévotion trois fois par jour, en priant
cette Mère de miséricorde de les éclairer et de les pro-
téger. »
REGINA MARTYRUM 241
CHAPITRE XLIV.
REINE DES MARTYRS.
Oh ! qu'elle est belle dans la cité des élus cette armée
de héros chrétiens qui, plutôt que de renoncer à leur
foi, de manquer à un devoir, de se souiller par une faute,
ont préféré perdre leurs biens, se séparer de leur fa-
mille, subir les duretés de l'exil, endurer tous les tour-
ments, la mort même la plus cruelle ! Hommes de tous
les âges, jeunes filles timides, faibles enfants, vieillards
qu'on eût crus débiles, ils ont passé par les chevalets,
les bûchers, les étangs glacés, les bêtes des amphithéâ-
tres ; ils ont souri aux tortures, et rendus grâce aux
meurtriers, tant ils s'estimaient d'être appelés à donner
leur vie pour Jésus-Christ. Qu'elles sont nobles les
palmes qu'ils portent dans leurs mains ! Qu'elles sont-
glorieuses les couronnes qui ceignent leur front vain-
queur ! Qu'elle est magnifique la gloire dont ils brillent
au sein du bonheur et du repos !
C'est à la tête de ces illustres triomphateurs que
nous allons vous montrer Marie, véritable Reine des
Martyrs. Elle ne fut point, il est vrai, exposée à toutes
leurs épreuves ; mais le titre glorieux de martyr
lui convient tout aussi bien : si elle ne l'a pas acheté
au prix de son sang, c'est au prix de ses larmes ; et
les larmes, les larmes d'une mère, c'est plus que du
sang. « Marie fut martyre, dit saint Bernard, non
par le fer du bourreau, mais par l'immense douleur
qui submergea son cœur. » Dès l'Incarnation, et tou-
jours après, elle justifia ce titre ; mais ce fut au Cal-
vaire surtout que Jésus, détachant de sa tête quelques
épines pour en faire une couronne à sa Mère, la pro-
clama Reine des Martyrs. Elle le fut, en effet,
-l'i'l REG1NA MAKTTUUH
I. Par la longue durée de ses souffrances :
II. Par leur vive intensité :
III. Par son rare courage à en supporter le poids.
ARTICLE PREMIER
Marie, Reine des Martyrs, par la longue durée
de ses douleurs.
Les Martyrs ordinaires n'eurent à souffrir que
quelques moments ou quelques jours, rarement plu-
sieurs mois. Ce n'est pas que nous voulions, par cette
remarque, affaiblir le mérite du courage qu'ils ont
déployé, ni abaisser le prix de leurs souffrances. Mais,
qui ne sait que, dans toute espèce de tourments, la
longue durée est beaucoup plus insupportable que
l'intensité momentanée de la douleur ! On supporte une
tribulation passagère, bien que cruelle ; mois le
courage faiblit facilement, si elle se prolonge, ou seu-
lement parait devoir durer longtemps : la continuité
de la souffrance en augmente considérablement le
poids.
Tel fut le martyre de la très sainte Vierge : il com-
mença avec les paroles de l'Ange, et ne se termina pas
même au Calvaire. Versée dans la connaissance des
saints Livres, Marie savait tout ce que les prophètes
avaient annoncé des douleurs, des humiliations, de la
mort ignominieuse et sanglante que devait subir le
Sauveur attendu ; tous ses tourments étaient, par an-
ticipation, présents à ses yeux. En consentant à devenir
sa Mère, elle vit donc, comme dans un miroir, toute la
série des tribulations qui en seront pour elle-même la
conséquence. Elle n'ignorait pas que cet Enfant serait
un jour l'Agneau immolé par L'ingratitude du peuple
juif; et c'est avec cette pensée continuellement doulou-
reuse, qu'elle attendit sa naissance, qu'elle le mit au
ItEGINA MABTYRUM 243
monde, qu'elle le vit croître à ses côtés pendant trente
ans. Quelle jouissance pouvait donc goûter cette tendre
Mère, auprès d'un berceau qui était pour elle un Cal-
vaire anticipé ? Imaginez, si vous le pouvez, ce qu'é-
prouverait une mère élevant un fils qu'elle saurait
destiné à l'échafaud ? La vue de Jésus croissant en
âge, en sagesse, en amabilité, loin donc de la réjouir
et de la consoler, comme il arrive à un père, à une
mère, ne pouvait, au contraire, que lui causer la plus
cruelle de toutes les peines, à la pensée que cet Enfant
si beau, si innocent, grandissait pour les tourments et
la mort .
Si, après l'avoir présenté au temple, elle le reconduit
avec elle comme les autres mères, elle sait que son
immolation n'est que différée, et que bientôt il sera
sacrifié. La lance du soldat ne perça le côté de Jésus
que quand il eut rendu le dernier soupir ; mais pour
Marie, le glaive acéré prédit par Siméon est incessam-
ment pointé sur son cœur ; les paroles du Prophète tin-
tent sans interruption au fond de son âme, comme un
glas funèbre ; le drame sanglant du Calvaire ne peut
s'éloigner ni de son esprit ni de ses yeux : tout dans
son cher enfant lui en présente l'image.
En l'allaitant, elle pense au fiel et au vinaigre dont
il sera abreuvé ; les langes dont elle l'enveloppe lui
rappellent les cordes meurtrières qui doivent le garot-
ter : quand il étend ses bras, ou qu'elle prend ses mains
pour les réchauffer dans les siennes, pour l'aider à for-
mer ses premiers pas, il lui semble voir ces membres
percés, déchirés par des clous, fixés sur le dur bois de
la Croix ; en le revêtant de ses habits, elle sait qu'un
jour ils lui seront arrachés, pour le laisser paraître dans
une humiliante nudité aux regards d'une vile populace ;
si elle dépose sur son front candide les premières ca-
244 REGIXA MARTYRUM
resses du matin et les derniers adieux du soir, elle en-
trevoit la couronne d'épines qui doit le ceindre et
l'ensanglanter : et le baiser du traître Judas vient aussi
répandre l'amertume ■ sur cette innocente jouissance de
mère : si elle contemple avec ravissement la beauté de
ce visage divin, il lui apparaît bientôt meurtri de coups,
couvert de crachats, méconnaissable; et lorsque de ses
mains elle prépare la couche où il doit prendre son re-
pos, il lui semble aussitôt le voir étendu sur l'infâme
gibet. Le nom même de son enfant, mot le plus déli-
cieux à la bouche d'une mère, le nom de Jésus réveille,
chaque fois qu'elle le prononce, la pensée des tour-
ments par lesquels il doit payer son titre de Sauveur.
Dans ce vis-à-vis intime de Jésus avec sa Mère, il de-
vait y avoir pour elle des moments de joie ineffable ;
elle pouvait s'assurer dans une étreinte amoureuse
que son Fils était encore là, qu'il vivait toujours ;
mais son esprit retombait aussitôt dans les plus noirs
pressentiments ; son cœur se noyait dans un océan d'in-
dicibles douleurs ; un frisson mortel courait dans tou-
tes ses veines.
C'est ainsi que tout ce qui fait la joie des mères, était
pour Marie empoisonné par la vue anticipée des humi-
liations et des tortures réservées à ce cher Fils. Ainsi
se passaient ses jours dans de continuelles et inénarra-
bles agonies. Mille angoisses s'enfuyant tour à tour se
succédaient sans cesse... C'était dans le lointain, il est
vrai, que tous ces tourments apparaissaient à ses yeux ;
mais rien de plus affreux que cette torture d'une âme
qui est obligée d'appréhender longtemps d'avance tou-
tes les douleurs. Ne vaudrait-il pas mieux n'en souffrir
qu'une seule et mourir tout de suite, que de les redou-
ter toutes en conservant la vie ? N'est-il pas vrai que
l'attente, la crainte seule d'un mal, d'une affliction,
HEGINA MAHTYliUM 245
fait ordinairement plus souffrir que la réalité même ?
L'esprit éprouve à chaque instant la peine de ce qui
s'accomplira en un moment. Mais pour Marie, on ne
saurait dire ce qui de l'attente ou de l'événement lui
causa de plus cruelles angoisses. Elle a pu littéralement
s'approprier le langage que David met dans la bouche
du divin Rédempteur : Ma vie s'est écoulée dans les
gémissements, car mes souffrances ont été cons-
tamment devant mes yeux.
Morale : Cependant, fut-il jamais un cœur qui mé-
ritât, autant que celui de Marie, d'être exempt de toute
affliction ? Ce cœur si pur, si saint, si conforme à celui
de Jésus : et jamais il n'y eut de cœur plus affligé.
Jésus ne mourut qu'une fois sur le Golgotha ; mais
Marie endure à chaque instant les douleurs de la mort ;
sa vie n'est qu'un tissu d'angoisses, d'appréhensions,
beaucoup plus cruelles que la mort même. Pourquoi
donc Jésus qui l'aimait si tendrement, voulut-il qu'elle
partageât son calice d'amertume, et que son cœur fût
si longtemps d'avance ainsi cruellement déchiré ? Ah !
c'est précisément parce quïl l'aimait : il voulut lui con-
férer, par cette autre conformité avec lui et par l'hé-
roïsme de son courage, un titre de plus à la gloire et à
une gloire plus brillante. Et dans ce but, pouvait-il don-
ner à sa Mère quelque chose de meilleur que la souf-
france? Car, depuis qu'il consomma sur l'autel de la Croix
son sacrifice sanglant, la Croix qui nous a rouvert Je ciel
est devenue l'échelle nécessaire pour y monter. Lui-
même nous le déclare dans les termes les plus positifs :
Si quelqu'un, dit-il, veut être mon disciple, qu'Use
renonce, qu'Use charge de la croix, et qu'Urne suive:
quiconque ne porte pas ma croix, n'est pas digne de
moi.— Ne serait-ce pas une bien affreuse monstruosité,
qu'un membre voluptueux et sensuel sous un Chef
PARAPHRASE. — T. II. Il,
£46 RKGIX'A MARTYRUM
couronné d'épines ? Ce n'est que par beaucoup de
tribulations, assure saint Paul, que nous conquerrons
le royaume des deux. —N'a-t-il pas fallu que le
Christ souffrit pour entrer dr/ns sa gloire? Si nous
ne souffrons r/vec lui, nous ne régnerons pas avec
lui. i< C'est là, dit à son tour l'Evêque de Meaux, la
grande voie, la voie royale, par laquelle a marché Jé-
sus-Christ; il ne veut avoir dans sa compagnie que
ceux qui portent sa marque, » c'est-à-dire la croix.
Aussi, les souffrances sont-elles un présent qu'il en-
voie aux préférés de son amour : c'est le sceau dont il
marque ses élus, il en favorisa les apôtres et tous les
saints ensuite qu'il voulut glorifier dans le ciel. Et si
la Vierge si pure n'a pu y entrer elle-même que sous
la bannière sanglante du Dieu du Calvaire ; si la robe
blanche de son innocence a dû être empourpré par le
sang du martyre ; malheureux pécheurs que nous
sommes, prétendrions-nous y arriver par un autre
chemin ? Pensons nous que les portes éternelles s'élè-
veront devant nos plaisirs et nos délices, lorsque la
croix est la seule clef qui puisse les ouvrir ? Une pierre
tirée de la carrière doit être dégrossie par le marteau
et polie par le ciseau de l'ouvrier, avant de trouver
place dans la construction de l'édifice ; et nous, qui
sommes destinés à devenir des pierres vivantes de la
Jérusalem céleste, ce n'est que par les coups redou-
blés de l'adversité que nous serons rendus propres à
être employés dans la structure de ce brillant palais.
Ne nous y trompons pas : c'est par les souffrances que
le ciel s'achète. Pouvons-nous donc les trouver trop
fréquentes et trop lourdes, en présence de cette éter-
nité de bonheur et de gloire dont nous ne sommes sé-
parés que par le court trajet de la vie? Quelle ne de-
vrait pas être, au contraire, notre joie, en voyant 33
REGINA MARTYRUM 247
multiplier, par la diversité des peines, nos droits à une
si magnifique récompense ! L'agriculteur, au moment
des semailles, trouve-t-il trop long le temps qu'elles
durent, et ne s'encourage-t-il pas aux difficultés du la-
bour, par la pensée que plus il aura jeté de grain en
terre, plus ses greniers seront remplis, et plus grande
sera l'aisance dans la maison? L'ambitieux guerrier, qui
découvre à travers la fumée des combats les murs de
la capitale où il doit ceindre demain la couronne des
vainqueurs, murmure-t-il de ses fatigues, .sent-il
même couler le sang de ses plaies ? Et comment le sol-
dat du Christ se plaindrait-il des traverses de la vie,
lui qui est toujours à la veille d'être placé sur un trône
radieux pendant des siècles sans fin ? N'est-ce pas dans
cet espoir d'une gloire plus brillante à proportion de
la multitude de leurs souffrances, que les Martyrs pui-
saient cette sérénité, cette force surhumaine qui les
faisaient voler aux supplices comme à un festin, et qui
portait souvent les bourreaux à jeter leur hache pour
courir au baptême ? Ayant devant les yeux la même
perspective, estimons-nous donc heureux d'être visi-
tés par un Dieu qui, bon Père, n'aime jamais tant que
quand il prend la verge en main, qui ne nous soumet
aux courtes épreuves du temps, que pour nous épargner
les châtiments éternels tant de fois mérités.
0 Marie, Mère de douleurs, puisqu'elles ont été pour
vous le plus riche présent de votre Fils, obtenez-moi
de recevoir avec une soumission parfaite toutes les
croix qu'il m'enverra, afin que je mérite de ceindre un
jour au ciel la couronne radieuse des Martyrs.
Pratique : Accepter avec résignation, si ce n'est
avec joie, toutes les contradictions qu'il plaît à Dieu
de nous envoyer.
248 REGINA MARTYRUM
EXEMPLE.
ADMIRABLE MODELE DE RESIGNATION.
Il y avait au 14e siècle un prédicateur célèbre, appelé
Thaulère, aussi distingué par sa science théologique que
par son éminente piété. Brûlant du vif désir d'assurer
son salut, il demandait depuis longtemps à Dieu de
lui ménager la rencontre d'un homme qui lui ensei-
gnât la voie la plus sûre et la plus courte. Un jour
qu'il était plus tourmenté de ce désir, il lui sembla
entendre une voix venant du ciel, qui lui disait : Va
à la porte de l'église, et là, tu trouveras celui que tu
cherches. Il s'y rend aussitôt, et voit un mendiant
tout couvert d'ulcères et de haillons. — Je vous sou-
haite le bonjour, dit Thaulère. — Je ne me souviens
pas, répondit le mendiant, d'avoir jamais eu aucun
jour mauvais. Thaulère répéta d'un ton plus élevé :
Que Dieu vous rende plus heureux ! — Moi, reprit le
mendiant, je ne suis pas malheureux ; tout me vient à
souhait, quoique je m'inquiète fort peu de la fortune.
— Le Docteur, de plus en plus émerveillé, lui de-
manda comment il se pouvait qu'il fût le seul heu-
reux parmi tous les hommes qui ont tant à se plaindre?
— Je n'ai cependant rien avancé que de vrai, répartit
le mendiant, par la raison que je suis toujours con-
tent du sort que Dieu m'assigne ici-bas. Que je souffre
de la faim, du froid, de la pluie, ou des railleries des
hommes, je loue Dieu également , sachant qu'il est
l'auteur de toutes ces choses, et qu'il n'a en vue que
mon bien. Comme je ne veux que ce qu'il veut, tout
réussit à mon gré. — Le Docteur, ne pouvant revenir
de sa surprise, comprit que cette résignation, même
dans les plus grandes adversités, était réellement la
voie du salut la plus abrégée. Mais voulant encore
REGL\A MARTYRUM 249
recevoir de ce pauvre des leçons d'une si haute sa-
gesse , il lui posa, entre beaucoup d'autres, cette
question : Quel homme êtes-vous donc ? — Qui que
je sois, je suis si content de mon sort, que je ne vou-
drais pas l'échanger avec les richesses et les gran-
deurs de tous les rois de l'univers. Celui-là est roi qui
sait se commander à lui-même. — Où est donc votre
royaume, insista Thaulère? — Le voilà répondit le
mendiant, en lui montrant le ciel : on est roi, quand
on a là-haut un trône assuré. — On cite un bon
paysan, pour qui non plus il n'y avait jamais de
contre-temps.
ARTICLE SECOND.
Marie, Reine des Martyrs, par l'intensité de
ses douleurs.
Tel est le touchant spectacle que nous présentent la
voie et le sommet du Calvaire. Mais si ces lieux furent
témoins des plus cruelles angoisses de Marie, ils
furent aussi le théâtre de son amour pour les hommes
et de son héroïque résignation. Quand la flamme dé-
vore l'encens, l'air s'embaume de la suavité de ses
émanations ; il est une plante, le Géranium, plus on
en broie les feuilles, plus il s'en exhale de parfums ;
ainsi du milieu de cet horrible drame d'opprobres et
de sang, Marie ressort admirable d'amour, sublime
de constance et de fermeté. Debout au pied de la
Croix, noble attitude d'une prêtresse qui sacrifie sans
faiblir, elle, est triste mais résignée, parce qu'elle voit
dans Jésus mourant moins son Fils que notre Ré-
dempteur, moins ses souffrances que l'enfer vaincu,
le monde racheté et la justice de Dieu satisfaite. Ainsi
se révéla dans la très sainte Vierge un amour pour
les hommes égal à sa force d'àmc. Voyons d'abord
l'immensité de cet amour dans t intensité de ses
250 REGINA MARTYRUM
douleurs. Un autre Article nous montra sa constance
à les supporter .
Lorsque Jésus remplissait la Judée du bruit de ses
miracles et de ses bienfaits, et que sur son passage
l'enthousiasme joint à la reconnaissance éclatait en
- mots élogieux : Heureuses les entrailles qui vous
ont porté ; lorsque, à son entrée triomphante dans
Jérusalem, les palmes et les riches décorations s'har-
moniaient avec les cris des enfants et le solennel
Hozanna pour proclamer Y Envoyé du Seigneur, il
n'est pas dit que Marie se trouvait là : elle se dérobait
à tous les regards, de peur sans doute que quelque
rayon de la gloire du Fils ne vînt rejaillir sur la Mère.
Mais sitôt qu'elle apprend que la sentence de mort
est portée, que l'heure des ignominies a sonné, et que
la Victime est déjà sur le chemin de l'immolation,
Marie comprend que sa place est à ses côtés. Elle a
quitté sa solitude chérie : c'est sur la voie douloureuse
que la Mère et le Fils se rencontrent ; c'est à la trace
de son sang qu'elle a reconnu par où il a passé. Elle
le trouve entre les mains d'infâmes bourreaux,
escorté d'une soldatesque à l'œil féroce, entouré d'une
vile populace qui demande sa mort à grands cris : elle
le voit couronné d'épines, meurtri, tout couvert de
sang, de boue, de crachats, ne conservant pas même
la ligure d'un homme. Ah ! qui pourrait jamais con-
cevoir ce que la tendresse et la terreur tout à la fois
ont dû opérer alors dans l'àme de cette mère ? Si, d'un
côté, elle désire contempler les traits de son Jésus, de
l'autre, ose-t-elle bien fixer ce visage qui inspire tant
de compassion ? L'un et l'autre, cependant, se regar-
dent ; regards réciproques qui, comme deux flèches,
transpercent ces deux âmes les plus belles et les plus
aimantes qui soient dans l'univers. Comment corn-
RÉGINA MARTYRUM 231
prendre ce flux et reflux de douleur passant du cœur
du Fils au cœur de la Mère et réciproquement ? — On
rapporte que Marguerite, fille de Thomas Morus,
ayant rencontré son père qui allait au supplice, ne
put dire que ces deux mots : « 0 père, ô père ! » et
elle tomba évanouie à ses pieds. Marie, à la vue de
son Fils montant au Calvaire ainsi meurtri et garotté,
ne meurt point, parce que des angoisses beaucoup
plus poignantes lui sont réservées ; mais la douleur
de cette rencontre était capable de lui faire subir mille
morts.
Cependant, tandis que la divine Victime a déjà suc-
combé sous la lourde Croix, Marie trouve dans son
cœur le courage de l'accompagner jusqu'au lieu du
supplice, et là, elle assiste au drame le plus déchirant
qui puisse jamais être ; elle voit mourir d'une mort
aussi- ignominieuse que cruelle, à la fleur de ses ans,
son Fils unique, déclaré innocent, et qui, pour ses
vertus et ses bienfaits, méritait un triomphe plutôt
qu'un gibet .
Ah ! quelle langue humaine pourrait jamais dire les
tortures intérieures d'une telle Mère en présence d'un
tel spectacle. L'âme de Marie est si étroitement unie à
celle de Jésus, que toutes les plaies et les douleurs du
Fils deviennent, par une libre acceptation, les plaies et
les douleurs de la Mère ; avec cette différence que dis-
persées sur tout le corps de Jésus, elles viennent se
concentrer dans le cœur de Marie. Les épines enfon-
cées dans la tête du Crucifié, les clous qui déchirent
ses pieds et ses mains prolongent leurs pointes jus-
qu'au plus intime de l'àme de Marie. Les railleries et
les outrages, les défis insolents et les affreux blas-
phèmes qui pleuvent sur Jésus viennent, comme un
écho douloureux, retentir dans l'àme de Marie. Si on
252 RBGINA MARTYRUM
l'abreuve de vinaigre et de fiel , elle en sent toute
l'amertume. Si la souffrance broie ses membres ensan-
glantés, Marie est disloquée dans tout son être. Et de
même que Jésus ne veut point descendre de la Croix,
lorsqu'une amère dérision l'y invite, de même Marie
ne la quitte pas, quoique le sentiment maternel semble
lui en faire une impérieuse nécessité . Si Jésus veut y
rester attaché par les clous, Marie demeure au pied
par la libre volonté de son amour, et ressent dans son
cœur tout ce que son Fils endure dans son corps.
C'était l'usage, quand on immolait l'agneau, d'éloi-
gner soigneusement la brebis-mère : ici Marie veut
assister et de tout près à la mort de cet innocent Agneau
qui doit effacer tous les péchés du monde. Qu'une mère
se tienne au chevet de son fils mourant dans les condi-
tions ordinaires, on le conçoit : la main d'une mère a
toujours le secret de quelque soulagement ; et c'est une
consolation pour la mère autant que pour le fils . Elle
peut, avant de recueillir son dernier souffle, essuyer
ses larmes, répandre les siennes sur son front brûlant,
lui dire quelques douces paroles de tendresse, de sou-
venirs , d'adieu ; et le moment suprême sera moins
douloureux. Mais pour vous, ô Marie, pas même cette
consolation ! Pauvre Mère ! votre Jésus ne meurt point
dans vos bras ; il ne vous sera pas donné de passer la
main sur ce front qu'inonde la sueur de la mort, de
répondre une parole d'amour à ses regards abattus,
encore moins d'arrêter le sang qui coule à grands flots.
Et, quand agonisant il demandera une goutte d'eau
pour étancher sa soif, pourrez- vous empêcher qu'on
ajoute à sa douleur par un breuvage aussi dérisoire
qu'amer ? De votre part, vous n'aurez que des larmes
à lui donner pour adoucissement. Pourquoi donc, ô
Mère trop aimante, vouloir être témoin d'une scène
HEGINA MARTYUUM 253
aussi déchirante qu'est la mort de votre unique Enfant?
Pourquoi rester attachée à la Croix, et vous obstiner à
le voir mourir? Agar dans le désert n'eut pas ce cou-
rage. Ah ! c'est que Marie voulait comme cimenter par
le sceau de sa présence et de son consentement le con-
trat de notre réconciliation avec le ciel, et joindre la
coopération de ses douleurs et de son ineffable amour
au Sacrifice qui va racheter le monde. Il devient alors
un seul et même Sacrifice, offert sur deux autels, la
Croix et le Cœur de Marie, présenté à Dieu le Père par
le Fils et par la Mère, versant tous deux leur sang, le
premier le sang de ses veines, la seconde le sang de son
cœur, mourant tous deux, l'un par une mort qui met-
tra fin à ses souffrances, l'autre par une survie qui ne
sera plus qu'une mort prolongée, pire que toutes les
morts. Pouvait-elle témoigner aux hommes un plus
grand dévouement, un amour plus généreux? Ce
seraient délices toujours nouvelles que de le contem-
pler de plus près. Mais il est d'autres enseignements
qui découlent du Calvaire et méritent l'attention la plus
sérieuse.
Morale : Ouvrons donc nos cœurs aux sublimes
leçons qui nous sont tracées sur la Croix en caractères
de sang. Elle nous montre la suprême majesté de Dieu
dont la gloire outragée demandait pour digne répara-
tion les humiliations et le sang d'un autre Dieu fait
homme. Combien après cela cette majesté ne doit-elle
pas nous inspirer de respect ! — Elle nous prêche l'ef-
frayante'énormité du péché, qui n'a pu être expié que
par la mort d'un Dieu. Et si l'apparence seule du péché
exigeait une satisfaction si terrible, quelle vengeance
mérite donc la réalité ! La croix nous fait concevoir
l'enfer : et pourrions-nous ne pas craindre souveraine-
ment ce qui a élevé l'une et creusé l'autre ? — Elle
254 REGINA MARTYRUM
nous apprend le prix de notre âme. qui vaut non point
des monceaux d'or et d'argent, mais le sang d'un Dieu,
c'est-à-dire un prix infini. Estimons-la donc à sa va-
leur, et mesurons notre zèle à la sauver sar ce qu'elle
a coûté à Jésus- Christ. — La Croix nous révèle l'im-
mensité de son amour, qui l'a fait mourir de son plein
gré à notre place. Si donner sa vie pour un ami est
l'héroïsme de la charité, qu'est-ce donc pour un ennemi?
Et tant d'amour ne pourra-t-il enfin fondre la glace de
nos cœurs? Sic nos amantem quis non redamaretl
— C'est sur tous les points que la Croix nous instruit,
nous exhorte , nous encourage. Le souvenir de nos
péchés -remplit-il notre âme de trouble et de frayeur?
Jésus nous dit du haut de sa Croix : Rassure-toi, mon
fils, une goutte de mon sang peut effacer tous les cri-
mes. Sommes-nous, au contraire, insensibles sur nos
fautes ? Le Crucifix nous dira : Eh quoi i unjjieu les a
pleurées et lavées dans son sang ; et toi, tu ne peux
leur donner une seule larme ! — Au moment de la ten-
tation , il vous criera : Voudrais-tu renouveler les
souffrances et la mort de ton Dieu ? Au pied de la Croix
encore, notre lâcheté à souffrir nous fera honte : là
aussi, nous puiserons une consolation abondante au
milieu de toutes nos peines : car si le Juste, l'innocent
a été ainsi traité, de quoi peut se plaindre le pécheur?
Le disciple doit-il être au-dessus du maître?
Et voilà comment la Croix devient une chaire élo-
quente d'où Jésus 11 "lis prêche tout ce qu'il nous im-
porte le plus de savoir. Recueillir et méditer souvent
- sublimes enseignements, que ce soit, à l'exemple
du grand Apôtre, la plus chère de nos occupations :
Recogitate ewn. . . Mon unique science, dit-il, est
de connaître Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.
<» Mère de douleur, qui avez si généreusement uni
HEG1NA MAHTYIUWI 255
vos soiifFrancos à celles de notre bon Sauveur, de quoi
me servirait tant d'amour, si je venais à me damner ?
Faites que je me préserve de ce malheur par un sincère
repentir de mes péchés, et un véritable changement
de vie.
Pratique : Le Crucifix doit être le plus bel ornement
de toute maison ; mais il faut lire souvent dans ce beau
Livre.
EXEMPLES
EFFET DU SOUVENIR DE JESUS-CHRIST EN CROIX
On rapporte d'un prêtre de Florence qu'il eut la
dévotion de faire peindre la tête de Jésus couronné
d'épines, couverte de blessures et de sang, et qu'il la
suspendit au-dessus de son prie-Dieu. Plusieurs fois le
jour, il venait se placer devant cette image pour y mé-
diter les hautes leçons qu'elle lui donnait. Dans la mai-
son voisine, vivait une personne mondaine qui l'ayant
quelquefois aperçu dans cette position s'était imaginé
qu'il se regardait dans la glace. Un jour elle osa le
prier de lui montrer de tout près ce miroir. Le saint
Prêtre y consentit. Mais, quel ne fut pas l'étonnement"
de cette curieuse, lorsque s'offrit à ses yeux un Ecce
Homo. Profitant de son émotion, le prêtre lui adressa
ces paroles : « Voilà le miroir dans lequel vous devriez
vous aussi vous contempler souvent. Voyez l'état af-
freux de cette figure ; c'est à la fois l'image de votre
àme et le fruit de votre péché : purifiez-la cette âme
par les larmes d'une sincère pénitence, et vous verrez
un jour cette face rayonnante de gloire et de beauté
dans le séjour des élus. » Ces paroles touchantes pro-
duisirent sur le cœur de la pécheresse un prompt et
salutaire effet.
— Sainte Elisabeth de Hongrie se trouvant un jour
256 HE GIN A M ART Y KLM
à l 'église, ornée de sa couronne toute éblouissante de
diamants, et vêtue avec la magnificence d'une reine, fut
subitement frappée à la vue du Crucifix : saisie alors
d'un profond dégoût pour les vanités du siècle, elle
ôte sa couronne, en disant : « A Dieu ne plaise que
moi, chétive créature, je porte une splendide couronne
devant mon Sauveur mourant, couronné d'épines sur
un bois infâme ! » Dès lors elle se consacra plus parti-
culièrement à Dieu, et parvint bientôt à une éminente
sainteté.
— Sainte Madeleine de Pazzi, si admirable par son
avidité pour les souffrances et par sa patience à les
supporter, répondit un jour à sa sœur qui s'en éton-
nait : «Voyez, en lui montrant le Crucifix, ce que l'amour
suprême d'un Dieu a fait pour notre salut : voilà ce
qui me console et me soutient ; peut-on encore se plain-
dre quand on voit un Dieu crucifié? »
— Le Sauveur avait apparu à sainte Catherine de
Gènes, portant sa Croix et tout couvert de sang : « 0
amour ! s'écria-t-elle ; jamais plus dépêchés, puisqu'ils
vous ont coûté si cher !
— On lit dans les annales de la Compagnie de Jésus
qu'un jeune homme, sortant de sa chambre avec l'in-
tention de commettre une action mauvaise, entendit
une voix qui lui criait : «Arrête, malheureux ! où vas-
tu ! Il se retourne, et sur un tableau représentant No-
tre-Dame des Sept-Doiileurs, il la voit arrachant un
des glaives qui la transperçaient, et lui disant : Prends
cette épée et frappe-moi plutôt que de blesser mon
Fils par ce péché. » A l'instant la lumière se fait dans
l'âme du jeune homme, il tombe à terre, pleure amè-
rement son crime déjà commis dans son cœur, et en
demande pardon par l'entremise de Marie.
REGINA MAIITYHUM 257
ARTICLE TROISIÈME.
Marie, véritable Reine des Martyrs, autant par la
supériorité de son courage que par l'excès et la
continuation de ses douleurs.
I. Par l'excès et la continuation de ses douleurs .
— Jésus vient d'expirer sous les yeux de sa Mère : si
du moins le même coup avait tranché la vie d'une Mère
aussi profondément désolée ; mais, non î Moins heu-
reuse que les Martyrs dont la mort fut à la fois le
terme de leurs tourments et l'entrée dans l'heureuse
éternité, vous vivez encore, ô Marie, après le supplice
de votre Fils. Vous lui survivez, pour être transper-
cée de cette lance qui, ne trouvant plus de vie dans
son cœur, vint se fixer irrévocablement dans le vôtre.
Vous lui survivez, pour recevoir dans vos bras son
corps meurtri, inanimé, pour voir de tout près ses
yeux éteints, son visage livide, son côté ouvert par
une large plaie, et ressentir avec une intensité nou-
velle toutes les angoisses du crucifiement. Vous lui
survivez ; et votre existence privée de ce cher objet de
votre dilection ne sera plus qu*un enchaînement de
nouvelles amertumes.
Les martyrs, au milieu de leurs tourments, trou-
vaient une source abondante de force et de consola-
tions dans leur amour pour Jésus-Christ; plus ils
l'aimaient, moins étaient vives leurs douleurs. Ainsi,
par exemple, saint Vincent déchiré sur un chevalet
par des ongles de fer, brûlé par des lames ardentes,
puise dans l'amour de son Dieu un courage et une
joie extraordinaires. Saint Boniface voit sa chair tom-
ber en lambeaux ; des pointes aiguës sont enfoncées
sous ses ongles ; et il ne cesse de répéter : « Seigneur
Jésus, je vous rends grâces. » Les saints Marc et Mar-
cellin sont attachés à un poteau; on a transpercé
258 REGINA MARTYR DM
leurs pieds et leurs mains avec des clous : et quand le
tyran leur dit : « Misérables que vous êtes, revenez à
d'autres sentiments, et délivrez-vous par là de ces
souffrances : » ils répondirent : » Jamais banquet ne
fut plus agréable que les tourments que nous endu-
rons pour Jésus-Christ. » Saint Laurent est étendu
sur un gril enflammé ; ses chairs sont toutes rôties ;
mais la flamme du saint amour qui embrasait son
cœur, plus ardente que le feu qui brûlait son corps,
en tempérait la rigueur. Et ne soyons pas surpris de
tant de joie dans ces héros chrétiens au milieu des
plus cruels tourments : ils aimaient, et famour met-
tait des roses à leurs épines, il émoussait l'aiguillon
de la douleur.
Pour Marie, au contraire, ce fut la violence de son
amour pour Jésus-Christ qui devint par là même son
plus cruel bourreau ; il centupla ses douleurs . Plus
on aime, et plus on souffre en voyant souffrir l'objet
de son amour. Or, vit-on jamais un Fils plus digne et
une Mère plus tendre? Et qui aima jamais un fils au-
tant que Marie aima Jésus ? Elle l'aimait d'un amour
surnaturel comme son Dieu, et par un sentiment na-
turel comme son Fils. Fils unique, le plus beau, le
plus accompli, le plus aimable des fils : l'ayant en-
gendré seule, elle l'aimait encore de ce double amour
partagé entre le père et la mère : et de t inours
réunis il s'en formait un seul, qui fut le fort, le
plus délicat, le plus merveilleux, un amour incom-
préhensible, insondable. Et telle fut sa douleur : elle
prit les proportions de son amour et aussi de la divi-
nité de Celui qui en était l'objet : Quanto dilexit tene-
rius, tanto vulnerataest profundius (Just.). «Là où
l'amour ne connait pas de bornes, dit saint Bernard,
la douleur n'en a point. » Aussi saint Anselme affirme-
KEGINA MARTYRUM :>oO
t-il que les tourments les plus cruels employés envers
les martyrs furent légers en comparaison des souffran-
ces de Marie. Et saint Basile atteste qu'elles surpas-
sèrent celles des autres Martyrs, autant que le soleil
l'emporte en splendeur sur tous les astres du firma-
ment : cela se comprend par la supériorité de son
amour. C'est pour cette raison que, tandis que les
autres martyrs sont représentés, d'ordinaire, avec les
instruments de leur supplice, saint Paul avec l'épée
qui lui trancha la tête ; saint André avec une croix ;
sainte Catherine avec une roue, etc.. Marie est re-
présentée tenant sur ses genoux et dans ses bras le
corps inanimé de son Fils, parce qu'en effet ce fut
Jésus mourant qui la martyrisa ; ce fut là le propre
instrument de son supplice.
Les martyrs, en souffrant dans leurs corps les tour-
ments du fer et du feu, éprouvaient en même temps
de grandes consolations en leur cœur. Mais vous, ô
Marie, c'est dans le plus intime de votre àme que vous
avez souffert ; tuam ipsins animam. .. Or, quiconque
a passé par le creuset des tribulations, ne sait-il pas
que les peines et les afflictions du cœur sont bien au-
trement cuisantes que les souffrances corporelles?
« .Marie, assure saint Bernard, a seule plus souffert
en son âme, que tous les martyrs ensemble n'ont souf-
fert dans leur corps. » Il va jusqu'à dire que cette dou-
leur divisée entre toutes les créatures sensibles leur
aurait immédiatement donné la mort. — Qui pourra
donc jamais en mesurer la profondeur ? Jérémie nous
a laissé plusieurs tableaux achevés des souffrances
humaines ; mais, quand il veut parier de celles de Ma-
rie, il fait comme cet artiste qui, peignant le sacrifice
d'une jeune fille et ayant déjà exprimé la tristesse des
spectateurs, se borne à jeter un voile sur le visage du
260 REGINA MAHTYRUM
père, montrant par là qu'il désespérait pouvoir rendre
une semblable douleur. Le Prophète des lamentations
laisse aussi tomber son pinceau devant l'affliction
qui broie le cœur de Marie ; il ne trouve dans toute
la nature qu'une image qui en approche, c'est la
mer avec ses profondeurs, son étendue, son amer-
tume .
C'est donc à bon droit que la Vierge au pied de la
Croix peut dire à tous les passants : Arrêtez-vous et
voyez s' il est une douleur semblable à la mienne. Une
seule chose y apportait quelque adoucissement, c'était
la pensée que les souffrances et la mort de son ado-
rable Fils rachetaient le monde, et réconciliaient avec
Dieu les hommes ses ennemis : sentiment d'immense
bonté pour nous, qui nous impose de plus en plus
envers elle le double devoir de la reconnaissance la
plus vive et de l'amour le plus tendre. Quel cœur se-
rait encore assez dur pour les lui refuser ? Mais,
II. Autant ses angoisses furent cruelles, autant et
plus encore elle fut sublime de fermeté et de rési-
gnation. — La plus délicate de toutes les vierges, la
plus désolée de toutes les mères, se montre aussi la
plus héroïque de toutes les femmes, et sous ce rap-
port encore supérieure à tous les martyrs. Quel cou-
rage, en effet, non-seulement d'avoir accompagné son
divin Fils dans la voie douloureuse, mais d'assister,
et sans faiblesse aucune, tout près de l'autel, à l'im-
molation de la Victime !
Jacob aperçoit la robe de Joseph en lambeaux, teinte
de sang, et il ne peut retenir ses larmes : c'était bien
permis à un père aussi aimant envers un enfant aussi
digne. Mario voit non pas seulement la tunique, mais
tout le corps ensanglanté de son cher Fils : à cette vue
le déchirement de son cœur s'achève : néanmoins, bien
1ŒGINA MAUTYRUM 261
différente du Patriarche et aussi de ces autres femmes
qui autour de la Croix remplissaient l'air de leurs cris
lamentables, Marie commande à sa douleur ; pas une
larme ne coule de ses yeux, pas un mouvement d'in-
dignation ne s'élève dans son cœur, aucune parole de
plainte ne s'échappe de ses lèvres ; son affliction ne
l'abat point ; sa sensibilité ne diminue rien de sa rési-
gnation et de sa fermeté : Stàbat Mater. . .
Lorsque David apprend que le rebelle Absalon sus-
pendu à un chêne a trouvé un juste châtiment de son
usurpation, il se retire dans l'endroit le plus solitaire
de son palais : il a besoin d'être seul pour donner un
plus libre cours à ses pleurs . Marie voit suspendu à
l'arbre de la Croix son Enfant qui, loin d'avoir été
un Absalon, ne sut qu'aimer et obéir ; et elle sou-
tient, sans défaillir, cet horrible spectacle : Stabat
Mater...
Jésus près d'expirer se sert non pas du nom de
Mère, mais de celui de femme, en lui annonçant qu'il
lui donne dans la personne de saint Jean un autre
fils. C'était bien lui apprendre qu'elle n'aura plus son
Jésus à appeler de ce doux nom ; il va mourir ! . . . Et
à cette nouvelle, Marie, brisée jusque dans la mœlle
de l'àme, ne succombe pas ; elle est toujours aussi
sublime de fermeté: firma remansit ut petra (S.
Bern.) : Stabat Mater . . .
Voyez- vous au pied de la Croix ces hommes que
Jésus a eus trois ans dans son intimité, avec qui la
veille il a célébré le repas de sa famille, qu'il a traités
du doux nom Garnis? Ils se tiennent loin de lui.
Mais sa Mère ! elle a surmonté l'excès de toutes ses
douleurs ; elle ne peut quitter la Croix ; elle est là,
debout, immobile, calme, résignée : Stabat Mater...
Toute la nature, à la mort de son Auteur, est cons-
26w2 REGINA MARTYRl'M
ternée, bouleversée ; la terre s'est ébranlée jusque
dans ses fondements : le soleil, saisi d'horreur, a dé-
robé sa lumière, pour ne point éclairer le plus horri-
ble des forfaits. Mais regardez à travers cette lueur,
voyez cette Femme, seule inébranlable, qui ose bien
contempler son Fils crucifié : aucun geste de déses-
poir ne décèle aux spectateurs le mystère de son ago-
nie : rien ne peut changer la situation de cette âme
magnanime ; d'elle on peut dire : Elle meurt, mais elle
ne se rend pas : Stabat Mater...
En ce moment suprême, sa résignation sublime
ajoute un beau céleste au deuil de la nature ; et son
amour pour nous, plus fort encore que sa douleur,
achève de tresser sa couronne de Reine des Mar-
tyrs.
Morale : Qu'il ne nous suffise pas d'admirer cette
héroïque fermeté de Marie près de son Fils mourant ;
mais efforçons-nous de l'imiter dans toutes les posi-
tions différentes de la vie, qui, sans être une épreuve
à beaucoup près aussi rude, ne laissent pas de con-
trarier notre nature ennemie de toutes les souffrances
et tribulations. Cependant, supportées avec patience,
non-seulement elles donnent un droit certain à une
plus brillante gloire au ciel, mais elles nous sont un
moyen d'y arriver plus sûrement et plus tôt par l'ex-
piation de nos fautes, exigée avant d'y être admis.
La souffrance, à ce nouveau point de vue, est donc un
bienfait de Dieu singulièrement précieux. Il agit comme
un bon Père, qui n'aime jamais autant que quand
il prend la verge pour corriger : sa main frappe, mais
c'est le cœur qui la fait mouvoir. S'il nous châtie en
ce lieu d'expiation, c'est pour nous épargner en l'autre
vie les peines infiniment plus rigoureuses, soit du pur-
gatoire, soit surtout de l'enfer . A ces affreux suppli-
REG1NA MARTYRUM 263
ces, il substitue les épreuves du temps, et s'il se sou-
vient ici-bas de ce que nous devons à sa justice, c'est
afin de l'oublier à jamais. Les souffrances, à cause de
cet estimable avantage, ne doivent-elles pas être ac-
ceptées avec la plus vive reconnaissance, si ce n'est
avec joie?
Quel est le malade qui ne se résignerait aussitôt à
prendre un remède d'un moment, si amer qu'il fût, à
supporter une opération même la plus douloureuse
pendant quelques heures, plutôt que de rester sous le
poids de son infirmité le reste de ses jours ? Si vous
deviez cent pièces d'argent et que votre créancier, dans
un moment de belle humeur, voulut se contenter d'une
seule pour toute solde, avec quel empressement et quel
bonheur ne profiteriez-vous pas d'une occasion si favo-
rable pour vous libérer entièrement ! Telle est notre
position à l'égard de Dieu ; tant que nous sommes sur
la voie où l'on peut mériter, il veut bien se contenter
de peu pour remettre beaucoup ; mais après, il sera
un créancier sans pitié, qui exigera jusqu'à la dernière
obole, si l'on est dans le lieu temporaire d'expiation,
et qu'on ne pourra jamais satisfaire, si l'on subit les
supplices éternels.
N'est-il donc pas infiniment avantageux de s'ac-
quitter maintenant par la souffrance, de toutes dettes
envers sa justice, plutôt que d'en réserver pour un
temps où elles seront beaucoup plus sévèrement exi-
gées? Lorsque Dieu nous châtie, disons comme le bon
larron sur la Croix : Nous n'avons que ce que nous
avons mérité, et pas même ; car que sont toutes les
souffrances de la terre auprès de cette éternité de sup-
plices qui nous était réservée ?
Je veux donc, ô Mère de douleurs, demeurer avec
vous au pied de la Croix, vous y accompagner toujours
264 REGLNA MARTI" RUM
et m'associer à vos soupirs : Justà Crucem tecum
stare. . .
EXEMPLES.
AMOUR DES SOUFFRANCES
C'étaient, à ne pas en douter, les avantages précieux
que leur foi voyait dans les souffrances, qui faisaient
dire à saint Augustin : « Coupez, brûlez dans ce monde,
ô mon Dieu, pourvu que vous m'épargniez en l'autre; »
à sainte Thérèse : « Seigneur, ou souffrir, ou mourir 1
car la vie sans souffrance m'est par trop pénible ; » à
sainte Madeleine de Pazzi, par un sentiment plus su-
blime encore : « Toujours souffrir, ô mon Dieu, et ne
jamais mourir ; » à saint Jean de la Croix : a Tout mon
désir, Seigneur, est de souffrir et d'être couvert de mé-
pris pour vous; Ȉ sainte Rose de Lima, au moment
de la mort : « Je pleure de ce que je n'aurai pas à
souffrir plus longtemps ; » à saint François de Sales,
lorsqu'on le plaignait: « Je ne suis jamais si bien que
quand je ne suis pas bien. » — Ah ! faut-il s'étonner de
voir un saint Paul se réjouir dans les infirmités et
les tribulations éternelles ; un Xavier demander à
Dieu a de ne point lui enlever sa croix actuelle, si
ce n'est pour lui en envoyer une plus grande, » et tant
d'autres saints ajouter aux croix venues du ciel, des
pénitences volontaires et les plus crucifiantes? Tous
comprenaient ces maximes : — La science la plus né-
cessaire à Phomme c'est de savoir souffrir (Imit.). —
Pour ne point se plaindre de ce que l'on souffre, il suf-
fit de se rappeler de ce que l'on mérite (S. Cypr.).— Si
l'on passe sa vie sans pleurer, toute l'éternité sera em-
ployée à pleurer sans relâche (saint Bern.). — Ce 'qui
crucifie, sanctifie.
REGINA CONFESSORUM 265
CHAPITRE XLV
REINE DES CONFESSEURS
On entend ici par Confesseurs non pas les prêtres as-
sis au saint tribunal pour recevoir l'aveu des fautes et
en accorder le pardon, mais chez le peuple de Dieu ces
âmes fortement trempées, qui dans les circonstances les
plus critiques déployèrent une énergie surhumaine par
leur fidélité à la loi divine ; et aussi ces généreux chré-
tiens qui, dans les premiers siècles surtout, n'ont pas
craint ni rougi de professer leur foi en face des tyrans,
et se sont montrés fermement décidés à tout souffrir, à
tout perdre, même la vie, plutôt que de renoncer à la
religion, ou de forfaire à quelqu'un de leurs devoirs. La
seule différence entre les Confesseurs et les martyrs,
c'est que ceux-ci ont réellement donné leur vie pour Jésus-
Christ ; au lieu que ceux-là ont échappé à la mort ; ils
descendirent dans l'arène, ils y reçurent d'honorables
blessures, ils étaient décidés au martyre, ils en ont tout
le mérite, et en portent maintenant au ciel les palmes
et la couronne.
Placée sur les confins des deux Testaments, entre
l'ancien et le nouveau, la sainte Vierge en terminant
la longue chaîne de ces justes si croyants "et si fermes,
que nous pourrions appeler chrétiens de la veille,
commence la série glorieuse de ces intrépides héros,
qui depuis l'ère de l'Incarnation ont confessé Jésus-
Christ par la pratique des plus sublimes vertus, et
même au péril de leur vie, c'est sous ce double aspect
que nous allons l'envisager :
I. Marie, Reine des justes de l'ancienne Loi. —
Dés avant Jésus -Christ, il y eut chez le peuple de Dieu
un grand nombre d'àmes courageuses qui bravèrent
-26ti REGI N'A CONFESSORUM
les persécutions et les railleries, et sacrifièrent ce qu'elles
avaient de plus cher au monde, plutôt que de chanceler
dans la foi et la fidélité aux commandements. Ainsi
Abraham, le Père des croyants, se soumet, sans hési-
tation et sans murmure, à la volonté divine qui lui
demande l'immolation de son fils unique : il a la con-
fiance que Celui qui exige ce sacrifice est assez puis-
sant pour réaliser, malgré cela, les promesses que le
Messie naîtrait de ses descendants. — Ainsi le chaste
Joseph, chez Pntiphar, aime mieux perdre la confiance
de son maître, et son emploi, tout honorable qu'il est,
que de céder aux sollicitations de la femme sans pu-
deur qui en veut à son innocence. — Ainsi Job
privé de tous ses biens, réduit à se coucher couvert
de plaies sur un fumier, raillé par ses amis et
par sa propre femme à cause de sa confiance en
Dieu qui l'a ainsi maltraité, Job n'est point pour cela
détourné de la fidélité qu'il lui a vouée. — Ainsi Da-
niel, plutôt que d'obéir au roi en mangeant des viandes
défendues et en adorant la statue de Bel, se laisse
jeter dans la fournaise et plus tard dans la fosse aux
lions. — Ce fut ce même courage qui soutint le véné-
rable Eléazar, et la digne mère des Machabées avec
ses sept enfants, qui tous, sollicités de manger des
viandes offertes aux idoles, préférèrent, comme ils le
disaient hautement, une mort glorieuse à une vie cri-
minelle, et se rendirent si résolument au lieu de leur
supplice. Xous sommes forcé de nous arrêter dans la
citation de ces personnages antérieurs à Jésus-Christ,
qui ont eu une foi si vive, et le courage d'affronter
la prison, les tourments, la mort même, plutôt que
d'être infidèles à leur Dieu, à leurs devoirs.
Or, en tous ces points, Marie né les a-t-elle pas
surpassés? Elle qui, sur la parole de l'Ange, crut le
REGINA CONFESSORUM 267
mystère le plus étonnant, assurée que rien n'est im-
possible à Dieu ; Elle qui, placée dans l'alternative
de renoncer à la Maternité divine ou à sa virginité, se
défia d'une gloire qui aurait compromis sa pudeur ;
Elle qui, pour gagner le monde entier, n'aurait pas
manqué la plus petite des observances légales ; Elle
qui brava, sans pâlir, les railleries de la populace et
les humiliations du Calvaire, pour se montrer jusqu'à
la mort, fidèle à son Jésus, et le livra par le plus gé-
néreux dévouement.
Vénérables justes des temps anciens, souffrez que,
en préconisant la vivacité de votre foi, l'ardeur de
votre espérance, l'héroïsme de votre courage, nous
vous abaissions jusqu'aux pieds de Marie, et qu'avec
vous nous la proclamions votre Reine; heureux, si un
jour par l'imitation de vos vertus, nous sommes admis
dans vos rangs sous son aimable empire !
II. Marie est Reine surtout de ces généreux
chrétiens qui, dans la loi nouvelle, n'ont pas craint
de confesser leur foi en présence des tyrans, des sup-
plices et de la mort. — Elle les avait précédés et elle
les surpassa par son courage à se montrer la Mère de
Jésus, d'abord pendant les trois années de ses prédi-
cations. Le Sauveur, malgré l'innocence de sa vie et
les bienfaits en tout genre qui marquaient chacun de
ses pas, s'était attiré l'envie et la haine des Scribes et
des Pharisiens par l'éclat de ses miracles et surtout
par les reproches qu'il leur adressait. Plus d'une fois,
ils eurent la pensée de le faire mourir, sans oser ce-
pendant l'entreprendre sérieusement. Mais ils s'en dé-
dommageaient par leurs mépris, leurs murmures, et
par toute sorte d'insultes et de calomnies : haine et
mauvais traitements, qui de la personne de Jésus
aillissaient sur Marie. N'est-il pas le fils de celle
268 REGIXA CONFESSORUM
qu'on appelle Marie ? disaient-ils avec une amère
dérision. Elle, néanmoins, ne rougissait pas de le sui-
vre dans ses courses, avide de partager les outrages et
les insultes que l'on prodiguait à cet aimable Fils. C'est
surtout à l'heure de sa passion et de sa mort, pour-
tant si ignominieuses, qu'elle n'a point honte de pa-
raître la Mère du Crucifié. Accourue à sa rencontre
sur le chemin du Calvaire, combien ne dût-elle pas
entendre d'injures vomies contre ce cher Fils et contre
elle-même connue pour sa Mère ! Mais rien ne l'inti-
mide, pas même d'aller au pied du gibet se montrer
ostensiblement devant cette multitude frénétique pour
la Mère de l'adorable patient, et là, de soutenir les
affronts, les railleries, les humiliations en tout genre
qui. pleuvant sur le Fils, retombaient sur la Mère.
Jésus a rendu le dernier soupir, et Marie, inébran-
lable dans sa fermeté à le reconnaître pour son Fils,
se présente la première pour le recevoir dans ses bras
à la descente de la Croix , elle le presse sur son cœur
et ne cesse de lui donner des marques publiques d'un
inviolable attachement ; elle préside à sa sépulture,
revient au Calvaire : et pendant longtemps, nous as-
sure saint Liguori, son occupation ordinaire et ché-
rie est de visiter les endroits témoins des principales
souffrances de Jésus, le jardin des Oliviers, le Pré-
toire, les différentes stations de la voie douloureuse,
et surtout le lieu de l'immolation et de la sépulture.
Ainsi montrait-elle encore qu'elle appartenait à Jésus,
et qu'elle lui avait voué son cœur comme à son Dieu
et à son Fils .
Morale : Apprenons de là à montrer aussi notre
foi par nos œuvres, à ne pas être esclaves du respect
humain, cette lâche faiblesse qui n'ose pratiquer le
bien et qui s'abandonne au mal de peur de déplaire
HEG1NA CONFESSORUM 269
aux hommes ou dans la vue d'attirer leur estime.
C'est là, cependant, la pierre de scandale pour un
grand nombre de chrétiens. Si je change de conduite,
dit-on, si je ne vois plus cette personne, si je renonce
à telle compagnie, si je ne me venge pas de cette in-
jure, si je fais des avances pour la réconciliation, si
je m'approche des sacrements, si je me montre fidèle
à ce devoir, si je me tiens à l'écart des divertissements
du monde, en un mot, si je ne fais pas comme les au-
tres, que pensera-t-on, que dira-t-on de moi ?
Que dira-t-on de vous ? Eh quoi ! vous craignez
donc plus de déplaire au monde que de déplaire à Dieu !
Quelle folie ! quelle injustice ! Car, que sont ces dis-
cours des hommes qui vous intimident à ce point ? Des
paroles qui se perdent dans les airs, et qui ne peuvent
pas plus vous nuire que le vent qui passe par-dessus
votre tête. Ignorez-vous donc que les applaudisse-
ments du monde ne vous donnent aucun mérite de
plus, comme vous ne perdez rien à sa censure? Quoi
qu'il dise, vous n'êtes toujours que ce que vous êtes,
pauvre ou riche, bon ou mauvais. Mais votre état vis-
à-vis de Dieu, voilà ce qui fait votre valeur réelle.
C'est donc Dieu seul et votre conscience qu'il faut
craindre, et non point le jugement des hommes. Est-
ce à eux que vous devez compte de vos actes ? Est-ce
d'eux que vous attendez votre récompense ? Viendront-
ils vous délivrer de l'enfer, si pour leur plaire par une
lâche complaisance, vous vous y êtes précipité ? Ne
craignez donc point de leur paraître singulier ; mais
d'être blâmé ou approuvé de Dieu, voilà ce qui seul
doit vous inquiéter.
Que dira-t-on de vous ? Les bons, soyez-en sur, vous
tiendront compte de votre courage, de votre fidélité,
vous en estimeront davantage. Et les méchants eux-
PAPAPHRASB, — T. II. 16
270 REGINA COXFESSORIM
mêmes, en paraissant vous blâmer, parce que votre
conduite les condamne, seront forcés intérieurement
de rendre justice à votre vertu. Tout le monde sait ce
qu'il en coûte pour être vertueux, surtout en dépit des
railleries si capables d'en détourner. Mais, quand
même ils vous blâmeraient sérieusement, cela doit-il
vous ébranler? « Il est glorieux, dit un saint évèque,
d'être méprisé par les méchants : » c'est le sort que
Jésus-Christ disait être réservé à ses disciples ; c'est
le cachet de la sainteté . « Et ce serait au contraire,
dit Bossuet, avoir l'âme bien basse, de n'oser être
sage, parce que les fous s'en moquent. » D'ailleurs,
pourriez-vous regarder comme un déshonneur de ser-
vir le plus grand des maîtres ? On se fait gloire d'être
au service d'un puissant de la terre, de porter ses
livrées : il n'y a pas jusqu'au plus vil artisan qui ne
se fasse honneur de sa profession, si basse qu'elle
soit : et vous chrétiens, vous rougiriez de vous mon-
trer disciples de Jésus-Christ, le Roi de tous les rois !
Ce serait encourir inévitablement sa réprobation : ses
paroles, à cet égard, sont des plus formelles : Si quel-
qu'un, dit-il, a rougi de moi et de ma doctrine de-
vant les hommes ; je rougirai de lui devant mon
Père. Quelle folie, de perdre ainsi son éternité pour
quelques paroles des méchants ! Quand donc on se
trouvedans l'impossibilité de contenter Dieu et le monde,
leurs maximes étant par trop opposées, y a-t-il à ba-
lancer ? Ne doit-on pas, avec la même générosité que
les apôtres, obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?
Obtenez-moi, ô Marie, le courage de me montrer en
paroles et en œuvres, le fidèle disciple de votre Fils,
pour avoir le droit d'en être reconnu au grand jour
des récompenses.
Pratique : Ne pas rougir de porter les livrées de la
HËGINA CONFESSORUM 271
sainte Vierge, non plus que de pratiquer les actes de
chrétien .
EXEMPLES
LÂCHETÉ DU RESPECT HUMAIN.
Ce serait imiter la honteuse apostasie de saint Pierre
qui, après avoir juré à son bon Maître qu'il mourra
plutôt que de l'abandonner, se laisse dominer par la
crainte de paraître lui appartenir, et à la voix d'une
simple servante, le renie par la plus vile des lâchetés.
— Ce serait imiter Pilate : il reconnaît l'innocence de
l'Homme-Dieu, il déclare qu'il ne trouve point en lui
de cause de mort ; malgré l'insistance du peuple, il
proteste qu'il ne veut point tremper ses mains dans le
sang innocent ; mais à peine lui a-t-on laissé entre-
voir qu'il va déplaire à César, cette crainte l'emporte
sur toute autre considération ; elle lui dicte la sentence
la plus inique, dont inutilement il prétend se laver. —
Ce serait imiter ces lâches apostats des premiers siè-
cles, rares il est vrai, qui, se laissant intimider par les
menaces ou la vue des supplices, préfèrent une vie
périssable à une mort glorieuse .
QUELQUES ACTES DE COURAGE CHRETIEN.
Une jeune personne, élevée dans un pensionnat re-
ligieux, étant rentrée dans le monde, y continua la
salutaire pratique de la communion fréquente. Un
jour qu'elle avait goûté ce bonheur, des raisons de
bienséance l'obligèrent de se trouver à un repas où
les convives étaient nombreux . Fidèle à ses habitudes,
elle ne rougit point de dire son Benecllcite. Un officier
décoré qui l'aperçut lui dit d'un ton moqueur : « Ah !
Mademoiselle, que faites-vous là ? — Capitaine, répon-
dit-elle, rougissez-vous de votre croix d'honneur ?
Oh ! certes, non, Mademoiselle. — Eh bien I vous
272 REGINA VIRGINUM
saurez que le signe de la Croix est pour moi un signe
de gloire et d'homieur. — Et chacun d'accueillir cette
répartie avec un sourire approbateur.
— Un célèbre médecin fut invité à dîner chez M. de
Buffou. Des hommes célèbres par leur incrédulité se
trouvaient au repas. C'était un vendredi, et le maître
d'hôtel, sans doute par oubli, n'avait mis sur la table
au premier service que du gras. Le docteur chrétien
ne mangeait pas, bien décidé à attendre le dessert.
Parmi les convives se trouvait Diderot qui soupçon-
nant le motif, demanda au docteur si c'était à cause
du vendredi qu'il ne mangeait pas. — Oui, répondit
le médecin ; et je suis bien convaincu que les aliments
gras sont très nuisibles les jours de la semaine ou
l'Eglise les défend. — M. de BufFon dit aussitôt à son
maître d'hôtel de desservir, et de ne pi as apporter que
du maigre.
CHAPITRE XLVI.
REINE DES VIERGES.
Au milieu des élus, j'aperçois un essaim d'âmes qui
rayonnent d'une incomparable beauté ; elles forment
autour de l'Agneau comme un cortège d'honneur, et
le suivent partout où Uva, chantant devant le trône
un cantique nouveau que nulle autre voix ne peut
clin ,der. Ce sont les vierges : anges en des corps mor-
tels, elles ont passé, sans ternir la blancheur de leurs
vêtements, par les chemins fangeux du siècle, n'éprou-
vant que mépris et dégoût pour ses joies et ses plai-
sirs. Dédaignant un hyménée charnel, elles ont choisi
au ciel l'objet de leur unique amour ; et les voilà
KEGINA VIRGINUM 273
admises aux noces éternelles avec le di\ in Eraux de
leur àme.
Mais qui donc leur fraya cette voie ? Qui leur fît
connaître le prix et le bonheur de la virginité ? C'est
Marie, qui la première en avait arboré l'étendard :
véritable Reine des vierges, elle leur servit de guide,
de modèle et de soutien dans cette carrière nouvelle.
Depuis le jour, hélas ! à jamais lamentable, où le ser-
pent infernal répandit les laves de son venin sur la
terre de l'innocence, la virginité n'y fleurissait plus ;
elle était enfouie sous les ruines du monde coupable .
Ce fut Marie qui raviva sur notre terre cette vertu du
ciel, et sema ce lis aux parfums délicieux dans le
champ de l'Eglise : présent le plus riche et le plus
beau qu'elle ait fait au monde, après le don du divin
Rédempteur . Pour mieux l'apprécier, voyons le prix
et l'excellence de la virginité,
I . En elle-même, et d'après l'estime qu'en ont faite
Jésus et Marie ;
II. Par ses heureux fruits dans le Christianisme.
ARTICLE PREMIER
Excellence de la virginité en elle-même, et d'après
l'estime de Jésus et de Marie.
Sancta et immaculata virginitas, quibus te lau-
dibus efferam, nescio (S. Aug.) ? « Par quelles louan-
ges assez dignes pourrai-je t 'exalter, ô sainte virgi-
nité ? » Non, tous les trésors de la terre ne peuvent
lui être comparés, nous assure l'Esprit-Saint . « Elle
surpasse la blancheur du lis fraîchement éclos ainsi
que la douce clarté de l'aurore ; elle l'emporte sur
la sérénité d'un ciel pur et sans nuages, sur l'éclat
de l'émeraude. L'innocence ! c'est un rayon des
beautés de Dieu, qui tombe sur lame, l'illumine et la
fait l'égaie des anges. — « 0 merveilleux privilège de
'2~î REGIXA V1RGINUM
la virginité ! s'écrie un Père, qui élève l'homme jus-
qu'à Dieu, qui attire ses regards de douce complai-
sance, et obtient les bénédictions les plus abondantes
de son amour. » — « C'est, a dit quelqu'un, le ma-
riage d'une âme avec Dieu. » — « 0 sainte virginité,
que vous êtes belle ! s'écriait encore une autre voix :
le Verbe divin vous doit sa naissance éternelle dans
la splendeur des cieux, sa naissance temporelle dans
le cœur immaculé de Marie, sa naissance eucharis-
tique entre les mains virginales de ses prêtres. » Le
nom seul de cette évangélique vertu flatte l'oreille plus
que les plus harmonieux concerts , il délecte l'esprit,
enchante le cœur, et procure plus de jouissances que les
épanchements de l'amitié la plus affectueuse. Saint
Cyprien appelle les vierges « le plus bel ouvrage de la
grâce divine, l'image où la sainteté de Dieu se réfléchit
avec plus d'éclat, les fleurs odoriférantes de l'Eglise,
la portion la plus illustre du troupeau de Jésus-Christ.»
Une vierge, ce n'est plus l'enfant dans son innocence ;
c'est la jeunesse dans toute sa force, mais restée pure
comme l'enfance par l'énergie de sa volonté aidée de
la grâce. Un enfant innocent est quelque chose de
bien beau : on l'aime par un doux et irrésistible attrait ?
c'est le bouton de rose qui s'épanouit au lever du
soleil; mais une vierge, c'est le lis blanc et pur, resté
debout après l'orage et répandant au loin son odorant
parfum; on fait plus que l'aimer, on l'admire; elle
vous pénètre d'une involontaire et religieuse vénéra-
tion. 0 aimable virginité ! quand je déploierais toutes
les merveilles imaginables de pensées et de langage,
vos charmes et votre prix seroni toujours beaucoup
au-dessus des images les plus riches et des plus ma-
gnifiques comparaisons. Continuons, néanmoins, de
la peindre, mais actuellement sans figures.
REG1NA VIRG1XUM 275
Disons d'abord qu'elle est la vertu desvierges. On dit
souvent Yangélique vertu ; et d'une vierge. C'est un
ange. Encore le parallèle est-il loin d'être exact. Les
anges sont vierges, mais par nature; chez l'homme,
au contraire, c'est le prix de longs et pénibles com-
bats. Si pour les anges le bonheur est plus grand, il y
a dans l'homme plus de courage et partant plus de
mérite. Cherchez une fleur en plein été dans un par-
terre, rien de plus naturel que de l'y rencontrer ; mais
une fleur délicate, au cœur de l'hiver, sur le sommet
des Alpes, serait un phénomène. Ainsi, que la pureté
des anges s'épanouisse au ciel, c'est son terroir ; mais
que de faibles créatures, t issues de chair et de sang,
avec tout le feu de leurs convoitises, au milieu des
séductions d'un monde corrompu, conservent la fraî-
cheur de la virginité, ah ! voilà ce qui rehausse le
prix et le mérite de cette perle ; voilà ce qui, à cer-
tains égards, élève au-dessus de Fange celui qui en
est orné .
Une autre gloire de la virginité, qui doit nous la
rendre de plus en plus chère et estimable, c'est d'avoir
été la vertu privilégiée de Jésus-Christ, et de sa sainte
Mère: et d'abord de Jésus- Christ. Quand un grand
seigneur se promène en son jardin, il regarde bien en
passant toutes les fleurs, il admire l'émail des unes, il
respire l'odeur des autres, il considère en toutes la
riche variété des couleurs et de la forme ; mais celle
qui l'a charmé davantage, il la cueille pour en con-
templer de plus près la beauté et en savourer le
parfum ; il la porte à sa main par plaisir ou comme
ornement : de même Jésus-Christ, quoique aimant les
fleurs de toutes les vertus, a une affection toute parti-
culière pour le lis, emblème de la virginité : descendit
ut lilia colligal... pascitur inler lilia (Gant.). Ainsi,
276 REG1NA VIRftINUM
il a voulu naître de la plus pure des vierges ; avoir pour
gardien et tuteur de son enfance le chaste Joseph ;
pour Précurseur un homme vierge : le plus aimé de
ses desciples fut saint Jean qui était vierge, et qui
pour cela eut l'honneur insigne de reposer sur son
cœur à la Cène, et de devenir le dépositaire du pré-
cieux objet qu'il laissait en mourant, la Vierge Marie :
« Une Mère vierge, dit saint Augustin, ne pouvait
être mieux confiée qu'à un disciple vierge. » En rece-
vant Marie, il hérita tout l'amour de Jésus-Christ ;
mais c'est parce qu'il était l'imitateur fidèle de sa pu-
reté. Si cette vertu mérita à Marie d'avoir un Dieu
pour Fils, elle valut à saint Jean d'avoir pour mère la
propre Mère de Dieu . — Son sépulcre même, Jésus
voulut le trouver vierge. — Il supporta l'ambition des
enfants de Zébédée, l'avarice de Judas, le triple renie-
ment de saint Pierre, l'incrédulité de Thomas ; mais
qu'un seul de ses apôtres fut seulement soupçonné à
l'endroit de la délicate chasteté, il ne le permit point.
Pouvait-il nous montrer par des marques plus expres-
sives, la haute estime qu'il avait pour la virginité?
Elle fut aussi la vertu favorite de Marie, qui, c'est
une douce nécessité de le redire, va dès l'âge le plus
tendre en faire à Dieu le vœu perpétuel : qui ne con-
sent à prendre Joseph pour époux qu'à la condition de
rester vierge , qui au moment solennel de l'Incarna-
tion ne s'inquiète que de sa virginité et la mettra au-
dessus du sublime honneur de devenir la Mère du
Messie Rédempteur. Mais !... ne voyez-vous donc pas,
ô Marie, la gloire immense qui vous attend, si vous
acceptez, les milliers de temples où l'on viendra en
foule réclamer votre secours? N'entendez-vous pas
toutes les générations jusqu'à la fin des siècles publier
à l'envie vos grandeurs? Partager avec votre Fils l'em-
REGINA VIRGINUM 277
pire du monde, est-ce donc trop peu d'honneur ? Et ce
trône radieux qui vous est réservé à côté de l'Eternel,
et ce diadème royal qui ceindra votre front, n'ont -ils
donc pour vous aucun attrait? Ah ? si vous pouvez
être si peu sensible à votre gloire, ayez du moins pitié
des pauvres mortels qui soupirent ardemment après
le Libérateur promis. Verrez-vous d'un œil indifférend
nos larmes couler sans fin? Laisserez- vous notre en-
nemi s'applaudir toujours de son triomphe, et insulter
à notre défaite ? Assez longtemps il a régné ; brisez
son sceptre et détruisez son empire. Qu'elle est belle
cette gloire ! . . . Mais toute cette riante et magnifique
perspective ne peut séduire l'auguste Vierge; tout
s'éclipse à ses yeux devant l'excellence de la virginité
et le prix qu'elle y attache. « Aussi, dit saint Bernard,
par le plus incompréhensible de tous les mystères,
c'est sa virginité même qui conduit Marie à la Mater-
nité, virginitate plaçait : mais en devenant mère, elle
ne perd rien de son angélique pureté.
Virginité donc, vertu des anges, vertu tant chérie
de Jésus, vertu favorite de Marie ! « Virginité, ajoute-
rons-nous encore avec saint Cyprien, état sublime, où
le corps seul est sur la terre, et le cœur tout entier
dans les cieux ; glorieuse anticipation de la vie céleste:
c'est la victoire sur le monde, le triomphe sur ses vo-
luptés, l'absence de l'amour sensuel pour le seul
amour de Dieu ! » Oh ! qui ne pourrait ne pas estimer,
ne pas chérir, ne pas conserver à tout prix un si riche
trésor ? Mais ce qui en fera mieux ressortir l'excellence
et la beauté,
Morale : C'est la peinture, ce sont les suites sou-
verainement pernicieuses du vice contraire. Ici encore,
nous sentons que nos paroles seront bien au-dessous
de la réalité. Oh 1 le vice impur ! outre qu'il fait des-
278 REGIRA VIRGIN CM
cendre jusqu'aux dernières limites de la dégradation
celui qui en est l'esclave, et le ravale même au-des-
sous de la brute, il a le funeste pouvoir d'énerver le
corps, d'altérer la santé, d'obscurcir l'intelligence,
doter la liberté d'esprit, d'endurcir le cœur, le rendre
charnel et incapable de rien de magnanime. « Ses
fruits, dit saint Ambroise, sont plus amers que l'ab-
sinthe, ses effets plus poignants que la pointe d'une
épée. )) Sur quoi saint Bernard enchérit encore, en
appelant cet état « prison, enfer. » Le vice impur ! il
amène les remords déchirants, mais qui ne garantis-
sent pas toujours de nouveaux désordres, parce que,
une fois qu'on est engagé dans ce maudit péché, il est
aussi difficile de s'en retirer, dit saint Jean Chrysos-
tôme, après l'Esprit-Saint, que de sortir d'un gouffre
profond et sans issues. Aussi trouve-t-on peu dïnpu-
diques qui se convertissent véritablement. On peut en
assigner deux causes principales : la première, c'est
que cette passion dégénère bientôt en habitude,
qui, se fortifiant par les jouissances, ne tarde pas
à devenir comme une nécessité. » C'est un tyran cruel,
de l'aveu d'un païen, qui charge ses esclaves de chaînes,
et s'assied sur leurs tètes pour les dominer de plus
haut : ).) — « qui vous lie et vous garotte, » nous as-
sure saint Augustin, juge compétent en cette matière.
Il en est de cette passion comme la soif de l'hydropique,
laquelle augmente par les moyens mêmes que l'on em-
ploie pour la calmer : ainsi pour le voluptueux, les sa-
tisfactions coupables ne font qu'attiser les flammes
criminelles qui le dévorent : et lors même que les for-
ces lui manquent, le désir contrarié n'en devient que
plus ardent .
Une 2e cause qui rend si difficile l'extirpation de cet
abominable vice, c'est qu'il étouffe tout ce qui pourrait
RBGINA VIRGINUM 279
toucher et convertir. L'homme sensuel, a dit saint
Paul, ne comprend rien aux choses de Dieu. Il n'est
pas plus attendri de la magnificence de ses promesses
qu'intimidé par la rigueur de ses menaces ; il ne voit,
ni la laideur ni le danger de sa vie criminelle, trop
semblable, oserons-nous dire avec l'énergie de saint
Chrysostôme, à l'animal -immonde qui se vautre dans
la fange, sans prendre garde qu'il salit son corps . S'il
ne peut arriver jusqu'à nier positivement l'existence
d'un Dieu vengeur de ses désordres, il détourne les yeux
pour ne point voir le ciel, afin de s'abandonner avec
moins de remords à toutes les exigences de son insa-
tiable passion. Faut-il s'étonner après cela que les
saints Pères soient umaniques à dire qu'un des plus
rares miracles de la toute-puissance de Dieu, c'est la
conversion et. le salut d'un impudique, conséquemment
que ce vice mène comme infailliblement à la perdition
éternelle : saint Rémi, saint Bernard, saint Liguori,
osent bien affirmer, que parmi les damnés le plus
grand nombre le sont pour le crime d'impureté. C'est
que, dit encore saint Augustin, entre tous les vices,
celui-ci a le fatal privilège de conduire à une effrayante
prévarication, par des sentiers qui semblent semés de
roses, et de fermer ensuite les issues qui pourraient en
faire sortir ; c'est que , ajoute-t-il , les combats que
livre cette passion sont si fréquents et si rudes, que
bien peu remportent sur elle une victoire certaine. Que
de motifs de nous tenir en garde à tout jamais contre
un vice qui a des suites aussi funestes !
Ce n'est donc point sans luttes et sans da généreux
efforts, ô Marie, que nous pourrons conserver intacte
l'aimable pureté dans nos vases fragiles ; mais sa beauté
nous charmera, vos exemples et vos prières nous sou-
tiendront : Reine des Vierges, priez pour nous.
280 REGINA VIRGINUM
Pratique : Se représenter souvent les charmes de la
chasteté d'après les beautés de la nature .
EXEMPLES
HORREUR DE DIEU POUR LE VICE IMPUR
Il est bien permis d'en juger par les châtiments
épouvantables dont il l'a puni. Qui n'a entendu parler
de cette inondation générale qui submergea la terre et
ses habitants, à l'exception d'une seule famille? Or,
qu'est-ce qui attira ainsi, non-seulement sur l'homme,
mais sur toute créature la colère d'un Dieu d'ailleurs
si bon ? Une seule cause : toute chair avait corrompu
sa voie : chacun s'abandonnait aux dérèglements de
son cœur dépravé. Dieu en est tellement affligé, telle-
ment indigné, qu'il va jusqu'à dire, qu'il ne peut plus
supporter l'homme, et qu'il se repent de l'avoir créé.
— Peu de temps après, un des trois enfants de Noé
commet une faute, non point des plus énormes en cette
matière, mais contraire à la décence : il ose fixer les
yeux sur la nudité de son père endormi, Qu'arrive-t-il ?
Noé l'ayant su à son réveil, le maudit ; et cette malé-
diction retomba sur toute sa race : plus de deux mille
ans après, du temps de Jésus-Christ, les Cananéens,
par le mépris général qui les frappait, payaient tou-
jours, payaient chèrement la faute de Cham.
— Quelle preuve non moins éclatante de l'horreur de
Dieu pour ce péché n'en trouvons-nous pas dans
l'épouvantable châtiment de Sodome , Gomorrhe et
trois autres villes, appelées encore aujourd'hui infâ-
mes, à cause des excès impurs auxquels on se livrait !
Ils étaient si monstrueux , que Dieu ne pouvant y
croire, selon l'expression si énergique des saints Livres,
descendit comme pour s'en assurer par lui-même; et
témoin de la réalité, il fit pleuvoir le soufre et le feu
HEGINA VIRGINUM 381
qui détruisirent jusque dans leurs fondements ces villes
criminelles. Leur sol est transformé en un lac de
bitume, qui atteste à toutes les générations la terrible
vengeance que Dieu tira de leurs impudicités.
ARTICLE SECOND
Heureux fruits que la virginité a produite dans le
Christianisme
Au Catholicisme seul il était réservé de produire la
virginité et tous les actes magnanimes qu'elle enfante.
Ce n'est que sur le sol arrosé par le sang de Jésus-
Christ que cette fleur du ciel peut germer et donner
du fruit. C'est là que, sous l'influence de la Vierge
sans tache, cette vertu féconde a non-seulement peu-
plé le sanctuaire, les cloîtres, les déserts et même le
monde d'une race nouvelle d'àmes virginales, mais en
a fait des héros de charité, de dévouement, de sacrifi-
ces, de toutes les actions grandes et généreuses que
n'a jamais pu produire le Paganisme. Et voilà le ravis-
sant tableau qu'il nous reste à étaler sous vos yeux,
pour compléter l'hymne glorieux déjà commencé en
l'honneur de la virginité. Oui, nous osons bien le pro-
clamer à la face du monde entier :
C'est par les âmes virginales que fut produit
tout ce qu'il y a eu de saint, de grand, de généreux,
d'héroïque dans le Christianisme .
Commençons à le reconnaître et à l'admirer dans
cette moitié du genre humain, où la faiblesse du sexe
semblerait le faire moins espérer. Autrefois, elle eût
été incomprise, celle qui aurait renoncé à devenir mère
pour n'avoir d'autres enfants que les pauvres , les
malades, les orphelins ; ou plutôt, c'était chose entière-
ment inconnue dans le monde païen. Mais, depuis l'ap-
parition de la sainLe Vierge, une voix intérieure a
PARAPHRASE. — T. II. 17
2*2 REGINA VIROINUM
parlé à des millions de jeunes personnes, et des mil-
lions déjeunes personnes y ont répondu avec un élan
*i empressé, que la société chrétienne abonde en âmes
généreuses qui ont voulu échanger les jouissances de
la terre contre une vie d'abnégation complète. Et sou-
vent ces femmes au cœur mâle sont de jeunes filles,
riches des dons de la nature et de la fortune, douées
des plus belles qualités qui leur promettaient un bril-
lant avenir : quelques-unes même sont nées sur les
marches d'un trône, sous le portique d'un palais, dans
les salons d'un château : n'importe ; voyez-les toutes
renoncer aux douces illusions de leur âge, aux sédui-
sants plaisirs du monde , à leur patrimoine , à des
parents chéris, aux affections de l'amitié, pour aller
consumer leur existence auprès des malades, panser
des plaies rebutantes , essuyer tous les dégoûts des
infirmités humaines , quelquefois les rebuts d'êtres
grossiers et ingrats.
Voulez- vous contempler de tout près un de ces spec-
tacles entre mille autres semblables, osez bien péné-
trer un moment dans ce réduit hideux : là , voyez
étendu sur la paille un pauvre couvert d'ulcères, rongé
par la vermine, en proie aux plus affreuses douleurs :
si ce malheureux n'a plus de mère, ilva mourir privé
des consolations de la foi. ainsi que des secours de la
charité : car toute la bienfaisance philantropique a
reculé à ce spectacle. Mais là se trouve une femme qui
en lui prodiguant ses soins les plus généreux, le fortifie
par ses pieuses paroles et appelle sur lui les bénédic-
tions du ciel par la ferveur de sa prière. Et cette femme,
ce n'est, ni sa mère, ni son épouse, ni sa sœur ; c'est
une vierge, pauvre, mais au cœur d'or ; c'est une fille
de Marie!
Avec autant de courage et d'amour, elle volera par-
HEGhNA VIRG1NUM
-283
tout où elle saura un chagrin à consoler, une douleur
à adoucir, un malheur à réparer, l'indigence à nourrir,
une mère à remplacer, une odeur de mort à supporter ;
partout où il faut instruire un ignorant, relever une fai-
blesse, toucher un endurci, disposer un mourant au tré-
pas ; car les besoins de Tàme autant que ceux du corps,
les intérêts de la vie future comme ceux de la vie pré-
sente, tout est du domaine de sa charité. — Voyez- vous
cette autre quitter résolument la patrie, braver les pé-
rils de la mer, l'intempérie des saisons, toutes les ri-
gueurs du climat, pour aller sur les plages inconnues
de la Crimée, de la Cochinchine, se jeter au milieu des
bataillons, sous le feu de la mitraille, afin de prodiguer
à nos guerriers, avec les consolations religieuses, des
remèdes à leurs blessures, et de les disposer à une
sainte mort !
En voyant ces âmes d'élite, si sublimes d'amour et
de dévouement, si belles de candeur, si radieuses de
joie pure, ne dirait- on pas des anges descendus du ciel
pour soulager et consoler tout ce qui porte la livrée du
besoin ou du malheur, pour montrer au crime, au dé-
sespoir peut-être, la voie du repentir et du pardon ?
En se sacrifiant ainsi pour toutes les nécessités, ces
courageuses filles de Marie accomplissent au centuple
les devoirs de la femme destinée à être mère ; car la
vierge, qui n'est pas mère selon la chair, le devient
par la charité ; tous les malheureux sont ses en-
fants ; les orphelins retrouvent en elle la mère qu'ils
ont perdue. Et quelle est la force motrice d'actions si
héroïques? C'est la virginité : leur affection, qui n'est
donnée à personne spécialement, s'étend à toute la
grande famille humaine et surtout aux plus miséra-
bles : leur cœur libre de toute entrave des créatures se
dilate plus facilement, pour enfanter tous les senti-
284 REGINA VIRGÏNTM
ments nobles et généreux, qui se produisent ensuite par
des actes.
Mais, pour apprécier de mieux en mieux ce dont est
capable un cœur vierge, pénétrons un instant dans ces
solitudes profondes presque inconnues aux mortels, le
Carmel, la Trappe, la Chartreuse; entrons dans leurs
cellules obscures, et là nous verrons sous la cendre et
le ciliée, de nouveaux mardochées, priant pour le salut
de tout Israël ; d'autres Davids, chantant les hymnes
sacrées de la pénitence; de nouveaux Jérômes, de nou-
veaux Antoines, qui par le jeune et la prière mettent
en fuite le démon, accomplissent sur leur chair inno-
cente ce qui manque à la passion de Jésus-Christ, et ce
que ne font pas les ennemis de la croix. Et cette immola-
tion continuelle de la nature n'est point le fait seulement
d'hommes au tempérament robuste; mais c'est aussi le
sacrifice habituel auquel se condamne le sexe le plus dé-
licat. A cette vue, qui pourrait douter encore qu'au cé-
libat seul il appartient de faire des héros en tout genre ?
Rentrons dans les villes : là, mêmes scènes de dévoue-
ment sous une autre forme. Voyez- vous ces humbles
Frères, au maintien modeste, sur le front desquels la
gravité est tempérée par l'aménité la plus douce?
S'étant échauffés à l'école du Sauveur du feu de sa cha-
rité, ils ont dit aussi : Laissez venir à moi ces petits
enfants. C'est leur famille adoptive, sur laquelle ils
concentrent toute l'affection de leur cœur, que nul
autre ne partage. Avec quel zèle infatiguable et désin-
téressé, ils se consacrent à cultiver ces jeunes plantes,
aussi attentifs à semer dans leur tendre cœur les ger-
mes de toutes les vertus, qu'a orner leur esprit de tou-
tes les connaissances nécessaires à la vie civile, deve-
nant ainsi les plus grands bienfaiteurs de la société, de
l'Etat et des familles !
REGINA VTRGINUM 285
Un dévouement plus magnanime encore, et qui s'é-
chauffe aussi un foyer du célibat, nous est manifesté
dans toutes les parties du monde, sur le vaste théâtre
des villes comme dans l'obscurité d'une campagne, c'est
le dévouement du prêtre catholique. A peine Fonction
du pontife l'a-t-elle pénétré, que, nouveau Gédéon, il
s'élance avec ardeur dans la carrière des combats. Ses
armes sont le bouclier de la foi, le casque de l'espé-
rance, le glaive de la parole divine : mais ce qui lui
assure plus encore la victoire, c'est l'éclat de l'auréole
virginale qui brille sur son front. Dégagé de toute af-
fection humaine, son cœur est pour tous ; on le sait ;
chacun est sûr d'y trouver une place, et vient avec un
entier abandon y déposer le fardeau de ses peines ou de
son péché. Et si son zèle le transporte sur les régions
lointaines des infidèles, tous accourent à lui, saisis
d'admiration à la vue d'un dévouement si généreux et
plus encore de sa virginité, qui comme un aimant les
attire par la puissance de ses charmes. Ils préfèrent
suivre celui qui vit seul, qui n'a pour compagne que la
Croix à une main et le bréviaire à l'autre, plutôt que
les ministres des doctrines anticatholiques qui n'ont
point le prestige du célibat.
Dans cet intéressant tableau, nous ne pourrions
omettre sans une injustice criante, la simple fille, qui
vivant dans le monde se conserve lis au milieu des
épines. La douceur de ses paroles, l'aménité de son sou-
rire, la douce sérénité empreinte sur son front candide,
sa beauté même qu'aucune haleine impure n'a jamais
effleurée, tout cet ensemble, angélique reflet de sa vir-
ginité, a je ne sais quels charmes qui captivent votre
admiration. C'est une fleur épanouie sous la douce in-
fluence de la Vierge, toujours fraîche, toujours belle et
dont le parfum embaume le cœur, autant que la vue
286 REGINA VIRGINUM
réjouit les yeux. Heureuse elle-même de l'estime qui
l'entoure et de la paix céleste qui l'inonde, elle est en-
core un trésor de bonheur et de bénédictions pour sa
famille ; elle prépare à la religion et à la société la plus
solide garantie d'édification et de paix. Heureuse la
maison où habite un de ces anges de la terre ! Heureuse
la paroisse qui en compte un grand nombre !
Morale : Honneur donc à cette glorieuse fille de
Juda qui, élevant la première l'étendard de la virgi-
nité chrétienne, a mérité aux hommes tant de biens
qui sont venus avec elle î Honneur à cette Arche sainte,
où s'est repeuplé le monde d'une génération nouvelle
qui. inspirée du souffle vivifiant d'une chasteté intègre,
présente le magnifique spectacle de tout ce qu'il y a de
beau, de saint, de grand, de généreux, d'héroïque ! Es-
timons donc cette précieuse vertu au prix de sa valeur
et de ses fruits : et pour la conserver ayons souvent
présentes à l'esprit les maximes suivantes, qui vien-
nent renforcer celles qui déjà ont été présentées sur cet
intéressant sujet :
— Une étincelle négligée peut causer rapidement un
vaste incendie ; de même le manque habituel d'humi-
lité, de modestie et de vigilance peut amener facile-
ment la ruine d'une vertu qui semblait solidement
affermie. — On secoue bien vite un charbon qui tombe-
rait sur son habit : autant faut-il être prompt à éloi-
gner toute pensée mauvaise : pour peu qu'elle occupe-
rait l'esprit, elle y laisserait une trace hideuse. — Rien
n'est à mépriser de ce qui protège la chasteté : c'est
par les petites précautions que se conservent les
grandes vertus . — Pour vous maintenir chaste, évi-
tez les liaisons où le cœur s'amollit, où la passion
finit par obscurcir la raison et soulever d'effroyables
tempêtes.
REGINA VIRGINUM 287
— Nulle victoire, dit saint Cyprien, n'est plus glo-
rieuse que celle que l'on remporte sur la chair et la vo-
lupté. Ce qui sert aux jouissances criminelles du corps,
deviendra le supplice de l'âme. L'abeille enfonce son
aiguillon et s'envole : le venin reste : la volupté fuit et
laisse après elle le remords et la honte . — Les glaces
de la vieillesse n'éteignent pas toujours le feu impur.
Salomon, les vieillards de Babylone et tant d'autres en
seront à jamais la triste preuve : les montagnes cou-
vertes de neige recèlent quelquefois des volcans dont
l'explosion est terrible.
Auguste Reine des vierges, obtenez-nous de marcher
constamment sous l'étendard que vous avez si noble-
ment porté, afin qu'avec toutes les vierges nous for-
mions votre honorable suite au ciel. (12)
Maxime
Le feu qui semble éteint, dort souvent sous la cendre :
Qui l'ose réveiller, peut s'en laisser surprendre.
EXEMPLES
Estime et précautions pour la chasteté
Il arrivait souvent à l'empereur Charlemagne, de
fermer les fenêtres de ses appartements et de tirer les
rideaux, pour n'être point exposé à la tentation, en
voyant dans la rue des personnes du sexe élégamment
parées .
— Saint Thomas d'Acquin, que son amour de la chas-
teté joint à la profondeur de sa science a fait surnom-
mer Y Ange de l'Ecole, quoique peu tourmenté par les
mouvements de la concupiscence, s'appliquait à répri-
mer la convoitise des yeux ; il disait souvent : Si David
avait exercé une vigilance exacte sur ses regards, il
n'aurait pas eu une chute si profonde à déplorer.
— L'angélique Louis de Gonzague se défiait telle-
288 BEGLNA VIHG1NTM
ment de ses yeux, qu'il n'osait pas même regarder en
face les personnes du sexe, ses parentes. Il aimait à
répéter ces paroles de saint Augustin : « Les yeux sont,
à la vérité, un membre du corps : mais ils sont aussi
les fenêtres de l'àme. >:>
— Cynis ayant en son pouvoir Panthéa, femme re-
marquable par sa rare beauté, ne voulut point qu'elle
parut en sa présence : « Les yeux, disait-il, sont des
traîtres dangereux : de vainqueur et indépendant que
je suis maintenant, je pourrais par eux être vaincu et
réduit à la honteuse condition d'esclave. »
— On raconte aussi de Scipion l'Africain, qu'il ne
se permit pas même de regarder une jeune captive
dont on lui avait vanté les charmes, pour ne point se
laisser séduire, lui qui avait remporté de si éclatantes
victoires.
— Le fils d'un roi de Hongrie avait la dévotion de ré-
citer chaque jour l'Office de la sainte Vierge. Dans une
maladie dangereuse, il fit vœu de chasteté, s'il recou-
vrait la santé, et l'obtint en effet. Mais appelé au trône
par la mort de son frère, il se décida, pour la tran-
quillité du royaume, à se faire relever de son vœu, en
vue d'épouser une jeune princesse. La veille du ma-
riage, il voulut, comme à l'ordinaire, réciter son Office.
Arrivé à ces paroles : Que vous êtes belle /... il vit et
entendit Marie qui lui dit : c< Si je suis belle, pourquoi
me laisser pour une autre ; sache bien que si tu renon-
ces à ce mariage, tu m'auras pour épouse, et tu possé-
deras le royaume du ciel, au lieu de celui de Hongrie.»
Le prince frappé de ces paroles s'enfuit dans un désert.
REGINA SANCTORUM OMNIUM 289
CHAPITRE XLVII.
REINE DE TOUS LES SAINTS.
Après avoir nommé séparément les différentes hiérar-
chies dont se compose la société des élus, et salué Marie
comme la Reine de chacune d'elles, nous nous élevons
par la pensée jusqu'au plus haut des cieux, et là nous
voyons sur des trônes radieux, à divers degrés, les pha-
langes glorieuses et immortelles des patriarches, des
prophètes, des apôtres, des martyrs, des vierges, et à
une distance incommensurable au-dessus d'eux, la di-
vine Marie qui reçoit les hommages de tous, qui forme
à elle seule un Ordre à part, domine en Souveraine
toute la Cour céleste ; et dans l'extase de notre ravis-
sement, nous l'a proclamons Reine de tous les saints.
Cette invocation générale lui forme comme une cou-
ronne à laquelle il ne manque aucune perle, et nous
devient un stimulant des plus actifs à mériter d'être un
jour réunis à cette bienheureuse et honorable société.
Marie est justement nommée Reine de toits les
saints, parce qu'en effet elle les surpasse,
I. En sainteté et en puissance ;
II . Par l'éclat de sa gloire.
ARTICLE PREMIER.
Prééminence de Marie sur les saints, par sa sainteté
et sa puissance.
I . Par sa sainteté. — Tous les élus régnant au sein
de la gloire, sans en excepter même Elie, Jérémie et
Jean- Baptiste, sont forcés de dire avec le roi David :
Ma mère m'a conçu dans le péché. Et dans le cours du
voyage, n'ont-ils pas tous à la faute primitive ajouté des
fautes personnelles ? Car l'étemelle Vérité nous assure
290 REGINA SANCTORUM OMNIUM
que le juste même tombe sept fois le jour. Seule, Marie
a échappé à cette loi générale. Sainte et immaculée
dans sa Conception, elle fut toujours un paradis de
pures délices, où le hideux serpent ne pénétra jamais :
toujours elle brilla de cette justice originelle dont au-
cune vapeur ne vint ternir l'éclat : elle ne commit pas
môme le plus petit péché.
A combien d'imperfections encore les âmes mêmes les
plus privilégiées ne sont-elles pas sujettes ? Que de va-
riations, que d'inconstances dans leur ferveur, leur
amour pour Dieu, leur fidélité à le servir, leur zèle à
s'avancer dans la voie de la perfection ! Que d'instants
de somnolence spirituelle, pendant lesquels on devient
paresseux pour la vertu, inactif pour le bien, oisif pour
le ciel ! Que de moments perdus pour l'éternité ! Mais
en Marie ne se trouva rien de semblable. Aucune im-
perfection ne fit ombre sur sa sainteté inaltérable. Et
cette sainteté, bien que parfaite dès le commencement,
ne laissa pas de croître sans aucune intermittence,
comme la lumière du soleil qui, brillante dès qu'elle
parait sur l'horizon, devient [dus vive encore et plus
éclatante en plein midi . D'ailleurs, «il y avait conve-
nance, dit saint Anselme, que la Vierge fût douée
d'une sainteté telle qu'après Dieu on ne put rien ima-
giner de pareil, et surtout rien de supérieur. »
Ce fut aussi une sainteté naïver 'selle. Dans les saints
on voit retracés plus ou moins sensiblement quelques
traits du divin modèle. Selon la condition dans laquelle
ils se trouvaient, chacun brilla par une vertu parti-
culière, plus éminente que les autres. Ainsi l'esprit de
pauvreté distingua saint François d'Assise : la charité
pour le prochain, saint Vincent de Paul : la constance
dans les tourments, saint Laurent ; la chasteté, sainte
Agnès, sainte Lucie, saint Stanislas de Kostka et tant
REOINA SANCTORl>M OMNIUM 291
d'autres : dans la demeure du Père céleste, les trônes
et les couronnes sont à divers degrés ; chacun brille
d'une splendeur plus ou moins éclatante ; chacun y
reçoit la part de gloire spéciale qu'il a conquise pendant
la durée de l'épreuve. Mais dans Marie, placée entre
eux et Jésus-Christ, se trouve la plénitude de sainteté
dont ils n'eurent que des parcelles, et dont l'étendue
se mesura sur son incommensurable dignité de Mère
de Dieu. Aussi, après Dieu que l'on désigne sous le
nom de trois fois Saint, on donne à Marie le titre de
très Sainte. Et tandis que les amis de Dieu sont appelés
simplement du nom de saints, Marie par sa sainteté
originelle, constante, parfaite, mérite à bon droit d'être
appelée Reine de tons ; car elle les surpasse non-seu-
lement en sainteté, mais aussi,
IL En puissance.— lies saints jouissent, sans doute,
auprès de Dieu d'un merveilleux crédit : ils sont ses
favoris, ses bien-aimés ; leurs prières ne peuvent
qu'être favorablement accueillies et promptement exau-
cées. « Le Seigneur, dit saint Léon, est admirable en
nous les donnant non-seulement pour modèles, mais
encore pour protecteurs aussi puissants que dévoués.»
Et des milliers de faits éclatants publient dans tout
l'univers depuis dix-huit siècles, qu'au sein de la
gloire ils s'intéressent vivement au salut de leurs frères
encore exilés et combattant dans l'arène du monde.
Ils intercèdent, mais à la manière des Grands près
des rois, en amis suppliants, avec réserve, avec me-
sure. Pour vous, ô Marie ! vous le faites en Mère du
Souverain, c'est tout dire ; vos demandes sont presque
des ordres : vous le faites pour tous, et sans aucune
hésitation, assurée que vous êtes d'obtenir toujours.
Benoit XIV, si mesuré dans ses expressions, ne craint
pas d'affirmer « que l'intercession de Marie auprès de
292 REGIXA SÀHCTORUM OMNIUM
Dieu a une force beaucoup plus grande que les sup-
plications de tous les saints. » Avant lui, l'illustre
Suarez avait énoncé la même vérité plus clairement
encore : « Je crois, dit-il, que la sainte Vierge sur-
passe en puissance et en efficacité auprès de Dieu non-
seulement chaque saint en particulier, mais même la
Cour céleste tout entière. » Et c'est là une conséquence
de l'amour que Dieu a pour Marie, qui lui étant beau-
coup plus chère que tous les saints, doit l'emporter
par là même en crédit.
C'est encore par Y universalité de sa puissance
qu'elle leur est de beaucoup supérieure. Tous les élus
sont les ministres du Très-Haut pour un service spé-
cial, pour tel ou tel de nos besoins soit spirituels, soit
même corporels. Mais à Marie on demande toute es-
pèce de grâces, parce qu'on la connaît en possession
de tout le royaume de Jésus-Christ. Dans cet empire,
dont elle est la Reine après lui qui en est le Roi, tous
les biens sont indivis entre eux. — Le culte des saints
est restreint ordinairement à quelques contrées, à cer-
taines classes de la société : Saint Nicolas est le pa-
tron de l'adolescence, des marins, des voyageurs :
Sainte Catherine est invoquée par les jeunes filles :
les laboureurs et ouvriers en fer honorent tout parti-
culièrement saint Eloi ; les jardiniers, saint Fiacre;
1rs musiciens, sainte Cécile, etc Mais la sainte
Vierge est la Patronne de tous les âges, de toutes les
conditions : chaque paroisse a son patron ; Marie a
son autel dans toutes les églises : son culte est 'lu
monde entier, comme de tous les siècles : partout elle
est l'encouragement des forts, le soutien des faibles,
la joie des justes, le refuge des pécheurs. Telle est sa
royale. puissance, qui n'a d'autres limites que sa bonté
et rétendue presque infinie de nos besoins. Encore
REGINA SANCTORUM OMNIUM 293
qu'elle soit séparée de ce monde quant à la présence
corporelle, elle y est toujours par l'affection : glorieuse
dans le ciel, elle n'oublie pas pour cela notre terre :
devenue impassible, elle ne cesse pas d'être compa-
tissante: elle s'est dépouillée de nos misères, mais non
de ses miséricordes: quoique Reine des anges, elle
est toujours Mère des hommes : si elle fut accueillie
par les applaudissements de l'Eglise triomphante, elle
ne dédaigne pas les salutations et les cris suppliants
de l'Eglise militante qui se jette à ses pieds.
Morale : Tant de puissance doit, sans doute, nous
animer d'une tendre confiance et d'un vif empresse-
ment à recourir a elle ; mais d'autre part, que sa sain-
teté si parfaite ne nous jette pas dans le décourage-
ment. Ici, l'exemple des saints doit bannir de nos
cœurs toute défiance excessive. C'étaient des hommes
pétris du même limon que nous, comme nous enfants
d'Adam, héritiers de sa faute et de ses suites, portant
en eux un foyer d'inclinations déréglées, obligés pour
la plupart de vivre au milieu d'un monde pervers et
scandaleux, subissant les fatigues du travail, engagés
dans les embarras d'une famille, les préoccupations
du négoce, les sollicitudes d'un emploi, les périls
d'une société nécessaire. Mais ces obstacles, ils ont su
les surmonter ; ces dangers, ils y ont échappé; les
écueils, ils les ont évités ; les occasions scabreuses, ils
s'en sont éloignés : le torrent de la coutume et du
mauvais exemple, ils y ont résisté. Malgré les épines
et les ronces qui embarrassaient le chemin, ils y ont
marché courageusement et sont arrivés au terme. Les
moyens, qui les y ont aidés, nous sont offerts aussi
abondants, et peuvent être aussi efficaces. La protec-
tion de Marie surtout ne nous fera pas défaut, si
comme eux nous sommes fidèles à l'implorer. Courage
294 REGIN'A SANCTORUM OMNIUM
donc, ayant devant nous cette nuée de témoins, ces
jalons visibles qui indiquent la route. Comme saint
Ignace et tant d'autres, animons-nous par l'exemple
des saints.
Un jour retenu à l'hôpital de Pampelune, il de-
manda pour charmer ses loisirs quelque livre amu-
sant. La Providence, qui sans doute l'attendait là,
permit qu'il ne s'en trouvât point d'autre que la vie
des Saints . Après quelques lectures il se dit ce que
s'était déjà dit saint Augustin : « Ce qu'ont pu ces
hommes, pourquoi ne le pourrais-je pas ? » Et ce fut
là le coup de la grâce à laquelle il ne résista point,
cette pensée fut pour lui comme un levier puissant
qui l'éleva à cette haute sainteté devenue héréditaire
dans cette illustre Compagnie qui rendit à l'Eglise et
à la société de si éminents services. — Lorsque saint
François de Sales eut été canonisé, François Xavier
s'écria : « Voilà déjà trois saints du même nom, il faut
que je sois le quatrième, dùt-il m'en coûter la vie. »
Pourquoi ne prendrions-nous pas une résolution aussi
généreuse ? Pourquoi ne pas nous dire : Jésus est allé
au ciel me préparer une place : Marie y a fait monter
une foule de mes frères : avec son aide et la corres-
pondance de mes efforts, je puis avoir le mène bon-
heur : je dois donc y tendre et y travailler sans re-
lâche.
0 glorieuse Reine des saints, qui les avez tant aidés
à marcher sur vos traces, et qui jouissez toujours au
ciel d'une égale puissance, obtenez- moi la même fa-
veur qui me rende digne d'être un jour associé à leur
gloire .
Pratique : Offrir chaque jour une fleur à notre Reine,
en récitant une dizaine du chapelet .
REGINA SANCTORUM OMNIUM 295
HISTOIRE
ORIGINE ET BEAUTÉS DU CHAPELET
Toute reine a droit à une couronne : Marie est Reine
du ciel et de la terre. Au ciel, une couronne de gloire
ceint son front royal : sur la terre, ses sujets dévoués
aiment à lui en tresser une de prières et de louanges,
pour laquelle elle a une prédilection toute spéciale,
c'est le Chapelet, dévotion pleine de charmes déjà
par le poétique usage qui y a donné lieu. C'était une
coutume en Orient d'offrir des couronnes de roses aux
personnes distinguées par leur mérite ou leurs digni-
tés. Les chrétiens des premiers siècles se faisaient
aussi un plaisir d'offrir à leur bonne Mère une cou-
ronne des plus belles fleurs, de roses ordinairement.
Plus tard, un saint Pontife eut l'heureuse idée de
substituer à la couronne matérielle de roses une cou-
ronne spirituelle qu'il pensa devoir lui être plus agréa-
ble. Il la composa des prières les plus familières aux
simples fidèles et en même temps les plus relevées :
la profession de foi du chrétien, la Prière émanée
des lèvres de l'Homme-Dieu, la Salutation que l'Ar-
change apporta à la Vierge, et l'hommage à l'auguste
Trinité, prières qui bientôt disposées sur une série
de grains formèrent le Chapelet. Et l'homme renvoyant
au ciel, comme un écho, ces paroles que le ciel a fait
tomber sur la terre, pourrait-il ne pas être écouté ?
Effeuillons donc souvent, effeuillons dévotement
cette magnifique couronne de' roses en l'honneur de
Marie. Aimons à lui répéter cette prière qui la comble
de joie ; et le sourire de notre Mère répondra toujours
à notre voix. Marie comme on le disait naïvement au
moyen-âge, cueillera sur nos lèvres une rose fraîche
et pure, chaque fois qu'elles s'ouvriront pour lui dire
296 REG1NA SANCTORUM OMNIUM
Y Ave Maria. Ne craignons pas que la répétition lui
devienne fastidieuse. Une princesse s'ennuie -t-elle
des mille vivat qui saluent son passage ? une mère de
s'entendre redire par son enfant, qu'elle est belle,
qu'elle est bonne, qu'il l'aime? Et nous, nous pour-
rions trouver ennuyeuses les redites à Marie ? « L'a-
mour, dit Lacordaire, n'a qu'un mot, et en le disant
toujours, on ne le répète jamais. »
ARTICLE SECOND.
Marie, Reine des saints, par la prééminence
de sa gloire.
Quelle est grande déjà sur la terre la gloire de
Marie! Partout des temples magnifiques sont élevés
en son honneur : partout, des cœurs tout dévoués font
monter vers son trône les accents de la louange et de
la prière : tous les besoins l'invoquent, tous les âges
la supplient, toutes les dignités l'honorent. Jamais
créature reçut-elle autant d'hommages ? Jamais nom
excita-t-il cette confiance invincible, cet empressement
de culte, ces transports d'amour ?
Cette gloire de la terre, néanmoins, n'est qu'un pâle
reflet de celle qui, ainsi que sa puissance et sa sainteté,
la rend supérieure aux saintes phalanges des cieux .
Entreprendre de la dépeindre, n'est-ce pas témérité ?
Les couleurs les plus vives, le pinceau le plus habile
pourront-ils jamais retracer ce que Dieu réserve à ceux
qui l'aiment ? a Si rien ne me plait tant, dirons-nous
avec saint Bernard, rien non plus ne m'effraie autant
que de parler de la gloire de Marie. » Mais l'impossi-
bilité de le faire dignement doit-elle nous réduire à un
silence absolu ? Non ; ce serait soustraire à votre noble
ambition du ciel un motif des plus propres à l'élec-
triser. Justifions donc de notre mieux la supériorité
de Marie sur tous les saints par Xèm inence de sa gloire.
11EGINA SANCTORUM OMNIUM 297
Outre les privilèges extraordinaires dont Dieu l'avait
enrichie dès le sein maternel, et les grâces merveilleuses
que sa bonté libérale lui prodigua toute sa vie, aux-
quelles elle correspondit avec une rare fidélité, que de
droits ses mérites ne lui donnaient-ils pas à la gloire
la plus brillante ! Elle les avait singulièrement accrus
pendant plus de soixante et dix ans, par la pratique
de toutes les vertus dans une perfection sans égale.
C'étaient ces flocons de neige qui s'entassent silencieu-
sement sur le sommet des montagnes : la couche du
lendemain ne le cède point en éclat à celle de la veille ;
la pureté s'ajoute à la pureté, la blancheur à la blan-
cheur, de manière à former bientôt un cône éblouis-
sant, oc Si ce quelle fit, dit saint Ildefonse, est esti-
mable, la récompense aux yeux de Dieu, juste rému-
nateur des mérites, devait être incompréhensible et la
gloire incommensurable. )>
Mais c'est principalement sur les deux ailes de la pu-
reté et de 1! 'humilité que Marie s'est élevée à cette su-
prématie de gloire et d'honneur. 1° Par sa. pureté : c'est
une loi de la nature que plus un corps est léger, plus
vite il s'élève vers les régions supérieures. Ce principe
conserve toute sa vérité par rapport à la créature douée
de raison ; plus elle est pure de tout péché, plus elle est
agile et légère : le péché seul nous rend lourds et pe-
sants. Or, qui fut plus pure que Marie? A quel sublime
degré de gloire par conséquent doit être élevée cette
Vierge immaculée ! 2° Par son humilité : si, d'après
l'oracle du divin Sauveur, l'élévation au ciel est en
raison de l'abaissement sur la terre ; si, Lui-même,
pour s'être humilié jusqu'à la mort de la Croix, est
maintenant surexalté dans la gloire, possédant un Nom
au-dessus de tout nom, Marie la plus humble des
créatures ne mérite-t-elle pas une gloire proportionnée
298 REGIS A SANCTORUM OMNIUM
à la profondeur de ses humiliations, le premier rang
par conséquent dans la hiérarchie des saints ? Parce
qu'elle s'abaissa sans mesure, Dieu l'éleva au-dessus
de tous les ouvrages de ses mains : l'ombre de l'humi-
lité c'est la gloire ; elle suit ceux qui s'en éloignent.
D'un autre côté, si au ciel, et pouvons-nous en dou-
ter, la gloire se mesure sur les souffrances; si, comme
le chante un poëte chrétien, « les honorables plaies de
l'athlète du Christ laissent échapper autant de rayons
lumineux, » quoi plagis laniatus, tôt radiis nites,
de quelle gloire ne doit pas briller au-dessus de tous les
martyrs l'héroïque Vierge, qui les surpassa de si haut
en souffrances et en courage? Elle est sur un trône à
côté de son Fils, comme elle fut au pied de sa Croix.
Si, d'après l'assurance que nous en donne Jésus-
Christ, grande est la récompense de ceux qui à cause
de lui auront été persécutés ; quelle n'est pas celle de
sa sainte Mère, à qui son violent amour pour lui fit
ressentir toutes les douleurs de sa passion et de sa
mort ? « Aussi, dit saint Jérôme , orne-t-il son front
triomphant de la plus belle couronne qui soit après
la sienne ! »
C'est d'ailleurs, un principe de la plus saine théolo-
gie, que, si nous avons contribué au salut d'une seule
àme, nous en recevons au ciel un surcroit de bonheur
et de gloire. Saint Paul disait aux Philippiens ? Vous
êtes ma joie, ma gloire et ma couronne, parce qu'ils
les avait instruits, convertis, sanctifiés par ses prédica-
tions. Tous les fondateurs d'Ordres religieux, qui ha-
bitent les parvis du ciel, y jouissent d'une récompense
composée des fruits de sainteté qu'ils ont fait produire
à leurs enfants spirituels. A ce titre encore, quelle doit
être au-dessus de tous les saints la gloire de la Vierge,
qui a jeté les racines des vertus chrétiennes dans des
BEGINA SANCTORUM OMNIUM 290
millions d'àmes choisies et les a arrosées de ses influen-
ces ! N'est-ce pas par Elle, véritable Porte du ciel, que
sont montées au trône de l'Eternel les prières de tous
les saints, et que sont descendues les grâces qui les
ont sanctifiés ? N'est-ce pas à l'ombre de sa protec-
tion tutélaire qu'ils ont évité les écueils, échappé aux
dangers, atteint l'heureux port du salut ? N'est-ce pas à
la clarté de ses vertus qu'ils ont marché, sur ce modèle
si accompli qu'ils ont formé leurs sentiments et leur
conduite? Comme ils lui sont redevables de la gloire
qui les environne dans la royale cité de Dieu, toutes
leurs auréoles réunies s'ajoutant à sa couronne en re-
haussent la splendeur. A eux un vêtement de pourpre,
une robe de lin ; à Marie un manteau de lumière : à
eux des sièges d'honneur ; à xMarie un trône : à eux des
palmes ; à Marie un sceptre : à eux des dignités ; à
Marie la royauté et un palais tout divin .
Qui pourrait donc se représenter dans tout son éclat
la gloire dont elle brille au séjour des élus ? Il faudrait
l'avoir vue pour s'en faire une idée, et en parler digne-
ment : encore y aurait-il à craindre que l'admiration
ne fit perdre la parole à qui aurait joui de cette mer-
veille et voudrait la dépeindre. Recourons, néanmoins,
à quelques images qui pourront suppléer à notre fai-
blesse de vue. On peut dire de sa gloire, comme de sa
puissance, qu'elle est un Océan, et celle des élus comme
un humble ruisseau. Or, de même que la mer contient
à elle seule une plus grande quantité d'eau que tous
les réservoirs souterrains, toutes les fontaines, toutes
les rivières réunies, ainsi Marie possède à elle seule
plus de gloire que tous les élus ensemble. C'est au
point, dit Bernardin de Buste, que, « si l'on mettait
dans le plateau d'une balance le poids immense de sa
gloire, et dans l'autre celle de tous les saints, y com-
300 REG1XA SANCTOKUM OMNIUM
pris celle des anges, Marie l'emporterait sur toutes les
justices de la terre et des cieux. » N'est-ce pas Elle
que vit saint Jean dans cette Femme revêtue d'une
gloire suréminente ? Le soleil, qui V enveloppe, repré-
sente l'abîme de lumière infinie où Marie est plongée ;
la couronne de douze étoiles, son diadème royal formé
de la splendeur divisée entre tous les Ordres des Anges
et des saints ; la Inné sous ses pieds, la troupe innom-
brable des élus prosternés devant son trône .
Je les vois, en effet, profondément inclinés en pré-
sence de leur Reine et lui rendant leurs hommages :
Adam et Eve, exprimant leur vive reconnaissance à
cette bien-aimée Fille qui a réparé le mal qu'ils avaient
causé à la race humaine ; les patriarches et les pro-
phètes, la félicitant d'avoir enfanté et vu Celui qu'ils
n'ont que prédit et désiré ; le Sénat des apôtres et les
docteurs, lui renvoyant la gloire de leurs conquêtes
dont elle a été l'âme ; les saints martyrs, déposant à
ses pieds la couronne qu'ils doivent au courage qu'elle
leur a communiqué ; les pontifes et les confesseurs,
dont elle fut la lumière et la force, célébrant à l'envi
sa puissance ; les solitaires et les cénobites, lui rendant
grâces de l'héritage éternel qu'ils possèdent en échange
de ces faux biens terrestres qu'ils ont généreusement
abandonnés ; le Chœur des vierges, la bénissant de leur
avoir montré le chemin de la virginité parfaite, et de
les avoir aidées à y marcher sur ses pas ; les pécheurs
convertis par son puissant secours, tressaillant d'allé-
gresse ; tous les saints, la remerciant d'avoir par elle
conquis le bonheur qu'ils boivent à longs traits ; les
anges eux-mêmes, lui rendant de perpétuelles actions
de grâces de ce que les rangs laissés vides par l'expul-
sion de leurs compagnons rebelles, sont tous les jours
remplis par d'autres anges de la terre qu'elle a pré-
REGINA SANCTORUM OMNIUM 301
serves. Ainsi, après l'Hosanna d'adoration à l'auguste
Trinité, tous les anges et tous les saints en chœur,
heureux sous l'empire de leur Reine, exaltent ses bien-
faits, proclament sa gloire, célèbrent sa puissance;
tous se confondent dans le même concert de profonds
et éternels hommages.
Morale : Nous aussi, nous avons au ciel l'expecta-
tive d'une gloire qui, sans être aussi éminente que
celle de la Vierge, est bien capable d'enflammer notre
ambition et d'activer nos efforts pour la conquérir :
comme le disait saint Augustin : « Si les difficultés
nous effraient, que la récompense nous anime. » C'était
par la vue de ce poids immense de bonheur et de gloire
que le Sauveur encourageait ses disciples, et le grand
Apôtre les premiers fidèles, à souffrir avec joie tous les
genres de peines et de persécutions.
Qu'elle est magnifique, en effet, cette gloire ! Qu'il
est grand ce bonheur ! Saint Paul, qui avait été admis
à entrevoir les merveilles de ce délicieux séjour, n'a
point de termes, ni d'images pour nous les dépeindre,
il est réduit à nous dire, sous la forme négative, que
l'œil de Vhonme n'a point vu, ni son oreille entendu,
ni son cœur jamais senti ce que Dieu prépare à ceux
qui l'aiment. Ciel! qu'es-tu donc? Car, qui n'a pas
vu l'œil de l'homme? Il a vu les grandes et magnifi-
ques scènes de la nature, la mer et ses majestueux
soulèvements ; il a vu par une belle nuit d'été notre
ciel de la terre paré de la splendeur de ses astres ; il a
vu les £ités avec leurs superbes palais et leurs ravis-
santes richesses ;il a vu mille autres merveilles en tout
genre, produites par la nature ou par le génie et la
main des hommes. Et cependant, il n'a rien vu qui
approche du ciel : toutes ces beautés rassemblées n'en
sont pas l'ombre.
302 REGINA SANCTORUM OMNIUM
Que n'a pas entendu son oreille ? Elle a entendu les
concerts harmonieux des voix humaines et des instru-
ments, les chants mélodieux et ravissants des oiseaux,
les paroles si suaves de l'amitié, les accents enchan-
teurs de l'éloquence. Oreille de l'homme, tu n'as rien
entendu de ce qu'on entend au ciel !
Et surtout, que n'a pas senti le cœur? Il a éprouvé
les joies de la science, d'une découverte utile, les joies
de la vertu, les joies de la tendresse maternelle, d'une
vive et sincère affectiou, les joies bien autrement déli-
cieuses d'une conscience pure, et tant d'autres jouis-
sances. Et pourtant, cœur d'homme, tu n'as rien senti
de ce qu'éprouve au ciel l'âme du juste ! Si ces quel-
ques charmes de l'exil sont si délicieux, que doivent
donc être les jouissances de la patrie !
Une pauvre mère était inconsolable du départ de
son fils pour une guerre désastreuse : la prière seule
faisait quelques moments de trêve aux frayeurs qui
l'obsédaient. Bientôt, une fatale lettre vient lui appren-
dre que son fils n'est plus.... Mais, il y avait erreur de
nom. Deux mois après, entre tout à coup vivant et
joyeux ce cher enfant. Elle se jette dans ses bras : elle
ne pouvait que répéter : Mon fils, mon fils ! et le fils :
ma mère, ma mère ! le bonheur les étouffait... Etait-ce
là le bonheur du ciel? Non !...
L'histoire raconte que pour le baptême de Clovis on
avait déployé la pompe la plus magnifique. Des ten-
tures les plus riches décoraient l'intérieur du temple
et retombaient eu festons élégants : l'or et l'argent en
rehaussaient l'éclat et la riche-- : des guirlandes de
fleurs encadraient toutes ces merveilles : l'air était
embaumé des parfums les plus exquis. Le sanctuaire
surtout éblouissant d'or, étincelant de lumières, sem-
blait refléter les beautés du ciel. Les lévites et les pré-
HEGINA SAXCTOHUM OMNIUM 303
très, revêtus de leurs ornements sacrés, environnaient
l'autel, et faisaient entendre des chants divins. On dit
que le roi, ravi de ce spectacle, s'écria dans son admi-
ration : « C'est là, sans doute, ce beau ciel dont on m'a
tant parlé !» Ah ! ce n'en était qu'une bien pâle image.
Si tant est l'apparence, que sera donc la réalité !
Essayons de le dire : Là, plus de peines, plus de
douleurs , plus de craintes , plus de désirs , plus de
combats, plus de dangers, plus de malheurs ; là, pas
une larme ne coule, pas un gémissement n'échappe,
pas une plaie ne saigne ; là, aucun revers de fortune,
aucune séparation possible, aucune absence doulou-
reuse. Mais, un printemps continuel, une atmosphère
sans cesse enbaumée, une terre sans épines, un jour
sans nuit, un soleil sans déclin, une lumière sans
ombre, une mélodie continuelle et toujours nouvelle,
une paix inaltérable, une joie sans dégoût ni regret,
la sainte charité avec tous ses charmes, un éternel
présent de bonheur invariable ! Ai-je peint le ciel ?
Non encore !
Recourons aux saints Livres, peut-être nous révé-
leront-ils quelque chose de la félicité des élus ! Un
fleuve de délices et de paix les inonde ; un torrent
d'ineffables voluptés les enivre ; ils nagent dans un
océan de gloire et de bonheur... Dieu lui-même veut
être leur récompense. Oui, contempler Dieu, cet
Océan sans rive ni fond, de grandeur, de bonté, de
beauté, de toutes les perfections ; l'aimer, le posséder,
le contempler face à face ; l'aimer passionnément et avec
un plaisir toujours nouveau ; le posséder sans crainte
de le perdre, voilà le ciel, autant du moins qu'il est
donné à l'esprit humain de le concevoir, au langage de
l'exprimer. L'Apôtre de la charité l'exprimait par cette
parole profonde : Notre future grandeur est encore un
304 RBGINA SANCTORUM OMNIUM
mystère. Toutefois, nous savons que, lorsque Dieu
se montrera, nous serons semblables à lui, parce
que nous le verrons tel qu'il est.
0 céleste Reine, si nous ne considérions que votre
sublime élévation au-dessus de tous les saints, nous
n'oserions lever les yeux vers vous ; mais nous savons
autant votre charité, votre puissance : et vous, vous
connaissez nos besoins, nos dangers, notre faiblesse :
daignez nous obtenir cette force qui donne la victoire,
et nous mériter une place dans ce royaume où votre
présence ajoute au bonheur !
Pratique : « Que notre désir ici-bas soit devoir Dieu :
notre crainte, de le perdre ; notre douleur, de ne pas
le posséder encore (S. Thér.). »
EXEMPLES
ARDENTS DÉSIRS DU CIEL.
Un voyageur ayant traversé une vaste solitude était
arrivé près d'un bois : tout à coup, il entend une voix
mélodieuse : il s'arrête, il écoute. Cette voix chantait
des cantiques sacrés avec une expression tout angéli-
que. Le voyageur charmé approche à pas lents, il voit
à travers le feuillage une hutte et à côté un solitaire
tout décharné, pauvrement vêtu, les genoux en terre,
les mains et les yeux levés vers le ciel. Après avoir
savouré quelque temps le délicieux plaisir de cette di-
vine mélodie, il s'approche et lui exprime toute sa
surprise de l'entendre chanter avec autant d'onction
et d'énergie, lorsqu'il paraissait n'avoir plus long-
temps à vivre, a L'exilé, répond le solitaire, ne fait
jamais mieux éclater sa joie, que quand il est sur le
point de revoir sa patrie. Je chante parce que je suis
arrivé au terme de mon pèlerinage ; je vais retourner
au ciel, je chante mon bonheur ! »
RECflNA SINE LABE CONGEPTA 303
— Saint Paul ne l'avait vu qu'en extase, et il disait
en soupirant: Cupio dissolvi Qui me donnera
de voir s'écrouler cette 'prison de chair, qui me
retient captif, et de m' élancer vers mon Sauveur ?
— Saint Pierre avait entrevu un rayon de sa gloire
au sommet du Thabor, et oubliant tout le reste, il s'é-
criait dans son ravissement : Bonumest... Il nous est
doux d'être ici...
— Le vertueux Décalogne avait pour ami un con-
disciple également pieux. Ils aimaient à s'entretenir
souvent du ciel, pour s'encourager à vaincre les diffi-
cultés delà vertu. Un jour qu'ils avaient longuement
discouru sur le bonheur des saints, ils se promirent
que celui qui mourrait le premier apparaîtrait au sur-
vivant pour lui faire part de sa destinée. Décalogne à
qui Dieu accorda cette faveur tint parole, et apparut
dans un songé à son ami : une joie et une sérénité
ineffables étaient peintes sur sa figure. « Mon ami,
dit-il, je suis inondé des délices des anges : ah ! si tu
pouvais comprendre ce bonheur, tu ne ferais plus un
pas que pour le ciel . »
CHAPITRE XLVIII.
REINE CONÇUE SANS PÉCHÉ.
Reine des anges, reine des patriarches... Reine de
tous les saints, voilà les sublimes hauteurs où nous
venons de contempler l'auguste Marie. Nous avons
applaudi à toutes ces gloires de la plus sainte des
créatures, de la meilleure des mères, avec d'autant
plus de bonheur qu'elles sont pour nous des gages de
confiance et de sécurité. Car, si elle est Reine, c'est
non point exclusivement pour elle-même, mais pour
PARAPHRX8B. — T. II.
30G HEG1NA SINE LABE COXCEPTA
nous protéger de plus haut : c'est en notre faveur
qu'elle porte le sceptre. Aussi, après l'avoir saluée de
ce beau titre dans une de nos plus touchantes prières,
le Salve Regina, nous nous empressons de l'appeler
Mère de Miséricorde, notre vie, notre joie, notre
douce espérance.
Cependant, toutes ces grandeurs de Marie, bien que
réjouissant le cœur, y laissent un certain vide : nous
ne pouvons les admirer que dans le lointain. Mais il
est une autre couronne qui vient d'être déposée sur le
front de notre Mère et qui est singulièrement propre à
nous consoler de son éloignement et de son absence.
En attendant que nous la voyions à la clarté des cieux,
nous pouvons avec le regard de la foi la contempler
dans son berceau, resplendissante d'une sainteté sans
aucune tache, d'une beauté qui ne fut jamais ternie,
miraculeusement victorieuse de l'enfer dès l'aurore de
ses voies. Arrêtons-nous un moment devant cette
merveille : contemplons avec délices Marie conçue
sans péché, dernier vocable qui vient couronner si
honorablement sa dignité de Reine.
I . Définition et proclamation du dogme de Y Imma-
culée Conception ,
II. Preuves tirées de la sainte Ecriture et de la tra-
dition :
III. Raisons de convenance.
ARTICLE PREMIER
Définition et proclamation du dogme.
Tous, nous héritons d'Adam la souillure de son pé-
ché ; tous coupables dès le sein maternel, nous nais-
sons enfants de colère, esclaves du démon, déshérités
du ciel, condamnés à l'enfer : la race humaine mau-
dite dans sa source ne peut plus apparaître au monde
KEGINA SINE LABE CONCEPT A 307
qu'avec l'anathême originel. Mais, spectacle ravis-
sant ! au milieu de cette ruine universelle, une seule
créature reste debout : un seul berceau, renfermant
une enfant d'une beauté incomparable, a flotté, comme
le berceau de Moïse, sur les eaux fangeuses du tor-
rent débordé qui engloutissait toutes les générations .
Et cette créature si privilégiée c'est la virginale mère
de Jésus ; ce berceau miraculeusement sauvé, c'est
celui de Marie. Oui, 6 Vierge sainte, nous aimons à le
proclamer, dès le premier instant de votre Concep-
tion, vous avez été préservée de la tache commune
à tous les hommes.
Ce glorieux privilège fut de tout temps la pieuse
croyance de l'Eglise ; elle était vivante au fond de tous
les cœurs : seulement elle n'avait encore ni l'honneur,
ni le mérite d'un dogme de foi proprement dit. Mais
tout le peuple chrétien haletant d'une sainte impatience
demandait cette légitime et splendide glorification pour
la divine Mère. Ce désir de l'Eglise universelle se ma-
nifesta par une immense supplication venue de tous
les points du globe à la Chaire de Pierre. Le vénérable
et bien-aimé Pontife Pie IX, profondément touché de
cet empressement unanime et spontané, qui répondait
si bien à sa dévotion personnelle pour la Vierge et pour
son privilège d1 Immaculée, ne se détermina néan-
moins que lentement à le traduire en dogme catholi-
que. Il institua une Congrégation, « formée de Cardi-
naux illustres par leur piété, leur sagesse et leur science
des choses divines et d'ecclésiastiques tant séculiers
que réguliers versés dans les études théologiques, pour
examiner ce grave sujet de l'Immaculée Conception ;
en même temps, il s'adressa à tous les vénérables Pré-
lats du monde catholique, pour qu'ils lui fissent con-
naître de quelle dévotion le Clergé et le peuple ridèle
308 REGINA SINE LABE CONCEPTA
de leur Province étaient animés envers la Conception
de la Vierge, et quels étaient leur propre sentiment et
leur vœu sur la définition projetée (Encyclique du 2
février 1849).
Six cents évêques sont consultés: chacun d'eux,
assisté drs lumières de son Diocèse, interroge avec
maturité la tradition de son Eglise sur la croyance à
l'Immaculée Conception : la même inspiration a parlé
à toutes les intelligences comme à tous les cœurs ; sans
s'être concertés, ils se rencontrent unanimes sur cette
pieuse croyance. Et après quatre ans d'instance pour
la définition dogmatique d'une vérité si universelle-
ment professée, le 8 décembre 1854, jour à jamais mé-
morable dans les fastes de la chrétienté, le successeur
de saint Pierre, Vicaire de Jésus-Christ, Chef suprême
de toute l'Eglise, Pie IX. en présence du sacré Collège
des Cardinaux, de plus de deux cents Archevêques et
Evêques, venus de toutes parts pour recueillir au nom
de leur troupeau, la joie de cette grande solennité, se
lève, et dans la plénitude de cette autorité infaillible
dont il est investi, déclare, prononce et définit, « Que
la Bienheureuse Vierge Marie, par une grâce, et un
privilège spécial de Dieu, en vue des mérites de Jésus-
Christ, a été, îles le premier instant de sa Conception,
préservée et exempte de toute tache du péché originel :
que c'est une vérité révélée de Dieu, et conséquemment
I l'ell ioit être cru anent et inviolablement par
Â-uss , les acclamati ns les plus
ireuses retentissent, ainsi qu'autrefois à Ephèse,
• Unis l'immense basilique et de là s'étendirent comme
un écho prolongé dans toutes les régions de l'univers
catholique où ce Décret fut accueilli avec allégresse
ilébré par des fêtes jusqu'alors inouïes.
Il était réservé à l'immortel Pic IX, comme consola-
HE61NA SINE LABE CONCEPTA 309
tion dans les cruelles angoisses qui lui déchiraient le
cœur, et les nouvelles épreuves qui l'attendaient, de
cueillir cette fleur céleste complètement éclose au souf-
fle du temps et de tous les désirs, pour l'attacher solen-
nellement au diadème de Marie; et ce fut une immense
joie pour ses enfants de voir ce diamant ajouté à sa
couronne, ce rayon nouveau resplendir dans l'auréole
déjà si brillante de Marie.
Les vœux de l'univers catholique sont donc enfin
accomplis : que la terre tressaille d'allégresse avec le
ciel, à la vue de cette éblouissante pureté de la Vierge,
où l'œil chrétien ne pourra plus soupçonner l'ombre
môme d'une tache ! Marie entièrement sainte et inno-
cente à toutes les époques de son existence, ce n'est plus
un sentiment pieux, c'est une vérité de fol, dans la-
quelle il nous est permis de nous reposer avec le calme
de l'esprit et la joie de l'àme: c'est maintenant une dette
de justice que nous paierons à sa gloire, en la préconi-
sant du fond de notre cœur et de toute la force de notre
VOix, CONÇUE SANS PÉCHÉ.
Morale : Mais la proclamation de cette sublime pré-
rogative ne doit-elle qu'obtenir l'acquiescement de notre
raison et nous combler de joie? Elle est encore émi-
nemment propre à exciter en nous un redoublement de
confiance et d'amour envers la Vierge Immaculée.
Recevant de nous cette louange nouvelle qui glorifie
ce qu'elle estime le plus, l'intégrité parfaite de l'âme,
sa reconnaissance, soyons-en sûrs, ne peut que répon-
dre généreusement à cet hommage de ses enfants. En
retour, elle est comme obligée, si j'ose le dire, de se-
courir la terre par de nouveaux bienfaits, d'y répan-
dre plus largement tous les dons, de la protéger con-
tre ses propres fureurs et contre le courroux céleste.
Et n'en n'avons-nous pas déjà des preuves sensibles
310 HEGINA SINE LÀBE CONCEPTA
dans cet le multitude de faveurs en tout genre qui dé-
coulent plus abondantes sur le monde, depuis que la
dévotion à Marie Immaculée, accueillie partout avec
enthousiasme, a déjà revêtue tant de formes et animé
tant de cœurs ? Qu'y a-t-il d'étonnant, d'ailleurs que la
Vierge soit exaucée, se présentant à son Fils avec la
gracieuse parure de l'innocence, tout le crédit de la
sainteté ? Créature la plus aimée de la Divinité par
cette ressemblance si parfaite, se pourrait-il qu'elle
éprouvât l'humiliation d'un refus? Privilégiée jus-
qu'aux dernières limites du possible, ne doit-elle pas
être une Mandataire d'une puissance également illi-
mitée? C'est donc avec une confiance aussi sans ré-
serve que nous devons lui dire : 0 Marie, conçue
sans péché, priez pour nous qui avons recours à
vous.
C'est encore notre amour plus tendre que doit lui
attirer cette glorieuse prérogative d'innocence perpé-
tuelle . Rien n'est propre à nous ravir comme la pu-
reté rehaussée par la feeauté : elle a pour nous un
attrait irrésistible. Un ciel serein, sans nuages et sans
vapeurs, charme nos yeux, réjouit le cœur. L'œil se
repose satisfait et joyeux sur un lis dont le calice fraî-
chement éclos, et n'ayant pas encore éprouvé les at-
teintes meurtrières du soleil en son midi, se montre
dans toute la pureté de son éclatante blancheur.
Qu'est-ce qui donne à tous cette sympathie naturelle
pour un enfant ? C'est sa candeur, son innocence na-
tive qui révèlent un cœur libre de passions, et pas
encore flétri par le souffle empoisonné du monde. Et
comment donc ne pas aimer Marie, cette créature pri-
vilégiée qui nous apparait exempte de l'ombre même
d'une tache, plus fraîche d'innocence que la rosée du
matin , qu'une fleur nouvellement épanouie , plus
HEGINA SINE LABE CONCEPTA 311
ravissante que les cieux avec toute leur splcndide
beauté ?
Mais il est encore un autre sentiment que doit exci-
ter en nous cette conduite de Dieu, c'est à son exem-
ple, la plus vive horreur pour le péché. Que Marie
soit pauvre, sans noblesse, sans éclat, Dieu ne s'en
offense point. Elle sera assujettie aux souffrances, aux
infirmités, à toutes les misères de notre nature, il ne
jugera pas à propos de l'en tirer ; rien de tout cela ne
l'empêchera de reposer sur elle ses complaisances.
Mais qu'elle soit un seul instant esclave du péché, son
infinie sainteté se révolte à une semblable ignominie.
Pour la lui épargner, il dérogera à toutes les lois que
subit l'humanité, il voudra que le dragon qui séduit
l'univers recule devant elle, et ne puisse lui injecter
une seule goutte de son venin . Et cependant, ce péché
en Marie n'eût point été un de ces forfaits qui glacent
d'épouvante ni un de ces crimes honteux qui souil-
lent tout l'être de l'homme ; mais c'eût été une faute
d'origine qui, passant de la mère aux enfants, à leur
insu, les rend plus malheureux que criminels, une
faute qui aurait pu ne la flétrir qu'un moment, et qui
rigoureusement n'eût pas mis obstacle aux riches pré-
rogatives et même à la sublime destinée qu'il lui ré-
servait. Pouvait-il mieux nous montrer combien le
péché lui fait horreur ? De quel œil donc doit-il voir
nos fautes personnelles, librement commises, aimées
et renouvelées sans crainte, sans précautions, ni re-
mords ! Commençons donc à juger du péché comme
Dieu en jugea à l'égard de Marie. Que notre appréhen-
sion la plus vive soit de le commettre ! Que notre devise,
à l'imitation de tant de saints, soit celle-ci : plutôt
l'exil, plutôt la confiscation de tous mes biens, plutôt
les tourments, plutôt la mort que de pécher !
312 REGINA SINE LÀBE CONCEPT A
0 Marie, dès avant de naître, que vous êtes admi-
rable ! obtenez-nous les sentiments qu'alors vous
inspirez, et la docilité aux utiles leçons que vous nous
donnez !
Pratique : Invoquez souvent Marie sous son titre
d'Immaculée, surtout dans les tentations contre la
chasteté.
EXEMPLES
FAVEURS OBTENUES PAR MARIE IMMACULEE.
Parmi les sanctuaires qui sous ce vocable s'élevè-
rent comme par enchantement, sur tous les points du
monde chrétien, aussitôt après la promulgation du
Dogme, on distingue celui du petit Séminaire de Séez,
construit avec une magnificence digne de son objet,
et due en grande partie aux pieuses libéralités des
Français. Aussi cette bonne Mère se plait-eile à mon-
trer qu'elle n'est point insensible au dévouement et à
la confiance qu'on lui témoigne. Plusieurs fois l'année,
des Bulletins viennent nous apprendre quelques-unes
des faveurs les plus signalées et pour le corps et pour
l'âme, que la Vierge Immaculée s'empresse de répan-
dre sur ceux qui la font prier, ou viennent l'invoquer
sous son titre le plus cher .
Le bienheureux Alphonse Rodriguez consacra toute
sa vie à aimer, à honorer Marie. Dès l'âge le plus
tendre, lorsqu'il trouvait quelqu'une de ses images, il
la saisissait avec bonheur , la baisait dévotement, la
pressait contre son cœur : une de ses plus douces
jouissances était de s'entretenir amoureusement avec
sa bonne mère. A mesure qu'il avançait en âge. sa
dévotion prenait aussi de nouveaux accroissements :
il était attentif à lui en donner des preuves par tous
les moyens possibles, ne négligeait aucune occasion
REG1NA SINE LABE CONCEPTA 313
de faire son éloge, de soutenir ses privilèges et sur-
tout son Immaculée Conception, pour la défense de
laquelle son visage et sa voix s'enflammaient extraor-
dinairement. Il aimait à répéter qu'un moyen sûr de
plaire à Jésus-Christ , c'est de croire que sa sainte
Mère a été conçue sans souillure et de l'honorer en
cette qualité .
— Le célèbre Alexandre de Halès, qui fut une des
vives lumières de l'Université de Paris, éprouva lui-
même combien Marie est sensible à la gloire de son
Immaculée Conception. N'étant pas encore pleinement
convaincu de la vérité de ce mystère, dans un temps
où il n'était point dogme de foi, il se mettait peu en
peine d'en célébrer la fête. Mais Dieu permit que le
jour même de cette solennité, 8 décembre, il tombât
malade et souffrit d'affreuses douleurs. Cet accident
s'étant renouvelé pendant trois ans consécutifs ce
jour-là même, ses disciples lui firent observer la sin-
gularité de ce retour périodique, et lui conseillèrent
d'embrasser franchement la croyance à l'Immaculée
Conception. Ce qu'il fit ; et il promit de plus, s'il était
délivré de cette maladie annuelle, de composer un li-
vre pour prouver et défendre ce privilège de Marie .
Dès ce moment ses infirmités ne reparurent plus.
Toute la Faculté qui fut témoin de ce prodige, redou-
bla de dévouement pour cette croyance ; et le Docteur
fidèle à son vœu, composa, en l'honneur de la sainte
Vierge, un ouvrage spécialement destiné à la préco-
niser conçue sans péché.
ARTICLE SECOND
Autorité de la sainte Ecriture en faveur de l'Imma-
culée Conception de Marie.
Marie est Immaculée dès sa Conception : ces deux
mots si parfaitement assortis ne pourront donc plus
314 REGINA SINE LABE CONCEPTA
à l'avenir être séparés ; éternellement ils resteront
unis et gravés dans nos esprits comme dans nos
cœurs. « Rome a parlé ; la cause est finie (S. Aug.). »
Quoique nous devions nous incliner respectueusement
devant ce Décret émané de Dieu même par l'organe
de son représentant sur la terre, il importe, néan-
moins , de voir les raisons si solides sur lesquelles
repose cette vérité. Elle est appuyée d'abord sur
l'autorité la plus imposante de toutes, la sainte Ecri-
ture.
En effet, nous la trouvons en germe au berceau
même du monde, intimement liée à l'antique promesse
d'un Libérateur, par laquelle Dieu daigna relever
l'espérance du premier homme brisé par sa chute.
S'adressant au serpent, il lui dit : J'établirai des ini-
mitiés entre toi et la femme ;elle te broiera la tête,
et tu essaieras delà mordre au talon. Or, Marie, de
l'aveu de tous, est cette Femme prédite et promise,
qui doit par sa victoire sur Le démon réparer les maux
qu'il a causés . Et Ton voudrait qu'avec des destinées
aussi glorieuses, Elle-même fût tombée sous les coups
de Satan, et que devant détruire son empire elle en
eût été auparavant l'esclave ! Mais une pareille suppo-
sition est formellement repoussée par le texte môme des
saints Livres. D'abord, dans ces inimitiés qui doivent
diviser le serpent et la femme, Dieu ne fait aucune
distinction de temps et de moments ; entre Marie et
Satan l'hostilité doit être réciproque et irréconciliable ;
c'est une hostilité de race et perpétuelle. C'est donc
aussi bien dès sa Conception qu'à toute autre époque
de sa vie, que cette mutuelle antipathie a dû exister.
Est-il possible de dire avec plus d'énergie, que le dé-
mon n'a jamais pu l'approcher pour lui imprimer le
honteux cachet de la faute originelle ?
REGINA 81KB LAB CONCEPTA 315
Ce n'est pas tout : cette Femme mystérieuse, loin
d'avoir été la victime du serpent séducteur, doit non
pas seulement le blesser à la tète, mais la lui écraser,
la mettre en pièces, conteret. Le dragon se débattra ;
il essaiera d'atteindre ce pied victorieux, insidiaberis
calcaneo ejas ; mais ses efforts resteront impuissants ;
il ne la touchera même pas, moins encore pourra-t-il
la mordre au talon, c'est-à-dire à la plus petite partie
de son être. Or, si Marie en sa Conception avait été
souillée par le péché, qui est la victoire de l'empire du
démon sur notre nature ; si le serpent lavait effleurée
seulement de la pointe de son dard, loin de l'avoir
terrassé, c'est elle qui aurait été sa victime ; loin de
lui avoir écrasé la tête, c'est elle qui aurait été blessée
de sa morsure. Le triomphe que Dieu prédit à Marie
sur le serpent doit donc avoir eu pour complément
nécessaire la préservation de la faute commune.
Les siècles se précipitent ; et avec le temps cette
vérité acquiert une nouvelle clarté. L'esprit-Saint,
qui devait être son Epoux, ne craint pas de lui dire
par avance : Vous êtes toute belle, orna bien-aimée, et
il n'existe en vous aucune tache. De quelle beauté
veut-il parler, sinon principalement de l'immortelle
beauté de l'àme, de cette beauté pure et intérieure qui
doit reluire en la fille du Roi, et qui seule attire les
regards de Dieu ? Or, pouvait-il l'appeler entièrement
belle, exempte de toute tache, si à quelque moment de
son existence, elle eut été déshonorée par les hontes
de notre déchéance commune ? Cette beauté totale,
qui est son apanage distinctif, proscrit donc toute
espèce de faute, la faute héréditaire conséquemment,
comme toutes les autres. — Cette sainteté originelle
ne ressort pas moins ouvertement de toutes ces expres-
sions figurées, colombe, jardin délicieux, jardin fer-
316 REGIXA SIXE l.ABE COMCBPTÀ
mé, source d'eau pure, lis nu milieu des épines,
toison humide, etc. . . , par lesquelles le divin Esprit s'est
plu à se représenter dans l'avenir sa chère Epouse. A
chacune de ces images ne reconnait-on pas une créa-
ture qui fut toujours pure, comme la fleur fraîche-
ment épanouie au lever de l'aurore, et qu'aucune brise
n'est venue flétrir ?
Enfin après de longs siècles de désirs et d'attente,
arriva l'accomplissement de toutes ces prophétiques et
mystérieuses paroles. Une jeune fille de Nazareth est
cette Femme annoncée comme un prodige. Le Prince
des archanges vient de la part de Dieu lui apporter le
plus glorieux des messages : et que lui dit-il *>Je vous
salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ;
vous êtes bénie entre toutes les femmes. Elles reten-
tiront d'un bout de l'univers à l'autre et jusqu'à la fin
des temps, ces paroles divines, pour proclamer que
Marie fut toujours sainte, toujours pure. En effet : pleine
de grâce : est-il possible d'exprimer plus nettement
qu'elle en a toujours été ornée dans l'àme et dans le
corps ; qu'elle en a eu la plénitude, et non pas un
simple écoulement : que les flots de la grâce ont atteint
jusqu'au premier moment de sa création pour le sanc-
tifier ? Vous êtes bénie entre toutes les femmes : au-
cune n'est exceptée. N'est-ce pas dire que l'ancienne Eve
elle-même doit s'incliner devant la nouvelle, que
toutes les prérogatives dont celle-là fut ornée ont dû
être communiquées à Celle-ci, et avec un surcroit
d'éclat ? Or, la première apparut au monde, toute
rayonnante de la sainteté de Dieu qui se complait en
elle : et Marie n'aurait été sous son regard divin qu'un
objet impur dont il aurait dû se détourner avec hor-
reur ? Celle qui perdit le genre humain fut créée sans
tache ; et la seconde Eve qui devait concourir à le re-
KEGINA SINE LABE CONCEPTA '.'Aï
faire plus merveilleusement, mirabilius reformasli,
aurait été conçue dans l'iniquité ? Ali ! loin de nous
une idée aussi révoltante ! Ajoutons encore que Y Eve,
réparatrice de ce qu'Eve pécheresse avait détruit, de-
vait être privilégiée au-dessus de tous ceux qu'elle
était appelée à sauver, et conséquemment ne point
partager avec eux la souillure d'origine.
De plus, elle était Vierge, nomen Virginis Maria,
Celle que Dieu choisissait ainsi pour être la Mère du
Rédempteur. Or, cette virginale Maternité semble
encore exiger une Conception exempte de toute tache.
Pourquoi, en effet, Dieu voulait-il naître dîme Vierge,
si ce n'est parce que la sainteté qui convenait à son
humanité, sanctus, innocens, devait déjà se trouver
dans sa Mère, d'où elle s'épancherait sur cette huma-
nité morne ? Aussi, la virginité de Marie était-elle
retenue en quelque sorte à l'avance par Dieu, à qui
elle -l'avait vouée. Mais, si cette pureté virginale était
la condition préparatoire et nécessaire de la Mère du
Sauveur, ne devait-elle pas remonter jusqu'à sa Con-
ception môme ? afin que, dit excellemment saint Ber-
nard, d'une Vierge, sans péché à toute époque, naquît
lui-même entièrement pur, l'Agneau qui devait effacer
les péchés du monde. La sainteté qui convenait à
Marie, et qu'elle avait quand elle a conçu Jésus-
Christ, devait donc avoir orné sa propre Conception .
Si de Nazareth nous nous transportons au Calvaire,
là encore nous entendrons Jésus-Christ lui-même
nous révéler du haut de sa Croix la gloire de Marie
Immaculée, lorsqu'il dit à son disciple chéri r Voilà
votre Mère. Certes, ce testament suprôme ne fut point
fait pour nous déshériter au profit d'un seul homme :
c'est chacun de nous, c'est toute l'Eglise que Jésus
voulait enrichir dans la personne de saint Jean. Mais,
paraphra.se. —t. ii. 19
318 REGINA SINE LABE CONCEPTA
eût-il convenu à sa sagesse, à sa gloire, à l'harmonie
de la plus grande de ses œuvres, que la Mère de son
Eglise qu'il venait former sainte, sans tache ni ride,
que la Mère de tous ses enfants eût commencé par la
souillure du péché de si sublimes destinées? Ne de-
vait-il pas nous donner une Mère, en tout temps et de
tous points, vénérable, sainte, et dont les enfants
n'eussent jamais à rougir, à quelque moment de son
existence qu'ils la considérassent.
Vous venez d'entendre le langage de nos saints
Livres : Dieu a parlé, lui-même, et par les prophètes
et par les Anges, et par son Fils, pour exprimer des
prédictions, des éloges et des faits, au fond desquels
repose le dogme de l'Immaculée Conception, à l'état
obscur et latent, mais incontestable et réel : le mot
seul n'y est pas.
Nous ne pouvons relater ici en détail tous les témoi-
gnages de la Tradition, aussi ancienne qu'unanime, en
faveur de cette vérité. Mais nous tenons à signaler,
comme leur complément, d'abord, l'autorité de la Sor-
bonne, qui, dans l'élan de son dévouement à l'auguste
Vierge, s'engageait à défendre sa prérogative d'Imma-
culée, et statuait que nul docteur ne serait accueilli
dans son sein s'il ne prenait l'engagement solennel de
soutenir ce glorieux privilège : et l'autorité beaucoup
plus imposante du saint concile de Trente qui, après
son décret sur le péché originel, déclara formellement
« que son intention n'est point d'y comprendre la
bienheureuse et Immaculée Mère de Dieu. » A moins de
définir, l'Eglise ainsi représentée pouvait-elle mieux
exprimer sa pensée sur ce privilège de la Vierge? —
Soyons donc fiers et heureux de notre foi à Marie Im-
maculée.
Morale : Si, moins avantagés qu'elle, nous sommes
REG1NA SINE LABE CONCEPTA 319
conçus dans l'iniquité, sachons du moins conserver,
sans la ternir, l'innocence recouvrée dans le bain ré-
générateur du baptême. Mais, hélas ! cette pureté des
premières années, le péché ne tarde pas à nous la ravir.
Trop souvent, la raison ne se développe que sur les
ruines de l'innocence : nos premiers pas deviennent
nos premières chutes : et ces échecs prématurés ne
sont ordinairement que le prélude d'une vie qui se pour-
suivra et s'achèvera marquée par des fautes sans cesse
renouvelées .
Pour Marie, préservée du péché d'origine, elle n'a-
vait point par là même ce foyer de penchants déréglés,
source empoisonnée de nos prévarications . Son cœur
n'était point agité de ces mouvements de la concupis-
cence dont gémissait le grand Apôtre, ni sa chair vir-
ginale exposée aux fatales et dangereuses séductions
des sens. Cependant, affranchie d'inclinations mauvai-
ses, et forte de la plénitude des grâces qui l'inondent,
elle n'en est ni moins prudente, ni moins circonspecte.
Cette vie de précautions en toute manière ne saurait
être trop présente à nos yeux, afin de devenir le modèle
de la nôtre : étudions donc l'intéressant tableau que
nous en trace saint Ambroise. « Marie, dit-il, parlait
peu aux créatures, préférant les secrets entretiens avec
son créateur, dont le langage est sans amertume ; lo-
quendi parcior : elle était soigneusement appliquée
aux occupations journalières, bien différente de ces
personnes légères qui mettent leur dévotion dans cer-
taines pratiques de piété et négligent les devoirs de
leur état ; intenta operi : elle évitait de se répandre
au dehors, où le grand air fait évaporer le parfum le
plus odoriférant et surtout celui de la chasteté, fleur
tendre qui craint les ardeurs du soleil ; prodire domo
nescia : elle n'allait pas même au temple sans être
320 REGINA SIXE LABE CONCEPT A
accompagnée, tant elle avait à cœur de se mettre à
l'abri de tout danger comme de tout soupçon : ne ad
templum quidi m sine comité : non-seulement elle
redoutait la rencontre d'un sexe différent, mais encore
elle évitait la compagnie des femmes dont la conversa-
tion aurait pu la dissiper et lui dessécher le cœur;
neque feminas comités desiderabat ■ enfin sou esprit
sans cesse occupé de saintes pensées n'était pas sur la
terre, mais au ciel: quœ oonas cogitntiQYiPs luibe-
bat. » Quel ravissant spectacle! Quelles leçons ins-
tructives !
Nous, au contraire, conçus avec le péché et la concu-
piscence qui en est la suite, agités par les flots des pas-
sions qui nous emportent, placés au milieu d'un monde
qui ne présente que pièges et embûches, nous n'en
devenons ni plus craintifs, ni plus vigilants. Tantôt,
notre imprudence nous porte au devant du danger,
nous précipite dans les occasions les plus critiques ;
tantôt, surpris à l'improviste par la tentation, nous
ne savons nous protéger avec l'armure de la foi : et de
tristes chutes viennent attester notre faiblesse, sans
augmenter la défiance et les humbles sentiments de
nous-mêmes.
0 Reine conçue sans péché, obtenez- moi de devenir
par vertu ce que vous fûtes par privilège, pur et im-
maculé !
Pratique : Recourir souvent au très saint cœur de
Marie, comme sanctuaire où nous attend la divine mi-
séricorde .
HISTOIRES
LA MÉDAILLE MIRACULEUSE
Qui n'a entendu parler de la Médaille si bien nom-
mée miraculeuse? Qui n'a appris quelques-uns des
innombrables prodiges de conversion et de guérisons
RE GIN A SINE LABE CONCEPTA 321
qu'elle a procurés ? Cette Dévotion nouvelle, réservée
à notre siècle pour honorer Marie Immaculée, est de-
venue aujourd'hui si populaire, qu'elle nécessite quel-
ques mots sur son origine.
C'était en 1830, époque de triste mémoire : l'émeute
ensanglantait les rues de la capitale : l'anarchie bran-
dissait ses torches : l'impiété menaçait la religion, ses
ministres, son culte, la liberté, tous les intérêts. Une
pieuse fiancée de Jésus, vouée au service des pauvres,
eut une vision où lui apparut un tableau représentant
la sainte Vierge dans l'attitude qu'on appelle Concep-
ception. De ses mains étendus vers la terre s'échap-
paient des faisceaux de rayons d'un éclat éblouissant ;
quelques-uns plus brillants encore tombaient sur un
point du globe. En même temps une douce voix fit
entendre ces paroles : « Ces rayons sont le symbole
des grâces que Marie obtient aux personnes qui l'in-
voquent ; et ce point du globle sur lequel ils décou-
lent plus abondamment, c'est la France. » Autour
de l'image se voyait écrite en lettres d'or l'invocation :
« 0 Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui
avons recours à vous ! » Quelques instants après, le
tableau s'étant retourné, la religieuse y distingua la
lettre M surmontée d'une petite Croix et au-dessous
les Cœurs sacrés de Jésus et de Marie. Après avoir
tout considéré attentivement, elle entendit la même
voix qui lui disait : « Il faut faire frapper une médaille
sur ce modèle, et les personnes qui la porteront indul-
genciée ,et qui feront avec piété cette courte prière
seront spécialement protégées par la Mère de Dieu . »
La même vision s'étant plusieurs fois renouvelée, ainsi
que l'injonction de faire frapper la médaille, on obéit
enfin , après l'approbation de Mgr l'Archevêque de
Paris, M. de Quelen, qui s'était entouré de tous les
3*2 REGIXA SINE LABE COXCEPTA
renseignements nécessaires en pareil cas, pour s'assu-
rer de la realité du fait. La Médaille a été frappée, et
depuis elle justifie partout son titre de Miraculeuse.
ARTICLE TROISIEME
Raisons de convenance en faveur de l'Immaculée
Conception de Marie
Il y a dans la religion des vérités qui, en éclairant
notre raison, semblent la confondre en la jetant dans
des profondeurs où elle a peine à se reconnaître : ce
sont nos grands mystères. Le dogme de l'Immaculée
Conception est plus doux ; c'est une vérité qui charme
et qui repose : on la contemple sans fatigue et l'on s'y
trouve consolé . C'est donc avec un nouveau plaisir
que nous allons la considérer encore, pour y admirer
l'heureux accord de la raison et de la foi, et sa lumi-
neuse harmonie avec les autres prérogatives et surtout
la sublime destinée de la bienheureuse Vierge Marie.
Oui, tout réclamait pour elle la merveille d'une Con-
ception Immaculée. c< Ce glorieux privilège, dit saint
Liguori, Dieu le Père ne le devait-il pas à sa Fille
bien-aimée, Jésus à sa digne Mère, le Saint-Esprit à sa
chaste Epouse ? alliances toutes divines qui repoussent
bien loin l'idée d'aucune souillure . » Bossuet faisant
l'éloge d'une illustre princesse disait : « Je n'aperçois
autour d'elle que des rois. » Autour de Marie, nous ne
trouvons que des Personnes divines, qui l'environnent,
la pénètrent, la protègent tellement, qu'il est impossi-
ble de découvrir comment, par quelle voie et à quelle
heure le péché aurait pu entrer dans cet auguste Sanc-
tuaire .
I. Dieu le Père devait à Marie, sa Fille bien-
aimée, le privilège d'une Conception Immaculée.—
Quand Dieu arrêta dans ses conseils éternels que le
IIKGINA SINE LABE CONCERTA 3U23
monde déchu serait réhabilité par l'Incarnation de son
Verbe , il voyait d'un même coup d'œil et ce divin
Rédempteur et celle dont le sein très chaste servirait
à l'accomplissement de ce grand mystère. L'amour du
Père pour son Fils, ce cher objet de ses complaisances,
s'étendait donc dès ce moment sur Marie, commence-
ment de la sainte humanité de Jésus-Christ. Ne devait-
il pas la faire reluire d'une beauté telle, qu'il pût repo-
ser aussi sur elle ses regards de complaisance, et y
contempler, comme dans un miroir pur et fidèle, la res-
semblance de ses traits si profondément altérés par le
péché dans le reste des hommes?
Et puis, appeler Marie à concevoir le Verbe Sau-
veur, c'était, de la part de Dieu, nous l'avons déjà dit,
l'associer à sa glorieuse paternité. Conséquemment,
n'a-t-il pas dû veiller à ce qu'elle fût d'une perfection
qui répondit à cette haute destinée? Pouvait-il laisser
la tache originelle souiller Celle en qui s'incarnerait
son Verbe, sa vive image, la splendeur de sa gloire?
Une semblable pensée contriste l'àme et l'oppresse
d'un poids qu'elle ne peut supporter. C'est du propre
sang de Marie que devait être formée la Victime d'im-
molation : pouvait-il être empoisonné dans sa source,
ce sang qui coula pour l'ablution des péchés du monde?
Et parce qu'elle devait contribuer à la destruction du
péché, quoi de plus convenable qu'elle-même en ait
toujours été préservée ? Le péché, ce monstre d'hor-
reur, cet objet éternel de la haine de Dieu, ce mur de
division entre le ciel et la terre, ne devait jamais sépa-
rer Marie du Tout-Puissant. Et s'il sauva du déluge
Noé et sa famille, non-seulement parce qu'ils furent
trouvés justes, mais aussi parce qu'il les destinait à
régénérer le monde, ne devait-il pas bien plus encore
faire surnager, au-dessus de la corruption générale.
3Î4 KÊGÎNA SINE LABE CONCBPTA
Marie venant donner au monde moral par Jésus-
Christ, son Fils, une régénération spirituelle?
II. Je su s- Christ, de son côté, devait à son hon-
neur et à celui de sa Mère qu'elle fût conçue sans
péché. — C'est un avantage, dit la sainte Ecriture,
de naître de parents nobles. Le monde pardonne plus
volontiers le manque de fortune que le manque de nais-
sance ; et le vice d'une origine basse et obscure se
répare moins facilement que le défaut de science et de
richesse. Or, peut-on supposer que Dieu, qui pouvait
donner à la Mère de son fils le plus éclatant des titres
de noblesse par une Conception immaculée, l'aurait
laissée, ne fût-ce qu'un instant, dégradée sous le poids
de l'anathème général ?
Jésus-Christ préserva de la corruption du tombeau
le corps de Marie, « ne lui étant pas honorable, dit
saint Augustin, d'exposer à la pourriture cette chair
virginale dont la sienne était formée. » Mais, si c'eût
été une flétrissure pour le Rédempteur que le corps de
sa Mère devint la proie des vers, l'opprobre n'eût-il
pas été beaucoup plus grand de naître d'une Mère dont
l'àme aurait été, même passagèrement, gâtée, par la
corruption du péché? Tout au contraire, le Fils de
Dieu, ayant résolu de prendre notre nature, c< a dû,
dit saint Pierre Daniien. se préparer une Mère dont la
perfection répondit à sa grandeur, à sa sainteté, a la
gloire de sa divinité. » Cette habitation, c'était pour
lui-même qu'il la disposait : il dut la faire un Palais
digne de sa majesté , conséquemment la sanctifier,
comme dit le Prophète- Roi, et y pourvoir dès la pre-
e aurore, en la garantissant de toute souillure.
Assurément, il vous répugnerait d'approcher les lèvres
d'une coupe dont vous auriez vu les bords couverts
d'immondices, quoique disparues complètement. Com-
KKfilNA SINE LABE CONCEPTA 325
prenez donc la répugnance du Saint des saints à venir
habiter en Celle qu'il aurait vue auparavant salie par
la tache hideuse du péché.
Assez d'humiliations , assez d'abaissements pour
Jésus de quitter les brillantes et éternelles splendeurs
du ciel : sa gloire demandait que le sein où il venait
cacher sa grandeur et revêtir la forme d'esclave,
n'eût jamais été infecté du poison héréditaire, et que
ce nouveau trône où il allait siéger, pur comme les
deux, lui en fit oublier les éclatantes beautés. D'ail-
leurs est-il supposable qu'il eût permis à son plus
cruel ennemi d'y habiter le premier, et de le souiller
de son souffle impur? Non, dit Bossue t, « si Satan
eût osé seulement s'en approcher, le Fils de Dieu au-
rait fait tomber sur sa tète toutes les foudres de sa
colère. »
De plus, Jésus, au témoignage de saint Paul, devait
être un Pontife saint, innocent, pur de tonte tache
et séparé des pécheurs. « Il fallait, en effet, dit saint
Thomas, que Celui qui venait effacer le péché n'eût
rien qui le rattachât au pécheur, pas même à Adam
par la faute originelle. » Or, comment Jésus aurait-il
pu se dire pur de tout contact avec les pécheurs, si
Celle qui le forma de son sang, en qui il habita pendant
neuf mois, eût été elle-même un seul instant esclave
du péché ?
Ce qu'il devait à son honneur, it ne le devait pas
moins a celui de sa Mère. — Elevée par la Maternité
divine au-dessus de tout, il convenait qu'elle fût douée
d'une sainteté non commune, mais incomparable, ex-
ceptionnelle comme la dignité elle-même, d'une sain-
teté telle qu'on ne put en supposer une plus grande,
telle qu'elle ne fût surpassée que par la sainteté de
Dieu même. Ce Sanctuaire futur de la Divinité devait
326 REGIXA SINE LABE CONGE l'TA
donc avoir toujours resplendi d'une pureté sans ombre
et sans tache. — Jérémie et Jean-Baptiste ont été
purifiés avant de naître, parce qu'ils devaient être,
l'un Prophète, l'autre Précurseur ; mais la dignité
de Mère ne demandait-elle pas une plus riche faveur,
celle d'avoir toujours été rayonnante de toute la splen-
deur de la grâce ? — Les Anges, à qui n'était point
réservé le même bonheur qu'a Marie, avaient été
créés entièrement purs. Et Dieu aurait refusé à leur
Reine les mêmes égards de prévenance, de la créer,
avec tous les charmes d'une innocence parfaite ? —
Celui qui avait promulgué le précepte si rationnel
d'honorer un père, une mère, n'a-t-il pas dû l'observer
lui-même, en comblant sa Mère de tout honneur pos-
sible? L'aurait-il fait, s'il l'eût laissée un seul instant
sous l'esclavage honteux du démon?
Enfin, son incomparable dignité de Mère de Dieu,
et tout en elle, comme conséquence, sort des règles
ordinaires. Ainsi, nous y voyons une virginité féconde,
un enfantement sans douleurs, une chair sans fragi-
lité, des sens sans rébellion, une vie sans péché, une
mort sans agonie, un tombeau sans corruption : voilà
une existence qui n'est que comme une série non in-
terrompue de merveilles, qui toutes font de Marie une
créature a part. Xe serait-ce donc que par le seul
endroit d'une Conception maculée qu'elle nous res-
semblerait? De même que tous les instants de sa vie,
sa Conception ne devait-elle pas être signalée par un
miracle ?
L'exemption de la tache originelle, bien que le pri-
vilège le plus étonnant, bien que la merveille des mer-
veilles, n'est donc qu'une conséquence toute naturelle,
j'allais dire nécessaire de la Maternité de Marie. Et si
dans cette vue le Verbe de Dieu l'a comblée de tant
REGINA SINE LABB CONCEPTA 327
d'autres dons qui nous sont inconnus, ne dut-il pas
les rehausser par le joyau d'une Conception sans ta-
che, riche diamant sur une couronne d'or?
III. Cela convenait également au Saint-Esprit,
qui devait l'avoir pour Epouse. — C'est à ce divin
Esprit, qui est au ciel le lien éternel de charité unis-
sant le Père et le Fils, qu'il appartenait de former le
corps très pur de la Vierge qui devait être uni au
Verbe. Il était arrivé ce jour solennel, où allait s'ac-
complir ce grand mystère d'amour de l'adorable Tri-
nité. A l'instant même où Marie donna son consente-
ment par son simple Fiat, Qu'il se fasse en moi ce
que vous m'annoncez, l' Esprit-Saint, selon les ex-
pressions si chastes de l'Archange, survint en elle, et
ombragée de la Vertu du Très-Haut, l'humble Ma-
rie devint la Mère du Verbe fait chair. L'Esprit de
toute sainteté put donc lui dire avec autant de vérité
que de tendresse : Vous êtes mon Epouse, Soror mea
Sponsa. Et l'on voudrait que dans ce cœur auquel il
devait s'unir par les nœuds d'une si chaste alliance,
dans ce cœur où devaient se célébrer ces noces toutes
spirituelles et ineffables, l'Esprit impur eût régné le
premier en vainqueur, et qu'il eût avant tout autre
saisi de ses mains souillées, et infecté par son venin ce
Vase honorable préparé pour de si nobles destinées ?
Eh bien, non ! de semblables paroles auraient tout le
fiel d'un blasphème.
Peut-on, d'ailleurs, jamais admettre qu'en Dieu les
pensées soient moins élevées, ou le tact des conve-
nances moins délicat que chez les rois de la terre, à
qui rien ne coûte pour anoblir les épouses qu'ils se
choisissent, et qui ne se dégradent point jusqu'à asso-
cier à leur majesté une femme dont la naissance, quoi-
que illustre, aurait été flétrie par quelque crime dés-
328 KEGINÀ SINE LABE CONCEPTA
honorant? Qui pourra jamais croire que l'Esprit de
toute pureté, pensant dès l'éternité faire de Marie son
Epouse, ait pu la laisser exister même un seul instant
dans la bassesse de notre condition commune, sous
l'esclavage humiliant du péché ? « Loin d'avoir la har-
diesse de le dire, j'ai horreur de le penser, » Sentire
non valeo, clicere pertimesco (S. Aug.). — Ainsi,
vous le voyez, les admirables rapports entre Marie et
les trois Personnes divines repoussent à tout jamais
la pensée qu'elle ait pu être conçue dans le péché.
Morale : Nous vous saluons donc avec toute l'E-
glise, ô la plus belle, ô la plus pure de toutes les fem-
mes, ô Fille, 6 Mère, ô Epouse, ô Reine Immaculée !
nous vous rendons l'hommage de vénération que ré-
clame votre sublime sainteté. Mais aussi, de quelle
confusion elle nous pénètre ! Quel profond enseigne-
ment nous y trouvons ! En effet, si future Epouse du
divin Esprit, et Trône où siégerait le Saint des saints,
l'auguste Vierge, en vue d'un si grand honneur, a dû
n'être jamais flétrie par la moindre tache du péché,
quelle ne doit pas être la pureté, l'innocence du chré-
tien, en qui par la communion se renouvelle le grand
mystère de l'Incarnation î Si donc nous ne sommes
pas assez heureux pour apporter à cette grande action
une sainteté originelle, puissent du moins les larmes
d'un repentir sincère rendre à notre âme défigurée par
le péché son premier lustre î Je suis Vomi de la pu-
reté, nous «lit le Sauveur dans l'Imitation, je cherche
mr pur \ et j 'en fais le lieu de mon repos...
mlezqueje vienne à vous et que fy de-
mi '■>■:■. purifiez-vous du vieux levain, et nettoyez
lamaison ir. Bannissez-en tout le siècle
i le tumulte s... Car toute j- rsonne,
qui atone, prépare te lieu lemeilleur etleplusbeau
REGINA SINE L A H E CONCEPTA 320
à l'ami dont elle est aimée, parce que c'est en cela
que se fait connaître V affection avec laquelle on
reçoit celui que ton aime.
Or, cette pureté que demande Jésus-Christ ne sau-
rait être trop parfaite, pour approcher le plus près
possible de son infinie sainteté. N'est-ce pas ce qu'il
a voulu nous apprendre en lavant les pieds à ses apô-
tres, avant de se donner à eux la première fois, mon-
trant par là, dit saint Bernard, que pour recevoir ce
divin Sacrement, « il faut être purifié même des
fautes vénielles, signifiées par la poussière qui s'at-
tache aux pieds ? » C'est aussi pour cela que le prêtre
à l'autel se lave non pas la main tout entière, mais
seulement le bout des doigts, averti par là que pour
se nourrir du pain des anges, il faut être dégagé des
moindres fautes et imperfections. Lors donc que vous
vous disposez à approcher de ce divin banquet, exa-
minez-vous et gémissez avec douleur d'être encore si. ..
(Voyez cet admirable chap. 7, livre iv, Imit.) Le cœur
ainsi préparé par de sincères et humbles gémisse-
ments, approchez -vous avec une confiance mêlée
d'amour, espérant que Jésus-Christ fera ses délices
d'y habiter, et vous enrichira de ses grâces les plus
abondantes.
0 Reine Immaculée, obtenez-moi de reluire de cette
pureté dont vous fûtes toujours embellie, afin que je
sois moins indigne de recevoir le Dieu qui n'a pas eu
horreur de votre sein virginal.
Pratique : Distinguer les fêtes de la sainte Vierge
par des actes spéciaux de dévotion, principalement par
la sainte communion : Marie est toute flattée de
cet honneur que Ton fait à son Fils.
330 REGINA SINE L \ BE CONCEPT A
HISTOIRES
HEUREUX FRUITS DU RECOURS A MARIE IMMACULÉE
Combien de fois ces seuls mots, Marie conçue sans
péché, prononcés avec une vive confiance, ont suffi
pour obtenir de sa bonté les plus éclatantes faveurs !
Parmi les milliers d'exemples, il en est un singu-
lièrement remarquable, rapporté dans la vie du
B. Pierre Fourrier, dit le P. de Mattaincourt. Ce saint
homme, à son passage dans une ville de Lorraine, où
il venait d'établir une Communauté religieuse de sa
Congrégation, y trouva tout le peuple dans la plus
grande consternation : une épidémie sévissait avec une
fureur toujours croissante. Il ne chercha pas bien loin
le remède à cette désolante calamité. Il conseille de s'a-
dresser à la Consolatrice des affligés, assurant que
ceux qui porteront avec confiance un billet sur lequel
serait inscrit, 3/" /ve a élé conçue sans 'péché, en ob-
tiendront un prompt soulagement. Cette pratique facile
est reçue avec enthousiasme : et un grand nombre
reconnaissent lui devoir leur guérison. Bientôt une
protection si marquée la fit adopter dans plusieurs
autres contrées : partout elle produisit des effets mer-
veilleux, et principalement à Nemours :
La ville allait être livrée au pillage : l'effroi glaçait
tous les cœurs : de toutes parts ce n étaient que déso-
lation et gémissements. Au milieu de cette affliction
générale, les Communautés religieuses et une multi-
tude d'autres personnes dévouées à Marie réclamèrent
son tout-puissant crédit par cette invocation : 6 Marie!
qui avez été conçue sans péché.., qu'elles tracèrent
même sur les portes de leurs maisons : ce fut comme le
sang de l'Agneau pascal qui, apposé sur les portes
des Hébreux, avait écarté le glaive de l'Ange cxtermi-
RECINA SAGRATISSIMI ROSAUII 331
nateur. L'ordre de piller la ville fut révoqué ; les sol-
dats qui ne respiraient que vengeance devinrent aussi
doux qu'ils paraissaient féroces. Et l'on ne douta nul-
lement qu'un changement aussi inattendu dût être at-
tribué à la protection de la Vierge Immaculée. — Telle
est l'origine du pieux usage de porter une médaille
où sont inscrits ces mots : Marie a été conçue sans
péché. (13)
CHAPITRE XL1X
REINE DU SAINT-ROSAIRE
Les Litanies terminant leur longue suite de Reine
par cette nouvelle invocation si bien appropriée aux
besoins de l'Eglise,, nous croyons en dire un mot. Pour
cela nous parlerons de son origine, de ce en quoi il
consiste, et de ses avantages .
ARTICLE PREMIER.
Son origine
Le chapelet, qui est seulement la 3e partie du Ro-
saire, remonte dit Chateaubriant, au 4e siècle de l'Eglise.
Dans ces jours de ferveur, les pieux fidèles, voulant
honorer Marie, allaient déposer sur ses autels des cou-
ronnes de fleurs. Bientôt après saint Grégoire de
Naziance l'un des plus grands Pontifes et des plus illus-
tres docteurs de l'Eglise, dans le transport de son amour
pour Marie, fut inspiré de substituer à ces couronnes
matérielles de roses une couronne spirituelle, tissue des
plus belles louanges, des plus glorieux titres et des
plus excellentes prérogatives de Marie.
Cette invention ingénieuse qui avait son prix et son
mérite pour les personnes instruites, était loin d'être
332 PEGIXA SACRATISSIM1 R0SABI1
à la portée de tous et de satisfaire les besoins des igno-
rants.
Aussi une pieuse servante de Marie, nommée Brigitte,
se hata-t-elle de tresser une nouvelle couronne com-
posée des prières les plus ordinaires de l'Eglise, du Je
crois en Dieu, de l'Oraison dominicale et du Je vous
salue, Marie . Pour en faciliter la dévotion, elle eut
recours à l'usage des Anachorètes de l'orient, qui se
servaient de grains de pierres ou de bois pour mieux
compter leurs prières. Pour donc arriver à son but,
elle enfila en forme de couronne des grains de diverses
grosseurs et en forma le chapelet tel que nous l'avons
aujourd'hui.
Mais cette précieuse dévotion, comme tout ce qui a
rapport au culte de l'auguste Marie, devait avoir ses
progrès. Il était réservé àS. Dominique de la conduire
à sa perfection en établissant le Rosaire, qui est un
chapelet plus étendu où un chapelet de 15 dixaines, en
mémoire des 15 principaux mystères de la religion.
Voici en quelles circonstances.
Au commencement du 13e siècle, l'ignorance, l'im-
piété et par suite Je libertinage régnaient partout. Les
infidèles occupaient l'Asie, l'Afrique. Les Sarrasins
s'étaient emparé de la plus grande partie de l'Espagne
et la secte impie des Albigeois infectait la France et
l'Italie. Ces derniers surtout, non contents d'altérer la
beauté de la morale, d'attaquer les dogmes de la reli-
gion, de tourner en ridicule les cérémonies de l'Eglise,
allèrent jusqu'à nier la maternité de Marie, la divinité
de Jésus-Christ, et par là même l'efficacité de la sainte
messe el des sacrements.
1 es erreurs se répandaient partout comme le feu
d'un incendie. La vertu était outragée, les autels ren-
s, les temples démolis, les sacrements profanés,
REGINA SACKATISSIMI R0SARI1 333
le sacerdoce décrié, en un mot le triomphe de l'enfer
semblait devoir durer toujours. Et la pauvre Eglise
gémissait nuit et jour, et conjurait le Seigneur de mon-
trer à l'univers entier que son bras puissant n'était
pas encore raccourci. En vain les Pontifes consternés
employaient toutes sortes de moyens pour trouver un
remède efficace à des maux si déplorables, en vain les
Princes de la terre avaient armé leurs plus vaillants capi-
taines, tous ces efforts réunis étaient restés sans succès.
Dieu réservait cette grande œuvre à un de ces hom-
mes qu'il suscite de temps en temps, afin de manifester
au monde les trésors de sa toute-puissance et de son
amour. Cet homme fut S. Dominique. L'histoire nous
raconte les efforts de son zèle, ses rudes travaux, ses
pénitences, ses miracles pour détruire toutes ces erreurs.
Et cela demeura encore sans résultat heureux. Les
Albigeois, c'est-à-dire les hérétiques, fermaient les yeux
en présence des prodiges de cet apôtre, et restaient
sourds aux paroles de vie qu'il adressait, ou plutôt,
comme dit le Psalmiste : ils avaient des yeux et ne
voyaient pas, des oreilles et ils n'entendaient pas.
C'est alors que Dominique se jette de nouveau aux
pieds du Seigneur et le conjure, par les mérites du
sang de son Fils et la bienveillante intercession de
Marie, de détruire toutes ces erreurs. Cette fois ses
prières furent exaucées, et Marie leur fut députée
comme l'ange de la bonne nouvelle. Cette Mère de
miséricorde lui apparut donc et lui dit : Que comme
la salutation angélique avait été le principe de la con-
version du monde à la religion de J.-C. , il fallait aussi,
que cette salutation fut celui de la conversion des hé-
rétiques. Si donc, continua Marie, tu veux éclairer les
esprits aveuglés et toucher les cœurs endurcis, prêche
mon Rosaire.
334 RÉG1XA SACRAflSSIHI ROSARII
Saint Dominique obéit à la voix de Marie. Il prit
pour base de ses instructions le Rosaire composé de
trois chapelets ou de 15 dixainesde Je vous salue Ma-
rie. Aces dixaines il appliqua autant de mystères, qu'il
développa aux fidèles avec cette éloquence irrésistible
qui triomphe de tous les obstacles.
Ce fut à Toulouse, en l'année 1208, qu'il institua le
Rosaire et qu'il commença à le prêcher au peuple.
Toulouse, Montpellier, Agen, Carcassonne, Béziers
furent donc tour à tour le théâtre de ses prédications
et de ses succès. Et ces succès furent si rapides qu'ils
surpassèrent toutes les espérances, et étonnèrent
Rome elle-même. En peu d'années des milliers d'héré-
tiques reconnurent leurs errreurs et rentrèrent dans
le sein de l'Eglise Catholique.
Mais ce n'est pas assez pour Marie d'avoir fait
rentrer dans le sein de l'Eglise cette petite partie de
son troupeau. Tous les hommes ne sont-ils pas ses
enfants? Du haut de la croix, J.-C. ne nous a-t-il pas
légués à son amour, et elle, ne nous a-t-elle pas adoptés ?
Hélas ! Quoiqu'enfants de Marie ne sommes-nous pas
exposés à des erreurs, n'avons nous pas besoin qu'elle
veille sur nous et qu'elle nous protège.
Aussi admirons sa bonté, elle ne se contenta pas
que le Rosaire fut seulement établi dans ces contrées
envahies par l'hérésie, elle voulut aussi que le monde
entier eut part à cette faveur. Elle inspira donc encore
au cœur de Dominique la pensée de perpétuer son œu-
vre, de laisser après lui d'autres lui-même qui fissent
connaître jusque dans les contrées les plus lointaines
la clémence et la bonté de Marie pour les hommes.
A dater de ce moment le Rosaire se répandit par
toute la terrre. Il devint eu quelque sorte le pendant
de La croix. Dans les campagnes comme dans les villes
REGINA SACUATISSIMI ROSARII 335
on forma des associations sous le titre du Saint-Ro-
saire, et on érigea des chapelles et des autels en l'hon-
neur de N.-D. du Rosaire; et dans la suite des temps,
les Papes ont enrichi ces associations de nombreuses
Indulgences ?
Telle est l'origine du chapelet et du Rosaire. Saint
Grégoire de Naziance en a donné l'idée, sainte Brigitte
en a inventé la forme et établi la dévotion ; saint Do-
minique perfectionna l'un et l'autre et lui donna le
nom de Rosaire.
Aujourd'hui ne se passe-t-il pas dans le monde en-
tier quelque chose de semblable à ce qui se passait du
temps de saint Dominique dans le midi de la France.
La secte maçonique cherche à s'étendre dans toutes les
parties du monde catholique. Le point de départ est
la négation de l'existence de Dieu et de ses com-
mandements, le doute sur la divinité de J.-C. et de la
religion qu'il nous a apportée du ciel, comme aussi
de l'existence du ciel, récompense du bon, et de l'enfer
châtiment du méchant.
Telle est l'hérésie régnante de toutes ces personnes
qui désertent nos églises, qui profanent les saints jours
du dimanche par le travail et les plaisirs mauvais, qui
abandonnent les Sacrements, et qui ne veulent recon-
naître ni l'autorité de l'Eglise ni celle de ses minisires.
Eh bien ! à ce torrent d'erreurs et de péchés, oppo-
sons, comme Dominique, la pratique ou la récitation du
Rosaire. Adressons-nous avec une confiance illimitée
à la très sainte Vierge, et prions-la d'éclairer tous ces
hommes des vérités de la foi, de toucher tous ces cœurs
endurcis, de les ramener à la pratique de leurs devoirs.
C'est ce que désire Léon XIII, chef de toute l'Eglise.
Par là nous travaillerons à la gloire de Dieu, au salut
des âmes, et au bonheur de la France, notre Patrie.
33H REGINA SACRÂTISS1MI ROSARII
ARTICLE SECOND.
Après avoir parlé de l'origine et des progrès du Ro-
saire, voyons en quoi il consiste et comment on doit le
reciter... Le Rosaire ainsi que le Chapelet se compose
des prières les plus belles qui puissent jamais sortir de
la bouche d'un chrétien. Ces prières sont : 1° Le sym-
bole des apôtres, composé par eux avant leur séparation
et à l'aide des lumières du St-Esprit. Ce symbole, vous
le savez, est l'abrégé des vérités que tout chrétien est
obligé de croire et de pratiquer. Chaque fois donc que
nous le récitons, il nous les remet devant les yeux.
2° De l'oraison Dominicale, c'est-à-dire, de cette prière
qui a été enseignée par Jésus-Christ lui-même à ses
disciples et qui renferme tout ce que nous pouvons
désirer et demander à Dieu. Cette prière a une vertu
particulière pour toucher son cœur, puisqu'elle est son
ouvrage. 3° De la Salutation Angélique, qui commence
par le salut de Fange à Marie au beau jour de l'Annon-
ciation, qui nous rappelle les paroles de félicitation de
sainte Elisabeth à Marie, lorsqu'elle reçut sa visite, et
qui se termine par la supplique ou l'invocation que
L Eglise y a ajoutée. 4° Et enfin de cette belle strophe :
gloire soit au Père, au Fils et au St-Esprit, comme il
a été au commencement, et qu'il sera toujours. Quoi
de plus noble que cette duxologie, qui termine chaque
dixaine. elle est une profes>i;jn de notre fui à l'égard
du mystère ineffable d'un seul Dieu en trois personnes,
que nous ne saurions trop louer et bénir; elle est au>si
un hymne de reconnaissance que les fidèles, à l'exemple
des chœurs célestes, repètent souvent avec l'Eglise dans
l'office divin en l'honneur de la 1res Sainte Trinité.
si. au lieu de dire le Chapelet on récite le Rosaire,
qui se compose de trois chapelets ou de 15 dixaines,
chacune de ces dixaines es1 précédée d'une courte nié-
RBGINA SACRATISSÏM1 R0SARI1 337
ditation sur un des mystères de la vie de Jésus-Christ
et de Marie, sa Mère. Ces mystères, qui sont au nombre
de 15, sont divisés en trois séries : mystères joyeux,
douloureux et glorieux. Et ainsi on suit pas à pas le
Sauveur Jésus, depuis le jour où pour racheter les
hommes, il quitta le séjour de sa gloire jusqu'au mo-
ment ou après trente-trois ans de souffrances et d'a-
mour, il retourna à la droite de son Père. On accom-
pagne aussi Marie, sa glorieuse Mère, depuis le jour où
elle conçut l'Enfant-Jésus jusqu'à son couronnement
dans le ciel .
Ce sont d'abord les mystères joyeux, qui représentent
le Verbe dans son Incarnation et son état d'enfance
jusqu'au jour de sa passion. Enumérons-les . Jésus pour
nous racheter et nous ouvrir le ciel s'abaisse jusqu'à re-
vêtir notre nature, épouser nos misères, se faire chair.
Et verbum caro faction est. Avant de sortir du sein
de sa Mère où il a pris un corps et une âme semblables
aux nôtres, il commence déjà sa mission d'amour. Il
visite son précurseur saint Jean-Baptiste, celui qui doit
l'annoncer au monde. Et par cette visite il le purifie de
la souillure originelle. Puis au jour de sa naissance, il
choisit pour palais une étable, pour couche quelques
brins de paille, et pour premiers adorateurs quelques
pauvres bergers. Obéissant à la loi de Moïse il se pré-
sente au temple comme le dernier des hommes, pour se
racheter par une offrande. Puis enfin à l'âge de douze
ans, nous le retrouvons dans le temple au milieu des
Docteurs qui l'écoutent, tant ils étaient émerveillés de
la sagesse de ses discours et de la précision de- ses ré-
ponses.
Dans la 2e série se déroulent les mystères doulou-
reux. Ici, c'est un Dieu qui pour expier nos péchés
souffre des douleurs immenses et des opprobres infinis.
338 RBGINA SACRATISSIMl ROSARII
Au jardin des olives son âme est triste jusqu'à la mort.
Une sueur de sang et d'eau ruiselle sur tous ses mem-
bres : le calice d'amertume qu'il doit épuiser se pré-
sente à lui. et dans la plus profonde tristesse il s'écrie :
Mon Père, que ce calice s'éloigne de moi, mais cepen-
dant que votre volonté soit faite et non la mienne.
Bientôt arrive le traitre Juda. Par lui Jésus est vendu
et livré aux Juifs, ils s'emparent de sa personne sacrée,
le traînent devant les tribunaux. Là contre les lois de
la justice, il est condamné à être flagellé. Aussitôt on
le frappe de verges, on lui enfonce une couronne d'é-
pines sur la tète, on jette sur ses épaules une croix
énorme. Chargé de ce fardeau sous lequel il fait plusieurs
chutes, il gravit la montagne du Calvaire au milieu
des huées, des vociférations et des blasphèmes de la
multitude. Au Calvaire, lieu de son dernier supplice, on
l'étend sur la croix et avec d'énormes clous on l'y fixe
par les mains et par les pieds. Enfin épuisé de sang
et de fatigues, il remet son àme à Dieu son Père, et il
expire entre deux scélérate
La 3e série a pour objet les mystères glorieux, sa
Résurrection, son Ascension au ciel, où selon sa pro-
messe il va retenir une place aux siens ; puis la des-
cente du St- Esprit sur les apôtres et toutes les mer-
veilles qui l'accompagnent et qui le suivent.
A côté des mystères de Jésus-Christ se trouvent
aussi ceux de sa sainte Mère. Mystères de joie, de
souffrance et de gloire. Mystère de joie. C'est l'An-
nonciation, lorsque l'Ange Gabriel vient lui dire qu'elle
sera Mère de Dieu, et parconséquent libératrice des
hommes, c'est la visite à Ste Elisabeth, quand elle va
faire part à sa cousine de son bonheur et l'enrichir
ainsi que son enfant des dons les plus précieux de la
grâce. C'esl la naissance de Jésus, sa présentation au
REGINA SACRATISSIM1 R0SARI1 339
temple, et enfin sa joie lorsqu'elle le retrouve au milieu
des Docteurs excitant leur admiration.
Viennent ensuite les douleurs, qui passèrent et repas-
sèrent sur son cœur, toutes les affreuses tortures qui
agitèrent son âme pendant la grande infamie du Cal-
vaire .
Puis enfin sa glorieuse Assomption dans le ciel et son
couronnement à la droite de son divin Fils.
Par le peu que je viens de dire, vous avez déjà dû
comprendre que le Rosaire n'est pas une prière mono-
tone. C'est l'ensemble de la religion, c'est le tableau le
plus saisissant de ce que Jésus-Christ et Marie ont fait
pour notre àme, afin de l'éloigner de l'enfer et de lui
ouvrir la porte du ciel. Et c'est déjà un de ses avan-
tages. Mais il n'est pas le seul, ils sont innombrables.
En voici le détail.
ARTICLE TROISIÈME
Que de pécheurs endurcis, dont le salut était presque
désespéré, se sont convertis à la suite des prières et des
méditations du Rosaire. Combien d'hérétiques opi-
niâtres dans rattachement à leur secte ont été éclairés,
et ont abjuré leurs erreurs du vivant même de S.
Dominique. L'exemple suivant en est une preuve.
Une femme remplie de piété et de vertus ayant épousé
un homme fort riche, mais malheureusement de mau-
vaises mœurs alla trouver S. Dominique pour le con-
sulter sur le moyen de pouvoir le ramener à l'accom-
plissement de ses devoirs. Saint Dominique lui conseilla
de réciter le Rosaire pendant neuf jours consécutifs.
Cette femme pieuse le fit avec une ferveur et une con-
fiance si grandes qu'elle fut exaucée dès le premier
jour. La nuit suivante Dieu mit en songe sous les yeux
de son mari, d'une manière si horrible, les supplices
:Ul> RKGINA SACRATISSIM1 ROSARU
qu'il réserve dans l'enfer aux impudiques, qu'il s'éveilla
en sursaut et tout saisi de crainte. Et après avoir versé
un torrent de larmes sur ses égarements et sur le dan-
ger auquel il s'était exposé, plein de confiance en Marie,
il alla trouver saint Dominique, le pria de recevoir sa
confession et de l'admettre au nombre des confrères du
saint Rosaire, avec promesse de vivre chrétiennement
le reste de ses jour-.
Que de morts ont recouvré la vie. de sourds l'oui,
de muets la parole, de boiteux et de paralytiques l'usage
de leurs membres, et des malades une santé qu'ils ne
pouvaient attendre des remèdes ordinaires de la méde-
cine.
Que de tempêtes apaisées, d'incendie éteints, de
révoltes calmées, de batailles gagnées (Témoin celle
de Lepante), de royaumes en paix.
Par le moyen du Rosaire n'a-t-on pas obtenu tantôt
la pluie pour faire fructifier les semences de la terre,
tantôt la cessation de ces pluies qui menaçaient les cam-
pagnes d'une désolation universelle.
Elles sont nombreuses, les femmes qui ont eu recours
à cette dévotion, les unes pour obtenir du Seigneur de
voir leurs vœux se réaliser par la naissance d'un ou de
plusieurs enfants, les autres le* bénédictions du ciel
sur leur maison .
Nous lisons dans la vie de saint Dominique que dans
un voyage qu'il lit à Paris, il alla visiter la Reine
Blanche de Castille, et qu'il lui conseilla de réciter sou-
vent le Rosaire pour obtenir du Seigneur de donner à
la France un prince selon son cœur et que ses prières
furent exaucées, car elle eut le bonheur de donner la
vie a saint Louis, un des plus grands Monarque de
France .
Impossible en un mot de compter les fruits de sainteté
REG1NA SACRATISSIMI KOSAItU 341
que cette dévotion a produits, non seulement en Europe,
mais aussi dans les Indes et l'Amérique. On peut dire
d'elle ce que Salomon disait de la sagesse. Venerunt
mihi omnia bona pariter eum illâ. Toute sorte de
biens me sont venus avec elle.
Je dis enfin que la pratique du Rosaire, vous mettant
sous la protection de Marie vous obtiendra la grâce
d'une bonne et sainte mort. Une mère veille au chevet
de son enfant mourant, elle tient à recueillir son dernier
soupir. Ainsi Marie veillera sur vous, lorsque vous
serez aux prises avec la mort, elle vous donnera le
baiser d'une mère, et elle accueillera votre àme pour la
présenter à Jésus son divin Fils et lui demander pour
elle une place dans le ciel. L'exemple suivant en est
une preuve .
Un des plus célèbres prédicateurs du siècle dernier
fut appelé la nuit pour confesser un homme tombé en
apoplexie. Il y court et le trouve sans connaissance. Au
point du jour on le prie de dire à son intention une
messe votive de la sainte Vierge. Comme il la finissait
on vint l'avertir que la connaissance lui était revenue.
Vite il se rend auprès de lui et le trouve pénétré des
plus vifs sentiments de pénitence et de componction
acceptant généreusement la mort pour l'expiation de
ses péchés. Il se confesse et reçoit les derniers sacre-
ments avec la plus grande piété. Le confesseur tout
surpris d'un si heureux changement et ne sachant à
quoi l'attribuer, l'interroge, et le malade lui répond
d'une voix entrecoupée de sanglots : Hélas ! mon père
je ne puis attribuer cette grâce qu'à la miséricorde de
Dieu, qu'à la protection de Marie ainsi qu'à vos prières
et à celle de ma pieuse mère.
Près de mourir elle mè fit approcher de son lit, et
après m'avoir témoigné ses alarmes sur les dangers que
PARAPHIUSE. — T. II. 20
342 ItEGINA SACRATISS1MI R0SARI1
je rencontrerais dans le monde, elle m'adressa ces
paroles : Je tous laisse sous la protection de la sainte
Vierge, promettez-moi, mon cher fils, l'unique chose
que je vais tous demander, elle vous coûtera peu, c'est
de réciter tous les jours le chapelet. Je le lui promis,
de plus j'ai tenu à ma parole, et c'est le seul acte de
religion que j'ai accompli depuis dix ans. Le confesseur
ne douta point que son pénitent ne dut qua la protec-
tion de Marie les vifs sentiments de repentir qu'il ma-
nifestait.
Je ne le quittai qu'après son dernier soupir, et j'eus
la consolation de le voir mourir dans les plus saintes
dispositions.
A son exemple récitons tous les jours, sinon le Rosaire,
au moins le chapelet ou quelques dizaines, et ainsi nous
nous assurerons la protection de Marie pour tous les
jours de notre vie et surtout pour l'heure de notre
mort.
De plus nous enrichirons notre àme des nombreuses
indulgences qui y sont attachées, et nous soulagerons
l'âme de nos bien-aimés parents en les leur appliquant.
Morale : Après avoir médité le Rosaire, aimons
donc à le réciter, et pour nous engagera l'aimer, péné-
trons-nous bien de ce qu'il est. Il est une prière des
plus puissantes . C'est toute la religion de l'enfant :
c'est larme du combattant : c'est le livre du vieillard,
c'est le compagnon du malade, c'est le témoin du mo-
ribond, c'est le salut et la joie des habitants de la céleste
patrie.
EXEMPLES.
Je voudrais bien croire, disait un libre penseur de
bonne foi, mais je ne le puis. Eh bien ! récitez le cha-
pelet, lui répondit un prêtre qui était présent. Trois
AGNUS DEI 343
jours après, le même libre penseur dit à ce prêtre :
vous vous souvenez peut-être de votre parole : dites le
chapelet : cela, M., m'a paru très bizarre tout d'abord,
cependant j'ai finis par le dire, et maintenant je crois.
CHAPITRE L
AGNEAU DE DIEU
Qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous.
Nous terminons la série des Invocations à Marie
comme nous les avons commencées, par un hommage
à Dieu qui dit de lui-même : Je suis le commencement
et la fin. Etant assurés de l'intercession puissante de
la bienheureuse Vierge que nous venons d'implorer
avec foi et ardeur par tous ses glorieux titres, nous
nous adressons spécialement à Jésus-Christ, son Fils,
en lui rappelant le souvenir de son sacrifice offert sur
la Croix pour nous réconcilier avec son Père. Agneau
de Dieu, qui effacez les péchés du monde, lui disons-
nous, c'est-à-dire, vous qui, par votre immolation
généreuse, nous avez rachetés du péché et de l'enfer,
au nom de tant d'amour et par les mérites de ce sang
divin que vous tenez de Marie, pardonnez-nous, eœau-
cez-nous, ayez pitié de nous.
Nous désignons ici Jésus-Christ sous le nom d'^4-
gneau, parce que ce titre lui convient parfaitement
pour les raisons suivantes :
I. C'est sous ce nom, emblème du sacrifice, qu'il
fut prédit par les prophètes : et Jean- Baptiste, son
Précurseur, au moment même où il allait se montrer
au monde, ne l'appelle pas autrement. C'est aussi
sous cet emblème qu'il était figuré chez les Israélites
par l'Agneau paschal qu'ils avaient mangé la veille
.'{» A GNU S DEI
de leur sortie d'Egypte, et dont tous les ans ils renou-
velaient la mémoire : et aussi par l'agneau qui chaque
jour était immolé dans le temple, et sur la tète duquel
les hommes destinés à ce ministère imposaient les
mains, tant pour reconnaître le souverain domaine du
Seigneur, que pour transporter sur La victime les pé-
chés de tout le peuple.
II. On le désigne ei 3ore sous le nom à' Agneau
parce que, en effet, il en eut l'innocence, la douceur
et la destination.
1° L'innocence. — Il convenait , dit saint Paul, que
nous eussions un Pontife qui fût innocent, sons
tnche. séparé des pêcheurs. Et ce Pontife, c'est Jésus-
Christ qui, exempt de tout péché, nous réconcilia
avec son Père, comme le chante l'Eglise : Christus
innocens Patri réconcilia c it peccatores. Son amour
de l'innocence, il le manifesta dans toute sa conduite.
C'est par leur innocence que les enfants étaient l'objet
de sa prédilection toute particulière : et il nous proteste
que, si nous ne devenons innocents comme eux, nous
n'aurons point part à son royaume. C'est aussi à
cause de son innocence qu'il chérissait plus spéciale-
ment l'apôtre saint Jean, qui pour cela eut l'insigne
honneur de reposer sur son sein à la Cène, et de le
remplacer en qualité de fils adoptif auprès de sa sainte
Mère.
2 Un second caractère de l'agneau, est la douceur :
et ce fut encore là une des vertus de Jésus-Christ.
Non-seulement au moment de la mort à laquelle il se
laissa conduire, comme un agneau qu'on mène à la
boucherie, sans se plaindre, sans ouvrir la bouche,
sans appeler aucune malédiction sur ses bourreaux,
mais dans tout le cours de sa vie, il fut un modèle
achevé de patience et d'incomparable douceur. Son
MISERERE NCTBIS 345
ministère en devint une continuelle et publique mani-
festation. Il était bien Celui qui n'aurait pas éteint la
mèche encore fumante, ni brisé le roseau courbé par
C orage. Il appelait à lui tous les affligés, tous les né-
cessiteux, et fidèle à sa promesse, il les soulageait. Il
couvre de sa protection la femme adultère que l'opi-
nion publique repoussait, et la renvoie sans la con-
damner : il descend dans la maison du publicain et
s'assied à sa table : il ne refuse pas les hommages d'une
grande pécheresse : jamais de rebut pour qui que ce
soit. Et cette vie toute de mansuétude, il la termine
par l'acte le plus généreux, il demande grâce pour ses
bourreaux, et assure le ciel au larron pénitent. Il pou-
vait bien dire, et toutes ses actions le proclamaient
assez haut : Apprenez de moi que je suis douer et hum-
ble de cœur. Aussi dans son sermon sur la montagne,
promet-il à ceux qui sont doux et miséricordieux la
possession du ciel.
3° Enfin, la destination de l'Agneau pascal chez les
hébreux était V immolation ; et cet Agneau, aussi bien
que celui qu'on sacrifiait tous les jours dans Je temple
pour les péchés du peuple, figurait Jésus-Christ. Ce
fut, en effet, non point à des prix d'or et d'argent, mais
par l'effusion de son sang, qu'il nous a rachetés de la
dure servitude dans laquelle le démon nous tenait en-
chaînés. Et bienheureux ceux qui, après avoir lavé
leurs robes dans le sang de ce divin Agneau, sont ap-
pelés à ses noces sur la terre, en se nourrissant de sa
chair sacrée : gage pour eux du bonheur d'être admis
un jour aux noces du ciel qui se prolongeront pendant
l'interminable durée des siècles.
III. On dit Agneau de Dieu, d'abord, parce qu'il est
Fils de Dieu le Père qui met en lui toutes ses complai-
sances, de même que le mot agneau est un terme de
346 AGNUS DKI
tendresse que l'on donne à un enfant aimable et bien-
aimé : ensuite, parce qu'il est la seule victime digne
de Dieu, la seule capable d'apaiser sa colère, de satis-
faire pleinement à sa justice, de réparer l'outrage fait
à sa majesté par le péché et d'opérer notre réconcilia-
tion avec lui.
Tous ces aperçus renfermés dans le titre & Agneau
de Dieu, par lequel nous désignons Jésus-Christ, ins-
pirent les sentiments qui doivent nous animer en lui
disant : Pardonnez-nous, exaucez-nous, ayez pitié
de nous. Ce dernier cri surtout, que nous avons élevé
au commencement des Litanies, nous le faisons encore
entendre à la fin. Rien n'est plus juste ; car notre mi-
sère est toujours la même, nos besoins sans cesse re-
naissants : nos ennemis ne se lassent jamais, et nos
péchés se renouvellent trop fréquemment . Cette sup-
plication est le cri de la faiblesse qui se connaît et se
craint elle-même : c'est le cri de l'espoir qui entrevoit
son salut en Jésus-Christ, et de la confiance qui en a
reçu la promesse et le gage. C'est donc avec ce dou-
ble sentiment d'humilité profonde et de vive confiance
qu'il faut lui adresser cette supplication : Pardonnez-
nous, Seigneur, exaucez-nous, ayez pitié de nous.
1° Profonde humilité. — En l'appelant Seigneur,
nous reconnaissons ou du moins devons reconnaître
qu'en vertu de son souverain domaine sur toutes choses,
il avait le droit de nous commander et que nous de-
vions lui être soumis : et en le priant de nous pardon-
ner, nous avouons que. si nous avons péché, c'est notre
faute, puisque nous avons besoin de pardon. Et c'est
la surtout ce que Dieu demande, l'aveu de nos péchés,
auquel se joint la détestation. un cœur contrit et hu-
milié. Avec cette disposition, nous pouvons lui dire :
Seigneur , pardonnez-nous j i s; et cet
Ml SE H EUE NOBIS 347
Agneau débonnaire, qui aime tant l'humilité, ne man-
quera pas d'accueillir notre prière. Mais si, en priant,
nous ne reconnaissons, ni ne détestons nos péchés,
comme un épais nuage, dit le Prophète, ils empêche-
ront que nos paroles parviennent jusqu'à Dieu, et
que les rayons de sa miséricorde arrivent jusqu'à
nous. — L'humilité, au contraire, donne à notre
prière la force de pénétrer les nues et de parvenir
au trône de Dieu : Or atio humiliant is se...
2° Le second sentiment qui doit nous animer en
priant, c'est une vive confiance. Une prière que n'ac-
compagne pas cette disposition ne peut plaire à Dieu :
c'est montrer que l'on doute autant de sa puissance
que de sa miséricorde. La vue de nos péchés serait
bien capable, il est vrai, d'exciter en nous quelque dé-
fiance; mais ne nous adressons- nous pas à ce divin
Agneau, qui est descendu sur la terre précisément pour
nous en décharger, en les prenant à son compte . Qui
tollis peccata mundi ; qui a daigné s offrir victime
pour le saint des pécheurs ; qui est venu apporter
la vie à ceux qui sont morts à la grâce et sauver ce
qui était péri ; qui ne veut point la mort du pécheur,
mais sa conversion et sa vieï S' étant immolé pour
nous, il veut notre salut, n'en doutons pas. Nous qui
n'avons pas sa bonté, pourrions-nous jamais nous ré-
soudre à jeter au fond de la mer un objet qui nous au-
rait coûté un très grand prix? Et le Fils de Dieu, notre
bon Sauveur, après avoir jugé que ce n'était pas trop
de donner sa vie pour nous rendre participants de son
royaume, en nous refusant le pardon, nous précipite-
rait dans les abîmes pour toute une éternité? Ah ! loin
de nous une telle défiance qui !e blesserait au cœur.
Du reste, outre les exemples nombreux de faveurs
en tout genre qu'il nous assure avoir été accordées à la
348 AGNUS DEI
foi vive qui les sollicitait, nous en avons une preuve
non moins frappante dans ce qui se passa sur le Cal-
vaire, au moment même où il mourut pour le salut de
tous. Là se trouvait un grand criminel, mais qui à
l'aveu de sa culpabilité, en reconnaissant qu'il n'a que
ce qu'il mérite, ajoute ce cri de confiance : Seigneur^
souvenez-vous de moi quand vous serez dans votre
royaume. Et tout aussitôt, il entend de la bouche
même de Jésus-Christ ces consolantes paroles : Au-
jourd'hui, vous serez avec moi enparadis. Un apôtre
a désespéré, et il est réprouvé ; un brigand prie avec
confiance, et il devient un prédestiné : c'est à lui que
sont appliqués les premiers fruits de la passion et de
la mort du Sauveur. C'est donc avec ce vif sentiment
de confiance qu'il faut lui demander de nous pardon-
ner, d'exaucer nos demandes, et en général par ces
derniers mots, ayez pitié de nous, de nous secourir
dans tous nos besoins présents et futurs, corporels et
spirituels, qu'il connaît mieux que nous. Et, c'est afin
que cette confiance soit mieux exprimée, que l'on ré-
pète cette prière jusqu'à trois fois, à l'exemple de tous
ces malades de l'Evangile, qui par la vivacité de leur
confiance méritèrent d'entendre ces délicieuses paroles :
Allez, votre foi vous a sauvés.
Pratique : Aimons à recourir fréquemment aux in-
vocations des Litanies du saint Nom de Jésus.
EXEMPLES
UN PRINCE MOURANT EN PLACE D'UN ESCLAVE
Un esclave, qui avait osé conspirer contre la vie
de son souverain, était condamné à mourir par le
supplice le plus infâme et le plus cruel que la bar-
barie puisse inventer. Le prince héritier du royaume,
touché de compassion, vient se jeter aux pieds de son
MISERERE NOMIS 349
père pour solliciter la grâce du coupable, et voyant
qu'il ne peut l'obtenir, il s'offre à endurer les tourments
auxquels ce malheureux est condamné, il va même
jusqu'à demander que celai-ci prenne sa place dans
le royaume : tout est accepté. Ce prince si dévoué, s'en
va donc gaiement au supplice, heureux de témoigner
à ce criminel combien il l'aime en mourant pour lui ;
et pour toute reconnaissance de cet immense bienfait,
il ne lui demande rien, rien absolument que d'en être
aimé. Que diriez-vous, si ce malheureux esclave, loin
d'être sensible au dévouement d'un prince si généreux,
se joignait même à ses bourreaux pour hâter sa mort
et augmenter encore ses tourments? Votre indignation
serait à son comble : vous le regarderiez, et avec rai-
son, comme le plus brutal et le plus barbare de tous
les hommes.
• Mais, ce jeune prince n'est-ce pas Jésus-Christ, Fils
du Dieu vivant et éternel, qui s'est dévoué à une
mort aussi cruelle qu'ignomineuse, pour nous délivrer
de la mort éternelle que nous devions subir? Ce mal-
heureux esclave, n'est-ce pas nous, qui si souvent nous
sommes rendus criminels de lèse-majesté divine, et
placés sous la dure tyrannie du démon ? Et qu'a souf-
fert Jésus-Christ ? Les outrages les plus sanglants, les
tourments les plus horribles, avant sa mort sur la
Croix, et cela de son plein gré, à notre place, pour
nous épargner des peines infinies. Et pour un sem-
blable dévouement, que nous demande-t-il ? S'il exi-
geait le sacrifice de tous nos biens, de nos plaisirs, de
notre gloire, de notre santé, de notre propre vie, se-
rait-ce trop ? Mais non ; il ne nous demande qu'une
seule chose, c'est que nous l'aimions et que nous lui
en donnions la preuve par l'observation fidèle de ses
commandements.
350 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
Si donc au lieu de l'aimer et de lui obéir, nous ail-
lions non-seulement l'offenser, mais encore nous join-
dre à ses bourreaux et renouveler les douleurs de sa
passion, ne serait-ce pas mériter le terrible anathème
de saint Paul : Si quelqu'un n'aime pas N.-S. J.-C.
qu'il soit anathème? Ah ! disons-lui plutôt, comme un
grand saint, à la vue du crucifix : Eh quoi ! Seigneur,
pourrai-je ne pas aimer tant d'amour?
CHAPITRE LI
CLOTURE DU MOIS DE MARIE
Les ombres de la nuit commençaient à s'abaisser
sur la plaine : toutes les cloches en volée venaient
d'annoncer la réunion dernière du saint mois. Dociles
à cette voix amie, le robuste agriculteur avait quitté
son sillon, et pressait la marche de ses bœufs fatigués :
la jeune fille plus alerte était déjà descendue de la
colline : le vieillard aux pas lents, avait devancé le
dernier signal, il n'aurait eu garde de manquer à cette
fête de famille, que peut-être il ne retrouverait plus à
l'autre printemps : l'ouvrière et l'artisan laissaient là
d'utiles travaux : la mère aussi, trop souvent retenue
au foyer par des soins domestiques, avait cette fois
confié au berceau son nouveau-né : les plus grands
l'ont précédée avec leurs petits compagnons. De toutes
les avenues qui aboutissent à l'église affluaient les flots
de fidèles : en un instant, l'assemblée fut au complet,
comme aux jours de grandes solennités. C'est qu'elle
touche à sa fin, la longue, mais trop courte Fête de
Marie : personne qui ne soit avide d'entendre encore
quelques bonnes paroles sur Celle dont la louange,
non plus que les boutés, ue s'épuise pas, de recueillir
CLOTURE DU MOIS DE MARIE 351
ses dernières faveurs, de lui faire une plus solennelle
protestation d'amour et de fidélité.
Des gerbes de lumière font resplendir le temple et
principalement son autel d'une clarté éblouissante, qui
laisse voir en même temps sur la figure de chacun la
joie dont le cœur est inondé, mais joie mêlée d'une
teinte de tristesse. Et pourquoi? Ah ! c'est qu'ils vont
finir ces jours qui ont causé de si douces émotions, et
procuré tant de biens. Chacun se dit : il semble que
c'était hier que nous faisions l'ouverture de ce beau
mois ; et nous voilà réunis pour le terminer ; faut-il
qu'il soit si tôt passé ! Le Fils qui, les yeux gros de
larmes et le cœur en proie à d'indicibles angoisses,
s'est arraché pour un pays lointain aux embrasse-
ments de sa vieille mère, que peut-être il ne doit ja-
mais revoir, peut seul comprendre la profonde déso-
lation qui noie l'àme du chrétien, lorsqu'il va se sépa-
rer de l'autel de Marie. Aussi, au milieu de cette
atmosphère embaumée des parfums de l'encens et des
fleurs ; j'entends des soupirs de toutes parts, je vois
couler des larmes : dans ce séjour de paix et de bon-
heur, il y a du deuil ; au fond de tous les cœurs, un
malaise, une vague inquiétude.
Ici, la pieuse mère qui, pendant ce mois béni, avait
souvent conjuré la douce Vierge de prendre ses enfants
sous sa protection , et qui pour la dernière fois est ve-
nue les conduire à son autel, jette sur eux un regard
où se peint l'anxiété. Qui, maintenant, se dit-elle,
protégera leurs jeunes années, et sauvera leur inno-
cence? Consolez- vous, mère chrétienne, ce que Marie
a pris sous sa garde est bien gardé .
Le vieillard, aux cheveux blancs, qui comptait être
près de sa fin, murmure à Marie, de ses lèvres trem-
blantes, ce doux reproche : J'aurais voulu, bonne
3-r2 CLOITRE DL' MOIS DE MaHIE
Mère, mourir en ce beau mois, et aller le finir au ciel
en votre compagnie : si je dois végéter encore quelque
temps en ce lieu d'exil, du moins ne m'abandonnez
pas : puissé-je me bercer dans cette confiance, et la
caducité de l'âge me deviendra plus tolérable.
Le pauvre est là aussi, exhalant ses soupirs et ses
craintes : 0 douce Consolatrice des «ffligàs / dit-il,
pendant ce mois vous avez suscité des âmes compa-
tissantes qui se sont inspirées de votre charité, et je
n'ai pas eu à souffrir les rigueurs de la faim. Leur
continuerez-vous vutre influence ?
Mais quel est cet homme que j'aperçois à la porte
du temple, et cet autre encore dans un coin retire, qui
n'osent, comme le publicain, se mêler à l'assemblée,
ni lever les yeux au ciel ? C'est un pécheur, pour qui
ces jours ont été le moment heureux de retour à Dieu
et de pardon : il goûte bien la douce paix d'une àme
purifiée, que depuis longtemps il ne connaissait plus ;
mais il redoute sa faiblesse si souvent ressentie, et
contre laquelle il n'aura plus les puissants secours
qu'il trouvait dans ces pieux Exercices, qui lui ont
valu son changement.
0 ma bonne Mère ! répète dans la foule un jeune
homme : depuis longtemps, j'étais le triste esclave
d'une passion honteuse ; dès le premier jour, j'entends
une voix qui disait que pour vous plaire et pour fruit
de ce saint mois, il fallait extirper de son cœur quel-
que vice ; cette voix me pénétra jusqu'au fond de l'âme:
nouvel Augustin, je me mis résolument à l'œuvre,
et par mes efforts constants, aidés de votre puissante
assistance, j'ai triomphé de ce penchant que vous avez
si en horreur. Mais loin de votre autel, ah ! que je
crains! je vais me retrouver en face de mes anciens
danger< : j'aurai de nouveaux combats a soutenir :
CLOTURE DU MOIS DE MARIE 353
veuillez m être toujours un rempart assuré, une Tour
de défense, une armure invincible.
Vierge fidèle ! soupire aussi la jeune fille, tout près
de l'autel : la ferveur de mes premières années com-
mençait à se refroidir ; quelques négligences dans votre
service avaient diminué le vif intérêt que vous me
portiez ; je courais rapidement à ma perte. Mais, à la
peinture de votre tendre et généreux amour pour
Dieu, j'ai senti le mien chaque jour se ranimer :
ah ? puisse-t-il ne plus se ralentir hors de votre sanc-
tuaire !
C'est ainsi que chacun, dans le secret de son âme,
exprimait à la bonne Mère ses joies, ses regrets et ses
craintes.
Il arrive pourtant, le moment si redouté de falloir
s'arracher à l'autel chéri. Toutes les voix entonnent le
chant du départ : (14)
La- foule s'est écoulée silencieuse, aussi lentement
qu'elle avait été prompte à s'assembler. Les cierges
qui brûlaient nombreux se sont éteints un à un : la
lampe du sanctuaire seule, de son pâle reflet, tempère
les ténèbres du saint lieu. Cependant, près de l'autel
de la Vierge, j'aperçois encore une ombre noire : c'est
un homme qui ne peut s'en séparer sitôt en cette grave
circonstance ; c'est le pasteur : tant de choses se pres-
sent dans son cœur ; il a besoin de les épancher dans
celui de la bonne Mère. L'action de grâces et la prière
encore arrivent d'elles-mêmes sur ses lèvres. 0 puis-
sant Secours des Chrétiens, dit-il à Marie, qwe de fa-
veurs vous avez répandues en ce mois béni sur mon
petit troupeau ! La piété s'est accrue dans les âmes
d'élite : les tièdes ont senti une sainte ferveur fondre
la glace de leur cœur : chez beaucoup l'indifférence
pour leur salut s'est changée en zèle et en courage :
PAPAPHRASE. — *II -X 21
354 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
quelques pécheurs, touchés du malheur et du danger
de leurs désordres, ont eu le bonheur d'en sortir.
Pourrai-je jamais reconnaître dignement de tels bien-
faits ? Toutes mes ouailles, néanmoins, n'ont pas re-
cueilli les faveurs attachées à ces saints jours. 0 bonne
Mère ! tant de vœux que nous avons déposés à vos
pieds seraient-ils entièrement inutiles, perdus sans
ressources ? Humblement prosterné devant le trône de
votre miséricorde inépuisable, je viens vous demander
pour dernière grâce que vous n'en suspendiez pas les
salutaires effusions.
Et la sainte Vierge de répondre : Non, non, mes
enfants, je n'oublierai jamais et les honneurs que vous
m'avez rendus avec tant de dévouement, et les témoi-
gnages d'amour filial que vous n'avez cessé de me
prodiguer pendant ce mois. Je n'oublierai, ni cette
pieuse mère, qui m'a confié les objets de sa tendresse,
ses enfants sont devenus les miens : ni ce vieillard,
chargé de bonnes œuvres et de mérites, bientôt je
viendrai recueillir son âme pour la présenter à mon
Fils ; ni ce pécheur, qui a pleuré ces égarements, je
sécherai ses larmes et le protégerai contre ses enne-
mis : ni ces jeunes gens, qui ont fui le monde pour
chercher un abri à l'ombre de mes autels, je les ca-
cherai sous mes ailes ; ni ce pauvre qui a puisé dans
mes exemples la patience et la résignation, je conti-
nuerai de l'assister ; ni ce riche, qui pour me plaire,
ouvre si largement sa main et son cœur à ses frères
malheureux, je recueillerai ses œuvres. Et toi, mon
apôtre, toi si zélé pour mon culte, compte surtout que
mon œil vigilant ne perdra jamais de vue aucun mem-
bre de mon troupeau, objet de ta vive sollicitude. Et
quand, au moment où tu y penseras le moins, quelque
pécheur viendra te réjouir en se jetant à tes pieds pour
C LOTIT KE DU MOIS DE MAHÏB .355
implorer sa réconciliation, tu pourras dire : C'est Ma-
rie qui me l'envoie ! Non, je n'oublierai jamais aucun
de mes enfants : est-ce qu'une mère peut oublier le
fruit de ses entrailles ? Parmi mes serviteurs, se trou-
vait un jeune homme, parvenu en peu d'années aux
plus sublimes vertus ; il ne pouvait contenir la ten-
dresse toute filiale que son cœur éprouvait pour moi ;
et quand on lui demandait pourquoi il m'aimait tant,
cet ange de la terre, regardant le ciel d'un œil où
s'épanouissait son amour, répétait cette parole : « La
Mère de Dieu est ma mère , comment ne l'aimerais-je
pas ? »
Oui, je suis la mère de tous les chrétiens ; et ce titre
cher à mon cœur m'oblige ; je ne puis faillir un seul
instant aux devoirs qu'il m'impose. Que tous mes en-
fants aussi, comme Stanislas, se souviennent que je
suis leur Mère. C'est à regret que je les verrai moins
assidus près de mon autel ; mais je les suivrai d'un
regard vigilant à travers le monde : ils ne livreront
pas un combat que je ne me pose entre eux et l' ennemi :
il ne se présentera pas un danger, pas un piège, pas
un écueil, que je ne les avertisse : ils ne feront pas une
seule démarche, que je ne les guide. Qu'ils m'appel-
lent sans cesse à leur secours, sans craindre de fati-
guer mon inépuisable affection : que toute l'année,
que toute leur vie soit un long mois d'hommages conti-
nuels ; car ce serait bien mal comprendre mon cœur
et leurs besoins, que de s'être bornés à me rendre
quelques honneurs passagers, pour m'oublier ensuite.
Mais s'ils pensent toujours à moi, toujours aussi j'au-
rai soin d'eux . — Telles sont les magnifiques promes-
ses que nous fait la Vierge à la fin de ce mois béni :
leur accomplissement est infaillible, si de notre côté
nous demeurons fidèles à l'honorer.
356 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
Ainsi, vous le voyez, pieux enfants de Marie, la per-
sévérance dans son service est maintenant le grand de-
voir qui pèse sur vous de presque tout le poids d'un
commandement. Oui, vous continuerez à l'aimer, à
l'honorer, à la prier.
1° Ses bienfaits vous y obligent : la reconnaissance
est le sentiment des grandes âmes : l'ingratitude, au
contraire, est un vice ignoble que le monde même ne
pardonne pas. lui qui est si indulgent pourtant d'au-
tres défauts. Non, vous ne voudrez pas vous en rendre
coupables envers la plus généreuse des bienfaitrices,
qui vient d'ajouter tant de faveurs nouvelles à celles
que vous aviez déjà reçues. Mais vous l'aimerez sans
interruption et sans partage, demain comme aujour-
d'hui, le mois prochain comme pendant celui où vous
venez de lui donner tant de preuves d'un sincère dé-
vouement .
2J Vous persévérerez, en vue de rendre votre salut
plus certain : il est à ce prix, croyez-le bien : Celui-
là seul sera smaé, nous assure Jésus-Christ, qui au-
ra persévéré jusqu'à la fia, dans la dévotion à Marie
conséquemment. comme dans toute autre pratique
chrétienne. Regarder en arrière, après avoir mis
la main à la charue, dit-il encore, <?£ serait mon-
trer qu'on est paspropre au royaume de Dieu. Mais
au contraire, Vierge sainte, pouvuns-nous dire avec
un de vos plus zélés serviteurs, saint Alphonse : « Si
je persévère à vous aimer, à vous servir, je suis assu-
ré de mon salut. Ce que je crains, ma sainte Mère, ce
11'— 1 pas que vous m'abandonniez la première, mais
que moi, malheureux et ingrat, je ne vienne peu à peu
à quitter votre servie:.
3° Vous persévérerez au moins, mieux serait encore
de croître dans l'aimable dévotion pour la >aini<'
CLOTURE DU MOIS OIÏ MARIE 357
Yierge, parce que vous devez, par des efforts géné-
reux et constants, l'élever promptement à son plus
haut degré pour le moment de la mort : et dans l'in-
certitude du temps qui vous en sépare, il n'y a pas
un seul instant à perdre. Plus vous vous serez exercés
à l'aimer sur la terre, et plus vous aurez alors de
droits à l'aimer éternellement au ciel. Chrétiens de
tous les âges, de tout sexe, de toute condition, venez
donc, venons tous ensemble lui en faire la solennelle
protestation .
CONSÉCRATION A MARIE.
Il va finir, ô tendre Mère, ce mois de grâces et de
bonheur ! Comme ils se sont vite écoulés, ces délicieux
moments que je venais chaque jour passer auprès de
votre autel, dans de si doux entretiens avec vous !
mais je veux en garder dans mon cœur le précieux
souvenir, et en conserver soigneusement les heureux
fruits. Avant de m'éloigner de votre trône, permettez,
ô sainte Vierge, que j'y dépose l'humble hommage de
ma reconnaissance et la promesse d'une inviolable
fidélité. Oui, que ma droite se dessèche, que j'expire
ici à vos pieds, si je devais jamais abandonner votre
service : il me cause trop de bonheur, il m'est devenu
trop nécessaire, pour que je veuille m'en priver. Nous
ne viendrons plus ensemble vous offrir ici nos fleurs,
nos chants et nos prières ; je ne pourrai plus y appa-
raître aussi souvent, mais mon cœur n'y sera pas
moins. A vous, ô tendre Mère ! à vous pour toujours,
ô Marie ! mes pensées, mes sentiments et mes plus
tendres affections : entre nous, c'est à la vie et à la
mort. Laissez-nous donc vous dire tous en chœur : Je
Val juré.. . (14)
Pratique : Un jour qu'on demandait au jeune Berk-
mans quelle était la pratique de dévotion la plus agréa-
358 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
ble à la sainte Vierge : « Quelle qu'elle soit, répondit-il,
fut-elle même peu importante, elle obtiendra ses fa-
veurs, si l'on y est constamment Adèle. »
EXEMPLES
HEUREUX EFFETS DE LA CONSECRATION A MARIE
Yn jeune homme, commis-voyageur, ne respirant
que les plaisirs du monde, vivait étranger à toute pra-
tique religieuse. La curiosité l'attire un jour dans un
sanctuaire de Marie, a la suite de pieux jeunes gens
qui venaient renouveler annuellement leur consécra-
tion à la sainte Vierge. Tous, à la Messe solennelle,
ont le bonheur de s'approcher de la table sainte, et le
soir ils se pressaient autour de l'autel de Marie, pour
lui renouveler la promesse de marcher toujours sous
sa bannière.
Notre jeune commis céda encore à la curiosité de se
retrouver à cette cérémonie ; mais il la regardait d'un
œil indifférent et presque moqueur. Quand tous eurent
fait leur acte de consécration, le Prêtre, pressé par un
beau mouvement de zèle, vient le prendre par la main,
et le conduisant à l'autel : « C'est maintenant à votre
tour, mon ami, lui dit-il ; on ne vient pas ici sans se
consacrer à la sainte Vierge. » Le jeune homme tout
interdit, se trouble, hésite... Mais le vénérable ecclé-
siastique, l'ayant fait tomber à genoux avec lui : « Bonne
Mère ! s'écrie-t-il. voici un enfant prodigue que je vous
amène, faites-lui sentir la puissance de votre miséri-
corde. » 0 prodige de la confiance ! le pécheur est tou-
ché, attendri, il sanglote et demande à se confesser. . .
Sa conversion, pour avoir été prompte, n'en fut pas
moins sincère et durable. Il sut après et toujours allier
l'accomplis- :iK-Mî des devoirs chrétiens avec ses courses
g affaires. Sa consécration a Marie avait été le
CHEMIN DE LA GR01X 339
principe de son retour à Dieu ; sa persévérance dans le
bien en fut le fruit .
Le protégé reconnaissant
Un jeune apprenti parisien, fils d'un pauvre ouvrier,
voyant sa mère triste et découragée par le manque total
d'ouvrage, lui dit un soir : Ma mère, ayez confiance,
prions ensemble la sainte Vierge de nous venir en aide.
La pauvre femme, qui déjà y pensait, suit l'avis de son
enfant ; et quelques jours après, l'ouvrage arrive en
abondance. Le mois de Marie touchait à sa fin. Ma
mère, dit le fils pieux, nous n'avons pas encore remer-
cié la bonne Vierge de nous avoir secourus ; il faudra
nous rendre à l'église, mais avant que son Mois ne soit
entièrement écoulé ; nous y entendrons la Messe ; puis
nous lui ferons un petit présent. Ils vont ensemble sur
le marché aux fleurs, y achètent deux jolis rosiers, et
viennent les déposer sur l'autel de la Vierge. Du jour
où l'ouvrage était revenu, le jeune homme s'était con-
tentédepain sec à déjeuner, et, par cette petite économie,
il avait amassée de quoi acheter deux rosiers, offrande
de sa reconnaissance.
CHAPITRE LU
EXERCICES POUR LE CHEMIN DE LA CROIX
Son origine ; — ses avantages ; — conditions pour
les obtenir
On pourrait appeler Chemin de la Croix, la carrière
de la vie présente, hérissée de ronces et d'épines plutôt
qu'émaillée de roses, plus remplie de peines, d'afflic-
tions, de souffrances que de satisfactions, de joies, de
bonheur, ce qui a mérité à notre monde le nom de Val-
lée de larmes. N'en soyons ni surpris, ni désolés. De-
360 CHEMIN DE I.A CROIX
puis que par le péché de notre premier père, la terre a
été maudite et le ciel fermé, la douleur nous est échue
en place de l'innocence perdue, et nous devient la se-
mence nécessaire de la gloire céleste .
Mais dans le sens littéral le Chemin de la Croix est
cette route pénible que le Sauveur du monde parcourut
chargé de l'instrument de son supplice, depuis le Pré-
toire de Pilate, où il fut flagellé, couronné d'épines et
condamné à mort, jusqu'au sommet du Calvaire, lieu
de son crucifiement. Ce chemin royal a été marqué par
12 stations, auxquelles on a ajouté la Descente de la
Croix et le transport au Saint-Sépulcre.
La coutume de visiter ces stations remonte à la plus
haute antiquité. La très sainte Vierge, les Apôtres et
les Disciples de J.-C. firent souvent ce saint exercice
afin de se représenter plus vivement, dans les endroits
mêmes, les mystères qui s'y étaient accomplis. Nul
doute que ces exemples n'aient amené les premiers
fidèles à venir aussi méditer et s'attendrir sur les traces
encore sanglantes de leur Sauveur.
A mesure que le bienfait de la religion du Christ se
répandit sur le monde, de nombreux pèlerins accou-
raient des pays même les plus éloignés satisfaire leur
dévotion sur ces lieux chéris, quoique alors la foi n'o-
sât se produire qu'au péril de la vie . Mais quand la
liberté eut été rendue à l'Eglise, on vit affluer sur le
théâtre de notre rédemption tout ce que la chrétienté
renfermait de plus illustre en puissance, en noblesse,
en génie: les Majestés même de L'Empire ne rougirent
pas de venir s'humilier et gémir devant le tombeau du
Crucifié. Pour encourager cet élan de foi vive, les sou-
verains Pontifes enrichirent ce pieux pèlerinage de
nombreuses indulgences, dont une au moins était plé-
nière.
CHEMIN DE LA CROIX 361
Mais arriva une époque, où, le farouche Musulman
s étant emparé des Saints-Lieux, l'accès n'en fut plus
aussi facile. Alors on vit l'Occident se former en Croi-
sades (croix rouges) qui, au cri de Dieu le veut, vinrent
délivrer la Terre-Sainte de son odieuse oppression, et
rendre libre le tombeau de Celui qui avait apporté la
liberté au monde. A cette époque, durant près d'un
siècle, toutes les routes de Jérusalem, et sur terre et
sur mer, étaient couvertes de pèlerins, avides de payer
au Sauveur, à l'endroit même de ses souffrances et de
sa mort, leur tribut d'amour et de reconnaissance.
Mais bientôt les Saints-Lieux étant retombés au pou-
voir des Sarrazins, la visite en redevint extrêmement
difficile. Pour se dédommager de cette privation, de
pieux fidèles imaginèrent de reproduire les stations
du Calvaire par des représentations figuratives. In-
sensiblement, cette Dévotion se propagea et s'établit
dans les églises, surtout lorsque les Papes Clément
XII et Benoit XIV eurent accordé à ceux qui parcou-
raient ces stations toutes les indulgences plénières et
partielles dont jouissaient les pèlerins qui visitaient
les Saints-Lieux eux-mêmes.
Telle est l'origine du Chemin de la Croix, ainsi
qu'il existe et qu'il se fait maintenant dans presque
toutes les églises du monde catholique.
Cette Dévotion semble avoir été réservée à notre
siècle pour ranimer les sentiments de foi, de piété
qu'elle est si propre à produire dans le cœur, par la
méditation des différentes scènes du Calvaire. Chaque
fidèle a donc actuellement près de son foyer, et comme
sous la main, les avantages précieux qu'autrefois il
fallait aller chercher avec peine dans un pays éloigné.
Sachons mettre à profit une Dévotion si féconde en
résultats éminemmenl salutaires. Venons souvent pui-
M62 CHEMIN DE LA CHOIX
ser dans cet immense trésor, pour toutes nos dettes,
pour toutes nos nécessités, pour celles de nos frères
vivants et défunts . Ne mourons pas de détresse auprès
des sources de la vie.
C'est pour favoriser la piété des fidèles dans cet
Exercice, et les aider à en recueillir les riches faveurs,
que nous leur présentons plusieurs Formules de con-
sidèrations et affections découlant comme d'elles-
mêmes de diverses circonstances de la Passion, mais
qui ne sont pas toujours facilement saisies par les per-
sonnes ordinaires. Parmi les dispositions et les sen-
timents qui doivent être habituels dans le cœur du
vrai chrétien, nous avons choisi ceux que les diffé-
rentes scènes du Calvaire sont plus propres à exciter ;
et nous en faisons le sujet d'un Exercice spécial. Les
considérations sur la passion et la mort de notre bon
Sauveur, étant ainsi concentrées sur un seul point,
ne peuvent que produire un effet plus assuré : vis
unit" forttor. Ainsi chaque Exercice, surtout en
présence du tableau qui parlera aux yeux, deviendra
en même temps pour le plus simple fidèle un Livre où
il pourra lire ce qu'il lui importe le plus de savoir, et
acquérir cette science, la seule que saint Paul ambi-
tionnât, comme pouvant remplacer toutes les autres.
C'est au pied de la Croix, que tant de saints et de
grands génies ont puisé la science du salut. On cite
entre autres saint Bonaventure. Du temps qu'il ensei-
gnait la théologie à Paris avec un grand succès, et
qu'il s'attirait l'estime et l'admiration universelles par
ses savants ouvrages, saint Thomas d'Aquiu, étant
venu le voir, lui demanda dans quels livres il puisait
tant de science. Alor< saint Bonaventure le conduisit
dans sa chambre d'études, et lui montra quelques
livres qui étaient sur sa table. Mais, connue le savant
CHEMIN DK LA CROIX 1303
visiteur ne pouvait croire que ces livres très ordinaires
lui communiquassent des connaissances aussi merveil-
leuses, le Saint le fit entrer dans un petit oratoire où
il n'y avait qu'un crucifix : « Voilà, mon Père, lui
dit-il, le livre principal d'où je tire tout ce que j'écris,
tout ce que j'enseigne. » — Combien d'hommes qui,
après avoir longtemps étudié, savent peu de chose ;
tandis que le simple fidèle, attentif à recueillir les
sublimes et utiles leçons que donne la Croix, acquiert
la science, sinon la plus vaste, du moins la plus utile,
la science de devenir saint.
Mais le Chemin de la Croix renferme encore un
autre avantage singulièrement précieux, c'est le gain des
Indulgences qui y sont attachées tant pour celui qui
le fait que pour les défunts à qui elles sont applica-
bles. Par cette Dévotion facile, on peut donc payer
à la justice divine toutes les dettes dont on lui est
redevable, et en même temps par le soulagement où
l'entière délivrance que l'on procure aux défunts, s'ac-
quitter soi-même de ce que la justice, la reconnais-
sance, la charité imposent envers eux.
Il nous faut indiquer maintenant les conditions à
remplir pour participer au bienfait des Indulgences
dont sont enrichies les Stations du Chemin de la Croix.
1° Il n'est pas nécessaire, comme pour les autres
indulgences, qu'on ait communié ce jour-là ; mais il
faut être en état de grâce. Néanmoins, quand on ne
jouirait pas de ce bonheur, le Chemin de la Croix ne
peut- être que très salutaire par la méditation des souf-
frances et de la mort de notre charitable Sauveur.
2° 11 faut parcourir les 14 Stations tout d'un trait :
ne serait permise qu'une interruption légère, qui ne
détruirait pas l'unité morale de Y Exercice (S. Congr.
14 décem. 1857).
'A*'û CHEMIN DE LA CROIX
3° L'essentiel est de méditer quelques moments,
selon sa capacité, sur la passion de Jésus-Christ, et
mieux sur la scène représentée par chaque Station :
on peut s'aider des formules qui se trouvent dans les
livres .
i II n'est pas rigoureusement nécessaire de réciter
à chaque Station le Pater, YAve, et autres petites
prières d'usage. Adoremus te... Mais cette pratique
est très convenable, et aide singulièrement, surtout
les gens simples, à bien faire le Chemin de la Croix.
Nous en disons autant des G Pater, Ave et Gloria. . .
à la mi.
5° Quelque rapprochés que soient les tableaux, on
doit changer de place, pour aller d'une Station se
mettre à genoux à la suivante. Ce mouvement, néan-
moins, n'est pas de rigueur lorsqu'une infirmité, le
grand nombre des assistants ou quelque autre raison
s'y opposent. Il suffit de faire un léger mouvement à
sa place, et de se tourner successivement vers chaque
Station, s' unissant d'intention à celui qui préside.
6 A défaut d'images, ou dans l'impuissance d'aller
là où le Chemin de la Croix est canoniquement érigé,
on peut y suppléer avec un Crucifuc bénit à cette fin.
et portant en relief l'image du Christ. On le tient dans
ses ma 3, A L'on récite quatorze Pater et Ave\ en-
suite cinq autres Pater et Ace. avec autant de Gloria
Pnt ri: enfin un Pater, Ave et Gloria Patri pour le
Souverain Pontife.
Tj Le Chemin de la Croix étant enrichi de nom-
breuses Indulgences, s'oit plénières , soit partielles
chacun peut, en remplissant ce pieux exercice, dans
l'heureux étal de grâce, s'approprier celles qu'il désire
pour Lui-même, el appliquer les autres à telle ou telle
une défunte.
Cil KM IN DE LA CHOIX 363
PRATIQUES
Commencer (si Ton veut) par :
0 Crux, ave, spes unica,
Ynindi sains et gloria,
Auge piis justitiam,
Reisque dona veniam.
et une des Prières avant chaque Exercice ci-après. Arrivé
devant le tableau, faire une inclination profonde et dire :
v. Nous vous adorons et nous v. Adoramus te, Chrisle, et
vous bénissons , Seigneur : benedicinms tibi : y. Quia per
r\ Parce que vous avez ra- sanctam Crucem tuam rede-
cheté le monde par votre .sainte misti mundum.
Croix.
Après V Exhortation :
Notre Père. . . Je vous salue. . . Pater noster. . . Ave Maria . . .
Gloire soit au Père... Gloria Patri...
t. Ayez pitié de nous, Sei- v. Miserere nostri, Domine;
gneur; r. Ayez pitié de nous. r. Miserere nostri.
t. Que par ia miséricorde t. Fidelium animae per mi-
de Dieu, les âmes des fidèles sericordiam Dei requiescant in
trépassés reposent en paix. pace. r. Amen.
r. Ainsi soit-il. t. Sancta Mater, islud agas,
Faites, ô Mère toute sainte, Crucifixi flge plagas, Cordi
que les plaies de Jésus cruci- meo valide,
lié restent profondément gra-
vées dans mon cœur.
Et, si Von veut, un des couplets suivant sur Vair :
VOUS QUI VOYEZ COULER MES LARMES
En allant à la lre. Seigneur, malgré votre innocence :
C'est moi, cruel, qui vous livre au trépas.
Se peut-il que votre vengeance
De ses traits {bis) ne m'accable pas!
A la 2°. Helas! sous cette Croix pesante,
Divin Agneau, vous portez nos péchés;
C'est sur votre chair innocente
Que l'amour (bis) les tient attachés.
A la 31'. O ciel ! le Dieu de la nature
Tombe affaibli sous son cruel fardeau;
Et sa perfide créature,
Sans pitié [bis) devient son bourreau.
3(36 CHEMIN DE LA CROIX
À la 4e. Où allez-vous, divine More ?
Où allez-vous, Marie ? Ah ! je frémis :
Bientôt sur ce triste Calvaire,
Va mourir (bis) votre cher Fils.
A la 5e. Puisque c'est moi qui suis coupable,
Retirez-vous, faible Cyrénéen.
Je veux seul, ô Croix adorable !
Vous porter (bis), mais en vrai Chrétien.
A la 6e. Seigneur, hélas! qu'est devenue
Votre beauté qui réjouit les Saints?
Faibles mortels, à cette vue
Serez-vous (bis) endurcis et vains ?
A la 7e. Sous les coups des bourreaux perfides,
Jésus-Christ tombe une seconde fois :
Et ces infâmes déicides
Le voudraient (bis) déjà sur la Croix.
A la 8\ Ne pleurez point sur mes souffrances;
Pleurez sur vous, ô filles d'Israël 1
Afin que le Dieu des vengeances
Ait pour vous (bis) un cœur paternel.
A la 9e. Seigneur, vous tombez de faiblesse:
N'êtes-vous plus le Dieu puissant et fort?
C'est le péché qui vous oppresse,
Et conduit (bis\ vos pas a la mort.
A la 10e. Venez et déployez vos ailes,
Anges du ciel, sur votre Créateur,
Voyez ses blessures cruelles
Et ce corps (bis) percé de douleur.
A la 11e. Que faites-vous, pleuple barbare ?
Vous allez donc consommer vos forfaits î
Ce bois est le lit qu'on prépare
A Jésus (bis) pour tant de bienfaits.
A la 12e. Le soleil, a ce crime horrible,
Voile l'éclat de son front radieux,
Et la créature insensible
Ne peut voir (bis) ce spectacle affreux.
A la 13'. Le voilà donc, Hère affligée,
Ce tendre Fils, meurtri, sacrifié :
Notre Victime est immolée,
Votre Amour (bis) e&t crucifié.
CHEMIN DE LA CHOIX 367
A la l'r. Près de cette tombe chérie,
Je veux mourir de douleur et d'amour,
Pour y puiser une autre vie,
Et voler [bis] au divin séjour.
En retournant à V autel :
Seigneur, dans mon âme attendrie,
Gravez les maux qu'on vous a fait souffrir,
Et vous, ô divine Marie!
Hâtez-vous (bis) de nous secourir.
Quand on fait le Chemin de la Croix en particulier, il est
mieux de suivre cette même méthode, excepté 0 Crux, ave..,
Sancta Maria... et le Cantique. Mais à la rigueur, il suffit,
après une Prière préparatoire devant l'autel, de s'exciter à
quelques affections pieuses devant chaque tableau, et d'y dire
au moins un Pater et un Ave.
PREMIER CHEMIN DE LA CROIX
ORAISON PRÉPARATOIRE
Aimable Sauveur, infiniment bon, prosternés à vos
pieds, et le cœur repentant, nous reconnaissons devant
votre divine Majesté que nous sommes pécheurs. C'est
pour les expier que nous venons nous joindre à vous
dans ce pénible voyage que vous avez fait du Prétoire
de Pilate au Calvaire, chargé de votre croix.
C'est de vous, 'Seigneur, que nous attendons le mérite
de ce saint exercice et surtout celui des indulgences
qui y sont attachées tant pour nous que pour les âmes
du purgatoire.
lre STATION
JÉSUS EST CONDAMNÉ A MORT
Jésus avait été trahi par son perfide apôtre, le traître
Judas, les Juifs s'étaient emparé de sa personne ado-
rable et l'avaient amené devant Pilate comme un cri-
minel. Malgré la déposition des faux témoins qu'ils
36S CHEMIN" DE LA CROIX
avaient gagnés, ce juge le reconnut innocent. Mais la
crainte des Juifs et le désir de conserver l'amitié de
César font tomber de ses lèvres une sentence de mort
contre cette innocente victime. Grand Dieu, quelle in-
justice dans cette condamnation! Quelle lâcheté dans
ce juge ! A cette vue qui de nous ne se sent saisi d'in-
dignation. Mais prenons garde, pécheurs, car ce sont
nos iniquités qui ont provoqué cette injuste sentence.
0 bon Jésus ! pardonnez-les-nous, oui faites grâce aux
repentirs.
2e STATION
JÉSUS EST CHARGÉ DE SA CROIX
Que les méchants sont prompts à faire le mal ! A
peine Pilate a-t-il prononcé l'arrêt de mort contre
Jésus, que de suite les bourreaux s'emparent de sa
personne et le chargent de sa croix, instrument de son
supplice. Non seulement Jésus l'accepte cette croix,
mais il l'embrasse avec joie, tant il a hâte d'expier sur
elle les péchés du monde .
C'est ainsi, o mon divin Sauveur, que vous avez
voulu apprendre aux pécheurs à porter aussi la leur.
Et quelle est donc la croix d'un pécheur qui veut ex-
pier ses fautes? C'est la peine de les rechercher, le re-
gret de les avoir commises, la honte de les accuser, les
efforts pour s'en corriger. Ah! que comme vous, ô mon
Jésus, nous acceptions cette croix, et elle deviendra
l'instrument de notre pardon et de notre réconciliation
avec Dotre Dieu.
STATION
JESUS TOMBE UNE lre FOI- SOUS SA CROIX
Jésus chargé du lourd fardeau de sa crob
sur la route du Calvaire. Les coups de fouets
qui oui mis en lambeaux sa chair sacrée, les épiuesqui
CHEMIN DE LA CROIX 369
ont percé son chef adorable, Font tellement affaibli que
bientôt il succombe sous le poids qui l'accable. Ici, re-
cueillons-nous un instant. Jésus épuisé tombe, mais il
tombe sous le fardeau de sa croix. Et vous, jeunes gens,
combien de fois résistant aux grâces de Dieu, aux
bonnes remontrances d'un père , aux sages con-
seils d'un confesseur, n'êtes-vous pas tombés aussi
dans la voie du crime. Eh bien ! cette lre chute de Jé-
sus est pour expier ces fautes de votre jeunesse . Avec
lui pleurez-les donc et priez-le de vous fortifier dans
le chemin de l'honneur, de la vertu et du ciel.
4e STATION
JÉSUS RENCONTRE SA MERE
Dans jle chemin du Calvaire, il fallait que rien ne
manquât aux souffrances de l'Homme-Dieu. Après
s'être relevé au milieu d'une foule immense qui l'acca-
blait d'injures et de mauvais traitements, Jésus s'a-
vançait lentement vers le Golgotha. Tout à coup il
rencontre sa tendre Mère, ô Dieu ! Quelle rencontre !
C'est à peine, dit saint Anselme, s'il eut la force de lui
dire : Salve, Mater : Adieu, ma Mère. Quant à Marie,
elle ne put prononcer une seule parole, tant son cœur
était en proie à toutes les angoisses.
Ce qui se passa alors dans le cœur du Fils et celui
de la Mère nulle bouche ne saurait l'exprimer. Vous
seules, ô mères chrétiennes, qui avez été témoins des
souffrances et de la mort de votre bien-aimé fils, de
votre fille chérie, pourriez nous dire les pénibles émo-
tions de cette scène déchirante.
O Marie ! c'est ici que vous commencez à mériter le
titre de Mère de douleur. Désormais vous ne quitterez
plus Jésus, vous parcourerez avec lui la voie du Cal-
vaire, avec lui vous expierez nos péchés. Voilà pour-
quoi vous serez appelée le refuge des pécheurs.
370 CHEMIN DE LA CHOIX
5e STATION
SIMON LE CYRÉNÉEN AIDE JÉSUS A PORTER SA CROIX
Divin Sauveur, il faut donc que toutes les amertumes,
vous soient réservées. On vous éloigne de votre mère,
vos disciples vous abandonnent, aucun d'eux ne se
présente pour vous soulager, c'est un étranger qui
aura l'insigne honneur de porter votre croix et de
monter avec vous au Calvaire. Encore faudra-t-il l'y
contraindre, parce qu'il ne comprend pas la grâce que
vous lui faites. Oh ! nous tous, qui comme le Cyrénéen
refusons de porter les croix que Dieu nous envoie,
écoutons la kçonque Jésus nous fait. Quiconque, nous
dit-il, veut venir avec moi et après moi, qu'il prenne
sa croix et me suive, elle est le chemin du ciel.
6* STATION
UNE FEMME PIEUSE ESSUIE LA FACE DE JESUS
Aidé du Cyrénéen Jésus avait repris courage, et
continuait sa route. Mais dans quel état se trouvait le
le plus beau des enfants des hommes. La tradition nous
le représente les vêtements en lambeaux, le corps
meurtri, le visage couvert de sueur, d'ordures et de
sang. Touchée de ce triste état, une femme courageuse
nommée Véronique se précipite à travers la foule des
soldats et des bourreaux et essuie la face adorable de
Jésus. Et pour récompense de cette action héroïque,
cette face reste empreinte sur le linge dont elle s'était
servi.
Oh ! comme la conduite de cette femme condamne ces
timides personnes, qui n'osent se montrer disciples de
l'Homme-Dieu. Pour nous, imitons-la, aimons Jésus,
servons-le à la face du monde entier sans rougir de lui,
el à notre dernière heure, il nous reconnaîtra pour
CHEMIN DE LA CROIX 371
ses enfants, et il nous donnera une part à son héritage
céleste.
7e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LA 2me FOIS SOUS SA CROIX
Plus l'aimable Jésus avance vers le Calvaire, plus
ses forces l'abandonnent à cause du sang qui s'échap-
pait de ses plaies. Aussi tombe-t-il une deuxième fois la
face contre terre. Dans sa première chute il a voulu ex-
pier les fautes de notre jeunesse, dans cette seconde il
expie celles de l'âge mûr. Hélas ! tout le temps que nous
serons sur la terre, nous aurons bien des chutes à dé-
plorer. Une triple concupiscence nous assiège; l'ange
de ténèbres travaille à notre perte avec mille fois plus
d'ardeur que nous ne travaillons à notre salut; le
monde, avec ses scandales, cherche à nous entraîner
dans ses plaisirs ; tout en nous conspire contre notre
innocence. Si donc malgré tous nos efforts il nous ar-
rive de tomber, gardons-nous de dire comme Caïn :
mon iniquité est trop grande pour que je puisse en ob-
tenir le pardon . Mais avec le prophète David souve-
nons-nous que le Dieu d'Israël a dans ses trésors de
grandes miséricordes pour les grands pécheurs.
8- STATION
JÉSUS CONSOLE LES FILLES DE JÉRUSALEM
En gravissant le Calvaire, Jésus aperçoit les pieuses
femmes qui avaient eu soin de lui et qui se lamentaient
sur l'état déplorable où il était réduit. Alors oubliant
ses souffrances, il se tourne vers elles et leur dit : filles
de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez
plutôt sur vous et sur vos proches . Femmes chrétien-
ne, Jésus vous dit la même chose : ne pleurez pas sur
moi. Et pourquoi ? Ah ! c'est qu'il existe un mal plus
grand. Ce mal est le péché si commun de nos jours.
ôTi CHEMIN DE LA CHOIX
La prière est méconnue, partout le dimanche est pro-
fané, les églises sont désertes, les sacrements aban-
donnés, les crimes les plus inouies jusqu'à présent
couvrent la terre et crient vengeance. Pleurez-les
donc amèrement, faites-les cesser, et Dieu fera des-
cendre du ciel la miséricorde.
9e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LA 3e FOIS SOUS LA CROIX
Le divin Sauveur allait atteindre le sommet du Cal-
vaire où il va être crucifié. Tout à coup se présente
à son esprit attristé l'endurcissement de ces vieillards,
qui depuis longues années et avec une opiniâtreté ef-
frayante résistent aux douces invitations de la grâce
et qui par là finiront par rendre inutile le prix de ses
souffrances et de sa mort.
A cette vue, son esprit se trouble, une défaillance
semblable à celle du jardin des Oliviers s'empare de lui,
et il tombe une 3e fois baigné dans son sang. Mais à
peine est-il renversé, que ses bourreaux se précipitent
sur lui et l'accablent de coups jusqu'à ce qu'il se
relève et achève sa route.
Vieillards, s'il vous est arrivé de tomber aussi, rele-
vez-vous également par les larmes de la pénitence,
fortifiez-vous par la sainte communioD et comme Jésus
vous parviendrez après votre mort au bonheur éternel.
10e STATION
JÉSUS EST DÉPOUILLÉ DE SES VETEMENTS
De chutes en chutes, Jésus est enfin arrivé au lieu
de son supplice ; aus-itôt les bourreaux s'empressent de
tout préparer pour l'attacher à la croix. Ils brisent ses
chaîne-, lui arracherrl - liés sur ses os,
et renouvellent ainsi les plaies delà flagellation. Et
CHEMIN DE LA CROIX 373
pourquoi donc oter à. Jésus ses habits et l'exposer dans
ce honteux état aux regards de la multitude ? Ah ! c'est
que Jésus voulait expier ces pensées, ces désirs déré-
glés que notre esprit entretient avec plaisir, ces liber-
tés criminelles que l'on accorde à ses yeux, à ses mains,
à son malheureux corps et qui sont de mode aujour-
d'hui.
0 mon divin Sauveur ! puisque ces impuretés vous
ont causé tant de douleurs et de honte, serons-nous
encore assez peu réservés pour en commettre de nou-
velles ? Non, à vos pieds nous en prenons la résolution.
Désormais donc nous respecterons notre corps et celui
de nos semblables .
11e STATION
JÉSUS EST ATTACHÉ A LA CROIX
Voyez-vous le Fils de Dieu étendu sur son lit de
douleur, la croix ? Entendez-vous les coups de mar-
teau qui fixent ses mains et ses pieds à l'infâme gibet ?
Apercevez-vous le sang innocent qui coule de toute
part ? Voyez- vous cette croix qui se dresse entre le
ciel et la terre pour les réconcilier ? 0 mon Dieu, les
paroles me manquent pour exprimer votre douleur,
aussi je me tais, je me prosterne et j'adore.
12* STATION
JÉSUS MEURT SUR LA CROIX
Que vois-je? un Dieu attaché à la croix! Qu'entends-
je ? La voix du divin crucifié remettant son âme entre
les mains de son Père, demandant pardon pour ses
bourreaux, et rendant le dernier soupir ! Chrétiens,
Jésus est mort. Et pourquoi est-il mort ? Pour vous
et pour moi . Qui l'a fait mourir ? Nos péchés, la justice
de son Père, son amour pour nous. Ah ! que le péché
l\~\ CHEMIN DE LA CROIS
est donc quelque chose d'affreux î Que la justice de Dieu
est rigoureuse ! Que l'amour de Jésus est grand et géné-
reux ! Aimons-le donc à notre tour ce bon Jésus. Te-
nons-nous au pied de sa croix, baisons ses plaies,
recueillons le sang qui en découle . Puisse-t-il purifier
notre àme et la rendre digne du ciel.
13e STATION
JÉSUS EST DESCENDU DE LA CROIX
Qui ne serait touché de compassion à la vue de
Marie recevant dans ses bras le corps inanimé de son
divin Fils ? Quelle douleur pour une mère à l'aspect de
de ce visage pâle, sanglant et défiguré, de ses yeux
éteints, de cette bouche fermée, de ce côté ouvert, de
ces mains et de ces pieds percées. C'est donc bien
maintenant que l'on peut dire que le cœur de Marie a
été percé de sept glaives de douleur. Cependant Marie
se receuille un instant, puis elle répète avec le saint
homme Job les paroles de la soumission : le Seigneur
me l'avait donné, le Seigneur me l'a ôté, que son saint
nom soit béni.
Admirable exemple de patience et de résignation !
Imitez-le. parents chrétiens, lorsque la mort impi-
toyable vient ravir à votre affection un de vos enfants
chéris, et vous aussi, époux et épouses, quand cette
même mort vient vous séparer l'un de l'autre.
14e STATION
JÉSUS EST DÉPOSÉ DANS LE SÉPULCRE
Que L'on est bien au St Sépulcre. Dans le monde tout
esl danger : son commerce, ses maximes, ses exemples,
l'air qu'on y respire, tout est contagieux pour l'âme.
Difficilement en le fréquentant on se préserve de toute
corruption.
CHEMIN DE LA CROIX 375
Ici, près du tombeau du Sauveur, on est ce que saint
Paul veut que l'on soit On est chrétien, mort au
monde, uni à Jésus-Christ et à Dieu, son Père. Ici on
est à l'abri de tout danger pour l'àme : le vent dessé-
chant des passions ne se fait pas sentir.
Ici on voit la futilité, le néant des plaisirs, des hon-
neurs, des richesses. Venons donc souvent méditer ces
vérités auprès du tombeau de Jésus, venons-y enseve-
lir nos iniquités, nos convoitises, afin que mourant à
toutes ces choses d'ici-bas nous méritions une fin
heureuse et que nous ayons le bonheur de contempler
Jésus-Christ dans les splendeurs de sa gloire.
SECOND EXERCICE
Pour demander la conversion des péchemrs et les
exciter à la confiance.
0 Verbe divin ! quel ne fut pas votre amour, d'avoir
quitté le sein de la gloire et revêtu notre nature mor -
telle, pour venir racheter et sauver tous les hommes !
C'est dans ce dessein que vous avez subi les humilia-
tions les plus accablantes, les plus affreux tourments,
la mort enfin sur l'infâme gibet de la Croix. Combien,
néanmoins, qui ne veulent pas de ce salut que vous
êtes venu leur apporter, qui, après s'être éloignés de
vous par le péché, y croupissent avec la plus glaciale
indifférence ! Ah ! daignez éclairer leur esprit, toucher
leur cœur, les amener au repentir, afin qu'ils soient
dignes du pardon ? C'est la grâce que je viens vous
demander, au nom du sang répandu pour le salut de
tous.
376 CHEMIN DE LA CROIX
1- STATION
COSDAM N ATION .
Vous êtes venu, ô Jésus : non pour la condamnation
d'enfants coupables, mais pour les y soustraire en
vous laissant condamner à leur place. Oh ! qu'une si
grande miséricorde et la multitude de vos souffrances
ne soient point perdues pour tant de pécheurs assis
dans les ombres de la mort ; qu'ils se convertissent
et qu'ils rivent ! Eternellement réprouvés, ils souffri-
raient pour satisfaire à votre j ustice, mais en maudissant
vos rigueurs, en blasphémant votre saint Nom. N'ai-
merez-vous pas mieux qu'ils chantent déjà sur la terre
votre infinie miséricorde, et qu'ils vous louent au ciel
dans l'éternité ?
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX.
Cette Croix sur laquelle l'amour va vous immoler, ô
Jésus ! avec quel généreux dévouement vous l'avez
chargée ! c'est qu'elle était l'instrument de la réconci-
liation des hommes avec votre Père céleste. Puisse-t-
elle opérer cet effet salutaire sur ces cœurs endurcis
que votre grâce n'a pu toucher jusque-là ! Ne vous
rebutez pas de leur résistance et de leur délai. N'êtes-
vous pas le Dieu aussi patient que fort? Mais prends
bien garde, pécheur, d'en abuser ! prête l'oreille à
cette effrayante menace du Seigneur : Je t'ai appelé
et tu as été sourd à ma voix; je t'ai cherché et lu
m'as fui : un jour tu m'appelleras, et je ne Vécou-
pas, tu me cher i tu ne n
point; je me rirai de toi. et tu mourras dans ton
péché. Ah ! pendant qu'il en est temps, épargne-toi un
aussi malheureux sort.
CHEMIN DE LA CHOIX 377
3e STATION
lre CHUTE.
Cest pour appeler non pas les justes, mais les pé-
cheurs à la pénitence que vous êtes verni, ô chari-
table Sauveur ! Tant de fois, vous vous êtes fatigué à
courir par les monts et les vallées après la brebis égarée,
laissant là les autres restées fidèles. Vous sembliez
mettre votre gloire à rechercher les plus grands cou-
pables. L'excès de leurs désordres, loin de vous rebu-
ter, ne faisait qu'enflammer votre zèle et accroître vo-
tre amour pour le salut. Lévi, Madeleine, la femme
adultère, l'enfant prodigue, le larron, Saul Font heu-
reusement éprouvé. Ah! daignez , Seigneur, accorder la
même faveur à tant d'autres tombés aussi; oui, qu'à
votre exemple, ils se relèvent pour marcher d'un pas
ferme dans les sentiers de la justice !
4e STATION
RECONTRE DE MARIE.
Qui pourra jamais comprendre, ô Marie ! l'immen-
sité de vos douleurs, quand, accourue vers votre cher
Fils, vous le vîtes garroté, tout meurtri, entre les
mains d'une soldatesque à l'œil féroce, qui le traînait
au supplice des scélérats ? Mais elle doit être bien au-
trement vive, votre affliction, à la vue de tant de pé-
cheurs si chèrement rachetés, et qui s'obstinent à se
perdre ! Ils sont vos enfants, et d'autant plus dignes
de votre tendresse, que leur malheur est plus grand
et leurs iniquités plus abominables. Vous qui êtes si
pure, ne voudrez-vous pas les voir disparues au plus
tôt ? Bonne Mère, vous aiderez leur désir naissant ,
vous les toucherez de repentir et les conduirez à votre
Jésus, pour conclure avec lui le traité de leur récon-
ciliation.
PARAPHRASE. — T. H. 22
378 CHEMIN DE LA CHOIX
5e STATION
LE CYRÉNÉEN.
Vous fûtes faible, Seigneur, sur la voie du Cal-
vaire, et vous avez éprouvé l'appui d'une main mor-
telle. Maintenant que dans la gloire vous êtes le
puissant Maître des cœurs , comme autrefois vous
terrassâtes Paul sur le chemin de Damas, brisez aussi
la dureté de ces pécheurs qui ne sentent pas même
l'excès de leur misère, et qui n'ont que nous pour im-
plorer du secours. Sur la terre déjà, vous étiez si
prompt à exaucer les vœux que la charité et la foi
portaient à vos pieds pour toute espèce de besoins :
n'auriez-vous plus au ciel cette même bonté ?
6* STATION
VÉRONIQUE.
Les pécheurs pour lesquels je vous implore, ô Jésus î
ont par leur crime défiguré en eux et souillé votre
image : tel est un des effets du péché, de rendre hi-
deuse'et dégoûtante l'âme qui en est tachée : on recu-
lerait d'effroi, si elle "apparaissait dans toute sa laideur.
Les larmes du repentir, jointes à votre sang, peuvent
seules lui rendre son lustre. David en détrempait son
pain, en arrosait sa couche. Saint Pierre en répandit
de bien amères ; elles leur obtinrent le pardon . O cha-
ritable Sauveur ! accordez cette même grâce à nos
frères coupables , pressez-les intérieurement, comme
Véronique, de purifier en eux votre image : ainsi mé-
riteront-ils de vous contempler un jour dans toute
votre radieuse beauté.
7e STATION
2e CHUTE.
Ne semble-t-il pas, ô Jésus ! que vous multipliez
\. -s chutes, pour que le pécheur soit moins déconcerté
CHEMIN DE LA CHOIX J7'J
de ses faiblesses ? Peut-être auriez- vous permis dans
ce but que les anges aux côtés de Dieu tombassent
de leur sublime hauteur ; qu'au paradis terrestre la
nature innocente de nos premiers parents se fût laissée
séduire ; et qu'en votre compagnie même il se trouvât
un traître et un renégat ? Si ces chutes profondes doi-
vent nous faire tout craindre de notre fragilité, n'ont-
elles pas aussi de quoi relever la confiance en Celui
qui la connaît? Gardez-vous donc bien, infortunés pé-
cheurs, de pousser le cri satanique de Gain : Mon
péché est trop grand, pour que f en obtienne le par-
don : ce serait vouloir le sort du malheureux Judas !
8e STATION
FILLES DE JÉRUSALEM.
0 débonnaire Jésus ! sur la voie douloureuse vous
oubliez vos propres souffrances pour consoler d'autres
douleurs. Soyez donc aussi le Père des miséricordes
et le Dieu de toute consolation envers les pauvres pé-
cheurs. Et qui mieux que vous peut les leur donner?
Dans l'affliction un véritable ami essaie de consoler
son ami ; mais c'est une consolation qui laisse toujours
un grand vide dans le cœur, surtout si le péché le met
dans votre haine : car il ri y a point de paix pour
ï impie. Vous seul, ô Jésus ! possédez le secret de cal-
mer les angoisses d'un cœur coupable, en y versant le
bienfait du pardon : purifié par votre grâce, il goûtera
les consolations de votre amitié et ensuite les douceurs
de votre service,
9e STATION
3e CHUTE.
Parce que les hommes ne devaient pas cesser de
vous offenser, ô Jésus ! vous ne mettez point de bor-
nes à vos humiliations, à vos souffrances : vous voilà
380 CHEMIN DE LA CROIX
défaillant , abattu , renversé de nouveau sous votre
lourde Croix ; et vous recueillez vos forces pour courrir
à la mort qui doit nous racheter. Nul ne vous égale en
bonté? Quel pasteur se dévoue ainsi au salut de ses
brebis? Cet excès d'amour ne commande-t-il pas de
plus en plus l'espérance, même dans l'excès des éga-
rements? Serait-on excusable de ne pas en sortir au
plus tôt pour venir se jeter entre les bras de votre mi-
séricorde !
ÎO- STATION
JÉSUS DÉPOUILLÉ DE SES HABITS.
La Croix devait être pour vous, ô Jésus î non-seu-
lement un lit de souffrances, mais encore l'instrument
de tous les genres d'opprobres : et déjà ici, on vous y
prépare ; car , outre la douleur cuisante que vous
éprouvâtes quand on vous arracha vos habits collés
sur votre chair en lambeaux, quelle dut être votre
ignominie de paraître en cet état de nudité aux regards
de cette foule immense de spectateurs ! Après cela,
pourriez- vous, pécheurs, hésiter encore de venir faire
à un homme l'humiliant aveu de vos faiblesses, sachant
d'ailleurs que le pardon n'est qu'à ce prix ; mais
aussi qu'il est assuré au cœur qui se repent et s'hu-
milie ? O mon Dieu ! donnez-leur ce courage que vous
exigez.
11e STATION
JÉSUS ATTACHÉ A LA CROIX.
Après vos vêtements, ô Jésus ! on vous demande vos
membres ; avec des clous aigus, on vous fixe à la Croix
par les pieds et par les mains, et de ces larges bl
res le sang ruisselle avec abondance. Dans l'ancienne
Loi, le sang des victimes, qui n'était que figuratif du
vôtre, avait la vertu de purifier des impuretés légales.
CHEMIN DE LA CROIX 381
Quelle doit donc être l'efficacité du sang divin î Non,
nulle iniquité n'est si grande, nuls crimes si nombreux,
qu'ils ne puissent y être lavés. Qu'il retombe donc sur
les pauvres pécheurs ce sang non pour les accuser,
mais pour les justifier.
12e STATION
JÉSUS MOURANT SUR LA CROIX.
Vous avez dit, ô Jésus ! qu'à peine quelqu'un trou-
verait en soi le dévouement de mourir pour un ami ;
et vous, ô Sauveur généreux, vous expirez sur un gi-
bet pour des ennemis : votre charité va même jusqu'à
demander grâce pour ceux qui vous y attachent : au
premier cri de confiance poussé par un voleur, vous
lui donnez l'assurance du pardon : ainsi l'aviez -vous
déjà fait envers de grands coupables. Evidemment,
votre bonheur est de pardonner. Que ne doivent donc
pas espérer les pécheurs les plus criminels ! Ce n'est
donc plus le pardon que je vous demande pour eux,
mais la salutaire pensée et le courage de venir le
chercher : et votre mort leur deviendra le principe de
la vie .
13e STATION
JÉSUS DESCENDU DE LA CROIX.
Quel martyr ce dut être pour votre cœur, ô Marie?
de recevoir dans vos bras le corps inanimé de votre
cher Fils, de voir de tout près ses yeux éteints, son
visage livide, ses mains et ses pieds horriblement
déchirés, la large plaie de son côté, tout son corps en
lambeaux ! Vous trouviez, néanmoins, quelque adou-
cissement à votre douleur dans l'espérance d'une
résurrection glorieuse qui vous rendrait vivant ce cher
objet de votre dilection. Puis-je nourrir ce même
espoir à l'égard des pécheurs ? Oui , bonne Mère,
:î82 chemin de la croix
vous en convertirez ; et aussi généreuse que Jésus,
vous excuserez leur ignorance et vous solliciterez leur
pardon .
14e STATION
JÉSUS MIS AU TOMBEAU.
Quand votre ami Lazare , ô Jésus ! s'endormit du
sommeil de la mort, vous fîtes un long voyage pour le
rappeler à la lumière : et tandis qu'au sépulcre votre
corps goûte an sommeil semblable, votre sainte àme
va annoncer à des âmes aimées leur délivrance : preuve
nouvelle de votre brûlant désir de rendre aux captifs
la liberté, aux morts le bienfait delà vie. Les pécheurs,
hélas ! dorment aussi d'un sommeil de mort, ensevelis
profondément dans le tombeau de leurs iniquités. Vous
ne voudrez pas les y laisser en repos ; mais de cette
voix puissante qui réveilla Lazare, vous secouerez leur
engourdissement et les ferez revivre. — Que ce soit là
pour quelques-uns le résultat heureux des vœux que
nous venons de vous adresser !
TROISIEME EXERCICE
CONSIDERATIONS
SUR L ENORMITÉ DU PÉCHÉ, POUR S'EXCITER A LE DÉ-
TESTER ET A LE CRAINDRE.
Soyez mille fois béni, ô mon Dieu ! vous avez rompu
les liens qui me tenaient captif sous le dur esclavage
du péché ; et toute mon attention maintenant doit être
de conserver cette heureuse liberté qui méfait votre
ami et comble mon cœur de joie. Mais, pour avoir du
péché toute l'horreur qu'il mérite, je ne saurais trop
comprendre quelle en est la malice et l'énormité. Ah !
CHEMIN DE LA CHOIX 383
si je le voyais tel qu'il est, je mourrais de confusion
de l'avoir si facilement commis, et rien ne me coûterait
pour m'en préserver à jamais. C'est afin de me péné-
trer plus profondément encore de ces sentiments, que
je viens méditer vos souffrances et votre mort. Aidez-
moi à en recueillir ce salutaire effet.
lre STATION
CONDAMNATION .
Adam pèche, et le fruit de son péché, ce fut la mort
pour lui et tous ses descendants ; mort de l'àme, mort
du corps, qui sans cela ne l'aurait point subie. Jésus
n'avait point hérité, comme nous, du péché d'origine ;
mais s'étant chargé des iniquités des hommes, il était
le grand coupable, et comme tel, bien qu'innocent, il
est condamné à mort, et à une mort aussi cruelle que
déshonorante . En vain tous les hommes et tous les
anges se seraient dévoués pour expier le péché ; il
fallait à la justice de Dieu une expiation, grande comme
la dette de l'humanité, un sacrifice d'un prix infini :
il fallait le sang d'un Dieu. 0 péché, quelle est donc
ta nralice ! elle est, à certains égards, infinie, comme
le fut la réparation. Et je ne mourrais pas de douleur
d'en avoir tant commis !
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX.
Cette Croix, ô Jésus ! cet instrument ignominieux
de votre mort, non-seulement vous l'acceptez, mais
vous l'embrassez avec joie, tant vous brûlez du désir
d'expier sur elle par l'effusion de votre sang toutes les
iniquités de la terre. Pour en appliquer les mérites à
mes péchés, j'ai aussi une croix à porter : cette croix
c'est la peine de les rechercher, l'humiliation de les
reconnaître, la honte de les accuser et les actes indis-
384 CHEMIX DR l.\ CHOIX
pensables pour m'en repentir et m'en corriger. Mais,
encouragé par votre exemple, ô Jésus ! je me plierai
généreusement sous cette croix qui deviendra ainsi
l'instrument de mon pardon .
3e STATION
lre CHUTE.
A peine chargé de sa Croix, le Sauveur succombe
sous le faix : rien en cela d'étonnant, épuisé qu'il était
par la perte de son sang dans la cruelle flagellation,
et par le poids de cette Croix qui portait les péchés
du monde entier. Les miens, hélas ! si nombreux et si
graves, y pesaient pour beaucoup. Se pourrait-il que
cette pensée ne pénétrât pas mon cœur du vif repentir
et de la profonde horreur qu'ils méritent ? Mettez ou
augmentez en moi. Seigneur, ces heureuses disposi-
tions qui vous dédommagent de la peine que je vous
ai causé.
4e STATION
DOULEUR DE MAREE.
Vous avez voulu, ô Jésus ! que tous les genres de
douleur se donnassent comme le rendez-vous sur le
chemin du Calvaire. Il n'y a qu'un instant, c'était
l'épuisement de vos forces corporelles ; maintenant ce
sont les plus cruels déchirements dans votre àme.
Que ne dut-elle pas ressentir, en effet, quand à vos
regards se présenta votre Mère tout éplorée ! et pour
Elle aussi quel triste moment ! Fut-il une douleur
du Fils qui ne se fit sentir dans le cœur de la Mère ?
aucune angoisse de la Mère qui ne redoublât celle du
Fils? C'est pourtant le péché qui a fait à ces cœurs
aimables de si larges blessures ! C'est donc mon cœur
coupable, qui aurait dû être déchiré, ô Jésus; plutôt
que le votre et celui de votre Mère, l'un et l'autre
CHEMIN DR LA CROIX 38o
innocents. Donnez-moi du moins une part de vos
douleurs, puisque je les méritais toutes.
5e STATION
SECOURS DU CYRÉNÉEN.
Vous êtes tellement accablé, ô Jésus ! sous le poids
de mes crimes, que pour ne pas expirer sous votre
Croix, il faut qu'un passant vous aide à larorter et
vous allège le fardeau : et moi, tout au contraire, loin
d'adoucir vos douleurs, j'ai pris comme à tâche de les
aggraver en ajoutant péché à péché. Un étranger
vous soulage sans vous connaître : et moi, votre dis-
ciple , je vous outrage , sachant bien qu'étant mon
Dieu, mon Rédempteur, mon souverain Bienfaiteur ,
vous avez les droits les mieux fondés à être obéi.
Quelle dureté à l'égard d'un Dieu qui m'a tant aimé et
que je dévrais payer d'un juste retour, par une atten-
tion constante à éviter tout ce qui lui déplaît et à faire
tout ce qui lui est agréable ! Telle est , du moins
actuellement, ma ferme et sincère résolution.
6e STATION
RÉCOMPENSE DE VÉRONIQUE.
Cette femme courageuse obtient de vous, ô Jésus !
pour récompense de son dévouement, l'insigne hon-
neur de voir votre face empreinte sur son voile. Oh !
comme vous devez être satisfait et généreux à l'égard
du pécheur, quand, par tous les sacrifices les plus
pénibles et par les larmes d'un repentir sincère , il
s'efforce d'effacer dans son âme les souillures qui y
défiguraient votre image ! Après avoir été coupable,
puissé-je être assez courageux et pénitent pour ne plus
salir mon âme, quand elle aura été purifiée !
386 CHEMIN DE LA CROIX
STATION
Oe
CHUTE
Malgré le secours du Cyrénéen. vous voilà, ô Jésus!
affaissé de nouveau sous la pesanteur de votre Croix :
chacun de vos pas est marqué par un redoublement
de faiblesse et d'humiliation. Hélas! trop souvent
aussi, quoique éclairé par les lumières de la foi, qui
me découvrent, dans le péché, tant d'outrage à Dieu,
tant de mal à moi-même, je succombe, néanmoins,
sous la violence de la tentation, sous le poids de ma
mauvaise nature. Chaque circonstance du jour, chacun
de mes pas est marqué par quelque chute : je ne me
relève de l'une que pour tomber par une autre. En-
core, si ma vigilance et ma douleur augmentaient à
proportion de mes faiblesses ; car, plus il y a à pleu-
rer, plus les larmes devraient être abondantes ; plus
on s'est trouvé fragile, plus on devrait devenir craintif
et précautionné. Accordez-moi cette grâce.
8* STATION
LES FEMMES DE JERUSALEM.
Ecoute, ô mon âme, la sublime leçon que te donne
Jésus dans la personne de ees femmes qui le suivaient
en se lamentant : Ce n'est point sur moi qu'il faut
pleurer, mais sur vous-même*. Néanmoins, le Tout-
Puissant qui succombe ; le Juste, l'innocent chargé
du gibet des malfaiteurs ; l'immortel qui va mourir ;
un corps tout meurtri et ne pouvant plus se trainer ;
n'est-ce pas un spectacle capable de briser le cœur le
plus dur '! Il est cependant quelque chose dont le
divin Sauveur veut que l'on soit plus touché, plus
attendri, c'est le péché, c'est lu mal affreux qu'on s'est
l'ait a soi-même et aux autres en le commettant. Voilà
CHEMIN DE LA CHOIX 387
le seul objet digne de nos larmes, et de la plus vive
de nos douleurs. Est-ce là où nous en sommes ?
9e STATION
3e CHUTE.
Jésus était arrivé au sommet du Calvaire, il voyait
le lieu de son supplice et l'heure de sa mort toute
proche. Mais, perçant dans l'avenir par sa prescience
divine, il voyait aussi l'inutilité de son sang pour tant
d'ingrats qui ne se damneront pas moins, malgré une
si abondante rédemption : et à cette cruelle pensée,
dont son cœur est affligé plus que des tourments qu'il
doit encore endurer, il éprouve une troisième défail-
lance qui le fait tomber la face contre terre. Hélas !
n'étais-je pas alors présent à ses yeux avec mes
chutes et mes rechutes interminables, par desquelles
je m'obstine à me fermer le ciel ? Outrager sans cesse
Celui qui a pardonné, revenir à l'aliment qu'on a
vomi, se rouler de nouveau dans la boue après s'en
être lavé, ah ! Seigneur, c'est par trop d'indignités !
quand donc y mettrai-je un terme ?
10e STATION
DÉPOUILLEMENT DES HABITS.
Quelles horribles souffrances vous dûtes éprouver,
ô Jésus ! lorsqu'on vous arracha vos vêtements que le
sang avait collés sur votre chair en lambeaux ; alors
se renouvelèrent avec une nouvelle intensité les dou-
leurs atroces de votre flagellation. Quelle honte aussi
pour vous, ô Dieu de toute pureté ! de paraître en cet
état de nudité aux regards d'une vile populace qui
vous insulte . Ah ! c'était, sans doute, pour expier par
cette souffrance spéciale nos péchés du corps, les va-
nités, les immodesties, les sensualités, et surtout les
différentes espèces d'impuretés. O mon Dieu ! après
388 CHEMIN DE LA CRUIX
qu'elles vous ont causé cet excès de douleur et de
honte, pourrais-je ne pas en avoir autant d'horreur
que de repentir ?
11e STATION
CRUCIFIEMENT.
0 mon âme, comprends, si tu le peux, l'atrocité des
douleurs qu'a dû ressentir Jésus-Christ, au moment
où les clous perçant ses pieds et ses mains, les fixent
sur le bois de la Croix : sa chair se déchire, les os se
broient, les nerfs se rompent, les veines se brisent, le
sang s'échappe à grands flots. Pourquoi encore tous
ses membres violemment tirés et n'offrant plus qu'une
plaie depuis les pieds jusqu'à la tête ? Le Prophète
nous l'apprend : // fut blessé, il fut broyé à cause de
nos crimes: Vulneratus est... N'y ai-jepas contribué
pour une large part, en faisant servir mes mains à des
actions criminelles, et mes pieds à courir dans les
sentiers de l'iniquité ? A cette pensée, mon cœur ne
doit-il pas s'abimer dans la douleur, et mes yeux
verser des torrents de larmes.
12e STATION
JÉSUS MORT SUR LA CROIX.
Jésus expire ! . . . et toute la nature même inanimée
y est sensible : elle se bouleverse et prend le deuil : le
soleil obscurci refuse d'éclairer ce grand forfait des
Juifs : les morts ressuscitent : la terre tremble : les
rochers se fendent : les spectateurs se retirent en
se frappant la poitrine, ut en confessant que Jésus était
vraiment le Fils de Dieu : un des larrons reconnaît,
déplore ses crimes et en obtient le pardon. Partout,
dans la nature comme au fond des cœurs, règne la dé-
solation, le trouble, la terreur. Seule, ô mon àme,
ras-tu Insensible à cette mort e-t aies péchés qui
CHEMIN DE LA CROIX ilS!»
en soi il la cause ? Ne doit-elle pas t'en inspirer de la
douleur et de la honte ?
13e STATION
DESCENTE DE LÀ CROIX .
Tout est consommé, avez-vous dit, ô Jésus ! en ex-
pirant sur la Croix ; c'était bien vrai : par votre mort,
la justice de votre Père est satisfaite, le ciel nous est
rouvert, Tenter fermé, l'œuvre de notre rédemption
effectuée. Tout est accompli au ciel et sur la terre.
Hélas ! Seigneur, combien de fois j'ai donné le dé-
menti à ces paroles solennelles, et déchiré votre ou-
vrage qui vous a tant coûté ! C'est toutes les fois que
j'ai commis un péché mortel, me plongeant ainsi dans
l'abîme de tous les mauxdonl votre infinie miséricorde
n'avait délivré. Du moins, puisse mon repentir égaler
ma malice et mon ingratitude !
14e STATION
MISE AU TOMBEAU.
Quand, pour la première fois, vous êtes descendu
du ciel en terre, vous voulûtes, ô Jésus î avoir pour
demeure le sein d'une Vierge qu'aucun péché n'eût
jamais souillé : quand de la Croix vous descendites
dans l'humiliation du tombeau, vous le voulûtes neuf,
n'ayant jamais été infecté par la pourriture d'aucun
cadavre. Ah ! dans ces deux singularités, dont l'une
précéda votre naissance, et l'autre suivit votre mort,
quelle leçon, ajoutée à tant d'autres, de votre répu-
gnance, de votre horreur pour la plus légère souillure
du péché'! Pénétrez, ô mon Dieu, ma chair et mes os
de cette même horreur ; que je le craigne et l'évite
comme le plus grand des maux : c'est la grâce finale
que je vous prie très instamment de m'accorder, pour
fruit de cet Exercice.
PABaPHR\SE. — r. il. 23
CHEMIN DE LA CHOIX
QUATRIEME EXERCICE
CONSIDERATION
Pour se porter avec courage à ce qu'il y a de pénible
dans la loi de Dieu
Rien n'est moins contestable, ô mon Dieu! que votre
empire sur nous. Créateur, Conservateur, Roi univer-
sel, à vous le droit de nous imposer vos volontés, elles
sont toujours raisonnables et justes : et par surcroît
vous nous promettez, si nous y sommes soumis, la plus
magnifique des récompenses, la vue et la possession de
vous-même durant des siècles sans fin. Mais l'orgueil
qui nous domine a tant de peine à s'abaisser devant
votre autorité : notre nature amie de ses aises et de sa
liberté recule devant tout ce qui la gêne et la contrarie.
Nous venons, ô mon Dieu, puiser dans la méditation
des souffrances et de la mort de votre cher Fils, le
courage nécessaire pour pratiquer tout ce que votre
loi présente de pénible .
lre STATION
JÉSUS EST CONDAMNÉ A MORT.
Pilate, quoique reconnaissant l'innocence de l'accusé
conduit à son tribunal, a la faiblesse de céder aux cla-
meurs des Juifs qui veulent qu'on le crucifie. Hélas !
combien de fois aussi reconnaissant l'autorité de Dieu
sur moi, ses titres à être obéi et préféré, la justice de
ce qu'il me commandait, et la grandeur du mal que
j'allais faire, j'ai cédé au cri de mes passions qui de-
mandaient que je leur livrasse Jésus-Christ ; je l'ai mis
à mort dans mon cœur ; car, selon saint Paul, la ma-
lice du péché va jusque-là. O lâcheté aussi grande
CHEMIN DE LA CROIX 391
que celle de Piiate ! Que j'en sois du moins honteux et
repentant !
2e STATION
JÉSUS PREND LA CROIX.
Aucun malfaiteur n'était chargé de porter l'instru-
ment de son supplice ; mais pour Jésus, il n'est point
d'ignominie qu'on imagine. Il prend donc sa Croix
en silence, et aborde avec amour la douloureuse car-
rière de sa passion . Pourrai-je après cela ne pas me
courber sous le joug de mes devoirs ? Est-il donc aussi
lourd que cette Croix ? le sentier de la vie chrétienne,
aussi rude que celui du Golgotha ? J'entends le divin
Maître me dire, au contraire, que son joug est doux et
son fardeau, léger ; mais fut-il cent fois plus pesant,
dois-je pour cela le refuser, quand je vois ce généreux
Sauveur porter avec un si grand courage devant moi
l'instrument de sa mort et de ma rédemption ?
3e STATION
JÉSUS TOMBE UNE PREMIERE FOIS.
A peine entré dans la voie du Calvaire, l'adorable
Victime, épuisée de fatigue et affaiblie par la perte de
son sang, tombe sous le fardeau de la Croix. A peine
aussi avais-je commencé une vie plus chrétienne, et
accompli quelques bonnes résolutions, que je suis
tombé dès les premiers pas. Pressé par le désir de nous
racheter , Jésus se relève : ô mon âme, sois aussi cou-
rageuse à te relever et à reprendre ton chemin ! Celui
qui, ayant mis la main à la charrue, regarde en ar-
rière, n'est pas propre au royaume de Dieu. — Un
grand Saint a dit : « Tomber, c'est le propre de l'homme ;
rester dans sa chute, c'est le propre du démon; se re-
lever, c'est le propre d'un ange. » Voilà ce que je veux
et ce que je ferai.
392 CHEMIN DE LA CROIX
4e STATION
JÉSUS RENCONTRE SA MÈRE.
La marche de Jésus lui occasionne à chaque pas de
nouvelles douleurs. Après sa chute, il rencontre sa Mère
tout éplorée, il ne peut la soulager : il eût voulu vivre
pour elle : mais son amour pour nous l'oblige à mou-
rir... Quel violent combat dans son cœur! Rien ce-
pendant, rien ne le décourage ; il surmonte les angoisses
de Famé comme les défaillances du corps, et à travers
tous les genres de tourments, il poursuit sa mission.
Que cet exemple est humiliant pour moi, qui recule
devant la plus petite difficulté, et suis arrêté par la
plus légère violence qu'exige un devoir ! 0 mon âme,
rougis ici de ton excessive délicatesse, et dans cette
conduite de ton Dieu puise une nouvelle ardeur !
5e STATION
JÉSUS REÇOIT L'AIDE DU CYRÉNÉEN .
Si le Cyrénéen vient en aide à Jésus, Jésus n'aban-
donne pas pour cela le fardeau de sa Croix, et en allège
aussi le poids à ce généreux étranger. Tout aussi bien,
lorqu'il nous impose le fardeau d'une CroLx à porter
ou le joug de quelqu'un de ses commandements, il nous
aide par sa grâce avec laquelle nous sommes si forts ;
il nous aide par le consolant témoignage d'une bonne
conscience, qui sera déjà une récompense abondante ;
il nous aide encore par la certitude du bonheur parfait
réservé au serviteur fidèle. Me serait-il permis après
cela de languir dans son service !
6e STATION
JÉSUS RÉCOMPENSE SAINTE VÉRONIQUE.
Véronique reçoit empreinte sur son linge l'adorable
le Jésus. C'était un don d'une bien délicate recon-
CHEMIN DE LA CHOIX 393
naissance : rien ne pouvait être plus flatteur pour cette
pieuse Juive, que le souvenir de celui qu'elle aimait :
aussi est-ce le seule miracle qu'il fit dans le cours de
sa passion . Par là Jésus a voulu récompenser d'une
manière magnifique la démarche de cette femme qui,
supérieure à la timidité de son sexe, passe à travers tous
les obstacles pour venir reconnaître son Sauveur, en es-
suyant sa face que les bourreaux s'étaient fait un jeu
de salir ou d'outrager. 0 mon âme, sans redouter non
plus les railleries des méchants, ni la difficulté d'un
devoir, sache reconnaître aussi ton Dieu par ta sou-
mission à ses lois : ainsi tu répareras les outrages que
tant d'autres lui font par leurs révoltes .
7e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LA DEUXIÈME FOIS.
Que de tristes et fréquentes expériences j'ai faites de
ma faiblesse ! Pour éviter ces rechutes et devenir plus
ferme dans l'occasion, il faut, selon l'ordre du divin
Maître, faire concourir la prière et la vigilance ; car
prier sans veiller, ce serait tenter Dieu : veiller sans
prier, ce serait, en comptant trop sur soi-même et dé-
daignant le secours de Dieu, l'outrager par une or-
gueilleuse présomption . Je prierai donc, étant exposé
à une chute, pour en être préservé, et après, pour me
relever. A la prière je joindrai une vigilance conti-
nuelle ; elle est gênante, qui ne le sait? mais dès là qu'elle
est indispensable pour éviter les faux pas, je m'y ré-
soudrai.
8e STATION
LEÇON DONNÉE AUX FILLES DE JÉRUSALEM.
Pleurez sur vous plutôt que sur moi, dit Jésus-
Christ à ce groupe de femmes qui le suivaient en se
lamentant. Cela signifiait qu'au-dessus de ses humi-
304 CHEMIN DE LA CROIX
•
liations et de ses souffrances, si capables pourtant
d'attendrir le cœur le plus dur, il est un mal encore
plus digue de larmes. Vous l'avez deviné : c'est le pé-
ché. Oui, le péché le plus léger, le péché que je com-
mets si facilement, que je confesse avec tant de froi-
deur , que je suis si lâche à expier, est un mal plus
grand que tous les maux du monde, étant le principe
de tous nos malheurs et de la mort d'un Dieu. Donc,
pour m'en garantir, rien ne me paraîtra désormais trop
pénible. 0 mon Ame, anime-toi de ce grand courage !
9e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LÀ TROISIEME FOIS.
Quand même nous serions tombés non-seulement
trois lois, mais dix, mais vingt fois, gardons-nous
d'un trouble excessif et du découragement. La misé-
ricorde du Seigneur est toujours plus étendue que la
multitude de nos iniquités, qui dans cet abime iné-
puisable sont moins qu'un fétu de paille au milieu
d'une vaste fournaise : son désir de pardonner l'em-
porte infiniment sur notre malice : et pour l'avenir,
sa force est bien supérieure à notre faiblesse. Cou-
rage donc et espérance ! c'est pour nous l'inspirer que
Jésus veut tomber jusqu'à trois fois; mais cette fois
encore, il se relève pour arriver au lieu de son sup-
plice .
10e STATION
JÉSUS EST DÉPOUILLÉ DE SES HABITS
Ses vêtements et sa sainte Mère, voilà tout ce que
possédait Jésus, lui qui n'avait pas où reposer sa tête.
Nos vêtements sont ce qui nous appartient le plus en
propre : on dit assez souvent, nos champs, notre mai-
son, et jamais nos habits, mais mon habit : c'est une
propriété qui <-^t personnelle et chère par là même.
CHEMIN DE LA Choix .*W">
Cependant, le Sauveur veut en être dépouillé. Il avait
émis cette maxime : Si votre œil droit, si voire main
droite, votre pied droit vous scandalise, arrachez-
les ; car il vaut mieux aller au ciel n'ayant qu'un
œil, quun pied, qu'une main, que d'être précipité
dans l'enfer avec ses deux yeux, ses deux pieds,
ses deux mains. — Mon Dieu, quelque chère que me
soit cette personne, cette maison, tel emploi, tel diver-
tissement, si cela m'est une occasion de pécher, j'aurai
le courage d'en faire le sacrifice.
IIe STATION
JÉSUS EST ATTACHÉ A LA CROIX.
0 Jésus ! on vous étend sur la Croix, on vous y fixe
fortement par des clous. Tout chrétien, qui par son
nom seul est votre disciple, et qui, vous le dites, doit
pour être tel vous suivre en portant sa croix, ne doit-
il pas aussi y être cloué ? Or, la Croix pour nous, n'est
pas seulement ce qu'on appelle vulgairement souffran-
ces, c'est aussi la peine attachée à l'observation de
votre loi, qui contrarie notre nature ennemie de toute
contrainte : il faut donc que je m'y fixe par les pieds
et par les mains, c'est-à-dire par toutes mes actions et
mes démarches. Telle est une bonne fois ma ferme et
généreuse résolution .
12e STATION
JÉSUS MEURT SUR LA CROIX.
Au pied de la Croix se montrent d'admirables dé-
vouements. J'y vois les personnage les plus attachés
à Jésus : Madeleine, qui par son ardent amour mérita
le pardon de nombreux égarements ; saint Jean son
bien-aimé et alors si aimant disciple; j'y vois aussi
Marie, sa tendre Mère, qui tous, témoins de cette mort
aussi cruelle qu'ignominieuse, durent horriblement
CHEMIN DE La CHOIX
souffrir, souffrir à proportion de leur amour. Quel
courage d'avoir assisté à un spectacle aussi déchirant !
c'est bien là être fidèle jusqu'à la mort. Et moi. dans
tant de circonstances, où il ne s'agit nullement d'y
mettre la vie. mais seulement de me gêner un peu, de
me contraindre, j'ai peur, je fais le lâche ! Oh ! comme
je trouve encore ici ma condamnation.
13e STATION
JÉSUS EST REMIS A SA MÈRE.
0 Marie ! peu contente d'avoir vu expirer sur un
infâme gibet le plus cher objet de votre tendresse ,
vous portez l'héroïsme maternel jusqu'à son plus haut
degré, en recevant dans vos bras, à la descente de la
Croix, ce corps inanimé et tout meurtri : vous ne re-
culez devant aucune peine, si poignante qu'elle doive
être pour votre cœur. Et nous aussi, ne nous lassons
point de marcher dans la voie hérissée de ronces et
d'épines qui seule mène au ciel : n'hésitons pas devant
quoi que ce soit de pénible, dès là que c'est un devoir,
ou un moyen qui aide à le mieux remplir.
Ue STATION
JÉSUS EST MIS DANS LE TOMBEAU.
Après les souffrances et les humiliations de votre
passion et de votre mort, vous voulez encore, ô Jésus !
subir les ignominies du tombeau. Mais elles vont être
bientôt compensées par une résurrection glorieuse et
immortelle. Ainsi, ô mon âme, les peines, les combats,
les violences, la gène nécessaires pour l'accomplisse-
ment d'un devoir ne feront que passer, et en échange
t'est promise une résurrection glorieuse, prélude des
joies et de l'éternel repos dans le sein de Dieu. Cou-
. donc ; et finalement que ce soit là le résultai des
CHEMIN DÉ LA GR01X H!)7
considérations que tu viens de faire, et des saintes
affections qu'elles t'ont inspirées.
CINQUIÈME EXERCICE
Pour demander la Persévérance (')
Divin Jésus ! après avoir goûté le bonheur de votre
présence dans mon àme, je n'ai plus qu'un vœu à for-
mer, c'est de ne point m'en dessaisir. Pour y être aidé,
je vais parcourir la voie douloureuse qui vous a con-
duit à la mort. Puissé-je trouver, dans la méditation de
vos souffrances et de votre amour, un nouveau motif
de vous rester inviolablement attaché ! Puisse en même
temps, ce saint Exercice devenir salutaire à l'àme de
mes frères défunts, par les indulgences que j'ai l'inten-
tion de leur appliquer !
lre STATION
CONDAMNATION A MORT.
Ce même peuple qui demande à grands cris la mort
de Jésus, l'avait reçu en triomphe quelques jours au-
paravant à son entrée dans Jérusalem ; il faisait re-
tentir les airs des accents de la plus vive allégresse et
de louanges à l'égard de l'Envoyé du Seigneur. Voilà
l'inconstance des hommes!... 0 mon àme, pourrais-tu
t'en rendre coupable? Aujourd'hui (ces jours derniers)
Jésus t'a honorée de sa présence par la communion ;
tu lui fis les plus belles promesses d'une inviolable
fidélité. Oh ! serait-il possible qu'on te vit bientôt
mentir à tes serments, demander sa mort et lui pré-
parer une nouvelle Croix en retombant dans le péché?
(•) Les considérations dont se compose cet Exercice conviennent
principalement après une communion.
398 CHEMIN DE LA CHOIX
Non, Seigneur, trop heureux de vous sentir vivant
dans mon cœur, je ne veux plus vous y crucifier.
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX
Admirons de nouveau celte acceptation résignée, elle
est pour nous pleine d'enseignements. A moi aussi
maintenant un genre de croix est imposé : cette croix,
plus lourde que les souffrances corporelles, c'est la
vigilance continuelle devenue nécessaire ; ce sont les
précautions pénibles qu'il me faudra prendre, les com-
bats généreux que j'aurai à soutenir contre ma mau-
vaise nature, contre mes habitudes et mes penchants
vicieux, pour ne plus me laisser entraîner au mal. Mais
encore par votre exemple, ô Jésus ! et sachant que ma
persévérance est à ce prix, je suis bien décidé à me
charger aussi de cette croix spirituelle.
3e STATION
lre CHUTE
Von- êtes, Seigneur, le principe de la force, et vous
n'avez pas même conservé la débile vigueur d'un mor-
tel, vous voilà succombant sous votre ("roix, dès votre
entrée dans la voie douloureuse. Ah! que n'ai-je pas
à craindre de ma fragilité tant de fois ressentie ! Si je
dois faire quelque chute, du moins qu'elle soit non
pas mortelle, mais seulement de ces faiblesses légères
dont le juste même ne sait pas toujours se défendre : et
qu'à votre exemple je me relève promptement pour
reprendre mon chemin avec courage. Je puis tout en
Celui qui me fortifie : je dois moins craindre : Jésus
est avec moi.
CHBMIN l>K LA CHOIX :{!>9
4e STATION
SECOURS DE MARIE
Quittant votre retraite, vous allez, ô Mère généreuse,
prendre place à côté de votre fils, montant au Calvaire ;
c'était peut-être pour le soutenir, s'il en avait eu be-
soin, dans la carrière des souffrances où il est engagé.
Ah ! si mes pieds, encore mal affermis, venaient à chan-
celer dans la voie nouvelle où je viens de m'établir,
vous viendrez aussi à mon aide, ô bonne Mère ! et à
l'ombre de vos ailes je ne succomberai pas : le vrai ser-
viteur de Marie peut-il périr ? Mais cette faveur de votre
protection, il faut, je le sais que je la mérite : je me
l'assurerai donc en vous honorant, en vous priant :
moyen de persévérance aussi facile qu'efficace .
5e STATION
LE CYRÉNÉEN
Vous avez voulu être aidé par un étranger, Seigneur
Jésus ! sans que vous en ayiez eu besoin : étant Dieu,
vous pouviez surabondamment suffire à votre fardeau.
C'était pour nous apprendre qu'il nous faut d'autres
forces que les nôtres dans les tentations et les dan-
gers ; que le sentiment qui vous honore le plus c'est
la défiance de nous-mêmes, le recours à vous avec qui
nous pouvons tout, et sans qui nous ne sommes que
de fragiles roseaux . — Il le sentait vivement ce Saint
qui tous les matins vous disait : « Gardez-moi bien
aujourd'hui, Seigneur; car, si vous m'abandonniez, je
vous trahirais. — Il le comprenait aussi, et surtout de
la communion, l'illustre Cyprien, qui disait à son peu-
ple : « Mes frères, la persécution est allumée ; vous
aurez besoin de force pour rester fidèles à Dieu et à
votre devoir ; mais où en trouverez- vous, si vous
160 i.lIK.MIN DE LA CHOIX
n'êtes unis à Jésus-Christ par la communion ? le cœur
manque, si cette nourriture divine ne le soutient. »
6e STATION
RECOMPENSE DE VÉRONIQUE
Quel honneur pour cette noble femme d'avoir reçu
en récompense de son dévouement la face adorable de
Jésus empreinte sur son voile ! Mais aussi, quel crime
c'eût été pour elle et quelle horrible profanation, si
tenant peu de cas de cette sacrée relique, elle l'eût
laissée traîner dans la maison et surtout jetée dans la
boue ! — Et moi, ô mon Jésus ! mille fois plus honoré
que Véronique, et sans l'avoir mérité par un acte aussi
courageux, j'ai dans mon cœur non point seulement
les traits de votre visage, mais vous-même tout en-
tier, vous-même en personne. Ah! ce riche trésor, je
veux à tout prix le conserver intact, et fermer pour
cela toutes les avenues par où le démon pourrait me
le ravir.
7e STATION
2e CHUTE
Seigneur je me suis vu déchoir peu à peu, pour n'a-
voir pas fait attention aux fautes légères qui m'échap-
paient, et qui. selon l'avertissement que vous en don-
nez, conduisent insensiblement à de plus grandes;
et aussi pour avoir négligé les petites pratiques,
soutiens nécessaires de la piété : alors votre esprit,
centriste par mes froideurs, s'est éloigné de moi. Ah !
ne me laissez pas, ô Jésus ! reprendre cette voie qui
pourrait bien me conduire à une mort réelle. Mais
plutôt réveillez en moi cette délicatesse qui s'afflige
des moindres fautes, et cette exactitude scrupuleuse
qui ne néglige aucun moyen : vous êtes dans mon
CHEMIN DE LA CHOIX -401
cœur, créez- y un esprit nouveau et une ferveur nou-
velle.
8e STATION
FILLES DE JÉRUSALEM
Le bonheur de ces pieuses femmes fut d'entendre le
Dieu de toute consolation. Moi, plus heureux, je le
possède dans mon cœur. Oh ! qu'elles sont pures les
délices qu'il me fait goûter ! Je puis bien m'écrier
comme le cantique : « 0 doux moments, bonheur su-
prême ! — On ne peut rien vous comparer ; — Quand
on possède un Dieu lui-même, — Que reste-t-il à dé-
sirer? » — Aussi avec quelle ardeur tant de saintes
âmes soupiraient-elles après la communion ! Telles
étaient une sainte Thérèse, qui aurait bravé les foudres
et les tempêtes pour aller s'unir à son Bien-Aimé ; une
sainte Catherine de Gênes, qui aux approches de cet
heureux jour, était dans des impatiences ravissantes ;
une sainte Madeleine de Pazzi, qui dès son enfance, en
attendant qu'elle jouît de la réalité, ne pouvait se sé-
parer de sa Mère, les jours qu'elle avait eu ce bon-
heur. Je jouis de cette consolation ; et je pourrais m'en
dessaisir ! . . .
9e STATION
3e CHUTE
Quand nous succomberions une 3e fois, ne nous
troublons que de la peine d'avoir offensé Dieu : pleu-
rons, rien de plus juste ; mais ne nous laissons point
abattre, l'espérance est un bien nécessaire au chrétien.
Qui espère peu, obtient peu, dit un Saint ; qui espère
tout, obtient tout. Puis, profitons de ces chutes pour
nous humilier plus profondément, pour sentir de
mieux en mieux notre excessive faiblesse, notre pau-
vreté, et devenir ensuite plus craintifs, plus circons-
402 CHEMIN DE LA CROIX
pects. C'est beaucoup gagner que de faire un pas de
plus dans la connaissance de nous-mêmes, et la con-
viction de notre impuissance ; ce sera tirer du mal le
plus grand bien possible.
10e STATION
DÉPOUILLEMENT.
0 Jésus ! elle a dû être pour vous bien accablante la
confusion de paraître nu devant cette ignoble multi-
tude ! C'était spécialement pour expier ces immodes-
ties, ces libertés sensuelles dont je n'ai pas rougi de
me rendre coupable . Votre miséricordieuse bonté me
lésa pardonnées, du moins j'en ai la confiance ; et de
plus, votre chair et votre sang si purs, en se mêlant à
ma chair et à mon sang, ont fait de tous mes membres
des objets les plus saints et les plus vénérables ; je suis
par la communion un autre Jésus-Christ, un homme
fait Dieu. Oserais-je encore me salir par la moindre
tache, oubliant ces terribles paroles : Si quelqu'un
profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ?
11e STATION
CRUCIFIEMENT.
Considère, ô mon âme, ces membres de ton Sauveur
cruellement tendus pour être amenés aux endroits pré-
parés sur la Croix ; vois ces clous déchirant des pieds
et des mains, qui pendant trois ans ne s'agitèrent que
pour répandre sur ce peuple ingrat toute sorte de bien-
faits. Le même Jésus, par son ministre, a levé aussi
la main pour te pardonner et te bénir ; il s'est avancé
pour se donner lui-même à toi en nourriture. Ah ! pour-
rais-tu porter la malice et l'ingratitude jusqu'à le clouer
de nouveau à la Croix, en retombant dans le péché ?
CHEMIN DE LA CROIX 403
12e STATION
MORT SUR LA CROIX.
Vous vivez maintenant dans mon cœur, ô Jésus !
oserai-je bien vous y faire mourir comme sur une
croix ? Et quel malheur me causerait ce nouveau
déicide ! Votre dernier soupir sur le Calvaire troubla
toute la nature, la couvrit de deuil et de tristesse ; et
votre mort dans mon cœur le déchirerait de remords,
y répandrait la désolation et les ténèbres. Votre mort
sur la Croix, fut la vie du monde ; mais dans mon àme,
ce serait pour sa ruine . Ah î divin Jésus, plutôt perdre
mille fois moi-même une misérable vie corporelle, que
la vie spirituelle que je possède.
13e STATION
DESCENTE DE LA CROIX .
O Jésus î du moins on détacha votre corps de la Croix,
et déjà auparavant la mort avait mis fin à vos tour-
ments, à vos douleurs. Mais, si, laissant rentrer le pé-
ché dans mon cœur, je vous en faisais une nouvelle
Croix, ce péché vous y tiendrait toujours cloué ; et cette
mort, loin d'être le terme de vos souffrances, en com-
mencerait, au contraire, de nouvelles. Quelle horreur
que votre crucifiement dans une àme ! Ah ! Seigneur,
faites-moi la grâce de ne vous causer jamais une si
cruelle amertume, mais plutôt de vous rester inviola-
blement uni.
14e STATION
MISE AU TOMBEAU.
Devenu votre Croix par le péché, mon cœur, ô Jésus !
serait encore votre tombeau ; mais tombeau où vous
vous trouveriez enseveli dans la pourriture et la cor-
ruption, au lieu du parfum de l'innocence et des
il)': CHEMIN DE I A CROIX
saintes dispositions qui maintenant l'embellissent et
vous en font une délicieuse demeure. Ah î cet état de
mon âme vous est trop agréable et à moi trop avanta-
geux pour que je m'expose à le perdre. C'est donc
cette précieuse grâce de persévérance que je vous de-
mande encore une fois auprès de votre sépulcre : grâce
de persévérance qui couronnera toutes les autres dont
vous m'avez enrichi.
SIXIEME EXERCICE
O WSIDÉRATIONS
Sur les tourments du purgatoire : — Mode d'appliquer
les indulgences (*).
Je sais, ô mon Dieu, qu'en vous la miséricorde est
égale à la justice : si l'outrage sanglant fait à votre
gloire par le péché réclame au purgatoire l'expiation
restée insuffisante sur la terre, votre bonté qui s'en
afflige, ne demande qu'à l'adoucir et même à y mettre
fin. Pour cela vous daignez accepter les bonnes œuvres
des fidèles qui peuvent adoucir et abréger les souffrances
de ces pauvres âmes qui sont dans l'impossibilité de rien
faire pour se soulager. C'est donc dans ce but que je
f;iis cet Exercice : veuillez, ô Dieu bon ! appliquer aux
défunts que j'ai en vue, les Indulgences dont il est enri-
chi, après que j'en aurai profité pour moi-même.
(•) On peut ici former son intention de soulager par l'indulgence
rame de tel parent, de tel ami, de la personne à laquelle ou est
plus obligé, de la plus abandonnée, de la demi tc décédée dans la
paroisse, etc. . . ou se la désignera chaque station. Cotte manière
- leuicnt praticable à tous les autres Exercices.
CHEMIN DE LA CHOIX 405
lie STATION
CONDAMNATION.
Comme elle est sévère, ô Jésus ! la justice de votre
Père ! Dès-là que vous vous êtes rendu caution pour les
pécheurs, elle veut que vous soyez condamné à mourir
de la mort ignominieuse des plus vils scélérats. Cette
même justice d'un Dieu vengeur s'exerce aussi envers
les pauvres âmes du purgatoire, mortes néanmoins
dans sa grâce, mais légèrement entachées, ou encore
redevables pour la peine due à leurs péchés : des
flammes vengeresses les dévorent pour achever de les
purifier. O Jésus ! pour que je sois préservé d'un tel
malheur, veuillez m'appliquer à moi-même par cette
indulgence les mérites de vos douleurs, et en particu-
lier de votre injuste condamnation.
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX.
Vous chargez votre Croix, ô Jésus ! et ici commence
à s'exécuter l'injuste sentence qui vient de vous con-
damner. Mais ce n'est là que le prélude de douleurs
beaucoup plus affreuses qui vous attendent : par quelle
série de tortures et d'humiliations il vous faudra passer
avant d'expirer sur cette Croix î elles surpassent tout
ce que l'imagination peut se représenter. Bien cruelles
sont aussi les souffrances du cachot expiatoire, où l'on
est séparé, sans savoir pour combien de temps, du
Dieu que l'on aime passionnément, et brûlé dans un
feu qui ne le cède pas en rigueur à celui de l'enfer.
Pour ne pas en être aujourd'hui la victime, je me réserve
encore l'indulgence de cette Station .
3e STATION
lre CHUTE.
Quand nous tombons dans le péché, que de mal
406 CHEMIN DE LA CHOIX
nous faisons à Dieu et à nous-mêmes ! à Dieu que nous
outrageons avec audace, lui qui mérite si peu de
l'être: tant est grande sa bonté, et respectable sa ma-
jesté ! à nous-mêmes, car, après tout ce qu'il en a coûté
pour obtenir le pardon, il nous reste encore à subir
des peines réclamées par la divine justice. Et si nous
sommes assez ennemis de nos intérêts pour en ren-
voyer l'expiation à cette autre vie où Ton ne peut plus
mériter, rien absolument ne pourra les adoucir que
vos mérites, ô Jésus ! dont l'application ne pourra
nous être faite que par nos frères qui seront encore
sur la terre. Nous les réclamons donc pour. . .
4e STATION
COMPASSION DE MARIE.
O Mère de miséricorde aussi bien que de douleur !
Vous qui vîntes prendre part aux souffrances et aux
humiliations de votre Fils ; vous qui depuis n'avez
jamais vu de douleur sans y compatir, et que pour
cela on ap^cUeConsolatrice des affligés, pourrez-vous
voir, sans en être touchée, les tourments affreux de
ces âmes retenues dans le lieu de l'expiation ? Elles
sont les amis de votre Jésus ; elles sont aussi vos en-
fants ; elles vous ont honorée pendant la vie ; car au-
trement ne souffriraient-elles qu'en purgatoire? Le
trésor des indulgences est aussi alimenté par vos mé-
rites et vos satisfactions surabondantes. Veuillez donc
ô bonne Mère ! en obtenir l'application à. . .
5e STATION
SECOURS DU CYRÉNÈEN.
La générosité du Cyrénéen vous a fait éprouver, ô
Jésus ! combien est consolant le secours dans la souf-
france. Quel bienfait donc et quelle joie pour les âmes
qui expient les restes de leurs fautes, non pas seule-
CHEMIN DE LA CROIX 407
ment sous le fardeau d'une croix, mais dans un feu
attisé par votre justice, si aujourd'hui vous alliez les
soulager en y répandant une goutte de vos sueurs et
de votre sang ! Mais vous voulez que ce soit nous qui
la prenions cette goutte salutaire, pour la jeter au mi-
lieu de leurs brasiers. C'est ce que je me propose, en
appliquant cette indulgence à. ..
6e STATION
JÉSUS ESSUYÉ PAR VÉRONIQUE.
Vous avez reconnu votre image, ô Jésus ! dans ces
âmes qui sont l'objet de ma prière ; et c'est pour cela
qu'elles ont l'assurance de vous voir au ciel dans toute
la splendeur de votre beauté. Mais de légères offenses
et des restes de fautes insuffisamment expiées ternissent
encore l'éclat de leur pureté. Avant de les admettre
à vous contempler, votre infinie sainteté exige
qu'elles soient purifiées par d'indicibles tourments.
O bon Jésus ! veuillez en adoucir la rigueur, ou en
abréger la durée, afin qu'au plus tôt elles puissent
jouir de votre présence dans le lieu de rafraîchissement
et de paix. Accordez cette faveur à. ..
7e STATION
2e CHUTE.
L'homme le plus juste, dit l'Ecriture, pèche jusqu'à
sept fois par jour, ce qui veut dire souvent. Ce ne sont
pas, sans doute, de ces fautes qui tuent l'âme et la
précipitent en enfer ; mais ce sont des faiblesses comme
inhérentes à notre fragile nature. Hélas ! combien de
fois n'en avons-nous pas fait la triste expérience, après
les protestations d'amour et les promesses les plus
sincères ou que nous croyons telles, malgré les grâces
si puissantes des sacrements et des autres secours ! A la
vue de notre propre inconstance, n'oublions pas les
408 CHEMIN DE LA CHOIX
fragilités de nos frères souffrants, et le secours que
nous pouvons lui procurer par l'indulgence. Puisse
celle-ci profiter à. . .
8e STATION
CONSOLATION DONNÉE AUX FILLES DE JERUSALEM.
En voyant ces femmes qui vous expriment par leurs
larmes une pieuse compassion, vous vous arrêtez, ô
Jésus ! pour leur adresser une consolante parole :
c< Ne pleurez point sur moi, on sur mes souffrances,
leur dites-vous : il y a plus à s'en réjouir qu'à s'en
attrister : c'est pour votre rédemption que je souffre
et que je vais mourir. Ah ! Seigneur, puisque, au plus
fort même de vos angoisses, votre àme fut si compa-
tissante, le serait-elle moins maintenant au séjour de
la gloire? Et si vos consolations sont pour les grandes
douleurs, pourriez-vous les refuser à ces pauvres cap-
tifs qui crient vers vous du fond de l'abîme ? Soyez
propice à lame de...
0e STATION
3e CHUTE.
Vous êtes admirable de bonté, Seigneur, dans la
sanctification de vos élus. Ceux qui sont loin de vous,
gémissant encore plus de cette séparation que des
maux qu'ils endurent, n'ont-ils pas été l'objet de vos
inépuisables miséricordes? Tant de fois vous les avez
relevés de leur chutes . préservés de plus profondes
encore, éclairés quand ils s'aveuglaient, ramenés
quand ils s'égaraient, guéris quand ils s'étaient bles-
sés, ce n'est que par les soins assidus de votre pater-
nelle sollicitude qu'ils sont arrivés au terme. Achevez,
is ! ce que vous avez si merveilleusement com-
mencé. Il y a dans vos chutes multipliées et dans
votre sang, plus de grâces qu'il n'en faut pour com-
pléter leur justification. Faites-en part à. . .
CHEMIN DE LA CHOIX 400
10e STATION
DÉPOUILLEMENT DES HABITS.
Cet état de nudité où vous voilà réduit, ô divin
Jésus ! nous apprend, ainsi que votre naissance et la
suite de toute votre vie, que nous devons détacher
nos cœurs de tous les objets terrestres, dont l'a-
mour excessif diminuerait d'autant celui que nous
devons à Dieu. C est pour n'avoir pas assez pra -
tiqué cette abnégation, que tant d'âmes subissent dans
les tourments une épuration devenue nécessaire. Ah !
Seigneur , ne regardez pas à leurs imperfections ;
mais, par les mérites de votre dépouillement, qui vous
a causé tout à la fois tant de honte et de douleur,
faites cesser ou du moins mitigez la rigueur de leur
supplice . Accordez cette grâce à . . .
11e STATION.
CRUCIFIEMENT
Ici, ô mon doux Sauveur ! commence d'une manière
plus significative votre immolation. Jusque-là, vous
n'aviez que porté votre Croix, ici l'on vous y attache ;
vos pieds et vos mains sont percés et déchirés par les
clous , votre sang s'échappe à grands flots, et vous
l'offrez à. votre Père pour les vivants et pour les morts,
pour tous les membres de votre Eglise. Sur la terre,
il justifie les fidèles, leur étant appliqué par les sa-
crements : au ciel, il intercède encore pour nous ; vos
glorieuses cicatrices sont comme autant de bouches
qui demandent grâce : au purgatoire, il peut éteindre
ou modérer l'activité des flammes . Je vous le demande
pour . . .
12e STATION.
MORT SUR LA CROIX
Votre mort, ô Jésus ! nous a rendu nos droits à
410 CHEMIN DE LA CROIX
l'héritage céleste, dont le péché d'Adam et nos propres
fautes nous auraient exclus à jamais. Les âmes du pur-
gatoire soupirent sans cesse après le Dieu dont elles
ont vu au jugement la ravissante beauté : sans cesse
elles s'élancent vers l'heureuse patrie ; mais une main
inexorable les repousse continuellement, et les tient
enchaînées dans leur prison de feu : rien de souillé ne
peut être admis devant le Dieu trois fois Saint. 0 doux
Sauveur des hommes ! ne laissez point imparfaits pour
ces âmes les effets de votre mort ; réalisez en leur fa-
veur ce mot délicieux adressé au bon larron : Vous
serez aujourd'hui arec moi en paradis; ou cet autre :
Tout est consom?née> Oui, qu'il soit ainsi pour. . .
13e STATION.
DESCENTE DE LA CROIX.
La mort a mis fin à vos tourments, ô Jésus ! et vos
fidèles disciples vous préparent le repos de la tombe.
Pour les âmes du purgatoire, au contraire, la mort,
loin de mettre fin à leurs tourments, leur en fait sup-
porter de bien plus cruels que ceux qu'elles avaient
endurés pendant leur vie. Ah ! puissent-elles sortir
bientôt de cette espèce de tombeau où les flammes les
consument, pour passer de ce lieu de désolation et
d'horreur à la brillante clarté du ciel.
14e STATION.
DESCENTE DANS LES LIMBES.
Pendant que votre corps, toujours uni à la divinité,
repose dans le silence de la tombe, vous ne restez point
inactif, ô Jésus ! votre sainte âme va consoler les justes
retenus dans les limbes, et leur apprendre qu'étant ra-
chetés, Le jour de leur délivrance est proche. Ah ! «lu
CHEMIN DE LA CROIX 411
haut du ciel où vous êtes assis dans le repos de votre
gloire, daignez venir visiter et consoler au purgatoire,
autres limbes, des âmes justes aussi, mais pas suffisam-
ment épurées. Annoncez-leur la fin de leur captivité,
et emmenez-les triomphantes pour régner avec vous
durant les perpétuelles éternités. Puissent ces saints
Exercices avoir procuré ce bonheur à celles que nous
avons recommandées !
NOTES • 413
NOTES
Ces Notes, pour la plupart, s'appelleraient mieux
Compléments du Chapitre; mais elles l'auraient par
trop allongé, et nous n'avons pas voulu en priver la
pieuse curiosité des lecteurs .
NOTE Ve, page 8.
Encore quelques détails sur l'asservissement et l'ab-
jection de la femme chez beaucoup de nations. « Elle
est, dit M. le Comte de Maistre, sacrifiée dans l'Inde
sur le tombeau de son époux; esclave sous le Coran ;
bête de somme chez le sauvage. » — Dans certains pays
de l'Orient, on refuse la monnaie d'Espagne, parce
qu'elle porte l'effigie d'une Reine. — En Chine, la fa-
mille prend le deuil, quand une fille vient au monde ;
le père l'expose ; devenue grande il la vend, à moins
qu'il ne l'ait tuée, car il a ce droit : la femme est con-
damnée à l'ilotisme des anciens esclaves : la polygamie
avec tous ses excès immoraux entre dans les mœurs
publiques. — Dans l'Indoustan en particulier, une lé-
gislation cruelle oblige la femme à se laisser consumer
toute vive sur le bûcher avec les restes du mari décédé.
— En Afrique, on la vend à vil prix : et quand le voya-
geur lui demande le chemin, elle n'a que cette réponse
qui révèle sa servitude en révélant son ignorance : « Je
ne puis le montrer, car je ne suis qu'une femme. » —
Dans la Nigritie, la femme traîne la charrue, tandis
que le mari à ses côtés fume tranquillement son calu-
met. — Le Siamois ne maltraite pas sa femme, mais il
lui fait sentir avec hauteur sa supériorité. C'est elle
aussi qui laboure le champ, qui porte les gros fardeaux.
"ARA.PHRASB. — T. II. 24
414 NOTES
qui fait le rameur dans les embarcations. Elle ne mange
que quand son mari a mangé et après l'avoir servi elle-
même à table . Jamais elle n'est admise à ses promena-
des ou à ses visites, et ne partage aucun de ses hon-
neurs, aucun de ses plaisirs.
NOTE 2e, page 15.
Pour qui Jésus-Christ réserva-t-il ses faveurs de
pardon et de louanges ? Chose régulièrement remarqua-
ble, nous voyons dans l'Evangile que ce sont des
femmes qui en deviennent plus souvent l'objet. Noos
en avons pour preuve Madeleine, cette pécheresse pu-
blique, dont il préconise la générosité que tout l'uni-
vers redira ; la femme adultère, qu'il délivre de ses
accusateurs et de son péché ; la Samaritaine, à qui il
promet l'eau qui rejaillit jusqu'à la vie éternelle, en
échange de celle qu'il lui demande; la Cananéenne, qui
pour sa foi vive mérite le plus bel éloge et la guérison
de sa fille ; Marthe et la veuve désolée deNaïm, aux-
quelles, par son ordre, la mort rend ses victimes ; cette
autre veuve, dont le denier est si fort exalté; ces saintes
femmes, dont il console la douleur compatissante ; et
ces autres encore qui, plus privilégiées que les apôtres,
reçoivent les premières, au sépulcre, de la bouche
même de l'Ange, X Alléluia de la résurrection, qu'elles
sont chargées d'aller ensuite publier. Ces privilèges
bien marqués du divin Maître à l'égard de ces femmes,
ne sont-ils pas comme un acte d'émancipation, auquel
il ne sera plus dérogé ?
NOTE 3', page 20.
C'est une opinion, malheureusement trop accréditée,
que la dévotion pour la sainte Vierge doit être le par-
tage presque exclusif des personnes de son sexe. Ne
semble-t-il pas au contraire, que Jésus-Christ ait voulu
prévenir cette grave erreur, en choisissant des hommes
NOTES H g
plutôt que des femmes, pour être en rapport avec sa
sainte Mère? Ainsi, quoique Vierge, il la confie non à
une femme, mais à un saint Patriarche qui l'honore
d'un culte de protection, de respect et de chaste fidélité.
— Durant sa vie apostolique, c'est avec la parenté
'masculine y les frères ou cousins de Jésus, que Marie
parait se trouver le plus souvent. — Au moment de
mourir, est-ce à Marthe, à l'autre Marie, à Madeleine,
dont lui-même aimait à recevoir les hommages et les
soins, qu'il la remettra? Non ; c'est à son Disciple bien-
aimé, avec qui elle achèvera ses jours. Et par cet acte
solennel signé de son sang, c'est des hommes repré-
sentés par saint Jean, plus en quelque sorte que des
femmes, qu'elle est constituée la Mère.
NOTE 4e, page 25.
C'est surtout dans une maladie, qui présente des
symptômes alarmants, que grand est l'empire d'une
fille angélique ou d'une épouse saintement dévouée.
Figurez-vous, en effet, un homme impie ou indifférent,
qui même en présence de la mort parait décidé à fran-
chir le pas du temps à l'éternité sans les secours de la
religion .
Voyez à son chevet une épouse vraiment chrétienne,
qui, en prodiguant au corps tous les soins d'une ingé-
nieuse tendresse, a plus de souci encore de l'ànie de ce
cher époux. Supposez qu'elle lui dise sur le ton le plus
affectueux, en lui montrant l'anneau nuptial : « Mon
ami, vois-tu cet anneau que le prêtre bénit jadis comme
sanction de nos engagements au pied de l'autel? En ce
moment nous promimes de nous aimer toujours, tou-
jours. Cependant une pensée me navre actuellement le
cœur ; j'espère qu'il n'en sera rien cette fois... mais
enfin, un jour arrivera que je pleurerai sur ta tombe,
•ilti ROTES
ou que tu pleurerai sur la mienne: c'est inévitable.
Eh bien ! laisse-moi te le dire : si tu as raison de ne
croire à rien de ce que la foi enseigne sur une autre
vie, nous n'avons donc rien à espérer après la mort
que le néant. Le néant ! où l'on ne peut plus s'aimer,
puisqu'il n'y a plus de vie ! et alors que deviendra ce
mot toujours ? Mais, si j'ai raison de ma piété que tu
traites de folie ; mais s'il y a un ciel pour ceux qui au-
ront craint et servi Dieu, et un enfer pour les contemp-
teurs de sa loi. il faudra donc nous séparer, nous séparer
pour jamais, puisque la voie où nous marchons n'est
pas la même : et alors encore que deviendra ce mot
toujours? Est-ce bien la peine de s'aimer comme nous
nous aimons, pour nous aimer si peu de temps ? 0
mon ami, ne veux-tu donc pas dès aujourd'hui pren-
dre le même sentier que moi ? Oui, n'est-ce pas ? tu
accueilleras le prêtre dont la douce figure ne fait ja-
mais mourir : tu lui confieras tous les secrets de ton
cœur, toutes les peines de ton àme, tandis que je prierai
pour toi le Père des miséricordes, qui ne veut point la
mort du pécheur. Et alors, cher ami, je serai heureuse:
oh î oui, bien heureuse ; car mon cœur soulagé pourra
t'aimer tout à son aise, en pensant qu'il pourra t aimer
toujours. »
Un pareil langage ne peut qu'être tout-puissant.
C'en est fait : cet homme a senti son àme s'attendrir
aux accents de cet ange que le ciel lui donna pour
compagne. Terrassé, comme autrefois Saul sur le
chemin de Damas, il s'avoue vaincu et il demande un
confesseur.
NOTE 5e, page 52.
Ce n'est pas sans intérêt que l'on verra avec quel-
ques détails la preuve de ce que nous venons d'avan-
cer en général. D'abord, tous les ordres, différents
NOTES 417
dans leurs formes de dévotion envers Marie, s'accor-
dèrent à lui attribuer leur naissance et leur progrès .
Dans tous aussi, c'est un usage invariable de l'hono-
rer chaque jour au soir par le chant collectif du Salve
Reffina, qui, la proclamant Mère en même temps que
Reine, place sous sa garde le repos de la Communauté.
Mais chaque Ordre en particulier se distingue par
quelque dévotion qui lui est spéciale. Ainsi, l'Ordre
patriarcal de saint Benoît eut pour règle d'honorer la
Vierge par la première station de la Procession qui
avait lieu chaque dimanche. — L'ordre des Prémon-
trés, par la blancheur de son costume, se montrait
visiblement consacré à la Vierge très pure. — Celui
des Servites, issu du vœu de pénitence et de pauvreté
que firent à la Vierge sept riches marchands de Flo-
rence, avait pour écusson sept lis reliés par un M
couronné, symbole très expressif de la Maternité vir-
ginale de Marie, dont ils s'honoraient d'être les servi-
teurs. — L'Ordre de la. Merci ou de la Rédemption des
captifs, qui mérita si bien de la Religion et de l'hu-
manité, dut son institution à une triple apparition de
la Vierge. — Qui ne sait que les trois grands Ordres du
Carmel, de saint Dominique et de saint François,
furent plus spécialement encore les Ordres privilégiés
de Marie ! Ils en portent le signe et le gage très net-
tement formulés, l'un dans le Scctpitlàire, l'autre dans
le Rosaire, et le troisième dans le privilège de la Por-
tioncule. Et qui ne sait encore que par eux le culte de
la Vierge sauva le monde des ténèbres de la cor-
ruption !
Quand aux Ordres religieux de femmes, beaucoup
plus nombreux et dont la nomenclature serait trop lon-
gue, il n'en est aucun qui ne mette la dévotion à Marie
pour base de ses constitutions.
'ils NOTES
Cette dévotion fut également l'ànie de ces autres
Sociétés qui vinrent au secours de l'Eglise avec un
dévouement des plus admirables . Telles sont notam-
ment la Compagnie de Jésus, les Oratoriens, les La-
zaristes, les Sulpiciens, auxquels sont venus se join-
dre de nos jours les Maristes, les Oblats de Marie, la
Congrégation du saint Cœur de Marie, les Prêtres de
l'Immaculée Conception, etc.. Citer ces noms, c'est
dire assez ce qu'ils sont pour la sainte Vierge. 11 se-
rait édifiant de voir dans le détail de leur vie, de
leurs exercices religieux, de leurs entreprises si in-
dustrieuses pour le salut des âmes, comment elle
intervient pour tout, et aussi quels beaux succès elle
procure !
NOTE 8«, page 55.
a Mais, dit le P. Ventura, si le culte et la vénéra-
tion des saintes images de Marie ont une influence si
efficace sur la vie sociale, ils sont par-dessus tout une
source de consolation à l'article de la mort. En assis-
tant les moribonds, j'ai toujours observé que les âmes
pieuses, qui pratiquèrent durant la vie une sincère dé-
votion à la Vierge, ont fini avec des sentiments de
résignation, de confiance, de paix, de douce tranquil-
lité : et ceux qui eurent le malheur de commettre des
fautes graves, sont facilement amenés au repentir et
à l'espérance du pardon. Il suffit de leur rappeler la
charité miséricordieuse de Marie envers les pécheurs,
de leur en montrer l'image et de leur faire invoquer
son saint nom. Dernièrement encore, j'ai vu un chré-
tien prononcer en expirant les noms de Jésus et de
Marie avec une telle douceur et une telle joie, qu'il est
impossible de ne pas le croire déjà en possession de
la gràcedu pardon, et de la gloire <■
NOTES -il 9
NOTE 7% page 85.
La montagne du Carmel était très célèbre dans
l'histoire dn peuple de Dieu par le séjour d'Elie, par
les miracles qu'il y fit, et les apparitions dont Dieu l'y
favorisa. Après lui, Elisée et d'autres fils de prophètes
continuèrent d'y demeurer. C'est une opinion assez
fondée que, dès le temps des apôtres, un certain nom-
bre de nouveaux convertis, attirés par ces précieux
souvenirs, se retirèrent dans cette solitude et y bâti-
rent une petite chapelle à la Mère de Dieu , qu'ils
avaient eu le bonheur de voir en personne. Ce qui est
certain, c'est que, dans le 12e siècle, des ermites y
formaient une Communauté qui voulait imiter dans
la prière et la pénitence l'esprit d'Elie : ils étaient
connus sous le nom de Frères de la bienheureuse Ma-
rie du Mont-Carmel. De là quelques-uns vinrent fon-
der un premier monastère près de Marseille : et peu
de temps après, ils en établissaient un second en An-
gleterre.
Pendant ce temps-là, la sainte Vierge avait préparé
une autre solitaire, appelé Simon Stock. Dès l'âge de
douze ans, il fut conduit au désert par l'esprit de Dieu
et fixa sa demeure dans le creux d'un gros chêne, ce
qui lui a fait donner le surnom de Stock, qui en an-
glais signifie tronc d'arbre. Là, sa vie n'était qu'une
succession de prières et de pénitence : il mortifiait son
corps par le jeune et toute sorte d'austérités, ne buvant
que de l'eau, ne mangeant que des herbes, des racines
ou des fruits sauvages : en même temps, la tendre
dévotion envers la sainte Vierge, dont il avait été
prévenu dès le berceau, devenait de plus en plus ar-
dente, il y avait 25 ans que Simon vivait de cette vie
angélique, lorsqu'une révélation lui apprit que quel-
ques Pères du Carmel venaient de s'établir dans ces
120 NOTES
contrées. Il alla les visiter ; et la vie pénitente qu'ils
menaient, autant que leur tendre dévotion envers la
sainte Vierge, le détermina à rester parmi eux. Bien-
tôt sa ferveur et sa régularité le tirent choisir pour
supérieur général . Il ressentit alors un désir de plus
en* plus ardent de demander à la sainte Vierge pour
son ordre une faveur toute spéciale, qui le distinguât
et lui fût un gage de protection. Après plusieurs an-
nées de prières et de pénitence redoublées, la sainte
Vierge lui apparut environnée d'une foule d'anges, et
tenant en ses mains l'insigne sacré du Scapulaire
qu'elle lui donna en lui adressant ces paroles : « Prends,
mon cher enfant, ce Scapulaire que j'accorde à l'Ordre
des Carmes et à tous les Confrères, comme un gage de
ma bienveillance toute particulière ainsi que de ma
constante protection. » Dès ce moment, les faveurs
signalées dont la sainte Vierge se plut à combler ceux
qui portaient cette livrée, augmentèrent extraordinai-
rement la Dévotion du Scapulaire, que les Carmes
se réservèrent de donner par eux-mêmes ou par des
prêtres qui en obtiendraient le pouvoir. De là le nom
de Notre-Dame du Mont-Carmel donné à la Fête qui
fut fixée au 16 juillet, jour de l'apparition.
Les avantages de cette Confrérie sont singulièrement
précieux. D'abord, on a part aux mérites et à toutes
les bonnes œuvres de l'Ordre si pieux des Carmes et
Carmélites, et de tous les membres de la Confrérie si
nombreux dans l'univers. — Ensuite la dévotion de
porter le Scapulaire donne comme un droit aux fa-
veurs privilégiées de la sainte Vierge, qui à cette mar-
que nous reconnaîtra pour ses enfants : au lieu que
sans cela, elle pourrait nous dire, comme l'époux aux
vierges folles : Je ne vous connais pas'} nescio vos.
— De plus, le Scapulaire, comme l'indique son nom
NOTES 421
(scaptda, épaule), est un vêtement, une espèce de cui-
rasse contre les ennemis du salut, le monde, le démon ,
nous-mêmes, dont nous avons le plus à redouter et dont
nous nous défions le moins. Or, étant toujours exposés
aux traits de ces ennemis, sans savoir ni le jour ni
l'heure de l'assaut, qui arrive ordinairement à l'impro-
viste, n'est-ce pas prudence de nous protéger par cette
armure souverainement défensive? Ce n'est pas que
sans ce signe on ne puisse obtenir la victoire ; mais
elle est par là plus assurée. Ajoutons que la vue seule
de cette image fait reculer à l'approche du crime, porte
au respect pour soi-même, et peut arrêter une main
imprudente qui voudrait une satisfaction défendue.
Combien aussi de pécheurs ont senti leur confiance
renaître à la seule pensée de ce saint habit placé sur
leur poitrine ! Que de fois un criminel jusque-là impé-
nitent fondit en larmes après l'avoir accepté, reconnut
ses forfaits et en obtint le pardon ! Que d'endurcis à
l'article de la mort il a attendris et sauvés de l'enfer !
C'est même au-delà du tombeau que s'étendent ses
bienfaisants effets ; la sainte Vierge s'étant engagée
envers ceux qui l'auraient porté avec foi, à descendre
au purgatoire le samedi après leur mort pour les en
délivrer.
Quant aux effets non moins prodigieux dans l'ordre
temporel produits par ce saint habit , ils sont trop
nombreux pour que nous puissions les signaler en
détail. Mais l'histoire redira à tous les siècles bon
nombre d'incendies éteints, de naufrages évités, de
balles aplaties, d'épées s'émoussant, de boiteux re-
dressés, d'aveugles éclairés, de paralytiques redeve-
nus agiles, de morts même ressuscites par la vertu du
Scapulaire.
Après de telles faveurs en tous genres, qui de nous
122 ROTES
ne s'empresserait de se couvrir de cette puissante
armure, de se parer d'une si honorable livrée, tant
chérie de notre Mère ! Et ne pensons pas que cette
Dévotion soit bonne seulement pour le vulgaire. Elle
n'a pas été dédaignée par des milliers de hauts per-
sonnages dans toutes les classes, Papes, Cardinaux,
Evêques, Empereurs. Princes et Princesses. On dit
entre autres de Clément VIII, qu'après son exaltation
au souverain Pontificat . voyant que l'officier qui le
dépouillait de ses vêtements de Cardinal, voulait lui
ôter aussi son Scapulaire, parce que l'habit du pape
renferme éminemment la vertu de tous les autres
habits, le pieux Pontife s'y opposa en lui disant :
« Laissez-moi Marie, de peur que Marie ne me laisse. »
Mais, sans interroger les siècles passés, dans les der-
nières guerres de Crimée et d'Italie, combien de nos
soldats, à l'exemple de leurs dignes chefs, n'ont pas
rougi de se munir de ce bouclier qu'ils avaient reçu
d'une main chérie, et qui les protégea !
NOTE 8% page 90.
Si le Protestantisme a échoué en France, ce n'est
point comme en Espagne et en Italie, qu'il n'ait pu y
pénétrer et y faire toutes ses expériences de séduction
et de révolte : non ; il y est entré par toutes les portes,
il y a organisé des forces rivales, supérieures quelque-
fois à celles de l'Etat : il a appelé à son aide l'étranger
et lui a livré les clefs du royaume : il a occupé des
postes éminents partout, dans la magistrature, dans
l'armée, dans la politique, à la cour, il a été près de
s'asseoir sur le trône : pendant deux siècles enfin, il a
joué chez nous sa grande partie , celle d'où dépen-
daient les destins religieux du monde, et il a été
vaincu. Vaincu, non par un système politique ou re-
NOTES 423
ligieux de répression, mais par la seule force du tem-
pérament français éminemment catholique; par la
Ligue, c'est-à-dire par la nation . Et c'est le culte de
la Vierge qui, après avoir subi toutes les épreuves de
la lutte, a recueilli les honneurs de la victoire. C'est
par l'insulte à ce culte qu'a débuté et s'est signalée
partout la Réforme ; c'est par son zèle à le défendre
que la France s'est illustrée. Ainsi, Ja Vierge a sauvé
la France, et par la France l'Europe et le monde de
l'hérésie, qui à dater de cette défaite n'a cessé de
décliner.
NOTE 9e, page 120.
Un désabusé. — Il y a trois siècles environ, un
jeune homme étudiait à l'Université de Paris. Son
infatigable ardeur pour le travail, jointe à des facultés
rares, lui avait obtenu de prodigieux succès. Mais sa
science et ses vues étaient tout humaines : dédaigneux
de nos immortelles destinées, il ne tendait qu'à la
gloire du siècle et ne rêvait que de brillants projets
d'avenir. Un jour dans l'intimité d'une causerie ,
un de ses amis , plus avancé dans la science des
saints, lui demande par quel motif il se dévouait ainsi
à tant de fatigues, de labeurs et de veilles? — Mais,
lui répond le jeune étudiant, c'est pour devenir un
homme instruit, et me faire un nom célèbre. — Et
après ? répliqua son ami. — Après ! je viserai à une
chaire dans la première université du monde ; et quelle
gloire pour moi de voir se presser à mes côtés, accou-
rir à ma parole tout ce qu'il y a de génies les plus
distingués ! — Et après ? demande encore l'interlocu-
teur. — Après ! j e publierai mes leçons , qui seront
ainsi un monument vivant et éternel de mon nom et
de mes talents. — Et après ? — Après 1 je dormirai à
l'ombre de mes lauriers, le front paré d'une couronne
42 i NOTES
de gloire. — Et après? — continua toujours le sage
ami ... et sur le bord de la tombe , au seuil de l'éter-
nité ?.. . 0 Xavier, que sert à l'homme de gagner l'u-
nir ers, s'il perd son âme ? — Ces paroles furent pour
Xavier comme un rayon lumineux qui lui révéla un
nouveau monde d'idées. Celui qui les faisait entendre,
le célèbre Ignace de Loyola, avait été, lui aussi, ra-
mené de bien loin dans le chemin de la vertu et de la
perfection : et Dieu s'en servait pour convertir son ami
François Xavier. Dès ce moment, celui-ci abandonna
tous ses rêves de gloire : il échangea les espérances
de la terre, contre les espérances du ciel : il passa
dans les Indes pour amener à la foi chrétienne ces
pays infidèles, et le jeune mondin devint un apôtre,
un héros, un grand saint !
NOTE 10 , page 137.
Ln peur orgueilleuse. — Sur les bords d'un ruis-
seau limpide, croissait une fleur charmante. Ni l'azur
du ciel, ni les teintes de l'aurore, ni les brillantes cou-
leurs de l'arc-en-ciel, rien n'égalait l'éclat et la fraî-
cheur de ses pétales embaumées. Elle vivait heureuse
dan< sa solitude. Les longs rameaux du saule la pro-
tégeaient contre les rayons brûlants du soleil , et
l'onde pure du ruisseau, caressant doucement ses
pieds, entretenait sa frêle tige jeune et fraîche.
Mais u.i jour se mirant dans le cristal transparent,
elle s'enorgueillit de sa beauté et se dit : Quoi ! Dieu
me fit-il si belle, pour naître et mourir dans ce lieu
solitaire ! Et dans son injuste courroux, elle maudit
l'arbre protecteur dont le feuillage touffu dérobait aux
regards les charmes de sa parure printanière.
Un passant entendit sa voix plaintive; et l'ayant
arrachée d « sol natal, il b< transplanta sur les bords
NOTES 425
de la route, où désormais sa grâce sans égale pourrait
recueillir le tribut d'admiration qu'elle ambitionnait.
Le lendemain, aux premières lueurs matinales, elle
ouvrit ses blanches corroies. Jamais sa beauté n'avait
été si radieuse, jamais ses couleurs si vives, jamais
ses parfums si doux. Mais le soleil montait dans un
ciel sans nuage ; bientôt il atteignit le milieu de sa
course et ses rayons de feu brûlaient le sol.
Quelques instants encore, la fleur orgueilleuse sou-
tint sa tête élevée au milieu de ses compagnes qui
pâlissaient devant elle. Mais, hélas ! le saule aux longs
rameaux n'était plus là pour la défendre des feux du
midi ; le ruisseau pour entretenir dans sa tige la jeu-
nesse et la vigueur, Avant la fin du jour, elle gisait
flétrie sur le sol desséché ; et l'aurore du lendemain
ne devait pas la revoir déployer sa robe de satin.
Elle avait souhaité l'admiration et les hommages ;
elle trouva l'humiliation et la mort : si elle se rat
contentée de la place obscure où le ciel l'avait fait
naître, avec la vie elle eût longtemps conservé sa
grâce et sa beauté. . . Voulez- vous plaire à Marie et à
Jésus, aimez l'obscurité : Ama nesciri et pro nihlto
reput a ri.
NOTE 11e page 144.
La Dévotion des pèlerinages est de la plus haute
antiquité dans le Christianisme, Nous en avons des
exemples sans nombre dans ces voyages pieux aux
Saints-Lieux de la Palestine , aux tombeaux des
apôtres et des martyrs. Entreprendre une longue et
pénible course, franchir les mers, quelque fois m.'me
au péril de ses jours, pour aller baiser la poussière
du saint Sépulcre, ou plus tard visiter les monuments
de la Rome chrétienne, c'était fréquemment l'objet
d'un vœu de la part des populations alors pleines de
PAPAPHRaSE. — T. II. 2r>
'r2<*> N IT1BS
foi, des Seigneurs, «les Guerriers et même des Rois.
Et dans son origine première. le grand Jubilé était
cela : cette solennelle Indulgence était attachée au
voyage de Rome, et à la prière sur les lieux où repo-
saient les restes glorieux des apôtres Pierre et Paul .
Souvent même aux pécheurs les plus coupables on
n'imposait d'autre pénitence qu'une longue course
au-delà des mers, ou un pèlerinage à quelque en-
droit privilégié.
Mais les pins communs depuis longtemps sont ceux
qui se font à ces antiques sanctuaires consacrés à
Marie, qu'elle semble avoir choisis pour y manifester
plus sensiblement sa puissance et sa tendresse. Con-
solatrice des affligés, Refuge des pécheurs, Secours
des chrétiens^ c'est partout, sans doute, qu'elle se plaît
à vérifier ces titres. Néanmoins, il est des lieux qu'elle
affectionne plus particulièrement , où son oreille est
plus ouverte à la prière, qui sont comme les y renie, -s
d'abondance de sa miséricorde, et dont elle a dit, ainsi
que Dieu le disait du temple de Salomon : Mes \
n cœur y resteront spécialement attachéspen-
dant de longs siècles, et tous ceux qui viendront y
juer mon nom y seront exaucés.
Assez souvent, un sentier étroit y conduit : mais
l'herbe n'y peut croître sous les pas continuels
nombreux pèlerins. Ici vous apercevez ces sanctuaires?
au -ommet d'une montagne, symbolisant Marie,
qui sert de degré à la terre pour la rapprocher des
deux : là, dans l'enfoncement silencieux d'un
vallon, qui favorise la ferveur et le recueillement. Et
partout le cœur ne se dilate-t-il pas de confiance, en
' suspendus de tout pré-
sents aussi bien que les riches offr;; la recon-
: ici. le bâton du pauvre malade, devenu
NOTES 427
inutile à ses membres guéris; là, les humides vête-
ments de matelots sauvés du naufrage ; ailleurs, des
lampes d"or, des cœurs en argent au-dessus d'autel*
somptueux, qui attestent aussi et les misères et la
gratitude des Grands, devenus les clients de la
Vierge. Ah ! comme ces milles emblèmes redisent
éloqueminent dans leur muet langage, les prodiges
sans nombre obtenus par Celle qui, à tant de titres,
est après Dieu leseul espoir île la terre !
Mais quel ne serait pas votre attendrissement, si
tous ceux qui sont venus s'agenouiller sur les dalles
de ees chapelles, vous faisaient le récit des merveil-
leux effets qu'ils en ont remportés ! L'un vous dirait
avec de grosses larmes de repentir : pendant de lon-
gues années, j'avais oublié la pratique de la religion ;
les soins de la vie matérielle absorbaient toute mon
âme : voulant à tout prix sortir de cette voie dange-
reuse, mais pas encore assez fort contre le respect
humain, je suis venu secrètement chercher ici un
prêtre qui ne m'ait jamais vu, et qui ne connaisse que
la miséricorde : je l'ai trouvé ; je lui ai ouvert mon
cœur : je suis heureux 1
Et cet infirme que les médecins ont abandonné, et
que vous voyez traîner péniblement aux pieds de la
Madone ses membres endoloris, si vous l'arrêtez un
moment dans sa marche, que vous dira-t-il ! Les
hommes m'avaient déclaré : il faut mourir ; et moi, je
me suis dit : Non, je ne mourrai pas, parce que Celle
qui a guéri tant d'autres infirmités guérira aussi la
mienne, et je vais la prier.
Et ce malheureux, qui était écrasé sous le poids
d'une de ces gran les douleurs que les paroles hu-
maines ne peuvent rendre, entendez-le vous dire aussi,
le sourire sur les lèvres : J'aime Marie ; j'ai rétrouvé
188 Ni 'TES
devant son image la paix qu'on vain je cherchais par-
tout ailleurs depuis si longtemps.
Qu'on bénisse Marie ! répéterai! sans cesse cette
àme pieuse et fidèle. Je sentais en moi des combats :
la vertu avait perdu ses charmes : le vice m 'apparais-
sait souriant : je commençais à glisser sur sa pente
rapide : une chute terrible et inévitable me menaçait ; je
me réfugiai dan s cet asile : Marie fut ma force.
Et ces mères qui cheminent, un chapelet à la main,
rediront à qui voudra l'entendre : la première : une
langueur toujours croissante minait la frêle existence
de mon nouveau-né : la seconde : une infirmité de
naissance me donnait sur le mien les plus vives in-
quiétudes : une troisième : je perdais tout espoir de-
A'ant l'inconduite persévérante de mon fils : nous ve-
nons de remercier la bonne Mère qui a dissipé toutes
nos alarmes.
Ah ! je ne m'étonne plus que tant de prodiges, tant
de secours obtenus pour tous les besoins et divulgués
par la reconnaissance, amènent à ces lieux bénis la
foule toujours croissante de pieux pèlerins qui vien-
nent y apporter l'humble demande de leur espérance,
et le fervent hommage de leur cœur.
0 vous donc qui êtes sous le poids de quelque
crainte, ou rongés par le chagrin, ou victimes de
quelque disgrâce, courez avec empressement et con-
fiance vers quelqu'une de œsCités de refuge^ toujours
ouvertes aux malheureux. — Pour combattre une
infirmité déclarée incurable, ou accélérer une trop
lente convalescence, ou entreprend de longs voyages
à ces lieux de Bains si renommés, qui ne guérissent
pourtant pas toujours. Et vous, malades spirituels,
vous n'iriez pas à ces eav.r thermales de la grâce, on
\ h- trouverez, sinon toujours une guérison complète.
NOTES rl'2\)
du moins la paix de L'âme, et le courage de La résigna-
tion ? — Le commerçant qui veut s'enrichir brave
tous les périls des mers : aucun obstacle n'est insur-
montable pour sa Cupidité. Allez donc pieux pèlerins,
volez avec la même ardeur à ce béni sanctuaire qui
recèle des biens autrement précieux que les inanités
de la terre. — Quel pays si lointain dérobe une mère
a l'affection de son fils, que pour la revoir et la serrer
sur son cœur après une certaine absence, il ne laisse
là toute autre affaire, et ne franchisse résolument
l'immense espace qui le sépare de l'objet si tendre-
ment aimé ? Et Marie n'est-elle pas la Mère de tous
les chrétiens ? Avec quelle confiance empressée ne
devez-vous donc pas aller la trou.er dans ces lieux
de sa prédilection ?
Toutes les incommodités attachées à ces voyages
entrepris avec foi donnent d'ailleurs déjà un droit de
plus à être secouru : « Lequel, pensez-vous, qui
doive être exaucé, de ce riche sectaire, qui prie du
bout des lèvres sur un carreau de velours frangé d'or,
dans un oratoire échauffé à la plus haute température
du printemps, ou du pauvre villageois catholique qui
laisse sa femme et ses voisins en pleurs au chevet de
son enfant malade, pour aller, pieds nus, par le vent
et par la pluie, à travers les bois, par de rudes sen-
tiers, implorer Dieu et Marie dans quelque chapelle
lointaine? Il est parti, le cœur brisé, mais plein de
confiance, car il croit en Dieu, et il espère en Marie,
qui intercède auprès de Dieu pour les mères qui
pleurent. »
Mais, dira-t-on, les abus y sont fréquents. Je ré-
ponds : Quelle institution faite par les hommes en fut
jamais totalement exempte ? L'abus, hélas ! naît, pour
ainsi dire, de lui-même dans le cœur humain, où i*
j:l'l N6TES
trouve son germe. On n'abuse et l'on ne peut abuser
que du bien. Faudra-t-il donc pour cela que le bien soit
proscrit ? Devra-t-on abolir les pèlerinages, qui sont
incontestablement plus avantageux que nuisibles ?
NOTE 12», page 287.
Qu'il est hideux le tableau que nous offre le vieux
monde, où la virginité était inconnue avant que Marie
l'eût révélée à la terre ! A commencer par Rome
païenne, si nous pénétrons dans ses brillants palais,
qu'y voyons-nous ? La lubricité s'y étalant sous les
formes les plus révoltantes : des hommes qui ont
oublié la noblesse de leur nature, mollement étendus
sur la couche des plus sales voluptés, ne rêvant que
jouissances impures. Pour ces êtres, chez qui l'amour
du plaisir le dispute à la soif du sang, une femme
n'est qu'une misérable créature asservie à leurs ca-
prices, et qui sera abandonnée, quand sature- de
jouissances ils se prendront pour une autre d'une
passion aussi inconstante, promenant ainsi en tout lieu
le cynisme de la corruption la plus effrontée. A quoi
attribuer ces honteux désordres, sinon à l'absence de
la virginité, qui ne peut vivre dans une atmosphère
païenne?
On aperçoit bien quelques Vestales, mais rares, mal-
gré les privilèges et les honneurs attachés à cette dignité :
vierges à gages, n'estimant que l'or pesé pour leur sa-
crifice : vierges pour un temps et se dédommageant
amplement après « du joug de l'autel. <> dit saint Am-
broise. Combien même ne purent fournir leur courte
carrière, et laissèrent tomber leur couronne dans la
boue ! Et pourquoi Rome ancienne n'a-t-elle pu pro-
duire une seule Sœur de Saint Vincent de Paul? Ahj!
[ue ce n'est pas avec de l'or que l'on parvient à
NOMS 431
être chaste, maisc'esi avecledévouemenl el la victoire
sur soi-même, ce que ne peuvent produire les théories
païennes .
Du haut du trône les contagieux exemples de lubri-
cité descendaient rapidement dans tous les rangs de
la classe plébéienne, où l'on ne respirait que pour la li-
cence la plus effrénée, laquelle, d'ailleurs, entrait essen-
tiellement dans le culte des faux dieux. Il y avait la
Déesse de la volupté, comme le Dieu du vin : et ils ne
manquaient pas d'adorateurs.
Si de Rome dégradée nous portons nos regards sur
les autres contrées du monde, nous trouvons à chaque
époque de l'histoire la même corruption de mœurs.
C'est que les nations non vivifiées par le souffle bien-
faisant de la foi et de la virginité ont croupi dans un
état de déchéance morale, qui, comme une seconde
chute originelle, se transmettait de génération en géné-
ration, laissant sur tous les fronts les stigmates de la
plus ignoble dépravation.
Il y avait un peuple où la vertu de chasteté, bannie
du reste du monde, eût dû se retrouver, c'était celui
chez lequel Dieu voulait se conserver quelques adora-
teurs. Néanmoins, la nation juive le céda peu en li-
cence aux nations idolâtres : souvent toute chaire cor-
rompt sa voie. Et pour un chaste Joseph, que de Da-
vid adultères; à côté d'une pudique Suzanne, combien
de Salomon imprimant à leurs cheveux blancs l'humi-
liante flétrissure d'une passion infâme !
C'est même dans les temps postérieurs à la Croix,
que nous voyons une dégradation aussi profonde, ac-
climatée là où n'a pas brillé le radieux flambeau de la
virginité. Ainsi au 7e siècle, Mahomet prétend renver-
ser la religion du Christ et fonde une doctrine nouvelle g
Mais il en écarte la chasteté, pour lui donner comm e
432 N ITBS
base le sensualisme le plus effréné. Et qui pourrait
dire jusqu'où sont descendus les sectateurs de cette
nouvelle doctrine? Partout, ils présentent le triste spec-
tacle de ce qu'est l'homme dominé par les exigences
d'une nature voluptueuse et corrompue qui n'est bridée
par aucun frein.
D'autres Réformateurs venus après Mahomet n'ont
pas mieux réussi a régénérer le monde sans la sève
féconde de la virginité. Le 16e siècle a vu surgir un
homme, qui par l'ascendant de sa parole et le laxisme
de sa doctrine entraîna des millions de frères dans sa
prétendue Reforme. Cet homme était prêtre et reli-
gieux tout à la fois : mais n'ayant pas assez d'énergie
pour commander à l'aiguillon de la chair, il souille sa
robe virginale du crime de l'impudeur, et se fait une
complice de son désordre. Depuis 400 ans. le Protestan-
tisme veuf de la chasteté à beau, vrai caméléon, revêtir
toutes les formes, il ne peut produire un seul acte de
cette vertu héroïque. La schismatique Angleterre n'a
pu créer un prêtre chaste, « ni faire avec ses millions,
dit un grand génie (Lacordaire). ce que l'Eglise catho-
lique fait avec un peu d'huile, le sacrement de l'ordre. »
Nulle part, rien de cette vigueur, de cette énergie qui
porte aux actes généreux : point d'abnégation pour le
prochain : point de cette charité qui vivifie tout: et qui
va jusqu'à donner sa vie pour son semblable : on es
quelquefois, mais on n'arrive jamais au triomphe de la
victoire.
NOTE 13% page 331.
Nous ne pouvons mieux clore ces notes que par la
glorieuse résurrection de Marie ou l'Assomption de sou
corps dans le ciel.
Marie, quoique exempte de la tache originelle, cause
de la mort, subit néanmoins cette peine, en sa qualité
NOTES 433
d'enfant d'Adam ; elle nedcvail pas d'ailleurs être d'une
condition meilleure que soii Fils; mais comme lui, elle
ne dormit que trois jours dans le tombeau : son sépul-
cre aussi fut glorieux par sa résurrection. Ces grands
événements arrivèrent au milieu du mois d'août, 57
ans après la naissance de Jésus-Christ, 2:> ans après sa
mort: Marie était âgée de72ans, selon l'opinion la plus
commune.
Saint Grégoire de Tours rapporte que les apôtres
dispersés, ayant été avertis du prochain trépas de la
Vierge se trouvèrent miraculeusement réunis à Jéru-
salem pour entendre ses dernières paroles et recevoir
de leur divine Reine une dernière bénédiction ; qu'a-
près sa mort elle fut déposée dans un sépulcre au pied
de la montagne des Oliviers, près du jardin de Gethsé-
mani. Il eut pour gardes non point une troupe de sol-
dats apposés par la haine des Juifs, mais les saints apô-
tres et de pieuses femmes que l'amour retenait près de
leur Mère : les anges aussi faisaient entendre aux envi-
rons des chants mélodieux. Certains auteurs fort anciens
prétendent que saint Thomas, qui seul des apôtres ne
s'étaiït pas trouvé à la mort, étant arrivé trois jours
après, conjura avec larmes qu'on lui ouvrit le sé-
pulcre, afin qu'il pût contempler une dernière fois les
traits de la Mère de Dieu, et baiser ses restes vénéra-
bles. Mais on n'y trouva que des lis d'une blancheur
éclatante, épanouis à côté des linges qui avaient servi
de linceul ; et l'on ne douta nullement que son corps
ressucité fût transporté au ciel et réuni à sa belle
âme au sein de la gloire. Ce fut dès ce moment la
croyance de l'Eglise, sans être pourtant un article de
foi proprement dit. Mais il n'est pas possible d'avoir
sur ce fait le moindre doute, en présence des raisons
qui l'appuient. Nous pensons que la piété des enfant
434 NOTES
de Marie nous saura gré de les exposer: tout ce qui
peut rélever la gloire de leur céleste Mère les touche
sensiblement.
On a vu des héros fameux, des génies célèbres, des
monarques presque maîtres du monde entier, habiter
des palais d'or, s'enivrer d'honneurs, se repaître de
toutes les jouissances voluptueuses ; mais toute leur
gloire est venue s'abîmer contre la pierre de leur
tombeau : et leurs mausolées superbes n'ont pu, du
moins après un certain temps, les défendre contre la
corruption commune : il était juste qu'ils périssent
complètement ces corps dégrades par les plus dégoû-
tantes passions. Mais Jésus pouvait-il laisser les vers
dévorer le sein virginal où il avait reposé, ce cœur si
saint qui n'avait palpité que pour lui, tous ces mem-
bres marqués du sceau d'une pureté sans égale? —
Est-il croyable que l'infection de la tombe, engendrée
par le péché, ait saisi Celle que la corruptiou du péché
n'avait jamais souillée 1 Si Dieu laisse nos membres
expier dans les entrailles de la terre les iniquités de
notr - vie. telle ne devait pas être cette loi pour la
Vie] ge restée toute sa vie immaculée. — Une chair
divinisée, ne faisant qu'une même chair avec celle du
Fils de Dieu, caro Christi, enro Mariœ, pouvait-elle
devenir pourriture ? « Est-il supposable, dirons-nous
avec saint Augustin, que Jésus ayant voulu sauver
l'intégrité de sa Mère, lorsqu'elle l'a conçu, n'en ait
eu le même soin après son trépas, en empêchant
les indécentes rigueurs que la mort prétendait exercer
sur son corps ? et qu'ayant pu conserver 1.- sceau de
sa virginité en naissant d'elle, il aurait manqué de
pouvoir ou de volonté pour la préserver du dernier
opprobre de la nature, la corruption du tombeau ? >
Il serait au ciel depuis près de deux mille ans avec
NOTES 138
une chair formée de la chair même de Marie ; et la
propre substance de sa virginale Mère serait confondue
avec la plus vile poussière I Le bonheur de ce cher
Fils, môme au sein de la gloire, serait-il aussi complet
qu'il doit être, si toute la personne de sa Mère chérie
n'y était pas pour le partager ?
D'ailleurs, n'était-il pas de l'honneur du Père de
glorifier par un dernier miracle, à sa sortie du monde,
Celle, qu'à son premier moment il avait miraculeuse-
ment préservée de la souillure originelle ; de l'honneur
du Fils, d'unir à son triomphe Celle qui s'était si gé-
néreusement associée à son sacrifice ; de l'honneur de
l'Esprit-Saint, de ne point abandonner à la pourriture
et aux vers Celle qu'il avait dotée de tant de grâces
comme sa future Epouse, et couverte ensuite de son
ombre ?
D'un autre côté, si ses précieux restes eussent été
laissés sur la terre, avec quel soin jaloux les chrétiens
ne les eussent-ils pas conservés, eux qui ont légué avec
tant d'amour à la postérité une de ses robes et son
voile? On sait avec quel zèle audacieux ils recueillaient
à prix d'argent, et disputaient au glaive des bourreaux
les restes ensanglantés des martyrs, par quel culte
confiant et pompeux ils les honoraient. Or, si le corps
ou les ossements de Marie avaient existé quelque part,
eussent-ils été moins empressés de les recueillir , et
de les exposer sur les autels à la vénération publique ,
comme ces précieuses parcelles que l'on possède de la
vraie Croix, ainsi que les véritables ossements des
apôtres et des premiers martyrs ? Ah ! si le ciel a privé
la terre d'un pareil trésor, c'est qu'il en était jaloux
pour lui-même.
Concluons donc que Marie est réellement ressusci-
tée, comme son divin Fils. Pieuse croyance, bien
436 NÔTKS
chère à ses enfants, et que l'Eglise met presque au
niwau d'un article de foi, en proclamant dans sou
Office, a que la mort n'a pu retenir dans ses lieus
Celle qui avait donné au monde la source de la vie. »
NOTE 14 , pages 353 et 357.
REFRAIN.
En vous quittant. Mère chérie,
Nous implorons votre secours :
Sur vus enfants, douce Marie,
Veillez partout, veillez toujours.
Vous quittez donc mon sanctuaire,
0 mes enfants, mes chers enfants, adieu !
Partout je serai votre Mère :
Vous trouverez mes autels en tous lieux.
Gardez pour moi votre innocence,
0 mes enfants, mes enfants bien-aimés,
D'un cœur impur mon cœur s'offensi
Je veux des lis par la grâce embaumés.
Mai> si jamais un souffle immonde,
G me> enfants, souille votre vertu.
Souvenez-vous qu'il est une onde,
Ou son éclat peut vous être rendu.
Aux pièges que l'enfer vous dres
n mes enfants, vous pouvez être pris ;
Mais a l'heure de la détri -
Rappelez-vous combien je vous chéris.
Si vous tombiez en quelque abime,
0 nies enfants, levez vers moi les bras :
Vous m'oublieriez au sein du crime.
Que mon amour ne vous oublierait pas.
Je l'ai jure, j'appartiens à Marie:
Jésus, elle est tout mon amour ;
A l'honorer je consiere ma vie,
Je l'aimerai jusqu'à mon dernier jour. {bis).
\ . -. s yez témoins de ma promesse,
Cieux, écoutez ce serment solennel,
n est fait, mon cœur plein de temii
Jure a Marie un amour éternel, {bis).
NOTES \M
LITANIES.
REFRAIN.
Vierge Marie, — Nous avons tous recoins a vous,
Mère chérie, — Priez, priez pour nous. (6/5).
Elle est pure, Marie, — comme les rayons des cieux ;
Relie toujours, jamais flétrie,
Du Seigneur elle a charmé les yeux.
Vierge pure et féconde, dans un extase d'amour.
Elle enfanta le Dieu du monde,
L'Eternel, pour nous enfant d'un jour.
C'est la doue* lumière, —qui seule charme les cœurs :
Son tendre regard nous éclaire,
tt sa main vient essuyer nos pleurs.
C'est la Vierge puissante, — la Mère du bel amour :
Elle est fidèle, elle est aimante ;
Elle est Reine au céleste séjour.
C'est la rose fleurie ; — c'est le lis pur, virginal ;
C'est le parfum de la prairie ;
C'est le feu du rayon matinal.
Trône de la Sagesse ; — Cause de notre bonheur ;
Vase de la sainte allégresse ;
Vrai trésor des grâces du Seigneur.
Miroir de la justice ; — Tour de David : Maison d'or ;
Des pécheurs refuge propice.
Loin de nous elle chasse la mort.
C'est l'arche d'alliance ; — c'est l'Etoile du matin ;
C'est le baume de l'espérance,
Dans un cœur brisé par le chagrin.
C'est la Reine des anges; — c'est la Reine des élus ;
Au ciel tout chante ses louanges,
Ses bienfaits, sa gloire et ses vertus.
TABLE DES MATIÈRES
maires.
CHAPITRE XXVII . — Vase honorable 5
Article I. — Etat d'abaissement où gémissait la femme
avant la Ste Vierge 6
Article II. — Heureux changement opéré par le Chris-
tianisme et le culte de Marie 14
Article supplémentaire. — Influence de la femme et
surtout d'une mère 22
CHAPITRE XXVIII. - Vase insigne de dévotion 31
Article I. — Marie, Vase remplie de dévotion 31
Article II. — Marie, Vase répandant au dehors la
dévotion 40
Article III. --Vase répandant au dehors la dévotion (suite) 50
CHAPITRE XXIX. - Rose mystique 59
Article I. — - Amour de Marie pour Dieu 60
Article II. — Amour de Marie pour le prochain 69
CHAPITRE XXX. — Tour de David 78
CHAPITRE XXXI. — Tour d'ivoire 85
CHAPITRE XXXII. — Maison d'or 94
CHAPITRE XXXIII. — Arche d'alliance 104
CHAPITRE XXXIV. — Porte du ciel 113
Article I. — Marie nous a rouvert le ciel en nous
donnant le Sauveur 114
Article II. — Marie, porte du ciel, parce que avec elle
il nous est assuré 122
CHAPITRE XXXV. — Etoile du matin 131
CHAPITRE XXXVI. — Salut des infirmes 139
Article I. — Marie, Salut des infirmes, par les consa-
lations et guérisons qu'elle procure 140
Article II. — Salut des infirmes par la grâce d'une
d'une sainte mort 147
Article III. — Marie, Avocate des âmes au jugement... 154
CHAPITRE XXXVII. — Refuge des pécheurs 162
Article I. — Raisons pour Marie d'aimer les pécheurs 163
Article II. — Témoignages des saints Pères: — Allégories 172
CHAPITRE XXXVIII. — Consolatrice des affligés 180
Article I. — Marie, Consolatrice dans les peines morales 181
Article IL — Consolatrice dans les afflictions spirituelles 188
CHAPITRE XXXIX. — Secours des Chrétiens 196
CHAPITRE XL. — Reine des Anges 203
Article I. — Prééminence de Marie sur les Anges, par
sa gloire et son élévation 204
Article IL — Reine des Anges, par son empire sur les
mauvais comme sur les bons 211
I i'i TABLE DES M A T 1 1 . 1
Pages.
CHAPITRE XL1. — Reine des Patriarches 211
CHAPITRE XLII. — Reine des Prophètes 218
Article I. — Marie prédite dès le berceau du monde
et plus tard 220
Article II — Marie figurée dans l'ancien testament... 226
CHAPITRE XLIII. — Reine des apôtres 223
CHAPITRE XLIV. - Reine des Martyrs 241
Article I. — Marie, Reine des Martyrs, par la longue
durée de ses souffrances 242
Article II. — Reine des Martvrs par l'intensité de ses
douleurs " 249
Article III. —Reine des Martyrs, par la supériorité de
son courage 257
CHAPITRE XLV. — Reine des Confesseurs 265
CHAPITRE XL VI. - Reine des Vierges 272
Artcle I. — Excellence de la virginité 273
Article IL — Heureux fruits de la virginité dans le
Christianisme 281
CHAPITRE XLVII. — Reine de tous les Saints 289
Article I. — Marie. Reine des Saints, par sa sainteté
et sa puissance 289
Article IL — Reine des Saints, par la prééminence de
sa gloire 296
CHAPITRE XLVIII. — Reine conçue sans péché 305
Article I. — Définition et proclamation du Dogme.... 306
Article IL — Autorité de l'Ecriture en faveur de l'Im-
maculée Conception 313
Article III. — Raison de convenance 322
CHAPITRE XLIX. — Reine du St-Ros -ire 331
Article I. — Son origine 331
Article II. — En quoi il consiste 336
Article III. — Ses avantages 339
CHAPITRE L — Agneau de Dieu 343
CHAPITRE LI. - Clôture du mois de Marie 350
CHAPITRE LU. -Exercices pour le chemiu de la Croix 359
EXERCICE I. — Sur la résignation et les souffrances.. 367
EXERCICE IL - Sur 1 enormité du péché 375
EXERCICE III. — Sur la cou version des pécheurs 382
EXERCICE IV. — Sur le courage nécessaire pour accom-
plir la loi 390
EXERCICE V. — Sur la persévérance 397
EXERCICE VI — Sur les tourments du purgatoire 404
NOTES 413
CANTIQUES 436
TABLE ANALYTIQUE
•
TOME PREMIER
Approbations, v.
Lettre dédicatoire, 1 .
Préface, 3.
CHAPITRE PREMIER. — Mois de Marie, 13.
Article premier. Origine, raisons et quelques uns des
avantages de ce mois, 13.
Art. II. Autres avantages et invitations à y venir, 21.
Art. III. Deux nouveaux motifs de ce mois. Comment devons-
nous le passer. Exemple, 29.
CH. II. — Notions générales sur les Litanies. Ex., 37.
CM. III. Ordre admirable des invocations. Allégories. Hom
mage à la sainte Trinité . Allégories et ex. frappants, 52.
CH. IV. — Sainte Marie, 60.
Art. I. Excellence de ce nom par les grandes choses qu'i
signifie. 1° Il veut dire souveraine. Elle Test dans le ciel*
et sur la terre. A Jésus le sceptre de la justice, à Marie
celui de la douceur et de la miséricorde. 2° Notre-Dame,
ce nom inspire la confiance. 3° Lumière. Elle nous a
donné J.-C. la vraie lumière. Elle-même dirige nos pa
par Téclat de ses vertus, 61.
Art. II. Nom puissant et doux à prononcer. M. répétons-
le souvent, 70.
CH. V. — Ste mère de Dieu, 77.
Art. I. Ce titre est propre à nous inspirer un grand res
pect et une grande confiance en sa puissance, 78.
Art. II. Il l'élève au-dessus de tout. Ex. de dévotion à
l'Ave Maria, 85.
CH. VI. —Ste Vierge des Vierges. Héroïque dévouement de
Marie dans son vœu de perpétuelle virginité. Ta
bleau de ce sacrifice. M. : Comme Marie, chérissons cette
Abréviation Chp. veut dire chapitre; Ait. cnlic/e; M. morole
Ex. exemple.
li2 TABLE ANALYTIQUE,
vertu. Ex. De l'amour de cette vertu dans les 1ers siècles
de l'Eglise et encore après, 93.
CH. VII. — Mère du christ. Oui, elle est mère du Christ en
tant qu'homme, et sous ce rapport, 101 .
Art. I. Considérons J. -C. comme Roi et comme prophète. 1°
Comme Roi il règne 1° Sur les esprits, motif de nous at-
tacher à sa doctrine; 2° Sur les cœurs témoins le dévoue-
ment de nos missionnaires, de nos sœurs de charité et de
tous ceux qui quittent tout pour son service. Aimons-le
aussi 2Û Comme Prophète. Moïse Ta annoncé comme tel.
Lui-même a prédil sa naissance, sa vie, sa passion et If-
principaux événements devant arriver, 102.
Art. II. 1° Comme Prêtre, sur la croix il s*est offert lui-mê-
me, sur l'autel il continue a le faire par ses Prêtres. 2° Marie
de son côté a coopéré a ce sacrifice en donnant naissan-
ce a J.-C. et par sa présence au pied de la croix. M. :
Excellence du sacrifice de la messe, assistons-y souvent,
109.
CH. VIII — Mère de la divine grâce, 116.
Art. I. Marie nous ayant donné J.-C auteur de la grâce,
c'est doncàelle que nous en sommes redevables. 1° Grâce
sanctifiante, son excellence, estime que nous devons en
faire, recours à la confession. 2° Grâce actuelle que nous
pouvons obtenir par Marie, ses merveilleux effets. M.:
obligation d'y correspondre. II".
Art. II Marie est au ciel, la généreuse distributrice de:» grâ-
ces. lû Nous en ayant donné l'auteur, il est juste qu'elle en
soit la distributrice. 2° Trois faits principaux le prou-
vent, les docteurs de l'Eglise n'ont qu'une voix sur cette
vérité. M.: Adressons-nous donc à elle pour les obtenir.
Ex., 1-26.
CH. IX — Mère très pure. 1° Dans son esprit 2° Dans sa nié-
moire, 3° Dans sa volonté. M. : sur ces trois points, imi-
tons-la à l'ex. de Ste Thérèse et de St Jean de la croix,
134.
CH. X. —Mère très chaste. 1° Chaste de corps par une vigi-
lance continuelle sui Lous ses sens extérieurs. 2 D'esprit
tau: .;: ANALYTIQUE Vi3
par l'empire qu'elle sut prendre sur son imagination. 3°
Dans tous les mouvements de sa volonté. M.: Réglons nos
sens, notre imagination, nos inclinations sur ce beau mo-
dèle et sur l'exemple des Saints, 142.
CH. XI. — Mère toujours vierge, 151.
Art. \. Vierge dans son mariage avec Joseph. Convenance de
cette union. M. : Belle leçon aux jeunes personnes et aux
époux. Idem. Conséquences de la morale. Modestie dans
les habits, fuite des danses, et des entretiens familiers, 154.
Art. II. Vierge dans la conception et l'enfantement de Jé-
sus. Admirable intérieur. M. : Se faire une haute idée de
l'état de mariage, et s'y conduire en conséquence, 158.
Art. III. Virginité de Marie toujours conservée. Raison de
convenances. M. : Le célibat préférable au mariage.
Ex. à l'appui, 166.
CH. XII. — Mère sans tache, 1° Dieu exempte Marie
du foyer du péché. Fuite du péché véniel, ses tristes ef-
fets sur une âme. 2° Marie s'applique à. faire tout dans
la perfection. M. : Imitons-la. Ex. et punitions du pé-
ché véniel, 174.
CH. XIII. — Mère aimable, 183.
Art. I. Aimable. 1° Par sa beauté extérieure. M. : Que
penser de cette beauté et du luxe, 184.
Art. II. Par les beautés 1° de son âme, 2° de ses vertus,
3° de ses bienfaits. M. : Aimons-la du même amour que
les Saints. Ex., 190.
CH. XIV. — Mère admirable. Par ses qualités elle fut plus
admirable que tous les chefs-d'œuvre sortis des mains
du Créateur. Enumération de ses qualités. M. : La pra-
tique des vertus peut seule nous rendre admirables de-
vant Dieu et les hommes. Ex., 198.
CH. XV. — Mère du Créateur. Marie ayant donné au monde
le Verbe conjointement avec le Père éternel, elle est de-
venue : 1° son épouse. Bien qu'elle soit l'épouse du père,
on peut aussi l'appeler 2° l'épouse du St-Esprit. A ces
deux qualités, on doit ajouter 3° celle de Mère de son
créateur. M. : L'honneur auquel ces titres l'ont élevée,
144 TABLK ANALYTIQUE
,nous l'atteignons en nous unissant à lui par la Commu-
nion. M. : Motifs pour nous d'en approcher souvent, el
cela à l'exemple de personnages illustres, 206.
CH. XVI. — Mère du Sauveur, 214.
Art. I. Kxcellence de la Rédemption. Rien au monde n'eut
pu réparer la faute d'Adam. Il fallait un Dieu pour apai-
ser un Dieu, 215.
Art. II. Marie y a pris part, ce qui justifie son titre de co-
rédemptrice. M. : Nous pouvons donc dire que si le Père
et le Fils nous ont aimés, Marie aussi, prenant part «à ce
qu'ils ont fait pour nous. Ex. : Marie Egyptienne, 217.
CM. XVII. — Vierge très prudente, 222.
Art. unique. Marie a été très prudente dans toutes les
principales circonstances où son amour pour la belle
vertu de pureté aurait pu être exposée. M. : Imitons-la,
et comme elle, nous éviterons tout danger. Ex.
CH. XVIII. — Vierge vénérable. Marie est vénérable, non
seulement a cause de son rang élevé, de son pouvoir, de
ses vertus, mais principalement : 1° A cause des honneurs
dont Dieu la favorisa. Enumération : 2° Parce qu'a fait
Jésus-Christ lui-même à la louange de sa Mère sur la
terre et dans le ciel. Enumération. M. : A l'exemple de
son Fils, vénérons-la aussi, et respectons tout ce qui ap-
partient à son culte. Ex., 230.
CH. XIX. — Vierge digne de louanges. Marie honorée et
chérie, 237.
Art. I. Dans les premiers siècles, au moyen âge et dans
tout l'univers. Enumération. Belle morale. Ex. Noble
dévouement, 238.
Aht. II. .Culte de Marie reconnu et bien pratiqué en France.
Enumération. Ex., 246.
Art. supplémentaire. Origine du mois de Marie et de l'Ai-
chiconfrérie, 254.
CH. XX. — Vierge puissante. A raison : 1° de ses beaux
titres de Fille de Dieu le Père, d'Epouse du St-Fsprit, de
Mère de Jésus-Christ; 2° De ses vertus, ce qui est cause
qu'ils ne peinent rien lui refuser. M. : Aussi n'importe
TABLE ANAI.YThU i i43
quelques soient nos besoins, recourons à elle, nous serons
exaucés. Ex. : Témoins la mère de Coriolan, St-Jean
Népomueène, 263.
CH. XXI. Vierge Clémente, 273.
Art. I. Marie nous étant donné comme mère au pied de la
Croix, est en quelque sorte obligée de nous aimer. Aimons-
la donc presque du même amour que Jésus-Christ. (Ce 1er
article peut servir pour un jour de lre Communion), 274.
Art. II. Bonté de Marie pour les hommes déduite de la
bonté d'une mère pour ses enfants. Admirable portrait de
l'amour maternel. Celui de Marie est encore plus grand.
Ex., 281.
CH. XXII.— Vierge fidèle. 1° Elle le fut sur la terre à la grâce,
à la loi, à ses engagements, à Jésus-Christ, et cela jus-
qu'à sa mort, M. : Soyons-le aussi aux nôtres. 2° Main-
tenant qu'elle est au ciel, elle Test également à notre
égard pour nous protéger. M. : De là cette confiance gé-
nérale. Ex. : un de fidélité et un de témérité, 289.
CH, XXIII. — Miroir de justice. Justice veut dire ici perfec-
tion. 1° Dans Marie se trouve le plus parfait modèle de son
divin Fils. 2° Elle est pour nous le miroir de ce que nous
devons être, penser, dire, faire, éviter, souffrir, aimer,
haïr. Enumération. Ex., "298.
CH. XXIV. — Siège de la sagesse. 1° Par son âme ornée des
sept dons du St-Esprit, un mot sur chacun de ces dons
M. : Ornons-en aussi la nôtre et nous deviendrons sages.
2° Par son corps, qui devient le temple de la sagesse.
M. : C'est donc avec raison qu'elle est nommée le trône
de la sagesse. En l'invoquant sous ce titre, conjurons-
la de nous obtenir la vraie sagesse, qui nous fasse pré-
férer Dieu et le Salut à tout le reste, 306.
CH. XXV. — Cause de notre joie, 315.
Art. I. Par sa naissance, parles grâces qu'elle nous obtient,
par les consolations dont elle nous inonde à notre mort.
Ex., 315.
Art. II. Par le soulagement qu'elle procure aux âmes du
Purgatoire. Enseignement sur ce point, et Ex., 322.
i M) TABLE ANALYTIQUE
CH. XXVI. — Vase spirituel, 331.
Art. I. Tableau de l'humilité de Marie, vertu rare, et ce-
pendant nécessaire pour aller au ciel, 332.
Art. II. Humilité de Marie, 1° Cause de son élévation à la
maternité divine. 2° En quoi consiste-t-elle ? Estime que
nous devons en faire, 340.
Art. III. Cette vertu lui mérita sa suprême grandeur dans
le ciel. Enumération des circonstances dans lesquelles
elle parut. M. : Pour être élevés, humilions-nous. Ex.,
349.
TOME SECOND
CH. XXVII. Vase honorable, 5.
Art. I. Dégradation et abaissement de la femme avant la ve-
nue de la Ste Vierge. M. : Rétablie dans ses droits par
Jésus et Marie. Actions degràceset fidélité a la religion, 6.
Art. II. Heureux changements opérés dans sa position par
le christianisme et aussi par le culte de Marie. M. : 1°
Respect dû a la femme chrétienne; 2° Obligation pour elle
d'aimer Jésus et Marie, 14.
Art. Supplémentaire : Influence de la femme et de la mère
sur la famille. Tableau et Ex., 22.
CH. XXVIII. — Vase insigne de dévotion, 31.
Art. I. Marie vase rempli de dévotion. 2° La dévotion con-
siste a bien faire ce qui regarde le service de Dieu ; 2° A
aimer a venir ;i l'Eglise et a en donner l'exemple ; 3° A
méditer la parole deDieu; 4° A se rappeler les souffrances
de Jésus ; 5° A faire ses délices de la retraite et la sainte
communion. Ce dernier acte devrait être un des bon-
heurs d'une femme ••hrétienne. Ex. De la force que Ton
trouve dans la Communion, 31.
A ht. II. Vase rependant au dehors la dévotion. La dévotion
de Marie s'étend sur l'humanité tout entière, sur les en-
fants, les adolescents, sur les religieuses et aussi sur les
personnes mariées. Ex., 40.
Cil. XXIX. — Rose mystique, 59.
Art. I. Amour de Marie pour Dieu. Elle eut le privilège de
TABLE ANALYTIQUE U7
l'aimer constamment par un seul et continue acte d'a-
mour. Belle morale sur l'amour de Dieu, 60.
Art. II. Amour de Marie pour le prochain. Sa conduite,
détails. M. : descendants d'un même père, aimons-nous
aussi. Ex. à imiter, 69.
CH. XXX. — Tour de David, Marie est notre soutien dans les
combats que nous livrent le démon, le monde et nos
passions. Morale. Elle peut servir pour une consécra-
tion à la Ste Vierge. Ex. Protections dues au scapulaire,
78.
CH. XXXI. — Tour d'ivoire, Marie soutien de l'Eglise dans
ses luttes contre les hérésies. Ex., 85.
CH, XXXII. — Maison d'or. Titre de Marie à notre amour. 1°
Ses perfections, 2° ses relations intimes avec l'adorable
Trinité; 3° Son amour pour nous. Ex. Conversion obte-
nues par l'invocation de son cœur, 94.
CH. XXXIII. — Arche d'alliance. Traits de ressemblance en-
tre les objets que cette arche renfermait et Marie. M. : 1°
ce que doit être le chrétien après une communion. 2°
Cette arche était une source de bénédiction pour les po-
pulations qui la possédaient. De mémo Marie en est une
pour ceux qui l'invoquent et qui possèdent un objet béni
en son honneur. Vérité prouvée par des ex, 104.
CH. XXX IV. — Porte du ciel. 1° Marie nous a rouvert cette
porte en nous donnant le Sauveur. Ex. : Remercions-la de
ce bienfait. 2° Mais comme d'après la doctrine des Doc-
teurs de l'Eglise, il nous est impossible d'y aller sous sa
méditation, invoquons-la, 113.
CH. XXXV. — Etoile du matin. De même que l'étoile du
matin annonce le lever du soleil et répand partout l'espé-
rance'et la joie; de même la naissance de Marie est un
principe de joie pour les habitants du ciel et de la terre.
M. Marie ne fut pas seulement l'avant coureur de la lu-
mière évangélique mais de son berceau, ellenous apprend
l'estime que nous devons faire de la vie obscure, et que
ce ne son! pas toujours les grandeurs qui nous rendent
148 TABLE ANALYTIQUE
recommandâmes, mais bien plutôt la vertu. Ex. et allé-
gories, 131.
CH. XXXVI. — Salut des Infirmes. 130.
Art. I. Détails des secours que Ton reçoit : 1° Des sœur
de charité, 2° De Marie elle-même, 140.
Art. II. Marie accorde à ceux qui l'invoquent la grâce
d'une bonne mort, 147.
Art. III. Elle sera notre avocate au jugement. M. : >"ous y
préparer chaque jour, Ex., 154.
CH. XXXVII.— Refuge des pécheurs. Ce qui le prouve c'est :
1° Sa ressemblance admirable entre son cœur et celui de
de son Fils; 2° La mission de miséricorde qu'il lui donne
du haut de la croix; 3° Sa qualité de mère reçue alors
et l'état malheureux du pécheur, 162.
Art. II. Témoignages des Saints Pères; ingénieuses allégo-
rie- en faveur de cette consolante vérité. M. et Ex., 172.
CH. XXXVIII. — Consolatrice des affligés, 180.
Art I. Oui Marie sait consoler 1° dans les peines telles
que la mort d'une personne chère, 2° Dans la pauvreté.
3° Dans les mépris, 4° Dans la prévision des peines fu-
tures, 181.
Art. II. Elle -ait aussi consoler dans les afflictions spirituelles,
qui ne manquent pas d'arriver même aux justes, exem-
ple St François de Sales, et surtout aux pécheurs, 188.
Cil. XXXIX — Secours des Chrétiens. 1° Etant chrétiens,
nous avons un droit particulier à son secours, si toute-
fois nous l'aimons. -2 Toujours elle a accordé cette
protection aux chrétiens comme l'histoire le prouve. M.:
Dans nos dangers personnels et communs recouronsdonc
à elle. Ex. : Résultat heureux des pèlerinages, 196.
CH. XL. —Reine des Anges. Placée dans le ciel et sur un
trône de gloire, Marie est devenue leur Reine, 203.
Ai.i I. Par son élévation au-dessus de toutes les hiérar-
chies m.
\i',r. II. Par son empire sur les mauvais anges pour les
empêcher denous auire,etsui les bons pour nous les rendre
TABLE ANALYTIQ1 : »*»
favorables. M. : Pleine et entière confiance en Elle. Ex. :
Rome délivrée de la peste, 211 .
CH. XLl. — Reine des Patriarches. Définition do ce mot.
C'est à juste titre que Marie est nommée leur Reine, 1°
Parce que sa foi au Messie a surpassé la leur, 2° Parce
qu'elle a eu le bonheur de voir se réaliser en sa personne
ce qu'ils n'avaient qu'espéré. M. : Nous aussi sur cette
terre, nous ne pouvons qu'espérer le ciel. Ex., 211 .
CH. XLII. — Reine des prophètes, 218.
Art. I. Marie nous a été révélée dès l'origine du inonde,
aussi était-elle l'objet de l'espérance générale. 220.
A ht. II. Elle nous a été figurée dans l'ancien Testament
par ces femmes remarquables telles que Eve, Sara et au-
tres. M. : Puisque Marie a toujours été l'attente des na-
tions, à l'exemple de ceux dont il est parlé dans les deux
exemples suivants, ayons le courage de l'honorer, 226.
CH. XLIH.— Reine des Apôtres. 1° Marie dans le ciel siège sur
un trône au-dessus d'eux, et sur la terre elle les a sur-
passés par sa fidélité, son zèle, sa science. 2° Avec eux
etplusqu'eux,elleacontribué à l'établissement del'Eglise.
M. Comme eux contribuons à faire aimer l'Eglise, et pri-
ons pour ses besoins, 233.
CH. XLIV. — Reine des martyrs. Ce n'est pas par l'effusion
de son sang, mais ce fut. 241.
Art. I. Par la longue durée de ses souffrances, 242.
Art. II. Par l'excès de ses douleurs. M. : Leçons que nous
donne la croix, 249.
Akt. III. Parla supériorité de son courage et la continua-
tion de ses amertumes, voyez-là au pied de la croix. M.:
Efforçons-nous de l'imiter. Ex. : Amour des souffrances.
257,
CH. XLV. — Reine des Confesseurs. Définition de ce mot.
1° Elle fut la Reine des Justes de l'ancienne loi, tels que
Abraham, parce qu'elle les surpassa par sa foi et son cou-
rage. 2° Elle le fut aussi de ces 1ers chrétiens, qui n'ont
pas craint de confesser leur foi en présence des tyrans,
*."ll TABLE ANALYTIQUE
des supplices et de la mort. M. : apprenons par la à ne
pas être esclaves du respect humain. Ex., 2H.'i.
Cil. XL VI. — Reine des Vierges. Marie la première a arboré
l'étendard de la Virginité, 272.
Art. I. Pour mieux en apprécier l'excellence, l'auteur con-
sidère l'estime qu'en ont fait Jésus et Marie. M. : Ta-
bleau de vie contraire. Ex. : Des punitions de ce-yiee.
Déluge, 273.
Art II. Heureux fruits de la pratique de la Virginité. Ex.
à imiter, 281.
CM. XLVII. — Reine de tous les Saints, 289.
Art. I. Elle surpasse tous les Saints : 1° En Sainteté, .mal-
gré notre mauvaise nature, imitons-la; 2° En puissance.
Comme elle peut beaucoup auprès de Dieu, adressons-
nous à elle, 289.
Art. II. Par la prééminence de sa gloire digne récompense
de sa pureté et de son humilité. M. : Peinture du ciel.
Ex., 296.
Cil. XLVIII. — Marie conçue sans péché, 305.
Aht. I. Définition et proclamation du Dogme de l'Immaculée
Conception. M. : Le Dogme est propre à redoubler notre
confiance envers cette bonne Mère, 306.
Art. II. Autorité de la Sainte Ecriture à l'appui. Détails.
M. : De notre part précautions à prendre pour la conser-
ver. Ex. : Médaille miraculeuse, 313.
Art. III. Raisons de convenance en faveur de Marie par
rapport aux trois personnes divines. M. : Efforçons-nous
d'être purs aussi pour nous approcher de la sainte com-
munion. Ex. : Invoquons-la sous ce titre au moment de
la tentation, 322.
CH. XLIX. —Reine du St-Rosaire, 331.
Art. 1. Son origine, 331.
Art. II. En quoi il consiste, 336.
Art. III. Ses avantages. M. Ex., 339.
CH. L. — Agneau de Dieu. Xous terminons ces innombrables
invocations par le nom d'Agneau : 1° Parce qu'il en
avait l'innocence, la duuceur et la destination. 2° Parce
TABLE ANALYTIQUE UN
qu'il était la seule victime capable d'apaiser la colère de
Dieu. M. . Deux sentiments doivent nous animer lorsque
nous adressons à cet Agneau ces paroles : Pardonnez-
nous; Exaucez-nous : sentimeuts d'humilité, sentiments
de confiance, 343.
CH. LI. —Clôture. Nombreuse et édifiante assistance pour
remercier Marie des grâces obtenues par son intercession.
Persévérance dans son culte. Consécration à cette bonne
Mère. Pieux sentiments et prières ferventes du Pasteur
pour sa paroisse, 350.
CH. LU. — Exercice pour le chemin de la Croix. Son origi-
ne, ses avantages, conditions pour les obtenir : six Ex-
ercices, 359.
TOME PREMIER
NOTES 1". Sur Notre-Dame de Lorrette, 359.
2*. Explication de l'Ave !Maris Stella, 70.
3e. Condamnation de Nestorius, niant à Marie son
titre de Mère de Dieu, 81 .
— 5e. Exemple de dévotion pour l'Ave Maria, 93.
— " 6e. Consécration du Samedi à la Ste Vierge, 115.
7P . L'Oraison dom inicale adressée à la Ste Vierge, 1 33 .
— 8e. Mariage de la Ste Vierge, 152.
— 9e. Perpétuelle Virginité de Marie, 168.
10e. Quelques conseils aux Vierges chrétiennes. 169.
— 11e. Portrait de la Ste Vierge, 186.
— 12e. Cettenotea quelques rapports à la précédente, 202
— 14e. Conduite de M. Olier envers Marie. Guérison
obtenue à N.-D. de Lorette, 236.
— 15e. Raison de l'obscurité du culte de Marie dans les
1ers siècles, 239.
— 16e. La Ste Vierge en Italie et principalement à Rome,
242.
— 17e. Dévotion à Marie échauffant tous les cœurs, se
manifestant sous toutes les formes, 246.
— 18e. Culte de Marie en France, 249.
— 19, 20e. Ces deux notes confirment les iprécédentes,
254, 255.
152 TABLE ANALYTIQUE
NOTES 2R Origine de l'Archiconfrérie, 260.
— 22e. Vierge puissante. Copie de deux prières adressées
à Marie, "271.
— 2:5e. Salve Régina, 280.
— 24e. Connaissance de soi-même, moyen de l'acquérir,
301.
— 26e. Jugement de St Augustin sur L'humilité, 348.
Vive Jésus ! Vive Marie.
TOME DEUXIÈME
NOTES lrp. Quelques détails sur l'esclavage de la femme, 8.
2e. C'est surtout à la femme que Jésus-Christ ré-
serve ses faveurs, 15.
3e. Maigre la note précédente, Jésus-Christ a montre
aux hommes qu'ils doivent aussi aimer, ho-
norer et prier Marie, 20.
4e. Empire d'une épouse Chrétienne sur le cœur de
son mari, toujours et à la mort, 25.
— 5e. Tous les ordres religieux, hommes et femmes,
attribuent a Marie leur naissance à leurs pro-
grès, 52 .
— 0e Heureux résultats de porter sur soi un insigne
béni de Marie, 55.
— 7e. Origine du scapulaire et ses avantages, 85.
— 8e. Si le protestantisme n'est pas encore la religion
dominante en France, c'est à Marie que nous
le devons, 90.
— 9e. Un désabusé. St François Xavier, 120.
— 10e. La fleur orgueilleuse. Quiconque s'élève sera
abaissé, 137.
11e Avantages des pèlerinages, 144.
— 12e. La virginité n'a jamais pu prendre racine dans
l'ancien monde, ni chez les Juifs, ni chez les
prétendus réformateurs, 287.
— 13e. Résurrection et Assomption de Marie, 331.
— 14e. Cantiques. Deux, 353.
VERDUN. — IMPRIMERIE CHARLES LAURENT.
$&■
IMï^M
ma m
:r*m
m -v
X*ÇV
m
WmîWM
%sfë few
■an
ÉM%t
^âfe^
-kl