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Full text of "Paris galant au dix-huitième siècle; vie privée du prince de Conty, Louis ..."

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Paris galant au Dix-HuirièME siècle 

Vie privée du 

prince de Conty 

LOUIS-FRANÇOIS DE BOURBON 

{fji-j-tTje) 

Racontée d'après les documents des archives 

les notes de la poHce des mœurs 

et les Mémoires, manuscrits ou imprimés, 

de ses contemporains 



G. CAPON et R. YVE-PLESSIS 

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Otrmge orné d'un portrait en tailk-doucc 



JEAN SCHEMIT, LIBRAIRE 
52, rue Laffitte, Paris 

1907 



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PaRJS galant au DlX-HUlTlèME SIÈCLE 

Vie privée du 

prince de Conty 

LOUIS-FRANÇOIS DE BOURBON 

Racontée d'après les documents des archives 

les notes de la pohce des mœurs 

et les Mémoires, manuscrits ou imprimés, 

de ses contemporains 



G. CAPON et R. YVE-PLESSIS 



Ouvrage orné d'un portrait en taffle-douce 



)EAN SCHEAUT, LIBRAIRE 
52, rue Lafïitte, Paris 

1907 




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LE PRINCE DE CONTY 

LOUIS-FRANÇOIS DE BOURBON 



1/ a été Hré 
Six cents exemplaires numérotés, dont : 

io exemplaires sur Japon impérial (é à lo) 
20 exemplaires sur Hollande Y an Gelder (n à 3o) 
Sjo exemplaires sur e Vellum » anglais (3é à 600) 



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Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays. 



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TUK NEW YOiK 
PUftUC LIBRARY 



ASTOn. LEMOX AN» 
riLDBN rOOMBA-nON» 



Paris galant au dix-huitième siècle 

Vie privée du 

prince de Conty 

LOUIS-FRANÇOIS DE BOURBON 

0717-1776} 

Racontée d'après les documents des archives 

les notes de la police des moeurs 

et les Mémoires, manuscrits ou imprimés, 

de ses contemporains 



I 



G. CAPON et R. YVE-PLE8SIS 

\ 



Ouvrage orné d'un portrait en taille-douce 



JEAN SCHEMIT, LIBRAIRE 
Si, rue Laffitte, Paris 

1907 



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THE NEW VORK 
PUBLIC LIRHAPV 

:; : 1002 . 

ASTOR. LENOX AND 

. ILDEN FOUNDATION 

n 1 02^ L 



VIE PRIVÉE DU PRINCE DE CONTY 



Pour juger impartialement an personnage historique^ 
rien de tel que de connaître^ au préalable^ le bien et le 
mal que disaient de lui ses contemporains. Avant d'en- 
treprendre une relation de la vie privée de Louis-Fran- 
çois de Bourbon-Conti/y il n'est pas sans intérêt de 
résumer y d'après une liasse de papiers du temps, F opi- 
nion qu'avaient de ce prince les gens qui rapprochaient. 

Nous classerons ces portraits à peu près par ordre 
chronologique. 

En ijio {Conty a vingt-trois ans), le marquis dAr- 
genson, qui le déteste cordialement^ note cette impres^ 
sion : 

M. le prince de Conty a un fonds d* esprit , mais il a la 
grande sottise de quantité d'affectation ; il outre ce qu'il 
est; il Joue le libertin, Fêtant; le méchant, le satyrique, 
tétant aussi; et, à tout ce métier-là, il se fera crever et 
haCr (i). 

(i) Marquis d'Aaoinson, Journal et Mémoires, édition Rathery, 
tome III, p. 27. 

1 



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À LB PRINCB DB CONTT 

En 1745^ dans un de ces livres à clé comme il en 
parut tant au dix-huitième siècle^ les Mémoires Secrets 
pour servir à l'Histoire de la Perse, attribués à La 
BeaumellCy on trouve cette esquisse sous le nom supposé 
de Morad-Bakche : 

Morad'Bakche (Prince de Conty)^ fils dune sœur de 
Mirza-Haddi (Duc de Bourbon) fut ^ dans ses jeunes années, 
un Prince d^une grande beauté et bien fait . // avoit de 
tesprit; il éioit d'un caractère aimable, et il ne démentit 
guère, en croissant, les grandes espérances qu'on en avoit 
conçues. Il étoit brave, aimant le métier de la guerre, vif, 
jaloux de son rang, mais trop prodigue, défaut quidéran- 
gea ses affaires (i). 

Le prince de Ligne^ dans ses Lettres et pensées, 
étage et fortifie son sentiment personnel de celui de la 
mère du prince de Conty : 

Cest un composé de vingt ou trente hommes. Il est fier, 
il est affable, ambitieux et philosophe tour à tour ; fron- 
deur, gourmand, paresseux, noble, crapuleux ; V idole et 
Vexemple de la bonne compagnie, n'aimant la mauvaise 
que par un libertinage de tète, mais y mettant beaucoup 
d amour-propre, tenant un peu de M, de Vendôme et du 
grand Condè ; voulant jouer un rôle, mais n'ayant pas 
assez de tenue dans l'esprit. Sa mère disait un jour de lui : 
a Mon fils a bien de l'esprit ; oh ! il en a beaucoup ; on en 
voit d abord une grande étendue ; mais il est en obélisque, 
il va toujours en diminuant à mesure qu'il s'élève, et finit 
par une pointe, comme un clocher » (2). 

A propos de la campagne de Conty en Italie {ij4i)y 
Mouffie d'Angerville, auteur de la Vie privée de 
Louis XV, parue sous l'anonyme en z///, dit : 

C étoit un prince appliqué et qui, dans la fougue de Page 
et des plaisirs, étoit tourmenté de cet amour de la gloire 

(i) Mémoires Secrets pour servir à V Histoire de la Perse, p. 34. 
(2) PnmcB DC Ligne, Lettres et Pensées, pp. g-io. 



LE PRINCE DB CONTY 3 

qui fait supporter le travail le plus pénible et vaincre tous 
les obstacles (i). 

L'écrivain qui^ sous le titre : Fastes de Louis XV, 
« démarqua » la Vie privée de Mouffle^ explique ainsi 
la retraite prématurée du prince de Conty et son déta- 
chement des ajf aires : 

Son aversion pour les gênes de la Cour^ son peu d égards 
pour les maîtresses de Louis XV F en ont éloigné depuis et 
empêché d'être employé selon ses mérites. En général la 
franchise du caractère du prince de Conty ne sympathi- 
soit point avec celui du monarque qui sentoit la supériorité 
de cette âme forte et énergique sur la sienne (2). 

Dans une note^ rédigée vers l'jSg par M. de Paulmy 
et conservée avec son « portefeuille » aux manuscrits de 
la Bibliothèque de F Arsenal ^ on peut lire : 

Il (Conty) est de la plus belle figure ; // a beaucoup 
desprit et la superficie de beaucoup de connoissances. Il 
est noble^ fier^ généreux^ ennemy dangereux ; bon amy et 
protecteur zélé dès qu'il affectionne (3). 

D'une villégiature à FIsle-Adam en Jj6j^ la comtesse 
de Genlis rapporte toute une collection de notes, petits 
essais malins, sur les familiers du prince. De Vamphy^ 
trion, voici ce qu'elle pense : 

M, le prince de Conty étoit le seul des princes du sang, 
qui eût le goût des sciences et de la littérature, et qui sut 
parler en public. Il avoit une beauté, une taille et des 
manières imposantes ; personne ne sut dire des choses obli- 
geantes avec plus de finesse et de grâce et, malgré ses succès 
auprès des femmes, il étoit impossible de découvrir en lui 



(i) Vie privée de Louis XV, tome II, p. 194. 

(2) Fastes de Louis XV, tome I, p. 99. 

(3) BiBL. DB l'Arsbnal, ManuscHts, 3 119, fol. 89. 



4 LE PRINCE DE CONTY 

la plus légère nuance de fatuité. Il fut aussi le plus magni- 
fique de nos princes... (i). 

M^^ de Genlis ne reproche à Conty que son regard. 
Il a l'œil trop profond et scrutateur; quand il vous fixe j 
on se sent comme paralysé. 

Le président Hénault lui consacre ces lignes : 

Ce prince né sauvage et en même temps si bienfait pour 
la société, n'a pu en être séparé d abord que par timidité ; 
car il ne faut pas s*y méprendre, le désir de plaire qui 
tient tant à Vamour-propre et au témoignage favorable 
que Von se rend de soi-même, fait qu*on ne veut pas man- 
quer son coup. Mais enfin ses succès Vont encouragé et il 
n'y a pas de particulier plus aimable. Nul ne connaît mieux 
les attentions les plus flatteuses ; ce n'est pas populaire, ni 
civil qu'il est ; c'est de cette politesse qui n'est restée qu'à 
lui dans l'âge où nous vivons (a). 

A la mort de Conty {1776) /«^Mémoires secrets, dits 
de Bachaumonty constatent : 

On s'entretient beaucoup de la mort du prince de Conty 
qui, par son patriotisme généreux, avoit mérité Caflection 
des Français (3). 

Enfin un mémorialiste qui a vu le prince de très près j 
un ami de la comtesse de Bouffiers-Rouverel, maîtresse 
de Conty ^ le diplomate Dutens. écrit ^ en 1808^ ce pané" 
gyrique désintéressé : 

M. le prince de Conty étoit l'un des plus aimables et des 
plus grands hommes de son siècle ; il avoit la taille parfai- 
tement belle, l'air noble et majestueux, les traits beaux et 
réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard 

(1) M"« DE Gbnlis, Mémoires^ lome I, p. 298. 

(2) PRisioENT Hénault, Mémoires, p. 276. 

(3) Mémoires secrets, tome IX, p. 202. 



LE PRINCE DE COIITT 5 

fier ou doux^ suivant Voccasion; il parlait bien, avec une 

éloquence mâle et vive, s'exprimait sur taus les sujets avec 

beaucoup de chaleur et de farce ; Célévatian de san âme, 

la fermeté de san caractère, son caurage et sa capacité 

sont assez connus en Europe pour que je me dispense d'en 

parler ici. Quand il vivait familièrement avec ceux quil 

ai moi t^ il étoit simple dans ses manières, mais c'était la 

simplicité du génie ; dans la société^ il était le premier à 

bannir toute contrainte ; il s'en trouvait gêné lui-même, au 

point cTen témoigner de t impatience,,, (i). 

Comment ce prince si remarquablement doué — tous 
là-dessus sont d accord — appelé par sa naissance et 
son intelligence à jouer un râle politique considérable 
d une époque oà les grands hommes étaient plutât 
rareSf n^a-t-il laissé qu^une trace presque nulle? Com- 
ment, selon le mot de Sainte-Beuve^ est-il^ en quelque 
sorte^ « passé à côté de PHistoire^ sans y entrer » ? 

C'est que le prince de Conty, simple et bienveillant 
avec ses inférieurs^ se montrait au contraire, avec ceux 
quil estimait être ses pairs, d'une intraitable raideur. 
C^est qu'il manquait absolument de souplesse dans 
r échine ; souplesse nécessaire alors, non seulement 
devant le Bai, mais encore devant ses favoris, voire ses 
favorites. Conty, brave, actif, ambitieux, opiniâtre; 
généreux Jusqa à la prodigalité et pourtant très entendu 
aux affaires; ardent mais réfléchi et voyant de loin; 
amoureux des arts, épris du beau sous toutes ses for- 
mes ; libertin à P excès, mais sans jamais se laisser avilir 
par ses maîtresses ; infatué de son rang quoique philo- 
sophe; indévot sans être athée; — Conty, esprit com- 
plexe, mais caractère droit et tout d'une pièce, professait 
par dessus toute chose l'horreur de la bassesse, le mépris 
de la courtisanerie. Ecarté de la faveur du Bai par 
tanimadversion de M^^ de Pompadour, il préféra se 
hérisser dans son orgueil et vivre exilé de Versailles, 
brouillé avec Louis XV, même après la mort de son 

(i) DuTBNS, Mémoires d'an Voyagear qui se repose, tome II, 

p. 17. 



b LB PRINGB DE CONTY 

ennemie^ plutôt que de tenter un geste de rapproche- 
ment qiion aurait pu prendre pour un acte de soumis^ 
s ion. Par son opposition syistématique aux hommes de 
la Cour, il devint le plus populaire des princes. Mais la 
popularité ne survit pas à son objet et Conty en mourant 
disparut tout entier^ faute d^avoir eu Foccasion de don' 
ner la mesure de ses talents. 



Enfance et adolescence 



Naissance de Louis-François de Boarbon-Gonty. — Son père putatif, 
Louis-Armand de Bourbon. — Passe-temps princiers. — Un ménage 
troublé. — Les amants de madame de Conty. — M. de la Fare, dit 
c Poupart 1. — Education du prince. — La mort du père Ducer- 
ceau. — Mariage de Louis-François. 



L 



ouis-François de Bourbon naquit à Paris, le 
i3 août 1717, en l'hôtel de Conty, sur le quai qui 
porte aujourd'hui son nom. Dangeau dit, à cette date : 
« Le prince dont madame la princesse de Conty vient 
d'accoucher, ne s'appellera point comte de la Marche; 
il aura le nom de prince de La Roche-sur-Yon » (i). 

(i) Ce titre de prince de La Roche-sur- Yod avait été porté déjà 
dans la famille par le graod-père de celui qui nous occupe, 
Fraoçois-Louis, dit le Grand Conty, réphémère roi de Pologne 
(1664-1709). On lit à ce propos, dans les Mémoires de Mademoi" 
selle de Montpensier (IV, 493 j : « M. le prince de Conty, n'ayant 
point de nom à lui donner, me demanda la permission de lui 
faire porter celui-là, dont j'ai la terre ». C'est ainsi qu'il est 
nommé, en 1670, par la Gazette de France, rendant compte du 
baptême de Mademoiselle de Bourbon {Gazette^ p. 9Ô0). 

Le Grand Conty avait d'ailleurs transmis le titre à la deuxième 
de ses filles, Louise-Adélaïde, princesse de La Roche sur-Yon 
(1696-1750), tante de notre héros. — Voir, à la fin de ce volume, 
le tableau généalogique des Conty. 



8 LE PRINCB DE CONTT 

Dangeau se trompe de bonne foi. Très probable- 
ment, le prince de Conly avait-il au mois de juillet 
rintention de nommer ainsi son second fils. A ce 
moment, en eifet, son fils atné, le jeune comte de 
La Marche, né le 28 mars 17 r 5, vivait encore et deux 
frères, à supposer que l'enfant qu'on attendait fût un 
garçon, ne pouvaient pas porter le même titre. Mais 
le petit prince, valétudinaire et rachitique, mourut le 
iw août 1717, douze jours avant les deuxièmes cou- 
ches de sa mère. Et très certainement cette mort déter- 
mina les parents à changer de projet pour donner à 
Louis-François, devenu Tatné de leur descendance le 
titre qui désignait, de père en fils, les héritiers pré- 
somptifs de leur nom. 

Héritier du nom, Louis*François Tétait, à coup 
sûr. Quant à être le fils de son père et le descendant 
des Conty, la chose est beaucoup moins probable et 
la controverse au moins est permise. 

Son père putatif, Louis-Armand II de Bourbon- 
Conty, était un très vilain sire, au moral aussi bien, 
ou plutôt aussi mal qu'au physique. Bossu par devant 
et par derrière, plein de tics nerveux, d'une laideur 
si forte qu'on l'avait, à la Cour, surnommé le « Singe 
vert », il n'était pas moins méchant que contrefait, pas 
moins vicieux que hideux. Possible même qu*il fût 
un peu dément ; car outre son humeur, en tout temps 
bizarre, il apportait dans la débauche, « sadique » 
avant le marquis de Sade, certains raffinements qui 
dénoncent un véritable déséquilibre d'esprit. Ses 
simples passe-temps étaient volontiers cruels et il 
semblait faire assaut de férocité avec son jeune 
parent, le comte de Charolais, cet autre fou dont 
l'Histoire rapporte des traits à faire frémir... Veut-on 
savoir comment le prince Armand de Conty se diver- 
tissait au bal ? 

A Tun des derniers bals de l'Opéra, raconte la princesse 
Palatine, il s'empara d'une pauvre petite fille récemment 
arrivée de la province, l'arracha d'à côté de sa mère, la plaça 



LE PRINCE DE GONTT 9 

entre ses jambes, et tandis qu'il la tenait d'un bras, il lui 
appliqua des soufflets et des chiquenaudes, qui lui firent sor- 
tir le sanç du nez et de la bouche. La jeune personne qui ne 
lui avait jamais fait de mal, et qui ne le connaissait même 
pas, pleura à chaudes larmes ; mais il se mit à rire et dit : 
« Ne sais-je pas bien donner des chiquenaudes » ? Tous ceux 
qui ont été témoins de cette scène brutale, en ont eu pitié ; 
cependant personne n'a osé venir au secours de la pauvre 
enfant ; car on craint d*avoir affaire à ce fou violent : il fait 
les grimaces les plus affreuses; moi, qui redoute extrême- 
ment les fous, je tremble quand je me trouve tête à tête avec 
lui (I). 

On disait encore de Louis-Armand, s'il faut croire 
aux Souvenirs de M"** de Gaylus, qu'il était « le mary 
de bien des femmes et la femme de bien des hommes ». 

 dix-huit ans, Conty avait épousé, le g juillet i7t3, 
en la chapelle du château de Versailles, sa cousine 
Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, dite mademoi- 
selle de Bourbon, de deux ans plus âgée que lui, 
femme charmante et très digne d'être aimée de son 
mari. 

« C'est une personne pleine d'agréments, qui joue 
à la beauté le tour de prouver clairement que la grâce 
est préférable. Quand elle veut se faire aimer, on ne 
peut y résister ; elle a des manières agréables, de la 
douceur et point de mauvaise humeur et dit toujours 
quelque chose d'obligeant ». Ainsi témoigne d'elle 
une contemporaine, qui ne pèche point dans ses juge- 
ments par excès d'indulgence {2). 

Mais le mariage n'avait modifié ni les goûts ni les 
habitudes de l'affreux bossu, sinon qu'il ajouta à ses 
violences ordinaires des accès de jalousie maladive. 
Il séquestrait sa femme, lui défendait toute société 
masculine, la menaçait sans cesse, faisait épier ses 
moindres mouvements, se plaisait à la venir surpren- 

(i) M^M LA DUCHB88B d'Orlâans, PRINGBS8B Palatinb, Mémoires^ 
Fragments historiques et Correspondance, pp. 270-271. 
(2) Ibidem, 



10 LB PRINCE DE CONTT 

d're, au milieu de la nuit, pistolet au poing, sous pré- 
texte qu'elle cachait des amants dans sa chambre à 
coucher; et comme il était souvent enflammé de vin, 
la princesse tremblait que, dans ces crises, il ne se 
portât à quelque extrémité. 

Gardait-il au moins, de son côté, cette fidélité qu'il 
exigeait de sa femme avec tant de rigueurs? Une 
anecdote va nous le peindre tout entier. 

Parmi les prostibules de Paris, un des mieux acha- 
landés, à la fin du règne de Louis XIV, était celui des 
époux Berlier de Montrival, au faubourg Saint-Martin. 
Ces entremetteurs de condition^ vraie noblesse s'il vous 
plaît, avaient réuni dans leur demeure, magnifique- 
ment meublée^ une demi-douzaine de jolies « barbo- 
teuses » dont les chroniqueurs du temps nous ont 
conservé les noms et dont Tatnée n'avait pas plus de 
vingt ans (i). La clientèle n'était que de qualité. Ce 
fut dans cette maison que, malgré le tarif élevé du 
sérail et la jeunesse des aimées, Louis-Armand de 
Bourbon gagna, l'année qui suivit son mariage^ une 
de ces maladies que les plaisants d'alors nommaient 
a clou de Saint-Côme » (2). Le pire est qu'il en fit 
immédiatement présent à la princesse, sa femme. Non 
content de porter plainte au lieutenant de police, 
Conty retourna chez les Montrival avec sa livrée, 
accompagné d'un garçon boucher qu'il avait habillé 
de même et muni d'un gros soufflet. Après avoir fait 
subir mille cruautés à la fille coupable, le prince la 

(i) Elles se nommaient : Reine Dupré, 17 ans ; Thérèse Four-, 
nier, 19 ans; Marguerite Ruzé, 20 ans; Elisabeth Ghamard, 
18 ans ; Nicole Desprée, 18 ans et Marie Beaurepaire, 17 ans. 
(BuvAT, Journal de la Régence, p. 126). 

(2) A Isernia, près de Naples, le culte de Priape subsista long- 
temps et on venait prier saint Côme en lui offrant des ex-ooto en 
forme de « membre affligé ». On vendait également dans cette 
église de l'huile de saint Côme pour guérir les malades qui 
venaient se présenter à l'autel, mettant sans honte à découvert 
la partie malade, laquelle était toujours l'original de la figure 
en cire qu'ils avaient offerte (Dulaure, Histoire des différents 
cultes, II, 294). 



LE PRINCE DE CONTT il 

livra au boucher qui la souffla par Tanus comme il 
eût fait (l*un veau ou d'un mouton. La malheureuse 
creva de cette opération terrible. L'affaire, on le pense, 
s'ébruita et le lieutenant de police, déjà saisi de la 
plainte de Conty, chercha des responsables. Comme 
il ne pouvait s'attaquer à un prince du sang, le poids 
de la vindicte publique retomba sur les tenanciers 
chez qui s'était commis ce crime étrange. Le 12 mars 
I7i4i le bourreau fustigea publiquement le marquis 
et la marquise de Montrival attachés au cul d'une 
charrette, nus jusqu'à la ceinture, et, selon le cérémo- 
nial ordinaire, coiffés d'un chapeau de paille. Ce 
n^est pas le chapeau qui les gênait le plus. Ils furent 
menés dans cet équipage depuis la prison de la Con- 
ciergerie où ils étaient détenus jusqu'à leur hôtel du 
faubourg Saint-Martin. L'arrêt de la Chambre de la 
Tournelle qui les avait condamnés à cette peine infa- 
mante prescrivait en plus qu'ils seraient bannis de 
Paris pendant neuf ans u pour avoir fait de leur mai- 
son une académie de débauche en corrompant des 
jeunes filles, pour y attirer des jeunes gens de qualité 
et autres afin de s'en divertir ». Les Montrival se retirè- 
rent à Rouen où ils continuèrent leur commerce (i). 
Si la vengeance abominable qu*il avait tirée d'une 
pauvre prostituée avait apaisé le prince, il n'en était 
pas de même de la princesse. Outragée et souillée, 
elle résolut de se venger à sa manière et cette manière 
fut de rendre à son mari trait pour trait, cocuage 
pour infidélité. Elle prit des amants. Le premier 



(i) BuvAT, Joarnal de la Régence, p. 126. ~ [Soulavib], Mémoi- 
res du duc de Richelieu, tome VIII, p. 182. — Boisjourdain, 
Mélanges historiques, tome II, p. 3o5. ~ Dans ses Mémoires du 
duc de Richelieu, Soulavie, qui broaille un peu les faits, les 
dates et les personnes, impute cette histoire à notre Conty, 
Louis -François. C*est une erreur grossière et qui ne se discute 
même pas, puisque les Montrival furent condamnés en 1714 et 
que Louis-François de Bourbon vint au monde en 1717. « Com- 
ment l'aurais-je fait, si je n*élais pas né », dit Tagneau de la 
fable. 



12 LB PRINCE DB CONTT 

paraît avoir été Georges-Gaspard de Clermont-Ges- 
sans, comte de Clermont, marquis de Saint-Âignan, 
colonel au régiment d'Auvergne et gentilhomme du 
prince de Conly, qui le logeait dans son hôtel aux 
appoinlemenls de 13.000 livres. Mais le prince s'aper- 
çut vite de la manigance, fit des éclats qui amusèrent 
la Cour et la Ville, et mit Clermont à la porte, pour 
donner sa place à Ârmand-Louis du Plessis, 61s du 
marquis de Richelieu (i). 

D'après Soulavie {Mémoires du duc de Richelieu) le 
successeur de M. de Clermont dans le cœur de M°>^ de 
Gonty futle marquis de La Fare, capitaine des gardes 
du Régent. Mais nous avons des raisons de croire 
qu'une autre intrigue fut nouée par la princesse, 
dans l'intervalle, avec M. de Matignon-Gacé (2). 

(i) L'abbé Soulavie dit, parlant de ce seigneur : le marqais de 
Richelieu. Mais il n'existait à cette époque qu'un marqais de 
Richelieu, Louis-Armand du Plessis, né en ié54, et par consé- 
quent âgé de plus de soixante ans. Saint-Simon rapporte que 
c'était « un homme obscur, ruiné, débauché ». Nous savons 
encore par les Mémoires de Soarches qu'il avait été « un garçon 
extraordinaire, de complexion très amoureuse, un des plus 
vi^ureux et des plus agiles hommes de son temps ». Il était 
neveu du duc de Richelieu et de la duchesse d'Aiguillon. A la 
mort de cette dernière, en 1704, il avait fait des pieds et des 
mains pour avoir le duché, mais sans 7 réussir. 

Il s'agit donc ici, très certainement, du fils, Armand-Louis 
du Plessis, qu'il avait eu en i683 de son mariage avec Marie- 
Charlotte de La Porte-Mazarini et qui parvint en lySi, l'année 
qui suivit la mort de son père, à se faire mettre en possession 
du titre de duc d'Aiguillon. Ce Richelieu, duc d'Aiguillon, qui 
mourut en 1780, fut le père du fameux duc d'Aiguillon, maréchal 
et ministre de Louis XV. 

(2) Marie-Thomas-Auguste Goyon de Matignon, né le 18 août 
1684, connu d'abord sous le nom de chevalier et ensuite de mar^ 
quis de Matignon, baron de Briquebec et de Gacé, comte de 
Bourbon, de Montjay et d'Ormoy. troisième fils de Charles- 
Auguste de Matignon, maréchal de France. Garde-marine en 
i6g8, enseigne de vaisseau en 1703, mestre de camp d'un régi- 
ment de cavalerie vacant par la mort d'un de ses frères en 1707, 
il fit toutes les campagnes de 1709 à 1718 et fut nommé briga. 
dier des armées du Roi en 17 19. Il épousa en 1720 Edme-Char- 
lolte de Brenne, dame du palais de la Reine. — On l'appelait 



LS PRINCE DB CONTT 13 

Nous avons vu que les éclats du prince de Conty 
avaient prêté à rire à tout Paris. On chansonnait 
ferme le jaloux contrefait qui mettait sottement le 
public au courant de ses déboires conjugaux. Or, 
deux couplets, différents, du Chansonnier de Maure- 
^ pas, nomment M. de Matignon-Gacé comme prédéces- 
seur de M. de La Pare : 

Chanson^ sur Pair : c La Fari don daine ». 

Ecoutez, dames de Paris, 
Je vais parler sans feinte; 
Je commence par la Conty 
Que La Fare f... sans crainte ; 
Il succède à ce Matignon, 

La fari don daine, 

La fari don don ; 
Qa*il prenn* garde d*y réussi, 

Biribi, 
A la façon de Barbari, 
Mon ami. 

Autre Chanson sur l'air des < Cloches ». 

Le Gacé 
Est chassé ; 
Le Conty vous a laissé 
La Fare ! 
LaFarel(i) 

parfois Matignon le cadet pour le distinguer de Louis^ean- 
Baptiste, son frère aîné, et il passait pour fort débauché. Des 
triolets, rimes eo 1716 et conservés à la Bibliothèque Nationale 
(Manuscrits français, 12628, fol. SyS), disent de lui : 

Parlons un peu de Matigïion, 
Non pas de rainé que j'honore, 
Mais du cadet, méchant fripon ; 
Parlons un peu de Matignon. 
Il mène la vie de chausson, 
Et finira plus mal encore. 
Parlons un peu de Matignon, 
Non pas de rainé que j'honore. 

(i) BiBLiOTHÂQuB Nationale: Manuscrits français, 12628, ff. 889 6m 
et 332. — A la deuxième de ces chansons, on lit, en marge, sur le 
manuscrit : « Mm« la princesse de Conty, la jeune ». 



14 LE PRINGB DE CONTY 

A notre compte, le marquis de La Fare ne vint 
donc probablement que troisième, en Tannée 1716, 
ainsi que l'indiquent très formellement les dates des 
chansons qui précèdent et de celles qu'on va lire. 

Philippe-Charles, marquis de La Fare et comte de 
Laugère, était né en i685. Il avait été tenu sur les 
fonts du baptême, au Palais Royal, par Monsieur et 
Madame. Lieutenant dans la maison du Roi, il avait 
eu le régiment de Gâtinais en 1704. Depuis le mois de 
mai 1712, il était capitaine des gardes du corps de 
Philippe d'Orléans et il avait été nommé brigadier 
d'infanterie le i«' janvier de cette année 1716(1). Il 
avait épousé, le 6 août 1718, Françoise Paparel, fille 
de Claude-François, seigneur de Vitry-sur-Seine, tré- 
sorier de l'ordinaire des guerres. Mais Paparel venait 
d'être condamné à mort pour crime de péculat et ses 
biens confisqués au profit du Roi. La Fare avait obtenu 
que son beau-père fût seulement détenu à vie aux 
tles Sainte-Marguerite et ses biens attribués à lui- 
même, son gendre. De ce fait, il était puissamment 
riche, d'autant plus qu'il conservait seul l'administra- 
tion de cette fortune mal acquise, ayant décidé sa 
femme à s'enfermer au couvent pour fuir le scandale. 
Cet homme pratique était un beau cavalier, grand, 
bien charpenté, auquel on ne pouvait guère reprocher 
que son obésité précoce et sa face trop ronde. La 
princesse de Conty Rappelait en riant : son poupart et 
le sobriquet lui resta. Il passait auprès des femmes 
pour un médiocre champion dans les tournois amou- 
reux. Ces couplets en font foi : 



(i) Le marquis de La Fare fut par la suite lieutenant-général 
au gouvernement du Languedoc, département et étendue du 
Vivarais, du Velay et du diocèse d'Uzès (1718) ; gouverneur des 
villes et chAteau d*Alais et du pays des Gévennes ; maréchal de 
camp (1720) ; chevalier de la Toison d'Or (1722) ; commandant 
en chef du Languedoc (1724), etc. ; maréchal de France en 1746. 
Il mourut de la petite vérole le 4 septembre 1752 (La Ghesnayb- 
Desbois, Dictionnaire de la Noblesse). 



LB PRINCE DE GONTY 15 

Chanson sur Vair de c La Fronde », 
ou : Il a battu son petit frère. 

Que la Contj soit enrag'ée 
A un singe d'être attachée, 
Cela ne se peut autrement ; 
Mais qu'elle s'en tienne à la Fare, 
Ou son appétit n'est pas grand 
Ou sa retenue est bien rare (i). 

Autre Chanson sur Cair des t Landiris ». 

Belle princesse de Conty, 
Poupart a le V. . trop petit ; 
La Noue vaut bien mieux pour cela, 
Alleluïa ! (2) 

(Extrait d'un) Noël pour tyij. 

A la crèche arrivée, 
La charmante Contjr 
Parut fort étonnée 
D'y voir La Fare aussi ; 
L'Enfant qui connaît tout dit : c Gardez-vous, Marie, 
c De servir ce mignon, 

c Don, don ; 
c Le bossu le sçaura, 

c La, la, 
€ Il vous fera la vie » (3). 

Tous ces vaudevilles prouvent surabondamment 
que les amours de la princesse de Conty et du marquis 
de La Fare étaient en quelque sorte publiques. 
Encore avons-nous négligé de citer une facétie, très 
goûtée dans les ruelles, qui assignait des logements 
fantaisistes aux personnes de la Cour. Les satirisants 
logeaient le prince de Conty, laid et malpropre : c< A 

(i) BiBLiOTHàguB Nationale: Manuscrits français^ 12628, f. 292. 

(2) BiB. Nat. : Manuscrits français y 12628, f. 3o2. — M. de la 
Noue, un des fils du marquis de Langeais, était premier écuyer 
du prince de Conty. 

(3) BiB. Nat. : Manuscrits français^ 12629, f> >7^* 



16 LE PRINGB DB GONTT 

renseigne du Singe vert, à la Savonnerie », et la prin- 
cesse, sa femme : € Au Pouparty rue du Singe ». 

Nul d'ailleurs ne songeait à complaindre le « singe 
vert » de son infortune. On approuvait plutôt la prin- 
cesse : 

Chanson sur l'air : c Daye, dandaye » 
ou c L'année est bonne ». 

Vous avez, divine Conty, 
Un vilain singe de mary ; 
Bran de l'hymen qui vous le donne i 
Belle mignonne {bis). 

Quoi, ce magot, dans votre lit. 
Passe donc le jour et la nait ; 
Pourquoi souffrir qu'il vous moissonne ? 
Belle mignonne {bis). 

Gardez pour un objet charmant 
Ces trésors, cet enchantement ; 
Qu'ils revienn't au Dieu qui les donne... 
Belle mignonne {bis) (i). 

Nous ne nous appesantirons pas plus longtemps 
sur les querelles scandaleuses du ménage Gonty. On 
en retrouvera les échos dans tous les mémoires de la 
Régence. Soulavie prétend qu'à La Fare succéda le 
prince de Soubise (2) qui, lui-même, fut remplacé 
par M. de Richelieu. Cette fois le prince de Conty, 
trahi par son propre favori, par l'homme qu'il avait 
introduit dans sa maison en le substituant à M. de 
Clermont, déchaîna un tapage infernal. La princesse 
pour se soustraire aux fureurs de son mari, fit ins- 
truire un gros mâtin qui couchait sous son lit et qui 

(i) BiBLiOTHÂQUB Nationale : Manuscrits français y 12629, ^* >^7' 
(2) Jules François-Louis de Rohan, prince de Soubise (fils de 
Hercule-Mériadec de Rohan), né le 16 janvier 1697 ; reçu capi- 
taine-lieutenant des gendarmes dans la garde du Roi, en sur- 
vivance de son père, au mois de février 1717 ; mort de la petite 
vérole le 6 mai 1724. Il avait épousé, le 16 septembre i7i4f 
Anne-Julie-Adélaïde de Melun, fille de Louis, prince d'Ëspinoy. 



LE PRINCE OB GONTT 17 

en défendait les approches (i). Enfin, après une scène 
plus violente que les autres qui se passa le matin de 
Noël 1721, M"« de Conly, grosse pour la quatrième 
fois, se décida à quitter le prince et, profitant de ce 
qu'il était ivre à rouler, se réfugia chez la princesse 
Palatine, au Petit Luxembourg ; de là^ dans un cou- 
vent. Les époux se racommodèrent pourtant lors du 
mariage du Roi (lyaS) et reprirent la vie commune 
qui fut^ jusqu'à la fin, traversée par des orages fré- 
quents, car la princesse ne cessait point de voir M. de 
Richelieu (3). 

Revenons, en 171 7, à la naissance de Louis«Fran- 
çois, comte de la Marche, futur prince de Conty. Â 
cette époque, la princesse était, depuis plus d'un an, 
la maîtresse du marquis de La Fare. Personne n'hésita 
à attribuer le poupon au Poupart (3). 

 l'inverse de son atné, cet enfant d'ailleurs était 
superbe. Le chirurgien Clément l'ayant, à la demande 
de la mère, examiné pour savoir s'il était né viable, 
le trouva conformé à souhait. Il se rendit chez le 
prince et lui dit naïvement : — « Monseigneur, j'ai 
examiné la taille du prince qui vient de nattre. Il est 
droit. Faites-le coucher sans chevet, pour qu'il reste 
ainsi. Songez quel chagrin ce serait pour la princesse 
qui a fait ce prince droit si vous le rendiez tortu et 

(i) [Soulavib], Mémoires da duc de Richelieu^ tome VIII, 
pp. 55-56. 

(2) Le lecteur trouvera tous les détails désirables sur les alter- 
cats conjugaux des Conty qui furent le grand scandale de Tépo- 
que, dans les ouvrages suivants : Maurkpas, Mé/hoires, tome I, 
p. 236. — BuvAT, Journal de la Régence, tome lî, pp. 320-822. 
— Mémoires, Fragments historiques et Correspondance de la 
PniNCBssB Pàlatinb, passim. — Journal et Mémoires de Maibiev 
Marais, tome II, p. 207. 

(3) Cette opinion était si bien acceptée par les contemporains, 
qu'en 1745» vingt-huit ans plus tard, quand Louis-François de 
Bourbon-Conty partit avec La Fare guerroyer en Allemagne, on 
chanta : 

Nous avons le &ls et le père, 
Il ne reste qu'à souhaiter 
Que le Saint-Esprit les éclaire. 

2 



18 LB PRINCE DE GONTT 

bossu »• Le prince de Conty aurait bien voulu parler 
d'autre chose. Mais Clément, sans y entendre malice, 
le ramenait toujours à ses moutons : — < Songez qu'il 
est droit comme un jonc. Ne le rendez pas tortu et 
bossu, Monseigneur». Le prince de Conty, n'y pou- 
vant plus tenir^ prit le parti de la fuite (i). 

La prime jeunesse du comte de La Marche s'écoula 
sans incidents. Livré aux femmes, ainsi que tous les 
bambins de son âge et de son rang, il grandit et pros- 
péra en force et en santé tandis que s'étiolait et dépé- 
rissait son cadet, Louis-Armand, duc de Mercœur, 
venu au monde en 1720 (2). Quand il eut quatre ans, 
on le baptisa. Il eut l'honneur d'être tenu sur les 
fonts par son grand cousin. Sa Majesté le roi de 
France. Le Mercure^ en ces termes, relata l'événe- 
ment : 

Avril iy2i, — Le 28, le Roy entendit la Messe chantée par 
sa musique, après laquelle M. le comte de La Marche, Prince 
du sang^ fils de Louis-Armand, Prince de Conty, reçut les 
cérémonies du baptôme ; ayant le Roy pour parrain et Madame 
pour marraine (3) ; et il fut nommé Louis. M. le duc d'Or- 
léans et toute la Cour assistèrent à cette cérémonie, qui fut 
faite par M. Tévèque de Metz, premier aumônier, en pré- 
sence du curé de St-Germain-l'Auxerrois. 

A l'instigation de la princesse de Conty, seconde 
douairière, de qui le directeur de conscience appar- 
tenait à la compagnie célèbre fondée par Ignace de 
Loyola, Louis-François, quand il fut en état de com- 
mencer ses études classiques, fut placé au collège 
Louis-le-Grand. Il avait neuf ans. Il est assez curieux 
de constater que ce prince qui devait être dans la 
suite le plus indévot de sa race et qui, seul peut-être 
de tous les Bourbons, mourut sans confession, fut 

(i) Mémoires de la Princesse Palatine, p. 272. 

(2) Le duc de Mercœur mourut en 1722 (Voir la généalogie 
des Conty à la fin du volume). 

(3) Madame, duchesse douairière d'Orléans. 



LE PRINCB Dfi CONTV {9 

éduqué par les Jésuites. Il est vrai que Descartes et 
Voltaire qui ne se signalèrent point comme des modè- 
les de piété, étaient élèves des mêmes maîtres. 

La princesse deContj, dit Mathieu Marais (décembre 1726) 
a voulu voir son fils aux Jésuites. Elle a parlé aux RR. PP. 
et leur a dit qu'elle leur donnerait aussi le second, mais qu'il 
ëtoit bien vif et que, d'abord qu'il voyoit une fille, il se jetoit 
dessus et lui prenoit les tétons. Le P. Sanadon lui a répondu : 
a Donnez-nous-le, Madame, nous lui ferons bien chang'er de 
caractère » (i). 

C'est durant son séjour au collège, que le comte de 
la Marche devint prince de Conty, par le décès de son 
père survenu le 4 mai 1727. Louis-Armand de Conty 
n'avait que trente-deux ans ; mais il avait usé sa vie, 
hâté sa fin, par ses débauches de tout genre. Il mou- 
rait riche et n'était point de ceux qu'avait ruinés le 
Système, bien au contraire. Ayant su réaliser à la 
hausse ses actions de la banque de Law^ sur les brouil- 
lards du Mississipi, il avait gagné, en un seul jour, 
la somme ronde de quatorze millions de livres (2). 
Son fils se chargerait d'écorner cette fortune. 

Le jeune prince de Conty que nous appellerons 
dorénavant ainsi, serait vraisemblablement resté à 
Louis'le-Grand jusqu'au terme de ses humanités sans 
un beau trait de dignité du Père Porée, professeur de 
rhétorique à ce collège (3). Louis-François était pen- 



(i) Joarnal et Mémoires de Mathieu Marais, tome III, p. 4^2. 
— Ce second fils, dont il est ici question, est le jeune comte 
d'Alais, né en 1722, et qui devait mourir à 8 ans, le 7 avril 1730. 
En décembre 1726, les Conty avaient trois enfants vivants, 
savoir : i^ Louis-François, comte de la Marche ; 2^ le comte 
d'Alais ; 3^ M>^ de Conty (Louise-Henriette), née le 20 juin pré- 
cèdent. 

(2) Henri Martin, Histoire de France^ tome III^ p. 142. 

(3) Porée (Charles), savant Jésuite français, né en 1676 à 
Vendes, près Caen, mort à Paris en 1741* H étudia au collège 
du Mont, à Paris, entra à 17 ans dans la Compa/a^nie de Jésus, le 
8 septembre 1692, et fut envoyé à Rennes en 1696 pour y com- 



20 LE PRINGB OB GONTT 

sionnaire. On était alors dans Tusage, quand il s'agis- 
sait d'enfants de la très haute volée, que le professeur 
allât chercher lui-même son élève en son quartier 
pour ramener à la classe et qu'il le reconduisît de sa 
classe au quartier, afin d^éviter les familiarités et 
quelquefois les vivacités des autres élèves. Le Père 
Porée s'entêta à refuser cette attention au prince son 
disciple. Il soutenait qu'un maître ne devait aucun 
égard à un écolier quelle que fût sa naissance et 



mencer son cours de régence. Ses maîtres, habiles à démêler les 
aptitudes, décidèrent qu'il enseignerait la rhétorique au collège 
Louis- le-Grand. Il y entra en 1708 et y eut pour collègue le 
P. Legay. Il se sentait lui-même une vocation très décidée pour 
le professorat ; il s'y consacra tout entier, et il exerça, par son 
éloquence touchante et persuasive, une grande influence sur les 
élèves. Il leur fit aimer les lettres et la vertu. Il rendait ses 
leçons attrayantes en introduisant dans sa classe des exercices 
littéraires, plaidoyers et représentations théâtrales déjà établies 
dans les collèges des Jésuites dès i655. C'est lui-même qui for- 
mait ses acteurs, cherchant à donner aux jeunes gens de famille 
appelés à remplir dans le monde des fonctions élevées, la grAce 
des manières, l'élégance du maintien. Ces pièces, Porée les 
anime d'une franche gaieté ; Tauteur sait peindre avec bonheur 
quelques-uns des ridicules et des vices qui caractérisent plus 
spécialement son époque, l'amour de l'argent et des plaisirs .. . 
(DiDOT, Biographie générale). 
C'est de lui que Voltaire écrivait en 1746 au Père de La Tour : 
« Rien n'effacera dans mon cœur la mémoire du P. Porée, qui 
est également chère à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais 
homme ne rendit l'étude et la vertu plus aimables. Les heures 
de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses, et j'au- 
rais voulu qu'il eût été établi, dans Paris comme dans Athènes, 
qu'on pût assister à tout âge à de telles leçons. Je serais revenu 
souvent les entendre. J'ai eu le bonheur d'être formé par plus 
d'un Jésuite du caractère du P. Porée, et je sais qu'il a des suc- 
cesseurs dignes de lui. Enfin, pendant les sept années que j'ai 
vécu dans leur maison, qu'ai-je vu chez eux ? la vie la plus 
laborieuse, la plus frugale, la plus réglée ; toutes leurs heures 
partagées entre les soins qu'ils nous donnaient et les exercices 
de leur profession austère. J'en atteste des milliers d'hommes 
élevés p|ir eux comme moi ; il n'y en aura pas un seul qui 
puisse me démentir » (Voltaire, ^ac;re« (Ed. Garnier), tome XIV, 
p. 427)- 



LB PRINCB DB CONTT 21 

menaça de ne plus professer si on voulait l'assujettir 
à une déférence qu'il jugeait humiliante. 

La fermeté du professeur fut cause que Louis-Fran- 
çois sortit du collège. La princesse de Conty, seconde 
douairière, très entichée de son nom, ne put digérer 
la fierté intempestive de ce pédagogue et elle retira 
son petit-fils, malgré tous les efforts faits pour le rete- 
nir par les chefs de l'établissement (i). 

L'auteur du libelle auquel nous empruntons ce 
détail ajoute: 

Le prince de Gontj ne fut pas fâché de Tévénement (sa sor- 
tie de Louis-le-6rand). Ennuyé d'être renfermé dans les murs 
d'un collège et d'être soumis aux règles d'une vie monotone, 
d'obéir dix fois le jour au son d'une cloche, il rentra avec 
joie dans le sein de sa famille. 

Dès lors il renonça aux livres et à l'étude pour se livrer à 
des dissipations qui étaient plus de son goût et de son âge. 
Son inclination se tourna du côté des armes, il apprit la 
malice de l'èpée sous les premiers maîtres d'escrime. Il par- 
vint à un degré de force et de subtilité qui le mettoit en état 
de se mesurer avec les spadassins les plus redoutés. 

Il partageoit ses instants entre les plaisirs de la chasse et 
la société des femmes qui savoient qu'il falloit le dispenser 
des soupirs (2). 

Cela n'est pas tout à fait exact, ainsi qu'on va le 
voir et le libelliste se trompe complètement lorsqu'il 
écrit que la princesse de Conty fut irritée de la fierté 
du Père Porée au point qu'elle ne voulut plus recevoir 
chez elle de Jésuites et qu'elle témoigna son ressenti- 
ment à son confesseur en lui ôtant la direction de sa 
conscience. La princesse gardait si peu rancune aux 
Jésuites de l'opiniâtreté d'un des leurs, qu'elle choisit 



(i et 2) J. P***, Vie privée et politiqae de Loais^François^Oieph 
de Conty^ pp. 22-24-2O. — Cette Vie privée, libelle écrit au 
moment de la Révolution, n'est point celle de notre héros, mais 
celle de son fils, le dernier des Conty. On y trouve pourtant 
quelques anecdotes rétrospectives concernant Louis-François. 



22 LB PRINCE DB CONTT 

comme précepteur, pour continuer en famille Téduca- 
tion du prince, précisément un autre Jésuite, le 
Père Ducerceau. 

Jean-Antoine Ducerceau n'avait point la valeur du 
Père Porée, comme éducateur. Mais il était peut-être 
plus réputé, à cause de ses comédies qu'on jouait un 
peu partout en France, dans les collèges. Il était sur- 
tout plus répandu, plus mondain. 11 collaborait au 
Mercure et on le citait comme Tauteur des factums 
remarquables composés pour ses collègues dans la 
fameuse affaire de Brest, qui occupa l'opinion, de 
1717 à 1723. C'était un homme aimable et lettré, qui 
n^avait d'autre tort que de se croire un grand poète 
et de vouloir embrasser tous les genres littéraires. Il 
était, en tous cas, excellent professeur et la renommée 
qu'il s'était acquise dans Tart de former d'habiles 
élèves lui valait d'être appelé à surveiller les études 
du Prince. Hélas ! il ne les surveilla pas longtemps. 

En 1780, le Prince revenait avec sa mère d'une tour- 
née dans le Midi qui avait été une suite ininterrom- 
pue de fêtes et de galas. A Carpentras par exemple, où 
ils arrivèrent le 22 mai, la princesse de Conty et son 
fils avaient été reçus par Tévêque, porté à leur rencon- 
tre dans un carrosse à six chevaux. A une lieue de 
la ville, ils avaient été salués par le corps des maîtres- 
marchands, quarante hommes parfaitement montés, 
tous en habit rouge, avec des bandoulières aux cou- 
leurs des Conty, qui s'étaient offerts à leur servir de 
gardes du corps. Et c'est précédés de trompettes, de 
timbales et d*un étendard à leur armes qu'ils avaient 
fait leur entrée dans la ville, au bruit des bottes d'ar- 
tifices et des décharges de mousqueterie (1). A Mar- 
seille, la réception n'avait pas été moins pompeuse et 
le jeune Prince, promu par le Roi chevalier du Saint- 
Esprit au mois de février dernier, le jour de la Chan- 
deleur, avait pu faire admirer aux populations méri- 
dionales, sous les arcs de triomphe et les guirlandes 

(i) Mercure de France^ juin 1780. 



LE PRINCE DE CONTY 23 

de verdure, le cordon bleu qu'il étrennait avec un 
naïf orgueil. 

De retour au mois de juin, on était allé se reposer 
à la campagne des fatigues de ce voyage, en Tou- 
raine, au château de Véretz qui appartenait à M. du 
Plessis-Richelieu. Dans la matinée du 4 juillet, le 
Père Ducerceau se promenait à travers le parc avec son 
élève. Celui-ci venait d'obtenir de sa mère son pre- 
mier fusil de chasse qu^elle lui avait longtemps refusé. 
Ivre de joie, il tournait, retournait en tous sens Tarme 
qui était chargée... Soudain le coup part et le précep- 
teur tombe roide, tandis que Louis-François se sauve 
affolé en criant : « J'ai tué le Père Ducerceau ! » On 
chercha à celer la cause de ce lamentable accident 
et Ton raconta que le Jésuite était mort d'apo- 
plexie (i). Mais la vérité perce toujours à la longue. 



(i) [A. Péricaud], Essai sur la vie et les œuvres du P. Ducerceau y 
par P. A. ; préface, — Le même auteur donne, sur le P. Ducer- 
ceau et ses œuvres, les détails biographiques et bibliographi- 
ques suivants : 

ce Jean-Antoine Ducerceau, né à Paris le 12 novembre 1670, 
étudia chez les Jésuites et fut reçu dans leur Compagnie le 
12 janvier 1688. A 25 ans, il publia des poèmes latins. Fit aussi 
quelques poésies en vers m aro tiques : Remerciement au duc du 
Afaine pour des pâtés, La Nouvelle Ève^ Épttre à Estienne, etc. 
Insérées d*abord dans des feuilles, elles parurent en volume 
en 1715. En 1720, autre édition, augmentée de deux ouvrages 
dramatiques : Le destin du Nouveau Siècle et L* Enfant prodigue, 
«Cependant il avait déjà composé une comédie qu*on doit regar- 
der comme son chef-d'œuvre. C'est Le Faux Duc de Bourgogne. 
II en composa aussi qui furent jouées au collège Louis-le-Grand 
et qu'on joua bientôt dans tous les collèges de France : k* Ecole 
des Pères, Esope au Collège, Les Cousins, etc. 

« Ce laborieux écrivain avait aussi consacré la plus grande 
partie de sa vie à renseignement de la jeunesse, et il avait pro- 
fessé les humanités dans plusieurs collèges de son institut. II 
s'était surtout fait connaître à Rouen et à La Flèche. 

« Il occupait ses loisirs à préparer des travaux historiques. Il 
avait entrepris des Commentaires sur Horace, sur Pline le Jeune, 
et sur le traité de Cicéron : De la Nature des Dieux ; il avait 
poussé plus loin un Essai sur le caractère du style poétique et un 
Traité de la perspective, mais il ne parait pas les avoir achevés. 



24 LB PRINCB DB CONTY 

Et, plus tard, les ennemis de Conty lui reprocheront 
comme un crime volontaire ce qui n'était qu'un 
malheur imputable à la pétulance de la jeunesse et, 
bien plus encore, à l'imprudence de ceux qui avaient 
mis une arme à feu aux mains d'un enfant de douze 
ans et demi (i). 

Le Père Ducerceau fut immédiatement remplacé 
auprès de Louis-François par le Père Simon de La Tour, 
également Jésuite, professeur de philosophie à Tours 
et, plus tard, principal du collège Louis-le-6rand (a). 

Sans aspirer à la gloire, sans la rechercher, son imagination 
embrassait tous les genres ; mais, soit caprice, soit inconstance, 
il abandonnait souvent ce qu*il avait commencé pour ne plus y 
revenir ». 

(i) D'Argenson qui ne manque jamais une occasion de médire 
de Conty écrira : « On m'a dit que M. le prince de Conty, dans 
son enfance, avait tué d*un coup de fusil le Père Ducerceau, 
Jésuite, qui était son préfet, parce qu*il l'avait tourné en ridi- 
cule » (D*Ar6bnson, Journal et Mémoires^ tome VI, p. iSg). 

Soulavie, après bien d'autres, ramassera cette calomnie : a Ce 
jeune prince s*était distingué dans le collège par des actions 
qui annonçaient une terrible adolescence... Il avait tué à la 
campagne son professeur le Père Ducerceau, Jésuite, qu'il cou- 
cha en joue en lui disant : « Prenez garde à vous I » et qu'il 
frappa de mort^ sans que nous puissions l'accuser ou l'absoudre 
d'homicide parce que nous trouvons dans nos papiers des juge- 
ments contradictoires et des sentiments qui lui attribuent tantôt 
un coup prémédité et tantôt un coup d'étourderie » (Mémoires 
du duc de Richelieu, tome V, p. 3i). 

Paul-Louis Courier^ qui n'était pas bon. et dont Tftcreté d'hu- 
meur est aussi avérée que le talent, se promenant un jour dans 
les bois de Véretz avec M. Delécluze, comme s'il avait eu quel- 
que pressentiment de sa fin sinistre, lui dit : « On se débarrasse 
lestement de ceux qu'on n'aime pas en ce pays. Tenez, voyez-vous 
ces grands arbres I c'est dans ce parc que le jeune prince de 
Conty a tué son précepteur d'un coup de pistolet, le Père Ducer- 
ceau » (Sainte-Bbuve, Nouveaux landis, tome IV, p. 169). 

Et voilà comment se propagent les légendes les plus atroces. 

(2) Simon de La Tour, Jésuite français, né à Bordeaux en 
1697, mort à Besançon en 1766. Il fît à Paris sa théologie, pro- 
fessa la philosophie à Tours, et fut chargé à la mort du Père Du- 
cerceau de terminer l'éducation du prince de Conty. Il devint 
ensuite principal du collège Louis-le-Grand et procureur géné- 
ral des missions étrangères. Ce fut à lui que Voltaire, peu de 



LE PRINCB DE CONTY 25 

C'est seulement à cette époque, c'est-à-dire, vers 
l'âge de treize ans et demi que le prince commença, 
selon l'expression du libellisle par nous cité plus 
haut^ (( à se livrer à des dissipations » qui étaient 
plus de son goût. Entendez par là que tout en termi- 
nant ses humanités, il acquit les connaissances jugées 
alors indispensables à tout gentilhomme, en équita- 
tion, en gymnastique, en escrime, etc. Le directeur 
de cette éducation physique fut le capitaine des chas- 
ses du feu prince de Conty, un colonel réformé, 
nommé Ricard de la Chevaleraye. C'était, à Topinion 
du cardinal Fleury, un méchant homme, athée, esprit 
fort et libertin (i). Son élève pensait autrement de lui 
puisqu'il lui accorda pour son fils la survivance de 
son emploi de capitaine des chasses et que ce fils, 
Edouard-Gédéon de la Chevaleraye, mourut au ser- 
vice du prince, en 1746, à L'Isle-Adam, où nous avons 
retrouvé son nom sur les registres de Tétat civil. 
L'enseignement du colonel fit de Louis-François un 
cavalier remarquable, un chasseur intrépide, et sur- 
tout un escrimeur émérite. Le prince fréquenta aussi 
l'Académie Du Gard, où il se perfectionna. 

A Paris, sous Louis XV, les Académies tenaient la 
première place pour l'instruction de la noblesse. 
L'élève y entrait vers treize ou quatorze ans ; « des 
écuyers habiles le conduisaient au manège ; des maî- 
tres en mathématiques le fortifiaient dans les équa- 
tions et le guidaient dans les ténébreuses difficultés 
des problèmes compliqués et des théorèmes trans- 
cendants; le mattre à dessiner l'initiait aux merveil- 
les des couleurs, des pastels, des crayons et des lavis ; 
le maître à danser lui apprenait la bonne tenue, Ja 

temps (1746) avant sa réception à TAcadémie française, adressa 
une lettre qui fit beaucoup de bruit, et où il décernait de grands 
éloges aux Jésuites, ses anciens maîtres. Lors de la suppression 
de Tordre en France, le P. La Tour se réfugia à Besançon. Il 
avait été quelque temps un des rédacteurs du Journal de Tré- 
ooax (DiDOT, Biographie générale), 
(i) Marqi^s d'Argsnson, Journal et Mémoires, tome III, p. i6a. 



^O LE PRINCE DE COXTY 

grâce du menuet ou de la pavane ; et le mattre en fait 
d'armes lui montrait I élégance du salut, le rompait 
aux fatigantes leçons et aux violents assauts dans le 
bruit des appels et le cliquetis des lames qui se frois- 
sent » (i). 

Il y avait à Paris trois Académies : celles de Vau- 
deuil, rue des Canettes ; celle de La Guérinière, rue 
de Vaugirard, auprès du Luxembourg et celle des 
Du Gard, père et fils, rue de TUniversité. Cette der- 
nière, fondée en 1726, était la plus recherchée des 
trois, et les spectacles qu'elle donnait étaient fort 
appréciés. Le public y assistait aux courses de bagues 
et de têtes avec la lance et Tépée ; on y admirait les 
exercices de haute école de la fille de Du Gard, mon- 
tant et conduisant son cheval d'une façon admirable. 
Elle récolta jusqu'aux bravos du cardinal Bentivoglio, 
tant elle surpassait les autres élèves dressés pourtant 
par le même mattre^ son père. 

Le prix de la pension dans cette Académie était 
plus élevé que dans les deux autres. La règle était : 

Livres. 

Pour le logement et la nourriture i5oo 

Pour le logement et la nourritude d'un gouverneur . 700 

ou d'un domestique . 4oo 

Droit d'écurie 29 

Droit pour les gaules (2) 3 

Au maître d'armes 18 

Au maître de danse i5 

Au maître d'exercice et de voltige i5 

Au maître de mathématiques i5 

Au tapissier pour la location des meubles et du linge. i5o 

Les exercices des armes qui se faisaient l'après- 
midi, étaient enseignés par Le Perche cadet. 

(i) Tout ce qui trait aux Académies du xviii* siècle est em- 
prunté par nous à rexcellent ouvrage de M. Gabrul Lbtainturibr, 
Les Joueurs cTépée en France, pp. 295-800 . 

(2) On appelait ainsi en termes de manège une petite hous- 
sine ou verge servant à manier le cheval (Dict, de Tréooux). 



LE PRINCE DE CONTY 27 

Mais en outre des internes, rAcadémie des Du Gard 
était fréquentée par une clientèle princière qui venait 
simplement suivre les leçons, comme aujourd'hui 
dans les salles d'armes. C'est chez Du Gard que le 
prince de Conty eut avec le prince d'Epinoy une petite 
dispute qui se termina par une mystification, que 
Soulavie nous paratt prendre un peu bien au tragi- 
que (i). Voici le récit de cet auteur : 

Une autre fois, allant à Tacadémie de du Guat (Du Gard), 
ce prince donna an coup de baguette au prince d'Epinoy, qui 
ne le prit point en badinant. Conty, voyant que d'Epinoy se 
fâchoit, recommença ; et celui-ci, pour le faire cesser donna 
au prince un coup de chambrière assez fort pour lui faire 
beaucoup de mal : le prince dont la fureur augmentoit à 
mesure que d'Epinoy montroit son mécontentement, alloit le 
tuer quand on l'arrêta. 

Pour se venger d'une autre manière, il mena d'Epinoy à 
Llsle-Adam et le fit loger dans une chambre préparée pour 
lui jouer un tour terrible ; il fit placer derrière une tapisserie 
mobile une rangée de tètes de mort éclairées par des bougies 
allumées dans les tètes, et l'appareil fut préparé de telle 
manière que, par le moyen de diverses coulisses, les spectres 
hideux avançoient ou reculoient à volonté. D'Epinoy s*étant 
endormi, on tira les rideaux ; on fit avancer l'épouvantable 
machine avec toutes ces rangées de tètes lumineuses. On 
croyoit encore aux revenans ; et d'Epinoy qui avoit perdu 
son père depuis peu, en fut si saisi de terreur qu'il s'efforça 
de l'appeler et qu'il ne le put jamais. Frappé de stupeur et 
d'effroi, il ne put articuler une seule parole Revenu à lui, il 



(i) Jean-Alexaadre-Théodore, comte de Melun, prince d'Espi- 
noy, prévôt héréditaire de Douay, châtelain de Bailleul, conné- 
table .héréditaire de Frandres, mestre de camp du régiment 
Royal-Cavalerie, né en 170g d'Ambroise, marquis de Melun, 
prince d'Espinoy, et de Charlotte de Moncley, fille du baron de 
Wismes. Mort à Montmartre le 6 janvier 1788 (La Chbsnayb-Des- 
BOIS, Dictionnaire de la Noblesse et Gazette de France du 18 jan- 
vier 1788). Ce Théodore était le seul descendant mâle de trois 
frères, Alexandre, Ambroise et Louis-Gabriel, dont le dernier, 
Louis-Gabriel, mourut à Abbeville le 21 août 1789, âgé de 
65 ans ; avec lui s'éteignit la race des Melun-Espinoy. 



28 LE PRINCB DB GONTY 

appela ses gens et se traîna dans une autre pièce tandis qu'on 
profitoit de son absence pour fermer les rideaux de son lit et 
remettre la tapisserie bien tendue comme auparavant. Tout 
le château ayant accouru au bruit qu'il fit, on fut étonné de 
voir d'Epinoy si alarmé pour un songe. D'Epinoy se laissa 
persuader qu'il avoit été travaillé d'un rêve bien ora|;|feux ; 
mais il en eut une maladie pendant laquelle le prince de 
Conty, qui n'en fut loué ni applaudi, racontoit cette cruelle 
aventure (i). 

Cependant Louis-François allait sur ses quinze ans ; 
fils atné, il était aussi fils unique depuis la mort pré- 
maturée du comte d'Alais, son cadet ; il était grand 
et vigoureux ; on voulut marier sans plus attendre ce 
précieux rejeton de sa race, qui seul pouvait désor- 
mais préserver le nom des Conty de s'éteindre. La 
princesse, sa mère, qui cherchait une alliance capable 
d'honorer sa maison, la trouva telle chez les Orléans, 
en la personne de mademoiselle de Chartres, Louise- 
Diane d'Orléans, fille de feu le Régent. Louis-François 
étant, par sa mère, neveu de Monsieur le Duc (Bour- 
bon-Condé), les Condé et les Conty, par ce mariage, 
se rapprochaient encore du trône, puisque mademoi- 
selle de Chartres était arrière-petite- fille de Louis XIII 
et le Roi arrière-petit-fils de Louis XIV. 

Louis XV ayant donné son agrément à cette union, 
fixa lui-même la cérémonie des épousailles au 22 jan- 
vier 173a. Le marié avait exactement, ce jour-là, qua- 
torze ans, cinq mois et neuf jours ; la mariée, née le 
18 juin 1716, était âgée de quinze ans, sept mois et 
quatre jours. Elle fut baptisée à Versailles le 19 jan- 
vier, avant-veille de son mariage, auquel, par ordre 
du Roi, le marquis de Dreux, grand-matlre des céré- 
monies, invita, de la part de Sa Majesté, les princes- 
ses et les princes du sang ainsi que les princes légi- 
timés (a). 

(1) [Soulavie], Mémoires da dac de Richelieu, tome V, pp. 32-33. 

(2) Journal de Pixrrb NARBOimE, commissaire de police à Ver- 
sailles, pp. 197-198. 



LB PRINGB DE CONTY 29 

Le ai au soir, jour de la signature du contrat et des fian- 
çailles, les Princes se trouvèrent vers les six heures dans le 
cabinet du Roy, où la Reine, avertie par le grand- maître des 
cérémonies, arriva quelque tems après, étant accompagnée 
des Princesses et Dames de la cour qui s'étoient rendues dans 
son appartement. Le prince de Contj donnoit la main à 
MUe de Chartres, dont la mante était porté par M^^® de Sens (i). 
Lorsque le contrat de mariage eut été signé de Leurs Majes- 
tés et des Princes et Princesses qui étoient dans le cabinet du 
Roy, le cardinal de Rohan fit les fiançailles; Monseigneur 
le Dauphin et Mesdames de France étoient auprès de Leurs 
Majestés pendant cette cérémonie. 

Le 22, au midi, le Roy et la Reine précédez du grand-maî- 
tre et de Taide des cérémonies et accompagnés des Princes et 
Princesses, allèrent à la chapelle et lorsque Leurs Majestés 
furent arrivées le Duc d'Orléans, la Duchesse de Bourbon, 
douairière, le Duc et la Duchesse de Bourbon, le Comte de 
Charolais, le Comte de Clermont, la Princesse de Conty, troi- 
sième douairière, M^® de Beaujolais, M^^® de Charolais, M^^^ de 
Clermont, M*i« de Sens et M*^« de la Roche-sur- Yon, prirent 
leurs places suivant leur rang, à la droite et à la gauche du 
Roy et de la Reine ; le Prince de Dombes, le Comte d'Eu et 
le Comte et la Comtesse de Toulouse se placèrent derrière les 
princes et princesses du sang. Madame la Duchesse d'Orléans 
n'ayant pu accompagner Leurs Majestés étoit dans la tribune, 
ainsi que le Duc de Chartres. Le Prince de Conty et M**® de 
Chartres qui précédoient le Roy dans la marche, s'étoient 
avancés en entrant dans la chapelle jusqu'au près de l'autel. 
Leurs Majestés suivies des Princes et Princesses s'en étant 
approchées, le Cardinal de Rohan fit la cérémonie du mariage, 
en présence du curé de la paroisse de Versailles, qui, la 
veille, avoit assisté aux fiançailles. 

Le soir Leurs Majestés soupèrent en public avec les Prin- 
cesses, dans l'appartement de la Reine ; la Duchesse de Bour- 
bon, douairière, la Princesse de Conty, troisième douairière, 
M**e de Beaujolais, M^^® de Clermont et M\^^ de la Roche-sur- 
Yon étoient à la droite de Leurs Majestés. La Duchesse de 
Bourbon, la Princesse de Conty, M}^^ de Charolais, M)^^ de 
Sens et la Comtesse de Toulouse étoient à la gauche. Après 

(i) Elisabeth-Alexandriae de Bourbon-Gondé (M"« de Sens) 
sixième fille de Louis III de Bourbon; née le i5 septembre 1706, 
morte sans alliance le i5 avril 1765. 



30 LB PRINGB DE CONTY 

le souper, le Roy fit rhonneur au Prince de Contj de lui don 
ner la chemise, et la Reine fit le même honneur à la Prin- 
cesse de Conty. 

Le lendemain, après-midi, Leurs Majestés allèrent voir la 
Princesse de Conty, qui reçut le même jour la visite de Mon- 
seig^neur le Dauphin et de Mesdames de France, et de tous 
les Princes et Princesses. 11 y a très lontems que la Cour 
n'avoit paru si brillante et si nombreuse. On ne peut rien 
ajouter à la magnificence des habits, pour lesquels les plus 
riches étoffes et du meilleur goût ont été employés, relevées 
encore par Téclat des pierreries (i). 

En somme, hors la pompe des habits et la qualité 
des témoins^ il n'y eut, à roccasion de ce mariage, 
aucune réjouissance spéciale à la Cour. Le soir, la 
comédie se donna ainsi qu'à l'ordinaire^ et c'est seule- 
ment après le spectacle que le Roi ofFrit à souper, chez 
la Reine, à la mariée et à neuf dames, tant princesses 
que duchesses. 

On remarquera que seule la princesse de Gonty^ 
troisième douairière, c'est-à-dire la mère du marié, 
assistait à la cérémonie. La seconde douairière, Marie- 
Thérèse de Bourbon, veuve du Grand Conty et grand- 
mère de Louis-François, était alors trop malade pour 
subir ces fatigues; elle mourut un mois jour pour 
jour après les noces, le 22 lévrier. Quant à la première 
douairière, grand'tante du marié, la fille légitimée de 
Louis XIV et de M*^® de Lavallière, la grande Conty, 
ainsi qu'on l'appelait à la Cour à cause de sa haute 
taille, nous ignorons le motif de son absence... 

(i) Mercure de France^ janvier 1782. 



]] 

Conty soldat 



Le prince de Conty et M\^^ Quoniam. — Guerre de la succession de 
Pologne. ^ Naissance du comte de La Marche. — Mort de Ja prin- 
cesse de Conty, la jeune. — Retraite du Prince à L'Isle-Adam. — 
Guerre de la succession d'Autriche. — Départ subreptice pour Tar- 
mée. — Conty général en chef en Italie et en Allemagne. — La cam- 
pagne des Flandres. — Démêlés du Prince avec le maréchal de Saxe. 



LA lune de miel du prince de Conty s'écoula sans 
nuages. Il n'était point follement amoureux de 
sa femme, son mariage ayant été, comme toutes les 
unions princières, bien plus de convenance que d'in- 
clination. Au mois de juin lySS, sollicité d^accompa- 
gner le Roi à Compiègne, Louis-François, sans efiFort, 
se séparait de sa jeune épouse qu'il laissait aux soins 
de la duchesse d'Orléans, à Bagnolet (i). 

Sous la tutelle de son gouverneur La Chevaleraye, 
le prince avait eu déjà des maîtresses d*occasion ; il 
continua d'en avoir, étant marié. La première dont la 
chronique nous ait transmis le nom lui fut comme 
léguée par son oncle, le prince de Bourbon-Condé, 
comte de Glermont, qui, bien qu'abbé et rente, à ce 

(i) La Cour et Paris en iy32''iy33^ in « Revue Rétrospective », 
année i836, page 894. 



32 LB PRINCB DE GONTT 

titre, de aoo.ooo livres de bénéfices, ne menait pas 
une conduite édifiante. Clermont devait plus de deux 
millions dans Paris et changeait souvent de maîtresse. 
Pour l'instant, il avait à sa solde une jolie brune, la 
demoiselle Quoniam, qu'il avait quittée et reprise deux 
ou trois fois. Mais, depuis peu, il venait de se charger 
de M"® Gamargo, danseuse à l'Opéra, et il cherchait 
quelque soulagement à ses finances tant obérées. Au 
cours d'un souper avec le prince de Conty, il proposa 
à son neveu de lui céder Quoniam et la proposition 
fut agréée par les intéressés d'un commun accord 
aussi simplement qu'elle avait été faite. Louis-Fran- 
çois n'était pas à Tàge prudent où l'on entoure ces 
liaisons de mystère. Tout Paris sut, au bout de huit 
jours, que la Quoniam était au prince de Conty. Et la 
chose parvint aux oreilles de la duchesse d'Orléans 
douairière, qui donnait dans la grande dévotion^ et ne 
cacha pas son mécontentement. Comme, d'autre part, 
M}^^ Quoniam fut quelques semaines sans se montrer 
en public, le bruit s'accrédita dans le beau monde 
qu^elle avait été enlevée de force par ordre du duc 
d'Orléans et séquestrée en lieu sûr. Bruit mal fondé : 
on le vit bien, lorsque Quoniam reparut avec éclat, 
dans les premiers jours de juillet : 

Dimanche 5 (dit Tavocat Barbier), M^^® Quoniam alla à 
rOpéra, dans une loge, et aussitôt qu'elle fut aperçue des 
jeunes gens du parterre, ils claquèrent des mains pour mar- 
quer la joie publique sur ta fausseté de la nouvelle. Le soir, 
elle alla aux Tuileries, où étoient toutes les princesses de la 
maison de Condé, ce qui faisoit faire une haie quand elles 
passoient. On en faisoit une pareille sur le passage de 
M}^^ Quoniam, à qui on faisoit un compliment général par 
gaîté (i). 

Aussi bien, les événements politiques allaient four- 
nir aux Orléans le sûr moyen de détacher Conty de sa 
maîtresse sans rigueurs inutiles. Frédéric-Auguste, 

(i) Barbixr, Journal f tome II, page ao. 



LE PRINGB DE CONTY 33 

roi de Pologne, étant mort en février, Stanislas Leck- 
zinski, ancien roi détrôné et beau-père de Louis XV, 
avait essayé de récupérer sa couronne. Mais la Russie 
et TAu triche avaient contrecarré ce projet et Stanis- 
las, quoique régulièrement élu par la diète des ma- 
gnats polonais et ouvertement appuyé par la France, 
avait dû fuir devant les armées russes. L'insulte exi- 
geait réparation. Après s'être assuré de la neutralité 
de l'Angleterre et de celle des Pays-Bas, Louis XV se 
rapprocha de l'Espagne et forma une alliance où entra 
la Sardaigne. 

On ne pouvait songer à attaquer les Russes, perdus 
là-bas dans leurs glaces. Les alliés décidèrent de faire 
porter sur l'Empereur tout le poids de leurs armes. Le 
roi de France se chargea seul de mater l'Autriche et 
d'aider le roi de Sardaigne en Lombardie, pendant 
que le roi d'Espagne ferait la conquête des Deux- 
Siciles. La guerre fut déclarée par un acte du lo octo- 
bre 1733, dans lequel Sa Majesté Très Chrétienne 
ordonnait à tous Français « de courre sus aux sujets 
de l'Empereur ». 

L'occasion s'offrait propice aux parents de Louise- 
Diane d'Orléans pour éloigner de Paris le prince de 
Conty en l'expédiant à la frontière. Le cardinal Fleury, 
omnipotent sur l'esprit du Roi depuis la disgrâce de 
M. le Duc, entra d'autant plus volontiers dans le plan 
des Orléans que, parmi tous les princes, Conty et 
Gharolais étaient, avec le duc du Maine, ceux qu'il 
détestait et redoutait le plus (i). A la suggestion de 
son ministre, le Roi désigna premiers Charolais et 
Conty pour suivre le maréchal de Berwick sur le 
Rhin. 

Conty accueillit avec transports Tordre royal, ne 
pensa plus à M}^^ Quoniam et ne s'inquiéta que de son 
équipement. Quoi de plus charmant que la guerre 
pour un colonel de seize ans? Mais sa tante, M"* de la 
Roche-sur-Yon, qui avait de la religion, estima néces- 

(i) Vie privée de Loais XV, tome I, p. 180. 



34 tR PRINCE DE CONTY 

saire d'appeler sur cette première campagne de Louis- 
François les bénédictions célestes en Tassociant à quel- 
que œuvre pie. Presque à mi-chemin, entre le village 
de L'Isle-Adam dont Conty était seigneur châtelain et 
le village de Vauréal dont elle-même était baronne, se 
dresse, dominant l'Oise, le haut clocher de Téglise 
Saint-Maclou, perle architecturale de Pontoise. M"' de 
la Roche-sur- Yon voulut offrir à . Saint-Maclou une 
cloche dont elle serait marraine et dont son neveu 
serait parrain. Cette cloche, la plus grosse de l'église, 
fut commandée au mattre fondeur Renault, de Paris, 
qui cisela dessus cette inscription, en relief : 

€ L'an 1733, je fus nommée Louise par très haute, très 
puissante et très excellente princesse Louise-Adélaïde de Bour- 
boo-Conty de la Roche-sur-Yon, princesse de sang royal, dame 
baronne de VeauvroUe [Vauréal J et autres lieux et par très 
haut, très puissant et très excellent prince Son Altesse Mon- 
seigneur Louis-François de Bourbon, prince de Conty, prince 
du sang, pair de France, chevalier des ordres du Roy, lieu- 
tenant-général de ses armées et gouverneur pour S. M. des 
provinces du haut et bas Poitou, etc. » (i). 

Tandis que le vieux Villars se disposait, en Italie, à 
se rendre maître du Milanais, le maréchal de Berwick 
gagnait le Rhin, où il donnait le signal des opérations. 
Son armée, qu'on appelait « l'armée des princes », 
parce qu'elle comptait, outre Conty et Charolais, le 
prince de Dombes, le comte d'Eu et le comte de Cler- 
mont qui avait obtenu un bref du Pape lui permettant 
de porter les armes, passa le fleuve le i4 octobre 1733. 
Le 12, le maréchal avait détaché en avant le comte 

(i) La cloche, qui sonne encore actuellement^ pour les Pontoi- 
sîens, le second coup des quarts de l'horloge, mesure i^yo de 
diamètre à la base et 11046 de hauteur; elle est placée dans la 
tour à la hauteur du toit de Téglise. — Il est probable qu*elle ne 
fut terminée et posée que postérieurement à 1783. Le prince de 
Conty y est en efiFet qualifié « lieutenant-général des armées du 
Roi ». Or, en 1783, il n'était que colonel de cavalerie et ne fut 
nommé lieutenant-général qu'en juillet 1735. 



LK PRINCE DB CONTV 35 

Maurice de Saxe, entré depuis peu au service de la 
France. 

Le soir même du i4 octobre, le fort de Kehl était 
investi. Après douze jours de tranchée^ les assiégeants 
tentèrent un assaut général qui ne réussit pas. L'atta- 
que fut remise au 28. Mais le général Phul, qui com- 
mandait le fort, fit battre la chamade le 27 et la capi- 
tulation fut signée le lendemain. Nous n'avions perdu 
que cent cinquante hommes. Encore, sur ce nombre, 
étaient quatre-vingts soldais qui furent pendus pour 
avoir maraudé malgré les défenses expresses du maré- 
chal. 

C'est que M. de Berwick était inexorable sur ce 
point de discipline. Le lendemain du jour que ses 
troupes avaient passé le Rhin, il avait fait publier un 
ban à la tête de l'armée, interdisant sous la peine capi- 
tale aux soldais d'aller en maraude et de faire aucun 
dégât. Certains pourtant contrevinrent à l'ordre. Us 
auraient tous été pendus si le prince de Conty n*eût 
intercédé pour ceux de son régiment. Et ce ne fut 
qu'après s'être bien fait prier que le maréchal accorda 
au jeune colonel la grâce de faire tirer les coupables 
au sort pour n'en brancher qu'un seul (i). On ne recon- 
naît guère, dans celte intervention de Conty, la « ter- 
rible adolescence » dont parle Soulavie. 

L'hiver s'annonçait exceptionnellement pluvieux. 
On pataugeait nuit et jour dans la boue. Les opéra- 
tions militaires étaient paralysées. Le maréchal de 
Berwick laissa le commandement à son plus ancien 
lieutenant-général, M. de Quadt, et reprit, le 20 no- 
vembre, la route de Paris, avec les princes de son 
état-major. M. de Quadt, devant la persistance des 
pluies qui comblaient nos ouvrages, repassa le Rhin 
et prit, sur la rive gauche, ses quartiers d'hiver qui 
furent à peine troublés par quelques escarmouches de 
cavalerie. On aimait, en ce temps-là, se battre au sec, 
avec toutes ses aises. 

(i) Histoire de Maurice, comte de Saxe, tome I^ p. 281 . 



36 LE PftINCB DE GONTY 

Le prince de Conty, rentré à Paris fin novembre, 
avait totalement oublié M\^^ Quoniam et il donna à la 
princesse sa femme des preuves immédiates de sa ten- 
dresse, puisqu'en mai suivant, lorsqu'il repartit à l'ar- 
mée du Rhin, il la laissait enceinte de cinq mois. 

L'opération capitale de notre campagne de 1784 en 
Allemagne fut, après une série de marches savantes à 
tromper le prince Eugène lui-même, la prise de Phi- 
lipsbourg, qui fut investi le 25 mai et qui capitula le 
18 juillet. Conty escortait, avec les autres princes^ le 
maréchal de Berwick,lorsquecelui-ci,le 8 juin, recon- 
nut les abords de la place pour Tendroit de la pre- 
mière attaque. C'est encore le régiment de Conty qui 
descendait de la tranchée, le 12 juin, quand un boulet 
tua net M. de Berwick. Cette mort n'arrêta pas les tra- 
vaux du siège et le commandement passa à M. d'As- 
feldt, promu maréchal de France, en même temps que 
Conty était nommé maréchal-de-camp. La Gazette de 
France signale les a grands exemples de valeur » que 
donnèrent les princes lors de l'assaut de Touvrage 
couronné, le i4 juillet (i). 

Sans attendre le reste de Tétat-majorqui abandonna 
Tarmée vers le milieu de septembre^ à cause du mau- 
vais temps, Louis-François regagnait Paris au mois 
d'août, par permission spéciale du Roi, pour assister 
aux couches de la princesse. 

Le 1"^ septembre ifi^, à huit heures du soir, naquit 
Louis-François-Joseph, le nouveau comte de La Mar- 
che. La délivrance de M"« de Conty fut laborieuse. La 
princesse resta plus de quatre heures dans un travail 
douloureux et risqua d'y perdre la vie. Pendant ces 
crises, on agitait secrètement sur le parti à prendre. 
Le chirurgien-accoucheur ne savait à quoi se résou- 
dre. Il se faisait fort de délivrer la mère en sacrifiant 
l'enfant ou de sauver l'enfant aux dépens de la mère. 
Mais on voulait épargner l'un et l'autre. Dans cette 
perplexité, le prince de Gonty^ témoin des souffrances 

(i) Gasettede France, juillet 1734. 



LB PRINCE DB CONTY 37 

de la princesse et de Tembarras de l'opérateur, fut 
consulté. Partagé entre la tendresse conjugale et la 
tendresse paternelle^ également attaché à la conserva- 
tion de sa femme et de son fils, il vit sa sensibilité 
mise à une rude épreuve. Un effort de la nature, aidé 
par la dextérité de l'accoucheur^ calma enfin ses 
angoisses (i). 

Louis-François-Joseph, né si difficilement, était 
d'une complexion débile et plusieurs fois, dans son 
jeune âge, il ne dut la vie qu'aux soins constants de 
sa nourrice. 

La princesse de Conty ne se remit jamais complète- 
ment de cette précoce et pénible maternité. Pourtant, 
malgré son état de langueur, on la croyait hors de 
danger lorsque le Prince endossa le harnais pour 
retourner à Tarmée d'Allemagne, sous les ordres, cette 
fois, de M. de Coîgny. 

Malgré l'emploi subalterne de Louis-François, sa 
conduite au siège de Philipsbourg avait attiré sur lui 
Tattention publique. Un poète de carrefour salua son 
départ de ce quatrain prometteur : 

CoQty n'attend pas quatre lustres 
Pour faire trembler les Germains; 
Sang des Rois dont les mains illustres 
Sont faits (sic) pour régir les humains (2). 

En dépit de ces pronostics^ la campagne de 1735 
fut peu fertile en événements militaires. Des bruits 
de prochaine paix commençaient à se répandre et les 
généraux, sentant venir les diplomates, restaient dans 
une prudente expectation. L'armée du roi de France 
borna son action à une promenade militaire du camp 
de Weinholsheim à celui de Bermesheim, du camp 
d'Eppenheim à celui d'Oguersheim. L'avancement 



(i) Vie privé el politique de L.-F.-J, de Conty ^ pp. i3, 16, 17. 
(a) Bibliothèque Nationale : Manascrits français (Recueil de 
chansons, t. III), 12675. 



38 LE PniNCE DE CONTY 

d'ailleurs ne souffrit point de cette espèce d*armistice 
et, le i8 juillet, Conty ceignit l'écharpe de lieutenant- 
général. On sait comment les pourparlers, engagés 
tandis que nos soldais prenaient leurs quartiers d'hi- 
ver, aboutirent en 1788 au traité de Vienne qui, en 
échange de la renonciation de Stanislas Leczinski 
au trône de Pologne, lui accordait les duchés de 
Lorraine et de Bar, réversibles sur la couronne de 
France. 

La guerre terminée, Conty reprit à Versailles son 
rôle de prince du sang. Nous Tapercevons aux côtés 
du Roi à toutes les cérémonies où l'appelle son rang. 
Quand il ne chasse pas dans le parc avec Sa Majesté, 
quand il ne passe point sur la place d*armes quelque 
revue des mousquetaires, il assiste aux processions 
dont Louis XV est friand; il sert les plats sur la table 
royale en compagnie des autres princes, à la Cène tra- 
ditionnelle de la semaine sainte ; les soirs d'Opéra, il a 
son pliant dans la loge du monarque et son couvert 
est mis aux soupers des petits-cabinets (i). 

Un deuil cruel interrompit ces travaux d*étiquette. 
La princesse de Conty, la jeune, succomba aux suites 
de ses couches le 26 septembre 1736. Elle mourut au 
château d'Issy, propriété des Conty, à onze heures du 
matin, et fut inhumée le 2 octobre dans l'église Saint- 
André-des-Arcs, à Paris. Son cœur, placé dans une 
urne, fut porté à la Chapelle du Val-de-Grâce. La 
veille de l'inhumation, M"® de Clermont, nommée par 
la Reine pour aller jeter l'eau bénite sur le corps de 
la défunte, s'acquitta de cette mission avec tout l'ap- 
parat et toute la minutie désirables. 

M*i« de Clermont, dit le duc de Luynes, partit de Versailles 
dans son carrosse avec M°>® la duchesse de Boufflers, M<°« la 
comtesse de Mailly (dames du palais de la Reine) et M°^® de 

(i) Voir pcusim la Gazette de France et les Mémoires du dac de 
Laynes. 



LB PRINCE DB CONTT 39 

Ribérac, sa dame d'honneur. Elle étoit habillée en grand 
deuil, avec une mante de sept aunes de long^. Elle descendit 
aux Tuileries et entra dans l'appartement de M. Bontemps, 
gouverneur de ce château . Elle y resta quelque temps pour 
attendre que M. de Dreux, g>rand mattre des cérémonies, vint 
l'avertir. M. de Dreux, vêtu d'un |o;'rand manteau à queue 
traînante» étant arrivé, M^^* de Clermont sortit et trouva dans 
la cour deux carrosses de la Reine, huit f^ardes du corps à 
cheval qui mirent l'épée à la main quand elle parut. Ils étoient 
commandés par un exempt, vêtu de deuil, en pleureuse et à 
cheval. M. Coulon, écuyer ordinaire, donna la main à 
MUe de Clermont, qui monta dans l'un des carrosses et se mit 
seule dans le fond de derrière. M'^^ la duchesse de BoufQers 
se mit dans le fond de devant avec M"® de Mailly, et M™« de 
Ribérac étoit à Tune des portières. M. de Dreux et M. Coulon 
montèrent dans l'autre carrosse et marchèrent devant celui où 
étoit M^lo de Clermont. Celui-ci étoft suivi de huit gardes, et 
Texempt à cheval à la portière. Elle arriva à Issy dans la mai- 
son de M. le prince de Conty. Les Cent-Suisses garnissoient 
la cour des deux côtés. M"« de la Roche-sur- Yon, suivie de 
M^^ de Bussy, dame d'honneur de Mademoiselle, mais qui 
lui servoit alors de dame d'honneur, attcndoit M^^^ de Cler- 
mont au bas du perron qui est à l'entrée de la maison. M^^ la 
comtesse d'Alèg^res, dame d'honneur de M'^® de la Roche-sur- 
Yon, y étoit aussi ; mais elle représentoit alors la dame d'hon- 
neur de feu M^^ la princesse de Conty. M">® la marquise de 
Créquy, qui l'étoit, ayant demandé à se retirer quelque tems 
avant la mort de cette princesse et n'ayant pas encore été 
remplacée. M"« de la Roche-sur- Yon étoit en mante, et étoit 
suivie de toute la maison de M. le prince et de Mi°o la prin- 
cesse de Conty, en grand manteau (i). M^'® de Clermont fut 
conduite dans une chambre en bas et en traversant plusieurs 
autres. Il y avoit dans ladite chambre plusieurs fauteuils 
noirs; M^^* de Clermont se mit dans le premier, l'exempt der- 
rière elle ; M"« de la Roche-sur- Yon assise à gauche sur un 
pliant, à ce que Ton croit, au moins cela devoit être. Cepen- 
dant toutes les dames, non seulement M^^ de Boufflers, mais 
les autres qui n'étoient point titrées, étoient assises, ce qui 
n'est point régpulier, puisque M^^^ de Clermont représentoit la 

(i) fc Les trois dames qui gardoient le corps furent les seules 
qui n'allèrent point au-devant de M^^« de Clermont, parce qu'elles 
ne doivent point quitter le corps « {^ote du duc de Luynes), 



40 LE PRIN'CE DE CONTY 

Reine. On croit qu'en entrant dans la chambre où étoit le 
corps, on auroit dû annoncer la Reine, ce qui ne fut point 
fait. M™« de Mailly avoit pris la queue de la mante en des- 
cendant du carrosse. M. de Dreux avertit M"® de Clermont. il 
Ja conduisit dans la chambre où étoit le corps. Elle y trouva 
un prie-Dieu et un fauteuil. Elle se mit à g'enoux dessus ce 
prie-Dieu, et l'exempt des g^ardes derrière le fauteuil. L'abbé 
de St-Aulaire, aumônier ordinaire de la Reine, se mit à 
genoux devant le prie-Dieu, suivant l'usagée. Aussitôt on 
chanta le De Projundis, Il y avoit quatre ou cinq hérauts 
d'armes, mais il n'y en eut que deux qui parurent avec le roi 
d'armes. Ces deux hérauts étoient à côté du corps. L'aide des 
cérémonies fit le premier les révérences au corps et à M"« de 
Clermont, ensuite M. de Dreux, puis le roi d*armes et les 
deux hérauts d'armes ; après quoi elle se leva et, suivie de 
M°>® de Mailly, qui reprit la queue de la mante, elle s'avança, 
prit le goupillon qui lui fut présenté par Tabbé de St Aulaire, 
qui Tavoit reçu du roi d'armes, et, suivie aussi de l'officier 
des gardes, elle jeta de l'eau bénite ; elle se remit aussitôt à 
sa place, après avoir rendu le goupillon à labbé de St-Au- 
laire, qui le remit dans le bénitier. W^^ de la Roche-sur- 
Yon se remit sur le carreau, près de M^'* de Clermont, à côté 
du drap de pied, et M.^^ la duchesse de Boufflers sur un 
autre, auprès d'elle. Les hérauts d'armes et le roi d'armes 
ayant refait les mômes révérences, W^^ de Clermont se leva 
et fut reconduite, dans le môme ordre, dans la chambre où 
elle avoit été reçue en entrant. Comme elle devait aller jeter 
de l'eau bénite comme princesse du sang, pour éviter l'em- 
barras et la peine de revenir une seconde fois à Issy. M. de 
Dreux lui proposa de s'acquitter aussitôt de ce devoir » (i). 

La douleur du prince de Conty fut sincère, quoique 
modérée. Louis-François avait aimé raisonnablement 
sa femme ; mais il avait pour elle plus d'estime et 
d'affectueuse amitié que d'amour à proprement dire. 
Cependant la bienséance Técarta quelque temps des 
réceptions de la Cour. Il se retira dans son château 
de L'Isle-Adam et fatigua son corps à la chasse pour 
faire diversion aux ennuis de son isolement forcé. Le 

(i) Duc DE LuYNEs, Mémoires, tome I, p. 98-100. 



LE PniNCE DE CONTY 4! 

comte de Charolais, son cousin, venait parfois lui 
tenir. compagnie (i). La retraite à la campagne offrait 
encore à Conty un moyen décent de masquer un peu 
ses embarras d'argent. La vie de continuelle représen- 
tation que sa naissance Tobligeait à mènera Versailles 
était très coûteuse et la prodigalité naturelle du Prince 
n'était pas pour compenser l'insuffisance de ses reve- 
nus dont la plupart, en terres, étaient plus apparents 
que réels; même les bénéfices de son gouvernement 
du Poitou avaient été réduits par le Roi de 45.ooo li- 
vres à la mort de Louis-Armand de Conty. 

Peut-être aussi le séjour prolongé de notre prince à 
L'IsIe-Adam eut-il une autre cause. Louis-François, 
ainsi qu'on le verra plus loin, s'était épris, vers 1787, 
d'une femme qui devait tenir dans son existence une 
place marquante, M™® d'Arty. Peut-être, tout entier à 
ses nouvelles amours, cherchait-il la solitude à deux. 
Ainsi s'expliquerait son éloignement de Versailles, où 
le duc de Luynes, fidèle enregistreur des menus faits 
de la Cour, ne mentionne sa réapparition qu'au mois 
de septembre 1788, à l'occasion d'une chasse où le Roi 
lui infligea une petite mortification : 



Le Roi, dit Luynes, fut hier tirer dans le parc de Versailles 
et y tua environ 280 pièces. M. le Duc et M. le prince de 
Conty avoieut suivi le Roi à la chasse, et un grand nombre 
de courtisans. M. le Duc avoit fait porter des fusils, et tua 
120 pièces. Le Roi avoit permis à M. de Courtenvaux et 
M. de Soubise de tirer à coups de pistolet. Ils tuèrent Tun 
26 ou 27 pièces, et l'autre une quinzaine. M. le prince de 
Conty n'eut point permission de tirer. C'est à «lause d'une 
chasse dans la plaine, je crois, de Gennevilliers, que M. le 
prince de Conty a faite avant que le Roi y fut, où il tua avec 
ceux qui Taccompagn oient 800 pièces de gibier (2). 



(i) Archives nationales: Monuments historiçaes, K 574 (Lettres 
du comte de Charolais). 
(2) Duc DE Luynes, Mémoires, tome II, p. 289. 



42 LE PRINCE DE CONTY 

En 1789, au mois de mai, le prince de Conty hérita 
de sa grand'tante Marie-Anne qui était doublement 
une Bourbon, et par sa naissance, et par son alliance. 
Née à Vincennes des amours de Louis XIV avec la 
douce La Vallîère, lég'itimée sous le nom de M^'* de 
Blois, elle avait épousé à quatorze ans Louis-Armand 
de Bourbon-Conty qui Tavait laissé veuve à dix-neuf 
et qu'elle pleura un demi-siècle sans vouloir se rema- 
rier. 

En 1740, autre deuil de famille. Monsieur le Duc, 
frère de M*"* de Conty, la mère, mourut à Chantilly de 
la dysenterie. Il n'avait été malade que quelques jours. 
Le Roi chargea Louis-François d'aller lui jeter Teau 
bénite. L'année suivante, quand décéda la reine de 
Sardaigne, Conty fut encore désigné par Louis XV 
pour le représenter au service célébré à Notre-Dame. 

Malgré Tintimité de ses rapports avec le monarque 
et, peut-être, à cause de celte intimité même, le Prince 
manifestait déjà des velléités d'indépendance qui, en 
dépit de la futilité des circonstances, choquaient par- 
fois les courtisans. Un jour à la chasse, il heurtait du 
poitrail de son cheval la monture de Sa Majesté et 
croyait suffisamment s'excuser en alléguant qu'il avait 
tourné sa bête de peur de blesser M. de Villeroy, botte 
à botte avec lui. Le Roi ne dit mot, mais il rougit et 
cette émotion royale acheva de rendre tout à fait scan- 
daleuse aux yeux des assistants, la réponse hardie du 
prince de Conty (i). Une autre fois, comme Louis XV 
partait à Choisy, Conty lui demanda de l'accompagner. 
A quoi le Roi dit que ce déplacement serait très court, 
qu'il valait mieux attendre un autre voyage. Le lende- 
main pourtant, Louis-François, venu seul de Paris, se 
trouvait à Choisy où sa présence était défavorablement 
commentée (2). Ce n^étaient là que des vétilles, mais 
qui dénotaient chez le prince une humeur peu disci- 
plinée. 

(i) Marquis d'Argknsok, Joarnal et Mémoires, tome III, p. i4^. 
(2) Duc DE LuYNBs, MémotreSy lome IV, pp. 20-21. 



LE PniNCB DE CONTT 43 

L'amour de la gloire fit dégénérer ces incartades à 
Tétiquette en révoUe ouverte. Il n'entre point dans 
notre cadre de raconter en détail la guerre de la Suc- 
cession d'Autriche qui est du domaine de THistoire 
générale ; nous devons pourtant y suivre de loin notre 
héros^ qui sut faire montre des talents militaires les 
plus réels. 

Nous avions pris les armes en 1741 pour assurer 
l'Empire à l'Electeur Charles de Bavière, au détriment 
de Marie-Thérèse d'Autriche et en violation de la 
Pragmatique Sanction à laquelle nous avions pour- 
tant adhéré. Alliés de l'Espagne, de la Prusse, de la 
Pologne, de la Sardaigne, nos débuts avaient été bril- 
lants. Tandis que Tarmée d'observation du maréchal 
de Maillebois contenait, en Westphalie, les électeurs 
allemands dans la neutralité, nous étions allés à Prague 
(nous eussions mieux fait d'aller à Vienne) ; Char- 
les VII par nos soins avait été couronné roi de Bohème ; 
Marie-Thérèse semblait perdue. Le patriotisme des 
Hongrois, aidé par Tor des Anglais, retourna la situa- 
tion. En i742,àPouverture de la deuxième campagne, 
nous avions perdu tous nos avantages de l'année pré- 
cédente, nous étions à notre tour assiégés dans Prague 
où la retraite paraissait coupée au maréchal de Broglie. 

Le prince de Conty avait sollicité un commande- 
ment en Allemagne sans pouvoir l'obtenir. L'hostilité 
du cardinal Fleury, si prompte à servir autrefois les 
intérêts des Orléans, alors que le Prince n'était qu'un 
petit colonel de seize ans, déniait à Louis-François, 
maintenant lieutenant-général, le droit de s'illustrer à 
la guerre. En vain Conty avait insisté sur le ton un peu 
hautain qui lui était propre, écrivant au vieux minis- 
tre : « Quand on trouve un homme, j'ose dire, d^aussi 
bonne volonté que moi, au moins faut-il le laisser 
faire; m'ôter une occasion militaire de m'instruire, 
c'est me faire tort » (i). Cette lettre est du 12 fé- 



(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 3o85. 



44 LB PRINCE DB CONTY 

vrîer 1742; nous étions encore victorieux en appa- 
rence. Quand le revers se dessina, Conty n^hésita plus. 
En septembre, malgré la volonté formelle du Roi, il 
partit rejoindre l'armée du maréchal de Maillebois. 

Le dessein était médité depuis longtemps. Au mois 
de juin, le Prince s'en était ouvert à M™« de Mailly, la 
favorite, qui avait fait son possible pour le détourner 
de son entreprise, lui représentant combien cette 
démarche déplairait au souverain. Conty n'avait point 
paru convaincu et avait seulement prié M"« de Mailly 
d'oublier cette confidence. Mais, pour partir, il fallait 
s'équiper, et Louis-François était pour lors dans une 
détresse extrême. Il rassembla dans sa famille et ses 
amis une soixantaine de mille livres; et le lundi 
10 septembre, il quittait Paris en poste, à trois heures 
du matin, avec son capitaine des gardes et deux 
domestiques. Le Roi ne fut informé de cette fugue que 
le mercredi. Sur le champ, il ordonna à M. de Bre- 
teuil, ministre de la guerre, de dépêcher franc étrier 
un courrier à M. de Maillebois, lui prescrivant de 
mettre le Prince aux arrêts dès que celui-ci arriverait 
au camp. En même temps, des missives étaient adres- 
sées à chacun des princes du sang, portant défense de 
quitter le royaume sans permission. 

La princesse de Conty était prévenue du projet de 
son fils. Louis-François lui avait laissé une lettre pour 
le duc d'Orléans, par laquelle il rendait compte à son 
beau-frère de sa conduite, lui reconvmandait le comte 
de La Marche et le priait de reprendre sur le jeune 
prince, pendant son absence, tous les droits d'un 
tuteur (i). A sa mère, Conty avait encore donné 
commission d'intercéder personnellement auprès de 
Louis XV de qui le mécontentement n'était que trop 
facile à prévoir. Le i3 au matin, la princesse était à 
Issy, où elle voyait le cardinal Fleury qui lui reprocha 
de l'avertir si tard. M"* de Conty riposta qu'elle n'au- 



(i) Philippe d'Orléans avait été efiPecttvement le tuteur du 
comte de La Marche jusqu'à la majorité du prince de Conty. 



LE PRINGB OB GONTY 45 

rait pu l'avertir plus tôt parce qu'elle avait voulu 
laisser au Prince le temps de gagner assez le large 
pour n'être plus arrêté en chemin. Elle convenait, 
d'ailleurs, d'avoir approuvé le plan de son fils et ajou- 
tait que son seul regret était de ne pouvoir être dans 
le même cas que lui parce qu'elle aurait agi de même. 
Elle venait seulement demander conseil au ministre, 
son intention étant d'aller se jeter aux pieds du Roi 
pour solliciter la grâce du coupable. Mais Sa Majesté 
était àChoisy; que faire? Le cardinal répondit qu'il 
n'était point de lieu où le Roi pût trouver mauvais 
qu'une mère comme elle allât réclamer pour son fils. 
En conséquence, M™* de Conty, après une visite à la 
Reine qu'elle mit au fait, partit de Versailles dans 
l'après-midi pour Choisy, afin de se trouver à l'arrivée 
du monarque qui chassait à Sénart. M"^® de Mailly 
accompagnait la princesse. Il fut convenu qu'en arri- 
vant à Choisy la favorite passerait la rivière et irait à 
la rencontre du Roi pour lui parler et le prévenir; que 
la princesse ne se montrerait point et demeurerait 
dans le logement de la concierge jusqu'à ce qu'on sût 
si Louis XV accordait l'entrevue. Les choses se pas- 
sèrent selon ce programme : 



Elle (M°»« de Mailly) fit avertir M™« la princesse de Conty 
lorsque le Roi fut arrivé ; et elle la conduisit dans la chambre 
du Roi jusqu'à ce que le débotté fût fini ; dès que le Roi fut 
habillé, il passa dans son cabinet ; alors M°^<^ la princesse 
de Conty s*avança à la porte du cabinet avec Mi'« de Conty et 
M*'« de la Roche-sur- Yon, et dit au Roi qu'elle venoit lui 
demander pardon pour son fils, que M"*^ la Duchesse seroit 
venue aussi si elle ne s'étoit pas trouvée incommodée. Le Roi 
répondit d'un air fort froid : « — Il a fait une grande sot- 
tise ». « — Il est vrai, Sire, répondit M™« la princesse de 
Conty, et c'est pour cela que je viens supplier Votre Majesté de 
lui pardonner et lui faire grâce ». Le Roi lui dit : « — J'ai 
envoyé des ordres à M. de Maillehois ». M'i^ de la Roche-sur- 
Yon prit la parole, et dit qu'au moins M. le prjnce de Conty 
avoit marqué beaucoup de zèle. « — Il a effectivement beau- 



46 LE PRINCE DE CONTY 

coup de zèle », dit le Roi. M^^ la princesse de Conty ne put 
avoir d*autre réponse, et repartit aussitôt (i). 

Elle ne se tint pas pour battue et quelques jours plus 
tard, ayant fait venir à Versailles le comte de La Mar- 
che, elle pria le cardinal de le mener chez le Roi. A 
l'heure du travail, Louis XV vit entrer dans son cabi- 
net le bambin qui lui dit sans préambule : « — Sire^ 
je viens vous supplier de pardonner à mon papa ». 
Le Roi sourit et dit : « — Il faudra bien vous accorder 
ce que vous demandez ». Au vrai, la grâce était déjà 
octroyée, puisque Louis XV, dans l'intervalle, avait 
réduit à huit jours le temps des arrêts du Prince et 
seulement les jours où l'armée ne marcherait pas. Sa 
punition faite, Louis-François était autorisé à rester 
auprès de M. de Maillebois pour y servir sans grade et 
comme volontaire. Enfin le 29 novembre, le comte de 
La Marche recevait le baptême à Versailles avec le 
Roi pour parrain et, pour marraine, la reine Marie 
Leczinska. Le même jour, le Dauphin et Madame 
(Henriette de France) nommaient Louise-Henriette de 
Conty, sœur du Prince. A cette occasion, Louis-Fran- 
çois eut rémission pleine et entière ; M. de Breteuil 
lui expédia ses lettres de service en qualité de lieute- 
nant-général. 

Le prince de Conty était arrivé à l'armée de M. de 
Maillebois au moment où les généraux français 
venaient de se décider à marcher au secours de Prague 
bloqué. Après une manœuvre savante, qui trompa les 
Autrichiens, lesquels avaient levé le siège de cette 
ville, s'étaient portés à notre rencontre et occupaient 
les défilés du Waldmûnchen, M. de Maillebois pénétra 
dans la Bohême à la fin de septembre. Un instant il 

(i) Duc DB LuYNES, Mémoires, tome IV, p. 280. — Dans le public, 
on partageait 1 opinion de Mlle de La Roche-sur- Yon. Barbier dit, 
dans son Journal (II, 33 1) : « Ceci est très louable pour ce Prince 
qui, par ardeur et par gloire., veut servir. Mais il est pourtant de 
conséquence pour l'autorité du Roi, qu*un prince ne serve point 
dans les armées contre sa volonté... » 



LE PRINCE DE CONTY 47 

put espérer rejoindre le maréchal de Broglie qui, sorti 
de Praçue avec la majeure partie de la garnison, avait 
gagné Leitmeritz, pour s'avancer sur Saitz, notre com- 
mun objectif. Mais ce projet fut déjoué par l'ennemi 
qui occupa Saltz et mille tentatives de notre part 
n'aboutirent qu'à épuiser nos soldats par des marches 
et des contre-marches continuelles. M. de Maillebois, 
manquant de vivres, débordé par le nombre des mala- 
des, dut se déterminer à se replier sur Egra et à 
reprendre la route du Haut-Palatinat, tandis que l'ar- 
mée de M. de Broglie retournait s'enfermer dans Pra- 
gue. Retraite désastreuse, qui du reste coûta son com- 
mandement au maréchal de Maillebois, lequel fut 
remplacé par M. de Broglie. On devine que le prince 
de Conty n'avait point trouvé à se signaler beaucoup 
dans cette guerre où Ton manœuvrait toujours sans 
jamais se battre. Il eut pourtant l'occasion de montrer 
sa valeur, le 3 octobre, dans une escarmouche où, 
pour délivrer un corps de nos troupes attaqué par les 
hussards hongrois, il chargea à la tête des dragons et 
fit merveille. Lorsqu'en novembre M. de Balincourt 
franchit le Danube avec lo.ooo hommes pour mettre 
notre allié bavarois, le maréchal de Seckendorf, en état 
de se soutenir à Braunau, Conty appuya le mouvement 
avec une vingtaine d'escadrons, à deux jdurs de mar- 
che ; mais il n'eut pas à donner. Au résumé, beaucoup 
de peine et peu d'honneur... Et M. de Broglie ne par- 
venant pas à s'entendre avec M. de Seckendorf sur le 
plan de campagne à suivre, on prit les quartiers d'hi- 
ver entre l'Inn et le Danube, par un froid rigoureux 
qui décimait notre armée plus que n'eussent fait dix 
batailles rangées. 

Cependant le prince de Conty s'était acquis une 
estime générale par sa bravoure, sa volonté, son appli- 
cation. Il en eut la preuve lors du voyage qu'il fit à 
Versailles, au mois de mars i743. Il fut reçu parfaite- 
ment bien du Roi quand il alla lui faire sa révérence. 
Louis-François était fort changé et très amaigri. Bien 
qu'on fut en carême, le Roi qui le garda à souper deux 



i8 LB PRINCE DE CONTY 

soirs de suite dans les petits cabinets, lui fit servir du 
gras ce qu'on n'avait point encore vu à la Cour et ce 
qui fut très remarqué. On jasait ferme aussi sur l'objet 
du voyage. Des gens se disant bien instruits, préten- 
daient que le Prince apportait à Louis XV une lettre 
autographe de l'empereur Charles VII, dans laquelle 
notre allié réclamait le rappel du maréchal de Broglie, 
se fondant sur l'incompatibilité d'humeur qui divisait 
cet officier et le maréchal de Seckendorf. Ils annon- 
çaient même que le prince de Conty allait commander 
l'armée, avec, à ses ordres, le comte Maurice de Saxe. 
La vérité, plus simple, est que la princesse de Conty 
avait en personne sollicité du Roi le retour de son fils, 
pour motifs de santé et d'affaires, mais à la condition 
expresse que Sa Majesté permit au Prince de retourner 
à l'armée quand il serait remis de ses fatigues. 

Celui-ci repartit vers la fin du mois et il assista à 
toute la campagne de 1743, série d'échecs lamentables, 
malgré la valeur déployée en pure perte. Grâce à la 
mésintelligence entre Broglie et Seckendorf, le prince 
Charles, qui commandait les Autrichiens, avait déjà 
rassemblé ses quartiers, que les troupes impériales et 
françaises étaient encore cantonnées par petits postes. 
On fut battu séparément. Après le général Minuzzi, 
enlevé à Erlach avec son corps de 6.000 Bavarois; 
après la prise du partisan Lacroix^ capturé avec ses 
compagnies franches malgré la plus belle résistance, 
ce fut le marquis du Châtelet attaqué dans Dingelfin- 
gen avec i.4oo hommes par le comte de Thann avec 
10.000 Autrichiens, et n'abandonnant qu'après vingt- 
quatre heures de combat la place en ruines. M. Phe- 
lipes, lieutenant-général, qui^ la veille, avait évacué 
Dingelfingen ne put que protéger la retraite de ces 
vaillants qui le rejoignirent en passant Tlser sur un 
pont de radeaux. Prévenu de cette attaque, le prince 
de Conty qui occupait Landau avec 12.000 hommes se 
porta aussitôt au secours de Dingelfingen mais il arriva 
trop tard ; la ville incendiée par les Autrichiens ache- 
vait de brûler; et Landau^ où le prince n'avait laissé 



LE PRINGS DE CONTY 49 

qu'une faible garnison subit le même sort quelques 
jours plus tard. Tout cela, sans que le général de 
Charles VII, qui était à Landshut, ftt aucun mouve- 
ment pour nous prêter aide. 

Ces choses se passaient le i8 et le 19 mai. Le 27 du 
même mois, les Autrichiens enlevaient d^assaut la ville 
de Deckendorf, et forçaient les Français, après quatre 
heures d'une résistance acharnée, à se retirer dans les 
retranchements qu*ils avaient construits à la tête du 
pont. Le régiment de Champagne se couvrit de gloire 
en s'ouvrant un passage à la baïonnette au travers de 
l'ennemi. Conty, accouru avec sa cavalerie pour pro- 
téger la retraite, donna des marques d'une bravoure 
sans égale. Il eut son cheval tué sous lui et perdit tous 
ses équipages. « Mais le prince Charles les lui renvoya 
le lendemain avec toute la politesse imaginable, ayant 
même défendu de recevoir la moindre rançon » (i). 

L'armée de secours du maréchal de Noailles n'était 
pas plus heureuse et se faisait battre à Dettingen pour 
avoir attaqué trop tôt et mal à propos. 

Bref, quand M. de Broglie, arrivé le 9 juillet à 
Wimpfen, sur le Neckar, remit son armée au comte 
de Saxe, sous les ordres de M. de Noailles, de iSo.ooo 
hommes environ envoyés en Bavière et en Autriche, 
le froid, la misère, la désertion encore plus que le feu 
de l'ennemi, avaient réduit Teffectif à moins deSo.ooo. 
Ce beau résultat coûtait à la France à peu près trois 
cents millions de livres. 

Il faut placer ici un rapport de police anonyme qui 
prouve avec quelle perfidie les ennemis du prince 
de Gonty s'activaient à le desservir à Versailles tandis 
qu'il se battait pour le Roi. Voici cette note, évidem- 
ment suggérée en haut lieu au policier qui la rédigea : 

^9 jviin 1743, — On fait courir le bruit que M. le prince 
de Conty a dû partir le a5 avec la réserve pour aller joindre 
M. le maréchal de Noailles. On demande ce qu'on veut faire du 

(i) Vie du comte de Saxe, tome II, p. a4. 



50 LB PRINCB DE GONTT 

reste de l'armée, à quoi aboutit ce projet et si l'on veut ajouter 
à tant de fautes faites celle d'avoir trop de complaisance pour 
M. le prince de Conty. On dit que ce prince parle et écrit avec 
beaucoup de liberté et qu'il se fait beaucoup de partisans. On 
pense que quand un Etat se trouve dans certaines circonstan- 
ces, il est de la prudence du ministère de prévoir les choses 
qui ont l'air le plus éloig'uées. Gens de bon ton disoient hier 
que le prince dont on vient de parler, se moque, dans toutes 
les occasions, des ministres excepté d'un seul, qu'il a toujours 
considéré pour un bon mot qu'on lui prête. Ayant un jour 
surpris sa femme avec le prince de..., il se retira en disant à 
un intime : « Du moins ne s'encanaille-t-^lle pas; de l'humeur 
dont je la connois, elle coucheroit avec le Roi » (i). 

A qui faire remonter la paternité de ces insinua- 
tions? On les jurerait dictées par Tévêque de Fréjus 
si Fleury, à cette date, n'était mort depuis plusieurs 
mois? Mais ne pourrait-on l'imputer au marquis d'Ar- 
genson^ le frère du nouveau ministre de la guerre ; 
au marquis d'Argenson, qui fut toujours, sans que 
nous sachions pour quelle cause, l'ennemi mortel du 
prince de Conty?... Cette tentative de rendre le prince 
suspect ne porta pas les fruits attendus ; bien au con- 
traire. Le 3o juin (la note est du 39) le Roi accordait 
à Louis-François 36. 000 livres d'augmentation sur 
son gouvernement du Poitou ; et ce qui doublait le 
prix de cette grâce, c*est qu'elle était spontanée, la 
princesse de Conty ni son fils n'ayant rien demandé (2). 

Le prince de Conty revint à Versailles le 7 novembre 
quand l'armée de Ravière eut pris ses quartiers d'hi- 
ver, après un armistice qui avait duré une partie de 
l'été. Il fut bien accueilli du Roi et très fêlé des prin- 
ces. Bientôt ses liens de parenté avec les Orléans se 
resserraient encore par le mariage de sa sœur Louise- 
Henriette avec le duc de Chartres. Les fiançailles de 
M"« de Conty furent célébrées le 16 décembre 1743 ; la 

(i) Chronique du règne de Louii XV, in « Rbvus RirROSPBC- 
nvB », année x834, p. \7&, — Cette Chronique est attribuée à un 
limier du lieutenant de police. 

(a) Duc DB LuYNBS, Mémoires, tome V, p. 5^. 



LE PRINCE DE CONTY 51 

bénédiction nuptiale fut donnée le lendemain. Ainsi 
Louis-François devenait beau-frère à la fois du père et 
du fils (i). 

En sortant de la cérémonie des chevaliers du Saint- 
Esprit, le I*' janvier i744i le prince de Conty apprit 
qu'il était désigné par le Roi pour commander en chef 
l'armée d'Italie, ou, plutôt, l'armée du Dauphiné. Telle 
était en effet Tappellation exacte des corps auxiliaires 
mis par la France à la disposition de Sa Majesté Très- 
Catholique, pour combattre le roi de Sardaigne, notre 
allié du début de la guerre, maintenant tourné contre 
nous. Mais on disait communément armée d'Italie, 
parce qu'on jugeait avec raison qu'elle était destinée 
à passer dans la péninsule. 

On faisait observer à ce propos qu*il n'y aurait pas 
de maréchal de France sous le prince de Conty. M. de 
Maillebois, fils du maréchal, dont on disait grand bien, 
serait maréchal général des logis; milord Tyrconnel, 
maréchal des logis de la cavalerie et M. de Chauvelin, 
frère de l'intendant d'Amiens, maréchal général de 
l'infanterie. Une petite difficulté surgissait pour- 
tant. Les troupes espagnoles devaient avoir à leur 
tête l'infant don Philippe, secondé par le capitaine 
général marquis de La Mina (i). Quel cérémonial 

(i) Nous avons vu plus haut dans quelle intimité vivaient les 
CoDty et les Orléans. Quand la princesse de Conty porta au duc 
d'Orléans la lettre où Louis-François, partant pour l'armée, met- 
tait le comte de La Marche sous la tutelle de son cousin, celui-ci 
o£Frit à la princesse de l'accompagner pour intercéder auprès du 
Roi en faveur du fug^itif. Cependant l'abbé Soulavie, à propos du 
mariage du duc de Chartres écrit textuellement : 

«r Les Conty et les d'Orléans ne se fréquentaient pas, et le duc 
d'Orléans se présentant chez la princesse, celle-ci fut étonnée, et 
lui demanda par quel hasard il venait chez elle? « Pour deman- 
der votre fille en mariage » répondit le duc d'Orléans. « Avec qui 
donc? » repartit Mme la princesse, « Avec mon fils, le duc de 
Chartres ». Le même jour il alla en donner la nouvelle à 
Mme d'Orléans et prendre les ordres du Roi » ([Soulavik], Mé^ 
moires du duc de Richelieu^ tome VIII, p. 6i). 

(i) Don Philippe, Infant d*Espagne, fils de Philippe V et d'Eli- 
sabeth Famèse, né à Madrid, le i5 mars 17^0, était grand-amiral 



52 LE PRINCB DE CONTY 

réglerait la préséance et les honneurs militaires entre 
le prince français et le prince espagnol ? Une lettre du 
roi d'Espagne à M, de La Mina par l'entremise de 
M. de Montijo, enjoignit au capitaine général d'obéir 
en tout au prince de Conty qui commanderait Tarmée 
espagnole comme la française, sous les ordres de l'In- 
fant (2). Réciproquement Louis XV prescrivit à Louis- 
François, pour le bien du service et l'union des alliés, 
de fermer les yeux sur tout ce qui ne serait pas essen- 
tiel. Conty obtint néanmoins gain de cause sur un 
point très disputé qui lui tenait à cœur. Il prétendait 
recruter, en sa qualité de commandant d'armée, une 
compagnie de gardes du corps ayant rang d'ofiiciers 
dans la cavalerie. Il se fondait en cela sur l'exemple 
du grand Condé qui avait eu une compagnie de gen- 
darmerie attachée à sa personne. Le Roi lui objectait 
que c'était se mettre trop ostensiblement sur le pied 
d'égalité avec Tlnfant, alors que nous n'étions en 
somme que troupes auxiliaires de l'Espagne. Le crédit 
de la duchesse de Ghâteauroux, fort amie de Louis- 
François, leva tous les obstacles et le prince put faire 
enrôler sa compagnie de gardes telle qu'il la désirait. 
Elle fut composée de 5o gentilshommes magnifique- 



d'Espagne depuis 1787. Il avait été marié par ppocuration à Ver- 
sailles, le 26 août 1789 et en personne à Alcala, le 25 octobre 
suivant, à Louise-Elisabeth de France, fille de Louis XV. Il fut 
par la suite duc de Parme, de Plaisance et de Guastalla ^traité 
d'Aix-la-Chapelle, 1748) et mourut à Alexandrie, en 1765. 

(2) Le comie del Montijo, don Cristobal-Greg'orio Portocarrero, 
Guzmaa, Luna. Henriquez de Almansa, Cardenas, Pacheco, 
Acuna, Funes de Villalpando, Monroy y Aragon, marquis de la 
Algaba et de Villenueva del Fresno, etc., grand d'Espagne, né le 
12 mars 1692, était en mission extraordinaire à Paris, porteur de 
doubles lettres de créance de Philippe V et de l'Empereur. Il fut 
reçu par le Roi à Fontainebleau le 3o octobre 1743 et repartit le 
i4 janvier 1744- H s'était déjà arrêté à Paris en 1741, sans doute 
pour se concerter avec les ministres français au sujet de Télection 
à l'Empire de l'Electeur de Bavière (Recueil des instructions don- 
nées aux ambassadeurs et aux ministres de France. Espagne» 
tome m, p. 435). 



LB PRINCB DE CONTY 53 

ment yêtus à la livrée des Conty (i). Leurs habits 
étaient galonnés d'argent, les bandoulières étaient 
bleues avec le même galon. Leur capitaine, M. de Mon- 
talembert-Maumont, chevalier de Saint-Louis, avait 
commission de mestre-de-camp.Leur lieutenant avait 
brevetde lieutenant-colonel et les simples gardes étaient 
lieutenants. Leur paye se montait à dix-huit sous par 
jour et leurs chevaux étaient nourris et entretenus aux 
frais du Roi (2). Ils quittèrent Paris le 11 avril pour se 
rendre à Aix-en-Provence, défilant par les rues deux 
à deux, Tépée à la main. Quelques jours auparavant 
la revue de cette compagnie avait été passée chez la 
princesse de Conty par M. le comte d'Argenson, 
ministre de la guerre (3). 

Devançant son escorte, Conty avait rejoint Tlnfant 
sur le théâtre des opérations depuis le 7 mars. Il s*était 
mis en route à trois heures du matin, courant à trente 
chevaux, de manière à être à Toulon dans les quatre 
jours. Instruit par la guerre malheureuse de Bavière, 
mûri quoique jeune par l'expérience que donne l'ad- 
versité plus que le succès, il s'était préparé à ce gêné- 
ralat tant ambitionné par une persévérante étude de 
la tactique, durant tout l'hiver qu'il avait passé à Paris. 
Il connaissait l'Italie mieux peut-être que sa patrie ; il 
en avait confronté toutes les cartes dans leurs plus 
petits détails; il savait par cœur les campagnes de 
Gatinat et de Vendôme; il s'était en un mot « muni 

(i) Les armes des CoDty étaient les mêmes que celles de la 
branche aînée, les Condé ; la livrée différait un peu : au lieu 
d'être d'un jaune franc, elle était d'une sorte de chamois clair 
qu'on appelait, du reste, chamois*Conty. 

(2) En 174s» après la guerre, Conty conserva sa compagnie de 
gardes, qu'il établit à son château de Beaumont. Le Roi continua 
de les payer; ils coûtaient 80.000 livres par an. 

(3) Bàrbibr, Journal^ tome II, p. 390; et Duc dk Luynks, Mémoi- 
res, tome V, p. 395. — L'équipage du Prince était parti le 
13 février. Il était formé de plus de 80 mulets, de 36 chevaux de 
main, de 20 hommes de suite à cheval, de 2 carrosses de cam- 
pagne, pour les officiers supérieurs, et de 5 ou 6 fourgons à 
bagages. 



54 LE PRINCE DB CONTY 

de toutes les connaissances de spéculation qui peuvent 
suppléer à la pratique » (i). 

L'armée combinée de France et d'Espagne, 4o.ooo 
hommes environ, franchit le Var dès le i^"^ avril, con- 
traignant les troupes piémontaises du roi de Sardaigne 
à se retirer et à abandonner les châteaux d'Aspremont, 
d^Utelle, de Nice et de Castelnuovo. L'Infant et le 
Prince projetaient d'attaquer, le i5, les retranchements 
ennemis au fort de Montalban et à Villefranche, par 
six endroits à la fois; mais un orage terrible, qui fit 
un torrent du ruisseau du Paillon et rendit les che- 
mins impraticables, obligea de remettre cette attaque 
au 19. Ce jour, Conty se présenta au Pas de Ville- 
franche, haut de près de aoo toises et que le roi de Sar- 
daigne croyait inaccessible, avec ses gorges étroites et 
ses profonds abîmes sur lesquels plongeait Tartillerie. 
Détail curieux, cette artillerie piémontaise était servie 
par des canonniers anglais que l'amiral Mathews avait 
débarqués à Villefranche. Malgré la sûreté de leur tir, 
ce rempart du Piémont était couvert en moins de 
quelques heures de Français et d'Espagnols qui avaient 
escaladé la forteresse, de rocher en rocher. L'amiral 
anglais et ses matelots faillirent être capturés. 

Cette opération rapide, qui assurait la conquête du 
comté de Nice, fut accueillie avec des transports de joie 
à Paris et à Versailles. Le 16 mai, un Te Deum solen- 
nel fut chanté à Notre-Dame. Toutes les Cours y assis- 
tèrent. On afficha dans Paris une ordonnance du Roi 
autorisant à faire des feux de joie dans les rues, ce qui 
fut exécuté avec zèle par les bons bourgeois de la 
capitale. A ceux qui trouvaient excessif ce Te Deum^ 
alors que nous n'avions pas guerre déclarée avec le 
roi de Sardaigne et que nous n'étions qu'auxiliaires, 
on remontrait que ces actions de grâce avaient été 
désirées par Sa Majesté Très-Catholique (2). 

(i) Vie privée de Louiê XV, tome II, p. 194. 
(2) Barbier, Journal, tome II, p. 894 ; el Duc db Lutnbs, Mémoi- 
res, lome V, p. 434. 



LB PAINGB DB GONTT 55 

Plus rude encore que la prise de Villefranche fut 
Tescalade du Château-Dauphin que donnèrent le 
comte de Campo-Santo à la tête des Espagnols et le 
prince de Gonty à la tête des Français. Deux mille 
Piémontais sont retranchés sur un roc à pic avec de 
Tartillerie. Nous n'avons pas de canon, et Tennemi nous 
foudroie à bout portant. Cependant le bailli de Givry 
et le brave Chevert, le même qui était monté le pre- 
mier sur le rempart de Prague, enlèvent leurs grena- 
diers qui s'élancent à la baïonnette, et, chose près- 
qu'incroyable, sautent dans les retranchements par les 
embrasures que les canons, après avoir tiré, laissaient 
vides dans leur recul. Nous perdîmes là près de 2.000 
hommes, mais pas un Piémontais n'échappa. Dans 
son rapport au marquis de La Mina, le comte de 
Campo-Santo disait : € Il se présentera peut-être 
quelques occasions où nous ferons aussi bien que les 
Français, mais il n'est pas possible de faire mieux ». 
Ce fait d'armes arracha pourtant des larmes au prince 
de Conty, lorsqu'il apprit que le marquis de la Carte, 
son plus fidèle officier, à qui lui-même avait confié le 
commandement du régiment de Conty-Infanterie, était 
parmi les morts. L'Infant d'Espagne lui dit avec éton- 
nement : u — Si vous aviez été battu que feriez-vous 
donc? » Le Prince répondit : « — Je serais honteux 
de ma défaite, mais je ne puis Têtre de pleurer mes 
amis et la perte de tant de braves gens ». Dans sa cor- 
respondance au Roi, Conty mentionnant cette journée, 
écrivait : 

« C'est une des plus brillantes et des plus vives actions qui 
se soient jamais passées ; les troupes y ont montré uue valeur 
au-dessus de rhumanité. La brigade de Poitou, ayant 
M. d*Agenois à sa tète, s'est couverte de gloire. La bravoure 
et la présence d*esprit de M. de Chevert ont principalement 
décidé de l'avantage. Je vous recommande M. de Solemi et le 
chevalier de Modène. La Carte a été tué. Votre Majesté qui 
connott le prix de l'amitié, sent combien j'en suis touché » (i). 

(1) Vie privée de Louis XVy tome II, p. 197. 



56 LE PRINCB DB CONTT 

Tandis que Ton prenait Château-Dauphin, il fallait 
franchir ce qu'on appelait les Barricades, passage 
exigu entre deux hautes montagnes et dans lequel le 
roi de Sardaigne avait fait dériver la Stura qui baigne 
cette vallée. Trois retranchements et un chemin cou- 
vert défendaient ce poste. Un mouvement tournant 
des troupes franco-espagnoles emporta les Barricades 
presque sans coup férir^ en plaçant les Piémontais 
entre deux feux (i). 

La France à ce moment triomphait sur toute la ligne. 
L'armée d'Allemagne, aux ordres du maréchal de Coi- 
gny, avait repris toutes les villes-frontières et TAu- 
triche antérieure ; Tempereur Charles VII, notre pro- 
tégé, qui avait été obligé de fuir sa capitale Pannée 
précédente, était rentré en grande pompe à Munich ; 
Frédéric de Prusse, revenu à notre alliance qu'il avait 
une première fois abandonnée, pénétrait à marches 
forcées dans la Bohême; Louis XV enfin n'avait eu 
qu'à paraître dans les Flandres pour voir les places 
fortes réputées inexpugnables tomber devant lui. C'est 
à Metz, où il s'était rendu pour donner audience au 
ministre plénipotentiaire de Frédéric, que le roi de 
France reçut les rapports circonstanciés d'Italie. Dans 
un souper qu'il offrit à la Cour, le Roi but à la santé 
de Frédéric II et leva son verre en l'honneur « de mon 
cousin, le grand Conty » (a). 

Et pendant qu'en Lorraine ce toast enthousiasmait 
les courtisans, à Paris, où la chanson ne perd jamais 
ses droits, on comparait Conty à Annibal qui jadis, dit 
Juvénal, entailla les Alpes par le vinaigre et par le 
feu. 



(i) Fastes de Loais XV, tome I, p. 221. Sur cette partie de la 
campagcne consulter également la Gazette de France, année 1744» 
pp. 243, 244i 266, 258, 270, 271, etc., et le Journal de Barbier, 
tome III, pp. 507, 5 12, 53o, etc. 

(2) Barbisr, Joarnaly tome II, p. 4oi. 



LE PRINCB DE CONTY 57 



Chanson sur l'air des Ennuyeux 

Annibal pour passer les monts 
Employa d'étranges recettes ; 
Il fit distiller des glaçons, 
Mit les cailloux en vinaigrette ; 
Et fit brûler, au feu d'enfer, 
Des rochers plus durs que le fer. 

Conty, le héros de ce tems, 
Pour forcer le même passage, 
N'employa qu'un merveilleux sens 
Et qu'un invincible courage ; 
Cela n'est-il pas aussi bon. 
Que du vinaigre et du charbon? (i) 

Les Alpes Dauphinoises frani^hies, restait à Conty la 
tâche de se rendre mattre du Piémont. Le premier 
obstacle à notre marche était la forteresse de Démonte, 
si formidablement défendue par la nature et par Tart, 
qu'il échappa au marquis de La Mina de dire : « En 
vérité, voilà qui est imprenable 1 » — « Prenez garde, 
répondit en souriant le prince de Conty, le mot n'est 
pas français » (a). En effet, la place était prise le 
17 août, avec toute sa garnison. 

L*armée franco-espagnole mit aussitôt le siège devant 
Goni, mais la tranchée était à peine ouverte que le roi 
de Sardaigne attaqua les alliés pour ravitailler les 
assiégés. C^est au lieu dit la Madona del OImo que se 
livra, le 3o septembre, cette bataille, une des plus san- 
glantes de la campagne. Les Piémontais parvinrent à 
faire entrer un convoi dans la ville, mais ils laissèrent 
5.000 hommes sur le champ de bataille et furent con- 
traints à se retirer en désordre, abandonnant Coni à 



(i) BibuothAqub NAnONÀLB: Afanascrits français, 127 11 (Chan- 
sonnier Glairambault). 

(2) BiBuonukQUB Nationalb, Manascrits français^ io434 (Mélan- 
ges, tome I). 



58 LB PRINCB DE GONTT 

ses propres forces. Les Espagnols perdirent 900 hom- 
mes, nous eûmes i.aoo tués ou blessés. M. de Bissy fut 
chargé de porter au Roi (convalescent à Strasbourg 
après avoir pensé mourir à Metz d'une fièvre putride) 
la nouvelle de cette victoire. Gonty, dans sa lettre au 
monarque, s^étendait sur les services signalés de M. de 
Courten, sur ceux de MM. du Cayla, de Beaupréau, de 
Montmorency, de Stainville, du marquis de Maillebois 
et de M. de Ghauvelin, ses deux majors généraux. Par 
contre, il passait modestement sous silence deux coups 
de feu dont il avait eu sa cuirasse percée et deux che- 
vaux tués sous lui (i). Les bardes populaires reprirent 
aussitôt leur luth et Ton chanta dans les carrefours de 
Paris sur Pair : Suivons f amour ^ c'est lui qui nous 
mène : 

Suivons Conty, c'est luy qui nous mène. 
Nous sommes sûrs de vaincre toujours ; 
Sous luy la mort nous fait moins de peine 
Que l'embarras de veiller à nos jours. 

Victor, lassé de tant de batailles, 
Dit en voyant ses champs désolés. 
Pourquoi Louis n'a-t-il un Noailles 
Pour opposer à nos coups redoublez? 

De ce héros chantons la victoire 
Tout doit céder au brave Conty ; 
Mars et Vénus vont combler sa gloire 
Puisqu'il n'a plus qu'à forcer un Gony (a). 

Lyrisme prématuré. Notre victoire était condamnée 
à rester stérile et les espoirs conçus se muèrent bientôt 
en déception. Goni résista trois semaines encore et la 
capitulation ne paraissait plus qu'une affaire de jours. 



<i) Vie privée de Louis XV^ tome H, p. 198; et duc de Limna, 
MémoireM, tome VI, p. 116. 

(2) BiBuoTHÂQus Nationalx: AfanoMcrits français, 12713 (Chan- 
sonnier Glairambauit). 



LB PRINCE DB CONTT S9 

quand la fonte des neiges^ le débordement de la Stura 
et, plus encore que les rigueurs de la saison, le mau- 
vais vouloir du marquis de La Mina, obligèrent à lever 
le siège. La retraite se fit précipitamment, les Espa- 
gnols étant pressés; cependant nous ne fûmes pour- 
suivis ni par Tarmée du roi de Sardaigne, ni par la 
garnison de Coni. Quelques coups de fusils seulement 
furent échangés dans la montagne entre miquelets et 
barbets. Et le prince de Conty eut le temps, en se reti- 
rant, de miner les fortifications de Démonte pour les 
faire sauter s'il en recevait Tordre. 

Cette reculade inattendue ne fut point imputée en 
France au Prince, dont maintenant on savait assez 
Tendurance et la ténacité. Une facétie intitulée : Cata- 
loffue des pièces qui ont été représentées sur les différents 
théâtres de FEurope^ vengea Louis-François de ce dé- 
boire : c L'infant don Philippe et le prince de Conty 
(disait ce badinage) ont fait représenter à Démonte et 
à Coni la comédie des Mal-assortis » (i). 

Le Roi était encore dans son lit, à Trianon, le matin 
du 19 décembre, quand le prince de Conty, arrivé 
depuis une heure à peine, se fit annoncer. A l'issue de 
l'entretien qui fut long, les courtisans notèrent que 
Sa Majesté avait les yeux rougis de larmes, signe cer- 
tain que Tentretien n'avait pas roulé seulement sur la 
guerre d'Italie et qu'un souvenir au moins avait été 
donné par l'amant et par l'ami à cette pauvre duchesse 
de Châteauroux, si indignement traitée lors de la 
maladie du Bien-Aimé, et morte naguère, quand sa 
disgrâce paraissait finie. 

Louis XV, voulant traiter Conty avec honneur, lui 
fil donner le grand appartement de gauche à Trianon. 
Et le Prince, une semaine plus tard, signait au contrat 
de mariage du duc de Penthièvre (a). Cependant le 



(i) BibuothAqub Nationale : Manascrits français^ 12660 (Ghan- 
sonnier Maurepas). 

(2) Louis-Jean-Mane de Bourbon, duc de Penthièvre, de Ghà- 
teauvillain et de Rambouillet, amiral et grand Veneur de France. 



60 LE PRINCE DE CeNTT 

Roi, chez qui Tesprit de famille était si développé 
qu'il sacrifia souvent les intérêts de la France à ceux 
de sa maison, déplorait la dissension qui avait troublé 
les rapports de Conty et de Tinfant don Philippe. Pour 
éviter tout conteste nouveau entre son gendre et son 
cousin, il résolut de continuer la guerre offensive en 
Flandres et en Italie et de la faire défensive en Alle- 
magne. Le prince de Conty remplacerait le maréchal 
de Maillebois sur le Rhin, tandis que M. de Maillebois, 
plus souple, remplacerait le Prince auprès de Tlnfant. 
Rien n*était plus contraire au tempérament fougueux 
de Conty que ce commandement en chef d'une armée 
d'observation. Le Prince accepta pourtant, ne se dou- 
tant peut-être pas du rôle qu'on lui préparait. Le 
public non plus ne s'en doutait guère. Le nom de 
Conty signifiait alors : victoire, et l'on chantait : 

Air : De tous les capucins du monde. ♦ 

Le Roi nous donne cette année 
Pour général de notre armée, 
Le vaillant prince de Conty; 
Nous râlions voir en Allemaigne 
Victorieux de l'ennemy, 
Comme il fut du roi de Sardaigne. 

De Versailles part à lavance 
La Fare en toute diligence, 
Afin de bien tout préparer ; 
Nous avons le fils et le père, 
Nous n'avons plus qu'à souhaiter 
Que le Saint-Esprit les éclaire (i). 

Il était fils du comte de Toulouse, bâtard légitimé de Louis XIV 
et était né à Rambouillet eu 1725. Il épousa, le 29 décembre 17449 
en la chapelle du chAteau de Versailles, Marie-Thérèse-Félicité 
d'Esté, fille de François III, duc de Modéne. Veuf en 1764, il 
mourut en 1798 à Bizy, prés de Vernon. 

(x) BiBU0TH]&Qus Nationale : Manuscrits français, 12.648 (Chan- 
sonnier Maurepas). — On a vu précédemment (page 17) ce que 
signifie cette allusion à la parenté de M. de La Fare et du prince 
de Conty. 



LE PRINCE DE CONTT 61 

On ne tarderait pas à déchanter... Le prince de 
Conty ne partit qu'à la mi-avril 1745 pour rAIIemagne, 
retenu jusque-là à Paris auprès de sa mère dangereu- 
sement malade. Le 17 avril, le maréchal de Maillebois 
vint à Strasbourg au-devant du Prince et lui passa le 
commandement, mettant aux ordres de Louis-François 
toutes les troupes de son arméeduBas-Rhin. Les batail- 
lons d'infanterie, les escadrons de dragons et les com- 
pagnies franches détachés aux ordres de M. de Lowen- 
dhal pour renforcer le corps de M. de Maillebois, ainsi 
que le reste des troupes cantonnées en Alsace et en 
Souabe, à l'exception de deux régiments de hussards 
destinés à passer en Bavière, étaient également subor- 
donnés au Prince. 

A peine eut-il franchi le Rhin que les difficultés 
commencèrent pour lui. Ce fut d'abord comme une 
épidémie de désertion dans son armée. Les soldats, 
mécontents de n'avoir pas touché le « bien vivre » 
traditionnel, quoiqu'ils eussent passé Thiver en pays 
étranger, décampaient par escouades entières, avec 
armes et bagages (i). Ce fut ensuite et surtout le sen- 
timent de son impuissance, lié, garrotté qu*il était par 
par les ordres formels du Roi qui le condamnaient à 
rinaction. 

Il faut avouer que nous nous trouvions alors dans 
une étrange posture en Allemagne. L'Electeur de 
Bavière, que nous avions fait Empereur et pour qui 
cette guerre absurde avait été entreprise, venait de 
mourir. Son fils, loin d'ambitionner la pourpre impé- 
riale, ne songeait au contraire qu'à se débarrasser de 
ce fardeau trop lourd pour ses épaules et à s'arranger 
à Pamiable avec Marie-Thérèse. Notre protégé ne vou- 
lait plus de notre protection. Et nous allions sur le 



(i) M. DE Marvillb, Lettres, tome II, p. io5. — On appelait 
(( bien vivre » un supplément de solde (environ 6 livres par 
homme), donné aux troupes en quartier afin qu'elles n'exigeas- 
sent rien au delà de ce qu'il était imposé à Thabitant de leur 
fournir. 



62 LE PRINCE DE CONTT 

Rhin pour le roi de Prusse, pour empêcher les Autri- 
chiens de tomber avec des forces trop supérieures sur 
Frédéric ; éventuellement pour couvrir TÂIsace et les 
Flandres. 

Les instructions écrites données au prince de Conty 
et dont il n^eul connaissance que quelques jours avant 
son départ (elles sont datées du 3o mars) sont, dans 
leur précision, d'une indécision rare : 

L'intention du Roi, disent-elles, est de maintenir tous les 
engagements qu'il a contractés avec ses alliés, en sorte qu'on 
ne puisse imaginer qu'il ait eu seulement la pensée de s'en 
séparer. 

En partant de ce principe jusqu'à ce qu'on ait des preuves 
certaines de l'accommodement de l'Electeur de Bavière avec la 
reine de Hongrie, il convient que les troupes du Roi se main- 
tiennent en Allemagne en promettant d'accorder aux princes 
qui observeront exactement la neutralité et sur les terres des- 
quels l'armée de Sa Majesté subsistera, des dédommagements 
proportionnés, et d'en user avec eux à la paix ainsi que cela 
a été pratiqué 

L — Lorsqu'on aura l'avis positif que l'Electeur de Bavière 
aura fait son accommodement, si les troupes de la reine de 
Hongrie entrent sur les terres des Cercles, et qu'elles prennent 
leur route par la Souabe pour venir sur le Neckre, on juge 
que le corps de cette armée ne pourroit composer au plus que 
18.000 hommes; c'est en proportion de ces forces que M. le 
prince de Contj pourroit laisser sur le Neckre (comme il le 
propose) un corps capable d'attendre les ennemis et de leur 
disputer le passage de cette rivière. Si au lieu de prendre la 
route par la Souabe, elles cherchoient à faire leur jonction avec 
le duc d'Aremberg, les troupes du Neckre marcheroient sur 
le Mein, pour fortifier l'armée au cas qu'on ne put pas empê- 
cher la jonction. 

U. — Le duc d'Aremberg restant à la droite du Rhin, si 
M. le prince de Conty ne pouvoit former sur cette armée 
aucune entreprise, il se contenteroit de se maintenir sur la 
Lahn, et il ne doit même soutenir cette position qu'autant que 
les Cercles de Franconie et de Souabe garderont la neutralité 
et qu'ils n'assembleront pas de corps de troupes capables 



LB PRINCE DE CONTY 63 

d'inquiéter M. le prince de Confy dans ses derrières. Si au 
contraire les Cercles assemblent des troupes, il conviendroit 
de se retirer successivement et même de passer à la gpauche du 
Rhin, s'il y avoit du risque de rester à la droite. 

III . — Si le duc d'Aremberg passoit le Rhin pour le des- 
cendre, rintention du Roi est que M. le prince de Contj ne 
suive point le duc d'Aremberip, et qu'au contraire il remonte 
successivement le Rhin pour être toujours à portée de défen- 
dre l'Alsace. 

IV. — Si le duc d'Aremberg repassoit le Rhin pour remon- 
ter la Moselle, M. le prince de Gontj le passeroit aussi pour 
suivre l'ennemi et s'opposer aux entreprises qu'il voudrait 
tenter du côté des Evéchés. 

V. — Si le roi de Prusse faisoit son accommodement et que 
Farmée du prince Charles se mit en marche pour venir sur le 
Rhin, M. le prince de Conty se retireroit successivement pour 
se trouver à l'arrivée de l'ennemi dans la position la plus 
avantageuse à la défense de l'Alsace, et la prudence exige que, 
dans la vue des événements qui peuvent arriver dans ce cas, on 
prenne dés à présent les précautions nécessaires pour assurer 
cette frontière, en pressant l'exécution des travaux ordonnés 
pour former les retranchements sur la Queich, et même en 
perfectionnant les lignes de la Lautre, suivant que M. le prince 
de Contj, pourra juger ces précautions utiles et nécessaires. 

VI. — Si l'Electeur de Bavière a fait son accommodement, 
Sa Majesté n*ajant de guerre déclarée qu'avec la reine de 
Hongrie et les Angtois, et n'ayant plus de princes alliés à sou- 
tenir en qualité d'auxiliaire, son objet ne peut plus être que 
d'attaquer les positions immédiates de la reine de Hongrie et 
de combattre son armée partout où on pourra la joindre, sans 
néanmoins trop s'écarter de la défense de nos frontières. 

En conséquence, Sa Majesté réduit ses projets à trois points 
principaux : 

Le premier, défendre l'Alsace en la mangeant le moins que 
faire se pourra, et, plus tard, lorsque son armée ne pourra 
plus se soutenir en Allemagne, soit que les Cercles se décla- 
rent ou que toutes les forces de la reine de Hongrie marchent 
sur le Rhin ; 

Le second, faire avancer dès à présent et successivement un 
corps jusqu'à concurrence de ao bataillons et 4o escadrons 
sur Thionville et Longwy ; 

Le troisième, que ce détachement soit en état de joindre 
Tarmée de Sa Majesté avant l'arrivée du duc d'Aremberg s'il 



64 LE PRINCB DE CONTT 

marchoit en Flandre, ou s'il faisoit un détachement pour 
rejoindre en Flandre l'armée des alliés et d'être pareillement 
en état de faire passer ces ao bataillons et 4o escadrons à l'ar- 
mée de M. le prince de Conty, si le duc d'Aremberg' restoit 
sur le Rhin et que les Cercles se déclarassent ou que l'armée 
du prince de Conty revint sur le fleuve (i). 

Au résumé, tous ces si et ces mais signifiaient : ne 
rien tenter, voir venir, temporiser, modeler ses mou- 
vements sur ceux de l'ennemi, éviter de livrer bataille 
jusqu'à la dernière extrémité, tant que TÂlsace ne 
serait point en péril. Singulière besogne pour un 
Conty : où il fallait Fabius, on était allé prendre Anni- 
bal ! Et pourtant Fexcès même de cette prudence 
assura le succès du plan. Les Impériaux qui avaient 
d'abord tremblé pour Mayence en voyant à la tête de 
notre armée un général que sa conduite en Italie avait 
classé au premier rang des audacieux, n'arrivèrent 
jamais à s'imaginer que Louis XV avait fait passer le 
Rhin à un prince de son sang uniquement pour être 
témoin bénévole des délibérations de la Diète qui 
s'assemblait à Francfort en vue de nommer roi des 
Romains, puis Empereur, le grand-duc de Toscane, 
époux de Marie-Thérèse. Ils se bornèrent donc à cou- 
vrir Francfort où l'élection se fit aussi tranquillement 
qu'en pleine paix, mais, redoutant peut-être quelque 
traquenard, ils demeurèrent autant que nous sur 
la défensive. On ne saurait donner le nom de cam- 
pagne à cette expédition dont les événements les plus 
saillants furent l'occupation par Conty du village de 
Gernsheim, et sa retraite de TrebueràRheindûrckeim, 
où M. de La Fare perdit ses équipages, lesquels furent 
vendus à l'encan dans une foire des environs... (a) 

A Paris, où se débitaient journellement les nou- 
velles du Rhin, l'inertie du prince de Conty paraissait 
extraordinaire et les pires propos se tenaient sur 

(i) J. Colin, Les campagnes du maréchal de Saxe; tome III, 
pp. 42-47. 
(2) M. Ds Màrvillb, Lettres, tome II, p. 119. 



LE PRINCE J>B CONTY 65 

son cas. On disait qu'il comptait pour rien la vie 
des hommes et que ce n'est qu'à force de sacrifier 
du monde qu'il avait parfois réussi ; que ses plans 
étaient mal conçus et qu'il était toujours indécis dans 
l'exécution; qu*il traitait le général, l'officier, le sol- 
dat avec la même hauteur insupportable ; qu'il était 
toujours livré à ses plaisirs plus que soucieux de son 
devoir; qu'il vivait dans la débauche avec des filles 
mandées de Paris et quelques jeunes seigneurs de son 
état-major (i). 

Pour démentir ces clabauderies, il fallut le voyage 
en Pologne de M. de Saint-Severin qui, au retour, 
visita l'armée de Conty. Il rapporta « que le Prince se 
mettait à table tous les jours à six heures, n'y restait 
jamais plus d'une heure et demie et qu'on n'y buvait 
du vin qu'à sa soif; que pour le reste, il entrait lui- 
même dans tous les détails et s'en acquittait avec pré- 
cision et netteté (a) ». Ce son de cloche, si différent de 
ceux qu'on avait ouïs jusque-là, persuada peut-être le 
Roi et M. d'Argenson qui avaient en M. de Saint- 
Severin pleine confiance. Mais l'impression dans le 
public fut longtemps à s'effacer. Même à la Cour, il en 
resta toujours quelque chose. Et lorsque l'armée du 
Bas-Rhin disloquée, en novembre^ Conty rentra à Ver- 
sailles, l'accueil du Roi fut plus réservé, semble- t-il, 
que d'ordinaire : « Le prince de Conty arriva ici hier 

(i) M. DE Marville, LettreSj tome II, p. i47* 

(2) Duc DE LuYNBS, Mémoires^ tome VII, p. 124. — Le mémo- 
rialiste ajoute cette explication plausible : 

< Deux circonstances peuvent avoir indisposé les esprits de 
l'armée contre M. le prince de Conty : 

« L'officier veut voir son général et manger avec lui, et le seul 
repas d'usage pour la représentation à l'armée est le dtner. M. le 
prince de Conty prétend ne pouvoir pas dtner ; cependant il a 
deux grandes tables chez lui tous les jours à dtner ; mais comme 
il n'y paroit point, elles ne sont ordinairement remplies que par 
ceux qui sont bien aises de trouver un bon dtner. 

« D'ailleurs, M. le prince de Conty consulte peu les officiers 
généraux qui sont sous ses ordres et l'on se plaint qu'en tout il 
ne se communique pas assez » . 

5 



66 LE PRINCE DE CONTT 

matin^ écrit Luynes à la date du lo décembre ; il me 
parott qu'il a été bien reçu. » Sous la plume d'un 
courtisan^ cet : il me parott est le chef-d'œuvre de la 
nuance. 

Toute négative qu'eût été cette campagne de 1745, 
elle inspira suffisamment, tant la flatterie est ingé- 
nieuse en ses allégories, un des graveurs préposés à 
rhistoire métallique du siècle de Louis XV. L'artiste 
représenta le Prince sous la figure du jeune Hercule 
appuyé sur sa massue. Il regardait le Rhin, person- 
nifié par un vieillard barbu, tout épouvanté de voir 
sur ses bords deux femmes casquées, la Discorde et la 
Guerre. Le héros, par la sérénité de son geste, ras- 
surait le vieillard et lui faisait connaître qu'il ne crai- 
gnait point ses ennemis. Légende : « Quis quemve 
amneniy hoc prohibente^ tranet ? (i) ». 

Malgré cette trompeuse satisfaction d'amour-propre, 
Conty sentait bien qu'il n'y avait désormais pour lui 
de lauriers à moissonner que sous les yeux mêmes du 
Roi, dans les Flandres, où, depuis le mois de jan- 
vier 1746, le maréchal de Saxe préparait les voies à 
Louis XV. Il obtint le commandement d'un des corps 
de l'armée royale, fut de l'entrée à Bruxelles, le 4 mai ; 
et de l'entrée à Anvers, le 4 juin. Après un Te Deum 
dans la cathédrale, un conseil de guerre fut tenu en 
présence du Roi où il fut résolu, contre l'avis du maré- 
chal de Saxe, adversaire de la guerre de sièges et par- 
tisan de l'action en rase campagne, que l'on conti- 
nuerait les opérations par les prises de Mons et de 
Gharleroi (2). Le corps d'armée de Conty fut chargé 

(i) Ce graveur- médail liste se nommait Gosmond. Sa composi- 
tion se trouve dans un recueil intitulé : Histoire des campagnes 
da Roi représentées par des figures aflégoriçaes . Il est à remar- 
quer que le même recueil ne contient rien sur la guerre dltalie. 

(2) « ^o jain 174^. — ... M. le maréchal de Saxe est fort 
mécontent de ce que son plan sur les opérations de cette campa- 
gne n'a pas été suivi, et de ce que, au contraire, on en suit un 
qui nous fera perdre la campagne entière à prendre deux ou trois 
places que nous rendrons à la paix, au lieu de s'être attaché, 
après la prise d'Anvers, à suivre l'ennemi, le détruire elle forcer 



LB piiiNCB DE Covrr 67 

de ces deux sièges. La tranchée devant Mons fut 
ouverte dans la nuit du a4 s^u a5 juin et commandée 
par MM. de la Fare et de Bouflers. Le lo du mois de 
juillet, une double attaque, l'une à la porte de Ber- 
thamont, Pune à la porte de Nimy, eut raison des 
assiégés qui arborèrent le drapeau blanc. 

Comme le fort annexe de Saint-Ghislain n'avait pas 
été compris dans la reddition de Mons, Conty en fit le 
siège dans les formes et la citadelle succomba le 
a3 juillet. La garnison fut conduite à Valçnciennes. 

Cependant le Roi avait quitté Tarmée depuis la mi- 
juillet pour assister aux couches de la Dauphine, à 
Versailles (i). De ce fait, le commandement en chef, 
virtuellement exercé par Louis XV, se subdivisait 
maintenant en autant de commandements qu'il y avait 
de chefs de corps d'armée. Le maréchal de Saxe, déjà 
mécontent de ce que son plan de campagne n'eût pas 
été adopté au conseil de guerre du mois de juin, 
aurait voulu que l'armée de Conty passât sous son 
commandement. Il redoutait en effet que les alliés, 
qu*il avait chassés du bassin d*Ânvers et obligés à se 
replier sur Bréda, mais qui avaient reçu des renforts 
d'Autriche et d'Angleterre et qui maintenant débou* 
chaient par la frontière de Hollande conduits par le 
prince de Lorraine, ne parvinssent à couvrir Namur 
et à passer entre les deux armées françaises. En per- 
sonne, il quitta Bruxelles, pour barrer au prince de 
Lorraine la route de Namur et campa son armée en 
face de Fennemi sur les rives de la Mehaigne, affluent 
de la Meuse. Quelques lieues seulement séparaient son 
état-major de celui du prince de Conty qui, conformé- 
ment aux instructions royales, venait de mettre le 
siège devant Charleroi. Craignant ou feignant de 
craindre une attaque, Maurice de Saxe pria Conty de 



à nous proposer lui-même une paix que nous aurons la mollesse 
de lui offrir sans cesse sans qu'il daigne accepter. » (M. de Mar- 
viLUi, Lettres , tome III, p. 4)* 
(i) La Dauphine mourut d*une fièvre puerpérale, le 22 juillet. 



OO LE PRINCB DE CONTT 

le rejoindre sans délai. Le Prince lui envoya le comte 
d'Ëslrées avec la bataillons et lo escadrons, mais en 
stipulant, dans les commissions écrites données à ce 
lieutenant-général, que celui-ci n'agirait point sans 
des ordres positifs de sa part. C'était clairement indi- 
quer au Maréchal qu'il n'entendait point abdiquer la 
moindre parcelle de son autorité (i). Se voyant deviné, 
Maurice de Saxe affecta une grande indignation qu'il 
s'efforça tout aussitôt de faire partager à M. d'Argen- 
son : « Voilà^ écrivait-il au ministre de la guerre, une 
chose qui mérite toute l'attention du Roi et la vôtre... 
Vous verrez, par la lettre de M. le prince de Conty, 
que si les ennemis venaient pour m'attaquer (ce qui 
peut arriver d'un moment à l'autre), M. d'Estrées serait 
obligé de rester spectateur du combat, à moins qu'il 
n'eût obtenu la permission d'agir de M. le prince de 
Cônty qui reste à six grandes lieues d'ici... Cette con- 
duite du Prince est incompréhensible. Je la cache 
avec grand soin à Tarmée afin que Tennemi Pignore... 
Je suis trop bon serviteur du Roi pour rendre à M. le 
prince de Conty ce qu'il me fait. Je veux cependant 
lui en faire la peur, en le menaçant de me retirer au 
camp de Louvain » (a). 

La menace ne troubla point Conty outre mesure, 
quoique le départ de Maurice de Saxe pour Louvain 
Teût exposé à être écrasé par des forces très supérieu- 
res : « Si vous voulez vous en aller à Louvain, répon- 
dit-il^ il faut m'en avertir pour que je sauve mon 
canon. » Et il continua le siège de Charleroi qui, du 
reste, capitula le lendemain de cette réponse. La cor- 
ruption plus que la force décida du sort de la place. 
Conty craignait tellement d'être obligé de lever le 

(i) Déjà au commencement de juillet, le prince de Conty avait 
révoqué les sauvegardes données par le Maréchal aux habitants 
de la région de Mons et les avait remplacées par de nouvelles, 
identiques au fond, mais signées de lui. 

(2) MiNiST&RB DB LA GuBRRB : Atchives historiques (Correspon- 
dance de Maurice de Saxe avec le comte d*Argenson ; 3i juillet 
X746>. -* Cf. Duc DB Brogub, Maurice de Saœe, tome I, p. ms. 



LE PRINCE DE CONTT 60 

siège sur des sommations venues de Versailles, qu'il 
avait promis 5o.ooo écus à un vieux valet de chambre 
du gouverneur qui commandait dans Charleroi, s'il 
pouvait décider son mattre à se rendre. Le serviteur, 
très influent sur Tesprit de son maître, lui représen- 
tait à tout moment qu'il ne pouvait tenir plus long- 
temps, que d'ailleurs en cédant tout de suite il aurait 
l'honneur de capituler avec un prince du sang de 
France, et plusieurs autres belles raisons que lui ins- 
pirait l'appât des 5o.ooo écus. c Mais, répondait le 
gouverneur, encore faut-il que je sois attaqué plus 
vivement, et que j'aie l'air d'avoir fait une belle dé- 
fense». — « Eh ! Monsieur, disait le valet de chambre, 
n'y a-t-il pas trente ans que vous gardez cette place 
pour la Maison d'Autriche ? Peut-on faire une plus 
belle défense ? » (i). 

Conty avait si peu l'intention de ne point secourir 
Saxe qu'à peine Charleroi tombé, il demandait au 
Maréchal un rendez-vous au bourg de Valhem : « Si 
vous ne pouvez venir^ ce qui serait signe de combat, 
j'irai vous rejoindre à tire-d'ailes avec toutes les forces 
que je pourrai vous amener ». 

L'entrevue eut lieu le 2 août. Et ce qui prouve bien 
le dessein prémédité du comte de Saxe de mettre la 
main sur les troupes du Prince, et pas autre chose, 
c'est que cette conférence, qui dura deux jours entiers, 
se passa à discuter la question de savoir si Ton atta- 
querait ou non le prince de Lorraine. C'était Conty 
présentement qui voulait pousser de Tavant et c'était 
Saxe qui ne voulait plus marcher, alors pourtant que 
la jonction des deux armées lui donnait la presque 
certitude d'anéantir l'adversaire (2). De guerre lasse, 
Conty finit par céder : on attendrait que le prince de 
Lorraine, n'osant pas avancer et ne pouvant subsister 



(1) DuTENS, Mémoireê d'un Voyageur qui se repose, tome II, 
p. 20. 

(a) L'armée de Conty qui avait joint celle de Saxe avait sa 
gauche près de Conroy et appuyait sa droite à la Sambre. 



70 LB PRINCE DE COMTT 

sur le champ étroit laissé à son armée, prit spontané- 
ment le parti de la retraite. Vainqueur sur ce premier 
point, Maurice de Saxe se démasqua tout à fait et 
réclama ouvertement de commander en chef. Pour le 
coup, Conty se montra intraitable. Lieutenant-général, 
patenté comme tel par le Roi, il soutenait avec raison 
ne devoir la subordination à aucun autre officier 
général. Que si, en dehors des grades militaires, Mau- 
rice de Saxe invoquait pour la préséance son titre de 
maréchal de France, lui, Conty, pouvait invoquer 
non moins légitimement son titre de prince du sang. 
Et il citait à l'appui de sa thèse l'exemple du grand 
Condé qui, dans sa dernière campagne, avait exigé le 
pas sur cinq maréchaux de France. Saxe qui se savait 
soutenu à Versailles par W^ de Pompadour, la nou- 
velle favorite, laquelle ne redoutait rien tant que de 
voir le Roi repartir pour les Flandres où sévissait la 
petite vérole, maintint sa prétention. Conty écrivit 
alors au Roi, demandant la permission de quitter son 
poste et fit, en attendant, partir ses équipages pour 
Mons. Un peu inquiet sur le résultat de cette brusque 
décision, Saxe envoya ce billet au Prince : « Aurais-je 
eu le malheur de vous déplaire^ Monseigneur. J'ai 
plusieurs choses à régler auxquelles je ne suis point 
préparé. Voudriez-vous m^indiquer une heure pour 
prendre vos ordres et vous présenter mes respects ? » 
« J'étais partie en chemin, répondit Conty, quand j'ai 
reçu la lettre que vous m'avez écrite hier. C'est avec 
plaisir que j'eusse conféré avec vous, si je n'avais pas 
été embarqué. Il est vrai que j'ai demandé au Roi de 
m'en aller; la façon dont nous avons été ensemble ne 
doit pas, Monsieur le Maréchal, vous faire imaginer 
que je me plaigne de vous » (i). 

Le retour inopiné de Louis-François, qui arriva en 

(i) Ministère de la Guerre : Archives historiçaes, partie sup^ 
plémentaire (Correspondance de Maurice de Saxe avec le prince 
de Conty et de Conty avec Saxe, 12 et 1 3 août 1746). Cf. Duc de 
Broglix, Maurice de Saxe^ tome I, p. 352. 



LE PRINCB DB CONTY 71 

poste à Paris, le i4 août, et se présenta le i5 à Ver» 
saiiles, donna lieu à mille commentaires. Les uns 
disaient qu'il était incommodé, version peu vraisem- 
blable vu la mine de santé du Prince ; d'autres, mieux 
informés, parlaient de sa dissidence avec Saxe, mais 
ils étaient crus difficilement puisque le Maréchal, on 
le savait, n'avait point brevet de généralissime ; cer- 
tains voyaient là Findice d'une disgrâce éclatante et 
déjà ils exilaient le Prince à L'Isle-Adam ; quelques- 
uns, enfin, affirmaient qu'il ne revenait à la Cour que 
pour se concerter avec Sa Majesté afin de ne plus pas- 
ser par l'intermédiaire de M. d'Ârgenson et pour pres- 
ser le départ du Roi... Généralement on blâmait 
plutôt Gonty, qui, dans cette occasion, disait-on, aurait 
trouvé à s'instruire dans l'art militaire en servant sous 
an homme tel que le Maréchal (i). 

Le comte Maurice de Saxe passait en effet, à Paris, 
pour le premier capitaine que nous eussions eu depuis 
Turenne et le grand Gondé; on lui attribuait encore 
la victoire de Fontenoy tandis qu'en réalité cette 
bataille avait été gagnée par M. de Richelieu qui avait 
fait donner le canon à l'heure où Saxe, jugeant la 
partie perdue, ne conservait une batterie en réserve 
que pour couvrir la fuite du Roi. Et puis, on voyait le 
Maréchal de loin, comme dans une auréole de gloire; 
il gagnait moins à être vu de près. G'étaitle type accom- 
pli du soudard et son origine teutonne ajoutait à sa 
rudesse. Grossier et malembouché, il jurait comme un 
grenadier et il était totalement illettré. La petitesse de 



(i) Marville, Lettres, tome III, pp. 25, 28 et 29 ; Duc de Lutnes, 
Mémoires, tome VII, p. 386 ; Barbier, Journal, tome II, p. 496. — 
Une facétie manuscrite due probablement au même auteur que 
celle précédemment citée (voir page Sg), disait : a M. le prince 
de Gonty a voulu donner en Flandre, une représentation de la 
Comédie intitulée V Indépendant', mais comme elle se seroit jouée 
au dépend de M. le maréchal de Saxe, on Ta prié de retirer sa 
pièce, ce qu'il a fait à la satisfaction de ceux qui doivent être les 
spectateurs, w (Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, 
12650. Chansonnier Maurepas), 



72 LB PKINCE DE CONTT 

cette âme vulgaire se trahissait par an amoar immo- 
déré de l'argent (i). Quelle sympathie pouvait accorder 
une telle nature avec celle du prince de Gonty, noble , 
poli, cultivé, généreux jusqu'à la prodigalité?... 

Les rumeurs contradictoirestombèrent quand on sut 
l'accueil aimable fait au Prince par le Roi ; on ne 
douta plus que Conly n'eût quitté Tarmée avec l'agré- 
ment de Sa Majesté. Un petit voyage à Grécy avec le 
Roi et le duc de Chartres, à la fin d'août; en novem- 
bre, un assez long séjour à Fontainebleau où le 
Prince travailla souvent avec le Roi et M. d'Ârgenson ; 
les grâces enfin accordées à tous les officiers qui avaient 
servi sous le Prince, tandis que ceux du Maréchal 
étaient quelque peu oubliés ; tout cela joint au titre 
de généralissime conféré à Louis-François^ corrobora 
Topinion que celui-ci n'avait en rien démérité (3). 



(i) « Un jour que Mme de Pompadour lui demandait les rai- 
sons de son amitié pour le fermier général Le Riche de La Pou- 
pliniére et quelles étaient Us qualités dans ce fermier qui pou- 
vaient justifier cet attachement : — Madame, répondit le Maré- 
chal, il en a une pour moi que je trouve excellente ; car quand 
j'ai besoin de cent mille livres, je les trouve dans son coffre. » 
( Vie prioée de Louis XV, tome II, p. 36o). 

(2) « Le ij septembre iy4^ et joars suivants . — La nouvelle qui 
s'est répandue que le prince de Gonty a obtenu ses patentes de 
généralissime est fondée sur la vérité. Elles lui ont été accor- 
dées le 7 ou 8 de ce mois. Elles enjoignent à tous les maréchaux 
de France et aux autres officiers militaires, de prendre Tordre de 
lui partoutoù il plaira à Sa Majesté de l'envoyer commander. Le 
maréchal de Saxe en a de pareilles, mais elles portent seulement 
rinjonction aux officiers de quelque rang et naissance qu'ils 
puissent être qui n'auront pas aussi patente de généralissime de 
recevoir l'ordre de lui et de lui obéir en tout ce qu'il leur com- 
mandera pour le service du Roi » (M. de Marville, Lettres, 
t. III, p. 42). 

Ce brevet de généralissime (in pariibas) dont parle également le 
ducdeLuynes dans ses Mémoires, suscita les récriminations du 
maréchal de Saxe quand ce dernier parut à la Cour au mois de 
décembre 1746 : ■ Je sais, disait Saxe« le respect qui est dû aux 
princes de la maison de France, et je ne m'en écarterai jamais ; 
que le Roi les déclare tous généralissimes de ses armées au ber- 
ceau, je n'ai rien à dire; mais que M. le prince de Conty ait 



LE PRINCE DB CONTT 73 

Mais on apprit bientôt également qu'il ne rejoindrait 
point ses troupes en Flandre tant qu'elles seraient 
sous les ordres de Saxe. Au mois de février^ plusieurs 
officiers généraux s'étant présentés chez le Prince 
pour lui demander de servir sous lui, Conty qui venait 
de vendre ses équipages, leur déclara : « — Je serais 
charmé, Messieurs, de vous obliger ; mais assurément 
il n'est question de moi en aucune façon et je ne pré- 
vois pas que je m'éloigne de L'Isle-Adam, où vous serez 
les mattres de venir me voir quand il vous plaira > (i). 
D'autre part, le Roi, parlant des princes qui assiste- 
raient au service que l'on préparait à Notre-Dame 
pour l'oraison funèbre de la reine de Pologne dit assez 
méchamment à Conty : « — Mon cousin, voilà pour 
vous une occupation, cet été. » Le Prince parut goûter 
mal la plaisanterie (2). 

Peu avant les noces du Dauphin avec Marie-Josèphe 
de Saxe (5 février 1747)9 le Roi avait promu Maurice 
maréchal-général de ses corps et armées, titre suprême 
dont il n'y avait point d'exemple depuis Turenne et 
Conty avait accepté sans murmure cette nouvelle élé- 
vation de son rival. Très politiquement^ il se tint coi 
pendant toute la campagne de 1747» n'ayant l'air 
occupé que des bâtisses qu'il édifiait à L'IsIe-Adam et 

acqais ce titre comme une récompense de services, je crois avoir 
droit de me plaindre. Après cela j*aime le Roi, je dois exécuter 
ses ordres ; quand il voudra que je marche, il faudra bien mar- 
cher, mais dans le fond qu'ai-je à espérer? . . » (Duc de Lutnes, 
Mémoires, tome VIII, p. 27). 

Une note manuscrite de M. de Paulmy fait allusion à ce titre 
de Conty : a . . . Prince fort aimé et distingué par beaucoup d'es- 
prit et de connaissances en tout genre, il se distingua d'abord 
dans le militaire, et obtint des lettres de généralissime pendant 
la paix qui suivit la guerre, où il s'èloit principalement dis- 
tingué. » (Bibliothèque de l'Arsenal : Manuscrits, 3 119, f. 38). 

La Chesnaye-Desbois, dans son Dictionnaire de la Noblesse 
(tome III, col. 767) dit aussi : « Louis-François de Bourbon .. 
fait généralissime des armées de France et d*Espagne en Italie, 
en 1744 ; et dans les Pays-Bas, en 1746. n 

(i) M. DE Marvillb, Lettres j tome IIL p. 162. 

(2) Duc DE Lutnes, Mémoires^ tome Vill, p. 160. 



74 LE PftINCB OB CONTY 

« faisant aatânt de tapage aux ouvriers que s'il s'agis- 
sait encore d'escalader les Alpes » (i). Il n'entra per- 
sonnellement en lice que lorsqu'il sentit fléchir la 
confiance populaire dans le guerrier favori. En 1748, 
on commençait à trouver à la Cour et à la Ville que 
cette guerre sans objet (puisque l'Electeur de Bavière 
avait, depuis trois ans, renoncé à TEmpire) durait 
décidément bien longtemps. Les esprits s'aigrissant, 
on en venait jusqu'à soupçonner Saxe de traîtrise. On 
démontrait que, dans les trois dernières campagnes, 
il s'était comporté, par ambition, en homme qui veut 
éterniser la guerre et que d'ailleurs il n'y entendait 
rien. Le remède? Placer vite à la tête des armées du 
Roi, dans les Pays-Bas, un Français, et surtout un 
prince du sang, qui aurait intérêt à en finir. Les 
ministres eux-mêmes poussaient Conty à attaquer 
Saxe. « Un prince du sang ose tout dire quand il est 
appuyé par le ministère » (2). 
Il est vraisemblable que le Prince, s'il n'obtint pas 



(1) M. DE Marvillb, Leitre$i tome III, p. igS. — Il s'occupait 
aussi de pourvoir ses protégés. Nous trouvons, à la date du 
i5 mai 1747* une lettre de M. de Maurepas au Prince, relative à 
son capitaine des gardes, le marquis de Montalembert : c Je sais, 
7 disait M. de Maurepas, que M. de Montalembert a des talents 
vraiment académiques et qu'il a lu un mémoire à l'Académie 
qui a fort réussi. Je n'ignore pas surtout qu'il est attaché à Votre 
Altesse Sérénissime qui ne doit pas douter du désir que j'ai de 
contribuer par tout ce qui peut dépendre de moi au succès de ce 
qu'elle désire ; maïs l'intention n'est pas de remplir si tdt la 
place vacante que M. de Montalembert voudroit obtenir. J'ins- 
truirai Votre Altesse Sérénissime des raisons qui éloignent cette 
décision aussitôt que j'aurai l'honneur de la voir. Je la supplie 
d'être toujours convaincue de l'attachement et du respect 
inÛni, etc.. Maurbpas. • Quelle place vacante désirait M. de 
Montalembert? S'agirait-il du fauteuil à l'Académie des Sciences 
où le marquis fut élu au mois de juillet suivant ? Nous croyons 
plutôt qu'il est ici question d'une lieutenance en province. M. de 
Montalembert obtint, en e£Pet, cinq ans plus tard, la lieutenance 
de Saîntonge et d'Angoumois. 

(2) Marquis d'Arobnson, Journal et Mémoires^ tome V, p. 184 
et 207. 



LB PIIIICCB DB CONTT 75 

pour lui-même le commandement de Farmée des 
Flandres, ne se fit pas faute de miner Saxe dans leç 
conseils du Roi et qu'il contribua plus que personne 
à la conclusion de cette paix après laquelle tout le 
monde soupirait. 

Mais il convient aussi de laver Gonly de la calomnie 
propagée par ses ennemis qui Tout accusé sans preu- 
ves d'avoir, en 1760, tué Saxe en duel, ou plutôt de 
l'avoir assassiné, étant données l'adresse duprince à 
manier Tépée et la faiblesse physique du Maréchal qui 
traînait depuis deux ans, à son château de Chambord, 
les restes languissants d'une vie à son déclin (i). 

Le libelliste, auteur de la Vie privée et politique de 
L.'F.-J. de Conty, lance la calomnie sans Tappuyer 
d'aucune démonstration : 

Le père du prince de Conty, dit-il, étoit un furieux, un spa- 
dassin qui s'amusoit bassement à faire des assauts soldates- 
ques avec des grenadiers, de vils brèteurs. Il tua le maréchal 
de Saxe à la vérité, mais il profita de la foi blesse et de la 
maladie de ce grand capitaine, qui ne pouvoit se défendre. 
Voilà sa prouesse héroïque!... (2) 

Merle, le vaudevelliste, qui publia en 1882 une 
monographie du château de Chambord, ne pouvait 
laisser dans Tombre un événement si important. Il 
interrogea les gens du maréchal qui vivaient encore 
(Merle était né en 1785 et son histoire de Chambord 
fut vraisemblablement préparée longtemps avant la 
publication). 

Comme il faut, dit-il, que le peuple trouve toujours une 
raison singulière à la fin des grands, on attribua celle du 

(i) Maurice de Saxe était hydropique. En 1745, le jour de Fon- 
tenoy, il était déjà si malade qu*il fut incapable de montera che- 
val et dut se faire porter sur le champ de bataille dans une espèce 
de voiturette en osier. 

(2) Vie privée et poliiiqae de L,^F,'J, de Conty ^ etc.; p. ^, en 
note. 



76 LB PRINCB DB CONTY 

maréchal de Saxe à un duel, qui aurait eu lieu entre lui et le 
prince de Contj. Voici ce que m'a raconté Moret, son ancien 
valet de chambre : 

« Vers les derniers jours du mois de novembre, vers 
huit heures du matin, une chaise de poste, précédée d*un 
courrier sans couleurs, entra dans le parc de Chsmbord, par 
la porte de Muides ; elle s'arrêta au bout de Tavenue du par- 
terre; il en descendit deux personnes; le courrier se rendit au 
château, charg'é d'une lettre pour le Maréchal, qui était encore 
couché. Monseigneur, après avoir lu cette lettre, s'habilla à la 
hAte, fit prévenir son aide de camp, et, suivi de son valet de 
chambre, il descendit, par l'escalier dérobé, de son apparte- 
ment, sortit par les fossés du château, et marcha à la ren- 
contre des deux étrangers. Le père Desfins (vieux fermier du 
-parc dont la famille j est établie depuis plus de deux cents ans 
et dont les petits-fils vivent encore) les vit mettre l'épée à la 
main, et bientôt après les deux inconnus remontèrent en voi- 
ture ; et le Maréchal soutenu par son aide de camp revint au 
château et se remit au lit. Le bruit courut qu'il venait d'être 
blessé par le prince de Conty; mais on ordonna le plus grand 
secret à tous les g^ns de service. On expédia un courrier à 
Fontainebleau, où se trouvait la Cour, et le Roi envoya aus- 
sitôt dans une de ses voitures, son médecin M. de Sénac, qui 
arriva quelques heures avant sa mort » (i). 

Néanmoins récrivain ne paraît pas absolument con- 
vaincu par les dires du domestique, puisqu'il ajoute 
tout aussitôt ce correctif^ comme pour atténuer le 
témoignage : 

Vieux conte du pays sous lequel Moret est resté, car ce ne 
fut pas lui qui fut témoin du duel, et son camarade a toujours 
gardé le silence. Moret me dit : € Ils ont dit, dans le temps, 
que c'était un frisson, mais je suis sûr, moi, que le frisson 
dont est mort M. le maréchal était au bout de Tépée du prince 
de Conty » (2). 

Vieux conte du pays... qu'importe! Tanecdote fleure 
un parfum de mélodrame qui séduit le rédacteur des 
Nouveaux mémoires de (rr/mm, publiés en i834; il 

(I et 2) J.-T. Mbrle, Chambord, pp. 77-79. 



LB PRINCB DE GONTY 77 

s'empare de rhistoriette, renjolivej'habille à sa mode 
et voici un témoignage irrécusable, en apparence, 
puisque c*est censément le baron Grimm qui parle, 
qu'il peut dire : « J y étais, j'ai vu ». Nous copions 
le passage : 

J'étais depuis trois jours à Chambord, avec le comte de 
Friesen» et déjà notre retour à Paris était arrêté; le Maréchal 
souffrait moins de ses infirmités, et son neveu avait obtenu 
de lui la promesse qu'il viendrait à Paris tout l'hiver. 

Nous avons vu entrer au château un homme sans livrée qui . 
donna mystérieusement au Maréchal un pli cacheté. Le Maré- 
chal était seul dans son cabinet. L^émissaire attendait dans la 
pièce voisine; le Maréchal lui avait remis sa réponse, et le 
courrier mystérieux était reparti sur le champ. Le Maréchal, 
rentré dans son cabinet, s y fit consigner pour tout le monde. 
Nous avons su depuis qu'il s'était occupé à ranger des papiers 
et à écrire. Il sortit, demanda son neveu, avec lequel il s'en- 
tretint quelques instants, et se rendit au parc sans vouloir 
être suivi. Je le vis s'y promener seul et toujours dans la 
même allée ; il fixait parfois ses regards vers la grille qui 
communiquait avec le bois. 

J'étais rentré au château avec une sorte d'inquiétude mélan- 
colique dont je ne pouvais définir la cause. On s'entretenait 
au salon de la mort toute récente de M^^^ de Sens. A cette nou- 
velle M. de Friesen s'est écrié brusquement : € Où est mon 
oncle ?» et, se levant avec une agitation extrême, il me prend 
par la main et m'entraîne vers le parc. Nous apercevons un 
groupe de domestiques portant un brancard; nous appro- 
chons... c'était le Maréchal blessé, sans mouvement et d'une 
effrayante pâleur ! Aux cris de son neveu, il ouvre les yeux^ 
fait un effort pour lui tendre la main, et les seuls mots qu'il 
put prononcer nous révèlent la cause de sa blessure : € Le 
prince de Gonty est-il encore ici? Assurez-le que je ne lui en 
veux nullement. Faites prévenir Sénac : je sens qu'il arrivera 
trop tard, mais j'ai besoin de revoir mon ami. Je demande le 
plus grand secret sur tout ce qui vient de se passer ». 

Sénac était au château ; mais il ne pouvait faire de miracle ; 
la blessure était mortelle (i). 

(i) Noaoeaax mémoireê secrets ei inédits da baron Orimnip 
tome I, pp. 54*56. 



78 LE PRINCB DB GONTT 

Voilà, n'est-il pas vrai? un témoin implacable. Nul 
détail n'est omis; les c dernières paroles » du Maré- 
chal sont accablantes pour Gonty. Le malheur est que 
les prétendus Mémoires inédits du baron Grimm sont 
apocryphes, c Rien n'est moins certain, dit Téminent 
bibliographe Quérard, que l'authenticité de ces 
Mémoires ». En effet, lisez-les avec attention ; vous y 
rencontrerez à chaque page des tournures, des expres- 
sions, des phrases, textuellement empruntées aux 
Mémoires secrets, dits de Bachaumont; le c démar- 
quage » saute aux yeux. 

Ne nous arrêtons pas à relever les divergences entre 
le récit attribué à Grimm et le récit de Moret. Celui-ci 
dit qu'il était huit heures du matin quand un courrier 
apporta le cartel, que le Maréchal était encore couché, 
qu'il se leva et descendit aussitôt dans le parc avec 
son aide de camp; celui-là prétend que le Maréchal 
était dans son cabinet^ qu'il s'y attarda à ranger des 
papiers, qu'il descendit après avoir parlé à son neveu, 
M. de Friesen, enfin qu'il attendit seul, en se prome- 
nant, l'arrivée de son adversaire. •• Tout cela ne con- 
corde guère. Mais il y a, dans la version Grimm, des 
inexactitudes beaucoup plus graves et flagrantes. 

La première est que M. de Friesen n'était pas à 
Chambord. Cela résulte à l'évidence d'une lettre écrite 
par le baron Le Fort, chirurgien en chef des uhlans 
que Maurice de Saxe conservait comme garde d'hon- 
neur. 

La deuxième est que M. de Sénac, médecin du Roi, 
n'était pas, lui non plus, à Chambord; mais bien à 
Fontainebleau, avec la Cour; et ce fut une lettre du 
même baron Le Fort, qui le manda d'urgence auprès 
du Maréchal mourant, malgré la volonté de ce der- 
nier. 

La troisième est qu'on ne pouvait parler en novem- 
bre 1760 de la mort de M"« de Sens qui n'expira qu'en 
avril 1765, quinze ans plus tard. 

Un consciencieux historien allemand, M. Vitzhum 
d'Eckstaedt, qui a consacré un gros volume à la vie du 



LB PRINCB DB CONTT 79 

maréchal de Saxe, discute et rétorque excellemment 
la thèse fantaisiste du duel telle qu'elle est présentée 
par les soi-disant Mémoires de Grimm : 

Le duel, si duel il j a eu, ne peut avoir eu lieu que le 
21 novembre, jour où Maurice sortit pour la dernière fois et 
se promena dans le parc; car le 22, à 10 heures, le maréchal 
se coucha pour ne plus se relever. Ni le comte de Friesen, ni 
le docteur Sénac, ne se trouvèrent à Chambord le jour où Saxe 
tomba malade; et l'alibi de Friesen, si bien constaté par les 
dépositions de deux témoins irrécusables, Roth et Le Fort, 
rend peu probable la prétendue présence de Grimm. Mais en 
admettant que le récit de Grimm soit réfuté quant au fait de 
la présence du comte de Friesen, ne se pourrait-il pas que 
l'histoire du duel fut vraie quant au fond ? Et ce mystère que 
Maurice désirait faire de sa maladie ne doone-t-il pas à pen- 
ser ? Nous répondrons que Tordre donné par le Maréchal de 
n'appeler personne, pas même Sénac, s'explique fort simple- 
ment par le motif que Le Fort allèg'ue dans sa lettre : le Maré- 
chal ne voulait pas alarmer Paris. Si cet ordre avait été donné 
pour ne pas ébruiter une fatale rencontre, Le Fort auraitril 
pris sur lui d'y désobéir en faisant appeler Sénac? Et une fois 
résolu d'appeler à Chambord le médecin ainsi que le neveu, 
comment expliquer le singulier silence qu'il garde dans sa 
lettre sur un fait aussi important ? (i) 

Nous pourrions nous en tenir à ces arguments fort 
bien déduits et conclure simplement avec Mouffle 
d'Angerville : 

Saxe mourut à Chambord âgé de cinquante-quatre ans. On 
fit des contes sur cet événement comme sur tout ce qui con- 
cerne Tes hommes extraordinaires. Le vrai est qu'il mourut 
dans son lit^ des suites de ses débauches. Dans les deux der- 
nières années de sa vie, c'étoit un cadavre ambulant dont il ne 
restoit plus que le nom (2). 



(i) G. -F. ViTiHUif d'Bcrstabdt : Maurice, comte de Saxe et 
Marie~Jo9êphe deSaxe, p. 523. 
(2) Vie prioée de Loaie XV, tome II, p. 558. 



80 LB PRINCE DB CONTT 

Mais nous avons à cœur de dégager complètement 
la mémoire de Gonty de ces odieux racontars. Mieux 
que les meilleurs arguments, les faits (les faits « qui 
sont choses opiniâtres», selon le mot d'un savant 
anglais), vont se charger de plaider la cause du Prince. 

Maurice de Saxe mourut le 3o novembre. Sa der- 
nière sortie dans le parc de Chambord eut lieu le ai. 
Cette date est acquise^ et, là-dessus, tous les biogra- 
phes du Maréchal sont d'accord. C'est donc le 21 au 
matin qu'il aurait été mortellement frappé. Si nous 
prouvons que ni le 20, ni le 21 novembre lySo, Contj 
ne bougea de Paris, nous aurons, du même coup, 
démontré l'inanité de la légende du duel, tout au 
moins en ce qui concerne le Prince. 

Or, précisément le 20 novembre lySo, Louise-Adé- 
laïde de Bourbon-Conty, princesse de la Roche-sur- 
Yon, mourait en son hôtel, à Paris, de la petite vérole, 
faisant son neveu son exécuteur testamentaire. Nous 
n'ignorons point qu'il n'y a pas concordance entre 
tous les témoignages des contemporains sur la date de 
cette mort. La Gazette dit que W^^ de la Roche-sur- 
Yon mourut le 21 novembre et qu'elle fut enterrée le 
même jour (i). Les Afficher annoncent la mort dans 
les décès du 21 (2). Le registre de la paroisse Saint- 
Sulpice dit qu'on a transporté le 21 à Saint-Ândré- 
des-Arcs, le corps de la princesse « morte avant-hier », 
le ig par conséquent. Le duc de Luynes dit également 
le ig (3). Mais Collé note qu'elle mourut le 20 novem- 
bre (4)- Mais Barbier donne aussi la date du 2o(5).Mais 
d'Argenson dit « dans la nuit du 20 au 21 » (6). Mais 
le registre de la paroisse Saint-André-des-Arcs déclare 
que le 21 fut transporté de Saint-Sulpice, pour être 
inhumé dans cette église, le corps de la princesse 

(i) Gazette de France, année 1780, p. 576. 

(2) Affiches de Parts, avis dioers, n^ du 23 nor. 1760. 

(3) Duc DE LuTNBS. Mémoires, tome X, p. 373. 

(4) Collé. Journal historiçae, tome I, p. 287. 

(5) Barbier, Joarnal, tome III. p. i84. 

(6) Marquis d'Aroenson, Joarnal et Mémoires, tome VI, p. 293. 



LB PRINGB DE CONTY 8t 

«c décédée la veille », le 20 par conséquent. Mais enfin 
les registres de la Secrétairerie d'Etat, qui font foi 
officiellement, portent le 20, à diverses reprises (i). 
Une date domine ce débat. Celle du 21, jour des 
obsèques. Or, on ne conservait jamais plus de quelques 
heures les corps des gens morts de la petite vérole. On 
peut donc être assuré que la princesse mourut dans la 
nuit du 20 au 21. Conty n'avait pas quitté le chevet 
de la moribonde (2). Il ne pouvait pas être le 21, à 
huit heures du matin, au château de Ghambord, dis- 
tant de Paris de quarante-cinq lieues. 

(i) Archives Nationales : E, 344^, il'. 89, 11 3, 44^. 
(2) Duc DE LuTNES, Mémoires, p. 373. 



N 



Ministre sans portefeuille 



Le prince de Gonty travaille avec le Roi. — Commentaires et supposi- 
tions. — Les imaginations du marquis d'Arg^enson. — c Roi de 
Pologne ». — La vérité sur ces travaux mystérieux. — Police 
diplomatique. — Le chevalier d'ECU. — Lord Taaf. — Le Père de 
La Tour. — La Compagnie de Jésus et TOrdre de Malte. — Conty 
contre Pompadour. — Retraite du Prince. 



Mie prince de Conty « travaille avec le Roi » A 
♦ dater du mois de décembre 1747 et pendant 
près de dix années, telle est la formule qui revient 
ainsi qu'une litanie, dans le journal si scrupuleuse- 
ment tenu par le duc de Luynes. Sur l'objet de ce tra- 
vail on se perd en conjectures et le secret qu'obser- 
vent les augustes collaborateurs pique au suprême 
degré la curiosité des courtisans oisifs. On a supposé 
d'abord qu'il était question seulement d'intérêts pri- 
vés, Conty ayant sollicité pour lui-même, en 1748, la 
charge de grand fauconnier qu'il n'a pas eue, puis, en 
1749, le grand-prieuré de l'Ordre de Malte qu'il a 
obtenu grâce au Roi. Mais, Gonty pourvu, le travail a 
continué comme devant. Le Prince, grand-prieur, 
logé au palais du Temple, ayant ensuite vendu à 
Louis XV l'hôtel de Conty, on a présumé que 



LE PRINCE DB GONTY 83 

les longs téte-à-téte avec Sa Majesté pouvaient avoir 
trait à cette vente. Un mot du Roi, répété par 
M. de Gesvres, premier gentilhomme de la Chambre, 
que la cession regardait particulièrement, a encore 
détruit cette hypothèse. M. de Gesvres, ne parvenant 
point à se faire remettre un mémoire relatif à l'hôtel 
de Gonty que le Prince lui avait promis, s'était 
adressé directement au Roi. Louis XV avait grommelé: 
c Voilà bien comme il est, il oublie toujours de me 
parler de ses affaires ». S'agissait-il donc de la nouvelle 
place que Ton allait ouvrira Paris, au Pont-tournant? 
Ou de la remise du gouvernement d'Alais, en Langue- 
doc, que le marquis de La Fare abandonnait à Conty 
pour recevoir du Roi le gouvernement de Gravelines, 
compensation fructueuse ? Mais ces matières étaient 
de bien mince importance et ne justifiaient pas 
un labeur aussi soutenu. Pour quelle raison le 
Prince et le Monarque s'enfermaient-ils ainsi chaque 
semaine ? 

Une explication admirable fut enfin trouvée en lySS, 
alors que le mystérieux travail se poursuivait depuis 
cinq ans. On avait remarqué qu'un seul confident 
était admis parfois à ces conciliabules dans le cabinet 
du Roi, où le Prince entrait chargé d'un gros porte- 
feuille, comme un ministre. C'était M. de Saint-Sevc- 
rin, le diplomate à la mode, le nouveau secrétaire 
d'Etat aux affaires étrangères, naguère ambassadeur 
du Roi en Saxe et en Pologne (i). On savait aussi 

(i) « Janvier ij/^S, — On est toujours étonné de Timmixtion 
du prince de Conty dans les afiPaires d*Etat. M. le comte de Saint- 
Severin ne bouge de son cabinet où ils travaillent des quatre et 
cinq heures. Ce prince porte souvent de gros portefeuilles chez 
le Roi et travaille avec Sa- Majesté » (Marquis d'Aroenson, Jour» 
nal et Mémoires, tome V, p. 167). •— Le comte de Saint-Severin 
d'Arragon, seigneur italien, d'une bonne famille du royaume de 
Naples, était venu pour la première fois en France en 1726, 
comme envoyé extraordinaire du grand-duc de Parme. Chauve- 
lin qui aimait les étrangers, avait persuadé à Fleury d'attacher 
au service du Roi cet homme souple et spirituel; on l'avait pen- 
sionné de 10.000 livres et on lui avait fait épouser la sœur dn 



84 LS PRINCB DS CONTY 

que Conty travaillait des six heures de suite chez son 
ancien préfet, le Père Simon de La Tour, Jésuite, 
« qui lui rédig^eait des systèmes politiques ». Puis ce 
fut le tour de M. de Chavigny, de qui, durant quel- 
ques mois, le Prince fit sa société continuelle (i). 
Assurément, dans le commerce impénétrable du Roi 
et du Prince, s'agitaient des questions d'Etat et l'on 
crut avoir le mot de 1 énigme quand un courtisan plus 
imaginatif que les autres s'avisa que le Prince, jaloux 
d'égaler le grand Conty, son aïeul, convoitait la cou- 
ronne de Pologne (2), Peut-être ce courtisan n'était-il 

fermier-général Villeinur. Employé dans les ambassades, il 
s'était signalé en Suède (1741; pour la prompte conclusion du 
traité des subsides qu'il avait enlevée en quinze jours. Bien que 
ce succès rapide fut dû en grande partie à l'habileté de son pré- 
décesseur, M. Casteja, tout le bénéfice de la négociation revint à 
Saint-Severin qui passa dès ce jour pour un maître diplomate. 
Ambassadeur en Saxe, ministre plénipotentiaire à la Diète de 
Francfort, négociateur du traité d'Aix-la-Chapelle, prôné à la 
Cour par le maréchal de Noailles et par Mme de Pompadour, il 
était rhomme en vedette que tout désignait pour entrer dans les 
conseils du Roi. Il y entra en février 1748. Haut, imposant, il 
cachait, disaient ses ennemis, sa nullité réelle sous les plus 
magnifiques dehors. Ministre jusqu'en septembre 1 755, M. de Saint- 
Severin mourut le 7 mars 1767 (Voyez Ed. et J. de Goncourt, 
JUme de Pompadour, p. 33 ; Vie privée de Louis XV , t. II, 
p. 344» Marquis h'Argessos^ Journal et Mémoires, pctssim). 

(i) Théodore Chevignard, dit de Chavigny^ fils d'un juge de 
Beaune, qui essaya de se faire passer pour descendant de la 
maison éteinte de Chavigny-le-Roi. Il était entré dans la diplo- 
matie et avait débuté à Ratisbonneen 1726. Ambassadeur à Lis- 
bonne en 174O9 chargé de missions en Allemagne, en 1743-17441 
il passa à Venise en 1749 et en Suisse en 1761. Lors de ses tra- 
vaux avec Conty, il était toujours ambassadeur en Suisse, mais 
en congé à Paris. Voyez Almanach Royal, 1753 

(2) On sait que le prince François-Louis de Conty fut élu roi 
de Pologne (1697) et proclamé par le primat sans que la faction 
de Frédéric-Auguste, Electeur de Saxe, osât s'y opposer. Quand 
les partisans du Prince se furent retirés de l'assemblée, Tévèque 
de Cujavie. chef du parti de l'Electeur, proclama à son tour ce 
dernier roi. Pendant que le grand Conty était encore en route 
pour se rendre en Pologne, sur la flotte de Jean-Bart, Frédéric- 
Auguste m se faisait couronner à Cracovie, et grossissait son 
parti à prix d'or. Conty était mouillé en rade de Dantzig, atten- 



LB PRINCE DE CONTY 85 

autre que le frère du ministre de la g'uerre, le marquis 
d'Argenson, ancien ministre des affaires étrangères 
(1744-Ï747)* qui s'était mis cette idée dans la tête 
depuis qu'il avait reçu, au moment de la Diète de 
Pologne (1746)? 'es confidences d'un certain Blan- 
dowskiy ancien agent secret, employé par nous en 
1733 à l'élection malheureuse de Stanislas. Ce Blan- 
dowski avait conté à M. d'Argenson, alors ministre, 
qu'il était venu de Varsovie, mandé par M. de Saint- 
Severin, lequel avait partie liée avec Conty pour faire 
élire ce dernier au trône d'Auguste III dès que la 
place serait vacante ou même avant. Le roi de Polo- 
gne ne pouvait aller loin ; il souffrait d'ulcères aux 
jambes, comme feu son père, et la succession de cet 
homme malade ne tarderait pas à s'ouvrir. Blan- 
dowski, depuis son arrivée en France était, disait-il, 
demeuré caché à l'Isle-Adam. Mal payé, il se décidait 
à tout révéler. M. d'Argenson qui, sur la recomman- 
dation de Conty, venait justement de faire nommer 
M. des Issarts au poste d'ambassadeur en Pologne, 
s'était figuré avoir été pris pour dupe en envoyant là- 
bas, à son insu, un émissaire du Prince, un nouvel 
abbé de Polignac fi). Vexé, il avait couru chez le Roi, 
avait démontré à Louis XV, sans doute fort ébahi, tout 
le pernicieux de ce projet et, probablement, avait 
éventé la nouvelle, car peu de temps après M. deLoos, 



dant que les troupes qu'on lui avaient promises vinssent le rece- 
voir, pendant que son rival agissait. 11 attendit en vain et remit 
à la voile, sans avoir débarqué. 

Auguste II dépossédé en 1704 dans une assemblée de la nation 
et déclaré inapte à porter la couronne, fut remplacé par Stanislas 
Leczinski, protégé de Charles XII. Mais en 1709, quand Char- 
les XII eut perdu la bataille de Pultawa, Auguste II fut rétabli 
et régna jusqu'en 1733. 

(i) Cet abbé de Polignac que Louis XIV avait accrédité auprès 
de Sobieski comme ambassadeur, en lôgS, fut Tagent qui très 
habilement prépara Topinion polonaise à accepter comme roi un 
prince français lorsque vaquerait la couronne (Voyez Recueil des 
instructions données aux ambassadeurs de France,.. Pologne^ 
t. I, pp. LV-LVII, introduction de M. Louis Farges). 



86 LB PRINCE DE CONTT 

ambassadeur extraordinaire d'Auguste III, était venu 
lui demander à ce sujet des explications. M. d'Ar- 
genson s'était défendu de son mieux, affirmant à 
Tambassadeur qu'on avait expédié M. des Issarts 
à Varsovie « comme on l'aurait envoyé ailleurs ». 
Depuis cet incident, le marquis d'Argenson était 
resté si bien persuadé des desseins ténébreux de 
Conty sur la Pologne, qu'il ramenait les faits les plus 
simples à son idée fixe. M. Parisot, mattre des requê- 
tes au Parlement et grand ami du Prince, projetait-il 
d'aller en Allemagne voir les fêtes données à l'occasion 
de la noce de la Dauphine ? C'est qu'il voulait se ren- 
dre à Dresde pour cabaler contre Saxe même (i). 
M. Ghambrier, ministre du roi de Prusse en France, 
se liait-il d'amitié avec le même Parisot ? C'est que 
Frédéric de Prusse était du complot et soutiendrait au 
besoin Conty contre la Russie. M. des Issarts, déjà 
nommé, épousait-il en Pologne la fille d'un magnat ? 
C'est qu*il espérait par là se donner plus de crédit 
pour son prince. Conty, enfin, procurait-il des 
entrées dans le monde et parmi les femmes de la 
Cour à M. le baron Scheffer, ministre de Suède à 
Versailles ? C'est que la Suède s'embarquerait avec la 
Prusse pour Conty. Et ainsi de suite. On relève à cha- 
que instant dans le Journal du marquis d'Argenson 
l'indice de celte obsession étrange (2). De là à con- 
clure qu'il y avait relation étroite entre les séances 
hebdomadaires de Conty chez le Roi et la préparation 
de sa candidature polonaise, il n'y avait qu'un pas. 
Probablement un mystificateur que M. d'Argenson 



(i) En l'jlq, le Dauphio, veuf de Marie Thérèse, infante d'Es- 
pagne, épousa en deuxièmes noces, par procuration à Dresde, le 
10 janvier, et en personne à Versailles, le 5 février, Marie-Josèpbe 
de Saxe, cinquième fille de Frédéric-Auguste III, roi de Pologne 
et électeur de Saxe et de Marie-Joeèpbe d'Autriche, née à Dresde 
le 4 novembre 1731. Elle mourut à Versailles le i3 mai 1767, 
quinze mois après son époux. 

(2) Marquis d'Argenson, Journal et Mémoires^ tome V, pp. 5o et 
382; tome VI, pp. 33g et 34o. 



LB PRINCE DE CONTT 87 

avait entretenu de ses rêveries, l'aida à franchir ce 
pas; le marquis notait sut son Journal, en mars lySS: 

L'on m' informe de quelques secrets : ce travail si fréquent 
et si long de M. le prince de Gonty avec le Roi regarde unique- 
ment le dessein de faire ce Prince roi de Pologne, soit après 
la mort du roi régnant, soit même plus tôt. L'on croît que 
son parti est considérable et qu'on y a embarqué les puis- 
sances voisines, surtout le roi de Prusse (i). 

Et ce qu'il écrivait pour lui-même et pour la posté- 
rité, M. d'Argenson le glissait sans doute de bonne 
vogue à roreille de ses intimes qui colportaient l'his- 
toire de tous côtés. C'est là qu'il faut chercher l'origine 
de cette fable, que Conty n'eut garde de démentir et 
qui s'enracina si solidement chez les contemporains 
que, vingt ans plus tard, M"**^ du Deffand appelait 
encore par moquerie Conty : le roi de Pologne, et que 
Gustave de Suède, parlant dans une lettre à 
M™® de Boufflers de l'effritement de la Pologne qui 
commençait, pouvait dire très sérieusement : c< ...M. le 
prince de Gonty qui s'est si souvent vu au moment 
d'être dans une place dont il étoit bien plus digne 
que celui qui se l'est arrogée aujourd'hui, doit être 
vivement affecté de l'état où se trouve dans ce moment 
un royaume qu'il a regardé longtemps comme devant 
devenir un jour son patrimoine ... » (2). 

Si le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable, 
rien n'est plus facilement adopté pour vrai que l'in- 
vraisemblable. Le roman de Gonty aspirant au trône 
de Pologne se propagea rapidement. Personne n'ob- 
serva quelle rare extravagance eût dénoté chez 
Louis XV ce projet de déchirer le traité de Vienne, 
de nous exposer à perdre la Lorraine garantie à la 
France par la renonciation de Stanislas Leczinski et 
de nous mettre l'Europe entière sur les bras, unique- 



(i) Marquis d^Aroenson, Journal et Mémoires ^ tome VU, p. 438. 
(2) Lettres de Gustave IJI à la comtesse de Boufflers, etc, p. 62. 



80 LE PRINCB DE CONTT 

ment pour le plaisir de détrôner, au profit d'un cou- 
sin, le père de la Dauphine, sa bru (i). 

Malgré tout l'attrait qu'offre le merveilleux, les 
belles imaginations du marquis d'Argenson rencon- 
trèrent quelques incrédules. Le duc de Luynes, entre 
autres^ qui, en 17849 cherchait encore la clé du mys- 
tère : c ... M. le prince de Conty travaille avec le Roi. 
On est toujours à comprendre ce que peut être ce 
travail ; car M. le prince de Conty a un portefeuille, 
comme un ministre^ et on ne voit pas cependant qu'il 
soit chargé de rien. » (a). 

Vingt-cinq ans plus lard, en 1779, l'explication 
vraie fut donnée par le comte de Broglie dans un fac- 
tum judiciaire signé par lui et rédigé par son procu- 
reur. Mais la révélation passa inaperçue : Louis XV 
éiait mort depuis cinq années, Conty depuis trois. 
Personne ne s'inquiétait plus de ce qu'avaient pu 
faire ensemble le Roi et le Prince. 

Voici le passage saillant du mémoire de M. de Bro- 
glie : 

Feu M. le prince de Conty me remit, le jour de ma nomi- 
nation à l'ambassade de Pologne, l'ordre de la main de S. M. 
de correspondre secrètement avec Elle, et de préférer ceux 
qu*ËlIe me ferait passer par ce Prince à ceux qui me vien- 
draient directement de son conseil. Je fus, je l'avoue, effrayé 

(i) Comme il y a toujours quelque grain de vérité au fond 
d*une légende, on peut admettre que Louis XV ait caressé un 
instant le projet de molester Auguste III. En 1745, lorsque le fils 
de Tempereur Charles VII, électeur de Bavière, out fait son 
accommodement avec Marie-Thérèse, nous avions essayé de sus- 
citer à sa place, comme candidat à l'Empire, Auguste III, roi de 
Pologne et Electeur de Saxe. Mais ce dernier, qui avait un traité 
d'alliance défensive avec l'Autriche, l'Angleterre et les Pays-Bas, 
avait repoussé nos offres, refusant de lâcher la proie pour l'om- 
bre et de risquer son trône de Pologne pour la couronne impé- 
riale encore à conquérir. De ce refus, Louis XV avait gardé 
quelque temps un certain ressentiment. Mais depuis le mariage 
du Dauphin avec Marie-Josèphe de Saxe (1747), tout cela était 
certainement oublié. 

(2) Duc DE LuTNES, Mémoires, t. XIII, p. 424. 



LB PRINCE DE CONTT 89 

de ces conflits d'ordres ; je prévoyais les ennemis puissants 
que cela me ferait ; je priai M. le prince de Gonty d engag-er 
Sa Majesté à choisir un autre ambassadeur; je reçus le lende- 
main un second ordre du Roi. J'obéis et rien depuis n'a 
ébranlé ma fidélité ni mon zélé. En 1767, lorsque M. le prince 
de Gonty se retira des affaires. Sa Majesté daigna me confier 
sa correspondance secrète, dont j'ai été chargé jusqu'à sa 
mort. Voilà le ministère clandestin que l'abbé Georgel et ses 
fauteurs et protecteurs me reprochent et ont toujours donné 
comme une intrigue, une source de délations (1). 

Pour choquant que le terme paraisse à M. de Bro- 
glie qui le souligne dans son factum, c'est bien 
un « ministère clandestin » qu'il exerça et qu'exerçait 
avant lui le prince de Gonty. Ghargé de la correspon- 
dance secrète du Roi, ce n'était pas seulement avec les 
ambassadeurs attitrés que le Prince était en rapport, 
mais encore avec les ministres occultes, entretenus 
dans les cours étrangères par Louis XV, dans le but 
de traiter certaines affaires diplomatiques directe- 
ment, en dehors et par-dessus la tête de l'ambassa- 
deur. Nous en donnerons tout à l'heure un exemple. 

Si le travail de Gonty avec le Roi demeura un mys- 
tère à Versailles, il n'en fut d'ailleurs pas de même 
hors de France et quelque lettre violée ou perdue 
dénonça Gonty, ministre des affaires secrètes étran- 
gères. Ëcoutez dans quels termes Marie-Thérèse, en 
1775, met en défiance son fidèle agent, M. de Mercy- 
Argenteau, contre les politesses que prodigue Gonty à 
Marie-Antoinette : 

On a vu des lettres de ce Beaumarchais, où il dit qu'il est 
fait secrétaire du cabinet du prince de Gonty. A propos de 
celui-ci, je dois vous avertir, le connaissant par sa corres- 
pondance secrète du règne du feu Roi, qu'il a toujours été 
très peu porté pour l'alliance avec nous, qu'il est d'une ambi- 
tion extrême et ose beaucoup. Il voulait être roi de Pologne 

(i) Exposé des motifs qui ont nécessité la plainte du comte de 
Broglie, p. 5. 



90 LB PRINGB DB GONTY 

et a fait bien des pas à Tinsa du Roi. Je crains pour les pré- 
venances qu'il vous prodigue à cette heure qu'il y a du des* 
sous (i). 

Une précieuse confirmation nous est apportée par 
M. Dutens, le diplomate anglais, qui vécut longtemps 
dans la familiarité du Prince et qui reçut parfois ses 
confidences : 

M. le prince de Conty avoit joui longtemps de la confiance 
de Louis XV, qui le consultoit sur les affaires les plus impor- 
tantes de l'Etat; il arrivoit souvent que, par son avis, le Roi 
avoit un ministère secret dans les cours, lequel, à Tinsu 
de son ambassadeur, négocioit directement par d'autres 
moyens. Telle fut la chevalière d'Eon à la Cour de Russie, 
qui, recommandée par le prince de Conty, lequel ne connais- 
soit pas encore son sexe, fut à Pétersbourg pendant quelques' 
mois, eut l'adresse de s'introduire auprès de l'impératrice Eli- 
sabeth en habit de femme et conclut en quinze jours une 
affaire que l'ambassadeur faisoit traîner depuis longtemps. 
Ce fut aussi le prince de Conty qui recommanda M. de Ver- 
gennes à Louis XV comme très capable de servir dans les cours 
étrangères ; en effet, il se trouva au changement du système 
établi en Suède. 

A ces deux noms (Eon, Vergennes) nous en pouvons 
joindre un troisième, beaucoup moins connu dans 

(i) Correspondance secrète de MarieThérèse^ t. II, p. 280 (Let- 
tre du 3 jaDvier 1775). — Les annotateurs de la Correspowiance 
secrète de Marie-Thérèse ajoutent (tant certaines légendes onl la 
vie dure) à propos de la phrase : « Il vouloit être roi de Polo- 
gne », cette note : « Ce furent en effet les espérances de Conty au 
trône de Pologne, qui, encouragées par Louis XV sans être 
acceptées par sa politique officielle, donnèrent lieu à la diplo- 
matie secrète, continuée ensuite dans d'autres vues ». 

Les mêmes annotateurs observent, à propos de Beaumarchais : 
<t Nous ne trouvons nulle part que Beaumarchais ait été le 
secrétaire de Conty ». En effet on n'en trouve nulle part la preuve 
matérielle, quoique le prince ait protégé ouvertement l-auteur 
des Mémoires contre le Parlement Maupeou et lui ait accordé sur 
sa cassette une pension viagère de 2.000 livres qui lui fut conti- 
nuée après la mort de Conty. 

(2) DuTENS, Mémoires d'un voyageur qui se repose, t. II, p. 18. 



LB PilINCB DE CONTY 91 

rhistoire, celui de lord Taaf, irlandais, ancien mem- 
bre du Parlement d'Angleterre, qui fut très certaine- 
ment Tagent du prince de Conty. Théobald Taaf vivait 
sur un assez grand pied à Paris, en lySi, lorsqu'une 
vilaine affaire au jeu, où il friponna un juif anglais, 
le fit décréter d'accusation et conduire au For-FEvê- 
que. Puissamment protégé, il sortit vite de prison. 
Mais il ne put retourner à Londres où le bruit de cet 
exploit Tavait fait exclure du Parlement et où il pas* 
sait (dit un rapport de police) pour un espion de la 
France. C*était un petit homme fort laid, fin, intri- 
gant et peu scrupuleux. Il eut par la suite maille à 
partir plusieurs fois avec la police et fut mis à la 
Bastille en 1768. Toujours il fut relâché, grâce à la 
protection soit de M. de Belle-Isle, qui Tavait employé 
à diverses besognes dans les Pays-Bas, soit du prince 
de Conty (i). 

Si nous ignorons la nature précise des négociations 
confiées à lord Taaf, nous sommes mieux renseignés 
quant au chevalier d'Eon^ l'androgyne si longtemps 
réputé femme. Avant même la publication des Mé- 
moires de Dutens, la mission confidentielle du diplo- 
mate en jupons avait été signalée dans la Vie privée' 
de Louis XV ^ dont Tauteur assure que « le prince de 
Conty honorait d'une bienveillance particulière » la 
famille Eon de Beaumont. 

La Russie (dit Mouffle d'Angerville) était alors brouillée 
avec la France. Il étoit essentiel de rapprocher les deux cours: 
on vouloit un agent mystérieux, sans caractère et cependant 
capable de s'insinuer et de remplir la mission délicate dont il 
seroit chargé . 

(i) Dans les Archives de la Bastille y conservées à la Bibliothè- 
que de TArsenal, un volumineux dossier (12.022) est consacré à 
« Milord Taaf 0. Mêmes Archive» (10.241), se trouve le dossier de 
la demoiselle Lannoy Taînée, sa maîtresse. — Voyez aussi, sur 
Théobald Taaf : J. Hovyn de Tranchère, Les dessous de l'Histoire, 
t. II, pp. 3o4-3o7 et le Journal des inspecteurs de M, de Sariines, 
p. 173. 



92 LE PRINCE DE CONTY 

Le prince de Conty crut avoir trouvé en M\^^ d'Eon toutes 
les qualités requises et la proposa à Louis XV qui aimoit ces 
sortes de mystères. 

Il adopta volontiers le nég'ociateur femelle qui, aux appro- 
ches de Pétersbourg, prit les habits de son vrai sexe et réussit 
si bien dans son rôle que S. M. se plut à la renvoyer une 
seconde fois en Russie avec le chevalier de Dougplas. Alors 
elle avait reprisses habits d'homme et joua le second person- 
nag'e avec plus de finesse encore puisqu'on assure qu'elle ne 
fut pas même reconnue de l'impératrice. Le fruit de leurs 
nég'ociations fut de déterminer la Russie à s'allier aux cours 
de Vienne et de Versailles plutôt qu'avec la Prusse, etc. (i). 

L^anecdote s'arrête là; mais le chevalier d'Eon, 
revenu de Russie au mois de mai lySy, y retourna la 
même année pour la troisième fois, sur les instances 
de MM. de Belle-Isie et de Bernis, en qualité de secré- 
taire du m:irquis de L'Hôpital, notre ambassadeur à 
Saint-Pétersbourg. Et quel est le parrain de ce secré- 
taire, vraisemblablement placé comme espion auprès 
de rambassadeur ? Ce n'est plus Conty, que la faveur 
du Roi abandonne ; mais c'est le professeur du Prince 
en police diplomatique, c'est l'homme qui, avec 
M. de Saint-Severin a dirigé de ses conseils la « cor- 
respondance secrète » de Louis XV, c'est le Père Simon 
de La Tour. Le Jésuite écrit au marquis de L'Hôpital : 

// aoât 1^5^. — Je profite de l'occasion sûre de M. d'Eon 
de Beaumont pour rendre à Son Excellence mes plus tendres 
et affectueux hommages. Je le connais depuis longtemps, je 
le considère beaucoup, et je suis bien trompé, ou M. le Mar- 
quis aura tout sujet d'être content de son esprit, de son intel- 
ligence, de son caractère et de sa vertu (2). 

Le rôle joué par le Père de La Tour auprès du 
prince de Conty pourrait sembler obscur à ceux qui 
ne verraient en lui que l'ancien précepteur du Prince 

(i) Vie privée de Louis XV, t. IV, pp. i49-i5o. 
(2) Chevalier d*Eon, Lettres, Mémoires et négociations particu- 
lières y p. 352. 



LE PRINCB DE CONTY 93 

OU rancien principal du collègue Louis-le-Grand. Mais 
il ne faut point oublier que le Jésuite est monté en 
grade. Et lorsqu'il devient le collaborateur diplomati- 
que du ministre sans portefeuille qu'est Conty, il est 
lui-même Procureur général des Missions étrangères 
de son ordre. Il a, par les ramifications puissantes de 
la Compagnie de Jés(us, des relations dans toutes les 
capitales, dans tous les pays d*Europe. Il sent Forage 
qui gronde sourdement en France contre les Jésuites 
et il cherche à faire d'eux sinon des auxiliaires indis- 
pensables par les services qu'ils rendent au Roi, du 
moins des gens à ménager pour les secrets d'Etat dont 
ils deviennent les confidents. 

Quoiqu'il n'aimât pas les religieux en général, le 
prince de Gonty avait gardé de ses anciens maîtres le 
meilleur souvenir (i). Le concours du Père de La 
Tour était de ceux qu'on ne laisse pas échapper. 

Le même calcul qui détermina Conty à s'adjoindre 
la collaboration du Jésuite avait évidemment déjà 
guidé le Prince dans la lutte qu^il soutint pour se faire 
nommer grand-prieur de l'Ordre de Malte. 

Les chevaliers de Malte, nés des Hospitaliers de 
Saint-Jean de Jérusalem, étaient les successeurs di- 
rects des Templiers, avec lesquels ils avaient rivalisé 
d'héroïsme pendant les croisades. Bien qu'ils eussent 
perdu à la longue, depuis que la chrétienté avait fait 
la paix avec les infidèles, le caractère militaire et reli- 

(i) Voyez à ce propos, dans le tome VIII des Œuvres de Vol* 
taire^ les vers facétieux composés par ce dernier et dédiés à 
Conty, pour lui recommander le neveu de feu le Père Sanadon, 
de son vivant bibliothécaire du collège Louis le-Grand : 

Votre âme. à la vertu docile, 
Eut de moi plus dune leçon ; 
Je fus autrefois le Chiron 
Qui guidait cet aimable Achille. 

Mon pauvre neveu Sanadon, 
Connu de vous dans votre enfance, 
N*a pour ressources que mon nom, 
Vos bontés et son espérance. Etc.. 



94 LB PRINCE OB CONTY 

gieux qui était la raison d'être des Hospitaliers d'au- 
trefois, ils avaient conservé leurs règles, leurs biens, 
leurs ressources et Tétendue de leur influence. Orga- 
nisation internationale parfaitement administrée, cou- 
vrant PEurope de ses commanderies, TOrdre de Malte 
conférait à ses hauts dignitaires un pouvoir d'investi- 
gation considérable. Gonty rêva sans doute de mettre 
cette puissance au service de sa diplomatie secrète, et 
il voulut être grand-prieur de France. 

Mais le grand-prieuré était regardé comme la 
récompense des plus anciens commandeurs de TOr- 
dre. C'était ordinairement le grand-hospitalier qui 
montait à la première dignité. Lorsqu'au mois de juin 
1748, le grand-prieuré de France fut vacant par la 
mort de Jean-Philippe, chevalier d'Orléans, qui le 
détenait depuis 1719, le premier à monter en grade 
était le bailli Rénon. On parlait bien aussi d'une can- 
didature du chevalier de Modène, mais nul n'aurait 
soupçonné que le prince de Gonty se mît sur les 
rangs, d'autant plus qu'il n'appartenait pas à TOrdre 
et qu'il déclarait tout net ne pas vouloir prononcer le 
vœu de célibat obligatoire. Appuyé par Louis XV, 
Gonty n'eut point de peine à recevoir de Rome le bref 
pontifical nécessaire. Mais l'accord se fit bien plus dif- 
ficilement du côté de Malte. Le grand-mattre s'était 
déjà vu forcer la main en Espagne^ où le prieuré de 
Castille avait été adjugé sans droits à l'infant don Phi- 
lippe. En France la mort du chevalier d'Orléans, 
prince débauché dont la vie avait été un scandale de 
chaque jour, était pour TOrdre comme une déli- 
vrance (i). Et voici qu'on tentait de lui imposer 

(i) Voici dans quels termes on chansonnait, en 1734? le cheva- 
lier d'Orléans, bâtard du Régent et grand-prieur de France : 

Air : « Nanette, dormez- vous,., » 

Payez vos créanciers {bis) 
En aussy mauvais vers 
Prieur, si vous pouvez, 
Que ceux que, cet hiver. 
Vous nous avez donnés. 



LE PRINCB DE CONTY 95 

encore un prince ! Le grand-maître ne voulait pas 
céder. Se figurant que Conty visait moins la dignité 
que les bénéfices y attachés, lesquels étaient environ 
de 60.000 livres par an, plus le logement au palais du 
Temple, il offrit une transaction : l'Ordre constitue- 
rait au Prince So.ooo livres de rente et lui louerait 
une belle maison dans Paris, à condition qu'il renon- 
çât au prieuré. Son truchement auprès du Roi était le 
bailli de Froulay, ambassadeur de l'Ordre. Celui-ci 
soutenait les intérêts de Malte avec prudence, mais 
avec vivacité. Il représentait à Louis XV que le 
prince de Conty n'avait jamais été reçu même simple 
chevalier ; que c'était faire un tort irréparable au 
bailli Rénon, ancien commandeur; enfin que TOrdre, 
quelque honoré qu'il fût d'avoir un prince du sang, 
aurait beaucoup de peine à y consentir à cause de la 
règle. Conty avait pour avocat le bailli de Saint-Simon 
qui, très instruit de tout ce qui regardait Malte, avait 
été prié par la princesse de Conty de trouver des argu- 
ments pour rétorquer ceux de M. de Froulay (i). Le 
bailli de Saint-Simon objectait que l'élévation du 
Prince au grand-prieuré ne souffrait aucune difficulté ; 
qu'il y avait des précédents nombreux de princes bien 
moins légitimes que lui et nommés grands-prieurs, 
uniquement parce que princes : en i549t François de 

Prieur, quittez la Cour, (bis) 
Disent les gens de bien 
Qui sont dans ce séjour ; 
Car c'est un vilain train 
Qu'un poste de catin. 

Gardez votre venin {bis) 
Pour un monstre hideux 
Qui vous le rendra bien ; 
Tenez -vous en tous deux 
Au seul mal vénérien. 

(Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, 12676, f. i4i). 

(i) Duc DE LuTNES, Mémoires^ t. IX, pp. 262, 288 et 4^3; X, 
pp. i38-i4o. — Voyez aussi : Barbier, Journal, t. III, p. 36 et 
filARQUis d'Argbnson, Joumal et Mémoires, t. V, p. 239. 



96 LS PRINCE DE CONTT 

Lorraine, fils du duc de Guise et beau-frère de Henri III; 
en iSyS, Henri d'Angoulême, bâtard de Henri II ; en 
1687, Charles d'Orléans, bâtard de Charles IX ; en 1618, 
Alexandre de Vendôme, bâtard de Henri IV ; enfin en 
1679, Philippe de Vendôme, arrière petit-fils du même 
roi, qui démissionna en 1719 et vendit son titre au che- 
valier d'Orléans, sans qu'aucun dédommagement fût 
accordé au bailli de Perraux, alors grand-hospitalier. 
Le meilleur argument fut la volonté de Louis XV, 
sans la bienveillance de qui TOrdre de Malte ne pou- 
vait subsister en France. Il fut convenu toutefois que 
le bailli Rénon recevrait comme indemnité 8.000 livres 
de pension. Moyennant quoi, le prince de Conty, eut 
le consentement du grand-mattre, avec dispense des 
vœux, jusqu'à ce que le comte de La Marche fût marié 
et qu'il eût un fils. Au cas où Conty se remarierait, il 
devrait remettre le grand-prieuré. 

Le ministère occulte de Conty se maintint jusqu'en 
1757. Le Prince perdit la faveur de Louis XV en 
même temps que le comte d'Argenson, ministre de la 
guerre et pour le même motif : tous deux gênaient 
M"* de Pompadour. Le ressentiment de la favorite fut 
la cause principale de la rupture qui se produisit entre 
le Roi et le Prince, jeta celui-ci dans l'opposition et 
le brouilla si définitivement avec le monarque, qu'il 
ne parut plus en Cour que par ordre et pour les céré- 
monies d'éclat et de bienséance auxquelles son rang 
l'appelait de toute nécessité. 

C'est à son retour de la campagne d'Allemagne, au 
mois de novembre 1745, que Conty avait trouvé la 
nouvelle idole installée à Versailles. Il avait reçu 
d'elle le plus aimable accueil. M^^ de Pompadour, à 
ce moment, se sentait en butte à une hostilité sourde, 
mais quasi-générale de la Cour. Elle avait à se faire 
pardonner son élévation subite et cherchait des 
alliés. 

Conty pourtant se tinl sur la réserve. Non qu'il 
lui répugnât de fréquenter chez une maîtresse 



LE PRINCE DE CONTY 97 

du Roi. Il avait été le confident de M™« de Mailly et, 
plus tard, l'ami, Tami tendre et dévoué de sa sœur, 
M"® de Châleauroux. II avait accepté la protection de 
cette dernière. C'est un peu par elle qu'il avait obtenu 
le commandement de l'armée d'Italie en 1744 ; c'est 
beaucoup par son influence qu'il avait été autorisé à 
lever cette compagnie de gardes à ses couleurs qui 
avait tant rehaussé son prestige de général-prince et 
l'avait placé sur un pied d'égalité avec l'infant 
don Philippe. Mais M"°® de Mailly et M™« de Château- 
roux étaient nées ; elles étaient des Mailly-Nesle (i). 
On chuchotait même que la seconde était mieux 
encore^ qu'elle avait dans les veines du sang des Bour- 
bons, que son père était Monsieur le Duc (2). Un Conly 
pouvait sans déchoir frayer avec une presque Condé. 
Il en allait autrement avec la maîtresse du jour, 
une Poisson, que son union avec un Lenormand 
d'Etiolés, homme de finances, avait peut-être enrichie, 
mais n'avait pas savonnée de sa vilenie originelle. Il 
était dans l'ordre des choses que le Roi trompât la 
Reine, abîmée en un bigotisme farouche. Mais que le 
Roi choisît sa concubine aussi bas, positivement le 

(i) Les demoiselles de MaîlJy-Nesle, dont trois passèrent dans 
le lit du Roi, Mme de Mailly, Mme de Vintimille et Mme de Châ- 
teauroux, étaient filles de Louis de Mailly, marquis de Nesle, 
commandant de la gendarmerie de France et d'Armande de La 
Porte-Mazarini, dame du palais de la Reine. 

L*aînée, Louise-Julie, née en 1710, avait épousé à seize ans son 
parent Louis-Alexandre de Mailly Rubenpré^ dit le comte 
de Mailly. Elle devint à la mort de sa mère (1729) dame du palais 
et fut en 1733 la maîtresse du Roi. Elle mourut en 1761 d*une 
fluxion de poitrine. Elle était veuve depuis 1747. 

Mme de ChAteauroux, née en 1717, avait été mariée en 1734 à 
Jean-Louis, marquis de la Tournelle Veuve en 1740, créée 
duchesse de Ghâteauroux en décembre 1743, remerciée en août 
1744) iors de la maladie du Roi, elle mourut le 28 décembre de 
la même année. 

(2) Le marquis d'Argenson écrit, se faisant Técho de ce bruit : 
« Mme de La Tournelle a 4o 000 livres de rentes, tant de la dot 
que lui a constituée Monsieur le Duc, qui s*est cru son père, que 
de son défunt mari » (Joqrnal et Mémoires, t. IV, p. ^o). 

7 



m LB PftINCB DB CONTY 

Bien-Aimé s'encanaillait. Si encore il s'était contenté 
de la voir en secret. II Taffichait au contraire et lui 
passait d'étaler sa roture. Il tolérait qu'elle reçut à 
Versailles son père, individu sans éducation, sans 
décence, fait comme un fiacre (i). II recevait lui- 
même son frère, le jeune Poisson, grand dadais frais 
émoulu du collège, qui s'émerveillait tout haut de 
voir des cordons-bleus se baisser pour lui ramasser 
son mouchoir; il le conviait à ses petits soupers et le 
nommait en badinant/r^ro/ (2). Familiarités excessi- 
ves, que Conty blâmait, comme tout le monde. 

Le pire est que son nom à lui, Conty, avait été 
mêlé à cette turpitude. Le Roi pour avoir sa maîtresse 
plus près, avait exigé qu'elle fût dame d'honneur de 
la Reine, qu'elle fût par conséquent présentée. Il fal- 
lait une marraine peu dégoûtée pour servir de chape- 
ron à l'anoblie de fraîche date. La princesse de Conty, 
femme d'intrigue, que nous avons vue naguère 
intime avec M™« de Mailly et que son désordre, ses 
dettes, vouaient un peu à ces métiers de complaisance, 
avait accepté le rôle. La présentation de M^^ d'Etiolés 
à la Reine avait eu lieu, à Versailles, en septembre. 
Et la marquise émue ayant, par mégarde, laissé choir 
un de ses gants, la princesse s'était abaissée jusqu'à le 
ramasser, tout comme les cordons-bleus relevaient le 
mouchoir an frérot. 

(i) Un jour qu'un valet nouveau faisait quelque difficulté d'in- 
troduire le père Poisson, à cause de son extérieur ignoble : 
ff Maraud^ lui cria-t-il, apprends que je suis le père de la putain 
du Roi I » {Vie privée de Loais XV, i. liï, p. i5). 

(2) Abel -François Poisson, créé marquis de Vandières-en- 
Ghampagne, de Marigny-en-Orxois, de Ménars-le Château-en- 
Biaisois, comte de Mouthiers, vicomte de Clignon, seigneur de 
Nozieuz, etc.. était né en 1726, à Paris. Il fut fait cordon 
du Saint Esprit en 1755; conseiller d*Ëtat d'épée, lieutenant 
général des provinces de Beauce et Orléanais, capitaine gouver- 
neur du château royal de Blois et capitaine de la Varenne 
des Tuileries, directeur et ordonnateur général des bâtiments, 
jardins, arts et manufactures du Roi, le 27 juin 1766. Il démis- 
sionna le 10 juillet 1770. Il mourut à Paris, le 11 mai 1781 (PP. 
AiitBLMB, Anob et SiMPLiaiN, Histoire ginMogique), 



LB PRINCE DB CONTT W 

Paris, qui avait su l'anecdole, fredonnait aussitôt^ 
sur l'air : Lon lan.la derirette^ cette chanson dont 
M. de Marville, lieutenant de police, ne découvrait 
pas Fauteur : 

On s'inquiétoit l'autre jour 
Qui présenteroit à la Cour 

Lon lan la derirette 
Le bel objet du Roi chéri 

Lon lan la deriri. 

A la Reine premièrement 
Falloit mener pompeusement 

Lon lan la derirette 
Ensuite à Mesdames aussi 

Lon lan la deriri. 

Cette étoile du firmament 
Faite marquise récemment, 

Lon lan la derirette 
Dont le canal est anobli, 

Lon lan la deriri. 

C'étoit un cérémonial 
Comme un article principal, 

Lon lan la derirette 
Avant de partir pour Choisy 

Lon lan la deriri. 

Une femme de qualité 

Eut fort bien l'office accepté, 

Lon lan la derirette 
Mais cela n'auroit pas suffi, 

Lon lan la deriri. 

Pour un emploi si beau, si g^rand, 
Notre Roi, ce fier conquérant, 

Lon lan la derirette 
Au milieu des siens a choisi, 

Lon lan la deriri 

Voulant augmenter le renom 
D'une princesse de Bourbon, 

Lon lan la derirette, 
Il jeta les yeux sur Conty, 

Lon lan la deriri. 



1-106; 



100 LB PRINGB DE CONTY 

Elle a rempli sa fonction 
Avec g^rande distinction, 

Lon lan la derirette, 
D*un air qui fut fort applaudi, 

Lon lan la deriri . 

La Pompadour, d'un air galant, 
Entre et laisse tomber son gant, 

Lon lan la derirette, 
Que n'a voit pas mis par oubli, 

Lon lan la deriri . 

La princesse, voyant cela, 
Au plus vite le ramassa, 

Lon lan la derirette : 
« Tenez, Madame, le voici » 

Lon lan la deriri. 

Après ce service important, 
Le monarque reconnoissant 

Lon lan la derirette 
Lui dit : « Cousine, grand merci, > 

Lon lan la deriri. 

L'assurant positivement 
Qu'il l'estimoit infiniment, 

Lon lan la derirette. 
Et qu'il prendroit soin de son fils 

Lon lan la deriri (i). 

M"' de Conty se fût aisément consolée de ces cou- 
plets. On ne les chantait point à ses oreilles. Maiis elle 
elle avait directement essuyé une mortification plus 
cruelle ; un soir de bal à TOpéra, qu*elle était en quête 
d'un siège, s'étant avisée, afin de l'obtenir, d'ôter son 
loup, tous les masques qui occupaient une banquette 
se liguèrent pour lui refuser une place : — € Je suis la 
princesse de Conty 1 », s'écria-t-elle. — « Nous ne vous 
connaissons pas », répliqua le banc. — « Vous êtes 
donc gens de bien mauvaise compagnie ?» — « Si 



(i) M. Màrvillb, Lettres à M, de Maurepas^ t. II, pp. i54-i56 
(en note). 



LE PRINCE DE GONTY 101 

mauvaise qu'elle ne veut pas être gâtée davantage »... 
Et la princesse dut rester debout (i). 

Conty, le héros d'Italie et d'Allemagne, digérait 
mal ces affronts publics, qui rejaillissaient sur lui 
puisqu'ils visaient quelqu'un de sa maison. Ne pou- 
vant s'en prendre à sa mère, il en tenait responsable 
la favorite qu'il méprisait déjà pour la bassesse de son 
extraction. Volontiers il aurait imité, s'il avait pu, le 
geste outrageant du Dauphin qui, lorsque la marquise 
lui avait été présentée pour la première fois, avait tiré 
la langue avec grimace en lui donnant l'accolade de 
cérémonie. Mais pour une créature dont le règne 
serait probablement passager, Conty allait-il s'aliéner 
le Roi ? Louis-François était ambitieux ; les lauriers 
de Maurice de Saxe troublaient son sommeil ; il convoi- 
tait un commandement dans les Flandres pour vain- 
cre sous les yeux du Roi et pour tirer de ses victoires 
plus de bénéfices matériels qu'il n'en avait récoltés 
jusqu'ici. II se borna à repousser par la froideur les 
avances de M™* de Pompadour que sa reconnaissance 
envers la mère n'autorisait que trop à quelques 
empressements envers le fils. 

Lorsqu'après la prise de Mons et de Charleroi, en 
1746, Conty revint à Versailles soumettre au Roi son 
différend avec le maréchal de Saxe, la situation en 
Cour de M"® de Pompadour avait singulièrement 
grandi. Elle s'était faufilée et tout à fait imposée dans 
les conseils royaux. Et comme elle protégeait Saxe, 
comme elle ne voulait pas surtout que la dualité du 
commandement offrît au Roi un prétexte pour retour- 
ner à l'armée, elle s'était employée de toute son 
influence, soutenue de celle du ministre de la guerre, 
à faire passer les forces françaises dans une seule 
main, celle du maréchal. On a vu comment Conty, 
discernant la conséquence de cette mesure qui le 
plaçait en sous-ordre, préféra se démettre des pou- 
voirs qu'il avait reçus plutôt que de céder sur le point 

(i) [Soulavik], Mémoires da duc de Richelieu^ t. III, p. 5i. 



102 LE PRINCE DB CONTY 

de préséance. Mais il ne se résignait pas sans amer- 
tume à ce sacrifice, et la conversation qu'il eût avec le 
Roi fut assez vive. M™® de Pompadour qui était pré- 
sente, eut l'effronterie de l'interrompre. A quelqu'une 
de ses assertions : — « Vous ne mentez jamais, Mon- 
sieur ? » dit-elle. — « Pardonnez-moi, Madame^ fit le 
Prince, quelquefois... aux femmes ». Et se retournant 
vers le Roi, il continua Tentretien (i). 

De ce jour, Gonty eut une ennemie mortelle. Cepen- 
dant la favorite était trop fine politique pour rompre 
en visière brutalement à un adversaire que la Cour 
comptait pour ses mots à l'emporte-pièce, que le Roi 
lui-même ménageait parce qu'il se sentait peut-être 
au fond quelques torts envers lui et parce que le prin- 
cipe de Louis XV, égoïste indolent, était de vivre en 
repos avec sa famille. M°^® de Pompadour dissimula 
donc. Mais ce fut une paix fourrée, rancune tenante. 
Les Concourt nous paraissent plus romanciers qu'his- 
toriens quand ils hasardent cette affirmation : 

La Reine conquise ou au moins désarmée, M>°« de Pompa- 
dour attachait aux intérêts de sa fortune un prince du sang, 
le prince de Gonty. Mettant à profit l'ambition de la vieille 
princesse de Conty qui Tavait présentée à la Cour, exploitant 
la jalousie de cette branche de la famille royale contre les 
Condé et les d*Orléans, et qui s^indignait des barrières qu'elle 
trouvait entre elle et le trône, la favorite gagnait le jeune 
prince par la promesse d'emporter son mariage avec M™« Adé- 
laïde (2). 

Rien de semblable dans les Mémoires du temps ; le 
duc de Luynes observe seulement : « i^^ mars ijiS, — 
Pendant toute la petite vérole de M™® Adélaïde, 



(i) DuTENS, Mémoires d'an voyageur qui se repose, t. II, p. 20. 

(2) Ed. et J. DE Concourt, Af^wc de Pompadour , p. 3i . — et En 
efiPet, ajoutent en note, les mêmes auteurs, il y avait comme des 
fiançailles dans la permission donnée, au mois de mars 1748, 
au prince de Conty^ de s'enfermer avec Mme Adélaïde, pendant la 
petite vérole de la princesse ». 



LE PRINCE DE CONTY 103 

M. le prince de Conly a été fort assidu à lui faire sa 
cour : on assure que le Roi lui avoit dit d'aller lavoir. 
Cette assiduité a donné occasion à des propos » (i). 
Conty, d'autant plus soucieux de plaire au Roi qu'il 
se savait miné par dessous, obéissait simplement à un 
désir de son mattre. Il fallait l'imagination des habi- 
tués de l'Œil-de-bcBuf pour inventer là des prélimi- 
naires de mariage. 

M™® de Pompadour avait si peu « attaché à sa for- 
tune » le prince de Conty, qu'il évitait d'aller chez 
elle quoique à cette époque il fût le plus souvent à 
Versailles. D'Argenson (1749) en fait la remarque : 

M. le prince de Conty ne va plus du tout chez M"« de Pom- 
padour, depuis que M. de Saint-Séverin a été fait ministre, 
et ce Prince y prétend aussi; ainsi, comme on le voit, il ne 
manque pas de prétendants au ministère (a). 

Ce : « ne va plus du tout >> laisserait supposer 
qu'avant l'accès de M. de Saint-Séverin au ministère, 
le Prince allait quelquefois chez la favorite. Mais un 
autre témoin, beaucoup plus véridique que le marquis 
d'Argenson, le duc de Luynes, écrit, au mois de sep- 
tembre 1760, à propos des travaux mystérieux de 
Conty chez le Roi : 

Il est assez singulier qu'avec cette intimité de travail, sans 
fonction connue, bien loin d'ôtre en grande liaison avec 
lyfme de Pompadour, il [Conty] n'alloit jamais chez elle. Ce 
nest que depuis tout au plus un an, qu'il a commencé à y 
aller ; encore te fut par occasion et pour ainsi dire malgré 
lui. Le Roi et M™« de Pompadour s*amusent beaucoup de 
pigeons et poules de différentes espèces, ils en ont partout, à 
Trianon, à Fontainebleau, Compiègne, THermitage, Bellevue 
et même le Roi en a dans ses cabinets, dans les combles. 
M. de Gesvres qui a ce même goût est souvent appelé dans 
ces détails. M. le prince de Conty donna de beaux pigeons au 

(i) Doc DE LuTNBS, Mémoires, t. IX, p. 187. 

(2) Marquis d^Aroenson, Journal et Mémoires, t. V, p. 354. 



104 LB PRINCE OB CONTT 

Roi ; on les porta dans les combles. M™® de Pompadoar vint 
les voir ; étant rentrée chez elle, elle envoya prier M. de Ges- 
vres d'y venir, sans rien faire dire à M. le prince de Conty. 
M. de Gesvres qui étoit avec lui, le pressa d'aller faire cette 
visite ; ils trouvèrent M°»« de Pompadour en peignoir, nu- 
tôte, à sa toilette, et pour toute compagnie dans la chambre, 
M^^ la duchesse de Penthièvre dans un fauteuil, près de la 
toilette, et ses deux dames (M^^ de Saluées et Clermont) sur 
des tabourets auprès de la porte. Toutes ces circonstances sont 
remarquables (i). 

Le mariage du jeune Condé, fils de feu Monsieur le 
Duc ( ! 753), fit la partie belle à Conty pour se déclarer 
contre M™« de Pompadour, et même il put espérer 
avoir tourné contre elle les autres princes et princes- 
ses du sang (2). Louis-Joseph de Bourbon, prince de 
Condé, avide de grâces et de faveurs, était un de ceux 
qui se pliaient le plus dévotement au service de la 
favorite. Pour lui complaire, il avait accepté de ses 
mains M'*® de Soubise, fille de Charles de Rohan^ 
prince de Soubise et d'Epinoy, pair et maréchal de 
France, bas adulateur de la marquise. Les princes à 
qui cette union déplaisait, étaient assemblés le 9 mai 
dans le cabinet du Roi pour signer le contrat; ils 
s*aperçurent, à la lecture des articles, que le beau- 
père y était qualifié très haut et puissant prince, titre 
auquel avaient droit les seuls princes du sang. Conty 
qui s'était opposé en 1740 aux empiétements des légi- 
timés, qui même avait rédigé contre eux un mémoire 
remis au Roi ; Conty qui, en 1749? lors de l'ouverture 
du testament de la duchesse d'Orléans, avait refusé de 



(i) Doc DE LuTNES, Mémoîres^ t. X, p 438. 

(2) Louis-J'oseph de Bourbon, prince de Condé, fils de M. le Duc 
(mort en 17^) était né à Paris le 9 août 1786. Il était filleul du 
Roi et de la Reine. Il mourut au Palais-Bourbon, le i3 mai 1818. 

Il se maria en premières noces, le 3 mai 1763, dans la cha- 
pelle du château de Versailles à Charlotte-Godefride-Elisabeth 
de Soubise, fille de Charles de Rohan, prince de Soubise et 
d'Epinoy et d'Anne-Marie de La Tour d'Auvergne, princesse de 
Bouillon. 



LB PRINCE DE CONTT 105 

signer au procès-verbal parce qu'on y donnait de 
V altesse sérénissime au duc de Penthièvre (i);Conty 
enfin qui était enchanté d'humilier deux protégés de 
jyfme ^Q Pompadour, prit la parole au nom des princes 
réunis et déclara qu'ils ne pouvaient approuver par 
leur signature l'usurpation d'une qualité inhérente à 
eux seuls par leulr naissance. Que si le Roi leur 
ordonnait quand même de signer, il leur permît 
auparavant de protester. Ce qui fut admis. 

Sans perdre temps, Conty se chargeait de dresser la 
protestation collective et la portait lui-même à M. de 
Saint-Florentin, chez qui il rencontrait M. de Sou- 
bise. Conty pria ce dernier de rester et- très obligeam- 
ment lui déclara « qu'il connaissoit la grandeur de sa 
naissance et ses illustres alliances, et qu'il avoit pour 
lui toute Testime et considération qui lui étoient jus- 
tement dues ; qu'il savoit bien que le Roi pouvoit 
donner, dans son royaume, tels rangs qu'il jugeoit à 
propos, mais non pas faire des princes puisqu'il n'y 
avoit que Dieu seul qui le pût faire » (2). Le Roi avait 
donné trois mois à M. de Soubise pour faire la preuve 
de sa prétention. En juillet, il évoqua à lui la contes- 
tation et maintint les maisons de Rohan et de Bouil- 
lon dans la possession du qualificatif de très haut et 
puissant prince. Mais Conty était tenace et, stylés par 
lui, les princes présentèrent requête au Roi contre sa 
propre décision. Cas embarrassant. D'après la Consti- 
tution française, le droit des princes était indéniable; 
d'autre part, Louis XV ne voulait pas désobliger 
M"« de Pompadour qui tenait pour Soubise. Il prit 
une tournure normande et écrivit : « Je ne veux ni 
juger ni faire juger si Messieurs de Rohan sont prin- 
ces ou non, mais je veux que toutes choses soient 
remises dans l'état où elles étoient avant le mariage 

(i) La duchesse d'Orléans (MHe de Blois, fille légitimée de 
Louis XIV et de Mme de Maintenon), femme du Régeot et belle- 
mère du prince de Conty, mourut le i" février 1749. Elle était née 
en 1677. 

(2) Doc DE LuTNES, Mémoire» ^ t. XII, p. 443. 



106 LB PRINCB DE CONTY 

de M. le prince de- Condé avec M"« de Soubîse, sans 
que les signatures du contrat puissent faire tort aux 
droits et prétentions d'un chacun, ni les favoriser ». 
Réponse ambiguë qui ne contenta personne. Aussi 
bien l'affaire avait fait grand éclata Conty avait mis en 
échec la favorite et il avait les rieurs de son côté. 
Les princes furent obligés^ par ordre du Roi, de 
venir se raccommoder chez la Marquise. « H ne resta, 
dit le duc de Croy, que le prince de Conty, qui n'avait 
jamais été chez elle, qu'elle n'avait jamais pu chasser 
de la confiance du Roi, non plus que M. d'Argen- 
son » (i). 

Pour elle-même, M"® de Pompadour avait obtenu 
du Roi, en 1762, le tabouret et les honneurs de du- 
chesse. Pour son frère Abel-François Poisson, déjà 
créé marquis de Vandières, elle avait la survivance 
promise de M. Lenormand de Tournehem, directeur 
et ordonnateur des bâtiments, jardins, arts et manu- 
factures du Roi, ce qui serait comme une sorte de mi- 
nistère des Beaux-Arts, puisque l'ordonnateur général 
travaillait directement avec Sa Majesté. En attendant^ 
pour soustraire le « frérot » aux quolibets suscités par 
son nom de Vandières (les courtisans l'appelaient par 
dérision : Marquis d' Avant-hier), elle lui faisait subir 
une seconde métamorphose : le Roi le créait marquis 
de Marigny-en-Orxois et les lettres d'érection de ce 
marquisat en sa faveur (1764) portaient que Sa Ma- 
jesté entendait que cet homme nouveau jouît des 
honneurs attachés à la plus haute noblesse et aux 
gens de qualité. Il ne lui manquait plus que le Saint- 
Esprit pour achever de tromper son monde et paraî- 
tre un vrai gentilhomme. La favorite de longtemps 
sollicitait pour lui le cordon bleu. Le Roi eût été 
assez disposé à la satisfaire, mais il craignait le ridi- 
cule. L^n familier qu'il avait vaguement consulté là- 
dessus quelques années plus tôt avait répondu par un 

(1) Duc DE Croy, Journal inédit, tome I, p. 335. 



LE PRINCE DE GONTY 107 

persiflage, insinuant « que le Poisson n'était peut-être 
pas assez gros pour être mis au bleu ». Depuis lors, le 
Poisson avait grossi ; mais tout chevalier admis dans 
rOrdre était tenu de faire ses preuves de noblesse, et 
Ton prévoyait bien que c'était là où l'arrêterait le ter- 
rible Conty. 

Celui-ci n'y aurait pas failli si Ton n'eût pris un 
biais et tourné la difficulté : 

J'allai UD lundi à Versailles, dit le comte de Gheverny. 
Le cabinet du Roi, oii j'avais des amis, était le lieu où je me 
tenais de préférence. Dès que le Roi était passé dans ses 
appartements ou ailleurs, la conversation était gaie, aimable, 
soutenue. C'était là seulement où l'on savait les intrigues des 
autres, du moins ce qui pouvait s'en dire. J'y trouvai un jour 
M. le prince de Conty et M. le comte de la Marche, son fils, 
qui attendaient le retour du Roi. C'était aux environs de 
la Chandeleur. 

— Est-il vrai, dit le Prince, que Marigny va être cordon 
bleu? 

M. de Souvré répondit : 

— On le dit, par charge. 

— Par charge ou autrement, il me semble, dit le Prince, 
que cette décoration ne va pas à un poisson. > 

M. le comte de la Marche reprit : 

— J'espère bien que si on nous consulte, il ne le sera pas. 
Et la conversation continua sur ce ton (i). 

Le Roi se garda de consulter personne. Le secré- 
taire de rOrdre du Saint-Esprit était de par le règle- 
ment dispensé des preuves. M. de Marigny fut pourvu 
par charge du secrétariat et il parut, le jour de la 
Chandeleur (2 février lySB) avec son cordon en sau- 
toir. Mais M°*® de Pompadour à qui le libre propos du 
Prince avait été certainement rapporté lui sut le 
même gré de l'intention. 

Louis XV redoutait son intraitable cousin plus que 
tout autre à la Cour et tâchait parfois à réconcilier 

(i) Comte de Gheverny, Mémoires, t. I, p. laS. 



108 LE PRINCE DB GONTY 

ces deux puissances butées Tune contre Vautre (i). 
II invitait Conty à des soupers intimes. En pure perte. 
Luynes se bornait le lendemain à des constatations de 
ce genre, dans son journal : 

g juillet iy54- — M. le prince de Conty a soupe avec le Roi 
et Mb'^ de Pompadour dans les petits cabinets. Il n*a nulle 
liaison avec elle. Ils se voient, voilà tout (2). 

Cette guerre à coups d'épingle dura plusieurs 
années. Un bon mot du prince de Conty, un de ces 
mots cinglants et sanglants dont il avait la spécia- 
lité, mit fin à des relations qui n'étaient que de 
forme. II faut savoir que les princes du sang, plus 
dociles que Louis-François, avaient tous fait leur 
paix avec la favorite ; que par son entremise ils obte- 
naient des grâces qu'ils n'auraient pas osé demander 
au Roi ; que M™® de Pompadour était vraiment toute- 
puissante et seule puissante à Versailles; que lors- 
qu'on avait dit : « La marquise le veut », on avait tout 
dit. A exercer ainsi une souveraineté de fait avec 
toutes ses appartenances, la ci-devant M"« d'Etiolés 
avait pris des manières royales, et quand elle accor- 
dait audience, on se tenait debout devant elle. Un 
jour que Conty, par hasard, lui rendait visite dans sa 
chambre à coucher, elle se départit de sa prudence 
ordinaire et le laissa dans cette posture de suppliant. 
Le Prince outré, mais non déconcerté, s'assit tranquil- 
lement sur le lit et, de son air ironique : — « Voilà, 
dit-il. Madame, un excellent coucher ». L'humiliation 
était rude... Si rude que le Roi prévenu ordonna au 
Prince de se retirer dans ses terres (3). 



(i) « 10 janvier iy53. — L'on craint à la Cour M. le prince 
de Conty plus que les autres ». — Marquis d'Aroenson, Journal et 
Mémoires, t. VII, p. 38i. 

(2) Duc DK LuTNES, Mémoires, t. XIII, p. 435. 

(3) Selon l'abbé Grimot, auteur d'une Histoire de UIsle-Adam, 
Conty reçut Tordre d'aller passer quelques jours à son château 
de Trie, près Gisors : « Mais, dit-il, le Prince qui avait entendu 



LE PRINCE DE CONTY 109 

A compter de ce jour, Conty ne mit plus les pieds à 
Versailles et ne parut plus en Cour que lorsque les 
circonstances l'y obligeaient; comme, il advint, en 
octobre 1761^ lors du double baptême du duc de Berry 
et du comte de Provence par Mgr l'archevêque de 
Narbonne, grand aumônier de France ; le comte de 
Provence avait pour parrain Tex-roi de Pologne, duc 
de Lorraine et de Bar et pour marraine M"® Victoire ; 
ce fut Conty qui, par procuration et comme repré- 
sentant de Stanislas Leczinski, tint sur les fonts le 
futur Louis XVIII (i) ; comme encore, en miai 1770, 
lors du mariage du Dauphin, où Conty alla avec la 
Cour à Compiègne recevoir Marie-Antoinette, assista 
aux noces et au festin royal (2). 

Mais d'intimité avec le Roi, mais de chasses et de 
soupers, de comédie dans les petits appartements ou 
de travail en commun dans le cabinet du monarque, 
il n'était plus question. Cependant Louis XV résistait 
aux sollicitations de la marquise qui le pressait d'exi- 
ler le Prince. Et ce dernier qui, par ses affidés, n'igno- 



parler des dispositions malveillantes du Roi à son égard, avait 
pris les devants pour échapper à cet exil en faisant à la hfite 
étayer son château, ce qui lui permit de représenter au Roi qu'il 
ne pouvait se rendre à son domaine de Trie, les bâtiments mena- 
çant ruines de toutes parts » {Histoire de Ulsle-Adam, p. 28). 

Nous ne savons où l'auteur a cueilli cette anecdote. Elle est 
peut-être exacte ; mais il faut toujours contrôler sévèrement les 
allégations de Tabbé Grimot; sa brochure abonde en erreurs, 
souvent comiques. C'est ainsi que dans sa candeur tout ecclé- 
siastique, le bon abbé n'est pas éloigné d'attribuer à une 
vertueuse indignation l'aversion du Prince pour Mme de Pompa- 
dour. Et leur rupture serait venue de cette exclamation de Conty 
s*écriant : « Tiens I vous avez un bien bon lit, pour une femme 
comme vous! » (Textuel). S'imagine-t-on Conty, ce raffiné de poli- 
tesse et d'esprit, tenant à une femme pareil propos I Le plus amu- 
sant est que cette phrase « historique » a paru tellement fine et 
jolie à un autre monographe de Llsle-Adam qu'il n'a pas hésité 
à le reproduire pieusement (Voyez : Etudes historiques sur Ulsle^ 
Adam, par M. Denise). 

(i) Gazette de France, année 1761, p. 527. 

(2) û€ueite de France, srnnèe 1770, p. 164. 



110 LB PRINCB DB CONTY 

rail aucun des grands mouvements que M*"® de Pom- 
padour se donnait pour le perdre, faisait incruster 
dans la façade de son château de L'IsIe-Âdam un chêne 
orgueilleux montant jusqu'au second étage^ avec cette 
devise à l'adresse de son adversaire : 

Exagitat frondes immoto stipite ventus f 

Bravade facile. Qu'aurait pu le Roi, hors un fait 
prouvé de lèse-majestë, contre un prince de son sang, 
contre un personnage inviolable et insaisissable tel 
que le grand-prieur de l'Ordre de Malte, auquel des 
actes royaux centenaires et sans cesse renouvelés 
garantissaient, même en cas de guerre civile, la sécu- 
rité de sa personne et celle de ses biens ? Louis XY 
n'était pas Philippe le Bel et les temps étaient changés. 

Néanmoins le lieutenant général de police reçut 
ordre de faire surveiller dorénavant par ses « mou- 
ches » la vie privée du Prince dont on redoutait l'es- 
prit entreprenant et vindicatif. Les inspecteurs de 
M. Bertin, plus tard ceux de M. de Sartines et ceux 
de M. Le Noir, en furent pour leurs pas et démarches. 
Les seules intrigues que dénonça leur zèle furent des 
intrigues amoureuses. Nous en reparlerons. 



lY 

La Cour du Temple 



Le priace de Conty, grand-prieur de France, se loge au Temple. — 
Le palais prieural. — Réceptions princières. — Les habitués, les 
intimes. — c Le thé à l'anglaise dans le salon des quatre glaces ». 
— La musique du Prince et ses concerts. 



AU lendemain du jour où il avait été nommé grand- 
prieur de France, le prince de Conty avait aban- 
donné son hôtel du bord de la Seine pour aller loger 
au Temple, propriété des chevaliers de Malte. Mais 
retenu à Versailles en hiver par les devoirs de son 
ministère occulte ; obligé d'accompagner le Roi dans 
ses déplacements dé printemps et d'automne, à Com- 
piègne, à Choisy, à Fontainebleau ; ne s'échappant 
Tété que pour passer quelques semaines à son châ- 
teau de L'Isle-Adam ou pour faire une cure aux 
eaux de Fougues, ses thermes favoris, il ne restait 
guère au Prince de loisirs et il n'habitait le palais 
prieural que d'une façon intermittente, sauf aux épo- 
ques du chapitre de TOrdre, qu'il ne laissait à per- 
sonne le soin de présider. C'est seulement à partir de 
1767 environ, lorsque le Prince, en demi-disgrâce, fut 
rendu à la vie privée, que se forma ce qu'on a depuis 



412 LB PRINCE DE CONTY 

appelé la Cour du Temple, avec ses réceptions, ses 
fêtes et ses spectacles. 

Le Temple I ce nom n^évoque plus dans nos esprits 
que l'image, popularisée par la gravure, du donjon 
trapu et carré, aux tourelles à poivrières ; de la pri- 
son d'Etat où fut détenue sous la Révolution la 
famille royale, où furent enfermés avant leur départ 
pour Cayenne les députés fructidorisés, où s'étrangla 
Pichegru. Le donjon n'était pourtant qu'une partie du 
Temple et non la principale. L*Enclos du Temple avec 
son église, son couvant, son cloître, ses vastes cours 
meublées d'hôtels particuliers et de maisons d'artisans, 
était comme une ville à part dans Paris, même 
comme un Etat dans l'Etat, puisqu'il avait ses privilè- 
ges spéciaux, sa justice, sa police, sa voirie particu- 
lières (i). Tous ces bâtiments dont il ne subsiste pierre 
sur pierre ont été patiemment restitués et minutieuse- 
sèment décrits par M. Henri de Curzon dans une thèse 
présentée à la faculté des lettres de Paris, ouvrage 
définitif sur la matière (a). Nous lui emprunterons, 
en la résumant, la description de l'hôtel prieural, tel 
qu'il existait quand le prince de Conty en prit posses- 
sion. 

Bâti par Mansard en 1667, restauré et agrandi par 
Oppenord, architecte du Régent, le palais du grand- 
prieur était une demeure quasi royale, très distincte 
des monuments conventuels du reste de l'Enclos et ne 
conservant rien de ce qui pouvait leur garder un 
caractère religieux sinon monastique. On y péné- 



(i) L'ËDclos du Temple était ua (e^raod quadrilatère irrégulier 
boroé par la rue du Temple, la rue de la Corderie (aujourd'hui 
rue Réaumur), la rue de Beaujolais (aujourd'hui rue de Picardie 
et rue de Franche-Comté) et la rue de Vendôme (aujourd'hui rue 
Béranger). La porte de l'Enclos était rue du Temple en face de 
la rue des Fontaines ; l'entrée du palais prieural se trouvait un 
peu plus à droite, à mi-chemin entre la rue des Fontaines et la 
rue Phelipeaux (Réaumur actuelle). 

(2) Henri de Curzon, La maison du Temple de Paris, histoire et 
description. 



LE PRINCE DE CONTY 113 

trait, de la rue du Temple, par un portail, ouvert 
dans un enfoncement arrondi et donnant sur une 
grande cour en fer à cheval, entourée d'une allée de 
tilleuls taillés en arcades. Au fond de la cour, s'éle- 
vait le palais, un corps de logis flanqué de deux 
pavillons à angle droit qui faisaient saillie sur la 
cour et sur les jardins situés derrière. Le bâtiment 
central était divisé en trois parties égales, celle du 
milieu légèrement avancée. De la cour, on montait au 
rez-de-chaussée, élevé de cinq marches, par une porte 
percée au milieu de la façade entre deux couples 
de colonnes, avec balcon au dessus. Trois grandes 
fenêtres à croisée double éclairaient chacune des trois 
divisions de la façade ; au second étage^ les fenêtres, 
plus petites, n'avaient qu'une croisée simple. Au-des- 
sus s'étendait le comble, dont un fronton cintré déco- 
rait le milieu. 

Au centre de l'aile droite, entre cette aile et le mur 
d'enceinte de l'Enclos, du côté de la rue de la Corde- 
rie, un édifice avait été accolé en 1720, par les ordres 
du chevalier d'Orléans et prolongé jusqu'au coin de la 
rue du Temple. C'est dans cette bâtisse annexe que le 
prince de Conty établit son appartement à coucher. 
Sa chambre, à alcôve et boiseries dorées, avait vue 
par deux portes-fenêtres sur une terrasse, d'où l'on 
descendait dans un petit jardin privé, fermé de grilles 
et distinct du jardin prieural. Gontigus à sa chambre 
à coucher, le <( cabinet turc » et la bibliothèque, dont 
les baies donnaient sur la rue de la Corderie. L'aile 
droite, formant trois grands salons, dont deux se 
dénommaient modestement < antichambres »> se rac- 
cordait par la salle de billard au bâtiment central, 
divisé en trois immenses pièces quadrangulaires : la 
salle de billard, à quatre fenêtres, le salon d'assem- 
blée, à huit fenêtres et deux portes-croisées, la salle 
des Nobles, à quatre fenêtres^ comme le billard. 
L'aile gauche comportait, outre le logement du capi- 
taine des gardes et divers cabinets, la salle à manger, 
un salon de jeux et une chambre à coucher dite <x des 



114 LE PRINCE DE CONTY 

petits appartements »^ qui communiquait par un long^ 
corridor avec le Donjon et I^hôtel du Chapitre. Ce 
couloir servait à la fois de bibliothèque générale et de 
galerie pour la collection de tableaux. Les papiers du 
Prince et son médailler étaient au second étage (i). 

Dans ce grand salon d^assemblée du rez-de-chaus- 
sée, dans ce « salon des quatre glaces », défilèrent 
pendant plus de vingt ans tout ce qui comptait à 
Paris par la naissance ou la célébrité, tous ceux qui 
portaient un grand nom dans Tarmorial de France, 
tous les étrangers de marque. Les réceptions du prince 
de Conty, très ouvertes, se donnaient le lundi. Après 
le concert, le souper; après le souper, le jeu qui se 
prolongeait fort avant dans la nuit. Le Prince qui ne 
dînait jamais et ne se mettait à table que pour le 
repas du soir, veillait souvent jusqu'au matin et 
volontiers faisait de la nuit le jour. Les habitués de 
ces fêtes nous sont en partie connus. 

C'était le marquis de Chauvelin, ancien major géné- 
ral du Prince à Tarmée d'Italie, son compagnon d'ar- 
mes en Allemagne et dans les Flandres, ambassadeur 
à Turin en 1766 par la protection de Conty et, plus 
tard, commandant des troupes françaises en Corse ; 

C'était Âdrien-Louis de Bonnières, comte de Souas- 
très, dit comte de Guines, colonel aux grenadiers de 
France et futur ambassadeur ; 

C'était Charles-Armand d'Usson de Bonnac, dit le 
marquis de Donnezan, lieutenant du Roi au comté de 
Foix, célèbre dans les cercles pour son talent de 
comédien de société qu'il avait développé chez le 
comte de Clermont ; 

C'était le marquis de Montesson, brigadier des 



(i) Voyez, en plus de l'étude de M. Henri deCurzon, le procès- 
verbal des magistrats qui posèrent les scellés à la mort du Prince 
(Archives Nationales, X^a) et les Plans originaux du rez-de- 
chaussée du Temple (Bibl. NAnoNALB, Département des Estampes^ 
topographie parisienne). 



LR PRINCE DE GONTY 115 

armées, nonagénaire peu ragoûtant, dont la femme 
comptait quelque soixante-dix printemps de moins 
que son époux et promettait d'être une des veuves 
les plus aimables de Paris ; 

(^étaient le comte Joseph de Sabran, seigneur de 
Grammont, chef d*escadre, et sa femme née De Jean 
de Manville, si jolie, avec ses cheveux blonds et ses 
yeux noirs, que Tabbé Delille qui la vit chez M™« Tru- 
daine, voulut être son maître de latin ; 

C'étaient le marquis de Surgères, lieutenant géné- 
ral, et la marquise, née de Morville, laquelle, veuve 
vers 1760, se consolait de son veuvage avec Mgr Nicolas 
de Bouille, évêque d'Autun, prélat plein d'onction ; 

Celaient le comte de Blot. maréchal de camp, et la 
comtesse, ancienne dame d'honneur de Louise-Hen- 
riette de Conty, duchesse d'Orléans. M"® de Blot pas- 
sait pour être la maîtresse du comte de Friesen, neveu 
du maréchal de Saxe (i) ; 

(i) « Mmo de Blot dit un jour devant notre Prince qu*elle vou- 
drait avoir le portrait en miniature de son serin dans une 
bague. Le prince de Gontj ofiFrit de faire faire le portrait et la 
bague, ce que Mm« de Blot accepta à la condition que la bague 
serait montée de la manière la plus simple et qu'elle n'aurait 
aucun entourage. En efiPet. la bague n'eut qu'un petit cercle d*or, 
mais au lieu de cristal pour couvrir la peinture, on employa un 
gros diamant que Ton rendit aussi mince qu'une glace. 
Mme de Blot s'aperçut de cette magnificence ; elle fit démonter la 
bague et renvoya le diamant ; alors le Prince fil broyer et réduire 
en poudre la pierre précieuse et s'en servit pour sécher l'encre du 
billet qu'il écrivit à ce sujet à Mme la comtesse de Blot » {[Abbé 
Grimot] : Histoire de Vhle-Adam^ p. 27). 

A la mort de la duchesse d'Orléans, née Conty, en 1769, on 
trouva, dit-on, dans ses papiers une chanson <( dédiée à son mari 
et renfermée dans une cassette confiée à Mme de Polignac », où 
tous les familiers du Palais-Royal étaient passés en revue et plu- 
tôt malmenés. De cette chanson, conservée à l'Arsenal (Manas' 
erits, 3i 19, f. 37) le couplet suivant visait Mme de Blot : 

Elle est fille d'un gros boucher, 
Mais on l'eût plutôt écorchée, 
Que d'empêcher le Frise.*. 

Ëhbien? 
De lever sa chemise, 
Vous m'entendez bien I 



116 LE PRINCE BE GONTT 

C'était M™« du Plessis-Richelieu, duchesse d'Age- 
nois, puis d'Aiguillon, fille du comte Louis-Robert 
de Peplo, le brave ; 

C'était la belle lady Sarah Lennox, sœur du duc 
de Richmond, opulente beauté brune, aux yeux 
pleins de feu^ à qui le Prince présentait un soir en ces 
termes le jeune duc de Lauzun : (c Je vous demande 
vos bontés, Milady, pour mon Lauzun, il est bien fou, 
bien extravagant, bien aimable; il vous fera les hon- 
neurs de Paris mieux que personne : permettez-moi 
de vous faire les siens, je suis caution du désir qu'il a 
de vous plaire » (i) ; 

C'était Gabrielle-Charlotte de Ghimay, sœur du 
prince d'Hénin et femme du vicomte de Cambis : une 
taille élégante, de l'esprit, des talents, de la grâce ; 

C'était le jeune comte de Coigny, mestre de camp, 
dont la femme, Anne Michel de Roissy, raffolait 
d'anatomie... 

Un volume ne suffirait pas à énumérer, avec leurs 
titres, les habitués du Temple qui se pressaient en 
foule aux réceptions hebdomadaires du Prince. Mais 
en dehors de ces commensaux de hasard, il y avait 
les familiers, les préférés, les amis de tous les jours, 
d'hier et de demain. Cette cour intime, le peintre 
ordinaire du prince de Conty, Michel Ollivier, nous la 
montre au complet dans son tableautin : Le thé à 
Fanglaise dans le salon des quatre glaces (2). La pré- 
sence au clavecin de Mozart enfant date la scène ; 



(1) Duc DE Lauzun, Mémoires, p. 54. 

(2) Michel-Barthélémy Ollivier, ne à Marseille en 17 12, mort à 
Paris en 1784, fut agréé à l'Académie en 1766. Il avait longtemps 
voyagé en Espagne. Il peignait l'histoire et le paysage, était 
miniaturiste et graveur. Son exécution est précieuse, son coloris 
vague ; il a le goût des modes de son temps (A. Sirbt, Diction' 
naire des peintres). Ollivier exposa au Salon de 1767 : Le Mas- 
sacre des Innocents, une Femme savante, une Famille espa- 
gnole et des portraits. Diderot disait de lui dans sa revue du 
Salon de 1769 : « Ollivier promettait ; il y avait au dernier Salon 
des choses précieuses de sa façon. Il n'a rien fait qui vaille cette 
année » . 



LE PRINCE DE CONTY 117 

elle est de 1766, lors du second voyage à Paris de 
l'enfant prodige (i). Tous ceux qui figurent sur cette 
petite toile, commandée pour orner le salon de L'IsIe- 
Adam, y sont groupés par la volonté du Prince. 

A droite, assis à cette table, c'est le bailli de Cha- 
brillant) du grand-prieuré d'Aquitaine, capitaine des 
gardes du prince, son homme lige, son gentilhomme 
de confiance. Il habite dans le Temple, près de Téglise. 
En l'absence du bailli chargé de l'administration et 
de la police de l'Enclos, c'est lui qui le remplace. 
M. de Chabrillant appartient à une vieille famille du 
Dauphiné. Il n'est pas riche : tout au plus 10.000 livres 
de rente. Cependant il vit dignement et possède équi- 
page (2). 

Assis en face de lui à la même table, au fond, c'est 
Dortousde Mairan, physicien, mathématicien, littéra- 
teur, successeur de Fontenelle à l'Académie des scien- 
ces. II est le doyen de la cour de Conty et porte allègre- 
ment ses quatre-vingt-huit ans. Jusqu'à sa fin, il sera le 
convive fidèle du Prince et mourra de cette fidélité 
même : en sortant de souper avec Son Altesse, il con- 
tractera la pleurésie qui le mettra au cimetière. 

Cette grande dame debout, qui verse à boire au 
vieux savant, c'est Marie-Sylvie de Rohan-Chabot. 

(1) Mozart était venu une première fois à Paris en lyôS et y 
revint avec sa famille en mai 17Ô6; lors de ce second voyage, il 
était âgé de dix ans. Son père écrivait de Paris, le 9 juin 1766 : 
« Nous avons eu l'honneur de recevoir chez nous le prince héré- 
ditaire de Brunswick > . Le tableau se rapporte donc aux mois 
de mai ou de juin 1766, date du séjour à Paris du prince 
de Brunswick et du jeune Mozart. En même temps que le Thé à 
Vanglaxêe au Temple^ Conty commandait à B.-M. Ollivier une 
toile de même dimension représentant un Déjeuner sous la tente 
offert par lui, à L'Isle-Adam, au prince de Brunswick-Lunebourg. 

(2) Bibliothèque de l'Arsenal, Archives de la Bastilley i0238. — 
Il ne faut pas confondre les baillis de l'Ordre de Malte, grade 
immédiatement supérieur à celui de commandeur, avec les 
baillis du Temple, officiers de police de l'Enclos. Les baillis du 
Temple, pendant la période qui nous occupe, sont MM. de Sozzy 
(1738- 1766) et Le Paige (x757-i790)y tous deux avocats au Parle- 
ment. 



ii8 LE PRINCE DB GONTT 

Veuve du comte de Clermonl-d'Ainboise,elle a épousé 
en secondes noces, voici deux ans à peine, le prince 
de Beauvau-Craon. C'est, au témoignage de son mari, 
une « femme gaie, vive, raisonnable, toujours égale, 
toujours piquante et qui règne par les grâces Son 
visage annonce la candeur de son âme et toute sa 
personne rend tout son esprit. Ses yeux pleins de feu 
et de douceur expriment tout ce qu'elle sent, et tout 
s*embellit par leur expression ; ils pourroient avoir 
seuls Thonneur de sa physionomie, si un front char- 
mant, des dents admirables, le plus grand éclat, des 
airs de tète singuliers, ne contribuoient pas à lui 
donner Fair du monde le plus spirituel. Une gorge 
divine, de belles jambes, de jolis pieds, de jolies 
mains, mille autres détails... » (i). 

Au premier plan, voici M. le comte de Chabot et 
son jeune frère, M. le vicomte de Jarnac. Celui qui 
mange un gâteau est Louis de Rohan-Chabot, maré- 
chal de camp, qu'on surnomme plaisamment le mysté'' 
rieux ; bègue et souffrant de son infirmité, il ne 
prend jamais la parole dans un salon que pour 
répondre brièvement, à voix basse, et ne s'exprime 
en tout que par petits mots^ murmurés à Toreille plu- 
tôt que prononcés, mais qu'on répète aussitôt avec 
éloge, parce qu'ils sont toujours fins et galants. Il 
n'est pas beau, mais tout en lui semble gracieux. Il 
pourrait avoir de grandes dames ; il préfère les filles. 
Sa procureuse ordinaire est la Hecquet, proxénète. Il 
a sa petite maison dans la rue des Amandiers, à Pin- 
court (2). Charles, vicomte de Jarnac, celui qui tient 



(i) La MARÉcHiiLB, PRINCESSE DB Beauvau, Souvenipê^ suivis des 
Mémoires du maréchal, prince de Beauvau, pp. 42-45. — La 
seconde princesse de Beauvau étail née le 12 décembre 1729. 
Mariée le 7 septembre 17^9 à Jean-Baptiste Louis de Glermonl- 
d'Amboise, marquis de Renel, qui mourut le 18 décembre 1761. 
Elle était fille de Guy-Aug^usle, comte de Chabot et d'Yvonne Syl- 
vie de Breuil de Rais (La Chesnate-Dbsbois, Dictionnaire de la 
noblesse, t. II, col. 742). 

(2} Bibliothèque nationale, i/anu«ortto français, 11 359, ^- ^47 



LE PRINCE DE €ONTY 119 

un plat, manque de cette grâce qu'on admire jusque 
dans le bègaîment de son aîné ; mais il y supplée par 
la noblesse de ses manières, par son aménité ; modèle 
accompli de courlbisie, il est encore ami des arts et 
connaisseur; on vante sa magnificence autant que la 
beauté de sa figure (i). Tous deux descendent de cette 
exquise Marie-Claire de Créquy, comtesse de Jarnac^ 
qui fut dame d'honneur de M^*« de Montpensier, et ils 
ont hérité d'elle la politesse du grand siècle. 

Un peu plus loin, servant d'un plat posé sur un 
réchaud, c'est M"*® la comtesse de Boufflers, la dame 
de céans, la « Minerve du Temple » ; elle porte le 
tablier des servantes, sans doute pour mieux laisser 
croire qu'elle est la maîtresse. (Nous aurons l'occasion 
de parler d'elle plus en détail). 

Assis devant le paravent, tassé sur son siège et tout 
de noir habillé, reconnaissez Charles Jean Hénault, 
président en la première des Enquêtes au Parlement 
de Paris, surintendant de la maison de la Reine, 
membre de TÂcadémie française et de celle des Ins- 
criptions. Il cultive Thistoire et la poésie, la musique 
et la prose légère. Il a été dans sa jeunesse Tamant 
de la luxuriante et luxurieuse maréchale d'Ëstrées, 
de qui les bons mots scandalisaient, même sous la 
Régence. Vieillard, il est maintenant grave et doux, 
délicat, pondéré en toutes choses : un tempérament 
de second plan, que d'Ârgenson a merveilleusement 
dépeint en quelques lignes : oc Son caractère, surtout 
quand il était jeune^ paraissait être fait pour réussir 
auprès des dames, car il avait de Tesprit, des grâces, 



(Rapports de police). — Mm« de Genus, Mémoires, tomes I, p. 3o7 
et II, p. 197. — Louis-Antoioe-Auguste de Rohan-Chabot, né 
le 20 avril lySS, colonel aux grenadiers de France en 1749» maré- 
chal de camp en 1761. Il devint lieutenant général en 1781 
(Anselme, Histoire généalogique, tome IX, p. 23o). 

(i) Mme deGbnlis, Mémoires, tome I, p. 3o8. — Charles-Rosalie 
de Rohan-Chabot, vicomte, puis comte de Jarnac, né le 9 juil- 
let 1740 ; mestre de camp en 1781 (Anselme, Histoire généalogi- 
que, tome IX, p. 2$o), 



120 LE PRINCE DE CONTT 

de la délicatesse, de la finesse. Il n'est jamais ni fort, 
ni élevé, ni fade, ni plat. Il y a de grandes dames qui 
lui ont pardonné le défaut de naissance, de beauté et 
même de vigueur. Il s'est toujours conduit dans ces 
occasions avec modestie, ne prétendant qu'à ce qu'il 
pouvait prétendre. On n*a jamais exigé de lui que ce 
qu'il pouvait aisément faire » (i). 

Une serviette à la main, cette jeune femme, coiffée 
d'un large chapeau et qui lient un plat, est M"'* la com- 
tesse d'Ëgmont la jeune, née Richelieu, fille du maré- 
chal. Elle a épousé à seize ans Casimir, comte d'Eg- 
mont-Pignatelli^ grand d'Espagne, lieutenant général 
des armées du Roi. Elle n'aime point son mari, débau- 
ché parfait; ce qui pis est^ elle aime ailleurs, sans 
espoir : un sentiment romanesque dont elle meurt à 
feu lent, consumée de langueur, car elle est honnête 
femme et de mœurs irréprochables. Malgré son aspect 
maladif, elle a le plus charmant visage qui se puisse 
voir. Elle fait beaucoup de mines, mais ces mines 
sont jolies. Son esprit est maniéré comme sa figure. 
Est-ce affectation? Non, ce n'est que singularité ; elle 
est née ainsi. Les femmes envient les agréments de sa 
personne, sans rendre justice à sa douceur, à sa 
bonté, et comme on la peut critiquer en mille petites 
choses, il n'est moqueries qu'on ne colporte sur elle; 
ce qui n'empêche point de la rechercher et de Tac- 
cueillir... (2). 

(i) Voyez M. de Lescure, préface de la Correspondance de 
jltme du De/fant, pp. xxvii-xxxiii . — Le président Hénault 
né à Paris, le 5 février i685, fit ses études à TOratoire, et obtint 
la lieutenance des chasses et le gouvernement de Corbeii. Entré 
au Parlement en 1706, et président de la première chambre des 
enquêtes en 1710, il fut surintendant de la maison de la Reine 
et ensuite de celle de la Dauphine. Elu en 1728 à l'Académie 
française, il fut reçu membre honoraire de celle des inscrip- 
tions et belles lettres en 1765, et aussi de celles de Nancy, Berlin 
et Stockolm. 11 mourut à Paris le 24 novembre 1770. Il a 
laissé un Abrégé chronologique de Vhistoire de France et des 
Mémoirei. 

(2) Jeanne - Sophie -Elisabeth -Louise -Septimanie du Plessis 



LE PRINCE DB CONTT 121 

Sa belle-mère, vêtue de rouge, découpe un gâteau. 
M"*® la comtesse d'Egmont douairière, née de Duras, 
dame du palais de la Reine, est âgée de soixante-dix 
ans. Elle est veuve depuis 1743 et il ne lui reste de son 
mariage que le comte d'Egmont et la duchesse de 
Chevreuse, mère du duc de Luynes. C'est une très 
grande dame, imposante, affable, effacée, qui n*a 
jamais fait beaucoup parler d'elle et se borne à tenir 
son rang (i). 

Près d'elle, accoudé sur un fauteuil et regardant en 
arrière, voici Antoine Ferriol, comte de Pont-de- 
Veyle, frère aîné du comte d'Argental et neveu de 
M™* de Tcncin. Il est gouverneur de la ville de Pont- 
de-Veyle, en Bresse, intendant des classes de la 
marine, ancien lecteur du Roi et ancien amant de la 
première duchesse de Luxembourg. Homme de goût 
et de talent, acharné collectionneur de pièces de théâ- 
tre, auteur lui-même de plusieurs comédies qu'il 
n'avoue point, par modestie, ce M. de Pont de-Veyle 
est l'âme de tous les divertissements dans les sociétés 
où il fréquente. Or, voyez le contraste, nul plus que 
lui n'est, au premier abord, froid, réservé, de manières 
moins empressées. Par crainte de déplaire à ses 
amis, il a l'air de tout approuver, de n'être pas 
frappé des ridicules du siècle. S'il critique parfois les 
défauts de ceux qu'il aime, c'est sans avoir l'air d'y 
toucher, leur en faisant sentir les inconvénients ; mais 
jamais il n'acquiescera au mal que dirait quelqu'un 

Richelieu, née à Paris, le i*' mars 1740. Mariée en lySôau comte 
d^Eji^monl Pig^naleili, duc de Bisaccia, lieutenant général, veuf 
depuis 1753 de Blanche-Âlphonsine d'Aragon. La seconde com- 
tesse d'Egmont mourut au château de Braine, en Picardie, le 
i4 octobre 1773. 

(i) Henriette- Julie de Durfort, fille de Jacques Henri II duc 
de Duras et de Louise-Madeleine Eschalart de Lamarck, née en 
2696, mariée à vingt et un ans, à Procope-Nicolas-Augustin- 
Léopold Pignatelli-Bisaccia, comte d*Egmont, âgé de quatorze 
ans, fils de Nicolas Pignatelli, duc de Bisaccia au royaume de 
Naples et de Marie, héritière d*Egmont (La Chesnate Desbois, 
Dictionnaire de la noblesse, tome VII, col. i23, 124, 186). 



122 LE PRINCE DE CONTY 

d'un absent. Cette apparence de scepticisme et d'in- 
différence, qui semble n'aimer rien et s'accommoder 
de tout, cache en réalité un cœur d'or. Une amitié de 
quarante ans déjà, sans un nuage, le lie à M°^® la com- 
tesse du Deffand ; celle-ci est moqueuse, grondeuse, 
acariâtre, la langue méchante et la dent acérée ; aucun 
de ces travers ne refroidit Pont-de-Veyle qui passe 
auprès d'elle, avec le président Hénault, tous les ins- 
tants qu'il ne donne pas au prince de Conty... parce 
qu'elle est aveugle et clouée par son infirmité sur sa 
causeuse, au coin de ses chenets. 

Debout, la main au dossier d'une chaise, se tient 
Alexandre Marc-Marcelin, marquis de la Verre, prince 
d*Hénin, que les satiriques appelleront un jour oc le 
nain des princes», jeune flamand, naguère débarqué 
à la Cour de France pour faire figure dans le monde ; 
il va épouser dans quelques semaines M^*® de Mon- 
conseil et Leurs Majestés ont promis de signer au 
contrat, en l'honneur de la mère du marié, née Beau- 
vau-Craon. Le prince d'Hénin n'a pas encore conquis 
cette réputation de galanterie suprême que lui vau- 
dront bientôt ses amours avec Sophie Arnould, mais 
il s'essaye de son mieux à la vie de Paris et de Ver- 
sailles ; il est nul, élégant et 1res exactement façonné. 

Posée plutôt qu'assise sur la chaise où s'appuie le 
prince d'Hénin, se retourne et se penche la vieille 
maréchale de Luxembourg, dei^xième en date, petite 
fille du maréchal de Villeroy, veuve du ducdeBouftlers 
qu'elle épousa à quatorze ans ; veuve encore du maré- 
chal de Luxembourg qu'elle a pris, veuf, alors qu'il 
était déjà son amant. Son amant, après bien d'autres ; 
caria jeunesse, voire Tâge mûr de la duchesse, furent 
légers, et M. de Tressan a sur elle fait, dans le temps, 
ce couplet : 



8; 



uaod Boufflers parut à la Cour 
n crut voir la mère d*Amour. 



Chacun s'empressoit à lui plaire 
Et chacun Tavoit à son tour... (i). 

(I) « Quand Mme de Luzenibour|B^ chantait plus tard ce couplet. 



LB PRINCE DE GONTY 123 

Elle fut dame du palais de Marie Leczinska et, tout 
en demeurant Tamie de la Reine que ses saillies amu- 
saient, elle fut aussi Tamie des trois sœurs de Nesle, 
maîtresses successives du Roi ; c'est elle qui reçut les 
confidences in extremis de M*"® de Châteauroux. Elle 
s*est brouillée tout de suite avec M"*® de Pompadour et 
Gonty lui sait bon gré des traits malins qu'elle déco- 
cha sans cesse contre leur commune ennemie. La 
maréchale de Luxembourg a été fort belle sans paraî- 
tre s'en douter ; sa physionomie mobile, son regard 
brillant, exprimaient si bien tous les mouvements de 
son âme qu'elle n'aurait pas eu besoin de la parole. 
Rassurez-vous : elle a parlé quand même, et beau- 
coup. Pénétrante à faire trembler, spirituelle et mor- 
dante (mais avec tant d'art et de mesure !), lardant 
son prochain (mais avec tant de justesse et d'à-pro- 
pos !), elle a toujours dominé partout, sans concur- 
rence, et par elle le salon du maréchal fut l'un des 
ornements de Paris. Présentement, elle est dévole et 
ne s'inquiète plus que d'éduquer sa petite-fille. Horace 
Walpole, de passage à Paris, écrivait (l'elle, tout 
récemment, à son ami, le poète Gray : « Elle a été très 
jolie, très abandonnée et très méchante. Sa beauté 
s'en est allée ; ses amants s'en sont allés et elle pense 
que le Diable va venir. Ce déchet l'a radoucie au point 
de la rendre plutôt agréable, car elle a de l'esprit et 
de bonnes manières ». Cependant elle a conservé 
sa finesse, et si M°°® de Choiseul l'appelle quelque 
part la chatte rose^ c'est qu'elle égratigne encore en 
ronronnant. Arbitre du bon ton, elle attache la plus 
grande importance à la pureté du langage^ même dans 

elle s'arrêtait au dernier vers et disait : J'ai oublié le reste. Un 
jour elle se mit à marmotter cette chanson devant M. de Tressan 
lui même, en disant : « — Connaissez-vous l'auteur ? elle est si 
jolie que non seulement je lui pardonnerais, mais je crois que je 
Tembrasserais «>. Tressan y fut pris comme le corbeau de 
la fable, et il dit : a — Eh bien 1 c*est moi ». Elle lui appliqua 
deux bons soufflets » (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, tome IV, 

p. II). 



124 LE PRINCE DE CeNTT 

la prière, à la connaissance des usages, même dans 
l'intimité ; elle juge autrui sans appel sur une phrase 
de mauvais goût, et le plus curieux est que ce juge- 
ment frivole se trouve presque toujours juste. 

Derrière elle, vue de profil, c'est la jeune duchesse 
de Lauzun, née Amélie de Boufflers, pelite-fille de la 
maréchale ; l'ange auprès de la vieille fée, ange d'in- 
nocence et de pureté (i). La sarcastique M™® du Def- 
fand la compare à un oiselet qui pépie : « La petite 
femme est un petit oiseau qui n'a encore appris aucun 
des airs qu'on lui siffle ; elle fait de petits sons qui 
n'aboutissent à rien; mais comme son plumage est 
joli, on Tadmire, on la loue sans cesse; sa timidité 
platt, son petit air efl^arouché intéresse ; mais moi je 
n'en augure pas trop bien » (a). 

De ces deux dames, près de la porte, celle qui verse 
à l'autre du thé, c'est M'''^' la maréchale de Mirepoix, 
la sœur du prince de Beauvau ; veuve, en premières 
noces du prince de Lixin et, en deuxièmes, de Gaston, 
duc de Lévis-Mirepoix, mort depuis huit ans, homme 
singulier « parlant des coudes, raisonnant du menton, 
marchant bien, dur, ,poli, sec, civil », qui poussait 
l'originalité jusqu'à adorer sa femme. Elle n'était et 
n'est, pourtant, pas jolie malgré son teint éblouissant 

(i) Malgré la similitude des prénoms, il ne faut pas confoudre 
Amélie de Boufflers, duchesse de Lauzun, avec la comtesse Amé- 
lie de Boufflers, née Des Alleurs, mariée en 1768 au comte, 
de Boufflers Rouverel, fils de Tamie du prince de Gonty ; pour la 
distinguer de sa belle-mére, la comtesse douairière, les contem- 
porains nomment généralement M^e de Boufflers la jeune : 
comtesse Amélie, tout court. Amélie de Boufflers (duchesse 
de Lauzun ) était fille de Charles-Joseph-Marie, duc de Boufflers, 
vicomte de Ponches, pair de France, colonel d'infanterie 
wajonne, né à Paris le 16 août 1781, marié le 28 avril 1747 à 
Marie-Philippine-Thérèse de Montmorency-Logny, mort le i3 juil- 
let 1751. Amélie de Boufflers était née le 5 mai 1751 ; elle venait 
d'être mariée, le 4 février 1766, à Armand-Louis de Gontaut, duc 
de Lauzun, plus tard duc de Biron, pair de France. Tous deux 
furent décapités; lui, le 3i décembre 1798; elle, le 28 juin 1794 
(Ansblme, Histoire généalogique^ tome IX, p 784). 

(2) Mm* DO Deffand, Correspondance^ tome I, p. 4io. 



LE PRINCB DE CONTY 125 

de fraîcheur, mais elle est douce et simple, ne parle 
point d'elle-même, ne décide jamais, dispute rare- 
ment ; timidité d'ailleurs sans embarras; la maré- 
chale a de la présence d'esprit et de Tà-propos (i) ; 
seulement son désir de plaire est plutôt de la poli- 
tesse que de la coquetterie. Aussi les femmes ne la 
jalousent pas et les hommes n'osèrent devenir amou- 
reux d'elle, tellement son maintien fut toujours sage, 
son extérieur paisible et réglé (2). 

L'autre dame, celle qui reçoit le thé, c'est M"« Ber- 
nardin de Mesnildot, marquise de Vierville, née Fran- 
çoise-Elisabeth de Fresnel. Elle a été dame d'honneur 
de la feue duchesse d'Orléans, sœur de Conty, et son 
mari était également attaché au Palais-Royal. Avant 
que leur fille Charlotte eût épousé le marquis de Bar- 
bantane, en rySS, on chuchotait qu'ils la réservaient 
aux plaisirs du duc d'Orléans, alors duc de Chartres : 

Monseigneur, votre Menido 
Sera toujours votre macqu'reau ; 
Sa femme fut macqu'relle... 

Eh bien ? 
Faites beaucoup pour elle... 
Vous m'entendez bien I 

(i) Ma>^ de Mirepoix voyait Mme de Pompadour. Se laissant 
emporter un jour par la vivacité de l'altercation, M^^ de Boufflers 
alla jusqu'à dire à la maréchale : « Ce n'est au bout du compte 
que la première fille du royaume». — « Ne me forcez pas de 
compter jusqu'à trois », répliqua Mme de Mirepoix. La deuxième 
en effet, eût été M^le Marquis, maîtresse du duc d'Orléans. Mme de 
Boufflers serait venue troisième (Sainte-Beeuv, Nouveaux lun- 
di8,\ome IV, p. 178). 

(2) Cette femme posée, avec sa figure placide et ronde, avait 
pourtant, dans sa jeunesse, en 1739, inspiré une passion violente 
au duc de Villars, fils du maréchal, qui passait pour aimer tout 
autre chose que les femmes. El les mauvais plaisants d'expliquer: 

11 est donc converti, par tes charmes vaincu I 
Ne l'enorgueillis point de ce faible avantage ; 
C'est le magique effet des traits de ton visage, 
Qui forment à ses yeux l'apparence d*un c... 

(Bibliothèque nationale, Manttsctnta français^ 12.675^ Recueil de 
chansons, tome III, f. 335). 



126 LB PRINCE m CONTT 

Barbantane pour son époux 

A quitté un sort bien plus doux ; 

Car son père et sa mère.., 

Eh bien ? 
Vouloient qu'elT vous fît faire... 
Vous m'entendez bien ! (i) 

Toute seule devant ce guéridon, surveillant une 
petite bouilloire placée sur un fourneau portatif, 
M"® Bagarotti, dame d'honneur de M"»* la princesse 
de Conty douairière, semble réfléchir. A quoi pense- 
t-elle ? A ses dettes qui dépassent de beaucoup ses 
rentes ou bien aux revenants dont elle sait quantité 
d'histoires merveilleuses? Peut-être, simplement, à 
la demi-douzaine d'œufs frais dont elle^ videra demain 
les blancs pour en barbouiller ses joues et conserver 
la pureté de son teint. Cette recette de M"® Bagarotti 
a suggéré une chanson au chevalier de Boufflers, le 
neveu de la maréchale de Mirepoix : 

Gens de Paris, vous êtes 
Sans esprit, sans attraits ; 
Jamais sur vos toilettes 
Vous n'avez mis d'œufs frais : 
Voyez mademoiselle, 
Qui ne manqua jamais 
D'ôter, pour être belle, 
La vie à six poulets. 

Tous les jours ses gros charmes 

Sont armés d'un couteau ; 

Le poulailler en larmes 

La prend pour son bourreau : 

La fille, d'un air ferme, 

Met les œufs en éclats 

Elle y trouve le germe 

De cent nouveaux appas (2). 

Dans l'encoignure de la fenêlre, à côté du prince 
de Conty, qui, debout, ne se laisse voir que de dos 

^i) Bibliothèque de l'Atsenal : Manuscrit, Siig, f. 38. 
(2) Œuvres de Boufflers, tome I, p. 65. 



LE PRINCE DE CONTY i27 

— modestie d'ampbytrion s'eifaçant devant ses invi- 
tés — c'est M. Daniel- Charles de Trudaine, intendant 
des finances et directeur des ponts et chaussées, un 
des meilleurs hommes qu*on ait jamais vus dans la 
société et dans les affaires ; ses adversaires lui repro- 
chent de trop désirer les grandes places, mais c'est 
pour le bien public pins que pour le sien(i). 

A gauche^ au clavecin, Mozart, âgé de dix ans, 
accompagne le chanteur Jélyotte qui pince de la 
guitare. 

Derrière Mozart, paraissant suivre la musique sur le 
cahier, se dresse, de toute sa haute stature, le cheva- 
lier de Lorenzi, gentilhomme du Prince, son secré- 
taire particulier, fervent sigisbée de M™® de Boufflers. 
M. de Lorenzi passe auprès des dames pour un pro- 
fond mathématicien. Afin d'être mieux cru, il hante 
assidûment D'Alembert. C'est un brave seigneur flo- 
rentin qui a servi dans les armées françaises et s'est 
retiré du service peu de temps après la prise de 
Minorque, avec le grade de colonel. On l'appelle com- 
munément cA^t;a/£>r, parce qu'il est chevalier de Tor- 
dre toscan de Saint-Etienne. Sa candeur rare, qui 
prend tout au sérieux, et le galimatias de ses discours 
truffés de mots italiens, en font un personnage très 
original, et aussi très comique. Du reste, plein d'hon- 
neur, et d'une inaltérable aménité (a). 



(i)« Ce pauvre M. de Trudaine méritait d*6tre loué par un 
panégyriste moins sec que M. Gondorcet et moins moqueur que 
M. d'Alembert » {Lettres da Chevalier de Boa/Jlers à M^* de 
Sabran; p. i6). — Trudaine (1703-1769) fut d'abord conseiller au 
Parlement, puis intendant d'Auvergne, conseiller d*Etat (lyS^) ; 
intendant des Finances et directeur des Ponts ; membre hono- 
raire de l'Académie des sciences^ en 1743. 

(2) Le jour qu'on investit le fort Saint-Philippe (dit Voltaire, 
dans son Siècle de Louis XV) M. de Lorenzi trouva dans une 
maison de campagne appartenant à un commissaire de la marine 
anglaise, parmi des papiers, la table des signaux de l'escadre de 
l'amiral Byng. 11 la déchi£Fra et remit la traduction au maré- 
chal de Richelieu qui l'envoya à M. de la Galissonnière. 

Les naïvetés du chevalier de Lorenzi faisaient la joie des 



428 LE PRINCE DE CONTT 

Enfin, assis et lisant une brochure, c'est Charles-Just, 
prince de Beauvau-Craon et du Saint-Empire, grand 
d'Espagne, ancien grand-mattre de la maison de Sta- 



Encjclopèdistes. La Correspondance de Grimm et de ses amis en 
rapporte quelques-unes qui ne sont point sans saveur : 

« Son goût la toujours porté aux sciences abstraites, à la 
géométrie et à l'astronomie et il en a pris l'habitude d'évaluer 
les événements de la vie et de les réduire à des valeurs géomé- 
triques. Il est naturellement rêveur, distrait, naïf, simple, tou- 
jours vrai, sérieux et grave. Le plaisant de ses traits consiste en 
ce que les opérations de sa tête se font lentement et difficilement, 
qu'il a de la peine à assortir Texpression à son idée, qu'il sup- 
prime ordinairement tous les intermédiaires entre deux proposi- 
tions, qu'il répond souvent à sa tête, au lieu de répondre à ce 
qu'on lui dit. Comme il n'est frappé que par le côté vrai ou faux 
d'un objet, et jamais par le côté plaisant, il entend la plaisante- 
rie mieux que personne, et l'on peut rire de lui et de ses pro- 
pos tant qu'on veut sans le fâcher, mais aussi sans lui faire 
perdre son sérieux » . 

Un jour, chez WL^^ GeofFrin, Lorenzi s'endort : « Il me sem- 
ble, chevalier, dit Grimm, que notre conversation vous amuse 
beaucoup, puisqu'elle vous endort tout debout ». — « Oh, non, 
dit-il en hochant la tête, avec son ton innocent ; je dors quand je 
veux ». 

Allant avec Saint-Lambert à Versailles, ils causent, et Saint- 
Lambert, par occasion, lui demande son ftg'e : a J'ai soixante 
ans, lui répond le chevalier ». — « Je ne vous croyais pas si 
Agé ». — « Quand je dis soixante ans, reprend le chevalier, je 
ne les ai pas encore tout à fait... non, pas tout à l'heure, mais... » 
— M Mais enfin, quel âge au juste avez vous ?» ~ « J'ai cin- 
quante-cinq ans faits; mais ne voulez-vous pas que je m'assu- 
jettisse à changer d'âge tous les ans, comme de chemise ». 

Pendant le siège de Minorque, le chevalier allait tous les soirs 
à la tranchée, muni d'un télescope et d'un attirail astronomique 
pour faire ses observations. Un jour il s'en revient à son quar- 
tier, ayant laissé tous ses instruments à la tranchée : « On vous 
les volera, M. le Chevalier, lui dit Saint-Lambert». — « Oh! 
non, lui répond le chevalier; j*ai mis ma montre à côté ». 

Voulant faire l'éloge de la taille d'une dame, au lieu de dire 
qu*elle avait une taille de nymphe, il dit : « Elle a la taille 
comme M"^ AUard » (Cette danseuse était très grosse). — « Vous 
ne rencontrez pas heureusement, lui dit quelqu'un; on peut louer 
MUa AUard par bien des côtés, mais on n'a jamais cité sa taille 
comme belle ». — « Ah I ah I reprit-il, je ne la connais point, et 
ne Tai jamais vue ; mais comme tout le monde parle de 



LK PRINCE DE CONTY 129 

nislas Leczinski, lieutenant général des armées du Roi 
et capitaine de ses gardes du corps (i). 

Evidemment, te peintre a voulu occuper ses person- 
nages et prêter i chacun d'eux une attitude naturelle. 
Mais on aime à croire que, lorsque, d'aventure, 
Mozart touchait le clavecin ou lorsque, moins rare 
aubaine, Jélyotte chantait chez le princfe de Conty, les 
dilettantes composant Tauditoire ne choisissaient pas 
précisément cet instant pour lire, pour bavarder ou 
pour servir le thé. D'abord le Prince « qui ne faisait 
point (dit Dutens; de distinction de rang dans la 
société », qui « en remplissait lui-même les devoirs 
plus exactement que personne », n'aurait pas souffert 
qu'on infligeât à des artistes qu'il aimait et qu'il pro- 
tégeait l'humiliation de ne les point écouter. Par 
ailleurs, il était trop bon musicien pour ne point pré- 
férer le chant de Jélyotte à la conversation de Tru- 
daine. Jélyotte, bien qu'il eût quitté TOpéra depuis 
dix ans et se contentât, jouant à la perfection de tous 
les instruments, d'être, chez le Roi, théorbe de la 
Chambre, était encore en ce temps le premier fort- 
ténor de l'Europe, les délices de la Cour. « Dès qu'il 
chantait, dit le comte de Cheverny, il se faisait un 
silence involontaire qui avait quelque chose de reli- 
gieux ; son timbre était d'une haute-contre parfaite 
et certains sons étaient aussi brillants que s'ils sor- 
taient d'une cloche d'argent ; sa prononciation était si 
nette et si bien détaillée qu'on ne perdait pas le moin- 



M^ AUard, je crois pouvoir en parler aussi » (Correspon- 
dance de Grimm, Raynal, Meitter^ etc., tome VIII, pp. 68, 70 
et 85). 

(i) Charles Just de Beauvau, né à Lunéville en 1720 ; lieute- 
nant en 1738 : colonel en 17^0 ; brigadier en 1746 et maréchal de 
camp en 1748; fit les campagnes d*Allemagne et de Flandres. 
Etait à la conquête de Minorque en 1756. Chevalier du St-Ësprit 
en 1767, lieutenant général en 1768. Campagne d*Allemagne et 
du Haut-Rhin de 1759 à 1761. — Il sera fait gouverneur de Pro- 
vence en 1782 ; maréchal de France en 1783 et mourra le 21 mai 
1793. — Epoux, en 1745, de Marie Charlotte de la Tour d'Au- 
vergne, veuf en 1763, remarié au mois de mars 1764. 

9 



130 T.K Ï>RINCB DB CONTY 

dre mot... » (i). Et Ton oubliait rhomme laid, petit, 
mal fait, pour ne plus entendre que cette voix divine, 
pour ne plus voir que ce regard qui rayonnait, 
comme de flamme, sitôt que le chanteur s'animait. 

Il était, avec Trial, l'artiste favori de Conly et sou- 
vent participait aux concerts avec orchestre ofFerts 
aux invités du lundi (2). Un des secrétaires du Prince, 
M. Quêtant, auteur dramatique, qui rimait d'assez 
pauvres vers, a réuni sous le titre : Bagatelles lyriques 
exécutées chez Monseigneur le prince de Conty toutes 
les romances, ariettes et ritournelles de ces soirées 
du Temple, celles du moins dont il était fauteur. Ces 
poésies quelconques, pastorelles et paysanneries, ber- 
geries et vilanelîes, dont Ânnette et Lucas, Lubin et 
Colinette font les frais, avaient comme principal 
mérite d^étre interprétées excellemment. Veut-on un 
échantillon du savoir faire de M. Quêtant ? 

Ariette 

Bergères jeunettes, 
Quand sous les coudrettes 
Vous cherchez le frais, 
L'amour sait de près 
Les pas que vous faites. 

Vous fuyez en vain, 
Belles pastourelles, 
L'amour a des ailes 



(i) CoMTB DB Chevbknt, Mémoirts ; tome I, p. 99. — Pierre 
Jélyotte, né le i3 avril 171 3 à Lasseube, dans les Pyrénées, était 
neveu d'un chanoine de Toulouse et devait lui succéder. Il chan- 
tait dans cette ville, comme enfant de chœur, quand un amateur, 
l'ayant entendu, le dirigea vers le théâtre II débuta triomphale- 
ment à rOpéra en lySS. y demeura jusqu'en 1765. A partir de ce 
moment jusqu'en 1765, il ne joua plus que sur le théâtre de la 
Cour. Il était déjà mattre de guitare du Koi quand, en. 1758, 
il fut nommé premier théorbe de la Chambre. 

(a) En 1778, après la mort de Conly, Jélyotte touchait encore 
10.000 livres de gratification, « comme suite des bienfaits que 
feu Monseigneur était en usage de lui accorder » {Registre des 
comptes de Manscoart, chapitre i a de la Dépense). 



LE PRINCE DE CONTY 131 

Pour couper le chemin 
Aux beautés cruelles. 
Bergères jeunettes, etc...(i). 

M. Quêtant n'était point le seul auteur dont les 
œuvres inédites se représentaient au Temple. M°>® la 
comtesse de Bouftlers s'essayait également dans Fart 
dramatique. Elle écrivit au moins une tragédie en 
prose qui fut d'abord lue et prônée dans la société du 
Prince et sur laquelle elle voulut avoir l'avis de Jean- 
Jacques Rousseau : 

Elle l'eut (dit le bourru Genevois), mais modéré, tel que le 
méritoit l'ouvrage Elle eut, de plus, l'avertissement que je 
crus lui devoir, que sa pièce, intitulée V Esclave généreux^ 
avoit un très grand rapport à une pièce anglaise assez 
peu connue, mais pourtant traduite, intitulée Oroonoko. 
M™* de Boufflers me remercia de l'avis, en m'assurant toute- 
fois que sa pièce ne ressembloit pas du tout à l'autre. Je n'ai 
parlé de ce plagiat à personne au monde qu'à elle seule (a). 

Rousseau n'en parle « à personne au monde » ; 
mais il met la postérité dans la confidence. Quelle 
bonhomie I 

Le Prince aussi composait. C'est M™ du Deffant qui 
l'annonce par lettre à Horace Walpole, avec cette 
causticité qui jamais ne Tabandonne quand elle parle 
de Gonty et de sa « clique » (3) : 

Le prétendant à la couronne de Pologne, en attendant son 
élection, s'occupe à faire la musique et les paroles d'un opéra 
qu'il veut faire Représenter apparemment à L'Isle-Adam, ou 
au Temple, car je me persuade que ce ne sera pas aux Italiens ; 

(i) Bagatelles lyriques exécatéet ches Momeignear le prince 
de Conty (Bibliothèque Nationalb : Mana$crit$ français, iS.ogi). 

(2) Jean-Jagqubs Rousseau, Confessions, tome II, p. 4^9. 

(3) C'est ainsi que W^ du DefiFant appelait rentourage du 
Prince : a 3i mai ijSy. Le prince, VIdole et toute leur clique 
reviennent aujourd'hui de Llsle-Adam... ». VIdole c'est Mme de 
Boufflers. 



132 LE PniNGB DE CONTY 

c'est une fôte qu'il veut donner à M. le duc de Chartres à Toc- 
casion de son mariag^e. Le sujet est Arîanne abandonnée par 
Thésée dans Ttle de Naxos; elle y a trouvé Bacchus, et elle 
suit le conseil de M^^^ Antier, médiocre actrice, à qui on 
disait, en lui faisant répéter le rôle d'une amante abandon- 
née : a Qu'est-ce que vous feriez. Mademoiselle, si vous vous 
trouviez dans cette situation, si votre amant vous quittait ». 
— « Ce que je ferais? j'en prendrais un autre ». Jugez des 
talents de cette actrice et jugez de l'intérêt dont sera le drame 
de Sa Majesté polonaise (i). 

En 1770, Jean^acques Rousseau revenu du Dau- 
phiné à Paris, avant de remettre au directeur de 
l'Opéra la partition d'une œuvre nouvelle intitulée Les 
Neuf Muses, en fit faire par Torchestre et par les chan- 
teurs du prince de Conty une répétition au Temple. 
Epreuve après laquelle on décida que la pièce n'était 
pas jouable, et jugement que Rousseau ne pardonna 
jamais à M""* de Boufflers (2). 

Nous aurions voulu reconstituer cet orchestre et 
cette troupe lyrique qui passaient pour les meilleurs 
de Paris (3). Nous avons dû renoncer devant la diffi- 
culté de la tâche. Cependant nous avons retrouvé 
quelques-uns des principaux exécutants. Le batteur 
de mesure était Jean-Claude Trial, frère du chanteur. 
En même temps qu'il dirigeait la musique du Prince, 
il était chef du pupitre des violons à l'Opéra-Comique. 
En 1767, il quitta le Temple, appelé avec Berton à la 

(i) M"*» DU Dbffant, Correspondance f tome I, p. 558 (Lettre du 
1er avril 1769). 

(2) GrAgoirb, Les gloires de f Opéra, tome III, p. 338. — Gré- 
goire dit que Rousseau u qui habitait en Suisse, vint à Paris au 
mois de décembre 1768 » soumettre cette pièce au directeur de 
l'Opéra. Mais il y a évidemment erreur. Rousseau après son 
séjour à Trye, chez le prince de Conty, ne retourna pas en Suisse 
et il ne revint à Paris qu'en 1770. 

(3) « Le prince de Conty n'allait point en cour. II se consolait 
dans son exil avec sa tendre marquise [comtesse] de Boufflers et 
avec son orchestre, an des meilleurs et de» plus complets qu'on 
puisse voir » (Les faste* de Louis XV, tome I, p. lxxxvui). 



LB PRINCB DB GONTT 133 

direction de TOpéra. II mourut subitement en 1771, 
âgé de trente-neuf ans seulement. Outre ses opéras, 
ses ouvertures. Trial laissa divers morceaux de musi- 
que instrumentale et des cantates^ spécialement com- 
posés pour les concerts du Prince (i). 

Le maître de clavecin était Jean Schobert et le chef 
des violons Pierre Vachon. Les violoncelles étaient 
Janson, Jacques Duport et Joseph Fillière, auteur 
d'une suite de six sonates pour cet instrument. Nous 
avons les noms de trois des clarinettes : Charles Du- 
port, Gaspard et Fliéger, et de l'un des premiers 
hautbois : Provers. Les cors étaient tenus par Heina 
et Schenker ; la fille de ce dernier, âgée en 1766 de 
treize ans, était première harpiste {2). Citons encore 
Kohault, joueur de luth, D'Héricourt et Antoine Gro- 
nemann qui se qualifient : « ordinaires de Mgr le 
prince de Gonty ». Sont-ce des instrumentistes ou des 
chanteurs ? A l'Opéra, ce terme d'ordinaires désignait 
les artistes du chant. 

Mais le Prince employait aussi ceux qu'on pourrait 
nommer ses « extraordinaires », des célébrités, atta- 
chées à divers théâtres et qu'il pensionnait pour les 
avoir toujours à sa disposition. C'est lui qui, en 1762, 
appela d'Aix à Paris Antoine Trial, qui devait se faire 
à l'Opéra-Comique une telle réputation que son nom 
resterait attaché au genre créé par lui, celui des 
ténors comiques (3). Trial manquait peut-être d'argent 

(i) Contj fit à la veuve de Trial, née Caubet, une rente via- 
gère de 5.000 livres {Registre Manscourty rente iSy). 

(2) Ces noms sont recueillis, partie dans la Gazette du temps, 
partie dans Les gloires de V Opéra, de Grég'oire ; mais surtout dans 
un factum judiciaire intitulé: Mémoire pour les sieurs de Peters 
et AfirogliOi associés. Au bureau d'abonnement musical, 1767. 

|3) Antoine Trial, frère de Jean-Claude, ci-dessus nommé, 
naquit à Avignon le i3 octobre 1787. D'abord enfant de chœur à 
l'église cathédrale de son pays, il vint à Paris, pour faire partie 
de la troupe du prince de Gonty. Il débuta en 1764 à la comédie 
Italienne (Opéra -comique) par le rôle de Bastien dans le Sorcier, 
de Philidor. 

« Bon musicien, acteur intelligent et plein de finesse, il snt 



134 LB PRINCE DE CONTT 

pour son voyage ; il s'en procura par un moyen peu 
délicat. Témoin cette lettre adressée à Gonty par le 
secrétariat de la maison du Roi : 



A Monseigneur le prince de Conty 

2g Juin ij62, — Aussitôt que Votre Altesse Sérénîssime 
m'eut fait coonoître le dessein où elle étoit d'avoir le sieur 
Trial, musicien du concert d'Aix, j'écrivis à M. le duc de Vil- 
larspour qu'il lui ordonnât de se rendre icj. M. le duc de Vil- 
lars me répondit sur la fin du mois d'avril que ce chanteur 
étoit la seule haute-contre qu'eût le concert, et qu'il tomberoit 
totalement si on la lui ôtoit sur-le-champ. Il me proposa en 
conséquence de différer son départ jusqu'à ce que le concert 
se fût pourvu d'un sujet pour le remplacer. Je viens de rece- 
voir une nouvelle lettre de M. le duc de Villars que le sieur 
Trial, après s'être fait payer 4o écus d'avance sur ses appoin- 
tements, comme s'il eût voulu rester, étoit ensuite parti furti- 
vement. Je suis persuadé que Votre Altesse Sérénissime n'ap- 
prouvera point une pareille conduite et qu'EUe voudra bien 
donner des ordres à ce chanteur pour l'obliger à restituer une 
somme qu'il s'est procurée par une voie répréhensible et qui 
ne lui appartient point (i). 

faire oublier les défauts de sa voix (g^rèle et nasillarde, et créa en 
France aux applaudissements du public, Temploi de chanteurs 
sans voix auquel il a donné son nom dans TOpéra-coroique. Cet 
emploi qui appartient au ténor, a été conservé dans presque tou- 
tes les pièces de ce genre de spectacle pendant plus de soixante 
ans » (FÉTis, Dictionnaire des masicienst tome III, p. 255). 

« Trial, qui devait laisser son nom à l'emploi des paysans 
niais et des valets imbéciles où il excellait, s'imagina, dans le 
principe, qu'il pouvait remplir les rôles d'amoureux, auxquels 
son physique avantajiçeux semblait le désiis^ner. Grimm assure 
qu'il y était détestable. Il dit à propos des Péchet/rs, un acte de 
La Salle, musique de Gossec : « Il y a un certain Trial qui double 
Clairval dans les rôles d'amoureux et qui, à lui tout seul, seroît 
capable de faire tomber la meilleure pièce ». Trois ans après, il 
dit encore : « Ce M. Trial est fort médiocre comédien ; il a une 
voix que je ne puis souffrir : mais il est d'ailleurs fort beau 
garçon et il est bon musicien » (E. Campàrdon, Les comédiens da 
Roi de la troape italienne, tome II, p. 170). 

(i) Archives Nationales : Maison da Roi, Dépèches du Secré- 
tariat ; 0',458. 



LE PRINCE DE CONTY 135 

Une autre artiste notable des concerts du Tem- 
ple fut, vers i76i,M"« Lemierre, de TOpéra.Le Prince 
qui avait été son amant, lui donnait mille écus de 
traitement (i). M"« Lemierre ayant épousé son cama- 
rade Larrivée, du même théâtre, et voulant lui rester 
fidèle, prit pour se libérer des assiduités du Prince le 
prétexte qu'on n'avait pas invité son mari à souper, 
certain soir qu'on Tavait demandée (a). 

A côté de M*ïc Lemierre, brillait M"« Fel, ancienne 
cantatrice de TOpéra ; aussi noire et courtaude que 
Lemierre était blonde et élancée, aussi laide que sa 
rivale était jolie. Cependant, malgré son âge (elle 
était de lyiS), Grîmm soupirait encore pour Fel, et 
son amant, le poète Cahusac, secrétaire des comman- 
dements du comte de Clermont, était fort jaloux de 
ses charmes (3). 

A noter aussi la demoiselle Billion!, de la Comédie- 
Italienne, cantatrice et danseuse, qui avait débuté à 
douze ans et que les théâtres privés se disputaient 
pour la grâce de son chant et de ses pas (4). La pro* 

(i) C'est du moins le chi£Fre que fixent les rapports de police. 
Mais nous savons, d'une source plus sûre, que M^^ Lemierre, 
touchait en outre sur la cassette du Prince une rente de 
3.000 livres. Le registre manuscrit des Comptes de Manscourt^ 
trésorier de la succession du prince de Conty^ prouve que 
M^ Lemierre, femme Larrîvée, émargeait encore pour cette 
somme, en 1780, au chapitre 10 de la Dépense (Rentes viagères), 
article 180. 

(2) Mémoires secrets, tome I, p. 244* 

(3) M"* Fel, née à Bordeaux, le 24 octobre lyiS, débuta a 
l'Opéra en 1733. La Tour, qui fut son amant, a laissé d'elle un 
portrait fameux. Elle mourut après 1789. 

(4) Catherine-Ursule Bussa, femme Billion dite Billioni, était 
née à Nancy en 1761. Elle débuta dans de petits rôles et épousa 
à quinze ans le sieur Billion, maître de ballet à l'Opéra-Comique 
et à la Comédie-Italienne. Son succès devint si grand comme 
cantatrice qu'elle dut abandonner la danse en 1771 pour chanter 
aux Concerts spirituels. Le Roi lui accorda i.ooo livres de gra- 
tification. Elle était la maîtresse du chanteur Clairval et la fin 
de sa vie fut assez incidentée. Elle mourut le 19 juin 1783 
(Voyez : Péris, Dictionnaire de^ musiciens, tome I, p. 91 et Gré- 
GoiRB^ Les gloires de V Opéra, tome III, p. 93). 



136 LB PRINCE DB CONTT 

tection du Prince la suivit au théâtre et M. Papillon 
de Là Ferté, intendant des Menus, eut à subir à diver- 
ses reprises, des recommandations impérieuses récla- 
mant pour elle de l'avancement (i). 

Par rengagement de M"® Lemierre, par celui d'An- 
toine Trial, nous connaissons la date, au moins 
approximative, du début des spectacles périodiques 
au Temple. Ils commencèrent vers 1761. Nous igno- 
rons quand ils prirent fin exactement. Mais nous 
pouvons affirmer qu'ils se soutenaient en 1768. Le 
lundi 2 mai de cette année, le concert habituel fut 
remplacé, vu les conjonctures douloureuses où se 
trouvait la Cour — la maladie de langueur de la 
Reine — par une fête à huis-clos en l'honneur de 
Mademoiselle. Six personnes seulement y assis- 
taient. On représenta V Impromptu de campagne^ de 
Poisson, et le jeune duc de Chartres, dans le rôle 
du père, fit beaucoup rire sa sœur par les bouffonne- 
ries qu'il mêlait à son jeu (a). La répétition sans suc- 
cès des Neuf Muses de Jean-Jacques prouve qu'en 
1770 ils duraient encore. 

Vraisemblablement, les concerts du palais prieural 
furent supprimés en 1771 par mesure d'économie. Le 
nombre des maîtresses que le Prince entretenait dans 
le ballet de l'Opéra lui imposait ce retranchement. 
Un libelliste, en nous apprenant que Conty vient de 
rayer douze de ces demoiselles de l'état de sa 
dépense, ajoute : « Le Prince a eu effectivement la 
magnificence d'avoir douze pensionnaires à TOpéra, 
ce qui tauait décidé à renoncer à sa musique et à ses 
grands soupers pour soutenir cette dépense, dont il 
s'est enfin soulagé comme de tout le reste » (3). 



(i) Voyez : Journal de Papillon de la Ferté^ p. 245 et p. 296. 

(2) Mémoires secrets, tome IV, p. 25. 

(3) [Thévbnbau db Morandb], Le Philosophe cynique, p. 82 (en 
note). 



V 

L'I sic- Adam 



Le prince de CSoniy, propriétaire. — Ses acquisitions, ses écban^s. — 
Embellissement et agrandissement de L*Isle~Adam. — Le château, 
ses dépendances. — Les plaisirs de la campagne. — M. de Cbau vé- 
lin, poète, et M. de Pont-de-Veyle, paradiste. — • Quelques anecdotes. 
— Le t père Prince ». 



LE prince de Conty fut grand terrien et grand bâtis- 
seur. Héritier de biens-fonds un peu dispersés, il 
s'assigna comme tâche l'agrandissement progressif, 
par des acquisitions^ par des échanges répétés, du 
principal de ces domaines. Nous voulons parler de sa 
châtellenie de L'Isle-Adam, sur les confins du Vexin et 
du Beauvaisis. 

C'est que L'Isle-Adam était, pour le Prince, la terre 
des ancêtres par excellence. Tous ses autres biens : les 
hôtels de Conty à Paris, à Versailles, à Fontainebleau, 
les châteaux d'Issy près Paris, d'Ivry et de Garenne en 
Normandie, le duché de Mercœur, les domaines de 
Trye, de Beauchamps, etc., n'étaient venus que suc- 
cessivement grossir la chevance familiale. L'IsIe- 
Adam, au contraire, était comme le berceau des 
Conty. Après avoir appartenu à la famille de L'Isle- 
Adam qui avait ajouté à son nom patronymique celui 



138 LB PRINCB DE CONTT 

de sa terre ; après être passée aux mains des Villîers 
qui devinrent les Villiers-de-L'Isle-Adam, celte châ- 
tellenie était la propriété des Montmorency lorsque 
le maréchal de ce nom fut, en i632, condamné à la 
peine capitale par arrêt du Parlement de Toulouse, 
pour s'être révolté avec Gaston d'Orléans. Ses terres 
furent confisquées et mises à la disposition du Roi. 
Mais, en considération des services rendus à la cou- 
ronne par la maison de Montmorency, Louis XIII 
(lettres patentes du mois de mars i633), attribua les 
biens du décapité à la princesse de Condé, aux du- 
chesses d'Angoulême et de Ventadour, sœurs du 
maréchal. Â la princesse de Condé et à son mari échut 
L'Isle-Adam. 

Du mariage de cette Charlotte de Montmorency avec 
Henri de Bourbon, prince de Condé, naquirent Louis 
(le grand Condé), Armand, future tige delà branche 
de Conty et Anne-Geneviève, future duchesse de Lon- 
guevillc Lors du partage de la succession d'Henri 
de Condé, en i65i, les domaines de L'Isle-Adam allè- 
rent au dit Armand, prince de Conty. Depuis, ils 
n'étaient plus sortis de la famille et s'étaient même 
embellis et arrondis. 

Louis-François entra en possession de Llsle-Adam 
au décès de son père (1727), mais il ne put mettre à 
exécution son plan d'annexions systématiques avant 
1745. Rappelons-nous qu'il se débattit dans les dettes 
jusqu'à rheure où il posséda la faveur du Roi pour 
ses services militaires. Cependant, dès 1734» il échan- 
geait avec le prince de Condé ses principautés d'Ar- 
ches et d'Arleville et le tiers de sa baronie d'Ivry, con- 
tre la propriété de la basse-forêt d'Enghien et tous les 
droits sur Presiés, Péroles, Nerville et Villiers-Adam. 

En 1745, le Prince, qui commençait à sortir de ses 
embarras financiers, réunit à ses domaines de L'Isle- 
Adam : 1° la terre de Presles ; 2° le fief de Coursel ; 
3» le fief Du Val Saint-Germain ; 4° le fief de Phi- 
lippe de Beloy, à Nerville ; 5® la terre de Moure ; 
6^ celle de Nointelle dont le château et la plus grande 



LB PRINCE DE CONTY 139 

partie des terres furent dans la suite échangés par lui 
avec M. Bergerel, fermier général, contre un hôtel et 
une ferme à Nogent (i). 

En 1746, il acquit la terre du Mesnil-Sainte-Hono- 
rine, les fiefs et marais du Mesnil-Saint-Denis et moi- 
tié du fief du maréchal d'Armentières. La même 
année Conty acheta t i® du marquis de Verderonne 
le château de Stors, avec les fiefs du Grand-Moulin, 
par la suite donnés en échange aux Feuillants ; les 
fiefs de Grant; neuf arpents de pré à Stors; 2^ un fief 
de deux cents arpents de bois de la Grande-Vente, 
situés en la forêt de UIsle-Adam ; 3° le fief de Palois- 
d'Aunay, à la basse forêt; 4® le fief Crochard, à 
Nogent; 5® le fief de Gorfontaine, de douze arpents, 
situé dans le potager de L'Isle-Adam ; le fief de Bour- 
nonvilliers, d'Escalpont, à Valmondois ; 6® le fief 
Brabant, à Hérouville, Villiers-Adam, Nointelle et 
Carnelle. 

En 1747» Conty céda au Roi ses terres d'Ivry et de 
Garennes en Normandie, en échange de plusieurs 
domaines de la couronne^ d'un revenu équivalent. Cet 
échange, autorisé par arrêt du Conseil d'Etat du 
19 août 1747? était contracté à titre héréditaire et 
perpétuel (u). L'acte, passé le 19 septembre devant 
M®* Jourdain et Brouard, notaires à Paris, par les 
commissaires du Roi et par les délégués du Prince, 
fut ratifié le jour même à L'IsIe-Adam par Conty en 
personne. 

Le Roi transportait au Prince le domaine et comté 
de Beaumont ; le domaine de Ghaumonl-en-Vexin, 
avec i.ooo livres de baliveaux; la terre, justice et 



(i) Primitivement le oom de L'Isle-Adam désignait seulement 
les deux tles sur TOise. Le village de la rive gauche se nommait 
Nogent, à l'exemple de quantités de hameaux du bord des riviè- 
res (Nogent-sur-Seine, Nogent sur-Marne, elc) Longtemps après 
que L*Isle-Adam eut englobé Nogent, on continua dans le pays à 
appeler Nogent la partie de TIslc-Adam bâtie en terre ferme. 

(2) Archives Nationales : Chambre des Comptes^ P 1870, 2o4o, 
2043. 



140 LE PRINCB DB GONTY 

seigneurie de Chambly ; le domaine et comté de Péze- 
nas, en Languedoc ; le domaine et comté de Bagnols, 
en Languedoc ; le domaine de Pontoise ; les domai- 
nes de Mantes et de Meulan. 

Ces divers biens étaient estimés ensemble d^un re- 
venu de 4<*56a livres ; les terres dlvry et de Garennes 
étant estimées d'un revenu de 43.ooo livres, les bali- 
veaux de Chaumont et ceux de Chambly formaient le 
supplément de la somme (i). Les lettres patentes de 
Louis XV homologuant cet échange ne furent enre- 
gistrées au baillage de Senlis que près de deux ans 
plus tard, le 17 mars 1749* Au duc de Bouillon qui 
était seigneur engagisle de Pontoise, 60.000 livres 
furent comptées comme indemnité (2). Conty lui 



(i) Musée Tavbt, à Pontoise : Mantucrits, liasse do i25o. Oq y 
trouve encore cette note, relative aux baliveaux dont s'agit : 

« Le comté de Beaumont était, depuis le i4 novembre lyoS, la 
propriété des Conty. Le Grand Conty l'avait, à cette date, acheté 
à la veuve du maréchal La Motte-Houdancourt (née Louise de 
Prie, duchesse de Cardonne), gouvernante des Enfants de France, 
vente consentie moyennant 25.4oo livres, dont 4-ooo livres au 
comptant. Mais Conty ne jouissait pas des 5oo livres annaelles 
des coupes de baliveaux et le roi ne l'avait pas confirmé dans son 
titre de seijs^neur engagiste, dont, en fait, d'ailleurs, en sa qua- 
lité de propriétaire et seigneur, il exerçait tous les droits. C'est 
pourquoi lorsque son petit-fils, Louis François, traita avec 
Louis XV réchange du 19 septembre 1747. les 5oo livres de bali- 
veaux du comté de Beaumont furent ajoutés aux i.ooo livres, ou 
environ, de baliveaux du comté de Chambly, pour parfaire au 
profit de Conty l'équivalence, quant aux revenus, de ce que 
cédait le Boî, avec ce que cédait le Prince, qui en valait un peu 
plus ». 

(2) Il y avait prés de deux siècles que ce domaine de Pontoise 
avait été détaché de celui de la couronne par Henri III, pour 
composer l'apanage du duc d'Anjou, son frère. Celui ci l'avait 
engagé par la suite à Nicolas Aublin. sieur de Fravelles, moyen- 
nant une somme de six mille écus-sols, et à la charge d'entrete- 
nir les lieux domaniaux et de faire, au château de Pontoise, les 
menues réparations nécessaires. Ces domaines, terres et châtel- 
lenie, avaient passé successivement à Charles Neuville de Vil- 
leroy, baron d'Alincourt, gouverneur de Pontoise ; aux cardinaux 
de Joyeuse et de Richelieu ; à Marie-Thérèse Vignerot, duchesse 



LE PRINCE DE CONTT 141 

acheta en outre, pour loo.ooo livres, le château de 
Saint-Martin de Pontoise, qui en avait coûté près de 
1.800.000 à son premier propriétaire, le cardinal de 
Bouillon (i). Cette demeure, infiniment plus vaste 
que le château de L'isle-Adam, passait pour une mer- 
veille. V Enfant Rouge en avait fait un palais digne 
d'être mis en parallèle avec Versailles. Le jardin 
était un des plus beaux de l'Europe. Le fameux Le 
Nôtre en avait tracé les plans. Bassins, jets d'eau, 
terrasses, pelouses, bouling'rins^ labyrinthes, oran- 
gerie, parterres fleuris, allées plantées d'essences 
rares, rien n'y manquait. Ainsi qu'il est dit plus 
haut, le cardinal y avait dépensé 600.000 écus, chif- 
re presque incroyable à une époque où le salaire des 
ouvriers variait de huit à dix sols par jour. 

En 1760, le prince de Conty acheta le Chenil-au- 
Daim, ainsi qu'un jardin et une maison, à Anvers. A 
la fin de la même année, il hérita de sa tante, Louise- 
Adélaïde, princesse de La Roche-sur-Yon. Elle le 
faisait son légataire universel, avec substitution au 
profit du comte de La Marche, son petit-neveu ; elle 
avait toutefois réservé un legs assez considérable à 
sa nièce, la duchesse de Chartres. La défunte, entre 
autres biens, possédait un bel hôtel à Paris, quai des 



d'AiguilloQ ; enfin au cardinal de Bouillon et à ses héritiers. 
(Abbé Trou, Recherches historiques sur la ville de Pontoise^ 

p. 299)- 

(i) Ëmmanuel-Théodose de la Tour, duc de Bouillon, neveu de 
Turenne, né en i643, mort en 1716. Cardinal à vingt-cinq ans et, 
pour ce, surnommé a TenfaDt rouge », grand aumônier de 
France, pourvu des abbayes de Cluny. deSaint-Ouen de Rouen, de 
Saint- Waast d'Arras, de Tournus et de Saint-Martin de Pontoise. 
— Sort lamentable : il ne devait pas jouir de ce palais de Saint- 
Martin, édifié à si gros frais. Exilé par le Roi dans son abbaye de 
Tournus, au retour d'une ambassade à Rome, il ne put obtenir 
son rappel et se décida à aller vivre dans les Pays-Bas, puis à 
Rome, où il mourut. — Un beau portrait de ce prince de l'Eglise, 
attribué à Mignard, mais malheureusement restauré, se voit au 
Musée Tavet, à Pontoise. 



142 LB PRINCB DB CONTY 

Théatins (i) ; une terre dans le Perche, à Sénonches, 
qui valait 60.000 livres de rentes à cause de la forêt et 
des forges; enfin le château de Vauréal, bâti sur la 
rive droite de TOise, en aval de Pontoise, et pour 
rembellissemenl duquel elle avait sacrifié plus d'un 
million de livres (2). 

En 1751, comme il manquait de finance pour toutes 
ses acquisitions, Conty, devenu grand prieur, vendit 
à la Ville de Paris Thôtel de Conty où il était né. Il 
était question depuis longtemps de cette vente. Bar- 
bier en fait mention dans son Journal dès le mois 
d'août 1749* On ne savait pas positivement le prix : 
on disait de 1.600.000 à 1.800.000 livres, dont moitié 
au Prince, pour payer ses créanciers et moitié â la 
duchesse de Chartres, sa sœur (3). Ce dont on était 
sûr, en revanche, c'était de la destination du terrain : 
on y bâtirait un Hôtel -de- Ville. La cession ne fut 
définitive qu'au mois de décembre 1751. Le marquis 
d'Argenson apprit la nouvelle par le duc de Gesvres : 



ig janvier lyôs, — Le duc de Gesvres m'a dit que le con- 
trat de vente de Thôtel de Cooty étoit signé ; que la Ville 
alloit payer ce mois-ci Soo.ooo livres au prince de Conty et lui 
feroit 5o.ooo livres de rente... Après cela, Ton va démolir 
l'hôtel de Conty, en vendre les matériaux, puis choisir et 
mettre à exécution les dessins pour le nouvel Hôtel-de-Ville, 
ce qui coûtera quantité de millions dans un tems où il y a 
grande pénurie. Mais M. le prince de Conty a insisté avec 
brigue et menaces pour qu'on prtt sa maison si cher, ce qui 
embarque dans ce dédale d entreprises (4). 



(i) Cet hôtel fut démoli vers 1860; il était au n<^ 11 du quai 
Maiaquais actuel. 

(a) Barbier, Journal, tome III, p. 184. 

(3) Bàrbibr, Journal, tome III p. 98. 

(4) Marquis d'Argenson, Journal et Mémoires^ tome VII, p. 78. 
— En janvier 1764, une facétie sur les « log-ements des seig-neurs 
de la Cour » log'eait le prince de Conty : Quai de la Misère, oit- 
à- vis la Caisse des Emprunts (Bibl. Nationale : Manuscrits fran- 
çaisy 10.479). 



LE PRINCE DE CONTT !4B 

On ne donna pas saite au projet de construire sur 
cet emplacement un Hôtel de- Ville. On renonça éga- 
lement à y établir la Comédie-Française, comme il en 
en avait été un instant question. L'hôtel de Conty 
resta sans destination jusqu'en lySS, que le garde- 
meuble de la couronne y fut transféré. L'hôtel fut 
démoli en 1768 et on éleva à cette place THôtel des 
Monnaies. 

En janvier 1755, le prince de Conty s'employa à 
retirer au Roi la principauté d'Orange, son bien. Il 
prétendait en eiFet que le Roi ne se Tétait appropriée 
que pour examiner ses droits, dix ans après sa majo- 
rité ; il affirmait surtout que le Roi ne lui avait payé 
jusque-là ni intérêt ni principal. Les réclamations de 
Conty étaient fondées, puisqu'au mois de juillet de la 
même année, le marquis d'Argenson consignait dans 
son Journaly avec sa mauvaise foi ordinaire : 

s juillet iy55. — Le Roi vient de donner i.5oo.ooo livres 
au prince de Conty pour payer ses dettes entièrement. Le 
prétexte en a été le prétendu tort qu'on a fait à ce prince sur 
la vente d'Orange au Roi. Les commissaires ne l'ont fait 
monter qu'à un million, mais le Roi y a ajouté de sa grâce 
5oo.ooo livres pour l'achèvement de Tacquittement de ses 
dettes (1). 

Comment^ à quel titre, le prince de Conty se pré- 
tendait-il prince d'Orange ? Après avoir appartenu 
pendant cent cinquante ans aux Chaalons, princes de 
Neufchâtel, dont Tun avait épousé en i386, la fille 
unique de Raymond V^ dernier prince d'Orange, la 
principauté était échue par héritage, en i53o, à René 
de Nassau, neveu de Philibert de Chaalons, mort sans 
enfants. Depuis lors, elle était restée dans la maison 
de Nassau. En 1608, le prince Philippe-Guillaume de 
Nassau, époux de mademoiselle de Bourbon, ayant fait 
son entrée dans Orange, le peuple l'acclama et prêta 

(i) Marquis (I^Argbnson^ Journal et Mémoires ^ tome IX, p. 35. 



144 LE PRINCK DE CONTY 

serment qu*il le reconnaissait, lui et ses successeurs, 
pour princes droicturiers et souverains(i). Or, la prin- 
cesse d'Orange-Nassau, veuve en 1618, mourut Tannée 
suivante, instituant pour héritière sa nièce, Anne- 
Geneviève de Bourbon, encore dans les langes. Cette 
nièce devait épouser, quelque vingt ans plus tard, le 
duc de Longueville. La duchesse de Longueville et 
son mari étaient donc en droit princes souverains 
d'Orange. Mais en fait la maison de Nassau n'avait pas 
laissé échapper la principauté et le duc de Longue- 
ville, sans avoir jamais régné sur Orange, décéda en 
i663, laissant ses droits à son fils Jean-Louis-Charles 
d*Orléans, duc de Longueville, qui les transmit par 
testament, en 1694, à François-Louis de Bourbon- 
Conty, son cousin germain et son légataire universel. 
En 1702, à la mort du roi d'Angleterre, Guillaume III, 
dernier prince d'Orange de la maison de Nassau, 
Louis XIV s'empara d'Orange et le grand conseil ren- 
dit un arrêt par lequel il mettait en possession réelle 
et perpétuelle le prince François-Louis de Conty en 
sa qualité de légataire universel du duc de Longue- 
ville. En 1708, Louis XIV proposa au prince de Conty 
de lui acheter Orange par échange. Le contrat fut 
passé le 10 juin 1708; on n'en connatt pas les condi- 
tions. Mais, dans le même temps, le roi de Prusse, 
comme le plus proche héritier du roi d'Angleterre 
par dame Louise de Nassau, électrice de Brande- 
bourg, son aïeule, réclamait ses droits prétendus à la 

(i) Arghivbs Nationales : Papiers des Princes ^ R« 69 et 70. — 
EléoDore de Bourbon, princesse d'Orange, était née le 3o avril 
1887 ; elle avait été mariée au chAteau de Vallery, en i6oô. k 
Philippe Guillaume de Nassau, prince d'Orange ; veuve le 
21 février 1618, elle mourut le 20 janvier 1619, au château de 
Muret. Elle élait la fille de M. le Prince, Henri I*' de Bourbon- 
Condé (i552-i588), et de sa seconde femme Charlotte de La Tré- 
moille. Elle était la sœur, par conséquent, de Henri II de Bour- 
bon Condé (i 588- 1646) lequel, marié en 1609 à Charlotte de 
Montmorency, fut le père du Grand Condé, d*Armand de Bour- 
bon-Conty et de Anne-Geneviève de Bourbon, née en 1619, 
mariée en 1642 à Henri-Louis d'Orléans, duc de Longueville. 



LB PBINCE DE CONTT i45 

principauté. Cette circonstance empêcha sans doute 
l'exécution du contrat. Par le traité d'Utrecht (i7i3), 
Orange revint à la France et^ par lettres patentes du 
mois de juillet 1718, le Roi ordonna que le prince de 
Conty continuerait de jouir en toute propriété des 
droits et revenus de la principauté, Sa Majesté se 
réservant seulement le droit d'hommage et la souve- 
raineté (i). Louis XV, en 1731, désira réunir Orange 
à la couronne. Les ouvertures qui furent faites au 
jeune prince de Conty ayant été accueillies, le Roi 
nomma, par arrêt du conseil du 20 mars 1781, des 
commissaires pour procéder à un échange contre des 
terres et domaines de valeur convenable et pareille. 
Et, jusqu'à ce que ces terres et domaines eussent été 
fournis, Sa Majesté s'engageait à payer annuellement 
au Prince, à compter du i*' janvier 1781, la somme de 
80.000 livres à prendre sur le produit des fermes 
générales. Ces lettres patentes ne furent point expé- 
diées; cependant l'échange continua d'avoir son exé- 
cution jusqu'en avril 1755. C'est à ce moment que 
Conty réclama. Non seulement en efiFet la rente de 
80.000 livres ne représentait pas la valeur réelle 
d'Orange, mais surtout cette rente n'avait jamais été 
payée. Nous avons vu, plus haut comment le Roi 
l'indemnisa par un don de i.5oo.ooo livres (3). En 
1768, on revint à de nouveaux pourparlers d'échange. 
Les commissaires royaux, nommés le i*'^ décembre, 
estimaient la valeur de la principauté d'Orange à 
2.5oo.ooo livres. Ils offraient en retour au Prince les 
droits de péage levés aux lieux de Baix-sur-Baix et 
Perrière (diocèse de Viviers), celui qui se levait en la 
ville de Pont- Saint-Esprit et les droits de leude et de 
vingtain du revenu des moulins de la même ville ; le 

(I et 2) Archiyba Nation ALB8 : Chambres des Comptes, P 2o44* 
(3) En réalité Cooty aurait dû recevoir i .920.000 livres, repré- 
sentant la rente impayée de 80.000 livres pendant 24 ans, de 
1781 à 1755. plus les intérêts de cette somme. On voit de quelle 
partialité fait preuve M. d'Argenson quand il parle de « prétexte » 
et de c< tort prétendu » . 

40 



146 LE PRINCE DE CONTY 

tout, faisant partie du domaine de la couronne, était 
estimé à 720.000 livres. Restait dû par conséquent : 
1.780.000 livres, dont les intérêts au denier ving-t 
étaient de 89.000 livres, que le Roi s'engageait à 
payer au Prince sur le produit des fermes générales à 
compter du i*"" décembre 1768. Conty accepta cette 
proposition (i). 

M. de Paulmy fait erreur quand il écrit dans une 
note consacrée au prince de Conty : «... Ayant vendu 
chèrement au Roi sa principauté de Neufchâtel par le 
moyen de M. de Boullongne, contrôleur général qui 
voulut l'obliger, le Prince paya ses dettes et se mit à 
tenir le plus grand état; etc. » (2). M. de Paulmy con- 
fond certainement avec l'échange de la principauté 
d'Orange. Le prince de Conty était bien souverain en 
droit de la principauté de Neufchâtel, au même titre 
que de celle d'Orange, mais il ne pouvait en disposer, 
n'en ayant pas la possession de fait (3). 

Ci) Archives Nationales : Chambre des Comptes ^ P 2o44. — Le 
document ajoute : « Quelques recherches qui ayent été faites sur 
les registres de la ferme générale, depuis 1758, on n'a trouvé 
sur aucun l'emploi de la somme de 89.000 livres » . 

Cependant la comptabilité du sieur Manscourt, trésorier du 
prince de Conty pendant sa vie, et trésorier de sa succession, 
prouve que la rente fut payée. Au chapitre III, article 5 de la 
Recette du registre de comptes de Manscourt (année 1780) que 
nous avons sous les yeux, il est dit : 

« Rente Orange. — Cette rente étoit originairement de 
89.000 livres. Mais par difiPérents remboursements opérés sur le 
capital depuis 1766 jusques et compris 1776, montant en intérêts 
à la somme de 27.600 livres, la dite rente se trouve réduite à 
61.400 livres ». 

Les remboursements de capital opérés visaient sans doute les 
droits de péage et de leude ci -dessus dits, que Conty rétrocéda 
au Roi le 9 octobre 1770. 

(2) BiBLiOTHÀQUB DB l'Arsbnal : Manoscrîts, 3 119, f. 38. 

(3) La souveraineté de NeufchAtel était entrée en 1394 dans la 
maison de Fribourg^ par le testament d'Isabelle de Neufchâtel en 
faveur de Conrad de Fribourg^, son neveu ; de qui elle passa à 
Jean de Fribourg, neveu du précédent, et après lui, en i457, par 
testament de i45o, à Rodolphe d'Hocberg, auteur de Jeanne 
d'Hocberg^, épouse ^en i5o4) de Louis d'Orléans, duc de Longue- 



LB PRINCE DE CONTY 447 

Contj employa à de nouveaux achats les 720.000 
livres d'argent comptant qu'il avait reçues pour la 
principauté d'Orange : 

En 1*765 et 1766, les terres de Lavogne et de Leyret. 

En 1769, de M. de Brancas, comte de Lauraguais, la 
terre et seigneurie de Franconville; les deux tiers de 
la terre de Baillet ; un fief dont dépendaient quatre 
cent vingt-quatre arpents de bois à la haute forêt de 
Montmorency et quarante et un arpents et demi à 
Carnelle. 

En 1770, le prince vendit au Roi son duché de Mer- 
coeur et sa terre de Sénonches qui valaient ensemble 
aSo.ooo livres de rente, sur le pied du denier trente ; 
il en plaça une partie en rentes viagères pour s'assu- 
rer le même revenu ; du surplus il paya ses dettes (i). 

Enfin en 1776 et même en 1776, l'année de sa mort, 
il achetait la moitié de la terre de Montoglan, à Beth- 
mont; du comte de Balincourt^ la justice sur le ter- 
ville. Cest donc à bon droit qu'Henri-Louis d'Orléans, duc de 
Lon^ueville, plénipotentiaire au traité de Munster en 1648, y 
signait : t prince et comte souverain de Neufchâtel ». A la mort 
de son fils. Jean-Louis-Charles d'Orléans» duc de Longueville, 
en 1694* lequel instituait François-Louis de Bourbon Conty son 
légataire universel, la duchesse de Nemours, sœur de Longueville 
et son héritière ab inteslat, poursuivit la cassation du testament 
qui fut confirmé en 1698. Mais les agents de M^e de Nemours 
s'emparèrent de Neufchâtel, y introduisirent des troupes étrangè- 
res et François-Louis de Conty en fut pour ses protestations. En 
1707, à la mort de la duchesse de Nemours, les agents de l'Elec- 
teur de Brandebourg qui prétendait avoir des droits sur Neuf- 
chAlel, du chef de la maison de Nassau, parvinrent à composer 
un tribunal qui déféra la souveraineté à l'Electeur. Neufchâtel 
était donc, en 17^8, au mains du roi de Prusse quand, au moment 
des conférences d'Aix-la-Chapelle, notre Conty produisit un 
mémoire pour conserver les droits qu'il tenait de son aïeul. 
Mais cette réclamation resta vaine. Nous ne trouvons aux Archi- 
ves Nationales (Maison Royale, K 549 et 55o, Succession de 
Neufchâtel) aucune pièce diplomatique postérieure à 1727, sauf 
le Mémoire imprimé présenté par Conty au Congrès d'Aix-la- 
Chapelle, mémoire d'après lequel nous avons résumé l'exposé 
ci -dessus. 

(i) Mme DU Dkffànd. Correspondance, tome II, p. 69. 



148 LE PRINCE DE CONTY 

roir de Verville et les fiefs des bois des Fonds de Nêle. 

Tout cela, sans préjudice de nombre d'acquisitions 
ou échanges moins importants, pour opérer des per- 
cements de routes et avenues. 

Ainsi qu'il est facile de le vérifier sur une carte un 
peu détaillée du Vexin, tous les achats du Prince con- 
verg^ent vers L'Isle-Adam ; et s'il pousse des pointes 
de divers côtés, c'est dans l'espoir de souder un jour 
ces parcelles lointaines au noyau central par des mar- 
chés nouveaux, pour former un immense terroir d'un 
seul tenant, sur les deux rives de l'Oise, avec point 
de jonction au château, dans l'tle que sa prédilection 
a choisie comme résidence d'été. 

L'Isle-Âdam, au dix-huitième siècle, rt'était point 
la coquette petile ville d'aujourd'hui. C'était un sim- 
ple hameau sur (a rive gauche de TOise, en face d'un 
autre hameau, Parmains, sur la rive droite, qui appar- 
tenait au même seigneur. Son papier terrier s'il exis- 
tait encore, révélerait que les trois quarts des habi- 
tants de L'Isle-Adam étaient les serviteurs du Prince 
châtelain. Du château vivait le pays (i). 

L'Oise à cet endroit se divise en trois bras, baignant 
deux îles, Tune étroite et longue, celle du Prieuré, 
l'autre, presque ronde, dite tie de la Cohue. C'est dans 
rtle du Prieuré qu'était bâti le château des Conty et, 
pour ce, on l'appelait communément : île du château. 
Trois ponts publics réunissaient les deux bords de la 
rivière : le pont du Moulin, entre Parmains et l'île du 
Prieuré, ainsi nommé parce qu'un moulin en occu- 
pait la partie de droite ; le Grand-Pont ou pont de la 
Cohue, entre le Prieuré et la Cohue; le pontCabouillet 
entre la Cohue et l'unique rue qui constituait alors le 
bourg de L'Isle-Âdam. Un quatrième pont, celui-ci 
privé, mettait en communication la cour d'honneur 

(i) Depuis cent cinquante ans, la population a tout juste décu- 
plé. Elle était de 364 habitants en 1726; de i.54a, en i836 ; de 
3.639, au dernier recensement (1906). 



LE PRINGB DE CONTT 149 

du château et la rive droite, par dessus le bras du 
Moulin ; ce pont, tout en bois, à tablier mobile, était 
baptisé le pont Yen, sans doute à cause de la couleur 
dont la mousse et Thumidité avaient badigeonné ses 
pilotis (i). 

Le château, nous l'avons dit, était construit dans 
rtle du Prieuré dont il tenait, avec ses dépendances, 
toute Textrémilé nord, depuis le bec en maçonnerie 
opposé à la violence des eaux de TOise jusqu'à la 
route coupant les deux îles, dans Taxe des trois ponts. 
Sur celte roule, une grande grille en fer ouvragé, de 
vingt toises et demie, appuyait ses bouts à deux pavil- 
lons de vingt-quatre pieds de face chacun (2). Elle 
ouvrait sur une avant-cour large de trente toises, de 
Fun à l'autre parapet, et longue de vingt-huit. Pour 
passer de l'avant-cour dans la cour d'honneur, il fal- 
lait franchir un petit pont tournant, jeté sur un fossé 
large desix toises elqu'alimentaitTeau de la ri vière(3). 
La cour d'honneur, enfin, prise de la tête de l'île 
jusqu'au petit pont entre-cours, mesurait quarante- 
quatre toises de long sur quatorze de large. 

A droite, en entrant dans la cour, le château, de 
forme barlongue, avec pavillons au nord et au sud. Sa 
façade orientale, regardant L'Isle-Adam, était au bord 

(i) Il ne reste presque rien de ce pont, dont les culées exis- 
taient encore en 1904. Celle du cdté de Parmains a été détruite 
à cette époque pour des travaux de canalisation ; celle du côté 
de nie subsiste, mais très déformée par les réparations 
(Denise, Etades historiques sar UIste~Adam, p iSg). — Le pont 
du Moulin présente un tout autre aspect ; il a été reconstruit 
sous le régne de Louis-Philippe. Quant au Grand'Pont ou pont 
de la Cohue, que surmontait une croix de pierre et que déco- 
raient les armes des Conty, il a été détruit par la mine en 1870 
pour arrêter quelques heures Tinvasion allemande. Après la 
guerre, il fut remplacée par un pont de fer ([Abbé Ghimot], ffis^ 
toire de LIsle-Adam^ p. 4o). 

(a) Rappelons que le pied valait environ 33 centimètres et que 
la toise valait 6 pieds, soit environ a mètres. 

(3) Ce pont tournant fut remplacé en 1777 par un pont de 
pierre, fixe, d'une seule arche ; il a aujourd'hui complètement 
disparu, ainsi que le fossé. 



150 LE PRINCE DE CONTT 

même de TOise. Elle comprenait : les sous-sols, amé- 
nagés en salles de bains qui s'ouvraient sur une ter- 
rasse longeant la rivière ; le rez de chaussée et trois 
étages ; Ton y comptait soixante-quinze fenêtres ou 
portes. La façade occidentale, regardant Parmains^ 
donnait de plain-pied sur la cour ; elle n'était éclairée 
que par soixante fenêtres ou baies, à cause des sous- 
sols en moins. Le bâtiment mesurait vingt-huit toises 
de face sur sept toises et demie de profondeur, au droit 
des pavillons ; le péristyle, neuf pieds d'arrière-corps, 
et deux pieds sept pouces du côté de la rivière. Comme 
hauteur, treize toises el demie, de la terrasse du bord 
de Teau au faîtage ; trois toises de moins du côté de 
la cour (i). 

Des fenêtres du château, la vue était superbe. Elle 
était bornée au couchant par une chaîne de hautes col- 
lines; par le hameau de Parmains; le grand parc, de 
quatre-vingts arpents; les potagers, de seize arpents, 
et le Petit Château, élevé sur la rive droite en face du 
pont Vert (2). Au nord, Pœil remontait le cours de 
l'Oise jusqu^à l'île de Champagne. Au levant, il décou- 
vrait la basse forêt, les Maisons-Neuves et, plus à 
.droite, l'église et le bourg de L'Isle-Adam. Au midi, 
c'était l'île du Prieuré, boisée, mais percée d'une large 
avenue qui laissait apercevoir la rivière aux bords 
pittoresques et, dans le lointain, de belles prairies se 
prolongeant jusqu'au château de Stors (3). 

(i) Il D9 reste rien de ce palais. La grande terrasse du bord 
de l'eau a existé jusqu^en igoS ; depuis, on Ta supprimée pour 
rélarg^issement de la rivière, sauf une petite bordure. De l'an- 
cienne construction, il ne subsiste que les sous-sols, en majeure 
partie comblés et dont les ouvertures ont été murées. Ces murail- 
les font partie de la clôture de la propriété. Le château actuel, 
brûlé en 1870 et restauré, est une bâtisse moderne qui ne rap- 
pelle en rien la somptueuse demeure des Conty. 

(2) Ce « petit château » est aujourd'hui, parait il, la mairie de 
Parmains. 

(3) Toutes ces descriptions, si précises, sont empruntées par 
nous à l'ouvrage de l'architecte André : Chronologie des Seignears 
de VIsle-Adam ; passim. 



LB PRINCE DE CONTT 151 

Le rez-de-chaussée du château était affecté aux 
appartements du Prince. C'est là qu'étaient sa chambre 
à coucher, pièce à alcôve s'éclairant sur la rivière par 
deux croisées; le salon de compagnie, la salle à man- 
ger. Chaque étage était divisé en huit chambres, don- 
nant toutes sur la rivière et dont les portes, numéro- 
tées comme celles d'une hôtellerie, s'alignaient au long 
d'un couloir ayant vue sur la cour (i). C^étaient les 
logements des amis, toujours nombreux à Llsle-Adam 
dans la belle saison. 

Au Petit Château, sur la rive droite^ était la salle 
des jeux ; l'inventaire qu*on en fit à la mort du Prince, 
énumère trois tables de tric-trac à pieds, complètes; 
une autre pliante, en cuir; un jeu de galets, sur son 
pied, avec ses galets en ivoire; un quillet chinois, un 
jeu de roulette, un jeu de portique, un jeu de tonneau 
avec ses palets, un jeu de trou-madame avec ses bil- 
les, etc. Il y en avait pour tous les goûts. Mais on 
couchait aussi au Petit Château et les chambres y 
étaient fort élégantes, avec leurs lits de damas bleu 
galonné d'argent ou garnis de broderie des Indes. 

Un autre « en cas » pour les jours de réception nom- 
breuse était ménagé sur la rive gauche, au bout du 
pont Cabouillet. C'était Fhôtel Bergeret, que le Prince 
avait acheté de ce fermier général pour y installer sa 
capitainerie, mais où il s'était réservé pour lui-même 
un appartement à coucher donnant sur les jardins et^ 
pour ses invités, plusieurs autres logements numéro- 
tés, tels ceux du château. 

L'hospitalité à L'Isle-Adam était fastueuse et libé- 
rale. C'était la même noble compagnie qu'au Temple, 
moins abondante peut-être, plus choisie encore, parce 
qu'il fallait être davantage de l'intimité du Prince 
pour être prié. Toute étiquette en revanche en était 
bannie. Conty laissait à ses hôtes la disposition de 
leurs journées. Chacun vivait à sa mode et selon sa 



(i) Archives Nationales : X^a, 9178-9179. 



152 LE PRINCE DE CONTY 

libre fantaisie. On ne se réunissait que le soir, pour le 
souper. 

Le Prince étail passionné pour tous les genres de 
chasse. Il tirait chaque année de sa propriété de 
Pierre-Latte, enDauphiné, tous les œufs de bartavelle 
qu'on lui. pouvait récolter et, de son gouvernement du 
Poitou, tous les œufs de perdrix rouge, pour les faire 
couver et repeupler L'Isîe-Adam de gibier (i). Mais 
son plus grand délice était de courre le cerf qu'il 
traquait à cor et à cri jusque dans la basse forêt de 
Montmorency, voisine de celle de L'Isle-Adam et dont 
le prince deCondé avait autorisé l'accès à ses piqueurs 
et à ses meutes (2). La majeure partie de ses heures 
s'écoulait ainsi en chevauchées à travers bois et l'em- 
ploi de son capitaine des chasses n'était pas une siné- 
cure. 11 honorait du reste d'une amitié particulière cet 
officier de sa maison qui était en même temps le gou- 
verneur de L'Isle-Adam. Lorsqu'il ne chassait pas avec 
quelqu'un de ses invités, Conty passait ses après- 
midi tantôt chez sa maîtresse, tantôt dans sa bibliothè- 
que ou son laboratoire. Il avait la teinture de beau- 
coup de connaissances. Il aimait à se persuader qu'il 
était savant astronome et se découvrait une vocation 
déterminée pour la chimie. Il inventait des drogues 
et des onguents. Son chirurgien Guérin les expéri- 
mentait sur la valetaille. Le comte de Cheverny, lors 
de son mariage, avait fait cadeau à Conty d'un de ses 
domestiques, nommé Marnier, qui était un homme 
précieux pour organiser rapidement et discrètement 
une partie galante. Cette qualité était bien le fait du 
Prince : 



(i) Marquis d'Argbnson, Journal et Mémoires y tome VI, p. ai5. 

(a) CoDty eut maille à partir à ce propos avec le comte de Cha- 
rolais qui, sans l'en prévenir, avait semé de « gobes » empoison- 
nées tous les carrefours de la forêt de Montmorency, afin d*y 
détruire les loups et les renards — ce qui était fort dan^reux 
pour les chiens. La querelle alla jusqu'au Roi qui, pour calmer 
Conty, lui accorda vingt cerfs à prendre dans sa forêt de Senart 
(Voir les Mémoires du duc de Luynes« tome XIV, p. 348). 



LE PBINCE DE CONTY 153 

Marnier n y fut pas trois semaines (écrit Cheverny), que le 
Prince me dit un jour : « — Vous m'avez donné un homme 
excellent, mais vous avez voulu vous en débarrasser, car il 
est malade au moins pour six mois et dans un état aCFreux ». 
Je lui protestai avec vérité que je n'en avais rien su. — « Tant 
pis, me dit-il, je vous en estime moins ». — a Ma foi, lui 
répondis-je, s'il faut mériter votre estime à pareille épreuve, 
il y a grande apparence que je ne l'aurai jamais ; mais pas 
moins à vos ordres pour toute autre chose ». — c Sûrement, 
reprit-il, tel que vous me voyez, j*ai été plus de quatre fois 
trompé, et je ne m'en estime pas moins. Au surplus, vous nous 
avez rendu un service à l'un et à l'autre, parce.que je vais faire 
sur lui un essai qui le guérira radicalement ; car vous savez 
que j'ai un cabinet de chimie. C'est une préparation chimique 
admirable. Il se portera mieux qu'il ne s'est jamais porté et 
sera comme un enfant qui vient de nattre » (i). 

Le Prince, à Llsle-Adam, donnait aussi des fêtes aux 
princes du sang, ses cousins, ou aux nobles étrangers 
de passage. C'est ainsi qu'il reçut, en 1766, le prince 
de Brunswick-Lunebourg que toute la haute société 
s'arrachait et lui ofiPrit un festin sous la lente, dans le 
bois de Cassan, au rond-point dit de la Table, près du 
chêne légendaire appelé « chêne de Conty » (2). Michel- 



(1) CoMTB deGhevbrny, Mémoîres, tome I, p. 169. 

(2) Charles-Guillaume-FerdinaDd, prince héréditaire de Bruns- 
wick, arrivant d*Angie(erre, fut présenté au Roi, à Versailles, le 
22 avril 1766. sous le nom de comte de Blakenbourg et repartit 
le 23 juin suivant. « Pendant son séjour, dit Marmontei, dans 
ses Mémoires, tout le monde lui donna des fêtes ». « Les Lettres 
et les Arts, dit la Correspondance de Grimm se sont empressés à 
seconder la politesse française pour rendre au prince héréditaire 
de Brunswick son séjour en France agréable »•— Le chêne Conty 
de Cassan est un arbre énorme, à trois branches égales, ayant 
chacune les proportions d'un chêne ordinaire : l'ensemble a 
environ trente mètres de haut. La Table de Cassan existe encore; 
c'e8i une sorte de guéridon massif, en pierre dure, qui remonte 
à une époque lointaine. Elle était autrefois au centre exact du 
carrefour, dans l'axe de la roule de L'isle-Adam à Beaumont ; on 
l'a déplacée au dix-neuvième siècle pour laisser le champ libre 
aux voitures (Dbnisb, Etudes historiques sur UIslfi-Adam, 
p. 209). 



154 LE PRINCE DE CONTY 

Barthélémy Ollivier, le peintre ordinaire du Prince, fut 
chargé de fixer sur la toile cette réception mémora- 
ble (i). 

Mais ces grands galas étaient rares. A ces pompes 
Conty préférait la simplicité de sa cour familière, où 
la devise était celle des thélémites : « Fais ce que 
veux ! )) Il s'appliquait à ce que chacun fut chez soi à 
Llsle-Adam. Chaque dame avait un carrosse à ses 
ordres : cent trente-cinq chevaux dans les écuries, 
cinquante et une voitures dans les remises, permet^ 
taient de faire atteler à toute heure. L'inventaire après 
décès du Prince nomme les plus beaux de ces che- 
vaux et décrit ces équipages. Parmi les bêtes de prix, 
il cite V Effronté et la Paysanne, au poil noir; la Han- 
gardy le Masque^ la Crécelle^ le Navarin^ la Vestale^ 
le Mille-Fleurs^ le Grand-Pie. Parmi les calèches, ber- 
lines, cabriolets, chaises et vourstes pour suivre la 
chasse, on remarque la Verava et la Franchise, dou- 
blées de drap gris ; la dormeuse de Bruxelles, à fond 
de canne et doublée de drap vert ; la Gondole des offi- 
ciers^ en velours d'Utrecht gris ; le Confessional^ petite 
voiture bleue ; la Demoiselle noire, garnie de calle- 
mande cramoisi, etc. (2). 

Quand on avait exploré le château, quand on avait 
admiré les six canons de bronze pris sur l'ennemi qui 
décoraient Taiant cour (3); quand, sur une escadrille 
de barques pilotées par le chef gondolier Doray, on 
avait battu la rivière en tous sens, de Champagne à 
Valmondois; quand on avait épuisé les jeux variés 
du Petit Château, on prenait la « chaise à l'anglaise » 
ou la c voiture à la renard » et Ton partait en caravane 
dans les environs; on allait voir, au bois du Lay, un 
autre chêne Conty, monstre trapu, vieux de près de 
vingt siècles, dont six personnes formant la ronde 
n'arrivaient pas à encercler le tronc (4) ; on allait 

(i) Voir plus loin l'Iconographie du prince de Conty. 
(a) Archives Nationales: X'a, 9 178-9 179. 

(3) [Abbé Grimot]. Histoire de la ville de L'hle-Adam, p. 21. 

(4) Démise, Etudes historiques sur Liste- Adam, p. 56. 



LB PRINCE DE CONTT 155 

visiter à la ferme de Boulonviiie, près de Jouy-ie- 
Comte, la petite colonie d'anabaptistes que le Prince 
avait ramenés des Flandres (i) ; on allait révérer à 
Notre-Dame de Pontoise la statue de la vierge miracu- 
leuse qui, en i638, sauva la ville de la peste, alors, il 
est vrai, que les trois quarts et demi des habitants 
étaient déjà morts. 

Venue Theure du dîner, on descendait à la salle à 
nrianger commune qui pouvait contenir plus de cent 
personnes, à moins qu'on n'aimât mieux se faire ser- 
vir en ses appartements, avec sa société particulière; 
le Prince qui ne dînait pas ne contraignait personne. 

La représentation n'était que pour le soir. Deux 
heures avant le souper, on se réunissait dans le salon 
d'assemblée. On papotait, on rabotait sur les gens de 
Versailles, on devisait philosophie, art ou littérature; 
on improvisait de petits vers, la mode étant aux 
impromptus, aux à-propos, aux bouts-rimés et aux 
charades ; on jouait des proverbes ou des comédies. 

Hier, c'était le marquis de Chauvelin qui, sollicité 
par sept dames de composer des rimes de circons- 
tance, s'en tirait par un emprunt galant au caté- 
chisme r — « Mesdames, disait-il, si vous étiez trois, 
je vous comparerais aux Grâces ; si vous étiez neuf, je 
vous appellerais les Muses; mais vous êtes malheureu- 
sement sept, il ne me reste qu'à vous comparer aux 
sept péchés capitaux i>. 

Sitôt le marquis, fabriquait les quatrains suivants, 
chacune des pécheresses tirant son péché par le sort : 

La Luxure f sortie première, échéait à M°»« de Mirepoix : 

Dât-il vous en coûter quelque peu d'innocence. 
Un si joli péché doit-il vous alarmer? 
Vous savez trop le faire aimer 
Pour ne pas lui devoir de la reconnaissance. 



(i) Denisk, Études historiques sur L'Isle-Adam, p. 98. 



156 LE PRINCE DE CONTT 

La Gourmandise^ à M°>« de Chauvelin : 

En songeant à votre péché 

Et vous voyant les traits d'un ange. 

En vérité je suis fâché » 

De n'être pas quelque chose qu*on mange. 

La Colère^ à M™« de Courteilles : 

Sans vous défendre la colère, 

Je vous obligerai, Chloris. d'y renoncer : 

Il ne vous sera plus permis de l'exercer 

Que contre ceux à qui vous n aurez pas su plaire. 

L'Avarice^ à M™« de Surgères : 

Quoique votre péché paraisse un peu bizarre, 
Si vous vouliez il deviendrait le mien. 
Iris, si vous étiez mon bien. 
Je sens que je serais avare. 

V Orgueil y à M"»* de Mau lévrier : 

L'orgueil vous doit un changement bien doux ; 

Jadis il passait pour un vice ; 

Depuis qu'il a le bonheur d'être à vous, 

On le prendrait pour la justice. 

La Paresse, à M^^® de Cicé : 

A la paresse on peut bien se livrer, 
Iris, lorsqu'on est sûr de plaire ; 
On fait bien de se reposer, 
Il ne reste plus rien à faire. 

VEnvie, à M">« d'Agenois : 

Peut-être je suis indulgent, 

Mais à votre péché, Thémire, je fais grâce ; 

Ne faut-il pas que je vous passe 

Ce q!ie j'éprouve en vous voyant (i)? 



(i) Gabriel Abry, Notice sur le marçais de Chauvelin, pp. 6-8. 



LE PBINCE DE CONTT 157 

Et les jeunes daines s^émerveillaient de la facilité 
poétique du marquis, tandis que les vieilles se rappe* 
laient avoir entendu quelque part cette « improvisa- 
tion » sur les péchés capitaux (i). 

Aujourd'hui, c'est M. de Pont-de-Veyle, qui célèbre 
le gris sur un air bachique, tous les invités du Prince, 
hommes et femmes, s'étant vêtus de gris, à la prière 
de Monseigneur : 

Bacchus et le dieu de Cjpris, 
Se trouvent dans ces lieux chéris, 
Aimons, buvons de ce vins gris, 
On est heureux quand on est gris. 

Ce vin échauffe les esprits ; 
Il fait que, d'une froide Iris, 
On croit voir les yeux attendris... 
On est heureux quand on est gris. 



(i) Selon les Mémoires du comte de Maurepas (tome III, p. 21 5), 
elle daterait de 1733, et le marquis de Chauveliu l'aurait sortie 
pour la première fois à la fiu d'un dîner, chez lui. Les six 
dames admises à ce diner étaient, avec Mme de Ghauvelin : 
l^ma la vîdame de Montfleury (VOrgaeil) ; M"*« la marquise de 
Surgères (V Avarice); M™« de Montboissier (la Luxure) \ M"« la 
duchesse d'Aiguillon {V Envié) ; Mme de Courteilles (la Colère) ; 
Mme Pineau de Luze (la Paresse), Mais il se peut très bien que 
M. de Maurepas fasse erreur quant aux dates. L'impromptu de 
M. de Ghauvelin provoqua en e£Fet ces vers de Voltaire, adressés 
à la marquise : 

Les sept péchés que mortels on appelle, 
Furent chantés par Monsieur votre époux ; 
Pour l'un des sept nous partageons son zèle, 
Et, pour vous plaire, on les commettrait tous. 
C*est grand' pitié que vos vertus défendent 
Le plus chéri, le plus digne de vous, 
Lorsque vos yeux malgré vous le demandent. 

Or, dans Toeuvre de Voltaire, cette pièce se place vers 1758. 
Et, d'autre part, en effets M. de Ghauvelin ne se maria qu'en 
1758. Il épousa le 5 avril de cette année, Agnès-Thérèse Mazade 
d'Argeville, fille d'un conseiller au Parlement. 



15R LB PRINCE DE CONTY 

Parmi le vin, les jeux, les ris, 
Un cœur est aisément épris ; 
Le plus sauvage est bientôt pris... 
On est heureux quand on est gris. 

Mais si la belle a des mépris, 
Si je lui vois dos favoris, 
Je bois, je chante et je m'en ris... 
On est heureux quand on est gris. 

Souvent les plus fâcheux maris, 
Les jaloux les moins aguerris, 
En buvant se trouvent guéris... 
On est heureux quand on est gris. 

Un philosophe en ses écrits, 
Dit que de tout il est surpris ; 
Mais un buveur a tout compris... 
On est heureux quand on est |i;>^ris. 

Chantons tous la gloire du gris. 

On n'en trouve plus à Paris ; 

Ils sont icy tous réunis : 

On est heureux quand on est gris (i). 

Ah ! rincomparable Pont-de-VeyIe, resté malgré 
son âge, le boute-en-lrain de ces réunions! II est un 
vivant répertoire de chansons, de parodies et de 
parades qu'il promène à travers les salons, y ajus- 
tant chaque fois quelque nouveau couplet, quelque 
scène, quelque lazzi à mourir de rire. Tantôt il se 
travestit en pythie, pour dire la bonne aventure aux 
dames sur l'air de la Pythie de Bellérophon. Tantôt il 
se présente à la porte déguisé en marchand d'orvié- 
tan, demandant qu'il lui soit permis d'étaler sa bouti- 
que et de vendre ses drogues ; et il trouve le secret 
d'amuser plus d'une heure par le récit extraordinaire 
de tout ce qu'il a vu au cours de ses prétendus voya- 
ges. Ensuite il distribue ses onguents, c'est-à-dire 
qu'il donne à chacun de petites boîtes renfermant, 

(i) Bibliothèque de l'Arsenal : Manascriis^ 3 119, fol. 45 (Porte- 
feuille de M. de Paalmy). 



LB PRINCE DE CONTT 159 

avec des rubans et des dragées pour les dames, un 
vaudeville applicable à la personne qui le reçoit. Cette 
scène du vendeur d'orviétan, il Ta déjà débitée chez 
madame de Rochefort, chez le duc d'Orléans, un peu 
partout; mais on ne s'en lasse point et partout on la 
redemande (i). 

M. de Pont-de-VeyIe a encore une spécialité. Tous 
les soirs, à la fin du souper, le Prince le requiert de 
chanter des impromptus sur les dames qui sont à 
table. Il compose aussitôt, en vers blancs, des compli- 
ments pleins de galanterie sans fadeur, mais parfois 
embarrassants pour les jeunes femmes, auxquelles il 
paraît « difficile d'avoir un bon maintien devant ces 
espèces d'éloges publics^ malgré leur petite tournure 
épigrammatique » (2). 

Demain on jouera la comédie pour de bon, soit 
avec des acteurs de société, soit avec des artistes 
empruntés à la Comédie-Italienne, auquel cas Papil- 
lon de la Ferté, intendant des Menus, s'ingéniera à 
arranger le répertoire de ce théâtre, pour que le Prince 
puisse avoir à L'Isle-Adam les sujets qu'il désire (3). Il 
y a au château une petite scène portative fort bien 
agencée, avec tout un matériel et des décorations bros- 
sées exprès pour chaque pièce. Ecoutons une invitée 
du Prince, M°® de Genlis, nous parler sans feinte de 
ces comédies de société et de ces comédiens d'occa- 
sion. 

Je trouvai au prince de Conty une très belle représentation, 
une majestueuse et belle figure, et beaucoup d'esprit ; mais je 
n'ai jamais pu m'accoutumer à lui, ni vaincre l'embarras 
qu'il m'inspiroit : il avoit dans sa manière de regarder, quel- 
que chose de scrutateur qui me déconcertoit. Malgré les pré- 
ventions de mesdames de Boufflers et de Luxembourg, il me 
trouva bien médiocre ; aussi quand M . Donezan lui dit que 

(i) G. Gapon et R. Yve-Plbssis, Leê Théâtres clandestine ^ 
pp. 181 et i85. 

(2) Mœ© DB Gbnus, Mémoires f tome I, p. 297. 

(3) Journal de Papillon de la Ferté, p. 81 et p. 89. 



160 LK PRfNCB DK CONTY 

je jouois les proverbes d'une manière extraordinaire, il ne 
voulut pas le croire. Il fut décidé que nous en jouerions. On 
fit faire un petit théâtre portatif que Ton mit dans la salle à 
mang^er et nous répétâmes le Savetier et le financier. Il n y 
avoit que trois personnag'os, le financier, le savetier et sa 
femme. Je faisois ce dernier rôle ; M. Donezan, celui de save- 
tier avec une perfection qui ne laissoit rien à désirer... Nous 
eûmes un succès prodigieux. La timidité silencieuse que j'avois 
habituellement donna quelque chose de merveilleux à ce 
succès : dans une dernière scène, je fis pleurer et rire ; Tenthou- 
siasme de M. le prince de Conty fut extrême. Il fit promettre 
à M. de Genlis de me faire peindre dans ce costume de save- 
tière, tenant un panier plein d'oignons ; on m*a peinte en efiet 
avec cet habit, je ne sais ce que ce portrait est devenu. On 
nous fit jouer quatre jours de suite ce proverbe. La Maréchale 
et madame de Bouffi ers furent charmantes pour moi en cette 
occasion... M. le prince de Conty essaya encore de causer avec 
moi, mais en vain ; mon malaise avec lui étoit invincible. 

Toutes les femmes voulurent jouer des proverbes et deman- 
dèrent des leçons à M. Donezan, qui assura ne m'en avoir 
donné aucune. On arrang'ea plusieurs proverbes. Madame de 
Montesson et madame de Sabran (dames de M^^'la princesse 
de Conty) prirent des rôles, et jouèrent, non pas d'une 
manière passable, mais ridiculement. Elles le sentirent, et 
leur humeur fut extrême. Madame de Sabran montra la 
sienne comme une enfant ; après les proverbes elle pleura de 
dépit... Cette scène fut étonnante et me confondit. Madame de 
Sabran qui m'avoit montré quelque bienveillance devint mon 
ennemie. On cessa de jouer des proverbes, au g'rand reg'ret du 
prince de Conty, de mesdames de Luxembourg-, de Boufflers 
et de M. Donezan. Mais on joua la comédie. Je n avois que 
deux rôles insignifiants, celui d'amoureuse dans V Impromptu 
de campagne, et celui d'Isabelle dans les Plaideurs. Mais 
oour m'entendre chanter et jouer de la harpe, M. de Pont-de- 
Veyle ftt un divertissement, Les noces d Isabelle ^ dans lequel 
je jouai une sonate de harpe et je chantai de fort jolis couplets. 

Madame de Montesson jouoit fort mal la comédie, parce 
qu'en cela, comme en toute chose, elle manquoitde naturel. 
Mais elle avoit beaucoup d'habitude, et l'espèce de talent 
d'une comédienne de province, parvenue par son âge aux pre- 
miers emplois, et n'ayant que de la routine (i)... 

(i) Mme DE Gknlis, Mémoires , tome I, pp. 3o5-3o6. 



LE PRINCE DE GONTY i6i 

Cela se passait en 1767. A partir de cette année, la 
comédie de société s'imposa parmi lesdiverlissements 
ordinaires. On jouait une fois la semaine. Pendant les 
fêtes de Noël, au moment des grandes chasses, les 
amateurs étaient remplacés par des professionnels 
de la scène, comme au temps où Âudinot, le futur 
directeur de l'AmbiguComique^ avait la direction de 
la troupe. 

Un autre théâtre avait été bâti dans Ttle de la 
Cohue pour la réjouissance des habitants du vil- 
lage (i). 

Mais, parfois aussi, on avait la comédie sans comé- 
diens. Une aventure comme celle-ci venait mettre en 
gatté les hôtes du château : 

Un officier du prince étant couché, sent brusquement enle- 
ver sa couverture ; il la retire, on répète la plaisanterie ; tant 
qu'à la fin, l'officier ennuyé jure d'exterminer le mauvais plai- 
sant, met la main à son épée, cherche dans tous les coins de 
la chambre et ne trouve rien. Etonné, mais brave, il veut, 
avant de conter son aventure, éprouver le lendemain si Tim- 
portun reviendra. Il s*enferme avec soin, se couche, écoute 
longtemps et finit par s*endormir ; alors on lui renouvelle le 
même tour que la veille. Il s'élance du lit, réitère ses menaces 
et perd son temps en inutiles recherches. La crainte s'empare 
de lui ; il appelle un frotteur qu'il prie de coucher dans sa 
chambre, sans lui dire, toutefois, pour quel motif. Mais 
l'esprit qui avait fait son tour ne paraît plus. 

La nuit suivante, il se fait accompagner du frotteur à qui 
il raconte ce qui lui est arrivé et ils se couchent tous deux. Le 
fantôme ne tarde pas à manifester sa présence. Il éteint la 
chandelle qu'on avait laissée allumée, les découvre lestement 
et s'enfuit. Comme nos deux braves avaient entrevu dans 
l'ombre une façon de monstre di£Forme, hideux et gamba- 
dant, le frotteur s'écrie que c'est le diable et court chercher 
en la chapelle du château de l'eau bénite. Mais au moment 
qu'il lève le goupillon pour asperger la chambre, l'esprit le 
lui arrache et disparait 

Les deux champions poussent des cris; on accourt; on 

(i) [Assit Grimot], Histoire de VMe-Adam, p. 3o. 

11 



162 LE PRINCE PE GONTY 

passe la Duit eo alarmes ; et le matin on aperçoit, sur le toit 
de la maison, un gros singe qui, armé du goupillon, le plon- 
geait dans Teau de la gouttière et en arrosait les passants (i). 

Après cent cinquante ans écoulés^ les traces sont 
encore profondes qu'a laissées le prince de Conty 
dans la mémoire des Isle-Adamois. Interrogez les 
vieillards du pays, ils ne connaissent point Louis- 
François de Bourbon, encore que son nom^ attaché à 
la voie qui traverse les ponts ^la rue Conty), marque 
pour la postérité la place où se dressait le castel sei- 
gneurial. Mais, à ces mêmes vieillards, parlez un peu 
du « père Prince », tout aussitôt ils s'épancheront 
en maints détails à sa louange, inexacts pour la plu- 
part mais que la tradition a pieusement forgés. Cet 
affectueux sobriquet de « père Prince » suffit à indi- 
quer combien Louis-François était populaire parmi ses 
vassaux. C'est que le prince de Conty, si orgueilleux 
avec les grands, étaitsimple avec les humbles et que sa 
générosité naturelle le rendait juste et pitoyable aux 
misères humaines. On savait que les airs terribles 
qu'il prenait quelquefois n'étaient qu^une ostentation. 

Voici un trait dont j'ai été témoin, dit M^^ de Genlis. Un 
jour que nous passions d'un salon dans une pièce voisine pour 
aller entendre la messe, M. de Chabriant arrêta M. le prince 
de Conty pour lui demander ses ordres sur un braconnier 
qu'on venoit de prendre. A cette question, le prince de Conty, 
élevant extrêmement la voix, répondit froidement : n — Cent 
coups de bâton et trois mois de cachot 0, et il poursuivit son 
chemin avec l'air du monde le plus tranquille. 

Ce sang-froid uni à tant de cruauté me fit frémir. L'après- 
midi, me trouvant auprès de M. de Chabriant, il me fat 
impossible de ne pas lui parler du pauvre braconnier et de 
l'arrêt barbare .prononcé parle prince. « — Bon, dit en riant 
M. de Chabriant, il ne parloit que pour la galerie. Je connois 
cela. Jamais un seul de ses ordres tjranniques, donnés en 
public, n'a été exécuté ; et quant au braconnier qui vous 
intéresse, il sera seulement banni de Llsle-Adum pour deux 

(i) Dictionnaire des sciences occaltes ; au mot : Esprit. 



LE PRINCB DB CONTT 163 

mois^ et, pendant ce temps, Monseigneur prendra secrètement 
soin de sa famille qui est très nombreuse. Voilà Tordre qu'il 
m'a donné tout bas, en sortant de la messe ». — c Quoi, 
repris-je, ce n'est point un mouvement de colère qui lui fait 
prononcer ces odieuses sentences? » — a Non, c'est seulement 
une prétention qu'il se donne ; il veut de temps en temps 
paroftre sévère et redoutable » (i). 

Et pourtant il s'agissait d'un braconnier ; c'est-à- 
dire, aux yeux d*un chusseur tel que Conty, d'un 
homme bon à pendre pour le moins. Mais si le Prince 
tâchait à effrayer ces malfaiteurs giboyant sur ses ter- 
res, comme il savait aussi trouver le geste qui fait 
aimer I Un malin, de la terrasse du château, il aperçoit 
des bateaux chargés de blé qui descendent vers la 
Seine. Il s'informe ; ce sont des grains qu on exporte 
à l'étranger. Indignation du prince. A l'étranger ! au 
profit de quelques accapareurs, quand en France on 
manque de pain ! Il ordonne qu'on hèle les bateliers, 
les oblige à débarquer leur blé et le fait distribuer à 
ses vassaux qui commençaient à le payer cher (2). 

Le souvenir du « père Prince » ne fut pas un pal- 
ladium suffisant pour sauver L'Isle Adam des fureurs 
et du vandalisme populaires. Un jour, au début de la 
Révolution^ les six canons pris sur l'ennemi qui dor- 
maient dans Tavant-cour, accroupis sur leurs affûts, 
soudain furent éveillés. Manœuvres par une horde en 
démence, ils pivotèrent, dit-on, sur eux-mêmes et 
braquèrent leur gueule de bronze contre la façade du 
château. Le pillage et l'incendie achevèrent l'œuvre 
du boulet. De celte demeure, patiemment embellie 
pendant tant d'années, quelques heures firent un 
monceau de ruines. 



(i) Mme DE Genlxs : Mémoires, tome I, p. 3oi. 
(2) Mémoires secrets, tome XVIII, p. 3i5. 



Yl 

Conty parlementaire 



Pair de France. ~ La « passion du Parlement ». — La crise de 1770. 
— Procès du duc d'Aiguillon. — Exil du Parlement de Paris. — 
Protestation des princes. -> Défection du comte de La Marche. — 
Louis-François-Joseph de Bourbon. — Le prince de Conty demeure 
seul inébranlable. — Son triomphe au rappel du Parlement. — Opi- 
nions politiques et philosophiques du Prince. — Ses relations avec 
J.-J. Rousseau. Beaumarchais, Diderot, l'abbé Prévost. 



Ecarté des affaires de TEtat, le prince de Conty ne 
s'était point désintéressé de la chose publique. 11 
était membre né du Parlement (Chambre des pairs). 
Toute son activité se tourna vers la politique inté- 
rieure du royaume, dont le Parlement avait sinon la 
direction, réservée aux ministres du Roi, secrétaires 
d*Elat, du moins le contrôle partiel en vertu du droit 
de remontrance. 

Prompt à s'assimiler les sujets les plus ardus, con- 
naissant mieux que le meilleur légiste la Constitution 
française; doué d'une éloquence mâle et persuasive, 
alors que pas un des autres princes du sang n*était 
seulement capable de parler en public — le prince de 
Conty avait rapidement conquis une influence prépon- 
dérante et sa parole était écoutée entre toutes. 



LB PRINCB m CONTT 165 

Si de la société il passe aux affaires, dit le président 
HéDault, il étonne par sa perspicacité ; il a tout deviné et il 
n'y a point de magistrat ni de praticien qui n'en soit surpris. 
Nous l'avons vu dans les assemblées du Parlement être l'ora- 
cle des opinions; s'est-il agi de rédiger les avis, prendre la 
plume et au milieu de cent cinquante personnes, aussi recueilli 
que dans son cabinet, nous lire des résumés qui ont été adop- 
tés unanimement : aussi est-il la passion du Parlement... (i j. 

C'est qu*aussi le Prince maniait h merveille ces grâ- 
ces courtoises^ ces attentions flatteuses qui désarmant 
les adversaires les plus récalcitrants. Non qu'il s'abais- 
sât à flagorner ses « collègues » pour emporter leurs 
suffrages II n*aurait,au contraire, pour rien au monde 
abdiqué le plus mince de ses privilèges princiers, la 
traversée du parquet ou le salut du bonnet (2). Mais 
il savait à l'occasion faire montre d'une politesse 
exquise qui semblait n'être restée qu'à lui et faisait 
dire qu'il était le dernier des princes, comme Brutus 
fut le dernier des Romains. Le jour où furent admis 
au Parlement les ducs d'Harcourt, de Rochechouart, 
d'Antin, de Fitz-James et de Valentinois, quelques- 
uns des pairs s'amusaient à dénombrer les membres 



(i) Prâsxdbnt Hénault, Mémoires, p. 276. 

(2) Les seuls princes du sang légitimes avaient le droit de 
« traverser le parquet » et d*être précédés de plusieurs huissiers 
lors de la tenue d'un lit de Justice Le parquet était la superficie 
de la salle comprise dans Tenceinte occupée par les opinants au 
Parlement à un lit de Justice ou autrement. Elle était toujours 
vide et personne, pour aller à sa place, ne pouvait autrefois la 
traverser diagonalement; il fallait en faire le tour. Le grand 
Gondé ayant peine à marcher, à cause de sa goutte, dérogea une 
fois à l'usage pour abréger. Les autres princes du sang l'imitè- 
rent bientôt et le privilège passa en droit à leur usage. . . 

Les princes du sang avaient droit au a salut du bonnet y». Le 
premier président, quand on allait aux voix ou quand on délibé- 
rait, adressant la parole aux princes du sang disait : « Monsiear^ 
votre aois..,? ■ et les saluait; tandis que pour les ducs et pairs, 
il ajoutait le nom, disant : « Monsieur le duc un tel, votre 
avis..,? it et que pour les parlementaires, il ne saluait pas du tout 
( Vie privée de Louis XV, tome I, p. 1 10) . 



présents à la réception : « — Nous sommes vingt- 
deux », dit le prince de Conty après un coup d'œil 
rapide. Et comme quelqu*un objectait qu'on ne pou- 
vait compter ainsi, mais bien trois princes et dix-neuf 
ducs : « — Nous sommes vin$^t-deux, insista aimable- 
ment Conty, et Ton ne saurait compter autrement » (i). 
Simple complaisance, dîra-t-on, et propos d'honnê- 
teté. Non. Le Prince n'était pas moins dévoué qu'ai- 
mable, et toujours prêt à s'entremettre auprès du Roi 
lorsqu'il sentait menacées les prérogatives parlemen- 
taires. C'est ainsi qu'en lySS, à la suite des procédu- 
res concernant l'abus des billets de confession et le 
refus des sacrements, quand l'exil fut prononcé par 
Louis XV contre les Chambres des enquêtes et des 
requêtes ; quand la Grand'Chambre, s'obstinant à 
s'occuper des mêmes objets, fut à son tour transférée 
à Pontoise, le prince de Conty s'était posé en nég'ocia- 
teur. Tout en affirmant qu'il ne se mêlait point des 
querelles du Parlement, que c'était le Roi qui diri- 
geait tout, il avait tenu plusieurs conférences avec le 
premier président pour moyenner un accommode- 
ment (2). Et le Parlement avait triomphé, en somme, 
puisqu'il avait été rappelé à Paris au bout de quatre 
mois et que, s'il eut à enregistrer la déclaration royale 
imposant silence sur les disputes de religion, cette 
même déclaration portait défense aux curés molinis- 
tes c< de faire aucuns actes tendant au schisme et 
aucuns refus de sacrements sous prétexte du défaut de 
représentation d'un billet de confession ». 

Donc le prince de Conty était, selon le mot du pré- 
sident Hénault, a la passion du Parlement», quand 
éclata la grande crise de 1770, qui divisa le royaume 
en deux camps au sujet du procès intenté au duc 
d'Aiguillon. Nous avons quelque peine à comprendre 



(i) Dvc DB LuYNBs, Afémoiret^ lome XIV, p. 88. 
(2) Barbier, JoamaU tome III, p. 474* ~ I^uc db Lûmes, Mémoi* 
re$f tome XIII, p. 436. 



aujourd'hui cet accès de fièvre politique qui s'empara 
de la France entière pour un déni de justice, lequel 
n'était, au demeurant, ni pire ni plus $^rave que la 
plupart de ceux journellement perpétrés sous l'an- 
cien régime. C'est qu'il faudrait pouvoir nous replon- 
ger dans l'émotion du temps. Nous jui^eons mal de 
ces choses, parce que nous les juçeôtts de trop Toin et 
trop impartialement; parce que nous ne voyons quie 
les feits sans tenir as^z de compte du milieu ; et' sur- 
tout parce que, limitant notre indignation pour essayer 
d'être justes, nous restons froids. Mais, alors, l'effer- 
vescence était générale. 

Nous ne redirons point les longs débuts de cette 
affaire, intimement liée à l'histoire du parlement de 
Bretagne et de la guerre entre le procureur général 
La Chalotais et le duc d'Aiguillon, (gouverneur de la 
province. En 1770, le parlement de Bretagne, dissous 
puis réintégré, sauf La Chalotais, réclamait le châti- 
ment de l'ancien gouverneur. Louis XV était las de 
cette histoire qui traînait depuis des années. Le chan- 
celier Maupeou su€:géra au Roi un élégant moyen d'en 
finir; savoir : laisser libre cours à l'instruction du 
procès, mais, par des lettres patentes, en dessaisir le 
parlement de Bretai^cne au profit de la Cour des pairs 
présidée par Sa Majesté. Un tribunal de princes et de 
ducs, laverait certainement M. d'Aiguillon des accu- 
sations témérairement porlées contre lui... Le parle- 
ment de Bretagne, pour déjouer cet escamotage et 
pour éviter toute chicane de juridictiori. transmit de 
son propre mouvement l'affaire au parlement de 
Paris. Celui-ci arrêta qu'il n'avait pas besoin de let- 
tres patentes pour connaître de l'action intentée à un 
duc et pair, « étant la seule, unique et essentielle Cour 
où ce procès allât de droit ». La Chambre des pairs, 
en effet, ne constituait légalement qu'une fraction 
du parlement de Paris ; mais au Parlement tout entier. 
y compris les magistrats, appartenait seul le droit de 
se dire cour souveraine et de statuer sans appel, quelle 
que fût la qualité du comparant. Telle fut la thèse 



t68 LB PRINCB DE CONTT 

que soutint à la Chambre des pairs, le prince de 
Conty, qui déclara ridicule la prétention émise par 
certains ducs déjuger sans le concours de ceux qu'ils 
appelaient dédaigneusement les « légistes»; attendu 
que les pairs de 1770 n'étaient pas plus les grands 
feudataires de la couronne d*autrefois que les magis- 
trats du Parlement n'étaient les légistes du temps 
jadis. 

Sur ce point) le parlement de Paris obtint satisfac- 
tion. Le procès d'Aiguillon fut évoqué à Versailles le 
4 avril 1770, sous la présidence du Roi, et la présence 
des magistrats confirma Tessence intégrante du Par- 
lement avec la pairie pour former la t^our des pairs. 
Louis XV cessa bientôt de présider les débats et Tar- 
rèt condamnant le duc d'Aiguillon fut prononcé sans 
lui, le 2 juillet. Mais le lendemain, à Tinstigation du 
chancelier, le Roi contresignait un autre arrêt, pré- 
paré par Maupeou, Terray et Saint-Florentin, qui 
cassait celui du Parlement et enjoignait au duc d'Ai- 
guillon de continuer ses fonctions de pair de 
France (i). 

Sans tenir compte de Tarrêt de cassation, le parle- 
ment de Paris avait transmis Tarrét de condamnation 
aux parlements et cours souveraines de province. 
Les plus importants, ceux de Bordeaux, Toulouse, 
Metz, etc., adoptèrent l'arrêt du a juillet. Furieux de 
cette résistance, le chancelier Maupeou profita des 
vacances parlementaires pour élaborer à loisir et pour 
faire signer au Roi un édit portant le titre : Edit de 
règlement, par lequel défense était faite au parlement 
de Paris de se servir de certains termes allusifs à l'unité 



(i) Vie privée de Louis XV, tome IV, pp. 173-175 et 197. — 
Maupeou et ses deux collègues n^eurent pas la patience d atten- 
dre le texte officiel de la condamnatioD du duc d'Aiguillon. Ils 
rédigèrent séance tenante Tarrèt de cassation qui fut envoyé au 
Roi, par courrier Louis XV mit en marge : Bon et renvoya par 
le même courrier la pièce qui fut publiée le lendemain (Voyez 
G. Flammermont, Le chancelier de Afaupeoa et les parlements^ 
passim). 



LE PRINCE DE CONTT 169 

et à rindivîsibilité parlementaire, termes dont il avait 
usé dans son communiqué à la province; défense 
d'envoyer aux autres parlements toutes pièces et titres 
que ce fût ; défense de donner des démissions concer- 
tées... en un mot, défense de manifester toute velléité 
d'indépendance. Cet édit, transmis au Parlement le 
27 novembre 1770 pour être enregistré, provoqua 
chezles parlementaires un si vif émoi que, ne voulant 
point prononcer ab iratOj ils en remirent la discus- 
sion à huitaine. Le lundi 3 décembre, toute colère 
n'était pas éteinte puisqu'un membre proposait la 
mise en accusation du chancelier. Cependant Tavis 
plus modéré prévalut, de faire au Roi des représenta- 
tions. Au premier président d'AIigre qui lui portait 
ces remontrances, Louis XV répondit : « — Je vous 
ordonne d'enregistrer mon édit dès demain ». Le Par- 
lement peu pressé d'obéir, fit le lendemain de nou- 
velles représentations : « — Je vous ferai savoir mes 
intentions », dit sèchement le monarque. Le 5^ Tédit 
fut retiré. Mais le 7, dans un lit de Justice tenu à Ver- 
sailles, le chancelier Maupeou, en fin de séance, 
déclara que « le Roi ordonnait l'enregistrement de 
l'édit ». Rentrés à Paris, les magistrats, ne pouvant 
se mettre d'accord, s'ajournèrent au 10 décembre. Ce 
jour, ils arrêtèrent que M. le Premier irait supplier le 
Roi « de rétablir l'honneur et la constitution d'Etat 
que l'édit avait attaqués ». En même temps, le Parle- 
ment se déclarait en permanence jusqu'après la 
réponse du Roi. C'était suspendre toute la vie judi- 
ciaire au palais et dans le ressort du parlement de 
Paris. Louis XV répartit à M. le Premier que la loi 
qu'il voulait était nécessaire et que la conduite du 
Parlement le prouvait. Le Parlement persista dans son 
refus d'enregistrer. 

Les fêtes et réceptions de la nouvelle année (1771) 
suspendirent quelque temps les hostilités et donnè- 
rent à Maupeou le temps de préparer Tespèce de coup 
d'Etat qu'il méditait. Dans la nuit du 19 au ao jan- 
vier, chacun des membres du Parlement fut réveillé 



tt9 LE PRINCB DB CONTir 

par deux mousquetaires qui lui présentèrent une let- 
tre de cachet portant ces simples mots du Roi : « Vou- 
lez-vous, oui ou non, vous soumettre à mes ordres ». 
Soixante-dix magistrats répondirent : non; vinçt-cinq 
ne firent aucune réponse ; dix refusèrent de se pro- 
noncer; cinquante promirent obéissance. Dans la nuit 
du 20 au 21, un huissier vint signifier leur exil et la 
confiscation de leur office à tous les récalcitrants. 
Mais cette rigueur alla contre son but. Des cinquante 
qui avaient promis d'obéir, il ne resta plus que trente- 
huit; encore ces derniers persistèrent-ils à maintenir 
les arrêtés pris par la compagnie. Un ordre d*exil fut, 
le lendemain, la riposte du Roi. Des lettres patentes 
du 23 janvier commirent provisoirement à l'adminis- 
tration de la justice un certain nombre de conseillers 
d'Etat et de maîtres des requêtes du Conseil. Un édit 
du 23 février 1771 réorganisa un Parlement composé 
en majeure partie des créatures du chancelier. 

Seize ducs et pairs avaient pris parti pour le Parle- 
ment exilé, mais les princes jusqu'ici avaient paru 
rester neutres dans le conflit. Cependant, depuis la 
dispersion du Parlement, ils s'étaient réunis plusieurs 
fois chez le duc d'Orléans pour aviser une'réconcilia- 
tion ; ils avaient même rédigé un mémoire que le 
prince de Conty proposa de transformer en lettre col- 
lective au Roi ; l*opposition du prince de Condé fit 
échouer cette proposition. Ce mémoire, comme la 
protestation dont il sera parlé plus loin, était l'œuvre 
de Conty aidé d'un légiste éminent, Louis-Adrien 
Lepaige, avocat et bailli du Temple. Le Prince tenait 
Lepaige au courant de tous les projets du chancelier 
et lui suggérait les arguments propres à expliquer 
l'absence des princes au lit de Justice que l'on pré- 
voyait pour l'installation du parlement postiche de 
Maupeou. <c M. Bossuel, les Pères Bourdaloue et Mas- 
sillon sont à piller, surtout les deux premiers », man- 
dait un jour Conty à son collaborateur. 

Convoqués pour le lit de Justice du i3 avril, les 
princes déposèrent la veille au greffe du Parlement et 



LB FRINGB DB CONTT VM 

larent en présence de Messieurs du conseil siégeant 
au palais, une protestation contre ]*édit de décembre 
1770, contre les lettres patentes du 23 janvier 1771, 
contre Tédit de réorganisation du 23 février, contre 
« tout ce qui s'en était ensuivi ou pourrait s'en sui- 
vre ». Dans ce factum, il était dit notamment : 

... Que le droit des Français, un des plus utiles au monar- 
que et un des plus précieux à ses sujets, est d'avoir des corps 
de citojeos perpétuels et inamovibles, avoués dans tous les 
temps par les rois et par la nation, qui, sous quelque forme 
et dénomination qu'ils aient existé, concentraient en eux le 
droit g'énéral de chacun des sujets d'invoquer les lois, de 
réclamer leurs droits et de recourir au Prince ; dont les plus 
importantes fonctions ont toujours été d*être chargées de veil- 
ler au maintien des lois établies, de peser dans les lois nou- 
velles l'utilité ou le danger des contradictions qui pourraient 
s'y trouver avec les lois anciennes, de les vérifier et de repré- 
senter au souverain tout ce qui pourrait être un préjudice des 
droits de ses sujets ou des lois primordiales et constitutives 
de son royaume. 

La protestation des princes se terminait par cette 
phrase vigoureuse où Ton reconnaît Conty : 

Nous, comme gentilshommes, protestons pour la conserva- 
tion des droits de la noblesse ; comme pairs de France nés, 
pour celle des droits des pairs et des pairies, et comme prin- 
ces du sang pour les droits essentiels de toute la nation, les 
nôtres, ceux de notre postérité et pour le maintien des lois 
qui les assurent. 

Simultanément, les princes annonçaient par lettre 
au Roi leur intention de ne point assister au lit de 
Justice du lendemain. Louis XV se fit apporter la 
minute de la protestation signifiée au greffe du Par- 
lement et la jeta au feu. A la lettre des princes^ il 
répliqua par Tinterdiction de s'approcher de moins de 
quatre lieues de la Cour, de paraître devant sa per- 
sonne et de voir aucun membre de la famille royale. 



172 LB PRINCE DB CONTY 

Le Ht de Justice, où le Roi prononça par édit la 
cassation de l'ancien Parlement, celle de la Cour des 
aides et la transfusion du grand conseil en Parlement 
nouveau, se fit donc sans les princes. Il n'assista à 
cette solennité que les enfants de France et le fils du 
prince deConly, le comte de La Marche : « — Soyez le 
bien venu, mon cousin, lui dit le Roi ; nous n'aurons 
pas nos parents » (i). La Marche le savait de reste ; 
les autres princes du sang avaient tenté vainement les 
derniers efforts pour le ramener dans leur parti ; à 
minuit, ils avaient encore envoyé chez lui pour le pres- 
ser d'adhérer à leur protestation. Mais La Marche pré- 
férait son intérêt à celui du Parlement. 

C'est ici le lieu de tracer le rapide portrait de ce 
prince, si différent de son père. Le comte de La Mar- 
che que nous avons laissé au berceau, vagissant, ché- 
tif, aux bras de sa nourrice, était resté, en grandis- 
sant, ce qu'il était à sa naissance : de complexion 
débile et de physique langoureux. Il n'avait du prince 
de Conty, ni le port majestueux, ni la physionomie 
ouverte et franche. Elevé par des femmes, instruit 
dans ses jeunes années (avant que de passer sous le 
gouvernement de M. de la Clavière) par un prêtre 
mondain, Louis-François-Joseph de Bourbon, comte 
de La Marche, usagé au mieux, l'air timide et doux, 
dissimulait sous des manières engageantes un carac- 
tère cauteleux, une nullité à peu près absolue (2). 

(i) Vie privée de Loais XV ^ tome IV, p. 220. 

(a) On lit, à propos des éducateurs du comte de La Marche, 
dans la Vie privée et politique de L.'F.-J. de Conty, <pp. ag-So) : 

« On seul bien que diaprés ses principes, ce prince [Conly] ne 
confia point Féducation de son fiU unique à des religieux. Il 
fallut trouver un évéque aimable et mondain, sans austérité; il 
ne fut pas difticile de le trouver. Le prince jeta le» yeux sur 
révêque de B***. homme enjoué, homme de plaisirs et à bons 
mots. 11 fut nommé gouverneur du comte de La Marche. Son 
précepteur avoil été choisi par Tévêque, c'est à- dire qu'il fut un 
homme d*esprit, encore plein d*effervescence et de goût pour les 
dissipations voluptueuses. 

« Le comte de La Marche s'y attacha beaucoup. Il apprit, sous 



LE^PRINGB DE^CONTY 173 

Malgré cette apparente timidité, sa jeunesse fut tur- 
bulente. Le comte de La Marche courut, déguisé, les 
cabarets de la Courtille, fit boucan dans les mauvais 
lieux en société d'autres seigneurs de son âge, rossa 
les inspecteurs de police et soupa en petites maisons 
avec des « filles à partie » (i)> 

Pendant la guerre de Sept ans, il servit en Allema- 
gne sous les ordres du comte de Clermont et du maré- 
chal d'Estrées. Il fut à Hastenbeck, il fut à Crevelt. Il 
n'y révéla point d'éclatantes qualités guerrières et son 
père le rappela pour le marier. Au mois de février 
1759, Louis-François-Joseph épousa, par procuration 
à Milan et en personne à Nangis-en-Brie, Marie-For- 
tunée d Este, fille de François-Marie, duc de Modène, 
et de Charlotte-Aglaé d'Orléans (2). Le contrat avait 



cet ÎDStîtuteur habile mais facétieux, plus de maximes de galan- 
terie que de latin et d'histoire. II reçut des leçons de politesse 
qu'il n'a point oubliées, car on peut dire que mon héros est le 
prince le plus galant, le plus affable de la Cour.. . 

« Le cours de ses études ne fut point de longue durée. Il ne 
fut point contrarié; ses maîtres ne cherchoient qu'à lui plaire, à 
se concilier son estime et son attachement... Avant i5 ans le 
comte de La Marche fut le mattre absolu de ses volontés. Toutes 
ses inclinations se tournèrent du côté des plaisirs. Les femmes 
et la chasse occupoient tout son temps... » 

Nous ignorons quel est cet évéque « aimable » dont parle le 
libelliste, à moins que l'initiale B*" ne désigue Mgr. de Bissy, 
qui fut en effet l'ami du prince de Conty, auquel cas le prêtre 
mondain, premier éducateur du comte de La Marche, serait 
Tabbé Prévost, aumônier du Prince. Nous ne connaissons avec 
certitude que le dernier gouverneur du comte de La Marche, celui 
qui compléta son instruction et tenta de lui inculquer le goût 
du militaire. C'était M. Claude de Chamborant, comte de La Cla- 
viére, seigneur d'Aiguzon, lieutenant général des armées et gou- 
verneur de Pont d'Arles et de Montmédy. 

(i) Vie privée et politiçaCf etc, pp. 85-87. — Voyez aussi les 
rapports de Tinppecteur des mœurs Meusnier (Bibuothàque db 
l'Arsenal: Archives de la Bastille, i0235, fif. 192. 482, 485, 487, 
489; — 10236, ff. 56, 57, 36o, 478; - 10237, f. i5; — i0238, £F. 
8, 589, 601 ; — 10239, fif. 6 bis, 38 ; — 10243, fiF. 97, io4). 

(2) Voyez Gazette de France, 1769, p. 107. 



174 LE PRINCE DB GONTY 

été signé le 3 janvier. Le duc de Modène donnait en 
dot à sa fille un million de livres de France (700.000 
le lendemain du mariage et 3oo.ooo payables en trois 
ans). Le comte de La Marche apportait à la commu- 
nauté la terre et marquisat de Gravelle, too.ooo livres 
de principal restant di>par son père sur déplus gran- 
des sommes payées pendant^a minorité, les diamants 
de feu sa mère, estimés à 72.800 livres, plus les suc-* 
cessions non encore partagées du duc et de la 
duchesse d'Orléans, ses aïeux maternels, et de M"« de 
Beaujolais, sa tante (i). Il ne fût pas plutdl marié 
qu'il délaissa sa femme. On assure qu'il s'enfuit le 
soir même de ses noces et fut coucher seul à L Isle- 
Adam. La raison de cette sauvagerie? On Tavait, 
paraît-il, trompé sur la personne de sa fiancée en lui 
présentant avant les accordailles, au lieu du portrait 
de la princesse cadette de Modène, celui de sa sœur 
atnée, infiniment moins laide (2). L'auteur de la Vie 
privée et />o//7£9u/; de Louis-François-Joseph, prétend 

(i) AncBivES Nationales : Papien des Princes y R'qS (Contrat de 
mariage). 

(2) Le visage de Marie-Fortunée d'Esté était surtout déparé par 
un nez phénoménal, unique en son genre à la Cour de France. 
A propos de ce nez, M^^ de Genlis rapporte Tanecdote suivante, 
postérieure à la mort du prince de Conty : 

« Nous avons au Palais Royal un petit nègre qui fait nos déli- 
ces, on rappelle Scipion et il a sept ans ; c'est le petit nègre des 
quatre parties du monde le plus caressé et le plus gâté. Il est de 
toutes les fêtes ; il assiste à toutes les réunions : il régne dans le 
salon du Palais Royal au milieu du plus beau cercle; il marche 
à quatre pattes et fait la culbute sur le tapis; il casse tous les 
éventails quMl peut attraper; il se glisse sous les chaises des 
dames^ les déchausse très adroitement et s'enfuit, emportant 
leurs souliers. Il débite d'une manière très bruyante tout ce qui 
lui passe par la tête. L'autre jour il s'approcha de Mme la prin- 
cesse de Cooty et lui dit très gravement : « Madame, pourquoi 
donc avez-vous un si grand nez » ? Cette question faite à la prin- 
cesse du monde la plus sérieuse et la plus imposante, qui a le 
plus grand nez, et'devant quarante personnes, causa un étrange 
embarras. 

a On voulut renvoyer Scipion, et il s'obstina à vouloir 
s'instruire et répéta sa question en disant toujours : « Je veux 



LS PRINCE DE GONTY ^5 

même que la princesse dut agir de ruse pour attirer 
son mari au lit conjugal : 

La Marche avoit donné parole à une femme galante de se 
rendre chez elle dans la nuit. G'étoit à Tépouse d'un de ses 
gentilshommes. On étoit convenu du fait, de Theure. Tout 
étoit bien arrangé. La dame qui n'aimoit point La Marche 
usa d'un stratagème qui lui fut très avantageux et qui fit rire 
toute la Cour. Elle avoit reçu cinq cents louis pour arrhes. 
Elie en reçut autant de la Princesse qu'elle avertit de la pro- 
position, de la convention même entre elle et le Prince. La 
Princesse, charmée d'une si belle occasion d'avoir les faveurs 
de son mari, ne manqua pas de la saisir. Elle alla se coucher 
dans le lit de la femme du gentilhomme, et y attendit com- 
plaisamment son mari qui ne manqua pas de venir sans 
lumières se mettre à côté de sa femme sans se douter de la 
ruse. La Princesse eut l'attention de ne point parler, de faire 
la dormeuse. Son mari, ainsi trompé, sacrifia aux plaisirs 
de l'amour et de l'hyménée. Ce ne fut que le lendemain matin 
qu'il s'aperçut du tour. Loin d'en rire et de revenir sur ses 
pas, c'est-à-dire de vivre en une union légitime avec sa 
femme, il entra en fureur et partit désespéré d'avoir été fine- 
ment surpris, il ne pardonna jamais ce tour à sa femme ni à 
l'épouse de son gentilhomme, qui en essuya les désagré- 
ments. C'est la seule fois que la Princesse se trouva dans le 
lit nuptial. 11 est vrai qu'elle s'est bien dédommagée de cette 
privation avec vingt seigneurs de la Cour et de sa suite... (i). 

Le libellisle oublie évidemment ici qu*il a écrit, 
quelques pages plus haut, parlant de la dérobade de 
La Marche, la nuit de ses noces : « ...Il revint de lui- 
même. Elle [sa femme] le reçut dans ses bras, non 
par amour, mais par vanité. Mais cette complaisance 
ne fut point de longue durée. Ce qui força le Prince 
à prendre son parti »), De quelque côté que soit venue 
la rupture, elle fut bientôt accomplie. Et le parti que 



savoir cela ». On fut oblig-é de l'emporter en s'écriant : a C'est 
que je n'ai jamais vu un nez si lon^j^ » (Mme dk Genlis : Mémoires^ 
tome IV, p. 227). 
(i) Vie privée et politique de L.-F,-L. de Conty, pp. 80 «Si. 



176 LB PRINGB DB GONTY 

prit le comte de La Marche fut de se consacrer tout 
entier à sa maîtresse en titre, la Coraline, actrice de 
la Comédie-Italienne, à laquelle il fit plusieurs 
enfants... 

Le prince de Conty qui avait voulu ce mariag-e, 
s'irritait de Fabandon où La Marche laissait la prin- 
cesse, abandon qui nécessairement amènerait l'extinc- 
tion de la branche des Conty. Il gardait aussi rancune 
à son fils de ses complaisances envers M"'® de Pompa- 
dour, Tennemie. De ce moment, tout en multipliant 
ses aménités envers sa bru, Conty dévoila son intention 
de déshériter La Marche au profit du duc de Char- 
tres (i). Mais la menace n'eut pas tout Teffet espéré. 
La Marche n'avait jamais beaucoup escompté la suc- 
cession de son père dont il savait Texcessive prodiga- 
lité. Il se détacha de plus en plus du logis paternel 
et se rapprocha de Trianon, source des grâces fruc- 
tueuses. 

jy^me de Pompadour étant morte (1764), il continua 
de faire sa cour à M™® Dubarry que cette vieille plai- 
deuse de comtesse de Béarn avait eu le courage de 
présenter, mais qui avait quelque peine à se créer une 
compagnie. La formule mise au bas des invitations 
de la favorite : « Sa Majesté m'honorera de sa pré- 
sence », fournit le prétexte d'accepter : on allait en 
quelque sorte chez le Roi. La Marche donna le branle 
et fut un des adulateurs de la première heure. Son 
exemple entraîna Condé qui, pour avoir le Roi à 
Chantilly, y reçut également la Dubarry. Bientôt les 
femmes s'apprivoisèrent ; M™« de THôpital, M°*® de 
Valentinois, M"® de Mirepoix s^enhardirent les pre- 
mières. Et toutes les dames de la Cour se firent insen- 
siblement à former le cénacle autour de la ci-devant 

(i) La comtesse de La Marche faisail avec son beau -père les 
honneurs de L'Isle-Adam. Nous trouvons sa sig^nature sur le 
registre baptistaire du village, à la date du 6 octobre 1765. Elle 
est marraine de Fortunée-Olympe de Boisfranc, fille du comman- 
dant des équipages de Conty. Le prince signe comme parrain 
(Mairie de L'Isle-Adam : Registre de l'Etat civil). 



LE PRINCE OB CONTY 177 

demoiselle Vaubernier. Celle-ci ne fut point ingrate ; 
elle n'oublia pas le secours que lui avait prêté si 
opportunément le comte de La Marche, de qui, grâce 
à la favorite, l'influence eu Cour ne tarda pas à pri- 
mer celle des ministres les plus aimés du Roi. M. de 
Choiseul en lit la triste expérience. Le comte de 
La Marche lui demanda un jour pour M. de Sailly, 
son premier gentilhomme, la croix de chevalier de 
Saint-Louis, quoique les services de ce militaire eus- 
sent été interrompus. Comme M. de Choiseul refusait, 
La Marche, blessé du procédé, consulta son père sur 
la conduite à tenir : « — Mon fils, répondit le Prince^ 
il faut savoir si M. de Choiseul est dans les règles, en 
ce cas vous n'avez rien à dire. Sinon, il est bon gen- 
tilhomme et vous pouvez lui faire l'honneur de vous 
battre avec lui » (i). La Marche ne suivit qu'à demi 
le conseil paternel ; il se rendit à Versailles, rencon- 
tra le ministre de la guerre et lui proposa des coups' 
de canne. Le duc de Choiseul se plaignit à Louis XV 
qui, loin de blâmer son jeune parent, ordonna au duc 
de faire des excuses au Prince et de lui porter la croix 
de M. de Sailly. La Marche remercia le ministre en 
ces termes : « — Apprenez, Monsieur, que les prières 
d'un homme comme moi sont des ordres pour un 
homme comme vous » (2). 

Dans la protestation collective des princes, La Mar- 
che ne vit que Poccurence pour lui-même d'affirmer 
par un coup d'éclat sa fidélité au Roi et de faire con- 
verger sur sa propre personne les grâces qui s'épar- 
pillaient auparavant sur ses cousins du sang royal. Le 
tils de Conty était pauvre, et, malgré son économie, 
que son père taxait d'avarice, il n'arrivait que péni- 
blement à faire figure de Prince. La lettre suivante 
de l'abbé Terray, publiée « dans les gazettes étrangè- 



(i) Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, tome IV, p. 176. 
(a) Vie privée et politique de L.'F.'J, de Conty, p. 5i. 

12 



f7i LB PRINCB DE CONTT 

res », montre que le calcul était bon et que le loya- 
lisme intéressé de La Marche lui fut grassement payé : 

Monseigneur, 

Votre protection et vos bontés m'honorent. Je n'ai rien 
tant à cœur que de les mériter. J'attends vos ordres pour 
vous faire porter les quatre millions que vous demandez, et 
je vous supplie de croire que je suis de Votre Altesse Séré- 
nissime, Monseigneur, le très humble et très obéissant servi- 
teur. 

Abbé Terrât, 
Contrôleur^général des Fînancet (i). 

La défection du comte de La Marche indigna pro- 
fondément le prince de Conty : « — Je le savais bien, 
dit-il, mauvais fils, mauvais mari, mauvais ami; mais 
je ne le savais pas mauvais français » (2).. Il lui ferma 
sa porte désormais. 

Cependant la coalition des princes n'était pas aussi 
solide au fond qu'elle paraissait à première vue. En 
vérité, deux hommes seulement menaient de tout 
cœur la charge contre le chancelier: Conty qui entraî- 
nait son beau-frère le duc d'Orléans et, avec lui, le 
jeune duc de Chartres ; Clermont qui tirait son neveu 
le prince de Condé et, avec lui, le jeune duc de Bour- 
bon. Mais leur belle entente du début, qui refusait 
rinvitation d'assister aux noces du comte de Provence 
(mai 1771), ne résisterait pas au temps, ce grand 
débilitant des énergies (3). Pas plus que les magistrats 
parlementaires qui, peu à peu, acquiescèrent indivi- 
duellement aux édits en faisant liquider leur pension, 

(i) Vie privée et poliiiqae de L.-F'J de Conty ^ p. 67. 

(2) Fastes de Loais XV. tome II. p. 621 . 

(3) « Les princes du saD|B^ ayant remercié quand le Roi les a 
fait inviter au mariajçe du comte de Provence, il leur a été enjoint 
le lendemain par lettres de cachet d'assister à la cérémonie, ce 
qu'ils n'ont pas fait. Les princesses seulement 8*y sont rendues, 
avec des habits de noces et la galté qu'on porte à un enterre- 
ment » ([Théveneau de Morande], Le Garetier cuirassé, p. 28). 



LB PRIirCB 9S C0NTY 179 

dans la crainte de perdre tout à fait la finance de leur 
office et de voir durer leur exil, les princes, pris un à 
un, n'étaient capables de bouder indéfiniment aux 
avances habiles de Maupeou. Ils tinrent bon pourtant 
jusqu'à l'automne de 1772. Mais le comte deCiermont 
s'étant laissé mourir, Condé, prince frivole, qui n'ai- 
mait que jouer à la paume et caresser sa maîtresse, 
Catherine de Brignolles, princesse douairière de 
Monaco, Condé donna le signal du raccommodement. 
La Marche et Soubise lui avaient insinué que le 
comte d'Artois avait du goût pour Mademoiselle. 
Cette perspective d'unir sa fille au troisième enfant 
de France et le cordon bleu promis au petit duc de 
Bourbon, décidèrent Condé (i). Il écrivit au Roi sa 
lettre de soumission et « le père elle fils allèrent cher- 
cher le Saint-Esprit» à Versailles, le 7 décembre 1772. 
Le duc d'Orléans fut alarmé de voir rentrer les Condé. 
Bon homme, affable et populaire, mais faible de 
caractère; épris jusqu'à la passion de M"*^ veuve de 
Montesson qui ne songeait qu'à se faire épouser, il se 
laissa persuader aisément par le duc d'Aiguillon et 
par la Dubarry, que l'agrément du Roi à son mariage 
public serait la récompense de son retour: « — Gros 
père, avait dit la favorite, épousez toujours ; nous 
verrons à vous contenter mieux ensuite >». Le duc 
d'Orléans revint le 28 décembre. Il eut quelque mal 
à ramener le duc de Chartres. Celui-ci vif, pétulant, 
beaucoup plus attentionné à l'escamotage qu'à la 
politique (il prenait des leçons du fameux Comus), 
craignait de se brouiller avec Conty. Avant de céder, 
il essaya de déterminer son oncle à suivre le courant. 
Mais Conty « fit la plus forte résistance » et ne voulut 
jamais céder aux conseils et aux prières de ses cou- 



(i) Maupeou, La Marche et Soubise bernaient Condé. Jamais 
le Roi n'avait eu de vues matrimoniales sur Mademoiselle 
(Louise- Adélaïde de Bourbon -Condé) pour le comte d'Artois, qui, 
l'année suivante, épousait Marie-Théièse de Savoie, fille de Vic- 
tor Amédée III de Sardaigne et sœur de la comtesse de Provence. 



fSO LB PRINGB DB GONTY 

sins. « Vainement lui firent-ils observer combien sa 
position serait dang^ereuse, après que lous les princes 
du sang auraient fait leur paix avec le Roi ; il leur 
répondit qu*ii attendrait paisiblement Tévénement 
et qu'il saurait le supporter tel qu'il pourrait arri- 
ver » (i). Et le prince de Conty demeura intraitable. 

a — Mon cousin Tavocat n'a pas encore assez chi- 
cané M, dit Louis XY ironiquement, quand il sut que 
Conty ne céderait pas. Mais il s'abstint néanmoins de 
toute tentative auprès du Prince qui aurait pu mal 
recevoir les négociateurs (2). 

Seul contre la Cour — seul avec l'opinion de l'im- 
mense majorité des Français — vengé seulement par 
le mépris universel qui s*attachait au Parlement Mau- 
peoUy Conty, comme il avait promis, attendit les évé- 
nements et, jusqu'à la mort du Roi ne fit pas un geste 
pour se rapprocher de Versailles. 

Quand Louis XV eut rendu l'âme, on s'attendait à 
voir le Prince rappelé à la Cour, et lui-même y comp- 
tait fermement. Il n'en fut rien. Le mercredi 11 mai 
1774, la vieille princesse de Conty se rendit à Choisy 
et demanda au Roi le retour de son fils. Louis XVI 
répondit « que le prince de Conty avait été dans le cas 
de rentrer en grâce auprès du feu Roi et qu'il en avait 
négligé l'occasion ; que lui-même croirait manquer au 
respect dû à la mémoire de son grand-père, s'il rece- 
vait la visite du prince » (3) La princesse de Conty 
répliqua qu'il était d'un bon roi d'examiner les motifs 

(i) Note de Lepaige dans un manuscrit de Dureyde Mayoière 
(BiBL. Nationalb : Manuscrits français, ySy^j. 

(2) Selon Théveneau de Morande, le chancelier de Maupeou 
ayant demandé une audience à Conty, celui-ci lui £t dire a qu'il 
ne voulait le voir qu*à la Grève ». 

Toujours d'après ce libelliste, Conty rencontrant un soir, au 
Colysée, le maréchal de Richelieu, lui demanda jusqu'à quand il 
serait le valet de Maupeou. Le maréchal ayant répondu par une 
autre question : « Jusqu'à quand serez-vous désobéissant au 
Roi? », le prince courut sur lui la canne levée et le poursuivit 
jusqu'à son carrosse (Le Gazetier cuirassé^ p. 80 et p. 121). 

(3) Correspondance secrète [dite de Métra], tome I, p. 34. 



LB PRINCB DB CONTT 181 

qui avaient décidé son fils au parti qu'il avait pris. 
Louis XVI dit simplement qu'il ne manquerait pas de 
faire cet examen (i). 

Battu de ce côté, Conty se tourna vers la Reine. II 
écrivit à Marie-Antoinette une lettre remplie d'hom- 
mages; il l'appelait: « ...une princesse chérie, que 
tout le monde admire et dont tout le monde espère. » 
Dictée par Mercy-Argenteau, agent de Marie-Thérèse 
et mentor de la Reine, la réponse de Marie- Antoinette 
fut douce et honnête, mais pleine de réserve : « Quoi- 
que je ne me mêle d'aucune affaire, je ne puis que 
partager les désirs et les intentions du Roi » (2). 

Cependant l'ancien Parlement avait été rappelé et la 
gloire du Prince qui n*avait jamais voulu plier sous le 
joug avait paru ce jour-là dans tout son éclat. Le 
nouvel an avait été un triomphe non moins éclatant ; 
la quantité de visites reçues par Conty, le i®*" janvier 
1775, de tous les ordres de TEtat, avait été presque 
incroyable (3). Mercy-Argenteau qui n*avait point 
d'abord soupçonné tant de popularité, s'aperçut que 
Conty était une puissance avec laquelle il fallait comp- 
ter et songea, un peu tard, à ménager cet homme 
imprudemment rabroué. Ses rapports à Marie-Thérèse 
exposent des calculs utilitaires, d'un machiavélisme 
naïf: 



28 septembre 1774» — • •• Comme ce prince du sang, avec 
certains inconvénients, ne laisse pas d'avoir un grand parti 
dans le public de ce pays-ci, et qu'il est d'ailleurs fort entre* 
prenant, plein de nerf et de suite dans sa conduite, il est bon 
qu'un pareil personnage soit attaché à la Reine ; et j'ai fait 
observer à Sa Majesté que, sans se mettre en frais, il lui serait 
facile^ par des moyens très simples, de se conserver la bonne 
volonté de ces personnes susdites et de leurs attenances (4). 



(i) Mo»« DU Dkffand, Correspondance, tome II. p. 4o6. 

(2) Correspondance secrète de Marie- Thérèse^ tome II, p. 160. 

(3) Correspondance secrète [dite de Métra], tome I, p. iSg. 

(4) Correspondance secrète de Marie- Thérèse, tome II, p. 241. 



182 Li FsiNCB SB Goimr 

1 5 janvier 1776. — ... J'ai eu à parler, à ce sujet, da 
prÎQce de Conty, de sa prépondéraoce dans le Parlement, des 
vues qu'il peut avoir en maaifestaat, comme il le fait, son 
désir de s'attacher à la Reioe et de se concilier sa bienveil- 
lance et sa protection. J'ai fait voir ce que cette circonstance 
pouvait représenter d'avantag'eux pour le meilleur service de 
la Reine, et j'ai montré en même temps les inconvénients à 
éviter. Le prince de Conty est le seul parmi les princes du sang 
qui, par ses qualités personnelles, puisse jouer un rôle dans 
ce pays-ci ; il a de l'esprit, des connaissances, beaucoup de 
fermeté et de courag'e, mais son humeur trop entreprenante 
exigée qu'il soit contenu dans certaines bornes (i). 

Le comte de Mercy-Argenleau ignorait encore que 
Conty, si tenace en certains de ses desseins, n'était 
pas dans la coutume doffrir deux fois ses services 
quand une fois ils avaient été dédaignés. Exclu de la 
Cour par la pitié filiale de Louis XVI, il se confina 
dans Topposition et la jolie réponse qu*il fit un soir à 

(i) Correspondance ienrêie de Marie- Thérêie, tome II. p. 283. — 
Il est assez piquant de rapprocher cette opinioo de Mercy-Argen- 
teau sur CoDty, du jugement porté sur le même par l'anglais 
Horace Walpole. Aussi fermé à la politesse et à l'esprit de Paris 
que le chevalier de Lorenzi était fermé à la plaisanterie, Walpole 
n*a pas entendu goutte à la conversation de Conty. Aussi le 
déclare-t-il d'esprit médiocre, confus dans ses idées, diffus et 
incompréhensible : 

« Un seul membre de la famille royale affecta de la protéger 
[la cause du Parlement] ; mais il était trop, méprisé à la Cour, 
trop peu important et d'un esprit trop médiocre pour nuire à 
tout autre qu'à lui-même : c'était le prince de Conty. Beau et 
d'une tournure vraiment royale ; gracieux à ses heures, mais 
d*une hauteur et d'une arrogance extrêmes ; dissolu et prodigue; 
il avait formé autour de lui une sorte de cour composée de ceux 
qui n'avaient rien à espérer de celle du Hoi ; mais il lui man* 
quait le pouvoir de leur donner ou d'en recevoir aucun appui. 
Confus dans ses idées, mais 1res nettement convaincu de la supé- 
riorité de son intelligence, il se montrait à la fois diffus et 
incompréhensible. Tyrannisant à son aise son petit cercle, il se 
posait en patron de la liberté et pourtant personne n'a poussé 
plus loin que lui l'abus de ses privilèges La Cour ne prit point 
ombrage d'un pareil ennemi {Lettres d*Horace Walpole à .set 
amis, p. 187). 



VI FBINCB DE GONTT IIS 

Marie-Antoinette aurait fait réfléchir toute autre que 
la belle Autrichienne évaporée. La Reine, croisant à 
rOpéra le Prince dans un couloir, s'écriait : « — Eh! 
vous voilà, monsieur ! Que faites-vous ici ? » — « Mada- 
me, dit en souriant Gonty, je suis un Parisien qui vient 
voir la Reine » (i). Et jamais plus il ne chercha à être 
autre chose que ce Parisien dont on n'avait pas voulu 
à Versailles. 

La conduite du prince de Conty durant la crise par* 
lementaire, son irréductible intransigeance; d'autre 
part, la protection dont il honora certains philosophes, 
nous autorisent-elles à le classer parmi ces précur- 
seurs plus ou moins conscients de la Révolution qui, 
lentement mais sûrement, préparèrent pendant la 
seconde moitié du dix-huitième siècle, la ruine de la 
monarchie? En deux mots, quelles furent les opinions 
politiques et philosophiques du prince de Conty ? 

On commettrait, croyons-nous, une étrange erreur 
en se figurant Conty démocrate, parce qu'il se range 
du côté du Parlement contre le Roi. Conty, par son 
éducation, par le milieu où il vit, est imbu, plus que 
tout autre de ses contemporains, de Tesprit aristocra- 
tique et monarchique. Mais il est « constitutionnel » 
avant tout. Il estime que la Constitution française, 
c'est-à-dire l'ensemble des lois fondamentales du 
royaume, qui groupent autour du trône, avec des 
droits précis et dans une hiérarchie consacrée par le 
temps, les princes et les grandes familles de France 
— il estime que cette Constitution, inaltérable à ses 
yeux, est le point d'appui le plus solide et le plus sûr, 
la sauve-garde même de la Société monarchique. Le 
Parlement lui apparatt comme le gardien de ces lois, 
comme le pouvoir modérateur propre à guider par ses 
avis, à retenir par ses remontrances, le pouvoir exé- 
cutif si, d'aventure, le Roi mal informé s'écartait des 

(i) DuTENS, Mémoirei d'an Voyagear qai se repose^ tome H, 
p. 24. 



484 LE PRINCl Dl CONTT 

régules constitutionnelles. Louis XV lorsqu'il réduit le 
Parlement au rôle de simple chambre d'enregistre- 
ment, n'outrepasserait pas à la rig^ueur son droit de 
monarque absolu, s'il n*érig^eait pas en système une 
mesure exceptionnelle et si les édits à enreg'istrer, 
conformes aux Jois, étaient Texpression réfléchie de 
la volonté royale. Mais, en fait, Louis XV, roi pares- 
seux, est à la merci de ses mattresses et de ses minis- 
tres. Et Gonty trouve intolérable que les lois, qui sont 
la force de l'Etat parce qu'elles sont la tradition 
monarchique codifiée, soit méconnues et remplacées 
par l'arbitraire, par le caprice omnipotent d'une 
favorite ou d'un surintendant de hasard. En défen- 
dant les privilèges du Parlement, Gonty, bien loin de 
faire œuvre révolutionnaire, défend la monarchie con- 
tre le Roi. 

Si le moindre doute subsistait là-dessus, la réponse 
que le Prince fit adresser par son amie, M"« de Bouf- 
flers, à une lettre du roi Gustave III de Suède, serait 
topique. Le monarque Scandinave écrit en 1772 à 
l'ancienne mattresse de Gonty, avec laquelle il est en 
correspondance depuis son voyage de Tannée précé- 
dente à Paris : 

... Le spectacle que ma pauvre patrie offre dans ce moment 
peut mériter les regards d'une personne qui réfléchit autant 
que vous : le choc de la démocratie contre raristocratîe expi- 
rante ; cette dernière préférant se soumettre à la démocratie 
plutôt que d'être protégée par la monarchie qui lui tendoit les 
bras, voilà la décoration que cet hiver vous auroit présentée. 
C'est à peu près le même tableau que j'ai vu en France à mon 
passage; là,c'étoit l'aristocratie luttant contre une monarchie 
établie depuis longtemps ; mais ce qui étoit pour vous conso- 
lant, c'étoit que, de quelque côté que la balance eût été em- 
portée, votre gouvernement eût été très bien réglé, au lieu 
qu'ici nous approchons à grands pas vers l'anarchie... (i). 

Celte épître va évidemment à une double adresse 

(i) Lettres de Gustave III y pp. 5^, 55. 



LE PRINCB DB CONTT )85 

Gustave III veut être lu de M"" de Boufflers et du 
Prince. Celui-ci ne s'y méprend pas, et il riposte, indi- 
rectement, par l'entremise de la comtesse : 

... M. le prince de Cooty me char/dpe d'avouer à Votre 
Majesté qu'il ne peut adhérer à un des traits de la lettre qu'elle 
m'a fait l'honneur de m'écrire, où il s'ag'it du choc de Taris- 
tocratie avec la monarchie, et il regrette hien de n'être pas à 
portée de soumettre avec franchise aux lumières de Votre 
Majesté, les raisons qui lui font penser qu'elle pourroit être en 
quelque erreur à cet égard. Il désireroit ardemment en trou- 
ver l'occasion, etc.. 

Conty ne soufiPre pas qu'on pense et qu'on dise à 
l'étranger que Taristocratie française, dont il est un 
des plus hauts représentants, à combattu la monar- 
chie, alors qu'il a conscience, en luttant contre le Roi 
et son chancelier, d'avoir au contraire lutté pour les 
principes monarchiques foulés aux pieds. 

Un autre indice des tendances résolument conser- 
vatrices du prince de Conty, est l'aversion que lui ins- 
pirent les novateurs politiques et notamment les Eco- 
nomistes. Après la mort de Louis XV, il reporte contre 
Turgot la combativité qu'il exerçait naguère contre le 
ministère Maupeou-Terray. Il faut dire que Turgot 
qui, pas plus que ses amis de la secte économique, ne 
comprend la nécessité de la séparation des pouvoirs 
législatif, exécutif et judiciaire, Turgot qui rêve de 
faire du pouvoir unique de la royauté l'instrument 
de la raison publique, s'est opposé de toutes ses for- 
ces au rétablissement des anciens Parlements. Le par- 
lement de Paris lui en garde rigueur. Mais il y a dans 
la guerre déclarée par les parlementaires au nouveau 
contrôleur-général, autre chose qu'une revanche de 
rancune. C'est l'ancien régime qui se dresse contre 
les réformes ; c'est le passé qui tente de barrer la route 
à l'avenir menaçant. Aussi quand Turgot, soutenu par 
Louis XVI, s'attaque aux deux vingtièmes, à la cor- 
vée, à Texemption d'impôts de la noblesse, Conty 
malade, presque mourant, assiste néanmoins à toutes 



186 LE PRINCB DB GONTT 

les assemblées du Parlement pour encourager la résis- 
tance, pour voter les remontrances réclamant le retrait 
des édits royaux^ pour condamner au feu la brochure 
que Turgot a fait rédiger contre les Droits féodaux» 
C'est au cours d'une de ces séances qu'un chien, entré 
on ne sait comment dans la salle où siégeaient les 
Pairs, vint faire ses ordures, précisément devant le 
fauteuil du Prince. Un huissier voulait chasser la bêle 
incongrue à coups de houssine « — Laissez faire I 
Liberté, liberté, liberté toute entière ! » s'écria Conty, 
persiflant par cette formule favorite des Economistes, 
le système en vertu duquel les vins, après les blés, 
venaient d'être affranchis des douanes intérieures (i). 

L'opposition de Conty ne se bornait pas à voter et à 
railler. Quelques mois plus tdt, au moment des émeu- 
tes des farines (mai 1776), c'est à Pontoise, tout près 
de Llsle-Adam, qu'avaient éclaté les troubles qui 
s'étaient propagés jusque dans la capitale, jusque 
sous les fenêtres du palais de Versailles ; et Ton disait 
tout haut que celte fermentation, qui aboutit au pil- 
lage des minoteries et des boulangeries, avait été 
fomentée par les agents du Prince (3). 

Comment concilier ce misonéisme, cette croyance 
en quelque sorte innée chez Conty aux droits ina- 
missibles d'une classe privilégiée, avec la faveur dont 
le prince couvre publiquement des hommes tels que 
Rousseau, Beaumarchais, Diderot, des philosophes, 
des pamphlétaires, des prêcheurs d'égalité ? C'est que 
Conty, malgré les préjugés inhérents à sa naissance, 
est plein d'aspirations vagues mais sincères vers le 
bien et le juste. Sa raison élevée le porte vers les hom- 
mes d'idées, vers les théoriciens dont les utopies lui 
semblent généreuses et belles. Mais son orgueil de 
caste se cabre devant les hommes d'action, qui boule- 
versent le repos public, et prétendent réaliser des 
nouveautés qu'il juge subversives de l'ordre établi. 



(i) Mémoires secrets, tome IX, p. 5o. 
(2) Mémoires secrets, tome XXX, p. 2i43. 



LB PaiNCB DE CONTT 1S7 

Les relations du prince de Conty avec Jean-Jacques 
Rousseau sont du reste très antérieures aux affaires 
du Parlement et rien ne permet de supposer que le 
Prince se soit jamais ran/^é sous la discipline du phi- 
losophe çénevois. On sait, par les Confessions, com- 
ment se nouèrent ces relations. Rousseau, depuis qu'il 
avait quitté THermitag^e, brouillé avec M™® d'Epinay 
(décembre 1767), s'était retiré à Montlouis, près de 
Montmorency, dans la maison d'un de ses admira- 
teurs, M. Mathas, procureur fiscal du prince de Condé. 
Il avait pour voisin le maréchal et la maréchale de 
Luxembourg qui passaient la belle saison à leur châ- 
teau de Montmorency. Ils le firent inviter à les aller 
voir. Rousseau déclina l'invitation. Il craignait qu*on 
le fît manger à l'office, comme autrefois, chez M"*® de 
Beuzenval. Cependant, dit Rousseau, les avances con- 
tinuèrent : 

Madame la comtesse de Bouffi ers qui étoît fort liée avec 
Madame la Maréchale, étant venue à Montmorency, envoya 
savoir de mes nouvelles et me proposer de venir me voir. Je 
répondis comme je devois, mais je ne démarrai point. Au 
voyage de Pâques de Tannée suivante, 1759. le chevalier de 
Lorenzi qui ëtoit de la Cour de M. le prince de Conty et de la 
société de Madame de Luxembourg, vint me voir plusieurs 
fois : nous fîmes connaissance ; il me pressa d'aller au châ- 
teau ; je n'en fis rien. Enfin, un après-midi que je ne songeois 
à rien moins, je vis arriver M. le maréchal de Luxembourg, 
suivi de cinq ou six persoones. Pour lors, il n'y eût plus 
moyen de m'en dédire et je ne pus éviter sous peine d'être un 
arrogant et un malappris, de lui rendre sa visite et d'aller 
faire ma cour à Madame la Maréchale, de la part de laquelle 
il m'a voit comblé des choses les plus obligeantes (i). 

Voilà donc Rousseau introduit au château de Mont- 
morency. On le mit si vite à son aise qu'il ne tarda 
pas à s'installer complètement dans une annexe 
nommée le « petit château », tandis que les menuisiers 
réparaient le plancher de sa maison de Montlouis. 

(i) J.*J. Rou98BAu, Con/ettions, tome II, p. 374. 



188 LB PROfci DB coimr 

C'est là qu'il reçut (en 1760) la première visite du 
prince de Conty, poussé probablement par M™® de 
Boufflers. L'année suivante, le Prince retourna voir le 
philosophe à Montlouis. Mais il choisit, les deux fois, 
le moment où M^ de Luxembourg n'était pas à Mont- 
morency, afin de rendre plus manifeste sa politesse 
envers Rousseau. 

Je n'ai jamais douté, écrit celui-ci, que je ne dusse les pre- 
mières boutés de ce prince à Madame de Luxembourg^ et k 
Madame de Boufflers ; mais je ne doute pas non plus que je 
ne doive à ses propres sentiments et à moi-même, celles dont 
il n'a cessé de m'honorer depuis lors. 

Comme mon appartement de Montlouis étoit très petit, et 
que la situation du donjon étoit charmante, j'y conduisis le 
Prince, qui, pour comble de /grâces, voulut que j'eusse l'hon- 
neur de faire sa partie aux échecs (i). Je savoîs qu'il j°:agnoit 
le chevalier de Lorenzi, qui étoit plus fort que moi. Cepen- 
dant malgré les signes et les grimaces du chevalier et des 
assistaos, que je ne fis pas semblant de voir, je gagnai les 
deux parties que nous jouâmes. En finissant, je lui dis d'un 
ton respectueux, mais grave : « Monseigneur, j'honore trop 
Votre Altesse Séréoissime, pour ne pas la gagner toujours 
aux échecs». Ce grand prince, plein d'esprit et de lumières, 
et si digne de n'être pas adulé, sentit en effet, du moins je le 
pense, qu'il n y avoit là que moi qui le traitasse en homme, 
et j'ai tout lieu de croire qu'il m'en a vraiment su bon gré (a). 

(i) Le « donjon » était une espèce de pavillon que Rousseau 
avait fait vitrer pour lui servir de cabinet de travail et qui ter- 
minait, au bout du jardin, une allée en terrasse donnant sur la 
vallée et Tétang de Montmorency. 

(2) J.-J. Rousseau, Confessions^ tome II, p. 4ït. — L^s Mémoi- 
res de Casanova rapportent d'une toute autre manière que les 
Con/es* ions ceite visite à Montmorency : 

(c Le Prince, homme aimable, se rend seul à Montmorency 
tout exprès pour passer une agréable jouroée è causer avec le 
philosophe qui, à cette époque, était déjà célèbre. Il le trouve 
dans le parc, il l'aborde, et lui dit qu*il venait pour avoir le plai- 
sir de dtner avec lui et pour passer la journée à causer en 
liberté. 

« Votre Altesse fera mauvaise chère, lui dit Rousseau ; mais 
je vais dire qu'on mette un couvert de plus. 

« Le philosophe part, va donner ses ordres, revient trouver 



LB PRINCB DE CONTY 189 

En effet, peu de jours après, le Prince faisait 
envoyer à Rousseau un panier de gibier. 

Mais c'est à la publication de V Emile (1762), que 
s'affirma, mieux que par des visites, la bienveillance de 
Conty. Jean-Jacques était très lu depuis sa Nouvelle 
Héloïse qui avait été un des gros succès de librairie du 
temps. Un livre de lui ne pouvait plus passer ina- 
perçu. Les hardiesses de l'Emile provoquèrent un 
véritable toile contre son auteur. Le Parlement qui ne 
voulait pas, dans les circonstances présentes, se lais- 
ser accuser par les Jésuites d'indifférence en matière 
de religion, décida, non seulement de poursuivre l'ou- 
vrage, mais de décréter Rousseau de prise de corps. 
Jean-Jacques n'était pas encore atteint de cette manie 
de la persécution qui le rendit par la suite si ingrat 
envers ses meilleurs amis. Fort de son innocence, il 
se reposait, plein d'une quiétude trompeuse. M°^^ de 



le Prince et passe avec lui deux ou trois heures à se promener. 
Quand Theure du dîner fut venue, il mène le prince dans son 
salon, où celui ci, voyant trois couverts, lui dit : 

a ^ Qui voulez vous donc faire dîner avec nous? Je pensais 
que nous dînerions tète à tête. 

u — Notre tiers, Monseigneur, lui dit Rousseau, est un autre 
moi-même. C'est un être qui n'est ni ma femme, ni ma maî- 
tresse, ni ma servante^ ni ma mère, ni ma fille, et qui est tout 
cela à la fois. 

tf — Je le crois, mon cher, mais n'étant venu que pour dîner 
avec vous tout seul, je ne dînerai pas avec votre autre vous- 
même, et je vous laisserai avec votre tout. 

a En disant cela le Prince le salua et partit. Rousseau ne cher, 
cha pas à le retenir » (Mémoires tle Casanova, tome III, p. 367). 
Cette anecdote est très certainement controuvée. Le comte 
d'Escherny dans ses Mélanges de littérature (tome III), parlant 
avec complaisance des excellents dîners qu'il a faits chez Rous- 
seau, tête à tête avec lui, dîners préparés pur Thérèse Levasseur, 
la Le Vasseur comme il l'appelle, ajoute : « Ce qui m'étonnait 
le plus c*est que, malgré mes sollicitations, jamais il n'a voulu 
permettre qu*elle se mît à table avec nous ». A plus forte raison 
Rousseau n'aurait-il pas eu l'idée de faire dîner sa servante- 
maîtresse avec un prince du sang. On remarquera d'ailleurs que 
Conty, dans sa visite à Montlouis, était accompagné de plusieurs 
familiers, et non point seul, comme le dit Casanova. 



IM LB PRINCB DE CONTY 

Boufflers el le prince de Conty étaient moins tran- 
quilles. 

Au milieu de la nuit du 8 au 9 juin, Rousseau qui 
lisait dans son lit, fut interrompu par un envoyé de 
M. de Luxembourg. L'exprès apportait une lettre du 
Prince au Maréchal. Cette lettre de Conty donnait avis 
que, malgré ses efForts, on était disposé à procéder à 
toute rigueur contre Tauteur de V Emile: « La fermen- 
tation est extrême, mandait le Prince, rien ne peut 
parer le coup ; la Cour l'exige, le Parlement le veut ; 
à sept heures du matin, il sera décrété de prise de 
corps et Ton enverra sur-le-champ le saisir ; j*ai obtenu 
qu'on ne le poursuivra pas s'il s'éloigne, mais s'il per- 
siste à vouloir se laisser prendre, il sera pris » (i). 

Rousseau, courut en hâte à Montmorency, conférer 
avec la maréchale de Luxembourg. Il y trouva le 
Maréchal qui arrivait de Paris avecM™« de Boufflers. 
Tous deux achevèrent de décider le philosophe à dis- 
paraître. Il était deux heures du matin. Le Maréchal 
lui offrait un asile au château ; la comtesse le pressait 
de se réfugier au Temple. Il préféra partir pour la 
Suisse et gagna le canton de Berne, en évitant Lyon 
et Besançon où les courriers devaient se présenter au 
commandant de place. Enfin il arriva à Yverdun chez 
son ami Roguin (2). 



(i) J.-*J. Rousseau, Confessions, tome II, p. 4^8. 

(2) Les Mémoires secrets donnent de l'évasion de Rousseau une 
version un peu différente : 

« On prétend qu'il ne vouloit point absolument partir, qu'il 
s'obstinoit à comparoir ; que M. le prince de Conty lui ayant fait 
là-dessus les instances les plus pressantes et les plus tendres, 
cet auteur avoit demandé à S. A. ce qu'il lui en pouvott arriver, 
en ajoutant qu'il aimoit autant vivre à la Bastille ou à Vincen- 
nés que partout ailleurs ; qu'il vouloit soutenir la vérité, etc. ; 
que le Prince lui ayant fait entendre qu il y alloit non seulement 
de la prison, mais encore du bûcher, la stoîcité de Rousseau 
s'étoit émue, sur quoi le Prince avoit repris : — « Vous n'êtes 
point encore assez philosophe, mon ami, pour soutenir une 
pareille épreuve » et que, là-dessus, on l'avoit emballé et fait 
partir » (Mémoires secrets, tome I, p. 102). 



LE PRINCE DE CONTY i9i 

La sollicitude du Prince suivit Rousseau dans son 
exil. Il était à peine établi en Suisse que M'^^' de Bouf- 
fiers le suppliait c de se conserver pour ses amis ». Il 
faut citer un passage de cette lettre si noble et si tou- 
chante d'une femme que la folie de Rousseau soup- 
çonnera bientôt de duplicité et de traîtrise : 

... Je vous avouerai que lorsque je pense à votre situation, 
j'éprouve la peine la plus sensible. Vcus voulez devoir votre 
subsistance à votre travail ; mais, dans le lieu que vous avez 
choisi, dans Tétat où vous êtes, quelles occupations peuvent 
vous convenir ? Vous n*avez aucun revenu ;vous ne voulez plus 
écrire ; comment pourrez-vous vivre, si vous vous obstinez à 
refuser à vos meiUeurs amis le plaisir et la gloire de vous 
secourir? Tranquillisez -moi sur cet article : vous en avez un 
moyen, que mon amitié pour vous mérite et exige que vous 
employiez : c'est de me promettre de ne pas vous réduire 
vous-même à des extrémités dont la seule pensée m'effraie, et 
de vous adresser à moi avant que vos propres ressources 
soient tout à fait épuisées. Vous savez mieux que qui que ce 
soit que le bien est également éloigné de tout excès. Craignez 
donc de porter la délicatesse trop loin ; craignez d*y sacrifier 
de véritables devoirs. C en est un sans doute de se conserver 
pour ses amis, de leur montrer de la reconnaissance, de Tes- 
time. Voulez-vous persuader à toute TËurope qui a les yeux 
sur vous, que, dans le nombre de gens qui vous aiment, il 
n'y en a pas un seul que vous jugiez digne de vous ser- 
vir ?. . . (i). 

Quand, en décembre 1765, Rousseau revint à Paris 
par tolérance tacite de M. de Choiseul, avant de pas- 
ser en Angleterre avec David Hume il habita d'abord 
rue de Richelieu, chez la veuve Duchesne, libraire. 
Mais le prince de Conty jugea qu'il serait plus en sûreté 
au Temple, asile Inviolable, et le logea dans l'Enclos^ 
à Thôtei Saint-Simon. Rousseau avait à cette époque 
adopté le costume arménien et la curiosité qu'il exci- 
tait était grande. C'était du matin au soir un concours 
empressé de badauds ou d'admirateurs. Le Prince 

(i) Sainte-Bsuve, Nouveaux lundis^ tome IV, p. 194. 



i92 LB PRINGB DB GONTY 

envoyait ses musiciens jouer sous ses fenêtres et Jean- 
Jacques pouvait écrire à son ami Du Peyrou : «Comme 
Sancbo dans son île de Barataria, en représentation 
toute la journée, j'ai du monde de tous les étalsdepuis 
rinstant où je me lève jusqu'à celui où je me couche 
et je suis forcé de m'habilleren public. Le Prince sait 
bien que cette magnificence n^est pas de mon goût, 
mais je comprends que, dans la circonstance, il a voulu 
donner en cela un témoignage public de Testime dont 
il m*honore ». 

Rousseau quitta Paris le 4 janvier 1766 et franchit 
le détroit. On sait comment il remercia Hume de ses 
bons procédés en le traitant de scélérat, en l'accusant 
d^avoir tenté de le déshonorer ; comment il revint en 
France, à la fin de mai 1767. Après un court séjour 
chez le marquis de Mirabeau, à Meudon, c*est au châ- 
teau de Trie, voisin de Gisors, que le philosophe 
trouva un refuge. Trie appartenait au prince de Conty 
qui mit le domaine à sa disposition, recommandant 
qu'on ne laissât manquer de rien il/. /{^/lou (c'est le nom 
qu'avait emprunté Rousseau pour ne point paraître 
braver le parlement de Paris). Cet ordre fut mal 
observé : 

... Malgré la recommandation du Prince, ses gens n'eurent 
pas beaucoup d'égards pour un homme simple, sans mine et 
qui mangeoit avec sa gouvernante. L'inconnu eut la délica- 
tesse de ne point se plaindre, mais il écrivit à son protecteur 
de ne point trouver mauvais qu'il quittât ce lieu et de lui per- 
mettre de se soustraire à ses bienfaits. Le prince de Conty se 
douta de ce qui étoit ; il arrive chez lui, il arrache son secret 
à Rousseau, il le fait manger avec lui, assemble sa maison et 
menace de toute son indignation dans les termes les plus 
énergiques, celui qui manquera à cet étranger (1). 

Rousseau lui-même rend témoignage des empresse- 
ments de Conty à son égard dans une lettre du 5 no- 
vembre 1768 : 

i) Mémoires secrets ^ tome IV, p. 60. 



LE PRINCE DE CONTT 193 

Jamais prince n'en a tant fait pour un particulier qu'il en 
a daig'né faire pour moi! : « Je le mets ici à ma place, 
disoit-il à son officier; je veux qu'il ait la même autorité que 
moi, et je n'entends pas qu'on lui offre rien, parce que je 
le fais maître de tout ». Il a même daigné me venir voir 
plusieurs fois, souper avec moi tête-à-tête, me dire en pré- 
sence de toute sa suite, qu*il venoit exprés pour cela... (i) 

Cependant quand il écrit cela, Rousseau n'est déjà 
plus à Trie depuis le mois de juin. Thérèse Le Vas- 
seur, sa maîtresse, qui s y déplaisait, Ta brouillé avec 
tout le monde. Il est à Lyon, il va habiter Bourgoin 
et Monquin, dans le Dauphiné, refusant l'hospitalité 
que Conly lui offre à son château de Lavagnac. 11 
reviendra à Paris en juin 1770 et, tout à coup, sans 
qu'on puisse deviner pourquoi ni comment (serait-ce 
pas à propos de son opéra des Neuf Muses ^ répété au 
Temple et déclaré injouable?), il s'apercevra que la 
confiance qu'il a mise jusque-là dans le prince de 
Conly, dans M"*« de Boufflers, dans M™® de Luxem- 
bourg, était « aveugle et stupide » (2). 

Tel est l'historique aussi condensé que possible du 
commerce de Rousseau avec le prince de Conty. David 
Hume, qui fut témoin de l'intérêt que prenait le Prince 
au philosophe durant qu'il l'hébergeait au Temple, 
dit que Conly « accablait Rousseau de si grandes 
bontés qu'elles auraient pu passer pour railleuses s'il 
eût été moins à plaindre, ou le Prince moins géné- 
reux » (3). En peut-on conclure que Conty adopta les 
doctrines politiques de Jean-Jacques? Nullement. Le 
Prince qui était allé visiter le philosophe par curiosité, 
pour voir de près un sauvage de génie, se prit de ten- 

(i) J.-J. Rousseau, Correspondance (Lettre à M. MoultOD). 

(2) Lui-même ajoute cette note extravagante au passage des 
Confessions où il parle des visites du Prince : « Remarquez la 
persévérance de cette aveugle et stupide confîance,aa miliea de 
tous les traitements qui dévoient le plus m en désabuser (!) Elle n a 
cessé que depuis mon retour à Paris, en 1770 ». 

(3) Lettre de David Hume à M. de Malesherbes, du xo mai 
1766. ..Cf. : Œuvres de Rousseau, tome III, p. xxg. 

13 



194 LE PRINCE DE GONTY 

dresse pour lui quand il le vit malheureux. Comme 
il arrive d'ordinaire, cette pitié affectueuse s* accrut 
en proportion des services rendus au persécuté, jus- 
qu'au jour où Rousseau s*écarta spontanément d*un 
protecteur que son cerveau malade travestissait en 
ennemi. Mais rien qui ressemble moins que ce senti- 
ment du Prince à Tengouement d'un disciple pour son 
maître. Conty partageait si peu les opinions de Jean- 
Jacques que M"« deBoufflers, écrivant à David Hume 
pour lui apprendre Tévasion du Genevois après la 
publication de l'Emile^ s'exprimait ainsi : 

Jean-Jacques Rousseau, citoyen de (reDève, et auteur de 
plusieurs écrits qui vous sont vraisemblablement connus, 
vient de composer un Traité sur l'Education en quatre volu- 
mes ou il expose plusieurs principes contraires aux nôtres, 
tant sur la politique que sur la religion. Comme nous ne 
jouissons pas ici de la liberté de la presse^ le Parlement, par 
un arrêt Juste, s* il est, comme je n'en doute pas, conforme 
aux lois du royaume, mais néanmoins rigoureux. Ta décrété 
de prise de corps et Ton prétend que, s'il n'avait pas pris la 
fuite, il aurait été condamné à la mort... (i). 

Et cette appréciation des démêlés de Rousseau avec 
la justice française, n'empêche point M"« de Boufflers 
de vanter un peu plus loin, dans la même lettre, le 
caractère du philosophe, son « cœur droit », son 
« âme noble et désintéressée », sa « délicatesse » 
excessive, la pureté de sa « vertu ». 

L'intérêt que porta Conty à Rousseau était en 
somme de la même nature que celui dont il honora 
l'avocat Gerbier qui passait en son temps pour Tora- 
teur le plus éloquent du barreau de Paris. Le Prince 
saluait le mérite partout où il le rencontrait. Conve- 
nons aussi que Gerbier savait, mieux que cet ours de 
Rousseau, répondre aux politesses des grands. Les 

(i) Saintb-Bbuve, Noaveaax tandis, tome IV, p. igS ; d'après 
la Vie et Correspondance de David Hame, publiées en anglais, par 
M. John Hill Burton (x856), tome II, p. 107. 



LB PRINCE DB CONTY 195 

Mémoires secrets relaient une visite, faite en 1769 par 
Conty, à l'avocat en villégiature à Aulnay-sous-Bois : 

L'orateur confondu d*une telle visite, mit dans sa réception 
toute l'éloquence dont il est capable. Mais le Prince exigea 
qu'on oubliât le cérémonial dQ à son rang et qu'on le traitât 
comme un ami de la maison. Son premier soin fut de par- 
courir les délicieux jardins du château. Ces jardins sont créés 
en quelque sorte par le nouveau maître et c'est un jardinier 
anglois qui a traité cette partie dans toute la singularité du 
costume de sa nation. Après les premières promenades, le 
sieur Gerbier, laissant faire les honneurs de sa maison à sa 
femme, demanda la permission au Prince de le quitter un 
moment sous quelque prétexte ; il revint peu après et con- 
duisit insensiblement Son Altesse, comme pour se reposer, 
sous un belveder agréable, ou on lut ces vers fraîchement 
écrits : 

Sous son humble toit Philémon 
Reçut le maître du tonnerre ; 
A son bonheur le mien répond : 
Je vois Conty dans ma chaumière. 

Le Prince enchanté de cette galanterie ingénieuse, redoubla 
de bontés et de caresses pour son hôte, et voulut passer trois 
jours chez lui, faveur signalée, dont aucun particulier peut- 
être n a jamais pu se vanter (i). 

La faveur témoignée par Conty à Beaumarchais n'im- 
plique pas davantage l'acquiescement du Prince aux 
formules impertinentes, aux brocards égalitaires dont 
Figaro criblera un jour les privilégiés de la monar- 
chie- D'ailleurs, en 1774, Figaro est encore à naître, et 
Beaumarchais n'est, au théâtre^ le père que A'Eugénie^ 
fille larmoyante et modeste. En revanche, la verve 
frondeuse de l'écrivain s'est largement donné carrière 
contre les magistrats du Parlement Maupeou et ses 
Mémoires dans TafTaire Goezman ont fait rire la France 
entière. C'est plus qu'il n'en faut pour que Beaumar- 
chaisy condamné par ses juges, absous par le public, 

(1) Mémoires secrets ^ tome IV, p. 325. 



196 LB PRINCB DB CONTT 

devienne l'hôte choyé du Prince qui l'admet à sa table, 
Texhibe à ses invités, en vertu de ce principe de poli- 
tique : les ennemis de nos ennemis sont nos amis. Et 
comme Beaumarchais n*a pas encore établi cette 
réputation d'esprit que lui vaudront ses comédies 
d*intrigue, on attribue à Conty une part de collabo- 
ration dans les satires judiciaires du sieur Caron : 

g mars ijji* — Le priDce de Conty couvre le sieur de Beau- 
marchais de la protection la plus éclatante et malgré Tarrèt 
qui déclare ce particulier iot'âme, il Ta fait souper l'autre 
jour chez lui, avec quarante personnes très qualifiées. Cette 
faveur qui ne se manifeste ouvertement que dans ce 
moment-ci, mais qu'on s'aperçoit être ancienne, tourne les 
soupçons presqu'en certitude que la Correspondance et 
autres brochures de cette espèce sortoient du Temple et se 
travailloient sous les auspices de Son Altesse : une certaine 
identité de style, de tournure, de méchanceté et d'esprit, tout 
forme de fortes présomptions pour faire croire que ses enne- 
mis ne Tont point taxé vaguement d'avoir eu part aux écrits 
en question, et qu'ils avoient là-dessus de bons renseigne- 
ments (i). 

Entre Beaumarchais et Conty, existe du reste un 
autre trait d'union : tous deux raffolent de peinture 
et l'écrivain confie au Prince des tableaux pour les 
expertiser (2). 

C'est probablement aussi à la peinture qu'il faut 
attribuer la pension dont le prince de Conty^ quelque 
temps avant sa mort, gratifie Diderot c pour qu'il 

(i) Mémoires secrets^ tome VIII, p. i56. — La Correspondance 
à laquelle font allusion les Mémoires secrets était un libelle très 
curieux, paru en 1771 et intitulé : Correspondance secrète et 
familière de M. de Maapeou avec M. de Sorhouet^ conseiller da 
nouveau Parlement, » M. Hippeau, annotateur de Paris et Ver^ 
sailles, Journal anecdotiqae^ dit (p. 79) : a Malgré les efforts de la 
police, on ne put arrêter le cours de ces publications. Elles sor- 
taient d'une presse cachée dans le Temple, appartenant au prince 
de tonty ». 

(2) Voyez ci-après le chapitre relatif à la vente des biens dn 
Prince. 



LE PRINCE OB CONTT 197 

puisse se payer un secrétaire ». L'auteur du Neveu de 
/{a/neau est également Fauteur des Salons du Louvre*. 
C'est le critique d'art que le Prince pensionne, et non 
le fondateur de TEncyclopédie. 

Le prince de Conty pourtant partai^eait au moins 
sur un point les opinions des Encyclopédistes. Il était 
le plus dénué des hommes à l'égard des croyances 
religieuses. Bien qu'éduqué par les Jésuites, il n'ai- 
mail point leur morale : n 11 n'avait d*ailleurs aucune 
estime pour les moines, les collèges, les séminaires et 
les communautés; il méprisait la piété des reclus, 
qu'il qualifiait de tartufes et de fripons masqués » (i). 
Il assistait rarement aux offices de son plein gré ; 
bien différent en cela du Roi qui, au milieu de ses 
plus grands désordres, ne manquait jamais à ses 
prières du matin et du soir^ entendait régulièrement 
la messe chaque jour, allait à vêpres, au sermon^ au 
salut, observait exactement les pratiques les plus 
minutieuses de la religion. 

Conty avait un aumônier. Mais le premier qui 
occupa cette charge dans sa maison y entra un peu 
par hasard. C'était l'abbé Prévost, Tauteur de Manon 
Lescaut. Tour à tour novice chez les Jésuites^ volon- 
taire dans un régiment, de nouveau novice, soldat de 
nouveau, bénédictin, professeur, prédicateur, fugitif 
enfin à l'étranger, Antoine-François Prévost d'Exilés 
avait obtenu, vers lySô, de rentrer en France et de 
reparaître sous l'habit séculier, par la haute protec- 
tion du cardinal de Bissy et du prince de Conty. Le 
Prince l'avait recueilli, mais ne lui donnait que le 
logement et la table; Tabbé eût désiré d'être attaché 
à Son Altesse d'une façon plus particulière et surtout 
plus lucrative. 11 s'en ouvrit au Prince timidement : 
c — Eh ! mon pauvre abbé, que puis-je faire pour 
toi ?» — « Monseigneur, je me trouverais bien heu 

(i) Vie privée et politique de Loais^François-Joseph de Conty ^ 
p. 37. 



198 LE PRINCE DB CONTY 

reux si Votre Altesse me nommait son aumônier ». — 
« Mon aumônier ! Te moques-tu ? Je n'entends 
jamais la messe » — « Précisément, Monseigneur, 
moi je ne la dis jamais » — « En ce cas, fit le Prince 
avec le plus grand sérieux, tu es justement le chape- 
lain qu*il me faut ». Et il le pensionna de douze 
cents livres (i). L'amitié de Conty servit et sui- 
vit Tabbé Prévost quand celui-ci, pour avoir impru- 
demment obligé un libelliste, se vit compromis et 
forcé de repasser la frontière. C'est encore grâce au 
Prince que le bénédictin défroqué revint à Paris, 
Dix ans plus tard, il était toujours « Paumônier » du 
Prince ou du moins un des assidus de l'hôtel de Conty ; 
il n'ignorait rien de ce qui s'y passait. En 17499 sou- 
pant chez M°*^ du Boccage, il narrait au chevalier de 
Mouhy comment le Prince avait dû consigner à ses 
officiers la maison de M*^* Lamotte, de la Comédie- 
Française, personne si friande d'adolescents qu'elle 
avait mis sur les dents deux jeunes pages à la livrée 
de Conty, débauchés par elle au moyen de petits pâtés 
et de bonbons... (2). 

Le prince de Conty n'avait point le respect du 
clergé et les plus hauts dignitaires de l'Eglise 
n'échappaient pas à ses sarcasmes. Mgr de Branciforte, 
nonce du Pape, reçu à Paris en lySS avec une pompe 
inusitée parce qu'il apportait pour le jeune duc de 
Bourgogne, fils du Dauphin, des langes bénis par le 
Saint^Père, s'était vite acquis auprès des matrones et 
des filles de la capitale une réputation méritée de 
débauché spécial et ses goûts socratiques étaient 
notés à la police (3). Le prince de Conty se chargea 



(i) [DuoAS DE B018 Saint-Just], Paris f Versailles et la pro^ 
vincey tome III, p. 121. — En 1787, Prévost portait encore le cos- 
tume civil (Voyez : Boisjourdàin, Mélanges^ tome III, p. i5i). 
Son aumônerie doit être de 1788 environ. 

(2) Ravaisson, Archives de la Bastille, tome XII, p. 333. 

(3) Voyez notamment un rapport de Tarent Durocher, du 
7 septembre 1753, conservé à I'Arsenal : Archiœs de la Bastille^ 
10.262. 



LE PRINCE DB CONTT 199 

de propager à Versailles une anecdote qui mit les 
gens au fait de cette faiblesse du gros prélat. Le nonce 
aux langes, contait le Prince, s'étant rendu au bal de 
rOpéra, masqué jusqu'aux dents, écrasa, dans la 
foule, les orteils d'un domino qui, se retournant, 
s'écria sans malice : « Ce bougre-là ne prend pas 
garde à ce qu'il fait ». Mais Branciforte, à ce mot de 
bougre, ne voulut pas aller plus loin et quitta le bal en 
disant : « Je suis reconnu ! » (i). 

S*il se gaussait ainsi avec les grands et, peut-être, 
s'attirait par là un peu de l'inimitié du Roi, plein de 
vénération pour les ministres du culte et d'horreur 
pour les indévots, Conty n'affichait point ces senti- 
ments en public. Il donnait au besoin l'exemple de la 
piété extérieure quand l'étiquette ou la bienséance 
exigeait cet eifort; et le curé de L'Isle-Âdam n'avait 
point de paroissien plus généreux que lui. Si Conty 
montrait la plus large tolérance envers les anabap- 
tistes flamands qu'il avait établis à sa ferme de Bou- 
lonville, il entendait aussi que ses vassaux catholi- 
ques respectassent les heures du service divin ; par 
affiche signée de Pierre-Charles Potel, son bailli de 
L'Isle-Âdam, il défendait aux cabaretiers et auber- 
gistes de ses domaines de donner à boire, non plus 
qu'à jouer aux boules, quilles, raquette, sas et bat- 
toir, le dimanche et les jours de fêtes pendant les 
offices (2). 

C*est qu'il pensait, avec Jean-Jacques « que l'huma- 
nité seule réclame le respect de la religion »^ religion 
nécessaire au peuple a que l'attente d'une autre vie 
console des misères de celle-ci » (3). 

Une seule fois le Prince scandalisa par son attitude 
d'incrédulité. C'était le lo mai 1774; il assistait, par 



(i) Comte db Chsverny, Mémoires^ tome I, p. i5i. 

(2) Voyez le Règlement de police de Llsle-Adam, du 21 février 
1770. 

(3) J.-J. Rousseau, Correspondance (Lettre à Deleyre). Cf. : 
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, tome IV, p. 345. 



200 LB PRINCE DB CONTT 

convenance, aux prières des quarante heures qu'on 
récitait à la paroisse du Temple, ainsi que dans tou- 
tes les églises de Paris, pour appeler les grâces du 
ciel sur le Roi bien malade, quand on vint annoncer 
que Louis XV était défunt. Oubliant la décence que 
le lieu commandait, Conty intima Tordre à Tofficiant 
de renfermer le Saint-Sacrement dans le tabernacle^ 
coupant court à des oraisons désormais sans objet. 
Le peuple se retira privé de la bénédiction (i). 

Le Prince, qui ne voyait que superstitions dans les 
dogmes de la religion catholique, était^il pourtant 
superstitieux à sa manière? On a dit qu'il croyait, 
comme Pythagore, à la fatalité des nombres et que le 
chiffre douze lui paraissait faste entre tous ; qu'il 
aimait avoir douze mets à son menu, douze cou- 
verts à sa table, douze épées dans son magasin 
d*armes, douze costumes dans son vestiaire ; que lors- 
qu'il gratifiait quelqu'un, c'était de douze louis ou de 
douze cents livres (2). A Tabbé Prévost, nous l'avons 
vu accorder, en effet, douze cents francs de pension. 
Un de ses faucons s'échappe-t*il? il promet douze louis 
de récompense à qui le rapportera ; mais un paysan 
s'étant présenté avec l'oiseau douze jours plus tard, 
Conty voit dans ces deux douze un présage alarmant; 
subitement furieux, il ordonne de jeter le paysan dans 
les fossés du château et Tintervention d'une femme 
empêche seule Texécution de cet ordre insensé (3). 
Nommé au commandement de l'armée d'Italie, c'est 
le 12 février 1744 qu'il met en route ses équipages (4)- 
Le plus important des chapitres de Malte s'ouvrait tra- 
ditionnellement le II juin, fête de Saint^Barthélemy 
(la grande fête du Temple) ; devenu grand-prieur, 
Conty reporte au 12 juin 1781 la tenue du premier 

(i) F<ute9 de Louis XV^ tome II, p. 749. 

(2) G. Capon et R. Yvb-Plbssis, Fille (T Opéra, p. 187. — Cf. : 
Vie privée et politique de Louis-François-Joseph de Conty, p. 35 
(en note). 

(3) [Soulavib], Mémoires du duc de Richelieu, tome IV, p. 34. 

(4) BARBuii, Journal^ tome U, p. 383. 



LB PRINCE OB CONTT 201 

chapitre qu'il préside (i). En 1771, soucieux d'écono- 
miesy le Prince réduit le nombre de ses maîtresses 
à l'Opéra : il en fait rayer douze de Tétat de sa 
dépense (2). La même année, c'est le 12 avril seule- 
ment qu'il fait signifier au greffe du Parlement la 
protestation des princes, rédigée pourtant depuis 
le 4. 

Peut-être sont-ce là simples coïncidences. On admet 
difficilement ces petitesses chez un esprit aussi bien 
équilibré que celui du prince deConty. Mais les plus 
g^rands hommes n'ont-ils pas eu leurs manies?... 

(i) H. DE CuRzoN, La maison da Temple, p. 67, et Duc db Lutnbs, 
Mémoires, tome XI, p. 178. 

(2) Le Philosophe cynique, p. 3a. 



vu 

Les amotxrs du prince de Conty 



Les mattresBes en titre. — Trois liaisons de durée. — Mme Paneau 
d'Arty. — Amours batailleuses. — Une amie de M<n« d*Epina7. — La 
ressucitée de Stors. — M"« de Boufflers. — La t Minerve du Tem- 
ple, n — L'amante reste Tamie. — M(n« Gauché-Dailly, dite de Bri- 
mont. — La recluse de Popincourt. — Les bâtards reconnus du 
Prince, derniers Bourbon-Gonty. 



P 



LAiRE fut la préoccupation constante du prince de 
Conty. Plaire aux femmes fut une de ses princi- 
pales occupations. 

Parmi les maîtresses du Prince, si nombreuses que 
nous avons dû renoncer à en établir la liste complète, 
il faut néanmoins distinguer. Trois liaisons de durée, 
les deux premières publiques, avouées, constituent ce 
qu'on pourrait nommer les amours honnêtes : la 
première de ces liaisons s'appelle M™« d'Arly; la 
deuxième, M™« de Boufflers ; la dernière, M°»« Dailly. 
Ne vient qu'après, quoique simultanément, la bande 
des actrices, des filles, des professionnelles de la 
galanterie, avec, çà et là, quelque femme à allure, de 
demi-vertu, grande dame ou petite bourgeoise, égarée 
dans le nombre. Ce sont les caprices d'un mois ou 
d'une semaine, parfois les coucheries sans lendemain. 



LB PRINCE OE CONTT 203 

Etudions d'abord les maîtresses en titre ; nous pas- 
serons ensuite la revue des éphémères. 

On a peu de documents sur M"® d*Arly. Pour lui 
consacrer une courte et charmante notice dans un 
recueil de portraits féminins du dix-huitième siècle, 
M. Honoré Bonhomme, aux prises avec Tinsaisissa- 
ble, a dû dépenser des trésors d'ingéniosité, suppléer, 
supposer, supputer (i). 

Par Jean-Jacques et ses ConfessionSj nous savions 
déjà que M"« d'Arty était la fille naturelle de M°»® de 
Fontaine et du financier Samuel Bernard : 

Elles étoient trois sœurs qu'on pourroit appeler les trois 
Grâces : Madame de la Touche, qui fit une escapade en Angle- 
terre avec le duc de Kingston ; Madame d'Arty, la maîtresse 
et bien plus, Tamie, l'unique et sincère amie de M. le prince 
de Conty, femme adorable autant par la douceur, par la 
bonté de son charmant caractère que par l'agrément de son 
esprit et par l'inaltérable gaîté de son humeur; enfin madame 
Dupin, la plus belle des trois... (2). 

Grâce aux manuscrits de la Bibliothèque Nationale, 
que n'a point connus M. Honoré Bonhomme, nous 
possédons l'état civil de M™« d'Arty. Marie-Anne- 
Louise Guillaume^ dont le père putatif se faisait appe- 
ler Guillaume de Fontaine, naquit à Paris, le 25 août 
1710, et fut baptisée à Saint-Roch (3). Elle épousa à 
quatorze ans, le 16 octobre 1724, Antoine-Alexis 
Panneau d'Arly, né en 1696, qui fut, de 1787 à 1743, 
directeur général des aides et, longtemps, habita 
l'hôtel Bretonvilliers, dans l'île Saint-Louis (4). Après 

(i) Honoré Bonhomme. Grandes dames et pécheresses. 

(2) J.-J. Rousseau, Confessions ; tome II, p. 22. 

(3) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 2o534» f. i36. 

(4) Aoloine Paoeau ou Panereau d'Ârty portait : d'argent à un 
réseau de sable, à la fasce de gueules brochant sur le tout et 
chargé de deux lacs d'amour d'or. Il était fils d'Alexis, payeur 
des rentes de l'Hôtel de Ville et de sa deuxième femme, Jeanne- 
Angélique Vaillant. 



204 LE PRINCE DE GONTT 

lui avoir donné un fils, Alexis-Armand, qui^ plus 
tard, fut d'église, elle avait été séparée judiciairement. 

Elle avait vingt-sept ans quand elle aima le prince 
de Conty, vers 1737. Le Prince avait alors vingt ans. 

D'un billet de M. Beringhen, grand écuyer du Roi, 
billet écrit àCompiègne le 19 juillet 1789, autorisant 
jyfme d'Arty à tirer des lapins dans le bois de Boulogne 
et accompagné d'une lettre d'envoi des plus aimables, 
M. Bonhomme a conclu que M™* d'Arty devait être 
déjà la maîtresse du Prince en 1789, pour obtenir 
faveur aussi rare. Par la même méthode dëductive, 
nous avons pu reculer cette date et, d'une facétie 
manuscrite, d'un prétendu < Catalogue des livres qui 
se vendent au Palais Royal » en 1737, inférer cette 
année 1737 comme le début de ces amours. Parmi les 
titres imaginaires du catalogue nous relevons ceux-ci : 
« Traité de la jalousie des maris, par M. d'Arty, 
[dédié] à M"« de Mortemart » (M™® de Mortemart 
plaidait alors en séparation). « L'usage des bonnes 
mœurs, par le comte de Donges, à Monsieur le prince 
de Conty » (i). 

Louis-François et Marie-Louise vivent tout à fait 
ensemble en 1740. La détresse pécuniaire de Conty 
est grande. C'est le temps où ses fournisseurs lui refu- 
sent tout crédit. L'intérêt ne guide pas M°»« d'Arty, 
plutôt riche. Ces amants épris se battent pourtant 
comme plâtre. Un manuscrit inédit, échappé au bio- 
graphe de M"® d'Arty, et qui est intitulé : Sommaire 
des prouesses et faicts merveilleux arrivés à Letuce 
[Lutèce]f capitale du royaume des Lesgau [Gaulesl^ 
depuis PEgire, ce manuscrit dit : 

Chapitre IX. Gomme quoi le prince Tinoe, après avoir 
mangé et ribaudé tout soo avoir, s*est retiré dans Tisle 
Dama pour y vivre eu hermite ; comme quoi il s*y est 
enfermé avec la Sunamite Napeautidar pour y faire péni- 
tence et s y flageller Tun Tautre. 

(i) BiBuoTHÈQUE ^ATiONÀLKi Afanuscrîts français, 12.634, f. aie. 



LB PRINCE DB CONTT 205 

En marge, ces explications : 

Le prince de Conty s'est trouvé, en 1740, dans une telle 
extrémité qu*un jour son intendant vint luy représenter que 
personne ne vouloit plus luj faire de crédit, excepté le rôtis- 
seur; que cependant il n'y avoit plus ni foin ni avoyne dans 
la maison pour donner aux chevaux. Sur quoy le prince de 
Conty fit cette jolie répartie à son intendant : « Qu'on leur 
donne des poulardes ». Quelque tems après, il se retira tout 
à fait à L Isle-Adam, avec Madame Paneau d'Arty, sœur de 
Madame Du Pin, fermière générale, et de Madame de La 
Touche, qui a passé en Angleterre en 1786 pour suivre 
Milord Kingston. Elles sont toutes trois filles de Madame 
Fontaine, maîtresse de Samuel Bernard. 

La chronique veut que le prince de Conty et la dame 
d'Arty se battent l'un l'autre comme des diables, et ce, pour 
des riens (i). 

De 1742 à 1746, malgré la guerre, la tendresse du 
Prince pour son amie ne se relâche point. Peut-être 
même leur liaison se fortifie-t-elle des absences forcées 
de Conty. A se quitter souvent, ils se reprennent avec 
plus de joie après chaque campagne, et leurs amours 
sont moins batailleuses quand le Prince a épuisé con- 
tre l'ennemi son trop plein de vivacité. 

A l'automne de 1746, M"® d'Arty fait la connais- 
sance deM™^ d'Epinay et les deux femmes, brusque- 
ment, se prennent Tune pour l'autre d'une extraor- 
dinaire amitié. En dépit des conseils de ses parents 
qui font à M"® d'Arty grise mine, M°*« d'Epinay ne voit 
que par sa nouvelle amie, ne saurait plus se passer 
d'elle, tant elle la juge aimable, gaie et d'un tour 
d'esprit amusant. Elles s'écrivent de petits billets pres- 
que passionnés : 



(i)BiBuoTHÂQUB Nationaub i ManiucHts françaîSy io.479« f* 4^3. 
— L'ouvrage n'est en effet qu'une suite de sommaires. Le texte 
absent des chapitres est remplacé par des notes marginales ser- 
vant à éclairer les obscurités (très relatives) de chaque som- 
maire. 



206 LE PRINGB DE CONTY 



De M^^ dEpinay à M^^ dArty. 

J*ai été un peu grondée, ma reine, d*avoir passé deux jours 
de suite chez vous ; moyennant cela je n'ose aller vous voir 
aujourd'hui. Si vous sortez, passez un moment chez moi, 
comme par hasard. Mais non, ne venez pas; car cela donne- 
rait encore de l'humeur à mes parents. J'aime mieux être 
privée du plaisir de votre société aujourd'hui, afin d^n jouir 
plus à mon aise demain. Adieu. Je ne sais comment cela se 
fait, mais je ne puis plus me passer de vous. Si vous voyez 
Francœur, dites-lui de venir me voir. 



De M^ dArty à M^ne dEpinay. 

Cela est, en effet, bien scandaleux de voir deux femmes 
passer leur journée et veiller tête à tête ; en vérité, vos 
parents sont fous. S'ils veulent encore s'opposer à notre liai- 
son, je louerai un appartement aux Capucins, je vous regar- 
derai toute la journée sur votre balcon, et s'ils mettent le nez 
à la fenêtre, je leur ferai la grimace pour leur apprendre à 
vivre. 

On m'a éveillée pour me remettre votre lettre, et je n'ai 
qu'un œil d'ouvert ; encore ne l'est-il qu'à moitié. J'ai le bout 
des doigls gelé, mais cette sensation ne va pas plus loin 
quand il s'agit de vous. Adieu, ma belle ; je ne vous réponds 
pas, malgré votre défense, de ne vous point voir aujourd'hui : 
je ne me sens pas d'humeur à m'im poser cette pénitence ; et 
vous n'en serez vous pas moins boudée pour une visile de 
plus ou de moins ! Voilà Francœur qui vient dîner avec moi ; 
je vous l'enverrai après (i). 

De ces épi très tombent aux mains de M. Lalive 
d'Epinay qui fait la moue en les rendant à sa femme, 
surtout quand elles sont, par hasard, datées : « À six 
heures du matin, en sortant de chez le prince de 
Conty )). 

Celte belle passion s'éteint, comme elle avait pris, 
en feu de paille, au mois de février 1747^ à la suite 

(1) Mme d'Epinày, Mémoires, tome I, p. 85. 



LE PRINCE DE CONTY 207 

d'un souper chez le musicien Francœur. Que s'est-il 
passé à ce souper? M^^d'Epinay ne le dit pas. Mais 
ses yeux se sont dessillés. Et elle confie à ses Mémoi- 
res sa désillusion : 

Dans quelle ivresse j'étoîs de Madame Dartj il y a peu de 
jours encore I Je la croyois un oracle, sa tournure d'esprit 
m*enchantoit, ses plaisanteries me paraissoient naïves et 
avoient à mes yeux le caractère de la vraie gaieté ; maintenant 
elles ne me paroissent que libres et indécentes. Je veux fuir 
cette femme, et je ne sais comment m*y prendre. Elle a tant 
d'amitié pour moi f si je lui donnois quelques avis sur son 
étourderie ? elle se moqueroit de moi : elle m'auroit peut-être 
écoutée autrefois, mais à présent ! 11 m'eu faut retirer peu à 
peu, et comme me Ta conseillé mon mari (i). 

Et c'est fini. M"® d'Epinay ne revoit plus <c sa reine » 
qu'à de longs, à de rares intervalles. D'abord, en mars 
1748, à l'occasion du mariage de sa belle-sœur avec 
M. d'Houdetot. Puis, seulement deux ans après : 

Comme j'allois sortir ce matin, Madame d'Arty, que je 
n'avois pas vue depuis un siècle est venue me dire adieu ; elle 
retourne pour six mois à la campage d'où elle arrive : 
« Croyez-vous, m'a-t-elle dit, que vous avez beaucoup gagné 
à la solitude où vos parents vous ont tenue et au vœu authen- 
tique que vous avez fait de ne plus me voir? On vous donne 
une botte d'amants, ma chère : d'abord Francueil, Duclos, 
Gauffrecourt, et je ne fais que d'arriver » (a). 

A ce moment (1750), M™« d'Arty est-elle encore la 
maîtresse du Prince ? Nous penchons pour l'affirma- 
tive. Mais il y a entre eux grand refroidissement. Ils 
se sont brouillés, raccommodés, brouillés encore. Ils 
se querellent et se battent plus que jamais. Déjà, en 
juin 1748» le marquis d'Argensoa croyait à un 
divorce : 



(i) Mme d'Epinat, Mémoirety tome I, p. gg. 
(2) Mme d'Epinat, Mémoires, tome I, p. 276 • 



208 LB PRINCE DE CONTT 

g juin iy4S' — Voici M. le priace de Conty entièrement 
brouillé avec la dame Darty, qu*il avait depuis sa première 
jeunesse ; ils se battirent il y a quelque tems à coups de 
poing", enfin la brouillerie est définitive. Elle a quitté la mai- 
son de rOrang^erie de L'Isle-Adam, et, sur le champ, toute la 
famille Ty est venue voir ; comme madame sa mère, sa 
sœur, etc. (t). 



Ce n'était qu'une alerte. Le mois d'après, les deux 
pugilistes sont raccordés ensemble : 

4 juillet it48. — M. le prince de Conty s'est raccommodé 
et brouillé, puis raccommodé avec sa maîtresse, la dame 
Darty. Ils se querellèrent à table, à L'isle-Adam, devant bien 
du monde. Le Prince donna un coup à la dame ; elle le prit à la 
joue, il saigna ; quand il vit son sang, il devint furieux 
comme le lion. Chacun se retira ; il ne resta qu'un coureur à 
qui le Prince ordonna de jeter la dame par les fenêtres ; ce 
valet la traîna par les cheveux, on Tenferma dans sa chambre, 
on l'y a fait jeûner huit jours au pain et à l'eau. Elle s'est 
sauvée par une fenêtre ! Elle a confié tout son bien au Prince, 
son amant ; il ne la paye pas ; elle s'est brouillée avec son 
mari. Depuis cela, elle s'est raccommodée avec le Prince. His- 
toire ridicule (2). 

Pendant ces bourrasques, en attendant Téclaircie, 
M"® d'Arty se retirait au château de Stors que le 
Prince avait acheté, en 1746, du marquis de Verde- 
ronne, « Monsieur de Six-Blancs », ainsi que le nom- 
mait plaisamment Conty, parce que le marquis, 
lorsqu^il visitait le Prince, son suzerain, attelait pom- 
peusement six chevaux blancs à son carrosse. Le 
hameau de Stors, à une demi-lieue au midi de L'Isle- 
Adam, n'était guère qu'un groupe de maisons, en 
amphithéâtre sur le coteau bordant l'Oise, autour du 
château construit d'après les dessins de Mansart pour 



(i) Marquis d'Arobnson, Journal et Mémoires, tome V, p. aaô. 
(2) Marquis d'Argenson, Journal et JUémoires, tome V, p. a3i. 



LE PRINCE DB GONTT 209 

la famille de UAubespine ( ().Mais la situation en était 
riante et jolie. Et c'est la campagne, « d*où elle arrive^ 
où elle retourne », dont veut parler M°** d'Ëpinay. 

La rupture définitive des amants doit se placer vers 
la fin de lySo ou le début de 1751. En janvier lySo, 
le prince de Conty, grand-prieur, afferme les revenus 
du Temple au sieur Fontaine, frère de M"® d'Arty (2). 
Mais il ne lui renouvelle pas son privilège qui passe 
au sieur Danthieur, ancien juge à Nérac (3). D'autre 
part, le règne de M"' de Boufflers commence en lySi 
environ... 

^me d'Arty, délaissée, se jeta dans la dévotion. Elle 
vécut désormais à l'écart^ s'adonnant à des œuvres de 
charité, s'enfonçant de plus en plus dans les prati- 
ques pieuses. Cependant elle n'avait pas perdu le 
souvenir du Prince. Elle eut une maladie, fort grave 
alors, la petite vérole, pendant laquelle son état ne 
permettait pas qu'on reçût personne dans sa cham- 
bre. 

Son confesseur, qui seul avait le droit d ; entrer avec les 
gens de son service, lui représenta que, dans la situation où 
elle était, elle devait renoncer, tant pour elle-même que pour 
Tédification publique, à toutes les illusions, à toutes les vaines 
affections de ce monde, et par conséquent fermer sa porte au 
Prince, qui était jour et nuit dans son antichambre pour 
demander de ses nouvelles : — c Ah ! mon père, répondit- 



(i) [ÂBBéGRiMOT] Histoire de UIsle-Adam, p. 42.— Etienne-Louis 
deL'Aubespine, dit d*abord le marquis de Beaucourt, puis le mar- 
quis de Verderonne, à la mort de son frère atné (Claude-Marie 
de L'Aubespine, marquis de Verderonne, seigneurde Stors, ensei- 
gne de gendarmerie, tué à Malplaquet en 1709), était capitaine 
des gendarmes anglais et gouverneur de Montélimart. Il avait 
épousé, en 1718. Françoise-Sabine de Grolée deViriville(ANSBLMB, 
Histoire chronologique, tome VI, p. 563). — Le château de Stors, 
acheté sous TËmpire par Kellermann, ducde Valmy, appartient 
aujourd'hui aux Lannes de Montebello. 

(a) Marquis d'Arqbnson, Joarnai et Mémoires, tome VI, p. 149. 

(3) BiBuoTuÈQUE DB l'Arsbnal : Archives de la Bastille, 10237 
(Dossier Quinson). 

14 



210 LE PRINCE DE CONTY 

elle avec naïveté, que voas me rendez heureuse f Je craignais 
bien d'enôtre oubliée > (i). 

jyfme d'Arty mourut dans les premiers jours de mars 
1765, et, selon toute apparence, à Paris. Son testa- 
ment, retrouvé par nous aux Archives Nationales, est 
daté du 10 décembre 1769, mais il porte un codicille 
du 27 février 1765.11 fut remisa M® Mareschal, notaire 
à Paris, le 3 mars suivant, scellé le même jour, con- 
trôlé le 4* On scellait généralement aussitôt après le 
décès. M*°® d'Arty serait donc morte le 2 ou le 
3 mars. 

Donnons le texte intégral de ce testament. On y 
verra M°*« d'Arty, riche encore en 1769 des libéralités 
du prince de Conty, presque gênée au moment de sa 
mort, puisqu'elle a dû vendre ses diamants et emprun- 
ter à ses domestiques. 

Ceci est mon testament : 

L*heure de ma mort étant incertaine, et ne voulant pas en 
être surprise sans avoir écrit mes dernières volontés, ce jour- 
d'hui 10 décembre 1769, après avoir recommandé mon âme 
à Dieu, créateur du ciel et de la terre, et de ma pleine volonté 
et en bonne santé, je demande à mon fils, légataire universel 
de tout ce dont je ne disposerai pas ou à mon neveu Ville- 
neuve, fils de ma sœur de La Touche, auquel je substitue 
tout ce que je laisse à mon fils ; je leur demande de me faire 
entérer dans le cimetière de la paroisse sur laquelle je décé- 
derai, sans aucun frais ni cérémonies, et de donner au curé 
aoo livres pour les pauvres de ladite paroisse ; et ne craignant 
rien tant que d'être entérée vive, la première grâce et la plus 
grande que mon fils puisse me faire et que je lui demande 
avec le plus d'insistance, est de me faire ouvrir a4 heures au 
moins après ma mort (a). 

(i) [DuoAST DE B018 Saint- Just], PariSy Vernailles et les provinces, 
tome I, p. i4i. — Voyez également Mise ^ecker^ Mélanges^ citée 
par H. BoNHOiiiiB, Grandes dames et pécheresses^ p. 187. 

(2) A la mort d*Alexis-ArmaDd Paneau d'Arty, prêtre et doyen 
de la Sainte-Chapelle de Ponloise, conseiller au Grand conseil, 
qui décéda le 7 février 1771 à Paris, rue Cadet, < dans une mai- 



LB PRINCB DE GONTT 2il 

Je donne et lègue aux prêtres de la paroisse de Llsle-Adam 
800 livres, une fois payées ; je les prie d'en distribuer 
5oo aux pauvres de Stors, Nog'ent, etc., et du surplus d'en 
prier Dieu pour moi. 

Je donne et lèg^ne à ma sœur Dupin mes boucles d'oreilles 
de diamant et mes bracelets qui sont des jarretières à boucles 
et à plaques de diamant ; ceci est une bien faible preuve de 
ma tendre amitié pour elle et de la rcconnoisance que je lui 
dois. 

Je donne et lèg'ue à ma sœur de la Touche mon collier de 
diamants avec le peu de bagues et gpénéralement tout ce qui 
se trouvera à ma mort en diamants, de boîtes et de bijoux ; 
j'en exempte ceux dont j ai disposé pour ma sœur Dupin ; je 
voudrois que ma fortune me permît de donner à toutes deux 
de plus g-randes preuves de mon tendre attachement. 

Je donne et lègue à Manon 5oo livres de rente viagère à 
prendre sur un contrat de 1000 livres, au principal de 
20.000 livres, que j'ai placé sur Son Altesse Sérénissime Mgr. 
le prince de Gontj. 

Je donne et lègue à Marie- Anne la rente viagère sur sa tète, 
celle de Marignj et de leurs deux petites filles, des autres 
5oo livres du susdit contrat ; j'ordonne qu'il soit remis entre 
les mains du trésorier de S.-A.-S. Mgr. le prince de Contj, 
je le prie de vouloir bien s'en charger et de ne payer qu'à mes 
gens sus-nommés et de ne le rendre à mon fils que quand les 
susdites rentes seront éteintes. 

J'ordonne que ma garde-robe soit vendue au profit de mes 
femmes, moitié à Manon et moitié à Marie-Anne, sur 
laquelle somme il sera pris aoo livres pour ma femme de 
garde-robe. 

Je donne et lègue à Marigny 5.ooo livres d'argent comptant 
une fois payées ( 1 ). 



son à lui appartenant par bail à vie », la substitution au profit 
de son cousin Vallet de Villeneuve fut néanmoins contestée et 
des oppositions à l'héritage furent mises par la famille des 
sœurs de M>b« d'Arty (Archives Nationales : Y. i3i23). Ajoulons 
que Vallet de Villeneuve recevait du prince de Conty i 000 livres 
de pension, à lui constituées depuis le a6 avril 1751, plus une 
rente de 5 65o livres, depuis le 4 septembre 1765 {Registre deê 
comptes de Manscoart, Dépense, chap. 9, rentes a64 et 4^)* 

(I) Caboche, dit Marigny, fut par la suite portier du chAteau 
de Stors. Il occupait encore ce poste en 1779 et reçut de Conty, 



2)2 LE PRINCE DE CONTY 

Je donne et lègne à mon cuisinier loo livres de rente via- 
g'ère et je lui en donne aoo si le jour de ma mort il y a plus 
de dix ans qu'il est à mon service. 

Je donne et lèg^ue à tous mes autres domestiques 600 livres 
chacun une fois payées, excepté ceux qui le jour de ma mort 
m'auront servi plus de dix ans, à qui je donne et lè|j^ue 
100 livres de rente viagère. 

Je rends à Son Altesse Sérénissime Mgr le prince de Conty 
son château de Stors et tous ses meubles ; ceci est inutile à 
dire puisque mon fils sait ainsi que moi que le tout m'a été 
prêté et qu'il n'y a aucun meuble, de quelque espèce qu'il soit, 
à emporter de Stors, ayant été payés par Son Altesse Séré- 
nissime. Mais ce qui n'est pas inutile est de le remercier 
encore de Tusag'e qu'il m'en a permis et de reconnottre que 
tout ce que je possède je le tiens de ses bontés, afin que mon 
fils et mes héritiers n'oublient jamais que tout ce qu'ils auront 
de moi vient de lui. Je lui demande d'ajouter à toutes ses 
grâces celle de m'assurcr quelqu'un de sa maison pour l'ar^ 
rangement de ma succession et pour Texécution de mes der- 
nières volontés, que je recommande aussi au respect et à l'ami- 
tié que mon fils me doit (i). 

Après la mort de mon fils, je substitue à mon neveu Ville- 
neuve tout ce qui se trouvera dans ma succession et je lui 
donne et lègue le tout en forme de substitution, afin qu'il en 
retrouve la valeur au cas que mon fils mourût avant lui Tout 
ce qui est contenu sur le présent testament est ma volonté 
écrite de ma main, dans ma chambre, à Paris, le 10 décembre 
1759. 
Signé : M.-L. Guillaume de Fontaine-Darty. 

Codicile pour ajouter et retrancher de mes dernières volon- 
tés. Je dois à M^^^^b Duhreuil, habitantes de L'isle Adam, filles, 
6.000 livres qu'elles m'ont prêtées pour mon fils. Je dois à 
Marigny 5.a5o livres qu'il m'a prêtées suivant mon billet. Je 

par testament, une rente viagère de 260 livres (Registre des 
comptes de Manscoart, Dépense, cbap. 2). 

(i) Ce passage est à opposer à celui des Mémoires du duc de 
Richelieu (tome VIII, p. 5i) où Soulavie affirme : « Le prince de 
GoDty n'était pas mieux rangé dans ses a£Paires [que son oncle 
le comte de Clermont]. Chargé de dettes, Mm» d^Arlic, qui depuis 
fut sa maîtresse, le secourut souvent de ses deniers pour des 
besoins urgents ». On peut Topposer également à celui du Jour- 
nal du marquis d'Argenson, cité plus haut, p. 207 



LE PRINCE DE GONTT 213 

dois à Leroy, mon portier à Stors, i .700 et tant de livres, sui- 
vant mon billet. Je dois à Manon plusieurs années de ses 
gag'es, à raison de 5o écus par an. Sa dernière quittance est 
sur son livre et sur le mien. 11 faut s'en rapportera elle. Tou- 
tes lesquelles dettes, je désire qu'elles soient acquittées au 
contentement des parties, ainsi que ce que je dois à mon 
tapissier. On trouvera ses quittances d*accompte sur mon 
livre. Ce que je dois à Fontaine, le maçon^ et tous les ouvriers 
qui ont travaillé pour moi, je les recommande à la pitié et à 
la probité de mon fils, pour qu'ils soient tous contents. Je suis 
obligée de retrancher à mes sœurs La Touche et Dupin la 
faible marque de reconnoissance que j'avois projet de leur 
donner ; mais il faut avant tout que mes dettes soient payées 
et je les prie de le trouver bon. Je retranche à mon cuisinier 
La ville la rente de 100 ou de 200 livres viag'ères, attendu que 
je l'ai récompensé d'autre manière. 

Je donne et lègue à Babet, ma fille de garde-robe, ao écus de 
rente viagère. Je ratifie et confirme tous les autres article» de 
mon testament ; je lui désire pleine et entière exécution et je 
l'espère du légataire et de Texécuteur. Telle est ma volonté 
écrite de ma main, le 27 février 1766. 

Signé : Marie-Louise Guillaume de Fontaine-Darty (i). 

M™® d'Arty, avons-nous dit plus haut, mourut à 
Paris. La date de sa mort et la remise du testament, le 
jour même du scellé, à un notaire parisien, permet- 
tent en effet de supposer qu'elle décéda à son domi- 
cile d'hiver. 

Nous avons en tout cas la preuve qu'elle ne mourut 
pas au château de Stors, sa résidence d'été. Au cours 
de notre enquête à L'Isle-Adam et dans les environs, 
alors que nous nous attachions à dépister tous les ves- 

(1) Archives Nationales : Insinuations, Y 69, f. 142 verso. — En 
marge du 2* feuillet reclo : « Contrôlé à Paris, le 4 mars 1766. 
L'original dudit testament, depuis insinué à Paris, sur une expé* 
ditioD d'icelui, le 20 mars 1766, a été déposé pour minute à 
M* Mareschal, l'un des notaires soussignés, par acte du 3 dudit 
mois, le tout demeurant audit Mareschal ». En marge est écrit : 
« Scellé ledit jour ». Cette date du 4 est confirmée en marge du 
Registre des Insinuations (246, f. 28) conservé aux Archives de 
LA Seine. 



214 LE PRINCE DE CONTT 

tiges que pouvait avoir laissés dans la région le pas- 
sage du prince de Conty, une étrange histoire nous 
fut rapportée. On nous conta que M°** d'Arty était 
morte à Stors, et même qu'elle y était morte deux 
fois. 

]\fm6 d'Arty étant défunte fut inhumée, nous disait- 
on, dans la chapelle du château. Or, le lendemain, 
comme la dalle du caveau funèbre n^était pas encore 
cimentée, un domestique s^introduisit dans la cha- 
pelle, pour dérober les bijoux dont on avait paré la 
morte. Le violateur fait sauter le couvercle de la bière, 
dégage une main du linceul pour arracher les bagues. .. 
Mais voici que le bras s'agite, que le cadavre se dresse. 
Le voleur épouvanté lâche sa lanterne et s'enfuit. La 
morte n'était qu'en léthargie. Elle appelle, on accourt, 
on lui prodigue des soins ; elle est sauvée N'écoutant 
que sa joie de revivre, elle voudrait connaître son 
libérateur, à peine entrevu dans la pénombre. Elle 
promet amnistie, et bonne récompense. Personne ne 
se déclare. Seulement, à quelques jours de là, un vieux 
serviteur, que nul n'aurait soupçonné, disparut furti- 
vement, sans réclamer son compte ; on ne le revit 
jamais. 

La légende ajoutait que MJ^ d'Arty ne survécut pas 
longtemps à cette aventure macabre et qu'elle tré- 
passa peu aprtis, cette fois pour tout de bon. 

Il faut se méfier des « traditions ». Ici, d'ailleurs, 
le contrôle était facile. Si M"« d'Arty était morte à 
Stors, nous devions, sur le registre obituaire de la 
paroisse de Llsle-Adam, à laquelle ressortissait le 
château, retrouver son acte de décès. Nous en devions 
même retrouver deux, le premier annulé, le second 
expliquant l'événement. Nous avons compulsé le dit 
registre. De M"* d'Arty, pas la moindre trace. Elle 
n'est pas morte à Stors (i). 



(i) Nous avons découvert depuis que l'histoire de la bague 
volée et de la morte en léthargie n'est pas tout à fait con trouvée. 
Mais elle s'appliquerait à une dame Ardant qui fut propriétaire 



LB PRIN€E DE GONTY 2iSr 

A M™® Paneau d'Arty, succéda M™« de Boafflers.Sont 
à distiaj^uer au dix-huitième siècle trois grandes dames 
de ce nom, également jolies, pareillement connues, et 
presque dans le même temps. On les a parfois confon- 
dues. La première est la duchesse de Boufflers qui, par 
un second mariage, échangea son nom contre celui de 
maréchale-duchesse de Luxembourg ; nous l'avons 
déjà citée en dénombrant les habitués du Temple. La 
deuxième est la marquise de Boufflers, maîtresse du 
roi Stanislas Leczinski et mère de Taimable chevalier 
de Boufflers, petit poète galant. La troisième est la 
comtesse de Boufflers, célèbre pour les agréments de 
sa fig-ure, mais encore plus pour son esprit et pour ses 
connaissances. Amie tendre du prince de Conty^ elle 
brilla à la cour du Temple, comme la marquise, son 
homonyme, brillait à celle de Lunéville. Notez que la 
comtesse aurait pu être nommée aussi justement : 
marquise de Boufflers, puisque son mari, le comte de 
Boufflers-Rouverel, fut marquis à la mort de son père. 
Les contemporains rappellent préférablement com- 
tesse. M^^ du Deffand, dans sa correspondance, la 
désigne ironiquement sous ce titre, la « divine com- 
tesse » et plus souvent encore T/rfofe, parce qu'elle est 
adorée dans un Temple. La société du Prince la sur- 
nomme la Minerve savante. 

Marie-Charlotte-Hippolyte de Gampet de Saujon, 
fille de Charles-François, chevalier de Saujon, en 
Saîntonge, baron de la Rivière, lieutenant des gardes 
du corps du Roi, et de Marie-Louise-Angélique de 
Barbarin de Reignac, naquit à Paris et fut baptisée à 
Saint-Sulpice, le 6 septembre 1725. Elle épousa, le 
mardi t5 février 1746, en Téglise Saint-Eustache, mes- 
sire Edouard, comte de Boufflers-Rouverel, né en 
Espagne en 1722, capitaine de cavalerie dans le régi- 



du château de Slors après la Révolution, avant que le domaine 
fût acheté par Kellermann . Il se peut également que la crainte 
d'être enterrée vive manifestée par Mme d'Arty, ait aidé à la con- 
fusion de personnes. 



216 LB PRINCE DB CONTT 

ment de Chepy, et demeurant à Paris, à Thôtel de 
Boufflers, rue d'Anjou-Saint-Honoré (i). 

Par son frère, le marquis de Saujon, g'enlilhomme 
du duc de Chartres et son compa^^non de plaisir, M"»*de 
Boufflers avait accès au Palais-Royal. Louis-Philippe 
d'Orléans et la duchesse de Chartres, sa femme, née 
Bourbon-Conty, avaient signé à son contrat, en com- 
pagnie delà princesse de la Roche-sur-Yon et du comte 
de La Marche. La jeune comtesse fut d^me d'hon 
neur de la duchesse de Chartres et son mari, au mois 
d'avril 1746, promu colonel du régiment de Chartres- 
Infanterie. Mais M"»® de Boufflers, par sa mère, avait 
également un pied à Thôtel de Conty ; M™« de Saujon, 
veuve, s'étant remariée à M. de Montmorency-Laval, 
premier gentilhomme du Prince. 

Dans ces deux cours, elle eut l'occasion de voir fré- 
quemment Louis-François. Il devint amoureux d'elle, 
le lui dit, la persuada. Peut-être brusqua-t-il le dénoû- 
ment. C'est au moins ce que sous-entend Tauteur ano- 
nyme de ce portrait : 

lancrède est un guerrier dans tout ce qu'il fait. Il va chez 
une femme comme à Tattaque d*une place. Dès qu^il a reconnu 
les dehors, il méprise de prendre des sûretés qui pourroient 
retarder ses victoires. Il se présente eu boa ordre, donne Tas- 
saut, monte à l'escalade, et pousse si chaudement l'attaque 
qu'il se trouve souvent au corps de la place, et sur la place 
d'armes, avant qu'on se soit aperçu de son arrivée. II traite 
sa conquête en ville qu'il ne veut pas garder. Loin d'en tirer 
une contribution honnête, il la pille sans égards et l'aban- 



(i) Le marié était naturalisé Français depuis 1729, mais il était 
Français d'origine. Son père, Antoine-François Oudart de Bouf- 
flers, seigneur de Rouverel, né en 1679, était, en efiPet, lieute- 
nant aux gardes-françaises, lorsqu*en 1699, il tua en duel, à 
Paris, rue de Seine, un officier au même corps. M. de Bauque- 
mare. Obligé de s'enfuir, il prit du service en Espagne. Ses 
biens furent confisqués et donnés à sa sœur Renée-Espérance de 
Rouverel. Il épousa en 1721, Anne-Françoise Wanehop, d'une 
noble famille écossaise (La Ghesnaye-Desbois, Dictionnaire de la 
Noblesse^ tome III, col. 697.698^. 



LE PRINCE DB CONTY 217 

donne à qui veut s'en emparer. Tancrède est partout le vain- 
queur de B... (i). 



Si, comme il est probable, ce B majuscule désigne 
M™® de Boufflers, Tauteur est mauvais prophète sur un 
point: la ville prise ne sera pas, cette fois, « abandon- 
née à qui voudra s'en emparer ». M"® de Boufflers va 
devenir en même temps que l'amante, Tamie indispen- 
sable du Prince ; plus tard, quand elle ne sera plus 
Tamante, elle restera la conseillère fidèle et dévouée. 

Le portrait de Conty sous le nom de Tancrède est 
de 1762. M™* de Boufflers est donc, à ce moment déjà, 
la matlresse du Prince. Mais en 1760, le duc de Luy- 
nes la rencontrait à Versailles y allant faire la révé- 
rence d'étiquette à l'occasion de la mort de son beau- 
père, M. de Rouverel. Signe qu'elle n'était pas encore 
séparée de son mari. Ce rapprochement de dates nous 
conduit, par une autre voie, à la même conclusion que 
ci dessus lorsque nous fixions, par à peu près, à l'an- 
née 1751, la rupture du Prince avec M*"® d'Arty et 
Tavènement de la comtesse. 

Aussitôt que M™® de Boufflers quitte le Palais- 
Royal, brouillée à mort avec les Orléans, pour pren- 
dre logis à l'Enclos du Temple où le prince de Conty 
lui offre un hôtel, sa vie durant, sa victoire s'affirme 
sur toutes ses rivales possibles (2). Non seulement elle 



(i) U école de Pllomme, oa Parallèle des portraits da siècle, 
tome III, p. 211. La clé se trouve à la fin du volume dans les édi- 
tions ori§^inales ; c'est l'auteur lui-même qui indique Tancrède 
comme étant Conty. 

(2) Voici la description que donnaient de Thôtel de Boufflers, 
au Temple, les délégués de TOrdre de Malte dans les commande- 
ries, lors de la » visite » de 1783 : 

« Nous sommes entrés dans une maison appelée l'hôtel de 
Boufflers, n^ 20, par une grande porte cochère. A droite, en 
entrant, est une petite basse-cour« après laquelle est un dessous 
de porte où est le logement du suisse 

» Ensuite nous sommes passés dans une grande cour, à droite 
de laquelle sont des écuries et, plus loin^ une basse-cour où est 



2i8 LB PRINCB DE CONTY 

captive le cœur de son amant par les grâces de sa per- 
sonne, mais elle enchaîne son esprit parles agréments 
du sien, par Futilité de ses avis, par le charme de sa 
conversation. Une sorte de séduction émane d*elle. 



un bâtiment composant des remises, au-dessus desquelles sont 
des greniers et logement pour le cocher. 

» Au bout de laquelle cour et en face de la porte d*entrée est 
le corps de logis dudit hôtel dont les offices sont à demi souter- 
rains. 

» Lie rez-de-chaussée dudit hôtel est composé d*un corridor, 
d'une anti chambre, d'une salle à manger, d'un salon, d'une 
chambre à coucher, d'un cabinet de toilette, dans lequel sont 
lieux à Fangloise, d'une chambre de bibliothèque, d'un balcon 
en forme de terrasse faisant le pourtour jusques et compris les 
croisées du salon. 

» Au premier étage sont trois appartements de maître au-des- 
sus desquels sont différentes chambres de domestiques et un 
grenier servant de garde-meuble. 

» En retour sont des cuisines et garde-manger ayant vue sur 
l'hôtel de Guise ; après est un mur de clôture au bout duquel est 
le dessous de ladite porte, dans lequel est pratiqué un escalier 
conduisant aux chambres d'appartement de maîtres et de domes- 
tiques au-dessus. 

» Ledit corps de logis est couvert en ardoises. Derrière lequel 
est un grand jardin clos de mur, au bout dudit jardin est un 
petit bâtiment composé de trois pièces dont la façade est formée 
de trois arcades ouvrant chacune à deux vantaux, une fenêtre, 
une demie feinte et l'autre ouvrant réellement â vantaux et les 
trois impostes cintrées en vitrage. 

» Dans la plus grande pièce est la cheminée garnie de sa 
plaque de fer, de son contre-cœur, d'un chambranle et sa table de 
marbre, une alcôve, deux niches et trois portes dont une com- 
muniquante â un résidu à droite de la cheminée, dans lequel est 
une vue de souffrance tirant son jour du côté du voisin, d'après 
l'ouverture grillée de trois barreaux et le châssis ouvrant et fer- 
mant qui existe : à gauche de la cheminée est une porte d'ar- 
moire ; celle vis-à vis la cheminée est communiquante à l'autre 
pièce qui parolt être disposée pour antichambre, et la troisième 
pièce, où est le fourneau, paroît être pour la baignoire 

» Dans la première pièce il convient de refaire les deux 
niches, etc. 

1» En face du dit bâtiment est un bassin d'environ 12 pieds de 
diamètre au milieu duquel sont différentes figures en plomb for- 
mant jet d'eau. 

» Au fond du jardin et adossé contre le mur de clôture est un 



LE PRINCE DE CONTY 249 

comme un parfum. Tous ceux qui l'approchent la pro- 
clament la plus aimable femme de son temps ; et plus 
on la connaît, plus on lui rend cette justice. Ce qu'elle 
dît est tournédifféremment de ce que disent les autres; 
elle est unique pour ne rien perdre de son naturel en 
ayant toujours de Tesprit. Cependant nulle n'a plus 
d'amis qu'elle, ni si peu d*ennemis, parce qu'elle joint 
à tous les dons de la nature, et à leur culture, une 
bonté et une sensibilité qui la portent à s'oublier 
sans cesse pour ne s'occuper que des biens ou des maux 
de ceux qui Tentourent (i). Qui la dépeint ainsi ? 
Est-ce un de ses adorateurs ?Non. C'est un diplomate 
« de sens rassis », Dutens, le premier éditeur complet 
de Leibnitz, « anglais d'adoption et de jugement, qui 
a visité les principales cours de TEurope et qui a en soi 
bien des termes de comparaison » (2). 

Un autre témoin de sa vie, un homme à qui elle a 
rendu le service important de le tirer du couvent et 
de le faire relever de ses vœux^ lui a dédié la traduc- 
tion d'un livre anglais, entreprise sous ses auspices. 
Ecoutez comme s'exprime sa reconnaissance : 

Je dédie cet ouvrage à la personne à qui je dois le bien le 
plus précieux de la vie pour qui sait en jouir. Distinguée par 

petit bâtiment couvert d'ardoises et servant de salon de repos. 

» Tous lesdits bâtiments nous ont paru en bon état et bien 
entretenus. 

» La jouissance de tous lesdits lieux a été concédée par feu 
Monseigneur le Prince de Conty. grand prieur de France, en 
vertu du bref d'autorisation de S. A. E. Monsei|B^neur le Grand 
Mattre et son Sacré Conseil â Malte, â Mme la comtesse de Bouf- 
flers pour en jouir sa vie durant, à la charge de l'entretien seu- 
lement ; et ensuite â M. de Boufflers, son fils, et â Mme de Bouf- 
fiers, sa bru. aussi leur vie durant, à la charge pareillement 
d'entretenir les lieux en bon état pendant le temps de leur jouis- 
sance et â charge de payer annuellement au grand prieuré de 
France la somme de 2.000 livres de loyer». (Archives Nationales: 
S. 5.566 Visite priearale de 1783, ff. 3o8 3ii). 

(i) DuTENS, Mémoires d'an Voyageur qai se repose, 1. 1, p. 196; 
t. II, p. 14. 

(2) Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, tome IV, p. 172. 



220 LE PRINCE DE CONTY 

le raD|^ et la naissance, elle Test infiniment plus par la délica- 
tesse et Télévation des scntimens, la beauté du g^énie, l'éten- 
due des lumières, la pénétration de Tesprit, la précision et la 
vigueur du raisonnement, la pureté et Télég-ance du lang-ag'c, 
la justesse et la finesse du goài. Sans le vouloir elle passe, à la 
cour, à la ville, chez Tétranger et dans la république des 
lettres, pour une des premières femmes de sa nation et de 
son siècle... 

Fadeurs ordinaires d'une dédicace? Point. Car 
M™'* de Boufflers ici n'est pas nommée et n^aurait pas 
souffert qu'on la nommât. C'est l'admiration qui parle 
toute pure. 

Des qualités si rares élèvent M™® de Boufflers trop 
au-dessus de la plupart des femmes de son cercle pour 
qu^elle ne leur paraisse pas quelque peu étrange et 
paradoxale. Tout en la déclarant charmante : c Elle 
est trop l'ennemie des lieux communs », dit M^^ de 
Genlis, à qui la postérité n'adressera jamais semblable 
reproche (i). La vieille marquise du Deffand que 
toute renommée blesse, qui n'observe que pour se 
moquer, enrage des succès de M™® de Boufflers et la 
correspondance dont son amour sénile accable le 
sceptique Horace Walpole, abonde en Irails venimeux 
à l'adresse de VIdole et de sa « clique ». C'est ainsi 
qu'elle nomme la société du Temple. Il est vrai que 
dans la querelle de M™® du Deffand avec M'^« de Lespi- 
nasse, M™* de Boufflers a refusé de prendre parti. Cela 
ne se pardonne pas. 

La duchesse de Chartres, devenue d'Orléans, ne par- 



(i) Mme DE Genlis, Mémoires, iora^ I, p. 299. - Mme de Genlis que 
ses propres contradictions n'embarrassent point dit, il est vrai, 
un peu plus loin : « Mme de Boufflers passoit pour la personne 
de la société la plus spirituelle ; elle èloit même auteur de plu- 
sieurs drames et comédies, mais qui n'ont jamais été imprimés. 
On l'accusoit de soutenir dans les conversations des paradoxes 
ou des thèses bizarres ; c'est ce que je D*ai jamais entendu, je 
Tai toujours trouvée aussi raisonnable que spirituelle, mais elle 
n'étoit jamais commune : c'est là sans doute ce qu'on appeloitde 
la bizarrerie a (Tome II, p. 262). 



LE PRINCE DE CONTY 221 

donne pas non plus à son ancienne dame d'atour 
d'être mainlenanl sa belle-sœur de la main gauche. 
El quoique sa propre conduite laisse fort à désirer (le 
comte de Melfort en dirait quelque chose), elle chan- 
sonne la favorite de son frère en termes outrageants : 

La catin d'un prince de sang 
Tient à Paris uo fort beau rang 
Chés les filles publiques, 

Ëhl bien? 
Tant elle est impudique... 
Vous m'entendez bien I (i) 

Qu'importent ces taches au portrait? Ainsi qu'ob- 
serve Sainte-Beuve, mieux que tous les propos de 
société, Testime profonde et Taifection que saufa ins- 
pirer M^^ de Boufflers au grand historien David Hume, 
à Paris en qualité de secrétaire d'ambassade, jugent la 
femme et sont garants du sérieux, de la bonté, qu'il 
trouve en elle sous Técorce mondaine et brillante. 
Cette intimité de Hume et de la comtesse coïncidera 
précisément avec une des crises les plus douloureuses 
que puisse subir un cœur aimant... Nous sommes en 
1764. Depuis treize ans, ï Idole est admirée, choyée. 
Ce ne sont en son honneur, au Temple comme à L'Isle- 
Adam, que fêtes, concerts, soupers littéraires, récep- 
tions grandes ou petites, hommages perpétuels; sa vie 
est une féerie de chaque jour. Que manque-t-il à 
M"* de Boufflers pour être parfaitement heureuse? 
Presque rien : sinon un état régulier dans le monde, 
une situation moins équivoque. Or, voici que M. de 
Boufflers meurt subitement au mois d'octobre. Elle est 
libre : le prince de Conty est veuf. Que va-t-il faire? 
Leur liaison va-t-elle prendre un autre nom^ un tour 
plus honorable? Beaucoup de gens le croient. Hume, 
confident de M°^^ de Boufflers, lui rend compte des 
opinions diverses qu'il recueille : 

(i) Bibliothèque de l'Arsenal : Manascrits^ 3 119, f. 38. 



222 LE PRINCB DR CONTY 

Mercredi 28 novembre ijS^. — Vous pouvez penser que 
depuis mon retour à Paris, je n'ai cessé de tenir ouverts mes 
jeux et mes oreilles pour ne rien perdre de ce qui a rapport à 
votre affaire. Je trouve que l'opinion générale de tous ceux 
qui se croient le mieux informés est qu'une résolution sera 
prise en votre faveur et que cette résolution aura probable^ 
ment son effet. 

Mais vous ne pouvez certainement vous attendre qu'un si 
gl^rand événement se passe sans critique : il conviendrait mal à 
mon amitié de vous flatter sur ce chapitre. L'envie et la jalousie 
naturelle au monde suffiraient pour expliquer la répugnance 
d'un grand nombre. Personne n'a été plus généralement con- 
nue que vous, et dans ces dernières années et dans votre pre- 
mière jeunesse : se peut-il qu*un si grand nombre de connais- 
sances vous voient avec plaisir passer du rang de leur égale à 
celui de leur supérieure, et si fort supérieure ?Supportera-t-on 
de vous voir unir l'élévation si marquée du rang à l'élévation 
du génie qu'on sent en vous et qu'on voudrait en vain contes- 
ter? Soyez assurée que celle-là sera réellement et sincèrement 
votre amie, qui pourra vous accorder de bon cœur de si 
grands avantages... 

Au total, je suis persuadé, par tout ce que j'entends et vois, 
que la chose finira comme nous le désirons; mais en tout cas 
je prévois que, quelle que soit l'issue, vous recueillerez de 
tout cela beaucoup d'honneur et beaucoup d'ennui... (i) 

Hélas! non. La chose ne finira pas « comme on le 
désire ». Les jours se passent; la résolution du Prince 
est prise. Ce n'est pas le refus formel; mais c'est 
l'ajournement indéfini, qui équivaut au refus. Hume 
n*a plus qu'à consoler son amie, qu'à panser de son 
mieux cette blessure cruelle. Avec quels ménagements 
infinis il procède, avec quelle délicatesse il lave la 
plaie! Il commence par expliquer, par excuser, s'il se 
se peut, la conduite de Tamant : 

Les princes, dit-il, plus que les autres hommes sont nés 
esclaves des préjugés et ce tribut leur est imposé comme une 

(i) David Hume ne paratt point se douter que l'acceptation de 
GoDty comme grand-prieur de France par l'Ordre de Malte avait 
été subordonnée à iaconditioù expresse que le Prince ne se rema- 
rierait pas ou qu'il remettrait le grand-prieuré (Voir ci-dessus, 



LE PRINGK DR GONTY 223 

sorte de représailles par le public. Le prince en particulier 
dont il s'agit est, à tous les points de vue, si émiaent qu'il doit 
quelque compte de sa conduite à l'Europe en fipénéral, à la 
France et à sa famille, la plus illustre qui soit au monde. On 
doit s'attendre que des hommes dans sa condition ne seront 
pas poussés à a|^ir par des mobiles privés... Il pourrait faire 
sans doute un pas extritordinaire en considération d'un 
mérite extraordinaire... Mais, s'il ne le fait point, aurait-on 
bonne grâce à s'en plaindre et à en concevoir le moindre res- 
sentiment ? 

Puis il arrive à l'application du remède, remède 
énergique mais nécessaire, selon lui : 

La perte d'un ami, celle d'une dignité ou de la fortune, 
admet quelque consolation, sinon par raison, au moins par 
oublia et ces sortes de chagrins ne sont pas éternels. Mais tant 
que vous maintenez vos relations présentes, vos espérances 
toujours ravivées ranimeront toujours votre désir naturel de 
l'état auquel vous aspirez, et en même temps votre dégoût 
pour l'état dans lequel vous vous trouvez aujourd'hui. Je pré- 
vois que vos passions si vives, continuellement remuées, met- 
tront en pièces votre frêle machine : la mélancolie et une 
constitution ruinée deviendront alors votre lot, et les remèdes 
qui pourraient maintenant préserver votre santé et conserver 
l'équilibre de votre âme viendront trop tard pour les rétablir. 

Quel conseil donc puis-je vous donner dans une situation 
si intéressante? La ligne de conduite que je vous recommande 
exige du courage, mais je crains que rien autre chose ne soit 
capable de prévenir les conséquences que j'appréhende si jus- 
tement : c'est, en un mot^ après avoir employé tous les doux 
moyens pour prévenir une rupture, que vous en veniez à 
diminuer graduellement votre intimité avec le prince, que 
vous soyez moins assidue dans vos visites» que vous fassiez 
de moins fréquents et de plus courts voyages dans ses rési- 
dences de campagne et que vous vous rangiez vous-même à 
une vie de société privée et indépendante à Paris. Par ce 
changement dans votre plan de vie, vous coupez court d'un 
coup à Tattente de ce rang auquel vous aspirez; vous n'êtes 
pas agitée plus longtemps par des espérances et des craintes, 
votre tempérament recouvre insensiblement son premier ton, 
votre santé revient; votre goût pour une vie simple et privée 



224 LE PRINCB DE CONTY 

gag'ne du terrain chaque jour, et vous finissez par vous aper^ 
cevoir que vous avez fait un bon marché en acquérant la trao- 
quillité au prix de la grandeur. La diK^nité même de votre 
caractère, aux yeux du monde, reprend son lustre, puisque 
les hommes voient le juste prix que vous mettez à votre 
liberté et que, quelles que soient les passions de jeunesse qui 
vous aient séduites, vous ne voulez plus maintenant faire le 
sacrifice de votre temps, là où vous n'êtes pas jugée digne de 
tout honneur. 

Et pourquoi repousseriez -vous si fort la pensée d'une vie 
privée à Paris ? C'est la situation pour laquelle je vous ai 
toujours crue la mieux faite depuis que j'ai eu le bonheur de 
votre connaissance. Les grâces inexprimables et délicates de 
votre caractère et de votre conversation, comme les douces 
notes d'un luth, sont perdues au milieu du tumulte du monde 
dans lequel je vous ai vue journellement engagée. Une 
société plus choisie saurait mettre un prix plus juste à votre 
mérite. Des hommes de sens, de goût et de littérature, 
s'accoutumeront d'eux-mêmes à fréquenter votre maison. 
Toute société élégante recherchera votre compagnie et, quoi- 
que tout grand changement dans les habitudes et la manière 
de vivre puisse d'abord paraître désagréable, l'esprit se récon- 
cilie bien vite avec sa nouvelle situation, surtout si elle lui 
est le plus naturelle et celle pour laquelle il est né... (i). 

Quelle sagesse afFectueuse et comme on sent que 
ces conseils si pratiques, si désintéressés, sont dictés 
par une amitié vraie! Cette belle lettre fait autant 
d'honneur à celle qui la reçut, étant capable de la lire, 
qu'à celui qui l'écrivit en toute sincérité d'âme. 

M™« de Boufflers ne suivit qu'à demi les avis de 
Hume. Elle se détacha peu à peu du Prince, qui d'ail- 
leurs commençait lui-même à se détacher d'elle. Elle 
cessa d*ètre sa maîtresse, mais elle n'eut pas le cou- 
rage d'aller jusqu'au bout de roblation. Elle resta au 
Temple; elle y conserva son hôtel et son jardin 
anglais, la merveille de TEnclos; elle continua de 
payer son écot à la loge du Prince, au théâtre de 

(i) Lettre de Hume, traduite et citée par Sainte-Bscjvk, Noa- 
veauœ Lundis, tome IV, pp. 181-186. 



LE PRINCE DE CONTY 225 

l'Opéra (i). L'habitude fui plus forte que le resseati- 
ment. 

En 1767^ la comtesse n'est plus que « l'ancienne 
amie » du prince de Conlv. Ainsi l'appelle M"'* de Gen- 
lis, à propos d'un voyage à L'Isle-Adam. Jean-Jacques, 
confessant qu'il faillit devenir amoureux de M°^® de 
Boufflers en 1761, dit également : « Si je ne fis pas la 
folie de devenir son rival [le rival du Prince], il s'en 
fallut de peu; car alors M"*^ de Boufflers étoit encore 
sa maîtresse ». Etait encore... Elle ne l'esl donc plus 
au moment où Rousseau écrit ses Confessions. Cette 
scission charnelle n'est un secret pour aucun des habi- 
tués du palais prieural, et si Rousseau lui-même en 
est instruit à distance, c'est que dans Paris bien peu 
de gens l'ignorent. Ce néanmoins le Prince rend à 
^{qoe ()ç Boufflers les mêmes devoirs, les mêmes hom- 
mages extérieurs qu'autrefois. Elle est toujours la 
reine de la petite cour du Temple ; elle est de tous les 
déplacements, de tous les plaisirs, et Conty va souper 
chez elle deux ou trois fois la semaine. Pour mieux 
donner le change à Topinion, il pousse les scrupules 
de la bienséance jusqu'à s'abstenir d'assister au ma- 
riage du jeune comte de Boufflers, en décembre 
1768. Bien que Pont-de-Veyle ait mitonné ce mariage 
avec M^'® des Alleurs, fille de notre ancien ambas- 
sadeur à la Porte ; bien que la maréchale de Luxem- 
bourg ait choisi les boucles d'oreilles de la mariée ; 
bien que toute la société du Temple soit de la noce 
et quatre-vingts personnes priées au repas du len- 
demain, le Prince n'y paratt point (2). Et l'on ne 
saurait imaginer d'autre explication que la délica- 
tesse à cette absence préméditée, puisque peu après 



(i) La comtesse de Boufflers, la maréchale de Luxembourg et 
la duchesse de Lauzun contribuaient chacune pour 5oo livres 
par an à la location des deux loges de Conty, à TOpéra (Registre 
des Comptes de Manscoart, Recette, chapitre 20, article 2). 

(2) Mme DU Deffano» Correspondance f tome I, pp. 4?^ et 52i. — 
Gcuette de France, 9 décembre 1768. 

15 



^226 LB PlinfCE DB GONTT 

Conty iémoig^ne de son intérêt à la mère et au fils en 
nommant le comte de Bouffiers lieutenant-colonel du 
régiment de Conty-Dragon (i). 

M""* de Bouffiers demeura au Temple jusqu'à la 
mort du prince de Conty, sans que rien parût être 
modifié dans son état. Conty disparu (1776), elle se 
retira dans une jolie maison qu'elle possédait à 
Auteuil, puis elle alla soigner à Arles sa santé ébran- 
lée par le chagrin. C'est alors qu'elle écrirait à Gus- 
tave ni de Suède : 

D'Arles^ 24 janvier ijjj. — ...La perte que j'ai faite. 
Sire, est une perte nationale ; elle m'inspireroit les regrets les 
plus vifs pour riotérêt de mon pays si, dans ma profonde 
douleur, je poavois être occapée d*aotre chose que de ce qui 
m'est particulier dans ce malheur. Mais lorsque je considère 
ce royaume privé de son principal ornement par la mort pré- 
maturée d^un héros, d*un grand prince, doué des vertus et 
des qualités les plus distinguées, d'une probité antique, d'une 
franchise véritablement françoise, plein d'amour pour la 
patrie, zélé défenseur des droits de chacun, exposant à cha- 
que occasion son repos et sa sûreté, sa vie même, pour con- 
server nos libertés, et que je viens à réfléchir qu'une destinée 
favorable en apparence, mais en effet la plus cruelle, m^avoit 
attaché ce grand homme par les liens de la plus tendre ami- 
tié, je suis prête à mourir de l'excès de mon désespoir... (a). 

Elle se consola pourtant, regagna Auteuil et y vécut 
jusqu'à la Révolution dans une paisible retraite, avec 

(i) Louis-Edouard de Bouffiers était né le 3 décembre 174^. 
Elevé à l'étranger, il voyagea pendant toute sa jeunesse. En 1770, 
il fttinommé mestre de camp-lieutenant de Ck>nty-Dragofi, lequel 
régiment à la mort du Prince prit le nom de Boufflers (ordon- 
nance du la septembre 1776) tandis que Louis-Edouard en deve- 
nait mestre de camp. Passé brigadier de dragons le 5 décembre 
1781, il fut nommé maréchal de camp le 9 mars 1788. Il mourat 
en émigration vers 1795. De son mariage avec Amélie des Alleurs, 
il avait eu unfits,Améiie-Joseph-Edouard,né à Paris le 16 novem- 
bre 1785. (Jal, abusé par le prénom féminin a pris cet enfant pour 
une fille). 

(2) Corrtnpondance de Gatiaoe IIJ et de Jf^ne de Boafflere, 
pp. io4-io5. 



LB miNCB DE CONTT 22? 

sa bru, la comtesse Amélie, recevant chez elle, en été, 
la meilleure compagnie de Paris, allant quelquefois 
passer le printemps aux eaux de Spa... (i). 

Bile s'était justement attardée à Spa en 1789 lorsque 
fut prise la Bastille. Au lieu de rentrer en France, les 
dames de Boufflers, pour attendre les événements, 
passèrent en Angleterre, d'où elles ne revinrent qu'en 
1792, probablement sous la menace de la confiscation 
de leurs biens, comme émigrées. Et les deux ci-devant 
nobles, tout aussitôt, s^efforcent de se hausser au rang 
de bonnes citoyennes. Espérant attendrir l'ogre révo^ 
lutionnaire, elles multiplient leurs dons patriotiques. 
Prudemment, elles déposent au comité d*Auteuil,8ans 
les décacheter, les lettres quelles reçoivent de l'étran- 
ger. Même la comtesse Amélie, dont le mari est resté 
hors frontières, va jusqu'à réclamer contre lui le 
divorce, qu'elle obtient (i3 février 1793). 

Inutiles précautions, vain étalage de civisme. Emi« 
grées rentrées, par là seul elles sont suspectes. Le 
22 janvier 17949 un ordre du comité de Sûreté géné- 
rale les envoie à la Conciergerie, après perquisition 
domiciliaire et saisie de leurs papiers. On ne découvre 
heureusement rien de compromettant chez elles, 
sinon « un portrait à la silhouette que la citoyenne 
Campet-Saujon déclare être celui du prince de Conty ; 
le dit portrait en médaillon garni en or et de deux 
glaces, enfoncé dans un étui de galuchat x> (i). Mais 



(i) Mm« do Oeffand écrit à Horace Walpole en 1780 : « Elle a 
complèlement oublié TAltesse pour qui elle voulait qu'on crût 
qu'elle avait une grande passion ; celle qu'il avait eue pour elle 
était tellement passée qu'on prétend qu'il ne la pouvait plus 
souffrir : heureusement il n'avait pas attendu à ses derniers 
moments pour loi faire du bien ; elle a, dit-on, quatre-vingt ou 
cent mille livres de rente ;. elle en fait bon usage » {Corrtêpon-' 
dancede if>n« du De/fand^ tome II, p. 715). 

Noua ne savons pas à combien se montait la fortune person- 
nelle de Mm«de Boufflers. Do prince de Conty elle tenait seule- 
ment 3o.ooo livres de rente, exemptes d'impositions (Regiitre 
des Comptée de Manteourt. Dépense, chapitre 10, rente n^ 173). 



228 LE PRINCB DE CONTY 

les renseignements sur les accusées et sur Delesterne, 
leur domestique, arrêté avec elles, ne sont pas défa- 
vorables ; elles ont la chance de doubler le 9 thermi- 
dor sans être jugées; en vendémiaire, quand elles 
comparaissent devant le farouche tribunal, la détente 
commence à se faire ; elles sont acquittées, a non 
convaincues d'être auteurs d'une conspiration qui a 
existé contre la liberté du peuple » (a). 

Les dernières années de la comtesse de Boufflers 
sont obscures. Une pétition adressée par elle à la 
Convention nationale nous avertit seulement qu*elle 
perdit son fils. Elle y dit qu'après avoir été enfermée 
puis acquittée, elle ne doit pas être soumise aux exi- 
gences de la loi sur les parents d'émigrés « pour les 
biens saisis à son fils décédé, et qui lui revien- 
nent » (3). 

Lorsque Sainte-Beuve consacrait à la « divine com- 
tesse » trois de ses Lundis littéraires, on ignorait la 
date de sa mort ; « ce dernier renseignement précis, 
on ne l'a pas encore obtenu, et il se peut en effet 
qu'elle ne se soit éteinte qu'en 1800, comme une vague 
tradition l'a répété » (4). La vague tradition s'est, 
depuis, faite certitude. M"** de Boufflers mourut à 
Rouen, rue Faucon, le 28 novembre 1800 (5). 

Sa belle-fille lui survécut vingt ans. Elle s'éteignit 
dans un état voisin de la misère, le 4 nt^i 1820, à 
Auteuil, chez son ancien cuisinier. Son fils, le comte 



(i) Archives Nationalbs : W 453, dossier i36 (Perquisition à 
la maison rue de Choiseul, n* 714» appartenant à la citoyenne 
Boufflers). 

(2) Le Moniteur universels i4 vendémiaire an III. Le jugement 
est du 2 vendémiaire U3 septembre 1794). 

(3) Pétition adressée à la Convention nationale par la 
citoyenne Campet, veuve d* Edouard Boufflers, etc. Ce factum 
est imprimé sans lieu ni date; mais il est forcément antérieur au 
26 octobre 1798, jour où la Convention se sépara, léguant à la 
France la Constitution de Tan III et le Directoire. 

(4) Sainte Beuvb, Nouveaux Lundis, tome IV, p a34. 

(5) Ch. Naurot, « Le Curieux », tome I, p. 296. 



LB PRINCE D£ CONTT 229 

Amélie de Boufflers, dernier de sa race, mourut le 
5 avril i858. La mère et le fils reposent dans la partie 
ancienne du cimetière d'Âuteuil. 

La troisième maîtresse d'habitude du prince de 
Conty s'appelait M°^^ Dailly. Il la connut vers le mois 
de juin 1770, autant que Ton peut conjecturer sur 
une phrase incidente d'un rapport de Tagent Marais, 
inspecteur de la police des mœurs : « On dit que 
jyjine Dailly vivoit avec M. le duc de Choiseul ; qu'elle 
vient d'accoucher; qu'elle est au désespoir, mais que 
M. le prince de Conty lui reste » (i). Point de date à 
cette note ; mais elle est sûrement de la fin de mars 
ou du commencement d'avril 1771. M"* Dailly accou- 
cha, en eifet, le 21 mars de la dite année. 

Et le même agent Marais nous reparlera d'elle dans 
un rapport daté, celui-ci, du a6 avril : « Il [Conty] 
tient aussi sous la clef, la dame Dailly^ de chez laquelle 
il a tout à fait éconduit le comte de Chabot » (2). 

Que M^^ Dailly ait été, ou non, la maîtresse de 
M. de Choiseul, récemment disgracié, et celle de 
M. de Chabot, peu nous importe. Ce qui est avéré, 
c'est qu'elle sut persuader au prince de Conty, lequel 
n'était point tout à fait un naïf, que l'enfant né le 
21 mars 1771 était de lui. Voilà pourquoi nous pou- 
vons, en toute certitude, faire remonter, pour le moins, 
au milieu de l'année précédente cette liaison nouvelle 
du Prince, liaison qui se poursuivra désormais dans 
un mystère si absolu que la plupart des contempo- 
rains ignoreront jusqu'au nom de M™® Dailly. 

Cependant cette femme mériterait dans l'index des 
maîtresses du Prince, une place à part, à côté de 
M™* d'Arty, à côté presque de M"* de Boufflers. Au- 
tant que ces deux dames, elle est l'amante et l'amie. 
Sérieuse et rangée, elle se pique d'introduire l'ordre 

(1) G. Piton, Paris ious Louii XV^ tome 1, p. Sg. 

(2) Bibliothèque Nationale : Manuscrite français, ii.36o, 
f. 537. 



230 LB PHINCB DB CONTT 

josque dans le désordre. Pendant cinq ans, jusqu'à 
la mort du Prince, M^*^ Dailly, pour lui complaire, va 
se confiner dans une quasi-clôture, Tolontairement 
séparée du monde. Elle coûtera peu, n'exigera rien, 
subira docilement les contraintes d'une jalousie 
renouvelée des tuteurs de comédie. Cette décence, 
a£Fectée ou sincère, ce désintéressement, réel ou feint, 
retiendront Couty. L'orgueil d'être père le captera 
tout à fait, quand un frère sera né, en décembre 1772, 
au premier bfttard de 1771. 

La réussite de M*^* Dailly tient bien un peu au 
besoin d'économie qui s'impose au Prince depuis que, 
son engouement pour les beaux-arts tournant à la 
passion, il consacre chaque année des sommes énor- 
mes à embellir sa galerie de tableaux. Mais cette réus- 
site tient aussi à ce que M°"® Dailly vient au bon 
moment, à l'heure physiologique. Conly touche à 
Tftge du repos. Cette effervescence amoureuse, cette 
apparente fureur sensuelle qui, comme on le verra 
plus loin, l'ont porté, de 1767 à 1771, à collection- 
ner les mattresses par douzaines, étaient les der- 
niers éclats de la lampe près de s'éteindre. Le Prince 
va sur ses cinquante-cinq ans; la vieillesse le guette, 
la décrépitude le menace. Les succès abondants que 
lui procurait jadis sa réputation d^aimeur vigoureux, 
il ne les obtient plus qu'à prix d'or. Si les femmes 
à présent se retournent sur son passage, ce n'est 
qu'au tintement de ses écus. Il en plaisante, mais il 
en souffre : « Autrefois, dit-il, mes politesses étaient 
prises pour des déclarations d'amour; aujourd'hui, 
mes déclarations ne sont plus prises que pour des 
politesses » (i). L'avis pittoresque donné au roi 
Louis XV par son médecin ordinaire : « Sire, il faut 
dételer », s'appliquerait à merveille au prince de 
Conty. Mais dételer serait comme un aveu de sa dé- 
chéance physique. Et, pareil au gourmet blasé qui 

(i)DuTiH8, Mémoires d'un Voyageur qui se repose^ tome II, 
p. M. 



LB PRINCB DB CONTT 231 

espère trouver dans la yariéié des mets Pépiee propre 
à ravigoter son palais, Conly, remplaçant Tamour 
par la débauche, s'est obstiné à chercher parmi cent 
gueuses, la femme savante au déduit, capable de 
ranimer ses sens paresseux. Quelle prudence pour- 
tant en ses excès ! Et comme, dans cette chasse à Toi- 
seau rare, il ménageait ses munitions. Laissons l'agent 
Marais révéler ce détail au lieutenant de police, tout 
à cru, avec ce dédain de la périphrase dont l'inspec- 
teur des mœurs est coutumier : 

3i janvier ijjî. — Ce prince [Contj] passe poor un héros 
en amour, mais je sais d'une bréteuse qui lui a passé par les 
mains et qui est fort grecque, qu'il n'en a que l'apparence. 
Voiey comme il s j prend : on convient qu'il a encore un peu 
d*érection, mais pour soutenir la bonne opinion qu'il veut 
qu'on ait de lui, au moment du plaisir, sous prétexte de pré- 
cautions pour sa santé, il se retire et a l'air de finir son affaire 
dans un mouchoir blanc qu'il porte toujours à cet effet, et 
l'instant d'après, il parott recommencer sur nouveaux frais. 
Une femme, dernièrement, se saisit adroitement du mouchoir 
et lui fit connottre que tous ses grands airs se réduisoient au 
mérite d'être un bon garçon serrurier, c'est-à-dire qu'il sait 
très bien limer (i). 

A la faveur de cette crise, de ce « retour d'âge », 
M"* Dailly, sitôt qu'elle paraît, s'empare du Prince 
parce qu'elle rend l'illusion de l'amour è ce cœur 
désenchanté des femmes pour avoir trop aimé les 
filles... 

Marie-Claude Gauche était née à Charleville, en 
17479 de Jean Gauche et de Jeanne-Françoise Tugot, 
artisans peu fortunés. A quinze ans, ses parents Ta- 
vaient mariée à un peintre sur émail, un abbevillois, 
nommé Jacques-François Dailly, qui avait le double 
de son âge et qui l'emmena à Paris. Le ménage ne 
fut pas longtemps heureux. L'épouse était-elle trop 

(i) BuLiOTHiQUB NAT10NAI.B : MattuicritA fratiçaiêf i|.36o, fol. 
497- 



232 LE PRINCE DE CONTT 

volage? L'époux était-il trop violent? Nous ne con- 
naissons que les griefs de la femme, tels qu'ils sont 
exposés dans la plainte en séparation de corps qu'elle 
rendit contre son mari à Michel-Pierre Guyot, com- 
missaire au Châtelet : 



... Laquelle nous a dit qu'à Tâge de quinze ans elle a eu le 
malheur d'épouser François Daillj, peintre en émail ; que 
cette union n'a été pour elle qu'une source d'amertume et de 
chagrins; que son mari, loin d'avoir pour elle les sentiments 
qu'elle avoit droit d'en attendre, n'a pas même conservé long- 
tems les égars que la bienséance et l'humanité exigent ; 
qu'elle a fait tout ce qui a dépendu d'elle pour ramener son 
esprit et se concilier son affection, mais que sa douceur et sa 
complaisance n'ont fait que le rendre plus intraitable ; qu'il a 
bientôt déployé toute la violence de son caractère et qu'il lui a 
fait essuyer des scènes dont elle a pensé être la victime ; qu'il 
n'a cessé de l'injurier en l'appelant journellement a salope » 
et a bougueresse >,et en employant contre elle les termes les 
plus grossiers ; qu'il a semblé prendre à tâche de décrier sa 
conduite et ses mœurs, et qu'il a poussé la diffamation jus- 
qu'à la traiter devant différentes personnes de c garce » ; que 
non content de l'accabler et de la diffamer, il ne cessoît de la 
menacer ouvertement ; que des menaces, il a passé aux mau- 
vois traitemens, qu'il l'a frappée plusieurs fois avec violence ; 
qu'un jour il lui mit le poing sous la gorge en lui disant : 
« Bougueresse, va-t-en, sors de chez moi, sinon je te fouterai en 
bas des escaliers » ; qu'effectivement il en seroit venu à cette 
extrémité si la plaignante, cédant à la nécessité, n'eût enfin 
pris le parti de se retirer pour mettre ses jours en sûreté ; 
qu*ainsi chassée de sa propre maison par les violences de son 
mari, elle n'eut d'autres ressources que de se retirer chez la 
dame sa mère ; que depuis ce tems son mari n'a jamais voulu 
la revoir ; qu'il ne lui a jamais rien fourni, ni pour sa subs- 
sistance ni pour son entretien, au point qu'elle auroit manqué 
des choses les plus nécessaires à la vie sans le secours que 
la dame sa mère lui a procuré ; qu'enfin il a poussé le mépris 
envers elle jusqu'à l'abandonner totalement, en sorte qu'elle 
ignore même ce qu'il est devenu. Et comme la plaignante a 
intérêt de se mettre pour toujours à couvert de ses violences, 
et qu'elle désire se pourvoir en justice pour obtenir sa sépa- 
ration de corps, elle est venue nous rendre la présente 



LE PRINCE DE COMTT 233 

plainte dont elle nous a requis acte, à elle octroyé pour lui 
servir et valoir ce que de raison (i). 

Celte plainte est du 12 octobre 1775. M"* Dailly est 
la maîtresse du prince de Conty depuis quatre ans et, 
certainement, elle exagère quand elle prétend «qu'elle 
eût manqué des choses les plus nécessaires à la vie 
sans le secours de la dame sa mère ». Si le Prince tient 
sa maîtresse « sous la clé », comme dit Marais^ la cage 
où il renferme est dorée à souhait. Elle habite dans 
la paroisse Sainte-Marguerite, une fort belle maison 
située rue de Popincourt, au coin de la rue Saint- 
Sébastien. Elle se fait appeler M'"® de Brimont et elle 
édifie ses voisins par sa bonne tenue, elle les charme 
par sa douceur et son esprit (2). 

M"** Dailly, avons-nous dit, ne quitta point le Prince 
jusqu'à sa mort. Lors de la dernière maladie de Louis- 
François, elle s'était établie au Temple dans un cabi- 
net contigu à sa chambre à coucher et, dès qu'il était 
seul, elle entrait (3). C*est qu'il s'agissait d'assurer le 
sort de ses enfants, d'obtenir du Prince qu'il les avouât 
publiquement. Elle y parvint. François-Claude-Fauste 
et Marie-François-Félix, furent reconnus par un codi- 
cille au testament de Conty, codicille reçu le 3i juillet 
1776 par M« Duclos-Dufresnoy, notaire. Confiés à la 
tutelle de M. Benjamin de Laborde, valet de chambre 
du Roi; pourvus chacun d'une rente de 12.000 livres, 
ils portèrent respectivement dans leur jeunesse les 
titres de marquis de Rémovilleet de chevalier d'Hat- 
tonville, du nom de terres que leur avait données leur 
père (4). 



(i) Archives Nationales : Papiers des commissaires ^ Y 1 3.556. 

(2) Journal (f un bourgeois de Popincourt (Lefebvre de Beau- 
vray) publié par H. Vul et G. Gapon^ pp. 19-21. 

(3) Correspondance secrète [dite de Métra], tome III» p. sss. 

(4) Hémoville, dans les Vosges ; Hattonville» près de Paris. — 
Dans deux actes de 1787. les bâtards du prince de Contysont qua- 
lifiés « élèves de la marine ». A la Restauration , ils déposèrent 



2S4 LB PRINCE OB CONTT 

Selon l'auteur de la Correêpondanee aecrète^ wXiwv* 
buée à Métra, les enfants de M°>« Dailly étaient deux 
filles. Cet auteur a fait confusion dans le sexe. Les 
bâtards reconnus par le Prince furent deux garçons 
et leurs dates de naissance suffiraient presque à dési- 
gner leur mère. La présence de M*^® Dailly au chevet 
de Gonty jusqu'à son dernier jour serait encore un 
argument. Le Prince mourut le 2 août 1776 ; c'est le 
3i juillet seulement qu'il songea à appeler son notaire 
pour authentiquer ses bâtards. Qui donc lui aurait 
suggéré cette tardive reconnaissance, sinon celle qui 
veillait sans cesse auprès de lui? Et quel intérêt y 
aurait eu M™® Dailly^ si ces enfants n'avaient pas été à 
elle ?... Un autre argument pourrait être tiré de Tacte 
baptistaire du plus jeune des deux frères, baptisé à 
la paroisse Saint-Laurent. Cette pièce, découverte par 
M. Nauroy, est libellée comme suit : « Le :(2 décembre 
1772, fut baptisé Marie-François-FéliX| né de ce jour, 

aux minutes de M* Denis, notaire à Paris, une correspondance de 
feu leur frère légitime Louis-François-Joseph, dernier prince de 
Conty, datée de i8o4 et de 1807, qui établissait leur reconnais- 
sance Des lettres patentes de Louis XVIH, du 17 novembre i8i5, 
registrées à la Cour royale de Paris le 1 1 décembre suivant, les 
confirmèrent dans leurs noms et titres et les autorisèrent à porter 
le nom de Bourbon-Conty. 

Le marquis François-Claude de Bourbon-Conty, <x ancien colo- 
nel et chevalier de plusieurs ordres », mourut célibataire à Paris 
le 8 juin i833, en son domicile de la rue Saint-Dominique, n*54- 

Son frère, le chevalier Marie-François de Bourbon-Conty, éga- 
lement « ancien colonel et chevalier de plusieurs ordres «, mou- 
rut le 6 juin i84o, sans postérité 11 avait épousé Herminie de la 
Brousse de Verteîllac, qui se remaria en i85oau duc delà Roche- 
foucauld Doudeauville. Le Moniteur^ en annonçant que le roi a 
si^né au contrat de mariage de Mlle de Verteillac, appelle le marié 
comte de Bourbon-Conty. C'est également le titre dont il se pare 
en i833 sur l*acte de décès de son aîné. 11 n'y a pas droit. I^e 
titre de comte lui fut bien accordé par ordonnance royale du 
29 avril 1824. mais « sous la condition que les lettres patentes 
constitutives lui seraient délivrées dans les deux mois ». Lesdi- 
tes lettres n'ayant pas été délivrées, l'ordonnance demeurait sans 
effet (Voyez : NxmioT, « LeCuHeiup », tome 1 (i885) pp. 202-ao3 
et le Moniteur univmr^elf année 9828, p. 470)- 



LE PRINCE DE CONTY StSS 

fils d'un père et d'une mère inconnus, rue Saint-Mar- 
tin» de cette paroisse, etc.. :>. Ainsi le nouveau-né 
est déclaré de père et de mère inconnus. Pour le père, 
cette réserve va de soi. Mais pour la mère? .. De tou- 
tes les maîtresses qu'eut le prince de Conty en 177a 
(car il fit à M°^ Oailly plusieurs inâdélités}, une seule 
était obligée de cacher son identité : ÎA^^ Dailly. Tou- 
tes les autres étaient des filles. Si l'une d'elles avait eu 
on enfant des œuvres du Prince, elle n'aurait pas 
manqué, n'ayant rien à y perdre et pouvant y gagner 
beaucoup, de proclamer sa maternité. M°^ Dailly au 
contraire est mariée. Elle vit séparée de son mari, 
mais celui-ci existe. Si elle déclare l'enfant à son nom, 
cet enfant adullério, en vertu de Tadage : is pater 
estf sera, par li même, réputé fils de Jacques-Fran- 
çois Dailly. Elle s'expose à un humiliant désaveu de 
paternité. A supposer que Dailly ne désavoue pas 
l'enfant, celui-ci ne pourra plus, dans la suite, être 
reconnu parle Prince. Elle garde l'anonyme... Mais la 
meilleure preuve que les deux bâtards sont bien les 
fils de M"** Dailly se trouve dans le livre dés comptes 
de Manscourt, le trésorier du prince de Conly. Le 
Prince constitua à M"® Dailly une rente perpétuelle 
de iS.ooo livres et aux deux enfants une rente de 
a4*ooo livres (i). Sur le registre de ManscourC, qui 
embrasse plusieurs années, le paiement des quartiers 
de cette rente est indiqué de la manière suivante : 
«c Mineurs Fauste et Félix », et immédiatement après : 
« C.-M. Gauche, femme Dailly >. La désignation de la 
mère varie parfois. Tantôt Manscourt l'appelle : 
c M™® Gauché-lJailly », tantôt : « M""® Gauche, femme 
séparée du sieur Dailly, à présent dame de Brimont». 
Mais invariablement les mineurs Fauste et Félix, pour 
lesquels émarge leur tuteur, M. de Laborde, viennent 
à la ligne au-dessus. Ce rapprochement n'est pas for- 
tuit. 

(f) Registre des comptes de Manscourt, Dépense^ chapitre 10, 
rentes 174 et 1 75. 



236 LE PRINCB DE CONTT 

Après la mort du prince de Conty, M^^^ Daîllj 
garda la maison qu'elle occupait en partie à Popin- 
court, près de la barrière de la Roulette. Malgré la 
petite fortune que lui laissait le père de ses enfants, 
sa vie fut aussi simple que par le passé. Les comméra- 
ges de ses voisins ne trouvèrent à lui reprocher que 
les trop fréquentes visites d'un maître des requêtes au 
Parlement qui habitait la même maison qu'elle, 
M. Roslin dlvry, fils d'un fermier général. Mais ces 
bavardages s'éteignirent en même temps que Tamou- 
reux présumé^ qui mourut en 1786 d'une phthisie 
galopante (i). 

La Révolution ruina M^^ Dailly ; Texode des princes 
lui supprima sa rente viagère. Sans doute elle n'était 
plus assez riche pour vivre à Paris ; elle se retira dans 
le Midi, à Roujan (Hérault). Elle était encore domici- 
liée dan» ce village en 1798, lorsqu'elle revint à Paris 
pour faire prononcer son divorce. Elle Tobtint par 
un jugement du 9 messidor an VIII, lequel fut signi- 
fié le 39 messidor (17 juillet 1798) à Jacques Dailly 
habitant pour lors, 19, faubourg du Temple (2). 

A partir de ce moment, nous perdons complètement 
la trace de Marie-Claude Gauche, dite dame de Bri- 
mont. 



(i) Journal d'un bourgeois de Popincourt, p. ai . — UÂimanach 
royal indique le domicile de M. Roslin dlvry, au faubourg^ 
Saint-Antoine, rue Contrescarpe. S'il n'y a pas là une erreur 
d'adresse qu'excuse la topographie.de ce quartier, il faut croire 
que M. Roslin dlvry avait loué un second logement pour se rap- 
procher davantage de M°ie Dailly. 

(a) Archives db la Seinb : Reconstitution des actes de l'Etat 
civil de la ville de Paris, 



vin 

Les amours du prince de Conty 
(Suite) 



Les mattresses de rencontre. — Index chronologique et anecdotique 
de 173... à 1776, 



j^ÊMB par approximation, il n'esl point aisé d'éva- 
luer le nombre des maîtresses passagères du 
prince de Conty. En dehors de quelques chansons du 
temps, de quelques indications succinctes glanées chez 
les mémorialistes, nous ne possédons d'autre source 
de renseignements que les rapports manuscrits de la 
police. Or, jusqu'en lySy, ces rapports sont muets 
sur le compte du Prince. Réserve compréhensible : de 
1739 a 1747^ Isi police parisienne est entre les mains 
de M. Feydeau de Marville, ami personnel du Prince. 
Son successeur, M. Berryer de Renonville^ n'a pas la 
même raison d'être discret, mais c'est un homme pru- 
dent ; Conty est à ce moment le favori du Roi ; il tra- 
vaille avec Sa Majesté et le lieutenant de police ne se 
hasarderait pas à faire surveiller, sans des ordres spé- 
ciaux, un personnage de cette importance. Il semble 
que rinspecteur des mœurs Meusnier, dans les résu- 
més hebdomadaires qu'il rédige pour son chef d'après 



238 LE PRINCE DE CONTY 

les notes de ses « mouches » subalternes, évite avec soin 
de transcrire quoi que ce soit d'allusif au prince de 
Conty. Le nom de celui-ci n'est prononcé qu'une seule 
fois, etfort incidemment, dans un rapport de l'agent 
Durocher, du i6 octobre lySa. A propos d'une maison 
occupée par une fille, rue Plumet, il est dit : «... C'est 
un vuide-bouteilles qui a servi autrefois aux plaisirs 
de M. le comte de Charollais et au prince de Conty » (i). 
Rien de plus. 

A partir de lySy, au contraire, Conty, disgracié, est 
mis en observation sévère par M. Bertin et par ses suc- 
cesseurs, M. de Sartines, M. Lenoir, M. d'Albert. Le 
Prince s'est occupé de politique extérieure ; il connaît 
tous les dessous de notre diplomatie ; il a eu des agents 
secrets dans les capitales de l'Europe. Le Roi veut 
savoir s'il continue à entretenir des relations à l'étran- 
ger, quels sont ses tenants, dans quelles intrigues il 
trempe. Et la surveillance se poursuivra^ sans relâche- 
ment, pendant près de dix-sept ans. Mais l'intéressé^ 
qui, sans doute, est sur ses gardes, déjoue cet espion- 
nage par l'innocence même de sa conduite et l'ins- 
pecteur Marais, qui a remplacé Meusnier, ne trouve à 
relater, concernant le Prince, que des intrigues amou- 
reuses. 

De ce qui précède, il suit que Ton pourrait diviser 
artificiellement en deux séries les amours de rencontre 
du prince de Conty : i^ jeunesse, période antérieure 
à 1757, sur laquelle les données positives font défaut; 
a* ftge mûr, période postérieure à 1787, sur laquelle 
nous sommes renseignés par les fiches de police. 
Encore ces fiches sont-elles insuffisantes pour dénom- 
brer avec exactitude les conquêtes du Prince ; elles 
nous révèlent une quarantaine de maîtresses environ, 
alors que le chiffre des bijoux recueillis à la mort de 
Conty permettra d'en supputer au moins dix fois plus. 
11 faut également tenir compte de la disparition des 

(i) BiBLiofHiQUB DE l'Arsemàl : Archives de la Boetille^ 10.240, 
f. 276. 



LB PRINCB DE GONTY 239 

rapports pour 1787 et 1758, lesquelles années man- 
quent aux archives. 

Si incomplète que soit forcément notre liste, nous 
donnerons tel quel le résultat de nos recherches. 

L'initiatrice 

Quelle fut la première maltresse du prince de 
Conty ? Si Tanecdote suivante doit être crue^ tenons 
pour assuré que cette initiatrice n'était point belle et 
qu'elle n'était plus jeune. 

Le comte de La Marche, fils du prince de Gooty. mérita 
dans sa jeunesse une renommée brillante dans les fastes de 
Cythère. Il était à peine adolescent lorsque son g^ouverneur 
l'ayant surpris en flagprant délit avec la fille d*un porteur 
d'eau, s'en vint tout éperdu conter ce fait au prince de Conty, 
et lui demander ses ordres. 

— Cette malheureuse est-elle jolie ? 

— Que trop. Monseigneur. 

-^ Eh f bien, mon fils est plus heureux que moi^ car j'ai 
débuté avec une créature laide et presque vieille. 

— Mais, Monseig^neur^ que faut-il en faire ? 

— Ce soin regarde mon fils. Pensez-vous, monsieur, que 
je l'aie mis au monde pour Télever en sot? Il verra des filles, 
cela fait passer le temps. 

— La morale, Monseigneur. 

— Votre devoir est de la lui apprendre ; ne craignez pas que 
la petite personne aille sur vos brisées en ce genre d'ensei*- 
gnement. 

Ce fut tout ce que le gouverneur put tirer du prince de 
Conty (i). 

M"* QUONIAM 

Nous avons parlé, en leur temps (1733), des amours 
du Prince, nouvellement marié, avec la demoiselle 

(i)[Lamothb-LiAngon], Galanteries (Tune demoiselle du monde 
au Souvenirs de M^ Duthé, tome U, p. 384- 



240 LB PRINCE DE CONTY 

Quoniam, que lui offrit son oncle, le comte de Cler- 
mont. Ajoutons quelques notes sur cette jeune per- 
sonne qui jouissait d'une certaine notoriété dans la 
g^alanterie parisienne. 

Encore enfant, Quoniam avait été livrée au Régent 
par sa mère, belle rôtisseuse du faubourg Saint- 
Antoine. En échange de cette complaisance, la dame 
Quoniam avait eu le crédit de se faire débarrasser 
d'un mari gênant qu'on avait expédié aux Iles, sans 
jugement, par simple lettre de cachet. L*enlèvement 
subreptice du sieur Quoniam avait causé quelque 
émotion dans Paris et le commerce de sa femme en 
avait prospéré. Après la mort du Régent, le rôtisseur 
rapatrié fut recueilli par sa fille. La mère s'enferma 
dans un couvent par pénitence. Elle y mourut, dit-on. 

M}^^ Quoniam devait faire, par la suite, une fortune 
assez brillante. Entretenue par le maréchal de Saxe, 
puis par M. Duguay-Trouin qui lui constitua lo.ooo 
livres de rente et la couvrit de bijoux, nous la retrou- 
vons, vers lySo, logée rue de Suresne, au faubourg 
Saint-Honoré. C'est une grosse femme de bonne mine, 
encore appétissante malgré ses quarante-cinq ans. 
Elle affiche la dét^otion, ce qui ne la retient point 
d*avoir un amant de trente ans, M. de Landivisiau, 
ancien aide de camp de Maurice de Saxe, qui vit chez 
elle sur le pied de pensionnaire. 

Cette liaison finit par un mariage et Quoniam s'ap- 
pela M<°® de Landivisiau (i). 

M°*® LA IfARQUISE DE BeLLEFONDS 

Un couplet, rimé en 1735 par Conty, sur l'air : Où 
sont-elles allées mes belles amourettes ? et par lui dédié 
à M. de Richelieu, nous informe que le Prince et le 
duc, rivaux, sont trompés tous les deux par la même 
maîtresse : 

(i) BiBuoTHÂQUE DE l'Arsenal .' Archtves de la Bastille^ xo.a43. 



LR PRINCE OB GONTY 241 

Nous avons tous deux ChimèDe, 
Quel bonheur a plus d'appas ! 
Sans soins, sans crainte, sans peine. 
Tour à tour entre ses bras, 
Nous partagpeons la semaine... 
Et ne lui suffisons pas (i). 

Quelle est cette Ghimëne à plusieurs Rodrigues ? 
C'est M^^ la marquise de Bellefonds, née Suzanne- 
Armande du Châtelet. Elle n'est mariée que depuis le 
mois de juin 1733 à Charles-Bernardin-Godefroy 
Gigault, marquis de Bellefonds, colonel au régiment 
de La Marche-Infanterie ; mais elle fut quasi-veuve 
presque aussitôt qu*épousée. Son mari a été embarqué 
avec les troupes envoyées àDantzig au secours de Sta- 
nislas et, depuis la capitulation du fort de Veehel- 
munde, il est prisonnier de guerre en Moscovie.M"'® de 
Bellefonds,en son absence, travaille à son avancement 
qui sera rapide (2). 



M"* DB Vaujours (?) 

Aux belles de nos jours immolant ses épaules, 
Orphée est à Paris en Amadis des Gaules. . . 
Que d'états confondus I L^univers en danger 
Dans son premier cahos veut-il se replonger ? (3). 

Ce quatrain, extrait d'un « Amphigouri sur les 
affaires du tems » qui paraît peu antérieur à 173g, 
s'applique au chanteur Jélyotte, acteur de TOpéra 
depuis 1733. Jélyotte s'est vanté d*avoir eu les faveurs 



(I) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, 12.675 
(Recueil de chansoDs), tome III, f. 2o5. 

(a) Le marquis de Bellefonds mourut maréchal de camp en 
1747 ; sa veuve lui survécut jusqu'en 1754 (La Chbsnayb-Desbois, 
Dictionnaire de la noblesse, tome IX» col. a5oa5i). 

(3j Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, 1 5. 1 49 (Piè- 
ces critiques et satiriques, tome VII, f 44^). 

16 



242 LB PRINCE DB CONTY 

de la duchesse de Vaujours (i). Pour le punir de cette 
fatuité, le prince de Conty Ta fait bâlonner : d'où la 
plaisanterie d'Orphée transformé en Amadis des 
Gaules, et immolant son échine «aux belles de nos 
jours » : nos Jours, consonnance de Vaujours. 

Le duc et la duchesse de Vaujours avaient leur 
appartement chez la princesse de Conty, première 
douairière, rue Neuve-Saint Au;^uslin (2). L'empres- 
sement du jeune prince de Conty à se faire le cham- 
pion de la duchesse qui était fort belle, donnerait à 
croire que M"*® de Vaujours était pour le Prince autre 
chose et mieux que la dame d'honneur de sa grand'- 
tante. Ce n'est là toutefois qu'une hypothèse de notre 
part. 

M^^* Barbarine 

Autres couplets. Ceci se chantait, en 1740, sur l'air 
de la Petite Fronde : 

Une nouvelle fort plaisante 
Qui paroît même intéressante : 
Allez dedans la rue Chapon, 
Où vous y trouverez deux filles 
Entretenues tout de bon 
Par un merle et une chenille. 

Le merle chante comme un diable 
Et la chenille abominable 
Cherche à lui disputer le pas ; 
Mais, pour apaiser leur querelle. 



(i) Julie-Françoise deCrussol, fille de Jean Gharlesde Crussol, 
duc d'Uzès, née en lyiS. mariée depuis 1782 à Louis-César Le 
Blanc de La Baume« duc de La Vallière. par mutation du nom de 
Vaujours, né en 1708 d abord marquis de La Vallière. colonel 
d'un régpiment d'ioraolerie, duc par démission, et alors appelé 
duc de Vaujours, devenu duc de La Vallière en 1739. 

(2) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 21.021, f. i et f. i3 V®. 



LB PRINCB DE CONTT 243 

Est survenu un fier-à-bras 

Qui s'est saisi de la plus belle (i). 

Le merle, c*est le marquis de Choiseul. La chenille, 
le comte de La Carte qui est fort laid. Le « fier-à-bras » 
qui les apaise à la manière du juge de la fable, c'est 
Conty. Au cas de doute, un nouveau refrain, celui-ci 
sur Tair des Rochelais, nous mettrait au fait. Le chan- 
sonnier anonyme reproche au Prince sa générosité 
grande, car il est bruit que cette victoire lui coûte 
So.ooo livres : 

Conty, on publie dans Paris, 
Pour moj je n'en suis pas surpris, 

Que vous f . .tez la Barb , 

Que vous lui donnez de l'argent... 
Un héros d'aussj bonne mine 
Ne devroit pas payer comptant. 

Et le Prince est censé riposter : 

Quand on veut prendre ses ébats, 
Il faut bien donner des ducats ; 
Aussy^ je n'en fais plus mistère, 
Car c'est dedans la rue Chapon 
Que, par devant et par derrière. 
Faisons éjaculation (2). 

La plus belle des deux héroïnes de la rue Chapon se 
nommait M}^^ Barbarine. 



Une prêtresse de Vénus 

A la fin du mois de décembre 1746, le prince de 
Conty racontait lui même au Roi une petite aventure 
toute récente. Etant allé dans un u temple de Vénus » 

(i et a) Bibliothèque Nationalb : Manuscrits français, 12.675 
(Recueil de chansons, tome III, S. 344 et 376). 



244 LB PKIHCB DB COSITT 

proche de la place des Victoires, il était resté si longs- 
temps à faire son offrande qu*il retrouva à la porte son 
cocher endormi sur le sièg^e. Comme il voulait l'éveil- 
ler, le cocher prenant son maître pour un passant, 
renvoya faire f tout net. Â quoi le Prince répli- 
qua : « Je fai obéi d'avance; c'est à toi maintenant de 
suivre mes ordres » (i). 

M"^ LA COMTESSE DB NoiSY 

Avec la comtesse de Noisy, nous abordons les 
amours sans date précise. Une ligne dans une anec- 
dote> pas davantage, désigne cette grande dame 
comme la maîtresse du Prince. Cette anecdote n'est 
pas datée. Mais il s'agît d'une mystification à Tadresse 
de M. de Marville, lieutenant de police, par consé- 
quent entre 1789 et 1747» années extrêmes de sa magis- 
trature. 

M. de Marville, malgré le caractère de sa place et de ses 
foQCtioDs qui rendaient peu communicatifs ceux qui les 
exerçaient, était homme du monde et lié avec le prince de 
Conty ; celui-ci avait pour maîtresse la comtesse de Ploisy^ 
chez qui le lieutenant général de police se rendait habituelle- 
ment. Le Prince et cette dame, dans un moment de gatté peu 
obligeante, conçurent le projet de mystifier le magistrat (a). 

La mystification vaut d'être racontée, surtout pour 
la façon spirituelle dont le mystifié la retourna contre 
Conty. 

M. de Marville avait promis d'accompagner au bal 
de rOpéra le fils de M"*^ de Noisy, jeune homme à ses 
débuts dans le monde. Quelques filles, choisies parmi 
les plus audacieuses et dont les amants tenaient de 
près à la Cour, furent engagées par les émissaires du 

(i) M. DE Marvillb, Lettres, tome III, p. gS. 
(3) Pbughkt, Mémoires tirés des archives de police, tome II, 
p. 112 et 8uiv. 



LE PRINCE DE CONTT 245 

Prince à profiter de la liberté et de rincojg^nito du bal 
pour mortifier le lieutenant de police, leur ennemi 
naturel. On leursiçnala le déguisement du magistrat 
qui, à peine entré dans le bal, se vit entouré et assailli 
par toutes ces impures et par leurs amies, prévenues. 
Quelque coin de la salle où il se réfugiât, cette meute 
hurlante le persécuta, débitant des aménités à faire 
rougir un garde-française ; M. de Marville fut obligé 
de prendre la fuite. Mais il élait trop bien informé 
pour ne pas connaître, dès le lendemain, d'où partait 
le complot. Il résolut d'avoir sa revanche et l'occasion 
s'offrit bientôt. 

Il savait que le Prince, respectueux à l'extrême de 
rétiquette, parce qu'il pensait en devoir donner 
l'exemple, n'abhorrait au fond rien tant que la repré- 
sentation, la cérémonie et les propos flagorneurs des 
harangues. Instruit par ses limiers que Conty devait 
se rendre à la chasse à L'Isle-Adam et qu'il partirait 
de très bonne heure pour être plus tôt arrivé, M. de 
Marville expédia la nuit précédente des courriers de 
police aux consuls, échevins, jurats, maîtres, juges, 
officiers de la maréchaussée, gens de la ferme, aux 
curés, aux chapitres des collégiales, à tous les nota- 
bles enfin des villages que devait traverser le Prince. 
Ordre formel à tous, au nom du Roi, de s'échelonner 
dès l'aube, aux limites de leur paroisse, pour rendre 
à Son Altesse les honneurs dus à son rang, sans 
oublier un Te Deam dans chaque église et des dis- 
cours, dont, pour plus de sûreté, les courriers appor- 
taient le modèle. 

A peine Conty est-il entré dans la banlieue de 
Paris qu'il voit venir au-devant de sa berline, proces- 
sionnellement, le clergé et les magistrats de la pre* 
mière commune, a — Qu'est-ce ? » demande-t-il à sa 
suite, avec un peu de mauvaise humeur. Hélas ! le 
malheureux ne le saura que trop I Les discours succè- 
dent aux discours, les éloges aux éloges, les salves de 
mousqueterie pétaradent. Enfin le curé offrant le dais, 
Teau bénite et Tencens, invile Monseigneur à descen- 



246 LE PRINCE DE CONTT 

dre de voiture pour aller à la paroisse écouter le chant 
d'allégresse... Gonly, furieux mais le sourire aux 
lèvres, a avalé toutes ces couleuvres : « — Une heure 
de perdue! Fouette, postillon, etreg^agnonsletemps! » 
— « Oui, Votre Altesse! » El la vélocité de la course 
conduit un peu plus vite TÂltesse dans une autre 
commune où la même scène se renouvelle ; puis dans 
une troisième, une quatrième, une cinquième... G* est 
partout comme une insurrection de flatterie^ comme 
un guet-apens de révérences. Bref le prince de Conty, 
parti à cinq heures du matin, arriva au rendez-vous 
à quatre heures après-midi. La chasse était terminée. 
Le Roi, mis au courant de Taventure, convint que 
M. de Marville, rendant éloges pour injures, s'était 
vengé en bon chrétien autant qu'en homme d'es- 
prit (i). 

M™* DE Vauvré 

Nous n'avons guère plus de précisions sur M™® de 
Vauvré, femme d'un mattre des requêtes qui fut choisi 
au mois d'août 1760 par la princesse de Conty douai- 
rière, comme chef de son conseil. « C'est un étrange 
choix, observe le marquis d'Ârgenson. Ce Vauvré 
jugé, pris la main dans le sac, chassé du Conseil 
autant qu'il fut au pouvoir du Chancelier, aurait été 
obligé de se défaire de sa charge sans le crédit de 
l'hôtel de Conty. M"« la princesse de Conty aime à 
avoir à elle des gens à tout faire. M. le prince de Conty 
a aimé la femme de ce Vauvré; et voilà l'outil de la 
tolérance qu'on a pour lui » (i). 

Catherine Hatte, fille d'un avocat à la Cour qui 
devint fermier général, et d'une demoiselle Miotte, 
était née en 1714* Elle avait épousé, en 1733, Louis- 
Alexandre Girardin de Vauvré, âgé de trente-trois 

(i) Pbuchbt, Mémoires tirés des archives de police, tome II, 
p. ii5. 
(2) Marquis d'Argenson, Journal et Mémoires j tome YI, p. Ml 



LB PRINCB DE CONTT 247 

ans^qui logeait rue du Parc-Royal, au Marais. Ce maî- 
tre des requêtes élait un des plus travailleurs et des 
plus habiles du Conseil, mais il n'était pas riche. 
Débauché et dépensier, il avait, pour se procurer de 
l'argent, malversé dans plusieurs affaires dont il était 
rapporteur et le scandale avait été si loin que son 
exclusion avait été réclamée par ses collègues eux- 
mêmes (i). M"® de Vauvré était jolie et passait pour 
aussi avisée dans la galanterie que son mari dans les 
affaires. On prétendait qu'elle allait jusqu'à faire des 
parties chez une proxénète célèbre ; et d'aucuns 
disaient que son époux lui-même Ty avait conduite, 
« par gentillesse » (2). 

M™* LA MARQUISE DE l'HoSPITAL 

Revenons aux grandes dames avec M^^ la marquise 
de l'Hospital. Celle-ci est la fille de Jean de Boullon- 
gue, ancien conseiller au Parlement de Metz et inten- 
dant des ordres du Roi depuis 1737, en attendant 
qu'il soit contrôleur général des finances. Elisabeth- 
Louise de Boullongue, âgée de quinze ans à peine, a 
épousé en 1736, Paul-François, marquis de THospital, 
qui en a trente-neuf. Elle est dame d'honneur de mes- 
dames Henriette et Adélaïde de France; son époux, 
lieutenant-général en 1745, ensuite premier écuyer de 
madame Adélaïde, quitte l'armée pour la diplomatie. 
Il sera ambassadeur à Naples, puis à Saint-Péters- 
bourg. 

C'est probablement à cette époque que le prince de 
Conty, « enfariné de politique étrangère » devient 
l'amant de M™« de l'Hospital. Il n'est du reste pas son 
premier amant et ne sera pas le dernier. La chronique 
scandaleuse reprochera à la marquise ses stations 

(1) Sur cette affaire Vauvré ou peut consulter : Procédures 
respectives signifiées dans Vinstance pendante -au Bureau des 
Economats. 

(2) Barbier, Journal, tome II, pp. 180-181. 



248 LE PRINCB DB CONTT 

chez M. le prince de Soabise en son petit sérail de la 
rue de l'Arcade ; stations dont le beau chanteur Clair- 
val, des Italiens, la coqueluche des dames de qualité, 
sera le principal bénéficiaire. La marquise meublera 
Tartiste, l'entretiendra de bijoux et de costumes aux 
frais de son adorateur princier (i). 

Cette passion de M,^ de FHospital pour un acteur 
est d'autant plus surprenante que la marquise, sing'u- 
lièreroent entichée de noblesse, ne peut séparer l'idée 
d'un homme de celle de ses armoiries. Elle a refusé 
d'épouser le comte de Choiseul, atné de sa maison, 
gouverneur général du Dauphiné et ambassadeur à 
Vienne, parce que les armes du comte sont sur 
champ d'azur et qu'elle a horreur de tous les écus à 
fond bleu. Il y a bien dans les armes des l'Hospital 
une pièce qui ne lui chante guère, un diable de coq 
qui ne vaut pas mieux que la croix d*or sur azur des 
Ghoiseul. Mais comme elles sont écartelées de celles 
de Narbonne et que le rouge y domine, ces gueules 
l'ont décidée, quoique le marquis ne soit ni aussi 
jeune ni aussi bien fait que le comte. « Elle aimait 
naturellement les beaux messieurs, disent les Mémoi- 
res de M™® de Créquy ; mais c'était à condition que 
leur blason n'eût rien de vulgaire et que leur nom 
lui parût grandiose; il y avait dans son cœur, de la 
marquise et de la femme galante... » (2). Clairval 
n'avait qu'un nom modeste et les pièces de son bla- 
son se fussent réduites à un peigne et à des ciseaux, 
en sa qualité d'ancien perruquier; la marquise pour- 
tant l'aima. 

M™® de l'Hospital demeura toujours en termes cor- 
diaux avec le prince de Conty et nous la verrons 
s'entremettre pour réconcilier le Prince au lit de la 
mort avec son fils, le comte de La Marche. 

(i) Journal des inspecteurs de M. de Sartines^ p. a55. 
(2) [C^ovKcsLAXp^], Souvenirs de la marquise de Créquy» tome W, 
pp. i56, i58, 159. 



LB PRINCE DB CONTT 249 



M"* Deschamps 

Le libellisle, auteur de la Vie privée et politique de 
Louis François-Joseph de Conty^ fils de Louis-François, 
dit, parlant des amours de jeunesse de son héros, 
lorsque celui-ci n'était que comte de La Marche : 

Sa première maîtresse fut la célèbre Deschamps de l'Opéra, 
dont son père a voit été lamant titré. Cette actrice célèbre, 
désolée d'avoir été quittée par le père, qui n'aimoit point à se 
captiver, se trouva bien dédommag-ée par les soins et par la 
tendresse du fils. Elle n'a voit eu de ses premières amours 
qu'une fausse couche qui n*avoit rien altéré de ses fiicrAccs 
admirées, ni refroidi le feu de ses talents supérieurs... (i). 

Dans le volume que nous avons consacré à l'histoire 
de M"^ Deschamps, née Marie-Anne Pages, nous avons 
déduit les motifs pour lesquels nous placions vers 
1767 les amours du prince de Conty avec la célèbre 
courtisane (2). Nous laissons au libelliste toute res- 
ponsabilité quant à la grossesse inutile de la Des- 
champs Il paratt, d'ailleurs, très sûr de son fait, et 
vient à la rescousse un peu plus loin : 

On a remarqué dans le temps, dit-il. que le comte de 
La Marche plus constant, plus fidèle que son père, n'eut pas 
rhonneur de rendre la Deschamps féconde. Son pèreavoit été 
plus heureux. Cette réussite donnoit quelquefois matière au 
père de se prévaloir sur son fils et de lui adresser des plai- 
santeries, des railleries piquantes (3). 

Si brèves qu*aient été les amours du Prince et de la 
ballerine, elles furent pour M^'® Deschamps le signal 
de la fortune. C'est grâce aux libéralités du prince de 
Conty, qu'elle meubla ce fastueux hôtel de la rue 

(i cl 3) Vie privée de Conty ^ p. 3oet p 34. 
(2) G. Capon et R. Yvb Plbssis, Fille d'Opéra, histoire de 
M^^ Deschamps f pp. i4i-i43* 



290 LB PBllfCB DB COMTT 

Saînt-Nicaîse que les riches étrang^ers venaient visi- 
ter comme une des merveilles, comme un des scanda- 
les de Paris, et que nous avons décril ailleurs (i). 

Nous n'ajouterons rien à ce que nous écrivions 
alors ; mais nous tenons à rectifier un point de détail, 
sur lequeU trop docilement, nous acceptâmes les allé- 
g^ations de l'auteur précité. Nous avons dit du prince 
de Conty : « Il se targuait (il se vantait peut-être) 
d*avoir couru douze postes d'amour en une nuit avec 
la Deschamps. El depuis cette nuit fameuse, pour 
louanger son exploit, il faisait frapper le numéro 12 
sur les boutons de ses culottes, de ses habits, de ses 
chapeaux, marquer ses chemises au chiffre 12 ; il vou- 
lait tout avoir par douzaine, douze fusils, douze épées, 
douze couverts à sa table, douze plats à son menu, etc.». 
Il y a là une exagération que nous avons reconnue 
depuis. Le fétichisme, réel, du Prince pour le chiffre 
12, dont nous avons parlé précédemment, ne tendait 
nullement à « louanger son exploit » avec la Des- 
champs, puisque Conty était déjà affligé de cette 
superstition numérale bien avant 1757. 



M™« LA DUCHESSE DE MaZARIN (?) 

La duchesse de Mazarin fut-elle, en 1761, la maî- 
tresse du prince de Conty et lui donna-l-elle une fille? 

Conséquemment, la femme qui si^g^nail en 1798 deux 
forts volumes intitulés : Mémoires historiques de Sté- 
phanie-Louise de Bourbon-Conty^ écrits par elle-même; 
qui se faisait encore appeler comtesse de Montcairzain 
(anagramme de Conti-Mazarin); qui se prétendait fille 
naturelle du Prince et de la duchesse ; — celle femme 
était-elle une aventurière, ainsi que l'ont affirmé la 
plupart des historiens qui se sont occupés d'elle? 

Nous dirons plus loin notre avis sur les prétentions 
de la comtesse de Montcairzain, lorsque nous traite- 

(i)G. Capon et R. Yve-Plessis, Fille d'Opéra, pp. 137-140. 



LE PRINCE DE CONTT 251 

rons des bâtards divers attribués, à tort ou à raison, 
au prince de Gonty. Pour le moment, bornons-nous à 
déplorer l'absence de tout document probant sur 
les amours de M™« de Mazarin et du seigneur de 
L'Isle-Adam. Louise-Jeanne de Durfort-Duras, der- 
nière héritière des duchés de Mazarin, La Meilleraye 
et Mayenne, n'élait pas, à coup sûr, une vertu farou- 
che. Mariée très jeune et séparée depuis longtemps de 
son mari, Louis-Marie-Guy d'Aumont, duc d'Aumont 
et marquis de Villequier, grand coureur de filles, elle 
menait, de son côté, la vie joyeuse et sa réputation de 
galanterie était solidement établie à la Cour. 

Elle fréquentait chez le prince de Conly, ainsi que 
le montrent quelques chiffres, empruntés à son carnet 
de dépense : 

Mai lyôt. — Au voyage de L'Isle-Adam, pour sept chevaux 
de poste, de Saint-Brice à L'Isle-Adam, deux postes et demie... 
22 livres. Pour dix chevaux de poste de L'Isle-Adam à Saint- 
Rrice... 3i livres lo sols. Donné au cocher de M. le prince de 
Conty... 6 livres. 

Du 25 avril iy62. — Payé un fiacre pour aller et venir 
chez Mgr le prince de Conty, cy... 3 livres 12 sols (i). 

Mais ces visites à grandes guides ne prouvent en 
somme aucune intimité particulière. Le Prince n'était 
pas nécessairement le vainqueur de toutes les femmes 
reçues au Temple ou à L'Isle-Adam. 

W^^ Lemierre 

Nous voici parvenus à la seconde période, celle des 
fiches de police. Nous publierons ces notes in extenso 
en les accompagnant, lorsqu'il sera possible, de quel- 
ques éclaircissements sur les personnages mis en 
cause par Tinspecteur des mœurs Marais : 

(i) ReviLe rétrospective, 189a, tome XVI, p. 4o6. 



252 LE PRINCE DE CONTT 

iO juillet tj6i. — Monseig'neur le prince de Conty. depuis 
la semaiDe dernière, a pris à ses appointements la demoiselle 
Lemière, actrice à TOpéra. Cette inclination s'est fait sentir 
chez le prince après Tavoir entendue plusieurs fois chanter à 
son concert. On ignore encore quels sont les arranjçements 
particuliers; mais le baron de Wançen, qui prétend être au 
fait, assure que le premier cadeau monte au moins à 5oo 
louis. Cette demoiselle Lemière est connue pour avoir appar- 
tenu à M. Je duc de Gramont; son greluchonnagpe avec le 
sieur Pérard, violon, lui fit perdre alors ce seigneur. En der- 
nier lieu, elle vivait avec M. le chevalier Clermont-d'Amboise 
qu'on dit, pour le présent, être absent, et avait pour ami de 
cœur le sieur Larrivée, acteur à TOpéra. Par elle-même, elle 
est fille d'un musicien (i). 

Marie-Jeanne Lemierre était née à Sedan, le 29 no- 
vembre 1733. Elle avait débuté à l'Opéra en 1760, 
comme actrice récitante. Elle était blonde, grande, les 
yeux vifs et les dents superbes. Elle demeurait alors 
rue Saint-Honoré (2). Sa beauté et sa voix pleine de 
souplesse la mirent promptement en vedette. En 1761, 
elle est premier sujet à TAcadéraie royale de musique. 
Sa liaison avec le prince de Conty fut de courte durée : 

f4 fioàt lyôi. — Monseigneur le prince de Conty qui s'étoit 
chargé de la demoiselle Lemière, Tune des premières actrices 
de l'Opéra, ainsi que je l'ai annoncé dans mes notes du mois 
de juillet dernier, après avoir contenté sa fantaisie, lui a fait, 
à ce que l'on dit, quelques rentes. 11 a continué à lui donner 
3o louis par mois, en la laissant maîtresse de disposer 
d'elle-même comme elle jugera à propos, avec la faculté 
cependant d'en pouvoir user comme il lui plaira. Cet arran- 
gement se trouve être parfaitement du goût de cette demoi- 
selle, et, pour le mettre à profit, elle a prêté volontiers 
l'oreille aux fleurettes et aux avantages que lui a proposés 
M. de Bauche, conseiller honoraire (3). 

(1) C. Piton, Paris sous Louis XV, tome I, p. 828. 

(2) BiBLiOTHÂQUB DE l'Arsenal t Archivcs de la Bastille^ 10.237. 

(3) Journal des inspecteurs de M de Sartines, p . i4 (M. Dou- 
blet de Bauche, cooseiller honoraire aux Enquêtes et aux 
Requêtes, demeurait rue Boucherat, au Marais). 



LE PRINCE DE CONTY 253 

L'inspecteur Marais, la semaine suivante, revient 
sur les « arrangements » pris par le Prince et donne 
le chiffre de la pension : 

21 août lyôi. — Cette demoiselle (Lemière) a eu l'esprit 
aussi de se ménag-er 4*ooo livres de rente de M. le prince 
de GoDtj, dont elle a eu Thonneur de contenter le caprice, 
sous la condition cependant de venir chanter à son concert 
toutes les fois qu'il Tordonneroit (i). 

La convention passée eut son effet jusqu'en 176a. 
Marie-Jeanne Lemierre ayant épousé son amant, Henri 
Larrivée, superbe basse-taille à la voix flexible et 
pleine, rompit avec le passé et sa conduite fut désor- 
mais irréprochable (2). 

7 janvier iy63, — Je suis aussi instruit que la demoiselle 
Lemierre depuis son mariag^e avec le sieur Larrivée,n'a point 
voulu en aucune façon se prêter aux désirs de M. le prince 
de Contj et que Son Altesse en est très mortifiée (3). 

Comme prétexte à sa rupture, M}^^ Lemierre allégua 
qu'un jour où elle avait été appelée au Temple pour 
chanter au concert du Prince, celui-ci avait négligé 
d'inviter son mari à souper (3). M"« Lemierre quitta 
l'Opéra en 1777. Elle mourut au mois d'octobre 1786. 

M^B* LA MARQUISE DE CoiSUN 

Dans le même rapport du 7 janvier 1763, Marais 
note la fin du penchant de Conty pour M"** la marquise 

(i) Journal des inspecteurs de M. de Sartines, p. 19. Les 
Mémoires secrets (tome I, p. 244) fixent à i.ooo écus seulement 
la pension de Mii« Lemierre. C'était en réalité une rente viagère 
de a. 000 Vivres {Registre des comptes de Manscourty Dépense, 
chapitre 10, rente 178). 

(2) Larrtvée, un des plus célèbres chanteurs de TOpéra, né en 
1737, avait débuté à l'Académie royale de musique en 1765. 

(3) BiBLioTHiQUB Nationalb : Manuscrits frarigais, 11. 35g (Rap- 
port de Marais». 

(4) Mémoires secrets, tome I, p. 244* 



254 LB PBIlfCB DB GOSTT 

de Coîslin, naguère maîtresse da jeane comte de 
Coignj (i). 

M. le chevalier de Durfort, colonel des dragons d*Orléaiis, 
depuis son retour de l'armée, a repris tous ses droits sur 
MiD« de Coasiio. Pendant son absence, cette dame avoit assez 
bien traité M. le prince de Contv, mais c'est une affaire finie, 
de même que sa liaison avec M. le comte de Coignj a été Je 
très peu de durée... (2). 

Marie-Ânne-Louîse-Adélaîde de Maillj, épouse de 
René du Cambout, marquis de Coislio, était grande et 
imposante. « Elle avoit, dit M°^ de Geniis, une figure 
de Minerve, une manière emphatique et lente de par- 
ler, qui contrastoit singulièrement avec les discours 
très vulgaires et les contes grivois dont son entretien 
étoit toujours semé. Elle écrivoit ridiculement et avoit 
fort peu d*esprit; mais de la beauté, de la causticité et 
beaucoup de hardiesse Tout rendue une personne 
remarquable et lui ont donné une superficielle appa- 
rence d'originalité » (3). 

En contre-partie à ce portrait malin, opposons le 
madrigal rimé en 1768, après le voyage à Paris du roi 
de Danemark qui, parmi toutes les femmes de la Cour, 
avait surtout distingué la marquise; c'est le souverain 
qui parle : 

Je cherche des grâces légères, 
Un cœur honnête, un esprit fin : 
Retirez-vous, beautés grossières, 
Laissez approcher Goaslin (4)- 

(i) Marie-Anne-Louise-Adélaide deMailly (fille de Louis.comte 
de Rubempré, puis marquis de Nesle, lieutenant-général des 
armées du Roi, premier écuyer de la Dauphioe et deAnne-Fran- 
çoise-Elisabeth Arbaleste de Meluo, dame du palais de la même 
princesse), née à la Borde-au -Vicomte, le 17 septembre lySa, 
épousa, le 8 avril lySo, Charles- Georges- René du Cambout, mar- 
quis de «Joisliu, né en 1728, colonel des grenadiers de France, 
bri^^adier des armées du Roi en 1762. 

(2; Journal des inspecteurs de M. de Surfines^ p. 229. 

(3) Mme DB Genus, Mémoires, tome H, p. 187. 

(4) Mémoires secrets, tome IV, p. 192. 



LB PRINCE DB CONTY 255 

M"'^ de Coislin était de la société du Temple ou du 
moins des invités ordinaires. Un lundi que la foule 
était plus compacte que d'habitude el que, pour arri- 
ver jusqu'au Prince, il fallait traverser, tout le long 
du grand salon, les rangs pressés des courtisans, 
Gonty, voyant venir M™« de Coislin, s'avança vers elle 
et lui demanda, un peu ironiquement, si, avec sa timi- 
dité naturelle, elle n'avait pas été bien embarrassée 
en se trouvant au milieu de tant de monde. 

— Oui, Monseigneur, répondit la dame. J'ai été si 
intimidée, j'ai tellement perdu la tête que, dans mon 
trouble, j'ai fait... la révérence à Monsieur. 

Et elle désigna un homme dont elle avait à se 
plaindre et qui avait fait contre elle un couplet sati- 
rique (i). 

Deux belles boulangères 

Mais M^^ de Coislin n'est pas le seul caprice du 
Prince en 1762. Au mois de juin de la même année. 
Son Altesse s'est offert deux jolies « vilaines », trop 
honorées de la préférence de leur seigneur : 

Juin ty62. — Lundi, 1 4 de ce mois, les deux belles boulan- 
gères de L Isle-Adam sont arrivées à Paris au Temple, à 
sept heures précises du soir, au rendez-vous du prince 
de Conlj, dans 1 appartement du sieur Russ, son écuyer. Le 
prince y a resté en particulier avec la cadette jusqu'à 
onze heures. Les deux sœurs ont couché dans cet apparte- 
ment et elles ont dû partir de Paris mercredy dernier, pour 
retourner à L'Isle-Adam (2). 

M"« Sophie Arnould 

On a insinué que Conty fut, en 1763, l'amant de So- 
phie Arnould. La chose en soi n'aurait rien d'invrai- 

(i) Mme DB Gbnus, Mémoires, tome II, p. iSg. 
(2) Bibliothèque Nationalb : Manuscrits français, 11. 358, f. 729 
(Rapport de Marais). 



256 LB PRINCB DB CONTT 

semblable. La fameuse cantatrice est en pleine vog^ue ; 
sa réputation a sans cesse été grandissant depuis ses 
débuts à rOpéra, en 1768, un événement. Recherchée 
de tous côtés, elle s'est prodiguée à tous et, malgré 
sa préférence secrète pour M. de Lauraguais, père de 
ses enfants, peu d'adorateurs l'ont trouvée cruelle. 
Après M. Bertin, contrôleur général des finances, elle 
a M. de Monville, grand mattre des eaux et forêts. En 
outre, elle mène de front Lacroix,, son coiffeur, et le 
duc de Fronsac, fils du maréchal de Richelieu. 

C*est justement à propos d'une « galanterie » récol- 
tée par M. de Fronsac et dont il ne saurait préciser 
la donatrice que Marais dit, dans une fiche du 
18 février 1763 : 

.. .Le fait n'est pas bien éclairci. On désireroit fort que ce 
fdt la demoiselle Arnould qui en fût la distributrice. Cela 
deviendroit fâcheux pour le souverain du Temple (i). 

Le «t souverain du Temple », c'est le prince de 
Conty. Mais comment expliquer que Marais se soit ta 
jusqu'ici sur cette intrigue et qu'il n'en parle qu'inci- 
demment? II faudrait, pour répondre à la question^ 
être d'abord certain que tous les rapports de Pins- 
pecteur nous sont parvenus, qu'ils ne se sont pas 
dispersés, qu'il ne s'en est pas égaré... 

Marais, en tout cas^ ne partage pas l'engoûment de 
ses contemporains pour Sophie. « Il faut croire, dit-il, 
que ces messieurs courent après les talents de cette 
demoiselle, car je ne vois rien en elle qui soit fort 
attrayant. Je l'ai vue au sortir de son lit ; elle a la 
peau extrêmement noire et sèche, et a toujours la 
bouche pleine de salive, ce qui fait qu'en vous par- 
lant, elle vous envoie la crème de son discours au 
visage » (2). 



(i) Journal des inspecteurs de M. de Sartines, p. 246. 
(a) BiBuoTHiQUE Nationale : Manuscrits français^ 1 1.359, 
fol. 175. — Mme VigéeLebrun dit, dans ses Mémoires : «Sophie 



LB PRINCB DB GONTT 257 

Notons que Sophie Ârnould reçut du prince de 
Gonly une rente viagère de 4-ooo livres pour elle- 
même et^ pour chacun de ses trois enfants, une rente 
de i.5oo livres (i). 

M™« d'Esparre 

L'inspecteur Marais, pour mieux espionner le prince 
de Conty, a trouvé inj^énieux de se faufiler dans l'en- 
tourage de son fils et parfois il reçoit ses confidences. 
C'est ainsi qu'au mois de mars 1764, le comte de La 
Marche, amoureux d'une certaine M™« d'Esparre qu'il 
désespère « d'amener à bien », s'ouvre à Marais de 
l'inutilité de ses efforts (2). En vain il a tenté de cor- 
rompre Lachapelle, laquais de M*"® d'Esparre, pour 
qu'il remette une lettre à sa maîtresse; ce garçon a 
constamment refusé de s'y prêter : 

. . .M. le comte de La Marche, en outre, m'a dit qu'il la 
croyoit en intrigue avec le prince de Gonty et que certaine- 
ment Lachapelle étoit vendu à ce prince; qu'il avoit vu un de 
setf agents sortir d'un cabaret avec lui ; il y a bien quelque 
vraisemblance à cela, car M°>® d'Esparre, depuis que son mari 
est parti pour son régiment, ne manque pas d'aller souper 
deux fois par semaine au Temple (3). 

Au mois de mai suivant, La Marche est arrivé à ses 
fins. Marais dit c qu'il ne se contente pas de M'"^* d'Es- 
parre » (4)- Ici comme avec la Deschamps, le comte 



Arnould n*était pas jolie ; sa bouche déparait son visage : ses 
yeux seulement lui donnaient une physionomie où se peignait 
l'esprit remarquable qui Ta rendue célèbre ». 

(i) Registre des comptes de Manscourt, Dépense, chapitre 10, 
rentes 2g et 3o . 

(2) Anne-Adélaide Camusset, femme d'Alexandre-Joseph-Séra- 
phin, comte d'Esparre. Elle plaida en séparation de biens contre 
son mari, au mois de juin 1767 ; Archives Nationales : Y i4.33o). 

(.^ et 4) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, 1 1 .SSg, 
ff.32i et 354. 

17 



958 LB PRINCE DB CONTT 

de La Marche a-t-il succédé à son père, ou bien 
n'étaient-ce que des soupçons sans fondement?.. 

M™ Brissart 

Fille, sœur, femme et bru de roaltotiers; fille du 
fermier générçl, cousin de M"« de Pompadour ; sœur 
de Jean-Benjamin de Laborde, financier, musicien, 
littérateur et premier valet de chambre du Roi, Hen- 
riette de Laborde, avait épousé, en 1750, le fils du 
fermier général Brissart, à qui la survivance de son 
père était promise et qui, en effet, obtint la charge en 
1751. Nous avons ailleurs tracé la portraicture de ce 
personnage à la fois libertin el avaricieux (i). 

M"^® Brissart, appétisante encore que médiocrement 
belle, rendait avec usure à son mari ses infidélités 
multipliées. Même, elle était, au dire de Marais, 
d'une facilité excessive : « Cette femme, à Texceplion 
des yeux, n*a rien de joli. Sa réputation est perdue 
et, pour s'en approcher^ il suffit d'en avoir la har- 
diesse. C'est exactement un bénitier, où chacun a le 
droit de se décrasser, sauf les risques » (a). 

A ce bénitier, le prince de Conty « se décrassa » 
vers la fin de l'an 1764. Mais le Prince n'était pas 
dévot. Il n'usa pas longtemps de l'eau bénite. Marais 
ne s'occupe de cet accord que pour en annoncer le 
dénoûment : 

22 février tj65, — M. le prince de Çonty paroit depuis 
quelque tems négliger M°>« Brissard et M. le comte de Bran- 
cas s'en est emparé, ils ne font pas un pas Tun sans l'autre et 
cette dame ne cherche même pas à sauver les apparences ; les 
trois derniers bals de TOpéra, ils ne se sont point quittés. Le 
comte, qui est indiscret comme une cloche, affiche hautement 
sa bonne fortune ; mais comme il est connu pour le roy des 
menteurs^ on en diminue au moins les trois quarts (3). 

(1) Voir noire Fille (TOpéra, pp. 98 à 96^ ii4 à 116, 124 à 
126, etc. 

(2) BiBLiOTHàQUB NATIONALE iMantiscrits français j ii.36o, f. 167. 

(3) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.SSg.f. 644. 



LE PRINCE DE CONTT 259 

En l^espèce, M. de Brancas ne se vantait pas. C'est 
au château du Coq, rue Saint-Lazare, acheté par lui 
à M. de Martel, que la dame Brissart lui donnait ren- 
dez-vous (i). 

Malgré qu'elle fût « négligée » par le Prince, 
M™* Brissart conservait plus d'un an encore ses rela- 
tions avec lui. Nous trouvons dans les comptes de ses 
domestiques des articles ainsi détaillés : « D'espancé 
pour M™® Brissart, du 21 août 1766, pour avoir été 
au Temple en fiacre, 2 livres 8 sols » ; « Le 11 décem- 
bre 1766, pour avoir été au Temple, 11 sols » (2). 

M™« Saint-Janvier 

Le prince de Conty, au surplus, s'inquiétait peu 
d'avoir un successeur. M°^® Brissart, avant même que 
d*être définitivement quittée, n'était-elle pas déjà rem- 
placée 7 

8 mars ij65. — M. de Brancas suit partout M™« Brissard 
que M. le prince de Gontj néglige tout à fait et on assure 
que M™« Saint-Janvier, femme d'un payeur de rentes, très 
jolie, a déjà rendu à ce Prince quelques visites secrètes (3). 

M"« Auguste 

Une preuve nouvelle de l'insuffisance des rapports 
de Marais ou des lacunes qui se rencontrent dans les 
papiers qu'on a conservés de cet agent, résulte d'une 
lettre d'Horace Walpole, de passage à Paris au mois de 
janvier 1766, et écrivant à un de ses amis de Londres: 

Je vais m'habiller dans un instant pour aller chez M°^* la 
comtesse de La Marche qui m'a donné audience pour ce soir, 

(i) G. Gapon, Les petites maisons galantes de Paris, p. 4?. 

(2) BiBLioTHisQUB NATIONALE : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 20 g55, ff. 17, 19. 

(3) fiiBLioTHÂQUE NATIONALE : Manuscrits français, xi.35q, 
f. 655. 



260 LE PRINCE DE CONTY 

neuf heures. Il peut vous sembler un peu singpulier d'être 
présenté à une princesse du sang- à cette heure-là ; mais je 
vous ai dit qu'il n'est pas un seul de nos usag'es qui ressem- 
ble À ce qu'on voit ici. J'ai été présenté à son beau-père le 
prince de Contj, vendredi dernier. Au milieu du leuer^ entra 
une jeune femme avec trop de sans-façon, me parul-il, pour 
être autre qu'une proche parente. Je fus confirmé dans mon 
opinion en la voyant, après que le Prince lui eut parlé, faire 
le tour du cercle, en faire les honneurs. Je demandai à un 
g-entilhomme qui était près de moi, si c'était la comtesse de 
La Marche : il commença par éclater de rire, et puis il me 
dit que c'était M^^® Au^uste^ une danseuse. Mais qui est-ce 
qui était dans son tort, je vous prie ? (i)- 

Or, Marais ne fait aucune allusion à cette demoiselle 
Autruste. De sorte que nous ne savons même pas s'il 
s'agit de M"® Auguste l'aînée, l'ancienne favorite du 
maréchal de Lowendahl, belle brune à qui Ton ne 
reprochait qu'une légère surdité, ou de M^^® Auguste 
cadette, ou de la fille de Tune des deux. 



W^ Testard 

M"« Anne-Marie Mathieu, dite Testard, native de 
Rouen, avait été amenée à Paris, vers 1768, par ses 
parents qui jouissaient de sept à huit mille livres de 
rente. Sa mère, femme d^industrie, lui fit apprendre i 
danser et elle entra à l'Opéra-Comique en 1762. Elle 
avait alors quinze ans et demi à peu près. Elle était 
jolie^ faite au moule et d'un grain de peau admirable. 
Tout de suite, elle trouva preneur et la Lavarenne, 
proxénète, lui procura M. Toquinet, riche banquier. 
Au mois de septembre 17649 la nouvelle se répandit 
qu'elle venait de partir pour TAmérique avec un sieur 
Perault, colon fortuné. Elle avait vendu tous ses meu- 
bles, à la réserve d'une petite chambre qu'elle laissait 



(i) Lettre citée par Sainte-Beuve, Nouveaux lundis ^ tome IV, 
p. 225 (en note). 



LE PRINCE DE CONTY 261 

à sa mère et avait levé le pied sans prévenir personne. 
Mais ce n'était qu'un faux départ et, deux mois plus 
tard, rinspecteur Marais la retrouvait aux mains du 
chevalier de Marigny, beau mousquetaire noir, garçon 
d'un tempérament éprouvé parmi les femmes galantes, 
greluchon professionnel. Sans doute le militaire avait 
des exigences pécuniaires trop fortes. C'est pour 
échapper à ses persécutions que la demoiselle Testard, 
au carnaval de 1766, liait partie avec le prince de 
Conty : 

2 may ij66. — M. le prince de Conty, malgré le grand 
usage qu'il a des femmes, est tout étonné de sa faiblesse pour 
la demoiselle Testard. Cette petite personne le tracasse ; der- 
nièrement elle lui a mis le marché à la main parce qu'elle 
avoit appris qu'il avoit eu des familiarités avec la demoiselle 
Pelin, sa bonne amie, qui lui étoient préjudiciables. Elle a 
fait la jalouse, le Prince a fait tout son possible pour l'apai- 
ser et comptoit y être parvenu, il étoit même party pour 
L'Isle-Adam; mais peodaat son absence, ayant été instruit 
par le sieur Guérin, son chirurgien et son complaisant, que 
cette demoiselle cherchoit à vendre ses meubles pour s'éloi- 
gner de luy et s'en aller en province, il est revenu subitement, 
lui a fait totalement le sacrifice de la Pelin, lui a fait louer 
une autre maison à la Barrière-Blanche et lui a promis un 
contrat de 1 .5oo livres de rentes, sans compter 100 louis qu'il 
luy a donnés dans l'instant pour ses menus plaisirs et plu- 
sieurs pièces d'étoile; au moyen de quoy la demoiselle Tes-> 
tard n'a plus boudé. Le sieur Guérin en me racontant cette 
tracasserie, m*a dit : a Cette petite fille mènera loin le Prince, 
car il trouve sa jouissance excellente » (2). 

M"® Testard ne mena pas le Prince aussi loin que 
craignait Guérin. Quinze jours après, tout était fini 
et la demoiselle Pelin avait complètement débusqué 
son amie : 



(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.SSg 
fol. 494 et 573. 

(2) BiBUOTHÈQUE NATIONALE : Mùnuscrits français, ii.36o, 
fol. 80. 



262 LB PRINCE DB CONTT 

16 may ty66. — Monseigneur le prioce de Gontj, fatijipié 
de toutes les tracasseries qu*il essuyoit de la demoiselle Tes- 
tard, pour laquelle il s'étoit pris de fantaisie au hal de l'Opéra 
dans les derniers jours du Carnaval, s*est enfin décidé à 
Tabandonner à elle-même et elle est rentrée dans la classe 
ordinaire ; c'est la demoiselle Pelin, sa bonne amie, qui lui a 
porté le coup de grâce ; elle n'est cependant pas à beaucoup 
près si jolie ; mais elle a un caractère complaisant et toute sa 
personne annonce qu'elle est pleine de tempérament ; en outre 
elle est connue pour être au déduit d*un libertinagpe outré, et 
c'est ce que ce Prince aime, car comme il ne lui reste pour 
ainsi dire que des désirs, il faut qu'une femme employé tout 
l'art possible pour le faire parvenir à la jouissance. Enfin, 
quoi qu'il en soit, la demoiselle Pelin a éconduit la demoi- 
selle Testard, et journellement le Prince l'accable de bien- 
faits. Testard m'a dit que, pour sa part, elle en avoit tiré 
environ 600 louis, mais qu'il est faux qu*il lui ait fait un con- 
trat, comme on Tavoit publié ; qu'il est vraj que si elle avoit 
voulu se plier à toutes ses fantaisies, elleenauroittiré l'impos- 
sible ; qu'au reste, elle étoit charmée d'en être quitte et qu'elle 
préféroit sa liberté à l'honneur d appartenir au Prince; qu'elle 
n'avoit jamais eu l'ambition d'appartenir à ses pareils, et que 
si elle avoit d'abord accepté ses ofiFres, ce n'avoit été que pour 
se débarrasser du chevalier de Marig^ny dont elle craignoit les 
fureurs, mais qu'aujourd'hui qu'elle étoit certaine que la mer 
les séparoit, elle rentroit dans tous ses droits et que, pour 
commencer à en jouir, elle avoit accepté les offres de M. le 
chevalier de La Tour (i). 

Or, admirez rinconséquence féminine ! M"« Testard 
qui appréhendait si fort a les fureurs de M. de Mari- 

(i) Bibliothèque Nationalk : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 87. — 11 y avait deux chevaliers de La Tour, l'uo frère de 
M. Galloys de La Tour, ioteodant et premier président à Aix-en- 
Proveoce, était ancieu capitaine de cavalerie et s'était retiré avec 
la croix de Saint-Louis. Asthmatique de naissance, il ne pouvait 
plus se coucher depuis TàjEçe de dix-huit ans et dormait la nuit sur 
une chaise. Il était connu pour le plus grand joueur de trictrac de 
Paris. Il avait invenlé une tactique nouvelle dont il ennuyait 
tout le monde, ramenant sans cesse la conversation sur ses 
découvertes militaires On l'appelait communément La Tour 
des Pontais, pour le distinguer de l'autre chevalier de La Tour, 
capitaine au régiment des gardes. 



LE PRINCE DE CONTY 263 

gny » avant que celui-ci passât la mer, s'aperçoit, 
depuis le départ du chevalier, qu'elle était folle de 
lui, simplement. Et dans les spasmes du plaisir, aux 
bras du Prince, c'est le mousquetaire qu'elle appelle 
à grands cris : « Ah ! mon cher Marigny, mon cœur 
l'adore ». Ces évocations déplacées ont beaucoup 
vexé Son Altesse (i). 

Après la séparation, M'*® Testard resta pourtant 
en commerce d'amilié avec le Prince. Elle con- 
tinuait à le visiter dans sa loge, à l'Opéra ; dans 
cette fameuse loge tapissée de moire d'Angleterre 
rayée blanc et rose, dont Marais dit qu^elle était le 
« siège du plaisir », dont la glace tournante avait 
reflété le minois à mouche de toutes les filles de Paris, 
et que Moreau devait prendre pour modèle (2). 

C'est là qu'elle vit, en 1768, M. le duc dt Lauzun, et, 
apprenant un soir que ce joli homme, choisi comme 
aide de camp parM. de Chauvelin, allait bientôt s'em- 
barquer pour la Corse, fondit en larmes, se jeta dans 
ses bras. Lauzun conte la scène dans ses Mémoires : 

(c Monsieur, me dit- elle, je me donne absolument à vous ; 
vous ferez de moi tout ce que vous voudrez jusqu'à votre 
départ. > On ne pouvait en effet avoir une maîtresse plus aima- 
ble. Elle était entretenue par un homme riche nommé Rome 
que cela contrariait beaucoup de me voir coucher avec elle. 
Mlle Têtard lui déclara qu'il fallait y consentir ou renoncer à 
elle. Il voulut un jour trouver mauvais qu'elle eût passé la 
nuit chez moi, et faire du bruit. Je le traitai assez cavalière- 
ment. Il fut absolument chassé de la maison. Mais comme je 
devais partir quelque temps après et qu*il pouvait être utile 
d'avoir quelques ménagements pour un aussi bon homme, il 
me donna mille louis, demanda pardon de son humeur et 
consentit à ce que M'^® Têtard me gardât, à condition que cela 
ne fût su que de douze personnes discrètes (3). 

(1) BiBuoTHiQOB Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 166. 

(a) Voir l'inventaire des loi^es du Prince dans les trois théâtres 
royaux, aux Archives Nationales : X>a, 9178-9179. 

(3) Doc DE Lauzun, Mémoires, pp. 80-81. — Ce Rome, ou plutôt 



284 LE PRINCB DB CONTT 

M"e PeSUM 

Marguerite-Angélique Peslin, née à Berlin en 1748, 
avait débuté à TOpéra au mois de juin 1761 et de 
prime saut elle avait conquis le parterre par la préci- 
sion et Tagilité de sa danse, du genre qu'on nommait 
alors a grotesque » en Italie. C'était une suite sans fin 
de tours de force, de pirouettes sur un pied, de « gar- 
gouillades » d'autantplus extraordinaires que M^i^Pes- 
lin était très grasse. Elle avait pris pour amant le 
sieur Barré, boucher pécunieux, et Marais s'avisait 
qu'elle semblait faite exprès pour les gens de cette 
sorte: <' Sa taille raccourcie, son embonpoint, jus- 
qu'à son teint reluisant, tout annonce en elle qu'elle 
est carnassière » (i). 

Elle prouva son appétit en ne se limitant pas à 
Barré. Et le comte de Cossé, le marquis de Romée, le 
comte de Lowendahl, M. de Changeant, connurent 
dans le même temps, ses étreintes tarifées : 

Au comte de Cessé Peslin se dit fidèle ; 

Il n'a que trois rivaux qui couchent avec elle (a). 



Romée, est Albert-Marie, marquis de Romée de Veroouillet, né 
en 1780, brigadier des armées du Roi, lieutenant des maréchaux 
de France, gouverneur de Rouen, etc. 11 était fils d*une demoi- 
selle Salaberry, grand'tante du président. li fut guillotiné en 
1793. C'était un déterminé coureur de filles, un des meilleurs 
clienls de l'appareilleur Brissaut. 

(i) Journal des inspecteurs de M. de Sartines, p 220. 

(2) BifiuoTHÈQUE Nationale : Manuscrits français, 11.339, 
fol. 827 (Epigrammes attribuées à Poinsinet et à Pressigny). — 
Hyacinthe-Hugues-Timoléon, comte de Cossé, né en 1746, colo- 
nel d'infanterie etmenin du Dauphin, était fils de René-Hugues- 
Timoléon, appelé le comte de Cossé-Brissac, lieutenant-général, 
mort en 1784, et de Marie- Anne Hocquart, fille de Jean-Hyacinthe, 
seigneur de Montfermeil. — François-Xavier-Joseph, comte de 
Lowendahl, né à Varsovie, en 1742, était le fils du maréchal, 
mort en 1755. Admis aux honneurs de la Cour en 1766, il épou- 
sera, en 1772, Charlotte de Bourbon-Condé, fille légitimée du 
comte de Gharolais et de Marguerite Caron de Rancurel. En 1792. 



LE PRINCB DB CONTY 265 

Mlle Peslin, sans beauté, possédait le don de plaire 
et valait surtout par son caractère excellent ; elle cap- 
tiva presque durablement le prince deConty. L'auteur 
des Souvenirs de M^^^ Dathé force bien un peu la 
vérité quand il prétend que « le Prince était devenu 
véritablement amoureux d'elle, qu'il voulait lui faire 
quitter le théâtre et la doter en conséquence » (i). 
Mais il est réel que Louis-François eut pour M"c Pes- 
lin un attachement de routine ; durant plusieurs années 
elle vécut à ses appointements, sans préjudice du 
casuel. « Je Tai prise, je ne sais pourquoi, disait 
Conty ; jeTai gardée, je ne sais pourquoi ; et voilà au 
moins mille louis qu'elle me coûte, je ne sais pour- 
quoi M (2). 

Marais, dans un rapport non daté mais qu'on sup- 
pose ètrede i768environ,lui attribue encore le Prince 
pour amant, alors qu'elle s'affiche avec le marquis de 
Fleury, lequel la mène à laComédie-F'rançaise« sur le 
poing », la suit jusque dans les coulisses quand elle 
danse et se jette dans la dépense, persuadé d^étre 
aimé pour lui-même, ravi, laid comme il est, de se 
voir préféré à un prince du sang (3). Au vrai, le pré- 
féré du moment est le danseur Dauberval. 

Elle est toujours en 1 77 1 à la disposition du Prince et 
Théveneau de Morande, parmi les petits scandales de 
cette année, enregistre dans son Philosophe cynique 



il commandera contre la France un corps d'armée d'émigrés 
français. — Nous n'avons pu trouver aucun renseignement sur 
l'obscur M. de Cban/B^eant. 

(i) [Laiiothe-Lanoon]. Galanteries (Tune demoiselle du monde 
ou Souvenirs de J/"e Duthë, tome II, p. 882. 

(2) [IiiBBRT DE BouDREAu], Chroniqu€ scandaleusc, tome V, p. 9. 
Mlle Peslin coûtait plus de i.ooo louis au Prince, puisqu'il lui 
avait constitué, en 1767, une rente perpétuelle de 2.000 livres 
{Registre des comptes de Manscourt, Dépense, chap. g, rente 701 
et chapitre 10, rente 177). 

(3) Rapports de Marais. Cf. Revue rétrospective^ i835, 2* semes- 
tre, p. 440. — M. le marquis Pons-François Rosset de Fleury 
(1727- 1774) était un des huit enfants du duc de Fleury, mort en 
1748. 



266 LE PBINCE DE CONTT 

que « Mii<i Peslin, ayant eu un épanchement de lait sur- 
naturel, Ta communiqué au prince de Conlj, qui sans 

doute l*a fait passer à M"** la duchesse de B que 

Ton dit capable de le rendre à tout le monde » (i). Si 
c'est M™ de Boufflers que veut désig'ner celte ini- 
tiale, si c'est elle que vise la note méchante où il est 
dit que « Mole se charge de cette restitution au nom 
de la duchesse », il faut convenir que le libelliste réfu- 
gié à Londres est bien mal au courant des choses de 
Paris. 

M"« DURANCY 

L'abbé Soulavie^ dans ses Mémoires du duc de 
Richelieu, donne au prince de Conty W^^ Durancy, de 
la Comédie-Française. L'auteur de ces Mémoires est 
sujet à caution ; ainsi que nous l'avons fait observer 
déjà, il confond aisément dates et gens. Nous accueil- 
lerons sous toutes réserves Tanecdote qu'il rapporte 
pour démontrer, dit-iU que Conty « manquait de cette 
justice distributive et de détail qui soumet le prince 
comme le moins fortuné des citoyens ». 

Mlle Durancy, actrice de la Comédie-Française, passant pour 
avoir une des plus heureuses santés et un des plus louables 
tempéraments, le Prince épuisé, voulant imiter le saint roi 
prophète, s'imagioa qu'il pourroit rajeunir avec elle, et lut 
envoya le Mercure le plus adroit, pour lui déclarer que le 
prince de Conty, amoureux d'elle, désirolt ardemment ses 
faveurs. M^i« Duraocy qui logeoit dans un appartement 
modeste, fit quelques difficultés et dit, eotre autres choses, 
qu'elle étoit trop simplement meublée pour recevoir Monsei- 
gneur. « Si Tameublement, répond le Mercure, est le seul 
obstacle, vous en aurez demain un autre » ; et sur-le-champ 
le Mercure ordonna au tapissier du Prince un lit superbe, 
avec des crépines ; il en fît un temple de Tamour. Le prince 
de Conty s'étant attaché peu de tems après à M^^^ Pelain, le 
tapissier vint demander le paiement de ses meubles à 

(i) Le philosopha cynique, p. 8. 



LE PRINCE DE CONTY 267 

M'te Durancy : — « Mes chevaux ! » lui dit-elle pour toute 
réponse ; et elle vole chez M. le prince de Contj. Elle Tavoit 
aimé de tout son cœur, et le voyant infidèle, elle lui dit toutes 
les injures possibles sur ce qu'il l'a voit quittée, et le menaça 
de le déshonorer s'il ne faisoit honneur à cette dette. Le 
Prince paya les crépines et ses meubles et ne lui fit plus la 
cour(i). 

Nous n'avons pu vérifier le fait même des amours du 
Prince avec l'actrice. Mais à qui sait la prodigpalité 
ordinaire de Conty envers les femmes^ cette histoire 
de crépines impayées semblera peu vraisemblable. 

Plus invraisemblable encore paraîtra Tassertion de 
Soulavie : que M'*« Durancy « avait aimé de tout son 
cœur » le prince de Conty, à qui connaîtra la corn- 
plexion androphobe de cette jeune femme. Marie 
Durancy, qui par ses talents brilla alternativement à 
la Comédie-Française et à l'Opéra, avait la voix belle et 
le jeu pathétique. Mais son extérieur était ignoble. Sa 
figure laide, commune, ses traits hommasses, faisaient 
d'elle une virago que Grimm comparait à «une ser- 
vante de cabaret » (2). 

Ce physique ne trompait point. Rendant profusé- 



(1) [Soulavie], Mémoires du duc de Richelieu, tome VIII, p. 53. 
— Marie-Céleste Fieuzoi dite Duraacy, née à Paris le 23 mai 
1746, morte le 28 décembre 1780, était la fiUe de comédiens de 
proviDce distingués. Elle avait à peine six ou sept ans, lorsqu'à 
Bruxelles, où son père était directeur de théâtre, elle montrait 
les plus rares dispositions, bile n'avait pas encore treize ans 
lorsqu'elle débuta à la Comédie Française, le 19 juillet 1769, 
dans le rôle de Dorine. de Tartuffe. Comme sa voix se dévelop- 
pait et devenait fort belle, elle quitta la Comédie pour aller, le 
19 juin 1762, débuter à l'Opéra où elle restait quatre années; 
retournait à la Comédie Française le i3 octobre 1766 et enfin, le 
23 octobre 1767, revenait à l'Opéra où elle demeura jusqu'à ses 
derniers jours. Elle obtint d'éclatants succès. Son âme ardente, 
la passion brutale qui l'animait, un sentiment pathétique qui 
allait jusqu'au sublime, en firent une des cantatrices les plus 
puissamment émouvantes de son temps. 

(2) Correspondance de Grimm, Raynal, MeisterjCtc., tome VU, 
p. 271. 



268 LE PRINCE DE CONTT 

ment aax hommes lear manque d'empressements, 
MHc Durancy préférait la société des femmes. Elle 
devint une des adeptes de cette « secte anandrine » 
que la grosse duchesse de Villeroy, lesbienne notoire, 
aimait à réunir en son hôtel de la rue de TUniver- 
sité (i). 

Mîi« Allard 

S'il fallait disculper le Prince de ces accusations 
d'avarice par un nouvel exemple de sa libéralité, on le 
trouverait dans ses « arrangements » avec M^'^ Allard, 
danseuse à l'Opéra. 

M'i« Allard, née à Marseille, passage Saint-FerréoI,le 
i4 août 174^9 débutait comme danseuse à la Comédie- 
Française en 1756. Elle avait le visage rond, les yeux 
vifs, peu de gorge. Elle devait grossir par la suite et 
presque égaler en embonpoint sa camarade M'^* Pes- 
lin, qu'elle surpassait d'ailleurs en agilité. Après une 
courte liaison -avec le prince de Condé, elle passait 
en 1767 au duc de Montmorency, puis en 1769 au che- 
valier de Luxembourg. C'est alors qu'elle aimait Ves- 
tris, le diou de la danse ; de ces amours naissait, le 
27 mars 1760, Auguste Vestris, qu'on appela Vestral- 
lard. par une ingénieuse contraction des noms de ses 
parents. En 1761, M^^^ Allard entamait une longue 
intrigue avec le duc de Mazarin ; celui-ci lui consti- 
tuait, au mois de juin 1763, une rente viagère de 
3.000 livres. Cet exposé succinct démontre que, Ves- 
tris à part, W^^ Allard savait se choisir des amants 
profitables. Encore Vestris ne lui fut-il pas inutile ; il 
la fit engager à l'Opéra. 

Une aventure, ébruitée par les nouvellistes à la 
main, attirait en 1767 l'attention du prince de Conty 
sur M^ïe Allard. Par sa lubricité, disait-on, celle-ci 
avait tellement tourné la tête d'un seigneur allemand, 

(0 [Théveneàu de Morande], Le gazetier cuirassé, 3« partie, 
p. 74. — Voyez nos Théâtres clandestins, p. ayS. 



LE PRINCE DE CONTY 269 

son amant de passage, qu'il lui avait offert le mariage. 
Refusé, le noble teuton lui déclarait n'avoir d'autre 
ressource que de se brûler la cervelle, mais qu*il la 
lui brûlerait auparavant. Effrayée, M^^« AUard allait 
prévenir le lieutenant de police, qui la rassurait (i;. 
Cela se passait à la mi-août. Fin septembre, le Prince, 
alléché, sans doute, par la renommée lubrique de la 
danseuse, se faisait ménager par Sophie Arnould et 
par son amant, M. de Lauraguais, une entrevue avec 
Allard. 

25 septembre lyôy . — M. le comte de Lauraguais adonné 
à souper ces jours derniers à Monseigneur le prince de Gonty, 
avec la demoiselle Arnould et la demoiselle Allard. 

Ce Prince a témoigné toute sorte d'empressements à cette 
dernière, et le public veut absolument que ce soit une affaire 
consommée et qu'il lui ait donné la valeur de 80.000 livres, 
mais rien n'est si faux. Il est vrai qu'il y a eu beaucoup de 
pourparlers et cette demoiselle qui connoît la gesne dans 
laquelle il faut vivre avec ce Prince, lui a signifié que s'il vou- 
loit qu'elle cède à ses instances qu'il falloit qu'il lui fît tout 
d'un coup un sort qui la mît à l'abri de ses inconstances et 
de retomber dans les bras d'un autre, et ce sort a été estimé 
12.000 livres de rente, sans l'acquit de ses dettes ; ce qui ne 
laisse pas encore d'être considérable ; le Prince a trouvé ce 
marché un peu trop conséquent et les choses en sont restées 

là (2). 

Les pourparlers pourtant furent repris, puisque, au 
mois de janvier 1768, la demoiselle Allard ayant 
accueilli pour son greluchon le chevalier de Launay^ 
officier aux gardes-françaises, ne lui laissait rien à 
désirer « à Tinsu de M. le prince de Conty > (3). Mais 
la danseuse avait abaissé le taux de ses faveurs à une 
rente viagère de 3.ooo livres (4). 

(i) Mémoires secrets, tome III, p. aSô. 

(2 et 3; Bibliothèque Nationale : Manuscrits français , ii.36o, 
fol. 824 et 383 (Rapports de Marais). 

(k) Registre des comptes de Manscourt, Dépense, chapitre li, 
rente 65. 



270 LE PBINCE DE CONTY 



Mlle David 



Le duc de Chartres — futur Egalité — le marqais 
de Fitz-James et le chevalier de Coigny étaient un trio 
d'inséparables. Ensemble ils couraient le guilledou. 
Fréquemment ils usaient de la maison de plaisance que 
possédait à la Barrière-Blanche le prince de Guémé- 
née et que celui-ci meUait à leur service, quand il n'y 
menait pas lui-même la demoiselle Arnould, la demoi- 
selle Lenoir ou quelque autre de même farine. 

Au mois de mars 1768, les trois amis s*étant laissé 
persuader que le prince de Gonty clottrait la demoi- 
selle Davidy figurante à TOpéra, dans une petite mai- 
son de Villeneuve-Saint-Georges, conçurent le plan 
folâtre de lui ravir cette nymphe (i). Incontinent ils 
se mettent en campagne et voilà nos jeunes fous qui, 
d*une traite, piquent jusqu'à Villeneuve, heurtent à 
toutes les portes et mettent le village sens dessus des- 
sous. Mais ils sont obligés de se retirer bredouilles, 
et, de rage, se rabattent chez Thospitalière M°>® Gour- 
dan, qui tient magasin de filles à Paris, rue Goratesse- 
d'Artois, et qu'on nomme pour ce, la a petite com- 
tesse ». Le duc de Chartres, sa fringale amoureuse 
apaisée, abandonnerait volontiers la poursuite ; mais 
Coigny et Fitz-James sont plus tenaces en leurs des- 
seins. Ils se sont juré de connaître la retraite de la 
demoiselle David et ils ne veulent pas en avoir le 
démenti. Ces messieurs s'adressent à l'inspecteur 
Marais dont ils n'ignorent pas le métier. Marais opine, 
comme eux, que la figurante doit être à Villeneuve- 
Saint-Georges^ mais probablement sous un nom sup- 
posé ; et voilà pourquoi ils ne Tout pas trouvée. 

(i) Il y avait alors à l'Opéra, depuis 1766, deux demoiselles 
David, deux sœurs, qui avaient appartenu à la Comédie Française 
comme danseuses, de 1768 à 1766. L'aînée est figurante^ c'est 
elle dont il s'agit ici ; la cadette n*est que surnuméraire. 
Mile I)ayid l'atné loge rue Neuve-des-Petits Champs. 



LE PRINCE DE CONTY 271 

... Ils m'ont très fort prié (écrit Marais) de m'informer du 
nom qu'elle avoit pris; je leur ai promis et n'en ferai rien, car 
certainement le prince de Gonty ne seroit pas flatté de cette 
niche; cependant pour l'instruction particulière de ce travail, 
j'ai vu la sœur de la demoiselle David qui m'a dit qu'elle 
n'étoit pas à Villeneuve-Saiot-GeoriiCes, mais que, pour le cer- 
tain, elle étoit aux environs de Paris, dans une petite maison, 
et qu'elle croyoit que c'étoit du costé de la Barrière-Blanche, 
même maison qu'avoit occupée la demoiselle Testar du tems 
qu'elle étoit au prince de Gonty; qu'elle ignoroit elle-même le 
nom qu'elle y portoit, parce qu'elle ne vouloit pas qu'elle fût 
la voir, de crainte qu'elle ne s'aperçût qu'elle y passoit les 
remèdes; mais qu'elle s'informeroit de la demeure d'une 
femme qui la voyait quelquefois (x). 

Plus de nouvelles de la demoiselle David pendant 
plusieurs années. Elle appartient toujours au prince 
de Gonty qui, sans doute, la garde étroitement. Il la 
quille vers 1770 et le marquis de Romée s'empare 
d'elle. Mais ce seigneur s'aperçoit vite qu'il n'est pas 
plus heureux qu'avec la volage demoiselle Testard et 
qu'elle reprend son ancien train de vie, qui est de 
(( donner dans les jeunes gens ». M. de Romée 
l'abandonne au chevalier de Bezons. Un curieux 
personnage, ce chevalier; généreux avec les filles, 
d'elles redouté depuis la vengeance originale qu'il tira 
d'une demoiselle Laforest qui l'avait gratifié, dit 
Marais, « d'une galanterie des plus chaudes »; ayant 
joint son ennemie au bal de TOpéra, il lui attachait, 
dans le dos de son domino*, « une polissonnerie vul- 
gairement appelée redingote angloise », et la demoi- 
selle Laforest faisait plusieurs tours dans la salle avec 
ce nœud d'épaule de nouvelle fabrique, laissant sur 
son passage comme un sillage de quolibets, jusqu'à ce 
qu'une amie charitable détachât Tobjet (2). 

Après le chevalier de Bezons, que doublaient 

(i) BiBuoTHÈQUB NATIONALE : ManuscHts français j ii.36o, 
fol. 4ii. 

(2) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.SSQi 
fol. 102. 



272 LE PBINCB DB CONTT 

M. de la Patrille, le mousquetaire noir, et le cheTa- 
lier de Sainl-Blancard, M"® David passa aux ordres de 
M. de Maupeouy le colonel, tandis qu'elle prenait pour 
greluchon le chevalier de Launay, des gardes fran- 
çaises, l'ancien amant du cœur de M^'* Allard (i). 

En manière de souvenir, le prince de Conty avait 
laissé à M'^* David une rente viagère de a.ooo livres, 
qu'elle touchait encore en 1779, alors qu'elle était 
devenue comtesse de Leunoncourt (2). 

M"« Heinbl, M»« Porsein 

Tel un nouvel astre au firmament, une étoile, en 
mars 1768, surgit à l'Opéra. Comme M^^* Peslin, la 
berlinoise, Anne Heinel est allemande, native de Bay- 
reulh. Mais loin de pratiquer la ugargouillade)>,elle se 
révèle, dès ses premiers pas, modèle accompli de la 
danse posée. Elle a quinze ans seulement et on la 
compare à Vestris. La sveltesse de ses contours, les 
charmes de sa figure, la noblesse de ses mouvements 
font le ravissement des connaisseurs, qui l'ont sur- 
nommée € la belle statue » (3). Heureux le Pygma- 
lion qui l'animerai Son frère veille sur elle et la 
garantit intacte et vierge. Les enchères montent 
immédiatement. Le prince de Conty se met sur les 
rangs, produit son offre. Mais il est distancé par le 
comte de Lauraguais lequel, d'enthousiasme, propose 
60.000 livres. Moyennant un supplément de 5oo louis 
pour le frère, à titre d'épingles, M^** Heinel est adju- 
gée à M. de Lauraguais (4). 



(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 656. 

(2) Registre des comptes de Manscourt, Dépense, chapitre 9, 
renie 702. 

(3) Voyez : Noverre, Lettres sur la danse (édition de i8o4), 
p. 84, et la Correspondance de Grimm^ tome VIII, p. 83. 

(4) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 4i^« — [Imbert de Bouoreau], Chronique scandaleuse^ 
tome V, p. 123. 



LB PRINGB DB CONTY 273 

Cette emplette coûteuse du comte de Lauraguais 
laisse en friche M'^® Porsein, sa maîtresse. Le prince 
de Conty et le prince de Soubise la € couchent en 
joue » simultanément (i). Lequel des deux chasseurs 
l'abattra? L'un et l'autre, il faut croire. M"« Porsein 
qui, avant d'être à M. de Lauraguais, aimait parallèle- 
ment Clairval, Thistrion, pour sa belle figure^ et 
Sainte-Foy, l'historien, pour sa bonne finance, n'en 
est pas à un amant près... 

Aussi bien Conty n'a pas abdiqué ses vues sur 
M"« Heinel. Il attend son tour, sachant qu'avec de la 
patience son heure sonnera. Elle sonne quelques mois 
plus tard et M^^® Heinel fait à ce propos d'étranges 
révélations à son amie Sophie Arnoud : 

Cette fille ayant passé la nuit avec le prince de Conty parut 
le lendemain assez peu satisfaite des plaisirs de la veille. 
Mlle Arnoald, connue par ses saillies, lui demanda : « — Ehl 
qu'as-tu, mon enfant, tu me semblés toute triste; n'es- tu pas 
contente du prince? > — c Non, mon amie, dit M^'" Heinel, je 
ne veux plus de commerce avec lui, il m'a joué un tour per- 
fide ». — « Eh ! qu'est-ce, ma petite, conte-moi cela ». — 
c( Imaginez-vous, dit la danseuse, en hésitant, qu'il a voulu 
en user avec moi d'une manière fort extraordinaire, enfin 
comme on se sert à Rome des petits... vous jugez bien que 
j'ai dû souffrir des douleurs afiFreuses ». — (( Ah! ma 
pauvre enfant, reprit M^^® Arnould, j'entre dans ta peine, et 
je ne doute pas que cela n'ait été très difficile, car on n'est 
jamais si petit qu'auprès des grands » (a). 

Avec le temps, M^^® Heinel se façonna sans doute aux 
manières romaines de Son Altesse. Leur commerce se 
soutenait encore à la fin de 1770. C'est le comte de 
La Marche qui, un soir de bal à l'Opéra, en jan- 
vier 1771, certifiait à Marais leur division prochaine 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 4^2. 
(2) Correspondance secrète (dite de Métra), lome I, p. 35. 

18 



274 LE PRINCB DE CONTY 

« et que le marquis de Marigny allait s*ea arran- 
ger » (i). 

M"®s Delorme, Deryieux^ Adrienne, 

LONGPRÉ, LaURPIN 

Pour la clarté, nous sommes obligés d'énumérer les 
maîtresses du prince de Conty à tour de rôle. Mais on 
se tromperait fort en accordant à ce tableau une valeur 
trop absolue quant à Tordre chronologique. En fait, 
la fantaisie du Prince, variable et diverse, va et vient, 
passe et repasse, de Tune à Tautre; il prend, quitte, 
reprend; il ajoute à sa liste ou il en retranche, sans 
méthode; rarement il se fixe à une seule conquête à 
la fois. 

C'est ainsi que, concurremment avec M^^® Heinel, 
Conty entretient la petite Delorme, sa camarade, à 
laquelle il rend visite dans sa loge, à l'Opéra, un soir 
que M^^^ Heinel, malade, n'a pu daiiser. La jeune 
Delorme qui voit en cachette M. de Vougny et qui 
prend à M. de Sénac cent louis pour une passade, 
quitte bientôt le service du Prince pour celui de 
M. de Soubise (2). 

C'est ainsi que Conty subventionne M"« Dervieux, 
une ancienne à l'Académie de musique et de danse, 
encore qu'elle n'ait pas plus de seize à dix-sept prin- 
temps; mais, à dix ans elle dansait déjà comme un 
ange, et Ton prévoyait qu'elle serait le bâton de vieil- 
lesse de sa brave courtisane de mère. M^^ Dervieux 
ne s'attarde pas aux menus cadeaux du Prince; et 
M. de Soubise lui ayant offert un ravissant petit hôtel, 
rue de la Victoire, 1.200 livres par mois pour ses 
menus plaisirs et autant à madame sa mère pour les 
dépenses de la maison, elle imite M"« Delorme et passe 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français , ii.36o, 
fol. 488. ' 



A. If 00. 

(2) C. Piton, Paris sous Louis XV, tome I, pp. 4o, 77, 81, 90. 



LE PRINCB DE CONTY 275 

au camp de Rohan. Elle garde pourtant la pension de 
5.000 livres que lui a souscrite Conty (i). 

Cest ainsi qu'il se lie^ toujours vers le même temps 
(1770), à M"« Adrienne, également de TOpéra, et qu'il 
convoitait depuis qu'elle avait paru sur le théâtre 
d'Audinot, au boulevard du Temple. « Il la garde, dit 
Marais, dans son petit sérail; un assure qu'il en a 
vingt à présent )» (2). 

C'est ainsi qu'il envoie, non sans motifs probable- 
ment, cinquante louis à M^'® Longpré (3). 

C'est ainsi qu'il patronne, pour la faire admettre 
à l'Opéra, une demoiselle Laurpin, pensionnaire de la 
Gourdan, proxénète : 

Le prince de Conty, note Marais, lui a fait tenir 5o louis et 
lui a fait dire qu'il la verroit encore trois ou quatre fois; mais 
qu'elle pouvoit compter sur luy et que, comme elle étoit reçue 
à l'Opéra, il lui feroit toucher 26 louis par mois, pour Taider 
à payer ses maîtres (4)* 

M^« Martin 

Si Conty se décharge en janvier 1771 de la demoi- 
selle Heinel, c'est qu'il a déjà jeté ailleurs son dévolu ; 
une demoiselle Martin, fille d'un marchand de pois- 
son en gros de la rue Aubry-le-Boucher, et dont la 
mère, même rue, a boutique de modes et frivolités. 
Dix-sept ans, grande, bien faite, les plus beaux yeux 
du monde, M^^® Marxin passe, à juste titre, pour si 
jolie que par curiosité jusqu'à des dames vont la voir. 

£Ile n'a pas eu de peine à plaire au Prince, dit un rapport 

(i) Registre des comptes de Manscourt, Dépeose, chapitre 10. 
rente 187. — Voyez sur Miie Dervieux : G. CA?oti, Les petites mai- 
sons galantes, pp. 100-102. 

(sL)Revvie rétrospective, i835, 2* semestre, p. 442. 

(3) C. Piton, Paris sous Louis XV, tome I, p. 49. 

(4) BiBUOTHÈQUE NATIONALE \ Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 491* 



276 LE PRINCE DE CONTY 

de Marais, et il s'est décidé à s'en charg^er; j'ig^nore eDcore 
les conditions da marché, j'en seraj informé ; mais elles doi- 
vent être conséquentes, car ses père et mère ne sont point 
dans la misère et poar garder une espèce de décorum avec 
eux, le Prince doit la mettre quelque teros au couvent, où il 
lui donnera tous les maîtres qui peuvent augmenter sesagré- 
mens ; ensuite il se propose de la faire paroître avec éclat. 
Monseigneur garde un grand mystère sur cette intrigue et 
seroit désespéré d'être deviné, d'autant que la disparition de 
cette demoiselle pour le couvent, qui doit s'opérer ces jours- 
ci, étonnnera bien des gens qui ont les yeux dessus (i). 

Un mois après, l'enlèvement de la demoiselle Martin 
est accompli. Elle est mise au couvent du Calvaire, où 
le Prince payera ses leçons. Sous prétexte d*aller voir 
sa famille, elle ira de temps à autre visiter Son Altesse 
au Temple (2). L'opération n'a pas coûté aussi cher 
qu'on le pensait. Deux cent louis comptés aux parents, 
pour satisfaire à des engagements pressants de leur 
commerce, les ont décidés au sacrifice et cinquante 
louis mensuels pour Tentretien de leur fille^ mais qui 
leur passeront par les mains, ont levé leurs derniers 
scrupules. 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français j ii.36oy 

fol. 49»- 

(2) En plaçant sa maltresse au couvent, le prince de Conty 
n'avait pas le mérite de l'invention ; c'était le procédé du duc de 
Duras : 

c Le sieur Saint Louis (époux de la Montigny, a pparei lieuse] 
vit une jeune fille, la demoiselle Brébantet, après en avoir joui, 
l'amena à sa femme qui la trouvant jolie, lui inspira vivement 
les idées de coquetterie de son métier. La Montigny qui avait 
l'honneur de fournir à M. le maréchal de Duras des amusements 
de débauche, ne manqua pas de lui présenter sa nouvelle acqui- 
sition ; ce seigneur devint amoureux sur-le champ et capitula 
avec la courtière pour se l'approprier. Dix louis de présents 
déterminèrent la Montigny à qui il fut ordonné de garder à vue 
et avec probité le bijou confié qui, au bout de huit jours, était con- 
duite dans une communauté à Rueil, comme filleule du maré- 
chal, où elle resta deux ans, venant de temps en temps à Thôtel 
amuser Monseigneur » (BiBLiOTHiQUE Nationale : Manuscrits 
français^ ii.358, fol. i3-i4). 



LE PRINCE DE CONTY 277 

Celui que désespère Taventure, c'est le sieur Duval 
jeune, des bureaux du lieutenant de police, le fils 
de ce premier secrétaire Duval, qui, du temps de 
M. Berryer, recopiait les rapports des agenls secrets et 
les transmettait au magistrat en orthographe et style 
plus corrects. Duval va partout clamant qu'on lui a 
dérobé une maîtresse chérie, dont il avait les faveurs 
depuis dix-huit mois, dont il avait même la clef pour 
entrer chez elle à toute heure et ce, du consentement 
de ses père et mère. Pour colorer sa vantardise d'un 
semblant de vérité, Duval, avec des airs de franchise, 
énumère les charmes secrets de la fille, et convient 
qu'elle a « le ventre un peu bis ». 

Pour moy, observe Marais, je n'en crois pas un mot ; il est 
bien vray qu'il alloit souvent au comptoir lui faire sa cour et 
qu'il la persuadoit qu'elle seroit forcée avec le temps de céder 
à ses grâces, mais elles lui ont réussi bien rarement; il s'aime 
trop pour être aimé des femmes et, pour celles qui soDt con- 
noisseuses, sa taille, qui a tout au plus Pair d'être faufiliée, 
ne les prévient pas en sa faveur (i). 

Au Calvaire, les progrès de la demoiselle Martin 
furent si rapides qu'en avril, le Prince la retira de 
chez les nonnes : mais ce fut pour la confiner, plus 
jalousement encore, dans une petite maison de la rue 
de la Chaussée d'Antin (2). 

...Que devint par la suite M"" Martin ? N'est-ce 
point elle que nous rencontrons, quinze ans plus tard, 
marchande de rouge pour les dames, établie dans le 
quartier du Temple et fournisseuse de la Reine, de 
Madame, de M°*® Elisabeth, de la comtesse d'Artois et 
de la duchesse d'Orléans? Elle est connue comme 
femme galante et lient cercle en son arrière boutique. 
Au printemps de cette année 1786, M^^® Martin a une 
affaire avec M** Ader, jeune avocat qui la courtise et se 



(i et 2) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français j ii.36o, 
fol. 499 et fol. 537.' 



278 LE PBIHCB m CONTT 

permet d'être trop entreprenant. Elle le fait empoi- 
gner et conduire chez le bailli du Temple où il reçoit 
une mercuriale sévère. Mais la marchande de rouge 
imprime en outre un mémoire qu'elle adresse à tous 
les membres du barreau. Ce mémoire porte pour épi- 
graphe : « Qui se laisse outrager mérite qu'on l'ou- 
trage ». M"« Martin y donne à entendre qu'elle n'est 
point mal de figure « et que M® Âder étoit en rut quand 
il se porta aux excès dont elle se plaint /> (i). 

M^^* Leglerg 

Tandis qu'au couvent l'on polit et Ton décanaille 
M"« Martin, le prince de Conty ne saurait chômer, 
inactif. Et c'est encore à l'Opéra, « fonds d'inconti- 
nence publique, harem de la nation, bazar où les 
grands de l'empire achètent leurs esclaves », qu'il se 
pourvoit d'une maîtresse nouvelle (2). 

3i janvier ryji, — Monseigneur le prince de Conty, tou- 
jours fertile en événements amoureux, a fait encore, la semaine 
dernière, une nouvelle empiète, dans la personne de la jeune 
Leclerc, danseuse dans les ballets de l'Opéra. On prétend 
qu'il a compté à la mère mille louis comptant; du moins elle 
s'en vante ; mais il est certain qu'il lui a donné un fort 
accompte, car elle en a fait voir beaucoup à une de ses bon- 
nes amies, et le duc de Luxembourg:, qui lui offrait 5o louis 
par mois, n'a pu allen la voir. Elle a été livrée au Prince 
comme pucelle; cependant M. Bertin, des Parties casuelles, 
en avoit déjà tâté près d'un an, à la sourdine (3). 

Friponne sur le titre du bijou, le Prince ne s'aper- 
çoit-il pas de la duperie ou dédaigne-t-il d'en garder 
rancune? Toujours est que, deux mois après, il met la 

(i) Mémoires secrets, tome XXXII, pp. 88 ci 206. 

(2) [Thureau de la Morandière]. Représentation à M. le lieute* 
nant de police sur les courtisanes à la mode. 

(3) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. AgS. 



LE PRINCE DE CONTT 279 

petite Leclerc dans ses meubles et lui fait quitter 
rOpéra pour mieux la tenir. Elle ne dansera plus, 
c'est chose arrêtée. Mais avec Conty, qui dans ses 
amours change et déchange perpétuellement, ces 
grandes ré^^olutions ne tirent pas à conséquence. En 
effet. Tannée 1771 n'est pas révolue que la danseuse, 
rentrée au théâtre, partage ses loisirs entre M. Thi- 
roux de Montregard et M. le duc des Deux-Ponts (i). 



Mlle DUPUIS, DITE L^LIGOT ; M*^ BOUVANGE, 
DITE GaSTILLON 

En prenant M"« Leclerc au prince de Conty, le duc 
des Deux-Ponts ne fait d'ailleurs qu'user de repré- 
sailles. Le Prince ne vient-il pas de lui subtiliser la 
demoiselle Dupuis, dite Lélicot du temps qu'elle ser- 
vait aux plaisirs des chalands de la Gourdan, et qui 
s'appelle de Ghelles, depuis que Chrétien IV l'a reti- 
rée du boucan de cette proxénète? 

Conty s'est amouraché de M'*« de Chelles au mois de 
janvier 1771. Mais leur accord n*a pas marché tout 
seul : 

Monseigneur, dit Marais, voudroit la captiver tout à fait et 
la mettre en petite maison pour qu'elle ne fût qu'à ses ordres. 
Mais la petite personne s'en défend, malgré les avantages 
qui en résulteroient pour son bien, parce quelle dit qu'elle 
n'aime point la gesne; le vray motif de la répugnance, est 
qu'elle aime Clairval des Italiens à la fureur. Enfin Monsei- 
gneur, pour la réduire, a envoyé chercher la Gourdan, comme 
Payant élevée, et l'a chargée d'employer toute sa rhétorique 

(i) C. Piton, Paris sous Louis XV, tome I, pp. 60 et 69. 

M. Thiroux de Montregard, trésorier de la maison du Roi en 
1731, choisissait généralement ses maîtresses dans le corps de 
ballet de l'Opéra. Il avait eu successivement Mlle Beaufort, 
Mll^ Deschamps cadette, MUeDumirey. — Chrétien IV (1722-1773), 
prince palatin, duc souverain des Deux-Ponts depuis 1735. Il 
avait épousé morganatiquement MUo Gamache^ danseuse à 
l'Opéra, à laquelle il donna le titre de comtesse de Forbach. 



280 LE PRINCE DE CONTT 

pour lui faire ag^réer ses intentions. Mais elle [la Gonrdan] 
n'a pu encore rien obtenir et, pour se dissiper, il l'a priée, en 
attendant, de négocier auprès de la demoiselle Bouvaoce, 
dite Castillon, très jolie femme, maîtresse de M. le duc de 
Saint-Mégrin ; il y a lieu de croire que cette affaire se fera ; 
on ne dispute plus que sur le prix (i). 

Qu'est-ce encore que cette Bouvance? Une ancienne 
ouvrière qui s'est esquivée, voici quelque huit ans, de 
la boutique du sieur Planson, marchand de modes, 
où elle travaillait, pour entrer chez la Gourdan, d*où 
Ta sortie M. Douet de la Boullaye (a). Elle s'appelait 
alors Génescourt; elle se nomme à présent Castillon. 
C'est la mode décidément chez les < demoiselles du 
bon ton » de varier souvent leur nom de guerre. 

Mais Conty n'a engagé M^*® Bouvance que comme 
pis aller» pour l'intérim. Et sitôt Lélicot convaincue 
par la rhétorique de la bonne Gourdan, c'est vers 
Lélicot que revient le caprice du Prince : 

8 mars lyyi. — M. le prince de Conty a encore cham- 
bré la demoiselle Lélicot, dite de Chelles, qui a été entretenue 
à sa sortie de chez la dame Gourdan par le prince des Deux- 
Ponts. On ignore encore où il l'a mise, mais il est certain 
qu'elle est avec luy et que le premier de ce mois, elle a quitté 
son appartement, rue des Orties, pour se rendre dans celui 
qu'il lui avoit fait préparer (3). 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 479* 

(2) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.SSg, 
fol. 579. 

(3) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o. fol. 
5i6. — Ed 1779, M'l« Dupuis touchait eacoresurla succession du 
PrÎDce une rente de 2.000 livres, et celte même année le trésorier 
payait un vieux solde de gages à sa femme de chambre Brémard : 
700 \\Yv^% (Registre des comptes deManscourt, Dépense, chap. 10, 
rente 176.) 



LE PRINCE DE CONTT 



M"« Denis 



281 



Tandis qu*il « chambre » en ville Leclerc ou Dupuis- 
Lélicot, le Prince séquestre, dans le Temple même, la 
dame Denis, épouse d'un employé des fermes, qu'il a 
soustraite à son mari, depuis le mois de mars. En 
octobre, M™« Denis, redoutant la colère de son mattre 
légal, passera en Angleterre et c'est Conly qui lui 
paiera la traversée (i). 

M"® Dezanville, M"« Golard, dite Guimard 

Dans l'intervalle, au mois de juillet 1771, le sieur 
Guérin, esculape du Prince, a recruté deux tendrons 
pour les soupers clandestins de Son Altesse : les 
demoiselles Dezanville et Colard, dite Guimard. Conty 
leur a prorois à chacune vingt-cinq louis par mois, 
dont elles ont touché moitié au premier banquet où 
elles assistèrent, en compagnie du président d'Ali- 
gre. 

La jeune Dezanville n'a pas Theur de plaire long- 
temps; mais le Prince persévère quinze jours au moins 
dans son goût pour la petite Colard; il porte ses 
honoraires à cinquante louis et Marais qui la rencon- 
tre radieuse au Colysée, le 18 juillet, la trouve <v tout 
embellie par le bien-être » (a). 

M"« Leclerc II 

Au mois d'août, Guérin fait encore une trouvaille. Il 
« soulève » une fillette, nommée Leclerc, qu'il présente 
au sultan du Temple. On lui baille quelques nippes 



(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
f. 537 et C. Piton, Paris sous Louis XV, tome i, p. ai. 

(2) BiBuoTHàQUB Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
ÉF. 676 et 58o. 



282 LB PBINCB DE CONTT 

et le Prince commet Guérin au soin de lui servir d'Ar- 
gus, de la débrutir, de la manîérer : « Certainement, 
observe Marais, Monseigneur peut s'en rapporter à lui 
pour la mettre dans la main et dans les jambes, c'est 
un très bon écuyer dans ce genre » (i). 

M"« Mac-Carthy 

Au mois de novembre, plus exactement le jour de 
la Toussaint, la Gourdan moyenne au Prince une 
irlandaise^ la demoiselle Mac*Carthy, assez recherchée 
par les paillards de la rue Comtesse d'Artois. La rétri- 
bution est de cinquante louis (2). 

M^^ Legrand 

Au mois de décembre, Marais nous divulgue une 
passade du Prince avec la « petite » Legrand, ainsi 
dénommée non point à cause de son âge, car elle 
n'est plus toute gamine, mais à cause de sa taille 
menue qui jure avec son nom. Ce bout de femme 
n'est pas jolie mais elle pétille d'esprit. Intimement 
liée autrefois avec la comtesse Dubarry, alors que 
celle-ci n'était que Vaubernier et pas du tout com- 
tesse, M"« Legrand a vécu longtemps avec M. Cour- 
tois de Minutte, mattre des requêtes au Parlement, 
puis avec M. Gauthier, rejeton du fermier général. 
Pour le quart d'heure, elle gîte avec le sieur Leiièvre, 
joli garçon, de qui le père, apothicaire, débite rue de 
Seine un merveilleux élixir: le Baume de vie, propre 
à guérir tous les maux. Le baume ne se vend-il pas, 
ou l'apothicaire est-il pingre? Le fils Leiièvre et sa 
maîtresse pâtissent d'une grande disette d'argent. 
M"® Legrand, pour subsister, a dû engager plus de 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français^ m.36o 
fol. 597. 

(a) Bibliothèque Nationale : âfanuscrits français, ii.36o, 
fol. 637. 



LE PRINCE DE CONTT 283 

3.OO0 livres d'effets. La g^énérosité du prince de Conty 
sauve ce nantissement des g^riffes du préteur et 
M^*^ Legrand, reconnaissante, paye le service à sa 
manière (i). 

Une lacune dans les fiches de Marais concernant le 
Prince, une lacune de près d'un an, du mois d^août 
1771 au mois de septembre 1772, donne à penser que 
Conty, durant cette période, s'en tient uniquement à 
M™« Dailly. Mais celle-ci devient grosse pour la 
deuxième fois en mars 1772 et le Prince, respectant 
les derniers mois de cette grossesse, cherche de-ci de- 
là des distractions passagères. 

Alignons sans commentaires ces rapports, non 
datés, mais qu'on suppose être de septembre, octobre 
et novembre 1772 (2). 

Une PETITE FILLE 

{Sans indication de mois ni quantième), — M. le prince 
de CoQty vient d'avoir la petite fille d'un marchand dont on 
n'a pu savoir le nom : on la dit belle comme l'Amour. Elle 
avoit déjà un amoureux que le père ne savoit pns ; il l'a donnée 
pour neuve au Prince. Ce jour là le jeune homme alloit mon- 
ter à une fenôtre par laquelle il avoit coutume d'entrer. Il a 
entendu arrêter un carrosse à deux pas. Il a soupçonné sa 
mattresse, et comme la nuitétoit noire, il s'est caché pour voir 
ce qui se passeroit. Il a vu que le sieur Bazini, vieux laquais 
du Prince, a frappé et a emmené la petite fille coucher au 
Temple ; elle n*en est sortie qu à huit heures du matin. C'est 
le médecin du jeune homme qui a raconté l'histoire, comme 
celui-ci étoit malade de chagrin (3). 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, ii.36o, 
fol. 647. 

(3) Les noies de Marais dans le Manuscrit 1 1 . 367 de la Bibuo- 
THÈQUE Nationale, notes publiées par M. G. Piton (Paris sous 
Louis X Vf p^p. 19 à 5o) sont de rannée 1772, sauf la première 
anecdote, datée de 1769. Une preuve entre vingt : il y est ques- 
tion du début à la Comédie-Française de M^e Sainval cadette, 
qui eut lieu le 27 mai 1772. 

(3) Revue rétrospective, i835, 2» semestre, p. 438. Cf. C. Piton, 
Paris sous Louis XV^ tome I, p. 21. 



284 



LE PRINCB DB CONTT 



Autre petite fille 



M. le prince de Conty a pris la petite fille d'ao doinestiqae 
qui apprend à jouer la comédie. Il lui a loué une maison de 
i.5oo livres, rue Saint-Marc. Elle y est avec sa famille. On 
assure que l'abbé Geffroy est le g^reluchon (i). 

M"« Mars 

M. le duc de Lauzun a eu M^^ Mars en passade. Elle est 
aussi toujours à la solde de M. le prince de Conty (a). 

M"® Matthâus 

On dit que M le prince de Conty a M°>^ Mattbéus. Elle étoit 
au bal de Vauxhall avec lui, dans sa loge (j^rillée (3). 



jyfme Malherbe, M*i« Vernibr 

M. le prince de Conty a fait meubler une maison à 
M""^ Malherbe. Il vient de L*lsle-Adam la nuit pour la voir. 
Cela n'a pas empêché M^^® Vernier, qui dansoit à l'Opéra, 
n'ait été y passer quelques jours (4)> 

Le PBTrr J...-F... 

M. le prince de Conty s'est amusé au bal après toutes les 
filles. Il a changé chaque fois de domino. Guérin étoit à la 
découverte pour une petite fille de qui il a eu envie. 

... On assure que M. le prince de Conty a attrapé une 
galanterie avec une petite fille qu'on appelle le petit J...-F...; 
que son chirurgien Guérin s'est trompé, et que le Prince ost 
furieux (5). 

(i et 2) C. Piton, Parti sous Louis XV, tome 1, p. 5i et p. S6. 
(3 et 4) C Piton, Paris sous Louis XV, tome I, p. Sg «t p. 6i. 
(5) C. Piton, Paris sous Louis XV, tome 1, p. yS. 



L£ PRINCE DE CONTY 285 

^meDgjjiy accouche en décembre 1772. Son amant 
lui redevient fidèle et désormais les inspecteurs du 
lieutenant de police n'entretiendront plus leur chef 
des amours du prince de Conty. 

Il nous reste à énumérer, pour être aussi complets 
quMl est possible, une demi-douzaine de mattresses 
dont les noms nous parviennent en quelque sorte par 
ricochet et sans que nous puissions mettre des dates à 
côté de ces noms. 



Mii« d'Aigremont 

Un rapport de Marais sig^nale, en 1771, le retour à 
Paris d'une certaine demoiselle d'Aig^remont, femme 
Daumesnil, à qui le duc de Lauzun fait tenir dix louis 
et lord Binting^, son ancien amant, vingt-cinq, « sim- 
plement pour Tobliger » et sans envie de revivre avec 
elle. « Le prince de Conty, ajoute le policier, lui a fait 
dire aussi de ne pas s'inquiéter et qu'il lui feroit pas- 
ser des secours » (i). Il y a gros à parier que M'^^d'Ai- 
gremont, pour mériter cette charité, possède des titres 
anciens à la bienveillance du Prince. 



Mlle DUPLAN, M"« DB MoNTGAULTIBR, M^* MaINTILLIERS 

Imbert de Boudreau dans le dernier volume de sa 
Chronique scandaleuse — paru en 179I9 et rédigé en 
partie sur les notes de Marais — nomme trois femmes 
dont le Prince aurait eu les faveurs. 

Plus généreux que le comte de La Marche, dit Imbert, il 
[Conty] donnoit le même jour un carrosse à la Duplan et 
800 livres à la dame de Montgaultier qui les mangeoit avec 
son basson. 

Il n y a jamais eu que la Mainyilliers qui se soit plainte 

(i) BmuoTHiQUB Nationale : Manuscrits français^ ii.36o, fol. 
634. 



286 LB PBIKCB J>B COHTT 

d'avoir amusé Soo Altesse sans la moindre reconaoissance. 
Mais elle s'en prit an président d'Alig^ et à Jacquet qui 
ètoientde la partie (2). 

De ces trois femmes, une seule a laissé quelque 
trace : Françoise Campag^ne, dite Duplan, qui fut 
chanteuse à l'Opéra, où sa haute taille et sa voix éten- 
due lui réservaient les rôles qu'on appelait alors « à 
baguette ». Après avoir chanté dans les chœurs, elle 
avait débuté en 1762, à Tàge de dix-sept ans, et pres- 
que aussitôt s'était laissée enjôler par le sieur Colin, 
boucher, grand dénicheur de filles. Colin l'ayant ren- 
due mère, Tabandonnait avec son enfant et réduite à 
la misère, elle portait en 1766, contre Tinfidèle, une 
plainte en < séduction ». C*est donc postérieurement 
à 1766 qu'elle connut Conty et qu'elle eut un car- 
rosse ; mais c'est antérieurement à 1770, puisque 
M™« de Montgaultier qui, c le même jour », recevait 
800 livres, les mangeait avec le basson du Prince ; or, 
Conty licencia son orchestre en 1770. 

Mii« La Prairib 

Dans la Correspondance secrète, dite de Métra, à 
propos d'une mésaventure judiciaire du comédien- 
directeur Audinol, personnage sur lequel nous revien- 
drons, l'auteur cite une nouvelle maîtresse du Prince : 

Le directeur d'un tripot de saltimbanques qu'on nomme la 
troupe d'Audinot (c'est Audinot lui-même), vient d'essuyer 
un petit désagrément. Il vivoit depuis longtemps en concubi- 
nage avec une femme dont il avoit plusieurs enfants. Ce 
galant homme, imbu de l'esprit comique, avoit fabriqué à sa 
guise les extraits baptistaires de ces en fans, en s y recounoîs- 
saot le mari de sa maîtresse qui en avoit cependant un autre, 



(i) [Imbbrt de Boudreau], Chronique scandaleuiCf tome V, 

P-9- 
(2) Archives Nationales : Y 12.667. 



LE PRINCB DE CONTY 287 

nommé La Prairie. Une fille, (isset célèbre à Paris par les 
ag rémens de sa Jîgure et par ses liaisons avec le prince de 
Coniy, est l'un des fruits de ces belles amours. Elle s'est avi- 
sée un jour de consulter son extrait baptistaire, et y voyant un 
nom étrangler qu*avoit imag'iné Audinot pour remplacer celui 
de M°*® La Prairie qui étoit sa véritable mère, a attaqué le 
directeur de la troupe en justice. Elle Ta fait sommer de lui 
déclarer où étoit sa mère et, si elle étoit morte, de lui rendre 
ses biens. Audinot a rendu naïvement compte de sa conduite 
et du faux qu'il avoit commis. Cette plaisanterie lui a valu 
quelques jours de prison (i). 

Admirons en passant la mansuétude des jugées du 
dix huitième siècle. Le même faux coûlerail aujour- 
d'hui beaucoup plus cher à qui s'en rendrait coupable. 
Cette demoiselle La Prairie, naguère appelée M^^* Au- 
dinot, avait été, vers 1770, la maîtresse du prince de 
Soubise qui lui donnait 1.200 livres par mois pour ses 
menus plaisirs, et autant à sa mère pour les frais de 
la maison : le même tarif qu'à la jeune Dervieux, 
ci-dessus nommée (2). 



Mi*« DUTHÉ 

Pour clore la liste, nommons enfin W^^ Duthé, puis- 
qu'elle-mème se nomme dans ses Mémoires : 

Maintenaot (dit elle) tu me demanderas si je fus la seule à 
laquelle le prince deConty fit Taffront de ne pas l'appeler à 
prendre une tasse de café avec son premier gentilhomme ; je 
n'ai pas un seul reproche à adresser à Son Altesse Sérénis- 
sime; et je me plais à rendre justice à sa politesse et aux bon- 
tés dont il m'a toujours honorée jusqu'au moment de sa mort ; 
je lui dois de la reconnaissance, et certes, mon souvenirn'est 
pas ingrat (3). 



(i) Correspondance secrète, tome II, pp. 379-380. 

(2) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français, 11.357, ^-23. 

(3) Galanteries d'une demoiselle du monde, tome II, p. 38o. — 
Nous n'ignorons pas que ces mémoires sont apocryphes, et rédi- 



288 LB PRINCB DE CONTY 

Blonde et fade, de figure <% moutonnière », aussi 
dénuée d*esprit que de tempérament, Rosalie Dulhé 
avait une qualité qui devait fixer, au moins passag^è- 
rement, l'attention du prince de Conty : elle était la 
courtisane à la mode. Sa vogue, qui dura longtemps, 
lui venait surtout d'avoir eu Thonneur d'être choisie 
pour donner au jeune duc de Chartres les premières 
leçons de plaisir. 



gés d'un bout à Tautre par Lamothe-Langon. Cependant malfl^ 
les enjolivements et les broderies, les aventures y relatées sont à 
peu prés exactes quant au fond. Lamothe-Langon avait connu 
MHe Duthé qui vécut jusqu'en 1826 et, sans parler du manuscrit 
qu'il recueillit après la mort de cette pécheresse, il tenait de sa 
bouche même une partie de ses souvenirs. 



IX 

Les Amours du prince de Conty 
(Suite et fin) 



Une collection de bagues et de souvenirs. — Cérémonial d'une yisite 
amoureuse au Temple. — L'aventure de M"« Fauconnier. — Les 
rabatteurs du Prince. — La Gourdan et le chirurgien Guérin. — 
Audinot, comédien-directeur-proxénète. — Le chevalier de La Mor- 
lière. — Mesny et sa correspondance : le ménage Dulin de Fontenette. 
— Lebrun -PI ndare a-t-il vendu sa femme au prince de Conty? 



K 



pous avons avancé qu'il était impossible de dénom- 
brer exactement les aventures g^alantes du prince 
de Conty. A peine en effet avons-nous pu préciser une 
cinquantaine de maîtresses, alors que ce chiffre doit 
être presque décuplé. Sur quoi se fonde notre asser- 
tion? Sur le nombre de bagues trouvées, après la mort 
du Prince, dans l'inventaire de sa succession : 

On remarque, disent les Mémoires secrets, dans son mobi- 
lier immense uoe quantité de bagues, qu'on fait monter à 
plusieurs milliers. On assure que sa manie étoit de constater 
chacune de ses conquêtes amoureuses par cette légère 
dépouille. Il falioit que la femme avec laquelle il couchoit, 
lui donnât sa bague ou son anneau, qu'il pajoit bien sans 

19 



290 LB PMMCB DB COMTT 

doote, et, sar le'champ, il Mqaettoît cette acquisition da 
nom de l'andenne proprièudre (i). 

L'auteur des Faztet de Louis XK confirme l'existence 
de cette collection : 

L'inventaire de ce Prince, dit-il« a été fort sin^^ier. On 
parloit à sa mort de 800 tabatières et de 4.000 bapies. On 
raconte sur Torigine de la multitude de ces bagatelles que le 
prince de Conty a voit la fantaisie puérile de constater chacune 
de ses conquêtes amoureuses par cette légère dépouille (2). 

Le chevalier de La Morlière était plus formel encore 
dans les confidences qu'il fit, vers 1766, à un inspecteur 
de la police, lequel s'empressa d'en fabriquer un rap- 
port : 

Voici un nombre d'années, vingt ans au moins, qu*il (M. de 
La Morlière) est le pourvoyeur de M. le prince de Conty. Il 
sert cette Altesse d'affection, dit-il, lui procure toutes sortes 
de distractions. Je tiens de lui que ce Prince a un livre 
magnifiquement relié. Sur chaque page, un peintre en minia- 
ture a représenté le Granymède ou l'Hébé du jour. Le Prince 
y inscrit, de sa main, les noms, prénoms, qualités, âge, des- 
cription exacte de la personne au physique et au moral. De 
plus il y colle, retenus par des bandes de papier doré ou de 
couleur, une mèche de cheveux et autres gages qui ne se 
nomment guère. On parle aussi d*un attirail de guerre, con* 
fectionné pour le tète-à-tète erotique, et dont le prince 
de Conty vante beaucoup l'imagination, que le chevalier de 
La Morlière s'attribue (3). 

Quatre mille bagues! Si vaillant en amour qu'ait été 
le prince de Conty, le chiffre est évidemment exagéré; 
mais on ne prête qu'aux riches. L'inventaire après 
décès du Prince est plus modeste; il accuse seulement, 

(i) Mémoires secrets^ tome IX, p. 219. 
(2) Fontes de Louis XV ^ tome I, p. 98. 

<3} Peuchbt, Mémoires tirés des archives de police, tome II, 
p. â34. 



LB PRINCK DE CONTY 291 

et c'est déjà respectable, 49^ bagues de pierres pré- 
cieuses, la plupart gravées, dont une trentaine repré- 
sentant des scènes empruntées à la légende du dieu 
Priape. La disparité de ces bijoux, en tant que valeur 
marchande, démontre assez la diversité de leur pro- 
venance pourtant analogue. Ici, c'est un brillant 
blanc, à huit pans, estimé 12.000 livres, laissé sur le 
champ de bataille par quelque dame de qualité; là, 
c*est une bague de g livres, en cheveux, avec tête 
peinte, butin fait sur quelque petite bourgeoise; plus 
loin, une bague en cœur, aux deux opales garnies de 
diamants et valant aoo écus, voisine avec un lot de 
10 anneaux de plomb prisés à 12 livres le lot (i). 

Que si le lecteur désire connaître le cérémonial inva- 
riable d*une visite faite au Temple par une « demoiselle 
du monde » à ses débuts, les Mémoires de M'^® Duthé, 
déjà cités, vont nous renseigner copieusement : 

Un page de Son Altesse Sérénissime venait engager la 
demoiselle à aller prendre une tasse de café avec le premier 
gentilhomme de monseigneur; il indiquait Theure, souvent 
très indue ; car le Prince avait l'usage de faire de la nuit le 
jour; la demoiselle se parait de son mieux, une voiture 
simple, des laquais vêtus de gris, la prenaient chez elle, au 
moment convenu ; elle arrivait, deux femmes la recevaient, la 
conduisaient dans une salle ou un bain était préparé; quand 
elle l'avait pris, M. Guérin, le chirurgien de Son Altesse, fai- 
sait la visite ; s'il concevait des doutes, la demoiselle, à la suite 
d'une réprimande, était renvoyée sur le champ, mais jusque à 
nouvel ordre, Son Altesse Sérénissime ne voulant renoncer 
que lorsque l'impénitence finale était par trop constatée. Si le 
docteur ne trouvait rien à dire, l'appelée passait dans une 
pièce voisine, tendue en bleu si la demoiselle était blonde, ou 
dans une autre tendue en jaune si elle était brune; là, elle 
trouvait une collation préparée, et on lui remettait un écran 
sur lequel on lisait les coutumes de la maisou, le don des 
cheveux, de la bague, du portrait et le reste; le prince parais- 

(I) Archives Nationales : X^a 9178-9179. — La liste générale de 
ces gages de tendresse se trouve encore dans le catalogue de la 
vente Gonty, £aite en 1777. 



292 LE PRIHCK DB CONTY 

sait enfin; il causait et, la conversation terminée, an carrosse 
cette fois à ses armes et avec des gens à sa livrée, ramenait la 
demoiselle, à qui on remettait une bourse de filigcrane avec 
cinquante louis; non que le prince s'arrêtât à ce taux quand il 
était content du sujet, mais enfin le cadeau ne manquait pas 
de munificence envers une jeune personne qui pouvait en 
outre compter sur la protection de Son Altesse Sérénis- 
aime (i). 

Il est vrai que si la jeune personne, après avoir 
accepté le rendez-vous, faisait la récalcitrante et refu- 
sait de se plier aux régules de la maison, elle devait 
craindre les revanches possibles du Prince qui, en 
toute chose, entendait avoir le dernier mot. Preuve, 
la mésaventure dont fut victime M^^« Fauconnier Tat- 
née, ex-maîtresse du duc de Grammont, belle brune 
faite au tour et de vertu peu sauvage (a). 

M^t® Fauconnier m'a raconté, disent les Mémoires de Rosa- 
lie Duthé, que, dans une certaine circonstance, un monsieur 
vêtu de noir, accompagné d'un exempt, se présente chez elle, 
et demande à lui parler en particulier. La vue de l'oiseau de 
mauvais augure qui est à sa suite et dont le costume et la 
canne ne sont que trop bien connus, inspire déjà une telle 
épouvante à cette pauvre fille, qu'elle est hors d'état de rien 
refuser, dans la crainte légitime que des méchants ne lai 
aient suscité une mauvaise affaire. 

Elle passe donc dans une pièce reculée de son appartement 
avec le monsieur vêtu de noir qui ferme les portes avec soin, 
puis qui, baissant la voix : 

— (( Mademoiselle, dit-il, je suis désespéré de la mission 
pénible que j*ai la charge de venir remplir auprès de vous 
par ordre exprès de monseigneur le lieutenant de police ». 

 ce début sinistre, M^^^ Fauconnier est près de se trouver 
mal; elle cherche par quel méfait elle se sera rendue cou- 
pable, interroge sa conscience, se trouble, pâlit et demande 
avec instance que son crime lui soit reproché. 

— a Mademoiselle, poursuit le monsieur vêtu de noir, on 

(i) Galanteries (Tune demoiselle du mondes tome II. pp. 378-379. 
(2) Miie Fauconnier a son dossier de police dans les Archivée 
de la Baslille, (i0238) à la Bibliothèque de l'Arsenal. 



L£ PniNGB DB GONTY 293 

VOUS accuse d*avoîr siog'ulièremeot altéré la santé d'un jeune 
homme de très haut rang* qui est venu chez vous en plein 
incognito et que vous avez pris pour un polisson sans consé- 
quence. Ses illustres parents se sont plaints ; ils ont porté leur 
requête à monseig'neur le lieutenant de police et ont demandé 
que vous soyez enfermée aux Madelon nettes ». 

A cette révélation funeste, la malheureuse s'évanouit à 
moitié; cependant, forte de son innocence, elle repousse la 
culpabilité prétend ue^ et offre la preuve que le méfait n'existe 
pas. 

— « Mademoiselle, monseigneur le lieutenant de police 
sait ce qu'il doit aux parents du jeune homme, et rien ne 
l'empêchera de les satisfaire si vous êtes dans votre tort. Mais, 
d*une autre part, monseig'neur le lieutenant de police est 
Téquité en personne, et, à ce titre, ne vous condamnera pas 
si vous ne le méritez point; en conséquence, il m'a donné la 
commission à moi, docteur en chirurgie de la faculté de 
Montpellier, de venir vous trouver et, après vérification faite, 
de lui adresser un rapport qui décidera le point; s'il est favo- 
rable, on imposera silence aux accusateurs. Mais si j*en retire 
la conviction .. l'exempt qui est avec moi vous conduira... je 
souffre de vous le dire... il vous conduira aux Madelon- 
nettes ». 

M'^^ Fauconnier, un peu rassurée depuis qu'il dépendait 
d'elle-même que l'affaire tournât bien, ne balança pas à invi- 
ter M. le docteur en chirurgie de la faculté de Montpellier de 
procéder conformément à la volonté de monseigneur le lieu- 
tenant général de police; mais lui, avec un sourire respec- 
tueux qui succéda à sa gravité première, prétendit qu'avant 
qu'il pût instrumenter, il était un travail préliminaire que 
]VfUe Fauconnier devait faire par nécessité et qui devait être 
fait avec décence; il tira de la trousse dont il était muni un 
rasoir et des ciseaux, les remit à l'inculpée, lui en indiqua 
l'usage, non sans rougir, mais toujours au nom de monsei- 
gneur le lieutenant de police, et lorsque, subjuguée par son 
épouvante, M'*® Fauconnier, après s'être retirée modestement 
dans un coin, se fut mise à l'instar d'une petite fille, quand 
elle eut fait table rase, le chirurgien procéda à la visite sans 
rien ometttre, puis dressa son procès-verbal, spécifiant l'état 
des lieux par mots techniques et sans circonlocutions. La 
chose faite, et l'accusée ayant remis ses vêtements, il lui dit 
que l'usage était de payer un louis une telle visite et de don- 
ner dix francs à l'exempt. M}^^ Fauconnier, trop heureuse 



2M LB PlinfCB DB CONTT 

d'en être quitte à si bon marché, car il lai fut assuré qu'on 
allait la proclamer la demoiselle sans tache de tout Paris, 
donna de g^rand cœur les dix écus, et on se sépara de bonne 
amitié. 

Eh t bien, tout cela n'était qu'une abominable plaisanterie; 
elle reçut dans la journée la quittance de trente livres que lui 
envoya le curé de sa paroisse, pour le versement qu'elle avait 
fait faire d'une pareille somme au bénéfice des pauvres, et le 
procés*verbal de la vérification de ses charmes courut imprimé 
dans tout Paris, sans que Ton y edt omis le sacrifice prélimi- 
naire exigée d'elle. Ce lui fut un rude coup ; elle demeura plus 
de six mois sans oser se remontrer d'aucune façon ; et il en 
résulta une perte incalculable en raison de cette vacance for- 
cée ; elle aurait bien voulu porter plainte à son tour ; mais 
elle apprit que le principal auteur de cette avanie était le 
prince de Conty, dés lors il fallut se taire. 

Si le prince deConty ne souffrait point qu'une femme 
lui résistât quand il avait porté son dévolu sur elle, il 
aimait à choisir ses maîtresses et ne tolérait pas 
qu^on se jetât à sa tête. S*offrir était le plus sûr moyen 
d'être refusée. Un manuscrit de notre bibliothèque, 
que nous croyons inédit : Le peintre sans fard^ petit 
recueil de portraits scandaleux daté de 1771, dépeint 
comme suit une « grosse duchesse » que Tau teur pré- 
nomme Gidalise : 

Gidalise est une grosse duchesse qui s'est fait séparer d'avec 
son mari pour vivre avec plus de liberté dans le monde. Etant 
fille, elle accorda ses faveurs à un ministre, pour être, disoit- 
elle, quelque chose à la cour. Elle a placé bien du monde. 
L'évéque de Rennes est de sa création et le marquis de S. . . 
son régiment (pic). 

Une note du même manuscrit identifie un peu con- 
fusément ladite Gidalise : 

Les duchesses de Viller 4-) ^^ ^^z -f-+ ou la marquise de 
Sal ++ ; car Gidalise est son nom et ce portrait est le sien. 

(i) Galanteries d'une demoiselle du monde, tome U, pp. 372-376. 



LB PRINCB DB GONTY 295 

Un jeune mousquetaire, après avoir triomphé de sa vertu 
dans une allée du bois de Boulo^irne, eut Timprudence de gra- 
ver sur l'écorce d'un arbre : « Tel jour et à telle heure, j'ai 
monté trois lois à lassant du c. . de ma berjpcére. Sal -|--|- est 
son nom et Chen... celui de son fouteur ». Un vieux rappor- 
teur, pilier de bordel, parut ensuite attaché à son char. Un 
abbé comte de Lyon le remplaça ; puis un financier. Lasse 
enfin de se prostituer à deà (^ens de cette espèce, elle entreprit 
la conquête du prince de Contj. Ayant échoué auprès du 
père, elle crut qu'elle réussiroit mieux auprès du fils ; mais 
par une injustice innouie du sort elle se vit honteusement 
chassée de ces deux maisons. Je ne vois plus pour elle de res- 
source. Sa fortune est trop médiocre pour avoir un Adonis 
à gSLfjçes. Le plaisir et le tems ont trop altéré ses traits pour 
qu'elle puisse se flatter de faire encore quelque conquête. 

Sans tenter d'approfondir s'il s'agit ici de la 
duchesse de Villeroy, de la duchesse de Mazarin ou 
de la marquise de Saluces, que paraît désigner le libel- 
liste, retenons seulement quMl ne suffisait pas de 
Youloir être distinguée du prince de Conty pour y 
réussir. 

Aussi bien le Prince avait ses fournisseurs attitrés : 
proxénètes de métier comme la Gourdan, ou rabat- 
teurs particuliers qui servaient Son Altesse « d'affec- 
tion » selon le mot du chevalier de La Morlière, comme 
le chirurgien Guérin, entrevu déjà ; comme encore le 
comédien Audinot, ou comme le garçon doreur Mesny, 
tous personnages avec lesquels nous allons faire 
rapide connaissance. 

Marguerite Stock, femme Gourdan, dite la c petite 
comtesse », est trop célèbre dans les fastes de la galan- 
terie parisienne au dix-huitième siècle pour que nous 
reprenions ici sa biographie, tant de fois ressassée (i). 

(i) On sait que, marchande de modes, Marguerite Stock fré- 
queota dans sa jeunesse les maisons de débauche . Mariée A Fran- 
çois-Didier Gourdan, capitaine des fermes, qui mourut, séparé 
d'elle, quelques années après son mariage, elle monta un éta- 



296 LB PRINCB DB CONTT 

La Gourdan était autant une courtière d'amour Jivrant 
les commandes à domicile, qu'une tenancière de pros- 
tibule. Nous i*ayons vue insister auprès de M"« Léli- 
cot pour la décider à accepter les offres deConly. Une 
autre fois, c'est un ex-officier des eaux et forêts q;ii, 
sans emploi et voulant relever sa fortune, amène sa 
fille à la Gourdan. Celle-ci conduit la fille au Prince 
qui donne cent louis pour l'essayer (i)... 

Georie^es-Maurice Guérin^ chiruri^ien-major de la 
seconde compagnie des mousquetaires du Roi, était à 
la fois l'ami, le médecin de confiance et le pourvoyeur 
du Prince. Il avait lui-même une réputation amou- 
reuse bien établie. En fait foi ce couplet d*un c bou- 
quet de fête » rimé en son honneur : 

Pour convertir les Infidèles, 
Ton saint prêcha l'austérité ; 
Mais tu touches le cœur des belles, 
A qui ton art rend la santé. 
Comme apêtre, il eut de TEg^Iise 
Le brevet de la sainteté ; 
En toi, tout Paris canonise 
Les talens de rhumanîtè (2). 

blissemeat public de prostitutioQ, rue Sainte-Aone, eu 1769 
(Archives db la Seinb : Lettres de ratification^ carton 975). La 
clientèle du comte Dubarry et du duc de Richelieu fut la genèse 
de sa fortune. Le comte, très satisfait de ses services, la prévint 
un jour que toutes les fois qu'elle aurait besoin de 5o louis, elle 
envoyât les prendre chez lui ou chez le Maréchal. En 1763, la 
Gourdan s'installait luxueusement rue Comtesse d'Artois. d*où 
son surnom. Enfin, en 1774. elle transférait ses pénates rue des 
Deux Portes -Saint-Sauveur, où sa maison était citée comme la 
première de ce genre dans tout Paris. Un procès, intenté en 1778 
par un mari jaloux dont la femme s'était égarée chez la Gourdan, 
mit la proxénète en fâcheuse posture ; elle goûta même de la 
prison. Mais, surintendante des plaisirs de la Cour, elle possédait 
trop de secrets sur tous et sur toutes pour n'être pas mise hors 
de cause. L'année suivante, elle reprenait possession de son com- 
merce qu'elle exerça paisiblement jusqu'à sa mort. Elle mourut 
subitement en 1783. 

(1) [Imbert de Boudreau], Chronicité scandaleuse, tome V, p. 58. 

(2) Mercure de France^ décembre 1762, p. 63. 



LB PRINCE DB CONTT 297 

Guérin hantait aussi volontiers les coulisses de 
rOpéra que l'infirmerie des mousquetaires. Un soir 
de 1766, que M'^« Guimard, la danseuse, était renver- 
sée par une pièce de décor et se cassai l le bras, Gué- 
rin qui passait par là remettait aussitôt en place le 
membre fracturé (i). 

Le prince de Conty craignait fort certaine conta- 
gion. Toutes les filles qu*il convoquait au Temple 
n'avaient point une mère aussi scrupuleuse que cette 
bonne dame Cordier dont l'agent Marais vante un 
beau trait de probité : 

M. le prince de Contj a voulu avoir M"® Cordier. 11 a fait 
venir sa mère qui lui a répondu qu'elle ne vouloit pas le 
tromper, que sa fille étoit malade. Le Prince a été enchauté 
de ce procédé. Il lui a donné loo louis et il fait traiter la 
fille. Il ne la laisse manquer de rien (2). 

Guérin étaitdonc un auxiliaire indispensable comme 
inspecteur sanitaire et, peut-être, ce prétendu méde- 
cin de la faculté de Montpellier qui joua à M}^^ Fau- 
connier le tour pendable qu*on a lu plus haut, 
n'était -il autre que le chiruriçien des mousquetaires. 

Car malgré ses cheveux blancs et son cordon noir 
de Saint-Michel, qu'il portait avec dignité, Guérin 
s'entremettait parfois de besognes bien mdins hono- 
rables que Texercice de son art. Il racolait pour la 
couche de Son Altesse qui lui savait gré d'être ser- 
viable et le défendait à l'occasion, ouvertement. Un 
petit fait montrera avec quelle violence le Prince pre- 
nait parti pour les siens dès qu'on s'avisait d'y tou- 
cher. Guérin, au bal de l'Opéra, en mars 1771, eut une 
altercation avec le marquis de Langeac, colonel à la 
suite des grenadiers de France, dont il avait très indé- 
cemment fixé la maîtresse dans les yeux, songeant 
peut-être in petto aux plaisirs du Temple. Le colonel 



(i) Mémotreê êecrets, tome II, p. 3 16. 

(2) C. Piton, Paris sous Louis X V, tome I, p. 76. 



298 LB PRINCB DE CONTT 

traita de haut le chiraripien, menaçant de le faire 
bétonner par ses gens Guérin, sans s'émouvoir^ saî- 
ait le marquis au collet et le traîna chez le commis- 
saire où, s'étant fait connaître comme attaché à la 
personne du prince de Conty^ il fut relaxé aussitôt en 
dépit des cris de son adversaire qui jetait feu et 
flamme. Avisé de l'incident, Conty adressait à M. de 
Langeac la lettre suivante dont il répandait en même 
temps des copies : 

On dit, Monsieur, que vous voulez faire périr le sieur Gué- 
rin sous le bâton. Je vous prie de son/t^er qu'il est mon chi- 
rurKi^iea, qu'il m*est fort attaché ; que j'en ai besoin, car j'ai 
beaucoup vu de filles ; que j*en vois encore, ce que Madame 
votre . . . vous affirmerait en cas de besoin. J'ai eu des 
bâtards, mais j'ai toujours eu soin qu'ils ne fussent pas inso- 
lents. Je suis. Monsieur, avecla considération que vous méri- 
tez, votre serviteur, etc.. (i). 

Pour bien saisir les allusions cruelles de cette lettre 
outrageante, il faut se rappeler que la marquise de 
Langeacmére du colonel, était depuis fort longtemps 
la maîtresse de M. de Saint-Florentin, duc de La 
Vrilliére. D*abord mariée à un sieur Sabatin, qu'on 
avait fait disparaître par lettre de cachet, elle avait 
convolé avec le marquis de Langeac, gentilhomme 
besogneux qui, pour quelques milliers de livres, avait 
reconnu, en épousant la mère, les bâtards nés de son 
commerce avec M. de Saint-Florentin. Par-dessus la 
tête du jeune Langeac, c'était le v petit saint », le 
ministre détesté, que la lettre de Contj frappait en 
plein visage (2). 

La maie aventure du Prince, échaudé par le « petit 
J...-F... » montre que les diagnostics de Guérin 



(t) Mémoires secrets, tome V, p. a66. Cf. Galanteries dune 
demoiselle du monde^ tome II. p . 38o. 

(2) On appelait le duc de la Vrilliére le petit saint parce qu'il 
était court et içros, et parce qu'il s'était appelé Phelipeaux» comte 
de Saint-Florentin. 



LB PRINCB DB CONTY 299 

n*étaient pas toujours infaillibles : Conty pourtant, la 
première colère passée, ne tenait pas rigueur à son 
vieux serviteur. Guérin, lorsqu*iI mourut, en 1776, 
était toujours « premier chirurgien de Son Altesse 
Sérénissime » (i). 

Pour le recrutement des filles destinées au Prince, 
Guérin avait un habile lieutenant en la personne de 
Facteur Audinot, son ordinaire compagnon de débau- 
che. Cet Audinot a laissé un nom dans l'histoire du 
théâtre ; il fut le fondateur de TAmbigu-Comique dà). 
Lorsqu'il enlra au service du prince de Conty, en 1762, 
celui-ci le nomma régisseur de ses spectacles à L'Isle- 
Adam, et, très probablement, méditait de lui confier 
également la direction d*un théâtre public, au Temple. 
Au fond d'une des cours de TEncios, cour dite de la 
Corderie, se trouvait un grand bâtiment dont le Prince 
projetait de faire une salle de spectacle, pour permettre 
aux auteurs dramatiques de s'affranchir de la censure 
royale, àTabrides privilèges spéciaux dont jouissait 
Tordre de Malte. Le théâtre était entièrement achevé 



(i) Annonces, affiches, avis dioers (ianylev 1775). 

(2) Né à BourmoQt (Lorraine), en 1782, Nicolas-Médard Audi- 
not fut attaché d'abord au concert de Nancy. Il se sauva de cette 
ville en 1765, emmenant avec lui la femme d*un sieur Calame, 
dit La Prairie, architecte, vint à Paris comme musicien du duc 
de Grammont et joua à l'Opéra-Comique, puis à la Comédie Ita- 
lienne, de 1768 à 1762. C'est en cette année qu'il entra au service 
du prince de Conty. Revenu à la Comédie Italienne en 1764, il 
obtint, en 1767, la direction du théâtre de Versailles. En 1769, il 
ouvrit, à la foire Saint-Germain, un spectacle de marionnettes 
qu'il appelait les Comédiens de bois, et qu*il transporta au bou- 
levard du Temple la même année, sous le nom d'Ambigu- 
Comique, remplaçant les marionnettes par des enfants. Ce fut un 
triomphe. Audinot devint assez riche pour faire bâtir en 1772 un 
véritable théâtre. En 1784, TOpéra. qui avait le privilège exclu- 
sif des petits spectacles, fit fermer l'Ambigu. Audinot alla 
fonder, au bois de Boulogne le théâtre du Ranelagh Mais ayant 
composé avec l'Opéra, moyennant un arrangement pécuniaire, 
il rouvrit l'Ambigu en octobre 1785 et le garda jusqu'en 1795. 
Audinot mourut à Paris, au mois de mai 1801. 



300 LB PRINCE DE CONTY 

et il était question d'y jouer des pièces de tous les 
genres, tragédies, comédies, opéras comiques, quand 
le grand-prieur reçut une lettre de M. de Saint-Flo- 
rentin qui, au nom du Roi, suspendait l'ouverture. 
Sans doute cette mesure avait été prise sur les récla- 
mations des théâtres royaux (i). 

Rentré à la Comédie-Italienne, Audinot resta le pro- 
tégé du Prince. C'est grâce à Taide pécuniaire de Son 
Altesse qu'il ouvrit son théâtre des Comédiens de bois, 
de concert avec un nommé Arnould Mussot, menui- 
sier du châtelain de L'Isle-Adam. Conty était fort 
attaché au comédien qui, sans compter ses filles, lui 
avait procuré et lui procurait les plus jolies femmes 
de sa connaissance (a). Même, lorsque Audinot fit 
rebâtira grands frais son théâtre, sur le boulevard du 
Temple, il eut, dans sa gratitude, l'heureuse idée d'y 
ménager un corridor secret qui, partant de la rue 
Basse, donnait dans une loge grillée où le Prince pou- 
vait se rendre sans être aperçu. Dès que le directeur 
était averti de l'arrivée de Son Altesse, il prenait la 
plus avenante de ses actrices et la menait à Monsei- 
gneur qu'il laissait en tête-à-tête avec elle. 

Mayeur de Saint-Paul a tracé un portrait peu sédui- 
sant de ce comédien-proxénète : « Maigre, décharné, 
le teint plombé, les joues enfoncées, un regard hypo- 
crite, un corps qui ne respire que par le souffle de 
l'envie... Avec cela un mouchoir à la bouche, pour 
cacher une lèvre livide qui distille le mercure ». 

... Audinot (dît encore Mayeur) est un débauché qui réu- 
nit tout ce que le libertinage le plus révoltant peut inventer ; 
il n'est pas une seule de ses actrices, ou danseuses, avec 
laquelle il ne se soit amusé ; même celles de la jeunesse la 
plus tendre. 

Semblable au Grand-Seigneur, Audinot tient sérail chez 



(i) Henbi de Ci7RZ0N,La Maison du Temple, p> ayi et Mémoires 
secrets, tome II, p. 297. 
(a) Voyez plus haut, p. 286. 



LB PRINCB DR CONTY 301 

lui, et les mères complaisantes ordonnent à leurs filles de se 
prêter à tous les désirs de cet homme (i). 

Audinot bénéficia jusqu'à la mort du Prince de celte 
faveur marquée ; et s'il se tira d'affaire à bon marché 
en 1775, quand il fut poursuivi en justice, c'est qu'il 
pouvait s'intituler fièrement « musicien de Monsei- 
gneur le prince de Conty^ demeurant à Paris, rue des 
Fossés-du-Temple, près le boulevard » (2). 

Le chevalier de La Morlière, si fameux comme 
c entrepreneur de succès dramatiques », et que Dide- 
rot a si vigoureusement flagellé dans son Neveu de 
Rameauj fut-il, ainsi qu'il s'en vantait, le pourvoyeur 
du prince de Conty ? (3j. Le problème est encore à 
résoudre. Nous avons en pure perte fouillé les dos- 
siers de police du chevalier et nous n'avons rien trouvé 
qui confirme des accointances quelconques entre 
le Prince et l'auteur d* Angola. Presque tous les démê- 
lés de La Morlière avec les commissaires au Châtelet 
ont pour point de dépari des rapts compliqués d'es- 
croquerie. Le chevalier, bel homme, de tournure élé- 
gante, effronté libertin et grand hâbleur, a séduit 
quelque femme ou quelque fille qu'il a enlevée de 
chez son mari ou de chez ses parents, en lui recom- 
mandant surtout de ne pas oublier d'emporter la 
caisse. Enfermé à Saint-Lazare en 1762 sur Tordre 
de M. de Sartines, il est interrogé par le commissaire 
Gilles Chenu qui lui demande des références. La Mor- 
lière répond que « ses principales liaisons à Paris 
sont : la marquise de Saint-Aubin, le sieur de Sainte- 
Foix et le sieur Antoine, architecte » (4). Nul doute 
qu'il ne se fût, en l'occurrence, recommandé du prince 

{i) Le chroniqueur déscsuvré ou r Espion du boulevard du 
TemplCf tome l,pa8sim et tome II, p. 4^. Voyez aussi, la Confes^ 
sion générale d^ Audinot. 

(2) Archives Nationales : Y 13.968. 

(3) Voir ci-dessus, p. 290. 

(4) Archives Nationales, Y 11.579 ('^ î^^^ 1762). 



302 LE PRINCE DE CONTY 

de Conty, s'il avait pu, sans être contredit jeter ce nom 
dans la balance. Peut-être, le chevalier de La Mor- 
liêre, lorsqu'il se targuait dans ses entretiens privés 
d'être de Tintimité du Prince, abusait-il, pour créer 
une équivoque, des excellents rapports que Ton savait 
exister entre Conty et la famille La Morlière, de L'Isle- 
Adam(i). 

Si nous manquons de documents sur le commerce 
d'amitié du chevalier de La Morlière et du Prince, 
nous possédons en revanche une correspondance des 
plus suggestives du sieur Antoine Mesny, ancien gar- 
çon doreur, qui cumulait, vers 1770, le métier de bro- 
canteur avec celui de factotum discret de Conty. 
Mesny, pour le compte du Prince, achète et vend des 
tableaux ; installe, meuble et fournit de vaisselle de 
poche des maîtresses, dont malheureusement, il ne 
parle dans ses épttres qu'à mots couverts. On serait 
friand de connaître, par exemple, la femme dont il est 
question dans ce billet : 

25 mai (?). — Voici une lettre d'une femme que je ne con- 
noispas, qu'on m'a prié de faire parvenir à Votre Altesse. On 
dit que si cette femme étoit arrêtée cela pourroit compromet- 
tre Votre Altesse ; je n'en sçai rien. C'est Belenger, de chez 
Mil» Arnould, qui paroit s'intéresser à son sort. Elle n'a que 
deux jours à attendre pour être libre ou enfermée. 

Je suis, avec respect. Monseigneur, de Votre Altesse, 
le très humble et très obéissant serviteur, 

Mesnt (a). 

(i) En 1769, CoQty avait été le parrain de François-Louis, fils 
de Alexis Magalon de La Morlière, maréchal des camps et armées 
du Roi et de Henriette-Louise-Catherine de Sergent, son épouse 
{Registre de Vétat civil de Vlsle Adam, 8 novembre 1769). — Le 
chevalier, originaire de Grenoble, s'appelait Jacques Hochette 
de La Morlière (Voyez sur ce dernier personnage : Monsclbt, 
Oubliés et dédaignés et Ad. de Rochas, Biographie du Dauphiné, 
pp. 24-27). 

(2) BiBLioTHÂQUE NATIONALE : Matiuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 5oi3, f. 95. 



LE PRINCE DE CONTY 303 

Et quel est cet on mystérieux de la lettre suivante ? 

Monseigneur, 

Cy-joiot le compte de ce que j'ay payé en arg'ent pour Votre 
Altesse. Ce qui augmente le compte de M. de *** ce sont les 
glands et le mémoire du peintre, qui se monte bien plus haut 
que je n'avois compté ; an surplus je donnerai toutes les quit- 
tances pour justifier ce que j'ai payé. 

On demande l'argent du loyer ; vous avez eu la bonté de me 
dire de l'envoyer chercher aujourd'hui. Votre Altesse pourra, 
si elle le veut, ordonner qu'on le remette à mon domestique ; 
la somme se monte à 760 francs. 

On a attendu Votre Altesse hier soir. On vouloit aller au 
Vauxhal et on a préféré de vous attendre. 

Je suis, etc... 
Cei8(?) 

Note des sommes payées en argent pour S. A. S. Mgr 
le prince de Conty. 

Le compte de M. de..., tous les mémoires acquittés, se mon- 
tera à 3o . 000 francs 

Payé à M. Donjeu 8.65i — 

Payé à M™« Dulin 9.000 — 

Payé pour les Athéniens i.44o — 

Payé pour une boîte d'or, M. Eberts . . . 720 — 

Restant dernier compte 1.600 — 

Pour un billet resté en arriére a. 000 — 

Payé pour les cartes envoyées au Ministre de 

Prusse 420 (i) 

Parmi les personnages cités dans le compte joint à 
la lettre, Donjeu est un marchand de tableaux, Eberts 
est un joaillier; mais la dame Dulin, à laquelle ont 
été remises g. 000 livres, n'est point une commerçante. 
Retenez ce nom. Nous le reverrons tout à l'heure. 

Vers 1773, la brouille éclate entre Conly et son pour- 
voyeur. Selon son habitude, le Prince a payé en billets 

(i) BiBLioTHàQDB NATIONALE '. Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions^ 5oi3, ff. 76 et 9a. 



304 LB PRINCE DE CONTï' 

à longue échéance les bons offices de Mesny qui, lui, 
a dû solder les achats faits, au comptant. Mesnj ne 
trouve à escompter le papier de Gonty qu'à des taux 
usuraires ; il devient pressant et se départit de sa 
réserve : 

3 mai ly^S, — ... Je n'aurois jamais imag'iaé. Monseigneur, 
que M. deFontenette dût seul recueillir le fruit de mes peines, 
assiduités et travaux de trois années près de Votre Altesse. 

II a trouvé par moi le moyen d*avoir le pain, de se vêtir, de 
se loger, payer ses dettes et même ses billets. Moi, je suis 
dans l'embarras et ma récompense sont des délégations à 
5 ans, etc.. (i). 

Au mois de novembre, Mesny, plus gêné, est plus 
explicite encore. Après quelques calculs de frais, il 
écrit : 

ig novembre iJjS. — ... Si j*a vois prévu. Monseigneur, les 
suites de rameublement de M. de Fontenette, je ne Taurois 
pas fait. Jai prêté les mains à cette intrigue amoureuse 
pour vous plaire. Elle m'a peut- être ôté votre estime, mais 
comme je n'ai pas prétendu établir ma fortune sur les suites 
de cet engagement, qu'il m'est même plus onéreux que pro- 
fitable, fose croire que vous n* aurez pas pour moi le même 
mépris que pour ceux qui en font leur état. Trop heureux 
d avoir contribué à vos plaisirs. Je le ferai toujours par zèle 
et attachement pour vous. 
Je suis, etc. (a). 

Enfin, en juillet 17749 Mesny, acculé, récapitule 
amèrement ses états de service^ et cette lettre, d'une 
naïve impudence, est la plus curieuse du lot : 

Monseigneur, 

Il seroit inutile de répéter à Votre Altesse les embarras où 
trop de zèle m'a plongé et plein de confiance dans cette pro- 

(i) BiBLiOTHÂQUE NATIONALE i ManuscTtts frunçuis . Nouvelles 
acquisitions^ 5oi3, f. 94. 

(2) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions 9 5oi3, f. 97. 



LB PRINCB DE CONTY 305 

yidence tant vantée, j'ai attendu ses bienfaits avec tranquilité. 
Mais il est vrai de dire : « L'Eternel nous a fait maître de pro- 
poser, à lui seul apartient le droit de disposer ». 

J'avois mal à propos, Monseigpneur, disposé de votre âme 
bienfaisante en ma faveur ; vous m'aviez gàiè par trop de 
bonté, mon imagination étoit dans une espèce d'ivresse qui a 
été bien tôt dissipée, en éprouvant de la part de Votre Altesse 
des reproches peu méritez» et que je ne peux justifier qu'au 
tribunal de votre équité. Quels sont mes torts ? 

10 D'avoir achetté des tableaux, de les avoir vendus en ren- 
tes et de n'avoir pas prévu que cela me géneroit ; 

30 D'avoir répondu à Donjeu d'une somme de 18.000 livres, 
attendu que je devois prévoir qu'à l'échéance des termes je 
serois gêné pour payer ; 

3^ D'avoir fourni des meubles, des habits et du pain à un 
homme qui n'en avoit point et que je devois connoître depuis 
lon^mps pour ce qu'il étoit ; 

4* Enfin d'avoir promis à Votre Altesse ce que je ne pou- 
vois pas tenir. 

Mais, Monseig^neur, pourroit-on pendre un homme qui 
auroit promis à quelqu'un de lui prêter 100.000 écus et qui 
ne rempliroit pas sa promesse ? Un enchaînement de causes 
secondes est la source de tous mes malheurs et certainement 
la vraie cause de la g'êne où je me trouve. Votre Altesse m'a 
fait pour 47 000 livres dedélégpation. On ne veut me les pren- 
dre que pour 33. 000 ; c'est une perte de i4>ooo livres ; je ne 
veux pas y adérer ; il me reste à payer pour M. de Fontenette 
7.000 livres ; vous exigiez de moi que je les paye à l'instant, 
et Votre Altesse a pris cinq ans pour s'acquitter avec moi ; que 
dois-je faire ? 

Poursuivi pour des misères, tel le Juif Errant, je suis sans 
feu ni lieu ; je joue aux barres avec les su pots subalternes de 
Thémis, mais tôt ou tard j'aurai une querelle avec l'homme 
à la baguette, et Dieu sçait comment je m'en tirerai. Voilà, 
Monseigneur, ma position. Je n'ose me flater qu'elle vous 
intéresse assez pour y prendre intérêt. 

11 ne me reste plus qu'un moyen pour vous toucher. C'est 
celui de prendre femme, jeune, jolie, d'en faire ma sollici- 
teuse près de Votre Altesse. Mes dettes alors se payeront. 
J'irai s'il le faut dans Linde, au royaume de Golconde, et si je 
suis à Paris un ilustre confrère, qui sçait ce qui peut arriver? 
Je deviendrai peut-être un riche nabad ou un souba du [illi- 
sible] etc., etc. 

20 



306 LE PRINCE DE CONTT 

Au reste, Monseig^neur, je me mets à votre merci. Faites 
de moi toat ce que voas voudrez et daignez vous rappeler que 
vous avez eu autrefois de l'amitié pour moi . 

Daignez vous ressouvenir de votre conseiller Bonneau et 
croyez que vous êtes le seul dans le monde entier dont il ait 
été Tami, dans toute la force du mot, et qu'on nomme autre- 
ment en province. 

Je suis, etc. 
Ce la juillet 1774 (i). 

Conty ne répond pas immédiatement à cet appel 
insolent d'un « ami dans tonte la force du root ». 
Inquiet sans doute de ce silence, Mesny profite d'une 
demande d'un fournisseur pour glisser à l'adresse du 
Prince une flatterie d'un tour un peu familier : 

12 août 1774» — Monseigneur, je ne veux plus parler à 
Votre Altesse d'argent, ni de tout ce qui s'est passé ; cela 
vous indispose contre moi et je préfère vos bontés à tout autre 
intérêt. 

Cj-joint une lettre d'Eberts qui me demande s'il doit remetr 
tre Tatténienne à la belle Grecque qui la demande de votre 
part. Je souhaite qu'au pied de ce taurobole, la charmante 
Didon vous reçoive dans ses bras; vous méritez en vérité la 
préférence sur le pieux Enée. J'attendrai vos ordres à cet 



Je suis, etc. (a). 

Arrêtons là ces citations, sans faire état d'une der- 
nière missive, datée du 16 août, dans laquelle Mesny, 
qui a reçu dans l'intervalle une verte semonce du 
Prince, se défend de son mieux, à coups de chiffres et 
proteste « que sa conduite est pure, mais ses moyens 
insuffisants ». 



(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions f 5oi3, fF. 106. 

(a) BiBuoTHÈQUB NATIONALE : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 5oi3, f. 75. 



LB PRINCB DB CONTT 307 

Ces discussions dMntéréts demeureraient assez obs- 
cures, quant à la bénéficiaire des largesses du Prince, 
si le registre du trésorier Manscourt ne nous dévoilait 
l'identité de la dame Dulin ci-dessus nommée : elle 
est la propre femme de ce sieur de Fonienette contre 
qui se déchatne si àprement Tindignation de Mesny. 
Nous découvrons parmi les rentes inscrites par Mans- 
court au chapitre ii de la Dépense (n® 826), une 
annuité de 2.000 livres au nom de M°*® Dulin, femme 
de Fontenette. Après la mort de Conty, M"* Dulin de 
Fontenette poursuit Théritier du Prince de ses sol- 
licitations, et celui-ci lui fait remettre, le 26 février 
1778, une gratification de 4 000 livres « pour dernière 
marque de la bienfaisance de Monseigneur et sous 
condition de ne plus former de demande » (i). Ainsi 
s'éclairent les sous-entendus de la correspondance de 
Mesny et l'on a la clef du roman. Un sieur Dulin de 
Fontenette est à Paris dans la misère avec sa femme, 
belle Grecque. Mesny se fait le banquier du ménage 
avec l'argent du Prince ; en retour, le Prince devient 
l'amant de M""® Dulin. Une de plus sur la liste ; une 
bague de plus dans la collection. 

En dénombrant les familiers du Prince, nous avons 
omis son poète ordinaire, Lebrun-Pi ndare, nous 
réservant de parler de lui incidemment, en même 
temps que des intendants préposés aux plaisirs amou- 
reux de Son Altesse (2). Certains biographes ont en 

(O Registre des comptes de Manscourt, Dépeniie, chapitre 12. 

(2) PoDce-Denis Ëcouchard Lebrun, dit Lebrun-Pindare, naquit 
le II août 1729, de Claude Ëcouchard Lebrun, premier valet 
de chambre du prince de Conty, et d'Anne-Elisabeth Coffin, 
demeurant rue Saint-Jacques. Il perdit, en ly/iS, son père qui 
mourut à Thôtel de Conty et, tout jeune, il fut attaché à la per- 
sonne du Prince comme secrétaire de ses commandements. En 
1759, il épousa à Saint-Roch Marie-Anne de Surcourt, jeune per- 
sonne spirituelle qu'il avait célébrée dans ses élég'ies. Cette union 
devint bientôt orageuse. La femme aimable et jolie était galante, 
l'époux était irascible et violent. Ils se quittèrent de fait vers 
1773 et furent judiciairement séparés en 1 781.— Poète estimable. 



308 LB PRINCB DE CONTT 

effet rangé Lebrun sur la même ligne que Guérin. On 
a même prétendu qu'il avait vendu à Conty sa jeune 
femme, Marie-Anne de Surcourt. Hâtons-nous de 
reconnaître que rien, dans nos recherches, n'a con- 
firmé ces fâcheuses insinuations. Le contraire plutôt 
semblerait démontré par les scènes de violence et de 
jalousie dont Lebrun était coutumier. Secrétaire des 
commandements du Prince et logé au Temple avec 
sa femme, il tenait sur elle, malgré ce voisinage, les 
propos les plus malsonnants : « C'est une salope, 
disait-il, une gueuse, un insecte, un ver de terre. Elle 
n'est bonne qu'à aller se faire foutre sur une borne. 
Je la ferai manger à la cuisine ; elle n'est pas digne 
de porter mon nom et de manger avec moi. Il faudrait 
la fouetter aux quatre coins de Paris et l'envoyer à 
la Salpêtrière ». Des paroles passant aux actes, il la 
pourchassait à travers son appartement, pincettes au 
poing. Le sieur Tronc, contrôleur du Prince, et le chef 
marmiton Viron, qui demeuraient dans le même esca- 
lier, entendaient tout cela (i). M"* veuve Lebrun, mère 
du poète, soutenait sa bru. Si son fils, affirmait-elle, 
se maintenait au service de Monseigneur que révol- 
taient son caractère intraitable et ses procédés vis-à- 
vis de sa femme, c'était uniquement par égard pour 
la mémoire de feu Lebrun et par considération pour 
elle-même... N'est-il pas évident que Lebrun -Pindare^ 
s'il avait livré sa femme au Prince, se fût montré plus 
accommodant? Maintenant, que la coquette Marie- 
Anne, dont la conduite fut assez légère, ait accueilli 
sans consulter son mari les hommages de Son Altesse, 
la chose est bien possible. La grande ardeur du 
Prince pour le sexe ne s'embarrassait point des dis- 

Lebruo a consacré an certain nombre de ses œuvres aa Prince, 
son bienfaiteur. Notamment une Ode sur le passage des Alpes, 
une Ode sur le Temple^ et un Eloge des Beaux- Arts^ dédié au 
Prince et demeuré manuscrit. Ce poème est conservé à la Biblio- 
thèque Nationale (Manuscrits français. Nouvelles, acquisiiioru, 
9ao4). Lebrun-Pindare mourut le 2 septembre 1807. 
(i) Mémoire pour Marie^Anne de Surcourt, p. 35. 



LIS PRINCE DE CONTY 309 

tances sociales. Dames de conditions ou femmes de 
bourgeois, filles de ihéâtre ou simples barboteuses, 
nous avons vu que toutes lui étaient bonnes, pourvu 
seulement qu'elles fussent jolies. 

Et c'est à bon droit que les Mémoires secrets ont dit 
de Conty, à sa mort : « ... Entre les princes galants de 
la maison de Bourbon/ le défunt méritoit la première 
place ». 



Mort du prince de Conty 



La santé da Prince décline. — Dernier séjour à la campagne. ^ Récon- 
ciliation du père et du fils. — Impénitence finale de Gonty. — Sa 
mort : on transporte le corps à L'Isle-Adam. — Les bâtards fani- 
sèment attribués au Prince : les chevaliers de Vauréal et de Poa- 
^ens. — La comtesse de Montcairzain. — La succession du prince 
de Gonty. — Sa vente après décès.— Le Prince amateur de tableaux. 
— Une collection admirable. — La chapelle funéraire de L'Isie- 
Adam. — Ce qu'il en reste. 



r 



ENVIRON le mois d'août 1776, la santé du prince de 
Conty déclina brusquement. Epuisé par un tra- 
vail constant de corps et d'esprit, usé par des excès de 
toul genre, le Prince tombait dans une espèce de lan- 
gueur (i). Il avait maigri depuis quelque temps d'une 
manière étonnante ; une fièvre continue le rongeait. 
En réponse à une lettre de Gustave III qui, se figurant 
que le nouveau règne allait rendre au Prince sa posi- 
tion de jadis à Versailles, pressait comme d'un devoir 
M"* de Boufflers, moins occupée, de faire le voyage de 
Stockholm, la comtesse écrivait : 



(i) Conty 80u£Prait depuis 1770 d'une fistule. (Voir la Corres» 
pondance de M^ du Deffand^ tome II, p. ôg). 



LE PRINCE DE CONTY 311 

Ce 20 septembre 1775, — Sire, il n'y a point de devoir 
plus pressant, plus honorable et plus cher à mon cœur que 
celui que Votre Majesté daig^ne me rappeler. M. le Prince de 
Gontj est revenu à la Cour, et quoiqu'on puisse dire que ce 
soit avec plus d'estime que de faveur, sa personne et sa fj^Ioire 
étant en sûreté, je devrois n'avoir plus rien à désirer à son 
égard. Cependant, malgré tous les périls attachés à sa situa- 
tion passée, j'étois plus trisinquille l'année dernière que je ne 
le suis aujourd'hui : sa santé parott dans un état si fâcheux, 
que je n'ose arrêter ma pensée sur ce que j'en puis crain- 
dre, et mes inquiétudes sont trop vives pour me laisser 
dans ce moment la liberté de faire aucun projet d'éloigne- 
ment... (i). 

En novembre, malgré les conseils de ses proches, 
le Prince persistait encore à repousser les soins des 
médecins. 

2 novembre iyy5. — Le prince de Conty (disent les 
Mémoires secrets) allarme de plus en plus par une fièvre 
ardente qui le mine depuis trois mois, par l'éruption d'une 
humeur acre et corrosive, qui lui cause des démangeaisons 
insupportables et plus encore par la façon extraordinaire de 
se conduire. Trois médecins, savoir les sieurs Petit, Bordeu 
et Fumé, viennent souvent en consultation, et Son Altesse 
soutient thèse contre eux et s'emporte avec une telle fureur 
que ces séances lui deviennent très funestes. Elle se persuade 
en savoir plus en médecine que les docteurs et surtout relati- 
vement à son propre individu. Si ce Prince continue sa 
manière de vivre, il est impossible qu'il y tienne encore long^ 
temps : il est d'une maigreur à faire frémir ceux qui l'appro- 
chent (2). 

Vers la fin de novembre, un mieux apparent se 
manifesta. Le Prince s'était enfin rendu aux instances 
des siens et se montrait plus docile aux ordres de la 
faculté. De décembre 1776 à mars 1776, il prit une 
part active aux travaux du Parlement dans le fameux 

( I) Lettres de Gustave III et de la Comtesse de Bouf fiers, p. 99. 
(2) Mémoires secrets^ tome VIII, p. 268. 



312 LE PRINCE DE CONTT 

procès du maréchal de Richelieu avec M"^ de SainU 
Vincent, dans la procédure concernant le livre sur les 
Inconvénients des droits féodaux (i). 

Mais, au printemps, Conty sentit renaître ses dou- 
leurs. Sûr de ne pouvoir guérir du mal qui le consu- 
mait, il s'efforça de reprendre sa gatté et sa présence 
d'esprity parce qu'il était brave et craignait seulement 
le reproche d'avoir tremblé devant la mort. Il voulut 
faire une dernière fois le voyage de L'Isle-Adam ; il 
commanda lui-même son cercueil en plomb et l'essaya, 
plaisantant sur la gène qu'il y éprouvait. 

On le ramena à Paris, croyons-nous, dans les der- 
niers jours de juin(a).Il recevait encore mais ne tenait 
plus de maison à proprement parler et ne voyait qu^m 
très petit nombre de personnes que M"^' de Boufflers 
assemblait pour lui tenir compagnie et le distraire. 
C'étaient, en femmes, la maréchale de Luxembourg et 
sa petite-fille, la duchesse de Lauzun, la princesse de 
Poix et sa belle-mère, la princesse de Beauvau ; en 
hommes, l'archevêque de Toulouse, Brienne ; M. de 
Lafayette, M. de Ségur, le chevalier Stanislas de Bouf- 
flers, l'anglais Dutens... La comtesse Amélie, bru de 
M"^ de Boufflers, jouait bien de la harpe ; on don- 
nait de petits concerts autour du Prince malade (3). 
Où donc étaient les fervents des concerts de naguère, 
au salon des quatre glaces ? Hélas I la mort avait fau- 
ché les meilleurs de ces fidèles. Trudaine avait pris 
congèle premier,bientôt suivi par le président Hénault. 
Mayran avait ensuite payé le tribut de nature. Il 



(1) A la date du 25 février 1776, Mme du De£Pand écrit à Horace 
Walpole : « M le prince de Gonty ne manque aucune séance au 
Parlement et il se porte beaucoup mieux ; cette occupation lui 
étoit nécessaire » {Correspondance de M^ du Deffand, tome II, 
p. 526). 

(2) c( Mme de Luxembourg partit hier [24 juin] pour L'Isle- 
Adam avec sa petite-fille, l'Idole [Mme de Boufflers] et sa belle- 
fille ; le Prince est, dit-on, mourant » (Correspondance de Ât^du 
Deffandy tome II, p. 557). 

(3) Sainti-Bbuvb, Nouveaux lundis^ tome IV, p. 220. 



LE PRINCE DE CONTT 313 

avait quatre-vingt-treize ans. Mais la pauvre com- 
tesse d'Egmont la jeune, qui s'en était allée finir en 
Picardie son roman d*amour inconsolable, n'en avait, 
elle, que trente-trois. Le marquis de Chauvelin était 
tombé d'apoplexie à Versailles en faisant la partie du 
Roi ; honorable trépas pour un homme de Cour. Pont- 
ci e-Veyle enfin j le joyeux et doux Pont-de-Veyle, avait 
terminé ses jours Tannée précédente et sa mort avait 
cruellement affecté Conty qui, pendant six semaines, 
n'avait pas failli un seuljour à s'informer, en personne, 
de Pétat de son ami... 

Le Prince ne se levait presque plus quand Diderot, 
conduit par Dutens, vint le remercier d'une pension 
de i.ooo livres qu'il lui avait accordée pour se payer 
un secrétaire. Conty reçut au lit Fencyclopédiste. 
€ Bientôt Diderot, qu'on avait fait asseoir, ne tenant 
pas sur sa chaise, se mit, tout en discutant, à s'appro- 
cher du Prince et à s'asseoir sur le lit. On parlait des 
affaires qui agitaient alors le Parlement et Diderot, 
dans sa chaleur, voulant louer le Prince : ce Monsei- 
gneur, dit-il, il paraît que vous êtes bien entêté ». — 
« Halte-là! repartit vivement Conty, entêté, non, ce 
mot n'est pas dans mon dictionnaire ; mais je suis 
ferme » (i). 

Cette /ermeté dont il était si fier, le Prince s'en 
départirait pourtant à la fin. On sait que le comte de 
La Marche, depuis sa trahison, était brouillé avec son 
père. Celui-ci l'avait, par testament, déshérité au 
profit de son neveu, le duc de Chartres. La Marche 
n'ignorait pas ces mauvaises dispositions. Quoiqu'il 
n'attendit pas grande hoirie d'un père aussi prodigue, 
il alla trouver la vieille marquise de l'Hospital, femme 
galante mais judicieuse, qui avait été la maîtresse de 
Conty autrefois, et qui était restée un peu sa confi- 
dente. Il la pria de s'entremettre pour lui. M"^* de 
l'Hospital sentit la justesse de la réclamation, promit 

(0 Saintb-Bbuvb, Nouveaux lundis, tome. IV, p. 176. 



314 LE PRINCE DB CONTY 

de courir chez le Prince, de manœuvrer une réconci- 
lialion. Elle tint subitement sa promesse et fut se jeter 
aux pieds du malade, lui représentant son injustice, 
lui peignant les regrets de La Marche sous les plus 
vives couleurs. Mal traitée d'abord^ elle ne céda point; 
elle pleura ; elle supplia le père de permettre à un fils 
repentant de solliciter son pardon. Elle obtint enfin 
cette licence. La Marche qui n'était pas loin accourut. 
A sa nue, Conty sentit son cœur se fondre et sa colère 
tomba; peu après, il mandait son notaire et rétractait 
son testament. 

Les Orléans affectèrent d'approuver la démarche de 
la marquise de THospital^ ajoutant publiquement que 
si le prince de Conty avait commis pareille iniquité, 
le duc de Chartres eût remis à Finstant le legs à son 
cousin. Mais on savait trop combien le duc d'Orléans 
était intéressé pour ajouter créance à ces belles décla- 
rations. La Marche lui-même était bien persuadé du 
contraire; sans quoi il ne se fût point présenté après 
plusieurs années aux regards de celui qu'il n'avait 
jamais tenté de fléchir (i). 

Raccommodés, le père et le fils ne se quittèrent 
plus. La Marche craignait peut-être que l'influence de 
M"* Dailly, dont il venait d'apprendre l'existence, ne 
fît revenir le Prince sur ses décisions testamentaires. 
Conty en effet avait rendu compte à La Marche de ses 
dispositions concernant ses bâtards : — c J'ai deux 
enfants, lui avait-il dit, d'une femme que j'ai tendre- 
ment aimée; je leur laisse à chacun la.ooo livres de 
rente. »... Et comme le comte ne répondait point : 
« — Trouveriez-vous que c'est trop ?» — « Oh ! non, 
mon père, au contraire, ce n'est pas assez ». — « Ah! 
mon fils, je me repens de ne vous avoir bien connu 
qu'à ce moment » (2) ! La Marche savait que la mère 
de ces enfants ne s'éloignait point du Temple; qu'elle 

(i) Vie privée du prince Louis-François-Joseph de Conty, 

pp. 93-95- 
(3) Correspondance secrète [dite de Métra], tome III, p. 222, 



LE PRINCB OB CONTT 315 

se tenait constamment dans un petit cabinet près de 
la chambre à coucher du Prince. La Marche faisait 
bonne garde. 

Gontj était-ii tout à fait dupe de ces tardifs témoi- 
gnages de piété filiale? Qui sait? Il avait, par instants, 
des mots de spirituel scepticisme : — « Mon fils, dit-il 
un jour, profitez de ce beau temps; vous aimez la 
chasse, allez-y ». — « Non, mon père, répondit le 
comte de La Marche; j'aime mieux rester avec vous. » 
— « Eh ! bien, envoyez-y donc votre équipage avec 
le mien, afin qu'on puisse dire, une fois, que nos 
chiens ont bien chassé ensemble » (i). 

Au dernier voyage de TIsle-Âdam, Conty, aperce- 
vant son trésorier et son aumônier qui se promenaient 
ensemble dans le parc, s'était écrié en riant : « Voilà 
bien les deux hommes les plus inutiles de ma mai- 
son I ». On n'avait vu là qu^une boutade en l'air. 
Bientôt on en comprit mieux la portée. Dès que le 
bruit vint à la cour que le Prince était perdu, 
Tarchevéque de Paris, Mgr de Beaumont, se pré- 
senta au Temple. Le Prince le reçut fort honnête- 
ment afin de témoigner toute Testime qu'il avait pour 
la pureté de ses mœurs. Mais il ne pouvait oublier que 
ce prélat, un des plus fanatiques tenants du parti 
moliniste, avait célébré la messe rouge à la rentrée 
du Parlement Maupeou ; que, pair du royaume^ com- 
paraissant seul au milieu d'une cour réprouvée par 
les princes et par les pairs, il avait publiquement 
affirmé sa joie et qualifié cet attentat contre les lois 
de « réunion du sacerdoce et de PEmpire » (a). 

(i) [DuoAST DE Boi8-Saint-Ju8t], PaHs, Versailles et les pro» 
vinces, tome III, p. 121. Cf. Correspondance secrète, tome III, 

p. 322. 

(2) Les contemporains dépeignent ce haut dignitaire ecclésias- 
tique comme u fort ignorant, entêté, susceptible de prévention, 
ami des flatteries et des délateurs ». Il était homme de qualité, 
mais pauvre. Alors qu'il faisait sa théologie en Sorbonne, Tabbé 
de Beaumont prenait ses repas dans une gargote à douze sous de 



316 tB PRINCE DU GONTY 

Quand l'archevêque voulut entretenir le Prince de 
religion, celui-ci le pria de n'en rien faire ; il avait, 
dit-il, mûrement examiné la chose et savait à quoi 
s'en tenir. Mgr de Beaumont ne se donna pas pour 
battu. A deux reprises, il revint à la charge. Mais le 
suisse du Temple avait reçu des ordres ; deux fois il 
lui refusa la porte, ne le laissant même pas descendre 
de carrosse. Les âmes pieuses et les gens du métier 
reprochèrent à Mgr de Beaumont de n'avoir pas su 
esquiver cet affront, en employant une rouerie inno- 
cente, en quittant sa voiture, en entrant dans la cour, 
voire en se cachant dans quelque coin, afin d*en impo- 
ser au moins à la foule des badauds attroupés dans la 
rue et pour qu'on crût qu'il avait été reçu. Le Prince 
était en effet le premier des Bourbons qui méprisât les 
secours de l'Eglise et persévérât ainsi dans une 
impénitence inconnue à ceux de sa race, toujours très 
édifiante en ses derniers moments (i). 

Les tentatives avortées de Tarchevèque furent repri- 
ses par le sieur Cloud, prieur, curé du Temple, ins- 
tallé dans la place. Quel triomphe de réussir, là où 
Mgr de Beaumont avait échoué I Mais le digne curé 
perdit ses peines et ses exhortations. Quand le malade 
vit où il voulait en venir, il dit à son valet de cham- 
bre : « Congédiez-moi ce grand homme noir qui 
m'ennuie ». 

Les derniers jours de sa vie, le Prince se faisait 
porter assis dans son petit jardin, sur le bord d'un 
bassin où il s'amusait à pêcher les cyprins à la ligne. 
Le vendredi 2 août, dans l'après-dîner, comme il se 
livrait à ce passe-temps, il se sentit pris d'un subit 
malaise et fit un geste pour se lever. Son valet de 
chambre se précipite, un coup de coude l'éloigné ; il 

la rue de la Harpe. Il n'avait été évèque qu'à 38 ans. Le hasard 
plaça son évèché à Bayonne, sur le chemin de la première Dau- 
phine, infante d'Espagne, quand elle vint en France (1745). Les 
soins et les flatteries de Tévèque furent récompensés par les siè- 
ges de Vienne et de Paris, successivement vacants, 
(i) Mémoires secrets, tome IX, pp. 202 et 207. 



LB PRINCE DB COMTT 347 

se rapproche pourtant, mais pour voir son mattre 
retomber dans son fauteuil en murmurant : < Ma vue 
se trouble... Je me meurs ! ». Louis-François de Bour- 
bon venait d'expirer (i). 

Il importait au clergé de prévenir un scandale qui 
pouvait faire exemple. De concert avec les gens de la 
maison, on supposa que le Prince avait reçu Textréme- 
onction. Les saintes huiles furent efiFectivement appor- 
tées en hâte au palais du Temple ; mais elles entrèrent 
par une porte et sortirent par une autre, pour la 
forme. On avait sauvé l'extérieur ; c'était le princi- 
pal (a). 

La mort du prince de Conty fit pendant une semaine 
le sujet d'entretien des Parisiens. On s'accordait à 
reconnaître qu'il avait par son patriotisme et par sa 
fermeté dans les affaires du Parlement mérité l'affec- 
tion de tous les bons citoyens. Mais comme en France, 
tout finit par des chansons ou par des épigrammes, un 
plaisant composa cette épitaphe : 

Passant, si de Conty tu veux savoir le sort, 

La moitié de son nom a mis ce prince à mort (3). 

Le comte de La Marche se conduisit très dignement 
dans son deuil. Il s'occupa tout aussitôt de réaliser les 
dernières intentions du défunt. Conty avait manifesté 
le désir d'être inhumé à Llsle-Adam et il avait fait 
commencer, dans l'église de ce village, les travaux 
d'une chapelle funéraire destinée à recevoir sa 
dépouille mortelle et celle de ses descendants. Il fut 
fait selon -sa volonté. Après l'embaumement, son corps 
fut transféré le 6 août 1776 à L'Isle-Adam et déposé 
dans un caveau provisoire, sous le chœur, en attendant 
que la chapelle fût achevée. 



(i) Correspondance secrète [dite de M^tra], tome III, p. aaS. 

(2) Mémoires secrets, tome IX, p. 202. 

(3) Correspondance secrète [dite de Mfou], tome II, p. 38i . 



318 LB PRINCE DB GONTY 

Le curé Hermand dressa de réyénement ce procès- 
verbal : 

L'an mil sept cent soixante et seize et le septième joar du 
mois d'août, le corps de Très haut, Très paissant et excellent 
prince Louis-François de Bourbon, Prince de Contj, Grand- 
prieur de France, gouverneur général du Haut et Bas Poitou, 
généralissime des troupes du Roi, décédé vendredi dernier, 
deux du mois courant après midi à Paris, dans son Palais du 
Temple, âgé du cinquante-neuf ans moins onze jours, la levée 
du corps ayant été faite le jour d'hier environ les six heures et 
demi (sic) du soir par le sieur Cloud, prieur, curé du Tem- 
ple, et par lui conduit ici, illustrissime et révérendissime 
Jean*Baptiste-Marie Champion de Cicée. évéque d'Auxerre, 
portant le cœur, a été inhumé dans l'église de céans, après la 
présentation qui nous a été faite du corps par mon dit Sei- 
gneur évéque d' Auxerre, suivant toutes les formes portées au 
rituel et cérémonies accoutumées; présent depuis la levée du 
corps jusqu'à l'inhumation mon dit sieur Cloud, prieur, curé 
du Temple, présent Très haut, Très puissant et excellent 
prince Monseigneur le Comte de La Marche, fils, Très haut et 
Très puissant Monseigneur le duc de Laval-Montmorenci, 
lieutenant général des armées du Roi, et toute la maison de 
mes dits seigneurs le prince de Conty et comte de La Marche. 

Signé : Hermand, curé\ Guillet, vicaire ; Chevron, />r^/re, 
Boimard, prêtre ; Defoin, curé de Fontenelle; Le Donc, curé 
de Jouy-le-Comte ; Bestineuve de Chagne [illisible] ; Godde, 
Jonquet (i). 

Il ne nous appartient pas de suivre, après la mort 
de Louis-François de Bourbon-Conty, son fils Louis- 
François-Joseph, seul héritier légitime (a). Mais nous 
devons revenir ici sur les enfants illégitimes prêtés au 



(i) Maibib de LIsle-Adam, Registres de Vétat civiL à la date. 

(2) Od sait que le comte de La Marche, devenu prince de Gontj 
le 2 août 1776, s'expatria à la Révolution et qu'il mourut en 
exil, à Barcelone, dans un état proche de la misère, le 10 mars 
i8i4, quelques mois à peine avant Tépoque où la chute de Napo- 
léon lui eût permis de rentrer en France. Il avait perdu sa femme, 
Fortunée d'Esté, morte à Venise, au couvent de la Visitation, le 
21 septembre i8o3. 



LE PRINCB DE CONTT 310 

Prince. Tant d'inexactitudes ont été imprimées là- 
dessus, qu'il importe de remettre rapidement les cho- 
ses au point. 

Nous avons vu que le Prince, par testament, recon- 
naissait les fils de M°>® Dailly. Ces deux bâtards furent 
les seuls qu'il avoua. Et c'est commettre une étrange 
erreur que de vouloir lai en attribuer d'autres, malgré 
lui ; erreur dans laquelle sont pourtant tombés pres- 
que tous les historiens. 

Une « nouvelle à la main » de l'époque est cause 
qu'on s'est obstiné, en dépit de l'évidence, à faire du 
chevalier de Vauréal le fils naturel du prince de 
Conty, alors qu'il était en vérité son petit-fils (i). Le 
chevalier de Vauréal (Louis-François), né en 1761 à 
Paris, mort vers 1785 à Melun, lieutenant-colonel du 
régiment de Conty-Prince^ naquit de Anne-Marine 
Yeronèze, dite Coraline, actrice aux Italiens, et du 
comte de La Marche qui eut d'elle plusieurs enfants, 
tous morts en bas âge, au dire des contemporains (a). 



(i) Cette « nouvelle à la main » dit : « ^ novembre 1777. — Un 
fils naturel de feu M. le prince de Conty, qui joint aux charmes 
de la figure tous les talens les plus aimables, élevé sous les jeux 
de son auguste père, vient d'être fait chevalier de Malthe et entre 
dans le monde sous le nom de Chevalier de Vauréal, terre appar- 
tenante à S. A. S. Il a environ seize ans. » (Bibl. de l'Arsenal : 
Mantiscrits : 7083, fol. 89). — M. de Lescure, dans la Correspon- 
dance secrète inédite, publiée par lui, a reproduit (tome I, p. io5) 
cette note, avec quelques légères variantes dans les termes et 
sous la date du 28 octobre 1777. 

(2) On a imprimé que le compositeur Pierre-Antoine Gatajes, 
né (dit Fétis) en i774t mort vers 1846, maître de guitare et auteur 
de diverses romances en vogue sous l'Empire, était fils du comte 
de la Marche et de la Coraline. Ceux qui adopteraient cette 
légende peuvent consulter : FÉns, Biographie universelle des 
musiciens, tome III, p. 420 et Denise, Etudes archéologiques sur 
L'Isle-Adamj pp. 142 a 147. Hsj découvriront plusieurs choses 
insoupçonnées. Comme quoi, par exemple, Coraline descendait 
du fameux peintre Véronèze (Paul Calliari, de Vérone); comme 
quoi le frère atné deGatayes s'appelait chevalier de Montréal {sic) 
et, encore, comme quoi Coraline s'expatria avec le prince à la 
Révolution (elle était morte depuis 1782). 



320 LE PRINCB DB CONTT 

Laissons la parole i Tun de ces témoins : 

... Après avoir brouillé avec leur mari ane quantité de 
femmes de condition qu'il avait séduites, le prince de Coatj 
se fixa à la Caroline [Coraline], actrice des Italiens (i). Il en 
eut plusieurs enfants qui moururent très jeunes ; il ne lui eo 
resta qu'un fils qu'il aima tendrement. Il ne pouvoit en faire 
un prince du sang, il en fit un grand seigneur ; il vendit des 
biens considérables, il lui acheta de vastes seigneuries, il lai 
fit porter le nom de chevalier de Vauréal, terre voisine de 
L'IsIe-Adam, près Pontoise. Il le plaça dans son régiment de 
Conty dont il le fit nommer lieutenant-colonel... Il avoitfait 
sa maison; ses domestiques portoient la livrée des Conty. 
Tous les jours ce jeune militaire venoit saluer et embrasser 
son père. 

. . . Après avoir placé son fils dans un régiment de son nom, 
pour être plus à portée de le voir, il obtint que ce régiment 
vînt en quartier dans la ville de Melun. Cette proximité de la 
capitale procuroit au chevalier de Vauréal la satisfaction 
d'être presque tous les jours chez son père qui le combloit de 
bienfaits... 

Le chevalier de Vauréal mourut à la fleur de son âge, il y a 
quatre ans, à Melun (2). 

Nous pourrions citer encore le témoignage de Casa- 
nova (3). Mais parmi les raisons qui s'opposent à ce 
que le chevalier de Vauréal soit le bâtard de Conty, la 
plus forte est que la Coraline ne fut jamais la maîtresse 
du Prince, tandis qu'elle était ouvertement celle du 
comte de La Marche quand naquit le chevalier et 
qu'elle continua de l'être pendant vingt ans. On a la 
liste des amants de cette actrice : le premier fut Tac- 
teur Charles-Antoine Bertinazzi dit Carlin, auquel suc- 
céda Honoré-Camille Grimaldi, prince de Monaco, qui 
constitua en 1753 à sa maîtresse trois mille livres de 

(i) « Le prince de Conty se fixa à la Caroline. . ., etc. ». Lisez : 
le comte de La Marche. Ces lignes en e£Pet sont écrites en 1790 
et La Marche est prince de Conty depuis quatorze ans. 

(2) Vie privée de Louis -François-Joseph de Conty, pp. 36-38. 

(3) J. Casamova, Mémoires, tome III, p. igy. 



us PRINGB DE GONTY 321 

rente viagère (i). Puis viennent le marquis de Létorière, 
Létorière le charmant, comme l'appelaient les filles 
qui, toutes, raffolaient de lui, et M. de Sainte-Croix, 
officier aux gardes. Enfin le comte de La Marche (1760) 
qui, malgré quelques retours de Tactrice vers Létorière, 
demeure seul mattre de la place. Après la naissance 
du chevalier de Yauréal, il s'attache définitivement à 
sa mattresse, la loge dans TEnclos du Temple, à 
rhôtel d*Harcourt (ancien hôtel de Guise) et lui fait 
don du marquisat de Silly (a). Lorsque Goraiine meurt^ 
en 178a, c'est son amant, devenu prince de Conty, 
qui est son légataire universel par le testament que 
voici : 

Au nom du père, du fils, etc... Je fais Son Altesse Sérénis- 
sime Monseigneur le Prince de Gonty mon légataire univer- 
sel. 

A Paris, ce aS jain 1780. Signé : Anne-Marine Véronèze, 
dite de Sillj. 

Signé et paraphé ne varietur par nous Gilles-Pierre Chena^ 
avocat au Parlement, conseiller du Roi et censeur royal, 
commissaire au Ghàtelet, au désir de notre procès-verbal 
d^apposition de scellés, après décès de Marine -Anne Véronèze, 
dite de Silly, de ce jourd'hui 6 février 178a. Signé : Chenu (3). 

Le prince accepte le legs et, par acte authentique, 
prend l'engagement de continuer à Lucie-Perrette 
Sperotti, mère de la défunte, la pension de 600 livres 
que sa fille lui servait depuis 1768; il élève même à 
i.ooo livres le chiffre de cette pension... 11 nous paratt 
que la cause du chevalier de Vauréal est entendue. 
Nous n'insisterons pas davantage. 

On a encore prétendu que Marie-Charles- Joseph, 
chevalier de Pougens, né à Paris le i5 août 1755, mort 

(i) ARcmYBS MAT10NALB8 : Y 38o. 

(2) E. Gaicpamk)n^ Les comédiens du Roi de la troupe italienne, 
tome II, p. 197. 

(3) Architbs NAT10NALB8 : K, 546. 

SI 



322 LE PRINCB DE CONTT 

à Vauxbuin, près de Soissoas, le 19 décembre i833, 
maritf à Julie Soyer, était fils naturel du prince de 
Gonty. M"»* Louise Brayer de Saint-Léon qui fut l'édi- 
teur des Mémoires et souvenirs de Pougens, et son bio- 
graphe, nie expressément le fait : « M. de Pougens, 
dit^lle, n'était point le fils du prince de Gonty. Je suis 
autorisée à le déclarer » (i). 

Plus sérieuses semblent les prétentions d'une femme 
qu'on a peut-être trop à la légère qualifiée d'aventu- 
rière parce qu'elle affirmait être la fille naturelle du 
prince de Gonty et de la duchesse de Mazarin. Résu- 
mons son histoire en quelques lignes. 

Née en 176a, Louise, comtesse de Montcairzain, 
transparent anagramme de Gonti-Mazarin, est élevée 
luxueusement, d'abord au Temple, puis dans un riche 
hôtel de la rue de Gléry. Sa vaisselle est aux armes de 
France, sa livrée aux couleurs des Gonty. On Téduque 
en fille de haut rang ; elle apprend le latin, le grec, 
l'italien, le chinois; on lui enseigne Téquitation et le 
jeu de l'épée ; on Tappelle Altesse et elle s'attend à être 
sous peu légitimée et présentée à Versailles quand, 
brusquement, son sort change. Enlevée de Paris en 
chaise de poste, transportée à Lons-le-Saunier, on la 
contraint à épouser, quoiqu'elle n'ait que douze ans, 
un procureur crasseux et quadragénaire auquel d'ail- 
leurs elle refuse obstinément de se livrer. Revenue à 
Paris, quinze ans plus tard^ elle ne cesse de multiplier 
les démarches pour faire reconnaître son origine... 

Telle est la version donnée par l'héroïne de ce mys- 
térieux roman dans les Mémoires qu'elle publia (aj. 
Ajoutons que, jusqu'à sa fin, la comtesse de Mont- 
cairzain ne varia pas d'un iota dans ses affirmations 

(i) Charles de Pougens, if ^moire« et souvenir s, p. 100. — Cf. : 
L. DussiEux, Généalogie de la maison de Bourbon, p. 188. 

(2) Mémoire de Stéphanie- Louise de Bourbon, ., à la Conven- 
tion Nationale, 179Ô, in-8. — Mémoires historiques de S.^L. 
de Bourbon-Conti, écrits par elle-même; 1798, 2 vol. in-8. — 
Mémoire présenté au Roi (1819), in-4*. 



LE PRINCE DE CONTT 323 

et que toute une vie de misère et de luttes n'ébranla 
pas un seul instant la foi robuste qu'elle avait en sa 
naissance (i). 

Etait-elle folle, était-elle atteinte de la manie des 
grandeurs? A dire vrai, c'est Timpression première 
que laisse la lecture de ses Mémoires. Mais quelques 
pièces j ustificatives sont plus probantes. Entre autres, 
Tacte que Ton présenta, dit-elle, au prince de Conty 
pour lui faire croire, quand elle fut enlevée de Paris, 
que sa fille était morte. Cet extrait obituaire est ainsi 
conçu : 

Extrait du registre des baptêmes, mariages et sépultures de 
la paroisse royale de Viroflay-Ies-Versailles, diocèse de Paris. 

Le 7 juin 1773* a été fait le convoy et enterrement dans 
cette église de très haute et très puissante dame et très excel- 
lente princesse de BourboD-Gooty, comtesse de Montcair-Zina, 
fille mineure légitimée, princesse du sang, décédée le 5, âgée 
de II ans, six mois et quelques jours, en présence de Benoist- 
Charles Richard, beau-frère de M">« de Lormes, institutrice 
de Son Altesse Sérénissime la comtesse de Montcair-Zina et 
M. Tabbé Aubrie, chapelain de M°>® la duchesse de Mazaria^ 
qui ont signé. 

Gollationné à l'original par nous abbé sous signé, protono- 
taire du Saint-Siège apostolique, commandeur de Tordre 
sacré du Christ, camérier, comte du sacré palais de Latrao. 
Le le i5 septembre 1773. 

Signé : Dubut, curé (2), 

(i) On consultera, avec le plus grand intérêt, une attachante 
étude sur Montcairzain, parue dans le Temps du 11 juin 1907, 
sous la signature de M. G. Lenotrb. L'éminent historien ne con- 
clut pas précisément en faveur de la thèse soutenue par la pseudo- 
princesse de Bourbon-Gontj ; mais on sent qu'il pencherait 
volontiers pour l'affirmative. 

En sens inverse, nous renvoyons le lecteur au volume, bien 
rare aujourd'hui, de Barruel-Bbauvert : Histoire tragi-comique 
de la soi-disant princesse Stéphanie-Louise de Bourbon^Conti, 
1810, in-8. 

(2) Cette pièce, ainsi que d'autres papiers relatifs à Mont- 
cairzain, sont conservés en Tétude de M* Morel d'Arleux^ notaire 
à Paris» 82, rue de Rivoli. 



324 LB PBINGB DB CONTT 

Or, cet extrait est un faux d'un bout à Tautre. Rien 
de semblable ne se trouve sur les registres de Viro- 
flay. Seule, la signature du curé Dubut est authenti- 
que. A quelle fin cet ecclésiastique aurait-il commis 
un faux, si jamais il n'avait existé de princesse de 
Bourbon-Conty? 

Notez les noms des deux prétendus témoins de la 
mort : ce sont le sieur Richard, beau-firère de la 
gouvernante Delorme, et Tabbé Aubrie, chapelain de 
la duchesse de Mazarin. Nous allons les retrouver 
bientdt. 

A Lons-le -Saunier, où la dame Delorme Va menée 
et où elle la fait passer pour sa fille, âgée de dix-huit 
ans, la petite princesse est fiancée malgré elle à un 
sieur Billet, procureur. On s'est pourvu de l'acte de 
naissance d'une fille que la gouvernante eut autrefois, 
en 1756, avant son mariage, et qui fut baptisée à Saint- 
Sulpice. Cependant M"^ Delorme redoute les révéla- 
tions de l'enfant. Elle écrit à son beau-frère Richard, 
à Paris : 

Lons-le-Saunier, le 10 octobre 1773. 

M. le curé, mon cher beau-frère, m'a écrit vous avoir remis 
tout ce qu'on lui a fait passer pour vous, et que vous aviez 
bu de bon vin ensemble. Je lui ai répondu que ce n'ètoit pas 
à quoi il falloit passer votre temps, tandis que je suis journel- 
lement aux crises ici. On ne pourra pas se dispenser d'aller 
faire le mariage là-bas. L'extrait en question est trop vieux 
poar sa petite taille, vous m'entendez?... Elle commence à 
croire qu'on poura faire de M. Billet un duc et pair, malgré 
qu'elle dit que c'est impossible. Je vois bien qu'il n'y a que 
cela qui la mettra de notre bord. Vous dites que vous êtes bien 
sûr qu'elle n'a pas écrit à Monseigneur; cependant je lui ai 
trouvé dans sa poche deux brouillons, l'un pour son frère, 
l'autre pour son père, où elle lui dit que le roi est trop bon 
pour ne pas lui laisser le beau bouquet de diamants pour 
ses noces, et s'il ne donneroit pas le cordon bleu à son mari? 
J'ai dit oui à toutes ses questions : il n'y a que comme ça 
qu'on en fait quelque chose. Il faudra peu de monde à la noce. 
Nous ne sommes pas au bout. Elle croit signer le nom de son 



LB PRINCE OB GONTY 325 

frère [père] à sa noce; elle dit que le curé sera très flatté 
d'avoir une princesse mariée chez lui . Si le lieutenant civil pou- 
▼oit faire sans elle? Tâchez donc, n'épargnez rien, afin de 
rester le moins possible à Paris, et ce sera un rude moment 
pour nous. Le curé m'a écrit que ma sœur se défioit de quel- 
que chose. Dites-lui que c'est pour la faire légitimer de mon 
mari qu'il y a tant de mystère; comme elle ne sait pas lire, 
elle pourra en être... Ne lui dites pas que je vous ai écrit. Si le 
curé persiste, il n'y aura que l'abbé Aubrie qui pourra faire la 
cérémonie et la confesser, mais toujours dans une campagne ; 
le curé n'est éloigné que par crainte ; aussi rassurez-le donc 
que le plus fort est fait pour lui et que je réponds du reste. 
Adieu, mon cher beau-frère. Ne lui mettez donc plus dans 
vos lettres ni comtesse ni altesse ou Mont-Gair^Zina. Rappe- 
lez-lui la circonstance qui peut l'humilier, et pour n'en plus 
entendre parler, elle consentira à tout. 

Mes compliments à nos deux abbés, et qu'il ne faut pas 
perdre courage, tout ira bien. 

Votre sœur : Dblormb. 

Il était malaisé de faire confesser et marier cette 
fillette de douze ans par un prêtre qui n'aurait pas 
été complice. Aussi, nonobstant les cent dix lieues 
qui séparent Lons-le-Saunier de Viroflay, c'est à 
Viroflay que la « fille » de M^^ Delorme épousa, le 
i8 janvier l^^^J le procureur Billet. Le curé Dubut 
officiait et le sieur Richard, son compère, servait de 
tuteur à la mariée... 

Avions-nous tort — nous qui savons de source sûre 
qu'en 1761 la duchesse de Mazarin était en relations 
avec Gonty et qu'elle prenait la poste pour Taller 
voir à L'Isle-Adam — avions-nous tort de dire plus 
haut que les prétentions nobiliaires de Montcairzain 
n'étaient pas dénuées de toute vraisemblance? (2) 

(i) Cette lettre accablante, conservée en l'étude susdite, porte 
bien le cachet de la poste de Lons le-Saunier, ce qui prouve 
qu'elle ne fut pas fabriquée après coup par Montcairzain. 

(a) C'est aussi l'opinion de M . Michel Bréal qui a tenu en 
mains le dossier Montcairzain (V. de cet auteur, Deux études 
sur Gœthe, passim). M. Michel Bréal croit reconnaître dans 



326 LE PRINCE OB CONTT 

Malheureusement pour Montcairzain elle était encore 
trop jeune quand mourut le prince de Conty. 

Revenons à la mort de ce dernier. Le Prince laissait 
à son fils le soin de liquider une situation financière 
assez embrouillée. 

Claude-Henri Manscourt, trésorier général du 
Prince, déclarait bien aux magistrats venus pour poser 
les scellés au Temple et procéder à l'inventaire, qu^il 
restait entre ses mains quatre à cinq cent mille livres 
d'argent monnayé. 

L'inventaire achevé accusait bien un état des ren- 
tes et intérêts se montant à 185.807 livres, ce qui 
supposait, aux différents taux de placement du 
Prince, un capital évalué à 4*388.53o livres (i). Mais 
cette estimation était aléatoire, d'abord parce qu'une 
partie des ressources de Conty mouraient avec lui 
(ses bénéfices du grand-prieuré^ son gouvernement 
du Poitou, ses rentes viagères sur les aides et gabel- 
les et sur le trésor royal) ; ensuite parce que la plu- 
part des propriétés du Prince, au lieu de lui être 
des sources de profits annuels, lui étaient plutôt des 
causes de dépenses. 

Sans parler en effet de ses prodigalités de tout 
genre, des pensions constituées sur sa cassette à quan- 
tité de filles, du train superbe de sa maison, qui 
auraient déjà suffi à absorber ses revenus ; ses grandes 
acquisitions immobilières loin d'accroître sa richesse 
en augmentant ses biens-fonds et ses rentes en terres, 
lui coûtaient au contraire chaque année des sommes 
énormes, par sa manière onéreuse d'acquérir. Conty 
payait rarement au comptant quand il achetait, mais 

celte intrigue la main de la duchesse de Mazarin qui voulait se 
débarrasser de cette fille adultérine gênante et celle du comte de 
La Marche, qui craignait, en cas de légitimation, d'avoir à par- 
tager l'héritage de son père. — Montcairzin mourut à Paris, le 
29 mars i8a5 

(\) Archives Nationales : Parlement civiL Scellés et inven- 
taires des princes, X^ a 9 178-9 179. 



LB PBINCE DB CONTY 327 

il servait au vendeur la rente du capital qu'il aurait 
dû verser. Comme il ne songeait que rarement à 
s'acquitter du principal et que les vendeurs ne le pres- 
saient point, trouvant mieux leur compte à attendre, 
il arrivait à payer tout au double delà valeur vraie. Il 
devait ainsi de tant de côtés que parfois il était embar- 
rassé pour régler à l'échéance ces dettes périodiques. 
Nous en avons un exemple en ce billet, signé Le Brun, 
que nous détachons d'une liasse de manuscrits de la 
Bibliothèque nationale concernant la succession du 
Prince. (Ce Le Brun était probablement un habitant 
de L'Isle-Adam, marguiller, le même dont nous avons 
remarqué le nom, plusieurs fois répété, sur les regis- 
tres de cette paroisse). 

Le 22 décembre 1774* 
Monseigneur, 

Pardonné sie je prend la liberté de vous adressé ces lignes 
pour vous prier d'avoir égard que se nest que la grande nes- 
sessité qui me forse a vous en demandé et non pas de vous 
importunné : 

Demande 
NOTTA Et cha de six mois 

De mes rente viager au 3o janvier 

prochain, a^ année .... 7.000 1.760 

Du billet de 3 1. 000 iiv. tous les 

6 mois au a8 février, 18 mois. 4 «650 i.55o 

Du contra perpétuel de marner 

[ma mère ?] au 4 févrillier, 

18 mois i.Sgo g45 

1X540 4.a45 

Et la datte du 4 août 1778 a anvoiér au nautaire pour qu'il 
soit terminé, Vous rendre le plus grand service à celui qui se 
die de Votre Altesse Sérénissime, Monseigneur, 

Votre très humble et respectueux servitteur, Le Brun(i). 



(i) BiBLiOTBÈQUB NATIONALE : Manuscrxts français. Nouvelles 
acquisitions ; 5oi3, f. 35. 



328 LE PRINGB DB GONTT 

Le comte de La Marche, légataire universel, dat 
s*inquiéter immédiatement de combler tons ces trous 
que la négligence paternelle avait creusés. II faut ren- 
dre au fils de Louis-François cette justice de recon- 
naître qu'il avait, parmi tant de défauts, au moins une 
qualité: il était, dans lesa£Paires d*argent, d'une stricte 
probité et n'aimait pas les dettes. 

Pour parer au plus urgent et apaiser les créanciers 
les plus hargneux qui déjà avaient formé des opposi- 
tions sur l'héritage, il décida de vendre d'abord les 
collections du Temple, tableaux^ statues, objets d'art, 
dont la valeur, à ne considérer que les prix d'achat, 
paraissait considérable. Il chargea le peintre-expert 
Rémy d'en établir le catalogue et lui adjoignit, pour 
les pierres gravées et les médailles, le sieur Millioly, 
antiquaire du défunt. La confection et l'impression 
de ce catalogue demandèrent plus de six mois. Il ne 
comportait pas moins de viii-417 pages in-12, donnant 
la nomenclature de a. 117 lots, sans compter les numé- 
ros bis. Nous avons eu la bonne fortune d'en rencon- 
trer un exemplaire annoté en marge des noms des 
acquéreurs et des prix d'adjudication. Voici le titre 
de ce document si intéressant pour l'histoire de l'Art 
et de la Curiosité : 



Catalogue d'une riche coUectioD de Tableaux des Maîtres 
les plus célèbres des trois Ecoles; Dessins aussi des plus 
grands Maîtres, sous verre et en feuilles ; bronzes, marbres, 
terres cuites du Quesnoi, de Bouchardon, etc. Pierres gravées 
antiques, Pendules, Montres et Bijoux et autres objets curieux 
qui composent le cabinet de feu Son Altesse Sérènissime 
Monseigneur le Prince de Conti, Prince du Sang, et Grand 
Prieur de France. Cette vente se fera le mardi 8 avril 1777, 
trois heures et demie précise de relevée, et jours suivants, au 
Palais du Temple. 

A Paris^ chez JUuzier père^ libraire^ quai des Auffustins, 
et Pierre Rémy, peintre, rue des Grands- Augustins] 

M.DGC.LXXVn. 



LS PRINGB. DB CONTT 329 

Le catalogue était ainsi divisé : 

PsDrruRE. — Peintures des Ecoles italienne, flamande, fran- 
çaise (on rang^eait alors les Espag'nois dansTEcole napolitaine 
et les Allemands dans l'Ecole des Pays-Bas) : i . o85 pièces^ 
coupées en 929 lots ; 

Peintures à la g^ouache et miniatures, sous verre : 97 pièces 
en 6a lots ; 

Peintures chinoises sur glace et dessins chinois : a3 pièces 
en 10 lots; 

Dessins des trois Ecoles^ sous verre : aaS pièces en 
178 loto; 

Dessins des trois Ecoles, en feuilles : 169 pièces en 
91 loto ; 

Miniatures, en feuilles : 178 pièces en 89 lots ; 

Sculpture. — Figures, groupes et bas-reliefs en terre cuite 
de François Flamand, dit Lequesnoy : 3o pièces groupées en 
a6 loto ; 

Terres cuites de di£Fèrento maîtres (Edme Bouchardon, 
Glodion, Pajou, de la Rue, Chardin, etc.) : 3i pièces en 
a4 loto ; 

Bas-reliefs en cire : 8 pièces en 3 loto ; 

Bas-reliefs de marbre blanc : 3 pièces en 3 lots ; 

Vases de marbre, de bronze et d'améthyste : 12 pièces en 
8 loto; 

Mosaïques : 2 pièces en 2 lots. 

Bronzes égyptiens et bronzes antiques : 28 lots (plus un lot 
de 5 momies) ; 

Bronzes modernes : a a pièces en 19 loto ; 

Purres, buouz^ etc. — Pierres fines et pierres gravées, 
tout en creux qu'en relief^ montées en bagues : 486 pièces en 
486 loto: 

Médailles: i.oai pièces en 17 loto, plus un sac de médailles 
de bronze, un coin antique de Néroo et un petit médailler 
« contenant des médailles » ; 

Bijoux, boîtes, flacons, tabatières, ete., en or ou garnies 
d'or : 5i pièces en 5i lots ; 

Pendules (18) et 11 montres d'or, i d'argent; 

Clavecins (5) et a buffeto d'orgue. 

La vente commença le 8 avril 1777, au Temple^ et 
se poursuivit sans interruption jusqu'au 6 juin sui- 



330 LE PRINCE DE GONTY 

vant. Disons tout de suite qu'elle foi un désastre. Le 
total des adjudications ne se monta qu'à onze cent 
mille livres environ, alors qu'on pouvait espérer trois 
fois plus. 

Essayons de démêler les raisons de cet échec qui 
furent multiples. D'abord le choix de l'expert Rémy, 
personnage sur lequel on nous permettra une courte 
digression. 

Pierre Rémy, peintre médiocre et qui n'a point 
laissé d^œuvre, était en revanche le plus couru des 
experts de Paris. Depuis vingt ans, depuis la vente de 
la collection du duc de Tallard (i75i),il avait en quel- 
que sorte monopolisé les grandes ventes après décès, 
succédant à Gersaint et à Mariette qui avaient été les 
maîtres du genre. Toute ou presque toute la Curiosité 
de l'époque lui passait par les mains ; il possédait, 
avec la vogue, la confiance des acheteurs et des ven- 
deurs ; sa situation était si forte qu'il avait à peu près 
dépossédé à son profit tous les autres experts de la 
capitale : Boilleau, Basan, JouIIain, Le Brun, Martin, 
Helle, Glomy et autres (i). Sur dix ventes, il en diri- 
geait huit. 

(i) GVst Rémy qui avait vendu la collection de M. de Heineken^ 
auteur du Dictionnaire des artistes, en 1767 ; la collection Gou- 
cicaultt en 1788; celle du comte de Vence, en 1761 ; celle de 
M. de Selle^ trésorier général de la marine, «nème année ; celle 
du duc de Sully, en 1762 ; celle de M. de Chauvelin, ministre 
d*Etat, même année ; celle de M. Gaillard de Gagny, receveur 
général des finances de Grenoble, même année ; celle du peintre 
Adrien Manglard, même année; celle de M. Peilhon, secrétaire 
du Roi, en 17Ô3; celle de M. de Troy, directeur de l'Académie 
de France, à Rome, en 1764 ; celle de M. Deshays, peintre du 
Roi, en 1766 ; celle de M. Slodtz, sculpteur du Roi, même année; 
celle de MP^ de Pompadour, en 176Ô ; celle de M. de Julienne, 
écuyer, en 1767 ; celle de M. Gaignat, receveur des consignations, 
en 1768 ; celle de M. Prousteau, capitaine des gardes de la Ville, 
en 1769... Et plus il va, plus sa renommée s'établit, crescit 
eundo. En 1770, il vend le peintre Beaudouin ; M. Bourlamaque, 
ancien capitaine de caralerie ; M. Lalive de Jully, introducteur 
des ambassadeurs; M. Blondel d'Azincourt ; M. Beringhen, 
premier écuyer du Roi; M. Portier, doyen des notaires parisiens. 



LB PRINCB DE CONTT 831 

Le succès ordinaire des ventes auxquelles présidait 
Rémy s'explique en partie par ses connaissances en 
peinture, mais en partie aussi par un certain charla- 
tanisme. Il ne craignait pas de faire valoir sa mar- 
chandise. Dans ses catalogues, les tableaux mar- 
quants, sur lesquels il veut attirer l'attention des 
acheteurs, sont signalés par une notice de quelques 
lignes, rédigée dans un curieux jargon dont il paraît 
avoir le secret et où la naïveté le dispute parfois au 
comique. Dans le catalogue Conty, chacun de ces 
tableaux est : c de la première distinction » ; ou : 
« d'un effet qui fait plaisir » ; ou : « d'un coloris le 
plus séduisant qu'il soit possible de voir » ; ou : « peint 
dans la grande manière » ; ou : c touché avec beau- 
coup d'esprit » ; ou : « du meilleur faire de l'auteur » ; 
ou : « digne d'être admiré par l'expression et la tou- 
che savante de l'artiste » ; ou : « d'un beau fini » ; ou : 
« plaisant par son grand mérite » ; ou : c aussi capital 
que le précédent » ; ou : « d'une finesse de pinceau 
qui donne à ce tableau de la sublimité » ; ou : « très 
estimable » ; ou : (y fait avec une grande facilité » ; 
ou : «r méritant considération » ; ou : ce de la plus 
grande conséquence » ; ou : « d'un e£Pet tranquille » ; 
ou : « fait à lei presto d'un faire excellent » ; ou : « d'un 
mérite au-dessus de toute expression » ; ou : <c fait de 
goût X) ; ou : c< d'un coloris très ragoûtant » ; ou: « du 
plus beau ton argentin et agréable » ; etc. 

En 177 1, il vend l'atelier de Boucher et le cabinet du comte de 
la Guiche, lieutenant-général. En 1772 la rente du duc de Choi- 
seul et celle du peintre L.-M. Vanloo lui échappent ; mais il se 
rattrape avec celle de M. Grozat, baron de Thiers, et avec celle 
du duc de Lauraguais. En 1778, il a M. de Vigny, architecte ; le 
comte de Gaylus et M. Ladvocat, maître des comptes. En 1774» 
M. Vassal de Saint-Hubert ; M. Pelt, mathématicien, et le comte 
Dubarry. En 1776, le duc de Grammont ; M. de Ghoiseul, arche- 
vêque de Gambray, et M. deBèze. En 177Ô, M. Sorbet, chirurgien 
des mousquetaires gris ; M. Blondel de Gagny, trésorier général 
des amortissements, et M. de Mortain. Enfin, au début de 1777, 
il disperse aux enchères la galerie de M. Randon de Boisset, 
receveur général des finances. 



332 LB PRINCB DE COirTT 

Le ragoûtant et Vargentin reviennent fréquemment 
sous la plume de Pierre Rémy ; il affectionne ces épi- 
thètes qui sans doute avaient, pour les amateurs d'au- 
trefoisy une valeur et une saveur qu'elles ont perdues 
depuis. 

A l'exemple de ses prédécesseurs Gersaint et 
Mariette, Rémy se plaisait à introduire^ dans les préfa- 
ces de ses catalogues, le panégyrique de Tamatear 
défunt dont, vivant, il avait été le fournisseur. Chacun 
de ses clients était sûr de passer un peu à la postérité. 
Mais, quand, d'aventure, Rémy abandonnait à un étran- 
ger le soin d'écrire cet éloge posthume, il tolérait, sans 
fausse modestie, qu*on le mêlât aux louanges méritées 
par le mort. C'est ainsi que, dans son catalogue de 
M.Randon de Boisset, préfacé par M. de Sireuil, après 
avoir vanté le Mécène éclairé qui vient de disparaître, 
l'ami des Boucher, des Greuze, des Hubert Robert, le 
biographe ajoute : 

a II consultoit dans toutes ses acquisitions M. Rémy. 
C'étoit M. Boucher qui Tavoit fait connoîtreàM. Randon 
de Boisset. Il ne pouvoit, dans le désir qu'il avoit de former 
un cabinet distingué, accorder sa confiance à un homme 
d'une probité plus reconnue : les cabinets qu'il [Rémy] a for- 
més, la confiance des amateurs qui Taiment et l'estiment, 
leur empressement à le consulter, tout concourt à le mettre 
au rang des premiers connoisseurs en peinture. . . » 

Si la vanité de l'expert à la mode recevait avec déli- 
ces ces coups d'encensoir à bout portant, ses confrères 
et rivaux, évincés par lui de toutes les ventes fruc- 
tueuses, murmuraient contre l'accapareur. L'un d'eux 
surtout, Glomy, pour avoir été son ami, jadis, et lui 
avoir mis le pied à Tétrier en l'associant à la vente de 
Tallard, lui gardait, de son élévation rapide, une ran- 
cune à mort. Il avait essayé de le ridiculiser en pré- 
tendantque, dansle catalogue du cabinet Bailly, Rémy 
« n'avait eu d'autre part que d'avoir donné la mesure 
des tableaux et Tordre chronologique des maîtres ». 



LB PRINGB 1>E CONTT 333 

Mais Rémy avait bec et ongles et il avait riposté, du 
tac au tac, non sans esprit : 

Les amateurs qui nous connoissent l'un et l'autre et qui 
ont daig^né m'accorder leur confiance avant et depuis la vente 
de M. le duc de Tallard, sont en état de décider du mérite de 
cette observation. Je n'imiterai pas M. Glomy : la preuve que 
je prends plaisir à lui rendre justice, c'est que je m'en fais 
un d*annoncer au public qu'il est un des premiers pour coller 
les dessins et pour les ajuster avec filets de papier doré. 

Alllusion méprisante au principal talent de Glomy 
qui excellait en effet à encadrer les dessins et estam- 
pes dans des bandes alternées de lavis et de papier 
doré ; ce qu'on a nommé bordures « églomisées ». 

Lorsque les experts et marchands de tableaux appri- 
rent que Elémy qui, dans les six mois derniers, avait 
déjà vendu les belles collections Blondel et Randon, 
allait être encore chargé de la vente Ck>nty, il dut y 
avoir dans la corporation, contre l'heureux expert^ un 
véritable déchaînement de tous les dépits et Glomy sut 
jeter l'huile sur le feu. 

Adolphe Thibaudeau, à qui Ton doit la remarqua- 
ble lettre-préface que Charles Blanc a mise en tète de 
son Trésor de la Curiosité^ possédait un exemplaire du 
catalogue Gonty annoté de la main de Glomy, mieux 
qu'annoté : rageusement critiqué. Et voici Topinion 
de l'expert-encadreur : 

Celui qui a fait ce catalogue parait si ignorant dans les 
descriptions, qu'il a pris pour excellent ce qui est mauvais, 
pour original ce qui est copie, pour italien ce qui est fla- 
mand et hollandais, confondant les anciens avec les moder- 
nes, ne connaissant pas même les peintres vivants ; ne pou- 
vant juger de la condition et de la conservation des tableaux, 
ne sachant pas que les tableaux frottés, usés, effacés perdent 
beaucoup de leur mérite parce que les beautés de l'art sont 
loin lorsqu'un tableau a perdu avec ses glacis le fini et l'har- 
monie ; il ne reste plus alors que la composition ; encore 
perd-elle beaucoup de son premier éclat, parce que l'effet, qui 
est une grande partie dans la peinture, a disparu.. . 



334 LE PRINCB DB CONTY 

Les marchands, gens ignorants, fondent leur commerce et 
leurs connaissances sur Tintrigue des catalogues. Ils payent 
inconsidérément ce qui est copié, gâté, repeint ; un tiibleau 
faux, racommodé, comme un tableau vrai et bien conservé ; 
tout leur est indifférent, pourvu que le catalogue ait parlé ; 
c'est là toute leur garantie. 

Les marchands sont intéressés à soutenir la réputation de 
leurs devanciers qui ont placé chez des amateurs de mauvais 
tableaux à des prix exagérés. Ils se réunissent pour accré- 
diter ces mêmes tableaux, en les poussant dans les ventes 
publiques ; les catalogues, faits par les complices des mar- 
chands, ne sont écrits que pour induire en erreur les ache- 
teurs ; toutes les histoires qu'on y débite ne mettent ni com- 
position, ni dessin, ni couleur sur les tableaux et ne peuvent 
les faire devenir bons quand ils sont mauvais, etc. 

Les lieux communs queGIomy griffonnait si prolixe- 
ment sur les marges et les blancs d'un catalogue, il 
est évident qu'il ne se gênait pas pour les répandre et 
les débiter à tous venants, dans sa boutique et ail- 
leurs. 

Comme personne, à part quelques familiers du 
Prince, ne connaissait la galerie Conty autrement que 
par ouï-dire, les jugements de Glomy passèrent aisé- 
ment pour Texpression de la vérité. Les Mémoires 
secrets nous apportent Técho affaibli de ces rumeurs 
pessimistes : 

28 janvier 1777 • — On commence à voir une description 
sommaire du cabinet de feu S. A. S. Mgr le prince de Conty. 
La collection des tableaux est composée de près de 3oo origi- 
naux des meilleurs maîtres de TEcole italienne ; de plus de 
3oo tableaux des meilleurs mattres anciens et modernes de 
VEtCol^ française \ de près de aoo tableaux des meilleurs 
maîtres de TEcole flamande ; de plus de aoo de l'Ecole hoU 
landaise ; de la tableaux de Rusch, Dietricei, Fergue (Ferg) 
et autres maîtres de TEcole allemande des mieux choisis; 
de 4^ miniatures choisies et des meilleurs peintres de ce 
genre ; de plusieurs morceaux agréables peints à gouache et 
d'environ 100 tableaux représentant des cérémonies torques 
et chinoises ; de a4 bas*reliefs, etc. . . On conçoit que cette 



LB PRINGB DE GONTY 335 

collection seroit des plus riches» si elle étoit aussi bien choi- 
sie que nombreuse, et si elle répondoit à l'annonce pompeuse 
qu'on en fournit (i). 

La réserve timidement exprimée à la fin de ce para- 
graphe se retrouve, plus accentuée, dans une autre 
note, écrite quelques jours seulement avant la vente. 
Dans rintervalle, les calomnies semées par Glomy ont 
pris racine. Et Ton accuse presque formellement la 
plupart des tableaux d'être faux, sans d'ailleurs spé- 
cifier lesquels. 

2 avril 7777. — C'est à la vente des tableaux du prince de 
Conty qu'on va procéder incessamment. La collection est des 
plus nombreuses : dans ceux qu'on a placés pour être vus 
du public, on en compte i.44o, et l'on parle de 3oo qui ne 
sont pas encore mis en lumière. Mais il ne règne pas le 
même goût dans cette collection que dans les précédentes, 
et l'on prétend que Son Altesse, peu connoisseuse, a été 
souvent trompée, (a) 

Rémy certainement avait eu vent de cette espèce 
de conspiration, de cette campagne organisée par 
la brocante contre la collection du Prince. Il s'ef- 
force, dans la préface de son catalogue, de combattre 
par avance ces préjugés, ce parti-pris de dénigre- 
ment : 

. . . Pour être instruit, dit-il, il faut avoir vu et pour juger, 
il faut être instruit. Le public jusqu'à présent n'a encore pu 
porter son jugement sur le Cabinet de Monseigneur le Prince 
de Conti. 

Nous pourrions même dire qu'il n'en a qu'une fausse idée 
et nous avons vu bien des gens ne regarder cette collection 
que comme un amas immense de tableaux. 

Il est nécessaire de le détromper et de le ramener à la 
vérité. Jusqu'à présent, on n'a pu concevoir de ce Cabinet que 
Ton n a jamais vu, que des idées fausses, (t après des propos 

<i et 2) Mémoires secrets, tome X, p. a6 et p. 95. 



336 LB PRINCB DB GONTT 

oaffaes, rendus par des genspea instruits et peut-être mal- 
intentionnés. 

... Nous 0S0D8 donc assurer, môme sans craindre d'être 
contredits par les connoisseurs, que cette dernière vente est 
de la plus grande conséquence. Nous pouvons dire d'avance 
qu'à la vue des objets, on sera forcé de revenir du ridicule 
prèjuiR^ où Ton a été jusqu'à ce jour. 

... L'originalité de ces tableaux ne doit pas être suspecte. 
On en connoît la filiation ; nous avons cité autant que nous 
l'avons pu, les différents Cabinets par où ils ont passé ; enfin 
nous n'affirmerons rien dont nous ne soyons moralement 
sûr. 

Il n'était guère besoin de cette attestation pour dis- 
culper le feu Prince du reproche, si légèrement lancé, 
d'avoir acheté sans goût ni mesure. La seule lecture 
de son catalogue aurait dû c ramener à la vérité » des 
personnes moins prévenues que ne Tétaient les ama- 
teurs travaillés depuis six mois par Glomy et con- 
sorts. Dans tous ses achats en ventes publiques, depuis 
ses premières acquisitions à la vente du prince de Cari- 
gnan( 1743), jusqu'à la dernière commission qu'il con- 
fiait à Rémy pour la vente du duc de Saint-Aignan 
(1776), on reconnaît chez Conty le même discernement 
judicieux, le même sens artiste. Il sait ce qu'il achète. 
Et il nous paraît bien difficile d'admettre que ce même 
homme, si avisé dans son choix lorsqu'il s'agissait de 
toiles provenant de collections célèbres et ayant une 
histoire, devenait subitement novice et ignare dès 
qu'il achetait directement aux marchands. Nous mon- 
trerons d'ailleurs plus loin comment Conty était plus 
réellement expert en peinture que nombre d'experts 
professionnels, ses contemporains. 

Mais examinons, d'abord, ses acquisitions de « pro- 
venance » : 

A la vente Garignan, en 1743, il achète : Adcun et 
Eoe^ du Josépin ; le portrait de Titus couronné^ de 
Dominique Feti ; la Vierge à F Enfant^ de Barthélemi 
Schidon ; la Vierge à l'Enfant^ de Louis Carrache ; un 
portrait de Femme tenant une pomme et un portrait 



LE PRINCE DE CONTT 337 

d'Homme tenant un faucon^ du Titien ; la Femme adul- 
iêre, de Paul Veronèze. 

Pour un débutant, ce n'est pas trop mal ; poursui- 
vons : 

A la vente du duc de Tallard (lySG), il achète : 
Flore dans une guirlande de fleurs^ de Mario Nazzi ; 
la Cananéenne implorant la guérUon de sa fille, de 
JérdmeMutien. 

A la vente de Jullienne (1767) : les Noces de Cana^ 
de Murillo ; la Charité romaine, de Rubens. 

A la vente Mariette (1768) : trois pastels de la Ro- 
salba Carriera ; un Canal avec patineurs, d'Adrien 
Van den Veld et le Portrait en buste de Charles /«'', 
grisaille, de Van Dyck ; plus quantité de gouaches, 
miniatures et dessins. 

A la vente Gaignat (1768) : le Temple de la Sybille 
tiburtine^ de Breughel de Velours; un Paysage, de 
Stalben ; une Fille hachant des oignons, de Gérard 
Dow. 

A la vente Lalive de Jully (1770) : une Sainte 
Famille du Guide et une autre de Simon Cantarini ; 
une Jeune femme chantant^ de Godefroy Scaicken ; 
V Apothéose de Saint Louis, de Ch. de La Fosse ; le 
Sacrifice de Gédéon^ de François Boucher ; un Clair 
de lune, de Joseph Vernet. 

A la vente du comte de La Guiche (1771) : Jésus et 
la Samaritaine, de TAlbane. 

A la vente Choiseul (1772)^ il fait des folies, même 
pour un prince ; mais ce ne sont que folies d'argent et 
ses prédilections sontraisonnées : un portrait de Char^ 
leS'Quint dans son enjance, du Titien ; un Palais au bord 
de la mer, du Salucci, avec figures (V Embarquement 
d Hélène) de Jean Miel ; une Marine et un Paysage 
dans les montagnes, de Salvator Rosa ; Danaé et Mars 
et Vénus, attribués à Velasquez ; un Paysage du Tyrol, 
de Pierre Breughel ; une Eglise de Flandre, de Pierre 
Néefs, meublée de figures par François Franck ; un 
Repos en Egypte, de Corneille Poelenburg ; l'Entrée 
d^un bois, de J. Breughels de Velours ; un Intérieur 

32 



338 LE PBIirCB DE CONTY 

d'église des Pays-Bas, de Henry Steenwick, avec figa- 
res de Porbus ; un Portrait de Jacques JordaenSj par 
lai-mème ; Saint François distribuant rcuimânej de 
Jean Miel ; Moïse sauvé des eaux^ le Samaritain et un 
Paysage^ effet de soleil, de Rembrandt ; un Paysage^ 
effet d'orage, de Rubens ; un Intérieur (deux hommes 
et une femme), une Femme lisant une lettre^ une 
Femme buvant et un Intérieur deferme^ de Gérard Ter- 
burg ; les Œuvres de Miséricorde^ un Village avec 
joueurs de boules^ un Canal près d'Anvers^ une Maison 
de paysans y un Paysage avec un fauconnier ^ de David 
Téniers ; un Intérieur flamand et un Jeu de galets^ 
d'Adrien Van Ostade ; une Marine^ de Willem Van 
den Veld; une Vieille femme tenant un lièvre^ de 
Gérard Dow ; une Femme à sa toilette^ un Chimiste 
dans son laboratoire^ une Dame au clavecin j une 
Femme à table^ de Gabriel Metzu ; un Marché aux che^ 
vauxy an Manège^ un Paysage avec rochers ^ un Départ 
pour la chasse au voly une Moisson des foins, un Pay- 
sage avec animaux, de Philippe Wouwermans ; deux 
Ports de mer, un Berger et ses chèvres^ un Oiseleur 
dans un paysage^ une Marine, de Nicolas Berghem ; le 
Bois de La HayCj des Bœufs dans une prairie, un Pay- 
sage avec figures, de Paul Potter ; une Vue de Skeve- 
ling, un Rivage bordé de DuneSj une Mer agitée, un 
Pont rustiquCy de Jacques Ruysdaêl ; un Aveugle et 
son chien, de François Van Mieris ; un Intérieur et 
buveurs, de Jean Steen ; une Gardeuse de vaches et un 
Jeune garçon jouant avec son chien, de Carie du Jar- 
din ; deux Places de la ville de Cologne et une vue du 
Château de Beinthem, de Jean Van der Heyden, avec 
figures d'Adrien Van den Veld; une Ville de Hollande, 
de Guérard Berckeyden, avec figures d'Adrien Van 
den Veld ; un Matelot chargé de poissons, de Willem 
Van Mieris ; des Jeunes filles jouant aux osselets, Loth 
et ses filles, et Jeunes garçons jouant avec des chats, 
(2 sujets), d'Adrien Van den Weerf ; la Fuite en 
EgyptCy de Gh.-G.-Ernest Dietricy ; Junon confiant à 
Argus la garde d'Io et Argus endormi par Mercure, 



LB PRINCE DE CONTY 339 

de Claude le Lorrain ; un Repas en famille et un Ma- 
réchal à sa forge^ de Le Nain ; un Temple à Priape et 
une Jeune fille au bain, de Jean Raoux ; Les baigneu- 
ses^ une Vue du Château Saint-Ange et une Vue du 
Ponte Riotto, de Joseph Vernet ; la Prière à C Amour, 
de J.-B. Greuze. 

A la vente de Louis-Michel Van Loo (1772) : le Vœu 
de Louis XlIIy de Lucas Giordano ; Laban cherchant 
des Idoles dans les équipages de Jacob ^ de Sébastien 
Bourdon ; Enée sauvant Anchise et Sainte-Clotilde, 
esquisse, de Carie Van Loo. 

À la vente Ladvocat (1773) : Mercure et Apollon et 
Diane découvrant la grossesse de CalistOy de l'Albane ; 
un Paysage avec chute d'eau, de P. -P. de Cortone 
dit le Gobbo des Carraches ; Bacchantes et Satyres, de 
Nicolas Poussin. 

A la vente Dubarry (1774) • La consultation dumédc' 
cin^ d'Eglon Van der Néer ; une Jeune femme assise, de 
Jean-Marie Vien ; Vénus endormie, de Louis Lagre- 
née ; deux Paysages, avec figures et animaux, de 
H. Fragonard. 

A la vente Lempereur (1776) : Sainte Véronique, du 
Guide ; une Sainte Famille, de Gaudentio Ferrari ; un 
Paysage, avec animaux et figures, de Benedette ; VAn^ 
nonciation à la Vierge, de François Solimène le Napo- 
litain ; le Bon Pasteur, de Murillo ; la Rencontre de 
Jacob et dEsaû et la Conversion de Saint- Paul, de 
Rubens ; une Ménagère récurant un chaudron, de 
Gérard Dow ; un Enfant et sa nourrice, de Gabriel 
Metzu ; deux <7o/w6a/*c/eca«;afer/e, d'Antoine-François 
Van der Meulen ; Betzabée menant Salomon au trône 
et une Allégorie à la gloire de Mazarin, de Sébastien 
Bourdon ; Armide et Renaud, de Jean-François de 
Troye ; V Adoration des Rois, de Carie Van Loo ; 
Galathée sur les eaux, de François Van Loo ; plus quan- 
tité de dessins. 

A la vente du duc de Grammont (1775) : la Pré- 
sentation de Jésus au Temple, de Lagrenée cadet. 



340 LB PRINCB DE CONTT 

A la vente de Besse (1775) : la Vénus atix amours, de 
B.-Michel Ollivier. 

A la vente de Lassay (1776) : Psyché et F Amour 
endormiy du Guide ; Suzanne et les vieillards^ du Guer- 
chin. 

A la vente du duc de Saint-Aignan (1776) : un Por- 
trait du PapeBenott XIV ^ anonyme ; deux Paysages^ 
avec figures {Jésus et cinq de ses apôtres et des Capu- 
cins), de Gofifredy. 

Encore un coup, est-il admissible et logique que 
le même Gonty qui faisait montre d'un goût si sûr lors- 
qu'il « écrémait » ainsi les catalogues des grands col- 
lectionneurs, se fût laissé grossièrement tromper dans 
ses acquisitions privées, lorsqu'il achetait le Portrait 
de Raphaël par lui-même, provenant de la galerie 
de Charles !•' d'Angleterre, et donné par Char- 
les II à Mazarin ; la Rencontre de Laban et de Jacob j 
de Pierre de Cortone ; le Portrait de la mère du Cor- 
rège, par celui-ci ; VEnfant Jésus au chardonneret, 
d'Augustin Carrache ; Vlncrédulité de saint Thomas, 
d'Alexandre Vèronèze ; le Joueur de Musette^ de Van 
Dyck ; le Jésus à table^ de Philippe de Champagne ; la 
Vue de la Meuse, d'Albert Cuyp ; la Défaite des Li- 
gueurs, de Joseph Parrocel ; le Sacrifice (Tlphigénie^ 
de Jean Jouvenet ; le Narcisse se mirant dans Feauy de 
François le Moine ; tant d'autres dont la sèche énu- 
mération deviendrait fastidieuse 7 

La preuve que le prince de Gonty était un fin con- 
naisseur, en peinture autant qu'en musique, c'est que, 
de même qu'il avait su deviner dans Mozart enfant ce 
que serait un jour Mozart, de même il avait su dis- 
cerner, parmi les peintres de l'école française, ses con- 
temporains ou presque, ceux qui resteraient — alors 
que les prétendus experts ne faisaient de leurs œuvres 
que peu de cas et ne les cotaient qu'à des prix ridi- 
cules. Quand on voit à la vente du Prince neuf tableaux 
de Watteau faire au total 3.179 livres; dix de Jean- 
Baptiste Pater être payés 6.383 livres ; six de Jean- 
Baptiste Oudry être adjugés à 1.665 livres et 19 sous; 



LE PRINCE DE CONTY 341 

deux Boucher alleindre péniblemenl 465 livres et un 
sou ; quatre Naloire réaliser 1.074 livres et 6 sous; 
deux Chardin être donnés (c'est le mot) pour 3o6 li- 
vres et un sou, etc., on a le droit d'être sceptique à 
regard des soi-disant compétences de Tépoque et de 
juger Conty singulièrement mieux averti des choses 
de l'Art que la plupart de ceux qui Taccusaient gra- 
tuitement de naïveté. La même observation peut s'ap- 
pliquer, du reste, à ses connaissances en sculpture : 
on a lu ci-dessus dans le titre du catalogue dressé par 
Rémy, cette phrase : c bronzes, marbres, terres cuites 
du Quesnoy, de Bouchardon, etc. ». Sait-on qui et 
quoi l'expert désigne par cet et cœtera désinvolte ? 
Deux vases, deux statuettes et quatre bas-reliefs de 
Clodion, simplement. Les huit morceaux furent payés 
ensemble 1.910 livres et 8 sous ; encore ce prix était-il 
relativement élevé, parce que l'acquéreur fut un ama- 
teur, le sculpteur Feuillet, et que les marchands pous- 
sèrent les enchères. Mais sou tiendra- t-on que Conty 
qui, le premier, avait recueilli ces œuvres d'un 
inconnu (Clodion avait alors 3o ans à peine), était 
dépourvu d'esthétique ou de flair? 

...Toutes ces réflexions que pouvait suggérer un 
attentif dépouillement du catalogue Conty, les ama- 
teurs de 1777 ne les firent point. Ils préférèrent croire 
sur parole les « gens peu instruits et peut-être malin- 
tentionnés » dénoncés dans la préface de Rémy. 

Une autre cause du désintéressement des amateurs 
fut peut-être aussi la rareté de pécune. Les grandes 
ventes précédentes, Blondel et Randon, se succédant 
presque sans intervalle, avaient terriblement épuisé 
les escarcelles. Et sans doute la vente Conty, ren- 
voyée au début de 1778, aurait gagné à cette remise. 

Quoi qu'il en soit, les riches particuliers restèrent 
chez eux et ceux qui, par hasard, vinrent à la vente, 
n'y apparurent que de loin en loin, ne firent que quel- 
ques achats insignifiants : un tableau par-ci par-là. 
Plus assidus furent le chevalier de Launay, le sta- 
tuaire Feuillet, le comte de Merle et surtout certain 



342 LE PRINCB DB CONTT 

abbé Renoire qui semble avoir suivi les vacations 
sans en omettre une seule ; d*autres ecclésiastiques 
encore : l'abbé Blavet, Tabbé Leblanc, Tabbé Grillon, 
Tabbé de Saint-Noms. Mais ce sont de petites bourses. 
Notons pour mémoire les noms de M. de Sireuil, du 
duc de Caylus, du vicomte de Choiseul, du chevalier 
Beaudouin, de M. de Jumilhac, du chevalier de 
Wailly, du chevalier de Luxembourg, du comte 
d'Ossun, du comte de Neuville, des statuaires Pajou 
et Moilte, de l'acteur Âudinot, de M. de Villetaneuse, 
de M. Gobotde Bruen, de M. Boulogne de Premain- 
ville, du chevalier Lambert, banquier. Mais ce sont 
des passants qui ne font qu'entrer dans la salle, sans 
s'asseoir. 

En revanche, les marchands, qui ont tant clabaudé 
pour avilir les prix, n'ont garde de manquer à 
la curée. Il en est venu des quatre coins de Paris. Lan- 
glier et ses voisins du quai de la Mégisserie, savoir : 
Boilleau, qui s'intitule fièrement « peintre de TAca- 
demie de Saint-Luc », et les deux brocanteurs Joul- 
lain, le père et le fils ; Le Brun, le marchand de 
tableaux et dessins de la rue de l'Arbre-Sec ; Paillet et 
Mercier, les deux compères de l'hôtel d'Aligre, rue 
Saint-Honoré ; Dulac, qui loge aussi rue Saint- 
Honoré, mais près de l'Oratoire ; Basan, ancien gra- 
veur, le plus gros vendeur d'estampes de Paris, dont 
la boutique de l'hôtel Serpente est fréquentée par tous 
les collectionneurs de l'Europe, celui que M. de 
Choiseul surnommait : le maréchal de Saxe de la 
Curiosité; Desmarais, son émule de la place Cambrai ; 
Beauvarlet, le a graveur d'histoire » de la rue du 
Petit-Bourbon, près Saint-Sulpice ; ToUiers, qui a 
quitté son échope de la rue de la Monnaie; Ménageot, 
qui a délaissé ses clients de la rue Sainl-Thomas-du- 
Louvre ; Donjeux, accouru des Fossés-Montmartre ; 
jusqu'à Brisson, le sculpteur ornemaniste de la rue 
de Bourgogne... tous sont là, fidèles au poste, prêts à 
profiter de la baisse par eux-mêmes provoquée. 
Pierre Rémy qui n'a, pour tenir tète à cette coalition 



LB PRINCE DB GONTY 



343 



des appétits, qu'une demi-douzaine de méchantes 
commissions données par le Roi et une vingtaine de 
M. Beaujon, financier, sera mis dans l'impossibilité 
de a soutenir » les enchères et il se résignera à faire, 
lui aussi, quelques bonnes opérations personnelles. 

Les totaux des adjudications dans chacune des sec* 
tions sus-indiquées, furent : 



Tableaux 

Gouaches et miniatures sous 
verre 

Peintures chinoises 

Dessins sous verre 

Dessins en feuilles 

Miniatures en feuilles .... 

Terres cuites du Quesnoy . . . 

Terres cuites et bas-reliefs de di- 
vers maîtres 

Bas-reliefs de cire 

Bas-reliefs de marbre blanc . . 

Vases de marbre^ bronze, amé- 
thyste 

Mosaïques 

Bronzes égyptiens et antiques . 

Bronzes modernes 

Bagues pierres fines et pierres 
gravées 

Médailles 

Bijoux et objets divers . . . 

Pendules et montres .... 

Clavecins 

Total général .... 



933.076 liv. 8 80 


ia.927 ] 


► 19 > 


1.079 ' 
35.491 1 
9.639 1 
3.689 ' 
5.65i 1 


► 9 » 

► i4 > 
» 5 > 
» 16 > 
» 3 > 


5.154 1 

978 1 

3.146 1 


► 17 » 
» 1 > 
» > > 


9.835 1 
1.960 1 
3 . 6o5 ] 


► 19 » 
» » » 
» 3 > 


3.696 1 


» i5 > 


38.630 1 


» i5 > 


6.683 ] 


» 10 » 


i4.o54 1 


» II > 


15.719 1 
1.354 1 


» 13 > 
> 3 > 



.091.340 



Les prix les plus élevés furent obtenus par les qua- 
torze morceaux ou lots suivants, les seuls qui dépassè- 
rent 7.000 livres. Nous copions textellement les des- 
criptions données par Rémy en ajoutant le prix de 
vente, le nom de Tacquéreur et, lorsque nous le 
savons, le prix d^achat. 



344 LE PRINCE DE CONTT 



Pietro Berettini^ dit Pierre de Cortone 

N^ ai. La rencontre de Laban et de Jacob : composition de 
cinq figpures d'environ 4 pieds 3 pouces de proportion, et de 
trois enfants, sar toile, qui porte 6 pieds de haut sur 5 pieds 
5 pouces de large. 

Ce tableau jouit d'une réputation que personne ne peut 
détruire : les connoisseurs conyiendront de son originalité. 
Nous le garantissons être celui qui était à Rome, dans le 
Palais Barberin, à la place duquel on a substitué une copie, 
et nous savons comment ce morceau précieux, dont on ne 
peut assez faire l'éloge, est passé en France. 

(Acheté So.ooo livres par le prince de Gonty). Adjugé 
à Le Brun, marchand : 36.ooi livres. 

Gérard Dow 

N<> 3a2. Une vieille femme qui tient de la main gauche un 
lièvre, qu'une fille d'une jolie figure paroît marchander ; 
celle-ci a la main droite appuyée sur un seau de fer-blanc : 
derrière elle sont un homme et une femme qui entrent dans 
la chambre : Tappui de la fenêtre au travers de laquelle on 
voit ces personnages, est chargé d'un paon, de plusieurs 
canards, d'un morceau d'éto£Fe de laine, d'un travail admira- 
ble ; au-dessous un bas-relief taillé dans la pierre, sur lequel 
se détache une cage à poulets, d'où sort la tète d'un coq qui 
mange dans une terrine. 

Ce tableau est de la touche la plus précieuse et d'un excel- 
lent coloris ; il est un chef-d'œuvre et du premier ordre de 
ceMattre : hauteur, aa pouces, largeur, 17 pouces 6 lignes ; 
il vient de la collection de M. le Duc de Choiseul, n* i4 du 
catalogue. 

(Acheté 17.300 livres). Adjugé à Langlier, marchand : 
ao. 000 livres. 

Paul Potier 

N*) 370. Le bois de La Haye. Cet endroit parott être un 
rendez-vous de chasse ; on y voit une meute de chiens, plu- 
sieurs chevaux qu'amènent des palfreniers ; et, dans le fond, 
sous les arbres, un carrosse attelé de six chevaux qui parott 
être celui du prince d'Orange. 



LB PRINCE DB CONTY 345 

La répatation de ce tableau est si bien établie qu'il n'est 
pas besoin d'en faire l'éloge ; il est peint sur bois : hauteur, 
a3 pouces 6 lignes, largeur, 28 pouces ; il vient du cabinet de 
M. le Duc de Ghoiseul. n<> 71 . 

(Acheté 27.400 livres). Adjugé à Langlier : ig.ooo 
livres. 

Gaido Reni, dit le Guide et Simon Cantarini 

No 64. Une Sainte Famille, peinte par Guido Béni. On 7 
voit la Sainte Vierge assise^ vêtue d'une robe de couleur 
pourpre et d'un manteau bleu : elle tient sur ses mains l'en- 
fant Jésus qui lui tend les bras en la regardant ; S. Joseph 
s'appuie sur un arbre et est à leur droite ; au côté opposé un 
paquet et une gourde. 

Une autre Sainte Famille, par Simon Cantarini ; la Sainte 
Vierge est assise au pied d'un arbre à droite dans le coin du 
tableau, elle est vue plus que de profil et sa tête de trois 
quarts; l'enfant Jésus dort entre ses bras; S. Joseph dort 
aussi, sa tête appuyée sur sa main gauche ; ses jambes sont 
nues et il est sur une élévation qui est à gauche un peu dans 
l'éloignement. 

Ces deux tableaux sont connus et estimés du plus précieux 
coloris, et du meilleur /aire des deux grands maîtres que 
nous annonçons ; ils ont le suffrage unanime de tous les con- 
noisseurs. Le premier est peint sur bois, le second sur toile ; 
chacun porte i5 pouces de haut sur 21 de large. Le Pezares 
les a gravés à l'eau -forte : ils viennent du cabinet de M . La- 
live de Jully, introducteur des ambassadeurs; c'est le n® 1 et 2 
du catalogue . 

(Achetés 5.83o livres). Adjugés à Le Brun : 16.000 
livres i sou. 

Paal Potier 

N« 372. Une prairie d'Hollande bordée par un canal. On 
voit sur une espèce d'tle, deux vaches debout et une troisième 
couchée ; une femme qui écure son seau, un homme appuyé 
contre un arbre et un chien près de lui ; plus loin dans la 
prairie, sur des plans différents, des vaches ; dans Téloi- 
gnement à perte de vue, à gauche, des arbres et des maisons. 



346 LB PBINCE DE CONTT 

Ce tableau est d'un bon e£Fet et d'une couleur qui plaît. Il 
est peint sur bois; hauteur, i5 pouces 6 lig^nes, largeur, 
i3 pouces 6 ligpnes. 

Adjugé au duc de Caylus : lo.goo livres. 

David Téniers 

N^ 298. Les Œuvres de miséricorde. 

Ce tableau connu pour être du plus grand mérite, est peint 
sur cuivre : hauteur, a5 pouces, largeur, 82 ponces. Il a 
appartenu à M. Gaignat et vient en dernier lieu du cabinet de 
M. le Duc de Ghoiseul, no 3i du catalogue. 

(Acheté 9.530 livres ; il avait été payé y.aBo livres à 
la vente Gaignat). Adjugé à Langlier : io.5io livres. 

Paal Potier 

No 371. Une belle prairie dans laquelle sont trois bœufs 
dont un parott se frotter contre un tronc d'arbre ; sur le 
deuxième plan, plusieurs moutons; et dans le fond, un 
hameau. 

Le beau faire et le beau coloris de ce tableau, ce qui n'est 
pas ordinaire à ce Maître, le rendent très recommandable : 
hauteur, 2 pieds 7 pouces, largeur, 3 pieds 9 pouces, sur 
toile. Nous Pavons vu, avec cette satisfaction que les choses 
rares inspirent, dans le cabinet de M. le Duc du Ghoiseul, n«>72 
du catalogue. 

(Acheté 8.001 livres ; il avait été payé par Boilleau 
4.91 1 livres à la vente Jullienne). Adjugé à Langlier : 
9.530 livres. 

Barthelemi'Etienne Murillo 

N* 164. Les Noces de Gana, peintes sur une toile de 5 pieds 
4 pouces de haut sur 7 pieds 2 pouces de large. 

La finesse de la touche, le ton de couleur clair et agréable, 
la noblesse des figures donnent à ce tableau un mérite peu 
ordinaire : il vient du cabinet de M. de Jullienne, n^ 83 du 
catalogue. 

(Acheté 6.000 livres). Adjugé à Le Brun : 9.060 
livres. 



LB PRINCE J)B CONTY 347 



Adrien Van der Weerf 

N® 4^8. Deux jeunes filles jouant aux osselets sur Tappui 
d'une croisée ; la principale g-alamment vêtue, tient la boule 
et paroît disputer à Tautre qui a le coude appuyé sur un tapis 
de Turquie qui pend au dehors de la fenêtre, et cache la 
moitié d'un bas-relief ; entre elles on aperçoit dans la demi- 
teinte un petit gfarçon qui les regarde . 

Ce précieux tableau peint sur bois, hauteur, 1 1 pouces, lar^ 
geur, 9 pouces, vient du cabinet de M. le Duc de Ghoiseul, 
n^ 8i dii catalogue. 

(Acheté 12. i5o livres; il avait été payé 6.000 livres 
à la vente Gaignat). Adjugé à Rémy : 8.oo5 livres. 

Claude Gelée^ dit le Lorrain 

N^ 544- Deux paysages ; Tun représente un matin frais et 
agréable : on y voit Junon qui confie à Argus la garde d'Io, 
métamorphosée en vache. L'autre un soleil couchant ; sur le 
côté, à gauche, on observe des ruines d'un ancien temple, 
entouré d'arbres près desquels est Mercure qui endort 
Argus au son de la flûte ; plusieurs animaux paissent aux 
environs. 

Ces tableaux sont précieux par la juste dégradation des 
sites, qui est d'une vérité sensible et pour le bon feuille des 
arbres : hauteur chacun de 18 pouces, largeur de 27 pouces. 
Ils viennent de la collection de M. le Duc de Ghoiseul, n<» 124 
et 125. 

(Achetés : le n^ 124, 1 2,585 livres; le n^ i25, 6.750 
livres). Adjugés à Langlier : 7.900 livres. 

Gérard Dow 

N* 828. Une jeune fille plus qu'à mi-corps vue de trois 
quarts, hachant de l'oignon dans un baquet placé sur une 
table. Un jeune garçon lui en montre un qu'il tient dans la 
main : sur la même table il y a un tapis, un pot d'étain ren- 
versé, des oignons et un couteau. Le fond est une chambre à 
cheminée, éclairée par une croisée qu'un rideau couvre en 
partie ; on y remarque une cage attachée au plancher, une 
poule attachée à la muraille, une lampe de terre, un chande- 
lier, un mortier de cuivre. 



348 LB PRINCE DB CONTT 

Ce tableau est encore d'an mérite sublime par la finesse de 
son pinceau et Tintellig'ence de la lumière : il porte la date de 
1660 ; hauteur, 7 pouces 3 lignes, largeur, 5 pouces 9 lignes : 
il vient du cabinet de M. Gaignat, no 29 du catalogue de sa 
vente. M. le Duc de Ghoiseul se l'étoit réservé avec plusieurs 
autres morceaux d'un grand mérite qui sont dans cette collec- 
tion ; mais malgré son attachement pour ce tableau, il n'a pu 
se refuser aux sollicitations de feu Son Altesse qui désiroit 
l'avoir. On le trouve gravé dans la suite qui se vend chez le 
sieur Basan, graveur, rue et Hôtel Serpente. 

(Acheté 5.145 livres à la vente Gaignat). Adjugé à 
Mercier, marchand : 7 .Soc livres. 

Adrien Van Ostade 

N<> 3i3. Un bon tableau peint sur bois : hauteur, i3 pouces 
6 lignes, largeur, 10 pouces 6 lignes. Il représente une femme 
tenant son enfant, vus à mi-corps ; ils sont dans une boutique 
couverte d'un petit auvent ; et au-dessus, des branches de 
vignes. 

Adjugé à Paillet, marchand : 7.a5i livres. 

David léniers 

N» 299. Deux tableaux peints sur bois de chacun i4 pouces 
de haut sur 23 pouces de large. L*un représente un village 
flamand ; on voit sur le devant un jeu de boules et 9 figures, 
plus loin un grand chemin qui conduit au village, et des pas- 
sants dans la campagne. L'autre a sur le devant un canal au 
bord duquel sont plusieurs figures qui mettent du poisson 
dans un baquet, pendant que d*autres tirent un filet; de 
l'autre côté on remarque une femme et plusieurs bestiaux sur 
une éminence ; la ville d'Anvers est dans le lointain. 

Ces deux morceaux sont clairs, argentins et de la touche la 
plus spirituelle de David Téniers : ils viennent de la collec- 
tion de M. le Duc de Ghoiseul, n<» 37 et 38. 

(Achetés ensemble 5.6oo livres). Adjugés à Lan- 
glier : 7.200 livres. 



LB PRINCE DB CONTT 349 

Adrien Van Ostade 

fi^ 3o8. L'intérieur d'une maison de paysans ; quatre hom- 
mes sont sur le devant dont un tient son chapeau à la main, 
et a le dos tourné à la cheminée ; près de lui un enfant mange 
sa soupe sur une chaise, un chien le regarde ; dans le fond, 
deux autres hommes jouent au trictrac, un troisième regarde. 
Ce tableau, daté de 1668,. est d'un effet de lumière très agréa- 
ble ; son mérite est sublime ; il est peint sur bois : hauteur, 
i3 pouces, largeur, 11 pouces 6 lignes. 

Adjugé à Dubois, marchand : 7.001 livres i sou. 

Nous ne saurions pousser plus loin cette énuméra- 
tion. Les principaux prix de la vente Gonty ont été 
reproduits par M. Charles Blanc dans son Trésor de la 
curiosité., auxquels peuvent se reporter nos lecteurs. 
Bornons-nous à constater que trois autres lots seule- 
ment dépassèrent 6.000 livres ; treize atteignirent de 
5.000 à 6.000 livres ; onze de 4*ooo à 5.ooo livres; 
vingt-quatre de 3. 000 à 4-ooo livres ; trente-huit de 
2.000 à 3.000 livres. Tout le reste se traîna entre 5oo 
et i.5oo livres en moyenne. Les beaux tableaux qui se 
vendirent le plus mal furent les numéros : 

i6a. Le Bon Pasteur et ses brebis, de Jlfu- 

rillo, adjugé à Rémy pour . . . i .4oi livres. 

a4o. Une élévation de croix, de Rubens^ 
qui avait appartenu au peintre 
Rigaud, et que le comte de La Mar- 
che retira de la vente sur l'enchère 
ridicule de 3. 810 > 

a84- Moïse sauvé des eaux, de Rembrandt^ 

adjugé à Langlier i.4oo > 

a85. Le Samaritain, du même, adjugé à 

Langlier i.iSo > 

3oo. Des maisons de paysans, de David 
Téniers^ adjugé à M. Detouche, du 
Trésor royal 901 > 

474. Un marchand d'orviétan, de Paul 
Ferg^ adjugé à Quesnel, mar- 
chand I . aoo > 



350 LB PRINCB DE CONTT 

532 . Deux BacchaDtes assises et trois Saty- 
res, de Nicolas Poussin, &cljug-é à 
M. Feuillet, statuaire i.65o 

552. Un repas de famille, de Le Nain^ 

adjugé à Le BruD i.oio 

6o6. Le mariage de Sainte Catherine, de 
Louis de Boulogne, adjugé à Rémy 
(pour le Roi) 525 

636. Le Sacrifice d'Iphigénie, de Jean 

/oue^^ne^, adjugé à Langlier . . i.35o 

637. L'adoration des Rois, du môme, 

adjugea Basan i.2i3 

Nous n'en finirions pas s'il nous fallait enregistrer 
tous les prix déplorables que l'astuce des marchands, 
aidée par l'apathie des amateurs, parvint à maintenir 
d'un bout à Tautre de la vente. 

On a vu revenir plusieurs fois le nom de Langlier 
parmi les acquéreurs déjà cités. Nous avons eu la 
curiosité d'établir un bordereau total de ce brocan- 
teur. Il acheta à lui seul i63 lots de tableaux, 84 de 
dessins et 35 de statues et bronzes, soit 282 lots, pour 
la somme de 238. 112 livres 19 sous. Le bordereau de 
Le Brun, qui s'était fait adjuger les plus beaux mor- 
ceaux, montait à 121.970 livres iSsous; celui de Rémy 
à5i.54o livres 19 sous. A eux trois, ils avaient raflé 
plus du tiers de la totalité des objets mis en vente. 
Derrière eux, les achats les plus nombreux, sinon les 
plus importants, étaient aux noms, de Boilleau, Pail- 
let, Ménageot, Desmarais, Basan, Donjeux, tous mar- 
chands. 

Si, maintenant, nous voulons tenter d'estimer, par 
approximation, la perte subie à la vente Conty, c'est- 
à-dire Técart moyen entre le prix d'achat et le prix de 
vente, consultons cette note produite par un des four- 
nisseurs du Prince, le maître peintre Boilleau, à l'ap- 
pui de l'opposition formée par lui au lendemain du 
décès de Louis-François (i). Boilleau n'avait pas été 

(i) BiBuoTHÈQUE NATIONALE i Manuscnts frunçais. Noavelles 



LB PRINGB DB CONTT 351 

payé depuis quatre ans et il libellait ainsi son 
mémoire. 



Etat des affaires faites avec Mgr le prince de Conty 
depuis IJJ2 

livres 

Bacchus et Arianne ( P. Véronèze) i . 200 

Sixte-Quint enfant avec un g^os chien (Titien) . . i .200 

Femme endormie avec l'Amour (tableau italien) . 600 

Loth et ses filles (Trevisani) i . 200 

Deux petits tableaux (Carie de Moor) 1.600 

Deux tableaux d'animaux (Rooz) 1.600 

Un petit tableau faisant pendant avec la Sainte 

Cécile de Poussin (par Cig'uani) 600 

Le VŒU de la mère de Louis XIII (par Philippe 

de Champagne) 600 

Le portrait en pied d'Henriette d'Angleterre (par 

Mignard) 600 

Paysans à table (par Le Nain) 2.400 

Un Christ mort (Rolhmeyer) fourny pour les Ora- 

toriens de Montmorency . i . 200 

Tableau d'animaux (Del Campi d'Oglio) fourny 

pour la salle à manger, dessus de porte ... 1 . 000 

Deux coqs en colère (Weninx) 800 

Un grand paysage (Vieux Meer) i . 000 

Les Pellerins d'Ëmmaûs (Jacques Bassan) . . . i .200 

L'annonce aux bergers (J. Bassan) 800 

Deux tableaux, paysages et figures (Théodore). . 800 

Un tableau de fruits (Baptiste) 200 

Les ravages du Tems (Geminiani) 1.200 

Le sacrifice d'Abraham, esquisse (Rombourg) . . i44 

Deux terres cuites (Jean Goujon) 3oo 

Deux paysages, pendants (A. Watteau) .... 1.600 

La charité (Blanchard) 4oo 

L'assomption de la Vierge M. (Corneille) . . . 600 

Paysage (Paul Brill) 1.600 

Petit concert (Le Nain). . 200 

Bataille (Michel-Ange des Batailles) i . 200 

acquisitions (Recueil de documents relatifs à la vente après décès 
du prince de Conty); 5oiîi, ff. i3-i4. 



352 LB PRINCB DB CONTT 

Saint Jean dans le désert (Salvator Rosa) . . . i .5oo 

Lucrèce (Sébastien Ricci) i . ooo 

Sainte Agnès visitée par un ang'e (Lesueur) ... a . ooo 

Huit tableaux français, sujets de la Fable . . . i .000 

Deux batailles (du Bourguignon) a.4oo 

Petite vierge sur cuivre (J. Redon) 36o 

Paysage en long (Asselin) i.ooo 

Tète de Saint Jean (Murillo) a. 000 

Paysage italien (Francis Bolognèze) 3oo 

Petit tiéibleau (par Brebiett) i5o 

Petite Sainte Famille (Loir) 120 

Nous avons reconnu la plupart de ces tableaux au 
catalogue de la vente Conty, certains sous des titres 
différents mais pourtant aisément identifiables. Quel- 
ques-uns manquent à l'appel, soit que le Prince en 
eût fait don, comme du Christ mort qu'il offrit aux 
oratoriens de Montmorency, soit pour toute autre 
raison qui nous échappe. 

Nous allons, en sautant les manquants, reprendre, 
dans le même ordre, la liste de Boiîleau et comparer 
les prix de vente aux prix d'achat en indiquant les 
numéros du catalogue ainsi que les divergences de 
Rémy dans les titres ou les attributions : 

Prix l»rix 

de vente d*achat 

N»« Liyres Livres 

ao8. Bacchus, Ariane et un Amour, de 

Véronèse (Rémy dit : c tableau attribué 

k Alexandre Véronèse *) 101 i.ioo 

98. Sixte-Quint enfant, du 7*iVi>n . . 170 i.aoo 

44^. Deux petits tableaux de Carie de 

Moor 600 1.600 

395. Deux tableaux d'animaux, A' Henri 

Roos aSo 1 . 600 

176. Un petit tableau, de Cignani. Il est 

vendu avec un autre du même maître 

a.ao3 livres, soit moitié de ce prix, ci. i . 100 600 

836. Le vœu de la mère de Louis XIII, 



LB PRINCE DE CONTY 353 

de Philippe de Champagne (Rémy dit : 

a peint fSLT Champagne, le neveu 3. . 240 600 

616. Le portrait en pied d'Henriette 

d'Angleterre, de Mignard (Rémy dit : 

c Un portrait de femme coefFée en che- 
veux et ornée d'une guirlande de fleurs ; 

elle tient un miroir ») 168 600 

554. Paysans à table, de jL^ TVam . . . 1.800 a.4oo 
853 . Les pèlerins d'Emmaûs, de Jacques 

Bassan 270 1.200 

177. L'annonce aux Bergers, de Jacques 

Bassan (Rémy dit : « dans le goût du 

Bassan ») 240 800 

i83. Deux tableaux, paysage et figures, 

de Théodore (Rémy dit : t Deux cara- 
vanes, par Théodore ou par un de ses 

disciples ») 39 800 

634. Un tableau de fruits, de Baptiste 

(sans doute Baptiste Monoyer) vendu 

avec un autre du même maître pour 4i 

livres, soit moitié, ci 20 200 

62. Les ravages du Temps, de Gémi- 

niani 2i4 1.200 

669 . Deux paysages, pendants, de A . Wat- 

teau 5oo i . 600 

562. La charité, de ^/ancAare/. ... 64 4oo 

661 . L'assomption de la Vierge Marie, de 

B, Corneille (Rémy dit : « La Résurec- 

tion de Notre Seigneur; la Vierge et 

des anges sont proche du tombeau >). 182 600 

226 . Paysage, de Paul Bril 600 1 . 600 

2073. Petit concert, de Le Nain (Rémy 

dit : c tableau qui nous paroît être d'un 

des Nain ») 100 200 

186 . Bataille, de Michel-Ange Cerquozzi 

dit : des Batailles (Rémy : « Un com- 
bat de cavalerie ») 601 1.200 

119. hxxcvëce^ Ae Sébastien Ricci ... 120 i.ooo 

618. Sainte Agnès visité par un ange, de 

Lesueur (Rémy dit : c La Vierge à 

genoux regardant un ange qui lui appa- 

roît ») 1 . 000 2 . 000 

56o. Deux batailles, du Aour^tti^/ion. . 800 2.400 

i3 



3M LE PRINCE DE GO^TY 

484- Paysage en long, d'Asjtf/f/i . . . 

i65. Tète de Saint Jean, de Murillo . . 

83. Paysag^e italien, du ^o/o^ne^e . . 



1.410 


I.OOO 


620 


2.000 


160 


3oo 



11.401 a8.3oo 



Au totale vingtH^inq tableaux payés a8.3oo livres 
sont vendus 11.401 ; soit soixante pour cent de perte, 
sans compter les frais de la vente. 

La même moyenne d'écart entre le prix d'achat et le 
prix de vente nous est donnée, en à peu près, par un 
billet deBasan, écrivant au Prince : 

ai féorier 1774* — J'envoie à Monseigneur le prince de 
Conty les deux tableaux en question de Jouvenet et Restout. 
Il a dû recevoir le petit Wynant de la vente du sieur Paillet, 
tout ensemble, y compris les dessins que je lui ai fournis et 
ceux adjugés pour luy à M. Boilleau à la dernière vente, la 

somme de 8.3oo livres 

et le tout suivant le désir du Prince, mais non avec beaucoup 
de bénéfice pour moy. 

J'envoie en même temps un portefeuille de 44 feuilles de 
di£Férens bons dessins. Si dans le nombre il y en a qui plaisent 
au Prince, il les mettra à part et ensuite je lui en enverrai la 
note au plus juste. 

Son très humble et obéissant serviteur, Basan (i) . 

Ici, le marchand ne donne malheureusement pas les 
titres des tableaux dont il parle, ni les prix détaillés. 
Nous apprenons seulement qu'y compris un certain 
nombre de dessins fournis par le signataire et ceux 
adjugés à Boilleau dans une vente récente, la note se 
monte à 8.3oo livres. Estimons largement les deux 
lots de dessins à 3.3oo livres; il reste 5. 000 livres pour 
les tableaux. A la vente Conty, les trois Jouvenet 
portés au catalogue font 3.ii3 livres, soit en moyenne 
1.037 libres chacun ; les trois Restout que possédait 

(i) BuuoTHàQUE Nationale: Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions ; 5oi3, fol. 2. 



LB PRINCB DB CONTY 355 

le Prince n'atteignent que 1.271 livres, soit 4^4 livres 
pièce ; enfin, sur cinq tableaux de Wynant, les quatre 
€ petits » se vendent 2.014 livres, soit environ 5o3 livres 
l'un. Au total 2.000 livres environ. A les supposer 
payés 5.000, on voit que c'est toujours la même diffé- 
rence de soixante pour cent déjà constatée. 

Si nous appliquons ces moyennes partielles à 
l'ensemble de la vente, nous pouvons conclure que les 
collections du prince de Conty, vendues 1.091.345 
livres lui en avaient coûté 2.726.000 approximative- 
ment (i). 

Le recueil manuscrit des documents relatifs à la 
vente après décès du prince de Conty, conservé à 
la Bibliothèque nationale, et auquel nous avons em- 
prunté les mémoires de fioilleau et de Basan, contient 
encore quantité de petites notes ayant leur intérêt. 

Il nous révèle par exemple qu'un certain nombre de 
tableaux figurant au catalogue n'appartenaient pas 
au Prince. Tels les numéros 2064 (un paysage de 
Paul Bril) et 2o65 (un paysage de F. Millet et un autre 
de Fouquière), vendus respectivement 5oo livres i sou 
et 72 livres. Ces trois tableaux appartenaient à 
]^me d'Aligre, la première présidente. Nous en trou- 
vons la décharge, datée du 10 avril 1778, signée Baul- 
dry et d'Aligre (2). 

II nous apprend que Beaumarchais confiait au 
Prince, pour les estimer, des tableaux et des minia- 
tures. A la mort de Conty, il y en avait onze dans son 
cabinet et quatre dans sa chambre à coucher, que 



(i) Divers paiements effectués et les frais de vente soldés, les 
sieurs Dufraocastel et Grossy, huissiers -primeurs chargés de la 
vente Conty, versaient en 1779 à la succession du Prince i54*75a 
livres 17 sous à valoir. Le trésorier Manscourt, en inscrivant 
cette rentrée au chapitre 16 de la Recette, note naïvement : « On 
ignore ce qui reste à recouvrer sur le produit de la vente du 
mobilier de la succession » . 

(2) BiBLioTHÀQUB NATIONALE: Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions ; 5oi3, fol. 190. 



356 LE PRINCE DE CONTY 

Tauteurda Barbier de Séville réclama et qui lui furent 
rendus. Le manuscrit porte le récépissé autographe de 
Beaumarchais (i). 

Il nous renseigne sur la manière d'acheter du Prince 
qui, de même que pour les terres, aimait à payer les 
tableaux à tempérament, en rentes. Un certain Car- 
bon écrit ce billet le i3 mai 1776 : « M. Dutens m'a 
offert de la part de Votre Altesse Sérénissime, 1.600 
livres de rente viagère pour un tableau italien qu'Elle 
a choisi dans mon recueil... » Carbon voudrait que le 
prince de Conty prît aussi tous les autres, parce que 
le choix fait « enlève la meilleure toile du lot » (a). 

Il nous fait connaître que les réparateurs et restau- 
rateurs ordinaires des tableaux du Prince étaient les 
sieurs Levieux et Picault (3). 

Mais la révélation la plus importante du manuscrit 
est celle d'une seconde vente Conty, dont ne parlent 
ni les Mémoires secrets ni la Correspondance de Grimm. 
Cette vente eut lieu le i5 mars 1779, à THôtel d'Aligre, 
et fut dirigée par l'expert Boilleau, qui en rédigea le 
catalogue, dont voici le titre : 

Catalogae d'une collection précieuse de tableaux et de des- 
sins des meilleurs maîtres des trois Ecoles. . . dont la vente se 
fera dans la grande salle de THdtel d'Aligre, rue Saint- 
Honoré, le lundi i5 mars et jours suivants . Par M. F.-J. Boil- 
leau, peintre de LL. AA. SS. Nosseigneurs les duc d'Orléans 
et prince de Conty. Se distribue à Paris, chez M* du Fran- 
castel^ rue du Battoir, et M, Boilleau, quai de la Mégisse- 
rie, 1779. 

Sur l'exemplaire de la Bibliothèque nationale (8<> 
V, 35395), on lit cette annotation manuscrite : c Cette 
vente provient d'un engorgement de marchands qui 
s'étoient trop chargés à la première du Prince et qui 
ont rendu les objets annoncés dans celle-ci ». Au bas 

(i) BuiuoTHÈQUE Nationalk : Manuscrits français, Nouvelles 
acquisitions ; 5oi3, fol. 18. 
{2) Ibidem, fol. 16. 
{d^) Ibidem, fol. 4i et 53. 



LE PRINCE DE GONTT 357 

de la page» un renvoi donne les noms de ces mar- 
chands « engorgés » ; ce sont Langlier et Le Brun. Les 
prix et les acquéreurs sont inscrits en marge ; le total 
des adjudications s'élève à 127.133 livres 16 sous. Du 
moins le total brut, résultat de l'addition, car ce der- 
nier chiffre ne concorde pas avec « l'état » manuscrit 
fourni par Boilleau à la succession du Prince, et que 
voici : 

Bre^ état de la vente 

La vente se monte à 107.580 1. 18 s. 

Adjudications à déduire dont 
S. A. S. se charge: 

Boilleau . . . 2.495 1.5 s.) s 6a5 1 ^r 

Paillet . . . 1.200 1. ] ^'^^^' ^s- 

A déduire les objets n'apparte- 
nant pas au Prince : 
A M™^ la vicomtesse de '\ 

Castellane .... 386 r ^. . 

A. M. Achet .... 206 ( 
AM°>o Delussault. • . 60 ) 

Reste. • . . io3.233 1. i3 s. 
En déduisant les paiements et 

frais de vente qui se montent à. 100 . 726 1. 4 s. 3 d. 



Le recette excède la dépense de . 2.507 1. 8 s. g d. (i) 

(i) Bibliothèque Nationale : Manuscrits français. Nouvelles 
acquisitions, 5oi3^ f. 2o3. 

Cet état ne fut approuvé et paraphé par le nouveau prince de 
Conty que le 18 décembre 1787. 

Dans l'intervalle, pour payer les dettes de son père, il avait 
dû se défaire de la presque totalité de son héritage. 

En 1777, il vendit au Roi Thôtel de Conty, situé place d*Annes, 
à Versailles, moyennant 166.000 livres ; le château de Madrid, à 
M. de Maurepas et le château dlssy, au président de Bresigny. 

En 1778, il vendit sa propre terre du Plessis-Belleville, près de 
Dammartin pour i .400.000 livres. 

En 1779, il vendit le château du Leyris, à Anvers, à M. Denin 
de Belhouzie, pour 27.000 livres. 

Enfin en 1783, le 7 octobre, il vendit à Monsieur, frère du Roi, 
qui les revendit le même jour à Louis XVI, et moyennant la 
somme de 1 1 .000.000 livres, tous les domaines ci-après : 

La baronie et châtellenie de l'Isle-Adam : la terre et châtellenie 



358 LE PKINGB OB CONTY 

Tandis que se dispersaient aux enchères les belles 
collections que le feu Prince avait recueillies avec tant 
de ferveur, on préparait à L'Isle-Âdam la chapelle 
funéraire, sa dernière demeure. L'architecte Morel et 
le maître maçon Talbot activaient leurs ouvriers et le 
nouveau prince de Gonty commandait aux statuaires 
Mérard et Moitte le tombeau qui devait perpétuer la 
mémoire de son père (i). Les travaux exigeant plu- 



de Méru ; le marquisat de Mouy; la terre et chfttelleoie de Trie; 
les terres de Nog^ent, Valmoodois, Valangoujard, Pannain, 
Jouy-le-Gomte, Fonteoelle, Boulonville, Stors, Vîlliers-Adam, 
Champagne, Nointelle, Presie, Courcelle, Nerville, Baillet, 
Moure, Auvers, Bury, Vaux, Montoglan, Ansac, les Bonshom- 
mes ; le comté de Beaumont-sur-Oise ; le comté de Glermont-en- 
Vexin ; les terres du Chambly, du Mesnil-Sainie-Honorine, 
d'Augy; les seigneuries de Pontoise, Mantes et Meulan ; le comté 
de Pézénas, en Languedoc, de Bagnols, de Ports, de Coursan, de 
Cuaac, Ouveilhan ; la terre de Pierre-Latte, en Dauphiné ; la 
terre d'Argilly ; la prévôté de Nuits, en Bourgogne ; la terre et 
seigneurie de Gonneville, en Normandie. 

Par cette vente, le prince se réservait pourtant, sa vie durant, 
l'usufruit et jouissance de la seigneurie de Llsle-Adam, du chft- 
teau, de ses dépendances, et de toutes les chasses (André : Chro- 
nologie historique des différents propriétaires de VIsle-Adam et 
Registre des comptes de Manscourt, passim). 

(i) Les historiens de L'Isle-Ada m disent Mérard seul. Mais nous 
croyons bien que le sujet allégorique seulement fut de Mérard et 
que le médaillon de marbre, portrait de Gonty, fut exécuté par 
Moitte. Nous lisons en e£Pet dans le compte des sommes payées 
par André, architecte en chef des princes de Gonty, ce détail 
pour les années 1777- 1779 : 

« M. Moitte, sculpteur-figuriste 
célèbre 1.200 livres 

« M. Mérard, sculpteur-figuriste. /4.343 — 

a MM. Lemaire et Bastier, sculp- 
teurs en ornements. . . . 21.344 *^ > 

D'autre part, on peut vérifier que le buste de Gonty, par 
Mérard, qui figure au Musée de Versailles est beaucoup moins 
ressemblant que le médaillon conservé dans l'église de L'isle- 
Adam. Il est possible que, pour cette raison, le portrait primi- 
tivement confié à Mérard et qui devait être un buste, ait été 
refusé et remplacé par un médaillon de Moitte. 

Enfin le Registre des comptes de Manscourt (chapitre ig de la 



LE PRINCE DE CONTY 359 

sieurs mois, il fut décidé qu'on remettrait au jour 
anniversaire de la mort du Prince la cérémonie de 
l'inauguration et la translation de ses cendres dans le 
caveau définitif. 

La chapelle était à la hauteur du transept nord de 
l'église. On y montait par trois marches. L'autel, à 
droite, en marbre Sainle-Anne de Belgique, fut sur* 
monté d'un tableau attribué à Alonzo Cano et repré- 
sentant la descente du Christ au tombeau. 

En contrebas de la croisée perpendiculaire à l'autel, 
on posa une tablette de marbre noir sur laquelle on 
grava en lettres d'or trois distiques latins : 

Hoc ducefalmineis Gallorum assaltibus Alpes 
Subsedere ; manus Flandria vicia dédit. 

Pacijicâ nec laude minor se ostendit in umbrâ 
Dampatriam ardenti semper amore fouet. 

Affusœ tumuloy lacrymis manantibuSy Artes 
Prœreptum columen prœsidiumque gemunt{i). 

Face à l'autel, à gauche, se dressait le monument 
funèbre. Une pyramide de marbre bleu turquoise 
adossée au mur revêtu de marbre blanc, et vue de pro- 
fil pour éviter trop de saillie, dominait un haut socle 

Dépense), en énumérant les di£Férenfes sommes versées pour 
la chapelle — sommes dont le total se monte à 6i .56 1 livres 8 sou 
— désigne ainsi Mérard : « Mérard, sculpteur et décorateur de 
l'autel ». 

(i) Voici la traduction librement rimée que donne de ces dis- 
tiques Tabbé Grimot dans son Histoire de Vlale-Adam : 

Quand, pareil à Téclair, ce prince magnanime 
Franchit les monts Alpins, il en courba la ctme 
Sous ses pas triomphants; après mille revers 
La Flandre aussi gémit sous le poids de ses fers. 
Mais si, dans les combats, sans cesse, la Victoire 
Lui sourit, le repos ne l'endort pas sans gloire : 
L'amour de la Patrie et le culte des Arts, 
Sous son nom protecteur régnent de toutes parts : 
Aussi les Arts, avec la France désolée, 
Arrosent de leurs pleurs, hélas 1 son mausolée. 



360 LB PaiNCB DE C05TT 

de forme ovale, en marbre SaiQte-Anne de Bel^qae. 
Sur ce socle, oq génie en bronze éteignait de sa main 
droite la torche de la vie ; sa gauche s'appnjait sur un 
médaillon de marbre de Carrare, portrait da prince 
défunt. Le tout garni d'ornements en bronze ciselé. 
Sur la pyramide on inscrivit : 

Hominenij Ciuem, Principem logent omnes : 
Patrem luget Fîlius addictissimus. 

Sur le socle, dans un cartouche de marbre blanc : 

Hoc pietatîs monumentum Patri Filius 
ponendum curavit. Anno MDCCLXXVIL 

Enfin, sur la plaque de marbre qui, au milieu de 
la chapelle, recouvrait le caveau destiné à recevoir les 
restes du Prince : 

Hic j'acet 

LudovicuS'Franciscus de Bourbon princepx de Conty 

magnus Franciœ prior ; 

natus Parisiis XHI augmti MDCCXVH 

obiit Haugusti MDCCLXXVI. 

Le vendredi i^*" août 1777, le curé de L'Isle-Adam, 
entouré de tout son clergé et de plusieurs prêtres des 
environs, procéda à la bénédiction de la nouvelle cha- 
pelle. Le fait fut ainsi consigné sur les registres de la 
paroisse : 

L'an mil sept cent soixante et dix-sept et le vendredi pre- 
mier jour du mois d*août, en conséquence de la permission à 
nous accordée par Monseigneur Tévéque comte de Beauvais, en 
datte du vingt-six juillet de la présente année, signé François- 
Joseph comte (le Beauvais, contresigné Jullyprov., a été faite 
par nous, curé, soussigné, la bénédiction de la chapelle nou- 
vellement construite pour servir de sépulture à Son Altesse 



LE PRINCB DE CONTY 361 

Sérénissîme Louis-François de Bourbon, prince de Conty, et 
ce sous le vocable de Saint François d'Assise, d'après toutes 
les prières et cérémonies portées au rituel du diocèse. En foi 
de quoi a été dressé le présent procès-verbal, dont copie doit 
être déposée au secrétariat de révéché de Bea avais. La dite 
bénédiction a été faite en présence de tous les prêtres et ecclé- 
siastiques de la communauté de TIsle-Adam et d'un grand 
nombre de paroissiens, dont quelques-uns ont signé avec nous 
et surtout les marguilliers. 

Signé : Hermand, curé; Guillet, vicaire; Chevron^ prêtre; 
Bonnard, prêtre ; Lécujer, margaillier ; Jonquet^ Godde, 
Louis Le Brun, Cœuret, Brissat (i). 

Le lendemain, 2 août, en présence du nouveau 
prince de Conty, de son capitaine général des chasses^ 
M. de Mandreville, et de toute la maison du Prince, 
la translation des cendres eut lieu et le caveau scellé 
à jamais sur ce qui avait été Louis- François de Bour- 
bon : 

L'an mil sept cent soixante et dix-sept et le samedi 
deuxième jour du mois d'août, le corps du Très haut, Très 
puissant et excellent prince Louis-François de Bourbon, 
prince de Conty, grand prieur de France et gouverneur du 
Haut et Bas Poitou, généralissime des troupes du Roi, déposé 
dans le chœur de cette église le mercredi septiesme jour du 
mois d'août de la dernière année mil sept cent soixante et 
seize comme il est porté à l'acte des registre desdits jour et 
an, a été transporté dans le caveau de la chapelle nouvelle- 
ment construite et bénie par permission de Monseigneur l'Ëvê- 
que comte de Beauvais, sous le vocable de Saint François 

(i et 2) Mairie de l'Islb-Adah: Registre de l'état civil, aux 
dates. — Il est probable que la maquette seale du monument de 
Mérard figura à la cérémonie d'inauguration et qu'elle revint 
ensuite à Paris dans Tatelier du statuaire. On lit, en effet, dans 
les Mémoires secrets, à la date du 22 décembre 1777, c'est-à-dire 
près de cinq mois plus tard : « C'est le sieur Mérard, sculpteur, 
qui est chargé d'un mausolée en marbre, pour être placé dans la 
chapelle de la paroisse de L*Isle-Adam, où est enterré le prince 
de Conty. On va voir chez lui le modèle » {Mémoires secrets, 
tome X, p. 344)- 



362 LE PHINCB DE CONTY 

d'Assise, pour servir de sépulture à feu Son Altesse Sérénis- 
sime. Présent, Très haut. Très puissant et excellent prince 
Louis-François-Joseph de Bourbon, prince de Conty, fils du 
feu prince, présens toute la maison de mes dits seigneurs père 
et fils, et encore un grand nombre de Messieurs les curés et 
ecclésiastiques du voisinage, les prêtres et ecclésiastiques de 
la communauté deL'Isle-Adam, dont plusieurs ont signé avec 
nous. 

Signé : L.-F.-J. de Bourbon ; de Mandreville ; Bonnard, 
prêtre; Fr. Antonin, capucin, prêtre desseroiuit de Jouy-le- 
Co/n/^; Chevron, prêtre ; Théodore, curé de Villiers^Adam ; 
Jonquet, Godde, Brissat ; Guillet, vicaire ; Hermand, curé (i). 

Une messe annuelle de 3oo livres fut instituée en 
mémoire du défunt (a). 

Nous avons voulu vérifier ce qui restait de la cha- 
pelle funéraire où repose toujours le prince de Contj. 
L'aspect du monument primitif est considérablement 
modifié. Les marbres sont toujours là. Mais, sous la 
Révolution, alors qu'on cherchait partout du bronze 
pour foudroyer l'ennemi, les iconoclastes n'hésitèrent 
pas à arracher de son socle le génie de Mérard, ainsi 
que tous les ornements ciselés. Le médaillon du Prince 
disparut également et les inscriptions furent grattées 
par des citoyens zélés qui n*entendaient rien à ce latin 
et se figuraient y voir un outrage aux Droits de 
l'Homme. 

Sous le premier Empire, en 1811, on a garni le 
socle vide d*une statue en plâtre de Moitte, représen- 
tant une femme dans l'attitude de la douleur. Ce plâ- 
tre, patiné par la poussière et qui, dans la pénombre 
de la chapelle, joue assez bien le marbre, est la 
maquette même de la statue agenouillée, en la basi- 
lique de Saint-Denis, au pied du mausolée de 
Louis XVL 

(i) Mâirib db L'Islb-Adam : Registre de r Etat-civil, à la date. 
(2) Registre des comptes de Manscourt, chapitre 16 de la 
Dépense. 



LK PRINCE DE GONTT 363 

Sous le second Empire, le très beau médaillon 
à Teffigie du prince de Conty fut retrouvé par le 
maire de Llsle-Adam, M. Dambry, et rendu par lui. 
Mais il ne s'accordait plus avec l'ensemble du monu- 
ment dont il avait fait partie ; le magistrat municipal 
le fit sceller dans la plaque de marbre noir placée en 
contrebas de la croisée et flanquer de deux longues 
urnes funéraires en marbre blanc. 

L'inscription de la pyramide et celle du socle ont 
été burinées à nouveau et dorées lors de la restaura- 
tion de Téglise, il y a une cinquantaine d'années. 
Mais la dalle du caveau, que cache à moitié un 
méchant tapis, n'a pas été reprise. En sorte que 
Tétranger qui, sans guide, visite aujourd'hui l'église 
de L'Isle-Adam, peut se demander quel est ce père à qui 
« le plus dévoué des fils » a érigé un monument. La 
grille en fer forgé qui ferme la chapelle, grille de style 
moderne avec des bordures à la grecque, ne suffira 
pas à le renseigner, malgré les deux G entrelacés qui 
en décorent les panneaux... 



FIN 



Iconographie 
de Louis- François de Bourbon-Conty 



On lit dans les Mémoires secrets jk la date du 27 juil- 
let 1777 : 

Feu M. le Prince de Conty, quoique bel homme et dig'ne à 
tous égards que sa ressemblance fût conservée, n'a voit jamais 
voulu être tiré de son vivant. On le voit cependant à L'Isle- 
Adam, dans un déjeuné historié, figurant entre les princes, 
princesses et illustres convives, mais représenté par le dos 
seulement. 

Un chevalier de Lorge, déjà connu par un portrait de la 
Reine, a entrepris dépeindre ce Prince dans son lit de parade, 
le dernier instant où il ait été possible de saisir sa figure. En 
ayant eu l'agrément du comte de La Marche, il l'a esquissé 
dans le tems. Il est occupé actuellement à terminer ce tableau 
historique. Quelques connoisseurs qui l'ont vu en disent 
déjà beaucoup de bien. 

On verra plus loin la description du portrait in 
extremis ou plutôt de Tallégorie funèbre composée 
par le chevalier de Lorge. Constatons pour le moment 
que les rédacteurs des Mémoires secrets sont mal ren- 
seignés quand ils affirment que le prince de Gonty ne 
se fit jamais peindre. Il existe au Musée de Versailles 



366 LE PHINGE DB CONTY 

une petite collection de peintures, exécutées du vivant 
du Prince et « conservant sa ressemblance »• D'autres 
ne furent terminées qu'après sa mort, mais elles avaient 
été commandées par lui ; tels les tableaux de genre 
de Michel-Barthélémy Ollivier. Un statuaire au moins 
et non des moindres, Houdon, avait aussi «c tiré » 
Conty d'après nature. Enfin plusieurs estampes attes> 
tent que, dès la jeunesse du Prince, les graveurs 
avaient songé à transmettre son effigie à la postérité. 
Nous devons reconnaître que les portraits />o«^ mortem 
sont aussi nombreux que les autres. 

En voici la liste générale, aussi complète qu'il nous 
a été possible de la dresser : 

Pbinturb 

Conty (Louis-François de Bourbon y prince de). Ecole de 
Hyacinthe Rigaud. Hauteur i m. 89, largeur 1 m. 53. 

Le Prince est représenté dans sa jeunesse, en pied, portant 
une armure, le cordon de l'ordre du Saint-Esprit et une 
écharpe blanche. Il appuie sa main droite sur un bâton de 
commandement posé sur un tertre où se trouve son casque. 
Au fond, un combat de cavalerie {Musée de Versailles^ 
2« étage, salle 166, no 4937). 

Le Même. Ecole française. Tableau de forme ovale: H. 
o m. 53. L. o m. 53 {Musée de Versailles^ a* étage, galerie 
162, no 3961). 

Le Mêmey par P. Franque. H. o m. 71. L. o m. 53 {Musée 
de Versailles, rez-de-chaussée, salles des guerriers célèbres, 
no 1200). 

Le Mémey par W^ Glotilde Gérard. H. o m. 71. L. o m. 56 
Musée de Versailles, a« étage, galerie 161, no 382o). 

Féie donnée par le prince de Conty au prince hérédi" 
taire de Brunswick-Lunebourg, à L'Isle-Adam ; 1766. Par 
Michel-Barthélémy Ollivier. H. o m. 96. L. i m. a8. 

Une longue table est dressée sous une grande tente dans 
une clairière. Le prince de Conty, en habit jaune et portant 
la plaque de l'ordre du Saint-Esprit, offre un plat à une 
dame, à la droite de laquelle est le prince de Brunswick, en 
habit noir. A droite, des dames debout et assises à terre; un 



LE PRINGB DE GONTY 367 

personnage portant la livrée da prince aide deux d'entre elles 
à se relever. A gauche, des chasseurs et des valets. Dans le 
fond, le bois de Gassan (i). 

Ce tableau fut exposé au salon de 1777 sous ce titre : Fête 
donnée par /eu Ai. le Prince de Conty au prince hérédi- 
taire de Brunswick'Lunebourgy sous la tente^ dans le bois 
de Cassan, à Vlsle-Adam. — 11 était destiné à décorer le 
salon de L'Isle-Adam . Il est présentement au Musée de 
Versailles, 2^ étage, galerie 161, no 3822. 

Le cerf pris dans teau devant le château deVIsle-Adam ; 
ij66. Par B.-M. Ollivier. H. o m. 96. L. 1 m. 29. 

Au fond, le château, dont le balcon est couvert de specta- 
teurs, au nombre desquels on reconnaît le prince de Gontj 
portant un habit jaune et le cordon de l'ordre du Saint-Esprit. 
A gauche, le cerf poursuivi dans Teau par les chiens et se 
dirigeant vers un petit pont. A droite, des chasseurs à che- 
val et à pied, des valets et des spectateurs ; dans le fond, la 
terrasse et le parc du château. 

Ce tableau, également exposé au salon de 1777, était des- 
tiné à décorer le salon de Llsle-Adam {Musée de Versailles^ 
a<» étage, galerie 161^ n^ 3823). 

Le thé à r anglaise dans le Salon des quatre glaces, au 
Temple, avec toute la cour du prince de Conty, ij66. Par 
B.-M. Ollivier. H. o m. 53. L. m. 68. 

Un salon orné de grandes glaces et de dessus de portes 
représentant des portraits de femmes. Mozart, enfant, joue 
du clavecin et Jelyotte chante pour les invités de Conty (Voir 
plus haut, pages 117 à 129, la description détaillée de la 
cour du Prince). Dans l'angle de gauche sont posés un vio- 
loncelle et des cahiers de musique. On lit sur un papier ce 
quatrain : 

De la douce et vive galté 
Chacun icy donne Texemple ; 
On dresse des autels au tné, 
U méritoit d'avoir un Temple. 

Ce tableau fut exposé au salon de 1777, sous le titre ci- 
dessus reproduit. Une répétition se trouvait au palais de 
Neuilly avant 1848. L'original figure au Musée du Louvre. 

(i) Cette description et les suivantes concernant les toiles de 
B.-M. Ollivier, sont empruntées à l'ouvrage d'Eudore Soulié ; 
Notice du Musée de Versailles, tome III, pp. a32, 234. 



368 LE PBIlfCB DE CONTT 

Souper du prince de Conty au Temple; iy66. Par B.-M. 
Oliivier. H. o m. 56. L. o m. 71. 

A droite, une table richemeot servie^ éclairée aux bou- 
gies, autour de laquelle sont assis neuf convives. Le prince 
de Contj est en babit rouge, un ruban noir [Saint-Micbel] an 
cou ; il prend une bouteille dans un seau à rafraîchir et se 
penche à droite vers M"* de Boufflers. A sa gauche, serait 
M^ Bagarotti. A chaque extrémité de la table sont des musi- 
ciens ; sur le devant, une femme touchant du clavecin et un 
homme pinçant de la harpe ; à l'autre bout, un homme et 
une femme chantant (Jélyotte et M^ Fel). Au fond, une antre 
table est servie dans un renfoncement, dont les panneaux 
sont ornés d'arabesques sur fond d'or ; huit personnes sont 
autour de cette table. Sur le devant, à droite, une petite table 
sur laquelle se trouvent une guitare et des cahiers de musi- 
que ; à gauche, deux chiens de chasse (Musée de Versailles^ 
a* étage, galerie 161, n® SSaS). 

Voici d'autre part, d'après les Mémoires secrets 
(5 septembre 1777), la description du tableau allé- 
gorique de M. de Lorge, sur la mort du prince de 
Conty : 

Le Prince est sur son lit de parade. La France est à la gau- 
che, qui gémit de la perte d'un tel soutien : Minerve, dans 
les airs, la rassure et un Génie tenant d'une main un flam- 
beau éteint et renversé en présente un second, plus brillant et 
plus durable. Il annonce par là que S. A. S. ne quitte sa 
dépouille mortelle que pour se revêtir de l'immortalité, fl 
faut convenir que cette composition n'est ni ingénieuse, ni 
nouvelle. Du reste, la figure principale est bien et ressem- 
blante, malgré le défaut de vie et l'état de dessèchement après 
une longue maladie de langueur. La Minerve n'a ni vigueur, 
ni noblesse. La France est une très belle femme, trop jeune : 
un garde ou serviteur du Prince, au pied de son lit, abtmé 
dans sa douleur et se cachant le visage de ses deux mains, est 
la figure qui caractérise mieux le peintre. Elle est fièrement 
dessinée, mais forme un contre-sens en ce que ce personnage, 
le moins intéressant, attire cependant le plus d'attention par 
son attitude et son désespoir. Du reste un beau coloris, des 



LE PRINCB DE CONTY 369 

étoffes riches et un accessoire brillant dans les parties domi- 
nantes de Touvrag'e (i). 

Nous n'avons pu retrouver la trace de ce tableau. 
Probablement fut-il détruit quand fut mis à sac le 
château de L'Isle-Adam, pendant les troubles de la 
Révolution. La toile du. chevalier de Lorge avait été 
acquise pour 6.000 livres par Louis-François-Joseph 
de Bourbon-Gonty au mois de décembre 1777. C'est 
également sur commande que fut peint par Le Tellier, 
pour 2.400 livres, le portrait du Prince destiné à être 
gravé par Ramonet, dont il sera parlé plus loin (2). 

Mentionnons encore, pour mémoire, les tableaux sui- 
vants du Musée de Versailles, peintures qui ont trait 
aux victoires remportées par le prince de Conty : 

Bataille de Coni, 3o septembre 7/44 Par Henri-Auguste- 
César Serrur. H. o m. 82. L. i m. i3. 

Siège de Mons, juillet ly^G.^OiV Pierre Lenfant.H.i m. 76. 
L. 3 m. 3i. 

Siège de S aint-Guilhain^ juillet iy46- Par Verdussen. 
H. o m. 8g. L. 1 m. i4. 

Siège de Charleroi, 2 août ij^^. Par Ignace Parrocel. 
H. o m. 8g. L. i m. 7g. 

SGULPTUBB 

Conty (Louis-François de Bourbon, prince de). Buste en 
plâtre. Par Houdon. H. o m. 60 (Musée de Versailles, rez-de- 
chaussée, vestibule 23, n^ 480). 

Le Même. Buste en plâtre. Par Mérard. H. o m. 73. On 
lit sur le côté du piédouche : « Par P. Mérard, en mai 1777 » 
{Musée de Versailles, i*»" étage, galerie i5o, n® 2866). Ce 
buste était probablement destiné par Tartiste au monument 
funéraire du Prince et fut remplacé par le médaillon qui 
suit : 

(i) Mémoires secrets, tome X, p. 282. 

(2) Nous empruntons ces chiflPres au Registre des comptes de 
Manscourtf Dépense^ chapitre 8. 

24 



370 LE PRINCB DB CONTY 

Le Même, Médaillon en marbre de Carrare (par Moitié ?). 
Forme ovale. Tète de profil, tournée vers la gauche. Ce 
médaillon, arraché, pendant la Révolution, du mausolée du 
Prince de Conty, a été retrouvé sous le second Empire et 
replacé dans la chapelle funéraire {Eglise de Lhle-Adam. — 
Voir la description que nous avons donnée de cette chapelle). 

GRAVURE 

La Marche (S. A. S, Mgr le comte de). P. de hovmepinx, 
Schmidt sculps. Estampe in-folio. Le futur prince de Contj, 
âgé d'environ huit ans, est en buste, dans une bordure ovale, 
de trois quarts à droite. Il porte une cuirasse. A droite, une 
colonne. Dans un cartouche incurvé, cette légende : t Son 
Altesse Sérénissime || Monseigneur le Comte de la Marche ». 

Conty {LouiS'François de Bourbon, prince de) J. C. S. 
se. [SjsangJ. Estampe petit in-octavo. Jeune, en buste, dans 
une bordure octogone, cadre orné de feuilles d acanthe ; posé 
de trois quarts à droite, portant la cuirasse et le grand cordon 
du Saint-Esprit, drapé dans un manteau ; la tète nue. 
Légende : c Louis-François de Bourbon || Prince de Conty». 

Mariage du prince de Conty {1732). Anonyme. Gravure 
sur bois, double in-folio. Au fond, devant l'autel, le cardinal 
de Rohan, ayant à la main gauche un livre et bénissant de la 
main droite. Un peu en avant, et sur ses côtés, à gauche le 
prince de Conty, à droite W^^ de Chartres ; le Prince passe 
Tanneau au doigt de la Princesse. A côté et en avant du 
Prince, le Roi, avec un grand manchon, puis le duc d'Orléans 
et le comte de Charoiais ; derrière eux, le duc de Bourbon, le 
comte de Clermont et le prince de Dombes. A côté et en avant 
de M^i» de Chartres, la Reine, puis M^^^de Clermont ; au der- 
nier plan, à droite, M^^^ de la Roche -sur -Yon, M^e de Sens et 
le curé de la paroisse. Légende : a Cérémonie du mariage de 
Leurs Altesses Sérénissimes Monseigneur le prince de Con^ 
et M^« de Chartres, célébré dans la chapelle de Versailles, par 
Son Eminence le cardinal de Rohan en présence du Roi, de 
la Reine, des princes et princesses de la Cour t. 

En dessous, et au milieu de la planche, dans un ovale, est 
représenté le baptême de W^^ de Chartres : (( Cérémonie du 
baptême de W^^ de Chartres par le cardinal de Rohan, et 
nommée par le Roy et Mi^e de Conty, douairière, Louise- 
Diane, le ig janvier 1782 ». 



LE PRINCE DE CONTY 371 

Dans la partie supérieure, ud cartouche contenant les noms 
des personnages, désignés par des lettres de renvoi. Dans la 
partie inférieure, un calendrier flanqué de deux compositions 
allégoriques. Enfin, comme titre général : c Almanach pour 
l'année MDCCXXXIII, à Paris, chez G. Jollain, rue St-Jac- 
ques, à l'Ënfant-Jésus ». 

C ont y (Louis-François de Bourbon^ prince dé). Anonyme, 
Gravure au burin, petit in-octavo carré. A cheval, dirigé vers 
la gauche, le corps de trois quarts à gauche ; en tenue de 
campagne, avec le grand cordon, coiffé d'un chapeau, Pépée 
nue dans la main droite. Fond de paysage. Le cheval se 
cabre au-dessus d'un cadavre étendu à terre, au premier 
plan, à gauche. Légende : c Monseigneur le prince de Conty 
Il général de TArmée de France en Italie » . 

Le même. Anonyme. Estampe grand in-quarto. A cheval, 
dirigé vers la droite, le corps de trois quarts à droite. En 
tenue de bataille, cuirasse, brassards, cuissards, grandes 
bottes à entonnoir; la housse du cheval est ornée. Le Prince, 
coiffé d'un bicorne enfoncé sur les yeux, tient son épée de la 
main droite. Au fond, à droite, l'assaut d'une forteresse 
Légende : f Louis-François de Bourbon, prince de Conty. || 
Né à Paris le i3 août 1717. 

tt Digne fils des héros qui t'ont donné naissance, 

« Terreur des ennemis, amour de nos soldats, 

a Prince aussi bien faisant que fier dans les combats, 

« Après Louis, tu fais la gloire de la France. 

« A Paris, chez V^® de F. Chereau, rue St-Jacques, aux 
2 piliers d'or. Avec permission de Monsieur le lieutenant 
général de Police ». 

Le même. Anonyme. Estampe in-octavo. En buste, dans 
une bordure ovale; jeune; le corps de trois quarts à droite, 
la tête de face ; cuirasse, cordon en sautoir, tête nue. Légende : 
a Louis-François de Bourbon || prince de Conty || né à Paris 
le i4 août 1717». 

En dessous, un cartouche avec cette adresse : a Se vend à 
Paris, chez Petit, rue St^acques, près les Mathurins » ; et ce 
quatrain : 

(f Digne fils des héros qui t'ont donné naissance, 
« Terreur des ennemis, amour de nos soldats, 
(( Prince aussi bien faisant que fier dans les combats, 
« Après Louis, tu fais la gloire de la France. 

« M. MORAIHE. » 



372 LE PRINCE DE GONTT 

Médaille allégorique^ allusiveà la campagne d'Allemagne 
de 1745, de forme ronde, non signée. (Nous avons donné la 
description de cette médaille de Gosmond dans notre chapi- 
tre II, page 66). 

Conty [Louis-François de Bourbon^ prince de). Le Maire 
pinx. Le Cars sculps. Estampe in-folio. En buste, dans une 
bordure ovale. Jeunesse. La tète et le buste de trois quarts à 
droite. Cuirasse barrée du cordon du Saint-Esprit. La main 
gauche sur la hanche, retient les plis d'un manteau. Perruque 
flottante, une boucle descend sur Tépauie gauche. Au-dessus 
de la bordure, écusson aux armes des Conty, dans une 
chaîne qui porte la croix du Saint-Esprit. Dans la bordure, 
cette inscription ; a Ludovicus Franciscus Bourbonius Prin- 
ceps de Conti ». Au-dessous cette dédicace : « 0£Ferebat 
Fr. Theob. Gas. Forien de Saint-Juire >. 

Le même. Le Tellier,/>{na;. Ramonei sculps , Estampe in- 
quarto. En buste dans une bordure ovale ; âge mûr. La tète 
est de face ; le buste de trois quarts à gauche ; en habit ; sur 
le cœur, la plaque du Saint-Esprit. 

Dans un cartouche orné des armes des Conty, cette inscrip- 
tion : a Louis-François de Bourbon, prince de Conty l| grand 
prieur de France || né à Paris le i3 août 171 7, mort le 
2 août 1776 >. 

Dans la marge inférieure, ces vers : 

« Des héros de son sang il soutint tout l'éclat ; 

« Mécène des savants, idole des soldats, 

ce 11 protégea les arts, il défendit le trône; 

« Favori d'Apollon, de Thémis, de Bellone, 

« Ferme, juste, profond, politique, guerrier, 

« Son front est couronné d'un immortel laurier. » 

Le même. Desrais del. Le Beau «c. Estampe petit in-octavo. 
En buste, dans une bordure ovale décorée d'un nœud de 
rubans à la partie supérieure et d'armoiries à la partie infé- 
rieure. Age mûr. La tête de face, le corps de trois quarts à 
droite ; grand cordon en sautoir ; le chapeau passé sous le 
bras gauche. 

Les armoiries sont posées sur un cartouche où on lit : 
« Louis-François, prince de Conti, || grand-prieur de France 
né à Paris le i3 août 1717 || mort le 2 août 1776 ». 

Cette estampe se rencontre en deux états. Tantôt telle que 



LE PRINCE DE CONTY 373 

ci-dessus, tantô*, avec cette adresse dans la marge inférieure : 
« A Paris, chez Ësnaut et Rapilly, rue St-Jacques, n^ 26g . 

A. P. D. R. » 

Le même. D'après Le Tellier. Landon, direx^- Gravure au 
trait, in-ia. En buste, dans un cadre rectangulaire ; de trois 
quarts à gauche ; redingote, plaque du Saint-Esprit. Légende : 
« Le prince de Contj ». La ressemblance est nulle. 

Le même, J. Croizier, d'après Le Tellier gravé par 

B. Roger. Gravure in-octavo. En buste, jeune, de trois quarts 
à gauche, cuirasse, la plaque du Saint-Esprit perdue dans les 
plis d'un manteau, le jabot retombant par-dessus la cuirasse. 
Légende : « Louis-François de Bourbon || Prince de Contj ». 

On trouve deux états de cette gravure : lettre blanche et 
lettre noire. 

Le même. Dessiné par Girardet, gravé par Monnin. Gra- 
vure sur acier, in-octavo. En buste, jeune, de trois quarts à 
gauche, cuirasse, manteau garni d'hermine. Légende: c Contj 
(Louis-François de Bourbon, prince de) 1776 ». A la partie 
supérieure de la gravure : « Galerie historique de Versailles. 
Collection du château d'Eu >. 

Notons enfin un portrait in-4, gravé parPetit et que signale 
M. Ambroise Tardieu, dans son Dictionnaire iconographi- 
que des Parisiens y coi. 4S. Nous n'avons pu retrouver ce por- 
trait. 

LITHOGRAPHIE 



Conty {Louis-François-Joseph et Louis-François, princes 
de Bourbon). Anonyme. Deux portraits en buste, se faisant 
face, chacun dans une bordure ronde, sur une même feuille 
in-octavo oblong. A gauche, le fils, de profil à droite ; à 
droite, le pére^ de profil à gauche. Légendes en exergue : 
« L.-F.-J. de Bourbon-Conty, né le 4 mai 1784 > isic) et 
« L.-F. de Bourbon-Contj, grand prieur de France, né le 
1 3 août 1717, décédé le 2 août 1776». Ce double médaillon 
sert de frontispice à l'ouvrage intitulé : « Chronologie histo- 
rique des différents propriétaires des domaines de L'fsle- 
Adam, Beaumont, Chambly, Auvert, etc., etc. ; tracée en 
1807 par M. André, ancien architecte expert des bâtiments. 
Paris f impr. de Bichomme, 1809. » 



374 LE PRINCE DE CONTT 



VITRAIL 

En l'église de L'IsIe*Aclam, les vitraux des trois croisées 
supérieures du chœur représentent saint Martin, le patron 
de l'église, officiant comme pontife et célébrant la messe. A 
cette messe assistent, agenouillés en prière et sous l'inspira- 
tion de leurs patrons respectifs, les quatre grands seigneurs 
qui ont le plus illustré L'Isle-Adam ; savoir : Philippe de 
Villiers de L'Isle-Adam ; son frère, Louis de Villiers, évéque 
de Beauvais; le connétable Anne de Montmorency; Louis- 
François de Bourbon-Gontj. 

Chaque croisée est divisée en deux parties. La figure de 
saint Martin tient tout le vitrail du milieu, chacun des autres 
personnages occupe la moitié de chacune des croisées de 
droite et de gauche. Le prince de Contj, en habit jaune, avec 
le cordon bleu, les cheveux poudrés, est dans la partie gau- 
che du vitrail de droite. 

Ces verrières, posées en i854, sont de médiocre valeur 
artistique. 

BMÂIL 

Un émail du Musée de Chantilly, catalogué sous le no 325, 
représente le prince de Conty. 



Généalogie des princes de Conty 



I. — Armand de Bourbon, prince de Conty, comte 
de Pézenas, baron de la Fère, seijs^neur de L'Isle- 
Âdam, second fils de Henri II de Bourbon, prince de 
Gondé (son frère atné était le grand Condé) ; 

Né à Paris le ii octobre 1629. Baptisé à Paris, en la 
chapelle de l'hôtel de Condé, le 28 décembre i63o ; par- 
rain et marraine : le cardinal de Richelieu et la 
duchesse de Montmorency; 

Mort en son château de la Grange-des-Prés^ près 
Pézenas, le 21 février 1666; 

Marié à Paris, après avoir quitté la robe (il était 
abbé de Saint-Denis et de Cluny), dans la chapelle de 
la Reine, au Louvre, le 22 février i654, à Anne-Marie 
Martinozzi, fille du comte Jérôme Marlinozzi et de 
Laure-Marguerite Mazarini, sœur aînée du cardinal, 
née à Rome en 1687, morte à Paris, en Thôtel de 
Conty, le 4 février 1672. 

Enfants nés de ce mariage : 

Louis de Bourbon^ né à Paris, le 6 septembre i658. 
Mort à Paris le i4 septembre i658; 

II. — Louis-Armand de Bourbon, prince de Conty, 
comte de Pézenas, etc. (i66i-i685). Voir ci-après. 

III. — François-Louis de Bourbon, dit le grand 
Conty (i 664- 1709). Voir ci-après. 



376 LB PRINCE DE CONTT 

II. — Louis- Armand de Bourbon, prince de Conty, 
comte de Pézenas, châtelain de L'Isle-Adam, etc.; 

Né à Paris en l*hdtel de Conty, le 4 avril 1661. Bap- 
tisé en la chapelle du Louvre, le 28 février 1662; par- 
rain et marraine : le Roi et la Reine mère ; 

Mort à Fontainebleau, en son hôtel, le 9 novembre 
i685, sans postérité; 

Marié le 16 janvier 1680, en la chapelle du château 
de Saint-Germain, à Marie-Anne de Bourbon, Made- 
moiselle de Blois, fille légitimée de Louis XIV et de 
Mademoiselle de Lavallière, née â Vincennes le 
a octobre 1666, morte â Paris le 3 mai 173g. 



III. — François-Louis de Bourbon, prince de Conty, 
comte d'Alais, de Beaumonl-sur-Oise et de Pézenas, 
châtelain de L'Isle-Adam, etc., etc.; surnommé le 
grand Conty, élu roi de Pologne le 27 juin 1697 î 
appelé successivement : comte de la Marche, comte de 
Clermont, prince de La-Roche-sur-Yon et enfin, après 
la mort de Louis-Armand, son frère atné (i685), 
prince de Conty ; 

Né le 3o avril i664 à Paris. Baptisé le même jour à 
Saint-Sulpice; parrain et marraine : le prince de Condé 
et la duchesse de Longueville ; 

Mort à Paris le 22 février 1709 ; 

Marié en la chapelle du château de Versailles, le 
29 juin 1688, à Marie-Thérèse de Bourbon, Mademoi- 
selle de Bourbon, fille de Henri-Jules, prince de Condé, 
morte à Paris, en son hôtel, le 22 février 1732 ; 

Enfants nés de ce mariage : 

Marie-Anne de Bourbon^ Mademoiselle de Conty, 
née à Paris, le 18 avril 1689. Baptisée à Paris en la 
chapelle de Thôlel de Conty, le 17 septembre 1697; 
parrain et marraine : le prince de Condé, son grand- 
père, et la princesse douairière de Conty. Morte à 
Paris, le 21 mars 1720. Mariée en la chapelle du châ- 



LE PRINCE DE CONTY 377 

teau de Versailles, le 9 juillet lyiS, à Louis-Henri de 
Bourbon, prince deCondé (Monsieur le Duc) ; 

N. de Bourbon, né (avant terme) à Versailles^ le 
18 novembre lôgS. Mort le 22 novembre 1698 ; 

N, de Bourbon, prince de la Roche-sur- Yon, né au 
château de Versailles, le i*' décembre i694. Mort à 
Paris, le 26 avril 1698 ; 

IV. — Louis-Armand de Bourbon, prince de Gonty 
(1695-1727). Voir ci-après ; 

Louise^Adélaide de Bourbon, Mademoiselle de La- 
Roche-sur-Yon, née le 2 décembre 1696. Baptisée en 
la chapelle du château de Versailles, le 16 février 1707 ; 
parrain et marraine : le Dauphin et la duchesse de 
Bourgogne. Morte à Paris, le 20 novembre 1780 ; 

N. de Bourbon, Mademoiselle d'Alais, née à Paris, 
le 19 novembre 1697. Morte à Paris, le 3 août 1699 ! 

Louis-François de Bourbon, comte d'Alais, né à 
Paris le 27 juillet 1708. Baptisé le 28 en la chapelle de 
rhôtel de Gonty ; parrain et marraine : Louis, duc 
de Bourbon et la princesse de Condé, sa grand-mère. 
Mort à Paris, le 21 janvier 1704. 



IV. — Louis- Armand de Bourbon, prince de Gonty, 
duc de Mercœur, comte de La Marche, d'Alais, de 
Beaumonl-sur-Oise et de Pézenas, châtelain de LÎsle- 
Adam, etc., pair de France. Appelé d'abord comte 
de La Marche et^ après la mort de son père (1709), 
prince de Gonty ; 

Né le 10 novembre 1695 à Paris. Baptisé en la cha- 
pelle du château de Versailles le 80 juin 1704; par- 
rain et marraine : Louis XIV et la Reine d'Angleterre, 
Marie-Eléonore d'Esté ; 

Mort en Thôtel de Gonty, à Paris, le 4 mai 1727 ; 

Marié en la chapelle du château de Versailles, le 
9 juillet 1718, à Louise-Elisabeth de Bourbon, Made- 
moiselle de Bourbon, fille de Louis de Bourbon, 
prince de Gondé, née à Versailles, le 22 novem- 
bre 1698, morte à Paris le 27 mai 1775. 



378 LB PRINGB DB GONTT 

Enfants nés de ce maria g^e : 

N. de Bourbon^ comte de La Marche^ né à Paris, le 
28 mars 1716. Mort à Paris le i*' août 1717 ; 

V. — Louis-François de Bourbon, prince de Conty 
(1717-1776). Voir ci-après ; 

Louis-Armand de Bourbon^ duc de Mercœur, né à 
Paris, le 19 août 1720. Baptisé à Paris, le 12 mai 1722; 
parrain et marraine : Nicolas de Montmorency, sei- 
gneur de Ghâteaubrun, écuyer du prince de Gonty, et 
Marie-Elisabeth, veuve du comte de La-Roche-Milay. 
Mort à Paris en Thôtei de Gonty le 12 mai 1722 ; 

N. de Bourbon^ comte d^Âlais, né à Paris, en 
rhôtel de Gonty, le 5 février 1722. Mort à Paris, le 
7 août 1780 ; 

Louise-Henriette de Bourbon, Mademoiselle de Gonty, 
née à Paris le 20 juin 1726. Baptisée en la chapelle du 
château de Versailles, le 29 novembre 1742; parrain 
et marraine : le Dauphin et Madame (Henriette de 
France). Morte à Paris au Palais-Royal le 17 décem- 
bre 1759. Mariée en la chapelle du château de Ver- 
sailles, le 17 décembre 1743, à Louis-Philippe d'Or- 
léans, duc de Ghartres. 



V. — Louis-François de Bourbon, prince de Gonty, 
etc., etc. ; pair de France ; d'abord comte de La Mar- 
che, puis prince de Gonty à la mort de son père (1727); 
généralissime des armées du Roi, grand-prieur de 
France ; 

Né à Paris le i3 août 1717 ; 

Baptisé à Paris en la chapelle des Tuileries, le 
28 avril 1721 ; parrain et marraine : Louis XV et 
Madame, duchesse douairière d'Orléans ; 

Mort au Temple, à Paris, le 2 août 1776; 

Marié à Versailles, le 22 janvier 1782, à Louise-Diane 
d'Orléans, Mademoiselle de Ghartres, fille de Philippe, 
duc d'Orléans, Régent de France; née à Paris, le 
26 juin 1716, morte à Issy, le 26 septembre 1786 ; 



LE PRINCE DE CONTY 379 

Enfant né de ce mariage : 

VI. — Louis-François-Joseph de Bourbon, prince 
de Conly (1754-1814)- Voir ci-après. 
' Enfants naturels reconnus par testament : 

Franco is'Claude-Faus te ^ marquis de Rémoviiie,puis 
marquis de Bourbon-Gonty, né à Paris le 21 mars 1771. 
Mort à Paris, célibataire, en i833 ; 

Marie- François-Félix, chevalier d'Hattonville, puis 
chevalier de Bourbon-Conty, né à Paris le 22 décem- 
bre 1772. Mort à Paris, sans postérité, en i84o. 



VI. — Louis-François-Joseph de Bourbon, prince 
de Couty ; d'abord appelé comte de La Marche^ puis 
après la mort de son père (1776) prince de Conty ; 

Né à Paris, le i**" septembre 1784 ; 

Baptisé en la chapelle du château de Versailles le 
29 novembre 1742 ; parrain et marraine : Louis XV et 
la reine Marie Leczinska ; 

Mort à Barcelone le 10 mars 18149 sans postérité ; 

Marié, par procuration à Milan, le 7 février 1769, et 
en personne à Nangis-en-Brie, dans le château du 
comte de Guerchy, à Marie-Fortunée d'Esté, fille de 
François-Marie, duc de Modène, et de Charlotte-Aglaé 
d'Orléans ; née à Modène le 24 novembre 1781, morte 
à Venise, au couvent de la Visitation, le 21 septem- 
bre i8o3. 

Enfant naturel : 

Louis'François, chevalier de Vauréal, né à Paris, en 
176t. Mort à Melun, en 1785. 



Bibliographie 



SOURCES MANUSCRITES 

ARCHIVES NATIONALES 



Maison du Roi. Dépêches dn Secrétariat (OS 458). 

Papfers des Princes (R*, 6g, 70 et 98). 

Monuments historiques (Maison du Roi ; princes du ssLUg ; 

origine et progression du domaine royal : K, 546, 549) 55o 

et 574). 
Papiers de la Chambre des Comptes (P, 1870, ao4o-ao44)- 
Registres de la Secrétairerie d'Etat (E, 3446). 
Parlement civil. Scellés et inventaires après décès des princes 

et princesses du sang (X'a, 9178-9179). 
Biens des Congré^^pations supprimées (S, 5566). 
Châtelet de Paris. Registre des Insinuations (Y, 69 et 38o). 
Châtelet de Paris. Papiers des Commissaires (Y, 11579, 

i3ia3, i3556, 13968, i433o). 
Tribunaux révolutionnaires (W, 453. Dossier i36). 

ARr4HiyBS DE LA SEINE 

Registre des Insinuations de Paris (Registre 246). 
Lettres de Ratifications (Carton 976). 

Reconstitution des actes de TEtat civil de Paris. Loi du 
la février 187a (Divorce Gauche). 



382 BIBLIOGRAPHIE 



BIBLIOTHÈQUE NATIONALE 

Recueil de documents relatifs à la vente après décès du prince 
de Conty {Manuscrits français . Nouvelles acquisitions, 
5oi3). • 

Etat et inventaire des meubles, ling'e et arg-enterie de la Mai- 
son de M™« la princesse de Conty, i** douairière [Manus-* 
crits français. Nouvelles acquisitions, 21021). 

Ëloge des Beaux-Arts, poème dédié à S. A. S. Mgr. le prince 
de Conty, par P.-D.-E. Lebrun [Manuscrits français. 
Nouvelles acquisitions, 9204). 

Pièces critiques et satiriques pour servir à l'histoire du tems. 
A Pantin, chez Jean Satire, rue des Mauvaises pensées, à la 
Sottise {Manuscrits français, i5i49). 

Mélangées {Manuscrits français, io434). 

Sommaire des prouesses et faicts merveilleux arrivés dans 
Lètuce, capitale du Royaume des Lesgau, depuis TEg-ire 
( Manuscrits français, 1 0479) • 

Recueil de chansons {Manuscrits français, 12675, tome III). 

Chansonnier Maurepas [Manuscrits français, 12628, 12629, 
12648, i265o). 

Chansonnier Clairambault {Manuscrits français, 12711^ 
12713. 

Rapports de police. Anecdotes galantes [Manuscrits fran- 
çais, 11357-11860). 

Papiers Brissart {Manuscrits français. Nouvelles acquisi- 
tions, 20955). 

Bagatelles lyriques exécutées chez Monseigneur le prince de 
Conty, par M. Quéiaini [Manuscrits français, 16091). 

Dictionnaire alphabétique des autographes qui ont figuré 
dans les ventes faites à Paris de 1820 à i85o, par H.-L. Bor- 
dier, 1878 {Manuscrits français. Nouvelles acquisitions, 
3o85). 

Caraman. Généalogie des Fermiers généraux {Manuscrits 
français. Nouvelles acquisitions, 2o534)* 

Durey deMaynière. Affaires du Psiriement {Manuscrits fran- 
çais, 7578). 

Palais du Temple. Plans originaux (Département des Estam- 
pes ; Topographie de Paris ; 8« arrondissement ; quartier 
du Temple). 



BIBLIOGRAPHIE 383 

BIBUOTHÂQUE DE l' ARSENAL 

Police des mœars. Rapports [Archives de la Bastille : 
Actrices, 10235-10287; Filles gpalaates, io238-io243). 

Rapports de police. Dossier de Miiord Taaf {Archives de la 
Bastille^ 12022). 

Portefeuille de M. de Pauimy (Manuscrits, 3iig). 

Nouvelles à la main {Manuscrits, 7083). 

MINISTÈRE DE LA GUERRE 

Correspondance de Maurice de Saxe avec le comte d'Arg^enson 
et de Maurice de Saxe avec le prince de Conty {Archives 
historiques et Archives historiques, partie supplémen- 
taire). 

MUSÉE TAVET, DE PONTOISE 

Manuscrits concernant la région (Liasse, i25o). 

MAIRIE DE l'iSLE-ADAM 

Registres des naissances, mariages et décès de la paroisse de 
L'Isle-Adam (Années 1736 à 1777). 

PROVENANCE PARTIGUUÈRE 

Compte que rend à S. A. S. Monseigneur Louis-François- 
Joseph de Bourbon, prince de Conty, et à M^*^ de son con- 
seil S. Claude-François-Henry Manscourt, trésorier de la 
succession de feûe S. A. S. Monseigneur Louis-François de 
Bourbon, prince de Conty, des Recettes et Dépenses par lui 
faites en ladite qualité, depuis et y compris Je premier jan- 
vier mil sept centsoixante-dix-huit jusques et y compris le 
trente-un décembre de la dite année [et comptes sembla- 
bles jusqu'au 3i déc. 1782] {Important manuscrit commu- 
niqué par M. J. Schemit, libraire). 

Le Peintre sans fard, c Dire la vérité fut toujours sa manie. > 
Imprimé aux Antipodes, le dernier jour de Tan MDCCLXXI^ 
(Manuscrit de 56 pp. in-is. — De notre cabinet). 



384 BIBLIOGRAPHIE 



SOURCES IMPRIMÉES 

Gabriel Abry. Notice sur le marquis de Ghauvelin. Bruxelles, 
HeussnePj iSSg, in-8. 

Affiches de Paris, avis divers (Années 1760 et 1775). 

Almanach historique et raisonné des architectes, peintres et 
sculpteurs, graveurs, ciseleurs. Année 1776. Paris^ 
Vve Dachesne, 1776, in-ia. 

Almanach pour Tannée MDCGXXXIII. Paris, chez G. Jol- 
lain, rue Saint- Jacques, à F Enfant Jésus, double in-fol. 

Chronologie historique des différens propriétaires de L'Isle- 
Adam^ Beaumont, Chamblj, Auvert, etc., tracée en 1807 
par M. André, ancien architecte expert des bâtimens. Paris^ 
Impr. de Richomme^ 1809, in«8. 

Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale 
de France par les P. P. Anselme, Ange et Simplicien. 
augustins déchaussés. — Deuxième partie, contenant la 
suite de la généalogie du P. Anselme, par M. Pol Potier 
de Courcy. Paris, Firmin Didot, 1878-1882, 9 vol. 
in-fol . 

Journal et Mémoires du marquis d'Argenson, publiés par 
E.-J.-B. Bathery. Paris, Vve Jules Renouard, 1859-1867, 
9 vol. in-8. 

J.-F. Barbier. Journal historique et anecdotique du règne de 
Louis XV. Paris, J. Renouard et C**, 1847-1866, 4 vol. in-8. 

Barillet. Recherches sur le Temple. Paris, Dufour, 1809, in-8. 

Barruei-Beauvert . Histoire tragi-comique de la soi-disant 
princesse Stéphanie-Louise de Bourbon-Conti. Besançon, 
1810, in-8. 

Souvenirs de la Maréchale princesse de Beauvau, suivis des 
Mémoires du Maréchal prince de Beauvau ; recueillis par 
M™e Standish, née Noailles. PariSy Techener, 1872, in-8. 

Le Trésor de la Curiosité, tiré des catalogues de vente de 
tableaux, dessins, estampes, livres, marbres, bronzes, ivoi- 
res, terres cuites, vitraux, médailles, armes... et autres 
objets d'art. Avec diverses notes et notices historiques et 
biographiques par M. Charles Blanc, ancien directeur des 
Beaux-Arts et précédé d^une lettre à !*auteur sur la Curio- 
sité et les Curieux [par A. ThibaudeauJ. A Paris, Vve 
Jules Renouard, 1867 1 858, 2 vol. in-8. 

Mélanges historiques, satiriques, anecdotiques de M. de B... 



BIBLIOGRAPHIE 385 

Jourdain [BoisjonràeLin], Paris, Chèvre etChausson, 1807, 
3 vol. in-S. 

Honoré Bonhomme. Grandes dames et pécheresses. Etude 
d'histoire et de mœurs au xviii<^ siècle. PariSj Charavay, 
i883, in-16. 

Pétition adressée à la Convention Nationale par la citoyenne 
Campet, veuve d'Edouard Boufflers, pour demander à 
n'être point comprise parmi les parents d'émigrés dont 
les biens sont séquestrés. S, l, n, d, [vers 1795], in-4 de 
a pp. 

Œuvres de Boufflers, ornées de 16 gravures et du portrait de 
Tauteur. Paris^ Briand, 181 3, 2 vol. in-8. 

Correspondance inédite de la comtesse de Sabran et du che- 
valier de Boufflers, 1778-1788, publiée par E. de Magnien 
et Henri Prat. Paris, Pion, 1875, in-8. 

Lettres du chevalier de Boufflers à Madame de Sabran, 
publiées par Paul Prat. Paris, Pion, 1891, in-8. 

Mémoire de Stéphanie-Louise de Bourbon (Conti-Mont Cair 
Zain), fille majeure légitimée, citoyenne française, à la 
Convention Nationale et au Peuple français. Paris, Impr. 
Poignée, a/i/V[i796], in-8. 

Mémoires historiques de Stéphanie-Louise de Bourbon-Conti, 
écrits par elle-même [par Corentin Rojou]. Paris, chez 
t Auteur, an T7[i798], 2 vol. in-8. 

Exposé des Motifs qui ont nécessité la plainte du Comte de 
Broglie {Signé\ Le Comte deBroglie; Cayrol, procureur]. 
A Paris, chez Knapen et fils, 1779, in-4. 

Duc de Broglie. Maurice de Saxe et le marquis d'Argenson. 
Paris, CalmannLéoy, 1891, 2 vol. in-8. 

Jean Buvat. Journal de la Régence (1715-1723) publié par 
Emile Campardon. Paris, Pion, i865, 2 vol. in-8. 

Emile Campardon. Les spectacles de la Foire. Paris, Ber- 
ger-LevraultetCie, 1877, 2 vol. in-8. 

Emile Campardon. Les Comédiens du Roi de la troupe ita- 
lienne. Paris, Berger^Levrault et Cie, 1880, 2 vol. in-8. 

Emile Campardon. L'Académie royale de musique au xviii^ siè- 
cle. Paris, Berger-Levrault et Cie, 1884, 2 vol. in-8. 

Paris galant au dix-huitiéme siècle. Les théâtres clandes- 
tins, par G. Capon et R. Yve-Plessis. Ouvrage orné de 
8 planches. Paris, Plessis^ 1906, in-8. 

Paris galant au dix-huitième siècle. Fille d'Opéra, vendeuse 
d'amour. Histoire de M*i« Deschamps (1730-1764) par G. 
Capon etR. Yve-Plessis. Ouvrage orné de 4 planches en cou- 

25 



386 BIBUOGRAPHIE 

leurs, d'un plan et de a fac sîmile. Paris, Plessis^ 1906, in-8. 

Mémoires de Jacques Casanova de Seingalt, écrits par lui- 
même. Edition originale, la seule complète. Bruxelles, 
Rotez, 1859, 6 vol. in-ia. 

Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la 
Révolution, par J.-N. Dufort, comte de Chevernj, avec 
introduction et notes par Robert de Grèvecœur. Paris, 
Pion, 1886, 2 vol. in-8. 

Le Chroniqueur désœuvré ou l'Espion du boulevard du Tem- 
ple [par Majeur de Saint-Paul]. Londres^ 1788^ in-8. 

Journal et Mémoires de Charles Collé sur les hommes de let^ 
très, les ouvrages dramatiques et les événements les plus 
remarquables du règne de Louis XV (1748-1772). Nouvelle 
édition, avec introduction et notes de Honoré Bonhomme. 
Paris, Didot et Cie, 1868, 3 vol. in-8. 

Capitaine J. Colin. Les campagnes du Maréchal de Saxe. 
Paris, R. Chapelot^ 1901, 1904, 1906..., 3 vol. inS (En 
cours de publicalion). 

La Confession générale d'Audinot, réimpression textuelle sur 
le pamphlet original et rarissime de 1774» p^i* Aug. Paer. 
Rouen, Lemonnyer, 1880, in-8. 

Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie«Antoi- 
nette, la Cour et la Ville, de 1 777 à 1 792 ; publiée par M. de 
Lescure. Paris, Pion, 1866, 2 vol. in-8. 

Correspondance secrète politique et littéraire [dite de Métra], 
ou Mémoires pour servir à l'histoire des Cours, des Socié- 
tés et de la Littérature en France depuis la mort de Louis XV. 
Londres, Adamson, 1787- 1790, 18 vol. in 12. 

Souvenirs de la Marquise de Créquy (1710 à 1800). Paris, 
Fournier, i834, 7 vol. in-8. 

Journal inédit du duc de Croy (1718-1784), publié par le 
vicomte de Grouchy et Paul Cottin. Paris, Flammarion^ 
1906, 3 vol. in-8 [En cours de publication). 

La Maison du Temple de Paris, histoire et description, avec 
deux planches. Thèse présentée à la Faculté des lettres de 
Paris, par Henri de Curzon, archiviste aux Archives natio- 
nales. Paris, Hachette et Cie, 1 888, in-8. 

Etudes historiques, archéologiques et anecdotiques sur la 
ville de L'Isle-Adam, par A.-D. Denise, ancien maire de 
Parmain, lauréat de concours historiques et archéologi- 
ques. Méru, Impr. J. Douce, 1906, in-12. 

Description des nouvelles Verrières de l'Eglise de Llsle- 
Adam . Beaumont, E. Fremont, i854, pet. în.8 de 8 pp . 



BIBLIOGRAPHIE 387 

Dictionnaire des Sciences occultes, savoir de aéromancie, 
alchimie, alectryomancie, aleuromancie [etc., etc.] ou réper- 
toire universel des êtres, des personnages, des livres, des 
faits et des choses qui tiennent aux apparitions, aux divina- 
tions, à la magie, au commerce de TÉnfer [etc., etc.]. Pam, 
Au Petit Montrougey J -P. Miçne, i846-i852, a vol. in-4- 
(Cet ouvrage communément désigné sous le titre de Die* 
tionnaire de l'abbé Migne, son éditeur, est en réalité de 
Gollin de Plancy.) 

Œuvres complètes de Diderot. Avec notes, notices, tables et 
précédées d'une étude sur Diderot par J. Assézat. Paris^ 
Garnier frères^ 1874-1877, 20 vol. in-8. 

Correspondance complète de la marquise du Deffand avec ses 
amis, suivie de ses œuvres diverses et éclairée de nom- 
breuses notes de M. deLescure. Paris^ Pion, i865, 2 vol. in-8. 

Généalogie de la Maison de Bourbon, de 1266 à 1871, par 
L. Dussieux, professeur honoraire à TEcole militaire de 
Saint-Gyr. Seconde édition. Paris, J. Lecoffre fils et Cie^ 
1872, pet. in-8. 

Mémoires d'un Voyageur qui se repose, contenant des anec- 
dotes historiques, politiques, etc., par M. Dutens. Paris, 
Bossangej Massonet Besson, 1806, 3 vol. in-8. 

L'Ecole de l'Homme ou Parallèle des portraits du siècle [par 
Génard]. Londres-Amsterdam[Noyon'Rocher], 1752,3vol. 
in-i6. 

Lettres, Mémoires et Négociations particulières du Chevalier 
d'Eon, ministre plénipotentiaire de France auprès du Roi 
de la Grande-Bretagne, avec MM. les ducs de Praslin, de 
Nivernois, de Sainte-Foy, et Régnier de Guerchy, ambas- 
sadeur extraordinaire, etc., etc. A Londres, chez Jacques 
Dixwell, 1764» in-8. 

Mémoires de Madame d'Epinay, avec des notes de M. Paul 
Boiteau. Paris, Charpentier, i865, 2 vol. in-12. 

Les Fastes de Louis XV, de ses ministres, maîtresses, géné- 
raux et autres notables personnages de son règne [par 
Bouffonidor]. A Ville-Franche, chez la Veuve Liberté, 
1782, 2 vol. in-12. 

E.-J. Fétis. Biographie universelle des Musiciens. Paris, 
Firmin-Didot fils et Cie, i86o-i865, 8 vol. in-8. 

J. Flammermont. Le chancelier deMaupeou et les Parlements. 
Paris, A. Picard, i883, in-8. 

Le Gazetier cuirassé ou Anecdotes scandaleuses de la Cour de 
France [par Théveneau de Mor^nàe]. Imprimé à cent lieues 



388 BIBLIOGRAPHIE 

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La Gazbttb db Francs (Années 1717a 1777). 

Mémoires sar le xviii* siècle et la Révolution . Mémoires iné- 
dits àeW^ la comtesse de Genlis. Paris, Ladoocat, i8a5, 
10 vol. in-8. 

Edmond et Jales de Goncoart. Madame de Pompadour. Nou- 
velle édition. Paris, Firmin^Didot et Cie, 1888, gr. in-8. 

A. Gosmond. Histoire des campagnes du Roi, représentées 
par des figures allégoriques. A Paris, chez t Auteur et 
|chez] le sieur Vanheck, 1761, pet. in-fol. 

Grégoire. Les gloires de TOpéra et la musique à Paris. 
Bruxelles, Paris, Londres, chez Schott frères, 1881 , 3 vol. 
in-8. 

Nouveaux Mémoires secrets et inédits du baron Grimm. 
Paris, Lerouge-Wolf, i834, 2 vol. in-8. 

Lettres de Gustave III à la comtesse de Boufflers et de la 
comtesse de Boufflers au Roi, de 1771 à 1791, publiées par 
Aurélien Vivie. Bordeaux, G. Gounouilhou, 1900, in-8. 

Mémoires du président Hénault, de l'Académie française, 
écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son ar- 
riére-neveu, M. le baron de Vigan. Paris, Dentu, i855, in-8. 

Histoire de TEglise de L*Isle-Adam, diocèse de Versailles 
[par Tabbé Grimot, curé de L'Isle-Adam]. Paris, Impr. 
Lahure, 1878, in-8. 

Histoire de la Ville de L*Isle-Adam et Notice biographique de 
ses seigneurs [par Tabbé Grimot]. Pantoise, Typogr. Amé- 
dée Paris, 1884, in-8. 

Histoire de Maurice, comte de Saxe, maréchal général des 

camps et armées de Sa Majesté Très Chrétienne, duc élu de 

Curlande, etc. [par Louis-Balthazar ^h^X], A Mittaw, 1761, 

a vol. in-ia. 

J. Hovjrn de Tranchère. Les dessous de l'Histoire. Paris, 

Leroux, et Bordeaux, Perot et fils, 1886, 2 vol. in-S. 
LlNTBRMéDiAiRB DBS Ghbrghburs bt Guribux (Année 1903). 
Vie privée et politique de Louis-François-Joseph de Gond, 
prince du sang* et sa correspondance avec ses complices 
fu^tifs. Ornée de son portrait gravé d'après nature, par 
J» P .A Turin, chez Garin, iinprimeur du Roi, rue des 
Boucheries, 1790, pet. in-8. 

VT .P*^^<>°naire critique de Biographie et d'Histoire. 
I>euxième édition. Pam,iy./>/on, 1872, in-S. 
Journal des Inspecteurs de M. de Sartines [publié par Loré- 
dan-Larchey]. Bruxelles^Paris, i865, pet in-S. 



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sième édition. ParUy Schlesinger frères^ i863, 17 vol. 
in- 4. 

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Lacour. Paris ^ Poulet-Malassis, i858, in-ia. 

H. Yial et G. Gapon. Journal d*un Bourgeois de Popincourt 
[Lefebvre de Beauvray], avocat au Parlement (1784-1787). 
Extrait de la Correspondance historique et littéraire. Pam, 
Lucien Goagy, 190a, in-8. 

Les Joueurs d'épée à travers les siècles (Maîtres d'armes, 
escrimeurs, rodomonts, bravaches et ferrailleurs; Acadé- 
mies, salles d'armes et manèges) par Gabriel Letainturier- 
Fradin. Paris, Flammarion^ igoS, in-8. 

Lettres et pensées du maréchal Prince de Ligne, publiées par 
M°>« la baronne de Staël- Holstein. Paris, J.-J. Paschoud, 
1809, in-8. 

Mémoires du duc de Luynes (1735-1758), publiés sous le 
patronage du duc de Luynes, par Louis Dussieux et Eudore 
Soulié. Paris, Didot frères, i86o-i865, 17 vol. in-8. 

Journal et Mémoires de Mathieu Marais, avocat au Parlement 
de Paris, sur la Régence et Louis XV (1715-1737), publiés 
par M. de Lescure. Paris, Didot, i863-i868, 4 vol. in-8. 

Correspondance secrète entre Marie-Thérèse et M. de Mercy- 
Argenteau, publiée avec une introduction et des notes par 
le chevalier d'Arneth et A. GefFroy. Paris, Firmin-Didot, 
1874, 3 vol. in-8. 

liCttres de M. de Marville, lieutenant général de police au 
ministre Maurepas (1742- 1747) publiées d'après les origi- 
naux par M. de Boislisle. Paris, Champion, 1896-1905, 
3 vol. in-8. 

Mémoire concernant les droits de Monseigneur le prince de 
Conty sur les Comtés souverains deNeufchâtel et Valangin. 
[Paris], Quillau, imprimeur de S.A. S. Monseigneur le 
prince de Conty, rue Galande, 1748, in-fol. 

Mémoire pour Marie- Anne de Surcourt, femme du Sieur 
Lebrun, secrétaire des commandements de feu M. le prince 
de Conty, contre le Sieur Pons-Denis Escouchard Lebrun, 
son mari. Paris, P. G. Simon, 1781, in-4. 

Mémoire pour les sieurs de Peters et Miroglio, associés. Au 
Bureau d'abonnement musical [Signé : Ondet] [Paris], 
Impr, de dHoury^ ^1^1* i^-A- 

Mémoire présenté au Roi [par Stéphanie-Louise se disant de 
Bourbon-ContyJ et adressé par ses ordres au ministre de 



390 BIBUOGKAPBtt 

l'Intériear. S. L n. d. [PiœU, impr. Brasseur^ i8tg\^ ui-4- 

Mémoires du comte de fifanrepas, ministre de U marine. 
Paris. Buisson^ ^19^^ 4 ▼<>!. in-8. 

Mémoires poar servir à l'Histoire de la Perse fpar Rességvier 
on La Beaumelle]. Amsterdam^ aax dépens de la Compa- 
gnie^ 174^9 pet. in-8. 

Mémoires secrets [dits de Bachanmont] pour servir à l'his- 
toire de la République des Lettres en France on Journal 
d'un observateur. A Londres, chez John Adamson^ >777' 
1789^ 32 vol. in- 12. 

Lb Mbbcurb db Fbancb (Années 1717 à 1776). 

J.-T. Merle. Chambord. Paris, U. Canel et Gayot, i832» 
in-12. 

Lb Moritbub univbrsbl (Année 1794)- 

Ch. Monselet. Les oubliés et les dMaignés. Figures litté- 
raires de la fin du xviii^ siècle. Alençon, 1857, 2 vol. 
in-i2. 

Journal des rè{(|pnes de Louis XIV et Louis XV, de l'année 
1701 à 1744» p&r Pierre Narbonne» premier commissaire 
de police de la ville de Versailles. Recueilli et édité par 
J.-A. Le Roi. Versailles, Durand, 1866, in-8. 

Charles Nauroy. Lb Curieux. Paris, rue de Seine, 6, i883- 
1888, 2 vol. in-8. 

Pierre de Nolhac et André Pératé. Le Musée national de Ver- 
sailles. Paris, Ad. Braan et Cie, 1896, in-8. 

Elisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d'Orléans. Mémoi- 
res, fragments historiques et correspondance. Edité par 
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Madame Elisabeth-Charlotte, duchesse d'Orléans. Correspon- 
dance, extraite de ses lettres originales» déposées aux 
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Hollande. Trad. et notes par E. Jaeglé ; 2* édition. Paris, 
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Essai sur la vie et les œuvres du P. Ducerceau, par P. A. 
[Antoine Péricaud]. Lyon, 1828, in-8. 

L'Administration des Menus, Journal de Papillon deLaFerté, 
intendant contrôleur de l'argenterie, menus plaisirs et 
affaires de la chambre du Roi (i 756-1780); publié par 
Ernest Boysse. Paris, Ollendorff, 1887, in-8. 

Paris et Versailles, Journal anecdotique (1762-1789), publié 
parEdm* Hippeau. Paris, Aubry, 1869, in-8. 

Paris sous Louis XV, rapports des inspecteurs de police au 
Roi, publiés et annotés par Camille Piton. Paris, Société 



BIBLIOGRAPHIE 391 

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publication), 

Paris, Versailles et les Provinces au xviii^ siècle ; anec- 
dotes sur la vie privée de plusieurs Ministres, Evèques, 
Magistrats célèbres, Hommes de lettres et autres personna- 
Hipes connus sous les règ^nes de Louis XV et Louis XVI par 
un ancien Officier aux gardes-françaises [le marquis Du 
Grast de Bois-Saint-Just] . Paris, Ch, Gosselin^ i8a3^3 vol. 
in-8. 

Jacques Peuchet. Mémoires tirés des archives de la police 
pour servir à l'histoire de la morale et de la police depuis 
Louis XrV jusqu'à nos jours. Paris, Levairnsseur^ 1887- 
i838, 6 vol. in-8. 

Le Philosophe Cynique, pour servir de suite aux Anecdotes 
scandaleuses de la Cour de France [par Théveneau de 
Morande]. Imprimé dans une Isle qui fait trembler la 
terre ferme, s. d. [1771]! in-8. 

Mémoires et souvenirs de Charles de Pougens, commencés 
par lui et continués par M°^o Louise B. de Saint-Léon, 
Paris, Four nier Jeune, i834, in-8. 

Procédures respectives signifiées dans l'instance pendante au 
Bureau des Economats, sur la demande en paiement d'une 
somme de 1 5.45a livres, formée par le sieur procureur 
général du même Bureau, contre M. de Vauvré, maître des 
requêtes [etc., etc.]. Paris, Impr, C. Osmont, 17^0, in-fol. 

Ravaisson. Archives de la Bastille. Paris, A. Durand, 
Pedone'^Lauriely successeurs, 1881, 17 vol. in-8. 

Recueil des instructions données aux Ambassadeurs et aux 
Ministres de France. Espagne. Avec introduction et notes 
par A. Morel-Fatio et Léonardon. Paris, F. Alcan, 1899, 
3 vol . in-8. 

Recueil des instructions données aux Ambassadeurs et aux 
Ministres de France. Pologne. Avec introduction et notes 
par Louis Farges. Paris, F, Alcan, 1888, 2 vol. in-8. 

Règlement de police [de L'Isle-Adam], ai février 1770. De 
t Imprimerie de Quillau, imprimeur de S. A. S, Monsei- 
gneur le prince de Conti (etc.), rue du Fouarre^ près de 
la place Maubert ; in-folio piano. 

Relation des cérémonies qui se sont faites et passées à Ver- 
sailles au sujet du mariage de Monseigneur le prince de 
Conty. S, l. n, rf. [Paris, ijSsi], J.-F. Grou, rue de la 
Huchette, au Soleil d^Or, in-4 de 4 pp. 



392 BIBLIOGRAPHIE 

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H, Fournier atné, i833-i838, 20 vol. in-8. 

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vir à rhistoire des cours de Louis XIV, de la R^ence, de 
Louis XV et à celle des quatre premières années du règne 
de Louis XVI. Londres, de Bqffe et Paris^ Buisson, 1790- 
1791, 9 vol. in-8. 

Ad. de Rochas. Biog^phie du Dauphiné, contenant l'histoire 
des hommes nés dans cette province. Paris^ i856-i86o, 
a vol. in-8. 

Œuvres de J.-J. Rousseau. Nouvelle édition, avec des notes 
historiques et critiques ; augmentée d'un appendice aux 
Confessions, par M. Mussay Pathay. Confessions. Paris^ 
Werdet et Lequien fils, 1827, i3 vol. in-8. 

C.-A. Sainte-Beuve, de TAcadémie française. Nouveaux lun- 
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Adolphe Siret. Dictionnaire historique et raisonné des Pein- 
tres de toutes les Ecoles. Bruxelles, Paris, Leipzig, i883, 
2 vol. in-8. 

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Imp, Ch. de Mourgues, 1859-1861, 3 vol. in-12. 

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Pion, 1895, in-8. 

Abbé Trou. Recherches historiques, archéologiques et bio- 
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Dujley, i84i, in-8. 

Vie privée de Louis XV ou Principaux événemens, particu- 
larités et anecdotes de sun règne [par Mouffle d'Angerville]. 
Orné de portraits. A Londres chez John Peter Lyton, 1779- 
1781, 4 vol. in-12. 

C.-F. Vitzthum d'Eckstaedt. Maurice, comte de Saxe etMarie- 
Josèphe de Saxe. Leipzig, Paris, Londres, 1867, in-8. 

Voltaire. Œuvres complètes. Paris, Gar nier frères, 1877, 
52 vol. in-8. 

Lettres de Horace Walpole écrites à ses amis pendant ses 
voyages en France (1739-1776), traduites par le comte de 
Bâillon. Paris, Didier, 1876, in-12. 



Index alphabétique 



Achet. 357. 

Ader, avocat. 277-278. 
Adrienne (M"«). 276. 
Agenois (M. d'). 55. 
Agenois (M"*« d'). i56. 
Aigremoni (M"*d'). 285. 
Aiguillon (Duc d'). 12, 

166, 168. 
Aiguillon (Duchesse d'). 

12, 116, i4o, i4i) 157. 
Alais (Comte d') voir : 

Bourbon -Conty. 
Albane (V). 887, SSg. 
Albert (M. d'), lieutenant 

de police. 238. 
Alègres (Comtesse d').39. 
Aligre (Le président d*). 

169. 
Aligre (M"^« d'). 355. 
AUard (M»e). 128, 129, 

268, 269, 272. 
Angouléme (Henri d'), 

grand-prieur. 96. 
Anjou (Duc d'). i4o. 
Antier (M»*). 182. 
André, architecte. 358. 



Antoine, architecte. 3oi. 

Aragon (Blanche - Al- 
phonsine d*), duchesse 
de Bisaccia. 121. 

Aremberg(Ducd').62,63. 

Argenson (Marquis d^). 
I, 5o, 65, 72, 85, 86, 
87» 88, 97, io3, 106, 
119, 142, 143, 145, 
207, 208, 246. 

Argenson (Comte d*). 5o, 
53,68,71,96. 

Argenson (Marquis de 
Paulmy d'). 3, i46. 

Argental (Comte d'). 121. 

Armentières (Maréchal 
d'). 139. 

Arnould (M"« Sophie). 
122, 2554257, 269, 270, 
273, 302. 

Artois (Charles - Phi- 
lippe, comte d'). Voir: 
France. 

Arty (Antoine - Alexis 
Panneau d'). 2o3, 204. 

Arty (Alexis-Armand d*). 



394 



TABLB ALPHABETIQUE 



ao4 , 310 à 2l3. 

Arty (M»* Panneau d'). 

4I9 203 à 3l5, 329. 

Asfeldt (Maréchal d').36. 

Asselin, peintre. 353, 
354. 

Aublin (Nicolas), sieur 
de Fravelles. i4o. 

Aubrie(Abbé).323à335. 

Audinot. 161, 376, 386, 
395, 299 à 3oi, 343. 

Auguste II, roi de Polo- 
gne. 85. 

Auguste III, roi de Po- 
logne. 85, 86, 88. 

Auguste (M"®). 359, 260. 

Bagarotti (M"«). 136. 

Bailly, collectionneur, 
333. 

Balincourt (M. de). 47. 

Baptiste, peintre. 35 1, 
353. 

Barbantane (Marquis de) 
125, 136. 

Barbantane (Marquise 
de). 135, 126. 

Barbarin de Reignac 
(Marie-Louise-Angéli- 
que de). 3i5. 

Barbarine (M"~). 343, 
343. 

Barrée boucher. 364. 

Basan, marchand d'es- 
tampes. 33o, 343, 35o, 
354, 355. 

Bassan (Jacques). 35i, 
353. 

Bastier, sculpteur. 358. 



Bauldry. 355. 

Bauquemare (M. de). 
316. 

Bavière (Charlotte-Elisa- 
beth de), princesse pa- 
latine, duchesse d'Or- 
léans. 17. 

Béarn (Comtesse de). 1 76. 

Beaudouin (Le cheva- 
lier). 343. 

Beaudouin, peintre. 33o. 

Beaufort (M»«). 379. 

Beaujolais (M*^«de),i>oir : 
Bourbon-Orléans. 

Beaujon (M. de). 343. 

Beaumarchais (Garon 
de). 89, 90, 186, 195 à 
197, 355, 356. 

Beaumont (Mgr de), ar- 
chevêque. 3 15, 3i6. 

Beaupréau (M. de). 58. 

Beauvarlet, graveur.343. 

Beauvau-Craon (Prince 
de). 118, 134} 128. 

Beauvau-Craon (Marie- 
Charlotte de la Tour- 
d'Auvergne, princesse 
de). 122, 129, 3i2. 

Beauvau-Craon (Marie- 
Sylvie de Rohan-Cha- 
bot, princesse de). 11 7, 
118. 

Beau vais (Comte de). 
36o. 

Bellanger, architecte, 

302. 

Bellefonds (Marquis de). 

34i. 
Bellefonds (Suzanne-Ar- 



TABLE ALPHABETIQUE 



395 



mande du Ghatelet, 
marquise de). 24 1. 
Belle-Isie (Maréchal de). 

Benedette. 339. 

Bentivoglio (Cardinal). 
26. 

Berckeyden (Guérard). 
338. 

Bergerel, fermier géné- 
rai. 139. 

Berghem (Nicolas). 338. 

Beringhen, écuyer du 
roi. 2o4, 33o. 

Berlier deMontrival. 10, 
II. 

Bernard (Samuel). 203, 

205. 

Bernis (M. de). 92. 

Berry (Duc de), voir : 
Louis XVI. 

Berryer de Renonville, 
lieutenant de police. 
237,277. 

Berlin, lieutenant de po- 
lice. 110, 238. 

Bertin, trésorier des par- 
ties casuelles et contrô- 
leur des finances. 256, 
278. 

Berton, directeur de 
rOpéra. i32. 

Berwick (Maréchal de). 
33, 35, 36. 

Beuzenval (M"®de). 187. 

Beze (M. dej. 33i, 34o. 

Bezons (Chevalier de). 
271, 272. 

Billet^ procureur. 324. 



Billioni (M»*). i35, i36. 
Binting (Lord). 285. 
Bissy (Mgr de). 58, 173, 

'97- 
Blanc (Charles). 333, 

349. 
Blanchard, peintre. 35i, 

353. 

Blandowski, agent se- 
cret. 85. 

Blavet (Abbé). 342. 

Blondel de Gagny. 33i, 
333, 341. 

Blondet d'Azincourt. 
33o. 

Blot (Comte de). 11 5. 

Blot (Comtesse de). ri5. 

Boccage (M"*« du). 198. 

Boilleau, marchand de 
tableaux. 33o, 342, 
346,350, 352, 354à 356. 

Boisfranc(M"« Fortunée- 
Olympe de). 176. 

Bolognèze(Prancis).352, 
354. 

Bonhomme (Honoré). 
2o3, 204. 

Bontemps, gouverneur. 

39. 

Bordeu, médecin. 3ii. 
Bossuet. 170. 
Bouchardon(Edme).328. 

329,341. 
Boucher (François). 33o, 

337,341. 

Boufflers (Charles - Jo- 
seph-Marie, duc de). 
67, 122, 124. 

Boufflers (Duchesse de) 



396 



TABLB ALPHABETIQUE 



puis duchesse de Lux- 
embourg, voir : Luxem- 
bourg. 

Boufflers (Chevalier de). 
ia6y 2i5, 3i3. 

Boufflers (Marquise de). 
ai5. 

Boufflers - Rouverel 
(C!omte de). ia4» 3i5, 
ai6, 331. 

Boufflers - Rouverel 
(Comtesse de). 87, 1 19, 
i34y 135, i3i, i33, 169, 
160,184,185,187,188, 
190,193,194,303,309, 
3i5à339, 366,310, 3l3. 

Boufflers - Rouverel 
(Lou is-Edou ard, com le 
de). 319,335 a 338. 

Boufflers - Rouverel 
(Amélie des Alleurs, 
comtesse de). 134,319, 
335, 337, 338. 

Boufflers - Rouverel 
(Amélie - Joseph - 
Edouard de). 336,339, 

3l3. 

Boufflers (Amélie de), 
voir : Lauzun. 

Bouille (Mgr Nicolas de). 
ii5. 

Bouillon (Cardinal de). 
i4i. 

Bouillon (Duc de). i4o, 

Boullongne(M. de). i46. 

Boulogne (Louisde).35o. 

Boulogne , collection- 
neur. 343. 

Bourbon (Louis-Alexan- 



dre de), comte de Tou- 
louse. 39. 

Bourbon (Louis-Augus- 
te de) duc du Maine. 
33. 

Bourbon (Louis-Jean- 
Marie de), duc de Pen- 
thièvre. 59, io5. 

Bourbon (Louis- Auguste 
de), prince de Bom- 
bes. 39, 34. 

Bourbon (Louis-Charles 
de), comte d'Eu. 39, 
34. 

Bourbon (Louise-Fran- 
çoise de), princesse 
de . Bourbon -Condé, 
mère de Monsieur le 
Duc. 39. 

Bourbon (Marie - An ne 
de) , princesse de 
Conty. 3o, 4^, io5. 

Bourbon (Marie - Thé- 
rèse-Félicité d'Esté et 
de), duchesse de Pen- 
thièvre. io4. 

Bourbon-Condé (Henri !•' 
de) , Monsieur le 
Prince. i38, i44- 

Bourbon-Condé (Henri II 
de). 144. 

Bourbon-Condé (Louis 
de), dit le Grand 
Condé. 53, 70, i38, 

i44. 
Bourbon - Condé (Ar- 
mand de), prince de 
Conty, voir : Bour- 
bon-Conty. 



TABLB ALPHABETIQUE 



397 



Bourbon-Gondé (Louis- 
Henri de), Monsieur 
le Duc. 2, a8, 33, 4^9 

42, 97- 

Bourbon-Gondé (Gharles 
de), comte de Gharo- 
iais. 8, ag, 33, 34, 4i, 
i52, 238. 

Bourbon-Gondé (Louis 
dej, comte de Gler- 
mont. 29, 3i, 32, 34* 
ii4, 178,179,212,240. 

Bourbon-Gondé (Louis- 
Joseph de). io4, 106, 
170,176,178, 179,187. 

Bourbon-Gondé (Ghar- 
iotte, princesse de), 
voir : La Trémoiiie. 

Bourbon-Gondé (Eiéo- 
nore de), princesse 
d'Orange-Nassau. i43, 

144. 

Bourbon-Gondé (Ghar- 
iotte, princesse de) 
Voir : Montmorency. 

Bourbon-Gondé (Ânne- 
Geneviève de), du- 
chesse de Longue- 
ville, i38, 144. 

Bourbon-Gondé (Marie- 
Thérèse de), princesse 
de Gonty, femme du 
Grand Gonty. 3o. 

Bourbon-Gondé (Louise- 
Françoise, princesse 
de), voir : Bourbon. 

Bourbon-Gondé (Louise- 
Elisabeth de), prin- 
cesse de Gonty. 7 à 3o, 



44 à 46, 5i, 98 à 100, 
126, 180, 246. 

Bourbon-Gondé (Marie- 
Anne de), M"« de Gler- 
mont. 38 à 4o, io4. 

Bourbon-Gondé (Elisa- 
beth-Âlexandrine de). 
M"« de Sens. 29, 77, 

78. 

Bourbon-Gondé (Louise- 
Adélaïde de). 179. 

Bourbon-Gonty (Armand 
de Bourbon - Gondé, 
premier prince de 
Gonty). i38, i44. 

Bourbon-Gonty (Fran- 
çois-Louis de), dit Ife 
Grand Gonty. 7, 67, 
84, i4o, i44, i47- 

Bourbon-Gonty (Louis- 
Armand de]. 7a 19, 4i- 

Bourbon-Gonty (Louis- 
Armand de), duc de 
Mercœur. 18. 

Bourbon-Gonty (N. de), 
comte d'Alais, 19, 28. 

Bourbon-Gonty (Louis- 
François-Joseph), 
comte de La Marche, 
puis prince de Gonty. 
36, 37, 44, 46, 5i, 96, 
107, i4i, 172 a 179, 
234, 289, 248, 249, 
267, 273, 285, 3i3 à 
3i5, 317 à 321, 328, 
349, 365. 

Bourbon-Gonty (Fran- 
çois - Claude - Fauste , 
marquis de). 233à235. 



398 



TABLB ALPHABETIQUE 



Bourbon-Conty (Marie- 
François-Félix, cheva- 
lier de). !i33 à a35. 

Bourbon-Conty (Marie- 
Anne, princesse de), 
voir : Bourbon. 

Bourbon-Conty (Marie- 
Thérèse, princesse de), 
voir : Bourbon-Condé. 

Bourbon-Conty (Louise- 
Elisabeth, princesse 
de), voir : Bourbon- 
Condé. 

Bourbon-Conty (Louise- 
Diane d*0rléans, prin- 
cesse de), voir Bour- 
bon-Orléans. 

Bourbon-Conty (Louise- 
Henriette de) , du- 
chesse de Chartres, 
puis d'Orléans. i9,3i, 
3a, 45, 469 5o, 5i, 
ii5, ia5, 14I9 142, ai6, 
2ao, aai. 

Bourbon-Conty (Louise- 
Adélaïde de),priDces8e 
de La Roche-sur-Yon. 
7, ag, 33, 39, 4o, 45, 
80, 81, i4i, ai6. 

Bourbon-Conty (Marie- 
Fortunée d'Esté, com- 
tesse de La Marche, 
puis princesse de), 
voir : Este. 

Bourbon-Conty (Stépha- 
nie-Louise de), voir : 
Montcairzain. 

Bourbon-Orléans (Phi- 



lippe de), régent de 
France. 240. 

Bourbon-Orléans (Louis 
de). 18, 29, 32, 44, 
5r. 

Bourbon-Orléans (Louis- 
Philippe de), duc de 
Chartres jusqu'en 1762 
puis duc d'Orléans. 
5o, 5i, 72, 125, 169, 
170, 178, 179, 216. 

Bourbon-Orléans (Louis- 
Philippe - Joseph de), 
duc de Montpensier 
jusqu'en 1782, puis 
duc de Chartres. 182, 
i36, 176, 178, 179, 
270, 288, 3i3, 3i4- 

Bourbon-Orléans (Jean- 
Philippe de), cheva- 
lier d'Orléans, bâtard 
du Régent. 94 à 96, 
ii3. 

Bourbon-Orléans (Char- 
lotte-Elisabeth, prin- 
cesse de), voir : Ba- 
vière. 

Bourbon — Orléans 
(Louise - Diane de), 
princesse de Conty. 
28, 29, 33, 36 à 38. 

Bourbon-Orléans (Phi- 
lippe - Elisabeth de), 
W^^ de Beaujolais. 

Bourbon — Orléans 
(Louise - Henriette de 
Conty, duchesse de 
Chartres , puis du- 



TABLB ALPHABETIQUE 



399 



chesse d'Orléan8),i;oir : 
Bourbon-Gonty. 

Bourbon-Orléans (Char- 
lotte-Âglaé de), du- 
chesse de Modène. 1 78. 

Bourdaloue. 170. 

Bourdon (Sébastien). 
339. 

Bonrguigp[ion (J. Cour- 
tois dit le). 35a, 353. 

Bourlamaque , collec- 
tionneur. 33o. 

Bouvance(M"«), dite Cas- 
tillon. 280. 

Brancas, voir : Laura- 
guais. 

Branciforte (Mgr de). 
198, 199. 

Bréal (Michel). 325. 

Brebant (M"*). 276. 

Brebiett, peintre, 352. 

Bressigny(Présidentde). 
357. 

Breteuil (Baron de). 44» 
46. 

Breughei (Jean), dit de 
Velours. 337. 

Breughei (Pierre). 337. 

Brienne (Mgr de). 3 12. 

BrignoUes (Catherine de) 
princesse de Monaco. 

'79- 
Brill (Paul). 35i, 353, 

355. 

Brissart. fermier géné- 
ral. 258. 

Brissart, (M»«). 258, 259. 

Brisson, sculpteur. 34^. 

Broglie (Victor - Fran- 



çois,ducde).43,47à49* 

Broglie (Charles-Fran- 
çois, comte de). 88, 89. 

Brousse de Verteliaci 
(Herminie de la). 234* 

Brunswick - Lunebourg 
(Prince de). 117, i53. 

Bussy (M«* de). 39. 

Byng (Amiral). 127. 

Caboche, dit Marigny. 

211 à2i3. 
Cahusac, poète. i35. 
Camargo (U^^^), danseuse. 

32. 

Cambis(Vicomtede).i 16. 
Campo-Santo(Comtede). 

55. 
Cano (Âlonzo). 359. 
Cantarini (Simon). 337. 
Carbon. 356. 
Carignan (Prince de). 

336. 
Carlin (Ch. Antoine Ber- 

tinazzi dit). 320. 
Carrache (Augustin).34o. 
Carrache (Louis). 336, 

340. 
Casanova (Jacques). 320. 
Casteja (M. de). 84. 
Castellane (Vicomtesse 

de). 357. 
Cayla (M. du). 58. 
Caylus (Comte de). 33i, 

34a, 346. 
Caylus (M™« de). 9. 
Cerquozzi (Michel-Ange) 

dit des Batailles. 35i, 

353. 



400 



TABLB ALPHABBTIQUB 



Chaalons (Philibert de), 

prince de Neufchftlel. 

i43. 
Chabot (Yvonne-Sylvie) 

de Breuil de Rais, 

comtesse de). 1 18. 
Chabot, voir : Rohan- 

Chabot. 
Chabriliant (Bailli de). 

117, 162. 
Chamborant (Claude de), 

comte de laClaviëre. 

172, 173. 
Chambrier, ministre de 

Prusse. 86. 
Champagne (Philippe 

de). 340, 35i, 352. 
Changeant (M. de). 264. 
Chardin (Jean-Baptiste- 

Siméon). 34i. 
Charles Vil, Electeur de 

Bavière et Empereur 

d'Allemagne. 43, 49* 

56, 88. 
Charles (Le Prince). 48, 

49. 
Charles-Emmanuel III, 

roi de Sardaigne. 49 à 

61. 
Charolais (Comte de), 

voir : Bourbon-Condé. 
Chartres (Duc de), voir : 

Bourbon-Orléans. 
Châteauroux (Duchesse 

de). 52, 59, 97, 123. 
Châtelet (Marquis du). 

48. 
Châtelet (Suzanne -Ar- 

mande du), voir : Mar- 



quise de Bellefonds. 
Chauvelin (Marquis de). 

5i, 58, 83, ii4« i55, 

157, 263, 3i3, 33o. 
Chauvelin(Marqui8ede). 

i56, 157. 
Chavigny, ambassadeur. 

84. 
Chenu,commissaire.3oi* 
Cheverny (Comte de). 

129, l52. 
Chevert (François de). 

55. 
Chevreuse (Duchesse de). 

121. 
Chimay (Gabrielle-Char- 

lotte de). 116. 
Choiseul (Duc de). 177, 

191, 229, 33i, 337, 

342, 348. 
Choiseul (Marquis de). 

243. 
Choiseul (Comte de). 248. 
Choiseul (Mgr de). 33 1, 

342. 
Choiseul (Duchesse de). 

123. 

Cicé(M"*de). i56. 

Cignani. 35i, 352. 

Clairval, chanteur. ï349 
248, 273, 279. 

Clément, chirurgien. 17, 
18. 

Clermont (Comte de), 
voir : Bourbon-Condé. 

Clermont (M"* de), voir : 
Bourbon-Condé. 

Clermont (Georges-Gas- 
pard de Clermoni-Ges- 



TABLB ALPHABETIQUE 



401 



sans, comte de), voir: 


Coucicault, collection- 


Saint-Âignan. 


neur. 33o. 


Clermont-d'Am boise 


Coulon, écuyer. 39. 


(Comte de). ii8. 


Courteilles(M"*«de). i56, 


Clermont-d'Âmboise 


157. 


(Chevalier de). 262. 


Courten (M. de). 58. 


Clodion (Claude). 829, 


Courtenvaux (Marquis 


341. 


de). 4i. 


Cloud, curé du Temple. 


Courtois deMinutte. 282. 


3i6. 


Créquy (Marquise de). 


Coffin (Ânne-Elisabeth). 


39. 


3o8. 


Créquy (Marie-Claire de), 


Coigny (Duc de). 37,66. 


comtesse de Jarnac. 


Coigny (Comte de). 116, 


119. 


254. 


Crillon (Abbé). 342. 


Coigny (Chevalier de). 


Croizier, graveur. 373. 


270. 


Croy (Duc de). 106. 


Coislin (Marquis de). 


Crozat (M. de), baron 


254. 


deThiers. 33 1. 


Coislin (Marquise de). 


Curzon (Henri de). H2, 


253 à 255. 


ii4. 


Colin, boucher. 286. 


Cuyp (Albert). 34o. 


CoUard (M^^e), dite Gui- 




mard. 281. 


Dailly (Jacques - Fran- 


Condé, voir : Bourbon- 


çois). 23l, 232, 235, 


Condé. 


236. 


Conty, voir : Bourbon- 


Dailly (Marie - Claude 


Conty. 


Gauche, femme). 202, 


Coraline, actrice à la Co- 


229 à 236, 283, 285, 


médie-Italienne. 176, 


3i4, 319. 


319 à 321. 


Dalembert. 127. 


Cordier (M»«). 297. 


Dambry, maire deL'Isle- 


Corneille (B.). 35i, 353. 


Adam. 363. 


Cortone (P.-P. de) dit le 


Dangeau (Marquis de). 


Gobbo des Carraches. 


7,8. 


339, 340, 344. 


Danthieur, fermier du 


Corrège (Ant. AUegri dit 


Temple. 209. 


Le). 340. 


Dauberval, danseur. 266. 


Cossé (Comte de). 264. 

1 


David (M"«). 270 à 272. 

26 



402 



TABLB ▲LPHABBTIQUB 



Deffand (Marquise du]. 

87, 123, 124) l3l| 2l5, 

220, 227, 3ii, 3i2. 
Del Campi d'Oglio).35i. 
Delille (Abbé). ii5. 
De Lorme, peintre. 370. 
Delorme(M»*). 323 à 325. 
Delorme(M"^)9daaseuse. 

274. 
DeIu8sault(M»*). 357. 
Deuin deBelhouzie.357. 
Denis (M™*). 281. 
Dervieux (M"«). 274. 
Des Alleurs (M"«), voir : 

Boufflers-Rouverel. 
Descartes. 19. 
Deschamps (M*^). 249, 

25o, 279. 
Desfins, fermier. 76. 
Deshays, peintre. 33o. 
Desmarais, marchand de 

tableaux. 342, 35o. 
Desraisydessinateur. 372. 
Detouche, collection- 
neur. 349. 
Deux-Ponts (Chrétien IV. 

duc des). 279, 280. 
Dezanville (M"«). 281. 
D'Héricourl, musicien. 

i33. 
Diderot. 116, 1869 196, 

3oi^ 3i3.. 
Dietricei. 334, 338. 
Dombes (Prince de), 

voir : Bourbon. 
Donezan, voir : Usson. 
Donjeu, marchand de 

tableaux. 3o3, 3o5, 

34a, 35o. 



Donnes (Comte de). 204. 
I)oray, gondolier. i54' 
Dortous de Mairan. 117^ 

3l2. 

Doublet de Bauche. 262. 
Douglas (Chevalier de). 

92. 
Douet de la Boullaye. 

280. 
Dow (Gérard). 337, 338, 

339, 344, 347. 
Dreux (Marquis de). 28, 

39, 4o. 
Dubarry (Comte). 296, 

33 1, 339. 
Dubarry (JeanneVauber- 

nier. Comtesse). 176, 

177, 179, 282. 
Dubois, marchand de ta- 
bleaux. 349- 
Dubreuil (M"*«). 212. 
Dubut(Abbé).323à325. 
Duclos. 207. 
Ducerceau (Le Père). 22, 

23. 

Duchesne (M"« veuve), 
libraire. 191. 

Du Gard. 25 à 27. 

Duguay-Trouin. 240. 

Dulac, marchand de ta- 
bleaux. 342. 

DulindeFontenette.3o3, 
3o4, 3o5, 307. 

Dulin de Fontenette 
{M"*e). 3o3, 307. 

Dumirey (M"«). 279. 

Du Peyrou. 192. 

Dupin (M"*«). 2o3, 2o5, 
211, 2l3. 



TABLB ALPHÀBBTIQUB 



403 



Dupin de Francueil. 207. 

Duplan (M»«). 286, 286. 

Duport (Jacques), musi- 
cien. i33. 

Duport (Charles), musi- 
cien. i33. 

Dupuis (M"»), dite Léli- 
cot. 279, 281. 

Durancy (M"«). 266 à 268. 

Duras (Jacques-Henri, 
duc de). 121. 

Duras (Maréchal de). 
276. 

Duras (Louise - Made- 
leine Eschalart de La- 
marck, duchesse de). 
121. 

Durfort (Chevalier de). 
254. 

Durocher, policier. 238. 

Dutens, diplomate. 4) 
90, 91, 129, 219, 3l2, 
3i3, 356. 

Duthé (M»*). 287, 288. 

Duval, secrétaire du 
lieutenant de police. 
277. 

Dyck(Van).337,34o. 

Eberts, joailler. 3o3. 

Egmont (Casimir, comte 
d'). 120, 121. 

Egmont (Henriette-Julie 
de Durfort de Duras, 
comtesse d'). 121. 

Egmont (Jeanne du Pies- 
sis - Richelieu, Com- 
tesse d^* 120, 121, 3i3. 

Elisabeth, impératrice 



de Russie. 90. 

Eon deBeaumont (Che- 
valier d'). 90 à 92. 

Epinay (Lalive d'). 206. 

Epinay (M'»^ Lalive d'). 
187, 2o5 à 208. 

Epinoy(Louis,princed'). 
16. 

Epinoy (Ambroise, mar- 
quis de Melun, prince 
d'). 27. 

Epinoy (Jean-Alexandre- 
Théodore, comte de 
Melun, prince d'). 27. 

Esparre (M«^« d'). 267. 

Este (Marie-Fortunée d'), 
comtesse de La Mar- 
che, puis princesse de 
Conty. 173 à 176, 269. 

Estrées (Comte d'). 68, 
173. 

Estrées (Maréchale d'). 
119. 

Eu (Comte d*), voir : 
Bourbon. 

Eugène de Savoie, dit 
le Prince Eugène, 36. 

Fauconnier (M"®). 292 à 

294, 297. 
Fel (M»«). i35. 
Ferg (Paul). 334, 349- 
Ferrari Gaudentio. 339. 
Feti (Dominique). 336. 
Feuillet, sculpteur. 34i, 

35o. 
Fillière, musicien. i33. 
Fi tz- James (Marquis de). 

270. 



404 



TABLB ALPHABETIQUE 



Flenry (Cardinal). 25,33, 
43, 45, 5o, 83. 

Fleurj (Marq uis de). 266. 

Flieger, musicien. i33. 

Fontaine (Guillaume dit 
de). 2o3. 

Fontaine (Guillaume dit 
de), fils. 209. 

Fontenelle. 117. 

Fontenette, voir : Dulin. 

Fortier, collectionneur, 
33o. 

Fragonard(Honoré).339. 

France (Jean-Baptiste- 
Gaston de), duc d'Or- 
léans. i38. 

France (Louis de), Dau- 
phin. 46, 73, 86, loi. 

France (Louis-Stanislas- 
Xavier de), comte de 
Provence. 109, 178. 

France (Charles - Phi- 
lippe de), comte d'Ar- 
tois. 179. 

France (Anne-Henriette 
de), dite Madame. 46. 

France (Louise - Marie- 
Thérèse de), dite M«* 
Victoire. 109. 

France (Adélaïde-Marie 
de), dite M°»* Adélaïde. 
102. 

Franck (François). 337. 

Francœur,musicien.2o6. 

Francueil (Dupin de), 
voir : Dupin. 

Franque (P.). 366. 

Frédéric-Auguste, roi de 
Pologne. 32, 33, 84- 



Frédéric II, roi de Prusse. 
56, 62, 86. 

Fresnel (Françoise-Elisa- 
beth de), marquise de 
Vierville, voir : Mes- 
nildot. 

Fribourg (Conrad de). 
i46. 

Fribourg (Jean de). i46« 

Friesen (Comte de). 77 à 
79, II 5. 

Fronsac (Duc de). 256. 

Froulaj (Bailli de). 95. 

Fumé, médecin. 3ii. 

Gaignat (M. de), collec- 
tionneur. 33o, 337, 
346, 347, 348. 

Gaillard de Gagny, col- 
lectionneur 33o. 

Gaspard, musicien. i33. 

Gatayes (Pierre - An- 
toine). 319. 

Gauche (Jean). 23 1. 

Gauffrecourt. 207. 

Gauthier. 282. 

Geoffroy (Abbé). 284. 

Geminiani. 35 1, 353. 

Genlis (Comtesse de). 3, 
4, 159, 160, 162, 174, 

220, 225, 254- 

Geoffrin (M«^«). 128. 
Georgel (Abbé). 89. 
Gérard (Clotilde). 366. 
Gerbier, avocat. 194, 195. 
Gersaint, peintre-expert. 

33o, 332. 
Gesvres (Duc de). 83, 

io3, io4» i42- 



TA.BLB ALPHABETIQUE 



405 



Girardety dessinateur. 
373. 

Givry (Bailli de). 55, 

Glomy, marchand de ta- 
bleaux. 33o, 33a à 336. 

Gobot de Bruen. 34a* 

Goezman. ig5. 

Goffredy. 34o. 

Goncourt (Ed. et Jules 
de). 102. 

Goujon (Jean). 35 1. 

Gourdan (M"*®), proxé- 
nète. 270, 275, 279, 
280, 2g5, 296. 

Grammont (Duc de). 
252, 299, 33 1, 339. 

Gray(Th.). i23. 

Greuze (J.-B.). 339. 

Grimaldi, prince de Mo- 
naco. 320. 

Grimm (Baron). 77, 78, 
79, 128, i34, i35, 267. 

Grimot (Abbé). 108, 109. 

Gronemann, musicien. 
i33. 

Guéménée (Prince de). 
270. 

Guerchin (Le). 34o. 

Guérin, chirurgien. i52, 
261, 281,282, 284,291, 
295, 296 à 299, 307. 

Guide (Guido Reni dit 
le). 337, 339, 340. 

Guillaume III, roi d'An- 
gleterre. i44- 

Guimard (M"«). 297. 

Gustave IIl,roide Suède. 
87, i84, i85, 226, 3io. 



Hatte (Catherine), voir : 
M™« de Vauvré. 

Hattonville (Marie-Fran- 
çois-Félix, chevalier 
d'), voir : Bourbon- 
Conty. 

Hecquet (M"*«), proxé- 
nète. 118. 

Heina, musicien. i34. 

Heineken (M. de), collec- 
tionneur. 33o. 

Heinel (M»^«). 272 à 274, 
275. 

Helle, marchand de ta- 
bleaux. 33o. 

Hénault (Président). 4, 
C19, 120, 122, i65,i66, 

3l2. 

Hénin (Alexandre-Marc- 
Marcelin, prince d'). 
116, 122. 

Henri IIl, roi de France. 
i4o. 

Hermand,curé de L'Isle- 
Adam. 3i8. 

Hesse-Rhi nfelds (Caro- 
line de), princesse de 
Bourbon - Condé, (2^) 
femme de Monsieur le 
Duc. 29, 45. 

Heyden (Jean van der). 
338. 

Hocberg (Rodolphe d'). 
i46. 

Hocberg (Jeanne d'),du- 
chesse de Longueville. 
i46. 

Houdetot (M. d'). 207. 



406 



TABLE ALPHABÉTIQUE 



Houdon. 366, 869. 
Hume (David). 1921 1989 

221 à 224- 

Issarts (Des), ambassa- 
deur. 85, 86. 

Janson, musicien. i33. 

Jardin (Carie du). 338. 

Jarnac, voir : Rohan- 
Chabot. 

Jelyotte (Pierre). 127. 
129, i3o, 241. 

Jordaens (Jacques). 338. 

Josépin. 336. 

Joullain, marchand de 
tableaux. 33o, 342. 

Jouvenet (Jean). 340, 
35o, 354. 

Joyeuse (Cardinal de). 
i4o. 

Julienne (M. de), collec- 
tionneur.33oy 337, 346. 

Jully (Lalive de), col- 
lectionneur. 33O9 337. 

Jumilhac (M. de), col- 
lectionneur. 342. 

Kellermann, duc de 
Valmy. 209. 

Kingston (Duc de). 2o3, 

205. 

Kohault, musicien. i33. 

La Beaumelle. 2. 
Laborde (Benjamin de). 

235, 258. 
La Carte (Marquis de). 

55, 243. 
LaChalotais. 167. 



La Chevaleraye, voir : 
Ricard. 

LaClavière (M. de),i;otr : 
Chamborant. 

Lacroix, partisan. 48. 

Lacroix, coiffeur. 256. 

Ladvocat , collection- 
neur, 33i, 339. 

La Fare (Philippe-Char- 
les, marquis de). 12 
à i4, 17, 60, 64, 67, 
83. 

Lafayette (Marquis de). 

3l2. 

Laforest (M»*). 271. 

La Fosse (Charles de). 
337. 

La Galissonniëre. 127. 

Lagrenée. 889. 

La Guériniëre. 26. 

La Guiche (Comte de). 
33o, 337. 

La Marche (Louis-Fran- 
çois-Joseph, comte de), 
voir : Bourbon-Conty. 

La Mina (Marquis de). 
5i, 52, 55, 57, 59. 

La Morlière (Chevalier 
Rochette de). 290, 3o i , 

302. 

La Morlière (Magalon 

de). 3o2. 
Lamotte (M"«). 198. 
Landivisiau (M. de). 240. 
Landon, graveur. 373. 
Langeac (Marquis de). 

2971 298. 
Langeac (Marquise de). 

298. 



TABLE ALPHABETIQUE 



407 



Langlier, marchand de 
tableaux. 34a, 344) 345 
à 35o, 357. 

Lannes de Montebello. 
209. 

Lannoy (M"«). 91. 

La Noue (M. de). i5. 

La Patrille, mousque- 
taire. 272. 

La Porte-Mazarini (Ar- 
mande de). 97. 

La Porte-Mazarini (Ma- 
rie-Charlotte de). 12. 

La Prairie (W^). 286, 

299- 
La Rochefoucauld-Dou- 

deauville (Duc de). 

234. 
La Roche - sur - Yon 

(Louise- Adélaïde, 

princesse de), voir : 

Bourbon-Conty. 
Larrivée (Henri). i35, 

252, 253. 

La Rue, sculpteur. 329. 
Lassay, collectionneur. 

340. 
La Touche (M"»* de). 

203, 205, 2IO,2II,2l3. 

La Tour (Le Père Simon 
de). 24, â5, 84, 92, 93. 

La Tour (Chevalier de). 
262. 

La Trémoille (Charlotte 
de), princesse de Bour- 
bon-Condé. i44- 

L'Âubespine, voir : Ver- 
deronne. 



Launay (Chevalier de). 
269, 272, 341. 

Lau raquais (Louis-Féli- 
cité-Léon, duc de 
Brancas, comte de). 
147,256,258,259,269, 
272, 273, 33f. 

Laurpin (M"«). 276. 

Lauzun (Duc de). 116, 
263, 285. 

Lauzun (Amélie de Bouf- 
flers,duchessede).i24. 

225, 3l2. 

LaVallière (M"« de). 42. 

Lavarenne (M"^*), proxé- 
nète. 260. 

La Vrillière, voir : Phe- 
lipeaux. 

Le Beau, graveur. 372, 

Leblanc (Âbbé). 342. 

Lebrun - Pindare. 295, 
307 à 309. 

Lebrun (Marie-Anne de 
Surcourt,femme).3o7, 
3o8. 

Lebrun, marchand de 
tableaux. 33o, 342, 
344,345,346,350,357. 

Lebrun,marguillier.327. 

Le Cars, graveur. 372. 

Leczinska (Marie), reine 
de France. 45, 46, i23. 

Leckzinski (Stanislas). 
33,38,85,87,109,215. 

Leclerc (M"«). 278, 279. 

LeclercII (M»«). 281. 

Legrand (M"»). 282, 283. 

Le Fort, chirurgien. 78, 

79- 



408 



TABLE ALPHABETIQUE 



Legay (Le Père). 20. 
Lelièvre , apothicaire. 

282». 
Lemaire, sculpteur. 358. 
Le Maire, peintre. 872. 
Leinierre(M**«). i35, i36, 

25 1 à 253. 
Le Moine (François). 34o. 
Lempereur, collection - 

neur. 339* 
Le Nain (Les frères),339, 

35o, 35 1, 353. 
Lenfant (Pierre). 369. 
Lennox (Lady Sarah). 

116. 
Le Noir, lieutenant de 

police, iio, 238. 
Le Noir (M"«). 270. 
Lenormand d'Etiolles.97. 
Lenormand de Tourne- 

hem. 106. 
Le Nôtre, architecte. i4i. 
Leuôtre (M. G.). 323. 
Le Paig^e, avocat. 117, 

170, 180. 
Leroy, portier à Stors, 

2l3. 

Lespinasse(M"*de). 220. 
Lesueur(Eustache). 352, 

353. 
Le Tellier. 372, 373. 
Létorière (Marquis de). 

321. 

Le Vasseur (Thérèse). 

189, 193. 
Levieux, réparateur de 

tableaux. 356. 
L'Hôpital (Marquis de). 

92, 247. 



L'Hôpital (Marquise de). 
176, 247, 248, 3 i3, 3i4. 

Ligne (Prince de). 2. 

Loir, peintre. 352. 

Longpré (M"®). 275. 

Longueville (Ducs de), 
voir : Orléans. 

Longueville (Anne-Ge- 
neviève, duchesse de), 
voir : Bourbon-Condé. 

Longueville (Jeanne, du- 
chesse de), voir : Hoc- 
berg. 

Loo (Carie van). 339. 

Loo (François van). 339. 

Loo (Louis-Michel van). 
33i, 339. 

Loos (Comte de), ambas- 
sadeur. 85. 

Lorenzi (Chevalier de). 
127, 128, 182, 187, 188. 

Lorge (Chevalier de) . 365, 
368. 

Lorrain (Claude Gelée 
dit le). 339, 347. 

Lorraine (François de), 
grand-prieur. 96. 

Louis XIIL i38. 

Louis XIV. 85, 144. 

Louis XV, passim. 

Louis XVI, 109,180,181, 
182,185,357. 

Lovirendahl (Maréchal 
de). 260. 

Lowendahl (Comte de). 
264. 

Luxembourg (Maréchal 
de). 187, 190, 278. 



TABLE ALPHABETIQUE 



409 



Luxembourg (M"« de) 
d'abord duchesse de 
Boufflers. 38, 89, 4o, 
I22àia4) 1^99160,187, 
188^ 190, 193, ai5, 

225, 3l2. 

Luxembourg (Chevalier 

de). 268, 342. 
Luynes (Duc de). 4i> 66, 

82, 88, 102, io3, 108, 

121, 217. 

Mac Carthy {W^). 282. 
Maillebois (Maréchal de). 

43, 44, 46, 47i 60, 61. 
Maillebois (Marquis de), 

fils du maréchal. 5i, 

58. 
Mailly (Comte de). 97. 
Mailly (Comtesse de). 

38 à 4o, 44, 45, 97, 

98. 
Maine (Duc du), voir : 

Bourbon. 
Mainvilliers (M"«). 285. 
Mairan, voir : Dortous. 
Malherbe (M"*«). 284. 
Mandreville, capitaine 

des chasses. 36 e. 
Manglard, peintre. 33o. 
Mansard, architecte. 112. 
Manscourt, trésorier. 1 46, 

235, 307, 326, 355. 
Manville (M™® de Jean 

de), voir : Sabran. 
Marais, inspecteur de 

police. 229, 23i, 233, 

238, 25i, 253, 256 à 

261, 263 à 205, 270^ 



273, 275, 277, 279, 
281 à 283, 285^ 297. 
Mareschal, notaire. 210^ 

2l3. 

Marie - Antoinette. 89, 
109, 181, 182, i83. 

Marie-Josèphe d'Autri- 
che. 86. 

Marie-Thérèse d'Autri- 
che. 43, 61 à 64, 88, 89, 
181, 182. 

Marie-Thérèse, infante 
d'Espagne. 86. 

Mariette, expert. 33o, 
332, 337. 

Marigny (Abel Poisson, 
marquis de Vandiè- 
res, puis marquis de). 
98, 106, 107, 274. 

Marigny (Chevalier de). 
262, 263. 

Marnier, domestique. 
i52, i53. 

Marquis (M"®). i25. 

Mars (M™«). 284. 

Martin, expert. 33o. 

Martin (M"«;. 275 à 278. 

Marville (Feydeau de), 
lieutenant de police. 
237, 244^246. 

Massillon. 170. 

Mathas,procureur fiscal. 
187. 

Matignon-Gacé (Marie- 
Thomas - Auguste 
Goyonde). 12, i3. 

Matignon (Louis-Jean- 
Baptiste Goyon de). 1 3. 



410 



TABLB ALPHABBTIQDB 



Matignon (Edme-Char- 

lotte de Brenne, mar- 
quise de). 12. 
Matthéas (M»<»). 284. 
Maulévrier (M»« de). 1 56. 
Maupeou (Le chancelier 

de).i67ài69, 179, 180, 

i85. 
Maupeou (M. de), colo- 
nel, 272. 
Maurepas (M. de). 74, 

157, 357. 
Maximilien-Josephyélec- 

teur de Bavière. 61, 

62, 74. 
Mayeur de Saint-Paul. 

3oo. 
Mazarin (Duc de). 25 1, 

268. 
Mazarin (Duchesse de). 

25o, 25i, 295, 324, 325. 
Méer (van der), le Vieux, 

35i. 
Melfort (Comte de). 221. 
Melun (Ânne-Julie-Âdé- 

laîde de). 16. ' 
Melun (Comte de), voir: 

Epinoy. 
Ménageot, marchand de 

tableaux. 342, 35o. 
Mérard, sculpteur. 358, 

359, 36 1, 362, 369. 
Mercier, marchand de 

tableaux. 342, 348. 
Mercy-Argenteau(Comte 

de). 89, 181, 182. 
Merle (Comte de). 34i- 
Merle, vaudevilliste. 75. 
Mesnildot (M™* Bernar- 



din de), marquise de 
Vierville. I25. 

Mesnildot (Mu« de), mar- 
quise de Barbantane, 
voir : Barbantane. 

Mesny, doreur. 295, 3o2 
à 307. 

Metzu (Gabriel). 338, 
339. 

Meulen (Van der). 339. 

Meusnier, policier. 237, 
238. 

Michel-Ange des Batail- 
les, voir : Cerquozzi. 

Miel (Jean). 337, 338. 

Mieris (François van). 
338. 

Mignard. 35 1, 353. 

Millet (F.), peintre. 355. 

Millioty,antiquaire. 328. 

Minuzzi (Général). 48. 

Mirabeau (Marquis de)- 
192. 

Mirepoix (Duc de). 124. 

Mirepoix (Duchesse de). 
124 a 126, 155,176. 

Modène (Chevalier de). 
55, 94. 

Modène(François-Marie, 
duc de). 173, 174. 

Modène (Charlotte- 
Agiaé, duchesse de), 
voir : Bourbon -Or- 
léans. 

Moitte, statuaire. 342, 
358, 370. 

MoIé, comédien. 266. 

Monaco (Prince de),i;oi>: 
Grimaldi. 



TABLE ALPHABETIQUE 



4il 



Moncley (Charlotle de). 
27. 

Moaconseil(M^de). 122. 

Montalembert-Maamont 
(Marquis de). 53, 74. 

Moatboissier (M"** de). 
i57. 

Montcairzain (Comtesse 
de). 25o, 322 à 326. 

MontessoQ (Marquis de). 
114. 

MoDtesson (Marquise 
de). ïikj 160. 

Monlfleury (M"*« de). 157. 

Monigaultier (M"« de). 
285, 286. 

Monti^ny (M"*«), proxé- 
nète. 276. 

Montmorency (Charlotte 
de), princesse deBour- 
bon-Condé. i38, i44- 

Montmorency-Laval (M. 
de). 58, 216, 268. 

Montmorency-Logny 
(M a r i e - P h i 1 i p pi n e- 
Thérèsede). 124. 

Montijo (Comte de). 52. 

Montpensier (M"* de). 
119. 

Monville (M. de), grand 
maître des eaux et fo- 
rêts. 256. 

Moor (Carie de). 35 1,352. 

MoreaUydessinateur. 263. 

Morel^ architecte. 358. 

Moret, valet de chambre. 
76, 78. 

Mortemart (M™«de).2o4. 

Mortain(M. de).33i. 



Morville (M™« de), voir : 
Surgères. 

Mouffle d'Angerville.2,3. 

Mouhy (Chevalier de). 
198. 

Mozart. 116, 117, 127, 
129, 340. 

Murillo. 337, 339, 346, 
3499 352, 354. 

Mussot (Ârnould). 3oo. 

Mutien (Jérôme). 337. 

Mercœur (Louis - Ar- 
mand, duc de), voir : 
Bourbon-Conty. 

Nassau (René de). i43. 

Nassau (Philippe-Guil- 
laume de). i43, i44* 

Nassau (Louise de), élec- 
trice de Brandebourg. 

144. 

Natoire. 34 1. 

Nauroy (M.). 234. 

Nazzi (Mario). 337. 

Néefs (Pierre). 337. 

Néer (Eglon van der). 
339. 

Nemours (Duchesse de), 
voir : Orléans. 

Nesle (Marquis de). 97. 

Neufchâtel (Isabelle de). 
r46. 

Neuville (Comte de). 342. 

Noailles (Maréchal de). 
49, 58, 84. 

Noai 1 1 es (Marie-Victoi- 
re-Sophie de), com- 
tesse de Toulouse. 29. 

Noisy (Comtessede). 244* 



4f2 



TABLE ALrBABSTIQUE 



OllÎTier (Michel-Barthé- 
lémy). II 6, 117, i54« 
340, 366, 367, 368. 

Oppenord, architecte. 
112. 

Oranj^-Nassaa (Eléono- 
re, princesse d*), ooir : 
Bourbon-Condé. 

Orléans (Ducs d'}, voir : 
Bourbon-Orléans. 

Orléans (Jean - Louis - 
Charles d'), duc de 
Long^ueville. 144? i47* 

Orléans(Henri-Louisd'), 
duc de Longuevilie. 

i44» i46, i47- 

Orléans (Charles à% 
grand-prieur de Fran- 
ce. 96. 

Orléans (Marie d'), du- 
chesse de Nemours. 
147. 

Ossun (Comte d'). 34a. 

Ostade (Adrien van). 338^ 
348, 349. 

Oudry (Jean-Baptiste). 
340. 

Paillet, marchand de ta- 
bleaux, 342, 348, 35o, 
357. 

Pajou, statuaire. 342- 

Panneau d'Arty, voir : 
Arty. 

Paparel (Claude-Fran- 
çois). i4* 

Paparel (Françoise). i4. 

Papillon de La Ferté. 
i36, 169. 



Parisot^ mattre des re- 
quêtes. 86. 

Parrocel (Joseph). 34o. 

Parrocel (Ignace). 369. 

Pater (Jean - Baptiste) . 
340. 

Peilhon, secrétaire du 
roi. 33o. 

Pelin (M"«). 261, 262, 
264 à 266. 268, 272. 

Pel t , mathématicien. 
33i. 

Penthièvre (Duc et du- 
chesse de), voir : Bour- 
bon. 

Peplo (Louis-Robert de). 
116. 

Pérault, colon. 260. 

Perraux, grand hospita- 
lier. 96. 

Petit, médecin. 3ii. 

Petit, graveur. 373. 

Phelipeaux, comte de 
Saint-Florentin, puis 
duc de La Vrillière. 
io5, 168, 298, 3oo. 

Phelipes (Lieutenant-gé- 
néral). 48. 

Philippe (Don), infant 
d'Espagne. 5i à55, 69, 
60, 97. 

Phul (Général). 35. 

Picault, réparateur de 
tableaux. 356. 

Pineau de Luze (M™«). 
157. 

Plançon, marchand. 280. 

Poelenburg (Corneille). 
337. 



TABLE ALPHABETIQUE 



443 



Poix (Princesse de). 3 12. 
Polignac (Abbé de). 85. 
Polignac (M°*® de). 11 5. 
Pompadour (Madame 

de). 5, 70, 72, 84, 96 à 

ifo, 123, 125, 176, 

33o. 
Pont-de-Veyle (Antoine 

Ferriol, comte de). 

121, 122, i57 à i6o, 

225, 3i3. 
Porbus. 338. 
Porée(Le Père). 19 à 21. 
Porsein (M**«). 272, 273. 
Potel (P.-C), bailli de 

Llsle-Adam. 199. 
Potter (Paul). 338, 344, 

346. 
Pougens (Chevalier de). 

321, 322. 

Poussin (Nicolas). 339, 
35o. 

Prémainvîlle,collection- 
neur. 342. 

Prévost (Abbé). 173,197, 
198, 200. 

Prie (Louise de), du- 
chesse de Gardonne, 
maréchale La Motte- 
Houdancourt. i4o. 

Prousteau , collection- 
neur, 33o. 

Provence (Comte de), 
voir : France. 

Provers, musicien. i33. 

Quadt (M. de>, lieute- 
nant-général. 35. 



Quesnel, marchand de 
tableaux. 349- 

Quesnoy (François Fla- 
mand, dit Le). 328, 
329, 341. 

Quétan, secrétaire du 
prince de Conty. i3o, 
i3i. 

Quoniam (M"«). 32, 33, 
36, 239, 240. 

Ramonet, graveur. 372. 

Randon de Boisset. 33 1 
à 333, 341. 

Raoux (Jean). 339. 

Raymond V, prince d'O- 
range. 143. 

Redon, peintre. 352. 

Rembrandt. 338, 349- 

Rémoville (François- 
Claude - Fauste, mar- 
quis de), voir: Bour- 
bon-Conty. 

Rémy, peintre -expert. 
328, 33o à 332, 341 à 
343, 347, 349, 35o, 352, 
353. 

Renault, fondeur. 34* 

Renoire (Abbé). 342. 

Rénon, bailli de Malte. 
94 à 96. 

Restout. 354. 

Ribérac (M°>« de). 39. 

Ricard de la Chevale- 
raye. 25j 3i. 

Ricci (Sébastien). 352, 
353. 

Richard (Charles). 323 à 
325. 



414 



TABL£ ALPHABETIQUE 



Richelieu (Cardinal de). 

Richelieu (A rmand - 
Louis du PlessiSy mar- 
quis de). 12, i6y 17. 

Richelieu (Duc de). 12, 
71, 127, 180, 240, 24lt 
296, 3l2. 

Richelieu (Comtesse 
d'Egmont, née), voir : 
Egmont. 

Richmond(Duc de). 1 16. 

Rigaud(Hyacinthe).366. 

Rocheforl (M">* de). 169. 

Roguin, ami de J.-J. 
Rousseau. 190. 

Rohan (Cardinal de). 29. 

Rohan-Ghabot (Guy-Au- 
guste de). 119. 

Rohan - Chabot (Louis- 
Auguste de). 116, 119, 
229, 

Rohan-Chabot (Charles- 
Rosalie de), vicomte de 
Jarnac. 118, 119. 

Rohan-Chabot (Marie- 
Sylvie de), voir : Beau- 
vau-Craon. 

Roissy(Anne Michel de). 
116. 

Rombourg, peintre. 35 1 . 

Romée (Marquis de). 
263, 264, 271. 

Rooz. 35 1, 352. 

Rosa (Salvator). 337, 
35i, 352. 

Rosalba Carriera. 337. 

Roslin d'ivry. 236. 

Roth. 79. 



Rothmeyer. 35i. 

Rousseau (J.-J.)- i3i, 
i32, i36, 186^ 187 à 
195, 199, 2o3, 226. 

Rou verel (Antoine-Fran- 
çois Oudart de). 216, 
217. 

Rouverel (Renée-Espé- 
rance de). 216. 

Rubens. 337, 338, 339. 

Rusch. 334. 

Ruysdaël (Jacques). 338. 

Sabatin (M»«), c;o2r: Lan- 
geac. 

Sabran (Comte Joseph 
de). II 5. 

Sabran (Comtesse de). 
ii5, 160. 

Sade (Marquis de). 8. 

Sailly (M. de). 177. 

Saint-Aignan (Georges- 
Gaspard de Clermont- 
Gessans,comte deCler- 
mont, marquis de). 12, 
16. 

Saint-Aignan (Duc de). 
336, 34o. 

Saint^Aubin (Marquise 
de). 3oi. 

Saint-Blancard (Cheva- 
lier de). 272. 

Sainte-Beuve. 5,221,228. 

Sainte-Foy. 273, 3oi. 

Saint-Florentin, voir : 
Phelipeaux. 

Saint-Janvier (M™« de). 
259. 

Saint-Lambert. 128. 



TABLB ALPHABBTIQUB 



415 



Saint-Léon (M"^® Louise 

Brayer de). 3aa. 
Saint^Loais, proxénète. 

276. 
Saint-Mégrin (Duc de). 

280. 
Saint^Noms (Abbé). 34^. 
Saint-Séverin (Marquis 

de).65,83à85,9a, io3. 
Saint-Simon (Marquis 

de), bailli. 96. 
Saint-Vincent (M»* de). 

3ia. 
Salucci. 337. 
Saluées (M™« de). io4, 

295. 
Sanadon (Le Père). 19, 

93. 

Sartines (M. de), lieute- 
nant de police, iio, 
a38, 3oi. 

Saujon (Marquis de). 
216. 

Saujon (Charles-Fran- 
çois, chevalier de). 

2l5. 

Saxe (Marie- Josèphe de). 
73, 86, 88. 

Saxe (Maurice de). 35, 
66 à 81, loi, 240. 

Scalcken(Godefroy).337. 

Scheffer (Baron), minis- 
tre de Suède. 86. 

Schenker, musicien. i33. 

Schenker (M"«) , harpiste . 
i33. 

Schidon (Barthelemi). 
336. 

Schmidt, graveur. 370. 



Schobert, musicien. i33. 
Scipion, petit nègre. 

174, 175. 
Seckendorf (Maréchal 

de). 47, 48. 
Ségur(M. de). 3i2. 
Selle (M. de). 33o. 
Sénac, médecin. 77. 
Sénac (M. de). 274. 
Sens (M"« de), voir: 

Bourbon-Condé. 
Sergent (Henriette- 

Louise-Gatherine de). 

302. 

Serrur (Henri-Auguste- 
César). 369. 

Sireuil(M. de).332,342. 

Slodtz, sculpteur. 33o. 

Sobieski. 85. 

Solémi (M. de). 55. 

Solimène le Napolitain. 
339. 

Sorbets mousquetaire. 
33i. 

Soubise (Jules-François- 
Louis de Rohan, 
prince de). 16, 4i- 

Soubise (Charles de Ro- 
han, prince de). 104» 
105,179,248,273,274, 
287. 

Soubise (M"« de). io4, 
106. 

Soulavie (Abbé). 16, 
266, 267. 

Souvré (M. de). 107. 

Soyer (Julie). 322. 

Sozzy, bailli du Temple. 
117. 



416 



TABLE ALPHABBTIQUB 



Sperotti (Lucie-Perret- 

te). 321. 
Stalben. SSy. 
Stainville (M. de). 58. 
Steen (Jean). 338. 
Steenwick (Henri). 338. 
Sully (Duc de). 33o. 
Surcourt (Marie-Ânne 

de), voir : Lebrun. 
Surgères (Marquis de). 

ii5. 
Surgères (Marquise de. 

ii5, i56, 157. 
Sysang,dessinateur.370. 

Taaf, agent secret. 91 . 
Talbot, mattre maçon. 

358. 
Tallard (Duc de). 33o, 

33a, 333, 337. 
Téncin (M"® de). 121. 
Ténier8(David).338,346, 

348, 349. 
Terburg (Gérard). 338. 
Terray (Abbé). 168, 177, 

178, i85. 
Testard (M"«). 260 à 263, 

271. 
Thann (Comte de). 48. 
Théodore, peintre. 35 1, 

353. 
Théveneau de Morande. 

265. 
Thibaudeau (Adolphe). 

333. 
Thiroux deMontregard. 

278. 
Titien (Le). 337, 35i, 

352. 



Tolliers, marchand de 

tableaux. 342. 
Toquinet,banquier. 260. 
Toulouse (Comte de), 

voir : Bourbon. 
Toulouse (Comtesse de), 

voir : Noailles. 
Tournelle (Marquis de 

la). 97. 
Tressan (Comte de). 122, 

123. 

Trevisani, peintre. 35i. 

Triai (Antoine), chan- 
teur. i3o, i33, i34, i36. 

Trial (Jean-Ciaude), mu- 
sicien. i32, i33. 

Trial (M"»«), née Caubet. 
i33. 

Tronc, contrôleur du 
Prince, 3o8. 

Troy (M. de). 33o. 

T r o y e (Jean-François 
de). 339. 

Trudaine (Daniel-Char- 
les de). 127, 129, 3i2. 

Trudaine (M"e). II 5. 

Tugot (Jeanne-Fran- 
çoise). 23 1. 

Turgot. i85, 186. 

Tyrconnel (Lord). 5i. 

Usson de Bonnac (Char- 
les-Armand d'), dit le 
marquis de Donezan. 
ii4, 159^ 160. 

Vachon, musicien. i33. 

Valentinois (Duchesse 
de). 176. 



TABLE ALPHABETIQUE 



m 



Vandières, voir : Mari- 

Vassal de Saint-Hubert. 
33i. 

Vaudeuii(M, de). 26. 

Vaujours (Louis-César 
Le Blanc de la Baume, 
duc de La Vallière, 
puis duc de). 242. 

Vaujours (Julie-Fran- 
çoise de Grussol, du- 
chesse de) 242. 

Vauréal (Chevalier de). 
3ig à 821. 

Vauvré (Alexandre Gî- 
rardin de). 246, 247. 

Vauvré (M"»» de). 246, 
247. 

Vélasquez. 387. 

Veld (Van den). 887, 
888. 

Vence (Comte de). 880. 

Vendôme (Duc de). 2. 

Vendôme (Alexandre 
de), ^rand-prieur. 96. 

Verderonne (Claude-Ma- 
rie de TAubespine, 
marquis de). 209. 

Verderonne (Etienne- 
Louis de TAubespine, 
marquis de Beau- 
court, puis marquis 
de). 198, 208, 209. 

Verdussen, peintre. 869. 

Vergennes (M. de). 90. 

Vernet(Joseph).887,889. 

Vernier (M»«). 284. 

Véronèze (Alexandre). 
340, 352. 



Véronèze (P. Calliari de 
Vérone, ditPaul).3i9, 
337, 35i, 352. 

Véronèze (Anne-Mari- 
ne), voir : Coraline. 

Vestris (Gaétan). 268. 

Vestris (Auguste). 268. 

Victoire (Madame), voir : 
Bourbon. 

Vien (Jean-Marie). 889. 

Vierville (Marquise de), 
voir : Mesnildot. 

Vigny, architecte, 33 1. 

Villars (Maréchal de). 
34i 125, i34* 

Villars (Duc de). i25. 

Villemur, fermier géné- 
ral. 84. 

Villeneuve de La Tou- 
210. 

Villeroy (Maréchal de). 
122. 

Villeroy (Charles Neu- 
ville de). i4o. 

Villeroy (Duchesse de). 
268, 295. 

Viiletaneuse (M. de), col- 
lectionneur. 342. 

Vintimille (M"«de). 97. 

Viriville (Françoise-Sa- 
bine de Grolée de). 
209. 

Viron, chef marmiton. 
3o8. 

Voltaire. 19, 20, 24, 157. 

Vougny (M. de). 274. 

Wailly (Chevalier de). 
842. 

.Walpole (Horace). 128, 

27 



418 TABLB ALPHABÉTIQUE 

131,182,220,227,259, Weerf (Van der). 338, 

3i2. 347. 

Wanehop (Anne-Fran- Weninx, 35 1. 

çoise). 216. Wismes (Baron de). 27. 

Wangen (Baron de). 252. Wouwcrmans. 338. 

Watleau, 34o, 35i, 353. Wynanl. 354, 355. 



Table des Matières 



PAOIS 

Jugements sur le prince de Conty i 

I. — Enfance et adolescence 7 

Naissance de Louis-François de Bourbon-Conty. — Son père 
putatif, Louis-Armand de Bourbon. — Passe-temps prin- 
ciers — Un ménage troublé. — Les amants de madame 
de Conly. — M. de la Fare, dit c Poupart ». — Educa- 
tion du prince. — La mort du père Ducerceau. — Mariage 
de Louis-François. 

II. —Conty soldat 3i 

Le prince de Conty et MU^ Quoniam. — Guerre de la succes- 
sion de Pologne. — Naissance du comte de La Marche. 

~ Mort de la princesse de Conty, la jeune. — Retraite du 
prince à l'Isle-Adam. — Guerre de la succession d'Autri- 
che. — Départ subreptice pour Tarmée. — Conty général 
en chef. — La campagne de Flandres. — Démêlés du 
prince avec le maréchal de Saxe. 

III. — Ministre sans portefeuille 82 

Le prince de Conty travaille avec le Roi. — Commentaires 

et suppositions. — Les imaginations du marquis d'Argen- 
son. — t Roi de Pologne ». — La vérité sur ces travaux, 
mystérieux . — Police diplomatique. — Le chevalier d'Eon. 

— Lord Taaf . — Le père de La Tour. — La Compagnie de 
Jésus et l'Ordre de Malte. — Conly contre Pompadour. — 
Retraite du Prince. 

IV. — La Cour du Temple m 

Le prince de Conty, grand prieur de France, se loge au 

Temple. — Le palais prieural. — Réceptions princières. 

— Les habitués, les intimes. — c Le thé à Tanglaisc dans 
le salon des quatre glaces ». — La musique du Prince et 
ses concerts. 



420 TABLE DBS MATIERES 



V. — L'Isle-Adam 187 

Le prince de Gonty propriétaire. — Ses acquisitions, ses 
échanges. -> Embellissement et agrandissement de L'Isle- 
Adam. — Le château, ses dépendances. — Les plaisirs de 
la campagne. — M. de Ghauvelin, poète et M. de Pont- 
de-Veyle, paradiste. ^ Quelques anecdotes. — Le c père 
Prince >. 

M. — Gonty parlementaire i64 

Pair de France. — La c passion du Parlement ». — La crise 
de 1770. — Procès du duc d'Aiguillon. — Exil du Parle- 
ment de Paris. — Protestation des princes. — Défection 
du comte de La Marche. ^ Louis-François-Joseph de 
Bourbon. — Le prince de Gonty demeure seul inébranla- 
ble. — Son triomphe au rappel du Parlement. — Opinions 
politiques et philosophiques du Prince. ^ Ses relations 
avec J.-J. Rousseau, Beaumarchais, Diderot, l'abbé Pré- 
vost. 

VII. — Les amours du prince de Gonty 20a 

Les maîtresses en titre. — Trois liaisons de durée. — M">e Pan- 
neau d*Arty. — Amours batailleuses. — Une amie de 
Mme d'Epinay. — La ressuscitée de Stors. — M"»» de Bouf- 
flers. — La « Minerve > du Temple. — L*amante reste 
l'amie. — M^ Gauché-Dailly, dite de Brimont. — La 
recluse de Popincourt. — Les bâtards reconnus du Prince, 
derniers Bourbon-Gonty. 

VIII. — Les Amours du prince de Gonty (Suite) 287 

Les maîtresses de rencontre. — Index chronologique et 
anecdotique de 173... à 1776. 

IX. — Les Amours du prince de Gonty (Suite et fin) . . . 289 

Une collection de bagues et de souvenirs. — Gérémonial 
d'une visite amoureuse au Temple. — L'aventure de 
Mlle Fauconnier. — Les rabatteurs du Prince. — La Gour- 
dan et le chirurgien Guérin. — Audinot, comédien-direc- 
teur-proxénète. — Le chevalier de La Morlière. — Mesny 
et sa correspondance : le ménage Dulin de Fontenette. — 
Lebrun-Pindare a-t-il vendu sa femme au prince de 
Gonty ? 

X. — Mort du prince de Gonty 3io 

La santé du Prince décline. — Dernier séjour à la campagne. 
— Réconciliation du père et du fils. — Impénitence finale 
de Gonty. — Sa mort: on transporte le corps à L'Isle- 
Adam. — Les bâtards faussement attribués au Prince : 
les chevaliers de Vauréal et de Pougens. — La comtesse 
de Montcairzain. —La succession du prince de Gonty. — 
Sa vente après décès. — Le Prince amateur de tableaux. 



TABLE DES MATIERES 421 

PAGI8 

— Une collection admirable. — La chapelle funéraire de 
Llsle-Adam. — Ce qu'il en reste. 

Iconographie de Louis François de Bourbon-Gonty. . . . 365 

Généalogie des princes de Conty 378 

Bibliographie , 38i 

Index alphabétique ^ 393 



Errata 



Page 84, ligne i3 (en note). Au lieu de : « il s'était signalé en 
Suéde (1741) pour la prompte conclusion du traité des subsi- 
des... n, lire : « il s'était signalé par la prompte conclu* 
si on, etc. » 

Page i22« ligne 4- Au lieu de : « une amitié de quarante ans déjà 
le lie à W*^ la comtesse du Deffand... », lire : « marquise du 
Deffand ». 



Achevé d'imprimer 

à Laval 

le 24 Décembre /507 

sur les presses de 

L. BAUJ^ÉOUD et C' 

pour 

Jean SCHEMIT, libraire 

à Paris. 



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y Des mêmes Auteurs 



G. Capo4< et R. YvE-pLEi8i8 : Varxt gâtant au dix-huitième nèele : 
les Théâtres ctandestins. Ouvrage orné de huit planches. 
Paris, 1905, I vol. in-8, tiré à 53o exemplaires. iS fr. 

G. Capon et R. Yve-PtEssia : Paris gâtant au dtx-huitième siècle : 
"Fille d'Opéra, vendeuie d'amour ; histoire de M^ Deschamps 
(1730-1764), racontée d'après des notes de police et des 
documents inédits. Ouvrage orné de quatre planches en 
couleurs, d'un plan et de deux fac-similés. Paris, 1906. 
1 vpl. in-8, tiré à 53 o exemplaires t5 fr. 

G. Capon et R. Yve-Plessis : Lettres d'amour de Cyrano de Ber- 
gerac, publiées sur le Manuscrit inédit de la Bibliothèque 
nationale, avec une introduction. Ouvrage orné d'un por- 
rraii en taille-douce. Paris, içoS, 1 vol. petit in-8, tiré à 
3 10 exemplaires 7 fr. 5o 



G. Capon : Ler Petites-Maisons galantes deiParis an XVJW siicte, 
•I vol. in-8. Epuisé. 

Les Maisons closes au XKfJT siècle, i vol. in-8. T^puaé. 

G. Capon et H. Vial : Journal d'un hourgeots de Popincottrf. Paris, 
1900, in-8 5 fr. 



R. Yve-Plessis : 'Essai d'une Bihliog^phie française de la Sorcel- 
lerie. Avec une préface par AtasKT de Rochas. Ouvrage 
orné de sept planches. Paris, 1900, 1 vol. tn-S. tiré à 
5oo exemplaires lo fr. 

Petit Essai de Bihtiothérapeutique, ou l'art de soigner les tiwres 
vieux et malades, 1 vol. in- 12. Epuisé. 

Bihtiographie de l'Argot et de la Langue verte, du XV' au 
t XX' siècle, j vol. in-8, tiré k lyS exerapiâures. 7 fr. 5o 

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LAVAL. IMPRIMERIE L. EARNEOUO ET C^. 



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