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LIVRE
M. TERRAT,
Intendant de Lyon,
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L,J)Î
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in 2009 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/pensesdiverse01bayl
PENSEES
DIVERSES
SUR L^ COMETE.
TOME PREMIER.
PENSEES
DIVERSES
Ecrites à un
DOCTEUR DE SORBONNE
A VOccapon
DE LA COMETE
^i far ut au mois de 2)^-
cembre 1680.
P A R Mr. B A Y L E.
SIXIEME EDITION,
TOME PREMIER.
A AMSTERDAM,
Che2 MEINARD UYTWERF^
M D C C X L I X
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n::iSM.
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AVERTISSEMENT
A U
LECTEUR.
Eux rdijdm qui mont pm'fi
confiderabUs m^ obligent a
mettre ici tine petite Prefa*
ce. Il in a fiwblé necef-
faire d'aprendre d'abord ^
mes le^hurs , i. .Pourquoi le ftjle de Cet
Ouvrage eft celui d^un Catholique Romain^
foit qud s'agijje de Religion , [oit quil s'a'
gijfe d^afaires d'Etat, i. Poptrqmi cette,
troijîéms édition nejl pas telle que je l'avois
promije.
On verra l' écUircijfemcnt de la pre^
mïere de ces deux chojes dans le récit
que je vais faire touchant l'origine de cet
Ouvrage.
Comme fetois' Prof Jfeur en Philofiphie h
Sedan lors qu'd parut une Comète oh mois
de Décembre mille fix cens quatre vingts
je me trouVois incejfamment expofé aux
quefions de plujïeurs perfonnes curieufis j
eu allarmées. Je rajfurois autant quil m'i-
toit poffible ceux qui s' inquiet oient de ce
prttmdu mauvaif prefage , rms je ne ga-
■* 2 gyioii
PREFACE.
gmis qtic peu de chofe par les raifimemefis
philofophiques ; on me repondoit toujours
que Dieu montre ces grans Phénomènes ,
afin de donner le tems aux pécheurs de pré-
venir par leur pénitence les maux qui leur
fendent fur la tète, ^e crus donc qutl fe-
roit tres-inutile de raifonmr davantage , h
moins que je n emploi a jfe un argument qui
fit voir que les attributs de Dieu ne per-
mettent pas quil defïine les Comètes a, un
tel effet, Je méditai la-dejfus , ^ je m'a-
l'ifai bientôt de la raifon Thcologtque
que l*on voit dans cet écrit. Je ne ms
fouvenois point de l'avoir lue dans au-
cun livre , ni d*en avoir jamais ouï par-
ler ; cela m*j fit découvrir une idée de
nouveauté qui m'infpira la penfée d'écrire
une lettre fur ce fujet pour être inférée dans
le Mercure Galant, Je fis tout ce que je
pus pour ne point paffer les bornes dJuns
telle lettre ; mais l'abondance de la ma-
tière ne me permit pas d'être ajfez, courte
ç^ me contraignit à prendre d'autres me-
fhres ; c'efl-à-dire , à confderer ma lettre
comme un Ouvrage qu'il faudroit publier
à part. Je n'afeïlai plus la brièveté , je
m'étendis à mon aifè fur chaque chofe ,
(i) Auteur mais néanmoins je ne perdis point de vue
leGâTaiTti Cl) Monfietk de Vtfé, Je pris la refo-
ltitW'4
PREFACE.
lution de lut envoier ma lettre , ^ de k
prier de U donner a fin Imprimeur , &
'd'obtenir ou la permijfion de Air* de la
Reinie fi elle potivoit fiifire pour l'imprcjfion
de mon Ouvrage , comme elle avait fifi
pour rimprejJioH de quelques traitez, fur les
Comètes ; ou le privilège du Roi , s'il en fa'
toit venir la. Il garda quelque tems mon
mojiufirit fans favoir le nom de l'auteur ,
(^ quand on fut lui en d^emander des nou^
velles 5 // repondit quil favoit d'une perfonne
a qui îl tavoit donné a lire , que Air, de la
Reinie ne prendrait jamais fur foi les fuites
de cette affaire , O^ quil faloit recourir a
l'aprobatian des Douleurs avant que de poU'
voir follicîter un privilège du Roi , détail
pénible , long , ^ ennuieux , ou il n avait
pas le loifir de s'engager. On retira le ma^
nufcnt , ^ comme la fupreffîon de i' Acade^
mie de Sedan fut caufe o^ue je me retirai en
Hollande pendant l'automne de lô^i. je ne
fongeai plus à faire imprimer à Paris ma
lettre fur les Comètes.
Vous volez, la le motif qui m,e fit prcn^
dre le ftjle d'un Catholique Romarn , ^
imiter le langage ç^ les éloges de Mr, de
Vijé fur les affaires d' Etat, Cette con^
duite était abfolument ncceffaire a qui'
conque fe vouloit faire imprimer a Paris ^
^ 3 6r
PREFACE.
cJ" je crus que V imitation du Jldercure Ga»
lant en certaines chofes , rendrait phts facile
à obtenir ou la permijjîon de Mr. de la Rei»
me , ou le privilège du Roi, Et comme je
fris tontes fortes de précautions peur nêtre
pas reconu V Auteur de cette lettre fur les
Comètes -i qui fut imprimée en Hollande peu
de mots après mon arrivée , je ne changeai
rien dans le langage dont fai parlé. Je crus
^H€ rien ne fer oit plus propre qu'un tel lan^
gage a faire juger que la lettre fur les Comè-
tes n'étoit point l* Ecrit d'un homme font de
France pour la Religion»
Ceux qui voudront prendre la peine de
faire attention k ceci y trouveront fans doute
tous les éclalrciffcmem qu'ils auraient pu fou -
haiter. Je dirai encore ce mot : on in fer A^
t\) 5ur pendant l^impreffion ( i ) un affez. grand
tout dans fîombre de chofes qui nef oient pas dans le
]& 2. éài- r> ■ ;> -^ • '^ li ^
tioa. manujcrtt que l on avott ewvoie a l Auteur
du Mercure Galant,
il) véhz P^^fjons au fécond article ^ é* difons pour-*
rAddition quoi Cette troifiéme édition ne contient rien de
S ^rtes ce que favois promis.
Comètes ^' avots préparé (i) mes leBems à la
pub; ëe ^ / j» j / j
l'an 1654. trouver augmentée a un grand nombre cle
On la re- ^j^^y^Hes preuves y e^ de nouvelles reponfes
donne au r ' . , ), n
public à la aux dîjjicultez. &c. cr cependant elle ejt
Ouvrage" totiî'lt-fait Conforme à la féconde , je nat
rien
PREFACE.
rien ajouté y je n*ai rien oté, je nai rien
(i) changé. Voici mes raifins. y* ai confideré (i) e^-
^ue cet Ouvrage n étant déjà que trop fem- j^o^^Tie'
blahle aux rivières qui ne- font que ferpen- &:]'arran-
ter 5 je neujfe pu y joindre de nouvelles di- ^u3q"es ^
çre fiions fans en rendre la leclm'c tres-en- "^pf^ ^^
*^ '.' r /-»y ^ / / ; -3 j tres-peu
nuieaje, C eut ete engager mes lecteurs dans d'endroit».
un Uhjrinths , (2) ca Us emharqttcr fur le
Aieandre , ^ ils r^ont que faire de cela, f^) Noa
Je ne fat fi d autres Auteurs auroient nquidis
l'adreffe de faire croître tm tel Ouvra- ^hrygius
X , -'. , . Maeander
ge a la mamere des corps vivans , per in undis
intus furceptionem ; c'cfl-a-dire , par de ^^J^ ' ^
nouveaux jucs répandus ^ dîjtrwuez, dans lapfu re-
toute la maffe avec les propo-rtions neceffai- fl^-Sue,
res , mais pour mm je m'en reconois in- Occur-
capable , ô" <^i'l^ f imiterai la manière nbi ventu-
âont an dit que la nattire fait croître les ras afpiae
. .; .>r /• undas,
corps non Vivons : ils croijjent , dit -on , Et nu ne
per juxta-pofitionem ; c'ef-à-dlre , /^^^J^uncad"'
une matière qui Je joim a leurs parties mare ver-
exterieures : je referverai mes additions tumTn-'
pour un nouojeau tome qui fera imp-rlmé ^^'"'^^
■"n j • r ' 1 ' 1 excrcet
A part des que ]e jerai plus avance dans aq-jas : it3
la compofttion du DiBionaire Critique , a P^\^^^^
quoi je continue d^ travailler. Si je ren- inmime-
ras errr
vias , vi
que ipfe
^ 4 voie '"' '""'■"^
T ^^^^ vias , vix-
reverti Ad limen potuic. Ovidius Metam fil', 8. ». 1^2^
PREFACE.
de Septembre i6^%, lors que l'Europe et oit
deja délivrée de cette guerre , ^ quelle
étoit fm le point de voir retablrr la paix en--
tre les Chrétiens ^ les Ottomans, Voila,
donc wie Comète qm s'eft montrée entre
deux traitez, de paix cffù ont fait cejfer la
guerre dans tous les coins de L'Europe^ <^
qui ont changé m mieux la fituation des
affaires générales ; une Comète , dis^je , qui
ramené les fems heureux oh l'on fermait
le temple de Janus, Si nous ne pouvons
pas l'efperer^ fouhaitons du moins quavec
ttne longîic durée ce foient des tems fembla»
blés a ccHX quun Poète Latin a fait pre^
dire :
ffi virgii Afpera ([) tum pofitis mitefcent fx-
-fi'n.i.i, cula beîlïs,
^*^^'- Cana fîdes , & Vcfla , Rcmo cum
fratre Quirinus
Jura dabunt : dirse ferro, & compa-
gibus arcèis
Cîaudentur belli portas. Furor iiripius
intus
Saeva fedens fuper arma , & centum
vinctus ahenis
Poft tergum nodis 5 fremet horridus
ore cruento.
Le 1, de Juin 1 6^^,
TABLE
TABLE
DES
SECTIONS
des Penfées diverfes.
§. I. Occafon de l'Ouvrage, Pag. i
§. 2. A'vec quelle méthode on l'écrira. x
§•3- .^^ ^^^ prefages des Comètes 7ie font apuiez,
d'aucune bowne raijon. 5
§. 4. De l'autorité des Poètes. 4.
§.5*. De l'autorité des Hijloriens. f
§.6. ^^e les Hijloriens fe plalfent fort aux di-
grefjans. S
§. 7. De l'autorité de la Tradition. 9
§. 8. Pourquoi on r^e parle point de l'autorité des
Philofophes. 1 1
§. 9. I. Railon contre les preiàges des Comè-
tes, ^^'il eft fort probable qu'elles n'ont
point la vertu de produire quelque chofe
fur la terre. 1 5
Ç. 10. Si elles envoient c^eh^ue autre chofe que la
lumière. 1 4
§. iiri"/ leur lumierf détache quelques atomes,-
ibid,
^. 12. Quelle peut être l'aBivité de leur lumiè-
re, ly
§.13. ^u'il eji aujjî difficile aux exhalaifons de
defcendre que de monter. ibid.
§. 14. ^ue les exhalaifons des CoTnetes quand
même elles pan'iendroient jufqti'a ù ter-'
re , n'y produiroient rien. 1 8
S- 15". Réfutation de ceux aui difent ciue cel.%
TABLE
v'eji pas im^gjjible, ou qui voucîrôterd fou"
tenir que la tr.fiuences m Jont pas des cor-
pufcules. pag. lo
5. 16. 11. Raifbn : ^ue f les Comètes aïoknt
la vertu de produire quelque chofe fur la
terre , ce pcurroit être tout aujjî bien du
bonheur-, que du malheur, ii
§. 17, II I. Raiion : ^e l'Afirolofie qui efl le
fondement des prediclions particulières des
Comètes , ejl la chofe du monde la plus
ridicule. i^
§. iS. Bu crédit de V uijlrologie parmi les'a72ciens
Faiens. 3 1
§. 19. Du crédit de l'Aflrologie parmi les Infidè-
les d^ aujourd'hui. 3 5
§. 20. Du crédit de VAfcrolagie parmi les Chré-
tiens. 3 d
§. 21. Du crédit de l'Aflrologie m Trance.
38
^. 22. ^le V entêtement gennal pour V Afrologie
decr édite V autorité qui n'efi fondée que fur
le grand nombre. 4.0
%. 23. IV. Railbn : ^le quand il ferait irai
que les Comètes ont toujours été fuivies
de pkifeurs malheurs , il -n'y aurait poh.t
lieu de dire, quelles en ont été le figne ou-
la canfe. 42
%. 24. V. Raifbn: ^hfil efi faux , qti il f oit ar-
rivé plus de malheurs dans les années qui
ont fuivi les Comètes , qu'en tout autre
tems. 43
5. 25'. S'il y a des jours heureux , ou ?nalheu^
reux. 44
§. 26^ Sentiment de^ Vaiens fur les jours heureux
ou malheureux . 4^
^, 27- Réfutation du fentiment des Paie/is,
46
§. 28. Comment il arrive qtion gagne des batail-
le i eu certains jours affeclez. 4 3
DES SECTIONS.
iç. Ce qu'il faut répondre a ceux qui citent
des exemples pour les prefrges des Comè-
tes, 4-9
30. ^u'il n'y a po'mt de fat (dite dans certains
noins. 5'o
3 r . Grande fnperjlition des Païens à l'égard
des noms. S^
32. En quel fens on peut préférer un noyn a,
un autre. f-f
3 3 . Combien cette V. raifon eft decijïve contre-
les prefages des Comètes. S^
34. Obfervaùons neceffaires a ceux quife'ueu-'
lent éclairàr de ce fait. fP
35'. Comparaifcn des années qui ont fui'vi les
Comètes de l'an 166 j. mjec les années
qui ont précédé la Comète de Van 16/2,
60
36. Guerre des Turcs ^ des Vénitiens,
61
37. Guerre des Efpagnols éf* des Portugais^
38. Guerre des Anglois ^ des Hollandois.
39. Guerre des J fan fois & des Efpagnols^
OS
40. ^ue l'Efpagne feroit bim d'abandonner les
F aïs-Bas. 6j
41. Bonheur de Vannée 1668. 70
42. Vacif cation du démêlé des fefuites , 0»
des Janfeniftes. . T^
43. Considération des malheurs arrivez, pen-
dant les fept années que Von a examiné.
If
44. Malheurs arrivez, dans l'Europe depuis:
Van i6.\.f. jufquen 16 fz. 76
4^. VI. Raifon: ^ue la peyfuaf on générale
des peuples n'efl d'aucun poids pmr prou-
ver les mauvaifes influences des Comètes.
. 8q-
* 7 §. 46. Exem-- '
'table
§' 4<5. "Exemples de quelques opinions générales t
qui font fnuffes. pag. 8 x
§.47. ^hielle efi la 'veritaèle caufe éle l'autorité
dune opimon. pag. 84»
§. 48. (5)u'il ne faut pas juger en Philojcphie
par la pluralifé des voix. pag. 86
§.49. Combien il ejl ridicule de chercher les
caufes lie ce qui n"^ point.
pag. 87
§. 5*0 . Superf irions des Anciens pour les éclip-
fés. pag.bp
§. yi. Superfiition des Modernes pour les eclip^
fes. ^ pag. 91
§. j-î. ^le les éclipfes ne peuvent point caufer
de -mal. pag. 92,
§• 5" 3- Mi^^ ^^ éclipfes ne peuvent pas être le
jig-ne d'aucun î/inl. P^g-94'
§. 5-4. En quel fens un ejfet naturel efv un f igné
de quelque chofe. pag. 96-
§. 5"^. Remarques pour conoitre fi une chofe ejt un,
figne e-avoié de Dieu. pag. 97
§. f6. Aplication aux Comètes de ce qui a été
dit touchant les éclipfes. P^o-99
§. j7. VII. Raifbn , tirée de la Théologie:
^ue fi les Comètes étoient un prefage de
maUieur , Dieu auroit fait des miracks ,
pour confirmer V Idolâtrie dans le momie.
pag. I o%
S* 5"^' =^^^ ^'^-^ Co7netes ne psuvent prefager le
mal qu'en qualité de fignes. pag. 103.
§• S9' c^^ ^^^ Comètes ne peuvent être dei
J'gnes du mal k venir fians être formées
miraculeufement . pag. 1 04
^. 60. Etrange confequence qut naîtrait de ce qu^
les Comptes feroient formées par miracle.
pag. 10/
§, 61. Les Démons entretemlèra la fuperfiition en
produifanî des prodiges. pag. 1 07
J, 62^ ^ue les Vaiens ne faifoient rien qui pict
m-
DES SECTIONS.
apoffer la colère tU DieU' , quanÂils vmieiit
des prodiges. pag. 1 09
§. 63. Les Démons faifoient prendre pour des pro-
diges , plufieurs ejfets de la 'nature. 1 1 o
§. 64. Si je me prevaus du temoig?îage des Poè-
tes. 1 1 5.
§. 6f. Comment les hommes eujfent pu d'eux-mê-
mes prendre certaines chofes pour des prodi-
ges. ^114.
§• ^^' <^tie ce qu'on apelle des prodiges , eji fou-
lent aujji naturel que ks chofes les plus
communes. 1 1 5*"
§. 67. De la prodigieufe fuperftition des Faiens fur
le chapitre des prodiges. 1 1 6
§.68. Artifices du Démon pour fomenter la fu-
perflition des Taiens. 1 1 9
§.69. ^le les Taiens attribuoient leurs mal-
heurs a la négligence de quelque cérémonie,
0= non pas a, leurs lices. 121
§. 70. Aplication des remarques précédentes a lit
raifon tirée de la Théologie. i z^
§. 71. De l'horreur que Dieu a pour l'Idolâtrie..
§.72, ^ue la raifon pourquoi les Comètes ne pou-
'voient pas être des prefages , avant lit
venue de J e s u s-C h r 1 s t , fuôfîfie en-
core. 127
§. 73. De l abominable idolâtrie des Faiens d'au-^
jourd'hui. 129
§• 74- J^^ ^^^ Comètes ont des car'aUeres parti-
culiers , qui montrent qu'elles ne f&nt pas
des fignes. 13a
§. 75". En quel fens on peut dire que Dieu me-
nace ceux qu'il ne veut pas fraper.
§. 76. ^u'il eji faux que les peuples qui font heu-
reux après l'aparition des Comètes , aient
mérité cette difimtion par leur peniten-
c?, 134.
S' 77- ^&
TABLE
$.77. ^iP l'efficace des- prières d'un petit nombre
iie bownes âmes dans la irate Religion ,
n'a point de lieu dans les faujjes Reli'
^ Q '^''•'V ^. P^S-^37
^. 70. Di;^rejpon neceffaire. 13 9
§. 7p. VII I. Raifon : ^ie l'opinion qui Jait
prendre les Comètes pour des prefages des
calamiiez, publiques , efi une t'iedle fu-
perfciiion des Faiens , qui s' efi introduite
^ confervée dans le Chrifiianifme par Ix
prévention que l'on a pour l'A-ntiquitê.
140
^. 80. De la g7'ande pajjïon qu'ont les hommes ik
[avoir l avenir , ô™ ^^^ ^jf^^-^ quelle a
produits. ibid,
§. 81. ^ie les Volitiques ont fomemé la fuperfii'
tion des prefages. i^%
§. 82. ^ue les Famgyrifles ont contribué a
fomenter la fuperfiition des prefages,
14.7
§. 83. A coinhien de chofes on a fait fervir une
même Comète. 1 5*0
§. 84,. Pourquoi les Chrétiens font dans la même
prévention que les Faie?îs fur le fujet des
Comètes. 1 5-4
§, 8j. liitroduclio-ns de plufiems cérémonies Faien-
nies dans le Chrifiianifme. ijj
§, 86. ^^ue les fauffes converfîons des Faiens-
ont tranfporté bien des erreurs dans le
Chrifiianifme. 1 5'8-
§. 87. Du penchant que les hommes ont k être
de la Religion dominante , ^ dtt mal
que cela fait k la 'vraie EglJfe.
160
§,88. Reflexion fur les converfîons prefentes des
Huguenots. 162
§. 89. Freuves de fait de la tranfplantation des
erreurs du Faganifme dans le Chrifiauif-
i2^, 1 69,
Des sections.
§.50. Pourquoi les Sts. F ères n'oTJ pas condftnh'
né ceux qui croioient les prefages des Comè-
tes, pag. 1 7 2
§> 91- ^u'on n- tort de blâmer ceux qui ne
croient pas legerenient , quun effet Joit mi-^
rMulcux. 17?
§. 92. Be quelle manière la grâce guérit la na-
ture. 175*
§.95. Combien. Us Chrétiens [ont infatuez. des
prefages. 17^
§. 94. Combien les Hifioriens fe jettent dans le
merteilleux j ceux de Charles-,^int par
exemple. 179
§• 9f • S^^ quand on dit que les Comètes prejOr-
gent la mort des Rois, on ne distingue pas-
comme il faiulroit faire , ceux dont la
mort ejî préjudiciable de ceux dont la mort
ne fait aucun mal. 180
§, 96. Suite des exaggerations Efpagnoles à li^
loilange de Charles-^ùnt. 184.
§.97. jLvertiffement aux Htfioriens Tranpis.
186
§. 98. Réfutation des Hifioriens de Trance qui
ont avancé qu'il y eut des prefages 'de la
mort du Roi He??ri IV. 191
§. ç^. Nouvelles preuves de l inclination des
chrétiens a croire les prodiges <^ les pre-
fages. 195-
§. 100. Nouvelle remarque , pour faire voir que
l'antiquité ^ la généralité d'une opinion t
nefi pas une marque de vérité.
^ 199
§. loi. "Preuve convainquante de l'erreur ou Ion
eft touchant les prefages. 201
§. 102. Première objedtion contre la raifon ti-
• ree de la Théologie : Dieu a formé des
Comètes , afin que les Païens conuffent fa
providence , ^ ne tombaffent pas dans
i'Atheifme, io6
§. 203. Pre-
T A B L
§. 103. Première Reponfè. ^le DIm ne fait
foint de miracles , four chajfer un crime ,
^ar l'établtjfement d'mi autre crime i lA-
theifme , par l' étabUffement de l'Idolâtrie.
pag. 207
§. 104. Seconde Reponfe. ^^'il n'a jainais
été necejfaire d'empêcher que- l'Atheifme
ne s'établit en la place de l'Idolâtrie , ^
e^ue les Comètes ne font pas capables de
L empêcher. 2 1 1
§. loj-. De la prodigieufe inclination des anciens
Faiens a multiplier le nombre des Dieuxg
212
§. io5. III. Reponfè. ^ue quand même il
y aurait eu lieu de craindre que l'Atheif-
me ne s'établît en' la place de l Idolâtrie , //
n'eût point falu fe fervir de miracles pour
l'empêcher. 214,
§. 107. Les ejfèts de la nature pOHVoient empê-
cher l'irréligion. 2 1 f
§. 108. La politique pouvait empêcher la même
chofe. ibid.
§. 109. L'intérêt des Trêtres le pot^voit empêcher
aujji. 216
§. 1 1 o. Combien les peupUs aimaient â croire
que les prodiges n'étaient point naturels.
218
§. III. ^ue le Sacerdoce ^ t autorité Souverai-
ne ont été quelquefois unis. 220
§. 112. Du foin que l'on prenoit de châtier ceux
qui meprifaient la Religion. 221
§• ^^5- i^^ ^^^ Démons aiment mieux l' Idolâ-
trie qtte l'Athetfme. 225
§. 114. IV. Reponfè. ^ue l'Atheifme n'eji
pas un plus grand mal que l idolâtrie.
225*
§. iif. I. Preuve. L'imperfeéîion eft aufjt con-
traire pour le moins â la riature de Dieu >
aue le non-étre. il>id.
§, 1x6. IL.
DES SECTIONS,
§. II 6. II. Preuve. L'Idolâtrie eji le plus granJ
de tous les crimes félon les Fê-es. pag. 227
§. 117. III. Preuve. Les Idolâtres ont été de
•vrais Athées en un certain fens.
228
§. 118. IV. Preuve. La cono'ijfance de Dieu ne
fert à un Idolâtre qu'à rendra fes crimes
plus atroces. 219
§. 119. V. Preuve. V Idolâtrie rend les hom-
mes plus difficiles k convertir , que l'A-
theïfme. 232.
§. 1^0. Comparaifons qui prouvent cela.
§. 121. ^u'il ejl difficde que ceux qui ont long
tems armé une chofe , fe portent â aimer
le co)3traire. 235"
§. 122. VI. Preuve. Ni Vefprit , ni le cœur ne
font pas en meilleur état dans les Idolâtres,
que dans les Athées. 237
§. 113. Confideration du jugement que les Faiens
faïfoient de Dieu, ibid..
§. 1 24. Refiexion fur le ridicule de la Religion
Faienne. 239
§, 125. ^u'il ne faut pas juger de la Religion
Faienne par ce qu'en ont dit les Poètes,,
24.1,
§. 126. Defordres caufez par les Foëtes Chre^
tiens. 243
§. 127. ^uel étoit le culte public parmi les
Faie/is , ^ quel leur refpeSt pour la tra-
dition. 24.4.
§. 1 28. ^'il faut juger d'une Religion par les
cultes qu'elle pratique. R.efiexio?i fur le
livre de Mr. l'Evéque de Condom.
247
§. 129. 1^ difpoftion du cœur des Athées com-
parée avec celle des Idolâtres. 2_5"o
§• 130- i^^ ^^^^ qui ont été tres-mechans par-
mi les Faiens, n'ont pas été Athées, i^i
§.i3i.^«^i
TABLE
§• ^3^- ,^^1 eft l'effet de la conoijfance d'un
Bteu farmi les nations Idolâtres.
> 132,. ^u,e les Idolâtres ont furpaffe les Athées
dans le crime de leze-MajeJié Divine.
2J-6
§. 133. VIL Preuve. L'Atheïfme ne conduit
pas neceffa'ire}nent k la corruption des
mœurs. z6î
§, 134. ^ue l'expérience combat le raifonnement
o^ue Ion fait , pour prouver que la co?îoif-
fance d'un Dieu corrige les inclinations ^7'-
cieufes de l homme. 263
§. I3;f. Pourquoi il y a tant de dijference entre ce
■ qu'on croit ^ ce qu'on fait. 264
§. 17,6. ^ue l'homme n'agit pas félon fes princi-
pes. 166
§. 137. Vonrquoi certaines cérémonies font régu-
lièrement obfervées. 268
§. 138. 'Exemple qui prouve que les opinions m
font pas la règle des aciions. 272
§• 139. ^u'on ne peut pas dire , que ceux qui
ne vivent pas félon les maximes de leur
Religion , ne croient pas qu'il y ait un
Dieu. I. Preuve de cela , tirée de la
vie des fbldats. 273
§. 14,0. IL Preuve, tirée des defordres des Croi-
fades. 2,74
§. 141. P^eflexion fur ce que quelques Infidèles
ont objecté aux Chrétiens , que leur Reli-
gion n'efi propre qu'a faire des Uches.
275-
§. 141, IIL Preuve , tirée de la conduite de plu-
fleurs femmes. 279
§. 143. ^uels principes on peut inférer de ce qui
vient d'être dit. • 2,84^
§. 144. ^ue les Athées éf* les Idolâtres font
pouffez au mal par le même principe.
^ 28^
DES S^ E C T I O N S.
^ 45" • c^^ ^^ principe n'efl pas corrigé dans lei
Idolâtres mieux cjue dans les Athées,
pag. 287
1^6. ^tie la bonne Théologie fait -voir , que
la corruption de la nature n'eji pas tnieux
corrigée da/is les Idolâtres , que danPles
Athées. 290
147. IV. Preuve , tirée des Demdns ^ des
Sorciers , qui foyit z'oir que les ge?2s les phi s
perdus demeurent perfuadez, de lexiftence
de Dieu. 292
148. V. Preuve, que l'on peut trouver , en
faifant une revue générale des manières les
'plus communes des gens. 295
149. VI. Preuve, r/r^V de la dévotion que Ion
dit que pluj^eurs fcelerats ont eue pour la
S te. Vierge. 2^6
I j-o. Reflexion fur un Ouvrage du F. Rapin,
298
15-1. S'il efl vrai qu'il y ait beaucoup d'Athées
à la Cour des Frinces. 302
ij'2. Conjîderation particulière des fentimens
de Louis XI. 304
I j'3. ^ue la Cour ne garantit , ni de la fu-
perjiition , ni des erreurs populaires.
15-4. De la fuperjlition d'Alexandre.
i_f_f . Defordres ^ zélé de la Cour de France
au dernier Jmle. 7,1 f
15-6. Ztle des Orans Seigneurs de Frartce con-
tre les Frotejlans. 319
ifj. Raifon tr es-forte pour prouver la necejjîté
de la grâce. 320
§. 15-8. VII. Preuve , tirée des fréquentes Com-
munioKs. ibid.
§. 15-9. Confirmation de la même chofe.
§. 1(^0, ^tii çmx qui attribuent la corruption^
de}
TABLE
âes mœurs à l'ajfoiMiJfement de la foi ^ ex^
tenuent le crime » au lieu de le rendre plus
atroce. pag. gz^
§. i6i. Conjeâiures fur les mœurs d'une focieté
qui jeroit fans Religion. 327
§. 4^. t^e les loix humaines font la vertu du-
ne infinité de perfonnes. L'impudicité en
efi un exemple. 3 28
§. \6i. ,^e les hommes font plus fenfbles à,
l'honneur que les femmes, 329
§. 164. Quelles font pour l'ordinaire les leri-^
tpibles caufes de la chafieté des femmes, .
§. \6^. Combien Vimpudicité qui règne parmi les
Chrétiens fait tort a, la Religion Chrétien-
ne. ^ ^ 333
§. 166. Marque a laquelle on peut conoiîre -, ft
Ion fait quelque choje pour l'amour de
Dieu. 335*
§, 167. ®uclle efi la véritable raifon pourquoi
un péché efi plus ordinaire quun autre,
§. 168. Reflexion fur l'habitude de mentir ^ de
médire. 339
§, 169. Si les hommes ont raifon de croire qu&
l'impudicité foit un moindre crime que U
meurtre. 341
§. 170, Reflexion fur la malice qui fe trouve fou-
vent dans la medifance. 343
§. 171. Pourquoi la vengemwe éf l'avarice font
des pajjïofîs fi communes, 34 jT
§. i-ji. Si une focieté d^ Athées fe fer oit des loix
de bienfeance ^ d'honneur. 349
§. 173. ^ue l opinion de la mortalité de l'ame,
n'empêche pas qu'on ne fouhaite d immor-
talifsrfon nom. 3f2
§, 174. Exemples qui montrent., que les Athées
ne fe font pas difiin^uez par l'impureté des
mœurs. 35"?
§. 17;-. ^t
DES SECTIONS.
§' ^IS' Mj^^ ^^ i^^^ volufttieux ne s'amiifent
guère à dogmatifer contre h Religion.
pag. 35-8
§. 176, ,^e l'homme ne règle pas fa i^iejhr fes
opinions. 361
§• ^11 ' ,^^^1^^ ^Ji '^ raifon pourquoi on fe repre'-
fente les Athées extraordmairement me-
chans. 565
§. 178. Si l'on peut avoir une idée d' honnit e^
té , fans croire qu'il y ait un Dieu,
§• ^19' ^u,' an Athée peut être avide de gloire
0> de loiiange. ^ 367
§. 180. ,^ue l'exemple de Lucrèce ^ de fes ^
femblabks prouve manifefiement , que la
Religion n'étoit point la caufe des idées
d'honnêteté qui étoit parmi les Faiens.
§. i8i. Nouvelle remarque , qui fait voir que
les hommes ne viojent pas félon leurs princi-
pes. 37a
§. 182. L'Atheifme aiant eu des Martyrs , c'efi
une marque indubitable , qu'à n'exclut
pas les idées de la gloire ^ de l'honnêteté.
Réflexion fur la comhute de Vanmi.
§. 1S3. 'Examen de l'objection que Von tire de la
dijjculté qu'il y a à convertir un Athée,
378
§, 184. D'OU viennent les dijîcultez. de croire.
380
§. l'èf. Réflexion fur la conduite de Jésus-
Christ envers les Saducéensi ^ les
Fharifiens. 3 8g
§. 186. De l'averfion des Juifs pour l'Idolâtrie,
§. 187. S'il y a quelque autre caufe de l in-
crédulité , que l'inclination au mal.
§. 188. Co7n*
TABLE
§. 188. Combien la Religion Faienne étoit propre
à faire des Athées. P2g-3^9
§. i8p. ^ioi c^ne l homme [oit tres-corrompH , il
ne veut pas o^ue la Religion commande le
crime. 391
§. 190. Quelle efl U raifon de cela. 393
§. 191. 6"/ la profejjien extérieure de Religion que
fora les Athées , leur peut faire quelque
bien. 394.
§. 192. Pourquoi on s'eji tant étendu fur cette
matière. 395*
§. 193. Réflexion fur un traité de Plutarque» de
la fuperflition. 396
§. 194. V. Reponfè. ^u'il n'y a poi'nt d'exem-
ple , qui prouve qu^ Dieu ait formé 7ni~
raculeufement des prodiges pour la prête?}-
due converjion de quelqu'un à l'Idolâtrie.
399
§. 195-. Combien les miracles parmi les Paieras
eujje/it été favorables à, l'Idolâtrie d un
coté , (^' inutiles de l'autre. 400
§. 196. Inutilité de la converjion d'un Epicurien
à l'Idolâtrie. 401
S* ^97' ^*'''^ y ^ ^^^ erreurs plus groj^eres que
de nier la Providense. 402
§, 198. Reflexion fur ce qui s' efl pajfé au fnjei
des 6f. PropOjitions condaynnées par le Pa^
pe. 4o5
§. 199. Reflexion fur la diverfe manière dont on
agit contre les vices ^ contre les erreurs.
408
§. 200. ^liil y a des erreurs qtii ne font point _
criminelles, 4 1 1
§. 20 î. Ce qui fait quune erreur efl pire quune,
autre. 414
§. 202. Si Dieu eût fait des miracles pour faire
comitre fa bonté aux Païens j // eut tra^,
vaïlU pour les faux Dieux. 41^
§, 203, II, Objection. i« Comètes fe font
fans
DES SECTIONS.
fans miracle. Dieu peut faire dés miracles
parmi les hifideles. Dieu fe veut faire
conoitre aux hommes far le moien des Co-
mètes. 'Les actes d'Idolâtrie dont les Cq-
?netes font caufe , rendront les hommes
inexcufables . ibid.
§. 204. I. Reponfc. 6)uafin que les Comètes
foient des fignes de ce qui doit arriver
après leur aparition , il faut yiecejfaire-
ment qu'elles foient formées par miracle.
416
§. ioj. Lifte de plufïeurs hypothefes quon peut
fuivre pour raifonner fur les Comètes.
§ . 2o5. ^^u'il n'y a point d'hypothefe , ou Von
trouve une liaifon naturelle entre les Co-
mètes ^ ce qui fe pajfe fur la terre aprh
leur aparition. 4 1 8
§. 207. En quel fens les caufes fécondes font
fi'.bor donné es entre elles, ou ne le font pas.
4ZO
^. 208. Eclaircijfement de cette doctrine.
pag. 425
§. 209. Autre eclaircijfement par le fyfteme des
caufes occafonneiles. 425*
^. 210. Confirmation de cette doctrine par ce oui
arrive lors qu'il fe fait des miracles..
426
§. 211. ApUcation de ce qui a été dit fur la î„
hypothefe y a trois autres. 427
§. 212. j^e la IV. hypothefe ne foujfre point /^
liaifon dont on parle ict. 4x8
§. 213. Confirmation de ces remarqués , par /^
contingence des actions de l'homme,
J. 214. ^u'il tient a peu de chcfe qui les plus
grands évenemens ne foïeht changez,
%. 2\f, Motm de s'i/naginer q^s Ui Cotnetes
* * fient
TABLE
fotent un prefdge fans miracle.
§. 216. Réfutation de ce moien. 43 <$
$. 217. Seconde Rcponfe. ^le fi les Comètes
étoknt des miracles , elles feroient d'un
certain ordre de miracles que Dieu «e
fait jamais dans le pais des Infidèles^
438,
§. 218. ^ eh font les miracles que Dieu fait
par?ni les Infidèles. 439.
§. 219. III. Rcponie. (^uil ef faux que Dieu
fe foit profofé de fe faire conoïtre pour le
'Vrai Dieu aux Gentils , en leur faifant
voir des Comètes. 441
§. 220. La ijuë d'une Comète ne nous rend pas
plus propres a conoitre la nature de Dieu^
445
%. 221. Ity avoit des Nations Faiennes (jui n^ ad-
mettaient point les Religions étrangères.^
444-
§. 222. Courte reprefentation de ce quon peut
inférer dss remarques précédentes.
pag. 446.
§. 223. s'il ejl permis de nier que Dieu fajfe une
chofe , lors que Von ne reconoît pas qu'elle
foit de quelque ufage. 447
§. 224. Réflexion fur la maxime du Prêteur
Cajfus y cui bono. 449
§. 225-. Réflexion fur la manière dont on in-
terprète Vendurciffement de Pharao.
pag. 4J-0
5. 226. IV. Reponfè. ^u'il efl faux que les
Gentils fe foient rendus inexcufabbs en ne
fe convertijfant pas au> vrai Dieu à la vue
des Comètes. ^fj^
^, 227. Les Comètes ne font pas capables d'ame^
ner les hommes « la noijfance du vrai-
Dieu. 4^3
§. 228. III, Objcdion. Z.W Comètes font un-
DES SECTIONS.-
effet naturel , ô> la caufe naturelle des
malheurs ^ue l'on fouffre après leur apa-
rition. pag. ^f^
§. 229. Reponfè. 6)u'il efi hnpoJJîMe que les
Co-metes foïmt la caufe efficiente des
malheurs que l'on dit quelles prefagent.
§. 230. ^^'il n'y a rien de plus digne de la gran-
deur de Dieu , que de maintenir les loix
gerierales. ibid^
§. 231. Refiexion fur l'injuflice de ceux qui fe
plaignent de la profperiti des mechans,.
45-7
§. 232.. De la différence qu'il y a entre les mira-
cles ^ les effets de la nature par raport à.
nous. 45-9
§• 2.33. ^ue les caractères des 'vrais mira"
dis ne conviennent pas aux Comètes.
4,60
§. 234. Si Dieu a fait des biens ^ de^s
maux aux Faiens afin de les convertir.
4(5 1
§. 235". Nouvelles remarques y qui prouvent que
les Comètes ne font point la caufe du.
mal à. venir , (^ qui font tirées des vi-
cijjîtudes fortuites d^s chofes humaines.
465-
§. 236. Combien font quelquefois petites les
caufes des plus grands èvenemens.
467
§• ^11' Mf*^ ^^^ Comètes ne peuvent pas avoir
part à toutes les pajjions qui caufent U
diverfité des èvenemens. 470
§' 2,38. ^ue l'homme n'a befoin que de lui-mê-
me pour être agité de toute forte de paf-
fions. Combien les Juifs ont été fuperfii'
tieux. 47 2
§, 239. Remar q^u e s , qui montrent que pour
faire des conjectures fur les fuites d'une
** i. C(N
TABLE
Comète , il eft inutile de l'ohferver , ^^
qu'il ne faut que prcmlre garde a la Ji-
t nation des affaires générales , aux faf-
fions , ^ aux intérêts des Princes. EJJai
de ce pri/2cipe fur la Comète de 1618. ç^
fur celle de 16S1. ^y^
§. 240. Exemples de quelques Politiques qui ont
deviné certains évenemens. 47 j"
§. 241. Réfutation du prefage de Tafquier.
477
§. 242. Il étoit facile de prévoir une gran-
de guerre dans l'Europe Van 1618.
480
§. 243, Lenteur ^ bigoterie de la Politique de U>
Maifon d'Autriche. 481
§. 244. ^ue les Conquerans ont évité la réputa-
tion de perfecuteurs, 485
§. 24_f. Combien la Maifon d'Autriche s'ef af-
foiblie par les perfecutions de Religio-n.
48/
§. 246. ^^uels font les prefage s que l'on débite
prefentement. Difpojtwns favorables pour
la France à faire des conquêtes^.
487
§.. 247 . Bétail des cir£onftances avantageufes. a
la France. 48S
§. 248. Confideration de Vétat prefent de l Eu-
rope. 492
§. 249. Combien les Republiques ont a^Urcfois
mortifié les Monarchies . 493
§. 25*0. Combien la paix de Nimegue a été avan-
tagea fe a la France. 496
J. ifi. Réflexion fur la forme du Gouvernement
d'Allemagne. ^cfj
§. 252. Attachement des fefmtes aux intérêts
de la France. 49 S
|... 2^3. Be quelques Prophéties que l'on dit qui
poinmenf an Roi de grandes conquétesM
foo
§. 2^-4, irrfi-
DES SECTIONS.
§. 2^4.. "Prétextes que le Roi pourrait prendra
pour fe fervir des favorables difpofitions
que la Fortune, lui ojfrc, pag. _foi
§. 2_f/. Raifons pour ?ie fe pas fervir de ces fa^
vorables difpofitions. 504^
§. 1^6. Refiexion fur ce qui a été raporté con-
cernant certaines prophéties quon fait cou-
rir à l'avantage de la France. ^o^
§. 25*7 . 5"/ l'Europe auroit plus de fujet de fe li-
guer prefentement , quelle n'en a eu au-
trefois, yif
§. 25-8. 6"/ les Ligues font a craindre. ^\S
§. 2/9. Fautes des Alliez^ durant la dernière
guerre. 5" 18
§. 260. Efets confiderables de quelques Ligues,
5-19
§. 261. ^u'il m faut point s'affûrer fur l'état
prefent des chofes. ^25.
§. 262. Conclufion de l'Ouvrage. f^^
§, 263. Abrégé de tout l'Onvrage, f^f
tabls
TABLE
DES
CHAPITRES
Contenus dans T Addition aux
Penfées diverfes.
Chapitre I.
Pourquoi on n'a pas répondu plutôt au Uhelle-
intitulé, Courte Revue &:c. ^^atre rai-
fans ont porté a rty point repo'ndre. Pag. f^i
Chaf. II. Pourquoi on repond enfin au lié elle
i-ntitulé. Courte Revue, ëcc. 5'4f
Chap. III. Keponfe a la cenfure gejicrale
lancée fur h livre des Comètes par f Auteur
de la Courte Revue. 5*47
Chap. IV. Reponfe aux objeciions particulières
cftii concernent les Penfées diverfes. ^f^
Chap. V. Reponfe aux objections qui concernent
les droits de la confidence erronée. fço
Chap. VI. De quelle manière fie doivent co/i-
duire les f'uges Ecclefiafitiques qui conoitront
de ce dijfi-rent. ^ç^
Chap. VIL Requ,éte a toutes les Univerfiitez, ,
■pour kur demander la. denfion des points fiui-^
'vans. 604,
Chap. VIII. Courte Revue des maximes de
Religion ^ de Morale établies dans le libella
mtitulé Courte Revue , Sec. ^ refiuté dans,
ha Chapitrés pruedens^. 61 2
FEN-
PENSÉES
DIVERSES,
\
écrites a un
Dodeur de Sorbonne^
A î'oaafion de la Comète qui parut au
mois de Décembre idSo.
§. I.
Occafwn de VOwvra^e.
Ous aviez raiibn , Monfîeur, de
m'ecrire que ceux qui n'avoient
pas eu la commodité de voir k
Comète , pendant qu'elle paroillbit
avant le jour, fur la fin de Novem-
bre & au commencement de Décembre , n'at-
tendr oient pas long-tems à la voir à une heure
plus commode 5 car en effet , elle a commen-
ce à reparoîire le 22. du mois pnfie , dès l'en-
trée de la nuit 5 mais je doute que vous aiez eu
raiibn de m'cxhorter à vous écrire tout ce que
je penferois fur cette matière , & de me pro-
m.ettre une reponfè fort exacte à tout ce que
je vous en écrirois. Cela va plus loin que vous
n'avez cru : je ne fai ce que c efl: que de médi-
ter régulièrement fur une chofè : je prens le
change fort aifcmcnt : je m'écarte très-ibuvcnt
de mon fujet : je faute dans des lieux dont on
auroit bien de la peine à deviner les chcmms ,
Se je fuis fort propre à faire perdre patience à
Toin. L A un
t ■ Penfccs diverjes,
un Doéleur qui veut de ]a méthode Se de la ré-
gularité par tout. C'eil pourquoi , Monlîeur,
penièz y bien : ibngez plus d'une fois a la pro-
polition que vous m avez faite. Je vous don-
ne quinze jours de terme pour prendre vôtre
dernière refolution. Cet avis & les vœux que
je fais pour vôtre prolpcrité dans ce renouvel-
lement d'année , font toutes les ëtrencs que
vous aurez de moi pour le coup. Je fuis vô-
tre, &c.
A... le I. de y cimier 1681.
§11.
Avec quelle méthode on l'écrira.
Puis qu'après y avoir bien penfé , vous per-
iifi:cz à vouloir que je vous communique les
penfrcs qui me viendront dans Teiprit en mcT-
ditant Hir la nature des Comètes, 6c à vous en-
gager à les examiner régulièrement , il faut fe
reibudre à vous écrire. Mais vous fbufrirez,
s'il vous plaît , que je le faflê à m.es heures de
loifir , 8c avec toute forte de liberté , ielon que
les chofes fe prelènteront à ma penfee. Car
pour ce plan que vous fouhaitcriez que je hiTe
dès le commencement , 6c que vous voudriez
que je fuivilTj de point en point, je vous prie,
^loniieur , de ne vous y attendre pas. Cela
eft: bon pour des Auteurs de profeiTion qui doi-
vent avoir des vues fuivies , 6c bien comparées.
Ils font bien de faire d'abord un projet , de le
divifèr en livres 6c en chapitres , de fe former
une idée générale de chaaue chapitre , 6c de ne
travailler que fur ces idees-là. Mais pour m.oi
qui ne prétens pas à la qualité d'Auteur , je ne
ni'afiujettirai point, s'il vous plaît, à cette for-
te de lèrvitude. Je vous ai dit mes manières:
vous avei eu le tcnas d'examiner fi elles vous
accom-
Paifées diverfes. 5
accommoderoieiit : après cela il vous vous en
trouvez, accablé , ne m'en Imputez point h
faute, vous Tavez ainfi voulu. Commençons.
§. III.
^ue les prefages de Comètes ne font apuiez d'au-
cune bonne raifon.
J'entens raifbnner tous les jours plufieurs
perfbnnes fur la nature des Comètes , & quoi
que je ne fois Aftronome ni d eftet ni de pro-
felfion , je ne laiiîè pas d'étudier foigneufement
tout ce que les plus habiles ont publié lur cet-
te matière h mais il faut que je vous avoue ,
Monfieur , que rien ne m en paroît convain-
cant , que ce qu'ils difent contre 1 erreur du
peuple , qui veut que les Comètes menacent le
monde d'une infinité de defolations.
C'eft ce qui fait que je ne puis pas com-
prendre , comment un auifi grand Dodleur que
vous , qui pour avoir feulement prédit au vrai ,
le retour de nôtre Comète , devroit être con-
vaincu que ce font des corps fujets aux loix
ordinaires de la nature , 8c non pas des prodi-
ges , qui ne lùivent aucune règle ; s'eft néan-
moins laifTé entrainer au torrent , &: s'imagine
avec le refte du monde , malgré les raiibns du
petit nombre choifi , que les Comètes font
comme des Hérauts d'armes qui viennent dé-
clarer la guerre au genre humain de la part de
Dieu. Si vous étiez Prédicateur , je vous le
pardonnerois , parce que ces fortes de penfecs
étant naturellement fort propres à être revê-
tues des plus pompeux 6c des plus pathétiques
ornemens de l'éloquence , font beaucoup plus
d'honneur à celui qui les débite , Se beaucoup
plus d'imprelTion fur la confcience des audi-
teurs , que cent autres propofitiyns prouvées
A 2 de-
4 Penfées diverfis.
dcmonflrativement. Mais je ne puis goûter
qu'un Do6leur qui n'a rien à perluadcr au peu-
pie , &: qui ne doit nourrir Ion cfprit que de
raifbn toute pure , ait en ceci des ièntimens li
mal ibutenus , £-: fe paie de tradition, &; de paf-
iàges de Poètes & d'Hiiloriens.
§. I V.
De lautmte des Foetes.
Il n'eft pas poHlble d'avoir un plus méchant
fondement. Car pour commencer par les Poè-
tes , vous n'ignorez pas , Moniîeur , qu'ils font
il entêtez de femer dans leurs Ouvrages plu-
iieurs delcriptions pompeulcs , comme Ibnt
celles àes prodiges i & de donner du merveil-
leux aux avantures de leurs Héros , que pour
arriver à leurs fins ils fupoiènt mille chofes
étonnantes. Ainfi bien loin de croire fur leur
parole , que le bouleverlèment de la Républi-
que Romaine ait été 1 effet de deux ou de trois
Conietes j je ne croirois pas feulement, fi dau-
tres qu'eux ne le difoient , qu il en ait paru en
ce tcms-là. Car enfin il faut s'imaginer qu'un
homme qui s cil mis dans l'efprit de {-aire un
pocme , s'eil emparé de toute la nature en
même tems. Le ciel êc la terre n'agifîènt plus
que par Ion ordre j il arrive des éclipfès ou des
naufrages fi bon lui lémble ; tous les elemens
fe remuent ièlon qu'il le trouve à-propos. On
voit des armées dans l'air , & des monflres fur
la terre tout autant qu'il en veut i les Anges 8c
hs Démons paroifiènt toutes les fois qu'il l'or-
donne j les Dieux mômes montez far des ma-
chines , le tiennent prêts pour fournir à ics
befoins ; êc comme fur toutes chofès , il lui faut
des Comètes à caufe du préjugé où l'on ell à
leur és;ard , s'il en trouve de toutes faites dans
l'Hif.
Penfées dlverfes. 5
i'Hil^oire , il s'en iàilit à-propos : s'il n'en trou-
ve pas , il en fait lai-même , 5c leur donne la
couleur & la figure la plus capable de faire pa-
roître , que le Ciel s'eft intereffé d'une maniè-
re très-diilinguée dans l'affaire dont il eft queP-
tion. Après cela qui ne riroit de voir un très-
grand nombre de gens d'efprit , ne donner
pour toute preuve de la malignité de ces nou*
veaux Aftres , que le terris muti^-ntem régna Co-
meten de Lucain : k regnornin everfor , rubtiit
UxUcde Comètes de Silius Italicus : le nec dm ta-
~t:es arfere Cornet a de Virgile : le nuno^uam ter-
ris fpeclMîim impu-nè Cometen de Claudien , S&
ièmblables beaux diâons des anciens Poètes?
§. V. .
De l'autorité des HiJl&fienSé
Pour ce qui efl des Hiftoriens , j^avouë qu'ils
ne fe donnent pas la liberté de fupofèr ainiî
des phénomènes extraordinaires. Mais il pa-
roît dans la plupart une fi grande envie de ra-
porter tous ks miracles &. toutes les vilions,
que la crédulité des peuples a autorifées , qu'il
ne feroit pas de la prudence de croire tout ce
qu'ils nous débitent en ce genre-là. Je ne iài
s'ils croient que leurs Hifloires paroîtroient
trop fimples , s'ils ne mêloient aux chofes arri-
vées félon le cours du monde, quantité de pro-
diges 8c d'accidens furnaturels : ou s'ils eipe-
rent que par cette forte d'aiTaifonnement , qui
reviennent fort au goût naturel de l'homme,
ils tiendront toujours en haleine leur Ledreur,
en lui fournifiànt toujours dequoi admirer : ou
bien s'ils fe perfuadent que la rencontre de ces
coups miraculeux iignalcra leur Hiftoire dans
le tems à venir j mais quoi qu'il en foit , oa
ne peut nier que les Hiftoriens ne fe plaifent
A 3 (')
€ Pe^fees diverps,
(i) extrêmement à compiler tout re qui fènt
le miracle. Tite Live nous en fournit une for-
te preuve : car quoi que ce fût un homme de
grand fens , 8c d'un génie fort élevé , & qu'il
nous ait laiile une Hiftoire fort aprochante de
la perfeilion j il eft tombé néanmoins dans le
défaut de nous laifler une compilation infupor-
table de tous les prodiges ridicules , que la ili-
Tum,fi per perdition Païenne croioit qui dévoient être ex-
quocidiana pjez ^ ce qui fut caufe , à ce que difènt (2)
duceretur, quelques-uns , que fes Ouvrages furent con-
damnez au teu par le Pape St. Grégoire. Quel
defordre ne voit-on pas dans ces grands 6c im-
menfes volumes , qui contiennent les Annales
de tous les diiïerens Ordres de nos Moines , où
il ièmble qu'on ait pris plaifir d'entallèr fans
jugement , & par la feule envie de ûtiîfaire
l'émulation ou plutôt la jaloufie , que ces So-
cietez ont les unes contre les autres , tout ce
que l'on peut concevoir de miracles chimé-
riques ? Ce qui ibit dit entre nous , Monfieur ,
car vous iàvez bien que pour ne pas fcandali-
fer le peuple , ni irriter cts bons Pères , il ne
faut pas publier ks défauts de leurs Annales,
nous contentant de ne les point lire.
Je m'étonne que (3) ceux qui nous parlent
tant de la fympathie qu'il y a entre la Poëfie 8c
l'Hiiloire : qui nous afîûrent fur la foi de Cice-
ron 8c de Quintilien, ^te l'Hifioire ejl une Foe-
©pus fuum fi^ libre de la fervitude de la 'uerjification j 8c fur
& fieri le témoignage de Lucien , que le iiaijJ'eaH de
populare l'Hijioire fera pefant Qr> [ans mouvement , fi le
pofîe^^nH"! "^^'^^ ^^' ^^ -^oéjie ne remplit fes voiles: qui nous
illud men - diièat qu'il faut être Poète pour être Hillorien ,
dacio af- ' Sc
perfic.
Scne:. natan, qKxft, Hb. 7. cap. 16, ( 1 ) Voiez Voffius de
Hiftor. Latin, pag. $2, ( 3 ) Le P. le Moine Difc. de l'Hiitoi-
ïe cfaap. I.
fO Qyî-
«iam in-
credibi-
lium rela
«u com-
jnendatio
nem pa-
janc, &
lectorem
aliud aélu
excitant.
Quidam
crcduli ,
quidam
négligen-
tes funt,
quibuf-
dam men
dacium
obrepir,
cuibuf-
oam pla-
cer. Illi
non évi-
tant, hi
appetunt,
échoc in
commune
de tota
natione ,
qua: ap-
probari
Tenfees diverfis. y
te crue îa descente de la Poèlle à l'Hifloire eft
prelque infenliblc, "iquoi que perfonne n'ait en-
trepris julques ici de paflèr de l'une à l'autre j
je m'étonne, dis-je, que ceux q^i nous apren-
nent tant de belles choies, iàns l'avoir (i) qu'A- (0 -A^^a-
gathias a été luccelTivement Poète & Hiitorien, ^^^}^ ^"
6c qu'il a cru par là ne faire autic choie que Hiftoi.
traverlèr d une patrie en une patrie^ n'aient pas
aprehendé de fournir un beau prétexte aux Cri-
tiques , de reprocher aux Hifloriens , qu en ef-
fet ils ont une fympathie merveilleuiè avec les
Poètes , 5c qu ils aiment aulTi-bien qu'eux à ra-
porter àizs prodiges & des lîclions. Heureux
cts deux excellens Poètes , qui travaillent à
l'Hiftoire de LOUIS LE GRAND , toute
remplie de prodiges efïèâ:ifs 5 car fans donner
dans la fiction , ils peuvent Satisfaire l'envie do-
minante qui poflède les Poètes &: les Hifio-
riens, de raconter des chofes extraordinaires!
Avec tout cela , iVIomieur , je ne fuis pas
d'avis que l'on chicane l'autorité des Hilioriens?
je conlèns que fans avoir égard à leur créduli-
té , on croie qu'il a paru des Comètes tout au-
tant qu'ils en marquent , êc qu'il eil arrivé dans
les années qui ont fuivi l'apaiition des Comè-
tes , tout autant de malheurs qu'ils nous en ra-
portent. Je donne les miains à tout cela : mais
auiïî c'eft tout ce que je vous accorde , £c tout
ce que vous devez raiibnnablement prétendre.
Voions maintenant à quoi aboutira tout c^ci.
Je vous defîe avec toute vôtre fubtilité d'en
conclure, que les Comètes ont été ou la caufe,
ou le figne àc?. malheurs qui ont fuivi leur
aparition. Ainfi les témoignages des Hifboriens
fe reduifent à prouver uniquement qu'il a pa-
ru des Comètes , 8c qu'enluitc il y a bien eu
des defbrdres dans le monde ■-, ce qui eft bien
éloigné de prouver que l'une de ces deux cho-
ies eft la caufe ou le pronoftic de l'autre i à
A 4. moins
s Tenfiei diverfes,
moins qu'on ne veuille qu'il foit permis à une
temme qui ne met jamais la tête à ià fenêtre,
à la rue St. Honoré , fans voir paiTer des carof^
it^y de s'imaginer qu'elle eft la caufe pourquoi
ils pafîènt , ou du moins qu'elle doit être un
prefàge à tout le quartier , en le montrant à
îà fenêtre, qu'il paiîèra bientôt des carolles.
§. VI.
^ue Us Hifloriens fe plaifent fort mx di-
grejjïons.
Vous me direz fans doute , que les Hiflo-
riens remarquent politivement que les Comè-
tes ont été les iignes , ou même les cauiès des
ravages qui les ont fui vies , 6c par confequent
que leur autorité va bien plus loin que je ne
dis. Point du tout , Monfieur , il fe peut fai-
re qu'ils ont remarqué ce que vous dites , car
ils aiment fort à faire des reflexions , Se ils
poufîènt quelquefois li loin la moralité , qu'un
Lecteur mal làtisfait de les voir interrompre le
fil de l'Hiftoire , leur diroit volontiers s'il les
tenoit , rifervate quefio fer U predrca. L'envie
de paroître fàvans jufques dans les chofès qui
ne font pas de leur métier , leur fait aufTi faire
quelquefois des digrclTions très-mal entendues i
commue lors (i) qu'Ammien Marcellin , à l'oc-
eafion d'un tremblement de terre qui arriva
fous l'Empire de Conftantius , nous débite tout
fon Ariftote 6c tout fon Anaxagoras 5 raifonne
à perte de vue , cite des Poètes 6c des Théolo-
giens : 6c à l'occafion d'une éclipiè de foleil ar-
rivée fous le même Conftantius , fe jette (2)
à corps perdu dans les fecrets de l'Aflronomiej
fait àts leçons fur Ptolomée , 6c s'écarte juf-
ques à philoibpher for la caufe des parelies. Mais
ii ne s'enfuir pas pour cela , que les remarques
des
Fenfées diverfes. p
des Hiiloriens doivent autoriièr l'opinion conr
mune , parce qu'elles ne font pas lur des cho-
ies qui foient du refîbrt de l'Hiftorien. S'il s'a-
gilîbit d'un Confeil d'Etat , d'une négociation
de paix, d'une bataille, d'un liège de ville, Sec.
le témoignage de l'Hifloire pourroit être dccilif,
parce qu il iè peut faire que les Hiftoriens aient
fouillé dans les Archives , ôc dans les inllruc-
tions les plus fecretcs , 8c puifé dans les plus
pures fburces de la vérité des faits. Mais s'a-
gillànt de l'influence des aftres , 6c de reilbrts
inviiiblcs de la nature , MeiTieurs les Hifioriens
n'ont plus aucun cara6tcre autorilànt , £c ne
doivent être plus regardez que comme un fîm-
plc particulier qui hazarde fi conjeélure, de
laquelle il faut faire cas ièlon le degré de con-
noiiîànce que fon Auteur s'eft aquis dans la Phy-
iique. Or fur ce pied-ià , Monlieur , avdiiez-
moi que le témoignage des HilWiens fe reduin
à bien peu de choie , parce qu'ordinairement
ils ibnt mauvais Phyficiens.
§. VII.
De V autorité de la Tradition.'
Après ce que je viens de dire il ièroit iuper>
flu de réfuter en particulier le préjugé de la
Tradition , car il eft vifible que li la prévention
où l'on efl de tems immémorial fur le chapitre
des Comètes , peut avoir quelque fondement
légitime , il confifte tout entier dans le témoi-
gnage que les Hiftoires 8c les autres livres ont
rendu ilir cela daiis tous hs fiecles : de forte
que fi ce témoignage ne doit être d'aucune
conilderation , comme je l'ai juftifié, 5c com-
me il paroîtra encore davantage par ce qui me
refte a direj il ne faut plus faire aucun compte
de la multitude des iùiîrages qui iônt fondez là-
ddlùs,. A. f Qye-
10 Tcdfées diverfes.
Que ne pouvons-nous voir ce qui fè paflè
dans l'efprit des hommes lors qu'ils choiliflent
une opinion! Je fuis fur que fi cela étoit, nous
réduirions le fuffrage d'une infinité dé gens à
l'autorité de deux ou de trois perfonnes , qui
aiant débité une doctrine que l'on fupofoit
qu'ils avoient examinée à fond , l'ont perfua-
dée à plufieurs autres par le préjugé de leur
mérite , &: ceux-ci à plufieurs autres , qui ont
trouvé mieux leur compte pour leur parelTè na-
fi) XJnuf- turelle , à croire tout-d'un-coup ce qu'on leur
CLiifque difbit, qu'à l'examiner ibigneufèment (i). De
mavult ^j.|-ç „^ç |ç r^ombre des feélateurs crédules Se
credere rr^ , , .
quam ju- p^reiieux s augmentant de jour en jour , a ete
«Jicare: un nouvel engagement aux autres hommes, de
jîunquam fè délivrer de la peine d'exam.iner une opinion,
de vita ju- qu'^g voioient fi générale , 6c qu'ils fe pcrfua-
fémper' ^oi^î^t bonnement n'être devenue telle , que
credicur, P^-r la fblidité des raifons deiquelles on s'étoit
verfatque ièrvi d'abord pour l'établir : ôc enfin on s'eft vu
»«s & réduit à la neceflïté de croire ce que tout le
Fra^kus^^'^ monde croioit, de peur de paffer pour un fac-
permanus t^^^^' 3 qiii veut lui feul en fàvoir plus que tous
error, ks autres , &: contredire la vénérable Antiqui-
•alienifque té: fi bien qu'il y a eu du mérite à n'examiner
penmus pj^^ ^^^^ g. .^ ^y^^ raporter à la Tradition. ]u-
Eanabi- S^^ vous-même 11 cent millions d hommes en-
mur fi gagez dans quelque fentiment de la manière
modo fe- que je viens de reprefenter , peuvent le rendre
^aremor probable; ôc fi tout le grand préjugé qui s'éle-
I^n^c"^' ^^ ^"^ ^^ multitude de tant de délateurs , ne
vero liât ^^i^ pas être réduit , faifant juftice à chaque
contra ra- chofè , à l'autorité de deux ou de trois pcrfon-
ïionem nés qui aparemment ont examiné ce qu'ils en-
»ûef enfor fei^noient. Souvenez-vous , Monfieur , de cer-
î>opulus. tames opmions fabulcules a qui Ion a donne
Seaeca Je la chafTe dans ces derniers tems , de quelque
vit à beat à, grand nombre de témoins qu'elles fulïènt
s*^* î* apuiées , parce ou'oii a fait voir que ces te-
Penfées divcrfis. il'
moins s'étant copiez \q.s uns les autres, ians
autrement examiner ce qu'ils citoient , ne dé-
voient être comptez que pour un : 6c fur ce
pied-la concluez , qu'encore que plufieurs na-
tions 8c plufieurs fiecles s'accordent à accuièr
\z^ Comètes de tous les defaftres qui arrivent
dans le monde après leur aparition , ce n'eil:
pourtant pas un fentinient d'une plus grande
probabilité , que s'il n'y avoit que icpt ou huit
peribnnes qui en fuflenti parce qu'il n'y a gue-
res davantage de gens qui croient ou qui aient
cru cela , après l'avoir bien examiné fur des
principes de Philoibphie,
§. VIII.
Tour^uci on 'ne far le point de l'autorité des
Philofophes.
Au relie , Monfieur , voulez-vous iâvoir pour-
quoi je n'ai pas mis en ligne de compte l'auto-
rité des Philolbphes , auifi-bien que celle àts
Poètes £c des Hiiloriens ; c'eft parce que je
fuis perfuadé que ii le témoignage des Philofo-
phes a fait quelque imprefiïon fur vôtre elprit,
c't?i feulement à caufe qu'il rend la tradition
plus générale , Se non pas à caufè des raifon's
fur leiquelles il eil: apuié. Vous êtes trop habi-
le pour être la dupe de quelque Philofbphe que
ce foit , pourvu qu'il ne vous attaque que par
la voie du raifonne^iient ; Se il tiiuc vous ren-
dre cette juftice , que dans les choies que vous
croiez être du reflbrt de \i raiibn , vous ne fui-
vez que la raifon toute pure. Ainfi ce ne font
pas les Philofbphes entant que Philofbphes, qui
ont contribué à vous rendre peuple en cette
occaiion , puis qu'il eft certain que tous leurs
raifonnemens en faveur des malignes influen-
ces, font pitiç, Voulez-vous doûc que je vous
A 6 dife
li Penfées diverJeS»
difè en qualité d'ancien ami , d'où vient que
vous donnez dans une opinion commune fans
confukcr l'oracle de la laifbn ? C'eil que vous
eroiez. qu'il j a quelque chofe de divin dans
tout ceci , comme on l'a dit de certaines mala-
dies , après le fameux Hippocrate ; c'eft que
vous vous imaginez que le confcntement gêne-
rai de tant de nations dans la fuite de tous les
fiecles , ne peut veuir que d'une efpece d'infpi-
ration , t'ox populi , ^'■ox Dei ; c'eft que vous
êtes accoutumé par vôtre caradlere de Theolo-
gieiî à ne plus raifonner , dès que vous eroiez
qu'il y a du myftereice qui efl: une docilité fort
louable, mais qui ne laillè pas quelquefois par.
le trop d'étendue qu'on lui donne , d'empiéter
fur les droits de la raifon , comme l'a fort bien
r 1 Pen- ^^rn^^^^^ (0 ^'^^^ Pafcal i c'eil enfin qu'aiant
iees de ^^ conlcience timorée , vous eroiez aifement
Monfr. que la corruption du monde met entre les
Pafcul , mains de Dieu les fléaux les plus épouvantables;
lefquels pourtant le bon Dieu ne veut point lan-
cer fjr la terre , iàns avoir effaié fi les hommes
s'amanderont , comme il fit avant que d 'en-
voler le Déluge. Tout cela , Monfieur , fait
"un fophifme d'autorité à vôtre efprit , dont
vous ne iàuriez vous deffendre avec toute l'a-
dreflè qui vous fait fi bien démêler les faux rai-
ibnnemens des Logiciens,.
Cela étant, il ne faut pas fè promettre de vous
détromper en raifonnant avec vous fur des prinr
cipes de Philoibphie. Il faut vous laiÏÏèr là , ou
bien railbnner fur des principes de pieté 5t
de Religion. C'eft auffi ce que je ferai (car je
ne veux pas que vous m'éclnpiez) après avoir
expofë à vôtre viie , pour me dédommager en
quelque façon- , plulieurs raifbns fondées dans
]c bon fcns , qui convainquent de témérité l'o-
■pinion que l'on a touchant finfluence des C-cr-
aïOÊS. Dçviiiez, il vous pouvez , quels font ce?.
th
Venféei diverjês, i^
principes de pieté que je vous garde , devinez-
le , dis-je , li vous pouvez , pendant qu'à mes
heures de loifir je vous préparerai une efpece
de prélude qui roulera fur des principes plus
communs.
A,., le Jf. de Mars i6Su
§, IX..
I. Raifen contre les prefages des Co-
mètes.
^u'il eji fort probable qu'elles n'ont point la ver-
tu de produire quelaue chofe fur la terre.
Voici , Moniieur , quelques raifons de Phi-
lofophie. On peut dire premièrement quil
, eft fort incertain , que des corps auJfiTi éloignez
de k terre , que le font ceux-là , puiiTent y en^
voier quelque matière qui ibit capable d'une
grande a(ftion. Car ii c'efl le lèntiment univer-
lel des Philolbphes , depuis qu'on a été con-
traint d'abandonner l'opinion commune tou>
chant la matière des Comètes , que i'atmofphe-
re de la terre , c'eft-à-dire l'efpace jufqu'où s'é-
tendent les exhalaifons , &: les vapeurs qu'elle
répand de toutes parts , fe termine à la m^oien-
ne région de Tair à trois ou quatre lieiies d'élé-
vation tout au plus ; pourquoi croira-t-on que
Tatmoiphere des Comètes s'étend à plulieurs
millions de lieiies ? On ne iàuroit dire precife-
ment pourquoi les Planètes 8c les Comètes peu-
vent produire des qualitez ' jufques fur la terre,
capables d'y caufer de notables changemens ,
pendant que la terre n'en peut pas ieulenienc
produire à trente lieiies de diftance.
A 7 §, X.
14 Penfées diverjès,
§. X.
si elles envoient quelque autre chofe que la lu-
mière.
I. Dira-t-on que puis que les Comètes nous
envoient de la lumière , elles peuvent bien nous
envoier quelque autre chofe ? Mais il eft facile
de repondre que la lumière qu'elles nous en-
voient originairement du foleil, 6c qu'elles ne
contribuent à l'envoier fur la terre , qu'en qua-
lité de corps opaque qui oblige les raions à fè
réfléchir vers nous 3 de Ibrte que de quelque iu-
polition que l'on fe ferve pour expliquer la pro-
pagation de la lumière, foit des principes d'A-
riftote, foit de ceux d'Epicure, foit de ceux de
Mr. Defcartes , on concevra très-clairement que
\ts Comètes peuvent luire fur nous , fans au-
cune a£tion pciitive de leur part , 6c fans qu'il'
fe détache la moindre chofe de leur fubftance à
ci)t^s , pour en venir dans ce bas monde,
§. XL
Si leur lumière détache quelques atomes,
IL Dira-t-on que la lumière détache quantité
d'atomes du corps de la Comète , 6c les amené
dans nôtre monde iors qu'elle y vient elle-mê-
me par reflexion ? Mais li l'on ne dit que cela ,
je n'ai point befoin de nouvelle reponfe : il me
iùfHt de dire , que les atomes que la lumière
du foleil enlevé de la terre 6c 'des eaux , ne fùi-
vent la lumière réfléchie qu a une très-petite
diilancc , 6c qu'il faut raiionner de même de
ceux que k foleil enlève des autres corps,
§. Xiï.
Penfées diverfis, 15
§. XII.
Quelle peut être l'acîivité de leur himiere.
III. Dira-t-on que la lumière même réflé-
chie par les Comètes , eft capable de produire
de grands effets ? Il n'y a point d'aparence, puis
qu'il eft certain que cette lumière n'eft plus
quand les effets qu'on attribue aux Comètes Ibnt
produits , & que d'ailleurs l'action de cette lu-
mière eft fi foible à nôtre égard , qu'il n'y a
point de lampe allumée au milieu d'une cam-
pagne , qui n'éclaire 6c qui n'échauffe l'air âtz
environs , bien plus que ne fait une Comète :
dcforte que comme il feroit ridicule d'attribuer
à la lumière de cette lampe la force de produi-
re de grands changemens dans la fphere de Ion
adlivité , outre l'illumination; il eft ridicule auffi
d'attribuer à la lumière des Comètes , la force
d'altérer nos élemens , ôc de troubler la tran-
quillité publique. Pour ne pas dire que la lu-
mière des Comètes n'étant que celle du ibleii
extrêmement affoiblie , il eft auffi abfurde de
lui attribuer des effets que le ibleii lui-même ne
peut pas opérer , qu'il feroit abfurde de fe pro-
mettre qu'une chandelle allumée au milieu d'u-
ne place , échaufferoit tous les habitans d'une
grande ville , qu'un bon feu allumé dans la
chambre d'un chacun ne peut pas garantir du
froid.
§. XIII.
^u'il eft aujft difficile aux exhalaifons de defcen^
dre ojue de monter.
I V. Dira-t-on qu'il y a bien de la différence
entre la terre 2c k& Comètes , ^ qu'encore que
1^ Penfécs diverfes,
les exhalaifons de la terre ne puiflènt pas mon-
ter jufques à la région des Comètes, il ne s'en-
fuit pas que la vertu des Comètes ne puilTè s c-
tendie julques à nous , parce qu'il ell beaucoup
plus facile de delcendre que de monter , & qu'il
faut monter pour aller d'ici a la région des Co-
mètes , au lieu qu'il lùut defcendre pour venir
de là julqu'ici? Alais il n'efl: pas difficile de ren-
verlèr cette objection j car li elle a quelque for-
ce , c'efl: uniquement parce qu'on fupoie que la
terre eft au centre du monde , 8c que tous les
corps peians ont une inclination naturelle à s'a-
procher de ce centre. Or comme il n'y a rien de
plus difficile que de prouver ces fupoiitions , il
n'y a rien auiïi de plus aile que de détruire tous
les railbnnemens que l'on fonde fur ces idées.
Comment fait-on que la terre eft au centre du
monde? N'eft-ii pas évident que pour conoître
le centre d'un corps , il en faut conoître la fu-
perHcie , & qu'ainli n'étant point poiTible à l'ef-
prit humain de marquer où font les extremitez
du monde , il nous eft impoffible de conoître
fi la terre eft au centre du monde , ou ii elle
n'y eft pas? De plus comment iàvons-nous qu'il
y a des corps qui ont une inclination naturelle
a s'aprocher du centre du monde ? Ne iàvons-.
nous pas au contraire que tous les corps qui fè
meuvent à l'entour d'un certain centre , s'en_
éloignent le plus qu'ils peuvent ? Les expérien-
ces que l'on en a n'ont-elles point forcé la plu-
part ôiQS Seélatcurs d'Ariftote , de reconoître
avec Mr. Defcartes , que c'eft une des loix gé-
nérales de la nature ? Il n'y a donc rien de plus
abllirde que de fupofer , qu'il y a des corps qui
tendent naturellement vers le centre de la ter-
re ; &: il eft bien pkis raifonnable de dire qu'ils
tendent tous à s'en éloigner 5 &; que ceux qui.
ont la force de le faire , s en éloignent enècti-
^ement; d'où, il ariiye que ceux qui ont moins
de-
Tenfées diverfès. ij
de force font chaflêz vers le centre , parce que
tout étant plein il cft impoilible qu'un autre
sen aproche.
Il ell facile de montrer après cela qu'on iè
trompe bien groflierement , quand on s'imagi-
ne que les exhalailons ces Comètes peuvent
mieux defcendre fur la terre , que les exhalai-
Ions de la terre ne peuvent monter au ciel; car de
Quelque iyrxéme que l'on fe fove, il faut ncceP
fàirement convenir qu'il le fait dans le monde
un mouvement très-coniiderable à 1 entour d'un
centre commun. Que ce foit à i'entour de la
terre , comme veulent les Philofbphes de 1 U-
niverfité, ou a i'entour du foleil , comme veu-
lent les fcclateurs de Copernic , ou en partie à
i'entour du foieil , êc en partie à I'entour de la
terre , comme veulent les feftateurs de Tycho-
Brahé , peu m'importe pour le prefent : il eil
toujours vrai que les Comètes fe font voir dans
un lieu où il y a des corps qui tournent à I'en-
tour d'un certain centre j par confequent tous
ces corps tendent de toute leur force à s'éloi-
gner de ce centre , &: ont plus de force pour
■s'en éloigner , que tous les corps qui font en-
tre eux 5: la terre ; d'où il s'enfuit que la ma-
tière qui eft autour des Comètes n'a point de
facilité à defcendre fur k terre , ^ qu il lui efî:
aulTi malaifé à'y defcendre , qu'il eft malaiie à
la matière terreftre de monter au ciel. Si l'on
coniideroit la peine qu'on a à faire defcendre
dans l'eau un balon bien rempli d'air, on ne di-
roit pas univerfellement qu'il eft plus malaiie
de monter que de defcendre : cela n'eft vrai
qu'a l'égard d^s corps qui n'ont aucune force
pour s'éloigner du centre du mouvement, mais
à l'égard de ceux qui ont eu la force de s en
éloigner prodigieufemcnt, c'eft à les faire def-
cendre que l'on trouve de la peine ■■, puis donc
que les Comètes font dans un eloignement pro-
di-
l8 Penfées diverfis.
digieux du centre du mouvement , il cft jufle
de conclure qu'il faudrait une peine effroiable
pour faire deicendre quelque chofe de cet en-
droit-là jufques fur la terre : ce qui ieul cft ca-
pable de réfuter toutes les iDuùons de rAftro-
logic.
Permettez-moi , s'il vous plaît, Monfîeur,
de dire que toute la matière qu'il y a d'ici juf-
ques au delà de Saturne fie des Comètes , for-
me un grand tourbillon ; 8c fouffrez que je le
nomme le tourbillon du ibleil ■■, je ne vous de-
mande pas cela pour faire le moindre préjudi-
ce à vôtre fyflême de Ptolome'e , c'eft feule-
ment pour exprimer en moins de paroles ce
que je m'en vais vous dire.
§. XIV.
^ie les exhakifons des Comètes quand même eU
les parviendr oient jn/qu'à la terre n'y prodni-
roient rien.
Accordons que les Comètes peuvent pouflèr
jufques fur la terre quantité d'exhalaiibns , s'en-
iùivra-t-il que les hommes en feront notable-
-ment altérez ? Point du tout j car ii ces exha-
laifons parcouroient des efpaces auffi immen-
fcs que ceux-là , elles fe brifereient 8c fè divi-
fer oient en une infinité de particules infènfi-^
blés, qui fè répandroient dans toute l'étendue
du tourbillon du foleil , à-peu-près comme les
pai'ticules du fèl fe diftribuent dans toute la
inaffe d'eau qui les diiïbut. Or fi nous compa-
jons la Com.ete , avec tout le tourbillon du fo-
leil, nous trouverons qu'elle n'eft pas à l'égard
de ce tourbillon , ce qu'eit un grain de fel à l'é-
gard d'une lieue cubique d'eau : 8c par confe-
quent il y a lieu de croire , que li toute la Co-
mète réduite en poudre ctoit mifè par infufion
dans
Tenfées diverjèi, , 19
dans k grand tourbillon du foleil , elle n'y apor-
teroit pas une altération plus confiderable , que
celle qu'un grain de ici jette dans une lieue cu-
bique ^d'eau, produiroit dans toutes les parties
de cette eau. Perfonne n'ignore qu'afin qu'une
liqueur produife des effets confiderables , il ne
fuffit pas qu'elle fbit imprégnée de certains es-
prits y mais qu'il faut qu'elle en foit chargée
jufqu'à une certaine dofe. Je dis pareillement
qu'afin que nôtre air reçoive de grandes altéra-
tions , il ne fuffit pas qu'il ibit imprégné de
quelques parcelles de la Comète à railon de
la quantité de matière qu'il contient dans l'é-
tendue du tourbillon } mais qu'il faut qu'il en
reçoive une doiè plus copieuJÎe. Cependant il
eft fur qu'il ne peut avoir que fà part , je ne
dis pas de toute la Comète , {'car elle ne fe dlf-
fout pas dans les liqueurs du tourbillon) mais
des atomes qu'elle lème deçà 8c delà, ce qui re-
vient à rien pour chaque partie de nôtre mon-
de.
Je ne crains pas que l'on m'objeéle qu'il n'y
a que la terre qui ait part à cela , car ce feroit
fupofèr que les Comètes lui envoient à elle feu-
le toutes leurs exhalaiibns , 6c qu'elles empê-
chent que leurs traits ne fafïènt aucun écart
dans un trajet d'une longueur prodigieufe , ce
qui ne fè peut dire iàns extravagante. Je ne
crains pas non plus qu'on me vienne dire , que
peut-être les Comètes ne font pas aulTi éloignées
de la terre que le fupofent ceux qui les mettent
bien loin au delà de Saturne, car cette objec-
tion n'eft d'aucune force contre moi ; parce
que foit qu'on les pofe un peu au deçà, ou un
peu au delà de Saturne , il faut convenir que
leurs évaporations apartiennent également à tou-
tes les parties du tourbillon du foleil , aulfi bien
à celles qui font entre Jupiter & Mars, qu'à cel-
les qui environnent la terre j aufli bien à celles
qui
2 0 • Penfées diverfes.
qui font au delà de Saturne, qu^à celles qîii font
au deçà. En effet fi une Comète pofee entre
J-upiter & Saturne, a la force de chalfer jufques
au centre la matière dont elle eft environne'e ,
elle doit avoir aufifi la force de la pouffer ;à-peu-
près autant du côté de la circonférence; car il
n'eft pas plus difficile de faire monter les corps
pelans , que de faire defcendre les corps légers ,
comme il paroît par l'exemple d'un gros balon
qu'on a tant de peine à poulTèr dans l'eau. Ain-
li nous devons hire état que les écoulemens qui
fortent de la Comète , fe répandent à la ronde
par toute l'étendue du tourbillon du foleil , à-
peu-près comme les parties d'un morceau de
fucre que Ton tiendroit fulpendu dans un verre
d'eau , fè repandroient au-deflus & au-deflbus
dans toute la capacité du verre , 8c cela d'autant
plus aifement que toute la matière du tourbil-
lon eft dans un mouvement continuel. Puis
donc que toute la Comète liquéfiée dans le flui-
de du tourbillon, ne feroit pas comme un grain
de fel liquéfié dans une lieue cubique d'eau , qui
eft une proportion dans laquelle je ne croi pas
que ni l'antimoine , ni aucun venin conlèrvent
leurs qualitez adtives ; il eft vrai de dire que les
influences des Comètes , qui contiennent il peu
de fubftance en comparaifon des Comètes mê-
mes , ne'feroient pas capables d'un grand ef-
fet, quand mêmes elles parviendroient jufques
à nous.
§. XV.
"Réfutation de ceux qui difent que cela n'efl fat
impojjïble , ou qui 'voudr oient foutenir que les
influences ne font pas des corpufcules.
V. Dira-t-on enfin qu'il n'eft pas impofliblc
que les Comètes envoient far la terre une ma-
tieri
Penfées divtrfes, 2 î
tîere ou une qualité fort aftive? C'eft tout ce qu'on
peut avancer de plus raifbnable , & cependant
ce n'eft rien dire , parce qu'il eft non feulement
poffible , mais aufll très-aparent que les Comè-
tes n'envoient fur la terre ni qualité , ni matiè-
re capables d'une grande adlion , 6c que dans
les chofes où il n'y a point plus de raiîbn d'un
côté que d'autre , le tort eft toiàjours plutôt" du
côté de ceux qui aiîàrment, que du côté de ceux
qui fufpcndent leur jugement. Si bien que n'y
aiant aucune raifon pofitive qui nous porte à
croire l'influence des Comètes , £c y en aiant au
contraire plufieurs qui nous portent à la rejet-
tcr , ceux qui prennent le premier parti ont
tout le tort de leur côté.
Je vous prie , Monlieur , de bien prendre
garde que je viens de diftinguer les qualitez
produites par les Comètes , d'avec les corpufcu-
les qu'elles envoient. J'ai fait cette diftindtion
afin de m'accommoder à la Philolbphie de l'U-
niverlité , Se de peur que vous ne vinHlez. à
croire , qiie mes objefticns ne Icroient d'aucu-
ne force li je fupofois les principes ordinaires
touchant la propagation à^s accidens. Pour pré-
venir cela je déclare ici , qu'encore que dans
toute la fjîte de cet écrit je ne réfute les influen-
ces des Comètes , que Ibus l'idée d'atomes £c
de corpufcules , je prétends néanm.oins que
mes raiibns doivent avoir la même force con-
tre des influences , qui confiftcroient en pures
qualitez, diflincles de la matière. Et même dans
le cas préicnt j'aurois beaucoup plus d avantage
contre un Peripateticien , parce que s il veut rai-
fonner conlèquemraent , il efl: obligé de dire
que dès que la Comète n'tfl: plus , les qualitez
malignes qu'elle avoit produites au dehors,
font entièrement détruites par les formes fubf-
tantielles de chaque fujet, qui ne foufrent, iè-
ion lui, aucune qualité étrangère, qu'autant de
tems
2i Penfées diverjès.
tems que la cauiè oui Ta introduite par violen-
ce la maintient 2c la conierve. D'où il refulte
manifeftement , que rien de tout ce qui arrive
après la deftrudlion de la Comète , ne peut être
produit par les quaiitez de la Comète , mais
tout au plus par les atomes qu'elle a répandus
deçà ôc delà.
Outre que l'expérience nous failànt voir que
les quaiitez des corps ne fè produiiènt que dans
un certain efpace qu'on apelle la fphere de leur
â^ciivitéi il eft aulTi abfurde dans les principes
d'Ariftote , de dire que la Comète communi-
que Tes quaiitez à tout le tourbillon du folcil,
qu'il eft abfurde de le dire dans les principes des
autres Philolbphes : puis que les fedateurs d'A-
riftote ibnt obligez de reconnoître, que ce qu'ils
appellent de purs accidens n'a pas moins de pei-
ne à le répandre à la ronde , que les écoule-
mens d'atomes , en quoi les autres StOi^s, font
coniiller la produdion des quaiitez corporelles.
§. XVI.
1 1. Raiibn : ^^e fi les Comètes avoient la vertu
de produire quelque chofe fur la terre, ce pour-
voit être tout aitjjï bien du bonheur , que du
malheur.
ON peut dire en fécond lieu , que fupofé
que les Comètes répandent jufques fur la
terre beaucoup de corpufcules capables d'une
grande a6lion , il n'y a pas plus de raifon à foute -
nir qu'ils doivent produire la pefte , la guerre, la
famine j qu'à ibutenir qu'ils doivent produire la
fànté , la paix , &c l'abondance , parce que per-
fonne ne conoît la nature de ces corpufcules , la
figure , le mouvement , ou les autres quaiitez
de leurs parties. Et en effet y a-t-il plus de bon
fens à foutenix que la prefente Comète , qui ne
peut
Penfeei Mverfes. 25
peut empêcher un froid exceflit pendant qu'elle
iè montre toute entière, cauièra la guerre trois
ans après qu'elle ne fera plus , parce qu'échauf-
fant la malîè du iàng , elle rendra les hommes
plus prompts j qu'à foutenir qu'elle entretien-
dra la paix , parce que rafraichilïànt la mafîèdu
fàng, elle rendra les hommes plus fàges?
Oui , me dira-t- on , il y a plus de bon lèns
dans le premier parti que dans l'autre j car
il eft plus aparent que la matière grolTiere qui
nous vient des extremitez du tourbillon du iô-
leil, n'étant pis proportionnée aux corps tcr-
reftres , fait toutes chofes de travers parmi
nous , qu'il n'efl aparent qu'elle y aporte ou
qu'elle y conièrve des difpolitions favorables.
Il eft fort probable qu'elle augmente le froid en
hiver , 8c la chaleur en été , parce qu'étant plus
difficile à ébranler , elle doit augmenter le froid
6c le repos , lors qu'il n'y a pas de force pour la
mettre en mouvement , ôc qu'étant une fois
échauffée, elle doit avoir beaucoup plus de cha-
leur que les matières fubtiîcs ; d'où vient que
le fer rouge brûle bien plus que la flame d'efprit
de vin , 8c que le feu eft plus violent lors que
le froid eft extrême j car il y a beaucoup d'apa-
rence que le froid difpole le bois de telle forte,
que les parties que le feu en détache à chaque
fois font plus maffives.
Mais je répons que ce font toutes conjectu-
res en l'air , 8c qu'on en peut faire d'aufli vrai-
femblables en prenant le contre-pied. Qui
m'empêchera de dire que cette matière groflie- '/J^ j.^
re epaiftiflànt l'air , 8c facilitant la condeniation pofuasut
dQs vapeurs, doit diminuer le froid, 8c le chaud glacier
lèlon la fàifon où l'on fe trouve : le froid , par- ^'^^^^^ ' P"-
cc qu'il n'eft jamais plus violent que lors que ^? ^^^^^^
lair eft le plus lèrain 8c le plus pur ( i ) j le nlrau'
chaud, parce qu'il n'eft jam.ais plus inftiporta- Od. 10,
bic que lors eue le foleil darde fes raions fur /'^. >•
nous.
14 Penfées diverjês,
nous , fans rencontrer aucune nue , 8c parce que
\qs pluies qui nailîènt de la condensation des va-
peurs , rafraichifTent extrêmement l'air ? Je puis
fùpofèr encore , que cette matière groQiere ve-
nant à £t précipiter , eft un ferment 8c une graif-
iè qui doit rendre la terre fertile , comme ces
corpufcules que le Nil laifTe dans les lieux qu'il
a inondez. Un autre dira avec autant de railbn,
qu'à la vérité cette matière grolViere caufe un
froid piquant qui purifie l'air de toute fèmence
de maladie j mais qu'elle fe fubtilile peu-à-peu ,
le plus grolTier tombant à terre comme un fè-
diment gras 8c plein de principes de fécondité',
pendant que le refte ne retient que la iblidité
neceflàire pour pouvoir tempérer la chaleur de
tems en tems, par k condenfàtion de nues, 8c
par des pluies également falutaires à la lànté 8t à
la récolte. Peut-on empêcher un autre de dire,
que cette matière cralTè a bien le loiiir de fè fil-
trer , 8c de fe fubtilifer avant que de venir à
nous, puis qu'elle fait un trajet de plufieurs mil-
lions de lieues , 8c que s'il lui refte encore de-
quoi épailTir nôtre air , cela doit être compté
comme l'un de ces brouillards qui durent quel-
quefois lèpt ou huit jours fans confequencc, ou
comme Tune de cts pluies qui troublent l'eau
des rivières pour quelque tems , fans qu'on re-
marque que \qs poiffons s'en portent moins
bien ?
§. XVII.
III. Raiibn : ,^e VAftrolog'te qui eft le fonde'
ment des prédiclions particulières des Comètes ,
efi la chofe du monde lapins ridicule.
"f E dis en troifiéme lieu que le détail des pre-
I fàges des Comètes ne roulant que fur les
principes de l'Allrologie , ne peut être que très-
ridicule.
Penfées dîverfis. 25
ridicule , parce qu'il n'y a jamais eu rien de
plus impertinent , rien de plus chimérique que
TAlirologie, rien de plus ignominieux à la na-
ture humaine , à la honte de laquelle il ièra vrai
de dire éternellement , qu'il y a eu des hom-
mes afîèz fourbes pour tromper les autres fous
le prétexte de conoître les choies du Ciel , &
des hommes aflèz, fots pour donner créance à
ces autres- là, juiques au point d'ériger la char-
gé d'Ailrologue en titre d'Office , &: de n'ofèr
prendre un habit neuf ou planter un arbre làus
l'aprobation de (i) l'Aflroiogue. (i) Mr.'
Voulez-vous fàvoir d'un homme de cette pro- B^m'cr,
feiTion , quels font en particulier les prelâges ^og^'i^*
d'une telle Comète ? Il vous répondra que la
vertu particulière d'une Comète dépend de la
qualité du ligne, 5c de la maifbn où elle a com-
mencé d'être vue , comme aulll de l'aiped où
elle a été avec les Planètes. Que c'eft à cette fi-
tuation qu'il faut regarder principalement pour
bien taire l'horofcope d'une Comète 3 à quoi
l'on ajoute la coniideration des fignes par où
elle palîè fuccefTivement. Là-defîus il vous
aprendra qu il y a des fignes mafculins , &i des
lignes féminins , qu il y en a de terreftres ôc
d'aqueux, de froids & de chauds, de diurnes 8c
de no£himes , ôcc. Que chaque Planète domi-
ne fur une certaine portion de la terre, & fur
une certaine efpece de gens. & de chofes. Satur-
ne par exemple, iùr Ja Bavière , la Saxe ôc l'Efpa-
gne , fur une partie de l'Italie , fur Ravenne 8c
Ingclftad , fur les Maures 8c fur les Juifs , flir
les étangs , les cloaques 6c les cimetières , fur
la vieilIefTe, fur la rate, fur le noir 8c le tanné,
8c fur l'aigre i car il n'y a pas jufqu'aux couleurs
8c aux laveurs qu'on ne leur partage. Il ajou-
tera que les lignes &: particulièrement ceux du
Zodiaque ont aulTi leurs dcpartemens marquez
iùr le globe de U terre, pour y exercer leur ver-
Tom, I. B tu:
i5 Venfées diverjès,
tu ". le Bélier par exemple, domine fur toutes
les choies afTujetties à Ja Planète de Mars fon
hôte , (car vous remarquerez, que chaque Planè-
te a fon logis arrêté dans un certain ligne) qui
font le Nord, une partie de l'Italie 8c de TAlle-
magne , l'Angleterre , & la Capitale de Polo-
gne , le foie , le fiel , les Soldats , les Bouchers ,
les Sergeans , 8c les Bourreaux , le rouge, Ta-
mer 8c le mordicant. Et outre cela il règne
lùr la Paleftine, fur F Arménie, fur la mer Rou-
ge , fur la Bourgogne , fur les villes de Mets 8c
de Marièille. li vous dira de plus qu'il y a ii.
maifbns à conliderer dans le ciel , dont chacu-
ne a les fonctions particulières , 8c apartient à
une certaine Planète : car par exemple , la pre-
mière maiibn iè raporte à la vie 8c à la comple-
xion du corps , 8c la dernière, aux ennemis, à
k prifon , 8c à la fidélité des domciliques. Mer-
cure fe plaît dans la première plus que toutes
les autres Planètes , 8c répand de là une vie heu-
feufè, 8c une forte complexion. Venus fè plaît
dans la cinquième , où elle promet de la joie
par les en fans.
Cela pofe avec plufieurs autres remarques de
même nature , l'Aflrologue vous dira à quels
pais , 8c à quelles gens , ou à quelles bêtes la
Comète en veut principalement , 8c de quelle
forte de maux elle menace. Dans le Bélier el-
le f gnifie de grandes guerres , 8c de grandes
mortalitez , l'abaifîèment des Grands , 8c l'élé-
vation des petits , des lèchereflès épouvantables
pour les lieux fournis à la domination de ce fi-
gue. Dans la Vierge elle fignifie des avorte-
mens dangereux , des maltotes , des emprifon-
nemens , la fterilité 8c la mort de quantité de
femmes. Dans le Scorpion ce font outre les
maux précedens , des reptiles 8c des fàuterelîes
innombrables. Dans les Poifîbns, des difputes
fur des points de foi, des aparitions épouvanta-
bles
Penfées diverfei, 2 y
blés dans l'air , des guerres £c des pefles, Se tou-
jours la mort des Grands.
S'il arrive par malheur que les Comètes par-
ient par des lignes de figure humaine , comme
ibnt les Gémeaux , la Vierge , l'Orion , 6cc.
c'efl: aux hommes qu'elles s'en veulent prendre.
Si elles paffent par les lignes du Bélier , du Tau-
reau, du Cygne, de l'Aigle, des Poilîbns, c'efl
aux animaux de cette efpece qu'elles en veulent;
& Il les fignes font mafculins ce font hs mâles
qui en patifîènt , s'ils font féminins ce font les
femmes. Si les Comètes pallènt par les par-
ties honteufès de quelque conftellation , c'efl un
fâcheux préfage pour les impudiques. Si la Co-
mète eft Saturnienne par fa lituation , ou par
fbn afpe6t , elle produit tous les méchans effets
de Saturne , la jalouiie , la mélancolie, les dé-
fiances 8c les terreurs. Si elle eft dans la iècon-
de maifon qui eft celle des richelTès , elle tra-
verfe le gain , ôc fait faire des vols & des ban-
queroutes , 8c ainli du refte j car en gênerai un
Aftrologue juge de la vertu d'une Comète par
les règles félon lefquelles il prétend que tel ou
tel ligne , dans une telle maifon , 8c dans un
tel aÇeft prefage ceci ou cela à telle ou à telle
chofe (i). (0 Vofes
Rarement fait-on lignifier quelque bonheur ^.""'^^^If
aux Comètes. Il y eut néanmoins un Aftrolo- f^\ come-
gue Suiflè , qui aiant remarqué en i66i. qu'u- ces.p.^j.
ne Comète avoit pafTé par le ligne de l'Aigle,
8c qu'elle étoit venue mourir à les piez , alîûra
que cela prefàgeoit la ruine de l'Empire Turc
par celui d'Allemagne , ce que l'événement a
îi peu juftifié , que deux ans après les Turcs
penferent prendre toute la Hongrie, 8c eudcnt
aparemment envahi toutes les terres héréditai-
res de h Maifon d'Autriche , fi le fecours que
le Roi envoia à l'Empereur , ne l'eût mis en
état de faire fa paix avec la Porte. Il en va à^i
B 2 pren
^'S Penfées diverfes.
prédirions des A Urologues , comme de celles
des Poètes : elles font volontiers fiineftes les
unes & les autres aux Ottomans , mais iàns au-
cune iiiite. Il y a plus d un fiecle que tous les
Poètes François nous chantent d'un ton d'ora-
cle, que nos Rois iront détrôner le Grand Turc,
Se diellèr des trophées fur les bords du Jourdain
Se de l'Euplirate. Le redoutable Mr. Des-Preaux
qui s'ëtoic tant moqué de ces faillies , y eil tom-
bé lui-même à la fin ,ayec fon , fefattemdans
deux a,is aux bords de l Hellefpont , ôc il a été
au fil faux Prophète que {es Confrères.
Ce n'efl: pas d'aujourd'hui que les Aftrolo-
gues raifonnent fur de telles extravagances. C'é-
■(t) Plinius toit la même cholè du tems de (i) Pline , On
lib.z. cap. -prétend, dit-il, cjue ce n'efl pas une chofe indiff'e-
*^' rente , que les Comètes dardent leurs ratons vers
certains endroits , oh reçoivent leur vertu de cer-
tains ajlres , ou reprefentent certaines chofes , ou
hrille7ît en certaines parties du ciel. Si elles ref-
fembknt a une'jlute ^ leurs prefages s'adrejfent à
la Mufquej quand elles font, dans les parties hon-
teufes dun figne , c'eji aux impudiques qu'elles en
veulent i // leur jituation fait un triangle ou un
quarrê équilateral a l égard des étoiles fixes , c'efi
aux fciences <:^ a l'efprit qu'elles s'adrejfent. Elles
répandent des poifons quand elles fe trouvent dans
la tête du Serpentaire boréal ou au/Ira l.
Conlîderez , je vous prie , Monlieur , û ce
n'eîl: pas avoir perdu toute honte , que de pofèr
des principes de cette forte. Quoi , parce qu'u-
ne Comète nous paroît répondre à certaines
étoiles qu'il a plu aux Anciens d'apeller le figne
(i) Aftrœa ^^ ^^ Vierge , pour s'accommoder aux fidions
Virgo.fi- Poétiques, qui portoient que la Jufiiice, ou l'A'
derum Jirda Virgo , dégoûtée d'un monde aufil cor-
magnum ^ j-o^^pu que le nôtre , s'en étoit allée au ( 2 )
necain ' ^^^^ ' ^^^ femmes feront fiieriles , ou feront de
QsîAv, àuifts couches , qu ne trouverçnt point de
maris?
Tenféei dtverfèi, 29
maris ? Je ne vai rien qui fcit plus mal lié que
cela.
C'efl: un pur caprice qui a fait reprelcnter ce
figne fous la figure d'une femme , car au fend ,
il ne tient pas plus de la figure humaine, que
d'une autre. Mais quand il feroit vrai qu'il tien-
droit de la figure humaine , avons-nous les yeux
aflcz bons avec l'aide des meilleurs telelcopes ,
pour difcerner que c'efl: à une femme qu'il reP
lèmble , & non pas à un homm.e ? Et fi nous
pouvions porter nôtre difcernement jufques-là,
pourrions-nous conoître que c'efl h figure d'u-
ne fille plutôt que celle d'une femme ? Et enfin
quand même nous pourrions faire toutes ces
fubtiîes diflinâions , 8c conoître clairement
qu'un certain nombre d'étoiles font tellcmicnt
iituées qu'elles forment une figure de fille, s'en-
fiiivroit-il qu'elles communiquer oient à un corps
éloigné peut-être de trente millions de lieues,
une influence contraire à la multiplication du
genre humain ? On auroit incomparablement
plus de |railbn d'avancer cette impertinence,
que fi wa Boulanger formoit la figure d'un hom-
me , OH d'une femme fur un gâteau , il le con-
vertirait en poifon pour tous les hommes , ou pour
toutes les femmes qui en mangeraient. AfiTuré-
ment ce que difent les Aftrologues , mérite la
cenfure qui fe lit dans Pline contre une autre yX}^^^
efpece de menteurs , ( i ) ^' avoir dit cela fe- quem-
rieufement , cefi témoigner qu'on a un mépris ex- qusm
tréme pour les hom/nes. &> que l'impunité du mcn- dixiiïe ,'
fmge efl montée a un excès inexcusable. fumma
Je ne m'amufèrai pas à prouver ce que i'a- ^"^'""'F
vance li herement contre la vanité de 1 Aftrolo- eft, &ia-
gie Judiciaire •■> car outre que vous ne doutez, toleranda
point de ce que je dis fur ce point-là , je £i mendacio-;
qu'il y a quantité de beaux Traitez conus de '^""^. '"^*
. "^ 1 -^ . 1 1 , . puniras,
toute la terre , qui deniontrcnt de la manière piui.i^.j;
du monde la plus convaincante la faulîcté de up, z^ ^
B 3 cet "
(i)Toties
taurum
nonferire,
difficile
eft.
Trebell.
Tollie in
vit a GalL
{^) Vena«
turque
aliturque
avidus-,
volucref-
que pre-
tendo ,
Débita
Troianis
exercée
fpicula
fa ci s.
Ovid.
Metam,
^O Tenfées cliverfei*
cet art chimérique 6c impofleur. Je ne croi
pas que jamais perlbnne le fbit mêlé d'écri-
re contre les Aflrolcgues , qui ne les ait acca-
blez, & qui n'ait pu dire de cette matière ce
que les Romains difoient de l'Afrique, c^m c'é-
toit four lui une moifjon de triomphes. S'il y a
quelque Auteur qji ait écrit contre 1 A urologie
uns la bleflêr à mort , il a fait ailurément un
exploit très-difficile , & qui lui vaudroit une
peniion confiderable fous un Prince de l'hu-
meur de l'Empereur Gaiiien , qui fit donner le
prix du combat à- un Cavalier , parce qu'étant
entré en lice contre un taureau , il l'avoit cou-
ru très-long tems fans lui donner aucun coup ,
ce que Gallien ( i ) trouva d'une difficulté mé-
ritoire. Ainfi ce n'étoit pas la peine qu'un gé-
nie auffi prodigieux que le célèbre Comte de
la Mirandole , travaillât à confondre l'Adrolo-
gie: un efprit médiocre l'eût bien fait. C'é-
toit emploier les flèches d'Hercule à tuer des
petits oilèaux , comme failbit ( 2 ) Philode-
te pendant le fiege de Troie , & faire battre
une aigle contre une mouche. Auffi efl-il fort
apparent que ce Comte ne jugea l'Aftrologie
digne de fà colère , que parce que toute abfur-
de qu'elle eft , les perfonnes du plus haut rang
ne laifîbient pas par leur exemple de lui donner
une grande vogue: car ce font toujours cesper-
Ibnnes-là , qui font les plus curieulès de l'ave-
nir , leur ambition leur donner une impatien-
ce extrême , de favoir li la fortune leur deftine
toutes les grandeurs qu ils iè fouhaitent , & de
poflèder à tout le moins , par promeflè , l'élé-
vation où ils afpirent. 11 eft fort vraiièmblable
auffi que les Afh-ologues de ce tems-là attendi-
rent , que ce lavant adverlàire fût mort , pour
lui prédire qu'il mourroit agi. ans, qui fut tou-
te la reponié qu'ils le Ibnt vantez d'avoir opo-
fee à lès hvres j car il n'ell pas fort fur de me-
nacer
Fenfies diverfis, 7^t
naccr avant coup ceux qui écrivent contre l'Af^
trologie. Témoin cet Aftrologue qui affura le
public que Mr. de Gafîèndi , qui faiibit tant de
l'entendu contre la Judiciaire , mourroir vers la
fin de Juillet , ou au coaimencement d'Août
i6jo. ëc ( I ) qui eut la honte de voir qu'il fe (i) jvfo-
trouva guevi en ce tems-la de la maladie , fur rin. Voies
laquelle la predidiion fe fioit aparemment bien i^ir.Ber-
plus que fur la vertu des ailres, Abr'ee de
Gaffend.
§. XVIII. Tom.4.
Du crédit de l'Afirologie parmi les anciens Payens.
pa&48^
Mais il ne fera pas inutile de faire voir qu'en-
core que l'Aftrologie foit la plus vaine de tou-
tes les impoftures , elle ji'a pas laiflë de s'éta-
blir dans le monde une efpece de domination.
Il paroît par pluûeurs paiîages de ( 2 ) TEcri- (*) Ifaic
ture , que la Cour des Rois de Babylone étoit chap.4.4.
toute pleine d'Aftrolc^ues , qui femoient leurs '*"^*
prediélions par tout, & flattoient leur nation
de mille trompeuiès espérances. Il y en avoit
auflî beaucoup en Egypte. Ils infatuerent tel- [,yjnj^um^
iement la ville de Rome , qu'il &lut que l'auto- potentibus
rite du Prince reprimât ce grand abus. Mais in&dum »
l'arrêt de leur banniflèment étoit li mal execu- rperand-
té , que cette négligence a tait dire à un ( 3 ) ^^^ ?^^ ^
Hiftorien , ^u'on chafferoït toujours les Aftro- ^^ dviute
logms , ç^ qu'on les retiendrait toujours. Ce n'efl noRrz Se
pas que la Êiuflèté de leurs prediâions ne les vecabitur
dût kiffifamment décrier, car le fèul Empereur ^^?^^^
Claude qu ils menaçoient incefEm ment de l'heu- bitur!*"^^'
re fatale , les avoit fait mentir tant de fois , que Tacit.
(4) Seneque introduifit Mercure priant la Par- lil'- i.
que de vouloir bien permettre que les Aftrolo- -^(/^or,
gués diffent enfin la vérité. Mais que voulez- jfia^ije.
vous? Les hommes aiment à être trompez; 6c maticos
pour cela ils oublient ailément les bévues d'un aliquandQ
B 4 Aûro-,
52 Penfées diverjei,
Vcnim dl- Aftrologue , &: ne fe fou viennent que des ren-
ilfum ^^"' contres où Çts prediâ:ions ont palïe pour veri-
poftquam tables.
Prince s C'ell (i) ce qui a e'té fort bien remarqué par
fa6'us .ft, Henri le Giand. Il ne fe pafïbit point d'année,
omnibur j^j ^^ j^^r^ ^^ j^^ Aflrologues nannonçafîènt
om- ibus ^^ terrible menace de fa mort, ils diront vrai
jnenf.bus f»/^«, (dit un jour ce Prince) (y- le pu6lic fe fou-
efferiint. viendra mieux ae U feule fois ou leur prédiction
Sentta de ^^^^ ^f^ <-^ yp.ie , c^ue de tant d autres ou ils ont
^laKd prédit a faux. C'eil auiTi ce que quelqu'un a
Cafar. remarque touchant les Oracles de Delphes. On
ap.enoit par cœur ceux qui avoient prédit la ve-
<i) Voiez rite , ôc l'on en parloit par tout , mais on ou-
ïe Journal blioit , OU bien on pafîoit ibus iilence ceux qui
du Mare- ^yoient p'edit le contraire j car les paitilâns
chai de i> , ■ ^ / ■,- • i •
Baffjm- ^ ApoJon tailoient valoir en toutes rencontres
pierre le peu d'oracles où il ne s'étoit point trompé,
p. 09.24.1. gc ne diibient mot du grand nombre defes fauf-
fès prophéties. Pour ceux qui meprifoient \ts
oracles , ils ne iè Ibucioient de parler ni àts vé-
ritables ni des faux , à la relèrved'un petit nom-
bre de perfonnes qui étoient peut-être de l'hu-
meur d'un illuftre Philofophe Grec nommé Oe-
nomaùs , qui aiant été fbuvent trompé par les
e^^ Eufeb. reponfès d'Apollon , fit (a) par dépit une com-
Prarparar. pilation fort ample de fès oracles , dont il refli-
Euangel. ta les fotifês &: les fauflètez. Tel étant l'eiprit
^^' f» de l'homme , il ne faut pas trouver étrange que
€*P« 0. j^^ Aflrologues fe fbient maintenus , contre les
ordres de les chafîèr que l'on donnoit de tems
. ^ en tems, & contre les mauvais offices qu'ils Ce
mulia eg? rendcient à eux-mêmes en predifànt des cho-
Pompejo , f^s qui n'arri voient pas. Il faut s'étonner plu-
quàm tôt de ce que l'efprit de l'homme efl affez. tbible
mulca pour fe lailîèr tromper par des gens , qui fe
? ° ' trompent eux-mêmes tous les jours ; 8c c'efl
quam ^ ^ . r ' \ -n n
^uîca aulli ce qui a paru rort étonnant a un illufire
huic ipû (3 ) Romain , qui avoit vu arriver à Pompée,
à
Penfées diverje^, 35
à Craiîus , & à Celar tout le contraire de ce Cafarî 5
que les Aftrologues leur avoknt prédit. Qu'il Jï''^^^
y a peu de gens qui tallènt la reflexion de cet ^•^^. ^^"^
honnête homme qui loiioit la beile Daphne', minem
d'avoh- refuté la iuperftition àQs oracles d'ApoI- eorum
Ion , en faiiant échouer les entreprifès amou- "'^^ fenec-
rculès de ce Dieu , qui ie vantoit tant de co- j"^"'. "''î^
noitre l'avenir ! Mais laiiïôns à part toutes ces cum^-la-^
moralitez. , 8c contentons-nous de dire que l'An- ritate eiTe
tiquité Payenne s'eft étrangement iaiilÊe jouer morku-
aux AUroloffucs. ^".'P.- ^^
° mihi per~
fi VTV ^^ï"^
5. A l A. Videatufa
quem-
Dft crédit de l'Afirohç'te parmi les Infidèles d'au- ^"^"^ c'f-
nunc cre-
Les Manomctans Se les Payens d'aujourd'hui ddtiis
font encore pis. Mr. Bernier nous allure dans quorum
fa Relation des Etats du Grand Mogol, que la PJjfjJj'?*
plupart d^s Aliatiques font tellement infatuez vid^at^e
de i'Ailrologie Judiciaire , qu'ils confultent les & eventis
Aftrologues dans toutes leurs entrepriiès. Quand refelli.
deux armées font prêtes à donner bataille , on ^«^"^^^-i*
fe donne bien garde de combatre , que TAftro- ^^ ^*'^'*'
logue n'ait pris 6c déterminé le moment propi-
ce pour commencer le combat. Ainiî lors qu'il
s'iigit de choilir un General d'armée, de dépê-
cher un Ambalîàdeur , de conclure un mariage,
de commencer un voyage, ou de faire la moin-
dre chofc , comme d'acheter un efclave, 2c de
vêtir un habit neuf, rien de tout cela ne fè peut
faire uns l'arrêt de Mr. l'Aftroiogue.
Les volages de Mr. Tavernier (i) nous âpre- (i) Voîag»
nent à-peu-près les mêmes choies touchant les 'JeTavern,
Perfcs , qu'en gênerai ils tiennent les Aftrolo- !• Partie»
gués pour des gens illuftres ; qu'ils les conful- çj* [*
tent comme des Oracles 5 que le Roi en a toû- ' ^
jours trois ou quatre auprès de là peribnne pour
B s lui
^4 Tenfée^ diverjes,
lui dire la bonne ou la mauvaife heure ; qu'on
vend tous les ans en Periè un Almanach pleia
de prédictions fur les guerres, fur les maladies^
îk: lur les difettes , avec des remarques liir les
tems qui font bons à fe fàigner , à le purger,
à voiager , à s'habiller de neuf , 6c à d'autres
chofès de cette nature j que les Perfès donnent
une entière créance à cet Almanach , de forte
que qui en peut avoir un, fe gouverne en tou-
tes chofos ièlon fes règles. Cela va iî loin qu'en
(0 Ibid. ( i) l'an 1667. le Roi de Perfe Cha-Sephi IL
^"* '• du nom ne pouvant rétablir là fanté par toute
l'induftrie de fes Médecins , on crut que les
Ailrologues en étoient la caufe pour n'avoir pas
fû prendre l'heure favorable , lors que le Roi
fut élevé fur le trône. Et là-delTus ce fut à re-
commencer i car les Médecins 8c les Ailrolo-
gues joints enlèmble étant convenus d'une heu-
re propice , on ne manqua pas de refeire tou-
tes les cérémonies du couronnement, 8c il fut
même trouvé à-propos de changer le nom du
Roi. Les Médecins de la Cour furent la prin-
cipale caulè de toute cette comédie , parce que
craignant la difgrace où quelques-uns de leur
Corps étoient déjà , ils s'aviferent de juftifier
la Médecine aux dépens de l'Aftrologie , 8c d'al^
lurer que la maladie du Roi , 8c la dilètte qui
affligeoit le Roiaume en même tems , venoient
de la faute des Ailrologues , ce qu'ils s'olïrirent
de prouver , prétendant être aulTi habiles qu'eux
dans la conoilîance de l'avenir. Leur propoli-
tion aiant plu au Roi 2^ à fon Confeil , on or-
donna une conlùltation d' A Urologues 8c de Mé-
decins pour trouver une heure favorable à un
iècond couronnement. L'agréable fujet que
c'eût été à Molière qu'une conlùltation entre
des Ailrologues 8c des Médecins pour le bien,
public d'un grand Roiaume ! Combien de rail-
leries n'eût-il pas imaginé en vc«ant la Médeci-
ne
Penfîes diverfès:, ^^
ne apeller l'Aftrologie à fon fècours f Mais en
Periè ce n'efl: poiut matière de raillerie. Un
homme qui iè vante de conoître l'avenir , s'y
rend maître de la conduite du Roi. Une figu-
re de Geomance fut caufe que le grand (i) (i) "Pletf^
Cha- Abas , tout plein d'eiprit Se tout courageux dellaValle»
qu'il e'toit, demeura trois jours aux portes d'If- ^-^f*^»
pahan , iàns ofèr mettre le pié dans la ville.
Les ( 2 } Relations de la Chine nous apren- fi) Voies
nent, que toutes les affaires de l'Empire s'y re- ^'^mbaf-
fol vent fur des oblervations agronomiques, ^^ ^ °^^
,,„ ^ .^ . p r 1 ^ r Compa-
1 Empereur ne tailant rien lans conlulter Ion gnieHoI-
thème natal j &: qu'il y a des perlbnnes dont landoife »
l'emploi conlifle à contempler les Aftres toute P^rt. 2.
la nuit fur une montagne , pour pouvoir ren- ^ ^ **
dre raifbn de leurs mouvemens 8c de leurs fî-
gnihcations au Prince. Les Chinois défèrent
beaucoup à ce rare précepte d'Aflrologie , qu'il
ne faut point fe purger pendant que la Lune eft
dans le figne du Taureau , parce que cet ani-
mal étant un de ceux qui ruminent , il ièroit à
craindre que la médecine ne remontât de l'cl^
tomac. C'eft bien la plus pitoiable imagination-
qui puiiîè venir dans l'efprit d'un homme > car
outre que le figne du Taureau n'a pas plus de
relation , ni plus de conformité avec Tanimaî
que nous apelions ainii , qu'avec un arbre , 6c
qu il y auroit autant de raifbn de donner le
nom Se la figure d'un Saint à chaque figne com-
me ( i ) quelques-uns ont fait , que le nom & ^^j Joira?
la figure d'une autre chofe j outre cela, dis-je, Schillerus
ne lait-on pas que le figne du Taureau n'ell Augufta-
pîus dans la fituation où il étoit autrefois ; & ^^^' ^'^^
qu'ainfi lors que nous diibns que le ibieil & la latoChiif-
lune font dans le figne du Taureau , cela ne fi- ôano.
gnifie pas qu'ils repondent aux étoiles du fir-
mament qui composent ce figne , mais qu'ila
repondent aux points du premier mobile auf^
liuels ces étoiles repondoient anciennement?
^6 Us>
7^6 Penfées dlverfes,
(i)Etiam- Les mêmes Chinois prétendent que ceux qui
ne Urbis bâtilTent , doivent éviter le quatrième degré du
dfes ad Scorpion , parce qu'une maifon qui feroit bâ-
vim ftel- tie fous un tel afped , feroit fort fujette à fè
iarum & remplir de dragons , de Icorpions , éc d'iniec-
lunxpcr- tes^ Qn pourroit croire fur ce fondement,
Fac^in^^ qu'ils font Thorofcope de leurs maifons , com-
puero re • ^^ Tarrutius Firmanus fit Thorofcope de la
ferre, ex Ville de Rome : car n'en depkiiè aux railleries
qua afFec- de ( i ) Ciceron , û les influences du ciel ont
tione coeli quelque vertu fur la naiflànce d'un homme , el-
?pi!iwm ^^^ ^^^ peuvent avoir aufli fur la confl:ruâ:ion
duxerit: d'un Palais. On s'imagine dans le Japon , qu'il
num hoc importe beaucoup pour la durée d'un édifice,
în latere g^ p^y^ le bonheur de ceux qui doivent y de-
menroTx ^"'^^'^^ ' 9"^^ ^^rs qu'on commence de le bâtir ,
qi-ibus' quelques-uns fe tuent eux-mêmes en confidera-
urbscffec- tion de cette entreprifè. Les* Tunquinois ont
ta eft, po- une certaine Idole à laquelle ils otfirent plu-
luitvaiere? fj^yj-g facrifices quand ils veulent bâtir une mai-
de Divin. ^^^- Si Dien que dans les prmcipes de ces gens-
là , les cir confiances d'un bâtiment commencé
*Voîe2les ont de merveilleufes influences pour fa bonne
nouvelles fortune. Pourquoi donc leurs Afi:rologues ne
'*"'" ■"" pourroient-ils pas deviner la bonne fortune d'u-
ne m.aiibn par le thème du ciel , ou par Tafcen-
dant fous lequel ont été pofées les premières
pierres ? Tous les peuples des Indes Orientales
ont à-peu-près le même entêtement pour i'Af-
trologie que les Chinois.
§. XX.
r>« crédit: de l'Ajlrologie parmi les Chrétiens.
Mais qu'avons-nous à faire de nous écarter
dans le pais des Infidèles abrutis d'une infinité
d'erreurs chimériques, 6c de remonter au tems
du vieux Paganifme , ou il a'ejft pas étrange
que
Relat. (Je
Tavernier.
Penfées diverjes, 37
que l'Aftrologie ait régné , puis que la fùperfli-
tion y étoit ii prodigieufè , qu'on croioit que
\cs entrailles d'un veau aprenoient mieux quand
il falloit donner bataille , que la capacité d'un
Annibal , comme ce grand Capitaine (i) le (i) Cîce-
reprocha de bonne grâce au Roi Prufias. Il ne ^^ 1^^; 5.
faut pas aller fi loin pour trouver ce que nous „!. '
cherchons : car na-t-on pas vu notre Occi-
dent parmi les lumières du Chrillianifhie tout
infatué d'horofcopes pendant plulieurs liecles?
Albert le Grand Evêque de Ratisbonne, le Car-
dinal d'Ailli , &: quelques autres n'ont-ils pas
eu la témérité de taire l'horolcope de Jésus-
Christ, 6c de dire que hs aipe6ls des Planè-
tes lui promettoient toutes les merveilles qui
ont éclaté en ià perfbnne? ce qui eH vifible-
ment faux, puis que ks vertus êc les miracles
du Fils de Dieu font d'un ordre tout-à-fait fur-
naturel. N'ont-ils pas fait l'horofcope non feu-
lement àes faufiès Religions , mais auO'i de la
Religion Chrétienne , Ôc jugé de la dcflinée de
chacune par les qualitez de fà Planète domi-
nante? Car ils ont diftribué les Planètes aux Re-
ligions. Le Soleil eft échu à la Religion Chré-
tienne , 8c c'eft pour cela que nous avons le Di-
manche en linguliere recommandation i que la
ville de Rome eft ville Iblaire 6c ville iàinte j 6c
que les Cardinaux qui y refident , Ibnt habillez
de rouge , qui eil: la couleur du Soleil. Avoir /^\ Bomî-,
dit cela impunément , n'eft-ce pas avoir vécu nius De-
dans un liecle • prévenu d'une grande foi pour caJ. 4.
l'Aftrologie? Combien pourrois-je nommer de Jr^""»
Princes Chrétiens qui regloient toutes leurs de- jib""! ^^*
marches fur l'avis de leurs Aftrologues , un (2)
Mathias Corvin, Roi de Hongrie , qui ne fai- (3) Car-
fbit rien que de leur conièntement , un (3) àzT\,\vï
Louis Stbrce Duc de Milan , qui ne commen- ^^^ro^^
çoit aucune affaire qu'au tems qui lui étoit prel- jud. lib.i,
crrt , par fbn Aflrologue , dont il lùivoit les or- tex. s^l
B 7 dres
3 8 Penfées diverjèr,
dres avec tant de pondualité , qu'il n'y avoit ni
pluie, ni grêle , ni boue, ni orage qui l'empê-
chafîènt de monter à cheval avec toute fà Cour,
afin de iè retirer au lieu que l'Aflrologue lui
marquoit : ce qui n'empêcha pas qu'il ne toni«
bat entre les mains de j[es ennemis , qui le de-^
tinrent jufques à ià mort dans une dure cap-
tivité? Cette foiblefîe d'un Prince Chrétien ne.
vaut pas mieux que celle du grand Cha-Abas,
(i) Ci- de laquelle j'ai ait mention (i) il n'y a pa»
defllis, lonff-tems,
pag. n» ^
§. XXL
Du crédit de l'Jfirologie en France.
Que dirai-je de nôtre pais ? N'a-t-il pas été
un tems où la Cour de France même, qui pac
]e caractère de la Nation naturellement forti-
fiée contre les Difciplines fuperftitieufès , efl
moins fufceptible de ces erreurs que toutes les
autres , étoir néanmoins toute pleine d'Ailro-
logues , que Ton confultoit fur tout , Se qui
avoient prédit , à ce que l'on pretendoit , tout
ce qui étoit arrivé ? Le Père (2) Martin del
Rio 11 connu par û. grande literature Se par ià
pieté , nous aiTure qu'il a vu à la Cour de Fran-
ce du tems de Catherine de Medicis , que les
Dames n'oibient rien entreprendre fans avoir
coniulté les i\ilrologues , qu'elles apelloient leurs
Barons,
Le mal s'accrut de telle forte qu'il falut no»
feulement emploier les menaces de l'Egliiè,
mais auOTi l'autorité du bras feculier pour em-
(5) Voicz pêcher le débit des Almanachs , où les Afbrolo-
Mr» gués i£ donnoient la liberté de prédire tout ce ■
T^tédes 4^'^^^ trouvoient à-propos. En effet le (3)
fuperft. Concile Provincial de Bourdeaux de l'an 1^83»
ch» aA, deffend de lire & de gai'der cette forte d'Alma-
îaachs
Penfees diverfis, 39
nichs 8c d'y ajouter foi. Celui de Touloufè
de l'an ij'po. fait la même chofe , ordonnant
de plus robfervation exaéle d'une Bulle du Pa-
pe Sixte V. de l'an i5'S6. qui enjoîïit aux ordi-
naires des lieux 6c aux Inquiliteurs , de punir
ièlon les Conftitutions Ecclefiaftiques tous ceux
qui fe mêlent de prédire les chofes à venir.
Dans les Etats d'Orléans de l'an 1 5-60. êc dans
ceijx de Blois de l'an i^i<j. il fut ordonné que
Ton procederoit extraordinairement 6c par pu-
nition corporelle contre les Auteurs de tels Al-
manachs , 8c detenfes furent faites de les im-
primer ou débiter à peine de priibn , 8c d'une
amende arbitraire.
Mais les Alîrologues ne furent pas decredi-
tez pour cela : car il eft confiant que la Cour
du Roi Henri IV, étoit toute pleine de pré-
dirions. Ce n'étoient pas feulement les fem-
mes qui , par cet efprit de crédulité 6c de cu-
riolité qui leur eft propre , s'informoient de
leur deftinée : les hommes les plus braves le
Éiiibient auflî , comme vous diriez le Maréchal
de Biron , que le Roi Henri IV. apella le plus
tranchara infcrument dt fes 'viéloires , en 1 en-
volant AmbalTadeur à Londres , 6c qui étoit
dans le fond un des plus courageux hommes
de la terre ^ 6c fort iavant outre cela. Henri
IV. lui-même , tout Henri le Grand qu'il étoit,
n'a pas toujours conu , comme il a fait dans
la fuite , la vanité de cet art. Je trouve dans
les Mémoires de Monfieur de Sulli, que h Rei-
ne étant accouchée d'un fils qui a régné li glo-
rieusement fous k nom de Louis le Juile^.
Henri le Grand commanda à fon premier Mé-
decin , nommé la Rivière , grand iùifèur d ho-
roicopes , de travailler à celle du Dauphin nou-
veau né. Il s'en defïendit, mais il falut obeïr:
& comme il ne rendoit point compte de fon.
travail , le Roi lui commanda abfoiument 6c
{bus
40 Penfées diverjes,
Ibus la peine d'encourir fon indignation , de lui
dire ce qu'il avoit trouve, 6c il le fit. Peu-à-
peu nôtre Nation s'eft guérie de cette foiblefle,
ibit que nous aimions le change , Ibic que l'at-
tachement qu'on a eu pour la Philolophie dans
ce fiecle-ici , nous ait fortifié la railbn , que
toutes les autres fcicnces qu'on cuitivoit avec
tant de gloire depuis François I. n'avoient guè-
re dclivrée du joug des préjugez. Aufli feut-
i\ avouer , qu'il n'y a qu'une bonne &: folide
Philolophie qui comme un autre Hercule, puiA
ie exterminer les monilrcs des erreurs popu-
laires : c'eft elle feule qui met l'eiprit hors
de Page.
§, XXIL
<S)ue VentétStnent gênerai pour l'Afirologie de'
crédite l'autorité qui n'eji fondée c^ue fur le
grand nombre.
Ne vous femble-t-il pas, Monfieur,que c'eft
ici une digrelTion fort inutile ? Mais prenez, y
garde , vous veiTez bien-tôt qu'elle tait à moa
fujet. Car mon principal but doit être de de-
créditer l'autorité des opinions qui n'eft fondée
que fur le grand nombre. Or je ne le fàurois
mieux faire, qu'en failant voir que TAibologie
qui n'a jamais pu s'apuier fur un principe à
tout le moins probable , n'a pas laifle d'infatuër
la plus grande partie du monde dans tous les
fiecles. Et comme en tournant k médaille il
eft vrai de dire, qu'encore que le grand nom-
bre Ibit pour l'AftroIogie , la foi qu'on ajoute à
£t% pi ediârions eft néanmoins faullè & ridicule :
'■A eft pareillement vrai de dire que les prédic-
tions que l'on fonde fur les Comètes ibnt nul-
les de toute nullité , quelque grand que foit le
nombre de ceux qui les croient , puis qu'elles
n'ont
Tenfiei diverfeu 41
n'ont autre apui que les principes de l'AflroIo-
gie. Ainli quand vous devriez, m'acculer de
donner dans le lieu commun , je dirai pourtant
que vu l'expérience de plulieurs erreurs géné-
rales , il n'y a point d'homme qui ne foit en
droit de demander qu'on l'écoute parlant lui
fèul pour ion lèntiment , iàuf à ceux qui Té-
cou teront de fe bien deffendre , ncn pas par la
prefcription , ou par le préjugé de leur nom-
bre , mais en examinant le fond de l'affaire.
J'excepte comme vous pouvez pcnfer, Se com-
me vous penièriez aflurement quand même je
ne m'en cxpliquerois pas j j'excepte , dis-je,
les matières de foi. Dans les autres toute la fa-
veur qu'on doit faire à la longue pofTeiVion 8c
au grand nombre, c'ell de lui donner la préfé-
rence , toutes choies étant égales dans le refte :
ôc s'il falloit s'arrêter au préjugé , je le trouve-
rois plus légitime pour celui qui feroit feul de
Ion fentiment , que pour la foule, (i) parce (i) Argu»
que les veritez naturelles étant beaucoup moins mtntum
propres à reveiller 6c à flater les paillons , 8c peffimi
a remuer les hommes par les divers intérêts ^"'^"*^"'
qui les attachent à la Société , que certaines
opinions faufîès , il eft plus probable que \q^
opinions qui fe font établies dans l'efprit de la
plupart des hommes font fauflès , qu'il n'eft
probable qu'elles fbient vraies. Mais nous par-
lerons de tout ceci plus au long en un autre
endroit : prenons un peu de repos en atten-
dant.
A,,, le 3. d'Avril 1681.
§. XXIII.
j^t Fenjees diverfii,
§. XXIII.
I V. Raifbn : ^ue cjtmnd il fer oit vmi que les
Comètes ont toujours été fuivies de plu/ieurs
malheurs , il n'y aiiroit foint lieu de dire , qu'eU
les en ont été le ligne ou la caufe.
JE reviens à la charge , Monfieur , Se ]e dis
en quatrième lieu , que s'il eft vrai qu'il n'a
jamais paru de Comète, qui n'ait été fuiviede
beaucoup de malheur? , cela vient uniquement
de la condition des chofes de ce monde , qui
les rend Sujettes à une infinité de changemens ,
& qu'on pourroit à coup fïir attribuer la même
influence à tout ce que l'on voudroit , au ma-
riage d un P-oi , ou à la nailîânce d'un Prince j
parce qu'il eil certain que jamais un Roi ne
s'eft marié, ou n'eft venu au monde, fans qu'il
ibit arrivé de très-grands malheurs en quelque
lieu de la terre. En un mot il eâ auflî proba-
ble , vu le train ordinaire du monde , qu'après
quelque année que ce fbit qu'il nous plaira de
defigner , il arrivera de grandes calamitez fur
la terre , ou en un lieu ou en un autre j qu'il
cft probable qu'à quelque heure du jour que ce
Ibit qu'un Bourgeois de Paris regarde par fà fe-
nêtre fur le pont St. Michel, par exemple, il
voit paflèr des gens dans la rue. Cependant
les regards de ce Bourgeois n'ont aucune in-
fluence fur les gens qui paiîènt , 2c chacun paf-
fèroit tout de même encore que le Bourgeois
n'eût pas regardé par ià fenêtre. Donc auffi la
Comète n'a aucune influence fur les évene-
mens , 8c chaque chofe feroit arrivée comme
elle a fait , quand même il n'auroit paru aucune
Comète.
U eft étonnant qu'un dogme auffi perturba-
teur du repos public que celui-ci , ne ioit apuié
Tenfées diverfes. 45
■que flir le fophifme pojl hoc , «rgo propter hoc y
que l'on aprend à conoître àès la fortie des
Claflès , 8c qu'il y ait eu ii peu de perlbnnes
parmi le grand nombre de gens qui étudient ,
qui aient aperçu qu'on raifonoit en cette affai-
re-ici contre les premiers principes du bon
ièns. Il y a aufli dequoi s'étonner comment
les hommes , qui aiment tant à ne point crain-
dre l'avenir , ont donné dans une opinion C\
chagrinante , fans examiner ii elle étoit fondée
en raifbn, Mais ces motifs d'étonnement ne
durent gueres pour ceux qui ont étudié le cœur
de l'homme, 6c qui ont découvert dans fà con-
duite une coutume générale de juger de tout
fur \cs premières imprefllons des Ièns &: àts
palTions , fans attendre un examen plus exaft,
mais auflTi un peu trop pénible. Les gens d'é-
tude qui devroient être la lumière des autres,
fuivent beaucoup plutôt ce torrent- là , qu'ils
ne le détournent dans le chemin des véritables
Savans«
§. XXIV.
V. Raifon: ^u'il efl faux , qu'il [oit arrhé pît*s
de -malheurs dans les années qui ont fitivi les
Comètes qu'en tout autre tems.
a
,Utre tout cela on peut mettre en fait,
^^'l. Qu'à compter tout ce qui s'eft palIë ou
dans tout le monde , ou dans l'une de fes plus
grandes parties , il eft arrivé autant de malheurs
dans les années qui n'ont vu ni fuivi de près
aucune Comète > que dans celles qui en ont vu
ou fuivi de près. II. Que les années que l'on
croit avoir été empoifonnées par l'influence des
Comètes , font remarquables par d'aulTi grands
bonlieurs pour quelques endroits du m,onde,
qu'aucun autre tenis que ce puilîè être. III. Que
les
44 Venféei diverjès.
les avantures les plus épouvantables n'ont été
précédées d'aucune Comète , au lieu que kî
profperitez les plus infignes l'ont été. Pour di-
re tout en peu de paroles , on peut mettre e»
fait que ii l'on prend l'Hiftoire générale du mon-
de, éc qu'on fupute avec foin le bien ôc le mal
qui a été fenti par toute h terre dans l'efpace
ae 15-. ou 10. ans, on trouvera que l'un portant
l'autre, cela eft fort femblable au' bien 8c au mal
qui a été fenti par tout le monde dans l'efpace
d'autres if. ou 20. ansi ce qui fait voir que les
années qui fui vent l'aparition des Comètes n'ont
rien qui les diftingue des autres , 6c qu'ainfi c'efl
avec une très-grande injuftice qu'on fe fait fort
de l'expérience.
§. XXV.
S'il y a des jours heureux , ou malheureux^
On peut faire la même obfêrvation contre
ceux qui prétendent qu'il y a certaines làilbns
affedlées aux grands évenemens. Bodin qui
malgré fon efprit , &: là vafte literature , 8c fou
peu de Religion , a fait paroître beaucoup de
crédulité fuperftitieufe en diverfes choies, s*eft
(t) Bo- ai^ufé par ce principe à nous donner ("1} un
din. de ramas de plufieurs révolutions avenues au mois
Republ, de Septembre. Il n'y a qu un mot à dire con-
hb. 4. tj-e lui ^ contre tous ceux qui perdent le tems
"^* * à de lèmblables recherches , par exemple , à re-
cueillir ce qui s'ell paffé dans les années climac-
teriques des Etats, ou fous le 21. 49. 63- Roi
d'une Monarchie , 7. ou 9. d'un certain nomj
G'eft que s'ils épluchent avec la même diligen-
ce les autres fàifons de l'année , les autres rè-
gnes 8c Its, autres périodes des Etats , ils y trou-
veront indifféremment des révolutions toutes
fèmblables-, pourvu qu'ils fe dcfaifent de leuj:
pre-
Penféei diverfes. 45
préjugé à tout le moins pendant la recherclK:
qu'ils feront : car c'eil leur préjugé qui les
trompe. Ils font perluadez avant que de con-
fulter l'Hiftoiie , qu il y a des mois &: àts nom-
bres aflfe^lez aux grands évenemens. Là-defîus
ils ne confoltent pas tant l'Hiiloire pour iàvoir
il leur perlualion elt véritable , que pour trou-
ver qu'elle eft véritable : 6c l'on ne fauroit dire
l'illudon que cela iàit aux fèns & au jugement.
En effet il arrive de là qu'on obièrve beaucoup
mieux les faits que l'on defii e de trouver , que
les autres 8c que l'on groflït ou que l'on dimi-
nue la qualité dos evcnemens félon fà préoccu-
pation. Ce qu'il y a donc de vrai à l'égard àts
mois , àts jours , des années 6c des nombres ,
c'eft que Dieu n'a point aifedé aux uns plutôt
qu'aux autres les évenemens qui fervent à la
punition des peuples , 6c à la fondation ou à la
ruine des Empires. Ce feroit une aîïe6lation
indigne de la grandeur de Dieu , 6c qui ne lui
peut être attribuées que par ces efprits fuperfti-
tieux qui attachent fa Providence à une infini-
té de minuties. L'Ecriture 6c les Peies décla-
ment contre cet abus en divers endroits, 6c il
efl faux que l'Hifloire ;le favorife.
§. XXVI.
Sentiment des Taiens fur les jours heureux
ou malheureux.
Je ne nie pas que les Paiens n'aient cru qu'il
y avoit àts mois 6c àcs jours qui avoient quel-
que chofè de fatal , ceux par exemple où l'Etat
avoit perdu quelque bataille fignalée , & que
fur ce fondement ils n'aient évité d'cntrepien- ^J'/,^ '^"
dre quelque choie en ces mois ou en ces jours- uzvceW,
là. Le 24. de Février dans les années bifîèxtilcs lib. 26.
étoit réputé fi cialheurçux , que (i) Vaienti- cap. i.
niea
'4<^ Penjees diverfes»
nien aiant été élu Empereur n'oià fè montrer
en public , de peur d'encourir la fatalité de cet-
te journée , foit qu'il fiât encore dans la fîiperA
tition quant à ce point-là , tout bon Chrétien
qu'il étoit , foit que par politique il ne voulût
pas s'expoièr à être cru malheureux. Je fài aufli
qu'il y a des jours où des Généraux d'armée ont
conftamment éprouvé les faveurs de la fortune,
(i) Timoleon gagna toutes fes plus fameufès
nel Ne- ^^^t^i^^^s le jour de ià naiilànce. Soliman gagna
pos' in la bataille de Mohacs 8c prit la ville de Belgrade,
ejus vîtâ. comme auflî félon quelques-uns ( 2 ) , l'Ile de
(i) Du Rhodes 8c la ville de Bude le 29, d'Août. Mais
hÎa: des ^^ ^^ ^^^^ ^^ ^^ ^'^^ P^'' ^"^ rai^n qiii prou-
Turcs, v^ ' ^^ 'DitM ait attaché fà bénédiction a une
certaine journée plutôt qu'à une autre,
§. XXVII.
Refatat'ton du fentimmt des Paierts.
Car I. on trouve qn'un même jour a été heu-
reux 8c malheureux à un même peuple. Ventidius
à la tête d'une armée Romaine bâtit celle des Par-
thes , 8c fît périr Pacorus leur jeune Roi qui la
commandoit , à pareil jour que Cralïiis General
des Romains avoit été tué , 8c fbn armée taillée
en pièces par les Parthes. Lucullus aiant attaqué
Tigrane Roi d'Arménie làns s'arrêter aux vains
fcrupules des Officiers de fbn armée , qui hii
remontroient qu'il falloit bien fe donner de gar-
de de combatre ce jour-là , qui avoit été mis
par les Romains entre les jours malheureux,
depuis la jfiinefte victoire que les Ci mbr es avoient
remportée fur les troupes de la Republique;
(3) Plu- (3) Lucullus , dis-je , te moquant de cette fù-
tarch. in perflition , gagna une des plus mémorables ba-
gu5 vuâ. tailles qui fè voient dans l'Hifloire Romaine,
Se changea le deflèin de ce jour-là , comme il
l'avoit
PeyiféeS diverfis* 47
l'aroit promis à ceux qui le vouloient détourner
de ion entreprile. Tout le monde iàit que le
même jour que Valentinien regardoit comme
malheureux , a été celui où Charles V. autre
Empereur Romain eiperoit le plus de ià for-
tune.
II. Outre cela nous iàvons que le bonheur
éprouvé par quelques Princes en certains jours
n'eft pas un pur effet de leur fortune , qui ait
affeâré de les favorifer en un tems plutôt qu'en
un autre : c'eft une fuite du choix qu'ils ont fait
de certains jours pour y entreprendre les cho-
ies les plus importantes. Ainli Timoleon s'é-
tant perfuadé que le jour qu'il vint au monde,
étoit un jour de profperite pour lui , le choiiit
pour attaquer {es ennemis avec plus de confian-
ce , 8c il n'oublia pas fans doute de flatter fès
fbldats de l'elperance de la viéloire , par la- con-
fédération du jour. Les ibldats iè confiant en la
bonne fortune de Timoleon fe bâtirent plus vi-
goureufèment quils n'eulîènt fait. Timoleon
de fon côté ne négligea rien pour lignaler le
bonheur du jour de la naiilânce , de quoi il
voioit bien qu'il pourroit tiier dans la fuite un
grand profit. Il n'y a donc rien d'extraordinai-
re, qu'il ait été viétorieux ce jour-là , & qu'aiant
perfuadé à fcs troupes que c étoit le jour favori
de fa. fortune , elles aient toujours donné fur
Tennemi ce jour-là , avec cette ardeur & cette
confiance qui font un des principaux inflrumens
de la viâoire. A quoi il faut ajouter, que les
ennemis s'étonnent beaucoup quand ils croient
être attaquez^bus des aufpices favorables à Tag-
grefîèur. Il paroît par l'Hiiîoire de Soliman,
que la confiance qu'il a voit infpirée à fès trou-
pes fur le 29. d'Août, lui faifoit choifir ce jour-là
ou pour un afîâut geueral, ou pour une bataille ,
Se qu'il avoit alors plus de foin de préparer
toutes chpfcs à h victoire qu'en un autre temps,
atin
4 8 Tenfées diverjès.
afin de confirmer de plus en plus la bonne opi-
nion de cette journée pour s'en ièrvir dans l'oc-
cafion. Il ne faut donc pas s étonner qu'il ait
eu de grands fuccès le 29. d'Août.
§, XXVIIL
Comment il arrhe qu'on gagne des ôatailles en
certains jours àffeâlez.
En un mot les évenemens heureux ou mal-
heureux à une certaine Nation , qui arrivent en
certains jours , ne font pas attachez à ces jours
par leur nature , ou indépendemment de nôtre
choix ; mais ils dépendent des pafTions que les
circonftances du tems excitent dans le cœur de
Thomme , & de l'adreflè qu'on a de choilir le
tems propre à exciter ces pallions. Ainlî un
General fe fèrt de la circonftance du temsôc du
lieu pour encourager fès troupes. Il leur re-
prelènte que c'efl à pareil jour ou dans le mê-
me champ de bataille que les ennemis furent
batus autrefois , qu'il faut foutenir la gloire de
la nation : & cependant le General ennemi ex-
horte iès fbldats à efïàcer la honte d'une pareil-
le journée , & à venger les Mânes de leurs com-
patriotes dont ils voient encore les olïèmens.
Voilà comment il arrive ou qu'on bat trois ou
quatre fois de fuite les ennemis à pareil jour ,
en même lieu ; ou qu'on y eft alternativement
batu êc victorieux. Tout cela dépend après
Dieu de l'adreflè de l'homme , à bien prendre
ion tems pour ménager les paflions. Or com-
me la naiflânce 'd'un Prince , une viéloire 8c
choies fèmblables qui commencent à feire ju-
ger qu'un jour eft heureux , roulent indifférem-
ment fur quelque jour de l'année que ce puifïè
être , il faut dire qu'il n'y a point de jour ni de
mois affeâié au bonheur ni au malheur j §c quand
cela
Tenjses diverfès. 4P
cela ne feroit pas tout-à-fait vrai à l'égard de
chaque jour , à caufe qu'il y en a gui peuvent
réveiller les paffions d une manière particuliè-
re j du moins doit-on m'avouër que les années
qui fuivent les Comètes ne font pa5 aiTeiflées
particulièrement à la punition àQs péchez de
l'homme, puis qu'on ne làuroit le montrer par
l'expérience.
§. XXIX.
Ce qii'ilfrut repo?u're a. ceux qui chent dss exem"
^les pur les ^refages des Comètes.
Il eft vrai que \cs moins habiles dans l'HiP
toire vous citent quantité de defbrdres arri-
vez après l'apparition àzs Comètes , iàns ja-
mais parler d'aucun bonheur arrivé dans ce
tems-là. Par exemple ils vous enfilent toutes
les guerres qui ont travaillé l'Europe depuis l'an
ï6i8. jufques à la paix de Munfter, & jettent
toute cette longue fuite de maux fur le dos de
la Comète qui parut en 1618, iàns faire men-
tion que de ces maux. Mais outre que c'efl
étendre le pouvoir des Comètes au delà de fes
jufles bornes j outre que ce qu'ils apellcnt un
mal a produit un très-grand bien à la meilleu-
re partie de l'Europe Chrétienne , qui s'efl dé-
livré par là du péril où elle étoit de perdre ià
liberté i outre tout cela , dis -je , qui ne voit
que fi une fois on s'arrête à tous ces citateurs
•d'exemples , il faudra donner gagné à toutes
les fuperllitions £c à tous les contes dts vieil-
les, car il n'y a point de femme qui ne vous
cite avec mille circonftances ennuieuiès , la
mort de vingt ou trente de fes parens ou amis
décédez dans l'an 5c jour , après s'être trouvez
eux treziémes dans quelque repas , 8c pluiieurs
chagrins qui lui font arrivez conftamment
Tom, I. C " après
^o Penfées diverfis.
après la chute de fa iîiicre ; ians vous citer ja-
mais aucune partie de piaiiir , ni aucun bon-
Iieur ?
§. XXX.
^iil n'y 0 pomt de fatalité dans certains
noms.
Ce que j'ai remarqué contre ceux qui croient
que la fortune a certains tems afiedtez , me fait
longer à une iilufion qui aproche fort de celle-
là, c'eft de s'imaginer, comme on le fait pres-
que par tout , qu'il y a certains noms de mau-
vais augure. Ainii l'on dit que le nom Henri
eft fatal aux Rois de France , &: qu'il taut bien
iè gaider de le leur donner jamais , de peur
de les expoièr à la deftinée des trois derniers
Henris , qui font morts d'une manière tout-à-
fait tragique. J'ai ouï dire que l'on a confeil-
lé à Monlieur , de ne faire plus porter à lès fils
îe titre de Duc de Valois , parce qu'il lui en
étoit mort quelques-uns de ce nom-là , ce qui
marquoit , difoit-on , qu'il étoit rempli d'une
maligne influence , dont il taloit arrêter le
cours. On croit même qu'il y a des noms
qui ibnt de confèquence pour la morale , 8c
(i) Tom. j'ai lu dans (i) Brantôme fur ce fujct , que
premier l'Empereur Severe fe conibloit de la mauvaile
des fem- ^-^ ^^ ç^^ époufe , fur ce Qu'elle s'apelloit Tû-
mes ea- ,. ,'j ^ j • '1
lances. ^^^ ' connderant que de toute ancienneté cel-
les qui portoient ce nom , étoient fujettes aux
plus impudiques dercglemens, Cet Auteur
ajoute, qu'il connoît beaucoup de Dames qui
portent certains noms qu'il ne veut pas dire à
caufè du refpe6l qu'il a pour la Religion Chré-
tienne , qui font ordinairement fujettes à s'a-
bandonner plus que d'autres , qui ne portent
point ces noms-là , ^ qu'on n en a gueres vu
qui
Fenfées diverjès, 5; î
quîenfoientéchapées. Je ne vous raporte pas les
propres termes dont il s'eft fervi , car ils font
un peu trop naifs , 6c trop cav^aliers , & trop
d'un homme à bonnes fortunes qui écrivoit
comme il parloir. Mais je vous dirai bien qu'il
me paroit fort étrange , qu'un homme comme
lui ait cru que les noms raffent quelque choie
dans l'aiiàire dont il parle là.
Aparemment le halàrd avoit fait qu'il avoit
€u fes liaifons ôc fès intrigues dans certaines
cabales , où le plus grand nombre des femmes
s'apelloient d'un certain nom. S'il eût donné
dans une autre troupe , où quelque autre nom
eût été celui du plus grand nombre , fà remar-
que feroit infailliblement tombée fur ce nom-
là, 6c c'efl: ce qui iè peut dire de plus vraiièm-
blable pour railouner fur l'obfèrvation de Bran-
tôme , ôc pour fàuver fà bonne foi en même
tems i car du refle il n'y auroit rien de plus ab-
fùrde que de s'imaginer , que parce que celui
qui batile une entant , remue là langue d'une
certaine manière , qui fait entendre un certain
mot plutôt qu'un autre , cette enfant à i f.
ou 16. ans de là iè porte à des actions d'impu-
dicité , qu'elle n'eût point commiiès fi l'on eût
articulé un autre mot le jour qu'elle fût bati-
fée. Cependant c'eft l'abfurdité où il en faut
venir preique toujours , quand on veut que
certains noms portent malheur. Un naufrage
qui ruine un Maichand , une conspiration qui
6te la vie à un Monarque , viennent de ce
qu'un Prctre avoit prononcé long-tems aupa-
ravant un mot plutôt qu'un autre dans la céré-
monie du batéme. Si Louis XIII. eût été
batifé Henri, il eût iàns doute été tué au fiege
de quelque ville rebelle , d'un coup de moul-
quet , qui fe feroit extraordinairement écarté
de Ion chemin , uniquement pour cela j car ce
Prince etoit trop bon Catholique pour mourir
Ci à
'5 z Venfées diverjès.
à la manière de fcs predecefTeurs ; mais néan-
moins fon nom d'Henri lui eût valu quelque
genre de mort violente. Quelle pitié que de
raifbnner ainii!
§. XXXI.
Grande fuperjî'ition des Vaiem à l'égard
des noms.
Je voudrois que l'on jugeât llir ce pié-là de
toutes les iliperftitions du Paganifme à l'égard
des noms. A Rome quand on levoit les ibl-
dats , on prenoit garde que le premier qui s'en-
rôloit , eût un nom de bon augure. Les Ccn-
ièurs en faiiànt le dénombrement des Bour-
geois, nommoient toujours le premier , quel-
[i)Feflus, cun qui avoit un nom favorable , comme (i)
Valeriiis , Salvius , &c. Dans les ûcrifices io-
(2) Cîce- lennels ceux qui conduifoient les ( 2 ) vidi-
ro lib. I. mes, dévoient avoir un de ces noms-là. Quand
nat. Pii- ^^ procedoit à l'adjudication des fei'mes pu-
nius lib. bliques , on commençoit par le lac Lucrmus y
2.8. cap. a, 8c tout cela , boyi't ominis ergo , afin de porter
bonheur. Se peut-il rien voir de plus extrava-
gant que de tirer ou de bons ou de miauvais
augures de ce qu'un Magifrrat prononce plutôt
Valerius , que Furius ? Apulée a railbn de iè
moquer de ceux qui laccufbient d'être Magi-
cien , parce qu'il faifoit acheter des poiflbns
qui leur fembloient propres aux ibrtileges d'a-
mour , à caulè de la conformité qui fè rencon-
troit entre leur nom 6c celui àts parties natu-
/îl PofTe ^^^^^s. Tativres igmrdyis , leur dit-il ( 3 ) , «e
dicitis ad 'voiez.-'vous pas que fi 'votre rai fon a^oit lieu» les
Tes vene- cailloux feroient -un fouveraifi remède contre la>
reas fum- pierre , ^ les écrevices contre les cancers}
^^\^^'^^' On peut conoître par là l'énorme & la pro-
& fiiSna digieufe étepduc que les Faiens donnoient à la
Penfées diverfis, ^f
fuperrtition des noms. Elle étoit fi grande, pi'opfer
qu'au raport de (i) Fellus les femmes Romai- JJl^™[^^"f
nés offroient des làcrifices à la Déellè Egerie Jinem ,
pendant leur grofîèllè , parce que ce nom d'E- qui minus
gerie dans leur langue a^'oit une grande reîa- po^Tn ex
tion aux accoucbemens. Une femblablc rai- eodem h-
ion a été cauie que Ton s'ell attaché dans le J-uJus^d"
Chrifbianifme à la dévotion d un Saint plutôt veficam,
que d'un autre , pour obtenir certaines chofes. tefta ad
Par exemple, il ne faut pas douter que ks fem- teftamen-
mes qui ont mai au ièin ne fè ibient miiès {b\is ^^^^^^^Ç,
la protection de Saint xVlammard , plutôt que ^era ?
fous la proteflion d'un autre, à caufe du nom ^p»/ej.
qu'il porte. Il ne faut pas douter que ce ne foit ^foiog, u
pour Jâ même raifon que ceux qui ont mal
aux yeux , les Vitriers 6c ks fàifeurs de lanter- (OQPo*
ne le recommandent a St. Clair > ceux qui ont ^ç^^^ fj^ijè
mal aux oreilles, à Saint Ouïnj ceux qui iont fœcum al-
gouteux, à St. Genou 5 ceux qui ont la teigne, vo egere-
à St. Aignan ; ceux qui ibnt aux liens ou en ^^^
prifon, a St. (2) Lienard , 6c ainli de pluiieurs
autres. Quoi que cette remarque fè trouve 1^^ ^^^fc^
dans ( 3 ) l'Apologie pour Hérodote , qui efl: tom'^^!^'
un livre très-injurieux à l'Eglilc Catholique, ad annûm
elle ne laifîè pas d'être vraie , comme l'entre- 1616.
conu Mr. de la (4) Mothe le Vayer dans fon
Hexameron ruftique , 6c Mr. (f) Menags dans ^^^ Chapv
Ces Origines de la langue Françoife. Ces Mef^ ^
Tieurs également favans 6c refpedlueux pour ks / x ç. . .-
chofès iaintes , n'ont pas prétendu en avouant me four*"
cela , condamner l'invocation des Saints , car née.
dans le fond û Saint Clair n'eft pas plus propre
qu'un autre à guérir le mal des yeux , il ne (s) Au
l'efl: pas moins aufii : de ibrte qu'il vaut autant "^°^ ^^
s'adreHer à l'un qu'à un autre. Ils ont lèule- '''^"'^'
ment voulu reconoître que la moindre chofè
eft capable de déterminer les peuples à faire un
choix , 6c que la conformité des noms eil un
puifiànt motif pour eux. Sur cela , Moalîcur,.
C 3 je
54 Tenfees diverjes,
je ne ferai pas difficulté de vous dire confidem-
ment , que ce lèroit une iupcrllition la plus
baiîè & la plus groiîiere du n;onde , que de
prétendre que parce que St. Clair s'appelle St.
Clair , Dieu lui accorde la vertu de guérir le
mal dcc yeux, plutôt qu'à un autre i de façon
que fi nos peuples fe confient à un Saint plutôt
qu'à un autre , à caufe du nom qu'il a , ils font
dans une illuiion épouvantable : car enfin il faut
tenir pour tout aiiuré que les noms n'ont point
de vertu en eux-mêmes.
§. XXXII.
"Eî quel fens o;i peut préférer un nom à
un autre ^
Je ne deiàprouve pas cependant la préféren-
ce que l'on donne quelquefois à certains nomsi
car de la manière que les hommes font fai^s,
il y a tel nom qui empêcher oit un Grand Sei-
gneur , de recevoir à ion fèrvice une perfonne
qui le porteroit : & nous liions dans 1 Hilloire
d'Eipagne , que \tz AmbafTadeurs de l'un de
nos Rois étant allez à la Cour d'Alphonfe IX,
pour le mariage de l'une de {ç.^ deux filles avec
leur Maître, choifirent la moins belle , qui s'a-
peloit Blanche , 6c lailîèrent la plus belle , parce
que fon nom d'Urraca leur parut choquant,
(i) L.7. Ainfi il ne faut pas trouver étrange que les (i)
D. ad s. loix diipenfènt un héritier de porter le nom
que le Teftateur lui prefcrit > lors que c'eft un
nom ridicule ou malhonnête, car c'eft une con-
dition trop onereuiè vu comme le monde va.
J'avoue même qu'il peut y avoir des noms qui
en certaines circonilances , contribuent aux
plus grands évenemens , ibit parce qu'ils exci-
tent dans l'ame de ceux qui les portent certai-
nes paiïicns j foit parce que la fupeiilition les
fait
c. Tre
beil
Penfées diverfes, 5^
fait prendre pour des augures , & que la crainte
ou i'clpcrance qui le répand dans une armée, à
la vue de ce que l'on pi end pour des prefages ,
eH: bien fouvent la caufè de la viftoire. Je ne
trouve donc pas mauvais que Ton choiliflè de
beaux noms , cap^ibîcs àc faire fonger fouvent
à fon devoir ; 8c je fuis de lavis de Milantia
femme du Canonifte (i) Jean André, qui étant (s)Qnoâ
confaltée par ion mari ilir ce fu'-et , lui repon- fi nomina
dit, ^le Ji les noms fe l'eudoient , les pères ^ '^^' ^°^^
les mens ferotera obligez, d'en acheter des puis ^^^^l^^'
beaux, pour les donuer à leurs enfans- Mais je berenc pa-
ne iàuroiâ fouffrir qu'on attache à certains noms r^-nres
aucune cfpece de tatalité naturelle foit à l'égard F-i"c'nerri-
des mœurs, foit à l'égard de la fortune. Com- ^' ^cïlf^^
me il eft taux que h providence divine ûiTec^e J^^orie-
de fè deploier plus à découvert au mois de Sep- lerz. joh,
tcmbre , qu'au mois d'Oclobre , ou le i. de ^ndr.in
Janvier , que le i . de Mars : il eft faux aufli ^'^Z'* '■■'^
que la vertu ou le vice , le bonheur ou le mal- Z^'-"^'^*^
heur aient des noms affeftez , ou privilégiez, praberui,
II y a des Helenes & des Lucreces qui ont de
la vertu , il y en a aulfi qui n'en ont point. On
voit des Rois malheure^ux Se des Rois heureux,
de toutes fortes de noms : & li la circonftanc^
du nom eft capable de quelque chofe , c'eft uni-
quement ou par notre faute , & nôtre peu de
raifbn, ou par nôtre adrcïîè. Néanmoins mal-
gré tout ce que le moindre de tous les lioni-
mes eft capable d'obje£ter contre la fuperftition
des noms , qui eft aflûrément demonfrratif , il
n'eft pas croiable combien de manières de de-
viner on a bâti fur ce mifcrable fondement. Ce
qui fait voir que iur le chapitre des preiâges,
ibit des Comètes , foit de quelque autre chofe
que ce foit , l'opinion univerfelle des peuples ne
doit être comptée pour rien.
C 4. §, XXXIÎL
'5<5 Penfécs diverjès*
§. XXXIII.
Combien cette V. raifon eji dec'ifve contre les tre^
fagcs des Comètes.
Mais pour venir à des réflexions plus impor-
tantes , je vous prie , Monfieur , de bien peièr
cette V. raifbn. Elle eft dccifive ou il n'en fut
jamais. 11 ne s'agit plus de voir s'il eft pofTi-
ble que les Comètes altèrent nos élemensj l3
elles prelàgent en qualité de caulès ou en qua-
lité' de lignes, qui iè montrent à point nommé
toutes les fois que hs hommes ont de grands
malheurs à fbufirir. Il s'agit de juftifier Je fait,
que l'on vous nie tout court , 6c qui efl la feule
rciTburce que vous puifliez avoir. Toutes les
autres raiibns ne vous preiîènt pas allez pour
ne vous laiflèr pas quelque faux fuiant : car on
a beau dire qu'aucune raifbn ne nous porte à
croire, que ce qui iè pafîè dans le monde quel-
ques années après qu'il a paru des Comètes,
Ibit produit par leurs influences , vous répli-
querez toujours que les Comètes n'en font pas
moins pour cela de mauvais augure j parce que
n'aiant jamais paru fans avoir été fuivies de
grands malheurs , c'efl une marque qu'il y a
quelque liaifbn ou quelque raport naturel entre
elles & ces malheurs. Que ce ne fbit pas la
îiaifon d'un effet avec ià caufè , à la bonne. heu-
re, c'efl à tout le moins une liaifbn qui fuffit
pour faire craindre que quand l'une de ces
choies fe prefènte, l'autre ne tardera gueres à
venir.
En effet fi nous fùpofbns que les Comètes
roulent fur des cercles dont il n'y ait qu'une
certaine portion qui fbit à la portée de vue ,
nous concevons qu'elles retournent à nous
uprès un certain tems. Si après cela nous fù-
poibos
Penfées dïverfeu jrj
poibns que c'eft à-peu-près le même tems qui
efl necellâire afin que ia terre fermente quel-
ques exhalaifons malignes , capables de caufèr'
Ja pefle, la guerre &c. comme nous lavons par
expérience que la matière des fièvres a befbin-
d'un certain nombre d'heures pour aquerir les
qualitez qui caufent la fièvre , 6c par le raport
des Médecins , qu'en quelques perlonnes cette
matiere-là produit régulièrement des fièvres
périodiques au bout d'un certain nombre d'an-
nées i il, dis-je , nous fupoibns tout cela, h
vue des Comètes nous doit être un auiTi afîuré
prefàge de grands malheurs , quoi qu'elles n'y
doivent rien contribuer , que li elles dévoient
les produire phyliquement. Qu'on réplique li
l'on veut que cette fcrm.entation à mêmes pé-
riodes que le cours de la Coniete , doit cnfia
le tirer de mefure , à caufe que les continuels
changemens qui le font &: au dedans 8c au de-
hors de la terre , empêchent necelîàirement la
jonilion de toutes les caulès qui 7 concouroient
autrefois 3 cela, Monlieur , ne vous tirera pas-
d'inquieti.ide , &c je conois des gens qui plutôt
que de le rendre à cette difficulté , auroicnt re-
cours à l'immobilité du ciel Empirée , pour lut
attribuer la régularité de la fermentation dont
il s'agit , à l'exemple de ceux qui le font la.
caulè de ce que certains endroits de la terre
produilcnt toujours les mêmes chofes , bien,
que les alpec5î:s des autres cieux Se leurs influen-
ces par coniéquent varient lâns celTe à 1 égard
de ces endroits-là. Ce qui me fait fcuvenir de
certains Scholaltiques , qui veulent que la vertu
qu'ils attribuent aux corps de le peindre dans-
nos yeux par le moien des ef-^eces tmentionelles ,
foit un effet des influences de ce mêine cieL.
On trouvera donc toujours quelque défaite-
pendant que l'on le pourra faire fort de l'expe-
ïieiice, Se ainfi, Monlieur , c'cft vous ôtcr tout:
C f que;
5^ Pcnfees dherjes,
que de vous mettre en fait , que l'expérience
ne v^cus tàvorife aucunement.
fi)Qi;a- Je me Ibuviens d'avoir lu dans (i) Cice-
rum qi>i- ron , que la fcience des prefàges efl beaucoup
demre- pjug fondée fur robfervation des évenemens
t"^a^?"~ que fur la raifon , & qu'en ces chofes-là il ne
arbirror' ^^^^ pas demander les caufes , comme faifoient
q^uàm eau- Carneade & Panetius qui avec Epicure étoient
las qiizii prelque les feuls ter.ans contre cette prétendue
oporcere fcience. Qiiand ils demandoient fi c'étoit Ju-
fervâra ' ^^'^^^ ^^^ ordonnoit à la corneille de croalTèr du
func hxc côté gauche , &: au corbeau de croaHer du côté
tempore droit , on leur difoit pour toute rcponfè qu'ils
îmmenfT) avoient mauvaiiè grâce de preilèr ainfi les gens j
ficatione ^^'^^ ^^^^ dcvoit fuffire que l'expérience de tous
eventuy ^^^ iiecles confirmât la divination 3 qu'il y a des
anîmad- herbes dont on conoît la vertu iàns iàvoir h
verfa & caufe des effets qu'elles produifent j Se qu'on
laotata j^g s'aviiè pas pour cela de chicaner la Medeci-
fum* con- ^^- ^"^'^ ^i^°^ Ciceron raporte quantité de cho-
tentus iès naturelles dont les proprietez nous font co-
quod nues , mais non pas les causes de toutes ces
etizrrSt proprietez , & tait dire à fon frère , ^^'il eji
cuidque^ <^o«.*f«? ^e 7^^'c;> ^«^ r^^ c^^j-/^ yè /o;;? , quoi
fiât igiio- ^^^'^ ignore comment elles fe font. Voilà jufle-
Tem , qn.id ment vôtre aiïàire , Moniieur. Qu'un Philo-
&i£ ImeU fbphe vous prcfîè tant qu'il voudra fur la ma-
So'iib' ^^^^^ ^^^^ ^^^ Comètes prciàgent nos mal-
ês Divin*' ^curs , vous n*avez qu'à lui dire , qu'encore
qu'il ne iàche pas comment le fbleil éclaire le
monde , il ne îaiflè pas d'être afiuré avec le
refle des hommes , que le foleil éclaire le mon-
de , parce que l'expérience le fait voir évidem-
ment : qu'ainii l'expérience de tous les fiecles
BOUS aiant apris que les Comètes font fuivies
de malheur , il faut croire qu'elles en font un
prelàge , quoi qu'on ne fâche pas en vertu de
quoi elles le font. On pourroit , je l'avoue^
siGois biai maltraiter dans ce retranchement ,
Penfees diverjes, 5"^
mais pendant que vous en appellerez à l'expé-
rience , vous trouverez toujours quelque ré-
duit. C'eft pourquoi , Monfieur , je vous ad-
journe tout le premier au tribunal de 1 expé-
rience , 6c je vous mers en fait qu'elle ne vous-
donnera pas gain de caufè.
§. XXXIV.
ObfervMions necejjaires à ceux cjui fe veulent
édaircir de ce fait,.
Comme il eft facile à tout le monde de con-^
fulter \ç.s titres jullificatifs de ce fait , qui ne
font autres que les monumens de l'Hifioire , je
me garderai bien de vous accabler de citations.
Je remarque ièulement , que ni vous ni nous
ne devons pas faiie un incident fur ce que nous
n'avons pas les Annales ni des peuples de h
Terre Auftrale , ni de ceux qui habitent Tinte-
rieur de i'Atrique & de l' Amérique j car fi nous
prétendions qu'elles nous fourniroient pluiîeurs
exemples de profperité arrivez à la fîiite àz%
Comètes , vous pourriez prétendre aûlTi qu'el-'
les nous fourniroient pluficurs exemples d'ad-
verlité. Contentons-nous àzz Annales du mon-
de conu , Se jugeons des autres par celles-là,-
"Ex ungue leonem. Il ne faut point non plus
fa ira. un incident fur ce qu'il y a des guerres
qui tournent à un plus grand profit que l'on,
ne penfè , & qui peut-être font un moindre
mal que la paix j femblables à ces iàignées qui
guerKîènt la mauvaife difpoiltion du corps. Je
renonce à tous les avantages que cette conli-
deration pourroit aporter à ma caufè. Je con-
£'ns que Ton ne compte pour rien lesrailbns
de (i) Palingenius à l'avantage de la gueire, ^i) j^
£e qu'on ctabliflè pour principe, que la paix efl Capriconi
wne. faveur de J)i&i , & la guerre un de its
C 6 icaux
€o Periféei divrrfa,
fléaux , quoi que la guerre foit quelquefois uti-
le par accident , 8c la paix au contraire dom-
mageable. Je remarque aulTi que les témoins
font beaucoup plus fuipeéls de partialité , jîour
vous que pour nous , à cauiè du grand attache-
ment que font paroître les Hifloriens à s'éten-
dre beaucoup plus fur les calamitez que fur les
felicitez publiques. Mais nous n'en fommes
pas à cela près. Nous les admettons tels qu'ils
i©ot. Voicz donc, Monlieur , par vous-même
ce que raportent ces témoins , iàns vous lailTer
préoccuper par tout ce qu'ils pourront vous
aprendre , non pas en qualité de témoins , mais
en qualité de tàifeurs de complaintes & de ro
flexions..
5. XXXV.
ComparMifon des années qui ont fuhi les Comètes
de Idïi 166 f. avec les années qui ont précédé
la Comète de l'an i6j2.
Je ne iàurois m'empêcher , quoi que je ne
veuille entrer en aucun détail , de vou^ faire
jetter la vue fur ce qui s'eft paifé comme ibus
nos yeux , pendant les lèpt années qui ont fui-
vi les deux horribles Comètes de l'an 166 j
Pouvez-vous dire en confcience que l'Europe
ait été affligée pendant ces années-là , d'une
manière à lè recrier que tout étoit perdu ? Y
voiez-vous des m-alheurs qui pafiènt le train
ordinaire ? A-t-on vu que àQî, nations barbares
comme autrefois les Huns , les Goths , \ts
Alains , les Normans aient porté la deiblation
dans une infinité de Provinces ? A-t-on vu la
pelle dépeupler les plus fiorilîàns Roiaumes , 6c
coucher dans le tombeau la plus confiderable
partie àzs, hommes .' A-t-on crié famine dans la
glupart des païs ? A-t-oavu des Rois mis à. bas
de
Penfées diverjes» Ci
èe leur trône par h rébellion de leurs Sujets,
ou par l'ufurpation de leurs voiiîns ? A-t-on
vu naître des herelies ou des ichifmes ? A-t-on
vu l'impunité des crimes autorifée par les Ma-
gillrats ? N'a-t-on pas vu au contraire que la
pefte, la guerre ôc la famine , ks trois grands
fléaux du genre humain , ont épargné les peu-
ples autant qu'on fe le peut promettre dans h
condition de nôtre nature?
Je ne voi guère que quatre guerres dans l'eC-
pace de tems que j'ai pris , fàvoir celle des
Turcs 6c des Vénitiens : celle des Éipagnols 6c
des Portugais : celle de la Hollande & de l'An-
gleterre : &; la campagne de l'Ile. Les deux
premières qui avoient commencé long tems
avant que les Comètes parurent , ont été ter-
minées heureufement dans le tems que j'ai
marqué ; 8c les deux autres ont commencé 6c
fini prefque en même tems : ce qui montre que
les influences des deux Comètes de quefrionj
étoient bien plus portées pour la paix que pour
la guerre , puis qu'elles ont terminé ks guerres
qui avoient commencé iàns jeur participation-,
6c calmé bientôt celles qui s'étoient élevées du-
rant leur règne.
§. XXXVL
Guerre des Turcs ^ des Vénitiens.
Vous vous fouvenez fans doute , Monfleurv-
d'un de nos communs amis , qui n'a jamais
voulu le délivrer de l'envie de dire des poin-
tes , ièlon la mauvaifè coutume du vieux tems,
quoi que nous l'en aions ibuvent raillé : mais
je ne iài fl vous vous fouvenez de la iurprifè
où il fut quand il aprit que la paix conclue
après la journée du Raab entre l'Empereur 6c
k Grand Turc, avoit été ratifiée, ^uoiy s'é-
C 7 cria-
6l Penfees cùverfij.
cria-t-il, on fait la paix à la barbs d'une Corne-'
te , ^ an milieu des plus belles difpoj'itions du
mo?}de à réparer les pertes cjue les Turcs ont fuit
foujfrir aux Chrétiens i Sans doute la Comète re-
cule pour mieux fauter , elle fious attend en Can-
die , ^ ceft la cruelle déchargera toute fa rage.
Cependant , Monlîeur , vous m'avouerez que
tout ce qui s'eft fait en Candie depuis l'an 1 66 f^
jufqaes au Traite de paix ne peut être nulle-
ment compté pour un de ces grands malheurs
que le ciel annonce à la terre par des prodiges :
car 11 vous y prenez garde , tout cela fè réduit
à la perte d'une ville qui étoit bloquée depuis
très-long tems. Si c'eft un malheur pour la
Chrétienté que d'avoir perdu l'Ile de Candie,
c'efi un malheur qu'il faut raporter à un autre
tems qu'à celui qui s'eft écoulé depuis l'an
1665-. puis qu1l eiî de notoriété publique que
les Turcs s'etoient emparez de l'Ile pluiîeurs
années avant celle-là , 6c que par le blocus qu'ils
tenoient devant la capitale , ils rendoient tout
le Roiaume auili inutile aux Chrétiens , qu'il le
làuroit être à prefent & même beaucoup plus ,
car encore eft-il permis prefentement aux Vé-
nitiens de profiter de ce qui leur refte dans cet-
te Ile , fans faire les depenfes à quoi ils étoient
engagez pendant la guerre. De forte que tout
bien compté il iè trouvera que la paix faite l'an
1669. au lieu d'empirer les affaires des Véni-
tiens , les a améliorées , ëc par conièquent que
la Comète ne s'eft: pas dédommagée en Candie
de ce que li paix d'Allemagne lui avoit fait per-
dre. Après tout elt-ce une choie li étonnante
qu'un Prince auQî puifTant que le Grand Sei-
gneur , prefiànt de la plus furieuiè manière du
monde , une ville pendant deux ans , favorifé
du voilinage de fes autres Etats, la prenne fur
une République qui eft: contrainte de mendier
^ lècours a. éoo. iieaes ioia de ià ? N'efc-ce
Penféei diverJeÉ, C»5
• pas un grand bonheur à cette Republique d'ea
être quitte à fi bon marche ?
§. XXXVII.
Guerre des Efpagnols ^ des Vort^gah^
Le Traité de paix de l'an 1668. entre l'Efpa-
gne & le Portugal , fat un bien inefrimable
pour ces deux Couronnes. Pour la première,
parce que bien loin d être en état de iè faire
rendre ce qu'elle demandoit , elle avoir lieu de
craindre de nouvelles pertes fous une minorité
qui nétoit pas exemte de brouilleries. Et pour
la féconde , parce qu'outre la pailible poflèiïion
de fes Etats, & la décharge des incommoditez
de la guerre , elle acquit l'avantage de voir fà
fouveraineté reconnue par ceux qui l'avoient
contredite jufques alors. Quoi qu'il en ibit ,
me direz-vous , c'eft un malheur pour i'Efpa-
gne d'avoir perdu le Portugal , & de n^avoir
pas eu la force de le recouvrer. Je l'avoue, mais
c'efl un malheur qu'il faut raporter à l'an 1640,.
& aux pertes que cette Couronne avoit faites
dès avant que les Comètes parufîènt , qui par là
demeurent déchargées de l'accufàtion qu'on
voudroit leur intenter. Vous avez, oui dire
peut-être , ce bon mot du Comte de Villa Me-
diana, fur une figure à cheval du Roi Philippe
IV. où l'on avoit mis PHILIPPE LE GRANDj
fi lo es i es como tm ojo, que mas tk-rra le lie"
van , mas le en^randez,en. En effet c'efl fous le
règne de Philippe IV. que l'Efpagne a le plus
perdu de fès Etats , & par confequent ces pertes
ne doivent pas être imputées aux Comètes de
Van 166^,
J. XXXVIIL
($4 Penfées âivevfes.
§. XXXVIII.
Guerre des Anglois ^ des Hollandois.
Pour ce qui efl de h guerre àcs Anglois 8c
des Hoilandois , je ne nie pas qu'elle n'ait été
fort rude pendant le peu de tems qu'elle a du-
ré 5 mais comme deux ou trois campagnes en
ont fait la raiibn , elle n'a été ni ruineufè ni
fort dommageable aux deux partis. En eftét
après le Traité de Breda les Anglois ie trouvè-
rent ce qu'ils étoient avant la guerre , & les
Hqllandois il peu afïbiblis, que leur fortune ea
devint plus floriiîànte , qu'il n'eût été à ibu-
haiter pour leur repos 3 car toutes ces profperi-
tez leur aiant fait concevoir une trop grande
opinion de leurs forces , leur iirent oublier
qu'ils avoient d'aiïèz grandes obligations à
LOUIS LE GRAND, pour lui lailTer con^
quérir la Flandre. Il leur en a coûté bon , mais
ce n'eft pas la faute àçs Comètes de 166 f.
C'eil: une fuite de la neceiïité où ils crurent être
de s'opolèr à l'agrandiflèment d'un voilin re-
douté de toute l'Europe. Ils crurent que la
bonne politique les engageoit à conferver l'é-
quilibre parm.i leurs voilins , & qu'ils iè dé-
voient fervir de l'état floriiîànt de leur Repu-
blique , pour empêcher l'entière inv.alion dQS
Païs-Bas. S'ils le font mal trouvez, d'avoir rai-
fonné fur ces principes , 8c fi la fortune n'a
pas fécondé Tulage qu'ils ont fait du bonheur
qui les accoinpagna pendant les cinq ou lix;
premières années qui fuivirent les Comètes,
c'ell une autre affaire,
Si l'on me dit que laprolperité efï quelquefois
le plus terrible châtiment que Dieu puiiîè en-
voler à. l'homme , je dirai moi que l'adverfité
cfl quelquefois h plus grande grâce qu'il lui»
puiflè:
Penfées diverjèi, 6^
jHiiflè faire ', delbrte que toute notre dispute ne
fera plus qu'un jeu de mots. Ainli pour nous
fixer à quelque choie , il faut que nous conve-
nions qu'il s'agit de lavoir , non pas il les Co-
mètes amènent aux hommes des biens dont ils
ne font j)as un bon ulàge , ou des maux qui les
convertilTent à Dieu •-, mais fi elles leur amè-
nent ce qu'on a de coutume d'apeller ilmpie-
ment des adverfitez.
§. XXXIX.
Guerre des Tranpis ^ de^s Efpagnofs.
Pour la campagne de l'Ifle on m'avoiiera
qu'elle a fait beaucoup plus de bien que de maU
Comme ce n'étoit pas tant une guerre qu'une
prilè de polTèirion des biens qui apartenoient à
la Reine , Se qu on refufoit de lui rendre , quoi
que Ion droit eût été juftifié & lignifié à toute
l'Europe , par les ûvans livres que le Roi fit
publier en diveriès langues , on entra dans les
terres des Elpagnols làns y faire aucun dégât.
Ce ne fut pas allez pour la bonté de ce grand
Prince : il fît enfbrte que les païs par où lès
troupes dévoient palîèr , fulîênt délivrez des
alarmes que l'aproche d'une armée a de coutu-
me de jetter dans les efprits. Il fit publier par
avance , qu'il ne pretendoit pas rompre la paix
des Pyrénées , ni troubler les artifans dans l'e-
xercice de leur métier , ni les laboureurs dans
la culture des terres , ni ks moiflbnneurs dans
le travail de la récolte , ni les Marchands dans
leur trafic , ni rien faire de tout ce qui rend
la marche des armées incommode aux peu-
ples.
Le progrès de lès armes fijt à la vérité lur-
prenant, & tout ce qui olà lui refifter fuccom-
ba bientôt fous le poids de ù valeur , de là vi-
6^ Penfées diverjes,
gilance , Se de cette fàge activité avec îaquelîs
il vient proiTitenient à bout des chofes les plus
difficiles. On le vit percer comme un foudre
tous les Païs-Bas Catholiques , 5v y faire plu-
iieurs tours Z<. retours , lai fiant par tout des
marques éclatantes de fà viâ:o!re. Mafs après
tout la manière dont .il traitoit les vaincus ne
leur étoit nullement à charge. Bien loin de
dire comme ce Prince dont il eft parlé dans la
(i) Euan- Parabole de l'Evaagiîej (i) Jnimicos meos il-
?fi" ]^~ los , qui mluenmt me re^aare fuper fe , axlducite
Luc. cap. ^^^ ' ^ interjicrte ante me : Amemez, ?noi ces
15, V. 2p. ennemis qui n'ont pas 'vonlu me reconmitre four
leur Roi y ^ les tuez, en ma. prefence j fà Majefté
leur donnoit mille marques de fà bonté Roiale :
Se c'a été un bonheur iniigne aux villes qui fu-
rent conquises cette campagne-là , de n'avoir
pas eu la force de relillier 5 car fi elles fufTent
demeurées fous la domination d'Elpagne , elles
n'eufïènt pas joui de la fecurité où elles ont été
plongées pendant la dernière guerre. La puif^
iànce du Roi les metoit à couvert de toute for-
te d'inquiétude , elles ne craignoient ni fiege
ni blocus ; au lieu que toutes les villes qui n'é-
toient pas à la France , étoient dans de conti-
nuelles fraicurs , au milieu de leurs marais, de
leurs inondations , de leurs citadelles , 8c d'une
prodigieufè quantité de troupes. Rien ne les
aiTuroit. S. M. n'avoit qu'à partir dans une
Êifon qui eût été feule un ennemi invincible à
d'autres Conquerans, pour jetter une fi grande
peur dans toutes ces villes , que la vue d'un
ï\çgt formé devant les plus fortes n'en pouvoit
raflûrer aucune.
C'a donc été un grand bien pour les villes
qui pafferent au pouvoir du Roi l'an 1667. d'a-
voir été fubjuguées par nôtre invincible Monar-
que. C'a été d'ailleurs un bien au Roi d'avoir
uni à fcs Etats d'une manière fi glorieufè tant
de
Tenféei diverfes. 6j
de villes floriflàntes : & un bien beaucoup plus
conliderable , qu'il n'eft deiàvantageux à l'EjP-
pagne de les avoir perdues ■■, parce que leur fi-
tuation fait que nôtre Roi en peut tirer de
grandes utiiitcz , au lieu que h même fituation
eft ca'jfe que le Roi d'Éipagnc ne s'en peut
prefque point fèrvir. Ainii j'ai droit de con-
clurre que les évenemens de la campagne de
l'Ile ont fait plus de bien que de mal.
§. XL.
^^e l'Efpagne feroh bien d'i^handonner les
^aïs-Bas.
J'ai ouï dire à un habile homme que tous
ces Etats eue le Roi d'Elpagne pofTede dans des
pa'is éloignez , détachez les uns des autres , lui
ibnt plus à charge , qu'ils ne lui fervent j 6c
que s'il connoiSbit fes véritables intérêts , il
ieroit dans \cs fèntimens du Roi ( i ) Antio- (i) An-
chus , qui aiant été contraint après la perte de tiochus
la bataille de Magneile de céder aux Romains .^f^s""^
tout ce qu'il poïlèdoit au deçà du mont Tau- ^^-j^ ^^^
lus , déclara qu'il s'eftimoit fort obligé à ces poftea
Meffieurs , de ce qu'ils l'a voient déchargé du quàm à
ibin de garder un grand pais , qu'il n'eût pu ^'^^ÇJf"®
deiïèndre qu'avec des peines 8c des pertes con- TTuro"te-
tinuelles. C'eft-à-dire que fi le Confeil d'Efpa- nus re?na-
gne connoilîbit bien les véritables intérêts de le juflus
la Couronne , il nous remercieroit d'avoir fi ^^^^ > o"^'
confiderablement diminué les foins qu'il lui fe- "^"^^"^
loit prendre pour la confervation de tant de M^mqu»
villes, & Ibuhaitteroit d'être entièrement dcii- eft nunc
vré de cet embarras. On faifoit dire aux Efpa- noftra
gnols pendant la longue guerre qu'ils ont eue ^'■oj:'"^'»,
avec la Hollande , ^ue leur maure auroh puni ^\^cTe eft
ces rebelles il y a long tems , fi des confiderations rolitus,be-
d'Etat ne l'en empéchoient j mais qn'il confervoit nignè fibi
ce
ï Populo
Romano
cfTe fac-
tum qiiod
rimis mi-
gna procu-
ratione li-
beratus,
modicis
Regni ter-
minis uce-
retur.
Cicer.
Orat.pro
Dcjot,
"Voiez les
Poëfies
Latines de
Balfac,
p. 4Z.
6^ 'Penfées diverfeL
ce Ta'ù de contradiciion , comme le tnmege ^ îa
fale d'efcrime de [es légitimes fujets , ajin de les
tenir en haleine par un exercice continuel. Je
vous aïïurc , Monfieur , que cette railbn ne
fubfifte plus , & qu'il y a prcfcntement fi peu
d'Efpagnols , qui profitent de l'occafion de s'a-
guerrir , que les guerres de Flandre leur four-
nilîènt, que cen'eft pas la peine d'en parler. Il
vaudroit mieux dire qu'il faut conferver les
Païs-Bas , afin que l'humeur Françoifè naturel-
lement bouillante 8c ennemie du repos , trou-
vant là dequoi s'occuper , lailîè les Espagnols
dans la paiiîble poflèilion de leurs biens , 8c
n'aille pas troubler la taineantife qui s'efl empa-
rée de la Nation. Mais cela même devroit
obliger le Confeil d'Efpagne à le défaire de la
Flandre , parce que fi les Elpagnols venoient à
être attaquez dans leur pais , il efl probable
qu'ils reveilleroient cette ancienne valeur qui
les a rendus fi celel^çes , 8c qu'ils ne fe repo-
ièr oient pas , comme^'ils font , du foin àç^ sS'
faires générales , fur la vigilance d'autrui.
Il cil fur que là Majefté Catholique gagne-'
roit beaucoup à faire ceflîon des Païs-Bas qui
lui refient 5 car outre qu'elle fè delivreroit de
la peine de conferver un pais , d'où elle ne re-
tire rien , 8c qui pour tout revenu n'envoie en
Efpagne depuis plus de j-o. ans , que des nou-
velles à blanchir les cheveux à tous les Minif^
très d'Etat , il lui feroit bien plus glorieux de
s'en défaire de bonne grâce , que de s'en voir
dépouiller peu-à-peu en cent manières honteu-
fès, comme font par exemple, les arrêts qu'on
lui fait iignifier par un Sergent. Cette même
eefTion feroit aufifi l'avantage des Païs-Bas Efpa-
gnols, où l'on ne fàuroit voiager fans efcorte,
qu'on ne fbit rais en chemifè par les voleurs
des grands chemins , ce qui ne fè feroit pas
fous ia domination de la France, C'efl dom-
mage
PenféeJ diverfis^ 6^
m3.ge qu'un fi beau pais fbit entre les mains
d'un Maître, qui ne peut pas feulement le def-
fendre contre les voleurs j &:• doit-on trouver
mauvais que NOTRE GRAND P R I N-
C E , ^ui a toujours aimé les Fiamans , leur té-
moigne tant d'envie de les délivrer des garni-
ions EJpagnolles , qui au lieu de les protéger ,
volent impunément par tout , comme li les
voiageurs dévoient porter la peine de ce qu'on
n'a pas aflex d'argent à Madrit , pour paier les
foldats de Flandre?
D'ailleurs quelle mortification n'eU-ce pas
pour la Nation Efpagnolle , qui afFedoit tant
de l'emporter fur nous , &. qui autrefois rem-
plifToit de jaloufie toutes ks Cours de l'Euro-
pe , de les accabler à prefent de plaintes , de
mémoires , 6c de fjpplications , pour en être
protégée contre la France , fans trouver aucun
Prince qui la fecoure ? Ce n'eft pas qu'on fbit
bien aife que le Roi s'agrandiiTe comme il fait,
ou qu'on foit perfuadé de la juflice de fes pré-
tentions ; car encore que nôtre invincible Âlo-
narque ne prenne que ce qu'il prouve lui apar-
tcnir légitimement , 6c que félon la remarque
de l'Auteur àes Droits de la Reine , il imite
Jofué qui faiibit marcher à la tête de {es trou-
pes l'Arche où étoit enfermée la Loi de Dieu,
nos voifins néanmoins ne goûtent pas la forcé
de nos raifoiis. Ils diient qu'il faut avoir un
elprit fbutenu de cent mille foldats , pour trou-
ver dans les Traitez de Munfter & de Nime-
gue , le fèns que nous y trouvons ; qu'aiîùré-
ment ceux qui en ont drefle les articles , n'ont
jamais cru qu'on pût les interpréter de la for-
te, 8c que s'ils ont dit ce que nous leur faifons
dire, ils ont agi comme ceux qui font ks Ca-
nons àcs Conciles , qui en diient plus qu'ils
n'en entendent j d'où vient que plufieurs fiecles
après on découvre dans leurs exprefllons bien
yo Penfées diverfis.
des ^yfleres à quoi ils ne Ibngeoient pas.
Qu'eft-ce donc qui empêche nos voiiins de-
couter les confeils des Elpagnols ? La pure
crainte d'attirer llir eux la foudre qui menace
les autres. Mais revenons à nôtre fujet.
♦ §. XLI.
Bonheur de l'année i662.
L'Année 1668. a été encore plus universelle-
ment heureufè que la précédente , puis que par
le Traité d'Aix la Chapelle, le Roi d'Eipagne
recouvra une Province, qu'il n'eût jamais pu
reconquérir, & s'afTura h poilêlfion de tout ce
qui lui reftoit aux Pais-Bas , qu'il eût perdu in-
failliblement Il la guerre eut continué. Par le
même Traité , les villes conquifes la campagne
précédente eurent le bonheur de demeurer à
un Prince , qui leur a fauve une infinité d'in-
(i) Ci- quiétudes, ( i ) comme j'ai déjà dit, 6c qui les
deflus, maintient dans une prolperité que la crainte de
S. 40. l'avenir ne traverfe pas. La paix iè trouva gé-
nérale dans tout l'Occident , ce qui ièul ell un
très-grand bien pour les peuples. Tous les
Princes Chrétiens calmèrent leurs jaloufies &:
leurs fbupçons. Et nôtre Roi enfin fe couron-
na d'une gloire qui fufliroit pour Timmortali-
lèr , quand même il n'auroit pas fait depuis
tant de prodiges qui ont porté fà réputation
aux quatre coins du monde 5 car il rendit gê-
ner eufement des conquêtes que perfonne ne
pouvoit lui ôter , cc renonça à tous les avanta-
ges que la fortune lui prefentoit. Exemple de
modération qui mérite plus de ioiianges que la
conquête d'un Empire.
Après cela peut on dire que les Comètes de
1665-. ont été fuivies d'un horrible déluge de
maux? 2^ ne doit-on pas fc bien moquer des
' " - Mro,
Penfées dlver'Jès. jt
Aftrologues qui avoient publié qu'elles prefà-
gcoient des chofcs épouvantables , des Schiirnes,
& des Herefies prodigieu fes ? Il y en eut qui
conièillerent à l'Empereur de s'enfermer pen-
dant vingt jours dans un Palais bâti fur de très-
bons fondemens , dans quelque vallée tenebreulè,
6c tout entouré de montagnes , comme vous le
pourrez voir plus au long dans le (i) Theatnim i^\ y^j
Cometicum d'un Gentilhomme Polonois, nom- pag. 17.'
mé Sraniilaus Lubienietzki.
§. XLIL
Pacification du démêlé des Jefmtes é^ des
J-anfeniJîes.
Mais ce n'eft pas feulement par la cefîàtion
de la guerre que l'année 1668. a été heureuic:
elle l'a été encore par un autre acommodement
très-neceflaire au bien de rEglifè , &: très-diffi-
cile à procurer j puis qu'il s'agiflbit de mettre
la paix entre plulieurs Théologiens , qui etoient
aux priies depuis long tems , Se qui étoient ca-
pables de caufer un ichifme très-fcandaleux, ii
l'on les eût laille faire. Vous n'ignorez pas,
Monfieur , qu'on accule fort les gens de vôtre
métier de s'échauffer pour des difputes de rien,
êc de remuer ciel 6c terre pour avoir raifbn de
leurs ennemis , quand ils les croient dans des
erreurs confiderables. Un livre ne leur coûte
rien à faire dans ces fortes docc^fions , rien ne
leur eft aufli difficile que de mettre les armes
bas. C'eil pour cela que l'on regarde dans le
monde la pacification des Théologiens comme
un ouvrage très-difficile. Je n'exam.ine point
ii l'on a raifon de faire ce jugement , mais je
ne laiflèrai pas de remarquer que la querelle
des Jeiliites 6c des Janiénilles étoit regardée
ayec raifon comme uae atoe de confequence
- -- - &
qz Penfees diverps.
& très-makifée à terminer. Ce n'efl pas que
le fujet n'en fût fort petit , puis que les Janfe-
nifles ne ceilbient de dire , qu'ils convenoient
avec leurs adverlàires dans les queftions de droit,
Se qu'ils ne pretendoiait autre choie , inion
que les propofitions condamnées par le Pape
n'étoient pas dans le livre de Janfènius , ce qui
efl: une bagatelle dans le fond ■■, car comme il
n'importe au fàlat de perfonne de lavoir que
Janfènius a été au monde , i\ n'eft nullement
necefîàire de fâvoir fi les livres de Janfènius di-
fènt ceci ou cela , 6c l'on iè fût fort bien pafîe
de faire commandement à des Religieufes qui
n'entendoient pas le Latin , de figner que Jan-
fènius avoit enlèigné telles 8c telles do6lrines.
Quelle neceflité y avoit-il qu'elles s'embarrai^
ûflènt la tête d'une fèmblable chofe ? Mais
néanmoins de la manière que cette dilpute a-
voit tourné, ce n*étoit plus une affaire indiffé-
rentes l'autorité du Pape s'y trouvoit interefTée,
\ts droits des Evêques s'y trouvoient mêlez,
une infinité d'injures publiées de part 8c d'au-
tre avoient étrangement aigri les efprits j on
ne parloit que de Brefs du Pape , d'Arrêts du
Confeil d'Etat ou du Parlement , de Lettres
circulaires , de Mandemens Epifcopaux ■■> on
prêchoit contre les Janfenifles , on emploioit
quelquefois contre eux le bras ièculier , en un
mot tout étoit dans une étrange confufion,
lors que Sa Majeflé jufrement touchée de ces
deiordres , 8c»voiant bien par ce grand difeer-
nement 8c cette profonde fàgeiîê qui lui font
propres , qu'à moins d impofer lilence aux par-
ties , on ne verroit jamais la fin de cqs divi-
sons , interpofà fon autorité , pour faire que
Ion aquiefçât aux flgnatures qui avoient été
faites Tous certains temperamens dont la Cour
de Rome fè contenta, 8c pour empêcher qu'à
l'avenir fcs fujets ne difïènt ni ne publiafîent
rien
Penfées diverfis. y^
rien fur les matières conteftées qui pût renou-
veller la querelle. Ce fut le 23. d'Octobre 1668.
que l'Arrêt de pacification fut donné , 6c par ce
coup d'une ikge politique l'on arrêta le progrès
d'une diipute qui avoit agité la France plus de
vingt ans , Se. qui étoit capable de déchirer les
entrailles de l'Eglifè. Or comme ce grand dé-
mêlé avoit pris naifîànce long tems avant que
hs Comètes de l'an 1 66_f. parufîLnt , & qull
a été heureufèment afibupi trois ans après leur
aparition , il feroit plus à-propos de foutenir
que leurs influences ont été fort fàiutaircs , puis
qu'elles ont fait ceiïcr les defbrdres qu'elles ont
trouvez dans le monde , que de ibutenir qu'el-
les ont été malignes.
Il n'efl pas neceflàire , Monfieur , que }e
vous circonftancie les avantages que la France
a retirez de cette pacification , car c'eft une
cholè que vous devez ûvoir , 8c que vous fàvez
effeftivement mieux que moi. Quand on ne
nous auroit procuré par là que la permiflïon de
lire les livres de Meilleurs de Port-Roial , je
ibutiens qu'il nous en ièroit arrive un grand
avantage , non feulement parce que ce font
des livres très-bien écrits, Se un gi-and modèle
d'éloquence 8c de raiibnnement , mais aufli
parce qu'ils nous aprenent une infinité de bel-
les choies qu'on n'avoit jamais bien éclaircies.
Par exemple , aviez-vous jamais ouï dire à vos
précepteurs , juiqu'où doit aller nôtre fbumiP
lion pour ceux qui veillent pour nos âmes ?
Aviez-vous jamais ouï parler exactement à
d'autres qu'à ces MelTieurs de la diflindlion du
fait 8c du droit , 8c des choies qu'on efl obligé
de croire de foi divine , ou de foi humaine ?
Avouez qu'on vous avoit élevé dans une gran-
de ignorance de ces choies , car on nous fait
tant de peur dans nôtre Egliiè de cet eiprit qui
veut conoître 8c raifonner , qu'on ne nous re-
Tom, L D com-
jj^ Penfées dïverfes,
commande rien auflî exprefTément que de nous
abandonner les yeux fermez, à nos Dire6leurs.
Il efl: néanmoins certain comme ces Meilleurs
Tont clairement établi , qu'il y a de la diftinc-
tion à taire , 6c qu'il eft très-dangereux de don-
ner dans ces maximes fans dilcernement j ii
bien que nous leur avons tous àt^ obligations
immortelles de nous avoir ouvert les yeux fur
beaucoup de chofes , que l'on nous rend fuf-
pedles mal à-propos.
Quelle obligation ne leur a-t-on pas d'avoir
enfin introduit en France l'ufage de la Parole
de Dieu en langue vulgaire , 8c d'avoir délivré
l'Eglilè de la honte 6c de l'ignominie qu'il lui
faloit efTuier continuellement , par les repro-
ches que les Proteftans lui failbient , qu'elle de-
roboit aux Fidèles le threfor des Ecritures ?
Avant que l'on eût terminé tous ces diflferens,
la verfion de Mons étoit fort perfecutée , 6c
faifoit peur à la plus grande partie du peuple;
mais depuis la paix que le Roi a donnée à l'E-
glifc , on a fecoué le joug, 6c non feulement
on lit iàns icrupule tous les Ouvrages de Port-
Roial, que l'on n'ofoit lire autrefois , tant on
étoit épouvanté par les Confeflèurs Moliniftes,
mais aufll on lit avec beaucoup d'édification l'E-
criture Sainte que ces Meflieurs ont mifè en
Fran9ois. Je ne dis rien de tant de beaux li-
vres de Morale 6c de Controverfè r'qu'ils ont
publiez depuis l'Arrêt du î3.d'06tob. i668. ni
de tous les Traitez, qui ont fi bien éclairci cet-
te célèbre quefi:ion de la leârure de la Parole
de Dieu en langue vulgaire , où nos Contro-
verfiftes s'étoient trouvez julques ici extrê-
mement embarrafièz 5 car vous /avez aflîèz,
Monfieur , de quel prix font ces Hvres-là pour
être pleinement perfùadé de ce que je veux
vous prouver ici , fàvoir qu'il s'efl pafiîe des
choies très - avantagcufes au public , quelque
tenis
Penfées dtverfei» j^
tcms après l'aparition de deux ef&oiables Co-;
metes.
§. XLIII.
Conjidemtlon des malheurs arrivez pendant Us
fept années ci^ae l'on a examinées.
Qu'on ne m'allègue point la pefte de Lon-
dres de l'an 1665-. l'erabrafement de la même
ville de l'année fuivante ; le tremblement do
terre qui abîma la Republique de Ragule ea
1667. les embrafemens du mont Etna de 1669.
& tels autres accidens , car ce font des chofes
à la vérité funeftes pour ceux qui en fouffrent
en particulier, (i) mais qui ne font ni d'une con- ^i) cafû»
fèquence générale , ni fort extraordinaires ; ix il multîs hic
feroit facile de montrer qu'en d'autres tems il cognitus,
eft arrivé des malheurs de cette efpece bien ^ricuT&ô
plus tragiques , comme l'incendie de Mofcou medio for-
capitale de Mofcovie , qui fut toute réduite en tunx duc-
cendres par les Tartares l'an 1^7 1. le tremble- tus acer-
ment de terre qui abîma dans une nuit douze ^J* '
grandes villes d'Afie fous l'empire de Tibère j satfT,i\^
celui qui tua vingt mille habitans de Lacede*
mone , 8c accabla la ville toute entière fous \çs
ruines d'une portion du mont Taigetus 4.^9.
ans avant J e s u s-C h r i s t } celui qui arriva
dans le Canada en 1663. &: dans le Pérou en
1604. qui fit des bouleverfèmens prodigieux ea
moins d'une heure dans une étendue de 300.
lieues de côte Se de 70. en largeur ; l'embrafè-
ment du Vefùve de l'an 163 1. la pefte qui a
defolé depuis peu la capitale de l'Empire , qui
a pourfuivi l'Empereur dans Prague où il s'é-
toit réfugié , 8c qui s'efl enfuite répandue dans
plufieurs Provinces avec un dégât fanelle. D'ail-
leurs ces trois ou quatre defordres doivent - ils
balancer le bonheur aporté par tant de Traite:^
D a de
^6 Penfées diverfes.
de paix, & la profperité particulière de la Fran-
ce , qui par l'aplication iiitatigable de ion Roi
à tout ce qui peut contribuer à la félicité de la
nation , par fes lumières &: par celles de ks
Miniflres les mieux choilis , 8c les plus capables
du monde, a vu établir Ôlqs Manufaélures , des
Compagnies de commerce , des nouvelles loix
pour l'extirpation de la chicane, un ordre mer-
veilleux dans les Finances , ôc plulieurs autres
chofès qui font une fburce de biens infinis tant
pour le gênerai que pour le particulier ? Ne me
dites point , je vous prie, que je n'ai pas pris
un aflez grand terme , car il eft du ièns com-
mun que 11 les Comètes prelàgent quelque cho-
ie, c'eft pour les iix ou ièpt premières années
qui les fui vent , & c'eft lur ce pied-là que Ton
prouve leur malignité par l'Hiftoire.
§. XLIV.
Malheurs arrivez, dans l'Europe depuis l'art
i6^f. jufquen \6fi.
Voulez-vous voir par plailir , Monfieur , une
autre femaine d'années prifè à difcretion d'un
tems repurgé de tout le mauvais air des Co-
mètes ? Rcpallcz un peu dans vôtre mémoire
ce qui s'eft fait dans l'Europe depuis l'an 1645'.
jufques à la Comète qui parut fur la fin de l'an
165-2. Et remarquez bien que je prens jufle-
ment le tems où les longues guerres d'Allema-
gne , aufquelles tant de Princes le trouvoient
intereiîèz , ôc qu'on veut à toute force avoir
été preiàgées par la Comète de lan 1618. fè
pacifièrent à Muniier. Il me femble que c'ell
donner à la Comète un aiTèz bon loilir de iè
purger , pour prétendre qu'elle n'a plus rien à
iàire dans les années que je marque ; fur tout
a l'on confidere que je lui abandonne encore
ks
Penfées diverfes, 77
les trois dernières campagnes de k guerre des
Alliez contre la Maifon d'Autriche , lelquelles
fè trouvent dans les lept ans que j'ai choilis , Se
qui ibnt remarquables par plufieurs fànglantes
expéditions, entre autres par la bataille de Nor-
lingen, où Mr. le Prince de Condë (i J van- (i)_ Le j-,
gea 11 glorieufement l'affront que les Suédois ^^^ ^^4^»
avoient reçu dix ou douze ans auparavant au
même lieu: & par le (i) iàccagement de Pra- (i) i6.de
gue , qui reduifit pluiieurs Dames de la pre- r^iHec
miere qualité à la dure condition d'être en ^^'^^'
chemiiè dans la rue. Sans compter tout cela
je trouve àts maux épouvantables dans les an-
nées que j'ai choiiies , 6c particulièrement un
efprit de jfedition furieuiè.
J'y trouve le Roi (3) d'Angleterre condam- (9) Le^;
né à mort 8c décapité par Tes propres fujets de Fe-
avec des circonftances horribles. J'y trouve ^S'^"^'
le Roi fon fils contraint de le cacher dans un
chêne après avoir vu tailler en pièces toutes
fes troupes à la bataille de Worcefter, (^4) 8c ^4)J^«iî.'
enfin de fortir de ion Roiaume dans le plus ,6j//^'
trille équipage du monde , trop heureux de
tromper à la faveur de ce deguilèment la rc- (y) Majua
cherche exaâ:e que l'on failbit de fà peribnne , erat impe-
pour lui faire le même traitement qu'à ion pe- """^ ^^"
re. Je trouve la France déchirée d'une cruelle ^^^^^
guerre civile , qui lui fait perdre prelque tou- u^ \\\\s
tes les conquêtes de douze campagnes, 8c ièn- externis
tir la pernicieufè honte de fe détruire elie-mê- viribusex-
me, dans un tems ou elle feule le pouvoit fai- '»"="' pof-
1 1 -in. • ' ^ 1 / N n f^t:, &c.
re du mal , comme il eft arrive a la ( j-) Re- p/o^^^ /,^,
publique Romaine. Je trouve le Roiaume de 4 c^;>.2.
Naples Ibulevé contre ion Prince. Je trouve
les François en guerre avec les Efpagnols dans {6) Voies
la Flandre , dans l'Italie , dans la Catalogne. Je IJ^'^^J.^®
des Cofa-
ques par
voi le Portugal armé contre la Hollande , 8c
contre l'Efpagne tout à la fois. Je voi Kmiel- iTsr.cli*-
niski General des ( 6 ) Colàques révolté contre valicr.
D 3 la
(j) L'an
.1648.
(i) Voiez
j'Etat de
l'Emp.
Ctcom.
par le Sr.
Kicauc.
(3) I^e i7.
Août
1^48.
78 Tenfiei diverjès*
k Pologne, 8c ligué' avec les Tartarcs , rcmpKr
ce Roiaume de deiblation. Je le voi qui pro-
fitant de la mort du brave Roi Uladiflas , fait
entrer le Cham dans la Pologne, & fè joignant
à lui afl'icge avec une armée qui n'avoit point
eu ià pareille depuis Attila , les Polonois dans
leurs retranchemens , 8c les réduit aux derniè-
res extremitez. Je voi que la paix conclue le
17. d'Août 1649. à des conditions très-deià-
vantageules à la Pologne , aiant duré fort peu
de tems , l'irruption des Cofaques & des Tar-
tares recommence de plus belle , caufè mille
fàccagemens , fe termine à la vérité par leur
déroute , mais ne laifîè pas d'être une enchai-
nure de ravages 6c de maux. Je voi les ( i )
Mofcovites dans un fbulevement li furieux, que
ks premiers Miniftres d'Etat ne trouvent point
dans le Palais de l'Empereur un afile qui les
mette à couvert de l'inlblence des mutins. Il
faut que le Czar leur abandonne les vidtimes
qu'ils demandent , qu'il endure que fès princi-
paux Officiers ibient afîbmmez a coups de bâ-
ton , &; qu'après avoir fait évader Ion bcau-fre-
re qui étoit aufll fbn favori , il demande fà grâ-
ce au peuple. Je trouve ( 2 ) dans Conflanti-
nople des feditions fi horribles , que le Sultan
Ibrahim après avoir été contraint d'abandonner
le Vizir Azem à la fureur des mutins qui l'é-
tranglerent , fut ( 3 ) étranglé lui-même. Ce
n'eft pas tout. Les Janifïàires 8c les Spahis , qui
font les principales forces de l'Empire Otto-
man, s'aigrilîènt de telle manière les uns con-
tre les autres , qu'ils Ibnt prêts à décider leurs
differens par la voie àts armes. La Sultane
Kiofèm qui gouverne l'Etat pendant la minori-
té du jeune Sultan fon petit-fils , fe prépare à
le taire étrangler par les Janifïàires j mais la
mère du Sultan par une contre -ligue la pré-
vient , la fait étrangler , ôc feit périr les princi-
paux
Penfées diverjès, jg
paux Officiers des JanifTàires. Je trouve les
Vénitiens aux prifes avec les Turcs , ce qui cau-
iè des iàccagemens Se des malheurs épouvanta-
bles à tous les peuples de la Dalmatie 8c de l'Ar-
chipel. Je trouve cent autres deibrdres dont
le détail vous ennuieroit , &: qui ne me paroît
pas necelTàire pour vous faire avouer, qu'il s'en
Faut beaucoup que les fèpt années que j'ai prifès
à la fuite de deux Comètes , ne Ibient remplies
d'autant d'évenemens fâcheux , que les fèpt qui
n'ont été prilès à la fuite d'aucune Comète,
mais au contraire au devant de. celle de 165-2.
Se à la fuite du tems où l'on achevoit l'expia-
tion de la Comète précédente , par la paix gé-
nérale qui fe negotioit à Munfter.
Avouez donc, Monfieur , ^u'ilefi des maî-
henrs fans Comètes , ^ des Comètes fans malheur Sy
Se qu'à raifbnner comme l'on fait ordinaire-
ment , ks negotiations de Munfter devroient
paflèr pour un figne des fléaux de Dieu , puis
qu'elles ont été fuivies de tant de malheurs
prefque par toute l'Europe.
Nôtre ami à proverbes ne manquera pas de
dire , cju'une hirondelle ne fait pas le printems. Je
lui répons par avance , que s'il feuilleté diligem-
ment les Hiftoires , il trouvera des exemples
de même nature tout autant qu'il en voudra.
Le ( I ) Theatrum Cometicum que je vous ai (ï)vo3.2»
déjà cité, en fournit deux bien remarquables, ^zg.^jl "'
Un Auteur Allemand du dernier fiecle nommé
Elle Major (2) en fournit un très-grand nom- (2^ Jq jj,
bre, 8c remarque exprelTément que les plus ce- bello de
lebres Traitez de paix fe font conclus fort peu Cornet,
après l'aparition de quelque Comète j que plu-
fieurs nations Idolâtres ont été converties à l'E-
vangile dans un tems qui avoit ce même carac-
tere-là, 8c qu'on peut dire la même choie de ^5) On-^
la fondation de plulieurs célèbres Univeriitez. i.^ontr»
Le Philofophe ( 3 ) Charemon nous aprendroit Celfuœ,
D 4. bien
8o Penfées diverfes,
bien des chofes fur ce fui et , fi nous avions îc
livre qu'il avoit coû:îj>ofe , pour faire voir que
la plupart des Comètes avoient été le prefàge
de grands bonheurs. Que nôtre ami feuilleté
donc \ts Hifloires , ôc il trouvera àç.s exemples
abondamment. Je n'oièrois vous dire la mê-
me chofe, à vous, Monlieur, qui n'avez pas
tant de loihr que lui , Se qui occupez fi bien vô-
tre tems à la kdture des Sts. Pères 8c de St. Tho-
mas. Ainfi je me retraite des exhortations que
fr) Ci- J^ ^^"'^ ^^ faites, (i) ôc je me vois obligé à ne
deiTus compter pas plus fur cette V. Raifon toute de-
pag. 60. cifive qu'elle eft , que fur les autres , parce que
vous n'en fauriez voir la force fans entrer dans
la difcufilon de plufieurs faits , 8c iàns bien cal-
culer le bien 8c le mai arrivé en divers tems par
tout le monde} ce qui ne s'accorde nullement
avec la kârure de tant de Canons , de tant de
Conciles , de tant de Pères , de tant de Théolo-
giens , de tant de Cafuiiles , à laquelle vous
vous êtes conlàcré. Je tâcherai de remédier à
cet inconvénient par une raifon qui ne deman-
de aucune le<£lure , 8c qui eft d'une efpece toute
(i) Ci- particulière , comme je vous l'ai déjà (2) dit.
deflus Mais avant que d'en venir là, je prévois que je
pag.12, yous dirai encore bien d'autres chofes.
A..,, le 2. de Mai, 1681.
§, XLV.
yi. Raifon: ^e la ferfuafon générale des peu-
ples n'efc d'aucun poids pour prouver les mau-
'vaifes influences des Comètes,
JE n'ai pas encore épuifé les raifons Philofb-
phiques , car en voici encore une, Monfieur,
qui n'eft pas peu confiderablc. On peut ajou-
ter en lixiéme lieu , qu'on ne prefcrit pas con-
tre la vérité par la tradition générale, 8c par le
con-
Penfées diverps. %l
confentement unanime des hommes : autre-
ment il faudroit dire que toutes les fuperftitions
que hs Romains avoient apriiès des Tofcans
iur le fait des augures oc des prodiges, Se tou-
tes les impertinences des Paiens fur le chapitre
de la divination , etoient autant de veritez incon-
teftables , puiique tout le monde en étoit auflx
prévenu que des prelages des Comètes. Il fau-
droit dire que le Diable, qui eft le peredumen-
fon<^e félon le témoignage de (i) Tesus- ^V .'^
„. ^ , & P 1 •' 1 eu venta*
Chris T, a rendu neanmoms pendant une Ion- {^ eo, cura
gue fuite de iiecles , des oracles pleins de veri- loquicur
té , de iîncerité 6c de fidélité ; car il a été un menda-
tems où toute la terre rendoit honneur & hom- cium, ex
mage a cqs oracles. Il ne 1èr oit pas polfible de fo'qmtur ♦
repondre à ce railbnnement raporté par (i) Ci- quia men»
ceron , ^te jamais l oracle de Delphes m fût de- dzx eft Se
verni, ji ceLcbre, ^ ojie jamais tous les peuples ^ p^ter ejus.
tous les Rois n'y euffent envoie tant de pYefem , jt r/^'^^fl *
tous les jie clés ncujj'ent expérimenté la vérité de cap. 8.'
fes reponfes. Cela paroît aiîèz plaufible, 8c l'Au- v. 44.
teur de cette peniée ne croit pas qu'après une
raifon de cette force, il ibit necefîàire de jufli- (^) De-
fier , comme avoit fait le Philolbphe Chrylip- ^^"'io
pus , par des témoignages bien autorilèz, qu'A- na^quam"
poilon avoit rendu une infinité de vrais oracles, iHud Ora-
Mais ce n'eft rien dans le fond , pourvu qu'on culum
nie le principe fur lequel ce raifonnement ell: Deîphis
apuié , lavoir , c^ue les opinions généralement éta- ^^^ ^ ■
blies font vraies^ ôc qu'on ràiiè voir qu'il n'y a jam cla-
rien de plus faux que cette maxime , par l'e- rum fuif-
xemple même de l'oracle d'Apollon que l'on fet, nequc
confjitoit de toutes parts , quoi que fes repon- t;ntis do-
ies ambiguës eulïènt été un piège funelle à plu- jùrn ^ ^^*
fleurs nations , 8c ne fuifent après tout qu'une omnium
impofture abominable. Il n'eft pas d'ailleurs p^pulo-
fort diificiie de prouver qu'on nie ce principe '■^•'^ ^^"e
avec raiibn , car on découvre tous les jours ^if,'""^ '•
mille bévues dans les opinions les plus gênera- ^xxi oral*
D _f les,
eulorum
illorum
veritatem
effet ex-
perta.
Cicer. de
Divinat,
kb. I.
82 Penfées diverjes,
les , comme font par exemple , celles qui re-
gardent la Canicule. Non feulement la raifon
nous montre qu'il n'y a rien de plus faux que la
prétendue chaleur de cet afterifme, mais l'expé-
rience auffi nous fait voir , quand on iè donne
la peine d'y prendre garde, qu'il arrive plus fou-
vent , que le mois d'Août n'efl pas le plus chaud
de toute l'année qu'il n'arrive qu'il le ibit.
§. XLVI.
exemples de qu^lcjues opinions générales , qui font
faujfes.
Ce qu'on a coutume de dire de certains re-
mèdes , qu'il faut y avoir de la foi fi l'on veut
qu'ils fallênt leur effet , iè peut apliquer à quan-
tité de traditions. Voulez-vous n'en être pas
deiàbufé , croiez-les fans les examiner , car fj
vous vous amuièz à vous en éclair cir par vous-
même avec un eiprit difficile, vous trouverez
bientôt que l'expérience ne s'accorde pas avec
la voix publique. En voici des exemiples.
S'il y a àts corps celeftes dont ks influences
puiflênt être de quelque vertu à l'égard de la ter-
re , c'eft fans doute la lune à caufè qu'elle en eft
fort proche, Auffi eft-on fort perfuadé qu'elle
dl caufe de bien des choies. C'eil elle qui fait
croître & décroître la moiielle 6c la cervelle des
animaux : qui ronge les pierres : qui règle le
froid &. le chaud , les pluies £c les orages. Car
fi le tems efi à la pluie lors qu'on a nouvelle lu-
ne , ne vous attendez pas à voir revenir le beau
tems avant que la lune foit pleine. Si alors la
pluie ne celle pas , faites vôtre compte qu'elle
durera jufqu'au renouveau de la lune : & ainiî
de la iècherelîè, de la gelée, &c. par la raiibn,
que c'eft aux conjonâions & aux opoiîtions de
k lune qu'il apartient de changer le tems. Et
de
Penfées diverjes, ^9'
de là vient que parce que dans la converiàticn
on retombe tort fouvent fur le difcours de la
pluie , du froid , de la fecherefle , ou de choies
ièmblables , on entend ii fouvent ceux qui ie
plaignent du tems qu'il fait , s'entreconlbler
par l'efperance de la nouvelle ou de la pleine lu-
ne, qui, à ce qu'ils prétendent, y aportera du
changement. Vous ne me nierez pas , Mon-
Ceur , que ce ne fbient là de ces fentimens qui
font de tout pais , 6c communs à toute forte de
perfbnnes.
Cependant ceux ( i ) qui ont pris la peine r , y,^
20. & 30. années de fuite d'examiner la moiiel- Rohault'a»
le à^s anim.aux , ont remarqué qu'en quelque Phyf.i.
état que foit la lune , on trouve des os qui ont P^rt.
beaucoup de moiielle , 8c d'autres qui en ont f^^* ^J"
fort peu : ce qui fait voir que la lune n'a point Penf^ch?
de part à tout cela , non plus qu'à la plénitude iS.part.j;
plus ou moins grande des écrevices ôc des hui-
très , car on a remarqué auifi qu'elle ne roule
point félon les viciffitudes de la lune , quoi
qu'en difè l'erreur populaire. Je dis la même
choie touchant le changement du tems , 6c je
foutiens après y avoir Ibuvent pris garde, qu'il
n'eft affeâé à aucun état de la lune que ce puif^
fê être, 8c qu'il n'y a aucun jour dans le mois
lunaire où le pafïàge de la pluie au beau tems ,
du dégel à la gelée, par exemple , iè faffe plu-
tôt que dans tous les autres. Si nous avions des
obièrvations bien iuivies, nous trouverions que
la température de l'air iè conforme ii peu à la
nouvelle ou à la pleine lune , qu'on compteroit
autant de mois où le tems a été (ce , quoi que
le retour de la lune eût été pluvieux , que de
mois pluvieux après un retour de lune plur
vieux , 6c au contraire : tant il eil vrai que les
changemens du tems ne fuivent aucune règle
qui nous foit conuè. Il me ièroit aifé de mon-
trer que k raifon eft en ceci tout-à-fait contre
D 6 k
^4 P en fée s diverjès,
le lentiment commun : mais j'aime mieux me
ièrvir de l'expérience, 8c mettre en fait que il
Ton y prend bien garde , on la trouvera con-
traire à ce que tour le monde débite ■-, 8c fur ce-
la je remarque qu'il n'efl: pas étonnant qu'une
erreur devienne générale , vu le peu de foin
qu'ont les hommes de confulter la railbn, quand
ils ajoutent foi à ce qu'ils entendent dire à d'au-
tres , 8c le peu de profit qu'ils font des occafions
qui leur font offertes de & détromper.
Permettez- moi de vous demander , Mon-
iteur , ii vous avez jamais pris garde à cette
multitude d'Auteurs , qui ont dit les uns après
les autres , quun homme pefe plus à jûn , qu'a-
cres le refais ; qu'un tambour de peau de brebis fe
cre-ve au Çon d un tambour de peau de loupj que
les vipères font mourir leurs mères en fortant de
leur ventre , 0> donnent occafon à la mort de leurs
J)eres au premier moment qu'elles font formées ,
Se plufieurs autres chofes de cette nature. On
ne s'eft pas contenté de raporter cela comme
des faits avérez , on a pris encore la peine d'en
chercher la caulè,on a fait des exclamations là-
deflus à perte de vue , les moralitez ont été de
la partie , les Avocats s'en font fait honneur
dans le Barreau , les Prédicateurs en ont tire
mille belles comparai&ns , on a donné dans les
Claiîès une infinité de thèmes fur ce fujet. Ce-
pendant ce lont toutes chofès contraires à l'ex-
périence , comme l'ont vérifié ceux qui ont ea
la curiolité de s'en éclaircir.
§. XLVII.
^elle efi U véritable canfe de VatUorité d'um
opinion.
Il paroît de là que les Savans ibnt quelque-
fois une auflî méchante caution que le peuple.
PenÇées dlverfes. 85
5c qu'une tradition fortifiée de leur témoignage
n'eft pas pour cela exemte de faufîèté. Il ne
faut donc pas que le nom 6c le titre de Savant
nous en impofè. Que favons-nous fi ce grand
Do6teur qui avance quelque doârine a aporté
plus de façon à s'en convaincre , qu'un ignorant
qui l'a crue fans l'examiner ? Si le Dotleur en a
jrait autant , fa voix n'a pas plus d'autorité que
celle de l'autre , puis qu'il eft certain que le té-
moignage d'un homme ne doit avoir de force,
qu'à proportion du degré de certitude qu'il s'eil
acquis en s'inftruiiànt pleinement du fait.
Je v^ous l'ai déjà dit , 5c je le répète encore i
un icntiment ne peut devenir probable par la
multitude de ceux qui le fuivent , qu'autant
qu'il a paru vrai à plufieurs indépendamment de
toute prévention , & par la feule force d'un exa- ^
men judicieux , accompagné d'exactitude , 6c w
d'une grande intelligence des choies : 6c com-
me on a fort bien dit , qu'un (i) témoin qui , »p, .
a vu efl plus croiable que dix qui parlent par eit ocub-
ouï direion peut auffi afTùrer qu'un habile hom- tus refti»
me qui ne débite que ce qu'il a extrêmement me- ""^s»
dite , 6c qu'il a trouvé à l'épreuve de tous fes ^"?^ ^^
doutes, donne plus de poids à {on ièntiment, J-^^ ^"
que cent mille eiprits vulgaires qui iè fuivent Piaut,
comme â^ts moutons j 6c iè repoiènt de tout
fur la bonne foi d'autrui. Et c'efl à caufe de (1) Vt
cela fins doute que Themiftius 6c Ciceron ont ^P'^^ ra-
declaré fi nettement , le premier qu'il croiroit pj^"""^
plutôt à ce que Platon lui feroit entendre d'un j^^^ affer-
figne de tête , qu'à ce que tous les autres Phi- ret, vide
lofbphcs lui affirmeroienr avec ferment : 8c le <î"id bo-
dernier , que la feule autorité de Platon fans au- f^^"' ^"'
cune preuve briièroit toute l'increduHté de fon ;nn"l' ,„
f ■ ^/ V ipia auto-
5%lt. (2> ritace me
frangeret ,
Tufcu-
Lin. 3.
D 7 §. XLVIIL
Z6 Tenfées diverjès.
§. XLVIII.
^«'/7 ne faut pas juger en Philofophie par la plu-*
r alité des 'voix.
Je n'apjwouve pas ces manières , mais j'en
reviens toujours la , qu'il ne faut pas compter
\ts voix , qu'ii faut les pefer , Se que b méthode
de décider une controverle à la pluralité des
(i) Sed^ voix , eft fujette à tant (i) d'injuftices, qu'il
bus ^ifuni "^ ^ ^^^ rimpolTibilitë de faire autrement qui
eft,nume- ^^ l'ende légitime en certains cas. Vous voiez
rantur aiîèz. d'où naît cette impollibilité i c'eft qu'il
enim fen- n'y a perfonne fur la terre qui puiiîè determi-
tentix non j^^j, ^^ j^^^ combien un fuftage vaut plus que
ti^nec^' ■^^^tr^> S"^i ^^t ni ia jurifdidtion ni les lumières
jQll in necelîàires pour réduire les , opinions des mem-
publico * bres d'une compagnie , chacune à fon jufte
coiiû^io prix, de forte qu'il faut neceiîàirement tolérer
pote ne- ^^^ Yunç. vaille autant que l'autre dans certains cas.
ni'hil eil ^^^^^ P"^^^ S"^ ^^^ controverfes de Philofophie
tam ina- ne ibnt pas de cette elpece, il nous efl fort per-
quale, mis de compter pour rien les fùfïrages d'une
quatn infinité de ^ens crédules 8c fuperflitieux , &
ipla, nam d aquiefcer plutôt aux raifons d un petit nom-
cùnî ûc t)re de Philofbphes. Ainiî , Monfieur , fins
impar avoir égard à vôtre vo.\ populi , i-ox Dei, afo-
prudentia, rifme qui autoriferoit les penfées les plus ri-
par om- ^^i^ules , lî on le fuivoit j je fèrois fort d'a-
eft. Pli- ^^s ^^ ^^ examinât premièrement s il elt vrai
»/«s epij, que ks années qui ont fuivi de près les Co-
la. /. i. raetes aient toujours été remarquables par des
évenemens plus tragiques que ceux qu'on voit
arriver dans d'autres tems. Si l'on trouvoit
que la chofè fut ainii , on poufTeroit fcs recher-
ches plus loin, & Ton examineroit quelle peut
être la caufè delà liaifbn de ces évenemens tra- :
giques avec les Cometeî. Si l'on trouvoit que la
chofè
Tenfées diverfes, 87
choie fût autrement , on tâcheroit de defabulèr
le monde de fes faulîes imaginations fur ce
point-là , & l'on ne feroit pas plus de cas de la
fauflèté , ibus prétexte qu'elle fèroit répandue
par tout le monde , que fi elle n'étoit que la
maladie de deux ou de trois perfonnes. Auflî
bien , comme le remarque Ciceron , (i) n'y (i) An
a-t-il point d'apparence de faire cas d'un juge- quicquam
ment rendu par une multitude de perfonnes, ^^'""s
dont chacune priiè à part eft fi peu capable de fingu]os"°*
connoître la choie, que fon fentiment n'eft ficuc ope*,
d'aucune coniideration. rarios,
barba rofl
^- ^^^^' temnas,
eos aliquîd
Combien il e(i ridicule de chercher les cnufes de pmare efie
ce qui n'efi poinf. univerfos?
Cet ordre eft aiîùre'ment plus naturel , 8c d'u- ^afi, '^*,
ne plus grande commodité , que celui par le-
quel on cherche ce que c'eji qu'une chofe , avant
que d'avoir vuidé la queflion , fi elle exijîe 'vé-
ritablement. Il y a tant de choies effeâ:ives dont
la recherche peut occuper nôtre étude , qu'on
ne iàuroit trop blâmer ceux qui emploient leur
tems à trouver la raiibn de ce qui n'efl pas, 8c
qui iè plaiiènt à faire diveriîon des forces de
leur eiprit au préjudice de la vérité , comme
ce (2) Philoibphe qui aprit avec chagrin que la ft) Voiei
laine qu'on voioit iùr des figues aportées fur la ^^' EfTais
table, venoit de quelques brebis qui s'étoient ac- ,.^ Mont,
crochées à un buiiîbn planté au pied du figuier, châp/ 12.
parce qu'il perdoit par là le fruit d'une aiîèz où ceci eiî
longue rêverie , 8c la gloire d'avoir imaginé à attribué
force d'y penfer une raiion'qui montrât com- ^ P^^'O"
^ \^ -, ■ . ' / ^ 1 • ente un
ment cette lame avoit ete produite par un ar- ^^ j^i-e*
bre. Je voudrois pour l'amour de Plutarque ment.
qu'il eût repondu à la queflion , Fourquoi les
puhins qui ont été courus du loup deviennent meil-
leurs
* 88 Penfées diverjes.
(\) Part, leurs counurs que les autres , ce que (r) TAii-
3. chap. teur de l'Art de penfer lui fait dire fort fpiri-
'*• tuellement , que c'eil parce que peut-être cela
n'efl pas vrai. Mais aiant lu &: relu Toriginal
du 8. chap. du 2. livre des propos dé table, dans
lequel cette qucltion clr examinée , je n'y ai
(2) Lib. point trouvé cette reponfe. C'cfc dans (2) Se—
4. natu neque que j'ai trouvée quelque cholè de fort
rai. qusft. ^prochant lur un fujet aiïez, curieux , fàvoir
*^^* '^' lut la fuperftition des habitans de Cleoue ville
du Pcloponelé , qui commettoient certaines
peribnnes pour prendre garde s'il devoit grêler,
& pour en avertir le publier parce que fur i'avis
qui en étoit donné, chacun oiÎToit promtement
quelque facrince , ou le fiifoit queiqae incifion
à la main, 6c detournoit ainh la grêle de defliis
ion champ. On raiibnnoit fur cela , Se quel-
ques-uns le tourmentoient fort pour trouver
la caulè qui faifoit qu'une petite incifion con-
traignoit les nues à reculer ou à fe detour-
r 1 O' an- "^^'' ^^^ '^^ combteii t'aloh-il mieux , dit Sene-
toexpedi- 9'^^ ' fiutenir que c' étoit une fouriierie , ^^ ung
tius erac falfle ?
dicere , Montagne , de qui Meflîeurs de Port-Roiaî
^^" & qui ne font gueres de ks amis , difent (4.) quel-
cium
fabula eft? ^^^ P^^^ ' ^^^^ 'fi'di^^nt jamais conu les véritables
grandeurs de l ho-mme^ il en a ajfez. bien conii les
(4) Dans défauts ■■, eft en ceci du fentiment de Seneque.
l'Art de Ecoutez-le parler en fon vieux Gaulois , qui 3
a%aYc! iouvent plus de grâces , que les périodes le»
chap» 19. pl'is étudiées de nos puriftes. (f) ^e revajfois
prefenteme?2it com?ne je fais fouvent , fur ce , com-
(5-)Eflai$ ^;>;2 l humaine raifm efi un inflrument libre ^
c^pl\i, '^^è^^' 7^ "^^'-^ ordinairement que Us hommes t
aux farts qu'on leur propofe , s'amufent plus vo-
lontiers à e,s chercher la raifon , qu'a en chercher
la vérité. Ils paffent par deffus les prefupoftions,
m^.ts ils examinera curieuf-ment Us coiifeqacnces,
ils latjj'em ki chofes,^ cmtmt (*HX caufes. Fiai-
fmis
Tenfées Mverjès. S 9
fans Cftufeurs. Ils commencent orà'mairement ain-
fii comment eji-ce que cela fe frit? Mais ,fe frit-
il, fr.udroit-il dire i Je trouie quafi par tout qu'il
faudroit dire, il n'en eft rien, ^ cmflûierois foUr-
vent cette reponfe, mais je n'ofe , Sec.
Il y a bien des gens qui font ce que dit Mon-
tagne , qui laiiîènt les chofes , 6c courent aux
cauies ; c'étoit le défaut d'Avicenne , grand Mé-
decin en raifonncment , mais fans expérience.
Pourvu qu'une choie ne lui parût point impli-
quer contradi<£tion , cela lui fuffilbit pour en
faire l'objet de fès études , encore qu'elle n'eût
jamais été'. Il y avoit du tcms de Galien plu-
sieurs Médecins frapez de la même m.aladie,qui
raiibnnoient 6c qui diiputoient à perte de vue
fur des choies qui ne furent jamais. Par exem-
ple , ils iè dcnnoient bien de la peine pour trou-
ver la raiibn qui faiibit qu'il ne iè forme point
de cal aux fraélures de la tête , (i) Vous êtes (1) Tla-
bien de loijir , leur dit Galien, c^ bien ridicules, p«f*V'"*''
de rendre raifon d'une chofe qui n'arrive pas, car ?,ff ^
il ejifrux que ces fractures ne fe refrènent ^ ne r.,; . '...;--
fe r endurcirent foint.
u L.
ftç-ê ruv
XK cvrav
... 1/1 y.iyUV OLl-
Superjtitions des Anciens tour les eclipfes. rrUç. Ga-
len. lib.5.
Je croiois avoir tout dit , mais je m'aperçois ^f^'
que j'ai oublié une remarque ti ès-eifentielle , ■^*^*
agréez donc que je ne vous laifTe pas ii-tôt. Le
fait eft qu'on iè forme encoie aujourd'hui une
idée afïreuiè des éclipics , comme fi c'étoient
les preiàgcs des plus funeftcs afïlidtions. Les an-
ciens Païens avoient là-deilus d étranges pen-
fées. Vous en verrez des exemples dans la i'uite
où j'en parie par occalion , mais en voici qui
ne ibnt deftincz qu'à cela.
Nicias General de l'armée que les Athéniens
avoient
po Penfées diverfes:,
avoient envoiée en Sicile , fè vit réduit aprè^
pluiieurs pertes à prendre le parti de s'en rer
tourner en Grèce. Toutes chofes aiant étéiàge-
ment préparées pour lever l'ancre uns que leç
ennemis s'en aperçuflènt , il furvint une écîiplè
(i) Plu. de lune, (i) Nicias au lieu de profiter d'une
tarch. in occailon 11 favorable de faire ià retraite à l'in-
ejus vira, ç^ j^^ ennemis , fe trouva fàifi de tant de crain^-
te fuperftitieufè , qu'il nofà branler de fon poA
te. Il fut d'avis au contraire , qu'avant que de
partir on laiflât patîèr toute une révolution du
cours entier de la lune , ce qui étoit beaucoup
lus que n en demandoient les Devins , qui le
contentoient pour l'ordinaire qu'on fût trois
jours làns rien entreprendre après les éclipfes.
Mais Nicias qui s'imaginoit aparemment que
ks influences de la lune prenoient tout à la fois
leur pli ou pour un mois , ou pour quinze
ours, comme prefque tout le monde fe i'ima-
^ine encore , prétendant que le tems qu'il fait,
quand on a nouvelle lune ou pleine lune , rè-
gle toute la lunaifon, Nicias, dis-je , ne crut
point que trois jours fuffiiîènt pour éviter la
perfecution de l'écliplè. Il eut fujet de s'en
repentir , car toutes les voies de le retirer lui
furent fermées. Il fut pris lui-même , ôc tou-
tes lès troupes ruinées en diverfes façons,
(a) Juf- Tous les beaux difcours qu'Agathocles (i)
tin. Hift. fît à ît^ foidats lors qu'ils furent débarquez en
lib. 22. Afrique , ne pouvoient les raflurer contre la
terreur qui les avoit faifis , pour avoir vu le îo-
leil éclipfé pendant leur voiage. Par bonheur
Agathocles le trouva moins fuperftitieux que
Nicias , ôc plus en état par conlèquent de le
fèrvir de fon efprit. Il le rendit l'interprète du
prodige , 6c avoiia à ^% troupes que fi Técliplè
fut Hirvenuë avant leur embarquement, le pre-
làge leur auroit été delàvantageux j mais qu'é-
tant lur venue après leur départ , le prelàge le
tour-.
Penjees cliver fes, 5>l
tournoit contre ceux à qui l'on alloit faire la
guerre. Il ajouta que les écliplès preiàgent
toujours le changement de l'état preiènt à&^
choies , fi bien que quant à eux ils avoient lieu
d'efperer que leurs afïàires , qu'ils avoient laif^
lees en très - mauvaife pofltJre en Sicile, s'ac-
commoderoient , Se que celles de Carthage qui
ctoient très-floriflàntes , feroient ruinées. Il
calma leur fraieur par ce moien. Cent autres
exemples encore plus exprès montrent évidem-
ment , que \ts éclipfes ont été regardées com-
me àt^ preiàges funelles.
§. LL
Superflithn des Modernes pour les éclipfes.
C'eft encore le fentiment du grand nombre.
Les Hiftoriens ne font guère mention des éclip-
fes , làns ajouter qu'elles pronoftiquerent la
mort d'un tel Roi , la fedition d'une telle Pro-
vince , ou quelque malheur fèmblable qu'ils
rencontrent dans leur chemin. Depuis les AC"
trologues faifèurs d'almanachs , jufqu'à ceux qui
ne le mêlent que des horofcopes de qualité , il
n'y en a point qui ne vous dilè que les éclip-
lès prelàgent la guerre, la famine, lapefte,les
inondations , la mort d'un Grand 8c telles au-
tres choies , &: ils trouvent en cela beaucoup
plus de créance , que lors qu'ils predifent fim-
plement la pluie ou le froid. L'éclipfe de ib-
leil qui arriva le iz. d'Août 165-4. devoir à leur
dire mettre tout fens defTus delfous. Quelques-
uns ne couchoient pas de moins que d'un de-
luge lèmblable à celui qui arriva du tcms de
Noé , ou plutôt d'un déluge de feu qui nous
devoit amener la fin du monde. D'autres le
contentoient d'un boulcverfement confiderable
des Etats , Se de la ruine entière de Rome. On
avoit
pi Penfées dn'ef'Jês,
avoit fi bien épouvanté les gens , que ceux qui
le contentoient de iè vouloir enfermer dans
des caves ou dans des chambres bien clofès ,
bien échauffées & bien perfumées , pour le
mettre à l'abri des mauvaifes influences , par
l'ordre des Medédns , croioient être en droit
de iè moquer des efprits timides , 2c de faire
les efprits forts. En efifet en comparaifon de
tant d'autres qui craignoient la fin du monde ,
c'étoit une grande force d'efprit. La confter-
nation étoit li grande , qu'un Curé de la cam-
pagne ne pouvant fufîîre à confefîèr tous fès
paroifTiens , qui en croioient mourir , fut con-
traint de leur dire au Prone , qu'ils ne Ce 'prejfdf-
fent pas tant , ^ que l'éclipfe avoit été remife à
la quinzaine. Ceft ce que vous pourrez voir
(0 Dîf- dans un Hvre de Mr. Petit (i) Intendant des
fertat. Fortifications , qui étoit habile homme fans
Corn" Tuperflition , & qui fe bâtit contre l'erreur po-
p. 113,* pulaire avec beaucoup de courage.
Voilà donc les Anciens 8c les Modernes, les
Paiens 8c les Chrétiens parfaitement unis à pen-
lèr que les éclipiès prefàgent de grands mal-
heurs. Cependant c'efl une penfée très-faufîè,
I. Parce qne les écliplès ne peuvent point faire
de mal. 1 1. Parce qu'elles n'en peuvent pas
être un ligne.
§. LU.
^ue les éclipfes ne peuvent point cmfer de" mal.
Je dis qu'une écliplè Ibit de lune , Ibit de
Ibleil , ne peut point faire de mal , parce qu'el-
le ne fait tout au plus qu^em pécher que la terre
ne Ibit illuminée pour un peu de tems , ce qui
ne peut être d'aucune confequence. Vous la-
vez quelle a été fur cela la penfée de Pericles,
l'un des premiers hommes de l'antiquité. 31
étoit
Penfées dlverfis, 95
ctoit prêt à faire partir pour une grande expé-
dition Ja flotte dont il étoit General , lors qu'u-
ne éclipiè de foleil épouvanta li fort ion Pilo-
te , qu'il ne fàvoit plus où il en étoit , ni ce
qu'il 7 avoit à faire : (i) Pericles qui avoit , .
été délivré de toutes tes vaines aprehenlions tàrch'"'n
par le Philofophe Anaxagoras , étendit ion man- ejus vica.
teau devant les yeux de fon Pilote , & lui de-
manda s'il trouvoit que ce fût un mal. Non ,
repondit le Pilote. Ce n'eft donc point un
mal , reprit Pericles , que le {olcil ibit éclipfé ,
car toute la diflèrence qu'il y a entre mon
manteau qui te dérobe la lumière du foleil , 8c
k corps qui caufe réciipfe , c'eft que celui-là
eft plus grand que mon manteau. Cette réfle-
xion eft tellement de la compétence de tout le
monde , qu'il y a lieu de s'étonner du peu de
gens qui la font.
• Il n'y a perfbnne qui ne foit capable de
comprendre , que fans faire aucun préjudice à
ià iànté , on peut être des jours entiers dans
àzs lieux beaucoup plus obfcurs que les ténè-
bres de la plus grande éclipfe , 6c qu'on pour-
roit couvrir ibus des tentes fort épaiilès un
poirier ou un pommier pendant trois ou quatre
heures , iàns craindre que les fruits ou \qs
feuilles s'en reflentilTènt pour tout le refle de
l'année. Il n'y a point de païian qui ne voulût
quelquefois allonger les nuits de quelques heu-
res , afin que l'ardeur du fbleii ne vînt pas fi
tôt deflecher les biens de la terre. On demeu-
re d'accord que des nues très-épaiflès ,qui obi^
curcifîènt l'air pendant cinq ou lix jours de fui-
te, plus qu'une éclipfe de foleil de cinq ou ilx
doigts qui arrive iàns aucun nuage , font quel-
quefois très utiles à la récolte. On comprend
que fî la lune s'amufoit à demeurer un iour
entier avec le foleil lors qu'elle efl nouvelle,
(iinforte que pendant 2+. heures elle n'eût aucu-
%
94 Tenfées diverfès,
ne clarté pour la terre , cela ne caufèroit aucun
dommage. Perfonne n'ignore qu'on peut fouf-
frir pour un jour le retranchement du boire 6c
du manger , ou en tout ou en partie , fans qu'on
en meure, ou qu'on en tombe malade , ou qu'on
s'en fente à deux jour» de là j 6c d'ailleurs on
fait fort bien que ks alimens font plus necef*
fàires à la vie que le foleil, puis qu'il y a des
nations qui paiîènt commodément plufieurs
mois de fuite fans que le foleil fe levé fur leur
Horifon. Cependant parmi toutes ces lumiè-
res on ne veut ou l'on ne peut comprendre,
que la lune ou l'ombre de la terre puillènt in-
tercepter pour très-peu de tems les raions du
foleil , fans qu'il en arrive des defordres infi-
nis. On s'imagine même que la malignité de
ces ténèbres va choifir un Roi au milieu de
toute fa Cour , & le diflinguant de toutes les
autres perfonnes , lui caufe à lui feul une ma-
ladie mortelle , ce qui eft d'une abfurdité ima-
ginable. Y a-t-il rien de moins fenfé , que de
voir des gens qui fè retranchent contre les
raions du foleil par toute forte d'artifices , der-
rière des fenêtres , des volets , 6c des rideaux,
qui n'ofèroient fortir que de nuit , ou fans fè
couvrir d'un mafque 6c d'un parafol , trembler
néanmoins à la penfee d'une éclipfè , qui n'eft
a proprement parler pour certaines fàifons de
Tannée , qu'un bon office que la lune rend à la
terre en lui fèrvant de parafol ?
§. LUI.
,^e les édipfes ne pettvent pas être le figne
d'aucun mal.
Voions maintenant û à tout le moins les
éclipfès peuvent être un figne des maux qui
affligent le monde, Je dis que non, Monfieur,
2c
Penfées diverfes, 95
6c c'eft ici que je vous attens , car je fài que
c'eft la dernière refTource de ceux qui tiennent
pour la malignité des éclipfes 6c des Comètes.
Je me contente pour les chalTer de ce dernier
retranchement, de dire deux chofes. La I. eft
que les éclipfes font un eftet d'un ordre ii na-
turel , qu'il n'y a fi petit Aftrologue qui ne pre-
difè l'heure , le jour 8c l'endroit du ciel où el-
les arriveront , plufieurs fiecles avant qu'elles
arrivent. La 1 1. eft qu'il en arrive en tout
tems , 8c en tout pais ■■, quelquefois plus de
quatre dans une même année 5 fouvent à des
heures où perlbnne ne s'en aperçoit , excepté
des gens paiez, pour cela 5 fouvent auffi lors que
les nues empêchent tout le monde de les ob-
ièrver.
Je trouve bien forte la L de ces deux rai-
ibns ; car enfin , Monfieur , fi les éclipres font
une fuite necefiàire 8c naturelle du mouvem.ent
àçs aftres , elles arrivent independemment de
l'homme , 8c iàns aucune relation à lès mérites
ou à iès démérites , 8c par confequent elles ar-
riveroient tout de même , foit que Dieu ne
voulût point châtier les hommes , foit qu'il
voulût les châtier , de forte que ce ne peut
point être un figne prccurlèur de la juftice di-
vine. De plus il faut renoncer à là raifon , ou
demeurer d'accord qu'un effet de la nature ne
peut être le figne de quelque chofo , fi ce n'eft
lors qu'il produit cette chofe-là , ou qu'il en
eft produit lui-même , ou qu'ils dépendent tous
deux d'une mêm-e caufe. Nous examinerons
ailleurs les autres manières de fignifier. Pour
le prefont je me contente de dire , que. les
éclipfos ne lignifient point les maux à venir ,
en aucune de ces manières, puis que j'ai mon-
tré qu'elles ne font point la caufo d'aucun mal.
Ce lèroit abufcr de la patience d'un habile hom-
me , que de lui expliquer ceci plus au lon^.
Mais
P9 Penfées diverjes.
Mais comme je me fouviens d'un pafîâge de
(i) En la (i) Plutarque , qui porte que les Philofbphes
Tie de Pe- qj^^- ^q^^ ^ig penfer qu'en expliquant la cauie
^''' ^*' naturelle d'un effet , on lui ôte toute fà vertu
fignificativc , j'en toucherai ici quelque chofè,
§. LIV.
En quel fens un effet naturel efl un figne de
quelque chofe.
Je dis donc que pourvu que les Philofbphes
n'excluent pas les évenemens qui dépendent de
cette même caufe naturelle, ils ont railbn. Par
exemple , fî aiant trouve' la véritable caulè d^s
mouvemens de certaines bêtes que l'on dit pre-
iàger la pluie, ils trouvoient que cette même
caufè produit la pluie, ou qu'elle a une liaifbn
necellàire avec celle qui produit la pluie , ils
âuroient tort de nier , que les mouvemens de
CQ5 bêtes preiàgent la pluie j autrement ils fe-
roient fort bien de le nier , car c'efl fur ce
pied-là que l'on a raifbn de rejetter les fùperf-
titions des anciens Païens , qui s'imaginoient
que le vol d'un oifeau prefàgeoit le gain ou la
perte d'une bataille. Plutarque ajoute , que
l'induftrie des hommes fait divers ouvrages
pour lignifier quelque choie , comme il paroît
par l'exemple des quadrans : d'où l'on peut in-
férer qu'encore qu'on iàche comment une cho-
ie iè fait , on ne doit pas nier qu'elle n'ait été
faite pour être le figne d'une autre. La repon-
iè eft aifée. Les hommes peuvent convenir
d'un certain figne comme bon leur fèmble, &
iè ièrvir pour cela des qualitez naturelles d'un
corps, desquelles ils lavent le principe ; mais
ce n'eft qu'à l'égard des chofes qui dépendent
d'eux. Par exemple , ils peuvent fe Ièrvir de
l'ombre d'un quadran , pour lignifier qu'il faut
aller
1
Penfées diverfes. 97
aller au fèrmon. Ce n'eft pas la même cholè
pour \es évenemens qui ne font pas en leur
puifîânce, comme font la pefle , la famine, les
viéloires , &c. 11 n'y a que Dieu qui puiflè
nous en donner des prefages , ou en nous fai-
fant conoître les caufes d'où ces évenemens
dépendent neceffai rement , ou en nous aver-
tillânt que telle choie nous efl montrée pour
nous avertir de tel malheur. Si donc ks éclip-
fes étoient des prelàges des. maux à venir , il
faudroit que Dieu nous les eût données pour
lignes , ou en nous faiiànt conoître que ces
maux dépendent des éclipfès comme de leur
caufo naturelle , ou en nous diiànt qu'il veut
que nous Ibions avertis de nos malheurs par le
moien des éclipfès. Dieu n'a fait ni lun ni
l'autre , par confèquent les éclipfès ne font
point des lignes. Il eft clair que Dieu ne nous
a point fait conoître que les éclipfès foient la
caufè des évenemens qui les fuivent , car ja-
mais homme n'a conçu clairement qu'un peu
d'obicurité foit capable de troubler toute la ter-
re. IJ eil clair aulfi que Dieu ne nous a point
averti qu'il vouloit que les éclipiés nous fer-
viflènt de prefages , non feulement parce que
cela n'a point été révélé , mais aulfi parce que
les éclipiés n'ont rien qui nous porte raifonna-
blement à \qs prendre pour des fignes j 5c c'efl
ma féconde raifon.
§. LV,
Kemnro>Hes pour conoître fi une chofe efi un
jtgne envoie de Dieu.
En effet quelle aparence que Dieu ait choiiî
pour les lignes de ics ch^timens , une choie
qui arrive des quatre &: cinq fois l'année , &:
qui le plus fouYcnt ne vient a la coAoilfance de
Tom, /, E pcr-
9 s Penfées diverfii.
perfbnne? II faut que ces fignes pour avoir de-
quoi faire impreûion iiir des créatures raiibn-
nabies , foient rares , foient deftinez non pas à
preiàger \ts incommoditez ordinaires qui tra-
versent la vie de l'homme tous les ans, mais à
dénoncer les fléaux dont Dieu viiîte les hom-
mes dans ià plus grande colère. Il faut qu'ils
ne paroilîènt pas dépendre purement 6c lim-
plement du cours naturel des caufes fécondes ,
& qu'ils ne fè produifènt pas fous des nuages ,
ou de nuit pendant que les hommes font cou-
chez. Comment ne voit-on pas qu'une chofè
qui arrive tous les ans , ne peut pas moins être
priiè pour un ligne de bonheur , que pour un
ligne de malheur ? Si un Hillorien s'en vouloit
donner la peine , ne trouveroit-il pas des éclip-
les à fà polîe pour leur faire preiàger le maria-
ge de fon Prince , les feux de joie allumez dans
tous lès Etats pour la nailiànce de £ts enfans ,
les vicSloires remportées fur les ennemis, les re-
nouvellemens d'Alliance , les Traitez de paix ,
la ceflàtion de la pefte , la gueriibn des peribn-
nes de la famille Roiale , 6c tout ce qu'on apel-
le des prolperitez publiques. J'ai déjà raporté
(0 Ci- (i) quOrigene fiit mention d'un Philofophe
deflus qui fit un livre pour montrer que la plupart des
§• 4T' Comètes avoient preiàgé de grands bonheurs:
il feroit encore plus aile de montrer la même
chofe touchant les éclipfès j 6c comme on dit
(x) Sex- qu'un (2) Auteur fort verfe dans TAflroIo-
tusabHe- gje aiant dreffé l'horofcope de tous les grands
minga. hommes de l'antiquité , a fait voir que par les
règles de l'art ils dévoient être tout autres que
l'Hiiloire ne les reprefente : il feroit facile de
montrer que les éclipiés ont été fùivies par des
évenemens tout differens de ceux qui les doi-
vent fuivre félon ces mêmes règles. Si 'vous
voulez, deviner (difoit autrefois Martianus) dues
jufiement le contraire de ce ciue difent les Jijlrologues.
§. LVI.
Penfées diverjès. p>
§. LVI.
Aplication aux Comètes de ce qui a été dit tou'
chant les écUpfes,
Si vous y prenez garde , Moniieur , je n'ai
rien dit contre les éclipres , qui ne porte coup
contre Iss Comètes , &c c'eH: la raiibn pourquoi
j'en ai tant dit. Voulez-vous vous réduire à
foutenir que \ts Comètes ne caufènt point les
malheurs qui les fuivent , mais feulement qu'el-
les les preiàgent ? j'y confens , je ne demande
pas mieux , ëc je vous prépare une belle tabla-
ture fur cela. En attendant permettez-moi de
remarquer, comme j'ai fait touchant les éclip-
iks , que les Comètes font accompagnées de
quelques circonilances qui les empêchent d'ê-
tre des preiàges.
Elles font fort fréquentes. On en compte
fept depuis l'an 1298. jufqu'à l'an 13 14. Vingt
bc lix depuis l'an ij-oo. juiqu'à l'an 1^4.3. (i) (i) Volet
Quinze ou fèize depuis l'an lyj^. jufqu'à l'an '? T r uc
15-97. Il en a paru tous les ans pendant plu- romî^rs
lieurs années de fuite. Ce n'efl; point une cho- ^q j^ noù-
fo fort rare d'en voir deux dans une même an- velle
née , foit en differens mois , foit à diftèrentes Tcicnce
heures d'un même jour. On en vit quatre tout «^esComc-
à la fois l'an ifi^. On en compte huit ou
neuf pour la feule année 1618. Nous croions
nous autres qui ne fommes pas Aflronomes
qu'il n'en a point paru depuis l'an 1665-. juiqu'à
16S0. Cependant il en a paru aux Agronomes
dans les années 1668. 1672. 1676. £c 1677. Il
y a des Comètes qui fe vont plonger dès le fé-
cond jour dans les raions du foleil , & ne pa-
roiflènt plus. Il cfl: probable même qu'il y en
a qui font toute leur promenade iàns ie faire
>oir , à cauiè qu'elles le tiennent toujours au-
' E 2 prés
100 Penjees diverfes,
près de cet aftre. De ce nombre étoit celle
dont parle Seneque , que Ton vit par hafàrd
pendant une écliple de foleil , 8c qu'on n'eût
(i) Mul- point vue uns (i) cela.
tosCome- Avouez moi, Monfieur, que ces cisconflan-
tas non ces ne conviennent gueres à un ligne que Dieu
^ d""h' ^^^^ exprès pour nous avertir de nos malheurs,
fcurantur Faut -il que les fignes foient li frequens ? Ne
radiis fo- perdent-ils pas leur force dès qu'on s'y accou-
lis, quo tume ? Et fi les hommes n'ont pas laiffé de
déficiente, croire que ce font des fienes , quoi qu'ils en
Comecen ^^^"^^ ^" vmgt-lix dans lelpace de quarante-
apparuifîe trois ans , n'efl-ce pas à caufe qu'ils ne font
quem fol aucun ulàge de leur Raifon? Faut-il que Dieu
vicinus nous envoie des lignes , qui ne font reconnus
%Q^^^^^' pour fignes , que parce que Ihomme efl igno-
nius tra- ^^^^ ? Pourquoi tant de Comètes en une mê-
dic , Sens- me année ? N'eft-ce pas affez qu'il paroiflè un
calib.j. ligne d'une certaine efpece en même tems?
rtatural. j^'iais fur tout pourquoi cqs Comètes , qui ne
^ap. le. ^°"^ ^^^^ ^^^ P^^ ^^^^ °^ ^^°^^ Agronomes?
N'efl-ce pas un figne perdu que celui-là, 8c qui
Iruftre la Providence des "fins que l'on dit qu'el-
le le propofe ? Comment fe peut-on imaginer
que Dieu nous envoie des fignes invilibles , ou
que voulant les faire conoître à deux ou à trois
perfbnnes , il choififle juftement des Agrono-
mes qui n'y ont aucune foi, Scqui aiïïirément
n'exhorteront perfonne à la rcpentance ? Pour-
quoi fouffrir que des fignes qui ne peuvent lèr-
vir aux uiages aufquels on les deftine, qu'en-
tant qu'ils font vus de tout le monde , te jet-
tent à corps perdu dans un endroit du ciel où
le foleil les rend invifibles ? Examinez bien tout
ceci , Monfieur , 8c vous verrez que la provi-
dence de Dieu infiniment fage ne fait pas des
inutiiitez comme celles-là.
Ne m 'allez pas dire que ce n'eft pas à nous
à glofèr fur ce que Dieu tait j car je vous aver-
tis
Penfees diverjès, lOî
tîs que c'eil une chicane toute pure , comme
je vous le montrerai dans la fuite, ReconnoijP
ièz plutôt que pour fe tirer des difficultez que
je viens de vous propofer , il faut croire que
\ts Comètes font des ouvrages de la nature,
qui làns aucun raport au boiilieur ou au mal-
heur de l'homme, font portez d'un lieu en un
autre lèlon les loix générales du mouvement,
& qui s'aprochent plus ou moins du foleil, &
paroiHènt en un tems plutôt qu'en un autre,
parce que la rencontre des autres corps à la-
quelle Dieu accommode fon concours , le de-
mande ainli. Et comme vous ne fàuriez ibu-
tenir que les Comètes qui ont paru à deux ou
à trois peribnnes feulement , aient été àts ii-
gnes , avouez qu'il y a des Comètes qui ne li-
gnifient rien. D'où il s'eniuit qu'il n'y en a
aucune qui preiàge quelque choie , parce que
la diftérence qu'il y a entre une Comète qui ne
paroît pas au public , 6c une Com.ete qui paroît
a tout le monde , coniifle uniquement en ce
que l'une efl: plus éloignée de nous , ou plus
petite, ou plus proche du foleil que l'autre, ce
qui ne fait pas une diverfité de nature. Au
premier jour je vous écrirai quelque chofe qui
fera plus de vôtre relîbrt.
A , . , ce if. de Mai y ^68i.
E 3 5. LVir.
Î02 Penfées diverfes,
§. LVII.
VII. Raifon, tirée de la Théo-
logie. >
^ue fi les Comètes itoient un prefage de mal-
heur y Dieu auroii fait des msracleSi four con^
firmer l'idolâtrie dans le monde.
j;
E pourrois , Moniîeur , me fervir de toutes
ces raiibns Se de plufieurs autres encore , 8c
\ts fortifier contre toutes les objediions qu'on
me pourroit faire : mais j y renonce puis que
vous n'êtes prenable que par desargumens Theo-
logiques. En voici un que je ne me Ibuviens
pas d'avoir jamais lu , & qui me vint dans l'ef-
prit l'un de ces jours en re veillant les vieilles
idées de la Comète de 1665-.
Un Eccleliaftique de mes amis qui avoit fbu-
vent efîàie en vain de me perfuader , que ce
phénomène étoit de mauvais augure , n'eut pas
plutôt fu la mort de Philippe IV. Roi d'Efpa-
gne , qu'il me vint voir exprès pour m'acca-
bler de cette grande objeftion , 8c débuta par
me demander d'un air triomphant , ft j' aurais
encore l'opiniâtreté de foutenir après un tel exem-
ple , que les Comètes ne font aucun mal au mon-
de? 11 y a beaucoup d'aparence qu'il n'eût pas
été fâché de me pouvoir dire , pour fortifier
ion objedlion , ce que Mr. de Bafîbmpierre
écrivit à Mr. de Luines , l'an 1621. peu après
B'irom- ^^ mort du Roi Philippe III. // me femble
pierre ^«^ ^^ Comète, dont nous nous moo^ions ci Saint
AmbafTad. Germain, ne s'efi pas moquée , d'avoir mis par
d'Efpa- tgf^e en deux mois un Pape, un Grand Duc, Çf*
^^^' un Roi d'Efpagne; car comme on a dit des rail-
leurs de profeflion , qu'ils aiment mieux per-
dre
Penfées diverfei, 103
drc un ami qu'un bon mot , ceux qui font en-
têtez des prelàgcs, pourroient bien fouhaiter
plutôt la mort de deux ou de trois Souverains ,
que de voir la nullité de leurs prophéties , à
iexemple de ces Médecins qui voient de mau-
vais œil la guerifon des malades qu'ils avoient
abandonnez.
Je repondis à mon ami, pour m'accommo-
der à fà profelTion , que Dieu ne taiiant rien
en vain , n'avoit point fans doute montré des
Comètes , ou pour avancer la mort du Roi
d'Efpagne , ou pour la prelàger •■> qu'un Prince
accablé de maux 8c d'infirmitez , 8c qui ne vi-
voit depuis afïèz long-tems qu'à force de chi-
caner le terrain contre la nature , par toutes
les inventions de la Médecine , pouvoit afTuré-
ment mourir, fans qu'il fût befbin afin de lui
ôter la vie , d'allumer dans les cieux un corps
cent fois plus grand que la terre , 8c rempli ,
comme la boète de Pandore , de toute forte de
malediâiions j 8c qu'il étoit fi peu necefîàire que
Dieu avertît le monde qu'il vouloit retirer le
Roi d'Efpagne , que toute l'Europe s'étonnoit
qu'il eût pu refiilier li long-tems à fès mala-
dies. On n'eut rien à me répliquer. Paient
reflexion l'autre jour fur cette penféc , il me
vint dans l'efprit que ceux qui fbutiennent les
prefàges des Comètes font faire à Dieu des
chofes non feulement très-inutiles , mais aufTi
très-indignes dé fa fàinteté. Voici comment
je le prouve.
§. LVIII.
^ue les Comètes ne peuvent prefager le mal
qu'en qualité defignes.
Il cfl de foi que la liberté de l'homme efl
1 £ 4. au
104 Penfées diverfes,
au deflus des influences des aftres, & qu'aucun
ne qualité phyiique ne la porte neceflairement
au mal. Je conclus de là que les Comètes ne
font point la cauiè des guerres qui sallument
dans le monde , puis que le delîêin de faire la
guerre , auflî-bien que les adles d'hoflilité qui
iè commettent en confèquence , font tous ef-
fets du libre arbitre de Tliomme. Ainfi les Co-
mètes ne peuvent être tout au plus qu'un lignai
des maux, qui font prêts à fondre fur la terre,
lequel Dieu étale aux yeux de l'Univers , afin
de porter \t% hommes à prévenir par leur pé-
nitence , l'horrible tempête dont ils Ibnt me-
nacez j car je ne vois point qu'on puiiîè lèule-
ment ibutenir que les atomes d une Comète
aient la vertu de produire h pefte, la famine,
ou quelque autre altération dans nos éiemens.
Ma première raifon le prouve d'une manière
invincible. Soit donc conclu , c^ue les Comètes
ne [ont c^u'uîifgnc des maux a venir.
§. LIX.
^ue Us Comètes ne -peuvent être des fignes dn
mal a venir fans être formées miraculeufe'
ment.
Il s'enfuit de là que ce font des corps for-
mez extraordinairement , 6c hors de l'enchai-
nure des caufes fécondes. Car s'ils étoient pro-
duits par la vertu 8c félon le progrès naturel
des caufès fécondes , ils ne pourroient fïgnifier
pour le tems à venir, que les eiîéts que nous
conoîtrions avoir une îiaifbn necefTaire avec
eux , & ainfi ils ne preiàgeroient ni la guerre,
ni la pefle,ni la famine, parce qu'il eft de foi,
que les aétes libres de 1 homme , tels que font
les guerres , n'ont point de Iiaifbn necefïaire
avec ks qualitcz d'aucun corps , ôc que la rai-
fon
Penfées diverfis. 105
fon ne nous fait apercevoir danslapeflie ni dans
la famine aucune dépendance neceflàire des Co-
mètes. C'efl: donc Dieu qui forme miraculeu-
ièment les Comètes , afin qu'elles avertillènt
les hommes des malheurs qui leur font pré-
parez s'ils ne iè repentent , Se qui leur donne
une élévation 6c un mouvement qui les ren-
dent vilibles à tous les peuples de la terre , afin
qu'il n'y ait perlbnne qui en puiilè prétendre
caufè d'ignorance.
§. LX.
"Eîrmge confequence qui 7iattrost de ce qta
les Co'fMtes [croient formées pt^r
fmracle.
Or voiez un peu , Monfieur , la terrible con-
fequence qui naît de cela i c'eft que Dieu a fait
quantité de miracles des plus iniignes , pour
ranimer prefque par toute la terre le zèle lan-
guillànt des Idolâtres, 6c pour les _ obliger a of-
Irir des facrifices , des vœux , 6c des prières à
leurs faulîès Divinitez avec plus de dévotion
qu'ils n'avoient accoutumé de taire. Car com-
me avant l'établiflément du Chi-iftianirme , Dieu
n'étoit conu que dans un petit coin de la Ju-
dée , 6c qu'il avoit ( i ) abandonné toutes les ("i) A£1.
autres nations du monde dans les voies de leur Apoftol,
égarement , on ne favoit dans le monde ce que cap. 14,
c'étoit que d'apaifèr le vrai Dieu quand il pa- ^* *^'
roiflbit irrité. Tout ce qu'on lavoit {-aire dans
cette conftcrnation , c'etoit de fe prollerner
devant les Idoles , de leur immoler des viâi-
mes , de confulter les Démons , 6c de faire par
leur confeil tout ce qui étoit le plus delagrea-
ble à Dieu. De ibrte qu'allumer des Comètes
dans les cieux , n'étoit , à proprement parler ,
que faire redoubler ks ades d'idolâtrie j 6c na-
E ^ turd-
io6 Penfées diverfis.
turellement parlant c'étoit tout ce que Dieu
s'en devoit promettre.
Je ne nie pas qu'il n'y ait eu des gens de
bon fens parmi les Paiens , qui ont reconu que
le véritable moien de plaire à la Divinité , n'é-
toit pas d'ottrir de fomptueufes hécatombes en
fon honneur, mais de vivre juftement , oc que
G'étoit là le véritable iàcrifice qui apaifoit le
ciel irrité.
(i) Ko- Immums (i) aram Jî tetigit tnamis,
«!f' i-k ^(>^ fumptHofa bla'ûdior hoflia,
43. Jib. 3, ,-', ,,/,. ■' r -^
' Mollibtt d'verfos Pénates
Farre pio ^ faliente mica.
Mais quoi qu'il en fbit , ce n'étoit pas à ce!a
qu'ils avoicnt recours, quand ils vouloient def^
armer la colère de Dieu. Ils ne s'aviibient pas
de renoncer à leur orgueil Se à la haine qu'ils
avoient pour leurs ennemis j de pardonner les
injures qu'ils avoient reçiies ; de mortifier leur
convoitile ; .de rompre avec leurs Maîtreiîès>
de s'humilier intérieurement devant Dieu par
une vive douleur de n'avoir pas été vertueux j
de promettre une converiion de cœur 8c une
reforme générale de leurs penfées , de leurs
difcours , & de leurs aftes. C'étoient des cho-
ies trop difficiles , Se qui ne s'achètent pas. Ils
aimoient mieux qu'il leur en coûtât de l'argent
à faire conllruire d^s Chapelles , à remplir de
dons & d'oblations les Temples àes Dieux , 8c
a contribuer aux frais de toutes les expiations
que les livres Sibyllins , ou les Oracles , ou les
Augures , ou les Prêtres en gênerai ordonne-
roient. Et c'efl la raifbn pourquoi les Démons
qui par des jugcmens du Dieu que nous de-
vons adorer avec humilité , iè joiioient de la
crédulité des peuples , excitoient le plus qu'ils
pou voient de phénomènes extraordinaires,
volant
Penfees diverjès. 107
voiant bien qu'à coup fur cela fomcnteroit l'i-
delâtrie , 8c maintiendroit en vigueur les fàcrifi-
ces, les fêtes, 6c la fùperflition du Paganifme.
§, LXI.
Les Démons entretenoient U fuferfùtion en pro-
duifant des prodiges.
Si Brennus à la tête des Gaulois eût pillé le
Temple de Delphes , le zèle de tous les peu-
ples à consulter le Démon qui y rendoit des
oracles, 6c à lui faire des preièns magnifiques,
eût été expofë au péril d'un grand relâchement.
AuflTi le Diable ne s'épargna-t-il pas pour pré-
venir ce rude coup. Il fit dire par la Prêtreiîè,
qu'il n'abandonneroit point la deffenfè de fon
pofte , (i) -Ô* ^«'^/ fs chargeoit de tout ce foin- (i) cice-
là, avec les vierges blanches :, entendant les nei- ro lib. i.
gcs horribles qu'il devoit faire tomber fur les ^^ ^^^*'
Gaulois. On ne peut rien voir de plus affreux ^^^*
que \qs defcriptions qui nous ont été laiiTées
de tous les prodiges qui fè firent en cette oc-
cafion. La terre trembla 6c s'ouvrit en mille
lieux fous les afifiegeans : le tonnerre fit un fra-
cas fi épouvantable , qu'on eût dit que toute
la machine du monde alloit éclater en mor-
ceaux : la foudre tomboit de toutes parts : il ie
detachoit du ParnaiTe des rochers d'une grof-
fèur énorme qui écrafoient par leur chute une
infinité de Gauloi<; : ( 2 ) Brennus fè tua lui- t^\ t^j-,
même de defefpoir : ce qui fe put fàuVer de tin. Hift.
fès gens périt peu après de faim , de froid 6c 1. z^.
de mifere : en un mot , la Divinité de Delphes
ne pouvoit pas foutenir fès intérêts plus hau-
tement , ni confondre la témérité de Brennus,
d'un air qui fentît mieux fà Divinité, Il étoit
arrivé quelque chofè d'aprochant , lors que Xer-
xcs cnyoia des troupes pour piller le même
E 6 Tem-
îoB Tenftes diverjes.
Temple. Pourquoi tout cela ? Ce n'étoît paï
afin que les hommes devinilent iàges 6c ver-
tueux , 6c qu'ils conçulTent de l'horreur pour le
vice, 6c de l'amour pour la fainteté. Le Dia-
ble eût plutôt laiile piller tous les Temples du
monde , que de faire la moindre choie pour
produire ce changement dans les efprits. Qu'é-
toit-ce donc ? C'eft qu'il voulut des facrifices ,
6c nourrir dans i'ame des hommes la fuperfti-
tion 6c l'idolâtrie. Se fouciant fort peu qu'on
iè repentît des véritables crimes , au contraire
tâchant de l'empêcher de toute ià force , il
vouloit qu'on regardât avec horreur 6c avec
tremblement , le m.anque de reipeâ pour les
cérémonies de la Religion , 6c pour les choies
conlàcrées aux fiuflcs Divinitez.
Que n'a-t-il point fait pour le faire làcrifier
(i) Lib. î, des enfans ? (i) Denys d'Halicarnaiîè nous ra-
conte que Jupiter 6c Apollon affligèrent les Pe-
lalgiens de la manière la plus defolante. Leurs
fruits 6c leurs grains étoient tout gâtez avant
que de meurir. Leurs fontaines tariflbient , ou
devenoient fi puantes , qu'on n'en pouvoit boi-
re. On ne voioit que des avortemens , ou des
femmes qui mouroient en travail d'enfant , el-
les 6c leur fruit , ou qui ne mettoient au mon-
de que des enfans eflropiez , aveugles 6c con-
trefaits. Les hommes 6c les bêtes perilîbient
de toutes parts de diveriès maladies inccnuè's.
En voulez- vous lavoir la raifon ? C'eft que \ç!y
Pelalgiens aiant voiié à ces Dieux -là par un
îems de fterilite' , la dîme de tous leurs fruits,
oublièrent en s'acquitant de leur vœu de làcri-
fier la dîme de leurs enfans. Ce fut iàns lùper-
cherie, car ils n'avoient jamais eu intention de
vouer la dîme de cette forte de fruits. Mais
commt,' ils avoient à faire à plus fin qu'eux , on
'feur fit chicane fur un mot , on leur déclara
c[ue qui dit tout, n'excepte rien, 6c par confe-
quenîr
Tenfies divêrjês, 'lop
quent que îa dîme de leurs enfans devoit être
aulTi fàcrifiée, à quoi ils iè fournirent pour avoir
la paix. f \ V ' ^
L'Hiftoire ancienne eft pleine de faits ( i ) ^,2^^ °^*^
femblables qui ëtabliflent clair comme le jour, ^^ j^j^'j,
que le moien le plus efficace dont \ts Démons nation.
le fbient fervis pour fomenter le culte iàcrile- generibuj,
ge des Idoles , 5c pour étendre les cérémonies P* ^^^
fuperflitieufes des Gentils jufqu'aux crimes les
plus affreux , a été d'épouvanter le monde par
àQS prodiges , 6c d'accoutumer les hommes à
juger que c etoit une dénonciation des maux à
venir , &: un reproche de négligence dans le
fèrvice àts Dieux i qu'il faloit donc multiplier
les cérémonies religieuiès , ordonner des pro-
ceffions Se des vœux iblennels , tel qu'étoit ce-
lui qu'on apeiloit 'ver facrum , faire couler îe
làng d'une infinité de vidlimes , bâtir àç.?> tem-
ples 6c des autels, inftituer des fêtes 6c des jeux
publics en l'honneur des Dieux , 6c faire venir
de nouvelles Divinitcz , comme quand les Ro-
mains envolèrent chercher à ( 2. ) Epidaure le (2) L'an
Dieu Efculape enfuite d'une cruelle pefle ; ôc à *^^ Rome
( 3 ) Pelfinunte , la Déelîé Cybele enfuite de ^fa/z/f ^~
quelques pluies de pierre que l'on avoit vu tom-
ber dans l'Italie. (^^ L.j^
de Rome
§, LXIL J48. Z.;»
^ue les Paiens ne faifo'ient rien qui pût apai-
fer U cùlere de Dieu , qua?itl ils voioient des
prodiges.
Il s'enfuit de là que tout ce que faifoient les
Païens à la vue des prodiges , pour apailer le
courroux de Dieu , nétoit aucunement propre
à apaifer le vrai Dieu , 6c ne diminuoit en fa-
çon du monde Fempire du péché dans le cœur
de i'ho inmc , (car li cela eût été , les Démons
E 7 fe
vius dec.
1 1 o Penfée.i diverfes,
iè fufîènt bien gardez de tenir la conduite qu*ils
tenoient à cet égard ) Se par confequent que les
prodiges qui épouvantoient ces peuples idolâ-
tres , n'étoient aucunement propres à les por-
ter à une pénitence qui pût détourner les fléaux
de la juftice divine j mais qu'au contraire ils
étoient très-propres à les porter à tout ce qui
enflamme davantage la colère de Dieu. D'où il
refulte évidemment que Dieu n'a point créé des
Comètes dans la vue d'étonner les peuples , Se
de leur déclarer que s'ils n'expioient leurs tau-
tzs , ils ièroient punis feverement.
§. LXIII.
J^es Démons faifoient pendre pour des prodiges l
piaJieHrs effets de la nature.
Il eft fl vrai que les prodiges n'étoient pro-
pres qu'à ibutenir le culte des fauflès Divini-
tés , que les Démons qui travailloient à la pro-
pagation de ridolatrie par toute forte de voies ,
s'attachoient principalement à faire prendre
pour des prodiges annonciateurs du courroux
du Ciel , le plus de chofès qu'ils pouvoient.
Etoit - il né à la campagne quelque monftre ,
un chien à deux têtes , un veau à lix piez , par
exemple i c'étoit dequoi aflèmbler tout ce qu'il
y avoit de Prêtres dans la ville capitale , pour
avifèr aux moiens de détourner les malheurs
que cela lignifioit. Il faloit voir quel Dieu ou
quelle Déeflè n'avoit pas eu fbn compte , Se re-
parer la négligence paflee par quantité de fà-
crifices j autrement on eût cru faire paflèr la
victoire dans le parti des ennemis , 8c expofèr
les afïàires publiques aux dernières infortunes.
Les embrafemens du mont Etna , ou du Vefu-
vcj les tremblemens de terre j les météores un
peu
Penfées diverfei. Iîî
peu rares , comme le tonnerre en tems fèrain ;
les éclipiès du fbleil Se de la lune , la chute de
la foudre , tout cela paflbit pour des prefages
de malheur fi infaillibles , qu'on n'épargnoit
rien pour parer le coup. Un ouragan pareil à
celui qu'on vit dans la Champagne , 6c en Po-
logne l'année pafTée , eût occupé deux ou trois
mois tous les Collèges des Augures 8c des Ha-
rulpices , eût fait confulter les Oracles , les forts
de Prenefte , les livres des Sibylles , les vieux
bouquins où étoit contenue la difcipline des He-
truriens , 6c tout ce qui eût pu aprendre la ma-
nière de conjurer la tempête pronoftiquée. Les
inondations des fleuves étoient aufli des choies
de mauvais augure , comme il paroît par le dé-
nombrement (i ) qu Horace nous a laifîe des (i) yi^iz
prodiges qui fuivirent la mort de Cefàr, 6c qui mus fla-
lirent craindre que Jupiter n'envoiât un fécond V^^ Ty-
deluge fur la terre j car après avoir parlé de la jj"^ if'
neige, de la grêle, 6c de la foudre, il pafleaux Horat. Od[
debordemens du Tibre. Virgile témoigne la z,lib.i,
même choie , faifànt le même dénombrement
avec beaucoup plus de particulai'itez , car il y C^) Proluit
fait entrer des fpedres 6c des fantômes , des '"^^""^
hurlemens de loups , àts cliquetis d'armes en- quens^'
tendus dans l'air , des bêtes parlantes , des four- vortice
ces de fàng, des ftatuës couvertes de fîaeur, des fylvas,
Comètes , 6c plulieurs autres chofes que je vous FJuviorijm
prie de relire , tant elles me paroifTent bien ex- Ja^us^&"
primées. Vous y verrez, les ( i ) debordemens ytr^u'
du Pô. Lifèz aufTi le Commentaire de Servius Géorgie,
fur ces paroles de Virgile , vous y verrez que ''*• '•
les debordemens des rivicres ne font pas feu-
lement à craindre à caufe du mal prefent qu'ils (3) Invita
apportent , mais auiTi à caufè de ce qu'ils pre- ^ °°*
iàgcnt pour l'avenir , ce que l'on debitoit aufll /■ j ^^^
dans Paris l'an 1649. au fujet d'une furieufè nal. I. 1.
crue de la Seine. ( 3 ) Plutarque , ( 4 ) Taci- {s) Lib. f.
fe> (j) Tite Live éc plufieurs autres, font foi &7 & î^-
que
l
11% Tenfées diverfeh
ue les debordemens du Tibre palîôient pour
e très-mechans preiàges.
Je voudrois qu'il vous plût auffi de lire la fin
du premier livre de la Pharfale de Lucain , Ôc
le commencement du fécond, parce que vous
y verriez une confirmation fort exacte de tout
ce que j'ai à prouver en cet endroit. Vous y
verriez que la guerre civile de Cefar ôc de Pom-
pée eut pour avant - coureurs une infinité de
prodiges menaçans , dont les Dieux remplirent
la mer , le ciel 6c la terre. Vous y verriez des
Comètes , & plus de météores ignées que vous
n'en avez dictez dans vôtre célèbre cours de
Philofophie. Vous y verriez àiÇ.s éclipiès , des
embrafemens du mont Etna, des tremblemens
de terre , des inondations , des ftatuès parlantes
8c fuantes, des tombeaux gemiflàns, des monf-
très , des aparitions d'Efprit , àç.% enthoufiaftes ,
& plufieurs autres telles chofes. Vous y ver-
riez que l'eflret de tout cela fut , non la refor-
mation des mœurs , 8c l'abolition des fauilès
créances touchant le ièrvice divin, qui font les
lèules choies que Dieu demande de nous par
\ts fignes qu'il nous donne de fa colère j mais
des confultations de Devins , dont le plus vieux
impofe pour toute pénitence aux Romains ,
quelques proceliions autour de la ville , & quel-
ques iraits de fuperflition , comme de taire
main baflè fur tous les monftres. Vous y ver-
riez que le vieux Devin 8c une fanatique aiant
rempli la ville de confternation , celui - là par
les funeltes preiàges qu'il trouva dans le làcrifi-
ce qu'il offrit aux Dieux j celle-ci par les pre-
diétions qu'elle publia dans les rues j furent
cauiè que les femmes coururent en foule à Ta-
doiition des ftatuès , pendant que \ts> hommes
murmuroient contre la cruauté du deilin. Tou-
tes choies , comme vous voiez, direâiement
oppofées à la volonté de Dieu, Silius Itaiicus
tait
Penfées diverjes, I15
fait un pareil dénombrement de prodiges fur la
fin du 8. livre de la guerre de Carthage, pré-
tendant que la Republique Romaine fut aver-
tie par la des luïncs cfîroiables qu'Annibal lui
devoir caufèr. Stace fait un lèmblable dénom-
brement dans le feptiéme livre de la Thebai'de.
Claudien n'en fait pas m.oins dans ià féconde
invediive contre Eutropius. Et Pétrone ce fa-
meux débauché , cet inligne libertin , fait pis
que les autres. Voiez l'eflài ou le modèle de
Poème Hir la guerre civile , qu'il a infère dans
fbn Ouvrage. Ils prétendent tous que \qs 6c£~
ordres de l'Etat furent prefagez, par ces prodi-
ges , jnais ils ne nous aprennent pas que per»
Ibnne devint pour cela plus faint.
§. LXIV.
Si je me prevaus du témoignage des Toëtes,
Ne m'allez, point dire , que j'ai tort de me
prévaloir du témoignage des Poètes, après l'a-
voir décrié dès le commencement. Car je ne
vous Tallegue pas peur prouver que tous ces
prodiges font eifcdlivement arrivez , mais feu-
lement pour prouver que les peuples regar-
doient ces fortes de chofes comme de mauvais
prefages , & qu'ils en devenoient plus crimi-
nels. Outre cela je puis vous dire , qu'il me
ièroit aufli aife de vous alléguer le témoignage
des plus célèbres Hiftoriens , que celui des Poè-
tes. Et de plus il cfl d'une li grande notoriété
publique , que les Paiens regardoient comme
des prefages de mauvais augure , 8c dont il fa-
loit détourner l'efîèt par mille cérémonies de
leur faufïè Religion , cent chofes qui arrivent
naturellement , $c qui font tout-a-fait indiffé-
rentes , qu'il n'efl pas neceflàire de le juflifier
par leurs Hvrcs, ni de reavoier perfonne à lu-
114 Penfées diverjès.
Mus Obièquens , bon ôc fidèle compilateur cft
cette matière,
§. LXV.
Comment les hommes eujfent fu d^eux-mêmes
prendre certaines chofes pour des prodiges.
Je remarquerai feulement , que les Démons
^i) Facile n'avoient pas beaucoup (i) de peine à perruader
erat vin- aux hommes , qu'il y avoit du myftere & du
cere non prodige par tout. Car il faut avouer à la hon-
^piignan- ^^ j^ nôtre efpece , qu'elle a un penchant na-
turel à cela. Et aparemment le terroir étoit fi
bon pour cette forte de fruits , qu'il en eût
produit en abondance fans être cultivé. Je
comprens fort bien que les hommes plongez
dans l'ignorance , fe fufïènt portez d'eux-mê-
mes à craindre pour l'avenir , en voiant des
éclipfes de fbleil & de lune, 6c que l'idée natu-
relle que nous avons d'un Dieu difpenfànt par
fà providence hs biens Se les maux, les eût fait
penfèr que cette lumière celede qui fe cachoit
ainfî à la terre , leur fignifioit quelque indigna-
tion qui éclateroit dans la fuite. Je comprens
aufTi que les tonnerres 8c les foudres les eulTent
remplis de terreur, & pour le prefent, 8c pour
1 avenir , dans la penfée que le iMaître du mon-
de declaroit par ce bruit horrible dont ils igno-
roient les caufes , qu'il n'étoit pas content du
genre humain.
fi) Petro» Trimus ( i ) m orbe Deos fec'it timor , ftr-
nius. dua cœlo
Fulmina cum codèrent , difcu^dc^ue moenia
flummis
Atque iclHs fiagraret Aths.
Je dis la même chofe des tremblemens de
ter-
Tenfées diverfes. Il^
(erre , des inondations , des ouragans , des tem-
pêtes, & des feux ibrtans impetueufcment d'u-
ne montagne. Et parce que des efprits làifis
de fraieur pour des llijets qui le méritent , font
facilement ébranlez par d'autres qui ne le mé-
ritent pas tant, il me lèmble aulTi que les hom-
mes aiant été une fois faifis de peur pour ces
^ands fpedlacles , euflènt pu s'étonner dans la
liiite pour de moindres chofes , & infenfible-
ment palîèr dans une crainte générale de tout
ce qui n'eût pas été commun} ne fâchant pas,
faute d'être bons Philofophes , que les effets peu
ordinaires, comme la produdion des monftres,
font auffi bien de purs effets de la nature , que
ceux qui iè produiiènt journellement 5 de jfbrte
que la loi naturelle qui fait qu'en certaines cir-
conftances il naît un chien d'une chienne , fait
qu'en d'autres circonftances il naît d'une chien-
ne un animal monftrueux.
§. LXVI.
^ue ce q^''on appelle des prodiges , eji fouvent
atijjï naturel e^ue les chofes les plus communes.
Ceux qui iàvent cela fè tirent aiiement d'af-
faire , 8c voient bien que ibit qu'un animal pro-
duife un monftre, ibit qu'il produife fbn fèm-
blable , l'Auteur de la nature va toujours fbn
grand chemin , & fuit la loi générale qu'il a
établie. D'où ils concluent que la produdlion
d'un monftre n'eft pas une marque de fà colè-
re , puis que cette produârion efl tellement dans
l'ordre de la loi qu'il a établie , que pour em-
pêcher qu'elle n'arrivât , il eût falu déroger à
cette loi , c'efl-à-dire faire àcs miracles. Ce
qui fait voir que la produdtion de ce monflre
efl: auffi nafurelle que celle d'un chien, 8c qu'ain-
ii l'une ne nous menace pas plus que l'autre de
quel-
11^ Penfées diverfes',
quelque calamité. La même chojfè fè peut di-
re à^^ éclipiès : car il n'eft pas plus naturel à
la lune d illuminer la terre dans les circonflan-
ces où elle l'illumine , & de fe trouver dans
ces circonftances lors qu'elle s'y trouve , qu'il
lui eft naturel d'être iàris lumière lors qu'elle
n'en a point , 8c d'être dans la lituation qui la
prive de lumière , lors qu'elle eft dans cette il-
tuation ; ôc je ne doute nullement qu'il n'y eût
eu des éclipfes de foleil & de lune , quand mê-
me les hommes n'auroient jamais péché : d'où
s'enfuit que ce ne font pas là des menaces fai-
tes à l'homme. Cela eft ii vrai , que quand
Dieu a voulu que le foleil rendît témoignage
par fès ténèbres aux myfteres adorables de la
paffion de Jesus-Christ, il a choifi un
tems où ces ténèbres ne pouvoient être natu-
relles. Mais comm-e il faut de la Philosophie
pour s'élever à ces fortes de conoiflànces , je
comprens aifément que le Peuple fo fût porté
de lui-même à l'erreur & à la fuperftition , en
voiant des effets de la nature moins communs
que \^^ autres.
§. LXVII.
J^e la frodigieîife fuperjîition des T (tiens fur le
chapitre des prodiges.
Pour revenir aux difpofitions fuperflitieufès
que le Diable a trouvées dans l'efprit humain,
je dis que cet ennemi de Dieu 8c de nôtre fà-
lut a tellement pouffé à la roue , 8c tellem.ent
profité de l'occalion , pour faire de ce qu'il y a
de meilleur au monde , fa voir de la Religion ,
un amas d'extravagances , de bizarreries , de
fadailès , 8c de crimes énormes , qui pis eft ,
qu'il a précipité les hommes par ce penchant-
la , à la plus ridicule 8c à la plus abominable
idolâtrie qui fe puiffe concevoir.
Cç
Penfées diverfes, 117
Ce ne lui a pas été afTez que les hommes re-
gardant pour des lignes malencontreux , les
eclipiès , les orages ëc les tonnerres, aient éta-
bli pluiieurs faux cultes de Religion , dans la
vue d éviter le mal dont ils croioient avoir des
prelàges : il a voulu encore les rendre ingé-
nieux à inventer des cérémonies fuperftitieu-
fes , Se à multiplier le nombre des Dieux à l'in-
fini , en leur faiiànt trouver par tout matière
de bien & de mal , en leur fuggerant qu'un tel
Dieu declaroit £ volonté par le vol des oiièaux,
un autre par les entrailles des bêtes, un autre
par la rencontre d'une corneille à droite ou à
gauche , un autre par un éternuement , par un
mot dit à l'aventure , par un fonge , par le cri
d'une iburis , 6c par une infinité d'autres m.oiens
qu'il feroit ennuieux de dire j de forte que ce
n'étoit jamais fait. Le fbnge d'une femme
tourmentée , peut-être , des maux de mère,
failbit faire cent confultations de Religion , 8c
obligea une fois le ( i ) Sénat de Rome à or- (i) c\cero
donner la réparation d'un temple de Junon. La lib. t. de
nouvelle du moindre prodige mettoit quelque- Dlvinac,
fois en défaut le grand Pontife 6c tous £qs Prê-
tres, car il arrivoit qu'après avoir bien égorgé
des vidlimes , félon qu ils l'avoient trouvé à-
propos , une difgrace furvenuë à l'armée apre-
noit que l'expiation n'avoit pas été taite , &
qu'il taloit recommencer. Annibal aiant ga-
gné la bataille de Thrafymene , le Dictateur
Fabius Maximus reprefenta au Sénat , que ce
malheur avoit été attiré fur la Republique bien
plus par la négligence des cérémonies de la
Religion , que par la témérité , ou par l'inca-
pacité du General de l'armée. Sur quoi les li-
vres des Sibylles aiant été confultez , on trou-
va que le vœu folcnnel qui avoit été fait au
Dieu Mars , n'avoit pas été exécuté dans les
formes , 6c qu'il faloit 7 revenir tout de nou-
veau ,
(t) In vi-
ta Corio-
Uni,
(i) Idem
Plutarch,
in vicâ
Marcel.
Cîerimo-
niis vef-
tris rebuf-
Gue divi-
nis poftu-
lionibus
locus eft,
& piaculi
dicitur
contra&a
efle com-
miffio , û
per im-
prudentiaî
lapfum»
autinver-
bo quif-
118 Penfées diverjès,
veau , 8c même avec plus d'apareil , 8c faire
plulieurs autres adtes de Religion , dont le dé-
tail fe peut voir dans le ^^. livre de TiteLive.
11 Y a voit outre cela tant de choies qui pou-
voient empêcher l'expiation , qu'il efl étonnant
qu'on ait pu vaquer à autre chofe qu'au culte
des faufles Divinitez. Plutarque ( i ) raconte
que l'une de ces Procefllons folennelles , où
l'on trainoit par la ville ilir àç.s brancars les
Images des Dieux , autres Reliques , fut re-
commencée tout de nouveau à Rome , parce
que d'un côté l'un des chevaux de l'équipage
s'arrêta en un certain endroit lans tirer , & de
l'autre que le chartier prit les rênes de la bride
de la main gauche. Qu'en une autre rencon-
tre on refit trente fois un même làcrifice , par-
ce qu'on crut qu'il y étoit toujours furvenu
quelque manque de formalité. Que ( 2 ) Q^
Sulpitius fut dépofé de ià Prelature , parce
que le chapeau facerdotal lui étoit tombé de
defTus la tête en Sacrifiant , 8c que C. Flami-
nius, qui avoit été nommé Colonel de la Ca-
valerie par le Diârateur Minutius, fut deftitué,
parce qu'au moment que le Diélateur le nom-
moit , on ouït le bruit d'une iburis. On peut
voir plulieurs exemples de cette force dans le
même Auteur , 8c dans d'autres livres non fui^
pecfts , iàns qu'il foit befbin de recourir à ce
beau paflàge ( 3 ) d'Arnobe , qui tourne fi bien
en ridicule les Paiens , quoi qu'il n'outre point
la matière, 8c qu'il ne difè rien qui ne fe trou-
ve en fubftance dans la harangue de Ciceron de
Harufptcum refponfis.
Vous
piam, aut
limpiivio
deerrarit, aut fi curfu in folemnibus ludls, curriculirque dîvinis:
commiffum omnes ftatim in religiones clamatis facras , fi ludins
conftitic , at't Tibicen repente conticult , aut fi patrimus ille qui
vocatur puer omifit per ignorantiam lorum , autterram tcnerenoA
poiuit, Armb. lib, 4, adverf, Gcntes,
Tenftes diverfei, î 19
-Vous voiez , Monfieur , quel étoit l'eiprit de
îa Religion Païenne. Tout lui paroilîôit rem-
pli de lignes & de prodiges , £c l'on eut railbn
à Rome , lors que Ventidius y fut fait Conful ,
de muletier qu'il e'toit auparavant , de faire
courir un ( i ) Vaudeville qui exhortoit tous (i) Con-
\cs Augures ôc tous les Arufpices à s'afîèmbler currite
en diligence , pour voir ce qu'une avanture li T"""^„
prodigieuie ligninoit 5 car ils sallembloient a Arufpîces.
moins, & ils ordonnoient des purifications pour Porren-
des fujets de plus petite conièquence. Mais je tum inufi-
m'étonne qu'ils ne fe ibicnt pas regardez eux- ^^^^^
^ j. ^ ° j-j' V confla-
memes comme un prodige , ou comme diloit ^^^ ^^
(2} Caton , qu'ils aient pu s'empêcher de rire recens,
quand ils s'entreregardoient. Je m'étonne qu'ils Nam mu«
n'aient pas pris la crédulité de tant de grands '°5 ^^*^
perfonnages pour un monftre qui demandoit ç^^ç^l*
les plus rafinées expiations. En effet , c'eil faftusefî,
un dérèglement de la nature beaucoup plus A,Geiims
monftrueux , de voir le Sénat de Rome corn- «"^^ -^'-
pofë de tant de Héros 6c de Perlbnnes illuftres ^"^- ''*• ^^'
par leur efprit , par leur courage 6c par leur '^'^^' ^'
iàgeiîè , aprouver toutes les ridicules fuperfti- ^^^ j^jj.an
tions qui regardoient l'art des augures, que de fe aiebac
voir naître un chien à deux têtes. Il faut donc quod non
demeurer d'accord , que les artifices du Démon riderec
ont fait de merveilleux progrès dans i'efprit de arufpicem
l'homme, pour combler la mefure de ià credu- cumvidif-
lité naturelle , 6c pour lui faire trouver par tout fec. Cner.
dcquoi craindre le reffentiment des Dieux im- l- a« (i'
mortels. ■^''^'«'''•
§. LXVIII.
Jirtïficei Ah Bemon four fomenter la fu^erfii-
tion des Faiens.
Afin que ce tour d'efprit ne s'efiàçat pas , il
faloit entretenir les hommes dans la penféc, que
les
1 1 o Penfées diverfes,
les effets de la nature qui avoicnt quelque chofc
de remarquable , venoient immédiatement du
ciel , Se taire bien valoir tous les tremblemens
de terre , tous les debordemens des fleuves, tous
les feux qui aparoiflbient de nouveau fur nos
têtes, Sec, C'eft auflî ce qui a été tait , com-
me je l'ai juftifié.
Il faloit outre cela exciter dans Toccafion
plufieurs de ces phénomènes quand la nature
n'en fourniffoit pas , ou plutôt quand elle en
tburniflbit déjà quelques-uns : car jamais les
hommes ne font plus faciles à prendre les ef-
fets de la nature pour des miracles , que lors
qu'en divers endroits 8c en même tems il ar-
rive plufieurs chofès extraordinaires. Chacun
iè met aifement dans l'eiprit , que ce concours
6c ce concert ne peut venir que d'enhaut : 8c
quoi qu'en toute autre chofè le moien de n'ê-
tre pas cru foit d'en dire trop j fur le fait des
miracles tout au contraire , le moien de per-
fuader , c'eft de ne garder aucune mefure. Plus
on en dit , Se plus on perfuade que c'ed le doigt
de Dieu. C'efl pourquoi dès que la choie avoit
été mile une fois en train par les favorables
conjondlures que la nature avoit fournies , il
importoit extrêmement de produire en divers
(i) Apli- lieux plulieurs effets extraordinaires , en ( i )
^^"*^® apliquant la vertu des caulès fécondes j ou à
oaffivis. ^°'-^^ '^ moins de iè lèrvir de l'imagination foi-
blc de plufieurs perfonnes , qui croient voir
ibuvent dans les nues des armées en bataille,
8c entendre des bruits 8c des hurlemens ef&oia-
bles où il n'y. en eut jamais ^ il importoit ex-
trêmement , dis-je, de le lèrvir de cela pour
répandre par tout la nouvelle d'une infinité de
prodiges. C'efh aulTi ce que les Démons ont
pratiqué fort adroitement. Quand 'ûs ont pu
bouleverfer la nature fort à-propos pour leurs
fins , ils l'ont fait , du tems de Brennus par
exe m»
Penfées dlverfcs. m
exemple. Quand iis ont vu que les caufès fè- (i)Rom«
condes avoient déjà donné le branle à la fuperf- ^"^^?^ v
tition , s'ils n'ont pas pu y ajouter quelque cho- ^ij-i^e'^""^
iè d'etredtif par leur induilrie, à tout le moins mulca eâ
ont-ils tait répandre le bruit de mille prodiges hyeme
imaginaires , qui , tout imaginaires qu'ils é- pr^^^Jg'a
toient , ne laifîbient pas de fe fortifier ks uns ^^J'oj èye.^'
les autres , & par la créance qu'ils trouvoient nlre'folec,
dans les efprits, de faire naître l'envie au mon- mon'? fe-
de d'en publier encore d'auffi m.al fondez. Il y ^^■'} ir; re-
eut a {i) Kome (c'efl Tite Live qui parle) (^ ^^^^^
aux environs de Rome p!u/:eHrs prodiges peîidant nînîra
cet hiver , ou du moins l'on en reporta, ^ l'on en nunciata '
crut beaucoup fort léger e?nent , comme ceft la coh- & cem crè
îume , quand une fois les efprïts ont tourné les ^'eaita
chofes du coté de la Religion. . . On publia cette p'j-o^-Vfâ
année beaucoup de prodiges j O' plus on trouvait eo anno
des gens fmples ^ dévots qui y ajontoient foi , intita
plus c.ufjî Q.'i en publiait. Voilu làns doute la (2) f'^ncîara
raifon qui a fait dire à Claudien , qu'auffi-tôr ^"^'•' ^^'^.
que quc;qucs prodiges ont pu eciorre , tous \zs cre.-iebanc
autres s'emprelTènt de naître, pour ne pas lailîèr fimpiices
échaper leur làifon. ac rc'igiofi
homiDes,
eo e-iiin
nun-
a.oantur.
^«? les Païens attribuoient leurs malheurs a, la ^- ^'■'^•
négligence de quelque cérémonie , 0* non pas k ^'^« !•'•"'«•)•
leurs vices,
(i) Urque
, - . , , -, r • femel pi-
Mais de peur que ce même tour a cfpnt ne tuicn^onf'.
portât les hommes à honorer la Divinité de la tri- lrc-r>
manière que la droite raifon nous cnieigne, om.iu
c'eft -à-dire, en renonçant au vice, & en pra- j^t^'}!'^^^
tiquant la vertu ; il tàlloit entièrement apliquer
la dévotion des peuples à cette pcnfcc , que les
iignes de la colère des Dieux ne tcmoignoient "
pas qu'ils fufltmt fûcheE contre le deieg'ement ^^'"'''/,:'^'
des mœurs, mais feulement coutrda ncdigen-
i LXIX. ^.^
K
properar.C
i/i L:',"
Tom^ I, F
^^^^
ce
122 Fenfées diverjèj.
ce ou le non ufàge de quelque facrifice , ou de
quelque cérémonie , & qu'ainlï la feule choie
qu'il talloit faire pour les appaifer , étoit de re-
mettre en vigueur h cérémonie , ou d'en in-
venter quelques autres , fans fe mettre en pei-
ne de corriger fcs pafTions. Ceft aufli à quoi
les Démons fè font particulièrement étudiez,
6c avec un fuccès dont ils ont eu lieu de s'a-
plaudir. Car il eft clair par toute THiftoire
profane , que les Paiens raportoient la fourcc
éts châtimens que les Dieux leur envoioient,
à l'oubli de quelque fuperflition , 6c non pas à
l'impureté de leur vie , & que dans cette vue
ils croioient avoir allez fait , pourvu qu'ils euf-
fent rétabli le culte qui avoit été oublie.
(i)Denys Les (i) Carthaginois fe volant batus par
d'Halicar- Agathocles Roi de Syraculè , Se affiegez dans
nafleliv.i. j^^^ y-||g ^ ^^ crurent pas avoir mérité cette
difgrace pour aucune autre raifon, li ce n'eft
parce qu'ils avoient changé la cruelle coutume
d'immoler à Saturne de leurs propres enfans
au choix du fort , en celle d'immoler des en-
fans achetez ou nourris Secrètement pour cela.
Si bien que pour reparer leur faute , 8c pour
apaifer le Ciel irrité , ils rétablirent la vieille
coutume par le facrifice public de deux cens
jeunes garçons de Qualité (a) tirez au fort.
Et cette coutume s'affermit li bien dans ce
pais-là , qu'elle y étoit encore pratiquée en
fecret du teras de ( 3 ) Tertullien , quoi que
Tibère fe fût ièrvi pour Tabolir d'un moien
fort efficace, qui fut de faire attacher en croix
les Prêtres qui immoloient ces innocentes vic-
times. Pendant qu'Annibal faifoit trembler l'I-
talie , le fort deftina fon fils aîné à cette barba-
re immolation. Mais fa mère qui n'a voit peut-
être jamais tait réflexion fur l'énormité de cet-
te coutume , la comprit alors , 6c la reprefenta
fi vivement, que le Sénat de Cartilage, qui étoit
fort
{!) Lac-
tant, de
fair. rdig.
lib. I.
cap. 21.
(3)Apo.
îo^er.
cap. 9.
Venfées diverjès. Il 5
fort embarrafTé entre la ciainte âts, Dieux 5c
celle d'Annibal , 6c qui franchement craignoit
plus de l'irritation de Tun , qu'il n'eipeioit de
lappaifement des autres, n'ofa palTer outre, 5c
dépêcha vers Annital pour iàvoir iâ vcîcnté.
Annibal ne voulut point que fon fils mourût, 6c
dit qu'il valoit mieux le confcrver pour le Icr-
vicQ. de la patrie ■•, qu'il auroit foin de faire périr
tant de Romains , que les Dieux n'amoient pas
fijjct de iè plaindre de ce qu'il leur avoit dé-
tourne' une vi6lime. Il les apellc au fpedtacle
du carnage qu'il s'en va faire :
Vos {i) quoqne Dî patr'ù OMorum cieluèra. f\) ^Wmg
piantur " Irai us,
Céidibus , atqiie coït gauilent formidine ma- ^^^* ^*
trum y
Hue Utos tolttis tûtafcjue advertite men-
tes ^ 6cc.
Je vous fatiguerois trop , Mcnfieur , fi je .
vous citois tous les exemples que j'ai lus fur
cette matière j 6c d'ailleurs i'Hiitoirç EcclelîaP
tique , que vous iàvez fi parfaitement , vous en
fournit allez pour me diîpenfer de cette com-
pilation. On y voit que les Païens accufbicnn
inceflàmment les Chrétiens d'être la cauiè de
tous les malheurs qui affiigeoient l'Empire,
parce qu'ils prêchoicnt contre le culte des
Dieux , 6c le faifoicnt cefllr dans les lieux où
ils étoicnt les plus forts. Le Tyran Maximin
leur hit ce reproche dans fès Edits , comme /^> -^^
nous l'aprenons (2) d'Eufebe. Se faut- il éton- 9'c p.7,
ner , dit (3) Porphyre , Ji la iHle eji affii/ée Hift,
4e pejle depuis fi long te:ns , puis qu'Efcttlape 0» E clef.
les autres Dieux en ont été chfijfez. , depuis qu'on
adore Je fus , nous ne pouvons tirer aucune afïtf- r^v t^
tance des Dieux. Le but gênerai de Saint Au- deP,.rpar.
guftin dans fon livre de la Cite de Dieu, efl de Eaan^e!. *
F Â IC-
1 2 4 Penfées diverjès,
repondre aux Païens qui iè plaignoîent, que le
iàccagement de Rome, Se tous les ravages que
les Goths avoJent Faits dans l'Empire , avoient
eu pour caufè le mépris que l'on faifoit des
(0 Si- Idoles. L'irruption de ( i ) Radagaife dans l'I-
G.mbi'c. ^^^^^ ^ ^'^ ^^'■^ ^^ -°^' '"'"'^^^'^ hommes fit mur-
inChron* niurer d'une étrange forte contre la Religion
ad ann. Chrétienne. On exageroit les dcfordres qui
437* arrivoient fous les Empereurs Chrétiens, 8c la
félicité de Ronie Païenne; &: c'efl à quoi l'élo-
.^^ quent Symmaque s'emploioit de tout Ion cœur.
(z) Epift. Il oià ( 2 ) bien écrire à à^s Empereurs Chre-
^4. 1. ic. tiens , que la famine Se \cs autres incommodi-
tez qui defoloient l'Etat , étoient le châtiment
du mépris que l'on avoit pour les Dieux Se
pour leurs Minières ■-, quil n'en faloit accufèr
ni les influences des aftres , ni la rigueur des
hivers, ni la fechereflc des étez , mais la co-
lère qu'avoient les Dieux de voir qu'on avoit
retranché aux Prêtres Se aux Veftaks les pen-
• fions qui fèrvoient à les nourrir. Les mê-
mes Empereurs Chrétiens , aiant tait cefler les
làcrifices que les Egyptiens Idolâtres ofïroient
folennellcmcnt au îxii , lors que fes eaux ne fè
repandoient pas fur leurs terres , virent pref-
que une farieufè fédition en ce païs-là , les
Egyptiens voulant à toute force recommencer
leurs fàcrihces , perfuadez qu'ils étoient , que
l'interruption de cette fàinte cérémonie leur
. V TjT attiroit la flerilité en les privant des inonda-
cor. Tri- tions du (3) Nil,
part. lib.
^•"P-42. §. LXX.
AplicMion des remarques précédentes à U rai/on
tirée de Ia Théologie.
Que direz-vous de cette longue digreffion?
Monlicur , aiVurément vous croirez que j'ai
tout-
PenÇées diverfes. 125
tout-à-fait oublié mon argument Theologique.
Alais donnez-vous un peu de patience , vous
verrez que je me retrouverai iur les voies , êc
que la courfe que J'ai faite dans les Pais Idolâ-
tres , ne m'aura pas été infruâueule. Car aiant
établi comme j'ai fait , I. Que les choies que
l'on prenoit pour àcs lignes de la colère du Ciel,
n'étoient propres qu'a fomenter le culte lâcri-
ItgQ des Idoles , bien loin de mortifier le pé-
ché dans le cœur de l'homme j IL Que les Dé-
mons ne trouvoient pas un meilleur fecret
pour étendre l'Idolâtrie , que celui d étonner
\qs Peuples par des prodiges véritables ou fu-
poièz i III. Que l'aparition vraie ou fauiîè
d'un prodige fiifoit toujours rendre de nou-
veaux honneurs aux faux Dieuxj aiant, dis-je,
établi tout cela , j'ai prouvé manifellem.ent que
fi Dieu avoit formé par miracle ces grandes 6c
valtes Comètes , qui paiîbient pour des lignes
de la colère du Ciel , il eût concouru par lès
miracles avec les Démons pour abrutir de plus
en plus les hommes dans la fuperftition Païen-
ne , ce qui ne fe peut dire ni penler làns im-
pieté. Encore un coup , Monlieur , allumer
des Comètes dans les cieux , vu comme les
Paiens étoient faits, n'étoit, à proprement par-
ler , que faire redoubler les a6les d'Idolâtrie
par toute la terre , excepté peut-être un petit
coin de la Paleftine 3 6c naturellement par-
lant , c'étoit tout ce que Dieu s'en devoit pro-
mettre.
§. LXXL
De l'horreur que Dieu a pour l'IdolÀtrîe.
Jugez un peu fi cette conduite le raporte à
î'idéî que nous avons de Dieu , 6c s'il eil pofli-
ble que le même Dieu, qui déclare p» fes Pro-
F 3 phe-
Î2<? Penjees divey'fis,
pheres, que rien ne lui ell plus abominable que
'îe cuJte des Idoles ; qui témoigne plus d'indi-
gnation contre Ion peuple , lors qu'il fàcrifie
fur les montagnes & ious le feuil'age des arbres,
8c qu'il honore les Divinitez à^s Gentils , que
lors qu'il tombe dans le larcin , dans !e meur-
tre, & dans l'adultère j qui commence là loi
par une double detenfe de Ic-rvir aucun autre
Dieu que lui j qui pour donner plus de poids
à fà detenfè , iè piopofè fous l'idée d'un Dieu
tout - puiilànt 6c jaioux , étendant la punition
des rebelles juiqu'aux enfans de la quatrième
génération , ik. ia bonté pour les pères obeïllàns
jufqu'aux cntans de la millième j c'efl-à-dire ,
que pour témoigner combien il veut être obeï
dans ce point -là , il prend les hommes par
l'endroit le plus lènfible , par la menace d'un
Dieu jaloux , (dont l'idée ne peut reveiller que
la frayeur d'une vengeance également prompte
& fevere) & par les promefTes dune miieri-
corde incomparablement plus étendue que la
rigueur de la jalouliej qui pour faire voir com-
bien le crime des Idolâtres furpalTè tous les au-
tres , prend le foin en le défendant , d'accom-
pagner fà defenfe de tout ce que je viens de di-
re i au lieu qu'il fe contente de défendre lim-
plement le meurtre , le larcin , Timpudicité , la
calomnie j qui punit l'adoration du veau d'or
par le plus funefte de tous les châtimens , puis
que ce fut en abandonnant fon peuple à fcrvir
à l'armée des Cieux , par où il s'attira les milc-
res d'un exil & d'une captivité lamentable,
comme nous l'allure le glorieux premier Mar-
tyr de l'Evangile (i) Saint Etienne ; qui enfin
ne veut pas kulement foulfrir que l'on mange
des chofes facrifiées aux Idoles 5 conliderez ,
dis- je , Monlieur , s'il eft polTible que le même
Dieu , qui a fiit toutes ces choies , ait mis
néanmoins de nouveaux afhes de tems en tems
dans
Tenféei diverfes, \ij
^ans îe ciel pour intimider tous les peuples de
la terre , 6c pour les porter intaillibkment par
ià à tous les a6les d'Idolâtrie que chacun re-
gardoit comme plus propres à expier fès cri-
mes, & à deiàrmer la colère de Dieui les Gau-
lois Scies Carthaginois par exemple, à facrifier
à^s hommes en quantité : abomination exécra-
ble, que Dieu detefle ii fort par la bouche de
fes Prophètes dans le peuple Juif, qui à l'imi-
tation de plufieurs autres , faifoit brûler des en-
fans à la gloire des Idoles , &: pour iaqueiic il
châtia 11 exemplairement les Rois Achas 6c
Alanafle.
§. LXXII.
^ue lu ras/on pourquoi los Comètes ne fouvoient
pas être des prefag es , avant U venue de J e-
s u s-C H R 1 s T , fabyfie encore.
Sr cette raifbn prouve que les Comètes qui
ont paru avant* la publication de l'Evangile,
n'ont pas été formées extraordinairemcnt,
pour avertir les hommes de la part de Dieu
à(^5 malheurs qu'il leur preparoit en là colère j
il efl évident que celles qui ont paru depuis ce
tems-là, n'ont pas été non plus des produdlions
miraculéufes dellinées à preiàger les maux à
venir.
Premièrement , parce que fi les Comètes
avant la vocation des Gentils , n'ont pas été
àts ilgneç envoiez, de Dieu , elles ont été des
effets de la nature tout purs , auffi bien que les
éclipfès & les tremblemens de terre. Et h ce-
la eft , il feroit très-ridicule de dire , que de-
puis la converfion des Paiens les Comètes ont
changé d'efpece , 8c ne font plus des ouvrages
de la nature , mais des fignes miraculeux j com-
me il feroit très-ridicule de prétendre que de-
F 4- puis
12 8 Penfées diverfès.
puis ce tems-Ià les ëclipfês font devenues des
elïèts iiirnaturels. Or li les Comètes font de
purs ouvrages de la nature, il eft évident qu'el-
les ne font point un figne des ir.aux à venir,
tant parce qi.i'cJles n'ont aucune liaiibn natu-
relle avec les maux à venir, comme je fai dé-
jà fait voir , 8c comme je le montrerai plus à
fond dans la fuite , que parce qu'il n'y a aucu-
ne révélation qui nous aprenne que Dieu \ts
ait établies pour lignes des maux à venir, à-
peu-près comme il a établi l'Arc-cn-ciel pour
nous être un avertiflèment qu'il n y aura plus
de Déluge.
Secondement , parce que la raifbn qui prou-
ve pour ]e tems qui a précédé la Religion Chré-
tienne , prouve aufli pour les liccles du Chrif-
tianifme , à caufè que malgré tous ïts admira-
bles progrès de la Croix du Fils de Dieu , ia plu-
part des hommes font demeurez Idolâtres, ou
iè Ibnt faits Mahometans. A prcfent même
que le Chriflianifme eft li répandu , & qu'il
s'eft fait jour dans le nouveau .monde , ij ell
certain que la plupart ùts peuples de la terre
ibnt encore plongez dans les arrreufes ténèbres
de j'inftdehté. De forte que ii Dieu fe propo-
ibit d'annoncer les fléaux de là colère par des
Com.etes , il feroit vrai de dire qu il auroit
pour but de ranimer prefque par tout le mon-
de la fauffe & la facrilege dévotions d'augmen-
ter le nombre des Pèlerins de la Mcque, de àcs
oiÎTandes que l'on y coniacre incellàmmcnt au
plus infime Impollcur qui fut jamais i de taire
bâtir de nouvelles Mofquées j de faire inven-
ter de nouvelles fuperllitions aux Torlaqais ôc
aux Dervifches j en un mot de faire commet-
tre un plus grand nombre de choies abomi-
nables qu'on n'en commettroir. Car quoi
qu'on ne conoifle plus ni Jupiter , ni Satur-
ne, on ne lailfe pas d'être aulfi proHitué qu'an-
cien-
Penfées diverjès, 129
ciennement , dans hs plus extravagantes 6c les
plus criminelles Idolâtries.
§. LXXIII.
De l'abom'mMe Idolâtrie des Vamis d'ati-
jourd'hui.
Sans parler de toutes les abominations qui
fc commettoient dans le Pérou &: dans le Me-
xico il n'y a pas bien long tems , 8c de ces là-
crifices d hommes que l'on (i) martyriibit ,y^^ .
pour honorer les Idoles , & que les Eipagnols virenere
ont fait celîèr dans les lieux où ils le font eta- annotât,
blis ; qui ne lait que les Indiens , les Chinois, f"f Cefar
Se les faponnois , Ibnt dans les plus elfreiables ^^^■. ? '7»
egaremens qui le puilient dire lur le cliapître j^ionta»-.
de la Religion i qu'ils adorent des linges Se àts iw. i."*
vaches; qu'ils conliiltent le ( 2 ) Démon dans chap.2^.,
des montagnes brûlantes •■, qu'ils honorent leurs
taux Dieux jufqu'u s'enterrer tout vivans , ou f^^p^^?'^*
à le noier , par la dévotion qu'ils leur portent , ^^^^ ^^' .
ce qui efl un degi'é pour monter à la Canoni- japon,
iàtion ; qu'ils batiflènt des Temples au Diable, par la
& au Prince des Diables nommément Se direc- Compag.
tement (ce que les anciens Paiens ne faifoient J^^J!-^''*
pas) qu'ils iè portent enfin à tous les excès
qu'une aveugle Se furieuie iuperiVition peut inl^
pirer ? Or comme vous lavez. , Monlieur , il y
a une li grande liailbn entre croire que le Dieu
qu'on adore efl: irrité , 8c lui rendre avec plus
d'attachement le culte établi par h coutume,
qu il ell impoffib'e de vouloir qu'une nation
idolâtre conoiflè que le Ciel eiî en colère , làns
vouloir qu'elle exerce avec un zélé redoublé les
exercices de là Religion. Et- par coafcqucnt
fi Dieu for moit dés Comètes, afin daprtndie
aux hommes qu'il ell irrité contre eux, Se que
s'ils n'apailènt pas là julle indignation , il les
y ^ chû-
1^0 Tenfées dtverjès.
châtiera fcverement , il voudroit que tous Icy
peuples inndcles recouruflent avec une nouvel-
le ardeur, chacun à &s cultes 6c à lès cérémo-
nies abominables : ce qui étant faux & impie,
nous fommes obligez par des principes de Re-
ligion à dire , que dans l'intention de Dieu \çs
Comètes ne peuvent preiàger aucun mal. Bien
entendu , que s il y a quelque part des feux ex-
traordinaires , vifibles ièulemcnt ou à quelque
ville , ou à quelque pais qui conoiHe le vrai
Dieu, comme il parut autrefois fur la ville de
Jerulàlem , on peut les prendre pour àts li-
gnes envoiez par une providence toute parti*
culiere.
§. LXXIV.
^He les Comètes ont des caretEleres particuliers ,
qui rnontrmt qu'elles ne font pets des fignes.
Mais de s'imaginer qu^un aflre qui fait le
tour du monde chaque jour , 6c qui ne paroît
pas en vouloir plutôt aux Chrétiens qu'aux In-
fidèles, aux François qu'aux Eipagnols , foit un
prodige , que chaque nation foit obligée de
croire que Dieu a fait tout exprès* , pour lui
annoncer &n mal à venir , c'eft ce qui ne le
peut pas : parce qu'outre mes autres railbns , il
eft impofifible que chaque nation foit obligée
de craindre àtz adverfitez, à la vue des Comè-
tes. Car il paroît par l'Hiftoire , 6c même par
la conlideration de ce qui arrive dans le mon-
de pendant qu'on y eft, que Dieu ne châtie pas
tous les hommes en même tems. Les afflic-
tions \t'i plus générales épargnent des nations
toutes entières. La Providence divine diipen-
lè £t^ biens 6c Çç:s maux de telle ibrte, que cha-
cun y a part à fon tour. Mais on n'a jamais
vu depuis le Déluge , un châtiment gênerai tout
à
Penfees dtverfes, i > i
à la fois j on n'a jamais vu une profufîon de
bonne fortune générale en même tems par
toute la terre, il faudroit que Dieu boulever-
lât tout Je train de là Providence pour agir au-
trement. Or comme l'expérience d'un très-
grand nombre de Comètes qui ont paru , ne
nous aprend pas que Dieu ait janiais ufé d'une
conduite li extraordinaire , il n'y a point lieu
de s'imaginer , quand on voit de ces nouveaux
aftres , que Dieu veut faire plus qu'il n'a jamais
fait en pareilles occafions. Nous lavons par
les evenemeTis qui ont fuivi les Comètes , que
quand il en a paru , le deflèin de la Providence
n'a pas été de plonger toutes les nations du
monde dans un abîme de maux. Bien loin de
là , nous lavons qu'elle a eu delfein de com-
bler de prolperitez pluiîeurs peuples de la ter-
re. Par confequent tous les peuples de ia ter-
re n'ont pas été obligez de juger en voiant des
Comètes, qu'ils alloient être accablez de mauxj
& il n'eft pas même polTibie, vu le train de la
Providence, qu'ils fbient tous obligez à croire
cela ; car la plupart du tems Dieu le fèrt d'une
nation pour châtier l'autre , donnant à celle-ci
les biens qu'il ôte à celle-là. Si dans le tems
que les Perfes dévoient craindre la defiruftion-
de leur Empire , les Macédoniens eufîènt craint
le renverlèment de leur Royaume , n'eft-il pas
vrai qu'ils eulîènt été dans l'erreur ? J'infère de
là , que li c'étoit l'intention de Dieu que tous
les peuples qui voient des Comètes , crulîènc
leur ruine prochaine , l'intention de Dieu le--
roit que plufieurs peuples le trompalîcnti ceux,
par exemple , qu'il deftine à conquérir les
Royaumes que là ùgi^^G trouve à-propos de
renvcrlèr. Or comme ce feroit une impiété
de croire que Dieu a de telles intentions , il elt'
impolTiblc que les Macédoniens , par exemple,
aient été exigez fous peine de péché mortel,
F 6 à
^l Pe-nfees diverfes.
à croire que la Comctc qui parut au commen-
cement du règne d'Alexandre , les menaçoit
d'une ruine épouvantable. Ainfi Dieu n'étant
pas capable d'obliger les hommes à juger fauP
femcnt des chofes , il efn impoflillc qu'il pré-
tende engager tous les hommes du monde à
juger , qu'une Comète efl un ligne de leur mal-
heur. Ce ièroit néanmoins Ion intention , fi
l'opinion commune ëtoit véritable. Donc c'eft
une opinion taufîè , & qu'on ne peut excufer
d'impiété , que fous le bénéfice du peu de re-
flexion que font les hommes fur'les circons-
tances des Comètes , lors qu'ils les prennent
pour un ligne de maleditlion.
Il y a beaucoup d'aparence qu'on ne les pren-
droit pas pour des prodiges envolez, de Dieu, fi
on conlideroit avec un clprit Iblide I. Qu'elles
n'ont rien de particulier, qui faflè conoître aux
peuples , que c'eft à eux nommément qu'elles
s'adrellent. 1 1. Que li elles ont quelque char-
ge de dénoncer la colère de Dieu , elles la dé-
noncent généralement à tous les peuples de la
terre , aulli-bien à ceux que Dieu veut bénir,
qu'à ceux qu'il veut châtier. III. Que ce Ibnt
Ac5 fignes fort équivoques , qui ne peuvent,
par exemple , avoir prelàgé la ruine de l'Em-
pire Grec , làns prelàger la prolperité des Ot-
tomans: la mort d'un Pape , fans preiàger l'é-
lévation de Ion fuccelTeur : la mort d'un Con-
quérant , £ns prelàger les feux de joie qui s'al-
lument dans tous les pais qui craignoient de
tomber fous le peiant joug de fa puilïànce.
IV. Que celbnû ài:s lignes lî généraux Se 11 obf-
curs , qu'on n'y voit aucune marque de ce qui
doit eiteâiiv'enient arriver , plutôt que de ce
qui n'arrivera point. V. Enfin que ce font
ÙQ-S lignes accompagnez de pliilieurs circonf^
tances indignes de la làgclè & de la fàinteté
de Dieu, j'en ai touché quelques-unes en par»
lant
Penfees diverfes, T33
kint des ecliplès , Se mon argument Theologi-
que ne porte que fur cela.
Vous en penferez ce que vous voudrez,
Moniieur i mais pour moi je ne faurois me
mettre dans l'clprit , que Dieu fe propofe au-
tre choie dans la formation des Comètes par
raport à nous , que ce qu'il iè propoiè dans
tous les eftets de la nature. Tous ceux qui
s'élèvent à Dieu par la conoiilànce des choies
naturelles , entrent aflûrément dans les vues que
Dieu stïi propofees en faiiànt les créatures. Mais
je ne iàurois comprendre , qu'un homme qui
prend pour un miracle ce qui ne rdt point ,
donne dans la tin que Dieu s'eil propofée , par-
ce qu'il ne me ièmble pas que Dieu puifle ja-
mais avoir pour but de nous taire faire de faux
jugemens. Et fur ce pied-là je crois , que iî
Dieu vouloit avertir les hommes àts malheurs
qui les menacent , il Je feroit par des moicns ,
qui non ieulement ieroient très - intelligibles à
ceux qu'il voudroit menacer, mais auili qui ne
menaceroient pas ceux qu'il auroit defièin de
tavoriier de iès grâces. Cela fuffit pour dégra-
der les Comètes du rang qu'on leur donne par-
mi les prodiges dénonciateurs de la colère de
Dieu, car il n'apartient qu'à la fabuleufe Divi-
ri;é de Pan Se d'Apoilon , de jetter de fauiîès
allarracs dans les eiprirs , Se de ne s expliquer
que par des énigmes.
§. LXXV.
I.n quel fcns on peut dire que Dieu menace ceux fO. Cum
^ ^ ./ ^^ r tenant
c^u il ne veut pas fraper. unum ,
non ununa
I. Je iài bien ce qu'on a dit de la (i) fou- fuimJna
dre, qu'elle frape peu de gens , quoi qu'elle en Jf'^5"^*
épouvante plufieurs. Je iài auiTi que cela iè de\mt\
pratique fort làgement dans le fuplice d'une tUg. x.
F 7 trou-
(i) Sta-
tuerunc
iuma|o-
rcs noftri,
ut fi à
multis
effet fla- ^
girium rel
milicaris
admiffum,
forcitione
jn quof-
animad-
verrere-
tur , ut
mecus vi-
deiicet ad
omnes,
pœna ad
paucos
perveni-
rec. Ci-
ter pro
ClhcnU
154 Penfees divcrfes.
troupe de (i) fèditieux. Mais cela ne prouve"
autre choie , linon que les fléaux que Dieu en-
voie fur un peuple , doivent faire craindre ià
juftice à tous les peuples voilins, 6c les indui-
re à mériter par leurs bonnes œuvres la conti-
nuation de la profperité dont ils jouïïTent : ce
qui efl: bien éloigné de l'erreur où fe portent
ceux qui affirment , qu'un certain effet de la
nature eft un miracle fait exprès , pour prédire
de la part de Dieu à tous les peuples de la ter-
re leur prochaine deilruâion j à quoi néan-
moins Dieu ne penfe pas : car quelquefois c'cll
alors qu'il prépare des joies Se des triomphes à
plulieurs nations. Joignez, à cela , que la fou-
dre eft fi à portée de nous faire du mal , 6c
qu'elle en fait li fbuvent de terribles auprès de
nous , qu'il n'y a point d'erreur à croire qu'il
nous en peut arriver du préjudice 5 au lieu que
nous n'avons aucune raiibn de penièr qu'une
Comète ait jamais fait, ou ait jamais pu faire
le moindre mal. Outre que ce feroit un ju-
gement faux &: très-incapable de paiîèr pour
une œuvre méritoire , que de dire que la fou-
dre a été formée nommément ôc exprelTément
pour châtier les pécheurs.
§. LXXVI.
^iC'il ejl faux que les peuples qui font heureux
après l'apunt'im des Comètes , aient mérité cet-
]^ te difiifjhion par leur pénitence.
IL Quant à ceux qui pourroient dire , que
les Comètes menacent tous les peuples du mon-
de , parce qu'en effet Dieu a deffein de les pu-
nir tous 5 mais qu'il y en a quelques-uns dont
k repentance delàrme fà colère : je ne leur ré-
pons autre chofè , lïnon qu'ils ie trompent ma-
aifellemcnt. lis m'obiigeroient fort de me
jnon-
TenféiS dfverjes', Ï35
înontrer par quelle mortification les Macédo-
niens ont apailë la juftice divine , & mérité
les richefîes ôc les couronnes de Darius, au lieu
des châtimens qui leur étoient deftinez par la
(i) Comcte dont j'ai déjà fait mention. (i) cî-
Je fèrois bien aiiè auflï qu'ils m'aprifîènt les defTuspag,
aâ:es de dévotion 8c de pénitence , qui fauve- '3'»
rent Mahomet II. des infortunes , dont il de-
voit avoir fa. part en vertu des Comètes qui
parurent ibus Ion règne. C'étoit le plus grand
Athée qui fût fous le ciel : fès troupes com-
mettoient les crimes les plus énormes qui iè
pufîènt commettre , 8c cependant elles ne cef^
ibicnt de fubjuguer des Roiaumes 8c des Em-
pires dans la Chrétienté.
Avoiions donc , que ce n'eil: pas le defîèin
de Dieu , quand il fait paroître des Comètes ,
de châtier tous les peuples du monde. Sa Pro-
vidence trouve plus à-propos de les punir fuc-
ceflivement les uns par les autres. Les Macé-
doniens n'étoient pas plus gens de bien que les
Perles ; cependant parce que le tems étoit veivi
où Dieu vouloit ruiner la Monarchie des Per-
iès , il les fournit aux Macédoniens. Ceux-ci
aiant fait leur tems , fuccomberent à leur tour
à répée des Romains , qui entaflànt viftoire
iùr viéioire, 8c fubjuguant au long 8c au large
Roiaumes 8c Republiques , fans être plus gens
de bien que ceux que Dieu leur affujettiiloit,
fîloient leur corde, pour ainfidire, 8c accumu-
loient les jugemens de Dieu fur leur tête, com-
me le remarque (i) Saint Auguftin , en fai- ^2) De
iànt voir aux Idolâtres, qui accuibient l'Evan- Civicaî©
gilc d'être la caulè des calamitez publiques, Dei,
qu'elles étoient un effet de leur corruption, 8c
de leurs dcreglemens. Quoi qu'il en Ibit, l'Em-
pire Romain qui s'étoit formé par des ufurpa-
tions violentes , a été démembré par une iem-
biable voie ; la Providence divine faifànt voir
de
Î7,(j Penfees diverjes*
de tems en tcms parmi les hommes , ce qui {&
Élit tous \qs jours parmi \qs cauiès neceiïàires,
dont les unes ramaircnt en un corps , qui nous
cache tout le ciel , plulieurs nuages feparez , 6c
les autres diviient cette grande nue en une in-
finité de petits nuages.
Ce que j'ai dit , que les peuples font punis
chacun à fon tour, fans que ceux qui font les
premiers châtiez foient les plus coupables , n'eft
pas une fimplc conjedure : c'efl Dieu lui-mê-
(t) Chap, i^^ qi^i i^o^s l'aprend par la bouche de (i) Je-
ay. V. f. remie. C'efl moi , dit-il , qui ai frit la terre,
& fuiv. ^ c^ui l'ai donnée a, qui bon m'a femblé j cefi
moi qui ai livré tons ces païs-ci a Nabuchodo^
nofor Roi de Babylone ?non ferviteur , c^ toutes
les nations lui feront fujettes a lui, ^ à fonfils,
{^ au fis de fon fis , jufques k ce que le tems
auff de fon pats vienne. Il feroit abfurde de
s'imaginer , que le Roi de Babylone etoit plus
faint & plus dévot que celui des Juifs, 6c que
• c'cll à cauk de la pieté qu'il conquit un puif-
lànt Empire. Il étoit peut-être plus méchant
que les Rois que Dieu lui affujettit: mais par-
ce que le tour des Caldéens n'étoit pas encore
venu , fon ambition fut un crime heureux,
dont Dieu fe fer vit pour châtier les peuples
dont il ne vouloit plus différer le châtiment.
Le tour des Caldéens vint aulfi quelque tems
après. Les Medes & les Perfes aulTi mechans
qu'eux , mais pollerieurs ea date dans le livre
de la Providence , les deiblerent 8c les fabju-
guerent , pour être defolez 8c fubjuguez à leur
tour. Souvenons-nous de la déclaration ex-
(i)Ev^nn;. preflè du Fils de (i) Dieu , fur ceux qui £q
deSt, Luc, trouvèrent accablez lôus les ruines d'une tour,
chap. 13. Q^ égorgez en fàcrifiant , 8c nous n'entrepren-
drons pas de dire , que ceux qui châtient les
autres , font plus gens de bien que ceux qui
font châtiez,, J'avoue que la patience de Dieu
kiiic
Tenfées diverfes, 137
îaifîc fouvent combler la mefure aux pécheurs ,
avant que de leur faire lèntir les rigueurs de là
juftice : d'où il iemble que l'on pourroit infé-
rer , que les nations épargnées n ont pas enco-
re comblé la mefure , comme celles qui ibnt
punies ; mais il ne faut pas juger par le com-
ble de cette mefure , qu'une nation eft plus ou
moins criminelle qu'une autre. Etre arrivé à
ce comble , lignifie feulement , que 1 on eft ar-
rivé à l'heure fatale où Dieu veut punir. Or
qui doute que cette heure tatale ne foit atta-
chée tantôt à une plus petite m.efure de pé-
chez , tantôt à une plus grande , fclon que Dieu
trouve à propos de diverfifier les évenemens ,
6c de faire paroître ià fouveraine liberté ? Il y
a des gens qui croient avoir remarqué dans
rHifroirc , que le changement des Etats ie fait
régulièrement après un certain nombre d'an-
nées , 8c ils nous (i) citent je ne fai combien /j\ p^^^
de révolutions arrivées cinq cens ans \ts unes cer.de
après les autres. Je ne m'amule pas à réfuter prxc. Di-
toutes ces puerilitez 5 & peu s'en faut que je vmac. gè-
ne me repente de les avoir déjà (2) refutées "^g ^^
en palîànt. Mais je fouhairte bien que l'on ià-
che, que je defic tous les hommes du monde (^\ ci-
de me faire voir dans rHiiloire , qu'après une defTus,
certaine mefure déterminée de tolérance , Dieu °' ^-J»
17'a pas nianqué de faire éclater les effets de ià
jufticc. Rien n'eft plus infini que la diverfité
qui fè rencontre dans les manières de Dieu.
§. LXXVII.
^^ue Ve^cace des prières d'im petit nombre de
donnes âmes diins U zraie Religion 3 na point
de lieii dans les faujfes R.eUj^ions.
III. Dira-t-on , qu'à tout le moins il y a
eu quelques bonnes âmes , qui par leurs priè-
res
138 Penfees diverfef,
res 6c par leurs bonnes œuvres , ont délivre
leur nation de la part qu'elle devoit avoir aux
châtimens prefagez par les Comètes ? Je con-
fèns qu'on le dilè , Se qu'on le croie à l'égard
des peuples qui font dans la vraie Religion, Car
quoi qu'il ièmble , que li Dieu le lailfe fléchir
en faveur de tout un peuple, aux prières d'un
petit nombre de gens , qui palTent toute leur
vie dans les exercices de la pieté , il ne forme
pas aufli le deiïèin d'exterminer ce même peu-
ple , pendant que ce petit nombre de gens le
ibutiennent : quoi qu'il fèmble que li l'eftét des
Comètes peut être détourné par la pénitence
des hommes , ce n'eft que par la pénitence des
mechans qui ont irrité la colère du Ciel , 8c
non pas par les macérations des bonnes âmes
toujours agréables à Dieu , 8c qui n'attendent
pas à le lervir dévotement , qu'il paroilîè des
prodiges : quoi qu'il femble que li un petit
nombre de dévots , eft capable de defarmer le
bras de Dieu en faveur de toute la nation , ja-
mais les peuples qui font dans la véritable Egli-
fè , ne lentiroient les pelàns coups de la ven-
geance celefte , ni ne fe ruïneroient jamais les
uns les autres, comme ils font, parce qu'il y
a toujours parmi ces peuples un reiidu de bon-
nes 6c de làintes âmes : quoi qu'il lemble , dis-
je, que l'on puifîè m'opofer ces railbns-là , je
veux bien pourtant convenir que les bonnes
œuvres de ce petit nombre de Chrétiens qui le
confacrent entièrement à Dieu , peuvent atti-
rer les grâces du Ciel fur toute la nation. Je
ni que la victoire palfoit du côté de Jofué, ou
(i) Exod. du côté des ennemis , à mefure que (i) Moï-
rap. zy. fe élevoit les mains vers le ciel, ou qu il ne les
élevoit pas. Je lài qu'on a dit , que du fond
des grottes Se des folitudes , où les Saints fai-
fbient leur retraite , ils élevoient julques au ciel
par leurs j unes 6c leurs oraifons , la matière des
fou-
Tenfées diverfes, i^p
foudres qui accabloient les ennemis de k Chré-
tienté ; éc je ne doute point qu'on ne puiflè di-
re , que les bonnes âmes en fè coniàcrant à
Dieu , iè dévoilent pour ja patrie , Se qu'elles lui
procurent les mêmes avantages que la fuperjp-
tition Païenne s'imaginoit tauiîèment devoir
au facrifice d'un Codius ôc d'un Decius. Mais
ce fèroit une impiété' que d'attribuer la même
vertu aux prières des Veftales , & aux macé-
rations des Infidèles. Tant s'en faut que cela (0 ru^^'
puilTè expier les péchez àes autres hommes, j^] ' *
qu'il eil lur que les iàcrifices des Paiens , & les
autres adlcs de leur idolâtrie, doivent être mis ('2)Qu;d
en têrc de tous les crimes qui leur ont attiré la juvac fa-
maledidlion de Dieu. La penfée de Caton, qui ^"^i PJ^'^'»"
difoit de la mère d'un fort mal-honnête hom- ^oj."s "*
ine, ^^ue quand elle prioif les Dieux pour la lie dîcare,8c
de [on pis , ce n'éîoit pas tant des -prières qu'elle imperii
faifoit , que des imprécations contre Kome , ie peut xtemita-
étendre généralement fur toutes les prières ^^^ cœle-
adreflees aux Idoles ; quoi qu'en ait voulu dire cirepra;fî-
(i) Symmaque . dans les reproches qu'il a faits diis,armis
à des Empereurs Chrétiens, qu'en privant de veftris,
leurs penfions les Veftales & les^ Prêtres du Pa- ^quilis ve-
eanifme , ils s'en étoient pris à des peribnnes '^!^!!f\î
*^ • r ■ 1.' • ' ] i>T- • \, r C^5 appll-
qui ioutenoient i éternité de 1 Empire par 1 al- ^are vircu-
nftance &: par la proteftion du Ciel , dont ils tes, pro
attiroicnt la (2) benediâ;ion fur les armées Ro- omnibus
maines. ^^^"V'^? •
vota fufci-
pere ,&
§. LXXVIII. juscum
omnibus
DhreÛion neceffaire. "°" 1?^^*'
* "' •'•' re? Sym-
II refle quelques autres difficultez à écîaircir
qui pourroicnt diminuer la force de ma fèptié-
me Raifon , iî je n'en donnois un éclaircifle-
ment bien fblide. Aufîi pretends-je le donner
dans une julle étendue. Mais auparavant je
prca-
math» ibid^
140 Penfées diverfis,
prendrai la liberté de faire une digreflTion, quand
vous devriez renouveller le reproche que vous
m'avez tait afTez fouvent , d'être le plus grand
coureur de lieux communs qui ibit au monde.
§. LXXIX.
V 1 1 1. Raiibn : ^^uc l'opinion qui fait prendre
les Comètes four des prefages des calamitez. pu-
bliojHes , eji une vieille fuperjiition des Paiens,
qui s' eji introduite ^ confervée dans leChrif-
tianifme far la prévention que Von a. pour l'A'n*
tiquité.
JE deftine cette digreffion à recueillir de tout
ce que j ai remarqué , la véritable caufe de la.
prévention qui règne dans le monde , que les
Comètes font des fignes de malheur. Je dis donc
que ce îèntiment ell: un refte des fuperftitions
Paiennes , qui s'eft perpétué de père en fils de-
puis la converfion des Paiens , tant parce qu'il
avoit jette de profondes racines dans l'ame de
tous les hommes , que parce que , générale-
ment parlant , les Chrétiens font auiïl frapcz^
ue les autres hommes , de la maladie de lè
ire des prelages de tout.
§. LXXX.
t
De la grande pajjïon qu'ont les hommes de favoir
l avenir , 0» des ejfets qu'elle a produits.
Il eft facile de comprendre que les Paiens
croioient fortement que les Comètes , les éclip-
fcs, Sec. prefageoient de grands malheurs , fi
l'on confidere le penchant naturel de l'homme
à iè tourmenter pour l'avenir , fa curiofité in-
iàtiable de iàvoir 1 avenir , & la coutume qu'il
a de trouver ôc du nierveiiieux , Se du myftere
dans
Penfées diverjes. 14 1
clans tout ce qui n'arrive pas ibuvent. Cette
infatiable curioiité dé l'avenir a fait naître je ne
fài combien de manières de divination toutes
chimériques ôc ridicules , dont néanmoins les
hommes n'ont pas lailTë de iè paier. Quand
quelqu'un a été aiïèz malicieux pour vouloir
profiter de la foibleflè de l'homme , 8c qu'il a
eu aflcz, d'elprit pour inventer quelque chofc
qui pût fervir à ce deflcin , il n'a pas manque
de donner là dedans, c'eft- à-dire , de fe vanter
de la conoiflànce des choies futures. C'eft de
là qu'eft venue l'Aftrologie judiciaire. Ceux
qui commencèrent à étudier les mouvemens
des cieux , n'avoient autre chofè en vue que de
s'inftruire d'un effet ii admirable : & comme
c'étoient aparemment des efprits plus touchez
(i) de l'amour des fciences , que de celui des (i)Voîez
biens du monde , ils ne pretendoient pas faire Ovide au
de i'Aftrologie un art de filou. Mais il s'eft ^'Jp^^çg
trouvé de mal honnêtes gens dans la fuite , qui
aiant remarqué le foible de l'homme , en ont
voulu profiter ; 8c pour cet effet ils ont débité
par tout , que la fcience des aftres aprend ce
qui eft, ce qui a été, Se Ce qui fera. De forte
que pour de l'argent chacun pouvoir aprcndre
fa bonne avanture. Pour mieux duper les gens,
on leur a fait croire que les cieux font un livre /^^ yj j
où Dieu a écrit l'Hiftoire du monde , 8c qu'il Eufeb.
n'y a qu'à lavoir lire l'écriture dont Dieu s'eft prcep.
ièrvi , qui n'eft autre que l'arrangement des £uan,
étoiles , pour aprendre cette Hiftoire-là. De ^'
trcs-làvans hommes , Plotin 8c Origene entre ^* ^*
autres , ont donné dans ce panneau, julques- /^\ Lç»»
là ( 2 ) qu'Origene voulant confirmer ion fcn- in tabuJis
timent par quelque chofe de bien fort , le cou- cœli qux-
vre de l'autorité d'un livre apocryphe attribué ^""4"^
au Patriarche Jofeph . où l'on fait dire au Pa- "obisT"^
triarche Jacob s'adreflânt à fes enfans , {2,) ^'ai finis vcf-
Ifi dam les récures du ciel tout ce c^ui 'vom arrï- trisi
1er a ,
f z) Nec
corpora
modo af-
feÛ.i ta-
bo, (ed
animos
quoque
multiplex
religiOï
& plera-
que ex-
terna in-
vaficno-
vos ritus
facrifi-
candoi va-
tJcinando-
que,ir,fe-
rentibus
in domos,
quibiis
qaxftui
Xunt capti
fuperfti-
tione ani-
mi. Li-
viits l. 4,
Dec, u
Ï42 Penfées diverfis»
l'erat ^ a vous, 1^ k 'vos fils. On a profité
fur tout de l'aparition des Comètes , & de la
peur qu'elles tàilbient par leur longueur deme-
iurée. Les Ailrologues n'ont pas manqué de
dire que c'étoient des aftrcs mal-faifans ; ils
l'ont dit lur tout, après avoir éprouvé qu ils fe
rendoient en quelque façon neceiTaires par ce
moien-là , chacun voulant favoir d'eux , comme
d'un Oracle , quels étoient dans le détail les
malheurs prefagcz, par les Comètes. Les éclip-
£gs leur ont fourni de pareilles occaiions de fai-
re valoir leur talent. D'autres ont pris occa-
fion de là, de fè vanter de plulieurs autres for-
tes de divination , de la Geomance , de la Chi-
romance , de l'Onomance 3 8c infenfiblement
le monde s'eft trouvé fi plein de fuperftition ,
quon croioit que toutes chofès étoient àcs
preiàges de l'avenir , particulièrement lors qu'en
eut tait une afiàire de Religion de cette ibrte
de difciplines , £c que le fort du fèrvice divin fè
trouva placé dans la conoillance des augures.
Ceux qui pour iè rendre necelîàires , avoient
befoin de faire peur de la colère àcs Dieux au
peuple , ne manquoient pas d'apuier {iir les Co-
mètes , Se de mettre en proverbe qu'on n'en
avoit jamais vu qui n'eût aporté du mal. Ils
fa voient pêcher en eau trouble , comm.e nous
l'aprend Tire Live: car à loccaiion d'une ma-
ladie contagieulè qui de la campagne fe repan-
dit dans la ville après une grande iechereffe Tan
de Rome 326. il raporte que la maladie palîà
jufques à l'elprit , par l'adrelTe de ceux qui
s'enrichifîènt de la fuperftition àts autres , 6c
qu'on ne voioit par tout que de nouvelles (i)
cérémonies. Le Démon , qui faifoit là beau
jeu , 6c qui trouvoit que la fuperftition des peu-
ples lui étoit un moien intaillible de .iê laii-e
adorer ibus le nom des faux Dieux en cent
manières différentes , toutes criniinelles , tou-
te*
Penfées dîverjes. 145
tes deteftées du fbuverain Maître de TUnivers ,
ne manquoit pas lors qu'il paroiflbit des mé-
téores , ou des étoiles non communes , d'em-
ploier fon art trompeur à perfuader aux Idolâ-
tres , que c etoicnt des lignes de la colère des
Dieux , 6c que tout étoit perdu , û l'on ne les
apaifbit par des facrificcs d'hommes (k de bê-
tes, 6vc.
§. LXXXI.
^«c les politiques ont fomenté U fuperflition
des prefages,
La Politique s'eft aufTi mêlée du foin de fai-
re valoir les preiàges , afin d'avoir de bonnes
relTources, ou pour intimider les fujets , ou
pour les remplir de confiance. Si les Ibldats
Romains eufîènt été des efprits forts , Drufus
fils de Tibère n'eût pas eu le bonheur de cal-
mer la mutinerie des Légions de la Pannonic,
qui ne gardoient plus aucunes mefùres. Mais
une éclipfè qui fur vint fort à-propos , étonna
tellement ces mutins , que (i) Drufus qui fè (i) Tacit.
prévalut en habile homme de leur terreur pa- ^nJ^^l.
nique , en fit tout ce qu'il voulut. Une écliplè * '*
de lune épouvanta li fort l'armée d'Alexandre
Je Grand quelques jours avant la bataille d'Ar-
belles , que les ibldats s'imaginant que le ciel
leur donnoit des marques de ion couroux , ne
vouloient point paflêr outre. Leurs murmu-
res alloient à une fcdition toute ouverte , lors
qu'Alexandre fit commandement aux Devins
Egyptiens , qui étoient les mieux verfèz en la
fcicnce des aflres , de dire leur fentiment fur
cette éclipfè en prelènce des Officiers de l'ar-
mée. Les Devins , làns s'amufèr à expliquer
le {ecrct de leur Phyfique , qu'ils tenoient ca-
ché au vulgaire , fe contentèrent d'affurer le
Roi,
144 Penfées diverjès.
Roi , que le foleil étoit pour les Grecs, 8c la lu-
ne pour les Perles , & qu'elle ne s'éclipfbit ja-
mais , qu'elle ne les menaçât de quelque cala-
mité: fur quoi ils raporterent plulleurs vieux
exemples des Rois de Perfè,qui après les éclip-
its de lune avoient eu les Dieux contraires, lors
qu'ils avoient combatu. Kisn n'efi ji fuijja-ût ^
(i) LÎV.4. pourfuit (i) Q; Curce , que Id fuferfiiîion pur
chap, 10. tenir en b/ule la populace, ^^uelque ejfre-ûée ^
mco7iJla7Jte qu'elle fo'it , fi elle a une fois l'efprit
frape d'u?ie vaine image de Religici , elle obetra
mieux à des Devins, qu'afes Chefs. La reponfe
donc des Egyptiens étant divulguée parmi les trou-
pes , releva leur efperance 0^ leur courage , 8cc.
(2) Voiez Le même (2) Alexandre aiant remarqué , en
les fuple- fç préparant au palîàge du Granique que la cir-
r/einshe- conftance du tems, qui étoit le mois de Delius,
mias fur 9'-!^ l'on difoit avoir été malheureux de toute
Q. Curce ancienneté aux entreprifès des Macédoniens,
liv. 2, decourageoit Ion armée , fit publier qu'on apel-
/• leroit ce mois dangereux , du nom du mois
précèdent , n'ignorant pas combien un vain
fcrupuie de Religion a de force fur les petits
eiprits , 8c fur les efprits ignorans. Pour mieux
alfùrer les eiprits épouvantez , il fit lècrete-
ment avertir Arillandre fon grand Devin , qui
ïàcrifioit alors , afin que le palTage fût heureux,
de faire enforte par le moien d'une certaine li-
queur , qu'on pût lire fur le foie de la vidtime ,
que les Dieux, donnoient la victoire à Alexan-
dre. Ce miracle divulgué remplit les eiprits
d'une fi grande efperance , que chacun fe mit
à crier , quil ne faloit douter de rien après des
témoignages fi vifibles de la protedtion àes
Dieux. L'Hiiioire de ce grand Conquérant
fournit quelques autres exemples de pareilles
rufès , quoi qu'il alteilât de ne vouloir vaincre
ûue par là lèule valeur : 5c ce qui ert bien plus
étrange, le même Héros , qui faifoit tomber
les
Penfées diverfes, 14^
]qs. autres dans le panneau , y tomboit quelque-
fois lui-même , car il étoit tort fuperftitieux en
certaines rencontres. Je ne dis rien de (i) ("i) pjy,
Themillocle , qui ne pouvant perfuader aux tjiq. enf«
Athéniens d'abandonner leur ville pour aller te- ^ic.
nir la mer , au tems de la guerre de Xerxes,
fit jouer \qs machines de la Religion , fupolà
ô^Qè oracles , 8c fît dire au peuple par les Prê-
tres, que Minerve avoit quitté la ville , 8c pris
le chemin du port. Philippe Roi de Macédoi-
ne , l'homme du monde qui s'entendoit le
mieux à vaincre les ennemis par des intelli-
gences micnagées à force d'argent , avoit des
otacles de Delphes à ià pofte autant qu'il en
vouloit : 8c de J à vint que Demoflhene Soup-
çonnant avec raifbn que la Prêtrefîè fè laiiToit
luborner par les preièns de Philippe , railla vi-
vement fur la partialité qu'elle temoignoit pour
lui, comme l'a remarque Minucius Félix après
Ciceron.
Il efl: aifé de comprendre , que les miêmes
maximes d'Etat , qui ont fomenté la fliperfui-
tion de.s peuples à i égard des autres prodiges,
l'ont auHî fomentée à l'égard des Comètes.
Car il n'y avoit rien de plus aife, quand il pa-
roifibit une Comète , 8c qu'on vouloit faire la
fuerre à quelque Prince voifin , que de faire
cbiter par les Aftrologues, que cette Comète
menaçoit particulièrement ce Prince-là j que
de faire dire fort fèrieufement ce que Velpalien
difbit , (2) peut-être pour rire , d'une Comète ^^) x'î-
qui parut fous fon règne , ^^ue c'étoit le Roi philin.
ilcs Fari-hes avec fft longue chevelure , qui en Aur. \\c-
étûk menacé pluiôf que lui , qui portait les che- ^".'" ^"
veux courts. C'étoit en même tems donner ^"^"'*
bonne efperance à ion parti , 8c étonner l'au-
tre. 11 paroît par la 6. Satire de Juvenal , que
cela 'fè pratiquoit ainfi. Car en nous donnant
le caraftere d'une femme nouvclliilc , ii nc.îs
Tom. L G là
1^6 Penfées diverfeS»
la repreiènîre débitant dans les compagnies ]
^l'il paroijjoit des Comètes qui mmaf oient le
Koi d'Arménie 0* le Roi des Parthes , ^ que
leurs pats ^ leurs villes étoicnt n^vagez, par des
inondations de fleuves , 0> par des trembkmem
de terre , ce qui, comme vous fàvez , Mon-
(i) Voiez ^'^^^'^ » P^^it pour un preiàge (i) fâcheux,
ci-deffus outre le mal prefent qu'il caufoir.
pag.ii.
Inflantem Régi Armenio , Rarthoque Cometen
Rrima videt : famam rumorefque iUa récentes
Excipit ad portas , quofda?n facit ijfe Niphatem
Jn populos y rnagnoque illic cuncia arva teneri
Diluvio , nutare urbes , fubjidere terras ,
^uocunque in trivio , cuicunque eji obvi,t-,
narrât.
Vous voiez là Tefprit d'un nouvellifte pen-
fionnaire , toujours informé d'un grand nom-
bre de malheurs qui defblent le pais ennemi,
ou celui qui le va devenir , &: de plufieurs pre-
fages fimeftes qui le menacent.
Qui doute que les amJs de Cefàr n'aient af-
fefté de dire par tout, que la Comète qui pa-
rut après ià m.ort , étoit une marque du cou-
roux du Ciel contre fes meurtriers, 6c un pre-
iàge de la protedtion que les Dieux accorde-
roient à ceux qui en pour fui vr oient la ven-
geance ? Vous avez lu fans doute que Maho-
met gagna un Aflrologue de réputation , pour
annoncer par tout qu'il devoit arriver un giand
ehano;eraent dans le monde , £c qu'un grand
Prophète établiioit une nouvelle Religion.
Pourquoi cela ? Afin de préparer les elprits à
ne point s'opofèr à des évenemens qu'ils re-
garderoient comme prédeftinez & inévitables.
Mais iî les Grands ont contribué à faire cjoire
que les Comètes ibnt des preûges de mauvais
augure , les peuples y ont contribué aulTi de
leur
Penfees diverjès, r^j
leur côté j non feulement parce qu'ils fe por-
tent de leur naturel à traiter de prelàges ks
moindres chofes , mais aufli par une certaine
malignité' , qui les porte à s'imaginer facile-
ment, que ceux qui gouvernent ne s'en acqui-
rent pas au contentement de Dieu : 5c là-def^
fus c'ell à glofer fur ce qu'on a fait ceci , fur
ce qu'on n a point fiit cela. Defbrte qu'il cft
arrivé enfin, que la Politique a trouvé de me-
chans cotez dans la prévention des peuples,
parce qu'on s'efl enfin tauflèment imaginé , que
les Com-etcs menaçoient fur tout les Rois Se les
Princes.
§. LXXXII.
^^ie les Tanegyrijles cm contribué à fcme7iter U
fuperjhtim des préfaces.
Il faut ajouter à toutes ces caufès de la pré-
vention générale , la flaterie des Poètes Se des
Orateurs, Quand ces MefTieurs-ll font l'elo-
ge de leurs Héros , ils fe fervent entre autres
lieux communs de celui-ci , (^ue toute lu natu-
re le refpecB , qu'elle aplique toutes [es forces
pour lui , qu'elle s'ajf^i^e /le jes malheurs, qu'el-
le le promet au r/wnde ; que qucinâ le monde
s'efl rendu indigne de le pojfeder , le Ciel qui le
redemande, allwûie de nouveaux feux , ^c. Mr.
de Balzac ne manqua pas de régaler de cette
hyperbole le Cardinal de Richelieu , £c de dire,
que pour voir un premier Minijlre pareil h lui,
il efi befoin que toute la nature travaille,^ que
Dieu le promette long-tems aux hommes , avant
que de le faire naître. 11 en fut critiqué , mais
il fc (i) défendit , en faiiànt voir que d'au- fO ^[i*.
très avoient été encore plus loin que lui ■■> cet j^p,^'"^J"',
Ancien , par exemple , qui a dit de certaines c'.rd.^ ^^
amcs , que tout le çi«l étoit occupé à faire leur ijentWof,
G X d^fii-
'14B Penfées diverfci.
defl'mee ; 6c cet illullrc Italien du tems de nos
pères , qui a écrit , c^ue l'Entmdemem Eternel
et Oit m une haute ^e-n[ee->z^ avoit im grand def-
fein, lors qu'il fit le Cardi-nal Hlpolyte d'Eft. Je
m'étonne qu'il n'ait fait aufll venir fur les rangs
ce Prêtre qui dit un jour à l'Empereur Conl-
tantin , Cjue la Fravidence Dizine ne s'étoit pas
contentée de l'aioir rendu digne de l Empire du
monde , quelle avoit encore travaillé a lui don-
ner des vertus qui meritoient qu'après cette vie
il régnât avec le Fils de Dieu dans le ciel. C'efi:
aparemment le mauvais lliccès de cette flaterie
profane , qui a empêché Mr. de Balzac de fè
(i) 1. 4. juftifier par un tel exemple 5 car ( 1 ) Eufèbe
de vita raporte que Conflantin fit taire cet imperti-
conft. nent Harangueur.
^' *^* En gênerai on peut dire que les flateurs fè
font fcrvis de tous les effets furprenans de la
nature pour relever le micrite de leur Héros,
6c pour plaire aux Grands du monde. Ainfi hs
Poètes de la Cour d'Augufte ta choient à i*en-
vi de perfùader , que la mort de Ceiàr étoit
caufe de tous les prodiges qui la fuivirent. Ho-
race le dit exprefiémcnt dans l'Ode que j'ai àç.-
{i) Ci- jà (2) citée , lors que j'ai fait voy^ que les de-
ci^eflas p. hordemens àts fleuves pafToient parmi les Paiens
'^'' pour àQS preiàges de malheur. Il prétend que
le Tibre n'avoit fait tant de ravages , que par
complaifance pour là femme Ilie , qui vouloit
venger la mort de Cefàr fbn parent. Il tait
comprendre aufTi que tous les autres malhems
qui avoient affligé , ou qui alloient afRiger
l'Empire , étoient l'effet de l'aflàlTinat de cet
(;}Georg. Em.pereur. S\ nous en croions (3) Virgile,
i. !• le loleil flit tellement affligé de la mort du mê-
me Cefàr , qu'il en prit le deuil , êc qu'il ofïlif-
qua fà lumière de telle forte , qu'on craignit
de ne le voir plus. Cependant on n'eut pas
plutôt vu luire une Comète peu après la mort
de
Penfécs diverjês. 149
de Cefar , que d'autres flateurs dirent que c'é-
toit fbn ame reçue au nombre des Dieux , 8c
pour cette raiibn on coniàcra un ( i ) Temple (,) sve-
a cette Comète , Se l'on reprelènta Celâr avec ton. in
une étoile fur le front. c*^ «'^P'
On ne peut pas voir àes contradiftions plus
évidentes : car li l'ame de Ceûr a été reçue au
nombre des Dieux , li elle a brillé dans le ciel
parmi les étoiles , pourquoi eft-ce que le Iblcil
s'afflige ? Pourquoi fe couvre- t-il de ténèbres ?
Ne doit- il pas prendre plus de part a la gloire
du ciel , lui qui eft de ce païs-là , qu'aux mal-
heurs de Rome ? Afîurément Virgile fait ià
cour d'une manière bien iinguliere , puis que
pendant que les autres diiènt que le ciel iè voit
honoré de la poflèlTion d'une nouvelle étoile
par la mort de Cefar , il alTure lui que le foleil
îè couvre d'obfcurité. S'il eût eu moins de
bon fèns, il eût accommodé fà penlee avec cel-
le des autres , en difànt que le foleil étoit fi fâ-
ché de voir parmi les Aflres une nouvelle étoi-
le à qui le ciel faifoit plus d'honneur qu'à lui,
qu'il fè cachoit de honte. Mais il étoit trop
judicieux pour iè fervir d'un éloge qui , n'en
deplaife au galant «Mr. de Voiture, 8c à fon Son-
net fiir une Dame qui s'étoit baignée à foleil
couchant , eût paru froid félon toutes les appa-
rences , à celui pour qui fè fiifoit la fête j car ,
au dire d'un (i) bel efprit d^ fa Cour , il reC- ,. ^^^
(èmbloit à ces chevaux qui ruent , quand on [j^li^ ^
les carelîe de mauvaifè grâce. Mais que dirons- palpere,
nous d'Ovide , qui finifîànt fcs Metamorpho- recalci-
fès par celle de Cefàr en Comète , nous afTure ^p^' "°'
qu'entre plulieurs prodiges qui précédèrent la tùe."//!-'
mort de cet Empereur , on vit le foleil d'u- rat' Sut,
ne pâleur extraordinaire , 8c la lune teinte de i. /. i.
iàng?
Voici , Moniieur , le véritable moien de dé-
nouer toutes ces diihcultez. Ces beaux eiprits
G 3 n'a-
ï50 T en fées diverjes,
rj'avoient tous qu'un même but , c'etoit de fai-
re leur cour à Augufte à force d'encens , car
pour Ceiàr qui n'étoit plus en ctat de reconoî-
tre la flarerie , i! n'eût pas fait faire beaucoup
de vers , s'il n'avoit eu pour fuccellèur une per-
sonne très-affeclionte à ia gloire. Ainli on ne
loiioit Celàr qu'à caufè de ion fuccefîèur. Or
ibit qu'on dit que le foleil s'étoit obfcurci avant
ïa mort de Ceiàr , ibit qu'on dît que ce fut
après , c'étoit toute la même chofe pour la
gioire de ce Priiîcc. C'efl pourquoi Virgile
l'a dit d'une façon, Ovide d'une autre , 6c tous
deux ont adroitement conclu par louer Auguf-
te d'une manière fort adroite , £c pcuflee aufli
ioin qu'on peut.
§. LXXXIII.
A con^bien de chofes on a faitfervir me mê-
me Comète.
On peut voir par là qu'une même Comète a
icrvi a plufieurs fins, Augufle par ^c^ vues
de Politique fut bien aife qu'on crût que c'é-
toit l'ame de Ceiàr j car c'étçit un grand avan-
tage pour ion parti , de croire qu'on pourfui-
voit les meurtriers d'un homme qui étoit alors
parmi les Dieux. C'eil la raiibn pourquoi il fit
(ï) Pli- ^'^'^^ (0 un Temple à cette Comète , & de-
nius, 1. 2. clara publiquement qu'il la regardoit comme
cip. 2/. un très- heureux preiàge. Ceux qui écoient
dans Ton parti , 6c qui n'avoient pas aiîèz, de
crédulité pour iè perfuader ces converfions d'à-
mes en étoiles , croioient à tout le moins , ou
faiibient accroire aux autres , que les Dieux te-
moignoient par cette Comète , combien ils
e'toient en colère contre Brutus ôc Calîms. Ceux
qui étoient encore Républicains dans l'ame,
diibient au contraire que ks Dieux temoi-
gnoicnt
Penfces diverjes, 151
gnoient par là , combien ils defàprouvoient
qu'on n'apuiât pas le parti des libérateurs de la
patrie j qui fans doute ne s'oublioient pas de
leur côté , pour mettre à quelque ulàge cette
Comète félon la fuperll:it:on d'alors. Enfin les
Poètes trouvoient là , non lèulement dequoi
faire de magnifiques defcriptions , Se dequoi
interefîèr toute la nature à la gloire de leur
Héros deïfié : mais aulTi dequoi flatter leur Hé-
ros vivant , ce qui étoit le bon de l'affaire.
Ce n'ell: point par conjeârure que j'en parle.
Prenez la peine de jetter les yeux fur le paflàge
de Virgile que je vous ai cité j vous verrez que
là conclufion eft , ^u'à. tout le moins il plai/e
aux Dieux , qui avaient bien eu le cœur de voir
deux fois les plaines de Thejfalie immlées dufang
des Romains , de ne pas empêcher qu' Augufle re-
levé l'Empire qu'ils avaient laijfé périr : qu il y a'
long-tems que le Ciel porte envie à Rome , de la,
pojfejjion d'Augufle , i& qu'il fe plaint de fon at-
tachement a triompher fur la terre. Voiez auiïi
le dernier chapitre à^s Metamorphoies d'Of i-
de , vous y verrez que fi Cefàr a été élevé au
rang des Dieux , il en a l'obligation au mérite
de Ion ilicceileur qu'il avoit adopté , autant
qu'à fbn mérite propre. Mais pour vous épar-
gner le chagrin de chercher tous ces paflages,
en voici un d'une delicatefiè conibmmée : c'eft
de l'ame de Ceiàr que l'on y parle.
Simul (i) evolat altius illa Ci) ovî,
jlammiferumque trahens fpatiofo limite cri- dius Me-
nem , timorph.
Stella micat : Naiique videns benefacia , fa- ^^"*
tetur
"Effe fuis majora , ^ vinci gaudet ab illo.
Hic fua prdferri quamquam vetat a^a pâ-
te mis ,
G 4 Libern
152, Penfées divcrjes.
Libéra^ fayna tarnsn , nullt[c^Ae obnoxia
JHjTîS,
JmitHm prAfert , unique in parte répug-
nât.
Si je ne craignois de vous fatiguer par un
trop grand nombre de citations , je vous alle-
guerois la flaterie dont on iè fa'vit envers
l'Empereur Adrien , mortellement airligé de la
mort de ion mignon Antinous , dont on lui dit
que lame avoit été changée en une étoile qui
parut de nouveau en ce tems-là. Je vous cite-
( ■) De 4. ^°^^ (0 Ciaudien , qui tire un heureux preià-
conful. * §^ P^'J^ l'Empereur Honorius , de ce qu'une
Honor. étoile aparut en plein jour environ le tems de
fa naiflànce. J'ajoûterois que l'on a dit (2)
(2.) Ju- que le ciel avoit annoncé par deux admirables
S'""/^^'Z Comètes la future grandeur de Mithridate, l'u-
*"* ne aiant brillé l'année qu'il vint au monde. Se
l'autre l'année qu il commença de régner. Je
n'oublierois pas que les Augures étant conflil-
tez fur ce que le Tibre fe déborda la nuit d'a-
près qu'Odlave avoit reçu le furnom d'Augufre,
t 'l Dion ^5^ repondirent que c'étoit un figne de la gran-
Catius ^^ élévation où il parviendroit. Ce qui mon-
h il. tre que les Poètes n'étoient pas les feuls qui ac-
commodoient la nature à la paOTion des Grands.
En un mot je raporterois cent autres faits , qui
nous montrent que l'envie de plaire , de flater .
de donner du merveilleux aux chofès , a fait
prendre des effets purement naturels pour des
prodiges extraordinaires. Un Roi ou une Rei-
ne mouroient-ils peu après qu'il avoit paru une
Comète ? On ne manquoit pas de dire tout
aulTi-tôt, qu'au preflèntiment de ce grand mal-
heur toute la nature s'étoit remuée pour for-
mer de nouveaux aflres , & à force de le dire,
on a porté hs, hommes à croire , que quand il
paroît des Comètes , c'eft un ligne que la na-
ture
Fenfées diverjes, i^?
turc a quelque fèmblable preffentiment. Avoit-
îl auflî paru quelque Comète à la naiilànce d'un
Prince devenu puiflànt 8c viftorieux ? Les Pa- (i) Adeô
negyriHes épluchant , félon les préceptes de la vel fum-
Rhetorique , les lignes mtecedens de concomi- "^'^^" -
tans de cette naiflànce, ne manquoient pas de î{î^'&
faire fonner haut la nouvelle étoile. Enfin il pompam
étoit impoiTible que la Comète fût prilè pour amamus,
ce qu'elle étoit 5 c'eft-à-dire , pour un elxct na- 9'^^^^ "''^-'■-
turel, V aiant tant de gens qui iè mêloient d'en ^'^^^ ^r^^
r ■ ■' ■ ■ ° •• non pot-
faire un mirace. fint/nifi
Plus on étudie l'homme , pius on conoît que rerum na-
l'orgueil efl là paiTion dominante , 8c qu'il afïec- f"''^ P^»"-
te (i) la grandeur jufques dans la plus trifte ^"'■^°f"^'
mifere. Chetive Se caduque créature qu'il eft, hSfnî^iu^
il a bien pu fe perfuader qu'il ne fauroit mou- tuofam
rir , fans troubler toute la nature, 8c fans obli- funeri fi-
ger le ciel à fe mettre en nouveaux frais , pour ^^"^ ^^"
éclairer la pompe de ihs funérailles ! Sotte 8c ^T;„?^«,
ridicule vanité ! Si nous avions une jufte idée
de l'Univers, nous comprendrions bientôt, que (2)Quam-
la mort ou la naiflànce d'un Prince , eft une iî quam ma-
petite affaire , eu égard à toute la nature des J"^ i'^^^
chofes , que ce n'eft pas la peine qu'on s'en re- P''"?°^^~
mue dans le ciel. Nous dirions avec celui de m^jorque
tous les Philofbphes (2) de l'ancienne Rome, sâusiuî
qui a eu les plus fublimes penfées , qu'à la ve- fruâus,
rite les foins de la Providence defcendent juf- ^"^"^ ^^^'
ques à nous , 8c que nous y entrons pour nô- [aYin ,^ta-"
trc part , mais que leur but efl bien autrement men'ln
conliderable que nôtre confèr vation , 8c qu'en- noieras
core (3) que les mouvemens des cieux nous *^^o^"^
G f apor- "'•''^^.'" ^
reium
pr^mifTa
mens elt, & is ordo mundo dams, ut appareat curam noftri non
incer ukîma habitam. Senec.dc 'Benef. /. 6. c. 23. {■^) Non cnira
nos furpicimus, û digni nobis videmur propter <iuo« uaca ««»-
Ye'Hmur. hi* de ira , /. z, f. 17,
154 Penfées diverfes,
aportent de grandes utilitez , ce n'eft pas à di-
re pourtant que ces vaftes corps ic meuvent
pour l'amour de la terre. Pardonnez-moi cet-
te petite aprobation d'une penfée , qui ne par-
iera jamais pour orthodoxe parmi ceux qui
prcnent les Comètes pour des prodiges. Tant
de gens iè font mêlez de leur conférer cette
qualité , que l'erreur a été inévitable.
Si vous ajoutez à cela , que le cours du mon-
de fournilîànt une infinité de révolutions 8c de
malheurs , on en voioit arriver fouvent à la
fuite des Comètes ; qu'il arrive plus de grands
maux dans le monde , que de grandes 6c d inli-
gnes profperitez. Que les homm.es retiennent
mieux le fbuvenir du mal , que le fouvenir du
bien 5 que fur le chapitre à^s prédirions ils iè
laiiïènt plutôt tromper par une qui a reiiffi ,
que détromper par vingt qui ont été fauflèsi
qu'ils ont donc fait plus d'attention aux Comè-
tes qui ont été fuivies de malheur , qu'à celles
qui n'en ont pas été fuivies ; qu*il meurt plus
de têtes couronnées , qu'il n'y en a qui devien-
nent àts Mithridates : û , dis-je , vous ajoutez
tout cela aux autres reflexions que j'ai faites,
vous comprendrez aifément , Monfieur , que
les Païens ont dû être généralement préoccu-
pez de la pfcnfée , que lès Comètes font un û-
gne de malheur.
§. LXXXIV.
Tùurqmî les Chrétiens font dans la même pre-
'vention que les Faiens fur le fujet des Co*
înetes.
Maintenant il ne faut plus s'étonner que les
Chrétiens ibient dans la même prévention ,
puis qu'ils font la pollerité des Paiens , & qu'à
l'idolâtrie près , ils donnent dans les mêmes
foi^
Penfées diverjès. 155;
foiblefîês que les Païens. Le grand ouvrage de h
prédication à^s Apôtres a été de faire conoîtrc
Je vrai Dieu , & fon Fils Dieu ôc homme, mort
£c refufcité pour nous , & de remplir le cœur
de l'homme de l'amour de Dieu & de celui de
la fainteté , de faire ceiîèr le culte à^s Idoles,
6c de rumer l'empire du vice. C'ell: à quoi ten-
doit la publication de lEvangile. Du refle.
Dieu ne s'eft pas propefé en retirant les Paiens.
de leurs ténèbres , &. en les introduiiànt dans
le Roiaume de ià merveilleufè lumière , pour
me fêrvir àcs expreffions de l'Ecriture , de les
rendre meilleurs Philolbphes qu ils n'étoient,
de leur aprendre les iècrets de la nature , de les
fortifier de telle ibrte contre les préjugez Ôfe
contre les erreurs populaires , qu'ils fu fient in-
capables d'y tomber. L'expérience nous le
montre manifefrement i on ne voit pas que les
perlbnnes à qui Dieu communique les plus
riches trelbrs de fa grâce , qu'il remplit de la
plus ferme foi , 8c de la plus ardente charité,
îbient hs génies les plus penetrans , raiibnnent
avec le plus de force , &: fe mettent au defTus
de mille faux jugemens , qui ne font d'aucune
confèquence contre le làlut de Tame. Si bien
qu'on peut dire que les Païens font pafîèz dans
ia Religion Chrétienne , avec tous les préjugez
qu'ils avoient eus dans le Paganifine à légard
àcs choies de la nature , ou en gênerai à l'é-
gard de tout ce qui ne détruit point les veritez
de la foi.
Vous êtes trop fàvant , Monfieur , pour avoir
befbin que je vous aprenne cette remarque , &
vous la fàuriez aflèz , quand même vous n'au-
riez lu de vôtre vie que les Ouvrages de Mr,
Nicole h car voici comme il s'exprime dans le (0 '5" '•
chef-d'œuvre , qu'il n'appelle qu'EjJhis de Mora- "^-l^oj^ "
le y par une modeftie tout-à-tait Chrétienne, î|p°i",'^*
(0 Lmori que J e s u s - C h r i § t /^tf- plein de n.* 42. *
G 6 tcme
Çi) Fieri
analunc
alieîîi er-
îoris ac-
«xedere'.
15^ Penfées- diverfèi.
toute ter'ité , comme ait St. fean , on ne voa
foint qu'il ait entrepris d'oter aux hommes d'au-
tres erreurs e^ue celles c[ui regardoier.'t Dieu (y> les
TTioiens de leur falut. il farvoit tous leurs égare-
mens dans les choses de la nature. Il conotjjoit
mieux que perfonne en quoi canjîfioit la terita^
hle éloquence. La vérité de tous les évenemens
fajfez, lui étoit parfaitement c'onué. Cependant
il n'a point donné charge a fcs Apôtres , m de
combatre les erreurs des hommes dans la Thyfi-
que , ni de leur aprendre a bie'a parler , m di
Les defabufer d'une infifiité d'erreurs de fait dont
leurs Hijioires étoient remplies.
Il paroît par les Ouvragés des Pères qui s'é-
toient convertis du Paganifme , que s'ils avoient
été Platoniciens , ils retenoient l'air 6c l'efprit
de cette Secle. 11 n'y a donc point lieu de dou-
ter , que ceux qui avoient cru que les éclipfès ,
les Comètes , les tremble-terres , ëc chofes fem-
bhbles , font des phénomènes de mauvais au-
gure , ne Talent encore cru après leur conver-
iion , s'imaginant que pourvu qu'ils attribuai^
lent à leurs péchez. 6c à la colère de Dieu, ce
qu'ils avoient attribué à l'omilTion de quelque
cérémonie fuperftitieufe , 6c a quelque fauiîè
Divinité effenfée , il n'y avoit rien à redire
dans leur ièntiraent. Par ce moien la focieté
des Fidèles s'eft trouvée de génération en gé-
nération imbue des erreurs populaires qui s'é-
toient établies dans le Paganifme , à la refèrve
de celles qui choquent manifeftement lei Myf-
teres de la Religion : car dès qu'on a vu qu'u-
ne opinion n'étolt pas condamnée comme hé-
rétique , on a fuivi fans façon le torrent de
ceux qui en étoient préoccupez. Peu (i) de
gens s'amuftnt à examiner li les opinions gé-
nérales ibnt vraies , ou faulîès. N'eft-ce pas
aiïcz , dit-on en fon e/prit , qu'elles viennent
de UPS pères ?
~~.'^ %. LXXXV.
Penfées diverfei. 157
§. LXXXV.
Introduclions de plujietirs cérémonies Vetienrt/es
dans le Chrifiiamfme.
Il efl: même vrai , que quand on fe fut aper-
çu dans l'ancienne Eglife , que la trop grande
lîmplicité du culte que les Apôtres avoient en-
feigne , n'étoit pas propre pour le tems où la
ferveur du zèle s'étoit un peu ralentie , Se
qu'ainii il étoit de la prudence Chrétienne d'in-
troduire dans le ièrvice divin Tulage de diver-
iès cérémonies , on s'arrêta Hir tout à celles
qui avoient eu le plus de vogue parmi les
Paiens : ibit parce qu'en gênerai on les trouva
propres à infpirer du reipedl aux peuples pour
les chofes faintes , foit parce qu'on crut que
ce feroit le moien d'aprivoilèr les Infidèles , 8c
de les attirer à J e s u s-C h r i s t , par un chan-
ement en quelque façon imperceptible. Quand
Huguenots nous reprochent la conformité
1 iè trouve entre nos cérémonies , & celles
"es anciens Paiens , & qu'ils la prouvent mê-
me par de bons paiTages , il y a plulieurs de /j> y. ^
nos Controverliftes qui leur difent tout net que moires de
cela efl faux , que ce font toutes calomnies for- Mr. de
gées par les Minières, pour décrier nôtre Re- ^^laroHes
ligion. Mais ceux qui font tout enfemble 8c ^^^J^'^'
habiles , 8c de bonne foi, avouent ( i ) la det- bu Bou-
te , 8c ne manquent pas de bonnes raifons, Lu, Thea-
pour juftifier l'adoption que nous avons faite cre des
de plufieurs coutumes du Paganifme. Ils di- ^"'■tiquitex
ient , que c'eft emploier les richefics des Egyp- pjg^/g"^*
tiens à la fabrique du Tabernacle , comme fi- jgy*. &cl
rent les Juifs : que c'eft imiter Salomon , qui
emprunta d'un Roi idolâtre les matériaux 8c les {^) Lib,
Archite6tes du Temple du vrai Dieu : que Da- ^* ^*^f->
vid {i) ne fit point fcrupule de fe paier de la ^^^' *^
G 7 cou-» -
158 ' Pcfijees diverjès,
couronne d'or grêlée de pierreries , qu'il avoit
fait arracher de defïus la tête de l'Idole Mel-
chom : que Dieu permettoit bien aux Juifs de
fe marier avec leurs captives , 6c de changer
des Moabites en filles de Sion , pourvu qu'ils
(i) Deu- leur rognafîènt (i) les ongles, qu'ils leur ra-
i-eron.ch. Çx^Q^it les cheveux , £c qu'ils pratiquaient à
ai. V. 12. j^^^ égard diverfes purifications : qu'ainfi après
les rétranchemens , Se les purifications necef-
iàires , nous ne devons pas faire difticulté de
nous accommoder des dépouilles du Paganifme,
comme le remarque Saint Jérôme. Le Cardinal
Baronius demeure d'accord que TEglifè s'en efl:
ibuvcnt accommodée , car après avoir avoué
fort ingénument , que la Fête de la Chandeleur
eft tout-à-fait Païenne dans fon origine, il ajoû-
(i) Itidem fe^ ^^^ ^^^^7 gji arrivé la, même chofe a flujieurs
'r^rcen- autres fiiperftitions des Gentils ,c'ej'i-À-dire, qu'el-
rilium ^^^ ^'^^ ^^^ loiiaélement introduites dims lEglife,
inftitutis aiant été expiées ^ fanBijiées far un ufoge fa^
conûgitj cré. Jugez, Monlieur, fi les erreurs 6c les pre-
utfuperf- jugez des Paiens fur le chapitre des prefages,
«orum* n'ont pas eu beaucoup de facilité pour entrer
ufusfacris dans la Religion Chrétienne, pourvu ièulement
ritibus ex- que l'on n'attribuât rien aux fauflès Divinitez. ,
pxacus,ac pyjg q^g ]es cérémonies de leur fauflè Religion
^^^^' ont été favorablement accueillies , après avoir
tus reddi- été duëment purifiées.
tus, in Dd
Ecclefiam §, LXXXVI.
laudabili-
terintro- ^ t /. «• r j t, ■ r
duaus fit. ê^^ ^^^ /^^#-^ cmverfions des Tatens ont tranf-
Not. in porté bien des erreurs dans le Chrijtiantfme.
Martyrol,
Rom. 1. Il y a une autre chofe qui a contribué au
tranfport des erreurs du Paganifme dans l'E-
glife Cîiretienne : c'eft le grand nombre des
feux convertis. Car combien croiez-vous,
Monfieur , qu'il y eut de Pâiens qui firent fem-
bkait
Fenfées divey'Jès, I59
blant d'abjurer l'Idolâtrie fous les Conftantins,
6c fous les Theodoiès , lors que la Religion
Chrétienne étoit la Religion dominante , &
que pour bien faire ià cour à celui de qui
l'on attendoit fà fortune , il faloit être bati-
fé ? Peut-être n'y en eut- il pas beaucoup,
pendant que les Empereurs Chrétiens iè cru-
rent obligez par raifon d'Etat à ménager les
Paiens. Mais je fuis fort trompé , fi quand
Theodofe fè fut mis tout de bon dans l'elprit
le defîèin d'extirper le Paganifme , i\ n'y eut
beaucoup d'Idolâtres , qui fans autre motif que
celui d'être de la Religion du Prince , entrè-
rent dans le giron de TEglife. Je dis la même
cho/è des François qui étoient Paiens , lors que
Clovis fè convertit à la foi. li efl: probable que
Dieu en illumina quelques-uns , &: que fà Pro-
vidence, qui trouve fou vent à-propos de fe fèr-
vir de nos paiTions pour nous retirer de nos
égaremens , emploia la forte im-prelfion que
l'exemple d'un grand Roi peut faire fur \ts
efprirs , à ouvrir les yeux à quelques Seigneurs
de cette Cour. Mais il efl aulTi probable, qu'il
y en eut plulieurs , qui fe firent batifèr unique-
ment afin d'être du côté d^s plus torts. Si les
Philofophes Paiens qui afliflerent à la haran-
gue que Conflantin prononça devant les Pères
du Concile de Nicëe pour défendre la Divinité
de J E s u s-C H R I s T , furent plus touchez de
ce difcours , que de toutes les Apologies qu'ils
avoient lues : fi jamais la Religion Chi-etienne
ne leur a paru plus plaufible , que quand un
Empereur revêtu de toute fà Majeflé parla pour
elle i n'efl-il pas bien aparent que la vue d'un
grand Roi qui embraffe i'Evangile , Se que la
force d'un fi grand exemple , déterminèrent
quantité de gens de Cour à faire comme lui,
ians examiner la chofè plus amplement ? On
peut donc dire , qu'en ces tenis de profperité>
l'exeni-.
I^o Penfées àïverfes.
î*exemple des uns fer voit de conviârion aux au-
tres de Province en Province j 6c qu'ainfi plu-
lieurs perfonnes de tout état , &: de toute con-
dition entroient dans l'Eglife lans aucune véri-
table vocation , 6c y aportoient tous leurs pré-
jugez.
§. LXXXVII.
'Du ^mchant que les hommes ont à être de U Re-
Is^ion dominante , 0* du mal que cela fait a la
'Vraie Eglife,
(i) Abre. Mr. de ( i ) Mezerai raporte une chofè tou-
gé Chro- chant Catherine de Medicis , qui me paroit
Ts^zT'"'' confiderable. A la bataille de Dreux le parti
du Roi aiant eu du pire dans le commence-
ment , il y eut des fuiars qui piquèrent jufqu'à
Paris , où ils publièrent que tout ëtoit perdu.
Catherine de Medicis iàns s'émouvoir autre-
ment, fe contenta dédire. Hé bien , il faudra
donc prier Dieu en Franfois , 8c fe mit à careP
fer les amis du Prince de Condé , &: les fè<5la-
teurs de la nouvelle opinion. On voit par la
qu'elle étoit toute refignée à la ruine de la Re-
ligion Catholique dans ce Roiaume , 8c toute
prête à la fàcrifier au parti de la nouvelle Re-
ligion, s'il fût devenu le plus puiffant. Cette
troupe de filles d'honneur , qu'elle emploioit à
lui faire des créatures , au dépens de tout ce
qu'il vous plaira , n'eût pas été non plus fort
mal-aifée à perfuader qu'il faloit prier Dieu en
François , li le Prince de Contié victorieux les
eût mariées avantageufèment à des Seigneurs
Huguenots : 8c ainli à proportion chacun à
l'exemple de la Reine ?/Iere fè fût accommodé
à la nouvelle Religion , ou pour confèrver fès
charges , ou pour en obtenir quelqu'une par le
«redit dii Prince. Si bien qu'il ne tint qu'à
une
Fcnfées diverjès, loi
une bataille gagnée par les Roiaux , que la Re-
ligion dominante ne devint la Religion tolérée
Se diigraciée , que Ton eût quitté par troupes
pour s'avancer plus aifément. C'eût été h
même chofe trente ans après , fi Henri IV.
eût pu terraiièr la Ligue par la force de Tes ar-
mes. En ce cas-là , je vous répons qu'il n'y
eût point eu de Conférences de Sureine •■> point
de promelTes de fe faire infh-uire} le Roi vicfto-
rieux n'eût eu aucun doute fur ià Religion. Il
l'eût mife fur le trône , 8c c'eût été un grand
bonheur pour les Catholiques d'obtenir un Edit
de Nantes pour être à tout le moins tolérez.
On les eût traitez, haut à la main , 8c parce
que \qs Huguenots avoient parmi eux en ce
tems-la beaucoup de ces ardens zélateurs , qui
courent la mer 8c la terre pour faire des profe-
lytes , comme nous en avons à prefent un très-
grand nombre par la grâce de Dieu Se du Roi ,
on n'eût entendu parler d'autre chofe que de
converfion. Tous les Intendans de Province
euflènt été des Marillacs , 2c je ne fai ce que
nous ferions à prefent vous 6c moi , mon pau-
vre Monlieur. Il me paroît fort probable, que
Monfieur vôtre grand-pere qui avoit une belle
charge £c beaucoup d'enfans , fe fût fait Hu-
guenot, pour conferver cette charge , 8c pour
poufîèr fà famille. Si bien , Monfieur , que
peut-être vous feriez Miniftre de Paris à l'heu-
re qu'il eft : car Monfieur vôtre père voiant la
belle naifïànce que vous aviez pour les lettres,
Se vôtre naturel dévot , n'eût pas manqué de
vous defliner à TEglife. Pour mes ancêtres, je
crois franchement qu'ils euflcnt fait ce que je
vois faire tous les jours aux Huguenots de mon
voilinage , qui pour fè délivrer une fois pour
toutes des importunitez pieufès 8c dévotes des
Curez 8c des Moines , 8c pour fè procurer les
avantages du ciel 8t de la terre qu'oo leur pro-
met.
ï6i Penfces diverjes,
met , francs 8c quittes de toutes les avanies , Se
de toutes les injuftices qui leur font faites fou-
vent par un zélé fort déréglé , (ce que je ne
dirois pas devant tout le monde) font femblant
de fè faire Catholiques.
Or il ell bien alîuré , que toutes ces conver-
fîons prétendues de nos Anciens , n'cufîènt pas
empêché leur dévotion iecrette pour Nôtre
Dame, pour les Saints, pour les Reliques, pour
les images, pour le Scapulaire, 5cc. ni arraché
de leur cœur la pieulè crédulité qui leur avoit
été inipirée dès le berceau , pour les miracles,
pour le Purgatoire , Se ce qui s'enfuit. Nous
en tiendrions encore quelque cholè vous 8c
moi 8c nos femblables , tout Calviniftes que
nous ièrions. C'ell pour vous dire , que quand
on n'entre dans une Religion que par politi-
que, on y entre avec tous lès préjugez : 8c c'eft
ce qu'ont fait plufieurs Païens en embrallànt la
proreflion du Chriflianifme.
§. LXXXVIII.
Reflexion fur les converjîons frefmtes des
Huguenots.
Je fuis bien aiiè d'être tombé fur ce dif^
cours , parce que cela me donne lieu de vous
demander ce que vous penièz de tant de con-
quêtes que nous failbns inceffamment fur la
Religion prétendue Reformée. Je fai que vous
êtes un Catholique fort zélé , 8c je conois peu
de gens qui vous égalent en cela. Si bien que
je pourrois facilement croire , que vous êtes ii
iènlible aux victoires que nous remportons for
le parti Huguenot , qu'il ne vous relie point de
tems pour en examiner les fuites 8c les circonf-
tances. Mais comme je fài d'ailleurs , que vô-
tre zele ne vous empêche pas d'avoir Telprit
fort
Tcnfées diver/ès» kS'^
fort folide , je puis m'imaginer que vous por-
tez vôtre vue beaucoup plus loin que les au-
tres. C'elt pourquoi ne voiant pas clair dans
vôtre efprit fur cette atiàire , je vous prie de
m'aprendre ce que vous en penfèz. S'il ne
faut que vous montrer le chemin , pour vous
engager à une confidence de cette nature , Taf-
faire eil faite , car voici dans le vrai ce que je
penfè fur cela.
Je ne trouve point que ce fbit entrer dans
le véritable elprit du Chriflianifme , que d'ex-
torquer des conversons à force d'argent , £c à
force de rendre mailieureufe la dellinée de ceux
qui ne fe convertiiîènt point. J'avoue que dans
î'état où font aujourd'hui les Calvinifres de
France , ces moiens4à font très-propres à les
faire changer de Religion , parce qu'ils ont per-
du ce premier feu 6c cette ardeur qui accom-
pagne tous les grands changcmens , 6c qui à
caufe de cela fe trouvoit avec une gTande force
dans leurs ancêtres. Mais franchement, je ne
crois pas que ce foit le vrai moien d'en faire de
bons Catholiques ; 6c c'ell pourtant à cela qu'il
faudroit uniquement travailler. Car nous avons
tant de mal-honnêtes gens 8c tant de fcelerats
dans nôtre corps, qu'au lieu d'en groffir le nom-
bre par cette multitude de faux convertis , 6c de
Minières Sociniens qui s'y joignent de jour en
jour , il faudroit prier Dieu de chalïèr de fbn
•Eglilè tous ceux qui la deshonorent par leur
conduite déréglée.
Vous me direz fans doute , que l'intention
de ceux qui travaillent à l'extirpation du Calvi-
cifme , n'eft pas d'augmenter le nombre des
mal-honnêtes gens qui iônt parmi nous. Je le
croi aufli , Monlîeur. Mais vous fàvez bien ce
que l'on dit en Philofophie contre ceux qui
boivent beaucoup , 6c qui protcflcnt néanmoins
qu'ils n'ont pas intention de s'enivrer. On leur
dit.
1^4 Tenféei diverjès.
dit, que s'ils n'ont pas cette intention ^^'^wf/Ze-
ment , ils l'ont du moins imerpretativement ^
c'eft-à-dire , qu'ils ont une intention qui peut
raifbnnablement être interprétée , par celle de
s'enivrer. Diibns le même de nos converti!^
ièurs j ils ne veulent pas formellement que les
Huguenots deviennent mechans Catholiques,
mais ils le veulent :/?terpretativement , puis qu'ils
veulent des choies qui mènent tout droit à
une faufîè converiîon. Car ils veulent qu'un
Huguenot ibit pauvre , s'il perlllle dans ia Re-
ligion 5 qu'il perde fes charges, 8c les emplois i
qu'il fbit expofé à mille infiiltes; qu'il ne puif-
fe aller au prêche qu'avec mille peines. On
ofïre mille douceurs à ceux qui abjurent leur
créance : on les délivre d'un joug fort pefant :
on leur facilite l'entrée des biens 2c des hon-
neurs. Il faut être bien ignorant de ce qui iè
pafîè dans l'homme , pour ne pas iàvoir, qu'il
y a une infinité de gens dans ce fiecle-ci , qui
à ce prix-là feroient profelTion de croire tout ce
qu'on voudroit.
Comme nous avons deux fortes de conver-
tilîèurs , les uns de robe courte , & les autres
de robe longue, je ne croi pas qu'il faille faire
un même jugement de tous. Ceux de robe
longue me paroilTent moins exculables que les
autres , tant parce qu'ils ont inlpiré au Roi
toutes ces manières de convertir , que parce
qu'ils ont lu dans THilloire Ecclefiaftique la
condamnation de ces manières : au lieu que
les convertifTeurs de robe courte ne font qu'o-
béir aux ordres du Roi , 8c ne font pas de pro-
feffion à iàvoir ce que diiènt les anciens Pères.
Permettez-moi de vous citer un paiîàge de So-
crate, qui fait voir en même tems que ces ma-
nières de convertir étoient blâmées par les an-
ciens Chrétiens, 8c engageoient une infinité de
peribnnes à abjurer la profeiuon de leur créan-
ce.
Tenfees diverfes. 1^5
ce. Je fai bien que vous n'ignorez pas ce paf-
lage i mais vous ignorez peut-être que je le
iài : ainli je m'en ferai honneur, s il vous plaît,
auprès de vous. Voici donc ce que dit ( i ) fi) Hift,
Socrate, Tour ce qui efi de la trop grande cruau- f^^^^^*
té, qu'on avoït e?nploiée fous l'empire de Diode- ^ * ^^'^^
tien, l'Empereur Julien ne s'en ^voulut pas fer- & 15.
vir, (2 ) înais il ne laijfa pas de perfecuter l'E-
glife (remarquez bien ces paroles) Car j'ap- (2) où
PELLE PERSECUTION, LORS QUE DES /-'-?»' ^f'^TS»
GENS QUI SE TIENNENT EN REPOS, '^*^ à lax^ti
SONT INQ^UIETEZ DE QJJ E L QJJ E ^^ ^- SiCêyy.oi
K I E R E Qju E CE SOIT. Or il inquiéta les Si y.iya ri
chrétiens de cette façon, il fit urie loi qui leur oTraa^v
défendait d'étudier, de peur, difoit-il, que par le ^^^^f^f'"^
r I /•• -1 '■ -rr 11 ■ r' Tciç nc"j-
Jecours des jciences , ils ne rèpo/idifjent plus atje- y^Pr,{\yi^^,
ment aux FhHofophes Faiens. Il les éloigna auffi " ^ '
de tout emploi militaire dans le Valais , ô" de tout
Gouvernement de Province i (^ en partie par fcs
carejfes , en partie par fes liber alitez, , il en atti-
ra beaucoup au culte des Dieux. On vit alors ,
comme a l'épreuve du crenfet , qui étaient les
faux Chrétiens , ^ qui étoient les véritables. Car
les véritables Chrétiens fe défirent gaiement de
leurs charges, prêts à endurer toutes chofes, plu-
tôt que de renoncer a, la foi. Mais ceux qui an
lieu d'être veritableme?ît Chrétiens , prefcroient les
richeffes ^ les honneurs du monde a la vraie fé-
licité, ne balancèrent pas k facrifier aux Idoles.
Il parle enfuite d'un Sophifle nommé Ecebo-
lius , qui cft le véritable portrait dune infinité
de gens. // étoit toujours de la Religion des Em-
pereurs. Sous l'empire de Conjlantius il fit fem-
blant d'avoir un zélé merveilleux pour l'Evangi-
le ; mais fous fulien il parut exceffivement atta-
ché aux fuperfitions Paiennes. Après la mort
de Julien , le Chrtfiianifme étant remonté fur le
trône , le Sophifle ne manqua pas de reprendre la
profejfion de Chrétien. Enfin Socrate nous aprend,
que
i66 Venféei diverfes,
que fous cet Empereur apoflat,les Chrétiens fu-
rent obligez de paier des fommes immenfespour
fè racheter de 1 obligation delàcrifier aux Dieux.
Il n'y a point d honnête homme qui ne con-
damne cette manière de convertir j Se 11 les
Dieux de Julien euflent été raifbnnables , ils
cufiènt detefté les Chrétiens qui ne leur euOcnt
offert des làcrifices , qu'afin de fe fàuver de la
taxe qu'on leur failbit paier rigourcufcmcnt.
Quel cas croions-nous donc que Dieu faflè de
tant de Huguenots qui fe convertifTent pour du
pain j Dieu , dis-je , qui efl: infiniment plus di-
gne d'être fervi à caulè de lui-même, que les
Divinitez du Paganifme?
Je fuis prelque fur que vous ne me croicz
pas afièz verfé dans l'Hiftoire Ecclefiaftique,
pour avoir ouï parler d'un Eveque Grec, nom-
mé Afterius, qui vivoit far la fin du quatrième
fiecle. Il efl: néanmoins vrai que je conois ce
nom-là, 8c que j'ai lu fon Homilie contre l'a-
varice , où j'ai trouvé un pallàge qui ne fera
pas mal placé en cet endroit, ^iï efi-ce, s'é-
crie-t-il , qui a obligé des Chrétiens a s' abandon-
ner au culte des Démons ? N'efi-ce pas le dejlr
des richejfes ? N'ejî-ce pas Vefpermce éf* ^f* p^o-
mejfe que les impies leur ont faite , des biens ^
des dignitez. du monde , qui a porté ces mif érables
a changer de 'Religion comme d'habit ? Irions nous
fowvencns encore des exemples des premiers tems ,
(^ nous en azions vu de nos jours de bien funef-
tes. Car lors que l'Empereur (Julien) levant
tout-d'un-coup le mafque, découvrit ce qu'il avoit
dijpmulé fort lo?ig teins , ^ facrifia publiquement
aux Dieux , ^ incita les autres par diverfes te-
compenfes à faire le même, combien 'j en eut-il qui
abandonnermt l'EgUfe pour fe ranger à la commu-
nion des Idolâtres ? Combien y en eut-il qui atti-
rez, par dijferens leurres , avalèrent le kmneçon de
l impieté?
Pcnjees diverfes, l6j
Il ne faut pas douter que les Gentils ne dif-
fent à-peu-près les mêmes choies , lors que les
Empereurs Chrétiens attiroient les Idolâtres à
la vraie Religion par l'eiperance de faire fortu-
ne; & il ne faut pas douter non plus , qu'ils
n'eufîènt raifon de ibutenir , qu'un très-grand
nombre de gens les quittoient par complaiian-
ce pour le Prince. Car il eft lûr , comme je
l'ai déjà remarqué , que du tems àQs Conftan-
tins , à^s Theodolès 8c des Clovis , la plus
grande partie à^s Paiens qui vouloient être
bons Courtifàns , ou qui n'avoient point de
confcience , ou qui croioient qu'on peut plaire
à Dieu par toute forte de cultes , le jetterent
dans la bonne Religion. Dieu fait le gré que
TEvangile leur en de voit fàvoir , Se le préjudice
que la vérité en a fbuffert. Ces faux convertis
ont été un germe de fuperflitions Se d'erreurs ,
dont peut-être l'Eglile fe fènt encore. Nous
avons prefentement à craindre tout le contrai-
re de nos faux convertis , fàvoir un germe
d'incrédulité qui fàpera peu-à-peu nos fonde-
mens , 8c qui à la longue infpirera du mépris à
nos peuples pour les dévotions qui ont le plus
de vogue parmi nous. Or lî nous changeons
dans ces points-là , que deviendront les fonde-
mens de nôtre foi , qui ne fubliflent eue dans
la fupolition de l'infaillibilité , 8c par confequent
de l'immutabilité de l'Eglifè? Ne me dites pas,
que quand même les nouveaux Catholiques
nous ameneroient peu-à-peu l'abolition de cer-
tains cultes , les decifions des Conciles demeu-
reroient hors de toute atteinte. Car quoi qu'en
difè Monfieur de ConJom , on ne peut guère
fàuvcr l'infaillibilité de l'Egliiè , 11 l'on aban-
donne aux Proteftans les dévotions qui les cho-
quent. Je trouverai peut-être l'occafion de
vous parler plus amplement de cela avant que
de finir. Je ne la chercherai point : mais 11 el-
le
(i) Voiez
Ja.Win-
decde vitâ
fundorum
ftatu. pag.
zj6.
(t) Ri.
cant Etac
de l'Emp.
Octom.
liv, 2.
chap.rz.
(5) Exode
chap. 12.
V.38.&
Nombr.
cbap 11,
1(^8 Penfe'es diverfes,
le fe prefente , je vous promets de ne la point
laiflèr échaper.
Quand ( i ) je fonge à la remarque que font
les Rabins , que les Idolâtres qui fui virent en
très-grand nombre , & en qualité de prolcly-
tes , le peuple de Dieu fortant du pais d'Egyp-
te , furent les premiers auteurs de la fonte da
Veau d'or , & de tous les murmures de ce peu-
ple dans le cieièrt, je tremble pour l'Egliiè Ca-
tholique •■> m'imaginant que tous ces nouveaux
convertis exciteront cent murmures dans Toc-
cadon contre piuiieurs choies , qui leur paroî-
tront d'autant plus choquantes , qu'ils les re-
garderont de près : Dieu fur tout. Il y a des
gens fort (2) fenicz , qui croient que le nom-
bre prodigieux de Sedtes qui le voient parmi
les Turcs , vient de ce qu'il y a eu piuiieurs
perlbnnes de différente Religion , qui ont em-
bralîe le Mahometifme ou par intérêt , ou par
force. Les Grecs qui l'ont fait , étant d'un pa;"5
qui a été T Ecole des arts £<; des fcienccs , ont
mêlé les anciennes opinions des Philoiophes
avec les rêveries de l'Alcoran, dont ils n'étoient
pas trop contens. Les Rufliens , le^ Mofcovi-
tes, les CircanTiens , 6c autres nations fembla-
bles, y ont auifi ajouté quelque choie du leur:
Se c'eit ce qui a multiplié les Sectes à linfini*
Ce que je viens de dire après les Rabins ell af-
fez conforme à (5) l'Ecriture, qui remarque en
deux endroits, qu'il y eut une grande m.ultitude
de gens qui fortirent d'Egypte avec les enfans
d'Ifraëh & en un autre lieu, que ce furent eux
qui commencèrent le murmure. Mais c'eft trop
m'écarter de mon fujeii revenons -y.
§. LXXXIX
Penfées diverfes, l5p
§. LXXXIX.
Treuves de fait de la tranfplantation des erreurs
du Vagnnï[m2 dans le Chrijùansfme,
^\ les remarques que j'ai faites ne fuffiicnt
pas pour prouver que les Paiens ont conièrve
diveries erreurs en entrant dans le Chriinanif-
nie , lefquelles enfliite le font perpétuées par
tradition j je m'en vais aportcr une preuve
contre laquelle il n'y'a pas le mot à dire , puis
que c'cH: une preuve fondée fur des faits incon-
teftables.
Il paroît par les Sermons des anciens Pères
de l'Eglilè, que les Chrétiens de leur tems s'i-
maginoient , qu'en jettant des cris de toute là
force, on foulageoit la lune éclipiee, & qaon
la faiibit revenir comme d'un évanouïllcment,
qui lui eût été mortel , il l'on n'eût bien crié.
St. (i) Ambroiie , l'Auteur du Sermon 215-. (j^^J'''*^^
de tempore, qui eft parmi ceux de Saint Auguf- x/ait. dc$
tin i Saint Eloy Evêque de Noion , ont parlé fu^erlî. '
fortement contre cet abusj ce qui fait voir qu'il chap. 23,
étoit en uiage parmi ceux à qui ils parloient.
II paroît aulii par les Homilies de Sl Chryrof-
tome, 6c par les livres de St. Bafile , de St. Au-
guftin, &c. que les Chrétiens de leur tems fon-
doient divers prelàges fur ce que quelcun éter-
nuoit en certaines circonfrances 5 iûr ce qu'oa
rencontroit en fan chemin un chat , ou un
chien , une femme de mauvaife vie , une fille ,
un borgne, ou un boiteux; qu'on heurtoit con-
tre quelque choie , ou qu'on étoit retenu par
le manteau en fortant de Ion logis ; qu'un
membre venait à treflàiij^ &c. St. Floy pour
délivrer iès peuples de Semblables fuperftitions ,
leur déclare que c'eft être Paien en partie , que
de prendre garde en fortant de chez, foi , ou
Tom. I, H en
lyo Penfees diverfis.
en y entrant , à ce que l'on rencontre, ou aux
voix que l'on entend , ou au chant des oiièaux,
ou à ce que les autres portent. Il n'y a qu'à
lire le Traité de Mr. Thiers pour ctre pleine-
ment convaincu par l'autorité des Papes , des
Conciles Provinciaux, des flatuts Synodaux, des
Pères , 8c d'autres graves Auteurs , I. Que les
fuperftitions mentionnées ci-dcfiùs, .6c pluiieurs
autres, le trouvent parmi les Chrétiens. II. Que
c'eil: un refte du Paganifrae.
Quand nous n'aurions pas l'aveu de tant de
grands perlbnnages , il feroit bien facile de
prouver , qu'en effet c'efl: une maladie originai-
rement venue du Paganifme. Car outre que
ceux qui ont prêché la Religion de Jésus-
Christ , n'ont enfèigné rien de femblable ,
il paroît par les mcnumens de l'Antiquité qui
nous relient, que toutes ces fuperftitions étoient
en vogue parmi les Gentils. C'étoit une opi-
nion tort générale parmi eux , que les éclipiès
de lune procedoient de la vertu magique de
certaines paroles par lefqueîles on arrachoit h
(i) Et lune du ciel, & on l'attiroit vers la terre, ( i )
patkur pour la contraindre de jetter de l'écume fur
cantu tan- J^^ herbes , qui enfuite devenoient plus propres
prefTa^" ^'^^ fortileges des Enchanteurs. Pour délivrer
labores , la lune du tourment qu'elle foufïroit , & pour
Dontc éluder la force du charme, il faloit, difoit-on,
fup,'ontas empêcher qu'elle n'en ouït les paroles, de quoi
defp^umet °" venoit a bout en faifant un bruit horrible,
in herbas. Et voilà la caufe pour laquelle on s'aflèmbloit
Lacan, avcc des inftrumens d'airain , àes ti'ompetes,
^'^' 6. gc des clairons , .comme à prefent pour faire
un charivari. Les .Pcrfès pratiquent encore
(ï) V lez ^^^^^ ridicule cérémonie , au raport de Pietro
les noiiv. ^^^'^ Valle, Elle eû&aufli en ufàge dans le
I<e!at.de Roiaume de (2) Tunquin , où l'on s'imagine
Mr. Ta- que la lune (è bat alors contre un dragon. Vous
vêro;ej-. fç^^^ réflexion fans doute en lilànt ceci , à ce
qui
Penfées divcrfes. jyj
-qui efl: dit dans le Livre des Pieaumes , que
j'aipic bouche ion oreille, aiin de ne pas enten-
dre la voix de l'Enchanteur , 6c vous m'accor-
derez, je m'aflure , que les Chrétiens qui pre-
tendoient foulager la lune par leurs cris, avoient
puifé leur erreur dans le Paganifme.
Je ne perdrai point de tems à faire voir que
toutes les autres luperflitions cenflirées par les
Pères de l'Eglifè , étoicnt en ulàge parmi les
Paiens : c'eft une choiè trop manifelle. Mais
je remarquerai , que c'eft d'eux que nous te-
nons la prétendue vertu brûlante de la Canicu-
le , dont les Poètes nous ont donné à l'envi des
deicriptions li élaborées ; la prétendue lignifi-
cation de plulieurs malheurs que nous attri-
buons aux écliplès , 5c toutes les chimères de
l'Artrologie. D'où il senfuit , que Terreur ou
nous fommes fur les prclàges des Comètes ,
vient aulfi de la môme cauiè i &: par conle-
quent que c'eft une efpece de fuperftiticn. Je
ferai cette remarque fur la Canicule avec vô-
tre permiifion , Monfieur ; c'eft que les P.o-
mains étoient II perfuadez de la malignité de
fcs influences , que tous les ans pour l'apailèr ,
ils lui (i) facritîoient des chiens roux allez, f') f'^--
près de la porte Camlaria , qu'on apelloir ainii ,
ou du nom de l'aftre auquel fe faifoit le iàcri-
fice , ou du nom de la victime qui lui étoit of-
ferte , ou plutôt à cauiè de l'un 8c de l'autre :
C2.V il n'étoit gueres polTible de fiirc en cela
quelque diftindtion , xuis que la railbn pour-
quoi on imraoloit un chien preferabiement à
toute autre efpece de vi6lime , n'étoit que la
conformité des noms. Les autres (i) peu- (2) Apo'-
ples , qui offioicnt des fàcrifîces à la Canicu- Umhs i. i,
le , n'y cherchoient pas tant de fineflè. Nous ^';' ''-''■•
ne lifons pas qu'ils immolaftènt des chiens, j^'^^'-'"^»
plutôt que toute autre chofe j 8c c'eft une er-
reur de moins. Car qu'y a-t-ii de plus' ridicu-
H z le,
tus ; Uvid,
Faft.5-.
lyi Tenfees diverjês.
le, que de s'imaginer quune étoile fait plus dtf
cas d'une bête , que d une autre ? Néanmoins
tous cts peuples etoient 6c fuperftitieux 5c ido-
lâtres : ëc les Chrétiens fè font contentez de
rejetter le dernier de ces deux; maux , au Hz
bien à l'égard des Comètes , qu'à l'égard du
relie.
§. XC.
Tû^rquoi les Sis. Pères ri ont pas condamné ceux
qui croioïent les prefages des Comètes.
J'avoue que je n'ai point lu , que le? Pères
aient blâmé la fuperflition envers les Comètes,
comme ils ont biâmé les autres. Mais cela
vient fans doute , I. De ce qu'il n'efl: pas fi fa-
cile d'en conoître la vanité , que de conoître la
vanité des autres. Car il n'cfr pas li évident
que lapparition d'une Comète ne preiàge rien,
qu'il ell évident qu'un éternuement ne preiàge
rien. IL De ce que les inccnveniens de cette
fuperftition ne font pas fi frequens , que ceux
qui naillènt des autres. III. De ce qu'ils ont
cru que la terreur àts jugeraens de Dieu, excitée
dans lame des pécheurs à la vue d'une Comè-
te, pouvoit les faire repentir. IV. De ce qu'ils
y ont été trompez tout les premiers ■■, leurs
grandes lumières s'étendant plutôt du côté des
veritez de la Religion , que du côté àts vcritez
naturelles. Quoi qu'il en foit , comme il y a
allez d'autres motifs d'une certitude indubita-
ble, qui doivent porter les hommes à craindre
hs jugemens de Dieu , & à s'amender , rien
n'empêche que nous n'examinions , fi la crain-
te des Comètes eft bien fondée , quand même
il en devroit arriver que les hommes feroient
délivrez d'une terreur chimérique à la vérité,
mais pouitant uriie. Autrement il faudroit
aprou-
Penfées diverjès, 'tj^
àprouver la conduite de ceux qui font ôkQS frau-
des pieuiês , qui enfeignent mille fables , qui
fupoiènt des miracles a plaiiir , quand ils croient
que cela peut aider à la pieté : ce qui ell: néan-
moins une conduite très-éloignée de l'elprit de
TEgliiè. N'érigeons (i) point nos f^itaifies -, dit (ij jgr^^Q
le grand St. Auguftin, en 06 jets de Religion ; car fit nobis
Isi moindre vérité efi meilktire , que tout ce que religio ia
l'on pmrroit inventer à tladr. Il me femble ph"3ntaf-
/v ^ r • 11 j- rL ^ ^ rnatibus
même que ce leroit aller directement contre noftris,
l'intention du St. Elpric déclarée dans Qt% pa- meliusefl
rôles de (z) Jeremie , a, jignis cœli nolite me- enim qua-
tuere, c^ua timent Gentes , que d'epoiivanter les lec'Jnque
peuples par \z% preiàges des Comètes. quàm^ *
quicquîd
•§. X CI. pro arbi-
trio fingi
^u'on (t tort de blâmer ceux qui ne croient fas ^^l^'n
légèrement i qu'un effet fait miraculeux. De ver.
re''g. c. 5 S*
. Souffrez que je remarque par occafion l'in-
juftice de ceux qui blâment la Philofophie , en (2.) Cap.
ce qu'elle cherche des caufes naturelles , où le ^°* ^* **
peuple veut à toute force qu'il n'y en ait point.
Cela ne peut venir que d'un principe extrême-
ment faux , ûvoir , que tout ce que Ion donne a.
la nature efi autant de pris fur les droits de Dieu;
car en bonne Philofophie la nature n'sil autre
choie que Dieu lui-même agiflant , ou félon
certaines loix qu'il a établies très-librement , ou
par l'aplication des créatures qu'il a faites , 8c
qu'il conferve. Defbrtc que les ouvrages àc
la nature ne font pas moins l'effet de la puiA
fànce de Dieu que les m.'raclis ., 8c fupofcnt
une aulfi grande puilTànce que les miracles 5 car
il efi tout auifi diffrcile de former un hommaC
par la voie de h génération , que de refufciter
un mort. Toute la différence qu'il y a entre
les miracles , £c les ouvrages de la nature , c'eft
H 5 que
174 Tenjzci diverjès,.
que les miracles /ont plus propres à nous faire
connoître que Dieu cil l'auteur libre de tout ce
que font les corps , ôc à nous defabufer de l'er-
reur où nous pourrions éire là-dciibs i cnfuiie
de quoi l'en juge aflêz naturellement , que ce
qui le fait par niiracle , vient d'une bonté , ou
d'une jullice particulière. Mais il ne s'enfuit
pas pour cela , qu'on doive trouver mauvais
fr) Tn vi- que j^g Philofophes s'en tiennent à la nature
la Penc . ^^nto^nt qu'ils peuvent. Car comme (i) Plu-
, V V tarquc l'a fort bien remarqué au fujet de Péri-
omnibus ^^^^ & d'Anaxagoras , la ccrnoiliànce de la na-
in rébus ture nous délivre d'une fuperfiiticn pleine de
temoritas terreur panique , pour nous remplir d'une de-
jn afien- yotion véritable , & accompagnée de l'eiperan-
rorque ^^ "^ hiGn. Si les (2) Paieras eux-mêmes ont
turpis eft, remarqué , qu'il importe extrêmement fur le
tum in eo chapitre de la Religion , & plus qu'en toute-
locornaxi- j^^^tig chofè , de ne fè point conduire par le
KidicTn-"° principe d'une aveugle crédulité ; mais de fè
dum eft, bien afîurer du fait , parce qu'en négligeant
quantum une cérémonie tien fondée , on tombe dans
aufpiciis l'impiété , & qu'en s'atiachant.à àcs cultes in-
icbuique ^^^ s'enp-age dans des fuperftiticns pueri-
re.igioni- ''^^ '• "> dis-je , les Païens eux-mêmes ont pu
<]ue tri- voir cette venté , ne devons-nous pas être bien
feuamus. aifès que les Philofophes Chrétiens nous deli-
Eft enim yrent de tous les préjugez , qui fèroient capa-
ium'^^ne ^^^^ ^^ fouiller la beauté n.âie & fblide de nô-
aut ne- tre dévotion? Dans le fond , il y a tant de pe-
jieaisiis rii que les cultes qui s'apuient fur des faufle-
f"^^'ff ^^^ ' "^ s'abatardiflènt , qu'on ne doit jamais -
fufceni^sr ^'^^^^ quartier à l'erreur de quelque efpece qu*el-
anili fu- ' ^^ ^it. J'avouë qu'il eft bien moins fcanda-
pcrftiao- leux de combatre les erreurs , avant qu'une
ne oblige- longue poiîèfllon les ait enracinées dans les
^'^oiib 1" ^^P^^ts de tout un peuple , que lors que leur
de Divi- antiquité fèmble les avoir conlaciées. Mais
»4f,, comme il n'y a point de prefcription contre la.
yeri--
T'enfées diverps. 275
vérité , il ne fèroit pas jurte de la laifïèr perpé-
tuellement enfevelie dans l'oubli, fous prétexte
qu'elle n'auroit jamais été connue, je conviens
auffi qu'il faut le conduire avec une grande à\Ç-
cretion , & de grands menagemens , lors qu'on
attaque de vieilles erreurs de Religion : 6c c'eft
pour cela que quelqu'un a dit , en parlant à^s
chofes de cet ordre- là, ( i ) j|^'// y a plujieurs {i) Dicîr
'veritez , que non feulement il nejl pas neceJJ'aire ^f ^f^^-
que le peuple fâche , mais aufjt dont il efl expe- f^I^^^^^
die-nt que le peuple croie le contraire. Il n'y a mulca efTe
guère de Politiques, ni de gens d'Egîifè qui ne vera, qux
Ibient dans ce fentiment. Mais je dis nean- ^o" modo
moins , qu'en gardant toute la circonfpetlion ^'^''^° ^^'*
1 ^j °^i ■ • j M renon fit
que la prudence Chrétienne exige de nous , il ^j-jg ç^^
doit être permis de travailler à réclaircifTement etiam ,
de la vérité en toutes chofes. tamerfi
fjfarint,
aliter exif-
§. XCII. t'i^are
populum
expcdiat.
De quelle mmùere la grâce guérit U nature. y-^rro apjtd
■ "" ^ D.AuguJi.
- ^«i" civiî.
Encore une remarque , Monficur , lur ce Dei i. 4,
que j'ai dit que les Chrétiens font auffi portez f'i». 511
que les autres hommes aux iupei ilitions des pré-
sages. Cela ne devroit pas être. La connoiflance
que la foi nous donne de la nature de Dieu , 6c
la folide do6lrine de ceux qui nous inflruifent
Aqs veritez Chrétiennes , nous devroient gué-
rir de ce foible-là. Mais helas ! l'homme efl
toujours homme. La Providence divine n'aiant
pas trouvé à-propos d'établir fa grâce fur les
ruines de notre nature , iè contente de nous
donner une grâce qui foutient nôtre infirmité.
Mais comme le tond de nôtre nature , fujette
à une infinité d'illufions , de préjugez, de raf-
fions , 8c de vices, lubfifte toujours j il ell mo-
ralement impolfible , que les Chrétiens avec
H + tou-
i']6 Tenjtes diverfis.
toutes \cs lumières 6c toutes les grâces que
Dieu répand fur eux , ne tombent dans les
mêmes defordrcs où tombent les autres hom-
mes.
§. XCIIL
Combien les Chrétiens fout ïnfatuez des pré-
faces.
Ccfl: une cholè pitoiable, que de voir la lifte
des fuperftitions que Mr. Thiers a rccueiliies,
& qui iubiiftcnt parmi les Chrétiens , nonobs-
tant les ceniures , les menaces , ôc les defenfcs
mille fois réitérées par les Conciles & par les
Synodes. Non leulemcnt il 7 a des fuperllitions
de la dernière balTcfîc dans ce catslogue-là, mais
auffi des profanations fàcrileges , (quoi que cou-
vertes d'un voile fpecieux) ôc des pratiques de
dévotion abominables. J'ai déjà dit ailleurs à
quel point la manie de fàvoir û. defiine'e par un
Aftrologue , a poflèdé tout POccident. On en
efl: revenu enfin 5 mais la ciiriofité efl: toujours
, j,^_ fi forte , qu'on recourt à des voies encore plus
biitciipido criminelles. Pour ce qui ell des preiàges qu'on
principem fonde lur mille cas fortuits , on peut dire que le
percurrere peuple Chrétien cn efl: infatué d'une manière
Marcliim incorrigible.
tBcran<^t!ine H n y a que deux jours , qu en parcourant
Condea- l'Hifloire Latine de Priolcau , je remarquai
notinçlam qu'en l'an 165-2. on prit pour mauvais augure,
planïLiem, ^q ^^jj. ^^^ pendant que Monfieur le Prince
^[Jj?j.^^Jj'^" conlideroit le champ de bataille, où l'un de Ces
enûs bal- ancêtres finit fes jours auprès de Jarnac , ion
theo elap- épie lui tomba du baudrier ( i ). II n'y avoit
fus exci- rien là qui ne fût purement cafuel ; & je fuis
dit, omine jj-j- grand Piince, qui a refpiit auiïï
apud varia héroïque que le cou: âge , en cela p^us Héros
mirantes. qu'Alexandre qui étoit fuperftitieux , ne fit au-
cun
Tcnfées diverfis, Î77
cun cas de ce prétendu prefige. Néanmoins
cela fut relevé , & le repandit. La chute d'un
tableau, d'une colonne, ou d'une horloge, tait
taire cent reflexions à toute une ville. On n'en
parle jamais làns faire àcs conjectures , qui
vont à la ruine de ceux qui avoient fait drelier
la colonne, ou qui avoient fait graver leurs ar-
mes fur l'horloge. A Rome, où l'on eft fpe-
culatif fur ces chofes-là plus que par tout ail-
leurs , jufques à chercher dans le nom d'un
Cardinal, s'il ièra élevé au Pontificat 5 il en coû-
te infailliblement la vie dans l'efprit du peuple,
au Pape, à quelque Cardinal , à quelque Roi:
quelquefois même il n'y va pas de moins que
d'un changement de domination.
Nôtre gazette le chargeoit très - volontiers
de cette forte de contes , dans fcs commence-
mens. Celle du 23. de Janvier 1632. raporte
dans l'article de Vienne que la naillànce d'un
monTrre compofé de deux enfans , la chute d'u-
ne tour que l'Empereur avoit fait bî^.tir après la
défaite du Roi de Bohême à la bataiiie de Pra~
gue, 6c la mort fubite d'un Conièiller d'Etat ,
fàilbient dire bien des choies aux interprètes
des prodiges. Le monftre lignifioit quelque
ligue fort étrange. La chute de la tour ne
pou voit lignifier , quoi que la gazette n'ait pas
cru qu'il s en talût ouvrir entièrement , que la
perte de tous les avantages que la Maifon d'Au-
triche avoit remportez par la detaite du Roi de
Bohême , en faveur duquel le feroit la ligue
étrange. Il peut y avoir des vues de politique
dans le débit de ces nouvelles , comme je l'ai
remarqué en raporiant le caractère d'une fem-
me nouvellille feion l'idée de Juvetial j Se ça
été làns doute la penlée de Mr. Naudé , qui
dans le Dialogue de Mafcurat, apiique à l'Au-
teur de la gazette, tout ce que Juvenal a xoix-
ché dans ce pafïàge. Mais quoi qu'il en loir ,
"^ H 5 OD
lyS Penfees diverfes.
on peut voir par là , que le génie des peuples
d aujourd'hui efl: tout ièmblable à celui des an-
ciens, oui le rcpailToient de fables & de vaines-
conjeâurcs. Je luis bien aile pour 1 amour de
la Fmnce, que nôtre gazette abandonne depuis
allez long tcms cette elpccede nouvelles aux Ga-
zeticrs des autres nations , qui nous ont débité
cent choies ablurdcs lur la prefente Comète.
Je conois bien des gens qui en font fort aile
auiTi , & qti aiment m.ieux aprendre de nôtre
Gazetier , tantôt ce que les Jeiuites de Londres
lui écrivnt pour juftifier leurs faintes 6c zélées
cntiepriies dans ce Royaume-iài tantôt les con-
verlions que l'on fait dans le Poitou à la tête de
cinq ou lix Compagnies de Cavalerie , Ibus
i autorité toute- puillante d'un Intendant vigou-
reux y je connois, dis-je , bien àts gens, qui
aim.ent mieux aprendre du bureau d'adrefic des
nouvelles de cette nature , que mille fades rela-
tions de prodiges.
Je m en vais vous dire une choIê , qui vous,
eonvaincra plus que tout le refte, que j'entête-
ment àçs preJàges sefi: enraciné d'une façon.
étrange dans Teiprit des peuples Ciireticns»
Cliacun fait la révolution que les anàires de l'E-
glilè foufirirent dans le dernier liecle , & la
guerre lans milèricorde que les Protelîans dé-
clarèrent à tout ce qu'ils apelloient les fuferfii-
tsons de la Fapauté^ Les Calvinifres fè ligna-
Icrent lur tous les autres dans cette guerre,
8c ne pardonnèrent à rien qui leur femblât^
.^ fuperllitieux. Mais avec tout cela , les Pro-
fon tra^rd^ teftans ne touchèrent point à la iuperftition à^^
ite prxci' prefages i ils en font aufîi infatuez que nous,.
pus divi- ^ leurs Auteurs en font tout pleins. Un Aile—
natio.am jjiand nomme Peucer , (i) habile homme ^
^ZVJT^, gendre de Aklanchthon , fort ralTionné con-
deteram tre lEgliie Romaine, 6c Ajedecm qui plus elt,
cufia,. laporte je ne M combien de prodiges , qu'ii
Pè}ifées diDerfcs. l'yp
prétend avoir fignifié plufieurs grands eVcne-
mcns. Wolfius, Luthérien fort entêté , fait
mention prefque à chaque page , de quelque
vilion , ou de quelque météore , ou de quelque
monftre de mauvais augure j & c'efl: beaucoup
dire, puis qu'il a compilé deux gros volumes in
folio de leçons mémorables. Si vous lifèz jamais
un livre intitulé , Fathlica facra , compofé par
un Hollandois qui s'apcilc Ncuhufus , je ne
doute pas que vous ne tombiez d'accord , qu'il
cft diiîîcile d aller plus loin en matière de bons
Se de mauvais augures. Ne nous étonnons plus ,
il les Chrétiens nouvellement convertis du Pa--
ganifme , ont confèrvé un grand nombre dc-
fuperflitions.
§. XCIV.
Combien les Hijloriens fe jettent dans le merveil"
letix j ceux de Charles- ^^.'mt par exemple.
La pafiicn de donner du merveilleux aux
évcnemcns , qui a li f3rt poilêdé les Auteurs
profanes , poiîède auffi nos Auteurs Chrétiens ,
& leur fait faire fouvcnt des obiervations il'
puériles, que rien plus. Qu'y a-t-il, par exem-
ple , de plus frivole , que la remarque de San-
do'/al , qui écrit dans la vie de 1 Empereur
Charles-Qiiint que îa R.eine Marguerite , tem--
me de Philippe IIL naquit le propre jour de
Noël entre neuf & dix heures du matin , pen-
dant que la cloche d'une EgHfc fcnnoit l'éléva-
tion du St. Sacrement à la Meiîe; ce oui, ajoû-
te-t-il , fut un i]gne de là grande dévotion:
qu on vit quelques jours après les funérailles
de cet Empereur , un grand oifèau venu du cô-
té de l'Orient fur la Chapelle du Monafiere de
St. Jufle •. qu'un Cordelier de Guatuemala aux
lades Occidentales vit i'acculàtion intentée par
H 6 ks
i8o Peyjfées diverfis,
les Diables contre le même Empereur, & puis
fon abfolution fondée fur {hs bonnes inten-
tions, après cjuoi Dieu conduiiit Charles par la
main à la place qui lui étoit deftinée dans le
Paradis, Qu il eût été aile de pouvoir dire,
qu'une Comète , ou qu'une éclipse avoit an-
noncé aux hommes la mort de cet Empereur!
car s'étant rencontré qu'il y eut de tout cela
quelque tems avant la mort de l'Impératrice,
il n'a pas manqué de nous garantir , que ce fu-
rent des prcdidrions de cette mort! Il faut qu'il
ait oublié, qu'il parut efïeclivement une Come-
• te l'an auquel Charles-Quint mourut , & une
Comète encore fort finguîiere , puis qu'aiant
panché du côté du Septentrion, elle s'arrêta en-
(î) Jean £„ (i) lur Je Monaftcre de St. Julie, & difpa-
Ant. ae ^^^^ .^ |^ xnQït de Charles ; de telle forte qu'à
Fi^uioa, ""^en^e tems que 1 empereur hmlioit la vie, la
Comce cie Comète difparoilToiL aaffi , 5c qu'auffi-tôt qu'il
?a Roc.i, fut mort, on ne la vit plus du tout. Quelle
en la vie pej-fç ^our Sandoval , de ne s'être pas ibuvenu
de Char- ^ ' i n l r i
ks-Qiùnc. de ces belles choies!
§, XCV.
<S)He quand on dit que ks Comètes frefrgent la
mort des Rois , on ne dijl'm^ue pas com^ne il
faudrait faire , ceux dont U mort eft préju-
diciable de ceux dont la mort ne fait aucun
Peut - être penfèrex - vous , qu'a caufc qiie
Charles-Quint étoit déjà mort au monde, quel-
que tems avant qu'il cclTat de vivre , Sandovai
ne ih. fût pas imaginé qu'une Comète, ou qu'u-
ne écliple euilent annoncé ion trépas.. Mais
ne vous y trompez, point , Ivlonileur , ce n'efl
pas à cela que Ion regarde. On vous dit d'uu
côté que les Comètes prciagent de grands mal-
heurs>
Penfées diverfes, i8î
heurs , 8c de l'autre on met au rang de ces
malheurs le décès des Rois &: des Reines , {ans
examiner li ces Têtes iliuftres meurent dans ua
tems où leur mort ne tire point à coufequen-
ce , ce n'aporte aucun changement dans les af-
tiires, ce qui fe rencontre alfez fouvent. Par
exemple , la mort de Charles -Quint ne fut
comptée pour rien , ni par &s amis , ni par iès
ennemis , parce que là retraite avoit réduit
toutes ces grandes palTions qui avoient remué
toute l'Europe , à ne plus inquiéter peribnne,
il ce n'eil: peut-être les Moines de St. Julie, lef^
quels il cmpêchoit de dormir , à ce qu'on dit.
Nous trouvons dans l'Hiilioire plufieurs exem-
ples de Têtes couronnées , -dont la mort n'a
point été préjudiciable à leur Etat , parce que
c'étoient des Princes qui laiflbient des lucceA
leurs aufir dignes de commander , ou mêm.es
plus uignes de commander , 6c plus aimez de
leurs fujets qu'eux. Pour ne rien dire de tant
d'autres qui ne làuroierit jamais mouiir allez
tôt, parce que leur vie eit le fléau , non feule-
ment de leurs voiiins , mais aulTi de Leurs fu-
jets. Nous pouvons mettre en ce rang Jeaa
Balilides, Grand Duc de Moicovie , mort l'an
15-84. deux ans après laparition d'une Comè-
te. Pour Soliman Empereur des Turcs , on
m'avouera que là mort a été le bien gênerai
de la Chrétienté , 8c même de toute l'Europe.
Si bien que c'cfl: très- m al raiibnner , que de
conclure en gênerai , que les Comètes en veu-
lent aux Souverains , de ce qu'elles font le pre-
{ïgQ des jugemens de Dieu j puis qu'il eft cer-
tain que la longue vie de quelques Princes a
été 1 inllrumcut de la juftice divine la plus lè-
vere , 8c qu'ainh on aurcit eu plus de raiibn de
dire , que les Comètes leur ptefageoicnt une
longue vie , que de dire qu'elles preiàgecient
leur mort. C'clt à-peu-près en ce fens-làquç
H 7 Lii-
iSr Peyjfees diverfei,
{i) S'iVi' Lucain ( i ) a parié de la conlèrvation de Ma-
bec ulcifci j.j^5 gj. çy^ç^ ^j^^^j l'cntcndoit l'Auteur d'u-
deletx tu- / N r. • ^r • i- /->
nera i;en- "^ ^^) hpigramme Latine lur une Comète qui
tis , Hune avoit étrangement ailarmé Catherine de Medi-
Gimbfi cis , parce c|uc les Aftrologues avoient publié,
fcrvace qj^e c'étoit le prelàge de la mort d'une Reine,.
Nonllie ^ ^^ ^^é^^ ^''^" grand malheur.
favoieîSTu-
minis, ia- S parler et audaces cum tr'ifi'ts in Athere cr'mes t
g^'it^i f^' Venturique daret fgna, C omet a mali}
perum ^^^^ r j^^-^-^j^ ti;-nens '/nde confcïa viu,
prorectus ^ -^ ,■ ,■ ^ -r r r -^
ab ira. Creuidit mvtjum pojcere fata caput.
Lican.l.z* ^uid, Regina , t'rraes ? Nam^ue h^c malajt
^' *^'^' qua m'iantur
^ * Longa timendpb tua ejl , mn tïbi l'ita 6 revis.
le Journal J^ ^^"^ ^^ '^^j^ V^^^^ P'"^^ '^'^"^ ^^^^ ^^ ^^
du re^ne Comète qui parut , lors qu'Alexandre le Grand
ai Henri monta fur le trône de Macédoine. S'il fût
III. ad mort peu de tems après , comme il pouvoit
aan. 1J77. g^.[yç^ fo-j. aifement , qacH-ce que l'on n'eût
point dît? On n'eût -pas manqué de mettre ce-
la parmi les principaux malheurs preiàgez par
la Comète. L'événement a pourtant tait voir ,
que ia mort de ce jeune Prince anticipée de
dix ou douze ans , eût été le plus infigne bon--
heur du monde , 8c que le plus grand lervice
qu'on eût pu rendre au genre humain , eût été-
de faire périr dès l'enfance cet étourdi:
("5) Mr. (3) Heureux , fi de fin tems pour cent bcn^-
î^cs- J2SS raifonS)
Préaux £^ Macédoine eût eu de Vêtîtes maifions ,
Et cjuun fi.ge Tuteur Vent en cette demeure ,
■ P^r avis -de par ens enfermé de bonne heure.
Etrange prévention des hommes î s'il y a
des Rois , dont ils croient que la vie foit parti-
culièrement: menacée par ces afïxeufes Comètes,
à
P.enfées diveYjQs, ï§3
à qui l'on attribue la charge d'annoncer les
plus funellcs calamitez, , ce ibnt ceux qui ont
acquis une grande réputation 6c une puiifance
formidable. Et tout au contraire, ce font ceux-
là qu'il eft probable que lajuftice divine veut'
conferver le plus chèrement , lors qu'elle a.
delTein de nous punir. Vous le croirez mieux.
Il je vous dis que c etoit la penfée d'un illuflrs^
Conquérant j car un témoignage comme le
lien en vaut mille pour cette forte de ♦choies,
Conliderez donc bien ce qui iuitj ceit un Of-
ficier François , fort habile homme , qui le
débite.
J'di (i) autrefois ouï prouver un par ndoxe au ,^\ ^^^
Roi de Suéde , qui reve72oit ajfez, à ce que je je Caifle-
dJJ. ^^uelqti un loiioit fes grands trO\^res en Al- re, Force--
lemagne, ^ foutenoit ea fa prefence , que fa la- "^ ^^^
leur , fes grands dejeins , ér fi^ hauts faits d'ar- ^^"j^ /
mes etoient les outrages les plus accomplis de la 2. part!
Troiidence, qui furent jamais -y que fans lui la chip, ic»
Maifo/i d'Autriche s'acheminoit à la Monarchie
unfverfdle , ^ a la d if.ru cl t07i de la Religion des.
Troteflans j . quil paroijjoit bien par les miracles
de fa vie , que Dieu lazoit fait naître pour le
falut des hommes , ^ que cette grandeur deme-
furée de fon courage étoit un préfent de la toute -
puiJJ'ance, ^ un effet fi^.ble de fa bonté infinie..
Dites plutôt , repartit le Roi , que cefl uns mar-
que de fa colère. Si la guerre que je fais efi
un remède, il efi plus infuportable que vos maux. .
Ijieu ne s'éloigne jamais de la médiocrité pour-
gaffer aux chofes extrêmes , fa7Js châtier quel-
qu'un. Cefl un coup de fon amQ:^>' envers les
peuples, quaml il ne donne aux Rois que des âmes,
ordinaires. Celui qui 7ia point d' élévation ex-
cejjix e , ne conçoit que des deffeins de fa portée. .
La gloire ^ l'ambition le laijfent en repos. S'il
s'apiique a fes affaires , fes Etats en deviennent
plus heureux j ô" ^''^ fi décharge de fes foins
fur
184 Tenféei divevjQs,
fur quelqu'un de [es fnjets , ^ qui il fait p/^y^
de fon autorité , le pis qu'il en peut arriver , ejî
qu'il fait fa fortune aux dépens de fon peuple ,
qu'il impofe quelques fubydes pour en tirer de
l'argent , ^ pour avancer fes arrùs , ^ qu'il
fait gronder fes é^aux , qui ont peine a foufrir
fon pouzoir. Mais ces maux font bien légers ,
(§* ne peuvent être en aucune confideration , ^
on les compare a ceux que prodnifent les hu-
meurs 'd'un grand Roi. Cette pajjïon extrhne
qu'il a pour la gloire , lui faifant perdre tout
repos , l'oblige 'necejjairement à l'ôter a fes fu-
jets. Il 7îe peut foufrir d'égaux dans le mon-
de. Il tient pour eymemis ceux qui ne veuhnt point
être fes vafaux. C'efi un torrent qui defole les
lieux par ou il^pajfe ,• ^ portant fes armes aujjî
loin que fes cfperances , il remplit le monde de ter-
reur , de mfere , ^ de conftition.
Voilà comment ceux qui fui vent h préoc-
cupation générale touchant les prefages des
Comètes , tombent dans i'iUulion en tout 6;
par tout.
§. XCVI.
SuÀte des exaggerations T,fpagncles à la louange
de Charles- ^^uira.
Les imaginations hyperboliques àcz Espa-
gnols à la loaange de Charles-Quint , font lî
outrées , qu'au lieu de re.ev^er le mérite de ce
grand Prince , on peut dire qu'elles font tort
à fa gloire 5 non feulement parce que les Lec-
teurs , qui remarquent dans un Hiftorien une
affeftarion dominante de tom-ner toutes chofe
G\i côté de l'admiration , foupçonnent qu'i
leur conte des hiftoires faites à plainr j m.ais
auflî parce que bien aies gens aiment li peu
qu'ua Hiiloriea s'amufe. à fair« le panegyriile ,
que
Penfees diverfes. 1S5
que cette partialité les irrite extremen^ent con-
tre lai , & par contre-coup contre Ton Héros }
après quoi ils ne ibnt plus capables Ge croire
que ce Héros ait eu du mérite.
Je vous renvoie au dernier (i ) Ouvrage ^^ f^^ c*e^
P. Maimbourg, pour voir les excès de iîaterie l'Hiftoire
où font tombez, les Hiftoriens de Charles-Quint du Luthe-
au fùjet de la célèbre viâroire qu'il remporta ranifme.
fur le Duc de Saxe l'an ij'47. Non ccntens
d'avoir dit, qu'un aigle vola doucement durant
quelque tcms fur l'Infanterie Eipagnoîe , pen-
dant qu'elle palTbit l'Elbe fur un pont de ba-
teaux , 6c qu'un grand loup, qui étoit Ibrti d\i-
ne forêt prochaine , fut tué par les fojdats qui
êtoient àc^^i pafiez ; ils ont ailuré fort fcrieuiè-
ment , que le foleil s'arrêta tout court , pour
donner aux Impériaux le loifir de remjporter
une pleine vidoire : ce qui efl un renouvelle-
ment de l'un des plus grands miracles que Dieu
ait faits pour établir fon peuple dans le pais de
Canaan. Ce ne font point ce ces contes que
l'on débite en feuille volante fur les premiers
avis d'un courier : ce font des Hilloriens d'im-
portance qui l'ont dit dans des Ouvrages fort
étudiez ; c'eft un Sandoval , Hiftoriographe de
Philippe III. & Evêque de Pampelone , (jui dit
de plus , que le jour de la bataille le fbieil fut
vu de couleur de fang en France , en Allema-
gne, 8c en Piémont 5 c'efl un Don Louis d'A-
vila , Gentilhomme de la Chambre de l'Empe-
reur , & grand Commandeur d Alcantara , qui
avoir un emploi confiderable dans l'armée de
Charles-Quint , 8c qui étoit prefent au combat.
Il paile de ce prodige comme témoin oculairej
en cela plus heuieux que le Duc d'Albe , Lieu-
tenant General de l'Empaeur , 6c l'un de ceux
qui eurent le plus de part à la gloire de cette
journée. Nôtre Roi Henri II, qui a voit ouï
parler du miracle, voulut fàvoir de lui ce qui
IÎ6 Penfées diverfès,
en étoit. Il en eut pour toute reponfè, ^«';7
était fi occupé ce jcur-là, a, ce c^ui fe pajfoit fur
la terre , qu'il ne prit pas garde k ce qui fe fai-
fuit au ciel,
§. XCVIÎ.
Avertiffemsnt aux Hiforiens Franpois.
Je n'ai rien à dire pour réfuter ces vifîon?,-
Ci) Hîfî. après ce que le ( i ) P. Maimbourg en a dit
^ ^^' avec fon eiprit & fbn éloquence ordinaires,
''*' Mais je vo^drois bien que les railleries de ce
Jefuïte fèrviflènt de leçon à nos François , 6c
qu'elles leur fifTent bien prendre garde à ne
point donner dans les enflures Eipagnoles ,
quand ils parlent de la gloire de nôtre Roi , qut
de l'aveu de toute l'Europe ell un des plus-
grands Princes du monde. Car comme je l'ai
déjà dit au lujet de Charles-Quint , il n'y a rien
qui faflè plus de préjudice à la véritable réputa-
tion d'un grand Monarque , que les efforts con-
tinuels que font les Hiiloriens , pour le mettre
en tout 6c par tout au delTus de tout ce qui a
jamais été dit des autres Héros. On peut leur
dire ce qui fut reproché à certains Hérétiques
qui attribuoient un corps à Dieu, m.ais un corps
le plus grand qa'ûs & pouvoient imaginer : Fe-
ciflis molem , fecifiis minorem j en le faifant une
groffe maffe , vous l'avez, rendu plus petit. Quand
* je vois cette affeftation , il me fèmble que je
vois ces anciens Sophifles de la Grèce , qui ga-
gnoient leur vie à faire des déclamations 8c des
panégyriques , non pas fur les mémoires qu'on
leur fournifîbit , mais fur les idées qu'ils fe for-
moient eux-mêmes de tout ce qui peut paroî-
tre le plus admirable.
Pourvu qu'il n'y ait que les harangues de
Mfiflieurs de l'Académie Françoife , qui foient
tou-
Fenfées diverfis, 187
toujours dans le fublime , toujours dr.ns les ex-
clamations , toujours dans les figures les plus
outrées, le mal ne ièra pas grand. On ne s'a-
vife pas d'aller chercher le mérite d'un Roi , ni
dans une harangue , ni dans une épître dedica»
toire, ni dans un panégyrique. On iait aiîèz,
avant que de lire cette ibrte d'Ouvrages, qu'ua
Roi y efl toujours le plus grand Monarque da
rUnivers , fans en excepter ni Alexandre, ni
Celàr : ainfi on ibufÎTe iàns murmure , qu'il
n'7 ait là que de magnifiques idées. Mais il
nos Hiftoriens éblouis de la gloire qu'ils auront,
à décrire , s'amuiènt à taire les declamateurs,.
je vous alTùve , Monileur , que les Eipagnols
fè moqueront de nous à leur tour , 6c que tou-
te l'Europe nous tourneia en ridicules , comme
elle seft moquée des Eipagnols qui ont porte-
les éloges dé leur Charles- Quint & de leur Phi-
lippe 1 1. à des excès inconcevables. Aparem-
ment ceux qu travaillent dofhce à l'Hiitoire
de Sa Majeflé , oubiieiont qu'il ne s'agit plus
de reprclenter de grandes pai^Gr.: ; 6c de
grands ièntimens fur le théâtre imaginez a,
plaifir , ni de chercher les idées fatiriques du
ridicule j mais qu'il s'agit de raporter fidèle-
ment des choies de fait. Ils ont d'ailleurs un
caradlere d'efprit à ne pas croire facilement que
le ibleil interrompe fa couriè pour faire durer
une bataille , comme les Efpagnols l'ont pu-
blié ; ni que les murailles d'une ville s'abbatent
tout à coup par la vertu d'une petite phiole,
comme firent les murailles d'Angoulême fous
le règne <ie Clov s , à ce que dilènt (i) quel- (OVoiez
ques-i;ns. Je ne fài même , fi en débitant de le'fhefor
tels miracles , ils ne craindroicnt pas de faire Chronol.
trop mal leur cour, & qu'on ne leur dît , que j^ sÉ.ro,
la valeur des François na que faire de tout ce- muald à
lai que leur ardeur 6c leur promptitude n'a pas l*aa jo8.
befoin que le foleil s'arrête pour leur donner le
tems
l88 Penféei diverfes.
tems d'achever, que cela eft bon pour lesEfpa-
gnols Se pour les Allemans , qui font lents 8c
peiàns de leur nature. Ainli on peut s'aflurer
(i) Ra- .. fur ces deux (i) MefTieurs.
Boîletu J'avois bonne efperance d'un troiiîéme (2)
Hiftorien de Sa Majefté , avant que d'avoir lu
f2) Mr. *^^"^ "" P^'^^t (3) livre fort nouveau , &: qui
PeJifTon! mérite ^u'on le réfute folidement , la lettre
qu'il a écrite à un Prélat. Vous entendez bien
(5) La que je parle du célèbre Hillorien de TAcademie
Politique Françoifè , Se vous n'ignorez pas que la delica-
SeFanle ^^^^ ^^ ^^" ^^P^"^^ ^ ^^ ^'^'^ ^'^X^^ ' ^ i'exa£litu-
de avec laquelle il a compoië l'Hiftoirc de ce
Corps illuflre , dont il eft un des principaux
ornemens , font avoir de grandes efperances
du defïèin qu'il a de nous donner THiftoire du
Roi. J'étois de ceux qui en attendent le plus
de merveilles. Mais je vous avoue que cette
lettre m'a fait rabatre beaucoup de mon efpe-
rance , en m'aprenant que cet Auteur fe fait
une grande affaire de régler les petites gratifi-
cations que l'oii rait aux Huguenots qui le con-
vertiiîènt. Il entre dans mille petits ibins,. qui
ne me fèmblent pas convenir à un homme
qui travaille à une Hiftoire auflî confiderable
que celle de LOUIS LE GRAND. Croiez-
vous , JMonfieur , qu'un Hiilorien qui s'embar-
rafîè de l'acquit de quelques lettres de change ,
qu'on tire lùr lui pour de nouveaux Catholi-
ques ; qui examine les lifle"; bien certifiées de
ces Convertis ; qui cherche mille expediens,
pour faire que le peu de fonds qu'il a en main ,
Se qu'il compare avec Ihuile 8c la farine de h
veuve , fuffiiè pour toutes les converiions qui
ic prefentent ; mais qui pour en venir à bout,
cft obligé d'exhorter Meitieurs les Evêques par
des mémoires qu'il leur envoie , à ufer d'une
grande œconomie , Se à fe propoler pour mo-
dèle l'exemple de Mr. de Grenoble , qui a con-
verti
Penfeei divcrjès. iSp
verti fept ou huit cens perfcnnes , fins dcpen-
fèr que deux mille francs en tout : croicz-
vous , dis-je , Monlieur, qu'un Hiftorien qui
outre tout ce que je viens de dire , lupute
diligemment le tems qu'il y a qu'un homme
s'eft converti , Se recommande très-exprcl-
fement qu'on ne lui envoie point à.(zs, lettres
de change pour des perlbnnes converties de-
puis iix ou iept mois j 6c qu'encore qu'on
puifTe donner cent francs à un Converti , on
n'aille f/is toujours jufques-la , étara mcejjkire
jy aporter le plus d œco?îO?me quilfe powra. En-
core un coup , Monlieur , croiez-vous qu'un
Hiflorien qui le donne tant de cette forte de
peine , foit fort propre à nous donner une bon-
ne Hiiloire de Sa Majeilé ? Si vous le créiez ,
permettez - moi de vous dire , que nous ne
fommes pas toujours vous 6c moi dans les mê-
mes ièntimens.
j'ai grand peur que cet Ouvrage ne foit rem-
pli de pluiieurs impreffions de bigoterie , 6c
qu'on ne nous dife que toutes les viéloires du
Roi font la recompenfe des arrêts qu'il avoit
donnez , ou qu'il devoit donner pour réduire
les Huguenots. Ce feroit dommage qu'un bel
efprit comme celui-ci échouât fi pitoiablement,
6c s'il y a moien de lempécher , empêchons-
le. Vous êtes ami de plusieurs perfonnes pour
qui il a beaucoup de deterence , 6c fur tout de
Mr Ôc de Mr Avertilîèz-le par leur
moien , qu'il court grand rifque de gâter tout
fbn Ouvrage par le grand commerce qu'il a
avec les convertilTeurs j qu'on fè fait un efprit
tout particulier, 6c un goût tout-à-fait nouveau
par l'adminiilration de ces petites aiîàires dont
on lui a donné l'intendance, 6c qu'il eft à crain-
dre, qu'étant tout rempli des affaires du Cler-
gé , il ne donne les principaux foins à parler
des allions pieulès de fon Héros, Que non
feu-
ipo Penfées diverjès,
ièulement tous les Hérétiques , mais auflfi pla-
lieurs Catholiques rattendcnt là 5 6c que s'il
s'amufe à taire trop en détail l'Hifroire de l'ex-
tirpation du Calvinifme , il le ruinera de répu-
tation , parce qu'il fera voir qu'il n'aura pas fu
faire le difcernement des beaux endroits de la
vie d'un grand Monarqj^e.
Mais à quoi eft-ce que je fonge , de donner
une fèmblable commiliîon à un homme de
vôtre Robe ? Je vous en demande très-humble-
ment pardon , 8c je fuis bien fâché de vous en
avoir tant dit. Non , Moniieur , ce n'eft point
vous que je prie de faire fàvoir à l'Hiftorien du
Roi , qu'il n'eft pas bon de particularifer tou-
tes choies. Je conois une perfonne qui fe char-
gera de cette commilTion fans répugnance ; car
je lui ai ouï dire , que s'il faifoit l'Hiftoire de
nôtre tems , il iè contenteroit de faiie une deP
cription pompeufe du mal que les Herefies
aportent à l'Eglife 8c à l'Etat , 8c du grand bien
qui refulte de la reduâiion de toutes les Secles
à la véritable Eglife. Qu'il diroit en peu de
mots après cela , que Sa Majeftë pénétrée de
ces grandes veritez , avoit procuré à fon Roiau-
me cet infigne bonheur , d'une manière qui ell
tout enfèmble digne d'un Roi très-Chrêtien , 8c
d'un Héros. Mais qu'il fe garderoit bien de
taire la dilculTion de toutes les manières qui
ont été fuggerées à Sa Majefté , parce qu'il eft
évident que ce fcroit faire tort à la gloire de ce
grand Prince. Il eft bien neceflaire, difbit-il,
qu'un Monarque né pour les plus grandes cho-
fes , 8c qui dev^roit être déjà far les bords de
rHelIefpont , cii l'un de fcs Hiftoriens lattend
de pied ferme depuis plus de fix ans , s'amufè
à interdire quelques Ssges - femmes , 8c à pro-
, . - curer toute la pratique des accouchemens à
dé Mr! ^* ^i^elques autres , 8c à faire la revue de toutei les
Peliflbn. lifies 4es Convertis , ( i ) 8c de la dcpenfe que
l'on
Penfecs diverfés. ipx
l'on a faite pour chaque converllon , & à con-
fulter s'il eil: à-propos pour des coups conftde-
r^bles de fournir aux Convertis des fecours plus
grands que cent francs. Voilà Ihcmme dont
je me Servirai pour faire enforte que l'on ne
particularife point dans l'Hifloire de Louis
XIV. l'affaire des converiïons. Il a beaucoup
de crédit auprès de THiftorien , ôc peut-être
qu'il lui fera entendre raifon , principalement
pour l'Arrêt qui déclare les enfans de fept ans
capables de difcerner que 1 Eglilè Romaine eil
plus conforme à la révélation de Dieu , que la
prétendue Reformée. C'eil un article dont
on ne parlera point du tout , li l'on eJî bien
conièilie.
Pour ce qui regarde l'œconomie que Monfr.
Pelilîbn recommande tant auxjConvertilTeurs,
je croi qu'il n'en diroit rien , encore que pcr-
ibnne ne l'avertît àes railleries qu'on en peut
faire. 11 n'eût jamais écrit cela , s'il eût prévu
qu'on le feroit imprimer ; car il n'y a rien de
plus choquant pour le Roi , que de dire , I."
Que la principale rcflbifrce pour remédier à k
petiteflè des tonds deftinez à paier les Conver-
tis , eft cette providence miraculeulè de Diea
qui a fait croître" l'huile & la farine de la veu-
ve, 6c multiplié les cinq pains. II. ^,e Mef-
fieurs les Trelats , ou autres qui entreront chari-
tablement dans les foins des coarverflons , ne peu-
vent mieux faire leur cour au Roi , dezant les
yeux duquel toutes ch lifies de Convertis repaf-
fe'/ït , qu'en imitant ce qui a été fait au Diocefs
de Grenoble , ou prefque iamais on n'ejl allé juf-
qu'a la fomme de cent francs , ^ prefque tou-
jours on ejl demeuré extrêmement au deffous.
Toute l'Europe éft informée des richeflcs im-
menfes du Roi , & des depenfès magnifiques
qu'il fait en toutes choies , & cependant pour
une aôaire qui regardé la Religion , on nous
vient
Ïp2 • Penfées diverjês.
vient dire que les fonds en font très - petits ,'
mais que la première 6c la principale confola-
tJon viendra par quelque miracle de celui qui
fait croître l'huile 8c la farine de la veuve i &
l'on ajoute , qu'on ne làuroit mieux faire tz
cour au Roi , qu'en ménageant exceflivement
les fonds qu'il deiline aux Convertis.
A l'égard des prodiges , j'elpere que fi Ton
donne de bons avis à cet Hiftorien , il n'en
chargera point fon Ouvrage. Mais il n'en eft
pas de même de tant d'autres Séculiers £c Ré-
guliers , qui fe mêlent d'écrire l'Hiiloire de nô-
tre tems. Ils nous vont accabler de miracles
& de prelàges. Tant pis , Monfieur , car c'efl
une erreur la plus inlbutenable du m>onde , que
celle qui admet dzs preiàges. Plus jypenlèj
plus j'en demeure convaincu ; 8c peu s'en faut
que je ne m'emporte julqu'à la colcre contre
les conteurs de prodiges. Cependant tout en
efl: plein : nos Hiiloriens ne le font gueres
jnoins que les autres. Voie2,-moi Mr. de Pe-
refixe, qui a eu l'honneur d'être précepteur du
Roi , 8c qui efl: mort Archevêque de Paris. Il
raporte dans fon Hifloire d'Henri IV. je ne {kii
combien de prodiges qui précédèrent l'aflàlTmat
de ce Prince h 8c ce qu'il y a de remarquable ,
c'efl: que ces pro;iiges font tout-à-fait icmbla-
bîes à ceux que les Paiens euflènt débitez dans
une pareille conjonfture. Pures illufions !
§. XC\flII.
KefutMion des Hljloriens de France qui ont ctvm-
cé c^u'il y eut des préfaces de la mort du Roi
Henri IV.
La mort funefte de ce bon Roi fut caufè que
l'on ramafla , 5c que l'on groffit mille choies
qui arrivent ièlon le cours de la nature , Se
qu'on
?€nfées dizferfis* ïpj
qu'on laiflè tomber , lors qu'elles ne font fui-
vies d'aucun événement mémorable : & de là
vint que le tems qui précéda cette mort , fut
dillingué dans lopinion des hommes par cer-
& tains phénomènes prodigieux. Peut-être mê-
me y en eut-il beaucoup plus qu'à l'ordinaire
cette année-là, comme il arrive Ibuvcnt , par
la pure vertu des loix générales de la nature,
qu'on voit en certaines années cent choies coup
iur coup , que perionne ne iè Ibuvencit d'avoir
vues. Si 1 on le fût contenté de caracteriièr
par là l'année 1610. je n'y trouverois rien à
dire. Mais on a prétendu que ces phencmc-
nes s'étoient fait voir o.prcllèment pour an-
noncer les miferes de la France, & la mort tra-
gique de ion Roi. C'efî: une erreur qui me
paroît inlbutenable 5 parce que pour cela , il
eût fallu que ces phénomènes eullènt été exci-
tez extraordinaiiement ., ou par Dieu, ou par
les Démons. De dire que Dieu les excita ex-
traordinairement , c'ed: lui attribuer une con-
duite indigne de ia fagciVe j parce que ces pré-
tendus preiàges ne portent aucun caraéiere de
ce que l'on liippolé que Dieu veut lignifier aux
hommes. D'attribuer cela aux Démons , c'efl
le moquer j car ils n'ont garde d'épouvanter un .
Pvoiaume très-Chrêcien par des proJ:'gcs, com-
me ils font les paVs idolâtres. Car qu y gagne-
roient-ils? Ils feroient faire des reftitutions , ils
feroient aller à confefie , 8c c'eft ce qu'ils ne
cherchent ,pas. Outre que ne conoillint point
l'avenir , ils ne ià.vent pas en quel tems doi-
vent arriver les grandes révolutions ; & ainli
il; ne ibnt pas en état den produire des preià-
gcs. Efl-ce que Dieu nous envoie àes prelà-
ges , afin de nous convaincre que l'avenir eft
en là dirpolltion ? C\fl: la penfte d'un Hillo-
ricn très-judicieux , qui après avoir raporté
beaucoup de prodiges arrivez, avant la mort de
Tom, lî I Henri
194 Penfées diverjès,
(i) Me- Henri IV. ajoute cette reflexion , (i) qu'il fem-
aerai , ^ ^/^ ^^^^ ^^^^ [çj ^^.j^ ^j^g /^ ^,^/ /^^^ donnoit , »*/-
Chronol. ^'"^'^^ /•-'^■^ ^^^^ ?^^'^ ^^ fawver du péril , ^«^ ^i7«r
ad ann. fftire comître aux hommes , qu'il y a une fouve-
1610. rame Puijfance qui difpofe de l'avenir, fuis qu'el-
le le conoît. Mais cette penfee n'eil: pas moins
combatué que les autres , par les raifbns que
j'ai alléguées. Car qui doutoit en France , lors
que Henri le Grand fut tué , qu'il y eût une
iouveraine Puiflànce dans le monde qui dîfpofè
de l'avenir ? Ne font-ce pas là les premiers éle-
mens de toutes les Religions du monde ? Tous
ceux qui font des prières , ou des vœux , qui
offrent des iàcrifices , qui conililtent les Ora-
cles , les Devins , 6c les Aftrologues , qui ajou-
tent foi aux preiàges Se aux fotifes des difeurs
de bonne aventure , ne temoignent-ils pas ou-
vertement qu'ils font convaincus qu il 7 a quel-
que Puiflànce dans le monde à qui l'avenir efl:
aflujetti ? Où en ferions-nous , s'il faloit que
l'on fît encore des miracles dans le Roiaume
très-Chrêtien pour nous guérir d'une incrédu-
lité que les Paiens n'ont point eue ? Quand eft-
ce que nous ferions fidèles , li pour être feule-
ment aifûrez que Dieu conoît l'avenir , nous
avions belbin que Dieu entaflat miracles fur
miracles , 6c prodiges fur prodiges ? Difons
donc que l'intention de la ProviJence n'efl:
point celle que Monfr. de Mezerai lui attribue »
puilque ce feroit l'intention du monde où il y
aUiOit le plus d'inutilité. Et comme il reconoît
outre cela , que ce qu'on appelle àts prodiges ne
fert point à nous faire éviter le péril , il faut
qu'il reconoifl^e que l'intention de la Providence
n'eft pas , qu'il nous ferve de prelàge. Je dirai
encore quelque chofc ailleurs pour fortifier ce
raiibnnement , 6c far tout dès que j'aurai achevé
les remarques : que j'ai deflinées à vous montrer
Pentctcment des Cliêtiens pour les prodiges.
§. XCIX
Penfées diverfis, 195
§. XCIX.
Nouvelles preuves de rhicUnation des Chrétiens k
croire les prodiges ô" les prefages.
Je trouve dans un Traité d'Agobard Evêque
de Lion , compoié l'an 833. un pafiàge qui
m'eft 11 favorable , que je ne fàurois ni'empê-
chcr de le raporter. Ce lavant Prélat compolà
ce livre , pour delàbufcr une inanité de gens
de la tauflè imagination qu'ils avoicnt conçue,
qu'en ce tems-là il y avoir des Enchanteurs,
dont le pouvoir s'étendoit jufqu'à exciter la
grêle , la foudre 8c la tempête , toutes les fois
qu'ils trouvoient bon de ruiner les biens de la
terre , Se qui faiioient trafic de cet art avec les
habitans d'un certain pais apellé M agonie , qui
venoient tous les ans iur des navires par le mi-
lieu de l'air , pour charger tous les grains qui
avoient été gâtez par la tempête , defquels ils
paioient le prix aux Enchanteurs. On doutoit
Il peu de cela , qu'il falut un jour que cet Eve- .
que fe donnât beaucoup de fatigue pour deli- l'J^ Çi-^\1^^
vrer trois^ hommes 6c une femme des mains ûtia on-
de la populace qui les vouloit lapider , comme pr°nicrnt-
fawvre monde , que les Chrétiens fe perfuadent res cre
des aèfurdit ez i que perfomje ne pouvait aupara- d-intur à
vant perfuader aux Gentils. Chriftla-
Je n'examine point s il efl: vrai au pie de la "u- ql"l|^^^
lettre, qu'on étoit plus crédule en ce tems-là, ..nceaad
que du tems du Paganilme. Il me fuffit de là- creden-
voir qu'on l'étoit beaucoup : 8c de' là vint que '^"'" P<^,-
peu après on s'avifà d'écrire l'Hiftoire d'un air ^.^"^ ^f^^'
romancique , 8c d'ajouter mille fables aux faits Je; e r'il""
des vaillans hommes, comme étoit Roland, guis.
1 1 r.cveu
rç6 Venfcei divcrjes,
neveu de l'Empereur Chariemagne ] ce Qui
acheva de gâter le goût aux Ledeurs i fi bien
(i) Pic- <^u'on n'oibit plus leur rien prelenter qui ne
feus in ^t de ce ftyle-là : témoin l'Ouvrage de devo-
Galfrcdo tion , que Jaques de Voragine Archevêque de
Moriime- Gcnes , compofà fur la fin du 13. liecle , &
^^^' ^' contre lequel Meichior Canus , iàvant Evêque
- . Efpagnol ,* paroît ii indigné dans Tonziéme li-
erac anti- '^'^ ^'^ ^^ Lieux communs. Un autre (i)
quorum Doâeur en Théologie Icra ma caution , s'il
plurimum vous plaît, Monlicur , pour ce que j'ai dit du
vjtium ,^ gQ{^|. ^^^j i-cgnojt dans certains fiecles. Voici
Quscfam'"^ comme il en parle i Cétoit (z) le défaut , ou
fine judi- plutôt U fmplicité grojjîere de plujieurs de nos
ciofimili- Anciens , ds simaghitr qu en écrha'nt les ac-
citasjucin fions des perfonnes iUujlres , ils ne fe^' oient point
ciarorum éloquens , j'i pour l'ornement du difcours , comme
g'eftis fcrî- ^^^ f^ ^^ figuraient , ils ne méloient dans leurs
bendisjfe Ouz rages les fictions poétiques , ou quelc^ue chofe
minus de [emblable -, (^ par confequent le menfionge a%ec
exiftima- /^ 'verité. Cela étant , je iuis fort tenté de croi-
'^^!!^"'^T ^'^ ciwe les Hiftoriens des Croiiàdes nous en
ad orna- baillent louvent a garder } 8c c elt aparemm>ent
tum, ut l'opinion du (5) P. Maimbourg , car voici
purabant, comme il parie après le récit de la bataille d'I-
fermonîs conium , eagnée par Frédéric Barberouiîc l'an
fi<£<:ior.cs I ^po- ^^ qu il y eut déplus merveilleux en
ve! aliqi;id ^^^^^ "victoire , ejl que le Vainqueur ne fit prefque
farum fi- aucu7îe perte : ce que plufieurs attribuèrent a U
m;le ad- protection particulière de St. George 0> de St,
r-.ilcerent, yi^Qy ^ au Oh reclamoit ordinairement dans l'ar^
quenter ^^^ ' Ô'' ^^^ quelques-uns ajjuroient aroir ^•»
veiafaifis com-hatre devant les efcadrons , fioit qu'il y eut
commit- eu en effet quelque chofe d'extraordinaire , com-
terent. ^ ^^ y/ py^ quelquefois arrivé , félon le témoignage
même de l'I^criture ', foit que pour avoir fouvent
|,y ' / ouï dire , quon avoit vu des efcadrons celcfles »
i'.àt%. dur ara la première Crcifade, a la bataille d'An-
\i\» /, tioche i l'i'/nagination de quelques-uns préoccupée
de
Tenfées diverfes. i()J
de ce récit, ^ imprimée de ces idées , fe format
Je pareilles aparitions. ^ioi quil en [oit , il eji
certain c^u'un Cavalier ae réputation , (^ y^-ulle-
rmnt i^i^-onn^tire , apelié Louis de Heijenfieiny
ajfur^ la même chofe à l'Empereur , c^ //// pro-
tejîa devant toute l'armée , fur fon ferment , ^
fur fa foi de Fder'm zoué du St. Sépulcre , ^ de
Croifé, qu'il ai oit iu plus d'une fois Saint Geor-
ge a. la tête des efcadrons , tourner les ennernis
en fuite : ce qui fut aprl'S conf.rmé par les Turcs
même , qui clifoier.t atoir iu a la tête de l ar-
mée Chrétienne , certahies troupes toutes 'uêtués
de blanc, que l'on ne trouzoit plus par ni les nô-
tres. J-'avou'é qu'on n'eji point du tout obligé de
croire à ces fortes de vifons , qui font fujettes
la plupart du tems a de gra-ndes illusions j mais
je fat bien aujjt qu'un Hijiorien ne doit pas , de
fon autorité, rejetter celles qui font foutenu'és d'un
témoignage aujjî remarqup.ble que celui-ci : ^
que Ji on lui laijfe la Liberté de ne les pas croire,
il n'a nul droit en les fuprimant d'oter à fes Lec-
teurs celle qu'ils ont , après les avoir lues, d'en
juger ce qu'il leur plaira. La reflexion d'un aufli
célèbre Hifrorien , nullement iulped d'avoir
voulu favoriier 1 incrédulité des Huguenots, efl
une forte preuve de ce que j'ai dit.
Voici quelque choie de plus fraîche datte.
Vous fàvez que la cérémonie du mariage du
Roi d'Eipagne avec Mademoifelle , fe fit à
Fontainebleau le 51. du mois d'Août 1679. Se
que peu de tems après cette Princeile vint à
Paris , où elle eut à elîliier un nombre innom-
brable de harangues. Mais peut-être ne làvez-
vous pas , qu'aux Pères de 1 Oratoire on afiura
Sa Majefté , que la gloire d'être le nœud d'une
union éternelle entre les deux plus grandes MO'
narchies du monde , 0* celui de la paix généra-
le, etoit refervée a fa facrée perfonne , ^ que
le Ciel l'axoit depuis long-tems promife a la Ttr-^
I 3 re.
198 T en fée s diverjès.
re. V Empereur Charles - ^tint (c'efl la preuve
de la promefic du ciel) eii j.t i a prophétie far ce
lys myji'erseiix y c^u'iL planta de fes 77iains au^ujîes
lians le jardin de fa [olitude fur la fir du mois
d'Août de l an i5'5"B. Car (iH momera ne la mort
de ce grand Monarc^ue , laquelle arriva peu de
tems après dans l'automne de cette mcrne année ^
cet oignon de lys jetta tout-d' un-coup une tige
de dtux coudées a'-^ec une memeilleufe jleur , atijjî
épanouie ij* aujji ocorifcraéite que ces fortes de
peurs ont accoiaumé de i ctre m Ef^agne en leur
faifon ordinaire. Prefage cej-tain , Madame , qu'uri
lys miraculeux feroit tranfplaraé en Efpagne fur
la fin du mois d'Août , nu tems ou la gloire de
cet Empire fembleroit foujfrir quelque forte d'éclip-
fe , four y port-.r dans L'autornne avec la paix les
joies du friûtems y ^c.
Ce qu'il y a d'étonnant là-dedans , n'eft pas
qu'à la tête d'une des plus favantes Commu-
nautez de i'Univeis , on iè foit ièrvi de faufïès
penfees pour une Reine , qui malgré fa grande
(î) Rhe- jeunelTe , avoit trop de diicernement 6c trop
ton con- '^(, pénétration , pour ne pas reconoître que
fentemih c'étoient de vains fautômes. Il ne faut pas
ufifilfis, Çtre il ièvere à ceux qui parlent en public,
audacibus, LaifTons-leur le privilège dont ils jouïîlcnt de
fubdolis, fout tems , de propoiér les chofes fous des
fi^ rhodà ' ^^^^^ brillantes 2c pompeufes , quoi que faufTes
ve.-ifimi- ^^ '^^^^ ^^^^ occaiions. (i) Mais ce qui m'ë-
Jes funr, tonne , c'efl qu'une bonne partie de ce nom-
& pcffunt bre prodigieux de gens qui ont lu cette haran-
admo- g^g ^^_j5 1^ Mercure Galant , s'eft récriée fur
hominum ^^^ endroit-là , & a cru tout de bon que ce lis
animus avoit été un type du mariage du Roi d'Efpa-
qualicun- gne à preiènt régnant. Tant il efi vrai que
que aftu J^^^5 fommcs accoutumez à trouver du myfte-
!i?S/Vy î"e Se clu prcfage par tout. Le Comte de la
3foh. yfttic. Roca , petit-fils de Don Louis d'Aviia , 8c Hif-
/.!./. 6. rorien de l'Empereur Charles-Quint auffi-bien
que
Penfées diverfii. ïpp
que lui , raporte d'une autre maaiere l'Hifloire
de ce lis miraculsHX , 6c i'aplique à un prciàge
tout ditïèrent : ce qui montre que ces -fortes
d'obfervations font quelquefois aulTi taulfes
dans le tait qne dans le droit.
§. c.
Nouvelle remarqtie , pour faire voir que l'anti"
quité iQf la g2/ieralité d'une opinion , n'eft pas
une marque de vérité.
Prenez la peine de voir prefèntement , s'il
faut compter pour beaucoup la conformité qui
iè trouve entre les Anciens & les Modernes , à
juger que les Comètes font des prelàges finiP
très. Je le dis encore un coupi c'effc une illulion
toute pure , que de prétendre qu'un fentiment
qui paife de liecle en iiecle , Se de génération en
génération , ne peut être entièrement faux.
Pour peu qu'on examine les caules qui établiir
fènt certaines opinions dans le monde , 8c cel-
les qui les perpétuent de père en fils , on verra
qu il n'y a rien de moins raifonnable que cette
pretenlion. On m'avouera lans doute , qu'il
eft facile de perfuader au peuple certaines opi-
nions fauflès , qui s'accordent avec les préjugez
de l'enfance , ou avec les pafTions du cœur,
comme font toutes les prétendues règles des
preiàgcs. Je n'en demande pas davantage , car
cela fuffit pour rendre ces opinions éternellesi
parce qu'à la referve de quelques efprits Phiio-
ibphes , perfonne ne s'avife d'examiner , fi ce
que l'on entend dire par tout , eft véritable.
Chacun fupoiè qu'on l'a examine' autrefois , 8c
que les Anciens ont aifez pris les devans con-
tre l'erreur ; 8c là-deffus c'eil à l'cnfèigner à fon
tour à la poftcrité , comme une chofe infailli-
ble. Sou venez- vous de ce que j'ai dit ailleurs
I + de
2CO Fenfées diverjes,
de la parefîe de 1 homme , 8c de la peine qu'H
faut prendre pour examiner les chofes à fond ,
& vous verrez qu'au lieu de dire avec Minucius
(?) Om- Félix , Tcut (i) eji 'mcert;:Hin parmi le.' hommes y
nia in re ■ ^^y^ pi^^ ^^^^^ , iicerta'm , pins y a-t-il lieu de
bus hu- , / ^ -' , ^ 1 -', ■■ i
ma ois du ^ ^^^'^'i^^r que qu^elques-uns par ce degont d une re-
bii , in cherche exacle de h 'ver'ité , airamt mi^ux em-
cern , fiif- brajfer terne r air e?nent Li première opimon qui fe
penfi; pr efe.it e -, que d aprofondir Les chofes long-tems fy*
ïmgifque foi^^eufemrût j il faut dire , plus tout efl incer-
omnia ve -^ ^ -^ . ' •/;•;•'/ ■' ,
rifimilia , ^"^^'^ » ^^^^^T-^ y C'-t'd lieu de s eionner que quel-
quàm ve- ques-uns , ^-'C, (i) L'Auteur de l'Art de pen-
ra; qu6 _ pr y remarque fort juJicieufement , que la plû-
magis m\~ p^^j.j. ^^^ hommes fe déterminent à croire un
rum elt, r • i » >
jionnuUos i^^^'t^^^^cnt plutôt qu un autre , par certames
t^d-oin- marques extérieures. 6c étrangères , qu'ils ju-
veftiiiandaî gcnt plus convenables à la vérité qu'à la fauf-
peritus fêté , 8c qu'ils diicernent facilement ; au lieu
veriratis .^^ l^^ raifons folides 8c eflèntieîies , qui font
©pinioni conoitre ia vente , lont diliiciks a découvrir,
temcrè De forte que comme les hommes iè portent
potiusfuc- aiiement à ce qui leur eil: plus facile , ils iè
cumbere, rangent prefque toujours du côté où ils voient
exploran- ^^^ marques extérieures. Or comme vous la-
do perci- vez,, Monlïeur , l'antiquité Se la généralité d'u-
naci dili- ne opinion paflênt volontiers dans nôtre elprit
genna po^^. ^^^^ ^^ ^^5 marques extérieures,
la^re.^^ ' i^ ^^^ ^^^'^ ^^^ jours àç:s gens qui évitent de
Il y\ des ^ marier dans le mois de Mai, parce qu'ils ont
4xcmplai- OUI dire , qu'on a cru de tems immémorial
res qui que cela portoit malheur : 8c je ne doute point
portent, ^^ ^^^^^ fuperflition , qui nous eft venue de
quo minus ^ . _,^ o ^ ■ ' ■ c i ' r
mirum. 1 iincienne Rome , oc qui etoit rondee lur ce
que l'on y celebroit dans le mois de Mai la fête
(a) Part, des Efprits malins , Lemuralia , ne fublifte par-
3. chip. mi les Chrétiens jufques à la fin des iîecles. Car
%^.v\,6. i\ ne faut pour la conferver dans une famille,
iinon qu'on fè ibuvienne qu'un grand -père,
ou qu un oncle , ont eu ce fcrupule-là. C'eft
une
Penfées diverjes. 201
une railbn invincible , 8c qui fait d'autant plus
d'imprcfîion fur i'efprit , qu'on voit des gens
d'entendement dans la même préoccupation.
En effet , il y en a qui fans être fjperftiticux ,
reculent , ou avancent leurs noces , pour éviter
le mois de Maij parce qu'il leur importe qu'on
ne croie pas qu'ils fè ibnt livrez eux-mêmes à
la mauvaiie fortune. Il ne faut rien négliger
en ce monde. Un Marchand peut devenir ef-
feftivement malheureux , par la ridicule opi-
nion que l'on a , qu'il eft menacé de mtlheurj
perfbnne ne voulant lui faire crédit , ni fè lier
de commerce avec lui. Qui voudroit recher-
cher toutes les caulès qui fomentent les erreurs
populaires, ce ne feroit jam.ais tait.
§. CI.
Freuve cojjvainqtiante de l'erreur ou l'on ejî tou-
ch;int les ^refages.
Il n'eft pas juiques à 1 Hifloire Sainte dont
on n'abulè. Car ceux qui nous débitent , com-
me en étant fort perfuadez. , que la manière
dont Tamerlan donna là benediélion à Ces deux
fils , abaiffant la tête de Taîné , 8c relevant le
menton de l'autre , fut un prelàge de l'éléva-
tion de celui-ci , au préjudice de celui-là i fè
fondent aparemment fur le chapitre 48. de la
Genefe , où il eft dit que le Patriarche Jacob
benilîànt les deux fils de Joièph, mit là main
droite fur la tête du plus jeune , parce qu'il
prevoioit par un efprit prophétique , qu'il de-
viendroit plus puiflànt que fon aîné. Cepen-
dant il y a une très-grande différence à remar-
quer entre ces deux benedidlions. Le Tartare
n'étant point éclairé de la conoi fiance de l'ave-
nir , ne pouvoit pas diverlificr le mouvement
de Tes mains pour établir un prefage ; 6c Dieu
} S ne
il) An-
îiimciace
qua: Ven-
tura func
in futu-
Tum, &
fderaus
<\uh Dii
cltis vos.
Jfaia c. 41.
Ç2.) Som-
nia quK
soientes In-
diint voli-
îantibus
Bmbris ,
Non delu-
hraDeûmj
nec ab
setherenu-
ïnina mit-
lunt, Sed
iibi quif-
2 02 Penfài divcrjes.
ne voulant pas relever les choies futures aux
Infidèles , ne conduisit pas les mains de Ta-
merlan d'une certaine façon , afiti qu'elles for-
jnafîènt un preiàge de ce qui arriveroit à fes
enfans. Au contraire Jacob , qui étoit rempli
d'une révélation celefte , par laquelle il con-
noillbit la deftinée de lès defcendans , dirigeoit
ics aélions Se lès paroles félon cette connoiilàn-
ce , & ainfi elles étoient des prelàges.
Il faudroit confiderer , que la conoiflance de
l'avenir ne pouvant venir que de Dieu , il n'y a
point de prelàge des choies contingentes , qui
ne Ibit immédiatement établi de Dieu. De
forte que li la rencontre d'une belette prelàge
quelque cholè , il faut que ce Ibit par une loi
éternelle de Dieu , qui a enchaîné enlèmble un
tel mouvement de la belette avec une autre
cholè. Or comme il feroit abfurde de dire,
que Dieu a fait une infinité de ces fortes de
combinaifons , afin d'aprendre l'avenir à tous
les hommes du monde , l'avenir , dis-je , dont
il nous aprend qu'il le referve à lui lèul la co-
noifîàuce , pour confondre les ( i ) faux Dieux ,
& dont il n'a fait part qu'à quelques Prophètes
par une faveur finguliere : comme il feroit in-
digne de la bonté Se de la làgelïè de Dieu , fu-
pofé qu'il voulût nous avertir d'une .deilinée
que nous ne pourrions éviter , de fe fervir d'u-
ne manière de lignes aulTi vagues 8c aufli obs-
curs , que le font tous ceux que l'on nous dé-
bite pour des prefiges de l'avenir i il faut dire
que ce font tous ouvrages de l'efprit humain >
6c non pas des inllitutions de la Providence,
comme l'a fort bien remarqué (2) Pétrone à
l'égard àcs fonges.
Voilà , ce me femble , deux puilîàntes rai-
fons contre les prêfages. Premièrement ils
font innombrables , ii nous ajoutons foi à tout
ce qu'où nous raconte fur ce fojet. Il ne fe
pal^
Tenfées diverjès, 205
paflbit point d'année à Rome làns des prodi-
ges , Se li nous prenions la peine d'unir (i) (r) Voler
bout à bout les remarques qui le trouvent dans ^'-Abbé
les Hilloriens touchant les prefages , qu'ils di- je"peJ.Qy.
fent que Dieu a donnez de ce qui devoit arri- le dans fou
ver fur la terre , nous ferions une enchaînure Uoggidi
qui embrailèroit tous les tems iàns aucune in- difmgan-
terruption. Si nous confultons les gens credu- "'' ^'^' ^
les lur cette matière , nous trouverons qu il ne p^^^^^
leur efl jamais rien arrivé de remarquable, fans
y avoir ete préparez, par quelque prelàge. Or (i) Amâ?
dès là on peut conclure que ce ne font que de tiva ttoàu-
vaines imaginations , parce que d'un côté cela -^p^-y^ovx
montre que les hommes demeurent inebranla- ^^^J^^" %
blement attachez à croire qu'il y a une Puif- Tr-Jhp-^Y
iànce à qui Ta venir eft conu , Se par conièquent x^i Ivyie»^
que leur incrédulité ne porte point Dieu à iàire '^J /'•'"^^l
des miracles pour la guérir , Se que d'autre cô- '^V '"'' '^''^
té cela fait voir, que li Dieu établilloit effefti- ^^^«J^'J^.,,,;,
vement des prclàges , il avertiroit les hommes J'iu^i^ovra
extraordinairement Se continuellement tout en- ç' ^^iiv
femble de ce qui leur doit arriver , ce qui im- «/^'=^'<='>' /^y
plique contradiction. Ce lèroit alors que l'on Jf^T"^"""
auroit quelque raiion de juger avec (2) Maxi- ^-Aa-,.
me de Tyr, que la Divinité le tiendroit fur \çs Equidem
grands chemins , pour dire la bonne avanture à ardelio-
tout venant. "^^^ ^^\
La lèconde raifbn eft , que ces prefages dont narras *
on nous parle , non feulement n'aprenent pas quam
d'une manière intelligible les chofes qui doi- Deum,
vent arriver , mais aufli ne fervent pas à les "^^r^q"®
^ 1 1, ^ T 1 î curioium
empêcher d'arriver. Je le prouve , parce qu on ^^ vanum:
ne lait jamais qu'une choie a été le prelàge d'u- Cmilem
ne autre , que quand cette autre eft arrivée ; car mcndkis
quelque infàtuez que nous Ibions des prefàees , '^^^^ *1"' ^^
nous ne croions jamais en avoir eu d une cho- ,,.
lokjui na point ete. Un homme qui perd Ion gunt,&
argent au jeu , n'aft pas allez bête , pour s'ima- duobus
giuer qu'il a eu des prefages du gain qu'il fe- obolis ob*
I 6 roit:
204 Penfees diverfîs,
vio cuique roit: 8c quand même il auroit eu avant fa pcr-
vencura ^.^ certains prcfap;es de bon augure , il cefîèroit
pa:dicunt. , , / ^ , j • ^ >-i >
A'.îA'. Ty. ^'^ l^s reputcr pour tels , gqs qu il sapercevroit
ritis ôrat. de la perte de ibn argent. Les Paiens qui fe
5. ;>. 7w- croioient iriCnaccz par des prclàgcs , Se qui tâ-
*5* choient d'en éviter les effets , n'avoient que des
notions très-confufes 6c très-gencrales , avant
que les chofcs fullènt arrivées; & quand il n'ar-
rivoit rien de fâcheux , ils croioient facilement
que ce que l'on avoit pris pour un prciàge , ne
1 etoit pas eifeftivement. C'eft pourquoi l'on
peut aftiirer , qu'il n'y a que l'événement qui
nous aiîure qu'une cholè a été le preiage d'une
autre , 8c par confequent que les prelàges ne
fervent de rien pour nous taire éviter le mal.
Outre que fi les prefiges nous mettoient en état
(i)Voiez d'éviter nôtre deilinee , la raifon (i) de Mr.
ci-dcfius ^Q Mezerai fèroit nulle ; puis que nous aurions
f'ag. 194' £^\^^ ^^ croire , qu'il eft en nôtre puifîànce de
changer l'avenir : d'où il s'enfuivroit , que nous
ne donnerions pas à Dieu la fuprême difpoii-
tion de l'avenir ; qui eft pourtant le feul fruit
que cet Hiflorien prétend que l'on retire de la
conoilîànce des prelàges. La feule cliofe à quoi
nous puilTions deftiner cette conoiiTànce , c'eft
de dire que Dieu a établi une infinité de fgnes
pour nous prelàger l'avenir , afin de nous com-
bler d'amertume dès avant que les chofes fcient
arrivées ; de forte que dans cette fupofition il
eft vrai de dire , que Dieu fait continuellement
des miracles , pour affliger indifféremment tous
les hommes , bons 6c mauvais , avant même
que les maux qu'il leur prépare leur arrivent.
Or comme cela eft tout-à-tait contraire à 1 idée
que nous avens de Dieu , qui nous le rcprelcn-
te li grand 8c fi bon, que rien ne lui peut con-
venir qui fente la malignité 6c la bafièfl^è , •'il
faut neceflàirement conclure , qu'il n'eft point
i'a.uteur de ces prelàges qu'on nous prône tantj
Penfées diverfes. 21 05
êc qu'ainfi les plaintes que les Paiens ont quel-
quefois faites contre la Divinité à cette occa-
lion, font \qs plus injufles du monde. Ils euf-
ilnt voulu que Dieu ne les eût pas expofez à
être doublement malheureux, i. Par les prelà-
ges du mal à venir; 2. Par le mal même, com-
me on le peut lire dans cet endroit de la ( i ) (i) Cur
Pharfale. ^^^^^ "^^
reftor
•ff • 1 ' T 1 Olympi
Monarque tout-fusjjmit qui conduis les m- sollicicis
mains, vifum
Pourquoi nous laiffes-tu lire dans tes âef- niortali-
feins, h^^^.dàe^
Trenjoir notre infortune , aller a Ja rencon- Nofcant
tre , venturas
"Et fentir ta varigeance avant qu'elle fe mon- "t dira pcr
trei
omnia
clades ?
Cache un feu ton courroux , 0» permets feu- fit ca^ca
lement futur!
^u'il tonne f^ qu'il foudroie en un même M^ns ho-
., — .• . ,, Sil'ï.
Afjowvis ta rigueur , mais fufpens tes me- ceac fpe»
naces-y rare ti»
'Et laijfe nous fentir fans hâter nos difgra- "lenti.
ces , ^'i:an.
Sans aller 'vainement chercher dans V avenir ^ - j» > ■>
Et dequot te vanger , ^ dequoi nous punir.
Pauvres aveugles qu'ils étoient ! ils attri-
buoient à Dieu ce qui ne venoit que de leurs
faux jugemens. Ils étoient eux-mêmes les au-
teurs de leurs prciàges , non Iculcment parce
qu'ils s'imaginoient ians raifon qu'il y en avoit,
mais aulfi parce qu'enfuite de leur preoccypa-
tion , ils fc portoient bien fouvent aux choies
qu'ils croioicnt avoir été preiàgées , 6c fc con-
firmoient puidàmment après cela dans leur er-
reur , par le fuccès qu'ils voioient que leurs
I 7 prc-
20^ Penfees diverfes,
prétendus preiàgcs avoient eu. C'efl: une àt%
caulès qui ont tbmenté dans le monde la plu-
part des divinations. Un Aftrologue predifoit
à un homme qu'il mourroit dans peu de tems.
Se cet homme étoit allez iimple pour le croi-
re, 6c pour tomber dans une mélancolie qui le
tuoit. Cette mort perfuadoit tellement à tout
un peuple la certitude de l'Aflrologie , qu'on
ne croioit plus pouvoir éviter fes prédictions :
de ibrte que li l'on diloit à une fille, que fbn
horofcope la marioit à un tel , àhs lors elle s'y
refolvoit comme à une chofe predeftinée ; ce
qui failbit reiilîîr le mariage, 8c fortifioit l'illu-
lion de plus en plus.
Je pourrois poufîèr cette matière plus loin;
mais comme j'en veux aux Comètes principa-
lement, il me fuffira pour le coup , Monfieur,
que vous compreniez , que non feulement il eH:
très-poflîble que l'opinion générale de leurs
preiàges foit fauflè , vu la manière dont elle
s'eft établie 8c perpétuée dans les eiprits j mais
qu'il faut de toute neceiTité qu'elle Ibit faufîe,
vu l'opolition qui fe trouve entre ce lèntiment
8c la nature de Dieu.
Après cette longue digreiTion , me voici prêt
à vous donner tous les écIaircilTemens que vous
pouvez ibuhaiter de moi.
A,. . le 1^. de Jum i6Si,
§. CIL
Première obje£lion contre la raifon tirée de la
Théologie. D/>« a formé des Comètes , afin
que les Païens conu^ent yi providence ^ ne
tombajfent pas dans L'Atheifime.
JE ne voi qu'une objeflioa confiderable con-
tre ce que j ai établi par ma Septième raiibn.
On me peut dire , que l'inteiotion de Dieu n'a
pas
Penfées diverjès, 207
pas été de fortifier l'Idolâtrie , mais ièulement
de taire conoître au monde , qu'il y a une Pro-
vidence qui difpenfè les biens & les maux , qui
aime les hommes , qui ne veut pas les perdre
làns leur donner le tems de fe repentir , qui
mérite à caufè de cela leur amour 6c leur reco-
noifîànce. Voilà , me dira-t-on , la fin que
Dieu s'ell: toujours propofée en taifant voir des
Comètes. Cette fin ell très-digne de la bonté
6c de la làgefïè de Dieu. Les Comètes ont été
une occalion d'idolâtrie, il eft vrai : mais c'eft
la taute des Idolâtres , qui n'ont pas lu conoî-
tre ce que Dieu demandoit d'eux. Et après
tout , les Comètes 6c les autres prodiges ont
été d'un grand ulàge , aiant empêché que les
hommes ne tcmballènt dans l'AtheiTme , qui
eut été la ruine de la focieté humaine. Qu'en
effet (i) Horace nous aprend , que le tonnerre (i) ode
qu'il avoit ouï diverfes fois en tems fèrain , le 34- iib. u
dégagea de la Se<Sle d'Epicure qui nioit la Pro-
vidence divine.
§. cm.
Première Reponfe. ^e Bien ne fait point de
miracles, pour chajfer un crime, par l' établi f~
fement d'un autre crime i l'Atheifme , par fé-
tabUjfemeat de l Idolâtrie.
JE répons , que tout cela ne balance point les
inconveniens qui nailîènt de l'opinion que je
réfute. Car I. il ne ièmble pas être de la iàin-
teté 6c de la làgefïè de Dieu, de taire des mi-
racles , afin de guérir un m^al par un autre mal.
Il eft bien dit , que Dieu tire la lumière des té-
nèbres , 6c que fon infinie Providence trouve
julques dans la corruption du pécheur , dequoi
fe taire admirer. Mais il fcroit abfurde de di-
re, que Dieu produit ces ténèbres ôc cette ma-
lice
2o8 Petîfées diverfis,
licc du pécheur , afin d'en tirer enfuite la Iii-
miere & la manifeftation de là grâce. Ce lè-
roit une impiété de dire , que Dieu fait du mal,
afin qu'il en arrive du bien i qu'il rend tous \t5
hommes Idolâtres , afin d'empêcher qu'ils ne
deviennent Athées. Mais ii c'efi: une impieté
de dire cela , comment peut- on Ibutenir que
Dieu a fait des miracles , qui dans l'état ou
étoient les chofes, ne ppuvoient qu'enraciner
l'idolâtrie dans le cœur de l'homme : com-
ment , dis-je , peut-on attribuer à Dieu ces mi-
racles , fous prétexte qu'il empêchoit par là
l'établi iTement de l'Atheïfme ? N'eft-ce pas
avouer, que Dieu a contribué à la propagation
de l'idolâtrie par fes mii-acles , afin d'étoufer
l'Atheifme; c'eft-à-dire , qu'il a contribué à un
très-grand mal , non pas pour procurer un très-
grand bien , (car l'extirpation de rAtheïfme
precifement ne peut ni ûuver perfonne , ni
glorifier Dieu comme il le demande) mais ièu-
lement pour éviter un plus grand mal? Ceft en
vérité un objet bien digne de la grandeur de
Dieu , & une fin bien proportionnée à ià (kgtÇ-
fe , que de bouleverfer la nature , afin de ter-
mer la porte à un mal par la confèrvation &:
par l'amplification d'un autre qui ne vaut guère
mieux , &c contre lequel Dieu a toujours témoi-
gné une averlion infinie. A-t-on jamais vu que J.
Christ ou les Saints aient fait des, miracles pour
chafîèr une maladie par une autre, la paralyiie par
l'hydropilie ? Qiielle forte de miracles feroit-ce
que ceux-là? Ainfi, Monfieur, gardez-vous bien
de penfer , que Dieu ait produit des miracles,
afin d'empêcher l'Atheïfme par la fomentation
de l'idolâtrie , 6c fouvenez-vous , qu'après la
haine que Dieu a témoignée contre Tidolatrie,
il ne lemble pas qu'il ait pu rien taire en ià fa-
veur que la tolérer. S'il eût voulu bannir rA-
theïfme par àQ% voies extraordiiuires , eût-ii
choiii
Penfees diverfis. 209
choilî celles qui alloient manifeflement à éta-
blir ce qu'il a li fort en horreur , ce qui provo-
que {à jaloufie, com-ne parie l'Ecriture?
Ne vous fèmble-t-il pas , Moniicur , que
cette idée de Dieu jaloux , fous laquelle Dieu
seil manifcrié, nous induit à croire, qu'il eût
mieux aimé n'être point conu des hommes,
que de voir donner à d'autres les honneurs qui
ne font dus qu'à lui ; ôc par conlèquent , que
s'il eût voulu s'oppoicr par fès miracles à la li-
berté de l'homme , & le détourner de fon train,
ii l'eût plutôt empêché de tomber dans l'idolâ-
trie, que dc.ns l'Atheïfme ? Il ne m'aparticnt
pas de rien décider là-dcirus. Seulement dirai-
je, que la jaloulie d'un mari va beaucoup plu-
tôt à fouhaiter que ià femme n'aime perfonne,
qu'à ibuhairer qu'elle partage fon cœur entre
^n mari & un autre. A quoi j'ajoute, qu'il ne
fcmble pas que Dieu ait pu choilir pour l'objet
de fès miracles , ni l'extirpation de bAtheïfme
par la confervation de l'idolâtrie , ni l'extirpation
de l'idohtrie par l'introduction de l'AtheiTme,
I. Parce que l'Atheiime & l'idolâtrie font deux
choies dont la meilleure ne vaut rien, 6c qui ne
peuvent fervir ni l'une ni l'autre qu'à deshono-
rer Dieu. 2. Parce qu'il eft certain d'ailleurs,
que Dieu n'agit furnaturellement, que pour ma-
nifefler ià gloire d'une façon plus feniible , 6c
plus propre à confondre l'erreur de ceux qui ne
le conoiiîènt pas comme il faut.
Qu'on ne me diiè donc plus , que Dieu a
fait des miracles , afin d'empêcher l'Atheïfme}
à moins qu'on n'ajoute , qu'il a fiit cefïèr l'A-
theiime , pour être véritablement conu 6%: ado-
ré. Car li l'on n'ajoute pas cela , je ferai fon-
dé à dire, que Dieu a fiit celîèr l'Atheïfme par
àts miracles , afin que Jupiter 6c Minerve, Ve-
nus 6c Mercure, 6c une infinité d'autres préten-
dues Diyinitcz. , reçullcnt par toute la terre les
hou-
2IÔ Penfées diverjès,
honneurs qui ne font dus qu'à lui , ce qui eA
directement contraire à la révélation , Dieu lui-
(r) Ifai. même s'en étant déclare' , & aiant juré par (i)
chap.42. lui-même, qu'il ne donneroit point fi glotre à un
antre , m fa loii^nge aux flatués de bois 0" ^^
pierre. Qu on ne me difè pas, que Dieu étoit
honoré indireclement à tout le moins , par
ceux qui adoroient Jupiter 6c Juaon, car il n'y
a rien de plus faux , ni de plus contraire à la
revebtion j puis qu'encore que les Idolâtres
aient toujours prétendu honorer quelque Divi-
nité , £c qu'ils aient adoré fous l'idée de Divini-
té tout ce qu'ils adoroient , Dieu a toujours dé-
claré qu'il ne regardoit point ce culte comme
lien i mais au contraire comme un vol 6c une
ufurpation de ce qui lui étoit dû , qui meri-
toient les plus terribles châtimens. Ne me di-
tes point, qu'il y a des Pères de l'Eglilè, qui
Soutiennent que les aflres ont été placez dans
les deux par hs foins d'une providence parti-
culière , qui a voulu empêcher que les hom-
mes ne tombaffent dans l'Atheïfme , en expo-
fant à leur vue des objets qui leur paruHent di-
gnes d'adoration i gardez-vous bien , dis-je ,
de m objefler cette penfée , car elle eft trop
horrible pour ne la pas rejetter , quand même
nous la verrions dans plufieurs Ouvrages des
Saints Pères. Admirons leur làinteté tant qu'il
vous plaira ; mais ne failbns pas difficulté de
reconoître qu'ils raifonnent quelquefois fort
mal. Vôtre Sorbonne n'adopte pas tout ce
qu'ils ont dit i 6c fouvent après avoir chommé
leur fête , 6c s'être recommandée à leurs priè-
res , elle ne fait point fcrupule de les réfuter de
toute ià force.
$. civ.
Tenfees dlverfis, lit
§. CIV.
Seconde Reponfe. ,^'il n'a jamais été necef"
faire 4'empécher que L'Atheïf/ne ne s'établit en
lu place de VldolÀtrie , 0* que les Comètes ne
font pas capables de l empêcher.
MAis fupofbns que la fainteté Se la C%gtï&
de Dieu lui aient pu permettre de taire
des miracles , pour challér TAtheilme par le
moien de l'idolâtrie } il n'en feia pas m.oins
vrai , que Dieu n'en a jamais fait etleftivement
pour cette îm-ù. , parce que Dieu ne tait rien
d'inutile , & qu'il n'a jamais été ncceifaire de
prévenir par des miracles lextinétion de toute
Religion dans le monde. Il ell: impolTible d'u-
ne impoffibiiité morale ce phyiique, qu'une na^
tion entière paflè de la croiance d'un Dieu , &
de l'ulàge d'une Religion , dans une croiance
8c un uiàge contraires. A peine fe peut-on per-
fuader , qu'un homme feul, ou par abrutiflè-
ment, ou par de fauflès fubtilitez, étouffe dans
fbn ame l'idée d'une première caufè , de qui
tout dépend , 8c à qui tout doit hommage.
Comment donc croiroit - on poffîble , qu'un
peuple entier élevé dans la pratique d'une Re-
ligion , accoutumé à recourir aux Dieux dans
fcs befoins , 8c à les remercier dans fcs prof^
périrez , prévenu de mille fèntimens de crainte,
compole d'un grand nombre de iiaperftitieux ,
pafle dans l'abnégation totale d'une Divinité?
Pour peu qu'on conoilTe le génie des peuples,
on m'avouera que c'eft une chofe impoitible.
A quoi bon donc créer fi fou vent des Comè-
tes, pour éviter un mal qui ne peut jamais ar-
river ? Quoi de plus inutile, que cette forte de
miracles ?
Ils ièrvcnt , me dira-t-on , à convertir les
peu-
Itl Penfées diverjès,
peuples qui ne reconoiflènt aucun Dieu. Je ré-
pons que cela eft faux. Car s'il cH: vrai , com-
me quelques Relations l'afTuicnt , qu'on a trou-
vé des peuples qui ne faifoient profefllon d'au-
cune Religion , il s'cnlîiit que les Comètes n'ont
pas la vertu d'introduire la croiance d'une Di-
vinité dans les pais qui n'en reconoiflènt aucu-
ne. Et d'ailleuis il eft évident , que des hom-
mes -qui ne font pas touchez àts effets ordinai-
res 5c extraordinaires de la nature, qui peuvent
s'imaginer que le monde a été fait par hafàrd ,
que les mouvcmens àts cieux ne ibnt dirigez
par aucun Etre fuprême , que tout fe fait par
la rencontre fortuite de certains principes, font
très-capables de faire le m.éme jugement de
tous les aftres & de tous les feux qui aparoî-
tront de nouveau. Si bien qu^il efî: hors de
toute vrai-femblance , qu'une Comète, de quel-
que longueur qu'on la fupoiè, puiflè faire ibn-
ger qu'il y a un Dieu , à un peuple , que les ou-
vrages de la nature li beaux & li réguliers , les
éclipiès, les tremblemens de terre, les ouragans,
les tonnerres , 6c les foudres n'ont point coa-
(i) Roma vaincu, qu'il y en a un.
trium-
phamis §. CV.
^uocies
cl y ta ' -^^ ^^ prodigicufe inclination des anciens Taiens à
currum multiplier le nombre des Dieux,
Plaufibus
excepit. Pour ce qui rerarde les nations que l'Hiiloi-
tarii Di- ''^ ancienne nous hit conoitre, il y avoit li peu
vûm de danger qu'elles tombaflènt dans l'AtheiTme,
Addidit, que leur entêtement principal étoit de multi-
& rpoliis plier leurs Dieux 6c leurs Religions à l'infini.
fxbimec Vous favez la remarque d'un Poète ( i ) Chre-
nora nu • ^. , . ^ „ i mi
minafccit. ^^^" écrivant contre Symmaque ; que la ville
PrudeaUn ^Q Roir.e multiplioit its Dieux à proportion (^c
Symmaik, ï^i victoires j 6c vous n'ignorez pas làns doute
la
Penfées diverfes, 215
la raillerie de ( i ) Ju vénal , que le pauvre At- (i) Nec
las e'toit accablé Ibus k fardeau de rcnt de Dieux ^^^^
qu il avoit à ibutenir. Vous iàvez. qu'il n'y a xaHs"iK
iorte de créature que les Paiens n'aient deïnéei tft hodie,
qu'ils ont adoré juiqu'aux herbes de leurs jar- cjncenca-
dins i qu'ils ont facrifié aux vents &: à la tem- ^^^ Syde-
pête i ou ils ont élevé àcs Autels à 1 impu- v„^^î^-'*
7 ^'^ 1 • V 1 r V 1 / N Numini-
dence, a la calomnie, a.anevre, a la (z) mort bus^mife-
même toute iifiplacab'e qu'elle eft j qu'ils ont rum urge-
mis au rang des Dieux leurs Rois Se leurs Em- ''^nt Ac-
pereurs , non leulcmcnt après que la mort les ""^^ .
^ . , ,. , , JÇ- ' ?j« r • Trwr.cii
avoit délivrez de la neceiiite d être vus lujets Ponder?.
aux mêmes infirmitez que les autres hom.mes, Juven.
mais aulh pendant qu'on les \^ioit expoièz à Satyr.i-^,
toute ibrte de foib.'efics. Il n'7 a point d'exa-
gération à tout ceci. Ce font des faits avouez ^?-) Y*^^*
de tout ce qu'il y a de gens qui conoiffent 1 an- /joiolacr.
tiquité. Ce que j'ai dit concernant les Rois & j.^. C.2Ô.
hz Empereurs , fc juflifie tant par l'uiàge des
( 3 ) Perfes qui adoroient leur Monarque d'u- (9) BnT-
ne adoration proprement dite, 8c que plufieurs fonius de
étrangers ont refufé de rendre par fcrupule de p'^^J^Per-
Religion h que par la pratique des Romains ,
qui juroient par la Divinité de leurs Empereurs
vivans , & leur conlàcroicnt des Temples 5c
ÀQS Autels à leur (4.) vue, ou à leur fçu; com- (4) Stie-
me il paroît par l'Ambaflàde extraordinaire, que ^5'"' J? -
ceux de TariT.gore envolèrent à l'Empereur j[" " 3 '
A r 1 • 1 51 • ' cap. 70»
Auguite , pour lui aprendre qu il cioit r.e un
palmier fur l'Autel & dans le Temple qu'ils lui
avoient fait bâtir. A la vérité cela ne prrut pas
fort probable à Augafte , puis qu'il repoîiiit
d'un (j-) air moqueur, c^uil loioh bien quo/î (fjApud
7ie faifoit gueres brnlcr de victimes fur cet AuieL Q^'înnl.
Mais néanmoins 2c ce Temple 8c cet Autel de- ^' 6. c 4»
meurcrent fur pied avec plulieurs autres qui
étoient conlàcrez au même Dieu , dont quel-
ques-uns marnes étoient defïcrvis par une Com-
munauté de Prêtres , établie uniquement pour
cet"
214 Penfées diverfes,
cette fonftion ■■> & quelques autres étoient bâtis
dans le petit coin du monde que le vrai Dieu
s'etoit reièrvé : car vous n'ignorez, pas qu'Hero-
de a bâti àQs Temples à Augulle dans la Jude'e.
Généralement parlant , la coutume de mettre
hs Empereurs au rang des Dieux, étoit fi bien
établie parmi les Paiens , qu'encore que Conl^
tantin eût abandonné leur taufîc Religion pour
embrafTer l'Evangile , qu'il profeflà fidèlement
(i) Eu- julqu'à fa mort , ils ne ( i ) laiflèrcnt pas de le
tropms inettre au rane àts Dieux après ion décès. Ce
qui ne me paroit gueres plus étonnant, que la
debonnairete' philoibphique de l'Empereur Marc
Aurele , qui a|>rès avoir été déshonoré par les
impudicitez efirenées &: publiques de (à femme,
lui fit rendre les honneurs divins dès qu'elle fut
morte, & lui fit bâtir un Temple.
11 n'y a jamais eu de malheur mioins à crain-
dre que l'Atheïfme; & par confequcnt Dieu
n'a point produit des miracles pour l'empêcher.
D'où il s'enfuit , que fi Dieu avoit contribué
par la production des Comètes à fortifier le re,-
gne de l'Idolâtrie , 41 «^ l'eût point fait pour é-
viter un plus grand mal ; Se qu'ainii c'eût été
contribuer par des miracles à un très - grand
mal purement & fimplement , ce qui ne fc peut
dire iàns blaiphême.
§. CVI.
III. Reponiè. ^ue c^uand même il y auro'it eu
lieu de craindre c^ue VAîhnfme ne s^ établit en
la place de l Idolâtrie , // n'eût point falu fe
fervir de miracles pour l'empêcher.
JE paflè plus avant, 8c je dis en troifiéme lieu,
que quand même il y auroit eu quelque fli-
jet de craindre que l'Atheïfme ne s'établît dans
le monde , il n'auroit été nullement necelTaire
de
Pcnfées di^^&s^^ 215
de recourir au miracle, -^pjjjril^ venir ce grand
mal. Il fuffifoit de lailTè||^^ la rature lelon
ies forces. On s'en pouvoir Sort bien repofer
fur \qs foins des hommes &: des Démons.
§. CVII.
Les effets de la nature poHvoient empêcher l'ir-
réligion.
I. En effet , les corps agiflànt continuelle-
ment les uns fur les autres , amènent de tems
en tems par une fuite neceflaire mille chofès
furprenantes , des monftres, des météores d'é-
clat , des tempêtes furieules , des inondations,
des mortalitez , 6c des famines horribies. Et
comme par tout où l'on croit une Religion , on
regarde ces choies-là comme des effets parti-
culiers de la Providence divine , qui deman-
dent un renfort de culte & de dévotion ; il eft
impofl'ible , vu comme le monde va , que les
hommes lailîent efl&ccr de leur ame la crainte
8c la croiance de leurs Dieux. De ibrte que fans
fe départir des loix générales de la nature. Dieu
a pu trouver dans le progrès^ dans l'enchaîne-
ment des caufès fécondes i a*z de phénomènes
extraordinaires pour fe faire 'Vedouter. Une lé-
gère reflexion flir ce qui a été dit de l'attache-
ment des Paiens à regarder les moindres choies
comme des prodiges, fuffit pour nous con'^ain-
cre de cela.
§. CVIII,
La polittc^ue pouvoit empêcher la même chofe.
IL Mais outre que les hommes font afîcz
portez d'eux-mêmes à pratiquer les aftcs exté-
rieurs de dévotion , ^^JK les fois qu'ils fc
■^"^ croient
1 1(? Penfées diverfa.
croient menacez de la part du Ciel par des pro-
diges i il faut conliderer que la politique des
Magitlrats prepofez aux airaires civik's , &: à
celles de la Religion , avoir grand loin de tenir
les hommes dans la dépendance par le frein de
la crainte des Dieux. On a reconu de tout
tems , que la Religion étoit un à(^s ikns de la
fbcieté, & que les liijets n'étoient jamais mieux
retenus dans l'obeïllànce , que lors qu'on ià-
voit faire intervenir à-propos le miniilere àçs
Dieux, Se qu'on ne pouvoit jamais encourager
les peuples avec plus de fuccès à la dcfenfc de
la patrie , qu'en attachant leur cœur à certains
temples, avec des cérémonies pompcufes, fous
la protefiion mille fois éprouvée de certaines
Diviniiez , 5c qu'en leur faifànt acroire, que
les ennemis qui vouloient profaner ces iàints
lieux , étoient menacez d'un châtiment terri-
ble par les prefages des viâimes. Pour faire
. agir tous ces reilbrts , il faloit non feulement
qu'il y eût une Religion autorifee par le xMa-
giftrat , mais auiTi que les fujets fuÔent préve-
nus de crainte , de vénération , Se de refpeâ:
pour tous les exercices de cette Pveligion. C'efl:
pourquoi la politique vouloir que l'on ména-
geât ibigneufement tout ce qui feroit propre à
fomenter dans les efprits le zèle de la Religion ,
2c à infpirer un profond refpeâ: pour Ces plus
petites cérémonies. Jugez , Moniîeur , fi après
cela il y avoit lieu de craindre que les peuples
tombaflènt dans l'Atheïfme.
§. CÎX.
V'mterêt du Trêtres le pomoii empêcher
III. Le refpefî: des peuples pour les rho/ès
de la Religion , s'étendant jufques fjr le^ per-
icn-
Vm[iei diverjes, iij
Ibnnes qui en avoient la charge , il arrivoit que
ces perlbnnes fe fcrvoient de pluiieurs artifices
pour entretenir des fentimens iuperrti-cieux
dans les efprits j cir ils le faiibient valoir par
là , & ils rendoient leur emploi li conliderable ,
que les plus grand-s Seigneurs y alpiroient. Il
y a eu des Têtes ( i ) couronnées qui fè pi- / \ ^.
quoient de la conoiliance des augures. Le Roi lib. i. de
Dejotarus étoit lui même Ion Devin , & i! fcm- Di/iûac.
ble que ce fut lui-même qui trouva que les au{^
pices Tengageoient à fuivrc le parti de Pom-
pée , à quoi pourtant il ne trouva point Ion
compte. Pluiieurs perlbnnes conlîderabies , ou
par leurs charges , ou par leur qualité , le pi-
quoient de la même conoiflànce. Le Sénat de
Rome ordonna qu'on envoicroit lix jeunes
garçons des meilleures familles de l'Etat vers
chaque peuple de 1 Etrurie , pour y aprendre
les difciplines augurales. C'eft qu'on croioit,
qu'en relevant ainli la dignité de cette profel-
lion , par la naiilànce de ceux qui s'en mêioient,
on empêcher oit l'abus où tombent \&s arts en-
tre les mains des perlbnnes avares 6c (2) merce- /^^ vr
naires. C'eft fur un Icmblable principe, que le ars t-nra
cdebre Cardinal Pallavicin a prouvé très-doCle- proprer
ment 6c très-pieufement tout enfemble , que f^-^nifarr-tn
l'Eglife Catholique doit être dans le monde fur àTei""?
le pied d'une Puifîânce temporelle , afin d'atta- nis\ucon''
cher à fon fervice , par 1 efperance d'un gros rare abJn-
revenu , les Barons , Se autres perlbnnes de la cererur ad
première qualités ce qui rend la Religion extrê- 4"2.-ftum.
mement conliderable : car qui oferoit meprifer ' '^''' *
les cérémonies de la Melîè , lâchant que celui
qui officie , a le plus beau train 6c la meilleure
table de 1 Etat?
Mais li par cette conduite on évitoit les abus
d'un trafic fordide , on tomboit d'ailleurs dans
un autre inconvénient. Car des Augures de
cette naiilànce , remplis d'ambition , travail-
Tom. I, K loiciit
2 1 8 Penfées diverfis,
loient de plus en plus à le faire un empire fur
les âmes , par Tinvcntion de plulîeurs cérémo-
nies, 6c en impofant un nouveau joug de fcru-
pules fur les efprits , ôc en faifànt publier une
infinité de prodiges , dont il t'alloit qu'ils fuA
iènt les Interprètes. Cette fon6tion d'exami-
ner les prodiges , & de chercher les voies de
hs expier, les faifoit regarder comme des Mé-
diateurs entre les Dieux 6c les hommes. On
iè perfuadoit qu'ils avoient la clef du ciel, qu'ils
detournoient les malheurs dont l'Etat étoit me-
nacé , en un mot , qu'en eux relidoit le falut
public. Jugez, Monfieur, li après cela les pro-
diges étoient rares. Doutez-vous que les moin-
dres effets de la nature, ne fuflènt débitez com-
me des marques du couroux du Ciel ? Ne
croiez-vous pas qu'on avoit des gens apoUez
pour venir anoncer dans la capitale , qu'un loup
étoit entré en plein jour dans le milieu d'une
ville , qu'on avoit vu des chevaux en l'air , 6c
chofes femblables ? C'étoit l'intérêt des Pontifes,
des Prêtres 6c des Augures , qu'il courût perpé-
tuellement de ces nouvelles , comme il eft de
l'intérêt des Avocats 6c des Médecins , qu'il y
ait des procès 6c des maladies ; c'efl: pourquoi
on n'avoit garde de donner le tems au peuple
de devenir tiède dans fà Religion.
§. ex.
Combien les f enfles (iimoient à, croire t^ue les ^n^-
di^es r^' étoient point natu^rels.
On l'avoit mis fur un tel pied , qu'il ne pou-
voit lbuffi:ir , que les Philofophes entrepriiîènt
d'expliquer les prodiges par des raiibns natu-
rO Invita relies. Car (i) Plutarque nous eft garand , que
Vicix, ^u tems de Nicias , c'eft-à-dire , dans le quatriè-
me iiccle de h fondation de Rome , on n'olbit
Penfées diverfis, np
encore s'ouvrir qu'à Tes meilleurs amis , Se en
prenant bien fès précautions , de la caule des
eclipiès de lune, qu'Anaxagoras avoit enfèignée
depuis peu. II ajoute , cjue c'etoit parce que
le peuple ne pouvoir Ibuffrir en ces tems-là les
Phyliciens, s'imaginant qu'ils attribuoient à des
câuies necfeflaires 6c infenlibks , ce qui ne ve-
noit que des Dieux ■■> que c'eft pour cela que
Protagoras fut banni d'Athènes , 6c Anaxago-
ras mis en priibn, dont Pericles avec tout Ton
crédit 6c toute ion éloquence , put à peine le
délivrer j 6c que ce ne fut qu'après bien du
tems , que le peuple s'apprivoila avec la Philo-
fophie, eniuite des éclairciiremens qu'il tira de
la doftrine de Platon, qui foumettoit la necef-
fité des eau fès naturelles à la puifîànce divine.
J'aprouvcrois le zèle du peuple , li les Philolb-
phes euflènt prétendu exclure l'influence divi-
ne de tous les effets dont ils ex pli qu oient les
caulès i mais ce n'etoit pas là ce qui eftarou-
choit le vulgaire : le mal ëtoit , qu'en expli-
quant les prodiges par une cauiè phyiique , on
les reduifoit à ne prefager plus rien , ce qui
ôroit au peuple une infinité de vaines im.agina-
tions dont il fe repailfoit , 6c aux Devins la plus
conliderable partie de leur emploi. Peu s'en
f^.ut que Stace ( i ) ne fe mette fort en colère fO ^'i^r«
contre ies Héros , qui avoient vu qu'une fle- '^"-^s ^r*
, ' , . . ^ .. rore lè-
che rencontrant un arbre , etoit revenue vers runc...
celui qui l'a voit tiré, 6c qui au lieu de reconoî- pcnuus
tre que ce fût un prodige extraordinairement lacet exi-
cnvoié des Dieux , pour lignifier qu'Adrafte rc- ^"^ ingens
tourncroit à la guerre de Thebes, l'expliquoiont jumq-je^'
naturellement. nef as, uni
remeibile
be^lum
&c.
Stat. l. 6.
Theb.
K a §. CXI. pyr,/.
220 V^nfées dîvcrfes,
§. CXI.
^ue le Sacerdoce ^ Vaut ont é Sotneraim ont
été quelquefois unis.
IV. Je confidere de plus , qu'il y avoit dei
(i) Rex Etats, (i) où la dignité Sacerdotale étoit join-
Anius, ç£ ^yec i^ Roiale. Je mets l'Empire Romain
hominurîT ^^ ^^ nombre-ià , puis qu'il eft certain , que
Phœbique' comme les Empereurs fe iailirent de la dignité
Sacerdos. de Tribun du peuple , pour fe rendre peribn-
^^W''i u ^^^ ocrées , 8c mviolables , Se pour s'aproprier
^^' ^ •3* toute la puifïance du peuple •■, ils unirent auffi à
leur Majeilé Impériale la dignité de Souverain
Pontife , tant pour dominer fur les chofes de
la Religion , que pour fe rendre de plus en plus
^a) Denys inviolables , par la raifon que les (2) Pontifes
^'^'^h' "'^'^^^^"^ "^ fujets à aucune punition , ni ref-
»P' 7s'' * P^^^^^^s '^^ '^'^'^s allions à perfonne , ibit du
peuple , foit du Sénat. Il y a grande aparence
que c'étoit aufll afin d'empêcher qu'une charge
qui avoit tant de privilèges , ne tombât entre
les mains d aucune perfonne qui en pût abufèr
au préjudice de l'Empereur, comme il pouvoit
arriver fort naturellement. Cette union fubiif-
ta aflèz long-tems après le batême de Conftan-
tin; mais elle fut fuprimée par l'Empereur Gra-
tien , & renouvellée pourtant par quelques-uns
de {ts fucceffeurs. On a vu depuis une fem-
blable conjcndtion dans l'Empire des Sarrazins ,
dont le Caliphe étoit tout cnlèmble Chef de la
Religion 8c de l'Etat. En d'autres pais c'étoient
les Prêtres qui rendoient la juftice; en Egypte,
par exemple, 8c dans la Gaule, où les Druides
avoient toute l'intendance du culte des Dieux,
& terminoient tous les differens àts particu-
liers. En d'autres c'étoit à un même ordre de
gc^us , favoir à la Noblçi^ > qu'il apartenoit de
conoi"
Tenfées diverfih iil
conoître des affaires de la Religion , 8c des char-
ges de la Republique , d'interpréter les loix là-
crées 8c les profanes ; (c'eft le règlement que
Theiëe fit dans Athènes.) En d'autres enfin,
comme dans la Republique de Rome, c'étoit
le ^enat , qui fur le raport des Pontifes , des
Augures , des Arufpices, 8cc. ordonnoit qu'on
feroit des proceflions , des facrifices , des ban-
quets facrez,, 8c le relie. Je vous laiflè à pen-
ièr après cela , lî Ton donnoit bon ordre que
h Religion fût maintenue dans toute fa force ,
y aiant concours de deux Puifîànces , dont cha-
cune en ion particulier avoit grand intérêt à
cela.
§. CXII.
J>H foin que Von prerMtt de châtier ceux qui
meprifoient la Religion.
Auflî voit-on par l'Hiftoire , qu'on n'oublioit
rien de tout ce qui pouvoit aller au devant du
mépris des cérémonies de la Religion , 8c tenir
les peuples en refpe<9: fur cet article. On fit
mourir Socrate dans Athènes , parce que là
dodtrine tendoit à rendre fufpedre d'erreur la
Religion dominante. Le Sénat de Rome aiant
donné commififion au Prêteur Petilius, délire
les Ecrits du Roi ( i ) Numa , qu'on avoit /j^ pj^^
trouvez, dans un coffre de pierre 400. ans après carchus
fa mort, 8c ouï le raport du Prêteur, qui fut, in vica
qu'î ces livres contenoient des chofes fort ëloi- Numae.
gnèes de 1 état prefcnt de la Religion , 8c capa-
bles par conièquent de jetter mille fcrupules
dans l'efprit du peuple : le Sénat, dis-je , fit
brûler ces livres-là , craignant avec raifon que
le peuple détrompé de la penfée où il étoit,
que la Religion d'alors étoit la même que Nu-
ma Pompilius avoit aprife de la Déelfe Egerie,
K 3 ne
(i) L'an
de Rome
\i) L'an
de Rome
Si6.
111 Tenféeî diverjès,
ne vînt à la mepriièr. Cette prévention e'toit
palîee des pères aux cnfans , parce que les chan-
gemens dans ces chofès-là fe font par des pro-
grès infènfibles , & ne fe remarquent gueres
durant la vie d'un homme i de forte que cha-
cun croit en mourant lailTèr la Religion au mê-
me état qu'il l'avoit trouvée en venant au mon-
de. Cependant ces progrès iniènlibles , au
bout de plulieurs liecles portent ks chofes fort
loin.
Le même Sénat avoit grand foin de confèr-
ver la Religion des aufpiccs , £c deftituoit de
leurs charges ks perfonnes les plus notables ,
àès qu il aparoiflbit que la prife de pofleffion
n'avoit pas été conforme à ce que prefcrivoient
les cérémonies des Augures. Il châtia même
rigoureufement le Conlul C. Flaminius , parce
qu'il avoit meprifé les aufpices j ce qui pour-
tant ne l'avoit pas empêché de ( i ) rempor-
ter une lignalée vi6i:oire fur les Gaulois. P.
Claudius & L. Junius , qui du tems de la pre-
mière guerre de Carthage avoient meprife les
mêmes aufpices , forent encore plus ievere-
ment punis , car il leur en coûta la vie. Pour
empêcher qu'on ne vînt à iècouer le joug àçs
loix augurales, on affecftoit de répandre parmi
la multitude , que les batailles gagnées par les
ennemis de la Republique , étoient des puni-
tions du mépris que les Généraux avoient eu
pour les prelàges , ou du peu d'exaâritude qu'ils
avoient aporté à s'acquiter des cérémonies de
la Religion. On difoit , par exemple, que le
Conful Q^ Flaminius avoit été ( i ) batu par
Annibal auprès du lac de Thrafymene , parce
qu'il avoit eu la témérité de livrer bataille, fans
,avoir égard à ce que fon cheval l'avoit fait tom-
ber , lors qu'il commanda de marcher à l'en-
nemi , ni à ce qu'on lui raporta, que les dra-
, peaux ne pouvaient être remuez de leur place:
que
"Penfées diverfes, ii^
que le Conful Varron avoit perdu ( i ) la fu- (t) L*;»n
nefte bataille de Cannes , à caulè qu'il avoit en- de Rome
couru la haine de Junon , pour avoir mis en ^^7»
fentinelle dans le Temple de Jupiter un beau
(2) jeune Comédien durant la célébration des (i) Valer,
jeux Circenfes : aftion qu'il fallut expier par di- *^^ax;m.
vers iàcrifîces au bout de quelques années. ' ''^^P' '*
V. Si vous joignez à toutes ces observations
ce que j'ai déjà touché (3) ci-defîùs, fàvoir que
les Démons faifoienr tout leur pofllble pour in- (5) n. 61»
timider les peuples par mille fortes de prefages, & 68,
voiant bien que cela ne produifoit aucun amen-
dement de vie , mais feulement une infinité
d'aftioiTs iuperftitieufes 5c idolâtres •■> vous com-
prendrez, , Monlieur , que iàns que Dieu s'en
mêlât par des voies extraordinaires , le monde
étoit plus que fufïilàrament à couvert du péril
de l'AtheiTme.
§. CXIII.
^ue les Démons aiment mieux l'Idolâtrie qtit
rAtheïfme.
Et fur cela permettez-moi de vous dire une
penfée qui me vient. C eft qu'aparemm.Cnt le
Démon trouve mieux fon compte dans l'Ido-
lâtrie, que dans l'Atheïfme : d'où il doit arri-
ver , qu'il emploie plutôt fts artifices pour pouf-
fer les hommes dans lldolatrie , que pour les /.\ j ^j
jetter dans l'Atheïfme. La raifon de cette con- Corinch.
duite eft , à mon avis, celle-ci j c'eil que les c. lo.
Athées ne rendent aucun honneur au Démon , ^*''^* ^"^^
ni diredlement , ni indiredlcment, & nient m ê- ^^"^^"
me fon exiltence : au lieu qu'il a tant de part ITrçf'i}^'
aux adorations qui font rendues aux faux Dieux, Pfai.'iof.
que l'Ecriture Sainte déclare en divers endroits, ^^'"f 37.
que les Sacrifices offerts aux feux Dieux , fort f"^"'-
ofterts (4) aux Diables. Les Saints Pères en- ^"/^'^^^l,
K + fd- '''
11^ Tenfeei diverjès.
feignent la même chofè. Or cet Efprit vam
ëc ennemi de Dieu, doit mieux aimer fans dou-
te que le culte dérobe à Dieu , lui revienne ou
en tout , ou en partie, comme il lui revient
efFetlivement , lors que les hommes font Ido-
lâtres , que non pas qu'il ne lui revienne point ,
comme il arriveroit , fi les hommes étoicnt
Athées. Je croi même qu'il aimeroit mieux
partager avec le vrai Dieu le culte que tous les
hommes doivent à cet Erre ibuverain 8c infini,
que de voir tous les hommes dans i'Atheïfmcj
car ce partage fùffiroit pour damner tous les
hommes , & pour ôter à Dieu la gloire qui lui
eft due , qui eft tout ce que le Diable peut Ibu-
hairer , &: procureroit d'ailleurs au Démon un
honneur très-propre à flater ià vanité, 2c qu'il
ne trouveroit pas parmi àcs Athées. li n'en
va pas d'un ufîirpateur , comme de celui qui a
un droit légitime, d'un Galant, par exemple,
qui a defièin fur la femme de ion voifin, com-
me du mari de cette femme. Si celui-ci avoit
à choilîr , ou de voir là femme tout à la fois
amourculc de lui &: d'un autre, ou delà voir
indilierente pour tous les hommes , il pr endroit
le dernier parti , à moins que d'être de ces ma-
ris commodes , qui foulant aux pieds les loix
£crées du mariage , fe confolent aifément de
l'infidélité de leur époufe , par ks reprefailles
dont ils ufent fur les autres maris. Mais pour
le Galant , il ne fe met point en peine fi ià Maî-
trefi!è conièrve de l'amitié pour fon mari, pour-
veu qu'il foit admis aux mêmes prérogatives
que le mari : à moins que de donner dans la
delicateife chimérique d'un Héros de Roman,
laquelle n'a peut-être jamais fubiiilé qu'en idée.
Ne trouvez pas étrange cette comparaifon,
Moniieur , puis que l'Ecriture ne parle de TI-
dolatrie que comme d'un adultère commis
contre la gloire d'un Dieu jaloux , 6c Ibufifrez
que
Penféei diverjès, 225
que je m'en ièrve , pour prouver que le Dé-
mon aimeroit mieux que les hommes adorai^
fent & Dieu 8c lui, que non pas qu'ils n'adoral-
fent rien.
De tout ce que je viens de repondre à l'ob-
jeflion , vous me laiflèrez conclure aparem-
menr , que Taparition des Comètes a été ex-
trêmement favorable à Tldolatrie , iàns avoir
été aucuneinent neceflaire au monde , afin
d'empêcher que l'AtheiTmc ne ruinât la Socié-
té humaine , 8c qu'ainli les Comètes ne font
pas d,cs lignes extraordinairement envolez de
Dieu.
§. CXIV.
IV. Reponfe. ^ue lAtheïfme n'eji pas un plus
grand mal o^ue V Idolâtrie,
CEla étant , je puis me palier de faire le pa-
rallèle de l'Idolâtrie 8c de i'Atheïfme , 8c de
montrer que lldolatrie elt pour le moins aufîi
abominable que I'Atheïfme , car je n'ai pas be-
ibin que ce paradoxe {bit vrai, je l'ai ouï fou-
tenir a un des habiles hommes de France, 8c
qui eft auflj bon Chrétien que j'en conoiflè.
Permettez-moi de vous raporter une partie de
fes raifons , 8c de les paraphrafer ou commen-
ter félon que je le jugerai a-propos.
§. CXV.
I. Preuve. L' imperfection efl aujjî mitraire pour
le moins k la nature de DieH' , ^«^ le noyp'
être.
IL difoit en premier lieu , qu'il eft autant
pour le moins contre la nature Divine d'ê-
tre divifée en un très-grand nombre de Divini-
K j tcï
2i6 Penfees divcrjh.
tez différentes , Se fujettes aux défauts que Ton
reconoiilbit dans les Dieux du Paganifmc , que
de n'être point du tout. Ainfi Jes Idolâtres qui
nient que Dieu Toit un , 8c au defTus de l'infir-
mité, forment un jugement auffi abfurde pour
je moins 8c aulTi delàvantageux à Dieu , que les
Athées qui nient fon exiflence ■-, car comme Ta
fi)DaTis fort bien remarqué Mr. le Marquis de (i) Pia-
fon livre j5e2,ze, croire que Dieu n'efl point, efl un fen-
de la veri- . ' . ^ ^ 1 • j '
té tle la tnnent moins outrageux pour lui , que de iC
Religion Croire ce qu'il n'efl: pas, 8c ce qu'il ne doit pas
Chrefiien- être, (i) Si Dieu neft point unique, dit Ter-
^^* tullien , il n'efl point , parce que nous trouvons
,^ . - plus de dignité a n'être point , qu'à être autre-
«on unus ^ ^^'^^ T^ ^'^" "^ '^^'^- ^^ Y ^ ^^^^ P^^s d'extra-
cft, non vagance, plus de brutalité, plus de fureur, plus
eft, quia d'aveuglement dans l'opinion d'un homme qui
dignius admet tous \ts Dieux des Grecs 8c des Ro-
îlt iSï* mains , prefque infinis en nombre , 8c agitez
lîon elle , *, ^ /v o r -u i ° i
quodcun- de toutes les pâmons , 8c louillez de tous les
<]ue non crimes qui fe voient parmi les hommes , que
ita fuerit, (jans l'opinion d'un Athée. Plutarque eft allé
j^i. v^. encore plus avant h car il a dit qu'on fait plus
TtrtfilU "^ ^^'"^ ^ ^^ Divinité , en h croiant teLe que \q^
tcntra fuperftitieux iè la reprefentent , qu'en croiant
M^rc. l.i. qu'elle n'eit rien. (3) J-e ne puis ajfez. m' étonner^
*• 3" dit-il , quo-n dit que l'Athéisme efi une impieté:
i )r V ^^^^ J^'^ devroit dire de la fuperflition , ^ non pas
de ia fu-^ ^^ VAtheïfme ; car il eft bien vrai qu'Anaxago-
perdition, ras fut condamné autrefois comme impie , pour
Je me fers avoir fout enu que le foleil était une pierre j mais
de la ver- p^^J'onne n'a encore dit que les Cirnmeriens qui ne
hFevteJ' ^^"^'^^^ f^^ ^^''^ / ^^^ '^^ fi^^^^ ^^^ monde , foient
impies pour cela, ^uoi , celui qui ne croit point
qu'il y ait des Dieux efl impie, 0> celui qui croii
qu'ils font tels que les fuperfiitieux fe les figurent ^
ifi'a-t-il pas une opinion dont V impieté furpaffe d*
beaucoup celle de 'l'Athée ? Tour moi j'aimerois
-àien mimx ff^tte tous les hommes dn mnde difr
fenî ,
Penféei diverjès, 21 j
fenti que jamais Flutarque n'a été, que s'ils di~
(oient i Flutarque efl un homme inconfiant, léger ,
colère , qui [e rejfent des moindres offenfes , qui fe
met en mauvaife humeur four rien , qui fe fdche,
fi on ne l'apelle aux belles ajfemblées , qui fe 'met
aux champs , fi quelqu'un aiant des affaires, ne
lui efi pas 'venu faire la cour au matin i cefi un ^j) p^jg.
homme qui vous dcchireroit a belles dens, fi vous cipale cri-
aviez pajfé a côté de lui fans l'aborder ^ le fa- men ?e"e*
luër, dteroit prendre votre fis , A* lui feroit don- ^\^ hif"îa-
ner la gène en fon logis , ou des la mut fuivante , ^^. fec^jj
il ferait lâcher des bêtes fauvages fur vos terres reatus.
pour en ravager les fruits. Tertidl. dt
§, cxvi. '•*•
1 1. Preuve. V Idolâtrie efi le plus grand de tous mum de-
les crimes félon les r ères. WStum.
Cyprian,
LA féconde raifon eft , que les Pères de TE- ^^'■^' '°*
gUfe ont dit fans nulle exception , que l'I- / ^ q
dolatrie efl le principal crime du genre hu- Naziarz.'
main, le plus (i) grand péché du monde, le orat. 38,
plus ( 2 ) grand de tous les péchez , ( 3 ) le der-
nier Se le premier de tous les maux. (4) Le M ^f^.
Do6leur Angélique eft dans le même Icntiment, P^^^^ns
,.1 jP -^ , , , , qi!x con-
puis QU il dit , que de tous les péchez, que Ion ^ra Deuin
commet contre Dieu , qtù font néanmoins très- corn mi t-
grands , le plus énorme femble être celui par le- tuntur,
quel on rend k la créature les honneurs divins , ^"^ ^y
parce au autant qu'on le peut ^ on introduit un au- îï!!"; "^
tre Dieu dans le monde , p* Ion diminue l'Em- gravi iH-
pire de la Divinité. Le crime des Chrétiens qui mu m effe
iàcrifioient aux Idoles durant la periècution , ^'"^5 ^"'' »
c'apelloit prévarication, (f) ^ ne le remettoit ^^y^^'^/iv-l
^ ^ P^s num ho-
norem
creaturx impendat , quia quantum eft in fe facit aliiim Deum ÎQ
mundo, minucns principatum divinum. Secund. i. ^t^ft,^^, jirt,
3. (;) Mr.Hcrinan vie de Saine AtbaD. 1.2. ch. iS.
2 28 Penféei diverjèu
pas même à la mort fèion l'ancienne dijfcî-
pline , Se cxcluoit pour jamais de l'entrée du
Clergé.
§. CXVII.
III. Preuve. Les Iddatres ont été de vrah
Athées en un certain Cens.
LA troifiéme raifon eft , que fi l'on y prend
bien garde , l'on trouvera que les Idolâtres
ont été de vrais Athées , aulïi deftituez de la
conoillânce de Dieu , que ceux qui nient for-
mellement fon exiflence. Car comme ce ne
feroit point conoître l'homme , que de s'ima-
giner que l'homme eft du bois j de même ce
n'eft point conoître Dieu , que de simaginer
que c'eft un être fini, impartait, impuiiïânt,
qui a pluficurs compagnons. De ibrte que les
Paiens n'aiant conu Dieu que ibus cette idée,
on peut dire qu'ils ne l'ont point conu du
tout , & qu'ils detruifoient par leur idée ce
qu'ils établilibient par leurs paroles , comme
Ç ' ) F.pi- on l'a remarqué ( i ) d'Epicure. Et c'eft ce
curiim Q^'^ voulu dire (2) St. Paul , lors qu'il repro-
flços ver- ^, T, . ^ \ . ^ ,1 ^ •
bo pofLiif- ^^^ ^^^ Païens , qu aiant conu qu il y avoit un
fe, reverà Dieu, ils ne lui avoient pas pourtant donné la
fiiftuîKTe, gloire qui lui eft due i mais qu'au lieu de cela
Ctcero^. de jjs s'étoient perdus dans leurs vains raifonne-
tiat^ eor, ^^^^^ , gc s'étoient plongez dans des extrava-
i%\ EpUfc. g^^^^s , des folies , 6c des ténèbres prodigieu-
adRomin, ^^ , jufqu'à réduire la gloire du Dieu incorrup-
c. I, tible à h forme d'un homme corruptible , d'un
oifeau , d'un fcrpcnt , Se d*une bête à quatre
pieds. C'eft dire proprement , qu'ils avoient
cru ccncître Dieu , mais que leur conoifîânce
étoit devenue un fantôme chimérique , 6c fi
rempli de C3ncradi6Hons , qu'ils croient tombez
dans une ignorance totale du Pieu qui a fiit k
ciç]
Penfées diverjes, 229
ciel Se la terre. Ailleurs (1) cet Apôtre dit (i)Epifî.
formellement , que les Gentils etoient fans ef- ad F.phef.
perance 6c làns Dieu au monde. ^' *•
§. ex VI IL
I V. Preuve. La. comijfance 4e Dku ne fert
à un Idolâtre o^u'à remire fes crimes ^Ihs
mroces.
SU y a quelque différence entre TAtheiTme
d'un Idolâtre, & celui d'un Athée , c'eft prin-
cipalement en ce que i'Atheïfme de l'Idolâtre
ne diminue en rien l'atrocité de fès crimes , au
lieu qu'un homme qui eft Athée, pour être né
parmi ces peuples que l'on dit qui de tems im-
mémorial ne reconoifîènt aucune Divinité,
trouvera quelque dimunition de peine par le
moien de j[bn ignorance , car en bonne Théo-
logie , Se par TexpreiTe déclaration de (2) Je- (2) Eiwos
sus-Christ, ceux qui iàvent la volonté de gel. kc.
leur maître, ôc néanmoins ne la font pas, fè- ^^c. c.i2«
ront plus feveremcnt punis, que ceux qui ne ^''^7'
l'ont ni faite , ni conuë \ ce qui ilipoiè mani-
feftement , qu'il y a plus de malice dans la cor>-
duite des premiers , que dans celle àts derniers,
Se que ( 3 ) Minucius Félix n'a pas eu raiibn (3) cùm
de foutenir iàns aucune limitation , c^ue c'eji paremem
Hne aujjî noire méchanceté de ne pas conokre ^^^^^^t
JDieu y que de lojf enfer. Donc c'cft un plus nium"ïo-
grand crime à un Idolâtre de faire de faux fer- m num
mens , de piller les Temples , & de commet- non mino-
tre toutes les autres a6tions quil fait n'être pas '"'^ fceieris
agréables à fes Dieux , qu'il ne l'eft à un Athée j^J ^^^l^^*
de faire les mêmes choies. Donc la condition fédère."*
des Idolâtres clt pire que celle des Athées , puis
que les uns 8c les autres étant également dans
l'ignorance du vrai Dieu , 8c incapables égale-
jneat de le fervir , les Idolâtres ont en particu-
" K 7 Uei.
2,^0 Venfiei diverfès*
lier certaines notions 8c certaines pcrruafions,
contre Jefquelles i s ne fàuroient agir fans une
malice extrême , & uns un mépris viiible de
leurs Divinitez. Or quoi que Dieu ne prenne
point part aux cultes & aux honneurs qui font
rendus à Jupiter Se à Neptune, par exemple,
ôc qu'il \çs regarde comme des abominations
qui méritent tous les fléaux de fa colère , il ne
îaifTe pas de prendre part aux impietez, qui iè
commettent contre eux. Ainli quand un Paien,
demeurant perfuadé que Jupiter £c Neptune
étoient fos Dieux , voioit les choies qui leur
étoient conlàcrées , 8c leur difoit àts injures ,
il étoit iacrilege 8c blafphemateur devant Dieu:
6c ce n'étoit pas un moindre crime à Caligula
(î) Dion d'apeller fon Jupiter (i) en duel , 6c de lui
S ^u J^ft^J* ^^^ pierres vers les nues , avec ces paro-
Seneca de ^^s, Ote-moi du mondes ou je t'en oterai , tou-
ira lib, I. tes les fois qu'il voioit tomber la foudre , qu'il
eap. ult. le foroit à un Chrétien , de faire la même
choie à regard de J es us- Ch ri st ; ii ce
n'eft que la perfualion du Chrétien fût plus
grande que celle de Caligula , ou que le défaut
de perfualion fît moins inexculàble dans Cali-
gula, que dans le Chrétien. Car pour juger il
un crime efl: plus atroce qu'un autre dans la
même elpece , il faut J&voir non lèulement li
l'un a été commis avec plus de conoiHance
que l'autre , mais auiïl lequel des deux crimi-
nels a contribué le plus a fon ignorance par
là malice : le pouvant faire qu'un homme igno-
re certaines choies , parce qu'il a refufé de s'inC-
truire , de peur que l'inftruclion ne le détour-
nât de lès pernicieux delîèins , auquel cas l'i-
gnorance ne peut aucunement excufer. De
fjrte que ii Caligula s'ell porté à cet excès de
fureur contre Jupiter , quoi qu'il le reconût
pour le Dieu qui lance la foudre , 6c qui gou-
verne le monde , il y a autant de malice dans
Penfées diverps. 25 X
fôn fait , C£teris paribus , que dans celui d'un
Chrétien , qui reconoifîant Jesus-Christ
pour Dieu , iè porteroit néanmoins à un fem-
DJable excès de brutalité contre lui.
Cela nous fait voir , que le pillage àts tem-
ples des faux Dieux, 8c le renverlement de leurs
ftatuè's , ne peut être une bonne aârion , que
quand il procède d'un bon principe , c'efl-à-di-
re qu'il fè tait par un zèle bien conduit pour la
véritable Religion i &: par conlèquent , que
toutes les a6lions des Paiens commiiès , ou
contre les principes de leur faufle Religion , ou
contre les lumières de leur confcience , font
àQs crimes très-réels, quoi que les aftions qu'ils
commettent fuivant leurs faux principes , ou
fuivant leurs faufTes lumières , ne puiflènt ja-
mais être bonnes. De quoi il ne faut pas s'é-
tonner , car il faut bien plus de circonflances
afin qu'une action fbit bonne , qu'afin qu'elle
fbit mauvaife. (i) Adorer ce que l'on s'ima-
eine faufîèment être Dieu , eft un adle d'idolâ- ^'^
«^ . _ , . ] u >• • num ex
trie. Fouler aux pieds ce que 1 on s imagine inregra
faufîèment être Dieu , efl: un a(5le d'impiété, caufa.
Ce font deux adlions diamétralement opofees , rnHum ex
cependant elles produifènt le même effet. Dieu 2"°''^^^
prend fur foi, ponr ainfi dire , l'affront qui eft
fait aux faux Dieux, par àçs gens qui les croient
être le vrai Dieu : mais il ne prend pas fur fbn
compte l'honneur qui efl rendu aux faux Dieux,
par à&s gens qui les croient être le vrai Dieu.
D'oii il paroît , que les Athées ne peuvent pas
offenfèr Dieu en tant de manières , ni avec tant
de malice , que les Idolâtres , & qu'ainfi allu-
mer àts Comètes extraordinairement , afin que
les hommes fbient plutôt Idolâtres qu'Athées,
n'eft autre chofc que vouloir faire les hommes
plus mechans Se plus malheureux. Je vous aver-
tis une fois pour toutes , Monfieur , que je
parle de ces Athées qui ignorent l'exiflence de
Dieu,
i^î Venfêes diverps.
Dieu , non pas pour avoir étouffé malicieulc-
ment la conoiiïàncc qu'ils en ont eue , afin de
s'abandonner à toute Ibrte de crimes fans nul
reniors , mais parce qu'ils n'ont jamais ouï dire
qu'on doive reconoître un Dieu.
§. CXIX.
y. Preuve. VldolAtrie rend Us hommes fins
difficiles a, convertir o^m l'Aîheipne.
LA cinquième raiibn eft , que rien n*îndilr^
pofe davantage les hommes à iè conver-
tir à la vraie Religion , que l'Idolâtrie. Car
quoi qu'il y ait des exemples qui font voir que
les Idolâtres & les fuperllitieux s'étant une fois
convertis , ont plus de zèle pour la bonne cau-
iè , que ceux qui fe convertiflènt après avoir
été tiedes dans leur fau ITe Religion j il eft pour-
tant vrai généralement parlant, que le zèle d'un
Idolâtre eft une dilpofition de cœur beaucoup
plus pernicieufè que l'indifférence j parce que
généralement pariant , un homme rempli de
bigoterie , 8c entêté de fes faux principes, le
rend avec plus de peine à la vérité, qu'un hom-
me qui ne fait ce qu'il croit. Et fur ce pied-
là , il femble qu'il vaudroit mieux être Athée,
que plongé dans les abominables idolâtries des
Gentils , parce qu'il y a beaucoup d'aparence,
que les Prédicateurs de l'Evangile expliquant
nos myfteres , & les apuiant de beaucoup de
miracles éclatans , ouvriroient plutôt les yeux
à des perlbnnes qui n'auroient pas encore pris
leur parti , je veux dire , qui ièroient fans Re-
ligion , qu'à des gens infatuez de l'antiquité de
leurs cérémonies , & enracinez, dans la foi Sç
dans le culte de leurs Idoles*
S, cxx.
Tmfées diverfis, 133
§. cxx.
Compar^ifo77s qui prouvent cela.
Le bon fens veut cela, 8c l'expérience le coa-
firme. Parlez à un Cartelïen, ou à un Peripa-
teticien , d une propoiition qui ne s'accorde
pas avec les principes dont -il ell préoccupé,
vous trouvez, qu'il ibnge bien moins à pénétrer
ce que vous lui dites , qu'à imaginer des rai-
fbns pour le combattie. Parlez-en à un hom-
me qui ne foit d'aucune Se<ftc , vous le trouvez
docile , 8c prêt à le rendre îàns chicaner. On
éprouve à-peu-près h même choie quand on
attaque un Hérétique bigot , ou un de ceux qui
au dire du Cardinal Pailavicin , font plutôt non
Catholiques, qu'Hcretiques , magis extra ii-
tia , quÀ?n cum iirtute. On lait de plus, qu'en
bonne Philolbphie, il elt bien plus malaiie d'in-
troduire quelque habitude dans une ame qui a
déjà contrarie l'habitude contraire , que dans
une ame qui eil encore toute nue. Il eft plus
difficile , par exemple , de rendre libéral un
Bomme qui a été avare toute là vie , qu'un jeu-
ne enfant qui n'ell encore ni avare , ni libéral 5
tout de môme qu'il elt plus aile de plier d'un
certain lèns un corps qui n a jamais été plié,
qu'un autre qui a été plié d'un fens contraire.
Il eft donc très-railbnnable de penièr , que les
Apôtres eulTent converti plus de gens à Jesus-
Christ , s'ils l'euflcnt prêche à des peuples
i&ns Religion , qu'ils n'en ont converti , annon-
çant l'Evangile à des nations engagées par un
zèle aveugle , 8c entêté aux cultes fuperllitieux
du Paganifme. Et il n'y a rien de plus vrai ,
que \c^ perlècutions horribles qu'on a fait Ibuf-
n-ir aux premiers Chrétiens , partoient d'un
principe de bigoterie idolâtre i car comme c'é-
toient
2 34 P en fées diverfei,
toicnt les meilleurs fujets du monde \ qui pré-
choient continuellement l'obeillànce due aux
Magiftrats , Se qui n'ont jamais fait paroître la
moindre envie de repoulïèr la force par la for-
ce, il n'y avoit aucune maxime d'Etat, qui dût
porter les Empereurs à les faire maltraiter , ni
les Gouverneurs de Province à exécuter les or-
dres de leur Maître avec plus de rage qu'on ne
leur en demandoit.
C'étoit donc uniquement à caulè que les
Chrétiens en vouloient à tous les faux Dieux
du Paganifme , qu'on leur fufcitoit des perfècu-
tions: c'étoit le taux zèle de l'Idolâtrie qui ani-
moit \t^ Empereurs contre la Croix du Fils de
Dieu , ou plutôt qui portoit ceux qui avoient
l'oreille du Prince à lui infpirer les fèntimens
de haine contre les Chrétiens , que d'autres leur
avoient infpirez à eux-mêmes. Si personne
ne iè fût trouvé dans les pernicieufes préoccu-
pations de l'erreur , on eût lailTé croître l'Egli-
îè Chrétienne fans lui donner de l'empêche-
ment. De forte qu'on peut dire , que il Dieu
avoit formé miraculeufement ài^% Comètes ds
tems en tems , il eût fait de tems en tems des
miracles , pour préparer les hommes à rejet-
ter la Croix de fon Fils , 8c pour les ahcurter
par leur attachement à l'Idolâtrie , qui fe for-
tifioit à la vue des Comètes , à combatte la vé-
ritable Religion.
Je iài bien que la refiftance des Idolâtres a
ièrvi à faire voir la grandeur 6c la puillance de
Dieu , & la divinité de l'Evangile. Mais il iè-
roit abfurde de dire fous ce prétexte , que Dieu
s'efl préparé par des voies extraordinaires , ces
moiens de faire éclater û vertu. Ni ià jufti-
ce , ni û bonté ne fouffirent point qu'il facilite
aux pécheurs les occafions de s'endurcir , quoi
que là ià^eflè lui fafTe trouver dans l'endurcif^
fcraent ou les pécheurs tombent par leur pro-
pre
Penfées diverfis, 235
pre faute , 8c contre ion intention , pîufieurs
nioiens admirables de manifefter fà gloire.
§. CXXI.
^u'il ejl difficile que ceux qui ont long-tems
aimé une chofe , fe portent k aimer le con-
traire.
D'ailleurs , quoi qu'on m'opofe qu'il n'y a
qu'à tourner du bon côté le zèle d'un Idolâtre,
pour en faire un véritable dcvot i qu'au lieu
qu'on ne trouve aucune tendreiîè de confcien-
ce dans un Paien qui le moque de ià Religion,
on trouve dans un Paien fuperftitieux un bon
fonds à cultiver j qu il en va comme de ces
femmes qui ont le tempérament porté à l'a-
mour , lefquelles n'ont pas plutôt compris,
qu'elles ne font plus propres au monde , qu'el-
les tournent toutes leurs penfées vers Dieu , &
l'aiment encore plus tendrement qu'elles n'ont
aimé les créatures j qu'un indevot qui palîè dans
la vraie Religion , y apoct^ bien ibuvent toute
ion inièniibilité , 6c choies ièmblables ; je ne
laiflè pas d'avoir raiibn. Il iè peut faire , que
tout ce que l'on m'opoiè arrive quelquefois,
j'en tombe d'accord. Mais on m'avouera auffi,
qu'il y a des exemples du contraire. On voit
des gens qui épuilent û fort toute la capacité
de leur cœur à aimer les vanitez du fiecle, que
quand l'âge , ou quelque diigrace les en dégoû-
tent , ils n'aiment plus rien , ôc fe Tentent en-
core plus dcgoutez des choies du ciel , que des
choies de la terre. On en voit qui ne s'épui-
iènt jamais pour le monde , ôc qui l'aiment
julqucs à leur extrême vieilleiïè , nonobfïant
les rebuts & fcs froideurs. Il y en a qui dans
le chagrin de ne iè voir plus à la mode, font
quelque tentative pour le détacher du monde;
mais
2 3^ Penfées diverfis.
mais le peu d'habitude qu'ils ont toujours eoi
avec \ç.s chofes du ciel , les leur fait paroître fi
inlipides , qu'ils les quittent tout auiri-tôt,
pour ratraper leur premier maître qui les fuit.
Ceiix-ci ne font pas en petit nombre \ car au
dire du P. ( i ) Rapin , La> plupart des perfof>-
nés cjui ont vieilli cL^ms les z/anrtez. dn monde , ^
qui penfent a leur falut , •voient les devotiom
comme une rejfource j mais elles -ny 'voient rien
que de pénible , parce qu'elles la regardent d'une
vue trop humaine : le ' degoât du monde qui ejt
degoiité d'elles , les fait penfer à Dieu , fans leur
faire fentir les douceurs qu'il y a a. le fervir: el-
les 'li' envi f agent , que les plaijirs qu'elles quittent^
piorbo eft j'^y^^ ^^y^ ^^^^ qu'on leur promet ; ^ pojfedées
Tunc^adeô ^^'^^^^ f^^^ ^^^ prefent, elles ne voient dans i'aver-
nir que tout ce qui efi propre k les rebuter. Tout
ceci eft le train gênerai. On en voit qui abju^
rent tout à la fois 6c leurs herefies, 8c leur in-
dévotion , qui pafîènt de l'impiété à la vérita-
ble crainte de Dieu, 6c quelquefois mêmes juP-
qu'à des pratiques fuperftitieuiès , à l'exemple
de ce Roi de Rorrie , dont Tite Live parle
ainfii (x) Il fut lui-même long-tems malade. 'Et
alors la fierté de fon efprit fut tellement abatue
avec les forces de fon corps , qu'au lieu quaupa-
crisdcdere ravant il ne trouvoit rien de plus indigne d'un
animum, ^IW , que de s'attacher aux chofes facrées , il de-^
vint tout-d'un-coup bigot, ^ s'engagea dans tou-
te forte d£ fuperflitions , grandes ^ petites, ^ en
remplit toute la ville. Ce font donc tout au
plus àcs exceptions combatuëi par des excep^
tions. Si bien que le parti le plus raifonnable ,
eft de prendre pour h régie générale , ce qui
en d'autres fujets eft la règle £ns difficulté , fà-
voir.
r) Foi
des der-
niers fic-
elés, p?g.
141.
(z) Ipfe
quoque
(TnUus
Hofîtiiui)
longinquo
fraai , fi-
mul cum
cor pore,
func fpiri-
tus illi
féroces ,
ut qui ni-
hil antè
ratus effet
minus
régi u m »
quam fa-
repente
omnibus
magnis
parvifque
fuperfti-
lionibus
obnoxius
degeret ,
religioni-
buf^ue
etiam
populum
împleret
TitHS Livitti Dtc. i, lib» VoicL auffi Plucarque inNu-
xna Pompiiio.
Penfées dlverjês, i\j
voir , cit4un homme entêté dune faujfe religto:c ,
rejîfie fais /aux lumières de la véritable , qu'un
homme qui n'a aucun entêtement. On m'avoue-
ra , que fi Julien l'Apoftat eût été Athée, de
l'humeur dont 'A étoit d ailleurs , il n'eût fait
aucune chicane aux Chrétiens ■■> au lieu qu'il leur
faifoit àt^ avanies continuelles , infatué qu'il
étoit des fuperflitions du Paganifme , 6c telle-
ment intatué, qu'un ( i ) Hiflorien de fa Reli-
gion n'a pu s'empêcher d'en faire une elpece (i)Juna-
de raillerie , difant , que s'il fût retourné liûo- "V'. ^"P""
rjeux de fin expédition contre Les Fer/es , u eut ^agis^
dépeuplé la terre de bœufs , a force de facrifces. quàm
facrorum
§. ex XII. Jesjtimus
yi. Preuve. Ni l'efprit , ni le cœur ne font pas numcras
en meilleur état Uans les Idolâtres , c^ue dans fine par-
ier Athées. ■ f^iT-onia
pecudes
LA lîxiéme railbn eft , que foit qu'on confi- ^,J ^^m. *
dere les Paiens 8c les Athées par la difpo- marctur
fition de leur entendement , foit par la difpo- C revcr-
fition de leur cœur , on trouve autant de delbr- p , ;
dre pour le moins dans les premiers , que dans ^^^J^^ ■'
les derniers. defuturos,
Marci il-
§. ex XIII. ]iusfimi!is
-,/.,.,. . - . in quem id
Conjîderatton du jugement que les Tatem fat- accopi-
foient de Dieu. mus.
Si Ton regarde les Athées dans le jugement ^"'^ ^^C^Z
ou ils forment de la Divinité , dont ils ment a-ufi h <rù
1 exiflence , on y voit un excès horrible d'aveu- v/xHcr«ç
glement , une ignorance prodigieuiè de la na- ''/;'''« ^'^f^-
ture des chofès , un efprit qui renverlè toutes ^<"-^**
les loix du bon fens, & qui fe fait une manie- ,vwS,
re de raisonner taullè §c déréglée plus qu'on ne tib. ij.
lau-
25 s Penfées diverfes.
làuroit le dire. Mais voit-on, je vous prie,'
quelque cholè de plus fuportable dans le juge-
ment que les Paiens ont formé de Dieu ? Les
Paiens, dis-je , qui ont penfë qu'il y avoit un
très-grand nombre de Divinitez , dont chacu-
ne avoit {^Qs, intérêts à'part, fès vues & fes paP
fions particulières j de forte que les honneurs
qu'on rendoit à Jupiter , par exemple , ne fer-
voient de rien pour apailer la colère de Junon,
8c qu'on pou voit être tavorifé d'un Dieu , pen-
dant qu'on avoit l'autre pour ennemi. Les
Paiens qui ont attribué difterens fexes aux
Dieux , & des relations de père , de fils , de
mari , de femme , toutes femblables à celles
qui fè rencontrent parmi \ç.s hommes. Les
Paiens , en un mot , qui ont jugé qu'un co-
cher , qui pendant la marche d'une proceiTion,
prend une bride de la main gauche , par un
pur haiàrd &: fans aucune malice, ne lailTe pas
de gâter toute la bonne intention d'un peuple.
Se d'empêcher que l'indignation divine , qui al-
loit être apaifée làns cela , ne foit diminuée de
quelque peu. Tous ces jugemens que les Paiens
ont formez de la Divinité , avec plufieurs au-
tres qu'il ièroit ennuieux de particularifer , fu-
pofent manifefiement que la nature divine efl:
bornée , & fujette à mille fenfualitez , 8c à des
caprices qu'on ne pardonneroit pas à un hon-
nête homme i 6c dépouillent par confequent-
cet Etre infini de fà toute-puiiîânce , de Ion
éternité , de fa fpiritualité , de fa jufiice , 6c de
iès autres perfeftions , iàns lefquelles néan-
moins il y a autant de contradi6lion qu'il exifte,
qu'il y a de contradiftion à nier fbn exiftence.
Bien davantage. Il n'y a point d'homme de
bon ièns , qui après avoir reconu qu'il eft im-
pofllble que l'exiftence ibit ièparée de la natu-
re Divine , ne rcconoiiîè qu'il efl encore plus
impoflible que la iàinteté , la juilice , Se le pou-
voir
Venfées diverfes, 259
voir infini fbient feparez de l'exiftence de la
nature Divine t li bien qu'il leroit plus contre
la Raiicn, que Dieu exiftât , &: fût fujet à des _
fautes & à des foibklles , qu'il ne le feroit , que
Dieu n'exiftât point du tout. C'efl prouver,
ce me iemble, que les erreurs où font tombez
les Paiens touchant la nature Divine , font pour
le moins une auiTi grande note d'infamie à
h Raiibn humaine , que le fauroit être l'A-
theïline.
§. CXXIV.
"B-eflexion fur le ridicule de la Religion V (tienne,
AufTi voit-on que les Paiens n'ont jamais eu
de fyflême de Religion , ou de Théologie , qui
eût quelque ordre , ou quelque raport dans iès
parties. Tout y montre l'aveuglement , la fu-
reur 8c la contradiâion : & je Ibutiens , que
s'il y avoit des efprits qui ne conuiîènt l'hom-
me que par là définition , d'ani-mal raifonnable y
8c nullement par l'hiftoire de £ts faits , il fèroit
impolTible de leur perfuader que les livres d'Ar-
nobe , de Clément d' Alexandrie , de Tertul-
licn , de St. Auguftin , de Firmicus Maternus ,
8cc. contre le Paganifme, ont été écrits contre
une Religion adtuellement établie dans le mon-
de. Us diroient que cela ne le peut pas , que
ce font des fixions 8c des Romans , des livres
faits à plaifir par des perfonnes oifèufes , qui
s'étoient formé des grotefques 8c des monflres
dans leur efprit , pour s'amufèr eniùite à les
renverfer. Car quelle aparence , que des créa-
tures douées de raifon n'établiiîènt pas leurs
cultes fur des dogmes 8c des jugemens bien fui-
vis 8c bien liei enfemble , au lieu de cts abfurdi-
tez qui le detruilènt elles-mêmes à vue d'oeil
dans le fyftême du Paganifnie?
Ce-
240 Penfées diverfes.
Cependant il n'efl: que trop vrai à la ftonte
de l'homme , Se à la damnation éternelle de la
plus grande partie des hommes , que les livres
de ces anciens Pères ne réfutent que des er-
reurs très-réelles , & qui ont même trouvé à^s
(0 ^^° (ï) detenfeurs parmi les Savans. A la vérité
inTi^a ^^ ^^ ^^"^ ^'^ pitoiables detenfeurs } car ce (2)
rcfellere, 9°^ j'ai dit de l'Aftrologie Judiciaire , que c'ell
ciam eos une moifîbn de triomphes pour tous ceux qui
Bon pu- entreprennent de la réfuter , eft incomparable»
wï^rL- i^'icnt plus véritable de l'Idolâtrie àç.s Gentils.
iita lenti- , . * , ' ■ ri • 1 1
re.-Cum Jamais on n a écrit contre les abominables ex-
verè aufi travagances , qu'on ne les ait écrafées ibus le
ilntetiam poids de plufieurs raifbns invincibles, & jamais
defendere, ^.^ ^>^ p^ ^^ £^jj.g ^j^g bonne apologie : mais
non jam ,0^ ^^r^j>r- •>
eorum *-^ " ^^ P^^ ^^"^ '^^"'^^ ^ eiprit en ceux qui s en
fed ipfus ^nt mêlez , que faute de railbn en la cauic
generis même. C'étoit une caufè fi deftituée de preu-
humani ygs , qu'il ne faloit pas beaucoup d'habileté pour
cufus aures ^" ^^^^^ ^*^^^ ^ ^^^^ ' ^ ^"^'^^ "'^ ^^^'^^ aucune
h^ec ferre éloquence qui pût en foutenir la foiblelîè. Si
potuerunr. bien qu'il y a lieu de s'étonner , qu'un ( 3 )
D.Attgttjî, Poète de réputation fafîe paroître autant de ti-
Epiji.ft, niidité qu'il en témoigne , s'agiiîànt de conv
- . battre contre un Paien éloquent , & qu'il apellc
defius pi.e. ^^'" ' commettre fa barque mal gouveri.^ée aux
»9. . fl^f^ impétueux d'une mer qui la peut facilement
engloutir. Il ne faut avoir pour toutes armes
(3) Pru qu'un foiiet à la main, (ce font les propres pa-
dent prxf j-oles de l'habile homme , dont je vous rapor-
La,. contra j.^ j^j j^ diicours ) afin de battre en ruine tous
hs, Apologiftes de la Religion Païenne armez de
pied en cap ; 6c il n'y a point de doute , que il
le redoutable Carneade eût eu cette caufè à
foutenir , il n'eût vu échouer cette éloquence,
1 .' ^ S^^ Ciceron attribue , de n'avoir (4.) Jamais
quim rem ^^^^ foutenu, fans l'a'voir prouvé , ni rien atta-
defendif- que , fans l'avoir détruit de fonfd en comble , &
Ce, quam qui et tant d'imprcllion iur ks Sénateurs de
Ro=
^u'il ne faut pas juger de la Religion Vaien-ae
par ce qit e/i ont dit les Poètes.
Penfées dherfes, 241
Rome , 011 ia viiie d'Athènes avoit envoie une non pro-
Ambaflàde compolee de Carneade & de quel- barir,
ques autres , ou ils iè ( i ) plaipnirent de ce ^^^^^^
que les Athéniens leur avoient envoie des Am- fg^q.j^^
bafîàdeurs, non pas pour leur perfuader , mais non ever-
pour les forcer de faire tout ce qu ils voudroicnt, ^^f-t-
Si bien que Caton le Cenfcur opina qu'on rcn- ^"'^"''' ^^
voiat mceliamment ces Amballadeurs , parce /_ ^^
que les raifons de Carneade cauibient un cer-
tain ébloui fièment, qui empêchoit de difcerncr (1) ^-
la vérité d'avec le menibnge (z). lian. var.
Hifî. I. 3-.'
§. CXXV. "P'^7.
fi) Quoi
Carneade
ar iimen-
tantCiqiild
Au refte , je ne prétends pas faire le procès ^'^rl eflèc
aux Paiens fur la dodlrine de leurs Poëtes.^ Il j ^^•-^^"T
y auroit de l'iniquité à les rendre reiponfabks p^ flic^'* **
de toutes les infultes que Ion a faites aux Dieux Pi:„:tts
dans les ouvrages de pociîe. On les y a rendus iib,-j,c. 30,
ridicules de toutes manières , tantôt en les de-
guiiant fous toute forte de figures , afin qu'ils
puflcnt alTbuvir les mouvemcns déréglez, de
leur incontinence , de leur haine , ou de leur
jaloulie : tantôt en les faiiànt tous allembler ,
pour être les témoins d un iiagrant dciiti , dans
lequel l'un d'entre eux avoit lui pi is la Déeilè ià
femme , ôc fui lequel il y en eût oui Grent àts
reflexions de la de'.n'cre friponnerie : tantôt
en les faiiànt bG^iiv.nncr iùr la dcm.arthe boi-
teufe du même Dieu , dont le deshonneur leur
fut fi viiible , ou fur le malheur qui ai riva à
la Jeune Declîè qui leur verlbit à boire , de iè
laill'.r tomber avec je ne fai quel'.es circonllan-
czsy dont il n'y avoit que des yeux impudiques
qui fe pufienr divertir , & dent jupitev parut fi
hahe , qu'il lui ôta fa charge fur le ch^mp;non
ToKf}, L L pAS
242. Penfces diverjès.
pas par cette raifon , car il aimoit à rire Se à fè
divertir en ce genre de choies , aufTi-bien qu'un
autre , mais parce qu'il vouloit avoir un pré-
texte d'avancer le beau Ganymede qu*il avoit
enlevé , pour làtisfaire l'amour infâme qu'il lui
portoit : tantôt en les faifant blefler par des
hommes , 6c tantôt en les faifànt manquer de
mémoire , 5c flier d'enhan à comprendre une
difficulté i ce qui a donné occalîon à Lucien,
de feindre que Jupiter demeura tout court dans
une aflcmblée des Dieux , 8c ne put jamais iè
rclTouvenir du commencement de la harangue
qu'il avoit préparée , au lieu dequoi il leur dé-
bita par une aplication aflez violente , quelques
périodes d'une oraifon de Demofthene contre
Philippe, qu'il fàvoit par coeur. Je confens
qu'on ne juge de rien fur ces autoritex-là , puis
qu'il eft certain que les Poètes fe font mis en
pofîèlTion de faliifier tout , Se que Ci l'on exa-
minoit à la rigueur les vers de nos Poètes Chré-
tiens fur d'autres matières , que fur des fujets
pieux , à peine leur re(leroit-il un Sonnet, une
Ode , ou une Chanfon , qui ne fu fient pas in-
fectez d'hereiie , d'impiete, ou de flatcries pro-
fanes. De forte que nous avons intérêt pour
la gloire des maximes de la morale Chrétien-
ne , qu'on ne condamne pas une Religion fur
ce que les Poètes ont dit. Et plût à Dieu , que
nous n'euflions à nous plaindre que àcs vers
profanes de nos Poètes. Car le grand mal efl
que leurs vers de dévotion font fouvent plus de
tort à l'Evangile que les autres , tant ils font
pleins d'extravagances , 8c de ballèfiès , 6c de
fixions ridicules , qui au lieu d'honorer la Sain-
te Vierge 8c les Saints du Paradis , comme on
le prêtent , expofent la Religion aux infultes 6c
aux railieriçs de ceux de dehors.
§, CXXVI.
^enfées diverjès» 245
§. CXXVL
Defordres caufea par les Foetes Chrctiem.
Le Pape Urbain VIII. qui compofa une fort
belle Elégie que Ton voit à la tête de Tes Poe- , . ^^^
mes , pour exhorter les Poètes fès confrères à [^^g^. ^^^
faire àts vers faints & pieux , eil aiîùrément ftrema
fort louable. Mais il eût encore mieux fait , fi corrupti
au lieu de leur donner cet av s en Poète , il ^^"" ^.
leur eût défendu en qualité de fbuverain Pon- receofe-'*
tife, d'en compofer d'auties. Et comme il ne banr^r
pouvoit pas pratiquer à l'égard de tous , ce Poëts
qu'il pratiqua contre celui qui lui avoit prelente ^'*'^' '
un Ouvrage peu digne d un bon Chrétien, dont ?roy^^.^
il ccnfura l'impud-nce avec tant de force , que regruni
ce mifèrable en mourut de confuijon } il devoit Hcnrid
interpoler les foudres redoutables du \"arican, -ihiinda-
pour arrêter les defordres qui naiflènt de k j^n^'p'^"'■
Poèlîe. Le célèbre Monir. de Thou remarque faoa'--iifi^
fort judicieufêmcnt , qu aprèg la mort de Hen- per fœdas
ri IL ceux qui preroient la liberté de dire iès adulacio-^
vcritez , ou plutôt qui faifoient la revue gcne- ^-f L^J"^^*'
raie de tous les defordres de fbn règne , ne ^^,\^g^ ^"
comptoient pas pour un des moins pernicieux , b!ancîa-
le grand nombre de Poètes dont ia Cour avoit b ntur,
été pleine ; leurs balles fla:tteries pour k Du- i^|;^']ti^w
chefîc de Valentinois , fà MaitrelTè 5 leurs ba- 1''"..^'?"^-
gateilcs , qui giua-ent le goût des jeunes gens, pj^rif ue
^ les détournèrent des bonnes études 5 5c leurs à veris
clianfons tendres 6<: pafl'ionnées , qui ruinèrent ^'Jàiij \zx
dans lame des jeunes filles toutes les imprel- ^J^")^/^!'
fions de la pudeur. Liiez vous^-mémes le paf- mb'e'x'^'
fagc de (i) iMonfr. de Thou , fi vous m'en vir-inum
créiez ; car je fens bien que mon François af- an mis
L 2 foi- ^''^''•'^ &
veitcan-
Jjfcvarum camionum ïïlecebraselixninaû. Thi(a»,HtJ}* Ub, ii. ad
244 Penfées diverps.
fciblit la beauté majeflueufc de iès exprefTions',
Mr. de Mezerai s'accorde parfaitement en cela
(i) Abre- avec l'autre (i) Hifrorien , car il dit , 6)H'on
j^^ Chro- gi^f pf^ IqjIqy. Henri IL de l'amour des belles let-
ann. If -o. ^^" ' fi ^^ dijjolution de fa Cour dut on fée par fan
exemple , rietit tourné les plus beaux efprits a
compofer des Romans pleins de vifons extra'vagan-
tes , ô" des poefes lafcives pour flater l impureté
qui tenait en main les recompenfes , ^ pour four'
nir des amufemens a un fexe qui veut régner en
badinant,
§. CXXVII.
^uel était le culte public parmi les Faiens , O*
quel leur refpeôi pour la tradition.
Suivons donc le confeil de cette Reine , ( î )
dont Virgile a fi indignement iàcrifié l'hon-
neur , finon contre la vraiièmblance , du moins
{^) Vos contre la vérité j quittons les Poètes , pour en-
niTis _ ^ tendre les Hiilorîens. Examinons la Religion
Hiftoncis, paienne dans fon culte 6c dans iks cérémonies,
cred^te^^' ^^'^^ Y trouverons tout ce que j'en ai dit , 8c
de me, tout ce que j'en ai donné à penfer. C'eft là
Qtjàm qui où il faut chercher les erreurs groffieres des
fiirra Idolâtres , fins avoir égard à l'opinion de quel-
concTbi- *1^^^ Philoiophes , qui outre qu'ils ont été en
tufcue trop petit nombre , pour faire une exception
canunt, confiderable , n'ont jamais ofé reftifier l'opinion
Falficici dominante , de peur d'être traitez comme So-
vace^, te- qy2.x.q. Et pour ce qui eft des gens d'eiprit Se
cu^^crrm;- ^^ '^^^^ ^^^^^ » S^^ ^'^^^ ^^^^ PhiTofophes , pou-
re vcnim, voient avoir quelquefois des idées moins grof-
Humarif- iieres de la Divinité , il ne faut les compter
que Deos pQm- j-^^j^ • ç-^^ comme Ciceron nous le repre-
^jçjj^'p"j^ lente fort naïvement en la pcrfonne d'un de
aind An- ies amis , ces gens-là ccoutoient avec joie les
/Ôa/»»w. raifonnemens des Phiiofophes fur la nature des
Dieux i
Tenfées diverjes, 245
Dieux '■> mais au partir de là , ils faiibient tout
comme les autres , Se fuivoient pour les cultes
êc pour les cérémonies de la Religion , non pas
les idées d'un Zenon , d'un Cleanthc , &: d un
Chrylippe , mais la tradition toute pure , com-
me ils laprenoient des Augures & 6q.s Prêtres,
fans difputer avec eux. (i) ^uand il s'agit de /•jj q>^^
la Religion , (c'eft ainli que Ciceron fait parler de reli-
Tun de ièr amis) j> ne m'ayrets pas a la doclri- g'"ne îçi-
ne de Zenon , ou de Cleanthe , ou de Chrv.^iptei \^'^ ' '^'
mars a ce qu en atje'tit Les Grands j^onttjes Corun- ^^^^ p .
canus , Scipion , (y> Sc<gvola. J-' écoute aujji-bicn Scipio-
■^lutot Ldius l Augure dans le beau Difcours qu'il nem , P.
a fait fur la Religion , qu'aucun des Chefs de la ^''^-^voiam
Secie des Stoïciens . fe nai jamais crii au il fa- ^''■f' ^^"
lut a%oir du mépris pour aucune des parties de la ^q^ ^e-
Religion du Feuple Romain , ^ je me fuis 7ms nonem ,
dans l'efprit, que nôtre Republicpe ^ nôtre Reli- auc Cleaiv-
gion atant été fondées en même tem: , il faut que th^m,auc
nôtre Religion foit aprouz/ée des Dieux } c:^r fans pu^ife-
cela nôtre République ne fut pas devenue fi puif- quorjha-
fanùe. Voila quels font mes fentimens. Dites- beoque C.
moi, vous qui êtes Philofophe,ce que vous croiez, Lslium
(ar c'ejl d'un Thilofophe que je ne fais pas dijf- ^"gy^™»
culte d'entendre la raifon de 'ma foi : mais pour o^ç f^-
fe qui efl de nos ancêtres , je m'en fie à. eux pientem ,
aveuglément , (fp f^^^ qu'ils me donnent aucune quem po-
raifon de ma créance. ^'."^ ^""
Que vous lemble de cette penfee , Monfieur ? rén'gione
Vous n'oleriez la traiter d'abfurde, comme fait dicer.tem
(2) Laftance j car elle vous fera voir que lef- iniliaora-
prit de la Religion Catholique , étoit déjà dans ^^^^ "o-
la ville de Rome avant la naifTance de Jésus- ^||J''1"3»
Christ , puis que voilà des Romains qui de- quam'
L 3 cla- principem
Stojco-
rum A te Phlloforbo rationera
accipere debco rffligionis : ma/'oribus autem noflris, cciam nuHâ ra-
tionc reddita, credwe. Ciitr.'. 3. denat, Detrtim. (2) Divinar. in-
ûjtut. 1, i.cap.6.
Tenfées Svcy^s.
qu a la vérité \\s ne refuferont pas fes
clarcnt
éclaircilîcmens des Philolbphcs
moins ils
mais que ncan-
s'en tiendront aveuglement à la tra-
dition £c à la coutume. Je iuis bien aife que
nous puilfions nous prévaloir de cette anti-
quité contre les Calviniftes , qui ne s'en veu-
lent raporter qu'à leur propre ièns > au lieu que
les Catholiques , ;e dis même les Catholiques
qui ne le lignaient pas par leur dévotion , &
qui croient reconoîtrc quelquefois qu' 1 y a de l'a-
bus par tout , & que les Hérétiques n'ont pas-
tout le tort , en reviennent néanmoins à ce re-
fultat ici , ou en tout , ou en partie ,
{i) Le meilleur ejî toujours de fui'vrt
Le Trône de mtre Curé.
Toutes ces docirines nouvelleSi
Ne pUifent quaux folles cervelles;
Four moi , comme une humble brebis l
ye VMS ou mon Pajîeur me range:.
Il n'eft permis d'aimer le change <,
^ue des femmes 0* des habits.
C'efl imiter figement ceux , qui après avoip
frondé la Médecine & les Médecins, s'abandon-
nent néanmoins , dès qu'ils font malades , à
tout ce que leur Médecin leur ordonne. Nous
ne fomrnes pas venus au monde (difoit Mr. de-
Balzac) pour faire des loix , mais pour obeïr a,
celles que nous avons trouvées , ^ nous cmîtenter
de la fa^ejfe de ws pères ^ comme de leur terre ^
de leur fokil. On pourroit l'accufer d'avoir dé-
robé cette penfée au Paien Ceciiius , qui dit
fort éloquemment (2) dans le Dialogue de
Minucius Félix : ^ue tout étant incertain dans
Fenfées diverfiu i^j
l* nature , il n'y a rien de mieux que Je s'en te-
nir a U foi de fes ancêtres , comme à la depo-
fitaire de la vérité i que de profejfer les Religions
que la Tradition mus a enseignées j que d'adorer
les Dieux que nos pères 0> nos mères nous ont ac-
coutwmez. de craindre , avant que de nous en don-
ner une conoiffance exa5ie; ô" 1^^^ de ne point dé-
cider de la nature des Dieux j mais de nous con-
former aux premiers hommes y qui ont eu l'hon-
neur a la ïiaiffance du monde , de les avoir eu
potcr bienfaiteurs , ou pour Rois. Ce principe a
tant de proportion avec les idées populaires,
que l'on y vient tôt ou tard. Les Catholiques
qui ne Tont pas voulu admettre , quand les
Païens s'en font lèrvis contre la Religion Chré-
tienne , n'ont pas laifîe de s'en lervir contre les
Novateurs 5 Se c'eit aujourd'hui l'un de nos pius
forts argumens contre les Prétendus Refer-
mez. Ils s'en moquent , mais ils y viendront
un jour , 6c s'en lerviront contre tous leurs
Schifmatiques. Peut-être même qu'ils l'ont dé-
jà fait.
§. CXXVIII.
^uil faut juger d'une Religion par les cultes-
qu'elle pratique. Réflexion fur le livre de Mr.
t'Evéque de Condom.
Pd!ir ce que j'ai dit , qu'il faut juger de k
Rcli^on Paienne , non par les impertinences
des Poètes , ni aulfi par les beaux dilcours àts
Philofophes , mais par les cultes qu'elle prati-
quoit fuivant un ufàge Ibutenu de l'autorité pu-
blique i pour cela , dis-je , je ne croi pas que
perfonne le doive trouver mauvais , car il eft
iûr que c'eil uniquement ce qui juflitie , ou ce
qui condamne une Religion : 8c c'efl: aulfi par
k que les anciens Pères ont batu en ruine le
L 4 Pa-
2/^S Tenfées diverfes.
Paganifmc. Mr. de Condom lui- même i qui
ne Icnible pas aprouver cette méthode , & qui
prétend que l'on ne uoit imputer à la Religion
Catholique , que les pures decilions des Conci-
^0 Dif-. les , n'a pas lailTe ( i ) d'imputer à la Religion
fur l'Hlf- Païenne \^s abus qui ^'^j commettoient publi-
v'erf ^'"' S'J^'^^"^' ^^ ^^ dcciJe fur ce que lès myfteres,
2. part. ^5 ^^'^^^ > ^^s fàcrifices , les hymnes qu elle
ch. j. chantoit à lès Dieux , les peintures qu'elle con-
làcroit dans les temples ■■> tout cela avoit rela-
tion aux amours , aux cruautez , <k aux jalou-
lics des Dieux. Il la décrie fur les proititu-
,tions qu'elle avoit inflituecs pour adorer la
Décile Venus i fur ce que dans les afiàires pref-
fànics les particuliers 6c les Republiques voiioicnt
dits Courti£ne5 à Venus , 8c attribuoicnt le là-
lut de la patrie aux prières qu elles faifoicnt à
leur Décide , comme il paroît par le tableau
que les Grecs mirent dans leurs temples après
la défaite de Xerxès & de lès formidables ar-
mées. Le tableau reprefèntoit les vœux 5c les
procelTions de ces femmes proftituées , ôc
contenoit cette infcription , faire par Simoni-
des Poète fameux : Celles-ci ont prié la Déeffe
Venus , qui pour l'amour d'elles a fauve la Crè-
te. Le même Mr. de Condom décrie le Pa-
ganifme fur ce qu'il conlâcroit à ies Dieux les
impuretez du Théâtre , ôc les fanglans fpeâ-a-
cîes des gladiateurs j c'eft- à-dire, tout ce qu'on
pouvoit imaginer de plus corrompu 8c cfe plus
barbare j ôc il le moque des explications, 8c des
adouciilèmens que les Philofbphes aporterent.^
tout cela , quand ils eurent à foutenir !es ob-
jeftions des Chrétiens. 11 ne fait point grâce
à la Religion des Juirs , quoi qu'il avoue que
les erreurs qui le couloient inicnfiblement parmi
le peup'e , Jieujfent point pajje par Décret public
en dogme de la Synagogue ,
U araiibn: mais cela même fait voir, que la
Penfées diverfis. 249
îTiethode qu'il a fuivie pour rendre belle 5c
agréable la Religion Catholique aux Proteftans ,
elt tout-à-tait inlbutenable. Car que nous im-
porte , diront- ils , que l'on ne trouve pas dans
les deciiions des Conciles tous les abus & tou-
tes les fuperftitions qui nous choquent dans l'E-
glife Romaine. Pourveu que nous volions
qu'elles font autorilecs publiquement cc foien-
ncllement , Se qu'elles compolènt fon culte,
rrous en avons allez pour nous tenir éloignez
de fa Communion. Les Païens n'eulTent - ils
pas pu fe défendre par la même voie ? Ne pou-
voient-ils pas dire , que ce qu'on leur repro-
choit étoit ûts abus où le peuple éroit tom-
bé infcniiblement par la connivence des Magif-
trats , 8v par l'ignorance , ou par l'avarice des
Prêtres: mais qu'on ne prouvcroit jamais , que
tous les Collèges des Pontites & des gens d'E-
giifè duëment alîèmblez , eulîènt décidé telle
choie ? Il n'y a point de doute que les Paiens
n'euflènt allégué ces exculès , s'ils eulîènt eu
un elprit aulîi fin que Mr. TEvêque de Con-
dom. Mais que leur eût-on repondu ? Que
c'ell fè moquer que de fe détendre de la forte i
qu'un homme que l'on prétendroit engager à
s'établir dans une ville , ou le vol , le m.eurtrc,
ëc toutes les voies de fait feroient tolérées pu-
bliquement , en lui failànt voir qu'on ne trou-
ve pas dans les aftes de la maifon de ville au-
cun ftatut qui ordonne de tuer , ou de voler ,
auroit grand' vailbn de le nioquer de cela. Que
m'importe , diroit-il , qu'il y ait une loi du
Magiltrat qui ordonne le meurtre & le brigan-
dage , ou qu'il n'y en ait point. Il me luîîit
que l'on vole & que l'on tue" impunément dans
une ville , pour ne vouloir point y fejourner.
Demeurons d'accord que les Hérétiques peu-
vent faire la même reponfc à Mr. FEvêque de
Condom j Se qu'ainli le feul <X le véritable
L 5" moicD
250 fenfees diverfis,
moicn de dilculper nôtre Religion , c'efl de.
montver qu'elle ne tolère 1 icn qui ne foit bon ;,
& que non feulement les decilions des Conci-
les iont orthodoxes , mais auûi que les cultes ,
]es uiàges , 8c les dogmes autoriiez, publique-
ment ibnt juftes &c faints.
C'eft ainii que parla nôtre Dofteur , ajou-
tant , qu'encore qu'il fût bon Catholique , il ne
vouioit pas impoler à la Religion Paienne une
loi, qu'il ne voulût aufli prefcrire à TEglife Ro-
maine , qui efl de juger de leur nature par les
cultes 8c par les. dogmes autorifèz, publique-
ment : 8c fur ce pied-ià , il trouvoit qu à con-
lîderer les Athées par raport à l'entendement,
ils ne font pas dans des erreurs plus énormes
que les Gentils. C'efl: de quoi je dirai encore
quel(^e chofe en un autre endroit.
§. CXXIX.
i/ï dffpofitioji du cœur des Athées comparée avee
celle des Idolâtres.
Si l'on regarde les Athées dans la dilpofîtion
de leur cœur , on trouve que n'étant ni retenus
par la crainte d'aucun châtiment divin, ni ani-
mez, par l'efperance d'aucune benediftion ce-
îelle , ils doivent s'abandonner à tout ce qui
flatte leurs pallions. C'eft tout ce que nous en
pouvons dire , n'aiant point les Annales d'au-
cune nation Athée. Si nous en avions, on iàu-
roit jufqu'à quel f&cès de ciimes iè portent
ks peuples qui ne rcconoifîènt aucune Divini-
té-,, s'ils vont beaucoup plus loin , que ceux qui
en-, ont reconnu un nombre innombrable. Je
croi qu'en attendant une Relation bien fidelie
des; mœurs > des loix , 8c des coutumes de ces
peuple? que; Ton dit qui ne profeilènt aucune
Rfiiigioû:, oa peut aflliier que k& Idolâtres ont
Tmfiei diverjès. i^ji
fait en matière de crimes , tout ce qu'auroient
lu faire les Athées. On n'a qu'à lire le dénom-
brement qui a été fait par (i) Saint Paul , de (i) Epîft;.
tous les defordres où les Paiens fè font jettez, ad Rom^
6c on comprendra que les Athées les plus opi- ^^?* '•
niâtres n'eullênt pu enchérir par deflus. Et ii
on lit les Hiftoires profanes , & les autres mo-
numens qui nous relient de l'antiquité , on
verra év^idemmenf que tout ce que la plus bru-
tale & la plus dénaturée paillardile , la plus ef-
frénée ambition , la haine 6c l'envie la plus
noire, l'avarice la plus infatiable , la cruauté la
plus féroce, la perfidie la plus étrange peuvent
làire exécuter a un Athée profés , a été effe6li-
vement exécuté par les anciens Paiens, adora-
teurs de preique autant de Divinitez , qu'il y
avoit de créatures.
§. cxxx.
^ue ceux qui ont été tres-mechans farmi ki
Faiens , n'ont pas été Athées.
Et qu'on ne me difè pas , que ceux qui ont
exécuté CQs crimes parmi les Paiens , étoient
Athées dans l'ame : car il faut railbnner d'eux
comme des Chrétiens qui iè portent à ces mê-
mes crimes. Il ièroit abiùrde de prétendre
c^u'ils ne reconnoiiîênt aucun Dieu. Cela peut
être vrai de quelques-uns , mais il eft très-taux
du plus grand nombre , comme je vous le
prouverai invinciblement avant que d'abandon-
ner cette queftion. Ainfi , quand il fcroit vrai
qu'un Tarquin , qu'un Catilina , qu'un Caligu-
la, qu'un Néron, qu'un Hèliogabale , n'auroienc
reconu aucune Divinité , il fcroit abfurdc d'af-
fùrer la même choie de tous les Romains qui
ont été meurtriers, empoifonneurs , parjures,
calomniateurs , impudiques , &c. Il ne feroit
Lé ça&
2 5^ Pcnfées diverjès,
pas même raiibnnable de l'airûrcr du cruel Né-
ron , puis que ; fclon le témoignage de Sueto-
(T)Pere- ne, (i) il nolà point alTifter aux myflcTes de
frinntione Ceiès , fâchant que 1 on avoit de coutume de
g" -cî ^^"'^ ^''^^^'" ^'^'^ "" Héraut , qu'aucun impie , ni
E c'ifir-iis Iceieiat n'eût la hardicllè de s'en aprccher. C'cll:
UcMs, une preuve évidente qu'il rcccnnoiflbit une juf-
quorum ti^e mvilible , 8c qu'il étoit pcrfuadé qu'on le
ininatiore commcttoit avec elle, lors que 1 on meprilbit
fceïera i Certaines cerem-cnics de Religion. Le même
voce prz- Suétone (i) nous dit que Néron étoit perfe-
conjs ftib- cuté par les remors de ià confcicnce , éc que
movenrur, j^g fongcs 6c les prelages de mauvais augure
^''''^'^'„^,,,, l'epouvantoient quelquetois ■-, oue les bons au-
eft, Sue- gures lui donnoient de (3) la ]o:e oc qu il en
tpn. in remerciait le Ciel j qu'aiant (4) été inconftant
Nnoa. à l'égard des autres iùperintions , il pcrfevera
'^P' î4' jufcues à la fin dans le culte d'une petite im.a-
^ . ge d'enfant , à laquelle ii facrinoit trois fois
46. par- jour. Se que peu avant fa ir^ort il «'attacha
à conlu'.ter les entrailles des \aaimes. Il n'e-
(3) Cap. ^^'^ donc point Athée. Pour ce qui ell de Tar-
41. quin , de Catiiina , de Cahiguia , & d'He'.ioga-
bale, il (èroit aifé de prouver qu'ils ne l'étoient
(4) Cap. point non plus j ptis que le premier (5-) cn-
56* voia fes propres enfans confaker l'Oracle de
Delphes , ilir un prodige qu'il avoit vu dans fa
•vms ]\ ^"""'^^^^ ' ^ ^'-^^ ^^^ donnoit beaucoup de cha-
Dec' i. * gr''^- Q^^ ^^ iècond cûafàcra (6) une petite
chapelle dans fcn logis à une aigle d'argent
(6) Qijam pour laquelle il avoit une grande dévotion , fur
vererari tout quand il lé préparoit à quelque m;curtre.
ad csedem q^ç \q troilîéme , comm:e je lai déjà (7) dit,
folebas*^^^ cherchoit à fe vangcr des injures qu'il croioit
à euin/ avoir reçues de Jupiter. Et que le quatrième
«Uanbiis sen-
fapèiftam
deîfraçn implam ad recem cjylum tran/îuiiftl. Cictr, Orat. I, m
€afi^ (7) Ci-delTus pag. 230, ^
Tr/ifeei diverfes. 255
s'entêta Ci fort du culte du Dieu dont il avoit
été confàcré Prêtre , qu'il fit porter dans le
temple (i) qu'il lui avoit bâti à Rome , tout pridinsTn
ce qu'il y avoit de plus iàcré dans les autres. Il ejus vica.
diibit même qu'il taloit y tranlporter la Reli-
gion des Juifs , Se celle des Samaritains , £c cel-
le des Chrétiens , afin que le culte de ce Dieu
renfermât celui de tous les autres. Il lui ailoit
immoler tous les matins un prodigieux nom-
bre de victimes. Il lui facrifia les plus (2) ("2.) Vo'ez
beaux enfans qu'il put trouver en Italie i ëc ^^^ f;./,
pendant que les Magiciens ( 3 ) immoioient Rom. Lia.
ces jeunes vi6limes> il faiibit lès prières à fbn
Idole, Se regardoit lui-même les entrailles des (5) Omne
hoiries , pour y remarquer les prelages de fes denique
profperitez. Tout cela prouve ii tortcment, ^î'^&or^m
que ce deteftable monure n'etoit point Athée, far'"'-^';]^ ^"
qu'il neft pas beioin d'alléguer la crédulité qu'il o"peraba-
eut pour ceux qui lui avoient prédit qu'il mour- turque
roit de mort violente. Or li Néron, h Tar- quocidie,
quin , fi Catilina , fi Caiigula , fi Keliorabale ^°'■""^=
nont pas ete Athées, quel droit auroit-on de tiasagerte
prétendre , que tous ceux qui ont mal vécu quod ami-
dans le Paganiime , n'avoiefit aucun fèntiment ços coram
de Religion? Ne fè rendroit-on pas ridicule, fi ^"vci'i^'et,
V ■ ■ 1 ' • • ^ cum in-
ion nioit que ks mêmes gens qui avoient une fpjcerec
haine horrible contre les premiers Chrétiens , exca puc-
etoient ceux qui s'abandonnoient à tous les i^^Iia , &
deregiemens que l'on a vus dans le Paganiime? V^^J^}^^^^
Et lèroit-on moins ridicule , ii l'on ibutcnoit -^ -^sad
que les villes & les Provinces entières qui lé genrilem
dechaînoient avec tant de rage & avec tant de funm.
cruauté contre les Chrétiens par tout l'Empire Lampri-
Romain , n'avoient aucune Religion, puis qu'il ^'"* ^*"*
cft indubitable, que cette fureur des Idolâtres '°^'^ '
ne venoit , i. que de leur attachement au cul-
te des Dieux , contre lefqucis ils voioient les
Chrétiens ii animez, : 2. que de la taullè pen-
iee qu'ils s'étoicnt miiè dans l'eiprit , que les
L 7 " Chrc-
2 5*4 Penjees diverfes.
Chrétiens étoient la caufè de toutes les calami-
tez publiques , par les injures qu'ils faiibient
aux Dieux ?
§. CXXXIv
^uel efc l'effet de la conotjfance d'un Dieu parm'f
les nations Idolâtres.
Difons donc , que quand on n'eil: pas véri-
tablement converti à Dieu , Se qu'on n'a pas le
cœur .fàndlifié par la grâce du Saint Efprit, la
Gonoifîànce d'un Dieu 6c d'une Providence eit
une trop foible barrière pour retenir les pal^
lions de l'homme , 6c qu'ainli elles s'échapent
auflTi licentieulèment qu'elles feroient uns cet-
te conoiilànce-là. Tout ce que cette conoif-
iànce peut produire , ne va guère que jufqu'à
des exercices extérieurs, que l'on croit pouvoir
reconcilier les hommes avec les Dieux. Cela
peut obliger à bâtir des temples , à làcrifier
dts vi6limes , à faire des prières , ou à quelque
ehoiè de cette nature j mais non pas à renon^-
cer à une amourette criminelle , à reftituer un
bien mal acquis , à mortifier la concupifèence.
De ibrte que la concupifcence étant la iburce
de tous les crimes , il eft évident , que puis
qu'elle règne dans les Idolâtres , aufli bien que-
dans les Athées , les Idolâtres doivent être auffi
capables de fe porter à toute forte de crimes,
que les Athées : 5c que les uns 6c les autres ne
Êuroient former des focietez, fi un frein plus
fort que celui de la Religion , lavoir les loix
humaines , ne reprimoit leur perverfité. Et
cela fait voir le peu de fondement qu'il y a à
dire que la conoiflance vague 6c confuiè d'une
Providence , eft fort utile pour affoiblir la cor-
ruption de l'homme. Ce n'ell: pas de ce côté-
là que le tournant iês uiàges ; ils font beaucoup
glus>
Tenfées diverjès» 255
plus phyfiques que moraux , je veux dire qu'ils
tendent plutôt à aflèdlionner les lujets à de-
meurer en un certain lieu , 8c à le détendre s'il
eft attaqué, quà les rendre plus hommes de
bien. On n'ignore pas l'imprelTion que tait
fur les eiprits la penfée , que l'on combat pour
la conlervation des temples 8c des autels , &
des Dieux Domeftiques, fro arts é^focis; com-
bien on devient courageux 8c hardi, quand on
eft preoc>cupe de l'eiperance de vaincre par la
prote6tion de Tes Dieux , 8c que Ton eft animé
par î'averîion naturelle que l'on a pour les en-
nemis de ia créance. Voilà proprement à quoi
fervent les fauffes Religions par raport à la
confervation des Etats 8c des Republiques. H
n'y a que la véritable Religion, qui outre cet-
te utilité , aporte celle de convertir 1 homme à
pieu , de le faire combattre contre fes paffions,
& de le rendre vertueux. Encore n'y reiiiTit-
elle pas à l'égard de tous ceux qui la profeA
iènt. Car le plus grand nom.bre demeure Cv
engagé dans le vice , que fi les loix humaines
n'y mettoient ordre , tontes les focietez des
Chi-etiens feroient ruinées bientôt. Et je fuis
fur qu'à moins d'un miracle continuel , une
ville comme Paris , feroit réduite dans quinze
jours au plus trifte état du monde , fi Tou
n'emploioit point d'autre remède contre le vi-
ce , que les remontrances des Prédicateurs &
des C<Mîièfîèurs. Dites après cela, qu'une foi
vague de l'exiftcnce d'un Dieu qui gouverne
toutes choies , eft d une grande efficace pour
mortifier le péché. Aflurez-vous plutôt, iMon-
fieur, que cette Ibrte de foi ne met les Idolâ-
tres au deflus des Athces , qu'à l'égr^rd de l'af-
fermiflèmcnt de la Republique. Car, n'en de-
plailé à ( 1 ) Cardan, une Ibcieré d'Athées, in- ^^ 'in-
capable qu'elle feroit de le fervir des motifs de morcaJ,
Keligioo ppuy fe doimej: d^ courage , ièroit animîB».
bien
z^6 Penfées diverjèu
bien plus facile à diffiper qu'une focieté de
gens qui fervent des Die^ix : & quoi qu'il ait
quelque raifon de dire que la croiance de Tim-
mortalité de l'ame a caufë de grands defbrdres
(i) Sum- <^"ns le ( I ) monde par les guerres de Reli-
musutrin- gion qu'elle a excitées de tout tems, il cil faux,
que Inde même à ne regarder les chofès que par des
°^uod ^^^^ ^^ Politique , qu'elle ait aporté plus de
numina ^n^^ ^^^ ^^ ^^^^ comme il le voudroit faire
vicinorum accroire.
Odii iiter-
^^^^^^'^ §. C XX XII.
Satyr. i j. ^^hie les Idolâtres ont furpa/Je les Athées dans le
crime de leae-Majejîé Divine.
Mais fi les Idolâtres n'ont fait qu'égaler les
Athées dans la plupart des crimes , il eil cer-
tain qu'ils les ont iurpafïèz dans celui de leze-
Majeilé Divine au premier chef Car outre les
façons de parler infolemment contre Dieu, qui
fè voient dans leurs livres, fans qu'on voie qu'el-
ks aient fiit tdes affaires à l'Auteur ; qui ic
(i) Vide voient , dis-;e , en (i) grand nombre, non
Muret. feulement dans les Poètes , mais aufii dans des
Orat,4. Ouvrages en profè , ne fait -on pas que les
-^. Païens ont dégradé leurs Divinités , quand ils
en etoient mccontens ? Ne fait-on pas qu'ils
. ont renverfé , ou lapidé leurs temples 6c leurs
ftatuës? Alexandre, -qui dans la première jeu-
nefîè avoit été prodigue d'encens envers les
Dieux , jufqu'à s'tn faire cenfurer par Ion gou-
verneur , Se dont le foible a été la' luperftition ,
au raport de Quinte Curce } fut li outré de
colère de ce qu'ils avoient laifie mourir EpheA
tion , que non content de leur dire des injures,
. X f. il fit renverlêr leurs autels & leurs fimulacres,
rian. 1.7, ^ s'acharnant particulièrement fur Efculape le
cap. s. Dieu de ia Médecine , ( 3 ) commanda que fon
tem-
Tenfces diverfa. 257
temple fût brûlé. Augufte qui étendoit fes dé-
votions jufqu'à Ton oncle Cefar afiafilné depuis
peu, 6c qui pour un jour fit immoler à ce nou-
veau Dieu alTàfliné 500. peribnnes d'élite , ne
fè contenta pas , après avoir perdu fa flotte
par la tempête, de s'écrier , ^u'il laincroit en
(dépit de Neptune i mais il détendit auffi de por-
ter en proceffion l'image de ce Dieu , à la pro-
chaine folennité des Jeux Circenfes. Suétone
qui nous aprcnd cela , nous raconte ailleurs,
que le jour de la mort de Germanicus , on la-
pida les temples , on renverfa les autels , 8c
qu'il y eut cj^s gens qui jetterent par la fenêtre
leurs Dieux Pénates.
Les (i ) Japonnois font aujourd'hui quelque fi) Am-
choiè de tort aprcchant , car ils ont ^6^. Ido- b-^^''|^
les deftinées à veiiier fur la perfonnc de l'Em- pagri^X's
pereur, lefquelles on m. et en iéntinelle tour-à- indesdes
tour , chacune pour être en faftion une jour- Provinces
née toute entière. S'il arrive quelque mal au Unies.
Prince, on s'en prend à l'Idole du jour, on la
fouette, ou on la bâ tonne, &: on la bannit du
Palais pour cent jours. Les Chinois qui con-
fultent leurs Idoles fur le fuccès de leurs afiài-
rcs , (ce qui fe fait en jettsnt devant la ftatuë
les deux moitiez d'un petit elobe traverfées
d'un fil , après avoir prononce quelques priè-
res) & qui ne rencontrent pas le fort favora-
ble, fè contentent peur la ( 2 ) pr entière fois de C^) ^a^
dire mille injures à leur Dieu. Après cela chan- j^'^^j'^^^. '
géant de ton , ils lui adrefîent mille prières, &: ]^(,,5.
jettent encore au fort. S'il ne vient pas tel qu'ils
le fouhaitcnt , alors ils ajoutent aux injures les
coups de foiiet, le Dieu eft traîné dans l'eau &:
dans le feu. Après quoi viennent encore d'au-
tres fuplications : 8c ainli tour à tour ils frapent
6c ils adorent leur Idole , jufqu'à à ce que ks
deux moitiez de la boule tombent du Icns qu'ils
le demandent.
Je
fi)rnCâe.
iâribus
(0 Plu-
tarcfa. in
Demetr.
Clemens
Alex, in
protrept,
sd Gentes.
25 § Peyifées diverfis.
Je trouve encore une autre forte d'impiété
fort criante dans la conduite des Paiens , en ce
qu'ils ont afibcié aux Dieux les perfonnes les
plus infâmes, comme Druiilia , dont le com-
merce inceftucux avec fon frère Caiigula , étoit
connu d'un chacun : comme Antinoiis le Gany-
TCicàe de l'Empereur Adrien , auqnel on a ren-
du les honneurs divins , non feulement du vi-
vant de cet Empereur, mais aulfi plus de 200.
ans après : comme les deux Faufcines , mère ôc
fille, l'une femme de 1 Empereur Antonin, l'au-
tre femme de Marc Aurele , toutes deux d'un
libertinage li dercglé , que toute ]a ville s'en
fcandâiiia , fur tout en voiant h fille indigne-
ment proftituée à un Gladiateur , quoi qu'elle
eût le plus honnête homme de mari qui tût su
monde. Tout cela n empêcha pas, que le mê-
me peuple qui avoit été icandalil'é de la mau-
vaiiè vie de ces Impératrices , ne les honorât
comme des Déelfes après leur raort, par une
impieté que ( i ) l'Eiripereur Julien reproche
vertement à l'Empereur Marc Aurele. La ma-
nière dont les Athéniens rendirent les honneurs
divins à (i) Demetrius , pendant qu'il étoit le
plus in^ame débauché qui fût au monde , fur-
palïè toute imagination.
Voilà des crimes que les Athées ne commet-
tent pas , & que les Idolâtres commettent. Et
quels crimes Ibnt-ce à vôtre avis .? Les plus
épouvantables que l'on puiiTe concevoir , & hs
plus accompagnez d'un jugement injurieux à
la Divinité. Car enfin, faire abatre le temple
d'un Dieu , en punition de ce qu il a laiffé pé-
rir ua homme , n'eft-ce pas croire que Dieu
eft jufticiable de l'homme j que Dieu doit agir
non pas lèlon ià volonté , mais félon qu'il plaît
à l'homme ■■> que s'il ne le fait pas , l'homme
eft en droit de le châtier par la fupreffion àç&
honneurs qu'on lui rendoiti comme quand ua
Prince
Tenfees diverjes. ^55»
Prince punit iks lèrviteurs en les dépouillant de
leurs charges ? N'ell-ce pas cioiie que Dieu eu
mjulte, ck vjaon peut lai raiie dzs amonts im-
punément ? En un mot , n'eil-çe pas porter le
mépris &: 1 iniolence plus loin que jamais Athée
n'a fait ? Un v^ihee ne rend point d'honneurs à
Dieu, parce qu il n'cit point perfuadé quil exis-
te. S'il abat un temple , ij croit n'oneniq*
aucune Divinité. Mais an Idolâtre qui Lit Ja
même cholè , refulè des lionneurs à un Dieiî
qu'il reconoît , ôc les lui icfuiè aiin de 1 oiïèn-
fer. Il n'eit pas li ignommie, x de n'avoir pas
le privilège (i) d'entrer quelque part , que d'en /,> tu^^
être chaire après y avoir ete leçu j donc les più? ejici-
Idolâtres qui abaient les autels lur quoi ils a- tur , qnàm
voient làcnfié, pèchent plus griev-ement qu'un "°" !^^~
Athée.
Prononcez., je vous prie, fur cette queftion.
Sjupclbns deux François , dont 1 un n-'oLeiroit
lU à Louis XI V. ni à quelque autre Roi que
çe fût , & l'autre meconoiîTanr le grand Prince
que Dieu nous a donné ; reconoîtroir pour Roi
de France un homme de peu de mérite. A
vôtre avis , lequel de ces deux hommes-la of-
fenlèroit davantage le Roi ? Ce fèroit làns dou-
te le dernier, car en fait de rébellion , le pre-
mier pas eft de refufèr i'obeiïTance à fon Prin-
ce légitime j mais le comble de la felonnie eft
d'en mettre un autre en ià place •. 8c plus celui
qu'on lui fubilituë eft deftitué de mérite , plus
ofïènic-t-on le Prince à qui l'on doit obeïr. Un-
Roi qui fè voit détrôner par lès Sujets , parce
qu'ils veulent vivre en Républicains , le conlb-
le plus aifément , que s'il les voir fè choilir ua
autre Monarque ■■> car au fécond cas ils témoi-
gnent que ce n'cft point la haine de la Monar-
chie qui les fait agir, mais la haine particulière
qu'ils ont pour leur Souverain. Il n'eft pas
difficile par ces conlidcrations , de connoitre
que
bofpes.
z6o Te^fth divsrjès.
■que les Idolâtres, qui au lieu d adorer lè'^crî-
table Roi de l'Univers , lui ont fubflitué un
nombre innombrable de Divinitez chiméri-
ques , ©nt été' plus injurieux à Dieu, que les
Athées.
Si vous joignez, à ceci les remarques qui ont
été déjà faites en raportant la V. raifon, & li
TOUS conliderez que la déification des perfonnes
infâmes contient ou de pareilles cnormitez , ou
de plus grandes encoie, vous ne douterez point
que ridolatrie Païenne n'ait été pire que TA-
theïfme .
Je ne lài même , fi je ne feroîs pas bien de
vous prier de joindre cette confideration à tou-
tes les autres ; c'ell qu'il paroît par tous les
Oracles des anciens Paiens , que le Démon n'a
jamais poufle les hommes à FAtheïfme, 8c qu'au
contraire il a fait tous les efforts imaginables
pour entretenir l'Idolâtrie dans leur elprit.
Quand il efl queftion de conoître les divers de-
grez du péché , il me ièmbie que le Démon
n'eft pas un Juge peu compétent j &: fi quelque
créature fè conoît en crimes , c'eft apurement
celle-là. Il ièmble donc, que puifque le Diable
donne la préférence à l'Idolâtrie , elle eft plus
criminelle que l'irréligion. Je tiendrois cette
preuve pour demonftrative , n je ne me ibuve-
(i) Cl- nois de la raifon que j'ai ( i ) donnée de cette
deffus préférence.
"• "5* Ce qui me refte à vous raporter des difcours
de nôtre habile homme , un peu commentez,
eft trop confiderable & trop fcabreux , pour ne
me pas engager à prendre quelque repos avant
que d'y mettre la main. Je m'arrête donc ici
pour un peu de tems.
A, ... le ç^, de Juillet 1681.
§. CXXXIII.
Fenfées diverfes, 16 x
§. CXXXIII.
VII. Preuve. VAtheïfme ne conduit pas necef-
fairement k la corruption des mœurs.
JE reviens à vous, Monileur, 6c je commen-
ce par vous dire , que la raifon fur laquelle
nôtre Dodeur infifta le plus amplement , fut
celle-ci i que ce qui nous perfuade que l'Atheif-
ine cit Je plus abominable état où l'on iè puilîè
trouver , n'ell qu'un faux préjugé que Ton iè
forme touchant les lumières de la confcience,
que l'on s'imagine être la règle de nos allions,
faute de bien examiner les véritables reflorts
qui nous font agir. Car voici le raifbnnemcnt
que Ton fait. L'homme efl naturellement rai-
fonnable , il n'aime jamais fans conoître, il fe
porte neceilàirement à l'amour de fon bon-
heur , &; à la haine de fon malheur , & donne
]a préférence aux objets qui lui Semblent les
plus commodes. S'il eil donc convaincu qu'il
y a une Providence qui gouverne le monde, 6c
à qui rien ne peut échaper , qui rccompenfè
d'un bonheur infini ceux qui aiment la vertu ,
qui punit d'un châtiment éternel ceux qui s'a-
donnent au vice i il ne manquera point de iè
porter à la vertu , 6c de tuïr le vice , 6c de re-
noncer aux voluptez corporelles , qu il fiit fort
bien qui attirent des douleurs qui ne finiront
jamais pour quelques momens de plaifir qui
les accompagnent, au lieu que la privation de
ces plaifirs paflàgers eft fuivie d'une éternelle
félicité. Mais s'il ignore qu'il y ait une Provi-
dence , il regardera lès dclirs comme ià der-
nière fin , 6c comme la règle de toutes Ces ac-
tions : il Ce moquera de ce que ks autres apel-
lent vertu 6c honnêteté , 6c il ne fuivra que les
niouvcn3i£ns de ià convoitife : il fe défera, s'il
■ peut.
(t) Si gc-
nus huma-
num &
mortalia
temnitis
arma,
Ac fpe-
rate Deo
memores
fancii ac-
que ne-
fandi.
Virgit,
c/£w. I,
(a) Voiez
Mr. de
Balzac
Entrée 34.
ch. 3.
(3) Thco-
pompus
apud Po-
l$t Penjees diverfis,
peut , de tous ceux qui lui déplairont : il fera
de faux fermens pour la moindre chofei &; s'il
fe trouve dans un pofte qui le mette au dcflus
des loix humaines , aufli bien qu'il s'eft déjà
mis au defîus àts remords de la confcience , il
n'y a point de crime qu'on ne doive attendre
dé lui. C'eft un monftre infiniment plus dan-
gereux que ces bêtes féroces, ces lions & ces
taureaux enragez dont Hercule délivra- la Grè-
ce. Un autre qui n'auroit rien à craindre de la
part des hommes , pourroit être du moins re-
tenu par la ( I ) crainte de fes Dieux. C'eft
par là qu'on a tenu de tout tems en bride les
paiîions de 1 homme : 6c il cft fur qu'on a pré-
venu quantité de crimes dans le Paganifme,
par le ibin qu'on avoit de conferver la mémoi-
re de toutes les punitions éclatantes des fcele-
rats , 6c de les attribuer à leur impieté , 6c d'en
fupofer même quelques exemples , comme
étoit celui qu'on débita du tems d'Augufte, à
Toccafion d'un (2) temple d'Alîe pille par les
foldats de Marc Antoine. On difbit que celui
qui avoit mis le premier la main fur l'image de
la Déefïè qui étoit adorée dans ce Temple,
avoit perdu la vue fubitement , 6c étoit devenu
paralytique de toutes \z^ parties de fon corps.
Angufte voulant éclaircir le fait , aprit d'un
vieux Officier qui avoit fait le coup , non feu-
lement qu'il s'etoit toujours bien porté depuis
ce tems-là , mais aufli que cette aclion l'avoit
mis à fon aile pour toute fa vie. Tel étoit en-
core ce qu'on debitoit de ceux qui avoient la
témérité d'entrer , malgré la defenfè qui en
étoit faite , dans un temple d'Arcadie confacré
à Jupiter ; c'eft ( 3 ) que leurs corps ne fai-
foient plus d'ombre après cette aélion. Apa-
remment i'hiftoire de la mort Jiibite de cet En-
voie des Latins , qui avoit parlé irreveremment
^u Jupiter des Romains en plein Scnat , fur la-
quel-
Penfees diverfes, 26*3
quelle Tite Live ( i ) n'ofe rien avancer de po- 0) î^^ara
litif ,a caufc qu'il voioit que les Auteurs étoient Jjj-J^'^^
partagea là-delTus , eft une femblable fraude apcè'ad
pieufe. Ces fortes de choies , vraies ou fauf- reprafen-
iès , qui faifoient un très-bon effet fur l'efprit t.-mdam
d'un Idolâtre , ne ibnt d'aucune vertu pour un ^1^^
Athée. Si bien qu'étant inacceffible à toutes ces fi^aTpof-
confiderations , il doit être neceflàirement le func'
plus grand 2c le plus incorrigible fcelerat de Tit.Livini
iUnivers. ^f'-J-
hb.
§. CXXXIV.
^ue V expérience combp^t le raifonnemeyit que Von
fait , pour prowver que la comijfance d'un
Dieu corrige les inclinations vicieufes de l'hom-
me.
Tout cela efl: beau 8c bon à dire , quand on
regarde les choies dans leur idée, 8c qu'on fait
des abftratlions metaphyliques. Mais le mal
cft, que cela ne fè trouve pas conforme à l'ex-
périence. J'avoue que li Ton donnoit à devi-
ner les mœurs des Chrétiens , à des gens d'un
autre monde , à qui l'on diroit fimplement que
les Chrétiens ibnt des créatures douées de rai-
ibn 8c de bon fèns , avides de la félicité, per-
fuadées qu'il 7 a un Paradis pour ceux qui
obeilîènt à la Loi de Dieu , 8c un Enfer pour
ceux qui n'y obeïflcnt pas i ces gens d'un autre
monde ne manqueroient pas d'aflûrcr que les
Chrétiens font à qui mieux mieux pour oblèr-
ver les préceptes de l'Evangile} que c'ell parmi
eux a qui le fignalera davantage dans les œuvres
de milèricorde , dans la prière , 8c dans l'ou-
bli des injures , s'il eft poilible ^ue parmi
eux quelqu'un Ibit capable d'oftcnlèr fon pro-
chain. Mais d'où viendroit qu'ils ivioicnt ce
jugement fi avantageux ? C'eft qu'ils ne confi-
derc«»
i6fi^ Penfées diverfes,
dereroient les Chrétiens que dans une \àiz abi-
traite \ car s'ils les coniideroicnt en détail , 8c
par tous les endroits qui les déterminent à agir ,
ils rabatroient bien de la bonne opinion qu'ils
en auroient eue , 8c ils n auroient pas plutôt
vécu quinze jours parmi nous , qu'ils pronon-
ceroient , que dans ce monde on ne le conduit
pas lèlon les lumières de la confcience.
§. CXXXV.
Pourquoi si y a tant de différence entre ce qu*o-a
croit Qr> ce qu'on fait.
Voilà le véritable dénouement de cette diffi-
culté. Quand on compare les mœurs d'un
homme qui a une Religion , avec l'idée géné-
rale que l'on fe form.e des mœurs de cet hom-
me , on eil tout furpris de ne trouver aucune
conformité entre ces deux choies. L'idée gé-
nérale veut qu'un homme qui croit un Dieu,
un Paradis 8c un Enfer , fàiîê tout ce qu'il co-
noit être agréable à Dieu , 8c ne faflè rien de ce
qu'il lait lui être delàgreable. Mais la vie de
cet homme nous montre qu'il fait tout le con-
traire. Voulez, -vous fa voir la cauie de cette
incongruité.? La voici. C'eft que Ihomme ne
le détermine pas à une certaine action plutôt
qu'à une autre , par les conoiilances générales
qu'il a de ce qu'il doit faire , mais par le juge-
ment particulier qu'il porte de chaque cholè,
lors qu'il efl lùr le point d'agir. Or ce juge-
ment particulier peut bien être conforme aux
idées générales que Ion a de ce qu'on doit fai-
re, mais le plus Ibuvent il ne l'eil: pas. Il s'ac-
commode preique toujours à la pafllon domi-
nante du cœur , à la pente du tempérament, à
la force des habitudes contraflées , 8c au goût
ou à la fenlibilité que l'on a pour certains ob-
jets ,
Penfc'es diverfis. 16^
jets. Le ( I ) Poète qui a tait dire à Medee, (i) v\ie9
Je ijoi ô' j'éprouve le é^ie/i, tnais je fais letnal, meliora
a parfaitement bien repiefentë la dilieience qui S^t'cr'^or**
le rencontre entre les lumière^ de la conicicn- fequor.'
ce , & le jugement particulier qui nous tait Qv.d.
agir. La conicience conoît en gênerai la beau- ^t^-^^»'
te de la vertu , &. nous force de tomber d ac- ^^*- '^'
co:d qu'il n'y a rien de plus loiiable que les
bonnes mœurs. Mais quand le cœur cil une
fois poflcdé d'un amour iliegitime j quand on
voit qu'en iàtisfaiûnt cet amour , on goûtera
du plailir , Se qu'en ne le faîisfaifant pas , on
le plongera dans des chagrins & dans des in-
quiétudes iniliportablcs i il n'y a lumière de
conicicnce qui tienne : on ne coniùlte plus que
la pafHon , ce l'on juge qu'il faut agir htc ^
rmnc contre l'idée générale que l'en a de Ion
devoir. Ce qui montre , qu'il n'y a rien de
plus fujet à l'illulion, que de juger àtz mœurs
d'un homme par les opinions générales dont il
eil imbu. C'eft. encore pis que ii l'on jugcoit
de les actions par iès livres ou par iès haran-
gues, qui neanm.oins Ibnt de fort mauvais ga-
lans àzs inclinations de l'Auteur. Car que
peut-on voir de plus grave , que les plaintes de
Saiiuilie contre la corruption de icn liecle ? Les
plus lèveres oblcrvateurs de l'ancienne diicipli-
i>e n'eu (lent pas mieux dit. Cependant Sal- ;
lulle n'etoit • pas plus làge qu'un autre. Le
Cenfeur fut obligé de le reprendre de là mau- ,. ç^^,^
vaife vie en plein Sénat: ( 2 ) il fut acculé deux noil.'" *
fois d'adultère devant le Prêteur 5 & y aiant été Artic
furpris par Milon, il n'en fut quitte que pour ^ib. 17.
une bonne Ibmme d'argent , qu'i^ fut obligé ^'^P* ^^*
de paier après avoir eu les étrivieres. Si nous
avions la harangue que Clodius prononça de-
vant le Sénat, pour le plaindre de la protàna-
tion des chofes faintes , nous y verrions ians
doute toutes les marques d'une grande pieté.
L
l66 Penfees diverfis.
Se beaucoup de ces figures de Rhétorique qui
•repieicnrent li vivement l'atrocité d'une adlion.
Cependant Clodius n'ëtoit rien moins que zêié
(î) Cicero pour le fervice divin. Il le ( i ) vantoit lui-
deArufp. même d'avoir été foudroie par deux cens Ar»
rcrponf. j-^j-g ^^ Sénat , pour des affaires de Religion , Se
il avoit protané les myfteres de la Bonne DéeJlc
avec la dernière iniblence.
§. CXXXVÎ.
^ue l'homme n'agit ^ds félon fes principes.
Que l'homme foit une créature raiibnnable,
tant qu'il vous plaira j il n'en eft pas moins
vrai , qu'il n'agit prefque jamais confequem-
ment à lès principes. Il a bien la force dans
les choies de fpeculation , de ne point tirer de
mauvaiies conlèquences , car dans cette Ibrte
de matières il pèche beaucoup plus par la faci-
lité qu'il a de recevoir de faux principes , que
par les faulTcs conclufions qu'il en infère. Mais
c'efl: tout autre chofe quand il eft queftion des
bonnes mœurs. Ne donnant preique jamais
dans de faux principes , retenant preique- tou-
jours dans là conicience les idées de l'équité
naturelle , il conclut néanmoins prefque tou-
jours à l'avantage de {ks delirs déréglez. D'où
vient, je vous prie , qu'encore qu'il 7 ait par-
mi les hommes une prodigieule diveriité d'o-
pinions touchant la manière de fervir Dieu , 8c
de vivre lelon les loix de la bienfeance , on voit
néanmoins certaines paflîons régner conllam-
ment dans tous les pais , £c dans tous les iie-
cles ? Que l'ambition , l'avarice , l'envie , le
delîr de le venger , l'impudicité , & tous le*
crim.es qui peuvent fatisfaire ces pafilons le
voient par tout ? Que le Juif 8c le Mahometan ,
le Turc ^ le Mofe , Is'CitfcticD 2c l'Infidcle,
yin-
Tenfcei diverps, i6j
rindîcn & le Tartare , 1 habitant de terre fer-
me £v 1 habitant des Iles , le Noble & le rotu-
rier , toutes ces fortes de gens qui dans le rcftc
ne conviennent , pour ainii dire , que dans la
notion générale d'homme , ibnt fî fcmblabîes
à l'égard de ces paflîons , que ion diroit qu'ils
ic copient les uns les autres ? D'où vient tout
cela, iinon de ce que le véritable principe des
Notions de l'homme , (j'excepte ceux en qui la
grâce du St. Eiprit fe déploie avec toute foa
€iîîcace) nefl autre chofe que le tempéra-
ment , l'inclination naturelle pour le phifir , ic
goût que l'on contracte pour certains objets ,
le delir de plaire à quelqu'un , une habitude ga-
gnée dans le commerce de fèsamis, ou quel-
que autre difpolition qui relulte du fond de
nôtre nature , en quelque pais que l'on naiflè,
îJc de quelques conoilTànces que Ton nous rem-
plillè l'efprit ?
Il faut bien que cela foit , puis que les an-
ciens Taicns accablez, d'une multitude incroia-
ble de fuperftitions , perpétuellement occupez
à apailcr la colère de leurs Idoles , épouvantez
par une infinité de pradige.s , imaginant que Iqs
Dieux étoient les diipenfateurs de ladverfité
^ de la profperité ièlon la vie que 1 on menoit,
n'ont pas laifTé de commettre tous \qs crimes
imaginables. Et 11 cela n'étoit pas, comment
fèroit-il polfible que les Chrétiens qui conoif-
{ènt fi clairement par une révélation icutenuè*
de tant de miracles , qu'il faut renoncer au vi-
ce pour être éternellement heureux , ôc pour
n'être pas éternellement malheureux j qui ont
tant d'excellens Prédicateurs paiez pour leur
faire là-dellùs les plus vives 5c les plus prelTan-
tes exhortations du monde ; qui trouvent par
tout tant de Direfteurs de confcience zêlez Se
iàvans , & tant de livres de dévotion j com-
ment , dis-jc, fcroit-il poflible parmi tout co-
M X la.
2^8 Venféei diverfis.
la , que les Chrétiens vêcufTent , comme ils
font , dans les plus e'normcs deregîemens du
vice ?
§. CXXXVII.
Tourquoi certaines cérémonies font régulièrement
observées..
A la vérité , les opinions que l'on a fur Iç
chapitre de la Religion &; de la bienfeance,
font le principe de certaines chofes qui s'ob-
fervent régulièrement parmi les perlonncs de
même foi , en quelque lieu du monde qu'elles
vivent , & parmi les perfonnes qui compofènt
un même peuple , de quelque humeur qu'elles
ibient d*ailleurs. On voit , par exemple , que
les Juifs circoncifent leurs enfans , & gardent
le jour du Sabat par tous les endroits du mon-
de où ils font foufferts. Autrefois les Perfès
aprouvoient les mariages inceflueux , 6c s'y en-
gageoient fans fcrupule , non feulement lors
qu'ils demeuroient en Perfe , mais aulTi lors
qu'ils s'iiabituoient , 5c qu'ils iè multiplioient
dans les pais étrangers , où l'on deteftoit cet-
te forte de mariages. Ceux au contraire qui
étoient d'une nation où l'incefte étoit delàprou-
ve , ne ic marioient pas de la forte, lors même
qu'ils s'habituoient parmi les Periès : Se les Per-
les eux-mêmes qui avoicnt embrafle la Reli-
gion de j E s u s-C H R I s T , n'ëtoient plus capa-
bles de donner les mains à cz^ alliances illicites.
f2) Apud (i) Eardefànes fc fcrt de cette ccnfideration ,
Eufeb- pour réfuter les Aflrologues dans le beau traité
rrxpar. ^^^'j] ^j. contre eux , & c'cll aflurément une
}.6l"c.*8. ^'-^^"^ bonne raifon à propofer contre l'Aftrologie
Judiciaire.
Mais cela ne détruit point ce que j'ai dit,
Cda fait voir feulement , que les hommes le
cou-
TenÇées dlverfis» i6g
conforment aux loix de leur Religion , lors
Qu'ils le peuvent faire iàns s'incommoder beau- '
coup , Oc qu'ils voient que le mépris de ces
loix leur feroit funede. Cefl: à caufc de cela
que les Juifs oblèr'/ent leurs fèces & leur cir-
conciiion. Faire circoncir un enfant n'eft pas
une opération douloureufc pour le père ni
pour la mère , ni qui ait ô^qs fuites dangereulès
pour l'entant. Cela n'empêche pas ni le père,
ni la mcre , d'amafîcr du bien par toute forte
d'inventions , de tromper , de calomnier , de
faire l'amour , 8c de s'enivrer , fi le cœur leur
en dit. Et s'ils avoient la hardieflè de ne pas
obferver la cérémonie de la circoncilion , ils fè
feroient excommunier , 8c leroient regardez
comme des raonffcres par les autres Juifs. . On
peut dire la aiême cliofe de l'obfervation des
fêtes. Ceux qui s'en difpenfent , fè puniflènt
par leurs propres mains , non ièulement parce
qu'ils s'expofent au blâme , à la cenfure , 8c à
des amendes, li le cas y écheti mais aulTi par-
ce qu'ils fe dérobent le te m s le plus agréable de
la vie. Car les payions de l'homme font fi inge-
nieufes à fè dédommager , qu'elles trouvent juf-
ques dans les chofès que l'on avoit deflinées
contre elles , la matière d'un grand triomphe.
Quoi de plus commode que les têtes ? On ne
travaille pas , on met fès plus beaux habits , on
danfè, on joue, on boit, les deux fèxes fè trou-
vent enfemble i pour une heure ou deux que
l'on donne à Dieu , on en donne dix ou douze
à fcs divcrtifTemens. Voilà fans doute une im-
portante vidloire que la Religion remporte fur
les pallions , que de faire obferver ou la circon-
cilion, ou les fêtes.
Pour les jeCines 8c les abrrinenc.es que l'Eglifè
nous impofe , j'avoue qu'il n'cft pas fi ajfé de
les pratiquer , que de s'afTujettir à l'obfervation
des fêtes , 8c que néanmoins on les pratique.
M 3 Mai5
270 ^ytfées diverfif.
Mais cela vient £ns doute , ou de ce qu'on
peut les pratiquer ftns préjudice de fès paillons
dominantes , ou de ce qu'on trouve peu-a-peu
radrcllè d'en taire évanouir les principales in-
commoditez , ou de ce qu'on ne veut pas paf^
fer pour profane , ce qui eft quelquefois nuiii-
ble des cette vie. On s'abfticnt tout un Carê-
me de manger de la viande : oui, mais s'abf-
tient-on de médire de fon prochain ? S'abf^
tient-on de s'cnricliir par à^s voies frauduleu-
iès ? S'abllient-on de voir des femmes de mau-
vaiiè vie ? Renonce-t-on à la vengeance ? Point
du tout , chacun vit en ce tems-ià comme à
l'ordinaire , fi ce n'cft qu'il va plus fouvent au
Sermon , 2c qu'au lieu de faire deux grands re-
pas , & de manger de la chair , il fe contente
démanger tant d autres choies à midi, qu'une
collation lui fuffit après cela pour tout le refte
de la Journée. C'efî ainii qu'en ufent ceux qui
n'ont pas beaucoup de peine à furmonter la
gourmandife: car ceux qui y trouvent de gran-
des difficuitez , ne manquent pas de recourir à
1 indulgence de leurs Directeurs , pour avoir h
liberté d'en ulèr comme bon leur ièmblera. Et
après tout , il n'y a point de jeune fille , qui
pour avoir la taille plus déliée , ou pour épar-
gner dcquoi s'ach-ter de beaux habits , ne re-
nonce à la bonne chère plus gaiement , que
h^ autres ne le font pour obferver \ts préceptes
de l'Eglife.
Ainli demeurons -en à nôtre maxime , Se
avouons de bonne foi, que li les hommes ob-
ièrvent plulieurs cérémonies en vertu de la Re-
ligion qu'ils profelTent , ou de la perluafion où
ils font que Dieu le veut , CQi\ parce que cela
ne les empêche pas de Satisfaire les paffions do-
minantes de leur cœur, ou même parce que Ja
crainte de l'infamie ôc de quelque châtiment
temporel les y engage. Ou bien diibns , que
Penfées diverps, ijt
s^ils obfèrvcnt régulièrement plu&urs cuites
pénibles 8c incominodes , c'eil parce qu'ils veu-
lent racheter par là leurs péchez d'habitude , 2c
accorder leur conicience avec leurs paiTions fa-
vorites 5 ce qui montre toujours , que la cor-
ruption de leur volonté eft la principale railbn
qui \qs détermine.
Je ne m'étonne pas que les mariages incef^
tueux n'aient pas été pratiquez parmi les peu-
ples qui les avoient chargez de la haine oc de
i'ignominie publique} car oui efl l'homme qu'u-
ne barrière comme ceile-la ne retienne dans le
devoir , pourveu qu'il ne foit pas d'une nation
qui juge tout autrement de la chofe, 8c qu'il ne
s'imagine pas , comme faifoient aparemment les
Periès , que les autres nations ne iè conoifTent
pas en bienfeance? Mais pour juger li les Chre-
tlfcns s'interdifent les mariages de cette nature,
parce que Dieu les défend" , il taudroit conoîtrc
ce qu'ils feroient là-deflus , en cas que le Droit
Civil 8c le Droit Canon leur donnaflènt pleine
liberté de faire ce qu'ils voudroient : car dans
l'état où font les chofcs , je ne voi pas qu'on
doive lè faire un mérite devant Dieu , de co
qu'on ne fè marie pas avec là fbeur. Il y a des
peines temporelles aflez terribles contre ce dé-
règlement , pour en être détourné iàns que la
confcience s'en mêle. Si le Droit Civil 8c le
Droit Canon laillbicnt la cholè à nôtre liberté,
il efl: fort probable qu'on ne s'en feroit pas un
plus grand fcrupule que de l'adultère , dont tant
de gens font coupables i quoi que ce foit un des
plus grands crimes du monde.
M 4. §. CXXXVIIL
-r
j - Psnfees divcrjcs,
§. CXXXVIII.
J.xemple qui prouve que les opinions ne font pas la
règle des actions.
Ce fcroit un travail infini , que de s'amufcr a
éclaircir toutes les objedlions que l'en peut faire
contre cette cjoftrinej car Teiprit humain étant
capable de toutes les bizarreries imaginables, on
ne pofera jamais de règle iur fon fujet, qui ne
ioLirlre mille exceptions. Ce qu'il y a donc à
iaire , c'eft de s'en tenir à ce qui arrive le plus
ibuvent , fàvoir que ce ne font pas les opinions
générales de l'efprit , qui nous déterminent à a^ir,
mais les pajficns prefentes du cœur. En effet , li
un Chrétien ivrogne 6c impudique s'abUenoit de
dérober , paiTe qu'il fait que Dieu a defenduiie
larcin , ne s'ablliendroit-il pas aulTi à(^^ deux
autres crimes , qu'il iàit que Dieu a défendus?
Et s'il ne s'abftient pas des deux premiers, mais
Seulement du larcin , n'eft-ce pas évidemm.ent ,
ou parce qu'il craint l'infamie oc le fupiice, ou
parce qu il. n'efl: point avare, ou en gênerai par-
ce que le tour de Ton elprit ne lui fait trouver
aucun charme à dérober ? Encore un coup, fi
les lumières de la confcience étoient la raifon
qui nous détermine , les Chrétiens vivroient-ils
auQi mal qu'ils tbnt ?
5. CXXXIX.
Vtnfies diverfis. i 7 3
§. CXXXIX.
^u'o?2 ne feut pas dire , (^He ceux qui ne vive^it
pas félon les maximes de leur Keliiion , ne
croie/7 f pas qu'il y ait un Dieu.
I. Preuve de cela , tire'e^de la vie des
foldats.
ON ne peut pas me repondre , que les
Chrétiens qui ne vivent pas ccntbrmc-
ment aux principes de leur Religion , ne Ibnt
pas perfuadcz de nos myfleres , 6c que ce font
autant d'Athées cachez. Car outre que ce lè-
roit multiplier terriblement \ç.^ Athées , con-
tre le fentiraent de pluiieurs célèbres Auteurs,
qui ne croient pas qu'il y ait jamais eu homme
pleinement periliade de i'Atheïfme i qu'y a-t-
il de plus infoutenable , que de ranger parmi
\(is Athées tous ces fbldaîs Chrétiens qui com-
mettent des dcfordres inouïs , lors qu'ils ne
font pas tenus fous une fevere difcipline ? Les
doutes lur l'exiftence de Dieu ne tombent gue-
rcs dans ces âmes -là. Ce n'ell pas le detàut
du peuple. 11 efl trop fot , pour fe lailfer trom-
per en ces cholès-Ià par un habile homme. Il
ne demande (i) que du pain Se ào.^ divertifle- (i) Du«s
mens , 8c n'a nullement l'ambition de rechcr- cincùm _
cher s'il a tort de reconoître un fouverain Mai- ''^^ ^nxm*
tre de toutes choies. Ceux qui donnent, ou panem 8c
dans le Deïfme , ou dans cette forte de dou- circenfes,
tts , prétendent au bel efprit , & s'apeUent par 'Jnven.
excellence , Us efprits forts. Ils font très-mal '^-'O"'- »«»
fondez , je lavouë, & il feroit facile de leur
montrer, qu'il n'y a rien de plus foible, ni de
plus deraifonnable , que le caraftere de leur
efprit. Mais quoi qu'il en foit , ce ibnt des
gens, pour l'ordinaire, qui font plus de cas d«
M ^ leur
2 74 Tenfeei diverfès,
leur efprit , que de leur corps ■■> au lieu que les-
ibldats & les voleurs des grands chemins ne:
fbngent qu'à leur corps , ^ ne font mechans^^
que par le corps , s'il eft permis de parles
ainli.
Il eft certain d ailleurs , que de^ foldats qui
ne refpirent que le iàng &: le carnage, 8c qui
pour peu qu'on les lailîè faire , mettent bien*
tôt dans la dernière defolation le pais ami ,
aufl] bien que le pais ennemi , font tort fufcep-
tibles du zèle de Religion : car li on les lâche
contre un peuple de différente croiance , Se 11
on \ç.s anime par ce grand motif, on voit que
leur courage va fouvent jufqu'à la fureur , 8c
qu'ils ne regardent plus les violences qu'ils
commettent , que comme des a6les de pieté.
On voit qu'ils conçoivent une haine implaca-
ble contre ceux qui ne font pas de leur Se^lci
Se qu'ils fe feroient un fcrupule de faire leurs
dévotions avec eux. Grande preuve quils n'ab-
jurent pas intérieurement le Ckriltianifmc >
ior? qu^ils le portent à tous les crimes qu'ils
commettent.
§. CXL.
II. Preuve, tirée des defordres des Croifades..
OSeroit-on dire , que les Chrétiens qui fe-
croifoient pour l'expédition de la Terre
Sainte , n'avoient aucune Religion ■, eux qui
quittdent leur patrie , pour aller faire la guer-
re aux Infidèles j eiix qui croioient voir des.
Anges 8c àçs Saints à la tête de leurs armées y ,
mettre en fuite les ennemis ■■, eux qui ne par-
îoieiii: que de prodiges Se que de miracles ? Il
feudroit avcHr perau le fens pour foupçonncr
d'Atheifme des gens comme cela , qui cepen-
dant comnettoieat ki plus cfirçiables defor-
dres
Venfées dtuerjes\ lj<^
dics dont on ait jamais ouï parler ; de forte
que les Chrétiens qu ils alioient défendre ,
avoient autant de haine pour eux , que pour
hs Turcs & les Sarrazins. Les Croifades font
afllirément un des beaux ■ endroits du Chriflia-
nifmej mais elles ont un revers qui n'eft guè-
re avantageux. D'un côté les Chrétiens d'O-
rient iè ibnt lervis de la plus noire 6c de la plu>
dcloialc trahilbn qui le puillè , pour perdre les
Chrétiens d Occident qui alioient à leur jfe-
cours : 6c ceux-ci de l'autre , ont commis deS'
excès épouvantables en toutes manières. Re-
marquez, bien , je vous prie , que je ne pretenS'
pas nier , qu'encore que les Croiûdes fuflènt
une cntreprilè de dévotion , il n'ait pu y avoir
àcs Athées qui en voulurent être , foit pour ic'
faire loiier , foit pour éviter le reproche de
poltronnerie , ou même celui d'irréligion , Ibit
pour Satisfaire leur inclination beiliqueuie , oa
leur ambition, ou leur curiofité, Ibit enfin pour
commettre mille defordres. Je fuis pcrfuadé
qu'on peut faire par àcs motifs d'amour propre
tous les exercices extérieurs de la pieté , quel-
que pénibles qu'ils puillent être. Voici donc ce
que je dis j c'ell: que la plus grande partie des^
Croiiez étoient'des gens que les Prédications 8c
les Indulgences avoient animez, à cette entre--
priie , 6c qui afTûrément n'abjuroient pas leur
Religion dans l'ame, lors qu'ils s'abandonnoienf
à commettre tous les ravages qu'ils commet-
îoient.
§. CXLI.
"Réflexion fur ce c^ue quelques Infidèles ont obje&é
aux Chrétiens , que leur Religion n^efi propre
qu a faire des lâches.
En parlant de la licence de nos foldats , Se
M 6 des-
\j6 Tenfees diverfes,
des dcfordres que nos Croifèz ont comirvis ï
la vue dQ5 Infi'JcIcs , je ine fuis Ibuvcnu qu'on •
a quelquefois objedlé aux Chrétiens , que les
principes de l'Evangile ne font point propres à
la conlervation du bien public , parce qu'ils
énervent le courage , 6c qu'ils infpirent de l'hor-
reur pour le fang , 6c pour toutes les violences
de la guerre. Je n'csaminerai point fi cette
objedtion efi: auiTi mcprifable qu'on la taiti*
jîiais je dirai bien , qu'on ne peut pas y repon-
dre plus mal, qu'en difànt , comme font plu-
sieurs, qu'on n'a qu'à confulter l'expérience, 3c
qu'on verra qu'il n'y a point de nations plus
bclUqueufes , que celles qui font profelTion du
ChrifcianiHxie. Cette reponlè eft pitoiable ,
parce qu'elle ne fèrt qu'à montrer que les Chre>-
ticns ne vivent pas lèlon leurs principes : au
lieu que pour bien repondre , il faudroit dire,
qu'en fuivant l'efprit de leurs principes , \ç:s
Chrétiens doivent être de très -bons Ibldats.
Mais peut-on dire cela , fi l'on cft de bonne
foi ? Ne faut-il pas convenir , que le courage
que l'Evangile nous infpire, n'eft point un cou-
rage de meurtre 6c de violence, comme celui
de la guerre ? Le courage Evangclique ne va
qu'à nous faire meprifer les injures 6c la pau-
vreté, la perfecution des Tyrans , les priions,
îes roues , les chevalets , 6c tous les fuplices du
martyre. Il eft propre à nous faire braver par
une patience héroïque , la rage la plus inhu-
maine des perfècuteurs de la foi. Il nous rei?-
gne à la volonté de Dieu dans les maladies les
plus aiguës. Voilà quel efl le courage du vrai
Chrétien. Cela fuffit , je l'avoue, pour con-
vaincre les Infidèles , que nôtre Religion n'à^-
mollit point le courage , 6c n'irbfpire point la
poltronnerie. Mais cela n'empêche pas , qu'ils
ne puilTent dire avec raifon , qu'en prenant le
TCiQt de courage au fens qu'on le prend dans
le
V en fée s dh'ârjes, 277
îc monde , l'Evangile n'elt point propre à en
donner. On entend par un homme courageux,
un homme qui cft fort délicat iur le point
d honneur , qui ne peut ibufrir la moindre in-
jure , qui fè venge avec éclat , & au péril de fà
vie , de la moindre ofïenfe qu'on lui ait faites
qui aime la guerre , qui va chercher les occa-
lions les plus perilleufes pour tremper Ces
mains dans le fang des ennemis , qui a de l'am-
bition , qui veut s'élever par dellus les autres.
Il faudroit avoir perdu le fens , pour dire que
les confeils 8c les préceptes de J e s u s-C h r i s t
nous infpirent cet efprit-là ; car il ciï de noto-
riété publique à tous ceux qui iàvent les pre-
miers élemens de la Religion Chrétienne , qu'el-
le ne nous recommande rien tant que de fou-
frir les injures , que d'être humbles, que d'ai-
mer nôtre prochain , que de chercher Ja paix,
que de rendre le bien pour le mal , que de nous
abftcnir de tout ce qui fènt la violence. Je dé-
fie tous les hommes du moixie , pour û experts
qu'ils puifîènt être en i art militaire , de faire
jamais de bons foldats d'une armée , où il n'y
auroit que des perfonnes refoluës de fuivre
pondluellement toutes ces maximes. Tout le
mieux qu'on en pourroit attendre , 'lèroit qu'ils
ne craindroient point de mourir pour leur pais,
& pour leur Dieu. Mais je m'en raporte à ceux
qui lavent la guerre , fi cela fuffit pour la qua-
lité de bon Ibldat , 8c s'il ne taut pas quand on
veut reiiiVir en ce métier faire tout le mal que
l'on peut à l'ennemi , le prévenir , le furprcn-
dre , le paflèr au fil de l'epée , brûler {es ma-
eazins , Taffemer , le faccager. On feroit de
beaux exploits avec des gens qui auroient la
confcicnce toute pleine de fcrupules , 8c qui
voudroient confulter un Cafuifle à tout mo-
ment , pour favoir s'ils font dans le cas où il
eft permis de tuer , d'exécuter un ordre qix:
M 7 loû
p»rc. 4.
27^ Fenfées diverfih
l'on croit injullc , de mettre le feu à un villa-
ge , de piller , &c. Le Maréchal de Biron le
lèroit bien aceommodé de fèmblables troupes^
lui qui caflà un Capitaine , qui avoit voulu
prendre ics précautions contre les recherches
des Procureurs Généraux du Roi. Etes-vous
Çi) Me- ^e (i) ces geas , lui dit-il ,, ^«i craignent t^nt
mriir. de /^ yuftke ? J-e -vans cajfe : jamais vous ne me
fervirez. ,• car tout homme de guerre qui craint
une plume , craint une épée. Je laifTe à dire que
il les principes du Chriltianlimc etoient bien
fuiv^is, on ne verroit point de Conquérant par-
mi les Chrétiens , ni point de guerre otïenlive,
&: qu'on iè contenteroit de fe défendre des in-
vafions des Inrideles. Et cela étant , combien^
verrions-nous de peuples en Europe , qui jouï-
roient d'une paix profonde depuis long-tems,
& qui à caulè de cela feroient les plus mal pro--
pres du monde à faire la guerre. Il eft donc
vrai que l'efprit de nôtre fainte Religion ne
nous rend pas belliqueux : ôc cependant il n'y
a point fur la terre de nations plus beliiquel-
les , que celles qui font profelfion du Chriftia-
nifme. Exceptez-moi les Turcs , 8c choififlèz
dans l'Afrique , dans l'Aiie , dans l'Amérique
tel peuple qu'il vous plaira , faites-en une ar-
mée de cent mille hommes , il ne faudra pas
plus de dix ou douze mille Chrétiens pour l'a-
bîmer- Les Turcs mêmes font fort inférieurs-
aux Chrétiens , 8c n'obtiendroient jamais aucun
avantage fur eux en nombre égal. L'avance,
l'impudicité, l'infolence 8c la cruauté , qui ren-
dent les armées formidables , iè trouvent dans
les armées Chrétiennes , autant qu'ailleurs j 11
ce n'eil qu'on n'y mange pas la chair des en-
nemis , comme font quelques peuples de l'A--
merique. Ce font les Chrétiens qui perfedion-
nent tous les jours l'art de la guerre , en inven-
tant une infinité de machines pour rendre les
ûégei
Penféei diverfes. ij^
ficges plus meurtriers & plus affreux j Se c'ell
de nous que les Infidèles aprennent à iè fervir
des meilleures armes. Je lài bien que nous ne
fiiifons pas cela entant que Chrétiens , mai»
parce que nous avons plus d'adreflè que les In-
fidèles : car s'ils avoient allez, de génie & de va-
leur pour faire mieux la guerre que les Chré-
tiens , ils la feroient mieux infailliblement^
Mais néanmoins je trouve ici une raifon très-
convaincante , pour prouver que Ion ne fuit
point dans le monde les principes de là Reli-
gion , puis que je fais voir , que les Chrétiens
emploient tout leur elprit , & toutes leurs pai^
fions à fe perfeftionner dans l'art de la guerre,
fans que la conoiiîànce de l'Evangile traverlè le
moins du monde ce cruel dellèin.
Reprenons nôtre fujet , & fâiions voir par
d'autres exemples , que le dérèglement des
mœurs n'ell point une preuve que l'on foit
Athée,
§. cxLir.
III. Preuve , tirée de la conduite de plujieun
femmes.
Qui cft-ce qui oièroit dire , que toutes îcs
femmes Chrétiennes qui fe lignaient par
leurs crimes , font dellituées de tout fèn-
timent de Religion ? Ce feroit la plus fàulTè
pcnfée du monde •■> car fûrerrent ce n'eft point
le vice des femmes que rAtheïfme. Il fèrnble
que 1 Eglilè reconoillè que la dévotion ell leur
partage , puis qu'elle fait ordinairement des
prières pro devoto fœmineo fexu. Files fe font
une vertu de n'entrer point dans les grands rai-
fbnnemens. Ainii elles en demeurent à leur
Catcchilme , & Ibnt toutes de la Religion de
fcur mère j bien plus portées à la fuperflition ,
iSo Penfées diverfès,
qu'à l'impiété i grandes coureulès d'Indulgetr-
ces &: de Sermons , £<; ii fort occupées de mil-
îe palTions , qui leur font comme tombées en
partage, qu'elles n'ont ni le tems, ni la capaci-
té necefîàires pour révoquer en doute les arti-
cles de leur foi , à moins qu'elles ne loient en-
gagées dans quelque Religion perfêcutée , in-
capable de leur fournir les étabiiflemens qu'el-
les voudroient , 6c qui leur font prefèntez par
h Religion dominante: car en ce cas-là , il leiir
iîirvient quelquefois des doutes lî violens ,
qu'elles paflènt , non pas de la Religion à l'A-
theiTme , mais de la profeiTion d'une Religion
à la profelTion d'une autre. A cela près , les
femmes font très-peu fujettes à l'impicté. On
les voit fore emprelfées à s'en aller gagner des
pardons , fort aiïîduës aux Egliiès , entrepre-
nant volontiers un pèlerinage. Je iài bien ce
qu'en difent les railleurs , que la Religion n'ell
qu'un prétexte , 6c que la véritable caufè de
tout cela eil l'envie de fè promener , d'aller
caufer , de voir 6c d'être vues , ou même de
fè divertir avec un Galant. Mais je fài bien
aufii , qu'il n'en faut pas croire les railleurs , ils
outrent la chofe •■, ce qu'ils diiènt eft vrai quel-
quefois , 6c principalement dans les pais où la
jaloufie règne. Mais en France où on laifîè
\q$ femmes entièrement fur leur bonne foi , de-
forte qu'elles vont voir qui bon leur ièmble à
toutes heures , 6c reçoivent compagnie tout
autant qu'elles en fouhaitent , il eft faux qu'el-
les aillent gagner les Indulgences , feulement
afin d'avoir un prétexte de fortir de la maifon.
Encore un coup , ce n'eft nullement le vice des
femmes que l'impiété. Cependant il y en a
beaucoup dont les mœurs font très-corrom-
puës , ou par la vanité , ou par l'envie , ou par
îa mediiànce , ou par l'avarice , ou par la ga-
lanterie , ou par toutes ces pafTions enlemble.
Venfees dlverfes, 2; 8 î
Personne n'ignore que toutes les grandes
villes ibnt pleines de lieux intames , &. que la
partie du monde où nous créions que Dieu a
ëtabh le St. Siège Apoftoiique , eft toute péné-
trée d impudicité. Le nombre des mères , eu
des tantes qui iè font un revenu des premières
faveurs de leurs fiiies , ou de leurs nièces , n'y
eft pas petit. Je liibis un de ces jours dans la
Relation que iVîr. de St. Didier , Geniiihomme
de Monlieur le Comte d'Avaux , nous a donnée
de la vilie de Venifè , où ce Comte a été en
Ambafiàdc , que c'eft une chofe li ordinaire
dans cette Repubiique-ià , que de dix {i) filles (0 Part»
ciui s' abandonnsra , // y en a neuf dont les me- }^ '^qs^'
res ô' i^s tantes font eUes-mémes te /n^.rché , ô* Counif.
contiennent du prix de la 'virginité de leurs files ■
pour un certain tems , moyennant cent , ou aeux
cens Ducats i pour faire , difenî- elles , dequui les
marier- Il raconte fort agréablement , quilfe
trouva un jour par haz^arU à un traité de cette
nature, 0* qu'un Gentilhomme étranger de fa cO'
noiffance , étant depuis c^uela^ue tems en marché
pour une fille, ç^ dijferant toujours a donner une
reponfe pOyti-ve , fur ce qu'il, -ne lui trouvoit pas
affez. d embonpoint , ô^ quelle n'avoit pas encore
la gorge bien formée , la tante l;ii dit , qu'il ne
faloit pas être plu.s long-tems a fe déterminer y
parce que le 2 ère Vredicateur d'un des premiers
Cowvents de Venife , qu'elle nomma , étott entré
en traité, ô* auoit cleja fait une offre raifonable.
Il dit (a) aufQ , que c eft l'opinion ordinal- (^) [*"^*
re de tout le monde à Venife , ^m «« Çeul ""9^ °^*
jrere je marte pour tous les autres ; oc il allure des No-
que cela ne fe dit pas fans fondement , mais bleî.
qu'il ferait inutile d'en vouloir donner des preu-
ves. Ce qui fiit voir , que i'incefte le plus
brutal Se le plus outré , ne fait aucune horreur
aux Vénitiennes. Ce qu'il remarque du grand
nombre des CourtiiaQCS , 5c de la pleine liber- ..
te
iSi Penfeei diverfis,
té dont elles jouiilent , 6c de la conTideratioa
qu'elles s'aequicrent parmi le peuple , & des
careilès qu'elles reçoivent dans les Couvens ,
lors qu'elles y vont voir les fœurs de ceux qui
les entretiennent , eft une preuve incontefta-
ble , que les femmes de ce païs-là n'ont aucu-
ne fcnlibilité pour 1 honneur , ni pour la ver-
tu , d'autant plus que ceux o^ui conotjfent amant
Rome que Venife , font en peim de décider en U-
quelle de ces deux 'viilei il y a flus de Court ifa-
nes, (^' plus de lièertinage , à ce que dit le mê-
me Mr. de Saint Didier.
Si ceux qui viennent à Paris avec les Ambaf^
Êdeurs , olbient publier quand ils font retour-
nez chez, eux , des Relations auiîi libres , que
celles que les François publient touchant les
pats étrangers , je ne doute pas qu*ils n'euflènt
bien des chofes à dire. Mais on redoute fi fort
nôtre nation , qu'on n'ofe rien imprimer qui
lui deplaife j ou fi on le fait , nous donnons
bon ordre que cela ne foit point connu parmi
nous , foit en défendant l'entrée des livres , foit
en les faiiant imprimer fans les paiïàges qui ne
nous plaifènt pas. C'eft ainli que Mr. l'Abbé
Talemant vient d'en ufer dans fa Verfion ds
l'Hiftoire du Cavalier Nani. Mais quelque mé-
nagement que les étrangers aient pour nous,
les dereglemens des femmes nen font pas
moins réels } & qui pourroit fuivre tous les
avortemens , tous les empoiibnnemens , toutes
les fraudes, 2c toutes les calomnies dont les prof-
titutions font compliquées en France, aulTi-bien
qu'ailleurs, ce feroit dequoi donner de l'horreur
aux plus endurcis.
Sur cela vous imaginez-vous que les peribn-
nes qui trempent dans ces defordres , traitent
de fable l'Hiltoire de l'Evangile ? Rien moins
q_ue cela, La plupart de ces femmes ne lailTcnt
pas de dire leur Litanie dans l'occaiion , ou les
Penfées diverjès, 285
autres prières qu'on leur a cnfeignées dans l'en-
fance. Il y en a qui font des plus aiTiduës aux
exercices publics de la Religion. Il y en a qui
font des aumônes , gc des fondations magnifi-
ques pour le 1èr vice divin j qui efperent de fè
repentir un jour , Se d'être nuvees 3 qui con-
fellcnt leurs péchez. , à tout le moins une fois
îan, comme 1 Eglife l'ordonne j qui s'abftien-
nent des plaiiirs pendant quelques jours , après
avoir été foudroiees de cenfures dans le confef-
iîonal i qui abhorrent ce qu'elles croient être
hérétique} qui tâchent de convertir ceux qu'el-
les croient être dans une mauvailè Keligion.
Toutes chofès qui font voir manifeftement ,
qu'elles coniervent parmi leurs impuretez. , la
perluaiion de 1 Evangile,
Vous me direz , qu elles font tout cela uni-
quement pour déconcerter la mediiànce ., 8c
pour faire perdre le terrain à ceux qui les croient
mal-honnêtes. Je le veux croire de quelques-
unes ; fcar pour les Courtilànes d'Italie , on
ièroit ridicule de croire qu'elles font quelque
chofè pour fàuver leur réputation) & j'avoue
de plus , qu en volant des Dames galantes faire
fort les emprcfîees pour convertir les Héréti-
ques , 8c ne fe donner point de patience , fî
quelque marmiton Huguenot s'eft fourré dans
leur domeftique , qu'elles ne lui aient fait faire
ion abjuration, ou par promeflç^ , ou par me-
naces , je penfc en moi-même quelquefois,
quelles pourroient bien tenir cette conduite,
uniquement par l'envie de faire leur cour, 8c
de devenir à la mode. Car quelle aparence,
qu'une tèmme qui a peut-être fon cabinet plein
de poifons, prêts à la délivrer de fbn mari , s'il^
eefle d être commode , ou de ion Galant , s'il
k iàcrific à une autre; quelle aparence , dis-jc,
qu'une temme qui en eft là, ie tourmente pour
a converlioû d'un Hérétique par un motif de
chx-
^§4 Penfces dlvèrjes,
charité ? Mais je dis néanmoins , qu'à parler en
gênerai , les femmes de mauvaiiè vie fe peu-
vent porter aux œuvres charitables qu'on leur
voit taire quelquefois ou envers les pauvres, ou
envers les Hérétiques , non iculement par les
motifs humains qui ont été touchez, ci-deflus ,
mais aufiTi par la raifbn , qu'elles efperent de
racheter leurs péchez par là. Il femble d'a-
bord que cela fait contre moi , puis que cela
prouve , que la foi qui refle dans l'ame des plus
grands pécheurs, les porte à bien faire de tems en
tem s. Mais dans le fond, cela prouve tout-à-fait
bien ce que je cherche, {avoir I. Que ceux qui
fè portent à toute Ibrte de crimes, ne laifient pas
de conferver leur Religion. 1 1. Que le grand
mobile des adtions de l'homme confifte , non
pas dans la croiance qu'il a fur le chapitre de la
Religion , mais dans le caraéfere de Ton cœur
6c de û concupifcence j puis qu on voit qu'il
Sacrifie à cela les préceptes de fa Religion , lors
même qu'il iemble les pratiquer. En effet , une
perfonne qui donne l'aumône , ou qui tâche de
convertir un Hérétique , dans la vue de rache-
ter ïts péchez prefens 6c à venir ; c'efl-à-dire ,
les péchez dont elle fènt bien qu'elle ne veut
point le défaire j cette perfonne , dis-je , ne le
fert de ià foi , que pour fe mettre plus en état
de contenter (es inclinations vicieufes. Vous au-
rez bientôt quolques autres preuves de cette pro-
pofition , ^ue ceux qui s* abandonnent au crime ,
m laijfent pas d'être perfuadez. de nos myjleres,
§, CXLIII.
• ^ueîs principes on peut inférer de ce qui vient
d'être dit.
Nous pouvons donc pofèr pour principe,
I. Que les hommes peuvent être tout enlembic
fort
Penfées diverfes. 2S5
fort déréglez dans leurs mœurs, ôc fort perfua-
àcT. de ]a vérité d'une Religion , 5c même de
la vérité de h Religion Chrétienne. 1 1. Que
les conoifîànces de l'ame ne font pas la cauie
de nos adions. III. Que généralement par-
lant, (car j'excepte toujours ceux qui font con-
duits par l'Efprit de Dieu ) la foi que l'on a
pour une Religion , n'efl pas la règle de la con-
duite de 1 homme , li ce n'ell qu'elle ell fou-
vent fort propre à exciter dans fon ame , de la
colère contre ceux qui font de diiférent fenti-
ment > de la crainte quand on fe croit menacé
de quelque péril , Se quelques autres palfions
femblabics j & fur tout un je ne fai quel zèle
pour la pratique dits cérémonies extérieures,
dans la penfée que zç.s adles extérieurs , 5c la
profeflion publique de la vraie foi , icrviront
de rempart à tous les defordres où l'on s'aban-
donne , Se en procureront un jour le pardon. .
Par ce principe on peut voir manifeftement,
combien on iè trompe , de croire que les Ido-
lâtres font neceflâiremcnt plus vertueux qua
les Athées.
§. CXLIV.
^)Ht les Athées ^ les Idolâtres font foitjfez. an
mal par le même p'mc'i^e.
Car fi la perfuafion qu'il y a une Providence
Cjui châtie les mcchans , Se qui recompenfc les
gens de bien,n'eft pas le reflbrt des allions parti-
culières de l'homme, comme je viens de le faire
voir i W s'enfuit qu'un Athée 5c qu'un Idolâtre
fe gouvernent par un même piincipe pour ce
qui rcgra-de les m^œurs; c'ell-à-dire, par V.z in-
clinations de leur tempérament , Se par le poids
des habitudes qu'ils ont contradlées. De forte
que pour trouver lequel ài^ deux doit être plus
me-
i^(y FenjUes diverjès.
méchant que l'autre , il ne faut que #*cnquerir
des padlons aufquelles leur tempérament les zÇ-
fujettit. Et foiez allure' , que li Tldoiâtre iè
trouve pourvu d'un corps qui le rende cxtre-
incment fenlible à la bonne cherc , impudi-
€^VLC y violent 6c fier , il fera incomparableiriCnt
plus grand pécheur , qu'un Athée d'un tempé-
rament froid & pacifique. Quand on n'exam.i-
ne œs chofes eue d'une vue générale , on le
figure que dès qu'un Athée fait reflexion qu'il
peut s'enivrer impunément , il s'enivre tous Jes
jours. Mais ceux qui lavent la maxime , Trahit
fua, (iHe?nqne volu^tas , & qui ont examiné plus
exa6tement le cœur de l'homme , ne vont pas
il vite. Ils s'informent, avant que de Juger de
la conduite de cet Athée , quel eft ion goût.
S'ils trouvent qu'il aime à boire j qu'il efl fort
ienfible à ce plaifir-là , qu'il en ell plus friand
que de la réputation d'honntte homme , ils ju-
gent qu'etïecSlivement il boit autant qu'il peur.
JVIais ils ne jugent pas pour cela , qu'il en tait
plus qu'une infinité de Chrétiens , qui font
iàouls prclque toute leur vie. S'ils trouvent
qu'il a de l'indifférence pour le vin , ils lui font
îa juflice de croire qu'il ne boit qu'à là Ibif. Je
dis la même choie de toutes les autres volup-
tez criminelles. Lors qu'un Athée les trouve
à Ion goût , il en prend tout f©n faoul. S'il
n'y trouve aucun plaiiir , il les lailîe là : ce qui
a été juifement la manière dont fe font con-
duits les Idolâtres , 8c dont fe conduifent en-
core la plupart des Chrétiens. Grande preuve,
que l'eiprit de débauche ne dépend pas des
opinions que Ton a , ou que l'on n'a pas tou-
chant la nature de Dieu , mais d'une certaine
corruption qui nous vient du corps , 6c qui le
fortifie tous les jouis par le plaifir que l'on trou-
?e dans l'ulàge àQz voi;;ptcz.
$. CXLV.
Pr^fées diverfcs* itj
§. CXLV.
^ue ce principe n'eji pas corrigé dans les IdolÀ"
très mieux cnie ddns les Athées.
Qu'on m'objefte tant qu'on voudra , que la
crainte d'un Dieu cft un moien infiniment pro-
pre à corriger cette corruption naturelle j j'en
apellerai toujours à l'expérience , & je deman-
derai toujours , pourquoi donc les Paicns qui
portoicnt la crainte de leurs Dieux julqu'à des,
iuperftitions excelîives , ont li peu corrigé cet-
te corruption , qu'il n'y a point de vice abomi-
nable qui n'ait régné parmi eux ? On avoir beau
conferver la mémoire des punitions éclatantes
<jui avoient témoigné la colère du Ciel contre
les iàcrileges Se les parjures ; on avoir beau for-
ger des hiftoires pour étonner les mechans j on
kvoit beau faire de pompeufès defcriptions 6c
àQS Furies, 6c des Enfers , Se des Champs Eli-
ses : tout cela n'empêchoit pas qu'on ne trou-
Tat de faux témoins tant qu'on en vouloit , 8c
qu'on ne pillât les temples , lors que l'occafion
en étoit belle, (i) Juvenal eft inimitable dans /,) Mo-
le portrait qu'il nous donne des faux témoins bilis &
<5ui n'ont point de Religion , Se des faux te- varia eft
moins qui croient un Dieu. Il dit que les pre- f^'""^^ ^*"
miers le parjurent lans balancer , que les autres jorum
mifonnent pendant quelque tems , & fè parju- «ce.
rent auiVi après cela avec une extrême confian- Jn^cnal,
ce. Ils ont àQs remords dans la fuite , & s1- •S'^O^* ^î*
maginent que la vengeance de Dieu les pour-
iliit par tout. Cependant ils ne s'amendent pas ,
& ils pèchent dans l'occaiion comme aupara-
vant.
C'efl: une copie faite d'après nature. Nouj
voions régner encore par tout cette forte d'cA
Fii i qui entr^uûc les hommes dans le péché ,
nonob-
2 8S Pe^fées diverfis^
nonobflant la crainte des enfers Se \c% remors
de la confcience. Si bien que difputer contre
ce que je foatiens , n'efl autre choie qu'opolèr
d^s raifonnemens metaphylîques à une vérité'
de fait, comme ce Pliiloiophe qui vouloit prou-
ver qu'il n y a point de mouvement. On me
permettra , je m'afiure , dé me iervir de la mé-
thode de Diogene , qui fans repondre pied a-
pied à its argumens le contenta de marcher en
là prelènce : car rien n'eft plus propre à con-
vaincre un honnête homme , qu'il raiibnnc fur
de fauiles hypothefès , que de lui montrer qu'il
combat contre 1 expérience. S'il eit donc vrai,
comme l'Hifloire 6c le train de la vie commu-
ne le jullifîcnt , que les homines fe peuvent
plonger dans toute ibrte de crimes , pendant
qu'ils font perfuadez de la vérité de leur Reli-
gion , qui leur enlèigne que Dieu châtie feve-
rement le péché , & qu'il reconipenlc magnifi-
• quement les bonnes œuvres ; il faut tomber
d'accord , que ceux qui nous donnent cette
perfualion pour une preuve £<; pour un titre
jufnficatifde bonne vie , iè trompent nccefiài-
rement, & qu'ainli c'eil mal raifonner , que de
conclure de ce qu'un homme efi: Idolâtre , qu'il
vit moralement mieux qu'un Athée. Si l'on iè
contentoit de conclure qu'il devroit être plus
homme de bien qu'un Athée , le raifonnem.ent
icroit bon : mais combien y a-t-il de différence
entre ce que l'on devroit taire , Se ce que 1 on
fait?
(i) Ci- Je lai (i)dejàdit; il n'y a point d'Annales
tieflus qui nous aprennent les mœurs & les coutumes
a. ii^.« j^'^rjj, nation plongée dans l'Atheifme. Ainli
on ne peut pas réfuter par l'expérience la con-
jeélure que 1 on fait d'abord fur ce fujet-la , ià-
voir que les Athées ne Ibnt'capables d'aucune
^ vertu morale , oc que ce font des bêtes féroces ,
parmi iefquelles il y a plus à craiadre pour fà
vie?
Pvnfées diverfes, 2-^9
^'ie , que parmi les tigres Se les lions. Mais il
n'elt pas diuicile de faire voir , que cette con-
je<fture eil très-incertaine. Car puis que l'ex-
périence nous montre , que ceux qui croient
un Paradis 5c un Enfer font capables de com-
mettre toute ibrte de crimes , il cil évident que
l'inclination à malfiire ne vient pas de ce qu on
ignore rexiitence de Dieu, 6c qu elle n'efl point
corrigée par la conoiflànce que l'on acquiert
d'un Dieu qui punit <k qui recom.peniè. Il re-
iùlte ùQ \^ manifeflemenc , que l'inclination à
malfeire ne fe trouve pas plus dans une ame
deftituée de la çonoillance de Dieu , que dans
une arac qui concît Dieu j Se qu'une ame acP
tituée de la conoiflànce de Dieu , n'ell pas plus
dégagée du frein qui reprime la malignité du
cœur , qu'une ame qui a cette cor.oiilance. Il
rcfulte encore de là , que 1 inclination à mal-
taire vient du fond de la nature de 1 homme , 6c
qu'elle iè fortine par \qs paluons , qui Ibrtant
du tempérament comme de leur Iburce , iè
modifient enlijite de piulieurs manières , fèloa
\ts divers accidens de la vie. Enfin il relùlte
de là, que l'inclination à la pitié, à la fobrieté,
à la debonnaireté , Sec. ne vient pas de ce qu'on
conoît qu'il y a un Dieu , (car autrement i\
faudroit dire que jamiais il n'y a eu de Paien
cruel 6c ivrogne) mais d'une certaine diipoli-
tion du tempérament, fortifiée par Teducalion,
par Tinterèt peribnnel , pir le defir d'éire Iciié,
par i'inilinél de la Raiibn , ou par de ièmbla-
bles motifs , qui le rencontrent dans un Athée v-
auffi-bien que dans les autres hommes. Ainii
nous n'avons aucun droit de foutenir , qu'un
Athée doit être necefiàirenicnt plus déréglé
dans ics mœurs qu'un IdoUtie.
rm. L N §. CXLVI,
2pO" Penfées diverfis,'
§. CXLVL
^^ue îfi boniie Théologie fait 'voir , que la corrup"
tion de la, nfiture n'efc -pas mieux corrigée ila?JS
les Idolâtres , cjne dans les Athées.
Tout ceci s'accorde parfaitement avec I2
Théologie de St. Auguftin , qui porte que les
Paiens n'ont jamais fait aucune adtion méritoi-
re, c'eft-à-dire, qu'ils n'ont jamais fait aucun
aéle deî vertu par un bon principe, ôc pour une
bonne fin. N'efl-ce pas enfeigner que toutes
les vertus des Paiens ont été l'effet , ou de leur
tempérament , ou de quelque paflîon à laquel-
le ils avoient pris goût ? Et qui empêche qu'un
Athée , ou par la difpofition de fon tempéra-
ment , ou par l'inftinéi de quelque paillon qui
le domine , ne faiîè toutes les mêmes a<fi:ions
que les Paiens ont pu faire'' Si le Paien n'a rien
fait pour la gloire de Dieu , s'il n'a point don-
né l'aumône par le motif de l'amour de Dieu ,
s'il n'a point raporté à l'honneur de Dieu l'u-
fàge qu'il faifoit de fbn crédit pour empêcher
l'opreffion à^s innocens 5 il eil clair que la co-
noilîànce de Dieu n'a de rien contribué à lui
Élire faire ce qu'il a fait , 5c qu'il l'eût fait tout
aulTi-bien , quand même il n'eût jamais ouï par-
ler de Dieu 5 Se par confequent , félon les prin-
cipes ie St. Auguftin, les Athées font très-capa-
bles de faire toutes les avions morales que nous
admirons dans le Paganifme. C'eft ce que je
répons à tous hs exemples de la vertu des
Paiens , que l'on me peut alléguer. Je les ad-
mire autant qu'un autre , mais je Soutiens qu'il
n'y a rien là , que l'on ne puiflè attribuer au
tempérament , à l'éducation , au deiir de la
gloire , au goût que l'on s'eft fait pour une for-
te de réputation , i'efUme que l'on peut conce-
voir
Pcnfées diverjès, i^t
voir pour ce qui paroît honnête 5c loiiable , 6c
ù pîuiieurs autres motifs qui font de la compé-
tence de tous les hommes , foit qu'ils aient une
Religion , foit qu'ils n'en aient pas.
Conliderez encore , que la Théologie nous
cnfeigne formellement , que 1 homme ne fc
peut convertir à Dieu , ni iè défaire de la cor-
ruption de ià concupiiccnce iàns être afliilié de
h grâce du Saint Eiprit ; & que cette grâce
ne confifte pas liraplement à croire qu'il y a
un Di^u , 6c que les myfteres qu'il nous a
révélez ibnt véritables j mais qu'eiie conliftc
dans la charité, qui nous fait aimer Dieu, 8c
qui npus attache à lui comme à nôtre fbuverain
bien. Cela montre clairement , que ceux qui
en demeurent à la limple perfuaiion de nos
myflcres , n'ont point encore la grâce fandfi-
fiante , 6c qu'ils Ibnt encc^e dans les liens 5c
fbus le joug du péché j 6c à plus forte raiion ,
que la conoillànce vggue 6c indiilinfte que les
Paiens ont eue de Dieu , ne les a pas délivrez
de l'empire du péché originel , ni des imprei-
lions viclorieufes de la concupifcence. De for-
te que la grâce du St. Eiprit qui nous fait en-
i"ans de Dieu , 6c la charité qui nous fait reiîf^
ter aux tentations de nôtre nature corrompue ,
n'aiant pas été dans les Paiens , ils manquoient
tout aulPi-bien du véritable principe à^s bonnes
œuvres , que les Athées , 6c ils n'étoient pas
plus en paliè d'être vertueux que les Athées.
Je ne voudrois pas nier , qu'il n'y ait eu des
Paiens , qui "tailant un bon uiàge des conoiilàn-
ces qu'ils avoicnt touchant la nature de Dieu,
fe font aidez de ce motif pour reprimer la fou-
gue de leurs paflious. Mais il y a beaucoup
d'aparence , que quand ce motif a été de quel-
que vertu , les pallions éioient fi modérées,
qu'on eût pu les réduire à la raiion fans ce Ic-
•sours-là , ou en s'entêtant du deiu' de fe diftin-
N 2 eucr
2p2 Tenfees diverfis,
guer par àcs mœurs aufteres , eu en j(è promet-
tant uns fanté plus affermie, ou plus de louan-
ges , ou plus de prcfir. Voici les nouvelles
preuves que je vous ai promiiès.
§. CXLVII.
I V. Preuve , tirée des Bernons é^ des Sorciers l
qui font loir que les gens les plus perdus de-
meurent perfuadez, de l'exificnce de Dieu.
Qu'on ne s'étonne pas de ce que j'ai avan-
cé , que la limple perfuaiion de nos myf-
tcres n'eft pas ce qui purifie nôtre cœur.
Car il n'y a rien de plus vrai , comme il pa-
roît par l'exemple de tant de Clu-etiens qui ne
doutent de rien, & qui font prêts à croire un
million de nouveaux articles de foi , fi i'Egliiè
les decidoit , qui cependant fe plongent dans
toute forte de voluptez (jriminelies. Cela pa-
roît encore plus par l'exemple des Démons,
qui iàvent bien mieux que nous ce qu'il faut croi-
re & ce qu'il fnut faire , 6c qui néanmoins font
les plus méchantes de toutes les créatures, & cel-
les qui peuvent le mieux prouver que l'Atheif-
me n'eft pas l'origine de la méchanceté. Car ii les
Démons étoient Athées , ils lèroient beaucoup
moins mechans qu'ik ne font , la plupart des
crimes qu'ils commettent, procédant d'une envie
deteftabie de faire la guerre à Dieu.
On peut prouver la même chofe par l'exem-
ple des Magiciens bc des Sorciers,* Il eil indu-
bitable que ceux que l'on dit qui font pade
avec le Démon, font perfuadez qu'il y a un Dieu.
Il eft encore indubitable qu'il n'y a point de
méchanceté plus horrible, que celle d'un hom-
me qui fe donne au Diable pour lui obeïr en
toutes choies. Il efl donc indubitable qu'il y a
des gens , qui avec h croiancç d'une Divinité ,
font
Penfées diverJeJ, 2^3
font plus mechans que les Athées. Il eft donc
faux que l'AthciTme &it la Iburce des plus
grands péchez , & Ton ne £uroit nier , qu'à
tout le moins l'Idolâtrie magique, dont (i) un (1) M:
de vos plus célèbres Dodeurs a fait un traité Filefac,
fort curieux , ne foit pire que rAtheifme. Les
mêmes Démons Se leurs fupots font encore une
preuve évidente de ce que j'ai tant de fois iù-
pofé & juftifié i favoir que les criminels iniî-
gnes ne fe dépouillent pas de la croiance qu'il
y a un Dieu : ce qui en particulier ne fouf&e
point de difficulté à l'égard de ceux qui pour
{e venger de leurs Divinitez , ont abatu leurs
temples j car jamais perlbnne n'a cherché à iè
venger , fans croire qu'on l'a voit ofiènfé , 8c
jamais on n'a cru avoir été offenfé par une
chofe qui ne fût point.
§. CXLVIIL
V. Preuve , que l'on peut trouver , en faifant
une revue générale des mfinieres les plus corn"
munes des gens.
IL eft fi vrai que la perfuafion de nos myfte-
res efl: compatible avec tous les dereglemens
des mœurs , qu'il n'y a guère d homme , pour
peu qu'il ait roulé dans le monde , qui ne co-
noilTe plus de mille perfonnes , periuadées de
tous les miracles publiez dans le Chriftianifme,
qui font venus à leur conoifiànce, & prêtes à en
croire cent fois autant , ii l'on prend la peine
d'en enrichir le public , qui vivent néanmoins
dans un grand dcfordre. Vous voiez d'un cô-
té ces gens-là engagez dans quelque Confrairie ,
fous l'elpcrance de participer aux prières , aux
mérites , & aux grâces de la Communauté,
pendant qu'ils fe divertiront. Vous les voiez
dans leurs maladies recourir à quelque Relique
N 3 yc-;
294 Tenfées diverfiu
venue de Rome , 8c d'une vertu fbuveraine pou?
guérir certaines incommoditez , ou bien à la
bencdi£lion de quelque Moine fameux par àz%
guerifons miraculeufès. Vous les voiez. garnis
ou d'un Scapulaire , ou de quelque autre cho-
ie, que l'on dit qui a la vertu d'empêcher qu'on
ne fe noie , ou que l'on ne meure fans confef^
jfion , ou que Ton ne ibit mordu d'un chien en-
ragé, &:c. Vous voiez même qu'ils obfervent
le Carême 8c les vigiles. Vous voiez que fi un
Hérétique fe moque de nos dévotions en leur
preience , ils en viennent aux grofles injures
contre lui, Se quelquefois mêmes aux coups de
poing. Quand ils font fort riches , vous les
voiez faire des liber alitez confiderables aux Re-
ligieux Se sux Hôpitaux, fonder des Chapelles,
Se contribuer à la décoration des Egliles. Car
combien y a-t-il d'ornemens dans nos Eglifes,
qui ibnt les offrandes de plufieurs célèbres Mal-
totiers , 8c de plufieurs Courtifanes de grand re-
nom , qui aiant amafie beaucoup de richefîês
iniques , tâchent de faire leur paix avec Dieu ,
en lui en confàcrant quelque portion médio-
cre ? Combien y a-t-il d'ofifrandcs , au bas def-
quelles il faudroit écrire , ViEiïrm four le péché,
ou quelque infcription fèmblable à celle qui fut
mife par Diogene au bas d'une Venus d'or , que
la Courtiiàne Phryné confàcra au temple de
fO Ex Delphes, (i) De la débauche des Grecs ? Enfin
Gracco- VOUS voiez que ces Mrs. dont je parle vont ?. la
TU m in- Mcflè tous les jours ., bicn-aiiès pourtant que ce
'""^"" fbit celle d'un Cordelier expeditif. A cela près,
tout ceci tait leur beau côté. Regardons les
de l'autre ; nous trouverons que ce font des
gens , qui à peine difent trois mots fcns jurer
le nom de Dieu i qui ne parlent, foit à table»
dans les auberges , foit ailleurs , que de leurs
prétendues bonnes fortunes , 8c cela avec des ter-
mes qui feroient rougir l'impudence. Ce font
d'aii*
tempe-
ïar.tiâ
Tenjees diverjès. ipj
d'ailleurs des gens qui en prennent à toutes
mains. Sont-ils à la guerre ? ils rançonnent
^ns mifericorde le paiiàn , & profitent fur la
paie de leurs foldats le plus qu'il leur eft poiTi-
ble. Commandent- ils quelque part ? ils ont
mille voifîs obliques ou violentes de s'enrichir.
Sont-ils dans les affaires , le grand théâtre de
h. rapine 6c de Textorfion? ils font enrager tout
le monde par leurs chicanes , &: par leurs fri-
ponneries. De quelque profeflîon qu'ils foient,
ils mentent 2c medifent éternellement, ils trom-
pent au jeu , ils iàcrifient tout à leur vengean-
ce , ils font des débauches horribles , meretrix
non [uffic'tt omnts j ils s'aident de plufieurs remè-
des , pour avoir des forces qui puiilênt mieux
féconder leurs iàles delirs ; en un mot , à l'é-
gard à.t.% moeurs , ils n'ont rien qui les diflin*
gue à.ç.s Chrétiens profanes. Ce ne font pas
lèulement les vieillards dont parle Mr. de Saint
(i) Didier , qui fè fervent de plulîeurs ïnài- i^s j* t ^
gnei ^ extrcwciguns artifices , pur exciter encore tion de
tn eux des plaij.rs, dont la foiSleJfe naturelle k Venife «W
cet âge les prive, malgré c^u'tls en ayent, les plus /«i^"^.
jeunes & ks plus vigoureux s'en fervent aufîi
très-fouvent , pour prolonger leurs brutales oc-
cupations.
§. CXLIX.
VI. Preuve , tsrée de la dévotion que Von dît
que planeurs fcelerats ont eue peur la Sainte
Vierge.
LA dévotion de l'Eglife Catholique pour la
Sainte Vierge cft montée à un lî haut
point , qu'on peut dire qu'elle fait une des plus
confid érables parties du culte. On a beau nous
reprocher les excès Se les hyperboles de nos
Moines , cette dévotion fubfifte toujours , &
N 4. " con-
1^6 Poifces diverfes,
confèrvc tout ion éclat : peu de perfônncs ft
hazarJent de choquer en cela l'ufâge 6c les opi-
nions du peuple : la chofè cfl: trop univerfelle
pour la pouvoir refermer. On ajoute tous les
jours des livres a cette innombrable multitude
d'écrits , qui ont été publiez pendant plulîeurs
iîecles fur les honneurs 8c fur les miracles de
Nôtre-Dame. Or entre les maximes qui ont été
avancées par les Auteurs de cette forte de li-
vres , celîe-ci n'eft pas des moins communes,
^ue Ion peut être tres-mecham , 0> néanmoins
fort dévot envers la Mère de Dieu ■■, 6c l'on en
donne une infinité d'exemples , dans les livres
intitulez , Le grand Miroir des exemples ; Les
Flews des exemples , ou le Catech'ifme hijtoriali
La. Chronique de la Mère de Dieu, <^c. Alexis
fi) Me- de ( I ) Salo nous alMre avec pluiieurs autres,
thode qu'un jeune homme fi perdu Û. fi endurci dans
viHa s ' ^" crime , qu'aiant été mis en prifon pour di-
VierBe>' vers meurtres , 6c pour divers brigandages qu'il
Privée- avoit commis , il renonça au Fils de Dieu 6c à
^ 3' tous les Sacremens de l'Ëglilè , fous l'efperance
que le Diable lui donna de le iàuvcr du gibet j
\\ nous aiîîire , dis-je , que cet homme ne laif-
ibit pas de reciter tous les jours l'Aie Marin t
& qu'il ne voulut jamais confentir à la propo-
fition qui lui fut faite par le Diable, de renon-
cer à la Sre. Vierge. Il s'en trouva fort bienj
car aiant aperçu une image de Nôtre-Dame fur
une Chapelle qui le rencontra dans fon che-
min , lors qu'on le conduiioit au fuplicc , il
lui adreiîâ iès prières, 6c en même tems l'Ima-
ge inclinant doucem.ent la tête vers fon dévot ,
lui làifit îe bras de telle forte , que les Archers
ne pjrent jamais i'arracher de là. Le même
fi) Ibid. Auteur (i) nous parle en un autre endroit
Prirh, j. j'^ne Courtilàne extraordinairement débordée ,
qui néanmoins faifoit tous \z^ jours fept révé-
rences dévotes à la Ste. Vierge accompagnées
d'un
fenfies diverfis* i^-j
d'uft Ave Maria , ce qui fut caulê qu'uae Da-
me vercueufe, fâchée de voir foii mari dans un
commerce criminel avec cette Courtiiàne, iii-
plia inutilement ia Mcre de Dieu de châtier cet-
te infâme proftituee j car l'Image de la Sainte
Vierge qu'elle invoquoit , lui repondit en pro-
pres termes , // Tne^l im^ojjibk de 'vous accorder
'vojlre demande. Ce ncfi pas que je rien reconoif-
fe la JHjUce i mais l'affeciion q:ie cette Coitrtïfaue
conferve pour moi parmi tous Jes dere^lemens , 7ne
lie les mains , ô" m'empêche de lui infliger le chÀ-
timent que vous fouhaittez.. J'ajoute pour un
troiiiéme exemple , tiré des Nouvelles de la
Reine de Navarre , qu'un jeune Prince , qu'el-
le ne nomme pas j mais qu'elle deiigne allez
bien, allant à une allignation amoureufe , tra-
verfbit toujours une Egliiè qui fè rencontroit
fur fon paflàge , 8c y t-àiibit régulièrement ics
oraifons. Retournant chez lui , après avoir
allez carefle fà Maîtrefîè , il ne manquoit point
non plus de paflèr par la même Eglifc , & d'y
faire les prières. Cette Reine allègue cela pour
un témoignage de linguliere dévotion, jvlais
Montagne (i) n'eft pas en cela de fon fènti- (■()Entiis
ment , 5c il fait bien. I. r chap.
Car comme l'a fort bien prouvé tout fraîche- î^*
ment Mr, l'Evêquc de Caftorie , (2) ii ne peut
point y avo'r de véritable dévotion, ni pour ^^^P^
Dieu , ni pour les Saints, dans une ame qui n'ai- ,.,ji" "^^
me point Dieu , 8c qui n'obeït pas à Dieu.. Et prœcîpuè
pour ce qui efl de ces miracles que 1 on prétend Be;ir.
que la Sainte Vierge a opérez en faveur de '^'irg-<'"î-
quelques fcclerats , qui avoient conferve de l'at- '" ' ^^^^'
tachcment pour ion culte , ce iàvant (3) ne tc^^oj'
fait pas difficulté de les rejetter , & il a railbn.
Mais avec tout cela , je ne laiflè point de trou- f 5) Ib,
ver ici une forte preuve de ce que j 'avance j je Traa.?,
m'en vais vous la montrer. articÊs»
Puis qu'il s'ell trouvé une multitude prodi-
N ^ gieu-»^
29^ T* en fée s dlverfes*
gicufè d'Auteurs , qui ont publié que plufieurs
perfonnes çxi^:igécs dans les plus énormes de-
reglemens , ne iaiiîbient pas de perfeverer dans
la dévotion pour la Sainte Vierge , c'ci!: àQ}2L
i!ne marque que les hommes fe perfuadent ai-
fément, que la conoiiîànce de Dieu eft compa-
tible avec toute forte de mcchancerez ■■, 8c par
conièquent qu'ils fe contrcdîfcnt eux-mêmes,
lors qu'ih croient que les Idolâtres font ncccf-
iàirement plus gens de bien, que ceux qui ibnt
fins Religion. De plus , il cft bien certain que
Monfr. i'Evêque de Caflorie prouve très-forte-
ment , que les dévots de la Vierge qui n'ont
aucune vertu , ne font pas de véritables dévots.
Mais ni lui , ni peribnne du monde ne pourra
jamais prouver , que ces gens-là ne confcrvcnt
point daiis leurs plus abominables im^puretez ,
la coutume de faire des révérences aux Images
de Nôtre - Dame , de dire des Ave Maria , de
fè recommander à la prote6lion , de fréquenter
les lieux oà l'on dit qu'elle répand le plus de
grâces , de fournir -à la décoration de fes Cha-
pelles , cc en gênerai de pratiquer mille petits
exercices extérieurs de dévotion. Ce qui mon-
tre invinciblement , que ces fcelerats conlèr-
vent une pleine periuaiion de tous nos myfle-
res , puis quiis font pleinement convaincus,
que la Sainte Vierge leur peut faire des grâ-
ces, & pour cette vie , & pour celle qui eil k
Y.cïilr.
§. cl;
Réflexion fur un Ouvrage du P. Ru fin,.
La diftin^lion que je viens de faire entre la
"Véritable devotioa , 5c certains exercices extc-=
îieurs de dévotion , le doit faire à l'égard de la
FqL. Ua célèbre Jefuïte a fait un petit traité
de-
Penfees diverfeu 2pp
depuis deux ans , pour montrer la décadence de
k Foi dans ces derniers liecles i & il prétend
eue l'horrible corruption qui s'eft introduite
dans le monde , vient principalement des grands
progrès que 1 incrédulité y a taits. Il n'y a rien
de plus éloquent que la defcription qu'il nous
donne des mœurs de ce ilccle en ces termes :
r etit-tl ( I ) jamais pins de deregle^nent da7is la {" ( ) La For
jeimejje , plus d'ambition parmi les Grands , plus des dern,
de deLvAche par/rA les petits , plus de débordement ^^cles p^
parmi les hommes , plus de luxe ^ de molejje par- ^^■^'
mi les femmes , plus de fanjfeté dans le peuple ^
plus de mauvaife foi daiis tous les états i^ dans
toutes les conditions ? T eut-il jamais moins de f"
délité dans les mariages , moins d'homiéteté dam
les compagnies , jnoins de pudeur (y> de modejîie
da?îs la focieté^Le luxe des habits , la fomptuojité
des anieublemens , la delicateffe des tables , la fu^
perfluité de la depenfe . la licence des mœurs , /,'»
curiofté dans les chofes faintes , ^ les autres de-
reglemens de la 'vie font montez, à des excès
i/iouïs. ,^e de tiédeur dans la fréquentation des
Sacremens, que de langueur dans la pieté , que de'
grnnace dans la dévotion , que de négligence en
tout ce qu'il y a de plus effentiel dans les dezoirs,
que d'indifférence dans le falut ! ^^)uelle corrup-
tion d'efprit dans les jugemem .quelle dépravation
de cœur da?is les affaires , quelle profanation des
Autels , ^ quelle projiitution de ce qu'il y a de
■plus faint ^ de plus augufte dans [exercice de la ■
Religion Tous les principes de la vraie'
pkté font tellement reyiverfez, , quon préfère au-
jourd'hui dans le commerce tm honnête fcelerat
qui fait vivre , a un homme de bim qui ne le
fait pas j ô' /^'re le crime fagement fans choquer-
perfonne , s'apelle avoir de la probité félon le inon-
de , dont les maximes les plus crmîinelles trouvent^
des atrobatetirs , quand elles ont pour Auteurs des
prfonnes dms l'cination , & qu'elles font accom"
Né pfk-
5 00 Penjees diiferjcf,
pfitg/2ées de quelque arconfïance d'écUt. Car qui
ne fait , que cians ces ciernttrs tems le libertinagi
piijfe pour force d'efprit parîni les gens de qualité,,
ta fureur du jeu pour l'occupation des pcrfonnes de.
condition, l'adultère four galanterie , Le trafc des
Bénéfices four un accommouement des famiUes, la-
Jlaterie, le menfonge , la irahifon , la fourberie y
la diffrmulation pour les 'vertus, de la Cour ■■>ô' ce
n'efi plus prefque que par la corruption ^ par U
defcrdre, quon s'élève ^- qu'on fe difangue i fe
ne dis rien de ces cri'mes noirs ^ atroces , qui fe
font débordez, dans cette 'malheureufe fin des tems,
dont ta feule idée efî capable de jeîter l'horreur-
dans l'efprit. Je paffe fous flence toutes ces abo-
minations inconnues yufqu'à prefent a la candeur
de nôtre Nation, dans lufage des poifons j ^' que
nos pères azioient entièrement ignorées , parce qu en
ne peut affex, en détourner la penfée , 0' enjupri^-
wer la feule imagination. Enfin pour exprimer
en Hin mot le caractère de ce fiecle , on n a jamais
tant parlé de morale, ^ il n'y eut jamais moins
de bonnes mœurs y jamais plus de rejormation, (f^
moins de reforme yjamais plus de fa-zoir , ^ -moins
de pieté } ja?'aais de meilleurs Prédicateurs , ô»
moins de conajerions jjam^.is plus de communions y
^ inoins de changement de lis \ jamais plus d'ef-
prit ni plus de raifon parmi le grand 'monde , ^
moins a'aplication aux chofes foitdes ^ ferieufes.
Vivrions-7ious (demande-t-il après cela) dans
ces defordres , fi mus avions de la Foi ? Ferions-
nous tjint de démarches J~ funefies , fi nous fui-
•vicis fies lumières ? Et ferions-nous fi corrompus
f^ ji déréglez. , fi- nous étions Chrétiens ? Je lui
répons , que li nous avions une véritable foi ,
^ui a'efl: jamais feparée de 1 amour de Dieu , Se
il nous iuivions les lumières de nôtre confcien-
ce > 6c il nous étions de véritables. Chrétiens,
BOUS ne vivrions pas dans cts defordres. Mais
.îêk n'empêche pas (jue nous naions autant dfl
fcé
TenfeeS diverjès, 7 0l
foi qu1i en faut , pour être perfuadcz. de la ve-
rite de TEvangiie , quoi que nous vivions tout-
à-fait mal, li y a une très-grande ditlerence
entre n'avoir point la véritable foi, 6c être in-
crédule : car on peut manquer de la véritable
toi 5 c'eil-à-dire , de cette difpoiition de cœur
qui nous porte à renoncer à tout ce que nous
conoiiîbns contraire à la volonté de Dieu , Se
croire îaeanmoins que la doctrine de l'Evangile
eH véritable. Ainfi on iè joue de l'ambiguité des
mots, quand on dit que les dcfordres de ce fie-
cle procèdent de l'aftoibliiîement de la toi. Si
l'on entend qu ils procèdent de raiîbiblillement
de cette vertu Chrétienne, qui fait qu'on Sacri-
fie à la volonté de Dieu toutes ics mauvaifès
inclinations, on a raifon. Mais fi l'on entend
qu'ils procèdent d'un défaut de perfualion i c'eft-
à-dire , que nous vivons mal , parce que nous
regardons les dogmes de la morale Chrétienne
comme des propoiitions problématiques , dont
il ne nous relie aucune aiîarance , Ton a grand
tort. Car à la refcrve de quelques perfbnnes
de qualité, &: de quelque? fauxSavans, ou mê-
me de quelques - uns de vous autres Mrs. les
Théologiens , tout le monde croit parmi nous
le myftcre de l'Incarnation , la mort & pallio»!
de J E s u s-C H R I s T , ion Afcenfion au ciel ,
ià prelènce fur nos autels , le dernier Jugement,
la Refurreétion des corps , l'Enfer & le Paradis.
On n'a point fur ces chofès-là une perflialion
qui foit accompagnée d'évidence , cela peut
être ; mais on a pour le moins une perfualion
qui exclut le doute. Nos paifans , nos arti-
sans , nos ibldats , nos Bourgeois , toutes nos
femmes, la plus grande partie des Gentilshom-
mes 8c des gens de lettres , croient bonne-
ment & fans hcfiter tous les articles du Sym-
bole. Ceux qui doutent de la Divinité de la
Keligion Chrétienne , 5c qui traitent de fable
N 7 ^ cfi
50-2 Tenfces dlverfes,
ce qu'on die de l'autre vie , font en très-petît
nombre.
§. CLI.
S'il ejl vmi qu'il y ait beaucoup d'Athées k l^
Cour des Friaces.
On croit ordinairement que les Princes & les
Grands Seigneurs de la Cour n'ont ni Foi, ni
Loi , ôc 1 on iè fonde fur ce qulls vivent tout
de même que s'ils ne croioient ni Paradis, ni
Enter , iacrifiant tout à leur ambition, iè tai-
fant une obligation indifpenlable de le venger
des moindres injures, carellànt leurs plus mor->
tels ennemis, quand l'intérêt le veut ainii, veil*
knt fur toutes les occalions de les ruiner par
des voies imperceptibles , abandonnant leurs
meilleurs amis dans les dilgraces , toujours
dans des occupations éloignées de l'elprit de
1 Evangile , dans le jeu , dans les galanteries
criminelles , dans les extorfions , dans les fef-
tins , évitant fur toutes chofes les aparcnces de
h pieté , tournant en ridicule la dévotion ; en
un mot , le rendant efclaves de toutes les va-
nitez du monde. On a quelque raifon de croi-
re , que ceux qui vivent ainfi , n'ont aucune Re-
ligion , 6c cela eft vrai en un certain fèns , par-
ce qu'ils n'ont qu'une Religion croupiiTànte
dans quelque coin de i'ame, ïans être le prin-
cipe d'aucun bien, ivlais on fe trompe lourde-
ment , il l'on croit que tous ces MelTieurs font
Athées. Tant s'en faut qu'ils le foient, qu'on
peut dire qu il n'y a guère de gens au monde,
qui donnent plus qu'eux dans certaines fuperfti-
tions. Pour ne point parler de l'entêtement
oij ils ont été autrefois de confulter les Aftro-
îogues , ne lait-on pas qu'ils ont une curiolité
prodigieulè de confulter les Devins ? Peut -on
igno-
l
Ignorer combien ils font infatuée àç:s preià-
ges ? Y a-t-il beaucoup de grandes maifons,
où l'on ne débite pas que l'on ell averti regU:-
lierement par l'aparition de quelque fantôme,
ou par quelque autre ligne particulier , que
uelqu'un de la famille doit mourir ? Combien
traditions prophétiques ne fait-on pas cou-
rir touchant certaines familles de grande naif-
iànce ? Mais fur tout, conibien de prodiges»
combien d'accidens miraculeux ne raconte-t-on.
pas de fès ancêtres parmi le grand monde ?
Vous me direz, , que ce n'eft pas une marque
que l'on en foit perfuadé , qu'on veut feule-
ment faire accroire aux autres , que l'on efl
particulièrement recommandé aux Devinées. Je
le croi de quelques-uns •■, mais la plupart font lî
aiiè de s'imaginer que la providence les dilliin-
gue, qu'ils fe le perlùadent tout de bon. Tous
nos Hiftoriens conviennent , que jamais on n'a
vu la Magie plus en vogue , qu'à la Cour de
France Ibus la Reine Catherine de Medicis : ce
qui eût été impoffible , fi l'on n'y eût crû un
Dieu , car il n'y a point de gens plus incrédules
iùr tout ce qu'on dit ^cs Sorciers 8c des Magi-
ciens, que les Athées.
Voions un peu les Grands Seigneurs au lit
de la mort. C'ed là que la nature fècouë le
joug de la d iffmi dation , 6c que les véritables
lèntimens de l'amc le découvrent , fi jamais ils
font capables de le faire. Voions-nous des gens
plus cmpveflèz que les Princes , que les Ducs
& que les Comtes , à le recommander en cet
état-là à la vertu àc^ fîintes Reliques, &: à l'in-
terceflïon des bienheureux ? Y en a-t-il qui ne
ibuhaicaflent de le faire voir au P. Marc d'Avia-
no , ou à quelque autre perlbnne célèbre par là
làinteté, & par le don de guérir les maladies?
Quels prefens n'envoient - ils pas par tous les
Cloîtres. , afin qu'on prie Dieu pour leur guéri-
fon?
504 Fenfics diverfa,
fon? D'où cft venue la richefie des Eglîjfcs, que
de la peur que les Grands Seigneurs ont eue de
demeurer trop long-tems en Purgatoire ? J'a-
voue que l'on ne fait pas à prclènt des legs
pieux auiTi coniiderables qu'autrefois 3 mais on
en fait pourtant de coniiderables. Le mal eft
pour les gens d'Eglifè, que les héritiers ne s'ac-
quittent pas fidèlement de la promefîè du Tef-
tateur, aiant moins de peur que lui de la mort,
parce qu'ils ne la voient pas de li près. Tout
cela, Monlieur , fait voir manifeftement , que
la vie de la Cour ne fait pas abjurer le Symbo-
le des Apôtres : on fè contente de ne fuivre
point {qs lumières pendant qu'on le ports
bien.
§. CLIL
Conjiderftthn particulière des fentimens de
Louis XI,
En diiànt que les Grands Seigneurs font voî?
quand ils font au lit de la mort , qu'iis croient
les myftcres de l'Evangile , je ne prétends pas
leur donner un grand éloge i car il pourrois
bien être , que l'envie de guérir ell la feule cau-
iè de leur recours aux prières des bons Servi-
teurs de Dieu. Or c'ell: bien peu de choie que
la foi d'un homme, qui attend a, croire en Dieu,
que Id fièvre le prejfe. Se n'en deplaifè aux Pères
Minimes , le volage de St. François de Pauîe
du fond de la Calabre à la Cour du Roi Louis
XL ne me fait pas avoir une grande idée de la
Êinteté de ce Prince. . Je ne iaiflerai pourtant
pas de rae prévaloir de ce voiage , parce que
Louis XL a fait profeflïon toute là vie d'une
duplicité de cœur ii opofée à l'efprit de la Re-
ligion Chrctienne , qu'il n'y a guère de Roi^
que l'on pût moins tenaercùj-emeiit ibup^onner
d'ir^-
Fenfées dherfis^ 305
d'irréligion, que celui-là. Un fourbe, un Prin-
ce qui iè moque de la parole donnée , qui tend
des pièges à Ion prochain , qui s'agrandit par
des voies obliques & par la fraude , me paroît
plus criminel, qu'un Conquérant qui à l'imita-
tion d'Alexandre , declaroit fans aucune forte
de deguifement , qu'il veut conquérir les Etats
de fes vollins. Et li Louis XI. ne fut pas un
aufh grand perturbateur du genre humain qu'A-
lexandre , ce ne fut pas à cauiè qu'il avoit plus
de conlcience que lui , mais à caule qu'il avoit
moins de cœur Se moins de génie. Les Hiflo-
riens de ce Roi tombent d'accord , que fès pè-
lerinages ( I ) 6c Tes dévotions les plus arden- (i) Mat-
tes , ont fbuvent couvert des defîèins très-éloi- thieu ,
gnez de la juflice &. de la pieté •■> qu'il y attra- J^' . '^^
^oit toujours quelqu'un, ^ qu'il accommodoH fa jj^.'^ ^^
Religion a [es dejfeins , plutôt que fes dejfeins à chap.a.
fa Religio/î. ^i'ilfaifoit(i) des chofes qui étoient
bonnes en apare'ûcc , mais a mawvalfe intention^ (2) Du
■^enfant que par fa bigoterie il tromperait Dieu ô> Haillan ,
le 'monde; qu'il otoit aux pauvres , tour donner Jj'.^^f^ j1
aux Egltjes -, CT qu n foula pius [on peuple de tri- France.
buts ^- de tailles , que rul autre Roi de fes pre-
decejjeurs , 1^ quauji rendit-il fon peuple mal af-
feclionné en'vers lui. ^tfil fit durant (3) fon (^) Chro-
règne beaucoup d'injufiices , de maux ^ de vio- nique
lences •' tellement qu'il avoit mis fon peuple fi au jcanda-
bas , quati jour de fion trépas il était prefique an '
defiefpoir.
Je ferois trop long , fi je raportois en détail
ce que les Hifloires en difènt. C'eii pourauoi
j'y renvoie quiconque ne fera point perfuadé,
que fi jamais on a pu foupçonncr quelqu'un de
ne croire pas en Dieu , c efl: afïurément Louis
XL contre qui l'on peut former un préjugé fî
étrange i 8c je m'affûre que l'on m'en croira ,
li l'on examine bien les faits. Il n'y auroit
pourtant rien de plus faux , que d'avancer que
(i) Bran-
tôme, vie
de Char-
les VIII.
(2) Mat-
thieu ,
Hift. de
Louis XI.
Uy. 10.
(,) Ibld.
501^ Tenflei diverfes.
ce Prince n*étoit point perfuadé de Ùl Relt*
gion. Car outre qu'on lui ( i ) entendit dire
un jour qu'il croioit faire fes prières , fans être
entendu de perfonne , devant le grand autel de
Nôtre-Dame de Cleri , Ah ma bonne Dame,
mu petite Maitrejfe , ma grar.de Amie, en qui
j'ai eu toujours mon réconfort ! Je te prie de Ju-
flier Dieu four moi, ^ être mon Adxocate en-
vers lui, (^u'il me pardonne la mort de mon frè-
re , que j'ai fait empoifonner par ce méchant Ab-
bé de St. Jean , je m'en confeffe k toi , comme
à ma bonne Vaîrone ^ Maïtreffe 'Eais-
moi doncques pardonner , ma bonne Dame , (^ je
fai ce que je te donnerai j outre cette prière, dis-
je , nous voions par Temprefièment qu'il eut
durant ià dernière maladie , de faire venir St.
François de Paule, qu'il étoit perfuadé de l'etFi-
cace de la prière. Ce pauvre Prince avoit tant
d'envie de ne mourir point , qu'aiant apris que
ce Saint Hermite iè tenoit dans la Calabre, 8c
qu'il faiibit de grands miracles , il n'oublia rien
pour ( 1) obtenir du Pape qu'il lui fût permis
de le faire venir en France ; 8c il étoit telle-
ment perfuadé que la prcfcnce 8c les prières
de cet homme prolongeroient fa vie , que la
première chofe qu'il fit en le voiant , fut de le
prier d'allonger Çts jours. Enfuite il lui cnvoioit
dire à tout moment, qu'il ije tenoit qu'à, lui que
fa fis 7îe fût prolongée. La même envie de vi-
vre lui fit demander au Pape divers prefens,
comme nous l'aprenons de Philippe de Commi-
ues: Le Fate Sixte ÎV. (dit-i!) étant jnf orme ,
que par de-votion le Roi defrcit a-vcsr le Corporal
fur o^uoi chantait Meffe Monjhur St. Pierre, tan-
tôt lui enioia aiec plufeufs autres Reliques , lef-
quelle s lui furent enxoiées. L'Hiftorien (3) Mat-
thieu nous aprend qu'il étoit environné de Re-
liques, 8c qu'il s'en fervoit comme de baiTica-
des j ne penlànt point que la mort eût la har^
diellc
TenJeeS ciiveyjèj, 507
diefiê de paflèr par deffus pour l'attaquer. Il
fit auiïi venir la Sainte AmpouUe , f^iant inten-
tion d'an prendre pareille onUian , que celle de fon
Sacre, à ce que dit le même Philippe de Com-
niines. Mais rien ne témoigne davantage l'en-
vie qu'il avoit de vivre , que la manière dont il
corrigea i'orailbn qui avoit été compoiee pour
demander à St. Eutrope la fànté de fon corps 8c
celle de fon ame en même temsj car il fit raier
l'endroit ( i ) qui concernoit la fanté de l'ame, /j^Oaude
diiànt que c'étoit affez que le Saint lui fît avoir seyfTel ,
celle du corps, & qu'il ne faloit pas l'importu- Hift. de
ncr de tant de chofes. On ne fauroit s'empêcher Louis XI.
de conclure de tous ces faits , que ce Prince
étoit entièrement perfuadé de la vérité de nos
dogmes. Donc nous avons en fà peribnne l'e-
xemple d'un partait accord entre une ame tout-
à-fait méchante , 5c une perfuafion de l'exiften-
ce de Dieu , qui va jufqu'à la bigoterie la plus
outrée.
§, CLIII.
^ue la Cour ne garantit y ni de la fuperjiition y ni
des erreurs populaires.
C'efl donc une illufion toute pure, de s'ima-
giner que parce que les Princes ne iè font pas
une Religion d'obfèrver les traitez de paix, ni
les alliances les plus folemnellement jurées, ou
de refalcr quelque choie à leurs paluons , i]s
croient qu'il n'y a point de Dieu. Je le dis en-
core un coup , les Grands du monde font pour
l'ordinaire plus fupcrltitieux que les autres
hommes à l'égard de certaines choies. On s'i-
magine qu'il ibffit d'être né dans une grande
mailôn , 6c d'avoir été élevé à la Cour d'un
Prince , pour avoir un efprit grand 6c lublime.
JMais ceux qui s'imaginent cela, confondent l'ef-
prit
5oS Tenfces diverjes,
prit avec le cœur. Il eft fort vrai , que les
avantages de la naiflànce 8c de l'éducation dan«
le grand monde , élèvent le cceur. On voit
peu de perfonnes de cet ordre , qui ne foient
braves j on en voit un très-grand nombre qui
ont une intrépidité 8c une ambition demelu-
rées. Mais il n'en va pas de même de l'elprit.
Il faut convenir, qu'il fc polit extrêmement à
la Cour j mais il n'y acquiert pas de la gian-
deur , je veux dire de cette force qui l'élevé au
defTus des préjugez de l'enfance, 6c qui le met
en état de pénétrer jufques à la fourcc de la
vérité au travers de mille erreurs dont elle eft
ou couverte , ou environnée. Je pafîè plus
avant , 8c je dis qu'on n'acquiert pas même à
la Cour cette fauife 8c prctenduè force d'eiprit,
dont les Athées 8c les Deiiies fe glorifient j 8c
je fbûtiens que ii l'on examine la chofè atten-
tivement , on reconoîtra que cette prétendue
force s'acquiert plus dans l'exercice de la diipu-
te 8c parmi ceux qui étudient , qu'à la Cour,
ni à l'armée. Ainli , Moniieur , convenons de
bonne foi, que les Grands avec toute la pompe
qui les environne , ne laifîènt pas de demeurer
dans les préjugez de l'éducation, tout de même
que les autres hommes , foit à l'égard des dog-
mes de la Religion , foit à l'égard des verite2i
naturelles.
En effet , ii l'air du grand monde guerifîbit
des impreflions de Religion que l'on commu-
nique aux enfans , nous ne verrions pas autant
de fuperllition que nous en voions dans hs
premiers hommes de la Republique Romaine.
II paroît par une infinité d'exemples , que iès
Confuls 8c Çqs Didateurs , 8c femblables perfon-
nes du premier ordre , ont été fort fuperfti-
tieux. Les Rois 8c les Empereurs du Paganif-
me l'ont été furieufement , 8c l'on en pourroit
donner cent exemples très- capables de con-
vaiîi-
Tenfees diverjès, 309
Taincre que ce n'étoit pas la Politique qui agiA
ibit, rnais h maladie du cœur ■-, quoi que j'a-
voue , qu'il faut imputer fou vent leur fuperfti-
tion à leur Politique. RepalTez un peu l'eP
prit fur ce que je vous ai aLegué ci ( i ) delTus (1) Numi
touchant Tarquin le Superbe , Néron , Catili- ^1°'
na, &c. 6c foufn-ez qu'à -propos de Catilina,
je remarque qu'on difoit à Rome , ( 2 ) qu'il f ^ a
■ c • * r \ r '■*! llut. de
avoit raiL prêter icrment a les compiices de bdlo
biai garder le lècret , 6c qu'afin que les maie- CaciJ.
didions , aufquelles ils vouloicnt bien être afTu-
jettis s'ils fauiibient leur toi , fillènt plus d'im-
prelTicn fur eux, il leur avoit fait boire du làng
humain mcle avec du vin : ce qui monde que
cette troupe de fcelerats , dont ce méchant
homme fe vouloit fovir pour la plus exécrable
a6lion du monde, étoit perfuadée qu ii y a une
juftice inviiible , qui punit la violation du fer-
ment. L'un des principaux complices de Cati-
lina , fàvoir Lentuius , s'engagea dans cette conA
piration , à cauiè qu'il ( 3 ) s'imagina que les ^^j Lç^-
livres des Sibylles , 6c les reponfes des Harufpi- tulum
ces lui promettoient l'Empire de Rome; preu- autem fibi
ve évidente , qu'il étoit bien éloigné de l'A- ^o^^firoiaf-
^v T • .M j '.. • ^ le ex fatis
theilme , puis qu il n en etoit pas encore a re- sibyiimis,
conoitre la vanité des augures. Haruf-
plcumqiie
§. CLIV. xefponCs,
'' leeUe ter-
Be U fuper/lhson d'Alexandre. Corne-
lium , ad
Mais voici un exemple qui ne vaut guère ^"^"^ ^^-
moins lui feul , qu'une demonilration de Geo- bis^'arau ^'
metrie. Si jamais l'efprit de la Cour a dû pro- imperiurn
duire l'Athcïfme dans une ame , c'eft fans dou- pervenire
te dans celle d'Alexandre le Grand qu'il a dû fiTctne-
produire cet efïèt , parce que c étoit le plus
ambitieux de tous les hommes , 6c en même c^/VV/l
tems le plus hardi §; le plus hcurçux. Aufil Orai.j,
peut-
cêfle.
Cicer» t'a
5IO Penfées diverjès.
peut-on dire , qu'il a fait cent choies qui té-
moignent un mépris horrible des Dieux. Je
ne parle point de fes conquêtes , quoi qu'à le
bien prendre , il n'y ait rien de plus injulle, ni
de plus impie, que de chalîèr de vive force de
leur paï's ceux qui le poflèdent de bonne foi.
Je parle de la hardieiîè qu'il eut de le faire ado-
rer comme un Dieu, & d'abatre les Temples
d'Efculape , pour venger la mort de Ion fa-
vori. Tout cela néanmoins n'empêche pas,
qu'Alexandre n'ait été l'homme du monde le
(i) Cldef- plus éloigné de TAtheiTme. J'ai déjà dit ( i )
fus p.2j6. quelque part, que dans fon enfance il fut cen-
- furé par fon gouverneur , de ce qu'il étoit trop
poil Da- pi'odigue d'encens envers les Dieux •■, je dis à
rium vie- cette heure , qu'il avoit toujours à fà fuite fon
tumario- grand Devin Ariftandre , pour favoir de lui, iî
los & va- les prefages des vidlimes alloient bien , toutes
fere^^defie- ^^^ "^^^^ ^"^'^^ i^\o\.X. entreprendre quelque cholè.
rac, rur- ^ ^^ vérité il difcontinua de confulter fes De-
fus ad fu- vins , quand il fe vit au comble de fi fortune,
perftido- Mais il n'eut pas plutôt éprouvé quelques tra-
nemhu- yerlès , qu'il retomba dans fès (2) premières
manarum ^ n.-^- o vi r v r ^ • j
jrentium fuperititions , ôc qu il le remit lous le joug de
fudibria fon Ariftandre j deforte que fur la fin de ià
révolu tus, vie , aiant cru reconoître par quelques prefa-
Anftan-^ ges, que les Dieux étoicnt mal fatisfaits de lui,
cre'ulka^' il prenoit les moindres chofes extraordinaires
teiTi fuam qui lui arri voient , pour des fignes &c des aver-
addixerat , tiiîèmens celeftes , 8c avoit toujours fà maifon
exp.orare pleine de Devins qui y lacrifioient , ou qui la
eventum pQj-if^Qicnt , ou qui y faifoient quelque autre
crifi.iis lembJable tour de leur métier , comme nous
jubet. l'aprend Plutarque dans la vie de ce Conque-
^'>'f. rant. .
C^rfu;;, Fiez-vous après cela à ces gens qui nous af-
I1J2 furent , comme s'ils avoient le don de fonder
les reins 6c les coeurs , que la Cour eft pleine
d'Athées. li me femble que j'ai beaucoup plus
Tenfées diverjès. 3 1 ï
<3e raifbn de le nier , 8c de dire , qu'à la vérité
il eft probable qu'il s'y en trouve plus que par-
mi le peuple 5 mais qu'à la reierve de quelques
perlbnnes , le grand monde , univer{èllemenc
parlant , eft aulTi perfuadé de l'exiftence de
Dieu , 6c du Paradis 8c de l'Enfer, que le Tiers-
état. S'il y a quelque différence, elle ne con-
iifte afiurément , qu'en ce qu'à la Cour on lon-
ge moins aux affaires de la confcience que par
tout ailleurs , 8c qu'on y a plus de hardieflè,
plus d'habitude 8c plus d'engagement à pécher ,
que par tout ailleurs •■> ce qui tait que les Cour-
titàns font , ou plus ignorans que les autres
hommes fur le chapitre de la Religion , ou
moins retenus, 8c moins fajets aux remords de
la confcience. Mais pour la perfualion des veri-
tez générales, 6c des principes du Chriftianifmc,
je croi qu'univerfellement parlant , ils ne l'oût
pas moins que les autres hommes.
Au refte, le Roi Louis XI. eft un exemple
inconteftable de ce que j'ai touché ci-deifus,
qu'on peut être tout enfemble très-mechant 8c
très-exad à rendre à la Ste. Vierge mille peti-
tes marques de dévotion extérieure. Car ce
Prince , tout tel que nous l'avons vu , a dépen-
de des fommes immcnfes pour l'ornement des
Egliics de Nôtre-Dame , 8c ordonné que l'on
( i) fonneroit la cloche chaque jour à midi, (0 Ce fat
pour avertir le monde de reciter la làlutation l[j"jh=ea**
Angélique. Claude de Seyfîèl raportc , ' ^te [a> Hift.'ds
dévotion fembloit ^lus {upcrJUtienfe que religieuje ; Louis XL
car a queli^ue image, ou Eglife de Dieu ^ des liv. n.
Saints , 0> mèmement de Notre-Dajne , qu'il en- ^"* *•
tendit que le peuple eut dévotion, 014 qu'il s'y fit
(Quelques miracles , // y alloit faire fes ojrandes ,
eu y envotoit homme exprès. Il avoit au fur-
flus fon chapeau tout plein d'images , la plupart
de plomb ou d'étain , lefquelles k tout propos ,
^iidnd (l Iftt Vinoit quelques noHvelkj bonnes ou.
512. Penfées dlverfis.
mauvaifes , ou que fa fantaijie lui prenait , il oaî-
foit , fe ruant a genoux quelque part qu'il fe trou-
vât , fi foudaiiiement quelquefois , qu il fembloit
fhés blefj'jé d'entendement , que fage homme.
A. .
le 29. de Juillet i(?or.
FIN DU I. TOME,
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