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Full text of "Pensées diverses ecrites à un docteur de Sorbonne a l'occasion de la comete, qui parut au mois de Decembre 1680"

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LIVRE 

M.  TERRAT, 
Intendant  de  Lyon, 


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L,J)Î 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/pensesdiverse01bayl 


PENSEES 

DIVERSES 

SUR  L^  COMETE. 

TOME    PREMIER. 


PENSEES 

DIVERSES 

Ecrites  à  un 

DOCTEUR  DE  SORBONNE 

A  VOccapon 

DE   LA  COMETE 

^i  far  ut  au  mois  de  2)^- 
cembre  1680. 

P  A  R  Mr.  B  A  Y  L  E. 

SIXIEME    EDITION, 

TOME    PREMIER. 


A    AMSTERDAM, 

Che2  MEINARD  UYTWERF^ 
M  D  C  C  X  L  I  X 


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n::iSM. 


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AVERTISSEMENT 

A   U 

LECTEUR. 

Eux  rdijdm  qui  mont  pm'fi 
confiderabUs  m^  obligent  a 
mettre  ici  tine  petite  Prefa* 
ce.  Il  in  a  fiwblé  necef- 
faire  d'aprendre  d'abord  ^ 
mes  le^hurs  ,  i.  .Pourquoi  le  ftjle  de  Cet 
Ouvrage  eft  celui  d^un  Catholique  Romain^ 
foit  qud  s'agijje  de  Religion ,  [oit  quil  s'a' 
gijfe  d^afaires  d'Etat,  i.  Poptrqmi  cette, 
troijîéms  édition  nejl  pas  telle  que  je  l'avois 
promije. 

On  verra  l' écUircijfemcnt  de  la  pre^ 
mïere  de  ces  deux  chojes  dans  le  récit 
que  je  vais  faire  touchant  l'origine  de  cet 
Ouvrage. 

Comme  fetois' Prof  Jfeur  en  Philofiphie  h 
Sedan  lors  qu'd  parut  une  Comète  oh  mois 
de  Décembre  mille  fix  cens  quatre  vingts 
je  me  trouVois  incejfamment  expofé  aux 
quefions  de  plujïeurs  perfonnes  curieufis  j 
eu  allarmées.  Je  rajfurois  autant  quil  m'i- 
toit  poffible  ceux  qui  s' inquiet  oient  de  ce 
prttmdu  mauvaif  prefage ,  rms  je  ne  ga- 
■*  2  gyioii 


PREFACE. 

gmis  qtic  peu  de  chofe  par  les  raifimemefis 
philofophiques  ;     on  me   repondoit   toujours 
que  Dieu  montre    ces  grans    Phénomènes  , 
afin  de  donner  le  tems  aux  pécheurs  de  pré- 
venir par  leur  pénitence  les  maux  qui  leur 
fendent  fur  la  tète,     ^e  crus  donc  qutl  fe- 
roit  tres-inutile  de  raifonmr  davantage  ,    h 
moins  que  je  n  emploi  a jfe  un  argument  qui 
fit  voir  que  les  attributs  de  Dieu  ne  per- 
mettent pas  quil  defïine  les  Comètes  a,  un 
tel  effet,    Je  méditai  la-dejfus ,  ^  je  m'a- 
l'ifai     bientôt    de    la    raifon    Thcologtque 
que  l*on  voit    dans    cet    écrit.     Je  ne  ms 
fouvenois    point    de    l'avoir    lue    dans  au- 
cun livre  ,    ni  d*en  avoir  jamais  ouï  par- 
ler ;    cela  m*j  fit   découvrir   une  idée   de 
nouveauté  qui    m'infpira  la  penfée  d'écrire 
une  lettre  fur  ce  fujet  pour  être  inférée  dans 
le  Mercure  Galant,     Je  fis  tout  ce  que  je 
pus  pour  ne  point  paffer    les   bornes  dJuns 
telle  lettre  ;    mais  l'abondance  de  la  ma- 
tière ne  me  permit  pas  d'être  ajfez,  courte 
ç^  me  contraignit  à  prendre  d'autres  me- 
fhres  ;    c'efl-à-dire  ,    à  confderer  ma  lettre 
comme  un  Ouvrage   qu'il  faudroit  publier 
à  part.   Je  n'afeïlai  plus  la  brièveté ,  je 
m'étendis   à   mon  aifè  fur   chaque  chofe  , 
(i) Auteur  mais  néanmoins  je  ne  perdis  point  de  vue 
leGâTaiTti  Cl)  Monfietk  de  Vtfé,     Je  pris  la  refo- 

ltitW'4 


PREFACE. 

lution  de  lut  envoier  ma  lettre  ,  ^  de  k 
prier  de  U  donner  a  fin  Imprimeur  ,  & 
'd'obtenir  ou  la  permijfion  de  Air*  de  la 
Reinie  fi  elle  potivoit  fiifire  pour  l'imprcjfion 
de  mon  Ouvrage  ,  comme  elle  avait  fifi 
pour  rimprejJioH  de  quelques  traitez,  fur  les 
Comètes  ;  ou  le  privilège  du  Roi ,  s'il  en  fa' 
toit  venir  la.  Il  garda  quelque  tems  mon 
mojiufirit  fans  favoir  le  nom  de  l'auteur , 
(^  quand  on  fut  lui  en  d^emander  des  nou^ 
velles  5  //  repondit  quil  favoit  d'une  perfonne 
a  qui  îl  tavoit  donné  a  lire ,  que  Air,  de  la 
Reinie  ne  prendrait  jamais  fur  foi  les  fuites 
de  cette  affaire  ,  O^  quil  faloit  recourir  a 
l'aprobatian  des  Douleurs  avant  que  de  poU' 
voir  follicîter  un  privilège  du  Roi ,  détail 
pénible ,  long  ,  ^  ennuieux  ,  ou  il  n  avait 
pas  le  loifir  de  s'engager.  On  retira  le  ma^ 
nufcnt ,  ^  comme  la  fupreffîon  de  i'  Acade^ 
mie  de  Sedan  fut  caufe  o^ue  je  me  retirai  en 
Hollande  pendant  l'automne  de  lô^i.  je  ne 
fongeai  plus  à  faire  imprimer  à  Paris  ma 
lettre  fur  les  Comètes. 

Vous  volez,  la  le  motif  qui  m,e  fit  prcn^ 
dre  le  ftjle  d'un  Catholique  Romarn  ,  ^ 
imiter  le  langage  ç^  les  éloges  de  Mr,  de 
Vijé  fur  les  affaires  d' Etat,  Cette  con^ 
duite  était  abfolument  ncceffaire  a  qui' 
conque  fe  vouloit  faire  imprimer  a  Paris  ^ 


^  3  6r 


PREFACE. 

cJ"  je  crus  que  V imitation  du  Jldercure  Ga» 
lant  en  certaines  chofes  ,  rendrait  phts  facile 
à  obtenir  ou  la  permijjîon  de  Mr.  de  la  Rei» 
me ,  ou  le  privilège  du  Roi,  Et  comme  je 
fris  tontes  fortes  de  précautions  peur  nêtre 
pas  reconu  V  Auteur  de  cette  lettre  fur  les 
Comètes -i  qui  fut  imprimée  en  Hollande  peu 
de  mots  après  mon  arrivée  ,  je  ne  changeai 
rien  dans  le  langage  dont  fai  parlé.  Je  crus 
^H€  rien  ne  fer  oit  plus  propre  qu'un  tel  lan^ 
gage  a  faire  juger  que  la  lettre  fur  les  Comè- 
tes n'étoit  point  l* Ecrit  d'un  homme  font  de 
France  pour  la  Religion» 

Ceux  qui  voudront   prendre  la  peine  de 

faire  attention  k  ceci  y  trouveront  fans  doute 

tous  les  éclalrciffcmem  qu'ils  auraient  pu  fou - 

haiter.     Je  dirai  encore  ce  mot  :  on  in  fer  A^ 

t\)  5ur     pendant  l^impreffion    (  i  )    un    affez.  grand 

tout  dans   fîombre  de  chofes  qui   nef  oient  pas  dans  le 

]&  2.  éài-  r>    ■  ;>  -^  •  '^     li    ^ 

tioa.         manujcrtt  que  l  on  avott  ewvoie  a  l  Auteur 

du  Mercure  Galant, 
il)  véhz       P^^fjons  au  fécond  article  ^  é*  difons  pour-* 
rAddition  quoi  Cette  troifiéme  édition  ne  contient  rien  de 
S  ^rtes  ce  que  favois  promis. 
Comètes         ^' avots  préparé  (i)  mes  leBems  à  la 

pub;  ëe  ^  /     j»  j  /         j 

l'an  1654.   trouver  augmentée  a  un  grand   nombre  cle 

On  la  re-    ^j^^y^Hes  preuves  y    e^  de  nouvelles  reponfes 
donne  au  r  '  .  ,  ),       n 

public  à  la  aux  dîjjicultez.  &c.    cr   cependant   elle  ejt 

Ouvrage"  totiî'lt-fait  Conforme  à  la  féconde  ,  je  nat 

rien 


PREFACE. 

rien  ajouté  y  je  n*ai  rien  oté,  je  nai  rien 
(i)  changé.  Voici  mes  raifins.  y* ai  confideré  (i)  e^- 
^ue  cet  Ouvrage  n  étant  déjà  que  trop  fem-  j^o^^Tie' 
blahle  aux  rivières  qui  ne- font  que  ferpen-  &:]'arran- 
ter  5  je  neujfe  pu  y  joindre  de  nouvelles  di-  ^u3q"es  ^ 
çre fiions  fans  en  rendre  la   leclm'c  tres-en-  "^pf^  ^^ 

*^    '.'     r      /-»y    ^     /   /  ;   -3  j         tres-peu 

nuieaje,    C  eut  ete  engager  mes  lecteurs  dans  d'endroit». 
un  Uhjrinths  ,   (2)  ca  Us  emharqttcr  fur  le 
Aieandre  ,     ^  ils  r^ont  que  faire  de  cela,  f^)  Noa 
Je   ne  fat  fi    d autres   Auteurs   auroient  nquidis 
l'adreffe   de    faire   croître   tm    tel   Ouvra-  ^hrygius 

X     ,  -'.  ,  .  Maeander 

ge  a  la  mamere  des    corps  vivans  ,     per  in  undis 
intus  furceptionem  ;   c'cfl-a-dire ,  par  de  ^^J^  '  ^ 
nouveaux  jucs  répandus  ^  dîjtrwuez,  dans  lapfu  re- 
toute  la  maffe  avec  les  propo-rtions  neceffai-  fl^-Sue, 
res  ,    mais  pour  mm  je  m'en  reconois  in-  Occur- 
capable  ,     ô"    <^i'l^  f  imiterai   la  manière  nbi  ventu- 
âont  an  dit  que   la    nattire  fait  croître  les  ras  afpiae 

.  .;  .>r  /•  undas, 

corps  non  Vivons  :     ils  croijjent  ,    dit -on  ,  Et  nu  ne 
per  juxta-pofitionem  ;    c'ef-à-dlre  ,  /^^^J^uncad"' 
une    matière    qui  Je  joim    a  leurs  parties  mare  ver- 
exterieures  :    je    referverai   mes  additions  tumTn-' 
pour   un    nouojeau  tome   qui    fera  imp-rlmé  ^^'"'^^ 

■"n  j  •       r      '      1  '     1         excrcet 

A  part  des  que  ]e  jerai  plus  avance  dans  aq-jas  :  it3 
la  compofttion  du  DiBionaire  Critique  ,    a  P^\^^^^ 
quoi  je  continue  d^  travailler.     Si  je  ren-  inmime- 

ras  errr 
vias ,  vi 
que  ipfe 


^    4  voie  '"'  '""'■"^ 

T  ^^^^  vias ,  vix- 


reverti  Ad  limen  potuic.  Ovidius  Metam  fil',  8.  ».  1^2^ 


PREFACE. 

de  Septembre  i6^%,  lors  que  l'Europe  et  oit 
deja  délivrée  de  cette  guerre  ,  ^  quelle 
étoit  fm  le  point  de  voir  retablrr  la  paix  en-- 
tre  les  Chrétiens  ^  les  Ottomans,  Voila, 
donc  wie  Comète  qm  s'eft  montrée  entre 
deux  traitez,  de  paix  cffù  ont  fait  cejfer  la 
guerre  dans  tous  les  coins  de  L'Europe^  <^ 
qui  ont  changé  m  mieux  la  fituation  des 
affaires  générales  ;  une  Comète ,  dis^je ,  qui 
ramené  les  fems  heureux  oh  l'on  fermait 
le  temple  de  Janus,  Si  nous  ne  pouvons 
pas  l'efperer^  fouhaitons  du  moins  quavec 
ttne  longîic  durée  ce  foient  des  tems  fembla» 
blés  a  ccHX  quun  Poète  Latin  a  fait  pre^ 
dire  : 

ffi  virgii       Afpera  ([)  tum  pofitis  mitefcent  fx- 
-fi'n.i.i,  cula  beîlïs, 

^*^^'-  Cana  fîdes ,   &  Vcfla  ,  Rcmo  cum 

fratre  Quirinus 
Jura  dabunt  :  dirse  ferro,  &  compa- 

gibus  arcèis 
Cîaudentur  belli  portas.    Furor  iiripius 

intus 
Saeva  fedens  fuper  arma ,    &  centum 

vinctus  ahenis 
Poft  tergum  nodis  5   fremet  horridus 
ore  cruento. 

Le  1,  de  Juin  1 6^^, 

TABLE 


TABLE 

DES 

SECTIONS 

des  Penfées  diverfes. 


§.  I.  Occafon  de  l'Ouvrage,  Pag.  i 

§.  2.  A'vec  quelle  méthode  on  l'écrira.  x 

§•3-  .^^  ^^^  prefages  des  Comètes  7ie  font  apuiez, 
d'aucune  bowne  raijon.  5 

§.  4.  De  l'autorité  des  Poètes.  4. 

§.5*.  De  l'autorité  des  Hijloriens.  f 

§.6.  ^^e  les  Hijloriens  fe  plalfent  fort  aux  di- 
grefjans.  S 

§.  7.  De  l'autorité  de  la  Tradition.  9 

§.  8.  Pourquoi  on  r^e  parle  point  de  l'autorité  des 
Philofophes.  1 1 

§.  9.  I.  Railon  contre  les  preiàges  des  Comè- 
tes, ^^'il  eft  fort  probable  qu'elles  n'ont 
point  la  vertu  de  produire  quelque  chofe 
fur  la  terre.  1 5 

Ç.  10.  Si  elles  envoient  c^eh^ue  autre  chofe  que  la 
lumière.  1 4 

§.  iiri"/  leur  lumierf  détache  quelques  atomes,- 

ibid, 

^.  12.  Quelle  peut  être  l'aBivité  de  leur  lumiè- 
re, ly 

§.13.  ^u'il  eji  aujjî  difficile  aux  exhalaifons  de 
defcendre  que  de  monter.  ibid. 

§.  14.  ^ue  les  exhalaifons  des  CoTnetes  quand 
même  elles  pan'iendroient  jufqti'a  ù  ter-' 
re ,  n'y  produiroient  rien.  1 8 

S-  15".  Réfutation  de  ceux  aui   difent    ciue  cel.% 


TABLE 

v'eji  pas  im^gjjible,  ou  qui  voucîrôterd  fou" 
tenir  que  la  tr.fiuences  m  Jont  pas  des  cor- 
pufcules.  pag.  lo 

5.  16.  11.  Raifbn  :  ^ue  f  les  Comètes  aïoknt 
la  vertu  de  produire  quelque  chofe  fur  la 
terre  ,  ce  pcurroit  être  tout  aujjî  bien  du 
bonheur-,  que  du  malheur,  ii 

§.  17,  II I.  Raiion  :  ^e  l'Afirolofie  qui  efl  le 
fondement  des  prediclions  particulières  des 
Comètes  ,  ejl  la  chofe  du  monde  la  plus 
ridicule.  i^ 

§.  iS.  Bu  crédit  de  V uijlrologie  parmi  les'a72ciens 
Faiens.  3 1 

§.  19.  Du  crédit  de  l'Aflrologie  parmi  les  Infidè- 
les d^ aujourd'hui.  3  5 

§.  20.  Du  crédit  de  VAfcrolagie  parmi  les  Chré- 
tiens. 3  d 

§.  21.  Du     crédit    de    l'Aflrologie    m    Trance. 

38 

^.  22.  ^le  V entêtement  gennal  pour  V Afrologie 
decr  édite  V  autorité  qui  n'efi  fondée  que  fur 
le  grand  nombre.  4.0 

%.  23.  IV.  Railbn  :  ^le  quand  il  ferait  irai 
que  les  Comètes  ont  toujours  été  fuivies 
de  pkifeurs  malheurs ,  il  -n'y  aurait  poh.t 
lieu  de  dire,  quelles  en  ont  été  le  figne  ou- 
la  canfe.  42 

%.  24.  V.  Raifbn:  ^hfil  efi  faux ,  qti  il  f oit  ar- 
rivé plus  de  malheurs  dans  les  années  qui 
ont  fuivi  les  Comètes  ,  qu'en  tout  autre 
tems.  43 

5.  25'.  S'il  y  a  des  jours  heureux  ,  ou  ?nalheu^ 
reux.  44 

§.  26^  Sentiment  de^  Vaiens  fur  les  jours  heureux 
ou  malheureux .  4^ 

^,  27-  Réfutation     du   fentiment     des     Paie/is, 

46 

§.  28.  Comment  il  arrive  qtion  gagne  des  batail- 
le i  eu  certains  jours  affeclez.  4  3 


DES    SECTIONS. 

iç.  Ce  qu'il  faut  répondre  a  ceux  qui  citent 
des  exemples  pour  les  prefrges  des  Comè- 
tes, 4-9 

30.  ^u'il  n'y  a  po'mt  de  fat  (dite  dans  certains 
noins.  5'o 

3  r .  Grande  fnperjlition  des  Païens  à  l'égard 
des  noms.  S^ 

32.  En  quel  fens  on  peut  préférer  un  noyn  a, 
un  autre.  f-f 

3  3 .  Combien  cette  V.  raifon  eft  decijïve  contre- 
les  prefages  des  Comètes.  S^ 

34.  Obfervaùons  neceffaires  a  ceux  quife'ueu-' 
lent  éclairàr  de  ce  fait.  fP 

35'.  Comparaifcn  des  années  qui  ont  fui'vi  les 
Comètes  de  l'an  166 j.  mjec  les  années 
qui  ont  précédé  la  Comète  de  Van  16/2, 

60 

36.  Guerre    des     Turcs     ^    des    Vénitiens, 

61 

37.  Guerre    des    Efpagnols    éf*  des  Portugais^ 

38.  Guerre    des   Anglois    ^   des  Hollandois. 

39.  Guerre    des    J fan  fois   &  des  Efpagnols^ 

OS 

40.  ^ue  l'Efpagne  feroit  bim  d'abandonner  les 
F  aïs-Bas.  6j 

41.  Bonheur  de  Vannée  1668.  70 

42.  Vacif  cation  du  démêlé  des  fefuites  ,  0» 
des  Janfeniftes.       .  T^ 

43.  Considération  des  malheurs  arrivez,  pen- 
dant les  fept  années  que  Von  a  examiné. 

If 

44.  Malheurs  arrivez,  dans  l'Europe  depuis: 
Van  i6.\.f.  jufquen  16 fz.  76 

4^.  VI.  Raifon:  ^ue  la  peyfuaf on  générale 
des  peuples  n'efl  d'aucun  poids  pmr  prou- 
ver les  mauvaifes  influences  des  Comètes. 

.     8q- 
*  7  §.  46.  Exem--  ' 


'table 

§'  4<5.  "Exemples  de  quelques   opinions  générales  t 

qui  font  fnuffes.  pag.  8  x 

§.47.  ^hielle  efi  la  'veritaèle  caufe  éle  l'autorité 

dune  opimon.  pag. 84» 

§.  48.    (5)u'il   ne  faut  pas   juger  en  Philojcphie 

par  la  pluralifé  des  voix.  pag.  86 

§.49.  Combien   il    ejl   ridicule   de    chercher    les 

caufes     lie     ce     qui      n"^      point. 

pag. 87 
§.  5*0 .  Superf  irions   des   Anciens  pour  les   éclip- 

fés.  pag.bp 

§.  yi.  Superfiition  des    Modernes  pour  les  eclip^ 

fes.  ^  pag.  91 

§.  j-î.  ^le  les  éclipfes  ne  peuvent  point  caufer 

de -mal.  pag.  92, 

§•  5" 3-  Mi^^  ^^  éclipfes  ne  peuvent  pas  être  le 

jig-ne  d'aucun  î/inl.  P^g-94' 

§.  5-4.  En  quel  fens  un  ejfet  naturel  efv  un  f igné 

de  quelque  chofe.  pag.  96- 

§.  5"^.  Remarques  pour  conoitre  fi  une  chofe  ejt  un, 

figne  e-avoié  de  Dieu.  pag.  97 

§.  f6.  Aplication  aux  Comètes  de   ce  qui  a  été 

dit  touchant  les  éclipfes.  P^o-99 

§.  j7.  VII.  Raifbn  ,     tirée  de  la  Théologie: 

^ue  fi  les  Comètes  étoient  un  prefage  de 

maUieur  ,   Dieu  auroit  fait  des  miracks , 

pour  confirmer  V Idolâtrie  dans  le  momie. 

pag.  I  o% 
S*  5"^'  =^^^   ^'^-^  Co7netes  ne  psuvent  prefager  le 

mal  qu'en  qualité  de  fignes.  pag.  103. 

§•  S9'  c^^   ^^^  Comètes   ne  peuvent    être    dei 

J'gnes  du  mal  k  venir  fians  être  formées 

miraculeufement .  pag.  1 04 

^.  60.  Etrange  confequence  qut  naîtrait  de  ce  qu^ 

les  Comptes  feroient  formées  par  miracle. 

pag.  10/ 
§,  61.  Les  Démons  entretemlèra  la  fuperfiition  en 

produifanî  des  prodiges.  pag.  1 07 

J,  62^  ^ue  les  Vaiens  ne  faifoient  rien  qui  pict 

m- 


DES    SECTIONS. 

apoffer  la  colère  tU  DieU' ,  quanÂils  vmieiit 
des  prodiges.  pag.  1 09 

§.  63.  Les  Démons  faifoient  prendre  pour  des  pro- 
diges ,  plufieurs  ejfets  de  la  'nature.      1 1  o 

§.  64.  Si  je  me  prevaus  du  temoig?îage  des  Poè- 
tes. 1 1 5. 

§.  6f.  Comment  les  hommes  eujfent  pu  d'eux-mê- 
mes prendre  certaines  chofes  pour  des  prodi- 
ges. ^114. 

§•  ^^'  <^tie  ce  qu'on  apelle  des  prodiges ,  eji  fou- 
lent aujji  naturel  que  ks  chofes  les  plus 
communes.  1 1 5*" 

§.  67.  De  la  prodigieufe  fuperftition  des  Faiens  fur 
le  chapitre  des  prodiges.  1 1 6 

§.68.  Artifices  du  Démon  pour  fomenter  la  fu- 
perflition  des  Taiens.  1 1 9 

§.69.  ^le  les  Taiens  attribuoient  leurs  mal- 
heurs a  la  négligence  de  quelque  cérémonie, 
0=  non  pas  a,  leurs  lices.  121 

§.  70.  Aplication  des  remarques  précédentes  a  lit 
raifon  tirée  de  la  Théologie.  i  z^ 

§.  71.  De  l'horreur  que  Dieu  a  pour  l'Idolâtrie.. 

§.72,  ^ue  la  raifon  pourquoi  les  Comètes  ne  pou- 
'voient  pas  être  des  prefages  ,  avant  lit 
venue  de  J  e  s  u  s-C  h  r  1  s  t  ,  fuôfîfie  en- 
core. 127 

§.  73.  De  l abominable  idolâtrie  des  Faiens  d'au-^ 
jourd'hui.  129 

§•  74-  J^^  ^^^  Comètes  ont  des  car'aUeres  parti- 
culiers ,  qui  montrent  qu'elles  ne  f&nt  pas 
des  fignes.  13a 

§.  75".  En  quel  fens  on  peut  dire  que  Dieu  me- 
nace   ceux     qu'il    ne    veut  pas  fraper. 

§.  76.  ^u'il  eji  faux  que  les  peuples  qui  font  heu- 
reux après  l'aparition  des  Comètes  ,  aient 
mérité  cette  difimtion  par  leur  peniten- 
c?,  134. 

S'  77-  ^& 


TABLE 

$.77.  ^iP  l'efficace  des- prières  d'un  petit  nombre 
iie  bownes  âmes  dans  la  irate  Religion , 
n'a  point   de  lieu   dans   les  faujjes  Reli' 

^      Q  '^''•'V  ^.  P^S-^37 

^.  70.  Di;^rejpon  neceffaire.  13  9 

§.  7p.  VII I.  Raifon  :  ^ie  l'opinion  qui  Jait 
prendre  les  Comètes  pour  des  prefages  des 
calamiiez,  publiques  ,  efi  une  t'iedle  fu- 
perfciiion  des  Faiens  ,  qui  s' efi  introduite 
^  confervée  dans  le  Chrifiianifme  par  Ix 
prévention   que  l'on   a  pour  l'A-ntiquitê. 

140 

^.  80.  De  la  g7'ande  pajjïon  qu'ont  les  hommes  ik 
[avoir  l avenir  ,  ô™  ^^^  ^jf^^-^  quelle  a 
produits.  ibid, 

§.  81.  ^ie  les  Volitiques  ont  fomemé  la  fuperfii' 
tion  des  prefages.  i^% 

§.  82.  ^ue  les  Famgyrifles  ont  contribué  a 
fomenter    la    fuperfiition     des    prefages, 

14.7 

§.  83.  A  coinhien  de  chofes  on  a  fait  fervir  une 
même  Comète.  1 5*0 

§.  84,.  Pourquoi  les  Chrétiens  font  dans  la  même 
prévention  que  les  Faie?îs  fur  le  fujet  des 
Comètes.  1 5-4 

§,  8j.  liitroduclio-ns  de  plufiems  cérémonies  Faien- 
nies  dans  le  Chrifiianifme.  ijj 

§,  86.  ^^ue  les  fauffes  converfîons  des  Faiens- 
ont  tranfporté  bien  des  erreurs  dans  le 
Chrifiianifme.  1 5'8- 

§.  87.  Du  penchant  que  les  hommes  ont  k  être 
de  la  Religion  dominante  ,  ^  dtt  mal 
que     cela     fait     k      la     'vraie     EglJfe. 

160 

§,88.  Reflexion  fur  les  converfîons  prefentes  des 
Huguenots.  162 

§.  89.  Freuves  de  fait  de  la  tranfplantation  des 
erreurs  du  Faganifme  dans  le  Chrifiauif- 
i2^,  1 69, 


Des  sections. 

§.50.  Pourquoi  les  Sts.  F  ères  n'oTJ  pas  condftnh' 
né  ceux  qui  croioient  les  prefages  des  Comè- 
tes, pag.  1 7  2 
§>  91-  ^u'on   n-  tort   de   blâmer   ceux    qui  ne 
croient  pas  legerenient ,  quun  effet  Joit  mi-^ 
rMulcux.  17? 
§.  92.  Be  quelle  manière  la  grâce  guérit  la  na- 
ture. 175* 
§.95.  Combien.  Us  Chrétiens  [ont  infatuez.  des 
prefages.  17^ 
§.  94.  Combien  les  Hifioriens  fe  jettent   dans  le 
merteilleux  j  ceux  de  Charles-,^int  par 
exemple.  179 
§•  9f  •  S^^  quand  on  dit  que  les  Comètes  prejOr- 
gent  la  mort  des  Rois,  on  ne  distingue  pas- 
comme  il  faiulroit  faire    ,     ceux  dont  la 
mort  ejî  préjudiciable  de  ceux  dont  la  mort 
ne  fait  aucun  mal.  180 
§,  96.  Suite  des  exaggerations    Efpagnoles  à  li^ 
loilange  de  Charles-^ùnt.  184. 
§.97.  jLvertiffement  aux  Htfioriens  Tranpis. 

186 

§.  98.  Réfutation  des  Hifioriens  de   Trance    qui 

ont  avancé  qu'il  y   eut  des  prefages  'de  la 

mort  du  Roi  He??ri  IV.  191 

§.    ç^.    Nouvelles  preuves    de     l inclination    des 

chrétiens  a  croire  les  prodiges  <^  les  pre- 

fages.  195- 

§.  100.  Nouvelle  remarque  ,   pour  faire  voir  que 

l'antiquité  ^  la  généralité  d'une  opinion  t 

nefi     pas      une      marque      de    vérité. 

^  199 

§.  loi.   "Preuve  convainquante  de  l'erreur  ou  Ion 

eft  touchant  les  prefages.  201 

§.  102.  Première  objedtion  contre  la  raifon  ti- 

•  ree  de  la  Théologie  :    Dieu  a  formé  des 

Comètes  ,   afin  que  les  Païens  conuffent  fa 

providence  ,     ^   ne  tombaffent  pas  dans 

i'Atheifme,  io6 

§.  203.  Pre- 


T    A    B    L 

§.  103.  Première  Reponfè.  ^le  DIm  ne  fait 
foint  de  miracles  ,  four  chajfer  un  crime , 
^ar  l'établtjfement  d'mi  autre  crime  i  lA- 
theifme  ,  par  l' étabUffement  de  l'Idolâtrie. 

pag.  207 

§.  104.  Seconde  Reponfe.  ^^'il  n'a  jainais 
été  necejfaire  d'empêcher  que-  l'Atheifme 
ne  s'établit  en  la  place  de  l'Idolâtrie  ,  ^ 
e^ue  les  Comètes  ne  font  pas  capables  de 
L  empêcher.  2 1 1 

§.  loj-.  De  la  prodigieufe  inclination  des  anciens 
Faiens  a  multiplier  le  nombre  des  Dieuxg 

212 

§.  io5.  III.  Reponfè.  ^ue  quand  même  il 
y  aurait  eu  lieu  de  craindre  que  l'Atheif- 
me ne  s'établît  en' la  place  de  l  Idolâtrie ,  // 
n'eût  point  falu  fe  fervir  de  miracles  pour 
l'empêcher.  214, 

§.  107.  Les  ejfèts  de  la  nature  pOHVoient  empê- 
cher  l'irréligion.  2 1  f 

§.  108.  La  politique  pouvait  empêcher  la  même 
chofe.  ibid. 

§.  109.  L'intérêt  des  Trêtres  le  pot^voit  empêcher 
aujji.  216 

§.  1 1  o.  Combien  les  peupUs  aimaient  â  croire 
que  les  prodiges  n'étaient  point  naturels. 

218 

§.  III.  ^ue  le  Sacerdoce  ^  t  autorité  Souverai- 
ne ont  été  quelquefois  unis.  220 

§.  112.  Du  foin  que  l'on  prenoit  de  châtier  ceux 
qui  meprifaient  la  Religion.  221 

§•  ^^5-  i^^  ^^^  Démons  aiment  mieux  l' Idolâ- 
trie qtte  l'Athetfme.  225 

§.  114.  IV.  Reponfè.  ^ue  l'Atheifme  n'eji 
pas  un  plus  grand  mal  que  l  idolâtrie. 

225* 

§.  iif.  I.  Preuve.  L'imperfeéîion  eft  aufjt  con- 
traire pour  le  moins  â  la  riature  de  Dieu  > 
aue  le  non-étre.  il>id. 

§,  1x6.  IL. 


DES    SECTIONS, 

§.  II 6.  II.  Preuve.  L'Idolâtrie  eji  le  plus  granJ 
de  tous  les  crimes  félon  les  Fê-es.  pag.  227 

§.  117.  III.  Preuve.  Les  Idolâtres  ont  été  de 
•vrais    Athées     en    un    certain    fens. 

228 

§.  118.  IV.  Preuve.  La  cono'ijfance  de  Dieu  ne 
fert  à  un  Idolâtre  qu'à  rendra  fes  crimes 
plus  atroces.  219 

§.  119.  V.  Preuve.  V Idolâtrie  rend  les  hom- 
mes plus  difficiles  k  convertir  ,  que  l'A- 
theïfme.  232. 

§.   1^0.    Comparaifons     qui     prouvent     cela. 

§.  121.  ^u'il  ejl  difficde  que  ceux  qui  ont  long 
tems  armé  une  chofe  ,  fe  portent  â  aimer 
le  co)3traire.  235" 

§.  122.  VI.  Preuve.  Ni  Vefprit  ,  ni  le  cœur  ne 
font  pas  en  meilleur  état  dans  les  Idolâtres, 
que  dans  les  Athées.  237 

§.  113.  Confideration  du  jugement  que  les  Faiens 
faïfoient  de  Dieu,  ibid.. 

§.  1 24.  Refiexion  fur  le  ridicule  de  la  Religion 
Faienne.  239 

§,  125.  ^u'il  ne  faut  pas  juger  de  la  Religion 
Faienne  par  ce  qu'en  ont   dit  les  Poètes,, 

24.1, 

§.  126.  Defordres  caufez  par  les  Foëtes  Chre^ 
tiens.  243 

§.  127.  ^uel  étoit  le  culte  public  parmi  les 
Faie/is  ,  ^  quel  leur  refpeSt  pour  la  tra- 
dition. 24.4. 

§.  1 28.  ^'il  faut  juger  d'une  Religion  par  les 
cultes  qu'elle  pratique.  R.efiexio?i  fur  le 
livre     de     Mr.    l'Evéque    de     Condom. 

247 

§.  129.  1^  difpoftion  du  cœur  des  Athées  com- 
parée avec  celle  des  Idolâtres.  2_5"o 

§•  130-  i^^  ^^^^  qui  ont  été  tres-mechans  par- 
mi les  Faiens,  n'ont  pas  été  Athées,  i^i 
§.i3i.^«^i 


TABLE 
§•  ^3^-  ,^^1  eft   l'effet   de    la  conoijfance  d'un 
Bteu    farmi    les    nations     Idolâtres. 

>  132,.  ^u,e  les  Idolâtres  ont  furpaffe  les  Athées 
dans  le    crime  de  leze-MajeJié  Divine. 

2J-6 

§.   133.  VIL  Preuve.     L'Atheïfme   ne  conduit 

pas    neceffa'ire}nent    k   la  corruption   des 

mœurs.  z6î 

§,  134.  ^ue  l'expérience  combat  le  raifonnement 

o^ue  Ion  fait  ,   pour  prouver  que  la  co?îoif- 

fance  d'un  Dieu  corrige  les  inclinations  ^7'- 

cieufes  de  l  homme.  263 

§.  I3;f.  Pourquoi  il  y  a  tant  de  dijference  entre  ce 
■     qu'on  croit  ^  ce  qu'on  fait.  264 

§.  17,6.  ^ue  l'homme  n'agit  pas  félon  fes  princi- 
pes. 166 

§.  137.  Vonrquoi  certaines  cérémonies  font  régu- 
lièrement obfervées.  268 

§.  138.  'Exemple  qui  prouve  que  les  opinions  m 
font  pas  la  règle  des  aciions.  272 

§•  139.  ^u'on  ne  peut  pas  dire  ,  que  ceux  qui 
ne  vivent  pas  félon  les  maximes  de  leur 
Religion  ,  ne  croient  pas  qu'il  y  ait  un 
Dieu.  I.  Preuve  de  cela  ,  tirée  de  la 
vie  des  fbldats.  273 

§.  14,0.  IL  Preuve,  tirée  des  defordres  des  Croi- 
fades.  2,74 

§.  141.  P^eflexion  fur  ce  que  quelques  Infidèles 
ont  objecté  aux  Chrétiens  ,  que  leur  Reli- 
gion n'efi  propre  qu'a  faire  des  Uches. 

275- 

§.  141,  IIL  Preuve  ,  tirée  de  la  conduite  de  plu- 
fleurs  femmes.  279 

§.  143.  ^uels  principes  on  peut  inférer  de  ce  qui 
vient  d'être  dit.  •  2,84^ 

§.  144.  ^ue  les   Athées    éf*    les   Idolâtres  font 
pouffez  au  mal  par  le  même  principe. 
^  28^ 


DES    S^  E  C  T  I  O  N  S. 

^  45"  •  c^^  ^^  principe  n'efl  pas  corrigé  dans  lei 
Idolâtres   mieux   cjue   dans   les   Athées, 

pag.  287 

1^6.  ^tie  la  bonne  Théologie  fait  -voir  ,  que 
la  corruption  de  la  nature  n'eji  pas  tnieux 
corrigée  da/is  les  Idolâtres  ,  que  danPles 
Athées.  290 

147.  IV.  Preuve  ,  tirée  des  Demdns  ^  des 
Sorciers ,  qui  foyit  z'oir  que  les  ge?2s  les  phi  s 
perdus  demeurent  perfuadez,  de  lexiftence 
de  Dieu.  292 

148.  V.  Preuve,  que  l'on  peut  trouver  ,  en 
faifant  une  revue  générale  des  manières  les 
'plus  communes  des  gens.  295 

149.  VI.  Preuve, r/r^V  de  la  dévotion  que  Ion 
dit  que  pluj^eurs  fcelerats  ont  eue  pour  la 
S  te.  Vierge.  2^6 

I  j-o.  Reflexion  fur  un  Ouvrage  du  F.  Rapin, 

298 
15-1.  S'il  efl  vrai  qu'il  y  ait  beaucoup  d'Athées 

à  la  Cour  des  Frinces.  302 

ij'2.  Conjîderation  particulière  des   fentimens 

de  Louis  XI.  304 

I  j'3.  ^ue  la  Cour  ne  garantit  ,  ni  de  la  fu- 

perjiition    ,     ni    des    erreurs    populaires. 

15-4.  De      la      fuperjlition       d'Alexandre. 

i_f_f .  Defordres  ^  zélé  de  la  Cour  de  France 
au  dernier  Jmle.  7,1  f 

15-6.  Ztle  des  Orans  Seigneurs  de  Frartce  con- 
tre les  Frotejlans.  319 
ifj.  Raifon  tr es-forte  pour  prouver  la  necejjîté 
de  la  grâce.  320 
§.  15-8.  VII.   Preuve  ,  tirée  des  fréquentes  Com- 
munioKs.                                              ibid. 
§.  15-9.  Confirmation     de     la     même     chofe. 

§.  1(^0,  ^tii  çmx  qui  attribuent  la   corruption^ 

de} 


TABLE 

âes  mœurs  à  l'ajfoiMiJfement  de  la  foi  ^  ex^ 
tenuent  le  crime  »  au  lieu  de  le  rendre  plus 
atroce.  pag.  gz^ 

§.  i6i.  Conjeâiures  fur  les  mœurs  d'une  focieté 
qui  jeroit  fans  Religion.  327 

§.  4^.  t^e  les  loix  humaines  font  la  vertu  du- 
ne infinité  de  perfonnes.  L'impudicité  en 
efi  un  exemple.  3  28 

§.  \6i.  ,^e  les  hommes  font  plus  fenfbles  à, 
l'honneur  que  les  femmes,  329 

§.  164.  Quelles  font  pour  l'ordinaire  les  leri-^ 
tpibles    caufes  de  la  chafieté  des  femmes,  . 

§.  \6^.  Combien  Vimpudicité  qui  règne  parmi  les 
Chrétiens  fait  tort  a,  la  Religion  Chrétien- 
ne. ^  ^     333 

§.  166.  Marque  a  laquelle  on  peut  conoiîre -,  ft 
Ion  fait  quelque  choje  pour  l'amour  de 
Dieu.  335* 

§,  167.  ®uclle  efi  la  véritable  raifon  pourquoi 
un  péché  efi  plus  ordinaire   quun   autre, 

§.  168.  Reflexion  fur  l'habitude  de  mentir  ^  de 
médire.  339 

§,  169.  Si  les  hommes  ont  raifon  de  croire  qu& 
l'impudicité  foit  un  moindre  crime  que  U 
meurtre.  341 

§.  170,  Reflexion  fur  la  malice  qui  fe  trouve  fou- 
vent  dans  la  medifance.  343 

§.  171.  Pourquoi  la  vengemwe  éf  l'avarice  font 
des  pajjïofîs  fi  communes,  34 jT 

§.  i-ji.  Si  une  focieté  d^  Athées  fe  fer  oit  des  loix 
de  bienfeance  ^  d'honneur.  349 

§.  173.  ^ue  l  opinion  de  la  mortalité  de  l'ame, 
n'empêche  pas  qu'on  ne  fouhaite  d  immor- 
talifsrfon  nom.  3f2 

§,  174.  Exemples  qui  montrent.,   que  les  Athées 

ne  fe  font  pas  difiin^uez  par  l'impureté  des 

mœurs.  35"? 

§.  17;-.  ^t 


DES     SECTIONS. 
§'    ^IS'  Mj^^  ^^  i^^^  volufttieux   ne  s'amiifent 

guère    à   dogmatifer    contre  h    Religion. 

pag.  35-8 
§.  176,  ,^e  l'homme  ne  règle  pas  fa  i^iejhr  fes 

opinions.  361 

§•  ^11  '  ,^^^1^^  ^Ji  '^  raifon  pourquoi  on  fe  repre'- 

fente  les  Athées  extraordmairement    me- 

chans.  565 

§.  178.  Si  l'on  peut  avoir  une  idée   d' honnit e^ 

té  ,    fans   croire  qu'il  y    ait  un   Dieu, 

§•  ^19'  ^u,' an  Athée  peut  être  avide  de  gloire 
0>  de  loiiange.   ^  367 

§.  180.  ,^ue   l'exemple   de   Lucrèce    ^  de  fes  ^ 
femblabks  prouve  manifefiement  ,   que  la 
Religion   n'étoit   point    la  caufe  des  idées 
d'honnêteté     qui  étoit  parmi   les    Faiens. 

§.  i8i.  Nouvelle  remarque  ,  qui  fait  voir  que 
les  hommes  ne  viojent  pas  félon  leurs  princi- 
pes. 37a 

§.  182.  L'Atheifme  aiant  eu  des  Martyrs  ,  c'efi 
une  marque  indubitable ,  qu'à  n'exclut 
pas  les  idées  de  la  gloire  ^  de  l'honnêteté. 
Réflexion    fur    la     comhute    de   Vanmi. 

§.  1S3.  'Examen  de  l'objection  que  Von  tire  de  la 
dijjculté  qu'il  y  a  à  convertir  un  Athée, 

378 
§,  184.  D'OU    viennent   les  dijîcultez.  de  croire. 

380 

§.  l'èf.  Réflexion  fur   la    conduite  de    Jésus- 

Christ   envers    les   Saducéensi  ^  les 

Fharifiens.  3  8g 

§.  186.  De  l'averfion  des  Juifs  pour  l'Idolâtrie, 

§.  187.  S'il  y  a  quelque  autre  caufe  de  l in- 
crédulité ,    que    l'inclination    au    mal. 

§.  188.  Co7n* 


TABLE 

§.  188.  Combien  la  Religion  Faienne  étoit  propre 
à  faire  des  Athées.  P2g-3^9 

§.  i8p.  ^ioi  c^ne  l  homme  [oit  tres-corrompH  ,  il 
ne  veut  pas  o^ue  la  Religion  commande  le 
crime.  391 

§.  190.  Quelle  efl  U  raifon  de  cela.  393 

§.  191.  6"/  la  profejjien  extérieure  de  Religion  que 
fora  les  Athées  ,  leur  peut  faire  quelque 
bien.  394. 

§.  192.  Pourquoi  on  s'eji  tant  étendu  fur  cette 
matière.  395* 

§.  193.  Réflexion  fur  un  traité  de  Plutarque»  de 
la  fuperflition.  396 

§.  194.  V.  Reponfè.  ^u'il  n'y  a  poi'nt  d'exem- 
ple ,  qui  prouve  qu^  Dieu  ait  formé  7ni~ 
raculeufement  des  prodiges  pour  la  prête?}- 
due  converjion  de  quelqu'un  à  l'Idolâtrie. 

399 
§.   195-.  Combien  les  miracles  parmi   les    Paieras 

eujje/it  été  favorables  à,    l'Idolâtrie    d  un 

coté ,  (^'  inutiles  de  l'autre.  400 

§.  196.  Inutilité  de  la  converjion  d'un  Epicurien 

à  l'Idolâtrie.  401 

S*  ^97'  ^*'''^  y  ^  ^^^  erreurs  plus  groj^eres  que 

de  nier  la  Providense.  402 

§,   198.  Reflexion  fur  ce  qui   s' efl  pajfé  au  fnjei 

des  6f.  PropOjitions  condaynnées  par  le  Pa^ 

pe.  4o5 

§.  199.  Reflexion  fur  la  diverfe  manière  dont  on 

agit  contre  les  vices  ^  contre  les  erreurs. 

408 
§.  200.  ^liil  y  a  des  erreurs  qtii  ne  font  point _ 

criminelles,  4 1 1 

§.  20 î.  Ce  qui  fait  quune  erreur  efl  pire  quune, 

autre.  414 

§.  202.  Si  Dieu  eût  fait  des  miracles  pour  faire 

comitre  fa  bonté  aux  Païens  j   //  eut  tra^, 

vaïlU  pour  les  faux  Dieux.  41^ 

§,  203,  II,   Objection.     i«    Comètes  fe  font 

fans 


DES    SECTIONS. 

fans  miracle.  Dieu  peut  faire  dés  miracles 
parmi  les  hifideles.  Dieu  fe  veut  faire 
conoitre  aux  hommes  far  le  moien  des  Co- 
mètes. 'Les  actes  d'Idolâtrie  dont  les  Cq- 
?netes  font  caufe  ,  rendront  les  hommes 
inexcufables .  ibid. 

§.  204.   I.    Reponfc.      6)uafin  que  les  Comètes 

foient   des  fignes  de  ce   qui  doit  arriver 

après  leur  aparition  ,     il  faut  yiecejfaire- 

ment  qu'elles  foient  formées  par  miracle. 

416 

§.  ioj.  Lifte  de  plufïeurs  hypothefes  quon  peut 
fuivre   pour    raifonner   fur  les  Comètes. 

§ .  2o5.  ^^u'il  n'y  a  point  d'hypothefe  ,  ou  Von 
trouve  une  liaifon  naturelle  entre  les  Co- 
mètes ^  ce  qui  fe  pajfe  fur  la  terre  aprh 
leur  aparition.  4 1 8 

§.  207.  En  quel  fens  les  caufes  fécondes  font 
fi'.bor  donné  es  entre  elles,  ou  ne  le  font  pas. 

4ZO 

^.  208.  Eclaircijfement    de    cette   doctrine. 

pag.  425 

§.  209.  Autre  eclaircijfement  par  le  fyfteme  des 
caufes  occafonneiles.  425* 

^.  210.  Confirmation  de  cette  doctrine  par  ce  oui 
arrive    lors    qu'il  fe  fait    des  miracles.. 

426 

§.  211.  ApUcation  de  ce  qui  a  été  dit  fur  la  î„ 
hypothefe  y  a  trois  autres.  427 

§.  212.  j^e  la  IV.  hypothefe  ne  foujfre  point  /^ 
liaifon  dont  on  parle  ict.  4x8 

§.  213.  Confirmation  de  ces  remarqués  ,  par  /^ 
contingence     des     actions     de     l'homme, 

J.  214.  ^u'il  tient  a  peu  de  chcfe  qui  les  plus 
grands     évenemens    ne    foïeht    changez, 

%.  2\f,  Motm    de    s'i/naginer   q^s   Ui   Cotnetes 
*  *  fient 


TABLE 
fotent    un    prefdge  fans    miracle. 

§.  216.  Réfutation  de  ce  moien.  43 <$ 

$.  217.  Seconde  Rcponfe.  ^le  fi  les  Comètes 
étoknt  des  miracles  ,  elles  feroient  d'un 
certain  ordre  de  miracles  que  Dieu  «e 
fait  jamais  dans  le    pais   des   Infidèles^ 

438, 

§.  218.  ^ eh  font  les  miracles  que  Dieu  fait 
par?ni  les  Infidèles.  439. 

§.  219.  III.  Rcponie.  (^uil  ef  faux  que  Dieu 
fe  foit  profofé  de  fe  faire  conoïtre  pour  le 
'Vrai  Dieu  aux  Gentils  ,  en  leur  faifant 
voir  des  Comètes.  441 

§.  220.  La  ijuë  d'une  Comète  ne  nous  rend  pas 
plus  propres  a  conoitre  la  nature  de  Dieu^ 

445 
%.   221.  Ity  avoit  des  Nations  Faiennes  (jui  n^ ad- 
mettaient point  les   Religions    étrangères.^ 

444- 
§.  222.  Courte  reprefentation  de  ce  quon  peut 
inférer  dss    remarques  précédentes. 

pag.   446. 
§.  223.  s'il  ejl  permis  de  nier  que  Dieu  fajfe  une 
chofe ,  lors  que  Von  ne  reconoît  pas  qu'elle 
foit  de  quelque  ufage.  447 

§.  224.  Réflexion  fur  la  maxime  du  Prêteur 
Cajfus  y  cui  bono.  449 

§.  225-.  Réflexion  fur  la  manière  dont  on  in- 
terprète   Vendurciffement  de  Pharao. 

pag.  4J-0 
5.  226.  IV.  Reponfè.    ^u'il  efl  faux  que  les 
Gentils  fe  foient  rendus  inexcufabbs  en  ne 
fe  convertijfant  pas  au>  vrai  Dieu  à  la  vue 
des  Comètes.  ^fj^ 

^,  227.  Les  Comètes  ne  font  pas  capables  d'ame^ 
ner  les  hommes     «  la  noijfance   du  vrai- 
Dieu.  4^3 
§.  228.  III,  Objcdion.    Z.W  Comètes  font  un- 


DES     SECTIONS.- 

effet  naturel  ,  ô>  la  caufe  naturelle  des 
malheurs  ^ue  l'on  fouffre  après  leur  apa- 
rition.  pag.  ^f^ 

§.  229.  Reponfè.  6)u'il  efi  hnpoJJîMe  que  les 
Co-metes  foïmt  la  caufe  efficiente  des 
malheurs  que  l'on  dit  quelles  prefagent. 

§.  230.  ^^'il  n'y  a  rien  de  plus  digne  de  la  gran- 
deur de  Dieu  ,  que  de  maintenir  les  loix 
gerierales.  ibid^ 

§.  231.  Refiexion  fur  l'injuflice  de  ceux  qui  fe 
plaignent  de  la  profperiti  des  mechans,. 

45-7 
§.  232..  De  la  différence  qu'il  y  a  entre  les  mira- 
cles ^  les  effets  de  la  nature  par  raport  à. 
nous.  45-9 

§•  2.33.  ^ue  les  caractères  des  'vrais  mira" 
dis    ne   conviennent   pas  aux   Comètes. 

4,60 

§.  234.  Si    Dieu     a    fait    des     biens    ^    de^s 

maux  aux  Faiens  afin  de  les  convertir. 

4(5 1 

§.  235".  Nouvelles  remarques  y   qui  prouvent  que 

les   Comètes  ne  font  point  la  caufe  du. 

mal  à.  venir ,  (^  qui  font  tirées  des  vi- 

cijjîtudes  fortuites    d^s   chofes    humaines. 

465- 

§.  236.    Combien  font     quelquefois    petites     les 

caufes     des     plus     grands     èvenemens. 

467 
§•  ^11'  Mf*^  ^^^  Comètes  ne  peuvent  pas  avoir 
part  à  toutes  les  pajjions  qui  caufent  U 
diverfité  des  èvenemens.  470 

§'  2,38.  ^ue  l'homme  n'a  befoin  que  de  lui-mê- 
me pour  être  agité  de  toute  forte  de  paf- 
fions.  Combien  les  Juifs  ont  été  fuperfii' 
tieux.  47  2 

§,  239.  Remar  q^u  e  s  ,  qui  montrent  que  pour 
faire  des  conjectures  fur  les  fuites  d'une 
**  i.  C(N 


TABLE 

Comète  ,  il  eft  inutile  de  l'ohferver  ,  ^^ 
qu'il  ne  faut  que  prcmlre  garde  a  la  Ji- 
t nation  des  affaires  générales  ,  aux  faf- 
fions  ,  ^  aux  intérêts  des  Princes.  EJJai 
de  ce  pri/2cipe  fur  la  Comète  de  1618.  ç^ 
fur  celle  de  16S1.  ^y^ 

§.  240.  Exemples  de  quelques  Politiques  qui  ont 
deviné  certains  évenemens.  47  j" 

§.  241.  Réfutation     du    prefage     de     Tafquier. 

477 
§.  242.  Il    étoit    facile    de   prévoir  une   gran- 
de   guerre    dans    l'Europe    Van     1618. 

480 
§.  243,  Lenteur  ^  bigoterie  de  la  Politique  de  U> 
Maifon  d'Autriche.  481 

§.  244.  ^ue  les  Conquerans  ont  évité  la  réputa- 
tion de  perfecuteurs,  485 
§.  24_f.  Combien  la  Maifon  d'Autriche  s'ef  af- 
foiblie  par   les    perfecutions   de   Religio-n. 

48/ 

§.  246.  ^^uels  font  les  prefage  s  que  l'on  débite 

prefentement.    Difpojtwns  favorables  pour 

la     France     à    faire      des      conquêtes^. 

487 
§..  247 .  Bétail  des   cir£onftances  avantageufes.  a 
la  France.  48S 

§.  248.  Confideration  de  Vétat  prefent   de  l  Eu- 
rope. 492 
§.  249.  Combien   les    Republiques   ont   a^Urcfois 
mortifié  les  Monarchies .  493 
§.  25*0.  Combien  la  paix  de  Nimegue  a  été  avan- 
tagea fe  a  la  France.  496 
J.  ifi.  Réflexion  fur  la  forme  du  Gouvernement 
d'Allemagne.  ^cfj 
§.  252.  Attachement  des  fefmtes  aux  intérêts 
de  la  France.  49  S 
|...  2^3.  Be  quelques  Prophéties  que  l'on  dit  qui 
poinmenf  an  Roi  de  grandes  conquétesM 

foo 
§.  2^-4,  irrfi- 


DES    SECTIONS. 

§.  2^4..  "Prétextes  que  le  Roi  pourrait  prendra 
pour  fe  fervir  des  favorables  difpofitions 
que  la  Fortune,  lui  ojfrc,  pag.  _foi 

§.  2_f/.  Raifons  pour  ?ie  fe  pas  fervir  de  ces  fa^ 
vorables  difpofitions.  504^ 

§.  1^6.  Refiexion  fur  ce  qui  a  été  raporté  con- 
cernant certaines  prophéties  quon  fait  cou- 
rir à  l'avantage  de  la  France.  ^o^ 

§.  25*7 .  5"/  l'Europe  auroit  plus  de  fujet  de  fe  li- 
guer prefentement ,  quelle  n'en  a  eu  au- 
trefois, yif 

§.  25-8.  6"/  les  Ligues  font  a  craindre.  ^\S 

§.  2/9.  Fautes  des  Alliez^  durant  la  dernière 
guerre.  5"  18 

§.  260.  Efets  confiderables  de  quelques  Ligues, 

5-19 

§.  261.  ^u'il  m  faut  point  s'affûrer  fur  l'état 

prefent  des  chofes.  ^25. 

§.  262.  Conclufion  de  l'Ouvrage.  f^^ 

§,  263.  Abrégé  de  tout  l'Onvrage,  f^f 


tabls 


TABLE 

DES 

CHAPITRES 

Contenus  dans  T  Addition  aux 
Penfées  diverfes. 

Chapitre   I. 

Pourquoi  on  n'a  pas  répondu  plutôt  au  Uhelle- 
intitulé,  Courte  Revue  &:c.  ^^atre  rai- 
fans   ont  porté  a  rty  point  repo'ndre.      Pag.  f^i 

Chaf.  II.  Pourquoi  on  repond  enfin  au  lié  elle 
i-ntitulé.  Courte  Revue,  ëcc.  5'4f 

Chap.  III.  Keponfe  a  la  cenfure  gejicrale 
lancée  fur  h  livre  des  Comètes  par  f  Auteur 
de  la  Courte  Revue.  5*47 

Chap.  IV.  Reponfe  aux  objeciions  particulières 
cftii  concernent  les  Penfées  diverfes.  ^f^ 

Chap.  V.  Reponfe  aux  objections  qui  concernent 
les  droits  de  la  confidence  erronée.  fço 

Chap.  VI.  De  quelle  manière  fie  doivent  co/i- 
duire  les  f'uges  Ecclefiafitiques  qui  conoitront 
de  ce  dijfi-rent.  ^ç^ 

Chap.  VIL  Requ,éte  a  toutes  les  Univerfiitez, , 
■pour  kur  demander  la.  denfion  des  points  fiui-^ 
'vans.  604, 

Chap.  VIII.  Courte  Revue  des  maximes  de 
Religion  ^  de  Morale  établies  dans  le  libella 
mtitulé  Courte  Revue ,  Sec.  ^  refiuté  dans, 
ha  Chapitrés  pruedens^.  61 2 


FEN- 


PENSÉES 

DIVERSES, 


\ 


écrites  a  un 
Dodeur  de  Sorbonne^ 

A  î'oaafion  de  la  Comète  qui  parut  au 
mois  de  Décembre  idSo. 

§.  I. 

Occafwn  de  VOwvra^e. 

Ous  aviez  raiibn  ,  Monfîeur,  de 
m'ecrire  que  ceux  qui  n'avoient 
pas  eu  la  commodité  de  voir  k 
Comète ,  pendant  qu'elle  paroillbit 
avant  le  jour,  fur  la  fin  de  Novem- 
bre &  au  commencement  de  Décembre  ,  n'at- 
tendr oient  pas  long-tems  à  la  voir  à  une  heure 
plus  commode  5  car  en  effet  ,  elle  a  commen- 
ce à  reparoîire  le  22.  du  mois  pnfie  ,  dès  l'en- 
trée de  la  nuit  5  mais  je  doute  que  vous  aiez  eu 
raiibn  de  m'cxhorter  à  vous  écrire  tout  ce  que 
je  penferois  fur  cette  matière  ,  &  de  me  pro- 
m.ettre  une  reponfè  fort  exacte  à  tout  ce  que 
je  vous  en  écrirois.  Cela  va  plus  loin  que  vous 
n'avez  cru  :  je  ne  fai  ce  que  c  efl:  que  de  médi- 
ter régulièrement  fur  une  chofè  :  je  prens  le 
change  fort  aifcmcnt  :  je  m'écarte  très-ibuvcnt 
de  mon  fujet  :  je  faute  dans  des  lieux  dont  on 
auroit  bien  de  la  peine  à  deviner  les  chcmms , 
Se  je  fuis  fort  propre  à  faire  perdre  patience  à 
Toin.  L  A  un 


t  ■   Penfccs  diverjes, 

un  Doéleur  qui  veut  de  ]a  méthode  Se  de  la  ré- 
gularité par  tout.  C'eil  pourquoi  ,  Monlîeur, 
penièz  y  bien  :  ibngez  plus  d'une  fois  a  la  pro- 
polition  que  vous  m  avez  faite.  Je  vous  don- 
ne quinze  jours  de  terme  pour  prendre  vôtre 
dernière  refolution.  Cet  avis  &  les  vœux  que 
je  fais  pour  vôtre  prolpcrité  dans  ce  renouvel- 
lement d'année ,  font  toutes  les  ëtrencs  que 
vous  aurez  de  moi  pour  le  coup.  Je  fuis  vô- 
tre, &c. 

A...  le  I.  de  y  cimier  1681. 

§11. 

Avec  quelle  méthode  on  l'écrira. 

Puis  qu'après  y  avoir  bien  penfé  ,  vous  per- 
iifi:cz  à  vouloir  que  je  vous  communique  les 
penfrcs  qui  me  viendront  dans  Teiprit  en  mcT- 
ditant  Hir  la  nature  des  Comètes,  6c  à  vous  en- 
gager à  les  examiner  régulièrement ,  il  faut  fe 
reibudre  à  vous  écrire.  Mais  vous  fbufrirez, 
s'il  vous  plaît ,  que  je  le  faflê  à  m.es  heures  de 
loifir  ,  8c  avec  toute  forte  de  liberté  ,  ielon  que 
les  chofes  fe  prelènteront  à  ma  penfee.  Car 
pour  ce  plan  que  vous  fouhaitcriez  que  je  hiTe 
dès  le  commencement  ,  6c  que  vous  voudriez 
que  je  fuivilTj  de  point  en  point,  je  vous  prie, 
^loniieur  ,  de  ne  vous  y  attendre  pas.  Cela 
eft:  bon  pour  des  Auteurs  de  profeiTion  qui  doi- 
vent avoir  des  vues  fuivies ,  6c  bien  comparées. 
Ils  font  bien  de  faire  d'abord  un  projet  ,  de  le 
divifèr  en  livres  6c  en  chapitres  ,  de  fe  former 
une  idée  générale  de  chaaue  chapitre  ,  6c  de  ne 
travailler  que  fur  ces  idees-là.  Mais  pour  m.oi 
qui  ne  prétens  pas  à  la  qualité  d'Auteur  ,  je  ne 
ni'afiujettirai  point,  s'il  vous  plaît,  à  cette  for- 
te de  lèrvitude.  Je  vous  ai  dit  mes  manières: 
vous  avei  eu  le  tcnas  d'examiner  fi  elles  vous 

accom- 


Paifées  diverfes.  5 

accommoderoieiit  :  après  cela  il  vous  vous  en 
trouvez,  accablé ,  ne  m'en  Imputez  point  h 
faute,  vous  Tavez  ainfi  voulu.  Commençons. 

§.  III. 

^ue  les  prefages  de  Comètes  ne  font  apuiez  d'au- 
cune bonne  raifon. 

J'entens  raifbnner  tous  les  jours  plufieurs 
perfbnnes  fur  la  nature  des  Comètes  ,  &  quoi 
que  je  ne  fois  Aftronome  ni  d  eftet  ni  de  pro- 
felfion ,  je  ne  laiiîè  pas  d'étudier  foigneufement 
tout  ce  que  les  plus  habiles  ont  publié  lur  cet- 
te matière  h  mais  il  faut  que  je  vous  avoue , 
Monfieur  ,  que  rien  ne  m  en  paroît  convain- 
cant ,  que  ce  qu'ils  difent  contre  1  erreur  du 
peuple  ,  qui  veut  que  les  Comètes  menacent  le 
monde  d'une  infinité  de  defolations. 

C'eft  ce  qui  fait  que  je  ne  puis  pas  com- 
prendre ,  comment  un  auifi  grand  Dodleur  que 
vous ,  qui  pour  avoir  feulement  prédit  au  vrai , 
le  retour  de  nôtre  Comète  ,  devroit  être  con- 
vaincu que  ce  font  des  corps  fujets  aux  loix 
ordinaires  de  la  nature ,  8c  non  pas  des  prodi- 
ges ,  qui  ne  lùivent  aucune  règle  ;  s'eft  néan- 
moins laifTé  entrainer  au  torrent  ,  &:  s'imagine 
avec  le  refte  du  monde  ,  malgré  les  raiibns  du 
petit  nombre  choifi  ,  que  les  Comètes  font 
comme  des  Hérauts  d'armes  qui  viennent  dé- 
clarer la  guerre  au  genre  humain  de  la  part  de 
Dieu.  Si  vous  étiez  Prédicateur  ,  je  vous  le 
pardonnerois  ,  parce  que  ces  fortes  de  penfecs 
étant  naturellement  fort  propres  à  être  revê- 
tues des  plus  pompeux  6c  des  plus  pathétiques 
ornemens  de  l'éloquence  ,  font  beaucoup  plus 
d'honneur  à  celui  qui  les  débite  ,  Se  beaucoup 
plus  d'imprelTion  fur  la  confcience  des  audi- 
teurs ,  que  cent  autres  propofitiyns  prouvées 
A  2  de- 


4  Penfées  diverfis. 

dcmonflrativement.  Mais  je  ne  puis  goûter 
qu'un  Do6leur  qui  n'a  rien  à  perluadcr  au  peu- 
pie  ,  &:  qui  ne  doit  nourrir  Ion  cfprit  que  de 
raifbn  toute  pure  ,  ait  en  ceci  des  ièntimens  li 
mal  ibutenus  ,  £-:  fe  paie  de  tradition,  &;  de  paf- 
iàges  de  Poètes  &  d'Hiiloriens. 

§.    I  V. 

De  lautmte  des  Foetes. 

Il  n'eft  pas  poHlble  d'avoir  un  plus  méchant 
fondement.  Car  pour  commencer  par  les  Poè- 
tes ,  vous  n'ignorez  pas ,  Moniîeur  ,  qu'ils  font 
il  entêtez  de  femer  dans  leurs  Ouvrages  plu- 
iieurs  delcriptions  pompeulcs  ,  comme  Ibnt 
celles  àes  prodiges  i  &  de  donner  du  merveil- 
leux aux  avantures  de  leurs  Héros  ,  que  pour 
arriver  à  leurs  fins  ils  fupoiènt  mille  chofes 
étonnantes.  Ainfi  bien  loin  de  croire  fur  leur 
parole  ,  que  le  bouleverlèment  de  la  Républi- 
que Romaine  ait  été  1  effet  de  deux  ou  de  trois 
Conietes  j  je  ne  croirois  pas  feulement,  fi  dau- 
tres  qu'eux  ne  le  difoient  ,  qu  il  en  ait  paru  en 
ce  tcms-là.  Car  enfin  il  faut  s'imaginer  qu'un 
homme  qui  s  cil  mis  dans  l'efprit  de  {-aire  un 
pocme  ,  s'eil  emparé  de  toute  la  nature  en 
même  tems.  Le  ciel  êc  la  terre  n'agifîènt  plus 
que  par  Ion  ordre  j  il  arrive  des  éclipfès  ou  des 
naufrages  fi  bon  lui  lémble  ;  tous  les  elemens 
fe  remuent  ièlon  qu'il  le  trouve  à-propos.  On 
voit  des  armées  dans  l'air  ,  &  des  monflres  fur 
la  terre  tout  autant  qu'il  en  veut  i  les  Anges  8c 
hs  Démons  paroifiènt  toutes  les  fois  qu'il  l'or- 
donne j  les  Dieux  mômes  montez  far  des  ma- 
chines ,  le  tiennent  prêts  pour  fournir  à  ics 
befoins  ;  êc  comme  fur  toutes  chofès ,  il  lui  faut 
des  Comètes  à  caufe  du  préjugé  où  l'on  ell  à 
leur  és;ard  ,  s'il  en  trouve  de  toutes  faites  dans 

l'Hif. 


Penfées  dlverfes.  5 

i'Hil^oire ,  il  s'en  iàilit  à-propos  :  s'il  n'en  trou- 
ve pas ,  il  en  fait  lai-même  ,  5c  leur  donne  la 
couleur  &  la  figure  la  plus  capable  de  faire  pa- 
roître  ,  que  le  Ciel  s'eft  intereffé  d'une  maniè- 
re très-diilinguée  dans  l'affaire  dont  il  eft  queP- 
tion.  Après  cela  qui  ne  riroit  de  voir  un  très- 
grand  nombre  de  gens  d'efprit  ,  ne  donner 
pour  toute  preuve  de  la  malignité  de  ces  nou* 
veaux  Aftres ,  que  le  terris  muti^-ntem  régna  Co- 
meten  de  Lucain  :  k  regnornin  everfor  ,  rubtiit 
UxUcde  Comètes  de  Silius  Italicus  :  le  nec  dm  ta- 
~t:es  arfere  Cornet  a  de  Virgile  :  le  nuno^uam  ter- 
ris  fpeclMîim  impu-nè  Cometen  de  Claudien ,  S& 
ièmblables  beaux  diâons  des  anciens  Poètes? 

§.  V.    . 

De  l'autorité  des  HiJl&fienSé 

Pour  ce  qui  efl  des  Hiftoriens ,  j^avouë  qu'ils 
ne  fe  donnent  pas  la  liberté  de  fupofèr  ainiî 
des  phénomènes  extraordinaires.  Mais  il  pa- 
roît  dans  la  plupart  une  fi  grande  envie  de  ra- 
porter  tous  ks  miracles  &.  toutes  les  vilions, 
que  la  crédulité  des  peuples  a  autorifées  ,  qu'il 
ne  feroit  pas  de  la  prudence  de  croire  tout  ce 
qu'ils  nous  débitent  en  ce  genre-là.  Je  ne  iài 
s'ils  croient  que  leurs  Hifloires  paroîtroient 
trop  fimples ,  s'ils  ne  mêloient  aux  chofes  arri- 
vées félon  le  cours  du  monde,  quantité  de  pro- 
diges 8c  d'accidens  furnaturels  :  ou  s'ils  eipe- 
rent  que  par  cette  forte  d'aiTaifonnement  ,  qui 
reviennent  fort  au  goût  naturel  de  l'homme, 
ils  tiendront  toujours  en  haleine  leur  Ledreur, 
en  lui  fournifiànt  toujours  dequoi  admirer  :  ou 
bien  s'ils  fe  perfuadent  que  la  rencontre  de  ces 
coups  miraculeux  iignalcra  leur  Hiftoire  dans 
le  tems  à  venir  j  mais  quoi  qu'il  en  foit ,  oa 
ne  peut  nier  que  les  Hiftoriens  ne  fe  plaifent 
A  3  (') 


€  Pe^fees  diverps, 

(i)  extrêmement  à  compiler  tout  re  qui  fènt 
le  miracle.  Tite  Live  nous  en  fournit  une  for- 
te preuve  :  car  quoi  que  ce  fût  un  homme  de 
grand  fens  ,  8c  d'un  génie  fort  élevé  ,  &  qu'il 
nous  ait  laiile  une  Hiftoire  fort  aprochante  de 
la  perfeilion  j  il  eft  tombé  néanmoins  dans  le 
défaut  de  nous  laifler  une  compilation  infupor- 
table  de  tous  les  prodiges  ridicules  ,  que  la  ili- 
Tum,fi  per  perdition  Païenne  croioit  qui  dévoient  être  ex- 
quocidiana  pjez  ^  ce  qui  fut  caufe  ,  à  ce  que  difènt  (2) 
duceretur,  quelques-uns  ,  que  fes  Ouvrages  furent  con- 
damnez  au  teu  par  le  Pape  St.  Grégoire.  Quel 
defordre  ne  voit-on  pas  dans  ces  grands  6c  im- 
menfes  volumes  ,  qui  contiennent  les  Annales 
de  tous  les  diiïerens  Ordres  de  nos  Moines ,  où 
il  ièmble  qu'on  ait  pris  plaifir  d'entallèr  fans 
jugement ,  &  par  la  feule  envie  de  ûtiîfaire 
l'émulation  ou  plutôt  la  jaloufie  ,  que  ces  So- 
cietez  ont  les  unes  contre  les  autres ,  tout  ce 
que  l'on  peut  concevoir  de  miracles  chimé- 
riques ?  Ce  qui  ibit  dit  entre  nous  ,  Monfieur , 
car  vous  iàvez  bien  que  pour  ne  pas  fcandali- 
fer  le  peuple  ,  ni  irriter  cts  bons  Pères  ,  il  ne 
faut  pas  publier  ks  défauts  de  leurs  Annales, 
nous  contentant  de  ne  les  point  lire. 

Je  m'étonne  que  (3)  ceux  qui  nous  parlent 
tant  de  la  fympathie  qu'il  y  a  entre  la  Poëfie  8c 
l'Hiiloire  :  qui  nous  afîûrent  fur  la  foi  de  Cice- 
ron  8c  de  Quintilien,  ^te  l'Hifioire  ejl  une  Foe- 
©pus  fuum  fi^  libre  de  la  fervitude  de  la  'uerjification  j  8c  fur 
&  fieri  le  témoignage  de  Lucien  ,  que  le  iiaijJ'eaH  de 
populare  l'Hijioire  fera  pefant  Qr>  [ans  mouvement  ,  fi  le 
pofîe^^nH"!  "^^'^^  ^^'  ^^  -^oéjie  ne  remplit  fes  voiles:  qui  nous 
illud  men  -  diièat  qu'il  faut  être  Poète  pour  être  Hillorien , 
dacio  af-  '        Sc 

perfic. 

Scne:.  natan,  qKxft,  Hb.  7.  cap.  16,  (  1  )  Voiez  Voffius  de 
Hiftor.  Latin,  pag.  $2,  (  3  )  Le  P.  le  Moine  Difc.  de  l'Hiitoi- 
ïe  cfaap.  I. 


fO  Qyî- 

«iam  in- 
credibi- 
lium  rela 
«u  com- 
jnendatio 
nem  pa- 
janc,  & 
lectorem 
aliud  aélu 


excitant. 
Quidam 
crcduli , 
quidam 
négligen- 
tes funt, 
quibuf- 
dam  men 
dacium 
obrepir, 
cuibuf- 
oam  pla- 
cer. Illi 
non  évi- 
tant, hi 
appetunt, 
échoc  in 
commune 
de  tota 
natione , 
qua:  ap- 
probari 


Tenfees  diverfis.  y 

te  crue  îa  descente  de  la  Poèlle  à  l'Hifloire  eft 
prelque  infenliblc,  "iquoi  que  perfonne  n'ait  en- 
trepris julques  ici  de  paflèr  de  l'une  à  l'autre  j 
je  m'étonne,  dis-je,  que  ceux  q^i  nous  apren- 
nent  tant  de  belles  choies,  iàns  l'avoir (i) qu'A-  (0  -A^^a- 
gathias  a  été  luccelTivement  Poète  &  Hiitorien,  ^^^}^  ^" 
6c  qu'il  a  cru  par  là  ne  faire  autic  choie  que  Hiftoi. 
traverlèr  d  une  patrie  en  une  patrie^  n'aient  pas 
aprehendé  de  fournir  un  beau  prétexte  aux  Cri- 
tiques ,  de  reprocher  aux  Hifloriens  ,  qu  en  ef- 
fet ils  ont  une  fympathie  merveilleuiè  avec  les 
Poètes ,  5c  qu  ils  aiment  aulTi-bien  qu'eux  à  ra- 
porter  àizs  prodiges  &  des  lîclions.  Heureux 
cts  deux  excellens  Poètes  ,  qui  travaillent  à 
l'Hiftoire  de  LOUIS  LE  GRAND  ,  toute 
remplie  de  prodiges  efïèâ:ifs  5  car  fans  donner 
dans  la  fiction ,  ils  peuvent  Satisfaire  l'envie  do- 
minante qui  poflède  les  Poètes  &:  les  Hifio- 
riens,  de  raconter  des  chofes  extraordinaires! 

Avec  tout  cela  ,  iVIomieur  ,  je  ne  fuis  pas 
d'avis  que  l'on  chicane  l'autorité  des  Hilioriens? 
je  conlèns  que  fans  avoir  égard  à  leur  créduli- 
té ,  on  croie  qu'il  a  paru  des  Comètes  tout  au- 
tant qu'ils  en  marquent ,  êc  qu'il  eil  arrivé  dans 
les  années  qui  ont  fuivi  l'apaiition  des  Comè- 
tes ,  tout  autant  de  malheurs  qu'ils  nous  en  ra- 
portent.  Je  donne  les  miains  à  tout  cela  :  mais 
auiïî  c'eft  tout  ce  que  je  vous  accorde  ,  £c  tout 
ce  que  vous  devez  raiibnnablement  prétendre. 
Voions  maintenant  à  quoi  aboutira  tout  c^ci. 
Je  vous  defîe  avec  toute  vôtre  fubtilité  d'en 
conclure,  que  les  Comètes  ont  été  ou  la  caufe, 
ou  le  figne  àc?.  malheurs  qui  ont  fuivi  leur 
aparition.  Ainfi  les  témoignages  des  Hifboriens 
fe  reduifent  à  prouver  uniquement  qu'il  a  pa- 
ru des  Comètes  ,  8c  qu'enluitc  il  y  a  bien  eu 
des  defbrdres  dans  le  monde  ■-,  ce  qui  eft  bien 
éloigné  de  prouver  que  l'une  de  ces  deux  cho- 
ies eft  la  caufe  ou  le  pronoftic  de  l'autre  i  à 
A  4.  moins 


s  Tenfiei  diverfes, 

moins  qu'on  ne  veuille  qu'il  foit  permis  à  une 
temme  qui  ne  met  jamais  la  tête  à  ià  fenêtre, 
à  la  rue  St.  Honoré ,  fans  voir  paiTer  des  carof^ 
it^y  de  s'imaginer  qu'elle  eft  la  caufe  pourquoi 
ils  pafîènt  ,  ou  du  moins  qu'elle  doit  être  un 
prefàge  à  tout  le  quartier  ,  en  le  montrant  à 
îà  fenêtre,  qu'il  paiîèra  bientôt  des  carolles. 

§.  VI. 

^ue  Us  Hifloriens  fe  plaifent  fort  mx  di- 
grejjïons. 

Vous  me  direz  fans  doute  ,  que  les  Hiflo- 
riens remarquent  politivement  que  les  Comè- 
tes ont  été  les  iignes  ,  ou  même  les  cauiès  des 
ravages  qui  les  ont  fui  vies  ,  6c  par  confequent 
que  leur  autorité  va  bien  plus  loin  que  je  ne 
dis.  Point  du  tout ,  Monfieur  ,  il  fe  peut  fai- 
re qu'ils  ont  remarqué  ce  que  vous  dites  ,  car 
ils  aiment  fort  à  faire  des  reflexions  ,  Se  ils 
poufîènt  quelquefois  li  loin  la  moralité  ,  qu'un 
Lecteur  mal  làtisfait  de  les  voir  interrompre  le 
fil  de  l'Hiftoire  ,  leur  diroit  volontiers  s'il  les 
tenoit  ,  rifervate  quefio  fer  U  predrca.  L'envie 
de  paroître  fàvans  jufques  dans  les  chofès  qui 
ne  font  pas  de  leur  métier  ,  leur  fait  aufTi  faire 
quelquefois  des  digrclTions  très-mal  entendues  i 
commue  lors  (i)  qu'Ammien  Marcellin  ,  à  l'oc- 
eafion  d'un  tremblement  de  terre  qui  arriva 
fous  l'Empire  de  Conftantius  ,  nous  débite  tout 
fon  Ariftote  6c  tout  fon  Anaxagoras  5  raifonne 
à  perte  de  vue ,  cite  des  Poètes  6c  des  Théolo- 
giens :  6c  à  l'occafion  d'une  éclipiè  de  foleil  ar- 
rivée fous  le  même  Conftantius  ,  fe  jette  (2) 
à  corps  perdu  dans  les  fecrets  de  l'Aflronomiej 
fait  àts  leçons  fur  Ptolomée  ,  6c  s'écarte  juf- 
ques à  philoibpher  for  la  caufe  des  parelies.  Mais 
ii  ne  s'enfuir  pas  pour  cela  ,  que  les  remarques 

des 


Fenfées  diverfes.  p 

des  Hiiloriens  doivent  autoriièr  l'opinion  conr 
mune  ,  parce  qu'elles  ne  font  pas  lur  des  cho- 
ies qui  foient  du  refîbrt  de  l'Hiftorien.  S'il  s'a- 
gilîbit  d'un  Confeil  d'Etat ,  d'une  négociation 
de  paix,  d'une  bataille,  d'un  liège  de  ville,  Sec. 
le  témoignage  de  l'Hifloire  pourroit  être  dccilif, 
parce  qu  il  iè  peut  faire  que  les  Hiftoriens  aient 
fouillé  dans  les  Archives  ,  ôc  dans  les  inllruc- 
tions  les  plus  fecretcs  ,  8c  puifé  dans  les  plus 
pures  fburces  de  la  vérité  des  faits.  Mais  s'a- 
gillànt  de  l'influence  des  aftres  ,  6c  de  reilbrts 
inviiiblcs  de  la  nature  ,  MeiTieurs  les  Hifioriens 
n'ont  plus  aucun  cara6tcre  autorilànt ,  £c  ne 
doivent  être  plus  regardez  que  comme  un  fîm- 
plc  particulier  qui  hazarde  fi  conjeélure,  de 
laquelle  il  faut  faire  cas  ièlon  le  degré  de  con- 
noiiîànce  que  fon  Auteur  s'eft  aquis  dans  la  Phy- 
iique.  Or  fur  ce  pied-ià  ,  Monlieur  ,  avdiiez- 
moi  que  le  témoignage  des  HilWiens  fe  reduin 
à  bien  peu  de  choie ,  parce  qu'ordinairement 
ils  ibnt  mauvais  Phyficiens. 

§.    VII. 

De  V autorité  de  la  Tradition.' 

Après  ce  que  je  viens  de  dire  il  ièroit  iuper> 
flu  de  réfuter  en  particulier  le  préjugé  de  la 
Tradition  ,  car  il  eft  vifible  que  li  la  prévention 
où  l'on  efl  de  tems  immémorial  fur  le  chapitre 
des  Comètes  ,  peut  avoir  quelque  fondement 
légitime  ,  il  confifte  tout  entier  dans  le  témoi- 
gnage que  les  Hiftoires  8c  les  autres  livres  ont 
rendu  ilir  cela  daiis  tous  hs  fiecles  :  de  forte 
que  fi  ce  témoignage  ne  doit  être  d'aucune 
conilderation  ,  comme  je  l'ai  juftifié,  5c  com- 
me il  paroîtra  encore  davantage  par  ce  qui  me 
refte  a  direj  il  ne  faut  plus  faire  aucun  compte 
de  la  multitude  des  iùiîrages  qui  iônt  fondez  là- 
ddlùs,.  A.  f  Qye- 


10  Tcdfées  diverfes. 

Que  ne  pouvons-nous   voir  ce  qui  fè  paflè 

dans  l'efprit  des  hommes  lors  qu'ils  choiliflent 

une  opinion!  Je  fuis  fur  que  fi  cela  étoit,  nous 

réduirions   le   fuffrage  d'une  infinité  dé  gens  à 

l'autorité  de  deux  ou  de  trois   perfonnes  ,   qui 

aiant  débité    une  doctrine  que   l'on    fupofoit 

qu'ils  avoient  examinée  à  fond  ,    l'ont  perfua- 

dée   à  plufieurs  autres   par   le  préjugé  de  leur 

mérite ,  &:  ceux-ci  à  plufieurs  autres  ,  qui  ont 

trouvé  mieux  leur  compte  pour  leur  parelTè  na- 

fi)  XJnuf-  turelle  ,    à  croire  tout-d'un-coup  ce  qu'on  leur 

CLiifque       difbit,  qu'à  l'examiner  ibigneufèment  (i).    De 

mavult       ^j.|-ç  „^ç  |ç  r^ombre  des  feélateurs  crédules  Se 

credere  rr^        ,  ,     . 

quam  ju-    p^reiieux  s  augmentant  de  jour  en  jour  ,  a  ete 

«Jicare:  un  nouvel  engagement  aux  autres  hommes,  de 
jîunquam  fè  délivrer  de  la  peine  d'exam.iner  une  opinion, 
de  vita  ju-  qu'^g  voioient  fi  générale  ,  6c  qu'ils  fe  pcrfua- 
fémper'  ^oi^î^t  bonnement  n'être  devenue  telle  ,  que 
credicur,  P^-r  la  fblidité  des  raifons  deiquelles  on  s'étoit 
verfatque  ièrvi  d'abord  pour  l'établir  :  ôc  enfin  on  s'eft  vu 
»«s  &  réduit  à  la  neceflïté  de  croire  ce  que  tout  le 
Fra^kus^^'^  monde  croioit,  de  peur  de  paffer  pour  un  fac- 
permanus  t^^^^' 3  qiii  veut  lui  feul  en  fàvoir  plus  que  tous 
error,  ks  autres  ,  &:  contredire  la  vénérable  Antiqui- 
•alienifque  té:  fi  bien  qu'il  y  a  eu  du  mérite  à  n'examiner 
penmus  pj^^  ^^^^  g.  .^  ^y^^  raporter  à  la  Tradition.  ]u- 
Eanabi-  S^^  vous-même  11  cent  millions  d  hommes  en- 
mur  fi  gagez  dans  quelque  fentiment  de  la  manière 
modo  fe-  que  je  viens  de  reprefenter  ,  peuvent  le  rendre 
^aremor  probable;  ôc  fi  tout  le  grand  préjugé  qui  s'éle- 
I^n^c"^'  ^^  ^"^  ^^  multitude  de  tant  de  délateurs ,  ne 
vero  liât  ^^i^  pas  être  réduit  ,  faifant  juftice  à  chaque 
contra  ra-  chofè ,  à  l'autorité  de  deux  ou  de  trois  pcrfon- 
ïionem  nés  qui  aparemment  ont  examiné  ce  qu'ils  en- 
»ûef enfor  fei^noient.  Souvenez-vous ,  Monfieur ,  de  cer- 
î>opulus.  tames  opmions  fabulcules  a  qui  Ion  a  donne 
Seaeca  Je  la  chafTe  dans  ces  derniers  tems  ,  de  quelque 
vit  à  beat  à,  grand  nombre  de  témoins  qu'elles  fulïènt 
s*^*  î*  apuiées  ,  parce  ou'oii  a  fait  voir  que  ces  te- 


Penfées  divcrfis.  il' 

moins  s'étant  copiez  \q.s  uns  les  autres,  ians 
autrement  examiner  ce  qu'ils  citoient ,  ne  dé- 
voient être  comptez  que  pour  un  :  6c  fur  ce 
pied-la  concluez  ,  qu'encore  que  plufieurs  na- 
tions 8c  plufieurs  fiecles  s'accordent  à  accuièr 
\z^  Comètes  de  tous  les  defaftres  qui  arrivent 
dans  le  monde  après  leur  aparition  ,  ce  n'eil: 
pourtant  pas  un  fentinient  d'une  plus  grande 
probabilité  ,  que  s'il  n'y  avoit  que  icpt  ou  huit 
peribnnes  qui  en  fuflenti  parce  qu'il  n'y  a  gue- 
res  davantage  de  gens  qui  croient  ou  qui  aient 
cru  cela  ,  après  l'avoir  bien  examiné  fur  des 
principes  de  Philoibphie, 

§.    VIII. 

Tour^uci  on  'ne  far  le  point  de  l'autorité  des 
Philofophes. 

Au  relie ,  Monfieur  ,  voulez-vous  iâvoir  pour- 
quoi je  n'ai  pas  mis  en  ligne  de  compte  l'auto- 
rité des  Philolbphes  ,  auifi-bien  que  celle  àts 
Poètes  £c  des  Hiiloriens  ;  c'eft  parce  que  je 
fuis  perfuadé  que  ii  le  témoignage  des  Philofo- 
phes  a  fait  quelque  imprefiïon  fur  vôtre  elprit, 
c't?i  feulement  à  caufe  qu'il  rend  la  tradition 
plus  générale  ,  Se  non  pas  à  caufè  des  raifon's 
fur  leiquelles  il  eil:  apuié.  Vous  êtes  trop  habi- 
le pour  être  la  dupe  de  quelque  Philofbphe  que 
ce  foit  ,  pourvu  qu'il  ne  vous  attaque  que  par 
la  voie  du  raifonne^iient  ;  Se  il  tiiuc  vous  ren- 
dre cette  juftice  ,  que  dans  les  choies  que  vous 
croiez  être  du  reflbrt  de  \i  raiibn  ,  vous  ne  fui- 
vez  que  la  raifon  toute  pure.  Ainfi  ce  ne  font 
pas  les  Philofbphes  entant  que  Philofbphes,  qui 
ont  contribué  à  vous  rendre  peuple  en  cette 
occaiion  ,  puis  qu'il  eft  certain  que  tous  leurs 
raifonnemens  en  faveur  des  malignes  influen- 
ces, font  pitiç,  Voulez-vous  doûc  que  je  vous 
A  6  dife 


li  Penfées  diverJeS» 

difè  en  qualité  d'ancien  ami  ,  d'où  vient  que 
vous  donnez  dans  une  opinion  commune  fans 
confukcr  l'oracle  de  la  laifbn  ?  C'eil  que  vous 
eroiez.  qu'il  j  a  quelque  chofe  de  divin  dans 
tout  ceci ,  comme  on  l'a  dit  de  certaines  mala- 
dies ,  après  le  fameux  Hippocrate  ;  c'eft  que 
vous  vous  imaginez  que  le  confcntement  gêne- 
rai de  tant  de  nations  dans  la  fuite  de  tous  les 
fiecles  ,  ne  peut  veuir  que  d'une  efpece  d'infpi- 
ration  ,  t'ox  populi  ,  ^'■ox  Dei  ;  c'eft  que  vous 
êtes  accoutumé  par  vôtre  caradlere  de  Theolo- 
gieiî  à  ne  plus  raifonner  ,  dès  que  vous  eroiez 
qu'il  y  a  du  myftereice  qui  efl:  une  docilité  fort 
louable,  mais  qui  ne  laillè  pas  quelquefois  par. 
le  trop  d'étendue  qu'on  lui  donne  ,  d'empiéter 
fur  les  droits  de  la  raifon  ,  comme  l'a  fort  bien 
r  1  Pen-  ^^rn^^^^^  (0  ^'^^^  Pafcal  i  c'eil  enfin  qu'aiant 
iees  de  ^^  conlcience  timorée  ,  vous  eroiez  aifement 
Monfr.  que  la  corruption  du  monde  met  entre  les 
Pafcul ,  mains  de  Dieu  les  fléaux  les  plus  épouvantables; 
lefquels  pourtant  le  bon  Dieu  ne  veut  point  lan- 
cer fjr  la  terre  ,  iàns  avoir  effaié  fi  les  hommes 
s'amanderont  ,  comme  il  fit  avant  que  d 'en- 
voler le  Déluge.  Tout  cela  ,  Monfieur  ,  fait 
"un  fophifme  d'autorité  à  vôtre  efprit  ,  dont 
vous  ne  iàuriez  vous  deffendre  avec  toute  l'a- 
dreflè  qui  vous  fait  fi  bien  démêler  les  faux  rai- 
ibnnemens  des  Logiciens,. 

Cela  étant,  il  ne  faut  pas  fè  promettre  de  vous 
détromper  en  raifonnant  avec  vous  fur  des  prinr 
cipes  de  Philoibphie.  Il  faut  vous  laiÏÏèr  là  ,  ou 
bien  railbnner  fur  des  principes  de  pieté  5t 
de  Religion.  C'eft  auffi  ce  que  je  ferai  (car  je 
ne  veux  pas  que  vous  m'éclnpiez)  après  avoir 
expofë  à  vôtre  viie ,  pour  me  dédommager  en 
quelque  façon- ,  plulieurs  raifbns  fondées  dans 
]c  bon  fcns  ,  qui  convainquent  de  témérité  l'o- 
■pinion  que  l'on  a  touchant  finfluence  des  C-cr- 
aïOÊS.  Dçviiiez,  il  vous  pouvez  ,  quels  font  ce?. 


th 


Venféei  diverjês,  i^ 

principes  de  pieté  que  je  vous  garde ,  devinez- 
le  ,  dis-je ,  li  vous  pouvez ,  pendant  qu'à  mes 
heures  de  loifir  je  vous  préparerai  une  efpece 
de  prélude  qui  roulera  fur  des  principes  plus 
communs. 

A,.,  le  Jf.  de  Mars  i6Su 

§,  IX.. 

I.  Raifen  contre  les  prefages  des  Co- 
mètes. 

^u'il  eji  fort  probable  qu'elles  n'ont  point  la  ver- 
tu de  produire  quelaue  chofe  fur  la  terre. 

Voici ,  Moniieur  ,  quelques  raifons  de  Phi- 
lofophie.  On  peut  dire  premièrement  quil 
,  eft  fort  incertain ,  que  des  corps  auJfiTi  éloignez 
de  k  terre ,  que  le  font  ceux-là  ,  puiiTent  y  en^ 
voier  quelque  matière  qui  ibit  capable  d'une 
grande  a(ftion.  Car  ii  c'efl  le  lèntiment  univer- 
lel  des  Philolbphes  ,  depuis  qu'on  a  été  con- 
traint d'abandonner  l'opinion  commune  tou> 
chant  la  matière  des  Comètes ,  que  i'atmofphe- 
re  de  la  terre  ,  c'eft-à-dire  l'efpace  jufqu'où  s'é- 
tendent les  exhalaifons  ,  &:  les  vapeurs  qu'elle 
répand  de  toutes  parts  ,  fe  termine  à  la  m^oien- 
ne  région  de  Tair  à  trois  ou  quatre  lieiies  d'élé- 
vation tout  au  plus  ;  pourquoi  croira-t-on  que 
Tatmoiphere  des  Comètes  s'étend  à  plulieurs 
millions  de  lieiies  ?  On  ne  iàuroit  dire  precife- 
ment  pourquoi  les  Planètes  8c  les  Comètes  peu- 
vent produire  des  qualitez ' jufques  fur  la  terre, 
capables  d'y  caufer  de  notables  changemens  , 
pendant  que  la  terre  n'en  peut  pas  ieulenienc 
produire  à  trente  lieiies  de  diftance. 

A  7  §,  X. 


14  Penfées  diverjès, 

§.  X. 

si  elles  envoient  quelque  autre  chofe  que  la  lu- 
mière. 

I.  Dira-t-on  que  puis  que  les  Comètes  nous 
envoient  de  la  lumière ,  elles  peuvent  bien  nous 
envoier  quelque  autre  chofe  ?  Mais  il  eft  facile 
de  repondre  que  la  lumière  qu'elles  nous  en- 
voient originairement  du  foleil,  6c  qu'elles  ne 
contribuent  à  l'envoier  fur  la  terre ,  qu'en  qua- 
lité de  corps  opaque  qui  oblige  les  raions  à  fè 
réfléchir  vers  nous  3  de  Ibrte  que  de  quelque  iu- 
polition  que  l'on  fe  ferve  pour  expliquer  la  pro- 
pagation de  la  lumière,  foit  des  principes  d'A- 
riftote,  foit  de  ceux  d'Epicure,  foit  de  ceux  de 
Mr.  Defcartes  ,  on  concevra  très-clairement  que 
\ts  Comètes  peuvent  luire  fur  nous  ,  fans  au- 
cune a£tion  pciitive  de  leur  part  ,  6c  fans  qu'il' 
fe  détache  la  moindre  chofe  de  leur  fubftance  à 
ci)t^s ,  pour  en  venir  dans  ce  bas  monde, 

§.  XL 

Si  leur  lumière  détache  quelques  atomes, 

IL  Dira-t-on  que  la  lumière  détache  quantité 
d'atomes  du  corps  de  la  Comète ,  6c  les  amené 
dans  nôtre  monde  iors  qu'elle  y  vient  elle-mê- 
me par  reflexion  ?  Mais  li  l'on  ne  dit  que  cela , 
je  n'ai  point  befoin  de  nouvelle  reponfe  :  il  me 
iùfHt  de  dire  ,  que  les  atomes  que  la  lumière 
du  foleil  enlevé  de  la  terre  6c  'des  eaux ,  ne  fùi- 
vent  la  lumière  réfléchie  qu  a  une  très-petite 
diilancc  ,  6c  qu'il  faut  raiionner  de  même  de 
ceux  que  k  foleil  enlève  des  autres  corps, 

§.  Xiï. 


Penfées  diverfis,  15 

§.  XII. 

Quelle  peut  être  l'acîivité  de  leur  himiere. 

III.  Dira-t-on  que  la  lumière  même  réflé- 
chie par  les  Comètes  ,  eft  capable  de  produire 
de  grands  effets  ?  Il  n'y  a  point  d'aparence,  puis 
qu'il  eft  certain  que  cette  lumière  n'eft  plus 
quand  les  effets  qu'on  attribue  aux  Comètes  Ibnt 
produits  ,  &  que  d'ailleurs  l'action  de  cette  lu- 
mière eft  fi  foible  à  nôtre  égard  ,  qu'il  n'y  a 
point  de  lampe  allumée  au  milieu  d'une  cam- 
pagne ,  qui  n'éclaire  6c  qui  n'échauffe  l'air  âtz 
environs  ,  bien  plus  que  ne  fait  une  Comète  : 
dcforte  que  comme  il  feroit  ridicule  d'attribuer 
à  la  lumière  de  cette  lampe  la  force  de  produi- 
re de  grands  changemens  dans  la  fphere  de  Ion 
adlivité ,  outre  l'illumination;  il  eft  ridicule  auffi 
d'attribuer  à  la  lumière  des  Comètes  ,  la  force 
d'altérer  nos  élemens  ,  ôc  de  troubler  la  tran- 
quillité publique.  Pour  ne  pas  dire  que  la  lu- 
mière des  Comètes  n'étant  que  celle  du  ibleii 
extrêmement  affoiblie  ,  il  eft  auffi  abfurde  de 
lui  attribuer  des  effets  que  le  ibleii  lui-même  ne 
peut  pas  opérer  ,  qu'il  feroit  abfurde  de  fe  pro- 
mettre qu'une  chandelle  allumée  au  milieu  d'u- 
ne place  ,  échaufferoit  tous  les  habitans  d'une 
grande  ville  ,  qu'un  bon  feu  allumé  dans  la 
chambre  d'un  chacun  ne  peut  pas  garantir  du 
froid. 

§.  XIII. 

^u'il  eft  aujft  difficile  aux  exhalaifons  de  defcen^ 
dre  ojue  de  monter. 

I  V.  Dira-t-on  qu'il  y  a  bien  de  la  différence 
entre  la  terre  2c  k&  Comètes ,  ^  qu'encore  que 


1^  Penfécs  diverfes, 

les  exhalaifons  de  la  terre  ne  puiflènt  pas  mon- 
ter jufques  à  la  région  des  Comètes,  il  ne  s'en- 
fuit pas  que  la  vertu  des  Comètes  ne  puilTè  s  c- 
tendie  julques  à  nous ,  parce  qu'il  ell  beaucoup 
plus  facile  de  delcendre  que  de  monter ,  &  qu'il 
faut  monter  pour  aller  d'ici  a  la  région  des  Co- 
mètes ,  au  lieu  qu'il  lùut  defcendre  pour  venir 
de  là  julqu'ici?  Alais  il  n'efl:  pas  difficile  de  ren- 
verlèr  cette  objection  j  car  li  elle  a  quelque  for- 
ce ,  c'efl:  uniquement  parce  qu'on  fupoie  que  la 
terre  eft  au  centre  du  monde  ,  8c  que  tous  les 
corps  peians  ont  une  inclination  naturelle  à  s'a- 
procher  de  ce  centre.  Or  comme  il  n'y  a  rien  de 
plus  difficile  que  de  prouver  ces  fupoiitions ,  il 
n'y  a  rien  auiïi  de  plus  aile  que  de  détruire  tous 
les  railbnnemens  que  l'on  fonde  fur  ces  idées. 
Comment  fait-on  que  la  terre  eft  au  centre  du 
monde?  N'eft-ii  pas  évident  que  pour  conoître 
le  centre  d'un  corps ,  il  en  faut  conoître  la  fu- 
perHcie ,  &  qu'ainli  n'étant  point  poiTible  à  l'ef- 
prit  humain  de  marquer  où  font  les  extremitez 
du  monde  ,  il  nous  eft  impoffible  de  conoître 
fi  la  terre  eft  au  centre  du  monde  ,  ou  ii  elle 
n'y  eft  pas?  De  plus  comment  iàvons-nous  qu'il 
y  a  des  corps  qui  ont  une  inclination  naturelle 
a  s'aprocher  du  centre  du  monde  ?  Ne  iàvons-. 
nous  pas  au  contraire  que  tous  les  corps  qui  fè 
meuvent  à  l'entour  d'un  certain  centre  ,  s'en_ 
éloignent  le  plus  qu'ils  peuvent  ?  Les  expérien- 
ces que  l'on  en  a  n'ont-elles  point  forcé  la  plu- 
part ôiQS  Seélatcurs  d'Ariftote  ,  de  reconoître 
avec  Mr.  Defcartes ,  que  c'eft  une  des  loix  gé- 
nérales de  la  nature  ?  Il  n'y  a  donc  rien  de  plus 
abllirde  que  de  fupofer  ,  qu'il  y  a  des  corps  qui 
tendent  naturellement  vers  le  centre  de  la  ter- 
re ;  &:  il  eft  bien  pkis  raifonnable  de  dire  qu'ils 
tendent  tous  à  s'en  éloigner  5  &;  que  ceux  qui. 
ont  la  force  de  le  faire  ,  s  en  éloignent  enècti- 
^ement;  d'où,  il  ariiye  que  ceux  qui  ont  moins 

de- 


Tenfées  diverfès.  ij 

de  force  font  chaflêz  vers  le  centre ,  parce  que 
tout  étant  plein  il  cft  impoilible  qu'un  autre 
sen  aproche. 

Il  ell  facile  de  montrer  après  cela  qu'on  iè 
trompe  bien  groflierement ,  quand  on  s'imagi- 
ne que  les  exhalailons  ces  Comètes  peuvent 
mieux  defcendre  fur  la  terre  ,  que  les  exhalai- 
Ions  de  la  terre  ne  peuvent  monter  au  ciel;  car  de 
Quelque  iyrxéme  que  l'on  fe  fove,  il  faut  ncceP 
fàirement  convenir  qu'il  le  fait  dans  le  monde 
un  mouvement  très-coniiderable  à  1  entour  d'un 
centre  commun.  Que  ce  foit  à  i'entour  de  la 
terre  ,  comme  veulent  les  Philofbphes  de  1 U- 
niverfité,  ou  a  i'entour  du  foleil ,  comme  veu- 
lent les  fcclateurs  de  Copernic  ,  ou  en  partie  à 
i'entour  du  foieil  ,  êc  en  partie  à  I'entour  de  la 
terre ,  comme  veulent  les  feftateurs  de  Tycho- 
Brahé  ,  peu  m'importe  pour  le  prefent  :  il  eil 
toujours  vrai  que  les  Comètes  fe  font  voir  dans 
un  lieu  où  il  y  a  des  corps  qui  tournent  à  I'en- 
tour d'un  certain  centre  j  par  confequent  tous 
ces  corps  tendent  de  toute  leur  force  à  s'éloi- 
gner de  ce  centre  ,  &:  ont  plus  de  force  pour 
■s'en  éloigner  ,  que  tous  les  corps  qui  font  en- 
tre eux  5:  la  terre  ;  d'où  il  s'enfuit  que  la  ma- 
tière qui  eft  autour  des  Comètes  n'a  point  de 
facilité  à  defcendre  fur  k  terre  ,  ^  qu  il  lui  efî: 
aulTi  malaifé  à'y  defcendre  ,  qu'il  eft  malaiie  à 
la  matière  terreftre  de  monter  au  ciel.  Si  l'on 
coniideroit  la  peine  qu'on  a  à  faire  defcendre 
dans  l'eau  un  balon  bien  rempli  d'air,  on  ne  di- 
roit  pas  univerfellement  qu'il  eft  plus  malaiie 
de  monter  que  de  defcendre  :  cela  n'eft  vrai 
qu'a  l'égard  d^s  corps  qui  n'ont  aucune  force 
pour  s'éloigner  du  centre  du  mouvement,  mais 
à  l'égard  de  ceux  qui  ont  eu  la  force  de  s  en 
éloigner  prodigieufemcnt,  c'eft  à  les  faire  def- 
cendre que  l'on  trouve  de  la  peine  ■■,  puis  donc 
que  les  Comètes  font  dans  un  eloignement  pro- 

di- 


l8  Penfées  diverfis. 

digieux  du  centre  du  mouvement ,  il  cft  jufle 
de  conclure  qu'il  faudrait  une  peine  effroiable 
pour  faire  deicendre  quelque  chofe  de  cet  en- 
droit-là jufques  fur  la  terre  :  ce  qui  ieul  cft  ca- 
pable de  réfuter  toutes  les  iDuùons  de  rAftro- 
logic. 

Permettez-moi  ,  s'il  vous  plaît,  Monfîeur, 
de  dire  que  toute  la  matière  qu'il  y  a  d'ici  juf- 
ques au  delà  de  Saturne  fie  des  Comètes  ,  for- 
me un  grand  tourbillon  ;  8c  fouffrez  que  je  le 
nomme  le  tourbillon  du  ibleil  ■■,  je  ne  vous  de- 
mande pas  cela  pour  faire  le  moindre  préjudi- 
ce à  vôtre  fyflême  de  Ptolome'e  ,  c'eft  feule- 
ment pour  exprimer  en  moins  de  paroles  ce 
que  je  m'en  vais  vous  dire. 

§.  XIV. 

^ie  les  exhakifons  des  Comètes  quand  même  eU 
les  parviendr oient  jn/qu'à  la  terre  n'y  prodni- 
roient  rien. 

Accordons  que  les  Comètes  peuvent  pouflèr 
jufques  fur  la  terre  quantité  d'exhalaiibns ,  s'en- 
iùivra-t-il  que  les  hommes  en  feront  notable- 
-ment  altérez  ?   Point  du  tout  j   car  ii  ces  exha- 
laifons  parcouroient  des   efpaces  auffi  immen- 
fcs  que  ceux-là  ,  elles  fe  brifereient  8c  fè  divi- 
fer oient  en    une   infinité   de  particules  infènfi-^ 
blés,   qui  fè  répandroient  dans  toute  l'étendue 
du  tourbillon  du  foleil  ,    à-peu-près  comme  les 
pai'ticules  du  fèl   fe  diftribuent   dans  toute  la 
inaffe  d'eau  qui  les  diiïbut.    Or  fi  nous  compa- 
jons  la  Com.ete ,  avec  tout  le  tourbillon  du  fo- 
leil, nous  trouverons  qu'elle  n'eft  pas  à  l'égard 
de  ce  tourbillon ,  ce  qu'eit  un  grain  de  fel  à  l'é- 
gard d'une  lieue  cubique  d'eau  :   8c  par  confe- 
quent  il  y  a  lieu  de  croire  ,  que  li  toute  la  Co- 
mète réduite  en  poudre  ctoit  mifè  par  infufion 

dans 


Tenfées  diverjèi,      ,  19 

dans  k  grand  tourbillon  du  foleil ,  elle  n'y  apor- 
teroit  pas  une  altération  plus  confiderable ,  que 
celle  qu'un  grain  de  ici  jette  dans  une  lieue  cu- 
bique ^d'eau,  produiroit  dans  toutes  les  parties 
de  cette  eau.  Perfonne  n'ignore  qu'afin  qu'une 
liqueur  produife  des  effets  confiderables  ,  il  ne 
fuffit  pas  qu'elle  fbit  imprégnée  de  certains  es- 
prits y  mais  qu'il  faut  qu'elle  en  foit  chargée 
jufqu'à  une  certaine  dofe.  Je  dis  pareillement 
qu'afin  que  nôtre  air  reçoive  de  grandes  altéra- 
tions ,  il  ne  fuffit  pas  qu'il  ibit  imprégné  de 
quelques  parcelles  de  la  Comète  à  railon  de 
la  quantité  de  matière  qu'il  contient  dans  l'é- 
tendue du  tourbillon  }  mais  qu'il  faut  qu'il  en 
reçoive  une  doiè  plus  copieuJÎe.  Cependant  il 
eft  fur  qu'il  ne  peut  avoir  que  fà  part  ,  je  ne 
dis  pas  de  toute  la  Comète  ,  {'car  elle  ne  fe  dlf- 
fout  pas  dans  les  liqueurs  du  tourbillon)  mais 
des  atomes  qu'elle  lème  deçà  8c  delà,  ce  qui  re- 
vient à  rien  pour  chaque  partie  de  nôtre  mon- 
de. 

Je  ne  crains  pas  que  l'on  m'objeéle  qu'il  n'y 
a  que  la  terre  qui  ait  part  à  cela  ,  car  ce  feroit 
fupofèr  que  les  Comètes  lui  envoient  à  elle  feu- 
le toutes  leurs  exhalaiibns  ,  6c  qu'elles  empê- 
chent que  leurs  traits  ne  fafïènt  aucun  écart 
dans  un  trajet  d'une  longueur  prodigieufe  ,  ce 
qui  ne  fè  peut  dire  iàns  extravagante.  Je  ne 
crains  pas  non  plus  qu'on  me  vienne  dire  ,  que 
peut-être  les  Comètes  ne  font  pas  aulTi  éloignées 
de  la  terre  que  le  fupofent  ceux  qui  les  mettent 
bien  loin  au  delà  de  Saturne,  car  cette  objec- 
tion n'eft  d'aucune  force  contre  moi  ;  parce 
que  foit  qu'on  les  pofe  un  peu  au  deçà,  ou  un 
peu  au  delà  de  Saturne  ,  il  faut  convenir  que 
leurs  évaporations  apartiennent  également  à  tou- 
tes les  parties  du  tourbillon  du  foleil ,  aulfi  bien 
à  celles  qui  font  entre  Jupiter  &  Mars,  qu'à  cel- 
les qui  environnent  la  terre  j  aufli  bien  à  celles 

qui 


2  0  •       Penfées  diverfes. 

qui  font  au  delà  de  Saturne,  qu^à  celles  qîii  font 
au  deçà.     En  effet  fi  une  Comète  pofee  entre 
J-upiter  &  Saturne,  a  la  force  de  chalfer  jufques 
au  centre  la  matière  dont  elle  eft  environne'e , 
elle  doit  avoir  aufifi  la  force  de  la  pouffer  ;à-peu- 
près  autant  du  côté  de  la  circonférence;  car  il 
n'eft  pas  plus  difficile  de  faire  monter  les  corps 
pelans ,  que  de  faire  defcendre  les  corps  légers , 
comme  il  paroît  par  l'exemple  d'un  gros  balon 
qu'on  a  tant  de  peine  à  poulTèr  dans  l'eau.    Ain- 
li  nous  devons  hire  état  que  les  écoulemens  qui 
fortent  de  la  Comète  ,   fe  répandent  à  la  ronde 
par  toute  l'étendue  du  tourbillon  du  foleil  ,  à- 
peu-près   comme  les  parties  d'un  morceau  de 
fucre  que  Ton  tiendroit  fulpendu  dans  un  verre 
d'eau  ,    fè  repandroient  au-deflus  &  au-deflbus 
dans  toute  la  capacité  du  verre ,  8c  cela  d'autant 
plus  aifement  que  toute  la  matière  du  tourbil- 
lon eft  dans  un  mouvement   continuel.     Puis 
donc  que  toute  la  Comète  liquéfiée  dans  le  flui- 
de du  tourbillon,  ne  feroit  pas  comme  un  grain 
de  fel  liquéfié  dans  une  lieue  cubique  d'eau ,  qui 
eft  une  proportion  dans  laquelle  je  ne  croi  pas 
que  ni  l'antimoine  ,  ni  aucun  venin  conlèrvent 
leurs  qualitez  adtives  ;  il  eft  vrai  de  dire  que  les 
influences  des  Comètes ,  qui  contiennent  il  peu 
de  fubftance  en  comparaifon  des  Comètes  mê- 
mes ,    ne'feroient  pas  capables  d'un  grand  ef- 
fet, quand  mêmes  elles  parviendroient  jufques 
à  nous. 

§.  XV. 

"Réfutation  de  ceux  qui  difent  que  cela  n'efl  fat 
impojjïble  ,  ou  qui  'voudr oient  foutenir  que  les 
influences  ne  font  pas  des  corpufcules. 

V.  Dira-t-on  enfin  qu'il  n'eft  pas  impofliblc 
que  les  Comètes  envoient  far  la  terre  une  ma- 

tieri 


Penfées  divtrfes,  2  î 

tîere  ou  une  qualité  fort  aftive?  C'eft  tout  ce  qu'on 
peut  avancer  de  plus  raifbnable  ,    &  cependant 
ce  n'eft  rien  dire  ,  parce  qu'il  eft  non  feulement 
poffible ,  mais  aufll  très-aparent  que  les  Comè- 
tes n'envoient  fur  la  terre  ni  qualité ,  ni  matiè- 
re capables  d'une  grande  adlion  ,    6c  que  dans 
les  chofes  où  il  n'y  a  point  plus  de  raiîbn  d'un 
côté  que  d'autre ,  le  tort  eft  toiàjours  plutôt" du 
côté  de  ceux  qui  aiîàrment,  que  du  côté  de  ceux 
qui  fufpcndent  leur  jugement.  Si  bien  que  n'y 
aiant  aucune   raifon  pofitive  qui  nous  porte  à 
croire  l'influence  des  Comètes ,  £c  y  en  aiant  au 
contraire  plufieurs  qui  nous  portent  à  la  rejet- 
tcr  ,     ceux  qui  prennent  le  premier  parti  ont 
tout  le  tort  de  leur  côté. 

Je  vous  prie  ,  Monlieur  ,  de  bien  prendre 
garde  que  je  viens  de  diftinguer  les  qualitez 
produites  par  les  Comètes ,  d'avec  les  corpufcu- 
les  qu'elles  envoient.  J'ai  fait  cette  diftindtion 
afin  de  m'accommoder  à  la  Philolbphie  de  l'U- 
niverlité  ,  Se  de  peur  que  vous  ne  vinHlez.  à 
croire  ,  qiie  mes  objefticns  ne  Icroient  d'aucu- 
ne force  li  je  fupofois  les  principes  ordinaires 
touchant  la  propagation  à^s  accidens.  Pour  pré- 
venir cela  je  déclare  ici  ,  qu'encore  que  dans 
toute  la  fjîte  de  cet  écrit  je  ne  réfute  les  influen- 
ces des  Comètes  ,  que  Ibus  l'idée  d'atomes  £c 
de  corpufcules  ,  je  prétends  néanm.oins  que 
mes  raiibns  doivent  avoir  la  même  force  con- 
tre des  influences  ,  qui  confiftcroient  en  pures 
qualitez,  diflincles  de  la  matière.  Et  même  dans 
le  cas  préicnt  j'aurois  beaucoup  plus  d  avantage 
contre  un  Peripateticien ,  parce  que  s  il  veut  rai- 
fonner  conlèquemraent  ,  il  efl:  obligé  de  dire 
que  dès  que  la  Comète  n'tfl:  plus  ,  les  qualitez 
malignes  qu'elle  avoit  produites  au  dehors, 
font  entièrement  détruites  par  les  formes  fubf- 
tantielles  de  chaque  fujet,  qui  ne  foufrent,  iè- 
ion  lui,  aucune  qualité  étrangère,  qu'autant  de 

tems 


2i  Penfées  diverjès. 

tems  que  la  cauiè  oui  Ta  introduite  par  violen- 
ce la  maintient  2c  la  conierve.  D'où  il  refulte 
manifeftement  ,  que  rien  de  tout  ce  qui  arrive 
après  la  deftrudlion  de  la  Comète ,  ne  peut  être 
produit  par  les  quaiitez  de  la  Comète  ,  mais 
tout  au  plus  par  les  atomes  qu'elle  a  répandus 
deçà  ôc  delà. 

Outre  que  l'expérience  nous  failànt  voir  que 
les  quaiitez  des  corps  ne  fè  produiiènt  que  dans 
un  certain  efpace  qu'on  apelle  la  fphere  de  leur 
â^ciivitéi  il  eft  aulTi  abfurde  dans  les  principes 
d'Ariftote  ,  de  dire  que  la  Comète  communi- 
que Tes  quaiitez  à  tout  le  tourbillon  du  folcil, 
qu'il  eft  abfurde  de  le  dire  dans  les  principes  des 
autres  Philolbphes  :  puis  que  les  fedateurs  d'A- 
riftote  ibnt  obligez  de  reconnoître,  que  ce  qu'ils 
appellent  de  purs  accidens  n'a  pas  moins  de  pei- 
ne à  le  répandre  à  la  ronde  ,  que  les  écoule- 
mens  d'atomes  ,  en  quoi  les  autres  StOi^s,  font 
coniiller  la  produdion  des  quaiitez  corporelles. 

§.  XVI. 

1 1.  Raiibn  :  ^^e  fi  les  Comètes  avoient  la  vertu 
de  produire  quelque  chofe  fur  la  terre,  ce  pour- 
voit être  tout  aitjjï  bien  du  bonheur  ,  que  du 
malheur. 

ON  peut  dire  en  fécond  lieu  ,  que  fupofé 
que  les  Comètes  répandent  jufques  fur  la 
terre  beaucoup  de  corpufcules  capables  d'une 
grande  a6lion ,  il  n'y  a  pas  plus  de  raifon  à  foute - 
nir  qu'ils  doivent  produire  la  pefte ,  la  guerre,  la 
famine  j  qu'à  ibutenir  qu'ils  doivent  produire  la 
fànté ,  la  paix ,  &c  l'abondance  ,  parce  que  per- 
fonne  ne  conoît  la  nature  de  ces  corpufcules ,  la 
figure  ,  le  mouvement ,  ou  les  autres  quaiitez 
de  leurs  parties.  Et  en  effet  y  a-t-il  plus  de  bon 
fens  à  foutenix  que  la  prefente  Comète ,  qui  ne 

peut 


Penfeei  Mverfes.  25 

peut  empêcher  un  froid  exceflit  pendant  qu'elle 
iè  montre  toute  entière,  cauièra  la  guerre  trois 
ans  après  qu'elle  ne  fera  plus  ,  parce  qu'échauf- 
fant la  malîè  du  iàng  ,  elle  rendra  les  hommes 
plus  prompts  j  qu'à  foutenir  qu'elle  entretien- 
dra la  paix  ,  parce  que  rafraichilïànt  la  mafîèdu 
fàng,  elle  rendra  les  hommes  plus  fàges? 

Oui  ,  me  dira-t-  on  ,  il  y  a  plus  de  bon  lèns 
dans  le  premier  parti  que  dans  l'autre  j  car 
il  eft  plus  aparent  que  la  matière  grolTiere  qui 
nous  vient  des  extremitez  du  tourbillon  du  iô- 
leil,  n'étant  pis  proportionnée  aux  corps  tcr- 
reftres  ,  fait  toutes  chofes  de  travers  parmi 
nous  ,  qu'il  n'efl  aparent  qu'elle  y  aporte  ou 
qu'elle  y  conièrve  des  difpolitions  favorables. 
Il  eft  fort  probable  qu'elle  augmente  le  froid  en 
hiver ,  8c  la  chaleur  en  été ,  parce  qu'étant  plus 
difficile  à  ébranler ,  elle  doit  augmenter  le  froid 
6c  le  repos ,  lors  qu'il  n'y  a  pas  de  force  pour  la 
mettre  en  mouvement  ,  ôc  qu'étant  une  fois 
échauffée,  elle  doit  avoir  beaucoup  plus  de  cha- 
leur que  les  matières  fubtiîcs  ;  d'où  vient  que 
le  fer  rouge  brûle  bien  plus  que  la  flame  d'efprit 
de  vin  ,  8c  que  le  feu  eft  plus  violent  lors  que 
le  froid  eft  extrême j  car  il  y  a  beaucoup  d'apa- 
rence  que  le  froid  difpole  le  bois  de  telle  forte, 
que  les  parties  que  le  feu  en  détache  à  chaque 
fois  font  plus  maffives. 

Mais  je  répons  que  ce  font  toutes  conjectu- 
res en  l'air  ,   8c  qu'on  en  peut  faire  d'aufli  vrai- 
femblables    en    prenant    le    contre-pied.      Qui 
m'empêchera  de  dire  que  cette  matière  groflie-  '/J^  j.^ 
re  epaiftiflànt  l'air ,  8c  facilitant  la  condeniation  pofuasut 
dQs  vapeurs,  doit  diminuer  le  froid,  8c  le  chaud  glacier 
lèlon  la  fàifon  où  l'on  fe  trouve  :  le  froid ,  par-  ^'^^^^^  '  P"- 
cc  qu'il  n'eft  jamais  plus  violent  que  lors  que  ^?  ^^^^^^ 
lair  eft  le  plus  lèrain  8c  le  plus   pur  (  i  )  j   le  nlrau' 
chaud,   parce  qu'il  n'eft  jam.ais  plus  inftiporta-  Od.  10, 
bic  que  lors  eue  le  foleil  darde  fes  raions  fur  /'^.  >• 

nous. 


14  Penfées  diverjês, 

nous ,  fans  rencontrer  aucune  nue ,  8c  parce  que 
\qs  pluies  qui  nailîènt  de  la  condensation  des  va- 
peurs ,  rafraichifTent  extrêmement  l'air  ?  Je  puis 
fùpofèr  encore ,  que  cette  matière  groQiere  ve- 
nant à  £t  précipiter  ,  eft  un  ferment  8c  une  graif- 
iè  qui  doit  rendre  la  terre  fertile  ,  comme  ces 
corpufcules  que  le  Nil  laifTe  dans  les  lieux  qu'il 
a  inondez.  Un  autre  dira  avec  autant  de  railbn, 
qu'à  la  vérité  cette  matière  grolViere  caufe  un 
froid  piquant  qui  purifie  l'air  de  toute  fèmence 
de  maladie  j  mais  qu'elle  fe  fubtilile  peu-à-peu , 
le  plus  grolTier  tombant  à  terre  comme  un  fè- 
diment  gras  8c  plein  de  principes  de  fécondité', 
pendant  que  le  refte  ne  retient  que  la  iblidité 
neceflàire  pour  pouvoir  tempérer  la  chaleur  de 
tems  en  tems,  par  k  condenfàtion  de  nues,  8c 
par  des  pluies  également  falutaires  à  la  lànté  8t  à 
la  récolte.  Peut-on  empêcher  un  autre  de  dire, 
que  cette  matière  cralTè  a  bien  le  loiiir  de  fè  fil- 
trer ,  8c  de  fe  fubtilifer  avant  que  de  venir  à 
nous,  puis  qu'elle  fait  un  trajet  de plufieurs mil- 
lions de  lieues  ,  8c  que  s'il  lui  refte  encore  de- 
quoi  épailTir  nôtre  air  ,  cela  doit  être  compté 
comme  l'un  de  ces  brouillards  qui  durent  quel- 
quefois lèpt  ou  huit  jours  fans  confequencc,  ou 
comme  Tune  de  cts  pluies  qui  troublent  l'eau 
des  rivières  pour  quelque  tems  ,  fans  qu'on  re- 
marque que  \qs  poiffons  s'en  portent  moins 
bien  ? 

§.  XVII. 

III.  Raiibn  :  ,^e  VAftrolog'te  qui  eft  le  fonde' 
ment  des  prédiclions  particulières  des  Comètes , 
efi  la  chofe  du  monde  lapins  ridicule. 

"f  E  dis  en  troifiéme  lieu  que  le  détail  des  pre- 
I  fàges  des   Comètes   ne  roulant   que  fur  les 
principes  de  l'Allrologie ,  ne  peut  être  que  très- 
ridicule. 


Penfées  dîverfis.  25 

ridicule  ,  parce  qu'il  n'y  a  jamais  eu  rien  de 
plus  impertinent  ,  rien  de  plus  chimérique  que 
TAlirologie,  rien  de  plus  ignominieux  à  la  na- 
ture humaine ,  à  la  honte  de  laquelle  il  ièra  vrai 
de  dire  éternellement  ,  qu'il  y  a  eu  des  hom- 
mes afîèz  fourbes  pour  tromper  les  autres  fous 
le  prétexte  de  conoître  les  choies  du  Ciel  ,  & 
des  hommes  aflèz,  fots  pour  donner  créance  à 
ces  autres- là,  juiques  au  point  d'ériger  la  char- 
gé d'Ailrologue  en  titre  d'Office  ,  &:  de  n'ofèr 
prendre  un  habit  neuf  ou  planter  un  arbre  làus 
l'aprobation  de  (i)  l'Aflroiogue.  (i)  Mr.' 

Voulez-vous  fàvoir  d'un  homme  de  cette  pro-  B^m'cr, 
feiTion  ,  quels  font  en  particulier  les  prelâges  ^og^'i^* 
d'une  telle  Comète  ?  Il  vous  répondra  que  la 
vertu  particulière  d'une  Comète  dépend  de  la 
qualité  du  ligne,  5c  de  la  maifbn  où  elle  a  com- 
mencé d'être  vue  ,  comme  aulll  de  l'aiped  où 
elle  a  été  avec  les  Planètes.  Que  c'eft  à  cette  fi- 
tuation  qu'il  faut  regarder  principalement  pour 
bien  taire  l'horofcope  d'une  Comète  3  à  quoi 
l'on  ajoute  la  coniideration  des  fignes  par  où 
elle  palîè  fuccefTivement.  Là-defîus  il  vous 
aprendra  qu  il  y  a  des  fignes  mafculins  ,  &i  des 
lignes  féminins  ,  qu  il  y  en  a  de  terreftres  ôc 
d'aqueux,  de  froids  &  de  chauds,  de  diurnes  8c 
de  no£himes ,  ôcc.  Que  chaque  Planète  domi- 
ne fur  une  certaine  portion  de  la  terre,  &  fur 
une  certaine  efpece  de  gens.  &  de  chofes.  Satur- 
ne par  exemple,  iùr  Ja  Bavière ,  la  Saxe  ôc  l'Efpa- 
gne ,  fur  une  partie  de  l'Italie ,  fur  Ravenne  8c 
Ingclftad  ,  fur  les  Maures  8c  fur  les  Juifs ,  flir 
les  étangs  ,  les  cloaques  6c  les  cimetières  ,  fur 
la  vieilIefTe,  fur  la  rate,  fur  le  noir  8c  le  tanné, 
8c  fur  l'aigre  i  car  il  n'y  a  pas  jufqu'aux  couleurs 
8c  aux  laveurs  qu'on  ne  leur  partage.  Il  ajou- 
tera que  les  lignes  &:  particulièrement  ceux  du 
Zodiaque  ont  aulTi  leurs  dcpartemens  marquez 
iùr  le  globe  de  U  terre, pour  y  exercer  leur  ver- 
Tom,  I.  B  tu: 


i5  Venfées  diverjès, 

tu  ".  le  Bélier  par  exemple,    domine  fur  toutes 
les  choies  afTujetties  à  Ja  Planète  de  Mars  fon 
hôte ,  (car  vous  remarquerez,  que  chaque  Planè- 
te a  fon  logis  arrêté  dans  un  certain  ligne)  qui 
font  le  Nord,  une  partie  de  l'Italie  8c  de  TAlle- 
magne  ,    l'Angleterre  ,   &  la  Capitale  de  Polo- 
gne ,  le  foie  ,  le  fiel ,  les  Soldats ,  les  Bouchers , 
les  Sergeans  ,   8c  les  Bourreaux  ,  le  rouge,  Ta- 
mer  8c  le  mordicant.     Et  outre  cela  il  règne 
lùr  la  Paleftine,  fur  F  Arménie,  fur  la  mer  Rou- 
ge ,  fur  la  Bourgogne  ,  fur  les  villes  de  Mets  8c 
de  Marièille.     li  vous  dira  de  plus  qu'il  y  a  ii. 
maifbns  à  conliderer  dans  le  ciel  ,   dont  chacu- 
ne a  les  fonctions  particulières  ,    8c  apartient  à 
une  certaine  Planète  :   car  par  exemple ,  la  pre- 
mière maiibn  iè  raporte  à  la  vie  8c  à  la  comple- 
xion  du  corps  ,   8c  la  dernière,  aux  ennemis,  à 
k  prifon ,  8c  à  la  fidélité  des  domciliques.  Mer- 
cure fe  plaît  dans  la  première  plus  que  toutes 
les  autres  Planètes ,  8c  répand  de  là  une  vie  heu- 
feufè,  8c  une  forte  complexion.    Venus  fè  plaît 
dans  la  cinquième  ,   où  elle  promet  de  la  joie 
par  les  en  fans. 

Cela  pofe  avec  plufieurs  autres  remarques  de 
même  nature  ,    l'Aflrologue  vous  dira  à  quels 
pais  ,   8c  à  quelles  gens  ,   ou  à  quelles  bêtes  la 
Comète  en  veut  principalement  ,   8c  de  quelle 
forte  de  maux  elle  menace.     Dans  le  Bélier  el- 
le f  gnifie  de  grandes   guerres  ,  8c  de  grandes 
mortalitez  ,   l'abaifîèment  des  Grands ,  8c  l'élé- 
vation des  petits ,  des  lèchereflès  épouvantables 
pour  les  lieux  fournis  à  la  domination  de  ce  fi- 
gue.    Dans  la  Vierge  elle  fignifie  des  avorte- 
mens  dangereux  ,  des  maltotes ,  des  emprifon- 
nemens  ,  la  fterilité  8c  la  mort  de  quantité  de 
femmes.     Dans  le   Scorpion  ce  font  outre  les 
maux  précedens  ,   des  reptiles  8c  des  fàuterelîes 
innombrables.    Dans  les  Poifîbns,  des  difputes 
fur  des  points  de  foi,  des  aparitions  épouvanta- 
bles 


Penfées  diverfei,  2  y 

blés  dans  l'air ,  des  guerres  £c  des  pefles,  Se  tou- 
jours la  mort  des  Grands. 

S'il  arrive  par  malheur  que  les  Comètes  par- 
ient par  des  lignes  de  figure  humaine ,  comme 
ibnt  les  Gémeaux  ,  la  Vierge  ,  l'Orion  ,  6cc. 
c'efl:  aux  hommes  qu'elles  s'en  veulent  prendre. 
Si  elles  paffent  par  les  lignes  du  Bélier ,  du  Tau- 
reau, du  Cygne,  de  l'Aigle,  des  Poilîbns,  c'efl 
aux  animaux  de  cette  efpece  qu'elles  en  veulent; 
&  Il  les  fignes  font  mafculins  ce  font  hs  mâles 
qui  en  patifîènt ,  s'ils  font  féminins  ce  font  les 
femmes.  Si  les  Comètes  pallènt  par  les  par- 
ties honteufès  de  quelque  conftellation ,  c'efl  un 
fâcheux  préfage  pour  les  impudiques.  Si  la  Co- 
mète eft  Saturnienne  par  fa  lituation  ,  ou  par 
fbn  afpe6t ,  elle  produit  tous  les  méchans  effets 
de  Saturne  ,  la  jalouiie  ,  la  mélancolie,  les  dé- 
fiances 8c  les  terreurs.  Si  elle  eft  dans  la  iècon- 
de  maifon  qui  eft  celle  des  richelTès  ,  elle  tra- 
verfe  le  gain  ,  ôc  fait  faire  des  vols  &  des  ban- 
queroutes ,  8c  ainli  du  refte  j  car  en  gênerai  un 
Aftrologue  juge  de  la  vertu  d'une  Comète  par 
les  règles  félon  lefquelles  il  prétend  que  tel  ou 
tel  ligne  ,  dans  une  telle  maifon  ,  8c  dans  un 
tel  aÇeft  prefage  ceci  ou  cela  à  telle  ou  à  telle 
chofe  (i).  (0  Vofes 

Rarement  fait-on  lignifier  quelque  bonheur  ^.""'^^^If 
aux  Comètes.     Il  y  eut  néanmoins  un  Aftrolo-  f^\  come- 
gue  Suiflè  ,   qui  aiant  remarqué  en  i66i.  qu'u-  ces.p.^j. 
ne  Comète  avoit  pafTé  par  le  ligne  de  l'Aigle, 
8c  qu'elle  étoit  venue  mourir  à  les  piez ,   alîûra 
que  cela  prefàgeoit  la  ruine  de  l'Empire  Turc 
par  celui  d'Allemagne  ,    ce  que  l'événement  a 
îi  peu  juftifié  ,    que  deux  ans  après  les  Turcs 
penferent  prendre  toute  la  Hongrie,  8c  eudcnt 
aparemment  envahi  toutes  les  terres  héréditai- 
res de  h  Maifon  d'Autriche  ,  fi  le  fecours  que 
le  Roi  envoia  à  l'Empereur  ,    ne  l'eût  mis  en 
état  de  faire  fa  paix  avec  la  Porte.    Il  en  va  à^i 
B  2  pren 


^'S  Penfées  diverfes. 

prédirions  des  A  Urologues  ,  comme  de  celles 
des  Poètes  :  elles  font  volontiers  fiineftes  les 
unes  &  les  autres  aux  Ottomans ,  mais  iàns  au- 
cune iiiite.  Il  y  a  plus  d  un  fiecle  que  tous  les 
Poètes  François  nous  chantent  d'un  ton  d'ora- 
cle, que  nos  Rois  iront  détrôner  le  Grand  Turc, 
Se  diellèr  des  trophées  fur  les  bords  du  Jourdain 
Se  de  l'Euplirate.  Le  redoutable  Mr.  Des-Preaux 
qui  s'ëtoic  tant  moqué  de  ces  faillies ,  y  eil  tom- 
bé lui-même  à  la  fin  ,ayec  fon  ,  fefattemdans 
deux  a,is  aux  bords  de  l Hellefpont ,  ôc  il  a  été 
au  fil  faux  Prophète  que  {es  Confrères. 

Ce  n'efl:  pas  d'aujourd'hui  que   les   Aftrolo- 
gues  raifonnent  fur  de  telles  extravagances.  C'é- 
■(t)  Plinius  toit  la  même  cholè  du  tems  de  (i)  Pline  ,    On 
lib.z.  cap.  -prétend,  dit-il,  cjue  ce  n'efl  pas  une  chofe  indiff'e- 
*^'  rente  ,   que  les  Comètes  dardent  leurs  ratons  vers 

certains  endroits  ,  oh  reçoivent  leur  vertu  de  cer- 
tains ajlres ,  ou  reprefentent  certaines  chofes  ,  ou 
hrille7ît  en  certaines  parties  du  ciel.  Si  elles  ref- 
fembknt  a  une'jlute  ^  leurs  prefages  s'adrejfent  à 
la  Mufquej  quand  elles  font,  dans  les  parties  hon- 
teufes  dun  figne ,  c'eji  aux  impudiques  qu'elles  en 
veulent  i  //  leur  jituation  fait  un  triangle  ou  un 
quarrê  équilateral  a  l  égard  des  étoiles  fixes ,  c'efi 
aux  fciences  <:^  a  l'efprit  qu'elles  s'adrejfent.  Elles 
répandent  des  poifons  quand  elles  fe  trouvent  dans 
la  tête  du  Serpentaire  boréal  ou  au/Ira l. 

Conlîderez  ,  je  vous  prie  ,    Monlieur ,  û  ce 
n'eîl:  pas  avoir  perdu  toute  honte ,  que  de  pofèr 
des  principes  de  cette  forte.    Quoi ,  parce  qu'u- 
ne Comète  nous   paroît  répondre  à    certaines 
étoiles  qu'il  a  plu  aux  Anciens  d'apeller  le  figne 
(i)  Aftrœa  ^^  ^^  Vierge  ,   pour  s'accommoder  aux  fidions 
Virgo.fi-     Poétiques,  qui  portoient  que  la  Jufiiice,  ou  l'A' 
derum       Jirda  Virgo  ,    dégoûtée  d'un   monde   aufil  cor- 
magnum  ^  j-o^^pu  que  le  nôtre  ,    s'en  étoit  allée  au   (  2  ) 
necain     '  ^^^^  '  ^^^  femmes  feront  fiieriles  ,   ou  feront  de 
QsîAv,       àuifts  couches  ,    qu  ne  trouverçnt  point  de 

maris? 


Tenféei  dtverfèi,  29 

maris  ?  Je  ne  vai  rien  qui  fcit  plus  mal  lié  que 
cela. 

C'efl:  un  pur  caprice  qui  a  fait  reprelcnter  ce 
figne  fous  la  figure  d'une  femme  ,  car  au  fend , 
il  ne  tient  pas  plus  de  la  figure  humaine,  que 
d'une  autre.  Mais  quand  il  feroit  vrai  qu'il  tien- 
droit  de  la  figure  humaine ,  avons-nous  les  yeux 
aflcz  bons  avec  l'aide  des  meilleurs  telelcopes , 
pour  difcerner  que  c'efl:  à  une  femme  qu'il  reP 
lèmble ,  &  non  pas  à  un  homm.e  ?  Et  fi  nous 
pouvions  porter  nôtre  difcernement  jufques-là, 
pourrions-nous  conoître  que  c'efl  h  figure  d'u- 
ne fille  plutôt  que  celle  d'une  femme  ?  Et  enfin 
quand  même  nous  pourrions  faire  toutes  ces 
fubtiîes  diflinâions  ,  8c  conoître  clairement 
qu'un  certain  nombre  d'étoiles  font  tellcmicnt 
iituées  qu'elles  forment  une  figure  de  fille,  s'en- 
fiiivroit-il  qu'elles  communiquer  oient  à  un  corps 
éloigné  peut-être  de  trente  millions  de  lieues, 
une  influence  contraire  à  la  multiplication  du 
genre  humain  ?  On  auroit  incomparablement 
plus  de  |railbn  d'avancer  cette  impertinence, 
que  fi  wa  Boulanger  formoit  la  figure  d'un  hom- 
me ,  OH  d'une  femme  fur  un  gâteau  ,  il  le  con- 
vertirait en  poifon  pour  tous  les  hommes  ,  ou  pour 
toutes  les  femmes  qui  en  mangeraient.  AfiTuré- 
ment  ce  que  difent  les  Aftrologues  ,  mérite  la 
cenfure  qui  fe  lit  dans  Pline  contre  une  autre  yX}^^^ 
efpece  de  menteurs  ,  (  i  )  ^' avoir  dit  cela  fe-  quem- 
rieufement ,  cefi  témoigner  qu'on  a  un  mépris  ex-  qusm 
tréme  pour  les  hom/nes.  &>  que  l'impunité  du  mcn-  dixiiïe  ,' 
fmge  efl  montée  a  un  excès  inexcusable.  fumma 

Je  ne  m'amufèrai  pas  à  prouver  ce  que  i'a-    ^"^'""'F 

vance  li  herement  contre  la  vanité  de  1  Aftrolo-  eft,  &ia- 

gie  Judiciaire  •■>     car  outre  que  vous  ne  doutez,  toleranda 

point  de  ce  que  je  dis  fur  ce  point-là  ,  je  £i  mendacio-; 

qu'il  y  a  quantité  de  beaux  Traitez    conus  de  '^""^. '"^* 
.  "^  1        -^  .     1  1     ,  .         puniras, 

toute  la  terre  ,    qui  deniontrcnt  de  la  manière  piui.i^.j; 

du  monde  la  plus   convaincante  la  faulîcté  de  up,  z^  ^ 

B  3  cet  " 


(i)Toties 

taurum 

nonferire, 

difficile 

eft. 

Trebell. 

Tollie  in 

vit  a  GalL 

{^)  Vena« 

turque 

aliturque 

avidus-, 

volucref- 

que  pre- 

tendo , 

Débita 

Troianis 

exercée 

fpicula 

fa  ci  s. 

Ovid. 

Metam, 


^O  Tenfées  cliverfei* 

cet  art  chimérique  6c  impofleur.  Je  ne  croi 
pas  que  jamais  perlbnne  le  fbit  mêlé  d'écri- 
re contre  les  Aflrolcgues  ,  qui  ne  les  ait  acca- 
blez, &  qui  n'ait  pu  dire  de  cette  matière  ce 
que  les  Romains  difoient  de  l'Afrique,  c^m  c'é- 
toit  four  lui  une  moifjon  de  triomphes.  S'il  y  a 
quelque  Auteur  qji  ait  écrit  contre  1  A  urologie 
uns  la  bleflêr  à  mort ,  il  a  fait  ailurément  un 
exploit  très-difficile  ,  &  qui  lui  vaudroit  une 
peniion  confiderable  fous  un  Prince  de  l'hu- 
meur de  l'Empereur  Gaiiien  ,  qui  fit  donner  le 
prix  du  combat  à-  un  Cavalier  ,  parce  qu'étant 
entré  en  lice  contre  un  taureau  ,  il  l'avoit  cou- 
ru très-long  tems  fans  lui  donner  aucun  coup , 
ce  que  Gallien  (  i  )  trouva  d'une  difficulté  mé- 
ritoire. Ainfi  ce  n'étoit  pas  la  peine  qu'un  gé- 
nie auffi  prodigieux  que  le  célèbre  Comte  de 
la  Mirandole  ,  travaillât  à  confondre  l'Adrolo- 
gie:  un  efprit  médiocre  l'eût  bien  fait.  C'é- 
toit  emploier  les  flèches  d'Hercule  à  tuer  des 
petits  oilèaux  ,  comme  failbit  (  2  )  Philode- 
te  pendant  le  fiege  de  Troie  ,  &  faire  battre 
une  aigle  contre  une  mouche.  Auffi  efl-il  fort 
apparent  que  ce  Comte  ne  jugea  l'Aftrologie 
digne  de  fà  colère  ,  que  parce  que  toute  abfur- 
de  qu'elle  eft ,  les  perfonnes  du  plus  haut  rang 
ne  laifîbient  pas  par  leur  exemple  de  lui  donner 
une  grande  vogue:  car  ce  font  toujours  cesper- 
Ibnnes-là  ,  qui  font  les  plus  curieulès  de  l'ave- 
nir ,  leur  ambition  leur  donner  une  impatien- 
ce extrême  ,  de  favoir  li  la  fortune  leur  deftine 
toutes  les  grandeurs  qu  ils  iè  fouhaitent ,  &  de 
poflèder  à  tout  le  moins  ,  par  promeflè  ,  l'élé- 
vation où  ils  afpirent.  11  eft  fort  vraiièmblable 
auffi  que  les  Afh-ologues  de  ce  tems-là  attendi- 
rent ,  que  ce  lavant  adverlàire  fût  mort ,  pour 
lui  prédire  qu'il  mourroit  agi.  ans,  qui  fut  tou- 
te la  reponié  qu'ils  le  Ibnt  vantez  d'avoir  opo- 
fee  à  lès  hvres  j  car  il  n'ell  pas  fort  fur  de  me- 
nacer 


Fenfies  diverfis,  7^t 

naccr  avant  coup  ceux  qui  écrivent  contre  l'Af^ 
trologie.    Témoin  cet  Aftrologue  qui  affura  le 
public  que  Mr.  de  Gafîèndi ,   qui  faiibit  tant  de 
l'entendu  contre  la  Judiciaire ,  mourroir  vers  la 
fin  de  Juillet  ,    ou  au  coaimencement  d'Août 
i6jo.  ëc  (  I  )  qui  eut  la  honte  de  voir  qu'il  fe  (i)  jvfo- 
trouva  guevi  en  ce  tems-la  de  la  maladie ,  fur  rin.  Voies 
laquelle  la  predidiion  fe  fioit  aparemment  bien  i^ir.Ber- 
plus  que  fur  la  vertu  des  ailres,  Abr'ee  de 

Gaffend. 
§.    XVIII.  Tom.4. 


Du  crédit  de  l'Afirologie  parmi  les  anciens  Payens. 


pa&48^ 


Mais  il  ne  fera  pas  inutile  de  faire  voir  qu'en- 
core que  l'Aftrologie  foit  la  plus  vaine  de  tou- 
tes les  impoftures  ,   elle  ji'a  pas  laiflë  de  s'éta- 
blir dans  le  monde  une  efpece  de  domination. 
Il  paroît  par  pluûeurs  paiîages  de  (  2  )  TEcri-  (*)  Ifaic 
ture  ,  que  la  Cour  des  Rois  de  Babylone  étoit  chap.4.4. 
toute  pleine  d'Aftrolc^ues  ,  qui  femoient  leurs      '*"^* 
prediélions  par  tout,  &  flattoient  leur  nation 
de  mille  trompeuiès  espérances.     Il  y  en  avoit 
auflî  beaucoup  en  Egypte.     Ils  infatuerent  tel-  [,yjnj^um^ 
iement  la  ville  de  Rome ,  qu'il  &lut  que  l'auto-  potentibus 
rite  du  Prince  reprimât  ce  grand  abus.     Mais  in&dum  » 
l'arrêt  de  leur  banniflèment  étoit  li  mal  execu-  rperand- 
té  ,   que  cette  négligence  a  tait  dire  à  un  (  3  )  ^^^  ?^^ ^ 
Hiftorien  ,    ^u'on  chafferoït  toujours  les  Aftro-  ^^  dviute 
logms ,  ç^  qu'on  les  retiendrait  toujours.    Ce  n'efl  noRrz  Se 
pas  que  la  Êiuflèté  de  leurs  prediâions  ne  les  vecabitur 
dût  kiffifamment  décrier,  car  le  fèul  Empereur  ^^?^^^ 
Claude  qu  ils  menaçoient  incefEm ment  de  l'heu-  bitur!*"^^' 
re  fatale ,  les  avoit  fait  mentir  tant  de  fois ,  que  Tacit. 
(4)  Seneque  introduifit  Mercure  priant  la  Par-  lil'-  i. 
que  de  vouloir  bien  permettre  que  les  Aftrolo-  -^(/^or, 
gués  diffent  enfin  la  vérité.     Mais  que  voulez-  jfia^ije. 
vous?  Les  hommes  aiment  à  être  trompez;  6c  maticos 
pour  cela  ils  oublient  ailément  les  bévues  d'un  aliquandQ 
B  4  Aûro-, 


52  Penfées  diverjei, 

Vcnim  dl-  Aftrologue  ,  &:  ne  fe  fou  viennent  que  des  ren- 
ilfum  ^^"'  contres  où  Çts  prediâ:ions  ont  palïe  pour  veri- 
poftquam    tables. 

Prince  s  C'ell  (i)  ce  qui  a  e'té  fort  bien  remarqué  par 
fa6'us  .ft,  Henri  le  Giand.  Il  ne  fe  pafïbit  point  d'année, 
omnibur  j^j  ^^  j^^r^  ^^  j^^  Aflrologues  nannonçafîènt 
om-  ibus  ^^  terrible  menace  de  fa  mort,  ils  diront  vrai 
jnenf.bus  f»/^«,  (dit  un  jour  ce  Prince)  (y-  le  pu6lic  fe  fou- 
efferiint.  viendra  mieux  ae  U  feule  fois  ou  leur  prédiction 
Sentta  de  ^^^^  ^f^  <-^ yp.ie  ,  c^ue  de  tant  d  autres  ou  ils  ont 
^laKd  prédit  a  faux.  C'eil  auiTi  ce  que  quelqu'un  a 
Cafar.         remarque  touchant  les  Oracles  de  Delphes.    On 

ap.enoit  par  cœur  ceux  qui  avoient  prédit  la  ve- 
<i)  Voiez  rite  ,  ôc  l'on  en  parloit  par  tout  ,  mais  on  ou- 
ïe Journal  blioit ,  OU  bien  on  pafîoit  ibus  iilence  ceux  qui 
du  Mare-  ^yoient  p'edit  le  contraire  j  car  les  paitilâns 
chai  de  i>  ,        ■    ^  /    ■,-  •  i    • 

Baffjm-     ^  ApoJon  tailoient   valoir  en  toutes  rencontres 

pierre        le  peu  d'oracles  où  il  ne  s'étoit  point  trompé, 
p.  09.24.1.  gc  ne  diibient  mot  du  grand  nombre  defes  fauf- 
fès  prophéties.     Pour  ceux  qui  meprifoient  \ts 
oracles ,  ils  ne  iè  Ibucioient  de  parler  ni  àts  vé- 
ritables ni  des  faux ,  à  la  relèrved'un  petit  nom- 
bre de  perfonnes  qui  étoient  peut-être  de  l'hu- 
meur d'un  illuftre  Philofophe  Grec  nommé  Oe- 
nomaùs ,  qui  aiant  été  fbuvent  trompé  par  les 
e^^  Eufeb.  reponfès  d'Apollon ,  fit  (a)  par  dépit  une  com- 
Prarparar.  pilation  fort  ample  de  fès  oracles ,  dont  il  refli- 
Euangel.     ta  les  fotifês  &:  les  fauflètez.     Tel  étant  l'eiprit 
^^'  f»        de  l'homme ,  il  ne  faut  pas  trouver  étrange  que 
€*P«  0.      j^^  Aflrologues  fe  fbient  maintenus ,   contre  les 
ordres  de  les  chafîèr  que  l'on  donnoit  de  tems 
.      ^      en  tems,  &  contre  les  mauvais  offices  qu'ils  Ce 
mulia  eg?  rendcient  à  eux-mêmes  en  predifànt  des  cho- 
Pompejo ,  f^s  qui  n'arri voient  pas.     Il  faut  s'étonner  plu- 
quàm         tôt  de  ce  que  l'efprit  de  l'homme  efl  affez.  tbible 
mulca         pour  fe  lailîèr    tromper  par  des  gens  ,    qui  fe 

?  °  '       trompent  eux-mêmes  tous  les  jours  ;    8c  c'efl 
quam  ^  ^  .  r         '  \  -n    n 

^uîca         aulli  ce  qui  a  paru  rort  étonnant  a  un  illufire 

huic  ipû     (3  )  Romain  ,  qui  avoit  vu  arriver  à  Pompée, 

à 


Penfées  diverje^,  35 

à  Craiîus  ,  &  à  Celar  tout  le  contraire  de  ce  Cafarî  5 
que  les  Aftrologues  leur  avoknt  prédit.     Qu'il  Jï''^^^ 
y  a  peu  de  gens  qui  tallènt  la  reflexion  de  cet  ^•^^.  ^^"^ 
honnête   homme   qui   loiioit  la  beile   Daphne',  minem 
d'avoh-  refuté  la  iuperftition  àQs  oracles  d'ApoI-  eorum 
Ion  ,    en  faiiant  échouer  les  entreprifès  amou-  "'^^  fenec- 
rculès  de  ce  Dieu  ,    qui  ie  vantoit  tant  de  co-  j"^"'.  "''î^ 
noitre  l'avenir  !   Mais  laiiïôns  à  part  toutes  ces  cum^-la-^ 
moralitez. ,  8c  contentons-nous  de  dire  que  l'An-  ritate  eiTe 
tiquité  Payenne  s'eft  étrangement  iaiilÊe  jouer  morku- 

aux  AUroloffucs.  ^".'P.-  ^^ 

°  mihi  per~ 

fi     VTV  ^^ï"^ 

5.    A  l  A.  Videatufa 

quem- 
Dft  crédit  de  l'Afirohç'te  parmi  les  Infidèles  d'au-  ^"^"^  c'f- 

nunc  cre- 
Les  Manomctans  Se  les  Payens  d'aujourd'hui  ddtiis 
font  encore  pis.     Mr.  Bernier  nous  allure  dans  quorum 
fa  Relation  des  Etats  du  Grand  Mogol,  que  la  PJjfjJj'?* 
plupart  d^s  Aliatiques  font  tellement  infatuez  vid^at^e 
de  i'Ailrologie  Judiciaire  ,  qu'ils  confultent  les  &  eventis 
Aftrologues  dans  toutes  leurs  entrepriiès.  Quand  refelli. 
deux  armées  font  prêtes  à  donner  bataille  ,  on  ^«^"^^^-i* 
fe  donne  bien  garde  de  combatre  ,  que  TAftro-  ^^  ^*'^'*' 
logue  n'ait  pris  6c  déterminé  le  moment  propi- 
ce pour  commencer  le  combat.    Ainiî  lors  qu'il 
s'iigit  de  choilir  un  General  d'armée,  de  dépê- 
cher un  Ambalîàdeur ,  de  conclure  un  mariage, 
de  commencer  un  voyage,  ou  de  faire  la  moin- 
dre chofc  ,   comme  d'acheter  un  efclave,  2c  de 
vêtir  un  habit  neuf,  rien  de  tout  cela  ne  fè  peut 
faire  uns  l'arrêt  de  Mr.  l'Aftroiogue. 

Les  volages  de  Mr.  Tavernier  (i)  nous  âpre-  (i)  Voîag» 
nent  à-peu-près  les  mêmes  choies  touchant  les  'JeTavern, 
Perfcs  ,   qu'en  gênerai  ils  tiennent  les  Aftrolo-  !•  Partie» 
gués  pour  des  gens  illuftres  ;    qu'ils  les  conful-  çj*  [* 
tent  comme  des  Oracles 5   que  le  Roi  en  a  toû-      '    ^ 
jours  trois  ou  quatre  auprès  de  là  peribnne  pour 
B  s  lui 


^4  Tenfée^  diverjes, 

lui  dire  la  bonne  ou  la  mauvaife  heure  ;   qu'on 
vend  tous  les  ans  en  Periè  un  Almanach  pleia 
de  prédictions  fur  les  guerres,  fur  les  maladies^ 
îk:  lur  les  difettes  ,   avec  des  remarques  liir  les 
tems  qui  font  bons  à  fe  fàigner  ,  à  le  purger, 
à  voiager  ,   à  s'habiller  de  neuf ,   6c  à  d'autres 
chofès  de  cette  nature  j  que  les  Perfès  donnent 
une  entière  créance  à  cet  Almanach  ,   de  forte 
que  qui  en  peut  avoir  un,   fe  gouverne  en  tou- 
tes chofos  ièlon  fes  règles.    Cela  va  iî  loin  qu'en 
(0  Ibid.    (  i)  l'an  1667.  le  Roi  de  Perfe  Cha-Sephi  IL 
^"*  '•         du  nom  ne  pouvant  rétablir  là  fanté  par  toute 
l'induftrie  de  fes  Médecins  ,    on  crut  que  les 
Ailrologues  en  étoient  la  caufe  pour  n'avoir  pas 
fû  prendre  l'heure  favorable  ,   lors  que  le  Roi 
fut  élevé  fur  le  trône.   Et  là-delTus  ce  fut  à  re- 
commencer i    car  les  Médecins  8c  les  Ailrolo- 
gues joints  enlèmble  étant  convenus  d'une  heu- 
re propice  ,   on  ne  manqua  pas  de  refeire  tou- 
tes les  cérémonies  du  couronnement,  8c  il  fut 
même  trouvé  à-propos  de  changer  le  nom  du 
Roi.     Les  Médecins  de  la  Cour  furent  la  prin- 
cipale caulè  de  toute  cette  comédie ,  parce  que 
craignant  la  difgrace  où  quelques-uns  de  leur 
Corps  étoient  déjà  ,   ils  s'aviferent  de  juftifier 
la  Médecine  aux  dépens  de  l'Aftrologie ,  8c  d'al^ 
lurer  que  la  maladie  du  Roi ,    8c  la  dilètte  qui 
affligeoit  le  Roiaume  en  même  tems ,  venoient 
de  la  faute  des  Ailrologues ,   ce  qu'ils  s'olïrirent 
de  prouver ,  prétendant  être  aulTi  habiles  qu'eux 
dans  la  conoilîance  de  l'avenir.     Leur  propoli- 
tion  aiant  plu  au  Roi  2^  à  fon  Confeil ,  on  or- 
donna une  conlùltation  d' A  Urologues  8c  de  Mé- 
decins pour  trouver  une  heure  favorable  à  un 
iècond   couronnement.      L'agréable   fujet   que 
c'eût  été  à  Molière  qu'une  conlùltation  entre 
des  Ailrologues  8c  des  Médecins  pour  le  bien, 
public  d'un  grand  Roiaume  !  Combien  de  rail- 
leries n'eût-il  pas  imaginé  en  vc«ant  la  Médeci- 
ne 


Penfîes  diverfès:,  ^^ 

ne  apeller  l'Aftrologie  à  fon  fècours  f    Mais  en 
Periè  ce  n'efl:  poiut  matière  de  raillerie.      Un 
homme  qui  iè  vante  de  conoître  l'avenir  ,   s'y 
rend  maître  de  la  conduite  du  Roi.     Une  figu- 
re  de  Geomance   fut  caufe  que  le  grand  (i)  (i)  "Pletf^ 
Cha- Abas ,  tout  plein  d'eiprit  Se  tout  courageux  dellaValle» 
qu'il  e'toit, demeura  trois  jours  aux  portes  d'If-  ^-^f*^» 
pahan ,  iàns  ofèr  mettre  le  pié  dans  la  ville. 

Les  (  2 }  Relations  de  la  Chine  nous  apren-  fi)  Voies 
nent,  que  toutes  les  affaires  de  l'Empire  s'y  re-  ^'^mbaf- 

fol  vent    fur    des    oblervations    agronomiques,  ^^  ^  °^^ 
,,„  ^  .^         .        p  r  1     ^  r      Compa- 

1  Empereur  ne  tailant  rien   lans  conlulter   Ion  gnieHoI- 

thème  natal  j    &:  qu'il  y  a  des  perlbnnes  dont  landoife  » 
l'emploi  conlifle  à  contempler  les  Aftres  toute  P^rt.  2. 
la  nuit  fur  une  montagne  ,   pour  pouvoir  ren-  ^   ^  ** 
dre  raifbn  de  leurs  mouvemens  8c  de  leurs  fî- 
gnihcations  au  Prince.      Les  Chinois  défèrent 
beaucoup  à  ce  rare  précepte  d'Aflrologie  ,  qu'il 
ne  faut  point  fe  purger  pendant  que  la  Lune  eft 
dans  le  figne  du  Taureau  ,   parce  que  cet  ani- 
mal étant  un  de  ceux  qui  ruminent  ,  il  ièroit  à 
craindre  que  la  médecine  ne  remontât  de  l'cl^ 
tomac.     C'eft  bien  la  plus  pitoiable  imagination- 
qui  puiiîè  venir  dans  l'efprit  d'un  homme  >  car 
outre  que  le  figne  du  Taureau  n'a  pas  plus  de 
relation  ,     ni  plus  de  conformité  avec  Tanimaî 
que  nous  apelions  ainii  ,    qu'avec  un  arbre ,  6c 
qu  il  y   auroit  autant  de  raifbn  de  donner  le 
nom  Se  la  figure  d'un  Saint  à  chaque  figne  com- 
me (  i  )  quelques-uns  ont  fait  ,    que  le  nom  &  ^^j  Joira? 
la  figure  d'une  autre  chofe  j    outre  cela,  dis-je,  Schillerus 
ne  lait-on  pas  que  le  figne  du   Taureau  n'ell  Augufta- 
pîus  dans  la  fituation  où  il  étoit  autrefois  ;   &  ^^^'  ^'^^ 
qu'ainfi  lors  que  nous  diibns  que  le  ibieil  &  la  latoChiif- 
lune  font  dans  le  figne  du  Taureau ,  cela  ne  fi-  ôano. 
gnifie   pas  qu'ils  repondent  aux  étoiles  du  fir- 
mament qui  composent  ce  figne  ,    mais  qu'ila 
repondent  aux  points  du  premier  mobile  auf^ 
liuels  ces  étoiles   repondoient    anciennement? 
^6  Us> 


7^6  Penfées  dlverfes, 

(i)Etiam-  Les  mêmes  Chinois  prétendent  que  ceux  qui 
ne  Urbis     bâtilTent  ,  doivent  éviter  le  quatrième  degré  du 
dfes  ad        Scorpion  ,   parce  qu'une  maifon  qui  feroit  bâ- 
vim  ftel-     tie  fous  un  tel  afped  ,    feroit  fort  fujette  à  fè 
iarum  &     remplir  de  dragons  ,  de  Icorpions ,   éc  d'iniec- 
lunxpcr-    tes^     Qn   pourroit   croire  fur  ce  fondement, 
Fac^in^^      qu'ils  font  Thorofcope  de  leurs  maifons  ,    com- 
puero  re  •    ^^    Tarrutius    Firmanus   fit   Thorofcope   de  la 
ferre,  ex    Ville  de  Rome  :    car  n'en  depkiiè  aux  railleries 
qua  afFec-  de  (  i  )  Ciceron  ,   û  les  influences  du  ciel  ont 
tione  coeli  quelque  vertu  fur  la  naiflànce  d'un  homme ,  el- 
?pi!iwm     ^^^  ^^^  peuvent   avoir  aufli  fur  la  confl:ruâ:ion 
duxerit:      d'un  Palais.     On  s'imagine  dans  le  Japon  ,  qu'il 
num  hoc     importe  beaucoup  pour  la  durée  d'un  édifice, 
în  latere      g^  p^y^  le  bonheur  de  ceux  qui  doivent  y  de- 
menroTx  ^"'^^'^^  '   9"^^  ^^rs  qu'on  commence  de  le  bâtir , 
qi-ibus'       quelques-uns  fe  tuent  eux-mêmes  en  confidera- 
urbscffec-  tion  de  cette  entreprifè.     Les*  Tunquinois  ont 
ta  eft,  po-  une  certaine  Idole  à    laquelle  ils  otfirent   plu- 
luitvaiere?  fj^yj-g  facrifices  quand  ils  veulent  bâtir  une  mai- 
de  Divin.     ^^^-    Si  Dien  que  dans  les  prmcipes  de  ces  gens- 
là  ,  les  cir confiances  d'un  bâtiment  commencé 
*Voîe2les  ont  de  merveilleufes  influences   pour  fa  bonne 
nouvelles    fortune.     Pourquoi  donc  leurs    Afi:rologues  ne 
'*"'"  ■""    pourroient-ils  pas  deviner  la  bonne  fortune  d'u- 
ne m.aiibn  par  le  thème  du  ciel ,  ou  par  Tafcen- 
dant  fous  lequel  ont  été  pofées  les    premières 
pierres  ?   Tous  les  peuples  des  Indes  Orientales 
ont  à-peu-près  le  même  entêtement  pour  i'Af- 
trologie  que  les  Chinois. 

§.   XX. 

r>«  crédit:  de  l'Ajlrologie  parmi  les  Chrétiens. 

Mais  qu'avons-nous  à  faire  de  nous  écarter 
dans  le  pais  des  Infidèles  abrutis  d'une  infinité 
d'erreurs  chimériques,  6c  de  remonter  au  tems 
du  vieux  Paganifme ,   ou  il  a'ejft  pas  étrange 

que 


Relat.  (Je 
Tavernier. 


Penfées  diverjes,  37 

que  l'Aftrologie  ait  régné  ,  puis  que  la  fùperfli- 
tion  y  étoit  ii  prodigieufè  ,   qu'on  croioit  que 
\cs  entrailles  d'un  veau  aprenoient  mieux  quand 
il  falloit  donner  bataille  ,   que  la  capacité  d'un 
Annibal  ,     comme   ce   grand  Capitaine  (i)  le  (i)  Cîce- 
reprocha  de  bonne  grâce  au  Roi  Prufias.     Il  ne  ^^  1^^;  5. 
faut  pas  aller  fi  loin  pour  trouver  ce  que  nous  „!.       ' 
cherchons  :    car   na-t-on   pas    vu  notre  Occi- 
dent parmi  les  lumières  du  Chrillianifhie  tout 
infatué  d'horofcopes  pendant  plulieurs    liecles? 
Albert  le  Grand  Evêque  de  Ratisbonne,  le  Car- 
dinal d'Ailli ,    &:   quelques  autres  n'ont-ils  pas 
eu  la  témérité  de  taire  l'horolcope  de  Jésus- 
Christ,  6c  de  dire  que  hs  aipe6ls  des  Planè- 
tes lui  promettoient   toutes  les  merveilles  qui 
ont   éclaté  en   ià  perfbnne?  ce  qui  eH  vifible- 
ment  faux,  puis  que  ks  vertus  êc  les  miracles 
du  Fils  de  Dieu  font  d'un  ordre  tout-à-fait  fur- 
naturel.  N'ont-ils  pas  fait  l'horofcope  non  feu- 
lement àes  faufiès  Religions  ,   mais  auO'i  de  la 
Religion  Chrétienne  ,  Ôc  jugé  de  la  dcflinée  de 
chacune   par  les  qualitez  de  fà  Planète  domi- 
nante? Car  ils  ont  diftribué  les  Planètes  aux  Re- 
ligions.    Le  Soleil  eft  échu  à  la  Religion  Chré- 
tienne ,  8c  c'eft  pour  cela  que  nous  avons  le  Di- 
manche en  linguliere  recommandation  i   que  la 
ville  de  Rome  eft  ville  Iblaire  6c  ville  iàinte  j  6c 
que  les  Cardinaux  qui  y  refident  ,   Ibnt  habillez 
de  rouge  ,   qui  eil:  la  couleur  du  Soleil.     Avoir  /^\  Bomî-, 
dit  cela  impunément  ,    n'eft-ce  pas  avoir  vécu  nius  De- 
dans  un  liecle  •  prévenu   d'une  grande  foi  pour  caJ.  4. 
l'Aftrologie?  Combien  pourrois-je  nommer  de  Jr^""» 
Princes  Chrétiens  qui  regloient  toutes  leurs  de-  jib""! ^^* 
marches  fur  l'avis  de  leurs  Aftrologues  ,   un  (2) 
Mathias  Corvin,  Roi  de  Hongrie  ,    qui  ne  fai-  (3)  Car- 
fbit  rien  que  de  leur  conièntement ,    un  (3)  àzT\,\vï 
Louis  Stbrce  Duc  de  Milan  ,   qui  ne  commen-  ^^^ro^^ 
çoit  aucune  affaire  qu'au  tems  qui  lui  étoit  prel-  jud.  lib.i, 
crrt  ,   par  fbn  Aflrologue ,  dont  il  lùivoit  les  or-  tex.  s^l 
B  7  dres 


3  8  Penfées  diverjèr, 

dres  avec  tant  de  pondualité ,  qu'il  n'y  avoit  ni 
pluie,  ni  grêle  ,  ni  boue,  ni  orage  qui  l'empê- 
chafîènt  de  monter  à  cheval  avec  toute  fà  Cour, 
afin  de  iè  retirer  au  lieu  que  l'Aflrologue  lui 
marquoit  :  ce  qui  n'empêcha  pas  qu'il  ne  toni« 
bat  entre  les  mains  de  j[es  ennemis ,  qui  le  de-^ 
tinrent  jufques  à  ià  mort  dans  une  dure  cap- 
tivité? Cette  foiblefîe  d'un  Prince  Chrétien  ne. 
vaut  pas  mieux  que  celle  du  grand  Cha-Abas, 

(i)  Ci-      de   laquelle  j'ai   ait   mention  (i)  il  n'y  a  pa» 

defllis,       lonff-tems, 

pag.  n»  ^ 

§.  XXL 

Du  crédit  de  l'Jfirologie  en  France. 

Que  dirai-je  de  nôtre  pais  ?  N'a-t-il  pas  été 
un  tems  où  la  Cour  de  France  même,  qui  pac 
]e  caractère  de  la  Nation  naturellement  forti- 
fiée contre  les  Difciplines  fuperftitieufès ,  efl 
moins  fufceptible  de  ces  erreurs  que  toutes  les 
autres  ,  étoir  néanmoins  toute  pleine  d'Ailro- 
logues  ,  que  Ton  confultoit  fur  tout  ,  Se  qui 
avoient  prédit ,  à  ce  que  l'on  pretendoit ,  tout 
ce  qui  étoit  arrivé  ?  Le  Père  (2)  Martin  del 
Rio  11  connu  par  û.  grande  literature  Se  par  ià 
pieté ,  nous  aiTure  qu'il  a  vu  à  la  Cour  de  Fran- 
ce du  tems  de  Catherine  de  Medicis  ,  que  les 
Dames  n'oibient  rien  entreprendre  fans  avoir 
coniulté  les  i\ilrologues ,  qu'elles  apelloient  leurs 
Barons, 

Le  mal  s'accrut  de  telle  forte  qu'il  falut  no» 
feulement    emploier    les    menaces  de  l'Egliiè, 
mais  auOTi  l'autorité  du  bras  feculier  pour  em- 
(5)  Voicz  pêcher  le  débit  des  Almanachs ,   où  les  Afbrolo- 
Mr»  gués  i£  donnoient  la  liberté  de  prédire  tout  ce    ■ 

T^tédes  4^'^^^  trouvoient  à-propos.  En  effet  le  (3) 
fuperft.  Concile  Provincial  de  Bourdeaux  de  l'an  1^83» 
ch»  aA,       deffend  de  lire  &  de  gai'der  cette  forte  d'Alma- 

îaachs 


Penfees  diverfis,  39 

nichs  8c  d'y  ajouter  foi.  Celui  de  Touloufè 
de  l'an  ij'po.  fait  la  même  chofe  ,  ordonnant 
de  plus  robfervation  exaéle  d'une  Bulle  du  Pa- 
pe Sixte  V.  de  l'an  i5'S6.  qui  enjoîïit  aux  ordi- 
naires des  lieux  6c  aux  Inquiliteurs  ,  de  punir 
ièlon  les  Conftitutions  Ecclefiaftiques  tous  ceux 
qui  fe  mêlent  de  prédire  les  chofes  à  venir. 
Dans  les  Etats  d'Orléans  de  l'an  1 5-60.  êc  dans 
ceijx  de  Blois  de  l'an  i^i<j.  il  fut  ordonné  que 
Ton  procederoit  extraordinairement  6c  par  pu- 
nition corporelle  contre  les  Auteurs  de  tels  Al- 
manachs  ,  8c  detenfes  furent  faites  de  les  im- 
primer ou  débiter  à  peine  de  priibn  ,  8c  d'une 
amende  arbitraire. 

Mais  les  Alîrologues  ne  furent  pas  decredi- 
tez  pour  cela  :  car  il  eft  confiant  que  la  Cour 
du  Roi  Henri  IV,  étoit  toute  pleine  de  pré- 
dirions. Ce  n'étoient  pas  feulement  les  fem- 
mes qui ,  par  cet  efprit  de  crédulité  6c  de  cu- 
riolité  qui  leur  eft  propre ,  s'informoient  de 
leur  deftinée  :  les  hommes  les  plus  braves  le 
Éiiibient  auflî ,  comme  vous  diriez  le  Maréchal 
de  Biron  ,  que  le  Roi  Henri  IV.  apella  le  plus 
tranchara  infcrument  dt  fes  'viéloires  ,  en  1  en- 
volant AmbalTadeur  à  Londres  ,  6c  qui  étoit 
dans  le  fond  un  des  plus  courageux  hommes 
de  la  terre  ^  6c  fort  iavant  outre  cela.  Henri 
IV.  lui-même ,  tout  Henri  le  Grand  qu'il  étoit, 
n'a  pas  toujours  conu  ,  comme  il  a  fait  dans 
la  fuite  ,  la  vanité  de  cet  art.  Je  trouve  dans 
les  Mémoires  de  Monfieur  de  Sulli,  que  h  Rei- 
ne étant  accouchée  d'un  fils  qui  a  régné  li  glo- 
rieusement fous  k  nom  de  Louis  le  Juile^. 
Henri  le  Grand  commanda  à  fon  premier  Mé- 
decin ,  nommé  la  Rivière  ,  grand  iùifèur  d  ho- 
roicopes ,  de  travailler  à  celle  du  Dauphin  nou- 
veau né.  Il  s'en  defïendit,  mais  il  falut  obeïr: 
&  comme  il  ne  rendoit  point  compte  de  fon. 
travail ,  le  Roi  lui  commanda  abfoiument  6c 

{bus 


40  Penfées  diverjes, 

Ibus  la  peine  d'encourir  fon  indignation  ,  de  lui 
dire  ce  qu'il  avoit  trouve,  6c  il  le  fit.  Peu-à- 
peu  nôtre  Nation  s'eft  guérie  de  cette  foiblefle, 
ibit  que  nous  aimions  le  change  ,  Ibic  que  l'at- 
tachement qu'on  a  eu  pour  la  Philolophie  dans 
ce  fiecle-ici  ,  nous  ait  fortifié  la  railbn  ,  que 
toutes  les  autres  fcicnces  qu'on  cuitivoit  avec 
tant  de  gloire  depuis  François  I.  n'avoient  guè- 
re dclivrée  du  joug  des  préjugez.  Aufli  feut- 
i\  avouer  ,  qu'il  n'y  a  qu'une  bonne  &:  folide 
Philolophie  qui  comme  un  autre  Hercule,  puiA 
ie  exterminer  les  monilrcs  des  erreurs  popu- 
laires :  c'eft  elle  feule  qui  met  l'eiprit  hors 
de  Page. 

§,   XXIL 

<S)ue  VentétStnent  gênerai  pour  l'Afirologie  de' 
crédite  l'autorité  qui  n'eji  fondée  c^ue  fur  le 
grand  nombre. 

Ne  vous  femble-t-il  pas,  Monfieur,que  c'eft 
ici  une  digrelTion  fort  inutile  ?  Mais  prenez,  y 
garde  ,  vous  veiTez  bien-tôt  qu'elle  tait  à  moa 
fujet.  Car  mon  principal  but  doit  être  de  de- 
créditer  l'autorité  des  opinions  qui  n'eft  fondée 
que  fur  le  grand  nombre.  Or  je  ne  le  fàurois 
mieux  faire,  qu'en  failant  voir  que  TAibologie 
qui  n'a  jamais  pu  s'apuier  fur  un  principe  à 
tout  le  moins  probable ,  n'a  pas  laifle  d'infatuër 
la  plus  grande  partie  du  monde  dans  tous  les 
fiecles.  Et  comme  en  tournant  k  médaille  il 
eft  vrai  de  dire,  qu'encore  que  le  grand  nom- 
bre Ibit  pour  l'AftroIogie ,  la  foi  qu'on  ajoute  à 
£t%  pi  ediârions  eft  néanmoins  faullè  &  ridicule  : 
'■A  eft  pareillement  vrai  de  dire  que  les  prédic- 
tions que  l'on  fonde  fur  les  Comètes  ibnt  nul- 
les de  toute  nullité  ,  quelque  grand  que  foit  le 
nombre  de  ceux  qui  les  croient ,  puis  qu'elles 

n'ont 


Tenfiei  diverfeu  41 

n'ont  autre  apui  que  les  principes  de  l'AflroIo- 
gie.  Ainli  quand  vous  devriez,  m'acculer  de 
donner  dans  le  lieu  commun  ,  je  dirai  pourtant 
que  vu  l'expérience  de  plulieurs  erreurs  géné- 
rales ,  il  n'y  a  point  d'homme  qui  ne  foit  en 
droit  de  demander  qu'on  l'écoute  parlant  lui 
fèul  pour  ion  lèntiment  ,  iàuf  à  ceux  qui  Té- 
cou  teront  de  fe  bien  deffendre  ,  ncn  pas  par  la 
prefcription  ,  ou  par  le  préjugé  de  leur  nom- 
bre ,  mais  en  examinant  le  fond  de  l'affaire. 
J'excepte  comme  vous  pouvez  pcnfer,  Se  com- 
me vous  penièriez  aflurement  quand  même  je 
ne  m'en  cxpliquerois  pas  j  j'excepte  ,  dis-je, 
les  matières  de  foi.  Dans  les  autres  toute  la  fa- 
veur qu'on  doit  faire  à  la  longue  pofTeiVion  8c 
au  grand  nombre,  c'ell  de  lui  donner  la  préfé- 
rence ,  toutes  choies  étant  égales  dans  le  refte  : 
ôc  s'il  falloit  s'arrêter  au  préjugé ,  je  le  trouve- 
rois  plus  légitime  pour  celui  qui  feroit  feul  de 
Ion  fentiment ,  que  pour  la  foule,  (i)  parce  (i)  Argu» 
que  les  veritez  naturelles  étant  beaucoup  moins  mtntum 
propres  à  reveiller  6c  à  flater  les  paillons ,  8c  peffimi 
a  remuer  les  hommes  par  les  divers  intérêts  ^"'^"*^"' 
qui  les  attachent  à  la  Société  ,  que  certaines 
opinions  faufîès ,  il  eft  plus  probable  que  \q^ 
opinions  qui  fe  font  établies  dans  l'efprit  de  la 
plupart  des  hommes  font  fauflès  ,  qu'il  n'eft 
probable  qu'elles  fbient  vraies.  Mais  nous  par- 
lerons de  tout  ceci  plus  au  long  en  un  autre 
endroit  :  prenons  un  peu  de  repos  en  atten- 
dant. 

A,,,  le  3.  d'Avril  1681. 


§.  XXIII. 


j^t  Fenjees  diverfii, 

§.  XXIII. 

I V.  Raifbn  :   ^ue  cjtmnd  il  fer  oit  vmi  que  les 

Comètes  ont  toujours  été  fuivies  de  plu/ieurs 
malheurs ,  il  n'y  aiiroit  foint  lieu  de  dire ,  qu'eU 
les  en  ont  été  le  ligne  ou  la  caufe. 

JE  reviens  à  la  charge  ,  Monfieur  ,  Se  ]e  dis 
en  quatrième  lieu  ,  que  s'il  eft  vrai  qu'il  n'a 
jamais  paru  de  Comète, qui  n'ait  été  fuiviede 
beaucoup  de  malheur?  ,  cela  vient  uniquement 
de  la  condition  des  chofes  de  ce  monde ,  qui 
les  rend  Sujettes  à  une  infinité  de  changemens , 
&  qu'on  pourroit  à  coup  fïir  attribuer  la  même 
influence  à  tout  ce  que  l'on  voudroit ,  au  ma- 
riage d  un  P-oi  ,  ou  à  la  nailîânce  d'un  Prince  j 
parce  qu'il  eil  certain  que  jamais  un  Roi  ne 
s'eft  marié,  ou  n'eft  venu  au  monde,  fans  qu'il 
ibit  arrivé  de  très-grands  malheurs  en  quelque 
lieu  de  la  terre.  En  un  mot  il  eâ  auflî  proba- 
ble ,  vu  le  train  ordinaire  du  monde ,  qu'après 
quelque  année  que  ce  fbit  qu'il  nous  plaira  de 
defigner  ,  il  arrivera  de  grandes  calamitez  fur 
la  terre ,  ou  en  un  lieu  ou  en  un  autre  j  qu'il 
cft  probable  qu'à  quelque  heure  du  jour  que  ce 
Ibit  qu'un  Bourgeois  de  Paris  regarde  par  fà  fe- 
nêtre fur  le  pont  St.  Michel,  par  exemple,  il 
voit  paflèr  des  gens  dans  la  rue.  Cependant 
les  regards  de  ce  Bourgeois  n'ont  aucune  in- 
fluence fur  les  gens  qui  paiîènt ,  2c  chacun  paf- 
fèroit  tout  de  même  encore  que  le  Bourgeois 
n'eût  pas  regardé  par  ià  fenêtre.  Donc  auffi  la 
Comète  n'a  aucune  influence  fur  les  évene- 
mens  ,  8c  chaque  chofe  feroit  arrivée  comme 
elle  a  fait ,  quand  même  il  n'auroit  paru  aucune 
Comète. 

U  eft  étonnant  qu'un  dogme  auffi  perturba- 
teur du  repos  public  que  celui-ci  ,  ne  ioit  apuié 


Tenfées  diverfes.  45 

■que  flir  le  fophifme  pojl  hoc  ,  «rgo  propter  hoc  y 
que  l'on  aprend  à  conoître  àès  la  fortie  des 
Claflès  ,  8c  qu'il  y  ait  eu  ii  peu  de  perlbnnes 
parmi  le  grand  nombre  de  gens  qui  étudient , 
qui  aient  aperçu  qu'on  raifonoit  en  cette  affai- 
re-ici  contre  les  premiers  principes  du  bon 
ièns.  Il  y  a  aufli  dequoi  s'étonner  comment 
les  hommes  ,  qui  aiment  tant  à  ne  point  crain- 
dre l'avenir  ,  ont  donné  dans  une  opinion  C\ 
chagrinante  ,  fans  examiner  ii  elle  étoit  fondée 
en  raifbn,  Mais  ces  motifs  d'étonnement  ne 
durent  gueres  pour  ceux  qui  ont  étudié  le  cœur 
de  l'homme,  6c  qui  ont  découvert  dans  fà  con- 
duite une  coutume  générale  de  juger  de  tout 
fur  \cs  premières  imprefllons  des  Ièns  &:  àts 
palTions  ,  fans  attendre  un  examen  plus  exaft, 
mais  auflTi  un  peu  trop  pénible.  Les  gens  d'é- 
tude qui  devroient  être  la  lumière  des  autres, 
fuivent  beaucoup  plutôt  ce  torrent- là  ,  qu'ils 
ne  le  détournent  dans  le  chemin  des  véritables 
Savans« 

§.   XXIV. 

V.  Raifon:  ^u'il  efl  faux ,  qu'il  [oit  arrhé  pît*s 
de  -malheurs  dans  les  années  qui  ont  fitivi  les 
Comètes  qu'en  tout  autre  tems. 


a 


,Utre  tout  cela  on  peut  mettre  en  fait, 
^^'l.  Qu'à  compter  tout  ce  qui  s'eft  palIë  ou 
dans  tout  le  monde  ,  ou  dans  l'une  de  fes  plus 
grandes  parties ,  il  eft  arrivé  autant  de  malheurs 
dans  les  années  qui  n'ont  vu  ni  fuivi  de  près 
aucune  Comète  >  que  dans  celles  qui  en  ont  vu 
ou  fuivi  de  près.  II.  Que  les  années  que  l'on 
croit  avoir  été  empoifonnées  par  l'influence  des 
Comètes ,  font  remarquables  par  d'aulTi  grands 
bonlieurs  pour  quelques  endroits  du  m,onde, 
qu'aucun  autre  tenis  que  ce  puilîè  être.  III.  Que 

les 


44  Venféei  diverjès. 

les  avantures  les  plus  épouvantables  n'ont  été 
précédées  d'aucune  Comète  ,  au  lieu  que  kî 
profperitez  les  plus  infignes  l'ont  été.  Pour  di- 
re tout  en  peu  de  paroles  ,  on  peut  mettre  e» 
fait  que  ii  l'on  prend  l'Hiftoire  générale  du  mon- 
de, éc  qu'on  fupute  avec  foin  le  bien  ôc  le  mal 
qui  a  été  fenti  par  toute  h  terre  dans  l'efpace 
ae  15-.  ou  10.  ans, on  trouvera  que  l'un  portant 
l'autre, cela  eft  fort  femblable  au' bien  8c  au  mal 
qui  a  été  fenti  par  tout  le  monde  dans  l'efpace 
d'autres  if.  ou  20.  ansi  ce  qui  fait  voir  que  les 
années  qui  fui  vent  l'aparition  des  Comètes  n'ont 
rien  qui  les  diftingue  des  autres ,  6c  qu'ainfi  c'efl 
avec  une  très-grande  injuftice  qu'on  fe  fait  fort 
de  l'expérience. 

§.  XXV. 

S'il  y  a  des  jours  heureux  ,  ou  malheureux^ 

On  peut   faire  la  même  obfêrvation  contre 
ceux  qui  prétendent  qu'il  y  a  certaines  làilbns 
affedlées   aux    grands  évenemens.    Bodin   qui 
malgré  fon  efprit ,  &:  là  vafte  literature  ,  8c  fou 
peu  de  Religion ,  a  fait  paroître  beaucoup  de 
crédulité  fuperftitieufe  en  diverfes  choies,  s*eft 
(t)  Bo-     ai^ufé  par  ce  principe  à  nous  donner  ("1}  un 
din.  de       ramas  de  plufieurs  révolutions  avenues  au  mois 
Republ,      de  Septembre.     Il  n'y  a  qu  un  mot  à  dire  con- 
hb.  4.        tj-e  lui  ^  contre  tous  ceux  qui  perdent  le  tems 
"^*   *       à  de  lèmblables  recherches ,  par  exemple ,  à  re- 
cueillir ce  qui  s'ell  paffé  dans  les  années  climac- 
teriques  des  Etats,  ou  fous  le  21.  49.  63-    Roi 
d'une  Monarchie  ,   7.  ou  9.  d'un  certain  nomj 
G'eft  que  s'ils  épluchent  avec  la  même  diligen- 
ce les  autres  fàifons  de  l'année  ,   les   autres   rè- 
gnes 8c  Its,  autres  périodes  des  Etats ,  ils  y  trou- 
veront  indifféremment   des   révolutions  toutes 
fèmblables-,  pourvu  qu'ils   fe  dcfaifent  de  leuj: 

pre- 


Penféei  diverfes.  45 

préjugé  à  tout  le  moins  pendant  la  recherclK: 
qu'ils  feront  :  car  c'eil  leur  préjugé  qui  les 
trompe.  Ils  font  perluadez  avant  que  de  con- 
fulter  l'Hiftoiie ,  qu  il  y  a  des  mois  &:  àts  nom- 
bres aflfe^lez  aux  grands  évenemens.  Là-defîus 
ils  ne  confoltent  pas  tant  l'Hiiloire  pour  iàvoir 
il  leur  perlualion  elt  véritable  ,  que  pour  trou- 
ver qu'elle  eft  véritable  :  6c  l'on  ne  fauroit  dire 
l'illudon  que  cela  iàit  aux  fèns  &  au  jugement. 
En  effet  il  arrive  de  là  qu'on  obièrve  beaucoup 
mieux  les  faits  que  l'on  defii  e  de  trouver  ,  que 
les  autres  8c  que  l'on  groflït  ou  que  l'on  dimi- 
nue la  qualité  dos  evcnemens  félon  fà  préoccu- 
pation. Ce  qu'il  y  a  donc  de  vrai  à  l'égard  àts 
mois  ,  àts  jours  ,  des  années  6c  des  nombres , 
c'eft  que  Dieu  n'a  point  aifedé  aux  uns  plutôt 
qu'aux  autres  les  évenemens  qui  fervent  à  la 
punition  des  peuples ,  6c  à  la  fondation  ou  à  la 
ruine  des  Empires.  Ce  feroit  une  aîïe6lation 
indigne  de  la  grandeur  de  Dieu  ,  6c  qui  ne  lui 
peut  être  attribuées  que  par  ces  efprits  fuperfti- 
tieux  qui  attachent  fa  Providence  à  une  infini- 
té de  minuties.  L'Ecriture  6c  les  Peies  décla- 
ment contre  cet  abus  en  divers  endroits,  6c  il 
efl  faux  que  l'Hifloire  ;le  favorife. 

§.  XXVI. 

Sentiment  des  Taiens  fur  les  jours  heureux 
ou  malheureux. 

Je  ne  nie  pas  que  les  Paiens  n'aient  cru  qu'il 
y  avoit  àts  mois  6c  àcs  jours  qui  avoient  quel- 
que chofè  de  fatal ,   ceux  par  exemple  où  l'Etat 
avoit  perdu  quelque  bataille  fignalée  ,    &  que 
fur  ce  fondement  ils  n'aient  évité  d'cntrepien-  ^J'/,^  '^" 
dre  quelque  choie  en  ces  mois  ou  en  ces  jours-  uzvceW, 
là.    Le  24.  de  Février  dans  les  années  bifîèxtilcs  lib.  26. 
étoit  réputé  fi  cialheurçux ,  que  (i)  Vaienti-  cap.  i. 

niea 


'4<^  Penjees  diverfes» 

nien  aiant  été  élu  Empereur  n'oià  fè  montrer 
en  public ,  de  peur  d'encourir  la  fatalité  de  cet- 
te journée ,  foit  qu'il  fiât  encore  dans  la  fîiperA 
tition  quant  à  ce  point-là  ,  tout  bon  Chrétien 
qu'il  étoit ,  foit  que  par  politique  il  ne  voulût 
pas  s'expoièr  à  être  cru  malheureux.  Je  fài  aufli 
qu'il  y  a  des  jours  où  des  Généraux  d'armée  ont 
conftamment  éprouvé  les  faveurs  de  la  fortune, 
(i)  Timoleon  gagna  toutes  fes  plus  fameufès 
nel   Ne-    ^^^t^i^^^s  le  jour  de  ià  naiilànce.    Soliman  gagna 
pos'  in       la  bataille  de  Mohacs  8c  prit  la  ville  de  Belgrade, 
ejus  vîtâ.    comme  auflî  félon  quelques-uns  (  2  ) ,  l'Ile  de 
(i)  Du       Rhodes  8c  la  ville  de  Bude  le  29,  d'Août.   Mais 

hÎa:  des    ^^  ^^  ^^^^  ^^  ^^  ^'^^  P^''  ^"^  rai^n  qiii  prou- 
Turcs,        v^  '   ^^  'DitM  ait  attaché  fà  bénédiction  a  une 
certaine  journée  plutôt  qu'à  une  autre, 

§.   XXVII. 

Refatat'ton  du  fentimmt  des  Paierts. 

Car  I.  on  trouve  qn'un  même  jour  a  été  heu- 
reux 8c  malheureux  à  un  même  peuple.  Ventidius 
à  la  tête  d'une  armée  Romaine  bâtit  celle  des  Par- 
thes  ,  8c  fît  périr  Pacorus  leur  jeune  Roi  qui  la 
commandoit  ,  à  pareil  jour  que  Cralïiis  General 
des  Romains  avoit  été  tué ,  8c  fbn  armée  taillée 
en  pièces  par  les  Parthes.  Lucullus  aiant  attaqué 
Tigrane  Roi  d'Arménie  làns  s'arrêter  aux  vains 
fcrupules  des  Officiers  de  fbn  armée  ,  qui  hii 
remontroient  qu'il  falloit  bien  fe  donner  de  gar- 
de de  combatre  ce  jour-là  ,  qui  avoit  été  mis 
par  les  Romains  entre  les  jours  malheureux, 
depuis  la  jfiinefte  victoire  que  les  Ci  mbr es  avoient 
remportée  fur  les  troupes  de  la  Republique; 
(3)  Plu-  (3)  Lucullus  ,  dis-je  ,  te  moquant  de  cette  fù- 
tarch.  in  perflition  ,  gagna  une  des  plus  mémorables  ba- 
gu5  vuâ.  tailles  qui  fè  voient  dans  l'Hifloire  Romaine, 
Se  changea  le  deflèin  de  ce  jour-là ,  comme  il 

l'avoit 


PeyiféeS  diverfis*  47 

l'aroit  promis  à  ceux  qui  le  vouloient  détourner 

de  ion  entreprile.  Tout  le  monde  iàit  que  le 
même  jour  que  Valentinien  regardoit  comme 
malheureux  ,  a  été  celui  où  Charles  V.  autre 
Empereur  Romain  eiperoit  le  plus  de  ià  for- 
tune. 

II.  Outre  cela  nous  iàvons  que  le  bonheur 
éprouvé  par  quelques  Princes  en  certains  jours 
n'eft  pas  un  pur  effet  de  leur  fortune ,  qui  ait 
affeâré  de  les  favorifer  en  un  tems  plutôt  qu'en 
un  autre  :  c'eft  une  fuite  du  choix  qu'ils  ont  fait 
de  certains  jours  pour  y  entreprendre  les  cho- 
ies les  plus  importantes.     Ainli  Timoleon  s'é- 
tant  perfuadé  que  le  jour  qu'il  vint  au  monde, 
étoit  un  jour  de  profperite  pour  lui  ,   le  choiiit 
pour  attaquer  {es  ennemis  avec  plus  de  confian- 
ce ,    8c  il  n'oublia  pas  fans  doute  de  flatter  fès 
fbldats  de  l'elperance  de  la  viéloire  ,  par  la-  con- 
fédération  du  jour.  Les  ibldats  iè  confiant  en  la 
bonne  fortune  de  Timoleon  fe  bâtirent  plus  vi- 
goureufèment   quils  n'eulîènt  fait.     Timoleon 
de   fon   côté  ne  négligea  rien  pour  lignaler  le 
bonheur  du  jour  de  la  naiilânce  ,   de  quoi  il 
voioit  bien  qu'il  pourroit  tiier  dans  la  fuite  un 
grand  profit.     Il  n'y  a  donc  rien  d'extraordinai- 
re, qu'il  ait  été  viétorieux  ce  jour-là ,  &  qu'aiant 
perfuadé  à  fcs  troupes  que  c  étoit  le  jour  favori 
de  fa.  fortune  ,   elles  aient  toujours  donné   fur 
Tennemi  ce  jour-là  ,  avec  cette  ardeur  &  cette 
confiance  qui  font  un  des  principaux  inflrumens 
de  la  viâoire.     A  quoi  il  faut  ajouter,  que  les 
ennemis  s'étonnent  beaucoup  quand  ils  croient 
être  attaquez^bus  des  aufpices  favorables  à  Tag- 
grefîèur.     Il  paroît  par  l'Hiiîoire  de  Soliman, 
que  la  confiance  qu'il  a  voit  infpirée  à  fès  trou- 
pes fur  le  29.  d'Août,  lui  faifoit  choifir  ce  jour-là 
ou  pour  un  afîâut  geueral,  ou  pour  une  bataille , 
Se  qu'il  avoit  alors   plus  de   foin  de  préparer 
toutes  chpfcs  à  h  victoire  qu'en  un  autre  temps, 

atin 


4  8  Tenfées  diverjès. 

afin  de  confirmer  de  plus  en  plus  la  bonne  opi- 
nion de  cette  journée  pour  s'en  ièrvir  dans  l'oc- 
cafion.  Il  ne  faut  donc  pas  s  étonner  qu'il  ait 
eu  de  grands  fuccès  le  29.  d'Août. 

§,   XXVIIL 

Comment  il  arrhe  qu'on  gagne  des  ôatailles  en 
certains  jours  àffeâlez. 

En  un  mot  les  évenemens  heureux  ou  mal- 
heureux à  une  certaine  Nation ,  qui  arrivent  en 
certains  jours ,  ne  font  pas  attachez  à  ces  jours 
par  leur  nature  ,  ou  indépendemment  de  nôtre 
choix  ;    mais  ils  dépendent  des  pafTions  que  les 
circonftances  du  tems  excitent  dans  le  cœur  de 
Thomme  ,    &  de  l'adreflè  qu'on  a  de  choilir  le 
tems  propre  à  exciter  ces  pallions.     Ainlî  un 
General  fe  fèrt  de  la  circonftance  du  temsôc  du 
lieu   pour  encourager   fès  troupes.     Il  leur  re- 
prelènte  que  c'efl  à  pareil  jour  ou  dans  le  mê- 
me champ  de  bataille  que  les  ennemis  furent 
batus  autrefois  ,  qu'il  faut  foutenir  la  gloire  de 
la  nation  :  &  cependant  le  General  ennemi  ex- 
horte iès  fbldats  à  efïàcer  la  honte  d'une  pareil- 
le journée ,  &  à  venger  les  Mânes  de  leurs  com- 
patriotes dont  ils  voient  encore  les  olïèmens. 
Voilà  comment  il  arrive  ou  qu'on  bat  trois  ou 
quatre  fois  de  fuite  les  ennemis  à  pareil  jour , 
en  même  lieu  ;    ou  qu'on  y  eft  alternativement 
batu   êc   victorieux.     Tout  cela  dépend   après 
Dieu  de  l'adreflè  de  l'homme  ,   à  bien  prendre 
ion  tems  pour  ménager  les  paflions.     Or  com- 
me la  naiflânce  'd'un  Prince  ,  une  viéloire  8c 
choies  fèmblables  qui  commencent  à  feire  ju- 
ger qu'un  jour  eft  heureux  ,  roulent  indifférem- 
ment fur  quelque  jour  de  l'année  que  ce  puifïè 
être ,  il  faut  dire  qu'il  n'y  a  point  de  jour  ni  de 
mois  affeâié  au  bonheur  ni  au  malheur  j  §c  quand 

cela 


Tenjses  diverfès.  4P 

cela  ne  feroit  pas  tout-à-fait  vrai  à  l'égard  de 
chaque  jour  ,  à  caufe  qu'il  y  en  a  gui  peuvent 
réveiller  les  paffions  d  une  manière  particuliè- 
re j  du  moins  doit-on  m'avouër  que  les  années 
qui  fuivent  les  Comètes  ne  font  pa5  aiTeiflées 
particulièrement  à  la  punition  àQs  péchez  de 
l'homme,  puis  qu'on  ne  làuroit  le  montrer  par 
l'expérience. 

§.   XXIX. 

Ce  qii'ilfrut  repo?u're  a.  ceux  qui  chent  dss  exem" 
^les  pur  les  ^refages  des  Comètes. 

Il  eft  vrai  que   \cs  moins  habiles  dans  l'HiP 
toire  vous  citent  quantité   de  defbrdres  arri- 
vez  après  l'apparition  àzs  Comètes  ,   iàns  ja- 
mais  parler  d'aucun    bonheur    arrivé  dans  ce 
tems-là.     Par  exemple  ils  vous  enfilent  toutes 
les  guerres  qui  ont  travaillé  l'Europe  depuis  l'an 
ï6i8.  jufques  à  la  paix  de  Munfter,   &  jettent 
toute  cette  longue  fuite  de  maux  fur  le  dos  de 
la  Comète  qui  parut  en  1618,  iàns  faire  men- 
tion  que  de  ces  maux.     Mais  outre  que  c'efl 
étendre  le  pouvoir  des  Comètes  au  delà  de  fes 
jufles  bornes  j   outre  que  ce  qu'ils  apellcnt  un 
mal  a  produit  un  très-grand  bien  à  la  meilleu- 
re partie  de  l'Europe  Chrétienne  ,  qui  s'efl  dé- 
livré par  là  du  péril  où  elle  étoit  de  perdre  ià 
liberté i  outre  tout  cela  ,  dis -je  ,  qui  ne  voit 
que  fi  une  fois  on  s'arrête  à  tous  ces  citateurs 
•d'exemples  ,    il  faudra   donner    gagné  à  toutes 
les   fuperllitions  £c  à  tous  les  contes  dts  vieil- 
les, car  il  n'y  a  point   de  femme  qui  ne  vous 
cite  avec   mille   circonftances  ennuieuiès  ,     la 
mort  de  vingt  ou  trente  de  fes  parens  ou  amis 
décédez  dans  l'an  5c  jour  ,  après  s'être  trouvez 
eux  treziémes  dans  quelque  repas  ,   8c  pluiieurs 
chagrins  qui  lui   font    arrivez     conftamment 

Tom,  I.  C       "  après 


^o  Penfées  diverfis. 

après  la  chute  de  fa  iîiicre  ;  ians  vous  citer  ja- 
mais aucune  partie  de  piaiiir  ,  ni  aucun  bon- 
Iieur  ? 

§.  XXX. 

^iil  n'y  0  pomt  de  fatalité  dans  certains 
noms. 

Ce  que  j'ai  remarqué  contre  ceux  qui  croient 
que  la  fortune  a  certains  tems  afiedtez ,  me  fait 
longer   à  une  iilufion  qui  aproche  fort  de  celle- 
là,  c'eft  de  s'imaginer,  comme  on  le  fait  pres- 
que par  tout  ,  qu'il  y  a  certains  noms  de  mau- 
vais augure.  Ainii  l'on  dit  que  le  nom  Henri 
eft  fatal  aux  Rois  de  France  ,  &:  qu'il  taut  bien 
iè  gaider  de  le  leur  donner  jamais  ,  de  peur 
de   les  expoièr  à  la  deftinée  des  trois  derniers 
Henris  ,   qui  font  morts  d'une  manière  tout-à- 
fait  tragique.     J'ai  ouï  dire  que  l'on  a  confeil- 
lé  à  Monlieur  ,  de  ne  faire  plus  porter  à  lès  fils 
îe  titre  de  Duc    de  Valois  ,  parce  qu'il  lui  en 
étoit  mort  quelques-uns  de  ce  nom-là  ,    ce  qui 
marquoit  ,  difoit-on  ,  qu'il  étoit  rempli  d'une 
maligne    influence  ,     dont    il  taloit   arrêter  le 
cours.     On  croit    même  qu'il  y  a  des  noms 
qui  ibnt  de  confèquence  pour  la  morale  ,     8c 
(i)  Tom.  j'ai  lu  dans  (i)  Brantôme  fur  ce  fujct  ,     que 
premier      l'Empereur  Severe  fe  conibloit  de  la  mauvaile 
des  fem-     ^-^  ^^  ç^^  époufe  ,    fur  ce  Qu'elle  s'apelloit  Tû- 
mes ea-      ,.  ,'j        ^  j  •  '1 
lances.         ^^^  '    connderant  que  de  toute  ancienneté  cel- 
les qui  portoient  ce  nom ,  étoient  fujettes  aux 
plus     impudiques    dercglemens,     Cet    Auteur 
ajoute,  qu'il  connoît  beaucoup  de   Dames  qui 
portent  certains  noms  qu'il  ne  veut  pas  dire  à 
caufè  du  refpe6l  qu'il  a  pour  la  Religion  Chré- 
tienne ,    qui  font  ordinairement  fujettes  à  s'a- 
bandonner  plus  que  d'autres  ,  qui  ne  portent 
point  ces  noms-là  ,  ^  qu'on  n  en  a  gueres  vu 

qui 


Fenfées  diverjès,  5;  î 

quîenfoientéchapées.  Je  ne  vous  raporte  pas  les 
propres  termes  dont  il  s'eft  fervi ,  car  ils  font 
un  peu  trop  naifs  ,  6c  trop  cav^aliers  ,  &  trop 
d'un  homme  à  bonnes  fortunes  qui  écrivoit 
comme  il  parloir.  Mais  je  vous  dirai  bien  qu'il 
me  paroit  fort  étrange  ,  qu'un  homme  comme 
lui  ait  cru  que  les  noms  raffent  quelque  choie 
dans  l'aiiàire  dont  il  parle  là. 

Aparemment  le  halàrd  avoit  fait  qu'il  avoit 
€u  fes  liaifons  ôc  fès  intrigues  dans  certaines 
cabales  ,  où  le  plus  grand  nombre  des  femmes 
s'apelloient  d'un  certain  nom.  S'il  eût  donné 
dans  une  autre  troupe  ,  où  quelque  autre  nom 
eût  été  celui  du  plus  grand  nombre  ,  fà  remar- 
que feroit  infailliblement  tombée  fur  ce  nom- 
là,  6c  c'efl:  ce  qui  iè  peut  dire  de  plus  vraiièm- 
blable  pour  railouner  fur  l'obfèrvation  de  Bran- 
tôme ,  ôc  pour  fàuver  fà  bonne  foi  en  même 
tems  i  car  du  refle  il  n'y  auroit  rien  de  plus  ab- 
fùrde  que  de  s'imaginer  ,  que  parce  que  celui 
qui  batile  une  entant  ,  remue  là  langue  d'une 
certaine  manière  ,  qui  fait  entendre  un  certain 
mot  plutôt  qu'un  autre ,  cette  enfant  à  i  f. 
ou  16.  ans  de  là  iè  porte  à  des  actions  d'impu- 
dicité  ,  qu'elle  n'eût  point  commiiès  fi  l'on  eût 
articulé  un  autre  mot  le  jour  qu'elle  fût  bati- 
fée.  Cependant  c'eft  l'abfurdité  où  il  en  faut 
venir  preique  toujours  ,  quand  on  veut  que 
certains  noms  portent  malheur.  Un  naufrage 
qui  ruine  un  Maichand  ,  une  conspiration  qui 
6te  la  vie  à  un  Monarque  ,  viennent  de  ce 
qu'un  Prctre  avoit  prononcé  long-tems  aupa- 
ravant un  mot  plutôt  qu'un  autre  dans  la  céré- 
monie du  batéme.  Si  Louis  XIII.  eût  été 
batifé  Henri,  il  eût  iàns  doute  été  tué  au  fiege 
de  quelque  ville  rebelle  ,  d'un  coup  de  moul- 
quet ,  qui  fe  feroit  extraordinairement  écarté 
de  Ion  chemin  ,  uniquement  pour  cela  j  car  ce 
Prince  etoit  trop  bon  Catholique  pour  mourir 
Ci  à 


'5  z  Venfées  diverjès. 

à  la  manière  de  fcs  predecefTeurs  ;  mais  néan- 
moins fon  nom  d'Henri  lui  eût  valu  quelque 
genre  de  mort  violente.  Quelle  pitié  que  de 
raifbnner  ainii! 

§.   XXXI. 

Grande  fuperjî'ition  des  Vaiem  à  l'égard 
des  noms. 

Je  voudrois  que  l'on  jugeât  llir  ce  pié-là  de 
toutes  les  iliperftitions  du  Paganifme  à  l'égard 
des    noms.     A  Rome  quand  on  levoit  les  ibl- 
dats ,  on  prenoit  garde  que  le  premier  qui  s'en- 
rôloit ,   eût  un  nom  de  bon  augure.     Les  Ccn- 
ièurs   en  faiiànt   le  dénombrement    des  Bour- 
geois, nommoient  toujours  le  premier  ,    quel- 
[i)Feflus,  cun  qui  avoit  un  nom  favorable  ,  comme  (i) 
Valeriiis  ,   Salvius  ,  &c.     Dans  les  ûcrifices  io- 
(2)  Cîce-    lennels   ceux   qui  conduifoient  les    (  2  )   vidi- 
ro  lib.  I.     mes,  dévoient  avoir  un  de  ces  noms-là.     Quand 
nat.  Pii-     ^^  procedoit   à  l'adjudication  des    fei'mes  pu- 
nius  lib.      bliques  ,   on    commençoit  par  le  lac  Lucrmus  y 
2.8.  cap. a,  8c  tout  cela  ,    boyi't  ominis  ergo  ,    afin  de  porter 
bonheur.     Se  peut-il  rien  voir  de  plus  extrava- 
gant  que   de  tirer  ou  de  bons  ou  de  miauvais 
augures  de  ce  qu'un  Magifrrat  prononce  plutôt 
Valerius  ,   que  Furius  ?    Apulée  a   railbn  de  iè 
moquer  de  ceux  qui  laccufbient  d'être  Magi- 
cien ,    parce  qu'il    faifoit   acheter  des  poiflbns 
qui  leur  fembloient  propres  aux  ibrtileges  d'a- 
mour ,   à  caulè  de  la  conformité  qui  fè  rencon- 
troit  entre  leur  nom  6c  celui  àts  parties  natu- 
/îl  PofTe     ^^^^^s.     Tativres  igmrdyis  ,   leur  dit-il  (  3  )  ,  «e 
dicitis  ad     'voiez.-'vous  pas  que  fi  'votre  rai  fon  a^oit  lieu»  les 
Tes  vene-  cailloux  feroient  -un  fouveraifi  remède  contre  la> 
reas  fum-  pierre ,  ^  les  écrevices  contre  les  cancers} 
^^\^^'^^'       On  peut  conoître  par  là  l'énorme  &  la  pro- 
&  fiiSna   digieufe  étepduc  que  les  Faiens  donnoient  à  la 


Penfées  diverfis,  ^f 

fuperrtition  des  noms.     Elle  étoit  fi  grande,  pi'opfer 
qu'au  raport  de  (i)  Fellus  les  femmes  Romai-  JJl^™[^^"f 
nés   offroient  des  làcrifices  à  la    Déellè  Egerie  Jinem , 
pendant  leur  grofîèllè  ,   parce  que  ce  nom  d'E-  qui  minus 
gerie  dans   leur   langue  a^'oit  une  grande  reîa-  po^Tn  ex 
tion   aux   accoucbemens.     Une  femblablc    rai-  eodem  h- 
ion   a  été  cauie  que  Ton  s'ell  attaché  dans  le  J-uJus^d" 
Chrifbianifme   à   la  dévotion  d  un  Saint  plutôt  veficam, 
que  d'un  autre  ,   pour  obtenir  certaines  chofes.  tefta  ad 
Par  exemple, il  ne  faut  pas  douter  que  ks  fem-  teftamen- 
mes  qui  ont  mai  au  ièin  ne  fè  ibient  miiès  {b\is  ^^^^^^^Ç, 
la  protection  de  Saint  xVlammard  ,   plutôt  que  ^era  ? 
fous  la  proteflion  d'un  autre,  à  caufe  du  nom  ^p»/ej. 
qu'il   porte.  Il  ne  faut  pas  douter  que  ce  ne  foit  ^foiog,  u 
pour   Jâ   même   raifon   que  ceux  qui  ont  mal 
aux  yeux  ,  les  Vitriers  6c  ks  fàifeurs  de  lanter-  (OQPo* 
ne  le  recommandent  a  St.  Clair  >   ceux  qui  ont  ^ç^^^  fj^ijè 
mal  aux  oreilles,  à  Saint  Ouïnj  ceux  qui  iont  fœcum  al- 
gouteux,  à  St.  Genou 5  ceux  qui  ont  la  teigne,  vo  egere- 
à  St.  Aignan  ;    ceux  qui  ibnt  aux  liens  ou  en  ^^^ 
prifon,  a  St.  (2)  Lienard  ,  6c  ainli  de  pluiieurs 
autres.     Quoi    que    cette  remarque  fè  trouve  1^^  ^^^fc^ 
dans  (  3  )  l'Apologie   pour  Hérodote  ,    qui  efl:  tom'^^!^' 
un   livre  très-injurieux    à   l'Eglilc  Catholique,  ad  annûm 
elle  ne  laifîè  pas  d'être  vraie  ,  comme  l'entre-  1616. 
conu  Mr.  de  la  (4)  Mothe  le  Vayer  dans  fon 
Hexameron  ruftique  ,    6c  Mr.  (f)  Menags  dans  ^^^  Chapv 
Ces  Origines  de  la  langue  Françoife.     Ces  Mef^  ^ 
Tieurs  également  favans  6c  refpedlueux  pour  ks  /  x  ç.  .  .- 
chofès  iaintes  ,   n'ont  pas  prétendu  en  avouant  me  four*" 
cela  ,  condamner  l'invocation  des  Saints  ,  car  née. 
dans  le  fond  û  Saint  Clair  n'eft  pas  plus  propre 
qu'un   autre   à  guérir  le  mal  des  yeux  ,  il  ne  (s)  Au 
l'efl:  pas  moins  aufii  :  de  ibrte  qu'il  vaut  autant  "^°^  ^^ 
s'adreHer  à   l'un  qu'à  un  autre.     Ils  ont  lèule-  '''^"'^' 
ment   voulu   reconoître  que  la  moindre  chofè 
eft  capable  de  déterminer  les  peuples  à  faire  un 
choix  ,   6c  que  la  conformité  des  noms  eil  un 
puifiànt  motif  pour  eux.     Sur  cela  ,  Moalîcur,. 
C  3  je 


54  Tenfees  diverjes, 

je  ne  ferai  pas  difficulté  de  vous  dire  confidem- 
ment  ,  que  ce  lèroit  une  iupcrllition  la  plus 
baiîè  &  la  plus  groiîiere  du  n;onde ,  que  de 
prétendre  que  parce  que  St.  Clair  s'appelle  St. 
Clair  ,  Dieu  lui  accorde  la  vertu  de  guérir  le 
mal  dcc  yeux,  plutôt  qu'à  un  autre  i  de  façon 
que  fi  nos  peuples  fe  confient  à  un  Saint  plutôt 
qu'à  un  autre ,  à  caufe  du  nom  qu'il  a  ,  ils  font 
dans  une  illuiion  épouvantable  :  car  enfin  il  faut 
tenir  pour  tout  aiiuré  que  les  noms  n'ont  point 
de  vertu  en  eux-mêmes. 

§.  XXXII. 

"Eî  quel  fens  o;i  peut  préférer  un  nom  à 
un  autre ^ 

Je  ne  deiàprouve  pas  cependant  la  préféren- 
ce que  l'on  donne  quelquefois  à  certains  nomsi 
car  de  la  manière  que  les  hommes  font  fai^s, 
il  y  a  tel  nom  qui  empêcher  oit  un  Grand  Sei- 
gneur ,  de  recevoir  à  ion  fèrvice  une  perfonne 
qui  le  porteroit  :  &  nous  liions  dans  1  Hilloire 
d'Eipagne  ,  que  \tz  AmbafTadeurs  de  l'un  de 
nos  Rois  étant  allez  à  la  Cour  d'Alphonfe  IX, 
pour  le  mariage  de  l'une  de  {ç.^  deux  filles  avec 
leur  Maître,  choifirent  la  moins  belle  ,  qui  s'a- 
peloit  Blanche ,  6c  lailîèrent  la  plus  belle  ,  parce 
que  fon  nom  d'Urraca  leur  parut  choquant, 
(i)  L.7.  Ainfi  il  ne  faut  pas  trouver  étrange  que  les  (i) 
D.  ad  s.  loix  diipenfènt  un  héritier  de  porter  le  nom 
que  le  Teftateur  lui  prefcrit  >  lors  que  c'eft  un 
nom  ridicule  ou  malhonnête,  car  c'eft  une  con- 
dition trop  onereuiè  vu  comme  le  monde  va. 
J'avoue  même  qu'il  peut  y  avoir  des  noms  qui 
en  certaines  circonilances  ,  contribuent  aux 
plus  grands  évenemens  ,  ibit  parce  qu'ils  exci- 
tent dans  l'ame  de  ceux  qui  les  portent  certai- 
nes paiïicns  j  foit  parce  que  la  fupeiilition  les 

fait 


c.  Tre 

beil 


Penfées  diverfes,  5^ 

fait  prendre  pour  des  augures  ,  &  que  la  crainte 
ou  i'clpcrance  qui  le  répand  dans  une  armée,  à 
la  vue  de  ce  que  l'on  pi  end  pour  des  prefages , 
eH:  bien  fouvent  la  caufè  de  la  viftoire.     Je  ne 
trouve  donc  pas  mauvais  que  Ton  choiliflè  de 
beaux  noms  ,   cap^ibîcs  àc  faire  fonger  fouvent 
à  fon  devoir  ;  8c  je  fuis  de   lavis  de  Milantia 
femme  du  Canonifte  (i)  Jean  André,  qui  étant  (s)Qnoâ 
confaltée  par  ion  mari  ilir  ce  fu'-et ,  lui  repon-  fi  nomina 
dit,  ^le  Ji  les  noms  fe  l'eudoient  ,  les  pères  ^  '^^'  ^°^^ 
les    mens  ferotera  obligez,  d'en  acheter  des  puis  ^^^^l^^' 
beaux,  pour  les  donuer  à  leurs  enfans-     Mais  je  berenc pa- 
ne iàuroiâ  fouffrir  qu'on  attache  à  certains  noms  r^-nres 
aucune  cfpece  de  tatalité  naturelle  foit  à  l'égard  F-i"c'nerri- 
des  mœurs,  foit  à  l'égard  de  la  fortune.    Com-  ^'  ^cïlf^^ 
me  il  eft  taux  que  h  providence  divine  ûiTec^e  J^^orie- 
de  fè  deploier  plus  à  découvert  au  mois  de  Sep-  lerz.  joh, 
tcmbre  ,   qu'au  mois  d'Oclobre  ,     ou  le  i.  de  ^ndr.in 
Janvier  ,  que  le  i .  de  Mars  :    il  eft  faux  aufli  ^'^Z'*  '■■'^ 
que  la  vertu  ou  le  vice ,  le  bonheur  ou  le  mal-  Z^'-"^'^*^ 
heur  aient  des  noms  affeftez  ,   ou  privilégiez,  praberui, 
II  y  a  des  Helenes  &  des  Lucreces  qui  ont  de 
la  vertu ,  il  y  en  a  aulfi  qui  n'en  ont  point.  On 
voit  des  Rois  malheure^ux  Se  des  Rois  heureux, 
de  toutes  fortes  de  noms  :    &  li  la  circonftanc^ 
du  nom  eft  capable  de  quelque  chofe ,  c'eft  uni- 
quement ou  par  notre  faute  ,    &  nôtre  peu  de 
raifbn,  ou  par  nôtre  adrcïîè.     Néanmoins  mal- 
gré tout  ce  que  le  moindre  de  tous  les  lioni- 
mes  eft  capable  d'obje£ter  contre  la  fuperftition 
des  noms  ,  qui  eft  aflûrément  demonfrratif  ,    il 
n'eft  pas  croiable  combien  de  manières  de  de- 
viner on  a  bâti  fur  ce  mifcrable  fondement.  Ce 
qui  fait   voir  que  iur  le  chapitre  des  preiâges, 
ibit  des  Comètes  ,   foit  de  quelque  autre  chofe 
que  ce  foit ,  l'opinion  univerfelle  des  peuples  ne 
doit  être  comptée  pour  rien. 


C  4.  §,  XXXIÎL 


'5<5  Penfécs  diverjès* 

§.    XXXIII. 

Combien  cette  V.  raifon  eji  dec'ifve  contre  les  tre^ 
fagcs  des  Comètes. 

Mais  pour  venir  à  des  réflexions  plus  impor- 
tantes ,  je  vous  prie  ,  Monfieur  ,  de  bien  peièr 
cette  V.  raifbn.  Elle  eft  dccifive  ou  il  n'en  fut 
jamais.  11  ne  s'agit  plus  de  voir  s'il  eft  pofTi- 
ble  que  les  Comètes  altèrent  nos  élemensj  l3 
elles  prelàgent  en  qualité  de  caulès  ou  en  qua- 
lité' de  lignes,  qui  iè  montrent  à  point  nommé 
toutes  les  fois  que  hs  hommes  ont  de  grands 
malheurs  à  fbufirir.  Il  s'agit  de  juftifier  Je  fait, 
que  l'on  vous  nie  tout  court ,  6c  qui  efl  la  feule 
rciTburce  que  vous  puifliez  avoir.  Toutes  les 
autres  raiibns  ne  vous  preiîènt  pas  allez  pour 
ne  vous  laiflèr  pas  quelque  faux  fuiant  :  car  on 
a  beau  dire  qu'aucune  raifbn  ne  nous  porte  à 
croire,  que  ce  qui  iè  pafîè  dans  le  monde  quel- 
ques années  après  qu'il  a  paru  des  Comètes, 
Ibit  produit  par  leurs  influences ,  vous  répli- 
querez toujours  que  les  Comètes  n'en  font  pas 
moins  pour  cela  de  mauvais  augure  j  parce  que 
n'aiant  jamais  paru  fans  avoir  été  fuivies  de 
grands  malheurs  ,  c'efl  une  marque  qu'il  y  a 
quelque  liaifbn  ou  quelque  raport  naturel  entre 
elles  &  ces  malheurs.  Que  ce  ne  fbit  pas  la 
îiaifon  d'un  effet  avec  ià  caufè  ,  à  la  bonne. heu- 
re, c'efl  à  tout  le  moins  une  liaifbn  qui  fuffit 
pour  faire  craindre  que  quand  l'une  de  ces 
choies  fe  prefènte,  l'autre  ne  tardera  gueres  à 
venir. 

En  effet  fi  nous  fùpofbns  que  les  Comètes 
roulent  fur  des  cercles  dont  il  n'y  ait  qu'une 
certaine  portion  qui  fbit  à  la  portée  de  vue , 
nous  concevons  qu'elles  retournent  à  nous 
uprès  un  certain  tems.    Si  après  cela  nous  fù- 

poibos 


Penfées  dïverfeu  jrj 

poibns  que  c'eft  à-peu-près  le  même  tems  qui 
efl  necellâire  afin  que  ia  terre  fermente  quel- 
ques exhalaifons  malignes  ,  capables  de  caufèr' 
Ja  pefle,  la  guerre  &c.  comme  nous  lavons  par 
expérience  que  la  matière  des  fièvres  a  befbin- 
d'un  certain  nombre  d'heures  pour  aquerir  les 
qualitez  qui  caufent  la  fièvre  ,  6c  par  le  raport 
des  Médecins  ,  qu'en  quelques  perlonnes  cette 
matiere-là  produit  régulièrement  des  fièvres 
périodiques  au  bout  d'un  certain  nombre  d'an- 
nées i  il,  dis-je  ,  nous  fupoibns  tout  cela,  h 
vue  des  Comètes  nous  doit  être  un  auiTi  afîuré 
prefàge  de  grands  malheurs  ,  quoi  qu'elles  n'y 
doivent  rien  contribuer  ,  que  li  elles  dévoient 
les  produire  phyliquement.  Qu'on  réplique  li 
l'on  veut  que  cette  fcrm.entation  à  mêmes  pé- 
riodes que  le  cours  de  la  Coniete  ,  doit  cnfia 
le  tirer  de  mefure  ,  à  caufe  que  les  continuels 
changemens  qui  le  font  &:  au  dedans  8c  au  de- 
hors de  la  terre  ,  empêchent  necelîàirement  la 
jonilion  de  toutes  les  caulès  qui  7  concouroient 
autrefois 3  cela,  Monlieur  ,  ne  vous  tirera  pas- 
d'inquieti.ide ,  &c  je  conois  des  gens  qui  plutôt 
que  de  le  rendre  à  cette  difficulté  ,  auroicnt  re- 
cours à  l'immobilité  du  ciel  Empirée ,  pour  lut 
attribuer  la  régularité  de  la  fermentation  dont 
il  s'agit ,  à  l'exemple  de  ceux  qui  le  font  la. 
caulè  de  ce  que  certains  endroits  de  la  terre 
produilcnt  toujours  les  mêmes  chofes  ,  bien, 
que  les  alpec5î:s  des  autres  cieux  Se  leurs  influen- 
ces par  coniéquent  varient  lâns  celTe  à  1  égard 
de  ces  endroits-là.  Ce  qui  me  fait  fcuvenir  de 
certains  Scholaltiques  ,  qui  veulent  que  la  vertu 
qu'ils  attribuent  aux  corps  de  le  peindre  dans- 
nos  yeux  par  le  moien  des  ef-^eces  tmentionelles , 
foit  un  effet  des  influences  de  ce  mêine  cieL. 
On  trouvera  donc  toujours  quelque  défaite- 
pendant  que  l'on  le  pourra  faire  fort  de  l'expe- 
ïieiice,  Se  ainfi,  Monlieur ,  c'cft  vous  ôtcr  tout: 
C  f  que; 


5^  Pcnfees  dherjes, 

que  de  vous  mettre  en  fait  ,  que  l'expérience 
ne  v^cus  tàvorife  aucunement. 
fi)Qi;a-  Je  me  Ibuviens  d'avoir  lu  dans  (i)  Cice- 
rum  qi>i-  ron ,  que  la  fcience  des  prefàges  efl  beaucoup 
demre-  pjug  fondée  fur  robfervation  des  évenemens 
t"^a^?"~  que  fur  la  raifon  ,  &  qu'en  ces  chofes-là  il  ne 
arbirror'  ^^^^  pas  demander  les  caufes  ,  comme  faifoient 
q^uàm  eau-  Carneade  &  Panetius  qui  avec  Epicure  étoient 
las  qiizii  prelque  les  feuls  ter.ans  contre  cette  prétendue 
oporcere  fcience.  Qiiand  ils  demandoient  fi  c'étoit  Ju- 
fervâra  '  ^^'^^^  ^^^  ordonnoit  à  la  corneille  de  croalTèr  du 
func  hxc  côté  gauche  ,  &:  au  corbeau  de  croaHer  du  côté 
tempore  droit  ,  on  leur  difoit  pour  toute  rcponfè  qu'ils 
îmmenfT)  avoient  mauvaiiè  grâce  de  preilèr  ainfi  les  gens  j 
ficatione  ^^'^^  ^^^^  dcvoit  fuffire  que  l'expérience  de  tous 
eventuy  ^^^  iiecles  confirmât  la  divination  3  qu'il  y  a  des 
anîmad-  herbes  dont  on  conoît  la  vertu  iàns  iàvoir  h 
verfa  &  caufe  des  effets  qu'elles  produifent  j  Se  qu'on 
laotata  j^g  s'aviiè  pas  pour  cela  de  chicaner  la  Medeci- 
fum*  con-  ^^-  ^"^'^  ^i^°^  Ciceron  raporte  quantité  de  cho- 
tentus  iès  naturelles  dont  les  proprietez  nous  font  co- 
quod  nues  ,    mais   non   pas   les  causes  de  toutes  ces 

etizrrSt       proprietez  ,   &  tait  dire  à  fon  frère  ,    ^^'il  eji 
cuidque^    <^o«.*f«?  ^e  7^^'c;>  ^«^  r^^  c^^j-/^  yè /o;;?  ,    quoi 
fiât  igiio-    ^^^'^  ignore  comment  elles  fe  font.     Voilà  jufle- 
Tem ,  qn.id  ment   vôtre  aiïàire  ,    Moniieur.     Qu'un  Philo- 
&i£  ImeU    fbphe   vous  prcfîè  tant  qu'il  voudra  fur  la  ma- 
So'iib'     ^^^^^    ^^^^    ^^^   Comètes    prciàgent   nos  mal- 
ês  Divin*'  ^curs  ,  vous   n*avez  qu'à  lui  dire  ,    qu'encore 
qu'il  ne  iàche  pas  comment  le  fbleil  éclaire  le 
monde  ,    il  ne  îaiflè  pas  d'être    afiuré  avec  le 
refle  des  hommes ,  que  le  foleil  éclaire  le  mon- 
de ,  parce  que  l'expérience  le  fait  voir  évidem- 
ment :  qu'ainii  l'expérience  de   tous  les  fiecles 
BOUS  aiant   apris  que  les  Comètes  font  fuivies 
de  malheur  ,    il  faut  croire  qu'elles  en  font  un 
prelàge  ,  quoi  qu'on  ne  fâche  pas  en  vertu  de 
quoi  elles  le  font.    On  pourroit  ,  je  l'avoue^ 
siGois  biai  maltraiter  dans  ce  retranchement , 


Penfees  diverjes,  5"^ 

mais  pendant  que  vous  en  appellerez  à  l'expé- 
rience ,  vous  trouverez  toujours  quelque  ré- 
duit. C'eft  pourquoi  ,  Monfieur  ,  je  vous  ad- 
journe  tout  le  premier  au  tribunal  de  1  expé- 
rience ,  6c  je  vous  mers  en  fait  qu'elle  ne  vous- 
donnera  pas  gain  de  caufè. 

§.  XXXIV. 

ObfervMions  necejjaires  à  ceux  cjui  fe  veulent 
édaircir  de  ce  fait,. 

Comme  il  eft  facile  à  tout  le  monde  de  con-^ 
fulter  \ç.s  titres  jullificatifs  de  ce  fait  ,  qui  ne 
font  autres  que  les  monumens  de  l'Hifioire ,  je 
me  garderai  bien  de  vous  accabler  de  citations. 
Je  remarque  ièulement ,  que  ni  vous  ni  nous 
ne  devons  pas  faiie  un  incident  fur  ce  que  nous 
n'avons  pas  les  Annales  ni  des  peuples  de  h 
Terre  Auftrale  ,  ni  de  ceux  qui  habitent  Tinte- 
rieur  de  i'Atrique  &  de  l' Amérique  j  car  fi  nous 
prétendions  qu'elles  nous  fourniroient  pluiîeurs 
exemples  de  profperité  arrivez  à  la  fîiite  àz% 
Comètes  ,  vous  pourriez  prétendre  aûlTi  qu'el-' 
les  nous  fourniroient  pluficurs  exemples  d'ad- 
verlité.  Contentons-nous  àzz  Annales  du  mon- 
de conu  ,  Se  jugeons  des  autres  par  celles-là,- 
"Ex  ungue  leonem.  Il  ne  faut  point  non  plus 
fa  ira.  un  incident  fur  ce  qu'il  y  a  des  guerres 
qui  tournent  à  un  plus  grand  profit  que  l'on, 
ne  penfè  ,  &  qui  peut-être  font  un  moindre 
mal  que  la  paix  j  femblables  à  ces  iàignées  qui 
guerKîènt  la  mauvaife  difpoiltion  du  corps.  Je 
renonce  à  tous  les  avantages  que  cette  conli- 
deration  pourroit  aporter  à  ma  caufè.  Je  con- 
£'ns  que  Ton  ne  compte  pour  rien  lesrailbns 
de  (i)  Palingenius  à  l'avantage  de  la  gueire,  ^i)  j^ 
£e  qu'on  ctabliflè  pour  principe,  que  la  paix  efl  Capriconi 
wne.  faveur  de  J)i&i ,  &  la  guerre  un  de  its 
C  6  icaux 


€o  Periféei  divrrfa, 

fléaux ,  quoi  que  la  guerre  foit  quelquefois  uti- 
le par  accident ,  8c  la  paix  au  contraire  dom- 
mageable. Je  remarque  aulTi  que  les  témoins 
font  beaucoup  plus  fuipeéls  de  partialité  ,  jîour 
vous  que  pour  nous ,  à  cauiè  du  grand  attache- 
ment que  font  paroître  les  Hifloriens  à  s'éten- 
dre beaucoup  plus  fur  les  calamitez  que  fur  les 
felicitez  publiques.  Mais  nous  n'en  fommes 
pas  à  cela  près.  Nous  les  admettons  tels  qu'ils 
i©ot.  Voicz  donc,  Monlieur  ,  par  vous-même 
ce  que  raportent  ces  témoins ,  iàns  vous  lailTer 
préoccuper  par  tout  ce  qu'ils  pourront  vous 
aprendre ,  non  pas  en  qualité  de  témoins  ,  mais 
en  qualité  de  tàifeurs  de  complaintes  &  de  ro 
flexions.. 

5.    XXXV. 

ComparMifon  des  années  qui  ont  fuhi  les  Comètes 
de  Idïi  166  f.  avec  les  années  qui  ont  précédé 
la  Comète  de  l'an  i6j2. 

Je  ne  iàurois  m'empêcher  ,  quoi  que  je  ne 
veuille  entrer  en  aucun  détail  ,  de  vou^  faire 
jetter  la  vue  fur  ce  qui  s'eft  paifé  comme  ibus 
nos  yeux  ,  pendant  les  lèpt  années  qui  ont  fui- 
vi  les  deux  horribles  Comètes  de  l'an  166 j 
Pouvez-vous  dire  en  confcience  que  l'Europe 
ait  été  affligée  pendant  ces  années-là  ,  d'une 
manière  à  lè  recrier  que  tout  étoit  perdu  ?  Y 
voiez-vous  des  m-alheurs  qui  pafiènt  le  train 
ordinaire  ?  A-t-on  vu  que  àQî,  nations  barbares 
comme  autrefois  les  Huns  ,  les  Goths ,  \ts 
Alains ,  les  Normans  aient  porté  la  deiblation 
dans  une  infinité  de  Provinces  ?  A-t-on  vu  la 
pelle  dépeupler  les  plus  fiorilîàns  Roiaumes ,  6c 
coucher  dans  le  tombeau  la  plus  confiderable 
partie  àzs,  hommes  .'  A-t-on  crié  famine  dans  la 
glupart  des  païs  ?  A-t-oavu  des  Rois  mis  à.  bas 

de 


Penfées  diverjes»  Ci 

èe  leur  trône  par  h  rébellion  de  leurs  Sujets, 
ou  par  l'ufurpation  de  leurs  voiiîns  ?  A-t-on 
vu  naître  des  herelies  ou  des  ichifmes  ?  A-t-on 
vu  l'impunité  des  crimes  autorifée  par  les  Ma- 
gillrats  ?  N'a-t-on  pas  vu  au  contraire  que  la 
pefte,  la  guerre  ôc  la  famine  ,  ks  trois  grands 
fléaux  du  genre  humain  ,  ont  épargné  les  peu- 
ples autant  qu'on  fe  le  peut  promettre  dans  h 
condition  de  nôtre  nature? 

Je  ne  voi  guère  que  quatre  guerres  dans  l'eC- 
pace  de  tems  que  j'ai  pris  ,  fàvoir  celle  des 
Turcs  6c  des  Vénitiens  :  celle  des  Éipagnols  6c 
des  Portugais  :  celle  de  la  Hollande  &  de  l'An- 
gleterre :  &;  la  campagne  de  l'Ile.  Les  deux 
premières  qui  avoient  commencé  long  tems 
avant  que  les  Comètes  parurent  ,  ont  été  ter- 
minées heureufement  dans  le  tems  que  j'ai 
marqué  ;  8c  les  deux  autres  ont  commencé  6c 
fini  prefque  en  même  tems  :  ce  qui  montre  que 
les  influences  des  deux  Comètes  de  quefrionj 
étoient  bien  plus  portées  pour  la  paix  que  pour 
la  guerre  ,  puis  qu'elles  ont  terminé  ks  guerres 
qui  avoient  commencé  iàns  jeur  participation-, 
6c  calmé  bientôt  celles  qui  s'étoient  élevées  du- 
rant leur  règne. 

§.   XXXVL 

Guerre  des  Turcs  ^  des  Vénitiens. 

Vous  vous  fouvenez  fans  doute  ,  Monfleurv- 
d'un  de  nos  communs  amis  ,  qui  n'a  jamais 
voulu  le  délivrer  de  l'envie  de  dire  des  poin- 
tes ,  ièlon  la  mauvaifè  coutume  du  vieux  tems, 
quoi  que  nous  l'en  aions  ibuvent  raillé  :  mais 
je  ne  iài  fl  vous  vous  fouvenez  de  la  iurprifè 
où  il  fut  quand  il  aprit  que  la  paix  conclue 
après  la  journée  du  Raab  entre  l'Empereur  6c 
k  Grand  Turc,  avoit  été  ratifiée,  ^uoiy  s'é- 
C  7  cria- 


6l  Penfees  cùverfij. 

cria-t-il,  on  fait  la  paix  à  la  barbs  d'une  Corne-' 
te  ,  ^  an  milieu  des  plus  belles  difpoj'itions  du 
mo?}de  à  réparer  les  pertes  cjue  les  Turcs  ont  fuit 
foujfrir  aux  Chrétiens  i  Sans  doute  la  Comète  re- 
cule pour  mieux  fauter ,  elle  fious  attend  en  Can- 
die ,  ^  ceft  la  cruelle  déchargera  toute  fa  rage. 
Cependant  ,  Monlîeur  ,  vous  m'avouerez  que 
tout  ce  qui  s'eft  fait  en  Candie  depuis  l'an  1 66  f^ 
jufqaes  au  Traite  de  paix  ne  peut  être  nulle- 
ment compté  pour  un  de  ces  grands  malheurs 
que  le  ciel  annonce  à  la  terre  par  des  prodiges  : 
car  11  vous  y  prenez  garde ,  tout  cela  fè  réduit 
à  la  perte  d'une  ville  qui  étoit  bloquée  depuis 
très-long  tems.  Si  c'eft  un  malheur  pour  la 
Chrétienté  que  d'avoir  perdu  l'Ile  de  Candie, 
c'efi  un  malheur  qu'il  faut  raporter  à  un  autre 
tems  qu'à  celui  qui  s'eft  écoulé  depuis  l'an 
1665-.  puis  qu1l  eiî  de  notoriété  publique  que 
les  Turcs  s'etoient  emparez  de  l'Ile  pluiîeurs 
années  avant  celle-là ,  6c  que  par  le  blocus  qu'ils 
tenoient  devant  la  capitale  ,  ils  rendoient  tout 
le  Roiaume  auili  inutile  aux  Chrétiens ,  qu'il  le 
làuroit  être  à  prefent  &  même  beaucoup  plus , 
car  encore  eft-il  permis  prefentement  aux  Vé- 
nitiens de  profiter  de  ce  qui  leur  refte  dans  cet- 
te Ile  ,  fans  faire  les  depenfes  à  quoi  ils  étoient 
engagez  pendant  la  guerre.  De  forte  que  tout 
bien  compté  il  iè  trouvera  que  la  paix  faite  l'an 
1669.  au  lieu  d'empirer  les  affaires  des  Véni- 
tiens ,  les  a  améliorées  ,  ëc  par  conièquent  que 
la  Comète  ne  s'eft:  pas  dédommagée  en  Candie 
de  ce  que  li  paix  d'Allemagne  lui  avoit  fait  per- 
dre. Après  tout  elt-ce  une  choie  li  étonnante 
qu'un  Prince  auQî  puifTant  que  le  Grand  Sei- 
gneur ,  prefiànt  de  la  plus  furieuiè  manière  du 
monde  ,  une  ville  pendant  deux  ans  ,  favorifé 
du  voilinage  de  fes  autres  Etats,  la  prenne  fur 
une  République  qui  eft:  contrainte  de  mendier 
^  lècours  a.  éoo.  iieaes  ioia  de  ià  ?    N'efc-ce 


Penféei  diverJeÉ,  C»5 

•  pas  un  grand  bonheur  à  cette  Republique  d'ea 
être  quitte  à  fi  bon  marche  ? 

§.   XXXVII. 

Guerre  des  Efpagnols  ^  des  Vort^gah^ 

Le  Traité  de  paix  de  l'an  1668.  entre  l'Efpa- 
gne  &  le  Portugal  ,  fat  un  bien  inefrimable 
pour  ces  deux  Couronnes.  Pour  la  première, 
parce  que  bien  loin  d  être  en  état  de  iè  faire 
rendre  ce  qu'elle  demandoit ,  elle  avoir  lieu  de 
craindre  de  nouvelles  pertes  fous  une  minorité 
qui  nétoit  pas  exemte  de  brouilleries.  Et  pour 
la  féconde  ,  parce  qu'outre  la  pailible  poflèiïion 
de  fes  Etats,  &  la  décharge  des  incommoditez 
de  la  guerre  ,  elle  acquit  l'avantage  de  voir  fà 
fouveraineté  reconnue  par  ceux  qui  l'avoient 
contredite  jufques  alors.  Quoi  qu'il  en  ibit , 
me  direz-vous  ,  c'eft  un  malheur  pour  i'Efpa- 
gne  d'avoir  perdu  le  Portugal  ,  &  de  n^avoir 
pas  eu  la  force  de  le  recouvrer.  Je  l'avoue,  mais 
c'efl  un  malheur  qu'il  faut  raporter  à  l'an  1640,. 
&  aux  pertes  que  cette  Couronne  avoit  faites 
dès  avant  que  les  Comètes  parufîènt ,  qui  par  là 
demeurent  déchargées  de  l'accufàtion  qu'on 
voudroit  leur  intenter.  Vous  avez,  oui  dire 
peut-être ,  ce  bon  mot  du  Comte  de  Villa  Me- 
diana,  fur  une  figure  à  cheval  du  Roi  Philippe 
IV.  où  l'on  avoit  mis  PHILIPPE  LE  GRANDj 
fi  lo  es  i  es  como  tm  ojo,  que  mas  tk-rra  le  lie" 
van ,  mas  le  en^randez,en.  En  effet  c'efl  fous  le 
règne  de  Philippe  IV.  que  l'Efpagne  a  le  plus 
perdu  de  fès  Etats ,  &  par  confequent  ces  pertes 
ne  doivent  pas  être  imputées  aux  Comètes  de 
Van  166^, 


J.  XXXVIIL 


($4  Penfées  âivevfes. 

§.  XXXVIII. 
Guerre  des  Anglois  ^  des  Hollandois. 

Pour  ce  qui  efl  de  h  guerre  àcs  Anglois  8c 
des  Hoilandois  ,  je  ne  nie  pas  qu'elle  n'ait  été 
fort  rude  pendant  le  peu  de  tems  qu'elle  a  du- 
ré 5  mais  comme  deux  ou  trois  campagnes  en 
ont  fait  la  raiibn  ,  elle  n'a  été  ni  ruineufè  ni 
fort  dommageable  aux  deux  partis.  En  eftét 
après  le  Traité  de  Breda  les  Anglois  ie  trouvè- 
rent ce  qu'ils  étoient  avant  la  guerre  ,  &  les 
Hqllandois  il  peu  afïbiblis,  que  leur  fortune  ea 
devint  plus  floriiîànte  ,  qu'il  n'eût  été  à  ibu- 
haiter  pour  leur  repos  3  car  toutes  ces  profperi- 
tez  leur  aiant  fait  concevoir  une  trop  grande 
opinion  de  leurs  forces  ,  leur  iirent  oublier 
qu'ils  avoient  d'aiïèz  grandes  obligations  à 
LOUIS  LE  GRAND,  pour  lui  lailTer  con^ 
quérir  la  Flandre.  Il  leur  en  a  coûté  bon ,  mais 
ce  n'eft  pas  la  faute  àçs  Comètes  de  166 f. 
C'eil:  une  fuite  de  la  neceiïité  où  ils  crurent  être 
de  s'opolèr  à  l'agrandiflèment  d'un  voilin  re- 
douté de  toute  l'Europe.  Ils  crurent  que  la 
bonne  politique  les  engageoit  à  conferver  l'é- 
quilibre parm.i  leurs  voilins  ,  &  qu'ils  iè  dé- 
voient fervir  de  l'état  floriiîànt  de  leur  Repu- 
blique ,  pour  empêcher  l'entière  inv.alion  dQS 
Païs-Bas.  S'ils  le  font  mal  trouvez,  d'avoir  rai- 
fonné  fur  ces  principes  ,  8c  fi  la  fortune  n'a 
pas  fécondé  Tulage  qu'ils  ont  fait  du  bonheur 
qui  les  accoinpagna  pendant  les  cinq  ou  lix; 
premières  années  qui  fuivirent  les  Comètes, 
c'ell  une  autre  affaire, 

Si  l'on  me  dit  que  laprolperité  efï  quelquefois 
le  plus  terrible  châtiment  que  Dieu  puiiîè  en- 
voler à.  l'homme  ,  je  dirai  moi  que  l'adverfité 
cfl  quelquefois  h  plus  grande  grâce  qu'il  lui» 

puiflè: 


Penfées  diverjèi,  6^ 

jHiiflè  faire  ',  delbrte  que  toute  notre  dispute  ne 
fera  plus  qu'un  jeu  de  mots.  Ainli  pour  nous 
fixer  à  quelque  choie  ,  il  faut  que  nous  conve- 
nions qu'il  s'agit  de  lavoir  ,  non  pas  il  les  Co- 
mètes amènent  aux  hommes  des  biens  dont  ils 
ne  font  j)as  un  bon  ulàge ,  ou  des  maux  qui  les 
convertilTent  à  Dieu  •-,  mais  fi  elles  leur  amè- 
nent ce  qu'on  a  de  coutume  d'apeller  ilmpie- 
ment  des  adverfitez. 

§.  XXXIX. 

Guerre  des  Tranpis  ^  de^s  Efpagnofs. 

Pour  la  campagne  de  l'Ifle  on  m'avoiiera 
qu'elle  a  fait  beaucoup  plus  de  bien  que  de  maU 
Comme  ce  n'étoit  pas  tant  une  guerre  qu'une 
prilè  de  polTèirion  des  biens  qui  apartenoient  à 
la  Reine ,  Se  qu  on  refufoit  de  lui  rendre  ,  quoi 
que  Ion  droit  eût  été  juftifié  &  lignifié  à  toute 
l'Europe  ,  par  les  ûvans  livres  que  le  Roi  fit 
publier  en  diveriès  langues  ,  on  entra  dans  les 
terres  des  Elpagnols  làns  y  faire  aucun  dégât. 
Ce  ne  fut  pas  allez  pour  la  bonté  de  ce  grand 
Prince  :  il  fît  enfbrte  que  les  païs  par  où  lès 
troupes  dévoient  palîèr  ,  fulîênt  délivrez  des 
alarmes  que  l'aproche  d'une  armée  a  de  coutu- 
me de  jetter  dans  les  efprits.  Il  fit  publier  par 
avance  ,  qu'il  ne  pretendoit  pas  rompre  la  paix 
des  Pyrénées  ,  ni  troubler  les  artifans  dans  l'e- 
xercice de  leur  métier  ,  ni  les  laboureurs  dans 
la  culture  des  terres  ,  ni  ks  moiflbnneurs  dans 
le  travail  de  la  récolte  ,  ni  les  Marchands  dans 
leur  trafic  ,  ni  rien  faire  de  tout  ce  qui  rend 
la  marche  des  armées  incommode  aux  peu- 
ples. 

Le  progrès  de  lès  armes  fijt  à  la  vérité  lur- 
prenant,  &  tout  ce  qui  olà  lui  refifter  fuccom- 
ba  bientôt  fous  le  poids  de  ù  valeur ,  de  là  vi- 


6^  Penfées  diverjes, 

gilance  ,   Se  de  cette  fàge  activité  avec  îaquelîs 
il  vient  proiTitenient  à  bout  des  chofes  les  plus 
difficiles.     On  le  vit  percer  comme  un  foudre 
tous  les  Païs-Bas  Catholiques  ,    5v  y  faire  plu- 
iieurs  tours  Z<.   retours  ,    lai  fiant  par  tout  des 
marques  éclatantes  de  fà  viâ:o!re.     Mafs  après 
tout  la  manière  dont  .il  traitoit  les  vaincus  ne 
leur  étoit   nullement   à   charge.     Bien  loin  de 
dire  comme  ce  Prince  dont  il  eft  parlé  dans  la 
(i)  Euan-  Parabole  de  l'Evaagiîej  (i)    Jnimicos  meos   il- 
?fi"  ]^~        los ,  qui  mluenmt  me  re^aare  fuper  fe  ,    axlducite 
Luc.  cap.    ^^^  '    ^   interjicrte  ante  me  :     Amemez,  ?noi  ces 
15,  V.  2p.    ennemis  qui  n'ont  pas  'vonlu  me  reconmitre  four 
leur  Roi  y  ^  les  tuez,  en  ma.  prefence  j  fà  Majefté 
leur  donnoit  mille  marques  de  fà  bonté  Roiale  : 
Se  c'a  été  un  bonheur  iniigne  aux  villes  qui  fu- 
rent conquises  cette  campagne-là  ,    de  n'avoir 
pas  eu  la  force  de  relillier  5  car  fi  elles  fufTent 
demeurées  fous  la  domination  d'Elpagne  ,   elles 
n'eufïènt  pas  joui  de  la  fecurité  où  elles  ont  été 
plongées  pendant  la  dernière  guerre.     La  puif^ 
iànce  du  Roi  les  metoit  à  couvert  de  toute  for- 
te d'inquiétude  ,   elles  ne  craignoient  ni   fiege 
ni  blocus  ;   au  lieu  que  toutes  les  villes  qui  n'é- 
toient  pas  à  la  France ,   étoient  dans  de  conti- 
nuelles fraicurs  ,  au  milieu  de  leurs  marais,  de 
leurs  inondations ,  de  leurs  citadelles ,  8c  d'une 
prodigieufè  quantité  de  troupes.     Rien  ne  les 
aiTuroit.     S.    M.   n'avoit   qu'à   partir  dans  une 
Êifon  qui  eût  été  feule  un  ennemi  invincible  à 
d'autres  Conquerans,  pour  jetter  une  fi  grande 
peur  dans  toutes  ces  villes  ,    que   la  vue  d'un 
ï\çgt  formé  devant  les  plus  fortes  n'en  pouvoit 
raflûrer  aucune. 

C'a  donc  été  un  grand  bien  pour  les  villes 
qui  pafferent  au  pouvoir  du  Roi  l'an  1667.  d'a- 
voir été  fubjuguées  par  nôtre  invincible  Monar- 
que. C'a  été  d'ailleurs  un  bien  au  Roi  d'avoir 
uni  à  fcs  Etats  d'une  manière  fi  glorieufè  tant 

de 


Tenféei  diverfes.  6j 

de  villes  floriflàntes  :  &  un  bien  beaucoup  plus 
conliderable  ,  qu'il  n'eft  deiàvantageux  à  l'EjP- 
pagne  de  les  avoir  perdues  ■■,  parce  que  leur  fi- 
tuation  fait  que  nôtre  Roi  en  peut  tirer  de 
grandes  utiiitcz ,  au  lieu  que  h  même  fituation 
eft  ca'jfe  que  le  Roi  d'Éipagnc  ne  s'en  peut 
prefque  point  fèrvir.  Ainii  j'ai  droit  de  con- 
clurre  que  les  évenemens  de  la  campagne  de 
l'Ile  ont  fait  plus  de  bien  que  de  mal. 

§.  XL. 

^^e  l'Efpagne  feroh  bien  d'i^handonner  les 
^aïs-Bas. 

J'ai  ouï  dire  à  un  habile  homme  que  tous 
ces  Etats  eue  le  Roi  d'Elpagne  pofTede  dans  des 
pa'is  éloignez ,  détachez  les  uns  des  autres ,  lui 
ibnt  plus  à  charge  ,    qu'ils  ne  lui   fervent  j   6c 
que  s'il  connoiSbit  fes   véritables   intérêts  ,   il 
ieroit  dans  \cs   fèntimens  du    Roi  (  i  )  Antio-  (i)  An- 
chus ,  qui  aiant  été  contraint  après  la  perte  de  tiochus 
la  bataille  de  Magneile  de  céder  aux  Romains  .^f^s""^ 
tout  ce  qu'il  poïlèdoit  au  deçà  du  mont  Tau-  ^^-j^  ^^^ 
lus  ,   déclara  qu'il  s'eftimoit  fort  obligé  à  ces  poftea 
Meffieurs  ,  de  ce  qu'ils  l'a  voient  déchargé  du  quàm  à 
ibin  de  garder  un  grand  pais  ,     qu'il  n'eût  pu  ^'^^ÇJf"® 
deiïèndre  qu'avec  des  peines  8c  des  pertes  con-  TTuro"te- 
tinuelles.     C'eft-à-dire  que  fi  le  Confeil  d'Efpa-  nus  re?na- 
gne  connoilîbit   bien  les  véritables  intérêts  de  le  juflus 
la  Couronne  ,     il  nous   remercieroit  d'avoir  fi  ^^^^  >  o"^' 
confiderablement  diminué  les  foins  qu'il  lui  fe-  "^"^^"^ 
loit   prendre   pour   la    confervation  de  tant  de  M^mqu» 
villes,  &  Ibuhaitteroit  d'être  entièrement  dcii-  eft  nunc 
vré  de  cet  embarras.     On  faifoit  dire  aux  Efpa-  noftra 
gnols  pendant  la  longue  guerre  qu'ils  ont  eue  ^'■oj:'"^'», 
avec  la  Hollande  ,    ^ue  leur  maure  auroh  puni  ^\^cTe  eft 
ces  rebelles  il  y  a  long  tems  ,  fi  des  confiderations  rolitus,be- 
d'Etat  ne  l'en  empéchoient  j    mais  qn'il  confervoit  nignè  fibi 

ce 


ï  Populo 
Romano 
cfTe  fac- 
tum  qiiod 
rimis  mi- 
gna  procu- 
ratione  li- 
beratus, 
modicis 
Regni  ter- 
minis  uce- 
retur. 
Cicer. 
Orat.pro 
Dcjot, 
"Voiez  les 
Poëfies 
Latines  de 
Balfac, 
p.  4Z. 


6^  'Penfées  diverfeL 

ce  Ta'ù  de  contradiciion ,  comme  le  tnmege  ^  îa 
fale  d'efcrime  de  [es  légitimes  fujets  ,  ajin  de  les 
tenir  en  haleine  par  un  exercice  continuel.  Je 
vous  aïïurc ,  Monfieur  ,  que  cette  railbn  ne 
fubfifte  plus ,  &  qu'il  y  a  prcfcntement  fi  peu 
d'Efpagnols  ,  qui  profitent  de  l'occafion  de  s'a- 
guerrir ,  que  les  guerres  de  Flandre  leur  four- 
nilîènt,  que  cen'eft  pas  la  peine  d'en  parler.  Il 
vaudroit  mieux  dire  qu'il  faut  conferver  les 
Païs-Bas  ,  afin  que  l'humeur  Françoifè  naturel- 
lement bouillante  8c  ennemie  du  repos ,  trou- 
vant là  dequoi  s'occuper  ,  lailîè  les  Espagnols 
dans  la  paiiîble  poflèilion  de  leurs  biens  ,  8c 
n'aille  pas  troubler  la  taineantife  qui  s'efl  empa- 
rée de  la  Nation.  Mais  cela  même  devroit 
obliger  le  Confeil  d'Efpagne  à  le  défaire  de  la 
Flandre  ,  parce  que  fi  les  Elpagnols  venoient  à 
être  attaquez  dans  leur  pais  ,  il  efl  probable 
qu'ils  reveilleroient  cette  ancienne  valeur  qui 
les  a  rendus  fi  celel^çes  ,  8c  qu'ils  ne  fe  repo- 
ièr oient  pas ,  comme^'ils  font  ,  du  foin  àç^  sS' 
faires  générales ,  fur  la  vigilance  d'autrui. 

Il  cil  fur  que  là  Majefté  Catholique  gagne-' 
roit  beaucoup  à  faire  ceflîon  des  Païs-Bas  qui 
lui  refient  5  car  outre  qu'elle  fè  delivreroit  de 
la  peine  de  conferver  un  pais  ,  d'où  elle  ne  re- 
tire rien  ,  8c  qui  pour  tout  revenu  n'envoie  en 
Efpagne  depuis  plus  de  j-o.  ans  ,  que  des  nou- 
velles à  blanchir  les  cheveux  à  tous  les  Minif^ 
très  d'Etat ,  il  lui  feroit  bien  plus  glorieux  de 
s'en  défaire  de  bonne  grâce ,  que  de  s'en  voir 
dépouiller  peu-à-peu  en  cent  manières  honteu- 
fès,  comme  font  par  exemple,  les  arrêts  qu'on 
lui  fait  iignifier  par  un  Sergent.  Cette  même 
eefTion  feroit  aufifi  l'avantage  des  Païs-Bas  Efpa- 
gnols,  où  l'on  ne  fàuroit  voiager  fans  efcorte, 
qu'on  ne  fbit  rais  en  chemifè  par  les  voleurs 
des  grands  chemins ,  ce  qui  ne  fè  feroit  pas 
fous  ia  domination  de  la  France,  C'efl  dom- 
mage 


PenféeJ  diverfis^  6^ 

m3.ge  qu'un  fi  beau  pais  fbit  entre  les  mains 
d'un  Maître,  qui  ne  peut  pas  feulement  le  def- 
fendre  contre  les  voleurs  j  &:•  doit-on  trouver 
mauvais  que  NOTRE  GRAND  P  R  I N- 
C  E ,  ^ui  a  toujours  aimé  les  Fiamans ,  leur  té- 
moigne tant  d'envie  de  les  délivrer  des  garni- 
ions  EJpagnolles ,  qui  au  lieu  de  les  protéger , 
volent  impunément  par  tout  ,  comme  li  les 
voiageurs  dévoient  porter  la  peine  de  ce  qu'on 
n'a  pas  aflex  d'argent  à  Madrit  ,  pour  paier  les 
foldats  de  Flandre? 

D'ailleurs  quelle  mortification  n'eU-ce  pas 
pour  la  Nation  Efpagnolle  ,  qui  afFedoit  tant 
de  l'emporter  fur  nous  ,  &.  qui  autrefois  rem- 
plifToit  de  jaloufie  toutes  ks  Cours  de  l'Euro- 
pe ,  de  les  accabler  à  prefent  de  plaintes ,  de 
mémoires ,  6c  de  fjpplications ,  pour  en  être 
protégée  contre  la  France  ,  fans  trouver  aucun 
Prince  qui  la  fecoure  ?  Ce  n'eft  pas  qu'on  fbit 
bien  aife  que  le  Roi  s'agrandiiTe  comme  il  fait, 
ou  qu'on  foit  perfuadé  de  la  juflice  de  fes  pré- 
tentions ;  car  encore  que  nôtre  invincible  Âlo- 
narque  ne  prenne  que  ce  qu'il  prouve  lui  apar- 
tcnir  légitimement ,  6c  que  félon  la  remarque 
de  l'Auteur  àes  Droits  de  la  Reine  ,  il  imite 
Jofué  qui  faiibit  marcher  à  la  tête  de  {es  trou- 
pes l'Arche  où  étoit  enfermée  la  Loi  de  Dieu, 
nos  voifins  néanmoins  ne  goûtent  pas  la  forcé 
de  nos  raifoiis.  Ils  diient  qu'il  faut  avoir  un 
elprit  fbutenu  de  cent  mille  foldats ,  pour  trou- 
ver dans  les  Traitez  de  Munfter  &  de  Nime- 
gue ,  le  fèns  que  nous  y  trouvons  ;  qu'aiîùré- 
ment  ceux  qui  en  ont  drefle  les  articles  ,  n'ont 
jamais  cru  qu'on  pût  les  interpréter  de  la  for- 
te, 8c  que  s'ils  ont  dit  ce  que  nous  leur  faifons 
dire,  ils  ont  agi  comme  ceux  qui  font  ks  Ca- 
nons àcs  Conciles  ,  qui  en  diient  plus  qu'ils 
n'en  entendent  j  d'où  vient  que  plufieurs  fiecles 
après  on  découvre  dans  leurs  exprefllons  bien 


yo  Penfées  diverfis. 

des  ^yfleres  à  quoi  ils  ne  Ibngeoient  pas. 
Qu'eft-ce  donc  qui  empêche  nos  voiiins  de- 
couter  les  confeils  des  Elpagnols  ?  La  pure 
crainte  d'attirer  llir  eux  la  foudre  qui  menace 
les  autres.     Mais  revenons  à  nôtre  fujet. 

♦  §.  XLI. 

Bonheur  de  l'année  i662. 

L'Année  1668.  a  été  encore  plus  universelle- 
ment heureufè  que  la  précédente ,  puis  que  par 
le  Traité  d'Aix  la  Chapelle,  le  Roi  d'Eipagne 
recouvra  une  Province,  qu'il  n'eût  jamais  pu 
reconquérir,  &  s'afTura  h  poilêlfion  de  tout  ce 
qui  lui  reftoit  aux  Pais-Bas ,  qu'il  eût  perdu  in- 
failliblement Il  la  guerre  eut  continué.  Par  le 
même  Traité ,  les  villes  conquifes  la  campagne 
précédente  eurent  le  bonheur  de  demeurer  à 
un  Prince  ,  qui  leur  a  fauve  une  infinité  d'in- 
(i)  Ci-  quiétudes,  (  i  )  comme  j'ai  déjà  dit,  6c  qui  les 
deflus,  maintient  dans  une  prolperité  que  la  crainte  de 
S.  40.  l'avenir  ne  traverfe  pas.  La  paix  iè  trouva  gé- 
nérale dans  tout  l'Occident  ,  ce  qui  ièul  ell  un 
très-grand  bien  pour  les  peuples.  Tous  les 
Princes  Chrétiens  calmèrent  leurs  jaloufies  &: 
leurs  fbupçons.  Et  nôtre  Roi  enfin  fe  couron- 
na d'une  gloire  qui  fufliroit  pour  Timmortali- 
lèr  ,  quand  même  il  n'auroit  pas  fait  depuis 
tant  de  prodiges  qui  ont  porté  fà  réputation 
aux  quatre  coins  du  monde  5  car  il  rendit  gê- 
ner eufement  des  conquêtes  que  perfonne  ne 
pouvoit  lui  ôter ,  cc  renonça  à  tous  les  avanta- 
ges que  la  fortune  lui  prefentoit.  Exemple  de 
modération  qui  mérite  plus  de  ioiianges  que  la 
conquête  d'un  Empire. 

Après  cela  peut  on  dire  que  les  Comètes  de 

1665-.  ont  été  fuivies  d'un  horrible  déluge  de 

maux?  2^  ne  doit-on  pas  fc  bien  moquer  des 

'  "       -      Mro, 


Penfées  dlver'Jès.  jt 

Aftrologues  qui  avoient  publié  qu'elles  prefà- 
gcoient  des  chofcs  épouvantables ,  des  Schiirnes, 
&  des  Herefies  prodigieu fes  ?  Il  y  en  eut  qui 
conièillerent  à  l'Empereur  de  s'enfermer  pen- 
dant vingt  jours  dans  un  Palais  bâti  fur  de  très- 
bons  fondemens ,  dans  quelque  vallée  tenebreulè, 
6c  tout  entouré  de  montagnes ,  comme  vous  le 
pourrez  voir  plus  au  long  dans  le  (i)  Theatnim  i^\  y^j 
Cometicum  d'un  Gentilhomme  Polonois,  nom-  pag.  17.' 
mé  Sraniilaus  Lubienietzki. 

§.  XLIL 

Pacification  du  démêlé  des  Jefmtes  é^  des 
J-anfeniJîes. 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  par  la  cefîàtion 
de  la  guerre  que  l'année  1668.  a  été  heureuic: 
elle  l'a  été  encore  par  un  autre  acommodement 
très-neceflaire  au  bien  de  rEglifè ,  &:  très-diffi- 
cile à  procurer  j  puis  qu'il  s'agiflbit  de  mettre 
la  paix  entre  plulieurs  Théologiens ,  qui  etoient 
aux  priies  depuis  long  tems  ,  Se  qui  étoient  ca- 
pables de  caufer  un  ichifme  très-fcandaleux,  ii 
l'on  les  eût  laille  faire.  Vous  n'ignorez  pas, 
Monfieur  ,  qu'on  accule  fort  les  gens  de  vôtre 
métier  de  s'échauffer  pour  des  difputes  de  rien, 
êc  de  remuer  ciel  6c  terre  pour  avoir  raifbn  de 
leurs  ennemis  ,  quand  ils  les  croient  dans  des 
erreurs  confiderables.  Un  livre  ne  leur  coûte 
rien  à  faire  dans  ces  fortes  docc^fions ,  rien  ne 
leur  eft  aufli  difficile  que  de  mettre  les  armes 
bas.  C'eil  pour  cela  que  l'on  regarde  dans  le 
monde  la  pacification  des  Théologiens  comme 
un  ouvrage  très-difficile.  Je  n'exam.ine  point 
ii  l'on  a  raifon  de  faire  ce  jugement  ,  mais  je 
ne  laiflèrai  pas  de  remarquer  que  la  querelle 
des  Jeiliites  6c  des  Janiénilles  étoit  regardée 
ayec  raifon  comme  uae  atoe  de  confequence 
-      --  -  & 


qz  Penfees  diverps. 

&  très-makifée  à  terminer.     Ce  n'efl  pas  que 
le  fujet  n'en  fût  fort  petit  ,   puis  que  les  Janfe- 
nifles  ne  ceilbient  de  dire  ,    qu'ils  convenoient 
avec  leurs  adverlàires  dans  les  queftions  de  droit, 
Se  qu'ils  ne  pretendoiait  autre  choie  ,     inion 
que  les   propofitions   condamnées  par   le  Pape 
n'étoient  pas  dans  le  livre  de  Janfènius  ,    ce  qui 
efl:  une  bagatelle  dans  le  fond  ■■,    car  comme  il 
n'importe  au  fàlat  de  perfonne  de  lavoir  que 
Janfènius  a  été  au  monde  ,    i\  n'eft  nullement 
necefîàire  de  fâvoir  fi  les  livres  de  Janfènius  di- 
fènt  ceci  ou  cela ,  6c  l'on  iè  fût  fort  bien  pafîe 
de  faire  commandement  à  des  Religieufes  qui 
n'entendoient  pas  le  Latin  ,   de  figner  que  Jan- 
fènius avoit  enlèigné  telles  8c   telles  do6lrines. 
Quelle  neceflité  y  avoit-il  qu'elles  s'embarrai^ 
ûflènt  la   tête   d'une  fèmblable   chofe  ?    Mais 
néanmoins  de  la  manière  que  cette  dilpute  a- 
voit  tourné,  ce  n*étoit  plus  une  affaire  indiffé- 
rentes l'autorité  du  Pape  s'y  trouvoit  interefTée, 
\ts  droits  des    Evêques  s'y  trouvoient  mêlez, 
une  infinité  d'injures  publiées  de  part  8c  d'au- 
tre avoient  étrangement  aigri   les  efprits  j    on 
ne  parloit  que  de  Brefs  du  Pape  ,   d'Arrêts  du 
Confeil  d'Etat   ou  du   Parlement ,    de  Lettres 
circulaires  ,     de  Mandemens  Epifcopaux  ■■>    on 
prêchoit  contre  les  Janfenifles  ,    on  emploioit 
quelquefois  contre  eux  le  bras  ièculier  ,  en  un 
mot   tout  étoit  dans    une   étrange  confufion, 
lors  que  Sa  Majeflé  jufrement  touchée  de  ces 
deiordres  ,    8c»voiant  bien  par  ce  grand  difeer- 
nement  8c   cette  profonde  fàgeiîê  qui  lui  font 
propres ,  qu'à  moins  d  impofer  lilence  aux  par- 
ties ,   on  ne  verroit  jamais  la  fin  de  cqs  divi- 
sons ,    interpofà  fon  autorité  ,    pour  faire  que 
Ion  aquiefçât  aux    flgnatures   qui   avoient  été 
faites  Tous  certains  temperamens  dont  la  Cour 
de  Rome  fè  contenta,  8c  pour  empêcher  qu'à 
l'avenir  fcs  fujets  ne  difïènt  ni  ne  publiafîent 

rien 


Penfées  diverfis.  y^ 

rien  fur  les  matières  conteftées  qui  pût  renou- 
veller  la  querelle.  Ce  fut  le  23.  d'Octobre  1668. 
que  l'Arrêt  de  pacification  fut  donné ,  6c  par  ce 
coup  d'une  ikge  politique  l'on  arrêta  le  progrès 
d'une  diipute  qui  avoit  agité  la  France  plus  de 
vingt  ans  ,    Se.  qui  étoit  capable  de  déchirer  les 
entrailles  de  l'Eglifè.    Or  comme  ce  grand  dé- 
mêlé avoit  pris  naifîànce  long  tems  avant  que 
hs  Comètes  de  l'an  1 66_f.  parufîLnt ,    &  qull 
a  été  heureufèment  afibupi  trois  ans  après  leur 
aparition  ,    il  feroit  plus  à-propos  de  foutenir 
que  leurs  influences  ont  été  fort  fàiutaircs ,  puis 
qu'elles  ont  fait  ceiïcr  les  defbrdres  qu'elles  ont 
trouvez  dans  le  monde ,  que  de  ibutenir  qu'el- 
les ont  été  malignes. 

Il  n'efl  pas    neceflàire  ,     Monfieur  ,    que  }e 
vous  circonftancie  les  avantages  que  la  France 
a  retirez  de   cette  pacification  ,    car   c'eft  une 
cholè  que  vous  devez  ûvoir ,  8c  que  vous  fàvez 
effeftivement  mieux   que  moi.     Quand  on  ne 
nous  auroit  procuré  par  là  que  la  permiflïon  de 
lire  les  livres  de  Meilleurs  de  Port-Roial  ,    je 
ibutiens  qu'il   nous   en  ièroit  arrive  un  grand 
avantage  ,     non  feulement  parce  que  ce  font 
des  livres  très-bien  écrits,  Se  un  gi-and  modèle 
d'éloquence   8c  de  raiibnnement  ,     mais  aufli 
parce  qu'ils  nous  aprenent  une  infinité  de  bel- 
les choies  qu'on  n'avoit  jamais  bien  éclaircies. 
Par  exemple ,  aviez-vous  jamais  ouï  dire  à  vos 
précepteurs  ,    juiqu'où  doit  aller  nôtre  fbumiP 
lion   pour   ceux  qui  veillent  pour  nos  âmes  ? 
Aviez-vous    jamais   ouï    parler   exactement   à 
d'autres  qu'à  ces  MelTieurs  de  la  diflindlion  du 
fait  8c  du  droit ,  8c  des  choies  qu'on  efl  obligé 
de  croire  de  foi  divine  ,     ou  de  foi  humaine  ? 
Avouez  qu'on  vous  avoit  élevé  dans  une  gran- 
de ignorance  de  ces  choies  ,    car  on  nous  fait 
tant  de  peur  dans  nôtre  Egliiè  de  cet  eiprit  qui 
veut  conoître  8c  raifonner  ,  qu'on  ne  nous  re- 
Tom,  L  D  com- 


jj^  Penfées  dïverfes, 

commande  rien  auflî  exprefTément  que  de  nous 
abandonner  les  yeux  fermez,  à  nos  Dire6leurs. 
Il  efl:  néanmoins  certain  comme  ces  Meilleurs 
Tont  clairement  établi  ,  qu'il  y  a  de  la  diftinc- 
tion  à  taire ,  6c  qu'il  eft  très-dangereux  de  don- 
ner dans  ces  maximes  fans  dilcernement  j  ii 
bien  que  nous  leur  avons  tous  àt^  obligations 
immortelles  de  nous  avoir  ouvert  les  yeux  fur 
beaucoup  de  chofes  ,  que  l'on  nous  rend  fuf- 
pedles  mal  à-propos. 

Quelle  obligation  ne  leur   a-t-on  pas  d'avoir 
enfin  introduit  en  France  l'ufage  de  la  Parole 
de  Dieu  en  langue  vulgaire  ,   8c  d'avoir  délivré 
l'Eglilè  de  la  honte  6c  de  l'ignominie  qu'il  lui 
faloit  efTuier  continuellement  ,     par  les  repro- 
ches que  les  Proteftans  lui  failbient ,  qu'elle  de- 
roboit  aux   Fidèles  le  threfor   des  Ecritures  ? 
Avant  que  l'on  eût  terminé  tous  ces  diflferens, 
la  verfion  de  Mons  étoit  fort  perfecutée  ,     6c 
faifoit  peur  à  la  plus  grande  partie  du  peuple; 
mais  depuis  la  paix  que  le  Roi  a  donnée  à  l'E- 
glifc  ,   on  a  fecoué  le  joug,   6c  non  feulement 
on  lit  iàns  icrupule  tous  les  Ouvrages  de  Port- 
Roial,  que  l'on  n'ofoit  lire  autrefois  ,    tant  on 
étoit  épouvanté  par  les  Confeflèurs  Moliniftes, 
mais  aufll  on  lit  avec  beaucoup  d'édification  l'E- 
criture Sainte  que  ces   Meflieurs  ont  mifè  en 
Fran9ois.    Je  ne  dis  rien  de  tant  de  beaux  li- 
vres de  Morale   6c  de   Controverfè  r'qu'ils  ont 
publiez  depuis  l'Arrêt  du  î3.d'06tob.  i668.  ni 
de  tous  les  Traitez,  qui  ont  fi  bien  éclairci  cet- 
te célèbre  quefi:ion  de  la  leârure  de  la  Parole 
de  Dieu  en  langue  vulgaire  ,  où  nos  Contro- 
verfiftes    s'étoient  trouvez  julques  ici  extrê- 
mement embarrafièz  5     car  vous  /avez  aflîèz, 
Monfieur  ,  de  quel  prix  font  ces  Hvres-là  pour 
être   pleinement  perfùadé  de  ce  que  je  veux 
vous  prouver  ici  ,     fàvoir  qu'il  s'efl  pafiîe  des 
choies  très  -  avantagcufes  au  public  ,    quelque 

tenis 


Penfées  dtverfei»  j^ 

tcms  après  l'aparition  de  deux  ef&oiables  Co-; 


metes. 


§.  XLIII. 


Conjidemtlon  des  malheurs  arrivez  pendant  Us 
fept  années  ci^ae  l'on  a  examinées. 

Qu'on  ne  m'allègue  point  la  pefte  de  Lon- 
dres de  l'an  1665-.  l'erabrafement  de  la  même 
ville  de  l'année   fuivante  ;    le  tremblement  do 
terre  qui  abîma  la   Republique  de    Ragule  ea 
1667.  les  embrafemens  du  mont  Etna  de  1669. 
&  tels  autres  accidens  ,    car  ce  font  des  chofes 
à  la  vérité  funeftes  pour  ceux  qui  en  fouffrent 
en  particulier,  (i)  mais  qui  ne  font  ni  d'une  con-  ^i)  cafû» 
fèquence  générale ,  ni  fort  extraordinaires  ;  ix  il  multîs  hic 
feroit  facile  de  montrer  qu'en  d'autres  tems  il  cognitus, 
eft  arrivé  des   malheurs  de  cette  efpece  bien  ^ricuT&ô 
plus  tragiques  ,    comme  l'incendie  de  Mofcou  medio  for- 
capitale  de  Mofcovie ,  qui  fut  toute  réduite  en  tunx  duc- 
cendres  par  les  Tartares  l'an  1^7 1.  le  tremble-  tus  acer- 
ment  de  terre  qui  abîma  dans  une  nuit  douze  ^J*  ' 
grandes  villes  d'Afie  fous  l'empire  de  Tibère  j  satfT,i\^ 
celui  qui  tua  vingt  mille  habitans  de  Lacede* 
mone ,  8c  accabla  la  ville  toute  entière  fous  \çs 
ruines  d'une  portion  du  mont  Taigetus  4.^9. 
ans  avant   J  e  s  u  s-C  h  r  i  s  t  }   celui  qui  arriva 
dans  le  Canada  en   1663.  &:  dans  le  Pérou  en 
1604.  qui  fit  des  bouleverfèmens  prodigieux  ea 
moins  d'une  heure  dans  une   étendue  de  300. 
lieues  de  côte  Se  de  70.  en  largeur  ;    l'embrafè- 
ment  du  Vefùve  de  l'an    163 1.  la  pefte  qui  a 
defolé  depuis  peu  la  capitale  de  l'Empire  ,   qui 
a  pourfuivi  l'Empereur  dans   Prague  où  il  s'é- 
toit  réfugié ,  8c  qui  s'efl  enfuite  répandue  dans 
plufieurs  Provinces  avec  un  dégât  fanelle.  D'ail- 
leurs ces  trois  ou  quatre  defordres  doivent  -  ils 
balancer  le  bonheur  aporté  par  tant  de  Traite:^ 
D  a  de 


^6  Penfées  diverfes. 

de  paix,  &  la  profperité  particulière  de  la  Fran- 
ce ,  qui  par  l'aplication  iiitatigable  de  ion  Roi 
à  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la  félicité  de  la 
nation  ,  par  fes  lumières  &:  par  celles  de  ks 
Miniflres  les  mieux  choilis ,  8c  les  plus  capables 
du  monde,  a  vu  établir  Ôlqs  Manufaélures ,  des 
Compagnies  de  commerce ,  des  nouvelles  loix 
pour  l'extirpation  de  la  chicane,  un  ordre  mer- 
veilleux dans  les  Finances  ,  ôc  plulieurs  autres 
chofès  qui  font  une  fburce  de  biens  infinis  tant 
pour  le  gênerai  que  pour  le  particulier  ?  Ne  me 
dites  point  ,  je  vous  prie,  que  je  n'ai  pas  pris 
un  aflez  grand  terme ,  car  il  eft  du  ièns  com- 
mun que  11  les  Comètes  prelàgent  quelque  cho- 
ie, c'eft  pour  les  iix  ou  ièpt  premières  années 
qui  les  fui  vent  ,  &  c'eft  lur  ce  pied-là  que  Ton 
prouve  leur  malignité  par  l'Hiftoire. 

§.  XLIV. 

Malheurs  arrivez,  dans  l'Europe  depuis  l'art 
i6^f.  jufquen  \6fi. 

Voulez-vous  voir  par  plailir ,  Monfieur ,  une 
autre  femaine  d'années  prifè  à  difcretion  d'un 
tems  repurgé  de  tout  le  mauvais  air  des  Co- 
mètes ?  Rcpallcz  un  peu  dans  vôtre  mémoire 
ce  qui  s'eft  fait  dans  l'Europe  depuis  l'an  1645'. 
jufques  à  la  Comète  qui  parut  fur  la  fin  de  l'an 
165-2.  Et  remarquez  bien  que  je  prens  jufle- 
ment  le  tems  où  les  longues  guerres  d'Allema- 
gne ,  aufquelles  tant  de  Princes  le  trouvoient 
intereiîèz  ,  ôc  qu'on  veut  à  toute  force  avoir 
été  preiàgées  par  la  Comète  de  lan  1618.  fè 
pacifièrent  à  Muniier.  Il  me  femble  que  c'ell 
donner  à  la  Comète  un  aiTèz  bon  loilir  de  iè 
purger ,  pour  prétendre  qu'elle  n'a  plus  rien  à 
iàire  dans  les  années  que  je  marque  ;  fur  tout 
a  l'on  confidere  que  je  lui  abandonne  encore 

ks 


Penfées  diverfes,  77 

les  trois  dernières  campagnes  de  k  guerre  des 
Alliez  contre  la  Maifon  d'Autriche  ,    lelquelles 
fè  trouvent  dans  les  lept  ans  que  j'ai  choilis ,  Se 
qui  ibnt  remarquables  par  plufieurs  fànglantes 
expéditions,  entre  autres  par  la  bataille  de  Nor- 
lingen,  où  Mr.  le  Prince  de  Condë  (i  J  van-  (i)_  Le  j-, 
gea  11  glorieufement  l'affront  que   les  Suédois  ^^^  ^^4^» 
avoient  reçu  dix   ou  douze  ans  auparavant  au 
même  lieu:  &  par  le  (i)  iàccagement  de  Pra-  (i)  i6.de 
gue  ,   qui  reduifit  pluiieurs   Dames  de  la  pre-  r^iHec 
miere  qualité    à   la  dure   condition  d'être   en  ^^'^^' 
chemiiè  dans  la  rue.     Sans  compter  tout  cela 
je  trouve  àts  maux  épouvantables  dans  les  an- 
nées que  j'ai  choiiies  ,    6c  particulièrement  un 
efprit  de  jfedition  furieuiè. 

J'y  trouve  le  Roi  (3)  d'Angleterre  condam-  (9)  Le^; 
né  à  mort  8c  décapité  par  Tes  propres  fujets  de  Fe- 
avec  des   circonftances  horribles.     J'y  trouve  ^S'^"^' 
le  Roi  fon  fils  contraint  de  le  cacher  dans  un 
chêne  après   avoir   vu  tailler  en  pièces  toutes 
fes  troupes  à  la  bataille  de  Worcefter,  (^4)   8c  ^4)J^«iî.' 
enfin  de  fortir  de   ion   Roiaume  dans  le  plus  ,6j//^' 
trille  équipage  du  monde  ,     trop   heureux  de 
tromper  à  la  faveur  de  ce  deguilèment  la  rc-  (y)  Majua 
cherche  exaâ:e  que  l'on  failbit  de  fà  peribnne ,  erat  impe- 
pour  lui  faire  le  même  traitement  qu'à  ion  pe-  """^  ^^" 
re.    Je  trouve  la  France  déchirée  d'une  cruelle  ^^^^^ 
guerre  civile  ,   qui  lui  fait  perdre  prelque  tou-  u^  \\\\s 
tes  les  conquêtes  de  douze  campagnes,  8c  ièn-  externis 
tir  la  pernicieufè  honte  de  fe  détruire  elie-mê-  viribusex- 

me,  dans  un  tems  ou  elle  feule  le  pouvoit  fai-  '»"="' pof- 

1  1  -in.        •    '   ^  1     /     N   n       f^t:,  &c. 

re  du  mal  ,    comme  il  eft  arrive  a  la  (  j-)  Re-  p/o^^^  /,^, 

publique  Romaine.     Je  trouve  le  Roiaume  de  4  c^;>.2. 

Naples  Ibulevé  contre   ion  Prince.    Je  trouve 

les  François  en  guerre  avec  les  Efpagnols  dans  {6)  Voies 

la  Flandre ,  dans  l'Italie ,  dans  la  Catalogne.    Je  IJ^'^^J.^® 


des  Cofa- 
ques  par 


voi  le  Portugal  armé  contre  la  Hollande  ,    8c 
contre  l'Efpagne  tout  à  la  fois.     Je  voi  Kmiel-  iTsr.cli*- 
niski  General  des  (  6  )  Colàques  révolté  contre  valicr. 
D  3  la 


(j)  L'an 
.1648. 


(i)  Voiez 

j'Etat  de 
l'Emp. 
Ctcom. 
par  le  Sr. 
Kicauc. 

(3)  I^e  i7. 

Août 

1^48. 


78  Tenfiei  diverjès* 

k  Pologne,  8c  ligué' avec  les  Tartarcs , rcmpKr 
ce  Roiaume  de  deiblation.  Je  le  voi  qui  pro- 
fitant de  la  mort  du  brave  Roi  Uladiflas ,  fait 
entrer  le  Cham  dans  la  Pologne,  &  fè  joignant 
à  lui  afl'icge  avec  une  armée  qui  n'avoit  point 
eu  ià  pareille  depuis  Attila  ,  les  Polonois  dans 
leurs  retranchemens ,  8c  les  réduit  aux  derniè- 
res extremitez.  Je  voi  que  la  paix  conclue  le 
17.  d'Août  1649.  à  des  conditions  très-deià- 
vantageules  à  la  Pologne  ,  aiant  duré  fort  peu 
de  tems  ,  l'irruption  des  Cofaques  &  des  Tar- 
tares  recommence  de  plus  belle  ,  caufè  mille 
fàccagemens  ,  fe  termine  à  la  vérité  par  leur 
déroute  ,  mais  ne  laifîè  pas  d'être  une  enchai- 
nure  de  ravages  6c  de  maux.  Je  voi  les  (  i  ) 
Mofcovites  dans  un  fbulevement  li  furieux,  que 
ks  premiers  Miniftres  d'Etat  ne  trouvent  point 
dans  le  Palais  de  l'Empereur  un  afile  qui  les 
mette  à  couvert  de  l'inlblence  des  mutins.  Il 
faut  que  le  Czar  leur  abandonne  les  vidtimes 
qu'ils  demandent ,  qu'il  endure  que  fès  princi- 
paux Officiers  ibient  afîbmmez  a  coups  de  bâ- 
ton ,  &;  qu'après  avoir  fait  évader  Ion  bcau-fre- 
re  qui  étoit  aufll  fbn  favori ,  il  demande  fà  grâ- 
ce au  peuple.  Je  trouve  (  2  )  dans  Conflanti- 
nople  des  feditions  fi  horribles  ,  que  le  Sultan 
Ibrahim  après  avoir  été  contraint  d'abandonner 
le  Vizir  Azem  à  la  fureur  des  mutins  qui  l'é- 
tranglerent  ,  fut  (  3  )  étranglé  lui-même.  Ce 
n'eft  pas  tout.  Les  Janifïàires  8c  les  Spahis ,  qui 
font  les  principales  forces  de  l'Empire  Otto- 
man, s'aigrilîènt  de  telle  manière  les  uns  con- 
tre les  autres  ,  qu'ils  Ibnt  prêts  à  décider  leurs 
differens  par  la  voie  àts  armes.  La  Sultane 
Kiofèm  qui  gouverne  l'Etat  pendant  la  minori- 
té du  jeune  Sultan  fon  petit-fils  ,  fe  prépare  à 
le  taire  étrangler  par  les  Janifïàires  j  mais  la 
mère  du  Sultan  par  une  contre -ligue  la  pré- 
vient ,  la  fait  étrangler ,  ôc  feit  périr  les  princi- 
paux 


Penfées  diverjès,  jg 

paux  Officiers  des  JanifTàires.  Je  trouve  les 
Vénitiens  aux  prifes  avec  les  Turcs ,  ce  qui  cau- 
iè  des  iàccagemens  Se  des  malheurs  épouvanta- 
bles à  tous  les  peuples  de  la  Dalmatie  8c  de  l'Ar- 
chipel. Je  trouve  cent  autres  deibrdres  dont 
le  détail  vous  ennuieroit  ,  &:  qui  ne  me  paroît 
pas  necelTàire  pour  vous  faire  avouer,  qu'il  s'en 
Faut  beaucoup  que  les  fèpt  années  que  j'ai  prifès 
à  la  fuite  de  deux  Comètes  ,  ne  Ibient  remplies 
d'autant  d'évenemens  fâcheux ,  que  les  fèpt  qui 
n'ont  été  prilès  à  la  fuite  d'aucune  Comète, 
mais  au  contraire  au  devant  de. celle  de  165-2. 
Se  à  la  fuite  du  tems  où  l'on  achevoit  l'expia- 
tion de  la  Comète  précédente  ,  par  la  paix  gé- 
nérale qui  fe  negotioit  à  Munfter. 

Avouez  donc,  Monfieur  ,  ^u'ilefi  des  maî- 
henrs  fans  Comètes ,  ^  des  Comètes  fans  malheur Sy 
Se  qu'à  raifbnner  comme  l'on  fait  ordinaire- 
ment ,  ks  negotiations  de  Munfter  devroient 
paflèr  pour  un  figne  des  fléaux  de  Dieu ,  puis 
qu'elles  ont  été  fuivies  de  tant  de  malheurs 
prefque  par  toute  l'Europe. 

Nôtre  ami  à  proverbes  ne  manquera  pas  de 
dire ,  cju'une  hirondelle  ne  fait  pas  le  printems.  Je 
lui  répons  par  avance ,  que  s'il  feuilleté  diligem- 
ment les  Hiftoires  ,     il  trouvera  des  exemples 
de  même  nature  tout   autant  qu'il  en  voudra. 
Le  (  I  )   Theatrum  Cometicum  que  je  vous  ai  (ï)vo3.2» 
déjà  cité,   en  fournit  deux  bien  remarquables,  ^zg.^jl  "' 
Un  Auteur  Allemand  du  dernier  fiecle  nommé 
Elle  Major  (2)  en  fournit  un  très-grand  nom-  (2^  Jq  jj, 
bre,  8c  remarque  exprelTément  que  les  plus  ce-  bello  de 
lebres  Traitez  de  paix  fe  font  conclus  fort  peu  Cornet, 
après  l'aparition  de  quelque  Comète  j   que  plu- 
fieurs  nations  Idolâtres  ont  été  converties  à  l'E- 
vangile dans  un  tems  qui  avoit  ce  même  carac- 
tere-là,    8c  qu'on  peut  dire  la  même  choie  de  ^5)  On-^ 
la  fondation  de  plulieurs  célèbres  Univeriitez.  i.^ontr» 
Le  Philofophe  (  3  )  Charemon  nous  aprendroit  Celfuœ, 
D  4.  bien 


8o  Penfées  diverfes, 

bien  des  chofes  fur  ce  fui  et  ,   fi  nous  avions  îc 
livre  qu'il  avoit  coû:îj>ofe ,   pour  faire  voir  que 
la  plupart  des  Comètes  avoient  été  le  prefàge 
de  grands  bonheurs.     Que  nôtre  ami  feuilleté 
donc  \ts  Hifloires ,  ôc  il  trouvera  àç.s  exemples 
abondamment.    Je  n'oièrois  vous  dire  la  mê- 
me chofe,  à  vous,  Monlieur,  qui  n'avez  pas 
tant  de  loihr  que  lui ,  Se  qui  occupez  fi  bien  vô- 
tre tems  à  la  kdture  des  Sts.  Pères  8c  de  St.  Tho- 
mas.   Ainfi  je  me  retraite  des  exhortations  que 
fr)  Ci-      J^  ^^"'^  ^^  faites,  (i)  ôc  je  me  vois  obligé  à  ne 
deiTus         compter  pas  plus  fur  cette  V.  Raifon  toute  de- 
pag.  60.       cifive  qu'elle  eft  ,    que  fur  les  autres ,  parce  que 
vous  n'en  fauriez  voir  la  force  fans  entrer  dans 
la  difcufilon  de  plufieurs  faits  ,  8c  iàns  bien  cal- 
culer le  bien  8c  le  mai  arrivé  en  divers  tems  par 
tout  le  monde}   ce  qui  ne  s'accorde  nullement 
avec  la  kârure  de  tant  de  Canons  ,  de  tant  de 
Conciles ,  de  tant  de  Pères ,  de  tant  de  Théolo- 
giens ,    de  tant  de  Cafuiiles  ,   à  laquelle  vous 
vous  êtes  conlàcré.     Je  tâcherai  de  remédier  à 
cet  inconvénient  par  une  raifon  qui  ne  deman- 
de aucune  le<£lure ,  8c  qui  eft  d'une  efpece  toute 
(i)  Ci-       particulière  ,   comme  je  vous  l'ai  déjà  (2)  dit. 
deflus         Mais  avant  que  d'en  venir  là,  je  prévois  que  je 
pag.12,       yous  dirai  encore  bien  d'autres  chofes. 

A..,,  le  2.  de  Mai,  1681. 

§,  XLV. 

yi.  Raifon:  ^e  la  ferfuafon générale  des  peu- 
ples n'efc  d'aucun  poids  pour  prouver  les  mau- 
'vaifes  influences  des  Comètes, 

JE  n'ai  pas  encore  épuifé  les  raifons  Philofb- 
phiques ,  car  en  voici  encore  une,  Monfieur, 
qui  n'eft  pas  peu  confiderablc.  On  peut  ajou- 
ter en  lixiéme  lieu  ,  qu'on  ne  prefcrit  pas  con- 
tre la  vérité  par  la  tradition  générale,  8c  par  le 

con- 


Penfées  diverps.  %l 

confentement  unanime  des  hommes  :  autre- 
ment il  faudroit  dire  que  toutes  les  fuperftitions 
que  hs  Romains  avoient  apriiès  des  Tofcans 
iur  le  fait  des  augures  oc  des  prodiges,  Se  tou- 
tes les  impertinences  des  Paiens  fur  le  chapitre 
de  la  divination ,  etoient  autant  de  veritez  incon- 
teftables  ,  puiique  tout  le  monde  en  étoit  auflx 
prévenu  que  des  prelages  des  Comètes.  Il  fau- 
droit dire  que  le  Diable,  qui  eft  le  peredumen- 

fon<^e    félon    le  témoignage  de  (i)    Tesus-  ^V     .'^ 
„.   ^  ,  &     P  1        •'       1         eu  venta* 

Chris  T,  a  rendu  neanmoms pendant  une  Ion-  {^  eo, cura 

gue  fuite  de  iiecles  ,    des  oracles  pleins  de  veri-  loquicur 
té  ,   de  iîncerité  6c  de  fidélité  ;  car  il  a  été  un  menda- 
tems  où  toute  la  terre  rendoit  honneur  &  hom-  cium,  ex 
mage  a  cqs  oracles.     Il  ne  1èr oit  pas  polfible  de  fo'qmtur  ♦ 
repondre  à  ce  railbnnement  raporté  par  (i)  Ci-  quia  men» 
ceron  ,  ^te  jamais  l  oracle  de  Delphes  m  fût  de-  dzx  eft  Se 
verni,  ji  ceLcbre,  ^  ojie  jamais  tous  les  peuples  ^  p^ter  ejus. 
tous  les  Rois  n'y  euffent  envoie  tant  de  pYefem ,  jt  r/^'^^fl  * 
tous  les  jie clés  ncujj'ent  expérimenté  la  vérité  de  cap.  8.' 
fes  reponfes.    Cela  paroît  aiîèz  plaufible,  8c  l'Au-  v.  44. 
teur  de  cette  peniée  ne  croit  pas  qu'après  une 
raifon  de  cette  force,  il  ibit  necefîàire  de  jufli-  (^)  De- 
fier  ,    comme  avoit  fait  le  Philolbphe  Chrylip-  ^^"'io 
pus ,  par  des  témoignages  bien  autorilèz,  qu'A-  na^quam" 
poilon  avoit  rendu  une  infinité  de  vrais  oracles,  iHud  Ora- 
Mais  ce  n'eft  rien  dans  le  fond ,  pourvu  qu'on  culum 
nie  le  principe  fur  lequel  ce   raifonnement  ell:  Deîphis 
apuié ,  lavoir ,  c^ue  les  opinions  généralement  éta-  ^^^  ^    ■ 
blies  font  vraies^  ôc  qu'on  ràiiè  voir  qu'il  n'y  a  jam  cla- 
rien  de  plus  faux  que  cette  maxime  ,    par  l'e-  rum  fuif- 
xemple   même   de   l'oracle   d'Apollon  que  l'on  fet,  nequc 
confjitoit  de  toutes  parts  ,   quoi  que  fes  repon-  t;ntis  do- 
ies  ambiguës  eulïènt  été  un  piège  funelle  à  plu-  jùrn  ^  ^^* 
fleurs  nations  ,    8c  ne  fuifent  après  tout  qu'une  omnium 
impofture  abominable.     Il  n'eft  pas  d'ailleurs  p^pulo- 
fort  diificiie  de  prouver  qu'on  nie  ce  principe  '■^•'^  ^^"e 
avec  raiibn  ,     car  on   découvre  tous  les  jours  ^if,'""^  '• 
mille  bévues  dans  les  opinions  les  plus  gênera-  ^xxi  oral* 
D  _f  les, 


eulorum 
illorum 
veritatem 
effet  ex- 
perta. 
Cicer.  de 
Divinat, 
kb.  I. 


82  Penfées  diverjes, 

les  ,  comme  font  par  exemple  ,  celles  qui  re- 
gardent la  Canicule.  Non  feulement  la  raifon 
nous  montre  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  faux  que  la 
prétendue  chaleur  de  cet  afterifme,  mais  l'expé- 
rience auffi  nous  fait  voir  ,  quand  on  iè  donne 
la  peine  d'y  prendre  garde,  qu'il  arrive  plus  fou- 
vent  ,  que  le  mois  d'Août  n'efl  pas  le  plus  chaud 
de  toute  l'année  qu'il  n'arrive  qu'il  le  ibit. 

§.   XLVI. 

exemples  de  qu^lcjues  opinions  générales ,  qui  font 
faujfes. 

Ce  qu'on  a  coutume  de  dire  de  certains  re- 
mèdes ,  qu'il  faut  y  avoir  de  la  foi  fi  l'on  veut 
qu'ils  fallênt  leur  effet ,  iè  peut  apliquer  à  quan- 
tité de  traditions.  Voulez-vous  n'en  être  pas 
deiàbufé  ,  croiez-les  fans  les  examiner  ,  car  fj 
vous  vous  amuièz  à  vous  en  éclair cir  par  vous- 
même  avec  un  eiprit  difficile,  vous  trouverez 
bientôt  que  l'expérience  ne  s'accorde  pas  avec 
la  voix  publique.     En  voici  des  exemiples. 

S'il  y  a  àts  corps  celeftes  dont  ks  influences 
puiflênt  être  de  quelque  vertu  à  l'égard  de  la  ter- 
re ,  c'eft  fans  doute  la  lune  à  caufè  qu'elle  en  eft 
fort  proche,  Auffi  eft-on  fort  perfuadé  qu'elle 
dl  caufe  de  bien  des  choies.  C'eil  elle  qui  fait 
croître  &  décroître  la  moiielle  6c  la  cervelle  des 
animaux  :  qui  ronge  les  pierres  :  qui  règle  le 
froid  &.  le  chaud ,  les  pluies  £c  les  orages.  Car 
fi  le  tems  efi  à  la  pluie  lors  qu'on  a  nouvelle  lu- 
ne ,  ne  vous  attendez  pas  à  voir  revenir  le  beau 
tems  avant  que  la  lune  foit  pleine.  Si  alors  la 
pluie  ne  celle  pas ,  faites  vôtre  compte  qu'elle 
durera  jufqu'au  renouveau  de  la  lune  :  &  ainiî 
de  la  iècherelîè,  de  la  gelée,  &c.  par  la  raiibn, 
que  c'eft  aux  conjonâions  &  aux  opoiîtions  de 
k  lune  qu'il  apartient  de  changer  le  tems.    Et 

de 


Penfées  diverjes,  ^9' 

de  là  vient  que  parce  que  dans  la  converiàticn 
on  retombe  tort  fouvent  fur  le  difcours  de  la 
pluie ,  du  froid  ,  de  la  fecherefle ,  ou  de  choies 
ièmblables  ,  on  entend  ii  fouvent  ceux  qui  ie 
plaignent  du  tems  qu'il  fait  ,  s'entreconlbler 
par  l'efperance  de  la  nouvelle  ou  de  la  pleine  lu- 
ne, qui,  à  ce  qu'ils  prétendent,  y  aportera  du 
changement.  Vous  ne  me  nierez  pas  ,  Mon- 
Ceur  ,  que  ce  ne  fbient  là  de  ces  fentimens  qui 
font  de  tout  pais ,  6c  communs  à  toute  forte  de 
perfbnnes. 

Cependant   ceux  (  i  )  qui  ont  pris  la  peine  r  ,  y,^ 
20.  &  30.  années  de  fuite  d'examiner  la  moiiel-  Rohault'a» 
le  à^s  anim.aux  ,    ont  remarqué  qu'en  quelque  Phyf.i. 
état  que  foit  la  lune  ,    on  trouve  des  os  qui  ont  P^rt. 
beaucoup  de  moiielle  ,     8c  d'autres  qui  en  ont  f^^*  ^J" 
fort  peu  :   ce  qui  fait  voir  que  la  lune  n'a  point  Penf^ch? 
de  part  à  tout  cela  ,   non  plus  qu'à  la  plénitude  iS.part.j; 
plus  ou  moins  grande  des  écrevices  ôc  des  hui- 
très ,    car  on  a  remarqué  auifi  qu'elle  ne  roule 
point   félon  les    viciffitudes   de  la  lune ,    quoi 
qu'en  difè  l'erreur  populaire.     Je  dis  la  même 
choie  touchant  le  changement  du  tems  ,    6c  je 
foutiens  après  y  avoir  Ibuvent  pris  garde,  qu'il 
n'eft  affeâé  à  aucun  état  de  la  lune  que  ce  puif^ 
fê  être,  8c  qu'il  n'y  a  aucun  jour  dans  le  mois 
lunaire  où  le  pafïàge  de  la  pluie  au  beau  tems , 
du  dégel  à  la  gelée,  par  exemple  ,   iè  faffe  plu- 
tôt que  dans  tous  les  autres.    Si  nous  avions  des 
obièrvations  bien  iuivies,  nous  trouverions  que 
la  température  de  l'air  iè  conforme  ii  peu  à  la 
nouvelle  ou  à  la  pleine  lune  ,    qu'on  compteroit 
autant  de  mois  où  le  tems  a  été  (ce ,  quoi  que 
le  retour  de  la  lune  eût  été  pluvieux  ,    que  de 
mois  pluvieux   après  un  retour  de  lune  plur 
vieux  ,  6c  au  contraire  :  tant  il  eil  vrai  que  les 
changemens  du  tems   ne  fuivent  aucune  règle 
qui  nous  foit  conuè.   Il  me  ièroit  aifé  de  mon- 
trer que  k  raifon  eft  en  ceci  tout-à-fait  contre 
D  6  k 


^4  P  en  fée  s  diverjès, 

le  lentiment  commun  :  mais  j'aime  mieux  me 
ièrvir  de  l'expérience,  8c  mettre  en  fait  que  il 
Ton  y  prend  bien  garde  ,  on  la  trouvera  con- 
traire à  ce  que  tour  le  monde  débite  ■-,  8c  fur  ce- 
la je  remarque  qu'il  n'efl:  pas  étonnant  qu'une 
erreur  devienne  générale  ,  vu  le  peu  de  foin 
qu'ont  les  hommes  de  confulter  la  railbn,  quand 
ils  ajoutent  foi  à  ce  qu'ils  entendent  dire  à  d'au- 
tres ,  8c  le  peu  de  profit  qu'ils  font  des  occafions 
qui  leur  font  offertes  de  &  détromper. 

Permettez- moi  de  vous  demander  ,  Mon- 
iteur ,  ii  vous  avez  jamais  pris  garde  à  cette 
multitude  d'Auteurs  ,  qui  ont  dit  les  uns  après 
les  autres  ,  quun  homme  pefe  plus  à  jûn ,  qu'a- 
cres le  refais  ;  qu'un  tambour  de  peau  de  brebis  fe 
cre-ve  au  Çon  d  un  tambour  de  peau  de  loupj  que 
les  vipères  font  mourir  leurs  mères  en  fortant  de 
leur  ventre ,  0>  donnent  occafon  à  la  mort  de  leurs 
J)eres  au  premier  moment  qu'elles  font  formées  , 
Se  plufieurs  autres  chofes  de  cette  nature.  On 
ne  s'eft  pas  contenté  de  raporter  cela  comme 
des  faits  avérez  ,  on  a  pris  encore  la  peine  d'en 
chercher  la  caulè,on  a  fait  des  exclamations  là- 
deflus  à  perte  de  vue  ,  les  moralitez  ont  été  de 
la  partie  ,  les  Avocats  s'en  font  fait  honneur 
dans  le  Barreau  ,  les  Prédicateurs  en  ont  tire 
mille  belles  comparai&ns ,  on  a  donné  dans  les 
Claiîès  une  infinité  de  thèmes  fur  ce  fujet.  Ce- 
pendant ce  lont  toutes  chofès  contraires  à  l'ex- 
périence ,  comme  l'ont  vérifié  ceux  qui  ont  ea 
la  curiolité  de  s'en  éclaircir. 

§.  XLVII. 

^elle  efi  U  véritable  canfe  de  VatUorité  d'um 
opinion. 

Il  paroît  de  là  que  les  Savans  ibnt  quelque- 
fois une  auflî  méchante  caution  que  le  peuple. 


PenÇées  dlverfes.  85 

5c  qu'une  tradition  fortifiée  de  leur  témoignage 
n'eft  pas  pour  cela  exemte  de  faufîèté.  Il  ne 
faut  donc  pas  que  le  nom  6c  le  titre  de  Savant 
nous  en  impofè.  Que  favons-nous  fi  ce  grand 
Do6teur  qui  avance  quelque  doârine  a  aporté 
plus  de  façon  à  s'en  convaincre ,  qu'un  ignorant 
qui  l'a  crue  fans  l'examiner  ?  Si  le  Dotleur  en  a 
jrait  autant  ,  fa  voix  n'a  pas  plus  d'autorité  que 
celle  de  l'autre  ,  puis  qu'il  eft  certain  que  le  té- 
moignage d'un  homme  ne  doit  avoir  de  force, 
qu'à  proportion  du  degré  de  certitude  qu'il  s'eil 
acquis  en  s'inftruiiànt  pleinement  du  fait. 

Je  v^ous  l'ai  déjà  dit ,  5c  je  le  répète  encore  i 
un  icntiment  ne  peut  devenir  probable  par  la 
multitude  de  ceux  qui  le  fuivent  ,  qu'autant 
qu'il  a  paru  vrai  à  plufieurs  indépendamment  de 
toute  prévention  ,  &  par  la  feule  force  d'un  exa-  ^ 

men  judicieux  ,  accompagné  d'exactitude  ,   6c  w 

d'une  grande  intelligence  des  choies  :    6c  com- 
me on  a  fort  bien  dit ,    qu'un  (i)  témoin  qui  ,  »p,    . 
a  vu  efl  plus  croiable  que  dix  qui  parlent  par  eit  ocub- 
ouï  direion  peut  auffi  afTùrer  qu'un  habile hom-  tus  refti» 
me  qui  ne  débite  que  ce  qu'il  a  extrêmement  me-  ""^s» 
dite  ,    6c  qu'il  a  trouvé  à  l'épreuve  de  tous  fes  ^"?^  ^^ 
doutes,  donne  plus  de  poids  à  {on   ièntiment,  J-^^  ^" 
que  cent  mille  eiprits  vulgaires  qui  iè  fuivent  Piaut, 
comme   â^ts  moutons  j  6c  iè  repoiènt  de  tout 
fur  la  bonne  foi  d'autrui.     Et    c'efl  à  caufe  de  (1)  Vt 
cela  fins  doute  que  Themiftius  6c  Ciceron  ont  ^P'^^  ra- 
declaré  fi  nettement  ,    le  premier  qu'il  croiroit  pj^"""^ 
plutôt  à  ce  que  Platon  lui  feroit  entendre  d'un  j^^^  affer- 
figne  de  tête  ,  qu'à  ce  que  tous  les  autres  Phi-  ret,  vide 
lofbphcs   lui  affirmeroienr  avec  ferment  :    8c  le  <î"id  bo- 
dernier ,  que  la  feule  autorité  de  Platon  fans  au-  f^^"'  ^"' 
cune  preuve  briièroit  toute  l'increduHté  de  fon  ;nn"l'  ,„ 

f    ■    ^/   V  ipia    auto- 

5%lt.  (2>  ritace    me 


frangeret , 
Tufcu- 
Lin.  3. 


D  7  §.  XLVIIL 


Z6  Tenfées  diverjès. 

§.  XLVIII. 

^«'/7  ne  faut  pas  juger  en  Philofophie  par  la  plu-* 
r alité  des  'voix. 

Je  n'apjwouve  pas  ces  manières ,   mais  j'en 
reviens  toujours  la  ,   qu'il  ne  faut  pas  compter 
\ts  voix ,  qu'ii  faut  les  pefer ,  Se  que  b  méthode 
de  décider    une   controverle   à  la  pluralité  des 
(i)  Sed^    voix  ,   eft    fujette  à  tant  (i)  d'injuftices,  qu'il 
bus  ^ifuni  "^  ^  ^^^  rimpolTibilitë  de  faire  autrement  qui 
eft,nume-  ^^  l'ende  légitime  en  certains  cas.     Vous  voiez 
rantur        aiîèz.  d'où   naît   cette  impollibilité  i    c'eft  qu'il 
enim  fen-  n'y  a  perfonne  fur   la  terre  qui  puiiîè  determi- 
tentix  non  j^^j,  ^^  j^^^  combien  un  fuftage  vaut  plus  que 
ti^nec^'  ■^^^tr^>  S"^i  ^^t  ni  ia  jurifdidtion  ni  les  lumières 
jQll  in      necelîàires  pour  réduire  les  ,  opinions  des  mem- 
publico  *   bres   d'une   compagnie  ,     chacune  à  fon  jufte 
coiiû^io       prix,  de  forte  qu'il  faut  neceiîàirement  tolérer 
pote     ne-  ^^^  Yunç.  vaille  autant  que  l'autre  dans  certains  cas. 
ni'hil  eil      ^^^^^  P"^^^  S"^  ^^^  controverfes  de  Philofophie 
tam  ina-    ne  ibnt  pas  de  cette  elpece,  il  nous  efl  fort  per- 
quale,        mis   de  compter   pour  rien  les  fùfïrages  d'une 
quatn         infinité   de    ^ens  crédules    8c  fuperflitieux ,  & 
ipla,  nam    d  aquiefcer  plutôt  aux  raifons  d  un  petit  nom- 
cùnî  ûc      t)re  de  Philofbphes.      Ainiî  ,    Monfieur  ,     fins 
impar        avoir  égard  à  vôtre  vo.\  populi ,  i-ox  Dei,  afo- 
prudentia,  rifme   qui  autoriferoit  les  penfées  les  plus  ri- 
par  om-     ^^i^ules  ,     lî   on  le  fuivoit  j   je  fèrois  fort  d'a- 
eft.  Pli-     ^^s   ^^  ^^  examinât  premièrement  s  il  elt  vrai 
»/«s  epij,    que  ks  années   qui  ont  fuivi  de  près  les  Co- 
la. /.  i.      raetes  aient  toujours  été  remarquables  par  des 
évenemens  plus  tragiques  que  ceux  qu'on  voit 
arriver   dans   d'autres  tems.     Si   l'on   trouvoit 
que  la  chofè  fut  ainii ,  on  poufTeroit  fcs  recher- 
ches plus  loin,  &  Ton  examineroit  quelle  peut 
être  la  caufè  delà  liaifbn  de  ces  évenemens  tra-   : 
giques  avec  les  Cometeî.  Si  l'on  trouvoit  que  la 

chofè 


Tenfées  diverfes,  87 

choie  fût  autrement  ,  on  tâcheroit  de  defabulèr 
le   monde  de  fes    faulîes   imaginations    fur  ce 
point-là ,  &  l'on  ne  feroit  pas  plus  de  cas  de  la 
fauflèté  ,   ibus   prétexte  qu'elle  fèroit  répandue 
par   tout  le  monde  ,   que  fi  elle  n'étoit  que  la 
maladie  de  deux  ou  de  trois  perfonnes.    Auflî 
bien  ,   comme  le  remarque  Ciceron  ,    (i)  n'y  (i)  An 
a-t-il  point  d'apparence  de  faire  cas  d'un  juge-  quicquam 
ment  rendu  par  une  multitude  de  perfonnes,  ^^'""s 
dont  chacune  priiè  à  part  eft  fi  peu  capable  de  fingu]os"°* 
connoître   la   choie,   que   fon  fentiment  n'eft  ficuc  ope*, 
d'aucune  coniideration.  rarios, 

barba rofl 

^-    ^^^^'  temnas, 

eos  aliquîd 

Combien  il  e(i  ridicule  de  chercher  les  cnufes  de    pmare  efie 

ce  qui  n'efi  poinf.  univerfos? 

Cet  ordre  eft  aiîùre'ment  plus  naturel ,  8c  d'u-  ^afi,  '^*, 
ne  plus  grande  commodité  ,  que  celui  par  le- 
quel on  cherche  ce  que  c'eji  qu'une  chofe  ,  avant 
que  d'avoir  vuidé  la  queflion  ,  fi  elle  exijîe  'vé- 
ritablement. Il  y  a  tant  de  choies  effeâ:ives  dont 
la  recherche  peut  occuper  nôtre  étude ,   qu'on 
ne  iàuroit  trop  blâmer  ceux  qui  emploient  leur 
tems  à  trouver  la  raiibn  de  ce  qui  n'efl  pas,  8c 
qui  iè   plaiiènt  à  faire  diveriîon  des  forces  de 
leur   eiprit  au  préjudice  de  la  vérité  ,    comme 
ce  (2)  Philoibphe  qui  aprit  avec  chagrin  que  la  ft)  Voiei 
laine  qu'on  voioit  iùr  des  figues  aportées  fur  la  ^^'  EfTais 
table,  venoit  de  quelques  brebis  qui  s'étoient  ac-  ,.^  Mont, 
crochées  à  un  buiiîbn  planté  au  pied  du  figuier,  châp/ 12. 
parce  qu'il  perdoit  par  là  le   fruit   d'une  aiîèz  où  ceci  eiî 
longue  rêverie  ,    8c  la  gloire  d'avoir  imaginé  à  attribué 

force  d'y  penfer  une  raiion'qui  montrât  com-  ^  P^^'O" 

^     \^   -,  ■  .     '  /     ^     1    •  ente  un 

ment  cette  lame  avoit  ete  produite  par  un  ar-    ^^  j^i-e* 

bre.     Je  voudrois   pour  l'amour  de  Plutarque  ment. 

qu'il    eût   repondu  à  la  queflion  ,    Fourquoi  les 

puhins  qui  ont  été  courus  du  loup  deviennent  meil- 

leurs 


*  88  Penfées  diverjes. 

(\)  Part,    leurs  counurs  que  les  autres  ,    ce  que  (r)  TAii- 

3.  chap.  teur  de  l'Art  de  penfer  lui  fait  dire  fort  fpiri- 
'*•  tuellement  ,   que  c'eil  parce  que  peut-être  cela 

n'efl  pas  vrai.     Mais  aiant  lu  &:  relu  Toriginal 

du  8.  chap.  du  2.  livre  des  propos  dé  table,  dans 

lequel  cette  qucltion  clr  examinée  ,    je  n'y  ai 

(2)  Lib.     point  trouvé  cette  reponfe.     C'cfc  dans  (2)  Se— 

4.  natu  neque  que  j'ai  trouvée  quelque  cholè  de  fort 
rai.  qusft.  ^prochant  lur  un  fujet  aiïez,  curieux  ,  fàvoir 
*^^*  '^'        lut  la  fuperftition  des  habitans  de  Cleoue  ville 

du    Pcloponelé  ,     qui   commettoient    certaines 
peribnnes  pour  prendre  garde  s'il  devoit  grêler, 
&  pour  en  avertir  le  publier  parce  que  fur  i'avis 
qui  en  étoit  donné,  chacun  oiÎToit  promtement 
quelque  facrince  ,  ou  le  fiifoit  queiqae  incifion 
à  la  main,  6c  detournoit  ainh  la  grêle  de  defliis 
ion  champ.     On  raiibnnoit  fur  cela  ,   Se  quel- 
ques-uns le  tourmentoient  fort    pour    trouver 
la  caulè  qui  faifoit  qu'une  petite  incifion  con- 
traignoit   les   nues   à   reculer   ou  à  fe   detour- 
r  1  O' an-  "^^''  ^^^  '^^  combteii  t'aloh-il  mieux  ,   dit  Sene- 
toexpedi-  9'^^  '    fiutenir  que  c' étoit  une  fouriierie ,  ^^  ung 
tius  erac      falfle  ? 

dicere ,  Montagne  ,   de  qui   Meflîeurs  de  Port-Roiaî 

^^"  &      qui  ne  font  gueres  de  ks  amis ,  difent  (4.)  quel- 


cium 


fabula  eft?  ^^^  P^^^  '    ^^^^  'fi'di^^nt  jamais  conu  les  véritables 
grandeurs  de  l  ho-mme^  il  en  a  ajfez.  bien  conii  les 
(4)  Dans    défauts  ■■,    eft  en  ceci  du  fentiment  de  Seneque. 
l'Art  de      Ecoutez-le  parler  en  fon  vieux  Gaulois  ,   qui  3 
a%aYc!       iouvent  plus  de  grâces   ,     que  les  périodes  le» 
chap»  19.    pl'is  étudiées  de  nos  puriftes.  (f)  ^e  revajfois 
prefenteme?2it  com?ne  je  fais  fouvent ,  fur  ce  ,  com- 
(5-)Eflai$    ^;>;2  l  humaine  raifm  efi  un  inflrument  libre  ^ 
c^pl\i,    '^^è^^'     7^   "^^'-^   ordinairement  que  Us  hommes  t 
aux  farts  qu'on  leur  propofe ,  s'amufent  plus  vo- 
lontiers à  e,s  chercher  la  raifon ,  qu'a  en  chercher 
la  vérité.     Ils  paffent  par  deffus  les  prefupoftions, 
m^.ts  ils  examinera  curieuf-ment  Us  coiifeqacnces, 
ils  latjj'em  ki  chofes,^  cmtmt  (*HX  caufes.  Fiai- 

fmis 


Tenfées  Mverjès.  S  9 

fans  Cftufeurs.  Ils  commencent  orà'mairement  ain- 
fii  comment  eji-ce  que  cela  fe  frit?  Mais  ,fe  frit- 
il,  fr.udroit-il  dire i  Je  trouie  quafi  par  tout  qu'il 
faudroit  dire,  il  n'en  eft  rien,  ^  cmflûierois foUr- 
vent  cette  reponfe,  mais  je  n'ofe ,  Sec. 

Il  y  a  bien  des  gens  qui  font  ce  que  dit  Mon- 
tagne ,  qui  laiiîènt  les  chofes  ,  6c  courent  aux 
cauies  ;  c'étoit  le  défaut  d'Avicenne ,  grand  Mé- 
decin en  raifonncment  ,  mais  fans  expérience. 
Pourvu  qu'une  choie  ne  lui  parût  point  impli- 
quer contradi<£tion  ,  cela  lui  fuffilbit  pour  en 
faire  l'objet  de  fès  études  ,  encore  qu'elle  n'eût 
jamais  été'.  Il  y  avoit  du  tcms  de  Galien  plu- 
sieurs Médecins  frapez  de  la  même  m.aladie,qui 
raiibnnoient  6c  qui  diiputoient  à  perte  de  vue 
fur  des  choies  qui  ne  furent  jamais.  Par  exem- 
ple ,  ils  iè  dcnnoient  bien  de  la  peine  pour  trou- 
ver la  raiibn  qui  faiibit  qu'il  ne  iè  forme  point 
de  cal  aux  fraélures  de  la  tête  ,  (i)  Vous  êtes  (1)  Tla- 
bien  de  loijir ,  leur  dit  Galien,  c^  bien  ridicules,  p«f*V'"*'' 
de  rendre  raifon  d'une  chofe  qui  n'arrive  pas,  car  ?,ff  ^ 
il  ejifrux  que  ces  fractures  ne  fe  refrènent  ^  ne  r.,; . '...;-- 
fe  r endurcirent  foint. 


u  L. 


ftç-ê  ruv 
XK  cvrav 


...  1/1  y.iyUV  OLl- 

Superjtitions  des  Anciens  tour  les  eclipfes.  rrUç.  Ga- 

len.  lib.5. 

Je  croiois  avoir  tout  dit ,  mais  je  m'aperçois  ^f^' 
que  j'ai  oublié  une  remarque  ti  ès-eifentielle ,  ■^*^* 
agréez  donc  que  je  ne  vous  laifTe  pas  ii-tôt.  Le 
fait  eft  qu'on  iè  forme  encoie  aujourd'hui  une 
idée  afïreuiè  des  éclipics  ,  comme  fi  c'étoient 
les  preiàgcs  des  plus  funeftcs  afïlidtions.  Les  an- 
ciens Païens  avoient  là-deilus  d  étranges  pen- 
fées.  Vous  en  verrez  des  exemples  dans  la  i'uite 
où  j'en  parie  par  occalion  ,  mais  en  voici  qui 
ne  ibnt  deftincz  qu'à  cela. 

Nicias  General  de  l'armée  que  les  Athéniens 

avoient 


po  Penfées  diverfes:, 

avoient  envoiée  en  Sicile  ,    fè  vit  réduit  aprè^ 
pluiieurs   pertes  à  prendre  le  parti  de  s'en  rer 
tourner  en  Grèce.  Toutes  chofes  aiant  étéiàge- 
ment  préparées  pour  lever  l'ancre  uns  que  leç 
ennemis  s'en  aperçuflènt ,   il  furvint  une  écîiplè 
(i)  Plu.     de  lune,     (i)   Nicias  au  lieu  de  profiter  d'une 
tarch.  in     occailon  11  favorable  de  faire  ià  retraite  à  l'in- 
ejus  vira,    ç^  j^^  ennemis ,  fe  trouva  fàifi  de  tant  de  crain^- 
te  fuperftitieufè  ,  qu'il  nofà  branler  de  fon  poA 
te.     Il  fut  d'avis  au  contraire  ,  qu'avant  que  de 
partir  on  laiflât  patîèr  toute  une  révolution  du 
cours  entier  de  la  lune  ,  ce  qui  étoit  beaucoup 
lus  que  n  en  demandoient  les  Devins  ,   qui  le 
contentoient  pour   l'ordinaire  qu'on   fût  trois 
jours   làns   rien  entreprendre  après  les  éclipfes. 
Mais    Nicias  qui  s'imaginoit  aparemment  que 
ks  influences  de  la  lune  prenoient  tout  à  la  fois 
leur  pli  ou  pour  un  mois   ,    ou  pour  quinze 
ours,  comme  prefque  tout  le  monde  fe  i'ima- 
^ine  encore ,  prétendant  que  le  tems  qu'il  fait, 
quand  on  a  nouvelle  lune  ou  pleine  lune  ,  rè- 
gle toute  la  lunaifon,  Nicias,  dis-je ,  ne  crut 
point   que  trois  jours  fuffiiîènt  pour  éviter  la 
perfecution   de  l'écliplè.     Il  eut  fujet  de  s'en 
repentir  ,   car  toutes  les  voies  de  le  retirer  lui 
furent  fermées.     Il  fut  pris  lui-même  ,  ôc  tou- 
tes lès  troupes  ruinées  en  diverfes  façons, 
(a)  Juf-         Tous   les   beaux   difcours  qu'Agathocles  (i) 
tin.  Hift.    fît  à  ît^  foidats  lors  qu'ils  furent  débarquez  en 
lib.  22.       Afrique  ,     ne  pouvoient  les  raflurer  contre  la 
terreur  qui  les  avoit  faifis ,  pour  avoir  vu  le  îo- 
leil  éclipfé  pendant  leur   voiage.     Par  bonheur 
Agathocles   le   trouva  moins  fuperftitieux  que 
Nicias  ,    ôc   plus  en  état  par  conlèquent  de  le 
fèrvir  de  fon  efprit.  Il  le  rendit  l'interprète  du 
prodige  ,   6c  avoiia  à  ^%  troupes  que  fi  Técliplè 
fut  Hirvenuë  avant  leur  embarquement,  le  pre- 
làge  leur  auroit  été  delàvantageux  j    mais  qu'é- 
tant lur venue  après  leur  départ ,  le  prelàge  le 

tour-. 


Penjees  cliver fes,  5>l 

tournoit  contre  ceux  à  qui  l'on  alloit  faire  la 
guerre.  Il  ajouta  que  les  écliplès  preiàgent 
toujours  le  changement  de  l'état  preiènt  à&^ 
choies ,  fi  bien  que  quant  à  eux  ils  avoient  lieu 
d'efperer  que  leurs  afïàires  ,  qu'ils  avoient  laif^ 
lees  en  très  -  mauvaife  pofltJre  en  Sicile,  s'ac- 
commoderoient  ,  Se  que  celles  de  Carthage  qui 
ctoient  très-floriflàntes ,  feroient  ruinées.  Il 
calma  leur  fraieur  par  ce  moien.  Cent  autres 
exemples  encore  plus  exprès  montrent  évidem- 
ment ,  que  \ts  éclipfes  ont  été  regardées  com- 
me àt^  preiàges  funelles. 

§.  LL 

Superflithn  des  Modernes  pour  les  éclipfes. 

C'eft  encore  le  fentiment  du  grand  nombre. 
Les  Hiftoriens  ne  font  guère  mention  des  éclip- 
fes ,  làns  ajouter  qu'elles  pronoftiquerent  la 
mort  d'un  tel  Roi ,  la  fedition  d'une  telle  Pro- 
vince ,  ou  quelque  malheur  fèmblable  qu'ils 
rencontrent  dans  leur  chemin.  Depuis  les  AC" 
trologues  faifèurs  d'almanachs ,  jufqu'à  ceux  qui 
ne  le  mêlent  que  des  horofcopes  de  qualité ,  il 
n'y  en  a  point  qui  ne  vous  dilè  que  les  éclip- 
lès prelàgent  la  guerre,  la  famine,  lapefte,les 
inondations  ,  la  mort  d'un  Grand  8c  telles  au- 
tres choies  ,  &:  ils  trouvent  en  cela  beaucoup 
plus  de  créance  ,  que  lors  qu'ils  predifent  fim- 
plement  la  pluie  ou  le  froid.  L'éclipfe  de  ib- 
leil  qui  arriva  le  iz.  d'Août  165-4.  devoir  à  leur 
dire  mettre  tout  fens  defTus  delfous.  Quelques- 
uns  ne  couchoient  pas  de  moins  que  d'un  de- 
luge  lèmblable  à  celui  qui  arriva  du  tcms  de 
Noé  ,  ou  plutôt  d'un  déluge  de  feu  qui  nous 
devoit  amener  la  fin  du  monde.  D'autres  le 
contentoient  d'un  boulcverfement  confiderable 
des  Etats ,  Se  de  la  ruine  entière  de  Rome.  On 

avoit 


pi  Penfées  dn'ef'Jês, 

avoit  fi  bien  épouvanté  les  gens ,  que  ceux  qui 
le  contentoient  de  iè  vouloir  enfermer  dans 
des  caves  ou  dans  des  chambres  bien  clofès , 
bien  échauffées  &  bien  perfumées  ,  pour  le 
mettre  à  l'abri  des  mauvaifes  influences  ,  par 
l'ordre  des  Medédns ,  croioient  être  en  droit 
de  iè  moquer  des  efprits  timides  ,  2c  de  faire 
les  efprits  forts.  En  efifet  en  comparaifon  de 
tant  d'autres  qui  craignoient  la  fin  du  monde , 
c'étoit  une  grande  force  d'efprit.  La  confter- 
nation  étoit  li  grande  ,  qu'un  Curé  de  la  cam- 
pagne ne  pouvant  fufîîre  à  confefîèr  tous  fès 
paroifTiens ,  qui  en  croioient  mourir  ,  fut  con- 
traint de  leur  dire  au  Prone  ,  qu'ils  ne  Ce  'prejfdf- 
fent  pas  tant ,  ^  que  l'éclipfe  avoit  été  remife  à 
la  quinzaine.  Ceft  ce  que  vous  pourrez  voir 
(0  Dîf-  dans  un  Hvre  de  Mr.  Petit  (i)  Intendant  des 
fertat.  Fortifications  ,  qui  étoit  habile  homme  fans 
Corn"  Tuperflition ,  &  qui  fe  bâtit  contre  l'erreur  po- 
p.  113,*      pulaire  avec  beaucoup  de  courage. 

Voilà  donc  les  Anciens  8c  les  Modernes,  les 
Paiens  8c  les  Chrétiens  parfaitement  unis  à  pen- 
lèr  que  les  éclipiès  prefàgent  de  grands  mal- 
heurs. Cependant  c'efl  une  penfée  très-faufîè, 
I.  Parce  qne  les  écliplès  ne  peuvent  point  faire 
de  mal.  1 1.  Parce  qu'elles  n'en  peuvent  pas 
être  un  ligne. 

§.  LU. 

^ue  les  éclipfes  ne  peuvent  point  cmfer  de" mal. 

Je  dis  qu'une  écliplè  Ibit  de  lune ,  Ibit  de 
Ibleil ,  ne  peut  point  faire  de  mal ,  parce  qu'el- 
le ne  fait  tout  au  plus  qu^em  pécher  que  la  terre 
ne  Ibit  illuminée  pour  un  peu  de  tems  ,  ce  qui 
ne  peut  être  d'aucune  confequence.  Vous  la- 
vez quelle  a  été  fur  cela  la  penfée  de  Pericles, 
l'un  des  premiers  hommes  de  l'antiquité.    31 

étoit 


Penfées  dlverfis,  95 

ctoit  prêt  à  faire  partir  pour  une  grande  expé- 
dition Ja  flotte  dont  il  étoit  General  ,  lors  qu'u- 
ne éclipiè  de  foleil  épouvanta  li  fort  ion  Pilo- 
te ,  qu'il  ne  fàvoit  plus  où  il  en  étoit ,    ni   ce 
qu'il   7   avoit  à  faire  :     (i)  Pericles  qui  avoit   ,  . 
été  délivré  de    toutes   tes  vaines  aprehenlions  tàrch'"'n 
par  le  Philofophe  Anaxagoras ,  étendit  ion  man-  ejus  vica. 
teau  devant  les  yeux  de  fon  Pilote  ,   &  lui  de- 
manda s'il  trouvoit  que  ce  fût  un  mal.     Non , 
repondit    le  Pilote.     Ce  n'eft   donc   point   un 
mal  ,  reprit  Pericles  ,   que  le  {olcil  ibit  éclipfé , 
car  toute  la   diflèrence  qu'il   y   a  entre    mon 
manteau  qui  te  dérobe  la  lumière  du  foleil  ,    8c 
k  corps  qui  caufe  réciipfe  ,    c'eft  que  celui-là 
eft  plus  grand  que  mon  manteau.     Cette  réfle- 
xion eft  tellement  de  la  compétence  de  tout  le 
monde  ,  qu'il  y  a  lieu  de  s'étonner  du  peu  de 
gens  qui  la  font. 

•  Il  n'y  a  perfbnne  qui  ne  foit  capable  de 
comprendre  ,  que  fans  faire  aucun  préjudice  à 
ià  iànté  ,  on  peut  être  des  jours  entiers  dans 
àzs  lieux  beaucoup  plus  obfcurs  que  les  ténè- 
bres de  la  plus  grande  éclipfe  ,  6c  qu'on  pour- 
roit  couvrir  ibus  des  tentes  fort  épaiilès  un 
poirier  ou  un  pommier  pendant  trois  ou  quatre 
heures  ,  iàns  craindre  que  les  fruits  ou  \qs 
feuilles  s'en  reflentilTènt  pour  tout  le  refle  de 
l'année.  Il  n'y  a  point  de  païian  qui  ne  voulût 
quelquefois  allonger  les  nuits  de  quelques  heu- 
res ,  afin  que  l'ardeur  du  fbleii  ne  vînt  pas  fi 
tôt  deflecher  les  biens  de  la  terre.  On  demeu- 
re d'accord  que  des  nues  très-épaiflès  ,qui  obi^ 
curcifîènt  l'air  pendant  cinq  ou  lix  jours  de  fui- 
te, plus  qu'une  éclipfe  de  foleil  de  cinq  ou  ilx 
doigts  qui  arrive  iàns  aucun  nuage  ,  font  quel- 
quefois très  utiles  à  la  récolte.  On  comprend 
que  fî  la  lune  s'amufoit  à  demeurer  un  iour 
entier  avec  le  foleil  lors  qu'elle  efl  nouvelle, 
(iinforte  que  pendant  2+.  heures  elle  n'eût  aucu- 


% 


94  Tenfées  diverfès, 

ne  clarté  pour  la  terre ,  cela  ne  caufèroit  aucun 
dommage.  Perfonne  n'ignore  qu'on  peut  fouf- 
frir  pour  un  jour  le  retranchement  du  boire  6c 
du  manger ,  ou  en  tout  ou  en  partie ,  fans  qu'on 
en  meure,  ou  qu'on  en  tombe  malade ,  ou  qu'on 
s'en  fente  à  deux  jour»  de  là  j  6c  d'ailleurs  on 
fait  fort  bien  que  ks  alimens  font  plus  necef* 
fàires  à  la  vie  que  le  foleil,  puis  qu'il  y  a  des 
nations  qui  paiîènt  commodément  plufieurs 
mois  de  fuite  fans  que  le  foleil  fe  levé  fur  leur 
Horifon.  Cependant  parmi  toutes  ces  lumiè- 
res on  ne  veut  ou  l'on  ne  peut  comprendre, 
que  la  lune  ou  l'ombre  de  la  terre  puillènt  in- 
tercepter pour  très-peu  de  tems  les  raions  du 
foleil  ,  fans  qu'il  en  arrive  des  defordres  infi- 
nis. On  s'imagine  même  que  la  malignité  de 
ces  ténèbres  va  choifir  un  Roi  au  milieu  de 
toute  fa  Cour  ,  &  le  diflinguant  de  toutes  les 
autres  perfonnes  ,  lui  caufe  à  lui  feul  une  ma- 
ladie mortelle ,  ce  qui  eft  d'une  abfurdité  ima- 
ginable. Y  a-t-il  rien  de  moins  fenfé ,  que  de 
voir  des  gens  qui  fè  retranchent  contre  les 
raions  du  foleil  par  toute  forte  d'artifices  ,  der- 
rière des  fenêtres  ,  des  volets  ,  6c  des  rideaux, 
qui  n'ofèroient  fortir  que  de  nuit ,  ou  fans  fè 
couvrir  d'un  mafque  6c  d'un  parafol ,  trembler 
néanmoins  à  la  penfee  d'une  éclipfè  ,  qui  n'eft 
a  proprement  parler  pour  certaines  fàifons  de 
Tannée  ,  qu'un  bon  office  que  la  lune  rend  à  la 
terre  en  lui  fèrvant  de  parafol  ? 

§.   LUI. 

,^e  les  édipfes  ne  pettvent  pas  être  le  figne 
d'aucun  mal. 

Voions  maintenant  û  à  tout  le  moins  les 
éclipfès  peuvent  être  un  figne  des  maux  qui 
affligent  le  monde,  Je  dis  que  non,  Monfieur, 

2c 


Penfées  diverfes,  95 

6c  c'eft  ici  que  je  vous  attens  ,  car  je  fài  que 
c'eft  la  dernière  refTource  de  ceux  qui  tiennent 
pour  la  malignité  des  éclipfes  6c  des  Comètes. 
Je  me  contente  pour  les  chalTer  de  ce  dernier 
retranchement,  de  dire  deux  chofes.  La  I.  eft 
que  les  éclipfes  font  un  eftet  d'un  ordre  ii  na- 
turel ,  qu'il  n'y  a  fi  petit  Aftrologue  qui  ne  pre- 
difè  l'heure  ,  le  jour  8c  l'endroit  du  ciel  où  el- 
les arriveront  ,  plufieurs  fiecles  avant  qu'elles 
arrivent.  La  1 1.  eft  qu'il  en  arrive  en  tout 
tems  ,  8c  en  tout  pais  ■■,  quelquefois  plus  de 
quatre  dans  une  même  année  5  fouvent  à  des 
heures  où  perlbnne  ne  s'en  aperçoit  ,  excepté 
des  gens  paiez,  pour  cela  5  fouvent  auffi  lors  que 
les  nues  empêchent  tout  le  monde  de  les  ob- 
ièrver. 

Je  trouve  bien  forte  la  L  de  ces  deux  rai- 
ibns  ;  car  enfin ,   Monfieur  ,   fi  les  éclipres  font 
une  fuite  necefiàire  8c  naturelle  du  mouvem.ent 
àçs  aftres  ,    elles  arrivent  independemment  de 
l'homme  ,  8c  iàns  aucune  relation  à  lès  mérites 
ou  à  iès  démérites  ,  8c  par  confequent  elles  ar- 
riveroient  tout  de  même  ,     foit  que  Dieu  ne 
voulût  point  châtier  les  hommes  ,     foit   qu'il 
voulût    les    châtier  ,    de  forte  que  ce  ne  peut 
point  être  un  figne  prccurlèur  de  la  juftice  di- 
vine.    De  plus  il  faut  renoncer  à  là  raifon  ,   ou 
demeurer  d'accord  qu'un  effet  de  la  nature  ne 
peut  être  le  figne  de  quelque  chofo  ,   fi  ce  n'eft 
lors  qu'il  produit  cette  chofe-là  ,   ou  qu'il  en 
eft  produit  lui-même ,  ou  qu'ils  dépendent  tous 
deux  d'une  mêm-e  caufe.     Nous   examinerons 
ailleurs  les  autres  manières  de  fignifier.     Pour 
le   prefont  je  me  contente  de  dire  ,     que.  les 
éclipfos  ne  lignifient  point  les  maux  à   venir , 
en  aucune  de  ces  manières,  puis  que  j'ai  mon- 
tré qu'elles  ne  font  point  la  caufo  d'aucun  mal. 
Ce  lèroit  abufcr  de  la  patience  d'un  habile  hom- 
me ,  que  de  lui  expliquer  ceci  plus  au  lon^. 

Mais 


P9  Penfées  diverjes. 

Mais  comme  je  me  fouviens  d'un  pafîâge  de 
(i)  En  la  (i)  Plutarque  ,  qui  porte  que  les  Philofbphes 
Tie  de  Pe-  qj^^-  ^q^^  ^ig  penfer  qu'en  expliquant  la  cauie 
^'''  ^*'         naturelle  d'un  effet  ,    on  lui  ôte  toute  fà  vertu 

fignificativc ,  j'en  toucherai  ici  quelque  chofè, 

§.  LIV. 

En  quel  fens  un  effet  naturel  efl  un  figne  de 
quelque  chofe. 

Je  dis  donc  que  pourvu  que  les  Philofbphes 
n'excluent  pas  les  évenemens  qui  dépendent  de 
cette  même  caufe  naturelle,  ils  ont  railbn.  Par 
exemple  ,   fî  aiant  trouve'  la  véritable  caulè  d^s 
mouvemens  de  certaines  bêtes  que  l'on  dit  pre- 
iàger  la  pluie,  ils  trouvoient  que  cette  même 
caufè  produit  la  pluie,  ou  qu'elle  a  une  liaifbn 
necellàire  avec  celle  qui  produit  la  pluie  ,     ils 
âuroient  tort  de  nier  ,   que  les  mouvemens  de 
CQ5  bêtes  preiàgent  la  pluie  j  autrement  ils  fe- 
roient   fort   bien  de   le  nier  ,    car  c'efl  fur  ce 
pied-là   que  l'on  a  raifbn  de  rejetter  les  fùperf- 
titions    des  anciens  Païens  ,  qui  s'imaginoient 
que  le  vol  d'un  oifeau  prefàgeoit  le  gain  ou  la 
perte   d'une   bataille.     Plutarque  ajoute  ,     que 
l'induftrie   des   hommes  fait    divers    ouvrages 
pour  lignifier  quelque  choie  ,  comme  il  paroît 
par  l'exemple  des  quadrans  :  d'où  l'on  peut  in- 
férer qu'encore  qu'on  iàche  comment  une  cho- 
ie iè  fait ,  on  ne  doit  pas  nier  qu'elle  n'ait  été 
faite  pour  être  le  figne  d'une  autre.    La  repon- 
iè  eft  aifée.     Les  hommes   peuvent  convenir 
d'un  certain  figne  comme  bon  leur  fèmble,  & 
iè  ièrvir  pour  cela  des  qualitez  naturelles  d'un 
corps,  desquelles  ils  lavent  le  principe  ;    mais 
ce  n'eft  qu'à  l'égard  des  chofes   qui  dépendent 
d'eux.     Par  exemple  ,   ils  peuvent  fe  Ièrvir  de 
l'ombre  d'un  quadran  ,   pour  lignifier  qu'il  faut 

aller 


1 


Penfées  diverfes.  97 

aller  au  fèrmon.  Ce  n'eft  pas  la  même  cholè 
pour  \es  évenemens  qui  ne  font  pas  en  leur 
puifîânce,  comme  font  la  pefle  ,  la  famine,  les 
viéloires  ,  &c.  11  n'y  a  que  Dieu  qui  puiflè 
nous  en  donner  des  prefages  ,  ou  en  nous  fai- 
fant  conoître  les  caufes  d'où  ces  évenemens 
dépendent  neceffai rement  ,  ou  en  nous  aver- 
tillânt  que  telle  choie  nous  efl  montrée  pour 
nous  avertir  de  tel  malheur.  Si  donc  ks  éclip- 
fes  étoient  des  prelàges  des.  maux  à  venir  ,  il 
faudroit  que  Dieu  nous  les  eût  données  pour 
lignes  ,  ou  en  nous  faiiànt  conoître  que  ces 
maux  dépendent  des  éclipfès  comme  de  leur 
caufo  naturelle  ,  ou  en  nous  diiànt  qu'il  veut 
que  nous  Ibions  avertis  de  nos  malheurs  par  le 
moien  des  éclipfès.  Dieu  n'a  fait  ni  lun  ni 
l'autre  ,  par  confèquent  les  éclipfès  ne  font 
point  des  lignes.  Il  eft  clair  que  Dieu  ne  nous 
a  point  fait  conoître  que  les  éclipfès  foient  la 
caufè  des  évenemens  qui  les  fuivent ,  car  ja- 
mais homme  n'a  conçu  clairement  qu'un  peu 
d'obicurité  foit  capable  de  troubler  toute  la  ter- 
re. IJ  eil  clair  aulfi  que  Dieu  ne  nous  a  point 
averti  qu'il  vouloit  que  les  éclipiés  nous  fer- 
viflènt  de  prefages  ,  non  feulement  parce  que 
cela  n'a  point  été  révélé ,  mais  aulfi  parce  que 
les  éclipiés  n'ont  rien  qui  nous  porte  raifonna- 
blement  à  \qs  prendre  pour  des  fignes  j  5c  c'efl 
ma  féconde  raifon. 

§.   LV, 

Kemnro>Hes  pour  conoître  fi  une  chofe  efi  un 
jtgne  envoie  de  Dieu. 

En  effet  quelle  aparence  que  Dieu  ait  choiiî 
pour  les  lignes  de  ics  ch^timens  ,  une  choie 
qui  arrive  des  quatre  &:  cinq  fois  l'année  ,  &: 
qui  le  plus  fouYcnt  ne  vient  a  la  coAoilfance  de 

Tom,  /,  E  pcr- 


9  s  Penfées  diverfii. 

perfbnne?  II  faut  que  ces  fignes  pour  avoir  de- 
quoi  faire  impreûion  iiir  des  créatures  raiibn- 
nabies  ,  foient  rares  ,  foient  deftinez  non  pas  à 
preiàger   \ts   incommoditez  ordinaires  qui  tra- 
versent la  vie  de  l'homme  tous  les  ans,  mais  à 
dénoncer  les  fléaux  dont  Dieu  viiîte  les  hom- 
mes dans  ià  plus  grande  colère.     Il  faut  qu'ils 
ne  paroilîènt  pas   dépendre    purement  6c  lim- 
plement  du  cours  naturel  des  caufes  fécondes , 
&  qu'ils  ne  fè  produifènt  pas  fous  des  nuages , 
ou  de  nuit  pendant  que  les  hommes  font  cou- 
chez.    Comment  ne  voit-on  pas  qu'une  chofè 
qui  arrive  tous  les  ans  ,  ne  peut  pas  moins  être 
priiè  pour  un  ligne  de  bonheur  ,  que  pour  un 
ligne  de  malheur  ?  Si  un  Hillorien  s'en  vouloit 
donner  la  peine ,  ne  trouveroit-il  pas  des  éclip- 
les  à  fà  polîe  pour  leur  faire  preiàger  le  maria- 
ge de  fon  Prince  ,  les  feux  de  joie  allumez  dans 
tous  lès  Etats  pour  la  nailiànce  de  £ts  enfans , 
les  vicSloires  remportées  fur  les  ennemis,  les  re- 
nouvellemens  d'Alliance  ,  les   Traitez  de  paix , 
la  ceflàtion  de  la  pefte  ,  la  gueriibn  des  peribn- 
nes  de  la  famille  Roiale  ,  6c  tout  ce  qu'on  apel- 
le  des  prolperitez  publiques.     J'ai  déjà  raporté 
(0  Ci-      (i)  quOrigene  fiit   mention  d'un    Philofophe 
deflus         qui  fit  un  livre  pour  montrer  que  la  plupart  des 
§•  4T'         Comètes  avoient  preiàgé  de  grands  bonheurs: 
il  feroit  encore  plus  aile  de  montrer  la  même 
chofe  touchant  les  éclipfès  j  6c  comme  on  dit 
(x)  Sex-    qu'un   (2)    Auteur   fort  verfe    dans   TAflroIo- 
tusabHe-  gje  aiant  dreffé  l'horofcope  de  tous  les  grands 
minga.        hommes  de  l'antiquité  ,   a  fait  voir  que  par  les 
règles  de  l'art  ils  dévoient  être  tout  autres  que 
l'Hiiloire  ne  les  reprefente  :   il  feroit  facile  de 
montrer  que  les  éclipiés  ont  été  fùivies  par  des 
évenemens  tout  differens  de  ceux  qui  les  doi- 
vent  fuivre  félon  ces   mêmes  règles.     Si  'vous 
voulez,  deviner  (difoit  autrefois  Martianus)   dues 
jufiement  le  contraire  de  ce  ciue  difent  les  Jijlrologues. 

§.  LVI. 


Penfées  diverjès.  p> 

§.    LVI. 

Aplication  aux  Comètes  de  ce  qui  a  été  dit  tou' 
chant  les  écUpfes, 

Si  vous  y  prenez  garde  ,  Moniieur  ,  je  n'ai 
rien  dit  contre  les  éclipres  ,  qui  ne  porte  coup 
contre  Iss  Comètes  ,  &c  c'eH:  la  raiibn  pourquoi 
j'en  ai  tant  dit.  Voulez-vous  vous  réduire  à 
foutenir  que  \ts  Comètes  ne  caufènt  point  les 
malheurs  qui  les  fuivent  ,  mais  feulement  qu'el- 
les les  preiàgent  ?  j'y  confens  ,  je  ne  demande 
pas  mieux  ,  ëc  je  vous  prépare  une  belle  tabla- 
ture fur  cela.  En  attendant  permettez-moi  de 
remarquer,  comme  j'ai  fait  touchant  les  éclip- 
iks  ,  que  les  Comètes  font  accompagnées  de 
quelques  circonilances  qui  les  empêchent  d'ê- 
tre des  preiàges. 

Elles  font   fort   fréquentes.     On  en  compte 
fept  depuis  l'an  1298.  jufqu'à  l'an  13 14.  Vingt 
bc  lix  depuis  l'an  ij-oo.  juiqu'à  l'an  1^4.3.  (i)  (i)  Volet 
Quinze  ou  fèize  depuis  l'an  lyj^.  jufqu'à  l'an  '?  T r  uc 
15-97.  Il  en  a  paru  tous  les  ans  pendant  plu-  romî^rs 
lieurs  années  de  fuite.    Ce  n'efl;  point  une  cho-  ^q  j^  noù- 
fo  fort  rare  d'en  voir  deux  dans  une  même  an-  velle 
née ,  foit  en  differens  mois  ,   foit  à  diftèrentes  Tcicnce 
heures  d'un  même  jour.   On  en  vit  quatre  tout  «^esComc- 
à  la   fois   l'an  ifi^.     On  en  compte  huit  ou 
neuf  pour  la  feule  année  1618.     Nous  croions 
nous  autres   qui  ne  fommes   pas  Aflronomes 
qu'il  n'en  a  point  paru  depuis  l'an  1665-.  juiqu'à 
16S0.  Cependant  il  en  a  paru  aux  Agronomes 
dans  les  années  1668.  1672.  1676.  £c  1677.  Il 
y  a  des  Comètes  qui  fe  vont  plonger  dès  le  fé- 
cond jour  dans  les  raions  du  foleil  ,    &  ne  pa- 
roiflènt  plus.     Il  cfl:  probable  même  qu'il  y  en 
a  qui  font  toute  leur  promenade  iàns  ie   faire 
>oir ,  à  cauiè  qu'elles  le  tiennent  toujours  au- 
'      E  2  prés 


100  Penjees  diverfes, 

près  de  cet  aftre.  De  ce  nombre  étoit  celle 
dont  parle  Seneque ,  que  Ton  vit  par  hafàrd 
pendant  une  écliple  de  foleil  ,  8c  qu'on  n'eût 
(i)  Mul-  point  vue  uns  (i)  cela. 
tosCome-  Avouez  moi,  Monfieur,  que  ces  cisconflan- 
tas  non  ces  ne  conviennent  gueres  à  un  ligne  que  Dieu 
^  d""h'  ^^^^  exprès  pour  nous  avertir  de  nos  malheurs, 
fcurantur  Faut -il  que  les  fignes  foient  li  frequens  ?  Ne 
radiis  fo-  perdent-ils  pas  leur  force  dès  qu'on  s'y  accou- 
lis,  quo  tume  ?  Et  fi  les  hommes  n'ont  pas  laiffé  de 
déficiente,  croire  que  ce  font  des  fienes  ,  quoi  qu'ils  en 
Comecen  ^^^"^^  ^"  vmgt-lix  dans  lelpace  de  quarante- 
apparuifîe  trois  ans  ,  n'efl-ce  pas  à  caufe  qu'ils  ne  font 
quem  fol  aucun  ulàge  de  leur  Raifon?  Faut-il  que  Dieu 
vicinus  nous  envoie  des  lignes  ,  qui  ne  font  reconnus 
%Q^^^^^'  pour  fignes  ,  que  parce  que  Ihomme  efl  igno- 
nius  tra-  ^^^^  ?  Pourquoi  tant  de  Comètes  en  une  mê- 
dic ,  Sens-  me  année  ?  N'eft-ce  pas  affez  qu'il  paroiflè  un 
calib.j.  ligne  d'une  certaine  efpece  en  même  tems? 
rtatural.      j^'iais  fur  tout  pourquoi  cqs  Comètes  ,   qui  ne 

^ap.  le.  ^°"^  ^^^^  ^^^  P^^  ^^^^  °^  ^^°^^  Agronomes? 
N'efl-ce  pas  un  figne  perdu  que  celui-là,  8c  qui 
Iruftre  la  Providence  des  "fins  que  l'on  dit  qu'el- 
le le  propofe  ?  Comment  fe  peut-on  imaginer 
que  Dieu  nous  envoie  des  fignes  invilibles  ,  ou 
que  voulant  les  faire  conoître  à  deux  ou  à  trois 
perfbnnes  ,  il  choififle  juftement  des  Agrono- 
mes qui  n'y  ont  aucune  foi,  Scqui  aiïïirément 
n'exhorteront  perfonne  à  la  rcpentance  ?  Pour- 
quoi fouffrir  que  des  fignes  qui  ne  peuvent  lèr- 
vir  aux  uiages  aufquels  on  les  deftine,  qu'en- 
tant qu'ils  font  vus  de  tout  le  monde  ,  te  jet- 
tent à  corps  perdu  dans  un  endroit  du  ciel  où 
le  foleil  les  rend  invifibles  ?  Examinez  bien  tout 
ceci ,  Monfieur  ,  8c  vous  verrez  que  la  provi- 
dence de  Dieu  infiniment  fage  ne  fait  pas  des 
inutiiitez  comme  celles-là. 

Ne  m 'allez  pas  dire  que  ce  n'eft  pas  à  nous 
à  glofèr  fur  ce  que  Dieu  tait  j  car  je  vous  aver- 
tis 


Penfees  diverjès,  lOî 

tîs  que  c'eil  une  chicane  toute  pure  ,  comme 
je  vous  le  montrerai  dans  la  fuite,  ReconnoijP 
ièz  plutôt  que  pour  fe  tirer  des  difficultez  que 
je  viens  de  vous  propofer  ,  il  faut  croire  que 
\ts  Comètes  font  des  ouvrages  de  la  nature, 
qui  làns  aucun  raport  au  boiilieur  ou  au  mal- 
heur de  l'homme,  font  portez  d'un  lieu  en  un 
autre  lèlon  les  loix  générales  du  mouvement, 
&  qui  s'aprochent  plus  ou  moins  du  foleil,  & 
paroiHènt  en  un  tems  plutôt  qu'en  un  autre, 
parce  que  la  rencontre  des  autres  corps  à  la- 
quelle Dieu  accommode  fon  concours  ,  le  de- 
mande ainli.  Et  comme  vous  ne  fàuriez  ibu- 
tenir  que  les  Comètes  qui  ont  paru  à  deux  ou 
à  trois  peribnnes  feulement ,  aient  été  àts  ii- 
gnes  ,  avouez  qu'il  y  a  des  Comètes  qui  ne  li- 
gnifient rien.  D'où  il  s'eniuit  qu'il  n'y  en  a 
aucune  qui  preiàge  quelque  choie  ,  parce  que 
la  diftérence  qu'il  y  a  entre  une  Comète  qui  ne 
paroît  pas  au  public  ,  6c  une  Com.ete  qui  paroît 
a  tout  le  monde  ,  coniifle  uniquement  en  ce 
que  l'une  efl:  plus  éloignée  de  nous  ,  ou  plus 
petite,  ou  plus  proche  du  foleil  que  l'autre,  ce 
qui  ne  fait  pas  une  diverfité  de  nature.  Au 
premier  jour  je  vous  écrirai  quelque  chofe  qui 
fera  plus  de  vôtre  relîbrt. 

A  ,  .  ,  ce  if.  de  Mai  y  ^68i. 


E  3  5.  LVir. 


Î02  Penfées  diverfes, 

§.  LVII. 

VII.  Raifon,  tirée  de  la  Théo- 
logie.    > 

^ue  fi  les  Comètes  itoient  un  prefage  de  mal- 
heur y  Dieu  auroii  fait  des  msracleSi  four  con^ 
firmer  l'idolâtrie  dans  le  monde. 


j; 


E  pourrois  ,  Moniîeur  ,  me  fervir  de  toutes 
ces  raiibns  Se  de  plufieurs  autres  encore  ,  8c 
\ts  fortifier  contre  toutes  les  objediions  qu'on 
me  pourroit  faire  :  mais  j  y  renonce  puis  que 
vous  n'êtes  prenable  que  par  desargumens  Theo- 
logiques.  En  voici  un  que  je  ne  me  Ibuviens 
pas  d'avoir  jamais  lu ,  &  qui  me  vint  dans  l'ef- 
prit  l'un  de  ces  jours  en  re veillant  les  vieilles 
idées  de  la  Comète  de  1665-. 

Un  Eccleliaftique  de  mes  amis  qui  avoit  fbu- 
vent  efîàie  en  vain  de  me  perfuader  ,  que  ce 
phénomène  étoit  de  mauvais  augure  ,  n'eut  pas 
plutôt  fu  la  mort  de  Philippe  IV.  Roi  d'Efpa- 
gne  ,  qu'il  me  vint  voir  exprès  pour  m'acca- 
bler  de  cette  grande  objeftion  ,  8c  débuta  par 
me  demander  d'un  air  triomphant  ,  ft  j' aurais 
encore  l'opiniâtreté  de  foutenir  après  un  tel  exem- 
ple ,  que  les  Comètes  ne  font  aucun  mal  au  mon- 
de? 11  y  a  beaucoup  d'aparence  qu'il  n'eût  pas 
été  fâché  de  me  pouvoir  dire  ,  pour  fortifier 
ion  objedlion  ,  ce  que  Mr.  de  Bafîbmpierre 
écrivit  à  Mr.  de  Luines  ,  l'an  1621.  peu  après 
B'irom-  ^^  mort  du  Roi  Philippe  III.  //  me  femble 
pierre  ^«^  ^^  Comète,  dont  nous  nous  moo^ions  ci  Saint 

AmbafTad.  Germain,  ne  s'efi  pas  moquée  ,  d'avoir  mis  par 
d'Efpa-  tgf^e  en  deux  mois  un  Pape,  un  Grand  Duc, Çf* 
^^^'  un  Roi  d'Efpagne;  car  comme  on  a  dit  des  rail- 

leurs de  profeflion  ,  qu'ils  aiment  mieux  per- 
dre 


Penfées  diverfei,  103 

drc  un  ami  qu'un  bon  mot ,  ceux  qui  font  en- 
têtez des  prelàgcs,  pourroient  bien  fouhaiter 
plutôt  la  mort  de  deux  ou  de  trois  Souverains , 
que  de  voir  la  nullité  de  leurs  prophéties  ,  à 
iexemple  de  ces  Médecins  qui  voient  de  mau- 
vais œil  la  guerifon  des  malades  qu'ils  avoient 
abandonnez. 

Je  repondis  à  mon  ami,  pour  m'accommo- 
der  à  fà  profelTion  ,  que  Dieu  ne  taiiant  rien 
en  vain  ,  n'avoit  point  fans  doute  montré  des 
Comètes  ,  ou  pour  avancer  la  mort  du  Roi 
d'Efpagne ,  ou  pour  la  prelàger  •■>  qu'un  Prince 
accablé  de  maux  8c  d'infirmitez ,  8c  qui  ne  vi- 
voit  depuis  afïèz  long-tems  qu'à  force  de  chi- 
caner le  terrain  contre  la  nature  ,  par  toutes 
les  inventions  de  la  Médecine  ,  pouvoit  afTuré- 
ment  mourir,  fans  qu'il  fût  befbin  afin  de  lui 
ôter  la  vie  ,  d'allumer  dans  les  cieux  un  corps 
cent  fois  plus  grand  que  la  terre  ,  8c  rempli , 
comme  la  boète  de  Pandore  ,  de  toute  forte  de 
malediâiions  j  8c  qu'il  étoit  fi  peu  necefîàire  que 
Dieu  avertît  le  monde  qu'il  vouloit  retirer  le 
Roi  d'Efpagne  ,  que  toute  l'Europe  s'étonnoit 
qu'il  eût  pu  refiilier  li  long-tems  à  fès  mala- 
dies. On  n'eut  rien  à  me  répliquer.  Paient 
reflexion  l'autre  jour  fur  cette  penféc  ,  il  me 
vint  dans  l'efprit  que  ceux  qui  fbutiennent  les 
prefàges  des  Comètes  font  faire  à  Dieu  des 
chofes  non  feulement  très-inutiles  ,  mais  aufTi 
très-indignes  dé  fa  fàinteté.  Voici  comment 
je  le  prouve. 

§.    LVIII. 

^ue  les  Comètes  ne  peuvent  prefager  le  mal 
qu'en  qualité  defignes. 

Il  cfl  de   foi  que  la  liberté  de  l'homme  efl 
1  £  4.  au 


104  Penfées  diverfes, 

au  deflus  des  influences  des  aftres,  &  qu'aucun 
ne  qualité  phyiique  ne  la  porte  neceflairement 
au  mal.  Je  conclus  de  là  que  les  Comètes  ne 
font  point  la  cauiè  des  guerres  qui  sallument 
dans  le  monde  ,  puis  que  le  delîêin  de  faire  la 
guerre  ,  auflî-bien  que  les  adles  d'hoflilité  qui 
iè  commettent  en  confèquence  ,  font  tous  ef- 
fets du  libre  arbitre  de  Tliomme.  Ainfi  les  Co- 
mètes ne  peuvent  être  tout  au  plus  qu'un  lignai 
des  maux,  qui  font  prêts  à  fondre  fur  la  terre, 
lequel  Dieu  étale  aux  yeux  de  l'Univers  ,  afin 
de  porter  \t%  hommes  à  prévenir  par  leur  pé- 
nitence ,  l'horrible  tempête  dont  ils  Ibnt  me- 
nacez j  car  je  ne  vois  point  qu'on  puiiîè  lèule- 
ment  ibutenir  que  les  atomes  d  une  Comète 
aient  la  vertu  de  produire  h  pefte,  la  famine, 
ou  quelque  autre  altération  dans  nos  éiemens. 
Ma  première  raifon  le  prouve  d'une  manière 
invincible.  Soit  donc  conclu  ,  c^ue  les  Comètes 
ne  [ont  c^u'uîifgnc  des  maux  a  venir. 

§.   LIX. 

^ue  Us  Comètes  ne  -peuvent  être  des  fignes  dn 
mal  a  venir  fans  être  formées  miraculeufe' 
ment. 

Il  s'enfuit  de  là  que  ce  font  des  corps  for- 
mez extraordinairement  ,  6c  hors  de  l'enchai- 
nure  des  caufes  fécondes.  Car  s'ils  étoient  pro- 
duits par  la  vertu  8c  félon  le  progrès  naturel 
des  caufès  fécondes  ,  ils  ne  pourroient  fïgnifier 
pour  le  tems  à  venir,  que  les  eiîéts  que  nous 
conoîtrions  avoir  une  îiaifbn  necefTaire  avec 
eux  ,  &  ainfi  ils  ne  preiàgeroient  ni  la  guerre, 
ni  la  pefle,ni  la  famine,  parce  qu'il  eft  de  foi, 
que  les  aétes  libres  de  1  homme  ,  tels  que  font 
les  guerres  ,  n'ont  point  de  Iiaifbn  necefïaire 
avec  ks  qualitcz  d'aucun  corps ,  ôc  que  la  rai- 
fon 


Penfées  diverfis.  105 

fon  ne  nous  fait  apercevoir  danslapeflie  ni  dans 
la  famine  aucune  dépendance  neceflàire  des  Co- 
mètes. C'efl:  donc  Dieu  qui  forme  miraculeu- 
ièment  les  Comètes  ,  afin  qu'elles  avertillènt 
les  hommes  des  malheurs  qui  leur  font  pré- 
parez s'ils  ne  iè  repentent  ,  Se  qui  leur  donne 
une  élévation  6c  un  mouvement  qui  les  ren- 
dent vilibles  à  tous  les  peuples  de  la  terre  ,  afin 
qu'il  n'y  ait  perlbnne  qui  en  puiilè  prétendre 
caufè  d'ignorance. 

§.   LX. 

"Eîrmge  confequence  qui  7iattrost  de  ce  qta 

les  Co'fMtes  [croient  formées  pt^r 

fmracle. 

Or  voiez  un  peu  ,  Monfieur ,  la  terrible  con- 
fequence  qui  naît  de  cela  i  c'eft  que  Dieu  a  fait 
quantité  de  miracles  des  plus  iniignes  ,  pour 
ranimer  prefque  par  toute  la  terre  le  zèle  lan- 
guillànt  des  Idolâtres,  6c  pour  les  _  obliger  a  of- 
Irir  des  facrifices ,  des  vœux  ,  6c  des  prières  à 
leurs  faulîès  Divinitez  avec  plus  de  dévotion 
qu'ils  n'avoient  accoutumé  de  taire.  Car  com- 
me avant  l'établiflément  du  Chi-iftianirme ,  Dieu 
n'étoit  conu  que  dans  un  petit  coin  de  la  Ju- 
dée ,  6c  qu'il  avoit  (  i  )  abandonné  toutes  les  ("i)  A£1. 
autres  nations  du  monde  dans  les  voies  de  leur  Apoftol, 
égarement ,  on  ne  favoit  dans  le  monde  ce  que  cap.  14, 
c'étoit  que  d'apaifèr  le  vrai  Dieu  quand  il  pa-  ^*  *^' 
roiflbit  irrité.  Tout  ce  qu'on  lavoit  {-aire  dans 
cette  conftcrnation  ,  c'etoit  de  fe  prollerner 
devant  les  Idoles  ,  de  leur  immoler  des  viâi- 
mes ,  de  confulter  les  Démons  ,  6c  de  faire  par 
leur  confeil  tout  ce  qui  étoit  le  plus  delagrea- 
ble  à  Dieu.  De  ibrte  qu'allumer  des  Comètes 
dans  les  cieux ,  n'étoit  ,  à  proprement  parler , 
que  faire  redoubler  ks  ades  d'idolâtrie  j  6c  na- 
E  ^  turd- 


io6  Penfées  diverfis. 

turellement  parlant  c'étoit  tout  ce  que  Dieu 

s'en  devoit  promettre. 

Je  ne  nie  pas  qu'il  n'y  ait  eu  des  gens  de 
bon  fens  parmi  les  Paiens ,  qui  ont  reconu  que 
le  véritable  moien  de  plaire  à  la  Divinité  ,  n'é- 
toit  pas  d'ottrir  de  fomptueufes  hécatombes  en 
fon  honneur,  mais  de  vivre  juftement ,  oc  que 
G'étoit  là  le  véritable  iàcrifice  qui  apaifoit  le 
ciel  irrité. 

(i)  Ko-  Immums  (i)  aram  Jî  tetigit  tnamis, 

«!f' i-k  ^(>^  fumptHofa  bla'ûdior  hoflia, 

43.  Jib.  3,  ,-',  ,,/,.    ■'       r     -^ 

'  Mollibtt  d'verfos  Pénates 

Farre  pio  ^  faliente  mica. 

Mais  quoi  qu'il  en  fbit ,  ce  n'étoit  pas  à  ce!a 
qu'ils  avoicnt  recours,  quand  ils  vouloient  def^ 
armer  la  colère  de  Dieu.  Ils  ne  s'aviibient  pas 
de  renoncer  à  leur  orgueil  Se  à  la  haine  qu'ils 
avoient  pour  leurs  ennemis  j  de  pardonner  les 
injures  qu'ils  avoient  reçiies  ;  de  mortifier  leur 
convoitile  ;  .de  rompre  avec  leurs  Maîtreiîès> 
de  s'humilier  intérieurement  devant  Dieu  par 
une  vive  douleur  de  n'avoir  pas  été  vertueux  j 
de  promettre  une  converiion  de  cœur  8c  une 
reforme  générale  de  leurs  penfées  ,  de  leurs 
difcours  ,  &  de  leurs  aftes.  C'étoient  des  cho- 
ies trop  difficiles ,  Se  qui  ne  s'achètent  pas.  Ils 
aimoient  mieux  qu'il  leur  en  coûtât  de  l'argent 
à  faire  conllruire  d^s  Chapelles ,  à  remplir  de 
dons  &  d'oblations  les  Temples  àes  Dieux ,  8c 
a  contribuer  aux  frais  de  toutes  les  expiations 
que  les  livres  Sibyllins ,  ou  les  Oracles  ,  ou  les 
Augures  ,  ou  les  Prêtres  en  gênerai  ordonne- 
roient.  Et  c'efl  la  raifbn  pourquoi  les  Démons 
qui  par  des  jugcmens  du  Dieu  que  nous  de- 
vons adorer  avec  humilité  ,  iè  joiioient  de  la 
crédulité  des  peuples  ,  excitoient  le  plus  qu'ils 
pou  voient     de     phénomènes    extraordinaires, 

volant 


Penfees  diverjès.  107 

voiant  bien  qu'à  coup  fur  cela  fomcnteroit  l'i- 
delâtrie ,  8c  maintiendroit  en  vigueur  les  fàcrifi- 
ces,  les  fêtes,  6c  la  fùperflition  du  Paganifme. 

§,   LXI. 

Les  Démons  entretenoient  U  fuferfùtion  en  pro- 
duifant  des  prodiges. 

Si  Brennus  à  la  tête  des  Gaulois  eût  pillé  le 
Temple  de  Delphes  ,   le  zèle  de  tous  les  peu- 
ples  à  consulter   le  Démon  qui  y  rendoit  des 
oracles,  6c  à  lui  faire  des  preièns  magnifiques, 
eût  été  expofë  au  péril  d'un  grand  relâchement. 
AuflTi   le  Diable  ne  s'épargna-t-il  pas  pour  pré- 
venir ce  rude  coup.  Il  fit  dire  par  la  Prêtreiîè, 
qu'il   n'abandonneroit   point  la  deffenfè  de  fon 
pofte  ,  (i)  -Ô*  ^«'^/  fs  chargeoit  de  tout  ce  foin-  (i)  cice- 
là,  avec  les  vierges  blanches  :,  entendant  les  nei-  ro  lib.  i. 
gcs  horribles   qu'il   devoit  faire  tomber  fur  les  ^^  ^^^*' 
Gaulois.     On  ne  peut  rien  voir  de  plus  affreux  ^^^* 
que  \qs  defcriptions  qui  nous   ont  été  laiiTées 
de  tous  les  prodiges  qui  fè  firent  en  cette  oc- 
cafion.     La  terre  trembla  6c   s'ouvrit  en  mille 
lieux  fous  les  afifiegeans  :    le  tonnerre  fit  un  fra- 
cas fi  épouvantable  ,     qu'on  eût  dit  que  toute 
la  machine  du   monde  alloit   éclater  en  mor- 
ceaux :  la  foudre  tomboit  de  toutes  parts  :  il  ie 
detachoit  du   ParnaiTe   des  rochers  d'une  grof- 
fèur  énorme  qui  écrafoient  par  leur  chute  une 
infinité  de  Gauloi<;  :     (  2  )  Brennus  fè  tua  lui-  t^\  t^j-, 
même  de  defefpoir  :  ce  qui  fe  put  fàuVer  de  tin.  Hift. 
fès  gens  périt  peu  après  de  faim  ,    de  froid  6c  1.  z^. 
de  mifere  :  en  un  mot ,  la  Divinité  de  Delphes 
ne   pouvoit   pas  foutenir  fès  intérêts  plus  hau- 
tement ,  ni  confondre  la  témérité  de  Brennus, 
d'un  air  qui  fentît  mieux  fà  Divinité,     Il  étoit 
arrivé  quelque  chofè  d'aprochant ,  lors  que  Xer- 
xcs  cnyoia  des   troupes  pour   piller  le  même 
E  6  Tem- 


îoB  Tenftes  diverjes. 

Temple.  Pourquoi  tout  cela  ?  Ce  n'étoît  paï 
afin  que  les  hommes  devinilent  iàges  6c  ver- 
tueux ,  6c  qu'ils  conçulTent  de  l'horreur  pour  le 
vice,  6c  de  l'amour  pour  la  fainteté.  Le  Dia- 
ble eût  plutôt  laiile  piller  tous  les  Temples  du 
monde  ,  que  de  faire  la  moindre  choie  pour 
produire  ce  changement  dans  les  efprits.  Qu'é- 
toit-ce  donc  ?  C'eft  qu'il  voulut  des  facrifices , 
6c  nourrir  dans  i'ame  des  hommes  la  fuperfti- 
tion  6c  l'idolâtrie.  Se  fouciant  fort  peu  qu'on 
iè  repentît  des  véritables  crimes  ,  au  contraire 
tâchant  de  l'empêcher  de  toute  ià  force  ,  il 
vouloit  qu'on  regardât  avec  horreur  6c  avec 
tremblement  ,  le  m.anque  de  reipeâ  pour  les 
cérémonies  de  la  Religion  ,  6c  pour  les  choies 
conlàcrées  aux  fiuflcs  Divinitez. 

Que  n'a-t-il  point  fait  pour  le  faire  làcrifier 
(i)  Lib.  î,  des  enfans  ?  (i)  Denys  d'Halicarnaiîè  nous  ra- 
conte que  Jupiter  6c  Apollon  affligèrent  les  Pe- 
lalgiens  de  la  manière  la  plus  defolante.  Leurs 
fruits  6c  leurs  grains  étoient  tout  gâtez  avant 
que  de  meurir.  Leurs  fontaines  tariflbient  ,  ou 
devenoient  fi  puantes  ,  qu'on  n'en  pouvoit  boi- 
re. On  ne  voioit  que  des  avortemens ,  ou  des 
femmes  qui  mouroient  en  travail  d'enfant ,  el- 
les 6c  leur  fruit  ,  ou  qui  ne  mettoient  au  mon- 
de que  des  enfans  eflropiez  ,  aveugles  6c  con- 
trefaits. Les  hommes  6c  les  bêtes  perilîbient 
de  toutes  parts  de  diveriès  maladies  inccnuè's. 
En  voulez- vous  lavoir  la  raifon  ?  C'eft  que  \ç!y 
Pelalgiens  aiant  voiié  à  ces  Dieux -là  par  un 
îems  de  fterilite'  ,  la  dîme  de  tous  leurs  fruits, 
oublièrent  en  s'acquitant  de  leur  vœu  de  làcri- 
fier  la  dîme  de  leurs  enfans.  Ce  fut  iàns  lùper- 
cherie,  car  ils  n'avoient  jamais  eu  intention  de 
vouer  la  dîme  de  cette  forte  de  fruits.  Mais 
commt,'  ils  avoient  à  faire  à  plus  fin  qu'eux  ,  on 
'feur  fit  chicane  fur  un  mot  ,  on  leur  déclara 
c[ue  qui  dit  tout,  n'excepte  rien,  6c  par  confe- 

quenîr 


Tenfies  divêrjês,  'lop 

quent  que  îa  dîme  de  leurs  enfans  devoit  être 
aulTi  fàcrifiée,  à  quoi  ils  iè  fournirent  pour  avoir 
la  paix.  f  \  V  '  ^ 

L'Hiftoire  ancienne   eft  pleine   de  faits  (  i  )  ^,2^^  °^*^ 
femblables  qui  ëtabliflent  clair  comme  le  jour,  ^^  j^j^'j, 
que  le  moien  le  plus  efficace  dont  \ts  Démons  nation. 
le  fbient  fervis  pour  fomenter  le  culte  iàcrile-  generibuj, 
ge  des  Idoles  ,    5c  pour  étendre  les  cérémonies  P*  ^^^ 
fuperflitieufes  des   Gentils  jufqu'aux  crimes  les 
plus  affreux  ,  a  été  d'épouvanter  le  monde  par 
àQS  prodiges  ,    6c  d'accoutumer  les  hommes  à 
juger  que  c  etoit  une  dénonciation  des  maux  à 
venir  ,    &:  un  reproche   de  négligence  dans  le 
fèrvice  àts  Dieux  i   qu'il  faloit  donc  multiplier 
les    cérémonies  religieuiès  ,    ordonner  des  pro- 
ceffions  Se  des  vœux  iblennels  ,   tel  qu'étoit  ce- 
lui qu'on  apeiloit  'ver  facrum  ,     faire  couler  îe 
làng  d'une  infinité  de  vidlimes ,  bâtir  àç.?>  tem- 
ples 6c  des  autels,  inftituer  des  fêtes  6c  des  jeux 
publics  en  l'honneur  des  Dieux  ,    6c  faire  venir 
de  nouvelles  Divinitcz  ,   comme  quand  les  Ro- 
mains  envolèrent   chercher  à  (  2.  )    Epidaure  le  (2)  L'an 
Dieu  Efculape  enfuite  d'une  cruelle  pefle  ;   ôc  à  *^^  Rome 
(  3  )  Pelfinunte  ,     la  Déelîé   Cybele  enfuite  de  ^fa/z/f  ^~ 
quelques  pluies  de  pierre  que  l'on  avoit  vu  tom- 
ber dans  l'Italie.  (^^  L.j^ 

de  Rome 
§,    LXIL  J48.  Z.;» 


^ue  les  Paiens  ne  faifo'ient  rien  qui  pût  apai- 
fer  U  cùlere  de  Dieu  ,  qua?itl  ils  voioient  des 
prodiges. 

Il  s'enfuit  de  là  que  tout  ce  que  faifoient  les 
Païens  à  la  vue  des  prodiges  ,  pour  apailer  le 
courroux  de  Dieu  ,  nétoit  aucunement  propre 
à  apaifer  le  vrai  Dieu  ,  6c  ne  diminuoit  en  fa- 
çon du  monde  Fempire  du  péché  dans  le  cœur 
de  i'ho  inmc  ,  (car  li  cela  eût  été  ,  les  Démons 
E  7  fe 


vius  dec. 


1 1  o  Penfée.i  diverfes, 

iè  fufîènt  bien  gardez  de  tenir  la  conduite  qu*ils 
tenoient  à  cet  égard  )  Se  par  confequent  que  les 
prodiges  qui  épouvantoient  ces  peuples  idolâ- 
tres ,  n'étoient  aucunement  propres  à  les  por- 
ter à  une  pénitence  qui  pût  détourner  les  fléaux 
de  la  juftice  divine  j  mais  qu'au  contraire  ils 
étoient  très-propres  à  les  porter  à  tout  ce  qui 
enflamme  davantage  la  colère  de  Dieu.  D'où  il 
refulte  évidemment  que  Dieu  n'a  point  créé  des 
Comètes  dans  la  vue  d'étonner  les  peuples  ,  Se 
de  leur  déclarer  que  s'ils  n'expioient  leurs  tau- 
tzs ,  ils  ièroient  punis  feverement. 

§.  LXIII. 

J^es  Démons  faifoient  pendre  pour  des  prodiges  l 
piaJieHrs  effets  de  la  nature. 

Il  eft  fl  vrai  que  les  prodiges  n'étoient  pro- 
pres qu'à  ibutenir  le  culte  des  fauflès  Divini- 
tés ,  que  les  Démons  qui  travailloient  à  la  pro- 
pagation de  ridolatrie  par  toute  forte  de  voies , 
s'attachoient  principalement  à  faire  prendre 
pour  des  prodiges  annonciateurs  du  courroux 
du  Ciel  ,  le  plus  de  chofès  qu'ils  pouvoient. 
Etoit  -  il  né  à  la  campagne  quelque  monftre , 
un  chien  à  deux  têtes  ,  un  veau  à  lix  piez  ,  par 
exemple  i  c'étoit  dequoi  aflèmbler  tout  ce  qu'il 
y  avoit  de  Prêtres  dans  la  ville  capitale ,  pour 
avifèr  aux  moiens  de  détourner  les  malheurs 
que  cela  lignifioit.  Il  faloit  voir  quel  Dieu  ou 
quelle  Déeflè  n'avoit  pas  eu  fbn  compte  ,  Se  re- 
parer la  négligence  paflee  par  quantité  de  fà- 
crifices  j  autrement  on  eût  cru  faire  paflèr  la 
victoire  dans  le  parti  des  ennemis  ,  8c  expofèr 
les  afïàires  publiques  aux  dernières  infortunes. 
Les  embrafemens  du  mont  Etna ,  ou  du  Vefu- 
vcj  les  tremblemens  de  terre  j  les  météores  un 

peu 


Penfées  diverfei.  Iîî 

peu  rares  ,  comme  le  tonnerre  en  tems  fèrain  ; 
les  éclipiès  du  fbleil  Se  de  la  lune  ,   la  chute  de 
la  foudre  ,   tout  cela  paflbit  pour  des  prefages 
de  malheur    fi  infaillibles  ,    qu'on  n'épargnoit 
rien  pour  parer  le  coup.     Un  ouragan  pareil  à 
celui  qu'on  vit  dans  la  Champagne ,  6c  en  Po- 
logne l'année  pafTée  ,   eût  occupé  deux  ou  trois 
mois  tous  les  Collèges  des  Augures  8c  des  Ha- 
rulpices ,  eût  fait  confulter  les  Oracles ,  les  forts 
de  Prenefte  ,    les  livres  des  Sibylles  ,  les  vieux 
bouquins  où  étoit  contenue  la  difcipline  des  He- 
truriens ,  6c  tout  ce  qui  eût  pu  aprendre  la  ma- 
nière de  conjurer  la  tempête  pronoftiquée.    Les 
inondations  des  fleuves  étoient  aufli  des  choies 
de  mauvais  augure  ,  comme  il  paroît  par  le  dé- 
nombrement  (i  )   qu  Horace  nous  a  laifîe  des  (i)  yi^iz 
prodiges  qui  fuivirent  la  mort  de  Cefàr,  6c  qui  mus  fla- 
lirent  craindre  que  Jupiter  n'envoiât  un  fécond  V^^  Ty- 
deluge  fur  la  terre  j  car  après  avoir  parlé  de  la  jj"^  if' 
neige,  de  la  grêle,  6c  de  la  foudre,  il  pafleaux  Horat.  Od[ 
debordemens  du   Tibre.      Virgile  témoigne  la  z,lib.i, 
même  choie  ,   faifànt  le  même  dénombrement 
avec  beaucoup  plus  de  particulai'itez  ,  car  il  y  C^)  Proluit 
fait  entrer  des  fpedres  6c  des  fantômes ,    des  '"^^""^ 
hurlemens  de  loups  ,    àts  cliquetis  d'armes  en-  quens^' 
tendus  dans  l'air ,  des  bêtes  parlantes ,  des  four-  vortice 
ces  de  fàng,  des  ftatuës  couvertes  de  fîaeur,  des  fylvas, 
Comètes ,  6c  plulieurs  autres  chofes  que  je  vous  FJuviorijm 
prie  de  relire  ,   tant  elles  me  paroifTent  bien  ex-  Ja^us^&" 
primées.     Vous  y  verrez,  les  (  i  )  debordemens  ytr^u' 
du  Pô.     Lifèz  aufTi  le  Commentaire  de  Servius  Géorgie, 
fur  ces  paroles  de  Virgile ,   vous  y  verrez  que  ''*•  '• 
les  debordemens  des  rivicres   ne  font  pas  feu- 
lement à  craindre  à  caufe  du  mal  prefent  qu'ils  (3)  Invita 
apportent  ,  mais  auiTi  à  caufè  de  ce  qu'ils  pre-     ^  °°* 
iàgcnt  pour  l'avenir ,  ce  que  l'on  debitoit  aufll  /■  j  ^^^ 
dans  Paris  l'an   1649.  au  fujet  d'une  furieufè  nal.  I.  1. 
crue  de  la  Seine.     (  3  )  Plutarque  ,   (  4  )  Taci-  {s)  Lib.  f. 
fe>  (j)  Tite  Live  éc  plufieurs  autres,  font  foi  &7 &  î^- 

que 


l 


11%  Tenfées  diverfeh 

ue  les  debordemens  du   Tibre  palîôient  pour 

e  très-mechans  preiàges. 
Je  voudrois  qu'il  vous  plût  auffi  de  lire  la  fin 
du  premier  livre  de  la  Pharfale  de  Lucain  ,  Ôc 
le  commencement  du  fécond,  parce  que  vous 
y  verriez  une  confirmation  fort  exacte  de  tout 
ce  que  j'ai  à  prouver  en  cet  endroit.  Vous  y 
verriez  que  la  guerre  civile  de  Cefar  ôc  de  Pom- 
pée eut  pour  avant  -  coureurs  une  infinité  de 
prodiges  menaçans  ,  dont  les  Dieux  remplirent 
la  mer ,  le  ciel  6c  la  terre.  Vous  y  verriez  des 
Comètes ,  &  plus  de  météores  ignées  que  vous 
n'en  avez  dictez  dans  vôtre  célèbre  cours  de 
Philofophie.  Vous  y  verriez  àiÇ.s  éclipiès ,  des 
embrafemens  du  mont  Etna,  des  tremblemens 
de  terre ,  des  inondations  ,  des  ftatuès  parlantes 
8c  fuantes,  des  tombeaux  gemiflàns,  des  monf- 
très ,  des  aparitions  d'Efprit ,  àç.%  enthoufiaftes , 
&  plufieurs  autres  telles  chofes.  Vous  y  ver- 
riez que  l'eflret  de  tout  cela  fut  ,  non  la  refor- 
mation des  mœurs  ,  8c  l'abolition  des  fauilès 
créances  touchant  le  ièrvice  divin,  qui  font  les 
lèules  choies  que  Dieu  demande  de  nous  par 
\ts  fignes  qu'il  nous  donne  de  fa  colère  j  mais 
des  confultations  de  Devins ,  dont  le  plus  vieux 
impofe  pour  toute  pénitence  aux  Romains , 
quelques  proceliions  autour  de  la  ville ,  &  quel- 
ques iraits  de  fuperflition  ,  comme  de  taire 
main  baflè  fur  tous  les  monftres.  Vous  y  ver- 
riez que  le  vieux  Devin  8c  une  fanatique  aiant 
rempli  la  ville  de  confternation  ,  celui  -  là  par 
les  funeltes  preiàges  qu'il  trouva  dans  le  làcrifi- 
ce  qu'il  offrit  aux  Dieux  j  celle-ci  par  les  pre- 
diétions  qu'elle  publia  dans  les  rues  j  furent 
cauiè  que  les  femmes  coururent  en  foule  à  Ta- 
doiition  des  ftatuès  ,  pendant  que  \ts>  hommes 
murmuroient  contre  la  cruauté  du  deilin.  Tou- 
tes choies  ,  comme  vous  voiez,  direâiement 
oppofées  à  la  volonté  de  Dieu,    Silius  Itaiicus 

tait 


Penfées  diverjes,  I15 

fait  un  pareil  dénombrement  de  prodiges  fur  la 
fin  du  8.  livre  de  la  guerre  de  Carthage,  pré- 
tendant que  la  Republique  Romaine  fut  aver- 
tie par  la  des  luïncs  cfîroiables  qu'Annibal  lui 
devoir  caufèr.  Stace  fait  un  lèmblable  dénom- 
brement dans  le  feptiéme  livre  de  la  Thebai'de. 
Claudien  n'en  fait  pas  m.oins  dans  ià  féconde 
invediive  contre  Eutropius.  Et  Pétrone  ce  fa- 
meux débauché  ,  cet  inligne  libertin  ,  fait  pis 
que  les  autres.  Voiez  l'eflài  ou  le  modèle  de 
Poème  Hir  la  guerre  civile  ,  qu'il  a  infère  dans 
fbn  Ouvrage.  Ils  prétendent  tous  que  \qs  6c£~ 
ordres  de  l'Etat  furent  prefagez,  par  ces  prodi- 
ges ,  jnais  ils  ne  nous  aprennent  pas  que  per» 
Ibnne  devint  pour  cela  plus  faint. 

§.  LXIV. 

Si  je  me  prevaus  du  témoignage  des  Toëtes, 

Ne  m'allez,  point  dire  ,  que  j'ai  tort  de  me 
prévaloir  du  témoignage  des  Poètes,  après  l'a- 
voir décrié  dès  le  commencement.  Car  je  ne 
vous  Tallegue  pas  peur  prouver  que  tous  ces 
prodiges  font  eifcdlivement  arrivez ,  mais  feu- 
lement pour  prouver  que  les  peuples  regar- 
doient  ces  fortes  de  chofes  comme  de  mauvais 
prefages  ,  &  qu'ils  en  devenoient  plus  crimi- 
nels. Outre  cela  je  puis  vous  dire  ,  qu'il  me 
ièroit  aufli  aife  de  vous  alléguer  le  témoignage 
des  plus  célèbres  Hiftoriens ,  que  celui  des  Poè- 
tes. Et  de  plus  il  cfl  d'une  li  grande  notoriété 
publique  ,  que  les  Paiens  regardoient  comme 
des  prefages  de  mauvais  augure  ,  8c  dont  il  fa- 
loit  détourner  l'efîèt  par  mille  cérémonies  de 
leur  faufïè  Religion  ,  cent  chofes  qui  arrivent 
naturellement  ,  $c  qui  font  tout-a-fait  indiffé- 
rentes ,  qu'il  n'efl  pas  neceflàire  de  le  juflifier 
par  leurs  Hvrcs,  ni  de  reavoier  perfonne  à  lu- 


114  Penfées  diverjès. 

Mus  Obièquens ,    bon  ôc  fidèle  compilateur  cft 
cette  matière, 

§.  LXV. 

Comment  les  hommes  eujfent  fu  d^eux-mêmes 
prendre  certaines  chofes  pour  des  prodiges. 

Je  remarquerai  feulement ,  que  les  Démons 
^i)  Facile  n'avoient  pas  beaucoup  (i)  de  peine  à  perruader 
erat  vin-  aux  hommes  ,  qu'il  y  avoit  du  myftere  &  du 
cere  non  prodige  par  tout.  Car  il  faut  avouer  à  la  hon- 
^piignan-  ^^  j^  nôtre  efpece  ,  qu'elle  a  un  penchant  na- 
turel à  cela.  Et  aparemment  le  terroir  étoit  fi 
bon  pour  cette  forte  de  fruits  ,  qu'il  en  eût 
produit  en  abondance  fans  être  cultivé.  Je 
comprens  fort  bien  que  les  hommes  plongez 
dans  l'ignorance  ,  fe  fufïènt  portez  d'eux-mê- 
mes à  craindre  pour  l'avenir  ,  en  voiant  des 
éclipfes  de  fbleil  &  de  lune,  6c  que  l'idée  natu- 
relle que  nous  avons  d'un  Dieu  difpenfànt  par 
fà  providence  hs  biens  Se  les  maux,  les  eût  fait 
penfèr  que  cette  lumière  celede  qui  fe  cachoit 
ainfî  à  la  terre ,  leur  fignifioit  quelque  indigna- 
tion qui  éclateroit  dans  la  fuite.  Je  comprens 
aufTi  que  les  tonnerres  8c  les  foudres  les  eulTent 
remplis  de  terreur,  &  pour  le  prefent,  8c  pour 
1  avenir ,  dans  la  penfée  que  le  iMaître  du  mon- 
de declaroit  par  ce  bruit  horrible  dont  ils  igno- 
roient  les  caufes ,  qu'il  n'étoit  pas  content  du 
genre  humain. 

fi)  Petro»  Trimus  (  i  )  m  orbe  Deos  fec'it  timor  ,    ftr- 

nius.  dua  cœlo 

Fulmina  cum  codèrent  ,  difcu^dc^ue  moenia 
flummis 

Atque  iclHs  fiagraret  Aths. 

Je  dis  la  même  chofe  des  tremblemens  de 

ter- 


Tenfées  diverfes.  Il^ 

(erre ,  des  inondations ,  des  ouragans ,  des  tem- 
pêtes, &  des  feux  ibrtans  impetueufcment  d'u- 
ne montagne.  Et  parce  que  des  efprits  làifis 
de  fraieur  pour  des  llijets  qui  le  méritent ,  font 
facilement  ébranlez  par  d'autres  qui  ne  le  mé- 
ritent pas  tant,  il  me  lèmble  aulTi  que  les  hom- 
mes aiant  été  une  fois  faifis  de  peur  pour  ces 
^ands  fpedlacles  ,  euflènt  pu  s'étonner  dans  la 
liiite  pour  de  moindres  chofes  ,  &  infenfible- 
ment  palîèr  dans  une  crainte  générale  de  tout 
ce  qui  n'eût  pas  été  commun}  ne  fâchant  pas, 
faute  d'être  bons  Philofophes ,  que  les  effets  peu 
ordinaires,  comme  la  produdion  des  monftres, 
font  auffi  bien  de  purs  effets  de  la  nature ,  que 
ceux  qui  iè  produiiènt  journellement  5  de  jfbrte 
que  la  loi  naturelle  qui  fait  qu'en  certaines  cir- 
conftances  il  naît  un  chien  d'une  chienne  ,  fait 
qu'en  d'autres  circonftances  il  naît  d'une  chien- 
ne un  animal  monftrueux. 

§.   LXVI. 

^ue  ce  q^''on  appelle  des  prodiges  ,     eji  fouvent 
atijjï  naturel  e^ue  les  chofes  les  plus  communes. 

Ceux  qui  iàvent  cela  fè  tirent  aiiement  d'af- 
faire ,  8c  voient  bien  que  ibit  qu'un  animal  pro- 
duife  un  monftre,  ibit  qu'il  produife  fbn  fèm- 
blable  ,  l'Auteur  de  la  nature  va  toujours  fbn 
grand  chemin  ,  &  fuit  la  loi  générale  qu'il  a 
établie.  D'où  ils  concluent  que  la  produdlion 
d'un  monftre  n'eft  pas  une  marque  de  fà  colè- 
re ,  puis  que  cette  produârion  efl  tellement  dans 
l'ordre  de  la  loi  qu'il  a  établie  ,  que  pour  em- 
pêcher qu'elle  n'arrivât  ,  il  eût  falu  déroger  à 
cette  loi  ,  c'efl-à-dire  faire  àcs  miracles.  Ce 
qui  fait  voir  que  la  produdtion  de  ce  monflre 
efl:  auffi  nafurelle  que  celle  d'un  chien, 8c  qu'ain- 
ii  l'une  ne  nous  menace  pas  plus  que  l'autre  de 

quel- 


11^  Penfées  diverfes', 

quelque  calamité.  La  même  chojfè  fè  peut  di- 
re à^^  éclipiès  :  car  il  n'eft  pas  plus  naturel  à 
la  lune  d  illuminer  la  terre  dans  les  circonflan- 
ces  où  elle  l'illumine  ,  &  de  fe  trouver  dans 
ces  circonftances  lors  qu'elle  s'y  trouve  ,  qu'il 
lui  eft  naturel  d'être  iàris  lumière  lors  qu'elle 
n'en  a  point ,  8c  d'être  dans  la  lituation  qui  la 
prive  de  lumière ,  lors  qu'elle  eft  dans  cette  il- 
tuation  ;  ôc  je  ne  doute  nullement  qu'il  n'y  eût 
eu  des  éclipfes  de  foleil  &  de  lune ,  quand  mê- 
me les  hommes  n'auroient  jamais  péché  :  d'où 
s'enfuit  que  ce  ne  font  pas  là  des  menaces  fai- 
tes à  l'homme.  Cela  eft  ii  vrai  ,  que  quand 
Dieu  a  voulu  que  le  foleil  rendît  témoignage 
par  fès  ténèbres  aux  myfteres  adorables  de  la 
paffion  de  Jesus-Christ,  il  a  choifi  un 
tems  où  ces  ténèbres  ne  pouvoient  être  natu- 
relles. Mais  comm-e  il  faut  de  la  Philosophie 
pour  s'élever  à  ces  fortes  de  conoiflànces  ,  je 
comprens  aifément  que  le  Peuple  fo  fût  porté 
de  lui-même  à  l'erreur  &  à  la  fuperftition  ,  en 
voiant  des  effets  de  la  nature  moins  communs 
que  \^^  autres. 

§.   LXVII. 

J^e  la  frodigieîife  fuperjîition  des  T (tiens  fur  le 
chapitre  des  prodiges. 

Pour  revenir  aux  difpofitions  fuperflitieufès 
que  le  Diable  a  trouvées  dans  l'efprit  humain, 
je  dis  que  cet  ennemi  de  Dieu  8c  de  nôtre  fà- 
lut  a  tellement  pouffé  à  la  roue  ,  8c  tellem.ent 
profité  de  l'occalion ,  pour  faire  de  ce  qu'il  y  a 
de  meilleur  au  monde  ,  fa  voir  de  la  Religion , 
un  amas  d'extravagances  ,  de  bizarreries  ,  de 
fadailès  ,  8c  de  crimes  énormes  ,  qui  pis  eft , 
qu'il  a  précipité  les  hommes  par  ce  penchant- 
la  ,  à  la  plus  ridicule  8c  à  la  plus  abominable 
idolâtrie  qui  fe  puiffe  concevoir. 

Cç 


Penfées  diverfes,  117 

Ce  ne  lui  a  pas  été  afTez  que  les  hommes  re- 
gardant pour  des  lignes  malencontreux  ,  les 
eclipiès  ,  les  orages  ëc  les  tonnerres,  aient  éta- 
bli pluiieurs  faux  cultes  de  Religion  ,  dans  la 
vue  d  éviter  le  mal  dont  ils  croioient  avoir  des 
prelàges  :  il  a  voulu  encore  les  rendre  ingé- 
nieux à  inventer  des  cérémonies  fuperftitieu- 
fes ,  Se  à  multiplier  le  nombre  des  Dieux  à  l'in- 
fini ,  en  leur  faiiànt  trouver  par  tout  matière 
de  bien  &  de  mal  ,  en  leur  fuggerant  qu'un  tel 
Dieu  declaroit  £  volonté  par  le  vol  des  oiièaux, 
un  autre  par  les  entrailles  des  bêtes,  un  autre 
par  la  rencontre  d'une  corneille  à  droite  ou  à 
gauche ,  un  autre  par  un  éternuement ,  par  un 
mot  dit  à  l'aventure ,  par  un  fonge ,  par  le  cri 
d'une  iburis ,  6c  par  une  infinité  d'autres  m.oiens 
qu'il  feroit  ennuieux  de  dire  j  de  forte  que  ce 
n'étoit  jamais  fait.  Le  fbnge  d'une  femme 
tourmentée  ,  peut-être  ,  des  maux  de  mère, 
failbit  faire  cent  confultations  de  Religion  ,  8c 
obligea  une  fois  le  (  i  )  Sénat  de  Rome  à  or-  (i)  c\cero 
donner  la  réparation  d'un  temple  de  Junon.  La  lib.  t.  de 
nouvelle  du  moindre  prodige  mettoit  quelque-  Dlvinac, 
fois  en  défaut  le  grand  Pontife  6c  tous  £qs  Prê- 
tres, car  il  arrivoit  qu'après  avoir  bien  égorgé 
des  vidlimes  ,  félon  qu  ils  l'avoient  trouvé  à- 
propos  ,  une  difgrace  furvenuë  à  l'armée  apre- 
noit  que  l'expiation  n'avoit  pas  été  taite  ,  & 
qu'il  taloit  recommencer.  Annibal  aiant  ga- 
gné la  bataille  de  Thrafymene  ,  le  Dictateur 
Fabius  Maximus  reprefenta  au  Sénat  ,  que  ce 
malheur  avoit  été  attiré  fur  la  Republique  bien 
plus  par  la  négligence  des  cérémonies  de  la 
Religion  ,  que  par  la  témérité  ,  ou  par  l'inca- 
pacité du  General  de  l'armée.  Sur  quoi  les  li- 
vres des  Sibylles  aiant  été  confultez  ,  on  trou- 
va que  le  vœu  folcnnel  qui  avoit  été  fait  au 
Dieu  Mars  ,  n'avoit  pas  été  exécuté  dans  les 
formes ,  6c  qu'il  faloit  7  revenir  tout  de  nou- 
veau , 


(t)  In  vi- 
ta  Corio- 
Uni, 


(i)  Idem 
Plutarch, 
in  vicâ 
Marcel. 


Cîerimo- 
niis  vef- 
tris  rebuf- 
Gue  divi- 
nis  poftu- 
lionibus 
locus  eft, 
&  piaculi 
dicitur 
contra&a 
efle  com- 
miffio  ,  û 
per  im- 
prudentiaî 
lapfum» 
autinver- 
bo  quif- 


118  Penfées  diverjès, 

veau  ,  8c  même  avec  plus  d'apareil ,  8c  faire 
plulieurs  autres  adtes  de  Religion  ,  dont  le  dé- 
tail fe  peut  voir  dans  le  ^^.  livre  de  TiteLive. 

11  Y  a  voit  outre  cela  tant  de  choies  qui  pou- 
voient  empêcher  l'expiation ,  qu'il  efl  étonnant 
qu'on  ait  pu  vaquer  à  autre  chofe  qu'au  culte 
des  faufles  Divinitez.  Plutarque  (  i  )  raconte 
que  l'une  de  ces  Procefllons  folennelles  ,  où 
l'on  trainoit  par  la  ville  ilir  àç.s  brancars  les 
Images  des  Dieux  ,  autres  Reliques  ,  fut  re- 
commencée tout  de  nouveau  à  Rome  ,  parce 
que  d'un  côté  l'un  des  chevaux  de  l'équipage 
s'arrêta  en  un  certain  endroit  lans  tirer ,  &  de 
l'autre  que  le  chartier  prit  les  rênes  de  la  bride 
de  la  main  gauche.  Qu'en  une  autre  rencon- 
tre on  refit  trente  fois  un  même  làcrifice ,  par- 
ce qu'on  crut  qu'il  y  étoit  toujours  furvenu 
quelque  manque  de  formalité.  Que  (  2  )  Q^ 
Sulpitius  fut  dépofé  de  ià  Prelature  ,  parce 
que  le  chapeau  facerdotal  lui  étoit  tombé  de 
defTus  la  tête  en  Sacrifiant  ,  8c  que  C.  Flami- 
nius,  qui  avoit  été  nommé  Colonel  de  la  Ca- 
valerie par  le  Diârateur  Minutius,  fut  deftitué, 
parce  qu'au  moment  que  le  Diélateur  le  nom- 
moit ,  on  ouït  le  bruit  d'une  iburis.  On  peut 
voir  plulieurs  exemples  de  cette  force  dans  le 
même  Auteur  ,  8c  dans  d'autres  livres  non  fui^ 
pecfts  ,  iàns  qu'il  foit  befbin  de  recourir  à  ce 
beau  paflàge  (  3  )  d'Arnobe ,  qui  tourne  fi  bien 
en  ridicule  les  Paiens  ,  quoi  qu'il  n'outre  point 
la  matière,  8c  qu'il  ne  difè  rien  qui  ne  fe  trou- 
ve en  fubftance  dans  la  harangue  de  Ciceron  de 
Harufptcum  refponfis. 

Vous 


piam,  aut 

limpiivio 

deerrarit,  aut  fi  curfu  in  folemnibus  ludls,  curriculirque  dîvinis: 

commiffum  omnes   ftatim  in  religiones  clamatis  facras  ,    fi  ludins 

conftitic  ,    at't  Tibicen  repente  conticult  ,   aut  fi  patrimus  ille  qui 

vocatur  puer  omifit  per  ignorantiam  lorum ,  autterram  tcnerenoA 

poiuit,  Armb.  lib,  4,  adverf,  Gcntes, 


Tenftes  diverfei,  î  19 

-Vous  voiez ,  Monfieur  ,  quel  étoit  l'eiprit  de 
îa  Religion  Païenne.     Tout  lui  paroilîôit  rem- 
pli de  lignes  &  de  prodiges  ,    £c  l'on  eut  railbn 
à  Rome  ,  lors  que  Ventidius  y  fut  fait  Conful , 
de  muletier   qu'il  e'toit  auparavant  ,     de  faire 
courir  un  (  i  )    Vaudeville  qui  exhortoit  tous  (i)  Con- 
\cs  Augures  ôc  tous  les  Arufpices  à  s'afîèmbler  currite 
en  diligence  ,  pour  voir  ce  qu'une  avanture  li  T"""^„ 
prodigieuie  ligninoit  5     car  ils  sallembloient  a  Arufpîces. 
moins,  &  ils  ordonnoient  des  purifications  pour   Porren- 
des  fujets  de  plus  petite  conièquence.     Mais  je  tum  inufi- 

m'étonne  qu'ils  ne  fe  ibicnt  pas  regardez  eux-  ^^^^^ 

^  j.         ^         °  j-j'  V  confla- 

memes  comme  un  prodige  ,    ou  comme  diloit  ^^^  ^^ 

(2}  Caton  ,    qu'ils  aient  pu  s'empêcher  de  rire  recens, 

quand  ils  s'entreregardoient.     Je  m'étonne  qu'ils  Nam  mu« 

n'aient  pas  pris  la  crédulité  de  tant  de  grands  '°5  ^^*^ 

perfonnages  pour  un   monftre  qui  demandoit  ç^^ç^l* 

les   plus   rafinées   expiations.     En  effet  ,    c'eil  faftusefî, 

un   dérèglement  de  la   nature    beaucoup  plus  A,Geiims 

monftrueux ,  de  voir  le  Sénat  de  Rome  corn-  «"^^  -^'- 

pofë  de  tant  de  Héros  6c  de  Perlbnnes  illuftres  ^"^-  ''*•  ^^' 

par  leur  efprit ,     par  leur  courage  6c  par  leur  '^'^^'  ^' 

iàgeiîè  ,  aprouver  toutes  les  ridicules  fuperfti-  ^^^  j^jj.an 

tions  qui  regardoient  l'art  des  augures,  que  de  fe  aiebac 

voir  naître  un  chien  à  deux  têtes.   Il  faut  donc  quod  non 

demeurer  d'accord ,  que  les  artifices  du  Démon  riderec 

ont  fait  de  merveilleux  progrès  dans  i'efprit  de  arufpicem 

l'homme,  pour  combler  la  mefure  de  ià  credu-  cumvidif- 

lité  naturelle ,  6c  pour  lui  faire  trouver  par  tout  fec.  Cner. 

dcquoi  craindre  le  reffentiment  des  Dieux  im-  l-  a«  (i' 

mortels.  ■^''^'«'''• 

§.   LXVIII. 

Jirtïficei  Ah  Bemon  four  fomenter  la  fu^erfii- 
tion  des  Faiens. 

Afin  que  ce  tour  d'efprit  ne  s'efiàçat  pas  ,   il 
faloit  entretenir  les  hommes  dans  la  penféc,  que 

les 


1 1  o  Penfées  diverfes, 

les  effets  de  la  nature  qui  avoicnt  quelque  chofc 
de  remarquable  ,  venoient  immédiatement  du 
ciel ,  Se  taire  bien  valoir  tous  les  tremblemens 
de  terre ,  tous  les  debordemens  des  fleuves,  tous 
les  feux  qui  aparoiflbient  de  nouveau  fur  nos 
têtes,  Sec,  C'eft  auflî  ce  qui  a  été  tait ,  com- 
me je  l'ai  juftifié. 

Il  faloit  outre  cela  exciter  dans  Toccafion 
plufieurs  de  ces  phénomènes  quand  la  nature 
n'en  fourniffoit  pas  ,  ou  plutôt  quand  elle  en 
tburniflbit  déjà  quelques-uns  :  car  jamais  les 
hommes  ne  font  plus  faciles  à  prendre  les  ef- 
fets de  la  nature  pour  des  miracles  ,  que  lors 
qu'en  divers  endroits  8c  en  même  tems  il  ar- 
rive plufieurs  chofès  extraordinaires.  Chacun 
iè  met  aifement  dans  l'eiprit  ,  que  ce  concours 
6c  ce  concert  ne  peut  venir  que  d'enhaut  :  8c 
quoi  qu'en  toute  autre  chofè  le  moien  de  n'ê- 
tre pas  cru  foit  d'en  dire  trop  j  fur  le  fait  des 
miracles  tout  au  contraire  ,  le  moien  de  per- 
fuader ,  c'eft  de  ne  garder  aucune  mefure.  Plus 
on  en  dit ,  Se  plus  on  perfuade  que  c'ed  le  doigt 
de  Dieu.  C'efl  pourquoi  dès  que  la  choie  avoit 
été  mile  une  fois  en  train  par  les  favorables 
conjondlures  que  la  nature  avoit  fournies  ,  il 
importoit  extrêmement  de  produire  en  divers 
(i)  Apli-  lieux  plulieurs  effets  extraordinaires  ,  en  (  i  ) 
^^"*^®  apliquant  la  vertu  des  caulès  fécondes  j  ou  à 
oaffivis.  ^°'-^^  '^  moins  de  iè  lèrvir  de  l'imagination  foi- 
blc  de  plufieurs  perfonnes  ,  qui  croient  voir 
ibuvent  dans  les  nues  des  armées  en  bataille, 
8c  entendre  des  bruits  8c  des  hurlemens  ef&oia- 
bles  où  il  n'y.  en  eut  jamais  ^  il  importoit  ex- 
trêmement ,  dis-je,  de  le  lèrvir  de  cela  pour 
répandre  par  tout  la  nouvelle  d'une  infinité  de 
prodiges.  C'efh  aulTi  ce  que  les  Démons  ont 
pratiqué  fort  adroitement.  Quand  'ûs  ont  pu 
bouleverfer  la  nature  fort  à-propos  pour  leurs 
fins ,    ils  l'ont  fait ,   du  tems  de  Brennus  par 

exe  m» 


Penfées  dlverfcs.  m 

exemple.     Quand  iis  ont  vu  que  les  caufès  fè-  (i)Rom« 
condes  avoient  déjà  donné  le  branle  à  la  fuperf-  ^"^^?^  v 
tition ,  s'ils  n'ont  pas  pu  y  ajouter  quelque  cho-  ^ij-i^e'^""^ 
iè  d'etredtif  par  leur  induilrie,    à  tout  le  moins  mulca  eâ 
ont-ils  tait  répandre  le  bruit  de  mille  prodiges  hyeme 
imaginaires  ,    qui  ,    tout  imaginaires  qu'ils  é-  pr^^^Jg'a 
toient  ,   ne  laifîbient  pas  de  fe  fortifier  ks  uns  ^^J'oj  èye.^' 
les  autres  ,    &  par  la  créance  qu'ils  trouvoient  nlre'folec, 
dans  les  efprits,  de  faire  naître  l'envie  au  mon-  mon'?  fe- 
de  d'en  publier  encore  d'auffi  m.al  fondez.     Il  y  ^^■'}  ir;  re- 
eut  a  {i)  Kome  (c'efl  Tite    Live  qui  parle)  (^  ^^^^^ 
aux  environs  de  Rome  p!u/:eHrs  prodiges  peîidant  nînîra 
cet  hiver  ,  ou  du  moins  l'on  en  reporta,  ^  l'on  en  nunciata    ' 
crut  beaucoup  fort  léger e?nent ,  comme  ceft  la  coh-  &  cem crè 
îume  ,    quand  une  fois   les  efprïts  ont  tourné  les  ^'eaita 
chofes  du  coté  de  la  Religion.  .  .     On  publia  cette  p'j-o^-Vfâ 
année  beaucoup  de  prodiges  j    O'  plus  on  trouvait  eo  anno 
des  gens  fmples  ^  dévots  qui  y  ajontoient  foi ,   intita 
plus  c.ufjî  Q.'i  en  publiait.     Voilu  làns  doute  la  (2)  f'^ncîara 
raifon  qui  a  fait  dire  à  Claudien  ,    qu'auffi-tôr  ^"^'•'  ^^'^. 
que  quc;qucs  prodiges  ont  pu  eciorre ,  tous  \zs  cre.-iebanc 
autres  s'emprelTènt  de  naître,  pour  ne  pas  lailîèr  fimpiices 
échaper  leur  làifon.  ac  rc'igiofi 

homiDes, 
eo  e-iiin 

nun- 
a.oantur. 
^«?  les  Païens  attribuoient  leurs  malheurs  a,  la  ^-  ^'■'^• 
négligence  de  quelque  cérémonie  ,  0*  non  pas  k  ^'^«  !•'•"'«•)• 

leurs  vices, 

(i)  Urque 
,  -  .      ,  ,  -,   r    •  femel  pi- 

Mais  de  peur  que  ce  même  tour  a  cfpnt  ne  tuicn^onf'. 
portât  les  hommes  à  honorer  la  Divinité  de  la  tri-  lrc-r> 
manière  que  la  droite  raifon   nous   cnieigne,  om.iu 
c'eft -à-dire,    en  renonçant  au  vice,  &  en  pra-  j^t^'}!'^^^ 
tiquant  la  vertu  ;    il  tàlloit  entièrement  apliquer 
la  dévotion  des  peuples  à  cette  pcnfcc  ,   que  les 
iignes  de  la  colère  des  Dieux  ne  tcmoignoient  " 
pas  qu'ils  fufltmt  fûcheE  contre  le  deieg'ement  ^^'"'''/,:'^' 
des  mœurs,  mais  feulement  coutrda  ncdigen- 


i  LXIX.  ^.^ 


K 
properar.C 


i/i  L:'," 


Tom^  I,  F 


^^^^ 


ce 


122  Fenfées  diverjèj. 

ce  ou  le  non  ufàge  de  quelque  facrifice  ,   ou  de 
quelque  cérémonie  ,    &  qu'ainlï  la  feule  choie 
qu'il  talloit  faire  pour  les  appaifer  ,   étoit  de  re- 
mettre en  vigueur  h  cérémonie  ,    ou  d'en  in- 
venter quelques  autres  ,   fans  fe  mettre  en  pei- 
ne de  corriger  fcs  pafTions.     Ceft  aufli  à  quoi 
les  Démons  fè  font  particulièrement  étudiez, 
6c  avec  un  fuccès  dont  ils  ont  eu  lieu  de  s'a- 
plaudir.     Car  il  eft    clair  par    toute  THiftoire 
profane  ,    que  les  Paiens  raportoient  la  fourcc 
éts  châtimens  que  les  Dieux  leur  envoioient, 
à  l'oubli  de  quelque  fuperflition  ,   6c  non  pas  à 
l'impureté  de  leur  vie  ,    &  que  dans  cette  vue 
ils  croioient  avoir  allez  fait  ,   pourvu  qu'ils  euf- 
fent  rétabli  le  culte  qui  avoit  été  oublie. 
(i)Denys       Les   (i)   Carthaginois   fe   volant  batus  par 
d'Halicar-  Agathocles  Roi  de  Syraculè  ,   Se  affiegez  dans 
nafleliv.i.  j^^^  y-||g  ^     ^^  crurent  pas  avoir  mérité  cette 
difgrace  pour  aucune  autre  raifon,    li  ce  n'eft 
parce  qu'ils  avoient  changé  la  cruelle  coutume 
d'immoler  à    Saturne  de  leurs  propres  enfans 
au  choix  du  fort  ,   en  celle  d'immoler  des  en- 
fans  achetez  ou  nourris  Secrètement  pour  cela. 
Si  bien  que  pour  reparer  leur   faute  ,    8c  pour 
apaifer  le  Ciel  irrité  ,    ils  rétablirent  la  vieille 
coutume  par  le  facrifice   public    de  deux  cens 
jeunes  garçons  de   Qualité  (a)   tirez  au  fort. 
Et  cette   coutume    s'affermit    li  bien  dans  ce 
pais-là  ,     qu'elle  y   étoit  encore  pratiquée  en 
fecret  du  teras  de  (  3  )    Tertullien  ,   quoi  que 
Tibère  fe    fût  ièrvi  pour  Tabolir  d'un    moien 
fort  efficace,  qui  fut  de  faire  attacher  en  croix 
les  Prêtres  qui  immoloient  ces  innocentes  vic- 
times.   Pendant  qu'Annibal  faifoit  trembler  l'I- 
talie ,  le  fort  deftina  fon  fils  aîné  à  cette  barba- 
re immolation.     Mais  fa  mère  qui  n'a  voit  peut- 
être  jamais  tait  réflexion  fur  l'énormité  de  cet- 
te coutume  ,  la  comprit  alors ,  6c  la  reprefenta 
fi  vivement,  que  le  Sénat  de  Cartilage,  qui  étoit 

fort 


{!)  Lac- 

tant,  de 
fair.  rdig. 
lib.  I. 

cap.  21. 

(3)Apo. 
îo^er. 

cap.  9. 

Venfées  diverjès.  Il 5 

fort  embarrafTé  entre  la  ciainte  âts,  Dieux  5c 
celle  d'Annibal  ,  6c  qui  franchement  craignoit 
plus  de  l'irritation  de  Tun  ,  qu'il  n'eipeioit  de 
lappaifement  des  autres,  n'ofa  palTer  outre,  5c 
dépêcha  vers  Annital  pour  iàvoir  iâ  vcîcnté. 
Annibal  ne  voulut  point  que  fon  fils  mourût,  6c 
dit  qu'il  valoit  mieux  le  confcrver  pour  le  Icr- 
vicQ.  de  la  patrie  ■•,  qu'il  auroit  foin  de  faire  périr 
tant  de  Romains  ,  que  les  Dieux  n'amoient  pas 
fijjct  de  iè  plaindre  de  ce  qu'il  leur  avoit  dé- 
tourne' une  vi6lime.  Il  les  apellc  au  fpedtacle 
du  carnage  qu'il  s'en  va  faire  : 

Vos  {i)  quoqne  Dî   patr'ù   OMorum  cieluèra.  f\)  ^Wmg 
piantur  "  Irai  us, 

Céidibus  ,  atqiie  coït  gauilent  formidine  ma-  ^^^*  ^* 
trum  y 

Hue   Utos  tolttis    tûtafcjue  advertite  men- 
tes ^  6cc. 

Je  vous  fatiguerois  trop  ,    Mcnfieur  ,    fi  je . 
vous  citois   tous  les    exemples  que  j'ai  lus  fur 
cette  matière  j   6c  d'ailleurs  i'Hiitoirç  EcclelîaP 
tique ,  que  vous  iàvez  fi  parfaitement ,  vous  en 
fournit  allez  pour  me  diîpenfer  de  cette  com- 
pilation.    On  y  voit  que  les  Païens  accufbicnn 
inceflàmment  les    Chrétiens  d'être  la  cauiè  de 
tous  les    malheurs  qui   affiigeoient   l'Empire, 
parce    qu'ils    prêchoicnt    contre    le   culte  des 
Dieux  ,   6c  le  faifoicnt  cefllr  dans  les  lieux  où 
ils  étoicnt  les  plus  forts.      Le  Tyran  Maximin 
leur  hit  ce  reproche  dans  fès  Edits  ,    comme  /^>  -^^ 
nous  l'aprenons  (2)  d'Eufebe.     Se  faut- il  éton-  9'c  p.7, 
ner  ,    dit  (3)  Porphyre  ,    Ji  la  iHle  eji  affii/ée  Hift, 
4e  pejle  depuis  fi  long  te:ns ,  puis  qu'Efcttlape  0»  E  clef. 
les  autres  Dieux  en  ont  été  chfijfez. ,  depuis  qu'on 
adore  Je  fus  ,   nous  ne  pouvons  tirer  aucune  afïtf-  r^v  t^ 
tance  des  Dieux.     Le  but  gênerai  de  Saint  Au-  deP,.rpar. 
guftin  dans  fon  livre  de  la  Cite  de  Dieu,  efl  de  Eaan^e!.  * 

F    Â  IC- 


1 2  4  Penfées  diverjès, 

repondre  aux  Païens  qui  iè  plaignoîent,  que  le 
iàccagement  de  Rome,  Se  tous  les  ravages  que 
les  Goths  avoJent  Faits  dans  l'Empire ,  avoient 
eu  pour  caufè  le  mépris  que  l'on  faifoit  des 
(0  Si-       Idoles.     L'irruption  de  (  i  )  Radagaife  dans  l'I- 

G.mbi'c.  ^^^^^  ^  ^'^  ^^'■^  ^^  -°^'  '"'"'^^^'^  hommes  fit  mur- 
inChron*  niurer  d'une  étrange  forte  contre  la  Religion 
ad  ann.  Chrétienne.  On  exageroit  les  dcfordres  qui 
437*  arrivoient  fous  les  Empereurs  Chrétiens,  8c  la 

félicité  de  Ronie  Païenne;    &:  c'efl  à  quoi  l'élo- 

.^^ quent  Symmaque  s'emploioit  de  tout  Ion  cœur. 

(z)  Epift.  Il  oià  (  2  )  bien  écrire  à  à^s  Empereurs  Chre- 
^4. 1.  ic.     tiens  ,    que  la  famine  Se  \cs  autres  incommodi- 
tez  qui  defoloient  l'Etat ,  étoient  le  châtiment 
du  mépris   que  l'on  avoit  pour   les    Dieux  Se 
pour  leurs  Minières  ■-,    quil  n'en   faloit  accufèr 
ni  les  influences  des  aftres  ,   ni  la  rigueur  des 
hivers,  ni  la  fechereflc  des  étez  ,    mais  la  co- 
lère qu'avoient  les  Dieux  de  voir  qu'on  avoit 
retranché  aux  Prêtres  Se  aux  Veftaks  les  pen- 
•  fions   qui    fèrvoient  à   les  nourrir.      Les    mê- 
mes Empereurs  Chrétiens  ,    aiant  tait  cefler  les 
làcrifices  que  les   Egyptiens  Idolâtres  ofïroient 
folennellcmcnt  au  îxii  ,    lors  que  fes  eaux  ne  fè 
repandoient  pas  fur  leurs  terres  ,    virent  pref- 
que   une    farieufè    fédition   en   ce  païs-là  ,    les 
Egyptiens  voulant  à  toute  force  recommencer 
leurs  fàcrihces  ,   perfuadez  qu'ils   étoient ,    que 
l'interruption    de  cette    fàinte   cérémonie  leur 
.  V  TjT     attiroit  la  flerilité    en  les    privant  des  inonda- 
cor. Tri-     tions  du  (3)  Nil, 
part.  lib. 

^•"P-42.  §.  LXX. 

AplicMion  des  remarques  précédentes  à  U  rai/on 
tirée  de  Ia  Théologie. 

Que  direz-vous  de  cette  longue  digreffion? 
Monlicur  ,    aiVurément  vous  croirez  que  j'ai 

tout- 


PenÇées  diverfes.  125 

tout-à-fait  oublié  mon  argument  Theologique. 
Alais  donnez-vous  un  peu  de  patience  ,  vous 
verrez  que  je  me  retrouverai  iur  les  voies  ,  êc 
que  la  courfe  que  J'ai  faite  dans  les  Pais  Idolâ- 
tres ,  ne  m'aura  pas  été  infruâueule.  Car  aiant 
établi  comme  j'ai  fait ,  I.  Que  les  choies  que 
l'on  prenoit  pour  àcs  lignes  de  la  colère  du  Ciel, 
n'étoient  propres  qu'a  fomenter  le  culte  lâcri- 
ItgQ  des  Idoles  ,  bien  loin  de  mortifier  le  pé- 
ché dans  le  cœur  de  l'homme  j  IL  Que  les  Dé- 
mons ne  trouvoient  pas  un  meilleur  fecret 
pour  étendre  l'Idolâtrie  ,  que  celui  d  étonner 
\qs  Peuples  par  des  prodiges  véritables  ou  fu- 
poièz  i  III.  Que  l'aparition  vraie  ou  fauiîè 
d'un  prodige  fiifoit  toujours  rendre  de  nou- 
veaux honneurs  aux  faux  Dieuxj  aiant,  dis-je, 
établi  tout  cela  ,  j'ai  prouvé  manifellem.ent  que 
fi  Dieu  avoit  formé  par  miracle  ces  grandes  6c 
valtes  Comètes  ,  qui  paiîbient  pour  des  lignes 
de  la  colère  du  Ciel  ,  il  eût  concouru  par  lès 
miracles  avec  les  Démons  pour  abrutir  de  plus 
en  plus  les  hommes  dans  la  fuperftition  Païen- 
ne ,  ce  qui  ne  fe  peut  dire  ni  penler  làns  im- 
pieté. Encore  un  coup  ,  Monlieur  ,  allumer 
des  Comètes  dans  les  cieux  ,  vu  comme  les 
Paiens  étoient  faits,  n'étoit,  à  proprement  par- 
ler ,  que  faire  redoubler  les  a6les  d'Idolâtrie 
par  toute  la  terre  ,  excepté  peut-être  un  petit 
coin  de  la  Paleftine  3  6c  naturellement  par- 
lant ,  c'étoit  tout  ce  que  Dieu  s'en  devoit  pro- 
mettre. 

§.   LXXL 

De  l'horreur  que  Dieu  a  pour  l'IdolÀtrîe. 

Jugez  un  peu  fi  cette  conduite  le  raporte  à 

î'idéî  que  nous  avons  de  Dieu  ,   6c  s'il  eil  pofli- 

ble  que  le  même  Dieu,  qui  déclare  p»  fes  Pro- 

F  3  phe- 


Î2<?  Penjees  divey'fis, 

pheres,  que  rien  ne  lui  ell  plus  abominable  que 
'îe  cuJte  des  Idoles  ;  qui  témoigne  plus  d'indi- 
gnation contre  Ion  peuple  ,  lors  qu'il  fàcrifie 
fur  les  montagnes  &  ious  le  feuil'age  des  arbres, 
8c  qu'il  honore  les  Divinitez  à^s  Gentils  ,  que 
lors  qu'il  tombe  dans  le  larcin  ,  dans  !e  meur- 
tre, &  dans  l'adultère  j  qui  commence  là  loi 
par  une  double  detenfe  de  Ic-rvir  aucun  autre 
Dieu  que  lui  j  qui  pour  donner  plus  de  poids 
à  fà  detenfè  ,  iè  piopofè  fous  l'idée  d'un  Dieu 
tout  -  puiilànt  6c  jaioux  ,  étendant  la  punition 
des  rebelles  juiqu'aux  enfans  de  la  quatrième 
génération  ,  ik.  ia  bonté  pour  les  pères  obeïllàns 
jufqu'aux  cntans  de  la  millième  j  c'efl-à-dire , 
que  pour  témoigner  combien  il  veut  être  obeï 
dans  ce  point -là  ,  il  prend  les  hommes  par 
l'endroit  le  plus  lènfible  ,  par  la  menace  d'un 
Dieu  jaloux  ,  (dont  l'idée  ne  peut  reveiller  que 
la  frayeur  d'une  vengeance  également  prompte 
&  fevere)  &  par  les  promefTes  dune  miieri- 
corde  incomparablement  plus  étendue  que  la 
rigueur  de  la  jalouliej  qui  pour  faire  voir  com- 
bien le  crime  des  Idolâtres  furpalTè  tous  les  au- 
tres ,  prend  le  foin  en  le  défendant ,  d'accom- 
pagner fà  defenfe  de  tout  ce  que  je  viens  de  di- 
re i  au  lieu  qu'il  fe  contente  de  défendre  lim- 
plement  le  meurtre ,  le  larcin  ,  Timpudicité ,  la 
calomnie  j  qui  punit  l'adoration  du  veau  d'or 
par  le  plus  funefte  de  tous  les  châtimens  ,  puis 
que  ce  fut  en  abandonnant  fon  peuple  à  fcrvir 
à  l'armée  des  Cieux ,  par  où  il  s'attira  les  milc- 
res  d'un  exil  &  d'une  captivité  lamentable, 
comme  nous  l'allure  le  glorieux  premier  Mar- 
tyr de  l'Evangile  (i)  Saint  Etienne  ;  qui  enfin 
ne  veut  pas  kulement  foulfrir  que  l'on  mange 
des  chofes  facrifiées  aux  Idoles  5  conliderez , 
dis- je ,  Monlieur  ,  s'il  eft  polTible  que  le  même 
Dieu  ,  qui  a  fiit  toutes  ces  choies  ,  ait  mis 
néanmoins  de  nouveaux  afhes  de  tems  en  tems 

dans 


Tenféei  diverfes,  \ij 

^ans  îe  ciel  pour  intimider  tous  les  peuples  de 
la  terre  ,  6c  pour  les  porter  intaillibkment  par 
ià  à  tous  les  a6les  d'Idolâtrie  que  chacun  re- 
gardoit  comme  plus  propres  à  expier  fès  cri- 
mes, &  à  deiàrmer  la  colère  de  Dieui  les  Gau- 
lois Scies  Carthaginois  par  exemple,  à  facrifier 
à^s  hommes  en  quantité  :  abomination  exécra- 
ble, que  Dieu  detefle  ii  fort  par  la  bouche  de 
fes  Prophètes  dans  le  peuple  Juif,  qui  à  l'imi- 
tation de  plufieurs  autres ,  faifoit  brûler  des  en- 
fans  à  la  gloire  des  Idoles  ,  &:  pour  iaqueiic  il 
châtia  11  exemplairement  les  Rois  Achas  6c 
Alanafle. 

§.  LXXII. 

^ue  lu  ras/on  pourquoi  los  Comètes  ne  fouvoient 
pas  être  des  prefag  es ,  avant  U  venue  de  J  e- 
s  u  s-C  H  R  1  s  T  ,  fabyfie  encore. 

Sr  cette  raifbn  prouve  que  les  Comètes  qui 
ont  paru  avant*  la  publication  de  l'Evangile, 
n'ont  pas  été  formées  extraordinairemcnt, 
pour  avertir  les  hommes  de  la  part  de  Dieu 
à(^5  malheurs  qu'il  leur  preparoit  en  là  colère  j 
il  efl  évident  que  celles  qui  ont  paru  depuis  ce 
tems-là,  n'ont  pas  été  non  plus  des  produdlions 
miraculéufes  dellinées  à  preiàger  les  maux  à 
venir. 

Premièrement  ,  parce  que  fi  les  Comètes 
avant  la  vocation  des  Gentils  ,  n'ont  pas  été 
àts  ilgneç  envoiez,  de  Dieu  ,  elles  ont  été  des 
effets  de  la  nature  tout  purs  ,  auffi  bien  que  les 
éclipfès  &  les  tremblemens  de  terre.  Et  h  ce- 
la eft  ,  il  feroit  très-ridicule  de  dire  ,  que  de- 
puis la  converfion  des  Paiens  les  Comètes  ont 
changé  d'efpece  ,  8c  ne  font  plus  des  ouvrages 
de  la  nature ,  mais  des  fignes  miraculeux  j  com- 
me il  feroit  très-ridicule  de  prétendre  que  de- 
F  4-  puis 


12  8  Penfées  diverfès. 

puis  ce  tems-Ià  les  ëclipfês  font  devenues  des 
elïèts  iiirnaturels.  Or  li  les  Comètes  font  de 
purs  ouvrages  de  la  nature,  il  eft  évident  qu'el- 
les ne  font  point  un  figne  des  ir.aux  à  venir, 
tant  parce  qi.i'cJles  n'ont  aucune  liaiibn  natu- 
relle avec  les  maux  à  venir,  comme  je  fai  dé- 
jà fait  voir ,  8c  comme  je  le  montrerai  plus  à 
fond  dans  la  fuite  ,  que  parce  qu'il  n'y  a  aucu- 
ne révélation  qui  nous  aprenne  que  Dieu  \ts 
ait  établies  pour  lignes  des  maux  à  venir,  à- 
peu-près  comme  il  a  établi  l'Arc-cn-ciel  pour 
nous  être  un  avertiflèment  qu'il  n  y  aura  plus 
de  Déluge. 

Secondement ,  parce  que  la  raifbn  qui  prou- 
ve pour  ]e  tems  qui  a  précédé  la  Religion  Chré- 
tienne ,  prouve  aufli  pour  les  liccles  du  Chrif- 
tianifme  ,    à  caufè  que  malgré  tous  ïts  admira- 
bles progrès  de  la  Croix  du  Fils  de  Dieu ,  ia  plu- 
part des  hommes  font  demeurez  Idolâtres,  ou 
iè   Ibnt   faits   Mahometans.     A  prcfent  même 
que  le  Chriflianifme   eft  li  répandu  ,    &  qu'il 
s'eft  fait  jour  dans  le  nouveau  .monde  ,    ij  ell 
certain    que   la  plupart  ùts  peuples  de  la  terre 
ibnt  encore  plongez  dans  les  arrreufes  ténèbres 
de  j'inftdehté.     De  forte  que  ii  Dieu  fe  propo- 
ibit  d'annoncer  les   fléaux  de  là  colère  par  des 
Com.etes  ,     il  feroit  vrai  de  dire  qu  il  auroit 
pour  but  de  ranimer  prefque  par  tout  le  mon- 
de la  fauffe  &  la  facrilege  dévotions  d'augmen- 
ter le  nombre  des  Pèlerins  de  la  Mcque,  de  àcs 
oiÎTandes  que  l'on  y  coniacre  incellàmmcnt  au 
plus  infime  Impollcur  qui  fut  jamais i  de  taire 
bâtir  de  nouvelles    Mofquées  j    de  faire  inven- 
ter de  nouvelles  fuperllitions  aux  Torlaqais  ôc 
aux  Dervifches  j   en  un  mot  de  faire  commet- 
tre un  plus   grand   nombre   de    choies  abomi- 
nables   qu'on     n'en     commettroir.      Car    quoi 
qu'on   ne  conoifle  plus  ni  Jupiter  ,    ni   Satur- 
ne, on  ne  lailfe  pas  d'être  aulfi  proHitué  qu'an- 
cien- 


Penfées  diverjès,  129 

ciennement ,  dans  hs  plus  extravagantes  6c  les 
plus  criminelles  Idolâtries. 

§.    LXXIII. 

De  l'abom'mMe  Idolâtrie  des  Vamis  d'ati- 
jourd'hui. 

Sans    parler  de  toutes  les  abominations  qui 
fc   commettoient  dans  le  Pérou  &:  dans  le  Me- 
xico il  n'y  a  pas  bien  long  tems  ,  8c  de  ces  là- 
crifices   d  hommes    que    l'on     (i)     martyriibit  ,y^^  . 
pour  honorer  les  Idoles  ,    &  que  les  Eipagnols  virenere 
ont   fait  celîèr  dans  les  lieux  où  ils  le  font  eta-  annotât, 
blis  ;   qui  ne  lait  que  les  Indiens  ,    les  Chinois,  f"f  Cefar 
Se  les    faponnois  ,   Ibnt  dans  les  plus  elfreiables  ^^^■.  ?  '7» 
egaremens  qui  le  puilient  dire  lur  le  cliapître  j^ionta»-. 
de  la  Religion  i  qu'ils  adorent  des  linges  Se  àts  iw.  i."* 
vaches;    qu'ils  conliiltent  le   (  2  )  Démon  dans  chap.2^., 
des  montagnes  brûlantes  •■,   qu'ils  honorent  leurs 
taux  Dieux  jufqu'u  s'enterrer  tout  vivans  ,    ou  f^^p^^?'^* 
à  le  noier  ,  par  la  dévotion  qu'ils  leur  portent ,    ^^^^  ^^'  . 
ce  qui  efl  un  degi'é  pour  monter  à  la  Canoni-  japon, 
iàtion  ;    qu'ils  batiflènt  des  Temples  au  Diable,  par  la 
&  au  Prince  des  Diables  nommément  Se  direc-  Compag. 
tement  (ce  que  les  anciens  Paiens  ne  faifoient  J^^J!-^''* 
pas)   qu'ils  iè  portent   enfin  à   tous  les  excès 
qu'une  aveugle  Se  furieuie  iuperiVition  peut  inl^ 
pirer  ?  Or  comme  vous  lavez. ,  Monlieur  ,  il  y 
a  une  li  grande  liailbn  entre  croire  que  le  Dieu 
qu'on  adore  efl:  irrité  ,   8c  lui  rendre  avec  plus 
d'attachement  le  culte  établi  par  h  coutume, 
qu  il    ell    impoffib'e   de   vouloir   qu'une  nation 
idolâtre  conoiflè  que  le  Ciel  eiî  en  colère ,  làns 
vouloir  qu'elle  exerce  avec  un  zélé  redoublé  les 
exercices   de   là   Religion.     Et- par  coafcqucnt 
fi  Dieu  for moit  dés  Comètes,  afin  daprtndie 
aux  hommes  qu'il  ell  irrité  contre  eux,  Se  que 
s'ils  n'apailènt  pas  là  julle  indignation  ,   il  les 

y  ^  chû- 


1^0  Tenfées  dtverjès. 

châtiera  fcverement  ,  il  voudroit  que  tous  Icy 
peuples  inndcles  recouruflent  avec  une  nouvel- 
le ardeur,  chacun  à  &s  cultes  6c  à  lès  cérémo- 
nies abominables  :  ce  qui  étant  faux  &  impie, 
nous  fommes  obligez  par  des  principes  de  Re- 
ligion à  dire  ,  que  dans  l'intention  de  Dieu  \çs 
Comètes  ne  peuvent  preiàger  aucun  mal.  Bien 
entendu  ,  que  s  il  y  a  quelque  part  des  feux  ex- 
traordinaires ,  vifibles  ièulemcnt  ou  à  quelque 
ville  ,  ou  à  quelque  pais  qui  conoiHe  le  vrai 
Dieu,  comme  il  parut  autrefois  fur  la  ville  de 
Jerulàlem  ,  on  peut  les  prendre  pour  àts  li- 
gnes  envoiez  par  une  providence  toute  parti* 
culiere. 

§.  LXXIV. 

^He  les  Comètes  ont  des  caretEleres  particuliers , 
qui  rnontrmt  qu'elles  ne  font  pets  des  fignes. 

Mais  de  s'imaginer  qu^un  aflre  qui  fait  le 
tour  du  monde  chaque  jour  ,  6c  qui  ne  paroît 
pas  en  vouloir  plutôt  aux  Chrétiens  qu'aux  In- 
fidèles, aux  François  qu'aux  Eipagnols  ,  foit  un 
prodige  ,  que  chaque  nation  foit  obligée  de 
croire  que  Dieu  a  fait  tout  exprès* ,  pour  lui 
annoncer  &n  mal  à  venir  ,  c'eft  ce  qui  ne  le 
peut  pas  :  parce  qu'outre  mes  autres  railbns ,  il 
eft  impofifible  que  chaque  nation  foit  obligée 
de  craindre  àtz  adverfitez,  à  la  vue  des  Comè- 
tes. Car  il  paroît  par  l'Hiftoire  ,  6c  même  par 
la  conlideration  de  ce  qui  arrive  dans  le  mon- 
de pendant  qu'on  y  eft, que  Dieu  ne  châtie  pas 
tous  les  hommes  en  même  tems.  Les  afflic- 
tions \t'i  plus  générales  épargnent  des  nations 
toutes  entières.  La  Providence  divine  diipen- 
lè  £t^  biens  6c  Çç:s  maux  de  telle  ibrte,  que  cha- 
cun y  a  part  à  fon  tour.  Mais  on  n'a  jamais 
vu  depuis  le  Déluge ,  un  châtiment  gênerai  tout 

à 


Penfees  dtverfes,  i  >  i 

à  la  fois  j  on  n'a  jamais  vu  une  profufîon  de 
bonne  fortune  générale  en  même  tems  par 
toute  la  terre,  il  faudroit  que  Dieu  boulever- 
lât  tout  Je  train  de  là  Providence  pour  agir  au- 
trement. Or  comme  l'expérience  d'un  très- 
grand  nombre  de  Comètes  qui  ont  paru  ,  ne 
nous  aprend  pas  que  Dieu  ait  janiais  ufé  d'une 
conduite  li  extraordinaire  ,  il  n'y  a  point  lieu 
de  s'imaginer  ,  quand  on  voit  de  ces  nouveaux 
aftres  ,  que  Dieu  veut  faire  plus  qu'il  n'a  jamais 
fait  en  pareilles  occafions.  Nous  lavons  par 
les  evenemeTis  qui  ont  fuivi  les  Comètes  ,  que 
quand  il  en  a  paru  ,  le  deflèin  de  la  Providence 
n'a  pas  été  de  plonger  toutes  les  nations  du 
monde  dans  un  abîme  de  maux.  Bien  loin  de 
là  ,  nous  lavons  qu'elle  a  eu  delfein  de  com- 
bler de  prolperitez  pluiîeurs  peuples  de  la  ter- 
re. Par  confequent  tous  les  peuples  de  ia  ter- 
re n'ont  pas  été  obligez  de  juger  en  voiant  des 
Comètes,  qu'ils  alloient  être  accablez  de  mauxj 
&  il  n'eft  pas  même  polTibie,  vu  le  train  de  la 
Providence,  qu'ils  fbient  tous  obligez  à  croire 
cela  ;  car  la  plupart  du  tems  Dieu  le  fèrt  d'une 
nation  pour  châtier  l'autre  ,  donnant  à  celle-ci 
les  biens  qu'il  ôte  à  celle-là.  Si  dans  le  tems 
que  les  Perfes  dévoient  craindre  la  defiruftion- 
de  leur  Empire  ,  les  Macédoniens  eufîènt  craint 
le  renverlèment  de  leur  Royaume  ,  n'eft-il  pas 
vrai  qu'ils  eulîènt  été  dans  l'erreur  ?  J'infère  de 
là  ,  que  li  c'étoit  l'intention  de  Dieu  que  tous 
les  peuples  qui  voient  des  Comètes  ,  crulîènc 
leur  ruine  prochaine  ,  l'intention  de  Dieu  le-- 
roit  que  plufieurs  peuples  le  trompalîcnti  ceux, 
par  exemple  ,  qu'il  deftine  à  conquérir  les 
Royaumes  que  là  ùgi^^G  trouve  à-propos  de 
renvcrlèr.  Or  comme  ce  feroit  une  impiété 
de  croire  que  Dieu  a  de  telles  intentions  ,  il  elt' 
impolTiblc  que  les  Macédoniens  ,  par  exemple, 
aient  été  exigez  fous  peine  de  péché  mortel, 
F  6  à 


^l  Pe-nfees  diverfes. 

à  croire  que  la  Comctc  qui  parut  au  commen- 
cement du  règne  d'Alexandre  ,  les  menaçoit 
d'une  ruine  épouvantable.  Ainfi  Dieu  n'étant 
pas  capable  d'obliger  les  hommes  à  juger  fauP 
femcnt  des  chofes  ,  il  efn  impoflillc  qu'il  pré- 
tende engager  tous  les  hommes  du  monde  à 
juger  ,  qu'une  Comète  efl  un  ligne  de  leur  mal- 
heur. Ce  ièroit  néanmoins  Ion  intention  ,  fi 
l'opinion  commune  ëtoit  véritable.  Donc  c'eft 
une  opinion  taufîè  ,  &  qu'on  ne  peut  excufer 
d'impiété  ,  que  fous  le  bénéfice  du  peu  de  re- 
flexion que  font  les  hommes  fur'les  circons- 
tances des  Comètes  ,  lors  qu'ils  les  prennent 
pour  un  ligne  de  maleditlion. 

Il  y  a  beaucoup  d'aparence  qu'on  ne  les  pren- 
droit  pas  pour  des  prodiges  envolez,  de  Dieu,  fi 
on  conlideroit  avec  un  clprit  Iblide  I.  Qu'elles 
n'ont  rien  de  particulier,  qui  faflè  conoître  aux 
peuples  ,  que  c'eft  à  eux  nommément  qu'elles 
s'adrellent.  1 1.  Que  li  elles  ont  quelque  char- 
ge de  dénoncer  la  colère  de  Dieu  ,  elles  la  dé- 
noncent généralement  à  tous  les  peuples  de  la 
terre  ,  aulli-bien  à  ceux  que  Dieu  veut  bénir, 
qu'à  ceux  qu'il  veut  châtier.  III.  Que  ce  Ibnt 
Ac5  fignes  fort  équivoques  ,  qui  ne  peuvent, 
par  exemple ,  avoir  prelàgé  la  ruine  de  l'Em- 
pire Grec  ,  làns  prelàger  la  prolperité  des  Ot- 
tomans: la  mort  d'un  Pape  ,  fans  preiàger  l'é- 
lévation de  Ion  fuccelTeur  :  la  mort  d'un  Con- 
quérant ,  £ns  prelàger  les  feux  de  joie  qui  s'al- 
lument dans  tous  les  pais  qui  craignoient  de 
tomber  fous  le  peiant  joug  de  fa  puilïànce. 
IV.  Que  celbnû  ài:s  lignes  lî  généraux  Se  11  obf- 
curs  ,  qu'on  n'y  voit  aucune  marque  de  ce  qui 
doit  eiteâiiv'enient  arriver  ,  plutôt  que  de  ce 
qui  n'arrivera  point.  V.  Enfin  que  ce  font 
ÙQ-S  lignes  accompagnez  de  pliilieurs  circonf^ 
tances  indignes  de  la  làgclè  &  de  la  fàinteté 
de  Dieu,    j'en  ai  touché  quelques-unes  en  par» 

lant 


Penfees  diverfes,  T33 

kint  des  ecliplès ,   Se  mon  argument  Theologi- 
que  ne  porte  que  fur  cela. 

Vous  en  penferez  ce  que  vous  voudrez, 
Moniieur  i  mais  pour  moi  je  ne  faurois  me 
mettre  dans  l'clprit ,  que  Dieu  fe  propofe  au- 
tre choie  dans  la  formation  des  Comètes  par 
raport  à  nous ,  que  ce  qu'il  iè  propoiè  dans 
tous  les  eftets  de  la  nature.  Tous  ceux  qui 
s'élèvent  à  Dieu  par  la  conoiilànce  des  choies 
naturelles ,  entrent  aflûrément  dans  les  vues  que 
Dieu  stïi  propofees  en  faiiànt  les  créatures.  Mais 
je  ne  iàurois  comprendre  ,  qu'un  homme  qui 
prend  pour  un  miracle  ce  qui  ne  rdt  point , 
donne  dans  la  tin  que  Dieu  s'eil  propofée  ,  par- 
ce qu'il  ne  me  ièmble  pas  que  Dieu  puifle  ja- 
mais avoir  pour  but  de  nous  taire  faire  de  faux 
jugemens.  Et  fur  ce  pied-là  je  crois  ,  que  iî 
Dieu  vouloit  avertir  les  hommes  àts  malheurs 
qui  les  menacent  ,  il  Je  feroit  par  des  moicns , 
qui  non  ieulement  ieroient  très  -  intelligibles  à 
ceux  qu'il  voudroit  menacer,  mais  auili  qui  ne 
menaceroient  pas  ceux  qu'il  auroit  defièin  de 
tavoriier  de  iès  grâces.  Cela  fuffit  pour  dégra- 
der les  Comètes  du  rang  qu'on  leur  donne  par- 
mi les  prodiges  dénonciateurs  de  la  colère  de 
Dieu,  car  il  n'apartient  qu'à  la  fabuleufe  Divi- 
ri;é  de  Pan  Se  d'Apoilon  ,  de  jetter  de  fauiîès 
allarracs  dans  les  eiprirs  ,  Se  de  ne  s  expliquer 
que  par  des  énigmes. 

§.    LXXV. 

I.n  quel  fcns  on  peut  dire  que  Dieu  menace  ceux  fO.  Cum 
^       ^  ./  ^^     r  tenant 

c^u  il  ne  veut  pas  fraper.  unum  , 

non  ununa 

I.  Je  iài  bien  ce  qu'on  a  dit  de  la  (i)  fou-  fuimJna 

dre,  qu'elle  frape  peu  de  gens  ,   quoi  qu'elle  en  Jf'^5"^* 

épouvante  plufieurs.     Je  iài  auiTi    que   cela  iè  de\mt\ 

pratique  fort  làgement  dans  le  fuplice  d'une  tUg.  x. 

F  7  trou- 


(i)  Sta- 
tuerunc 
iuma|o- 
rcs  noftri, 
ut  fi  à 
multis 
effet  fla-  ^ 
girium  rel 
milicaris 
admiffum, 
forcitione 
jn  quof- 

animad- 
verrere- 
tur ,  ut 
mecus  vi- 
deiicet   ad 
omnes, 
pœna  ad 
paucos 
perveni- 
rec.    Ci- 
ter pro 
ClhcnU 


154  Penfees  divcrfes. 

troupe  de  (i)  fèditieux.  Mais  cela  ne  prouve" 
autre  choie  ,  linon  que  les  fléaux  que  Dieu  en- 
voie fur  un  peuple  ,  doivent  faire  craindre  ià 
juftice  à  tous  les  peuples  voilins,  6c  les  indui- 
re à  mériter  par  leurs  bonnes  œuvres  la  conti- 
nuation de  la  profperité  dont  ils  jouïïTent  :  ce 
qui  efl:  bien  éloigné  de  l'erreur  où  fe  portent 
ceux  qui  affirment  ,  qu'un  certain  effet  de  la 
nature  eft  un  miracle  fait  exprès ,  pour  prédire 
de  la  part  de  Dieu  à  tous  les  peuples  de  la  ter- 
re leur  prochaine  deilruâion  j  à  quoi  néan- 
moins Dieu  ne  penfe  pas  :  car  quelquefois  c'cll 
alors  qu'il  prépare  des  joies  Se  des  triomphes  à 
plulieurs  nations.  Joignez,  à  cela  ,  que  la  fou- 
dre eft  fi  à  portée  de  nous  faire  du  mal  ,  6c 
qu'elle  en  fait  li  fbuvent  de  terribles  auprès  de 
nous ,  qu'il  n'y  a  point  d'erreur  à  croire  qu'il 
nous  en  peut  arriver  du  préjudice  5  au  lieu  que 
nous  n'avons  aucune  raiibn  de  penièr  qu'une 
Comète  ait  jamais  fait,  ou  ait  jamais  pu  faire 
le  moindre  mal.  Outre  que  ce  feroit  un  ju- 
gement faux  &:  très-incapable  de  paiîèr  pour 
une  œuvre  méritoire  ,  que  de  dire  que  la  fou- 
dre a  été  formée  nommément  ôc  exprelTément 
pour  châtier  les  pécheurs. 

§.  LXXVI. 

^iC'il  ejl  faux  que  les  peuples  qui  font  heureux 
après  l'apunt'im  des  Comètes  ,  aient  mérité  cet- 
]^  te  difiifjhion  par  leur  pénitence. 

IL  Quant  à  ceux  qui  pourroient  dire  ,  que 
les  Comètes  menacent  tous  les  peuples  du  mon- 
de ,  parce  qu'en  effet  Dieu  a  deffein  de  les  pu- 
nir tous  5  mais  qu'il  y  en  a  quelques-uns  dont 
k  repentance  delàrme  fà  colère  :  je  ne  leur  ré- 
pons autre  chofè  ,  lïnon  qu'ils  ie  trompent  ma- 
aifellemcnt.    lis    m'obiigeroient    fort   de   me 

jnon- 


TenféiS  dfverjes',  Ï35 

înontrer  par  quelle  mortification  les  Macédo- 
niens ont  apailë  la  juftice  divine  ,  &  mérité 
les  richefîes  ôc  les  couronnes  de  Darius,  au  lieu 
des  châtimens  qui  leur  étoient  deftinez  par  la 
(i)  Comcte  dont  j'ai  déjà  fait  mention.  (i)  cî- 

Je  fèrois  bien  aiiè  auflï  qu'ils  m'aprifîènt  les  defTuspag, 
aâ:es  de  dévotion  8c  de  pénitence  ,  qui  fauve-  '3'» 
rent  Mahomet  II.  des  infortunes  ,  dont  il  de- 
voit  avoir  fa.  part  en  vertu  des  Comètes  qui 
parurent  ibus  Ion  règne.  C'étoit  le  plus  grand 
Athée  qui  fût  fous  le  ciel  :  fès  troupes  com- 
mettoient  les  crimes  les  plus  énormes  qui  iè 
pufîènt  commettre  ,  8c  cependant  elles  ne  cef^ 
ibicnt  de  fubjuguer  des  Roiaumes  8c  des  Em- 
pires dans  la  Chrétienté. 

Avoiions  donc  ,  que  ce  n'eil:  pas  le  defîèin 
de  Dieu  ,  quand  il  fait  paroître  des  Comètes , 
de  châtier  tous  les  peuples  du  monde.  Sa  Pro- 
vidence trouve  plus  à-propos  de  les  punir  fuc- 
ceflivement  les  uns  par  les  autres.  Les  Macé- 
doniens n'étoient  pas  plus  gens  de  bien  que  les 
Perles  ;  cependant  parce  que  le  tems  étoit  veivi 
où  Dieu  vouloit  ruiner  la  Monarchie  des  Per- 
iès  ,  il  les  fournit  aux  Macédoniens.  Ceux-ci 
aiant  fait  leur  tems  ,  fuccomberent  à  leur  tour 
à  répée  des  Romains  ,  qui  entaflànt  viftoire 
iùr  viéioire,  8c  fubjuguant  au  long  8c  au  large 
Roiaumes  8c  Republiques  ,  fans  être  plus  gens 
de  bien  que  ceux  que  Dieu  leur  affujettiiloit, 
fîloient  leur  corde,  pour  ainfidire,  8c  accumu- 
loient  les  jugemens  de  Dieu  fur  leur  tête,  com- 
me le  remarque  (i)  Saint  Auguftin ,  en  fai-  ^2)  De 
iànt  voir  aux  Idolâtres,  qui  accuibient  l'Evan-  Civicaî© 
gilc  d'être  la  caulè  des  calamitez  publiques,  Dei, 
qu'elles  étoient  un  effet  de  leur  corruption,  8c 
de  leurs  dcreglemens.  Quoi  qu'il  en  Ibit,  l'Em- 
pire Romain  qui  s'étoit  formé  par  des  ufurpa- 
tions  violentes  ,  a  été  démembré  par  une  iem- 
biable  voie  ;  la  Providence  divine  faifànt  voir 

de 


Î7,(j  Penfees  diverjes* 

de  tems  en  tcms  parmi  les  hommes  ,  ce  qui  {& 
Élit  tous  \qs  jours  parmi  \qs  cauiès  neceiïàires, 
dont  les  unes  ramaircnt  en  un  corps  ,  qui  nous 
cache  tout  le  ciel ,  plulieurs  nuages  feparez  ,  6c 
les  autres  diviient  cette  grande  nue  en  une  in- 
finité de  petits  nuages. 

Ce  que  j'ai  dit  ,   que  les  peuples  font  punis 
chacun  à  fon  tour,  fans  que  ceux  qui  font  les 
premiers  châtiez  foient  les  plus  coupables ,  n'eft 
pas  une  fimplc  conjedure  :    c'efl  Dieu  lui-mê- 
(t)  Chap,    i^^  qi^i  i^o^s  l'aprend  par  la  bouche  de  (i)  Je- 
ay.  V.  f.      remie.     C'efl  moi ,   dit-il  ,  qui  ai  frit  la  terre, 
&  fuiv.        ^  c^ui  l'ai  donnée  a,  qui  bon  m'a  femblé  j    cefi 
moi  qui  ai  livré   tons   ces  païs-ci  a  Nabuchodo^ 
nofor  Roi  de  Babylone  ?non  ferviteur  ,    c^    toutes 
les  nations  lui  feront  fujettes  a  lui,  ^  à  fonfils, 
{^  au  fis  de  fon  fis  ,  jufques  k  ce  que  le  tems 
auff  de  fon   pats  vienne.     Il    feroit  abfurde  de 
s'imaginer ,  que  le  Roi  de  Babylone  etoit  plus 
faint  &  plus  dévot  que  celui  des  Juifs,  6c  que 
•  c'cll  à  cauk  de  la  pieté  qu'il  conquit  un  puif- 
lànt  Empire.     Il  étoit  peut-être  plus    méchant 
que  les  Rois  que  Dieu  lui  affujettit:  mais  par- 
ce que  le  tour  des  Caldéens  n'étoit  pas  encore 
venu  ,     fon   ambition   fut  un  crime  heureux, 
dont   Dieu   fe  fer  vit    pour   châtier  les  peuples 
dont   il   ne  vouloit   plus  différer  le  châtiment. 
Le  tour  des  Caldéens  vint  aulfi  quelque  tems 
après.     Les  Medes  &  les  Perfes  aulTi  mechans 
qu'eux  ,   mais  pollerieurs  ea  date  dans  le  livre 
de  la  Providence  ,  les  deiblerent  8c  les  fabju- 
guerent  ,  pour  être  defolez  8c  fubjuguez  à  leur 
tour.      Souvenons-nous  de  la   déclaration    ex- 
(i)Ev^nn;.  preflè   du    Fils  de  (i)  Dieu  ,     fur  ceux  qui  £q 
deSt, Luc,  trouvèrent  accablez  lôus  les  ruines  d'une  tour, 
chap.  13.     Q^  égorgez  en  fàcrifiant ,  8c  nous  n'entrepren- 
drons pas  de   dire  ,    que  ceux  qui  châtient  les 
autres  ,     font  plus  gens  de  bien  que  ceux  qui 
font  châtiez,,    J'avoue  que  la  patience  de  Dieu 

kiiic 


Tenfées  diverfes,  137 

îaifîc  fouvent  combler  la  mefure  aux  pécheurs , 
avant  que  de  leur  faire  lèntir  les  rigueurs  de  là 
juftice  :  d'où  il  iemble  que  l'on  pourroit  infé- 
rer ,  que  les  nations  épargnées  n  ont  pas  enco- 
re comblé  la  mefure  ,    comme  celles  qui  ibnt 
punies  ;  mais  il  ne  faut  pas  juger  par  le  com- 
ble de  cette  mefure  ,  qu'une  nation  eft  plus  ou 
moins  criminelle  qu'une  autre.     Etre   arrivé  à 
ce  comble ,  lignifie  feulement ,  que  1  on  eft  ar- 
rivé à  l'heure  fatale  où  Dieu  veut  punir.     Or 
qui  doute   que   cette  heure  tatale  ne  foit  atta- 
chée  tantôt  à  une  plus   petite    m.efure  de  pé- 
chez ,  tantôt  à  une  plus  grande ,  fclon  que  Dieu 
trouve   à   propos  de  diverfifier  les  évenemens , 
6c  de  faire  paroître  ià  fouveraine  liberté  ?  Il  y 
a    des    gens    qui  croient  avoir  remarqué  dans 
rHifroirc  ,  que  le    changement  des  Etats  ie  fait 
régulièrement  après   un  certain  nombre   d'an- 
nées ,  8c  ils  nous  (i)  citent  je  ne  fai  combien  /j\  p^^^ 
de  révolutions    arrivées   cinq  cens  ans  \ts  unes  cer.de 
après  les  autres.     Je  ne  m'amule  pas  à  réfuter  prxc.  Di- 
toutes  ces  puerilitez  5    &  peu  s'en  faut  que  je  vmac.  gè- 
ne  me  repente  de    les   avoir  déjà  (2)  refutées  "^g  ^^ 
en  palîànt.     Mais  je  fouhairte  bien  que  l'on  ià- 
che,  que  je  defic  tous  les  hommes  du  monde  (^\  ci- 
de  me  faire  voir  dans  rHiiloire  ,  qu'après  une  defTus, 
certaine  mefure  déterminée  de  tolérance  ,  Dieu  °'  ^-J» 
17'a  pas  nianqué  de  faire  éclater  les  effets  de  ià 
jufticc.     Rien    n'eft  plus  infini  que  la  diverfité 
qui  fè  rencontre  dans  les  manières  de  Dieu. 

§.    LXXVII. 

^^ue  Ve^cace  des  prières  d'im  petit  nombre  de 
donnes  âmes  diins  U  zraie  Religion  3  na  point 
de  lieii  dans  les  faujfes  R.eUj^ions. 

III.  Dira-t-on  ,   qu'à  tout   le  moins  il  y  a 
eu  quelques  bonnes  âmes ,  qui  par  leurs  priè- 
res 


138  Penfees  diverfef, 

res  6c  par  leurs  bonnes  œuvres  ,  ont  délivre 
leur  nation  de  la  part  qu'elle  devoit  avoir  aux 
châtimens  prefagez  par  les  Comètes  ?  Je  con- 
fèns  qu'on  le  dilè  ,  Se  qu'on  le  croie  à  l'égard 
des  peuples  qui  font  dans  la  vraie  Religion,  Car 
quoi  qu'il  ièmble  ,  que  li  Dieu  le  lailfe  fléchir 
en  faveur  de  tout  un  peuple,  aux  prières  d'un 
petit  nombre  de  gens  ,  qui  palTent  toute  leur 
vie  dans  les  exercices  de  la  pieté  ,  il  ne  forme 
pas  aufli  le  deiïèin  d'exterminer  ce  même  peu- 
ple ,  pendant  que  ce  petit  nombre  de  gens  le 
ibutiennent  :  quoi  qu'il  fèmble  que  li  l'eftét  des 
Comètes  peut  être  détourné  par  la  pénitence 
des  hommes  ,  ce  n'eft  que  par  la  pénitence  des 
mechans  qui  ont  irrité  la  colère  du  Ciel  ,  8c 
non  pas  par  les  macérations  des  bonnes  âmes 
toujours  agréables  à  Dieu  ,  8c  qui  n'attendent 
pas  à  le  lervir  dévotement  ,  qu'il  paroilîè  des 
prodiges  :  quoi  qu'il  femble  que  li  un  petit 
nombre  de  dévots  ,  eft  capable  de  defarmer  le 
bras  de  Dieu  en  faveur  de  toute  la  nation  ,  ja- 
mais les  peuples  qui  font  dans  la  véritable  Egli- 
fè  ,  ne  lentiroient  les  pelàns  coups  de  la  ven- 
geance celefte  ,  ni  ne  fe  ruïneroient  jamais  les 
uns  les  autres,  comme  ils  font,  parce  qu'il  y 
a  toujours  parmi  ces  peuples  un  reiidu  de  bon- 
nes 6c  de  làintes  âmes  :  quoi  qu'il  lemble ,  dis- 
je,  que  l'on  puifîè  m'opofer  ces  railbns-là ,  je 
veux  bien  pourtant  convenir  que  les  bonnes 
œuvres  de  ce  petit  nombre  de  Chrétiens  qui  le 
confacrent  entièrement  à  Dieu  ,  peuvent  atti- 
rer les  grâces  du  Ciel  fur  toute  la  nation.  Je 
ni  que  la  victoire  palfoit  du  côté  de  Jofué,  ou 
(i)  Exod.  du  côté  des  ennemis  ,  à  mefure  que  (i)  Moï- 
rap.  zy.  fe  élevoit  les  mains  vers  le  ciel,  ou  qu  il  ne  les 
élevoit  pas.  Je  lài  qu'on  a  dit ,  que  du  fond 
des  grottes  Se  des  folitudes  ,  où  les  Saints  fai- 
fbient  leur  retraite ,  ils  élevoient  julques  au  ciel 
par  leurs  j unes  6c  leurs  oraifons  ,  la  matière  des 

fou- 


Tenfées  diverfes,  i^p 

foudres  qui  accabloient  les  ennemis  de  k  Chré- 
tienté ;  éc  je  ne  doute  point  qu'on  ne  puiflè  di- 
re ,     que   les  bonnes  âmes  en  fè  coniàcrant  à 
Dieu ,  iè  dévoilent  pour  ja  patrie ,  Se  qu'elles  lui 
procurent   les   mêmes  avantages  que  la  fuperjp- 
tition    Païenne  s'imaginoit    tauiîèment    devoir 
au  facrifice  d'un  Codius  ôc  d'un  Decius.    Mais 
ce  fèroit  une  impiété'  que  d'attribuer  la  même 
vertu  aux  prières  des  Veftales  ,    &  aux  macé- 
rations des  Infidèles.     Tant  s'en  faut  que  cela  (0  ru^^' 
puilTè  expier   les   péchez  àes  autres  hommes,  j^]  '  * 
qu'il  eil  lur  que  les  iàcrifices  des  Paiens  ,  &  les 
autres  adlcs  de  leur  idolâtrie,  doivent  être  mis  ('2)Qu;d 
en  têrc  de  tous  les  crimes  qui  leur  ont  attiré  la  juvac  fa- 
maledidlion  de  Dieu.     La  penfée  de  Caton,  qui  ^"^i  PJ^'^'»" 
difoit  de  la  mère  d'un  fort  mal-honnête  hom-  ^oj."s  "* 
ine,   ^^ue  quand  elle  prioif  les  Dieux  pour  la  lie  dîcare,8c 
de  [on  pis ,  ce  n'éîoit  pas  tant  des  -prières  qu'elle  imperii 
faifoit ,  que  des  imprécations  contre  Kome ,  ie  peut   xtemita- 
étendre    généralement    fur    toutes    les    prières  ^^^  cœle- 
adreflees  aux  Idoles  ;    quoi  qu'en  ait  voulu  dire  cirepra;fî- 
(i)  Symmaque  .  dans  les  reproches  qu'il  a  faits   diis,armis 
à  des  Empereurs  Chrétiens,    qu'en  privant  de  veftris, 
leurs  penfions  les  Veftales  &  les^  Prêtres  du  Pa-  ^quilis  ve- 
eanifme  ,    ils   s'en  étoient  pris  à  des  peribnnes     '^!^!!f\î 

*^    •    r  ■  1.'  •    '     ]       i>T-  •  \,    r     C^5    appll- 

qui  ioutenoient  i  éternité  de  1  Empire   par  1  al-  ^are  vircu- 

nftance  &:  par  la  proteftion  du  Ciel  ,   dont  ils  tes,  pro 

attiroicnt  la  (2)  benediâ;ion  fur  les  armées  Ro-  omnibus 

maines.  ^^^"V'^?  • 

vota  fufci- 
pere  ,& 
§.    LXXVIII.  juscum 

omnibus 

DhreÛion  neceffaire.  "°"  1?^^*' 

*    "'  •'•'  re?  Sym- 

II  refle  quelques  autres  difficultez  à  écîaircir 
qui  pourroicnt  diminuer  la  force  de  ma  fèptié- 
me  Raifon  ,  iî  je  n'en  donnois  un  éclaircifle- 
ment  bien  fblide.  Aufîi  pretends-je  le  donner 
dans  une  julle  étendue.     Mais   auparavant  je 

prca- 


math»  ibid^ 


140  Penfées  diverfis, 

prendrai  la  liberté  de  faire  une  digreflTion, quand 
vous  devriez  renouveller  le  reproche  que  vous 
m'avez  tait  afTez  fouvent ,  d'être  le  plus  grand 
coureur  de  lieux  communs  qui  ibit  au  monde. 

§.   LXXIX. 

V 1 1 1.  Raiibn  :  ^^uc  l'opinion  qui  fait  prendre 
les  Comètes  four  des  prefages  des  calamitez.  pu- 
bliojHes  ,  eji  une  vieille  fuperjiition  des  Paiens, 
qui  s' eji  introduite  ^  confervée  dans  leChrif- 
tianifme  far  la  prévention  que  Von  a.  pour  l'A'n* 
tiquité. 

JE  deftine  cette  digreffion  à  recueillir  de  tout 
ce  que  j  ai  remarqué ,  la  véritable  caufe  de  la. 
prévention  qui  règne  dans  le  monde  ,  que  les 
Comètes  font  des  fignes  de  malheur.  Je  dis  donc 
que  ce  îèntiment  ell:  un  refte  des  fuperftitions 
Paiennes  ,  qui  s'eft  perpétué  de  père  en  fils  de- 
puis la  converfion  des  Paiens  ,  tant  parce  qu'il 
avoit  jette  de  profondes  racines  dans  l'ame  de 
tous  les  hommes  ,  que  parce  que  ,  générale- 
ment parlant  ,  les  Chrétiens  font  auiïl  frapcz^ 
ue  les  autres  hommes  ,  de  la  maladie  de  lè 
ire  des  prelages  de  tout. 

§.  LXXX. 


t 


De  la  grande  pajjïon  qu'ont  les  hommes  de  favoir 
l  avenir ,  0»  des  ejfets  qu'elle  a  produits. 

Il  eft  facile  de  comprendre  que  les  Paiens 
croioient  fortement  que  les  Comètes ,  les  éclip- 
fcs,  Sec.  prefageoient  de  grands  malheurs  ,  fi 
l'on  confidere  le  penchant  naturel  de  l'homme 
à  iè  tourmenter  pour  l'avenir  ,  fa  curiofité  in- 
iàtiable  de  iàvoir  1  avenir  ,  &  la  coutume  qu'il 
a  de  trouver  ôc  du  nierveiiieux ,  Se  du  myftere 

dans 


Penfées  diverjes.  14 1 

clans  tout  ce  qui  n'arrive  pas  ibuvent.     Cette 
infatiable  curioiité  dé  l'avenir  a  fait  naître  je  ne 
fài   combien  de    manières  de  divination  toutes 
chimériques  ôc  ridicules  ,    dont  néanmoins  les 
hommes  n'ont    pas  lailTë   de  iè  paier.     Quand 
quelqu'un   a   été  aiïèz    malicieux   pour  vouloir 
profiter  de  la  foibleflè  de  l'homme  ,   8c  qu'il  a 
eu  aflcz,   d'elprit  pour   inventer  quelque  chofc 
qui  pût  fervir  à  ce  deflcin  ,    il  n'a  pas  manque 
de  donner  là  dedans,  c'eft- à-dire  ,  de  fe  vanter 
de  la  conoiflànce  des  choies  futures.     C'eft   de 
là    qu'eft   venue   l'Aftrologie  judiciaire.     Ceux 
qui    commencèrent  à  étudier  les   mouvemens 
des   cieux ,  n'avoient  autre  chofè  en  vue  que  de 
s'inftruire   d'un    effet  ii  admirable  :    &  comme 
c'étoient  aparemment  des  efprits  plus  touchez 
(i)  de  l'amour  des  fciences  ,    que  de  celui  des  (i)Voîez 
biens  du  monde  ,    ils  ne  pretendoient  pas  faire  Ovide  au 
de  i'Aftrologie   un  art  de  filou.     Mais  il  s'eft  ^'Jp^^çg 
trouvé  de  mal  honnêtes  gens  dans  la  fuite  ,  qui 
aiant  remarqué   le   foible  de  l'homme ,   en  ont 
voulu  profiter  ;  8c  pour  cet  effet  ils  ont  débité 
par  tout  ,    que  la  fcience  des  aftres  aprend  ce 
qui  eft,  ce  qui  a  été,  Se  Ce  qui  fera.  De  forte 
que  pour  de  l'argent  chacun  pouvoir  aprcndre 
fa  bonne  avanture.  Pour  mieux  duper  les  gens, 
on  leur  a  fait  croire  que  les  cieux  font  un  livre  /^^  yj j 
où  Dieu  a  écrit  l'Hiftoire  du  monde ,    8c  qu'il  Eufeb. 
n'y  a  qu'à  lavoir  lire  l'écriture  dont  Dieu  s'eft  prcep. 
ièrvi  ,     qui    n'eft  autre  que  l'arrangement  des  £uan, 
étoiles  ,     pour  aprendre  cette  Hiftoire-là.     De        ^' 
trcs-làvans  hommes  ,  Plotin  8c  Origene  entre     ^*  ^* 
autres  ,  ont  donné  dans  ce  panneau,  julques-  /^\  Lç»» 
là  (  2  )  qu'Origene  voulant  confirmer  ion   fcn-  in  tabuJis 
timent  par  quelque  chofe  de  bien  fort ,  le  cou-  cœli  qux- 
vre  de  l'autorité  d'un  livre  apocryphe  attribué  ^""4"^ 
au  Patriarche  Jofeph .  où  l'on  fait  dire  au  Pa-  "obisT"^ 
triarche  Jacob  s'adreflânt  à  fes  enfans ,  {2,)  ^'ai  finis  vcf- 
Ifi  dam  les  récures  du  ciel  tout  ce  c^ui  'vom  arrï-  trisi 

1er  a , 


f  z)  Nec 
corpora 
modo  af- 
feÛ.i  ta- 
bo,  (ed 
animos 
quoque 
multiplex 
religiOï 
&  plera- 
que  ex- 
terna  in- 
vaficno- 
vos  ritus 
facrifi- 
candoi  va- 
tJcinando- 
que,ir,fe- 
rentibus 
in  domos, 
quibiis 
qaxftui 
Xunt   capti 
fuperfti- 
tione  ani- 
mi.  Li- 
viits  l.  4, 
Dec,  u 


Ï42  Penfées  diverfis» 

l'erat  ^  a  vous,  1^  k  'vos fils.  On  a  profité 
fur  tout  de  l'aparition  des  Comètes  ,  &  de  la 
peur  qu'elles  tàilbient  par  leur  longueur  deme- 
iurée.  Les  Ailrologues  n'ont  pas  manqué  de 
dire  que  c'étoient  des  aftrcs  mal-faifans  ;  ils 
l'ont  dit  lur  tout,  après  avoir  éprouvé  qu  ils  fe 
rendoient  en  quelque  façon  neceiTaires  par  ce 
moien-là ,  chacun  voulant  favoir  d'eux ,  comme 
d'un  Oracle  ,  quels  étoient  dans  le  détail  les 
malheurs  prefagcz,  par  les  Comètes.  Les  éclip- 
£gs  leur  ont  fourni  de  pareilles  occaiions  de  fai- 
re valoir  leur  talent.  D'autres  ont  pris  occa- 
fion  de  là,  de  fè  vanter  de  plulieurs  autres  for- 
tes de  divination ,  de  la  Geomance  ,  de  la  Chi- 
romance  ,  de  l'Onomance  3  8c  infenfiblement 
le  monde  s'eft  trouvé  fi  plein  de  fuperftition , 
quon  croioit  que  toutes  chofès  étoient  àcs 
preiàges  de  l'avenir ,  particulièrement  lors  qu'en 
eut  tait  une  afiàire  de  Religion  de  cette  ibrte 
de  difciplines ,  £c  que  le  fort  du  fèrvice  divin  fè 
trouva  placé  dans  la  conoillance  des  augures. 
Ceux  qui  pour  iè  rendre  necelîàires  ,  avoient 
befoin  de  faire  peur  de  la  colère  àcs  Dieux  au 
peuple ,  ne  manquoient  pas  d'apuier  {iir  les  Co- 
mètes ,  Se  de  mettre  en  proverbe  qu'on  n'en 
avoit  jamais  vu  qui  n'eût  aporté  du  mal.  Ils 
fa  voient  pêcher  en  eau  trouble  ,  comm.e  nous 
l'aprend  Tire  Live:  car  à  loccaiion  d'une  ma- 
ladie contagieulè  qui  de  la  campagne  fe  repan- 
dit dans  la  ville  après  une  grande  iechereffe  Tan 
de  Rome  326.  il  raporte  que  la  maladie  palîà 
jufques  à  l'elprit  ,  par  l'adrelTe  de  ceux  qui 
s'enrichifîènt  de  la  fuperftition  àts  autres  ,  6c 
qu'on  ne  voioit  par  tout  que  de  nouvelles  (i) 
cérémonies.  Le  Démon  ,  qui  faifoit  là  beau 
jeu ,  6c  qui  trouvoit  que  la  fuperftition  des  peu- 
ples lui  étoit  un  moien  intaillible  de  .iê  laii-e 
adorer  ibus  le  nom  des  faux  Dieux  en  cent 
manières  différentes ,  toutes  criniinelles  ,  tou- 
te* 


Penfées  dîverjes.  145 

tes  deteftées  du  fbuverain  Maître  de  TUnivers , 
ne  manquoit  pas  lors  qu'il  paroiflbit  des  mé- 
téores ,  ou  des  étoiles  non  communes  ,  d'em- 
ploier  fon  art  trompeur  à  perfuader  aux  Idolâ- 
tres ,  que  c  etoicnt  des  lignes  de  la  colère  des 
Dieux ,  6c  que  tout  étoit  perdu  ,  û  l'on  ne  les 
apaifbit  par  des  facrificcs  d'hommes  (k  de  bê- 
tes, 6vc. 

§.    LXXXI. 

^«c  les  politiques  ont  fomenté  U  fuperflition 
des  prefages, 

La  Politique  s'eft  aufTi  mêlée  du  foin  de  fai- 
re valoir  les  preiàges  ,  afin  d'avoir  de  bonnes 
relTources,  ou  pour  intimider  les  fujets  ,  ou 
pour  les  remplir  de  confiance.  Si  les  Ibldats 
Romains  eufîènt  été  des  efprits  forts  ,  Drufus 
fils  de  Tibère  n'eût  pas  eu  le  bonheur  de  cal- 
mer la  mutinerie  des  Légions  de  la  Pannonic, 
qui  ne  gardoient  plus  aucunes  mefùres.  Mais 
une  éclipfè  qui  fur  vint  fort  à-propos  ,  étonna 
tellement  ces  mutins  ,  que  (i)  Drufus  qui  fè  (i)  Tacit. 
prévalut  en  habile  homme  de  leur  terreur  pa-  ^nJ^^l. 
nique ,  en  fit  tout  ce  qu'il  voulut.  Une  écliplè  *  '* 
de  lune  épouvanta  li  fort  l'armée  d'Alexandre 
Je  Grand  quelques  jours  avant  la  bataille  d'Ar- 
belles  ,  que  les  ibldats  s'imaginant  que  le  ciel 
leur  donnoit  des  marques  de  ion  couroux ,  ne 
vouloient  point  paflêr  outre.  Leurs  murmu- 
res alloient  à  une  fcdition  toute  ouverte  ,  lors 
qu'Alexandre  fit  commandement  aux  Devins 
Egyptiens  ,  qui  étoient  les  mieux  verfèz  en  la 
fcicnce  des  aflres  ,  de  dire  leur  fentiment  fur 
cette  éclipfè  en  prelènce  des  Officiers  de  l'ar- 
mée. Les  Devins  ,  làns  s'amufèr  à  expliquer 
le  {ecrct  de  leur  Phyfique  ,  qu'ils  tenoient  ca- 
ché au  vulgaire  ,    fe  contentèrent  d'affurer  le 

Roi, 


144  Penfées  diverjès. 

Roi ,  que  le  foleil  étoit  pour  les  Grecs,  8c  la  lu- 
ne pour  les  Perles  ,    &  qu'elle  ne  s'éclipfbit  ja- 
mais ,   qu'elle  ne  les  menaçât  de  quelque  cala- 
mité: fur  quoi   ils  raporterent   plulleurs  vieux 
exemples  des  Rois  de  Perfè,qui  après  les  éclip- 
its  de  lune  avoient  eu  les  Dieux  contraires,  lors 
qu'ils  avoient  combatu.     Kisn  n'efi  ji  fuijja-ût  ^ 
(i)  LÎV.4.  pourfuit  (i)  Q;    Curce  ,  que  Id  fuferfiiîion  pur 
chap,  10.     tenir  en  b/ule  la  populace,     ^^uelque  ejfre-ûée  ^ 
mco7iJla7Jte  qu'elle  fo'it ,  fi  elle  a  une  fois  l'efprit 
frape  d'u?ie  vaine  image  de  Religici  ,    elle  obetra 
mieux  à  des  Devins,  qu'afes  Chefs.   La  reponfe 
donc  des  Egyptiens  étant  divulguée  parmi  les  trou- 
pes ,  releva  leur  efperance  0^  leur  courage  ,    8cc. 
(2)  Voiez  Le   même    (2)    Alexandre  aiant  remarqué  ,  en 
les  fuple-    fç  préparant  au  palîàge  du  Granique  que  la  cir- 
r/einshe-  conftance  du  tems,  qui  étoit  le  mois  de  Delius, 
mias  fur     9'-!^    l'on   difoit  avoir  été  malheureux  de  toute 
Q.  Curce    ancienneté  aux  entreprifès    des    Macédoniens, 
liv.  2,        decourageoit  Ion  armée  ,  fit  publier  qu'on  apel- 
/•         leroit  ce  mois  dangereux  ,  du   nom  du    mois 
précèdent  ,    n'ignorant  pas   combien   un    vain 
fcrupuie  de   Religion   a  de  force  fur  les  petits 
eiprits ,  8c  fur  les  efprits  ignorans.  Pour  mieux 
alfùrer  les  eiprits  épouvantez   ,     il   fit    lècrete- 
ment  avertir  Arillandre  fon  grand  Devin  ,  qui 
ïàcrifioit  alors ,  afin  que  le  palTage  fût  heureux, 
de  faire  enforte  par  le  moien  d'une  certaine  li- 
queur ,  qu'on  pût  lire  fur  le  foie  de  la  vidtime , 
que  les   Dieux,  donnoient  la  victoire  à  Alexan- 
dre.    Ce  miracle  divulgué  remplit   les    eiprits 
d'une  fi  grande  efperance  ,   que  chacun  fe   mit 
à  crier ,  quil  ne  faloit  douter  de  rien  après  des 
témoignages   fi   vifibles    de    la    protedtion   àes 
Dieux.     L'Hiiioire    de    ce   grand   Conquérant 
fournit  quelques    autres   exemples   de    pareilles 
rufès  ,  quoi  qu'il  alteilât  de  ne  vouloir  vaincre 
ûue  par  là  lèule  valeur  :  5c  ce  qui  ert  bien  plus 
étrange,  le  même  Héros  ,   qui  faifoit  tomber 

les 


Penfées  diverfes,  14^ 

]qs.  autres  dans  le  panneau ,  y  tomboit  quelque- 
fois lui-même ,  car  il  étoit  tort  fuperftitieux  en 
certaines  rencontres.  Je  ne  dis  rien  de  (i)  ("i)  pjy, 
Themillocle  ,  qui  ne  pouvant  perfuader  aux  tjiq.  enf« 
Athéniens  d'abandonner  leur  ville  pour  aller  te-  ^ic. 
nir  la  mer  ,  au  tems  de  la  guerre  de  Xerxes, 
fit  jouer  \qs  machines  de  la  Religion ,  fupolà 
ô^Qè  oracles  ,  8c  fît  dire  au  peuple  par  les  Prê- 
tres, que  Minerve  avoit  quitté  la  ville  ,  8c  pris 
le  chemin  du  port.  Philippe  Roi  de  Macédoi- 
ne ,  l'homme  du  monde  qui  s'entendoit  le 
mieux  à  vaincre  les  ennemis  par  des  intelli- 
gences micnagées  à  force  d'argent ,  avoit  des 
otacles  de  Delphes  à  ià  pofte  autant  qu'il  en 
vouloit  :  8c  de  J  à  vint  que  Demoflhene  Soup- 
çonnant avec  raifbn  que  la  Prêtrefîè  fè  laiiToit 
luborner  par  les  preièns  de  Philippe  ,  railla  vi- 
vement fur  la  partialité  qu'elle  temoignoit  pour 
lui,  comme  l'a  remarque  Minucius  Félix  après 
Ciceron. 

Il  efl:  aifé  de  comprendre  ,  que  les  miêmes 
maximes  d'Etat  ,  qui  ont  fomenté  la  fliperfui- 
tion  de.s  peuples  à  i  égard  des  autres  prodiges, 
l'ont  auHî  fomentée  à  l'égard  des  Comètes. 
Car  il  n'y  avoit  rien  de  plus  aife,  quand  il  pa- 
roifibit  une  Comète  ,  8c  qu'on  vouloit  faire  la 

fuerre  à   quelque   Prince  voifin  ,  que  de  faire 
cbiter  par  les  Aftrologues,  que  cette  Comète 
menaçoit  particulièrement  ce  Prince-là  j     que 
de  faire  dire  fort  fèrieufement  ce  que  Velpalien 
difbit  ,  (2)  peut-être  pour  rire  ,  d'une  Comète  ^^)  x'î- 
qui  parut  fous  fon  règne  ,   ^^ue  c'étoit  le   Roi  philin. 
ilcs  Fari-hes  avec  fft  longue   chevelure  ,     qui  en  Aur.  \\c- 
étûk  menacé  pluiôf  que  lui  ,  qui  portait  les  che-   ^".'"  ^" 
veux   courts.     C'étoit   en    même  tems  donner  ^"^"'* 
bonne  efperance  à  ion  parti  ,     8c  étonner  l'au- 
tre.    11  paroît  par  la  6.  Satire  de  Juvenal  ,  que 
cela  'fè  pratiquoit  ainfi.     Car  en  nous  donnant 
le  caraftere  d'une  femme  nouvclliilc  ,    ii  nc.îs 
Tom.  L  G  là 


1^6  Penfées  diverfeS» 

la  repreiènîre  débitant  dans  les  compagnies  ] 
^l'il  paroijjoit  des  Comètes  qui  mmaf oient  le 
Koi  d'Arménie  0*  le  Roi  des  Parthes  ,  ^  que 
leurs  pats  ^  leurs  villes  étoicnt  n^vagez,  par  des 
inondations  de  fleuves  ,  0>  par  des  trembkmem 
de  terre  ,  ce  qui,  comme  vous  fàvez  ,     Mon- 

(i)  Voiez  ^'^^^'^  »     P^^it  pour  un   preiàge  (i)  fâcheux, 

ci-deffus     outre  le  mal  prefent  qu'il  caufoir. 


pag.ii. 


Inflantem  Régi  Armenio ,  Rarthoque  Cometen 
Rrima  videt  :  famam  rumorefque  iUa  récentes 
Excipit  ad  portas ,  quofda?n  facit  ijfe  Niphatem 
Jn  populos  y  rnagnoque  illic  cuncia  arva  teneri 
Diluvio ,  nutare  urbes ,  fubjidere  terras , 
^uocunque    in   trivio  ,     cuicunque  eji  obvi,t-, 
narrât. 

Vous  voiez  là  Tefprit  d'un  nouvellifte  pen- 
fionnaire ,  toujours  informé  d'un  grand  nom- 
bre de  malheurs  qui  defblent  le  pais  ennemi, 
ou  celui  qui  le  va  devenir  ,  &:  de  plufieurs  pre- 
fages  fimeftes  qui  le  menacent. 

Qui  doute  que  les  amJs  de  Cefàr  n'aient  af- 
fefté  de  dire  par  tout,  que  la  Comète  qui  pa- 
rut après  ià  m.ort ,  étoit  une  marque  du  cou- 
roux  du  Ciel  contre  fes  meurtriers,  6c  un  pre- 
iàge de  la  protedtion  que  les  Dieux  accorde- 
roient  à  ceux  qui  en  pour  fui  vr  oient  la  ven- 
geance ?  Vous  avez  lu  fans  doute  que  Maho- 
met gagna  un  Aflrologue  de  réputation  ,  pour 
annoncer  par  tout  qu'il  devoit  arriver  un  giand 
ehano;eraent  dans  le  monde  ,  £c  qu'un  grand 
Prophète  établiioit  une  nouvelle  Religion. 
Pourquoi  cela  ?  Afin  de  préparer  les  elprits  à 
ne  point  s'opofèr  à  des  évenemens  qu'ils  re- 
garderoient  comme  prédeftinez  &  inévitables. 
Mais  iî  les  Grands  ont  contribué  à  faire  cjoire 
que  les  Comètes  ibnt  des  preûges  de  mauvais 
augure  ,  les  peuples  y  ont  contribué  aulTi  de 

leur 


Penfees  diverjès,  r^j 

leur  côté  j  non  feulement  parce  qu'ils  fe  por- 
tent de  leur  naturel  à  traiter  de  prelàges  ks 
moindres  chofes  ,  mais  aufli  par  une  certaine 
malignité'  ,  qui  les  porte  à  s'imaginer  facile- 
ment, que  ceux  qui  gouvernent  ne  s'en  acqui- 
rent pas  au  contentement  de  Dieu  :  5c  là-def^ 
fus  c'ell  à  glofer  fur  ce  qu'on  a  fait  ceci  ,  fur 
ce  qu'on  n  a  point  fiit  cela.  Defbrte  qu'il  cft 
arrivé  enfin,  que  la  Politique  a  trouvé  de  me- 
chans  cotez  dans  la  prévention  des  peuples, 
parce  qu'on  s'efl  enfin  tauflèment  imaginé ,  que 
les  Com-etcs  menaçoient  fur  tout  les  Rois  Se  les 
Princes. 

§.   LXXXII. 

^^ie   les  Tanegyrijles  cm  contribué  à  fcme7iter  U 
fuperjhtim  des  préfaces. 

Il  faut  ajouter  à  toutes  ces  caufès  de  la  pré- 
vention générale  ,  la  flaterie  des  Poètes  Se  des 
Orateurs,  Quand  ces  MefTieurs-ll  font  l'elo- 
ge  de  leurs  Héros  ,  ils  fe  fervent  entre  autres 
lieux  communs  de  celui-ci ,  (^ue  toute  lu  natu- 
re le  refpecB  ,  qu'elle  aplique  toutes  [es  forces 
pour  lui  ,  qu'elle  s'ajf^i^e  /le  jes  malheurs,  qu'el- 
le le  promet  au  r/wnde  ;  que  qucinâ  le  monde 
s'efl  rendu  indigne  de  le  pojfeder  ,  le  Ciel  qui  le 
redemande,  allwûie  de  nouveaux  feux ,  ^c.  Mr. 
de  Balzac  ne  manqua  pas  de  régaler  de  cette 
hyperbole  le  Cardinal  de  Richelieu  ,  £c  de  dire, 
que  pour  voir  un  premier  Minijlre  pareil  h  lui, 
il  efi  befoin  que  toute  la  nature  travaille,^  que 
Dieu  le  promette  long-tems  aux  hommes  ,  avant 
que  de  le  faire  naître.  11  en  fut  critiqué  ,  mais 
il  fc  (i)  défendit  ,  en  faiiànt  voir  que  d'au-  fO  ^[i*. 
très  avoient  été  encore  plus  loin  que  lui  ■■>  cet  j^p,^'"^J"', 
Ancien  ,  par  exemple  ,  qui  a  dit  de  certaines  c'.rd.^  ^^ 
amcs ,  que  tout  le  çi«l  étoit  occupé  à  faire  leur  ijentWof, 
G  X  d^fii- 


'14B  Penfées  diverfci. 

defl'mee  ;  6c  cet  illullrc  Italien  du  tems  de  nos 
pères  ,    qui  a  écrit  ,  c^ue  l'Entmdemem  Eternel 
et  Oit  m  une  haute  ^e-n[ee->z^  avoit  im  grand  def- 
fein,  lors  qu'il  fit  le  Cardi-nal  Hlpolyte  d'Eft.     Je 
m'étonne  qu'il  n'ait  fait  aufll  venir  fur  les  rangs 
ce  Prêtre  qui  dit  un  jour  à  l'Empereur  Conl- 
tantin  ,  Cjue  la  Fravidence  Dizine  ne  s'étoit  pas 
contentée   de  l'aioir  rendu  digne  de  l  Empire  du 
monde  ,   quelle  avoit  encore  travaillé  a  lui  don- 
ner  des  vertus  qui  meritoient  qu'après  cette  vie 
il  régnât  avec  le  Fils  de  Dieu  dans  le  ciel.     C'efi: 
aparemment  le  mauvais  lliccès  de  cette  flaterie 
profane  ,  qui  a  empêché  Mr.  de  Balzac  de  fè 
(i)  1.  4.    juftifier  par  un  tel  exemple  5   car  (  1  )  Eufèbe 
de  vita       raporte  que  Conflantin    fit  taire  cet   imperti- 
conft.        nent  Harangueur. 

^'  *^*  En  gênerai  on  peut  dire  que  les  flateurs  fè 

font  fcrvis  de   tous   les  effets  furprenans  de  la 
nature  pour  relever  le   micrite  de  leur  Héros, 
6c  pour  plaire  aux  Grands  du  monde.     Ainfi  hs 
Poètes  de  la  Cour  d'Augufte    ta  choient  à  i*en- 
vi  de    perfùader  ,    que   la  mort  de  Ceiàr  étoit 
caufe  de  tous  les  prodiges  qui  la  fuivirent.    Ho- 
race le  dit  exprefiémcnt  dans  l'Ode  que  j'ai  àç.- 
{i)  Ci-      jà  (2)  citée  ,  lors  que  j'ai  fait  voy^  que  les  de- 
ci^eflas  p.     hordemens  àts  fleuves  pafToient  parmi  les  Paiens 
'^''  pour  àQS  preiàges  de  malheur.     Il  prétend  que 

le  Tibre  n'avoit  fait  tant  de  ravages  ,  que  par 
complaifance  pour  là  femme  Ilie  ,  qui  vouloit 
venger  la  mort  de  Cefàr  fbn  parent.  Il  tait 
comprendre  aufTi  que  tous  les  autres  malhems 
qui  avoient  affligé  ,  ou  qui  alloient  afRiger 
l'Empire  ,  étoient  l'effet  de  l'aflàlTinat  de  cet 
(;}Georg.  Em.pereur.  S\  nous  en  croions  (3)  Virgile, 
i.  !•  le  loleil  flit  tellement  affligé  de  la  mort  du  mê- 

me Cefàr ,  qu'il  en  prit  le  deuil ,  êc  qu'il  ofïlif- 
qua  fà  lumière  de  telle  forte  ,  qu'on  craignit 
de  ne  le  voir  plus.  Cependant  on  n'eut  pas 
plutôt  vu  luire  une  Comète  peu  après  la  mort 

de 


Penfécs  diverjês.  149 

de  Cefar  ,   que  d'autres  flateurs  dirent  que  c'é- 
toit  fbn  ame  reçue  au  nombre  des  Dieux  ,  8c 
pour  cette  raiibn  on  coniàcra  un  (  i  )  Temple  (,)  sve- 
a  cette  Comète  ,  Se  l'on  reprelènta  Celâr  avec  ton.  in 
une  étoile  fur  le  front.  c*^  «'^P' 

On  ne  peut  pas  voir  àes  contradiftions  plus 
évidentes  :  car  li  l'ame  de  Ceûr  a  été  reçue  au 
nombre  des  Dieux  ,   li  elle  a  brillé  dans  le  ciel 
parmi  les  étoiles  ,   pourquoi  eft-ce  que  le  Iblcil 
s'afflige  ?   Pourquoi  fe  couvre- t-il  de  ténèbres  ? 
Ne  doit- il  pas  prendre  plus  de  part  a  la  gloire 
du  ciel ,  lui  qui  eft  de  ce  païs-là  ,   qu'aux  mal- 
heurs de   Rome  ?     Afîurément  Virgile  fait  ià 
cour  d'une  manière  bien  iinguliere  ,     puis  que 
pendant  que  les  autres  diiènt  que  le  ciel  iè  voit 
honoré   de  la  poflèlTion   d'une  nouvelle  étoile 
par  la  mort  de  Cefar  ,    il  alTure  lui  que  le  foleil 
îè    couvre  d'obfcurité.     S'il  eût  eu  moins   de 
bon  fèns,  il  eût  accommodé  fà  penlee  avec  cel- 
le des  autres  ,   en  difànt  que  le  foleil  étoit  fi  fâ- 
ché de  voir  parmi  les  Aflres  une  nouvelle  étoi- 
le à  qui  le  ciel  faifoit  plus  d'honneur  qu'à  lui, 
qu'il  fè   cachoit  de  honte.     Mais  il  étoit  trop 
judicieux  pour  iè  fervir  d'un  éloge  qui  ,     n'en 
deplaife  au  galant  «Mr.  de  Voiture,  8c  à  fon  Son- 
net  fiir  une  Dame   qui  s'étoit  baignée  à  foleil 
couchant  ,   eût  paru  froid  félon  toutes  les  appa- 
rences ,  à  celui  pour  qui  fè  fiifoit  la  fête  j  car , 
au  dire  d'un  (i)  bel  efprit  d^  fa  Cour  ,     il  reC-  ,.  ^^^ 
(èmbloit  à  ces  chevaux  qui  ruent  ,     quand  on  [j^li^  ^ 
les  carelîe  de  mauvaifè  grâce.  Mais  que  dirons-  palpere, 
nous  d'Ovide  ,     qui  finifîànt  fcs  Metamorpho-  recalci- 
fès  par  celle  de  Cefàr  en  Comète  ,  nous  afTure  ^p^'  "°' 
qu'entre  plulieurs  prodiges   qui    précédèrent   la  tùe."//!-' 
mort  de  cet  Empereur  ,     on  vit  le  foleil  d'u-  rat'  Sut, 
ne  pâleur  extraordinaire  ,     8c  la  lune  teinte  de  i.  /.  i. 
iàng? 

Voici ,  Moniieur  ,  le  véritable  moien  de  dé- 
nouer toutes  ces  diihcultez.     Ces  beaux  eiprits 
G  3  n'a- 


ï50  T  en  fées  diverjes, 

rj'avoient  tous  qu'un  même  but  ,  c'etoit  de  fai- 
re leur  cour  à  Augufte  à  force  d'encens ,  car 
pour  Ceiàr  qui  n'étoit  plus  en  ctat  de  reconoî- 
tre  la  flarerie  ,  i!  n'eût  pas  fait  faire  beaucoup 
de  vers ,  s'il  n'avoit  eu  pour  fuccellèur  une  per- 
sonne très-affeclionte  à  ia  gloire.  Ainli  on  ne 
loiioit  Celàr  qu'à  caufè  de  ion  fuccefîèur.  Or 
ibit  qu'on  dit  que  le  foleil  s'étoit  obfcurci  avant 
ïa  mort  de  Ceiàr  ,  ibit  qu'on  dît  que  ce  fut 
après  ,  c'étoit  toute  la  même  chofe  pour  la 
gioire  de  ce  Priiîcc.  C'efl  pourquoi  Virgile 
l'a  dit  d'une  façon,  Ovide  d'une  autre  ,  6c  tous 
deux  ont  adroitement  conclu  par  louer  Auguf- 
te d'une  manière  fort  adroite  ,  £c  pcuflee  aufli 
ioin  qu'on  peut. 

§.    LXXXIII. 

A  con^bien  de  chofes  on  a  faitfervir  me  mê- 
me Comète. 

On  peut  voir  par  là  qu'une  même  Comète  a 
icrvi  a  plufieurs  fins,  Augufle  par  ^c^  vues 
de  Politique  fut  bien  aife  qu'on  crût  que  c'é- 
toit l'ame  de  Ceiàr  j  car  c'étçit  un  grand  avan- 
tage pour  ion  parti  ,  de  croire  qu'on  pourfui- 
voit  les  meurtriers  d'un  homme  qui  étoit  alors 
parmi  les  Dieux.  C'eil  la  raiibn  pourquoi  il  fit 
(ï)  Pli-  ^'^'^^  (0  un  Temple  à  cette  Comète  ,  &  de- 
nius,  1.  2.  clara  publiquement  qu'il  la  regardoit  comme 
cip.  2/.  un  très- heureux  preiàge.  Ceux  qui  écoient 
dans  Ton  parti ,  6c  qui  n'avoient  pas  aiîèz,  de 
crédulité  pour  iè  perfuader  ces  converfions  d'à- 
mes  en  étoiles ,  croioient  à  tout  le  moins  ,  ou 
faiibient  accroire  aux  autres  ,  que  les  Dieux  te- 
moignoient  par  cette  Comète  ,  combien  ils 
e'toient  en  colère  contre  Brutus  ôc  Calîms.  Ceux 
qui  étoient  encore  Républicains  dans  l'ame, 
diibient  au   contraire  que   ks    Dieux    temoi- 

gnoicnt 


Penfces  diverjes,  151 

gnoient  par  là  ,  combien  ils  defàprouvoient 
qu'on  n'apuiât  pas  le  parti  des  libérateurs  de  la 
patrie  j  qui  fans  doute  ne  s'oublioient  pas  de 
leur  côté  ,  pour  mettre  à  quelque  ulàge  cette 
Comète  félon  la  fuperll:it:on  d'alors.  Enfin  les 
Poètes  trouvoient  là  ,  non  lèulement  dequoi 
faire  de  magnifiques  defcriptions  ,  Se  dequoi 
interefîèr  toute  la  nature  à  la  gloire  de  leur 
Héros  deïfié  :  mais  aulTi  dequoi  flatter  leur  Hé- 
ros vivant ,  ce  qui  étoit  le  bon  de  l'affaire. 

Ce  n'ell:  point  par  conjeârure  que  j'en  parle. 
Prenez  la  peine  de  jetter  les  yeux  fur  le  paflàge 
de  Virgile  que  je  vous  ai  cité  j  vous  verrez  que 
là  conclufion  eft  ,  ^u'à.  tout  le  moins  il  plai/e 
aux  Dieux  ,  qui  avaient  bien  eu  le  cœur  de  voir 
deux  fois  les  plaines  de  Thejfalie  immlées  dufang 
des  Romains  ,  de  ne  pas  empêcher  qu'  Augufle  re- 
levé l'Empire  qu'ils  avaient  laijfé  périr  :  qu  il  y  a' 
long-tems  que  le  Ciel  porte  envie  à  Rome  ,  de  la, 
pojfejjion  d'Augufle  ,  i&  qu'il  fe  plaint  de  fon  at- 
tachement a  triompher  fur  la  terre.  Voiez  auiïi 
le  dernier  chapitre  à^s  Metamorphoies  d'Of  i- 
de  ,  vous  y  verrez  que  fi  Cefàr  a  été  élevé  au 
rang  des  Dieux  ,  il  en  a  l'obligation  au  mérite 
de  Ion  ilicceileur  qu'il  avoit  adopté  ,  autant 
qu'à  fbn  mérite  propre.  Mais  pour  vous  épar- 
gner le  chagrin  de  chercher  tous  ces  paflages, 
en  voici  un  d'une  delicatefiè  conibmmée  :  c'eft 
de  l'ame  de  Ceiàr  que  l'on  y  parle. 

Simul  (i)  evolat  altius  illa  Ci)  ovî, 

jlammiferumque  trahens  fpatiofo    limite  cri-  dius  Me- 
nem ,  timorph. 

Stella  micat  :   Naiique  videns  benefacia  ,  fa-         ^^"* 
tetur 

"Effe  fuis  majora  ,  ^  vinci  gaudet  ab  illo. 

Hic  fua  prdferri  quamquam  vetat  a^a  pâ- 
te mis  , 

G  4  Libern 


152,  Penfées  divcrjes. 

Libéra^    fayna     tarnsn  ,     nullt[c^Ae     obnoxia 

JHjTîS, 

JmitHm  prAfert  ,     unique   in  parte  répug- 
nât. 

Si  je   ne   craignois  de  vous  fatiguer  par  un 
trop  grand  nombre  de  citations  ,  je  vous  alle- 
guerois  la   flaterie  dont  on    iè    fa'vit    envers 
l'Empereur  Adrien  ,    mortellement  airligé  de  la 
mort  de  ion  mignon  Antinous ,  dont  on  lui  dit 
que  lame  avoit  été  changée  en  une  étoile  qui 
parut  de  nouveau  en  ce  tems-là.     Je  vous  cite- 
(  ■)  De  4.  ^°^^  (0  Ciaudien  ,  qui  tire  un  heureux  preià- 
conful.     *  §^  P^'J^  l'Empereur  Honorius  ,     de  ce  qu'une 
Honor.       étoile  aparut  en  plein  jour  environ  le  tems  de 
fa   naiflànce.     J'ajoûterois    que  l'on  a  dit  (2) 
(2.)  Ju-      que  le  ciel  avoit  annoncé  par  deux  admirables 
S'""/^^'Z     Comètes  la  future  grandeur  de  Mithridate,  l'u- 
*"*    ne  aiant  brillé   l'année  qu'il  vint  au  monde.  Se 
l'autre  l'année  qu  il  commença  de  régner.     Je 
n'oublierois  pas  que  les  Augures  étant  conflil- 
tez  fur  ce  que  le  Tibre  fe  déborda  la  nuit  d'a- 
près qu'Odlave  avoit  reçu  le  furnom  d'Augufre, 
t  'l  Dion    ^5^  repondirent  que  c'étoit  un  figne  de  la  gran- 
Catius        ^^  élévation  où  il  parviendroit.     Ce  qui  mon- 
h  il.         tre  que  les  Poètes  n'étoient  pas  les  feuls  qui  ac- 
commodoient  la  nature  à  la  paOTion  des  Grands. 
En  un  mot  je  raporterois  cent  autres  faits  ,  qui 
nous  montrent  que  l'envie  de  plaire  ,  de  flater . 
de  donner    du   merveilleux  aux  chofès  ,  a  fait 
prendre  des  effets  purement  naturels  pour  des 
prodiges  extraordinaires.     Un  Roi  ou  une  Rei- 
ne mouroient-ils  peu  après  qu'il  avoit  paru  une 
Comète  ?     On  ne  manquoit  pas   de  dire  tout 
aulTi-tôt,  qu'au  preflèntiment  de  ce  grand  mal- 
heur toute  la  nature   s'étoit  remuée  pour  for- 
mer de  nouveaux  aflres  ,    &  à  force  de  le  dire, 
on  a  porté  hs,  hommes  à  croire  ,  que  quand  il 
paroît  des  Comètes  ,    c'eft  un  ligne  que  la  na- 
ture 


Fenfées  diverjes,  i^? 

turc  a  quelque  fèmblable  preffentiment.    Avoit- 
îl  auflî  paru  quelque  Comète  à  la  naiilànce  d'un 
Prince  devenu  puiflànt  8c  viftorieux  ?  Les  Pa-  (i)  Adeô 
negyriHes  épluchant ,  félon  les  préceptes  de  la  vel  fum- 
Rhetorique  ,    les   lignes   mtecedens   de  concomi-  "^'^^"    - 
tans  de  cette  naiflànce,  ne  manquoient  pas  de  î{î^'& 
faire   fonner    haut  la  nouvelle  étoile.     Enfin  il  pompam 
étoit   impoiTible  que  la  Comète  fût  prilè  pour  amamus, 
ce  qu'elle  étoit  5  c'eft-à-dire  ,  pour  un  elxct  na-  9'^^^^  "''^-'■- 

turel,  V  aiant  tant  de  gens  qui  iè  mêloient  d'en  ^'^^^  ^r^^ 
r  ■         ■'       ■       ■  °  ••  non  pot- 

faire  un  mirace.  fint/nifi 

Plus  on  étudie  l'homme  ,  pius  on  conoît  que  rerum  na- 
l'orgueil  efl  là  paiTion  dominante ,  8c  qu'il  afïec-  f"''^  P^»"- 
te  (i)  la   grandeur  jufques  dans   la  plus  trifte  ^"'■^°f"^' 
mifere.     Chetive  Se  caduque  créature  qu'il  eft,  hSfnî^iu^ 
il  a  bien  pu  fe  perfuader  qu'il  ne  fauroit  mou-  tuofam 
rir  ,   fans  troubler  toute  la  nature,  8c  fans  obli-  funeri    fi- 
ger le  ciel  à  fe  mettre  en  nouveaux  frais ,  pour  ^^"^  ^^" 
éclairer  la   pompe  de  ihs  funérailles  !  Sotte  8c  ^T;„?^«, 
ridicule  vanité  !    Si  nous  avions  une  jufte  idée 
de  l'Univers,  nous  comprendrions  bientôt,  que  (2)Quam- 
la  mort  ou  la  naiflànce  d'un  Prince  ,   eft  une  iî  quam  ma- 
petite  affaire  ,   eu  égard  à  toute  la  nature  des  J"^  i'^^^ 
chofes  ,   que  ce  n'eft  pas  la  peine  qu'on  s'en  re-  P''"?°^^~ 
mue  dans  le  ciel.     Nous  dirions  avec  celui  de  m^jorque 
tous  les  Philofbphes   (2)  de  l'ancienne  Rome,  sâusiuî 
qui  a  eu  les  plus  fublimes  penfées  ,  qu'à  la  ve-  fruâus, 
rite  les  foins  de  la  Providence  defcendent  juf-  ^"^"^  ^^^' 
ques  à  nous  ,    8c   que  nous  y  entrons  pour  nô-  [aYin  ,^ta-" 
trc  part  ,   mais  que  leur  but  efl  bien  autrement   men'ln 
conliderable  que  nôtre  confèr  vation ,  8c   qu'en-  noieras 
core  (3)  que  les   mouvemens  des  cieux  nous  *^^o^"^ 

G  f  apor-  "'•''^^.'"  ^ 

reium 
pr^mifTa 
mens  elt,  &  is  ordo  mundo  dams,  ut  appareat  curam  noftri  non 
incer  ukîma  habitam.     Senec.dc  'Benef.  /.  6.  c.  23.    {■^)  Non  cnira 
nos  furpicimus,  û  digni  nobis  videmur  propter  <iuo«  uaca  ««»- 
Ye'Hmur.  hi*  de  ira ,  /.  z,  f.  17, 


154  Penfées  diverfes, 

aportent  de  grandes  utilitez  ,  ce  n'eft  pas  à  di- 
re pourtant  que  ces  vaftes  corps  ic  meuvent 
pour  l'amour  de  la  terre.  Pardonnez-moi  cet- 
te petite  aprobation  d'une  penfée  ,  qui  ne  par- 
iera jamais  pour  orthodoxe  parmi  ceux  qui 
prcnent  les  Comètes  pour  des  prodiges.  Tant 
de  gens  iè  font  mêlez  de  leur  conférer  cette 
qualité ,  que  l'erreur  a  été  inévitable. 

Si  vous  ajoutez  à  cela ,  que  le  cours  du  mon- 
de fournilîànt  une  infinité  de  révolutions  8c  de 
malheurs  ,  on  en  voioit  arriver  fouvent  à  la 
fuite  des  Comètes  ;  qu'il  arrive  plus  de  grands 
maux  dans  le  monde  ,  que  de  grandes  6c  d  inli- 
gnes  profperitez.  Que  les  homm.es  retiennent 
mieux  le  fbuvenir  du  mal  ,  que  le  fouvenir  du 
bien  5  que  fur  le  chapitre  à^s  prédirions  ils  iè 
laiiïènt  plutôt  tromper  par  une  qui  a  reiiffi , 
que  détromper  par  vingt  qui  ont  été  fauflèsi 
qu'ils  ont  donc  fait  plus  d'attention  aux  Comè- 
tes qui  ont  été  fuivies  de  malheur  ,  qu'à  celles 
qui  n'en  ont  pas  été  fuivies  ;  qu*il  meurt  plus 
de  têtes  couronnées ,  qu'il  n'y  en  a  qui  devien- 
nent àts  Mithridates  :  û ,  dis-je  ,  vous  ajoutez 
tout  cela  aux  autres  reflexions  que  j'ai  faites, 
vous  comprendrez  aifément ,  Monfieur  ,  que 
les  Païens  ont  dû  être  généralement  préoccu- 
pez de  la  pfcnfée  ,  que  lès  Comètes  font  un  û- 
gne  de  malheur. 

§.  LXXXIV. 

Tùurqmî  les  Chrétiens  font  dans  la  même  pre- 
'vention  que  les  Faiens  fur  le  fujet  des  Co* 
înetes. 

Maintenant  il  ne  faut  plus  s'étonner  que  les 
Chrétiens  ibient  dans  la  même  prévention , 
puis  qu'ils  font  la  pollerité  des  Paiens  ,  &  qu'à 
l'idolâtrie  près  ,  ils  donnent  dans  les  mêmes 

foi^ 


Penfées  diverjès.  155; 

foiblefîês  que  les  Païens.  Le  grand  ouvrage  de  h 
prédication  à^s  Apôtres  a  été  de  faire  conoîtrc 
Je  vrai  Dieu ,  &  fon  Fils  Dieu  ôc  homme,  mort 
£c  refufcité  pour  nous  ,  &  de  remplir  le  cœur 
de  l'homme  de  l'amour  de  Dieu  &  de  celui  de 
la  fainteté  ,  de  faire  ceiîèr  le  culte  à^s  Idoles, 
6c  de  rumer  l'empire  du  vice.  C'ell:  à  quoi  ten- 
doit  la  publication  de  lEvangile.  Du  refle. 
Dieu  ne  s'eft  pas  propefé  en  retirant  les  Paiens. 
de  leurs  ténèbres  ,  &.  en  les  introduiiànt  dans 
le  Roiaume  de  ià  merveilleufè  lumière  ,  pour 
me  fêrvir  àcs  expreffions  de  l'Ecriture  ,  de  les 
rendre  meilleurs  Philolbphes  qu  ils  n'étoient, 
de  leur  aprendre  les  iècrets  de  la  nature  ,  de  les 
fortifier  de  telle  ibrte  contre  les  préjugez  Ôfe 
contre  les  erreurs  populaires  ,  qu'ils  fu fient  in- 
capables d'y  tomber.  L'expérience  nous  le 
montre  manifefrement  i  on  ne  voit  pas  que  les 
perlbnnes  à  qui  Dieu  communique  les  plus 
riches  trelbrs  de  fa  grâce  ,  qu'il  remplit  de  la 
plus  ferme  foi  ,  8c  de  la  plus  ardente  charité, 
îbient  hs  génies  les  plus  penetrans  ,  raiibnnent 
avec  le  plus  de  force  ,  &:  fe  mettent  au  defTus 
de  mille  faux  jugemens  ,  qui  ne  font  d'aucune 
confèquence  contre  le  làlut  de  Tame.  Si  bien 
qu'on  peut  dire  que  les  Païens  font  pafîèz  dans 
ia  Religion  Chrétienne  ,  avec  tous  les  préjugez 
qu'ils  avoient  eus  dans  le  Paganifine  à  légard 
àcs  choies  de  la  nature  ,  ou  en  gênerai  à  l'é- 
gard de  tout  ce  qui  ne  détruit  point  les  veritez 
de  la  foi. 

Vous  êtes  trop  fàvant ,  Monfieur ,  pour  avoir 
befbin  que  je  vous  aprenne  cette  remarque ,  & 
vous  la  fàuriez  aflèz  ,   quand  même  vous  n'au- 
riez lu  de  vôtre  vie  que  les  Ouvrages  de  Mr, 
Nicole  h    car  voici  comme  il  s'exprime  dans  le  (0  '5"  '• 
chef-d'œuvre  ,  qu'il  n'appelle  qu'EjJhis  de  Mora-  "^-l^oj^  " 
le  y   par   une  modeftie   tout-à-tait  Chrétienne,  î|p°i",'^* 
(0   Lmori  que  J  e  s  u  s  -  C  h  r  i  §  t  /^tf-  plein  de  n.*  42.  * 
G  6  tcme 


Çi)  Fieri 
analunc 
alieîîi  er- 
îoris  ac- 

«xedere'. 


15^  Penfées-  diverfèi. 

toute  ter'ité  ,  comme  ait  St.  fean  ,  on  ne  voa 
foint  qu'il  ait  entrepris  d'oter  aux  hommes  d'au- 
tres erreurs  e^ue  celles  c[ui  regardoier.'t  Dieu  (y>  les 
TTioiens  de  leur  falut.  il  farvoit  tous  leurs  égare- 
mens  dans  les  choses  de  la  nature.  Il  conotjjoit 
mieux  que  perfonne  en  quoi  canjîfioit  la  terita^ 
hle  éloquence.  La  vérité  de  tous  les  évenemens 
fajfez,  lui  étoit  parfaitement  c'onué.  Cependant 
il  n'a  point  donné  charge  a  fcs  Apôtres  ,  m  de 
combatre  les  erreurs  des  hommes  dans  la  Thyfi- 
que ,  ni  de  leur  aprendre  a  bie'a  parler  ,  m  di 
Les  defabufer  d'une  infifiité  d'erreurs  de  fait  dont 
leurs  Hijioires  étoient  remplies. 

Il  paroît  par  les  Ouvragés  des  Pères  qui  s'é- 
toient  convertis  du  Paganifme  ,  que  s'ils  avoient 
été  Platoniciens  ,  ils  retenoient  l'air  6c  l'efprit 
de  cette  Secle.  11  n'y  a  donc  point  lieu  de  dou- 
ter ,  que  ceux  qui  avoient  cru  que  les  éclipfès , 
les  Comètes ,  les  tremble-terres ,  ëc  chofes  fem- 
bhbles  ,  font  des  phénomènes  de  mauvais  au- 
gure ,  ne  Talent  encore  cru  après  leur  conver- 
iion  ,  s'imaginant  que  pourvu  qu'ils  attribuai^ 
lent  à  leurs  péchez.  6c  à  la  colère  de  Dieu,  ce 
qu'ils  avoient  attribué  à  l'omilTion  de  quelque 
cérémonie  fuperftitieufe  ,  6c  a  quelque  fauiîè 
Divinité  effenfée  ,  il  n'y  avoit  rien  à  redire 
dans  leur  ièntiraent.  Par  ce  moien  la  focieté 
des  Fidèles  s'eft  trouvée  de  génération  en  gé- 
nération imbue  des  erreurs  populaires  qui  s'é- 
toient  établies  dans  le  Paganifme  ,  à  la  refèrve 
de  celles  qui  choquent  manifeftement  lei  Myf- 
teres  de  la  Religion  :  car  dès  qu'on  a  vu  qu'u- 
ne opinion  n'étolt  pas  condamnée  comme  hé- 
rétique ,  on  a  fuivi  fans  façon  le  torrent  de 
ceux  qui  en  étoient  préoccupez.  Peu  (i)  de 
gens  s'amuftnt  à  examiner  li  les  opinions  gé- 
nérales ibnt  vraies  ,  ou  faulîès.  N'eft-ce  pas 
aiïcz  ,  dit-on  en  fon  e/prit ,  qu'elles  viennent 
de  UPS  pères  ? 
~~.'^  %.  LXXXV. 


Penfées  diverfei.  157 

§.  LXXXV. 

Introduclions  de  plujietirs  cérémonies  Vetienrt/es 
dans  le  Chrifiiamfme. 

Il  efl:  même  vrai ,  que  quand  on  fe  fut  aper- 
çu dans  l'ancienne  Eglife  ,  que  la  trop  grande 
lîmplicité  du  culte  que  les  Apôtres  avoient  en- 
feigne  ,  n'étoit  pas  propre  pour  le  tems  où  la 
ferveur  du  zèle  s'étoit  un  peu  ralentie  ,  Se 
qu'ainii  il  étoit  de  la  prudence  Chrétienne  d'in- 
troduire dans  le  ièrvice  divin  Tulage  de  diver- 
iès  cérémonies  ,  on  s'arrêta  Hir  tout  à  celles 
qui  avoient  eu  le  plus  de  vogue  parmi  les 
Paiens  :  ibit  parce  qu'en  gênerai  on  les  trouva 
propres  à  infpirer  du  reipedl  aux  peuples  pour 
les  chofes  faintes ,  foit  parce  qu'on  crut  que 
ce  feroit  le  moien  d'aprivoilèr  les  Infidèles ,  8c 
de  les  attirer  à  J  e  s  u  s-C  h  r  i  s  t  ,  par  un  chan- 

ement  en  quelque  façon  imperceptible.  Quand 

Huguenots  nous   reprochent   la  conformité 

1  iè  trouve  entre  nos  cérémonies  ,    &  celles 

"es  anciens  Paiens  ,   &  qu'ils  la  prouvent  mê- 
me par  de  bons  paiTages  ,    il  y  a  plulieurs  de  /j>  y.  ^ 
nos  Controverliftes  qui  leur  difent  tout  net  que  moires  de 
cela  efl  faux ,  que  ce  font  toutes  calomnies  for-  Mr.  de 
gées  par  les  Minières,  pour  décrier  nôtre  Re-  ^^laroHes 
ligion.     Mais  ceux  qui  font  tout  enfemble  8c  ^^^J^'^' 
habiles  ,   8c  de  bonne  foi,  avouent  (  i  )  la  det-  bu  Bou- 
te ,     8c  ne   manquent  pas  de  bonnes  raifons,  Lu,  Thea- 
pour  juftifier   l'adoption  que   nous  avons  faite  cre  des 
de  plufieurs  coutumes   du  Paganifme.     Ils  di-  ^"'■tiquitex 
ient ,  que  c'eft  emploier  les  richefics  des  Egyp-  pjg^/g"^* 
tiens  à  la  fabrique  du  Tabernacle  ,    comme  fi-  jgy*.  &cl 
rent  les  Juifs  :    que  c'eft  imiter  Salomon  ,    qui 
emprunta  d'un  Roi  idolâtre  les  matériaux  8c  les  {^)  Lib, 
Archite6tes  du  Temple  du  vrai  Dieu  :  que  Da-  ^*  ^*^f-> 
vid  {i)  ne  fit  point  fcrupule  de  fe  paier  de  la  ^^^'  *^ 
G  7  cou-»     - 


158         '      Pcfijees  diverjès, 

couronne  d'or  grêlée  de  pierreries ,  qu'il  avoit 

fait  arracher  de  defïus  la  tête  de  l'Idole  Mel- 

chom  :  que  Dieu  permettoit  bien  aux  Juifs  de 

fe  marier  avec  leurs  captives  ,    6c  de  changer 

des  Moabites  en  filles  de  Sion ,    pourvu  qu'ils 

(i)  Deu-    leur  rognafîènt  (i)  les  ongles,    qu'ils  leur  ra- 

i-eron.ch.    Çx^Q^it  les  cheveux  ,     £c   qu'ils  pratiquaient  à 

ai.  V.  12.    j^^^  égard  diverfes  purifications  :    qu'ainfi  après 

les  rétranchemens  ,    Se  les  purifications  necef- 

iàires ,    nous  ne  devons  pas   faire  difticulté  de 

nous  accommoder  des  dépouilles  du  Paganifme, 

comme  le  remarque  Saint  Jérôme.  Le  Cardinal 

Baronius  demeure  d'accord  que  TEglifè  s'en  efl: 

ibuvcnt  accommodée  ,    car  après  avoir  avoué 

fort  ingénument ,   que  la  Fête  de  la  Chandeleur 

eft  tout-à-fait  Païenne  dans  fon  origine,  il  ajoû- 

(i)  Itidem  fe^  ^^^  ^^^^7  gji  arrivé  la,  même  chofe  a  flujieurs 

'r^rcen-   autres  fiiperftitions  des  Gentils  ,c'ej'i-À-dire,  qu'el- 

rilium         ^^^  ^'^^  ^^^  loiiaélement  introduites  dims  lEglife, 

inftitutis      aiant  été  expiées  ^  fanBijiées  far  un  ufoge  fa^ 

conûgitj     cré.    Jugez,  Monlieur,  fi  les  erreurs  6c  les  pre- 

utfuperf-  jugez  des  Paiens  fur  le  chapitre  des  prefages, 

«orum*       n'ont  pas  eu  beaucoup  de  facilité  pour  entrer 

ufusfacris  dans  la  Religion  Chrétienne,  pourvu  ièulement 

ritibus  ex-  que  l'on  n'attribuât  rien  aux  fauflès  Divinitez. , 

pxacus,ac    pyjg  q^g  ]es  cérémonies  de  leur  fauflè  Religion 

^^^^'        ont  été  favorablement  accueillies  ,    après  avoir 

tus  reddi-  été  duëment  purifiées. 

tus,  in  Dd 

Ecclefiam  §,  LXXXVI. 

laudabili- 
terintro-       ^         t       /.      «•  r         j      t,    ■  r 

duaus  fit.    ê^^  ^^^  /^^#-^  cmverfions  des  Tatens  ont  tranf- 
Not.  in  porté  bien  des  erreurs  dans  le  Chrijtiantfme. 

Martyrol, 

Rom.  1.  Il  y  a  une  autre  chofe  qui  a  contribué  au 

tranfport  des  erreurs  du  Paganifme  dans  l'E- 
glife  Cîiretienne  :  c'eft  le  grand  nombre  des 
feux  convertis.  Car  combien  croiez-vous, 
Monfieur ,  qu'il  y  eut  de  Pâiens  qui  firent  fem- 

bkait 


Fenfées  divey'Jès,  I59 

blant  d'abjurer  l'Idolâtrie  fous  les  Conftantins, 
6c  fous  les  Theodoiès  ,  lors  que  la  Religion 
Chrétienne  étoit  la  Religion  dominante  ,  & 
que  pour  bien  faire  ià  cour  à  celui  de  qui 
l'on  attendoit  fà  fortune  ,  il  faloit  être  bati- 
fé  ?  Peut-être  n'y  en  eut- il  pas  beaucoup, 
pendant  que  les  Empereurs  Chrétiens  iè  cru- 
rent obligez  par  raifon  d'Etat  à  ménager  les 
Paiens.  Mais  je  fuis  fort  trompé  ,  fi  quand 
Theodofe  fè  fut  mis  tout  de  bon  dans  l'elprit 
le  defîèin  d'extirper  le  Paganifme  ,  i\  n'y  eut 
beaucoup  d'Idolâtres ,  qui  fans  autre  motif  que 
celui  d'être  de  la  Religion  du  Prince ,  entrè- 
rent dans  le  giron  de  TEglife.  Je  dis  la  même 
cho/è  des  François  qui  étoient  Paiens ,  lors  que 
Clovis  fè  convertit  à  la  foi.  li  efl:  probable  que 
Dieu  en  illumina  quelques-uns ,  &:  que  fà  Pro- 
vidence, qui  trouve  fou  vent  à-propos  de  fe  fèr- 
vir  de  nos  paiTions  pour  nous  retirer  de  nos 
égaremens  ,  emploia  la  forte  im-prelfion  que 
l'exemple  d'un  grand  Roi  peut  faire  fur  \ts 
efprirs ,  à  ouvrir  les  yeux  à  quelques  Seigneurs 
de  cette  Cour.  Mais  il  efl  aulTi  probable,  qu'il 
y  en  eut  plulieurs ,  qui  fe  firent  batifèr  unique- 
ment afin  d'être  du  côté  d^s  plus  torts.  Si  les 
Philofophes  Paiens  qui  afliflerent  à  la  haran- 
gue que  Conflantin  prononça  devant  les  Pères 
du  Concile  de  Nicëe  pour  défendre  la  Divinité 
de  J  E  s  u  s-C  H  R  I  s  T  ,  furent  plus  touchez  de 
ce  difcours  ,  que  de  toutes  les  Apologies  qu'ils 
avoient  lues  :  fi  jamais  la  Religion  Chi-etienne 
ne  leur  a  paru  plus  plaufible  ,  que  quand  un 
Empereur  revêtu  de  toute  fà  Majeflé  parla  pour 
elle  i  n'efl-il  pas  bien  aparent  que  la  vue  d'un 
grand  Roi  qui  embraffe  i'Evangile ,  Se  que  la 
force  d'un  fi  grand  exemple  ,  déterminèrent 
quantité  de  gens  de  Cour  à  faire  comme  lui, 
ians  examiner  la  chofè  plus  amplement  ?  On 
peut  donc  dire  ,  qu'en  ces  tenis  de  profperité> 

l'exeni-. 


I^o  Penfées  àïverfes. 

î*exemple  des  uns  fer  voit  de  conviârion  aux  au- 
tres de  Province  en  Province  j  6c  qu'ainfi  plu- 
lieurs  perfonnes  de  tout  état  ,  &:  de  toute  con- 
dition entroient  dans  l'Eglife  lans  aucune  véri- 
table vocation ,  6c  y  aportoient  tous  leurs  pré- 
jugez. 

§.  LXXXVII. 

'Du  ^mchant  que  les  hommes  ont  à  être  de  U  Re- 
Is^ion  dominante ,  0*  du  mal  que  cela  fait  a  la 
'Vraie  Eglife, 

(i)  Abre.  Mr.  de  (  i  )  Mezerai  raporte  une  chofè  tou- 
gé  Chro-  chant  Catherine  de  Medicis  ,  qui  me  paroit 
Ts^zT'"''  confiderable.  A  la  bataille  de  Dreux  le  parti 
du  Roi  aiant  eu  du  pire  dans  le  commence- 
ment ,  il  y  eut  des  fuiars  qui  piquèrent  jufqu'à 
Paris  ,  où  ils  publièrent  que  tout  ëtoit  perdu. 
Catherine  de  Medicis  iàns  s'émouvoir  autre- 
ment, fe  contenta  dédire.  Hé  bien ,  il  faudra 
donc  prier  Dieu  en  Franfois  ,  8c  fe  mit  à  careP 
fer  les  amis  du  Prince  de  Condé  ,  &:  les  fè<5la- 
teurs  de  la  nouvelle  opinion.  On  voit  par  la 
qu'elle  étoit  toute  refignée  à  la  ruine  de  la  Re- 
ligion Catholique  dans  ce  Roiaume  ,  8c  toute 
prête  à  la  fàcrifier  au  parti  de  la  nouvelle  Re- 
ligion, s'il  fût  devenu  le  plus  puiffant.  Cette 
troupe  de  filles  d'honneur  ,  qu'elle  emploioit  à 
lui  faire  des  créatures  ,  au  dépens  de  tout  ce 
qu'il  vous  plaira  ,  n'eût  pas  été  non  plus  fort 
mal-aifée  à  perfuader  qu'il  faloit  prier  Dieu  en 
François  ,  li  le  Prince  de  Contié  victorieux  les 
eût  mariées  avantageufèment  à  des  Seigneurs 
Huguenots  :  8c  ainli  à  proportion  chacun  à 
l'exemple  de  la  Reine  ?/Iere  fè  fût  accommodé 
à  la  nouvelle  Religion  ,  ou  pour  confèrver  fès 
charges ,  ou  pour  en  obtenir  quelqu'une  par  le 
«redit  dii  Prince.    Si  bien  qu'il  ne  tint  qu'à 

une 


Fcnfées  diverjès,  loi 

une  bataille  gagnée  par  les  Roiaux  ,  que  la  Re- 
ligion dominante  ne  devint  la  Religion  tolérée 
Se  diigraciée  ,  que  Ton  eût  quitté  par  troupes 
pour  s'avancer  plus  aifément.  C'eût  été  h 
même  chofe  trente  ans  après  ,  fi  Henri  IV. 
eût  pu  terraiièr  la  Ligue  par  la  force  de  Tes  ar- 
mes. En  ce  cas-là  ,  je  vous  répons  qu'il  n'y 
eût  point  eu  de  Conférences  de  Sureine  •■>  point 
de  promelTes  de  fe  faire  infh-uire}  le  Roi  vicfto- 
rieux  n'eût  eu  aucun  doute  fur  ià  Religion.  Il 
l'eût  mife  fur  le  trône  ,  8c  c'eût  été  un  grand 
bonheur  pour  les  Catholiques  d'obtenir  un  Edit 
de  Nantes  pour  être  à  tout  le  moins  tolérez. 
On  les  eût  traitez,  haut  à  la  main  ,  8c  parce 
que  \qs  Huguenots  avoient  parmi  eux  en  ce 
tems-la  beaucoup  de  ces  ardens  zélateurs  ,  qui 
courent  la  mer  8c  la  terre  pour  faire  des  profe- 
lytes ,  comme  nous  en  avons  à  prefent  un  très- 
grand  nombre  par  la  grâce  de  Dieu  Se  du  Roi , 
on  n'eût  entendu  parler  d'autre  chofe  que  de 
converfion.  Tous  les  Intendans  de  Province 
euflènt  été  des  Marillacs  ,  2c  je  ne  fai  ce  que 
nous  ferions  à  prefent  vous  6c  moi  ,  mon  pau- 
vre Monlieur.  Il  me  paroît  fort  probable,  que 
Monfieur  vôtre  grand-pere  qui  avoit  une  belle 
charge  £c  beaucoup  d'enfans  ,  fe  fût  fait  Hu- 
guenot, pour  conferver  cette  charge  ,  8c  pour 
poufîèr  fà  famille.  Si  bien  ,  Monfieur  ,  que 
peut-être  vous  feriez  Miniftre  de  Paris  à  l'heu- 
re qu'il  eft  :  car  Monfieur  vôtre  père  voiant  la 
belle  naifïànce  que  vous  aviez  pour  les  lettres, 
Se  vôtre  naturel  dévot  ,  n'eût  pas  manqué  de 
vous  defliner  à  TEglife.  Pour  mes  ancêtres,  je 
crois  franchement  qu'ils  euflcnt  fait  ce  que  je 
vois  faire  tous  les  jours  aux  Huguenots  de  mon 
voilinage  ,  qui  pour  fè  délivrer  une  fois  pour 
toutes  des  importunitez  pieufès  8c  dévotes  des 
Curez  8c  des  Moines  ,  8c  pour  fè  procurer  les 
avantages  du  ciel  8t  de  la  terre  qu'oo  leur  pro- 
met. 


ï6i  Penfces  diverjes, 

met ,  francs  8c  quittes  de  toutes  les  avanies ,  Se 
de  toutes  les  injuftices  qui  leur  font  faites  fou- 
vent  par  un  zélé  fort  déréglé  ,  (ce  que  je  ne 
dirois  pas  devant  tout  le  monde)  font  femblant 
de  fè  faire  Catholiques. 

Or  il  ell  bien  alîuré  ,  que  toutes  ces  conver- 
fîons  prétendues  de  nos  Anciens  ,  n'cufîènt  pas 
empêché  leur  dévotion  iecrette  pour  Nôtre 
Dame,  pour  les  Saints,  pour  les  Reliques,  pour 
les  images,  pour  le  Scapulaire,  5cc.  ni  arraché 
de  leur  cœur  la  pieulè  crédulité  qui  leur  avoit 
été  inipirée  dès  le  berceau  ,  pour  les  miracles, 
pour  le  Purgatoire  ,  Se  ce  qui  s'enfuit.  Nous 
en  tiendrions  encore  quelque  cholè  vous  8c 
moi  8c  nos  femblables  ,  tout  Calviniftes  que 
nous  ièrions.  C'ell  pour  vous  dire ,  que  quand 
on  n'entre  dans  une  Religion  que  par  politi- 
que, on  y  entre  avec  tous  lès  préjugez  :  8c  c'eft 
ce  qu'ont  fait  plufieurs  Païens  en  embrallànt  la 
proreflion  du  Chriflianifme. 

§.   LXXXVIII. 

Reflexion  fur  les  converjîons  frefmtes  des 
Huguenots. 

Je  fuis  bien  aiiè  d'être  tombé  fur  ce  dif^ 
cours ,  parce  que  cela  me  donne  lieu  de  vous 
demander  ce  que  vous  penièz  de  tant  de  con- 
quêtes que  nous  failbns  inceffamment  fur  la 
Religion  prétendue  Reformée.  Je  fai  que  vous 
êtes  un  Catholique  fort  zélé  ,  8c  je  conois  peu 
de  gens  qui  vous  égalent  en  cela.  Si  bien  que 
je  pourrois  facilement  croire  ,  que  vous  êtes  ii 
iènlible  aux  victoires  que  nous  remportons  for 
le  parti  Huguenot ,  qu'il  ne  vous  relie  point  de 
tems  pour  en  examiner  les  fuites  8c  les  circonf- 
tances.  Mais  comme  je  fài  d'ailleurs ,  que  vô- 
tre zele  ne  vous  empêche  pas  d'avoir  Telprit 

fort 


Tcnfées  diver/ès»  kS'^ 

fort  folide  ,  je  puis  m'imaginer  que  vous  por- 
tez vôtre  vue  beaucoup  plus  loin  que  les  au- 
tres. C'elt  pourquoi  ne  voiant  pas  clair  dans 
vôtre  efprit  fur  cette  atiàire  ,  je  vous  prie  de 
m'aprendre  ce  que  vous  en  penfèz.  S'il  ne 
faut  que  vous  montrer  le  chemin  ,  pour  vous 
engager  à  une  confidence  de  cette  nature  ,  Taf- 
faire  eil  faite  ,  car  voici  dans  le  vrai  ce  que  je 
penfè  fur  cela. 

Je  ne  trouve  point  que  ce  fbit  entrer  dans 
le  véritable  elprit  du  Chriflianifme  ,  que  d'ex- 
torquer des  conversons  à  force  d'argent ,  £c  à 
force  de  rendre  mailieureufe  la  dellinée  de  ceux 
qui  ne  fe  convertiiîènt  point.  J'avoue  que  dans 
î'état  où  font  aujourd'hui  les  Calvinifres  de 
France  ,  ces  moiens4à  font  très-propres  à  les 
faire  changer  de  Religion ,  parce  qu'ils  ont  per- 
du ce  premier  feu  6c  cette  ardeur  qui  accom- 
pagne tous  les  grands  changcmens  ,  6c  qui  à 
caufe  de  cela  fe  trouvoit  avec  une  gTande  force 
dans  leurs  ancêtres.  Mais  franchement,  je  ne 
crois  pas  que  ce  foit  le  vrai  moien  d'en  faire  de 
bons  Catholiques  ;  6c  c'ell  pourtant  à  cela  qu'il 
faudroit  uniquement  travailler.  Car  nous  avons 
tant  de  mal-honnêtes  gens  8c  tant  de  fcelerats 
dans  nôtre  corps,  qu'au  lieu  d'en  groffir  le  nom- 
bre par  cette  multitude  de  faux  convertis ,  6c  de 
Minières  Sociniens  qui  s'y  joignent  de  jour  en 
jour  ,  il  faudroit  prier  Dieu  de  chalïèr  de  fbn 
•Eglilè  tous  ceux  qui  la  deshonorent  par  leur 
conduite  déréglée. 

Vous  me  direz  fans  doute  ,  que  l'intention 
de  ceux  qui  travaillent  à  l'extirpation  du  Calvi- 
cifme  ,  n'eft  pas  d'augmenter  le  nombre  des 
mal-honnêtes  gens  qui  iônt  parmi  nous.  Je  le 
croi  aufli ,  Monlîeur.  Mais  vous  fàvez  bien  ce 
que  l'on  dit  en  Philofophie  contre  ceux  qui 
boivent  beaucoup ,  6c  qui  protcflcnt  néanmoins 
qu'ils  n'ont  pas  intention  de  s'enivrer.    On  leur 

dit. 


1^4  Tenféei  diverjès. 

dit,  que  s'ils  n'ont  pas  cette  intention ^^'^wf/Ze- 
ment  ,  ils  l'ont  du  moins  imerpretativement ^ 
c'eft-à-dire  ,  qu'ils  ont  une  intention  qui  peut 
raifbnnablement  être  interprétée  ,  par  celle  de 
s'enivrer.  Diibns  le  même  de  nos  converti!^ 
ièurs  j  ils  ne  veulent  pas  formellement  que  les 
Huguenots  deviennent  mechans  Catholiques, 
mais  ils  le  veulent  :/?terpretativement ,  puis  qu'ils 
veulent  des  choies  qui  mènent  tout  droit  à 
une  faufîè  converiîon.  Car  ils  veulent  qu'un 
Huguenot  ibit  pauvre ,  s'il  perlllle  dans  ia  Re- 
ligion 5  qu'il  perde  fes  charges,  8c  les  emplois i 
qu'il  fbit  expofé  à  mille  infiiltes;  qu'il  ne  puif- 
fe  aller  au  prêche  qu'avec  mille  peines.  On 
ofïre  mille  douceurs  à  ceux  qui  abjurent  leur 
créance  :  on  les  délivre  d'un  joug  fort  pefant  : 
on  leur  facilite  l'entrée  des  biens  2c  des  hon- 
neurs. Il  faut  être  bien  ignorant  de  ce  qui  iè 
pafîè  dans  l'homme  ,  pour  ne  pas  iàvoir,  qu'il 
y  a  une  infinité  de  gens  dans  ce  fiecle-ci  ,  qui 
à  ce  prix-là  feroient  profelTion  de  croire  tout  ce 
qu'on  voudroit. 

Comme  nous  avons  deux  fortes  de  conver- 
tilîèurs  ,  les  uns  de  robe  courte  ,  &  les  autres 
de  robe  longue,  je  ne  croi  pas  qu'il  faille  faire 
un  même  jugement  de  tous.  Ceux  de  robe 
longue  me  paroilTent  moins  exculables  que  les 
autres  ,  tant  parce  qu'ils  ont  inlpiré  au  Roi 
toutes  ces  manières  de  convertir  ,  que  parce 
qu'ils  ont  lu  dans  THilloire  Ecclefiaftique  la 
condamnation  de  ces  manières  :  au  lieu  que 
les  convertifTeurs  de  robe  courte  ne  font  qu'o- 
béir aux  ordres  du  Roi ,  8c  ne  font  pas  de  pro- 
feffion  à  iàvoir  ce  que  diiènt  les  anciens  Pères. 
Permettez-moi  de  vous  citer  un  paiîàge  de  So- 
crate,  qui  fait  voir  en  même  tems  que  ces  ma- 
nières de  convertir  étoient  blâmées  par  les  an- 
ciens Chrétiens,  8c  engageoient  une  infinité  de 
peribnnes  à  abjurer  la  profeiuon  de  leur  créan- 
ce. 


Tenfees  diverfes.  1^5 

ce.     Je  fai  bien  que  vous  n'ignorez  pas  ce  paf- 
lage  i    mais  vous   ignorez  peut-être   que  je  le 
iài  :  ainli  je  m'en  ferai  honneur,  s  il  vous  plaît, 
auprès  de  vous.     Voici   donc  ce  que  dit   (  i  )  fi)  Hift, 
Socrate,  Tour  ce  qui  efi  de  la  trop  grande  cruau-  f^^^^^* 
té,    qu'on  avoït  e?nploiée  fous  l'empire  de  Diode-  ^  *  ^^'^^ 
tien,    l'Empereur  Julien  ne  s'en  ^voulut  pas  fer-  &  15. 
vir,  (2  )  înais  il  ne  laijfa  pas  de  perfecuter  l'E- 
glife  (remarquez  bien  ces  paroles)  Car  j'ap-  (2)  où 

PELLE  PERSECUTION,  LORS  QUE  DES  /-'-?»'  ^f'^TS» 
GENS  QUI  SE  TIENNENT  EN  REPOS,  '^*^  à  lax^ti 
SONT      INQ^UIETEZ      DE     QJJ  E  L  QJJ  E    ^^  ^-    SiCêyy.oi 

K  I  E  R  E    Qju  E    CE    SOIT.     Or  il   inquiéta   les  Si  y.iya  ri 

chrétiens  de  cette  façon,     il  fit  urie  loi  qui  leur  oTraa^v 

défendait  d'étudier,  de  peur,  difoit-il,  que  par  le  ^^^^f^f'"^ 
r  I      /••  -1  '■  -rr        11  ■  r'    Tciç  nc"j- 

Jecours  des  jciences  ,  ils  ne  rèpo/idifjent  plus  atje-  y^Pr,{\yi^^, 
ment  aux  FhHofophes  Faiens.  Il  les  éloigna  auffi  "  ^  ' 
de  tout  emploi  militaire  dans  le  Valais ,  ô"  de  tout 
Gouvernement  de  Province  i  (^  en  partie  par  fcs 
carejfes  ,  en  partie  par  fes  liber  alitez, ,  il  en  atti- 
ra beaucoup  au  culte  des  Dieux.  On  vit  alors , 
comme  a  l'épreuve  du  crenfet  ,  qui  étaient  les 
faux  Chrétiens ,  ^  qui  étoient  les  véritables.  Car 
les  véritables  Chrétiens  fe  défirent  gaiement  de 
leurs  charges,  prêts  à  endurer  toutes  chofes, plu- 
tôt que  de  renoncer  a,  la  foi.  Mais  ceux  qui  an 
lieu  d'être  veritableme?ît  Chrétiens ,  prefcroient  les 
richeffes  ^  les  honneurs  du  monde  a  la  vraie  fé- 
licité,  ne  balancèrent  pas  k  facrifier  aux  Idoles. 
Il  parle  enfuite  d'un  Sophifle  nommé  Ecebo- 
lius  ,  qui  cft  le  véritable  portrait  dune  infinité 
de  gens.  //  étoit  toujours  de  la  Religion  des  Em- 
pereurs. Sous  l'empire  de  Conjlantius  il  fit  fem- 
blant  d'avoir  un  zélé  merveilleux  pour  l'Evangi- 
le ;  mais  fous  fulien  il  parut  exceffivement  atta- 
ché aux  fuperfitions  Paiennes.  Après  la  mort 
de  Julien ,  le  Chrtfiianifme  étant  remonté  fur  le 
trône ,  le  Sophifle  ne  manqua  pas  de  reprendre  la 
profejfion  de  Chrétien.  Enfin  Socrate  nous  aprend, 

que 


i66  Venféei  diverfes, 

que  fous  cet  Empereur  apoflat,les  Chrétiens  fu- 
rent obligez  de  paier  des  fommes  immenfespour 
fè  racheter  de  1  obligation  delàcrifier  aux  Dieux. 
Il  n'y  a  point  d  honnête  homme  qui  ne  con- 
damne cette  manière  de  convertir  j  Se  11  les 
Dieux  de  Julien  euflent  été  raifbnnables  ,  ils 
cufiènt  detefté  les  Chrétiens  qui  ne  leur  euOcnt 
offert  des  làcrifices  ,  qu'afin  de  fe  fàuver  de  la 
taxe  qu'on  leur  failbit  paier  rigourcufcmcnt. 
Quel  cas  croions-nous  donc  que  Dieu  faflè  de 
tant  de  Huguenots  qui  fe  convertifTent  pour  du 
pain  j  Dieu  ,  dis-je  ,  qui  efl:  infiniment  plus  di- 
gne d'être  fervi  à  caulè  de  lui-même,  que  les 
Divinitez  du  Paganifme? 

Je  fuis  prelque  fur  que  vous  ne  me  croicz 
pas  afièz    verfé  dans   l'Hiftoire  Ecclefiaftique, 
pour  avoir  ouï  parler  d'un  Eveque  Grec,  nom- 
mé Afterius,  qui  vivoit  far  la  fin  du  quatrième 
fiecle.     Il  efl:  néanmoins  vrai  que  je  conois  ce 
nom-là,  8c  que  j'ai  lu  fon  Homilie  contre  l'a- 
varice ,    où  j'ai  trouvé  un  pallàge  qui  ne  fera 
pas  mal  placé  en  cet  endroit,     ^iï  efi-ce,  s'é- 
crie-t-il ,  qui  a  obligé  des  Chrétiens  a  s' abandon- 
ner  au  culte  des  Démons  ?    N'efi-ce  pas  le  dejlr 
des  richejfes  ?  N'ejî-ce  pas  Vefpermce  éf*  ^f*  p^o- 
mejfe  que  les  impies  leur  ont  faite ,  des  biens  ^ 
des  dignitez.  du  monde ,  qui  a  porté  ces  mif érables 
a  changer  de  'Religion  comme  d'habit  ?    Irions  nous 
fowvencns  encore  des  exemples  des  premiers  tems , 
(^  nous  en  azions  vu  de  nos  jours  de  bien  funef- 
tes.     Car  lors  que  l'Empereur  (Julien)  levant 
tout-d'un-coup  le  mafque,  découvrit  ce  qu'il  avoit 
dijpmulé  fort  lo?ig  teins ,  ^  facrifia  publiquement 
aux  Dieux ,  ^  incita  les  autres  par  diverfes  te- 
compenfes  à  faire  le  même,  combien 'j  en  eut-il  qui 
abandonnermt  l'EgUfe  pour  fe  ranger  à  la  commu- 
nion des  Idolâtres  ?   Combien  y  en  eut-il  qui  atti- 
rez, par  dijferens  leurres ,  avalèrent  le  kmneçon  de 
l  impieté? 


Pcnjees  diverfes,  l6j 

Il  ne  faut  pas  douter  que  les  Gentils  ne  dif- 
fent  à-peu-près  les  mêmes  choies  ,  lors  que  les 
Empereurs  Chrétiens  attiroient  les  Idolâtres  à 
la  vraie  Religion  par  l'eiperance  de  faire  fortu- 
ne; &  il  ne  faut  pas  douter  non  plus  ,  qu'ils 
n'eufîènt  raifon  de  ibutenir  ,  qu'un  très-grand 
nombre  de  gens  les  quittoient  par  complaiian- 
ce  pour  le  Prince.  Car  il  eft  lûr  ,  comme  je 
l'ai  déjà  remarqué  ,  que  du  tems  àQs  Conftan- 
tins  ,  à^s  Theodolès  8c  des  Clovis  ,  la  plus 
grande  partie  à^s  Paiens  qui  vouloient  être 
bons  Courtifàns  ,  ou  qui  n'avoient  point  de 
confcience  ,  ou  qui  croioient  qu'on  peut  plaire 
à  Dieu  par  toute  forte  de  cultes  ,  le  jetterent 
dans  la  bonne  Religion.  Dieu  fait  le  gré  que 
TEvangile  leur  en  de  voit  fàvoir  ,  Se  le  préjudice 
que  la  vérité  en  a  fbuffert.  Ces  faux  convertis 
ont  été  un  germe  de  fuperflitions  Se  d'erreurs , 
dont  peut-être  l'Eglile  fe  fènt  encore.  Nous 
avons  prefentement  à  craindre  tout  le  contrai- 
re de  nos  faux  convertis  ,  fàvoir  un  germe 
d'incrédulité  qui  fàpera  peu-à-peu  nos  fonde- 
mens  ,  8c  qui  à  la  longue  infpirera  du  mépris  à 
nos  peuples  pour  les  dévotions  qui  ont  le  plus 
de  vogue  parmi  nous.  Or  lî  nous  changeons 
dans  ces  points-là  ,  que  deviendront  les  fonde- 
mens  de  nôtre  foi  ,  qui  ne  fubliflent  eue  dans 
la  fupolition  de  l'infaillibilité ,  8c  par  confequent 
de  l'immutabilité  de  l'Eglifè?  Ne  me  dites  pas, 
que  quand  même  les  nouveaux  Catholiques 
nous  ameneroient  peu-à-peu  l'abolition  de  cer- 
tains cultes ,  les  decifions  des  Conciles  demeu- 
reroient  hors  de  toute  atteinte.  Car  quoi  qu'en 
difè  Monfieur  de  ConJom  ,  on  ne  peut  guère 
fàuvcr  l'infaillibilité  de  l'Egliiè  ,  11  l'on  aban- 
donne aux  Proteftans  les  dévotions  qui  les  cho- 
quent. Je  trouverai  peut-être  l'occafion  de 
vous  parler  plus  amplement  de  cela  avant  que 
de  finir.  Je  ne  la  chercherai  point  :  mais  11  el- 
le 


(i)  Voiez 
Ja.Win- 
decde  vitâ 
fundorum 
ftatu.  pag. 
zj6. 


(t)  Ri. 

cant  Etac 
de  l'Emp. 
Octom. 
liv,  2. 
chap.rz. 


(5)  Exode 
chap.  12. 
V.38.& 
Nombr. 
cbap    11, 


1(^8  Penfe'es  diverfes, 

le  fe  prefente  ,  je  vous  promets  de  ne  la  point 

laiflèr  échaper. 

Quand  (  i  )  je  fonge  à  la  remarque  que  font 
les  Rabins  ,  que  les  Idolâtres  qui  fui  virent  en 
très-grand  nombre  ,  &  en  qualité  de  prolcly- 
tes ,  le  peuple  de  Dieu  fortant  du  pais  d'Egyp- 
te ,  furent  les  premiers  auteurs  de  la  fonte  da 
Veau  d'or  ,  &  de  tous  les  murmures  de  ce  peu- 
ple dans  le  cieièrt,  je  tremble  pour  l'Egliiè  Ca- 
tholique •■>  m'imaginant  que  tous  ces  nouveaux 
convertis  exciteront  cent  murmures  dans  Toc- 
cadon  contre  piuiieurs  choies  ,  qui  leur  paroî- 
tront  d'autant  plus  choquantes  ,  qu'ils  les  re- 
garderont de  près  :  Dieu  fur  tout.  Il  y  a  des 
gens  fort  (2)  fenicz ,  qui  croient  que  le  nom- 
bre prodigieux  de  Sedtes  qui  le  voient  parmi 
les  Turcs  ,  vient  de  ce  qu'il  y  a  eu  piuiieurs 
perlbnnes  de  différente  Religion  ,  qui  ont  em- 
bralîe  le  Mahometifme  ou  par  intérêt ,  ou  par 
force.  Les  Grecs  qui  l'ont  fait ,  étant  d'un  pa;"5 
qui  a  été  T Ecole  des  arts  £<;  des  fcienccs  ,  ont 
mêlé  les  anciennes  opinions  des  Philoiophes 
avec  les  rêveries  de  l'Alcoran,  dont  ils  n'étoient 
pas  trop  contens.  Les  Rufliens ,  le^  Mofcovi- 
tes,  les  CircanTiens  ,  6c  autres  nations  fembla- 
bles,  y  ont  auifi  ajouté  quelque  choie  du  leur: 
Se  c'eit  ce  qui  a  multiplié  les  Sectes  à  linfini* 
Ce  que  je  viens  de  dire  après  les  Rabins  ell  af- 
fez  conforme  à  (5)  l'Ecriture,  qui  remarque  en 
deux  endroits,  qu'il  y  eut  une  grande  m.ultitude 
de  gens  qui  fortirent  d'Egypte  avec  les  enfans 
d'Ifraëh  &  en  un  autre  lieu,  que  ce  furent  eux 
qui  commencèrent  le  murmure.  Mais  c'eft  trop 
m'écarter  de  mon  fujeii  revenons -y. 


§.  LXXXIX 


Penfées  diverfes,  l5p 

§.  LXXXIX. 

Treuves  de  fait  de  la  tranfplantation  des  erreurs 
du  Vagnnï[m2  dans  le  Chrijùansfme, 

^\  les  remarques  que  j'ai  faites  ne  fuffiicnt 
pas  pour  prouver  que  les  Paiens  ont  conièrve 
diveries  erreurs  en  entrant  dans  le  Chriinanif- 
nie  ,  lefquelles  enfliite  le  font  perpétuées  par 
tradition  j  je  m'en  vais  aportcr  une  preuve 
contre  laquelle  il  n'y'a  pas  le  mot  à  dire  ,  puis 
que  c'cH:  une  preuve  fondée  fur  des  faits  incon- 
teftables. 

Il   paroît  par  les  Sermons  des  anciens  Pères 
de  l'Eglilè,  que  les  Chrétiens  de  leur  tems  s'i- 
maginoient ,  qu'en  jettant  des  cris  de  toute  là 
force,  on  foulageoit  la  lune  éclipiee,   &  qaon 
la  faiibit  revenir  comme  d'un  évanouïllcment, 
qui  lui  eût  été  mortel  ,  il  l'on  n'eût  bien  crié. 
St.  (i)  Ambroiie  ,    l'Auteur  du  Sermon  215-.  (j^^J'''*^^ 
de  tempore,  qui  eft  parmi  ceux  de  Saint  Auguf-  x/ait.  dc$ 
tin  i  Saint  Eloy  Evêque  de  Noion  ,   ont  parlé  fu^erlî.  ' 
fortement  contre  cet  abusj  ce  qui  fait  voir  qu'il  chap.  23, 
étoit  en  uiage  parmi  ceux  à  qui  ils  parloient. 
II  paroît  aulii  par  les  Homilies  de  Sl  Chryrof- 
tome,  6c  par  les  livres  de  St.  Bafile ,  de  St.  Au- 
guftin,  &c.  que  les  Chrétiens  de  leur  tems  fon- 
doient  divers  prelàges  fur  ce  que  quelcun  éter- 
nuoit  en  certaines  circonfrances  5    iûr  ce  qu'oa 
rencontroit   en   fan   chemin  un  chat  ,     ou  un 
chien  ,  une  femme  de  mauvaife  vie  ,    une  fille , 
un  borgne,  ou  un  boiteux;  qu'on  heurtoit  con- 
tre quelque  choie  ,    ou  qu'on  étoit  retenu  par 
le   manteau  en  fortant   de  Ion  logis  ;     qu'un 
membre  venait  à  treflàiij^  &c.    St.  Floy  pour 
délivrer  iès  peuples  de  Semblables  fuperftitions , 
leur  déclare  que  c'eft  être  Paien  en  partie  ,    que 
de  prendre  garde  en  fortant  de  chez,  foi  ,    ou 
Tom.  I,  H  en 


lyo  Penfees  diverfis. 

en  y  entrant  ,  à  ce  que  l'on  rencontre,  ou  aux 
voix  que  l'on  entend ,  ou  au  chant  des  oiièaux, 
ou  à  ce  que  les  autres  portent.  Il  n'y  a  qu'à 
lire  le  Traité  de  Mr.  Thiers  pour  ctre  pleine- 
ment convaincu  par  l'autorité  des  Papes  ,  des 
Conciles  Provinciaux,  des  flatuts  Synodaux, des 
Pères ,  8c  d'autres  graves  Auteurs ,  I.  Que  les 
fuperftitions  mentionnées  ci-dcfiùs,  .6c  pluiieurs 
autres,  le  trouvent  parmi  les  Chrétiens.  II. Que 
c'eil:  un  refte  du  Paganifrae. 

Quand  nous   n'aurions  pas  l'aveu  de  tant  de 
grands   perlbnnages  ,     il   feroit  bien  facile  de 
prouver ,  qu'en  effet  c'efl:  une  maladie  originai- 
rement venue  du   Paganifme.     Car  outre  que 
ceux  qui  ont  prêché  la   Religion  de   Jésus- 
Christ  ,    n'ont  enfèigné  rien  de  femblable , 
il  paroît  par  les  mcnumens  de  l'Antiquité  qui 
nous  relient,  que  toutes  ces  fuperftitions  étoient 
en  vogue  parmi  les  Gentils.     C'étoit  une  opi- 
nion tort  générale  parmi  eux  ,   que  les  éclipiès 
de  lune  procedoient  de   la  vertu   magique  de 
certaines   paroles  par  lefqueîles  on  arrachoit  h 
(i)  Et        lune  du  ciel,  &  on  l'attiroit  vers  la  terre,  (  i  ) 
patkur        pour  la  contraindre   de  jetter  de  l'écume  fur 
cantu  tan-  J^^  herbes  ,   qui  enfuite  devenoient  plus  propres 
prefTa^"       ^'^^  fortileges  des  Enchanteurs.     Pour  délivrer 
labores ,      la  lune  du  tourment  qu'elle  foufïroit ,   &  pour 
Dontc        éluder  la  force  du  charme,  il  faloit,  difoit-on, 
fup,'ontas    empêcher  qu'elle  n'en  ouït  les  paroles,  de  quoi 
defp^umet    °"  venoit  a  bout  en  faifant  un  bruit  horrible, 
in  herbas.    Et  voilà  la  caufe  pour  laquelle   on  s'aflèmbloit 
Lacan,        avcc  des  inftrumens  d'airain  ,    àes  ti'ompetes, 
^'^'  6.  gc  des  clairons  ,    .comme  à  prefent  pour  faire 

un  charivari.  Les  .Pcrfès  pratiquent  encore 
(ï)  V  lez  ^^^^^  ridicule  cérémonie  ,  au  raport  de  Pietro 
les  noiiv.  ^^^'^  Valle,  Elle  eû&aufli  en  ufàge  dans  le 
I<e!at.de  Roiaume  de  (2)  Tunquin  ,  où  l'on  s'imagine 
Mr.  Ta-  que  la  lune  (è  bat  alors  contre  un  dragon.  Vous 
vêro;ej-.     fç^^^  réflexion  fans  doute  en  lilànt  ceci ,  à  ce 

qui 


Penfées  divcrfes.  jyj 

-qui  efl:  dit  dans  le  Livre  des  Pieaumes  ,  que 
j'aipic  bouche  ion  oreille,  aiin  de  ne  pas  enten- 
dre la  voix  de  l'Enchanteur  ,  6c  vous  m'accor- 
derez, je  m'aflure  ,  que  les  Chrétiens  qui  pre- 
tendoient  foulager  la  lune  par  leurs  cris,  avoient 
puifé  leur  erreur  dans  le  Paganifme. 

Je  ne  perdrai  point  de  tems  à  faire  voir  que 
toutes  les  autres  luperflitions  cenflirées  par  les 
Pères  de  l'Eglifè  ,  étoicnt  en  ulàge  parmi  les 
Paiens  :  c'eft  une  choiè  trop  manifelle.  Mais 
je  remarquerai ,  que  c'eft  d'eux  que  nous  te- 
nons la  prétendue  vertu  brûlante  de  la  Canicu- 
le ,  dont  les  Poètes  nous  ont  donné  à  l'envi  des 
deicriptions  li  élaborées  ;  la  prétendue  lignifi- 
cation de  plulieurs  malheurs  que  nous  attri- 
buons aux  écliplès  ,  5c  toutes  les  chimères  de 
l'Artrologie.  D'où  il  senfuit  ,  que  Terreur  ou 
nous  fommes  fur  les  prclàges  des  Comètes  , 
vient  aulfi  de  la  môme  cauiè  i  &:  par  conle- 
quent  que  c'eft  une  efpece  de  fuperftiticn.  Je 
ferai  cette  remarque  fur  la  Canicule  avec  vô- 
tre permiifion  ,  Monfieur  ;  c'eft  que  les  P.o- 
mains  étoient  II  perfuadez  de  la  malignité  de 
fcs  influences  ,  que  tous  les  ans  pour  l'apailèr , 
ils  lui  (i)  facritîoient  des  chiens  roux  allez,  f')  f'^-- 
près  de  la  porte  Camlaria ,  qu'on  apelloir  ainii , 
ou  du  nom  de  l'aftre  auquel  fe  faifoit  le  iàcri- 
fice ,  ou  du  nom  de  la  victime  qui  lui  étoit  of- 
ferte ,  ou  plutôt  à  cauiè  de  l'un  8c  de  l'autre  : 
C2.V  il  n'étoit  gueres  polTible  de  fiirc  en  cela 
quelque  diftindtion  ,  xuis  que  la  railbn  pour- 
quoi on  imraoloit  un  chien  preferabiement  à 
toute  autre  efpece  de  vi6lime  ,  n'étoit  que  la 
conformité  des  noms.  Les  autres  (i)  peu-  (2)  Apo'- 
ples  ,  qui  offioicnt  des  fàcrifîces  à  la  Canicu-  Umhs  i. i, 
le  ,  n'y  cherchoient  pas  tant  de  fineflè.  Nous  ^';' ''-''■• 
ne  lifons  pas  qu'ils  immolaftènt  des  chiens,  j^'^^'-'"^» 
plutôt  que  toute  autre  chofe  j  8c  c'eft  une  er- 
reur de  moins.  Car  qu'y  a-t-ii  de  plus'  ridicu- 
H  z  le, 


tus  ;  Uvid, 
Faft.5-. 


lyi  Tenfees  diverjês. 

le,  que  de  s'imaginer  quune  étoile  fait  plus  dtf 
cas  d'une  bête  ,  que  d  une  autre  ?  Néanmoins 
tous  cts  peuples  etoient  6c  fuperftitieux  5c  ido- 
lâtres :  ëc  les  Chrétiens  fè  font  contentez  de 
rejetter  le  dernier  de  ces  deux;  maux  ,  au  Hz 
bien  à  l'égard  des  Comètes  ,  qu'à  l'égard  du 
relie. 

§.   XC. 

Tû^rquoi  les  Sis.  Pères  ri  ont  pas  condamné  ceux 
qui  croioïent  les  prefages  des  Comètes. 

J'avoue  que  je  n'ai  point  lu  ,  que  le?  Pères 
aient  blâmé  la  fuperflition  envers  les  Comètes, 
comme  ils  ont  biâmé  les  autres.  Mais  cela 
vient  fans  doute  ,  I.  De  ce  qu'il  n'efl:  pas  fi  fa- 
cile d'en  conoître  la  vanité ,  que  de  conoître  la 
vanité  des  autres.  Car  il  n'cfr  pas  li  évident 
que  lapparition  d'une  Comète  ne  preiàge  rien, 
qu'il  ell  évident  qu'un  éternuement  ne  preiàge 
rien.  IL  De  ce  que  les  inccnveniens  de  cette 
fuperftition  ne  font  pas  fi  frequens  ,  que  ceux 
qui  naillènt  des  autres.  III.  De  ce  qu'ils  ont 
cru  que  la  terreur  àts  jugeraens  de  Dieu,  excitée 
dans  lame  des  pécheurs  à  la  vue  d'une  Comè- 
te, pouvoit  les  faire  repentir.  IV.  De  ce  qu'ils 
y  ont  été  trompez  tout  les  premiers  ■■,  leurs 
grandes  lumières  s'étendant  plutôt  du  côté  des 
veritez  de  la  Religion ,  que  du  côté  àts  vcritez 
naturelles.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  comme  il  y  a 
allez  d'autres  motifs  d'une  certitude  indubita- 
ble, qui  doivent  porter  les  hommes  à  craindre 
hs  jugemens  de  Dieu  ,  &  à  s'amender ,  rien 
n'empêche  que  nous  n'examinions  ,  fi  la  crain- 
te des  Comètes  eft  bien  fondée  ,  quand  même 
il  en  devroit  arriver  que  les  hommes  feroient 
délivrez  d'une  terreur  chimérique  à  la  vérité, 
mais    pouitant   uriie.     Autrement  il    faudroit 

aprou- 


Penfées  diverjès,  'tj^ 

àprouver  la  conduite  de  ceux  qui  font  ôkQS  frau- 
des pieuiês  ,  qui  enfeignent  mille  fables  ,     qui 
fupoiènt  des  miracles  a  plaiiir ,  quand  ils  croient 
que  cela  peut  aider  à  la  pieté  :  ce  qui  ell:  néan- 
moins une  conduite  très-éloignée  de  l'elprit  de 
TEgliiè.     N'érigeons  (i)  point  nos  f^itaifies -,  dit  (ij  jgr^^Q 
le  grand  St.  Auguftin,  en  06 jets  de  Religion  ;  car  fit  nobis 
Isi  moindre  vérité  efi  meilktire  ,   que  tout  ce  que  religio  ia 
l'on  pmrroit  inventer  à  tladr.     Il   me  femble  ph"3ntaf- 
/v  ^  r      •       11       j-     rL  ^  ^      rnatibus 

même   que  ce  leroit  aller  directement  contre  noftris, 

l'intention   du  St.  Elpric  déclarée  dans  Qt%  pa-  meliusefl 
rôles  de  (z)  Jeremie  ,   a,  jignis  cœli   nolite  me-  enim  qua- 
tuere,  c^ua  timent  Gentes  ,   que  d'epoiivanter  les  lec'Jnque 
peuples  par  \z%  preiàges  des  Comètes.  quàm^  * 

quicquîd 
•§.    X  CI.  pro  arbi- 

trio  fingi 

^u'on  (t  tort  de  blâmer  ceux  qui  ne  croient  fas  ^^l^'n 
légèrement  i  qu'un  effet  fait  miraculeux.  De  ver. 

re''g.  c.  5  S* 
.  Souffrez  que  je  remarque  par  occafion  l'in- 
juftice  de  ceux  qui  blâment  la  Philofophie  ,  en  (2.)  Cap. 
ce  qu'elle  cherche  des  caufes  naturelles  ,  où  le  ^°*  ^*  ** 
peuple  veut  à  toute  force  qu'il  n'y  en  ait  point. 
Cela  ne  peut  venir  que  d'un  principe  extrême- 
ment faux ,  ûvoir ,  que  tout  ce  que  Ion  donne  a. 
la  nature  efi  autant  de  pris  fur  les  droits  de  Dieu; 
car  en  bonne  Philofophie  la  nature  n'sil  autre 
choie  que  Dieu  lui-même  agiflant  ,  ou  félon 
certaines  loix  qu'il  a  établies  très-librement ,  ou 
par  l'aplication  des  créatures  qu'il  a  faites  ,  8c 
qu'il  conferve.  Defbrtc  que  les  ouvrages  àc 
la  nature  ne  font  pas  moins  l'effet  de  la  puiA 
fànce  de  Dieu  que  les  m.'raclis  .,  8c  fupofcnt 
une  aulfi  grande  puilTànce  que  les  miracles 5  car 
il  efi  tout  auifi  diffrcile  de  former  un  hommaC 
par  la  voie  de  h  génération ,  que  de  refufciter 
un  mort.  Toute  la  différence  qu'il  y  a  entre 
les  miracles ,  £c  les  ouvrages  de  la  nature  ,  c'eft 
H  5  que 


174  Tenjzci  diverjès,. 

que  les  miracles  /ont  plus  propres  à  nous  faire 
connoître  que  Dieu  cil  l'auteur  libre  de  tout  ce 
que  font  les  corps  ,   ôc  à  nous  defabufer  de  l'er- 
reur où  nous  pourrions  éire  là-dciibs  i  cnfuiie 
de  quoi  l'en  juge  aflêz  naturellement  ,     que  ce 
qui  le  fait  par  niiracle  ,  vient  d'une  bonté  ,  ou 
d'une  jullice  particulière.     Mais  il   ne  s'enfuit 
pas   pour   cela  ,     qu'on  doive  trouver  mauvais 
fr)  Tn  vi-  que   j^g  Philofophes    s'en  tiennent    à   la   nature 
la  Penc .    ^^nto^nt   qu'ils   peuvent.     Car   comme   (i)    Plu- 
,  V     V         tarquc  l'a  fort  bien  remarqué  au  fujet  de  Péri- 
omnibus     ^^^^  &  d'Anaxagoras  ,   la  ccrnoiliànce  de  la  na- 
in rébus      ture   nous  délivre  d'une  fuperfiiticn   pleine  de 
temoritas    terreur  panique  ,   pour  nous  remplir  d'une  de- 
jn  afien-      yotion  véritable  ,   &  accompagnée  de  l'eiperan- 
rorque        ^^  "^  hiGn.     Si  les  (2)  Paieras  eux-mêmes  ont 
turpis  eft,  remarqué  ,   qu'il  importe  extrêmement   fur  le 
tum  in  eo     chapitre  de  la  Religion  ,     &  plus   qu'en   toute- 
locornaxi-  j^^^tig  chofè  ,     de  ne   fè  point  conduire  par  le 
KidicTn-"°  principe  d'une  aveugle  crédulité  ;     mais   de  fè 
dum  eft,     bien   afîurer  du   fait  ,     parce  qu'en  négligeant 
quantum     une    cérémonie  tien  fondée  ,     on  tombe  dans 
aufpiciis      l'impiété  ,    &  qu'en  s'atiachant.à  àcs  cultes  in- 
icbuique     ^^^  s'enp-age  dans  des  fuperftiticns  pueri- 

re.igioni-  ''^^ '•  ">  dis-je  ,  les  Païens  eux-mêmes  ont  pu 
<]ue  tri-  voir  cette  venté  ,  ne  devons-nous  pas  être  bien 
feuamus.  aifès  que  les  Philofophes  Chrétiens  nous  deli- 
Eft  enim  yrent  de  tous  les  préjugez  ,  qui  fèroient  capa- 
ium'^^ne  ^^^^  ^^  fouiller  la  beauté  n.âie  &  fblide  de  nô- 
aut  ne-  tre  dévotion?  Dans  le  fond  ,  il  y  a  tant  de  pe- 
jieaisiis  rii  que  les  cultes  qui  s'apuient  fur  des  faufle- 
f"^^'ff  ^^^  '  "^  s'abatardiflènt  ,    qu'on  ne   doit  jamais - 

fufceni^sr  ^'^^^^  quartier  à  l'erreur  de  quelque  efpece  qu*el- 
anili  fu-  '  ^^  ^it.  J'avouë  qu'il  eft  bien  moins  fcanda- 
pcrftiao-  leux  de  combatre  les  erreurs  ,  avant  qu'une 
ne  oblige-  longue  poiîèfllon  les  ait  enracinées  dans  les 
^'^oiib  1"  ^^P^^ts  de  tout  un  peuple  ,  que  lors  que  leur 
de  Divi-  antiquité  fèmble  les  avoir  conlaciées.  Mais 
»4f,,  comme  il  n'y  a  point  de  prefcription  contre  la. 

yeri-- 


T'enfées  diverps.  275 

vérité ,  il  ne  fèroit  pas  jurte  de  la  laifïèr  perpé- 
tuellement enfevelie  dans  l'oubli,    fous  prétexte 
qu'elle  n'auroit  jamais  été  connue,   je  conviens 
auffi  qu'il  faut  le  conduire  avec  une  grande  à\Ç- 
cretion ,  &  de  grands  menagemens ,  lors  qu'on 
attaque  de  vieilles  erreurs  de  Religion  :   6c  c'eft 
pour  cela  que  quelqu'un  a  dit  ,    en  parlant  à^s 
chofes  de  cet  ordre- là,  (  i  )  j|^'//  y  a  plujieurs  {i)  Dicîr 
'veritez ,  que  non  feulement  il  nejl  pas  neceJJ'aire  ^f  ^f^^- 
que  le  peuple  fâche  ,    mais  aufjt  dont  il  efl  expe-  f^I^^^^^ 
die-nt  que  le  peuple   croie  le  contraire.     Il  n'y  a  mulca  efTe 
guère  de  Politiques,  ni  de  gens  d'Egîifè  qui  ne  vera,  qux 
Ibient  dans  ce  fentiment.      Mais  je  dis   nean-  ^o"  modo 

moins  ,    qu'en  gardant  toute  la  circonfpetlion  ^'^''^°  ^^'* 

1         ^j         °^i        ■  •        j  M  renon  fit 

que  la  prudence  Chrétienne  exige  de  nous ,   il  ^j-jg    ç^^ 

doit  être  permis  de  travailler  à  réclaircifTement  etiam , 
de  la  vérité  en  toutes  chofes.  tamerfi 

fjfarint, 
aliter  exif- 
§.    XCII.  t'i^are 

populum 
expcdiat. 
De  quelle  mmùere  la  grâce  guérit  U  nature.      y-^rro  apjtd 

■  ""  ^  D.AuguJi. 

-  ^«i"  civiî. 

Encore  une  remarque  ,  Monficur  ,  lur  ce  Dei  i.  4, 
que  j'ai  dit  que  les  Chrétiens  font  auffi  portez  f'i».  511 
que  les  autres  hommes  aux  iupei  ilitions  des  pré- 
sages. Cela  ne  devroit  pas  être.  La  connoiflance 
que  la  foi  nous  donne  de  la  nature  de  Dieu  ,  6c 
la  folide  do6lrine  de  ceux  qui  nous  inflruifent 
Aqs  veritez  Chrétiennes  ,  nous  devroient  gué- 
rir de  ce  foible-là.  Mais  helas  !  l'homme  efl 
toujours  homme.  La  Providence  divine  n'aiant 
pas  trouvé  à-propos  d'établir  fa  grâce  fur  les 
ruines  de  notre  nature  ,  iè  contente  de  nous 
donner  une  grâce  qui  foutient  nôtre  infirmité. 
Mais  comme  le  tond  de  nôtre  nature  ,  fujette 
à  une  infinité  d'illufions ,  de  préjugez,  de  raf- 
fions ,  8c  de  vices,  lubfifte  toujours  j  il  ell  mo- 
ralement impolfible  ,  que  les  Chrétiens  avec 
H  +  tou- 


i']6  Tenjtes  diverfis. 

toutes  \cs  lumières  6c  toutes  les  grâces  que 
Dieu  répand  fur  eux  ,  ne  tombent  dans  les 
mêmes  defordrcs  où  tombent  les  autres  hom- 
mes. 

§.  XCIIL 

Combien  les  Chrétiens  fout  ïnfatuez  des  pré- 
faces. 

Ccfl:  une  cholè  pitoiable,  que  de  voir  la  lifte 
des  fuperftitions  que  Mr.  Thiers  a  rccueiliies, 
&  qui  iubiiftcnt  parmi  les  Chrétiens  ,    nonobs- 
tant les  ceniures  ,   les  menaces  ,   ôc  les  defenfcs 
mille   fois  réitérées  par  les  Conciles  &  par  les 
Synodes.    Non  leulemcnt  il  7  a  des  fuperllitions 
de  la  dernière  balTcfîc  dans  ce  catslogue-là,  mais 
auffi  des  profanations  fàcrileges ,  (quoi  que  cou- 
vertes d'un  voile  fpecieux)  ôc  des  pratiques  de 
dévotion  abominables.     J'ai  déjà  dit  ailleurs  à 
quel  point  la  manie  de  fàvoir  û.  defiine'e  par  un 
Aftrologue ,  a  poflèdé  tout  POccident.     On  en 
efl:  revenu  enfin  5  mais  la  ciiriofité  efl:  toujours 
,  j,^_      fi  forte  ,  qu'on  recourt  à  des  voies  encore  plus 
biitciipido  criminelles.     Pour  ce  qui  ell  des  preiàges  qu'on 
principem  fonde  lur  mille  cas  fortuits ,  on  peut  dire  que  le 
percurrere  peuple  Chrétien  cn  efl:  infatué  d'une  manière 
Marcliim     incorrigible. 

tBcran<^t!ine  H  n  y  a  que  deux  jours  ,  qu  en  parcourant 
Condea-  l'Hifloire  Latine  de  Priolcau  ,  je  remarquai 
notinçlam  qu'en  l'an  165-2.  on  prit  pour  mauvais  augure, 
planïLiem,  ^q  ^^jj.  ^^^  pendant  que  Monfieur  le  Prince 
^[Jj?j.^^Jj'^"  conlideroit  le  champ  de  bataille,  où  l'un  de  Ces 
enûs  bal-  ancêtres  finit  fes  jours  auprès  de  Jarnac  ,  ion 
theo  elap-  épie  lui  tomba  du  baudrier  (  i  ).  II  n'y  avoit 
fus  exci-  rien  là  qui  ne  fût  purement  cafuel  ;  &  je  fuis 
dit,  omine  jj-j-  grand    Piince,    qui  a  refpiit  auiïï 

apud  varia  héroïque  que  le  cou:  âge  ,    en  cela  p^us  Héros 
mirantes.  qu'Alexandre  qui  étoit  fuperftitieux ,  ne  fit  au- 
cun 


Tcnfées  diverfis,  Î77 

cun  cas  de  ce  prétendu  prefige.  Néanmoins 
cela  fut  relevé  ,  &  le  repandit.  La  chute  d'un 
tableau,  d'une  colonne,  ou  d'une  horloge,  tait 
taire  cent  reflexions  à  toute  une  ville.  On  n'en 
parle  jamais  làns  faire  àcs  conjectures  ,  qui 
vont  à  la  ruine  de  ceux  qui  avoient  fait  drelier 
la  colonne,  ou  qui  avoient  fait  graver  leurs  ar- 
mes fur  l'horloge.  A  Rome,  où  l'on  eft  fpe- 
culatif  fur  ces  chofes-là  plus  que  par  tout  ail- 
leurs ,  jufques  à  chercher  dans  le  nom  d'un 
Cardinal,  s'il  ièra  élevé  au  Pontificat 5 il  en  coû- 
te infailliblement  la  vie  dans  l'efprit  du  peuple, 
au  Pape,  à  quelque  Cardinal  ,  à  quelque  Roi: 
quelquefois  même  il  n'y  va  pas  de  moins  que 
d'un  changement  de  domination. 

Nôtre  gazette  le  chargeoit  très  -  volontiers 
de  cette  forte  de  contes  ,  dans  fcs  commence- 
mens.  Celle  du  23.  de  Janvier  1632.  raporte 
dans  l'article  de  Vienne  que  la  naillànce  d'un 
monTrre  compofé  de  deux  enfans ,  la  chute  d'u- 
ne tour  que  l'Empereur  avoit  fait  bî^.tir  après  la 
défaite  du  Roi  de  Bohême  à  la  bataiiie  de  Pra~ 
gue,  6c  la  mort  fubite  d'un  Conièiller  d'Etat , 
fàilbient  dire  bien  des  choies  aux  interprètes 
des  prodiges.  Le  monftre  lignifioit  quelque 
ligue  fort  étrange.  La  chute  de  la  tour  ne 
pou  voit  lignifier  ,  quoi  que  la  gazette  n'ait  pas 
cru  qu'il  s  en  talût  ouvrir  entièrement  ,  que  la 
perte  de  tous  les  avantages  que  la  Maifon  d'Au- 
triche avoit  remportez  par  la  detaite  du  Roi  de 
Bohême  ,  en  faveur  duquel  le  feroit  la  ligue 
étrange.  Il  peut  y  avoir  des  vues  de  politique 
dans  le  débit  de  ces  nouvelles  ,  comme  je  l'ai 
remarqué  en  raporiant  le  caractère  d'une  fem- 
me nouvellille  feion  l'idée  de  Juvetial  j  Se  ça 
été  làns  doute  la  penlée  de  Mr.  Naudé  ,  qui 
dans  le  Dialogue  de  Mafcurat,  apiique  à  l'Au- 
teur de  la  gazette,  tout  ce  que  Juvenal  a  xoix- 
ché  dans  ce  pafïàge.     Mais  quoi  qu'il  en  loir , 

"^  H   5  OD 


lyS  Penfees  diverfes. 

on  peut  voir  par  là  ,  que  le  génie  des  peuples 
d  aujourd'hui  efl:  tout  ièmblable  à  celui  des  an- 
ciens,  oui  le  rcpailToient  de  fables  &  de  vaines- 
conjeâurcs.  Je  luis  bien  aile  pour  1  amour  de 
la  Fmnce,  que  nôtre  gazette  abandonne  depuis 
allez  long  tcms  cette  elpccede  nouvelles  aux  Ga- 
zeticrs  des  autres  nations  ,  qui  nous  ont  débité 
cent  choies  ablurdcs  lur  la  prefente  Comète. 
Je  conois  bien  des  gens  qui  en  font  fort  aile 
auiTi ,  &  qti  aiment  m.ieux  aprendre  de  nôtre 
Gazetier ,  tantôt  ce  que  les  Jeiuites  de  Londres 
lui  écrivnt  pour  juftifier  leurs  faintes  6c  zélées 
cntiepriies  dans  ce  Royaume-iài  tantôt  les  con- 
verlions  que  l'on  fait  dans  le  Poitou  à  la  tête  de 
cinq  ou  lix  Compagnies  de  Cavalerie  ,  Ibus 
i  autorité  toute- puillante  d'un  Intendant  vigou- 
reux y  je  connois,  dis-je  ,  bien  àts  gens,  qui 
aim.ent  mieux  aprendre  du  bureau  d'adrefic  des 
nouvelles  de  cette  nature  ,  que  mille  fades  rela- 
tions de  prodiges. 

Je  m  en  vais  vous  dire  une  choIê  ,   qui  vous, 
eonvaincra  plus  que  tout  le  refte,   que  j'entête- 
ment  àçs  preJàges  sefi:   enraciné  d'une   façon. 
étrange    dans    Teiprit    des    peuples    Ciireticns» 
Cliacun  fait  la  révolution  que  les  anàires  de  l'E- 
glilè  foufirirent  dans    le  dernier   liecle  ,     &  la 
guerre  lans  milèricorde  que  les  Protelîans  dé- 
clarèrent à  tout  ce  qu'ils  apelloient  les  fuferfii- 
tsons  de  la  Fapauté^     Les   Calvinifres   fè  ligna- 
Icrent   lur   tous   les   autres  dans   cette  guerre, 
8c  ne   pardonnèrent   à   rien    qui  leur   femblât^ 
.^    fuperllitieux.      Mais  avec  tout  cela  ,    les  Pro- 
fon  tra^rd^  teftans  ne  touchèrent  point  à  la  iuperftition  à^^ 
ite prxci'     prefages  i    ils  en  font  aufîi  infatuez  que  nous,. 
pus  divi-    ^  leurs  Auteurs  en  font  tout  pleins.     Un  Aile— 
natio.am     jjiand   nomme  Peucer  ,     (i)    habile  homme ^ 
^ZVJT^,  gendre  de    Aklanchthon  ,    fort  ralTionné  con- 
deteram     tre  lEgliie  Romaine,  6c  Ajedecm  qui  plus  elt, 
cufia,.        laporte  je  ne  M  combien  de  prodiges ,   qu'ii 


Pè}ifées  diDerfcs.  l'yp 

prétend  avoir  fignifié  plufieurs  grands  eVcne- 
mcns.  Wolfius,  Luthérien  fort  entêté  ,  fait 
mention  prefque  à  chaque  page  ,  de  quelque 
vilion ,  ou  de  quelque  météore  ,  ou  de  quelque 
monftre  de  mauvais  augure  j  &  c'efl:  beaucoup 
dire,  puis  qu'il  a  compilé  deux  gros  volumes  in 
folio  de  leçons  mémorables.  Si  vous  lifèz  jamais 
un  livre  intitulé  ,  Fathlica  facra  ,  compofé  par 
un  Hollandois  qui  s'apcilc  Ncuhufus  ,  je  ne 
doute  pas  que  vous  ne  tombiez  d'accord  ,  qu'il 
cft  diiîîcile  d  aller  plus  loin  en  matière  de  bons 
Se  de  mauvais  augures.  Ne  nous  étonnons  plus , 
il  les  Chrétiens  nouvellement  convertis  du  Pa-- 
ganifme  ,  ont  confèrvé  un  grand  nombre  dc- 
fuperflitions. 

§.   XCIV. 

Combien   les  Hijloriens  fe  jettent  dans  le  merveil" 
letix  j  ceux  de  Charles- ^^.'mt par  exemple. 

La  pafiicn  de  donner  du  merveilleux  aux 
évcnemcns  ,  qui  a  li  f3rt  poilêdé  les  Auteurs 
profanes  ,  poiîède  auffi  nos  Auteurs  Chrétiens , 
&  leur  fait  faire  fouvcnt  des  obiervations  il' 
puériles,  que  rien  plus.  Qu'y  a-t-il,  par  exem- 
ple ,  de  plus  frivole  ,  que  la  remarque  de  San- 
do'/al  ,  qui  écrit  dans  la  vie  de  1  Empereur 
Charles-Qiiint  que  îa  R.eine  Marguerite  ,  tem-- 
me  de  Philippe  IIL  naquit  le  propre  jour  de 
Noël  entre  neuf  &  dix  heures  du  matin  ,  pen- 
dant que  la  cloche  d'une  EgHfc  fcnnoit  l'éléva- 
tion du  St.  Sacrement  à  la  Meiîe;  ce  oui,  ajoû- 
te-t-il  ,  fut  un  i]gne  de  là  grande  dévotion: 
qu  on  vit  quelques  jours  après  les  funérailles 
de  cet  Empereur  ,  un  grand  oifèau  venu  du  cô- 
té de  l'Orient  fur  la  Chapelle  du  Monafiere  de 
St.  Jufle  •.  qu'un  Cordelier  de  Guatuemala  aux 
lades  Occidentales  vit  i'acculàtion  intentée  par 
H  6  ks 


i8o  Peyjfées  diverfis, 

les  Diables  contre  le  même  Empereur,  &  puis 
fon  abfolution  fondée    fur   {hs   bonnes    inten- 
tions,  après  cjuoi  Dieu  conduiiit  Charles  par  la 
main  à  la   place  qui  lui  étoit  deftinée  dans  le 
Paradis,     Qu  il  eût  été  aile  de   pouvoir  dire, 
qu'une  Comète  ,    ou    qu'une  éclipse   avoit  an- 
noncé aux  hommes  la  mort  de  cet  Empereur! 
car   s'étant   rencontré  qu'il  y  eut  de  tout  cela 
quelque  tems    avant  la  mort  de  l'Impératrice, 
il  n'a  pas  manqué  de  nous  garantir ,    que  ce  fu- 
rent des  prcdidrions  de  cette  mort!  Il  faut  qu'il 
ait  oublié,  qu'il  parut  efïeclivement  une  Come- 
•  te  l'an  auquel  Charles-Quint  mourut  ,    &  une 
Comète  encore  fort  finguîiere  ,     puis  qu'aiant 
panché  du  côté  du  Septentrion,  elle  s'arrêta  en- 
(î)  Jean     £„  (i)  lur  Je  Monaftcre  de  St.  Julie,  &  difpa- 
Ant.  ae      ^^^^  .^  |^  xnQït  de  Charles  ;    de  telle  forte  qu'à 
Fi^uioa,    ""^en^e  tems  que  1  empereur  hmlioit  la  vie,  la 
Comce  cie    Comète  difparoilToiL  aaffi ,  5c  qu'auffi-tôt  qu'il 
?a  Roc.i,     fut  mort,  on  ne  la  vit  plus  du  tout.     Quelle 
en  la  vie     pej-fç  ^our  Sandoval ,    de  ne  s'être  pas  ibuvenu 
de  Char-     ^  '  i    n         l    r    i 

ks-Qiùnc.   de  ces  belles  choies! 

§,  XCV. 

<S)He  quand  on  dit  que  ks  Comètes  frefrgent  la 
mort  des  Rois  ,  on  ne  dijl'm^ue  pas  com^ne  il 
faudrait  faire  ,  ceux  dont  U  mort  eft  préju- 
diciable de  ceux  dont  la  mort  ne  fait  aucun 

Peut  -  être  penfèrex  -  vous  ,  qu'a  caufc  qiie 
Charles-Quint  étoit  déjà  mort  au  monde,  quel- 
que tems  avant  qu'il  cclTat  de  vivre  ,  Sandovai 
ne  ih.  fût  pas  imaginé  qu'une  Comète,  ou  qu'u- 
ne écliple  euilent  annoncé  ion  trépas..  Mais 
ne  vous  y  trompez,  point  ,  Ivlonileur ,  ce  n'efl 
pas  à  cela  que  Ion  regarde.  On  vous  dit  d'uu 
côté  que  les  Comètes  prciagent  de  grands  mal- 

heurs> 


Penfées  diverfes,  i8î 

heurs  ,  8c  de  l'autre  on  met  au  rang  de  ces 
malheurs  le  décès  des  Rois  &:  des  Reines  ,  {ans 
examiner  li  ces  Têtes  iliuftres  meurent  dans  ua 
tems  où  leur  mort  ne  tire  point  à  coufequen- 
ce  ,  ce  n'aporte  aucun  changement  dans  les  af- 
tiires,  ce  qui  fe  rencontre  alfez  fouvent.  Par 
exemple  ,  la  mort  de  Charles -Quint  ne  fut 
comptée  pour  rien ,  ni  par  &s  amis  ,  ni  par  iès 
ennemis  ,  parce  que  là  retraite  avoit  réduit 
toutes  ces  grandes  palTions  qui  avoient  remué 
toute  l'Europe  ,  à  ne  plus  inquiéter  peribnne, 
il  ce  n'eil:  peut-être  les  Moines  de  St.  Julie,  lef^ 
quels  il  cmpêchoit  de  dormir ,  à  ce  qu'on  dit. 
Nous  trouvons  dans  l'Hiilioire  plufieurs  exem- 
ples de  Têtes  couronnées  ,  -dont  la  mort  n'a 
point  été  préjudiciable  à  leur  Etat  ,  parce  que 
c'étoient  des  Princes  qui  laiflbient  des  lucceA 
leurs  aufir  dignes  de  commander  ,  ou  mêm.es 
plus  uignes  de  commander  ,  6c  plus  aimez  de 
leurs  fujets  qu'eux.  Pour  ne  rien  dire  de  tant 
d'autres  qui  ne  làuroierit  jamais  mouiir  allez 
tôt,  parce  que  leur  vie  eit  le  fléau  ,  non  feule- 
ment de  leurs  voiiins  ,  mais  aulTi  de  Leurs  fu- 
jets. Nous  pouvons  mettre  en  ce  rang  Jeaa 
Balilides,  Grand  Duc  de  Moicovie  ,  mort  l'an 
15-84.  deux  ans  après  laparition  d'une  Comè- 
te. Pour  Soliman  Empereur  des  Turcs  ,  on 
m'avouera  que  là  mort  a  été  le  bien  gênerai 
de  la  Chrétienté  ,  8c  même  de  toute  l'Europe. 
Si  bien  que  c'cfl:  très- m  al  raiibnner  ,  que  de 
conclure  en  gênerai  ,  que  les  Comètes  en  veu- 
lent aux  Souverains  ,  de  ce  qu'elles  font  le  pre- 
{ïgQ  des  jugemens  de  Dieu  j  puis  qu'il  eft  cer- 
tain que  la  longue  vie  de  quelques  Princes  a 
été  1  inllrumcut  de  la  juftice  divine  la  plus  lè- 
vere  ,  8c  qu'ainh  on  aurcit  eu  plus  de  raiibn  de 
dire  ,  que  les  Comètes  leur  ptefageoicnt  une 
longue  vie  ,  que  de  dire  qu'elles  preiàgecient 
leur  mort.  C'clt  à-peu-près  en  ce  fens-làquç 
H  7  Lii- 


iSr  Peyjfees  diverfei, 

{i)  S'iVi'    Lucain  (  i  )  a  parié  de  la  conlèrvation  de  Ma- 

bec  ulcifci  j.j^5     gj.  çy^ç^  ^j^^^j  l'cntcndoit  l'Auteur  d'u- 

deletx  tu-         /   N   r.    •  ^r      •       i-  /-> 

nera  i;en-  "^  ^^)  hpigramme  Latine  lur  une  Comète  qui 

tis ,  Hune  avoit   étrangement  ailarmé  Catherine  de  Medi- 

Gimbfi        cis  ,   parce  c|uc  les   Aftrologues  avoient  publié, 

fcrvace        qj^e  c'étoit  le  prelàge  de  la  mort  d'une  Reine,. 

Nonllie      ^  ^^  ^^é^^  ^''^"  grand  malheur. 

favoieîSTu- 

minis,  ia-       S  parler  et  audaces  cum  tr'ifi'ts  in  Athere  cr'mes  t 

g^'it^i  f^'  Venturique  daret  fgna,  C  omet  a  mali} 

perum  ^^^^  r     j^^-^-^j^  ti;-nens  '/nde  confcïa  viu, 

prorectus  ^  -^   ,■  ,■    ^     -r  r        r      -^ 

ab  ira.  Creuidit  mvtjum  pojcere  fata  caput. 

Lican.l.z*      ^uid,  Regina  ,  t'rraes  ?   Nam^ue  h^c  malajt 

^'  *^'^'  qua  m'iantur 

^    *  Longa  timendpb  tua  ejl  ,  mn  tïbi  l'ita  6 revis. 

le  Journal        J^  ^^"^   ^^    '^^j^    V^^^^    P'"^^    '^'^"^   ^^^^  ^^  ^^ 
du  re^ne     Comète  qui  parut ,  lors  qu'Alexandre  le  Grand 
ai  Henri     monta   fur  le    trône  de    Macédoine.     S'il    fût 
III.  ad        mort  peu  de  tems  après  ,     comme  il  pouvoit 
aan.  1J77.  g^.[yç^  fo-j.  aifement  ,    qacH-ce  que  l'on  n'eût 
point  dît?  On  n'eût  -pas  manqué  de  mettre  ce- 
la parmi  les  principaux  malheurs  preiàgez  par 
la  Comète.     L'événement  a  pourtant  tait  voir , 
que  ia    mort  de   ce  jeune  Prince  anticipée  de 
dix  ou  douze  ans  ,  eût  été  le  plus  infigne  bon-- 
heur  du  monde ,    8c  que  le  plus  grand  lervice 
qu'on  eût  pu  rendre  au  genre  humain  ,  eût  été- 
de  faire  périr  dès  l'enfance  cet  étourdi: 

("5)  Mr.  (3)  Heureux  ,  fi  de  fin  tems  pour  cent  bcn^- 

î^cs-  J2SS  raifonS) 

Préaux  £^  Macédoine  eût  eu  de  Vêtîtes  maifions , 

Et  cjuun  fi.ge  Tuteur  Vent  en  cette  demeure , 
■  P^r  avis -de  par  ens  enfermé  de  bonne  heure. 

Etrange  prévention  des  hommes  î  s'il  y  a 
des  Rois  ,  dont  ils  croient  que  la  vie  foit  parti- 
culièrement: menacée  par  ces  afïxeufes  Comètes, 

à 


P.enfées  diveYjQs,  ï§3 

à  qui  l'on  attribue  la  charge  d'annoncer  les 
plus  funellcs  calamitez,  ,  ce  ibnt  ceux  qui  ont 
acquis  une  grande  réputation  6c  une  puiifance 
formidable.  Et  tout  au  contraire,  ce  font  ceux- 
là  qu'il  eft  probable  que  lajuftice  divine  veut' 
conferver  le  plus  chèrement  ,  lors  qu'elle  a. 
delTein  de  nous  punir.  Vous  le  croirez  mieux. 
Il  je  vous  dis  que  c  etoit  la  penfée  d'un  illuflrs^ 
Conquérant  j  car  un  témoignage  comme  le 
lien  en  vaut  mille  pour  cette  forte  de  ♦choies, 
Conliderez  donc  bien  ce  qui  iuitj  ceit  un  Of- 
ficier François  ,  fort  habile  homme  ,  qui  le 
débite. 

J'di  (i)  autrefois  ouï  prouver  un  par ndoxe  au  ,^\  ^^^ 
Roi  de  Suéde  ,    qui  reve72oit  ajfez,  à  ce  que  je  je  Caifle- 
dJJ.     ^^uelqti  un  loiioit  fes  grands  trO\^res  en  Al-  re,  Force-- 
lemagne,  ^  foutenoit  ea  fa  prefence ,  que  fa  la-  "^  ^^^ 
leur ,  fes  grands  dejeins ,  ér  fi^  hauts  faits  d'ar-  ^^"j^  / 
mes  etoient  les  outrages  les  plus  accomplis  de  la  2.  part! 
Troiidence,  qui  furent  jamais  -y  que  fans  lui  la  chip,  ic» 
Maifo/i  d'Autriche  s'acheminoit  à  la  Monarchie 
unfverfdle  ,  ^  a  la  d if.ru cl t07i  de  la  Religion  des. 
Troteflans  j .  quil  paroijjoit  bien  par  les  miracles 
de  fa  vie  ,    que  Dieu  lazoit  fait  naître  pour  le 
falut  des  hommes  ,    ^  que  cette  grandeur  deme- 
furée  de  fon  courage  étoit  un  préfent  de  la  toute  - 
puiJJ'ance,   ^  un  effet  fi^.ble  de  fa  bonté  infinie.. 
Dites  plutôt  ,  repartit  le  Roi ,    que  cefl  uns  mar- 
que  de  fa   colère.     Si  la  guerre   que  je  fais  efi 
un  remède,  il  efi  plus  infuportable  que  vos  maux. . 
Ijieu  ne  s'éloigne  jamais  de  la    médiocrité  pour- 
gaffer  aux  chofes  extrêmes  ,   fa7Js  châtier  quel- 
qu'un.    Cefl  un  coup  de  fon  amQ:^>'  envers  les 
peuples,  quaml  il  ne  donne  aux  Rois  que  des  âmes, 
ordinaires.     Celui  qui  7ia   point  d' élévation  ex- 
cejjix  e  ,  ne  conçoit  que  des  deffeins    de  fa  portée. . 
La  gloire  ^  l'ambition  le  laijfent  en  repos.     S'il 
s'apiique  a  fes  affaires  ,  fes  Etats  en  deviennent 
plus  heureux  j  ô"   ^''^  fi  décharge  de  fes  foins 

fur 


184  Tenféei  divevjQs, 

fur  quelqu'un  de  [es  fnjets  ,     ^  qui  il  fait  p/^y^ 

de  fon  autorité ,  le  pis  qu'il  en  peut  arriver ,  ejî 
qu'il  fait  fa  fortune  aux  dépens  de  fon  peuple , 
qu'il  impofe  quelques  fubydes  pour  en  tirer  de 
l'argent  ,  ^  pour  avancer  fes  arrùs  ,  ^  qu'il 
fait  gronder  fes  é^aux  ,  qui  ont  peine  a  foufrir 
fon  pouzoir.  Mais  ces  maux  font  bien  légers , 
(§*  ne  peuvent  être  en  aucune  confideration  ,  ^ 
on  les  compare  a  ceux  que  prodnifent  les  hu- 
meurs 'd'un  grand  Roi.  Cette  pajjïon  extrhne 
qu'il  a  pour  la  gloire  ,  lui  faifant  perdre  tout 
repos  ,  l'oblige  'necejjairement  à  l'ôter  a  fes  fu- 
jets.  Il  7îe  peut  foufrir  d'égaux  dans  le  mon- 
de. Il  tient  pour  eymemis  ceux  qui  ne  veuhnt  point 
être  fes  vafaux.  C'efi  un  torrent  qui  defole  les 
lieux  par  ou  il^pajfe  ,•  ^  portant  fes  armes  aujjî 
loin  que  fes  cfperances ,  il  remplit  le  monde  de  ter- 
reur ,  de  mfere  ,  ^  de  conftition. 

Voilà  comment  ceux  qui  fui  vent  h  préoc- 
cupation générale  touchant  les  prefages  des 
Comètes  ,  tombent  dans  i'iUulion  en  tout  6; 
par  tout. 

§.    XCVI. 

SuÀte  des  exaggerations  T,fpagncles  à  la  louange 
de  Charles- ^^uira. 

Les  imaginations  hyperboliques  àcz  Espa- 
gnols à  la  loaange  de  Charles-Quint  ,  font  lî 
outrées  ,  qu'au  lieu  de  re.ev^er  le  mérite  de  ce 
grand  Prince  ,  on  peut  dire  qu'elles  font  tort 
à  fa  gloire  5  non  feulement  parce  que  les  Lec- 
teurs ,  qui  remarquent  dans  un  Hiftorien  une 
affeftarion  dominante  de  tom-ner  toutes  chofe 
G\i  côté  de  l'admiration  ,  foupçonnent  qu'i 
leur  conte  des  hiftoires  faites  à  plainr  j  m.ais 
auflî  parce  que  bien  aies  gens  aiment  li  peu 
qu'ua  Hiiloriea  s'amufe.  à  fair«  le  panegyriile , 

que 


Penfees  diverfes.  1S5 

que  cette  partialité  les  irrite  extremen^ent  con- 
tre lai ,  &  par  contre-coup  contre  Ton  Héros } 
après  quoi  ils  ne  ibnt  plus  capables  Ge  croire 
que  ce  Héros  ait  eu  du  mérite. 

Je  vous  renvoie  au  dernier  (i  )  Ouvrage  ^^  f^^  c*e^ 
P.  Maimbourg,  pour  voir  les  excès  de  iîaterie  l'Hiftoire 
où  font  tombez,  les  Hiftoriens  de  Charles-Quint  du  Luthe- 
au  fùjet  de  la  célèbre  viâroire  qu'il  remporta  ranifme. 
fur  le  Duc  de  Saxe  l'an  ij'47.  Non  ccntens 
d'avoir  dit,  qu'un  aigle  vola  doucement  durant 
quelque  tcms  fur  l'Infanterie  Eipagnoîe ,  pen- 
dant qu'elle  palTbit  l'Elbe  fur  un  pont  de  ba- 
teaux ,  6c  qu'un  grand  loup,  qui  étoit  Ibrti  d\i- 
ne  forêt  prochaine  ,  fut  tué  par  les  fojdats  qui 
êtoient  àc^^i  pafiez  ;  ils  ont  ailuré  fort  fcrieuiè- 
ment ,  que  le  foleil  s'arrêta  tout  court  ,  pour 
donner  aux  Impériaux  le  loifir  de  remjporter 
une  pleine  vidoire  :  ce  qui  efl  un  renouvelle- 
ment de  l'un  des  plus  grands  miracles  que  Dieu 
ait  faits  pour  établir  fon  peuple  dans  le  pais  de 
Canaan.  Ce  ne  font  point  ce  ces  contes  que 
l'on  débite  en  feuille  volante  fur  les  premiers 
avis  d'un  courier  :  ce  font  des  Hilloriens  d'im- 
portance qui  l'ont  dit  dans  des  Ouvrages  fort 
étudiez  ;  c'eft  un  Sandoval  ,  Hiftoriographe  de 
Philippe  III.  &  Evêque  de  Pampelone  ,  (jui  dit 
de  plus  ,  que  le  jour  de  la  bataille  le  fbieil  fut 
vu  de  couleur  de  fang  en  France ,  en  Allema- 
gne, 8c  en  Piémont  5  c'efl  un  Don  Louis  d'A- 
vila  ,  Gentilhomme  de  la  Chambre  de  l'Empe- 
reur ,  &  grand  Commandeur  d  Alcantara  ,  qui 
avoir  un  emploi  confiderable  dans  l'armée  de 
Charles-Quint  ,  8c  qui  étoit  prefent  au  combat. 
Il  paile  de  ce  prodige  comme  témoin  oculairej 
en  cela  plus  heuieux  que  le  Duc  d'Albe  ,  Lieu- 
tenant General  de  l'Empaeur  ,  6c  l'un  de  ceux 
qui  eurent  le  plus  de  part  à  la  gloire  de  cette 
journée.  Nôtre  Roi  Henri  II,  qui  a  voit  ouï 
parler  du  miracle,  voulut  fàvoir  de  lui  ce  qui 


IÎ6  Penfées  diverfès, 

en  étoit.  Il  en  eut  pour  toute  reponfè,  ^«';7 
était  fi  occupé  ce  jcur-là,  a,  ce  c^ui  fe  pajfoit  fur 
la  terre  ,  qu'il  ne  prit  pas  garde  k  ce  qui  fe  fai- 
fuit  au  ciel, 

§.  XCVIÎ. 

Avertiffemsnt  aux  Hiforiens  Franpois. 

Je  n'ai  rien  à  dire  pour  réfuter  ces  vifîon?,- 
Ci)  Hîfî.     après    ce  que  le    (  i  )  P.  Maimbourg  en  a  dit 
^  ^^'       avec   fon   eiprit   &   fbn    éloquence    ordinaires, 
''*'     Mais  je  vo^drois   bien   que  les  railleries  de  ce 
Jefuïte  fèrviflènt  de  leçon  à  nos  François  ,     6c 
qu'elles   leur    fifTent   bien    prendre   garde  à   ne 
point    donner    dans    les   enflures   Eipagnoles , 
quand  ils  parlent  de  la  gloire  de  nôtre  Roi ,  qut 
de  l'aveu  de    toute  l'Europe  ell  un   des    plus- 
grands  Princes  du  monde.     Car  comme  je  l'ai 
déjà  dit  au  lujet  de  Charles-Quint ,  il  n'y  a  rien 
qui  faflè  plus  de  préjudice  à  la  véritable  réputa- 
tion d'un  grand  Monarque ,  que  les  efforts  con- 
tinuels que  font  les  Hiiloriens  ,    pour  le  mettre 
en  tout  6c  par  tout  au  delTus  de  tout  ce  qui  a 
jamais  été  dit  des  autres  Héros.     On  peut  leur 
dire  ce  qui  fut  reproché  à  certains  Hérétiques 
qui  attribuoient  un  corps  à  Dieu,  m.ais  un  corps 
le  plus  grand  qa'ûs  &  pouvoient  imaginer  :  Fe- 
ciflis  molem  ,   fecifiis  minorem  j    en  le  faifant  une 
groffe  maffe  ,  vous  l'avez,  rendu  plus  petit.  Quand 
*  je  vois  cette  affeftation  ,    il  me  fèmble  que  je 
vois  ces  anciens  Sophifles  de  la  Grèce  ,  qui  ga- 
gnoient  leur  vie  à  faire  des  déclamations  8c  des 
panégyriques  ,   non  pas  fur  les  mémoires  qu'on 
leur  fournifîbit ,    mais  fur  les  idées  qu'ils  fe  for- 
moient  eux-mêmes  de  tout  ce  qui  peut  paroî- 
tre  le  plus  admirable. 

Pourvu   qu'il   n'y   ait    que  les  harangues   de 
Mfiflieurs  de  l'Académie  Françoife  ,  qui  foient 

tou- 


Fenfées  diverfis,  187 

toujours  dans  le  fublime ,  toujours  dr.ns  les  ex- 
clamations ,  toujours  dans  les  figures  les  plus 
outrées,  le  mal  ne  ièra  pas  grand.  On  ne  s'a- 
vife  pas  d'aller  chercher  le  mérite  d'un  Roi ,  ni 
dans  une  harangue  ,  ni  dans  une  épître  dedica» 
toire,  ni  dans  un  panégyrique.  On  iait  aiîèz, 
avant  que  de  lire  cette  ibrte  d'Ouvrages,  qu'ua 
Roi  y  efl  toujours  le  plus  grand  Monarque  da 
rUnivers  ,  fans  en  excepter  ni  Alexandre,  ni 
Celàr  :  ainfi  on  ibufÎTe  iàns  murmure  ,  qu'il 
n'7  ait  là  que  de  magnifiques  idées.  Mais  il 
nos  Hiftoriens  éblouis  de  la  gloire  qu'ils  auront, 
à  décrire  ,  s'amuiènt  à  taire  les  declamateurs,. 
je  vous  alTùve  ,  Monileur  ,  que  les  Eipagnols 
fè  moqueront  de  nous  à  leur  tour  ,  6c  que  tou- 
te l'Europe  nous  tourneia  en  ridicules  ,  comme 
elle  seft  moquée  des  Eipagnols  qui  ont  porte- 
les  éloges  dé  leur  Charles- Quint  &  de  leur  Phi- 
lippe 1 1.  à  des  excès  inconcevables.  Aparem- 
ment  ceux  qu  travaillent  dofhce  à  l'Hiitoire 
de  Sa  Majeflé  ,  oubiieiont  qu'il  ne  s'agit  plus 
de  reprclenter  de  grandes  pai^Gr.:  ;  6c  de 
grands  ièntimens  fur  le  théâtre  imaginez  a, 
plaifir  ,  ni  de  chercher  les  idées  fatiriques  du 
ridicule  j  mais  qu'il  s'agit  de  raporter  fidèle- 
ment des  choies  de  fait.  Ils  ont  d'ailleurs  un 
caradlere  d'efprit  à  ne  pas  croire  facilement  que 
le  ibleil  interrompe  fa  couriè  pour  faire  durer 
une  bataille  ,  comme  les  Efpagnols  l'ont  pu- 
blié ;  ni  que  les  murailles  d'une  ville  s'abbatent 
tout  à  coup  par  la  vertu  d'une  petite  phiole, 
comme  firent  les  murailles  d'Angoulême  fous 
le  règne  <ie  Clov  s  ,  à  ce  que  dilènt  (i)  quel-  (OVoiez 
ques-i;ns.  Je  ne  fài  même  ,  fi  en  débitant  de  le'fhefor 
tels  miracles  ,  ils  ne  craindroicnt  pas  de  faire  Chronol. 
trop  mal  leur  cour,  &  qu'on  ne  leur  dît  ,  que  j^  sÉ.ro, 
la  valeur  des  François  na  que  faire  de  tout  ce-  muald  à 
lai  que  leur  ardeur  6c  leur  promptitude  n'a  pas  l*aa  jo8. 
befoin  que  le  foleil  s'arrête  pour  leur  donner  le 

tems 


l88  Penféei  diverfes. 

tems  d'achever,  que  cela  eft  bon  pour  lesEfpa- 

gnols  Se  pour  les  Allemans  ,  qui  font  lents  8c 

peiàns   de  leur  nature.     Ainli  on  peut  s'aflurer 

(i)  Ra-  ..   fur  ces  deux  (i)  MefTieurs. 

Boîletu  J'avois    bonne  efperance  d'un   troiiîéme  (2) 

Hiftorien  de  Sa  Majefté  ,   avant  que   d'avoir  lu 

f2)  Mr.      *^^"^  ""  P^'^^t   (3)    livre  fort  nouveau  ,    &:  qui 

PeJifTon!      mérite  ^u'on  le  réfute   folidement  ,    la  lettre 

qu'il  a  écrite  à  un  Prélat.    Vous  entendez  bien 

(5)  La        que  je  parle  du  célèbre  Hillorien  de  TAcademie 

Politique     Françoifè  ,    Se  vous  n'ignorez  pas  que  la  delica- 

SeFanle  ^^^^  ^^  ^^"  ^^P^"^^  ^  ^^  ^'^'^  ^'^X^^  '  ^  i'exa£litu- 
de  avec  laquelle  il  a  compoië  l'Hiftoirc  de  ce 
Corps  illuflre  ,  dont  il  eft  un  des  principaux 
ornemens  ,  font  avoir  de  grandes  efperances 
du  defïèin  qu'il  a  de  nous  donner  THiftoire  du 
Roi.  J'étois  de  ceux  qui  en  attendent  le  plus 
de  merveilles.  Mais  je  vous  avoue  que  cette 
lettre  m'a  fait  rabatre  beaucoup  de  mon  efpe- 
rance ,  en  m'aprenant  que  cet  Auteur  fe  fait 
une  grande  affaire  de  régler  les  petites  gratifi- 
cations que  l'oii  rait  aux  Huguenots  qui  le  con- 
vertiiîènt.  Il  entre  dans  mille  petits  ibins,.  qui 
ne  me  fèmblent  pas  convenir  à  un  homme 
qui  travaille  à  une  Hiftoire  auflî  confiderable 
que  celle  de  LOUIS  LE  GRAND.  Croiez- 
vous ,  JMonfieur  ,  qu'un  Hiilorien  qui  s'embar- 
rafîè  de  l'acquit  de  quelques  lettres  de  change , 
qu'on  tire  lùr  lui  pour  de  nouveaux  Catholi- 
ques ;  qui  examine  les  lifle";  bien  certifiées  de 
ces  Convertis  ;  qui  cherche  mille  expediens, 
pour  faire  que  le  peu  de  fonds  qu'il  a  en  main , 
Se  qu'il  compare  avec  Ihuile  8c  la  farine  de  h 
veuve  ,  fuffiiè  pour  toutes  les  converiions  qui 
ic  prefentent  ;  mais  qui  pour  en  venir  à  bout, 
cft  obligé  d'exhorter  Meitieurs  les  Evêques  par 
des  mémoires  qu'il  leur  envoie  ,  à  ufer  d'une 
grande  œconomie  ,  Se  à  fe  propoler  pour  mo- 
dèle l'exemple  de  Mr.  de  Grenoble  ,  qui  a  con- 
verti 


Penfeei  divcrjès.  iSp 

verti  fept  ou  huit  cens  perfcnnes ,  fins  dcpen- 
fèr  que  deux  mille  francs  en  tout  :  croicz- 
vous  ,  dis-je  ,  Monlieur,  qu'un  Hiftorien  qui 
outre  tout  ce  que  je  viens  de  dire  ,  lupute 
diligemment  le  tems  qu'il  y  a  qu'un  homme 
s'eft  converti  ,  Se  recommande  très-exprcl- 
fement  qu'on  ne  lui  envoie  point  à.(zs,  lettres 
de  change  pour  des  perlbnnes  converties  de- 
puis iix  ou  iept  mois  j  6c  qu'encore  qu'on 
puifTe  donner  cent  francs  à  un  Converti  ,  on 
n'aille  f/is  toujours  jufques-la  ,  étara  mcejjkire 
jy  aporter  le  plus  d  œco?îO?me  quilfe  powra.  En- 
core un  coup  ,  Monlieur  ,  croiez-vous  qu'un 
Hiflorien  qui  le  donne  tant  de  cette  forte  de 
peine ,  foit  fort  propre  à  nous  donner  une  bon- 
ne Hiiloire  de  Sa  Majeilé  ?  Si  vous  le  créiez , 
permettez  -  moi  de  vous  dire  ,  que  nous  ne 
fommes  pas  toujours  vous  6c  moi  dans  les  mê- 
mes ièntimens. 

j'ai  grand  peur  que  cet  Ouvrage  ne  foit  rem- 
pli de  pluiieurs  impreffions  de  bigoterie  ,  6c 
qu'on  ne  nous  dife  que  toutes  les  viéloires  du 
Roi  font  la  recompenfe  des  arrêts  qu'il  avoit 
donnez  ,  ou  qu'il  devoit  donner  pour  réduire 
les  Huguenots.  Ce  feroit  dommage  qu'un  bel 
efprit  comme  celui-ci  échouât  fi  pitoiablement, 
6c  s'il  y  a  moien  de  lempécher  ,  empêchons- 
le.  Vous  êtes  ami  de  plusieurs  perfonnes  pour 
qui  il  a  beaucoup  de  deterence ,  6c  fur  tout  de 

Mr Ôc  de  Mr Avertilîèz-le  par  leur 

moien ,  qu'il  court  grand  rifque  de  gâter  tout 
fbn  Ouvrage  par  le  grand  commerce  qu'il  a 
avec  les  convertilTeurs  j  qu'on  fè  fait  un  efprit 
tout  particulier,  6c  un  goût  tout-à-fait  nouveau 
par  l'adminiilration  de  ces  petites  aiîàires  dont 
on  lui  a  donné  l'intendance,  6c  qu'il  eft  à  crain- 
dre, qu'étant  tout  rempli  des  affaires  du  Cler- 
gé ,  il  ne  donne  les  principaux  foins  à  parler 
des  allions  pieulès   de   fon  Héros,    Que  non 

feu- 


ipo  Penfées  diverjès, 

ièulement  tous  les  Hérétiques  ,  mais  auflfi  pla- 
lieurs  Catholiques  rattendcnt  là  5  6c  que  s'il 
s'amufe  à  taire  trop  en  détail  l'Hifroire  de  l'ex- 
tirpation du  Calvinifme  ,  il  le  ruinera  de  répu- 
tation ,  parce  qu'il  fera  voir  qu'il  n'aura  pas  fu 
faire  le  difcernement  des  beaux  endroits  de  la 
vie  d'un  grand  Monarqj^e. 

Mais  à  quoi  eft-ce  que  je  fonge  ,  de  donner 
une  fèmblable  commiliîon  à  un  homme  de 
vôtre  Robe  ?  Je  vous  en  demande  très-humble- 
ment pardon  ,  8c  je  fuis  bien  fâché  de  vous  en 
avoir  tant  dit.  Non ,  Moniieur ,  ce  n'eft  point 
vous  que  je  prie  de  faire  fàvoir  à  l'Hiftorien  du 
Roi  ,  qu'il  n'eft  pas  bon  de  particularifer  tou- 
tes choies.  Je  conois  une  perfonne  qui  fe  char- 
gera de  cette  commilTion  fans  répugnance  ;  car 
je  lui  ai  ouï  dire  ,  que  s'il  faifoit  l'Hiftoire  de 
nôtre  tems ,  il  iè  contenteroit  de  faiie  une  deP 
cription  pompeufe  du  mal  que  les  Herefies 
aportent  à  l'Eglife  8c  à  l'Etat  ,  8c  du  grand  bien 
qui  refulte  de  la  reduâiion  de  toutes  les  Secles 
à  la  véritable  Eglife.  Qu'il  diroit  en  peu  de 
mots  après  cela  ,  que  Sa  Majeftë  pénétrée  de 
ces  grandes  veritez ,  avoit  procuré  à  fon  Roiau- 
me  cet  infigne  bonheur ,  d'une  manière  qui  ell 
tout  enfèmble  digne  d'un  Roi  très-Chrêtien ,  8c 
d'un  Héros.  Mais  qu'il  fe  garderoit  bien  de 
taire  la  dilculTion  de  toutes  les  manières  qui 
ont  été  fuggerées  à  Sa  Majefté  ,  parce  qu'il  eft 
évident  que  ce  fcroit  faire  tort  à  la  gloire  de  ce 
grand  Prince.  Il  eft  bien  neceflaire,  difbit-il, 
qu'un  Monarque  né  pour  les  plus  grandes  cho- 
fes  ,  8c  qui  dev^roit  être  déjà  far  les  bords  de 
rHelIefpont ,  cii  l'un  de  fcs  Hiftoriens  lattend 
de  pied  ferme  depuis  plus  de  fix  ans  ,  s'amufè 
à  interdire  quelques  Ssges  -  femmes  ,  8c  à  pro- 
,  .  -  curer    toute    la    pratique  des  accouchemens   à 

dé  Mr!  ^*  ^i^elques  autres  ,    8c  à  faire  la  revue  de  toutei  les 
Peliflbn.     lifies  4es  Convertis ,  (  i  )  8c  de  la  dcpenfe  que 

l'on 


Penfecs  diverfés.  ipx 

l'on  a  faite  pour  chaque  converllon  ,  &  à  con- 
fulter  s'il  eil:  à-propos  pour  des  coups  conftde- 
r^bles  de  fournir  aux  Convertis  des  fecours  plus 
grands  que  cent  francs.  Voilà  Ihcmme  dont 
je  me  Servirai  pour  faire  enforte  que  l'on  ne 
particularife  point  dans  l'Hifloire  de  Louis 
XIV.  l'affaire  des  converiïons.  Il  a  beaucoup 
de  crédit  auprès  de  THiftorien  ,  ôc  peut-être 
qu'il  lui  fera  entendre  raifon  ,  principalement 
pour  l'Arrêt  qui  déclare  les  enfans  de  fept  ans 
capables  de  difcerner  que  1  Eglilè  Romaine  eil 
plus  conforme  à  la  révélation  de  Dieu  ,  que  la 
prétendue  Reformée.  C'eil  un  article  dont 
on  ne  parlera  point  du  tout  ,  li  l'on  eJî  bien 
conièilie. 

Pour  ce  qui  regarde  l'œconomie  que  Monfr. 
Pelilîbn  recommande  tant  auxjConvertilTeurs, 
je  croi  qu'il  n'en  diroit  rien  ,  encore  que  pcr- 
ibnne  ne  l'avertît  àes  railleries  qu'on  en  peut 
faire.  11  n'eût  jamais  écrit  cela  ,  s'il  eût  prévu 
qu'on  le  feroit  imprimer  ;  car  il  n'y  a  rien  de 
plus  choquant  pour  le  Roi  ,  que  de  dire  ,  I." 
Que  la  principale  rcflbifrce  pour  remédier  à  k 
petiteflè  des  tonds  deftinez  à  paier  les  Conver- 
tis ,  eft  cette  providence  miraculeulè  de  Diea 
qui  a  fait  croître"  l'huile  &  la  farine  de  la  veu- 
ve, 6c  multiplié  les  cinq  pains.  II.  ^,e  Mef- 
fieurs  les  Trelats  ,  ou  autres  qui  entreront  chari- 
tablement dans  les  foins  des  coarverflons  ,  ne  peu- 
vent mieux  faire  leur  cour  au  Roi  ,  dezant  les 
yeux  duquel  toutes  ch  lifies  de  Convertis  repaf- 
fe'/ït ,  qu'en  imitant  ce  qui  a  été  fait  au  Diocefs 
de  Grenoble  ,  ou  prefque  iamais  on  n'ejl  allé  juf- 
qu'a  la  fomme  de  cent  francs  ,  ^  prefque  tou- 
jours on  ejl  demeuré  extrêmement  au  deffous. 
Toute  l'Europe  éft  informée  des  richeflcs  im- 
menfes  du  Roi ,  &  des  depenfès  magnifiques 
qu'il  fait  en  toutes  choies  ,  &  cependant  pour 
une  aôaire  qui  regardé  la  Religion ,  on  nous 

vient 


Ïp2     •  Penfées  diverjês. 

vient  dire  que  les  fonds  en  font  très  -  petits ,' 
mais  que  la  première  6c  la  principale  confola- 
tJon  viendra  par  quelque  miracle  de  celui  qui 
fait  croître  l'huile  8c  la  farine  de  la  veuve  i  & 
l'on  ajoute  ,  qu'on  ne  làuroit  mieux  faire  tz 
cour  au  Roi  ,  qu'en  ménageant  exceflivement 
les  fonds  qu'il  deiline  aux  Convertis. 

A  l'égard  des  prodiges  ,  j'elpere  que  fi  Ton 
donne  de  bons  avis  à  cet  Hiftorien  ,  il  n'en 
chargera  point  fon  Ouvrage.  Mais  il  n'en  eft 
pas  de  même  de  tant  d'autres  Séculiers  £c  Ré- 
guliers ,  qui  fe  mêlent  d'écrire  l'Hiiloire  de  nô- 
tre tems.  Ils  nous  vont  accabler  de  miracles 
&  de  prelàges.  Tant  pis ,  Monfieur  ,  car  c'efl 
une  erreur  la  plus  inlbutenable  du  m>onde  ,  que 
celle  qui  admet  dzs  preiàges.  Plus  jypenlèj 
plus  j'en  demeure  convaincu  ;  8c  peu  s'en  faut 
que  je  ne  m'emporte  julqu'à  la  colcre  contre 
les  conteurs  de  prodiges.  Cependant  tout  en 
efl:  plein  :  nos  Hiiloriens  ne  le  font  gueres 
jnoins  que  les  autres.  Voie2,-moi  Mr.  de  Pe- 
refixe,  qui  a  eu  l'honneur  d'être  précepteur  du 
Roi  ,  8c  qui  efl:  mort  Archevêque  de  Paris.  Il 
raporte  dans  fon  Hifloire  d'Henri  IV.  je  ne  {kii 
combien  de  prodiges  qui  précédèrent  l'aflàlTmat 
de  ce  Prince  h  8c  ce  qu'il  y  a  de  remarquable , 
c'efl:  que  ces  pro;iiges  font  tout-à-fait  icmbla- 
bîes  à  ceux  que  les  Paiens  euflènt  débitez  dans 
une  pareille  conjonfture.  Pures  illufions  ! 

§.  XC\flII. 

KefutMion  des  Hljloriens  de  France  qui  ont  ctvm- 
cé  c^u'il y  eut  des  préfaces  de  la  mort  du  Roi 
Henri  IV. 

La  mort  funefte  de  ce  bon  Roi  fut  caufè  que 
l'on  ramafla  ,  5c  que  l'on  groffit  mille  choies 
qui  arrivent   ièlon  le  cours  de  la  nature  ,    Se 

qu'on 


?€nfées  dizferfis*  ïpj 

qu'on  laiflè  tomber  ,  lors  qu'elles  ne  font  fui- 
vies  d'aucun  événement  mémorable  :  &  de  là 
vint  que  le  tems  qui  précéda  cette  mort  ,  fut 
dillingué  dans  lopinion  des  hommes  par  cer- 
&  tains  phénomènes  prodigieux.  Peut-être  mê- 
me y  en  eut-il  beaucoup  plus  qu'à  l'ordinaire 
cette  année-là,  comme  il  arrive  Ibuvcnt  ,  par 
la  pure  vertu  des  loix  générales  de  la  nature, 
qu'on  voit  en  certaines  années  cent  choies  coup 
iur  coup  ,  que  perionne  ne  iè  Ibuvencit  d'avoir 
vues.  Si  1  on  le  fût  contenté  de  caracteriièr 
par  là  l'année  1610.  je  n'y  trouverois  rien  à 
dire.  Mais  on  a  prétendu  que  ces  phencmc- 
nes  s'étoient  fait  voir  o.prcllèment  pour  an- 
noncer les  miferes  de  la  France,  &  la  mort  tra- 
gique de  ion  Roi.  C'efî:  une  erreur  qui  me 
paroît  inlbutenable  5  parce  que  pour  cela  ,  il 
eût  fallu  que  ces  phénomènes  eullènt  été  exci- 
tez extraordinaiiement  .,  ou  par  Dieu,  ou  par 
les  Démons.  De  dire  que  Dieu  les  excita  ex- 
traordinairement  ,  c'ed:  lui  attribuer  une  con- 
duite indigne  de  ia  fagciVe  j  parce  que  ces  pré- 
tendus preiàges  ne  portent  aucun  caraéiere  de 
ce  que  l'on  liippolé  que  Dieu  veut  lignifier  aux 
hommes.  D'attribuer  cela  aux  Démons  ,  c'efl 
le  moquer  j  car  ils  n'ont  garde  d'épouvanter  un  . 
Pvoiaume  très-Chrêcien  par  des  proJ:'gcs,  com- 
me ils  font  les  paVs  idolâtres.  Car  qu  y  gagne- 
roient-ils?  Ils  feroient  faire  des  reftitutions  ,  ils 
feroient  aller  à  confefie  ,  8c  c'eft  ce  qu'ils  ne 
cherchent  ,pas.  Outre  que  ne  conoillint  point 
l'avenir  ,  ils  ne  ià.vent  pas  en  quel  tems  doi- 
vent arriver  les  grandes  révolutions  ;  &  ainli 
il;  ne  ibnt  pas  en  état  den  produire  des  preià- 
gcs.  Efl-ce  que  Dieu  nous  envoie  àes  prelà- 
ges  ,  afin  de  nous  convaincre  que  l'avenir  eft 
en  là  dirpolltion  ?  C\fl:  la  penfte  d'un  Hillo- 
ricn  très-judicieux  ,  qui  après  avoir  raporté 
beaucoup  de  prodiges  arrivez,  avant  la  mort  de 
Tom,  lî  I  Henri 


194  Penfées  diverjès, 

(i)  Me-  Henri  IV.  ajoute  cette  reflexion ,  (i)  qu'il fem- 
aerai ,  ^        ^/^  ^^^^  ^^^^  [çj  ^^.j^  ^j^g  /^  ^,^/  /^^^  donnoit  ,    »*/- 

Chronol.  ^'"^'^^  /•-'^■^  ^^^^  ?^^'^  ^^  fawver  du  péril ,  ^«^  ^i7«r 
ad  ann.  fftire  comître  aux  hommes  ,  qu'il  y  a  une  fouve- 
1610.  rame  Puijfance  qui  difpofe  de  l'avenir,  fuis  qu'el- 

le le  conoît.     Mais  cette  penfee  n'eil:  pas  moins 
combatué  que  les  autres  ,    par  les  raifbns  que 
j'ai  alléguées.     Car  qui  doutoit  en  France  ,  lors 
que  Henri  le  Grand  fut  tué  ,     qu'il  y  eût  une 
iouveraine   Puiflànce  dans  le  monde  qui  dîfpofè 
de  l'avenir  ?   Ne  font-ce  pas  là  les  premiers  éle- 
mens  de  toutes  les  Religions  du  monde  ?    Tous 
ceux  qui  font  des  prières  ,    ou  des  vœux  ,     qui 
offrent  des  iàcrifices  ,   qui   conililtent  les  Ora- 
cles ,  les  Devins ,  6c  les  Aftrologues  ,  qui  ajou- 
tent foi  aux  preiàges  Se  aux   fotifes  des  difeurs 
de  bonne  aventure  ,   ne  temoignent-ils  pas  ou- 
vertement qu'ils  font  convaincus  qu  il  7  a  quel- 
que Puiflànce  dans  le  monde  à  qui  l'avenir  efl: 
aflujetti  ?  Où  en  ferions-nous   ,     s'il  faloit  que 
l'on  fît  encore  des   miracles   dans  le    Roiaume 
très-Chrêtien  pour  nous  guérir  d'une  incrédu- 
lité que  les  Paiens  n'ont  point  eue  ?  Quand  eft- 
ce  que  nous  ferions  fidèles  ,    li  pour  être  feule- 
ment aifûrez  que  Dieu  conoît  l'avenir  ,     nous 
avions  belbin  que   Dieu   entaflat  miracles   fur 
miracles  ,     6c  prodiges  fur  prodiges  ?    Difons 
donc    que    l'intention   de   la    ProviJence    n'efl: 
point  celle  que  Monfr.  de  Mezerai  lui  attribue  » 
puilque  ce  feroit  l'intention  du  monde  où  il  y 
aUiOit  le  plus  d'inutilité.    Et  comme  il  reconoît 
outre  cela ,  que  ce  qu'on  appelle  àts  prodiges  ne 
fert  point  à  nous  faire  éviter   le  péril  ,    il  faut 
qu'il  reconoifl^e  que  l'intention  de  la  Providence 
n'eft  pas  ,   qu'il  nous  ferve  de  prelàge.     Je  dirai 
encore  quelque  chofc  ailleurs  pour  fortifier    ce 
raiibnnement ,  6c  far  tout  dès  que  j'aurai  achevé 
les  remarques  :  que  j'ai  deflinées  à  vous  montrer 
Pentctcment  des  Cliêtiens  pour  les  prodiges. 

§.  XCIX 


Penfées  diverfis,  195 

§.  XCIX. 

Nouvelles  preuves  de  rhicUnation  des  Chrétiens  k 
croire  les  prodiges  ô"  les  prefages. 

Je  trouve  dans  un  Traité  d'Agobard  Evêque 
de  Lion  ,  compoié  l'an  833.  un  pafiàge  qui 
m'eft  11  favorable  ,  que  je  ne  fàurois  ni'empê- 
chcr  de  le  raporter.  Ce  lavant  Prélat  compolà 
ce  livre  ,  pour  delàbufcr  une  inanité  de  gens 
de  la  tauflè  imagination  qu'ils  avoicnt  conçue, 
qu'en  ce  tems-là  il  y  avoir  des  Enchanteurs, 
dont  le  pouvoir  s'étendoit  jufqu'à  exciter  la 
grêle  ,  la  foudre  8c  la  tempête  ,  toutes  les  fois 
qu'ils  trouvoient  bon  de  ruiner  les  biens  de  la 
terre ,  Se  qui  faiioient  trafic  de  cet  art  avec  les 
habitans  d'un  certain  pais  apellé  M  agonie ,  qui 
venoient  tous  les  ans  iur  des  navires  par  le  mi- 
lieu de  l'air  ,  pour  charger  tous  les  grains  qui 
avoient  été  gâtez  par  la  tempête  ,  defquels  ils 
paioient  le  prix  aux  Enchanteurs.  On  doutoit 
Il  peu  de  cela ,  qu'il  falut  un  jour  que  cet  Eve-  . 
que  fe  donnât  beaucoup  de  fatigue  pour  deli-  l'J^  Çi-^\1^^ 
vrer  trois^  hommes  6c  une  femme  des  mains  ûtia  on- 
de la  populace  qui  les  vouloit  lapider ,  comme  pr°nicrnt- 


fawvre   monde  ,    que  les  Chrétiens  fe  perfuadent  res  cre 
des  aèfurdit ez  i  que  perfomje  ne  pouvait  aupara-  d-intur  à 
vant  perfuader  aux  Gentils.  Chriftla- 

Je  n'examine  point  s  il  efl:  vrai  au  pie  de  la  "u- ql"l|^^^ 
lettre,   qu'on  étoit   plus  crédule  en  ce  tems-là,  ..nceaad 
que  du  tems  du  Paganilme.     Il  me  fuffit  de  là-  creden- 
voir  qu'on  l'étoit  beaucoup  :    8c  de'  là  vint  que  '^"'"  P<^,- 
peu  après  on  s'avifà  d'écrire  l'Hiftoire  d'un  air  ^.^"^  ^f^^' 
romancique  ,   8c  d'ajouter  mille  fables  aux  faits  Je;  e  r'il"" 
des  vaillans   hommes,   comme  étoit  Roland,  guis. 
1  1  r.cveu 


rç6  Venfcei  divcrjes, 

neveu    de  l'Empereur   Chariemagne  ]     ce  Qui 

acheva  de  gâter  le  goût  aux  Ledeurs  i    fi  bien 

(i)  Pic-      <^u'on    n'oibit    plus   leur   rien  prelenter  qui  ne 

feus  in        ^t  de  ce  ftyle-là  :    témoin  l'Ouvrage  de  devo- 

Galfrcdo     tion  ,   que  Jaques  de  Voragine  Archevêque  de 

Moriime-     Gcnes  ,  compofà  fur  la  fin  du  13.  liecle  ,     & 

^^^'  ^'  contre  lequel  Meichior  Canus  ,    iàvant    Evêque 

-  .  Efpagnol  ,*  paroît  ii  indigné  dans  Tonziéme  li- 

erac  anti-    '^'^  ^'^   ^^    Lieux    communs.     Un   autre   (i) 

quorum       Doâeur   en    Théologie  Icra   ma   caution  ,   s'il 

plurimum    vous  plaît,  Monlicur  ,  pour  ce  que  j'ai  dit  du 

vjtium  ,^      gQ{^|.  ^^^j  i-cgnojt   dans    certains   fiecles.     Voici 

Quscfam'"^  comme  il  en  parle i  Cétoit  (z)   le   défaut  ,     ou 

fine  judi-    plutôt   U  fmplicité  grojjîere   de  plujieurs  de  nos 

ciofimili-  Anciens  ,     ds   simaghitr  qu  en  écrha'nt  les  ac- 

citasjucin  fions  des  perfonnes  iUujlres  ,    ils  ne  fe^' oient  point 

ciarorum     éloquens ,  j'i  pour  l'ornement  du  difcours  ,   comme 

g'eftis  fcrî-  ^^^  f^  ^^  figuraient  ,     ils   ne  méloient  dans  leurs 

bendisjfe     Ouz  rages  les  fictions  poétiques  ,  ou  quelc^ue  chofe 

minus         de  [emblable -,  (^  par  confequent  le  menfionge  a%ec 

exiftima-     /^  'verité.    Cela  étant ,  je  iuis  fort  tenté  de  croi- 

'^^!!^"'^T  ^'^    ciwe  les    Hiftoriens   des   Croiiàdes  nous  en 

ad  orna-     baillent  louvent  a  garder  }   8c  c  elt  aparemm>ent 

tum,  ut      l'opinion  du    (5)    P.   Maimbourg  ,     car   voici 

purabant,    comme  il  parie  après  le  récit  de  la  bataille  d'I- 

fermonîs     conium  ,    eagnée  par  Frédéric  Barberouiîc  l'an 

fi<£<:ior.cs       I  ^po-     ^^  qu  il  y  eut   déplus  merveilleux  en 

ve!  aliqi;id  ^^^^^  "victoire  ,   ejl  que  le  Vainqueur  ne  fit  prefque 

farum  fi-     aucu7îe  perte  :  ce  que  plufieurs  attribuèrent  a  U 

m;le  ad-     protection  particulière   de   St.    George   0>  de  St, 

r-.ilcerent,  yi^Qy  ^  au  Oh  reclamoit  ordinairement   dans  l'ar^ 

quenter       ^^^  '  Ô''   ^^^  quelques-uns   ajjuroient  aroir  ^•» 

veiafaifis     com-hatre  devant  les    efcadrons  ,  fioit  qu'il  y  eut 

commit-     eu  en  effet  quelque  chofe  d'extraordinaire  ,   com- 

terent.     ^  ^^  y/  py^  quelquefois  arrivé  ,  félon  le  témoignage 

même  de  l'I^criture  ',  foit  que  pour  avoir  fouvent 

|,y      '  /     ouï  dire  ,   quon   avoit  vu   des  efcadrons  celcfles  » 

i'.àt%.  dur  ara  la  première  Crcifade,  a  la  bataille  d'An- 

\i\»  /,        tioche  i  l'i'/nagination  de  quelques-uns  préoccupée 

de 


Tenfées  diverfes.  i()J 

de  ce  récit,  ^  imprimée  de  ces  idées  ,  fe format 
Je  pareilles  aparitions.  ^ioi  quil  en  [oit  ,  il  eji 
certain  c^u'un  Cavalier  ae  réputation  ,  (^  y^-ulle- 
rmnt  i^i^-onn^tire  ,  apelié  Louis  de  Heijenfieiny 
ajfur^  la  même  chofe  à  l'Empereur  ,  c^  ////  pro- 
tejîa  devant  toute  l'armée  ,  fur  fon  ferment  ,  ^ 
fur  fa  foi  de  Fder'm  zoué  du  St.  Sépulcre ,  ^  de 
Croifé,  qu'il  ai  oit  iu  plus  d'une  fois  Saint  Geor- 
ge a.  la  tête  des  efcadrons  ,  tourner  les  ennernis 
en  fuite  :  ce  qui  fut  aprl'S  conf.rmé par  les  Turcs 
même  ,  qui  clifoier.t  atoir  iu  a  la  tête  de  l ar- 
mée Chrétienne  ,  certahies  troupes  toutes  'uêtués 
de  blanc,  que  l'on  ne  trouzoit  plus  par  ni  les  nô- 
tres. J-'avou'é  qu'on  n'eji  point  du  tout  obligé  de 
croire  à  ces  fortes  de  vifons  ,  qui  font  fujettes 
la  plupart  du  tems  a  de gra-ndes  illusions  j  mais 
je  fat  bien  aujjt  qu'un  Hijiorien  ne  doit  pas  ,  de 
fon  autorité,  rejetter  celles  qui  font  foutenu'és  d'un 
témoignage  aujjî  remarqup.ble  que  celui-ci  :  ^ 
que  Ji  on  lui  laijfe  la  Liberté  de  ne  les  pas  croire, 
il  n'a  nul  droit  en  les  fuprimant  d'oter  à  fes  Lec- 
teurs celle  qu'ils  ont ,  après  les  avoir  lues,  d'en 
juger  ce  qu'il  leur  plaira.  La  reflexion  d'un  aufli 
célèbre  Hifrorien  ,  nullement  iulped  d'avoir 
voulu  favoriier  1  incrédulité  des  Huguenots,  efl 
une  forte  preuve  de  ce  que  j'ai  dit. 

Voici  quelque  choie  de  plus  fraîche  datte. 
Vous  fàvez  que  la  cérémonie  du  mariage  du 
Roi  d'Eipagne  avec  Mademoifelle  ,  fe  fit  à 
Fontainebleau  le  51.  du  mois  d'Août  1679.  Se 
que  peu  de  tems  après  cette  Princeile  vint  à 
Paris ,  où  elle  eut  à  elîliier  un  nombre  innom- 
brable de  harangues.  Mais  peut-être  ne  làvez- 
vous  pas  ,  qu'aux  Pères  de  1  Oratoire  on  afiura 
Sa  Majefté  ,  que  la  gloire  d'être  le  nœud  d'une 
union  éternelle  entre  les  deux  plus  grandes  MO' 
narchies  du  monde ,  0*  celui  de  la  paix  généra- 
le,  etoit  refervée  a  fa  facrée  perfonne  ,  ^  que 
le  Ciel  l'axoit  depuis  long-tems  promife  a  la  Ttr-^ 
I  3  re. 


198  T en  fée  s  diverjès. 

re.  V Empereur  Charles  -  ^tint  (c'efl  la  preuve 
de  la  promefic  du  ciel)  eii  j.t  i a  prophétie  far  ce 
lys  myji'erseiix  y  c^u'iL  planta  de  fes  77iains  au^ujîes 
lians  le  jardin  de  fa  [olitude  fur  la  fir  du  mois 
d'Août  de  l  an  i5'5"B.  Car  (iH  momera  ne  la  mort 
de  ce  grand  Monarc^ue  ,  laquelle  arriva  peu  de 
tems  après  dans  l'automne  de  cette  mcrne  année  ^ 
cet  oignon  de  lys  jetta  tout-d' un-coup  une  tige 
de  dtux  coudées  a'-^ec  une  memeilleufe  jleur ,  atijjî 
épanouie  ij*  aujji  ocorifcraéite  que  ces  fortes  de 
peurs  ont  accoiaumé  de  i  ctre  m  Ef^agne  en  leur 
faifon  ordinaire.  Prefage  cej-tain ,  Madame ,  qu'uri 
lys  miraculeux  feroit  tranfplaraé  en  Efpagne  fur 
la  fin  du  mois  d'Août  ,  nu  tems  ou  la  gloire  de 
cet  Empire  fembleroit  foujfrir  quelque  forte  d'éclip- 
fe  ,  four  y  port-.r  dans  L'autornne  avec  la  paix  les 
joies  du  friûtems  y  ^c. 

Ce  qu'il  y  a  d'étonnant  là-dedans  ,  n'eft  pas 
qu'à  la  tête  d'une  des  plus  favantes  Commu- 
nautez  de  i'Univeis  ,  on  iè  foit  ièrvi  de  faufïès 
penfees  pour  une  Reine  ,  qui  malgré  fa  grande 
(î)  Rhe-  jeunelTe  ,  avoit  trop  de  diicernement  6c  trop 
ton  con-  '^(,  pénétration  ,  pour  ne  pas  reconoître  que 
fentemih  c'étoient  de  vains  fautômes.  Il  ne  faut  pas 
ufifilfis,  Çtre  il  ièvere  à  ceux  qui  parlent  en  public, 
audacibus,  LaifTons-leur  le  privilège  dont  ils  jouïîlcnt  de 
fubdolis,  fout  tems  ,  de  propoiér  les  chofes  fous  des 
fi^  rhodà  '  ^^^^^  brillantes  2c  pompeufes  ,  quoi  que  faufTes 
ve.-ifimi-  ^^  '^^^^  ^^^^  occaiions.  (i)  Mais  ce  qui  m'ë- 
Jes  funr,  tonne  ,  c'efl  qu'une  bonne  partie  de  ce  nom- 
&  pcffunt  bre  prodigieux  de  gens  qui  ont  lu  cette  haran- 
admo-  g^g  ^^_j5  1^  Mercure  Galant  ,  s'eft  récriée  fur 
hominum  ^^^  endroit-là  ,  &  a  cru  tout  de  bon  que  ce  lis 
animus  avoit  été  un  type  du  mariage  du  Roi  d'Efpa- 
qualicun-  gne  à  preiènt  régnant.  Tant  il  efi  vrai  que 
que  aftu  J^^^5  fommcs  accoutumez  à  trouver  du  myfte- 
!i?S/Vy  î"e  Se  clu  prcfage  par  tout.  Le  Comte  de  la 
3foh.  yfttic.  Roca ,  petit-fils  de  Don  Louis  d'Aviia  ,  8c  Hif- 
/.!./.  6.      rorien  de  l'Empereur  Charles-Quint    auffi-bien 

que 


Penfées  diverfii.  ïpp 

que  lui ,  raporte  d'une  autre  maaiere  l'Hifloire 
de  ce  lis  miraculsHX  ,  6c  i'aplique  à  un  prciàge 
tout  ditïèrent  :  ce  qui  montre  que  ces -fortes 
d'obfervations  font  quelquefois  aulTi  taulfes 
dans  le  tait  qne  dans  le  droit. 

§.  c. 

Nouvelle  remarqtie  ,  pour  faire  voir  que  l'anti" 
quité  iQf  la  g2/ieralité  d'une  opinion ,  n'eft  pas 
une  marque  de  vérité. 

Prenez  la  peine  de  voir  prefèntement  ,  s'il 
faut  compter  pour  beaucoup  la  conformité  qui 
iè  trouve  entre  les  Anciens  &  les  Modernes  ,  à 
juger  que  les  Comètes  font  des  prelàges  finiP 
très.  Je  le  dis  encore  un  coupi  c'effc  une  illulion 
toute  pure  ,  que  de  prétendre  qu'un  fentiment 
qui  paife  de  liecle  en  iiecle ,  Se  de  génération  en 
génération  ,  ne  peut  être  entièrement  faux. 
Pour  peu  qu'on  examine  les  caules  qui  établiir 
fènt  certaines  opinions  dans  le  monde  ,  8c  cel- 
les qui  les  perpétuent  de  père  en  fils  ,  on  verra 
qu  il  n'y  a  rien  de  moins  raifonnable  que  cette 
pretenlion.  On  m'avouera  lans  doute  ,  qu'il 
eft  facile  de  perfuader  au  peuple  certaines  opi- 
nions fauflès  ,  qui  s'accordent  avec  les  préjugez 
de  l'enfance  ,  ou  avec  les  pafTions  du  cœur, 
comme  font  toutes  les  prétendues  règles  des 
preiàgcs.  Je  n'en  demande  pas  davantage  ,  car 
cela  fuffit  pour  rendre  ces  opinions  éternellesi 
parce  qu'à  la  referve  de  quelques  efprits  Phiio- 
ibphes ,  perfonne  ne  s'avife  d'examiner  ,  fi  ce 
que  l'on  entend  dire  par  tout  ,  eft  véritable. 
Chacun  fupoiè  qu'on  l'a  examine'  autrefois  ,  8c 
que  les  Anciens  ont  aifez  pris  les  devans  con- 
tre l'erreur  ;  8c  là-deffus  c'eil  à  l'cnfèigner  à  fon 
tour  à  la  poftcrité  ,  comme  une  chofe  infailli- 
ble. Sou  venez- vous  de  ce  que  j'ai  dit  ailleurs 
I  +  de 


2CO  Fenfées  diverjes, 

de  la  parefîe  de  1  homme  ,    8c  de  la  peine  qu'H 

faut    prendre  pour  examiner  les  chofes  à  fond , 

&  vous  verrez  qu'au  lieu  de  dire  avec  Minucius 

(?)  Om-     Félix  ,    Tcut  (i)  eji  'mcert;:Hin  parmi  le.'  hommes  y 

nia  in  re  ■  ^^y^  pi^^  ^^^^^     ,  iicerta'm  ,   pins  y  a-t-il  lieu  de 

bus  hu-         ,  /     ^  -'  ,  ^  1    -',      ■■     i 

ma  ois  du    ^  ^^^'^'i^^r  que  qu^elques-uns  par  ce  degont  d  une  re- 

bii ,  in  cherche  exacle  de  h  'ver'ité  ,  airamt  mi^ux  em- 
cern  ,  fiif-  brajfer  terne r air e?nent  Li  première  opimon  qui  fe 
penfi;  pr efe.it e -,  que  d  aprofondir  Les  chofes  long-tems  fy* 
ïmgifque  foi^^eufemrût  j  il  faut  dire  ,  plus  tout  efl  incer- 
omnia  ve  -^    ^      -^       .      '  •/;•;•'/  ■'  , 

rifimilia ,  ^"^^'^  »  ^^^^^T-^  y  C'-t'd  lieu  de  s  eionner  que  quel- 
quàm  ve-  ques-uns  ,  ^-'C,  (i)  L'Auteur  de  l'Art  de  pen- 
ra;  qu6  _  pr y  remarque  fort  juJicieufement  ,  que  la  plû- 
magis  m\~  p^^j.j.  ^^^  hommes  fe  déterminent  à  croire  un 
rum  elt,      r      •  i      »  > 

jionnuUos  i^^^'t^^^^cnt    plutôt    qu  un   autre  ,     par  certames 

t^d-oin-  marques  extérieures.  6c  étrangères  ,  qu'ils  ju- 
veftiiiandaî  gcnt  plus  convenables  à  la  vérité  qu'à  la  fauf- 
peritus  fêté  ,  8c  qu'ils  diicernent  facilement  ;  au  lieu 
veriratis  .^^  l^^  raifons  folides  8c  eflèntieîies  ,  qui  font 
©pinioni  conoitre  ia  vente ,  lont  diliiciks  a  découvrir, 
temcrè  De  forte  que  comme  les  hommes  iè  portent 
potiusfuc-  aiiement  à  ce  qui  leur  eil:  plus  facile  ,  ils  iè 
cumbere,  rangent  prefque  toujours  du  côté  où  ils  voient 
exploran-  ^^^  marques  extérieures.  Or  comme  vous  la- 
do  perci-  vez,,  Monlïeur  ,  l'antiquité  Se  la  généralité  d'u- 
naci  dili-  ne  opinion  paflênt  volontiers  dans  nôtre  elprit 
genna  po^^.  ^^^^  ^^  ^^5  marques  extérieures, 
la^re.^^  '  i^  ^^^  ^^^'^  ^^^  jours  àç:s  gens  qui  évitent  de 

Il y\  des  ^  marier  dans  le  mois  de  Mai,  parce  qu'ils  ont 
4xcmplai-  OUI  dire  ,  qu'on  a  cru  de  tems  immémorial 
res  qui  que  cela  portoit  malheur  :  8c  je  ne  doute  point 
portent,  ^^  ^^^^^  fuperflition  ,  qui  nous  eft  venue  de 
quo  minus   ^       .  _,^  o      ^  ■    '     ■     c     i  '     r 

mirum.      1  iincienne  Rome  ,     oc  qui  etoit  rondee  lur  ce 

que  l'on  y  celebroit  dans  le  mois  de  Mai  la  fête 

(a)  Part,     des  Efprits  malins ,  Lemuralia  ,    ne  fublifte  par- 

3. chip.      mi  les  Chrétiens  jufques  à  la  fin  des  iîecles.  Car 

%^.v\,6.     i\  ne  faut  pour  la   conferver  dans  une  famille, 

iinon    qu'on    fè   ibuvienne   qu'un   grand -père, 

ou  qu  un  oncle ,   ont  eu  ce  fcrupule-là.     C'eft 

une 


Penfées  diverjes.  201 

une  railbn  invincible  ,  8c  qui  fait  d'autant  plus 
d'imprcfîion  fur  i'efprit  ,  qu'on  voit  des  gens 
d'entendement  dans  la  même  préoccupation. 
En  effet  ,  il  y  en  a  qui  fans  être  fjperftiticux , 
reculent  ,  ou  avancent  leurs  noces ,  pour  éviter 
le  mois  de  Maij  parce  qu'il  leur  importe  qu'on 
ne  croie  pas  qu'ils  fè  ibnt  livrez  eux-mêmes  à 
la  mauvaiie  fortune.  Il  ne  faut  rien  négliger 
en  ce  monde.  Un  Marchand  peut  devenir  ef- 
feftivement  malheureux  ,  par  la  ridicule  opi- 
nion que  l'on  a  ,  qu'il  eft  menacé  de  mtlheurj 
perfbnne  ne  voulant  lui  faire  crédit  ,  ni  fè  lier 
de  commerce  avec  lui.  Qui  voudroit  recher- 
cher toutes  les  caulès  qui  fomentent  les  erreurs 
populaires,  ce  ne  feroit  jam.ais  tait. 

§.   CI. 

Freuve  cojjvainqtiante  de  l'erreur  ou  l'on  ejî  tou- 
ch;int  les  ^refages. 

Il  n'eft  pas  juiques  à  1  Hifloire  Sainte  dont 
on  n'abulè.  Car  ceux  qui  nous  débitent  ,  com- 
me en  étant  fort  perfuadez.  ,  que  la  manière 
dont  Tamerlan  donna  là  benediélion  à  Ces  deux 
fils ,  abaiffant  la  tête  de  Taîné  ,  8c  relevant  le 
menton  de  l'autre  ,  fut  un  prelàge  de  l'éléva- 
tion de  celui-ci  ,  au  préjudice  de  celui-là  i  fè 
fondent  aparemment  fur  le  chapitre  48.  de  la 
Genefe  ,  où  il  eft  dit  que  le  Patriarche  Jacob 
benilîànt  les  deux  fils  de  Joièph,  mit  là  main 
droite  fur  la  tête  du  plus  jeune  ,  parce  qu'il 
prevoioit  par  un  efprit  prophétique  ,  qu'il  de- 
viendroit  plus  puiflànt  que  fon  aîné.  Cepen- 
dant il  y  a  une  très-grande  différence  à  remar- 
quer entre  ces  deux  benedidlions.  Le  Tartare 
n'étant  point  éclairé  de  la  conoi fiance  de  l'ave- 
nir ,  ne  pouvoit  pas  diverlificr  le  mouvement 
de  Tes  mains  pour  établir  un  prefage  ;  6c  Dieu 
}  S  ne 


il)  An- 
îiimciace 
qua:  Ven- 
tura func 
in  futu- 
Tum,  & 
fderaus 
<\uh  Dii 
cltis  vos. 
Jfaia  c.  41. 

Ç2.)  Som- 
nia  quK 
soientes  In- 
diint  voli- 
îantibus 
Bmbris , 
Non  delu- 
hraDeûmj 
nec  ab 
setherenu- 
ïnina  mit- 
lunt,  Sed 
iibi  quif- 


2  02  Penfài  divcrjes. 

ne  voulant  pas  relever  les  choies  futures  aux 
Infidèles  ,  ne  conduisit  pas  les  mains  de  Ta- 
merlan  d'une  certaine  façon ,  afiti  qu'elles  for- 
jnafîènt  un  preiàge  de  ce  qui  arriveroit  à  fes 
enfans.  Au  contraire  Jacob  ,  qui  étoit  rempli 
d'une  révélation  celefte  ,  par  laquelle  il  con- 
noillbit  la  deftinée  de  lès  defcendans  ,  dirigeoit 
ics  aélions  Se  lès  paroles  félon  cette  connoiilàn- 
ce ,  &  ainfi  elles  étoient  des  prelàges. 

Il  faudroit  confiderer  ,  que  la  conoiflance  de 
l'avenir  ne  pouvant  venir  que  de  Dieu  ,  il  n'y  a 
point  de  prelàge  des  choies  contingentes  ,  qui 
ne  Ibit  immédiatement  établi  de  Dieu.  De 
forte  que  li  la  rencontre  d'une  belette  prelàge 
quelque  cholè  ,  il  faut  que  ce  Ibit  par  une  loi 
éternelle  de  Dieu  ,  qui  a  enchaîné  enlèmble  un 
tel  mouvement  de  la  belette  avec  une  autre 
cholè.  Or  comme  il  feroit  abfurde  de  dire, 
que  Dieu  a  fait  une  infinité  de  ces  fortes  de 
combinaifons  ,  afin  d'aprendre  l'avenir  à  tous 
les  hommes  du  monde  ,  l'avenir ,  dis-je  ,  dont 
il  nous  aprend  qu'il  le  referve  à  lui  lèul  la  co- 
noifîàuce  ,  pour  confondre  les  (  i  )  faux  Dieux , 
&  dont  il  n'a  fait  part  qu'à  quelques  Prophètes 
par  une  faveur  finguliere  :  comme  il  feroit  in- 
digne de  la  bonté  Se  de  la  làgelïè  de  Dieu  ,  fu- 
pofé  qu'il  voulût  nous  avertir  d'une  .deilinée 
que  nous  ne  pourrions  éviter  ,  de  fe  fervir  d'u- 
ne manière  de  lignes  aulTi  vagues  8c  aufli  obs- 
curs ,  que  le  font  tous  ceux  que  l'on  nous  dé- 
bite pour  des  prefiges  de  l'avenir  i  il  faut  dire 
que  ce  font  tous  ouvrages  de  l'efprit  humain  > 
6c  non  pas  des  inllitutions  de  la  Providence, 
comme  l'a  fort  bien  remarqué  (2)  Pétrone  à 
l'égard  àcs  fonges. 

Voilà ,  ce  me  femble  ,  deux  puilîàntes  rai- 
fons  contre  les  prêfages.  Premièrement  ils 
font  innombrables  ,  ii  nous  ajoutons  foi  à  tout 
ce  qu'où  nous  raconte  fur  ce  fojet.    Il  ne  fe 

pal^ 


Tenfées  diverjès,  205 

paflbit  point   d'année   à  Rome  làns  des  prodi- 
ges ,    Se   li   nous   prenions   la  peine  d'unir  (i)  (r)  Voler 
bout  à  bout  les  remarques  qui  le  trouvent  dans  ^'-Abbé 
les  Hilloriens   touchant  les  prefages  ,  qu'ils  di-  je"peJ.Qy. 
fent  que  Dieu  a  donnez  de  ce  qui  devoit  arri-  le  dans  fou 
ver  fur  la  terre  ,   nous  ferions  une  enchaînure  Uoggidi 
qui   embrailèroit  tous  les  tems  iàns  aucune  in-  difmgan- 
terruption.     Si  nous  confultons  les  gens  credu-  "''  ^'^'  ^ 
les  lur  cette  matière  ,  nous  trouverons  qu  il  ne  p^^^^^ 
leur  efl  jamais  rien  arrivé  de  remarquable,  fans 
y  avoir  ete  préparez,  par  quelque  prelàge.     Or  (i)  Amâ? 
dès  là  on  peut  conclure  que  ce  ne  font  que  de  tiva  ttoàu- 
vaines  imaginations  ,    parce  que  d'un  côté  cela  -^p^-y^ovx 
montre  que  les  hommes  demeurent  inebranla-  ^^^J^^"  % 
blement  attachez   à   croire  qu'il  y  a  une  Puif-  Tr-Jhp-^Y 
iànce  à  qui  Ta  venir  eft  conu  ,  Se  par  conièquent  x^i  Ivyie»^ 
que  leur  incrédulité  ne  porte  point  Dieu  à  iàire  '^J  /'•'"^^l 
des  miracles  pour  la  guérir  ,    Se  que  d'autre  cô-  '^V  '"''  '^''^ 
té  cela  fait  voir,  que  li  Dieu  établilloit  effefti-  ^^^«J^'J^.,,,;, 
vement  des  prclàges  ,   il  avertiroit  les  hommes  J'iu^i^ovra 
extraordinairement  Se  continuellement  tout  en-  ç'  ^^iiv 
femble  de  ce  qui  leur  doit  arriver  ,   ce  qui  im-  «/^'=^'<='>'  /^y 
plique  contradiction.     Ce  lèroit  alors  que  l'on  Jf^T"^""" 
auroit  quelque  raiion  de  juger  avec   (2)    Maxi-  ^-Aa-,. 
me  de  Tyr,  que  la  Divinité  le  tiendroit  fur  \çs  Equidem 
grands  chemins ,   pour  dire  la  bonne  avanture  à  ardelio- 
tout  venant.  "^^^ ^^\ 

La  lèconde  raifbn  eft  ,  que  ces  prefages  dont  narras  * 
on  nous    parle ,    non  feulement  n'aprenent  pas  quam 
d'une  manière    intelligible  les  chofes  qui   doi-  Deum, 

vent  arriver  ,     mais  aufli  ne  fervent  pas  à  les  "^^r^q"® 
^  1         1,      ^  T    1  î        curioium 

empêcher  d'arriver.  Je  le  prouve  ,    parce  qu  on  ^^  vanum: 

ne  lait  jamais  qu'une  choie  a  été  le  prelàge  d'u-  Cmilem 

ne  autre ,  que  quand  cette  autre  eft  arrivée  ;  car  mcndkis 

quelque  infàtuez  que  nous  Ibions  des  prefàees ,  '^^^^  *1"'  ^^ 

nous  ne  croions  jamais  en  avoir  eu  d  une  cho-  ,,. 

lokjui  na  point  ete.     Un  homme  qui  perd  Ion  gunt,& 

argent  au  jeu ,  n'aft  pas  allez  bête  ,  pour  s'ima-  duobus 

giuer  qu'il  a  eu  des  prefages  du  gain  qu'il  fe-  obolis  ob* 

I  6  roit: 


204  Penfees  diverfîs, 

vio  cuique  roit:  8c  quand  même  il  auroit  eu  avant  fa  pcr- 
vencura  ^.^  certains  prcfap;es  de  bon  augure  ,  il  cefîèroit 
pa:dicunt.   ,     ,  /         ^  ,         j  •   ^    >-i     > 

A'.îA'.  Ty.  ^'^  l^s  reputcr  pour  tels  ,  gqs  qu  il  sapercevroit 
ritis  ôrat.  de  la  perte  de  ibn  argent.  Les  Paiens  qui  fe 
5.  ;>.  7w-  croioient  iriCnaccz  par  des  prclàgcs  ,  Se  qui  tâ- 
*5*  choient  d'en  éviter  les  effets  ,  n'avoient  que  des 

notions  très-confufes  6c  très-gencrales  ,  avant 
que  les  chofcs  fullènt  arrivées;  &  quand  il  n'ar- 
rivoit  rien  de  fâcheux  ,  ils  croioient  facilement 
que  ce  que  l'on  avoit  pris  pour  un  prciàge  ,  ne 
1  etoit  pas  eifeftivement.  C'eft  pourquoi  l'on 
peut  aftiirer  ,  qu'il  n'y  a  que  l'événement  qui 
nous  aiîure  qu'une  cholè  a  été  le  preiage  d'une 
autre  ,  8c  par  confequent  que  les  prelàges  ne 
fervent  de  rien  pour  nous  taire  éviter  le  mal. 
Outre  que  fi  les  prefiges  nous  mettoient  en  état 
(i)Voiez  d'éviter  nôtre  deilinee  ,  la  raifon  (i)  de  Mr. 
ci-dcfius  ^Q  Mezerai  fèroit  nulle  ;  puis  que  nous  aurions 
f'ag.  194'  £^\^^  ^^  croire  ,  qu'il  eft  en  nôtre  puifîànce  de 
changer  l'avenir  :  d'où  il  s'enfuivroit ,  que  nous 
ne  donnerions  pas  à  Dieu  la  fuprême  difpoii- 
tion  de  l'avenir  ;  qui  eft  pourtant  le  feul  fruit 
que  cet  Hiflorien  prétend  que  l'on  retire  de  la 
conoilîànce  des  prelàges.  La  feule  cliofe  à  quoi 
nous  puilTions  deftiner  cette  conoiiTànce  ,  c'eft 
de  dire  que  Dieu  a  établi  une  infinité  de  fgnes 
pour  nous  prelàger  l'avenir  ,  afin  de  nous  com- 
bler d'amertume  dès  avant  que  les  chofes  fcient 
arrivées  ;  de  forte  que  dans  cette  fupofition  il 
eft  vrai  de  dire  ,  que  Dieu  fait  continuellement 
des  miracles  ,  pour  affliger  indifféremment  tous 
les  hommes  ,  bons  6c  mauvais  ,  avant  même 
que  les  maux  qu'il  leur  prépare  leur  arrivent. 
Or  comme  cela  eft  tout-à-tait  contraire  à  1  idée 
que  nous  avens  de  Dieu  ,  qui  nous  le  rcprelcn- 
te  li  grand  8c  fi  bon,  que  rien  ne  lui  peut  con- 
venir qui  fente  la  malignité  6c  la  bafièfl^è  ,  •'il 
faut  neceflàirement  conclure  ,  qu'il  n'eft  point 
i'a.uteur  de  ces  prelàges  qu'on  nous  prône  tantj 


Penfées  diverfes.  21 05 

êc  qu'ainfi  les  plaintes  que  les  Paiens  ont  quel- 
quefois faites  contre  la  Divinité  à  cette  occa- 
lion,  font  \qs  plus  injufles  du  monde.  Ils  euf- 
ilnt  voulu  que  Dieu  ne  les  eût  pas  expofez  à 
être  doublement  malheureux,  i.  Par  les  prelà- 
ges  du  mal  à  venir;  2.  Par  le  mal  même,  com- 
me on  le  peut  lire  dans  cet  endroit  de  la  (  i  )  (i)  Cur 

Pharfale.  ^^^^^  "^^ 

reftor 

•ff  •  1   '     T       1       Olympi 

Monarque  tout-fusjjmit   qui  conduis  les  m-  sollicicis 

mains,  vifum 

Pourquoi  nous   laiffes-tu   lire  dans  tes  âef-  niortali- 

feins,  h^^^.dàe^ 

Trenjoir  notre  infortune  ,    aller  a  Ja  rencon-  Nofcant 
tre  ,  venturas 

"Et  fentir  ta  varigeance  avant  qu'elle  fe  mon-  "t  dira  pcr 


trei 


omnia 
clades  ? 


Cache  un  feu  ton  courroux  ,    0»  permets  feu-  fit  ca^ca 

lement  futur! 

^u'il  tonne  f^   qu'il  foudroie  en  un  même  M^ns  ho- 

.,  — .•  .  ,,  Sil'ï. 

Afjowvis  ta  rigueur  ,    mais  fufpens  tes  me-  ceac  fpe» 

naces-y  rare  ti» 

'Et  laijfe  nous  fentir  fans   hâter   nos  difgra-  "lenti. 

ces ,  ^'i:an. 

Sans  aller  'vainement  chercher  dans  V avenir ^       -  j»  >  ■> 
Et  dequot  te  vanger ,  ^  dequoi  nous  punir. 

Pauvres  aveugles  qu'ils  étoient  !  ils  attri- 
buoient  à  Dieu  ce  qui  ne  venoit  que  de  leurs 
faux  jugemens.  Ils  étoient  eux-mêmes  les  au- 
teurs de  leurs  prciàges  ,  non  Iculcment  parce 
qu'ils  s'imaginoient  ians  raifon  qu'il  y  en  avoit, 
mais  aulfi  parce  qu'enfuite  de  leur  preoccypa- 
tion  ,  ils  fc  portoient  bien  fouvent  aux  choies 
qu'ils  croioicnt  avoir  été  preiàgées ,  6c  fc  con- 
firmoient  puidàmment  après  cela  dans  leur  er- 
reur ,  par  le  fuccès  qu'ils  voioient  que  leurs 
I  7  prc- 


20^  Penfees  diverfes, 

prétendus  preiàgcs  avoient  eu.  C'efl:  une  àt% 
caulès  qui  ont  tbmenté  dans  le  monde  la  plu- 
part des  divinations.  Un  Aftrologue  predifoit 
à  un  homme  qu'il  mourroit  dans  peu  de  tems. 
Se  cet  homme  étoit  allez  iimple  pour  le  croi- 
re, 6c  pour  tomber  dans  une  mélancolie  qui  le 
tuoit.  Cette  mort  perfuadoit  tellement  à  tout 
un  peuple  la  certitude  de  l'Aflrologie  ,  qu'on 
ne  croioit  plus  pouvoir  éviter  fes  prédictions  : 
de  ibrte  que  li  l'on  diloit  à  une  fille,  que  fbn 
horofcope  la  marioit  à  un  tel  ,  àhs  lors  elle  s'y 
refolvoit  comme  à  une  chofe  predeftinée  ;  ce 
qui  failbit  reiilîîr  le  mariage,  8c  fortifioit  l'illu- 
lion  de  plus  en  plus. 

Je  pourrois  poufîèr  cette  matière  plus  loin; 
mais  comme  j'en  veux  aux  Comètes  principa- 
lement, il  me  fuffira  pour  le  coup  ,  Monfieur, 
que  vous  compreniez  ,  que  non  feulement  il  eH: 
très-poflîble  que  l'opinion  générale  de  leurs 
preiàges  foit  fauflè  ,  vu  la  manière  dont  elle 
s'eft  établie  8c  perpétuée  dans  les  eiprits  j  mais 
qu'il  faut  de  toute  neceiTité  qu'elle  Ibit  faufîe, 
vu  l'opolition  qui  fe  trouve  entre  ce  lèntiment 
8c  la  nature  de  Dieu. 

Après  cette  longue  digreiTion ,  me  voici  prêt 
à  vous  donner  tous  les  écIaircilTemens  que  vous 
pouvez  ibuhaiter  de  moi. 

A,.  .  le  1^.  de  Jum  i6Si, 

§.    CIL 

Première  obje£lion  contre  la  raifon  tirée  de  la 
Théologie.  D/>«  a  formé  des  Comètes ,  afin 
que  les  Païens  conu^ent  yi  providence  ^  ne 
tombajfent  pas  dans  L'Atheifime. 

JE  ne  voi  qu'une  objeflioa  confiderable  con- 
tre ce  que  j  ai  établi  par  ma  Septième  raiibn. 
On  me  peut  dire  ,  que  l'inteiotion  de  Dieu  n'a 

pas 


Penfées  diverjès,  207 

pas  été  de  fortifier  l'Idolâtrie  ,  mais  ièulement 
de  taire  conoître  au  monde  ,  qu'il  y  a  une  Pro- 
vidence qui  difpenfè  les  biens  &  les  maux ,  qui 
aime  les  hommes  ,  qui  ne  veut  pas  les  perdre 
làns  leur  donner  le  tems  de  fe  repentir  ,  qui 
mérite  à  caufè  de  cela  leur  amour  6c  leur  reco- 
noifîànce.  Voilà  ,  me  dira-t-on  ,  la  fin  que 
Dieu  s'ell:  toujours  propofée  en  taifant  voir  des 
Comètes.  Cette  fin  ell  très-digne  de  la  bonté 
6c  de  la  làgefïè  de  Dieu.  Les  Comètes  ont  été 
une  occalion  d'idolâtrie,  il  eft  vrai  :  mais  c'eft 
la  taute  des  Idolâtres  ,  qui  n'ont  pas  lu  conoî- 
tre ce  que  Dieu  demandoit  d'eux.  Et  après 
tout  ,  les  Comètes  6c  les  autres  prodiges  ont 
été  d'un  grand  ulàge  ,  aiant  empêché  que  les 
hommes  ne  tcmballènt  dans  l'AtheiTme  ,  qui 
eut  été  la  ruine  de  la  focieté  humaine.  Qu'en 
effet  (i)  Horace  nous  aprend  ,  que  le  tonnerre  (i)  ode 
qu'il  avoit  ouï  diverfes  fois  en  tems  fèrain ,  le  34-  iib.  u 
dégagea  de  la  Se<Sle  d'Epicure  qui  nioit  la  Pro- 
vidence divine. 

§.  cm. 

Première  Reponfe.  ^e  Bien  ne  fait  point  de 
miracles,  pour  chajfer  un  crime,  par  l' établi f~ 
fement  d'un  autre  crime  i  l'Atheifme ,  par  fé- 
tabUjfemeat  de  l Idolâtrie. 

JE  répons ,  que  tout  cela  ne  balance  point  les 
inconveniens  qui  nailîènt  de  l'opinion  que  je 
réfute.  Car  I.  il  ne  ièmble  pas  être  de  la  iàin- 
teté  6c  de  la  làgefïè  de  Dieu,  de  taire  des  mi- 
racles ,  afin  de  guérir  un  m^al  par  un  autre  mal. 
Il  eft  bien  dit ,  que  Dieu  tire  la  lumière  des  té- 
nèbres ,  6c  que  fon  infinie  Providence  trouve 
julques  dans  la  corruption  du  pécheur  ,  dequoi 
fe  taire  admirer.  Mais  il  fcroit  abfurde  de  di- 
re, que  Dieu  produit  ces  ténèbres  ôc  cette  ma- 
lice 


2o8  Petîfées  diverfis, 

licc  du  pécheur  ,     afin  d'en  tirer  enfuite  la  Iii- 
miere  &  la  manifeftation  de  là  grâce.     Ce  lè- 
roit  une  impiété  de  dire ,  que  Dieu  fait  du  mal, 
afin  qu'il  en  arrive  du  bien  i    qu'il  rend  tous  \t5 
hommes  Idolâtres  ,    afin  d'empêcher  qu'ils  ne 
deviennent  Athées.     Mais  ii  c'efi:  une   impieté 
de  dire  cela  ,     comment  peut- on  Ibutenir  que 
Dieu  a  fait  des  miracles  ,     qui  dans  l'état  ou 
étoient   les  chofes,    ne  ppuvoient  qu'enraciner 
l'idolâtrie  dans  le  cœur  de   l'homme  :     com- 
ment ,  dis-je ,  peut-on  attribuer  à  Dieu  ces  mi- 
racles ,     fous  prétexte  qu'il   empêchoit  par  là 
l'établi iTement  de   l'Atheïfme  ?     N'eft-ce  pas 
avouer,  que  Dieu  a  contribué  à  la  propagation 
de  l'idolâtrie  par  fes  mii-acles  ,     afin  d'étoufer 
l'Atheifme;  c'eft-à-dire ,  qu'il  a  contribué  à  un 
très-grand  mal ,  non  pas  pour  procurer  un  très- 
grand  bien  ,     (car  l'extirpation  de  rAtheïfme 
precifement  ne  peut  ni   ûuver  perfonne  ,     ni 
glorifier  Dieu  comme  il  le  demande)  mais  ièu- 
lement  pour  éviter  un  plus  grand  mal?  Ceft  en 
vérité  un  objet  bien   digne  de  la  grandeur  de 
Dieu ,  &  une  fin  bien  proportionnée  à  ià  (kgtÇ- 
fe ,  que  de  bouleverfer  la  nature  ,    afin  de  ter- 
mer  la  porte  à  un  mal  par  la  confèrvation  &: 
par  l'amplification  d'un  autre  qui  ne  vaut  guère 
mieux  ,  &c  contre  lequel  Dieu  a  toujours  témoi- 
gné une  averlion  infinie.  A-t-on  jamais  vu  que  J. 
Christ  ou  les  Saints  aient  fait  des,  miracles  pour 
chafîèr  une  maladie  par  une  autre,  la  paralyiie  par 
l'hydropilie  ?    Qiielle  forte  de  miracles  feroit-ce 
que  ceux-là?  Ainfi,  Monfieur, gardez-vous  bien 
de  penfer  ,    que  Dieu  ait  produit  des  miracles, 
afin  d'empêcher  l'Atheïfme  par  la  fomentation 
de  l'idolâtrie  ,     6c  fouvenez-vous  ,   qu'après  la 
haine  que  Dieu  a  témoignée  contre  Tidolatrie, 
il  ne  lemble  pas  qu'il  ait  pu  rien  taire  en  ià  fa- 
veur que  la  tolérer.     S'il  eût  voulu  bannir  rA- 
theïfme par  àQ%  voies  extraordiiuires  ,    eût-ii 

choiii 


Penfees  diverfis.  209 

choilî  celles  qui  alloient  manifeflement  à  éta- 
blir ce  qu'il  a  li  fort  en  horreur ,  ce  qui  provo- 
que {à  jaloufie,  com-ne  parie  l'Ecriture? 

Ne  vous  fèmble-t-il  pas  ,  Moniicur  ,  que 
cette  idée  de  Dieu  jaloux  ,  fous  laquelle  Dieu 
seil  manifcrié,  nous  induit  à  croire,  qu'il  eût 
mieux  aimé  n'être  point  conu  des  hommes, 
que  de  voir  donner  à  d'autres  les  honneurs  qui 
ne  font  dus  qu'à  lui  ;  ôc  par  conlèquent ,  que 
s'il  eût  voulu  s'oppoicr  par  fès  miracles  à  la  li- 
berté de  l'homme ,  &  le  détourner  de  fon  train, 
ii  l'eût  plutôt  empêché  de  tomber  dans  l'idolâ- 
trie, que  dc.ns  l'Atheïfme  ?  Il  ne  m'aparticnt 
pas  de  rien  décider  là-dcirus.  Seulement  dirai- 
je,  que  la  jaloulie  d'un  mari  va  beaucoup  plu- 
tôt à  fouhaiter  que  ià  femme  n'aime  perfonne, 
qu'à  ibuhairer  qu'elle  partage  fon  cœur  entre 
^n  mari  &  un  autre.  A  quoi  j'ajoute,  qu'il  ne 
fcmble  pas  que  Dieu  ait  pu  choilir  pour  l'objet 
de  fès  miracles  ,  ni  l'extirpation  de  bAtheïfme 
par  la  confervation  de  l'idolâtrie  ,  ni  l'extirpation 
de  l'idohtrie  par  l'introduction  de  l'AtheiTme, 
I.  Parce  que  l'Atheiime  &  l'idolâtrie  font  deux 
choies  dont  la  meilleure  ne  vaut  rien,  6c  qui  ne 
peuvent  fervir  ni  l'une  ni  l'autre  qu'à  deshono- 
rer Dieu.  2.  Parce  qu'il  eft  certain  d'ailleurs, 
que  Dieu  n'agit  furnaturellement,  que  pour  ma- 
nifefler  ià  gloire  d'une  façon  plus  feniible  ,  6c 
plus  propre  à  confondre  l'erreur  de  ceux  qui  ne 
le  conoiiîènt  pas  comme  il  faut. 

Qu'on  ne  me  diiè  donc  plus  ,  que  Dieu  a 
fait  des  miracles  ,  afin  d'empêcher  l'Atheïfme} 
à  moins  qu'on  n'ajoute  ,  qu'il  a  fiit  cefïèr  l'A- 
theiime ,  pour  être  véritablement  conu  6%:  ado- 
ré. Car  li  l'on  n'ajoute  pas  cela ,  je  ferai  fon- 
dé à  dire,  que  Dieu  a  fiit  celîèr  l'Atheïfme  par 
àts  miracles ,  afin  que  Jupiter  6c  Minerve,  Ve- 
nus 6c  Mercure,  6c  une  infinité  d'autres  préten- 
dues Diyinitcz. ,  reçullcnt  par  toute  la  terre  les 

hou- 


2IÔ  Penfées  diverjès, 

honneurs  qui  ne  font  dus  qu'à  lui ,  ce  qui  eA 
directement  contraire  à  la  révélation ,  Dieu  lui- 
(r)  Ifai.  même  s'en  étant  déclare' ,  &  aiant  juré  par  (i) 
chap.42.  lui-même,  qu'il  ne  donneroit  point  fi  glotre  à  un 
antre ,  m  fa  loii^nge  aux  flatués  de  bois  0"  ^^ 
pierre.  Qu  on  ne  me  difè  pas,  que  Dieu  étoit 
honoré  indireclement  à  tout  le  moins  ,  par 
ceux  qui  adoroient  Jupiter  6c  Juaon,  car  il  n'y 
a  rien  de  plus  faux  ,  ni  de  plus  contraire  à  la 
revebtion  j  puis  qu'encore  que  les  Idolâtres 
aient  toujours  prétendu  honorer  quelque  Divi- 
nité ,  £c  qu'ils  aient  adoré  fous  l'idée  de  Divini- 
té tout  ce  qu'ils  adoroient ,  Dieu  a  toujours  dé- 
claré qu'il  ne  regardoit  point  ce  culte  comme 
lien  i  mais  au  contraire  comme  un  vol  6c  une 
ufurpation  de  ce  qui  lui  étoit  dû  ,  qui  meri- 
toient  les  plus  terribles  châtimens.  Ne  me  di- 
tes point,  qu'il  y  a  des  Pères  de  l'Eglilè,  qui 
Soutiennent  que  les  aflres  ont  été  placez  dans 
les  deux  par  hs  foins  d'une  providence  parti- 
culière ,  qui  a  voulu  empêcher  que  les  hom- 
mes ne  tombaffent  dans  l'Atheïfme  ,  en  expo- 
fant  à  leur  vue  des  objets  qui  leur  paruHent  di- 
gnes d'adoration  i  gardez-vous  bien  ,  dis-je , 
de  m  objefler  cette  penfée  ,  car  elle  eft  trop 
horrible  pour  ne  la  pas  rejetter  ,  quand  même 
nous  la  verrions  dans  plufieurs  Ouvrages  des 
Saints  Pères.  Admirons  leur  làinteté  tant  qu'il 
vous  plaira  ;  mais  ne  failbns  pas  difficulté  de 
reconoître  qu'ils  raifonnent  quelquefois  fort 
mal.  Vôtre  Sorbonne  n'adopte  pas  tout  ce 
qu'ils  ont  dit  i  6c  fouvent  après  avoir  chommé 
leur  fête  ,  6c  s'être  recommandée  à  leurs  priè- 
res ,  elle  ne  fait  point  fcrupule  de  les  réfuter  de 
toute  ià  force. 


$.  civ. 


Tenfees  dlverfis,  lit 

§.   CIV. 

Seconde  Reponfe.  ,^'il  n'a  jamais  été  necef" 
faire  4'empécher  que  L'Atheïf/ne  ne  s'établit  en 
lu  place  de  VldolÀtrie ,  0*  que  les  Comètes  ne 
font  pas  capables  de  l empêcher. 

MAis  fupofbns  que  la  fainteté  Se  la  C%gtï& 
de  Dieu  lui  aient  pu  permettre  de  taire 
des  miracles  ,  pour  challér  TAtheilme  par  le 
moien  de  l'idolâtrie  }  il  n'en  feia  pas  m.oins 
vrai ,  que  Dieu  n'en  a  jamais  fait  etleftivement 
pour  cette  îm-ù.  ,  parce  que  Dieu  ne  tait  rien 
d'inutile  ,  &  qu'il  n'a  jamais  été  ncceifaire  de 
prévenir  par  des  miracles  lextinétion  de  toute 
Religion  dans  le  monde.  Il  ell:  impolTible  d'u- 
ne impoffibiiité  morale  ce  phyiique,  qu'une  na^ 
tion  entière  paflè  de  la  croiance  d'un  Dieu ,  & 
de  l'ulàge  d'une  Religion  ,  dans  une  croiance 
8c  un  uiàge  contraires.  A  peine  fe  peut-on  per- 
fuader  ,  qu'un  homme  feul,  ou  par  abrutiflè- 
ment,  ou  par  de  fauflès  fubtilitez,  étouffe  dans 
fbn  ame  l'idée  d'une  première  caufè  ,  de  qui 
tout  dépend  ,  8c  à  qui  tout  doit  hommage. 
Comment  donc  croiroit  -  on  poffîble  ,  qu'un 
peuple  entier  élevé  dans  la  pratique  d'une  Re- 
ligion ,  accoutumé  à  recourir  aux  Dieux  dans 
fcs  befoins  ,  8c  à  les  remercier  dans  fcs  prof^ 
périrez ,  prévenu  de  mille  fèntimens  de  crainte, 
compole  d'un  grand  nombre  de  iiaperftitieux , 
pafle  dans  l'abnégation  totale  d'une  Divinité? 
Pour  peu  qu'on  conoilTe  le  génie  des  peuples, 
on  m'avouera  que  c'eft  une  chofe  impoitible. 
A  quoi  bon  donc  créer  fi  fou  vent  des  Comè- 
tes, pour  éviter  un  mal  qui  ne  peut  jamais  ar- 
river ?  Quoi  de  plus  inutile,  que  cette  forte  de 
miracles  ? 
Ils  ièrvcnt  ,   me  dira-t-on  ,   à  convertir  les 

peu- 


Itl  Penfées  diverjès, 

peuples  qui  ne  reconoiflènt  aucun  Dieu.  Je  ré- 
pons que  cela  eft  faux.  Car  s'il  cH:  vrai ,  com- 
me quelques  Relations  l'afTuicnt  ,  qu'on  a  trou- 
vé des  peuples  qui  ne  faifoient  profefllon  d'au- 
cune Religion  ,  il  s'cnlîiit  que  les  Comètes  n'ont 
pas  la  vertu  d'introduire  la  croiance  d'une  Di- 
vinité dans  les  pais  qui  n'en  reconoiflènt  aucu- 
ne. Et  d'ailleuis  il  eft  évident ,  que  des  hom- 
mes -qui  ne  font  pas  touchez  àts  effets  ordinai- 
res 5c  extraordinaires  de  la  nature,  qui  peuvent 
s'imaginer  que  le  monde  a  été  fait  par  hafàrd , 
que  les  mouvcmens  àts  cieux  ne  ibnt  dirigez 
par  aucun  Etre  fuprême ,  que  tout  fe  fait  par 
la  rencontre  fortuite  de  certains  principes,  font 
très-capables  de  faire  le  m.éme  jugement  de 
tous  les  aftres  &  de  tous  les  feux  qui  aparoî- 
tront  de  nouveau.  Si  bien  qu^il  efî:  hors  de 
toute  vrai-femblance  ,  qu'une  Comète,  de  quel- 
que longueur  qu'on  la  fupoiè,  puiflè  faire  ibn- 
ger  qu'il  y  a  un  Dieu ,  à  un  peuple ,  que  les  ou- 
vrages de  la  nature  li  beaux  &  li  réguliers  ,  les 
éclipiès,  les  tremblemens  de  terre,  les  ouragans, 
les  tonnerres  ,  6c  les  foudres  n'ont  point  coa- 
(i)  Roma  vaincu,  qu'il  y  en  a  un. 
trium- 

phamis  §.  CV. 

^uocies 

cl  y  ta       '  -^^  ^^  prodigicufe  inclination  des  anciens  Taiens  à 

currum  multiplier  le  nombre  des  Dieux, 
Plaufibus 

excepit.  Pour  ce  qui  rerarde  les  nations  que  l'Hiiloi- 

tarii  Di-  ''^  ancienne  nous  hit  conoitre,  il  y  avoit  li  peu 

vûm  de  danger  qu'elles  tombaflènt  dans  l'AtheiTme, 

Addidit,  que  leur  entêtement  principal  étoit   de  multi- 

&  rpoliis  plier  leurs  Dieux    6c  leurs  Religions  à  l'infini. 

fxbimec  Vous  favez  la  remarque  d'un  Poète  (  i  )  Chre- 
nora  nu  •     ^.        ,     .  ^  „  i       mi 

minafccit.  ^^^"  écrivant  contre  Symmaque  ;  que  la  ville 
PrudeaUn  ^Q  Roir.e  multiplioit  its  Dieux  à  proportion  (^c 
Symmaik,    ï^i  victoires  j  6c  vous  n'ignorez  pas  làns  doute 

la 


Penfées  diverfes,  215 

la  raillerie  de  (  i  )  Ju vénal  ,   que  le  pauvre  At-  (i)  Nec 
las  e'toit  accablé  Ibus  k  fardeau  de  rcnt  de  Dieux  ^^^^ 
qu  il  avoit  à  ibutenir.     Vous  iàvez.  qu'il  n'y  a  xaHs"iK 
iorte  de  créature  que  les  Paiens  n'aient  deïnéei  tft  hodie, 
qu'ils  ont  adoré  juiqu'aux  herbes   de  leurs  jar-  cjncenca- 
dins  i  qu'ils  ont  facrifié  aux  vents  &:  à  la  tem-  ^^^  Syde- 

pête  i     ou  ils  ont    élevé  àcs  Autels   à  1  impu-  v„^^î^-'* 
7  ^'^         1  •        V  1    r  V  1     /   N  Numini- 

dence,  a  la  calomnie,  a.anevre,  a  la  (z)  mort  bus^mife- 

même  toute  iifiplacab'e  qu'elle  eft  j    qu'ils  ont  rum  urge- 

mis  au  rang  des  Dieux  leurs  Rois  Se  leurs  Em-  ''^nt  Ac- 

pereurs  ,  non  leulcmcnt  après  que  la  mort  les    ""^^  . 
^      .      ,  ,.  ,     ,  JÇ-    '     ?j«  r  •         Trwr.cii 

avoit  délivrez    de  la  neceiiite   d  être  vus  lujets  Ponder?. 

aux  mêmes  infirmitez  que  les  autres  hom.mes,  Juven. 
mais  aulh  pendant  qu'on  les    \^ioit  expoièz  à  Satyr.i-^, 
toute  ibrte  de  foib.'efics.     Il  n'7  a  point  d'exa- 
gération à  tout  ceci.     Ce  font  des  faits  avouez  ^?-)  Y*^^* 
de  tout  ce  qu'il  y  a  de  gens  qui  conoiffent  1  an-  /joiolacr. 
tiquité.     Ce  que  j'ai  dit  concernant  les  Rois  &  j.^.  C.2Ô. 
hz  Empereurs  ,    fc  juflifie  tant  par  l'uiàge  des 
(  3  )  Perfes  qui  adoroient   leur    Monarque  d'u-  (9)  BnT- 
ne  adoration  proprement  dite,  8c  que  plufieurs  fonius  de 
étrangers  ont  refufé  de  rendre  par  fcrupule  de  p'^^J^Per- 
Religion  h     que  par  la  pratique  des  Romains , 
qui  juroient  par  la  Divinité  de  leurs  Empereurs 
vivans  ,     &  leur  conlàcroicnt  des  Temples  5c 
ÀQS  Autels  à  leur  (4.)  vue,  ou  à  leur  fçu;  com-   (4)  Stie- 
me  il  paroît  par  l'Ambaflàde  extraordinaire,  que  ^5'"'  J?  - 
ceux    de  TariT.gore  envolèrent  à    l'Empereur  j["  "  3  ' 

A  r  1     •  1  51  •  '  cap.  70» 

Auguite  ,     pour  lui  aprendre  qu  il  cioit  r.e  un 
palmier  fur  l'Autel  &  dans  le  Temple  qu'ils  lui 
avoient  fait  bâtir.     A  la  vérité  cela  ne  prrut  pas 
fort  probable  à   Augafte  ,    puis  qu'il    repoîiiit 
d'un  (j-)  air  moqueur,    c^uil  loioh  bien  quo/î  (fjApud 
7ie  faifoit  gueres  brnlcr  de  victimes  fur  cet  AuieL  Q^'înnl. 
Mais  néanmoins  2c  ce  Temple  8c  cet  Autel  de-  ^'  6.  c  4» 
meurcrent  fur   pied  avec  plulieurs  autres  qui 
étoient  conlàcrez  au  même  Dieu  ,   dont  quel- 
ques-uns marnes  étoient  defïcrvis  par  une  Com- 
munauté de  Prêtres  ,  établie  uniquement  pour 

cet" 


214  Penfées  diverfes, 

cette  fonftion  ■■>  &  quelques  autres  étoient  bâtis 
dans  le  petit  coin  du  monde  que  le  vrai  Dieu 
s'etoit  reièrvé  :  car  vous  n'ignorez,  pas  qu'Hero- 
de  a  bâti  àQs  Temples  à  Augulle  dans  la  Jude'e. 
Généralement  parlant  ,  la  coutume  de  mettre 
hs  Empereurs  au  rang  des  Dieux,  étoit  fi  bien 
établie  parmi  les  Paiens  ,  qu'encore  que  Conl^ 
tantin  eût  abandonné  leur  taufîc  Religion  pour 
embrafTer  l'Evangile  ,  qu'il  profeflà  fidèlement 
(i)  Eu-  julqu'à  fa  mort ,  ils  ne  (  i  )  laiflèrcnt  pas  de  le 
tropms  inettre  au  rane  àts  Dieux  après  ion  décès.  Ce 
qui  ne  me  paroit  gueres  plus  étonnant,  que  la 
debonnairete'  philoibphique  de  l'Empereur  Marc 
Aurele  ,  qui  a|>rès  avoir  été  déshonoré  par  les 
impudicitez  efirenées  &:  publiques  de  (à  femme, 
lui  fit  rendre  les  honneurs  divins  dès  qu'elle  fut 
morte,  &  lui  fit  bâtir  un  Temple. 

11  n'y  a  jamais  eu  de  malheur  mioins  à  crain- 
dre que  l'Atheïfme;  &  par  confequcnt  Dieu 
n'a  point  produit  des  miracles  pour  l'empêcher. 
D'où  il  s'enfuit  ,  que  fi  Dieu  avoit  contribué 
par  la  production  des  Comètes  à  fortifier  le  re,- 
gne  de  l'Idolâtrie  ,  41  «^  l'eût  point  fait  pour  é- 
viter  un  plus  grand  mal  ;  Se  qu'ainii  c'eût  été 
contribuer  par  des  miracles  à  un  très  -  grand 
mal  purement  &  fimplement ,  ce  qui  ne  fc  peut 
dire  iàns  blaiphême. 

§.    CVI. 

III.  Reponiè.  ^ue  c^uand  même  il  y  auro'it  eu 
lieu  de  craindre  c^ue  VAîhnfme  ne  s^ établit  en 
la  place  de  l Idolâtrie  ,  //  n'eût  point  falu  fe 
fervir  de  miracles  pour  l'empêcher. 

JE  paflè  plus  avant,  8c  je  dis  en  troifiéme  lieu, 
que  quand  même  il  y  auroit  eu  quelque  fli- 
jet  de  craindre  que  l'Atheïfme  ne  s'établît  dans 
le  monde  ,    il  n'auroit  été  nullement  necelTaire 

de 


Pcnfées  di^^&s^^  215 

de  recourir  au  miracle,  -^pjjjril^ venir  ce  grand 
mal.  Il  fuffifoit  de  lailTè||^^  la  rature  lelon 
ies  forces.  On  s'en  pouvoir  Sort  bien  repofer 
fur  \qs  foins  des  hommes  &:  des  Démons. 

§.  CVII. 

Les  effets  de  la  nature  poHvoient  empêcher  l'ir- 
réligion. 

I.  En  effet ,  les  corps  agiflànt  continuelle- 
ment les  uns  fur  les  autres  ,  amènent  de  tems 
en  tems  par  une  fuite  neceflaire  mille  chofès 
furprenantes  ,  des  monftres,  des  météores  d'é- 
clat ,  des  tempêtes  furieules  ,  des  inondations, 
des  mortalitez  ,  6c  des  famines  horribies.  Et 
comme  par  tout  où  l'on  croit  une  Religion ,  on 
regarde  ces  choies-là  comme  des  effets  parti- 
culiers de  la  Providence  divine  ,  qui  deman- 
dent un  renfort  de  culte  &  de  dévotion  ;  il  eft 
impofl'ible  ,  vu  comme  le  monde  va ,  que  les 
hommes  lailîent  efl&ccr  de  leur  ame  la  crainte 
8c  la  croiance  de  leurs  Dieux.  De  ibrte  que  fans 
fe  départir  des  loix  générales  de  la  nature.  Dieu 
a  pu  trouver  dans  le  progrès^  dans  l'enchaîne- 
ment des  caufès  fécondes  i  a*z  de  phénomènes 
extraordinaires  pour  fe  faire  'Vedouter.  Une  lé- 
gère reflexion  flir  ce  qui  a  été  dit  de  l'attache- 
ment des  Paiens  à  regarder  les  moindres  choies 
comme  des  prodiges,  fuffit  pour  nous  con'^ain- 
cre  de  cela. 

§.   CVIII, 

La  polittc^ue  pouvoit  empêcher  la  même  chofe. 

IL  Mais   outre  que  les  hommes   font  afîcz 
portez  d'eux-mêmes  à  pratiquer  les  aftcs  exté- 
rieurs de  dévotion  ,    ^^JK  les  fois  qu'ils  fc 
■^"^  croient 


1 1(?  Penfées  diverfa. 

croient  menacez  de  la  part  du  Ciel  par  des  pro- 
diges i  il  faut  conliderer  que  la  politique  des 
Magitlrats  prepofez  aux  airaires  civik's  ,  &:  à 
celles  de  la  Religion  ,  avoir  grand  loin  de  tenir 
les  hommes  dans  la  dépendance  par  le  frein  de 
la  crainte  des  Dieux.  On  a  reconu  de  tout 
tems  ,  que  la  Religion  étoit  un  à(^s  ikns  de  la 
fbcieté,  &  que  les  liijets  n'étoient  jamais  mieux 
retenus  dans  l'obeïllànce  ,  que  lors  qu'on  ià- 
voit  faire  intervenir  à-propos  le  miniilere  àçs 
Dieux,  Se  qu'on  ne  pouvoit  jamais  encourager 
les  peuples  avec  plus  de  fuccès  à  la  dcfenfc  de 
la  patrie ,  qu'en  attachant  leur  cœur  à  certains 
temples,  avec  des  cérémonies  pompcufes,  fous 
la  protefiion  mille  fois  éprouvée  de  certaines 
Diviniiez  ,  5c  qu'en  leur  faifànt  acroire,  que 
les  ennemis  qui  vouloient  profaner  ces  iàints 
lieux  ,  étoient  menacez  d'un  châtiment  terri- 
ble par  les  prefages  des  viâimes.  Pour  faire 
.  agir  tous  ces  reilbrts  ,  il  faloit  non  feulement 
qu'il  y  eût  une  Religion  autorifee  par  le  xMa- 
giftrat  ,  mais  auiTi  que  les  fujets  fuÔent  préve- 
nus de  crainte  ,  de  vénération  ,  Se  de  refpeâ: 
pour  tous  les  exercices  de  cette  Pveligion.  C'efl: 
pourquoi  la  politique  vouloir  que  l'on  ména- 
geât ibigneufement  tout  ce  qui  feroit  propre  à 
fomenter  dans  les  efprits  le  zèle  de  la  Religion , 
2c  à  infpirer  un  profond  refpeâ:  pour  Ces  plus 
petites  cérémonies.  Jugez ,  Moniîeur ,  fi  après 
cela  il  y  avoit  lieu  de  craindre  que  les  peuples 
tombaflènt  dans  l'Atheïfme. 

§.  CÎX. 

V'mterêt   du    Trêtres   le  pomoii    empêcher 

III.    Le  refpefî:  des  peuples  pour  les  rho/ès 
de  la  Religion  ,   s'étendant  jufques  fjr  le^  per- 

icn- 


Vm[iei  diverjes,  iij 

Ibnnes  qui  en  avoient  la  charge ,  il  arrivoit  que 
ces  perlbnnes  fe  fcrvoient  de  pluiieurs  artifices 
pour    entretenir    des     fentimens     iuperrti-cieux 
dans  les  efprits  j    cir  ils  le  faiibient  valoir  par 
là ,  &  ils  rendoient  leur  emploi   li  conliderable , 
que  les  plus  grand-s  Seigneurs  y  alpiroient.     Il 
y  a  eu  des   Têtes   (  i  )   couronnées  qui  fè  pi-  /  \  ^. 
quoient  de  la  conoiliance  des  augures.     Le  Roi  lib.  i.  de 
Dejotarus  étoit  lui  même  Ion  Devin ,  &  i!  fcm-  Di/iûac. 
ble  que  ce  fut  lui-même  qui  trouva  que  les  au{^ 
pices  Tengageoient  à  fuivrc  le   parti  de  Pom- 
pée ,     à  quoi  pourtant  il  ne  trouva  point  Ion 
compte.     Pluiieurs  perlbnnes  conlîderabies ,  ou 
par  leurs  charges  ,   ou  par  leur  qualité ,  le  pi- 
quoient  de  la  même  conoiflànce.     Le  Sénat  de 
Rome    ordonna  qu'on    envoicroit   lix    jeunes 
garçons  des  meilleures    familles  de  l'Etat  vers 
chaque  peuple  de  1  Etrurie  ,     pour  y  aprendre 
les  difciplines   augurales.     C'eft  qu'on  croioit, 
qu'en  relevant  ainli  la  dignité  de  cette  profel- 
lion ,  par  la  naiilànce  de  ceux  qui  s'en  mêioient, 
on  empêcher  oit  l'abus  où  tombent  \&s  arts  en- 
tre les  mains  des  perlbnnes  avares  6c  (2)  merce-  /^^  vr 
naires.     C'eft  fur  un  Icmblable  principe,  que  le  ars  t-nra 
cdebre  Cardinal  Pallavicin  a  prouvé  très-doCle-  proprer 
ment  6c  très-pieufement  tout  enfemble  ,    que  f^-^nifarr-tn 
l'Eglife  Catholique  doit  être  dans  le  monde  fur  àTei""? 
le  pied  d'une  Puifîânce  temporelle  ,    afin  d'atta-  nis\ucon'' 
cher  à  fon  fervice  ,    par  1  efperance  d'un  gros  rare  abJn- 
revenu  ,   les  Barons  ,    Se  autres  perlbnnes  de  la  cererur  ad 
première  qualités  ce  qui  rend  la  Religion  extrê-  4"2.-ftum. 
mement  conliderable  :    car  qui  oferoit  meprifer      '   '^'''  * 
les  cérémonies  de  la  Melîè  ,    lâchant  que  celui 
qui  officie  ,   a  le  plus  beau  train  6c  la  meilleure 
table  de  1  Etat? 

Mais  li  par  cette  conduite  on  évitoit  les  abus 

d'un  trafic  fordide  ,  on  tomboit  d'ailleurs  dans 

un   autre   inconvénient.     Car  des    Augures  de 

cette   naiilànce  ,     remplis  d'ambition  ,  travail- 

Tom.  I,  K  loiciit 


2 1 8  Penfées  diverfis, 

loient  de  plus  en  plus  à  le  faire  un  empire  fur 
les  âmes  ,   par  Tinvcntion  de  plulîeurs  cérémo- 
nies, 6c  en  impofant  un  nouveau  joug  de  fcru- 
pules  fur  les  efprits  ,    ôc  en  faifànt  publier  une 
infinité  de  prodiges  ,    dont  il  t'alloit  qu'ils  fuA 
iènt  les  Interprètes.      Cette  fon6tion  d'exami- 
ner les  prodiges  ,     &  de  chercher  les  voies  de 
hs  expier,  les  faifoit  regarder  comme  des  Mé- 
diateurs entre  les  Dieux  6c  les  hommes.     On 
iè  perfuadoit  qu'ils  avoient  la  clef  du  ciel,  qu'ils 
detournoient  les  malheurs  dont  l'Etat  étoit  me- 
nacé ,   en  un  mot ,   qu'en  eux  relidoit  le  falut 
public.  Jugez,  Monfieur,  li  après  cela  les  pro- 
diges étoient  rares.    Doutez-vous  que  les  moin- 
dres effets  de  la  nature,  ne  fuflènt  débitez  com- 
me des  marques  du  couroux  du  Ciel   ?     Ne 
croiez-vous  pas  qu'on  avoit   des  gens  apoUez 
pour  venir  anoncer  dans  la  capitale ,  qu'un  loup 
étoit  entré  en  plein  jour  dans  le  milieu  d'une 
ville  ,    qu'on  avoit  vu  des  chevaux  en  l'air ,  6c 
chofes  femblables  ?  C'étoit  l'intérêt  des  Pontifes, 
des  Prêtres  6c  des  Augures ,  qu'il  courût  perpé- 
tuellement de  ces  nouvelles  ,    comme  il  eft  de 
l'intérêt  des  Avocats  6c  des  Médecins  ,   qu'il  y 
ait  des  procès  6c  des  maladies  ;    c'efl:  pourquoi 
on  n'avoit  garde  de  donner  le  tems  au  peuple 
de  devenir  tiède  dans  fà  Religion. 

§.  ex. 

Combien  les  f enfles  (iimoient  à,  croire  t^ue  les  ^n^- 
di^es  r^' étoient  point  natu^rels. 

On  l'avoit  mis  fur  un  tel  pied ,  qu'il  ne  pou- 
voit  lbuffi:ir  ,  que  les  Philofophes  entrepriiîènt 
d'expliquer    les  prodiges  par  des  raiibns  natu- 
rO  Invita  relies.     Car  (i)  Plutarque  nous  eft  garand ,  que 
Vicix,        ^u  tems  de  Nicias ,  c'eft-à-dire ,  dans  le  quatriè- 
me iiccle  de  h  fondation  de  Rome ,  on  n'olbit 


Penfées  diverfis,  np 

encore  s'ouvrir  qu'à  Tes  meilleurs  amis ,  Se  en 
prenant  bien  fès  précautions  ,  de  la  caule  des 
eclipiès  de  lune,  qu'Anaxagoras  avoit  enfèignée 
depuis  peu.  II  ajoute  ,  cjue  c'etoit  parce  que 
le  peuple  ne  pouvoir  Ibuffrir  en  ces  tems-là  les 
Phyliciens,  s'imaginant  qu'ils  attribuoient  à  des 
câuies  necfeflaires  6c  infenlibks  ,  ce  qui  ne  ve- 
noit  que  des  Dieux  ■■>  que  c'eft  pour  cela  que 
Protagoras  fut  banni  d'Athènes  ,  6c  Anaxago- 
ras  mis  en  priibn,  dont  Pericles  avec  tout  Ton 
crédit  6c  toute  ion  éloquence  ,  put  à  peine  le 
délivrer  j  6c  que  ce  ne  fut  qu'après  bien  du 
tems  ,  que  le  peuple  s'apprivoila  avec  la  Philo- 
fophie,  eniuite  des  éclairciiremens  qu'il  tira  de 
la  doftrine  de  Platon,  qui  foumettoit  la  necef- 
fité  des  eau  fès  naturelles  à  la  puifîànce  divine. 
J'aprouvcrois  le  zèle  du  peuple ,  li  les  Philolb- 
phes  euflènt  prétendu  exclure  l'influence  divi- 
ne de  tous  les  effets  dont  ils  ex  pli  qu  oient  les 
caulès  i  mais  ce  n'etoit  pas  là  ce  qui  eftarou- 
choit  le  vulgaire  :  le  mal  ëtoit ,  qu'en  expli- 
quant les  prodiges  par  une  cauiè  phyiique  ,  on 
les  reduifoit  à  ne  prefager  plus  rien  ,  ce  qui 
ôroit  au  peuple  une  infinité  de  vaines  im.agina- 
tions  dont  il  fe  repailfoit ,  6c  aux  Devins  la  plus 
conliderable  partie  de  leur  emploi.  Peu  s'en 
f^.ut  que  Stace  (  i  )  ne  fe  mette  fort  en  colère  fO  ^'i^r« 

contre  ies  Héros  ,   qui  avoient  vu  qu'une  fle-  '^"-^s  ^r* 
,  ' ,  .    .        ^       ..  rore  lè- 

che rencontrant  un  arbre  ,    etoit  revenue  vers  runc... 

celui  qui  l'a  voit  tiré,  6c  qui  au  lieu  de  reconoî-  pcnuus 
tre  que  ce  fût  un   prodige   extraordinairement  lacet  exi- 
cnvoié  des  Dieux  ,  pour  lignifier  qu'Adrafte  rc-  ^"^  ingens 
tourncroit  à  la  guerre  de  Thebes,  l'expliquoiont  jumq-je^' 
naturellement.  nef  as,  uni 

remeibile 
be^lum 
&c. 

Stat.  l.  6. 
Theb. 

K  a  §.  CXI.  pyr,/. 


220  V^nfées  dîvcrfes, 

§.  CXI. 

^ue  le  Sacerdoce  ^  Vaut  ont  é  Sotneraim  ont 
été  quelquefois  unis. 

IV.  Je  confidere  de  plus  ,   qu'il  y  avoit  dei 
(i)  Rex     Etats,  (i)  où  la  dignité  Sacerdotale  étoit  join- 
Anius,       ç£  ^yec  i^  Roiale.     Je  mets  l'Empire  Romain 
hominurîT  ^^  ^^  nombre-ià  ,    puis  qu'il  eft  certain  ,    que 
Phœbique'  comme  les  Empereurs  fe  iailirent  de  la  dignité 
Sacerdos.    de  Tribun  du  peuple  ,    pour  fe  rendre  peribn- 
^^W''i  u      ^^^  ocrées  ,  8c  mviolables  ,    Se  pour  s'aproprier 
^^'  ^  •3*  toute  la  puifïance  du  peuple  •■,   ils  unirent  auffi  à 
leur  Majeilé  Impériale  la  dignité  de  Souverain 
Pontife  ,    tant  pour  dominer  fur  les  chofes  de 
la  Religion ,  que  pour  fe  rendre  de  plus  en  plus 
^a)  Denys  inviolables  ,    par  la  raifon  que  les  (2)  Pontifes 
^'^'^h'  "'^'^^^^"^  "^  fujets  à  aucune  punition  ,    ni  ref- 
»P'  7s''  *  P^^^^^^s  '^^  '^'^'^s  allions  à  perfonne  ,  ibit  du 
peuple ,  foit  du  Sénat.     Il  y  a  grande  aparence 
que  c'étoit  aufll  afin  d'empêcher  qu'une  charge 
qui  avoit  tant  de  privilèges  ,    ne  tombât  entre 
les  mains  d  aucune  perfonne  qui  en  pût  abufèr 
au  préjudice  de  l'Empereur,    comme  il  pouvoit 
arriver  fort  naturellement.     Cette  union  fubiif- 
ta  aflèz  long-tems  après  le  batême  de  Conftan- 
tin;  mais  elle  fut  fuprimée  par  l'Empereur  Gra- 
tien  ,  &  renouvellée  pourtant  par  quelques-uns 
de  {ts  fucceffeurs.    On  a  vu  depuis  une  fem- 
blable  conjcndtion  dans  l'Empire  des  Sarrazins , 
dont  le  Caliphe  étoit  tout  cnlèmble  Chef  de  la 
Religion  8c  de  l'Etat.   En  d'autres  pais  c'étoient 
les  Prêtres  qui  rendoient  la  juftice;  en  Egypte, 
par  exemple,  8c  dans  la  Gaule,  où  les  Druides 
avoient  toute  l'intendance  du  culte  des  Dieux, 
&  terminoient   tous  les   differens  àts  particu- 
liers.    En  d'autres  c'étoit  à  un  même  ordre  de 
gc^us ,  favoir  à  la  Noblçi^  >  qu'il  apartenoit  de 

conoi" 


Tenfées  diverfih  iil 

conoître  des  affaires  de  la  Religion ,  8c  des  char- 
ges de  la  Republique  ,  d'interpréter  les  loix  là- 
crées  8c  les  profanes  ;  (c'eft  le  règlement  que 
Theiëe  fit  dans  Athènes.)  En  d'autres  enfin, 
comme  dans  la  Republique  de  Rome,  c'étoit 
le  ^enat  ,  qui  fur  le  raport  des  Pontifes  ,  des 
Augures  ,  des  Arufpices,  8cc.  ordonnoit  qu'on 
feroit  des  proceflions  ,  des  facrifices ,  des  ban- 
quets facrez,,  8c  le  relie.  Je  vous  laiflè  à  pen- 
ièr  après  cela  ,  lî  Ton  donnoit  bon  ordre  que 
h  Religion  fût  maintenue  dans  toute  fa  force , 
y  aiant  concours  de  deux  Puifîànces ,  dont  cha- 
cune en  ion  particulier  avoit  grand  intérêt  à 
cela. 

§.  CXII. 

J>H  foin  que  Von  prerMtt  de  châtier  ceux  qui 
meprifoient  la  Religion. 

Auflî  voit-on  par  l'Hiftoire  ,    qu'on  n'oublioit 
rien  de  tout  ce  qui  pouvoit  aller  au  devant  du 
mépris  des  cérémonies  de  la  Religion ,  8c  tenir 
les  peuples   en  refpe<9:  fur  cet  article.     On  fit 
mourir  Socrate  dans  Athènes  ,     parce  que  là 
dodtrine  tendoit    à  rendre  fufpedre  d'erreur  la 
Religion  dominante.     Le  Sénat  de  Rome  aiant 
donné  commififion  au  Prêteur  Petilius,   délire 
les   Ecrits   du   Roi  (  i  )  Numa  ,     qu'on  avoit  /j^  pj^^ 
trouvez,  dans  un  coffre  de  pierre  400.  ans  après  carchus 
fa  mort,  8c  ouï  le  raport  du  Prêteur,  qui  fut,  in  vica 
qu'î  ces  livres  contenoient  des  chofes  fort  ëloi-  Numae. 
gnèes  de  1  état  prefcnt  de  la  Religion ,  8c  capa- 
bles par   conièquent  de  jetter   mille  fcrupules 
dans  l'efprit  du  peuple  :     le  Sénat,  dis-je  ,   fit 
brûler  ces  livres-là  ,    craignant  avec  raifon  que 
le  peuple   détrompé  de  la   penfée  où  il  étoit, 
que  la  Religion  d'alors  étoit  la  même  que   Nu- 
ma Pompilius  avoit  aprife  de  la  Déelfe  Egerie, 
K  3  ne 


(i)  L'an 

de  Rome 


\i)  L'an 
de  Rome 
Si6. 


111  Tenféeî  diverjès, 

ne  vînt  à  la  mepriièr.  Cette  prévention  e'toit 
palîee  des  pères  aux  cnfans ,  parce  que  les  chan- 
gemens  dans  ces  chofès-là  fe  font  par  des  pro- 
grès infènfibles  ,  &  ne  fe  remarquent  gueres 
durant  la  vie  d'un  homme  i  de  forte  que  cha- 
cun croit  en  mourant  lailTèr  la  Religion  au  mê- 
me état  qu'il  l'avoit  trouvée  en  venant  au  mon- 
de. Cependant  ces  progrès  iniènlibles  ,  au 
bout  de  plulieurs  liecles  portent  ks  chofes  fort 
loin. 

Le  même  Sénat  avoit  grand  foin  de  confèr- 
ver  la  Religion  des  aufpiccs  ,  £c  deftituoit  de 
leurs  charges  ks  perfonnes  les  plus  notables  , 
àès  qu  il  aparoiflbit  que  la  prife  de  pofleffion 
n'avoit  pas  été  conforme  à  ce  que  prefcrivoient 
les  cérémonies  des  Augures.  Il  châtia  même 
rigoureufement  le  Conlul  C.  Flaminius  ,  parce 
qu'il  avoit  meprifé  les  aufpices  j  ce  qui  pour- 
tant ne  l'avoit  pas  empêché  de  (  i  )  rempor- 
ter une  lignalée  vi6i:oire  fur  les  Gaulois.  P. 
Claudius  &  L.  Junius ,  qui  du  tems  de  la  pre- 
mière guerre  de  Carthage  avoient  meprife  les 
mêmes  aufpices  ,  forent  encore  plus  ievere- 
ment  punis ,  car  il  leur  en  coûta  la  vie.  Pour 
empêcher  qu'on  ne  vînt  à  iècouer  le  joug  àçs 
loix  augurales,  on  affecftoit  de  répandre  parmi 
la  multitude  ,  que  les  batailles  gagnées  par  les 
ennemis  de  la  Republique  ,  étoient  des  puni- 
tions du  mépris  que  les  Généraux  avoient  eu 
pour  les  prelàges  ,  ou  du  peu  d'exaâritude  qu'ils 
avoient  aporté  à  s'acquiter  des  cérémonies  de 
la  Religion.  On  difoit ,  par  exemple,  que  le 
Conful  Q^  Flaminius  avoit  été  (  i  )  batu  par 
Annibal  auprès  du  lac  de  Thrafymene  ,  parce 
qu'il  avoit  eu  la  témérité  de  livrer  bataille,  fans 
,avoir  égard  à  ce  que  fon  cheval  l'avoit  fait  tom- 
ber ,  lors  qu'il  commanda  de  marcher  à  l'en- 
nemi ,  ni  à  ce  qu'on  lui  raporta,  que  les  dra- 
, peaux  ne  pouvaient  être  remuez  de  leur  place: 

que 


"Penfées  diverfes,  ii^ 

que  le  Conful  Varron   avoit   perdu  (  i  )  la  fu-  (t)  L*;»n 
nefte  bataille  de  Cannes ,  à  caulè  qu'il  avoit  en-  de  Rome 
couru  la  haine  de  Junon  ,    pour  avoir  mis  en  ^^7» 
fentinelle  dans   le   Temple  de  Jupiter  un  beau 
(2)  jeune  Comédien  durant  la  célébration  des  (i)  Valer, 
jeux  Circenfes  :  aftion  qu'il  fallut  expier  par  di-  *^^ax;m. 
vers  iàcrifîces  au  bout  de  quelques  années.  '  ''^^P'  '* 

V.  Si  vous  joignez  à  toutes  ces  observations 
ce  que  j'ai  déjà  touché  (3)  ci-defîùs,  fàvoir  que 
les  Démons  faifoienr  tout  leur  pofllble  pour  in-  (5)  n.  61» 
timider  les  peuples  par  mille  fortes  de  prefages,  &  68, 
voiant  bien  que  cela  ne  produifoit  aucun  amen- 
dement de  vie  ,  mais  feulement  une  infinité 
d'aftioiTs  iuperftitieufes  5c  idolâtres  •■>  vous  com- 
prendrez, ,  Monlieur  ,  que  iàns  que  Dieu  s'en 
mêlât  par  des  voies  extraordinaires  ,  le  monde 
étoit  plus  que  fufïilàrament  à  couvert  du  péril 
de  l'AtheiTme. 

§.  CXIII. 

^ue  les  Démons  aiment  mieux   l'Idolâtrie  qtit 
rAtheïfme. 

Et  fur  cela  permettez-moi  de  vous  dire  une 
penfée  qui  me  vient.     C  eft  qu'aparemm.Cnt  le 
Démon  trouve  mieux  fon  compte  dans  l'Ido- 
lâtrie, que  dans  l'Atheïfme  :   d'où  il  doit  arri- 
ver ,  qu'il  emploie  plutôt  fts  artifices  pour  pouf- 
fer les  hommes  dans  lldolatrie ,   que  pour  les  /.\  j  ^j 
jetter  dans  l'Atheïfme.     La  raifon  de  cette  con-  Corinch. 
duite  eft  ,    à  mon  avis,    celle-ci  j    c'eil  que  les  c.  lo. 
Athées  ne  rendent  aucun  honneur  au  Démon ,  ^*''^*  ^"^^ 
ni  diredlement ,  ni  indiredlcment,  &  nient  m ê-  ^^"^^" 
me  fon  exiltence  :    au  lieu  qu'il  a  tant  de  part  ITrçf'i}^' 
aux  adorations  qui  font  rendues  aux  faux  Dieux,  Pfai.'iof. 
que  l'Ecriture  Sainte  déclare  en  divers  endroits,  ^^'"f  37. 
que  les  Sacrifices  offerts  aux  feux  Dieux  ,   fort  f"^"'- 
ofterts  (4)  aux  Diables.     Les  Saints  Pères  en-  ^"/^'^^^l, 
K  +                            fd-  ''' 


11^  Tenfeei  diverjès. 

feignent  la  même  chofè.  Or  cet  Efprit  vam 
ëc  ennemi  de  Dieu,  doit  mieux  aimer  fans  dou- 
te que  le  culte  dérobe  à  Dieu  ,  lui  revienne  ou 
en  tout  ,  ou  en  partie,  comme  il  lui  revient 
efFetlivement  ,  lors  que  les  hommes  font  Ido- 
lâtres ,  que  non  pas  qu'il  ne  lui  revienne  point , 
comme  il  arriveroit  ,  fi  les  hommes  étoicnt 
Athées.  Je  croi  même  qu'il  aimeroit  mieux 
partager  avec  le  vrai  Dieu  le  culte  que  tous  les 
hommes  doivent  à  cet  Erre  ibuverain  8c  infini, 
que  de  voir  tous  les  hommes  dans  i'Atheïfmcj 
car  ce  partage  fùffiroit  pour  damner  tous  les 
hommes  ,  &  pour  ôter  à  Dieu  la  gloire  qui  lui 
eft  due ,  qui  eft  tout  ce  que  le  Diable  peut  Ibu- 
hairer  ,  &:  procureroit  d'ailleurs  au  Démon  un 
honneur  très-propre  à  flater  ià  vanité,  2c  qu'il 
ne  trouveroit  pas  parmi  àcs  Athées.  li  n'en 
va  pas  d'un  ufîirpateur  ,  comme  de  celui  qui  a 
un  droit  légitime,  d'un  Galant,  par  exemple, 
qui  a  defièin  fur  la  femme  de  ion  voifin,  com- 
me du  mari  de  cette  femme.  Si  celui-ci  avoit 
à  choilîr  ,  ou  de  voir  là  femme  tout  à  la  fois 
amourculc  de  lui  &:  d'un  autre,  ou  delà  voir 
indilierente  pour  tous  les  hommes ,  il  pr endroit 
le  dernier  parti ,  à  moins  que  d'être  de  ces  ma- 
ris commodes  ,  qui  foulant  aux  pieds  les  loix 
£crées  du  mariage  ,  fe  confolent  aifément  de 
l'infidélité  de  leur  époufe  ,  par  ks  reprefailles 
dont  ils  ufent  fur  les  autres  maris.  Mais  pour 
le  Galant ,  il  ne  fe  met  point  en  peine  fi  ià  Maî- 
trefi!è  conièrve  de  l'amitié  pour  fon  mari,  pour- 
veu  qu'il  foit  admis  aux  mêmes  prérogatives 
que  le  mari  :  à  moins  que  de  donner  dans  la 
delicateife  chimérique  d'un  Héros  de  Roman, 
laquelle  n'a  peut-être  jamais  fubiiilé  qu'en  idée. 
Ne  trouvez  pas  étrange  cette  comparaifon, 
Moniieur  ,  puis  que  l'Ecriture  ne  parle  de  TI- 
dolatrie  que  comme  d'un  adultère  commis 
contre  la  gloire  d'un  Dieu  jaloux  ,  6c  Ibufifrez 

que 


Penféei  diverjès,  225 

que  je  m'en  ièrve  ,  pour  prouver  que  le  Dé- 
mon aimeroit  mieux  que  les  hommes  adorai^ 
fent  &  Dieu  8c  lui,  que  non  pas  qu'ils  n'adoral- 
fent  rien. 

De  tout  ce  que  je  viens  de  repondre  à  l'ob- 
jeflion  ,  vous  me  laiflèrez  conclure  aparem- 
menr  ,  que  Taparition  des  Comètes  a  été  ex- 
trêmement favorable  à  Tldolatrie  ,  iàns  avoir 
été  aucuneinent  neceflaire  au  monde ,  afin 
d'empêcher  que  l'AtheiTmc  ne  ruinât  la  Socié- 
té humaine  ,  8c  qu'ainli  les  Comètes  ne  font 
pas  d,cs  lignes  extraordinairement  envolez  de 
Dieu. 

§.   CXIV. 

IV.  Reponfe.  ^ue  lAtheïfme  n'eji  pas  un  plus 
grand  mal  o^ue  V Idolâtrie, 

CEla  étant ,  je  puis  me  palier  de  faire  le  pa- 
rallèle de  l'Idolâtrie  8c  de  i'Atheïfme ,  8c  de 
montrer  que  lldolatrie  elt  pour  le  moins  aufîi 
abominable  que  I'Atheïfme ,  car  je  n'ai  pas  be- 
ibin  que  ce  paradoxe  {bit  vrai,  je  l'ai  ouï  fou- 
tenir  a  un  des  habiles  hommes  de  France,  8c 
qui  eft  auflj  bon  Chrétien  que  j'en  conoiflè. 
Permettez-moi  de  vous  raporter  une  partie  de 
fes  raifons  ,  8c  de  les  paraphrafer  ou  commen- 
ter félon  que  je  le  jugerai  a-propos. 

§.   CXV. 

I.  Preuve.  L' imperfection  efl  aujjî  mitraire  pour 
le  moins  k  la  nature  de  DieH'  ,  ^«^  le  noyp' 
être. 

IL  difoit  en  premier  lieu  ,     qu'il  eft  autant 
pour  le  moins  contre  la  nature  Divine  d'ê- 
tre divifée  en  un  très-grand  nombre  de  Divini- 
K  j  tcï 


2i6  Penfees  divcrjh. 

tez  différentes ,  Se  fujettes  aux  défauts  que  Ton 
reconoiilbit  dans  les  Dieux  du  Paganifmc  ,    que 
de  n'être  point  du  tout.     Ainfi  Jes  Idolâtres  qui 
nient  que  Dieu  Toit  un  ,    8c  au  defTus  de  l'infir- 
mité, forment  un  jugement  auffi  abfurde  pour 
je  moins  8c  aulTi  delàvantageux  à  Dieu ,  que  les 
Athées  qui  nient  fon  exiflence  ■-,   car  comme  Ta 
fi)DaTis    fort  bien  remarqué  Mr.  le  Marquis  de  (i)  Pia- 
fon  livre    j5e2,ze,  croire  que  Dieu  n'efl  point,  efl  un  fen- 
de la  veri-    .         '         .      ^  ^    1   •  j    ' 
té  tle  la      tnnent  moins  outrageux   pour  lui  ,    que  de  iC 

Religion  Croire  ce  qu'il  n'efl:  pas,  8c  ce  qu'il  ne  doit  pas 
Chrefiien-  être,  (i)  Si  Dieu  neft  point  unique,  dit  Ter- 
^^*  tullien  ,   il  n'efl  point  ,  parce  que  nous  trouvons 

,^  .  -  plus  de  dignité  a  n'être  point ,   qu'à  être  autre- 

«on  unus  ^  ^^'^^  T^  ^'^"  "^  '^^'^-  ^^  Y  ^  ^^^^  P^^s  d'extra- 
cft,  non  vagance,  plus  de  brutalité,  plus  de  fureur,  plus 
eft,  quia  d'aveuglement  dans  l'opinion  d'un  homme  qui 
dignius       admet  tous  \ts  Dieux  des   Grecs  8c  des  Ro- 

îlt  iSï*  mains  ,  prefque  infinis  en  nombre  ,  8c  agitez 
lîon  elle        ,  *,     ^    /v  o     r    -u        i  °  i 

quodcun-    de  toutes  les  pâmons  ,     8c  louillez  de  tous  les 

<]ue  non  crimes  qui  fe  voient  parmi  les  hommes  ,  que 

ita  fuerit,  (jans  l'opinion  d'un   Athée.      Plutarque  eft  allé 

j^i.  v^.  encore  plus  avant  h   car  il  a  dit  qu'on  fait  plus 

TtrtfilU  "^  ^^'"^  ^  ^^  Divinité  ,  en  h  croiant  teLe  que  \q^ 

tcntra  fuperftitieux  iè  la  reprefentent  ,    qu'en  croiant 

M^rc.  l.i.  qu'elle  n'eit  rien.  (3)  J-e  ne  puis  ajfez.  m' étonner^ 

*•  3"  dit-il  ,    quo-n  dit  que  l'Athéisme  efi  une  impieté: 

i  )r    V  ^^^^  J^'^  devroit  dire  de  la  fuperflition  ,  ^  non  pas 

de  ia  fu-^  ^^  VAtheïfme  ;    car  il  eft  bien  vrai  qu'Anaxago- 

perdition,  ras  fut  condamné  autrefois  comme  impie  ,     pour 

Je  me  fers  avoir  fout  enu  que  le  foleil  était  une  pierre  j  mais 

de  la  ver-  p^^J'onne  n'a  encore  dit  que  les  Cirnmeriens  qui  ne 

hFevteJ'  ^^"^'^^^  f^^  ^^''^  /  ^^^  '^^  fi^^^^  ^^^  monde  ,  foient 
impies  pour  cela,  ^uoi  ,  celui  qui  ne  croit  point 
qu'il  y  ait  des  Dieux  efl  impie,  0>  celui  qui  croii 
qu'ils  font  tels  que  les  fuperfiitieux  fe  les  figurent  ^ 
ifi'a-t-il  pas  une  opinion  dont  V impieté  furpaffe  d* 
beaucoup  celle  de  'l'Athée  ?  Tour  moi  j'aimerois 
-àien  mimx  ff^tte  tous  les  hommes  dn  mnde  difr 

fenî , 


Penféei  diverjès,  21  j 

fenti  que  jamais  Flutarque  n'a  été,  que  s'ils  di~ 
(oient i  Flutarque  efl  un  homme  inconfiant,  léger , 
colère  ,  qui  [e  rejfent  des  moindres  offenfes ,  qui  fe 
met  en  mauvaife  humeur  four  rien ,  qui  fe  fdche, 
fi  on  ne  l'apelle  aux  belles  ajfemblées ,  qui  fe  'met 
aux  champs  ,  fi  quelqu'un  aiant  des  affaires,  ne 
lui  efi  pas  'venu  faire  la  cour  au  matin  i  cefi  un  ^j)  p^jg. 
homme  qui  vous  dcchireroit  a  belles  dens,  fi  vous  cipale  cri- 
aviez  pajfé  a  côté  de  lui  fans  l'aborder  ^  le  fa-  men  ?e"e* 
luër,  dteroit  prendre  votre  fis ,  A*  lui  feroit  don-  ^\^  hif"îa- 
ner  la  gène  en  fon  logis ,  ou  des  la  mut  fuivante ,   ^^.  fec^jj 
il  ferait  lâcher  des  bêtes  fauvages  fur  vos  terres  reatus. 
pour  en  ravager  les  fruits.  Tertidl.  dt 

§,  cxvi.  '•*• 

1 1.  Preuve.    V Idolâtrie  efi  le  plus  grand  de  tous  mum  de- 
les  crimes  félon  les  r ères.  WStum. 

Cyprian, 

LA  féconde  raifon  eft  ,   que  les  Pères  de  TE-  ^^'■^'  '°* 
gUfe  ont  dit  fans  nulle  exception ,    que  l'I-  /  ^  q 
dolatrie  efl   le  principal    crime   du  genre   hu-  Naziarz.' 
main,  le  plus  (i)  grand  péché   du  monde,  le  orat. 38, 
plus  (  2  )  grand  de  tous  les  péchez ,  (  3  )  le  der- 
nier Se  le  premier  de  tous  les  maux.     (4)   Le  M  ^f^. 

Do6leur  Angélique  eft  dans  le  même  Icntiment,  P^^^^ns 

,.1   jP      -^  ,  ,  ,  ,       qi!x  con- 

puis  QU  il  dit  ,     que  de  tous  les  péchez,  que  Ion  ^ra  Deuin 

commet   contre  Dieu  ,    qtù  font   néanmoins  très-  corn  mi  t- 
grands  ,   le  plus  énorme  femble  être  celui  par  le-  tuntur, 
quel  on  rend  k  la  créature  les  honneurs  divins ,  ^"^  ^y 
parce  au  autant  qu'on  le  peut  ^  on  introduit  un  au-  îï!!";  "^ 
tre  Dieu  dans  le  monde  ,    p*  Ion  diminue  l'Em-  gravi iH- 
pire  de  la  Divinité.    Le  crime  des  Chrétiens  qui  mu  m  effe 
iàcrifioient  aux   Idoles  durant   la   periècution ,  ^'"^5 ^"'' » 
c'apelloit  prévarication,  (f)  ^  ne  le  remettoit  ^^y^^'^/iv-l 
^  ^  P^s  num  ho- 

norem 
creaturx  impendat  ,   quia  quantum  eft  in  fe  facit  aliiim  Deum  ÎQ 
mundo,  minucns  principatum  divinum.  Secund.  i.  ^t^ft,^^,  jirt, 
3.    (;)  Mr.Hcrinan  vie  de  Saine  AtbaD.  1.2.  ch.  iS. 


2  28  Penféei  diverjèu 

pas  même   à  la    mort    fèion  l'ancienne  dijfcî- 

pline  ,    Se  cxcluoit  pour  jamais  de  l'entrée  du 

Clergé. 

§.    CXVII. 

III.    Preuve.     Les  Iddatres  ont  été  de  vrah 
Athées  en  un  certain  Cens. 

LA  troifiéme  raifon  eft  ,  que  fi  l'on  y  prend 
bien  garde  ,  l'on  trouvera  que  les  Idolâtres 
ont  été  de  vrais  Athées  ,  aulïi  deftituez  de  la 
conoillânce  de  Dieu  ,  que  ceux  qui  nient  for- 
mellement fon  exiflence.  Car  comme  ce  ne 
feroit  point  conoître  l'homme  ,  que  de  s'ima- 
giner que  l'homme  eft  du  bois  j  de  même  ce 
n'eft  point  conoître  Dieu  ,  que  de  simaginer 
que  c'eft  un  être  fini,  impartait,  impuiiïânt, 
qui  a  pluficurs  compagnons.  De  ibrte  que  les 
Paiens  n'aiant  conu  Dieu  que  ibus  cette  idée, 
on  peut  dire  qu'ils  ne  l'ont  point  conu  du 
tout  ,  &  qu'ils  detruifoient  par  leur  idée  ce 
qu'ils  établilibient  par  leurs  paroles  ,  comme 
Ç  '  )  F.pi-    on   l'a   remarqué  (  i  )  d'Epicure.     Et  c'eft  ce 

curiim        Q^'^  voulu  dire  (2)  St.  Paul  ,    lors  qu'il  repro- 

flços  ver-  ^,  T,  .  ^   \  .     ^  ,1  ^  • 

bo  pofLiif-  ^^^  ^^^  Païens ,  qu  aiant  conu  qu  il  y  avoit  un 

fe,  reverà  Dieu,  ils  ne  lui  avoient  pas  pourtant  donné  la 

fiiftuîKTe,    gloire  qui  lui  eft  due  i    mais  qu'au  lieu  de  cela 

Ctcero^.  de  jjs  s'étoient   perdus  dans  leurs   vains  raifonne- 

tiat^    eor,    ^^^^^  ,     gc  s'étoient  plongez  dans  des  extrava- 

i%\  EpUfc.  g^^^^s  ,   des  folies  ,   6c  des  ténèbres  prodigieu- 

adRomin,  ^^ ,  jufqu'à  réduire  la  gloire  du  Dieu  incorrup- 

c.  I,  tible  à  h  forme  d'un  homme  corruptible  ,    d'un 

oifeau  ,    d'un  fcrpcnt ,    Se  d*une  bête  à  quatre 

pieds.     C'eft  dire  proprement  ,     qu'ils  avoient 

cru  ccncître  Dieu ,    mais  que  leur  conoifîânce 

étoit  devenue  un  fantôme   chimérique  ,    6c  fi 

rempli  de  C3ncradi6Hons ,  qu'ils  croient  tombez 

dans  une  ignorance  totale  du  Pieu  qui  a  fiit  k 

ciç] 


Penfées  diverjes,  229 

ciel    Se  la  terre.     Ailleurs  (1)   cet  Apôtre   dit  (i)Epifî. 

formellement  ,   que  les  Gentils  etoient  fans  ef-  ad  F.phef. 

perance  6c  làns  Dieu  au  monde.  ^'  *• 

§.    ex VI IL 

I V.  Preuve.  La.  comijfance  4e  Dku  ne  fert 
à  un  Idolâtre  o^u'à  remire  fes  crimes  ^Ihs 
mroces. 

SU  y  a  quelque  différence  entre  TAtheiTme 
d'un  Idolâtre,  &  celui  d'un  Athée ,  c'eft  prin- 
cipalement en  ce  que  i'Atheïfme  de  l'Idolâtre 
ne  diminue  en  rien  l'atrocité  de  fès  crimes  ,  au 
lieu  qu'un  homme  qui  eft  Athée,  pour  être  né 
parmi  ces  peuples  que  l'on  dit  qui  de  tems  im- 
mémorial   ne   reconoifîènt     aucune    Divinité, 
trouvera  quelque   dimunition   de   peine  par  le 
moien  de  j[bn  ignorance ,  car  en  bonne  Théo- 
logie ,    Se  par  TexpreiTe  déclaration  de  (2)  Je-  (2)  Eiwos 
sus-Christ,    ceux  qui  iàvent  la  volonté  de  gel.  kc. 
leur  maître,  ôc  néanmoins  ne  la  font  pas,   fè-  ^^c.  c.i2« 
ront  plus  feveremcnt  punis,  que  ceux   qui  ne  ^''^7' 
l'ont  ni  faite  ,  ni  conuë  \   ce  qui  ilipoiè  mani- 
feftement ,  qu'il  y  a  plus  de  malice  dans  la  cor>- 
duite  des  premiers  ,  que  dans  celle  àts  derniers, 
Se  que  (  3  )    Minucius  Félix  n'a  pas  eu  raiibn  (3)  cùm 
de  foutenir  iàns  aucune  limitation  ,      c^ue  c'eji  paremem 
Hne   aujjî  noire  méchanceté  de   ne  pas    conokre  ^^^^^^t 
JDieu  y     que  de  lojf enfer.     Donc   c'cft   un  plus  nium"ïo- 
grand  crime  à  un  Idolâtre  de  faire  de  faux  fer-  m  num 
mens ,  de  piller  les  Temples  ,     &  de  commet-  non  mino- 
tre  toutes  les  autres  a6tions  quil  fait  n'être  pas  '"'^  fceieris 
agréables  à  fes  Dieux  ,  qu'il  ne  l'eft  à  un  Athée  j^J  ^^^l^^* 
de  faire  les  mêmes  choies.     Donc  la  condition  fédère."* 
des  Idolâtres  clt  pire  que  celle  des  Athées  ,   puis 
que  les  uns  8c  les  autres  étant  également  dans 
l'ignorance  du  vrai  Dieu  ,  8c  incapables  égale- 
jneat  de  le  fervir  ,  les  Idolâtres  ont  en  particu- 
"       K  7  Uei. 


2,^0  Venfiei  diverfès* 

lier  certaines  notions  8c  certaines  pcrruafions, 
contre  Jefquelles  i  s  ne  fàuroient  agir  fans  une 
malice  extrême  ,  &  uns  un  mépris  viiible  de 
leurs  Divinitez.  Or  quoi  que  Dieu  ne  prenne 
point  part  aux  cultes  &  aux  honneurs  qui  font 
rendus  à  Jupiter  Se  à  Neptune,  par  exemple, 
ôc  qu'il  \çs  regarde  comme  des  abominations 
qui  méritent  tous  les  fléaux  de  fa  colère  ,  il  ne 
îaifTe  pas  de  prendre  part  aux  impietez,  qui  iè 
commettent  contre  eux.  Ainli  quand  un  Paien, 
demeurant  perfuadé  que  Jupiter  £c  Neptune 
étoient  fos  Dieux  ,  voioit  les  choies  qui  leur 
étoient  conlàcrées  ,  8c  leur  difoit  àts  injures , 
il  étoit  iacrilege  8c  blafphemateur  devant  Dieu: 
6c  ce  n'étoit  pas  un  moindre  crime  à  Caligula 
(î)  Dion  d'apeller  fon  Jupiter  (i)  en  duel  ,  6c  de  lui 
S  ^u  J^ft^J*  ^^^  pierres  vers  les  nues  ,  avec  ces  paro- 
Seneca  de  ^^s,  Ote-moi  du  mondes  ou  je  t'en  oterai  ,  tou- 
ira  lib,  I.  tes  les  fois  qu'il  voioit  tomber  la  foudre  ,  qu'il 
eap.  ult.  le  foroit  à  un  Chrétien  ,  de  faire  la  même 
choie  à  regard  de  J  es  us- Ch  ri  st  ;  ii  ce 
n'eft  que  la  perfualion  du  Chrétien  fût  plus 
grande  que  celle  de  Caligula  ,  ou  que  le  défaut 
de  perfualion  fît  moins  inexculàble  dans  Cali- 
gula, que  dans  le  Chrétien.  Car  pour  juger  il 
un  crime  efl:  plus  atroce  qu'un  autre  dans  la 
même  elpece  ,  il  faut  J&voir  non  lèulement  li 
l'un  a  été  commis  avec  plus  de  conoiHance 
que  l'autre  ,  mais  auiïl  lequel  des  deux  crimi- 
nels a  contribué  le  plus  a  fon  ignorance  par 
là  malice  :  le  pouvant  faire  qu'un  homme  igno- 
re certaines  choies  ,  parce  qu'il  a  refufé  de  s'inC- 
truire  ,  de  peur  que  l'inftruclion  ne  le  détour- 
nât de  lès  pernicieux  delîèins  ,  auquel  cas  l'i- 
gnorance ne  peut  aucunement  excufer.  De 
fjrte  que  ii  Caligula  s'ell  porté  à  cet  excès  de 
fureur  contre  Jupiter  ,  quoi  qu'il  le  reconût 
pour  le  Dieu  qui  lance  la  foudre  ,  6c  qui  gou- 
verne le  monde  ,  il  y  a  autant  de  malice  dans 


Penfées  diverps.  25  X 

fôn  fait  ,  C£teris  paribus  ,  que  dans  celui  d'un 
Chrétien  ,  qui  reconoifîant  Jesus-Christ 
pour  Dieu  ,  iè  porteroit  néanmoins  à  un  fem- 
DJable  excès  de  brutalité  contre  lui. 

Cela  nous  fait  voir  ,  que  le  pillage  àts  tem- 
ples des  faux  Dieux,  8c  le  renverlement  de  leurs 
ftatuè's  ,  ne  peut  être  une  bonne  aârion  ,  que 
quand  il  procède  d'un  bon  principe  ,  c'efl-à-di- 
re  qu'il  fè  tait  par  un  zèle  bien  conduit  pour  la 
véritable  Religion  i  &:  par  conlèquent ,  que 
toutes  les  a6lions  des  Paiens  commiiès  ,  ou 
contre  les  principes  de  leur  faufle  Religion  ,  ou 
contre  les  lumières  de  leur  confcience  ,  font 
àQs  crimes  très-réels,  quoi  que  les  aftions  qu'ils 
commettent  fuivant  leurs  faux  principes  ,  ou 
fuivant  leurs  faufTes  lumières  ,  ne  puiflènt  ja- 
mais être  bonnes.  De  quoi  il  ne  faut  pas  s'é- 
tonner ,  car  il  faut  bien  plus  de  circonflances 
afin  qu'une  action  fbit  bonne  ,  qu'afin  qu'elle 
fbit   mauvaife.     (i)   Adorer  ce  que  l'on  s'ima- 

eine  faufîèment  être  Dieu  ,   eft  un  adle  d'idolâ-  ^'^ 

«^ .         _     ,  .    ]  u         >•         •       num  ex 

trie.     Fouler   aux   pieds   ce  que  1  on  s  imagine  inregra 

faufîèment  être  Dieu  ,  efl:  un  a(5le  d'impiété,  caufa. 
Ce  font  deux  adlions  diamétralement  opofees ,  rnHum  ex 
cependant  elles  produifènt  le  même  effet.  Dieu  2"°''^^^ 
prend  fur  foi,  ponr  ainfi  dire  ,  l'affront  qui  eft 
fait  aux  faux  Dieux,  par  àçs  gens  qui  les  croient 
être  le  vrai  Dieu  :  mais  il  ne  prend  pas  fur  fbn 
compte  l'honneur  qui  efl  rendu  aux  faux  Dieux, 
par  à&s  gens  qui  les  croient  être  le  vrai  Dieu. 
D'oii  il  paroît ,  que  les  Athées  ne  peuvent  pas 
offenfèr  Dieu  en  tant  de  manières  ,  ni  avec  tant 
de  malice  ,  que  les  Idolâtres  ,  &  qu'ainfi  allu- 
mer àts  Comètes  extraordinairement  ,  afin  que 
les  hommes  fbient  plutôt  Idolâtres  qu'Athées, 
n'eft  autre  chofc  que  vouloir  faire  les  hommes 
plus  mechans  Se  plus  malheureux.  Je  vous  aver- 
tis une  fois  pour  toutes  ,  Monfieur  ,  que  je 
parle  de  ces  Athées  qui  ignorent  l'exiflence  de 

Dieu, 


i^î  Venfêes  diverps. 

Dieu  ,  non  pas  pour  avoir  étouffé  malicieulc- 
ment  la  conoiiïàncc  qu'ils  en  ont  eue  ,  afin  de 
s'abandonner  à  toute  Ibrte  de  crimes  fans  nul 
reniors ,  mais  parce  qu'ils  n'ont  jamais  ouï  dire 
qu'on  doive  reconoître  un  Dieu. 

§.    CXIX. 

y.    Preuve.     VldolAtrie   rend   Us  hommes  fins 
difficiles  a,  convertir  o^m  l'Aîheipne. 

LA  cinquième  raiibn  eft  ,  que  rien  n*îndilr^ 
pofe  davantage  les  hommes  à  iè  conver- 
tir à  la  vraie  Religion  ,  que  l'Idolâtrie.  Car 
quoi  qu'il  y  ait  des  exemples  qui  font  voir  que 
les  Idolâtres  &  les  fuperllitieux  s'étant  une  fois 
convertis  ,  ont  plus  de  zèle  pour  la  bonne  cau- 
iè  ,  que  ceux  qui  fe  convertiflènt  après  avoir 
été  tiedes  dans  leur  fau  ITe  Religion  j  il  eft  pour- 
tant vrai  généralement  parlant,  que  le  zèle  d'un 
Idolâtre  eft  une  dilpofition  de  cœur  beaucoup 
plus  pernicieufè  que  l'indifférence  j  parce  que 
généralement  pariant  ,  un  homme  rempli  de 
bigoterie  ,  8c  entêté  de  fes  faux  principes,  le 
rend  avec  plus  de  peine  à  la  vérité,  qu'un  hom- 
me qui  ne  fait  ce  qu'il  croit.  Et  fur  ce  pied- 
là  ,  il  femble  qu'il  vaudroit  mieux  être  Athée, 
que  plongé  dans  les  abominables  idolâtries  des 
Gentils  ,  parce  qu'il  y  a  beaucoup  d'aparence, 
que  les  Prédicateurs  de  l'Evangile  expliquant 
nos  myfteres  ,  &  les  apuiant  de  beaucoup  de 
miracles  éclatans  ,  ouvriroient  plutôt  les  yeux 
à  des  perlbnnes  qui  n'auroient  pas  encore  pris 
leur  parti ,  je  veux  dire  ,  qui  ièroient  fans  Re- 
ligion ,  qu'à  des  gens  infatuez  de  l'antiquité  de 
leurs  cérémonies  ,  &  enracinez,  dans  la  foi  Sç 
dans  le  culte  de  leurs  Idoles* 


S,  cxx. 


Tmfées  diverfis,  133 

§.  cxx. 

Compar^ifo77s  qui  prouvent  cela. 

Le  bon  fens  veut  cela, 8c  l'expérience  le  coa- 
firme.  Parlez  à  un  Cartelïen,  ou  à  un  Peripa- 
teticien  ,  d  une  propoiition  qui  ne  s'accorde 
pas  avec  les  principes  dont  -il  ell  préoccupé, 
vous  trouvez,  qu'il  ibnge  bien  moins  à  pénétrer 
ce  que  vous  lui  dites  ,  qu'à  imaginer  des  rai- 
fbns  pour  le  combattie.  Parlez-en  à  un  hom- 
me qui  ne  foit  d'aucune  Se<ftc  ,  vous  le  trouvez 
docile  ,  8c  prêt  à  le  rendre  îàns  chicaner.  On 
éprouve  à-peu-près  h  même  choie  quand  on 
attaque  un  Hérétique  bigot  ,  ou  un  de  ceux  qui 
au  dire  du  Cardinal  Pailavicin  ,  font  plutôt  non 
Catholiques,  qu'Hcretiques  ,  magis  extra  ii- 
tia  ,  quÀ?n  cum  iirtute.  On  lait  de  plus,  qu'en 
bonne  Philolbphie,  il  elt  bien  plus  malaiie  d'in- 
troduire quelque  habitude  dans  une  ame  qui  a 
déjà  contrarie  l'habitude  contraire  ,  que  dans 
une  ame  qui  eil  encore  toute  nue.  Il  eft  plus 
difficile  ,  par  exemple  ,  de  rendre  libéral  un 
Bomme  qui  a  été  avare  toute  là  vie ,  qu'un  jeu- 
ne enfant  qui  n'ell  encore  ni  avare  ,  ni  libéral 5 
tout  de  môme  qu'il  elt  plus  aile  de  plier  d'un 
certain  lèns  un  corps  qui  n a  jamais  été  plié, 
qu'un  autre  qui  a  été  plié  d'un  fens  contraire. 
Il  eft  donc  très-railbnnable  de  penièr  ,  que  les 
Apôtres  eulTent  converti  plus  de  gens  à  Jesus- 
Christ  ,  s'ils  l'euflcnt  prêche  à  des  peuples 
i&ns  Religion ,  qu'ils  n'en  ont  converti ,  annon- 
çant l'Evangile  à  des  nations  engagées  par  un 
zèle  aveugle  ,  8c  entêté  aux  cultes  fuperllitieux 
du  Paganifme.  Et  il  n'y  a  rien  de  plus  vrai , 
que  \c^  perlècutions  horribles  qu'on  a  fait  Ibuf- 
n-ir  aux  premiers  Chrétiens  ,  partoient  d'un 
principe  de  bigoterie  idolâtre  i  car  comme  c'é- 

toient 


2  34  P en  fées  diverfei, 

toicnt  les  meilleurs  fujets  du  monde  \  qui  pré- 
choient continuellement  l'obeillànce  due  aux 
Magiftrats  ,  Se  qui  n'ont  jamais  fait  paroître  la 
moindre  envie  de  repoulïèr  la  force  par  la  for- 
ce, il  n'y  avoit  aucune  maxime  d'Etat, qui  dût 
porter  les  Empereurs  à  les  faire  maltraiter  ,  ni 
les  Gouverneurs  de  Province  à  exécuter  les  or- 
dres de  leur  Maître  avec  plus  de  rage  qu'on  ne 
leur  en  demandoit. 

C'étoit  donc  uniquement  à  caulè  que  les 
Chrétiens  en  vouloient  à  tous  les  faux  Dieux 
du  Paganifme  ,  qu'on  leur  fufcitoit  des  perfècu- 
tions:  c'étoit  le  taux  zèle  de  l'Idolâtrie  qui  ani- 
moit  \t^  Empereurs  contre  la  Croix  du  Fils  de 
Dieu  ,  ou  plutôt  qui  portoit  ceux  qui  avoient 
l'oreille  du  Prince  à  lui  infpirer  les  fèntimens 
de  haine  contre  les  Chrétiens  ,  que  d'autres  leur 
avoient  infpirez  à  eux-mêmes.  Si  personne 
ne  iè  fût  trouvé  dans  les  pernicieufes  préoccu- 
pations de  l'erreur  ,  on  eût  lailTé  croître  l'Egli- 
îè  Chrétienne  fans  lui  donner  de  l'empêche- 
ment. De  forte  qu'on  peut  dire  ,  que  il  Dieu 
avoit  formé  miraculeufement  ài^%  Comètes  ds 
tems  en  tems  ,  il  eût  fait  de  tems  en  tems  des 
miracles  ,  pour  préparer  les  hommes  à  rejet- 
ter  la  Croix  de  fon  Fils  ,  8c  pour  les  ahcurter 
par  leur  attachement  à  l'Idolâtrie  ,  qui  fe  for- 
tifioit  à  la  vue  des  Comètes ,  à  combatte  la  vé- 
ritable Religion. 

Je  iài  bien  que  la  refiftance  des  Idolâtres  a 
ièrvi  à  faire  voir  la  grandeur  6c  la  puillance  de 
Dieu  ,  &  la  divinité  de  l'Evangile.  Mais  il  iè- 
roit  abfurde  de  dire  fous  ce  prétexte ,  que  Dieu 
s'efl  préparé  par  des  voies  extraordinaires  ,  ces 
moiens  de  faire  éclater  û  vertu.  Ni  ià  jufti- 
ce ,  ni  û  bonté  ne  fouffirent  point  qu'il  facilite 
aux  pécheurs  les  occafions  de  s'endurcir  ,  quoi 
que  là  ià^eflè  lui  fafTe  trouver  dans  l'endurcif^ 
fcraent  ou  les  pécheurs  tombent  par  leur  pro- 
pre 


Penfées  diverfis,  235 

pre  faute  ,  8c  contre  ion  intention  ,    pîufieurs 
nioiens  admirables  de  manifefter  fà  gloire. 

§.   CXXI. 

^u'il  ejl  difficile  que  ceux  qui  ont  long-tems 
aimé  une  chofe  ,  fe  portent  k  aimer  le  con- 
traire. 

D'ailleurs  ,  quoi  qu'on  m'opofe  qu'il  n'y  a 
qu'à  tourner  du  bon  côté  le  zèle  d'un  Idolâtre, 
pour  en  faire  un  véritable  dcvot  i  qu'au  lieu 
qu'on  ne  trouve  aucune  tendreiîè  de  confcien- 
ce  dans  un  Paien  qui  le  moque  de  ià  Religion, 
on  trouve  dans  un  Paien  fuperftitieux  un  bon 
fonds  à  cultiver  j  qu  il  en  va  comme  de  ces 
femmes  qui  ont  le  tempérament  porté  à  l'a- 
mour ,  lefquelles  n'ont  pas  plutôt  compris, 
qu'elles  ne  font  plus  propres  au  monde  ,  qu'el- 
les tournent  toutes  leurs  penfées  vers  Dieu  ,  & 
l'aiment  encore  plus  tendrement  qu'elles  n'ont 
aimé  les  créatures  j  qu'un  indevot  qui  palîè  dans 
la  vraie  Religion  ,  y  apoct^  bien  ibuvent  toute 
ion  inièniibilité  ,  6c  choies  ièmblables  ;  je  ne 
laiflè  pas  d'avoir  raiibn.  Il  iè  peut  faire  ,  que 
tout  ce  que  l'on  m'opoiè  arrive  quelquefois, 
j'en  tombe  d'accord.  Mais  on  m'avouera  auffi, 
qu'il  y  a  des  exemples  du  contraire.  On  voit 
des  gens  qui  épuilent  û  fort  toute  la  capacité 
de  leur  cœur  à  aimer  les  vanitez  du  fiecle,  que 
quand  l'âge  ,  ou  quelque  diigrace  les  en  dégoû- 
tent ,  ils  n'aiment  plus  rien  ,  ôc  fe  Tentent  en- 
core plus  dcgoutez  des  choies  du  ciel  ,  que  des 
choies  de  la  terre.  On  en  voit  qui  ne  s'épui- 
iènt  jamais  pour  le  monde  ,  ôc  qui  l'aiment 
julqucs  à  leur  extrême  vieilleiïè  ,  nonobfïant 
les  rebuts  &  fcs  froideurs.  Il  y  en  a  qui  dans 
le  chagrin  de  ne  iè  voir  plus  à  la  mode,  font 
quelque  tentative  pour  le  détacher  du  monde; 

mais 


2  3^  Penfées  diverfis. 

mais  le  peu  d'habitude  qu'ils  ont  toujours  eoi 
avec  \ç.s  chofes  du  ciel  ,  les  leur  fait  paroître  fi 
inlipides  ,  qu'ils  les  quittent  tout  auiri-tôt, 
pour  ratraper  leur  premier  maître  qui  les  fuit. 
Ceiix-ci  ne  font  pas  en  petit  nombre  \  car  au 
dire  du  P.  (  i  )  Rapin  ,  La>  plupart  des  perfof>- 
nés  cjui  ont  vieilli  cL^ms  les  z/anrtez.  dn  monde ,  ^ 
qui  penfent  a  leur  falut  ,  •voient  les  devotiom 
comme  une  rejfource  j  mais  elles  -ny  'voient  rien 
que  de  pénible ,  parce  qu'elles  la  regardent  d'une 
vue  trop  humaine  :  le  '  degoât  du  monde  qui  ejt 
degoiité  d'elles ,  les  fait  penfer  à  Dieu ,  fans  leur 
faire  fentir  les  douceurs  qu'il  y  a  a.  le  fervir:  el- 
les 'li' envi f agent  ,  que  les  plaijirs  qu'elles  quittent^ 
piorbo  eft  j'^y^^  ^^y^  ^^^^  qu'on  leur  promet  ;  ^  pojfedées 
Tunc^adeô  ^^'^^^^  f^^^  ^^^  prefent,  elles  ne  voient  dans  i'aver- 
nir  que  tout  ce  qui  efi  propre  k  les  rebuter.  Tout 
ceci  eft  le  train  gênerai.  On  en  voit  qui  abju^ 
rent  tout  à  la  fois  6c  leurs  herefies,  8c  leur  in- 
dévotion  ,  qui  pafîènt  de  l'impiété  à  la  vérita- 
ble crainte  de  Dieu, 6c  quelquefois  mêmes  juP- 
qu'à  des  pratiques  fuperftitieuiès  ,  à  l'exemple 
de  ce  Roi  de  Rorrie  ,  dont  Tite  Live  parle 
ainfii  (x)  Il  fut  lui-même  long-tems  malade.  'Et 
alors  la  fierté  de  fon  efprit  fut  tellement  abatue 
avec  les  forces  de  fon  corps  ,  qu'au  lieu  quaupa- 
crisdcdere  ravant  il  ne  trouvoit  rien  de  plus  indigne  d'un 
animum,  ^IW  ,  que  de  s'attacher  aux  chofes  facrées  ,  il  de-^ 
vint  tout-d'un-coup  bigot,  ^  s'engagea  dans  tou- 
te forte  d£  fuperflitions ,  grandes  ^  petites,  ^  en 
remplit  toute  la  ville.  Ce  font  donc  tout  au 
plus  àcs  exceptions  combatuëi  par  des  excep^ 
tions.  Si  bien  que  le  parti  le  plus  raifonnable , 
eft  de  prendre  pour  h  régie  générale  ,  ce  qui 
en  d'autres  fujets  eft  la  règle  £ns  difficulté  ,  fà- 

voir. 


r)  Foi 

des  der- 
niers fic- 
elés, p?g. 
141. 

(z)  Ipfe 
quoque 
(TnUus 
Hofîtiiui) 
longinquo 


fraai ,  fi- 
mul  cum 
cor pore, 
func  fpiri- 
tus  illi 
féroces , 
ut  qui  ni- 
hil  antè 
ratus  effet 
minus 
régi  u  m  » 
quam  fa- 


repente 

omnibus 

magnis 

parvifque 

fuperfti- 

lionibus 

obnoxius 

degeret , 

religioni- 

buf^ue 

etiam 

populum 

împleret 


TitHS  Livitti  Dtc.  i,  lib»    VoicL  auffi  Plucarque  inNu- 


xna  Pompiiio. 


Penfées  dlverjês,  i\j 

voir ,  cit4un  homme  entêté  dune  faujfe  religto:c , 
rejîfie  fais  /aux  lumières  de  la  véritable  ,  qu'un 
homme  qui  n'a  aucun  entêtement.     On  m'avoue- 
ra ,     que  fi  Julien  l'Apoftat  eût  été  Athée,  de 
l'humeur  dont  'A  étoit  d  ailleurs  ,     il  n'eût  fait 
aucune  chicane  aux  Chrétiens  ■■>  au  lieu  qu'il  leur 
faifoit  àt^   avanies  continuelles  ,     infatué  qu'il 
étoit  des  fuperflitions  du  Paganifme  ,    6c  telle- 
ment intatué,  qu'un  (  i  )  Hiflorien  de  fa  Reli- 
gion  n'a  pu   s'empêcher   d'en  faire  une  elpece  (i)Juna- 
de  raillerie  ,   difant  ,  que  s'il  fût  retourné  liûo-  "V'.  ^"P"" 
rjeux  de  fin  expédition  contre  Les  Fer/es  ,    u  eut  ^agis^ 
dépeuplé  la  terre  de  bœufs  ,  a  force  de  facrifces.     quàm 

facrorum 
§.  ex XII.  Jesjtimus 

yi.  Preuve.  Ni  l'efprit ,  ni  le  cœur  ne  font  pas  numcras 
en  meilleur  état  Uans  les  Idolâtres  ,  c^ue  dans  fine  par- 
ier Athées.  ■       f^iT-onia 

pecudes 

LA  lîxiéme  railbn  eft  ,   que  foit  qu'on  confi-  ^,J  ^^m.  * 
dere  les  Paiens  8c  les  Athées  par  la  difpo-  marctur 
fition  de  leur  entendement  ,     foit  par  la  difpo-  C  revcr- 
fition  de  leur  cœur  ,  on  trouve  autant  de  delbr-  p     ,  ; 
dre  pour  le  moins  dans  les  premiers  ,  que  dans  ^^^J^^  ■' 
les  derniers.  defuturos, 

Marci  il- 
§.   ex  XIII.  ]iusfimi!is 

-,/.,.,.  .         -  .         in  quem  id 

Conjîderatton  du  jugement  que  les  Tatem  fat-      accopi- 
foient  de  Dieu.  mus. 

Si   Ton  regarde  les    Athées  dans  le  jugement  ^"'^  ^^C^Z 
ou  ils  forment  de  la  Divinité  ,     dont  ils  ment  a-ufi  h  <rù 
1  exiflence  ,  on  y  voit  un  excès  horrible  d'aveu-  v/xHcr«ç 
glement ,    une  ignorance  prodigieuiè  de  la  na-  ''/;'''«  ^'^f^- 
ture  des  chofès  ,  un  efprit  qui  renverlè  toutes  ^<"-^** 
les  loix  du  bon  fens,  &  qui  fe  fait  une  manie-  ,vwS, 
re  de  raisonner  taullè  §c  déréglée  plus  qu'on  ne  tib.  ij. 

lau- 


25 s  Penfées  diverfes. 

làuroit  le  dire.     Mais  voit-on,    je  vous  prie,' 
quelque  cholè  de  plus  fuportable  dans  le  juge- 
ment que  les  Paiens  ont  formé  de  Dieu  ?     Les 
Paiens,  dis-je  ,  qui  ont  penfë  qu'il  y  avoit  un 
très-grand  nombre  de  Divinitez  ,   dont  chacu- 
ne avoit  {^Qs,  intérêts  à'part,  fès  vues  &  fes  paP 
fions  particulières  j  de   forte  que  les  honneurs 
qu'on  rendoit  à  Jupiter  ,  par  exemple  ,    ne  fer- 
voient  de  rien  pour  apailer  la  colère  de  Junon, 
8c  qu'on  pou  voit  être  tavorifé  d'un  Dieu  ,   pen- 
dant qu'on   avoit    l'autre  pour    ennemi.      Les 
Paiens  qui    ont    attribué    difterens    fexes    aux 
Dieux  ,     &  des  relations  de  père  ,   de  fils ,  de 
mari ,  de  femme  ,    toutes  femblables  à  celles 
qui   fè   rencontrent   parmi  \ç.s    hommes.     Les 
Paiens  ,     en  un  mot  ,  qui  ont  jugé  qu'un  co- 
cher ,   qui  pendant  la  marche  d'une  proceiTion, 
prend  une  bride  de  la  main  gauche  ,     par  un 
pur  haiàrd  &:  fans  aucune  malice,  ne  lailTe  pas 
de  gâter  toute  la  bonne  intention  d'un  peuple. 
Se  d'empêcher  que  l'indignation  divine  ,    qui  al- 
loit  être  apaifée  làns  cela  ,   ne  foit  diminuée  de 
quelque  peu.  Tous  ces  jugemens  que  les  Paiens 
ont  formez  de  la  Divinité  ,    avec  plufieurs  au- 
tres qu'il  ièroit  ennuieux  de  particularifer  ,    fu- 
pofent   manifefiement  que  la  nature  divine  efl: 
bornée ,  &  fujette  à  mille  fenfualitez ,  8c  à  des 
caprices  qu'on  ne  pardonneroit  pas  à  un  hon- 
nête homme  i     6c   dépouillent  par  confequent- 
cet   Etre  infini  de  fà  toute-puiiîânce  ,     de  Ion 
éternité ,  de  fa  fpiritualité  ,  de  fa  jufiice  ,  6c  de 
iès  autres  perfeftions  ,     iàns    lefquelles    néan- 
moins il  y  a  autant  de  contradi6lion  qu'il  exifte, 
qu'il  y  a  de  contradiftion  à  nier  fbn  exiftence. 
Bien  davantage.     Il  n'y  a  point  d'homme  de 
bon  ièns  ,   qui  après  avoir  reconu  qu'il  eft  im- 
pofllble  que  l'exiftence  ibit  ièparée  de  la  natu- 
re Divine  ,    ne  rcconoiiîè  qu'il  efl  encore  plus 
impoflible  que  la  iàinteté ,  la  juilice ,  Se  le  pou- 
voir 


Venfées  diverfes,  259 

voir  infini  fbient  feparez  de  l'exiftence  de  la 
nature  Divine  t  li  bien  qu'il  leroit  plus  contre 
la  Raiicn,  que  Dieu  exiftât  ,  &:  fût  fujet  à  des  _ 
fautes  &  à  des  foibklles ,  qu'il  ne  le  feroit ,  que 
Dieu  n'exiftât  point  du  tout.  C'efl  prouver, 
ce  me  iemble,  que  les  erreurs  où  font  tombez 
les  Paiens  touchant  la  nature  Divine ,  font  pour 
le  moins  une  auiTi  grande  note  d'infamie  à 
h  Raiibn  humaine  ,  que  le  fauroit  être  l'A- 
theïline. 

§.  CXXIV. 

"B-eflexion  fur  le  ridicule  de  la  Religion  V (tienne, 

AufTi  voit-on  que  les  Paiens  n'ont  jamais  eu 
de  fyflême  de  Religion ,  ou  de  Théologie  ,  qui 
eût  quelque  ordre  ,  ou  quelque  raport  dans  iès 
parties.  Tout  y  montre  l'aveuglement  ,  la  fu- 
reur 8c  la  contradiâion  :  &  je  Ibutiens  ,  que 
s'il  y  avoit  des  efprits  qui  ne  conuiîènt  l'hom- 
me que  par  là  définition  ,  d'ani-mal  raifonnable  y 
8c  nullement  par  l'hiftoire  de  £ts  faits  ,  il  fèroit 
impolTible  de  leur  perfuader  que  les  livres  d'Ar- 
nobe  ,  de  Clément  d' Alexandrie  ,  de  Tertul- 
licn  ,  de  St.  Auguftin  ,  de  Firmicus  Maternus , 
8cc.  contre  le  Paganifme,  ont  été  écrits  contre 
une  Religion  adtuellement  établie  dans  le  mon- 
de. Us  diroient  que  cela  ne  le  peut  pas  ,  que 
ce  font  des  fixions  8c  des  Romans  ,  des  livres 
faits  à  plaifir  par  des  perfonnes  oifèufes  ,  qui 
s'étoient  formé  des  grotefques  8c  des  monflres 
dans  leur  efprit  ,  pour  s'amufèr  eniùite  à  les 
renverfer.  Car  quelle  aparence  ,  que  des  créa- 
tures douées  de  raifon  n'établiiîènt  pas  leurs 
cultes  fur  des  dogmes  8c  des  jugemens  bien  fui- 
vis  8c  bien  liei  enfemble ,  au  lieu  de  cts  abfurdi- 
tez  qui  le  detruilènt  elles-mêmes  à  vue  d'oeil 
dans  le  fyftême  du  Paganifnie? 

Ce- 


240  Penfées  diverfes. 

Cependant  il  n'efl:  que  trop  vrai  à  la  ftonte 
de  l'homme  ,  Se  à  la  damnation  éternelle  de  la 
plus  grande  partie  des  hommes  ,   que  les  livres 
de   ces   anciens    Pères  ne  réfutent  que  des  er- 
reurs très-réelles  ,   &  qui  ont  même  trouvé  à^s 
(0  ^^°      (ï)  detenfeurs  parmi  les  Savans.     A  la  vérité 
inTi^a  ^^  ^^  ^^"^  ^'^  pitoiables  detenfeurs   }     car   ce   (2) 
rcfellere,    9°^  j'ai  dit  de  l'Aftrologie  Judiciaire  ,  que  c'ell 
ciam  eos    une  moifîbn  de  triomphes  pour  tous  ceux  qui 
Bon  pu-     entreprennent  de  la  réfuter  ,    eft  incomparable» 

wï^rL-      i^'icnt  plus   véritable  de  l'Idolâtrie  àç.s  Gentils. 
iita  lenti-      ,         .  *  ,     '     ■  ri        •     1  1 

re.-Cum    Jamais  on  n a  écrit  contre  les  abominables  ex- 

verè  aufi  travagances ,    qu'on   ne  les  ait  écrafées  ibus  le 

ilntetiam  poids  de  plufieurs  raifbns  invincibles,   &  jamais 

defendere,  ^.^  ^>^  p^  ^^  £^jj.g  ^j^g  bonne  apologie  :     mais 
non  jam  ,0^         ^^r^j>r-  •> 

eorum  *-^  "  ^^  P^^  ^^"^  '^^"'^^  ^  eiprit  en  ceux  qui  s  en 

fed  ipfus  ^nt  mêlez  ,     que   faute  de  railbn  en  la  cauic 

generis  même.     C'étoit  une  caufè  fi  deftituée  de  preu- 

humani  ygs ,  qu'il  ne  faloit  pas  beaucoup  d'habileté  pour 

cufus  aures  ^"  ^^^^^  ^*^^^  ^  ^^^^  '  ^  ^"^'^^  "'^  ^^^'^^  aucune 

h^ec  ferre    éloquence  qui  pût   en  foutenir  la  foiblelîè.     Si 

potuerunr.  bien    qu'il   y   a  lieu  de  s'étonner  ,     qu'un  (  3  ) 

D.Attgttjî,  Poète  de  réputation  fafîe  paroître  autant  de  ti- 

Epiji.ft,     niidité  qu'il  en  témoigne  ,     s'agiiîànt  de  conv 

-  .  battre  contre  un  Paien  éloquent  ,    &  qu'il  apellc 

defius  pi.e.  ^^'"  '    commettre  fa  barque  mal  gouveri.^ée  aux 

»9.      .     fl^f^  impétueux  d'une  mer  qui  la  peut  facilement 

engloutir.     Il  ne  faut  avoir   pour  toutes  armes 

(3)  Pru      qu'un  foiiet  à  la  main,  (ce  font  les  propres  pa- 

dent  prxf  j-oles  de  l'habile  homme  ,    dont  je  vous  rapor- 

La,. contra  j.^  j^j  j^  diicours )  afin  de  battre  en  ruine  tous 

hs,  Apologiftes  de  la  Religion  Païenne  armez  de 

pied  en  cap  ;  6c  il  n'y  a  point  de  doute  ,  que  il 

le   redoutable  Carneade  eût  eu   cette    caufè   à 

foutenir  ,   il  n'eût  vu  échouer  cette  éloquence, 

1  .'    ^  S^^  Ciceron  attribue  ,  de  n'avoir  (4.)  Jamais 

quim  rem  ^^^^  foutenu,  fans  l'a'voir  prouvé  ,    ni  rien  atta- 

defendif-     que ,  fans  l'avoir  détruit  de  fonfd  en  comble  ,   & 

Ce,  quam    qui  et  tant  d'imprcllion  iur  ks  Sénateurs  de 

Ro= 


^u'il  ne  faut  pas  juger  de  la  Religion  Vaien-ae 
par  ce  qit  e/i  ont  dit  les  Poètes. 


Penfées  dherfes,  241 

Rome  ,    011  ia  viiie  d'Athènes  avoit  envoie  une  non  pro- 
Ambaflàde  compolee  de  Carneade  &  de  quel-  barir, 
ques    autres  ,     ou  ils    iè  (  i  )  plaipnirent  de  ce  ^^^^^^ 
que  les  Athéniens  leur  avoient  envoie  des  Am- fg^q.j^^ 
bafîàdeurs,  non  pas  pour  leur  perfuader  ,    mais  non  ever- 
pour  les  forcer  de  faire  tout  ce  qu  ils  voudroicnt,  ^^f-t- 
Si  bien  que  Caton  le  Cenfcur  opina  qu'on  rcn-  ^"'^"'''  ^^ 
voiat  mceliamment  ces  Amballadeurs  ,     parce  /_  ^^ 
que    les   raifons  de  Carneade  cauibient  un  cer- 
tain ébloui fièment,  qui  empêchoit  de  difcerncr  (1)  ^- 
la  vérité  d'avec  le  menibnge  (z).  lian.  var. 

Hifî.  I.  3-.' 
§.   CXXV.  "P'^7. 

fi)  Quoi 
Carneade 
ar  iimen- 
tantCiqiild 
Au  refte  ,  je  ne  prétends  pas  faire  le  procès  ^'^rl  eflèc 
aux  Paiens  fur  la  dodlrine  de  leurs  Poëtes.^    Il  j  ^^•-^^"T 
y   auroit   de  l'iniquité  à  les  rendre  reiponfabks  p^  flic^'*  ** 
de  toutes  les  infultes  que  Ion  a  faites  aux  Dieux  Pi:„:tts 
dans  les  ouvrages  de  pociîe.     On  les  y  a  rendus  iib,-j,c.  30, 
ridicules  de  toutes  manières  ,   tantôt  en  les  de- 
guiiant  fous  toute  forte  de  figures  ,   afin  qu'ils 
puflcnt   alTbuvir  les    mouvemcns    déréglez,    de 
leur  incontinence  ,  de  leur  haine  ,    ou  de  leur 
jaloulie  :    tantôt  en  les   faiiànt   tous  allembler , 
pour  être  les  témoins  d  un  iiagrant  dciiti ,  dans 
lequel  l'un  d'entre  eux  avoit  lui  pi  is  la  Déeilè  ià 
femme  ,  ôc  fui  lequel  il  y  en  eût  oui  Grent  àts 
reflexions   de    la   de'.n'cre  friponnerie  :     tantôt 
en   les    faiiànt  bG^iiv.nncr  iùr  la  dcm.arthe  boi- 
teufe  du  même  Dieu  ,    dont  le  deshonneur  leur 
fut   fi  viiible  ,   ou  fur  le  malheur  qui  ai  riva  à 
la  Jeune  Declîè  qui  leur  verlbit  à  boire  ,   de  iè 
laill'.r  tomber  avec  je  ne  fai  quel'.es  circonllan- 
czsy  dont  il  n'y  avoit  que  des  yeux  impudiques 
qui  fe  pufienr  divertir  ,    &  dent  jupitev  parut  fi 
hahe ,  qu'il  lui  ôta  fa  charge  fur  le  ch^mp;non 
ToKf},  L  L  pAS 


242.  Penfces  diverjès. 

pas  par  cette  raifon ,  car  il  aimoit  à  rire  Se  à  fè 
divertir  en  ce  genre  de  choies  ,  aufTi-bien  qu'un 
autre  ,    mais    parce  qu'il  vouloit  avoir  un  pré- 
texte d'avancer  le   beau  Ganymede  qu*il  avoit 
enlevé ,  pour  làtisfaire  l'amour  infâme  qu'il  lui 
portoit  :     tantôt  en    les  faifant  blefler  par  des 
hommes ,   6c  tantôt  en  les  faifànt  manquer  de 
mémoire  ,    5c  flier  d'enhan  à  comprendre  une 
difficulté  i     ce  qui  a  donné  occalîon  à  Lucien, 
de  feindre  que  Jupiter  demeura  tout  court  dans 
une  aflcmblée  des  Dieux  ,   8c  ne  put  jamais  iè 
rclTouvenir  du  commencement  de  la  harangue 
qu'il  avoit  préparée  ,   au  lieu  dequoi  il  leur  dé- 
bita par  une  aplication  aflez  violente ,  quelques 
périodes  d'une  oraifon   de  Demofthene  contre 
Philippe,    qu'il   fàvoit   par  coeur.    Je  confens 
qu'on  ne  juge  de  rien  fur  ces  autoritex-là  ,  puis 
qu'il  eft  certain  que  les  Poètes  fe  font  mis  en 
pofîèlTion  de  faliifier  tout  ,   Se  que  Ci  l'on  exa- 
minoit  à  la  rigueur  les  vers  de  nos  Poètes  Chré- 
tiens fur  d'autres  matières  ,  que  fur  des  fujets 
pieux  ,  à  peine  leur  re(leroit-il  un  Sonnet,  une 
Ode  ,  ou  une  Chanfon  ,   qui  ne  fu fient  pas  in- 
fectez d'hereiie  ,  d'impiete,  ou  de  flatcries  pro- 
fanes.    De  forte  que  nous  avons  intérêt  pour 
la  gloire  des  maximes  de  la    morale  Chrétien- 
ne ,  qu'on  ne  condamne  pas  une  Religion  fur 
ce  que  les  Poètes  ont  dit.    Et  plût  à  Dieu ,  que 
nous   n'euflions    à  nous   plaindre  que  àcs  vers 
profanes   de  nos  Poètes.     Car  le  grand  mal  efl 
que  leurs  vers  de  dévotion  font  fouvent  plus  de 
tort  à  l'Evangile  que  les  autres  ,   tant  ils  font 
pleins  d'extravagances ,   8c  de  ballèfiès ,    6c  de 
fixions  ridicules  ,  qui  au  lieu  d'honorer  la  Sain- 
te Vierge  8c  les  Saints  du  Paradis  ,  comme  on 
le  prêtent  ,  expofent  la  Religion  aux  infultes  6c 
aux  railieriçs  de  ceux  de  dehors. 


§,  CXXVI. 


^enfées  diverjès»  245 

§.    CXXVL 

Defordres  caufea  par  les  Foetes  Chrctiem. 

Le  Pape  Urbain  VIII.  qui  compofa  une  fort 
belle  Elégie  que  Ton  voit  à  la  tête  de  Tes  Poe-  ,  .  ^^^ 
mes  ,    pour  exhorter  les  Poètes  fès  confrères  à  [^^g^.  ^^^ 
faire  àts  vers  faints  &  pieux  ,    eil  aiîùrément  ftrema 
fort  louable.     Mais  il  eût  encore  mieux  fait ,  fi  corrupti 
au  lieu  de  leur  donner  cet  av  s  en  Poète  ,     il    ^^""  ^. 
leur  eût  défendu  en  qualité  de  fbuverain  Pon-  receofe-'* 
tife,  d'en  compofer  d'auties.     Et  comme  il  ne  banr^r 
pouvoit    pas   pratiquer  à  l'égard  de  tous  ,     ce  Poëts 
qu'il  pratiqua  contre  celui  qui  lui  avoit  prelente  ^'*'^'  ' 
un  Ouvrage  peu  digne  d  un  bon  Chrétien,  dont  ?roy^^.^ 
il  ccnfura  l'impud-nce  avec  tant  de  force ,    que  regruni 
ce  mifèrable  en  mourut  de  confuijon  }  il  devoit  Hcnrid 
interpoler    les  foudres  redoutables  du  \"arican,  -ihiinda- 
pour  arrêter  les  defordres   qui    naiflènt   de   k  j^n^'p'^"'■ 
Poèlîe.     Le  célèbre  Monir.  de  Thou  remarque  faoa'--iifi^ 
fort  judicieufêmcnt  ,    qu  aprèg  la  mort  de  Hen-  per  fœdas 
ri  IL  ceux  qui  preroient  la  liberté  de  dire  iès  adulacio-^ 
vcritez ,  ou  plutôt  qui  faifoient  la  revue  gcne-  ^-f L^J"^^*' 
raie  de  tous   les  defordres  de  fbn  règne  ,     ne    ^^,\^g^  ^" 
comptoient  pas  pour  un  des  moins  pernicieux ,  b!ancîa- 
le  grand  nombre  de  Poètes  dont  ia  Cour  avoit  b  ntur, 
été  pleine  ;  leurs  balles    fla:tteries    pour  k  Du-  i^|;^']ti^w 
chefîc  de  Valentinois  ,    fà  MaitrelTè  5   leurs  ba-  1''"..^'?"^- 
gateilcs  ,   qui  giua-ent  le  goût  des  jeunes  gens,  pj^rif  ue 
^  les  détournèrent  des  bonnes  études  5   5c  leurs  à  veris 
clianfons  tendres  6<:  pafl'ionnées  ,   qui  ruinèrent  ^'Jàiij  \zx 
dans    lame  des  jeunes  filles  toutes  les  imprel-  ^J^")^/^!' 
fions  de  la  pudeur.     Liiez  vous^-mémes  le  paf-  mb'e'x'^' 
fagc  de   (i)  iMonfr.  de  Thou  ,     fi  vous  m'en  vir-inum 
créiez  ;  car  je  fens  bien  que  mon  François  af-  an  mis 

L  2  foi-  ^''^''•'^  & 


veitcan- 


Jjfcvarum  camionum  ïïlecebraselixninaû.    Thi(a»,HtJ}*  Ub,  ii.  ad 


244  Penfées  diverps. 

fciblit  la  beauté  majeflueufc  de  iès  exprefTions', 

Mr.  de  Mezerai  s'accorde  parfaitement  en  cela 

(i)  Abre-  avec  l'autre  (i)  Hifrorien  ,    car  il  dit  ,      6)H'on 

j^^  Chro-     gi^f  pf^  IqjIqy.  Henri  IL  de  l'amour  des  belles  let- 

ann.  If -o.  ^^"  '  fi  ^^  dijjolution  de  fa  Cour  dut  on  fée  par  fan 

exemple  ,   rietit  tourné   les  plus  beaux  efprits  a 

compofer  des  Romans  pleins  de  vifons  extra'vagan- 

tes  ,   ô"  des  poefes  lafcives  pour  flater  l  impureté 

qui  tenait  en  main  les  recompenfes  ,    ^  pour  four' 

nir  des  amufemens  a  un  fexe  qui  veut  régner  en 

badinant, 

§.  CXXVII. 

^uel  était  le  culte  public  parmi  les  Faiens  ,   O* 
quel  leur  refpeôi  pour  la  tradition. 

Suivons  donc  le  confeil  de  cette  Reine  ,  (  î  ) 
dont  Virgile  a  fi  indignement  iàcrifié  l'hon- 
neur ,  finon  contre  la  vraiièmblance ,  du  moins 
{^)  Vos  contre  la  vérité  j  quittons  les  Poètes  ,  pour  en- 
niTis  _  ^  tendre  les  Hiilorîens.  Examinons  la  Religion 
Hiftoncis,  paienne  dans  fon  culte  6c  dans  iks  cérémonies, 
cred^te^^'  ^^'^^  Y  trouverons  tout  ce  que  j'en  ai  dit  ,  8c 
de  me,  tout  ce  que  j'en  ai  donné  à  penfer.  C'eft  là 
Qtjàm  qui  où  il  faut  chercher  les  erreurs  groffieres  des 
fiirra  Idolâtres  ,   fins  avoir  égard  à  l'opinion  de  quel- 

concTbi-  *1^^^  Philoiophes  ,  qui  outre  qu'ils  ont  été  en 
tufcue  trop  petit  nombre  ,  pour  faire  une  exception 
canunt,  confiderable ,  n'ont  jamais  ofé  reftifier  l'opinion 
Falficici  dominante  ,  de  peur  d'être  traitez  comme  So- 
vace^,  te-  qy2.x.q.  Et  pour  ce  qui  eft  des  gens  d'eiprit  Se 
cu^^crrm;-  ^^  '^^^^  ^^^^^  »  S^^  ^'^^^  ^^^^  PhiTofophes  ,  pou- 
re  vcnim,  voient  avoir  quelquefois  des  idées  moins  grof- 
Humarif-  iieres  de  la  Divinité  ,  il  ne  faut  les  compter 
que  Deos  pQm-  j-^^j^  •  ç-^^  comme  Ciceron  nous  le  repre- 
^jçjj^'p"j^  lente  fort  naïvement  en  la  pcrfonne  d'un  de 
aind  An-  ies  amis  ,  ces  gens-là  ccoutoient  avec  joie  les 
/Ôa/»»w.       raifonnemens  des  Phiiofophes  fur  la  nature  des 

Dieux  i 


Tenfées  diverjes,  245 

Dieux  '■>  mais  au  partir  de  là  ,   ils  faiibient  tout 
comme  les  autres  ,   Se  fuivoient  pour  les  cultes 
êc  pour  les  cérémonies  de  la  Religion ,  non  pas 
les  idées  d'un  Zenon  ,  d'un  Cleanthc  ,    &:  d  un 
Chrylippe ,  mais  la  tradition  toute  pure  ,  com- 
me ils  laprenoient  des  Augures  &  6q.s  Prêtres, 
fans  difputer  avec  eux.    (i)  ^uand  il  s'agit  de  /•jj  q>^^ 
la  Religion  ,    (c'eft  ainli  que  Ciceron  fait  parler  de  reli- 
Tun  de  ièr  amis)  j>  ne  m'ayrets  pas  a  la  doclri-  g'"ne  îçi- 
ne  de  Zenon  ,    ou  de  Cleanthe  ,  ou  de  Chrv.^iptei  \^'^  '  '^' 
mars  a  ce  qu  en  atje'tit  Les  Grands  j^onttjes  Corun-  ^^^^    p    . 
canus ,  Scipion  ,    (y>  Sc<gvola.     J-' écoute  aujji-bicn  Scipio- 
■^lutot  Ldius  l  Augure  dans  le  beau  Difcours  qu'il  nem ,  P. 
a  fait  fur  la  Religion ,  qu'aucun  des  Chefs  de  la  ^''^-^voiam 
Secie  des  Stoïciens .     fe  nai  jamais  crii  au  il  fa-     ^''■f'  ^^" 
lut  a%oir  du  mépris  pour  aucune  des  parties  de  la  ^q^  ^e- 
Religion   du  Feuple  Romain  ,   ^  je  me  fuis  7ms  nonem , 
dans  l'efprit,  que  nôtre  Republicpe  ^  nôtre  Reli-  auc  Cleaiv- 
gion  atant  été  fondées  en  même  tem:  ,  il  faut  que  th^m,auc 
nôtre  Religion  foit  aprouz/ée  des  Dieux  }    c:^r  fans  pu^ife- 
cela  nôtre  République  ne  fut  pas  devenue  fi  puif-  quorjha- 
fanùe.     Voila  quels  font    mes  fentimens.     Dites-  beoque  C. 
moi,  vous  qui  êtes  Philofophe,ce  que  vous  croiez,  Lslium 
(ar  c'ejl  d'un  Thilofophe  que  je  ne  fais  pas  dijf-  ^"gy^™» 
culte  d'entendre  la  raifon  de  'ma  foi  :    mais  pour  o^ç  f^- 
fe  qui  efl  de  nos  ancêtres  ,    je   m'en  fie   à.  eux  pientem , 
aveuglément ,  (fp  f^^^  qu'ils  me  donnent  aucune  quem  po- 
raifon  de  ma  créance.  ^'."^  ^"" 

Que  vous  lemble  de  cette  penfee  ,  Monfieur  ?  rén'gione 
Vous  n'oleriez  la  traiter  d'abfurde,  comme  fait  dicer.tem 
(2)  Laftance  j    car  elle  vous  fera  voir  que  lef-  iniliaora- 
prit  de  la  Religion  Catholique  ,   étoit  déjà  dans  ^^^^  "o- 
la  ville  de  Rome  avant  la  naifTance  de  Jésus-  ^||J''1"3» 
Christ  ,  puis  que  voilà  des  Romains  qui  de-  quam' 

L   3  cla-    principem 

Stojco- 

rum A    te   Phlloforbo  rationera 

accipere  debco  rffligionis  :  ma/'oribus  autem  noflris,  cciam  nuHâ  ra- 
tionc  reddita,  credwe.  Ciitr.'.  3.  denat,  Detrtim.  (2)  Divinar.  in- 
ûjtut.  1,  i.cap.6. 


Tenfées  Svcy^s. 
qu  a  la  vérité  \\s  ne  refuferont  pas  fes 


clarcnt 

éclaircilîcmens  des  Philolbphcs 

moins  ils 


mais  que  ncan- 
s'en  tiendront  aveuglement  à  la  tra- 
dition £c  à  la  coutume.  Je  iuis  bien  aife  que 
nous  puilfions  nous  prévaloir  de  cette  anti- 
quité contre  les  Calviniftes  ,  qui  ne  s'en  veu- 
lent raporter  qu'à  leur  propre  ièns  >  au  lieu  que 
les  Catholiques  ,  ;e  dis  même  les  Catholiques 
qui  ne  le  lignaient  pas  par  leur  dévotion  ,  & 
qui  croient  reconoîtrc  quelquefois  qu' 1  y  a  de  l'a- 
bus par  tout ,  &  que  les  Hérétiques  n'ont  pas- 
tout  le  tort  ,  en  reviennent  néanmoins  à  ce  re- 
fultat  ici ,  ou  en  tout ,  ou  en  partie , 

{i)  Le  meilleur  ejî  toujours  de  fui'vrt 
Le  Trône  de  mtre  Curé. 
Toutes  ces  docirines  nouvelleSi 
Ne  pUifent  quaux  folles  cervelles; 
Four  moi ,  comme  une  humble  brebis  l 
ye  VMS  ou  mon  Pajîeur  me  range:. 
Il  n'eft  permis  d'aimer  le  change  <, 
^ue  des  femmes  0*  des  habits. 

C'efl  imiter  figement  ceux  ,  qui  après  avoip 
frondé  la  Médecine  &  les  Médecins,  s'abandon- 
nent néanmoins  ,  dès  qu'ils  font  malades  ,  à 
tout  ce  que  leur  Médecin  leur  ordonne.  Nous 
ne  fomrnes  pas  venus  au  monde  (difoit  Mr.  de- 
Balzac)  pour  faire  des  loix  ,  mais  pour  obeïr  a, 
celles  que  nous  avons  trouvées ,  ^  nous  cmîtenter 
de  la  fa^ejfe  de  ws  pères  ^  comme  de  leur  terre  ^ 
de  leur  fokil.  On  pourroit  l'accufer  d'avoir  dé- 
robé cette  penfée  au  Paien  Ceciiius  ,  qui  dit 
fort  éloquemment  (2)  dans  le  Dialogue  de 
Minucius  Félix  :  ^ue  tout  étant  incertain  dans 


Fenfées  diverfiu  i^j 

l*  nature ,  il  n'y  a  rien  de  mieux  que  Je  s'en  te- 
nir  a  U  foi  de  fes  ancêtres  ,  comme  à  la  depo- 
fitaire  de  la  vérité  i  que  de  profejfer  les  Religions 
que  la  Tradition  mus  a  enseignées  j  que  d'adorer 
les  Dieux  que  nos  pères  0>  nos  mères  nous  ont  ac- 
coutwmez.  de  craindre ,  avant  que  de  nous  en  don- 
ner une  conoiffance  exa5ie;  ô"  1^^^  de  ne  point  dé- 
cider de  la  nature  des  Dieux  j  mais  de  nous  con- 
former aux  premiers  hommes  y  qui  ont  eu  l'hon- 
neur a  la  ïiaiffance  du  monde  ,  de  les  avoir  eu 
potcr  bienfaiteurs  ,  ou  pour  Rois.  Ce  principe  a 
tant  de  proportion  avec  les  idées  populaires, 
que  l'on  y  vient  tôt  ou  tard.  Les  Catholiques 
qui  ne  Tont  pas  voulu  admettre  ,  quand  les 
Païens  s'en  font  lèrvis  contre  la  Religion  Chré- 
tienne ,  n'ont  pas  laifîe  de  s'en  lervir  contre  les 
Novateurs  5  Se  c'eit  aujourd'hui  l'un  de  nos  pius 
forts  argumens  contre  les  Prétendus  Refer- 
mez. Ils  s'en  moquent  ,  mais  ils  y  viendront 
un  jour  ,  6c  s'en  lerviront  contre  tous  leurs 
Schifmatiques.  Peut-être  même  qu'ils  l'ont  dé- 
jà fait. 

§.  CXXVIII. 

^uil  faut  juger  d'une  Religion  par  les  cultes- 
qu'elle  pratique.  Réflexion  fur  le  livre  de  Mr. 
t'Evéque  de  Condom. 

Pd!ir  ce  que  j'ai  dit  ,  qu'il  faut  juger  de  k 
Rcli^on  Paienne  ,  non  par  les  impertinences 
des  Poètes  ,  ni  aulfi  par  les  beaux  dilcours  àts 
Philofophes  ,  mais  par  les  cultes  qu'elle  prati- 
quoit  fuivant  un  ufàge  Ibutenu  de  l'autorité  pu- 
blique i  pour  cela  ,  dis-je  ,  je  ne  croi  pas  que 
perfonne  le  doive  trouver  mauvais  ,  car  il  eft 
iûr  que  c'eil  uniquement  ce  qui  juflitie  ,  ou  ce 
qui  condamne  une  Religion  :  8c  c'efl:  aulfi  par 
k  que  les  anciens  Pères  ont  batu  en  ruine  le 
L  4  Pa- 


2/^S  Tenfées  diverfes. 

Paganifmc.  Mr.  de  Condom  lui- même  i  qui 
ne  Icnible  pas  aprouver  cette  méthode  ,  &  qui 
prétend  que  l'on  ne  uoit  imputer  à  la  Religion 
Catholique  ,  que  les  pures  decilions  des  Conci- 
^0  Dif-.  les  ,  n'a  pas  lailTe  (  i  )  d'imputer  à  la  Religion 
fur  l'Hlf-  Païenne  \^s  abus  qui  ^'^j  commettoient  publi- 
v'erf  ^'"'  S'J^'^^"^'  ^^  ^^  dcciJe  fur  ce  que  lès  myfteres, 
2.  part.  ^5  ^^'^^^  >  ^^s  fàcrifices  ,  les  hymnes  qu  elle 
ch.  j.  chantoit  à  lès  Dieux ,  les  peintures  qu'elle  con- 
làcroit  dans  les  temples  ■■>  tout  cela  avoit  rela- 
tion aux  amours ,  aux  cruautez  ,  <k  aux  jalou- 
lics  des  Dieux.  Il  la  décrie  fur  les  proititu- 
,tions  qu'elle  avoit  inflituecs  pour  adorer  la 
Décile  Venus  i  fur  ce  que  dans  les  afiàires  pref- 
fànics  les  particuliers  6c  les  Republiques  voiioicnt 
dits  Courti£ne5  à  Venus  ,  8c  attribuoicnt  le  là- 
lut  de  la  patrie  aux  prières  qu  elles  faifoicnt  à 
leur  Décide  ,  comme  il  paroît  par  le  tableau 
que  les  Grecs  mirent  dans  leurs  temples  après 
la  défaite  de  Xerxès  &  de  lès  formidables  ar- 
mées. Le  tableau  reprefèntoit  les  vœux  5c  les 
procelTions  de  ces  femmes  proftituées  ,  ôc 
contenoit  cette  infcription  ,  faire  par  Simoni- 
des  Poète  fameux  :  Celles-ci  ont  prié  la  Déeffe 
Venus ,  qui  pour  l'amour  d'elles  a  fauve  la  Crè- 
te. Le  même  Mr.  de  Condom  décrie  le  Pa- 
ganifme  fur  ce  qu'il  conlâcroit  à  ies  Dieux  les 
impuretez  du  Théâtre  ,  ôc  les  fanglans  fpeâ-a- 
cîes  des  gladiateurs j  c'eft- à-dire,  tout  ce  qu'on 
pouvoit  imaginer  de  plus  corrompu  8c  cfe  plus 
barbare j  ôc  il  le  moque  des  explications,  8c  des 
adouciilèmens  que  les  Philofbphes  aporterent.^ 
tout  cela  ,  quand  ils  eurent  à  foutenir  !es  ob- 
jeftions  des  Chrétiens.  11  ne  fait  point  grâce 
à  la  Religion  des  Juirs  ,  quoi  qu'il  avoue  que 
les  erreurs  qui  le  couloient  inicnfiblement  parmi 
le  peup'e  ,  Jieujfent  point  pajje  par  Décret  public 
en  dogme  de  la  Synagogue , 
U  araiibn:  mais  cela  même  fait  voir,  que  la 


Penfées  diverfis.  249 

îTiethode  qu'il  a  fuivie  pour  rendre  belle  5c 
agréable  la  Religion  Catholique  aux  Proteftans , 
elt  tout-à-tait  inlbutenable.  Car  que  nous  im- 
porte ,  diront- ils  ,  que  l'on  ne  trouve  pas  dans 
les  deciiions  des  Conciles  tous  les  abus  &  tou- 
tes les  fuperftitions  qui  nous  choquent  dans  l'E- 
glife  Romaine.  Pourveu  que  nous  volions 
qu'elles  font  autorilecs  publiquement  cc  foien- 
ncllement  ,  Se  qu'elles  compolènt  fon  culte, 
rrous  en  avons  allez  pour  nous  tenir  éloignez 
de  fa  Communion.  Les  Païens  n'eulTent  -  ils 
pas  pu  fe  défendre  par  la  même  voie  ?  Ne  pou- 
voient-ils  pas  dire  ,  que  ce  qu'on  leur  repro- 
choit  étoit  ûts  abus  où  le  peuple  éroit  tom- 
bé infcniiblement  par  la  connivence  des  Magif- 
trats  ,  8v  par  l'ignorance  ,  ou  par  l'avarice  des 
Prêtres:  mais  qu'on  ne  prouvcroit  jamais  ,  que 
tous  les  Collèges  des  Pontites  &  des  gens  d'E- 
giifè  duëment  alîèmblez  ,  eulîènt  décidé  telle 
choie  ?  Il  n'y  a  point  de  doute  que  les  Paiens 
n'euflènt  allégué  ces  exculès  ,  s'ils  eulîènt  eu 
un  elprit  aulîi  fin  que  Mr.  TEvêque  de  Con- 
dom.  Mais  que  leur  eût-on  repondu  ?  Que 
c'ell  fè  moquer  que  de  fe  détendre  de  la  forte  i 
qu'un  homme  que  l'on  prétendroit  engager  à 
s'établir  dans  une  ville  ,  ou  le  vol  ,  le  m.eurtrc, 
ëc  toutes  les  voies  de  fait  feroient  tolérées  pu- 
bliquement ,  en  lui  failànt  voir  qu'on  ne  trou- 
ve pas  dans  les  aftes  de  la  maifon  de  ville  au- 
cun ftatut  qui  ordonne  de  tuer  ,  ou  de  voler , 
auroit  grand'  vailbn  de  le  nioquer  de  cela.  Que 
m'importe  ,  diroit-il  ,  qu'il  y  ait  une  loi  du 
Magiltrat  qui  ordonne  le  meurtre  &  le  brigan- 
dage ,  ou  qu'il  n'y  en  ait  point.  Il  me  luîîit 
que  l'on  vole  &  que  l'on  tue"  impunément  dans 
une  ville  ,  pour  ne  vouloir  point  y  fejourner. 
Demeurons  d'accord  que  les  Hérétiques  peu- 
vent faire  la  même  reponfc  à  Mr.  FEvêque  de 
Condom  j  Se  qu'ainli  le  feul  <X  le  véritable 
L  5"  moicD 


250  fenfees  diverfis, 

moicn  de  dilculper  nôtre  Religion  ,  c'efl  de. 
montver  qu'elle  ne  tolère  1  icn  qui  ne  foit  bon  ;, 
&  que  non  feulement  les  decilions  des  Conci- 
les iont  orthodoxes  ,  mais  auûi  que  les  cultes , 
]es  uiàges  ,  8c  les  dogmes  autoriiez,  publique- 
ment ibnt  juftes  &c  faints. 

C'eft  ainii  que  parla  nôtre  Dofteur  ,  ajou- 
tant ,  qu'encore  qu'il  fût  bon  Catholique  ,  il  ne 
vouioit  pas  impoler  à  la  Religion  Paienne  une 
loi,  qu'il  ne  voulût  aufli  prefcrire  à  TEglife  Ro- 
maine ,  qui  efl  de  juger  de  leur  nature  par  les 
cultes  8c  par  les.  dogmes  autorifèz,  publique- 
ment :  8c  fur  ce  pied-ià  ,  il  trouvoit  qu  à  con- 
lîderer  les  Athées  par  raport  à  l'entendement, 
ils  ne  font  pas  dans  des  erreurs  plus  énormes 
que  les  Gentils.  C'efl:  de  quoi  je  dirai  encore 
quel(^e  chofe  en  un  autre  endroit. 

§.  CXXIX. 

i/ï  dffpofitioji  du  cœur  des  Athées  comparée  avee 
celle  des  Idolâtres. 

Si  l'on  regarde  les  Athées  dans  la  dilpofîtion 
de  leur  cœur  ,  on  trouve  que  n'étant  ni  retenus 
par  la  crainte  d'aucun  châtiment  divin,  ni  ani- 
mez, par  l'efperance  d'aucune  benediftion  ce- 
îelle  ,  ils  doivent  s'abandonner  à  tout  ce  qui 
flatte  leurs  pallions.  C'eft  tout  ce  que  nous  en 
pouvons  dire  ,  n'aiant  point  les  Annales  d'au- 
cune nation  Athée.  Si  nous  en  avions,  on  iàu- 
roit  jufqu'à  quel  f&cès  de  ciimes  iè  portent 
ks  peuples  qui  ne  rcconoifîènt  aucune  Divini- 
té-,, s'ils  vont  beaucoup  plus  loin  ,  que  ceux  qui 
en-,  ont  reconnu  un  nombre  innombrable.  Je 
croi  qu'en  attendant  une  Relation  bien  fidelie 
des;  mœurs  >  des  loix  ,  8c  des  coutumes  de  ces 
peuple?  que;  Ton  dit  qui  ne  profeilènt  aucune 
Rfiiigioû:,  oa  peut  aflliier  que  k&  Idolâtres  ont 


Tmfiei  diverjès.  i^ji 

fait  en  matière  de  crimes  ,  tout  ce  qu'auroient 
lu  faire  les  Athées.  On  n'a  qu'à  lire  le  dénom- 
brement qui  a  été  fait  par  (i)  Saint  Paul  ,  de  (i)  Epîft;. 
tous  les  defordres  où  les  Paiens  fè  font  jettez,  ad  Rom^ 
6c  on  comprendra  que  les  Athées  les  plus  opi-  ^^?*  '• 
niâtres  n'eullênt  pu  enchérir  par  deflus.  Et  ii 
on  lit  les  Hiftoires  profanes  ,  &  les  autres  mo- 
numens  qui  nous  relient  de  l'antiquité  ,  on 
verra  év^idemmenf  que  tout  ce  que  la  plus  bru- 
tale &  la  plus  dénaturée  paillardile  ,  la  plus  ef- 
frénée ambition  ,  la  haine  6c  l'envie  la  plus 
noire,  l'avarice  la  plus  infatiable  ,  la  cruauté  la 
plus  féroce,  la  perfidie  la  plus  étrange  peuvent 
làire  exécuter  a  un  Athée  profés ,  a  été  effe6li- 
vement  exécuté  par  les  anciens  Paiens,  adora- 
teurs de  preique  autant  de  Divinitez  ,  qu'il  y 
avoit  de  créatures. 

§.  cxxx. 

^ue  ceux  qui  ont  été  tres-mechans  farmi  ki 
Faiens ,  n'ont  pas  été  Athées. 

Et  qu'on  ne  me  difè  pas ,  que  ceux  qui  ont 
exécuté  CQs  crimes  parmi  les  Paiens  ,  étoient 
Athées  dans  l'ame  :  car  il  faut  railbnner  d'eux 
comme  des  Chrétiens  qui  iè  portent  à  ces  mê- 
mes crimes.  Il  ièroit  abiùrde  de  prétendre 
c^u'ils  ne  reconnoiiîênt  aucun  Dieu.  Cela  peut 
être  vrai  de  quelques-uns  ,  mais  il  eft  très-taux 
du  plus  grand  nombre  ,  comme  je  vous  le 
prouverai  invinciblement  avant  que  d'abandon- 
ner cette  queftion.  Ainfi ,  quand  il  fcroit  vrai 
qu'un  Tarquin  ,  qu'un  Catilina  ,  qu'un  Caligu- 
la,  qu'un  Néron,  qu'un  Hèliogabale , n'auroienc 
reconu  aucune  Divinité  ,  il  fcroit  abfurdc  d'af- 
fùrer  la  même  choie  de  tous  les  Romains  qui 
ont  été  meurtriers,  empoifonneurs  ,  parjures, 
calomniateurs ,  impudiques  ,  &c.  Il  ne  feroit 
Lé  ça& 


2  5^  Pcnfées  diverjès, 

pas  même  raiibnnable  de  l'airûrcr  du  cruel  Né- 
ron ,   puis  que  ;   fclon  le  témoignage  de  Sueto- 
(T)Pere-    ne,    (i)  il  nolà  point  alTifter  aux  myflcTes  de 
frinntione    Ceiès  ,    fâchant   que  1  on  avoit  de  coutume  de 
g" -cî       ^^"'^  ^''^^^'"  ^'^'^  ""  Héraut  ,  qu'aucun  impie  ,  ni 
E  c'ifir-iis     Iceieiat  n'eût  la  hardicllè  de  s'en  aprccher.  C'cll: 
UcMs,         une  preuve  évidente  qu'il  rcccnnoiflbit  une  juf- 
quorum       ti^e  mvilible  ,     8c  qu'il  étoit  pcrfuadé  qu'on  le 
ininatiore    commcttoit  avec   elle,   lors  que  1  on  meprilbit 
fceïera  i      Certaines  cerem-cnics  de  Religion.      Le   même 
voce  prz-  Suétone  (i)  nous  dit  que  Néron  étoit    perfe- 
conjs  ftib-  cuté  par  les  remors  de   ià   confcicnce  ,   éc  que 
movenrur,  j^g  fongcs  6c  les  prelages  de   mauvais  augure 
^''''^'^'„^,,,,  l'epouvantoient  quelquetois  ■-,     oue  les  bons  au- 
eft,  Sue-      gures  lui  donnoient  de    (3)  la   ]o:e  oc  qu  il  en 
tpn.  in         remerciait  le  Ciel  j   qu'aiant  (4)  été  inconftant 
Nnoa.        à  l'égard  des  autres  iùperintions  ,   il  pcrfevera 
'^P'  î4'       jufcues  à  la  fin  dans  le  culte  d'une  petite  im.a- 
^  .  ge  d'enfant  ,    à  laquelle   ii   facrinoit    trois  fois 

46.  par- jour.  Se  que  peu  avant  fa  ir^ort   il  «'attacha 

à  conlu'.ter  les  entrailles  des  \aaimes.     Il  n'e- 

(3)  Cap.     ^^'^  donc  point  Athée.    Pour  ce  qui  ell  de  Tar- 
41.  quin  ,   de  Catiiina  ,   de  Cahiguia  ,  &  d'He'.ioga- 

bale,  il  (èroit  aifé  de  prouver  qu'ils  ne  l'étoient 

(4)  Cap.     point  non  plus  j   ptis  que  le  premier   (5-)  cn- 
56*  voia  fes    propres  enfans  confaker   l'Oracle  de 

Delphes  ,  ilir  un  prodige  qu'il  avoit  vu  dans  fa 
•vms  ]\  ^"""'^^^^  '  ^  ^'-^^  ^^^  donnoit  beaucoup  de  cha- 
Dec' i.  *  gr''^-  Q^^  ^^  iècond  cûafàcra  (6)  une  petite 
chapelle  dans  fcn  logis  à  une  aigle  d'argent 
(6)  Qijam  pour  laquelle  il  avoit  une  grande  dévotion ,  fur 
vererari  tout  quand  il  lé  préparoit  à  quelque  m;curtre. 
ad  csedem  q^ç  \q  troilîéme ,  comm:e  je  lai  déjà  (7)  dit, 
folebas*^^^  cherchoit  à  fe  vangcr  des  injures  qu'il  croioit 
à  euin/  avoir  reçues  de  Jupiter.  Et  que  le  quatrième 
«Uanbiis  sen- 

fapèiftam 

deîfraçn  implam  ad  recem  cjylum  tran/îuiiftl.  Cictr,  Orat.   I,  m 
€afi^  (7)  Ci-delTus  pag.  230,  ^ 


Tr/ifeei  diverfes.  255 

s'entêta  Ci  fort  du  culte  du  Dieu   dont  il  avoit 
été  confàcré   Prêtre  ,     qu'il  fit    porter  dans  le 
temple  (i)  qu'il  lui  avoit  bâti  à  Rome  ,    tout  pridinsTn 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  iàcré  dans  les  autres.     Il  ejus  vica. 
diibit  même  qu'il  taloit  y  tranlporter  la  Reli- 
gion des  Juifs ,  Se  celle  des  Samaritains ,  £c  cel- 
le des  Chrétiens  ,   afin  que  le  culte  de  ce  Dieu 
renfermât  celui  de  tous  les  autres.     Il  lui  ailoit 
immoler  tous  les  matins   un  prodigieux   nom- 
bre  de  victimes.     Il  lui   facrifia    les   plus  (2)  ("2.)  Vo'ez 
beaux  enfans  qu'il  put  trouver    en  Italie  i     ëc  ^^^  f;./, 
pendant  que    les    Magiciens   (  3  )    immoioient  Rom. Lia. 
ces  jeunes  vi6limes>  il  faiibit  lès  prières  à  fbn 
Idole,    Se  regardoit  lui-même  les  entrailles  des  (5)  Omne 
hoiries  ,    pour  y  remarquer  les  prelages  de  fes  denique 
profperitez.     Tout   cela  prouve   ii  tortcment,  ^î'^&or^m 
que  ce  deteftable  monure  n'etoit  point  Athée,  far'"'-^';]^  ^" 
qu'il  neft  pas  beioin  d'alléguer  la  crédulité  qu'il  o"peraba- 
eut  pour  ceux  qui  lui  avoient  prédit  qu'il  mour-  turque 
roit  de  mort  violente.     Or  li  Néron,  h  Tar-  quocidie, 
quin  ,   fi  Catilina  ,  fi  Caiigula  ,   fi  Keliorabale  ^°'■""^= 
nont  pas  ete  Athées,  quel   droit   auroit-on  de  tiasagerte 
prétendre  ,     que  tous  ceux  qui  ont  mal  vécu  quod  ami- 
dans  le  Paganiime  ,    n'avoiefit  aucun  fèntiment  ços  coram 
de  Religion?  Ne  fè  rendroit-on  pas  ridicule,  fi  ^"vci'i^'et, 
V         ■   ■  1  '  •         •     ^  cum  in- 

ion  nioit  que  ks  mêmes  gens  qui  avoient  une  fpjcerec 

haine  horrible  contre   les  premiers    Chrétiens ,  exca  puc- 
etoient    ceux    qui    s'abandonnoient   à   tous  les  i^^Iia ,  & 
deregiemens  que  l'on  a  vus  dans  le  Paganiime?  V^^J^}^^^^ 
Et  lèroit-on  moins  ridicule  ,    ii  l'on   ibutcnoit   -^  -^sad 
que  les  villes  &   les    Provinces  entières   qui  lé  genrilem 
dechaînoient  avec  tant  de  rage  &  avec  tant  de  funm. 
cruauté  contre  les  Chrétiens  par  tout  l'Empire  Lampri- 
Romain  ,  n'avoient  aucune  Religion,  puis  qu'il  ^'"*  ^*"* 
cft  indubitable,    que  cette  fureur  des  Idolâtres  '°^'^  ' 
ne  venoit  ,    i.  que  de  leur  attachement  au  cul- 
te des  Dieux  ,    contre  lefqucis   ils   voioient  les 
Chrétiens  ii  animez,  :     2.  que  de  la  taullè  pen- 
iee  qu'ils  s'étoicnt  miiè  dans  l'eiprit ,    que  les 
L  7  "  Chrc- 


2  5*4  Penjees  diverfes. 

Chrétiens  étoient  la  caufè  de  toutes  les  calami- 
tez  publiques  ,  par  les  injures  qu'ils  faiibient 
aux  Dieux  ? 

§.  CXXXIv 

^uel  efc  l'effet  de  la  conotjfance  d'un  Dieu  parm'f 
les  nations  Idolâtres. 

Difons  donc  ,  que  quand  on  n'eil:  pas  véri- 
tablement converti  à  Dieu  ,  Se  qu'on  n'a  pas  le 
cœur  .fàndlifié  par  la  grâce  du  Saint  Efprit,  la 
Gonoifîànce  d'un  Dieu  6c  d'une  Providence  eit 
une  trop  foible  barrière  pour  retenir  les  pal^ 
lions  de  l'homme  ,  6c  qu'ainli  elles  s'échapent 
auflTi  licentieulèment  qu'elles  feroient  uns  cet- 
te conoiilànce-là.  Tout  ce  que  cette  conoif- 
iànce  peut  produire  ,  ne  va  guère  que  jufqu'à 
des  exercices  extérieurs,  que  l'on  croit  pouvoir 
reconcilier  les  hommes  avec  les  Dieux.  Cela 
peut  obliger  à  bâtir  des  temples  ,  à  làcrifier 
dts  vi6limes ,  à  faire  des  prières  ,  ou  à  quelque 
ehoiè  de  cette  nature  j  mais  non  pas  à  renon^- 
cer  à  une  amourette  criminelle ,  à  reftituer  un 
bien  mal  acquis ,  à  mortifier  la  concupifèence. 
De  ibrte  que  la  concupifcence  étant  la  iburce 
de  tous  les  crimes  ,  il  eft  évident  ,  que  puis 
qu'elle  règne  dans  les  Idolâtres  ,  aufli  bien  que- 
dans  les  Athées  ,  les  Idolâtres  doivent  être  auffi 
capables  de  fe  porter  à  toute  forte  de  crimes, 
que  les  Athées  :  5c  que  les  uns  6c  les  autres  ne 
Êuroient  former  des  focietez,  fi  un  frein  plus 
fort  que  celui  de  la  Religion  ,  lavoir  les  loix 
humaines  ,  ne  reprimoit  leur  perverfité.  Et 
cela  fait  voir  le  peu  de  fondement  qu'il  y  a  à 
dire  que  la  conoiflance  vague  6c  confuiè  d'une 
Providence  ,  eft  fort  utile  pour  affoiblir  la  cor- 
ruption de  l'homme.  Ce  n'ell:  pas  de  ce  côté- 
là  que  le  tournant  iês  uiàges  ;  ils  font  beaucoup 

glus> 


Tenfées  diverjès»  255 

plus  phyfiques  que  moraux ,  je  veux  dire  qu'ils 
tendent  plutôt  à  aflèdlionner  les  lujets  à  de- 
meurer en  un  certain  lieu  ,  8c  à  le  détendre  s'il 
eft  attaqué,  quà  les  rendre  plus  hommes  de 
bien.  On  n'ignore  pas  l'imprelTion  que  tait 
fur  les  eiprits  la  penfée  ,  que  l'on  combat  pour 
la  conlervation  des  temples  8c  des  autels  ,  & 
des  Dieux  Domeftiques,  fro  arts  é^focis;  com- 
bien on  devient  courageux  8c  hardi,  quand  on 
eft  preoc>cupe  de  l'eiperance  de  vaincre  par  la 
prote6tion  de  Tes  Dieux  ,  8c  que  Ton  eft  animé 
par  î'averîion  naturelle  que  l'on  a  pour  les  en- 
nemis de  ia  créance.  Voilà  proprement  à  quoi 
fervent  les  fauffes  Religions  par  raport  à  la 
confervation  des  Etats  8c  des  Republiques.  H 
n'y  a  que  la  véritable  Religion,  qui  outre  cet- 
te utilité  ,  aporte  celle  de  convertir  1  homme  à 
pieu ,  de  le  faire  combattre  contre  fes  paffions, 
&  de  le  rendre  vertueux.  Encore  n'y  reiiiTit- 
elle  pas  à  l'égard  de  tous  ceux  qui  la  profeA 
iènt.  Car  le  plus  grand  nom.bre  demeure  Cv 
engagé  dans  le  vice  ,  que  fi  les  loix  humaines 
n'y  mettoient  ordre  ,  tontes  les  focietez  des 
Chi-etiens  feroient  ruinées  bientôt.  Et  je  fuis 
fur  qu'à  moins  d'un  miracle  continuel  ,  une 
ville  comme  Paris  ,  feroit  réduite  dans  quinze 
jours  au  plus  trifte  état  du  monde  ,  fi  Tou 
n'emploioit  point  d'autre  remède  contre  le  vi- 
ce ,  que  les  remontrances  des  Prédicateurs  & 
des  C<Mîièfîèurs.  Dites  après  cela,  qu'une  foi 
vague  de  l'exiftcnce  d'un  Dieu  qui  gouverne 
toutes  choies  ,  eft  d  une  grande  efficace  pour 
mortifier  le  péché.  Aflurez-vous  plutôt,  iMon- 
fieur,  que  cette  Ibrte  de  foi  ne  met  les  Idolâ- 
tres au  deflus  des  Athces  ,  qu'à  l'égr^rd  de  l'af- 
fermiflèmcnt  de  la  Republique.  Car,  n'en  de- 
plailé  à  (  1  )  Cardan,  une  Ibcieré  d'Athées,  in-  ^^  'in- 
capable qu'elle  feroit  de  le  fervir  des  motifs  de  morcaJ, 
Keligioo  ppuy  fe  doimej:  d^  courage  ,    ièroit  animîB». 

bien 


z^6  Penfées  diverjèu 

bien   plus   facile   à  diffiper    qu'une  focieté  de 

gens  qui  fervent  des  Die^ix  :    &  quoi  qu'il  ait 

quelque  raifon  de  dire  que  la  croiance  de  Tim- 

mortalité  de  l'ame  a  caufë  de  grands  defbrdres 

(i)  Sum-     <^"ns  le  (  I  )   monde  par   les  guerres  de  Reli- 

musutrin-  gion  qu'elle  a  excitées  de  tout  tems,  il  cil  faux, 

que  Inde     même    à  ne   regarder   les   chofès  que  par   des 

°^uod    ^^^^  ^^  Politique  ,     qu'elle  ait   aporté  plus  de 

numina       ^n^^  ^^^  ^^  ^^^^  comme  il  le  voudroit  faire 

vicinorum  accroire. 

Odii  iiter- 

^^^^^^'^  §.    C XX XII. 

Satyr.  i  j.    ^^hie  les  Idolâtres  ont  furpa/Je  les  Athées  dans  le 
crime  de  leae-Majejîé  Divine. 

Mais  fi  les  Idolâtres  n'ont  fait  qu'égaler  les 
Athées  dans  la  plupart  des  crimes  ,  il  eil  cer- 
tain qu'ils  les  ont  iurpafïèz  dans  celui  de  leze- 
Majeilé  Divine  au  premier  chef     Car  outre  les 
façons  de  parler  infolemment  contre  Dieu,  qui 
fè  voient  dans  leurs  livres,  fans  qu'on  voie  qu'el- 
ks  aient  fiit  tdes   affaires  à   l'Auteur  ;     qui  ic 
(i)  Vide     voient  ,    dis-;e  ,    en  (i)  grand  nombre,    non 
Muret.        feulement  dans  les  Poètes  ,   mais  aufii  dans  des 
Orat,4.       Ouvrages   en  profè  ,      ne   fait -on  pas  que  les 
-^.  Païens  ont  dégradé  leurs  Divinités  ,   quand  ils 

en  etoient  mccontens  ?  Ne  fait-on  pas  qu'ils 
.  ont  renverfé  ,  ou  lapidé  leurs  temples  6c  leurs 
ftatuës?  Alexandre,  -qui  dans  la  première  jeu- 
nefîè  avoit  été  prodigue  d'encens  envers  les 
Dieux ,  jufqu'à  s'tn  faire  cenfurer  par  Ion  gou- 
verneur ,  Se  dont  le  foible  a  été  la'  luperftition , 
au  raport  de  Quinte  Curce  }  fut  li  outré  de 
colère  de  ce  qu'ils  avoient  laifie  mourir  EpheA 
tion  ,  que  non  content  de  leur  dire  des  injures, 
.  X  f.  il  fit  renverlêr  leurs  autels  &  leurs  fimulacres, 

rian.  1.7,    ^  s'acharnant  particulièrement  fur  Efculape  le 
cap.  s.       Dieu  de  ia  Médecine ,  (  3  )  commanda  que  fon 

tem- 


Tenfces  diverfa.  257 

temple  fût  brûlé.  Augufte  qui  étendoit  fes  dé- 
votions jufqu'à  Ton  oncle  Cefar  afiafilné  depuis 
peu,  6c  qui  pour  un  jour  fit  immoler  à  ce  nou- 
veau Dieu  alTàfliné  500.  peribnnes  d'élite  ,  ne 
fè  contenta  pas  ,  après  avoir  perdu  fa  flotte 
par  la  tempête,  de  s'écrier  ,  ^u'il  laincroit  en 
(dépit  de  Neptune i  mais  il  détendit  auffi  de  por- 
ter en  proceffion  l'image  de  ce  Dieu  ,  à  la  pro- 
chaine folennité  des  Jeux  Circenfes.  Suétone 
qui  nous  aprcnd  cela  ,  nous  raconte  ailleurs, 
que  le  jour  de  la  mort  de  Germanicus  ,  on  la- 
pida les  temples  ,  on  renverfa  les  autels  ,  8c 
qu'il  y  eut  cj^s  gens  qui  jetterent  par  la  fenêtre 
leurs  Dieux  Pénates. 

Les  (i  )  Japonnois  font  aujourd'hui  quelque  fi)  Am- 
choiè  de  tort  aprcchant ,    car  ils  ont  ^6^.  Ido-  b-^^''|^ 
les  deftinées  à  veiiier  fur  la  perfonnc  de  l'Em-  pagri^X's 
pereur,  lefquelles  on  m. et  en  iéntinelle  tour-à-  indesdes 
tour ,    chacune  pour  être  en  faftion  une  jour-  Provinces 
née  toute  entière.     S'il   arrive   quelque  mal  au  Unies. 
Prince,  on  s'en  prend  à  l'Idole  du  jour,  on  la 
fouette,  ou  on  la  bâ tonne,  &:  on  la  bannit  du 
Palais  pour  cent  jours.     Les  Chinois  qui  con- 
fultent  leurs  Idoles  fur  le  fuccès  de  leurs  afiài- 
rcs  ,   (ce  qui  fe  fait  en  jettsnt  devant  la  ftatuë 
les  deux  moitiez    d'un    petit  elobe   traverfées 
d'un  fil  ,    après  avoir  prononce    quelques  priè- 
res) &  qui  ne  rencontrent  pas  le  fort  favora- 
ble, fè  contentent  peur  la  (  2  )  pr entière  fois  de  C^)  ^a^ 
dire  mille  injures  à  leur  Dieu.    Après  cela  chan-  j^'^^j'^^^.  ' 
géant  de  ton  ,   ils  lui  adrefîent  mille  prières,  &:  ]^(,,5. 
jettent  encore  au  fort.  S'il  ne  vient  pas  tel  qu'ils 
le  fouhaitcnt  ,   alors  ils  ajoutent  aux  injures  les 
coups  de  foiiet,  le  Dieu  eft  traîné  dans  l'eau  &: 
dans  le  feu.     Après  quoi  viennent  encore  d'au- 
tres fuplications  :  8c  ainli  tour  à  tour  ils  frapent 
6c  ils  adorent  leur  Idole  ,  jufqu'à  à  ce  que  ks 
deux  moitiez  de  la  boule  tombent  du  Icns  qu'ils 
le  demandent. 

Je 


fi)rnCâe. 

iâribus 


(0  Plu- 
tarcfa.  in 

Demetr. 
Clemens 
Alex,  in 
protrept, 
sd  Gentes. 


25 §  Peyifées  diverfis. 

Je  trouve  encore  une  autre  forte  d'impiété 
fort  criante  dans  la  conduite  des  Paiens  ,  en  ce 
qu'ils  ont  afibcié  aux  Dieux  les  perfonnes  les 
plus  infâmes,  comme  Druiilia  ,  dont  le  com- 
merce inceftucux  avec  fon  frère  Caiigula ,  étoit 
connu  d'un  chacun  :  comme  Antinoiis  le  Gany- 
TCicàe  de  l'Empereur  Adrien  ,  auqnel  on  a  ren- 
du les  honneurs  divins  ,  non  feulement  du  vi- 
vant de  cet  Empereur,  mais  aulfi  plus  de  200. 
ans  après  :  comme  les  deux  Faufcines  ,  mère  ôc 
fille,  l'une  femme  de  1  Empereur  Antonin,  l'au- 
tre femme  de  Marc  Aurele  ,  toutes  deux  d'un 
libertinage  li  dercglé  ,  que  toute  ]a  ville  s'en 
fcandâiiia  ,  fur  tout  en  voiant  h  fille  indigne- 
ment proftituée  à  un  Gladiateur  ,  quoi  qu'elle 
eût  le  plus  honnête  homme  de  mari  qui  tût  su 
monde.  Tout  cela  n empêcha  pas,  que  le  mê- 
me peuple  qui  avoit  été  icandalil'é  de  la  mau- 
vaiiè  vie  de  ces  Impératrices  ,  ne  les  honorât 
comme  des  Déelfes  après  leur  raort,  par  une 
impieté  que  (  i  )  l'Eiripereur  Julien  reproche 
vertement  à  l'Empereur  Marc  Aurele.  La  ma- 
nière dont  les  Athéniens  rendirent  les  honneurs 
divins  à  (i)  Demetrius  ,  pendant  qu'il  étoit  le 
plus  in^ame  débauché  qui  fût  au  monde  ,  fur- 
palïè  toute  imagination. 

Voilà  des  crimes  que  les  Athées  ne  commet- 
tent pas ,  &  que  les  Idolâtres  commettent.  Et 
quels  crimes  Ibnt-ce  à  vôtre  avis  .?  Les  plus 
épouvantables  que  l'on  puiiTe  concevoir  ,  &  hs 
plus  accompagnez  d'un  jugement  injurieux  à 
la  Divinité.  Car  enfin,  faire  abatre  le  temple 
d'un  Dieu ,  en  punition  de  ce  qu  il  a  laiffé  pé- 
rir ua  homme  ,  n'eft-ce  pas  croire  que  Dieu 
eft  jufticiable  de  l'homme  j  que  Dieu  doit  agir 
non  pas  lèlon  ià  volonté ,  mais  félon  qu'il  plaît 
à  l'homme  ■■>  que  s'il  ne  le  fait  pas  ,  l'homme 
eft  en  droit  de  le  châtier  par  la  fupreffion  àç& 
honneurs  qu'on  lui  rendoiti   comme  quand  ua 

Prince 


Tenfees  diverjes.  ^55» 

Prince  punit  iks  lèrviteurs  en  les  dépouillant  de 
leurs  charges  ?  N'ell-ce  pas  cioiie  que  Dieu  eu 
mjulte,  ck  vjaon  peut  lai  raiie  dzs  amonts  im- 
punément ?  En  un  mot ,  n'eil-çe  pas  porter  le 
mépris  &:  1  iniolence  plus  loin  que  jamais  Athée 
n'a  fait  ?  Un  v^ihee  ne  rend  point  d'honneurs  à 
Dieu,  parce  qu  il  n'cit  point  perfuadé  quil  exis- 
te. S'il  abat  un  temple  ,  ij  croit  n'oneniq* 
aucune  Divinité.  Mais  an  Idolâtre  qui  Lit  Ja 
même  cholè  ,  refulè  des  lionneurs  à  un  Dieiî 
qu'il  reconoît ,  ôc  les  lui  icfuiè  aiin  de  1  oiïèn- 
fer.  Il  n'eit  pas  li  ignommie,  x  de  n'avoir  pas 
le  privilège  (i)  d'entrer  quelque  part  ,  que  d'en  /,>  tu^^ 
être  chaire  après  y  avoir  ete  leçu  j  donc  les  più?  ejici- 
Idolâtres  qui  abaient  les  autels  lur  quoi  ils  a-  tur ,  qnàm 
voient  làcnfié,  pèchent  plus  griev-ement  qu'un  "°"  !^^~ 


Athée. 

Prononcez.,  je  vous  prie,  fur  cette  queftion. 
Sjupclbns  deux  François  ,  dont  1  un  n-'oLeiroit 
lU  à  Louis  XI V.  ni  à  quelque  autre  Roi  que 
çe  fût ,  &  l'autre  meconoiîTanr  le  grand  Prince 
que  Dieu  nous  a  donné  ;  reconoîtroir  pour  Roi 
de  France  un  homme  de  peu  de  mérite.  A 
vôtre  avis  ,  lequel  de  ces  deux  hommes-la  of- 
fenlèroit  davantage  le  Roi  ?  Ce  fèroit  làns  dou- 
te le  dernier,  car  en  fait  de  rébellion  ,  le  pre- 
mier pas  eft  de  refufèr  i'obeiïTance  à  fon  Prin- 
ce légitime  j  mais  le  comble  de  la  felonnie  eft 
d'en  mettre  un  autre  en  ià  place  •.  8c  plus  celui 
qu'on  lui  fubilituë  eft  deftitué  de  mérite  ,  plus 
ofïènic-t-on  le  Prince  à  qui  l'on  doit  obeïr.  Un- 
Roi  qui  fè  voit  détrôner  par  lès  Sujets  ,  parce 
qu'ils  veulent  vivre  en  Républicains  ,  le  conlb- 
le  plus  aifément ,  que  s'il  les  voir  fè  choilir  ua 
autre  Monarque  ■■>  car  au  fécond  cas  ils  témoi- 
gnent que  ce  n'cft  point  la  haine  de  la  Monar- 
chie qui  les  fait  agir,  mais  la  haine  particulière 
qu'ils  ont  pour  leur  Souverain.  Il  n'eft  pas 
difficile  par  ces  conlidcrations  ,    de  connoitre 

que 


bofpes. 


z6o  Te^fth  divsrjès. 

■que  les  Idolâtres,  qui  au  lieu  d  adorer  lè'^crî- 
table  Roi  de  l'Univers  ,  lui  ont  fubflitué  un 
nombre  innombrable  de  Divinitez  chiméri- 
ques ,  ©nt  été' plus  injurieux  à  Dieu,  que  les 
Athées. 

Si  vous  joignez,  à  ceci  les  remarques  qui  ont 
été  déjà  faites  en  raportant  la  V.  raifon,  &  li 
TOUS  conliderez  que  la  déification  des  perfonnes 
infâmes  contient  ou  de  pareilles  cnormitez ,  ou 
de  plus  grandes  encoie,  vous  ne  douterez  point 
que  ridolatrie  Païenne  n'ait  été  pire  que  TA- 
theïfme . 

Je  ne  lài  même  ,  fi  je  ne  feroîs  pas  bien  de 
vous  prier  de  joindre  cette  confideration  à  tou- 
tes les  autres  ;  c'ell  qu'il  paroît  par  tous  les 
Oracles  des  anciens  Paiens  ,  que  le  Démon  n'a 
jamais  poufle  les  hommes  à  FAtheïfme,  8c  qu'au 
contraire  il  a  fait  tous  les  efforts  imaginables 
pour  entretenir  l'Idolâtrie  dans  leur  elprit. 
Quand  il  efl  queftion  de  conoître  les  divers  de- 
grez  du  péché  ,  il  me  ièmbie  que  le  Démon 
n'eft  pas  un  Juge  peu  compétent  j  &:  fi  quelque 
créature  fè  conoît  en  crimes  ,  c'eft  apurement 
celle-là.  Il  ièmble  donc,  que  puifque  le  Diable 
donne  la  préférence  à  l'Idolâtrie  ,  elle  eft  plus 
criminelle  que  l'irréligion.  Je  tiendrois  cette 
preuve  pour  demonftrative ,  n  je  ne  me  ibuve- 

(i)  Cl-      nois  de  la  raifon  que  j'ai  (  i  )  donnée  de  cette 

deffus         préférence. 

"•  "5*  Ce  qui  me  refte  à  vous  raporter  des  difcours 

de  nôtre  habile  homme  ,  un  peu  commentez, 
eft  trop  confiderable  &  trop  fcabreux ,  pour  ne 
me  pas  engager  à  prendre  quelque  repos  avant 
que  d'y  mettre  la  main.  Je  m'arrête  donc  ici 
pour  un  peu  de  tems. 

A,  ...  le  ç^,  de  Juillet  1681. 

§.  CXXXIII. 


Fenfées  diverfes,  16  x 

§.  CXXXIII. 

VII.  Preuve.    VAtheïfme  ne  conduit  pas  necef- 
fairement  k  la  corruption  des  mœurs. 

JE  reviens  à  vous,  Monileur,  6c  je  commen- 
ce par  vous  dire  ,  que  la  raifon  fur  laquelle 
nôtre  Dodeur  infifta  le  plus  amplement ,  fut 
celle-ci  i  que  ce  qui  nous  perfuade  que  l'Atheif- 
ine  cit  Je  plus  abominable  état  où  l'on  iè  puilîè 
trouver  ,  n'ell  qu'un  faux  préjugé  que  Ton  iè 
forme  touchant  les  lumières  de  la  confcience, 
que  l'on  s'imagine  être  la  règle  de  nos  allions, 
faute  de  bien  examiner  les  véritables  reflorts 
qui  nous  font  agir.  Car  voici  le  raifbnnemcnt 
que  Ton  fait.  L'homme  efl  naturellement  rai- 
fonnable  ,  il  n'aime  jamais  fans  conoître,  il  fe 
porte  neceilàirement  à  l'amour  de  fon  bon- 
heur ,  &;  à  la  haine  de  fon  malheur ,  &  donne 
]a  préférence  aux  objets  qui  lui  Semblent  les 
plus  commodes.  S'il  eil  donc  convaincu  qu'il 
y  a  une  Providence  qui  gouverne  le  monde,  6c 
à  qui  rien  ne  peut  échaper  ,  qui  rccompenfè 
d'un  bonheur  infini  ceux  qui  aiment  la  vertu , 
qui  punit  d'un  châtiment  éternel  ceux  qui  s'a- 
donnent au  vice  i  il  ne  manquera  point  de  iè 
porter  à  la  vertu  ,  6c  de  tuïr  le  vice ,  6c  de  re- 
noncer aux  voluptez  corporelles ,  qu  il  fiit  fort 
bien  qui  attirent  des  douleurs  qui  ne  finiront 
jamais  pour  quelques  momens  de  plaifir  qui 
les  accompagnent,  au  lieu  que  la  privation  de 
ces  plaifirs  paflàgers  eft  fuivie  d'une  éternelle 
félicité.  Mais  s'il  ignore  qu'il  y  ait  une  Provi- 
dence ,  il  regardera  lès  dclirs  comme  ià  der- 
nière fin  ,  6c  comme  la  règle  de  toutes  Ces  ac- 
tions :  il  Ce  moquera  de  ce  que  ks  autres  apel- 
lent  vertu  6c  honnêteté  ,  6c  il  ne  fuivra  que  les 
niouvcn3i£ns  de  ià  convoitife  :  il  fe  défera,  s'il 

■  peut. 


(t)  Si  gc- 
nus  huma- 
num  & 
mortalia 
temnitis 
arma, 
Ac  fpe- 
rate  Deo 
memores 
fancii  ac- 
que  ne- 
fandi. 
Virgit, 
c/£w.  I, 

(a)  Voiez 
Mr.  de 
Balzac 
Entrée  34. 
ch.  3. 

(3)  Thco- 
pompus 
apud  Po- 


l$t  Penjees  diverfis, 

peut ,  de  tous  ceux  qui  lui  déplairont  :  il  fera 
de  faux  fermens  pour  la  moindre  chofei  &;  s'il 
fe  trouve  dans  un  pofte  qui  le  mette  au  dcflus 
des  loix  humaines  ,  aufli  bien  qu'il  s'eft  déjà 
mis  au  defîus  àts  remords  de  la  confcience ,  il 
n'y  a  point  de  crime  qu'on  ne  doive  attendre 
dé  lui.  C'eft  un  monftre  infiniment  plus  dan- 
gereux que  ces  bêtes  féroces,  ces  lions  &  ces 
taureaux  enragez  dont  Hercule  délivra- la  Grè- 
ce. Un  autre  qui  n'auroit  rien  à  craindre  de  la 
part  des  hommes  ,  pourroit  être  du  moins  re- 
tenu par  la  (  I  )  crainte  de  fes  Dieux.  C'eft 
par  là  qu'on  a  tenu  de  tout  tems  en  bride  les 
paiîions  de  1  homme  :  6c  il  cft  fur  qu'on  a  pré- 
venu quantité  de  crimes  dans  le  Paganifme, 
par  le  ibin  qu'on  avoit  de  conferver  la  mémoi- 
re de  toutes  les  punitions  éclatantes  des  fcele- 
rats ,  6c  de  les  attribuer  à  leur  impieté ,  6c  d'en 
fupofer  même  quelques  exemples  ,  comme 
étoit  celui  qu'on  débita  du  tems  d'Augufte,  à 
Toccafion  d'un  (2)  temple  d'Alîe  pille  par  les 
foldats  de  Marc  Antoine.  On  difbit  que  celui 
qui  avoit  mis  le  premier  la  main  fur  l'image  de 
la  Déefïè  qui  étoit  adorée  dans  ce  Temple, 
avoit  perdu  la  vue  fubitement  ,  6c  étoit  devenu 
paralytique  de  toutes  \z^  parties  de  fon  corps. 
Angufte  voulant  éclaircir  le  fait  ,  aprit  d'un 
vieux  Officier  qui  avoit  fait  le  coup ,  non  feu- 
lement qu'il  s'etoit  toujours  bien  porté  depuis 
ce  tems-là  ,  mais  aufli  que  cette  aclion  l'avoit 
mis  à  fon  aile  pour  toute  fa  vie.  Tel  étoit  en- 
core ce  qu'on  debitoit  de  ceux  qui  avoient  la 
témérité  d'entrer  ,  malgré  la  defenfè  qui  en 
étoit  faite  ,  dans  un  temple  d'Arcadie  confacré 
à  Jupiter  ;  c'eft  (  3  )  que  leurs  corps  ne  fai- 
foient  plus  d'ombre  après  cette  aélion.  Apa- 
remment  i'hiftoire  de  la  mort  Jiibite  de  cet  En- 
voie des  Latins  ,  qui  avoit  parlé  irreveremment 
^u  Jupiter  des  Romains  en  plein  Scnat ,  fur  la- 
quel- 


Penfees  diverfes,  26*3 

quelle  Tite  Live  (  i  )  n'ofe  rien  avancer  de  po-  0)  î^^ara 

litif  ,a  caufc  qu'il  voioit  que  les  Auteurs  étoient  Jjj-J^'^^ 

partagea  là-delTus  ,    eft  une   femblable  fraude  apcè'ad 

pieufe.     Ces  fortes  de  choies  ,   vraies  ou  fauf-  reprafen- 

iès  ,   qui  faifoient  un  très-bon  effet  fur  l'efprit  t.-mdam 

d'un  Idolâtre ,  ne  ibnt  d'aucune  vertu  pour  un  ^1^^ 

Athée.    Si  bien  qu'étant  inacceffible  à  toutes  ces  fi^aTpof- 

confiderations  ,     il  doit  être  neceflàirement  le  func' 

plus  grand  2c  le  plus  incorrigible  fcelerat  de  Tit.Livini 

iUnivers.  ^f'-J- 


hb. 


§.  CXXXIV. 

^ue  V expérience  combp^t  le  raifonnemeyit  que  Von 
fait  ,  pour  prowver  que  la  comijfance  d'un 
Dieu  corrige  les  inclinations  vicieufes  de  l'hom- 
me. 

Tout  cela  efl:  beau  8c  bon  à  dire ,  quand  on 
regarde  les  choies  dans  leur  idée,  8c  qu'on  fait 
des  abftratlions  metaphyliques.  Mais  le  mal 
cft,  que  cela  ne  fè  trouve  pas  conforme  à  l'ex- 
périence. J'avoue  que  li  Ton  donnoit  à  devi- 
ner les  mœurs  des  Chrétiens ,  à  des  gens  d'un 
autre  monde ,  à  qui  l'on  diroit  fimplement  que 
les  Chrétiens  ibnt  des  créatures  douées  de  rai- 
ibn  8c  de  bon  fèns ,  avides  de  la  félicité,  per- 
fuadées  qu'il  7  a  un  Paradis  pour  ceux  qui 
obeilîènt  à  la  Loi  de  Dieu  ,  8c  un  Enfer  pour 
ceux  qui  n'y  obeïflcnt  pas  i  ces  gens  d'un  autre 
monde  ne  manqueroient  pas  d'aflûrcr  que  les 
Chrétiens  font  à  qui  mieux  mieux  pour  oblèr- 
ver  les  préceptes  de  l'Evangile}  que  c'ell  parmi 
eux  a  qui  le  fignalera  davantage  dans  les  œuvres 
de  milèricorde  ,  dans  la  prière  ,  8c  dans  l'ou- 
bli des  injures  ,  s'il  eft  poilible  ^ue  parmi 
eux  quelqu'un  Ibit  capable  d'oftcnlèr  fon  pro- 
chain. Mais  d'où  viendroit  qu'ils  ivioicnt  ce 
jugement  fi  avantageux  ?    C'eft  qu'ils  ne  confi- 

derc«» 


i6fi^  Penfées  diverfes, 

dereroient  les  Chrétiens  que  dans  une  \àiz  abi- 
traite  \  car  s'ils  les  coniideroicnt  en  détail ,  8c 
par  tous  les  endroits  qui  les  déterminent  à  agir , 
ils  rabatroient  bien  de  la  bonne  opinion  qu'ils 
en  auroient  eue  ,  8c  ils  n  auroient  pas  plutôt 
vécu  quinze  jours  parmi  nous  ,  qu'ils  pronon- 
ceroient  ,  que  dans  ce  monde  on  ne  le  conduit 
pas  lèlon  les  lumières  de  la  confcience. 

§.  CXXXV. 

Pourquoi  si  y  a  tant  de  différence  entre  ce  qu*o-a 
croit  Qr>  ce  qu'on  fait. 

Voilà  le  véritable  dénouement  de  cette  diffi- 
culté. Quand  on  compare  les  mœurs  d'un 
homme  qui  a  une  Religion  ,  avec  l'idée  géné- 
rale que  l'on  fe  form.e  des  mœurs  de  cet  hom- 
me ,  on  eil  tout  furpris  de  ne  trouver  aucune 
conformité  entre  ces  deux  choies.  L'idée  gé- 
nérale veut  qu'un  homme  qui  croit  un  Dieu, 
un  Paradis  8c  un  Enfer ,  fàiîê  tout  ce  qu'il  co- 
noit  être  agréable  à  Dieu ,  8c  ne  faflè  rien  de  ce 
qu'il  lait  lui  être  delàgreable.  Mais  la  vie  de 
cet  homme  nous  montre  qu'il  fait  tout  le  con- 
traire. Voulez, -vous  fa  voir  la  cauie  de  cette 
incongruité.?  La  voici.  C'eft  que  Ihomme  ne 
le  détermine  pas  à  une  certaine  action  plutôt 
qu'à  une  autre  ,  par  les  conoiilances  générales 
qu'il  a  de  ce  qu'il  doit  faire  ,  mais  par  le  juge- 
ment particulier  qu'il  porte  de  chaque  cholè, 
lors  qu'il  efl  lùr  le  point  d'agir.  Or  ce  juge- 
ment particulier  peut  bien  être  conforme  aux 
idées  générales  que  Ion  a  de  ce  qu'on  doit  fai- 
re, mais  le  plus  Ibuvent  il  ne  l'eil:  pas.  Il  s'ac- 
commode preique  toujours  à  la  pafllon  domi- 
nante du  cœur  ,  à  la  pente  du  tempérament,  à 
la  force  des  habitudes  contraflées ,  8c  au  goût 
ou  à  la  fenlibilité  que  l'on  a  pour  certains  ob- 
jets , 


Penfc'es  diverfis.  16^ 

jets.     Le  (  I  )  Poète  qui  a  tait  dire  à  Medee,    (i)  v\ie9 
Je  ijoi  ô'  j'éprouve  le  é^ie/i,  tnais  je  fais  letnal,   meliora 
a  parfaitement  bien  repiefentë  la  dilieience  qui  S^t'cr'^or** 
le  rencontre  entre  les  lumière^  de  la  conicicn-  fequor.' 
ce  ,     &  le  jugement  particulier  qui  nous  tait  Qv.d. 
agir.     La  conicience  conoît  en  gênerai  la  beau-  ^t^-^^»' 
te  de  la  vertu  ,    &.  nous  force  de  tomber  d  ac-  ^^*-  '^' 
co:d    qu'il   n'y  a   rien  de  plus  loiiable  que  les 
bonnes  mœurs.     Mais   quand  le  cœur  cil  une 
fois  poflcdé  d'un  amour  iliegitime  j    quand  on 
voit  qu'en  iàtisfaiûnt  cet  amour  ,    on   goûtera 
du  plailir  ,    Se  qu'en  ne  le  faîisfaifant  pas  ,  on 
le  plongera  dans  des  chagrins  &  dans   des  in- 
quiétudes   iniliportablcs  i     il  n'y  a  lumière  de 
conicicnce  qui  tienne  :   on  ne  coniùlte  plus  que 
la  pafHon  ,    ce  l'on  juge  qu'il   faut  agir  htc  ^ 
rmnc  contre  l'idée  générale  que  l'en  a   de  Ion 
devoir.     Ce  qui   montre  ,    qu'il  n'y  a  rien  de 
plus  fujet  à  l'illulion,  que  de  juger  àtz  mœurs 
d'un  homme  par  les  opinions  générales  dont  il 
eil  imbu.     C'eft. encore  pis  que  ii  l'on  jugcoit 
de  les  actions  par  iès  livres  ou  par  iès  haran- 
gues, qui  neanm.oins  Ibnt  de  fort  mauvais  ga- 
lans  àzs    inclinations   de  l'Auteur.      Car  que 
peut-on  voir  de  plus  grave  ,   que  les  plaintes  de 
Saiiuilie  contre  la  corruption  de  icn  liecle  ?   Les 
plus  lèveres  oblcrvateurs  de  l'ancienne  diicipli- 
i>e  n'eu  (lent    pas   mieux   dit.     Cependant  Sal-  ; 

lulle    n'etoit  •  pas   plus   làge  qu'un  autre.     Le 
Cenfeur  fut  obligé  de  le  reprendre  de  là  mau-  ,.  ç^^,^ 
vaife  vie  en  plein  Sénat:  (  2  )  il  fut  acculé  deux  noil.'"  * 
fois  d'adultère  devant  le  Prêteur  5  &  y  aiant  été  Artic 
furpris  par  Milon,  il  n'en  fut  quitte  que  pour  ^ib.  17. 
une  bonne  Ibmme  d'argent  ,     qu'i^  fut  obligé  ^'^P*  ^^* 
de  paier  après  avoir  eu  les  étrivieres.     Si  nous 
avions  la  harangue  que   Clodius  prononça  de- 
vant le  Sénat,  pour  le  plaindre  de  la  protàna- 
tion  des  chofes  faintes  ,    nous  y  verrions  ians 
doute  toutes  les   marques   d'une  grande  pieté. 


L 


l66  Penfees  diverfis. 

Se  beaucoup  de  ces  figures   de  Rhétorique  qui 

•repieicnrent  li  vivement  l'atrocité  d'une  adlion. 

Cependant  Clodius  n'ëtoit  rien  moins  que  zêié 
(î)  Cicero  pour  le  fervice  divin.  Il  le  (  i  )  vantoit  lui- 
deArufp.  même  d'avoir  été  foudroie  par  deux  cens  Ar» 
rcrponf.      j-^j-g  ^^  Sénat ,  pour  des  affaires  de  Religion ,  Se 

il  avoit  protané  les  myfteres  de  la  Bonne  DéeJlc 

avec  la  dernière  iniblence. 

§.  CXXXVÎ. 

^ue  l'homme  n'agit  ^ds  félon  fes  principes. 

Que  l'homme  foit  une  créature  raiibnnable, 
tant  qu'il  vous  plaira  j     il    n'en  eft  pas  moins 
vrai  ,    qu'il   n'agit  prefque  jamais  confequem- 
ment  à  lès  principes.      Il  a  bien  la  force  dans 
les  choies  de  fpeculation  ,    de  ne  point  tirer  de 
mauvaiies  conlèquences  ,    car  dans  cette  Ibrte 
de  matières  il  pèche  beaucoup  plus  par  la  faci- 
lité qu'il  a  de  recevoir  de  faux  principes ,  que 
par  les  faulTcs  conclufions  qu'il  en  infère.     Mais 
c'efl:  tout  autre  chofe  quand  il  eft  queftion  des 
bonnes  mœurs.     Ne   donnant   preique  jamais 
dans  de  faux  principes  ,    retenant  preique- tou- 
jours dans   là    conicience  les  idées  de  l'équité 
naturelle  ,    il  conclut   néanmoins  prefque  tou- 
jours à  l'avantage  de  {ks  delirs  déréglez.     D'où 
vient,  je  vous  prie  ,   qu'encore  qu'il  7  ait  par- 
mi les  hommes  une  prodigieule  diveriité  d'o- 
pinions touchant  la  manière  de  fervir  Dieu ,  8c 
de  vivre  lelon  les  loix  de  la  bienfeance ,  on  voit 
néanmoins   certaines  paflîons  régner  conllam- 
ment  dans  tous  les  pais  ,    £c  dans  tous  les  iie- 
cles  ?     Que  l'ambition  ,    l'avarice ,    l'envie  ,   le 
delîr  de  le  venger  ,    l'impudicité  ,    &  tous  le* 
crim.es    qui  peuvent   fatisfaire    ces    pafilons   le 
voient  par  tout  ?  Que  le  Juif  8c  le  Mahometan , 
le  Turc  ^  le  Mofe  ,   Is'CitfcticD  2c  l'Infidcle, 

yin- 


Tenfcei  diverps,  i6j 

rindîcn  &  le  Tartare  ,  1  habitant  de  terre  fer- 
me £v  1  habitant  des  Iles  ,  le  Noble  &  le  rotu- 
rier ,  toutes  ces  fortes  de  gens  qui  dans  le  rcftc 
ne  conviennent  ,  pour  ainii  dire ,  que  dans  la 
notion  générale  d'homme  ,  ibnt  fî  fcmblabîes 
à  l'égard  de  ces  paflîons  ,  que  ion  diroit  qu'ils 
ic  copient  les  uns  les  autres  ?  D'où  vient  tout 
cela,  iinon  de  ce  que  le  véritable  principe  des 
Notions  de  l'homme  ,  (j'excepte  ceux  en  qui  la 
grâce  du  St.  Eiprit  fe  déploie  avec  toute  foa 
€iîîcace)  nefl  autre  chofe  que  le  tempéra- 
ment ,  l'inclination  naturelle  pour  le  phifir ,  ic 
goût  que  l'on  contracte  pour  certains  objets , 
le  delir  de  plaire  à  quelqu'un ,  une  habitude  ga- 
gnée dans  le  commerce  de  fèsamis,  ou  quel- 
que autre  difpolition  qui  relulte  du  fond  de 
nôtre  nature  ,  en  quelque  pais  que  l'on  naiflè, 
îJc  de  quelques  conoilTànces  que  Ton  nous  rem- 
plillè  l'efprit  ? 

Il  faut  bien  que  cela  foit ,  puis  que  les  an- 
ciens Taicns  accablez,  d'une  multitude  incroia- 
ble  de  fuperftitions  ,  perpétuellement  occupez 
à  apailcr  la  colère  de  leurs  Idoles  ,  épouvantez 
par  une  infinité  de  pradige.s  ,  imaginant  que  Iqs 
Dieux  étoient  les  diipenfateurs  de  ladverfité 
^  de  la  profperité  ièlon  la  vie  que  1  on  menoit, 
n'ont  pas  laifTé  de  commettre  tous  \qs  crimes 
imaginables.  Et  11  cela  n'étoit  pas,  comment 
fèroit-il  polfible  que  les  Chrétiens  qui  conoif- 
{ènt  fi  clairement  par  une  révélation  icutenuè* 
de  tant  de  miracles  ,  qu'il  faut  renoncer  au  vi- 
ce pour  être  éternellement  heureux  ,  ôc  pour 
n'être  pas  éternellement  malheureux  j  qui  ont 
tant  d'excellens  Prédicateurs  paiez  pour  leur 
faire  là-dellùs  les  plus  vives  5c  les  plus  prelTan- 
tes  exhortations  du  monde  ;  qui  trouvent  par 
tout  tant  de  Direfteurs  de  confcience  zêlez  Se 
iàvans ,  &  tant  de  livres  de  dévotion  j  com- 
ment ,  dis-jc,  fcroit-il  poflible  parmi  tout  co- 
M  X  la. 


2^8  Venféei  diverfis. 

la  ,  que  les  Chrétiens  vêcufTent ,  comme  ils 
font  ,  dans  les  plus  e'normcs  deregîemens  du 
vice  ? 

§.  CXXXVII. 

Tourquoi  certaines  cérémonies  font   régulièrement 
observées.. 

A  la  vérité  ,  les  opinions  que  l'on  a  fur  Iç 
chapitre  de  la  Religion  &;  de  la  bienfeance, 
font  le  principe  de  certaines  chofes  qui  s'ob- 
fervent  régulièrement  parmi  les  perlonncs  de 
même  foi  ,  en  quelque  lieu  du  monde  qu'elles 
vivent  ,  &  parmi  les  perfonnes  qui  compofènt 
un  même  peuple ,  de  quelque  humeur  qu'elles 
ibient  d*ailleurs.  On  voit ,  par  exemple  ,  que 
les  Juifs  circoncifent  leurs  enfans  ,  &  gardent 
le  jour  du  Sabat  par  tous  les  endroits  du  mon- 
de où  ils  font  foufferts.  Autrefois  les  Perfès 
aprouvoient  les  mariages  inceflueux ,  6c  s'y  en- 
gageoient  fans  fcrupule  ,  non  feulement  lors 
qu'ils  demeuroient  en  Perfe  ,  mais  aulTi  lors 
qu'ils  s'iiabituoient  ,  5c  qu'ils  iè  multiplioient 
dans  les  pais  étrangers  ,  où  l'on  deteftoit  cet- 
te forte  de  mariages.  Ceux  au  contraire  qui 
étoient  d'une  nation  où  l'incefte  étoit  delàprou- 
ve  ,  ne  ic  marioient  pas  de  la  forte,  lors  même 
qu'ils  s'habituoient  parmi  les  Periès  :  Se  les  Per- 
les eux-mêmes  qui  avoicnt  embrafle  la  Reli- 
gion de  j  E  s  u  s-C  H  R  I  s  T ,  n'ëtoient  plus  capa- 
bles de  donner  les  mains  à  cz^  alliances  illicites. 
f2)  Apud  (i)  Eardefànes  fc  fcrt  de  cette  ccnfideration , 
Eufeb-  pour  réfuter  les  Aflrologues  dans  le  beau  traité 
rrxpar.  ^^^'j]  ^j.  contre  eux  ,  &  c'cll  aflurément  une 
}.6l"c.*8.  ^'-^^"^  bonne  raifon  à  propofer  contre  l'Aftrologie 
Judiciaire. 

Mais  cela  ne  détruit  point   ce  que  j'ai  dit, 
Cda  fait  voir  feulement ,    que  les  hommes  le 

cou- 


TenÇées  dlverfis»  i6g 

conforment  aux  loix  de  leur  Religion  ,  lors 
Qu'ils  le  peuvent  faire  iàns  s'incommoder  beau-  ' 
coup  ,  Oc  qu'ils  voient  que  le  mépris  de  ces 
loix  leur  feroit  funede.  Cefl:  à  caufc  de  cela 
que  les  Juifs  oblèr'/ent  leurs  fèces  &  leur  cir- 
conciiion.  Faire  circoncir  un  enfant  n'eft  pas 
une  opération  douloureufc  pour  le  père  ni 
pour  la  mère  ,  ni  qui  ait  ô^qs  fuites  dangereulès 
pour  l'entant.  Cela  n'empêche  pas  ni  le  père, 
ni  la  mcre  ,  d'amafîcr  du  bien  par  toute  forte 
d'inventions  ,  de  tromper  ,  de  calomnier  ,  de 
faire  l'amour  ,  8c  de  s'enivrer ,  fi  le  cœur  leur 
en  dit.  Et  s'ils  avoient  la  hardieflè  de  ne  pas 
obferver  la  cérémonie  de  la  circoncilion  ,  ils  fè 
feroient  excommunier  ,  8c  leroient  regardez 
comme  des  raonffcres  par  les  autres  Juifs.  .  On 
peut  dire  la  aiême  cliofe  de  l'obfervation  des 
fêtes.  Ceux  qui  s'en  difpenfent  ,  fè  puniflènt 
par  leurs  propres  mains  ,  non  ièulement  parce 
qu'ils  s'expofent  au  blâme  ,  à  la  cenfure  ,  8c  à 
des  amendes,  li  le  cas  y  écheti  mais  aulTi  par- 
ce qu'ils  fe  dérobent  le  te  m  s  le  plus  agréable  de 
la  vie.  Car  les  payions  de  l'homme  font  fi  inge- 
nieufes  à  fè  dédommager ,  qu'elles  trouvent  juf- 
ques  dans  les  chofès  que  l'on  avoit  deflinées 
contre  elles  ,  la  matière  d'un  grand  triomphe. 
Quoi  de  plus  commode  que  les  têtes  ?  On  ne 
travaille  pas  ,  on  met  fès  plus  beaux  habits ,  on 
danfè,  on  joue, on  boit, les  deux  fèxes  fè  trou- 
vent enfemble  i  pour  une  heure  ou  deux  que 
l'on  donne  à  Dieu  ,  on  en  donne  dix  ou  douze 
à  fcs  divcrtifTemens.  Voilà  fans  doute  une  im- 
portante vidloire  que  la  Religion  remporte  fur 
les  pallions ,  que  de  faire  obferver  ou  la  circon- 
cilion, ou  les  fêtes. 

Pour  les  jeCines  8c  les  abrrinenc.es  que  l'Eglifè 

nous  impofe  ,    j'avoue  qu'il  n'cft  pas  fi  ajfé  de 

les  pratiquer  ,    que  de  s'afTujettir  à  l'obfervation 

des  fêtes ,     8c  que  néanmoins  on  les  pratique. 

M  3  Mai5 


270  ^ytfées  diverfif. 

Mais  cela  vient  £ns  doute  ,  ou  de  ce  qu'on 
peut  les  pratiquer  ftns  préjudice  de  fès  paillons 
dominantes  ,  ou  de  ce  qu'on  trouve  peu-a-peu 
radrcllè  d'en  taire  évanouir  les  principales  in- 
commoditez  ,  ou  de  ce  qu'on  ne  veut  pas  paf^ 
fer  pour  profane  ,  ce  qui  eft  quelquefois  nuiii- 
ble  des  cette  vie.  On  s'abfticnt  tout  un  Carê- 
me de  manger  de  la  viande  :  oui,  mais  s'abf- 
tient-on  de  médire  de  fon  prochain  ?  S'abf^ 
tient-on  de  s'cnricliir  par  à^s  voies  frauduleu- 
iès  ?  S'abllient-on  de  voir  des  femmes  de  mau- 
vaiiè  vie  ?  Renonce-t-on  à  la  vengeance  ?  Point 
du  tout  ,  chacun  vit  en  ce  tems-ià  comme  à 
l'ordinaire ,  fi  ce  n'cft  qu'il  va  plus  fouvent  au 
Sermon  ,  2c  qu'au  lieu  de  faire  deux  grands  re- 
pas ,  &  de  manger  de  la  chair ,  il  fe  contente 
démanger  tant  d  autres  choies  à  midi,  qu'une 
collation  lui  fuffit  après  cela  pour  tout  le  refte 
de  la  Journée.  C'efî  ainii  qu'en  ufent  ceux  qui 
n'ont  pas  beaucoup  de  peine  à  furmonter  la 
gourmandife:  car  ceux  qui  y  trouvent  de  gran- 
des difficuitez  ,  ne  manquent  pas  de  recourir  à 
1  indulgence  de  leurs  Directeurs  ,  pour  avoir  h 
liberté  d'en  ulèr  comme  bon  leur  ièmblera.  Et 
après  tout  ,  il  n'y  a  point  de  jeune  fille  ,  qui 
pour  avoir  la  taille  plus  déliée  ,  ou  pour  épar- 
gner dcquoi  s'ach-ter  de  beaux  habits  ,  ne  re- 
nonce à  la  bonne  chère  plus  gaiement  ,  que 
h^  autres  ne  le  font  pour  obferver  \ts  préceptes 
de  l'Eglife. 

Ainli  demeurons -en  à  nôtre  maxime  ,  Se 
avouons  de  bonne  foi,  que  li  les  hommes  ob- 
ièrvent  plulieurs  cérémonies  en  vertu  de  la  Re- 
ligion qu'ils  profelTent  ,  ou  de  la  perluafion  où 
ils  font  que  Dieu  le  veut  ,  CQi\  parce  que  cela 
ne  les  empêche  pas  de  Satisfaire  les  paffions  do- 
minantes de  leur  cœur,  ou  même  parce  que  Ja 
crainte  de  l'infamie  ôc  de  quelque  châtiment 
temporel  les  y  engage.    Ou  bien  diibns  ,  que 


Penfées  diverps,  ijt 

s^ils  obfèrvcnt  régulièrement  plu&urs  cuites 
pénibles  8c  incominodes ,  c'eil  parce  qu'ils  veu- 
lent racheter  par  là  leurs  péchez  d'habitude ,  2c 
accorder  leur  conicience  avec  leurs  paiTions  fa- 
vorites 5  ce  qui  montre  toujours  ,  que  la  cor- 
ruption de  leur  volonté  eft  la  principale  railbn 
qui  \qs  détermine. 

Je  ne  m'étonne  pas  que  les  mariages  incef^ 
tueux  n'aient  pas  été  pratiquez  parmi  les  peu- 
ples qui  les  avoient  chargez  de  la  haine  oc  de 
i'ignominie  publique}  car  oui  efl  l'homme  qu'u- 
ne barrière  comme  ceile-la  ne  retienne  dans  le 
devoir  ,  pourveu  qu'il  ne  foit  pas  d'une  nation 
qui  juge  tout  autrement  de  la  chofe,  8c  qu'il  ne 
s'imagine  pas ,  comme  faifoient  aparemment  les 
Periès  ,  que  les  autres  nations  ne  iè  conoifTent 
pas  en  bienfeance?  Mais  pour  juger  li  les  Chre- 
tlfcns  s'interdifent  les  mariages  de  cette  nature, 
parce  que  Dieu  les  défend" ,  il  taudroit  conoîtrc 
ce  qu'ils  feroient  là-deflus ,  en  cas  que  le  Droit 
Civil  8c  le  Droit  Canon  leur  donnaflènt  pleine 
liberté  de  faire  ce  qu'ils  voudroient  :  car  dans 
l'état  où  font  les  chofcs  ,  je  ne  voi  pas  qu'on 
doive  lè  faire  un  mérite  devant  Dieu  ,  de  co 
qu'on  ne  fè  marie  pas  avec  là  fbeur.  Il  y  a  des 
peines  temporelles  aflez  terribles  contre  ce  dé- 
règlement ,  pour  en  être  détourné  iàns  que  la 
confcience  s'en  mêle.  Si  le  Droit  Civil  8c  le 
Droit  Canon  laillbicnt  la  cholè  à  nôtre  liberté, 
il  efl:  fort  probable  qu'on  ne  s'en  feroit  pas  un 
plus  grand  fcrupule  que  de  l'adultère ,  dont  tant 
de  gens  font  coupables  i  quoi  que  ce  foit  un  des 
plus  grands  crimes  du  monde. 


M  4.  §.  CXXXVIIL 


-r 


j  -  Psnfees  divcrjcs, 

§.   CXXXVIII. 

J.xemple  qui  prouve  que  les  opinions  ne  font  pas  la 
règle  des  actions. 

Ce  fcroit  un  travail  infini ,  que  de  s'amufcr  a 
éclaircir  toutes  les  objedlions  que  l'en  peut  faire 
contre  cette  cjoftrinej  car  Teiprit  humain  étant 
capable  de  toutes  les  bizarreries  imaginables,  on 
ne  pofera  jamais  de  règle  iur  fon  fujet,  qui  ne 
ioLirlre  mille  exceptions.  Ce  qu'il  y  a  donc  à 
iaire  ,  c'eft  de  s'en  tenir  à  ce  qui  arrive  le  plus 
ibuvent ,  fàvoir  que  ce  ne  font  pas  les  opinions 
générales  de  l'efprit ,  qui  nous  déterminent  à  a^ir, 
mais  les  pajficns  prefentes  du  cœur.  En  effet ,  li 
un  Chrétien  ivrogne  6c  impudique  s'abUenoit  de 
dérober  ,  paiTe  qu'il  fait  que  Dieu  a  defenduiie 
larcin  ,  ne  s'ablliendroit-il  pas  aulTi  à(^^  deux 
autres  crimes  ,  qu'il  iàit  que  Dieu  a  défendus? 
Et  s'il  ne  s'abftient  pas  des  deux  premiers,  mais 
Seulement  du  larcin ,  n'eft-ce  pas  évidemm.ent  , 
ou  parce  qu'il  craint  l'infamie  oc  le  fupiice,  ou 
parce  qu  il.  n'efl:  point  avare,  ou  en  gênerai  par- 
ce que  le  tour  de  Ton  elprit  ne  lui  fait  trouver 
aucun  charme  à  dérober  ?  Encore  un  coup,  fi 
les  lumières  de  la  confcience  étoient  la  raifon 
qui  nous  détermine  ,  les  Chrétiens  vivroient-ils 
auQi  mal  qu'ils  tbnt  ? 


5.  CXXXIX. 


Vtnfies  diverfis.  i  7  3 

§.  CXXXIX. 

^u'o?2  ne  feut  pas  dire  ,  (^He  ceux  qui  ne  vive^it 
pas  félon  les  maximes  de  leur  Keliiion  ,  ne 
croie/7 f  pas  qu'il  y  ait  un  Dieu. 

I.     Preuve  de  cela  ,    tire'e^de  la  vie  des 

foldats. 

ON   ne  peut   pas  me  repondre  ,    que  les 
Chrétiens  qui  ne  vivent  pas  ccntbrmc- 
ment  aux  principes  de  leur  Religion  ,   ne  Ibnt 
pas  perfuadcz  de  nos  myfleres  ,    6c  que  ce  font 
autant  d'Athées  cachez.     Car  outre  que  ce  lè- 
roit  multiplier   terriblement  \ç.^  Athées  ,    con- 
tre le  fentiraent  de  pluiieurs  célèbres  Auteurs, 
qui  ne  croient  pas  qu'il  y  ait  jamais  eu  homme 
pleinement  periliade  de  i'Atheïfme  i    qu'y  a-t- 
il  de  plus  infoutenable  ,    que  de  ranger  parmi 
\(is  Athées  tous  ces  fbldaîs  Chrétiens  qui  com- 
mettent  des   dcfordres   inouïs  ,     lors  qu'ils  ne 
font  pas  tenus  fous  une  fevere  difcipline  ?   Les 
doutes  lur  l'exiftence  de  Dieu  ne  tombent  gue- 
rcs   dans  ces  âmes -là.     Ce  n'ell  pas  le  detàut 
du  peuple.  11  efl  trop  fot ,  pour  fe  lailfer  trom- 
per en  ces  cholès-Ià  par  un  habile  homme.     Il 
ne  demande  (i)  que  du  pain  Se  ào.^  divertifle-  (i)  Du«s 
mens  ,   8c  n'a  nullement  l'ambition  de  rechcr-  cincùm _ 
cher  s'il  a  tort  de  reconoître  un  fouverain  Mai-  ''^^  ^nxm* 
tre  de  toutes  choies.     Ceux  qui  donnent,    ou  panem  8c 
dans  le  Deïfme  ,   ou  dans  cette  forte  de  dou-  circenfes, 
tts ,  prétendent  au  bel  efprit  ,    &  s'apeUent  par  'Jnven. 
excellence  ,    Us  efprits  forts.     Ils  font  très-mal  '^-'O"'-  »«» 
fondez  ,   je  lavouë,   &  il  feroit  facile  de  leur 
montrer,    qu'il  n'y  a  rien  de  plus  foible,  ni  de 
plus  deraifonnable  ,    que  le    caraftere  de  leur 
efprit.     Mais  quoi   qu'il  en   foit ,    ce  ibnt  des 
gens,  pour  l'ordinaire,  qui  font  plus  de  cas  d« 
M  ^  leur 


2  74  Tenfeei  diverfès, 

leur  efprit ,  que  de  leur  corps  ■■>   au  lieu  que  les- 

ibldats  &    les    voleurs  des   grands    chemins  ne: 

fbngent  qu'à  leur  corps  ,    ^  ne  font  mechans^^ 

que   par  le   corps  ,     s'il  eft   permis  de  parles 

ainli. 

Il  eft  certain  d  ailleurs  ,  que  de^  foldats  qui 
ne  refpirent  que  le  iàng  &:  le  carnage,  8c  qui 
pour  peu  qu'on  les  lailîè  faire  ,  mettent  bien* 
tôt  dans  la  dernière  defolation  le  pais  ami  , 
aufl]  bien  que  le  pais  ennemi  ,  font  tort  fufcep- 
tibles  du  zèle  de  Religion  :  car  li  on  les  lâche 
contre  un  peuple  de  différente  croiance  ,  Se  11 
on  \ç.s  anime  par  ce  grand  motif,  on  voit  que 
leur  courage  va  fouvent  jufqu'à  la  fureur  ,  8c 
qu'ils  ne  regardent  plus  les  violences  qu'ils 
commettent  ,  que  comme  des  a6les  de  pieté. 
On  voit  qu'ils  conçoivent  une  haine  implaca- 
ble contre  ceux  qui  ne  font  pas  de  leur  Se^lci 
Se  qu'ils  fe  feroient  un  fcrupule  de  faire  leurs 
dévotions  avec  eux.  Grande  preuve  quils  n'ab- 
jurent pas  intérieurement  le  Ckriltianifmc  > 
ior?  qu^ils  le  portent  à  tous  les  crimes  qu'ils 
commettent. 

§.  CXL. 

II.    Preuve,  tirée  des  defordres  des  Croifades.. 

OSeroit-on  dire  ,  que  les  Chrétiens  qui  fe- 
croifoient  pour  l'expédition  de  la  Terre 
Sainte  ,  n'avoient  aucune  Religion  ■,  eux  qui 
quittdent  leur  patrie  ,  pour  aller  faire  la  guer- 
re aux  Infidèles  j  eiix  qui  croioient  voir  des. 
Anges  8c  àçs  Saints  à  la  tête  de  leurs  armées  y  , 
mettre  en  fuite  les  ennemis  ■■,  eux  qui  ne  par- 
îoieiii:  que  de  prodiges  Se  que  de  miracles  ?  Il 
feudroit  avcHr  perau  le  fens  pour  foupçonncr 
d'Atheifme  des  gens  comme  cela  ,  qui  cepen- 
dant comnettoieat  ki  plus  cfirçiables  defor- 
dres 


Venfées  dtuerjes\  lj<^ 

dics  dont  on  ait  jamais  ouï  parler  ;  de  forte 
que  les  Chrétiens  qu  ils  alioient  défendre  , 
avoient  autant  de  haine  pour  eux  ,  que  pour 
hs  Turcs  &  les  Sarrazins.  Les  Croifades  font 
afllirément  un  des  beaux  ■  endroits  du  Chriflia- 
nifmej  mais  elles  ont  un  revers  qui  n'eft  guè- 
re avantageux.  D'un  côté  les  Chrétiens  d'O- 
rient iè  ibnt  lervis  de  la  plus  noire  6c  de  la  plu> 
dcloialc  trahilbn  qui  le  puillè  ,  pour  perdre  les 
Chrétiens  d  Occident  qui  alioient  à  leur  jfe- 
cours  :  6c  ceux-ci  de  l'autre  ,  ont  commis  deS' 
excès  épouvantables  en  toutes  manières.  Re- 
marquez, bien ,  je  vous  prie  ,  que  je  ne  pretenS' 
pas  nier  ,  qu'encore  que  les  Croiûdes  fuflènt 
une  cntreprilè  de  dévotion  ,  il  n'ait  pu  y  avoir 
àcs  Athées  qui  en  voulurent  être  ,  foit  pour  ic' 
faire  loiier  ,  foit  pour  éviter  le  reproche  de 
poltronnerie  ,  ou  même  celui  d'irréligion ,  Ibit 
pour  Satisfaire  leur  inclination  beiliqueuie  ,  oa 
leur  ambition,  ou  leur  curiofité,  Ibit  enfin  pour 
commettre  mille  defordres.  Je  fuis  pcrfuadé 
qu'on  peut  faire  par  àcs  motifs  d'amour  propre 
tous  les  exercices  extérieurs  de  la  pieté  ,  quel- 
que pénibles  qu'ils  puillent  être.  Voici  donc  ce 
que  je  dis  j  c'ell:  que  la  plus  grande  partie  des^ 
Croiiez  étoient'des  gens  que  les  Prédications  8c 
les  Indulgences  avoient  animez,  à  cette  entre-- 
priie  ,  6c  qui  afTûrément  n'abjuroient  pas  leur 
Religion  dans  l'ame,  lors  qu'ils  s'abandonnoienf 
à  commettre  tous  les  ravages  qu'ils  commet- 
îoient. 

§.    CXLI. 

"Réflexion  fur  ce  c^ue  quelques  Infidèles  ont  obje&é 
aux  Chrétiens  ,  que  leur  Religion  n^efi  propre 
qu  a  faire  des  lâches. 

En  parlant  de  la  licence  de  nos  foldats ,    Se 
M  6  des- 


\j6  Tenfees  diverfes, 

des  dcfordres  que  nos  Croifèz  ont  comirvis  ï 
la  vue  dQ5  Infi'JcIcs  ,  je  ine  fuis  Ibuvcnu  qu'on    • 
a  quelquefois    objedlé  aux   Chrétiens  ,   que  les 
principes  de  l'Evangile  ne  font  point  propres  à 
la  conlervation  du  bien   public  ,     parce  qu'ils 
énervent  le  courage ,  6c  qu'ils  infpirent  de  l'hor- 
reur pour  le  fang  ,    6c  pour  toutes  les  violences 
de   la  guerre.     Je   n'csaminerai   point  fi  cette 
objedtion    efi:   auiTi   mcprifable    qu'on   la  taiti* 
jîiais  je  dirai  bien ,  qu'on  ne  peut  pas  y  repon- 
dre plus  mal,  qu'en  difànt  ,  comme  font  plu- 
sieurs, qu'on  n'a  qu'à  confulter  l'expérience,  3c 
qu'on  verra   qu'il   n'y  a  point  de  nations  plus 
bclUqueufes  ,    que  celles  qui  font  profelTion  du 
ChrifcianiHxie.     Cette     reponlè    eft    pitoiable , 
parce  qu'elle  ne  fèrt  qu'à  montrer  que  les  Chre>- 
ticns  ne  vivent  pas  lèlon  leurs  principes  :     au 
lieu  que  pour  bien  repondre  ,    il  faudroit  dire, 
qu'en  fuivant  l'efprit  de  leurs  principes  ,     \ç:s 
Chrétiens   doivent   être    de  très -bons  Ibldats. 
Mais  peut-on  dire  cela  ,     fi  l'on  cft  de  bonne 
foi  ?     Ne  faut-il  pas  convenir ,  que  le  courage 
que  l'Evangile  nous  infpire,  n'eft  point  un  cou- 
rage de  meurtre  6c  de  violence,    comme  celui 
de  la  guerre  ?     Le  courage  Evangclique  ne  va 
qu'à  nous  faire  meprifer  les  injures  6c  la  pau- 
vreté, la  perfecution  des  Tyrans  ,    les  priions, 
îes  roues ,  les  chevalets  ,  6c  tous  les  fuplices  du 
martyre.     Il  eft  propre  à  nous  faire  braver  par 
une  patience  héroïque  ,     la  rage  la  plus  inhu- 
maine des  perfècuteurs  de  la  foi.     Il  nous  rei?- 
gne  à  la  volonté  de  Dieu  dans  les  maladies  les 
plus  aiguës.     Voilà  quel  efl  le  courage  du  vrai 
Chrétien.     Cela  fuffit  ,   je  l'avoue,  pour  con- 
vaincre les  Infidèles  ,    que  nôtre  Religion  n'à^- 
mollit  point  le  courage  ,     6c  n'irbfpire  point  la 
poltronnerie.     Mais  cela  n'empêche  pas  ,   qu'ils 
ne  puilTent  dire  avec  raifon  ,    qu'en  prenant  le 
TCiQt  de  courage  au  fens  qu'on  le  prend  dans 

le 


V  en  fée  s  dh'ârjes,  277 

îc  monde  ,  l'Evangile  n'elt  point  propre  à  en 
donner.  On  entend  par  un  homme  courageux, 
un  homme  qui  cft  fort  délicat  iur  le  point 
d  honneur  ,  qui  ne  peut  ibufrir  la  moindre  in- 
jure ,  qui  fè  venge  avec  éclat ,  &  au  péril  de  fà 
vie  ,  de  la  moindre  ofïenfe  qu'on  lui  ait  faites 
qui  aime  la  guerre  ,  qui  va  chercher  les  occa- 
lions  les  plus  perilleufes  pour  tremper  Ces 
mains  dans  le  fang  des  ennemis  ,  qui  a  de  l'am- 
bition ,  qui  veut  s'élever  par  dellus  les  autres. 
Il  faudroit  avoir  perdu  le  fens  ,  pour  dire  que 
les  confeils  8c  les  préceptes  de  J  e  s  u  s-C  h  r  i  s  t 
nous  infpirent  cet  efprit-là  ;  car  il  ciï  de  noto- 
riété publique  à  tous  ceux  qui  iàvent  les  pre- 
miers élemens  de  la  Religion  Chrétienne ,  qu'el- 
le ne  nous  recommande  rien  tant  que  de  fou- 
frir  les  injures ,  que  d'être  humbles,  que  d'ai- 
mer nôtre  prochain  ,  que  de  chercher  Ja  paix, 
que  de  rendre  le  bien  pour  le  mal  ,  que  de  nous 
abftcnir  de  tout  ce  qui  fènt  la  violence.  Je  dé- 
fie tous  les  hommes  du  moixie ,  pour  û  experts 
qu'ils  puifîènt  être  en  i  art  militaire  ,  de  faire 
jamais  de  bons  foldats  d'une  armée  ,  où  il  n'y 
auroit  que  des  perfonnes  refoluës  de  fuivre 
pondluellement  toutes  ces  maximes.  Tout  le 
mieux  qu'on  en  pourroit  attendre  ,  'lèroit  qu'ils 
ne  craindroient  point  de  mourir  pour  leur  pais, 
&  pour  leur  Dieu.  Mais  je  m'en  raporte  à  ceux 
qui  lavent  la  guerre  ,  fi  cela  fuffit  pour  la  qua- 
lité de  bon  Ibldat  ,  8c  s'il  ne  taut  pas  quand  on 
veut  reiiiVir  en  ce  métier  faire  tout  le  mal  que 
l'on  peut  à  l'ennemi  ,  le  prévenir  ,  le  furprcn- 
dre ,  le  paflèr  au  fil  de  l'epée  ,  brûler  {es  ma- 
eazins  ,  Taffemer  ,  le  faccager.  On  feroit  de 
beaux  exploits  avec  des  gens  qui  auroient  la 
confcicnce  toute  pleine  de  fcrupules  ,  8c  qui 
voudroient  confulter  un  Cafuifle  à  tout  mo- 
ment ,  pour  favoir  s'ils  font  dans  le  cas  où  il 
eft  permis  de  tuer  ,  d'exécuter  un  ordre  qix: 
M  7  loû 


p»rc.  4. 


27^  Fenfées  diverfih 

l'on  croit  injullc  ,  de  mettre  le  feu  à  un  villa- 
ge ,  de  piller ,  &c.  Le  Maréchal  de  Biron  le 
lèroit  bien  aceommodé  de  fèmblables  troupes^ 
lui  qui  caflà  un  Capitaine  ,  qui  avoit  voulu 
prendre  ics  précautions  contre  les  recherches 
des  Procureurs  Généraux  du  Roi.  Etes-vous 
Çi)  Me-  ^e  (i)  ces  geas  ,  lui  dit-il  ,,  ^«i  craignent  t^nt 
mriir.  de  /^  yuftke  ?  J-e  -vans  cajfe  :  jamais  vous  ne  me 
fervirez.  ,•  car  tout  homme  de  guerre  qui  craint 
une  plume ,  craint  une  épée.  Je  laifTe  à  dire  que 
il  les  principes  du  Chriltianlimc  etoient  bien 
fuiv^is,  on  ne  verroit  point  de  Conquérant  par- 
mi les  Chrétiens  ,  ni  point  de  guerre  otïenlive, 
&:  qu'on  iè  contenteroit  de  fe  défendre  des  in- 
vafions  des  Inrideles.  Et  cela  étant  ,  combien^ 
verrions-nous  de  peuples  en  Europe  ,  qui  jouï- 
roient  d'une  paix  profonde  depuis  long-tems, 
&  qui  à  caulè  de  cela  feroient  les  plus  mal  pro-- 
pres  du  monde  à  faire  la  guerre.  Il  eft  donc 
vrai  que  l'efprit  de  nôtre  fainte  Religion  ne 
nous  rend  pas  belliqueux  :  ôc  cependant  il  n'y 
a  point  fur  la  terre  de  nations  plus  beliiquel- 
les ,  que  celles  qui  font  profelfion  du  Chriftia- 
nifme.  Exceptez-moi  les  Turcs  ,  8c  choififlèz 
dans  l'Afrique  ,  dans  l'Aiie  ,  dans  l'Amérique 
tel  peuple  qu'il  vous  plaira  ,  faites-en  une  ar- 
mée de  cent  mille  hommes  ,  il  ne  faudra  pas 
plus  de  dix  ou  douze  mille  Chrétiens  pour  l'a- 
bîmer- Les  Turcs  mêmes  font  fort  inférieurs- 
aux  Chrétiens  ,  8c  n'obtiendroient  jamais  aucun 
avantage  fur  eux  en  nombre  égal.  L'avance, 
l'impudicité,  l'infolence  8c  la  cruauté  ,  qui  ren- 
dent les  armées  formidables  ,  iè  trouvent  dans 
les  armées  Chrétiennes  ,  autant  qu'ailleurs  j  11 
ce  n'eil  qu'on  n'y  mange  pas  la  chair  des  en- 
nemis ,  comme  font  quelques  peuples  de  l'A-- 
merique.  Ce  font  les  Chrétiens  qui  perfedion- 
nent  tous  les  jours  l'art  de  la  guerre  ,  en  inven- 
tant une  infinité  de  machines  pour  rendre  les 

ûégei 


Penféei  diverfes.  ij^ 

ficges  plus  meurtriers  &  plus  affreux  j  Se  c'ell 
de  nous  que  les  Infidèles  aprennent  à  iè  fervir 
des  meilleures  armes.  Je  lài  bien  que  nous  ne 
fiiifons  pas  cela  entant  que  Chrétiens  ,  mai» 
parce  que  nous  avons  plus  d'adreflè  que  les  In- 
fidèles :  car  s'ils  avoient  allez,  de  génie  &  de  va- 
leur pour  faire  mieux  la  guerre  que  les  Chré- 
tiens ,  ils  la  feroient  mieux  infailliblement^ 
Mais  néanmoins  je  trouve  ici  une  raifon  très- 
convaincante  ,  pour  prouver  que  Ion  ne  fuit 
point  dans  le  monde  les  principes  de  là  Reli- 
gion ,  puis  que  je  fais  voir  ,  que  les  Chrétiens 
emploient  tout  leur  elprit  ,  &  toutes  leurs  pai^ 
fions  à  fe  perfeftionner  dans  l'art  de  la  guerre, 
fans  que  la  conoiiîànce  de  l'Evangile  traverlè  le 
moins  du  monde  ce  cruel  dellèin. 

Reprenons  nôtre  fujet  ,  &  fâiions  voir  par 
d'autres  exemples  ,  que  le  dérèglement  des 
mœurs  n'ell  point  une  preuve  que  l'on  foit 
Athée, 

§.  cxLir. 

III.  Preuve ,  tirée  de  la  conduite  de  plujieun 
femmes. 

Qui  cft-ce  qui  oièroit  dire  ,  que  toutes  îcs 
femmes  Chrétiennes  qui  fe  lignaient  par 
leurs  crimes  ,  font  dellituées  de  tout  fèn- 
timent  de  Religion  ?  Ce  feroit  la  plus  fàulTè 
pcnfée  du  monde  •■>  car  fûrerrent  ce  n'eft  point 
le  vice  des  femmes  que  rAtheïfme.  Il  fèrnble 
que  1  Eglilè  reconoillè  que  la  dévotion  ell  leur 
partage  ,  puis  qu'elle  fait  ordinairement  des 
prières  pro  devoto  fœmineo  fexu.  Files  fe  font 
une  vertu  de  n'entrer  point  dans  les  grands  rai- 
fbnnemens.  Ainii  elles  en  demeurent  à  leur 
Catcchilme  ,  &  Ibnt  toutes  de  la  Religion  de 
fcur  mère  j  bien  plus  portées  à  la  fuperflition , 


iSo  Penfées  diverfès, 

qu'à  l'impiété  i  grandes  coureulès  d'Indulgetr- 
ces  &:  de  Sermons  ,  £<;  ii  fort  occupées  de  mil- 
îe  palTions  ,  qui  leur  font  comme  tombées  en 
partage,  qu'elles  n'ont  ni  le  tems,  ni  la  capaci- 
té necefîàires  pour  révoquer  en  doute  les  arti- 
cles de  leur  foi  ,  à  moins  qu'elles  ne  loient  en- 
gagées dans  quelque  Religion  perfêcutée  ,  in- 
capable de  leur  fournir  les  étabiiflemens  qu'el- 
les voudroient  ,  6c  qui  leur  font  prefèntez  par 
h  Religion  dominante:  car  en  ce  cas-là ,  il  leiir 
iîirvient  quelquefois  des  doutes  lî  violens , 
qu'elles  paflènt  ,  non  pas  de  la  Religion  à  l'A- 
theiTme  ,  mais  de  la  profeiTion  d'une  Religion 
à  la  profelTion  d'une  autre.  A  cela  près ,  les 
femmes  font  très-peu  fujettes  à  l'impicté.  On 
les  voit  fore  emprelfées  à  s'en  aller  gagner  des 
pardons  ,  fort  aiïîduës  aux  Egliiès ,  entrepre- 
nant volontiers  un  pèlerinage.  Je  iài  bien  ce 
qu'en  difent  les  railleurs  ,  que  la  Religion  n'ell 
qu'un  prétexte  ,  6c  que  la  véritable  caufè  de 
tout  cela  eil  l'envie  de  fè  promener  ,  d'aller 
caufer ,  de  voir  6c  d'être  vues  ,  ou  même  de 
fè  divertir  avec  un  Galant.  Mais  je  fài  bien 
aufii ,  qu'il  n'en  faut  pas  croire  les  railleurs  ,  ils 
outrent  la  chofe  •■,  ce  qu'ils  diiènt  eft  vrai  quel- 
quefois ,  6c  principalement  dans  les  pais  où  la 
jaloufie  règne.  Mais  en  France  où  on  laifîè 
\q$  femmes  entièrement  fur  leur  bonne  foi ,  de- 
forte  qu'elles  vont  voir  qui  bon  leur  ièmble  à 
toutes  heures  ,  6c  reçoivent  compagnie  tout 
autant  qu'elles  en  fouhaitent  ,  il  eft  faux  qu'el- 
les aillent  gagner  les  Indulgences  ,  feulement 
afin  d'avoir  un  prétexte  de  fortir  de  la  maifon. 
Encore  un  coup  ,  ce  n'eft  nullement  le  vice  des 
femmes  que  l'impiété.  Cependant  il  y  en  a 
beaucoup  dont  les  mœurs  font  très-corrom- 
puës ,  ou  par  la  vanité  ,  ou  par  l'envie  ,  ou  par 
îa  mediiànce  ,  ou  par  l'avarice  ,  ou  par  la  ga- 
lanterie ,  ou  par  toutes  ces  pafTions  enlemble. 


Venfees  dlverfes,  2;  8  î 

Personne  n'ignore    que   toutes    les    grandes 
villes  ibnt  pleines  de  lieux  intames  ,   &.  que  la 
partie  du  monde  où  nous  créions  que   Dieu  a 
ëtabh  le  St.  Siège  Apoftoiique  ,  eft  toute  péné- 
trée d  impudicité.     Le  nombre  des  mères  ,  eu 
des  tantes  qui  iè  font  un  revenu  des  premières 
faveurs  de  leurs  fiiies ,  ou  de  leurs  nièces  ,    n'y 
eft  pas  petit.     Je  liibis  un  de  ces  jours  dans  la 
Relation  que  iVîr.  de  St.  Didier ,  Geniiihomme 
de  Monlieur  le  Comte  d'Avaux  ,  nous  a  donnée 
de  la  vilie  de  Venifè  ,  où    ce   Comte  a  été  en 
Ambafiàdc  ,     que   c'eft  une  chofe  li  ordinaire 
dans  cette  Repubiique-ià  ,   que  de  dix   {i)  filles  (0  Part» 
ciui  s' abandonnsra  ,    //  y  en  a  neuf  dont  les  me-    }^  '^qs^' 
res  ô'  i^s  tantes  font  eUes-mémes  te  /n^.rché ,  ô*   Counif. 
contiennent  du  prix  de  la  'virginité  de  leurs  files    ■ 
pour  un  certain  tems  ,  moyennant  cent ,  ou  aeux 
cens  Ducats  i  pour  faire  ,  difenî- elles  ,   dequui  les 
marier-     Il  raconte  fort  agréablement  ,  quilfe 
trouva   un  jour  par  haz^arU  à  un  traité  de  cette 
nature,  0*  qu'un  Gentilhomme  étranger  de  fa  cO' 
noiffance  ,    étant  depuis  c^uela^ue  tems  en  marché 
pour  une  fille,  ç^  dijferant  toujours  a  donner  une 
reponfe  pOyti-ve  ,  fur  ce  qu'il,  -ne  lui  trouvoit  pas 
affez.  d  embonpoint  ,    ô^  quelle  n'avoit  pas  encore 
la  gorge  bien  formée  ,  la  tante  l;ii  dit  ,    qu'il  ne 
faloit  pas   être   plu.s   long-tems  a  fe  déterminer  y 
parce  que  le  2 ère  Vredicateur   d'un  des  premiers 
Cowvents  de  Venife  ,  qu'elle  nomma  ,    étott  entré 
en  traité,  ô*  auoit  cleja  fait  une  offre  raifonable. 
Il  dit    (a)  aufQ  ,     que  c  eft   l'opinion  ordinal-  (^)  [*"^* 
re   de  tout   le    monde  à  Venife  ,      ^m  ««  Çeul  ""9^  °^* 
jrere  je  marte  pour  tous  les  autres  ;    oc  il  allure  des  No- 
que    cela   ne  fe  dit  pas  fans  fondement  ,     mais  bleî. 
qu'il  ferait  inutile  d'en  vouloir  donner  des  preu- 
ves.    Ce  qui   fiit   voir  ,     que  i'incefte  le  plus 
brutal  Se  le  plus  outré  ,    ne  fait  aucune  horreur 
aux  Vénitiennes.     Ce  qu'il  remarque  du  grand 
nombre  des  CourtiiaQCS  ,    5c  de  la  pleine  liber-    .. 

te 


iSi  Penfeei  diverfis, 

té  dont  elles  jouiilent  ,  6c  de  la  conTideratioa 
qu'elles  s'aequicrent  parmi  le  peuple  ,  &  des 
careilès  qu'elles  reçoivent  dans  les  Couvens , 
lors  qu'elles  y  vont  voir  les  fœurs  de  ceux  qui 
les  entretiennent  ,  eft  une  preuve  incontefta- 
ble  ,  que  les  femmes  de  ce  païs-là  n'ont  aucu- 
ne fcnlibilité  pour  1  honneur  ,  ni  pour  la  ver- 
tu ,  d'autant  plus  que  ceux  o^ui  conotjfent  amant 
Rome  que  Venife ,  font  en  peim  de  décider  en  U- 
quelle  de  ces  deux  'viilei  il  y  a  flus  de  Court ifa- 
nes,  (^'  plus  de  lièertinage  ,  à  ce  que  dit  le  mê- 
me Mr.  de  Saint  Didier. 

Si  ceux  qui  viennent  à  Paris  avec  les  Ambaf^ 
Êdeurs  ,  olbient  publier  quand  ils  font  retour- 
nez chez,  eux  ,  des  Relations  auiîi  libres  ,  que 
celles  que  les  François  publient  touchant  les 
pats  étrangers  ,  je  ne  doute  pas  qu*ils  n'euflènt 
bien  des  chofes  à  dire.  Mais  on  redoute  fi  fort 
nôtre  nation  ,  qu'on  n'ofe  rien  imprimer  qui 
lui  deplaife  j  ou  fi  on  le  fait  ,  nous  donnons 
bon  ordre  que  cela  ne  foit  point  connu  parmi 
nous ,  foit  en  défendant  l'entrée  des  livres  ,  foit 
en  les  faiiant  imprimer  fans  les  paiïàges  qui  ne 
nous  plaifènt  pas.  C'eft  ainli  que  Mr.  l'Abbé 
Talemant  vient  d'en  ufer  dans  fa  Verfion  ds 
l'Hiftoire  du  Cavalier  Nani.  Mais  quelque  mé- 
nagement que  les  étrangers  aient  pour  nous, 
les  dereglemens  des  femmes  nen  font  pas 
moins  réels  }  &  qui  pourroit  fuivre  tous  les 
avortemens  ,  tous  les  empoiibnnemens  ,  toutes 
les  fraudes,  2c  toutes  les  calomnies  dont  les  prof- 
titutions  font  compliquées  en  France,  aulTi-bien 
qu'ailleurs,  ce  feroit  dequoi  donner  de  l'horreur 
aux  plus  endurcis. 

Sur  cela  vous  imaginez-vous  que  les  peribn- 
nes  qui  trempent  dans  ces  defordres  ,  traitent 
de  fable  l'Hiltoire  de  l'Evangile  ?  Rien  moins 
q_ue  cela,  La  plupart  de  ces  femmes  ne  lailTcnt 
pas  de  dire  leur  Litanie  dans  l'occaiion  ,  ou  les 


Penfées  diverjès,  285 

autres  prières  qu'on  leur  a  cnfeignées  dans  l'en- 
fance. Il  y  en  a  qui  font  des  plus  aiTiduës  aux 
exercices  publics  de  la  Religion.  Il  y  en  a  qui 
font  des  aumônes  ,  gc  des  fondations  magnifi- 
ques pour  le  1èr vice  divin  j  qui  efperent  de  fè 
repentir  un  jour  ,  Se  d'être  nuvees  3  qui  con- 
fellcnt  leurs  péchez.  ,  à  tout  le  moins  une  fois 
îan,  comme  1  Eglife  l'ordonne  j  qui  s'abftien- 
nent  des  plaiiirs  pendant  quelques  jours  ,  après 
avoir  été  foudroiees  de  cenfures  dans  le  confef- 
iîonal  i  qui  abhorrent  ce  qu'elles  croient  être 
hérétique}  qui  tâchent  de  convertir  ceux  qu'el- 
les croient  être  dans  une  mauvailè  Keligion. 
Toutes  chofès  qui  font  voir  manifeftement , 
qu'elles  coniervent  parmi  leurs  impuretez. ,  la 
perluaiion  de  1  Evangile, 

Vous  me  direz  ,  qu  elles  font  tout  cela  uni- 
quement pour  déconcerter  la  mediiànce  .,  8c 
pour  faire  perdre  le  terrain  à  ceux  qui  les  croient 
mal-honnêtes.  Je  le  veux  croire  de  quelques- 
unes  ;  fcar  pour  les  Courtilànes  d'Italie  ,  on 
ièroit  ridicule  de  croire  qu'elles  font  quelque 
chofè  pour  fàuver  leur  réputation)  &  j'avoue 
de  plus  ,  qu  en  volant  des  Dames  galantes  faire 
fort  les  emprcfîees  pour  convertir  les  Héréti- 
ques ,  8c  ne  fe  donner  point  de  patience  ,  fî 
quelque  marmiton  Huguenot  s'eft  fourré  dans 
leur  domeftique  ,  qu'elles  ne  lui  aient  fait  faire 
ion  abjuration,  ou  par  promeflç^  ,  ou  par  me- 
naces ,  je  penfc  en  moi-même  quelquefois, 
quelles  pourroient  bien  tenir  cette  conduite, 
uniquement  par  l'envie  de  faire  leur  cour,  8c 
de  devenir  à  la  mode.  Car  quelle  aparence, 
qu'une  tèmme  qui  a  peut-être  fon  cabinet  plein 
de  poifons,  prêts  à  la  délivrer  de  fbn  mari  ,  s'il^ 
eefle  d  être  commode  ,  ou  de  ion  Galant  ,  s'il 
k  iàcrific  à  une  autre;  quelle  aparence  ,  dis-jc, 
qu'une  temme  qui  en  eft  là,  ie  tourmente  pour 
a  converlioû  d'un  Hérétique  par  un  motif  de 

chx- 


^§4  Penfces  dlvèrjes, 

charité  ?  Mais  je  dis  néanmoins  ,  qu'à  parler  en 
gênerai  ,  les  femmes  de  mauvaiiè  vie  fe  peu- 
vent porter  aux  œuvres  charitables  qu'on  leur 
voit  taire  quelquefois  ou  envers  les  pauvres,  ou 
envers  les  Hérétiques  ,  non  iculement  par  les 
motifs  humains  qui  ont  été  touchez,  ci-deflus , 
mais  aufiTi  par  la  raifbn  ,  qu'elles  efperent  de 
racheter  leurs  péchez  par  là.  Il  femble  d'a- 
bord que  cela  fait  contre  moi  ,  puis  que  cela 
prouve  ,  que  la  foi  qui  refle  dans  l'ame  des  plus 
grands  pécheurs,  les  porte  à  bien  faire  de  tems  en 
tem s. Mais  dans  le  fond,  cela  prouve  tout-à-fait 
bien  ce  que  je  cherche,  {avoir  I.  Que  ceux  qui 
fè  portent  à  toute  Ibrte  de  crimes,  ne  laifient  pas 
de  conferver  leur  Religion.  1 1.  Que  le  grand 
mobile  des  adtions  de  l'homme  confifte  ,  non 
pas  dans  la  croiance  qu'il  a  fur  le  chapitre  de  la 
Religion  ,  mais  dans  le  caraéfere  de  Ton  cœur 
6c  de  û  concupifcence  j  puis  qu  on  voit  qu'il 
Sacrifie  à  cela  les  préceptes  de  fa  Religion  ,  lors 
même  qu'il  iemble  les  pratiquer.  En  effet ,  une 
perfonne  qui  donne  l'aumône  ,  ou  qui  tâche  de 
convertir  un  Hérétique  ,  dans  la  vue  de  rache- 
ter ïts  péchez  prefens  6c  à  venir  ;  c'efl-à-dire , 
les  péchez  dont  elle  fènt  bien  qu'elle  ne  veut 
point  le  défaire  j  cette  perfonne ,  dis-je  ,  ne  le 
fert  de  ià  foi  ,  que  pour  fe  mettre  plus  en  état 
de  contenter  (es  inclinations  vicieufes.  Vous  au- 
rez bientôt  quolques  autres  preuves  de  cette  pro- 
pofition ,  ^ue  ceux  qui  s* abandonnent  au  crime , 
m  laijfent  pas  d'être  perfuadez.  de  nos  myjleres, 

§,    CXLIII. 

•     ^ueîs  principes  on  peut  inférer  de  ce  qui  vient 
d'être  dit. 

Nous    pouvons    donc  pofèr  pour  principe, 
I.  Que  les  hommes  peuvent  être  tout  enlembic 

fort 


Penfées  diverfes.  2S5 

fort  déréglez  dans  leurs  mœurs,  ôc  fort  perfua- 
àcT.  de  ]a  vérité  d'une  Religion  ,    5c  même  de 
la  vérité  de  h  Religion  Chrétienne.     1 1.  Que 
les   conoifîànces  de   l'ame  ne  font  pas  la  cauie 
de  nos  adions.     III.   Que  généralement  par- 
lant, (car  j'excepte  toujours  ceux  qui  font  con- 
duits   par  l'Efprit  de  Dieu  )   la  foi  que  l'on  a 
pour  une  Religion  ,   n'efl  pas  la  règle  de  la  con- 
duite de  1  homme  ,     li  ce  n'ell  qu'elle  ell  fou- 
vent  fort  propre  à  exciter  dans  fon  ame  ,  de  la 
colère  contre  ceux  qui  font  de  diiférent  fenti- 
ment  >   de  la  crainte  quand  on  fe  croit  menacé 
de  quelque  péril  ,     Se  quelques  autres  palfions 
femblabics  j    &  fur  tout  un  je  ne  fai  quel  zèle 
pour   la    pratique   dits   cérémonies  extérieures, 
dans  la  penfée  que  zç.s  adles  extérieurs  ,    5c  la 
profeflion  publique  de  la  vraie  foi  ,     icrviront 
de  rempart  à  tous  les  defordres  où  l'on  s'aban- 
donne ,    Se   en  procureront  un  jour  le  pardon.  . 
Par    ce   principe  on  peut  voir  manifeftement, 
combien  on  iè  trompe  ,    de  croire  que  les  Ido- 
lâtres font   neceflâiremcnt   plus   vertueux    qua 
les  Athées. 

§.  CXLIV. 

^)Ht  les  Athées  ^  les  Idolâtres  font  foitjfez.  an 
mal  par  le  même  p'mc'i^e. 

Car  fi  la  perfuafion  qu'il  y  a  une  Providence 
Cjui  châtie  les  mcchans  ,  Se  qui  recompenfc  les 
gens  de  bien,n'eft  pas  le  reflbrt  des  allions  parti- 
culières de  l'homme,  comme  je  viens  de  le  faire 
voir  i  W  s'enfuit  qu'un  Athée  5c  qu'un  Idolâtre 
fe  gouvernent  par  un  même  piincipe  pour  ce 
qui  rcgra-de  les  m^œurs;  c'ell-à-dire,  par  V.z  in- 
clinations de  leur  tempérament ,  Se  par  le  poids 
des  habitudes  qu'ils  ont  contradlées.  De  forte 
que  pour  trouver  lequel  ài^  deux  doit  être  plus 

me- 


i^(y  FenjUes  diverjès. 

méchant  que  l'autre ,  il  ne  faut  que  #*cnquerir 
des  padlons  aufquelles  leur  tempérament  les  zÇ- 
fujettit.  Et  foiez  allure'  ,  que  li  Tldoiâtre  iè 
trouve  pourvu  d'un  corps  qui  le  rende  cxtre- 
incment  fenlible  à  la  bonne  cherc  ,  impudi- 
€^VLC  y  violent  6c  fier ,  il  fera  incomparableiriCnt 
plus  grand  pécheur  ,  qu'un  Athée  d'un  tempé- 
rament froid  &  pacifique.  Quand  on  n'exam.i- 
ne  œs  chofes  eue  d'une  vue  générale  ,  on  le 
figure  que  dès  qu'un  Athée  fait  reflexion  qu'il 
peut  s'enivrer  impunément  ,  il  s'enivre  tous  Jes 
jours.  Mais  ceux  qui  lavent  la  maxime  ,  Trahit 
fua,  (iHe?nqne  volu^tas ,  &  qui  ont  examiné  plus 
exa6tement  le  cœur  de  l'homme  ,  ne  vont  pas 
il  vite.  Ils  s'informent,  avant  que  de  Juger  de 
la  conduite  de  cet  Athée  ,  quel  eft  ion  goût. 
S'ils  trouvent  qu'il  aime  à  boire  j  qu'il  efl  fort 
ienfible  à  ce  plaifir-là  ,  qu'il  en  ell  plus  friand 
que  de  la  réputation  d'honntte  homme  ,  ils  ju- 
gent qu'etïecSlivement  il  boit  autant  qu'il  peur. 
JVIais  ils  ne  jugent  pas  pour  cela  ,  qu'il  en  tait 
plus  qu'une  infinité  de  Chrétiens  ,  qui  font 
iàouls  prclque  toute  leur  vie.  S'ils  trouvent 
qu'il  a  de  l'indifférence  pour  le  vin  ,  ils  lui  font 
îa  juflice  de  croire  qu'il  ne  boit  qu'à  là  Ibif.  Je 
dis  la  même  choie  de  toutes  les  autres  volup- 
tez  criminelles.  Lors  qu'un  Athée  les  trouve 
à  Ion  goût  ,  il  en  prend  tout  f©n  faoul.  S'il 
n'y  trouve  aucun  plaiiir  ,  il  les  lailîe  là  :  ce  qui 
a  été  juifement  la  manière  dont  fe  font  con- 
duits les  Idolâtres  ,  8c  dont  fe  conduifent  en- 
core la  plupart  des  Chrétiens.  Grande  preuve, 
que  l'eiprit  de  débauche  ne  dépend  pas  des 
opinions  que  Ton  a  ,  ou  que  l'on  n'a  pas  tou- 
chant la  nature  de  Dieu  ,  mais  d'une  certaine 
corruption  qui  nous  vient  du  corps  ,  6c  qui  le 
fortifie  tous  les  jouis  par  le  plaifir  que  l'on  trou- 
?e  dans  l'ulàge  àQz  voi;;ptcz. 

$.  CXLV. 


Pr^fées  diverfcs*  itj 

§.   CXLV. 

^ue  ce  principe  n'eji  pas  corrigé  dans  les  IdolÀ" 
très  mieux  cnie  ddns  les  Athées. 

Qu'on   m'objefte  tant  qu'on  voudra  ,  que  la 
crainte  d'un  Dieu  cft  un  moien  infiniment  pro- 
pre à  corriger  cette  corruption  naturelle  j  j'en 
apellerai  toujours  à  l'expérience  ,    &  je  deman- 
derai  toujours  ,  pourquoi    donc  les  Paicns  qui 
portoicnt  la  crainte  de  leurs  Dieux  julqu'à  des, 
iuperftitions  excelîives  ,  ont  li  peu  corrigé  cet- 
te corruption ,  qu'il  n'y  a  point  de  vice  abomi- 
nable qui  n'ait  régné  parmi  eux  ?  On  avoir  beau 
conferver  la  mémoire  des  punitions    éclatantes 
<jui  avoient  témoigné  la  colère  du  Ciel   contre 
les  iàcrileges  Se  les  parjures  ;   on  avoir  beau  for- 
ger des  hiftoires  pour  étonner  les  mechans  j  on 
kvoit  beau   faire  de  pompeufès  defcriptions  6c 
àQS  Furies,  6c  des  Enfers  ,  Se  des  Champs  Eli- 
ses :   tout  cela  n'empêchoit  pas  qu'on  ne  trou- 
Tat  de  faux  témoins  tant  qu'on  en  vouloit  ,    8c 
qu'on  ne  pillât  les  temples  ,   lors  que  l'occafion 
en   étoit  belle,    (i)  Juvenal  eft  inimitable  dans  /,)  Mo- 
le portrait  qu'il  nous   donne  des  faux  témoins  bilis  & 
<5ui  n'ont  point  de  Religion  ,    Se  des  faux  te-  varia  eft 
moins  qui  croient  un  Dieu.     Il  dit  que  les  pre-  f^'""^^  ^*" 
miers  le  parjurent  lans  balancer  ,   que  les  autres  jorum 
mifonnent  pendant  quelque  tems  ,    &  fè  parju-  «ce. 
rent  auiVi  après  cela  avec  une  extrême  confian-  Jn^cnal, 
ce.     Ils  ont  àQs  remords  dans  la  fuite  ,    &  s1-  •S'^O^*  ^î* 
maginent    que   la   vengeance  de  Dieu  les  pour- 
iliit  par  tout.  Cependant  ils  ne  s'amendent  pas , 
&  ils   pèchent  dans  l'occaiion  comme  aupara- 
vant. 

C'efl:  une  copie  faite  d'après  nature.  Nouj 
voions  régner  encore  par  tout  cette  forte  d'cA 
Fii  i  qui  entr^uûc  les  hommes  dans  le  péché , 

nonob- 


2  8S  Pe^fées  diverfis^ 

nonobflant  la  crainte  des  enfers  Se  \c%  remors 
de  la  confcience.  Si  bien  que  difputer  contre 
ce  que  je  foatiens  ,  n'efl  autre  choie  qu'opolèr 
d^s  raifonnemens  metaphylîques  à  une  vérité' 
de  fait,  comme  ce  Pliiloiophe  qui  vouloit  prou- 
ver qu'il  n  y  a  point  de  mouvement.  On  me 
permettra ,  je  m'afiure ,  dé  me  iervir  de  la  mé- 
thode de  Diogene  ,  qui  fans  repondre  pied  a- 
pied  à  its  argumens  le  contenta  de  marcher  en 
là  prelènce  :  car  rien  n'eft  plus  propre  à  con- 
vaincre un  honnête  homme  ,  qu'il  raiibnnc  fur 
de  fauiles  hypothefès ,  que  de  lui  montrer  qu'il 
combat  contre  1  expérience.  S'il  eit  donc  vrai, 
comme  l'Hifloire  6c  le  train  de  la  vie  commu- 
ne le  jullifîcnt  ,  que  les  homines  fe  peuvent 
plonger  dans  toute  ibrte  de  crimes  ,  pendant 
qu'ils  font  perfuadez  de  la  vérité  de  leur  Reli- 
gion ,  qui  leur  enlèigne  que  Dieu  châtie  feve- 
rement  le  péché  ,  &  qu'il  reconipenlc  magnifi- 
•  quement  les  bonnes  œuvres  ;  il  faut  tomber 
d'accord  ,  que  ceux  qui  nous  donnent  cette 
perfualion  pour  une  preuve  £<;  pour  un  titre 
jufnficatifde  bonne  vie  ,  iè  trompent  nccefiài- 
rement,  &  qu'ainli  c'eil  mal  raifonner  ,  que  de 
conclure  de  ce  qu'un  homme  efi:  Idolâtre  ,  qu'il 
vit  moralement  mieux  qu'un  Athée.  Si  l'on  iè 
contentoit  de  conclure  qu'il  devroit  être  plus 
homme  de  bien  qu'un  Athée  ,  le  raifonnem.ent 
icroit  bon  :  mais  combien  y  a-t-il  de  différence 
entre  ce  que  l'on  devroit  taire  ,  Se  ce  que  1  on 
fait? 
(i)  Ci-  Je  lai  (i)dejàdit;   il  n'y  a  point  d'Annales 

tieflus  qui  nous  aprennent  les  mœurs  &  les  coutumes 
a.  ii^.«  j^'^rjj,  nation  plongée  dans  l'Atheifme.  Ainli 
on  ne  peut  pas  réfuter  par  l'expérience  la  con- 
jeélure  que  1  on  fait  d'abord  fur  ce  fujet-la  ,  ià- 
voir  que  les  Athées  ne  Ibnt'capables  d'aucune 
^  vertu  morale ,  oc  que  ce  font  des  bêtes  féroces , 
parmi  iefquelles  il  y  a  plus  à  craiadre  pour  fà 

vie? 


Pvnfées  diverfes,  2-^9 

^'ie ,  que  parmi  les  tigres  Se  les  lions.     Mais  il 
n'elt  pas  diuicile  de  faire  voir  ,   que  cette  con- 
je<fture  eil  très-incertaine.     Car  puis  que  l'ex- 
périence nous   montre  ,    que  ceux  qui  croient 
un  Paradis  5c  un  Enfer  font  capables  de  com- 
mettre toute  ibrte  de  crimes  ,  il  cil  évident  que 
l'inclination  à  malfiire  ne  vient  pas  de  ce  qu  on 
ignore  rexiitence  de  Dieu,  6c  qu  elle  n'efl  point 
corrigée    par   la   conoiflànce   que   l'on  acquiert 
d'un  Dieu  qui  punit  <k  qui  recom.peniè.     Il  re- 
iùlte  ùQ  \^  manifeflemenc  ,     que  l'inclination  à 
malfeire  ne  fe  trouve  pas   plus  dans  une  ame 
deftituée  de  la  çonoillance  de  Dieu  ,    que  dans 
une  arac  qui  concît  Dieu  j  Se  qu'une  ame  acP 
tituée  de  la  conoiflànce  de  Dieu  ,  n'ell  pas  plus 
dégagée  du  frein  qui   reprime  la  malignité  du 
cœur  ,  qu'une  ame  qui  a  cette  cor.oiilance.     Il 
rcfulte  encore  de  là  ,     que  1  inclination  à  mal- 
taire  vient  du  fond  de  la  nature  de  1  homme ,  6c 
qu'elle  iè  fortine  par  \qs  paluons  ,   qui  Ibrtant 
du   tempérament   comme  de  leur  Iburce  ,     iè 
modifient  enlijite  de  piulieurs  manières  ,    fèloa 
\ts   divers  accidens   de  la  vie.     Enfin  il  relùlte 
de  là,  que  l'inclination  à  la  pitié,  à  la  fobrieté, 
à  la  debonnaireté ,  Sec.  ne  vient  pas  de  ce  qu'on 
conoît  qu'il  y  a  un  Dieu  ,     (car  autrement  i\ 
faudroit  dire   que  jamiais  il  n'y  a  eu  de  Paien 
cruel  6c  ivrogne)   mais  d'une  certaine  diipoli- 
tion  du  tempérament,  fortifiée  par  Teducalion, 
par  Tinterèt  peribnnel  ,   pir  le  defir  d'éire  Iciié, 
par  i'inilinél  de  la  Raiibn  ,    ou  par  de  ièmbla- 
bles  motifs ,  qui  le  rencontrent  dans  un  Athée v- 
auffi-bien   que  dans  les  autres  hommes.     Ainii 
nous  n'avons  aucun  droit  de  foutenir  ,   qu'un 
Athée   doit   être   necefiàirenicnt    plus    déréglé 
dans  ics  mœurs  qu'un  IdoUtie. 


rm.  L  N  §.  CXLVI, 


2pO"  Penfées  diverfis,' 

§.    CXLVL 

^^ue  îfi  boniie  Théologie  fait  'voir ,  que  la  corrup" 
tion  de  la,  nfiture  n'efc  -pas  mieux  corrigée  ila?JS 
les  Idolâtres ,  cjne  dans  les  Athées. 

Tout    ceci    s'accorde   parfaitement  avec   I2 
Théologie  de  St.  Auguftin  ,  qui  porte  que  les 
Paiens  n'ont  jamais  fait  aucune  adtion  méritoi- 
re, c'eft-à-dire,  qu'ils  n'ont  jamais  fait   aucun 
aéle  deî  vertu  par  un  bon  principe,  ôc  pour  une 
bonne   fin.     N'efl-ce  pas  enfeigner  que  toutes 
les  vertus  des  Paiens  ont  été  l'effet  ,   ou  de  leur 
tempérament ,  ou  de  quelque  paflîon  à  laquel- 
le ils  avoient  pris  goût  ?  Et  qui  empêche  qu'un 
Athée  ,     ou  par  la  difpofition  de  fon  tempéra- 
ment ,  ou  par  l'inftinéi  de  quelque  paillon  qui 
le   domine ,    ne  faiîè  toutes  les  mêmes  a<fi:ions 
que  les  Paiens  ont  pu  faire''  Si  le  Paien  n'a  rien 
fait  pour  la  gloire  de  Dieu  ,   s'il  n'a  point  don- 
né l'aumône  par  le  motif  de  l'amour  de  Dieu , 
s'il  n'a   point  raporté  à  l'honneur  de  Dieu  l'u- 
fàge  qu'il  faifoit  de   fbn  crédit  pour  empêcher 
l'opreffion  à^s  innocens  5  il  eil  clair  que  la  co- 
noilîànce  de  Dieu   n'a  de  rien  contribué  à  lui 
Élire  faire  ce  qu'il  a  fait ,  5c  qu'il  l'eût  fait  tout 
aulTi-bien ,  quand  même  il  n'eût  jamais  ouï  par- 
ler de  Dieu  5  Se  par  confequent ,   félon  les  prin- 
cipes ie  St.  Auguftin, les  Athées  font  très-capa- 
bles de  faire  toutes  les  avions  morales  que  nous 
admirons  dans  le  Paganifme.     C'eft  ce  que  je 
répons   à  tous  hs   exemples  de  la    vertu   des 
Paiens  ,  que  l'on  me  peut  alléguer.     Je  les  ad- 
mire autant  qu'un  autre  ,  mais  je  Soutiens  qu'il 
n'y   a  rien  là  ,  que  l'on  ne  puiflè  attribuer  au 
tempérament  ,     à  l'éducation  ,    au  deiir  de  la 
gloire ,  au  goût  que  l'on  s'eft  fait  pour  une  for- 
te de  réputation  ,  i'efUme  que  l'on  peut  conce- 
voir 


Pcnfées  diverjès,  i^t 

voir  pour  ce  qui  paroît  honnête  5c  loiiable ,  6c 
ù  pîuiieurs  autres  motifs  qui  font  de  la  compé- 
tence de  tous  les  hommes  ,  foit  qu'ils  aient  une 
Religion ,  foit  qu'ils  n'en  aient  pas. 

Conliderez  encore  ,  que  la  Théologie  nous 
cnfeigne  formellement  ,  que  1  homme  ne  fc 
peut  convertir  à  Dieu ,  ni  iè  défaire  de  la  cor- 
ruption de  ià  concupiiccnce  iàns  être  afliilié  de 
h  grâce  du  Saint  Eiprit  ;  &  que  cette  grâce 
ne  confifte  pas  liraplement  à  croire  qu'il  y  a 
un  Di^u  ,  6c  que  les  myfteres  qu'il  nous  a 
révélez  ibnt  véritables  j  mais  qu'eiie  conliftc 
dans  la  charité,  qui  nous  fait  aimer  Dieu,  8c 
qui  npus  attache  à  lui  comme  à  nôtre  fbuverain 
bien.  Cela  montre  clairement ,  que  ceux  qui 
en  demeurent  à  la  limple  perfuaiion  de  nos 
myflcres  ,  n'ont  point  encore  la  grâce  fandfi- 
fiante  ,  6c  qu'ils  Ibnt  encc^e  dans  les  liens  5c 
fbus  le  joug  du  péché  j  6c  à  plus  forte  raiion , 
que  la  conoillànce  vggue  6c  indiilinfte  que  les 
Paiens  ont  eue  de  Dieu  ,  ne  les  a  pas  délivrez 
de  l'empire  du  péché  originel  ,  ni  des  imprei- 
lions  viclorieufes  de  la  concupifcence.  De  for- 
te que  la  grâce  du  St.  Eiprit  qui  nous  fait  en- 
i"ans  de  Dieu ,  6c  la  charité  qui  nous  fait  reiîf^ 
ter  aux  tentations  de  nôtre  nature  corrompue , 
n'aiant  pas  été  dans  les  Paiens  ,  ils  manquoient 
tout  aulPi-bien  du  véritable  principe  à^s  bonnes 
œuvres  ,  que  les  Athées  ,  6c  ils  n'étoient  pas 
plus  en  paliè  d'être  vertueux  que  les  Athées. 

Je  ne  voudrois  pas  nier  ,  qu'il  n'y  ait  eu  des 
Paiens ,  qui  "tailant  un  bon  uiàge  des  conoiilàn- 
ces  qu'ils  avoicnt  touchant  la  nature  de  Dieu, 
fe  font  aidez  de  ce  motif  pour  reprimer  la  fou- 
gue de  leurs  paflious.  Mais  il  y  a  beaucoup 
d'aparence  ,  que  quand  ce  motif  a  été  de  quel- 
que vertu  ,  les  pallions  éioient  fi  modérées, 
qu'on  eût  pu  les  réduire  à  la  raiion  fans  ce  Ic- 
•sours-là  ,  ou  en  s'entêtant  du  deiu'  de  fe  diftin- 
N  2  eucr 


2p2  Tenfees  diverfis, 

guer  par  àcs  mœurs  aufteres ,  eu  en  j(è  promet- 
tant uns  fanté  plus  affermie,  ou  plus  de  louan- 
ges ,  ou  plus  de  prcfir.  Voici  les  nouvelles 
preuves  que  je  vous  ai  promiiès. 

§.   CXLVII. 

I V.  Preuve  ,  tirée  des  Bernons  é^  des  Sorciers  l 
qui  font  loir  que  les  gens  les  plus  perdus  de- 
meurent perfuadez,  de  l'exificnce  de  Dieu. 

Qu'on  ne  s'étonne  pas  de  ce  que  j'ai  avan- 
cé ,  que  la  limple  perfuaiion  de  nos  myf- 
tcres  n'eft  pas  ce  qui  purifie  nôtre  cœur. 
Car  il  n'y  a  rien  de  plus  vrai  ,  comme  il  pa- 
roît  par  l'exemple  de  tant  de  Clu-etiens  qui  ne 
doutent  de  rien,  &  qui  font  prêts  à  croire  un 
million  de  nouveaux  articles  de  foi  ,  fi  i'Egliiè 
les  decidoit  ,  qui  cependant  fe  plongent  dans 
toute  forte  de  voluptez  (jriminelies.  Cela  pa- 
roît  encore  plus  par  l'exemple  des  Démons, 
qui  iàvent  bien  mieux  que  nous  ce  qu'il  faut  croi- 
re &  ce  qu'il  fnut  faire  ,  6c  qui  néanmoins  font 
les  plus  méchantes  de  toutes  les  créatures,  &  cel- 
les qui  peuvent  le  mieux  prouver  que  l'Atheif- 
me  n'eft  pas  l'origine  de  la  méchanceté.  Car  ii  les 
Démons  étoient  Athées  ,  ils  lèroient  beaucoup 
moins  mechans  qu'ik  ne  font  ,  la  plupart  des 
crimes  qu'ils  commettent, procédant  d'une  envie 
deteftabie  de  faire  la  guerre  à  Dieu. 

On  peut  prouver  la  même  chofe  par  l'exem- 
ple des  Magiciens  bc  des  Sorciers,*  Il  eil  indu- 
bitable que  ceux  que  l'on  dit  qui  font  pade 
avec  le  Démon,  font  perfuadez  qu'il  y  a  un  Dieu. 
Il  eft  encore  indubitable  qu'il  n'y  a  point  de 
méchanceté  plus  horrible,  que  celle  d'un  hom- 
me qui  fe  donne  au  Diable  pour  lui  obeïr  en 
toutes  choies.  Il  efl  donc  indubitable  qu'il  y  a 
des  gens ,  qui  avec  h  croiancç  d'une  Divinité , 

font 


Penfées  diverJeJ,  2^3 

font  plus  mechans  que  les  Athées.  Il  eft  donc 
faux  que  l'AthciTme  &it  la  Iburce  des  plus 
grands  péchez  ,  &  Ton  ne  £uroit  nier  ,  qu'à 
tout  le  moins  l'Idolâtrie  magique,  dont  (i)  un  (1)  M: 
de  vos  plus  célèbres  Dodeurs  a  fait  un  traité  Filefac, 
fort  curieux  ,  ne  foit  pire  que  rAtheifme.  Les 
mêmes  Démons  Se  leurs  fupots  font  encore  une 
preuve  évidente  de  ce  que  j'ai  tant  de  fois  iù- 
pofé  &  juftifié  i  favoir  que  les  criminels  iniî- 
gnes  ne  fe  dépouillent  pas  de  la  croiance  qu'il 
y  a  un  Dieu  :  ce  qui  en  particulier  ne  fouf&e 
point  de  difficulté  à  l'égard  de  ceux  qui  pour 
{e  venger  de  leurs  Divinitez  ,  ont  abatu  leurs 
temples  j  car  jamais  perlbnne  n'a  cherché  à  iè 
venger  ,  fans  croire  qu'on  l'a  voit  ofiènfé  ,  8c 
jamais  on  n'a  cru  avoir  été  offenfé  par  une 
chofe  qui  ne  fût  point. 

§.    CXLVIIL 

V.  Preuve  ,  que  l'on  peut  trouver  ,  en  faifant 
une  revue  générale  des  mfinieres  les  plus  corn" 
munes  des  gens. 

IL  eft  fi  vrai  que  la  perfuafion  de  nos  myfte- 
res  efl:  compatible  avec  tous  les  dereglemens 
des  mœurs ,  qu'il  n'y  a  guère  d  homme  ,  pour 
peu  qu'il  ait  roulé  dans  le  monde  ,  qui  ne  co- 
noilTe  plus  de  mille  perfonnes  ,  periuadées  de 
tous  les  miracles  publiez  dans  le  Chriftianifme, 
qui  font  venus  à  leur  conoifiànce,  &  prêtes  à  en 
croire  cent  fois  autant  ,  ii  l'on  prend  la  peine 
d'en  enrichir  le  public  ,  qui  vivent  néanmoins 
dans  un  grand  dcfordre.  Vous  voiez  d'un  cô- 
té ces  gens-là  engagez  dans  quelque  Confrairie , 
fous  l'elpcrance  de  participer  aux  prières  ,  aux 
mérites  ,  &  aux  grâces  de  la  Communauté, 
pendant  qu'ils  fe  divertiront.  Vous  les  voiez 
dans  leurs  maladies  recourir  à  quelque  Relique 
N  3  yc-; 


294  Tenfées  diverfiu 

venue  de  Rome ,  8c  d'une  vertu  fbuveraine  pou? 
guérir  certaines  incommoditez  ,  ou  bien  à  la 
bencdi£lion  de  quelque  Moine  fameux  par  àz% 
guerifons  miraculeufès.  Vous  les  voiez.  garnis 
ou  d'un  Scapulaire  ,  ou  de  quelque  autre  cho- 
ie, que  l'on  dit  qui  a  la  vertu  d'empêcher  qu'on 
ne  fe  noie ,  ou  que  l'on  ne  meure  fans  confef^ 
jfion ,  ou  que  Ton  ne  ibit  mordu  d'un  chien  en- 
ragé, &:c.  Vous  voiez  même  qu'ils  obfervent 
le  Carême  8c  les  vigiles.  Vous  voiez  que  fi  un 
Hérétique  fe  moque  de  nos  dévotions  en  leur 
preience  ,  ils  en  viennent  aux  grofles  injures 
contre  lui,  Se  quelquefois  mêmes  aux  coups  de 
poing.  Quand  ils  font  fort  riches  ,  vous  les 
voiez  faire  des  liber  alitez  confiderables  aux  Re- 
ligieux Se  sux  Hôpitaux,  fonder  des  Chapelles, 
Se  contribuer  à  la  décoration  des  Egliles.  Car 
combien  y  a-t-il  d'ornemens  dans  nos  Eglifes, 
qui  ibnt  les  offrandes  de  plufieurs  célèbres  Mal- 
totiers ,  8c  de  plufieurs  Courtifanes  de  grand  re- 
nom ,  qui  aiant  amafie  beaucoup  de  richefîês 
iniques ,  tâchent  de  faire  leur  paix  avec  Dieu , 
en  lui  en  confàcrant  quelque  portion  médio- 
cre ?  Combien  y  a-t-il  d'ofifrandcs  ,  au  bas  def- 
quelles  il  faudroit  écrire  ,  ViEiïrm  four  le  péché, 
ou  quelque  infcription  fèmblable  à  celle  qui  fut 
mife  par  Diogene  au  bas  d'une  Venus  d'or ,  que 
la  Courtiiàne  Phryné  confàcra  au  temple  de 
fO  Ex  Delphes,  (i)  De  la  débauche  des  Grecs  ?  Enfin 
Gracco-  VOUS  voiez  que  ces  Mrs.  dont  je  parle  vont  ?.  la 
TU  m  in-  Mcflè  tous  les  jours  .,  bicn-aiiès  pourtant  que  ce 
'""^""  fbit  celle  d'un  Cordelier  expeditif.  A  cela  près, 
tout  ceci  tait  leur  beau  côté.  Regardons  les 
de  l'autre  ;  nous  trouverons  que  ce  font  des 
gens  ,  qui  à  peine  difent  trois  mots  fcns  jurer 
le  nom  de  Dieu  i  qui  ne  parlent,  foit  à  table» 
dans  les  auberges  ,  foit  ailleurs  ,  que  de  leurs 
prétendues  bonnes  fortunes ,  8c  cela  avec  des  ter- 
mes qui  feroient  rougir  l'impudence.     Ce  font 

d'aii* 


tempe- 
ïar.tiâ 


Tenjees  diverjès.  ipj 

d'ailleurs  des  gens  qui  en  prennent  à  toutes 
mains.  Sont-ils  à  la  guerre  ?  ils  rançonnent 
^ns  mifericorde  le  paiiàn  ,  &  profitent  fur  la 
paie  de  leurs  foldats  le  plus  qu'il  leur  eft  poiTi- 
ble.  Commandent- ils  quelque  part  ?  ils  ont 
mille  voifîs  obliques  ou  violentes  de  s'enrichir. 
Sont-ils  dans  les  affaires  ,  le  grand  théâtre  de 
h.  rapine  6c  de  Textorfion?  ils  font  enrager  tout 
le  monde  par  leurs  chicanes  ,  &:  par  leurs  fri- 
ponneries. De  quelque  profeflîon  qu'ils  foient, 
ils  mentent  2c  medifent  éternellement,  ils  trom- 
pent au  jeu  ,  ils  iàcrifient  tout  à  leur  vengean- 
ce ,  ils  font  des  débauches  horribles  ,  meretrix 
non [uffic'tt  omnts  j  ils  s'aident  de  plufieurs  remè- 
des ,  pour  avoir  des  forces  qui  puiilênt  mieux 
féconder  leurs  iàles  delirs  ;  en  un  mot  ,  à  l'é- 
gard à.t.%  moeurs  ,  ils  n'ont  rien  qui  les  diflin* 
gue  à.ç.s  Chrétiens  profanes.  Ce  ne  font  pas 
lèulement  les  vieillards  dont  parle  Mr.  de  Saint 
(i)  Didier  ,  qui  fè  fervent  de  plulîeurs  ïnài-  i^s  j*  t  ^ 
gnei  ^  extrcwciguns  artifices ,  pur  exciter  encore  tion  de 
tn  eux  des  plaij.rs,  dont  la  foiSleJfe  naturelle  k  Venife  «W 
cet  âge  les  prive,  malgré  c^u'tls  en  ayent,  les  plus  /«i^"^. 
jeunes  &  ks  plus  vigoureux  s'en  fervent  aufîi 
très-fouvent  ,  pour  prolonger  leurs  brutales  oc- 
cupations. 

§.   CXLIX. 

VI.  Preuve  ,  tsrée  de  la  dévotion  que  Von  dît 
que  planeurs  fcelerats  ont  eue  peur  la  Sainte 
Vierge. 

LA  dévotion  de  l'Eglife  Catholique  pour  la 
Sainte  Vierge  cft  montée  à  un  lî  haut 
point ,  qu'on  peut  dire  qu'elle  fait  une  des  plus 
confid érables  parties  du  culte.  On  a  beau  nous 
reprocher  les  excès  Se  les  hyperboles  de  nos 
Moines  ,  cette  dévotion  fubfifte  toujours  ,  & 
N  4.  "  con- 


1^6  Poifces  diverfes, 

confèrvc  tout  ion  éclat  :    peu  de  perfônncs  ft 
hazarJent  de  choquer  en  cela  l'ufâge  6c  les  opi- 
nions du  peuple  :    la  chofè  cfl:  trop  univerfelle 
pour  la  pouvoir  refermer.     On  ajoute  tous  les 
jours  des  livres  a  cette  innombrable  multitude 
d'écrits  ,    qui  ont  été  publiez  pendant  plulîeurs 
iîecles  fur  les  honneurs  8c  fur   les  miracles  de 
Nôtre-Dame.  Or  entre  les  maximes  qui  ont  été 
avancées  par  les  Auteurs  de  cette  forte  de  li- 
vres ,    celîe-ci  n'eft  pas  des  moins  communes, 
^ue  Ion  peut  être  tres-mecham  ,    0>  néanmoins 
fort  dévot  envers  la  Mère  de  Dieu  ■■,    6c  l'on  en 
donne  une  infinité  d'exemples  ,   dans  les  livres 
intitulez  ,  Le  grand  Miroir  des  exemples  ;     Les 
Flews  des  exemples  ,   ou  le  Catech'ifme  hijtoriali 
La.  Chronique  de  la  Mère  de  Dieu,  <^c.  Alexis 
fi)  Me-     de  (  I  )  Salo  nous  alMre  avec  pluiieurs  autres, 
thode         qu'un  jeune  homme  fi  perdu  Û.  fi  endurci  dans 
viHa  s  '    ^"  crime  ,   qu'aiant  été  mis  en  prifon  pour  di- 
VierBe>'      vers  meurtres  ,   6c  pour  divers  brigandages  qu'il 
Privée-       avoit  commis  ,  il  renonça  au  Fils  de  Dieu  6c  à 
^  3'  tous  les  Sacremens  de  l'Ëglilè  ,   fous  l'efperance 

que  le  Diable  lui  donna  de  le  iàuvcr  du  gibet  j 
\\  nous  aiîîire  ,  dis-je  ,  que  cet  homme  ne  laif- 
ibit  pas  de  reciter  tous  les  jours  l'Aie  Marin t 
&  qu'il  ne  voulut  jamais  confentir  à  la  propo- 
fition  qui  lui  fut  faite  par  le  Diable,  de  renon- 
cer à  la  Sre.  Vierge.  Il  s'en  trouva  fort  bienj 
car  aiant  aperçu  une  image  de  Nôtre-Dame  fur 
une  Chapelle  qui  le  rencontra  dans  fon  che- 
min ,  lors  qu'on  le  conduiioit  au  fuplicc  ,  il 
lui  adreiîâ  iès  prières,  6c  en  même  tems  l'Ima- 
ge inclinant  doucem.ent  la  tête  vers  fon  dévot , 
lui  làifit  îe  bras  de  telle  forte  ,  que  les  Archers 
ne  pjrent  jamais  i'arracher  de  là.  Le  même 
fi)  Ibid.  Auteur  (i)  nous  parle  en  un  autre  endroit 
Prirh,  j.  j'^ne  Courtilàne  extraordinairement  débordée , 
qui  néanmoins  faifoit  tous  \z^  jours  fept  révé- 
rences  dévotes  à  la  Ste.  Vierge  accompagnées 

d'un 


fenfies  diverfis*  i^-j 

d'uft  Ave  Maria  ,  ce  qui  fut  caulê  qu'uae  Da- 
me vercueufe,  fâchée  de  voir  foii  mari  dans  un 
commerce  criminel  avec  cette  Courtiiàne,  iii- 
plia  inutilement  ia  Mcre  de  Dieu  de  châtier  cet- 
te infâme  proftituee  j  car  l'Image  de  la  Sainte 
Vierge  qu'elle  invoquoit ,  lui  repondit  en  pro- 
pres termes  ,  //  Tne^l  im^ojjibk  de  'vous  accorder 
'vojlre  demande.  Ce  ncfi  pas  que  je  rien  reconoif- 
fe  la  JHjUce  i  mais  l'affeciion  q:ie  cette  Coitrtïfaue 
conferve  pour  moi  parmi  tous  Jes  dere^lemens  ,  7ne 
lie  les  mains ,  ô"  m'empêche  de  lui  infliger  le  chÀ- 
timent  que  vous  fouhaittez..  J'ajoute  pour  un 
troiiiéme  exemple  ,  tiré  des  Nouvelles  de  la 
Reine  de  Navarre ,  qu'un  jeune  Prince  ,  qu'el- 
le ne  nomme  pas  j  mais  qu'elle  deiigne  allez 
bien,  allant  à  une  allignation  amoureufe  ,  tra- 
verfbit  toujours  une  Egliiè  qui  fè  rencontroit 
fur  fon  paflàge ,  8c  y  t-àiibit  régulièrement  ics 
oraifons.  Retournant  chez  lui  ,  après  avoir 
allez  carefle  fà  Maîtrefîè  ,  il  ne  manquoit  point 
non  plus  de  paflèr  par  la  même  Eglifc  ,  &  d'y 
faire  les  prières.  Cette  Reine  allègue  cela  pour 
un  témoignage  de  linguliere  dévotion,  jvlais 
Montagne  (i)  n'eft  pas  en  cela  de  fon  fènti-  (■()Entiis 
ment ,  5c  il  fait  bien.  I.  r  chap. 

Car  comme  l'a  fort  bien  prouvé  tout  fraîche-  î^* 
ment  Mr,  l'Evêquc  de  Caftorie  ,    (2)  ii  ne  peut 
point  y   avo'r  de  véritable  dévotion,    ni  pour  ^^^P^ 
Dieu  ,  ni  pour  les  Saints,  dans  une  ame  qui  n'ai-  ,.,ji"  "^^ 
me  point  Dieu  ,  8c  qui  n'obeït  pas  à  Dieu..    Et  prœcîpuè 
pour  ce  qui  efl  de  ces  miracles  que  1  on  prétend  Be;ir. 
que   la  Sainte   Vierge  a   opérez  en    faveur  de  '^'irg-<'"î- 
quelques  fcclerats  ,  qui  avoient  conferve  de  l'at-  '"  '  ^^^^' 
tachcment  pour  ion  culte  ,     ce  iàvant  (3)  ne  tc^^oj' 
fait  pas  difficulté  de  les  rejetter  ,   &  il  a  railbn. 
Mais  avec  tout  cela  ,  je  ne  laiflè  point  de  trou-  f  5)  Ib, 
ver  ici  une  forte  preuve  de  ce  que  j 'avance  j  je  Traa.?, 
m'en  vais  vous  la  montrer.  articÊs» 

Puis  qu'il  s'ell  trouvé  une  multitude  prodi- 
N  ^  gieu-»^ 


29^  T* en  fée  s  dlverfes* 

gicufè  d'Auteurs  ,  qui  ont  publié  que  plufieurs 
perfonnes  çxi^:igécs  dans  les  plus  énormes  de- 
reglemens  ,  ne  iaiiîbient  pas  de  perfeverer  dans 
la  dévotion  pour  la  Sainte  Vierge  ,  c'ci!:  àQ}2L 
i!ne  marque  que  les  hommes  fe  perfuadent  ai- 
fément,  que  la  conoiiîànce  de  Dieu  eft  compa- 
tible avec  toute  forte  de  mcchancerez  ■■,  8c  par 
conièquent  qu'ils  fe  contrcdîfcnt  eux-mêmes, 
lors  qu'ih  croient  que  les  Idolâtres  font  ncccf- 
iàirement  plus  gens  de  bien,  que  ceux  qui  ibnt 
fins  Religion.  De  plus  ,  il  cft  bien  certain  que 
Monfr.  i'Evêque  de  Caflorie  prouve  très-forte- 
ment ,  que  les  dévots  de  la  Vierge  qui  n'ont 
aucune  vertu  ,  ne  font  pas  de  véritables  dévots. 
Mais  ni  lui ,  ni  peribnne  du  monde  ne  pourra 
jamais  prouver  ,  que  ces  gens-là  ne  confcrvcnt 
point  daiis  leurs  plus  abominables  im^puretez , 
la  coutume  de  faire  des  révérences  aux  Images 
de  Nôtre  -  Dame ,  de  dire  des  Ave  Maria  ,  de 
fè  recommander  à  la  prote6lion  ,  de  fréquenter 
les  lieux  oà  l'on  dit  qu'elle  répand  le  plus  de 
grâces  ,  de  fournir  -à  la  décoration  de  fes  Cha- 
pelles ,  cc  en  gênerai  de  pratiquer  mille  petits 
exercices  extérieurs  de  dévotion.  Ce  qui  mon- 
tre invinciblement ,  que  ces  fcelerats  conlèr- 
vent  une  pleine  periuaiion  de  tous  nos  myfle- 
res  ,  puis  quiis  font  pleinement  convaincus, 
que  la  Sainte  Vierge  leur  peut  faire  des  grâ- 
ces, &  pour  cette  vie  ,  &  pour  celle  qui  eil  k 
Y.cïilr. 

§.  cl; 

Réflexion  fur  un  Ouvrage  du  P.  Ru  fin,. 

La  diftin^lion  que  je  viens  de  faire  entre  la 
"Véritable  devotioa  ,  5c  certains  exercices  extc-= 
îieurs  de  dévotion  ,  le  doit  faire  à  l'égard  de  la 
FqL.    Ua  célèbre  Jefuïte  a  fait  un  petit  traité 

de- 


Penfees  diverfeu  2pp 

depuis  deux  ans  ,  pour  montrer  la  décadence  de 
k  Foi  dans  ces  derniers  liecles  i  &  il  prétend 
eue  l'horrible  corruption  qui  s'eft  introduite 
dans  le  monde ,  vient  principalement  des  grands 
progrès  que  1  incrédulité  y  a  taits.  Il  n'y  a  rien 
de  plus  éloquent  que  la  defcription  qu'il  nous 
donne  des  mœurs  de  ce  ilccle  en  ces  termes  : 

r  etit-tl  (  I  )  jamais  pins  de  deregle^nent  da7is  la  {"  (  )  La  For 
jeimejje  ,  plus  d'ambition  parmi  les  Grands  ,  plus  des  dern, 
de  deLvAche  par/rA  les  petits ,  plus  de  débordement  ^^cles  p^ 
parmi  les  hommes ,  plus  de  luxe  ^  de  molejje  par-  ^^■^' 
mi  les  femmes  ,  plus  de  fanjfeté  dans  le  peuple  ^ 
plus  de  mauvaife  foi  daiis  tous  les  états  i^  dans 
toutes  les  conditions  ?  T  eut-il  jamais  moins  de  f" 
délité  dans  les  mariages  ,  moins  d'homiéteté  dam 
les  compagnies  ,  jnoins  de  pudeur  (y>  de  modejîie 
da?îs  la  focieté^Le  luxe  des  habits ,  la  fomptuojité 
des  anieublemens ,  la  delicateffe  des  tables ,  la  fu^ 
perfluité  de  la  depenfe .  la  licence  des  mœurs  ,  /,'» 
curiofté  dans  les  chofes  faintes ,  ^  les  autres  de- 
reglemens  de  la  'vie  font  montez,  à  des  excès 
i/iouïs.  ,^e  de  tiédeur  dans  la  fréquentation  des 
Sacremens,  que  de  langueur  dans  la  pieté ,  que  de' 
grnnace  dans  la  dévotion  ,  que  de  négligence  en 
tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  effentiel  dans  les  dezoirs, 
que  d'indifférence  dans  le  falut  !  ^^)uelle  corrup- 
tion d'efprit  dans  les  jugemem  .quelle  dépravation 
de  cœur  da?is  les  affaires  ,  quelle  profanation  des 
Autels  ,  ^  quelle  projiitution  de  ce  qu'il  y  a  de 
■plus  faint  ^  de  plus  augufte  dans  [exercice  de  la     ■ 

Religion Tous  les  principes  de  la  vraie' 

pkté  font  tellement  reyiverfez,  ,  quon  préfère  au- 
jourd'hui dans  le  commerce  tm  honnête  fcelerat 
qui  fait  vivre  ,  a  un  homme  de  bim  qui  ne  le 
fait  pas  j  ô'  /^'re  le  crime  fagement  fans  choquer- 
perfonne ,  s'apelle  avoir  de  la  probité  félon  le  inon- 
de ,  dont  les  maximes  les  plus  crmîinelles  trouvent^ 
des  atrobatetirs ,  quand  elles  ont  pour  Auteurs  des 
prfonnes  dms  l'cination  ,  &  qu'elles  font  accom" 
Né  pfk- 


5  00  Penjees  diiferjcf, 

pfitg/2ées  de  quelque  arconfïance  d'écUt.     Car  qui 
ne  fait ,  que  cians  ces  ciernttrs  tems  le  libertinagi 
piijfe  pour  force  d'efprit  parîni  les  gens  de  qualité,, 
ta  fureur  du  jeu  pour  l'occupation  des  pcrfonnes  de. 
condition,  l'adultère  four  galanterie ,  Le  trafc  des 
Bénéfices  four  un  accommouement  des  famiUes,  la- 
Jlaterie,  le  menfonge  ,  la  irahifon  ,    la  fourberie  y 
la  diffrmulation  pour  les  'vertus, de  la  Cour  ■■>ô' ce 
n'efi  plus  prefque  que  par  la  corruption  ^  par  U 
defcrdre,  quon  s'élève  ^-  qu'on  fe  difangue  i   fe 
ne  dis  rien  de  ces  cri'mes  noirs  ^  atroces  ,   qui  fe 
font  débordez,  dans  cette  'malheureufe fin  des  tems, 
dont  ta  feule  idée  efî  capable   de  jeîter  l'horreur- 
dans  l'efprit.    Je  paffe  fous  flence  toutes  ces  abo- 
minations inconnues  yufqu'à  prefent  a  la  candeur 
de  nôtre  Nation,  dans  lufage  des  poifons  j  ^'  que 
nos  pères  azioient  entièrement  ignorées ,  parce  qu  en 
ne  peut  affex,  en  détourner  la  penfée  ,  0'  enjupri^- 
wer  la  feule  imagination.     Enfin  pour  exprimer 
en  Hin  mot  le  caractère  de  ce  fiecle  ,  on  n  a  jamais 
tant  parlé  de  morale,  ^  il  n'y  eut  jamais  moins 
de  bonnes  mœurs  y  jamais  plus  de  rejormation,  (f^ 
moins  de  reforme  yjamais  plus  de  fa-zoir ,  ^  -moins 
de  pieté  }  ja?'aais  de  meilleurs  Prédicateurs  ,  ô» 
moins  de  conajerions  jjam^.is  plus  de  communions  y 
^  inoins  de  changement  de  lis  \  jamais  plus  d'ef- 
prit ni  plus  de  raifon  parmi  le  grand  'monde  ,    ^ 
moins  a'aplication  aux  chofes  foitdes  ^  ferieufes. 

Vivrions-7ious  (demande-t-il  après  cela)  dans 
ces  defordres ,  fi  mus  avions  de  la  Foi  ?  Ferions- 
nous  tjint  de  démarches  J~  funefies ,  fi  nous  fui- 
•vicis  fies  lumières  ?  Et  ferions-nous  fi  corrompus 
f^  ji  déréglez.  ,  fi-  nous  étions  Chrétiens  ?  Je  lui 
répons  ,  que  li  nous  avions  une  véritable  foi , 
^ui  a'efl:  jamais  feparée  de  1  amour  de  Dieu  ,  Se 
il  nous  iuivions  les  lumières  de  nôtre  confcien- 
ce  >  6c  il  nous  étions  de  véritables.  Chrétiens, 
BOUS  ne  vivrions  pas  dans  cts  defordres.  Mais 
.îêk  n'empêche  pas  (jue  nous  naions  autant  dfl 

fcé 


TenfeeS  diverjès,  7  0l 

foi  qu1i  en  faut  ,   pour  être  perfuadcz.  de  la  ve- 
rite  de  TEvangiie  ,    quoi  que  nous  vivions  tout- 
à-fait  mal,     li  y  a  une    très-grande  ditlerence 
entre  n'avoir  point  la  véritable  foi,  6c  être  in- 
crédule :    car  on  peut  manquer  de  la  véritable 
toi  5    c'eil-à-dire ,  de  cette  difpoiition  de  cœur 
qui  nous  porte  à  renoncer  à  tout  ce  que  nous 
conoiiîbns  contraire  à  la  volonté  de  Dieu  ,    Se 
croire  îaeanmoins  que  la  doctrine  de  l'Evangile 
eH  véritable.  Ainfi  on  iè  joue  de  l'ambiguité  des 
mots,  quand  on  dit  que  les  dcfordres  de  ce  fie- 
cle  procèdent  de  l'aftoibliiîement  de  la  toi.     Si 
l'on  entend  qu  ils  procèdent  de  raiîbiblillement 
de  cette  vertu  Chrétienne,  qui  fait  qu'on  Sacri- 
fie à  la  volonté  de  Dieu   toutes  ics  mauvaifès 
inclinations,  on  a  raifon.     Mais  fi  l'on  entend 
qu'ils  procèdent  d'un  défaut  de  perfualion  i  c'eft- 
à-dire ,  que  nous  vivons  mal  ,  parce  que  nous 
regardons  les  dogmes  de  la  morale  Chrétienne 
comme  des  propoiitions  problématiques  ,   dont 
il  ne  nous  relie  aucune  aiîarance  ,  Ton  a  grand 
tort.     Car  à  la  refcrve   de    quelques    perfbnnes 
de  qualité,  &:  de  quelque?  fauxSavans,  ou  mê- 
me de  quelques  -  uns    de    vous   autres  Mrs.  les 
Théologiens  ,    tout  le  monde  croit  parmi  nous 
le  myftcre  de  l'Incarnation ,  la  mort  &  pallio»! 
de  J  E  s  u  s-C  H  R I  s  T  ,   ion  Afcenfion  au  ciel , 
ià  prelènce  fur  nos  autels ,  le  dernier  Jugement, 
la  Refurreétion  des  corps ,  l'Enfer  &  le  Paradis. 
On  n'a  point  fur  ces  chofès-là  une  perflialion 
qui    foit    accompagnée   d'évidence ,    cela  peut 
être  ;    mais  on  a  pour  le  moins  une  perfualion 
qui  exclut  le  doute.      Nos  paifans  ,    nos  arti- 
sans ,  nos  ibldats  ,    nos  Bourgeois  ,    toutes  nos 
femmes,  la  plus  grande  partie  des  Gentilshom- 
mes  8c   des  gens  de  lettres  ,     croient  bonne- 
ment &  fans  hcfiter  tous  les  articles  du  Sym- 
bole.     Ceux  qui  doutent  de  la  Divinité  de  la 
Keligion  Chrétienne  ,    5c  qui  traitent  de  fable 
N  7  ^  cfi 


50-2  Tenfces  dlverfes, 

ce  qu'on  die  de  l'autre  vie  ,    font  en  très-petît 
nombre. 

§.   CLI. 

S'il  ejl  vmi  qu'il  y  ait  beaucoup  d'Athées  k  l^ 
Cour  des  Friaces. 

On  croit  ordinairement  que  les  Princes  &  les 
Grands  Seigneurs  de  la  Cour  n'ont  ni  Foi,  ni 
Loi ,  ôc  1  on  iè  fonde  fur  ce  qulls  vivent  tout 
de  même  que  s'ils  ne  croioient  ni  Paradis,  ni 
Enter  ,  iacrifiant  tout  à  leur  ambition,  iè  tai- 
fant  une  obligation  indifpenlable  de  le  venger 
des  moindres  injures,  carellànt  leurs  plus  mor-> 
tels  ennemis,  quand  l'intérêt  le  veut  ainii,  veil* 
knt  fur  toutes  les  occalions  de  les  ruiner  par 
des  voies  imperceptibles  ,  abandonnant  leurs 
meilleurs  amis  dans  les  dilgraces  ,  toujours 
dans  des  occupations  éloignées  de  l'elprit  de 
1  Evangile  ,  dans  le  jeu  ,  dans  les  galanteries 
criminelles  ,  dans  les  extorfions  ,  dans  les  fef- 
tins  ,  évitant  fur  toutes  chofes  les  aparcnces  de 
h  pieté ,  tournant  en  ridicule  la  dévotion  ;  en 
un  mot  ,  le  rendant  efclaves  de  toutes  les  va- 
nitez  du  monde.  On  a  quelque  raifon  de  croi- 
re ,  que  ceux  qui  vivent  ainfi ,  n'ont  aucune  Re- 
ligion ,  6c  cela  eft  vrai  en  un  certain  fèns ,  par- 
ce qu'ils  n'ont  qu'une  Religion  croupiiTànte 
dans  quelque  coin  de  i'ame,  ïans  être  le  prin- 
cipe d'aucun  bien,  ivlais  on  fe  trompe  lourde- 
ment ,  il  l'on  croit  que  tous  ces  MelTieurs  font 
Athées.  Tant  s'en  faut  qu'ils  le  foient,  qu'on 
peut  dire  qu  il  n'y  a  guère  de  gens  au  monde, 
qui  donnent  plus  qu'eux  dans  certaines  fuperfti- 
tions.  Pour  ne  point  parler  de  l'entêtement 
oij  ils  ont  été  autrefois  de  confulter  les  Aftro- 
îogues  ,  ne  lait-on  pas  qu'ils  ont  une  curiolité 
prodigieulè  de  confulter  les  Devins  ?   Peut -on 

igno- 


l 


Ignorer  combien  ils  font  infatuée  àç:s  preià- 
ges  ?  Y  a-t-il  beaucoup  de  grandes  maifons, 
où  l'on  ne  débite  pas  que  l'on  ell  averti  regU:- 
lierement  par  l'aparition  de  quelque  fantôme, 
ou  par  quelque  autre  ligne  particulier ,  que 
uelqu'un  de  la  famille  doit  mourir  ?  Combien 
traditions  prophétiques  ne  fait-on  pas  cou- 
rir touchant  certaines  familles  de  grande  naif- 
iànce  ?  Mais  fur  tout,  conibien  de  prodiges» 
combien  d'accidens  miraculeux  ne  raconte-t-on. 
pas  de  fès  ancêtres  parmi  le  grand  monde  ? 
Vous  me  direz,  ,  que  ce  n'eft  pas  une  marque 
que  l'on  en  foit  perfuadé  ,  qu'on  veut  feule- 
ment faire  accroire  aux  autres  ,  que  l'on  efl 
particulièrement  recommandé  aux  Devinées.  Je 
le  croi  de  quelques-uns  •■,  mais  la  plupart  font  lî 
aiiè  de  s'imaginer  que  la  providence  les  dilliin- 
gue,  qu'ils  fe  le  perlùadent  tout  de  bon.  Tous 
nos  Hiftoriens  conviennent ,  que  jamais  on  n'a 
vu  la  Magie  plus  en  vogue  ,  qu'à  la  Cour  de 
France  Ibus  la  Reine  Catherine  de  Medicis  :  ce 
qui  eût  été  impoffible  ,  fi  l'on  n'y  eût  crû  un 
Dieu ,  car  il  n'y  a  point  de  gens  plus  incrédules 
iùr  tout  ce  qu'on  dit  ^cs  Sorciers  8c  des  Magi- 
ciens, que  les  Athées. 

Voions  un  peu  les  Grands  Seigneurs  au  lit 
de  la  mort.  C'ed  là  que  la  nature  fècouë  le 
joug  de  la  d iffmi dation  ,  6c  que  les  véritables 
lèntimens  de  l'amc  le  découvrent ,  fi  jamais  ils 
font  capables  de  le  faire.  Voions-nous  des  gens 
plus  cmpveflèz  que  les  Princes  ,  que  les  Ducs 
&  que  les  Comtes  ,  à  le  recommander  en  cet 
état-là  à  la  vertu  àc^  fîintes  Reliques,  &:  à  l'in- 
terceflïon  des  bienheureux  ?  Y  en  a-t-il  qui  ne 
ibuhaicaflent  de  le  faire  voir  au  P.  Marc  d'Avia- 
no  ,  ou  à  quelque  autre  perlbnne  célèbre  par  là 
làinteté,  &  par  le  don  de  guérir  les  maladies? 
Quels  prefens  n'envoient  -  ils  pas  par  tous  les 
Cloîtres. ,  afin  qu'on  prie  Dieu  pour  leur  guéri- 

fon? 


504  Fenfics  diverfa, 

fon?  D'où  cft  venue  la  richefie  des  Eglîjfcs,  que 
de  la  peur  que  les  Grands  Seigneurs  ont  eue  de 
demeurer  trop  long-tems  en  Purgatoire  ?  J'a- 
voue que  l'on  ne  fait  pas  à  prclènt  des  legs 
pieux  auiTi  coniiderables  qu'autrefois  3  mais  on 
en  fait  pourtant  de  coniiderables.  Le  mal  eft 
pour  les  gens  d'Eglifè,  que  les  héritiers  ne  s'ac- 
quittent pas  fidèlement  de  la  promefîè  du  Tef- 
tateur,  aiant  moins  de  peur  que  lui  de  la  mort, 
parce  qu'ils  ne  la  voient  pas  de  li  près.  Tout 
cela,  Monlieur  ,  fait  voir  manifeftement  ,  que 
la  vie  de  la  Cour  ne  fait  pas  abjurer  le  Symbo- 
le des  Apôtres  :  on  fè  contente  de  ne  fuivre 
point  {qs  lumières  pendant  qu'on  le  ports 
bien. 

§.    CLIL 

Conjiderftthn  particulière  des  fentimens  de 
Louis  XI, 

En  diiànt  que  les  Grands  Seigneurs  font  voî? 
quand  ils  font  au  lit  de  la  mort  ,  qu'iis  croient 
les  myftcres  de  l'Evangile  ,  je  ne  prétends  pas 
leur  donner  un  grand  éloge  i  car  il  pourrois 
bien  être ,  que  l'envie  de  guérir  ell  la  feule  cau- 
iè  de  leur  recours  aux  prières  des  bons  Servi- 
teurs de  Dieu.  Or  c'ell:  bien  peu  de  choie  que 
la  foi  d'un  homme,  qui  attend  a,  croire  en  Dieu, 
que  Id  fièvre  le  prejfe.  Se  n'en  deplaifè  aux  Pères 
Minimes  ,  le  volage  de  St.  François  de  Pauîe 
du  fond  de  la  Calabre  à  la  Cour  du  Roi  Louis 
XL  ne  me  fait  pas  avoir  une  grande  idée  de  la 
Êinteté  de  ce  Prince.  .  Je  ne  iaiflerai  pourtant 
pas  de  rae  prévaloir  de  ce  voiage  ,  parce  que 
Louis  XL  a  fait  profeflïon  toute  là  vie  d'une 
duplicité  de  cœur  ii  opofée  à  l'efprit  de  la  Re- 
ligion Chrctienne  ,  qu'il  n'y  a  guère  de  Roi^ 
que  l'on  pût  moins  tenaercùj-emeiit  ibup^onner 

d'ir^- 


Fenfées  dherfis^  305 

d'irréligion,  que  celui-là.  Un  fourbe,  un  Prin- 
ce qui  iè  moque  de  la  parole  donnée  ,   qui  tend 
des  pièges  à  Ion  prochain  ,   qui  s'agrandit  par 
des  voies  obliques  &  par  la  fraude  ,    me  paroît 
plus  criminel,  qu'un  Conquérant  qui  à  l'imita- 
tion d'Alexandre  ,    declaroit  fans   aucune  forte 
de  deguifement ,   qu'il  veut  conquérir  les  Etats 
de  fes  vollins.     Et  li  Louis  XI.  ne  fut  pas  un 
aufh  grand  perturbateur  du  genre  humain  qu'A- 
lexandre ,   ce  ne  fut  pas  à  cauiè  qu'il  avoit  plus 
de  conlcience  que  lui ,  mais  à  caule  qu'il  avoit 
moins  de  cœur  Se  moins  de  génie.     Les  Hiflo- 
riens  de  ce  Roi  tombent  d'accord ,  que  fès  pè- 
lerinages (  I  )  6c   Tes  dévotions  les  plus  arden-  (i)  Mat- 
tes ,  ont  fbuvent  couvert  des  defîèins  très-éloi-  thieu , 
gnez  de  la  juflice  &.  de  la  pieté  •■>  qu'il  y  attra-  J^'  .  '^^ 
^oit  toujours  quelqu'un,  ^  qu'il  accommodoH  fa  jj^.'^  ^^ 
Religion  a  [es  dejfeins  ,   plutôt  que  fes  dejfeins  à  chap.a. 
fa  Religio/î.  ^i'ilfaifoit(i)  des  chofes  qui  étoient 
bonnes  en  apare'ûcc ,  mais  a  mawvalfe  intention^  (2)  Du 
■^enfant  que  par  fa  bigoterie  il  tromperait  Dieu  ô>   Haillan  , 
le  'monde;  qu'il  otoit  aux  pauvres  ,    tour  donner     Jj'.^^f^  j1 
aux  Egltjes -,  CT  qu  n  foula  pius  [on  peuple  de  tri-  France. 
buts  ^-  de  tailles  ,    que  rul  autre  Roi  de  fes  pre- 
decejjeurs ,   1^  quauji  rendit-il  fon  peuple  mal  af- 
feclionné  en'vers  lui.     ^tfil  fit   durant  (3)  fon  (^)  Chro- 
règne  beaucoup  d'injufiices  ,   de  maux  ^  de  vio-  nique 
lences  •'  tellement  qu'il  avoit  mis  fon  peuple  fi  au  jcanda- 
bas ,  quati  jour  de  fion  trépas  il  était  prefique  an    ' 
defiefpoir. 

Je  ferois  trop  long  ,  fi  je  raportois  en  détail 
ce  que  les  Hifloires  en  difènt.  C'eii  pourauoi 
j'y  renvoie  quiconque  ne  fera  point  perfuadé, 
que  fi  jamais  on  a  pu  foupçonncr  quelqu'un  de 
ne  croire  pas  en  Dieu  ,  c  efl:  afïurément  Louis 
XL  contre  qui  l'on  peut  former  un  préjugé  fî 
étrange  i  8c  je  m'affûre  que  l'on  m'en  croira , 
li  l'on  examine  bien  les  faits.  Il  n'y  auroit 
pourtant  rien  de  plus  faux  ,   que  d'avancer  que 


(i)  Bran- 
tôme, vie 
de  Char- 
les VIII. 


(2)  Mat- 
thieu , 
Hift. de 
Louis  XI. 
Uy.  10. 


(,)  Ibld. 


501^  Tenflei  diverfes. 

ce  Prince  n*étoit  point  perfuadé  de  Ùl  Relt* 
gion.  Car  outre  qu'on  lui  (  i  )  entendit  dire 
un  jour  qu'il  croioit  faire  fes  prières ,  fans  être 
entendu  de  perfonne  ,  devant  le  grand  autel  de 
Nôtre-Dame  de  Cleri  ,  Ah  ma  bonne  Dame, 
mu  petite  Maitrejfe  ,  ma  grar.de  Amie,  en  qui 
j'ai  eu  toujours  mon  réconfort  !  Je  te  prie  de  Ju- 
flier  Dieu  four  moi,  ^  être  mon  Adxocate  en- 
vers lui,  (^u'il  me  pardonne  la  mort  de  mon  frè- 
re ,  que  j'ai  fait  empoifonner  par  ce  méchant  Ab- 
bé de  St.  Jean ,  je  m'en  confeffe  k  toi  ,    comme 

à  ma  bonne  Vaîrone  ^  Maïtreffe 'Eais- 

moi  doncques  pardonner ,  ma  bonne  Dame ,  (^  je 
fai  ce  que  je  te  donnerai  j  outre  cette  prière,  dis- 
je  ,  nous  voions  par  Temprefièment  qu'il  eut 
durant  ià  dernière  maladie  ,  de  faire  venir  St. 
François  de  Paule,  qu'il  étoit  perfuadé  de  l'etFi- 
cace  de  la  prière.  Ce  pauvre  Prince  avoit  tant 
d'envie  de  ne  mourir  point ,  qu'aiant  apris  que 
ce  Saint  Hermite  iè  tenoit  dans  la  Calabre,  8c 
qu'il  faiibit  de  grands  miracles  ,  il  n'oublia  rien 
pour  (  1)  obtenir  du  Pape  qu'il  lui  fût  permis 
de  le  faire  venir  en  France  ;  8c  il  étoit  telle- 
ment perfuadé  que  la  prcfcnce  8c  les  prières 
de  cet  homme  prolongeroient  fa  vie  ,  que  la 
première  chofe  qu'il  fit  en  le  voiant  ,  fut  de  le 
prier  d'allonger  Çts  jours.  Enfuite  il  lui  cnvoioit 
dire  à  tout  moment,  qu'il  ije  tenoit  qu'à,  lui  que 
fa  fis  7îe  fût  prolongée.  La  même  envie  de  vi- 
vre lui  fit  demander  au  Pape  divers  prefens, 
comme  nous  l'aprenons  de  Philippe  de  Commi- 
ues:  Le  Fate  Sixte  ÎV.  (dit-i!)  étant  jnf orme , 
que  par  de-votion  le  Roi  defrcit  a-vcsr  le  Corporal 
fur  o^uoi  chantait  Meffe  Monjhur  St.  Pierre,  tan- 
tôt lui  enioia  aiec  plufeufs  autres  Reliques ,  lef- 
quelle s  lui  furent  enxoiées.  L'Hiftorien  (3)  Mat- 
thieu nous  aprend  qu'il  étoit  environné  de  Re- 
liques,  8c  qu'il  s'en  fervoit  comme  de  baiTica- 
des  j  ne  penlànt  point  que  la  mort  eût  la  har^ 

diellc 


TenJeeS  ciiveyjèj,  507 

diefiê  de  paflèr  par  deffus  pour    l'attaquer.     Il 
fit  auiïi  venir  la  Sainte  AmpouUe  ,   f^iant  inten- 
tion d'an  prendre  pareille  onUian  ,  que  celle  de  fon 
Sacre,  à  ce  que  dit  le  même  Philippe  de  Com- 
niines.     Mais  rien  ne  témoigne  davantage  l'en- 
vie qu'il  avoit  de  vivre  ,  que  la  manière  dont  il 
corrigea  i'orailbn  qui  avoit  été  compoiee  pour 
demander  à  St.  Eutrope  la  fànté  de  fon  corps  8c 
celle  de  fon  ame  en  même  temsj  car  il  fit  raier 
l'endroit  (  i  )  qui  concernoit  la  fanté  de  l'ame,  /j^Oaude 
diiànt  que  c'étoit  affez  que  le  Saint  lui  fît  avoir  seyfTel , 
celle  du  corps,  &  qu'il  ne  faloit  pas  l'importu-  Hift.  de 
ncr  de  tant  de  chofes.  On  ne  fauroit  s'empêcher  Louis  XI. 
de  conclure  de  tous  ces  faits  ,  que  ce  Prince 
étoit  entièrement  perfuadé  de  la  vérité  de  nos 
dogmes.     Donc  nous  avons  en  fà  peribnne  l'e- 
xemple d'un  partait  accord  entre  une  ame  tout- 
à-fait  méchante  ,    5c  une  perfuafion  de  l'exiften- 
ce  de  Dieu  ,  qui  va  jufqu'à  la  bigoterie  la  plus 
outrée. 

§,  CLIII. 

^ue  la  Cour  ne  garantit  y  ni  de  la  fuperjiition  y  ni 
des  erreurs  populaires. 

C'efl  donc  une  illufion  toute  pure,  de  s'ima- 
giner que  parce  que  les  Princes  ne  iè  font  pas 
une  Religion  d'obfèrver  les  traitez  de  paix,  ni 
les  alliances  les  plus  folemnellement  jurées,  ou 
de  refalcr  quelque  choie  à  leurs  paluons  ,  i]s 
croient  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu.  Je  le  dis  en- 
core un  coup ,  les  Grands  du  monde  font  pour 
l'ordinaire  plus  fupcrltitieux  que  les  autres 
hommes  à  l'égard  de  certaines  choies.  On  s'i- 
magine qu'il  ibffit  d'être  né  dans  une  grande 
mailôn  ,  6c  d'avoir  été  élevé  à  la  Cour  d'un 
Prince ,  pour  avoir  un  efprit  grand  6c  lublime. 
JMais  ceux  qui  s'imaginent  cela,  confondent  l'ef- 

prit 


5oS  Tenfces  diverjes, 

prit  avec  le  cœur.  Il  eft  fort  vrai ,  que  les 
avantages  de  la  naiflànce  8c  de  l'éducation  dan« 
le  grand  monde  ,  élèvent  le  cceur.  On  voit 
peu  de  perfonnes  de  cet  ordre  ,  qui  ne  foient 
braves  j  on  en  voit  un  très-grand  nombre  qui 
ont  une  intrépidité  8c  une  ambition  demelu- 
rées.  Mais  il  n'en  va  pas  de  même  de  l'elprit. 
Il  faut  convenir,  qu'il  fc  polit  extrêmement  à 
la  Cour  j  mais  il  n'y  acquiert  pas  de  la  gian- 
deur  ,  je  veux  dire  de  cette  force  qui  l'élevé  au 
defTus  des  préjugez  de  l'enfance,  6c  qui  le  met 
en  état  de  pénétrer  jufques  à  la  fourcc  de  la 
vérité  au  travers  de  mille  erreurs  dont  elle  eft 
ou  couverte  ,  ou  environnée.  Je  pafîè  plus 
avant ,  8c  je  dis  qu'on  n'acquiert  pas  même  à 
la  Cour  cette  fauife  8c  prctenduè  force  d'eiprit, 
dont  les  Athées  8c  les  Deiiies  fe  glorifient  j  8c 
je  fbûtiens  que  ii  l'on  examine  la  chofè  atten- 
tivement ,  on  reconoîtra  que  cette  prétendue 
force  s'acquiert  plus  dans  l'exercice  de  la  diipu- 
te  8c  parmi  ceux  qui  étudient ,  qu'à  la  Cour, 
ni  à  l'armée.  Ainli  ,  Moniieur  ,  convenons  de 
bonne  foi,  que  les  Grands  avec  toute  la  pompe 
qui  les  environne ,  ne  laifîènt  pas  de  demeurer 
dans  les  préjugez  de  l'éducation,  tout  de  même 
que  les  autres  hommes  ,  foit  à  l'égard  des  dog- 
mes de  la  Religion  ,  foit  à  l'égard  des  verite2i 
naturelles. 

En  effet  ,  ii  l'air  du  grand  monde  guerifîbit 
des  impreflions  de  Religion  que  l'on  commu- 
nique aux  enfans  ,  nous  ne  verrions  pas  autant 
de  fuperllition  que  nous  en  voions  dans  hs 
premiers  hommes  de  la  Republique  Romaine. 
II  paroît  par  une  infinité  d'exemples  ,  que  iès 
Confuls  8c  Çqs  Didateurs ,  8c  femblables  perfon- 
nes du  premier  ordre  ,  ont  été  fort  fuperfti- 
tieux.  Les  Rois  8c  les  Empereurs  du  Paganif- 
me  l'ont  été  furieufement  ,  8c  l'on  en  pourroit 
donner  cent  exemples   très- capables  de  con- 

vaiîi- 


Tenfees  diverjès,  309 

Taincre  que  ce  n'étoit  pas  la  Politique  qui  agiA 
ibit,  rnais  h  maladie  du  cœur  ■-,  quoi  que  j'a- 
voue ,  qu'il  faut  imputer  fou  vent  leur  fuperfti- 
tion  à  leur  Politique.  RepalTez  un  peu  l'eP 
prit  fur  ce  que  je  vous  ai  aLegué  ci  (  i  )  delTus  (1)  Numi 
touchant  Tarquin  le  Superbe  ,  Néron  ,  Catili-  ^1°' 
na,  &c.  6c  foufn-ez  qu'à -propos  de  Catilina, 
je  remarque  qu'on  difoit   à  Rome ,  (  2  )  qu'il  f  ^  a 

■      c  •  *  r  \     r  '■*!      llut.  de 

avoit  raiL   prêter   icrment  a  les   compiices  de  bdlo 
biai  garder  le  lècret  ,    6c  qu'afin  que  les  maie-  CaciJ. 
didions ,  aufquelles  ils  vouloicnt  bien  être  afTu- 
jettis  s'ils  fauiibient  leur  toi ,    fillènt  plus  d'im- 
prelTicn  fur  eux,  il  leur  avoit  fait  boire  du  làng 
humain  mcle  avec  du  vin  :  ce  qui  monde  que 
cette   troupe  de  fcelerats  ,     dont   ce  méchant 
homme  fe  vouloit  fovir  pour  la  plus  exécrable 
a6lion  du  monde,  étoit  perfuadée  qu  ii  y  a  une 
juftice  inviiible  ,  qui  punit  la  violation  du  fer- 
ment.    L'un  des  principaux  complices  de  Cati- 
lina ,  fàvoir  Lentuius ,  s'engagea  dans  cette  conA 
piration  ,    à  cauiè  qu'il  (  3  )   s'imagina  que  les  ^^j  Lç^- 
livres  des  Sibylles  ,   6c  les  reponfes  des  Harufpi-  tulum 
ces  lui  promettoient  l'Empire  de  Rome;   preu-  autem  fibi 
ve  évidente ,     qu'il  étoit  bien  éloigné  de  l'A-  ^o^^firoiaf- 
^v  T  •  .M     j       '..   •  ^  le  ex  fatis 

theilme  ,   puis  qu  il  n  en  etoit  pas  encore  a  re-  sibyiimis, 

conoitre  la  vanité  des  augures.  Haruf- 

plcumqiie 
§.    CLIV.  xefponCs, 

''  leeUe  ter- 

Be  U  fuper/lhson  d'Alexandre.  Corne- 

lium ,  ad 

Mais  voici  un  exemple  qui  ne  vaut  guère  ^"^"^  ^^- 
moins  lui  feul  ,    qu'une  demonilration  de  Geo-  bis^'arau  ^' 
metrie.     Si  jamais  l'efprit  de  la  Cour  a  dû  pro-  imperiurn 
duire  l'Athcïfme  dans  une  ame ,  c'eft  fans  dou-  pervenire 
te  dans  celle  d'Alexandre  le   Grand  qu'il  a  dû  fiTctne- 
produire  cet  efïèt  ,     parce  que  c  étoit  le  plus 
ambitieux  de  tous  les  hommes  ,   6c  en  même  c^/VV/l 
tems  le  plus  hardi  §;  le  plus  hcurçux.    Aufil  Orai.j, 

peut- 


cêfle. 
Cicer»  t'a 


5IO  Penfées  diverjès. 

peut-on  dire ,    qu'il  a  fait  cent   choies  qui  té- 
moignent un  mépris    horrible  des  Dieux.     Je 
ne  parle  point  de  fes  conquêtes  ,    quoi  qu'à  le 
bien  prendre  ,   il  n'y  ait  rien  de  plus  injulle,  ni 
de  plus  impie,  que  de  chalîèr  de  vive  force  de 
leur  paï's  ceux  qui   le  poflèdent  de  bonne  foi. 
Je  parle  de  la  hardieiîè  qu'il  eut  de  le  faire  ado- 
rer comme  un  Dieu,    &  d'abatre  les  Temples 
d'Efculape  ,     pour  venger   la  mort  de  Ion  fa- 
vori.    Tout    cela   néanmoins   n'empêche   pas, 
qu'Alexandre  n'ait  été   l'homme   du  monde  le 
(i)  Cldef-  plus  éloigné  de  TAtheiTme.     J'ai  déjà  dit  (  i  ) 
fus  p.2j6.  quelque  part,  que  dans  fon  enfance  il  fut  cen- 
-  furé  par  fon  gouverneur ,  de  ce  qu'il  étoit  trop 

poil  Da-  pi'odigue  d'encens  envers  les  Dieux  •■,  je  dis  à 
rium  vie-  cette  heure  ,  qu'il  avoit  toujours  à  fà  fuite  fon 
tumario-  grand  Devin  Ariftandre  ,  pour  favoir  de  lui,  iî 
los  &  va-  les  prefages  des  vidlimes  alloient  bien  ,  toutes 
fere^^defie-  ^^^  "^^^^  ^"^'^^  i^\o\.X.  entreprendre  quelque  cholè. 
rac,  rur-  ^  ^^  vérité  il  difcontinua  de  confulter  fes  De- 
fus  ad  fu-  vins  ,  quand  il  fe  vit  au  comble  de  fi  fortune, 
perftido-  Mais  il  n'eut  pas  plutôt  éprouvé  quelques  tra- 
nemhu-  yerlès  ,  qu'il  retomba  dans  fès  (2)  premières 
manarum    ^        n.-^-  o         vi    r  v    r        ^     •  j 

jrentium      fuperititions ,  ôc  qu  il  le  remit  lous  le  joug  de 

fudibria  fon  Ariftandre  j  deforte  que  fur  la  fin  de  ià 
révolu  tus,  vie  ,  aiant  cru  reconoître  par  quelques  prefa- 
Anftan-^  ges,  que  les  Dieux  étoicnt  mal  fatisfaits  de  lui, 
cre'ulka^'  il  prenoit  les  moindres  chofes  extraordinaires 
teiTi  fuam  qui  lui  arri voient ,  pour  des  fignes  &c  des  aver- 
addixerat ,  tiiîèmens  celeftes  ,  8c  avoit  toujours  fà  maifon 
exp.orare  pleine  de  Devins  qui  y  lacrifioient  ,  ou  qui  la 
eventum  pQj-if^Qicnt  ,  ou  qui  y  faifoient  quelque  autre 
crifi.iis  lembJable  tour  de  leur  métier  ,  comme  nous 
jubet.  l'aprend  Plutarque  dans  la  vie  de  ce  Conque- 
^'>'f.        rant.    . 

C^rfu;;,  Fiez-vous  après  cela  à  ces  gens  qui  nous  af- 

I1J2         furent  ,    comme  s'ils  avoient  le  don  de  fonder 

les  reins  6c  les  coeurs  ,    que  la  Cour  eft  pleine 

d'Athées.    li  me  femble  que  j'ai  beaucoup  plus 


Tenfées  diverjès.  3 1  ï 

<3e  raifbn  de  le  nier ,  8c  de  dire ,  qu'à  la  vérité 
il  eft  probable  qu'il  s'y  en  trouve  plus  que  par- 
mi le  peuple  5  mais  qu'à  la  reierve  de  quelques 
perlbnnes  ,  le  grand  monde  ,  univer{èllemenc 
parlant  ,  eft  aulTi  perfuadé  de  l'exiftence  de 
Dieu  ,  6c  du  Paradis  8c  de  l'Enfer,  que  le  Tiers- 
état.  S'il  y  a  quelque  différence,  elle  ne  con- 
iifte  afiurément  ,  qu'en  ce  qu'à  la  Cour  on  lon- 
ge moins  aux  affaires  de  la  confcience  que  par 
tout  ailleurs  ,  8c  qu'on  y  a  plus  de  hardieflè, 
plus  d'habitude  8c  plus  d'engagement  à  pécher , 
que  par  tout  ailleurs  •■>  ce  qui  tait  que  les  Cour- 
titàns  font  ,  ou  plus  ignorans  que  les  autres 
hommes  fur  le  chapitre  de  la  Religion  ,  ou 
moins  retenus,  8c  moins  fajets  aux  remords  de 
la  confcience.  Mais  pour  la  perfualion  des  veri- 
tez  générales, 6c  des  principes  du  Chriftianifmc, 
je  croi  qu'univerfellement  parlant  ,  ils  ne  l'oût 
pas  moins  que  les  autres  hommes. 

Au  refte,  le  Roi  Louis  XI.  eft  un  exemple 
inconteftable  de  ce   que  j'ai    touché  ci-deifus, 
qu'on  peut  être  tout  enfemble  très-mechant  8c 
très-exad  à  rendre  à  la  Ste.  Vierge  mille  peti- 
tes  marques  de   dévotion  extérieure.     Car  ce 
Prince ,  tout  tel  que  nous  l'avons  vu ,  a  dépen- 
de des  fommes  immcnfes  pour  l'ornement  des 
Egliics  de  Nôtre-Dame  ,    8c  ordonné  que  l'on 
(  i)  fonneroit  la  cloche  chaque  jour  à  midi,  (0  Ce  fat 
pour  avertir  le  monde  de  reciter  la  làlutation  l[j"jh=ea** 
Angélique.    Claude  de  Seyfîèl  raportc  ,  ' ^te  [a>  Hift.'ds 
dévotion  fembloit  ^lus  {upcrJUtienfe  que  religieuje  ;  Louis  XL 
car  a  queli^ue  image,  ou  Eglife  de  Dieu  ^  des  liv.  n. 
Saints ,  0>  mèmement  de  Notre-Dajne ,  qu'il  en-  ^"*  *• 
tendit  que  le  peuple  eut  dévotion,  014  qu'il  s'y  fit 
(Quelques  miracles ,    //  y  alloit  faire  fes  ojrandes , 
eu  y   envotoit  homme  exprès.     Il  avoit  au  fur- 
flus  fon  chapeau  tout  plein  d'images ,    la  plupart 
de  plomb  ou  d'étain  ,     lefquelles  k  tout  propos , 
^iidnd  (l  Iftt  Vinoit  quelques  noHvelkj  bonnes  ou. 


512.  Penfées  dlverfis. 

mauvaifes ,  ou  que  fa  fantaijie  lui  prenait ,  il  oaî- 
foit ,  fe  ruant  a  genoux  quelque  part  qu'il  fe  trou- 
vât ,  fi  foudaiiiement  quelquefois ,  qu  il  fembloit 
fhés  blefj'jé  d'entendement ,  que  fage  homme. 


A.  . 


le  29.  de  Juillet  i(?or. 


FIN  DU  I.  TOME, 


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