»? '
Pierre Du Moulin
Essa.i sur sa Vie
Sa Controverse et sa PoléVique -<
BX
9459
.D8
G67
1888
BX 9459 .D8 G67 1888
Gory, G ©d eon A'
Pierre du Moulin
UNIVERSITÉ DE FRANCE - ACADÉMIE DE PARIS
PIERRE DU MOULIN
ESSAI SUR SA VIE
SA CONTROVERSE ET SA POLÉMIQUE
THESE
PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE PROTESTANTE DE PARIS
POUR OBTENIR LE GRADE DE BACHELIER EN THÉOLOGIE
et soutenue publiquement le mercredi 25 juillet i888, à 4 heures
PAR
GÉDBON GORY
PARIS
LIBRAIRIE FISCHBACHER
(société anonyme)
33, RUE DE SEINE, 33
1888
FACULTÉ DE THÉOLOGIE PROTESTANTE DE PARIS
EXAMINATEURS DE LA SOUTENANCE:
M. Viguié, Président de la soutenance.
MM. Viguié
Stapfer \ Examinateurs.
Vaucher
La Faculté n'entend ni approuver ni désapprouver les opinions
particulières du candidat.
No 112.
PREFACE
Pascal dans les Provinciales cite du Moulin comme le
grand adversaire du Catholicisme; il le met avec les diables
les plus méchants. Bossuet réfute un de ses ouvrages. Il a
joui pendant sa vie, et longtemps après sa mort, d'une
gloire exceptionnelle. Aujourd'hui dans le Protestantisme,
à peine quelques personues connaissent-elles son nom,
parce qu'on a réédité en 1846 le Bouclier de la Foi
comme livre de piété.
Après la période des Réformateurs, vient celle des
Docteurs, et puis c'est le Désert. Parmi les Docteurs, du
Moulin fut, au dire de ses contemporains, le plus grand.
Sa vie nous fait connaître surtout une période de notre
histoire, celle qui va de l'édit de Nantes à la prise de la
Rochelle. Pendant ces années de paix et d'organisation
dogmatique, du Moulin est à la tête du mouvement pro-
testant.
C'est un homme de fer, qui porte dans le dix-septième
siècle l'énergie, la foi intense et inébranlable du seizième,
dont il a subi l'éducation.
J'ai trouvé la plupart des sources imprimées et ma-
— 4 —
nuscrites dont je me suis servi, à la bibliothèque de l'His-
toire du Protestantisme français. Je tiens à témoigner ma
reconnaissance à M. le pasteur N. Weiss, qui a fouillé
pour moi cette précieuse bibliothèque et m'a aidé à y
découvrir les ouvrages que j'indique. Je remercie aussi
M. le pasteur Paul de Félice, qui a bien voulu s'intéresser
à mon travail et me communiquer quelques ouvrages de
sa bibliothèque.
Voici la liste des sources les plus importantes que j'ai
consultées :
1° Sources manuscrites.
Autobiographie de Pierre du Moulin (à la Bibliothèque
del'Hist. du Prot. fr.)1.
Quick, The life of M. Peter du Moulin. Inédit (Jbid.).
Lettres inédites de P. du Moulin (ibid.).
Lettres inédites de Marie du Moulin (ibid.).
Registre des Actes du consistoire de Sedan (à Sedan),
gracieusement consulté pour moi par M. le pasteur
P. Vincent, et extraits de M. P. Schmidt, communiqués
par l'intermédiaire de M. N. Weiss.
2° Sources imprimées.
Bâtes, Vitœ selectorum aliquot virorum. Londres, 1682,
in-4°.
1 Cette autobiographie a été imprimée dans le Bulletin de l'His-
toire du protestantisme français, T. VII, mais avec des erreurs de
lecture.
— 5 —
Récit des dernières heures de Monsieur du Moulin, avec
une épitre adressée à ses enfans au sortir d'une grande ma-
ladie. Genève, 1662, in-12.
Ephemerides Isaaci Casauboni. Oxford, 1850, in-8°.
Daniel Charnier, par M. Ch. Read. Paris, 1858, in-8°.
Ablonet Charenton, par le même. (Extrait du Bull, hist.
et lit t.).
Synodes nationaux d'Aymon. 2 vol. in-/r°, 1710.
Synodes de Quick, 2 vol. in-fol., 1692.
Prœstantium ac eruditorum virorum epistolœ. .. Amster-
dam, 1660, in-8°.
Histoire de la Vie de Messire Philippes de Momay (par
David de Licques). Leyde, in-/j.°, 16/J.7.
Le Rabelais réformé (par le P. Garasse. Bruxelles, 1620,
in-8°), et les ouvrages indiqués par la France protestante.
Les ouvrages de du Moulin.
La France protestante, lre et 2e éditions.
Le Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme
français.
Dictionnaire de Bayle, etc.
PREMIÈRE PARTIE
ENFANCE ET JEUNESSE DE DU MOULIN — VOYAGES,
PÉRIODE DE PRÉPARATION
Pierre du Moulin sortait, comme beaucoup de pasteurs
du dix-septième siècle, des rangs de la meilleure noblesse.
Les du Moulin, sieurs de Lorme-Grenier ou Gregny, descen-
daient, au témoignage de Bâtes, de Denys de Molendino,
ministre de Charles VI d'Angleterre , qui épousa une
princesse du sang, 4*ft% Mary Courtenay.
Le récit de la vie de Joachim du Moulin, le père de
Pierre du Moulin, serait une introduction excellente pour
notre travail ; mais la matière est trop abondante, et nous
serons appelés à parler assez souvent de lui. Qu'il nous
suffise de dire qu'il était pasteur, ancien catholique1, dés-
hérité par sa mère, Jeanne Douville, en haine de la reli-
gion. Jusqu'à la fin des guerres de la Ligue, il fut chassé
1 Mais non ancien moine (voir la préface de la Nouveauté du Pa-
pisme). Les adversaires le confondent avec l'ex-cordelier Guillaume
du Moulin, ami et collaborateur de Farel, pasteur d'Aigle, puis de
Noville.
d'une ville à l'autre ; aujourd'hui pasteur à Mouy ou à
Cœuvres, et tranquille; demain peut-être, parce que le
seigneur du lieu aura abjuré et refusera l'abri à l'Église et
au pasteur, fuyant et se cachant dans les champs, avec sa
famille, pauvre, malade, menacé de mort, et ranimant le
courage des protestants abattus. Et telle était alors la con-
dition de tous les pasteurs. Les Églises jusqu'à l'édit de
Nantes n'avaient qu'une existence contestée et précaire;
les pasteurs le plus souvent erraient de l'une à l'autre.
«L'an 1564, le 24 Avril, Joachim du Moulin, mon
père, ministre de la Parole de Dieu, épousa en l'Église
d'Orléans demoiselle Françoise [Gabet] , fille d'Innocent
Gabet, juge pour le Roy, à Vienne, en Dauphiné, tué pour
la Religion, peu après le massacre de la Saint-Barthé-
lémy1... Du mariage entre Joachim du Moulin & Fran-
çoise Gabet sont issus quatre enfans, assavoir Ester2,
Joachim, Pierre & Éléazar3. »
Pierre du Moulin, notre héros, naquit le 16 octobre
1568. Joachim du Moulin, avec ses deux enfants, Esther
et Joachim , âgés de trois ans et de un an , et sa femme
enceinte, fuyait la persécution, car c'était le temps des troi-
sièmes troubles qui l'avaient chassé de son Église de Mouy 4.
1 «Toute cette famille a quitté la profession de l'Évangile, hormis une
fille, nommée Claude, sœur de ma mère » (Autob.).
2 Qui épousa en secondes noces le pasteur Etienne Bochard, sieur
du Ménillet.
3 Autobiographie (manuscrite) de Pierre du Moulin.
* Et non Mony, comme lit le Bulletin,. T. VII, p. 17. Mony n'existe
pas, Mouy est connu. Voir la France protestante au nom de Louis
de Vaudrey, seigneur de Mouy. Voir aussi le Registre de l'État civil
de l'Église réformée de Mouy. Bulletin, T. XXXII, p. 61 et XXXVII,
p. 386.
— 9 —
Le château avait été pris par les catholiques, et Joachim
du Moulin avait réussi à s'enfuir. Après avoir erré de re-
traite en retraite, la famille arrive au château de Buhi, en
Vexin 1. Monsieur de Buhi, protestant, frère de du Plessis-
Mornay, lui offrit un asile. C'est dans ces circonstances
que naquit Pierre du Moulin. Elles présageaient une vie de
dangers et de luttes.
Les persécutions redoublaient. Joachim laissa ses autres
enfants et sa femme à Saint-Just, et se réfugia à Sedan, où
il ne tarda pas à les faire venir. Pierre resta à Buhi, en
nourrice, «chez la femme d'un garennier». En 1570,
1 edit de Pacification permit a Joachim du Moulin de réu-
nir toute sa famille à Cœuvres, où était «recueillie» l'Église
de Soissons , chez Monsieur d'Estrées. Joachim venait
d'être nommé pasteur de cette Église. Mais à peine deux
ans après éclate le massacre de la Saint-Barthélémy. «Mon
père, dit Pierre du Moulin, estoit à Cœuvres & avoit la
fièvre quarte, & estoit sans argent... M.d'Estrées changea
de religion, & (le) chassa de Cœuvres2.»
Pierre du Moulin avait quatre ans. Ses parents, dans
leur fuite, le laissèrent avec son frère et sa sœur chez une
vieille femme catholique, Ruflîne, qui avait été leur domes-
tique et qui demeurait à un quart de lieue de Cœuvres. Cette
femme cacha les enfants dans la paille, sous le lit, et les
«massacreurs» arrivèrent. Ils avaient l'ordre de n'épargner
ni femmes ni enfants. Le petit Pierre, effrayé par le bruit
qu'ils firent, et souffrant, dans la paille qui le couvrait, du
1 Près de Mantes.
2 Les citations qui suivent, jusque vers la page 20, sont pour la
plupart tirées de l'autobiographie.
- 10 —
manque d'air el de lumière, poussa quelques cris que la
vieille femme entendit. Pour couvrir la voix de l'enfant,
elle fit tomber à terre, comme par mégarde, toute sa bat-
terie de cuisine, puis ramassa avec un grand bruit marmites
et casseroles , en vociférant. Cependant Esther, la sœur
aînée, qui était cachée auprès de Pierre, comprenant tout le
danger — elle avait sept ans — avait arrêté les cris de
l'enfant en lui fermant la bouche avec sa main. Et quand
les soldats furent partis, et que Ruffine accourut, elle
trouva Pierre presque étouffé.
Joachim du Moulin, avec sa femme, avait rejoint M. de
Bouillon, qui retournait dans sa principauté de Sedan. Ap-
pelé pour être pasteur dans cette ville, il y arriva avec sa
famille «par une extrême froidure le 3e jour de janvier
1573. Peu après nostre arrivée, dit du Moulin, ma mère,
rompue de tant de courses & afflictions, mourut à Sedan,
le 13 février 1573. C'estoit une femme vertueuse & cou-
rageuse, & craignant Dieu, qui a souffert beaucoup de maux
pour la Parole de Dieu. J'avois alors quatre ans & quatre
mois. » L'année suivante, Joachim du Moulin se remaria,
avec Guillemette d'Avrigny , « de la maison d'Anser-
ville1 ». De ce second mariage il eut trois enfants : Marie2,
Jean et Daniel3. Quelque temps après il alla de nouveau
servir l'Église de Soissons, recueillie alors non plus à
Gœuvres, mais à Saint -Pierrelles4. Il y resta quelques
1 Veuve du pasteur Mercadet.
2 Epouse en secondes noces André Rivet, pasteur à Thouars, puis à
Lcyde, enfin à Bréda.
3 Ce n'est pas le même qui écrit d'Anvers le 11 octobre 1581,
cf. A. Waddington, De Huberti Langueti Vita, 1888, p. 139.
*Et non Saint-Pierre-Aigle, comme lit la France Prolestante. C'est
— 11 —
années, mais les troubles l'obligèrent plusieurs fois à
abandonner son Église et à chercher refuge a Sedan, où il
avait laissé ses trois aînés. Là Pierre courut une fois un
grand danger, mais il échappa aux bêtes comme il avait
échappé aux hommes. Perdu dans la foret de Forsy, dans
«un temps auquel les loups couraient et faisaient beaucoup
de mal», il dut la vie à la protection de Dieu, qui le réser-
vait pour une grande œuvre et pour de glorieuses luttes.
De bonne heure il connut le deuil et les souffrances mo-
rales qui devaient faire naître en lui une vie religieuse
intense et rendre son âme courageuse et inflexible. J'ai dit
qu'il perdit sa mère à quatre ans. En 1583, son frère aîné,
Joachim, se noya dans le Gave près d'Orthez. En 1588,
son autre frère, Eléazar, mourut à l'âge de dix-huit ans.
Ayant quitté ses études, il s'était mis «es trouppes com-
mandées par M. de la Noue Bras de fer. Luy & ses gens,
surmontés par la multitude, furent tous tués et despouillés
tout nuds, & jettes ensemble en une fosse cavée exprès
pour les enterrer. Mon frère n'estoit pas encore mort, &
quand on le prit pour le mettre avec les autres, il se mit à
parler, demandant la vie, & promettant rançon. Mais ils ne
laissèrent pas de le mettre avec les autres, «Se il fut enterré
vif. »
Mais j'anticipe. En 1584 Joachim du Moulin revint à
Sedan pour s'y fixer. Pierre suivait les cours du collège,
nouvellement fondé. Là il eut pour émule Jacques Cappel
(M. du Tilloy), qui remporta à sa sortie le second prix, du
Moulin ayant eu le premier.
un autre du Moulin, Guillaume, mentionné plus haut, p. 7, qui a été
pasteur à Aigle.
— 12 -
Pierre du Moulin avait vingt ans. Son père, ayant des
enfants plus jeunes à élever, malade et pauvre, l'appela
près de son lit, et lui dit qu'il aurait dorénavant à pourvoir
lui-même à sa subsistance. «Ne vous mettez point en
peine, lui dit Pierre, car je tiens pour chose asseurée que
Dieu ne m'abandonnera point. » Son père, étant guéri, le
conduisit à Paris, où il voulait le laisser quelque temps en
pension, et où il avait quelque affaire d'argent à régler. Il
était a cheval, et Pierre le suivait à pied, avec «de mau-
vais souliers, durs, & faisoit un grand dégel. » Ils allaient
de nuit, en se cachant; ils se perdirent et arrivèrent à
grand'peine à Paris, où Pierre resta seul. Mais fort peu de
temps après, son père dut revenir; cette fois il emmena
Pierre avec lui. G était en 1588, pendant les guerres de la
Ligue. Ils réussirent à sortir de Paris, Pierre marchant
bien loin devant son père, dont il portait les papiers et
l'argent. Joachim, déguisé, le rejoignit à une demi- lieue
des murs. Là ils se séparèrent. Joachim retournait à Sedan;
indiquant à son fils la route de l'Angleterre, il lui remit
douze écus, et le laissa. «Je le suivis de l'œil tant que je
pus, & me mis à genoux sur le grand chemin, priant Dieu
pour sa conservation parmi les périls, & pour la prospérité
de lui & de sa maison, car je faisois estât de ne le revoir
jamais. Et demanday à Dieu qu'il voulust m'estre mon
père & mon conducteur, puisque je n'avoy plus de père
sur la terre. »
11 alla à pied à Dieppe, s'embarqua pour l'Angleterre,,
et arriva à Londres tête nue, car le vent avait emporté
son chapeau, si pauvre qu'il se réduisit à ne dépenser
qu'« un sol » par jour, mais refusant les secours de l'Église.
— 13 -
Il hanta les prédications, cherchant à se faire des amis; il
connut Monsieur Bochard, sieur du Ménillet, ministre, son
futur beau-frère. Il trouva heureusement une «honneste
condition» chez un gentilhomme anglais nommé Gonstable.
Il put vivre. Mais ce gentilhomme, envoyé en mission en
France, ayant passé dans le camp papiste, Pierre du Moulin
dut quitter cette famille. Il fut alors précepteur du fils de
la comtesse de Rutland, lequel étudiait à Cambridge. C'est
ainsi qu'il put suivre les cours du docteur Wittaker.
Pendant les grandes vacances il allait à Londres. Là
il «s'exerça en propositions», dans l'Eglise wallone.
M. de la Faye l'entendit et lui demanda s'il voulait servir
l'Église de Paris. Cette Église était alors dispersée, et
M. de la Faye, qui la servait, était lui-même chassé de
Paris. Mais elle devait revivre bientôt, pensait-il, et elle
l'avait chargé de trouver pour l'avenir les pasteurs dont
elle aurait besoin. Du Moulin accepta et reçut, en atten-
dant, une pension de cinquante écus1 qui lui permit de
quitter sa place de précepteur. Mais les guerres de la Ligue
se prolongèrent, pendant lesquelles la plupart des Églises
furent dispersées. Quand l'édit de Nantes les rétablit, du
Moulin avait une position. Ce n'est qu'au bout de sept
ans qu'il vint exercer le ministère à Paris.
Pierre du Moulin était depuis quatre ans en Angleterre,
quand il apprit que François du Jon, qui était son ami,
venait d'être nommé professeur en théologie à Leyde. Il
résolut d'aller le voir. Il réussit à se faire admettre dans le
vaisseau du « duc de Wittemberg » qui retournait chez lui.
1 Qui lui est servie jusqu'en 159G. Alors il y renonce de lui-même.
— 14 —
Mais ce vaisseau fut assailli par un orage si violent que
les matelots durent jeter par-dessus bord tout le bagage.
Le gouvernail fut arraché par la violence des vagues et le
vaisseau échoua près du chAteau de Rammenken, dans l'île
de Walcheren. Arrivé sain et sauf à Leyde, du Moulin
écrivit un poème latin, Votiva tabella, où se manifestèrent
pour la première fois les charmes de son imagination puis-
sante et de son style facile et naturel. Ce poème, aussitôt
connu et apprécié, lui valut de nombreux arais. Mais il
avait perdu dans son naufrage ses habits et ses livres. Il
dut accepter la charge modeste de «con recteur1» au
collège de Leyde. Il enseignait aux plus jeunes le grec, la
musique, et Horace. Il ne tarda pas à se faire aimer des
enfants, ce qui remplit de jalousie le principal du collège,
qui s'appelait Stokims. Ce Stokims «suborna quatre grands
escholiers, lesquels, comme je faisois mes leçons, entrèrent
en classe, estant masqués, & me chargèrent de coups de
plottes déneige, avec grande insolence». Du Moulin se
plaignit aux magistrats et aux modérateurs du collège;
mais la persécution de Stokims ne s'arrêta pas, et les
«fascheries» sans cesse renouvelées auxquelles il fut en
butte occasionnèrent à du Moulin une lièvre tierce. Il alla
se reposer quelques jours chez M. de Buzenval, ambassa-
deur protestant de Henri IV en Hollande. Quand il revint,
les modérateurs, tout en l'assurant de leur sympathie, lui
retirèrent sa charge pour rendre la paix au collège. Il reçut
pour trois mois quarante écus, le double du salaire con-
venu.
1 Sorte de maître adjoint.
- J5 —
Peu après, la charge de professeur de philosophie à
l'Académie de Leyde devint vacante. Du Moulin, recom-
mandé par M. de Buzenval à la princesse d'Orange, obtint
le droit de concourir pour cette chaire, et fut nommé.
Stokims fut «saizy d'une telle douleur qu'il mourut d'une
soudaine suffocation. » Voilà donc du Moulin, à vingt-quatre
ans, professeur à l'Académie de Leyde. Il lisait les livres
d'Aristote. Plusieurs savants, qui par la suite se firent con-
naître à Leyde et ailleurs, furent alors ses disciples, notam-
ment Hugo Grotius, avec lequel plus tard il engagea une
polémique. C'est là que par des discussions publiques
très fréquentes il acquit cette habileté merveilleuse dont il
devait faire preuve dans ses controverses. Tl demeura dans
cette charge l'espace de cinq ans et trois mois. Il donnait
des leçons grecques au collège de théologie, et en outre
des leçons particulières qui lui rapportaient quelque profit.
En 1596, il publia son premier ouvrage scientifique, sa
Logique, qui eut treize éditions en latin, et fut lue publique-
ment dans plusieurs universités. Scaliger, lisant la dédicace
de cet ouvrage, s'écria : « flœc epistola non est hujus œvi. »
Joseph Scaliger avait été appelé par Messeigneurs les
Estais de Hollande pour remplacer Juste Lipse. Du Moulin
se mit en pension chez lui. Il rencontra là plusieurs per-
sonnages distingués par leur rang et leur mérite, et se fit
de puissants amis, dont quelques-uns, catholiques, firent
tous leurs efforts pour lui faire abandonner la cause pro-
testante, lui promettant richesses et honneurs. Pendant ce
séjour à Leyde, du Moulin vécut dans l'intimité de M. de
Buzenval, qui l'obligeait à passer les vacances chez lui et
le menait aux armées. Il alla ainsi en Gueldres, dans
— 16
l'armée du prince Maurice, et en Frise, où il eut le plaisir
de voiries moines «faisant leur paquet» pour sortir de
Groningue, et «un tas d'images brûlantes en la grande
place du marché».
En 1596, il voulut voir son père, qui venait d'être ap-
pelé par l'Église d'Orléans, recueillie à Jargeau. Ayant
obtenu des curateurs de l'Académie la permission de faire
un voyage en France, il s'embarqua à Flessingue, et eut
une fort mauvaise traversée. Passant par Dieppe, il vit
son beau-frère, M. du Ménillet, puis il alla à Paris. La
peste sévissait ; des malades mouraient dans la rue. Il partit
aussitôt et arriva à Jargeau. Son père ne le reconnut pas
tout d'abord et lui parla pendant un quart d'heure comme
à un étranger. Quand, au bout d'un mois à peu près, il
passa de nouveau à Paris, les pasteurs Montigny et Durand
lui rappelèrent ses obligations envers leur Église. Mais du
Moulin ne se sentit pas assez préparé; d'ailleurs il avait
promis de retourner en sa chaire. A la Haye il vit M. de
Buzenval, son protecteur, qui l'engagea à renoncer pour
toujours au ministère. Il lui représenta la pauvreté et les
dilïicultés de toutes sortes qui étaient attachées à cette
fonction; il voulait le faire partir avec l'ambassadeur que
Henri IV envoyait près de l'empereur de Turquie. Sa con-
naissance approfondie du grec et son habitude de la langue
italienne devaient être d'un secours très précieux pour
communiquer avec les marchands. Du Moulin confesse
qu'il inclinait à ce conseil. Mais Henri IV choisit un autre
ambassadeur, et du Moulin vit dans cet échec un ordre de
Dieu. Dès lors il résolut de consacrer sa vie au saint mi-
nistère et de se rendre à l'appel de l'Église de Paris.
— 17 —
Il avait vécu heureux et apprécié en Hollande. Il appe-
lait ce pays sa seconde patrie. En partant, il composa un
poème latin : Panegyricus Bataviœ, où il fit ses adieux. Il
obtint à grand' peine la Missio1 de l'Académie de Leyde,
qui lui resta toujours très attachée et qui, douze ans après,
le supplia de venir occuper une chaire de théologie... Mais,
dit Bâtes, aCitius... oculos suos a J'arisiensibus quant
Molinœum suum impetrassent2. »
Donc du Moulin quitte Leyde et part pour Paris. Mais
dans son voyage il courut encore un grand danger. Il vou-
lait passer par Bruxelles et Anvers. Dans ce dessein, il
alla à la Haye, voir M. de Buzenval, qui lui en donna les
moyens. Il y avait alors une guerre fort rude entre la Bel-
gique espagnole et les Provinces confédérées, et il était fort
difficile d'avoir un passeport de l'archiduc. Mais M. de
Buzenval connaissait un marchand dont les lettres au gou-
verneur d'Anvers, un certain Alfonso Mexias, pouvaient
servir de passeport. Le frère de Mexias, fait prisonnier,
avait dû la vie à ce marchand, qui avait payé sa rançon.
Du Moulin obtint une lettre de lui et s'embarqua à
Rotterdam. A Ordam , le vaisseau se mit à l'ancre : il y
avait là garnison espagnole, et il fallait montrer les passe-
ports. Mais un navire, venant d'Anvers, apporta la nouvelle
d'une révolte des soldats de cette garnison contre Mexias,
qu'ils avaient fait prisonnier. Gela mit du Moulin dans une
grande angoisse, car, ses lettres devenues inutiles, il allait
être exposé aux mauvais traitements des soldats espagnols,
1 Missio, permission do partir.
2 Bâtes. Vitœ.
— 18 —
remplis de haine contre les protestants. Mais on vit s'ap-
procher un navire de Hollande, dans lequel du Moulin
reconnut un de ses anciens amis de Londres. Sur ce navire
se trouvait un Allemand ayant passeport pour lui-même
et pour son valet, qu'il avait laissé malade en chemin. Du
Moulin prend la place du valet, change de bord, revêt la
livrée, et passe comme laquais de cet Allemand, en louant
Dieu de son soin paternel. Ainsi il put achever son voyage
à travers la Belgique.
De Bruxelles à Arras , il fit la plus grande partie du
chemin à pied , et cet exercice violent le débarrassa pour
toujours de la maladie de la pierre, dont il commençait à
souffrir. Mais voici ce qui l'obligea à voyager ainsi. Dans
le coche où il avait loué sa place se trouvait un Espagnol
qui médisait «horriblement» de la religion protestante; et
du Moulin, impétueux, violent, forcé de garder le silence,
aima mieux suivre à pied la voiture que de supporter ce
supplice, a l'étroit dans un coche.
Entre Arras et Amiens, à «La Brasserie», un charre-
tier ivre entra dans sa chambre, avec un grand couteau,
pour le tuer; mais «Dieu le préserva» et il put arriver à
Jargeau vers le mois de septembre J598.
Il demeura trois mois avec son père à Jargeau. En dé-
cembre, à Gien, se tint un colloque où il fut ouï en pro-
positions et examiné, et où il reçut l'imposition des mains.
Puis, après avoir passé encore plusieurs jours avec son
père, voulant faire quelques expériences pastorales avant
de venir dans son Eglise, il se chargea pendant deux mois
de l'Église de Blois, qui était vacante. Là il prêcha «dans
la maison de M. Desoignis, sous une porte, entre deux
— 19 —
chambres, ce qui estoit fort incommode; car il n'y avoit
point encore de temple à Blois pour ceux de nostre religion ».
Enfin, pressé par l'Eglise, il arrive à Paris le 28 février
1599.
La période de préparation de la vie de du Moulin est
terminée. Il a trente ans. Il est déjà connu comme profes-
seur, par ses leçons et par ses ouvrages. Dans ses voyages,
au milieu des chances bonnes et mauvaises d'une vie
incertaine et variée, il a cultivé son esprit, étendu ses
connaissances philosophiques et littéraires , il s'est créé de
nombreuses relations en Angleterre et en Hollande. Dans
tous les dangers et dans toutes les douleurs il a senti la
main de Dieu qui le conduisait. Il a connu toutes les souf-
frances, le deuil, l'exil et la misère : tout a contribué à
tremper fortement son âme, à faire de lui un homme ro-
buste, sain de corps et d'esprit, mais violent et autoritaire.
Sa jeunesse s'est passée tout entière dans le seizième siècle,
le siècle des hommes de fer, durs à la souffrance et durs au
travail. Je reviendrai sur ce fait, car il nous fait comprendre
toute la vie de du Moulin.
Voici comment ses adversaires le dépeignent :
.,.«11 ajustement la teste
a Comme avoit ceste noble beste (Bucép)iale)
« La care (carrure) grosse comme un bœuf.
a Aux costez, par bonne fortune,
« Je ne scay quoy rond comm' un œuf,
» Et au front un croissant de lune '. »
1 Rabelais réformé, p. 93.
— 20 —
Nous avons plusieurs portraits de lui, mais qui nous le
montrent vers la fin de sa vie. Il a le front large, le regard
assuré, l'air hardi et fier. Il porte la barbe en pointe, et a
quelque ressemblance avec le cardinal de Richelieu.
Il a dans les choses de la vie un solide bon sens, et cette
gaité saine qu'il recommande. Il a l'ascétisme en horreur;
c'est une tentation. « Il ne faut pas refuser au corps les
choses nécessaires 1. »
1 Lettre à ses fils, servant de Préface à la VIIIe Décade.
DEUXIÈME PARTIE
DU MOULIN PASTEUR A PARIS — LA CONTROVERSE
ANTICATHOLIQUE
Au moment ou du Moulin arrive à Paris, 1599, la paix:
religieuse est rendue à la France depuis un an, par l'édit
de Nantes. Les Églises sont rétablies dans les lieux où elles
existaient avant les guerres de la Ligue. Depuis ce moment
jusque vers 1621 , les protestants jouirent d'une grande
liberté. Entre l'édit de Nantes et l'assemblée de la Ro-
chelle de 1621 , entre les longues guerres de religion et la
grande extermination des hérétiques, ces quelque vingt
premières années du dix-septième siècle sont les seules,
jusqu'à la Révolution, où les protestants aient pu se senlir
libres et tranquilles. Ce sont ces années-là que du Moulin
passa à Paris.
Un service se faisait alors dans la ville même1, grâce à
la présence de la sœur de Henri IV, Catherine de Navarre,
1 L'édit de Nantes n'avait pas accordé de lieu de culte aux protes-
tants des villes où il y avait un évêché.
y <>
restée fidèlement attachée à la religion, bien qu'elle eût
épousé un catholique, le duc de Bar, fils aîné du duc de
Lorraine. Les pasteurs de Paris la «servaient» tour à
tour1. En arrivant à Paris, du Moulin fit sa première prédi-
cation en l'hôtel de Madame, «lequel depuis a esté appelé
l'hostel de Soissons». Le lendemain il prêcha au Louvre.
« Il y avoit un grand abord de peuple. Si madite dame eust
demandé au Roy un lieu dans la ville ou au faubourg
pour faire nostre exercice ordinaire, sa Majesté lui eust
volontiers accordé, pour ce que nos assemblées au Louvre
l'incommodoient; mais elle ne s'avisa pas de faire ceste
requeste au Roy, <Sc nul ne la pria d'y penser, qui fut une
grande faute; car, Madame estant partie de Paris, on mit
nostre exercice à Grigny, qui est à cinq lieues de Paris. »
Mais du Moulin ne se rendit pas aussitôt à Grigny. Le
consistoire2 avait chargé M. de Montigny d'accompagner
Madame dans un voyage qu'elle devait faire au printemps.
Chaque année elle allait passer trois mois en Lorraine, et
se faisait accompagner d'un chapelain. Montigny, âgé,
redoutant la fatigue du voyage, demanda à Madame de
prendre du Moulin à sa place; elle y consentit, car elle
appréciait fort le jeune pasteur.
«Dans ses voyages, dit Quick3, elle était toujours reçue
par les évêques et les abbés dans leurs palais. » C'est ainsi
que du Moulin prêcha dans le palais épiscopal de Meaux,
dans celui de Chàlons et dans l'abbaye de Jouarre.
1 A partir do 1601, ce sont quatre pasteurs de provinces différentes
qui ont cette charge. Voirie Synode national de Jargeau. 1G01.
2 On dirait aujourd'hui le Conseil presbytéral.
3 The iifc of M. Peter du Moulin, par Quick. Inédit.
— 23 —
Chaque année d'abord, puis tous les deux ans1, du Moulin
faisait le même voyage avec la princesse. Il aurait pu
obtenir d'elle richesses et honneurs, car elle l'aimait beau-
coup. Plus lard, quand il fut devenu père de famille, du
Moulin emmenait son fils avec lui dans son voyage, et la
princesse se plaisait à caresser l'enfant.
À ce propos, voici comment il advint que du Moulin se
maria. A Vitry-le-François, en Champagne, ceux de la
suite de Catherine, dans ce voyage de 1599, devaient être
logés par fourrier chez les habitants. Il y avait là une
«demoiselle de la Religion» nommée Marie Colignon, fille
de M. de Chalitte, gentilhomme qualifié, et veuve du
pasteur Samuel Le Pois2. Cette «demoiselle», craignant
d'avoir a loger quelque soldat brutal, demanda à un des
magistrats de lui envoyer le chapelain de Madame, le véné-
rable Montigny : on lui envoya le jeune et beau du Moulin,
qui le remplaçait. Le lendemain, de bon matin, on partit.
De Bar-le-Duc, du Moulin écrivit à Marie Colignon, et à
son retour en France, il vint à Yitry. Comme son père,
appelé pour une affaire à Sedan, se trouvait alors de
passage à Chàlons, du Moulin le rejoignit et fit le voyage
avec lui. Il prêcha à Sedan dans le temple des papistes;
puis ils allèrent à Vitry, où le mariage fut béni.
Au milieu de l'été de 1599, du Moulin put enfin se
consacrer entièrement à son Eglise5. « L'exercice ordinaire »
1 A partir de 1603. Voir le Synode national de Gap. 1603.
2 Pasteur à Badonvillers, colloque do Champagne.
3 11 y avait deux pasteurs déjà : Durand, auquel succéda plus tard
Daillé, et Montigny. En 1614, il y en aura un quatrième, Mestrezat,
auquel du Moulin imposera les mains.
— 24 —
se faisait alors à Grigny, chez M. Mercier des Bordes, à
cinq lieues de Paris. L'année suivante il fut rapproché
d'une lieue et mis à Ablon1. En août 1G05, du Moulin fut
député à l'assemblée politique générale de Châtelleraut.
Là on obtint du duc de Sully qu'il se chargerait person-
nellement de demander au roi de rapprocher encore le lieu
du culte, car le voyage était dangereux pour les vieillards,
et pour les enfants qu'on portait au baptême. Sully réussit,
et l'année suivante, en 1G06, «nostre exercice, par la
volonté du Uoy, fut mis à Charenton-Saint-Maurice, à une
demie lieue de Paris, où il est encore maintenant2».
Pendant ces six années, du Moulin était devenu père de
plusieurs enfants: Pierre3, né le 2/i avril 1601; Esther,
née le 21 septembre 1603; et Louis 4, né le 25 octobre
1605. En 1608, il eut un autre fils nommé Gyrus 5 ; enfin,
nous ne savons au juste à quelle date, Marie6, sa fille pré-
férée.
Pendant le temps qu'il resta à Paris, du Moulin fit plu-
sieurs voyages plus ou moins longs : en Lorraine, avec Cathe-
rine de Navarre; à Jargeau, pour voir son père7. En 1603,
1 Le pasteur Montigny acquit en 1603 le fief d'Ahlon.
2 Autobiographie de du Moulin.
3 Pasteur, chapelain de Charles II d'Angleterre, auteur de nombreux
ouvrages français, anglais et latins. Un de ses descendants est lieute-
nant général de Frédéric le Grand.
4 Prof, à Oxford sous Cromwell.
5 Pasteur à Ghâteaudun. Beau-père de Jacques Basnage et de Jurieu.
8 Auteur de quelques petits livres. La France Protestante ne la
mentionne pas. Par contre, elle parle de Joachim et de Samuel, que
je n'ai pas trouvés.
7 Plus tard, Joachim du Moulin demeure à Bionne, où fut recueillie
l'Église d'Orléans. En 1G16, il est déchargé de son ministère à cause
il lit un voyage qui dura sept mois, nous ne savons où; en
J6J5, il alla passer quelques mois en Angleterre. Il assista
à plusieurs synodes, visitant avec intérêt les villes et les
beautés naturelles sur son passage, s'écartant même sou-
vent de la route directe.
C'est un de ces hommes dont l'activité, sans avoir rien
de fébrile ni de maladif, puisqu'il travailla jusqu'à lage
dé 90 ans, nous étonne. Partout on le voit en avant:
« Pour temps de paix, pour temps de guerre,
« Pour la France, pour l'Angleterre,
« Pour Hollande, pour Gharanton,
« Pour le presche, pour la Logique,
« A tous airs il change de ton.
« Et d'allure ainsi qu'on le pique1. »
Mais ce qui prit la plus grande partie de son temps et
de ses forces , c'est la controverse anticalholique. Les
vingt années de paix: du commencement du dix-septième
siècle furent employées par les Protestants et les Catholi-
ques à de grandes batailles de plume. L'édit de Nantes a
fait cesser les guerres civiles, mais les vieilles haines ne se
sont pas éteintes en un instant, et la guerre continue avec
un nouvel acharnement sous une autre forme. D'ailleurs,
on sent bien que la paix ne durera pas longtemps, et les
deux adversaires s'efforcent de gagner du terrain par les
conversions. De là cette ardeur unique dans notre histoire
pour les luttes religieuses. Du Moulin fut, comme Véron
l'appelait, le général des réformés dans cette grande guerre.
de sa vieillesse. On lui donne une retraite de 400 livres. Son fds
ajoute 200 livres par an. Joachim du Moulin meurt en 1018.
1 Rabelais réformé, p. 94.
— 26 —
Des hommes intelligents et capables, les docteurs les plus
connus dans le Catholicisme, du Perron, Coeffeteau, Pierre
Golton et bien d'autres se mesurèrent avec lui. Ces luttes
occupaient pendant des mois entiers toutes les provinces
françaises, et souvent même avaient leur écho à l'étranger.
On attendait avec impatience la troisiesme et la quatriesme
response ou réplique, dans chacune desquelles les deu\
adversaires tour à tour étaient réduits à néant.
La violence à laquelle du Moulin se laisse emporter
pourra paraître excessive, mais on la comprendra si l'on
songe à toutes les injustices qu'il a eu à souffrir de la part
du Catholicisme : son père déshérité, ses beaux parents
«pervertis» par la Saint-Barthélémy, sa mère succombant
aux alertes incessantes, un de ses frères enterré vif, lui-
même, pauvre, obligé de s'expatrier, et de sa première
enfance, les souvenirs qui reviennent, violents et confus,
les fuites désespérées, les cris des soldats papistes, les
malédictions des protestants dépouillés et traqués, le fer,
le feu, et surtout l'impression si vivante de la haine dont
on est l'objet.
A l'origine de ces disputes il y avait généralement une
conférence orale. C'est là que du Moulin triomphait. Il s'y
trouvait dans son élément, remuant la masse de son éru-
dition, exerçant la finesse de son esprit, maniant avec une
grande adresse et un à-propos étonnant la raillerie et l'in-
jure qui nous paraîtrait grossière, s'arrangeant toujours
pour prendre l'offensive, et, par une série de questions,
embarrassant son adversaire et le jetant dans la contradic-
tion et le ridicule.
Au commencement de son séjour à Paris, quelques
— Ti —
grands personnages voulurent l'entendre discuter avec le
célèbre du Perron i sur quelque point du dogme. Du Per-
ron accepta volontiers. Mais c'était un homme de cabinet,
aimant peu le bruit, et la dispute ne fut pas rendue publique.
Du Moulin dut faire preuve de beaucoup d'habileté et de
savoir, car à partir de ce moment du Perron le tint en très
haute estime. Un jour, chez lui, on parlait de du Moulin.
Un certain président Chevalier dit qu'il était un Ane. Du
Perron le reprit : «Personne, dit-il, ne s'est frotté à cet
Ane, qui n'ait reçu une ruade'2. » De son côté, du Moulin
estimait fort du Perron. Dans les rencontres qu'il eut plus
tard avec lui, il usait toujours de procédés honnêtes, res-
pectant sa personne, et le déclarant de beaucoup le plus
subtil de ses adversaires.
Les mêmes rapports n'existèrent pas entre du Moulin
et un autre prêtre aussi connu, mais d'une nature bien
inférieure, -le jésuite Pierre Cotton3. La première fois qu'il
rencontra cet adversaire, ce fut auprès de Catherine de
Navarre.
Pour prouver au pape et au clergé français son zèle
catholique, Henri IV entourait sa sœur des prédicateurs
et des théologiens romains les plus en renom, et tout en lui
laissant son chapelain réformé, il l'obligeait à assister au
service catholique et à la prédication qui se faisait tous les
1 Évéque d'Évreux, plus tard archevêque de Sens, et cardinal.
a Nullus sesc illi asino affricuit qui non ab eo calce percussus
abierit. Bâtes, Yitœ.
3 Le célèbre jésuite Cotton, confesseur de Henri IV, puis de
Louis XIII jusqu'en 1617. Auteur de l'Inquisition catholique, dirigée
contre l'Institution chrétienne de Calvin. Il mourut en 1G2G.
— 28 —
dimanches dans le Louvre, immédiatement après le culte
réformé de la princesse et dans la même chambre. Un
dimanche donc, Catherine dut entendre prêcher Gotton.
Mais pour se défendre contre les arguments du jésuite, elle
cacha du Moulin dans un cabinet d'où il pouvait entendre
l'orateur pour le réfuter ensuite. Et voici ce que du Moulin
entendit, sans avoir, comme sur la route d'Arras, la res-
source de calmer son irritation par un mouvement violent.
Gotton compara les réformés à des fous qu'il visitait un
jour. L'un croyait être Élie, l'autre Daniel, l'autre le Saint-
Esprit. C'était là une idée fixe qui ne les empêchait pas,
pour le reste, d'user de bon sens. Les réformés de même
peuvent être de savants docteurs et des princes distingués,
mais ils ont cette folie, qu'ils se croient inspirés du Saint-
Esprit. Cette fois-là du Moulin ne put pas répondre à
Cotton ; mais il le retrouva plus tard et se montra contre
lui violent et irrité.
Pour le moment il prit sa revanche sur d'autres. Les
adversaires ne lui manquaient pas, car il n'y avait théolo-
gien catholique désireux de faire ses preuves, qui ne pro-
voquât le grand conlroversiste protestant.
Nous parlerons de quelques-unes de ces conférences,
sans pouvoir toujours suivre exactement l'ordre chronolo-
gique, parce qu'il est préférable de les grouper d'après leur
importance ou leur nature, et parce qu'il y en a un grand
nombre dont la date ne nous est pas connue.
Souvent des conférences vivement souhaitées, com-
mencées avec une ardeur très grande, échouaient misé-
rablement dès la première rencontre, et les adversaires
s'en allaient dos à dos après un simple échange d'injures.
— 29 —
Un jésuite, Gontier, l'ut décontenancé par la violence
de du Moulin. Ce Gontier devait se trouver chez lui
pour une grande dispute. La chambre était pleine, et
l'escalier aussi. Du Moulin attendait depuis deu\ heures
quand Gontier arriva. Mais ne pouvant se frayer un pas-
sage, il prit une échelle et entra par la fenêtre. Comme
il l'enjambait, du Moulin s'écria : «En vérité, en vérité,
je vous le dis, celui qui entre par la fenêtre est un voleur
et un brigand. » Il parait que cette apostrophe troubla
Gontier au point qu'il demeura hésitant et bégayant, et la
conférence finit ainsi.
Un autre jésuite, fort connu, mais assez peu en honneur,
François Véron1, le grand controversiste catholique du
temps, poursuivit du Moulin de ses attaques pendant tout
son séjour à Paris. En 1619, ce Véron quitta la compagnie
de Jésus, pour se livrer entièrement à la controverse, et
fut nommé curé de Gharenton. 11 se plaint sans cesse
que du Moulin ne réponde pas à ses provocations. Sans
doute du Moulin ne le jugeait pas digne d'une réponse.
Véron avait entendu un dimanche du Moulin prêcher à
Gharenton. Il le suivit, quand il descendit de chaire dans
la salle du consistoire. Quelques seigneurs, membres de
l'Eglise, le voyant venir, et craignant le scandale d'une
discussion, le firent passer par une porte dérobée dans la
maison d'un ami chez lequel du Moulin devait dîner.
Véron réussit à le trouver. Il lui demanda dès l'abord :
«Combien le moulin a-t-il moulu de blé aujourd'hui? —
'Voir: Un curé de Charenton au XVII" siècle, par M. l'abbé
P. Feret. Paris, 1881. François Véron, né en 1575, jésuite, professeur
de théologie.
— 30 —
Beaucoup plus, répondit du Moulin, que n'en pourraient
porter sur leur clos une douzaine d'ânes tels que vous1.»
Ce n'étaient là que des escarmouches sans conséquence,
niais ces détails nous font comprendre quel était l'état
d'esprit des «conférens », de quels procédés on usait, et
quelle importance on attribuait à des avantages qui nous
paraissent bien petits, et que les règles de notre politesse
ne permettraient pas de prendre.
Avant de faire le récit des conférences qui ont eu le plus
de retentissement, nous en mentionnerons deux ou trois
sur lesquelles nous ne savons pas grand" chose; l'une que
du Moulin eut avec Petra Sancla, une autre, en 1603,
avec le fameux jésuite Suarès, sur le purgatoire. Suarès
vint tout exprès de Grenoble pour cette entrevue, à la
suite de laquelle du Moulin écrivit les «Eaux de Siloé2»
pour éteindre le feu du purgatoire. Suarès répondit par le
« Torrent de feu » et la guerre de plume continua. En 1609,
conférence avec le P. Gontéry, «le grand veneur», sur
l'Eucharistie. Il parait que le P. Gontéry ne se trouva pas
assez fort pour lutter contre le rude adversaire, car Coeffe-
teau3 vint à son aide. A l'occasion de cette dispute, du
Moulin écrivit Y Eucharistie, et Y Apologie pour la sainte
Cène.
Quick raconte que la Sorbonne projeta un jour d'inlliger
a du Moulin une défaite décisive. Les docteurs se concer-
tèrent et nommèrent plusieurs théologiens qui devaient dis-
1 Quick. Life of M. P. d. M.
- 1003, in-8°, sans lieu.
3 Bien connu dans l'histoire de la littérature française. Docteur en
théologie et vicaire général des frères prêcheurs.
— 31 —
puter contre lui. On convint que pendant trois jours l'une
des parties prendrait l'offensive, l'autre se contenterait de
répondre et de se défendre; puis, pendant trois jours les rôles
seraient intervertis, et ainsi de suite. Les «Sorbonnistes»
commencèrent. Mais au soir du troisième jour, comme du
Moulin préparait son attaque pour le lendemain, on frappa
à sa porte. Il ouvrit et un homme vêtu d'une robe de
prêtre s'efforça d'entrer. Du Moulin lutta avec lui, et au
bruit qu'ils firent, la famille accourut, ce qui fît fuir le
prêtre. Les protestants crurent que les adversaires de du
Moulin, redoutant son attaque, avaient voulu se débar-
rasser de lui. Gela est peu vraisemblable. Mais quand du
Moulin alla le lendemain au lieu de la conférence, il trouva
la salle fermée, et un ordre du roi interdisant de continuer
la dispute.
Mais j'ai hâte d'en venir à des faits mieux documentés.
Nous connaissons quelques grandes conférences dont les
détails nous sont donnés par des documents émanant des
deux: parties, car elles furent suivies d'une littérature volu-
mineuse.
La première est la conférence avec Palma Cayet1. Elle
commença le 28 mai 1602 et dura quinze jours. Cayet2 se
1 Sources: Narré de la conférence... par Archibàut Adaire. Genève,
1035, in-8°, (témoignage protestant). — Le Sommaire véritable des
queutions... en la conférence, par Civet. Paris, 1002, in-8°.
2 Pierre-Palma-Victor Cayet fait ses études de théologie aux frais de
ceux de la Religion. Pasteur de l'église de Poitiers, puis chapelain de
Catherine. Il abjure. Il devient docteur en théologie et lecteur des
langues orientales. Meurt en 1010 «décrié parles prosnes», et après
s'être livré, dit-on, à la recherche de la pierre philosophale, « étouffé
par le démon Terrier».
— 32 —
défend d'avoir provoque du Moulin. Gomme il instruisait
<rriaines personnes, dit-il, du Moulin l'a défié de donner
la preuve de ce qu'il enseignait. A ce moment, du Moulin
devait partir pour la Lorraine. Gayet profita de ce départ
pour prétendre que les ministres abandonnaient la place.
Mais à son retour, au mois de mai, du Moulin prit les
armes, sollicité par «une honneste dame flotante entre les
deux religions». Il demeurait alors dans la rue de Bièvre,
à Paris.
La conférence eut lieu dans une chambre près de l'hôtel
de Madame. Du Moulin était seul et eut pour scribe ou
secrétaire le sieur de la Gourmandière, puis M. Poupart.
Gayet fut assisté de deux Garnies, et eut pour secrétaire le
sieur Ghouart. « Leur commencement a esté par la prière.
Gayer, le premier, après s'estre remparé du signe de la
croix, a fait la prière en latin. Du Moulin l'a fait puis après
en François»... «pour les femmes», dit-il une fois, ce qui
fit rire les assistants.
On devait discuter sur le sacrifice de la messe, l'adoration
du pape et la vénération des images. Du Moulin commence
par formuler un syllogisme que les secrétaires écrivent sous
sa dictée. «Tout sacrifice... qui n'a pas esté institué de
Jésus-Christ, doit être rejette en l'Église. — Or le sacrifice
de la messe est tel. — Donc le sacrifice de la messe doit
estre rejette en l'Église. » Puis il se livre à des développe-
ments assez longs dont les scribes prennent quelques pas-
sages. Gayet prend la parole, formule un syllogisme et
l'explique. Et les deux adversaires, au pied levé, se lancent
l'un à l'autre syllogismes en forme et passages de la Bible.
Les digressions souvent très longues abondaient, ce qui
- 33 —
«accrochait» à tous moments la discussion. La «compa-
gnie» approuvait ou blâmait bruyamment, souvent le
peuple dans la chambre riait, malgré les prières des deux,
côtés, sans qu'on put l'arrêter.
Du Moulin, avec une adresse et une impétuosité trou-
blante, «rembarraiL» son adversaire de la bonne façon, et
réussissait toujours à prendre l'offensive. Au bout de quel-
ques jours, les Carmes qui assistaient Cayet s'aperçurent
de ce désavantage et l'abandonnèrent. Le bruit commença
à courir par la ville que Cayet défendait mai la cause. Il
avait les défauts de méthode opposés aux qualités de du
Moulin 1. « Il faisoit des équipées estranges, & se jettoit en
des lieux communs 6c en des mattières dont nous sommes
d'accord"2.» Du Moulin le reprenait et le priait de parler
«à propos», il l'embrouillait, l'obligeait à se contredire,
le poussait à l'absurde, lui faisait dire par oui et non:
«Qu'acheter du bois a la même vertu que de se chauffer» ;
que «l'annonce d'une victoire est une bataille». Cayet
s'écriait que ces interrogations ne font qu'embrouiller et
perdre le temps, et cherchait a se couvrir par un étalage
inutile d'érudition hébraïque. Du Moulin lui demandait
alors de formuler des syllogismes. Cayet, pris à l'impro-
viste, hésitait, et souvent quelqu'un de l'assistance dut
parler à sa place.
La conférence durait depuis plusieurs jours, lorsque
1 II dit lui-même : «Et de faict, ledict sieur Gayer estoit blasmé par
« plusieurs de trois choses, la première de ce qu'il estoit trop doux eu
«ses responces; la seconde de ce qu'il se laissoit ainsi questionner et
« respondoit comme un enfant au catéchisme... » {Le Sommaire.)
2 Adaire, p. 48.
— 34 —
Gayet se mit à protester de la pureté de sa conscience et à
affirmer «que ce qu'il faisoit, il le faisoit de son propre
mouvement et sans y estre authorisé1. » Il avait été griè-
vement censuré par «Messieurs de la Sorbonne», pour
avoir mal défendu la cause. Le bruit courut qu'il avait reçu
l'ordre de l'évêque de Paris de ne pas signer les actes
(comptes-rendus). Il le nia, mais jamais ne voulut signer.
Gomme on partait, un des Carmes fit remarquer que
quelques assistants avaient des armes, et Cayet craignit
une embûche. Mais on lui dit que la justice était bonne à
Paris. D'ailleurs, «en cette conférence, les choses se sont
passées avec une paix & douceur des assistans plus grande
qu'on n'eust osé espérer; & on a recognu par ceste
espreuve que ces entrevues servent plustôt à se familiariser
et recognoistre qu'à enaigrir les esprits».
Mais vers la fin tout le monde hésite et redoute les suites
de l'affaire. « L'hoste craignoit que le plancher ne fondist. »
Seul du Moulin se grise de son avantage. Un jour il arrive
avec force livres. Gayet lui fait observer qu'il a oublié de
faire la prière.
Enfin les docteurs de la Faculté allèrent trouver les avo-
cats du Roi en la Cour de Parlement pour faire cesser le
scandale. L'hôte, M. Guétault, protestant, reçut l'ordre
avec menaces de ne plus recevoir les «conférens». Un
jour du Moulin trouva une foule de peuple devant la porte
fermée. Peu après arriva Gayet, qui voulut se retirer. Mais
on le pria de rester. Guétault consentit à laisser entrer
dans la cour pour s'entendre sur les moyens de reprendre
1 Adaire, p. 89.
— 35 —
la conférence. On ne s'entendit pas, car Gayet ne consentit
pas à signer les actes, disant qu'il n'avait pas donné toutes
ses réponses, qu'on était convenu de ne signer qu'à la
fin, que signer sans répondre eût été se rendre. Il persista
dans son refus malgré l'insistance de du Moulin, qui lui dit
qu'il «aimeroit mieux crever1».
Du Moulin se retira dans une salle basse pour conférer
avec ses amis. Gayet partit en disant : « Vous aurez de
mes nouvelles. » Du Moulin fit circuler une lettre manu-
scrite*2, malgré la promesse réciproque de ne rien publier
avant la fin. Plus tard, Gayet se présenta chez du Moulin.
La servante lui dit qu'il y était; «celle qui tient lieu de
maîtresse» lui dit que non. Gayet tint cela pour une
« fuitte». Les deux adversaires proclamèrent leur triomphe,
et ainsi finit cette grande bataille.
Cette même année, 1602, en octobre, du Moulin eut
une conférence avec un prélat catholique, le sieur de Bouju s,
surnommé de Beaulieu. Ge ne fut qu'une escarmouche
assez vive. Le sieur de Bouju a envoyé à Montigny des
propositions sur la «manducation». Montigny a répondu,
Bouju répliqué, «et ainsi plusieurs fois d'une part et
d'autre ». L'affaire traîne en longueur, parce que Montigny
ne se sert pas assez de syllogismes et n'a pas de loisir.
Bouju s'adresse à du Moulin, parce que, lui dit-il, «vous
estes en la vigueur de vostre aage, plus proportionné au
1 Les deux parties proposent pour la suite des conditions que l'on
peut voir dans le Sommaire. Celles de Gayet sont inadmissibles, celles
de du Moulin, très raisonnables. La «fuitte» de Cayet est évidente.
2 Conservée dans le Sommaire.
3 Quelques-uns lisent à tort : Boviv, ou Bonin.
— 36 —
mien, avec davantage de loisir, & prêt de conférer fort
volontiers par escrit1». Bouju est un ecclésiastique. Il
recommande à du Moulin la discrétion et modestie en pa-
roles, et lui rappelle qu'il faut se servir de syllogismes en
forme, car «c'est le moyen qu'on doit tenir aux confé-
rences & disputes qui ont la vérité pour but2». Du Moulin
répond que Bouju a bien assez à faire avec Montigny, et
que lui-même ne veut pas « transformer le glaive de l'Evan-
gile en fleurets». Mais tout en se récusant, il insinue
quelques attaques contre l'Église, auxquelles il pense que
Bouju répondra. — Nouvelle lettre de Bouju, qui n'a pas
compris et qui revient à la «manducation». Il propose
des règles de dispute : le principe de démonstration sera
l'Écriture; les questions seront bien distinctement posées à
part; ou ne passera pas de l'une à l'autre sans ordre. Du
Moulin accuse Bouju de fuite, parce qu'il ne répond. pas à
ses attaques. Bouju se plaint de ce procédé et des injures
de du Moulin. Du Moulin l'accuse d'avoir, dans l'a im-
pression des réponses», tronqué ses lettres; il fait appel
aux « reliques deschirées de la conscience » de son adver-
saire. L'échange de lettres continue, les deux adversaires
chantent victoire et s'accusent mutuellement de fuite. Cette
fois il n'y eut pas de conférence orale.
Les conférences se faisaient le plus souvent à la demande
de «quelque personne flotante entre les deux religions».
Il arrivait naturellement qu'une personne étant convertie
au Catholicisme, les Jésuites lui demandaient d'être l'objet
1 Cartel de De If y du sieur de Bouju.
2 Ibid.
— 37 -
d'une de ces conférences, et de ne publier sa conversion
qu'ensuite; cela devait donner de l'éclat à la conversion,
et assurer aux jésuites une victoire facile.
Gontier voulait se rattraper de son infortune à son pre-
mier essai. En 1608, il organisa une conférence avec du
Moulin *. Celui-ci, passant un jour par la rue des Maretz2,
rencontre M. de Liembrune, gentilhomme picard, réformé,
dont la femme avait promis au P. Gontier de changer de
religion. Ce gentilhomme le fait monter chez lui , où du
Moulin trouve une nombreuse réunion de dames. L'une
d'elles lui demande raison de sa vocation, d'autres lui font
d'autres questions. «Du Moulin respond qu'il sçavoit bien
qu'elles ne demandoient pas instruction , & que disputer
de la religion avec des femmes qui parlent toutes à la fois,
&: au sortir de là publient ce qui leur plaist, seroit faire
tort à la vérité de la religion. » Au bout d'un moment,
Gontier arrive, non par la fenêtre cette fois, mais dans un
carrosse plein délivres. «Il demande en entrant: Qu'est-ce?
Que dit-on ici? Du Moulin respond: Madame que voilà me
demande raison de ma mission; & je lui disois qu'elle vous
devoit avoir demandé raison de la vostre. — Gontier : Gela
est une fuitte pour eschapper. » Et la discussion s'engage,
cette fois sans secrétaire, comme improvisée, vive, violente
même, devant l'assemblée des dames. Gontier se fait ap-
porter une concordance pour chercher un passage. Du
1 V. Véritable narré de (a Conférence... (Genève 1G25, in-8°,
18 pages).
2 C'est la rue Visconti actuelle, qui aux XVIe et XVIIe siècles était
surtout habitée par les protestants, et où s'était tenu en 1559 le premier
Synode national. (Voyez A. Coquerel fils, Bull. Soc. Prot., 18CG,
p. 185 et 209).
- 38 -
Moulin lui dit : « Si ceste honte m'estoit advenue d'estre
reduict... à envoyer quérir ma concordance, je ne voudrais
jamais comparoir en une honneste compagnie. » Gontier
désorienté ne tarde pas à s'embrouiller; il demande du
papier et de l'encre, écrit, efface ce qu'il écrit, déchire, et
se retire vaincu. Mme la baronne de Salignac prend sa place.
« C'est le dessert de la Conférence. » Celte dame vient de
passer du protestantisme au catholicisme. Du Moulin lui
demande si elle prie la Vierge par ces mots : Ave Maria.
Elle répond oui. Du Moulin lui apprend qu'elle ne fait
que prier Dieu pour la Vierge. Puis, comme elle se vante
de connaître les Pères, il la raille et lui fait prendre les
grecs pour les latins. L'adversaire féminin de du Moulin
se retira assez rudoyée, et Mme de Liembrune resta pro-
testante.
Mais les qualités brillantes que du Moulin déployait dans
la discussion exigeaient la mise en scène, l'agitation et le
bruit. En 1617, il eut une discussion seul à seul avec un
homme tranquille, et il ne semble pas en être sorti victo-
rieux1. Bourguignon, un membre de la famille de du Mou-
lin2, ancien ministre, s'était converti au catholicisme,
malgré les menaces et les prières de son père. Du Moulin
alla le trouver de la part de ce père, avec des lettres de lui. Il
tâchait de contenir sa colère, qui parfois échappait. Bourgui-
gnon, un homme très doux, raconte cette conférence avec
un grand air de sincérité. Il se plaint de la violence de du
1 Voir Rencontre et Conférence..., par Bourguignon. Paris, petit
in-4°, 1617.
2 II appelle du Moulin son cousin.
- 39 -
Moulin. «Les ministres, dit-il, n'ayant nul chef, nul con-
ducteur, nul vœu, nulle protestation d'obéissance», chacun
se croit maître absolu ; de là leur violence et leur arbi-
traire. Les arguments de du Moulin ne touchèrent pas
Bourguignon. Il lui parla de l'obéissance qu'il devait à
son père ; il le menaça de damnation ; puis il attaqua la
succession de l'Église catholique. Finalement les rôles furent
changés, et Bourguignon essaya de le convertir. «J'ad-
joutai, dit Bourguignon, qu'avec l'aide de Dieu ne mour-
riez huguenot : à quoi vous ne me respondites rien... seu-
lement me payastes d'un ris. »
L'année suivante, 16J8, eut lieu une conférence comme
du Moulin les aimait. Le 5 janvier, de Raconis1 envoie à
du Moulin un cordonnier flottant entre les deux religions,
et demande une entrevue. Du Moulin répond qu'il ne
court pas après le bruit, mais que sa porte est ouverte.
De Raconis lui envoie quatre propositions écrites: «Que la
Religion Prétendue n'a point de reigle asseurée. — 2° Que
la Gène des Prétendus Réformés ne se peut monstrer en
l'Escriture. — o° Que le Dieu de Calvin est le Diable. —
II0 Que la Religion de Calvin... n'est point Religion, mais
Athéisme. »
Du Moulin demeurait sans doute alors rue de Seine. De
Raconis vint chez lui avec le président Bailly. Du Moulin
descend et reçoit ses hôtes le mieux qu'il peut, les fait
monter en son étude, où se trouvaient quelques protestants
prévenus par lui. Il invite de Raconis à prier : comme de
Raconis refuse, il prie lui-même et demande à Dieu d oter
1 Né en 1580, professeur de théologie au collège de Navarre; plus
tard évêque de Lavaur.
— 40 —
toute haine des esprits. Les catholiques se retirent en un
coin, et font tout bas leur prière en latin. Puis on décide
d'écrire; on choisit des scribes, et on règle les conditions
de la dispute. Le lundi, comme c'était au tour de du Moulin
d'attaquer la religion catholique, le président Bailly lui
demanda de transporter la conférence dans un autre lieu
plus commode. Du Moulin et les siens s'y rendirent le
lendemain, mais de Raconis alla chez du Moulin, sachant
qu'il ne le trouverait pas , et prétexta cette absence pour
rompre la conférence. Il s'enfuit, par un chemin détourné
et boueux, du côté du Pré aux Clercs. Des hommes en-
voyés par du Moulin le rejoignirent néanmoins. De Raconis
craignait, dit-il, un guet-apens et ne voulut pas retourner.
Du Moulin se rendit lui-même chez le président Bailly; il
lit tout son possible pour renouer la conférence, offrit de
prendre n'importe quel logis. Finalement on lui proposa
de continuer au collège de Navarre, où de Raconis logeait :
«Qui croira, dit-il, que je sois si perclus de sens que de
m'offrir à aller disputer en un collège, parmi de petits
escholiers, avec risée, & avec péril?» C'est ainsi que la
conférence fut rompue. «Quelle apparence», dit encore du
Moulin , «d'entrer en un combat auquel jamais personne
de sa Religion n'a osé entrer, me laissant prendre la reli-
gion romaine par où je voudrais.. . Car les Docteurs de
l'Église Romaine... jamais ne veulent s'obliger à défendre
leur religion. »
Il est très facile de se rendre compte de l'exactitude de
cette remarque de du Moulin et de vérifier son affirmation,
Les Docteurs de l'Église romaine jamais ne veulent s'obli-
ger ;i défendre leur religion, et les conférences furent tou-
— 41 -
jours interrompues au moment où du Moulin prenait l'of-
fensive. Mais auraient-elles pu aboutir même s'il en eût été
autrement? Non, les adversaires étaient trop ardents, la
discussion était trop à la surface, trop variée, le champ
trop immense. Il aurait fallu, comme du Moulin quelque
part1 le propose, limiter le nombre des réponses; mais alors
chacun n'aurait pu dire que la centième partie de ses argu-
ments. Cependant on apprenait à se connaître, et on forti-
fiait sa propre foi en la défendant; voilà quel était le
résultat excellent de ces conférences.
Elles eurent parfois des résultats fâcheux. Une dispute
avec le jésuite Arnoux faillit attirer aux ministres une fort
mauvaise affaire. En 1617, le 25 juin, le jésuite Arnoux2,
prêchant en présence de Sa Majesté, avait « picquoté les
marges3 de nostre Confession de foy <Sc déclamé contre
quelques citations de passages4». En descendant de
chaire, de bonne foy, il avait confié à un protestant la
feuille où étaient écrites ses notes. Les quatre ministres
de Paris s'en emparèrent et la publièrent aussitôt avec la
réfutation. De son côté Arnoux avait publié un petit livre
à bon marché, fort répandu 5. Le livre des quatre mi-
nistres, Défense de la Confession des Églises réformées de
1 Voir Le Sommaire des questions survenues en la Conférence...
entre du Moulin et Cayet.
2 Dirige les maisons de Grenoble et de Toulouse. Succède au Père
Cotton comme confesseur de Louis XIII, perd cette place en 1621,
meurt fou, dit-on, en 1636.
3 Où étaient cités des passages de l'Écriture.
4 Les reproches du sieur du Moulin contre le Père Arnoux. Paris,
1619. in-4°.
6 La Confession de Foy convaincue de nullité, par Arnoux. 1617,
Paris.
— 42 —
France1, avait en tête une épître au roi, où ils représen-
taient les services rendus à la couronne par le parti
huguenot. Cette lettre fut fort mal interprétée. Le conseil
d'État fut saisi de l'affaire. Les quatre ministres compa-
rurent, mais furent quittes pour une semonce du chancelier.
Mais aucune considération ne pouvait diminuer chez du
Moulin cette passion de controverse, puisqu'à ses yeux
l'intérêt de l'Évangile et de la vérité était en jeu. Et cet
intérêt doit écraser tout sentiment qui s'oppose à lui. La
controverse semble être à ce moment la manifestation la
plus importante de la vie religieuse. Elle conserve ses
droits même devant un lit de mort.
Henri IV fit toujours tout ce qu'il put pour obtenir de
sa sœur qu'elle se convertît au catholicisme. Mais du Moulin
veillait sur elle. En 1604, elle mourait, et lui se tenait
près d'elle, priant et l'exhortant, quand du Perron, alors
évêque d'Évreux, pénétra dans la chambre, se disant
envoyé par le roi. Du Moulin répondit qu'il ne pouvait
croire que le roi voulût faire violence à sa sœur, et lui
refuser la liberté de conscience, qu'il avait garantie à tous
ses sujets. Alors il se passa entre eux une lutte violente, et
ces deux hommes eurent recours à leur force physique
devant cette femme qui mourait. Du Perron voulait expulser
du Moulin. Celui-ci se cramponna aux colonnes du lit; il
était d'une vigueur peu commune : il resta. Il demanda à
la princesse dans quelle religion elle voulait mourir. Elle
répondit qu'elle mourait protestante. Du Perron vaincu se
1 Développé plus tard par du Moulin en Bouclier de la Foy (à son
retour d'Angleterre en 1015).
— 43 -
retira. Puis du Moulin pria, et Catherine de Navarre
mourut.
Une scène analogue se passa auprès de la maréchale de
Fervacques1. Elle était protestante. Du Moulin, apprenant
qu'elle mourait, accourut, mais il trouva la porte fermée,
et ne put entrer. Il attendit dans la rue, et profita de
l'arrivée d'un grand seigneur pour se glisser dans sa suite
auprès de la malade. Là il trouva une assistance nombreuse
de catholiques, et 1 evêque de Genève, saint François de
Sales2, qui essayait de gagner au catholicisme l'âme de la
mourante. Du Moulin était seul au milieu de tous les
catholiques. Il tint tète à saint François de Sales et parvint
à obtenir de la mourante qu'elle exprimât le vœu de
rester protestante. Sur cela, saint François de Sales se
retira, et plusieurs catholiques avec lui, dans une autre
pièce. Quelques-uns restèrent, et pendant que du Moulin
priait avec cette femme et la consolait, «ils faisoient des
grimaces pour se moquer 3 ». Alors entrèrent trois seigneurs
de qualité qui dirent à du Moulin que quelques-unes des
princesses désiraient le voir conférer avec l'évêque. Du
Moulin, après avoir obtenu la promesse qu'on le laisserait
revenir à son poste, laissa la mourante et alla à la dispute.
Là, en présence de plusieurs dames, il discuta avec saint
François de Sales sur ces paroles : «Ceci est mon corps».
La duchesse de Longueville, présente, admira son savoir,
1 Veuve du maréchal de Fervacques, et femme du prince de Join-
ville.
2 II ne pouvait pas demeurer à Genève, qui appartenait aux pro-
testants. Il demeurait chez le duc de Savoie.
3 Autobiographie.
— 44 —
cl lâcha de l'amener à changer de religion. Mais du
Moulin retourna vers la malade pour reprendre sa prière
et ses exhortations, et peu après elle mourut.
On voit comment ces disputes quelquefois paisibles et
intimes, le plus souvent violentes et retentissantes, se
mêlaient à toute la vie de du Moulin et occupaient tout
son temps. Ses conversations, ses ouvrages, ses sermons,
ses visites sont des moyens de controverse. Les autres
pasteurs le mettent toujours en avant et se reposent sur
lui, le plus capable, du soin de vaincre l'ennemi. Pour les
catholiques il représente la force de bataille de l'Église hé-
rétique. Il est le « Prétendu Primat des Églises prétendues
de France1».
« Pour Moulin, son party l'a mis
« Gomme le singe en sentinelle 2. »
Sa réputation est devenue universelle. Discuter avec lui
est un moyen d'acquérir de la renommée. Il ne se passait
pas une semaine qu'il ne fût occupé à une grande dispute,
pas un jour qu'il n'eût à sa porte le carrosse de quelque
seigneur désireux de l'entendre.
Henri IV le connaissait, et voyait avec ennui l'agitation
dont il était cause. Gomme il projetait l'expédition de
Flandre, il craignit que, pendant son absence, les ministres
et les jésuites n'amenassent des troubles. Il chargea du
Chesneau, un protestant, d'obtenir de du Moulin, par des
compliments et des présents, qu'il n'attaquerait pas les
1 Rabelais réforme, p. 5.
2 Ibid., p. 93.
- 45 -
Jésuites, et ne répondrait pas à leurs attaques. Quand du
Chesneau alla trouver du Moulin, Henri IV avait été assas-
siné. Du Moulin, fidèle à la disciplina des Églises, refusa
les présents du roi, et accusa les Jésuites de sa mort. Il
écrivit un livre1 contre l'un d'eux, Pierre Cotton, et fit
ainsi l'anagramme de son nom : Pierre Colon = Perce
ton roi. Cotton répondit: Petrus du Moulin ~ Eril mundo
lupus. Mais l'accusation avait porté.
On comprend l'irritation des Jésuites contre du Moulin,
et quand on connaît leurs maximes, on n'est pas étonné
de voir qu'ils tentèrent par tous les moyens de se défaire
de lui.
Des personnages fort en honneur lui demandèrent sou-
vent de se faire catholique. Nous avons vu la tentative
faite par la duchesse de Longueville. Bâtes raconte qu'un
homme d'un nom fort respecté alla un jour le trouver et
lui offrit une rente annuelle de huit mille livres, lui pro-
mettant que d'autres augmenteraient cette somme. Gela
se présentait fort souvent. Du Moulin renvoyait ordinai-
rement ces solliciteurs avec une plaisanterie. Il en fit une
un jour qui lui valut un redoublement de haine des pa-
pistes. Ce fait n'est pas relaté dans les biographies, mais
je l'ai trouvé dans les accusations des adversaires et dans
les paroles de du Moulin lui-même. De Raconis avait
entrepris de le convertir. Selon son habitude, pour se
défaire de son insistance fâcheuse,, ou pour se moquer de
lui, du Moulin avait promis d'abjurer s'il pouvait lui
montrer « nos faussetés ».
1 Anti-Goton.
— 46 -
« De Ilaconis, se voyant engagé
« Le suit au pas, et quittant la traverse,
« Des autres poincts luy faict un abbrégé
« De tous les cas qui sont en controverse.
« Le tout signé, remis au lendemain
« Le bruit s'espand, Raconis monte en chaire,
« Semond le peuple à voir dans Saint-Germain,
« Pierre Moulin qui doit prendre la baire.
« Le jour venu, tout le monde y accourt,
« On prend le drap, et l'habit on lui taille,
« Mais du Moulin trouve qu'il est trop court.
« Et bouffonnant sous la cappe, il se raille1. »
« Les prosnes retentissoient, dit du Moulin, des nou-
velles de ma conversion en l'Eglise romaine, désja on nie
pourvoyoit de bénéfices... désja en une telle Eglise, le
peuple m'altendoit pour ouir ma déclaration 2. »
Mais les Jésuites ne s'en tinrent pas à des moyens aussi
doux et tentèrent de le faire assassiner ; du moins tous
les protestants en furent convaincus. Un soir, comme il
était très tard, un homme frappa à la porte de du Moulin,
voulant à toute force lui parler. Du Moulin se leva et le
reçut. Cet homme l'avertit qu'un mauvais sujet bien
connu devait lui apporter le lendemain, comme venant
d'un ami, des prunes empoisonnées. Le lendemain en
effet le faux messager vint avec les prunes, et du Moulin
le renvoya.
Un autre soir, un homme vêtu d'un long manteau
entra chez lui de force. Du Moulin mit une chaise entre
lui et son antagoniste, et réussit à le désarmer de son
1 Rabelais réforme, p. 18.
2 Préface de la Nouveauté du Papisme.
- 47 -
poignard. Au bruit le famulus de du Moulin, Benjamin de
Monbhard, accourut, et l'homme ne résista plus. Le fa-
mulus ramassa le poignard et le lui rendit.
Un autre inconnu pénétra une fois chez du Moulin. Il
se trouva devant les gens de la maison, assemblés à table.
Il pensait sans doute trouver du Moulin seul, car il se
mit à hésiter et à trembler. La femme de du Moulin, com-
prenant son intention, lui dit: Va-t'en à tes mauvaises
actions, avec ta conscience mauvaise. Ainsi chaque fois
du Moulin, sans être ému, confiant dans sa force, et sur-
tout dans la protection du Dieu dont il défendait la cause,
renvoyait avec un reproche presque doux les misérables
qui avaient voulu l'assassiner. Mais ses amis inquiets lui
persuadèrent de faire garder sa maison et sa personne.
Dans les dernières années de son séjour à Paris, il ne
sortit pas sans avoir à ses côtés une garde, duos custodes,
viribus intetjros et militiœ peritos. Le peuple lui fit sentir sa
vieille haine contre le protestant. Deux fois sa maison fut
assiégée par la foule, qui tenta de briser la porte. Cette vie
dut être très pénible; du Moulin finit par sentir tout autour
de lui une immense conspiration contre sa vie ; et il est
impossible de ne voir là qu'une idée fixe sans raison d'être,
comme celle qui poursuivit Jean-Jacques Rousseau, car du
Moulin avait l'âme tout autrement trempée.
Un soir, entre huit et neuf heures, il travaillait selon
sa coutume dans son étude, une petite pièce au troisième
étage, pendant que sa famille soupait en bas. Le froid
était extrême. Pour se chauffer il se fit apporter un chau-
dron plein de «charbon ardent, dont la fumée lui saisit le
cerveau et le cœur», si bien qu'il s'évanouit. Il vit alors
— 48 -
entrer deux hommes, qui disparurent sans qu'il sût com-
ment. La porte resta ouverte, et le froid qui entra réveilla
du Moulin affaissé sur son fauteuil. Il se leva et retomba,
la face sur le carreau froid. Quand son fils monta, il le
trouva couché ainsi. Et du Moulin ne put monter en chaire
de six semaines. Cet accident, qui ne fut autre chose qu'un
commencement d'asphyxie par l'oxyde de carbone, laissa
une impression étrange dans l'âme de du Moulin.
Malgré ces misères et les obstacles sans nombre qui le
gênaient, il trouvait encore le temps de prendre part aux
batailles qui se livraient à l'étranger contre la «bête».
C'est ainsi qu'il entreprit la défense du roi d'Angleterre, le
célèbre Jacques Ier, contre Bellarmin,Goeffeteauet le pape1.
En 1610 il publia les deux premières parties de la
Défense de la foy Catholique contenue au livre de
Jacques /'. Déjà il correspondait avec lui depuis plusieurs
années 2.
Au commencement de 1615 s'était tenue à Blois une
assemblée du clergé. Du Perron, dans une harangue où il
prouvait que le pape peut déposer les rois, avait fort mal-
mené Jacques Ier. Le roi fil dire à du Moulin qu'il désirait
le voir pour poursuivre l'affaire. Il lui avait déjà envoyé
1 Les Jésuites ont tenté de faire sauter Jacques Ier. Il a alors composé
un Serment de fui élite pour le faire signer de tous ses sujets, serinent
où il est dit que le pape n'a pas de pouvoir sur le roi. Sur ce, bulles du
pape : 22 septembre 1606 et2:î août 1607, et lettres du cardinal Bellarmin.
Jacques Ier, en ayant connaissance, compose V Apologie pour le serrru ut-
ile fidélité. Henri IV, à la sollicitation de du Perron, charge Coeffeteau
de répondre à cette apologie, ce qu'il fait lors de la seconde édition de
ce livre, en 1610.
2 Bâtes a vu ses lettres in Régis scriniis. — Quick ne les a pas vues,
mais dit qu'on les trouve : in the paper office at Whitehall.
— 49 —
deux mille livres. L'Église de Paris ne voulait pas laisser
partir son pasteur. Mais après qu'il eut fait en public à
Charenton le serment de revenir «en bref», il partit au
mois de mars 164 5, avec M. de Mayerne, médecin de
Jacques Ier, et son jeune frère Jean du Moulin.
Il avait une autre raison pour se rendre à la cour d'An-
gleterre. Il voulait parler à Jacques Ier de la fameuse
question débattue alors de l'union des Eglises orthodoxes
de toutes les nations1.
Jacques Ier fit « beaucoup d'accueil » à du Moulin : « Or-
dinairement je me tenois derrière sa chaise en ses repas2. »
Du Moulin fit une réponse sous le nom de Jacques Ier au
discours de du Perron 3, et assista à «une grande dispute
publicque, en laquelle le Roy mesme proposa des argu-
mens4.» Il prêcha en fiançais devant le roi dans la cha-
pelle du palais de Greenwich. Il prit le degré de docteur
à Cambridge. Au bout de trois mois, il dut retourner à
Paris, pour tenir sa parole. Jacques Ier fit tout son possible
pour le retenir. Enfin il le laissa partir, subiratus, dit
Bâtes, en lui donnant toutefois une prébende à Gantor-
bery 5 et à son frère une chaine d'or de deux cents écus.
1 Voir la Lettre de du Moulin à du Plessis-Mornay (au-dos : receu
le 5 mars 1615). Jacques Ier a déjà écrit à ce sujet au synode de
Tonneins.
2 Autobiographie.
3 Bâtes dit qu'il traduisit en français le livre de Jacques Ier : Vin-
clieiœ juris regum, et que cette traduction fut publiée à Londres en
1015. Mais du Moulin se défend de traduire les ouvrages du roi.
4 Autobiographie.
5 Depuis il me donna encore une commandeiie qu'ils appellent rec-
torat au pays de Galles (Autobiographie).
Post aliquot annos.. rcctoriam aine cura... Provottus utriusque
ducentœ librœ.
— 50 —
Les chanoines de Cantorbery, «en sa réception», l'obli-
gèrent à s'assujettir aux lois et coutumes de l'Angleterre.
Ce qu'il fit à condition de pouvoir rester fidèle à son roi
et à l'ordre ecclésiastique de France. Cependant cette accu-
sation ne manqua pas de lui être faite à son retour :
«Moulin, Anglois de cœur, & évesque de prétention1.»
C'était le temps où les princes, ayant Condé à leur tête,
se révoltaient contre la reine-mère. Le parti protestant
faisait cause commune avec eux. Du Moulin fut soupçonné
d'être passé en Angleterre pour chercher des secours. Il
fut arrêté à Boulogne, fouillé, gardé deux jours en prison,
et finalement relâché. Du Moulin fut toujours fidèlement
attaché au roi et blâmait toutes les révoltes; il avait fait
dans ce cas notamment tous ses efforts pour empêcher
l'alliance des protestants avec les princes, prévoyant les
funestes conséquences qu'elle devait avoir. La reine lui
offrit des cadeaux qu'il refusa. Mais plus tard la même
accusation pesa sur lui et l'obligea à abandonner son
Église.
Avant d'arriver là, nous avons quelques mots à dire sur
les idées théologiques de du Moulin et sur ses rapports
avec les autres protestants. Mais comme son influence ne
se fit sentir que vers la fin de son séjour à Paris, et que
les préoccupations de l'ordre dogmatique remplirent sur-
tout les dernières années de sa vie, nous ferons entrer
cet exposé dans notre troisième partie.
1 Rabelais réformé, plusieurs fois.
TROISIÈME PARTIE
DU MOULIN PROFESSEUR DE THÉOLOGIE A SEDAN,
SA POLÉMIQUE
ET SON INFLUENCE THÉOLOGIQUE
Ce n'est pas sans une certaine hésitation que nous
abordons ce côté de la vie et de la pensée de du Moulin.
Contre les adversaires protestants il fut le même que contre
la «bêle», avec plus de colère encore et plus de violence,
autoritaire, et mêlant facilement sa personne aux intérêts
dogmatiques. Que son influence ait été pernicieuse, cela
n'est pas sûr : autre temps, autres besoins; mais un homme
étroit, cassant, qui excite le feu de la discorde dans un
groupe persécuté et faible, cet homme ne manque pas de
nos jours tout d'abord d'être odieux. Il faut un effort con-
sidérable pour le voir dans son milieu et dans son temps.
Les comptes-rendus des synodes 1 nous font connaître
les idées de du Moulin. Elles peuvent se caractériser en
deux mots. Du Moulin n'admet que l'autorité de la Bible,
1 Aymon, 2 vol. in-quarto. — Quick, 2 vol. in-folio.
- 52 —
sans interprétation 1. En réalité il est calviniste strict, et la
prédestination absolue est à la base de sa dogmatique.
Le premier synode général auquel du Moulin est député
est celui de Gap en 1603. — En 1612 il est modérateur-
adjoint au synode de Privas. La grande affaire qui occupait
alors le clergé protestant était l'union projetée des Églises
orthodoxes de toutes les nations. A Privas on décida d'en-
voyer des députés dans les provinces pour préparer l'union.
Ils ne doivent pas soulever de disputes, à la suite des-
quelles les parties retournent chez elles «moins d'accord
qu'auparavant et l'imagination remplie de triomphes.» On
doit mettre sur la table les différentes confessions des
Églises réformées d'Angleterre, d'Ecosse, de France, des
Pays-Bas, de Suisse et du Palatinat, en faire une géné-
rale, qui ne renferme que les points nécessaires au salut,
et laisser les questions dangereuses du libre arbitre, de la
prédestination, etc. 2 Gomment se fit-il que du Moulin
souscrivit à cela? On sentait un grand besoin de mettre fin
aux luttes intestines; mais le moment n'était pas venu.
Du Moulin se donna ou crut se donner corps et âme à ce
projet; mais ce n'était pas l'homme qu'il fallait. Et c'est
de lui que vinrent les obstacles : dispute avec Tilénus; dis-
pute avec Amyraut.
Pour le moment on formule un «acte d'union et de paix
entre les Églises réformées de France3». Du Moulin,
Durand et de l'Isle-Groslot sont chargés de réconcilier des
1 Celui qui interprète, dit-il, se met au-dessus de l'Écriture. 11 vaut
mioux ne pas comprendre.
2 Aymon, t. II, pp. 57-58.
3 lbid., Matières gén., § VIII.
- 53 —
esprits irrités, les ducs de Bouillon, de Lesdiguières, avec
les ducs de Rohan, de Soubize, du Plessis, etc.1
L'esprit intolérant de du Moulin se montre déjà dans la
question du baptême qu'il est chargé, avec Sonnis, La
Faye, Le Faucheur, d'étudier à fond pour le prochain
synode. Il présente une réfutation en latin de la doctrine
de Piscator sur la justification. Sonnis, La Fresnaye et Le
Faucheur, chargés d'examiner le livre, l'approuvent, mais
en interdisent la publication jusqu'à nouvel ordre, de peur
de nuire à l'union projetée. Du Moulin se contentera d'en
envoyer copie à chaque province.
Au synode de Tonneins, en J6I/1, du Moulin n'est pas
député, mais cité. L'Eglise de Paris s'excuse de ne pouvoir
l'envoyer. La question de l'union des Églises réformées
est gravement compromise par une lutte qui vient de surgir
à l'occasion du livre de du Moulin contre Piscator et qui
ne se terminera que deux ans plus tard. C'est la lutte entre
du Moulin et Tilénus, alors professeur à Sedan, sur «les
Effets de l'union hypostatique des deux natures en Christ».
La querelle a commencé à Paris où a eu lieu une con-
férence. Maintenant l'Eglise de Genève se mêle de l'affaire,
ainsi que l'électeur palatin, et le marquis de Bouillon, qui
assiste au synode. Tilénus envoie un inventaire, du Moulin
une confession. Le roi d'Angleterre, Jacques Ier, écrit une
lettre au synode. Il lui conseille de jeter au feu les livres,
1 Du Moulin avec quelques autres est député à Orléans pour faire
cesser des troubles. Cette Eglise a des membres qui ne veulent pas >e
conformer aux règlements de l'assemblée de Sauinur, qui « enjoint aux
provinces d'établir des conseUs». La députation a plein pouvoir. Les
frais seront payés par le consistoire d'Orléans.
- 54 —
papiers et manuscrits qui peuvent nourrir le feu des con-
troverses, et de ne pas vouloir «presser les consciences
à consentir, contre leur propre jugement, a des opinions
dont ils n'ont pas même une idée claire1 ».
On nomme une commission pour juger le différend.
Tous les écrits seront envoyés à Saumur et mis entre les
mains de du Plessis pour abolir la mémoire de cette dis-
pute. On enjoint à du Moulin et à Tilénus de se trouver à
jour fixe à Saumur, où l'affaire sera réglée par les pasteurs
et professeurs de la ville et quelques-uns du voisinage2.
Puis, celte affaire vidée, on s'occupe de l'union.
Le 15 octobre du Moulin et Tilénus se trouvèrent à Sau-
mur. La commission nommée par le synode, et formée par
«Philippe de Mornay, Jan Fleury, André Rivet» et quel-
ques autres, compose un acte de concorde qu'elle fait signer
aux deux adversaires et aux membres du bureau. Du
Moulin (c'est toujours le reproche qu'on lui fait) s'est servi
de «termes obscurs, moins propres», où on pouvait voir
des choses «sinistres en les prenant trop à la rigueur». Il
n'y a rien à blâmer dans sa pensée. Tilénus toutefois ne
peut pas être accusé de calomnie. Rien ne les empêche de
«s'embrasser comme frères, vrais chrétiens & ortho-
doxes 3 » .
La question de l'Union reparaît à Vitré en 1617. Du
1 La lettre de Jacques Iflr est conservée dans Ayraon.
2 Aymon, t. II, p. 37.
3 Cet acte, inédit, se trouve à la Bibliothèque de l'Histoire du Pro-
testantisme Français. — Dans une lettre à du Plessis-Mornay (receù le
5 mars 1G15), du Moulin se plaint que Tilénus ne tienne pas sa pro-
messe de ne rien publier.
— 55 —
Moulin n'y est pas, mais on le nomme commissaire de
l'Union avec Rivet, Chauve, Charnier. Ils iront à Saumur,
conféreront avec du Plessis et les pasteurs et professeurs,
et feront un projet qu'on enverra aux diverses provinces.
Les synodes provinciaux étudieront le projet et enverront
des députés préparés au synode national prochain.
On touchait à la réalisation de ce projet si cher à tant
d'esprits pacifiques et larges, quand un nouvel obstacle
surgit. L'Arminianisme se répandait en Hollande et dans
tout le protestantisme. Testard et Amyrault en étaient les
propagateurs. Ce sont les «Remonstrans». Saumur était
le centre de l'hérésie. Elle prétend «que Dieu donne à tous
les hommes, même aux païens, une grâce universelle et
suffisante; elle fait dépendre de la volonté de l'homme les
décrets de l'élection de Dieu1,» «elle ôte l'efficacité à
la grâce, élève le libre arbitre et fait revivre le Pélagia-
nisme. »
L'orthodoxie s'enflamma , les provinces unies de Hol-
lande voulurent se défendre contre l'hérésie. Elles firent
un synode national à Dordrecht, auquel elles invitèrent
l'Angleterre, l'Allemagne, la Suisse, Genève et la France,
h envoyer des députés. L'orthodoxie française, qui avait
déclaré abandonner la question du libre arbitre et de la
prédestination2, se contredit. Charnier, Chauve, Rivet et
du Moulin furent envoyés. Mais arrivés à Genève, ils
durent revenir sous une menace de mort de Louis XIII.
Du Moulin, immédiatement passionné à l'extrême, n'aban-
1 Formulaire du Serinent d'union au Synode d'Alais.
2 Voir Aymon. Acte d'union au Synode de Privas.
— 56 —
donna pas la partie, et cette querelle l'occupa jusqu'à sa
mort : l'Arminianisme fut la bète noire de sa vieillesse.
aNegat alla esse Dei décréta conditionalia1. Deus, dit-il,
nos prœdestinavit ad /idem non ob fidem prœvisam. » Il se
met à écrire YAnatomie de l'Arminianisme, ouvrage très
violent. On veut l'empêcher de le publier. Rien ne l'ar-
rête. Alors un décret du synode provincial de l'Ile de
France interdit aux ministres de rien publier sans l'appro-
bation de leurs collègues. Du Moulin dut attendre2; mais
son influence fut néanmoins considérable au synode de
Dordrecht, cujusipse, dit Grotius3, quanquam absens* inter
prœcipuos fabros fuit». Les Arminiens furent condamnés
sans restriction, et du Moulin, leur ennemi, reçut, comme
ceux qui avaient assisté au synode , une médaille et deux
cents écusA.
En 1620, du Moulin fut modérateur du synode d'Alais.
Maître de la situation , il fit admettre une confession de
foi anti-arminienne, qu'on appela un serment d'union.
Chacun fut obligé de prêter ce serment, par lequel on ac-
ceptait toutes les décisions du synode de Dordrecht 5.
1 Lettre de Hugo Grotius (1637). Epistolœ.
2 Le livre ne parut qu'à la fin du Synode.
3 Lettre de H. Grotius, Epistolœ.
* Les adversaires, H. Grotius (Ibid.) et d'autres disent que du
Moulin, voulant unir toutes les Églises, môme les luthériennes, a déclaré
dangereuses les questions de la Prédestination, du Libre Arbitre, etc.
En 1616, dans la Lettre à un sien ami de Hollande (publiée avec le
Sainct resveil spirituel), du Moulin déclare cette étude pernicieuse.
Les Remonstrants peuvent donc accuser du Moulin d'avoir changé
d'attitude. Les dogmes, chez les individus comme dans les sociétés, se
forment par opposition à l'hérésie.
6 Ayinon, t. II, p. 143. Du Moulin essaya plus tard en vain de faire
prêter un serinent analogue. Voyez p. 56. 6.
- 57 —
Du Moulin est à l'apogée de sa gloire et de son influence.
Redouté de ses adversaires catholiques, vainqueur de l'hé-
résie salmurienne1, il est l'homme le plus en vue parmi
les protestants, le plus grand docteur que notre Église ait
eu, quand survient dans sa vie un grand bouleversement.
Peu de jours avant d'être député à Alais, du Moulin
avait vu l'ambassadeur du roi d'Angleterre auprès de
Louis XIII, M. Herbert, baron de Gherbury, qui l'avait
prié d'écrire à Jacques Ier, pour l'exhorter à prendre la
défense de son gendre, le roi de Bohême. Du Moulin s'était
défendu, puis avait cédé imprudemment. Ses lettres par-
vinrent au conseil privé du roi de France. Il fut décidé que
du Moulin serait arrêté et emprisonné, pour avoir invité
un roi étranger à prendre les armes en faveur des Eglises
réformées.
A ce moment il se produisit un grand changement dans
la situation des protestants en France. Louis XIII, voulant
anéantir leur puissance politique, commençait à leur en-
lever les places de sûreté que l'Édit de Nantes leur avait
accordées. En 1620, il annexait le Béarn à la France et y
rétablissait le culte catholique. On sait qu'à l'appel du duc
de Rohan les protestants se révoltèrent. Ils perdirent l'une
après l'autre toutes leurs places fortes, la dernière, La
Rochelle, en 1629, et furent à la merci de la royauté2. Du
1 Les Remonstrants sont exilés (Lettre : Rcmonstrantes exulcs ad
cl. Virum D. Petrum Molinœum (Epistolœ, p. 570). En 1622 paraît
un livre contre du Moulin : Pétri Molinœi mala encheiresis, avec une
êpitre adressée aux Arminiens, tum iis, qui in exilium conjecti surit,
tum iis qui in patria adhuc terra cum gemitu hic illic patentes
vagantur.
2 Louis XIII, après les avoir désarmés, ne les inquiéta plus. La
guerre d'extermination ne commença cpa'avec Louis XI V.
- 58 —
Moulin, pensant que les protestants n'étaient pas de force
à lutter, conseillait la soumission1. Mais à cause de ses
relations considérables avec l'étranger, on craignait qu'il
ne cherchât des alliés au parti protestant2.
Il était à Mais, ne sachant rien. Il devait à son retour
passer par Montauban et La Rochelle et on attendait cela
pour le prendre sur le fait de rébellion. Car à ce moment
une assemblée politique protestante siégeait à La Rochelle,
malgré l'ordre du roi qui l'avait dissoute. Quand il apprit
cela, du Moulin abandonna son projet : c'est ce qui le
sauva. Il se dirigea vers Lyon. Là il reçut de son collègue,
M. Drelincourt, une lettre l'avertissant du danger. Au lieu
de venir directement à Paris, il s'arrêta à Grigny et fit
prévenir sa femme, qui lui envoya son frère Jean, pour lui
ôter toute crainte. Du Moulin entra donc à Paris; mais
avant d'aller chez lui, il fut voir l'ambassadeur, M. Her-
bert, qu'il trouva se mettant au lit, et qui lui dit de fuir
en toute hâte. Du Moulin entra dans une maison voisine,
rue du Colombier; sa femme lui envoya un habit, puis il
partit avec son frère, à cheval, et arriva à Lumigny,
1 Nous avons la lettre que du Moulin envoya à la Rochelle, en arri-
vant à Sedan (conservée en latin par Bâtes. Vitœ, pp. 712 à 715), lettre
très pressante où il dit que la résistance donne au roi l'occasion désirée
pour ôter aux protestants les libertés accordées par Henri IV.
« La copie de mes lettres se trouvera en un livre in-octavo, couvert de
«veau noir» (Autob.).
L'adversaire des idées de du Moulin dans cette assemblée, que l'on
soupçonne d'avoir été payé pour exciter les protestants, est Brachet,
sieur de la Milletière, qui plus tard abjura et écrivit des traités sur
l'union possible des catholiques et des protestants, traités qui furent
décriés par les deux partis.
2 C'est pour cela que du Moulin ne put jamais revenir à Paris.
— 59 -
chez le comte de Suze. Là il reçut deux anciens de son
Église qu'il avait consultée et qui lui faisait dire de songer
à sa sûreté. Il partit donc pour Sedan, où il arriva le
5 janvier 1621.
Le duc de Bouillon le reçut fort bien, le logea dans son
château et le fît manger à sa table. Du Moulin parait avoir
habité chez le duc jusque vers la fin de sa vie, quand ses
infirmités l'empêchèrent de «monter au château». Mais
peu après son arrivée à Sedan , il quitta pour quelque
temps cet asile et passa en Angleterre1. Il était dans le
plus grand dénûment. Jacques Ier apprit sa présence à
Londres et lui fit des cadeaux. Le 21 juillet il est de retour
à Sedan. Il écrit alors à André Rivet2, son beau-frère : il
est triste et découragé. Le malheur s'appesantit sur les
protestants. «Après Sancerre , Jargeau, Saumur, Xain-
tonge & Poictou perdues», il perdent «Guienne et Nérac».
— «Tout cède, il n'y a plus que le Languedoc où on
s'appreste à faire quelque foible résistance. On se prépare
à assiéger Montauban. La Rochelle tient encore... Nos
voisins nous regardent les bras croisés... Dieu seul peut
nous secourir, et semble qu'il ait entièrement détourné sa
face de nous. »
Puis il reprend courage et écrit à son Église pour la
consoler. Il signe encore du Moulin, ministre en l'Église
de Paris. Il pensait d'abord se réfugier à Sedan pour quel-
que temps seulement; mais il ne put jamais retourner à
Paris. On fit par la suite de nombreuses démarches auprès
1 Quick (ms.) affirme qu'il l'a entendu raconter à deux des anciens
élèves de du Moulin.
2 Lettre publiée dans le Bulletin.
— 60-
de Louis XIII; tout fut inutile1. Une grande et glorieuse
période de la vie de du Moulin est définitivement close; à
cinquante-trois ans il doit recommencer sa carrière.
Le 1er octobre 1621, le duc de Bouillon ayant renvoyé
Tilénus 2, du Moulin fut nommé à sa place pasteur et pro-
fesseur en théologie à Sedan, «à quinze cens livres de
gages et douze cordes de bois3» pour les deux fonctions.
Le 19 août, les membres du consistoire de Sedan avaient
déjà invité du Moulin a prendre place au milieu d'eux.
Au 21 octobre, le registre du consistoire, dont la marge
est rongée par l'humidité, porte ces mots :
«... oulin est entré en charge
«... glise au premier de ce moys
« ... sidé aujourd'hui pour le...»
La principauté indépendante de Sedan, Jametz et Gau-
court appartenait au duc de Bouillon, Frédéric-Maurice.
Le duc venait de fonder une académie protestante dans sa
ville et recevait volontiers les exilés de tous les pays voi-
sins. Les talents et les richesses affluaient dans ce petit
pays heureux et libre.
1 Voir : Synode gén. de Saint-Maurice, 1623 : Louis XIII a refusé.
Synode gén. de Castres, 1626. Le roi a accordé la demande (il y eut
sans doute contre-ordre, à moins qu'Aymon ne se trompe, car je n'ai
vu cela nulle part, et comme du Moulin s'était joint à ses collègues
pour faire la demande , il serait retourné à Paris, si cela lui eût été
accordé).
2 Quelques-uns accusèrent à tort du Moulin d'avoir excité des
troubles jiour faire chasser Tilénus, car celui-ci était parti avant que du
-Moulin ne vînt à Sedan. Voir la Justification de M. du Moulin contre...
Limbourg.
2 Autobiographie.
* Depuis le Synode de « Gergeau » 1601, les Églises de la princi-
pauté étaient unies au Synode de l'Ile de France. Quick, Synodes, p. 212.
— 61 —
Du Moulin fut encore assez longtemps troublé, pré-
occupé et triste. Ce changement clans sa vie lui fut d'abord
très pénible. Sa santé n'est plus aussi bonne qu'en 1599,
quand il arrivait à Paris. Il sent que bien des choses
l'abandonnent. Mais il a encore une lutte de trente-sept
ans à soutenir à Sedan, une nouvelle gloire à acquérir,
une nouvelle influence à exercer.
Il ne tarda pas à être frappé de deuil : le 12 août 1622
sa femme, Marie Golignon mourut. Il resta veuf quinze
mois. Il fut en proie assez longtemps à une violente dy-
senterie. Quand il fut guéri, il promit le mariage à Sarrah
de Gelhay, qui demeurait à Jametz. Puis, poussé par ses
proches, il tenta de rompre ses engagements ; enfin dans
d'autres douleurs il vit une punition de Dieu, et il remplit
sa promesse le 46 novembre 1623 1.
Après plusieurs années d'attente impatiente, du Moulin
semble avoir pris son parti de sa nouvelle existence. Sa
vie fut beaucoup plus paisible extérieurement du moins
qu'à Paris. Les occasions de conférences avec les catho-
liques manquaient. Il ne fait plus de controverse que dans
ses ouvrages.
Du Perron n'avait pas abandonné le combat contre
Jacques Ier; depuis 1615 il travaillait à un grand ouvrage.
Mais pour le faire aussi parfait que possible, et craignant
que du Moulin ne lui taillât d'autre besogne, il ne voulait
pas que cet ouvrage fût publié avant sa mort. En 1623 du
1 II eut plusieurs enfants de sa seconde femme. La paix ne dut
pas régner sans cesse dans la famille, si nous en jugeons d'après ce qui
se passa à la mort de du .Moulin. Voir les Lettres manuscrites de Marie
du Moulin.
— 62 -
Perron mourut, et le livre parut. Jacques Ie1 appela du
Moulin pour le réfuter ; il le reçut fort bien, et mit à sa
disposition la bibliothèque royale. Du Moulin se mit à
l'œuvre, travaillant là sans repos. Pour le payer de ses
efforts, Jacques Ier voulut lui donner «the hospital ofthe
Savoy »; mais comme cet hôpital était près de Whitehall,
les chapelains écossais du roi le demandèrent et l'obtin-
rent i.
Gomme l'ouvrage avançait, du Moulin tomba malade
« d'une humeur mélancolique et atrabilière2. » La peste,
autour de lui, décimait le peuple. En même temps de mau-
vaises nouvelles arrivaient des Eglises de France. Celle de
Sedan commençait à douter du retour de du Moulin3.
Enfin, comme il était resté une année à peu près en
Angleterre, Jacques Ier mourut. Du Moulin toujours
malade, fit venir sa femme, et partit pour Sedan.
Il se trouvait sur un vaisseau français. Malgré un dé-
guisement qu'il avait pris, il fut reconnu. Un grand vent
empêcha d'aborder à Dieppe : on avertit le gouverneur.
Cependant du Moulin put débarquer, et quitter la ville ; il
prit la route de Rouen. En chemin il fut rejoint par trois
sergents que le gouverneur de Dieppe avait envoyés à sa
poursuite. «. Je fis semblant, dit-il, d'estre pressé d'une
1 Jacques Ier lui offrit en compensation une rcctoriam sine cura que
du Moulin refusa comme un don trop insignifiant. Puis, son fds ayant
providentiellement échappé aux armées papistes, il l'accepta (c'est ainsi
qu'il faut traduire Bâtes, et non comme Quick, qui lui fait faire un
solécisme).
2 Autobiographie.
3 Voir: Lettres choisies de la duchesse de Bouillon à la duchesse
de la Tremouille, 1598-1G28, publiées dans le Bulletin (1G juillet 1G24).
— 63 —
nécessité naturelle, & laissant mon cheval à mon fils, je
quittai ma casaque grise & ma fausse perruque, & par
chemin écarté, parvins à Rouen l. » Là il coucha chez
Monsieur de l'Angle, son neveu. Le Président de Rouen
reçut l'ordre de le chercher, mais il le fit « ut qui noluierit
invenire2 » et du Moulin arriva à Sedan.
Là, pour corriger son « humeur atrabilière », il but de
l'eau de Spa qui lui donna une fièvre ardente, et le mit à
deux doigts de la mort. Il fut malade vingt-deux mois 3.
Quand il fut remis il publia le fruit de son travail, son
grand ouvrage, celui où il a concentré tous ses efforts et
montré tout son talent, la Nouveauté du Papisme.
Nouveau voyage en 1628. La duchesse de Bouillon le
pria d'aller à Liège visiter Monsieur de Turenne, son fils,
malade4. Il y trouva le duc de Bouillon, « qui alors minu-
toit sa révolte & me pria de me retirer 5 ». A Naniur il se
trouva avec son fils Cyrus. « Nous n'avions point de passe-
ports, & la guerre estoit rude 6. » Près de Gharlemont, à
Givet, la garnison espagnole voulut les arrêter. Ils l'évi-
tèrent en allant prendre plus loin un bateau qu'ils avaient
loué. Ils firent une longue route à pied, par une grosse
pluie. Leur barque fut arrêtée et visitée par les Espagnols;
1 Autobiographie.
2 Bâtes, Vitœ.
3 Méditation sur la grande maladie..., i625-i626 (Sedan, in-12.
1662).
4 Une lettre de 1628 nous apprend que du Moulin est à la Haye.
C'est sans doute en faisant le voyage dont nous parlons qu'il s'y arrêta.
Cette lettre a fait croire à tort à ceux qui ne connaissaient pas ce
voyage que du Mouliu fut alors pasteur à la Haye.
6 Autobiographie.
6 Ibid.
— 64 —
et le batelier effrayé, quand il fut arrivé au rendez-vous,
refusa de les mener plus loin, et leur lit seulement passer
la rivière.
A part ces deu>t voyages, la vie de du Moulin fut très
tranquille a Sedan. Il est, selon sa propre expression,
réfugié dans un port tranquille, à l'abri des tempêtes qui
agitent la France. Il ne fut pas inquiété, même lorsque la
principauté de Sedan fut annexée. Les étrangers venaient
avec plaisir voir le célèbre du Moulin ; les étudiants, dont il
s'occupait avec zèle affluaient à l'université de Sedan, dans
laquelle il était maître et souverain, et qui avec lui résista
aux hérésies; il resta le ferme représentant du Calvinisme
intraitable.
Ses occupations furent beaucoup plus variées qu'à
Paris. De temps en temps il écrivait à son ancienne Eglise
pour la consoler et l'encourager 1. Parfois il eut à se dé-
fendre contre des attaques personnelles : un certain Léo-
nard, dit Limbourg, auquel il avait rendu service pendant
ses études, abjura en le calomniant 2. C'est du Moulin que
ses collègues chargent de correspondre avec le pasteur de
Metz, Ferry, dont le troupeau se plaignait parce qu'il ne
le comprenait pas, surtout dans ses prières3, et qui dut
venir se justifier. De lui-même il donne à Ferry, son ami,
plus jeune, des conseils de prudence et de modération u.
C'est lui qui a la mission de saluer le cardinal Mazarin,
1 Du combat chrcstien ou des Afflictions.
- Justification de M. du Moulin contre les calomnies de Léonard,
dit Limbourg. — Voir aussi le Registre du Consistoire de Sedan.
3 Lettres inédites de du Moulin, 10 septembre et 2 octobre 1623.
4 Lettres inédites. 10 août 1626.
— 65 —
quand il t'ait une visite à Sedan l. Il fait des cours à la
Faculté ; tous les dimanches il prêche devant un auditoire
nombreux. Souvent les adversaires viennent l'entendre,
entre autres le jésuite François Véron, alors curé de Cha-
renton2. Des Capucins le réfutèrent dans leurs sermons,
puis allèrent au temple entendre la réplique de du Moulin
qui prononça et écrivit à cette occasion « trois prédications
esquelles (il) s'estend en (leur) présence sur les contro-
verses 3. » Le consistoire exerce sur la ville une surveil-
lance disciplinaire très sévère 4. Des étudiants sont cités,
un pasteur suspendu de ses fonctions. Le peuple qui sort
pendant le baptême, à la fin du service, pour se promener
sur la place est sévèrement repris. Le duc, qui permet que
l'on danse chez lui, reçoit des remontrances. Parfois du
Moulin, qui mène rondement les choses, est maltraité.
« Pour m'estre plaint des eschevins de ceste ville, qui
divertissent les deniers qu'ils doivent à nos pauvres, et
souffrent qu'ils soyent employés à d'autres usages, je suis
devenu un menteur, un impudent, un séditieux etc. 5 »
Une chose occupa beaucoup du Moulin et l'attrista : ce
fut la politique du duc de Bouillon. En 1634, celui-ci
épousa une catholique. Tout le consistoire alla le trouver
à la grille de son château; il déclara publiquement son
« marrissement, & la repentance qu'il avoit de son péché »,
se recommandant aux prières de l'Église. Mais deux ans
1 Lettres inédites de du Moulin, 31 inay 1651.
2 Voir Nouvelle série... par Véron.
■ Trois sermons faits en présence des Capu
4 Voir le Registre du Consistoire à Sedan.
5 Lettres inédites. 31 may 1651.
- G6 —
après, il abjura. En 1G/i2, ayant mécontenté Louis XIII,
il fut obligé de lui céder sa principauté. Cependant du
Moulin put rester à Sedan jusqu'à sa mort.
Comme il eut plus de loisir, il écrivit beaucoup. C'est
dans cette période de sa vie qu'il faut placer la rédaction
de la plupart de ses grands ouvrages. C'est pourquoi j'en
dirai ici quelque chose, sans les énumérer, car on en
connaît une centaine au moins1.
Quelques mots d'abord de son style. Les adversaires lui
reprochent «de fréquentes redites, des bouffonneries,
gausseries & impietés, qui sont comme le cachet volant
de ses écrits2». Us n'ont pas complètement tort, et nous
avons vu ce qu'il faut penser de ces excès de langage.
Mais tous reconnaissent les qualités de l'esprit de du
Moulin, prompt, mordant, avec la finesse et la grâce, qui
fait passer même l'injure, parce qu'elle est si bien amenée.
« Et Moulin, d'un souffle riant
« En ses écrits, fait le zéphire3... »
« Votre discours est si coulant
« Qu'on vous nomme moulin à l'huyle4... »
« Votre discours est si friand
« Et vous rapporte un si grand lucre,
« Que vos amis en souriant
« Vous appellent Moulin à sucre 5. »
> D'ailleurs ce travail est fait d'une façon assez complète dans la
nouvelle édition de la France Protestante. Je me bornerai, dans un
appendice, à noter les ouvrages et les éditions que j'ai eus entre les
mains, et qui ne sont pas connus de la France Protestante.
2 Rabelais réformé, p. G.
3 Ibicl, p. 92.
* Ibid., p. 19.
s Ibid., p. 20.
— G7 —
Mais la principale qualité de ce style est qu'il est naturel,
frais et coulant de source « Je ne fay point consister le vray
sçavoir à élaborer & embellir son langage de beaucoup
d'ornemens : la simplicité a plus d'efficace1.
La simplicité a plus d'efficace, on songe à ces mots en
lisant les sermons de du Moulin2. Il y en a qui sont des
sermons de controverse, il y en a qui sont des leçons d'exé-
gèse ou de dogmatique; alors ils ressemblent aux traités
de controverse ou de polémique. Mais quand du Moulin
s'efforce d' «enseigner aux hommes à bien vivre plustost
qu'à disputer, (de) les rendre bons & vertueux plustost
que sçavans», alors les sermons ont un caractère tout
particulier. Ils devaient durer une heure a peu près, et l'on
comprend que l'auditoire ne fût pas lassé, parce que c'est
simple et vrai comme la nature. C'est l'âme d'un homme
de bien qui se montre telle qu'elle est. Et cette simpli-
cité n'empêche pas les images saisissantes et les grands
élans. Je ne puis m'empêcher ici de faire quelques citations
qui montreront mieux le du Moulin de la chaire que ne
saurait le faire une longue analyse :
« Tout ainsi qu'il y a des oiseaux qui chantent en mon-
tant, tant qu'on les perd de veue, lesquels tout à coup
baissent leur vol & fondent vers terre pour trouver à man-
ger ; ainsi il nous arrive qu'après des sa inctes pensées,
& après avoir eslevé nos esprits en des méditations célestes,
nous rabaissons incontinent ce vol, & retournons aux
sollicitations terriennes3. »
1 Lettre à ses fils, servant de préface à la VIIIe Décade.
2 Dix Décades et des sermons détachés.
V ta Décade, 1G55. 1er sermon, p. 11.
— 68 -
...«Es autres maisons, on voici des femmes délicates,
qui sont dégoustées sans estre malades, qui sont tristes,
sans sçavoir pourquoy, qui pensent avoir bonne grâce à
pleurer pour choses légères et imaginaires. Le vray remède
à ceste délicatesse est que Dieu leur envoyé quelque rude
affliction, afin qu'ils pleurent avec raison... Dieu veut que
nous ayons piété gaie, & une fiance en lui avec tranquillité
d'esprit. Il n'aime pas ceux qui couvent leurs douleurs en
secret, & qui ont toujours les ongles dans leurs playes1... »
. ..«La joie (des pécheurs) est un esgayement brutal, un
chatouillement trompeur, une léthargie spirituelle, dont
l'endormissement se continue avec la mort. Tel est l'esgaye-
ment insolent d'une troupe d'ivrognes, qui pensent tous
estre riches, et grands personnages, pendant que chez eux
il y a faute de pain. Ils sont semblables aux bestes qui
s'esgayent & bondissent en un pré une heure auparavant
qu'on les meine à la boucherie2.»
Les ouvrages de controverse anticatholiques sont les
plus nombreux. Nous avons cité quelques-uns des plus
importants. Du Moulin y montre les mêmes qualités que
dans les disputes orales, prenant toujours l'offensive, trou-
blant l'adversaire par son érudition, sa raillerie, la finesse
et l'a propos de ses réparties.
Pour lui toute la vérité nécessaire au salut est contenue
dans l'Écriture sainte. Quant à l'Église catholique, elle est
tout simplement l'œuvre du diable. Gela est de son temps.
1 VIIe Décade, 1er sermon, pp. 5 et G.
2 VIIIfi Décade, 1er sermon, pp. 4 et 5.
— 69 —
L'Eglise est une puissance trompeuse, qui cache sciemment
la vérité «comme les voleurs, qui souillent la chandelle1. »
Toute l'argumentation de du Moulin consiste à inonder de
lumière de tous côtés cette puissance des ténèbres.
Pas de plan ni de composition dans la plupart de ces
livres. Bien qu'intéressants dans le détail, ce sont des amas
informes. Bailleurs, comme il répondait toujours à quelque
adversaire, il arrivait rarement à du Moulin de pouvoir
«suivre le fil de ses propres conceptions2». Il indique dans
plusieurs passages une division qu'il ne suit nulle part.
mais qui correspond bien a la diversité' de ses arguments.
Le catholicisme, dit-il, «renferme des clauses dont les unes
sont contraires à l'Évangile, les autres à la Raison & au
sens commun, les autres au Papisme lui-même». Du
Moulin se nourrit de l'Écriture, dont il accepte chaque
passage «sans interprétation». 11 veut émanciper la raison,
c'est-à-dire qu'il oppose la lumière de l'intelligence, la
droiture de la conscience, et l'élévation du cœur à la
subtilité de «celte théologie embrouillée (d'où) se tirent
les distinctions... dont on se couvre contre la vérité3. Puis
il fouille l'histoire du catholicisme, il le montre se déve-
loppant, rempli de contradictions, «comme les gémaux,
séparés par les testes, unis par le ventre4».
Toute la controverse de du Moulin, pour être un peu
grossière et extérieure, c'est-à-dire de son temps, n'en est
pas moins très forte. On peut trouver des arguments plus
1 Anti-Barbare.
2 Lettres inédites.
8 Anatomie de la messe.
4 Anti-Barbare. Il faut lire les premiers chapitres, plaidoyer en
faveur du bon sens et de la vérité.
- 70 —
profonds, ceux de du Moulin sont des plus convaincants
pour le grand public. Il a, non sans quelque raison, la
conviction, d'avoir vaincu son ennemi. «Je crains, disait-il
à la fin de sa carrière, je crains que les lèvres de la bles-
sure ne se referment pour un temps; mais tôt ou tard, la
Bête en mourra : j'ai porté le coup assez profond1. »
C'était là une grande joie pour du Moulin. 11 eut aussi
une grande tristesse. Dans le sein du protestantisme, il
vit se développer l'hérésie, qu'il fut impuissant à étouffer.
Du Moulin était entré dans la carrière pastorale avec
une foi fortement ancrée, une conception dogmatique
achevée, inébranlable. C'était un caractère inflexible, auto-
ritaire, ne souffrant pas la contradiction2. Tel il entra dans
le pastorat en 1599, tel il mourut. D'abord il avait été à
la tête du mouvement général, mais il fut pasteur cin-
quante-huit ans; et en cinquante-huit ans, les idées
changent. Les jeunes pasteurs montaient, les vieux dis-
paraissaient; les idées s'adoucissaient, les factions se rap-
prochaient ; et le dogme marchait. Du Moulin secouait
tristement sa tête blanche, en voyant passer le courant
contre lequel il se sentait impuissant. Ce fut la grande dou-
leur de la fin de sa vie.
La grande hérésie fut l'Arminianisme dont nous avons
montré les débuts.
«Ceste peste s'espand aisément & s'insinue plausible-
ment dans les esprits parce qu'elle revest Dieu d'affections
1 Bâtes, Vitœ.
2 Homo ignœus, et sui opinione lumens, dit Casaubon, vexé parce
que du Moulin l'a traité de critique inintelligent. V. Ephemerides
Isaaci Casauboni, Oxford, 1850, 2 vol. in-8°.
- 71 —
humaines. — Ces innovateurs travaillent incessamment et
font tous les jours des prosélytes » l.
Amyraut ne publie rien, mais a Saumur, où allluent les
étudiants, il enseigne ses hérésies à ses disciples «qui
portent le feu par les provinces»2. Alors son ancienne
fougue reprend le vieux du Moulin ; il se montre inquiet ;
il se sent soupçonné ; il craint qu'on ne le tienne pas au
courant des progrès exacts de l'hérésie3. C'est un homme
d'un autre temps. Sans cesse il «pend son espée au croc:
le mal croistra, mais avec moindre bruit». Puis il s'irrite
de son impuissance. 11 devient pour ses collègues un sujet
d'étonnement. Ils l'accusent de «proposer (ses) sentimens
comme des oracles infaillibles» 4. Daillé qui a succédé à
Durand dit qu'il aurait besoin d'un ami qui lui conseillât
la modération. Du Moulin cause du scandale.
Amyraut avait signé les actes des synodes de Dordrecht
et d'Alais, les interprétant à sa façon 5, se pliant pour
vaincre.
En 1637, l'affaire reparut dans un synode provincial
tenu à Charenton (mars et avril). La situation était bien
changée. Du Moulin voulut encore, comme à Alais, faire
prêter un serment aux membres du synode, mais n'y
réussit pas6. Ce n'est plus une défaite des Remonstrans,
c'est un concordat. On nomme une commission, qui sur
chaque point doit trouver une formule de concorde.
1 Lettres inédites. À Ferry. Sedan, 10 août 1649.
2 Lettres inédites. A Ferry. Sedan, 5 août 1651.
;i Ibid.
4 Lettre de du Moulin au Synode d'Alençon, 1637, dans Aymon.
5 Voir Aymon. Synode nat. d'Alençon, 1637.
c Lettre de Daillé.
— 72 —
Au synode national d'Alençon, du 27 mai au 9 juillet
de la même année, Amyraut et Testard viennent défendre
leurs idées, qu'ils adoucissent encore, et auxquelles ils
donnent le nom de Volonté conditionnelle. On lit une lettre
de du Moulin. Amyraut et Testard n'ont rien à rétracter,
car plusieurs provinces sont de leur sentiment ; mais on
recommande aux deux parties d'user de modération dans
les termes, et on leur défend de plus écrire l'une contre
l'autre. «Au fond, dit du Moulin, se trouve que par cet
accord, Amyraut a obtenu une victoire entière» K
Vers 1638., du Moulin écrit Y Esclaircissement des con-
troverses salmuriennes, qui circule neuf ans manuscrit 2.
Au synode national de Charenton, en 1645, on se plaint
que Testard et Amyraut publient leurs écrits malgré la
défense. En 16Z[7, du Moulin permet à Spanheim de faire
publier Y Esclaircissement. Il fait cela pour démentir le
bruit qui court que pendant sa maladie de cinq ans, du
Moulin a changé d'opinion 3. Enfin il voit avec un grand
découragement l'hérésie profiter du rapprochement qui se
fait entre les Luthériens et les Réformés. Déjà en 1631,
le synode de Charenton a admis sans conditions les luthé-
riens à la Cène. En 1651, Daillé leur propose de s'entendre
avec les Réformés sur les bases des doctrines de Saumur 4.
A sa mort, du Moulin voit l'hérésie répandue par toute
la France5.
1 Lettres inédites. A Ferry, Sedan, 5 janvier 1650.
2 II eut cependant une édition dès 1638, mais à l'insu de du Moulin,
et qu'il ignorait encore en 1647.
3 Lettre en tête de l'édition de 1648.
* et 5 Lettres inédites — de Sedan, 5 août 1651, et suiv.
— 73 —
Il eut encore une grande maladie, qui dura cinq ans,
pendant laquelle il fut plusieurs fois à deux doigts de
la mort. Quand il en sort1, il publie encore quelques
ouvrages, notamment les cinq dernières Décades; mais il
se considère dès lors «comme une chandelle qui estant
presque toute usée, ne répand plus guère de clarté » 2. Il
est encore plein de courage et de bonne humeur. «Dieu
aime une probité gaye, une joye non insolente»3. Sa
grande expérience des hommes aime à se montrer dans
des sentences à la romaine, mais toujours sous une forme
fraîchement imagée: «Les tonneaux vuides retentissent
plus que les pleins. — Les petits pots bouillent plus facile-
ment que les gros. — Les petits chiens aboient plus volon-
tiers que les grands».
En 1651 «la liberté de ses jambes l'empesche de monter
au Chasteau, & sa dernière surdité lui apporte ceste com-
modité, qu'«7 n'entend pas les injures4 ».
En 1654, âgé de plus de quatre-vingt-six ans, il montait
encore à cheval. Il tomba, et se fit une blessure dont il
demeura faible et perclus5. A partir de ce moment, il
décline, il sent la vie en lui diminuer de jour en jour, et
se prépare à la mort. Ses lettres, à partir de ce moment
1 II sort de sa maladie de cinq ans en 1647 (préface de la VIe Dé-
cade). En 1049, dans sa Lettre à ses fils, il parle d'une longue maladie
dont il sort. Est-ce la même dont il parle de nouveau ? Ou bien eut-il
une rechute entre 1647 et 1649 ?
2 Lettre à ses fds (préface de la Ville Décade).
3 Ibid.
4 Lettres inédites. 5 août 1651.
5 Dernières heures.
— 74 —
de plus en plus courtes, de plus en plus faibles, donnent
bien l'impression d'une grande Ame qui s'en va.
Cependant il continuait à vaquer à ses occupations,
donnant chaque semaine une prédication et deux leçons en
théologie1. «Il avait l'esprit net, (Se la mémoire fidèle» 2.
«Le Mardy, 26 de Février 1658, il se trouva à son
réveil si faible & oppressé , qu'il creût qu'il lui seroit
impossible de faire le prêche, mais ayant pris courage, il
se fit mener au temple. Estant monté en chaire avec beau-
coup de peine, il eut une foiblesse de cœur. On lui porta
un doigt de vin, mais il n'en voulut point goûter, craignant
qu'il n'y eût de l'indécence.... Si tôt qu'il eut fait lecture
de son texte, en ces mots du Pseaume XV, ma chair reposera
en asseurance, il parla avec plus de vigueur qu'il n'avoit
fait de long temps, & s'appliqua la doctrine qu'il exposoit,
en donnant des témoignages de sa foy & de son espérance
à ses auditeurs, aûquels il fit une espèce d'adieu, comme
s'il eût eu un instinct que ce seroit la dernière fois qu'il
parleroit à eux » s.
Puis il se mit au lit. Le jeudi on atteudait sa mort. Il
se recommanda aux prières de l'Église. A l'issue de
l'action, un grand nombre de ses fidèles accourut chez lui
pour recevoir sa bénédiction. Il leur parla avec présence
d'esprit.
Il souffrit quinze jours. Il mourait en vrai calviniste.
1 Comme le temple, qui sert maintenant d'église catholique, était
très grand, il ne prêchait pas le dimanche, mais une fois dans la semaine.
2 Dernières heures.
3 Ibid., pp. 2 et 3.
— /o —
«Je n'ay rien fait, Seigneur, qui ne mérite punition —
arrière toute autre intercession, arrière tout mérite des
œuvres, toutes nos justices ne sont que souillures, hélas
mon Dieu ! » « Il fut un jour qu'à chaque réveil il disoit :
La Parole a été faite chair » 4. Il se faisait lire des psaumes
par un étudiant en théologie, achevant les passages qu'il
savait par cœur et les expliquant. La «chambre étoit jour
& nuict pleine de monde2».
« Les quatre premiers jours de sa maladie, il parla
presque sans relasche jour & nuict, mais les six derniers,...
il fut la plus part du temps dans un profond assoupisse-
ment, qu'il combattoit avec des efforts non pareils; picqués-
moy, disoit-il, il faut que je m'esveillle, ce n'est pas le
temps de dormir, mais de mourir» 3.
«Sa maladie étoit une inflammation des poulinons avec
fièvre ardente qui lui redoubloit tous les jours à même
heure4». Parfois la douleur le jetait dans de grandes
plaintes. «Tu m'as puni suffisamment pour me faire sentir
mon péché5 ». Puis il s'en repentait.
«Examinant son pouls, il disoit: il est intermittent, &
présageroit à un autre la mort soudaine, mais cette aine
est si fort attachée à ce misérable corps, qu'elle aura de la
peine à en sortir» 6. Bientôt il ne put plus parler, mais ses
mains & ses yeux levés en haut indiquaient la prière. Enfin
] Dernières heures, pp. G et 25.
*Ibicl, p. 2G.
3 Ibid., p. 24.
* Ibid., p. 19.
'> Ibid., p. 10.
fi Tbid., p. 10.
- 76 —
il mourut le 10 mars 1658, «l'au 90 de son aage ; la paix.
& la joie se peignoient sur son visage» l.
1 Dernières heures, p. 33.
Du Moulin laissait une famille nombreuse. L'une de ses filles du
premier lit, Marie, avait été sans cesse à côté de lui dans ses maladies
et à sa mort ; elle était restée fille, et avait soigné son vieux père. Du
Moulin l'aimait beaucoup. Il lui avait appris l'hébreu, si bien qu'elle
correspondait dans cette langue avec Rivet. C'était une âme d'élite et
un esprit élevé, dans sa simplicité. (Voir les Lettres inédites de Marie
du Moulin, à la Bibliothèque de l'histoire du Protestantisme Français.)
A la mort de du Moulin, c'est elle qui mit de l'ordre dans les affaires
de la famille, et qui prit la défense des enfants du premier lit contre
leur belle-mère. Elle sauva ainsi les précieux papiers de son père, dont
un « jeune homme » du second lit, peu cultivé, voulait s'emparer. Que
sont devenus ces papiers ?
APPENDICE
Suivent les titres de quelques ouvrages de du Moulin que nous
avons eus entre les mains, et qu'on ne trouve pas dans la liste
fort bien faite, d'ailleurs, de la France protestante.
1. Complainte d'un fidelle chrestien sur les misères qui sont
arrivez aux Églises Réformez de France, avec une prière pour
la paix et restablissement d'iceux par Pierre du Moulin.
Sedan, 1023, petit in-4", 24 pages. (À la Bibliothèque de l'Histoire
du Protestantisme français.)
2. Examen des blasmes qu'on jette ordinairement contre
Jean Calvin. Gharenlon, 1637, in-8°, 40 pages. (Au même endroit.)
3. Méditations et prières sur les devoirs généraux du
Chrestien. Genève, 1726, in-12, 161 pages. (Au même endroit.)
4. Sainctes prières, plus divers traités. . . par Pierre du
Moulin, Ministre de la parole de Dieu en l'Église de Paris.
Nimes, 1618, très petit in-8° oblong. (Au même endroit.) —
Genève, 1633, très petit in-8° oblong. (Ibid.) Cela est un faux
titre, les divers traités n'ayant pas la même date. Deux de ces
traités sont inconnus à la France protestante. Ce sont :
5. Préparation àjeusne et repentance P. P. D. M. Nimes,
1618, 95 pages, très petit in -8° oblong, édition faite à
l'insu de l'auteur.
6. Sermon fait en un jour de Cène par Pierre du Moulin,
Ministre de la parole de Dieu en l'Église de Paris.
Nimes, 1617, 69 pages, très petit in -8° oblong.
7. Sermon expliquant la doctrine de l'Election par P. D. M.
Minisire de la Parole de Dieu. Sedan, 1619, in-8°, 92 pages.
Dans la bibliothèque de M. Paul de Félice.
8. Lettre du sieur Drelincourt à M. du Moulin. Ensemble la
Responce du sieur du Moulin à ladite lettre sur Viniposturc
descouverte du prétendu ministre Villeneuve. Genève, 1631,
in -8°. A la Bibliothèque de l'Histoire du Protestantisme français.
— 78 —
La France protestante colonne 821, bas, n°6, présente l'existence
de cette réponse comme une hypothèse.
9. Deuxième partie du combat Chrestien. Genève, 16Ï2,
in-8».
10. Examen de la Doctrine de Messieurs Amijrault et
Testard, Vun Pasteur et Professeur en théologie à Saumur,
Vautre Pasteur à Blois. Touchant la Prédestination et les
poincts qui en dépendent. Par Pierre du Moulin, Pasteur et
Professeur en théologie à Sedan. Avec un advis d'un person-
nage désincteressé sur ledit Examen. Publié à l'insu de l'auteur.
Amsterdam, 1638, petit in-12. (Communiqué par M. Paul de
Félice.) — C'est le même ouvrage que YEsclaircissement des
Controverses salmuriennes (France protestante, n° LXXIII),
publié avec l'autorisation de du Moulin en 1647 par Spanheim.
A ce moment l'édition de 1638, Examen etc., fautive, incomplète
et clandestine, est encore inconnue à l'auteur. (Voir Lettre de du
Moulin dans les pièces liminaires de YEsclaircissement). — C'est
à cet Examen que se rapportent évidemment la lettre de Daillé à
la colonne 818 de la France protestante.
Pour deux ouvrages connus à la France protestante, nous
avons trouvé une édition antérieure à la première qu'elle donne.
Fuites et Evasions du sieur Arnoux Jésuite. Charenton,
1616, in-8».
Trois sermons faits en présence des Pères Capucins. Sedan,
1040, in-8». (Dans la bibliothèque de M. Paul de Félice.)
Les éditions mentionnées ci-dessous sont également inconnues
à la France jirotestante. Les chiffres romains représentent, pour
plus de brièveté, les titres énumérés dans la bibliographie (co-
lonnes 808 à 821), qui termine le bel article de M. Bordier.
1. Lugd. Bat., 1603.— Éléments de la Logique Françoise,
Gen., 1625, in-8°; Paris, 1630, très petit in-8° oblong. —
IV. Gen., 1625, in-8° — V. La Rochelle, 1608, in-8». —
VI. Gen., 1631, in-8». — VIL Sans lieu, 1610 et 1611, in-8°. —
IX. Gen., 1635, in-8". —X. Gen., 1615, 1630, 1640, in-8». -
XIV. La Rochelle, 1613, petit in-8"; Gen., 1624, in-8». —
XV. Gen., 1633, 1656, in-8". — XVII. Sedan, 1621, in-8°; Gen.,
1624, in-8». — XXI. Gen., 1636, in-8"; Paris, 1826, in-8°. —
XXIII. Nîmes, 1618, petit in-8" oblong ; La Rochelle, 1623, in-8».
— XXIV. Charenton, 1616, 1619, in-8». — XXV. Gen., 1631,
in_8o. _ XXIX. Gen., 1632, in-8». — XLI. (Traduction). Gen.,
1625, in-8»; Rouen, 1641, in-16; Paris, 1630, 1643, très petit in-8»
oblong. — XL1V. Nimes, 1618, très petit in-8» oblong (mis en
recueil avec d'autres traités sous le titre de Sainctes prières plus
divers traités). — XLVI. Gen., 1630, in-8». - XLIX. Gen., 1630,
— 79 -
1631, in-8°. — LVII. Sedan, 1636, in-8% Gen., 1641, 1655,
in-8». — LXVIII. Sedan, 1640, petit in-4». — LXX. s. 1. 1632,
très petit in-8°; Gharenton, 1674, in-12. — LXXI. Neuvième
décade, Gen., 1671, in-8°. — LXXIX. Sermons sur quelques
textes de V Écriture sainte, Gen., 1636, in-8".
Pour la Défense de la Foy catliolique contenue au livre du
roy Jacques Ier, la France protestante, sans doute sur la foi
d'Aymon, indique (n° VU) : La Rochelle, 1604, in-8". Mais cette
édition n'a guère pu exister, car la préface est datée 1610. La
mort de Henri IV arrive pendant que du Moulin écrit la fin de la
seconde partie. La première édition doit être celle de 1610.
Le n° LXIV n'est pas de du Moulin ; l'édition mentionnée porte
P.M.D.D.M.S.E.
Le n° LXXII, Elementa logicœ, est sans doute le même que
le n° I Elementa logices, dont la France protestante dit qu'elle
n'a pas vu l'original.
Vu:
Le Président de la soutenance,
A. Viguié.
Vu:
Le Doyen,
F. LlCHTENBERGER.
Vu et permis d'imprimer :
Le Vice-Recteur de l'Académie de Paris,
Gréard.
TABLE DES MATIERES
Pages
Piikia.ce. — Introduction. — Sources 3
Première Pautie. — Enfance et jeunesse de du Moulin. —
Voyages. — Période de préparation 7
Deuxième Partie. — Du Moulin pasteur à Paris. — La con-
troverse anticatholique 21
Troisième Partie. — Du Moulin professeur de théologie à
Sedan, sa polémique et son influence théologique .... 51
APPENDICE. — Note hibliographique 77
'
Strasbourg, typ. 0 ^ischbacli. — 3020.
*#r-
{ PHOTOMOUNT
I i-AMPHLET BINDER
I Manufacturée! by
{GAYLORD BROS. Inc.
Syracuse, N.Y.
Stockton, Calif.
DATE DUE
^..K, „,»„
- (raifr?v
GAYLORD
PRINTED IN U S.A. '
<&ffiL