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Full text of "Plans d'instructions sur le symbole d'apres le catéchisme du Concile de Trente"

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JOHN  M.  KELLY  LIBRARY 


Donated  by 
The  Redemptorists  of 
the  Toronto  Province 

from  the  Library  Collection  of 
Holy  Redeemer  Collège,  Windsor 


University  of 
St.  Michael's  Collège,  Toronto 


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EX  BIBUOTHEGA 
COMG      SSmi    REDEMPTORIS, 

BBUXELLIS.  AU  S.  .inSKlMU.M. 

.irniariuni  XI ^ 
Séries    3. 


PLANS  D'INSTRUCTIONS 


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LE    SYMBOLE 


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PLANS  D'INSTRUCTIONS 


LE  SYMBOLE 


LE  CATECHISME  DU  CONCILE  DE  THENTE. 


PAR  LE  CHANOINE 


D.-G.   HALLEZ, 

licencié  en  Théologie,  professeur  d'Éloquence  sacrée  au  séminaire  de  Tournai. 


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DEUXIEME  PARTIE 


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PARIS  TOURNAI 


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RIE    BOJiAPARTE  ,    66.  <y  «CE    Al'X    RATS,    11. 


H.  CASTERMAN 


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HOLY  REDEEMER  LIBRARY  W&rwn 


il  réserve  pour  toute  traduction. 


PLANS  D'INSTRCCTIOXS 

SUR  LE  SYMBOLE. 

Ve  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

DESCENDIT  AD  INFEROS,   TERTIA  DIE  RESURREXIT 
A  MORTU1S. 

Ire  INSTRUCTION. 

IL  EST  DESCENDU  AUX   ENFERS.    DESCENDIT  AD   INFEROS.    

SENS  DECES    PAROLES;    MOTIFS  DE    LA   DESCENTE    DE    JÉSUS- 
CHRIST  AUX  ENFERS. 

EXORDE. 

'1 .  Comme  nous  l'avons  vu  précédemment,  la 
sépulture  du  Sauveur  ne  fut  pas  sans  gloire.  A 
peine  e.ut-il  consommé  son  sacrifice  sur  la  croix, 
que  Dieu  se  hâta  de  le  glorifier.  Il  inspira  à  Joseph 
d'Arimathie  et  à  Nicodème  la  pensée  de  rendre  les 
derniers  devoirs  à  son  corps  sacré.  Ils  s'acquit- 
tèrent de  ce  pieux  office  avec  des  démonstrations 
de  zèle  et  de  piété  qui  marquaient  bien  que  la  mort 

SY.MR.        II.  \ 


2  MOTIFS  DE  LA  DESCENTE 

de  Jésus-Christ  opérait   déjà   ses  premiers  fruits 
dans  leurs  cœurs. 

Vous  avez  suivi  avec  un  intérêt  mêlé  d'atten- 
drissement les  détails  de  cette  sépulture  ;  vous 
vous  êtes  associés  du  fond  du  cœur  aux  homma- 
ges rendus  à  la  dépouille  mortelle  du  Fils  de  Dieu. 

2.  À  dater  de  ce  moment,  nous  quittons  la  voie 
des  douleurs  pour  entrer  dans  celle  des  triomphes. 

Par  sa  mort,  Jésus-Christ  a  vaincu  l'enfer  ;  la 
croix  fut  l'arme  dont  il  se  servit  pour  abattre  sa 
puissance.  Profitant  des  premiers  moments  de  sa 
victoire,  il  pénètre  jusqu'au  cœur  de  l'empire  de 
son  ennemi  et  lui  enlève  ses  dépouilles. 

C'est  de  cette  expédition  glorieuse  que  le  Sym- 
bole nous  instruit  par  ces  mots  :  «  Descendit  ad 
inferos.  Il  est  descendu  aux  enfers.  » 

A  ce  premier  triomphe,  il  ajoute  celui  que  le 
Sauveur  remporta  trois  jours  après,  sur  la  mort  : 
«  Tertia  die  resurrexit  a  mortuis.  Le  troisième 
jour,  il  est  ressuscité  des  morts,  » 

3.  Tels  sont  les  deux  hauts  faits  compris  dans 
le  cinquième  article ,  et  que  nous  allons  vous 
exposer. 

Il  serait  superflu  d'exciter  ici  votre  attention. 
L'importance  de  ces  deux  mystères  est  manifeste. 
Votre  pieté  et  votre  amour  pour  le  Sauveur  y  trou- 
veront de  nouveaux  et  précieux  aliments. 

Dans  cet  entretien,  nous  nous  occuperons  seu- 
lement delà  descente  de  Jésus-Christ  aux  enfers. 


DE  J.-C.  AUX  ENFERS.  O 

Nous  verrons  premièrement  ce  que  fut  cette 
descente  ;  nous  en  verrons  ensuite  les  motifs. 

O  Jésus  !  nous  vous  avons  suivi  avec  fidélité 
jusqu'au  Calvaire  et  au  tombeau  ;  faites-nous  la 
grâce  de  vous  accompagner  maintenant  dans  vos 
triomphes  et  d'y  prendre  une  juste  part. 

PREMIER  POINT. 

4.  Jésus-Christ,  étant  mort,  descendit  aux  en- 
fers, dit  le  Symbole. 

Par  ces  paroles,  nous  croyons  qu'après  s'être 
séparée  du  corps,  l'âme  de  Notre-Seigneur  se  ren- 
dit dans  un  lieu  appelé  par  l'Ecriture,  les  enfers, 
et  qu'elle  y  séjourna  tout  le  temps  que  son  corps 
resta  dans  le  tombeau. 

Nous  confessons  en  outre  que  la  personne  di- 
vine de  Jésus-Christ  se  trouva  alors  tout  à  la  fois 
aux  enfers  avec  l'âme  et  dans  le  tombeau  avec  le 
corps. 

Il  en  fut  donc  autrement,  sous  ce  rapport,  de 
l'humanité  de  Jésus-Christ  que  de  la  nôtre.  A  la 
mert,  on  ne  peut  pas  dire  que  la  personne  humaine 
continue  de  résider  dans  le  corps  comme  dans 
l'âme;  la  dissolution  du  lien  qui  les  unissait  fait  que 
le  corps,  privé  de  l'âme,  est  aussi  privé  de  la  per- 
sonalité.  Au  contraire,  la  personne  de  Jésus-Christ 
resta  unie  au  corps  aussi  bien  qu'à  l'âme  ,  malgré 
leur  séparation  ;  parce  que  cette  personne  était, 
non  une  personne  humaine,  mais  la  personne  di- 


5  MOTIFS  DE  LA  DESCENTE 

vine  du  Verbe,  et  que  cette  personne  divine, 
comme  nous  l'avons  dit,  a  contracté  avec  la  nature 
humaine  une  union  indissoluble,  plus  étroite  même 
que  l'union  naturelle  du  corps  et  de  l'âme.  Cette 
union  n'a  donc  pas  été  brisée  par  la  mort. 

5.  Mais  quand  le  Symbole  nous  dit  que  Jésus- 
Christ  est  descendu  aux  enfers,  de  quels  enfers 
veut-il  nous  parler  ? 

Plusieurs  ont  prétendu  que  par  ce  terme  les 
apôtres  avaient  voulu  désigner  le  sépulcre.  Mais 
qui  ne  voit  l'absurdité  de  cette  opinion?  Ils 
viennent  de  nous  dire  de  la  manière  la  plus  nette 
que  le  Sauveur,  étant  mort,  fut  enseveli ,  c'est-à- 
dire,  mis  au  tombeau.  Quel  besoin  avaient-ils  de 
répéter  de  suite  la  même  chose  et  d'employer 
pour  cela  une  expression  inintelligible?  Ce  n'est 
pas  ainsi  qu'ils  procèdent  dans  le  reste  du  Sym- 
bole ;  leur  langage  est  partout  simple  et  clair, 
comme  il  convenait  à  une  profession  de  foi. 

Par  le  mot  enfers,  il  faut  donc  entendre  ici  ces 
retraites  cachées  où  séjournent  les  âmes  qui  ne 
jouissent  pas  de  la  béatitude  céleste. 

Les  divines  Ecritures  font  souvent  usage  de  ce 
mot  dans  cette  acception.  C'est  ainsi  que  l'apôtre 
saint  Paul  a  dit  qu'au  nom  de  Jésus,  tout  genou  doit 
fléchir  au  Ciel,  sur  la  terre  et  dans  les  enfers.  «  Tn 
nomine  Jesu  omne  genu  flectatur  cœlestium,  ter- 
restrium  et  infernorum.  »  (Philip,  h.)  Saint  Pierre, 
dit  dans  le  même  sens  que  Jésus-Christ  est  ressus- 


DE  J.-C.  AUX  ENFERS.  ) 

cité,  après  avoir  brisé  les  liens  de  l'enfer.  «  Quem 
Deus  suscitavit,  solutisdoloribus  inferni.  y>(Aêt.  n.) 

6.  Or,  ces  retraites  sont  de  différentes  sortes. 
D'abord,  il  y  a  cette  prison  affreuse  et  obscure 

où  les  âmes  des  damnés  sont  à  jamais  tourmentées 
avec  les  démons  dans  un  feu  inextinguible. 

«Retirez-vous  de  moi,  maudits,  allez  au  feu  éter- 
nel qui  a  été  préparé  pour  le  diable  et  pour  ses 
anges.  Discedite  à  me,  maledicti,  in  ignem  aster- 
num  qui  paratus  est  diabolo  et  angelis  ejus.  » 
(Matth.  xxv).  «  Vermis  eorum  non  moritur  et  ignis 
non  extinguitur.  Le  ver  qui  les  ronge,  a  dit  Notre- 
Seigneur,  parlant  de  ces  malheureux,  ne  meurt 
pas,  et  le  feu  qui  les  dévore  ne  s'éteint  pas.  » 

On  donne  à  ce  lieu  d'horreur  le  nom  de  géhenne 
et  d'abîme.  C'est  l'enfer  proprement  dit. 

7.  Il  v  a  ensuite  le  purgatoire. 

Le  purgatoire  est  un  lieu  d'expiation  par  lequel 
passent  les  Ames  justes  qui  n'ont  pas  entièrement 
acquitté  leurs  dettes  envers  la  justice  de  Dieu. 

Rien  de  souillé  ne  peut  entrer  dans  le  ciel.  Si 
une  amé,  au  sortir  de  cette  vie,  n'est  pas  absolu- 
ment pui»e,  quoique  juste,  il  faut  qu'elle  aille  ache- 
ver de  se  purifier  dans  la  prison  du  purgatoire. 
L'entrée  du  ciel  lui  sera  interdite,  aussi  longtemps 
que  l'expiation  ne  sera  point  parfaite. 

En  effet,  il  est  de  foi  que  toute  la  peine  du  péché 
n'est  pas  toujours  remise  avec  l'offense,  et  que  ce 
qui  reste  de  cette  peine  doit  être  expié  ou  en  ce 
monde,  ou  en  l'autre  dans  le  Purgatoire. 


6  MOTIFS  DE  LA  DESCENTE 

Il  est  également  de  foi  que  les  âmes  qui  sont  en 
purgatoire  peuvent  être  soulagées  par  les  prières 
de  l'Eglise  et  surtout  par  les  mérites  du  saint- 
sacrifice. 

Ces  deux  points  ont  été  spécialement  sanctionnés 
par  le  saint  concile  de  Trente. 

Voici  comment  il  les  rappelle  dans  sa  vingt- 
cinquième  session  :  «  L'Eglise  catholique,  dit-il, 
instruite  par  l'Esprit-Saint,  a  toujours  enseigné, 
suivant  les  saintes  Ecritures  et  l'antique  tradition 
des  Pères...,  qu'il  y  a  un  purgatoire  et  que  les 
âmes  qui  y  sont  détenues,  reçoivent  du  soulage- 
ment parles  suffrages  des  fidèles  et  principalement 
parle  sacrifice  de  l'autel,  toujours  agréé  de  Dieu. 
Cum  sancta  Ecclesia  Spiritu  sancto  edocta,  ex 
sacris  litteris  et  antiqua  Patrum  traditione...  do- 
cuerit  purgatorium  esse,  animasque  ibi  detentas, 
fidelium  suffrages,  potissimum  vero  acceptabili 
altaris  sacrificio  juvari...  »  (Sess.  xxv.  Décret  de 
purgatorio.) 

Déjà  cette  croyance  existait  sous  l'Ancien  Tes- 
tament. 

L'auteur  du  second  livre  des  Machabées  rap- 
porte, qu'après  une  bataille ,  Judas  Machabée 
«  ayant  fait  une  collecte,  envoya  douze  mille 
drachmes  d'argent  a  Jérusalem,  afin  de  faire  offrir 
un  sacrifice  pour  les  péchés  des  morts,  ayant  de 
bons  et  religieux  sentiments  sur  la  résurrection.  » 
A  quoi  l'écrivain  sacré  ajoute  cette  réflexion  : 
«  C'est  donc  une  sainte  et  salutaire  pensée  de  prier 


DE  J  -C.  AUX  ENFERS.  7 

pour  les  morts,  afin  qu'ils  soient  délivrés  de  leurs 
péchés.  Sancta  ergo  et  salubris  est  cogitatio  pro 
defunctis  exorare  ut  à  peccatis  solvantur.  »  (2. 
Machab.  xn.) 

L'Evangile  fait  manifestement  allusion  à  cette 
même  vérité  et  la  suppose. 

Ecoutons  parler  le  divin  Maître  :  «  Quiconque 
aura  parlé  contre  le  Fils  de  l'homme,  son  péché 
lui  sera  remis  ;  mais  si  quelqu'un  parle  contre  le 
Saint-Esprit,  son  péché  ne  lui  sera  remis  ni  dans  ce 
siècle,  ni  dans  le  siècle  futur.  Quicumque  dixerit 
Verbum  contra  Filium  hominis,  remittetur  ei  ;  qui 
autem  dixerit  Verbum  contra  Spiritum  sanctum, 
non  remittetur  ei,  neque  in  hoc  saeculo,  neque  in 
futuro.  »  (Matîh.  xn.)  Ce  langage  suppose  qu'il 
y  a  une  sorte  de  péchés  dont  on  peut  obtenir  la 
rémission  dans  l'autre  vie,  en  un  mot  qu'il  y  a  un 
purgatoire. 

C'est  la  conséquence  qu'en  déduit  saint  Augustin . 
Voici  ses  paroles  :  «  Il  ne  serait  pas  vrai  de  dire  de 
quelques-uns  qu'il  ne  leur  sera  pardonné  ni  en 
ce  siècle  ni  en  l'autre,  s'il  n'y  en  avait  à  qui  il 
sera  pardonné  en  l'autre  vie.  Neque  enim  de  qui- 
busdam  veraciter  diceretur  quod  non  eis  remit- 
tatur  neque  in  hoc  sseculo,  neque  in  futuro,  nisi 
essent  quibus,  etsi  non  in  isto,  tamen  remitteretur 
in  futuro.  »  (Decivit.  Dei,  lib.  %i ',  cap.  24.) 

Le  même  saint  docteur  rendit  un  beau  témoi- 
gnage à  cette  vérité,  en  recommandant  a  ses  amis 
et  à  ses  lecteurs,  dans  le  livre  de  ses  confessions, 


S  MOTIFS  DE   LA  DESCENTE 

de  prier  pour  l'âme  de  sainte  Monique  sa  mère  et 
de  Patrice  son  père,  morts  déjà  depuis  longtemps. 
Le  purgatoire,  voilà  donc  la  seconde  espèce  de 
lieux  quelquefois  désignés  sous  le  nom  d'enfer. 

8.  Enfin  il  y  en  a  une  troisième  sorte  appelée 
les  Limbes. 

Le  ciel  étant  fermé  à  cause  du  péché  d'Adam, 
personne  n'y  pouvait  entrer,  avant  que  Jésus-Christ 
n'en  eût  rouvert  les  portes.  Les  limbes  étaient  la 
demeure  provisoire  des  saints  avant  sa  venue. 
Exemptes  de  douleur,  soutenues  par  l'espérance 
consolante  de  la  Rédemption  promise,  leurs  âmes 
y  jouissaient  de  la  paix  et  du  repos. 

On  appelait  aussi  les  limbes  le  sein  d'Abraham, 
le  Père  des  croyants  étant  comme  le  centre  de  la 
société  sainte  qui  s'y  trouvait  réunie.  Ainsi  Notre- 
Seigneur  dit  dans  la  parabole  du  mauvais  riche  et 
du  pauvre  Lazare,  que  le  premier,  étant  mort,  fut 
enseveli  dans  l'enfer,  tandis  que  le  second  fut 
porté  par  les  anges  dans  le  sein  d'Abraham. 

9.  Donc,  pour  nous  résumer,  sous  le  nom  d'en- 
fers, on  peut  entendre  ou  l'enfer  des  damnés,  ou 
le  Purgatoire,  ou  les  Limbes. 

Or,  en  disant  que  Notre-Seigneur  est  descendu 
aux  enfers,  le  symbole  veut  surtout  nous  indiquer 
par  là  les  Limbes.  Jésus-Christ  s'y  rendit,  afin  de 
visiter,  de  consoler  et  de  délivrer  les  saintes  âmes 
qui  y  étaient  retenues  et  qui  soupiraient  depuis  si 
longtemps  après  son  avènement. 


DE  J.-C.   AUX  ENFERS.  V 

Mais  comment  y  est-il  descendu? 

Ce  n'est  pas  simplement  en  y  faisant  sentir  les 
effets  de  sa  puissance  ;  mais  en  s'y  transportant  en 
personne.  Son  âme  y  fut  réellement  et  en  vérité. 

David  atteste  hautement  qu'il  en  serait  ainsi, 
quand  il  dit  au  nom  du  Sauveur  :  «  Vous  ne  laisse- 
rez pas  mon  âme  dans  l'enfer.  Non  derelinques 
animam  meam  in  inferno.  »  (Ps.  xv.) 

Cette  prière  de  Jésus-Christ  à  son  Père  prouve 
"bien  que  son  âme  serait  un  jour  présente  dans  les 
limbes.  On  ne  sort  pas  d'un  lieu  où  l'on  n'est  point 
entré. 

Passons  maintenant  aux  motifs  qui  ont  conduit 
Notre-Seigneur  aux  limbes. 

SECOND  POINT. 

10.  A  la  première  vue,  cette  démarche  semble 
contraire  à  la  dignité  et  à  la  sainteté  de  sa  per- 
sonne. 

Loin  cependant  qu'elle  déroge  ni  à  l'une  ni  à 
l'autre,  elle  les  fait  au  contraire  ressortir  davantage. 
Elle  prouve  que  tout  ce  qui  avait  été  publié  de  la 
sainteté  de  Jésus-Christ  était  véritable  ;  elle  prouve 
qu'il  était  le  Fils  de  Dieu,  comme  il  l'avait  déjà 
attesté  par  tant  de  miracles. 
*  Quelle  différence  en  effet  entre  les  raisons  qui 
ont  conduit  le  Sauveur  aux  enfers  et  celles  qui  y 
avaient  fait  descendre  les  autres  hommes  ! 

Tandis  que  ceux-ci  y  étaient  descendus  en  qua- 


4  0  MOTIFS  DE  LA  DESCENTE 

lité  de  captifs,  Jésus-Christ  y  paraît,  «  libre  entre 
les  morts,  inter  mortuos  liber.  »  (Ps.  lxxxvii.) 

Il  y  paraît  en  vainqueur  pour  terrasser  les  dé- 
mons devenus,  pour  ainsi  dire,  les  geôliers  de  cette 
demeure,  par  suite  du  péché,  et  pour  les  con- 
traindre à  lui  rendre  leurs  prisonniers. 

En  outre,  parmi  ceux  qui  descendaient  aux 
enfers,  les  uns  y  étaient  livrés  aux  tourments,  les 
autres,  quoique  exempts  de  douleurs,  souffraient 
la  privation  de  la  vue  de  Dieu  et  languissaient 
dans  l'attente  de  la  gloire  du  ciel.  Jésus-Christ  au 
contraire  y  descend,  non  pour  souffrir,  mais  pour 
délivrer  les  justes  de  l'ennui  et  des  misères  de  leur 
captivité,  et  pour  les  rendre  participants  des  fruits 
de  sa  passion. 

Sa  dignité  et  sa  puissance  souveraine  n'ont  donc 
pas  souffert  de  sa  descente  aux  enfers. 

!  1 .  Mais  précisons  encore  mieux  le  but  que 
s'est  ici  proposé  le  Sauveur. 

Premièrement,  son  dessein  a  été  de  ravir  aux 
démons  leurs  dépouilles.  Jusque-là  ils  avaient  eu 
le  pouvoir  de  retenir  captives  les  âmes  mêmes  des 
justes.  Notre-Seigneur  brise  ce  pouvoir;  il  arrache 
ces  saintes  âmes  à  leur  prison,  les  met  en  posses- 
sion du  ciel  d'une  manière  également  glorieuse  et 
admirable.  Sa  présence  répand  sur  elles  des  tor-  * 
rents  de  lumière,  les  comble  d'une  joie  et  d'une 
allégresse  ineffables,  les  fait  jouir  de  la  béatitude 
après  laquelle  elles  soupiraient  avec  tant  d'ardeur, 
de  cette  béatitude  qui  consiste  dans  la  vue  de  Dieu. 


DE  J.-C.   AUX  ENFERS.  \\ 

Ainsi  se  vérifia  la  promesse  qu'il  avait  faite  au 
bon  larron.  Celui-ci  lui  ayant  fait  cette  prière  : 
«  Seigneur,  souvenez-vous  de  moi,  lorsque  vous 
serez  entré  dans  votre  royaume.  Mémento  mei, 
dùm  veneris  in  regnum  tuum.  »  —  «  En  vérité, 
repartit  le  Sauveur,  je  vous  le  dis  :  aujourd'hui 
même  vous  serez  en  paradis  avec  moi.  Amen  dico 
tibi,  hodie  mecum  eris  in  paradiso.  »  (Luc.  xxm.) 

Le  paradis  en  effet  n'est  autre  chose  que  la 
vision  intuitive  de  Dieu  ;  et  Notre-Seigneur  pro- 
mettait ainsi  au  bon  larron  de  lui  découvrir  la 
gloire  de  sa  divinité,  dès  ce  jour-là  même,  où  ils 
devaient  se  rencontrer  aux  limbes. 

Alors  encore  fut  accomplie  la  prédiction  du 
prophète  Osée  :  «  0  mort  !  je  serai  ta  mort.  0 
enfer  !  je  te  mettrai  en  pièces.  0  mors  !  ero  mors 
tua;  morsus  tuus  ero,  inferne  !  »  (Oseœ.  xm.) 

Cette  parole  marquait  la  délivrance  des  justes 
retenus  aux  limbes,  comme  cette  autre  de  Zacharie  : 
a  Seigneur,  vous  avez  répandu  le  sang  de  votre 
testament,  et  vous  avez  fait  sortir  vos  captifs  de 
cet  abîme  où  il  n'y  a  point  d'eau.  Tu  quoque  in 
sanguine  testamenti  tune  emisisti  vinctos  tuos  de 
laçu  in  quo  non  est  aqua.  »  (Zachar.  ix.) 

C'est  cette  même  délivrance  que  l'Apôtre  avait 
en  vue,  quand  il  dit  que  Notre-Seigneur  a  dépouillé 
les  principautés  et  les  puissances,  et  qu'il  les  a  fait 
servir  à  la  gloire  de  son  triomphe  à  la  face  du 
monde  :  «  Exspolians  principatus  et  potestates, 
traduxit  confidenter,  palam  triumphans  illos  in 
semetipso.  »  (Coloss.  n.) 


!  î  MOTIFS  DE   LA  DESCENTE 

\  2.  Tel  fut  donc  le  premier  dessein  du  Sauveur, 
en  descendant  aux  enfers  :  il  y  descendit  pour 
délivrer  les  justes  qui  s'y  trouvaient  retenus. 

Voulez-vous  maintenant  vous  convaincre  que 
cette  démarche  était  convenable  et  digne?  Faites 
réflexion  sur  sa  qualité  de  Sauveur. 

S'il  est  le  Sauveur  de  tous  les  hommes,  personne 
parmi  tous  ceux  qui  l'ont  précédé  ou  qui  ont  été 
ses  contemporains  ou  qui  devaient  naître  encore 
dans  la  suite,  personne,  disons-nous,  n'a  été  ou  ne 
sera  sauvé  que  par  les  mérites  de  sa  passion. 

Voilà  pourquoi,  avant  sa  mort  et  sa  résurrec- 
tion, les  portes  du  ciel  ne  furent  ouvertes  à  per- 
sonne. Ceux  qui  mouraient  en  état  de  grâce  étaient 
donc  placés,  en  attendant,  dans  les  limbes  ou  le 
sein  d'Abraham;  ou  bien,  ils  allaient,  comme 
maintenant  encore,  achever  de  se  purifier  en  pur- 
gatoire. 

Xotre-Seigneur,  ayant  consommé  par.  sa  mort 
l'œuvre  de  notre  rédemption,  il  convenait  qu'il  en 
appliquât  les  fruits  à  ces  âmes  qui  l'attendaient 
avec  tant  d'empressement,  et  depuis  tant  de  siè- 
cles. Aussi  daigna-t-il  combler  leurs  voeux,  à  l'ins- 
tant même  de  sa  mort. 

13.  Une  autre  raison  encore  pour  laquelle  il  est 
descendu  aux  enfers,  c'est  qu'il  était  juste  qu'il  y 
fit  reconnaître  sa  puissance  aussi  bien  qu'au  ciel  et 
sur  la  terre. 

«  Dieu,  dit  saint  Paul,  en  récompense  de  ses 
humiliations,  lui  a  donné  un  nom  au-dessus  de 


DE  J.-C.  AUX  ENFERS.  13 

tout  nom,  un  nom  devant  lequel  tout  genou  doit 
fléchir  aux  cieux,  sur  la  terre  et  dans  les  enfers. 
Propter  quod  dédit  illi  nomen  quod  est  super  omne 
nomen,  ut  in  nomine  Jesu  omne  genu  flectatur, 
ccelestium,  terrestrium  et  infernorum.  »  (Phi- 
lipp.  ii.) 

Jésus-Christ  commence  par  rendre  son  nom 
redoutable  à. ses  ennemis.  Il  exerce  d'abord  sur 
eux  cette  souveraine  puissance  qu'il  a  acquise  par 
son  sang.  Il  paraît  au  milieu  d'eux  en  Triompha- 
teur qui  reçoit  l'hommage  des  peuples  vaincus  et 
qui  reprend  les  provinces  injustement  envahies 
par  l'ennemi. 

Mais  autant  l'apparition  de  Jésus-Christ  est  fou- 
droyante pour  les  anges  rebelles,  autant  elle  est 
consolante  pour  les  âmes  justes  qu'il  vient  délivrer. 
Il  se  fait  reconnaître  d'elles  pour  le  Sauveur  après 
lequel  elles  soupiraient.  Qui  pourra  dire  avec  quels 
m transports  de  joie  et  d'amour,  de  vénération  et  de 
reconnaissance,  elles  le  reçurent  et  l'adorèrent? 
Abraham  avait  salué  de  loin  cet  heureux  moment, 
et  il  avait  tressailli  de  joie.  Oh!  dans  quelle  extase 
de  bonheur  ne  fut-il  pas  plongé,  lui  et  tout  ce 
peuple  de  justes  depuis  Abel  jusqu'à  saint  Jean- 
Baptiste,  quand  ils  virent  enfin  le  Messie,  le  Désiré 
des  nations,  apparaître  avec  tout  l'éclat  de  sa  divi- 
nité dans  la  sombre  demeure  des  limbes? 


I  4  MOTIFS  DE  LA  DESCENTE,  ETC. 

CONCLUSION. 

4  4.  Ne  terminons  pas  cet  entretien  sans  admirer 
l'extrême  bonté  du  Sauveur  envers  les  hommes. 
Il  vient  de  subir  pour  nous  la  mort  de  la  croix. 

II  s'est  sacrifié  avec  joie,  afin  d'effacer  nos  péchés 
dans  son  sang.  A  peine  il  a  rendu  le  dernier  sou- 
pir, qu'il  se  hâte  de  descendre  dans  les  profon- 
deurs de  la  terre,  et.  poutquoi?  Parce  qu'il  s'y 
trouve  des  âmes  qui  lui  sont  chères  et  qu'il  veut 
rendre  heureuses,  en  leur  appliquant  les  prémices 
de  sa  rédemption  ! 

0  Jésus  !  je  me  joins  aux  chœurs  des  Patriar- 
ches et  des  Prophètes  qui  eurent  les  premiers 
l'honneur  de  saluer  votre  triomphe  ;  je  m'unis  à 
vos  saints  ancêtres,  qui,  dans  ce  moment,  s'em- 
pressèrent avec  tant  de  bonheur  à  votre  rencon- 
tre ;  je  m'unis  à  votre  saint  Précurseur  Jean-Bap- 
tiste et  à  saint  Joseph,  votre  père  nourricier,  qui,  • 
sans  doute,  étaient  à  la  tête  de  toute  cette  sainte 
multitude  ;  je  vous  loue  avec  eux,  je  vous  bénis, 
je  vous  remercie  et  je  vous  félicite  de  la  victoire 
que  vous  avez  remportée  sur  f  enfer,  et  dont  vous 
daignez  ainsi  commencer  à  partager  les  fruits  avec 
nous  !  Oh  !  ne  permettez  pas  que  tant  de  bonté  ne 
serve  qu'à  ma  condamnation  ? 


NOTES  1 5 


NOTES. 


I.  DOCTRINE  CATHOLIQUE  SUR  LE  PURGATOIRE. 

L'Eglise  a  exposé  et  défini  elle-même,  au  Concile  de 
Trente,  sa  croyance  sur  le  purgatoire.  Laissons-la  parler. 

«Si  quelqu'un  dit  que,  par  la  grâce  de  la  justification, 
la  coulpe  et  la  peine  éternelle  sont  tellement  remises  au 
pénitent,  qu'il  ne  lui  reste  plus  de  peine  temporelle  à  souf- 
frir, ou  en  ce  monde,  ou  en  l'autre  dans  le  purgatoire, 
avant  d'entrer  dans  le  royaume  des  cicux,  qu'il  soit  ana- 
thème.  »  «  Si  quelqu'un  dit  que  le  sacrifice  de  la  messe... 
n'est  pas  propitiatoire...,  qu'il  ne  doit  pas  être  offert  pour 
les  vivants  et  pour  les  morts,  pour  les  péchés,  les  peines, 
les  satisfactions  et  autres  nécessités.,  qu'il  soit  anathème.  » 
Voici  maintenant  le  décret  spécial  du  concile  sur  toute  cette 
matière  du  purgatoire.  «Comme  l'Eglise  catholique,  ins- 
truite par  l'Esprit-Saint,  a,  d'après  les  saintes  Lettres  etl'an- 
tique  tradition  des  Pères,  enseigné  dans  les  saints  conciles 
et  en  dernier  lieu  dans  ce  concile  œcuménique  qu'il  y  a 
un  purgatoire,  et  que  les  âmes  qui  y  sont  détenues  sont  ai- 
dées par  les  suffrages  des  fidèles,  et  surtout  par  le  précieux 
sacrifice  de  l'autel  ;  le  saint  concile  ordonne  aux  évêques 
de  veiller  avec  soin  à  ce  que  la  saine  doctrine  sur  le  pur- 
gatoire, que  les  saints  Pères  et  les  saints  conciles  nous  ont 
transmise,  soit  crue  et  maintenue  parmi  les  fidèles,  ensei- 
gnée et  prêchée  partout.  Mais  qu'ils  écartent  des  discours 
adressés  à  la  foule  peu  instruite  les  questions  trop  difficiles 


16  NOIES. 

et  trop  subtile»,  et  qui  ne  contribuent  pas  à  l'édification, 
et  le  plus  souvent  ne  font  rien  gagner  à  la  piété.  Qu'ils  ne 
permettent  point  de  publier  et  de  débattre  des  choses  incer- 
taines ou  peu  vraisemblables.  Qu'ils  interdisent  comme 
scandaleux  et  ruineux  pour  la  foi  tout  ce  qui  serait  entaché 
dune  certaine  curiosité  ou  de  superstition,  tout  ce  qui  au- 
rait la  couleur  dune  honteuse  cupidité. Quant  aux  œuvres 
pies,  que  les  fidèles  vivants  ont  la  coutume  de  pratiquer 
pour  les  fidèles  défunts,  telles  que  suffrages,  sacrifice  delà 
messe,  prières,  aumônes,  etc,  que  les  évêques  aient  soin 
de  les  faire  accomplir  avec  piété  et  dévotion,  d'une  manière 
conforme  aux  institutions  de  l'Eglise.  Qu'ils  veillent  aussi  à 
faire  exécuter,  non  par  manière  d'acquit,  mais  avec  soin  et 
diligence,  par  les  prêtres  et  les  ministres  de  l'Eglise  et  au- 
tres personnes  qui  y  sont  tenues,  ce  qui  est  dû  pour  les  dé- 
funts, soit  en  vertu  des  fondations  testamentaires,  soit  de 
toute  autre  manière.  » 

Ces  définitions,  ces  prescriptions  et  ces  recommandations 
du  concile,  en  marquant  en  quoi  consiste  précisément  la 
doctrine  catholique,  nous  montrent  en  même  temps  avec 
quel  soin  l'Eglise  veut  que  les  prédicateurs  évitent  d'y  mê- 
ler des  opinions  incertaines  et  des  questions  difficiles,  plus 
propres  à  alarmer  et  à  égarer  la  foi  des  peuples  qu'à  nour- 
rir leur  piété.  Qu'ils  exposent,  sans  en  rien  retrancher,  la 
doctrine  que  tout  chrétien  doit  croire,  qu'ils  la  développent 
et  en  fassent  ressortir  la  portée  ;  mais  qu'ils  ne  l'exagèrent 
pas,  et  qu'ils  n'y  ajoutent  pas  arbitrairement. 

Il  est  donc  de  foi  qu'il  y  a  un  purgatoire,  c'est-'a-dire 
que  les  âmes  qui  sont  sorties  de  ce  monde  dans  la  grâce 
sanctifiante,  mais  redevables  encore  à  la  justice  divine, 
soutirent  certaines  peines  temporelles  avant  d'entrer  dans 
le  royaume  des  deux.  Il  est  de  foi,  en  outre,  que  ces  âmes 
peuvent  être  aidées  par  les  suffrages  des  fidèles  et  surtout 
par  le  sacrifice  de  la  messe.  Voilà  tout  ce  que  nous  sommes 
tenus  de  croire.  «  Le  concile  ne  décide  point,  comme  1ère- 


NOTES .  1 7 

marque  Bergier,  si  le  purgatoire  est  un  lieu  particulierdans 
lequel  les  âmes  sont  renfermées,  de  quelle  manière  elles 
sont  purifiées,  si  c'est  par  un  feu  ou  autrement,  quelle  est 
la  rigueur  de  leurs  peines  ni  quelle  en  est  la  durée,  jusqu'à 
quel  point  elles  sont  soulagées  par  les  prières,  par  les  bon- 
nes œuvres  des  vivants,  ou  par  le  saint  sacrifice  de  la  messe. . . 
Les  théologiens  peuvent  avoir  chacun  leur  opinion  sur  ces 
différentes  questions;  mais  elles  ne  sont  ni  des  dogmes  de 
foi  ni  d'une  certitude  absolue,  et  personne  n'est  obligé  d'y 
souscrire,  «  Bossuet,  après  avoir  rapporté  ce  que  le  concile 
de  Trente  nous  propose  à  croire  touchant  les  âmes  détenues 
dans  le  purgatoire,  ajoute  aussi  :  «  Il  ne  détermine  pas  en 
quoi  consistent  leurs  peines,  et  beaucoup  d'autres  choses 
semblables,  sur  lesquelles  ce  saint  concile  demande  une 
grande  retenue,  blâmant  ceux  qui  débitent  ce  qui  est  in- 
certain et  suspect.  » 

II.    RÉFUTATION   DE    CEUX    QUI    s'i.MAGINENT    QUE    TOUT    CHRETIEN 
SERA  SAUVÉ   PAR  LE  FEU. 

Creduntur  autem  a  quibusdam  etiam  ii  qui  nomenChristi 
non  relinquunt,  et  ejus  lavacro  in  Ecclesia  baptizantur,  nec 
ab  eaullo  schismate  vel  hseresi  praecidentur,  inquantislibet 
sceleribus  vivant,  quae  nec  diluant  pœnitendo,  nec  eleemo- 
synis  redimant,sed  in  eis  usqueadhujus  vitaeultimum  diem 
pertinacissime  persévèrent,  salvifuturi  per  ignem  ;  licetpro 
magnitudine  facinorum  flagitiorumque  diuturno  ,  non  ta- 
men  eeterno  igné  puniri.  Sed  qui  hoc  credunt,  et  tamen  ca- 
tholicisunt,  humanaquadam  benevoléntia  mihi  falli  viden- 
tur  :  namscriptura  divinaaliud  consulta  respondet.  Librum 
autem  de  hac  quœstione  conscripsi,  cujus  titulus  est,  de 
Fide  et  Operibus  ;  ubi  secundum  scripturas  sanctas,  quan- 
tum Deo  adjuvante  potui,  demonstravi,  eam  fklem  salvos 
facere,  quam  satis  evidenter  expressit  Paulus  Apostolus, 
dicens  :  InChristo  enim  Jesu  neque  circumeisio  quidquam 

SYMB.       II.  - 


18  NOTES. 

valet,  neque  praeputium,  sed  fides  quae  per  dilectionem 
operatur  (Galat.  v,  6).  Si  autem  maie  et  non  bene  operatur, 
procul  dubio,  secundum  apostolum  Jacobum,  mortua  est 
in  semelipsa.  Qui  rursus  ait  :  Sifidem  dicat  se  quis  habere, 
opéra  autem  non  habeat.  numquid  poterit  fides  salvare  eum 
(Jacobi  11,17,  14)?  Porro  autem  si  homo  sceleratus,  prop- 
ter  fidem  solam  per  ignem  salvabitur,  et  sic  est  accipien- 
dum  quod  ait  beatus  Paulus  :  Ipse  autem  salvus  erit,  sic 
tamen  quasi  per  ignem  ;  poterit  ergo  salvare  sine  operibus 
fides,  et  falsum  erit  quod  dixit  ejus  coapostolus  Jacobus  , 
falsum  erit  et  illud  quod  idem  ipse  Paulus  dixit,  Nolite, 
inquit,  errare;  neque  fornicatores,  neque  idolis  servientes, 
neque  adulteri,  neque  molles,  neque  masculorum  concubi- 
tores,  neque  fures,  neque  avari,  neque  ebriosi,  neque  ma- 
ledici,  neque  rapaces  regnum  Dei  possidebunt  (1 .  Cor.  vi, 
9,  10.)  Si  enim  etiam  in  istis  persévérantes  criminibus,  ta- 
men propter  fidem  Christi  salvi  erunt,  quomodo  in  regno 
Dei  non  erunt? 

Sed  quia  haec  apostolica  manifestissima  et  apertissima 
testimoniafalsa  esse  non possunt  ;  îlludquod  obscuredictum 
est  de  iis  qui  sup^raedificant  super  fundamentum,  quod  est 
Christus,  non  aurum,  argenlum,  lapides  pretiosos,  sed  li- 
gna, fœnum,  stipulam  (de  his  enim  dictum  est  quod  per 
ignem  salvi  erunt,  quoniam  fundamenti  merito  non  peri- 
bunt),  sicintelligendum  est,  uthismanifestis  non  inveniatur 
esse  contrarium.  Ligna  quippe  et  fœnum  et  stipula  non  ab- 
surde accipi  possunt  rerum  saecularium,  quamvis  licite 
concessarum,  taies  cupiditates,  ut  amitti  sine  animi  dolore 
non  possint.  Cum  autem  iste  dolor  urit,  si  Christus  in  corde 
fundamenti  habet  locum,  id  est,  ut  ei  nihil  anteponatur,  et 
malit  homo  qui  tali  dolore  uritur,  rébus  quas  ita  diligit 
magis  earere  quam  Christo,  per  ignem  fit  salvus;  si  autem 
res  hujusmodi  temporales  ac  sseculares  temporetentationis 
maluerit  tenere  quam  Christum,  eum  in  fundamento  non 


NOTES.  4  9 

habuit  ;  quia  hœc  priore  loco  habuit,  cum  in  œdificio  prius 
non  silaliquid  fundamento.Ignis  enim,  de  quo  eo  loco  est 
locutus  Apostolus,  talis  débet  intelligi,  ut  ambo  per  eum 
transeant  ;  id  est,  et  qui  aedificat  super  hoc  fundamentum, 
aurum,  argentum,  lapides  pretiosos,  et  qui  aedificat  ligna, 
fœnum  etstipulam.Cum  enim  hoc  dixisset,  adjungit  Unius- 
cujusque  opus  quale  sit,  ignis  probabit.  Si  cujus  opus  per- 
manserit,  quod  superaedificavit,  mercedem  accipiet.  Si 
cujus  opus  autem  exustum  fuerit,  damnum  patietur  :  ipse 
autem  salvus  erit,  sic  tamen  quasi  per  ignem  [Id.  m, 
14-15.)  Non  ergo  unius  eorum,  sed  utriusque  opus  ignis 
probabit.  Est  quidam  ignis  tentatio  tribulationis,  de  quo 
aperte  alio  loco scriptum  est  :  Vasa  figuliprobat  fornax,  et 
homines  justos  tentatio  tribulationis  (Eccli.  xxvn,  6.)  Iste 
ignis  in  hac  intérim  vita  facit  quod  Apostolus  dixit,  si  ac- 
cidat  duobus  fidehbus,  uni  sciltcet  cogitanîi  quae  Dei  sunt, 
quomodo  placeat  Deo,  hoc  est,  œdificanti  super  Christum 
fundamentum,  aurum,  argentum,  lapides  pretiosos;  alteri 
autem  cogitantieaquae  sunt  mundi,  quomodo  placeat  uxori 
(1  Cor.  vu,  32-33,)  id  est,  œdificanti  super  idem  funda- 
mentum ligna,  fœnum,  stipulam  :  illius  enim  opus  non  exu- 
ritur,  quia  non  ea  dilexit  quorum  amissione  crucietur  : 
exuritur  autem  hujus,  quoniam  sine  dolore  non  pereunt, 
quae  cum  amore  possessa  sunt.  Sed  quoniam  alterutra  con- 
ditione  proposita,  eis  potius  carere  mallet  quam  Christo, 
nec  timoré  amittendi  talia  deserit  Christum,  quamvis  do- 
leat  cum  amittit,  salvus  est  quidem,  sic  tamen  quasi  per 
ignem  :  quia  urit  eum  rerum  dolor,  quas  dilexerat,  amissa- 
rum  ;  sed  non  subvertit  neque  consumit  fundamenti  stabi- 
litate  atque  incorruplione  munitum. 

Ignis  etiam  purgatorius  quidam  post  hanc  vitam.  Taie 
aliquid  etiam  post  hanc  vitam  fieri,  incredibile  non  est,  et 
utrum  ita  sit,  quaeri  potest  ;  et  aut  inveniri,  aut  latere, 
nonnullos  fidèles  per  ignem  quemdampurgatorium,  quanto 


L  •'  NOTES. 

magis  minusve  bon  a  pereunlia  dilexerunt,  tantotardiusci- 

tiusque  salvari  :  non  tamen  taies  de  quibus  dictum  est, 
quod  regnum  Dei  non  possidebunt,  nisi  convenienter  pœ- 
nitentibus  eadem  crimina  remittuntur.  Convenienter  au- 
tem  dixi,  ut  stériles  in  eleemosynis  non  sint,  quibus  tantum 
tribuit  scriptura  divina,  ut  earum  tantummodo  fructum  se 
imputaturuin  praenuntiet  Dominus  dexlris,  et  earum  tan- 
tummodo sterilitatem  sinistris:  quando  his  dicturus  est, 
Yenite,  benedicti  Patris  mei,  percipiteregnum  :  illisautem, 
Ite  in  ignem  aeternum.  (Malth.  xxv,  34,  41.)  (S.  August. 
Enchirid.  cap.  67,  68  et  69.) 

Frustra  itaque  nonnulli,  imo  quam'plurimi,  eeternam  dam- 
natorum  pœnam  et  eruciatus  sine  intermissione  perpetuos 
humano  miserantur  affectu,  atqueita  futurumesse  non  cre- 
dunt  ;  non  quidem  scripturis  divinis  adversando,  sed  pro 
suo  motu  dura  quaeque  molliendo,  et  in  leniorem  flectendo 
sententiam,  qua?  putant  in  eis  terribilius  esse  dicta,  quam 
verius.  Non  enim  obliviscetur,  inquiunt,  misereri  Deus,  aut 
continebit  in  ira  sua  miserationes  suas  (Psal.  lxxvi,  10.) 
Hoc  quidem  in  psalmo  legitur  sancto  ;  sed  de  his  sine  ullo 
scrupulo  intelligitur,  qui  vasa  misericordiœ  nuncupantur, 
quia  et  ipsi  non  pro  meritis  suis,  sed  Deo  miserante  demi- 
seria  liberantur.  Aut  si  hoc  adomnes  existimant  pertinere, 
non  ideo  necesseest  ut  damnationemopinentur  posse  finiri 
eorum  de  quibus  dictum  est  :  Et  ibunt  isti  in  supplicium 
teternum  :  ne  isto  modo  putetur  habitura  finem  quandoque 
félicitas  etiam  illorum,  de  quibus  è  contrario  dictum  est  : 
Jasiâ  autem  in  vitam  aeternam  (Matth.  xxv,  46.)  Sedpœnas 
damnatorum  cerlis  temporum  intervallis  existiment,  si  hoc 
eis  placet,  aliquatenus  mitigari.  Etiam  sic  quippe  intelligi 
potest  manere  in  illis  ira  Dei  (Joan.  m,  36,)  hoc  et  ipsa 
damnatio  (haecenim  vocatur  ira  Dei,  non  divini  animiper- 
turbatio,)  ut  in  ira  sua,  hoc  est  manente  ira  sua,  non  ta- 
men contineat   miserationes  suas;    non  aeterno  supplicio 


NOTES.  %\ 

linern   dando,   sed   levamen  adhibendo  vel  interponendo 

crucialibus.  Quia  nec  Psalmus  ait,  Ad  finiendam  ir.am 
suam,  vel,  post  iram  suam,  sed,  in  ira  sua.  Quaa  si  sola 
esset,  quanta  ibi  minimacogitari  potest,  perire  a  regnoDei, 
exsulare  a  civitate  Dei,  alienari  a  vitaDei,  carere  tam  ma- 
gna multitudine  dulcedinis  Dei  quam  abscondit  timentibus 
se,  perfecit  autem  sperantibus  in  se  (Psal.  xxx,  20,)  tam 
grandis  est  pœna,  ut  ei  nulla  possint  tormenta  quee  novimus 
comparari,  si  illa  sit  œterna,  ista  autem  sint  quamlibet 
multissœculislonga. 

Morsimpiorum,  ut  vita  piorum,  perpétua.  Manebit  ergo 
sine  fine  mors  illa  perpétua  damnatorum,  id  est  aiienatio  a 
vita  Dei,  et  omnibus  erit  ipsa  communis,  quaelibet  homines 
de  veritate  pœnarum,  de  dolorum  relevatione  vel  inter- 
missione  pro  suis  humanis  motibus  suspicentur  :  sicut  ma- 
nebit communiter  omnium  vita  œterna  sanctorum,  qualibet 
hooorum  distantia  concorditer  fulgeant.  (S.  Augnst.  En- 
chirid.  cap.  112  et  113.) 


22  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 


IIe  INSTRUCTION. 

LE  TROISIÈME  JOUR  IL  EST  RESSUSCITÉ  DES  MORTS.  —  TERTiA  DIE 
RESURREXIT  A  MORTUIS.  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  JÉSUS- 
CHRIST.    —  CARACTÈRES  ET   IMPORTANCE   DE  CE  FAIT. 


EX  OR  DE. 

1 .  «  Souvenez-vous,  disait  l'Apôtre  écrivant 
à  Timothée,  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  est 
ressuscité  d'entre  les  morts.  Memor  esto  Dominum 
nostrum  Jesum  Christum  resurrexisse  a  mortuis.  » 
(2  Tim.  ii.) 

Son  but, en  lui  rappelant  ce  grand  mystère,  était 
de  fortifier  de  plus  en  plus  sa  foi  et  sa  confiance  ; 
car,  ainsi  que  nous  le  verrons  dans  le  cours  de  cet 
entretien,  c'est  ici  la  preuve  fondamentale  de  la 
divinité  de  notre  sainte  religion  et  le  plus  solide 
fondement  de  nos  espérances  éternelles. 

Parvenus  à  l'article  du  Symbole  qui  énonce  ce 
mystère,  nous  vous  exhortons  dans  les  mêmes 
sentiments  et  les  mêmes  vues  que  l'Apôtre,  à  le 
considérer  avec  une  religieuse  attention.  Si  déjà, 
vous  avez  admiré  le  triomphe  de  Jésus-Christ  sur 
l'enfer,  avec  quelle  douce  joie  ne  le  verrez-vous 
pas  ensevelir  la  mort  même  dans  son  tombeau? 


DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C.  23 

2.  C'est  le  sentiment  que  la  sainte  Eglise,  son 
épouse  et  notre  mère,  fait  éclater  dans  ses  chants 
de  la  résurrection, 

Aurora  coelum  purpurat, 
iEther  résultat  laudibus, 
Mundus  triumphans  jubilât, 
Horrens  avernus  infremit, 
Rex  ille  dum  fortissimus, 
De  mortis  inferno  specu, 
Patrum  senatum  liberum 
Educit  ad  vitae  jubar. 

«  L'aurore  ,  dit-elle ,  empourpre  le  ciel  ;  l'air 
retentit  d'acclamations,  la  terre  se  livre  à  la  joie 
du  triomphe,  l'enfer  frémit  d'horreur,  lorsque  le 
Christ,  ce  Roi  magnanime,  délivre  des  sombres 
réduits  de  la  mort  et  ramène  aux  splendeurs  de  la 
vie  le  glorieux  sénat  des  anciens  Patriarches.  » 

Cujus  sepulcrum  plurimo 
Custode  sigDabat  lapis, 
Victor  triumphat,  et  suo 
Mortem  sepulcro  funerat. 

«  Son  tombeau  était  fermé  d'une  pierre  et  en- 
vironné de  gardes.  Mais  il  en  sort  victorieux  et 
triomphant,  et  il  ensevelit  la  mort  dans  son  propre 

tombeau.  » 

Sat  funeri,  sat  lacrymis, 
Sat  est  datum  doloribus  ; 
Surrexit  extinctor  necis, 
Clamât  coruscans  Angélus. 


i\  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

((  C'est  assez  de  deuil,  c'est  assez  de  larmes, 
c'est  assez  de  douleurs.  Le  destructeur  de  la  mort 
est  ressuscité.  Un  ange  brillant  de  lumière  annonce 
sa  victoire.  » 

Ainsi  s'exprime  l'Eglise  dans  son  saint  enthou- 
siasme. 

3.  Le  Symbole  énonce  ce  grand  événement  en 
quelques  simples  paroles  :  «  Tertia  die  resurrexit 
à  mortuis.  Le  troisième  jour,  il  est  ressuscité  des 
morts.  » 

Qui  ne  sent  la  sublimité  et  la  divinité  même  de 
ce  langage?  Dieu  exprime  ses  plus  grands  miracles 
comme  il  les  opère,  c'est-à-dire,  d'un  mot.  Il 
montre  ainsi  qu'ils  ne  coûtent  rien  à  sa  puissance. 
Moïse  avait  raconté  dans  les  termes  les  plus  simples 
les  merveilles  de  la  création.  Animés  du  môme 
Esprit,  les  apôtres  racontent  sans  la  moindre 
emphase  le  prodige  plus  étonnant  encore  de  la 
Rédemption. 

Dans  cet  entretien,  après  avoir  exposé  briève- 
ment le  fait  de  la  résurrection,  je  me  propose  de 
vous  en  marquer  les  caractères  et  de  vous  en  faire 
entrevoir  l'importance. 

0  Marie  !  permettez-nous  d'abord  de  vous  offrir 
nos  félicitations.  Nous  avons  compati  à  vos  souf- 
frances sur  le  calvaire  ;  vous  étiez  alors  la  mère 
des  douleurs  ;  voici  maintenant  vos  peines  chan- 
gées pour  jamais  en  joie.  Réjouissez-vous  donc, 
Reine  du  ciel,  parce  que  celui  que  vous,  avez 
mérité  d'enfanter  est  ressuscité  selon  sa  promesse. 


DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C.  25 

et  daignez  nous  donner  quelque  part  à  votre  bon- 
heur en  priant  pour  nous  ! 

PREMIER  POINT. 

4.  Jésus-Christ  avait  rendu  l'âme  sur  la  croix, 
le  vendredi,  vers  trois  heures  du  soir,  ou  selon  la 
manière  de  compter  dans  l'antiquité,  vers  la  neu- 
vième heure  du  jour. 

Le  même  jour,  avant  le  coucher  du  soleil,  il  fut 
enseveli  par  les  soins  de  ses  disciples,  avec  l'agré- 
ment de  Pilate. 

Son  corps,  détaché  de  la  croix,  fut  déposé  dans 
un  sépulcre  neuf  qui  était  dans  un  jardin  voisin  ; 
on  ferma  l'entrée  du  tombeau  en  y  roulant  une 
grosse  pierre. 

Les  choses  étant  en  cet  état,  «le  lendemain,  les 
princes  des  prêtres  et  les  pharisiens  s'étant  assem- 
blés, dit  l'Evangéliste  saint  Mathieu,  (Matth.  xxvn.) 
vinrent  trouver  Pilate  et  lui  dirent  :  Seigneur,  nous 
nous  sommes  souvenus  que  cet  imposteur  (c'est 
Notre -Seigneur  qu'ils  désignaient),  a  dit,  étant 
encore  en  vie  :  Je  ressusciterai  trois  jours  après 
ma  mort. 

Commandez  donc  que  le  sépulcre  soit  gardé 
jusqu'au  troisième  jour,  de  peur  que  ses  disciples 
ne  viennent  dérober  son  corps  et  ne  disent  au 
peuple  :  il  est  ressuscité  d'entre  les  morts;  cette 
dernière  erreur  serait  pire  que  la  première. 

Pilate  leur  répondit  :  vous  avez  des  gardes  : 
allez,  faites-le  garder  comme  vous  l'entendez. 

S  Y.MB.       I).  3 


26  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

Us  s'en  allèrent  donc,  et  pour  s'assurer  du  sé- 
pulcre, ils  mirent  le  sceau  sur  la  pierre  et  apos- 
tèrent  des  gardes.  » 

La  divine  Providence,  vous  le  voyez,  n'a  omis 
aucune  des  précautions  nécessaires  pour  constater 
la  vérité  de  la  résurrection. 

Le  sépulcre  est  neuf,  personne  n'y  a  encore 
été  mis;  il  est  creusé  dans  le  roc,  il  est  impéné- 
trable par  conséquent  et  n'est  accessible  que  par 
l'ouverture  ;  cette  ouverture  unique  est  fermée 
d'une  grosse  pierre  ;  la  pierre  est  scellée  du  sceau 
de  l'autorité  publique,  enfin  des  soldats  sont  placés 
en  sentinelle,  pour  écarter  toute  tentative  d'en- 
lèvement. 

Et,  chose  admirable  !  par  qui  Dieu  veut-il  que 
toutes  ces  dispositions  soient  prises?  Par  les  plus 
mortels  ennemis  de  Jésus-Christ,  qui  le  traitent 
encore  d'imposteur,  qui  redoutent  qu'on  ne  vienne 
l'enlever,  et  puis,  qu'on  fasse  courir  le  bruit  de  sa 
résurrection.  Vous  comprenez  tout  l'intérêt  qu'ils 
avaient  à  prouver  la  fausseté  de  sa  prédiction. 

5.  Or  cependant,  qu'arriva-t-il ? 

Le  troisième  jour,  qui  était  un  dimanche,  son 
âme  se  réunit  de  nouveau  à  son  corps,  de  sorte 
que  celui-là  même  qui  pendant  ces  trois  jours 
était  resté  mort,  reprit  la  vie  qu'il  avait  quittée  en 
mourant  ;  en  un  mot,  ressuscita. 

L'événement  eut  lieu  de  grand  matin.  Tout  d'un 
coup,  il  se  fit  un  grand  tremblement  de  terre.  Un 
ange  descendit  du  ciel,  vint  renverser  la  pierre  du 


DE  LA  RÉSURRECTIOiN  DE  J.-C.  27 

sépulcre  et  s'assit  dessus.  Son  visage  était  brillant 
comme  l'éclair,  et  ses  vêtements  blancs  comme  la 
neige.  Les  gardes  en  furent  tellement  effrayés, 
qu'ils  devinrent  comme  morts. 

Cependant  Msrie-Madelaine  et  une  autre  Marie, 
ayant  acheté  des  parfums  dans  l'intention  d'em- 
baumer le  corps  du  Sauveur,  arrivèrent  au  sé- 
pulcre. Le  soleil  était  déjà  levé.  Elles  se  disaient 
l'une  à  l'autre  :  qui  nous  ôtera  la  pierre  de  l'entrée 
du  sépulcre?  car  cette  pierre  était  fort  grande. 
Mais  en  regardant,  elles  virent  qu'elle  avait  été 
ôtée.  En  entrant  dans  le  sépulcre,  elles  virent  un 
jeune  homme  assis  du  côté  droit,  vêtu  d'une  robe 
blanche.  Sa  vue  les  effraya  beaucoup.  Mais  il  leur 
dit  :  ne  craignez  point  ;  vous  cherchez  Jésus  de 
Nazareth  qui  a  été  crucifié  ;  il  est  ressuscité,  il  n'est 
plus  ici  ;  voici  le  lieu  où  on  l'avait  mis.  Hâtez- 
vous  d'aller  dire  à  ses  disciples  qu'il  est  ressuscité. 

Tel  est  le  récit  des  Evangélistes.  Il  porte  sa 
preuve  en  lui-même.  Si  jamais  la  vérité  a  parlé, 
c'est  ainsi  qu'elle  l'a  fait. 

Ajoutons  de  suite  comment  les  Juifs  eux-mêmes, 
en  le  contredisant,  ont  achevé  de  le  certifier. 

Les  gardes  étant  venus  rendre  compte  aux 
Princes  des  prêtres  de  ce  qui  s'était  passé,  ceux-ci 
tinrent  conseil,  et  leur  donnèrent  une  grande 
somme  d'argent,  afin  qu'ils  publiassent  partout 
que  les  disciples  de  Jésus  étaient  venus  la  nuit  et 
que,  pendant  leur  sommeil,  ils  avaient  enlevé  le 
corps  de  leur  maître.  0  ruse  maladroite!   s'écrie 


28  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

ici  saint  Augustin  ;  voilà  donc  les  seuls  témoins 
que  vous  nous  opposez  :  des  gens  endormis  ! 

Mais  sans  insister  sur  la  certitude  de  l'évé- 
nement, considérons  les  caractères  propres  de  la 
résurrection  de  Jésus-Christ. 

6.  Deux  caractères  distinguent  cette  résur- 
rection. 

Premièrement,  c'est  par  lui-même,  par  sa  propre 
puissance,  que  Jésus-Christ  s'est  ressuscité.  Il  n'a 
pas  eu  besoin  à  cet  effet  d'un  secours  étranger, 
comme  les  autres  hommes  qui  sont  sortis  du  tom- 
beau avant  ou  depuis  sa  venue.  Personne  n'a  par- 
tagé ce  privilège  avec  lui. 

Or,  c'est  là  un  prodige  qui  atteste  sa- divinité. 

Nul  mortel  en  effet  n'a  le  pouvoir  de  se  ressus- 
citer lui-même.  La  nature  est  impuissante  contre 
la  mort.  Dieu  seul  peut  lui  commander. 

C'est  la  remarque  de  l'apôtre  saint  Paul  :  «  Jésus- 
Christ,  dit-il,  a  été  crucifié  selon  sa  nature  infirme, 
c'est-à-dire,  selon  son  humanité  ;  mais  il  a  recou- 
vré la  vie  par  la  puissance  de  Dieu.  Etsi  crucifixus 
est  ex  infirmitate,  sed  vivit  ex  virtute  Dei.  » 
(2  Corinth.  xiu.) 

11  est  facile  du  reste  d'expliquer  comment  il  a 
pu  se  ressusciter  lui-même. 

Nous  l'avons  déjà  remarqué  :  sa  divinité  n'a  pas 
cessé,  après  sa  mort,  de  rester  unie  au  corps  dans 
le  tombeau  et  à  son  âme  dans  les  limbes.  Dans 
l'une  et  l'autre  des  deux  parties  de  sa  sainte  huma- 
nité, il  y  eut  donc  constamment  un  principe,  une 


DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C.  29 

force  qui  leur  permettait  de  se  rejoindre  récipro- 
quement. 

Voilà  comment  Notre-Seigneur  possédait  dans 
sa  personne  divine  le  pouvoir  de  revenir  à  la  vie. 

7.  Ce  miracle  avait  été  prédit  plus  d'une  fois. 

Mille  ans  et  plus  avant  son  accomplissement, 
David,  inspiré  de  Dieu,  avait  dit  en  parlant  du 
Messie  :  a  II  a  triomphé  par  la  force  de  son  bras  et 
par  la  puissance  de  sa  droite.  Salvavit  sibi  dextera 
ejus,  et  brachium  sanctum  ejus.  »  (Ps.  xcvu.) 

Notre-Seigneur  confirma  la  prédiction  dans  les 
termes  les  plus  explicites.  «  Je  quitte  la  vie,  dit-il 
aux  Juifs,  mais  pour  la  reprendre.  J'ai  le  pouvoir 
de  la  perdre  et  j'ai  le  pouvoir  de  la  recouvrer.  Ego 
pono  animam  meam,  ut  iterum  sumam  eam  ;  et 
potestatem  habeo  ponendi  eam ,  et  potestatem 
habeo  iterum  sumendi  eam.  »  (Joan.  x.) 

11  dit  encore  aux  Juifs  pour  certifier  sa  doctrine  : 
«  Détruisez  ce  temple,  et  je  le  rebâtirai  en  trois 
jours.  Solvite  templnm  hoc,  et  in  tribus  diebus 
excitabo  îllud.  »  (Ibid.  n.)  Ses  grossiers  auditeurs 
appliquèrent,  il  est  vrai,  cette  parole  au  temple 
de  Jérusalem,  bâti  de  pierres  avec  tant  de  magni- 
ficence ;  mais  Jésus-Christ,  comme  l'observe  l'E- 
vangéliste,  parlait  très-certainement  du  temple  de 
son  corps. 

Ainsi  Notre-Seigneur  a  doublé  pour  ainsi  dire  le 
miracle  de  la  résurrection  ;  car  il  ne  l'a  pas  seule- 
ment opéré,  il  l'a  prédit. 

8.  Nous  disons  donc  que  le  premier  caractère 


30  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

de  la  résurrection  de  Jésus-Christ  consiste  en  ce 
qu'il  s'est  ressuscité  lui-même. 

On  peut  cependant  dire  en  toute  vérité  qu'il  a 
été  ressuscité  par  son  Père.  L'Ecriture  s'énonce 
de  l'une  et  de  l'autre  façon.  Ces  deux  manières  de 
parler  sont  justes  :  comme  homme,  Jésus-Christ  a 
été  ressuscité  par  Dieu  ;  comme  Dieu,  il  s'est  res- 
suscité lui-même  ;  et  comme  toutes  les  opérations 
qui  ont  lieu  au  dehors  de  l'essence  divine,  sont 
communes  aux  trois  personnes,  il  est  très-exact 
aussi  de  dire  avec  saint  Pierre,  que  Dieu  a  ressus- 
cité son  Fils  Jésus. 

9.  Le  second  caractère  spécial  à  la  résurrection 
de  Jésus-Christ,  c'est  qu'il  est  le  premier  de  tous 
qui  soit  ressuscité  pour  ne  plus  mourir. 

Voilà  pourquoi  l'Ecriture  le  nomme  le  premier- 
né  d'entre  les  morts  et  le  premier-né  des  morts, 
((  primogenitus  ex  mortuis,  primogenitus  mortuo- 
rum.  »  (Apoc.  i.  —  Coloss.  i.) 

k  Jésus-Christ, dit  l'Apôtre,  est  ressuscité  d'entre 
les  morts,  comme  prémices  de  ceux  qui  dorment 
dans  le  tombeau  ;  car  de  même  qu'un  homme  a 
introduit  la  mort,  de  même  aussi  un  homme  a 
introduit  la  résurrection.  Comme  tous  meurent  en 
Adam,  tous  aussi  seront  ressuscites  en  Jésus-Christ, 
chacun  selon  son  rang  :  Jésus-Christ  d'abord,  en 
qualité  de  prémices,  puis  tous  ceux  qui  sont  à 
Jésus-Christ.  Christus  resurrexit  à  mortuis,  pri- 
mitiaedormientium  :  quoniam  quidemper  hominem 
mors  et  per  hominem  resurrectio  mortuorum  ;  et 


DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C.  31 

sicut  in  Adam  omnes  moriuntur,  ita  et  in  Christo 
omnes  vivificabuntur,  unusquisque  in  ordine  suo  : 
primitise  Christus  ,  deinde  ii  qui  sunt  Christi.  » 
(i  Corinth.  xv.) 

L'Apôtre  parle  évidemment  ici  de  la  résurrec- 
tion parfaite,  de  la  résurrection  définitive  à  une  vie 
immortelle.  Jésus-Christ  le  premier  est  ressuscité 
à  l'immortalité.  Plusieurs  avant  lui,  plusieurs 
encore,  depuis  sa  venue,  ont  été  tirés  du  tombeau 
par  miracle.  Lui-même  a  ressuscité  plusieurs 
morts,  comme  la  fille  de  Jaïre,  le  fils  de  la  veuve 
de  Naim  et  Lazare  ;  mais  ces  résurrections  n'af- 
franchissaient pas  de  la  mort  pour  toujours. 

Jésus-Christ,  au  contraire,  dompte  irrévocable- 
ment la  mort  ;  il  est  ressuscité  à  jamais,  il  ne  peut 
plus  mourir.  L'Apôtre  l'atteste  dans  les  termes  les 
plus  formels  :  «  Jésus-Christ,  dit-il,  une  fois  res- 
suscité, ne  meurt  plus  ;  la  mort  n'aura  plus  désor- 
mais d'empire  sur  lui.  Christus  resurgens  ex  mor- 
tuis,  jam  non  moritur  ;  mors  illi  ultra  non  domina- 
bitur.  »  (Rom.  vi.)  Tel  est  le  second  caractère  de 
sa  résurrection. 

10.  Avant  de  passer  h  une  autre  considération, 
observons  ici  en  quel  sens  le  Symbole  dit  que 
Jésus-Christ  est  ressuscité  le  troisième  jour. 

Ce  n'est  pas  que  Notre-Seigneur  ait  passé  trois 
jours  entiers  dans  le  tombeau.  11  n'y  a  passé  réel- 
lement que  la  journée  du  samedi,  plus  une  partie 
du  vendredi  et  une  partie  du  dimanche. 

Mais  cela  suffit  pour  dire  qu'il  est  ressuscité  le 


32  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

troisième  jour,  ou  le  surlendemain  de  sa  mort.  Il 
n'y  a  point  de  difficulté  à  ce  sujet. 

On  pourrait  se  demander  :  pourquoi  plutôt  le 
troisième  jour  que  tout  autre? 

À  cette  demande,  je  réponds  que  Notre-Seigneur 
avait  donné  le  miracle  de  sa  résurrection  comme 
la  principale  preuve  de  sa  divinité. 

Cela  étant,  il  ne  pouvait  l'ajourner  jusqu'à  la 
résurrection  générale  qui  aura  lieu  à  la  fin  du 
monde  ;  la  chose  est  évidente. 

D'un  autre  côté,  il  convenait  qu'il  laissât  tout  le 
temps  nécessaire  pour  qu'on  put  s'assurer  de  sa 
mort  ;  ainsi  il  ne  pouvait  ressusciter  immédiatement 
après  son  dernier  soupir. 

11  attendit  donc  le  troisième  jour.  Cet  espace  de 
temps  suffisait  pour  prouver  que  sa  mort  n'était 
pas  feinte  ;  dès  lors  sa  résurrection  ne  pouvait  être 
qu'un  miracle,  et  ce  miracle  avait  toute  la  portée 
qu'il  lui  avait  assignée,  et  que  nous  allons  mainte- 
nant envisager. 

SECOND  POINT. 

1 1 .  Quelle  est  donc  la  portée  ou  l'importance 
du  fait  de  la  résurrection  ? 

La  résurrection  de  Jésus-Christ,  c'est  l'événe- 
ment capital,  la  preuve  décisive  et  sans  réplique 
du  Christianisme. 

Les  Pères  du  concile  de  Constantinople,  après 
avoir  déclaré  dans  leur  profession  de  foi  que  Jésus- 
Christ  est  ressuscité  le  troisième  jour,  ont  ajouté  : 


DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C.  33 

secundum  Scripturas,  selon  les  Ecritures,  a  L'Apô- 
tre l'avait  dit  avant  eux,  et  les  Pères  ont  suivi  son 
exemple,  pour  nous  faire  entendre  de  quelle  con- 
séquence est  la  vérité  de  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ. 

La  résurrection  a  eu  lieu  selon  les  Ecritures  ; 
c'est  comme  s'ils  nous  disaient  que  l'Ancien  et  le 
Nouveau  Testament  trouvent  leur  confirmation 
dans  ce  fait  ;  qu'on  ne  peut  le  nier,  sans  rejeter  les 
divines  Ecritures,  sans  refuser  sa  foi  aux  prophètes 
qui  l'ont  prédit,  aux  apôtres  qui  l'ont  attesté  ;  en 
un  mot,  sans  ébranler  tout  l'édifice  de  la  religion. 

C'est  en  effet  sur  la  résurrection  de  Jésus-Christ, 
qu'il  s'élève  comme  sur  sa  base  fondamentale.  Si 
ce  fondement  lui  manque,  il  faut  qu'il  tombe  en 
ruine. 

L'Apôtre  exprime  parfaitement  cette  consé- 
quence :  «  Si  Jésus-Christ  n'est  pas  ressuscité,  dit-il, 
il  faut  en  conclure  que  vaine  est  notre  prédication, 
que  vaine  est  votre  foi.  Encore  un  coup,  si  Jésus- 
Christ  n'est  pas  ressuscité,  votre  foi  est  vaine;  car 
vous  êtes  encore  dans  le  péché.  Si  Christus  non 
surrexit,  inanis  est  ergo  praedicatio  nostra,  inanis 
est  et  fides  vestra ...  Si  Christus  non  surrexit,  vana 
est  fides  vestra  ;  adhuc  enim  estis  in  peccatis  ves- 
tris.  »  (1  Corinth.  xv.) 

Au  contraire,  dès  qu'on  admet  la  résurrection 
de  Jésus-Christ,  il  faut  nécessairement  reconnaître 
la  divinité  de  sa  mission  et  de  son  Evangile  ;  il  faut 
l'adorer  comme  le  vrai  Fils  de  Dieu  et  se  soumettre 
sans  réserve  à  sa  doctrine  et  à  ses  préceptes. 


34  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

Aussi  saint  Augustin,  admirant  comment  le 
monde  a  cru  :«  Ce  n'est  pas  merveille,  disait-il, 
de  croire  que  Jésus-Christ  est  mort.  Les  païens, 
les  Juifs,  les  impies  le  croient;  tous  croient  qu'il 
est  mort.  La  foi  du  chrétien,  c'est  la  résurrection 
de  Jésus-Christ.  Croire  qu'il  est  ressuscité,  voilà 
ce  que  nous  appelons  une  grande  chose.  Non 
magnum  est  credere  quia  mortuus  est  Christus  ; 
hoc  et  pagani,  et  Judaei,  et  omnes  iniqui  credunt  ; 
hoc  omnes  credunt,  quia  mortuus  est.  Fides  chris- 
tianorum,  resurrectio  Christi  est;  hoc  pro  magno 
habemus,  quia  credimus  eum  resurrexisse.  »  (In 
psalm.  cxx.) 

12.  C'est  parce  que  sa  résurrection  devait  être 
la  preuve  de  sa  divinité  et  le  fondement  de  notre 
foi,  que  Notre-Seigneur  s'est  plu  à  la  prédire  tant 
de  fois. 

Presque  jamais  il  n'entretint  ses  disciples  de  sa 
passion,  sans  faire  mention  de  sa  résurrection. 
«Le  Fils  de  l'homme,  leur  dit-il,  sera  livré-  aux 
Gentils;  on  le  traitera  avec  dérision,  on  le  flagel- 
lera, on  le  couvrira  de  crachats,  et  après  qu'on 
l'aura  flagellé,  on  le  mettra  à  mort.  Filius  hominis 
tradetur  Gentibus,  et  illudetur,  et  flagellabitur, 
et  conspuetur;  et  postquam  flagellaverint,  occi- 
dent eum.  »  (Matth.  xvi.)  Voila  comment  il  leur 
annonce  ses  ignominies  et  sa  mort  ;  mais  il  ne 
s'en  tient  pas  là  :  il  a  soin  d'ajouter  :  «  Et  tertia 
die  resurget  ;  et  le  troisième  jour  il  ressuscitera.  » 


(Ibid.) 


DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C.  35 

Les  Juifs  lui  demandent  quelque  signe,  quelque 
prodige  en  faveur  de  sa  doctrine. 

«  Maître,  nous  désirons  vous  voir  opérer  un 
miracle,  disaient-ils.  Jésus  leur  répond  :  cette 
génération  méchante  et  adultère  veut  un  signe;  il 
ne  lui  en  sera  point  donné  d'autre  que  celui  du 
prophète  Jonas.  Car  de  même  que  Jonas  demeura 
trois  jours  et  trois  nuits  dans  le  ventre  d'un  grand 
poisson,  de  même  le  Fils  de  l'homme  sera  trois 
jours  et  trois  nuits  dans  le  sein  de  la  terre.  Ma- 
gister,  volumus  à  te  signum  videre...  Generatio 
mala  et  adultéra  signum  quaerit,  et  signum  non 
dabitur  ei,  nisi  signum  Jonae  prophetse.  Nam  sicut 
fuit  Jonas  in  ventre  ceti  tribus  diebus  et  tribus 
noctibus,  sic  erit  Filius  hominis  in  corde  terrae 
tribus  diebus  et  tribus  noctibus.  »  (Matth.  xn.) 

CONCLUSION. 

A  la  vue  d'un  signe  si  éclatant,  disons,  chré- 
tiens, comme  jadis  ceux  qui  furent  témoins  des 
miracles  de  Moïse  :  «  Digitus  Dei  est  hic  !  Le  doigt 
de  Dieu  est  ici  !  » 

Qui  pourrait  le  méconnaître?  Le  miracle,  a  dit 
saint  Augustin,  est  la  voix  de  Dieu  qui  parle  aux 
yeux,  et  le  plus  grand  des  miracles  est  la  résur- 
rection d'un  mort.  Mais  entre  toutes  les  résurrec- 
tions, quelle  est  la  plus  miraculeuse?  N'est-ce  pas, 
poursuit  le  saint  Docteur,  de  se  rendre  la  vie  à 
soi-même  et  de  se  ressusciter  par  sa  propre  vertu  ? 


36  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

Ce  n'est  donc  pas  sans  raison  que  Jésus-Christ 
s'attachait  spécialement  à  ce  signe,  pour  montrer 
qu'il  était  Fils  de  Dieu  et  Dieu  lui-même. 

Arrêtons-nous  ici,  et  sans  attendre,  comme  l'in- 
fidèle Thomas,  qu'il  nous  montre  les  cicatrices  de 
ses  pieds  et  de  ses  mains  et  la  plaie  de  son  côté, 
prosternons-nous  à  ses  pieds  pour  lui  dire  avec  l'A- 
pôtre convaincu  :  «Dominus  meus  !  etDeus  meus  ! 
Oui,  ô  Jésus!  vous  êtes  mon  Seigneur  et  mon 
Dieu!  ))  Ou  bien,  avec  les  saints  dont  il  est  parlé 
dans  l'Apocalypse  :  «  Dignus  est  Agnus  qui  occisus 
est,  accipere  virtutem  et  divinitatem.  »  0  Agneau 
immolé  pour  le  salut  des  hommes,  oui,  vous  êtes 
digne  de  recevoir  les  hommages  divins  ;  vous  mé- 
ritez de  régner  sur  toutes  les  créatures.  Régnez  sur 
nous,  faites  que  nous  ne  respirions  plus  désormais 
que  pour  votre  amour. 


NOTES.  37 


NOTES. 


I.   VÉRITÉ  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  JÉSUS-CHRIST. 

Toute  la  question  se  réduit  à  trois  articles,  à  savoir  si 
Jésus-Christ  est  véritablement  mort  sur  la  croix,  s'il  est 
ensuite  sorti  du  tombeau  lui-même,  ou  si  ses  disciples  ont 
fait  disparaître  son  corps,  si  les  attestations  de  sa  Résur- 
rection sont  suffisantes;  nous  ne  pouvons  qu'indiquer 
sommairement  les  preuves  de  la  vérité  de  ces  trois  faits 
essentiels. 

1°.  La  vérité  de  la  mort  de  Jésus-Christ  est  prouvée  par 
la  narration  uniforme  des  quatre  Evangélistes  ;  (on  peut 
comparer  leur  récit  dans  une  concordance)  par  la  longueur 
et  la  variété  des  tourments  qu'on  lui  avait  fait  souffrir  :  il 
avait  essuyé  le  matin  une  flagellation  cruelle,  la  violence 
et  les  coups  des  soldats  ;  il  avait  succombé  sous  le  poids  de 
sa  croix  ;  le  crucifiement  mit  le  comble  à  ses  douleurs,  on 
est  étonné  de  ce  qu'il  put  vivre  encore  pendant  trois  heu- 
res sur  la  croix. 

Une  troisième  preuve  e?t  le  coup  de  lance  qui  lui  fut 
donné  par  un  soldat,  et  qui  fit  sortir  de  son  côté  le  sang 
qui  lui  restait  dans  le  cœur  avec  l'eau  du  péricarde  ;  il  lui 
était  impossible  de  survivre  a  cette  blessure.  C'est  parce 
qu'il  était  mort  que  les  soldats  ne  lui  rompirent  point  les 
jambes,  comme  aux  deux  larrons  crucifiés  avec  lui.  Ajou- 
tons la  précaution  que  Pilate  prit  avant  de  permettre  que 
le  corps  de  Jésus  fût  détaché  de  la  croix;  il  interrogea  le 


38  NOTES. 

Centurion  témoin  du  supplice  de  Jésus,  pour  savoir  s'il 
était  véritablement  mort,  cet  officier  le  lui  assura. 

La  cinquième  preuve  est  l'embaumement  que  firent  de 
ce  corps  Xicodème  et  Joseph  d'Arimathie,  opération  qui 
aurait  suffoqué  Jésus,  s'il  n'avait  pas  été  véritablement 
mort. 

La  sixième  est  l'attention  qu'eurent  les  Juifs  de  visiter 
le  tombeau  de  Jésus  lorsqu'il  y  fut  renfermé,  de  sceller  la 
pierre  qui  en  fermait  l'entrée,  d'y  mettre  des  gardes,  de 
peur  queson  corps  ne  fût  enlevé  par  ses  disciples,  et  qu'ils 
ne  publiassent  qu'il  était  ressuscité.  Enfin,  la  persuasion 
dans  laquelle  les  Juifs  ont  toujours  été  que  Jésus  avait  été 
déposé  mort  dans  le  tombeau,  et  le  bruit  qu'ils  ont  répandu 
de  l'enlèvement  de  son  corps  pendant  que  les  gardes  dor- 
maient. Les  Juifs  ont  toujours  contesté  sa  Résurrection, 
mais  ils  n'ont  jamais  nié  sa  mort.  Elle  est  donc  prouvée 
par  tous  les  faits  et  par  toutes  les  circonstances  qui  peuvent 
la  rendre  indubitable. 

II. 

Les  disciples  de  Jésus  n'ont  pas  tiré  son  corps  du  tom- 
beau ;  second  fait  a  prouver.  1°.  Ils  n'ont  pas  osé  l'entre- 
prendre: leur  timidité  est  connue,  ils  en  font  eux-mêmes 
l'aveu.  Ils  s'enfuirent  lorsque  Jésus  fut  saisi  par  les  Juifs, 
saint  Pierre  qui  le  suivit  de  loin  n'osa  se  déclarer  son  dis- 
ciple, saint  Jean  seul  osa  se  montrer  sur  le  calvaire  et  se 
tenir  près  de  sa  croix.  Pendant  les  jours  suivants  ils  s'en- 
fermaient de  peur  d'être  recherchés  et  poursuivis  par  les 
Juifs.  Lorsque  Jésus  ressuscité  se  fit  voir  à  eux,  ils  le  pri- 
rent pour  un  fantôme  et  furent  saisis  de  frayeur.  Ce  ne  sont 
pas  là  des  hommes  capables  de  vouloir  forcer  un  corps-de- 
gardes  et  de  tirer  par  violence  un  cadavre  du  tombeau. 

2°  Quand  ils  l'auraient  osé,  ils  ne  l'ont  pas  voulu.  Pour 
former  ce  dessein,  il  fallait  un  motif;  or,  les  Apôtres  n'en 
avaient  aucun.  Une  fois  convaincus  de  la  mort  de  leur  Mai- 


NOTES.  39 

tre,  ils  ont  dû  le  regarder  ou  comme  un  imposteur  qui  les 
avait  trompés  par  de  fausses  promesses,  ou  comme  un  es- 
prit faible  qui  s'était  abusé  lui-même  par  de  folles  espé- 
rances. Quel  intérêt  pouvait  donc  les  engager  à  braver  la 
haine  des  Juifs  et  le  danger  du  supplice,  pour  soutenir 
l'honneur  de  Jésus,  pour  persuader  la  Résurrection,  pour 
le  faire  reconnaître  comme  Messie?  Ils  ne  pouvaient  espérer 
ni  de  tromper  les  Juifs,  ni  d'éviter  le  châtiment,  ni  de  sé- 
duire le  inonde  entier.  C'eût  été  deleurpart  un  crime  aussi 
absurde  qu'inutile.  Ils  ne  pouvaient  pas  compter  assez  les 
uns  sur  les  autres  pour  se  persuader  qu'aucun  ne  dévoile- 
rait la  conspiration  et  ne  découvrirait  la  vérité.  A  moins 
qu'ils  n'aient  été  tous  saisis,  par  un  accès  de  démence,  le 
dessein  d'enlever  le  corps  de  Jésus  n'a  pas  dû  leur  venir 
dans  l'esprit. 

3°.  Quand  ils  auraient  entrepris  de  commettre  ce  crime, 
ils  ne  l'auraient  pas  pu.  Le  tombeau  était  gardé  par  des  sol- 
dats ;  avant  d'y  placer  cette  garde,  les  Juifs  avaient  eu  soin 
de  visiter,  de  fermer  et  de  cacheter  le  tombeau,  Matth.  c. 
27,  v.  66.  Cette  opération  ne  s'était  pas  faite  la  nuit  ni  se- 
crètement, mais  au  grand  jour.  On  ne  pouvait  lever  une 
grosse  pierre,  ni  emporter  un  corps  enduit  d'aromates  sans 
faire  du  bruit.  Le  tombeau  était  creusé  dans  le  roc  ;  on  le 
voit  encore  aujourd'hui,  mille  voyageurs  l'ont  visité. 

4°  Enfin,  quand  les  Apôtres  auraient  pu  et  auraient 
voulu  enlever  le  corps  de  leur  iMaître,  ils  ne  l'ont  pas  fait. Ils 
ont  été  justifiés  de  ce  vol  par  les  gardes,  lorsque  ceux-ci 
sont  allés  déclarer  aux  Juifs  ce  qui  était  arrivé.  Si  ces  gar- 
des avaient  favorisé  les  apôtres  pour  commettre  ce  crime, 
ils  auraient  été  punis,  puisque  ceux  qui  gardaient  saint 
Pierre  dans  la  prison  furent  envoyés  au  supplice,  quoique 
cet  apôtre  eût  été  délivré  par  miracle,  Act.  c.  12,  y.  29. 
Au  contraire  les  Juifs  donnèrent  de  l'argent  aux  soldats, 
afin  qu'ils  publiassent  que  le  corps  de  Jésus  avait  été  en- 
levé pendant  qu'ils  dormaient.    Mais  ces  mêmes  Juifs  ont 


40  NOTES. 

encore  justifié  les  apôtres  de  ce  crime  prétendu.  Lorsqu'ils 
firent  mettre  en  prison  et  battre  de  verges  saint  Pierre, 
saint  Jean  et  les  autres,  lorsqu'ils  mirent  à  mort  saint 
Etienne,  les  deux  saints  Jacques  et  saint  Siméon,  ils  ne  les 
accusèrent  point  d'avoir  volé  le  corps  de  Jésus-Christ,  ni 
d'avoir  publié  faussement  la  Résurrection,  mais  seulement 
de  l'avoir  prêchée  malgré  la  défense  qu'on  leur  en  avait 
faite. 

Donc  les  Apôtres  sont  pleinement  absous  du  crime  que 
les  Juifs  et  les  incrédules  veulent  aujourd"hui  leur  imputer. 
Si  donc  Jésus-Christ,  après  avoir  été  déposé  mort  dans  un 
tombeau,  a  reparu  vivant  et  conversant  avec  ses  Apôtres, 
nous  sommes  forcés  de  croire  qu'il  est  ressuscité. 

III. 

La  Résurrection  de  Jésus-Christ  est  attestée  par  des  té- 
moignages irrécusables.  Elle  l'est,  en  premier  lieu,  par 
tous  les  apôtres  qui  affirment  que  pendant  quarante  jours 
ils  ont  vu  et  touché  Jésus-Christ  vivant,  qu'ils  ont  conversé, 
bu  et  mangé  avec  lui  comme  avant  sa  mort.  Ils  ont  donné 
leur  vie  en  témoignage  de  ce  fait,  et  leur  conduite  jusqu  à 
la  mort  a  été  telle  qu'il  fallait,  pour  mériter  une  entière 
confiance. 

Cette  Résurrection  est  confirmée,  en  second  lieu,  par  la 
persuasion  de  huit  mille  hommes  convertis  cinquante  jours 
après  par  deux  prédications  de  saint  Pierre.  Ils  étaient  sur 
le  lieu,  ils  ont  pu  interroger  les  Juifs  et  les  gardes,  visiter 
le  tombeau,  consulter  la  notoriété  publique,  confronter  les 
témoignages  des  apôtres  avec  ceux  des  ennemis  de  Jésus, 
prendre  toutes  les  précautions  possibles  .pour  n'être  pas 
trompés.  Personne  n'a  pu  se  faire  chrétien,  sans  croire  cette 
Résurrection,  c'a  toujours  été  le  point  fondamental  delà 
prédication  des  apôtres  et  de  la  doctrine  chrélienne.  Il  est 
incontestable  qu'immédiatement  après  la  descente  du  Saint- 


NOTES.  41 

Esprit ,  il  y  a  eu  une  Eglise  nombreuse  a  Jérusalem,  et 
qu'elle  y  a  subsisté  pendant  plusieurs  siècles  sans  aucune 
interruption  ;  or,  elle  a  été  composée  d'abord  par  des  té- 
moins oculaires  de  tous  les  faits  qui  concouraient  a  prou- 
ver la  Résurrection  de  Jésus-Christ . 

Ce  fait  est  confirmé,  en  troisième  lieu,  non-seulement 
par  le  silence  des  Juifs  qui  n'ont  jamais  accusé  les  apôtres 
de  mensonge,  ni  d'imposture  sur  ce  point,  mais  par  leur 
aveu  formel.  Dans  les  Sepher  Th.olédoth  Jeschu,  ou  mes  de 
Jésus  qui  ont  été  composées  par  les  Rabbins,  ils  disent  que 
le  corps  de  Jésus  mort  fut  montré  au  peuple  par  un  certain 
Tan-Cuma,  or  Tan-Cuma  signifie  à  la  lettre,  miracle  de  la 
Résurrection. 

Un  quatrième  témoignage  positif  est  celui  de  Joseph  l'his- 
torien dans  le  célèbre  passage  que  nous  avons  rapporté  a 
son  article,  et  dont  nous  avons  prouvé  l'authenticité. 

La  manière  dont  Celse,  de  concert  avec  les  Juifs,  a  con- 
testé la  Résurrection  de  Jésus-Christ,  est  équivalente  a  un 
aveu  formel.  Il  dit  que  les  apôtres  ont  été  trompés  par  un 
fantôme,  ou  qu'ils  en  ont  imposé.  Mais  un  fantôme  ne  fait 
pas  illusion  pendant  quarante  jours  consécutifs  a  des  hom- 
mes éveillés,  on  ne  l'entend  point  converser,  on  ne  le  voit 
point  boire  et  manger,  il  ne  se  laisse  point  toucher,  comme 
a  fait  Jésus  après  sa  Résurrection.  Les  apôtres  n'ont  pas  pu 
en  imposer  aux  Juifs,  de  manière  à  leur  fermer  la  bouche, 
et  à  déconcerter  leur  conduite  ;  ils  n'ont  pas  pu  fasciner  les 
yeux  ni  les  oreilles  à  la  multitude  de  témoins  oculaires  et 
placés  sur  les  lieux,  qui  ont  cru  à  leur  prédication. 

Nous  demandons  aux  incrédules  quelle  espèce  de  preu- 
ves plus  convaincantes  ils  exigent  pour  croire  la  Résurrec- 
tion de  Jésus-Christ.  Dans  l'impuissance  d'attaquer  direc- 
tement celles  que  nous  alléguons ,  ils  se  jettent  sur  les 
accessoires,  ils  objectent  : 

1°  Que  personne  n'a  vu  Jésus-Christ  sortir  du  tombeau. 
D'abord  on  ne  sait  pas  si  les  gardes  ne  l'ont  pas  vu,  l'Evan- 

SYMB.       II.  4 


42  NOTES. 

gile  n'en  dit  rien.  En  second  lieu,  tous  les  témoins  qui  se 
seraient  trouvés  là,  fassent-ils  au  nombre  de  mille,  auraient 
été  aussi  effrayés  que  les  gardes.  Un  tremblement  de  terre, 
la  pierre  du  tombeau  renversée,  un  ange  assis  dessus  avec 
un  regard  terrible,  un  mort  qui  sort  du  tombeau,  ne  sont 
pas  des  objets  que  Ton  puisse  envisager  de  sang-froid  ;  or, 
Jésus-Christ  ne  voulait  point  épouvanter  les  témoins  de  sa 
Résurrection,  il  voulait  au  contraire  les  rassurer,  et  il  eut 
beaucoup  de  peine  a  dissiper  leur  frayeur  les  premières 
fois  qu'il  leur  apparut.  Enfin,  qu'importe  qu'on  ne  l'ait  pas 
vu  sortir  du  tombeau,  pourvu  qu'on  l'ait  vu,  entendu  et 
louché  après  qu'il  en  a  été  sorti?  Il  n'en  résulte  pas  moins 
qu'il  a  été  vivant  après  avoir  été  mort. 

2°.  Les  incrédules  disent  que  la  narration  des  Evangé- 
listes  est  chargée  de  circonstances  difficiles  à  concilier. 
C'est  justement  ce  qui  prouve  qu'elle  est  vraie,  si  ces  qua- 
tre Ecrivains  l'avaient  forgée  et  l'avaient  arrangée  de  con- 
cert, ils  l'auraient  rendue  plus  claire.  Ils  auraient  fait  sortir 
du  lombeciu  Jésus  resplendissant  de  gloire,  comme  les 
peintres  ont  coutume  de  le  représenter;  au  lieu  de  placer 
un  ange  sur  la  pierre,  ils  y  auraient  supposé  Jésus-Christ 
lui-même  assis  avec  un  regard  menaçant  fixé  sur  les  gar- 
des. Ils  auraient  dit  :  nous  y  étions,  nous  l'avons  vu  ;  ce 
mensonge  ne  leur  aurait  pas  plus  coûté  que  le  reste,  et  il 
aurait  été  plus  imposant.  Si  au  contraireles  quatre  Evangé- 
listes  avaient  forgé,  chacun  en  particulier,  et  sans  s'être 
concertés,  une  histoire  fausse,  il  serait  impossible  qu'il  ne 
se  fût  pas  trouvé  dans  leur  récit  des  circonstances  contra- 
dictoires et  inconciliables  ;  or,  il  n'y  en  a  point,  et  elles  sont 
très-bien  conciliées  dans  les  concordances. 

3°.  Jésus-Christ  ressuscité,  disent  nos  adversaires,  devait 
se  montrer  aux  Juifs,  à  ses  juges,  à  ses  bourreaux,  pour 
les  convaincre  et  confondre  leur  incrédulité  ;  Celse  le  sou- 
tenait déjà  ainsi,  et  celte  objection  a  été  cent  fois  répétée  de 
nos  jours.  Si  elle  est  sensée  et  raisonnable,  Jésus  ressus- 


NOTES.  43 

cité  devait  se  montrer  aussi  a  toutes  ies  nations  auxquelles 
il  voulait  envoyer  ses  apôtres,  afin  de  les  convertir;  il  de- 
vait se  faire  voir  aux  persécuteurs  de  ses  disciples  et  a  tous 
les  ennemis  de  sa  religion,  afin  d'amortir  leur  fureur.  Il  de- 
vrait même  ressusciter  aujourd'hui  de  nouveau  sous  les 
yeux  des  incrédules,  afin  de  les  rendre  dociles  ;  ils  ont  mé- 
rité cette  grâce  par  leur  impiété,  tout  comme  les  Juifs  s'en 
étaient  rendus  dignes,  en  crucifiant  celui  qui  venait  les 
sauver.  Ne  rougira-t-on  jamais  de  cette  absurdité?  Dieu 
ne  multiplie  point  les  preuves,  les  motifs  de  foi,  les  grâces 
du  salut,  au  gré  des  incrédules  et  des  opiniâtres;  il  en 
donne  suffisamment  pour  les  âmes  droites  et  dociles,  les 
autres  méritent  d'être  abandonnées  a  leurentêtement.  Lors- 
que le  mauvais  riche  tourmenté  dans  l'autre  vie,  conjurait 
Abraham  d'envoyer  un  mort  ressuscité  prêcher  la  pénitence 
a  ses  frères,  ce  Patriarche  lui  répondit  :  «  S'ils  ne  croient 
pas  Moïse  ni  les  Prophètes,  ils  ne  croiront  pas  plus  un  mort 
ressuscité  »  Luc.  c.  16,  f.  31.  De  même,  dè^  que  le  té- 
moignage des  gardes  joint  à  celui  des  apôtres  n'a  pas  suffi 
pour  convaincre  les  Juifs,  ils  n'auraient  pas  été  plus  touchés 
du  témoignage  de  Jésus-Christ  lui-même.  Ils  avaient  dit 
pendant  sa  vie  :  C'est  le  prince  des  démons  qui  opère  les 
miracles  de  Jésus  ;  ils  auraient  dit  de  sa  Résurrection  : 
c'est  ce  même  prince  des  ténèbres  qui  a  pris  la  figure  de 
Jésus  pour  venir  nous  séduire.  N'avons-nous  pas  entendu 
dire  aux  incrédules  modernes  :  Quand  je  verrais  ressusciter 
un  mort,  je  n'en  croirais  rien,  je  suis  plus  sûr  de  mon  juge- 
ment que  de  mes  yeux. 

4°.  Ils  prétendent  que  le  récit  des  apparitions  qui  ont 
suivi  la  Résurrection  du  Sauveur  est  rempli  de  difficultés  et 
de  contradictions  ;  c'est  une  fausseté.  Il  n'y  en  a  point  lors- 
que l'on  ne  cherche  pas  à  y  en  mettre,  lorsque  l'on  n'ajoute 
rien  a  la  narration,  et  lorsque  l'on  rapproche  les  Evangélis- 
tes  l'un  de  l'autre  ;  c'est  ce  que  l'on  a  fait  dans  les  concor-  ' 
dances.  Mais  les  incrédules  ne  veulent  aucune  conciliation, 


44  NOTES. 

ils  ne  veulent  que  disputer  et  s'aveugler.  Lorsqu'un  des 
Evangélistes  rapporte  un  fait  ou  une  circonstance  dont  un 
autre  ne  parle  pas,  ils  appellent  cette  différence  une  con- 
tradiction, comme  si  le  silence  était  une  dénégation  positive. 

5°  Ils  soutiennent  que  les  apôtres  et  les  Evangélistes 
sont  des  témoins  suspects,  qui  étaient  intéressés  à  forger 
une  fausse  histoire  pour  leur  propre  honneur,  et  pour  celui 
de  leur  Maître.  Déjà  nous  avons  démontré  l'absurdité  de 
cette  calomnie.  Les  apôtres  n'auraient  pu  avoir  aucun  in- 
térêt a  soutenir  l'honneur  de  Jésus-Christ,  s'il  avait  été 
fourbe  et  imposteur  ;  et  s'il  n'était  pas  ressuscité,  leur  pro- 
pre honneur  les  aurait  engagés  à  reconnaître  qu'ils  avaient 
été  trompés,  et  a  retourner  a  leur  premier  état.  Jésus-Christ, 
loin  de  leur  promettre  des  honneurs,  de  la  célébrité  et  une 
gloire  temporelle  ,  leur  avait  prédit  qu'ils  seraient  haïs, 
persécutés,  couverts  d'ignominies  et  mis  à  mort  pour  son 
nom;  ce  sont  eux-mêmes  qui  le  déclarent;  cette  sincérité 
est-elle  compatible  avec  un  motif  d'intérêt  temporel? 

Mais  dès  que  Jésus-Christ  est  véritablement  ressuscité 
comme  il  l'avait  promis,  les  apôtres  ont  été  conduits  par  le 
seul  intérêt  qui  agit  sur  les  âmes  vertueuses,  par  le  désir 
de  faire  connaître  la  vérité,  d'éclairer  et  de  sanctifier  les 
hommes.  C'est  justement  cet  intérêt  noble  et  généreux  qui 
rend  ces  témoins  plus  dignes  de  foi.  (Bergier,  dictionn. 
Théologique.) 


MOTIFS  ET  FRUITS  DE  LA  RÉSURRECTION.  45 


IIIe  INSTRUCTION. 

CONSIDÉRATIONS  SUR  LE  MYSTÈRE  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 
MOTIFS  ET  FRUITS  DE  LA  RÉSURRECTION. 


EXORDE. 

1 .  Le  fait  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ  est 
indubitable. 

Notre-Seigneur  l'ayant  donné  comme  la  mar- 
que par  excellence  de  sa  mission  divine,  il  était 
de  sa  sagesse  qu'il  l'environnât  de  preuves  écla- 
tantes. 

Ces  preuves,  nous  l'avons  vu,  sont  surabon- 
dantes. 

Notre-Seigneur  commença  par  annoncer  qu'il 
ressusciterait  le  troisième  jour  après  sa  mort.  Par 
cette  prédiction,  il  prévenait  ses  amis  et  ses  enne- 
mis. Les  uns  et  les  autres  devaient  concourir  à 
rendre  l'événement  authentique. 
.  Vous  avez  remarqué  combien  les  précautions 
des  Juifs  ont  servi  à  ce  dessein.  Que  pouvaient-ils 
imaginer  de  plus,  afin  de  s'assurer  de  la  vérité? 
La  seule  chose  qu'ils  eussent  à  craindre, était  qu'on 
n'enlevât  furtivement  le  corps  de  Jésus.  Ils  rendent 
toute  tentative  d'enlèvement  impossible.  Ils  appo 


46  MOTIFS  ET  FRUITS 

sent  leur  sceaa  sur  la  pierre  qui  ferme  le  sépulcre  ; 
ils  le  fonl  garder  par  des  soldais  de  leur  choix. 

La  résurrection  a  lieu  ;  les  soldats,  premiers 
témoins  du  prodige,  vont  en  avertir  les  chefs  de  la 
Synagogue.  Que  font  ceux-ci?  Ecoutez  comment 
l'iniquité  va  se  mentir  à  elle-même  :  «  Voici  de 
l'argent,  disent-ils  aux  soldats  ;  dites  que  ses  dis- 
ciples sont  venus  la  nuit,  et  ont  dérobé  le  corps, 
pendant  que  vous  dormiez.  » 

Mais  ce  propos  absurde,  ce  misérable  expé- 
dient, ils  en  sentent  si  bien  le  néant  et  le  ridicule, 
que  plus  tard,  lorsque  les  apôtres  viendront  leur 
dire  en  face  qu'ils  ont  crucifié  le  Fils  de  Dieu  et  que 
Dieu  l'a  ressuscité,  pas  une  voix  parmi  eux  n'osera 
contester  le  fait,  ni  témoigner  le  moindre  doute. 

Voilà  comment  Jésus-Christ  a  fait  servir  la  Syna- 
gogue à  la  preuve  de  sa  résurrection. 

2.  Vous  savez  de  quelle  manière  il  y  a  fait  con- 
courir ses  amis. 

S'ils  y  avaient  cru  à  la  légère,  sans  difficulté, 
leur  témoignage  aurait  moins  de  poids.  Mais  Jésus- 
Christ  a  dû  les  convaincre  par  toute  sorte  de 
démonstrations.  Il  leur  a  apparu  à  diverses  repri- 
ses, il  a  conversé  et  mangé  avec  eux.  L'un  d'eux, 
Thomas,  se  montrant  plus  incrédule  que  tous  les 
autres,  Notre-Seigneur  pour  dissiper  son  incré- 
dulité lui  montre  les  cicatrices  de  ses  pieds  et  de 
ses  mains,  et  lui  dit  de  mettre  la  main  dans  la  bles- 
sure de  son  côté. 

C'est  en  notre  faveur,  c'est  pour  multiplier  les 


DE  LA  RÉSURRECTION.  47 

preuves  de  sa  résurrection,  c'est  pour  nous  ôter 
jusqu'au  moindre  prétexte  d'en  douter,  que  Jésus- 
Christ  a  permis  les  hésitations  de  ses  disciples. 
Elles  nous  ont  été  très-profitables. 

Enfin,  entièrement  convaincus,  les  apôtres  iront 
désormais  prêcher  par  toute  la  terre,  et  après 
avoir  converti  une  multitude  de  peuples  par  la 
puissance  de  leurs  miracles,  ils  finiront  par  donner 
leur  vie  en  témoignage  de  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ. 

Quel  ensemble  magnifique  de  preuves  !  Y  eut-il 
jamais  un  événement  certifié  par  de  plus  impo- 
sants et  de  plus  irrécusables  témoignages? 

3.  Telle  est  donc  notre  foi,  chrétiens  :  nous 
croyons  que  Jésus-Christ  est  vraiment  ressuscité  ; 
et  nous  nous  glorifions  de  le  croire. 

Mais  ne  nous  contentons  pas  d'une  connaissance 
superficielle  de  ce  mystère  ;  tâchons  d'en  pénétrer 
de  plus  en  plus  la  portée  et  la  profondeur. 

J'ai  à  vous  proposer  pour  cela  deux  considéra- 
tions :  premièrement,  pour  quelles  raisons  et  dans 
quel  but  Jésus-Christ  est-il  ressuscité?  Seconde- 
ment, quels  fruits  devons-nous  retirer  de  sa  résur- 
rection? 

PREMIER    POINT. 

4.  On  peut  assigner  quatre  raisons  principales 
de  la  résurrection  de  Jésus-Christ. 

En  premier  lieu,  la  justice  divine  lui  devait  cette 
récompense. 


48  MOTIFS  ET  FRUITS 

Pour  obéir  à  son  Père  et  réparer  la  faute  de 
l'homme,  Jésus-Christ  s'était  anéanti  et  dévoué  aux 
dernières  humiliations. 

Il  était  de  la  justice  de  Dieu  de  l'exalter  autant 
qu'il  s'était  humilié  ;  car  n'est-il  pas  écrit  que  celui 
qui  s'élève  sera  abaissé  et  que  celui  qui  s'abaisse 
sera  élevé?  0  Jésus  !  vous  vous  êtes  rendu  volon- 
tairement semblable  à  un  ver  de  terre,  l'opprobre 
des  hommes  et  le  rebut  du  peuple!  Toute  gloire 
vous  est  due  maintenant  ;  que  tout  genou  fléchisse 
devant  vous  comme  vous  vous  êtes  abaissé  au  des- 
sous de  tous! 

C'est  en  effet  la  raison  que  donne  l'Apôtre  de 
l'exaltation  du  Sauveur  :  «  Jésus-Christ,  écrivait-il 
aux  Philippiens,  s'est  humilié  lui-même,  se  rendant 
obéissant  jusqu'à  la  mort  et  la  mort  de  la  croix  ; 
voilà  pourquoi  Dieu  l'a  élevé  et  lui  a  donné  un  nom 
supérieur  à  tout  autre  nom.  Christus  humiliavit 
semetipsum,  factus  obediens  usque  ad  mortem, 
mortem  autem  crucis  ;  propter  quod  et  Deus  exal- 
tavit  illum,  et  donavit  illi  nomen,  quod  est  super 
omnenomen.  »   Philippe,  n.) 

5.  Un  second  motif  pour  lequel  Jésus-Christ  est 
ressuscité,  c'est  pour  affermir  notre  foi. 

Autant  la  foi  est  nécessaire  au  salut,  autant  la 
base  sur  laquelle  elle  repose  doit  être  solide  et 
inébranlable. 

Or,  nous  l'avons  déjà  dit,  la  résurrection  de 
Jésus-Christ  est  cette  base;  elle  est  la  pierre  angu- 


DE  LA  RÉSURRECTION.  49 

laire  du  christianisme  ;  l'édifice  entier  de  la  religion 
porte  sur  ce  fondement. 

En  effet,  Jésus-Christ  s'est  donné  pour  le  Fils 
de  Dieu,  Dieu  lui-même,  et  c'est  à  ce  titre  qu'il  a 
prêché  son  Evangile,  avec  ordre  à  ses  apôtres  de 
le  propager  en  tous  lieux  jusqu'à  la  fin  des  siècles. 

En  preuve  de  sa  divinité,  il  a  déclaré  qu'il  res- 
susciterait trois  jours  après  sa  mort. 

S'il  n'était  pas  ressuscité,  sa  mission  prétendue 
n'eût  été  qu'une  imposture  et  sa  religion  croulait 
par  la  base. 

Mais  sa  résurrection  étant  un  fait  incontestable, 
il  n'est  pas  moins  avéré  qu'il  est  vraiment  le  Fils 
de  Dieu  et  que  son  Evangile  est  une  vérité,  qu'il 
n'y  a  par  conséquent  d'autre  moyen  de  nous  sau- 
ver que  de  croire  en  lui,  de  nous  soumettre  à  ses 
préceptes  et  d'écouter  l'Eglise  qu'il  a  établie  pour 
nous  instruire  et  nous  diriger. 

Rien  ne  prouve  la  divinité  du  christianisme 
d'une  manière  plus  invincible  que  le  fait  de  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ. 

C'est  le  miracle  des  miracles  ;  c'est  le  chef- 
d'œuvre  de  la  droite  du  Très-Haut  ;  il  est  unique 
et  singulier  ;  il  n'appartient  qu'à  Jésus-Christ  de 
s'être  ressuscité  lui-même,  au  jour  qu'il  avait  mar- 
qué à  l'avance. 

6.  En  troisième  lieu,  par  sa  résurrection,  le 
Sauveur  a  voulu  nous  donner  un  gage  d'immor- 
talité. 

Les  membres  ne  suivent-ils  pas  les  destinées  de 


30  MOTIFS  ET  FRUITS 

leur  chef?  Nous  ne  formons  avec  Jésus-Christ  qu'un 
seul  corps  mystique,  dont  il  est  le  chef  et  dont 
nous  sommes  les  membres.  Puisqu'il  est  ressuscité, 
nous  ressusciterons  donc  tous  un  jour  comme  lui. 

C'est  le  raisonnement  de  l'apôtre  saint  Paul  : 
«  S'il  est  vrai,  dit-il,  que  le  Christ  est  ressuscité 
des  morts,  par  quelle  inconséquence  vient-on  nous 
dire  que  les  morts  ne  ressusciteront  point?  Si 
Christus  praedicatur  quod  resurrexit  à  mortuis, 
quomodo  quidam  dicunt  in  vobis  quoniam  resur- 
rectio  mortuorum  non  est?»  (1  Corinth.xv.) Pour 
moi,  ajoute-t-il,  je  vous,  déclare  que  «  s'il  n'y  a 
point  de  résurrection  des  morts  à  attendre,  le  Christ 
lui-même  n'est  pas  ressuscité.  Si  autem  resurrectio 
mortuorum  non  est,  neque  Christus  resurrexit.  » 
{Ibid.) 

On  ne  pouvait  exprimer  d'une  manière  plus 
énergique  que  la  résurrection  du  Sauveur  est  le 
principe  et  le  gage  de  la  nôtre. 

C'est  encore  ce  qu'il  fait  entendre  dans  sa  pre- 
mière épître  aux  Thessaloniciens.  Voulant  les  con- 
soler de  la  perte  de  ceux  qui  leur  étaient  chers,  il 
leur  dit  de  ne  pas  s'abandonner  à  la  douleur, 
comme  des  gens  sans  espérance  :  «  car,  continue- 
t-il,  si  nous  crovons  que  Jésus-Christ  est  mort  et 
ressuscité,  nous  devons  pareillement  croire  que 
Dieu  lui  associera  ceux  qui  lui  auront  été  fidèles 
jusqu'à  la  mort.  Si  enim  credimus  quod  Jésus 
mortuus  est  et  resurrexit,  ita  et  Deus,  eos  qui  dor- 
mierunt  per  Jesum,  adducet  cum  eo.  »(4  Thés,  iv.) 


DE  LA  RÉSURRECTION.  51 

C'est  ce  qui  a  fait  dire  aussi  au  prince  des 
Apôtres  :  «  Béni  soit  Dieu,  le  Père  de  Noire-Sei- 
gneur Jésus-Christ,  qui,  dans  sa  grande  miséri- 
corde, nous  a  régénérés  par  la  résurrection  de 
Jésus-Christ  à  la  vive  espérance  d'un  héritage 
incorruptible.  Benedictus  Deus  et  Pater  Domini 
nostri  Jesu  Christi,  qui,  secundum  misericordiam 
suam  magnam,  regeneravit  nos  in  spem  vivam, 
per  resurrectionem  Jesu  Christi  ex  mortuis,  in 
haereditatem  incorruptibilem...  »(l  Petr.  i.) 

7.  Un  quatrième  motif  pour  lequel  le  Sauveur 
est  ressuscité,  c'est  afin  de  parfaire  l'œuvre  de 
notre  rédemption. 

Par  sa  mort,  il  nous  a  délivrés  du  péché  ;  mais 
par  sa  résurrection,  il  nous  a  réintégrés  dans  la 
jouissance  des  biens  précieux  que  le  péché  nous 
avait  ravis,  c'est-à-dire,  qu'il  nous  a  donné  la 
grâce  de  redevenir,  comme  à  l'origine,  les  enfants 
adoptifs  de  Dieu,  et  les  héritiers  de  son  royaume 
éternel. 

De  là  vient  que  l'Apôtre  a  dit  :  «  Jésus-Christ  a 
été  livré  à  la  mort  pour  nos  péchés,  et  il  est  res- 
suscité pour  notre  justification.  Traditusest  propter 
delicta  nostra,  et  resurrexit  propter  justificationem 
nostram.  »  (Rom.  iv.)  Le  péché  nous  avait  donné 
la  mort  de  l'âme  et  du  corps.  Pour  abolir  cet  effet, 
le  Rédempteur  a  voulu  souffrir  lui-même  la  mort. 
«  Qui  mortem  nostram  moriendo  destruxit,  dit  la 
sainte  Eglise.  Il  a  détruit  notre  mort  par  la  sienne.» 
Son  sang  divin  a  effacé  la  sentence  portée  contre 


52  MOTIFS  ET  FRUITS 

nous.  Mais  il  fallait  quelque  chose  de  plus  ;  il  fallait 
réparer  les  pertes  que  le  péché  nous  avait  causées  ; 
c'est  pourquoi,  selon  l'Apôtre,  il  est  ressuscité; 
ou,  comme  dit  encore  la  sainte  Eglise  :  «  Et  vitam 
resurgendo  reparavit.  11  nous  a  rendu  la  vie  par  sa 
résurrection.  » 

Ainsi  pour  qu'il  ne  manquât  rien  à  notre  rédemp- 
tion, Jésus-Christ  devait  ressusciter,  de  même  qu'il 
avait  du  mourir. 

Tels  sont  les  principaux  motifs  et  le  but  de  la 
résurrection  deNotre-Seigneur.  Passons  aux  avan- 
tages ou  aux  fruits  qui  en  dérivent  pour  nous. 


SECOND  POINT. 


8.  Ces  avantages  ou  ces  fruits  sont  déjà  compris 
dans  tout  ce  que  nous  venons  de  dire.  Exposons- 
les  cependant  plus  distinctement,  afin  d'exciter 
davantage  notre  reconnaissance. 

Premièrement  donc,  la  résurrection  est  une 
lumière  éclatante  qui  nous  fait  connaître  la  gran- 
deur de  Jésus-Christ. 

S'il  est  ressuscité  par  sa  propre  puissance,  qui 
ne  doit  confesser  hautement  qu'il  est  le  Dieu  im- 
mortel et  glorieux,  celui  qui  tient  dans  ses  mains 
les  clefs  de  la  vie  et  de  la  mort,  le  vainqueur  de 
l'enfer  et  du  démon? 

0  Fils  de  Dieu  !  votre  incarnation  semblait  vous 
avoir  dépouillé  de  votre  majesté,  votre  mort  pa- 
raissait avoir  absorbé  votre  puissance  ;  mais  votre 


DE  LA  RÉSURRECTION.  53 

résurrection  fait  tomber  tous  les  voiles  ;  elle  dé- 
couvre qui  vous  êtes  ;  elle  ratifie  et  confirme  ce 
que  vous  avez  dit  de  vous-même  :  «  Je  suis  le  Fils 
de  Dieu.  » 

•9.  Secondement,  la  résurrection  de  Jésus-Christ 
a  enfanté  notre  propre  résurrection,  c'est-à-dire 
qu'elle  en  est  le  principe  et  le  modèle. 

Je  dis  que  la  résurrection  du  Sauveur  est  le 
principe  de  la  nôtre.  L'Apôtre  rend  témoignage  à 
cette  vérité  :  ce  De  même,  dit-il,  que  la  mort  est 
venue  par  un  homme,  de  même  la  résurrection  des 
morts  provient  d'un  autre  homme.  Per  hominem 
mors  et  per  hominem  resurrectio  mortuorum.  » 
(1  Cor.  xv.) 

Oui,  en  ressuscitant,  Jésus-Christ  nous  a  acquis 
le  droit  de  ressusciter  nous-mêmes  ;  ce  n'est  pas 
pour  lui  seul,  mais  pour  nous  tous,  qu'il  a  vaincu 
la  mort;  nouvel  Adam,  il  est  pour  tout  le  genre 
humain  un  principe  de  vie,  comme  l'ancien  avait 
été  un  principe  de  mort. 

Sa  résurrection  est  même  comme  l'instrument 
par  lequel  la  nôtre  s'effectuera  au  dernier  jour.  En 
effet,  dans  tout  ce  qui  se  rapporte  à  la  rédemption 
des  hommes,  le  moyen  et  pour  ainsi  dire  l'instru- 
ment dont  Dieu  se  sert,  c'est  la  sainte  humanité  de 
Jésus-Christ. 

10.  Mais  la  résurrection  du  Sauveur  n'est  pas 
seulement  le  principe  de  la  nôtre,  elle  en  est  aussi 
le  modèle  et  le  type. 


54  MOTIFS  ET  FRUITS 

D'abord,  elle  est  la  plus  parfaite  de  toutes  les 
résurrections  :  puis  la  nôtre  sera  comme  une  image 
et  une  copie  de  la  sienne.  De  même  qu'en  ressus- 
citant, Notre-Seigneur  est  passé  a  l'immortalité 
glorieuse,  ainsi  nos  corps,  de  faibles  et  corruptibles 
qu'ils  sont,  seront  transformés  en  des  corps  glo- 
rieux et  immortels. 

L'Apôtre  nous  l'enseigne  en  ces  termes  :  «  Nous 
attendons,  dit-il,  notre  Sauveur  et  Seigneur  Jésus- 
Christ,  qui  réformera  notre  corps  corruptible,  pour 
le  rendre  conforme  à  son  corps  glorieux.  Salva- 
torem  expectamus  Dominum  nostrum  Jesum  Chris- 
tum  qui  reformabit  corpus  humilitatis  nostrae,  con- 
Bguratum  corpori  claritatis  suas.  »  {Philipp.  ni.) 

1 1 .  Ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  résur- 
rection de  nos  corps  peut  s'appliquer  aussi  à 
celle  de  nos  âmes.  Ainsi,  troisièmement,  la  ré- 
surrection de  Xotre-Seigneur  est  encore  le  modèle 
de  notre  résurrection  spirituelle. 

La  vie  de  l'âme,  c'est  la  grâce  et  l'amitié  de 
Dieu  ;  elle  meurt,  à  cette  vie  surnaturelle  par  le 
péché  :  elle  y  ressuscite  par  une  conversion  sincère. 

Or  quels  sont  les  caractères  d'une  vraie  conver- 
sion? Ceux-là  même  que  nous  remarquons  dans  la 
résurrection  de  Notre-Seigneur.  L'Apôtre  les  in- 
dique en  ces  termes  :  «  De  même,  dit-il, que  Jésus- 
Christ  est  ressuscité  par  la  puissance  de  son  Père, 
ainsi  devons-nous  marcher  nous-mêmes  dans  une 
vie  nouvelle  ;  car  si  nous  avons  été  entés  en  lui 
par  la  ressemblance  de  sa  mort,  nous  devons  l'être 


DE  LA  RESURRECTION.  OO 

aussi  par  la  ressemblance  de  sa  résurrection.  Quo- 
modo  Christus  à  mortuis  resurrexit  per  gloriam 
Patris,  ita  et  nos  in  novitate  vitae  ambulemus  :  si 
enim  complantati  facti  sumus  similitudini  mortis 
ejus,  simul  et  resurrectionis  erimus.  »  (Rom.  vi.) 
Un  peu  plus  loin  il  ajoute  :  «  Nous  savons  que 
Jésus-Christ  ressuscité  ne  meurt  plus  et  que  la 
mort  n'aura  plus  aucun  empire  sur  lui.  Car  s'il  est 
mort  pour  le  péché,  il  n'est  mort  qu'une  fois,  et 
maintenant  qu'il  vit,  il  vit  pour  Dieu.  Ainsi  consi- 
dérez-vous vous-mêmes  comme  morts  au  péché  et 
ne  vivant  plus  que  pour  Dieu  en  Jésus-Christ. 
Scientes  quod  Christus  resurgens  ex  mortuis  jam 
non  moritur,  mors  illi  ultra  non  dominabitur;  quod 
enim  mortuus  est  peccato,  mortuus  est  semel  ; 
quod  autem  vivit,  vivit  Deo.  Ita  et  vos  existimate 
vos  mortuos  quidem  esse  peccato,  viventes  autem 
Deo  in  Christo  Jesu.  »  (Ibid.) 

12.  Nous  devons  donc  tirer  de  la  résurrection 
de  Jésus-Christ  deux  importantes  leçons. 

La  première,  c'est  qu'après  nous  être  purifiés 
des  souillures  du  péché  par  la  pénitence,  il  faut 
que  nous  commencions  une  vie  toute  nouvelle, 
une  vie  de  pureté,  d'innocence  et  de  sainteté,  une 
vie  de  tempérance  et  de  justice,  de  charité  et 
d'humilité.  C'est  par  la  pratique  de  ces  vertus 
qu'on  prouve  la  sincérité  de  sa  conversion.  Pour 
ressusciter  véritablement  avec  Jésus-Christ,  il  faut 
laisser  dans  le  tombeau  le  vieil  homme  avec  ses 
vices.  «  Expurgate  vêtus  fermentum,  ut  sitis  nova 


56  MOTIFS  ET  FRUITS 

conspersio,  dit  l' Apôtre.  Purgez-vous  du  vieux 
levain,  afin  d'être  une  pâte  nouvelle...  Epulemur 
non  in  fermento  veteri,  neque in  fermento  malitiae 
et-nequitiae,  sed  in  azymis  sinceritatis  et  veritatis. 
Nourrissons-nous,  non  plus  du  vieux  levain,  ni  du 
levain  de  la  malice  et  du  mensonge,  mais  des 
azymes  de  la  sincérité  et  de  la  vérité,  (i  Cor.  v.) 

La  seconde  leçon  que  nous  donne  Jésus-Christ 
ressuscité,  c'est  qu'après  avoir  commencé  cette  vie 
nouvelle,  il  faut  y  persévérer  fidèlement  et, avec  la 
grâce  de  Dieu,  ne  plus  nous  écarter  des  sentiers 
de  la  justice.  «  Le  Christ  une  fois  ressuscité,  ne 
meurt  plus.  »  Une  fois  sortis  du  tombeau  du  péché, 
gardons-nous  d'y  rentrer.  La  rechute  dans  le  mal 
est  plus  grave  et  plus  dangereuse  que  le  mal 
même.  C'est  pourquoi  nous  ne  saurions  trop  veiller 
sur  nous-mêmes  après  la  conversion,  ni  trop  nous 
défier  de  notre  faiblesse  et  des  occasions  du  péché. 
Qui  veut  persévérer  ne  s'expose  pas  au  danger, 
et  persuadé  qu'il  ne  peut  rien  par  lui-même,  il  ne 
cesse  de  demander  à  Dieu  la  grâce  et  la  force 
dont  il  a  besoin. 

13.  Modèle  de  notre  résurrection  spirituelle, 
Jésus-Christ  ressuscité  en  est  encore  le  principe, 
comme  il  l'est  de  la  résurrection  de  nés  corps. 

Les  paroles  de  l'Apôtre  que  nous  rappelions 
tout  à  l'heure  indiquent  clairement  que  telle  est 
l'efficacité  de  .ce  mystère.  Après  avoir  dit  que  par 
le  baptême  nous  avons  été  ensevelis  avec  Jésus- 
Christ  pour  mourir  au  péché,  il  ajoute  que  si  nous 


DE  LA  RÉSURRECTION  .  O  / 

avons  été  entés  en  lui  par  la  ressemblance  de  sa 
mort,  nous  le  serons  aussi  par  la  ressemblance  de 
sa  résurrection. 

La  résurrection  du  Sauveur  nous  a  donc  valu  la 
grâce  de  ressusciter  nous-mêmes  à  la  vie  spiri- 
tuelle, c'est-à-dire  de  renoncer  au  péché  et  de 
nous  convertir  ;  elle  nous  a  valu  la  force  nécessaire 
pour  persévérer  dans  la  justice  et  accomplir  fidèle- 
ment jusqu'à  la  fin  les  commandements  du  Sei- 
gneur. 

Par  sa  mort,  Jésus-Christ  nous  a  appris  à  mourir 
au  péché,  et  il  nous  a  donné  la  grâce  d'y  mourir 
en  effet;  de  même,  par  sa  résurrection,  il  nous  a 
offert  un  modèle  de  conversion,  et  nous  a  obtenu 
les  lumières  et  la  force  dont  nous  avons  besoin 
pour  recouvrer  la  vie  de  la  grâce,  pour  servir  Dieu 
dans  la  piété  et  la  sainteté,  et  pour  nous  maintenir 
inviolablement  jusqu'à  la  fin  dans  cette  vie  nou- 
velle. 

Voilà  le  principal  avantage  qu'il  nous  a  procuré 
en  ressuscitant  :  après  être  morts  avec  lui  au 
péché  et  au  monde,  il  nous  a  fait  ressusciter  avec 
lui  à  une  vie  nouvelle. 

CONCLUSION. 

1 4.  Quelle  source  de  lumière,  quelle  abondance 
de  grâces  ne  trouvons-nous  donc  pas  dans  le 
mystère  de  la  résurrection  du  Sauveur? 

Mais  en  avons-nous    orofité  comme    nous   le 


58  MOTIFS  ET   FRUITS 

devions?  Retraçons-nous  ce  mystère  dans  notre 
conduite?  Avons-nous  participé  à  ses  fruits  pré- 
cieux? 

Il  y  a  deux  marques  auxquelles  nous  pouvons 
reconnaître  si  nous  sommes  vraiment  ressuscites. 

a  Si  consurrexistis  cum  Christo,  quaa  sursum 
sunt  quaerite,  ubi  Christus  est  in  dextera  Dei  se- 
dens.  Si  vous  êtes  ressuscites  avec  Jésus-Christ, 
dit  l'Apôtre,  cherchez  ce  qui  est  en  haut,  où  Jésus- 
Christ  est  assis  à  la  droite  de  Dieu.  »  (Goloss.  m.) 

Il  nous  enseigne  par  là  que  la  première  marque 
d'une  véritable  résurrection  consiste  à  mépriser  les 
biens  terrestres,  ]es  honneurs,  les  plaisirs,  les 
richesses  du  monde,  et  à  mettre  notre  trésor,  notre 
gloire,  notre  félicité,  dans  les  biens  du  ciel. 

L'Apôtre  ajoute  une  seconde  marque  :  «  Quse 
sursum  sunt  sapite,  non  quae  super  terram.  N'ayez 
de  goût,  dit-il,  que  pour  les  choses  du  ciel  et  non 
pour  celles  de  la  terre.  »  (Jbid.) 

Le  goût  est  l'indice  de  la  santé  et  des  dispositions 
du  corps.  De  même,  si  nous  aimons  tout  ce  qui 
est  vrai,  tout  ce  qui  est  honnête,  tout  ce  qui  est 
juste,  tout  ce  qui  est  saint,  si  nous  faisons  nos 
délices  des  choses  spirituelles,  si  nous  sommes 
affectionnés  au  service  de  Dieu  et  des  bonnes 
œuvres,  en  un  mot,  si  nous  avons  le  goût  de  la 
vertu,  c'est  la  meilleure  preuve  que  nous  sommes 
ressuscites  avec  Jésus-Christ. 

«  Que  le  péché  ne  régne  donc  plus,  chrétiens, 
dans  votre  corps  mortel,  en  sorte  que  vous  obéis- 


DE  LA  KÉSUKRECTION.  59 

siez  à  ses  convoitises.  Non  ergo  regnet  peccatum 
in  vestro  mortali  corpore,  ut  obediatis  coneupi- 
scentiis  ejus.  Et  ne  prêtez  plus  désormais  vos 
membres  au  péché  pour  être  des  instruments 
d'iniquité;  mais  offrez-vous  à  Dieu,  comme  des 
hommes  ressuscites  à  une  vie  nouvelle,  et  que  vos 
membres  vous  soient  des  instruments  de  vertu 
pour  la  gloire  de  Dieu.  Sed  neque  exhibeatis  mem- 
bra  vestra  arma  iniquitatis  peccato,  sed  exhibete 
vos  Deo,  tamquam  ex  mortuis  viventes,  et  membra 
vestra  arma  justitiae  Deo.  »  (Rom.  vi.) 


60  NOTES. 


NOTES. 


I.    UTRUM  Fl'ERIT  NECESSARIUM  CHRISTCM  RESURGERE? 

Videturquod  non  fuerit  necessarium  Christum  resurgere. 
Dicit  enim  Damasc.  in  4.  lib.  (cap.  ult.)  Resurrectio  est 
secunda  ejus  quod  dissolutum  est  et  cecidit  animalis,  sur- 
rectio.  Sed  Christus  non  cecidit  per  peccatum,  nec  corpus 
ejus  est  dissolutum  ;  ut  ex  supra  dictis  patet  (qu.  51 .  art. 
3.)  non  ergo  propriè  convenit  sibi  resurgere. 

Praeterea,  quicunque  resurgit,  ad  aliquid  altius  promo- 
vetur  ;  quia  surgere  est  sursum  moveri  :  Sed  corpus  Christi 
remansit  post  mortem  divinitati  unitum,  et  ita  non  potuit 
in  aliquid  altius  promoveri  :  Ergo  non  competebat  sibi 
resurgere. 

Praeterea,  Ea  quae  circa  humanitatem  Christi  sunt  acta, 
ad  nostram  salutem  ordinantur  :  Sed  sufficiebat  ad  salutem 
nostram  passio  Christi  ;  per  quam  sumus  liberati  a  pœDa  et 
culpa  ;  ut  ex  supra  dictis  patet  (qu.  49.  art.  7.)  Non  ergo 
fuit  necessarium  quod  Christus  à  mortuis  resurgere. 

Sed  contra  est,  quod  dicitur  Luc  ult.  Oportebat  Christum 
pati  et  resurgere  a  mortuis. 

C0NCLISI0. 

Necessarium  fuit  Christum  ex  mortuis  resurgere,  non 
modo  ad  divinae  justitiae  commendationem,  ad  fidei  nostrae 


NOTES. 


61 


instruclionem  et  spei  erectionem,  verum  etiam  ad  vitœ 
fidelium  informationem,et  salutis  nostreeconsummationem. 

RespODdeo  dicendum,  quod  necessarium  fuit  Christum 
resurgere  propter  quinque.  Primo  quidem,  ad  commenda- 
tionem  divinse  justitise  ad  quam  pertinet  exaltare  illos  qui 
se  propter  Deum  humiliant  :  secundum  illud  Luc.  1 .  Depo- 
suit  potentes  de  sede,  et  exaltavit  humiles;  quia  igitur 
Christus  propter  charitatem  et  obedientiam  Dei,  se  humi- 
liavit  usque  ad  mortem  crucis,  oportebat  quod  exaltaretur 
a  Deo  usque  ad  gloriosam  resurrectionem.  Unde  ex  ejus 
persona  dicitur  in  Psal.  138.  (Tu  cognovisti  id  est,  appro- 
basti)  sessionem  meam  (id  est  humilitatem  et  passionem) 
et  resurrectionem  meam  (id  est,  glorificationem  in  resur- 
rectione)  sicut  gloss.  exponit.  Secundo  ad  fidei  nostrae 
instructionem  ;  quia  per  ejus  resurrectionem  confirmala  est 
fides  nostra  circa  divinitatem  Chrisli,  quia  ut  dicitur  2.  ad 
Cor.  ult.  Etsi  crucifixus  estinfirmitate,  sed  vivit  ex  virtute 
Dei.  Et  ideo  1 .  ad  Cor.  15.  dicitur,  Si  Christus  non  resur- 
rexit,  inanis  est  prsedicatio  nostra,  inanis^st  et  fides  ves- 
tra.  Et  in  Psal.  29.  dicitur  :  Quae  utilitas  in  sanguine  meo 
(id  est,  in  effusione  sanguinis  mei)  dum  descendu  (quasi 
per  quosdam  gradus  malorum)  in  corruptionem  ?  quasi 
dicat,  Nulla  :  Si  enim  statim  non  resuFgo,  corruptumque 
fuerit  corpus  meum,  nemini  annunliabo,  nullum  lucrabor, 
ut  gloss.  exponit.  Tertio,  ad  sublevationem  nostree  spei, 
quia  dum  videmus  Christum  resurgere,  qui  est  caput  nos- 
trum  ;  speramus  et  nos  resurrecturos.  Unde  dicit  1.  ad 
Cor.  15.  Si  Christus  praedicatur  quod  resurrexit  à  mortuis, 
quomodo  quidam  dicunt  in  vobis,  quoniam  resurrectio 
mortuorum  non  est.  Et  Job.  19.  dicitur  :  scio  (scilicet  per 
certitudinem  fidei)  quod  redemptor  meus  id  est  Christus) 
vivit  (a  mortuis  resurgens)  et  ideo  in  novissimo  die  de  terra 
resurrecturus  sum,  reposita  est  hase  spes  mea  in  sinu  meo. 
Quarto,  ad  informationem  vitae  (idelium,  secundum  illud 

SYIMB.       11.  G 


62  NOTES. 

Rom.  6.  Quornodo  Chnstus  surrexit  a  mortuis  per  gloriam 
patris;  ita  et  nos  in  novitatœ  vitae  ambulemus.  Et  infra  : 
Chrislus  resurgens  ex  mortuis,  jam  non  moritur,  ita  et  vos 
existimate  vos  mortuos  quidem  esse  peccato,  viventes 
autem  Deo.  Quinto,  ad  complementumnostrae  salutis  ; 
quia  sicut  per  hoc  quod  mala  sustinuit,  humiliatus  est 
moriendo,  ut  nos  liberaret  a  malis  ;  ita  glorihcalus  est 
resurgendo,  ut  nos  promoveret  ad  bona  ;  secundum  illud 
Rom.  4  :  Traditus  est  propter  delicta  nostra,  et  resurrexil 
propter  justificationem  nostram. 

Ad  primum  ergo  dieendum,  quod  licet  Christus  non 
ceciderit  per  peccatum,  cecidit  tamen  per  mortem  ;  quia 
sicut  peccatum  est  casus  a  justitia,  ita  mors  casus  a  vita. 
Unde  ex  persona  Christi  potest  intelligi,  quod  dicitur  Mich. 
7. Ne  laeteris  inimica  mea  super  me  :  qui  cecidi,  consurgam  : 
Similiter  etiam  licet  corpus  Christi  non  fuerit  dissolutum 
per  incineralionem,  ipsa  tamen  separatio  animae  a  corpore, 
dissolutio  queedam  fuit. 

Ad  secundum  éicendum,  quod  divinitas  erat  carni  Christi 
post  mortem  unita  unione  personali  ;  non  autem  unione 
natura?,  sicut  anima  unitur  corpori  ut  forma  ad  consti- 
tuendam  humanam  naturam.  Et  ideo  per  hoc  quod  corpus 
<  jus  nniium  est  anima?,  promotum  est  in  altiorem  statum 
nalurae,  non  autem  in  altiorem  statum  personœ. 

Ad  terlium  dieendum,  quod  passio  Christi  operata  est 
nostram  salulem,  proprie  loquendo,  quantum  ad  remotio- 
nem  malorum  ;  resurrectio  autem,  quantum  ad  inchoatio- 
nem  etexemplar.  (S   Thom.  3  p.  q.  53.  art.  1.) 

II.    COMMENTAIRE    SUR    CES    PAROLES     :     IL    A   ÉTÉ    LIVRE  POUR  NOS 
PÉCBÉS    ET   IL   EST    P.ESSUSCITÉ   POUR  NOTRE  JUSTIFICATION. 

Qui  Iraditus  est  propter  delicta  nostra.  Traditus  in  mor- 
tem, idquea  Pâtre.  Qui  etiam  proprio  Filio  non  pepercit, 


NOTES.  63 

sed  pro  nobis  omnibus  tradidit  illum.  Propter  delicta  sive 
peccata  ncstra  abolenda. 

Et  resurrexit  propter  justificationem  nostram.  Resur- 
rexit,  Gnecè  yjepSy  suscitalus  est.  Tum  in  eo  variant 
Graeca,  quod  alia  legunt  Jikxix<jiv  justificationem,  alia 
Maioowvjv  justitiam  :  tametsi  res  eodem  recidit,  ut  ex 
sensu  patebit.  Quem  ut  assequamur  : 

Illud  primo  sciendum  est  :  omne  meritum  Christi  salva- 
toris  in  passione  ejus  et  morte  completum  fuisse,  et  proinde 
sua  resurrectione  eum  nihil  meruisse  ;  uti  nec  ascensione  in 
cœlum,  ac  cseteris  quse  egit  post  passionem  et  mortem. 
Quse  doctrina  est  omnium  Theologorum.  Quocirca  hac  parte 
significari  non  potest  Christum  resurgendo  meruisse  nos- 
tram justificationem,  sicut  patiendo  meruit  deliclorum 
nostrorum  remissionem.  Yidendum  ergo  quo  sensu  dicatur 
resurrexisse  propter  justificationem  nostram  :  et  omnino 
quis  totius  pericopes  sensus  sit.  Laborant  enim  in  eo  red- 
dendo  interprètes. 

Ac  primum  illud  recipi  nullo  modo  potest  quod  Pseu- 
dambrosius  in  hune  locum  commentatur  :  Dicit  enim  eos 
qui  ante  Domini  passionem  baptizati  fuerunt,  solam  acce- 
pisse  remissionem  peccatorum  (quorum  zelo,  inquit,  sata- 
nas  occidit  salvatorem);  post  resurrectionem  vero  tam  eos 
qui  prius,  quam  qui  postea  baptizati  sunt,  omnes  justifica- 
tos  esse  per  datam  formam  fidei  Trinitatis  :  Et  id  Paulum 
existimat  hoc  loco  significare  voluisse.  Sed  hoc  commen- 
tario  velut  parum  sano  repudiato,  alios  audiamus. 

S.  Thomas  dicit  mortem  et  resurrectionem  Christi  hic 
considerari,  non  ut  meriti  rationem  babent,  id  enim  resur- 
rectioni  non  competere  :  sed  ut  salutares  nobis  fuerunt 
per  modum  cujusdam  efficientiae,  sicuti  fuerunt  et  egeterœ 
omnes  actiones  ejus  et  passiones,  ut  pote  ex  virtute  divini- 
latis  provenientes,  cujus  humanitas  ipsius  er3t  instrumen- 


64  NOTES. 

tum.  Sed  quoniam,  inquit,  effectus  aliquo  modo  similitu- 
dinem  habet  suae  causae  ;  mortem  Christi,  per  quam  in  eo 
extincta  est  mortalis  vita,  dicit  Apostolus  esse  causam 
extinclionis  peccalorum  nostrorum  :  resurrectionem  autem 
ejus,  qua  rediitad  novam  vilam  gloriae,  dicit  esse  causam 
justificationis  nostrae,  per  quam  redimus  ad  novitatem 
justitiae.  Sic  ille.  Verum  huic  expositioni  videtur  obstare, 
quod  à  Paulo  non  nominantur  actiones  humanitatis  Christi, 
sed  actiones  Patris  :  traditus  est,  suscitatus  est,  scilicet  à 
Pâtre. 

Aliorum  expositio  est  :  mortem  et  resurrectionem  Christi 
hic  consideran  tantum  ut  causam  exemplarem.  Sic  enim 
loquuntur  :  tamquam  Christus  moriens  exemplum  nobis 
dederit,  ut  nos  quoque  moriamur  peccatis  :  resurgens  vero 
exemplum  dederit,  ut  et  nos  a  morte  peccati  resurgamus 
ad  novitatem  vitae.  Equidem  typum  seu  figuram  dicere 
malim  quam  exemplar.  Nam  Christus  ipse  non  est  mortuus 
vitae  peccati,  neque  resurrexit  in  vitam  justitiae  :  sed  ejus 
mors  et  resurrectio  corporalis  fuit  typus  ac  figura  nostrae 
mortis  et  resurrectionis  spiritualis  :  mortis  quidem  qua 
peccatis  morimur,  resurrectionis  autem  qua  ressuscitamur 
ad  justitiam  :  quemadmodum  id  plurimis  exhortando 
déclarât  Apostolus  infrà  c.  6.  Rectè  vero  dixeris  Christi 
resurrectionem  esse  causam  exemplarem  nostrae  resurrec- 
tionis, qua  corporaliler  resurgemus  ad  vitam  immortalem. 
Quo  sensu  accipiendum  quod  de  eo  canit  ecclesia  in  praefa- 
tione  paschali  :  qui  mortem  nostram  moriendo  destruxit, 
et  vitam  resurgendo  reparavit.  Qua  etiam  ratione  primitia? 
dormientium  Christus  vocalur.  1  Cor.  15. 

Yerumtamen  et  hincjam  dicta?  expositioni  (quamvis  eam 
suppeditent  Augustinus  ser.  Ml.  de  tempore  et  Thomas. 
3.  quaest.  56,  art.  2.)  non  parum  obsistit,  quod  Paulus 
non  dixit,  mortuus  est  :  sed  traditus  est  :  nec  addidit,  ut 
nos  moriamur  peccato,  sed  simpliciter  dixit,  propter  delicia 
nostra. 


NOTES.  65 

Porro  Cajetanus  sic  interpretatur  :  Qui  traditus  est  morti 
propter  delicta  nostra  delenda,  resurrexit  autem  propter 
justificationem  nostram,  id  est,  resurrexit  ut  crederemus, 
et  credentes  justificaremur  :  quia  nisi  homo  ille  mortuus 
resurrexisset  ad  vitam  immortalem,  mundus  in  eum  non 
crederet.  Sed  quia  resurrexit,  credidit  mundus,  et  per  hoc 
pervenit  ad  mundum  justificatio.  Sensus  hic  etiam  Sasboldo 
et  Pererio  probatur  :  potestque  ad  ejus  confirmationem 
adduci  quod  scribit  Petrus  4 .  Epist.  -1 .  Qui  regeneravit  nos 
in  spem  vivam  per  resurrectionem  Jesu  Christi  ex  mortuis. 
Et  infra  :  Qui  suscitavit  eum  à  morluis,  et  dédit  ei  gloriam, 
ut  fides  vestra  et  spes  esset  in  Deo. 

Est  et  alia  expositio  quam  hue  adfert  F.  Toletus,  ac 
legitimam  eenset  :  ideo  videlicet  dictum,  resurrexisse 
Christum  propter  justificationem  nostram,  quia  quamvis  in 
morte  Christi  precium  esset  persolutum  pro  redemptione 
generis  humani,  tamen  applicatio  precii  ad  hominum  justi- 
ficationem generaliter  non  erat  futura  (Deo  nimirum  sic 
ordinanle)  nisi  pôst  resurrectionem  Christi,  missis  in  mun- 
dum Apostolis  annunciatoribus  salutis  :  et  ideirco  Chris- 
tum tam  cito  resurrexisse,  ne  remedii  salutaris  applicatio 
dilata,  multorum  hominum  damnationis  esset  occasio. 
Probabilis  est  haec  expositio,  quemadmodum  et  proximè 
praecedens. 

Mihi  tamen  simplicius  ac  magis  germanum  videtur,  si 
singula  membra  suum  proprium  habeant  sensum  accommo- 
datum  consuetudini  sermonis  Apostolici  :  ut  traditus  in 
mortem  Christus  dicatur  propter  peccata  nostra,  id  est,  ut 
sua  morte  pœnam  peccatis  nostrisdebitam  aboleret  :  resur- 
rexisse vero  propter  justitiam  nostram,  id  est,  ut  sua 
resurrectione  typum  quemdam  nobis  praeferret  resurgendi 
ad  justitiam  seu  vitae  novitatem,  secundum  ea  quœ  dicuntur 
infra  c.  6.  vel  certè,  ut  nobis  reconciliafis  ipse  jam  redivi- 
vus   et  immortalis  justificationem  nostram,    qua  scilicet 


66  NOTES. 

mens  nostra  renovetur  de  die  in  diem,  et  quae  inde  sequi- 
tur,  salutem  apud  Deum  promoveret,  secundum  id  quod 
dicitur  capite  sequenti  :  Si  enim  cum  inimici  essemus, 
réconciliât!  sumus  Deo  per  mortem  filii  ejus,  multo  magis 
recoociliali  salvi  erimus  in  vita  ipsius.  Ubi  postremo  et 
illud  observa  contra  sectarios  justitiam  nostram  in  sola 
remissione  peceatorum  constituentes  :  Apostolum  diserte 
distinguere  hase  duo,  deletionem  peceatorum,  et  justitiam, 
id  est,  vitae  novitatem  velut  justificationis  nostrae  partem 
prsecipuam.  (Estius,  commentai*,  in  epist.  ad  Romanos,  cap. 
k.  y.  25.) 


VIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

ASCENDIT    AD   CŒLOS,    SEDET    AD   DEXTERAM    DEI 
PATRIS  OMNIPOTENTES. 


I»  INSTRUCTION. 


IL  EST  MONTE  AUX  CIEUX,  IL  EST  ASSIS  A  LA  DROITE  DE  DIEU   LE 

PÈRE  TOUT-PUISSANT.  EXPLICATION  DE  CES  PAROLES.  

RÉCIT  DE  LASCENSION. 


EXORDE. 

'1 .  Le  sixième  article  du  Symbole  porte  que 
Jésus-Christ  est  monté  aux  cieux  et  qu'il  est  assis 
à  la  droite  de  Dieu  le  Père  tout-puissant. 

Il  fut  donné  au  saint  roi  David  de  contempler 
ce  mystère  dans  une  lumière  prophétique.  Ravi 
de  la  gloire  décernée  au  Sauveur  dans  son  ascen- 
sion bienheureuse,  il  invite  tous  les  peuples  de  la 
terre  à  célébrer  son  triomphe  avec  les  plus»vifs 
transports  de  joie. 

«  Omnes  gentes  plaudite  manibus,  jubilate  Deo 
in  voce  exultationis...  Ascendit  Deus  in  jubila- 
tione  et  Dominus  in  voce  tubae.  Peuples  de  la 
terre,  s'écrie-t-il,  applaudissez  tous,  faites  retentir 


68  RÉCIT  DE  L'ASCENSION. 

les  airs  de  cantiques  à  la  gloire  de  Dieu...  Dieu 
est  monté  au  son  des  trompettes  et  au  bruit  des 
acclamations.  »  (Ps.  xlvi.) 

Il  est  juste  en  effet  de  nous  réjouir  du  triomphe 
de  Jésus-Christ.  Nous  gémissions  dans  le  plus  dur 
esclavage:  comme  un  guerrier  magnanime,  il  est 
venu  combattre  nos  ennemis  et  nous  délivrer  de 
l'oppression. Pour  nous  sauver, il  n'a  pas  dédaigné, 
lui,  le  Fils  du  Très-Haut,  de  se  faire  notre  sem- 
blable, de  passer  trente-trois  ans  sur  la  terre  dans 
la  pauvreté,  les  travaux  et  les  souffrances  ;  enfin, 
il  en  est  venu  jusqu'à  verser  son  sang  et  sacrifier 
sa  vie,  afin  de  briser  nos  fers  et  de  nous  rendre  à 
la  liberté.  Quelle  reconnaissance  ne  devons-nous 
pas  à  ce  généreux  Libérateur?  incapables  de  le 
payer  nous-mêmes  de  ses  bienfaits ,  quelle  ne 
doit  pas  être  notre  joie  de  le  voir  récompensé  et 
glorifié,  comme  il  le  mérite,  par  Dieu  son  Père? 

2.  C'est  dans  ces  sentiments  que  nous  étudie- 
rons le  sixième  article  du  Symbole.  Deux  vérités 
nous  y  sont  proposées  :  l'ascension  de  Jésus-Christ 
au  ciel,  puis  le  repos  dont  il  y  jouit.  Considérons- 
les  avec  soin,  afin  non-seulement  de  les  croire 
et  d'en  avoir  l'intelligence,  mais  aussi  de  les 
exprimer  dans  notre  vie,  avec  le  secours  de  la 
grâce. 

Dans  cette  instruction,  je  vous  expliquerai 
d'abord  les  termes  dans  lesquels  le  Symbole 
s'énonce  ;  et  dans  un  second  point,  je  vous  rap- 
pellerai les  circonstances  de  l'ascension. 


RÉCIT  DE  L'ASCENSION.  69 

0  Marie  !  et  vous,  saints  apôtres  et  premiers 
disciples  de  Jésus,  vous  qui  avez  été  les  heureux 
témoins  de  son  triomphe,  prêtez-nous  vos  cœurs 
pour  y  applaudir. 

PREMIER  POINT. 

3.  Jésus-Christ  est  monté  au  ciel.  Que  croyons- 
nous  par  ces  paroles  du  Symbole  ?  Nous  croyons 
que  le  Fils  de  Dieu,  qui,  du  sein  de  son  Père, 
était  venu  en  ce  monde  pour  nous  racheter,  est 
monté  au  ciel,  après  avoir  consommé  le  grand 
ouvrage  de  notre  rédemption. 

Mais  en  quelle  qualité  y  est-il  monté?  Est-ce 
comme  Dieu,  est-ce  comme  homme?  Certes,  il  ne 
peut  être  ici  question  de  sa  divinité.  Comme 
Dieu,  Notre-Seigneur  est  partout,  remplit  tout  et. 
n'a  jamais  par  conséquent  quitté  le  ciel.  C'est 
donc  comme  homme  qu'il  y  est  monté,  c'est-à- 
dire  en  corps  et  en  âme,  avec  notre  propre 
nature,  avec  l'humanité  toute  semblable  à  la 
nôtre  dont  il  avait  daigné  se  revêtir. 

4.  Mais  comment  y  est-il  monté?  Y  fut-il  élevé 
comme  le  prophète  Elie  dans  un  char  de  feu?  Vous 
savez  que  ce  saint  prophète,  tout  consumé  de  zèle 
pour  la  gloire  de  Dieu,  fut  ainsi  ravi  à  la  terre.  Il 
donnait  ses  dernières  instructions  à  son  disciple 
Elisée,  lorsque  tout  à  coup  un  char  enflammé, 
traîné  par  des  chevaux  qui  semblaient  de  feu, 
descend  du  ciel,  se  dirige  vers  lui,  le  sépare  de  son 


70  RÉCIT  DE  L'ASCENSION. 

disciple  et  l'emporte  dans  les  airs.  Notre-Seigneur 
eut-il  besoin  d'un  secours  étranger,  comme  le 
prophète  Habacuc,  ou  comme  le  saint  diacre  Phi- 
lippe, qu'une  force  divine  transporta  à  une  grande 
distance?  Pendant  la  captivité  des  Juifs  à  Baby- 
lone,  le  prophète  Daniel  ayant  été  jeté  dans  la  fosse 
aux  lions,  le  prophète  Habacuc,  qui  se  trouvait 
pour  lors  en  Judée,  reçut  d'un  ange  l'ordre  d'aller 
porter  à  Daniel  le  dîner  qu'il  avait  préparé  pour 
ses  moissonneurs.  Seigneur,  lui  répondit  le  pro- 
phète, je  ne  connais  ni  Babylone  ni  la  fosse  aux 
lions.  A  ces  mots,  l'ange  le  saisit  par  les  cheveux 
et  le  transporte  en  un  clin  d'oeil  au  lieu  marqué,  et 
le  ramène  de  la  même  manière  en  Judée.  Plus  tard, 
il  arriva  quelque  chose  de  semblable  au  diacre 
saint  Philippe.  Il  venait  de  baptiser  l'Eunuque  de 
la  reine  de  Candace  sur  la  route  de  Gaza,  et  tout 
d'un  coup,  il  se  trouva  transporté  dans  la  ville 
d'Azoth. 

Est-ce  de  cette  manière  que  Notre-Seigneur  a 
été  élevé  au  ciel  ? 

Aucunement.  Jésus-Christ  monta  au  ciel  en 
vertu  de  sa  propre  puissance,  par  un  acte  de  sa 
volonté.  Il  n'eut  besoin  pour  s'y  élever  ni  du 
ministère  des  anges,  ni  d'aucune  assistance  étran- 
gère. Comme  Dieu,  il  pouvait  sans  doute  trans- 
porter sa  sainte  humanité  partout  où  il  voulait  ; 
mais  ce  n'est  pas  seulement  en  vertu  de  la  toute- 
puissance  divine  qu'il  Ta  transportée  dans  les  cieux, 
c'est  même  comme  homme. 


RÉCIT  DE  L'ASCENSION.  74 

Vous  me  direz  peut-être  qu'un  homme  n'a  pas 
ce  pouvoir.  Vous  dites  vrai  :  l'homme  dans  l'état 
où  il  est  sur  la  terre,  l'homme  encore  sujet  à  la 
mort,  ne  peut  naturellement  monter  au  ciel.  Le 
poids  de  son  corps  le  retient  attaché  à  la  terre. 
Mais  quand  notre  corps  aura  été  transformé  par  la 
résurrection,  il  en  sera  tout  autrement.  Alors, 
revêtu  de  l'immortalité  et  devenu  en  quelque  sorte 
tout  spirituel,  il  sera  doué  d'une  agilité  et  d'une 
subtilité  surnaturelles ,  qui  lui  permettront  de 
franchir  les  distances  et  les  obstacles  au  gré  de  la 
volonté. 

Or  le  corps  de  Jésus-Christ  était  déjà  en  pos- 
session de  la  gloire  ;  il  jouissait  de  toutes  les  pré- 
rogatives des  corps  glorieux. 

C'est  ainsi  que  son  âme  bienheureuse  a  pu  le 
mouvoir  selon  qu'il  lui  plaisait  et  par  sa  seule  force, 
et  que  le  corps  de  son  côté  a  pu  se  prêter  sans 
difficulté  au  mouvement  de  l'âme. 

En  disant  que  Jésus-Christ  est  monté  aux  cieux, 
nous  devons  donc  entendre  qu'il  s'y  est  transporté 
lui-même  par  le  pouvoir  qu'il  en  avait  et  comme 
Dieu  et  comme  homme. 

5.  Le  Symbole  ajoute  qu'il  est  assis  à  la  droite 
de  Dieu  le  Père  tout-puissant . 

Que  signifie  d'abord  cette  manière  de  parler  :  à 
la  droite  de  Dieu? 

Cette  manière  de  parler  est  figurée,  c'est-à-dire, 
employée  pa*r  comparaison.  Pour  s;accommoder  à 
notre  façon  de  concevoir,  l'Ecriture  prête  souvent 


it  RECIT  DE  L  ASCENSION. 

à  Dieu  un  corps  et  des  sentiments  humains.  Ainsi, 
voulant  signifier  qu'il  voit  tout,  elle  dit  que  tout  est 
nu  et  à  découvert  devant  ses  yeux.  Pour  marquer 
sa  puissance,  elle  dit  que  son  bras  n'est  point  rac- 
courci, que  les  cieux  sont  l'œuvre  de  ses  mains,  et 
se  sert  d'autres  expressions  analogues.  Ces  façons 
de  parler  ne  peuvent  être  prises  à  la  lettre,  puisque 
Dieu  est  un  pur  esprit  et  qu'il  n'a  ni  eorps,  ni 
mains,  ni  aucun  de  nos  membres. 

11  en  est  de  même  de  cette  parole  du  Symbole  : 
à  la  droite  de  Dieu.  Elle  ne  signifie  pas  que  Dieu 
ait  une  droite  et  une  gauche  ;  mais  comme  dans  la 
société  humaine,  il  est  convenu  que  la  droite  est 
la  place  d'honneur,  par  analogie,  pour  signifier 
que  Jésus-Christ  s'est  acquis  comme  homme  une 
gloire  supérieure  a  toute  créature,  qu'il  occupe 
dans  le  ciel  le  trône  le  plus  brillant,  nous  disons 
qu'il  est  assis  à  la  droite  de  son  Père. 

6.  Cette  autre  expression,  il  est  assis,  ne  désigne 
pas  non  plus,  à  proprement  parler,  la  situation  où 
il  se  tient  ou  certaine  position  du  corps;  mais  elle 
indique  l'autorité  souveraine  dont  Jésus-Christ  a 
été  investi  comme  homme  par  son  Père  et  le  repos 
immuable  dont  il  jouit  au  ciel.  En  effet,  dit  l'Apôtre, 
«  son  Père,  l'ayant  ressuscité  des  morts,  l'a  placé 
à  sa  droite  dans  les  cieux,  au-dessus  de  toutes  les 
principautés,  de  toutes  les  puissances,  de  toutes 
les  vertus,  de  toutes  les  dominations  et  de  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  grand  soit  dans  le  siè*cle  présent, 
soit  dans  le  siècle  futur  ;  en  un  mot,  il  lui  a   mis 


RÉCIT  DE  L'ASCENSION.  73 

toutes  choses  sous  les  pieds.  Suscitans  illum  à 
mortuis  et  constituées  ad  dexteram  suara  in  cceles- 
tibus,  supra  omnem  principatum,  et  potestatem, 
et  virtutem,  et  dominationem,  et  omne  nomen 
quod  nominatur  non  solum  in  hoc  saacuîo,  sed 
etiam  in  futuro  ;  et  omnia  subjecit  sub  pedibus 
ejus.  »  (Ephes.  i.) 

Cette  gloire  est  unique  ;  elle  n'a  été  accordée 
qu'à  la  sainte  humanité  de  Notre-Seigneur;  elle  lui 
appartient  exclusivement  ;  aucune  simple  créature 
n'en  est  capable.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  au  même 
Apôtre  dans  un  autre  passage  :  «  Quel  est  celui 
des  anges  à  qui  le  Seigneur  a  jamais  dit  :  asseyez- 
vous  à  ma  droite?  Ad  quem  autem  angelorum 
dixit  aliquando  :  sede  à  dextris  meis.  »  (Hebr.  1.) 
.  C'est  encore  ce  qui  a  inspiré  à  la  sainte  Eglise 
ces  félicitations  solennelles  qu'elle  adresse  au  Ré- 
dempteur montant  aux  cieux  : 

sterne  Rex  altissime, 
Redemptor  et  fîdelium, 
Cui  mors  perempta  detulit 
Sumrnse  triumphum  gloriee  ! 
Ascendis  orbes  siderum, 
Quo  te  vocabat  cœlitùs 
Collata,  non  humanitus, 
Rernm  potestas  omnium  ; 
Ut  trina  rerum  machina 
Cœlestium,  terrestrium, 
Et  inferorum  condila, 
Flectat  genu  jam  subdita 


.'4  RECIT  DE  L  ASCENSION. 

0  Roi  éternel  et  plein  de  majesté,  ô  Rédemp- 
teur du  monde,  vous  à  qui  la  destruction  de  la 
mort  a  valu  le  triomphe  le  plus  glorieux  !  Vous 
montez  au-dessus  des  sphères  célestes,  là  où  vous 
appelait  la  puissance  suprême  qui  vous  a  été 
donnée  sur  l'univers,  non  par  les  hommes,  mais 
par  le  ciel.  Voici  donc  que  la  triple  machine  du 
monde,  le  ciel,  la  terre,  les  enfers,  enfin  que  tout 
ce  qui  est  créé,  va  fléchir  humblement  le  genou 
devant  vous  3 

Tremunt  \identes  Angeli 
Versam  vicem  mortalium  : 
Peccat  caro,  mundat  caro, 
Régnât  Deus  Dei  caro. 

Les  anges  sont  saisis  d'étonnement,  en  voyant 
la  destinée  des  mortels  ainsi  changée  :  la  chair 
avait  péché,  la  chair  efface  le  péché,  le  Dieu  fait 
chair  règne  avec  l'humanité  au  plus  haut  des  cieux  ! 

Jésus-Christ  assis  à  la  droite  de  Dieu  le  Père, 
c'est  donc  notre  nature  couronnée  de  gloire  et 
d'honneur,  revêtue  d'une  puissance  souveraine  et 
universelle,  jouissant  du  plus  délicieux  repos  au 
sein  de  Dieu,  dans  la  personne  du  Verbe  incarné  ! 

Nous  entendons  suffisamment  le  mystère  ; 
voyons  maintenant  comment  il  s'est  accompli. 

SECOND  POINT. 

7.  Saint  Luc  fait  un  admirable  récit  de  l'Ascen- 
sion dans  les  Actes  des  Apôtres.  Laissez-moi  vous 


RÉCIT  DE  LASCENSION.  75 

le  redire,   en   intercalant  quelques    courtes    ré- 
flexions. 

a  Le  Seigneur  Jésus,  dit-il,  se  montra  à  ses 
disciples  après  sa  passion  et  leur  donna  une  foule 
de  preuves  de  sa  résurrection,  leur  apparaissant 
durant  quarante  jours  et  leur  parlant  du  royaume 
de  Dieu.  » 

Ce  séjour  prolongé  avait  pour  but  de  les  con- 
vaincre de  ce  grand  miracle  et  d'achever  leur 
instruction.  C'est  dans  cet  intervalle  que  le  Sauveur 
mit  la  dernière  main  à  la  fondation  de  son  Eglise, 
en  lui  donnant  pour  chef  suprême  saint  Pierre. 
Mais  avant  que  les  Apôtres  se  missent  en  devoir 
d'aller  prêcher  l'Evangile  par  toute  la  terre,  ils 
avaient  besoin  d'être  revêtus  de  la  force  d'en  haut. 

«  Un  jour  donc,  continue  saint  Luc,  que  Jésus 
mangeait  avec  eux,  il  leur  commanda  de  ne  point 
sortir  de  Jérusalem,  mais  d'y  attendre  la  promesse 
du  Père;  promesse,  leur  dit-il,  que  vous  avez 
reçue  de  ma  bouche;  car  Jean  a  baptisé  dans  l'eau: 
pour  vous,  dans  peu  de  jours  vous  serez  baptisés 
dans  le  Saint-Esprit.  » 

Le  divin  Maître  rappelait  ici  à  ses  disciples  l'en- 
gagement qu'il  avait  pris,  la  veille  de  sa  mort,  de 
ne  point  les  laisser  orphelins,  «  Je  prierai  mon 
Père,  leur  avait-il  dit,  et  il  vous  enverra  un  autre 
Paraclet,  qui  demeurera  toujours  avec  vous,  l'Es- 
prit de  vérité.  » 

Encore  remplis  des  préjugés  de  leur  nation  tou- 
chant le  règne  temporel  du  Messie,  «  ceux  qui 


76  RÉCIT  DE  L'ASCENSION. 

étaient  présents  lui  firent  alors  cette  demande  : 
Seigneur, sera-ce  dans  ce  temps  que  vous  rétablirez 
le  royaume  d'Israël?  Le  Seigneur  leur  répondit  : 
ce  n'est  pas  à  vous  de  savoir  le  temps  et  les  mo- 
ments que  le  Père  a  marqués  dans  sa  puissance. 
Mais  vous  recevrez  la  vertu  du  Saint-Esprit  qui 
descendra  sur  vous,  et  vous  me  rendrez  témoi- 
gnage dans  Jérusalem  et  dans  toute  la  Judée  et  la 
Samarie  et  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre 

«  Après  qu'il  eut  dit  ces  paroles,  il  s'éleva  vers 
le  ciel  en  leur  présence,  et  une  nuée  le  déroba  à 
leurs  yeux.  Et  comme  ils  le  suivaient  du  regard, 
montant  au  ciel,  deux  hommes  vêtus  de  blanc  se 
présentèrent  tout  à  coup  et  leur  dirent  :  hommes 
de  Galilée,  pourquoi  vous  arrêtez-vous  à  regarder 
au  ciel?  Ce  Jésus  qui  en  vous  quittant  s'est  élevé 
au  ciel,  en  viendra  de  la  même  manière  que  vous 
l'y  avez  vu  monter.  »  (Act.  Apost.  i.) 

8.  Ainsi  se  termina  la  carrière  de  notre  divin 
Sauveur  sur  la  terre. 

Tous  ses  autres  mystères  se  rapportent  à  son 
ascension  comme  à  leur  terme  ;  ils  y  trouvent  leur 
complément  et  leur  perfection.  De  même  que  tous 
les  mystères  de  la  religion  tirent  leur  origine  de 
son  incarnation,  de  même  son  ascension  met  fin  a 
son  pèlerinage  en  ce  monde. 

Mais  entre  ces  deux  termes,  que  d'humiliations, 
de  travaux,  de  souffrances!  Ah!  quel  douloureux 
exil  la  terre  a  été  pour  Jésus-Christ.  Rebuté  dès 
sa  naissance,  il  n'a  pour  naître  qu'une  étable,  une 


îtÉciT  de  l'ascension.  77 

crèche  et  un  peu  de  paille  ;  à  peine  a-t-il  vu  le 
jour,  que  le  cruel  Hérode  cherche  à  le  faire  périr, 
en  l'enveloppant  dans  le  massacre  des  enfants  de 
Bethléem  ;  réduit  à  passer  les  premières  années 
de  son  enfance  dans  une  terre  étrangère,  il  ne 
rentre  dans  sa  patrie  que  pour  vivre  dans  l'obscu- 
rité de  la  pauvre  maison  de  Nazareth,  travaillant 
de  ses  mains  comme  un  simple  artisan,  vivant 
soumis  à  Marie  et  à  Joseph  comme  un  enfant  or- 
dinaire, jusqu'à  l'âge  de  trente  ans.  Sa  vie  aposto- 
lique commence  alors,  et  depuis  cette  époque 
jusqu'à  sa  mort,  ce  n'est  plus  qu'un  enchaînement 
de  voyages  et  de  fatigues  pour  prêcher  l'Evangile. 
11  vit  d'aumônes  ;  il  n'a  d'autre  gîte  que  celui  de  la 
charité  ;  le  Fils  de  l'homme  n'a  pas  une  pierre  où 
reposer  sa  tête.  De  quel  zèle  il  est  consumé  pour 
la  gloire  de  son  Père  et  pour  le  salut  des  hommes! 
Chacun  de  ses  pas  est  empreint  de  vertu  et  d'amour  ; 
la  volonté  de  son  Père  fait  sa  nourriture  ;  il  ne 
respire  que  pour  lui  plaire  et  faire  l'œuvre  dont  il 
l'a  chargé  !  Enfin  le  moment  de  son  sacrifice  est 
venu  !  A  quel  prix  il  achète  notre  réconciliation  ! 
Dans  quelle  mer  d'opprobres  et  de  douleurs  il  faut 
qu'il  soit  plongé  !  De  quelle  mort  il  faut  qu'il  meure  î 
De  la  mort  des  criminels,  au  nombre  desquels  il 
consent  à  être  rangé,  mourant  sur  la  croix  entre 
deux  voleurs  ! 

Telle  est  la  carrière  qu'il  a  parcourue,  avant  de 
parvenir  à  la  gloire  de  son  ascension. 

((  Nonne  oportuit  Christum  pati  et  ita  intrare  in 

SYMB.       11.  7 


/8  RÉCIT  DE  L  ASCENSION. 

gloriam  suam?  Ne  fallait-il  pas,  dit-il  lui-même, 
que  le  Christ  souffrît  et  qu'il  entrât  ainsi  dans  sa 
gloire?  » 

9.  Tous  les  autres  mystères  de  la  vie  de  Jésus- 
Christ,-  nous  font  donc  connaître  ses  anéantisse- 
ments. 

Fils  unique  de  Dieu,  nous  l'avons  vu  se  revêtir 
de  notre  nature  et  de  nos  infirmités  ;  Saint  des 
saints,  nous  l'avons  vu  souffrir  et  mourir  pour  les 
péchés  des  hommes  ;  peut-on  concevoir  une  hu- 
miliation plus  profonde,  un  abaissement  plus  pro- 
digieux? Mais  c'en  est  fait  :  le  temps  est  venu  pour 
le  Sauveur  de  recevoir  sa  récompense.  Le  mystère 
de  sa  résurrection,  dont  nous  parlions  dernière- 
ment, et  celui  de  son  ascension  qui  nous  occupe 
en  ce  moment,  nous  découvrent  sa  gloire  souve- 
raine et  sa  majesté  divine,  et  avec  quel  éclat,  avec 
quelle  magnificence  ! 

Perrumpis  infernum  chaos, 
Vinctis  catenas  detrahis, 
Victor,  triumpho  nobili, 
Ad  dexteram  Patris  sedes. 

a  Vous  brisez,  lui  dit  l'Eglise,  les  portes  de  l'in- 
fernal abîme  ;  vous  faites  tomber  les  fers  de  ses 
captifs  ;  vainqueur,  vous  recevez  les  honneurs  du 
triomphe  et  vous  siégez  à  la  droite  du  Père  !  » 

«  Déjà,  comme  l'observe  saint  Léon,  Notre-Sei- 
gneur  avait  laissé  percer,  sous  la  forme  d'esclave, 
plus  d'un  rayon  de  sa  divinité  ;  mais  les  actes  de 


RÉCIT  DE  L'ASCENSION.  79 

sa  vie  mortelle  avaient  proprement  pour  but  de 
prouver  la  vérité  de  son  incarnation.  Après  sa 
passion,  lorsqu'il  eut  brisé  les  liens  de  la  mort  qui, 
en  frappant  l'Innocent  avait  perdu  son  aiguillon, 
sa  faiblesse  est  changée  en  force,  sa  mortalité  en 
immortalité,  son  humiliation  en  gloire.  »  (Serm.  2, 
de  Ascensione  Domini.) 

CONCLUSION. 

■10.  0  Jésus!  il  était  bien  temps  de  mettre  un 
terme  à  vos  travaux,  à  vos  abaissements  et  à  vos 
souffrances  !  Vous  vous  êtes  anéanti  jusqu'à  la 
mort  de  la  croix  ;  il  est  juste  que  vous  montiez  au 
comble  de  la  gloire  !  Père  Eternel  !  commandez 
que  votre  divin  Fils,  victime  d'obéissance,  reçoive 
dans  son  humanité  sainte,  une  mesure  de  conso- 
lation égale  à  la  mesure  de  ses  douleurs  !  Par 
lui,  votre  gloire  a  été  réparée  avec  avantage  ; 
par  lui,  le  péché  a  été  effacé  ;  par  lui,  votre  misé- 
ricorde et  votre  vérité  se  sont  rencontrées  ;  en  lui 
la  justice  et  la  paix  se  sont  donné  le  baiser  de  ré- 
conciliation ;  glorifiez-le  maintenant  en  commu- 
niquant à  son  humanité  la  gloire  dont  il  jouissait 
en  vous  de  toute  éternité.  «  Clarifica  me,  Pater, 
claritate  quam  habui,  priusquam  mundus  esset 
apud  te  !  » 

Et  vous,  anges  du  Ciel,  princes  de  la  maison  de 
Dieu,  ouvrez-en  les  portes  au  Roi  de  gloire  qui 
va  y  entrer.  «  Attolite  portas,  principes,  vestras,  et 
clevamini,  porta^aeternales,  et  introibit  Rex  glo- 


80  RÉCIT  DE  LASCENSION. 

riae.  »  Et  si  vous  me  demandez  quel  est  ce  roi  de 
gloire  ?  quis  est  iste  rex  gloriae  ?  je  vous  répondrai 
que,  bien  qu'il  soit  couvert  de  la  robe  de  notre 
humanité  et  qu'il  s'élève  du  désert  de  la  terre,  il 
est  cependant  le  Seigneur  fort  et  puissant,  le  Sei- 
gneur puissant  dans  le  combat,  le  Seigneur  des 
vertus.  Je  vous  répondrai  qu'abaissé  un  peu  au- 
dessous  de  vous  par  son  incarnation,  il  n'en  est 
pas  moins  Celui  que  vous  avez  reçu  l'ordre  d'ado- 
rer et  qui  mérite  tous  vos  hommages. 

0  Jésus!  ô  aimable  Sauveur!  nous  vous  félici- 
tons de  votre  triomphe  ;  nous  y  applaudissons  de 
tout  notre  cœur.  Maintenant  que  vous  régnez  au 
plus  haut  des  cieux,  usez  de  votre  pouvoir,  nous 
vous  en  prions,  pour  nous  pardonner  nos  péchés, 
et  après  avoir  purifié  nos  cœurs,  attirez-les  à  vous 
par  les  doux  attraits  de  votre  amour. 

Hinc  te  precantes,  quaesumus, 
Ignosce  culpis  omnibus 
Et  corda  sursuqn  subleva 
Ad  te,  superna  gratiâ. 

Oui,  divin  Sauveur,  accordez-nous  cette  grâce, 
afin  que,  lorsque  vous  apparaîtrez  soudain  comme 
juge  sur  les  nuées  du  Ciel,  vous  nous  remettiez 
les  peines  que  nous  avons  méritées,  et  nous  ren- 
diez  les  couronnes  que  nous  avons  perdues. 

Dl  eu  m  repente  cœperis 
Clarere  nube  jodîcis 
Pœaas  repellas débitas, 
Reddas  coronas  perditas. 


MOTIFS  ET  FRUITS,  ETC 


II"  INSTRUCTION. 

MOTIFS  ET  FRUITS  DE  L  ASCENSION   DE  JÉSUS-CHRIST. 


EXORIiE. 


! .  Dans  l'entretien  précédent,  nous  vous  avons 
expliqué  le  sens  du  sixième  article  du  Symbole  : 
«  Il  est  monté  aux  cieux  et  il  est  assis  à  la  droite 
de  Dieu  le  Père  Tout-puissant.  » 

Par  ces  paroles,  nous  devons  comprendre  que 
Jésus-Christ,  ayant  prolongé  sa  demeure  sur  la 
terre  pendant  quarante  jours  après  sa  résurrection, 
la  quitta  enfin  pour  aller  prendre  possession  de  sa 
gloiredans  les  cieux.  11  y  monta  sans  aucun  secours 
étranger,  et  non  pas  seulement  en  vertu  de  sa 
puissance  divine,  mais  encore  par  l'effet  de  l'em- 
pire absolu  que  l'ame  acquiert  sur  le  corps  res- 
suscité, empire  qui  est  tel  qu'elle  le  transporte 
partout  à  son  gré,  sans  obSacle  ni  difficulté.  Il 
monta  donc  de  lui-même  au  ciel,  non  pas  toutefois 
comme  Dieu,  puisqu'en  cette  qualité,  il  est  par- 
tout, mais  comme  homme. 

Là,  le  Symbole  nous  le  représente  assis,  pour 
signifier  son  repos  et  sa  puissance,  et  assis  à  la 
droite  de  Dieu  le  Père,  pour  marquer  par  cette  ex- 


82  MOTIFS  ET  FRUITS 

pression  figurée  qu'il  y  occupe  la  place  la  plus 
éminente. 

En  écoutant  ensuite  le  récit  de  son  Ascension 
par  saint  Luc,  nous  avons  en  quelque  sorte  suivi 
des  yeux  sa  marche  triomphale.  Il  nous  a  semblé 
que  nous  nous  trouvions  pour  un  moment  sur  cette 
montagne  à  jamais  célèbre  des  oliviers,  d'où  le 
Sauveur,  bénissant  pour  la  dernière  fois  ses  disci- 
ples, prit  l'essor  vers  lescieux,  ayant  pour  cortège 
les  saints  de  l'Ancien  Testament  qu'il  avait  délivrés 
des  Limbes.  Quel  triomphe!  quelle  gloire!  que  ce 
mystère  est  propre  à  élever  nos  pensées  et  nos 
atfections  ! 

2.  Mais  jusqu'ici  nous  n'en  avons  encore  consi- 
déré que  le  dehors  ;  nous  n'en  avons  qu'à  peine 
effleuré  la  surface  ;  il  faut  y  revenir,  pour  le  médi- 
ter plus  a  fond . 

En  effet,  quand  on  veut  se  faire  une  juste  idée 
des  mystères,  en  acquérir  une  connaissance  exacte, 
en  tirer  beaucoup  de  lumières  et  de  grâces,  il  ne 
suffit  pas  de  savoir  en  gros  comment  ils  se  sont 
accomplis;  mais  il  est  bon  d'en  rechercher  les  mo- 
tifs, d'en  voir  les  conséquences,  autant  du  moins 
que  la  faiblesse  de  notre  intelligence  le  permet,  à 
l'aide  du  flambeau  de  la  foi. 

C'est  ce  que  nous  avons  fait  pour  le  mystère  de 
la  résurrection.  Grâce  aux  enseignements  de  l'A- 
pôtre, nous  avons  pu  saisir  quelques-unes  des  rai- 
sons de  convenance  de  ce  mystère  et  les  rapports 
qu'il  a  avec  notre  propre  résurrection. 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  83 

Nous  allons  faire  la  même  étude  sur  l'Ascension 
deNotre-Seigneur. 

Première  question  à  examiner  :  pour  quelles 
raisons  Jésus-Christ  est-il  monté  au  ciel?  seconde 
question  :  quels  ont  été  pour  nous  les  avantages  de 
son  Ascension? 

L'éclaircissement  de  ces  deux  points  en  nous 
donnant  plus  de  lumière,  nous  donnera  aussi,  j'es- 
père, plus  d'amour  envers  la  personne  adorable  de 
notre  Sauveur.  Demandons  à  Marie  de  nous  obte- 
nir cette  grâce.  Dites  une  seule  parole,  ô  sainte 
Vierge,  et  nous  serons  exaucés  ! 

PREMIER  POINT. 

3.  La  première  raison  pour  laquelle  Jésus-Christ 
est  monté  au  ciel,  c'est  l'état  glorieux  de  son  corps 
ressuscité.  • 

De  passible  et  mortel  qu'il  était  auparavant,  il 
devint  par  l'effet  de  sa  Résurrection,  impassible  et 
immortel.  Ce  n'est  plus  ce  corps  sujet  à  toute  sorte 
de  besoins  et  d'infirmités,  que  la  fatigue  abat,  que 
la  souffrance  consume,  que  la  mort  glace  et  prive 
de  tout  mouvement  ;  c'est  un  corps  plus  lumineux 
que  les  astres,  plus  léger  que  l'air,  plus  prompt 
que  l'éclair,  plus  pur  que  lescieux. 

La  terre,  cette  obscure  demeure,  ce  lieu  d'exil 
et  d'épreuve,  ce  pénitentiaire  enfin  où  le  genre 
humain  doit  s'épurer  dans  la  douleur  ;  la  terre 
était-elle  encore  un  séjour  assez  digne  de  lui?  Non 


84  MOTIFS  ET  FRUITS 

certes,  et  pour  croire  le  contraire,  il  faudrait  avoir 
oublié  qu'elle  a  été  condamnée  à  se  hérisser  de 
ronces  et  d'épines,  qu'elle  est  une  vallée  de  larmes, 
un  théâtre  de  luttes  et  de  misères,  un  vaste  tom- 
beau où  toutes  les  générations  viennent  s'ensevelir 
tour  à  tour.  Et  ne  me  dites  pas  qu'elle  a  cependant 
ses  beautés  et  ses  merveilles  enfantées  par  la  na- 
ture ou  par  le  génie  de  l'homme  ;  si  admirables 
en  effet  que  soient  toutes  ces  choses,  elles  ne  sont 
au  plus  qu'une  ombre  des  magnificences  du  ciel. 

Le  Seigneur  nV-t-il  pas  dit  en  parlant  de  la  terre 
qu'elle  est  son  marche-pied,  et  que  c'est  au  ciel 
qu'est  sa  demeure?  «  Cœlum  mihi  sedes  est  ;  terra 
autem  scabellum  pedum  meorum.  » 

Donc  encore  une  fois,  elle  ne  pouvait  plus 
servir  de  séjour  au  Sauveur  ressuscité.  Venant  au 
monde,  une  étable  lui  a  suffi,  parce  qu'il  voulait 
s'humilier  ;  aujourd'hui  qu'il  est  glorifié,  le  Ciel 
des  cieux  est  la  seule  résidence  qui  convienne  à  son 
humanité  triomphante. 

11  entre  donc  au  ciel,  semblable  à  un  roi  victo- 
rieux qui  fait  son  entrée  dans  sa  capitale.  11  va 
s'asseoir  sur  le  trône  qu'il  a  conquis  par  son  sang. 
C'est  de  là,  comme  nous  le  verrons  tout  à  l'heure, 
que,  tenant  en  main  les  rênes  de  son  empire,  il 
dirige  toutes  choses  au  salut  des  âmes  qu'il  a 
rachetées. 

4.  Une  autre  raison  pour  laquelle  il  est  monté 
au  ciel,  c'est  pour  témoigner  par  le  fait  que  son 
royaume  n'était  pas  de  ce  monde. 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  85 

Que  sont  les  royaumes  d'ici-bas?  Des  lambeaux 
de  terre,  des  sceptres  fragiles,  des  trônes  qui  ne 
sont  soutenus  que  par  les  armes  et  la  force.  Le 
royaume  de  Jésus-Christ  n'est  point  temporel, 
comme  les  Juifs  se  le  figuraient,  mais  spirituel, 
c'est-à-dire,  qu'il  se  compose  d'âmes,  et  éternel, 
c'est-à-dire,  qu'aucune  révolution  ne  peut  le  dé- 
truire. 

Ce  royaume  tout  spirituel  a  aussi  pour  fon- 
dement une  puissance  et  des  richesses  toutes  spiri- 
tuelles. 

Quels  sont,  demanderez-vous,  les  plus  riches  et 
les  plus  considérables  dans  ce  royaume  ? 

Ce  sont  ceux  qui  ont  le  plus  d'ardeur  et  d'em- 
pressement pour  les  choses  de  Dieu,  qui  observent 
ses  commandements  avec  plus  de  fidélité,  qui 
ont  plus  de  zèle  pour  sa  gloire,  en  un  mot,  ceux 
qui  s'appliquent  le  plus  à  acquérir  la  sainteté. 
C'est  en  ce  sens  que  l'apôtre  saint  Jacques  disait  : 
«  Le  Seigneur  n'a-t-il  pas  choisi  ceux  qui  étaient 
pauvres  selon  le  monde  pour  les  rendre  riches 
selon  la  foi  et  en  faire  les  héritiers  du  royaume 
qu'il  a  promis  à  ses  amis?  Nonne  Deus  elegit  pau- 
peres  in  hoc  mundo,  divites  in  fîde  et  haeredes 
regni  quod  repi  omisit  Deus  diligentibus  se  ?  » 
{Jacob,  h.) 

5.  Enfin  un  troisième  motif  de  l'ascension  :  Jésus- 
Christ  en  montant  au  ciel,  a  voulu  y  attirer  à  sa 
suite  nos  pensées  et  nos  désirs. 

SYMB.       II.  8 


86  MOTIFS  ET  FRUITS 

Par  sa  mort  et  sa  résurrection,  il  nous  a  appris 
à  mourir  et  à  ressusciter  en  esprit,  c'est-à-dire,  à 
mourir  au  péché  et  à  ne  vivre  que  pour  lui  ;  de 
même  par  son  ascension,  il  nous  enseigne  à  n'être 
plus  que  de  corps  sur  la  terre  et  à  vivre  en  esprit 
dans  le  ciel. 

Oui,  du  haut  du  ciel, il  nous  exhorte  à  nous  con- 
sidérer ici-bas  comme  des  pèlerins  et  des  étran- 
gers qui  soupirent  sans  cesse  après  la  patrie, 
comme  les  concitoyens  des  saints,  comme  des  ser- 
viteurs attachés  à  la  maison  de  Dieu. 

Heureux  ceux  qui  travaillent  de  la  sorte  à  se 
détacher  de  tout  ce  qui  passe!  Ils  peuvent  dire 
avec  l'Apôtre  :  «  Nostra  autem  conversatio  in 
cœlis  esL  Nous  vivons  par  avance  dans  le  ciel.  » 
[Phi  H  pp.  il) 

Voilà  pour  quels  motifs  Notre-Seigneur  est  monté 
au  ciel.  Oh  !  combien  ils  sont  propres  à  élever  nos 
pensées  au-dessus  de  la  terre,  à  détourner  nos 
regards  des  choses  du  temps  et  à  les  fixer  sur  celles 
de  l'éternité  ' 

S'il  y  a  là  de  quoi  ravir  nos  esprits,  nous  serons 
encore  plus  touchés  sans  doute  des  avantages  que 
Jésus-Christ  a  attachés  à  ce  mystère. 

SECOND  POINT. 

6.  Ces  avantages  sont  infiniment  précieux,  et 
nulle  langue  humaine  ne  saurait  les  exprimer  di- 
gnement. 

Le  saint  roi  David,  à  qui  Dieu  révéla   tant  de 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  87 

choses,  vit  d'avance  quelques-uns  des  résultats  de 
l'ascension  du  Sauveur.  Voici  comment  il  en  parle  : 
Ascendens  in  altum,  captivam  duxit  captivitatem  ; 
dédit  dona  hominibus.  En  montant  aux  cieux,  le 
Seigneur  a  emmené  captifs  les  captifs  eux-mêmes  ; 
et  il  a  répandu  ses  dons  sur  les  hommes.  »  (Ps. 
lxvii.)  L'Apôtre,  interprétant  ce  passage,  l'applique 
à  ce  mystère  ;  et  qui  ne  voit  avec  quelle  admirable 
justesse  il  s'y  rapporte?  Notre-Seigneur  n'a-t-il  pas 
en  effet  emmené  en  triomphe  avec  lui  les  âmes  des 
justes  qui  jusque  là  étaient  restées  prisonnières 
dans  les  limbes?  Et  lorsqu'il  se  fut  assis  à  la  droite 
de  son  Père,  n'a-t-il  pas  versé  les  dons  de  sa  grâce 
sur  les  hommes  avec  une  libéralité  vraiment 
divine? 

Fidèles  à  ses  dernières  recommandations ,  les 
apôtres  se  tenaient  renfermés  a  Jérusalem  dans  le 
Cénacle,  vivant  dans  la  retraite,  la  prière  et  la  plus 
parfaite  union,  lorsque  le  dixième  jour,  qui  était 
celui  de  la  Pentecôte,  on  entendit  tout  à  coup  un 
bruit  venant  du  ciel,  comme  celui  d'un  vent  impé- 
tueux, qui  remplit  toute  la  maison  où  ils  étaient. 
Alors  il  parut  comme  des  langues  de  feu  qui  se 
divisèrent  et  allèrent  se  reposer  sur  chacun  d'eux. 
Tous  en  ce  moment  furent  remplis  du  Saint-Esprit. 

Le  premier  don  de  Jésus-Christ  monté  au  ciel 
fut  donc  celui  du  Saint-Esprit,  don  admirable  par 
lequel  il  changea  soudainement  les  apôtres  en  des 
hommes  tout  nouveaux,  les  éclaira  des  plus  vives 
lumières,   les  combla  de  ses  grâces,  les  revêtit 


88  MOTIFS  ET  FRUITS 

d'une  force  invincible,  leur  communiqua  le  don 
des  langues,  afin  qu'ils  pussent  annoncer  l'Evangile 
par  toute  la  terre. 

Alors  fut  accomplie  la  promesse  magnifique  qu'il 
leur  avait  laissée  :  a  II  vous  est  avantageux  que  je 
m'en  aille  ;  car  si  je  ne  m'en  vais,  le  Consolateur 
ne  viendra  pas  à  vous;  au  contraire,  si  je  m'en 
vais,  je  vous  l'enverrai.  Expedit  vobis  ut  ego 
vadam  ;  si  enim  non  abiero,  Paraclitus  non  veniet 
ad  vos;  si  autem  abiero,  mittam  eum  ad  vos.  » 
(Joan.  xvi.) 

7.  Autre  avantage  de  l'ascension  :  Jésus-Christ 
dans  le  ciel  se  tient  devant  le  trône  de  son  Père  et 
y  fait  l'office  d'avocat  en  notre  faveur. 

L'apôtre  saint  Paul  nous  le  représente  sans  cesse 
occupé  de  nos  intérêts,  «  Semper  vivens  ad  inter- 
pellandum  pro  nobis.  »  Saint  Jean  l'appelle  notre 
avocat  et  exhorte  les  plus  grands  pécheurs  à  re- 
courir avec  confiance  à  sa  médiation.  Mes  chers 
enfants,  disait-il  aux  premiers  fidèles,  je  vous  écris 
ceci,  afin  que  vous  ne  péchiez  point.  Cependant 
s'il  arrive  que  l'un  de  vous  pèche,  nous  avons  pour 
avocat  auprès  du  Père,  Jésus-Christ,  le  Juste  par 
excellence,  et  c'est  lui  qui  est  la  victime  de  propi- 
tiation  pour  nos  péchés,  et  non-seulement  pour  les 
nôtres,  mais  encore  pour  ceux  de  tout  le  inonde. 
Filioli  mei,  hase  scribo  vobis  ut  non  peccetis;  sedet 
si  quis  peccaverit,  advocatum  habemus  apud  Pa- 
trem  Jesum  Christum  Justum,et  ipseest  propitiatio 
propeccatis  nostris,  non  pro  nostris  autem  tantum 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  89 

sed  et  pro  totius  mundi.  »  (1  Joan.  n.)  Il  avait 
d'autant  plus  sujet  de  parler  ainsi  que,  dans  une 
de  ses  visions,  il  a  vu  ce  même  Jésus-Christ,  de- 
bout devant  le  trône  de  Dieu,  semblable  à  un 
agneau  qui  vient  d'être  immolé  ;  touchante  image 
par  laquelle  le  Sauveur  a  voulu  nous  apprendre 
qu'il  offre  perpétuellement  les  mérites  de  son 
sacrifice  à  son  Père  en  faveur  du  genre  humain. 

Dans  l'ancienne  loi,  le  Grand-Prètre  entrait  une 
fois  chaque  année  dans  le  Saint  des  Saints,  pour  y 
offrir  le  sang  des  victimes.  Jésus-Christ, dit  l'Apôtre, 
est  entré  de  même  dans  le  tabernacle  du  ciel,  non 
pas  avec  le  sang  des  animaux,  mais  avec  son  propre 
sang,  afin  de  se  présenter  pour  nous  devant  son 
Père.  Et  n'est-ce  pas  pour  attendrir  plus  sûrement 
sa  miséricorde,  qu'il  a  conservé  dans  ses  pieds  et 
ses  mains  les  cicatrices  de  ses  plaies?  Oh!  quelle 
puissance,  quel  crédit  n'a  pas  sa  prière,  lorsqu'il 
élève  vers  le  trône  de  Dieu  ses  mains  transpercées 
et  qu'il  montre  à  son  Père  la  trace  toujours  visi- 
ble de  la  lance  qui  a  ouvert  son  cœur? 

Quelle  joie  donc  et  quelle  consolation  pour  nous, 
chrétiens,  d'avoir  un  médiateur  et  un  avocat  si 
éminent  auprès  de  Dieu?  A  qui  nos  intérêts  pou- 
vaient-ils être  mieux  confiés?  Notre  salut  éternel 
n'est-il  pas  en  sûreté  entre  ses  mains,  si  nous  le 
voulons?  Jésus-Christ  ne  néglige  rien  de  son  côté  : 
soyez  fidèles  du  vôtre  à  correspondre  à  sa  grâce. 

8.  Voici  un  nouveau  bienfait  de  l'Ascension  : 

SYJIB.       II.  8* 


90  MOTIFS  ET  FRUITS 

Jésus-Christ  en  montant  au  ciel  est  allé  nous-  y 
préparer  une  place.  C'est  lui-même  qui  nous  le 
déclare  :  «  Yado  pararevobis  locum.  » 

Le  premier,  il  a  pris  possession  de  la  gloire 
céleste  ;  mais  ce  n'est  pas  en  son  nom  seulement, 
c'est  au  nom  de  nous  tous,  c'est  au  nom  de  tous  les 
membres  de  ce  corps  mystique  dont  il  est  le  chef. 
«  Ascensio  Christi,  dit  saint  Léon,  nostra  provectio 
est,  et  quo  praecessit  gloria  capitis,  eo  spes  vocatur 
et  corporis.  L'ascension  de  Jésus-Christ  est  notre 
propre  exaltation  ;  là  où  nous  a  précédés  notre 
glorieux  chef,  là  tout  le  reste  du  corps  peut  espérer 
de  parvenir.  »  (Serm.  1  de  Ascens.  Dom.) 

En  effet,  en  pénétrant  le  premier  dans  le  ciel, 
il  nous  a  rouvert  les  portes  que  le  péché  d'Adam 
avait  fermées;  il  nous  a  frayé  le  chemin  du  bonheur 
éternel. 

11  l'avait  prédit  dans  la  dernière  cène  à  ses  chers 
disciples.  En  conformité  de  sa  promesse,  il  com- 
mence, au  jour  de  son  ascension,  par  introduire 
en  paradis  les  justes  qu'il  avait  affranchis  de  la 
prison  des  limbes.  Leur  délivrance,  leur  intro- 
duction au  ciel  est  le  gage  du  bonheur  tout  sem- 
blable qui  nous  est  réservé. 

9.  Plaçons-nous  maintenant  à  un  autre  point  de 
vue.  Considérons  quel  essor  nouveau  l'ascension 
donne  aux  vertus  chrétiennes. 

Quels  fruits  de  salut  n'a-t-elle  pas  encore  pro- 
duits sous  ce  rapport?  C'est  toute  une  nouvelle 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  91 

série  d'avantages  à  joindre  à  ceux  que  nous  avons 
déjà  marqués. 

En  premier  lieu,  elle  a  rendu  notre  foi  bien  plus 
méritoire. 

L'objet  de  la  foi,  c'est  l'invisible  et  l'incompré- 
hensible. Si  Noire-Seigneur  fut  demeuré  sur  la 
terre,  quel  mérite  aurions-nous  eu  de  croire  en  lui? 
Certes,  il  eût  été  beaucoup  moindre.  Lui-même 
l'a  témoigné  clairement,  quand  il  dit  à  Thomas  : 
«  Vous  croyez,  parce  que  vous  avez  vu  ;  heureux, 
ceux  qui  n'ont  point  vu  et  qui  ont  cru  !  Quia  vidisti 
me ,  Thoma  credidisti  ;  beati  qui  non  viderunt  et 
crediderunt  !  »  {Joan.  xx.) 

10.  Ensuite,  l'ascension  sert  aussi  merveilleu- 
sement à  affermir  notre  espérance. 

Si  nous  croyons  que  Jésus-Christ  est  monté  au 
ciel  comme  homme,  si,  dés  yeux  de  la  foi,  nous 
voyons  notre  humanité  assise  en  sa  personne  à  la 
droite  de  Dieu, comment  ne  pas  espérer  fermement 
que  nous,  membres  de  Jésus-Christ ,  nous  irons 
nous  réunir  un  jour  à  notre  chef? 

Le  Sauveur  ne  nous  en  a-t-il  pas  fait  la  .pro- 
messe? ((  Mon  Père,  ceux  que  vous  m'avez  donnés, 
je  Veux,  a-t-il  dit,  que  là  où  je  suis,  eux  aussi  y 
soient  avec  moi.  Pater,  quos  dedisti  mihi,  volo,  ut 
ubi  sum  ego,  et  illi  sint  mecum.  »  (Joan.  xvn.) 

ce  En  élevant  notre  nature  au-dessus  des  astres, 
dit  saint  Augustin,  il  a  montré  que  les  cieux  seraient 
aussi  ouverts  à  ceux  qui  croient  en  lui  ;  en  trans- 
portant le  vainqueur  delà  mort  dans  les  cieux,  il  a 


92  MOTIFS  ET  FRUITS 

frayé  le  chemin  à  ceux  qui  seront  vainqueurs  des 
vices.  Dum  humanam  conditionem  sideribus  im- 
portavit,  credentibus  cœlum  patere  possemonstra- 
vit,  et  dum  victorem  mortis  in  cœlestia  elevavit, 
victoribus  quo  sequantur,  ostendit.  »  (serm.  5.  de 
ascens.) 

1 1 .  L'Ascension  de  Jésus-Christ  a  enfin  pour 
effet  d'épurer  nos  affections  et  d'enflammer  notre 
cœur  du  feu  divin  de  la  charité.  Et  ce  n'est  pas  as- 
surément le  moins  précieux  des  biens  qu'elle  nous 
a  procurés,  puisque  le  moindre  degré  de  charité  est 
incomparablement  au-dessus  de  tous  les  trésors  du 
monde. 

Mais  comment  le  mystère  de  l'Ascension  obtient- 
il  ce  résultat? 

Le  voici  :  là  où  est  notre  trésor,  là  est  notre 
cœur,  a  Ubi  thésaurus  tuus,  ibi  et  cor  tuum  erit.  » 
C'est  le  divin  Maître  lui-même  qui  l'a  dit.  Suppo- 
sons donc  que  Notre-Seigneur  fut  demeuré  sur  la 
terre,  que  serait-il  arrivé?  Le  bonheur  de  contem- 
pler son  humanité  et  de  jouir  de  son  commerceeût 
été  toute  notre  ambition  ;  nous  n'eussions  vu  en  lui 
que  l'homme,  un  homme  sans  doute  qui  méritait 
toute  notre  reconnaissance  pour  ses  bienfaits  ;  mais 
notre  amour  pour  lui  eût  été  trop  humain,  nos  ser- 
vices trop  intéressés. 

En  montant  au  ciel,  Notre-Seigneur  a  dérobé 
son  humanité  à  nos  regards  et  il  a  rendu  notre 
amour  pour  lui  plus  spirituel  et  plus  noble.  Quand 
nous  pensons  maintenant  à  lui,  nous  ne  pouvons 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  93 

nous  empêcher  de  nous  rappeler  qu'il  est  notre 
Dieu,  et  c'est  en  cette  qualité  que  nous  l'honorons 
et  que  nous  l'aimons. 

Il  était  donc  nécessaire  qu'il  nous  ôtât  sa  pré- 
sence visible.  Nous  le  voyons  par  l'exemple  des 
Apôtres.  Eux  aussi  eurent  une  affection  trop  hu- 
maine pour  Notre-Seigneur,  pendant  qu'ils  jouirent 
de  sa  vue.  Et  que  leur  dit-il,  à  ce  sujet?  «Il  vous  est 
avantageux,  leur  dit-il,  que  je  m'en  aille.  Expedit 
vobis  ut  ego  vadam.  »  (Joan.  xvi.)  L'amour  qu'ils 
lui  portaient  était  trop  imparfait  ;  il  avait  besoin 
d'être  perfectionné  par  l'amour  divin,  c'est-à-dire, 
parla  descente  du  Saint-Esprit  dans  leurs  cœurs  ; 
c'est  pourquoi  Notre-Seigneur  ajoute  immédiate- 
ment :  «Si  je  ne  m'en  vais,  le  Consolateur  ne  vien- 
dra pas  à  vous.  Sienim  non  abiero,  Paraclitusnon 
veniet  ad  vos.  » 

J'avais  donc  raison  de  dire  que  l'Ascension  du 
Sauveur  donne  un  élan  nouveau  à  notre  foi,  à  notre 
confiance  et  à  notre  amour.  Jésus-Christ  montant 
au  ciel  est  comme  cet  aigle  qui  apprend  à  ses  petits 
à  voler.  «Sicutaquila  provocans  ad  volandum  pul- 
lossuos,  et  super  eosvolitans,  expandit  alas  suas.  » 
(Deuter.  xxxn.)  Il  nous  excite  par  son  exemple  à 
nous  élever  au-dessus  des  choses  de  la  terre  et  à 
ne  respirer  que  pour  celles  du  ciel.  Il  nous  provo- 
que à  le  suivre.  Il  avait  dit  avant  sa  passion  :  «  Et 
ego,  cum  exaltatus  fuero  à  terra,  omnia  traham  ad 
meipsum.  Quand  j'aurai  été  élevé  de  terre,  j'atti- 
rerai toutes  choses  à  moi.  »  Il  attire  effectivement  à 


94  MOTIFS  ET  FRUITS 

lui  nos  pensées  et  nos  affections  ;  il  suffit  dele  con- 
sidérer sur  le  trône  de  sa  gloire,  pour  prendre  en 
pitié  les  faux  biens  de  la  terre,  et  dire  avec  l'A- 
pôtre :  a  Omnia  detrimentum  feci  et  arbitror  ut 
stercora,  ut  Christum  lucrifaciam.  J'ai  tout  sacrifié, 
j'ai  estimé  toutes  choses  comme  du  fumier,  afin  de 
m'assurer  la  possession  de  Jésus-Christ. 

1  2.  Aussi,  c'est  à  partir  de  l'Ascension  deNotre- 
Seigneur,  que  l'Eglise  qui  est  la  maison  de  Dieu, 
a  commencé  à  s  étendre  dans  le  monde. 

«  Quand  j'aurai  été  élevé  de  terre,  j'attirerai  tout 
à  moi.  »  Il  faut  que  cette  parole  se  vérifie  pleine- 
ment; voyez  si  la  suite  lui  a  fait  défaut. 

Monté  au  ciel,  Jésus-Christ  envoie  le  Saint-Es- 
prit à  l'Eglise  naissante  pour  qu'il  la  dirige  et  la 
gouverne  invisiblement,  Il  lui  laisse  pour  pasteur  et 
pour  chef  suprême, ici-bas,  saint  Pierre,  prince  des 
Apôtres.  Il  lui  donne  des  apôtres,  des  prophètes, 
desévangélistes.  des  pasteurs  et  des  docteurs,  qui 
vont  prêcher  son  Evangile  par  toute  la  terre.  A 
leur  prédication  secondée  par  l'éclat  des  miracles, 
les  peuples  se  convertissent  en  foule  ;  leur  voix 
comme  celle  des  cieux,  se  fait  entendre  d'une  ex- 
trémité du  monde  à  l'autre.  Une  succession  non  in- 
terrompue de  Pontifes  et  d'Evêques  perpétue  d'âge 
en  âge  l'enseignement  des  Apôtres. 

Et  pendant  qu'ici-bas,  l'Eglise  accomplit  son  pè- 
lerinage à  travers  les  siècles,  du  haut  des  cieux  où 
il  est  assis  a  la  droite  du  Père,  Jésus-Christnecesse 
de  départir  a  chacun  des  fidèles  qui  la  composent 


DE  L'ASCENSION  DE  J.-C.  95 

cette  variété  de  dons  qui  les  distinguent  et  les  sanc- 
tifient. «  Chacun  de  nous,  dit  l'Apôtre,  a  reçu  son 
don  particulier,  selon  la  mesure  que  Jésus-Christ  a 
jugée  à  propos.  Unicuique  nostrum  data  est  gratia 
secundum  mensuram  donationis  Christi.  »(Ep.  iv.) 

CONCLUSION. 

\ 3.  Concluons  et  résumons,  en  quelque  manière, 
en  un  seul  avantage  final,  tout  ce  que  nous  avons 
dit  des  fruits  de  l'Ascension  du  Sauveur. 

Comme  sa  mort,  comme  sa  résurrection,  elle  est 
aussi  pour  nous  un  modèle,  un  modèle  qui  nous 
apprend  à  habiter  de  cœur  et  d'esprit  dès  cette  vie 
même  dans  la  céleste  patrie,  mais  modèle  actif, 
puissant  et  efficace  ;  car  s'il  est  vrai  que  nous  som- 
mes redevables  de  notre  rédemption  à  la  mort  de 
Jésus-Christ,  s'il  est  vrai  que  c'est  par  les  mérites 
de  son  sang  que  le  ciel  est  ouvert  aux  justes,  il  est 
également  vrai  que  son  Ascension  a  été  pour  nous 
comme  la  source  des  grâces  dont  nous  avons  besoin 
pour  nous  détacher  de  la  terre  et  transporter  au 
ciel  nos  affections  et  nos  pensées. 

Demandons  instamment  à  Jésus-Christ  que  son 
ascension  opère  en  nous  ce  fruit  précieux  qui  ren- 
ferme tous  les  autres.  Si  nous  l'obtenons,  si  nous 
comprenons  bien  que  cette  vie  est  un  exil  et  que 
nous  soupirions  continuellement  après  la  patrie, 
ah  !  sans  doute  nous  aurons  le  bonheur  d'y  attein- 
dre, et  à  la  mort,  nous  verrons  noire  nom  inscrit 
parmi  les  citoyens  du  ciel. 


96  MOTIFS  ET  FRUITS,  ETC. 

Ta  dux  ad  astra  et  semita, 
Sis  meta  nostris  cordibus, 
Sis  lacrymarum  gaudium, 
Sis  dulce  vitse  praemium. 

0  Jésus  !  qui  êtes  notre  guide  et  notre  voie  vers 
le  ciel,  soyez  le  terme  de  toutes  nos  affections, 
soyez  notre  joie  dans  les  larmes,  soyez  notre  douce 
récompense  dans  la  vie  éternelle  ! 


NOTE.  97 


NOTE. 


UTRUM  ASCENSIO  CHRISTI  SIT  CAUSA  NOSTRJE  SALUTIS. 

Videtur  quod  ascensio  Christi  non  sit  causa  nostrae 
salulis  ;  Christus  enim  fuit  causa  nostrae  salulis  in  quantum 
salutem  nostram  meruit  :  sed  per  ascensionem  nihil  nobis 
meruit;  quia  ascensio  pertinet  ad  praemium  exaitationis 
ejus  :  non  est  autem  idem  meritum  et  praemium,  sicut  nec 
via  et  terminus  :  Ergo  videtur,  quod  ascensio  Christi  non 
sit  causa  nostrae  salutis. 

Praeterea,  si  ascensio  Christi  est  causa  nostrae  salutis, 
maxime  hoc  videtur  quantum  ad  hoc,  quod  ascensio  ejus 
sit  causa  nostrae  a-censionis  :  Sed  hoc  collatum  est  nobis 
per  ejus  passionem  :  quia  ut  dicitur  Heb.  10  babemus 
fiduciam  in  introilu  sanctorum  per  sanguinem  ipsius  :  Ergo 
videtur  quod  ascensio  Christi  non  fuerit  causa  nostrae 
salutis. 

Praeterea, Salusnobis  per  Christum  collata  estsempiterna, 
secundum  illud  Isa.  51  :  Salus  autem  mea  in  sempiternum 
erit  :  Sed  Christus  non  ascendit  in  cœlum  ut  ibi  in  sempi- 
ternum esset  :  dicitur  enim  Act  1 .  Quemadmodum  vidistis 
eum  ascendentem  in  cœlum,  ila  veniet.  Legitur  etiam 
multis  sanctis  se  demonstrasse  in  terris  post  suam  ascen- 
sionem ;  sicut  de  Paulo  legitur  Act.  9.  Ergo  videtur,  quod 
ejus  ascensio  non  sit  causa  nostrae  salutis. 

Sed  contra  est,  quo  i  ipse  clicit  Joan.    16.  Expedit  vobis 
symb.     ii.  9 


98  NOTE. 

ut  ego  vadam,  id  est,  ut  reeedam  a  vobis  per  ascensio- 
nem. 

CONCLUSIO. 

Ascensio  Christi  salutis  nostrae  causa  fuit,  tum  ex  parte 
nostra  quatenus  per  ejus  ascensionem  mens  nostra  in  ipsum 
movetur,  tum  ex  parte  sua,  quatenus  nobis  viam  in  cœlum 
praeparavit. 

Respondeo  dicendum,  quod  ascensio  Christi  est  causa 
nostrae  salutis  dupliciter  .  Uno  modo  ex  parte  nostra,  alio 
modo  ex  parte  ipsius  :  Ex  parte  quidem  nostra,  in  quantum 
per  Christi  ascensionem  mens  nostra  movetur  in  ipsum  ; 
quia  per  ejus  ascensionem  sicut  supra  dictum  est  (art.  4 . 
et  3.)  primo  quidem  datur  locus  fidei,  secundo  spei,  tertio, 
charitati,  quanto  etiam  per  hoc  reverentia  nostra  augetur 
ad  ipsum,  dum  jam  non  existimamus  eum  sicut  hominem 
terrenum,  sed  sicut  Deum  cœlestem  sicut  et  Apost.  dicit 
2.  ad  Cor.  5.  Et  si  cognovimus  secundum  carnem  Christum, 
(id  est  mortalem,  per  quod  putavimus  eum  tantum  homi- 
nem :  ut  gloss.  exponitj  sed  nunc  jam  non  novimus.  Ex 
parte  autem  sua,  quantum  ad  ea  quae  ipse  fecit,  ascen- 
dens  propter  nostram  salutem  ;  primo  quidem  viam  nobis 
preeparavit  ascendendi  in  cœlum,  secundum  quod  ipse  dicit 
Joan.  4  4.  Vado  vobis  parare  locum  ;  et  Mich.  2.  Ascendit 
pandens  iter  ante  eos  :  Quia  enim  ipse  est  caput  nostrum, 
oportet  illuc  sequi  membra,  quo  caput  prœcessit  :  Unde 
dicitur  Joan.  14.  Ut  ubi  ego  sum,  et  vos  sitis  :  Et  in  hujus 
signum  animas  Sanctorum,  quas  de  inferno  eduxerat,  in 
cœlum  traduxit  secundum  illud  Psal.  67.  Ascendens 
Christus  in  altum  captivam  duxit  captivitatem  :  quia  scili- 
cet  eos,  qui  fuerant  a  diabolo  captivitati,  secum  duxit  in 
cœlum,  quasi  in  locum  peregrinum  humanae  naturae,  bona 
captione  caplivos,.  utpoteper  victoriam  acquisitos.  Secun- 
do :  quia  sicut  Pontifex  in  veteri  Testamento  intrabat  sanc- 
tuarium,  ut  assisteret  Deo  pro  populo  ;  ita  et  Christus  intra- 


NOTE.  99 

vitcœium,  ad  interpellandum  pro  nobis,  ut  dicitur  Heb.  9. 
Ipsa  enim  reprœsentatio  sui  ex  natura  humana,  quam  in 
cœlum  intulit,  est  quaedam  interpellatio  pro  nobis,  ut  ex 
quo  Deus  humanam  naturam  sic  exaltavit  in  Christo,  etiam 
eorum  misereatur,  pro  quibusFilius  Dei  humanam  naturam 
assumpsit.  Tertio  ut  in  cœlorum  sede  quasi  Deus  et  Domi- 
nus  constitutus,  exinde  divina  dona  hominibus  mitteret, 
secundum  illud  Ephes.  4.  Ascendit  super  omnes  cœlos,  ut 
adimpleret  omnia,    scilicet   donis  suis-  secundum  gloss. 

Ad  primum  ergo  dicendum,  quod  ascensio  Christi  est 
causa  nostrae  salutis,  non  per  modum  meriti,  sed  per  mo- 
dum  efficientiee;  sicut  supra  de  resurrectione  dictum  est 
(qu.  56  art.  %  et  3.) 

Ad  secundum  dicendum,  quod  passio  Christi  est  causa 
nostrae  salutis  in  cœlum  proprie  loquendo  per  remotionem 
peccati  prohibentis,  et  per  modum  meriti  ;  ascensio  autem 
Christi  est  directe  causa  ascensionis  nostrae,  quoniam  in- 
choavimus  ipsam  in  capite  nostro,  cui  oportet  membra 
conjungi. 

Ad  tertium  dicendum,  quod  Christus  semel  ascendens 
in  cœlum,  adeptus  est  sibi  et  nobis  in  perpetuum,  jus  et 
dignitatem  mansionis  cœlestis;  cui  tamen  dignitati  non 
derogat,  si  ex  aliqua  dispensatione  Christus  qii3ndoque 
corporaliter  ad  terram  descendens  vel  ostendat  se  omnibus, 
sicut  in  judicio,  vel  ostendat  se  alicui  specialiter,  sicut 
Paulo,  ut  habetur  Act.  9.  Et  ne  quis  credat  hoc  factum 
fuisse,  non  Christo  ibi  corporaliter  prsesente,  sed  aliqua- 
liter  apparente,  contrarium  apparet  per  hoc  quod  ipse 
Apost.  dicit  1  ad  Cor.  15.  ad  confirmandam  resurrectionis 
fidem  :  Novissime  omnium  tanquam  abortivo  visus  est  et 
mihi.  Ou33  quidem  visio  veritatem  resurrectionis  non  pro- 
baret,  nisi  ipsum  verum  Christi  corpus  visu  m  fuisset  ab  eo. 
{S.  Thom.  3  p.  q.  bl,art.  6.) 


VIIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE, 

INDE  VENTURUS  EST  JUDICAEE  VIVÔS  ET  MORTUOS. 

i"  INSTRUCTION. 

VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ    DON  JUGEMENT  GÉNÉRAL. 


EXOIlDt. 

1 .  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  remplit  trois  fonc- 
tions illustres  qui  font  la  gloire  et  l'ornement  de 
son  Eglise  :  il  est  notre  Rédempteur,  notre  avocat 
et  notre  juge. 

Dans  les  articles  précédents,  nous  avons  vu 
comment  il  est  devenu  notre  Rédempteur.  C'est 
au  prix  de  son  sang  et  de  sa  vie.  ce  Pour  nous  autres 
hommes  et  pour  notre  salut,  dit  le  Symbole  de 
Nîcée,  il  est  descendu  des  cieux,  s'est  incarné  dans 
le  sein  virginal  de  Marie  par  la  vertu  du  Saint-Es- 
prit et  s'est  fait  homme.  11  a  aussi  été  crucifié  pour 
nous  sous  Ponce  Pilate,  il  a  souffert  et  il  a  été  en- 
seveli. Propter  nos  homines  et  propter  nostramsa- 
lutem  descendit  de  cœlis,  et  incarnatus  est  de  Spi- 
iltu  sancto  ex  Maria  virgine,  et  homo  factus  est; 


VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ,  ETC.  101 

crucifixus  etiam  pronobis  subPonlio  Pilato,  passus 
et  sepultus  est.  » 

Mais  il  n'a  pas  sulli  au  Sauveur  de  détruire  notre 
mort  par  la  sienne,  il  a  voulu  que  sa  résurrection 
fut  le  principe,  le  modèle  et  le  gage  de  la  nôtre  : 
«  mortem  nostram  moriendo  destruxit,  et  vitam 
resurgendo  reparavit.  » 

Est-ce  tout?  Non;  cette  Rédemption  n'eût  pas 
été  assez  parfaite  à  son  gré  :  il  est  donc  monté  au 
ciel,  afin,  comme  le  dit  encore  la  sainte  Eglise,  de 
nous  rendre  participants  de  sa  divinité  :  «  est  ele- 
vatus  in  cœlum  ut  nosdivinitatis  suas  tribueret  esse 
participes.  »  [Préface  de  l'Ascension.) 

Voila  quelle  a  été  la  plénitude  de  sa  rédemption. 

2.  Pour  que  les  fruits  nous  en  soient  plus  sûre- 
ment appliqués,  à  la  qualité  de  Rédempteur,  Jésus- 
Christ  joint  celle  d'Avocat. 

On  vous  a  dit  dans  la  dernière  instruction,  avec 
quelle  charité  il  s'acquitte  de  cet  office,  toujours 
occupé  à  intercéder  pour  nous  et  à  faire  valoir  en 
notre  faveur  les  mérites  de  son  sang.  Médiateur  en- 
tre Dieu  et  nous,  pour  apaiser  la  justice  et  nous 
concilier  la  miséricorde  de  son  Père,  il  lui  montre 
les  plaies  qu'il  a  reçues  et  qu'il  conserve  comme 
un  monument  de  son  obéissance  envers  lui  et  de 
son  amour  pour  nous. 

3.  La  troisième  fonction  de  Jésus-Christ,  bien 
différente  des  deux  premières  à  certains  égards,  s'y 
rapporte  néanmoins  très-justement  :  après  avoir 


1  02  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

été  noire  Rédempteur  et  notre  Avocat,  il  sera  aussi 
notre  Juge. 

C'est  ce  dernier  titre  que  nous  allons  maintenant 
considérer. 

Le  septième  article  du  Symbole  l'exprime  en 
disant  :  du  ciel,  il  viendra  juger  les  vivants  et  les 
morts.  Par  ces  paroles,  il  nous  déclare  qu'à  la  fin 
des  temps,  il  y  aura  un  jugement  général  pour  tous 
les  hommes,  jugement  présidé  par  Jésus-Christ  en 
personne. 

Etablissons  d'abord  la  vérité  du  jugement;  nous 
verrons  ensuite  pourquoi  un  jugement  général  est 
nécessaire. 

PREMIER  POINT. 

i-.  L'Ecriture  fait  mention  de  deux  avènements 
du  Fils  de  Dieu. 

Le  premier  s'est  accompli,  quand  il  s'est  fait 
homme  dans  le  sein  de  la  Vierge  pour  nous  ra- 
cheter. 

Le  second  aura  lieu,  quand,  à  la  fin  des  siècles, 
il  viendra  pour  juger  tous  les  hommes. 

Ce  dernier  avènement  est  appelé  par  excellence 
le  jour  du  Seigneur  :  dies  Domini ;  c'est-à-dire  le 
jour  où  il  paraîtra  dans  tout  l'éclat  de  sa  grandeur 
et  de  sa  puissance,  le  jour  où  toute  créature  le 
reconnaîtra  pour  son  Maître  et  son  Dieu,  le  jour 
enfin  où  il  distribuera  à  chacun  selon  ses  mérites. 

Quand  viendra  ce  jour  formidable?  L'Apôtre 
nous  avertit  qu'il  viendra  de  nuit  comme  un  voleur. 


D'UN  JUGEMENT  GÉNÉRAL.  103 

«  Dies  Domini  sicut  fur  in  nocte,  ita  veniet.  »  (/. 
Thess.  v.)  Et  le  Sauveur  lui-même  nous  a  déclaré 
que  a  personne  ne  connaît  ni  ce  jour  ni  cette  heure, 
pas  même  les  anges  du  Ciel,  excepté  le  Père  seul. 
De  illa  autem  die  et  hora  nemo  scit,  neque  angeli 
cœlorum,  nisi  sol  us  Pater.  »  [Mat  th.  xxiv.) 

5.  Mais  si  le  Seigneur  nous  laisse  dans  l'incerti- 
tude quant  à  l'heure  du  jugement,  rien  de  plus 
certain  que  le  jugement  lui-même. 

Le  seul  témoignage  de  l'Apôtre  pourrait  suffire, 
tant  il  est  clairet  catégorique  :  «  Tous,  dit-il,  nous 
devons  comparaître  devant  le  tribunal  de  Jésus- 
Christ,  afin  que  chacun  reçoive  selon  le  bien  ou  le 
mal  qu'il  aura  fait  dans  cette  vie.  Omnes  nos  ma- 
nifestait oportet  ante  tribunal  Christi,  ut  référât 
unusquisque  propria  corporis,  prout  gessit  sive  bo- 
nnm  sive  malum.  »  (2  Corinth.  v.} 

Les  livres  saints  sont  remplis  de  semblables  té- 
moignages. 

«Les  ennemis  du  Seigneur,  dit  la  mère  de  Sa- 
muel dans  son  cantique,  apprendront  à  le  redou- 
ter ;  du  haut  des  deux,  il  fera  retentir  sur  eux  son 
tonnerre.  Le  Seigneur  viendra  juger  la  terre,  il 
donnera  l'empire  au  Roi  qu'il  s'est  choisi  et  il  exal- 
tera la  puissance  de  son  Christ.  Dominum  formi- 
dabunt  adversarii  ejus,  et  super  ipsos  in  cœlis 
tonabit;  Dominus  judicabit  fines  terrae ,  et  dabit 
imperium  régi  suo  etsublimabit  cornu  Christi  sui.» 
(J  Beg.  il) 

«  Le  Seigneur,  dit  le  prophète  royal,  est  le  Roi 


1  04  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

de  l'univers;  que  les  continents  et  les  îles  de  la 
mer  bondissent  de  joie.  11  viendra  un  jour  sur  la 
terre,  entouré  d'épais  nuages;  son  trône  sera  sou- 
tenu par  la  justice  et  la  sagesse.  Il  sera  précédé  d'un 
feu  dévorant  qui  enveloppera  et  consumera  ses 
ennemis.  Ses  foudres  brilleront  dans  les  airs,  la 
terre  sera  consternée  à  sa  vue.  Les  montagnes 
fondront  comme  la  cire  devant  sa  face,  la  terre 
entière  fondra  en  sa  présence.  Les  cieux  par  une 
foule  de  prodiges,  annonceront  aux  hommes  que 
Je  temps  de  sa  justice  est  venu,  et  alors  tous  les 
peuples  seront  témoins  de  sa  gloire.  Dominus  re- 
gnavit ,  exultet  terra,  laetentur  insulae  multae.Nubes 
et  caligo  in  circuitu  ejus,  justitia  et  judicium  cor- 
rectio  sedis  ejus.  Ignis  ante  ipsum  praecedet,  et 
inflammabit  in  circuitu  inimicos  ejus.  Illuxerunt 
fulgura  ejus  orbi  terras;  viditetcommota  est  terra, 
Annuntiaverunt  cœlijustitiamejus,  et  videruntom- 
nes  populi  gloriam  ejus.  »  (Ps.  xcvj.) 

Le  prophète  Sophonie,  sous  la  figure  des  châti- 
ments qui  allaient  fondre  sur  les  Juifs,  dépeint  en 
ces  termes  le  grand  jour  du  jugement  :  «  Ce  jour 
là,  dit-il,  sera  un  jour  de  colère,  un  jour  d'affliction 
et  d'angoisse,  un  jour  de  calamité  et  de  misère,  un 
jour  de  ténèbres  et  d'obscurité,  un  jour  de  nuages 
et  de  tempêtes.  Dies  iras,  dies  illa,  dies  tribulationis 
et  angustiaa,  dies  calamitatis  et  miseriae,  dies  tene- 
brarum  et  caliginis,  dies  nebulae  et  turbinis.  » 
{Sophon.  i.) 

Dans  l'Evangile,  notre  divin  Sauveur  ayant  pro- 


D  UN  JUGEMENT  GÉNÉRAL.  105 

posé  au  peuple  la  parabole  de  la  bonne  et  de  la 
mauvaise  semence  qui  croissent  ensemble  dans  le 
même  champ  jusqu'au  moment  de  la  moisson,  l'ex- 
pliqua ensuite  en  particulier  à  ses  disciples  :  ((Celui 
qui  sème  le  bon  grain,  leur  dit-il,  c'est  le  Fils  de 
l'homme.  Le  champ,  c'est  le  monde.  La  bonne  se- 
mence, ce  sont  les  enfants  du  royaume.  La  mau- 
vaise ou  l'ivraie,  ce  sont  les  méchants.  L'ennemi 
qui  l'a  semée,  c'est  le  démon.  La  moisson,  c'est 
la  consommation  des  siècles.  Les  moissonneurs, 
ce  sont  les  anges.  Or,  ajoute  le  divin  Maître,  de 
même  qu'on  ramasse  l'ivraie  et  qu'on  la  jette  au 
feu  ;  ainsi  en  sera-t-il  à  la  fin  du  monde.  Alors  le 
Fils  de  l'homme  enverra  ses  anges  et  ils  enlève- 
ront de  son  royaume  tous  les  scandales  et  tous 
ceux  qui  commettent  l'iniquité  et  ils  les  précipi- 
teront dans  la  fournaise.  C'est  là  qu'il  y  aura  des 
pleurs  et  des  grincements  de  dents.  Alors  les  justes 
brilleront  comme  le  soleil  dans  le  royaume  de  mon 
Père.  » 

C'est  ainsi  que  les  divines  Ecritures  attestent 
l'arrivée  infaillible  du  grand  jour  du  jugement,  et 
qu'elles  nous  en  rendent  la  vérité  sensible. 

Mais  quelle  a  été  l'intention  du  Saint-Esprit,  en 
le  désignant  si  souvent  sous  le  nom  de  jour  du 
Seigneur? 

Ah  l  ce  n'est  pas  uniquement  pour  en  imprimer 
la  crainte  dans  nos  cœurs  ;  c'est  aussi  pour  nous 
en  faire  désirer  l'avènement. 

Depuis  la  création  du  monde,  le  jour  le   plus 


106  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

désiré  fut  celui  où  le  Rédempteur  devait  se  revêtir 
de  notre  nature  et  paraître  sur  la  terre  ;  car  ce 
jour  devait  commencer  une  ère  nouvelle,  celle  de 
la  délivrance  du  genre  gumain.  Eh  bien  !  mainte- 
nant que  Jésus-Christ  est  mort  et  ressuscité,  et 
qu'il  est  monté  au  ciel,  quel  autre  jour  mérite  plus 
d'exciter  nos  désirs,  sinon  cet  autre  jour  du  Sei- 
gneur ,  où  doivent  s'accomplir  nos  espérances 
bienheureuses,  et  où  nous  attendons  l'avènement 
glorieux  de  notre  grand  Dieu,  Jésus-Christ,  notre 
Sauveur?  «  Expectantes  beatam  spemet  adventum 
gloriae  magni  Dei  et  salvatoris  nostri  Jesu-Christi.  » 
(77/.  il.) 

Voilà  deux  puissants  motifs  qui  doivent  nous 
inspirer,  comme  aux  anciens  patriarches,  une 
sainte  impatience  de  son  arrivée. 

6.  Nous  serons  donc  tous  cités  au  tribunal  de 
Jésus-Christ  pour  rendre  compte  de  nos  pensées, 
de  nos  paroles,  de  nos  actions,  et  entendre  de  sa 
bouche  notre  sentence.  C'est  là  une  vérité  indu- 
bitable. 

Mais  devrons-nous  attendre  pour  cela  la  fin  des 
siècles? 

Non,  le  jugement  se  fera  en  deux  temps  diffé- 
rents. 

Le  premier  a  lieu  immédiatement  après  la  mort 
de  chacun  ;  car  aussitôt  le  dernier  soupir  rendu, 
l'âme  comparaît  devant  le  tribunal  de  Dieu,  et  là, 
elle  subit  un  rigoureux  examen  sur  tout  ce  qu'elle 


D'UN  JUGEMENT  GÉNÉRAL.  107 

a  fait,  dit  ou  pensé  pendant  la  vie.  C'est  le  juge- 
ment particulier. 

Le  second  aura  lieu  à  la  fin  du  monde.  Alors,  en 
un  même  jour  et  en  un  même  lieu,  les  hommes  qui 
auront  existé  en  quelque  temps  que  ce  soit,  com- 
paraîtront tous  ensemble  devant  le  Juge  suprême. 
Là,  en  présence  de  toutes  les  générations  humaines, 
chacun  entendra  la  sentence  portée  sur  lui,  et  la 
manifestation  de  cette  sentence  ne  sera  pas  le 
moindre  châtiment  des  impies  et  des  méchants, 
tandis  que  les  justes  et  les  saints  y  trouveront  une 
partie  de  leur  récompense  et  de  leur  félicité. 
Chacun  alors  paraîtra  tel  qu'il  aura  été  dans  cette 
vie.  A  ce  moment,  toutes  les  vaines  apparences 
de  vertu  et  de  probité  disparaîtront  :  tout  masque 
tombera,  et  le  vice  et  la  vertu  seront  pleinement 
à  découvert. 

Ce  second  jugement  s'appelle  le  jugement  géné- 
ral. Il  s'agit  à  présent  de  vous  en  expliquer  la. 
nécessité. 

SECOND  POINT. 

7.  Puisque  tout  homme  est  jugé  au  sortir  de  ce 
monde,  ne  semble-t-il  pas  qu'un  second  jugement 
soit  superflu? 

Non,  ce  second  jugement  n'est  pas  inutile; 
plusieurs  motifs  le  rendent  même  nécessaire. 

Le  premier  de  ces  motifs,  c'est  que  d'ordinaire 
le  passage  de  l'homme  sur  la  terre  y  laisse  des 
traces. 


108  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

Généralement,  l'homme  se  survit  à  lui-même, 
soit  dans  ses  enfants,  soit  dans  ses  amis,  soit  dans 
ses  disciples.  L'éducation  qu'il  a  donnée  à  ses  en- 
fants, les  maximes,  les  leçons,  les  exemples  qu'il  a 
laissés  à  ceux  avec  qui  il  a  vécu,  continuent  d'avoir 
leur  effet  après  sa  mort.  Prenons  deux  exemples, 
l'un  d'un  saint,  l'autre  d'un  impie.  Il  y  a  près  de 
deux  siècles  que  saint  Vincent  de  Paul  a  paru  sur  la 
terre.  Ne  respirons-nous  pas  encore  de  nos  jours 
l'odeur  de  ses  vertus?  et  les  semences  de  charité 
qu'il  a  jetées  dans  le  monde  ne  continuent-elles 
pas  d'y  fructifier?  et  son  esprit  ne  subsiste-t-il  pas 
toujours  dans  ces  admirables  institutionsqui  doivent 
leur  naissance  à  son  zèle  ?  Au  contraire,  le  mal  pro- 
duit par  Henri  VIII,  par  exemple,  ou  par  Luther,  a-t- 
îl  cessé  avec  eux  ?  Le  schisme  dont  le  premier  fut  la 
cause,  l'hérésie  dont  le  second  fut  le  père,  conti- 
nuant d'exercer  leurs  ravages  et  d'entraîner  une 
multitude  d'âmes  à  leur  perte,  ces  malheureux 
n'en  sont-ils  pas  responsables?  Ne  sont-ils  pas 
coupables  des  suites  de  leurs  scandales? 

Ainsi  de  jour  en  jour  s'augmente  la  somme  de 
bien  ou  de  mal  appartenant  à"  celui  qui  a  vécu  sur 
la  terre;  et  ce  n'est  qu'au  dernier  jour  qu'il  aura 
comblé  la  mesure  de  ses  mérites  ou  de  ses  démé- 
rites. 

11  est  juste  qu'il  y  ait  une  enquête  exacte  sur 
tout  cet  enchaînement  de  bien  et  de  mal;  il  est 
donc  nécessaire  qu'il  y  ait  un  jugement  général. 

8.  En  second  lieu,  ce  jugement  est  encore  né- 


D'UN  JUGEMENT  GÉNÉRAL.  109 

cessaire  pour   réformer  l'injustice  des  jugements 
du  monde. 

Il  arrive  souvent  ici-bas  que  les  gens  de  bien 
sont  méconnus,  méprisés  et  calomniés,  tandis  que 
les  méchants  jouissent  des  honneurs  de  la  vertu. 
Tel  passe  pour  honnête  homme  et  possède  l'estime, 
qui,  au  fond  et  devant  Dieu,  n'est  qu'un  esclave  des 
vices  les  plus  honteux. Tel,  au  contraire,  est  bafoué 
et  tenu  pour  faible  d'esprit,  qui,  bravant  le  respect 
humain,  pratique  généreusement  les  devoirs  du 
chrétien.  Tel  encore  marche  tète  levée  et  voit  tout 
le  monde  s'incliner  avec  respect  devant  lui,  parce 
qu'il  a  réussi  par  toute  sorte  de  moyens  à  se  faire 
une  fortune  ;  tel  autre,  au  contraire,  végète  dans 
la  plus  profonde  obscurité,  parce  qu'il  n'a  d'autre 
bien  en  partage  que  la  vertu. 

0  monde  !  un  jour  viendra  où  tes  faux  jugements 
seront  cassés  et  redressés.  Alors  se  dissiperont  toute 
cette  vaine  réputation  et  cette  fausse  gloire  que  tu 
décernais  à  tes  sectateurs  ;  alors  justice  sera  faite 
aux  humbles  et  aux  petits  que  lu  foulais  aux  pieds 
avec  tant  d'arrogance  et  que  tu  regardais  comme 
labalayure  de  la  terre. 

Oui,  la  justice  divine  exige  que  chacun  soit  re- 
connu pour  ce  qu'il  est  et  ce  qu'il  vaut  ;  l'impie  et 
l'hypocrite  doivent  être  démasqués  et  confondus  ; 
le  juste  et  l'innocent  doivent  être  pleinement  réha- 
bilités. 

Tel  est  le  second  motif  pour  lequel  il  y  aura  un 
jugement  général. 


1  1  0  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

Consolez-vous  donc,  vous  qui  gémissez  sous  le 
poids  de  la  calomnie  et  d'injustes  préventions  ; 
au  dernier  jour,  votre  innocence  sera  proclamée  à 
la  face  de  l'univers.  Pour  vous,  dont  la  réputation 
n'est  fondée  que  sur  le  déguisement,  l'artifice  et 
l'erreur,  pensez-y  bien,  si  vous  ne  changez  sincère- 
ment de  conduite,  vous  tomberez  alors  dans  une 
confusion  d'autant  plus  grande  que  vous  aurez  joui 
injustement  d'une  plus  haute  considération. 

9.  En  troisième  lieu,  il  faut  encore  un  jugement 
général,  pour  que  l'homme  soit  puni  ou  récompensé 
en  corps  et  en  âme. 

Notre  corps  est  le  compagnon,  le  serviteur  et 
l'instrument  de  notre  àme.  il  participe  au  bien  et 
au  mal  quelle  commet.  C'est  par  son  moyen  qu'elle 
pratique  les  œuvres  extérieures  de  pénitence,  de 
charité,  de  zèle,  enfin  de  toutes  les  vertus.  C'est 
également  par  son  moyen  qu'elle  se  livre  aux 
œuvres  du  péché  ;  souvent  même  c'est  pour  lui 
procurer  des  jouissances  coupables,  qu'elle  se 
laisse  aller  au  mal. 

Les  martyrs  ont  souffert  pour  la  foi  dans  leur 
chair  ;  les  saints  pénitents  l'ont  matée,  les  vierges 
l'ont  crucifiée  et  environnée  d'épines,  afin  de  la 
défendre  contre  les  attraits  de  la  volupté  ;  n'est-il 
pas  juste  que  cette  chair  humiliée  et  affligée  ait 
part  à  la  gloire  de  l'âme?  N'est-il  pas  juste  aussi 
que  celle  du  libertin, de  l'homme  sensuel  et  animal, 
reçoive  le  prix  de  ses  désordres  et  le  châtiment  de 
ses  infamies? 


d'un  jugement  général.  111 

C'est  pour  cela  que  nous  ressusciterons  tous  et 
qu'ensuite  nous  paraîtrons  tous  au  jugement  en 
corps  et  en  âme. 

Oh  !  alors,  quelle  ne  sera  pas  la  joie  du  chrétien 
fidèle  qui,  à  l'exemple  de  saint  Paul,  aura  châtié 
son  corps  et  l'aura  réduit  en  servitude  !  Quel  ne 
sera  pas  le  désespoir  de  celui  qui  s'en  sera  fait  une 
idole,  qui  l'aura  flatté  et  satisfait  aux  dépens  de 
son  âme  ! 

10.  Enfin,  un  jugement  général  est  nécessaire 
pour  justifier  la  conduite  de  la  divine  Providence. 

Dans  cette  vie,  les  biens  et  les  maux  sont  le  par- 
tage des  bons  et  des  méchants  indistinctement.  Il 
semble  que  le  hasard  seul  préside  à  cette  distri- 
bution. On  voit  des  méchants  dans  la  prospérité, 
des  justes  accablés  de  revers. 

Il  n'y  a  cependant,  dans  cette  répartition  des 
biens  et  des  maux,  absolument  rien  qui  ne  soit 
réglé  par  la  sagesse  et  la  justice  infinie  de  Dieu  ; 
«  un  seul  cheveu  ne  peut  tomber  de  notre  tète  sans 
sa  permission.  » 

Mais  cette  sagesse  et  cette  justice  doivent  être 
manifestes  pour  tous.  Il  convient  que  la  divine 
providence  fasse  paraître  l'équité  de  son  gouver- 
nement. 

Or,  pour. cela,  il  ne  suffit  pas  qu'il  y  ait  dans 
l'autre  vie  des  peines  pour  les  méchants  et  des 
récompenses  pour  les  bons,  il  faut  encore  que  ces 
peines  et  ces  récompenses  soient  décernées  à  la 


I  I  2  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

face  de  l'univers,  après  un  jugement   public  et 
général. 

C'est  ainsi  que  la  justice  divine  paraîtra  dans 
tout  son  éclat,  et  que  toute  créature  sera  obligée 
de  la  reconnaître  et  de  lui  rendre  hommage  :  «Jus- 
tus  es.  Domine,  et  rectum  judicium  tuum.  Alors 
élus  et  réprouvés,  tous  s'écrieront  d'une  voix  una- 
nime :  ((Vous  êtes  juste,  Seigneur,  et  vos  jugements 
sont  la  vérité  même.  »  {Ps.  cxvm.) 

1  I .  Oui,  Dieu  se  doit  cett-e  justification  éclatante 
et  glorieuse. 

Souvent,  hélas!  dans  leur  aveuglement,  les 
hommes  murmurent  contre  les  dispositions  de  sa 
Providence  ;  leur  vue  bornée  s'arrête  à  la  peine 
présente  et,  s'irritant  d'un  mal  dont  ils  n'aperçoivent 
pas  la  raison,  dont  ils  ne  devinent  pas  les  avan- 
tages, ils  se  livrent  au  chagrin  et  à  l'impatience. 

Les  justes  mêmes  sont  quelquefois  tentés  de  se 
plaindre,  en  voyant  les  méchants  dans  la  prospé- 
rité et  l'abondance. «  Mes  pieds,  disait  le  Psalmiste, 
ont  chancelé  ;  j'ai  été  sur  le  point  de  succomber  au 
murmure,  témoin  de  la  paix  des  impies,  j'en  res- 
sentais de  l'envie.  Mei  autem  penèmoti  sunt  pedes, 
pêne  effusi  sunt  gressus  mei,  quia  zelavi  super 
iniquos,  pacem  peccatorum  videns.  »  (Ps.  lxxii  ) 
Un  peu  plus  loin,  exposant  les  réflexions  ou  plutôt 
les  tentations  que  cette  vue  faisait  naître  dans  son 
esprit  :  «  Voilà,  s j  disait- il,  voilà  des  hommes  im- 
pies et  libertins,  et  cependant  tout  leur  réussit 
dans  la  vie,  ils  regorgent  de  richesses.  C'est  donc 


DUN   JUGEMENT  GÉNÉRAL.  113 

en  vain  que  j'ai  conservé  mon  cœur  pur  et  que 
j'ai  lavé  mes  mains  au  milieu  des  hommes  les  plus 
intègres,  puisque  je  ne  cesse  pas  d'être  flagellé  et 
que  votre  main  est  si  prompte  à  me  châtier.  Ecce 
ipsi  peccalores,  et  abundantes  in  saeculo  ;  obtinue- 
runt  divitias.  Et  dixi  :  ergo  sine  causa  justificavi 
cor  meum  et  lavi  inter  innocentes  manus  meas  ;  et 
fui  flagellatus  tota  die,  et  castigatio  mea  in  matu- 
Bnis.  »  (Ibid.) 

Cette  plainte  n'est  point  rare.  Plusieurs  saints 
ersonnages  l'ont  faite,  non  sans  doute  par  esprit 
'Je  murmure,  mais  pour  exprimer  la  vivacité  de 
fteurs  peines  et  en  demander  au  Seigneur  le  sou- 
lagement. 

Un  jugement  général  est  donc  indispensable. 
La  vérité  de  ce  jugement  à  venir,  voilà  ce  qui 
nous  empêche  de  dire  avec  l'impie  que  Dieu  se 
contente  de  se  promener  sur  la  voûte  des  cieux, 
laissant  aller  à  l'aventure  les  choses  d'ici-bas. 

Non,  il  n'en  est  pas  ainsi,  et  nous  n'avons  pas 
affaire  à  un  Dieu  aveugle  et  insouciant,  mais  à  un 
Dieu  juste,  et  saint,  qui  considère  attentivement 
toutes  les  démarches  des  enfants  des  hommes, 
pour  rendre  à  chacun  selon  ses  mérites. 

«  Je  me  flattais,  ajoute  le  Psalmiste,  de  péné- 
trer le  secret  de  la  conduite  divine  ;  mois  j'y  ai 
travaillé  inutilement,  jusqu'à  ce  qu'entrant  dans  le 
sanctuaire  du  Seigneur,  j'ai  compris  quelle  de- 
vait être  la  fin  des  pécheurs. . .  Dans  quelle  déso- 
lation je  les  vois  réduits  !  Comme  ils  sont  tombés 

svmr       ii  4  0 


4  1  4  VÉRITÉ  ET  NÉCESSITÉ 

soudain  !  Dans  quelle  ruine  l'iniquité  les  a  préci- 
pités !  Leur  prospérité  passera  comme  un  songe 
au  réveil,  el  vous  anéantirez,  Seigneur,  leur  bon- 
heur imaginaire...  Exisiimabam  ut  cognoscerem 
hoc  ;  labor  est  ante  me,  donec  intrem  in  sanctua- 
rium  Dei  et  intelligam  in  novissimis  eorum...  Quo- 
moclo  facti  sunt  in  desolationem!  Subito  defecerunt, 
perierunt  propter  iniquitatem  suam.  Velut  som- 
nium  surgentium,  Domine  ;  in  civitate  tua  imagi- 
nem  ipsorum  ad  nihilum  rédiges.  »(Ibid.) 

CONCLUSION. 

12.  Que  cette  grande  vérité  du  jugement  der- 
nier raffermisse  notre  foi  dans  la  providence  et  la 
justice  de  Dieu  ! 

Non,  ce  désordre  qui  semble  régner  dans  le 
monde  :  la  vertu  opprimée,  le  crime  impuni,  l'in- 
justice triomphante,  l'innocence  persécutée,  le  vice 
sur  le  trône,  la  sainteté  dans  les  fers,  le  méchant 
dans  l'abondance,  le  juste  dans  la  misère,  tant  d'ir- 
régularités enfin  qui  choquent  nos  faibles  yeux  ne 
dureront  pas  toujours.  Elles  nous  seront  expliquées 
un  jour,  et  elles  seront  redressées  au  temps  mar- 
qué par  la  justice. 

Prenons  garde  seulement  de  nous  laisser  ébran- 
ler par  l'épreuve,  et  d'imiter  l'impie  qu'une  vaine 
apparence  de  félicité  séduit  et  aveugle. 

Justes,  consolez-vous  par  la  perspective  du 
grand  jour  du  jugement,  et  animez-vous  à  la  per- 
sévérance ;  sachez  qu'alors  vous  récolterez  en  abon- 


d'un  jugement  général.  1  1 0 

dance  les  fruits  de  vos  vertus  et  de  vos  sacrifices. 
Tout  sera  compté,  ju  squ'au  verre  d'eau  froide  donné 
pour  l'amour  de  Jésus-Christ. 

Pour  vous,  pécheurs,  songez  à  ce  qui  vous  at- 
tend finalement.  Ah  !  quel  compte  terrible  vous 
rendrez  en  ce  jour,  non-seulement  de  vos  péchés 
personnels,  mais  de  tous  ceux  dont  vous  aurez  été 
la  cause  par  vos  scandales  !  Pères  et  mères,  qui 
donnez  mauvais  exemple  à  vos  enfants,  avec  quelle 
rigueur  le  Souverain  Juge  n'examinera-t-il  pas 
alors  le  tort  que  vous  faites  à  leur  âme?  Il  vous  en 
demandera  compte,  et  vous  répondrez  d'eux,  ame 
pour  ame,  vie  pour  vie,  éternité  pour  éternité! 
Et  vous,  Maîtres  et  Maîtresses,  vous  qui  avez  quel- 
que autorité  sur  vos  semblables,  pensez  aussi  com- 
ment en  ce  jour  vous  soutiendrez  l'examen  qui 
sera  fait  de  votre  conduite,  si  au  lieu  d'employer 
toute  votre  influence  pour  porter  vos  inférieurs 
au  bien,  vous  en  abusez  pour  les  entraîner  au 
péché  ! 

Ah  !  si  jusqu'ici  nous  avons  eu  le  malheur  de 
méconnaître  nos  devoirs,  revenons  à  Dieu  :  hâtons- 
nous  pendant  qu'il  nous  en  laisse  encore  le  temps 
et  la  grâce.  Malheur  à  nous,  si  nous  endurcissons 
nos  cœurs  et  fermons  l'oreille  a  sa  voix  ! 

Tous,  qui  que  nous  soyons,  méditons  cette  for- 
midable vérité  du  jugement.  La  considération  de 
cette  vérité  nous  convertira,  si  nous  sommes  dans 
le  péché,  et  nous  soutiendra  dans  la  vertu,  si  nous 
sommes  justes. 


I  16  VÉRITÉ  ET  SECESSITÉ,  ETC. 

C'est  dans  ce  dessein  que  Jésus-Christ  nous  l'a 
annoncé.  Il  en  a  décrit  les  signes  avant-coureurs 
pour  nous  mettre  sur  nos  gardes.  Monté  au  ciel, 
il  a  envoyé  ses  anges,  pour  consoler  ses  disciples 
affligés  de  son  départ,  et  en  même  temps  pour  leur 
déclarer  de  sa  part  qu'il  reviendrait  :  «  Ce  même 
Jésus  qui  vient  de  vous  quitter  et  de  s'élever  aux 
cieui,  en  redescendra  un  jour  comme  vous  l'y  avez 
vu  monter.  Hic  Jésus,  qui  assumptus  est  à  vobis 
in  oœlum,  sic  veniet,  quemadmodum  vidistis  eum 
euntem  in  cœlum.  »  (Act.  i.) 


.NOTES.  I  17 


NOTES. 


I.    PREUVES   DU  JUGEMENT  DERNIER    PAR   SAINT   AUGUSTIN. 

Quod  ad  disserendum  de  novissimo  Judith  Dei.  novi  pri- 
mum  Testament),  ac  dehi.de  Veteris  testimonia  prolaturus  sit. 

Hujus  itaque  ultimi  judicii  Dei  testimonia  de  scriptaris 
sanctis  quae  ponere  institui,  prius  eligenda  sunt  de  libris 
Instrument!  Novi,  postea  de  Veteris.  Quamvis  enim  vetera 
priera  sint  tempore,  nova  tamen  anteponenda  sunt  digni- 
tate  ;  quoniam  illa  vetera  praeconia  sunt  novorum.  Nova 
igitur  ponentur  prius,  qiue  ut  firmius  probemus,  assumen- 
tur  et  vetera.  In  veteribus  habentur  Lex  et  Propheta?,  in 
novis  Evangelium  et  apostoliese  Litteroe.  Ait  autem  Aposto- 
lus,  Per  legem  enim  cognitio  peccati.  Nunc  autem  sine  lege 
justifia  Dei  manifesta  est,  testificata  per  Legem  et  Proplie- 
tas  :  justitia  autem  Dei,  per  fidem  Jesu  Christi  in  omnes 
qui  credunt  (Rom.  ni,  20-22  )  Hœc  justitia  Dei  ad  novum 
pertinet  Tesfamentum,  et  testimonium  habet  a  veteribus 
Libris,  boc  est,  a  Lege  et  Prophetis.  Prius  ergo  ipsa  causa 
ponenda  est,  et  postea  testes  introdueendi.  Hune  et  ipse 
Jésus  Christus  ordinem  ser\andum  esse  demonstmns , 
scriba,  inquit,  eruditus  in  regno  Dei,  similis  est  viro  patri- 
familias,  proferenti  de  thesauro  suo  nova  et  vetera  (Mai th. 
un,  52.)  Non  dixit,  Vetera  et  nova  :  quod  utique  drxisset, 
nisi  maluisset  meritorum ordinem  servare  quam  temporum. 

Quibûs   sententiis  Domini  Salvatoris  divinum  judicium 

fiiturum  in  fine  saculi  declaretur. 


1  1 8  NOTES 

-1 .  Ergo  ipse  salvator  cum  objurgaret  ci  vitales,  in  qui- 
bus  vinutes  magnas  fecerat,  neque  crecliderant,  et  eis  alie- 
nigenas  anteponeret  :  Yerumtamen,  inquit,  dico  vobis  : 
Tyro  et  Sidoni  remissius  erit  in  die  judicii  quam  vobis.  Et 
paulo  post  alteri  civitati  :  Amen,  inquit,  dico' vobis,  quia 
terras  sodomorum  remissius  erit  in  die  judicii  quam  tibi 
(Matth.  xr,  22,  24.)  Hic  evidentissime  praedicat  diem 
judicii  esse  venturum.  Et  alio  loco  :  Viri  Ninivitae,  inquit, 
surgent  in  judicio  cum  generatione  ista,  et  condemnabunt 
eam  ;  quia  pœnitentiam  egerunt  in  praedicatione  Jonge,  et 
ecce  plus  quam  Jonas  hic.  Regina  Austri  surgel  in  judicio 
cum  generatione  ista,  et  condemnabit  eam  ;  quia  venit  a 
finibus  terra?  audire  sapientiam  Salomonis,  et  ecce  plus 
quam  Salomon  hic  (Id.  xn,  41,  42.)  Duas  hoc  loco  res 
discimus,  et  venturum  esse  judicium,  et  eum  mortuorum 
resurrectione  venturum.  De  Ninivitis  enim  et  regina  Austri 
quando  ista  dicebat,  de  mortuis  sine  dubio  loquebatur, 
quos  tamen  in  die  judicii  resurrecturos  esse  praedixit.  Nec 
ideo  dixit,  condemnabunt,  quia  ipsi  judicabunt  :  sed  quia 
ex  ipsorum  comparalione  isti  merito  damnabuntur. 

2.  Rursus  alio  loco,  cum  dehominum  bonorum  et  malo- 
rum  nnncpermixtione,  posteaseparatione.quae  utique  judi- 
cii tempore  futura  est,  loqueretur,  adhibuit  similitudinem 
de  tritico  seminato  et  superseminatis  zizaniis,  eamque  suis 
exponens  discipulis  :  Qui  seminat,  inquit,  bonum  semen, 
est  Filius  hominis  :  ager  autem  est  mundus  :  bonum  vero 
semen  ni  sunt  (îlii  regni  ;  zizania  autem  filii  sunt  nequam  : 
inimicus  autem  qui  seminavit  ea,  est  diabolus  :  messis 
autem  consummatio  sa?culiest,  messores  vero  Angeli  sunt. 
Sicut  ergo  colligunlur  zizania,  et  igni  comburuntur  ;  sic 
erit  in  consummatione  saeculi.  Mittet  Filius  hominis  Angelos 
suos,  et  colligent  de  regno  ejus  omnia  scandala,  et  eos  qui 
faciunt  iniquitatem,  et  initient  eos  in  caminum  ignis  :  ibi 
erit  fletus  et  stri;!or  dentium.  Tune  justi  fulgebunt  sicut 


NOTES.  I  19 

sol  in  regno  Patris  eorum.  Qui  habet  aures  audiendi,  au- 
dial  Matth.  xin,  37,  43.)  Hic  quidem  judicium  vel  diem 
judicii  non  nominavit,  scd  multo  euin  clarius  ipsis  rébus 
expressit,  et  in  fine  seeculi  futurum  esse  praedixit. 

3.  Item  discipulis  suis  :  Amen,  inquit,  dico  vobis,  quod 
vos  qui  secuti  estis  me,  in  regeneratione,  cum  sederit 
Filius  hominis  in  sede  majestatis  suae,  sedebitis  et  vos 
super  sedes  duodecim,  judicantes  duodecim  tribus  Israël 
(Id.  xix.  28.)  Hic  discimus  -cum  suis  discipulis  judicaturum 
Jesum.  Unde  et  alibi  judœis  dixit  :  Si  ego  in  Beelzebub 
ejicio  dœmonia,  fil ii  vestri  in  quo  ejiciunt  ?  Ideo  ipsi  judices 
vestri  erunt  (Id.  xn,  27.)  Nec  quoniam  super  duodecim 
sedes  sessuros  esse  ait,  duodecim  solos  homines  cum  illo 
judicaturos  putare  debemus.  Duodenario  quippe  numéro, 
liniversa  quaedam  significata  est  judicantium  multitudo, 
propter  duas  partes  numeri  septenarii,  quo  signifieatur 
plerumque  universitas  :  quee  duae  partes,  id  est  tria  et 
quatuor,  altéra  per  alleram  multiplicatae  duodecim  faciunt. 
Nam  et  quatuor  ter,  et  tria  quater  duodecim  sunt  :  et  si 
qua  alia  hujus  duodenarii  numeri,  quae  ad  hoc  valeat,  ratio 
reperitur.  Alioquin  quoniam  in  locum  Judas  traditoris  apos- 
tolum  Matthiam  legimus  ordinatum  ;  apostolus  Paulus,  qui 
plus  Ulis  omnibus  laboravit,  ubi  ad  judicandum  sedeat  non 
habebil  :  qui  profecto  cum  aliis  sanctis  ad  numerum  jurli- 
cum  se  pertinere  demonstrat,  cum  dicil,  Nescitis  quia 
Angelos  judicabimus  ?(/(/.  vi,  3.)De  ipsis  quoque  judican- 
dis  in  hoc  numéro  duodenario  similis  causa  est.  Non  enim 
quia  dictum  est,  judicantes  duodecim  tribus  Israël,  tribus 
Levi,  quœ  tertia  décima  est,  ab  eis  judicanda  non  erit,  aut 
solum  illum  populum,  non  etiam  cœteras  gentes  judica- 
bunt.  Quod  autem  ait,  in  regeneratione,  procul  dubio 
mortuorum  resurrectionem  nomine  voluit  regenerationis 
intelligi.  Sic  enim  caro  nostra  regenerabitur  per  incorrup- 
tionem,  quemadmodum  est  anima  nostra  regenerala  per 
fidem. 


1^0  NOTES. 

•4.  Multa  prcetereo,  quae  de  ultimo  judicio  ila  dici  viden- 
!ur,  ut  diligenter  considerata  reperiantur  ambigua,  vel 
magis  ad  aliud  pertinentia  ;  sive  scilicet  ad  eum  Salvatoris 
adventam,  quo  per  tolum  hoc  tempus  in  Ecclesia  sua 
venit,  hoc  est,  in  membris  suis,  particulatim  atque  pau- 
latim,  quoniam  iota  corpus  est  ejus  ;  sive  ad  excidium 
terrenae  Jérusalem  :  quia  et  de  il lo  cum  loquitur,  plerum- 
que  sic  loquitur,  tanquam  de  fine  sœculi  atque  de  illo  die 
judicii  Dovissimo  et  magno  loquatur  ;  ita  ut  dignosci  non 
possit  omnino,  nisi  ea  quae  apud  1res  evangelistas,  Mal- 
thseum,  Marcum,  et  Lucam  de  hac  re  similiter  dicta  sunt, 
inler  se  omnia  conferantur.  Quaedam  quippe  alter  obscu- 
rius,  alter  explicat  planius  ;  ut  ea  quae  ad  meam  rem  per- 
tinentia dicuntur,  appareat  unde  dicantur.  Ouod  facere 
utcumque  curavi  in  quadam  epistola,  quam  rescripsi  ad 
beatae  mémorise  virum  Hesychium,  Salonitanae  urbis  epis- 
copum,  cujus  epistolœ  titulus  est,  de  Fine  sseculi  (Epist. 
199.) 

5.  Proinde  jam  illud  hic  dicam  quod  in  Evangelio  secun- 
dum  Matthaeum  de  separatione  bonorum  et  malorum  legitur 
per  judicium  prœsrnîissimum  atque  novissimum  Christi. 
Cum  autem  venerit,  inquit,  Filius  hominis  in  majestate  sua, 
et  omnes  angeli  cum  eo,  tune  sedebit  super  sedem  majes- 
tatis  suse,  et  congregabuntur  anle  eum  omnes  gentes,  et 
separabit  eos  ab  invicem,  sicut  pastor  segregat  oves  ab 
hœdis  :  et  statuet  oves  quidem  a  dextris  suis,  hœdos  autem 
a  sinistris.  Tune  dicet  Rex  his,  qui  a  dextris  ejus  erunt, 
Venite ,  benedicli  Patris  mei ,  possidete  paratum  vobis 
regnum  a  constitutione  mundi.  Esurivi  enim,  et  dedistis 
mihi  manducare;  sitivi,  et  dedistis  mihibibere;  hospes 
eram,  et  collegistis  me:  nudus,  et  cooperuistis  me  ;  infir- 
mus,  et  visitastis  me  :  in  c.ircere  eram,  et  venistis  ad  me. 
Tune  respondebunt  ei  justi,  dicentes  :  Domine,  quando 
vidimus  te  esurienlem,  et  pavimus;  sitientem,  et  dedimus 


NOTES.  121 

tibi  polum?  Quando  autem  te  vidimus  hospitem,  et  colle- 
gimus  le;  aul  nudum,  et  cooperuimus  te?  Aut  quando  te 
vidimus  infirmum,  aut  in  earcere,  et  venimus  ad  te?  Et 
respondens  Rex  dicel  illis  :  Amen  dico  vobis,  qnamdiu 
fecistis  uni  de  his  fratribùs  nieis  minimis,  niihi  fecislis. 
Tune  dicet,  inquit,  et  his  qui  a  sinistris  erunt  :  Discedite  a 
me,  maledicti,  in  ignem  aeternum,  qui  paratus  est  diabolo 
et  angelis  ejus.  Deinde  similiter  etiam  his  enumerat,  quod 
illa  non  fecerint,  quse  dextros  feeisse  memoravit.  Simili- 
terque  interrogantibus,  quando  eum  vidorïnt  in  horum 
indigentia  constitutum  :  quod  minimis  suis  factum  non  est, 
sibi  factum  non  fuisse  respondet  ;  sermonemque  eonclu- 
dens  :  Et  ni,  inquit,  in  suppiicium  a3ternum  ibunt,  justi 
autem  in  vitam  aeternam  (Matth.  xxv.  31-46.)  Joannes 
vero  evangelista  apertissime  narrât  eum  in  resurrectione 
mortuorum  futurum  prsedixisse  judicium.  Cum  enim  dixis- 
set,  Neque  enim  Pater  judicat  quemquam,  sed  judicium 
omne  dédit  Filio,  ntomnes  lionorificent  Filium,  sicuthono- 
rificant  Patrem  :  qui  non  honorifîcat  Filium,  non  honori- 
ficat  Patrem,  qui  misit  illum  ;  protinus  addidit  :  Amen, 
amen  dico  vobis,  quia  qui  verbum  m  eu  m  audit,  et  crédit 
ei  qui  me  misit,  habet  vitam  seternam  ;  et  in  judicium  non 
veniet,  sed  transiita  morte  in  vitam  (Joan.  v.  22-24.)  Ecce 
hic  dixit  fidèles  suos  in  judicium  non  venire.  Ouomodo 
ergo  per  judicium  separabuntur  a  malis,  et  ad  ejus  dexte- 
ram  stabunt,  nisi  quia  hoc  ioco  judicium  pro  damnatione 
posuit?  In  taie  quippe  judicium  non  veniect,  qui  audiunt 
verbum  ejus,  et  credunt  ei  qui  misit  illum.  (S.  Aug.  lib. 
20  de  civit.  Dei  cap.  4  et  5.) 

II.   UTRUM  POST  JDDICIUM   QUOD  AG1TLR  IN  PR.ESENTI   TEMPORE, 
RESTET  ALILD  JDDICIUM. 

Videtur  quod  post  judicium  quod  in  praasenti  lempore 
agitur,  non  restet  aliud  judicium  générale  :  Po^t  ultimam 

SYMR        II.  \\ 


122  NOTES. 

enim  retributionem  prsemiorum  et  pœnarum  frustra  adhi- 
betur  judicium  :  Sed  in  hoc  praesenti  tempore  fit  retributio 
prsemiorum  et  pœnarum  ;  dixit  enim  Dominus  latroni  in 
cruce  Luc  23.  Hodie  mecum  eris  in  paradiso  :  Et  Luc. 
16.  dicitur,  quod  mortuus  est  dives  et  sepultus  est  in 
inferno  :  Ergo  frustra  expectatur  finale  judicium. 

Prœterea  Nahum  1 .  dicitur  secundum  aliam  literam  : 
Non  judicabit  Deus  bis  in  idipsum.  Sed  in  hoc  tempore 
Dei  judicium  exercetur,  et  quantum  ad  temporalia,  et 
quantum  ad  spiritualia  :  Ergo  videtur  quod  non  sit  expec- 
tandum  aliud  finale  judicium. 

Prœterea,  Praemium  et  pœna  respondentmerito  et  deme- 
rito  :  Sed  meritum  et  demeritum  non  pertinent  ad  corpus, 
nisi  inquantum  est  animae  instrumentum  :  Ergo  nec  prse- 
mium  seu  pœna  debetur  corpori  nisi  propter  animam  :  Non 
ergo  requiritur  aliud  judicium  in  fine,  ad  hoc  quod  homo 
praemietur  aut  puniatur  in  corpore,  prœter  illud,  quo  nunc 
puniuntur  aut  prœmiantur  animas. 

Sed  contra  est,  quod  dicitur  Joan.  4  2.  Sermo  quem 
locutus  sum,  ille  judicabit  eum  in  novissimo  die.  Erit  ergo 
quoddam  judicium  in  novissimo  die  preeler  judicium  quod 
nunc  agitur. 

CONCLUSIO. 

Gum  de  re  aliqua  mutabili  ante  plenam  ejus  consumma- 
tionem,  perfectum  judicium  dari  nequeat,  praeter  judicium 
quod  in  cujuslibet  hominis  morte  fit,  finale  judicium  esse 
oportet  in  novissimo  die. 

Respondeo  dicendum,  quod  judicium  de  aliqua  re  muta- 
bili perfecte  dari  non  potest  ante  ejus  consummationem, 
sicul  judicium  de  aliqua  actione  qualis  sit,  perfecte  dari 
non  potest,  antequam  sit  consummata  et  in  se  et  in  suis 


NOTES.  4  23 

effectibus  ;  quia  multae  actiones  videntur  esse  utiles,  quse 
ex  effectibus  demonstrantur  nociva?  :  Et  sirniliter  de  ho- 
mine  aliquo  judicium  perfecte  dari  non  potest,  quoad  ejus 
vita  terminetur,  eo  quod  multipliciter  potest  mutari  de 
bonoinmalum,  autè  converso;  vel  de  bono  in  melins,  a  ut 
de  mal.o  in  pejas  :  Unde  Apos.  dicit  Hebr.  9.  quod  hooii- 
nibus  slatutum  est  semel  mori,  post  hoc  autem  judicium. 

Sciendum  tamen,  quod  licet  per  mortem  vita  hominibus 
temporalis  terminetur  secundum  se  ,  remanet  tamen  ex 
futuris  secundum  quid  dependens  :  Uno  quidem  modo, 
secundurn  quod  adhuc  vivit  in  memoriis  hominum  in  qui- 
bus  quandoque  contra  veritatem  remanet  bona?  famée  vel 
maire  :  Alio  modo  in  filiis,  qui  sunt  quasi  aliquid  patris 
(secundum  illud  Eccl.  30.  Mortuus  est  pater  ejus  et  quasi 
non  est  mortuus,  similem  enim  reliquit  sibi  post  se  :)  et 
tamen  multorum  bonorum  sunt  mali  filii,  et  è  contrario. 

Tertio  modo,  quantum  ad  effectum  suorum  operum, 
sicut  ex  deceptione  Arii,  et  aliorum  seductorum  pullulât 
infidelitas  usque  ad  finem  mundi  ;  et  usque  tune  proficit 
fides  ex  prsedicatione  Apostolorum.  Quarto  modo,  quan- 
tum ad  corpus  quod  quandoque  honorifice  traditur  sépul- 
tures, quandoque  vero  relinquitur  insepultum  et  tandem 
incineratum  omnino  resolvitur.  Quinto  modo,  quantum  ad 
ea,  in  quibus  homo  suum  affectum  defixiti  puta  in  quibus- 
cumque  temporalibus  rébus,  quarum  queedam  citius  finiun- 
tur,  quaedam  diutius  durant.  Omnia  autem  hase  subdun- 
tur  existimalioni  judicii  divini.  Et  ideo  de  his  omnibus 
perfectum  et  manifestum  judicium  haberi  non  potest, 
quamdiu  hujus  temporis  cursus  durât.  Et  propterhoc  opor- 
tet  esse  finale  judicium  in  novissimo  die,  in  quo  perfecte 
id  quod  ad  unumquemque  hominem  pertinet,  quoeunque 
modo,  perfecte  et  manifeste  judicetur. 

Ad   primum  ergo  dicendum,  quod  opinio  quorundam 


1  24  NOTES. 

fait:  quod  animse  sanctorum  non  praemientur  in  cœlo 
donec  animée  damnatorum  puniantur  in  inferno  usque  ad 
diem  judicii  .  Quod  quidem  apparet.  falsum  ex  hoc  quod 
Apostolus  2.  Cor.  5.  dicit.  Audemus,  et  bonam  volunta- 
tem  habemus  magis  peregrinari  a  corpore,  et  prsesent.es 
esse  ad  Dominum  ;  quod  est  jam  non  ambulare  per  firlem, 
sed  per  speciem,  ut  patet  ex  his  quee  subsequuntur  :  Hoc 
autem  est  videre  Deum  per  essenliam,  in  quo  consistit 
vita  eeterna  :  ut  patet  Joan.  17.  Unde  manifestum  est  ani- 
mas è  corporibus  separatas  esse  in  vita  aeterna  :  Et  ideo 
dicendum  est,  quod  post  mortem  ,  quantum  ad  ea  quae 
sont  animas,  homo  sorlitur  quemdam  immutabilem  statu  m  : 
et  ideo  quantum  ad  praemium  animée,  non  oportet  ulterius 
difîerri  judicium.  Sed  quia  queedam  alia  sunt  ad  hominem 
pertinentia,  quœ  toto  temporis  cursu  aguntur,  quae  non 
sunt  aliéna  a  divine  judicio:  oportet  iterum  in  fine  tem- 
poris, omnia  haec  in  judicium  adduci.  Licet  enim  homo 
secundum  hœc  non  mereatur  neque  demereatur,  tamen 
pertinent  ad  aliquod  ejus  praemium  vel  pœnam  :  Unde 
oportet  hase  omnia  eestimari  in  finali  judicio  : 

Ad  secundum  dicendum,  quod  Deus  non  judicabit  bis  in 
idipsum,  îd  est,  secundum  idem  ;  sed  secundum  diversa 
non  est  inconveniens  Deum  bis  judicare. 

Ad  tertium  dicendum,  quod  licet  praemium  vel  pœna 
corporis  dependeat  ex  praemio  vel  pœna  animas;  tamen 
quia  anima  non  est  mutabilis  nisi  per  accidens  propter 
corpus,  statim  separata  a  corpore,  habet  statum  immuta- 
bilem, et  accipit  suum  judicium.  Sed  corpus  remanet  mu- 
tabilitati  subjectum  usque  ad  finem  temporis  :  Et  ideo 
oportet  quod  tune  recipiat  suum  praemium  vel  pœnam  in 
finali  judicio.  {S.  Thom.  3    p.  q.  59.  art.  5.) 


NOIES.  125 

III.   ETAT  DES  IMPIES  ET  DES  JUSTES  AI/    DERNIER  JOUR. 

Tune  stabunt  jusîi  in  magna  constanlia  adversus  eos, 
qui  se  angusliaverunt,  et  qui  abstulerunt  labores  eorum. 
Yidentes  turbabuntur  timoré  horribili,  et  mirabuntur  in 
subitatione  insperatae  saiutis,  dicentes  intra  se ,  pœni- 
tentiam  agentes,  et  pra?  angustia  spiritûs  gementes  :  Hi 
sunt  quos  habuimus  aliquando  in  derisum,  et  in  similitu- 
dinem  improperii.  Nos  insensati,  vitam  illorum  aestima- 
bamus  insaniam,  et  finem  illorum  sine  honore  :  Ecce  quo- 
modo  computati  sunt  inter  Filios  Dei,  et  inter  sanetos  sors 
illorum  est.  Ergo  erravimus  a  via  veritatis,  et  justitiaj 
lumen  non  luxit  nobis,  et  sol  intelligentiœ  non  est  ortus 
nobis.  Lassati  sumus  in  via  iniquitatis  et  perditionis,  et 
ambulavimus  vias  difficiles,  viam  aulem  Domini  ignora- 
vimus. 

Quid  nobis  profuit  superbia?  aut  diviliarum  jactantia 
quid  conlulit  nobis?  Transierunt  omnia  ilia  tanquam  um- 
bra,  et  tanquam  nuntius  percurrens  :  et  tanquam  navis, 
quse  pertransit  fluctuantem  aquam  :  cujus,  cum  preeterie- 
rit,  non  est  vestigium  invenire,  neque  semitam  carinae 
illius  in  fluctibus  :  aut  tanquam  avis,  quaj  transvolat  in 
aère,  cujus  nullum  invenitur  argumentum  itineris,  s^d 
tantum  sonitus  alarum  \erberans  levem  ventum,  et  scin- 
dens  per  vim  itineris  aërem  :  commotis  alis  transvolavit, 
et  post  hoc  nullum  signum  invenitur  itineris  illius  :  aut 
tanquam  sagitta  emissa  in  locum  destinatum,  divisus  aer 
continuo  in  se  reclusus  est,  ut  ignoretur  transitus  illius. 
Sic  et  nos  nali  continuo  desivimus  esse  :et  virtutis  quidem 
nullum  signum  va|uimus  oslendere  :  in  malignitate  autem 
nostra  consumpti.  sumus.  Talia  dixerunt  in  inferno  hi,  qui 
peccaverunt  :  Quoniam  spes  impii  tanquam  lanugo  est, 
quœ  a  vento  tollitur  :  et  tanquam  spuma  gracilis,    quae 

SYMB.       II.  Il* 


1  26  NOTES. 

a  procella   dispergilur  :  et   tanquam   fumus,  qui  a  veoto 
diffusus  est;  e*t  tanquam  memoria  hospitis  unius  diei  prae- 

tereuntis. 

Justi  autem  in  perpetuum  vivent,  et  apud  Dominum  est 
merces  eorum,  et  cogitatio  illorum  apud  Altissimum.  Ideo 
accipient  regnum  decoris,  et  diadema  speciei  de  manu 
Domini  :  quoniam  dexterâ  suâ  teg^t  eos,  et  brachio  sancto 
suo  defendet  illos.  Accipiet  armaturam  zelus  illius,  et  ar- 
mabit  creatunam  ad  ultionem  inimicorum.  Induet  pro  tho- 
race  justitiam,  et  accipiet  pro  galea  judicium  certum  ; 
sumet  scutam  inexpugnabile  aequitatem.  Acuet  autem 
duram  iram  in  laaceam  :  et  pugnabil  cum  illo  orbis  ter- 
rarum  contra  insensatos,  Ibunt  directe  emissiones  fulgu- 
ram,  el  tanquam  a  bene  curvato  arcu  nubium  extermina- 
buntur,  et  ad  certum  locum  insilient.  Et  a  petrosa  ira  plena? 
mittentur  grandines;  excandescet  in  illos  aqua  maris,  et 
flumina  concurrent  duriter.  Contra  illos  stabit  spiritus  vir- 
tutis,  et  tanquam  turbo  venli  dividet  illos  :  et  ad  eremum 
perducet  omnem  terram  iniquitas  illorum,  et  malignitas 
everîet  sedes  potentium.  (Sapient.  cap  v.) 


-cr^a-Esa^*^ 


DU  JUGEMENT  DERN'IEK.  127 


II*  INSTRUCTION. 

DU   JUGEMENT    DERNIER     DU    SOUVERAIN    JURE.    SIGNES 

PRÉCURSEURS    ET     PRÉLUDES    DU    JUGEMENT.  DE    LV   SEN- 
TENCE. 

EXORDE. 

1.  Outre- le  jugement  particulier  que  chacun 
subit  à  la  mort,  il  y  aura,  au  dernier  jour,  un 
jugement  universel  clans  lequel  tous  les  hommes 
sans  exception  comparaîtront  devant  le  tribunal  de 
Dieu.  Le  jour  de  ce  jugement  est  appelé  dans  les 
Ecritures  le  jour  du  Seigneur,  parce  que  c'est  en 
effet  celui  où  Dieu  paraîtra  dans  tout  l'éclat  de  sa 
majesté  et  se  fera  reconnaître  par  toutes  les  créa- 
tures pour  le  Maître  et  l'arbitre  suprême  de  l'Uni- 
vers. 

Nous  avons  montré  la  vérité  de  ce  jugement 
général.  Déjà  les  prophètes  l'avaient  annoncé  en 
même  temps  qu'ils  prédisaient  le  premier  avène- 
ment du  Fils  de  Dieu;  et  lorsque  Jésus-Christ  parut 
sur  la  terre,  il  déclara  à  plusieurs  reprises,  qu'on 
le  reverrait,  à  la  fin  des  siècles,  descendre  sur  les 
nuées  du  ciel  pour  venir  juger  les  hommes. 

Ce  jugement  général  est  nécessaire,  avons-nous 
dit,  d'abord,  parce  qu'on  ne  pourra  juger  qu'à  la 


1  28  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

fin  des  temps  de  tout  le  bien  et  de  tout  le  mal  que 
l'homme  aura  fait  en  passant  sur  la  terre  ;  puis, 
afin  de  réformer  les  faux  jugements  qui  ont  souvent 
lieu  au  préjudice  des  bons  et  à  l'avantage  des  mé- 
chants ;  en  troisième  lieu,  afin  que  le  corps  qui 
aura  été  l'instrument  du  bien  ou  du  mal,  participe 
à  la  récompense  pu  à  la  peine  de  l'âme  ;  enfin  ce 
jugement  général  est  encore  nécessaire  pour 
justifier  la  conduite  de  la  divine  Providence  dans 
le  gouvernement  du  monde. 

2.  Voilà  de  quoi  nous  vous  entretenions  dans  la 
dernière  instruction. 

Dans  celle-ci,  je  commencerai  par  vous  mettre 
sous  les  yeux  la  personne  du  Juge,  je  vous  parlerai 
ensuite  des  signes  avant-coureurs  et  des  prélimi- 
naires ou  préparatifs  du  jugement:  nous  verrons 
enfin  quelle  sera  la  sentence. 

Considérons  attentivement  la  scène  imposante 
du  dernier  jugement.  Un  jour  viendra  où  moi  qui 
vous  parle  et  vous  qui  m'écoutez,  nous  en  serons 
les  témoins  oculaires  et  les  acteurs. 

Quantus  tremor  est  futurus, 
Ouanclo  Jades  est  venturus 
Cuncta  stricte  discussurus  ! 

De  quel  tremblement  ne  serons-nous  pas  saisis, 
quand  le  souverain  Juge  viendra  pour  examiner 
dans  toute  la  rigueur  de  sa  justice,  nos  actions, 
nos  paroles  ci  jusqu'à  nos  moindres  pensées? 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  129 

Seigneur  Jésus!  par  votre  miséricorde,  faites 
qu'aucun  de  nous  ne  soit  alors  victime  de  vos 
vengeances!  Refuge  des  pécheurs,  ô  Marie,  inter- 
cédez en  ce  moment  même  pour  nous,  afin  que 
nous  puissions  entendre  alors  une  sentence  favo- 
rable ! 

PREMIER  POINT. 

3.  C'est  à  Jésus-Christ,  le  Fils  de  Dieu  fait 
homme,  qu'a  été  dévolu  l'office  de  Juge  suprême 
des  vivants  et  des  morts. 

Il  viendra  nous  juger  au  dernier  jour  non-seule- 
ment comme  Dieu,  mais  aussi  comme  homme. 

Tel  est  l'enseignement  de  nos  livres  saints. 

Je  dis  :  comme  Dieu.  Le  pouvoir  de  juger  est 
commun,  il  est  vrai,  aux  trois  personnes  de  la 
sainte  Trinité.  Cependant,  par  la  même  raison 
qu'on  attribue  spécialement  la  sagesse  au  Fils,  on 
lui  attribue  aussi  tout  spécialement  la  qualité  de 
Juge.  Cette  fonction  paraît  être  en  effet  le. propre 
de  celui  qui  est  la  sagesse  divine  en  personne. 

J'ai  ajouté  qu'il  sera  notre  Juge,  même  en  tant 
qu'homme.  C'est  ce  qu'il  a  déclaré  lui-même  en 
propres  termes  :  Comme  le  Père,  dit-il,  a  la  vie  en 
lui-même,  il  a  aussi  donné  au  Fils  d'avoir  la  vie  en 
lui-même;  il  lui  a  donné  de  plus  le  pouvoir  de 
juger,  parce  qu'il  est  le  Fils  de  l'homme.  Sicut 
Pater  habet  vitam  in  semetipso,  sic  dédit  et  Filio 
habere  vitam  in  semetipso,  et  potestatem  dédit  ei 
juclicium  fricere,  quia  Filius  hominis  est.  y>(Joan.  v.) 


130  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

i.  Que  Jésus-Christ  fut  investi,  même  comme 
homme,  du  jugement  suprême,  cela  était  de  toute 
convenance  pour  deux  raisons  :  premièrement, 
puisqu'il  s'agit  de  juger  les  hommes,  il  convenait, 
que  ceux-ci  pussent  voir  leur  juge  des  yeux  du 
corps  et  entendre  de  leurs  oreilles  la  sentence  qui 
serait  portée  ,  en  un  mot,  connaître  à  l'aide  de 
leurs  sens,  le  jugement  qui  les  concerne. 

Secondement,  il  était  souverainement  équitable 
que  ce  même  homme,  c'est-à-dire  Jésus-Christ, 
autrefois  condamné  injustement  par  les  hommes, 
parut  aux  yeux  de  tous  sur  son  trône  pour  les' 
juger  à  leur  tour.  Traîné  au  tribunal  de  Caïphe, 
Tsotre-Seigneur, après  avoir  déclaré  sur  la  demande 
du  Grand-Prêtre  qu'il  était  le  Fils  de  Dieu,  ajoute  : 
((  Et  vous  verrez  un  jour  le  Fils  de  l'homme  assis 
à  la  droite  de  la  Majesté  divine  et  venant  sur  les 
nuées  du  ciel.  Et  amodo  videbitis  Filium  hominis 
sedentem  a  dextris  virtutis  Dei  et  venientem  in 
nubibus  cœli.  »  (Matlh.  xxvi.)  Il  témoignait  ainsi 
hautement  à  ses  juges  qu'ils  auraient  un  jour  a 
comparaître  devant  lui  et  à  lui  rendre  compte  du 
jugement  qu'ils  allaient  prononcer. 

C'est  en  effet  pour  réparer  l'iniquité  de  leur 
sentence  que  Dieu  a  remis  à  l'Homme-Dieu  le  soin 
de  juger  tous  les  hommes.  Le  prince  des  apôtres 
nous  dévoile  ce  dessein  dans  l'instruction  qu'il 
adressa  au  centurion  Corneille.  Après  lui  avoir 
exposé  les  principaux  points  de  la  foi  chrétienne 
et  lui  avoir  parlé  du  crucifiement  et  de  la  mort  de 


DU  JUGEMENT  DERKIER.  1  3  l 

Jésus-Christ,  il  continue  en  disant  :  «  Et  il  nous  a 
ordonné  de  prêcher,  et  de  certifier  au  peuple  que 
c'est  Lui  qui  a  été  établi  de  Dieu,  Juge  des  vivants 
et  des  morts.  Et  praecepit  nobis  praedicare  populo 
et  testificari,  quia  Ipse  est  qui  constitutus  est  h 
Deo,  Judex  vivorum  et  mortuorum.  »  (Act.  x.) 

Jésus-Christ  viendra  donc  nous  juger.  Après 
nous  avoir  rachetés  au  prix  de  sa  vie,  après  nous 
avoir  donné  l'Evangile  pour  être  la  règle  de  notre 
conduite,  c'est  à  juste  titre  qu'il  viendra  nous 
demander  compte  de  son  sang  et  de  ses  préceptes. 

Examinons  maintenant  quels  seront  les  prosages 
de  son  second  avènement. 


SECOND  POINT. 


5.  Trois  signes  principaux,  au  témoignage  de 
l'Ecriture,  doivent  précéder  le  jugement  dernier  : 
la  prédication  de  l'Evangile  par  toute  la  terre, 
l'apostasie  presque  générale  et  l'Antéchrist. 

D'abord,  l'Evangile  doit  être  propagé  par  toute 
la  terre. 

«  Cet  évangile  du  royaume,  dit  le  Sauveur,  sera 
annoncé  dans  tout  l'univers  pour  servir  de  témoi- 
gnage a  toutes  les  nations,  et  alors  viendra  la  fin. 
Praedicabitur  hoc  Evangelium  regni  in  universo 
orbe,  in  testimonium  omnibus  gentibus,  et  tune 
veniet  consummatio.  »  (Mat th.  xxiv.) 

Aucun  peuple  n'est  exclu  du  bienfait  de  la  Ré- 
demption. Jésus-Christ  veut  que  tous  puissent  par- 


132  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

venir  à  la  vie  éternelle;  et  comme  la  vie  éternelle 
consiste,  ainsi  qu'il  l'a  dit  lui-même,  à  connaître  le 
seul  vrai  Dieu  et  le  Christ  qu'il  a  envoyé,  il  veut  que 
le  flambeau  de  l'Evangile  éclaire  successivement 
toutes  les  contrées  du  globe,  et  en  attendant,  il  ne 
prive  personne  des  secours  indispensables  au  sa- 
lut. «  Pour  moi,  je  n'ai  été  envoyé  que  pour  cher- 
cher les  brebis  perdues  de  la  maison  d'Israël  ;  non 
sum  missus  nisi  ad  oves  quae  perierunt  domùs 
Israël  ;  mais  vous,  disait-il  parlant  à  ses  apôtres, 
allez,  enseignez  toutes  les  nations  ;  ite,  docete  om- 
nes  gentes.  Lorsque  le  Saint-Esprit  sera  venu  en 
vous,  leur  disait-il  encore,  vous  me  rendrez  témoi- 
gnage dans  Jérusalem,  dans  toute  la  Judée  et  la 
Samarie,  et  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre.  Ac- 
cipietis  virtutem  supervenientis  in  vos  Spiritus 
sancti,  et  eritis  mihi  testes  in  Jérusalem  et  in  omni 
Judaea  et  Samaria,  et  usque  ad  ultimum  terras.  » 
(Joan.  vu.  Matth.  xxviii.  —  Act.  i.) 

11  faut  donc  qu'avant  la  fin  des  temps,  la  pléni- 
tude des  Gentils,  comme  parle  l'apôtre  saint  Paul, 
soit  entrée  dans  le  bercail  de  Jésus-Christ  et  que 
les  Juifs  eux-mêmes  le  reconnaissent  enfin  pour  le 
Messie  promis  à  leurs  Pères.  Alors,  dit  le  Sauveur, 
ce  sera  la  fin. 

6.  Le  secondsigne  précurseurdu  Jugement  sera 
une  apostasie  presque  universelle.  A  la  prédication 
de  l'Evangile  succédera  un  affaiblissement  consi- 
dérable  de  la  foi.  Des  séducteurs  de  tout  geure  en- 
traîneront un  erand  nombre  de  chrétiens  hors  de 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  1  33 

l'Eglise.  Le  schisme,  l'hérésie  et  l'infidélité,  sans 
pouvoir  jamais  la  détruire,  obscurciront  son  éclat. 

Hélas  !  nous  ne  voyons  que  trop  s'étendre  cet 
obscurcissement  fatal  de  la  vérité  !  Que  de  pays 
autrefois  inondés  de  ces  clartés  et  où  il  semble 
qu'elle  ne  luise  plus  aujourd'hui  que  comme  une 
lampe  dans  les  ténèbres  !  On  ne  peut  le  nier,  s'il  y 
a  des  contrées  où  se  manifeste  un  consolant  retour 
vers  la  religion,  il  en  est  d'autres  aussi  où  l'in- 
différence et  l'impiété  exercent  d'affreux  ravages. 

Prenons  garde  de  grossir  le  nombre  des  apos- 
tats. En  nous  annonçant  la  défection  d'un  grand 
nombre,  comme  un  des  présages  du  jugement] 
qu'a  prétendu  le  Sauveur,  sinon  nous  faire  com- 
prendre que  c'est  la  religion  seule  qui  conserve 
le  monde  et  qu'aussitôt  qu'elle  en  sera  bannie, 
il  faudra  qu'il  périsse;  qu'ainsi  nous  avons  le  plus 
grand  intérêt  à  conserver  précieusement  le  trésor 
de  la  foi. 

7.  Enfin, le  troisième  signe  précurseur  du  Juge- 
ment sera  la  venue  de  l'Antéchrist. 

Dès  la  primitive  Eglise,  on  répandait  de  faux 
bruits  sur  la  proximité  du  jugement.  Saint  Paul 
voulant  éclairer  sur  ce  point  les  fidèles  de  Thessa- 
lonique,  leur  donne  pour  marques  l'apostasie  dont 
nous  venons  de  parler,  et  l'Antéchrist. 

«  Nous  vous  conjurons  par  l'avènement  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  leur  dit-il,  et  par  notre 
réunion  avec  lui,  de  ne  pas  vous  laisser  ébranler 
dans  votre  premier  sentiment,  et  de  ne  pas  vous 

SYMB.        H.  4  2 


134  DU  JUGEMENT  DERNIER, 

troubler,  en  croyant,  sur  ]a  foi  de  quelque  esprit 
prophétique,  ou  sur  quelque  discours,  ou  sur  quel- 
que lettre  qu'on  supposerait  venir  de  nous,  que  le 
jour  du  Seigneur  est  près  d'arriver.  Que  personne 
ne  vous  séduise  en  quelque  manière  que  ce  soit, 
car  ce  jour-là  ne  viendra  point  que  l'apostasie  ne 
soit  arrivée  auparavant,  et  qu'on  n'ait  vu  paraître 
cet  homme  de  péché,  cet  enfant  de  perdition,  qui, 
s'opposant  à  Dieu,  s'élèvera  au-dessus  de  tout  ce 
qui  est  appelé  Dieu,  ou  ce  qui  est  adoré,  jusqu'à 
s'asseoir  dans  le  temple  de  Dieu,  comme  s'il  était 
Dieu,  et  vouloir  passer  lui-même  pour  Dieu.  Ro- 
gamus  autem  vos,  fratres,  per  adventum  Domini 
nostri  Jesu  Christi  et  nostraecongregationis  in  ipsum 
ut  non  cito  moveamini  à  vestro  sensu,  neque  per 
spiritum.  neque  per  sermonem,  neque  per  épis- 
tolam  tanquam  per  nos  missam,  quasi  instet  dies 
Domini.  Xequisvos  seducat  ullo  modo  :  quoniam 
nisi  venerit  discessio  primum  et  revelatus  fuerit 
homo  peceati,  filius  perditionis,  qui  adversatur  et 
extollitur  supra  omne  quod  dicitur  Deus,  aut  quod 
colitur,  ita  ut  in  templo  Dei  sedeat,  ostendens  se 
tanquam  sitDeus.  »  (2  Thessal.  h.) 

Les  derniers  jours  du  monde  seront  donc  signa- 
lés par  l'apparition  de  l'Antéchrist  qui  soulèvera 
la  dernière  et  la  plus  effroyable  des  persécutions 
contre  l'Eglise. 

Saint  Paul  vient  de  vous  tracer  son  portrait. 

Il  l'appelle  l'homme  de  péché  et  l'enfant  déper- 
dition. Ce  sera  le  plus  grand  adversaire  de  Jésus- 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  \  35 

Christ,  un  monstre  d'impiété  et  d'iniquité,  en  qui 
la  malice  de  Satan  sera  comme  incarnée. 

«  II  ne  niera  pas  seulement  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  il  ne  reniera  pas  seulement  le  vrai  Dieu  dans 
l'auguste  Trinité,  il  ne  reniera  pas  seulement  la 
grande  œuvre  de  l'amour  divin  :  l'Incarnation  du 
Verbe  ;  mais  revêtu  de  la  puissance  surhumaine  de 
Satan,  il  trompera  ceux  qui  n'ont  pas  aimé  la  lu- 
mière de  la  vérité,  et  s'élevant  au-dessus  de  tout 
ce  qui  est  appelé  Dieu,  il  se  donnera  lui-même 
comme  un  Dieu.  Voilh  l'homme  qui  apparaîtra  à  la 
tète  de  l'empire  antichrélien  dont  le  retour  est  éga- 
lement annoncé  par  le  grand  prophète  du  Nouveau 
Testament,  saint  Jean  l'évangéliste.  »  (Le  Christ  et 
les  anlechrists,  chap.iv  ;  par  le  P.  Dechamps.) 

«  Cet  impie,  dit  l'Apôtre,  viendra  accompagné 
de  la  puissance  de  Satan  avec  toute  sorte  de  mira- 
cles et  de  prodiges  trompeurs,  et  avec  toutes  les 
illusions  qui  peuvent  porter  à  l'iniquité  ceux  qui 
périssent,  parce  qu'ils  n'ont  pas  reçu  et  aimé  la 
vérité  pour  être  sauvés.  Cujus  est  adventus  se- 
cundum  operationem  satanae,  in  omni  virtute  et 
signis  et  prodigiis  mendacibus  et  in  omni  seduc- 
tione  iniquitatis,  iis  qui  pereunt,  eo  quod  charila- 
tem  veritatis  non  receperunt  ut  salvi  fièrent.  » 
(2  Thessal.  n.) 

Tel  sera  l'antechrist.  Quand  viendra-t-il?  Ecou- 
tons encore  l'Apôtre  : 

«  Le  mystère  d'iniquité  se  forme  dès  à  présent, 
dit-il,  et  quand  l'obstacle  qui  l'arrête,  aura  disparu, 


136  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

alors  se  découvrira  l'impie  que  le  Sauveur  Jésus 
fera  périr  par  le  souille  de  sa  bouche,  et  perdra 
par  l'éclat  de  son  avènement,  Mysterium  jam  ope- 
ratur  iniquitatis  ;  tantum  ut  qui  tenet  nunc  teneat, 
donec  de  medio  fiât.  Et  tune  revelabitur  ille  ini- 
quus  quem  Dominus  Jésus  interficiet  spiritu  oris 
sui,  et  destruet  illustratione  adventùs  sui  .»  (Ibid.) 

L'entendez-vous?  Si  déjà  de  son  temps  l'Apôtre 
remarquait  dans  le  monde  le  germe  de  cet  esprit 
d'impiété  qui  sera  le  caractère  propre  de  l'Anté- 
christ, ne  devons-nous  pas  reconnaître  avec  effroi 
qu'il  a  fait  depuis  lors  des  progrès  sensibles  et  que 
de  nos  jours  il  semble  bien  près  de  son  dernier 
période  ? 

Qui  empêche  donc  l'Antéchrist  de  paraître?  La 
seule  chose  qui  le  retienne,  au  témoignage  de  saint 
Thomas,  c'est  que  plusieurs  doivent  encore  em- 
brasser la  foi  et  d'autres  la  perdre  jusqu'à  ce  qu'ar- 
rive l'apostasie  générale.  (S.  Thom.  lect.  2  in 
hune  loc.) 

Mais  ses  précurseurs  sont  visiblement  occupés 
a  lui  frayer  les  voies.  Hélas  !  que  d'antechrists  il  y 
a  des  à  présent,  qui  s'efforcent  par  tous  les  moyens 
de  ruiner  la  foi  dans  les  âmes,  et  qui  font  à  Jésus- 
Christ  et  à  son  Eglise  une  guerre  implacable  ! 

8.  Les  trois  signes  principaux  que  nous  venons 
de  marquer,  seront  bientôt  suivis  de  la  catastrophe 
finale  qui  sera  le  prélude  du  jugement. 

Jésus-Christ  lui-même  a  décrit  ce  qui  se  passera 
alors  :  «  Aussitôt,  dit-il,  après  les  calamités  de  ces 


DU  JUGEMENT   DERNIER.  137 

jours  (il  parle  des  temps  de  l'antechrist),  le  soleil 
s'obscurcira  et  la  lune  refusera  sa  lumière,  et  les 
étoiles  tomberont  du  ciel,  et  les  vertus  du  ciel 
seront  ébranlées  ;  et  alors  paraîtra  le  signe  du  Fils 
de  l'homme  dans  les  airs,  et  alors  toutes  les  tribus 
de  la  terre  éclateront  en  gémissements,  et  on  verra 
le  Fils  de  l'homme  venir  sur  les  nuées  du  ciel  avec 
une  grande  puissance  et  une  grande  majesté. 

»  Ensuite  il  enverra  ses  anges  qui  feront  en- 
tendre le  bruit  de  la  trompette  ;  et  ils  rassemble- 
ront les  élus  des  quatre  vents,  d'une  extrémité  des 
cieux  jusqu'à  l'autre.  (Matth.  xxiv.) 

Pour  achever  cet  imposant  tableau,  il  ajoute  un 
peu  plus  loin  :  «  Et  lorsque  le  Fils  de  l'homme 
sera  venu  dans  sa  majesté,  et  tous  ses  anges  avec 
lui,  alors  il  s'assiéra  sur  le  trône  de  sa  majesté,  et 
toutes  les  nations  seront  rassemblées  devant  lui, 
et  il  les  séparera  les  uns  des  autres,  comme  un 
pasteur  sépare  les  brebis  des  boucs,  et  il  placera 
les  brebis  à  sa  droite  et  les  boucs  à  sa  gauche.  » 
(Ibid.  xxv.) 

Le  prophète  Daniel  a  entrevu  le  souverain  Juge 
au  moment  où  il  s'apprête  à  juger  l'univers.  Quelle 
grandeur  !  quelle  majesté  !  qu'il  sera  formidable 
l'appareil  qu'il  déploiera  alors  aux  regards  des 
générations  humaines,  «  Je  regardais,  dit  le  pro- 
phète, attendant  que  les  trônes  fussent  placés. 
L'Ancien  des  jours,  c'est-à-dire,  l'Eternel  s'assit. 
Son  vêtement  était  blanc  comme  la  neige  ;  sa  che- 
velure  ressemblait  à  une  laine   pure.  Son  trône 


138  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

était  étincelant  comme  la  flamme  et  les  gonds  de 
ce  trône  étaient  comme  un  foyer  aident.  Des  flots 
de  lumière  jaillissaient  avec  impétuosité  de  son 
visaçe.  Mille  milliers  d'anses  le  servaient,  et  dix 
mille  fois  cent  mille  se  tenaient  debout  devant  lui. 
Le  jugement  s'assit,  et  les  livres  furent  ouverts.  » 
[Dan.  vu. 

Quel  spectacle  !  Qui  n'est  glacé  d'effroi  au  seul 
récit  de  ces  préparatifs? 

Quid  sura  miser  tune  die  tu  rus? 
Quem  patronum  rogaturus, 
Cum  vixjustussit  courus? 

Le  juste  en  ce  moment  terrible  sera  à  peine  en 
sûreté:  que  dirai-je  donc  alors,  moi,  malheureux 
pécheur!  et  de  qui  pourrai-je  réclamer  la  pro- 
tection ? 

a  Alors,  a  dit  Jésus-Christ,  les  hommes  commen- 
ceront a  dire  aux  montagnes  :  tombez  sur  nous  ;  et 
aux  collines  :  couvrez-nous.  Tune  incipient  dicere 
mon  ti  bus  :  cadite  super  nos;  et  collibus  :  operite 
nos.  »  [Luc.  ixiii.)  Mais  nulle  puissance  ne  pourra 
les  dérober  à  la  juste  sentence  que  va  prononcer 
sur  eux  le  Juge  suprême. 

Recueillons-nous  ici  et  écoutons  attentivement. 

TROISIÈME  POINT. 

9.  La  sentence  sera  double. 

Xotre-Seigneur  Jésus-Christ  se  tournant  vers  les 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  139 

brebis  placées  à  sa  droite,  et  fixant  sur  elles  des 
i  égards  pleins  d'aménité,  leur  dira  avec  une  dou- 
ceur infinie  : 

«  Venez,  les  bénis  de  mon  Père,  possédez  le 
royaume  qui  vous  a  été  préparé  dès  l'origine  du 
monde.  Venite,  benedicti  Patris  mei,  possidete 
regnum  quod  paratum  est  vobis  à  constitutione 
mundi.  »  (Matth.  xxv.) 

Que  peut-on  concevoir  de  plus  consolant?  Le 
simple  rapprochement  de  cette  sentence  et  de  celle 
qui  va  frapper  les  réprouvés  en  fait  ressortir  le 
bonheur. 

Jésus-Christ  dit  aux  élus  :  Venez,  il  commandera 
aux  réprouvés  de  s'éloigner  ;  il  appelle  les  élus, 
les  bénis  et  tes  bien-aimés  de  son  Père,  il  n'aura 
pour  les  réprouvés  que  des  malédictions  ;  il  invite 
les  premiers  à  posséder  le  royaume  qui  leur  est 
destiné;  au  lieu  d'un  royaume,  au  lieu  de  la  gloire 
et  de  la  félicité,  il  assignera  pour  demeure  aux 
seconds  la  prison  de  l'enfer,  les  feux  éternels  et  la 
compagnie  des  démons. 

Quelle  opposition  entre  ces  deux  états  !  quel 
contraste  entre  les  deux  sentences  !  Mais  les  justes 
n'échappent  pas  seulement  au  malheur  où  les  t 
réprouvés  vont  être  condamnés.  La  voix  du  Juge 
les  appelle  des  travaux  au  repos,  de  la  vallée  des 
larmes  au  comble  de  la  joie,  des  misères  de  cette 
vie  à  la  béatitude  éternelle. 

Et  remarquons  sur  quoi  il  motive  son  jugement  : 
«  J'ai   eu  faim,  dit-il,  et  vous  m'avez  donné  à 


1  40  DIT  JUGEMENT  DERNIER. 

manger  ;  j'ai  eu  soif,  et  vous  m'avez  donné  à  boire  ; 
j'étais  étranger, et  vous  m'avez  accueilli;  j'étais  nu, 
et  vous  m'avez  vêtu;  j'étais  infirment  vous  m'avez 
visité;  j'étais  en  prison, et  vous  êtes  venus  me  con- 
soler. Esurivi  enim,et  dedistis  mihi  manducare  ; 
sitivi,  et  dedistis  mihi  bibere  ;  hospes  eram,  et  col- 
legistis  me;  nudus,  et  cooperuistis  me;inffrmus,  et 
visitastisme;  in  carcere  eram,  et  venistis  ad  me.  » 
{Matth.  xxv.) 

«  En  vérité,  je  vous  le  dis,  quand  vous  avez 
fait  cela  pour  un  de  mes  moindres  frères,  c'est  à 
moi-même  que  vous  l'avez  fait.  Amen  dico  vobis, 
quamdiu  fecistis  uni  ex  bis  fratribus  meis  minimis, 
mihi  fecistis.  »  (Ibid.) 

C'est  ainsi  que  le  Juge  exaltera  les  mérites  des 
élus. 

10.  Ensuite  lançant  des  regards  terribles  sur 
les  réprouvés  placés  à  sa  gauche,  il  prononcera 
contre  eux  cet  arrêt  foudroyant  : 

«Retirez-vous  de  moi,  maudits,  allez  au  feu 

éternel  qui  a  été  préparé  pour  le  démon  et  pour 

ses  anges.   Discedite   a  me,  maledicti,  in  ignem 

aeternum  qui  paratus  est  diabolo  et  angelis  ejus.  » 

»  (Matth.  xxv.) 

Discedite  a  me,  retirez-vous  de  moi.  Ces  premiè- 
res paroles  expriment  le  plus  grand  châtiment  dont 
les  reprouvés  seront  punis.  Bannis  et  rejetés  loin 
de  Dieu,  tout  espoir  de  jouir  de  sa  présence  leur 
sera  ôté  pour  jamais. 

C'est  la  peine  du  dam.  Elle  consiste  dans  la  pri- 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  '141 

vation  de  la  vue  de  Dieu  ;  peine  effroyable  qui  fait 
proprement  l'essence  de  la  damnation,  comme  la 
jouissance  de  Dieu  fait  le  bonheur  des  élus. 

Maledicti,  maudits.  Ce  terme  de  malédiction 
augmentera  encore  d'une  manière  prodigieuse  pour 
les  damnés  le  regret  de  la  perte  de  Dieu.  Si,  du 
moins,  en  le  perdant,  ils  pouvaient  entendre  un 
mot  de  consolation  !  Mais  non  ;  ils  ne  sont  point  di- 
gnes de  ce  ménagement  ;  et  la  divine  Justice,  pre- 
nant la  place  de  la  miséricorde  dont  ils  ont  abusé, 
les  poursuit  et  les  accable  de  ses  malédictions. 

On  a  vu  des  hommes  succomber  à  la  douleur 
pour  avoir  encouru  la  disgrâce  des  princes;  mal- 
heureux reprouvés,  quel  ne  sera  pas  votre  déses- 
poir de  vous  voir  non-seulement  abandonnés,  mais 
maudits  de  votre  Dieu  ! 

Allez  au  feu  éternel  In  ignem  œternum.  Un 
autre  genre  de  peine  est  ici  marqué.  C'est  la  peine 
du  sens,  ainsi  appelée  parce  qu'elle  agit  sur  la  sen- 
sibilité naturelle,  comme  les  verges,  les  fouets  et 
les  autres  supplices  de  ce  genre. 

Or,  de  tous  les  tourments,  celui  du  feu  est  in- 
contestablement le  plus  sensible  et  le  plus  doulou- 
reux. Il  sera  celui  des  damnés  ;  et  ce  qui  le  rend 
infiniment  redoutable,  c'est  qu'il  n'aura  point  de 
fin.  «  Ignis  non  extinguetur.  »Ce  feu  ne  s'éteindra 
jamais;  toujours  ils  en  ressentiront  les  ardeurs 
insupportables;  toujours,  toujours.  0  éternité!  ô 
éternité  i  c'est  toi  qui  mets  le  comble  au  malheur 
des  damnés. 


\  42  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

Les  dernières  paroles  du  Juge  achèvent  de  faire 
ressortir  toute  l'horreur  de  leur  sort  :  «  Allez  au 
feu  qui  a  été  préparé  pour  le  démon  et  pour  ses  an- 
ges, in  ignem  qui  paratus  est  diabolo  et  angelis 
ejus.  » 

Ici-bas,  on  éprouve  une  sorte  d'allégement  à  ses 
maux,  quand  on  a  pour  compagnon  d'infortune 
quelque  ami  sage  et  bienveillant.  En  se  communi- 
quant réciproquement  ses  peines,  on  en  diminue 
le  poids.  Quelle  ne  sera  pas  la  misère  des  réprou- 
vés de  se  voir  enchaînés,  au  milieu  de  leurs  tour- 
ments, dans  l'affreuse  société  des  démons? 

1 1 .  C'est  avec  justice  pourtant  qu'ils  seront  con- 
damnés. Le  souverain  Juge  va  leur  notifier  comme 
aux  élus  les  motifs  de  sa  sentence. 

Prêtons  l'oreille  et  apprenons  comment  nous 
pouvons  nous  en  épargner  à  nous-mêmes  la  rigueur. 
((  J'ai  eu  faim,  leur  dira-t-il,  et  vous  ne  m'avez  pas 
donné  à  manger  ;  j'ai  eu  soif,  et  vous  m'avez  re- 
fusé à  boire  ;  j'étais  étranger,  et  vous  ne  m'avez 
pas  recueilli  ;  j'étais  nu,  et  vous  ne  m'avez  pas 
couvert;  j'étais  malade  et  prisonnier,  et  vous  n'êtes 
pas  venus  me  visiter  ni  me  consoler. Esurivi  enim, 
et  non  dedistis  mihi  manducare;  sitivi,  et  non  de- 
distis  mihi  potum  ;  hospes  eram,  et  non  collegistis 
me;  nudus,  et  non  cooperuistis  me;  infirmus  et 
incarcère,  et  non  visitastis  me.  Mais,  Seigneur,  lui 
répondront  les  réprouvés,  quand  est-ce  que  nous 
vous  avons  vu  pressé  par  la  faim  ou  la  soif,oudans 
la  nudité,  ou  sans  asile,  ou  malade  et  prisonnier, 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  1  4  3 

et  que  nous  avons  refusé  de  vous  soulager?  —  En 
vérité,  je  vous  le  dis,  leur  dira  le  souverain  Juge, 
chaque  fois  que  vous  avez  refusé  ces  services  au 
moindre  d'entre  ceux-ci,  c'est  a  moi-même  que 
vous  les  avez  refusés.  Amen,  dico  vobis,  quamdiu 
non  fecistis  uni  de  minoribus  his,  nec  mihi  fecis- 
tis.  »  (Mat th.  xxv.) 

La  condamnation  des  reprouvés  est  donc  fondée, 
vous  le  voyez,  sur  l'oubli  dans  lequel  ils  ont  vécu 
des  devoirs  de  la  charité.  Us  n'ont  point  fait  misé- 
ricorde aux  autres;  la  justice  divine  les  châtie  sans 
miséricorde.  «  Et  ces  derniers,  dit  Jésus-Christ, 
iront  au  supplice  éternel,  tandis  que  les  justes  en- 
treront dans  la  vie  éternelle.  Et  ibunt  hi  in  sup- 
pîicium  aeternum,  justi  autem  in  vitam  aeternam.  » 
(Ibid.) 

CONCLUSION. 

1 2.  ce  Dans  toutes  vos  œuvres,  nous  dit  le  Saint- 
Esprit,  souvenez-vous  de  vos  fins  dernières  et  vous 
ne  pécherez  point.  In  omnibus  operibus  tuis  me- 
morare  novissima  tua,  et  in  aeternum  non  pecca- 
bis.  »  (Eccli.  vu.) 

Oui,  chrétiens,  ayons  souvent  devant  les  yeux 
la  grande  image  du  jugement.  Si  nous  l'imprimons 
fortement  dans  notre  esprit,  elle  sera  pour  nous 
comme  un  frein  salutaire  qui  nous  empêchera  de 
faire  le  mal,  et  comme  un  aiguillon  puissant  pour 
nous  porter  au  bien. 

Quel  est,  je  vous  le  demande,  quel  est  l'homme, 


144  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

si  emporté  qu'il  soit  par  les  passions,  qui  ne  re- 
vienne à  la  vertu,  s'il  se  disait  sérieusement  à  lui- 
même  :  un  jour  viendra  où  il  me  faudra  rendre 
compte  au  tribunal  de  Dieu  de  mes  actions,  de  mes 
paroles,  de  mes  plus  secrètes  pensées  même  ;  et  si 
je  pèche  et  que  je  ne  fasse  pas  une  sincère  péni- 
tence, à  quel  châtiment  rigoureux  ne  dois-je  pas 
m'attendre?  Eh  quoi  !  voudrai-je  pour  un  vil  inté- 
rêt, pour  une  satisfaction  passagère,  pour  un  faux 
point  d'honneur,  m'exposer  à  la  plus  horrible  con- 
fusion et  à  des  supplices  sans  fin  ?  Voudrai-je  per- 
dre le  Ciel  et  Dieu  et  mon  âme? 

Quel  est  le  juste  qui  ne  se  sente  animé  de  plus 
en  plus  à  la  vertu,  encouragé  dans  sa  pauvreté, 
consolé  dans  ses  peines  et  ses  disgrâces,  fortifié 
dans  les  opprobres  et  les  tourments,  quand  il  pense 
de  son  côté  aux  récompenses  que  lui  réserve  le 
grand  jour  de  la  justice.  Oh!  doit-il  se  dire,  encore 
quelques  jours  de  lutte  et  de  souffrance, et  la  palme 
me  sera  décernée  à  la  face  du  monde  entier,  et  je 
me  verrai  introduit  dans  ma  céleste  patrie,  et  j'y 
serai  comblé  des  biens  de  la  maison  de  Dieu  pour 
toute  l'éternité  !  A  cette  pensée  il  ne  se  possède  plus 
de  joie  ;  ses  larmes  cessent  de  couler  ou  lui  de- 
viennent délicieuses  :  a  Lsetatus  sum  in  his  quae 
dicta  sunt  mihi  :  in  domum  Domini  ibimus.  Quel 
bonheur!  s'écrie-t-il  avec  le  roi-prophète;  il  est 
donc  vrai,  j'entrerai  un  jour  dans  la  maison  du 
Seigneur  !  »et  là,  je  boirai  à  longs  traits  au  torrent 
de  sa  félicité  :  j'échangerai  ma  pauvreté  pour  des 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  145 

richesses  infinies,  mon  exil  pour  la  patrie,  la  terre 
pour  le  ciel,  l'espérance  pour  la  possession.  Mon 
Dieu  sera  tout  à  moi  et  je  serai  tout  à  lui  ! 

13.  Vivons,  chrétiens,  comme  devant  être  jugés. 
Notre  sentence,  notre  sort  éternel  est  dans  nos 
mains.  Voulons-nous  nous  assurer  un  jugement 
favorable?  Exerçons  la  charité  ;  concilions-nous  la 
bienveillance  de  notre  Juge  en  rendant  a  nos  frè- 
res tous  les  bons  offices  en  notre  pouvoir.  C'est  un 
Juge  intègre,  incorruptible,  inexorable  ;  cependant 
lui-même  nous  l'a  déclaré,  et  vous  l'avez  entendu, 
on  peut  parvenir  à  le  gagner  ;  pour  cela,  nous  de- 
vons pratiquer  la  miséricorde  envers  le  prochain, 
le  soulager  de  bon  cœur  dans  ses  nécessités  spiri- 
tuelles et  corporelles,  lui  faire  du  bien  pour  l'a- 
mour de  Dieu. 

«  Heureux  celui  qui  est  attentif  aux  besoins  du 
pauvre  et  de  l'indigent,  le  Seigneur  le  délivrera  au 
jour  mauvais.  Beatus  qui  intelligit  super  egenum 
et  pauperem,  in  die  mala  liberabit  eum  Dominus.» 

La  miséricorde  attire  la  miséricorde.  Si  vous 
êtes  miséricordieux,  Dieu  vous  pardonnera  vos 
péchés  ;  il  vous  accordera  la  grâce  d'être  fidèles  à 
ses  commandements  ;  il  ne  permettra  pas  que  vous 
mouriez  dans  le  péché.  t 

Vivons  de  telle  sorte,  chrétiens,  que  nous  puis- 
sions attendre  avec  confiance  l'arrivée  du  grand 
jour,  et  le  désirer  avec  ardeur,  comme  il  convient 
à  de  vrais  enfants  de  Dieu. 

1 4 .  «  0  Jésus  !  nous  croyons  fermement  que  vous 


146  DU  JUGEMENT  DERNIER. 

viendrez  nous  juger  un  jour.  Judex  crederis  esse 
venturus.  Nous  vous  en  conjurons  donc,  ayez  pitié 
de  vos  serviteurs  que  vous  avez  rachetés  par  votre 
précieux  sang.  Te  ergo.  quaesumus,  famulis  tuis 
subveni,  quospretioso  sanguine  redemisti.  » 

Rex  tremendse  majestatis, 
Qui  salvandos  salvas  gratis, 
Salva  me,  fons  pietatis. 

0  Roi,  dont  la  majesté  est  si  terrible,  vous  qui 
sauvez  gratuitement  ceux  qui  doivent  être  sauvés, 
sauvez-moi,  Dieu  de  miséricorde. 

Kecordare,  Jesu  pie, 
Quod  sum  causa  tuae  vise, 
Ne  me  perdas  illa  die. 

Souvenez-vous,  ô  bon  Jésus,  que  vous  êtes  des- 
cendu du  ciel  pour  moi,  ne  me  réprouvez  pas  en 
ce  jour. 

Quaerens  me  sedisti  Iassus, 

Redemisti  crucem  passus, 

Tantus  labor  non  sit  cassus. 

Vous  vous  êtes  fatigué  à  me  chercher  ;  pour  me 
racheter,  vous  êtes  mort  sur  la  croix;  ah!  que 
tant  de  peines  ne  soient  pas  inutiles  pour  moi  ! 

Qui  Mariam  absolvisti 
Et  latronem  exaudisti, 
Mihi  quoquespem  dedisti. 


DU  JUGEMENT  DERNIER.  147 

Vous  avez  pardonne  à  la  Madelaine  et  vous  avez 
exaucé  le  bon  larron  ;  vous  m'avez  donc  permis 
d'espérer  ma  grâce. 

Preces  meae  non  sunL  dignte, 
Sed  tu  bonus  fac  bénigne, 
Ne  perenni  cremerigne. 

Je  ne  mérite  pas  d'être  exaucé  ;  mais  vous, 
Seigneur,  usez  de  miséricorde,  afin  que  j'échappe 
aux  feux  éternels. 

Inter  oves  locum  praesta, 
Et  ab  hasdis  me  séquestra, 
Statuens  in  parte  dextra. 

Donnez-moi  place  parmi  les  brebis  et  séparez- 
moi  des  boucs,  en  me  rangeant  à  la  droite. 

Confutatis  maledictis, 
Flammis  acribus  addictis, 
Voca  me  cum  benedictis. 

Quand  vous  aurez  repoussé  les  maudits  et  que 
vous  les  aurez  voués  aux  flammes  dévorantes,  ah  ! 
daignez  m'appeler  à  vous  avec  ceux  qui  seront  bé- 
nis !  Ainsi  soit-il. 


148  NOTES. 


NOTES. 


I.    DU  JUGE  SUPRÊME. 

Omnino  est  quidam  inlellectus  verus,  fortis,  si  quomodo 
eum  tenere  possumus,  quia  Paler  non  judicat  quemquam, 
sed  omne  judicium  dédit  Filio.  Hoc  enim  dictum  est,  quia 
hominibus  in  judicio  non  apparebit  nisi  Filius.  Pater  oc- 
cultus  ent,  Filius  manifestus.  In  quo  erit  Filius  manifestus? 
In  forma  qua  ascendit.Nam  in  forma  Dei  eum  Pâtre  occul- 
tus  est,  in  forma  servi  hominibus  manifestus.  Non  ergo 
Pater  judicat  quemquam,  sed  omne  judicium  dédit  Filio, 
sed  manifestum  :  in  quo  manifesto  judicio  Filius  judicabit, 
quia  ipse  judicandis  apparebit.  Evidentius  nobis  ostendit 
scriptura  quia  ipse  apparebit.  Quadragesimo  die  post  resur- 
rectionem  suam  ascendit  in  cœlum,  videntibus  discipulis 
suis  :  et  vox  illis  angelica,  Viri,  inquit,  Galilrjei,  quid  statis 
aspicientes  in  cœlum  ?  Iste  qui  assumptus  est  a  vobis  in 
cœlum,  sic  veniet  quemadmocfum  vidistis  eum  euntem  in 
cœlum.  (Act.  1,  3,  9,  10,  11.)  Quo  modo  eum  videbant 
ire?  In  carne  ,  quam  tetigerunt,  quam  palpaverunt,  cujus 
etiam  cicatrices  tangendo  probaverunt,  in  illo  corpore  in 
quo  eum  eis  intravit  et  exivit  per  quadraginta  dies,  ma- 
nifestons se  eis  in  veritate  ;  non  in  aliqua  falsitate  :  non 
phantasma,  non  umbra,  non  spiritus  ;  sed  quemadmodum 
ipse  dixit  non  fa  11  en  s,  Palpate,  et  videte,  quia  spiritus  car- 
nem  et  ossa  non  habet,  <icul  me  videtishabere  (Luc.  xxiv, 
39.)  Est  quidem  illud  jam  corpus  dignum  cœlesti  habita- 


NOTES.  149 

tione,  non  subjacens  morti,  non  mutabile  per  aetates.  Non 
enim  sicut  ad  illam  œtatem  ab  ihfanlia  creaverat,  sic  ab 
œtate  quse  juventus  erat,  vergit  in  senectutem  :  manet 
sicut  ascendit,  venturus  ad  eos  quibus  antequam  veniat, 
Verbum  suum  voluit  preedicari.  Sic  ergo  véniel  in  forma 
humana  .  hanc  videbunt  et  impii,  videbunt  et  ad  dexteram 
positi,  videbunt  et  ad  sinistram  separati  ;  sicut  scriptum 
est,  Videbunt  in  quem  pupugerunt (Zach.  xii,  10.  —  Joan. 
xix,  37.)  Si  videbunt  in  quem  pupugerunt,  corpus  ipsum 
videbunt,  quod  lancea  percusserunt  :  lancea  non  percutitur 
Verbum  :  hoc  ergo  impii  videre  poterunt,  quod  et  vulnera 
potuerunt.  Latentem  Deum  in  corpore  non  videbunt  :  post 
judicium  videbitur  ab  his  qui  ad  dexteram  erunt.  Hoc  est 
ergo  quod  ait,  Pater  non  judicat  quemquam,  sed  omne 
judicium  dédit  Filio  :  quia  manifestus  ad  judicium  veniet 
Filius,  in  humano  corpore  apparens  hominibus,  dicens 
dextris,  Venite,  benedicti  Patris  mei,  percipite  regnum  ; 
dicens  sinistris,  Ite  in  ignem  seternum  ,  qui  paratus  est 
diabolo  et  angelis  ejus  (Matlh.  xxv,  34,  41 .) 

Ecce  videbitur  forma  hominis  a  piis  et  ab  impiis,  a  justis 
et  ab  injustis,  a  fidelibus  et  ab  infidelibus,  a  gaudentibus 
et  a  plangentibus,  a  confisis  et  a  confusis  :  ecce  videbitur. 
Cum  visa  fuerit  illa  forma  in  judicio,  et  fuerit  peractum 
judicium,  ubi  dictum  est  Patrem  non  judicare  quemquam, 
sed  omne  judicium  dédisse  Filio,  ob  hoc,  quia  Filius  appa- 
rebit  in  judicio  in  forma  quam  ex  nobis  accepit,  quid  postea 
futurum  est?Quando  videbitur  forma  Dei,  quam  sitiunt 
omnes  fidèles  ?  Quando  videbitur  illud  quod  erat  in  prin- 
cipio  Verbum,  Deus  apud  Deum,  per  quod  facta  sunt  om- 
nia?  Quando  videbitur  illa  forma  Dei,  de  qua  dicit  Apos- 
tolus,  Cum  in  forma  Dei  esset,  non  rapinam  arbitratus  est 
esse  aequalis  Deo  ?  (PhiUpp.  h,  6.)  Magna  enim  illa  forma 
ubi  adhuc  aequalitas  Patris  et  Filii  cognoscitur:  inetîabilis, 
incomprehensibilis,  maxime  parvulis.  Quando  videbitur? 

SYMB.       II.  13 


1  50  NOTES. 

Ecce  ad  dexteram  sunt  justi,  ad  sinistram  sunt  injusli,  om- 
nes  pariîer  hominem  vident,  Filium  hominis  vident,  qui 
puDctus  est  vident,  qui  cruciGxus  est  vident,  humiliatum 
vident,  natum  ex  Yirgine  vident.  Agnum  de  tribu  Juda 
vident:  Verbum  Deum  apud  Deum  quando  videbunt?  Ipse 
eritettunc,  sed  forma  servi  apparebil.  Forma  servi  servis 
demonstrabitur  :  forma  Dei  filiis  servabitur.  Fiant ergo servi 
filii;  qui  sunt  ad  dexteram,  eant  in  selernam  ha?reditatem 
olim  promissam,  quam  non  videnles  martyres  crediderunt, 
pro  cnjus  promissione  sanguinem  suum  sine  dubitatione 
fuderunt  :  eant  illuc  et  videant  ibi.  Quando  illuc  ibunt? 
Dicat  ipse  Dominus  :  sic  ibunt  illi  in  ambustionem  aeter- 
nam,  justi  autem  in  vitam  seternam.  (Matth.  xxv,  46.  — 
S.  August.  in  Joan.  evang.  tract,  xxi,  cap.  v.) 

II.  sur  l'antechrist. 

Nosse  autem  operae  pretium  est,  venturum  omnino  An- 
tichristum  esse.  Et  quidem  omnis,  qui  Filium  Dei  ac  Deum 
in  carne  venisse,  ac  Deum  perfectum  esse,  alqne  hominem 
perfectom,  una  cum  eo  quoque  quod  Deus  erat,  foctum 
esse,  minime  confitetur,  Antichristus  est.  Caeterum  pecu- 
liari  ac  praecipuo  modo  Antichristus  ille  dicitur,  qui  sub 
mundi  catastrophem  venturus  est.  Primum  itaque,  quem- 
admodum  Dominus  dixit,  Evangelium  apud  omnes  gentes 
prcpdicari  necesse  est  :  ac  tum  ille  ad  prodendam  Judaeo- 
rum  impietatem  veniet.  His  enim  verbis  Dominus  ad  eos 
usus  est,  Ego  veni  in  nomine  Palris  mei,  et  non  accepistis 
me.  Veniet  abus  in  nomine  suo,  et  illum  accipietis.  Et 
Apostolus,  Pro  eo  quod  amorem  veritatis  non  susceperunt, 
ut  salvi  fièrent,  propterea  mittet  ipsis  Deus  operationem 
erroris  ad  credendum  mendacio,  ut  judicentur  omnes  qui 
non  crediderunt  verilati,  sed  acquieverunt  in  injustitia. 
Ergo  Judaei  Dominum  Jesum  Christum  ac  Deum,  Deiquc 
filium    haudquaquam   receperunt    :    impostorem   contra, 


NOTES.  !5I 

divinitatem  sibi  arrogantem,  récipient.  Nam  quod  Dei 
nomen  usurpaturus  sit,  angélus  ille  Danielem  docens,  his 
verbis  ostendit  :  Ad  Deos  Patrum  suorum  non  intelliget. 
Et  Apostolus,  Nemo  vos  seducat  ul!o  modo.  Quoniam  nisi 
discessio  primum  venerit,  et  revelatus  fuerit  homo  peccati, 
filius  perditionis,  qui  adversatur,  etextollitur  super  omne, 
quod  dicilur  Deus,  aut  quod  colitnr,  ita  ut  ipse  tanquam 
Deus  in  templo  Dei  sedeat,  ostendens  seipsum  quod  sit 
Deus.  Porro  per  Dei  templum,  non  templum  nostrum  intel- 
ligit,  sed  vêtus  Judaicum.  Non  enim  nobis,  sed  Judteis 
veniet  :  non  pro  Christo ,  sed  adversus  Christum.  Qua 
etiam  de  causa  Antichristus  dicitur.  Primum  ergo  Evange- 
lium  apud  omnes  gentes  prœdicetur  necesse  est  :  ac  tum 
revelabitur  iniquus  ille,  cujus  erit  adventus  secundum 
operationem  Sathanae  in  omni  potentia,  et  siimis,  et  pro- 
digiis  falsis,  et  in  omni  fallacia  injustitiaa  iis  qui  pereunt  : 
quem  Deus  oris  sui  verbo  interficiet,  atque  adventus  sui 
praestantia  delebit.  Nec  vero  quemadmodum  Dous  huma- 
nitatem  assumpsit,  ita  etiam  diabolus  homo  efficietur  (ab- 
sit  enim  hoc  :)  verum  homo  ex  fornicatione  parietur,  atque 
omnem  sathanœ  afflatum  suscipiet.  Deus  etenim  incredi- 
bilem  quandam  futura3  ipsius  voluntatis  perversitalem 
praenoscens,  diabolum  in  eo  domicilium  sibi  constituere 
sinet.  Ex  fornicatione  itaque,  ut  diximus,  nascetur,  et 
clam  educabitur,  ac  repente  insurgeL  caputque  attollet, 
atque  imperio  potietur.  Atque  in  regni  quidem  sui,  vel 
tyrannidis  potius  praeludiis  bonitatis  speciem  prae  se  feret. 
Cum  autem  rerum  potitus  fuerit,  tum  vero  Ecclesiam  Dei 
pcrsequetur,  perversitatemque  suam  omnem  depromet. 
Veniet  aulem  in  signis  et  prodigiis  mendacii  fictis  ac  non 
veris.  eosque,  quorum  imbecilla  parumque  firmo  funda- 
mento  nixa  mens  est,  in  fraudem  inducet,  atque  a  Deo  vivo 
abstrahet,  ita  ut  scandalizentur,  si  fieri  potest,  etiam  electi. 
At  vero  mittentur  Enoch  et  Helias  Thesbites,  et  patrum 
corda  in  filios,  hoc  est  synagogam  ad  Dominum  nostrum 


152  NOTES. 

Jesum  Christum,  et  Apostolorum  prœdicationem,  conver- 
tent  :  ab  eoque  trucidabuntur.  Ai  tum  Dominus,  quemad- 
inodum  sancti  Apostoli  in  cœlum  euntem  viderunt,  hoc 
est  Deus  perfectus  et  homo  perfectus,  cum  gloria  et  po- 
tentia  veniet,  ac  peccati  hominem,  perditionisque  filium 
orissui  spiritu  interficiet.  Quamobrem  nihil  est,  cur  quis- 
quam  Dominum  e  terra  expectet  :  verum  e  cœlo,  quemad- 
modum  ipse  nobis  affirmavit.  (S.  Joann.  Damasc.  lib.  4. 
orthod.  fide  cap.  27.) 

III.  DOCTRINE  DE  l'aPOTRE  SAINT  PAUL  TOUCHANT  LA  MANIFESTA- 
TION DE  l' ANTECHRIST.  SES  AVERTISSEMENTS  AUX  FIDÈLES  DE 
THESSALONIQUE. 

4.  Multas  evangelicasapostolicasque  senteDtiasdedivino 
isto  judicio  novissimo  video  mihi  esse  praetereundas,  ne 
hoc  volumen  in  nimiam  longitudinem  provolvatur  :  sed 
nullo  modo  est  praetereundus  apostolus  Paulus,  qui  scri- 
bens  ad  Thessalonicences,  Rogamus,  inquit,  vos,  fratres, 
per  adventum  Domini  nostri  Jesu  Christi,  et  nostrae  con- 
gregationis  in  ipsum,  ut  non  cito  moveamini  mente,  neque 
terreamini,  neque  perspiritum,  neque  per  verbum,  neque 
per  epistolam  tanquam  per  nos  missam,  quasi  instet  dies 
Domini  :  ne  quis  vos  seducat  uilo  modo.  Quoniam  nisi 
venerit  refuga  primum,  et  revelatus  fuerit  homo  peccati, 
filius  interitus,  qui  adversatur  et  superextollitur  supra 
omne  quod  dicitur  Deus,  aut  quod  colitur  ;  ita  ut  in  tem- 
plo  Dei  sedeat,  ostentans  se  tanquam  si t  Deus.  Non  reti- 
netis  in  memoria,  quod  adhuc  cum  essem  apud  vos,  ha?c 
dicebam  vobis?Et  nunc  quid  detineat  scitis,  ut  reveletur 
in  suo  tempore.  Jam  enim  myslerium  iniquitatis  operatur. 
Tantum  qui  modo  tenet  teneat,  donec  de  medio  fiât  :  et 
tune  revelabitup  iniquus,  quem  Dominus  Jésus  interficiet 
spiritu  oris  sui,  et  evacuabit  illuminatione  preesentiae  suaa 
eum,  cujus  est  praesentia  secundum  operationem  satanae, 


NOTES.  153 

omni  virtule,  et  signis,  et  prodigiis  mendaeii,  et  in  omne 
seduetione  iniquitatis,  his  qui  pereunt  ;  pro  eo  quod  dilec- 
tionem  veritatis  non  receperunt,  ut  salvi  fièrent.  Et  ideo 
mittet  il] is  Deus  operationem  erroris,  ut  credant  mendacio, 
et  judicentur  omnes  qui  non  crediderunt  veritati,  sed  con- 
senserunt  iniquitati.  (n  Thess.  n,  4-H.) 

2.  Nulli  dubium  est,  eum  de  Antichrislo  ista  dixisse  ; 
diemque  judicii  (hune  enim  appellat  diem  Domini)  non  esse 
venturum,  nisi  ille  prior  venerit,  quem  refugam  vocat, 
utiquea  Domino  Deo.  Quod  si  de  omnibus  impiis  merito 
dici  potest,  quanto  magis  de  isto?  Sed  in  quo  templo  Dei 
sit  sessurus,  incertum  est  :  utrum  in  illa  ruina  templi, 
quod  a  Salomone  rege  constructum  est,  an  vero  in  Eccle- 
sia.  Non  enim  templum  alicujus  idoli  aut  dsemonis,  tem- 
plum  Dei  Apostolus  dieeret.  Unde  nonnulli,  non  ipsum 
principem,  sed  universum  quadammodo  corpus  ejus.  id 
est,  ad  eum  pertinentem  hominum  multitudinem,  simul 
cum  ipso  suo  principe  hoc  loco  intelligi  Antichristum  vo- 
lunt  :  rectiusque  putant  etiam  latine  dici,  sicut  in  grseco 
est,  non,  in  templo  Dei,  sed,  in  templum  Dei  sedeat,  tan- 
quam  ipse  sit  templum  Dei,  quod  est  Ecclesia  :  sicut  di- 
cimus,  sedet  in  amicum,  id  est,  velut  amicus;  vel  si  quid 
aliud  isto  ïoeutionis  génère  dici  solet.  Quod  autem  ait,  Et 
nunc  quid  detine3t  scitis,  id  est,  quid  sit  in  mora,  quse 
causa  sit  dilationis  ejus,  ut  reveletur  in  suo  tempore,  sci- 
tis :  quoniam  scire  illos  dixit,  aperte  hoc  dicere  noluit.  Et 
ideo  nos  qui  nescimus  quod  illi  sciebant,  pervenire  cum 
labore  ad  id  quod  sensit  Apostolus,  cupimus,  nec  vale- 
mus,  preesertim  quia  et  illa  quae  addidil,  hnne  sensum 
faciunt  obscuriorem.  Nam  quid  est,  Jam  enim  mysterium 
iniquitatis  operatur.  Tantum  qui  modo  tenet  teneat,  donec 
de  medio  fiât;  et  tune  revelabitur  iniquus?  Ego  prorsus 
quid  dixerit,  me  fateor  ignorare.  Suspiciones  tamen  homi- 
num, quas  vel  audire,  vel  légère  pot.ui,  non  tacebo. 


154  NOTES. 

3.  Quidam  putant  hoc  de  imperio  dictum fuisse  Komano, 
et  proplerea  Paulum  apostolum  non  id  aperte  scribere 
voluisse  ;  ne  calumniam  videlisset  incurreret,  quod  Roma- 
no  imperio  maie  optaverit,  cum  sperarelur  seternum  :  ut 
hoc  quod  dixit,  jam  enim  mysterium  iniquitatis  operatur, 
Neronem  voluerit  intelligi,  cujus  jam  facta  velut  Antichristi 
videbantur.  Unde  nonnulli  ipsum  resurrecturum,  et  futu- 
rum  Antichristum  suspicantur.  Alii  vero  nec  oceisum  pu- 
tant, sed  substractum  potius,  ut  putaretur  occisus  ;  et 
vivum  occultari  in  vigore  ipsius  aetatis,  in  qua  fuit,  cum 
crederetur  exstinctus,  donec  suo  lempore  reveletur,  et  res- 
tituatur  in  regnum.  Sed  multum  mihi  mira  est  haec  opi- 
niantium  tanta  prassumptio.  Illud  tamem  quod  ait  Aposto- 
lus,  Tantum  qui  modo  tenet  teneat,  donec  de  medio  fiât  : 
non  absurde  de  ipso  Romano  imperio  creditur  dictum,  tan- 
quam  dictum  sit  :  Tantum  qui  modo  imperat  imperet,  do- 
nec de  medio  fiât,  id  est,  de  medio  tollatur.  Et  tune  reve- 
labitur  iniquus  :  quem  significari  Antichristum  ,  nullus 
ambigit.  Alii  vero  et  quod  ait,  Quid  detineat  scitis  ;  et, 
mysterium  operari  iniquitatis,  non  putant  dictum,  nisi  de 
malis  et  fictis,  qui  sunt  in  Ecclesia  ,  donec  perveniant  ad 
tantum  numerum,qui  Antichristo  magnum  populum  faciat; 
et  hoc  esse  mysterium  iniquitatis  quia  videtur  occultum. 
Hortari  autem  Apostolum  fidèles,  ut  in  fine  quam  tenent 
tenaciter  persévèrent,  dicendo,  Tantum  qui  modo  tenet 
teneat,  donec  de  medio  fiât  :  hoc  est,  donec  exeat  de  me- 
dio Eeelesiae  mysterium  iniquitatis,  quod  nunc  occultum 
est.  Ad  ipsum  enim  mysterium  pertinere  arbitrantur,  quod 
ait  in  Epistola  sua  Joannes  evangelista,  Pueri,  novissima 
hora  est  :  et  sicut  audistis,  quod  Antichristussit  venturus; 
nunc  autem  Antichristi  mulii  facti  sunt  :  unde  cognosci- 
mus  qnod  novissima  sit  hora.  Ex  nobis  exierunt  :  sed  non 
erant  ex  nobis.  Quod  si  fuissent  ex  nobis  permansissent 
utique  nobiscum  (i  Joan.  n,  18  et  19.)  Sicut  ergo  ante 
finem  in  bac  hora,   inquiunt,  quam  Joannes  novissimam 


NOTES.  I  55 

dicit,  exierunt  multi  hœretici  de  medio  Ecclesiae ,  quos 
multos  dicit  Anlichristos  :  ita  omnes  tune  inde  exibunt, 
qui  non  ad  Christuin,  sed  ad  illum  novissimum  Antichris- 
tum  pertinebunt,  et  tune  revelabitur. 

4.  Alius  ergo  sic,  alius  autem  sic  Apostoli  obscura  verba 
conjectant  :  quod  tamen  eum  dixisse  non  dubium  est,  Non 
veniet  ad  vivos  et  mortuos  judicandos  Christus,  nisi  prius 
venerit  ad  seducendos  in  anima  mortuos  adversarius  ejus 
Antichristus;  quamvis  ad  occuitum  jam  judicium  Dei  per- 
tineat,  quod  ab  illo  seducentur.  Praesentia  quippe  ejus  erit, 
sicut  dictum  est,  secundum  operationem  satanée,  in  omni 
virtute,  et  signis,  et  prodigiis  mendacii,  et  in  omni  seduc- 
tione  iniquitatis,  his  qui  pereunt.  Tuncenim  solvetur  sata- 
nas,  et  per  illum  Antichristum  in  omni  sua  virtute  mira- 
biliter  quidem,  sed  mendaciter  operabitur.  Quse  solet 
ambigi  utrum  propterea  dicta  sint  signa  et  prodigia  men- 
dacii, quoniam  mortales  sensus  per  phaniasmata  deceptu- 
rus  est;  ut  quod  non  facit,  facere  videatur  :  an  quia  illa 
ipsa,  etiamsi  erunt  vera  prodigia,  ad  mendacium  pertrahent 
credituros  non  ea  potuisse  nisi  divinitus  fieri,  virtutem 
diaboli  nescientes  ;  maxime  quando  tantam,  quantam  nun- 
quam  habuit,  acceperit  potestatem.  Non  enim  quando  de 
cœlo' ignis  cecidit,  et  tantam  familiam  cum  taniis  gregibus 
pecorum  sancti  Job  uno  impetu  absumpsit,  et  turbo  irruens 
et  domum  dejiciens  filios  ejus  accidit  {Job.  i.)  phantasmata 
fuerunt  :  quae  tamen  fuerunt  opéra  satanée,  cui  Deus  dede- 
rat  hanc  potestatem.  Propter  quid  horum  ergo  dicta  sint 
prodigia  et  signa  mendacii,  tune  potius  apparebit.  Sed 
propler  quodlibet  horum  dictum  sit,  seducentur  eis  signis 
atque  prodigiis,  qui  seduci  merebuntur  :  pro  eo  quod 
dilectionem  veritatis,  inquit ,  non  receperunt,  ut  salvi 
fièrent.  Nec  dubitavit  Apostolus  addere,  et  dicere  :  ldeo 
mittet  illis  Deus  operationem  erroris,  ut  credant  mendacio. 
Deus  enim  mittet,  quia  Deus  diabolum  facere  ista  permittet, 


1  56  NOTES. 

justo  ipse  judicio,  quamvis  facial  iile  inique  malignoque 
consilio.  Ut  judicentur,  inquit,  om nés  qui  non  crediderunt 
veritati,  sed  consenserunt  iniquitati.  Proinde  judicati  sedu- 
centur,  et  seducti  judicabuntur.  Sed  judicati  seducentur 
illis  judiciis  Dei  occulte  justis,  juste  occultis,  quibus  ab 
initio  peccali  rationalis  creaturae  nunquam  judicare  cessa- 
vit  :  seducti  autem  judicabuntur  novissimo  manifestoque 
judicio  per  Jesum  Christum,  justissime  judicaturum,  injus- 
tissime  judicatum.  (S.  Aug.  lib.  20  de  civ .  Dei  cap.  19.) 

IV.  LE  CORPS  PEUT  BRULER  ÉTERNELLEMENT. 

Quid  igitur  ostendam,  unde  convincantur  increduli, 
posse  bumana  corpora  animata  atque  viventia,  non  solum 
nunquam  morte  dissolvi,  sed  in  geternorum  quoque  ignium 
durare  tormentis?  Nolunt  enim  hoc  ad  Omnipotentis  nos 
referre  potentiam,  sed  aliquo  exemplo  probari  sibi  flagitant. 

Quibus  si  respondemus,  esse  animalia  profecto  corrup- 
tibilia.  quia  mortalia,  quaa  lamen  in  mediis  ignibus  vi- 
vant :  nonnullum  etiam  genus  vermium  in  aquarum 
calidarum  scaturigine  reperiri,  quarum  fervorem  nemo 
impune  contrectat  ;  illos  autem  non  solum  sine  ulla  sui 
lœsione  ibi  esse,  sed  extra  esse  non  posse  :  aut  nolunt 
credere,  si  ostendere  non  valemus  ;  aut  si  ^aluerimus  sive 
oculis  demonstrare  res  ipsas,  sive  per  testes  idoneos  edo- 
cere,  non  satis  hoc  esse  ad  exemplum  rei,  de  qua  quaestio 
est,  eadem  infidelitate  contendent  :  quia  hsec  animalia  nec 
semper  vivunt,  et  in  illis  fervoribus  sine  doloribus  vivunt, 
suas  quippe  naturae  convenientibus  vegetantur  illis,  non 
cruciantur  elementis;  quasi  non  incredibilius  sit  vegetari, 
quam  cruciari  talibus  rébus  Mirabile  est.  enim,  dolere  in 
ignibus,  et  tamen  vivere  :  sed  mirabilius,  vivere  in  igni- 
bus, nec  dolere.  Si  autem  hoc  creditur,  cur  non  etillud? 

An  consequens  sit  ut  eorporeum  dolorem  sequatur  earnis 

iîiteritus. 


NOTES.  157 

\.  Sed  nullum  est,  inquiunt,  corpus  quod  dolere  possit. 
née  possit  mori.  Et  hoc  unde  scimus?  Nam  de  eorporibus 
quis  certus  est  deemonum,  utrum  in  eis  doleant,  quandose 
affligi  magnis  crucialibus  confitentur?  Quod  si  responde- 
tur,  terrenuin  corpus  solidum  scilicet  atque  conspicuum 
nullum  esse,  atque  ut  uno  potius  nomine  id  expiicem, 
nullam  esse  carnem  quee  dolere  possit,  morique  non  pos- 
sit :  quid  alitid  dicitur,  nisi  quod  sensu  corporis  homines 
et  experientia  collegerunt?  Nullam  namque  carnem  nisi 
mortalern  sciunf,  :  et  hac  est  eorum  tota  ratio,  ut  quod 
experti  non  sunt,  nequaquam  esse  posse  arbitrentur.  Nam 
cujus  rationis  est  dolorem  facere  mortis  argumentum,  cum 
vitae  potius  sit  indicium  ?  Etsi  enim  quaerimus,  utrum  sem- 
per  possit  vivefe  :  certum  tamen  est  vivere  omne  quod 
dolet,  doloremque  omnem  nisi  in  re  vivenle  esse  non  posse. 
Necesse  est  ergo  ut  vivat  dolens,  non  est  necesse  ut  occidat 
dolor  :  quia  nec  corpora  ista  mortalia,  et  utique  rnoritura, 
omnis  dolor  occidit  ;  et  ut  dolor  aliquis  possit  occidere, 
illa  causa  est,  quoniam  sic  est  anima  connexa  huic  corpori, 
ut  summis  doloribus  cedat,  atque  discedat  :  quoniam  et 
ipsa  compago  membrorum  atque  vitalium  sic  infirma  est, 
ut  eam  vim  quae  magnum  vel  summum  dolorem  facit,  non 
valeat  sustinere.  Tune  autem  tali  corpori  anima  et  eo  con- 
nectitur  modo,  ut  illud  vinculum  sicut  nulla  temporis 
longitudine  solvitur,  ita  nullo  dolore  rumpatur.  Proinde 
etiamsi  caro  nunc  talis  nulla  est,  quse  sensum  doloris  per- 
peti  possit,  mortemque  non  possit  :  erit  tamen  tune  talis* 
caro,  qualis  nunc  non  est  :  sicut  talis  ent  et  mors,  qualis 
nunc  non  est.  Non  enim  nulla,  sed  sempiterna  mors  erit, 
quando  nec  vivere  anima  poterit  Deum  non  habendo,  nec 
doloribus  corporis  carere  moriendo.  Prima  mors  animam 
nolentem  pellit  è  corpore,  secunda  mors  animam  nolentem 
tenet  in  corpore  :  ab  utraque  morte  communiter  id  habe- 
tur,  ut  quod  non  vult  anima,  de  suo  corpore  patiatur. 

SYMB.       II.  14 


15S  NOTES. 

2.  Attendant  autrm  isti  con  tr  ad  ic  tores  nullam  esse 
nune  carnem,  quae  dolorem  pati  possit,  morlemque  non 
possit  ;  el  non  atlcndunt  esse  tamen  aliquid  taie  quod 
corpore  majus  sit.  Ipse  quippe  animus,  cujus  praesentia 
corpus  \ivil  tl  regitur,  et  dolorem  pati  polest,  et  mori  non 
potest.  Ecce  inventa  res  est,  quae  cum  sensum  doloris 
habeat,  immorlalis est.  Hoc  igitur  erit  tune  etiam  in  cor- 
poribus  damnatorum,  quod  nunc  esse  scimus  in  animis 
omnium.  Si  au  te  m  consideremus  diligentius,  dolor  qui 
dicitur  corporis,  magis  ad  animam  pertiuet.  Animas  enim 
est  doiere,  non  corporis,  etiam  quando  ei  dolendi  causa 
existât  a  corpore,  cum  in  eo  loco  dolet,  ubi  lœdilur  cor- 
pus. Sicut  ergo  dicimus  corpora  sententia,  et  corpora  vi- 
ventia,  cum  ab  anima  sit  corporis  sensus  et  vita  ;  ita  et 
corpora  dicimus  dolentia,  cum  dolor  corporis  nisi  ab  anima 
esse  non  possit.  Dolet  itaque  anima  cum  corpore  in  eo 
loco  ejus,  ubi  aliquid  contigit  ut  doleat.  Dolet  et  sola, 
quamvis  sit  in  corpore,  cum  aliqoa  causa  etiam  invisibili 
tristi?  est  ipsa  corpore  ineolumi.  Dolet  etiam  non  in  cor- 
pore constituta  :  nam  iifique  dolebat  dives  ille  apud  infe- 
ros,  quando  dicobat,  Crucior  iu  hac  flamma  {Luc.  xvi.Sl  ) 
Corpus  autem  nec  exanime  dolet,  nec  animatum  sine  ani- 
ma dolet.  Si  ergo  a  dolore  argumentum  recte  sumeretur 
ad  mertem,  ut  ideo  mors  possit  accidere,  quia  potuit 
accidere  el  dolor,  magis  ad  animam  pertineret  mori,  ad 
quam  magis  pertinet  et  doiere.  Cum  vero  illa  quae  magis 
Tlolere  potest,  non  possit  mori,  quid  momenti  affert  cur 
illa  corpora,  quoniam  futura  sunt  in  dolor ibus,  ideo  etiam 
moritura  esse  credamus?  Dixerunt  quidem  Platonici,  ex 
terrenis  corporibus  moribundisque  membris  esse  animae  et 
metuere,  et  cupere,  et  doiere,  atque  gaudere.  Unde  Vir- 
gilius,  Hinc,  inquit,  id  est,  ex  moribundis  terreni  corpo- 
ris membris)  metuunl  cupiuntque  ,  dolent  gaudentque 
LEneid.  Hb.  6.  vers.  733.)  Sed  convicimus  eos  in  quarto 
decimo  hujus  operis  libro,  habere  animas  secundum  ipsos 


NOTES.  159 

al)  omni  etiam  corporis  labe  purgat<is,  dira  m  cupidilatem, 
qua  rursus  incipiunt  in  corpora  velle  reverti  (Ibid.  vers. 
720,  721 .)  Ubi  autem  potest  esse  cupiditas,  profecto  etiam 
dolor  polest.  Frustra  ta  quippe  cupiditas  sive  non  prove- 
niendo  quo  tendebat,  sive  amiitendo  quo  pervenerat,  ver- 
litur,  in  dolorem.  Quapropter  si  anima,  quae  yelsola  vel 
maxime  do!et,  liabet  tamen  quamdam  pro  suo  modo  im- 
morlalitat.em  suam,  non  ideo  mori  poterunt  illa  corpora, 
quia  dolebunt  Postremo  si  corpora  faciunt,  ut  animée  do- 
leant,  cur  eis  dolorem  possunt,  moriem  vero  inferre  non 
possunt,  nisi  quia  consequens  non  est,  ut  moriem  facial, 
quod  dolorem  facit?  Curergo  incredibile  est,  ita  ignés  iilis 
corporibus  dolorem  posse  inferre,  non  moriem,  picot  ipsa 
corpora  dolere  animas  faciunt,  quas  tamen  non  ideo  mori 
cogunl?  Non  est  ergo  necessarium  ftilurse  mortis  argumen- 
tum  dolor. 

De  naturalibus  exemplis,  quorum  consideralio  doreat 
posse  inter  cruciatus  viventia  corpora  permanere. 

1.  Quapropter  si,  ul  scripserunt  qui  Da taras  animalium 
cutiosius  indagarunt,  salamandra  in  ignibus  vivit;  et  qui- 
dem  notissimi  Sîcilisc  montes,  qui  tanta  diuturnilale  tem- 
poris  atque  vetustate  usque  nunc  ac  deinceps  flammis 
œstuant,  alque  integri  persévérant,  satis  idonei  testes 
sunt,  non  omne  quod  ardet  absumi  ;  et  anima  indical,  non 
omne  quod  dolere  potest,  posse  etiam  mori  :  quid  adhuc 
a  nobis  rerum  poscuntur  exempla,  quibus  doceamus,  non 
esse  incredibile,  ut  hominum  corpora  sempiterno  supplicio 
punitorum,  et  in  igné  animam  non  amittant,  et  sine  detri- 
mento  ardeant,  et  sine  interitu  doleant?  Habebit  enim  tune 
istam  carnis  substantia  qualitatem  a*b  illo  inductam,  qui 
tam  miras  et  varias  tôt  rébus  indidit,  quas  v  idem  us,  ut 
eas,  quia  mullse  sunt,  non  miremur.  Quis  enim  nisi  Deus 
creator  omnium  dédit  carni  pavonis  mortui  ne  pulresceret? 
Quod  cum  auditum  incredibile  videretur,  evenit  ut  apud 


1  60  NOTES. 

Carthaginem  nobis  cocta  apponeretur  haec  avis  :  de  cujus 
pectore  pulparum,  quantum  visum  est,  decerptum  servari 
jussimus  :  quod  post  dierum  tantum  spacium,  quanto  alio 
caro  quaecumque  cocta  putresceret.  prolatum  atque  obla- 
tum,  nihil  nostrum  offendit  olfactum.  Itemque  reposilom 
post  dies  amp!ius  quam  triginta,  idem  quod  erat  inventum 
est  :  idemqae  post  annum  ,  nisi  quod  aliquantum  cor- 
pulentiee  siccioris  e!  contraclioris  fuit.  Quis  paleae  dédit 
vel  tan;  frigidam  vim,  ut  obrutas  nives  servet  ;  vel  tam 
fervidam.  ut  poma  immatura  maturet  ? 

2.  De  ipso  igné  mira  quis  explicet,  quo  quseque  adusta 
nigrescunt,  cum  ipse  sit  lucidus  ;  et  pêne  omnia  quae  am- 
bit  et  lambit,  colore  pulcherrimus  décolorât,  atque  ex 
pruna  fulgida  carbonem  teterrimum  reddit?  Neque  id  quasi 
regulariter  definitum  est  :  nam  e  contrario  lapides  igné 
C3ndente  percocti ,  et  ipsi   6unt  candidi,   et  quamvis  ille 

-  -  rubeat,  illi  albicent,  congruit  tamen  luci  quod  album 
est  ,  sicut  nigrum  tenebris.  Cum  itaque  ignis  in  lignis 
ardeat,  ut  lapides  coqoat,  contrarios  babet  non  in  contra- 
nis  rébus  effeclus.  E'si  enim  lapides  et  ligna  diversa  sunt , 
contraria  tamen  non  sunt,  sicut  album  et  nigrum,  quorum 
in  lapidibus  unum  facit,  alterum  in  lignis,  clarus  illos  cla- 
rificans,  ha?e  obfuscans  :  cum  in  illis  deficeret,  nisi  in  istis 
viveret.  Quid  in  carbonibus,  nonne  miranda  est  et  tanta 
infirmitas  ut  ictu  levissimo  frangantur,  pressu  faciliimo 
conîerantur  :  et  tanta  firmitas,  ut  nullo  humore  corrum- 
pantur.  nulla  œtate  vincantnr,  usque  adeo  ut  eos  subste- 
nere  soleanf  qui  limites  figunt,  ad  convincendum  litigato- 
rem.  quisquis  post  quantalibet  tempora  existerit,  fixumque 
lapidem  limitem  non  esse  contenderit?  Quis  eos  in  terra 
bumida  infossos,  ubi  ligna  putrescerent,  tam  diu  durare  in- 
corruplibiliter  posse,  nisi  rerum  ille  corruptor  ignis  effecit  ? 

3.  Intueamur  etiam  miraculum  calcis,  excepto  eo,  de 
quo  jam  salis  diximus,  quod  igné  candeat ,  quo  alia  tetra 


NOTES.  161 

redduntur,etiam  ocultissime  ab  igné  ignem  concipit,  eum- 
que  jam  gleba  tangentibus  frigida  tam  latenter  servat,  ut 
nulli  nostro  sensui  prorsus  appareat,  sed  compertus  expé- 
rimente etiam  dum  non  apparet,  sciatur  inesse  sopitus. 
Propter  quod  eam  vivam  calcem  loquimur,  velut  ipse  ignis 
latens  anima  sit  invisibilis  corporis.Jam  vero  quam  mirum 
est  quod  cum  exstinguitur,  non  accenditur?  Ut  enim  oc- 
culto  igné  careat,  aqua  infunditur,  aquave  perfunditur;  et 
cum  ante  sit  frigida,  inde  fervescit,  unde  ferventia  cuncta 
frigescunt.  Yelut  exspirante  ergo  illa  gleba  diseedens ignis, 
qui  lalebat,  apparet,  ac  deinde  tanquam  morte  sic  frigida 
est,  ut  adjecta  unda  non  sit  arsura,  et  quam  calcem  voca- 
bamus  vivam,  vocemus  exstinctam.  Quid  est  quod  huic 
miraculo  addi  posse  videatur?  et  tamen  additur.  Nam  si 
non  adhibeas  aquam,  sed  oleum,  quod  magis  fomes  est 
ignis,  nulla  ejus  perfusione  vel  infusione  fervescit.  Hoc  mi- 
raculum  si  de  aliquo  Indico  lapide  legeremu? ,  sive  audi- 
remus,  et  in  nostrum  experimentum  venire  non  posset, 
profecto  aut  mendacium  putaremus,  aut  certe  granditer 
miraremur.  Quarum  vero  rerum  ante  oculos  nostros  quo- 
tidiana  documenta  versantur,  non  génère  minus  mirabili, 
sed  ipsa  assiduitate  vilescunt,  ita  ut  ex  ipsa  India,  quae 
remota  et  pars  orbis  à  nobis,  disceremus  non  nulla  mirari, 
quae  ad  nos  potuerunt  miranda  perduci. 

4.  Adamantem  lapidem  multi  apud  nos  habent,  et  ma- 
xime aurifices  insignitoresque  gemmarum,  qui  lapis  nec 
ferro,  nec  igni,  nec  alia  vi  ulla,  perhibetur  praeter  hircino 
sanguine  vinci.  Sed  qui  eum  habent  atque  noverunt,  num- 
quid  ita  mirantur,  ut  hi  quibus  primum  potentia  ejus  os- 
tenditur?  Quibus  autem  non  ostenditur,  fortasse  nec  cre- 
dunt;  aut  si  credunt,  inexperta  mirantur;  et  si  contigerit 
experiri,  adbuc  quidem  mirantur  insolita,  sed  assiduitas 
experiendi  paulatim  subtrahit  admirationis  incitamentum. 
Magnetem  lapidem  novimusmirabilem  ferri  esse  raptorem  : 

SYMB.      II.  -14* 


162  NOTES. 

quod  quamprimum  vidi,  vehementer  inhoirui.  Quippe  cer- 
nebama  lapide  ferreumannulumraptum  atque  suspensum  ; 
deinde  tanquam  ferro  quod  rapuerat,  vim  dedisset  suam, 
communetnque  fecisset,  idem  annulus  admotus  eat  alleri, 
eumque  suspendit,  atque  ut  ille  prior  lapidi,  sic  alter  an- 
nulus priori  annulo  cohaerebat  :  accessit  eodem  modo  ter- 
tius,  accessit  et  quartus,  jamque  sibi  per  mutua  circulis 
nexis,  non  implicatorum  intrinsecus,  sed  extrinsecus  ad- 
hcerentium,  quasi  catena  pependerat  annulorum.Quis  istam 
vim  lapidis  Don  stuperet,  quae  illi  non  solum  inerat,  verum 
etiam  per  tôt  suspensa  transibat,  et  invisibilius  ea  vinculis 
subligabat?  Sed  multo  est  mirabilius,  quod  a  fratre  et  coe- 
piscopo  meo  Severo  Mîlevitano  de  isto  lapide  comperi.  Se 
ipsum  namque  vidisse  narravit,  quemadmodum  Bathana- 
rias  quondam  Cornes  Africa?,  cum  apud  eum  conversabatur 
Episcopus,  eumdem  protulerit  lapidem,  et  tenueritsub  ar- 
gento,  ferrumque  super  argentum  posuent  ;  deinde  sicut 
subter  movebat  manum,  qua  lapidem  tenebat,  ita  ferrum 
desuper  movebatur  ,  atque  argento  medio  nihilque  pa- 
tiente, concitatissimo  cursu  ac  recursu  infra  lapis  ab  ho- 
mine,  supra  ferrum  rapiebatur  a  lapide.  Dixi  quod  ipse 
conspexi,  dixi  quod  ab  illo  audivi,  cui  tanquam  ipse  vide- 
rim  credidi.  Quid  etiam  de  isto  magnete  legerim  dicam. 
Quando  juxta  eum  ponitur  adamas  non  mpit  ferrum  ;  et 
si  jam  rapuerat,  ut  ei  appropinquaverit,mox  remittit.India 
mittit  bos  lapides  :  sed  si  eos  nos  cognitos  jam  desistimus 
admirari,  quanto  magis  illi  a  quibus  veniunt,  si  eos  facil- 
limos  habent,  sic  forsitan  habent  ut  nos  calcem.quam  miro 
modo  aqua  fervescentem,  qua  solet  ignis  exstingui,  et  oleo 
non  fervescentem,  quo  solet  ignis  accendi,  quia  in  promptu 
nobis  est,  non  miramur?  (S.  Aug.  lib.  20  de  civ.  Dei  cap. 
2,  3eU. 


Inlolerabilis  quidem  res  est  etiam  gehenna  :  quis  nesciat? 
et  supplicium  illud  horribile.  Tamen  si  mille  aliquis  ponat 


NOTES.  163 

gehennas,  nihil  taie  dicturus  est,  quale  est  a  beatae  illius 
gloriae  honore  repelli,  exosumque  esse  Christo,  et  audire 
abillo,Non  novi  vos  :  atqueargui  quodesurienti  et  sitieiiti 
negaverimus  cibum  etpotum.  Est  enim  satius  mille  ful- 
mina sustinere,  quam  vultum  illum  mansuetudims  piela- 
tisque  plénum,  nos  tamen  adversantem  videre,  et  illos 
placidissimos  oculos  nequaquam  nos  aspicere  sustinentes. 
Si  enim  ille  me  cum  ei  inimicus  existerem,  eumque  odis- 
sem,  atque  adversarer,  ita  est  tamen  secutus,  ut  ne  sibi 
quidem  parceret,  seseque  ipsum  in  mortem  traderet  : 
quando  post  illa  omnia  esurientem  illum  ne  pane  quidem 
duco  dignum,  quibus  jam  illum  potero  oculis  intueri?  Sed 
hoc  etiam  loco  illius  considéra  lenitatem.  Neque  enim  bé- 
néficia sua  imputando  commémorât,  nec  quod  illi  eum 
despiciant,  quibus  tanta  praBstiterit  :  nec  enim  dicit,  me 
despicis,  qui  cum  non  esses,  esse  te  prœstiti,  et  tibi  inspi- 
ravi  animam  :  qui  te  supra  ea  quas  in  terra  sunt  cuncta 
constitui  :  qui  propter  te  et  cœlos,  et  aerem,  et  pelagus, 
et  terra,  et  omnia  quae  existunt,  creavi  :  qui  à  te  inhono- 
ratus  sum,  et  diabolo  ipso  vilior  existimatus  :  qui  nec  sic 
quidem  destiti,  sed  innumera  tibi  bénéficia  etiam  post  ista 
donavi  :  qui  ob  tuam  salutem  fieri  servus  elegi  :  qui  pal- 
mis  ora  temeratus,  et  faciem  spntaminibus  aspersus,  et 
occisus,  et  quidem  turpissima  morte,  qui  pro  te  etiam  in 
cœlo  interpelio  patrem,  qui  spiritum  sanctum  tibi  dono, 
qui  te  ad  regnum  invito  cœlorum,  qui  tibi  etiam  tanta 
promisi  :  qui  et  caput  tuum  esse  volui,  et  sponsus,  et  ves- 
tis,  et  domus,  et  radix,  et  pastus,  et  potus,  et  pastor,  et 
rex,  etfrater  :  qui  te  haeredem  coheeredemque  delegi  :  qui 
è  tenebris  in  lumen  te  duxi  ;  cum  hsec  enim,  hisque  plura 
proferre  posset,  nihil  horum  omnino  commémorât.  Sed 
quid?  Solum  ipsum  profecto  peccatum,  hic  quoque  chari- 
t3tem  ac  desiderinm  quod  erga  te  habet  ostendens.  Neque 
enim  dixit  :  Ite  in  ignem  paratum  vobis  :  sed  paralum  dia- 
bolo. Et  prius  dicit,  quaenam  illi  peccaverint.  Et  ne  tune 


104  NOTES. 

quidam  cuncta,  sed  pauca  :  et  ante  hos  illos  qui  man- 
data ejus  impleverint,  in  regnum  vocat,  ut  ex  hoc  quoque 
ostendat  juste  se  cuipare  damnatos.Quonam  ergo  supplicio 
non  sunt  verba  ejusmodi  saeviora?  Si  enim  hominem  ali- 
quis  a  quo  beneficiis  affectus  est,  esurientem  videns  mi- 
nime despicit  :  sed  estifortasse  despiciat  :  certe  cum  eiille 
exprobrare  bénéficia  sua  cœperit,  eligit  magis  in  terram 
omnino  demergi;quam  coram  duobus  tribusve  amicis  taie 
aliquid  audire  :  quid  nos  patiemur,  perpendite,  qui  toto 
jam  teste  mundo  haec  quae  memorata  sunt,  audiemus?quae 
ne  tune  quidem  diceret  nisi  et  aequitatem  propriœ  vellet 
declarare  sententise.  Quod  enim  haud  exprobrans  ea  pro- 
ferret,  sed  quasi  satisfaciens,  et  ostendens,  quia  non  eis 
frustra,  nec  absque  certa  justitiœ  ralione  dicturus  sit,  Dis- 
cedite  a  me  :  ipsa  satis  beneficiorum  quae  eis  ante  contule- 
rat  liberalitate  patefecit.Si  enim  exprobrare  voluisset,omnia 
illa  quœ  dixi,  adduceret  in  médium  :  nunc  autem  dicit  sola 
illa  quae  passus  est.  Timeamus  igitur,  dilectissimi,  hujus- 
modi  tune  audire  sermones.  (S.  Joan.  Chrys.  homil.  23.  in 
cap.  7  Matth.) 


VIIIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE 


CREDO  IN  SPIRITUM  SANCTUM. 


Ife  INSTRUCTION 


DU    NOM    ET    DE    L.\     DIVINITE    DU    SAINT-ESPRIT. 


EXORDE. 

\ .  Le  huitième  article  du  Symbole,  où  nous  voici 
parvenus,  s'énonce  en  ces  termes  :«  Je  crois  au 
Saint-Esprit.  Credo  in  Spiritum  Sanctum. 

Jusqu'ici,  nous  vous  avons  entretenus  de  ce  qui 
regarde  les  deux  premières  personnes  de  la  sainte 
Trinité.  Tous  avez  vu  que  la  première  est  le  Père, 
à  qui  l'on  attribue  spécialement,  avec  la  toute- 
puissance,  l'œuvre  de  la  création  du  monde.  Le 
monde  ayant  été  créé,  l'ange  fut  placé  au  ciel  et 
l'homme  sur  la  terre,  tous  les  deux  destinés  à  par- 
tager la  félicité  de  Dieu  même,  pourvu  qu'ils  lui 
fussent  fidèles.  Mais  une  partie  des  esprits  célestes 
prévariqua  et  fut  disgraciée  sans  retour,  tandis  que 
l'autre  resta  soumise  à  son  créateur  et  fut  con- 
firmée dans  la  grâce.  L'homme  aussi  eut  le  mal- 


I  66  DU  ROM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

heur  de  pécher,  et  comme  il  s'était  fait  le  complice 
de  l'ange  rebelle,  il  aurait  du  de  même  être  le 
compagnon  de  son  supplice. 

Alors  se  montre  avec  le  Fils  de  Dieu,  seconde 
personne  de  la  sainte  Trinité,  le  grand  dessein  que 
Dieu  a  formé  de  toute  éternité  pour  la  rédemption 
du  genre  humain,  dessein  plus  admirable  que  celui 
de  la  création.  «  Deus  qui  humanae  substantiae 
dignitatem  mirabiliter  condidisti  et  mirabilius  refor- 
masti.  Seigneur,  dit  l'Eglise,  vous  avez  été  admi- 
rable, quand  vous  avez  créé  la  dignité  de  la  nature 
humaine:  mais  vous  l'avez  réparée  d'une  manière 
bien  plus  admirable  encore  !  » 

En  effet,  comme  on  vous  l'a  expliqué,  le  Fils 
unique  de  Dieu,  en  tout  égala  son  Père,  ayant  bien 
voulu  s'offrir  pour  expier  le  péché  d'Adam,  n'a  pas 
dédaigné  de  se  faire  homme  dans  le  sein  de  la 
Vierge  Marie.  «  Tu  ad  liberandum  suscenturus 
hominem.  non  horruisti  Virginis  uterum  !  »  Conçu 
du  Saint-Esprit,  né  de  la  Vierge,  après  avoir  passé 
trente-trois  ans  dans  la  pauvreté  et  les  travaux,  il 
a  souffert  et  il  a  été  crucifié  pour  nous  et  pour 
notre  salut. 

Mais  pour  que  l'œuvre  de  notre  rédemption  ne 
laissât  rien  a  désirer,  après  avoir  vaincu  notre 
mort  par  la  sienne,  il  est  ressuscité  et  il  est  monté 
aux  cieux.  afin  que,  sortant  nous-mêmes  du  sein 
de  la  mort,  nous  pussions  être  trouvés  dignes,  au 
grand  jour  du  jugement,  de  le  suivre  dans  sa 
gloire. 


DU  SA1NT-ESPRÎT.  I  G* 

Voilà  un  aperçu  rapide  des  grandes  choses  que 
le  Symbole  nous  a  apprises  sur  les  deux  premières 
personnes  de  la  sainte  Trinité. 

2.  Nous  aurons  maintenant  à  nous  occuper  de 
ce  qui  concerne  la  troisième,  ou  le  Saint-Esprit. 
C'est  à  quoi  nous  ne  saunons  mettre  trop  d'appli- 
cation et  de  zèle.  11  n'est  pas  plus  permis  à  un 
chrétien  d'ignorer  ie  Saint-Esprit  que  le  Père  et  le 
Fils,  puisqu'il  est  un  seul  et  même  Dieu  avec  eux. 

Nous  en  avons  la  preuve  dans  la  conduite  de 
l'Apôtre . 

Comme  il  prêchait  à  Ephèse,  il  y  rencontra  quel- 
ques disciples  animés  d'excellentes  dispositions. 
Il  leur  demanda  s'ils  avaient  reçu  le  Saint-Esprit, 
depuis  qu'ils  avaient  cru  en  Jésus-Christ. —  «  Mais, 
lui  répondirent-ils,  nous  ne  savons  même  pas  s'il 
y  a  un  Saint-Esprit.  —  Quel  baptême  avez-vous 
donc  reçu  ?  »  répliqua  aussitôt  l'Apôtre,  témoignant 
par  cette  question  qu'on  n'est  pas  chrétien  sans  ia 
foi  au  Saint-Esprit.  Aussi  prit-il  soin  de  les  instruire 
sur-le-champ. 

3.  Ne  manquons  pas  de  profiter  de  cet  exemple. 
Connaître  le  Saint-Esprit,  c'est  savoir  qu'il  est  la 
vraie  source  de  tout  le  bien  qui  est  en  nous.  Le  fruit 
de  cette  connaissance  sera  de  nous  inspirer  des 
sentiments  d'humilité  et  de  modestie  à  l'égard  de 
nous-mêmes  et  de  confiance  dans  la  bonté  de  Dieu. 

Or,  c'est  là  pour  le  chrétien  le  premier  pas  vers 
la  vraie  sagesse  et  par  conséquent  vers  le  souve- 
rain bonheur. 


1  68  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

Commençons  dans  cet  entretien  par  expliquer 
le  sens  précis  de  ce  nom  :  Saint-Esprit  ;  nous 
verrons  ensuite  ce  qu'est  le  Saint-Esprit  en  lui- 
même. 

Nous  désirons  vous  connaître,  ô  Esprit  de  Dieu  ! 
mais  nous  ne  le  pouvons  qu'avec  votre  assistance  ; 
daignez  donc  nous  prévenir  d'un  rayon  de  votre 
lumière  ;  daignez  nous  rendre  dociles  à  vos  inspi- 
rations. 

PREMIER  POINT. 

i.  La  qualification  d'Esprit-Saint  pourrait  s'ap- 
pliquer aussi  justement  au  Père  et  au  Fils  qu'au 
Saint-Esprit. 

En  effet,  l'un  et  l'autre  sont  esprits,  puisque  Dieu 
est  un  pur  esprit,  qui  n'a  ni  corps,  ni  membres, 
ni  rien  de  ce  qui  frappe  nos  sens  ;  ensuite  l'un  et 
l'autre  sont  saints,  puisque  Dieu  est  la  sainteté  par 
essence. 

Il  y  a  plus,  on  pourrait  même  qualifier  du  nom 
d'esprits  saints  les  anges  et  les  esprits  des  bien- 
heureux, puisqu'eux  aussi  n'ont  rien  de  corporel 
et  qu'étant  les  amis  de  Dieu,  ils  participent  à  sa 
sainteté. 

5.  Mais  quand  le  Symbole  dit  :  Je  crois  au  Saiîit- 
Esprit,  sous  ce  nom  il  désigne  la  troisième  per- 
sonne de  la  Sainte  Trinité,  et  il  emploie  cette 
dénomination  pour  la  distinguer  des  deux  autres. 

On  rencontre  très-fréquemment  le  nom  de  Saint- 
Esprit  pris  en  ce  sens  dans  le  Nouveau  Testament. 


DU  SAIfiT-ESPRIT.  169 

On  le  trouve  même  plusieurs  fois  dans  l'Ancien. 
C'est  ainsi  que  David  l'entend  dans  cette  prière  : 
«  Seigneur,  n'éloignez  point  de  moi  votre  Saint- 
Esprit.  Et  Spiritum  Sanctum  tuum  ne  auferas  à 
me.  »  (Ps.  l.)  Nous  lisons  également  au  livre  de  la 
Sagesse  :  «  Qui  saura  votre  pensée,  Seigneur,  si 
vous  ne  donnez  la  sagesse,  et  si  vous  n'envoyez 
d'en  haut  votre  Saint-Esprit?  Sensum  tuum  quis 
sciet,  nisi  tu  dederis  sapientiam,  et  miseris  Spiri- 
tum Sanctum  tuum  de  altissimis?  »  (Sap.  ix.) 
Ailleurs  on  lit  encore  que  «  Dieu  a  créé  la  sagesse 
par  le  Saint-Esprit.  Ipse  creavit  illam  in  Spiritu 
Sancto.  »  (Eccli.  i.) 

Mais  le  Nouveau  Testament  est  beaucoup  plus 
explicite  à  cet  égard. 

Notre-Seigneur  envoyant  ses  disciples  prêcher 
par  tout  le  monde,  leur  ordonne  de  baptiser  au 
nom  du  Père  et  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  «  Bap- 
tizantes  eos  in  nomine  Patris  et  Filii  et  Spiritus 
Sancti.  »  (Matth.  xxvin.)  Il  est  évident  par  là  que 
le  nom  de  Saint-Esprit  se  rapporte  à  une  personne 
divine  autre  que  le  Père  et  le  Fils. 

Nous  voyons  aussi  dans  l'Evangile  que  la  sainte 
Vierge  a  conçu  du  Saint-Esprit.  «  Le  Saint-Esprit, 
lui  dit  l'ange,  surviendra  en  vous,  et  la  vertu  du 
Très-Haut  vous  couvrira  de  son  ombre.  Spiritus 
Sanctussuperveniet  in  te,  et  virtus  Altissimi  obum- 
brabit  tibi.  »  (Luc.  i.) 

Saint  Jean-Baptiste  envoie  les  Juifs  à  Jésus- 

SYMB.       II.  Î5 


\  70  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

Christ,  en  leur  déclarant  que  c'est  lui  qui  baptise 
dans  le  Saint-Esprit. 

Cent  autres  passages  que  nous  pourrions  citer, 
emploient  pareillement  le  nom  de  Saint-Esprit  pour 
indiquer  la  troisième  personne  de  la  sainte  Trinité. 

6.  Mais  d'où  vient,  dira-t-on,  que  cette  troi- 
sième personne,  au  lieu  d'avoir  un  nom  propre  et 
spécial  comme  les  deux  autres,  n'a  qu'un  nom 
commun  et  générique  ? 

En  voici  la  raison  :  c'est  que  nous  sommes 
obligés  d'emprunter  aux  créatures  les  noms  que 
nous  donnons  à  Dieu. 

Or,  dans  l'ordre  des  choses  humaines,  nous 
avons  bien  des  termes  pour  exprimer  le  rapport 
qui  existe  entre  les  deux  premières  personnes  ; 
ainsi,  nous  appelons  la  première  le  Père,  la  se- 
conde le  Fils,  parce  que  la  seconde  procède  de 
toute  éternité  de  la  première  par  voie  de  géné- 
ration, et  que  nous  donnons  le  nom  de  Père  à 
celui  qui  engendre  et  celui  de  Fils  à  celui  qui  est 
engendré. 

Mais  pour  le  rapport  qui  existe  entre  la  troisième 
personne  et  les  deux  autres,  c'est-à-dire  pour  la 
manière  dont  elle  en  procède,  nous  ne  connaissons 
absolument  rien  de  semblable  dans  les  choses 
créées.  En  effet,  il  n'existe  dans  les  créatures  qu'un 
seul  mode  de  communiquer  la  nature  et  l'essence, 
c'est  la  génération. 

Or,  ce  n'est  nullement  par  voie  de  génération 
que  le  Saint-Esprit  procède  du  Père  et  du  Fils.  Il 


DU  SAINT-ESPRIT.  '171 

est  le  terme  de  leur  amour  réciproque  et  éternel. 
Le  Père  et  le  Fils  en  s'aimant  de  toute  éternité  le 
produisent,  et  lui  communiquent  leur  nature  par 
voie  d'amour  ou  de  volonté,  et  non  par  voie  de 
génération. 

Ainsi,  le  Saint-Esprit  émane  des  deux  autres 
personnes  d'une  manière  inexprimable,  c'est-à-dire 
qu'on  ne  peut  énoncer  parfaitement. 

Voilà  pourquoi  on  l'appelle  simplement  le  Saint- 
Esprit,  d'un  nom  qui  est  commun  aux  deux  autres. 

Cette  dénomination  du  reste  lui  convient  parfai- 
tement ;  elle  marque  très-bien  ce  qu'il  opère  dans 
nos  âmes. 

C'est  le  Saint-Esprit  en  effet  qui  répand  en  nous 
la  vie  spirituelle,  et  sans  son  inspiration  nous  ne 
pouvons  rien  faire  de  méritoire  pour  la  vie  éter- 
nelle. De  même  donc  que  c'est  l'âme  qui  anime  et 
vivifie  le  corps,  de  même  c'est  le  Saint-Esprit  qui 
anime  et  vivifie  notre  âme  en  la  sanctifiant  par  sa 
grâce. 

SECOND  POINT. 

7.  Voyons  maintenant  plus  particulièrement  ce 
qu'est  le  Saint-Esprit. 

Que  nous  enseigne  la  foi  à  son  sujet? 

En  premier  lieu,  elle  nous  enseigne  qu'il  est  égal 
en  tout  au  Père  et  au  Fils,  et  un  même  Dieu  avec 
eux,  tout -puissant,  éternel,  infiniment  parfait 
comme  eux,  qu'il  possède  avec  eux  la  même 
bonté,  la  même  sagesse,  la  même  éternité,  en  un 
mot,  la  même  divinité. 


4  72  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

Tout  cela  nous  est  indiqué  par  les  termes  mêmes 
du  Symbole. 

Il  dit  :  Je  crois  en  V Esprit  Saint,  credo  in  Spi- 
ritum  Sanctum,  ou  ce  qui  est  exactement  la  même 
chose,  je  crois  au  Saint-Esprit,  de  la  même  ma- 
nière qu'il  a  dit  :  je  crois  en  Dieu  le  Père,  et  je  crois 
en  Jésus- Christ. 

Il  ne  met  aucune  différence  entre  la  foi  que  nous 
devons  au  Saint-Esprit  et  celle  que  nous  devons 
au  Père  et  au  Fils. 

Vous  vous  rappelez  quelle  est  la  force  de  cette 
expression  :  croire  en  Dieu.  Ce  n'est  pas  seulement 
avouer  son  existence,  mais  c'est  confesser  qu'il  est 
notre  premier  principe  et  notre  dernière  fin.  Je 
crois  en  Dieu,  c'est-à-dire,  que  je  me  soumets  à 
Dieu  et  que  je  tends  vers  lui  par  toutes  les  facultés 
de  mon  âme. 

Or,  voilà  ce  que  le  Symbole  nous  apprend  à 
dire  à  l'égard  du  Saint-Esprit,  comme  à  l'égard  du 
Père  et  du  Fils. 

N'est-ce  pas  nous  apprendre  en  même  temps 
qu'il  y  a  égalité  parfaite  entre  les  trois,  et  que  par 
conséquent  le  Saint-Esprit  est  vraiment  Dieu? 

Sans  nul  doute.  Ainsi  nous  avons  dans  le  Sym- 
bole même  une  première  preuve  de  la  divinité  du 
Saint-Esprit. 

8.  La  seconde  se  tire  de  ce  que  les  saintes  Ecri- 
tures lui  donnent  le  nom  de  Dieu.  Grand  nombre 
de  textes  sont  très-catégoriques.  Donnons-en  quel- 
ques-uns. 


DU  SAINT-ESPRIT.  173 

Les  premiers  fidèles  mettaient  leurs  biens  en 
commun.  Plusieurs  vendaient  leurs  possessions  et 
en  venaient  déposer  le  prix  aux  pieds  des  apôtres. 
Ananie  et  Saphire,  pour  imiter  cet  exemple,  ven- 
dirent un  champ  qu'ils  avaient,  mais  au  lieu  d'en 
remettre  intégralement  la  somme,  ils  en  retinrent 
une  partie.  Ananie  se  présenta  donc  à  saint  Pierre 
et  feignit  de  lui  remettre  le  tout.  Alors  le  Prince 
des  apôtres  lui  dit  cette  remarquable  parole  : 
«  Ananie,  comment  vous  êtes-vous  laissé  séduire 
par  Satan,  jusqu'à  mentir  au  Saint-Esprit?...  Ce 
n'est  pas  aux  hommes  que  vous  avez  menti,  c'est  à 
Dieu.  Anania ,  cur  tentavit  Satanas  cor  tuum, 
mentiri  te  Spiritui  Sancto?...  Non  es  mentitus  ho- 
minibus,  sed  Deo.  »  (Act.  v.) 

Puisqu'au  témoignage  de  saint  Pierre,  mentir  au 
Saint-Esprit,  c'est  mentir  non  aux  hommes,  mais 
à  Dieu  ;  il  est  donc  manifeste  que  le  Saint-Esprit 
est  Dieu. 

L'apôtre  saint  Paul  tient  un  langage  tout  sem- 
blable. «  Il  y  a,  dit-il,  dans  sa  première  épître  aux 
Corinthiens,  il  y  a  une  grande  diversité  d'opéra- 
tions ;  mais  il  n'y  a  qu'un  même  Dieu  qui  opère 
tout  en  tous.  Divisiones  operationum  sunt,  idem 
vero  Deus  qui  operaturomnia  in  omnibus.  »  (i  Cor. 
xii.)  Entendons  maintenant  ce  qu'il  ajoute  :  «C'est 
un  seul  et  même  Esprit  qui  opère  toutes  ces  choses, 
distribuant  ses  dons  à  chacun  selon  qu'il  lui  plaît. 
Hase  au  te  m  omnia  opérât  urunus  atque  idem  Spi- 
ritus,  dividens  singulis  prout  vult.  »  (Jb\d.) 


174  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

Dans  les  Actes  des  Apôtres,  nous  voyons  que  le 
même  saint  Paul  attribue  au  Saint-Esprit  ce  que 
les  prophètes  attribuaient  à  Dieu.  Isaïe  avait  dit  : 
«  J'ai  entendu  la  voix  du  Seigneur  qui  disait  :  Qui 
enverrai-je?  Allez,  me  dit-il  ensuite,  et  dites  à  ce 
peuple  :  ton  cœur  est  aveugle,  tes  oreilles  sont 
endurcies,  tes  yeux  sont  fermés  de  peur  de  voir, 
tes  oreilles  bouchées  de  peur  d'entendre.  Audivi 
vocem  Domini  dicentis  :  Quem  mittam?  Et  dixit 
mihi  :  Vade  et  dices  populo  huic  :  Excaeca  cor 
populi  hujus,  et  aures  ejus  aggrava,  et  oculos  ejus 
claude,  ne  forte  videat  oculij  suis,  et  auribus  suis 
audiat.  »  (/sa.  vi.) 

Or,  l'Apôtre  citant  la  parole  du  prophète,  s'ex- 
prime ainsi  :  a  C'est  avec  raison  que  le  Saint-Esprit 
a  dit  par  la  bouche  du  prophète  Isaïe.  Bene  Spiritus 
Sanctus  locutus  est  per  Isaïam  prophetam.  » 
(Act.  xxviii.) 

9.  Une  troisième  preuve  de  la  divinité  du  Saint- 
Esprit,  qui  est  aussi  fournie  par  la  sainte  Ecriture, 
consiste  en  ce  qu'elle  le  joint  au  Père  et  au  Fils 
sans  la  moindre  restriction. 

Vous  en  avez  un  exemple  sensible  dans  la  forme 
du  baptême.  11  est  conféré  au  nom  du  Père  et  du 
Fils  et  du  Saint-Esprit. 

Quoi  de  plus  manifeste  qu'il  est  leur  égal  et  qu'il 
mérite  les  mêmes  hommages? 

Si  le  Saint-Esprit  n'était  qu'une  créature,  de  quoi 
servirait  le  baptême  donné  en  son  nom  ?  Un  sem- 
blable baptême   serait  sans  fruit  pour  le  salut. 


DU  SAINT-ESPRIT.  175 

L'Apôtre  nous  le  fait  bien  voir  quand  il  dit  aux 
Corinthiens  :«  Est-ce  au  nom  de  Paul  que  vous 
avez  été  baptisés?  Numquid  in  nomine  Pauli  bapti- 
zati  estis?»  (i  Cor'inth.  i.) 

Si  donc  le  baptême  est  administré  au  nom  du 
Saint-Esprit,  comme  au  nom  du  Père  et  du  Fils,  il 
s'ensuit  nécessairement  qu'il  est  Dieu  comme  le 
Père  et  le  Fils  ;  car  Dieu  seul  peut  effacer  les 
péchés  et  produire  la  grâce  au  moyen  du  baptême. 

Vous  voyez  le  Saint-Esprit  associé  de  la  même 
manière  au  Père  et  au  Fils  dans  ce  passage  célèbre 
de  saint  Jean  :  «  Il  y  en  a  trois  qui  rendent  témoi- 
gnage dans  le  ciel,  le  Père,  le  Verbe  et  le  Saint- 
Esprit,  et  ces  trois  ne  sont  qu'une  seule  chose. 
Très  sunt  qui  testimonium  dant  in  coelo,  Pater, 
VerbumetSpiritusSanctus,  et  hi  très  unum  sunt.  » 
(i  Joan.  v.) 

Il  en  est  de  même  dans  la  doxologie  :  «  Gloire 
au  Père,  et  au  Fils,  et  au  Saint-Esprit  ;  comme  elle 
était  au  commencement,  qu'elle  soit  maintenant  et 
dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Gloria  Patri,  et 
Filio,  et  Spiritui  Sancto  ;  sicut  ecat  in  principio  et 
nunc,  et  semper,  et  in  saecula  saeculorum.  » 

Ce  sont  là  autant  de  preuves  nouvelles  de  la 
divinité  du  Saint-Esprit. 

10.  Enfin,  ce  qui  confirme  au  plus  haut  point 
cette  vérité,  c'est  que  l'Ecriture  ne  cesse  d'attri- 
buer au  Saint-Esprit  les  propriétés  qui  ne  con- 
viennent qu'à  Dieu. 

Elle  lui  donne  des  temples  :  «  Ne  sa  vez-vous  pas, 


1  76  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

dit  l'Apôtre,  que  vos  membres  sont  les  temples  du 
Saint-Esprit?  An  nescitis  quoniam  membra  vestra 
templum  sunt  Spiritus  Saneti?  (i  Cor.  xvi.) 

Elle  lui  reconnaît  le  pouvoir  de  sanctifier  et  de 
vivifier,celuidesonderlesprofondeursdeDieu.«In 
sanctificationem  Spiritus.  »  (i  Petr.  i.)  «  Charitas 
Dei  diffusa  est  in  cordibus  nostris  per  inhabitantem 
Spiritum  ejus  in  nobis.  La  charité  de  Dieu,  dit 
l'Apôtre,  a  été  répandue  dans  nos  cœurs  par  son 
Esprit  qui  fait  en  nous  sa  résidence.  »  (Rom.  v.) 
«  Cet  Esprit  scrute  les  profondeurs  même  de  Dieu. 
Spiritus  omnia  scrutatur,  etiamprofunda  Dei,  »  dit 
encore  l'Apôtre,  (i  Cor.  n.) 

Il  est  l'inspirateur  des  prophètes,  comme  l'at- 
teste saint  Pierre.  «  Non  enim  voluntate  humana 
allata  est  aliquando  prophetia,  sed  Spiritu  Sancto 
inspirati  locuti  sunt  saneti  Dei  homines.  Les  pro- 
phéties, dit-il,  ne  sont  nullement  le  produit  de  la 
volonté  humaine,  mais  les  hommes  de  Dieu  n'ont 
parlé  que  sous  l'inspiration  du  Saint-Esprit.  » 
[2  Petr.  il) 

Enfin  il  est  partout,  s  Quo  ibo  à  Spiritu  tuo  ?  Où 
irai-je  pour  me  dérober  à  votre  Esprit  ?  »  dit.  le 
Psalmiste.  (Ps.  cxxxvm.)  «  Spiritus  Domini  reple- 
vit  orbem  terrarum.  L'Esprit  du  Seigneur,  lisons- 
nous  au  livre  de  la  Sagesse,  remplit  toute  l'éten- 
due de  la  terre.  »  (Sap.  i.) 

Or,  ce  sont  bien  là  les  caractères  propres  de  la 
divinité. 

11.  Premièrement  donc,  nous  devons  croire 


DU  SAINT-ESPRIT.  177 

que  le  Saint-Esprit  est  Dieu.  Nous  devons  savoir 
en  outre  qu'il  est  la  troisième  personne  de  la  sainte 
Trinité,  réellement  distincte  du  Père  et  du  Fils,  et 
procédant  de  la  volonté  de  l'un  et  de  l'autre.  Car, 
pour  ne  point  faire  mention  des  autres  témoignages 
de  l'Ecriture,  la  seule  formule  du  baptême  pres- 
crite par  Notre-Seigneur,  montre  clairement  que 
le  Saint-Esprit  est  la  troisième  personne  divine, 
subsistant  par  elle-même  et  réellement  distincte 
des  deux  autres. 

C'est  ce  que  déclare  pareillement  l'apôtre  saint 
Paul,  lorsqu'il  dit  :  «  Que  la  grâce  de  Notre-Sei- 
gneur Jésus-Christ,  et  là  charité  de  Dieu,  et  la 
communication  du  Saint-Esprit  soit  avec  tous. 
Gratia  Domini  nostri  Jesu  Christi,  et  charitas  Dei, 
et  communicatio  Spiritus  Sancti  sit  cum  omnibus 
vobis.  »  (2  Cor.  xm  ) 

12.  Mais  de  toutes  les  preuves  qu'on  peut  don- 
ner de  la  divinité  du  Saint-Esprit  et  de  sa  distinc- 
tion d'avec  le  Père  et  le  Fils,  il  n'en  est  aucune  qui 
garantisse  mieux  cette  vérité  que  l'enseignement 
même  de  l'Eglise  ,  l'infaillible  interprète  de  la  ré- 
vélation. 

Dès  le  commencement,  elle  en  a  fait  profession  ; 
le  Symbole  des  Apôtres  le  prouve.  Depuis,  elle  a 
constamment  gardé  cette  croyance. 

Aussi  l'impie  Macédonius  ayant  osé  révoquer 
en  doute  la  divinité  du  Saint-Esprit,  le  premier 
concile  de  Constantinople,  célébré  en  381 ,  pros- 
crivit ses  erreurs  ;  et  pour  les  confondre  à  jamais, 


178  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

l'Eglise  ajouta  ces  paroles  au  Symbole  :  «  Je  crois 
au  Saint-Esprit,  Notre-Seigneur,  qui  vivifie,  qui 
procède  du  Père  et  du  Fils,  qui  est  adoré  et  glori- 
fié avec  le  Père  et  le  Fils,  et  qui  a  parlé  par  les 
prophètes.  Et  in  Spiritum  sanctum,  Dominum  et 
vivificantem,  qui  ex  Pâtre  Filioque  procedit,  qui 
cura  Pâtre  et  Filio  simul  adoratur  et  conglonfica- 
tur,  qui  locutus  estper  prophetas.» 

L'Eglise  donc  reconnaît  le  Saint-Esprit  pour 
Seigneur. 

Par  là,  elle  nous  montre  qu'il  est  infiniment  au- 
dessus  des  anges,  qui  sont  cependant  les  plus 
nobles  esprits  que  Dieu  ait  créés.  Que  sont  en  effet 
les  anges,  <(  sinon,  comme  le  dit  l'Apôtre,  de  sim- 
ples ministres  aux  ordres  du  Seigneur  qui  les  en- 
voie sur  la  terre  pour  le  service  des  héritiers  du 
salut?  Nonne  omnes  sunt  arlministratorii  spiiïtus  in 
ministerium  missi  propter  eos  qui  hasreditatem  ca- 
piunt  salutis?  »  (Hebr.  i.) 

L'Eglise  l'appelle  l'Esprit  vivifiant. 

Notre  âme,  unie  à  Dieu  par  la  grâce,  puise  dans 
cette  union  une  vie  plus  réelle,  plus  véritable  et 
plus  parfaite  que  celle  dont  elle-même  anime  notre 
corps. 

Or,  cette  union  de  notre  âme  avec  Dieu  est 
spécialement  attribuée  au  Saint-Esprit  dans  l'Ecri- 
ture ;  c'est  donc  avec  justice  qu'on  l'appelle  vivi- 
fiant, c'est-à-dire,  source  dévie. 

13.  L'Eglise  dit  encore  qu'il  procède  du  Père  et 
du  Fils. 


DU  SAINT-ESPRIT.  179 

Qu'est-ce  à  dire?  Cette  parole  signifie  que  de 
toute  éternité,  le  Saint-Esprit  émane  ou  tire  son 
origine  du  Père  et  du  Fils,  comme  d'un  seul 
principe. 

Telle  est  la  doctrine  de  l'Eglise,  dont  personne 
ne  peut  s'écarter  sans  infidélité. Plusieurs  conciles 
l'ont  confirmée  par  des  définitions  solennelles. 

Cette  vérité  découle  desEcriJLures. 

Elles  appellent  l'Esprit-Saint  tantôt  l'Esprit  de 
Jésus-Christ,  tantôt  l'Esprit  du  Père.  Ici  elles  le 
disent  envoyé  par  le  Père,  et  là  par  le  Fils.  Cela 
montre  clairement  qu'il  procède  également  des 
deux.  En  voici  une  nouvelle  preuve.  D'un  côté, 
Notre-Seigneur  déclare  que  le  Saint-Esprit  le  glo- 
rifiera, car,  dit-il,  «  il  recevra  de  ce  qui  est  à  moi. 
Ille  me  clarincabit,  quia  de  meo  accipiet.  »  (Joan. 
xvi.)  Et  l'Apôtre  saint  Paul  dit  :  «  celui  qui  n'a  pas 
l'Esprit  de  Jésus-Christ,  n'est  pas  du  nombre  des 
siens.  Qui  Spiritum  Christi  non  habet,  hic  non  est 
ejus.  »  (Rom.  vni.)«  Dieu,  dit-il  encore  écrivant 
aux  Galates,  Dieu  a  envoyé  dans  vos  cœurs  l'Esprit 
de  son  Fils  qui  vous  fait  dire  :  Mon  Père  !  Mon 
Père  !  Misit  Deus  Spiritum  Filii  sui  in  corda  vestra 
clamantem  :  Abba  !  Pater  !  »  (Galal.  iv.) 

D'un  autre  côté,  nous  voyons  le  Saint-Esprit 
appelé  l'Esprit  du  Père  :  «  Quand  vous  serez  de- 
vant les  Juges  et  les  gouverneurs,  ne  pensez  pas, 
dit  Jésus-Christ  à  ses  Apôtres,  de  quelle  manière 
vous  leur  répondrez.  Ce  n'est  pas  vous  qui  parle- 
rez alors,  mais  ce  sera  l'Esprit  de  votre  Père  qui 


1  80  Dl"  ROM  ET  DE  LA  DIVINITÉ 

parlera  en  vous.  Cum  steteritis  ante  reges  et  pré- 
sides, nolite  cogitarequomodo  autquid  loquamini  ; 
non  enim  vos  estis  qui  loquimini,  sed  SpiritusPa- 
tris  vestri  qui  loquitur  in  vobis.  »  (Matth.  x.)  Voici 
encore  de  quelle  manière  il  s'exprima  pendant  la 
dernière  cène  :  «  Le  consolateur  que  je  vous  en- 
verrai, cet  Esprit  de  vérité  qui  procède  du  Père, 
rendra  témoignage  de  moi.  Paraclitus  quem  ego 
mittam  vobis,  Spiritum  veritatis  qui  à  Pâtre  proce- 
dit,  ille  testimonium  perhibebit  de  me.  v>(Joan. 
xv.)  Ailleurs,  il  assure  que  ce  même  Esprit  sera 
envoyé  par  le  Père  :  «  Quem  mittet  Pater  in  nomine 
meo.  Le  Père  vous  l'enverra  en  mon  nom.  » 
(Ibid.  xiv.) 

Toutes  ces  expressions  s'entendent  de  la  proces- 
sion du  Saint-Esprit  -,  encore  une  fois  donc,  il  est 
indubitable  qu'il  procède  du  Père  et  du  Fils  comme 
d'un  principe  unique. 

CONCLUSION. 

li.  Concluons  avec  l'Eglise  elle-même  :  «  Qui 
cum  Pâtre  et  Filio  simul  adoratur  et  conglorificatur, 
le  Saint-Esprit  doit  être  adoré  et  glorifié  conjointe- 
ment avec  le  Père  et  le  Fils.  » 

Adorons  donc  et  glorifions  dans  une  même  foi, 
une  même  espérance  et  un  même  amour,  le  Père, 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  un  seul  Dieu  en  trois  per- 
sonnes. Remercions  Dieu  de  nous  avoir  donné  par 
l'organe  de  la  sainte  Eglise  une  connaissance  si 


DU  SAINT-ESPRIT.  181 

distincte  de  l'unité  de  sa  nature  et  delà  Trinité  de 
ses  personnes. 

0  Esprit  de  Dieu  !  ô  amour  éternel  du  Père  et 
du  Fils  !  Venez  en  nous  et  allumez  dans  nos  cœurs 
le  feu  de  la  divine  charité  !  Vous  nous  avez  été 
promis  comme  un  autre  Consolateur  par  Jésus- 
Christ.  Ne  nous  laissez  pas  orphelins  dans  cette 
vallée  de  larmes.  Soyez  notre  lumière  dans  les 
ténèbres,  notre  force  dans  les  combats,  notre  sou- 
tien dans  les  épreuves. 

Déjà  vous  avez  daigné  vous  communiquer  à  nous 
par  le  Baptême  ;  la  vie  nouvelle  que  nous  y  avons 
reçue  est  le  souffle  de  votre  bouche  et  le  don  de 
votre  grâce  ;  par  vous,  nous  avons  été  élevés  à  la 
dignité  d'enfants  de  Dieu.  Hélas!  ingrats  que  nous 
sommes,  nous  n'avons  pas  apprécié  notre  bonheur, 
et  par  le  péché,  nous  en  sommes  volontairement 
déchus  !  Vous  faisiez  vos  délices  d'habiter  en  nous, 
nos  cœurs  étaient  votre  sanctuaire  ;  sourds  à  vos 
douces  remontrances,  nous  vous  avons  contristé, 
nous  vous  avons  banni  ignominieusement  de  votre 
temple  pour  y  introduire  le  péché  et  le  démon  ! 

Esprit  Saint  !  nous  reconnaissons  notre  erreur 
et  notre  ingratitude.  Tout  indignes  que  nous  som- 
mes ,  ah  !  venez  reprendre  en  nous  la  place  qui 
vous  est  due.  Venez  fixer  de  nouveau  votre  rési- 
dence dans  nos  cœurs.  Désormais,  si  vous  nous 
rendez  votre  grâce,  comme  nous  vous  conjurons 
de  le  faire,  vous  nous  verrez  dociles  à  vos  inspi- 
rations, attentifs  à  éviter  le  péché,  empressés  à 


182  DU  NOM  ET  DE  LA  DIVINITÉ,   ETC. 

pratiquer  le  bien  ;  nous  vivrons  pour  vous  plaire  ; 
et  ce  ne  sera  plus  notre  esprit,  mais  le  votre  qui 
animera  notre  vie. 

«  Emitte  Spiritum  tuum  et  creabuntur,  et  reno- 
vabis  faciem  terrée.  0  Dieu  !  envoyez  donc  votre 
Esprit  en  nous,  et  nous  serons  changés  en  des 
hommes  nouveaux!  » 


NOTES.  1 83 


NOTES. 


I.    LTRUM  DONUM   SIT  PROPRIUM  NOMEN  SPIRITUS  SANCT1? 

Videtur  quod  donum  non  sit  proprium  nomen  Spiritus 
Sancti.  Donum  enim  dicitur  ex  eo  quod  datur.  Sed  sicut 
dicitur  Isa.  9.  Filius  datus  est  nobis  Ergo  esse  donum 
convenu  Filio,  sicut  Spirilui  sancto. 

Prseterea,  Omne  nomen  proprium  alicujus  personae  si- 
gnificat  aliquam  ejus  proprietatem,  sed  hoc  nomen,  donum; 
non  significat  proprietatem  aliquam  Spiritus  sancti  :  Ergo 
donum  non  est  proprium  nomen  Spiritus  sancti. 

Prseterea,  Spiritus  sanctus  potest  dici  spiritus  alicujus 
hominis  :  sed  non  potest  dici  donum  alicujus  hominis,  sed 
solum  donum  Dei.  Ergo  donum  non  est  proprium  nomen 
Spiritus  sancti. 

Sed  contra  est,  quod  August.  dicit  in  4  de  TriniL  (c.  20) 
Sicut  natum  esse,  est  Filio  a  Pâtre  esse,  ita  Spiritum  sanctum 
donum  Dei  esse,  est  a  Pâtre  et  Filio  procedere.  Seu  Spiritus 
sanctus  sortitur  proprium  nomen  in  quantum  procedit  a 
Pâtre  et  Filio  :  Ergo  donum  est  proprium  nomen  Spiritus 
sancti. 

CONCLUSIO. 

Cum  Spiritus  sanctus  procédât  in  divinis  ut  amor,  do- 
num estei  proprium  nomen  et  personale. 

Respondeo  dicendum,  quod  donum  secundum  quod  per- 


184  NOTES. 

sonaliter  sumitur  in  divinis,  est  proprium  nomen  Spiritus 
sancti. 

Ad  cujus  evidentiam  sciendum  est  quod  donum  proprie 
est  datio  irreddibilis,  secundum  philosophum,  id  est,  quod 
non  datur  intentione  retributionis  ;  et  sic  importât  gratuitam 
donationem.  Ratio  autem  gratuitae  donationis  est  amor  : 
ideo  enim  damus  gratis  alicui  aliquid,  quia  volumus  ei  bo- 
num.  Primum  ergo  quod  damus  ei,  est  amor  quo  volumus 
ei  bonum  :  Unde  manifestum  est ,  quod  amor  habet  ratio- 
nem  primi  boni,  per  quod  omnia  dona  gratuita  donantur  : 
Unde,  cum  Spiritus  sanctus  procédât  ut  amor  (sicut  jam 
dictum  est,)  procedit  in  rationedoni  primi.  Unde  dicit  Au- 
gust.  15  de  ïrinit.  (cap.  24)  Quod  per  donum  quod  est 
Spiritus  sanctus,  nulla  propria  dona  dividuntur  membris 
Christi. 

Ad  primum  dicendum,  quod  sicut  Filius,  quia  procedit 
per  modum  Verbi,  quod  de  ratione  sua  habet  quod  simili- 
tudo  sit  sui  principii,  dicitur  propriè  imago,  licet  etiam  Spi- 
ritus sanctus  sit  similis  Patri  :  ita  etiam  Spiritus  sanctus, 
quia  a  Pâtre  procedit  ut  amor,  dicitur  propriè  donum,  licet 
etiam  Filius  detur.  Hoc  enim  ipsum  quod  Filius  datur,  est 
ex  Patris  amore,  secundum  illud  Joan.  3.  Sic  Deus  dilexit 
mundum  ut  Filium  suum  unigenitum  daret. 

Ad  secundum  dicendum, quod  in  nomine  doni  importatur 
quod  sit  dantis  per  originem  :  Et  sic  importatur  proprietas 
originis  Spiritus  sancti,  quae  est  processio. 

Ad  tertium  dicendum,  quod  donum  antequam  detur  est 
tantum  dantis  :  sed  postquam  datur,  est  ejus  cui  datur. 
Quia  igitur  donum  non  importât  dationem  in  actu  ;  non  po- 
test  dici  quod  sit  donum  hominis,  sed  donum  Dei  dantis; 
cum  autem  jam  datum  est,  tune  hominis  est  vel  spiritus 
vel  datum.  (S.  Tkom.  1  p.  q.  38,  art.  2.) 


NOTES.  185 


II. 


Duae  ex  omni  aevo  illustres  vitarum  mutationes  extite- 
runt,  quas  etiam  duo  Testamenta,  atque  ob  rei  celebritatem 
terras  motus  appellantur  :  altéra  a  simulacrorum  cultu  ad 
Legem,  altéra  à  Lege  ad  Evangelium.  Ac  tertium  etiam 
terras  motum  scriptura  nobis  annunciat,  nempè  rnigratio- 
nem  ab  hac  vita  ad  alteram  illam  motus  omni|  et  jactatio- 
nis  expertem .  Idem  porro  duobus  Testamentis  accidit.  Quid 
illud?  Non  subito,   nec  ac  primam  aggressionis  impulsio- 
nem  commutata  sunt.  Quamobrem?  (Id  enim  scire  opéras 
pretium  est.)  Ut  ne  vi  pertraheremur,  sed  persuasione  ad- 
duceremur.  Quod  enim  voluntarium  non  est,  ne  diuturnum 
quidem  est  ;  quemadmodum  nec  fluenta,  aut  stirpes,  quae 
per    vim    retinentur.  Quod   autem  voluntarium  est,lum 
diuturnius  est,  tum  certius.  Atque  alterum  ejus  est,   qui 
vim  intuiit  :  alterum  nostrum.  Alterum  divinaebenignitatis  : 
alterum  tyrannicae  polestatis.   Quocirca  Deus  minime  fa- 
ciendum  sibi  duxit,  ut  invitos  beneficiis  afficeret,  sed  ut  de 
volentibus  bene  mereretur.  Ac  proinde  paedagogi    cujus- 
dam  etmedici  more,  patrios  ritus  partim  substrahit,  parlim 
concessit,  nonnihil  videlicet  eorum    voluptati  indulgens, 
quemadmodum   medici  segrotantibus,  ut  medicamentum, 
suavioribus rébus  arte  temperatum  etedulcatum,  admittant. 
Neque  enim  facile  est  ab  iis,  quae  longo  usu  et  diulurno 
tempore  in  honore  ac  pretio  fuerunt,   ad  alia  transilire. 
Ergo  prima  Lex  sublatis  idolis  sacrificia  permisit.  Secunda 
submotis  sacrificiis,  circumcisionem  minime  prohibuit.  Ac 
postea,  ut  semel  substrahi  sibi  aliquid  aequo  animo  tulerunt 
homines, rébus  etiam  sibi  concessis,  hoc  est,  illi  sacrificiis, 
hi  circumcisione,  abstinuerunt,  atque,  ut  ex  Ethnicis  Ju- 
dasi ,  ita  ex  Judasis  Christiani  facli  sunt,  per  mutationes 
quasi  furtim  ad  Evangelium  perducti.  Hujus  rei  tibi  fldem 
faciat  Paulus,  qui  ex  eo  quod  circumcidebat,  ac  purifica- 
sywb.     11.  16 


186  NOTES. 

batur,  eo  tandem  progressus  est,  ut  diceret  :  Ego  autem, 
Fratres,  si  circumcisionempraedico,  quid  adhuc  persecutio- 
nem  patior?  Illud  dispensationis  erat;  hoc  perfectionis. 

Huic  exemplo  divinitatis  doctrina  comparari  potest,  nisi 
quod  contrario  modo  res  procedit.  Illic  enim  ex  subtrac- 
tione  mutatio  fiebat  :  hue  autem  ex  accessione  atque  in- 
créments ad  perfectionem  ventumest.Sicemmse  res  habet: 
Vêtus  Testanientum  Patrem  apertè  preedicabat,  Filium 
obscurius.  Novum  autem  nobis  Filium  perspicuè  ostendit, 
et  Spiritûs  divinitatem  subobscurè  quodammodo  indicavit. 
Nunc  vero  Spiritûs  ipse  nobiscum  versatur,  seseque  nobis 
apertius  déclarât.  Neque  enim  tutum  erat,  Patris  divini- 
tate  nondum  confessa,  Filium  apertè  praedicari  :  nec,  Filii 
divinitate  nondum  admissâ,  Spiritum  sanctum,  velut  gra- 
viorem  quandam,  si  ita  loqui  fas  est,  sarcinam  nobis  in- 
geri  :  ne  alioqui,  velut  cibis  ultra  vires  gravati,  ac  solis 
radiis  hebetes  oculos  adjicientes,  iis  quoque,  quibus  prœ- 
diti  eramus,  viribus  periclitaremur  :  quin  tacitis  potius 
accessionibus,  et,  ut  David  loquitur,  ascensionibus,  atque 
è  claritate"  in  claritatem  progressionibus  et  incrementis 
Trinitatis  lumen  splendidioribus  îlluceret.  Obhanccausam, 
ut  opinor,  ad  diseipulos  quoque  sigillatim  se  confert,  ad 
excipientium  videlicet  captum  modulumque  sese  impertiens; 
nimirum  in  Evangelii  principio  virtutes  perficiens,  post 
Christi  passionem  insufflatus,  post  ascensum  in  igneis  lin- 
guis  apparens.  Quin  etiam  ab  ipso  Jesu  paulatim  declara- 
tur,  ut  ipse  quoque  comperies,  si  animum  diligentius  ad- 
verteris.  Rogabo  enim  Patrem,  inquit,  etaliumParacletum 
mittet  vobis,  spiritum  veritatis.  Quae  quidem  verba  eo  di- 
xit,  ne  adversarius  quispiam  Dei  esse,  aut  quasi  de  alia 
quadam  potestate  sermonem  facere  videretur.  Postea,  mittet 
quidem,  ceeterum  innominemeo.  Hîc,  omissâ  voce,  rogabo, 
vocem,  mittet,  retinuit.  Mox,  miltam  :  ut,  propriam  aucto- 
ritatem  ostendat.  Tumdenique,  veniet  :  quo  verbo  Spiritu? 
potestas  indicatur. 


NOTES.  187 

Vides  illuminationes  paulatim  no  bis  affulgentes,  Theo- 
logiceque  ordinem,  quem  nobis  quoque  tenere  praestiterit, 
ut  nec  repente  atque  confertim  omnia  in  lucem  efferamus, 
nec  in  finem  usque  occultemus.  Illud  enim  inconsultum 
atque  ab  arle  alienum  fuerit,  hoc  impium  :  illud  alienos 
offendere  ac  vulnerare  queat,  hoc  nostros  à  nobis  abalie- 
nare.  Enim  vero  id,  quod  quibusdam  quoque  aliis  fortasse 
in  nientem  vcnit,  ego  tamen  animi  mei  fœtum  esse  exis- 
timo,  superioribus  adjungam.  Habebat  qusedam  Salvator, 
quse  à  Discipulis,  licet  alioqui  multiplici  doctrina  imple- 
rentur,  tune  tamen  portari  posse  negabat,  ob  eas  fortasse, 
quas  attuli,  causas,  atque  ideirco  eas  ipsis  oc*cultabat.  Ac 
rursus  dicebat  fore,  ut  ab  adveniente  Spiritu  omnia  edo- 
cerentur.  Ergo  unum  ex  eorum  numéro  esse  censeo,  ipsam 
Spiritûs  sancti  Deitatem,  in  posterum  apertius  declaran- 
dam,  tum  videlicet,  cum  jam  post  Salvatoris  in  integrum 
restitutionem,  matura  et  perceptibilis  esset  ipsius  cogni- 
tio,  utpote  cui  ob  tam  insigne  miraculum  fîdes  non  jam 
abrogaretur.  Quid  enim  hoc  majus,  vel  ille  polliceri,  yel 
Spiritûs  docere  potuisset?  Si  modo  magnum  aliquid  exis- 
timandum  est,  Deique  magnificentia  dignum,  quod  pro- 
mittebatur,  vel  quod  docebatur. 

Ac  dehisitasentio,  utinamque  sentiam,et  quisquis  mini 
amicus  est,  colamusque  Deum  Patrem  ,  Deum  Filium  , 
Deum  Spiritum  sanctum,  très  proprietates,  unam  divinita- 
tem,  nec  gloriâ,  nec  honore,  nec  essentiâ,  nec  regno  divi- 
sam,  ut  quispiam,  divino  numine  afïlatus,  non  ita  pridem 
philosophatus  est.  Nec  luciferum  exorientem  videat,  ut 
cum  scriptura  loquar,  nec  cœlestis  splendoris  gloriam, 
quisquis  aliter  sentit,  aut  tempori  ob.-equitur,  aliam  aliam- 
que  subinde  formam  assumens,  putidumque  de  maximis 
rébus  consilium  capiens.  Si  enim  Spiritûs  adorandus  non 
est,  quomodo  me  deum  per  Baptismum  effecit?  Si  autem 
adorandus,  an  non  colendus,  et  venerandus?  Si  porro  ve- 
nerandus,  an  non  Deus?  Unum  uni  cohaeret,  ac  vere  aurea 


188  NOTES. 

quœdam  et  salutis  est  hcec  catena.  Et  quidem  a  Spiritu 
regenerationem  habemos,  a  regeneratione  instaurationem, 
ab  instauratione  cognitionem  dignitatis  illius,  à  quo  instau- 
rati  sumus.  (S.  Gregor.  Nazianz.  oral.  31 .) 

III. 

Quis  igitur  unitatem  negare  audeat  nominis,  cum  opera- 
tionis  videat  unitatem?  Sed  quid  ego  unitatem  nominis 
argumentis  astruo  ;  cum  divinae  vocis  evidens  teslimonium 
sit,  unum  nomen  esse  Patris  et  Filii  et  Spiritus  Sancti? 
Scriptum  est  enim  :  Ite,  baptizate  gentes  in  nomine  Patris 
et  Filii  et  Spiritus  Sancti  (Matth.  xxvm,  19.)  In  nomine 
dixit,  non  in  nominibus.  Non  ergo  aliud  nomen  Patris, 
aliud  nomen  Filii,  aliud  nomen  Spiritus  Sancti;  quia  unus 
Deus  :  non  plura  nomina  ;  quia  non  duo  Dii,  non  très  Dii. 
(i  Cor.  vm,  4.) 

Et  ut  aperiret  quia  una  divinitas,  una  majestas  est,  quia 
unum  nomen  Patris  et  Filii  et  Spiritus  Sancti  ;  nec  in  alio 
nomine  venerit  Filins,  in  alio  nomine  Spiritus  Sanctus,  ait 
ipse  Dominus  :  Ego  veni  in  nomine  Patris  mei,et  non  acce- 
pistisme:si  alius  venerit  in  nomine  suo,  illum  accipietis. 
(Joan.  v,  43.) 

Quod  autem  nomen  Patris  est  hoc  idem  Filii,  scriptura 
déclarât,  quia  inExodo  dixit  Dominus  :  Ego  antecedam  te 
in  nomine  meo  et  vocabo  in  nomine  meo  Dominum  in  con- 
spectutuo.  (Exod.  xxxm,  19.)  Dominus  ergo  dixit  quia  in 
nomine  suo  vocabit  Dominum  :  Dominus  ergo  et  Patris  est 
nomen  et  Filii. 

Cum  autem  unum  nomen  sit  Patris  et  Filii,  accipe  quia 
et  Spiritus  sancti  idem  nomen  sit,  quoniam  et  Spiritus 
sanctus  in  nomine  Filii  venit,  sicut  scriptum  est  :  Para- 
clitus  autem  Spiritus  Sanctus  quem  mittet  Pater  in  nomine 


NOTES.  189 

meo,  ille  vos  docebit  omnia.  [Joan.  xxiv,  26.)  Qui  aulem 
venit  in  nomine  Filii,  utique  etiam  in  nomine  Patris  \enit; 
quia  unum  nomen  Patris  et  Filii  est.  Sic  sit  ut  unum  et 
Patris  et  Filii  nomen  sit  et  Spiritus  sancti.  Nec  enim  est 
aliud  nomen  sub  cœlo  datum,  in  quo  oporteat  nos  salvos 
fieri  {Act.  rv,  4  2.) 

Simul  docuit  unitatem  divini  nominis  esse  credendam, 
non  disparilitatem  ;  quoniam  in  unitate  nominis  venit 
Christus  :  in  suo  autem  nomine  venturus  Antichristus  est, 
sicut  scriptum  est  :  Ego  veni  in  nomine  Patris  mei,  et  non 
accepistis  me  :  si  alius  veneril  in  nomine  suo,  illum  acci- 
pietis.  {Joan.  v,  43.) 

Edoctum  est.  igitur  ex  his  non  esse  in  Pâtre  et  Filio  et 
Spiritu  sancto  paraclito  nominis  diversitatem  :  et  quod 
nomen  est  Patris,  id  esse  etiam  Filii  nomen  :  similiter  quod 
nomen  est  Filii,  esse  id  etiam  Spiritus  sancti  ;  quando  etiam 
paraclitus  Filius  dicitur,  sicut  et  Spiritus  sanctus.  Et  ideo 
ait  in  Evangelio  Dominus  Jésus  :  Rogabo  Patrem  meum,  et 
alium  paraclitum  dabit  vobis  qui  vobiscum  sit  in  aeternum 
Spiriturn  veritatis.  [Joan.  xiv,  16.)  Et  bene  dixit  alium, 
ne  ipsum  Filium,  ipsum  Spiritum  intelligeres  ;  unitas  enim 
nominis  est,  non  Filii  Spiritusque  Sabelliana   confusio. 

Itaque  alius  paraclitus  est  Filius  ,  alius  paraclitus 
Spiritus  sanctus  ,  Filium  enim  paraclitum  dixit  etiam 
Joannes,  sicut  habes  :  si  quis  peccaverit,  paraclitum  habe- 
mus  apud  Patrem  Jesum  Christum.  (i.  Joan.  41,  i.)  Itaque 
quemadmodum  unitas  nominis,  ita  etiam  unilas  potestatis 
est;  ubi  enim  paraclitus  Spiritus,  ibi  etiam  Filius. 

Nam  sicut  hic  in  aeternum  Dominus  futurum  cum  fide- 
libus  Spiritum  dicit,  ita  etiam  de  se  alibi  ostendit  quod  in 
aeternum  cum  Apostolis  sit  futurus,  dicens  :  Ecce  ego  vo- 
biscum sum  omnibus  diebus  usque  ad  consummationem 
mundi.  [Matth.  xxvin,  20.)  Unum  sunt  ergo  Filius  et  Spiri- 


190  NOTES. 

tus  :  unum  nomen  est  Trinitatis,  et  una   inseparabilisque 
praesentia. 

Sicut  autem  ostendimus  paraclitum  Filium  nominatum, 
ita  etiam  ostendimus  veritatem  Spiritum  nuncupatum, 
veritas  Christus  ,  veritas  Spiritus  ;  habes  enim  in  epistola 
Joannis  :  Quoniam  Spiritus  est  veritas.  (i  Joan.  x,  6.)  Non 
solum  ergo  Spiritus  veritatis,  sed  etiam  veritas  dicitur  Spi- 
ritus, sicut  et  Films  veritas  prœdicatur,  qui  ait  :  Ego  sum 
via  et  veritas  et  vita.  (i  Joan.  xiv,  6. —  Ambros.  libr.  i,  de 
Spiritu  Sancto  cap.  4  2  et  13.) 

IV. 

Hic  aliquis  forsitan  quaerat  utrum  et  a  Filio  procédât 
Spiritus  sanctus.  Filius  enim  solius  Patris  est  Filius,  et 
Pater  solius  Filii  est  Pater  :  Spiritus  autem  sanctus  non  est 
anius  eorum  Spiritus,  sed  amborum.  Habes  ipsum  Domi- 
num  dicentem,  Non  enim  vos  estis  qui  loquimini,  sed 
Spiritus  Patris  vestri  qui  loquitur  in  vobis  (Maîth  .  x,  20)  : 
habes  et  Apostolum,  Misit  Deus  Spiritum  Filii  sui  in  corde 
vestra  [Galat.  iv,  6  )  Numquid  duo  sunt,  alius  Patris,  alius 
Filii  ?  Absit.  Unum  enim  corpus,  ait,  cum  significaret  Ec- 
clesiam  ;  moxque  addidit  et  unus  Spiritus.  Et  vide  quomodo 
illic  impleat  Trinitatem.  Sicut  vocati  estis,  inquit,  in  una 
spe  vocationis  vestrae,  Unus  Dominus  :  hic  utique  Christum 
intelligi  voluit  :  restât  ut  etiam  Patrem  nominet  :  sequitur 
ergo,  Una  fides,  unum  baptisma  :  unus  Deus  et  Pater 
omnium,  qui  super  omnes,  et  per  omnes,  et  in  omnibus 
nobis.  [Ephes.  iv,  4,  6)  Cum  ergo  sicut  unus  Pater,  et  unus 
Dominus,  id  est  Filius.  ita  sit  et  unus  Spiritus;  profeclo 
amborum  est  :  quando  quidem  dicit  ipse  Christus  Jésus, 
Spiritus  Patris  vestri  qui  loquitur  in  vobis;  et  dicit  Apos- 
tolus.  misit  Deus  Spiritum  Filii  sui  in  corda  vestra.  Habes 
alio  loco  eumdp'n  apostolum  dicentem  :  Si  autem  Spiritus 


NOTES.  191 

ejus  qui  suscitavit  Jesum  ex  mortuis,  habitat  iu  vobis  ;  hic 
utique  Spiritum  Patris  intelligi  voluit  :  de  quo  tamen  alio 
loco  dicit,  quisquis  autem  Spiritum  Ghristi  non  habet,  hic 
non  est  ejus  (Rom.  vin,  11,  9.)  Et  multa  alia  sunt  testimonia 
quibus  hoc  evidenter  ostenditur,  et  Patris  et  Filii  esse  Spi- 
ritum qui  in  Trinitale  dicitur  Spiritussanctus. 

Nec  ob  aliud  existimo  ipsum  vocari  proprie  Spiritum  : 
cum  etiamsi  de  singulis  interrogemur,  non  possimus  nisi 
et  Patrem  et  Filium  spiritum  dicere  ;  quoniam  spiritus  est 
Deus  (Joan.  iv,  24),  id  est,  non  corpus  est  Deus,  sed  spi- 
ritus. Quod  ergo  communiter  vocantur  et  singuli,  hoc  pro- 
prie vocari  oportuit  eum  qui  non  est  unus  eorum,  sed  in 
quo  communitas  apparet  amborum.  Cur  ergo  non  credamus 
quod  etiam  de  Filio  procédât  Spiritus  sanctus,  cum  Filii 
quoque  ipse  sit  Spiritus?  Si  enim  non  ab  eo  procederet, 
non  post  resurrectionem  se  repraesentans  discipulis  suis 
insufflasset  dicens  :  Accipite  Spiritum  Sanctum(/d.  xx,  22). 
Quid  enim  aliud  significavit  illa  insufflatio,  nisi  quod  pro- 
cédât Spiritus  sanctus  et  de  ipso?  Ad  hoc  pertinet  etiam 
illud  quod  de  muliere  quae  fluxum  sanguinis  patiebatur, 
ait  :  Tetigit  me  aliquis  :  ego  enim  sensi  de  me  virtutem 
exiisse  (Luc.  vin,  46).  Nam  virtutis  nomine  appellari  etiam 
Spiritum  sanctum,  ex  eo  loco  clarum  est,  ubi  angélus 
dicenti  Marias,  quomodo  fiet  istud,  quoniam  non  virumnon 
cognosco?  respondit,  Spiritus  sanctus  superveniet  in  te,  et 
virtus  Altissimi  obumbrabit  tibi  (Ici.  1,  34,  35)  :  Et  ipse 
Dominus  promittens  eum  discipulis,  ait,  Vos  autem  sedete 
in  civitate  quonsque  induamini  virtute  ex  alto  (Id.  xxiv, 
49);  et  iterum,  accipietis,  inquil,  virtutem  Spiritus  sancti 
supervenientem  in  vos,  et  eritis  mini  testes  (Act,  1,  8).  De 
hac  virtute  credendus  est  dicere  esangelista,  Virtus  de  illo 
exibat,  et  sanabat  omnes  (Luc.  vi,  19). 

Si  ergo  et  de  Pâtre  et  de  Filio  procedit  Spiritus  sanctus; 
cur  Filius  dixit,  de  Pâtre  procedit  (Joan.  xv,  2 6)? Cur  putas, 


192  NOIES. 

nisi  quemadinodum  ad  eum  solet  referre  et  quod  ipsius  est 
de  quo  et  ipse  est?  Unde  illud  est  quod  ait  :  Mea  doctrina 
non  est  mea,  sed  ejus  qui  me  misit  (Joan.  \u,  16).  Si  igitur 
intelligitur  hic  ejus  doctrina,  quam  tamen  dixit  non  suam, 
sed  Patris  ;  quanto  magis  illic  intelligendus  est  de  ipso  pro- 
cedere  Spiritus  sanctus,  ubi  sic  ait,  de  Pâtre  procedit,  ut 
non  diceret,  de  me  procedit?  A  quo  autem  habet  Filius  ut 
sit  Deus  (est  enim  de  Deo  Deus),  ab  illo  habet  utique  ut 
etiam  de  illo  procédât  Spiritus  sanctus  ;  sed  per  hoc  Spi- 
ritus sanctus,  ut  etiam  de  Filio  procédât,  sicut  procedit  de 
Pâtre,  ab  ipso  habet  Pâtre. 

Hic  ulcumque  etiam  illud  intelligitur,  quantum  a  talibus 
quales  nos  sumus,  intelligi  potest,  cur  non  dicatur  natus 
esse,  sed  potius  procedere  Spiritus  sanctus.  Quoniam  si  et 
ipse  Filius  diceretur,  amborum  utique  Filius  diceretur, 
quod  absurdissimum  est.  Filius,  quippe  nullus  est  duorum, 
nisi  patris  et  matris.  Absit  autem,  ut  interDeum  Patrem  et 
Deum  Filium  taie  aliquid  suspicemur.  Quia  nec  filius 
hominum  simul  et  ex  pâtre  et  ex  matre  procedit  :  sed  cum 
in  matrem  procedit  ex  pâtre,  non  tune  procedit  ex  pâtre. 
Spiritus  autem  sanctus  non  de  Pâtre  procedit  in  Filium,  et 
de  Filio  procedit  ad  sanctificandam  creaturam  ;  sed  simul 
de  utroque  procedit  :  quamvis  hoc  Filio  Pater  dederit,  ut 
quemadmodum  de  se,  ita  de  illo  quoque  procédât.  Neque 
enim  possumus  dicere  quod  non  sit  vita  Spiritus  sanctus 
cum  vita  Pater,  vita  sit  Filius.  Ac  per  hoc  sicut  Pater  cum 
habeat  vitam  in  semetipso,  dédit  et  Filio  habere  vitam  in 
semetipso  ;  sic  et  dédit  vitam  procedere  de  illo,  sicut  pro- 
cedit et  de  ipso.  Sequuntur  autem  verba  Domini  dicentis  : 
Et  quœ  ventura  sunt,  annuntiabit  vobis.  Ille  me  clarificabit, 
quia  de  meo  accipiet,  et  annuntiabit  vobis.  Omnia  quae- 
cumque  habet  Pater,  mea  sunt  :  propterea  dixi  quia  de 
meo  accipiet,  et  annuntiabit  vobis.  Sed  quia  iste  jam  pro- 
lixus  est,  in  alium  sunt  differenda  sermonem.  (S.  August. 
in  Joan.  evang.  tract,  xcix,  cap.  xvi.) 


DCNS  DU  SAINT-ESPRIT.  193 


II*  INSTRUCTION. 


LE  SAINT-ESPRIT,   SOURCE  DE  NOTRE  SANCTIFICATION. 
DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 


EXORDE. 

1 .  Nous  avons  parlé  dans  la  précédente  instruc- 
tion du  nom  et  de  la  divinité  du  Saint-Esprit. 

Il  n'y  a  point  dans  les  créatures  de  fécondité 
analogue  à  celle  dont  l'Esprit-Saint  est  le  fruit, 
puisqu'il  procède,  non  par  voie  de  génération, 
mais  par  voie  de  volonté.  C'est  pourquoi,  avons- 
nous  dit,  il  n'a  pas  de  nom  propre  qui  caractérise 
sa  manière  de  procéder  du  Père  et  du  Fils  ;  nous 
nous  contentons  de  le  désigner  par  un  nom  com- 
mun, par  le  nom  d'Esprit-Saint. 

Ce  nom  toutefois  indique  fort  bien  ce  qu'il  est 
par  rapport  à  nous,  c'est-à-dire,  le  principe  et 
l'auteur  de  notre  vie  spirituelle. 

Quant  à  sa  nature,  la  foi  nous  apprend  qu'il  est 
un  même  Dieu  avec  le  Père  et  le  Fils,  et  qu'il  a 
pour  propriété  distinctive  de  procéder  de  l'un  et 
de  l'autre  comme  d'un  principe  unique.  «  Le  Père, 
dit  le  Symbole  de  saint  Athanase,  n'a  été  ni  fait, 
ni  créé,  ni  engendré  par  aucune  des  deux  autres 

SYMB.       II.  il 


'194  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

personnes.  Le  Fils  tire  son  origine  du  Père  seul, 
non  pas  qu'il  ait  été  fait  ou  créé,  mais  il  est  en- 
gendré de  lui.  Le  Saint-Esprit  tire  la  sienne  du 
Père  et  du  Fils  ;  il  n'a  point  été  fait,  ni  créé,  ni 
engendré  :  il  procède  simplement  des  deux.  Pater 
à  nullo  est  factus,  nec  creatus,  nec  genitus.  Filius 
à  Pâtre  solo  est,  non  factus,  nec  creatus,  sed  ge- 
nitus. Spiritus  Sanctus  à  Pâtre  et  Filio,  non  factus, 
nec  creatus,  nec  genitus,  sed  procedens.  » 

Nous  vous  avons  exposé  quelques  preuves  de 
la  divinité  du  Saint-Esprit.  Indiquée  par  le  Sym- 
bole qui  nous  apprend  à  croire  en  lui  comme  au 
Père  et  au  Fils,  elle  est  attestée  par  les  Ecritures 
qui  tantôt  lui  donnent  le  nom  de  Dieu,  tantôt  l'ad- 
joignent sans  restriction  au  Père  et  au  Fils  comme 
leur  étant  égal,  tantôt  lui  attribuent  les  perfections 
divines. 

Mais  cette  divinité  nous  est  surtout  certifiée  par 
l'enseignement  de  l'Eglise  qui  l'a  constamment 
professée  et  qui  a  condamné  comme  hérétiques 
ceux  qui  ont  osé  la  nier. 

2.  L'Esprit-Saint  étant  Dieu,  nous  ne  pouvons 
découvrir  toutes  les  richesses  de  son  être  qui  sont 
infinies;  mais  s'il  ne  nous  est  pas  donné  de  les  con- 
templer dans  leur  source,  nous  pouvons  du  moins 
en  admirer  l'effusion  dans  les  dons  qu'il  communi- 
que aux  hommes. 

C'est  par  là  surtout  qu'il  se  rend  accessible  à 
notre  intelligence  et  qu'il  attire  à  lui  notre  cœur. 

Je  me  propose  donc  dans  cet  entretien,  premiè- 


DONS  DU  SAINT-ESPRIT.  4  95 

rement,  de  vous  montrer  que  l'Esprit-Saint  est  la 
source  de  tout  bien;  puis  j'entrerai  dans  le  détail 
de  ses  principaux  dons. 

Commençons  par  invoquer  sa  grâce,  en  lui  di- 
sant avec  l'Eglise  :«  Veni,  Sancte  Spiritus,  reple 
tuorum  corda  fîdelium  et  tui  amoris  in  eis  ignem 
accende.  Venez,  Esprit-Saint,  remplissez  les  cœurs 
de  vos  fidèles  et  allumez-y  le  feu  de  votre  amour.» 

PREMIER  POINT. 

3.  L'Ecriture  nous  présente  l'Esprit-Saint  com- 
me l'auteur  spécial  de  certains  effets  admirables 
et  de  certains  dons  excellents. 

A  l'origine  du  monde,  nous  le  voyons  planer, 
pour  ainsi  dire,  sur  les  eaux  qui  enveloppaient  le 
globe,  comme  pour  communiquer  à  la  terre  sa 
fécondité  merveilleuse  et  aux  eaux  la  vertu  de 
régénérer  les  hommes  par  le  Baptême. 

Dans  la  suite  des  temps,  il  inspire  les  prophètes 
chargés  d'annoncer  le  Rédempteur  futur  et  de  lui 
préparer  les  voies. 

Au  moment  marqué  pour  son  avènement,  il  pré- 
side au  mystère  de  l'Incarnation  ;  c'est  par  son 
opération  que  le  Verbe  est  conçu  dans  le  sein  vir- 
ginal de  Marie. 

Au  baptême  de  Jésus-Christ,  il  repose  sur  sa  tête 
en  forme  de  colombe,  pour  montrer  que  le  Sau- 
veur en  tant  qu'homme  était  rempli  de  la  plénitude 
de  ses  grâces.  De  même  qu'il  avait  présidé  aux 
prophéties  de  l'Ancien  Testament,  il  préside  aussi 


196  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

à  l'apostolat  du  Nouveau.  Au  jour  de  Ja  Pentecôte, 
il  descend  sur  les  Apôtres  en  forme  de  langues  de 
feu,  les  embrase  de  charité,  leur  communique  le 
don  des  langues,  afin  qu'ils  puissent  aller  prêcher 
à  toutes  les  nations,  selon  l'ordre  de  Jésus-Christ. 

Enfin,  il  répand  ses  dons  avec  éclat  sur  les  pre- 
miers fidèles,  pour  qu'ils  rendent  à  la  divinité  de 
l'Evangile  un  témoignage  d'autant  plus  convaincant 
qu'il  était  accompagné  de  prodiges. 

L'Ecriture  nous  le  montre  encore  comme  l'au- 
teur de  notre  sanctification  dans  les  sacrements. 
Il  nous  purifie  au  Baptême  de  la  tache  du  péché 
originel  et  fixe  sa  demeure  dans  nos  âmes,  au 
point  que  l'Apôtre  nous  appelle  ses  temples.  Dans 
la  confirmation,  il  imprime  en  nous  la  marque  du 
parfait  chrétien  et  se  donne  lui-même  avec  tous  ses 
dons.  Si  la  charité  règne  en  nous,  c'est  par  l'Es- 
prit-Saint,  dit  l'Apôtre,  que  Dieu  la  répand  dans 
nos  cœurs. 

Faut-il  conclure  de  là  qu'il  opère  seul  toutes  ces 
merveilles  à  l'exclusion  des  deux  autres  personnes 
de  la  sainte  Trinité?  Non  sans  doute;  car,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit  plusieurs  fois,  toute  action  de 
la  Divinité  qui  a  son  effet  et  son  terme  hors  d'elle- 
même  est  commune  aux  trois  personnes  ;  l'une 
n'agit  pas  sans  l'autre,  l'une  n'y  a  pas  plus  de  part 
que  l'autre. 

4.  On  attribue  cependant  d'une  manière  plus 
spéciale  au  Saint-Esprit  plusieurs  opérations  divi- 
nes, quoique  communes  aux  trois  personnes  ;  ce 


DONS  DU  SAINT-ESPRIT.  197 

sont  celles  où  la  bonté  de  Dieu  se  manifeste  avec 
plus  d'éclat ,  comme  par  exemple  dans  l'Incarna- 
tion du  Verbe. 

Et  pourquoi  lui  attribue-t-on  les  œuvres  qui  ont 
ce  caractère? 

Pour  nous  faire  comprendre  que  la  source  dont 
elles  émanent,  c'est  l'amour  même  de  Dieu  envers 
nous. 

L'Esprit-Saint  en  effet  est  la  bonté  et  l'amour  par 
essence.  Il  procède  de  la  volonté  tout  enflammée 
d'amour  du  Père  et  du  Fils.  C'est  là  ce  qui  le 
distingue  et  en  fait  une  personne  à  part. 

Or,  quel  est  le  propre  de  la  bonté?  N'est-ce  pas 
de  faire  du  bien,  de  donner  et  de  donner  libéra- 
lement, gratuitement,  sans  espoir  de  récompense? 

Telle  est  la  nature  du  Saint-Esprit.  Voilà  pour 
quelle  raison  tout  ce  qui  porte  une  empreinte  par- 
ticulière de  bonté  et  d'amour  dans  les  œuvres 
divines  lui  est  spécialement  approprié.  De  là  vient 
aussi  qu'il  est  appelé  le  don  de  Dieu  :  «  Àltissimi 
donum  Dei.  »  C'est-à-dire,  le  don  par  excellence, 
celui  qui  renferme  tous  les  autres  dons. 

5.  Nous  avons  ici  une  réflexion  importante  à 
faire  :  Si  le  Saint-Esprit  est  le  principe  et  la  source 
de  tous  les  dons  de  Dieu,  c'est  donc  à  sa  libéralité 
que  nous  sommes  redevables  de  toutes  les  grâces 
et  de  tous  les  biens  dont  Dieu  nous  a  comblés. 
«  Et  qu'avez-vous,  dit  l'Apôtre,  que  vous  n'ayez 
reçu?  Quid  autem  habes  quod  non  acceperis?  » 
(i  Corinth.  iv.) 

SYMB.       II.  17* 


198  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

Mais  si  nous  avons  tout  reçu,  ne  devons-nous 
pas  rapporter  fidèlement  à  Dieu  tout  ce  que  nous 
sommes?  Ne  devons-nous  pas  reconnaître  que, 
n'ayant  rien  de  nous-mêmes,  nous  n'avons  aucun 
sujet  de  nous  glorifier?  «  Quod  si  accepisti,  quid 
gloriaris,  quasi  non  acceperis?Si  vous  avez  tout 
reçu,  dit  l'Apôtre,  d'où  vient  que  vous'  vous  glori- 
fiez comme  si  vous  aviez  tout  de  vous-même  ?  » 
(Ibid.) 

0  grande  vérité  trop  souvent  oubliée  !  Nous 
nous  estimons  nous-mêmes  et  nous  voulons  qu'on 
nous  estime,  comme  si  nous  possédions  en  propre 
les  biens  et  les  avantages  que  Dieu  nous  a  départis  ; 
nous  nous  en  prévalons  pour  nous  élever  au-dessus 
des  autres  et  exiger  leurs  hommages.  L'un  est  fier 
de  ses  richesses,  l'autre  de  sa  force,  l'autre  de  sa 
science  et  de  ses  talents.  Nous  recherchons  la 
gloire  ;  nous  voulons  être  loués  et  applaudis.  Qui- 
conque ne  reconnaît  pas  notre  mérite  ou  ne  semble 
pas  partager  la  bonne  opinion  que  nous  avons  de 
nous-mêmes,  devient  notre  ennemi. 

D'où  vient  ce  désordre?  De  cette  vanité  aveugle 
qui  nous  empêche  de  voir  notre  néant  et  qui  nous 
fait  considérer  les  dons  de  Dieu  comme  notre  pro- 
priété. Est-il  cependant  une  usurpation  plus  mani- 
feste, une  injustice  plus  criante? 

Cessons  de  dérober  à  Dieu  l'unique  fruit  qu'il 
attend  de  ses  dons,  qui  est  sa  gloire.  Avouons  au 
contraire  en  toute  humilité ,  que  si  nous  avons 
quelque  bien,  il  lui  appartient  tout  entier.  Témoi- 


DONS  DU  SAINT-ESPRIT .  1  99 

gnons-lui-en  la  plus  sincère  et  la  plus  vive  recon- 
naissance. 

SECOND  POINT. 

6.  Descendons  maintenant  quelque  peu  dans  le 
détail  des  effets  que  produit  le  Saint-Esprit. 

«  Ejus  sapientiâ  conditi  sumus  et  providentiâ 
gubernamur.  Nous  avons  été  créés  par  sa  sagesse 
et  c'est  sa  providence  qui  nous  gouverne,  »  dit  la 
sainte  Eglise.  Mais  pour  ne  pas  répéter  ici  ce  qui  a 
été  dit  au  premier  et  au  second  article  du  Symbole, 
arrêtons-nous  seulement  à  l'œuvre  de  la  sanctifi- 
cation des  hommes  qui  lui  est  spécialement  attri- 
buée. 

Nous  avons  vu  dans  l'entretien  précédent  que 
c'est  pour  cette  raison  qu'on  le  nomme  l'Esprit- 
Saint,  l'Esprit  vivifiant  et  l'Esprit  sanctificateur.  11 
est  la  vie  spirituelle  de  nos  âmes. 

C'est  ce  que  témoigne  le  prophète  Ezéchiel, 
quand  il  dit  au  nom  de  Dieu  :  «  Je  vous  donnerai 
mon  Esprit,  et  vous  vivrez.  Dabo  vobis  Spiritum, 
et  vi vêtis.  »  (Ezech.  xxvn.) 

Il  y  a  deux  sortes  de  vies  en  nous  :  l'une  est  la 
vie  du  corps,  qui  résulte  de  son  union  avec  l'âme; 
l'autre  est  la  vie  de  l'âme,  qui  résulte  de  son  union 
avec  Dieu. 

Or,  de  même  que  dans  la  création  Dieu  a  animé 
le  corps  de  l'homme  par  le  souffle  de  sa  bouche  : 
«  lnspiravit  in  faciem  ejus  spiraculum  vitae  et  factus 
est  homo  in  animam  viventem  ;  »  (Gènes,  h.)  de 


200  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

même, c'est  par  le  souille  de  son  divin  Esprit,  qu'il 
nous  donne  la  vie  de  l'âme.  Le  corps  meurt  dès 
que  l'âme  en  est  séparée  ;  notre  âme  meurt  aussi 
à  la  vie  surnaturelle  et  divine,  dès  que  le  Saint- 
Esprit  cesse  de  l'animer. 

Le  Saint-Esprit  est  donc  l'auteur  de  notre  vie 
spirituelle  ou  de  notre  sanctification. 

7.  Mais  précisons  encore  mieux  les  effets  qu'il 
opère  en  nous. 

Les  opérations  qui  sont  éminemment  propres  au 
Saint-Esprit,  ce  sont  les  sept  dons  qu'énumère  le 
prophète  lsaïe  :  «  l'esprit  de  sagesse  et  d'intelli- 
gence, l'esprit  de  conseil  et  de  force,  l'esprit  de 
science  et  de  piété,  et  l'esprit  de  crainte  du  Sei- 
gneur. (Isa.  xi.) 

Disons  quelque  chose  de  ces  différents  dons. 

Par  le  don  de  sagesse,  on  entend  une  lumière 
et  une  onction  surnaturelle  qui  nous  fait  goûter  les 
choses  divines  et  nous  détache  de  celles  de  la 
terre. 

Ornée  de  ce  don,  l'âme  voit  clairement  la  vanité 
et  le  néant  de  tout  ce  qui  passe,  et  concevant  un 
généreux  mépris  du  monde,  elle  n'aspire  qu'aux 
biens  éternels. 

Voilà  ce  qui  a  déterminé  un  si  grand  nombre 
d'âmes  à  renoncer  aux  richesses,  aux  plaisirs  et 
aux  honneurs  du  siècle,  pour  embrasser  la  perfec- 
tion évangélique. 

8.  Le  don  d'intelligence  nous  aide  à  entendre  les 


DONS  DU  SAINT-ESPRIT.  201 

mystères  de  la  foi  autant  qu'il  est  possible  ici- 
bas.  Sans  nous  en  donner  la  claire  vision,  ce  qui 
est  réservé  à  la  patrie  céleste,  il  nous  en  découvre 
les  beautés,  nous  en  fait  admirer  l'harmonie,  nous 
en  fait  apercevoir  les  convenances. 

Ce  don  est  la  récompense  de  l'humilité  et  de  la 
pureté  de  cœur.  «  Je  vous  rends  grâces,  ô  mon 
Père,  Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre,  disait  le 
Sauveur,  parce  que  vous  avez  caché  ces  choses 
aux  sages  et  aux  prudents,  et  que  vous  les  avez 
révélées  aux  petits.  Confiteor  tibi,  Pater,  Domine 
cœli  et  terne, quia  abscondisti  haec  à  sapientibus  et 
prudentibus,  et  revelasti  ea  parvulis.  »  (Matth.  xi.) 
«  Heureux,  disait-il  encore,  ceux  qui  ont  le  cœur 
pur,  car  ils  verront  Dieu  !  Beati  mundo  corde, 
quoniam  ipsi  Deum  videbunt  !  »  (Jbid.  v.) 

L'âme  pure  voit  déjà  Dieu  dès  cette  vie  ;  oui, 
tout  invisible  qu'il  est,  elle  le  contemple  des  yeux 
de  la  foi,  et  perce  les  voiles  obscurs  qui  environnent 
les  mystères.  De  quelles  ravissantes  lumières  une 
sainte  Thérèse,  un  saint  Ignace  de  Loyola,  un  saint 
Philippe  de  Néri  et  tant  d'autres  saintes  âmes 
n'ont-elles  pas  été  favorisées  dès  ce  monde?  Ne 
voyons-nous  pas  encore  souvent  des  personnes 
simples  et  sans  lettres  parler  de  Dieu  et  des  choses 
divines  d'une  manière  sublime? 

Voilà  le  don  d'intelligence. 

9.  Le  don  de  conseil  nous  fait  discerner  en  toute 
circonstance  le  parti  le  plus  avantageux  à  la  gloire 
de  Dieu  et  au  salut  de  notre  âme. 


202  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

Le  don  de  science  nous  apprend  ce  qu'il  faut 
faire  et  ce  qu'il  faut  éviter  pour  arriver  sûrement 
au  ciel. 

Par  ces  deux  dons,  le  Saint-Esprit  se  fait  notre 
conseiller  et  notre  guide  au  milieu  des  ténèbres 
de  cette  vie  ;  il  est  comme  le  pilote  qui  dirige 
notre  navire  vers  le  port  de  la  bienheureuse 
éternité. 

Mais  de  quoi  nous  serviraient  le  discernement 
et  la  science,  si  nous  étions  abandonnés  à  notre 
faiblesse?  Je  vois  le  bien  et  je  l'aime,  disait  un 
ancien,  et  je  suis  entraîné  au  mal. 

...Video  meliora  proboque, 
Détériora  sequor. 

C'est  pourquoi  l'Esprit-Saint  y  joint  le  don  de 
force,  qui  nous  donne  l'énergie  nécessaire  pour 
surmonter  les  difficultés  du  salut. 

Ce  don  éclata  d'une  manière  merveilleuse  dans 
les  apôtres  et  les  martyrs.  Revêtus  de  la  force 
d'en  haut,  avec  quel  courage  et  quelle  générosité 
ne  les  a-t-on  pas  vus  confesser  Jésus-Christ,  malgré 
les  persécutions  et  les  tourments?  C'est  par  cette 
force  divine  que  les  saints  ont  triomphé  du  monde, 
que  tant  de  vierges  ont  conservé  sans  tache  le  lis 
de  la  pureté  au  milieu  de  la  corruption  du  siècle. 

Oh  !  demandons-le  instamment,  ce  don  pré- 
cieux ;  car  si  de  nos  jours  la  foi  n'a  plus  d'épreuves 
sanglantes  ni  de  persécutions  ouvertes  à  redouter, 
à  combien  de  dangers  n'est-elle  pas  exposée  à 


DONS  DU  SAINT-ESPRIT.  203 

cause  de  la  licence  des  doctrines  et  des  mœurs  ? 
Que  de  fois  aussi  ne  sommes-nous  pas  en  danger 
de  succomber  au  respect  humain  ? 

10.  Le  sixième  don  de  l'Esprit-Saint  est  le  don 
de  piété  qui  nous  fait  embrasser  avec  plaisir  et 
avec  facilité  tout  ce  qui  est  du  service  de  Dieu. 

La  piété  nous  inspire  un  grand  amour  pour  la 
prière  ;  elle  nous  fait  trouver  notre  consolation  et 
notre  bonheur  dans  l'accomplissement  fidèle  des 
devoirs  de  la  religion  ;  elle  nous  donne  un  goût 
particulier  pour  la  fréquentation  des  sacrements, 
des  saints  offices  et  des  cérémonies  de  l'Eglise. 

Enfin  le  septième  don  du  Saint-Esprit  est  celui 
de  la  crainte  de  Dieu. 

Ce  don  n'est  pas  cette  crainte  servilequi  regarde 
Dieu  comme  un  juge  sévère,  et  qui  fait  éviter  le 
péché  de  peur  surtout  d'encourir  l'enfer;  non, 
mais  c'est  cette  crainte  filiale  qui  est  un  mélange  de 
.  respect  et  d'amour,  et  qui  nous  fait  appréhender 
de  déplaire  à  Dieu  notre  Père. 

\  1 .  Tels  sont  les  dons  du  Saint-Esprit.  On  les 
appelle  quelquefois   simplement  le   Saint-Esprit. 

De  là  cet  avis  de  saint  Augustin  :  Quand  l'Ecri- 
ture nomme  le  Saint-Esprit,  il  faut  faire  attention, 
si  c'est  de  la  troisième  personne  de  la  sainte  Tri- 
nité, ou  de  ses  opérations  seulement  qu'elle  entend 
parler.  Ainsi  par  exemple,  quand  l'apôtre  saint 
Paul  nous  exhorte  à  ne  pas  éteindre  l'esprit  saint 
en  nous  :  «  Spiritum  nolite   extinguere  »  il  veut 


204  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

dire  par  là  simplement  que  nous  ne  devons  pas 
étouffer  ses  inspirations  et  résister  à  ses  lumières  ; 
il  ne  s'agit  pas  dans  ce  passage  de  la  personne 
même  du  Saint-Esprit.  Entre  les  deux  choses,  il  y 
a  une  distance  infinie,  puisque  c'est  la  distance 
même  qui  existe  entre  la  créature  et  le  créateur. 

12.  A  quoi  servent  les  dons  du  Saint-Esprit? 
demandera-t-on. 

Ils  servent  à  deux  fins  :  premièrement,  nous  y 
puisons  les  règles  de  la  vie  chrétienne.  C'est  ce 
qui  ressort  clairement  de  ce  que  nous  en  avons  dit. 
Secondement,  ils  sont  comme  des  marques  au 
moyen  desquelles  nous  pouvons  savoir  si  l'Esprit- 
Saint  habite  en  nous. 

Quand  on  voit  une  âme  sérieusement  occupée 
de  la  grande  affaire  du  salut,  éloignée  des  vains 
plaisirs  du  monde,  aimant  ses  devoirs,  s'y  montrant 
fidèle  sans  affectation,  mais  aussi  sans  respect 
humain  ;  une  âme  qui  a  horreur  du  péché  et  qui 
regarde  l'offense  de  Dieu  comme  le  plus  grand  des 
malheurs  ;  enfin  qui  fait  ses  délices  de  la  prière 
et  de  la  sainte  communion  ;  cette  âme  possède 
au  dedans  d'elle-même  un  témoignage  consolant 
de  la  présence  du  Saint-Esprit.  «  Si  quelqu'un 
m'aime,  dit  Jésus-Christ,  il  gardera  ma  parole,  et 
mon  Père  l'aimera  aussi,  et  nous  viendrons  à  lui, 
et  nous  établirons  en  lui  notre  demeure.  Si  quis 
diligit  me,  sermonem  meum  servabit,  et  Pater 
meus  diliget  eum  et  ad  eum  veniemus,  et  mansio- 
nem  apud  eum  faciemus.  »  [Joan.  xiv.) 


DONS  DU  SAINT-ESPRIT.  205 

13.  Mais  parmi  tous  les  dons  du  Saint-Esprit, 
le  plus  digne  de  notre  admiration  et  de  nos  vœux, 
c'est  la  grâce  sanctifiante. 

On  appelle  ainsi  la  grâce  qui  nous  rend  justes 
et  saints  devant  Dieu.  Cette  grâce  est  comme  un 
sceau  divin  dont  le  Saint-Esprit  nous  marque  et 
par  lequel  il  nous  donne  le  gage  du  bonheur 
céleste. 

Rien  de  plus  précieux  que  la  grâce  sanctifiante. 
Elle  nous  unit  à  Dieu  par  les  liens  de  la  charité  ; 
elle  nous  enflamme  d'un  vif  sentiment  de  piété  ; 
elle  nous  fait  embrasser  une  vie  nouvelle  ;  elle  nous 
rend  participants  de  la  nature  divine  ;  enfin  elle 
nous  fait  mériter  le  titre  et  la  qualité  d'enfants  de 
Dieu. 

«  Si  dederit  homo  omnem  substantiam  domus 
suae  pro  dilectione ,  quasi  nihil  despiciet  eam. 
Quand  l'homme  échangerait  toute  sa  fortune  pour 
l'amour  de  Dieu,  il  l'aurait  acquis  pour  rien.  » 
(Cantic.  vin.)  Ainsi  parle  le  sage  Salomon. 

CONCLUSION. 

44,  Apprenons  à  estimer  les  dons  de  l'Esprit- 
Saint  ;  apprenons  à  estimer  la  grâce.  Voilà  les 
vrais  biens,  voilà  les  vraies  richesses.  Qu'importent 
les  grandeurs  et  les  trésors  de  la  terre  ?  qu'im- 
portent la  gloire  et  la^éputation  ?  qu'importent  la 
faveur,  les  talents,  la  science,  l'habileté?  Si  nous 
ne  sommes  pas  les  amis  de  Dieu,  si  nous  ne  possé- 

SYMB.        II.  4  8 


206  DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

dons  pas  sa  grâce,  de  quoi  tout  cela  nous  servira- 
t-il  au  dernier  jour? 

C'est  ce  qui  inspirait  à  saint  Ignace  de  Loyola 
cette  belle  prière  :  a  Amorem  tui  solum  cum  gratia 
tua  mihi  dones,  et  dives  sum  satis.  Donnez-moi 
seulement  votre  amour  et  votre  grâce,  et  je  suis 
assez  riche  !  » 

Veni,  Creator  Spiritus, 
Mentes  tuorum  visita, 
Impie  superna  gratia 
Quae  tu  creasti  pectora. 

Venez  donc,  Esprit  Créateur,  visitez  notre  âme 
et  remplissez  de  la  grâce  céleste  les  cœurs  que 
vous  avez  créés. 

Qui  diceris  Paraclitus, 
Altissimi  donum  Dei, 
Fons  vivus,  ignis,  charitas 
Et  spirilalis  unctio... 

Aceende  lumen  sensibus, 
Infunde  amorem  cordibus, 
Infirma  nostri  corporis 
Virtute  firmans  perpeti. 

Vous  êtes  appelé  le  Consolateur,  le  don  du  Dieu 
Très-Haut,  la  source  vive,  le  feu  divin,  la  charité 
et  l'onction  spirituelle,  allumez  votre  lumière  dans 
notre  intelligence,  répandez*vrotre  amour  dans  nos 
cœurs,  fortifiez  notre  chair  fragile  par  une  assis- 
tance continuelle.  Ainsi  soit-il. 


NOTES.  207 


NOTES. 


Considerare  debemus,  nomine  Spiritus  sancti  nonnun- 
quam  dona  spiritalis  gratiae  nuncupari.  Nam  legimus  in  libro 
Regurn  :  Cum  esset  Helias  divino  munere  transferendus,  et 
discipulo,  priusquam  tolleretur,  dedisset  fiduciam  postu- 
landi  quod  vellet,  ille  spirituin,  quem  Helias  acceperat  du- 
plicem,  sibi  postulavit  atlribui.  Ubi  utique  intelligimus 
Spiritus  nomine  donum  spiritalis  gratiae  designari.  Neque 
enim  substantia  Spiritus  sancti  potest  vel  augeri  vel  minui, 
qui  sicut  est  sine  initio  et  sine  termino  sempiternus,  sic  est 
sine  augmente-  detrimentoque  perfectus. 

Cujus  tamen  dona,  secundum  ipsius  imperscrutabilem 
atque  irreprehensibilem  voluntatem,  sicut  in  hominibus 
posse  augeri  credimus,  sic  ineis  posse  minui  non  negamus. 
Nam  cum  dona  sunt  Spiritus  sancti,  charitas,  gaudium, 
pax,  longanimitas,  bonitas,  benignitas,  fides,  modestia, 
continentia  :  Et  cum  alii  per  Spiritum  sermo  sapientiae,  alii 
autem  sermo  scientiae  secundum  eundem  Spiritum,  élteri 
fides  in  eodem  Spiritu.  Hsec  tamen  omnia  possunt  in  homi- 
nibus et  augeri  et  minui.  Unde  est  illud,  quod  ipsi  Apostoli 
augmentum  fidei  sibi  à  Domino  postulant  condonari,  di- 
centes  :  Domine,  auge  nobis  fidem.  In  charitate  quoque  nos 
crescere,  ipse  beatus  demonstrat  Apostolus,  qui  ait  : 
Veritatem  autem  facientes  in  charitate,  crescamus  in  illo 
per  omnia.  Quomodo  autem   in   charitate  crescimus,  nisi 


208  NOTES. 

cum  per  dona  gratiae  spiritalis  crementum  accipimus  cha- 
ritatis?  Charitas  enim  Dei  diffusa  est  in  cordibus  nostris, 
per  Spiritum  sanctum,  qui  datusest  nobis.  Hoc  sentitur  et 
de  caelerisspiritalibus  donis,  quse  prouniuscujusque  captu, 
vel  augeri  vel  minui  dicuntur  in  nobis.  Quoniam  talium 
crementa  detrimentaque  charismatum,  secundum  id  di- 
cuntur, quod  quibusdam  seu  plus  seu  minus  insunt  :  non 
quod  in  se  vel  augeri  vel  minui  possunt.  Nam  et  sol  tantus 
cum  videtur  ab  oculis  sanis,  quantus  ;  cum  videtur  a  sau- 
ciis,  nec  ipse  minuitur,  cum  minus  ab  oculis  turbatis  per- 
cipitur,  nec  augetur  cum  amplius -oculis  sanis  infunditur. 
Quia  diversitas  illa  visionis,  non  ex  diversitate  solis  evenit, 
sed  in  diversitate  sanitatis  infirinatisqueeonsistit.Et  quam- 
vis  unum  minus,  alterummagisilluminet,  ipse  tamen  unum 
atque  idem  in  se  lumen  habet,  quod  unus  minus,  alter 
amplius  videt.  Sic  etiam  Spiritu  sancto,  in  se  sine  aug- 
menta ac  detrimento  immutabiliter  permanente,  duplicem 
sibi  Elisens  Spiritum  poposcit,  in  eo  quod  augmentum 
spiritalis  gratiae  postulavit.  {S.  Fulgent.  lib.  2  ad  Moni- 
mum  cap.  7  et  8.) 

II.   ITRUM  CONVEN1ENTER  SEPTEM  DONA  SPIKITUS  SANCTI 
ENUMERENTUR  ? 

Videtur  quod  inconvenienter  septem  dona  Spiritus  sancti 
enumerentur.  In  illa  enim  enumeratione  ponuntur  quatuor 
pertinentia  ad  virtutes  intellectuales,  scilicet  sapientia, 
intellectus,  scientia  et  consilium,  quod  pertinet  ad  pru- 
dentiam  ;  nihil  autem  ibi  ponitur  quod  pertineat  ad  artem, 
quae  est  quinta  virtus  intellectualis  ;  similiter  etiam  ponitur 
aliquid  pertinens  ad  juslitiam,  scilicet  pietas,  et  aliquid 
pertinens  ad  fortitudinem,  scilicet  fortitudinis  donum  : 
nihil  autem  ponitur  ibi  pertinens  ad  temperantiam  :  Ego 
insufficienter  enumerantur  dona. 


NOTES.  209 

Preeterea,  pietas  pars  est  justitiae,  sed  circa  forlitudinem 
non  ponitur  aliqua  pars  ejus,  sed  ipsa  fortitudo  :  ergo  non 
debuitponi  pietas,  sed  ipsa  justitia. 

Preeterea,  virtutes  theologicae  maxime  ordinant  nos  ad 
Deum  :  cum  ergo  dona  perficiant  hominem  secundum  quod 
movetur  a  Deo,  videtur  quod  debuissent  poni  aliqua  dona 
pertinentia  ad  Theologicas  virtutes. 

Preeterea,  sicut  Deus  timelur,  ita  etiam  amatur,  et  in 
ipsum  aliquis  sperat,  et  de  eo  delectatur  :  amor  autem, 
spes  et  delectatio  sunt  passiones  condi visée  timori.  Ergo 
sicut  timor  ponitur  donum,  ita  et  alia  tria  debent  poni 
dona. 

Praeterea,  inlelleetui  adjungitur  sapientia  quee  régit 
ipsum,  fortitudini  autem  consilium,  pietati  vero  scientia  : 
ergo  timori  debuit  addi  aliquod  donum  directivum.  In- 
convenienter  ergo  septem  dona  Spiritus  sancti  enume- 
rantur. 

Sed  in  contrarium  est  auctoritas  scripturas  Isai.  n. 

C0NCLUSIO. 

Septem  sunt  Spiritus  sancti  dona,  quibus  homo  tam  in 
ratione,  quam  in  appetitu  perhcitur  ad  virtutum  opéra 
consummanda,  donum  scilicet  sapientise,  intelleclus,  con- 
silii,  fortitudinis,  scientiœ,  pietatis,  ettimoris. 

Respondeo  dicendum,  quod  sicut  dictum  est  (art.  3.) 
dona  sunt  quidam  habitus  perficientes  hominem  ad  hoc 
quod  prompte  sequatur  instinctum  Spiritus  sancti,  sicut 
virtutes  morales  perficiunt  vires  appetitivas  ab  obediendum 
rationi  :  sicut  autem  vires  appetitivas  natee  sunt  moveri 
per  instinctum  Dei,  sicut  a  quadam  superiori  potenlia  ;  et 
ideo  in  omnibus  viribus  hominis,  qua?  possunt  esse  prin- 


2\i)  NOTES. 

cipia  humanorum  actuum,  sicut  sunl  virtutes,  ita  etiam 
sunt  dona,  scilicet  in  ratione,  et  in  vi  appetitiva.  Ratio  au- 
tem  est  spéculât i va  et  practica,  et  in  utraque  consideratur 
apprehensio  veritatis,  quae  pertinet  ad  inventionem  et  ju- 
dicium  de  veritate.  Ad  apprehensionem  igitur  veritatis 
perficitur  speculativa  ratio  per  intellectum,  practica  vero 
per  consilium  :  ad  recte  autem  judicandum  speculativa  qui- 
dem  per  sapientiam,  practica  vero  per  scientiam  perficitur. 
Appetitiva  autem  virtus  in  his  quidem  qua3  sunt  ad  alte- 
rum,  perficitur  per  pietatem  :  in  his  autem  quae  sunt  ad 
seipsum,  perficitur  per  fortitudinem  contra  timorem  peri- 
culorum  :  contra  concupiscentiam  vero  inordinatam  delec- 
tabilium,  per  timorem,  secundum  illud  Proverb.  16.  In 
timoré  Domini  déclinât  omnis  a  malo.  Et  in  Psalm.  118. 
Confige  timoré  tuo  carnes  meas,  a  judiciis  enim  tuis  timui. 
Et  sic  patet,  quod  ha?c  dona  extendunt  se  ad  omnia,  ad 
quae  se  extendunt  virtutes,  tam  intellectuales,  quam  mo- 
rales. 

Ad  primum  ergo  dicendum,  quod  dona  Spiritus  sancti 
perficiunt  hominemin  his  quae  pertinent  ad  bene  vivendum, 
ad  quae  non  ordinatur  ars,  sed  ad  exteriora  factibilia  ;  est 
enim  ars  ratio  recta  non  agibilium,  sed  factibilium,  ut  di- 
citur  in  sexto,  et  hic  (cap  5.)Potest  tamen  etiam  dici.  quod 
quantum  ad  infusionem  donorum  ars  pertinet  ad  Spiritum 
sanctum,  qui  est  principaliter  movens,  non  autem  ad  ho- 
mmes, qui  suntquaedam  organa  ejus  dum  ab  eo  moventur. 
Temperantiae  autem  respondet  quodammodo  donum  timo- 
ris  :  sicut  enim  ad  virtutem  temperantiae  pertinet  secun- 
dum ejus  propriam  rationem  ut  aliquis  recédât  a  delecta- 
tionibus  pravis  propter  bonum  rationis,  ita  ad  donum 
timoris  pertinet,  quod  aliquis  recédât  a  delectationibus 
pravis  propter  Dei  timorem. 

Ad  secundum  dicendum,  quod  nomen  justitiae  imponitur 
a  rectitudine  rationis,  et  ideo  nomen  virtutis  est  conve- 


NOTES.  241 

nientius  quam  nomen  ,doni  :  sed  nomen  pietatis  importât 
reverentiam,  quam  habemus  ad  patrem,  et  ad  patriam  :  Et 
quia  pater  omnium  Deus  est,  etiam  cultus  Dei  pietas  no- 
minatur,  ut  August-  dicit  1 0.  de  civit.  Dei  (cap.  1  .)Et  ideo 
convenienfer  donum  quo  aliquis  propter  reverentiam  Dei 
bonum  operatur  ad  omnes,  pietas  nominatur. 

Ad  tertium  dicendum,  quod  animus  hominis  non  mo- 
vetura  Spiritu  sancto,  nisi  ei  secundum  aliquem  modum 
uniatur  :  sicut  instrumentum  non  movetur  ab  artifice,  nisi 
per  contactum,  aut  per  aliam  aliquam  unionem.  Prima  au- 
tem unio  hominis  est  per.  fidem,  spem  et  charitatem,  unde 
istae  virtutes  prœsupponuntur  ad  dona,  sicut  radiées  qua?- 
dam  donorum.  Unde  omnia  dona  pertinent  ad  has  très 
virtutes,  sicut  quaedam  derivationes  praedictarum  virtutem. 

Ad  quartum  dicendum,  quod  amor,  spes  et  delectatio 
babent  bonum  pro  objecto,  summum  autem  bonum  Deus 
est  :  unde  nomina  harum  passionum  transferuntur  ad  vir- 
tutes theologicas,  quibus  anima  cunjungitur  Deo.  Timoris 
autem  objectum  est  malum  quod  Deo  nullo  modo  competit. 
Unde  nonimportat  conjunctionem  ad  Deum,  sed  magis  re- 
cessum  ab  aliquibus  rébus,  propter  reverentiam  Dei.  Et 
ideo  non  est  nomen  virtutis  théologien,  sed  doni,  quod 
eminentius  retrahit  a  malis,  quam  virtus  moralis. 

Ad  quintum  dicendum,  quod  per  sapientiam  dirigitur  et 
hominis  intellectus,  et  hominis  affectus  :  et  ideo  ponuntur 
duoeorrespondentia  sapienliee,  tanquam  directiva  :  ex  parte 
quidem  intellectus  donum  intellectus,  ex  parte  autem  af- 
fectus donum  timoris.  Ratio  enim  timendi  Deum  praecipuè 
sumitur  ex  consideratione  excellentias  divinae,  quam  con- 
sidérât sapientia.  (S.  Thom.  \.  %.  q.  58.  art.  iv) 


IXe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO    SANCTAM    ECCLESIAM    CATHOLICAM 
SANCTORUM    COMMUNIONEM. 


Ire  INSTRUCTION. 

SIGNIFICATION  DC  MOT  ÉGLISE.  DIVERS  NOMS  DE  LÉGLISE. 

IX  OR  DE. 

1 .  Le  neuvième  article  du  Symbole  nous  pro- 
pose d'abord  à  croire  la  sainte  Eglise  catholique. 

Deux  considérations  montrent  l'importance  de 
cet  article. 

Premièrement,  au  témoignage  de  saint  Augus- 
tin, l'établissement  et  les  destinées  de  l'Eglise  ont 
été  prédits  par  les  prophètes  d'une  manière  plus 
claire  que  la  mission  même  de  Jésus-Christ.  Ils 
prévoyaient  que  l'article  de  l'Eglise  rencontrerait 
plus  de  contradicteurs  que  celui  de  la  rédemption. 
En  effet,  combien  n'y  a-t-il  pas  eu  d'imposteurs  qui, 
semblables  au  singe  qui  contrefait  l'homme,  ont 
osé  s'arroger  le  nom  de  catholiques  et  prétendu 
former  seuls  la  véritable  Eslise? 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  213 

11  importe  de  confondre  leur  orgueil  et  de  dé- 
couvrir leur  malice  ,  première  raison  qui  nous 
engage  à  traiter  ce  point  avec  tout  le  soin  pos- 
sible. 

Une  seconde  raison  en  relève  encore  l'impor- 
tance, c'est  que  si  nous  connaissons  bien  l'Eglise, 
si  nous  avons  soin  d'imprimer  fortement  dans  notre 
cœur  sa  divine  autorité, nous  serons  pour  toujours 
à  l'abri  des  séductions  de  l'hérésie. 

En  quoi  consiste  en  effet  le  crime  d'hérésie? 

Ce  n'est  pas  précisément  dans  une  opinion  erro- 
née en  matière  de  foi,  mais  dans  l'obstination  avec 
laquelle  on  s'y  attache,  au  mépris  de  l'autorité  de 
l'Eglise. 

Un  fidèle,  instruit  de  la  vérité  de  l'Eglise,  et  per- 
suadé que  son  enseignement  est  celui  de  Jésus- 
Christ  lui-même,  ne  saurait  s'abandonner  à  une 
telle  obstination;  il  aura  toujours  une  horreur  pro- 
fonde pour  les  artifices  et  les  mensonges  de  l'in- 
crédulité ;  il  persévérera  dans  la  foi  jusqu'à  son 
dernier  soupir. 

2.  L'article  de  l'Eglise  est  intimement  lié  à  ce 
que  nous  avons  dit  dans  les  deux  instructions  pré- 
cédentes. Nous  y  avons  montré  que  le  saint  Esprit 
est  la  source  de  toute  sainteté.  L'existence  de  l'E- 
glise n'a  point  d'autre  but  que  la  sanctification  des 
hommes,  et  c'est  de  l'Esprit-Saint  qu'elle  reçoit 
toute  sa  sainteté. 

Dans  cet  entretien,  nous  nous  bornerons  à  vous 
exposer    la   signification   du  mot   Eglise   et    des 


214  SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE. 

différentes  dénominations  qui  servent  à  désigner 
l'Eglise. 


PREMIER    POINT. 


3.  Le  mot  Eglise  est  d'origine  grecque.  Les  La- 
tins l'ont  adopté  dans  leur  langue,  et  depuis  la 
publication  de  l'Evangile,  il  a  été  appliqué  aux  cho- 
ses saintes. 

Ce  mot,  Eglise,  dans  son  acception  primitive, 
signifie  la  môme  chose  que  :  appel  ou  convocation. 
Comme  une  convocation  a  pour  but  et  pour  effet 
de  former  une  réunion,  une  assemblée,  on  a  donné 
ensuite  le  nom  d'Eglise  à  toute  assemblée  ou  réu- 
nion, sans  aucun  égard  pour  les  sentiments  reli- 
gieux de  ceux  qui  en  faisaient  partie.  Aussi,  aux 
Actes  des  apôtres,  un  magistrat  de  la  ville  d'Ephè- 
se,  s'adressant  au  peuple  dans  une  émeute  qu'il 
venait  d'apaiser  :  «  Si  vous  avez  quelque  autre 
sujet  de  plainte,  lui  dit-il,  on  pourra  y  faire  droit 
dans  une  église  ou  assemblée  légitime.  Si  quid  au- 
tem  alterius  rei  quaeritis,  in  légitima  ecclesia  pote- 
rit  absolvi.  »  [Act.  xix.) 

Ce  magistrat  donna  donc  le  nom  d'église  légitime 
à  une  assemblée  d'hommes  qui  adoraient  la  déesse 
Diane. 

Si  une  réunion  d'idolâtres  a  reçu  le  nom  d'église, 
il  n'est  pas  surprenant  que  le  Psalmiste  ait  aussi 
appelé  église,  une  assemblée  composée  de  pé- 
cheurs et  de  méchants  :  «  J'ai  détesté,  dit-il,  l'église 
des  méchants  et  je  n'ai  point  siégé  parmi  les  im- 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  21  5 

pies.  Ocjivi  ecclesiam  malignantium  et  cum  impiis 
non  sedebo.  »  (Ps.  xxv.) 

4.  Mais  venons-en  à  la  signification  toute  reli- 
gieuse de  ce  nom  d'Eglise  sous  l'Evangile. 

L'usage  n'a  pas  tardé  à  consacrer  ce  terme  pour 
désigner  les  assemblées  particulières  des  fidèles 
et  la  société  chrétienne  tout  entière. 

Par  l'Eglise,  on  entend  donc,  dans  le  langage 
chrétien,  la  société  de  ceux  qui  ont  été  appelés  par 
la  foi  à  la  lumière  de  la  vérité  et  à  la  connaissance 
de  Dieu  ;  la  société  de  ceux  qui  ont  renoncé  aux 
ténèbres  de  l'ignorance  et  de  l'erreur,  pour  adorer 
en  toute  sincérité  et  servir  de  tout  leur  cœur  le 
Dieu  vivant  et  véritable.  En  un  mot,  l'Eglise,  comme 
dit  saint  Augustin,  c'est  le  peuple  fidèle  répandu 
dans  tout  l'univers.  Ecclesiaest  populusfidelis  per 
universum  orbem  dispersus.  » 

5.  De  grands  mystères  sont  renfermés  dans  ce 
nom  d'Eglise. 

Nous  venons  de  dire  que  ce  mot  signifie  primiti- 
vement, appel,  convocation.  Qui  ne  se  rappelle  aus- 
sitôt, à  cette  parole,  qu'il  est  redevable  à  la  bonté 
divine  d'avoir  été  appelé  et  attiré  à  la  foi  ?  Qui  ne 
comprend  que  l'origine  de  l'Eglise  est  toute  diffé- 
rente de  celle  des  sociétés  humaines?  Celles-ci  ont 
pour  fondement  la  sagesse  etla  prudence  humaine; 
celle-là  a  été  établie  par  la  sagesse  et  la  volonté  de 
Dieu. 

Nous  avons  eu  le  bonheur  de  naître  dans  le  sein 


216  SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE. 

de  l'Eglise  ;  mais  nos  ancêtres  étaient  païens.  Com- 
ment ont-ils  été  transférés  des  ténèbres  de  l'idolâ- 
trie à  la  lumière  admirable  de  l'Evangile  ?  Comment 
sont-ils  devenus  chrétiens?  Us  ont  été  appelés  à 
la  foi  par  la  grâce  de  Dieu  ;  ils  y  ont  été  appelés 
extérieurement  par  la  voix  et  la  prédication  des 
hommes  apostoliques  qui  les  ont  évangélisés  ;  ils 
y  ont  été  appelés  intérieurement  par  la  voix  de 
l'Esprit-Saint  qui  seul  a  le  pouvoir  de  toucher  les 
cœurs. 

6.  Mais  il  y  a  quelque  chose  de  plus  dans  ce 
nom  d'Eglise,  en  tant  qu'il  signifie  appel,  convo- 
cation. 

Outre  le  principe  de  notre  vocation  à  la  foi,  qui 
est  la  miséricorde  de  Dieu,  il  nous  en  indique  en- 
core très-bien  le  but  et  la  fin.  Ce  but,  cette  fin,  c'est 
la  connaissance  et  l'acquisition  des  biens  éternels. 
Voilà  pourquoi  en  effet  le  Seigneur  a  daigné  nous 
appeler  à  la  foi.  Nous  comprendrons  cette  signifi- 
cation du  nom  d'Eglise,  si  nous  comparons  avec 
ce  nom  celui  que  portait  autrefois  la  société  des 
fidèles.  La  société  des  fidèles,  sous  la  loi  de  Moïse, 
ne  s'appelait  pas  l'Eglise,  mais  la  Synagogue,  mot 
qui  veut  dire  rassemblement,  congrégation,  attrou- 
pement. 

Mais  pourquoi  lui  donnait-on  ce  nom  ?  Parce  que, 
selon  la  remarque  de  saint  Augustin,  semblable  à 
un  troupeau  qu'on  tient  assemblé  de  force,  le  peu- 
ple Juif  était  conduit  par  l'attrait  des  récompenses 
temporelles  et  retenu  dans  le  devoir  par  la  crainte 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  217 

des  maux  sensibles.  Dieu  le  traitait  en  peuple 
charnel  ;  pour  prix  de  sa  fidélité,  il  lui  promettait 
la  rosée  du  ciel  et  la  fertilité  de  la  terre,  la  paix 
et  les  prospérités  d'ici-bas;  il  le  menaçait,  s'il  était 
rebelle,  de  rendre  le  ciel  comme  d'airain,  de  frap- 
per ses  champs  de  stérilité,  de  déchaîner  sur  lui 
la  famine,  la  peste  et  la  guerre. 

Telle  était  la  sanction  de  la  loi  de  Moïse.  Jésus- 
Christ  a  scellé  son  Evangile  d'une  sanction  bien 
différente.  Il  nous  a  appris  à  mépriser  les  choses 
terrestres  et  passagères  pour  ne  tenir  compte -que 
de  celles  qui  sont  éternelles.  Formé  à  son  école 
divine,  le  peuple  chrétien  aspire  aux  récompenses 
du  ciel  et  non  aux  bénédictions  de  la  terre.  S'il 
n'est  pas  insensible  aux  maux  du  temps,  il  redoute 
bien  plus  les  peines  de  l'éternité. 

C'est  pourquoi  il  ne  s'appelle  plus  la  Synagogue, 
mais  l'Eglise.  L'Eglise  respire  la  charité,  tandis  que 
la  Synagogue  était  sous  le  joug  de  la  crainte.  Dieu 
y  présidait  en  maître,  il  gouverne  les  chrétiens 
en  père. 

SECOND  POINT. 

7.  Le  nom  d'Eglise  n'est  pas  le  seul  en  usage 
pour  désigner  la  société  des  chrétiens  ;  elle  porte 
encore  plusieurs  autres  noms  qui  ne  sont  pas 
moins  mystérieux. 

L'apôtre  saint  Paul  l'appelle  la  maison  de  Dieu, 
l'édifice  de  Dieu.  Voici  ce  qu'il  dit  à  Timothée  : 
«  Je  vous  écris,  afin  que  si  je  tardais  trop  long- 


218  SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE. 

temps,  vous  sachiez  comment  vous  devez  vous 
comporter  dans  la  maison  de  Dieu,  qui  est  l'Eglise 
du  Dieu  vivant,  la  colonne  et  le  soutien  de  la  vérité. 
Si  tardavero,ut  scias,  quomodo  oporteat  te  in  domo 
Dei  conversari,  quae  est  Ecclesia  Dei  vivi,  columna, 
et  firmamentum  veritatis.  »  (i  Tim.  ni.) 

Pourquoi  l'Eglise  est-elle  appelée  la  maison  de 
Dieu? 

Parce  qu'elle  est  comme  une  famille  qui  est 
gouvernée  par  un  seul  chef,  et  au  sein  de  laquelle 
il  y  a  communauté  des  biens  spirituels.  Le  père  de 
famille,  c'est  Dieu  ;  tous  les  fidèles  sont  ses  enfants, 
et  la  charité  qui  règne  entre  eux,  fait  qu'ils  s'en- 
tr'aident  réciproquement  par  leurs  prières  et  leurs 
bonnes  œuvres,  comme  nous  le  dirons  plus  tard, 
en  expliquant  la  Communion  des  saints. 

8.  On  nomme  encore  l'Eglise  le  bercail  ou  le 
troupeau  de  Jésus-Christ. 

Il  est  la  porte  qui  donne  entrée  dans  la  bergerie, 
a  Je  suis  la  porte,  dit-il  ;  si  quelqu'un  entre  par 
moi,  il  sera  sauvé,  il  ira  et  viendra,  et  il  trouvera 
des  pâturages.  Ego  sum  ostium  ;  per  me,  si  quis 
introierit,  salvabitur,  et  ingredietur  et  egredietur, 
et  pascua  inveniet.  »  [Joan.  x.) 

Il  est  le  pasteur,  et  nous  chrétiens,  nous  sommes 
ses  ouailles,  a  Je  suis  le  bon  Pasteur,  dit-il,  je 
connais  mes  brebis  et  mes  brebis  me  connaissent. 
J'ai  encore  d'autres  brebis  qui  ne  font  point  partie 
de  ce  bercail  ;  il  faut  que  je  les  amène  ;  elles  en- 
tendront ma  voix,  et  il  n'y  aura  plus  qu'un  trou- 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  219 

peau  et  qu'un  pasteur.  Ego  sum  Pastor  bonus,  et 
cognosco  oves  meas  et  cognoscunt  me  meae...  Et 
alias  oves  habeo,  quae  non  sunt  ex  hoc  ovili  ;  et 
illas  oportet  me  adducere,  et  vocem  meam  audient, 
et  fiet  unum  ovile  et  unus  pastor.  »  (Ibid.) 

Voilà  la  touchante  image  sous  laquelle  Jésus- 
Christ  aime  à  se  représenter  à  nos  yeux.  Qui  n'est 
attendri  en  lisant  la  parabole  de  la  brebis  égarée 
que  ce  bon  Pasteur  va  chercher  dams  le  désert,  au 
travers  des  ronces  et  des  épines,  et  qu'il  rapporte 
sur  ses  épaules  au  bercail? 

C'est  sous  la  même  image  qu'il  confère  le  gou- 
vernement de  FEglise  à  saint  Pierre.  «  Paissez  mes 
agneaux,  paissez  mes  brebis,  lui  dit-il.  Pasceagnos 
meos,  pasce  oves  meas.  »  (Joan.  xxi.) 

De  là  vient  que  ceux  qui  ont  la  conduite  des 
âmes  sont  aussi  appelés  du  nom  de  pasteurs. 

9.  L'Eglise,  c'est  aussi  ï épouse  de  Jésus-Christ. 

L'Apôtre  le  dit  aux  Corinthiens  :  «  Je  vous  ai 
fiancés  à  un  époux  unique,  et  mon  désir  est  de 
vous  offrir  à  Jésus-Christ  comme  une  vierge  sans 
tache.  Despondi  vos  uni  viro  virginem  castam 
exibere  Christo.  »  (2  Corinth.  xi.) 

Parlant  aux  Ephésiens  et  leur  traçant  les  devoirs 
mutuels  des  époux  :«  Maris,  aimez  vos  épouses, 
leur  dit-il,  comme  Jésus-Christ  a  aimé  l'Eglise  et 
s'est  livré  pour  elle  afin  de  la  sanctifier,  la  puri- 
fiant par  l'ablution  de  l'eau  et  la  parole  divine,  afin 
de  se  donner  une  Eglise  glorieuse  qui  n'a  ni  tache 
ni  ride,  ni  autre  défaut,  mais  qui  est  sainte  et 


220  SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE. 

immaculée.  Viri  diligite  uxores  vestras,  sicut  et 
Christus  dilexit  Ecclesiam,  et  seipsum  tradidit  pfo 
ea,  ut  illam  sanctificaret,  mundans  lavacro  aquae 
in  verbo  vitae,  ut  exhiberet  ipse  sibi  gloriosam 
Ecclesiam,  non  habentem  maculam,  aut  rugam, 
aut  aliquid  hujusmodi,  sed  ut  sit  sancta  et  imma- 
culata.  »  (Ephes.  v.) 

Il  ajoute  au  sujet  du  mariage  que  c'est  un  grand 
sacrement,  et  il  le  relève  si  haut,  parce  qu'il  est  le 
symbole  de  l'union  de  Jésus-Christ  avec  l'Eglise. 
«  Sacramentum  hoc  magnum  est  ;  ego  autem  dico 
in  Christo  et  in  Ecclesiâ.  »  (Ibid.) 

C'est  pour  contracter  cette  alliance  mystérieuse 
avec  les  hommes,  que  le  Fils  de  Dieu  est  descendu 
sur  la  terre.  Comme  un  autre  Jacob,  il  est  venu 
chercher  une  épouse  dans  un  pays  lointain,  et  il  l'a 
rachetée  au  prix  des  plus  rudes  travaux  et  de  sa  vie 
même.  Pouvait-il  témoigner  plus  sensiblement  son 
affection  et  sa  tendresse  pour  les  âmes,  que  de 
prendre  à  leur  égard  le  titre  et  la  qualité  d'époux  ? 

10.  Enfin,  l'Eglise  n'est  pas  seulement  appelée 
l'épouse  de  Jésus-Christ  ;  elle  est  encore  appelée 
son  corps. 

Sans  doute  elle  ne  constitue  pas  son  corps  na- 
turel, mais  elle  est  réellement  son  corps  mystique. 
Il  est  notre  chef,  nous  sommes  ses  membres. 
Dieu,  dit  l'Apôtre,  a  mis  toutes  choses  sous  les 
pieds  de  Jésus-Christ,  et  il  l'a  établi  chef  suprême 
de  l'Eglise  ;  l'Eglise  est  son  corps  et  sa  plénitude. 
Omnia  subjecit  sub  pedibus  ejus,  et  ipsum  dédit 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  221 

caput  supra  omnem  Ecclesiam,  quae  est  corpus 
ipsius  et  plenitudo  ejus.  »  (Ephes.  i.) 

Il  parle  dans  le  même  sens  dans  sa  lettre  aux 
Colossiens.  Ecrivant  aux  Romains,  il  développe 
ainsi  sa  pensée  :  «  De  même  que  notre  corps  est 
composé  de  plusieurs  membres,  et  qu'il  ne  cesse 
pas  d'être  un,  quoique  les  différents  membres 
n'aient  pas  la  même  fonction  ;  de  même,  quelque 
nombreux  que  nous  soyons,  nous  ne  formons  tous 
ensemble  qu'un  seul  corps  en  Jésus-Christ,  et  nous 
sommes  réciproquement  membres  les  uns  des 
autres.  Sicut  enim  in  uno  corpore  multa  membra 
habemus ,  omnia  autem  membra  non  eumdem 
actum  habent  :  ita  multi  unum  corpus  sumus  in 
Cbristo,  singuli  autem  alter  alterius  membra.  » 
(Rom.  xii.)  «  Oui,  dit-il  encore,  nous  sommes  les 
membres  de  son  corps,  nous  sommes  de  sa  chair 
et  de  ses  os.  Membra  sumus  corporis  ejus,  de  carne 
ejus  et  de  ossibus  ejus.  n  (Ephes.  v.) 

CONCLUSION. 

11.  Enfants  de  l'Eglise,  considérez  donc  quelle 
est  la  grandeur  et  la  sainteté  de  votre  vocation. 
Dieu  vous  a  fait  la  grâce  de  naître  dans  un  pays  et 
de  parents  chrétiens.  Dès  les  premiers  siècles  du 
christianisme,  il  a  jeté  un  regard  de  miséricorde  et 
de  faveur  sur  nos  provinces.  Elles  étaient  plongées 
alors,  comme  le  reste  du  monde  païen,  dans  les 
plus  épaisses  ténèbres.  Nos  ancêtres  courbaient  la 

SY&IB         II.  19 


222  SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE. 

tète  et  fléchissaient  les  genoux  devant  d'impures 
idoles  ;  ils  joignaient  aux  superstitions  insensées 
du  paganisme,  des  moeurs  qui  font  horreur  ;  ils 
baignaient  les  autels  de  leurs  faux  dieux  du  sang 
des  victimes  humaines;  ils  étaient  tombés  dans  la 
dégradation  la  plus  profonde.  Nous  qui  sommes 
leurs  descendants,  nous  pouvions  naître  à  cette 
époque  de  corruption  et  d'ignorance;  mais  non,  le 
Seigneur  a  fait  luire  sur  nous  le  soleil  de  la  vraie 
justice.  De  généreux  apôtres  sont  venus  en  son 
nom  annoncer  la  bonne  nouvelle  à  nos  aïeux,  et 
avec  la  lumière  de  l'Evangile,  parut  bientôt  un 
nouvel  ordre  de  choses.  A  mesure  que  le  règne  de 
la  religion  s'étendit  dans  notre  pays,  la  barbarie  fit- 
place  à  la  civilisation.  Depuis  lors,  la  foi  est  de- 
venue la  portion  la  plus  précieuse  du  patrimoine 
des  familles.  Nous  l'avons  héritée  de  nos  pères, 
comme  ils  l'avaient  reçue  de  leurs  prédécesseurs. 
En  qualité  de  chrétiens,  nous  faisons  partie  de 
la  famille  de  Dieu  :  «  Vous  n'êtes  plus  des  hôtes  et 
des  étrangers,  disait  l'Apôtre,  mais  vous  êtes  les 
concitoyens  des  saints,  les  serviteurs  de  Dieu, 
vous  avez  été  élevés  sur  le  fondement  des  apôtres 
et  des  prophètes,  vous  êtes  les  pierres  de  cet  édi- 
fice spirituel  dont  Jésus-Christ  est  la  pierre  angu- 
laire. Fratres,  jam  non  estis  hospites,  et  advenae  : 
sed  estis  cives  sanctorum,  et  domestici  Dei  :  su- 
peraedificati  super  fundamentum  Apostolorum  et 
Prophetanim,  ipso  summo  angulari  lapide  Christo 
Jesu.  »  [Ephes.  h.) 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  223 

Le  souverain  Pasteur  nous  compte  parmi  les 
brebis  de  son  bercail.  Que  dis-je?Nous  avons 
été  fiancés  à  Jésus-Christ,  nos  âmes  sont  ses 
épouses,  nous  avons  l'honneur  d'être  les  membres 
de  son  corps. 

Il  n'a  point  encore  fait  cette  grâce  à  toutes  les 
nations  de  la  terre.  Combien  d'hommes  dans  le 
monde  qui  ne  le  connaissent  pas  encore  ,  hélas  ! 

42.  Mais  si  nous  avons  été  les  privilégiés,  n'est- 
ce  pas  un  motif  pour  nous  montrer  d'autant  plus 
reconnaissants? 

Oh  !  bénissons  le  Seigneur  de  nous  avoir  choisis 
et  favorisés  de  préférence  à  tant  d'autres  qui, 
peut-être,  eussent  mieux  profité  que  nous  des 
lumières  de  l'Evangile.  Ne  laissons  point  passer  un 
seul  jour  sans  le  remercier  de  nous  avoir  faits 
chrétiens.  Correspondons  par  une  vie  sainte  à  la 
prédilection  que  Dieu  nous  a  témoignée. 

«  Je  vous  en  supplie,  disait  l'Apôtre  aux  pre- 
miers fidèles,  conduisez-vous  d'une  manière  digne 
de  votre  vocation,  en  pratiquant  l'humilité,  la  dou- 
ceur et  la  patience,  en  vous  supportant  mutuel- 
lement avec  charité,  et  en  mettant  tous  vos  soins 
à  conserver  l'unité  de  l'esprit  dans  le  lien  de  la 
paix.  Vous  n'êtes  qu'un  seul  corps  ;  ayez  un  même 
esprit,  car  vous  êtes  appelés  aux  mêmes  espé- 
rances. Obsecro  vos...  ut  digne  ambuletis  voca- 
tione,  qua  vocati  estis,  cum  omni  humilitate,  et 
mansuetudine,  cum  patientia,  supportantes  invi- 
cem  in  charitate,  solliciti  servars  unitatem  spiritus 


224  SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE. 

in  vinculo  pacis.  Unum  corpus,  et  unus  spiritus. 
sicut  vocati  estis  in  una  spe  vocationis  vestrae.  » 
Ephes.  iv.) 

((  Je  vous  avertis  donc,  continue  l'Apôtre,  et  je 
vous  conjure  par  le  Seigneur,  de  ne  plus  vivre 
désormais  comme  les  païens,  qui  suivent  dans  leur 
conduite  la  vanité  de  leurs  pensées,  qui  ont  l'esprit 
plein  de  ténèbres,  qui  sont  éloignés  de  la  vie  de 
Dieu  à  cause  de  l'ignorance  où  ils  sont  et  de  l'aveu- 
glement de  leur  cœur;  qui,  s'abandonnant  au  dé- 
sespoir, lâchent  la  bride  à  leurs  passions  et  se 
plongent  avec  une  ardeur  insatiable  dans  toute 
sorte  de  désordres.  Quant  à  vous,  ce  n'est  pas 
ainsi  que  vous  avez  été  instruits  à  l'école  de  Jésus- 
Christ.  Au  contraire,  vous  y  avez  été  exhortés  et 
vous  avez  appris,  selon  la  vérité  de  sa  doctrine,  à 
dépouiller  le  vieil  homme  selon  lequel  vous  viviez 
autrefois,  qui  vous  égarait  et  vous  corrompait. 
Renouvelez-vous  donc  dans  l'intérieur  de  votre 
âme,  et  revêtez-vous  de  l'homme  nouveau  qui  a 
été  créé  selon  Dieu  dans  une  justice  et  une  sainteté 
véritable.  Hoc  igitur  dico,  et  testificor  in  Domino, 
ut  jam  non  ambuletis,  sicut  et  gentes  ambulant, 
in  vanitate  sensùs  sui,  tenebris  obscuratum  ha- 
bentes  intellectum,  alienati  a  vita  Dei,  per  igno- 
rantiam  quae  est  in  illis,  propter  cœcitatem  cordis 
ipsorum.  Qui  desperantes,  semetipsos  tradiderunt 
impudicitiae,  in  operationem  immunditiaB  omnis,  in 
avaritiam.  Vos  autem  non  ita  didicistis  Christum, 
si  tarnen  illum  audistis,  et  in  ipso  edocti  estis,  sicut 


SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  225 

est  veritas  in  Jesu.  Deponere  vos  secunchim  pris- 
tinam  conversationem  veterem  hominem,  qui  cor- 
rumpitur  secundum  desideria  erroris.  Renovarnini 
autem  spiritu  mentis  vestrae.  Et  induite  novum 
hominem,  qui  secundum  Deum  creatus  est  in  justi- 
tia,  et  sanctitate  veritatis.  »  (Ibid.) 

«  Efforcez-vous  donc  de  plus  en  plus,  vous 
dirai-je  avec  le  prince  des  apôtres,  d'assurer  votre 
vocation  et  votre  élection  par  la  pratique  des 
bonnes  œuvres.  Quapropter,  fratres,  magis  satagite 
ut  per  bona  opéra  certam  vestram  vocationem  et 
electionem  faciatis.  »  (2  Petr.  1.) 


226  NOTES. 


NOTES. 


I. 


Obscurius  dixerunt  prophetae  de  Christo,  quam  de  Ec- 
clesia  :  puto  propterea  quia  videbant  in  spiritu  contra 
Ecclesiam  homines  facturos  esse  participas,  et  de  Christo 
non  tantamlitem  habituros,  de  Ecclesia  magnas  contentio- 
nes  excitaturos.  Ideo  illud  unde  majores  lites  futurae  erant, 
planius  prsedictnm  il  lis  voluit  qui  viderunt  et  foras  fuge- 
runt.  Exempli  gratia  unum  commemorabo  :  Abraham  pater 
noster  fuit  non  propler  propaginem  earnis ,  sed  propter 
imitationem  fidei.  Justus  et  placens  Deo,  per  fidem  susce- 
pit  filiutn  sibi  promissum  Isaac  de  Sara  sterili  uxore  sua 
in  senectute  sua.  Jussus  est  immolare  Deo  eumdem  filium, 
nec  dubitavit,  nec  disceptavit,  nec  de  jussu  Dei  disputavit, 
nec  malum  putavit  quod  jubere  optimus  potuit.  Duxit 
61ium  suum  ad  immolandum,  imposuit  ei  ligna  sacrificii, 
pervenit  ad  locum,  erexit  dexteram  ut  percuteret  :  eo 
prohibante  deposuit,  quo  jubente  levaverat.  Qui  oblem- 
peraverat,  ut  feriret.  obtemperavit  ut  parceret  :  ubique 
obediens,  nusquam  timidus.  Ut  tamen  impleretur  sacrifi- 
cium,  et  sine  sanguine  non  discederetur  :  inventus  est 
aries  hœrens  in  vepre  cornibus,  ipse  immolatus  est,  perac- 
tum  est  saerificium.  Quaere  quid  sit  :  Figura  est  Christi 
involuta  sacramentis.  Denique  ut  videatur  discutitur,  ut 
videatur  pertractatur,  ut  quod  involutum  est  evolvatur. 
Isaac  tamquam  fiius  unicus  dileclus  figuram  habens  fîlii 


NOTES.  227 

Dei,  portans  ligua  sibi,  quomodo  Christus  crucem  portavit. 
Me  postrerno  ipse  aries  Christum  significavit.  Quid  est 
enim  hœrere  cornibus,  nisi  quodammodo  crucifigi?  Figura 
est  ista  de  Christo.  Continuo  prsedicanda  erat  Ecclesia, 
prsenuntiato  capite,  prœnuntiandum  erat  et  corpus.  Cœpit 
Spiritus  Dei,  cœpit  Deus  ad  Abraham  prsedicare  velle 
Ecclesiam,  et  tulit  figuram.  Christum  figuratè  prœdicabat, 
Ecclesiam  aperte  praedicavit  :  ait  enim  ad  Abraham,  Quo- 
niam  obaudisti  vocem  meam,  et  non  pepercisti  filio  tuo 
dilecto  propter  me,  benedicens  benedicam  te,  et  implendo 
implebo  semen  tuum  sicut  stellas  cœli,  et  sicut  arenam 
maris,  et  benedicentur  in  semine  tuo  omnes  gentes  terra?. 
Et  penè  ubique  Christus  in  aliquo  involuto  sacramento 
praedicatus  est  a  prophetis,  Ecclesia  apertè  :  ut  viderunt 
illam  et  qui  futuri  erant  contra  illam,  et  impleretur  in  eis 
ista  nequitia,  quam  praedixit  psalmus.  Qui  videbant  me, 
foras  fugerunt  à  me.  Ex  nobis  exierunt,  sed  non  suntex 
nobis.  Hoc  Apostolus  Joannes  de  illis  dixit.  (S.  August.  in 
Psalm.  xxx.  Enarratio.) 

II 

De  Spiritu  sancto  et  Ecclesia  recto  ordine  dictum  in 
Symbolo.  Ecclesia  cœlestis  terrenae  opitulatur.  Cum  au- 
tem  de  Jesu  Christo  Filio  Dei  unico  Domino  nostro,  quod 
ad  brevitatem  confessionis  pertinet,  dixerimus,  adjungimus 
sic  credere  nos  et  in  Spiritum  sanctum ,  ut  illa  Trinitas 
compleatur,  quae  Deus  est  :  deinde  sancta  commemoratur 
Ecclesia.  Unde  datur  intelligi  rationalem  creaturam  ad 
Jérusalem  liberam  pertinentem  (Galat.  iv,  26),  post  com- 
memorationem  Creatoris,  id  est  summae  illius  Trinitatis, 
fuisse  subdendam.  Quoniam  quidquid  de  homine  Christo 
dictum  est,  ad  unitatem  persona?  Unigeniti  pertinet.  Reclus 
itaque  confessionis  ordo  poscebat,  ut  Trinitati  subjungere- 
tur  Ecclesiam,  tanquam  habitatori  domus  sua,  et  Deo  tem- 


228  NOTES. 

plum  suum  et  conditori  civitas  sua.  Quae  tota  hic  accipienda 
est,  non  solum  ex  parte  qua  peregrinatur  in  terris,  a  solis 
ortu  usque  ad  occasum  laudans  nomen  Domini  (Psal.  cxn, 
3j,  et  post  captivitatem  vetustatis  cantans  canticum  no- 
vum  ;  verum  etiam  ex  illa  quae  in  cœlis  semper,  ex  quo 
condita  est,  cohaesit  Deo,  nec  ullum  malum  sui  casus  ex- 
perta  est.  Haec  in  sanctis  Angelis  beata  persistit,  et  suae 
parti  peregrinanti  sicut  oportet  opitulatur;  quia  utraque  una 
erit  consortioaeternitatis  et  nunc  una  est  vinculocharitatis, 
quae  tota  instiluta  est  ad  colendum  unum  Deum.  Unde  nec 
tota,  nec  ulla  pars  ejus  vult  se  coli  pro  Deo,  nec  cuiquam 
esse  Deus  pertinenti  ad  templum  Dei,  quod  sedificatur  ex 
diis  quos  facit  non  factus  Deus.  Ac  per  hoc  Spiritus  sanctus 
si  creatura,  non  creator  esset,  profecto  creatura  rationa- 
lis  esset  ;  ipsa  est  enim  summa  creatura.  Et  ideo  in  Régula 
fidei  non  poneretur  ante  Ecclesiam  ;  pertineret  in  illa  ejus 
parte  qui  in  cœlis  est.  Nec  haberet  templum,  sed  etiam  ipse 
templum  esset.  Templum  autem  habet,  de  quo  dicit  Apos- 
tolus  :  Nescilis  quia  corpora  vestra  templum  sunt  Spiritus 
sancti,  qui  in  vobis  est,  quem  habetis  a  Deo?  De  quibus 
alio  loco  dicit  :  Nescitis  quia  corpora  vestra  membra  sunt 
Christi  (I.  Cor.  vi.  19,  15)?  Quomodo  ergo  Deus  non  est, 
qui  templum  habet?  aut  minor  Christo  est,  cujus  membra 
templum  habet?  Neque  aliud  templum  ejus,  aiiud  templum 
Dei  est.  Cum  autem  dicat  Apostolus,  nescitis  quia  templum 
Dei  estis  :  quod  ut  probaret,  adjecit.Et  Spiritus  Dei  habitat 
in  vobis  (Id.  m,  16).  Deus  ergo  habitat  in  templo  suo,  non 
solum  Spiritus  sanctus,  sed  etiam  Pater  et  Filius.qui  etiam 
de  corpore  suo,  per  quod  factus  est  caput  Ecclesiae,  quae 
in  hominibus  est,  ut  sit  ipse  in  omnibus  primatum  lenens, 
(Coloss.  i,  18),  ait,  solvite  templum  hoc,  et  in  triduo  sus- 
citabo  illud  (Joan.  n,  19).  Templum  ergo  Dei,  hoc  est 
totius  summae  Trinitatis,  sancta  est  Ecclesia,  sciiieet  uni- 
versa  in  cœlo  et  in  terra. 


NOTES.  229 

Sed  de  illa  qtiœ  in  cœlo  est,  affirmare  quid  possumus, 
nisi  quod  nullus  in  ea  malus  est,  née  quisquam  deinceps 
inde  cecidit  aut  casurus  est,  ex  que-  Deus  Angelis  peccan- 
tibus  non  pepercit,  sicut  scribit  Apostolus  Petrus;  sed 
carcenbus  caliginis  inferni  retrudens  tradidit  in  judicio 
puniendos  reservari  (uPetr.u,  i.  S.  August.  Enchiridion. 
cap.  56  e*  57). 


20 


230  DES  DIFFÉRENTES  PARTIES 


IIe  INSTRUCTION. 

DES  DIFFÉRENTE^  PARTIES  DONT  SE  COMPOSE  LEGLISE. 


EXORDE. 

I .  Je  me  suis  borné,  dans  le  dernier  entretien, 
à  vous  exposer  la  signification  du  nom  d'Eglise  et 
des  autres  noms  sous  lesquels  on  désigne  la  société 
des  vrais  fidèles. 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu,  ce  nom  seul  d'Eglise 
nous  fait  déjà  entendre  l'origine  et  la  fin  toute  cé- 
leste de  la  société  religieuse  fondée  sur  la  terre 
par  Jésus-Christ.  Bien  différente  des  sociétés  hu- 
maines, l'Eglise  est  l'œuvre  de  Dieu.  Il  invite  toutes 
les  nations  à  y  entrer  ;  il  les  y  attire  par  la  voix 
des  prédicateurs  et  par  l'attrait  intérieur  de  sa 
grâce.  Le  but  de  cette  société  est  tout  spirituel  ; 
elle  a  pour  fin  de  conduire  les  hommes  au  salut 
éternel.  A  ce  propos,  je  vous  ai  montré  la  diffé- 
rence qui  existe  entr'elle  et  la  Synagogue.  Celle- 
ci  était  régie  par  une  loi  de  crainte  ;  elle  proposait 
aux  juifs  les  peines  et  les  récompenses  de  cette 
vie.   L'Eglise  au  contraire  vit  sous  la   loi  d'amour 


proclamée  par  Jésus- Christ,  et  son  divin  Maître 
lui  a  appris  à  élever  ses  espérances  et  ses  désirs 
vers  les  biens  éternels. 


DONT  SE  COMPOSE  L'ÉGLISE.  231 

Vous  avez  pu  juger  combien  elle  est  chère  au 
cœur  de  Dieu  par  les  beaux  titres  qu'elle  porte. 
Elle  est  appelée  tantôt  la  maison  ou  la  famille  de 
Dieu,  tantôt  le  bercail  de  Jésus-Christ,  tantôt  sa 
fiancée  et  son  épouse,  très-souvent  enfin  son  corps 
mystique. 

Que  peut-on  dire  de  plus  à  sa  louange  et  à  sa 
gloire  ? 

2.  Pour  mieux  connaître  sa  nature,  ses  proprié- 
tés, les  dons  et  les  grâces  dont  elle  est  enrichie, 
nous  allons  maintenant  envisager  les  diverses  par- 
ties dont  elle  se  compose. 

Cette  considération  n'ajoutera  pas  peu  à  l'estime 
que  nous  devons  avoir  pour  l'Eglise  et  à  la  re- 
connaissance que  nous  devons  à  Dieu  pour  son 
établissement. 

Voyons  donc  dans  cette  instruction,  première- 
ment, comment  on  divise  l'Eglise,  secondement, 
de  quels  éléments  elle  se  compose  sur  la  terre,  et 
troisièmement,  quelle  est  l'extension  que  l'usage  a 
donnée  au  nom  d'Eglise. 

PREMIER   POINT. 

3.  L'Eglise  se  divise  en  trois  parties  :  l'une  s'ap- 
pelle l'Eglise  triomphante,  l'autre,  l'Eglise  militan- 
te ;  la  troisième  qui  est  intermédiaire  entre  les 
deux,  s'appelle  l'Eglise  souffrante  ;  c'est  le  purga- 
toire. Nous  en  avons  déjà  parlé  dans  une  autre 
occasion  ;  c'est  pourquoi  nous  ne  nous  occuperons 
ici  que  des  deux  premières. 


232  DES  DIFFÉRENTES   PARTIES 

Par  X Eglise  triomphante,  on  entend  cette  société 
brillante  et  fortunée  des  anges  et  des  saints  qui, 
vainqueurs  du  monde,  de  la  chair  et  du  démon, 
et  dégagés  des  misères  de  cette  vie,  jouissent  en 
paix  de  la  béatitude  éternelle. 

L'Eglise  militante,  au  contraire,  est  la  société 
des  fidèles  qui  vivent  sur  la  terre.  On  l'appelle  mi- 
litante, parce  qu'elle  est  perpétuellement  en  guerre 
contre  les  cruels  ennemis  du  salut,  qui  sont  le  dé- 
mon, le  monde  et  la  chair. 

4.  Ces  deux  états  sont  très-différents  sans  doute. 
L'Eglise  militante  est  justement  comparée  à  une 
mer  orageuse  pleine  d'écueils  et  de  dangers  ;  l'E- 
glise triomphante  est  le  port. 

Cependant  il  n'en  faut  pas  conclure  que  l'Eglise 
du  ciel  et  l'Eglise  de  la  terre  soient  deux  Eglises. 
Ce  sont  deux  portions  d'une  seule  et  même  Eglise. 
La  première  n'a  fait  que  devancer  la  seconde  dans 
la  céleste  patrie.  La  seconde  se  dirige  vers  le 
même  terme  et  y  tend  de  jour  en  jour.  Elle  finira 
comme  la  première  par  aller  rejoindre  le  Sauveur 
et  se  reposer  avec  lui  au  sein  de  la  félicité  éternelle. 

Mais  il  faut,  avant  de  triompher,  qu'elle  com- 
batte. «  Le  royaume  du  ciel  souffre  violence,  et  il 
n'y  a  que  les  braves  qui  l'emportent.  Regnum  cœ- 
lorum  vim  patitur,  et  violenti  rapiunt  illud.  » 

Oui,  le  ciel  est  une  conquête  qui  exige  des 
sacrifices. 

Le  chrétien  lâche  et  infidèle  n'y  arrivera  jamais, 
si  erifin  il  ne  se  détermine  à  combattre  avec  cou- 


DONT   SE  COMPOSE  L'ÉGLISE.  233 

rage  et  à  dompter  ses  passions.  Les  héros  y  sont 
introduits,  aussitôt  après  la  mort  ;  car  les  saints 
qui  se  sont  totalement  acquittés  envers  la  divine 
justice,  sont  mis  aussitôt  en  possession  du  ciel. 
Pour  ceux  à  qui  cette  justice  aurait  encore  quelque 
reproche  à  faire,  ils  doivent  d'abord  achever  leur 
expiation  dans  le  purgatoire,  et  ce  n'est  qu'après 
s'être  entièrement  purifiés,  qu'ils  sont  admis  aux 
honneurs  du  triomphe. 

SECOND  POINT. 

5.  Plus  tard,  en  achevant  l'explication  du  Sym- 
bole, nous  aurons  occasion  de  considérer  plus  à 
loisir  les  destinées  de  l'Eglise  triomphante;  ici, 
nous  avons  à  nous  occuper  plus  spécialement  de 
l'Eglise  militante. 

De  quoi  se  compose-t-elle?  Telle  est  la  première 
question  que  nous  devons  examiner. 

L'Eglise  militante  renferme  deux  sortes  de  per- 
sonnes :  les  bons  et  les  méchants. 

Les  méchants  participent  aux  mêmes  sacrements 
et  professent  la  même  foi  que  les  bons;  mais  ils 
en  diffèrent  par  leur  vie  et  leurs  mœurs.  Marqués 
aussi  bien  que  les  bons  du  sceau  de  la  croix,  ils 
sont  infidèles  aux  engagements  sacrés  de  leur  bap- 
tême ;  ils  confessent  Jésus-Christ  de  bouche,  mais 
ils  le  renient  par  leurs  œuvres.  Voilà  ce  qu'on  en- 
tend parles  méchants.  On  peut  ranger  à  coup  sur 
dans  cette  classe  tous  ceux  qui  vivent  selon  les 

SYMB.      II.  20* 


234  DES  DIFFÉRENTES  PARTIES 

maximes  du  monde  et  qui,  soit  par  respect  humain, 
soit  par  insouciance,  soit  par  passion,  violent  ou- 
vertement ou  en  secret  les  lois  de  l'Evangile. 

On  appelle  bons  dans  l'Eglise  ceux  qui,  outre  le 
lien  extérieur  de  la  profession  d'une  même  foi  et 
de  la  participation  aux  mêmes  sacrements,  sont  de 
plus  intimement  unis  ensemble  par  la  grâce  et  la 
charité. 

Deux  choses  sont  donc  requises  pour  être  bon  : 
il  faut  d'abord  professer  la  vraie  foi  et  participer 
aux  sacrements  ;  il  faut  ensuite  conformer  sa  vie 
aux  enseignements  de  la  foi  ;  en  deux  mots,  il  faut 
la  foi  et  les  œuvres. 

Mais,  quels  sont  en  particulier  ceux  qu'on  peut 
ranger  dans  cette  catégorie? 

«  Dieu  seul,  ainsi  qu'il  est  écrit,  connaît  sûre- 
ment ceux  qui  lui  appartiennent.  Cognovit  Domi- 
nus  qui  sunt  ejus.  »  (2.  Tim.  h.)  Quant  à  nous, 
nous  pouvons  bien,  à  l'aide  de  certains  indices, 
conjecturer  si  tel  ou  tel  est  de  ce  nombre  ;  mais 
nous  ne  pouvons  le  savoir  avec  une  entière  certi- 
tude. Il  faudrait  lire  pour  cela  dans  le  fond  des 
cœurs,  interroger  tous  les  replis  de  la  conscience  ; 
or,  il  n'y  a  que  Dieu  dont  le  regard  pénètre  si 
avant.  «  Personne,  dit  le  Sage,  ne  sait  s'il  est  digne 
d'amour  ou  de  haine.  Nemo  novit  utrum  amore  an 
odio  dignus  sit.  » 

«De  même,  dit  le  saint  Concile  de  Trente,  qu'on 
ne  peut  sans  impiété  douter  de  la  miséricorde  de 
Dieu,  des  mérites  de  Jésus-Christ,  de  la  vertu  et 


DONT  SE  COMPOSE  L'ÉGLISE.  235 

de  l'efficacité  des  sacrements;  de  même,  chacun 
en  particulier  en  se  considérant  lui-même,  ainsi 
que  sa  faiblesse  et  son  manque  de  disposition,  peut 
craindre  et  redouter  de  n'être  pas  dans  la  grâce  de 
Dieu.  Personne  en  effet,  ajoute  le  saint  Concile,  ne 
peut  savoir  d'une  certitude  de  foi  et  par  consé- 
quent infaillible,  s'il  a  obtenu  grâce  de  Dieu.  Sicut 
nemo  pius  de  Dei  misericordia,  de  Christi  merito  , 
deque  Sacramentorum  virtule  et  efficacia,  dubitare 
débet:  sic  quilibet,  dum  seipsum,  suamque  pro- 
priam  infirmitatem  et  indispositionem  respicit,  de 
sua  gratia  formidare,  et  timere  potest  ;  cum  nullus 
scire  valeatcertitudine  fidei,  cui  non  potest  subesse 
falsum,  se  gratiam  Dei  esse  consecutum.  »  (Tri- 
dent, sess.  vi,  cap.  ix.) 

6.  Tirons  de  la  deux  conséquences  très-impor- 
tantes. 

Premièrement,  quand  le  Sauveur  nous  renvoie  à 
l'Eglise,  qu'il  nous  ordonne  de  lui  obéir,  évidem- 
ment ce  n'est  pas  à  l'Eglise  composée  des  seuls 
justes  qu'il  nous  adresse.  Puisqu'on  ne  sait  pas 
d'une  manière  certaine  où  ils  sont,  comment  sau- 
rait-on à  quel  tribunal  il  faut  recourir,  et  à  quelle 
autorité  il  faut  se  soumettre? 

L'Eglise  comprend  donc,  comme  nous  le  disions 
tout  à  l'heure,  les  méchants  et  les  bons. 

C'est  d'ailleurs  ce  qu'attestent  les  divines  Ecri- 
tures et  les  Pères.  L'Apôtre  ne  fait  pas  de  distinc- 
tion entre  les  uns  et  les  autres,  quand  il  dit  que 
l'Eglise  est  un  seul  corps  et  un  seul  esprit. 


236  DES  DIFFÉRENTES  PARTIES 

7.  Une  seconde  conséquence  qui  résulte  de  là, 
c'est  que  l'Eglise  est  visible. 

Elle  est  cette  ville  située  sur  la  montagne,  et 
qu'on  découvre  de  toutes  parts.  «  Non  potest  civi- 
tas  abscondi  supra  montem  posita.»  [Matth.  v.) 
Elle  est  cette  lampe  allumée  pour  éclairer  tous 
ceux  qui  sont  dans  la  maison,  et  qu'on  ne  met  pas 
sous  le  boisseau,  mais  sur  le  chandelier.  «  Neque 
accendunt  lucernam,  et  ponunt  eam  sub  modio, 
sed  super  candelabrum,  ut  luceat  omnibus  qui  in 
domo  sunt.  r>  (Ibid.) 

Le  prophète  Isaïe  nous  la  montre  de  loin  comme 
une  montagne  élevée  au  sommet  d'autres  monta- 
gnes, vers  laquelle  afflueront  toutes  les  nations  de 
la  terre,  «  Et  erit  in  novissimis  diebus  praeparatus 
mons  domus  Domini  in  vertice  montium,  et  eleva- 
bitur  super  colles, et  fluent  ad  eum  omnes  gentes.» 
{/sa,  2.) 

Le  prophète  Michée  a  eu  la  même  vision.  Voici 
comment  il  s'exprime  :  «.  Dans  les  derniers  temps, 
dit-il,  la  montagne  sur  laquelle  se  bâtira  la  maison 
du  Seigneur,  sera  fondée  sur  le  haut  des  monts, 
et  elle  s'élèvera  sur  le  haut  des  collines  :  les  peu- 
ples y  accourront ,  et  les  nations  se  hâteront  d'y 
venir  en  foule,  en  disant  :  Allons  à  la  montagne  du 
Seigneur,  et  à  la  maison  du  Dieu  de  Jacob  :  il  nous 
enseignera  ses  voies,  et  nous  marcherons  dans  ses 
sentiers  ;  parce  que  la  loi  sortira  de  Sion,  et  la  pa- 
role du  Seigneur,  de  Jérusalem.  Et  erit  :  in  novis- 
simo  dierum  erit  mons  domùs  Domini  praeparatus 


DONT  SE  COMPOSE  i/ÉGLISE.  237 

in  vertice  montium,  et  sublimis  super  colles:  et 
fluent  ad  eum  populi.  Et  properabunt  gentes  mili- 
tas, et  dicent  :  Venite,  ascendamus  ad  montem  Do- 
mini,  et  ad  domum  Dei  Jacob:  et  docebit  nos  de 
viis  suis  et  ibimus  in  semitis  ejus  :  quia  de  Sion 
egredietur  iex,  et  verbum  Domini  de  Jérusalem.  » 
(Mich.  iv.) 

Comment  l'Eglise  serait-elle  invisible ,  elle  qui 
est  destinée  à  enseigner  toutes  les  nations?  Qui- 
conque refuse  de  lui  obéir,  Jésus-Christ  déclare 
que  nous  devons  le  tenir  pour  un  païen  et  un  publi- 
cain.  «  Si  Ecclesiam  non  audierit,  sit  tibi  sicut  et 
Ethnicus  et  Publicanus.  »  (Matth.  xvm.).  Puisque 
tous  sont  obligés  de  lui  obéir,  il  faut  donc  que  tous 
puissent  la  connaître,  et  qu'ainsi  elle  soit  visible  et 
reconnaissable. 

8.  Confirmons  ce  que  nous  disions  tout  h  l'heure, 
savoir  que  l'Eglise  renferme  dans  son  sein  les  mé- 
chants aussi  bien  que  les  bons. 

L'Evangile  nous  propose  cette  vérité  sous  une 
foule  d'images  ou  paraboles. 

Le  royaume  des  cieux,  dit  le  Sauveur,  c'est-à- 
dire  l'Eglise  militante,  est  semblable  à  un  filet  qu'on 
jette  dans  la  mer  et  qui  recueille  toute  espèce  de 
poissons.  Quand  il  est  rempli,  les  pécheurs  le  reti- 
rent et,  s'asseyant  sur  le  rivage,  ils  choisissent  les 
bons  et  les  renferment  dans  les  vases  et  ils  jettent 
les  mauvais  dehors.  Ainsi  en  sera-t-il  à  la  fin  des 
siècles  ;  les  anges  sortiront  et  sépareront  les  mé- 


238  DES  DIFFÉRENTES  PARTIES 

chants  du  milieu  des  justes  et  les  jetteront  dans  la 
fournaise.»  [Matth.  xm.) 

L'Eglise  est  encore  comparée  à  un  champ  où 
l'on  a  sursemé  de  l'ivraie  sur  le  bon  grain  ;  puis  a 
une  aire  de  grange  où  la  paille  et  le  froment  sont 
mêlés  ensemble  ;  ou  encore  à  ces  dix  vierges  dont 
les  unes  sont  prudentes  et  se  préparent  à  l'arrivée 
de  l'époux,  tandis  que  les  autres  sont  imprudentes, 
et  n'ont  pas  soin  de  garnir  leur  lampe  de  l'huile  des 
bonnes  œuvres. 

Toutes  ces  figures  indiquent  clairement  que  l'E- 
glise sur  la  terre  est  un  mélange  de  bons  et  de 
méchants. 

Longtemps  auparavant  elle  avait  été  figurée  par 
l'arche  de  Noé  qui  contenait  tout  à  la  fois  des  ani- 
maux purs  et  des  animaux  immondes. 

9.  Mais  si  la  foi  nous  apprend  qu'au  sein  de 
l'Eglise,  les  pécheurs  sont  mêlés  avec  les  justes,  ce 
n'est  pas  à  dire  que  leur  condition  et  leur  avenir 
soient  les  mêmes. 

Les  pécheurs  y  sont  par  rapport  aux  justes  ce 
qu'est  la  paille  à  l'égard  du  froment,  ce  que  sont 
des  membres  morts  dans  un  corps  vivant.  Ils  ap- 
partiennent au  corps  de  l'Eglise,  parce  qu'ils  pro- 
fessent sa  foi  et  qu'elle  les  a  engendrés  par  le  Bap- 
tême ;  mais  ils  n'appartiennent  pas  à  son  âme  qui 
est  la  charité  ;  ils  ne  vivent  point  de  sa  vie  qui  est 
la  vie  de  la  foi  ;  ils  n'ont  qu'une  foi  morte,  dé- 
pourvue de  bonnes  œuvres. 

Telle  est  leur  condition  ;  quelle  sera  leur  desti- 


DONT  SE  COMPOSE  i/ÉGLISE.  239 

née?  Jésus-Christ  va  nous  l'apprendre  :  «  Tout  ar- 
•  bre  qui  ne  porte  pas  de  bons  fruits  sera  coupé  et 
jeté  au  feu.  Omnis  arbor  quae  non  facit  fructum 
bonum  excidetur  et  in  ignem  mittetur.  Le  Sei- 
gneur, dit  saint  Jean-Baptiste, tient  le  van  en  main; 
il  purgera  son  grain  et  le  séparera  de  la  paille.  A 
la  fin  des  temps,  quand  se  fera  la  grande  moisson 
du  Père  de  famille,  l'ivraie  sera  liée  en  bottes  et 
jetée  au  feu,  et  l'on  réservera  le  froment  pour  le 
placer  dans  les  greniers  du  Maître.  Je  suis  la 
vigne,  nous  dit  encore  le  Sauveur,  et  vous  êtes  les 

branches Si  quelqu'un  ne  demeure  pas  en 

moi,  on  le  retranchera  comme  un  sarment  inutile, 
et  il  se  desséchera,  et  on  le  ramassera  pour  le  jeter 
au  feu  où  il  sera  consumé.  Ego  sum  vitis,  vos  pal- 
mites Si  quis  in  mè  non  manserit  :    mittetur 

foras  sicut  palmes,  et  arescet,  et  colligent  eum,  et 
in  ignem  mittent,  et  ardet.  ))(Joan.  xv.) 

4  0.  Quels  sont  donc  ceux,  demanderez-vous, 
qui  sont  hors  de  l'Eglise? 

Trois  sortes  de  personnes  seulement  en  sont 
exclues  :  premièrement  les  infidèles,  en  second 
lieu  les  hérétiques  et  les  schismatiques,  troisième- 
ment les  excommuniés. 

Les  infidèles  sont  hors  de  l'Eglise,  parce  qu'ils 
n'ont  jamais  été  dans  son  sein,  qu'ils  ne  Font  point 
connue,  et  qu'ils  n'ont  participé  à  aucun  sacrement 
dans  la  société  du  peuple  chrétien. 

Remarquez  bien  que  nous  parlons  ici  des  infi- 
dèles volontaires,  obstinés,  à  qui  l'on  doit  impu- 


240  DES  DIFFÉREN1ES  PARUES 

ter  leur  ignorance,  parce  qu'ils  ont  résisté  aux 
lumières  de  leur  conscience  et  à  la  grâce  de  Dieu, 
qui  n'est  refusée  à  personne.  Pour  ceux  qui  sont 
involontairement  clans  l'infidélité,  si ,  comme  le 
centurion  Corneille,  ils  suivent  avec  l'aide  de  la 
grâce  cette  loi  naturelle  que  nous  portons  impri- 
mée au  fond  du  cœur,  s'ils  sont  de  bonne  vo- 
lonté et  qu'ils  désirent  sincèrement  de  connaître  la 
voie  du  salut,  à  raison  de  dispositions  si  saintes, 
on  peut  dire  qu'ils  sont  déjà  chrétiens  de  cœur  ; 
et  ceux-là  appartiennent  déjà  en  un  sens  à  l'Eglise. 

Nous  disons  en  second  lieu  que  les  hérétiques  et 
les  schismatiques  n'en  font  point  partie. 

Encore  une  fois,  il  ne  peut  être  question  ici  que 
de  ceux  <jui  sont  de  mauvaise  foi  ;  on  ne  peut  en 
exclure  ceux  qui  sont  dans  une  ignorance  invin- 
cible. 

C'est  avec  raison  que  les  premiers  ont  été  reje- 
tés du  sein  de  l'Eglise,  puisqu'ils  s'en  sont  séparés 
volontairement.  Enfants  rebelles,  ils  ont  déchiré  le 
sein  de  leur  Mère.  Ils  n'appartiennent  pas  plus  à 
la  société  des  fidèles  que  les  transfuges  ou  les 
déserteurs  n'appartiennent  à  l'armée  qu'ils  ont 
quittée. 

L'Eglise  cependant  conserve  son  pouvoir  sur 
eux,  comme  le  chef  d'une  armée  sur  ceux  qui  ont 
déserté  le  drapeau.  Elle  a  le  droit  de  les  juger,  de 
les  punir  et  de  les  frapper  d'anathème. 

Enfin,  les  excommuniés  sont  hors  de  l'Eglise. 
Bannis  de  son  sein  à  cause  de  leurs  crimes,  l'Eglise 


DONT  SE  COMPOSE  L'ÉGLISE.  241 

ne  veut  plus  les  reconnaître  pour  ses  enfants,  à 
moins  qu'ils  ne  fassent  pénitence.  Et  que  prétend- 
elle,  cette  Mère  charitable,  en  les  retranchant  de  sa 
communion?  Leur  infliger  une  confusion  salutaire 
qui  les  porte  à  rentrer  en  eux-mêmes,  les  engager 
efficacement  à  se  convertir  et  à  réparer  leurs  scan- 
dales ;  en  un  mot,  elle  les  frappe  pour  les  guérir 
et  les  sauver,  ou  du  moins  pour  empêcher  la  con- 
tagion de  leurs  mauvais  exemples. 

Telles  sont  donc  les  trois  classes  d'hommes  qu> 
n'appartiennent  pas  à  l'Eglise.  Pour  les  autres, 
quelque  vicieux  et  criminels  qu'ils  soient,  ils  ne 
cessent  pas,  nous  le  répétons,  d'être  du  nombre 
de  ses  membres.  Et  si,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise, 
parmi  les  pasteurs  mêmes,  il  s'en  trouvait  qui  dés- 
honorassent la  sainteté  de  leur  caractère  par  leur 
vie,  tout  coupables  qu'ils  seraient,  ils  n'en  conser- 
veraient pas  moins,,  avec  leur  autorité,  les  titres 
qu'ils  ont  reçus  de  Dieu  à  nos  respects  et  à  notre 
obéissance  dans  les  choses  du  salut. 

TROISIÈME  POINT. 

\  1 .  Après  avoir  vu  comment  on  divise  l'Eglise 
considérée  dans  toute  son  extension,  puis  quels 
sont  ceux  qui  en  font  ou  qui  n'en  font  point  partie, 
nous  devons  maintenant  voir  dans  quelle  autre  ac- 
ception plus  restreinte  on  prend  encore  le  nom 
d'Eglise. 

L'Eglise  militante,  mêlée  de  bons  et  de  mé- 
chants, s'étend  par  toute  la  terre.  C'est  elle  que 

SV.MB.        il.  21 


242  DES  DIFFÉRENTES  PARTIES 

nous  désignons  généralement,  quand  nous  nom- 
mons l'Eglise. 

Mais  pour  indiquer  la  portion  de  ses  membres 
qui  habitent  une  contrée,  une  province,  une  ville, 
on  a  coutume  de  les  appeler  aussi  Eglise,  en  y  joi- 
gnant le  nom  du  lieu.  C'est  ainsi  que  l'Apôtre  parle 
de  l'Eglise  de  Corinthe,  de  l'Eglise  de  Galatie,  de 
l'Eglise  de  Laodicée,  de  l'Eglise  de  Thessalonique. 
Il  désigne  par  là  les  chrétiens  qui  résidaient  dans 
-ces  diverses  localités. 

Il  appelle  même  Eglises  des  familles  chrétiennes  : 
«  Saluez  de  ma  part,  dit-il,  l'Eglise  domestique  de 
Prisque  et  d'Aquila,  c'est-à-dire,  leur  famille.» 
Dans  un  autre  endroit,  écrivant  aux  Corinthiens  : 
«  Aquila  et  Priscille,  leur  dit-il,  vous  saluent  affec- 
tueusement dans  le  Seigneur,  ainsi  que  leur  Eglise 
domestique.  Salutant  vos  in  Domino  multum  Aquila, 
et  Priscilla  cum  domestica  sua  Ecclesia.  »  (/  Cor- 
rinthien.  xvi.) 

Il  tient  le  même  langage  dans  son  épître  à  Phi- 
lémon. 

12.  Ceci  nous  amène  à  une  autre  acception  du 
nom  d'Eglise  qui  vous  est  très-familière.  Qui  de 
vous  ne  sait  qu'on  donne  encore  le  nom  d'Eglise  aux 
édifices  consacrés  au  culte  divin? 

Mais  pourquoi  nos  temples  sont-ils  ainsi  ap- 
pelés ? 

Nous  l'avons  dit  dans  la  dernière  instruction  :  le 
mot  Eglise  signifie  primitivement  appel,  convo- 
cation. Le  résultat  d'une  convocation, c'est  de  réu- 


DONT  SE  COMPOSE  L'ÉGLISE.  243 

nir  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  per- 
sonnes dans  un  certain  lieu.  Eh  bien  !  cette  réunion 
dans  le  langage  ecclésiastique  se  nomme  Eglise,  et 
le  lieu  où  elle  se  tient  s'appelle  aussi  Eglise.  Vous 
vous  réunissez  dans  la  maison  de  Dieu  pour  la 
prière,  pour  assister  au  saint  sacrifice,  pour  enten- 
dre l'instruction,  pour  recevoir  les  sacrements, 
pour  remplir  les  autres  devoirs  religieux.  Voilà 
pourquoi  ce  saint  lieu  est  appelé  l'Eglise. 

4  3.  Enfin,  une  dernière  signification  du  nom 
d'Eglise.  Sous  ce  nom  on  désigne  très-souvent  le 
corps  des  Pasteurs,  c'est-à-dire,  le  Pape  et  les 
Evèquesqui  gouvernent  l'Eglise.  Cettesignification 
est  très-remarquable. 

C'est  en  ce  sens  que  le  Sauveur  parle,  quand  il 
dit  dans  l'Evangile  :  «  Si  votre  frère  ne  reçoit 
pas  vos  avertissements,  dénoncez-le  à  l'Eglise.  Si 
te  non  audierit,  die  Ecclesige.  )){Matth.  xvm.)  Evi- 
demment il  veut  désigner  par  ce  terme  les  chefs  de 
l'Eglise.  Ils  en  sont  la  portion  la  plus  distinguée. 
C'est  à  eux  que  Jésus-Christ  a  confié  la  mission 
d'enseigner  et  de  gouverner  les  fidèles. 

On  emploie  le  nom  d'Eglise  dans  la  même  ac- 
ception, chaque  fois  qu'on  dit  :  l'Eglise  enseigne, 
l'Eglise  commande,  l'Eglise  défend.  Cela  signifie 
que  ce  sont  les  Pasteurs  de  l'Eglise  qui  nous  en- 
seignent, nous  commandent,  nous  défendent,  par 
l'autorité  qu'ils  ont  reçue  du  divin  Maître. 

Toutefois,  dans  le  Symbole,  nous  entendons  sous 
le  nom  d'Eglise  toute  la  société  des  fidèles,  sans 


24  4  DES  DIFFÉRENTES  PARTIES 

distinction  de  bons  et  de  méchants,  de  chefs  et 
d'inférieurs. 

CONCLUSION. 

14.  Résumons  cet  entretien  et  concluons. 

Vous  avez  vu  comment  l'Eglise,  envisagée  dans 
son  universalité,  compte  des  membres  au  ciel  aussi 
bien  que  sur  la  terre  et  dans  le  purgatoire. 

Quelle  magnifique  et  imposante  réunion  elle  pré- 
sente à  nos  regards  ! 

On  lit  au  livre  des  Nombres,  que  le  devin  Balaam 
avant  été  amené  par  le  roi  des  Moabites  devant  le 
camp  d'Israël  pour  le  maudire,  l'esprit  de  Dieu 
s'empara  du  devin  et  lui  fit  prononcer  des  béné- 
dictions au  lieu  des  malédictions  qu'on  attendait  de 
lui.  «  Que  tes  tabernacles  sont  beaux,  ô  Jacob! 
que  tes  tentes  sont  belles,  ô  Israël  !  Tu  es  semblable 
à  un  vallon  où  règne  un  doux  ombrage,  à  un  jardin 
entrecoupé  de  ruisseaux,  à  des  tentes  plantées  par 
la  main  du  Seigneur,  à  des  cèdres  qui  croissent  le 
long  des  eaux...  Celui  qui  te  bénira  sera  béni, 
celui  qui  te  maudira  sera  lui-même  réputé  mau- 
dit. Quam  pulchra  tabernacula  tua  Jacob,  et  ten- 
toria  tua  Israël  !  Ut  valles  nemorosae,  ut  horti  juxta 
fluvios  irrigui,  ut  tabernacula  quse  fixit  Dominus, 
quasi  cedri  prope  aquas...  Qui  benedixerit  tibi, 
erit  et  ipse  benedictus  :  qui  maledixerit,  in  male- 
dictione  reputabitur.  »  (Numer.  xxiv.) 

Nous  partagerions  l'admiration  et  la  surprise  de 
cet  homme,  s'il  nous  était  donné  d'entrevoir  le 
triomphe  de  l'Eglise  du  ciel  ;  nous  n'aurions  pas 


DONT  SE  COMPOSE  LÉGL1SE.  945 

assez  de  bénédictions  pour  remercier  le  Seigneur 
de  la  gloire  dont  il  récompense  les  saints.  Ne  né- 
gligeons rien  pour  mériter  d'être  un  jour  associés 
à  leur  bonheur. 

15.  L'Eglise  de  la  terre  présente  un  spectacle 
bien  différent.  A  côté  d'une  foule  de  justes  qui 
l'honorent  et  la  consolent,  hélas  !  elle  a  la  douleur 
de  voir  des  enfants  indociles  et  ingrats. 

Rangeons -nous  parmi  les  premiers.  Prêtons 
une  oreille  attentive  aux  leçons  divines  qu'elle 
nous  donne  ;  observons  ses  commandements  avec 
amour.  Mais  ne  concentrons  pas  cette  grâce  en 
nous-mêmes. 

Plaignons  le  sort  des  mauvais  chrétiens  ;  prions 
pour  leur  conversion. 

Que  notre  charité  s'étende  encore  plus  loin. 
Demandons  au  Seigneur,  procurons  de  tout  notre 
pouvoir  la  conquête  ou  le  retour  de  tant  d'hommes 
ou  qui  ne  la  connaissent  pas  ou  qui  vivent  séparés 
de  son  sein.  Oui,  supplions  le  Seigneur  d'ouvrir  les 
yeux  à  tant  d'infidèles,  d'hérétiques,  de  schisma- 
tiques  ;  soyons  jaloux  de  les  faire  participer  au 
bonheur  dont  nous  jouissons  nous-mêmes. 

Enfin,  souvenons-nous  toujours  que  l'Eglise  en- 
tière se  résume,  pour  ainsi  dire,  dans  les  Pasteurs 
chargés  de  la  gouverner.  Restons-leur  soumis. 
Unis  a  eux,  nous  le  sommes  à  Jésus-Christ,  notre 
chef,  et  nous  faisons  partie  de  son  corps  mystique 
sur  la  terre,  avec  l'espérance  de  faire  partie  de 
son  corps  glorieux  dans  les  cieux. 


246  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 


IIIe  INSTRUCTION. 

PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE    l'ÉGLISE,    SON   UNITÉ. 
EXORDE. 

1 .  Considérée  en  général  et  dans  toute  son 
extension.  l'Eglise,  comme  l'a  définie  saint  Au- 
gustin ,  est  la  société  des  fidèles  répandus  dans 
tout  l'univers. 

Ainsi  envisagée,  elle  ne  date  pas  seulement  de 
la  venue  de  Jésus-Christ,  mais  elle  remonte  au 
berceau  du  genre  humain.  Cependant,  sous  le  nom 
d'Eglise,  nous  avons  ici  plus  particulièrement  en 
vue  la  société  fondée  par  le  Fils  de  Dieu  fait 
homme  et  dont  il  a  confié  le  gouvernement  aux 
apôtres  et  à  leurs  successeurs.  La  religion  des 
Patriarches  et  la  loi  écrite  n'étaient  qu'un  achemi- 
nement à  sa  fondation.  En  l'instituant,  Jésus- 
Christ,  qui  n'est  point  venu  pour  détruire  la  loi 
mais  pour  l'accomplir,  l'a  rendue,  cette  Eglise, 
l'héritière  légitime  de  l'ancien  Testament.  La 
Synagogue  avait  pour  mission  principale  de  con- 
server au  sein  du  peuple  Hébreu  le  dépôt  des 
promesses  dont  l'accomplissement  était  réservé  à 
l'Evangile.  L'Eglise,  au  contraire,  est  une  société 


SON  UNITÉ.  247 

dans  laquelle  toutes  les  nations  de  la  terre  doivent 
entrer.  «•  Ite,  docete  omnes  gentes.  Allez,  ensei- 
gnez toutes  les  nations,  m  La  Synagogue  ne  devait 
durer  que  jusqu'à  l'avènement  du  Prophète  an- 
noncé par  Moïse  et  qui  devait  être  plus  grand  que 
lui.  L'Eglise,  au  contraire,  est  établie  pour  toute 
la  durée  des  siècles.  «  Voici,  dit  le  Sauveur  à  ses 
apôtres,  que  je  suis  avec  vous  jusqu'à  la  consom- 
mation des  siècles.  Ecce  ego  vobiscum  sum  usque 
ad  consummationem  saeculi.  »  (Matth.  xxvm.) 

Nous  l'avons  vu  en  dernier  lieu,  l'Eglise  de 
Jésus-Christ  est  visible.  Ce  serait  contredire  les 
prophètes  et  le  Sauveur  lui-même  que  de  le  nier. 
Comment  une  Eglise  invisible  pourrait-elle  ensei- 
gner, baptiser,  prononcer  des  sentences,  admettre 
à  sa  communion  ? 

Non-seulement  elle  doit  être  visible,  mais  il 
faut  de  plus  qu'on  puisse  facilement  la  recon- 
naître. 

2.  Quelles  sont  donc  les  propriétés  ou  les  ca- 
ractères qui  la  distinguent  ici-bas  de  toutes  les 
autres  sociétés? 

Importante  question  s'il  en  fut  jamais,  puis- 
qu'elle a  pour  conséquence  de  nous  montrer  quelle 
est  l'autorité  vivante  instituée  par  Jésus-Christ 
pour  nous  conduire  au  salut. 

L'Eglise  est  une,  sainte,  catholique,  apostolique. 

Etudions  avec  soin  ces  quatre  prérogatives,  et 
nous  comprendrons  mieux  combien  nous  avons  à 


248  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE   L  ÉGLISE, 

remercier  le  Seigneur  d'être  nés  et  d'avoir  été 
élevés  dans  le  sein  de  l'Eglise.    . 

Je  vous  les  exposerai  successivement.  Pour 
commencer,  nous  verrons  dans  cet  entretien  en 
quoi  consiste  l'unité  de  l'Eglise. 

Divin  Sauveur  des  âmes,  vous  qui  êtes  venu  sur 
la  terre,  afin  qu'il  n'y  eût  qu'un  troupeau  et  qu'un 
Pasteur,  éclairez-nous  d'une  lumière  spéciale,  afin 
que  nous  ayons  l'intelligence  de  cette  vérité. 

CORPS   DE  L'INSTRUCTION. 

3.  L'unité  est  la  première  propriété  de  l'Eglise, 
exprimée  dans  le  symbole  de  Nicée. 

«  Credo  unam,  sanctam,  catholicam  et  apostoli- 
cam  Ecclesiam.  Je  crois  l'Eglise  une,  sainte,  ca- 
tholique et  apostolique.  » 

L'Esprit  saint,  dans  le  Cantique  des  Cantiques, 
avait  déjà  préfiguré  cette  unité,  en  inspirant  cette 
parole  à  Salomon  :  «  Ma  colombe  est  unique,  uni- 
que est  ma  bien-aimée.  Una  est  columba  mea,  una 
est  speciosa  mea.  »  [Cantic,  vi.) 

Oui,  l'Eglise  est  une.  Quelque  innombrable  que 
soit  la  multitude  de  ses  enfants,  quelque  dispersés 
qu'ils  soient  dans  le  monde  ,  quelque  éloignés 
qu'ils  soient  les  uns  des  autres,  ils  sont  un. 

Comment  cela?  L'Apôtre  nous  en  donne  la  rai- 
son dans  sa  lettre  aux  Ephésiens;  «  C'est,  dit-il, 
qu'il  n'y  a  qu'un  Seigneur,  qu'une  foi,  qu'un  Bap- 
tême. Unus  Dominus,  una  fides,  unum  Baptisma.  » 
(Ephes.  iv.) 


SON   UNITÉ.  249 

Toute  cette  multitude  en  effet  adore  un  seul  et 
même  Dieu,  professe  une  seule  et  même  foi,  est 
sanctifiée  par  un  seul  et  même  Baptême.  Ainsi, 
tous  sont  réunis  en  un  seul  corps  par  le  lien  d'une 
même  croyance  et  par  la  participation  aux  mêmes 
sacrements,  car  le  Baptême  est  ici  nommé  pour 
désigner  tous  les  autres. 

4.  Mais  approfondissons  la  raison  de  cette  unité 
et  remontons  jusqu'à  sa  racine. 

Ce  qui  constitue  essentiellement  l'unité  de  l'E- 
glise, c'est  l'unité  de  son  chef. 

L'Eglise  a  pour  Chef  unique  Jésus-Christ.  «Dieu, 
dit  l'Apôtre,  l'a  donné  pour  Chef  à  l'Eglise,  qui  est 
son  corps  mystique.  Et  ipsum  dédit  caput  supra 
omnem  Ecclesiam ,  qnae  est  corpus  ipsius.  » 
(Ephes.  i.) 

Mais,  comme  après  son  ascension  au  ciel,  Jé- 
sus-Christ devait  cesser  d'être  visible,  avant  d'y 
monter,  il  s'est  choisi  un  Vicaire  pour  tenir  sa 
place  sur  la  terre  et  être  en  son  nom  le  Chef  visi- 
ble de  l'Eglise. 

C'est  le  Pontife  romain,  successeur  légitime  de 
saint  Pierre,  prince  des  apôtres. 

5.  C'était  le  seul  moyen  efficace  pour  établir  et 
maintenir  l'unité  de  l'Eglise. 

Tous  les  Pères  sont  unanimes  à  ce  sujet. 

Saint  Jérôme  s'en  exprime  ainsi  dans  son  ou- 
vrage contre  Jovinien  :  «  Un  seul,  dit-il,  est  choisi 
et  établi  pour  Chef,  afin  d'ôter  tout  prétexte  au 


250  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

schisme.  Unus  eligitur,  ut  capite  constituto,  schis- 
matis  tollatur  occasio.  »  (S.  Hieron.  Hbr.  i ,  cont. 
Jovinian.]  Et  dans  sa  lettre  au  pape  Damase  : 
s  Que  l'envie  se  taise,  dit-il,  que  l'orgueil  et  l'am- 
bition de  Rome  païenne  s'évanouissent  1  Je  parle 
au  successeur  du  pêcheur  Pierre  et  au  disciple  de 
la  croix.  Attaché  avant  tout  à  Jésus-Christ  comme 
à  mon  premier  chef,  je  suis  uni  de  communion  à 
votre  sainteté,  c'est-à-dire,  à  la  chaire  de  saint 
Pierre.  Je  sais  que  l'Eglise  est  fondée  sur  cette 
pierre.  Quiconque  mange  l'Agneau  hors  de  cette 
maison,  est  un  profane.  Celui  qui  ne  sera  pas  dans 
l'arche  de  Noé.  périra  dans  les  eaux  du  déluge. 
Facessat  invidia  :  Romani  culminis  recédât  am- 
bitio  :  cum  successore  piscatoris,  et  discipulo  cru- 
cis  loquor.  Ego  nullum  primum,  nisi  Christum 
sequens,  beatitudini  tuse,  id  est,  Cathedrae  Pétri, 
communione  consocior  :  super  illam  petram  aedifi- 
catam  Ecclesiam  scio.  Quicumque  extra  hanc  do- 
mum  agnnm  comederit,  profanus  est  :  si  quis  in 
area  Noe  non  fuerit,  peribit  régnante  diluvio.  » 
(S.  Hieron.  epist.  57.) 

Longtemps  auparavant,  saint  Irénée  tenait  le 
même  langage.  «  Il  nous  suffît,  dit-il,  d'indiquer 
la  foi  de  la  grande  et  très-ancienne  Eglise  de  Rome, 
fondée  par  les  glorieux  apôtres  Pierre  et  Paul  et 
qui  est  connue  du  monde  entier  ;  il  nous  suffit, 
dis-je,  d'indiquer  la  tradition  qu'elle  tient  des  apô- 
tres et  la  foi  qu'ils  ont  annoncée  aux  hommes  et 
qui  est  parvenue  jusqu'à  nous  par  la  succession 


SON  UNI1É.  251 

des  Evèques,  pour  confondre  tous  ceux  qui,  soit 
par  présomption,  soit  par  vaine  gloire,  soit  par 
aveuglement  et  ignorance,  tiennent  des  assem- 
blées illégitimes.  Il  faut  en  effet  que  toute  l'Eglise 
soit  unie  à  celle  de  Rome  à  cause  de  sa  primauté 
et  de  sa  dignité  ;  il  est  de  toute  nécessité  que  les 
fidèles  répandus  dans  le  monde  soient  soumis  à 
cette  Eglise  qui  a  toujours  conservé  la  doctrine  des 
apôtres.  Maximae,  et  antiquissimae,  et  omnibus 
cognitae,  a  gloriosissimis  duobus  apostolis  Petro  et 
Paulo  Romas  fundatae  et  constitutae  Ecclesise,  eam 
quam  habet  ab  Apostolis  Traditionem,  et  annun- 
tiatam  hominibus  fidem,  per  successiones  Episco- 
porum  pervenientem  usque  ad  nos,  indicantes, 
confundimus  omnes  eos,  qui,  quoquo  modo,  vel 
persuî  placentiam  malam,  vel  vanam  gloriam,  vel 
per  cœcitatem  et  malam  sententiam,  praeterquam 
oportet,  colligunt.  Ad  banc  enim  Ecclesiam  prop- 
ter  potentiorem  principalitatem,  necesse  est  om- 
nem  convenire  Ecclesiam,  hoc  est,  eos  qui  sunt 
undique  fidèles,  in  quâ  semper  conservata  est  ea 
quae  est  ab  Apostolis  Traditio.  »  (Iren.  libr.  5, 
cont.  hœres.  c.  3.) 

Saint  Irénée  gouvernait  l'Eglise  de  Lyon  au 
second  siècle  de  l'ère  chrétienne. 

Dans  le  troisième,  saint  Cyprien,  évèque  de 
Carthage,  parlant  de  l'unité  de  l'Eglise,  s'énonce 
en  ces  termes  :  «Le  Seigneur  dit  à  Pierre  :  Je  vous 
dis  que  vous  êtes  Pierre  et  que  sur  cette  pierre 
je  bâtirai  mon  Eglise.  Il  bâtit  l'Eglise  sur  un  seul, 


25i 

et  quoiqu'il  accorde  un  pouvoir  semblable  à  tous  les 
apôtres  après  sa  résurrection,  et  qu'il  leur  dise  : 
—  Comme  mon  Père  m'a  envoyé,  je  vous  envoie 
de  même,  recevez  le  Saint-Esprit  ;  —  néanmoins 
pour  rendre  sensible  l'unité  de  l'Eglise,  il  a  voulu 
et  il  a  fait  en  sorte  que  cette  unité  tirât  son  origine 
d'un  seul.  Loquitur  Dominus  ad  Petrum  :  Ego, 
Petre,  dico  tibi  quia  tu  es  Petrus,  et  super  hanc 
petram  aedificabo  Ecclesiam  meam.  Super  unum 
aedifîcat  Ecclesiam  :  et  quamvis  apostolis  omnibus, 
post  resurrectionem  suam,  parem  potestatem  tri- 
buat,  et  dicat  :  Sicut  misit  me  Pater,  et  ego  mitto 
vos  :  accipite  Spiritum  sanctum  :  tamen,  ut  uni- 
tatem  manifestaret,  unitatis  ejusdem  originem,  ab 
uno  incipientem,  auctoritate  sua  disposuit   » 

Optât  de  Milève  n'est  pas  moins  formel.  ((Vous 
ne  pouvez,  écrit-il  à  Parménien,  prétexter  cause 
d'ignorance  ;  vous  savez  très-bien  que  Rome  est 
le  siège  épiscopal  donné  d'abord  à  saint  Pierre,  le 
prince  des  apôtres  et  occupé  par  lui.  Sa  chaire  est 
ce  centre  d'unité  que  tous  doivent  respecter,  de 
telle  sorte  qu'aucun  des  autres  apôtres  n'a  pu 
revendiquer  l'indépendance  pour  la  sienne  ;  de 
telle  sorte  encore  que  celui-là  serait  schismatique 
et  prévaricateur,  qui  élèverait  sa  chaire  contre  la 
chaire  suprême  de  saint  Pierre.  Ignorantiae  tibi 
adscribi  non  potest,  scienti  in  urbe  Roma,  Petro 
primo  cathedram  episcopalem  esse  collatam,  in 
qua  sederit  omnium  apostolorum  caput  Petrus  ; 
in  quo  uno  cathedrae  unitas  ab  omnibus  servaretur, 
ne  ceteri  apostoli  singulas  sibi  quisque  défende- 


SON  UNITÉ.  253 

rent  :  ut  jam  schismaticus  et  praevaricator  esset, 
qui  contra  singularem  cathedram  alteram  collo- 
caret.  y) [Optât  in  init.  lib.  2,  ad  Parmen.) 

Saint  Basile  écrivait  de  son  côté  ces  belles  pa- 
roles :  «  Pierre  a  été  établi  pour  fondement  de 
l'Eglise.  Il  a  dit  :  Vous  êtes  le  Christ,  le  Fils  du 
Dieu  vivant.  Il  lui  a  été  dit  en  retour  qu'il  était 
pierre,  non  pas  à  l'égal  de  Jésus-Christ  qui  est  la 
vraie  pierre  immobile,  mais  pierre  parla  puissance 
de  Jésus-Christ,  Dieu,  en  effet,  fait  part  de  ses  di- 
gnités aux  hommes.  Il  est  prêtre  et  il  fait  des 
prêtres  ;  il  est  le  fondement  de  l'Eglise,  et  il  donne 
cette  qualité  à  saint  Pierre,  communiquant  à  ses 
serviteurs  ce  qui  lui  est  propre.  Petrus  collocatus 
est  in  fundamento  ;  dixit  enim  :  Tu  es  Christus 
FiliusDei  vivi  ;  et  vicissim  audivit  se  esse  petram  ; 
licet  enim  petra  esset,  non  tamen  petra  erat  ut 
Christus.  Nam  Christus  vere  immobilis  petra  ; 
Petrus  vero  propter  petram.  Dignitates  enim  suas 
Deus  largitur  aliis  :  sacerdos  est,  et  facit  sacer- 
dotes  :  petra  est,  et  petram  facit  :  et  quse  sua  sunt, 
largitur  servis  suis.  »(5.  Basil.  Hom.  29,  de  pœnit.) 

Enfin  saint  Ambroise  dit,  en  parlant  de  saint 
Pierre,  qu'il  a  été  préféré  à  tous  les  autres,  parce 
qu'entre  tous  les  autres,  lui  seul  a  professé  la  divi- 
nité de  Jésus-Christ.  «  Quia  solus  profitetur  ex 
omnibus,  omnibus  antefertur.  »  (Ambros.  lib.  9, 
comm.  in  Luc.  cap.  9.  * 


254  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  l'ÉGLISE, 

6.  Mais,  dira-t-on,  l'Eglise  ayant  Jésus-Christ 
lui-même  pour  chef  et  pour  époux,  à  quoi  bon  lui 
en  donner  un  autre? 

Tl  est  facile  de  répondre  à  cette  difficulté.  Ne 
reconnaissons-nous  pas  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
non-seulement  pour  l'auteur,  mais  encore  pour  le 
véritable  ministre  intérieur  des  sacrements?  N'est- 
ce  pas  lui  en  réalité  qui  confère  le  Baptême  et  qui 
absout?  Nous  n'en  pouvons  douter.  Or  cependant, 
il  a  établi  des  hommes  pour  être  les  ministres  ex- 
térieurs des  sacrements.  Eh  bien  !  par  la  même 
raison,  quoique  ce  soit  réellement  lui  qui  gouverne 
l'Eglise  et  qui  l'anime  de  son  esprit,  il  a  placé  à 
sa  tète  un  homme  comme  Vicaire  et  ministre  de  sa 
puissance. 

L'Eglise  visible  a  besoin  d'un  chef  visible  pour 
représenter  Jésus-Christ  sur  la  terre.  C'est  ainsi 
que  lorsqu'un  monarque  s'éloigne  de  ses  Etats,  il 
nomme  un  lieutenant  chargé  d'administrer  en  son 
absence. 

Voila  pourquoi  Notre-Seigneur  a  établi  saint 
Pierre  chef  et  pasteur  de  tout  son  troupeau. 
«  Paissez  mes  agneaux,  paissez  mes  brebis.  Pasce 
agnos  meos,  pasce  oves  meas.  »  (Joan.  xxi.) 

Mais  ce  n'est  pas  à  saint  Pierre  seulement  qu'il 
a  donné  la  charge  de  paître  ses  brebis  ;  comme 
l'Eglise  doit  durer  jusqu'à  la  consommation  des 
siècles,  il  a  voulu  que  les  successeurs  de  Pierre 

variantes  très-considérables.  Nous  avons  suivi  l'édition  la  plus 
récente,  imprimée  à  la  Propagande  en  1 858. 


SON  UNITÉ.  255 

eussent  le  même  pouvoir  que  lui  pour  la  régir  et 
la  gouverner. 

7.  L'unité  de  chef,  voilà  donc  ce  qui  constitue  et 
assure  l'unité  du  corps  de  l'Eglise. 

Mais  l'unité  de  l'Eglise  n'est  pas  seulement  exté- 
rieure et  apparente,  elle  est  aussi  intérieure  et 
spirituelle. 

Elle  est  donc  une  en  second  lieu,  à  cause  de 
l'unité  de  son  esprit. 

De  même  que  notre  âme  répand  la  vie  dans  tous 
les  membres  de  notre  corps  ;  de  même,  un  seul  et 
même  esprit  anime  tout  le  corps  de  l'Eglise  et 
communique  aux  fidèles  la  grâce  qui  est  la  vie 
spirituelle  de  l'âme.  C'est  la  pensée  de  l'apôtre 
saint  Paul  :  «  Soyez  attentifs,  dit-il  aux  Ephésiens, 
à  conserver  l'unité  d'esprit  dans  le  lien  de  la  paix. 
Vous  ne  formez  tous  ensemble  qu'un  même  corps; 
vous  devez  avoir  un  même  esprit.  Solliciti  servare 
unitatem  spiritus  in  vinculo  pacis  ;  unum  corpus 
et  unus  spiritus.  »  (Ephes.  iv.) 

Encore  une  fois,  le  corps  mystique  de  Jésus- 
Christ,  qui  est  l'Eglise,  est  composé  d'une  infinité 
de  membres  ;  mais  tous  ces  membres,  c'est-à-dire 
les  fidèles,  sont  vivifiés  par  le  même  «esprit,  de 
même  que  c'est  l'âme  qui  prête  à  chacun  de  nos 
organes  la  vie  et  le  mouvement  qui  leur  sont 
propres  :  aux  yeux  la  faculté  de  voir,  aux  oreilles 
la  faculté  d'entendre,  et  ainsi  des  autres  sens. 

8.  De  cette  unité  d'esprit,  résulte  l'unité  de  la  foi. 


256  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  L  EGLISE, 

Tous  doivent  garder  et  professer  le  même  Sym- 
bole. «  Qu'il  n'y  ait  point  de  schismes  parmi  vous, 
dit  l'Apôtre.  Non  sint  in  vobis  schismata.  »(i  Cor.  i.) 

Le  plus  merveilleux  accord  règne  entre  tous  les 
fidèles  touchant  la  croyance.  Disséminés  par  toute 
la  terre,  ils  récitent  le  même  Symbole  ;  ils  ont 
la  même  soumission  pour  les  enseignements  de 
l'Eglise.  Ni  la  différence  des  climats  et  des  mœurs, 
ni  la  séparation  des  lieux,  ni  la  distance  des  temps 
ne  modifient  la  croyance.  Tous  les  siècles  sont 
unis  dans  la  même  foi.  Qu'on  tire  de  leur  tombeau 
les  générations  éteintes,  et  qu'o*n  leur  demande  ce 
qu'elles  ont  cru,  et  elles  répondront  par  la  même 
formule  que  nous  disons  encore  tous  les  jours. 
Autre  n'est  pas  la  foi  des  savants  et  celle  des  igno- 
rants: tous  admettent  les  mêmes  vérités,  soit  d'une 
manière  plus  générale,  soit  d'une  manière  plus 
explicite,  car  tous  adhèrent  également  à  la  doc- 
trine de  l'Eglise  et  sont  prêts  à  embrasser  toutes 
ses  décisions. 

A  l'unité  de  foi  se  joint  l'unité  du  Baptême. 
«  Confiteor  unum  baptisma  in  remissionem  pecca- 
torum.  Je  confesse  qu'il  y  a  un  seul  baptême  pour 
la  rémission  des  péchés.  »  C'est  le  sacrement  de  la 
foi  chrétienne.  C'est  par  lui  que  nous  devenons 
chrétiens,  que  nous  sommes  incorporés  à  l'Eglise 
et  que  nous  sommes  faits  participants  de  son  esprit. 

Enfin,  de  l'unité  de  la  foi  résulte  l'unité  d'espé- 
rance. 

Notre  vocation  est  la  même.  Nous  sommes  tous 


SON  UNITÉ.  257 

appelés  à  jouir  de  la  vie  éternelle  et  bienheureuse. 
Telle  est  notre  destinée  commune,  telle  est  notre 
commune  espérance,  «  Unus  corpus  et  unus  spiri- 
tus,  sicut  vocati  estis  in  una  spe  vocationis  ves- 
trae.  »  (Ephes.  iv.) 


CONCLUSION. 


9.  Voilà  donc  la  première  propriété  de  l'Eglise, 
sa  propriété  fondamentale,  dont  toutes  les  autres 
ne  sont  que  les  conséquences  :  l'unité.  Un  seul 
corps,  un  seul  esprit.  Un  seul  corps,  puisque  toute 
la  société  des  fidèles,  sans  distinction  de  pays,  de 
langue,  de  condition  ou  de  sexe,  est  soumise  à  un 
seul  chef  suprême,  Jésus-Christ,  qui  a  pour  lieu- 
tenant visible  sur  la  terre,  notre  Saint  Père  le 
Pape,  successeur  de  saint  Pierre.  Un  seul  esprit, 
puisque  c'est  le  Saint-Esprit  qui  vivifie  tout  le 
corps  de  l'Eglise  et  qui  en  est  comme  l'âme.  Il  nous 
appelle  tous  aux  mêmes  espérances,  nous  unit  par 
les  liens  d'une  même  foi,  nous  sanctifie  par  le 
même  baptême. 

10.  Que  cette  unité  est  merveilleuse!  Qui  peut 
contempler  la  chrétienté,  ne  formant  de  tous  les 
fidèles  qu'une  seule  famille  de  frères,  marqués  du 
même  sceau,  professant  la  même  foi,  participant 
aux  mêmes  sacrements,  obéissant  au  même  chef, 
sans  s'écrier  qu'elle  est  la  véritable  famille  des 
enfants  de  Dieu? 

Où  trouver  en  effet,  parmi  les  institutions  hu- 

SYMB.      11.  22 


258  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

mai  nés.  quelque  chose  qui  accorde  ainsi  des 
hommes  de  tout  pays  et  de  toute  langue  dans  la 
soumission  libre  et  volontaire  à  une  autorité  toute 
spirituelle? 

Est-ce  dans  les  sociétés  civiles,  dans  les  Etats, 
les  royaumes,  les  empires? 

A  la  vérité,  on  y  voit  présider  un  chef,  et  une 
législation  commune  régit  les  sujets  de  chaque 
territoire.  Mais  ce  chef  a  besoin  de  la  force,  pour 
maintenir  l'ordre  ;  il  s'appuie  sur  ses  armées  pour 
faire  respecter  ses  volontés.  La  soumission  qu'on 
lui  marque,  l'obéissance  qu'on  a  pour  ses  lois  peut 
n'être  qu'extérieure  ;  son  pouvoir  n'atteint  pas 
nécessairement  le  fond  des  cœurs  et  ne  gouverne 
pas  jusqu'aux  pensées  les  plus  secrètes. 

Dans  l'Eglise. au  contraire,  tout  le  monde  recon- 
naît et  vénère  de  cœur  et  d'esprit,  le  vicaire  de 
Jésus-Christ  pour  son  chef.  Il  parle  au  nom  de 
Dieu,  et  sa  parole  désarmée  est  reçue  avec  le  plus 
profond  respect.  Toute  controverse  cesse,  dès 
qu'il  a  prononcé.  Il  impose  ses  jugements  à  la 
conscience.  Quiconque  oserait  concevoir  une  pen- 
sée contraire  est  déjà  condamné,  et  s'il  la  manifeste 
au  dehors,  retranché  du  sein  de  l'Eglise. 

Un  grand  exemple  de  cette  autorité  de  l'Eglise 
nous  a  été  donné  dans  ces  derniers  temps.  En 
1854,  le  souverain  Pontife  Pie  IX, jugeant  que  le 
moment  était  venu  de  prononcer  définitivement 
sur  la  question  de  l'Immaculée  Conception  de  la 
très-sainte  Vierge  Marie,  après  avoir  adressé  une 


SON  UNITÉ.  259 

encyclique  aux  évêques  du  monde  catholique  pour 
leur  demander  leur  sentiment,  porta  enfin  son 
décret  et  déclara,  comme  dogme  de  foi,  que  la 
sainte  Vierge  avait  été  conçue  sans  péché.  Depuis 
plus  de  six  cents  ans,  les  Docteurs  agitaient  la 
question.  Une  parole  du  Saint-Siège  l'a  tranchée 
sans  retour  et  sans  appel,  et  le  monde  catholique 
s'est  incliné  devant  elle. 

Quel  est  le  Monarque,  encore  une  fois,  assez 
puissant  pour  obliger  tous  ses  sujets  à  conformer 
leur  jugement  au  sien? 

L'unité  sociale  des  Etats  n'approche  donc  pas 
de  la  merveilleuse  unité  qui  existe  dans  l'Eglise. 

Trouvera-t-on  cette  unité  chez  les  hérétiques 
séparés  de  son  sein?  Non.  On  n'en  trouve  que 
l'ombre.  Ils  sont  divisés  entr'eux.  Ce  que  l'un 
admet,  l'autre  le  rejette,  et  nulle  puissance  n'est 
capable  de  leur  faire  souscrire  un  Symbole  uni- 
forme. D'ailleurs,  en  vertu  même  du  principe 
d'indépendance  qui  les  a  soustraits  à  l'autorité  de 
l'Eglise  ,  ils  n'ont  d'autre  juge  en  matière  de  foi 
que  leur  raison  individuelle,  et  ils  sont  ainsi  sujets 
à  toute  sorte  de  variations. 

La  véritable  unité  qui  triomphe  des  temps,  de 
l'espace  et  de  la  mobilité  naturelle  des  hommes 
n'appartient  qu'à  l'Eglise  catholique.  Nous  le  ver- 
rons encore  mieux  dans  une  instruction  prochaine. 

Pour  le  moment,  bénissons  le  Seigneur  de  la 
grâce  qu'il  nous  a  faite  de  nous  faire  naître  dans 
son  sein.  Renouvelons  nos  sentiments  de  foi  et  de 


2(30  PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  L'EGLISE,  ETC. 

vénération  pour  le  vicaire  de  Jésus-Christ  sur  la 

terre.  Ne  perdons  jamais  de  vue  la  pensée  de  saint 
Jérôme  :  l'Eglise  est  l'arche  du  salut.  Malheur  à 
celui  qui  s'en  détache!  il  sera  entraîné  et  englouti 
dans  les  eaux  du  déluge. 


NOTES.  261 


NOTES. 


j. 


Quoniam  vetusto  Oriens  inter  se  populorum  furore  col- 
lisus,  indiscissam  Domini  tunicam  et  desuper  textam, 
minutatim  per  frustra  discerpit,  et  Christi  vineam  extermi- 
nant vulpes  ut  difficile  ubi  fons  signatus  et  hortus  ille  con- 
clusus  sit,  possit  intelligi  :  ideo  mihi  eathedram  Pétri  et 
fidem  apostolico  ore  laudatam  censui  consulendam  :  inde 
nunc  meee  animas  postulans  cibum,  unde  olim  Christi  ves- 
timenta  suscepi.  Neque  vero  tanta  vastitas  elementi  liquen- 
tis,  et  interjacens  longitudino  terrarum  me  a  pretiosae 
margaritae  potuit  inqnisitione  prohibere.«  Ubicumque  fue- 
rit  corpus,  illuc  congregabuntur  aquilae.  »  (Matth.  24.) 
Profligato  a  sobole  mala  patrimonio,  apud  vos  solos  incor- 
rupta  patrum  servatur  hereditas.  Ibi  cespite  terra  faecundo 
dominici  seminis  puritatem  centeno  fructu  refert.  Hic 
obruta  sulcis  frumenta  in  lolium  avenasque  dégénérant. 
Nunc  in  Occidente  soi  justitise  oritur  ;  in  Oriente  autem 
Lucifer  ille  qui  ceciderat,  supra  sidéra  posuit  thronum 
suum.  «  Vos  estis  lux  mundi,  vos  sal  terras,  »  vos  aurea 
vasa  et  argenlea;  hic  testacea  vasa  vel  lignea,  virgam 
ferream  et  aeternum  operiuntur  incendium.  Quamquam 
igitur  tui  me  terreat  magnitudo,  invitât  tamen  humanitas. 
A  sacerdote  victima  salutem,  a  Pastore  praesidium  ovis 
flagito.  Face^sat  invidia  :  Romani  culminis  recédât ambitio, 
cum  successore  Piscatoris  et  discipulo  crucis  loquor.  Ego 


262  ROTES 

nullum  primum  nisi  Christum  sequens,  Beatitudini  tuœ, 
ici  est  cathedra?  Pétri,  communione  consocior;  super  illam 
petram  œdificatam  Ecclesiam  scio.  Quicumque  extra  haDC 
domum  agnum  comederit,  profanus  est;  si  quis  in  arca 
Xoe  non  fuerit,  peribit  régnante  diluvio.  Et  quia  pro  faci- 
noribus  meis  ad  eam  solitudinemcommigravi,  quaeSyriam 
juncto  Barbariae  fine  déterminât,  nec  possum  sanctum 
Domini ,  tôt  interjacentibus  spatiis,  a  sanctimonia  tua 
semper  expetpre  ;  ideo  hic  collegas  tuos  jEgyptios  confes- 
sores  sequor.  Non  novi  Yilalem,  Meletium  respuo,  ignoro 
Paulinum.  Quicumque  tecum  non  colligit,  spargit,  hoc  est, 
qui  Christi  non  est,  Antichristi  est.  (Epist.  1  4,  ad  Dama- 
sum  papam,  scripta  annocirciter  3*5.) 

II. 

Diffinimus  sanctam  Apostolicam  sedem  et  Romanum 
Pontificem  in  uni\ersum  orbem  tenere  primatum,  et  ipsum 
Romanum  Pontificem  successorem  esse  B.  Pétri  principis 
Apostolorum,  et  verum  Christi  Vicarium,  totiusque  Ecc'.e- 
siae  caput,  et  omnium  Christianorum  patrem  et  doctorem 
existera,  et  ipsi  in  B.  Petro  pascendi,  regendi  ac  guber- 
nandi  Ecclesiam,  à  D.  N.  J.  C.  plenam  potestatem  traditam 
esse,  quemadmodum  etiam  in  gestis  œcumenicorum  con- 
ciliorum  et  in  sacris  canonibus  continetur.  [Cône.  Floren- 
tini,  apud  Labb.  tom    xm,  csl.  u.  67). 

III. 

Hanc  Ecclesiy?  unilatem  qui  non  tenet,  tenere  se  fidem 
crédit?  Oui  Ecclesiae  renititur  et  resistit,  in  Ecclesia  se  esse 
confidit?  Quando  et  beatus  Apostolus  Paulus  hoc  idem  do- 
ceat  et  sacramentum  unitatis  ostendat,  dicens  :  (E plies.  4. 
y.  4,  o  et  6  Dnura  corpus,  et  unus  Spiritus,  una  spes 
vocationis  vestiae,  unus  Dominas,  una  fides,  unum  Bap- 


>otes.  263 

tisma,  unus  Deus,Quam  unitatem  firmiter  tenere  et  \indi- 
care  debemus,  maxime  Episcopi,  qui  in  Ecclesia  prseside- 
mus.utEpiscopatum  quoque  ipsum,  unum  atquê  indivisum 
probemus.  Nemo  fraternitatem  mendacio  fallat:  nemo  fidei 
veritatem  perfida  praevaricatione  corrumpat.  Episcopatus 
unusest,  cujus  a  singulis  in  solidum  pars  tenetur.  Ecclesia 
quoque  una  est,  qua3  in  multitudinem  latius  incremenlo 
faecunditatis  extenditur  :  Quomodo  solis  multi  radii,  sed 
lumen  unum  ;  et  rami  arboris  multi,  sed  robur  unum  tenaci 
radice  fundatum  :  et  cum  de  fonte  uno  rivi  plurimi  defluunt 
numerositas  licet  diffusa  videatur  exundantis  copise  largi- 
tate,  unitas  tamen  servatur  in  origine.  Avelle  radium  solis 
a.corpore,  divisionem  lucis  unitas  non  capit  :  ab  arbore 
frange  ramum,  fructus  gerœinare  non  poterit  :  à  fonte 
prsecide  nvum,  praecisus  arescet.  Sic  Ecclesia  Domini  luce 
perfusâ  per  orbem  totum  radios  suos  porrigit,  unum  tamen 
lumen  est,  quod  ubique  dirfunditur,  nec  unitas  corporis 
separatur  :  ramos  suos  in  universam  terram  copia  ubertatis 
extendit,  profluentes  largiter  rivos  latius  expandit  :  unum 
tamen  caput  est,  et  origo  una,  et  una  mater  faecunditatis 
successibus  copiosa.  Illius  faetu  pascimur,  illius  lacté  nu- 
trimur,  spiritu  ejus  animamur.  {S.  Cyprian.  de  unitale 
Ecclesiœ) . 

Adulterari  non  potest  sponsa  Christi,  incorrupta  est  et 
pudica  :  unam  domum  novit,  unius  cubiculi  sanctitatem 
casto  pudore  custodit.  Haec  nos  Deo  servat,  hœc  filios 
regno,  quos  generavit,  assignat.  Ouisquis  ab  Ecclesiae  se- 
gregatus  adultéra?  jungitur,  a  promissis  Ecclesiœ  separa- 
tur :  nec  pervenit  ad  Christi  preemia,  qui  relinquit  Ecclesiarn 
Christi  :  alienus  est,  profanus  est,  hostis  est.  Habere  jam 
non  potest  Deum  Patrem  qui  Ecclesiarn  non  habet  matrem. 
Si  potuit  evadere  quisquam  qui  extra  arcam  Noe  fuit;  et 
qui  extra  Ecc'iesiam  foris  fuerit,  evadet.  Monet  Dominus  et 
dicit  :  (Matth.  12,  f.  30).  Qui  non  est  mecum,  adversusme 


264-  NOTES. 

est  :  et  qui  non  mecum  colligit,  spargit.  Qui  pacem  Chrisli 
et  concordiam  rumpit,  adversus  Christum  facit.  Qui  alibi 
praeter  Ecclesiam  colligit,  Christi  Ecclesiam  spargit.... 

Hanc  unitatem  qui  non  tenet,  Dei  legem  non  lenet;  non 
tenet  Patris  et  Filii  fidem,  et  veritatem  non  tenet  ad  salu- 
tem.  Hoc  unitatis  sacramentum,  hoc  vinculum  concordiae 
iDseparabiliter  cohœrentis  ostenditur,  quando  in  Evangelio 
tunica  Domini  Jesu  Christi  non  dividitur  omnino,  nec  scin- 
ditur...  et  incorrupta  atque  invidua  vestis  possidetur  :...< 
possidere  non  potest  indumentum  Christi,  qui  scindit  et 
dividit  Ecclesiam  Christi  :  Christi  populus  non  potest  scindi, 
tunica  ejus  per  totum  textilis  et  cohaerens,  divisa  a  possi- 
dentibus  non  est  :  individua,  copulata,  connexa,  ostendit 
populi  nostri,  qui  Christum  induimus,  concordiam  cohe- 
rentem  ;  sacramento  vestis  et  signo  declaravit  Ecclesia3 
unitatem.  Quis  ergo  sic  est  sceleratus  et  perfidus,  quis  sic 
discordia?  furore  vesanus,  ut  aut  credat  scindi  posse  aut 
audeat  scindere  unitatem  Dei?  Vestem  Domini?  Ecclesiam 
Christi?  Monet  ipse  qui  in  Evangelio  suo  et  docet  dicens  : 
(Joann.  10.  f.  16.)  Et  erit  unus  grex,  et  unus  paslor.  Et 
esse  posse  uno  in  loco  aliquis  existimat  aut  multos  pasto- 
res,  aut  multos  grèges?  Apostolus  item  Paulus  hanc  ean- 
dem  nobis  insinuans  unitatem,  obsecrat  et  hortatur  dicens  : 
Obsecro,  inquit,  (i  Cor.  i.  f.  10)  vos  fratres,  per  nomen 
Domini  Jesu  Christi,  ut  id  ipsum  dicatis  omnes,  et  non  sint 
in  vobis  schismata  ;  sitis  autem  compositi  in  eodem  sensu 
et  in  eadem  sententia.  Et  iterum  dicit  :  (Ephes.  k,  f.  2  et 
3).  Sustinentes  invicem  in  dilectione,  satis  agentes  servare 
unitatem  spirilus  in  conjunctione  pacis.  Stare  tu  et  vivere 
putas  posse  de  Ecclesia  recedentem?  Sedes  sibi  alias  et 
diversa  domicilia  condentem?  Cum  dictum  sit  ad  Raab, 
(Jos.  2,  f.  48  et  19,)  in  qua  praeformabatur  Ecclesia  :  Pa- 
trem  tuum  et  matrem  tuam,  et  fratres  tuos,  ettotam  domum 
patris  tui  colliges  ad  te  ipsam  in  domum  tuam,  et  erit, 


NOTES.  265 

omnis  qui  exierit  ostium  doraus  tuse  foras,  reus  sibi  erit. 
Item  sacramentum  Paschae  nihil  aliud  in  Exodi  lege  conti- 
neat,  quam  ut  agnus,  qui  in  figura  Christi  occiditur,  in 
domo  una  edatur.... 

Garo  Christi  et  sanclum  Doinini  ejici  foras  non  potest, 
nec  alia  ulla  credentibus,  prseter  unam  Ecclesiam,  domus 
est.  Hanc  domum,  hoc  unanimilatis  hospitium  désignât  et 
denuntiat  Spiritus  sanctus  in  Psalmo  (67.  f.  7)  dicens  : 
Deus  qui  inhabitare  facit  unanimes  in  domo.  In  domo  Dei, 
in  Ecclesia  Christi  unanimes  habitant,  concordes  et  simpli- 
ces  persévérant.  (Ibid.) 


266  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 


IVe  INSTRUCTION. 

SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  LÉGLISE,    LA  SAINTETÉ. 


EXORDE. 

\ .  Dans  l'instruction  précédente  ,  nous  avons 
considéré  la  première  propriété  de  l'Eglise,  c'est- 
à-dire,  son  unité. 

En  vertu  de  cette  unité,  l'Eglise  est  comme  un 
corps  immense  qui  a  pour  chef  Jésus-Christ  dans 
le  ciel,  et  sur  la  terre,  le  Pontife  romain;  et  ce 
corps  est  composé  d'autant  de  membres  qu'il  y  a 
de  fidèles  au  monde.  Un  seul  et  même  esprit, 
comme  nous  l'avons  vu,  l'anime  dans  toutes  ses 
parties.  Le  même  Baptême  engendre  chacun  de 
ses  membres  à  la  vie  et  les  fait  participer  à  cet 
esprit.  Une  même  foi  les  unit  intimement  les  uns 
aux  autres.  Une  même  espérance  les  appelle  à 
partager  la  même  félicité  éternelle. 

L'Eglise  est  donc  un  corps  vivant.  Voilà  le  résul- 
tat de  son  unité. 

2.  Mais  un  corps  vivant  manifeste  sa  vie  par 
différents  phénomènes  :  il  se  meut,  il  agit.  Si  l'E- 
glise possède  une  vie  qui  lui  est  propre,  cette  vie 


LA  SAINTETÉ.  267 

doit  donc  se  produire  au  dehors  par  des  actes  qui 
lui  sont  également  propres. 

On  appelle  la  vie  de  l'Eglise  :  la  sainteté.  C'est 
par  des  fruits  de  sainteté  qu'elle  rend  visible  à 
tous  les  yeux  la  présence  permanente  de  l'Esprit 
de  Dieu  en  elle. 

Telle  est  la  seconde  propriété  de  l'Eglise  que 
nous  allons  étudier  dans  cet  entretien. 

Pourquoi  dit-on  que  l'Eglise  est  sainte?  Quels 
sont  les  fruits  de  la  sainteté  de  l'Eglise? 

Nous  répondrons  à  ces  deux  questions  dans  cet 
entretien . 

PREMIER   POINT. 

3.  Que  l'Eglise  soit  sainte,  c'est  ce  que  le  prince 
des  apôtres  nous  marque,  quand  il  dit  aux  fidèles  : 
«  Vous  êtes  la  race  choisie,  le  sacerdoce  royal,  la 
nation  sainte,  le  peuple  conquis,  afin  que  vous 
publiiez  les  grandeurs  de  celui  qui  vous  a  appelés 
des  ténèbres  à  son  admirable  lumière.  Vos  autem 
genus  electum,  regale  sacerdotium,  gens  sancta, 
populus  acquisitionis  :  ut  virtutes  annuntietis  ejus, 
qui  de  tenebris  vos  vocavit  in  admirabile  lumen 
suum.  »  (/  Petr.  n.) 

Trois  motifs  principaux  justifient  ce  titre  de 
sainte  que  nous  donnons  à  l'Eglise. 

Premièrement,  l'Eglise  est  appelée  sainte,  parce 
qu'elle  est  consacrée  et  dédiée  à  Dieu. 

En  effet,  on  appelle  saint,  tout  ce  qui  est  séparé 
des  usages  profanes  et  employé  au  service  divin. 


268  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  i/ÉGLlSE, 

Tout  objet,  même  matériel,  qui  a  cette  destination, 
est  réputé  saint.  Ainsi,  dans  l'ancienne  loi,  on 
honorait  de  la  qualification  de  saints,  les  vases  qui 
servaient  aux  sacrifices,  les  vêtements  sacerdo- 
taux, les  autels,  le  temple  du  Seigneur. 

Les  fils  aînés  portaient  également  le  titre  de 
saints,  et  pour  la  même  raison,  c'est-à-dire,  parce 
qu'ils  étaient  spécialement  consacrés  au  Seigneur. 

i.  Mais,  me  direz-vous,  n'avons-nous  pas  vu 
que  l'Eglise  renferme  dans  son  sein  une  foule 
d'hommes  qui  sont  loin  d'être  saints?  Comment 
dire  après  cela  qu'elle  est  sainte? 

On  appelle  les  chrétiens  des  saints,  de  la  même 
manière  qu'on  appelle  au  artisan  quelconque  du 
nom  de  sa  profession.  Un  peintre  peut  manquer 
aux  règles  de  son  art  ;  un  ouvrier,  être  peu  habile 
dans  son  métier  :  un  militaire,  forfaire  à  son  dra- 
peau ;  un  magistrat,  violer  la  justice  ;  en  un  mot, 
on  peut  méconnaître  les  obligations  de  son  état  et 
en  violer  les  devoirs.  Mais,  cesse-t-on  pour  cela 
d'en  porter  le  nom?  Non,  sans  doute,  à  moins 
d'avoir  été  dégradé  de  ses  titres  ou  d'y  avoir 
renoncé. 

Ainsi  en  est-il  du  chrétien.  Son  état,  sa  voca- 
tion, sa  profession,  est  d'être  saint,  de  mener  une 
vie  sainte.  Il  a  pris  cet  engagement  au  Baptême. 
Avant  de  l'y  admettre,  l'Eglise  s'est  assurée  de  ses 
dispositions.  «  Renoncez-vous  à  Satan,  à  ses  pom- 
pes, à  ses  œuvres,  c'est-à-dire,  aux  maximes  du 
monde  et  au  péché?  Qu'a-t-il  répondu?  —  Oui, 


LA  SAINTETÉ.  ^69 

j'y  renonce.  Mais  comme  il  ne  suffit  pas  de  renon- 
cer au  péché  pour  être  saint,  l'Eglise,  continuant 
son  interrogatoire,  lui  a  demandé  à  qui  il  pré- 
tendait désormais  appartenir  ;  et  il  a  répondu  :  à 
Jésus-Christ. 

Par  cette  autre  déclaration,  le  chrétien  a  pro- 
mis solennellement,  à  la  face  du  ciel  et  de  la  terre, 
de  faire  de  l'Evangile  la  règle  de  sa  conduite, 
d'aimer  Dieu  sur  toutes  choses  et  le  prochain 
comme  lui-même ,  deux  commandements  dans 
lesquels  se  résume  toute  la  sainteté. 

La  foi  qu'il  professe,  son  titre  d'enfant  de  Dieu, 
l'obligent  donc  étroitement  à  mener  une  vie  sainte. 
S'il  vient  à  pécher  et  à  enfreindre  ses  promesses, 
il  fait  injure  à  sa  profession  et  il  est  coupable  sans 
doute  ;  néanmoins  sa  profession  ne  laisse  pas 
d'être  toujours  sainte  et  de  réclamer  toujours  de 
lui  la  sainteté. 

C'est  en  ce  sens  que  tout  chrétien  sans  distinc- 
tion peut  être  appelé  saint.  Voilà  aussi  pourquoi 
l'apôtre  saint  Paul  ne  faisait  pas  difficulté  de  don- 
ner aux  Corinthiens  le  nom  de  sanctifiés  et  de 
saints,  bien  qu'il  y  en  eut  parmi  eux  à  qui  il  repro- 
chait d'être  encore  des  hommes  charnels  et  qu'il 
qualifiait  d'une  manière  encore  plus  sévère. 

5.  Le  second  motif  pour  lequel  l'Eglise  est 
appelée  sainte,  c'est  qu'elle  a  pour  chef  Jésus- 
Christ,  qui  est  la  source  de  toute  sainteté. 

Entre  Jésus-Christ  et  l'Eglise,  il  y  a  la  même 
.  union,  les  mêmes  rapports,  la  même  correspon- 

syjhî.      ii.  23* 


270  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

dance  qu'entre  la  tète  et  le  corps.  La  tête  étant 
pleine  de  sainteté  répand  sur  les  membres  qui  lui 
sont  unis,  les  grâces  du  Saint-Esprit,  les  richesses 
de  la  bonté  divine. 

Le  corps  de  l'Eglise  participe  donc  à  la  sainteté 
de  son  chef.  Comment  dès  lors  ne  serait-elle  pas 
sainte? 

Saint  Augustin  confirme  cette  vérité  d'une  ma- 
nière remarquable,  en  expliquant  cette  parole  du 
psalmiste  :  Sauvez-moi,  parce  que  je  suis  saint. 
«  Que  le  corps  entier  de  Jésus-Christ,  dit-il,  que 
chacun  des  fidèles  élève  la  voix  des  extrémités  de 
la  terre,  et  qu'il  ne  craigne  pas  de  dire  avec  son 
chef  et  sous  son  chef  :  je  suis  saint.  N'a-t-il  pas 
reçu  en  effet  la  grâce  de  la  sainteté,  la  grâce  du 
Baptême  et  de  la  rémission  des  péchés.  Audeat  et 
corpus  Christi,  audeat  et  unus  ille  homo,  damans 
à  finibus  terras,  cum  capite  suo,  et  sub  capite 
dicere  :  sanctus  sum  :  accepit  enim  gratiam  sancti- 
tatis,  gratiam  Baptismi  etremissionis  peceatorum.» 
(August.  in  Psam.  85.)  11  ajoute  un  peu  plus 
loin  :  «  Si  tous  les  chrétiens,  si  tous  les  fidèles 
baptisés  en  Jésus-Christ  ont  été  revêtus  de  lui, 
comme  le  déclare  l'Apôtre  en  ces  termes  :  Vous 
tous  qui  avez  été  baptisés  en  Jésus-Christ,  vous 
êtes  revêtus  de  Jésus-Christ  ;  si,  dis-je,  ils  sont 
devenus  membres  de  son  corps,  et  qu'ensuite  ils 
prétendent  qu'ils  ne  sont  pas  saints,  ils  font  injure 
à  leur  chef  dont  les  membres  sont  saints.  Si  chris- 
tiani  omnes,  et  fidèles  in  Christo  baptizati,  ipsum 


LA  SALMETÉ.  271 

induerunt ,  sicut  apostolus  dicit  :  Quotquot  in 
Christo  baptizati  estis,  Christum  induistis  ;  si  mem- 
bra  sunt  facta  corporis  ejus,  et  dicunt  se  sanctos 
non  esse,  capiti  ipsi  faciunt  injuriam,  cujus  mem- 
bra  sancta  sunt.  »  (Ibid.) 

Ainsi,  au  témoignage  de  saint  Augustin,  la  sain- 
teté de  Jésus-Christ  rejaillit  sur  toute  l'Eglise.  De 
même  que  la  vigne  propage  sa  sève  dans  ses 
branches,  ainsi  le  Sauveur  répand  sa  grâce  en  elle. 
Pour  qu'il  en  fût  autrement,  il  faudrait  ou  qu'elle 
ne  fut  pas  son  corps  mystique,  ou  que  ce  corps 
fut  séparé  de  son  chef. 

Mais  l'alliance  de  Jésus-Christ  et  de  l'Eglise  est 
éternelle  :  «  Je  suis  avec  vous  jusqu'à  la  consom- 
mation des  siècles,  »  c'est  donc  à  bon  droit  que 
l'Eglise  est  appelée  sainte,  comme  participant  à  la 
sainteté  de  son  chef. 

6.  Le  troisième  motif  qui  nous  oblige  à  l'appe- 
ler sainte,  c'est  qu'elle  est  seule  dépositaire  des 
moyens  qui  opèrent  la  sanctification. 

Ces  moyens  sont  le  saint  sacrifice  et  les  sacre- 
ments. Dieu  s'en  sert,  comme  d'instruments,  pour 
verser  sa  grâce  dans  nos  âmes  et  y  produire  une 
vraie  sainteté. 

Or,  c'est  à  l'Eglise  seule  qu'il  en  a  confié  la 
dispensation.  Seule,  elle  a  mission  légitime  pour 
offrir  le  sacrifice  et  conférer  avec  fruit  les  sacre- 
ments. C'est  aux  apôtres  que  Jésus-Christ  a  dit, 
dans  la  dernière  cène  :  a  Faites  ceci  en  mémoire 
de  moi,  «c'est-à-dire,  consacrez  le  pain  et  le  vin. 


272  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L  EGLISE. 

comme  je  viens  de  le  faire,  changez-les  par  la 
puissance  de  ma  parole,  en  mon  corps  et  en  mon 
sang,  afin  que  vous  ayez  toujours  à  offrir  à  Dieu 
une  victime  digne  de  lui.  C'est  encore  aux  apôtres 
qu'il  a  donné  le  pouvoir  de  baptiser  et  de  remettre 
les  péchés. 

Comme  on  ne  peut  être  sanctifié  que  par  l'ap- 
plication des  mérites  du  Sauveur,  et  que  cette 
application  se  fait  au  moyen  des  sacrements  qui 
sont  entre  les  mains  de  l'Eglise,  il  s'ensuit  qu'il 
n'y  a  point  de  sainteté  véritable  hors  de  son  sein. 

Encore  une  fois  par  conséquent,  l'Eglise  est 
sainte,  et  elle  est  sainte,  parce  qu'elle  est  le  corps 
de  Jésus-Christ  qui  la  sanctifie  et  la  purifie  dans 
son  sang. 

SECOND  POINT . 

7.  Voyons  maintenant  les  fruits  de  sainteté  que 
produit  l'Eglise. 

Sainte  par  sa  destination,  qui  est  de  glorifier 
Dieu,  sainte  à  raison  de  son  Chef  qui  est  la  sainteté 
même,  sainte  parce  qu'elle  est  enrichie  des  moyens 
de  sanctification  les  plus  efficaces,  l'Eglise,  cette 
vigne  chérie  du  Seigneur,  serait-elle  stérile?  Et 
son  titre  de  sainte  serait-il  un  vain  nom? 

Il  n'en  est  pas  ainsi.  Elle  a  toujours  produit  et 
elle  produira  toujours  en  abondance  les  fruits  d'une 
sainteté  véritable. 

Qu'était  le  monde,  au  moment  où  elle  reçut  de 
son  divin  Maître  l'ordre  de  prêcher  l'Evangile? 


LA  SAINTETÉ.  273 

A  part  le  peuple  juif,  tous  les  autres  étaient 
plongés  dans  les  superstitions  infâmes  de  l'idolâ- 
trie. Tout  était  Dieu,  excepté  Dieu  lui-même,  a  dit 
Bossuet  ;  et  l'on  peut  ajouter  que  tout  aussi  était 
vertu,  excepté  la  vertu  elle-même.  Egarés  par 
leurs  penchants  dépravés,  les  hommes  avaient  fait 
la  divinité  à  l'image  de  leurs  vices  ;  le  culte  était 
souillé  par  des  abominations  de  tout  genre.  A  quel 
excès  de  corruption  la  société  n'était-elle  pas  des- 
cendue ! 

Les  apôtres  commencent  par  former  à  Jérusalem 
la  première  Eglise  chrétienne.  Les  juifs  fidèles  se 
font  baptiser.  Cette  Eglise  donne  au  monde  un 
spectacle  nouveau.  Les  premiers  chrétiens  mettent 
leurs  biens  en  commun  et  vivent  dans  une  union 
si  parfaite,  qu'on  ne  savait  assez  admirer  leur 
charité. 

Bientôt  les  Gentils  entendent  à  leur  tour  la 
bonne  nouvelle  du  salut.  Convaincus  par  la  parole 
et  les  miracles  des  apôtres,  ils  reçoivent  aussi  le 
baptême.  A  dater  de  ce  moment,  on  les  voit  trans- 
formés d'une  manière  merveilleuse. Ce  ne  sont  plus 
ces  hommes  esclaves  des  passions  les  plus  viles  ; 
ils  goûtent  le  mystère  de  la  croix  et  commencent 
à  pratiquer  les  austères  vertus  qu'elle  inspire.  La 
chasteté  brille  d'un  vif  éclat  dans  leurs  mœurs  jus- 
que là  si  dissolues.  Fortifiés  par  la  grâce,  ils  con- 
fessent la  foi  devant  les  tribunaux  et  font  pour  elle 
le  sacrifice  généreux  de  leurs  biens,  de  leurs  hon- 
neurs, et  de  leur  vie.   Pendant  trois  siècles,  les 


274  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  i/ÉGLISE, 

échafauds  et  les  amphithéâtres  regorgent  du  sang 
chrétien.  Enfin  le  culte  du  vrai  Dieu  a  remplacé 
celui  des  fausses  divinités,  et  le  monde  païen  est 
régénéré  à  une  vie  nouvelle. 

8.  Après  avoir  donné  au  ciel  onze  à  douze  mil- 
lions de  martyrs,  premiers  fruits  de  sa  fécondité, 
l'Eglise  continue,  dans  la  suite  des  siècles,  d'en- 
gendrer des  myriades  de  saints  de  tout  âge,  de 
tout  sexe,  de  toute  condition.  Cette  sainte  pos- 
térité est  aussi  nombreuse  que  les  étoiles  du  firma- 
ment. 

Parcourez  les  déserts  de  la  Thébaïde,  vous  y 
rencontrez  les  Paul,  les  Antoine,  les  Hilarion, 
avec  une  multitude  innombrable  d'anachorètes  et 
de  cénobites,  qui  retracent  la  vie  des  anges  sur  la 
terre. 

Bientôt  paraissent  les  saints  Docteurs,  que  Dieu 
suscite  pour  combattre  les  hérésies  et  répandre  sur 
le  monde  l'éclat  de  leur  science.  Ici,  c'est  le  grand 
Athanase,  qui,  pendant  quarante  ans,  s'oppose 
comme  un  mur  d'airain  à  l'Arianisme  et  étonne 
ses  ennemis  par  sa  constance.  Là,  c'est  Grégoire 
de  Nazianze  et  Basile,  ces  deux  illustres  amis, 
dignes  l'un  de  l'autre  par  leur  éloquence,  leur 
savoir  et  leur  sainteté.  Plus  loin,  c'est  Chrysos- 
tôme,  la  bouche  d'or,  c'est  Ambroise  dont  la  haute 
vertu  sait  soumettre  un  empereur  à  la  pénitence  ; 
c'est  Augustin,  le  génie  peut-être  le  plus  profond 
qui  ait  paru  ;  c'est  Jérôme,  dont  les  travaux  sont 
aussi  célèbres  que  ses  austérités  ;  c'est  Léon  dont 


LA  SAINTETÉ.  275 

l'ascendant  divin  arrête  Attila,  le  fléau  de  Dieu, 

aux  portes  de  Rome  ;  c'est  saint  Grégoire  pape,  à 

qui  l'Eglise  reconnaissante  a  décerné  le  nom  de 

grand. 
«-/ 

Tous  ces  grands  hommes  paraissent  ornés  de  la 
double  auréole  de  la  sainteté  et  du  génie. 

A  leur  suite,  on  voit  éclore  une  foule  d'autres 
saints  dans  tous  les  rangs  de  la  société  chrétienne. 
L'impératrice  Pulchérie  et  sainte  Clotilde,  saint 
Louis  et  saint  Henri,  saint  Etienne  de  Hongrie  et 
saint  Wenceslas  de  Bohème,  font  briller  la  sain- 
teté sur  le  trône. 

Qui  pourrait  compter  les  Pontifes  et  les  Evéques 
qui  en  donnèrent  aussi  l'exemple  à  leur  siècle?  En 
quelle  province,  en  quelle  ville,  n'a-t-on  point  con- 
servé la  mémoire  de  l'un  d'eux?  Leur  lumière  a 
éclairé  toutes  les  contrées  où  ils  ont  porté  l'E- 
vangile. Leurs  reliques  y  reposent,  et  souvent, 
ils  y  font  encore  éprouver  la  puissance  de  leurs 
mérites. 

La  sainteté  a  revêtu  toutes  les  formes  ;  elle 
s'est  accommodée  à  tous  les  besoins.  Après  les 
irruptions  des  Barbares,  saint  Benoît  fonde  son 
ordre,  vénérable  asile  qui  conserva  les  lettres  et 
les  arts.  Saint  François  d'Assise  et  saint  Dominique 
viennent  au  secours  de  l'Eglise  en  lui  donnant  des 
légions  d'ouvriers  apostoliques.  Les  déserts  de  la 
Chartreuse  reçoivent  l  admirable  colonie  de  saint 
Bruno.  Saint  Bernard,  du  fond  de  son  monastère 
de  Clairvaux  éclaire  et  édifie  le  monde. 


276  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L  EGLISE, 

A  la  même  époque,  les  plus  célèbres  universités 
voient  leurs  chaires  occupées  par  les  Albert-le- 
grand  et  les  Thomas  d'Aquin.  Saint  Anselme  en 
Angleterre  avait  frayé  la  voie  aux  fortes  études 
philosophiques  et  religieuses  qui  ont  illustré  cet 
âge.  Le  Docteur  séraphique,  saint  Bonaventure, 
se  rend  aussi  célèbre  par  ses  vertus  que  par  sa 
science. 

La  sainteté  ne  cultiva  pas  seulement  la  science  ; 
il  n'est  pas  un  besoin,  pas  une  plaie  de  l'humanité 
dont  elle  n'ait  inventé  le  remède.  Que  d'hospices 
et  de  refuges  de  tout  genre  n'a-t-elle  pas  ouverts 
à  la  misère  !  La  lèpre  vient-elle  à  sévir  dans  les 
contrées  de  l'Europe  ?  Un  saint  crée  aussitôt  l'ordre 
de  Saint-Lazare  et  fonde  un  grand  nombre  d'hôpi- 
taux connus  sous  le  nom  de  léproseries.  Pour 
recueillir  l'enfance  abandonnée  ou  orpheline,  saint 
Jérôme  Emilien  en  Italie,  saint  Joseph  de  Calas- 
sance  en  Espagne  instituent  des  congrégations 
spéciales,  que  saint  Vincent  de  Paul  et  le  bienheu- 
reux de  La  Salle  imitèrent  dans  la  suite  en  France. 
Les  pèlerins  de  la  Terre-Sainte  ont  besoin  de  pro- 
tection, l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  est  créé 
dans  cette  vue.  11  y  a  des  voyageurs  qui  traversent 
les  Alpes,  au  risque  d'être  surpris  par  l'avalanche. 
Un  saint  ira  les  attendre  au  sommet  avec  ses  reli- 
gieux. Un  autre  saint  descendra  plus  tard  dans  les 
cabanons  des  nègres  et  s'y  enfermera  volontaire- 
ment toute  sa  vie,  afin  d'instruire  et  de  consoler 
ces  malheureux  rebuts  du  monde.  C'est  le  bien- 
heureux Gaver. 


LA  SAINTETÉ.  277 

Le  protestantisme  paraît.  Dieu  oppose  à  ses 
ravages  une  nouvelle  légion  de  saints,  entre  les- 
quels se  distinguent  saint  Ignace  de  Loyola,  fon- 
dateur de  la  compagnie  de  Jésus,  saint  Charles 
Borromée,  l'illustre  archevêque  de  Milan  qui,  s'ou- 
bliant  lui-même,  expose  sa  vie  avec  intrépidité 
pour  secourir  les  pestiférés  ;  saint  François  (\e 
Sales,  ce  grand  évêque  dont  la  douceur  ramena 
un  si  grand  nombre  d'hérétiques  à  l'Eglise  ;  saint 
Vincent  de  Paul,  l'ami  par  excellence  de  tous  les 
infortunés,  dont  le  nom  a  commandé  le  respect 
aux  plus  impies  mêmes  ;  saint  Louis  de  Gonzague 
et  saint  Stanislas  de  Kostka  qui  ont  été  les  anges 
de  la  terre  par  leur  innocence  ;  sainte  Thérèse,  la 
réformatrice  du  Carmel,  saint  Jean  de  la  Croix, 
son  fidèle  coadjuteur,  saint  Philippe  de  Néri,  insti- 
tuteur de  l'oratoire  ;  tant  d'autres  enfin  dont  l'E- 
glise a  canonisé  les  vertus. 

Elle  a  répondu  aux  reproches  de  corruption  et 
de  relâchement,  en  multipliant  ses  saints. 

A  une  époque  plus  rapprochée  de  nous,  elle  a 
enfanté  d'autres  héros  non  moins  dignes  d'admira- 
tion. Pendant  que  la  philosophie  incrédule  sème 
partout  ses  poisons,  elle  fait  naître  coup  sur  coup 
les  François  de  Hiéronimo,  les  Léonard  de  Port 
Maurice,  les  Paul  de  la  Croix,  les  Alphonse  de 
Liguori  qui  par  leurs  écrits  ou  leurs  prédications 
réveillent  avec  succès  la  foi  des  peuples. 

9.  A-t-elle  cessé  de  nos  jours  de  produire  de 
nouveaux  rejetons  de  sainteté? 


278  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

Ouvrez  les  yeux,  et  regardez  ce  qui  se  passe 
autour  de  vous.  Ne  la  voyez-vous  pas  toute  res- 
plendissante encore  de  l'auréole  des  vertus?  Ne 
compte-t-elle  pas  dans  tous  les  rangs  de  la  société, 
dans  tous  les  états  de  vie,  un  grand  nombre  d'en- 
fants dociles  qui,  par  leur  vie  exemplaire,  la  con- 
solent et  la  dédommagent  de  l'infidélité  des  autres? 
Qui  peut  ne  pas  admirer  les  dévouements  sublimes 
qu'elle  inspire  chaque  jour  sous  nos  yeux  ? 

Trois  vertus  surtout  contribuent  à  la  gloire  de 
l'Eglise  :  l'humilité,  la  chasteté,  la  charité.  Incon- 
nues au  paganisme,  méprisées  ou  affaiblies  parmi 
les  sectes,  c'est  dans  l'Eglise  catholique  seulement 
qu'elles  brillent  de  tout  leur  lustre.  N'est-ce  pas 
une  chose  journalière  que  des  chrétiens  renon- 
cent aux  grandeurs  du  siècle,  aux  biens  et  aux 
espérances  de  ce  monde,  à  leur  patrie,  à  ce  qu'ils 
ont  de  plus  cher,  et  pourquoi?  pour  s'ensevelir 
dans  l'obscurité  du  cloître,  embrasser  la  pauvreté 
et  la  pénitence,  se  renoncer  totalement  à  eux-mê- 
mes par  le  vœu  d'obéissance. 

Cherchez  autour  de  vous,  et  nommez-moi  un 
genre  d'infortune  qui  soit  dénué  de  soulagement? 
La  charité  chrétienne  n'a-t-elle  pas  fixé  ses  vier- 
ges au  chevet  des  pauvres  malades  dans  les  hôpi- 
taux et  les  hospices  d'incurables?  N'a-t-elle  pas 
attaché  la  sœur  du  bon  Pasteur  aux  cotés  de  cette 
créature  que  le  souffle  des  passions  a  flétrie  ?  N'a- 
t-elle  pas  institué  des  frères  de  Miséricorde  pour 
les  prisons?  des  sœurs  de  la  Sagesse,  de  notre 


LA  SAINTETÉ.  279 

Dame,  de  la  Providence,  les  Dames  du  Sacré 
Cœur,  la  congrégation  des  Ursulines,  pour  élever 
chrétiennement  les  personnes  de  leur  sexe?  N'a-t- 
elle  pas  étendu  et  propagé  les  frères  des  écoles 
chrétiennes  pour  l'instruction  des  pauvres  ?  A 
combien  d'ames  généreuses  n'inspire-t-elle  pas  le 
courage  de  porter  l'Evangile  aux  extrémités  du 
monde,  sans  tenir  compte  ni  des  sacrifices,  ni  des 
fatigues,  ni  de  leurs  sueurs,  ni  de  leur  sang? 

Quoi  de  plus  admirable  encore  que  cette  multi- 
tude d'autres  âmes  qui  font  profession  d'une  invio- 
lable chasteté,  et  qui,  soit  dans  le  sacerdoce,  soit 
dans  l'état  religieux ,  soit  même  au  milieu  du 
monde,  paraissent  les  émules  des  anges  par  la  pu- 
reté de  leurs  mœurs? 

Ce  spectacle  ne  nous  étonne  plus,  tant  nous 
sommes  familiarisés  avec  toutes  ces  merveilles. 
Cependant  ce  sont  la  autant  de  fruits  de  la  sainteté 
de  l'Eglise  :  elle  peut  défier  toutes  les  religions 
d'invention  humaine  de  lui  opposer  rien  de  sem- 
blable. 

Où  sont  par  exemple  dans  les  Etats  protestants 
ces  essaims  d'hommes  et  de  femmes,  tout  occupés 
de  la  prière  et  de  la  pénitence,  victimes  d'expia- 
tion pour  les  péchés  de  leurs  frères?  Montrez-moi 
un  véritable  missionnaire,  une  véritable  sœur  de 
charité,  au  sein  de  l'Angleterre,  de  la  Prusse,  de  la 
Suède  protestante.  La  vraie  foi  est  seule  capable 
de  produire  l'héroïsme  de  la  charité. 

10.  La  sainteté  de  l'Eglise  ne  se  manifeste  pas 


280  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

seulement  chez  les  âmes  d'élite  qui  aspirent  h  la 
perfection;  elle  perce  jusque  dans  la  vie  ordinaire 
du  commun  des  chrétiens. 

Tous  ne  sont  pas  saints,  il  n'est,  hélas  !  que  trop 
vrai  ;  mais  que  ne  fait  point  cette  tendre  Mère  pour 
les  ramener  à  la  pénitence  et  à  la  vertu?  Sont-ils 
dociles  à  sa  voix,  se  laissent-ils  toucher  par  ses 
remontrances?  ils  vont  se  purifier  par  une  sincère 
confession  de  leurs  fautes,  et  en  recevant  le  bien- 
fait de  l'absolution  qui  est  comme  l'extension  du 
Baptême,  ils  recouvrent  la  sainteté  perdue. 


CONCLUSION. 


1  1 .  C'est  ainsi  que  la  sainteté  de  Jésus-Christ 
pénètre  tout  le  corps  de  l'Eglise.  Quelle  autre  que 
lui,  quelle  puissance,  quelle  vertu,  sinon  la  sienne, 
est  capable  d'opérer  tous  ces  prodiges?  Aussi  ne 
pouvons-nous  en  douter,  c'est  l'esprit  de  Dieu  qui 
vivifie  et  anime  l'Eglise,  comme  le  Sauveur  Ta  pro- 
mis à  ses  apôtres. 

On  reconnaît  l'arbre  à  ses  fruits.  L'Eglise,  comme 
une  vigne  d'une  fécondité  inépuisable,  ne  cesse 
d'engendrer  toujours  de  nouveaux  saints  ;  elle  s'ef- 
force de  faire  arriver  cette  sève  de  la  sainteté 
jusqu'aux  branches  les  plus  reculées.  Nous  venons 
d'admirer  ses  magnifiques  produits.  Reconnaissons 
la  main  qui  l'a  plantée  et  qui  la  cultive  sans  relâ- 
che. C'est  la  main  de  Dieu  même. 

Avec  quelle  sainte  joie  ne  devons-nous  pas  con- 
templer cette  sainteté  de  notre  Mère  !  Avec  quel 


LA   SAINTETÉ.  281 

bonheur  ne  devons-nous  pas  nous  voir  associés  à 
cette  troupe  brillante  de  héros,  qui  sont  nos  frères 
et  qui  nous  appellent  à  marcher  sur  leurs  traces  ! 
Quelle  noble  famille  que  celle  des  chrétiens,  illus- 
trée par  tant  de  vertus,  de  mérites  et  de  grandes 
œuvres  ! 

12.  Mais,  ne  nous  contentons  pas  d'une  admi- 
ration oisive  et  stérile.  Chrétiens,  ne  l'oublions 
pas,  nous  sommes  tous  appelés  à  la  sainteté.  La 
sainteté  est  notre  vocation,  notre  état,  notre  pro- 
fession, notre  devoir.  Le  nom  même  que  nous 
portons  devient  notre  condamnation  et  notre  honte, 
dès  que  nous  cessons  de  vivre  en  saints. Que  nous 
importerait  d'être  les  membres  d'une  Eglise  sainte, 
si  nous  sommes  des  membres  morts  ou  paralysés? 
Malheur  h  la  branche  qui  sèche  sur  l'arbre,  on  la 
retranchera  sans  pitié  et  on  la  condamnera  au  feu. 

«  Fratres,  obsecro  vos,  ut  exhibeatis  corpora 
vestra  hostiam  viventem,  sanctam,  Deo  placentem 
rationabile  obsequium  vestrum.  Mes  frères,  disait 
l'apôtre  saint  Paul,  ayez  donc  soin,  je  vous  en 
conjure,  d'offrir  vos  corps  à  Dieu  comme  une 
victime  vivante,  sainte  et  agréable;  rendez-lui  de 
la  sorte  un  culte  spirituel.  y>(Rom.  xn).  Vivre  dans 
l'Eglise  et  y  vivre  en  pécheur,  sans  songer  sérieuse- 
ment a  quitter  le  péché,  c'est  faire  injure  au  corps 
de  Jésus-Christ,  le  rendre  difforme  autant  qu'il  est 
en  nous  et  nous  exposer  a  cette  terrible  excom- 
munication qu'il  prononcera  au  dernier  jour  :  «Di- 
scedite  a  me.  Retirez-vous  de  moi.  » 


282  SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE,  ETC. 

Pensons-y  bien  et  travaillons  efficacement  à 
nous  sanctifier  par  les  moyens  que  l'Eglise  nous 
offre  en  abondance.  Allons  souvent  puiser  la  grâce 
dans  les  sacrements,  et  appelons-la  fréquemment 
en  nous  par  la  prière.  Celui  qui  prie  et  qui  use 
bien  des  Sacrements  se  sanctifiera  ;  il  portera  des 
fruits  de  sainteté  qui  le  feront  reconnaître  par 
Jésus-Christ  pour  un  serviteur  fidèle. 


HOTE.  283 


NOTE 


Merito  Ecclesia  catholica, mater  christianorum  verissima, 
non  sol u m  ipsum  Deum,  cujus  adeplio  vita  est  beatissima, 
purissime  atque  castissime  colendum  praedicans,  nuliam 
nobis  adorandam  crealuram  inducens,  cui  servire  jubea- 
mur  :  et  ab  alia  incorrupta  et  inviolabili  aeternitate,  cui  soli 
homo  sobjieiendus  est,  cui  soli  rationalis  anima  cohaerendo 
non  misera  est,  excludens  omne  quod  factum  est,  quod 
obnoxium  commutationi,  quod  subditum  tempori  ;  neque 
confundens  quod  eeternitas,  quod  veritas,  quod  denique 
pax  ipsa  distinguit;  necrursum  separans  quod  majestas  una 
conjungit  :  sed  etiam  proximi  dilectionem  atque  charitatem 
ita  complectens,  ut  variorum  morborum,  quibus  pro  pec- 
catis  suis  anima?  œgrotanl ,  cmnis  apud  te  medicina  prae- 
polleat! 

Tu  pueriliter  pueros,  fortiter  juvenes,  quiète  senes,  prout 
cujusque  non  corporistantum,  sed  et  animisetas  est,  exer- 
ces ac  doces.  Tu  feeminas  virissuis  non  ad  exemptam  libi- 
dinem,  sed  ad  propagandam  prolem,  et  ad  rei  familiaris 
societatem,  casta  et  fideli  obedientia  subjicis.  Tu  viros 
conjugibus,  non  ad  illudendum  imbecilliorem  sexum,  sed 
sinceri  amoris  legibus  prœficis.  Tu  parentibus  filios  libéra 
quadam  servitute  subjungis,  parentes  filiis  dominatione 
prceponis.  Tu  fratribus  fratres,  religionis  vinculo  firmiore 
atque  arctiore  quam  sanguinis,  nectis.  Tu  omnem  generis 
propinquitatem  et  affinitatis  necessitudinem,  servatis  na- 
tures voluntatisquç  nexibus,  mutua  charitate  constringis. 


284  NOTE. 

Tu  dominis  servos,  non  tam  conditionis  necessitate,  quam 
officii  delectatione  doces  adhaerere.  Tu  dominos  servis, 
summi  Dei  communis  Domini  consideratione  placabiles,  ad 
consulendum  quam  coërcendum  propensiores  facis.  Tu 
cives  civibus,  gentes  gentibus,  et  prorsus  homines  primo- 
rum  parentum  recordatione,  non  societate  tantum,  sed 
quadam  etiam  fraternitate  conjungis.  Doces  Reges  prospi- 
cere  populis  :  mones  populos  se  subdere  Regibus.  Quibus 
honor  debeatur,  quibus  affeetus,  quibus  reverentia,  quibus 
timor,  quibus  consolatio,  quibus  admonitio,  quibus  cohor- 
tatio,  quibus  disciplina,  quibus  objurgatio,  quibus  suppli- 
cium,  sedulo  doces:  ostendens  quemadmodum  et  non 
omnibus  omnia,  et  omnibus  chantas,  et  nulli  debeatur 
injuria. 

Merito  apud  te  divina  praecepta  late  diffusèque  ser- 
vantur... 

Merito  apud  te  bene  intelligitur,  quam  si t  gravius  co- 
gnita  quam  incognita  lege  peccare. 

Merito  apud  te  visum  est,  quam  sit  sub  lege  operatio 
vana,  cum  libido  animum  vastal,  et  cohibetur  pœnaemetu, 
non  amore  virtutis  obruitur.  Merito  tibi  tam  multi  hos- 
ditales,  multi  officiosi,  multi  miséricordes,  multi  docti, 
multi  casli,  multi  sancti,  multi  usque  adeo  Dei  amore  fla- 
grantes, ut  eos  in  somma  continentiâ,  atque  mundi  hujus 
incredibili  contemptu  etiam  solitudo  delectet.  (S.  Aug. 
libr.  \,  de  moribus  Ecclesiœ  Catholicœ,  cap.  30.) 


TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE,  ETC.  '285 


Ve  INSTRUCTION. 

TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE   LÉGLISE,    LA  CATHOLICITÉ. 

m 

EXORDE. 

\  Dans  les  deux  instructions  précédentes,  nous 
avons  considéré  l'unité  et  la  sainteté  de  l'Eglise. 
Ce  sont  les  deux  premières  propriétés  dont  elle 
est  douée,  et  les  deux  premières  marques  aux- 
quelles on  peut  reconnaître  sa  divinité. 

Par  son  unité ,  l'Eglise  se  présente  comme 
un  corps  immense,  animé  et  régi  par  un  même 
esprit.  Sous  ce  rapport,  elle  offre  à  nos  regards 
un  phénomène  sans  exemple  dans  l'histoire  du 
monde.  Jamais,  en  dehors  d'elle,  on  ne  vit  une 
société  religieuse,  étendue  en  tout  lieu  et  réunis- 
sant dans  la  concorde  d'une  même  foi  et  sous 
l'autorité  d'un  même  chef,  tant  d'intelligences  si 
divisées  sur  tout  le  reste. 

Cette  unité  dépasse  les  forces  humaines  et  ne 
peut  s'expliquer  que  par  l'action  divine.  C'est  une 
des  marques  à  laquelle  Jésus-Christ  a  voulu  qu'on 
reconnût  son  œuvre.  «  Mon  Père,  dit-il,  faites  que 
mes  disciples  soient  un,  comme  nous  sommes  un 
nous-mêmes....  Qu'ils  soient  consommés  dans  l'u- 


286  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

nité,  afin  que  le  monde  connaisse  que  vous  m'avez 
envoyé.  Ut  sint  unum,  sicut  et  nos  unum  sumus. . . 
Ut  sint  consummati  in  unum,  et  credat  mundus, 
quia  tu  me  misisti.  »  (Joan.  xvn). 

Et  ce  grand  corps  de  l'Eglise,  de  quelle  vie  est- 
il  animé?  D'une  vie  surnaturelle  et  divine,  d'une 
vie  de  foi  et  de  charité  ;  en  un  mot,  comme  nous 
l'avons  vu  et  admiré  dernièrement,  la  sainteté  est 
la  vie  de  l'Eglise.  Il  a  suffi,  pour  nous  en  convain- 
cre, de  parcourir  rapidement  sa  marche  depuis 
Jésus-Christ  jusqu'à  nos  jours.  On  peut  justement 
la  comparer  à  celle  d'un  fleuve  dont  la  source  est 
intarissable,  et  qui,  par  une  infinité  de  canaux, 
porte  partout,  avec  ses  eaux,  la  fertilité  et  l'abon- 
dance. 

2.  L'Eglise  est  donc  une  et  sainte.  Mais  de  plus 
elle  est  catholique,  ainsi  qu'il  est  marqué  dans  le 
Symbole.  La  catholicité  est  un  autre  caractère  de 
l'Eglise,  non  moins  divin  que  les  deux  premiers  et 
par  lequel  il  est  aisé,  non  pas  seulement  de  la  dis- 
tinguer des  sectes  rivales,  mais  encore  de  nous 
persuader  pleinement  de  sa  divinité. 

Exposons  clans  cet  entretien  en  quoi  consiste 
la  catholicité  de  l'Eglise.  Nous  joindrons  à  cet 
exposé  quelques  réflexions  utiles. 

PREMIER  POINT. 

3.  Pourquoi  l'Eglise  est-elle  appelée  catholique? 
Catholique  est  un  mot  d'origine  grecque,  qui 

signifie  universelle. 


LA  CATHOLICITÉ.  287 

L'Eglise  est  catholique  ou  universelle  sous  trois 
points  de  vue  principaux. 

D'abord,  elle  est  universelle  quant  aux  lieux. 
«Depuis  le  lever  du  soleil  jusqu'à  son  couchant, 
dit  saint  Augustin,  nous  voyons  une  même  foi 
répandre  partout  sa  splendeur.  A  solis  ortu  usque 
ad  occasum,  unius  fidei  splendore  diffunditur.  » 

Les  sociétés  civiles  et  les  sectes  hérétiques  sont 
circonscrites  dans  les  limites  d'un  pays  ou  ne  ren- 
ferment qu'une  seule  race  d'hommes.  L'Eglise  , 
comme  la  vérité,  n'a  d'autres  bornes  que  le  monde. 
Elle  embrasse  dans  le  sein  de  sa  charité  l'humanité 
tout  entière  :  Barbares  ou  Scythes,  libres  ou  escla- 
ves, hommes  et  femmes,  comme  s'exprimait  déjà 
l'apôtre  saint  Paul. 

i.  La  catholicité  de  l'Eglise  à  ce  premier  point 
de  vue  est  un  fait  éclatant  et  incontestable.  11  suffit 
d'ouvrir  les  yeux  pour  s'en  assurer. 

Et  ce  fait  n'existe  pas  seulement  dans  le  pré- 
sent ;  il  date  de  l'origine  même  de  l'Eglise.  Peu  de 
temps  après  l'ascension  de  Jésus-Christ,  les  douze 
apôtres  se  divisent  pour  aller  porter  l'Evangile 
dans  les  contrées  les  plus  lointaines.  Le  prince  des 
apôtres,  après  avoir  fixé  son  siège  à  Antioche, 
capitale  de  la  Syrie,  pendant  l'espace  de  sept  ans, 
le  transporte  définitivement  à  Rome,  où  il  est  re- 
joint par  l'apôtre  des  Gentils,  saint  Paul.  Ce  dernier 
fonde  sur  sa  route  un  grand  nombre  d'églises,  tant 
pour  les  Juifs  que  pour  les  Gentils  convertis  à  Ja 
foi.  Les  autres  apôtres  parcourent  l'Ethiopie,  l'Ar- 


288  TROISIEME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

ménie,  la  Chaldée,  la  Perse,  la  Scythie  et  d'autres 
provinces  encore  plus  reculées.  Ils  n'avaient  pas 
encore  achevé  leur  course,  et  saint  Paul  disait  déjà 
aux  Romains  que  leur  foi  était  annoncée  à  tout  le 
monde.  Sous  leurs  disciples,  il  n'y  avait  presque 
plus  dd  pays  si  inconnus  où  l'Evangile  n'eût  péné- 
tré. Cent  ans  après  Jésus-Christ,  saint  Justin 
comptait  parmi  les  fidèles  beaucoup  de  nations 
sauvages,  et  jusqu'à  ces  peuples  vagabonds  qui 
menaient  une  vie  nomade.  Au  milieu  du  troisième 
siècle,  Tertullien  et  Origène  font  voir  dans  l'Eglise 
des  peuples  entiers  qu'on  n'y  mettait  pas  un  peu 
auparavant.  Elle  s'était  propagée  non-seulement 
dans  toute  l'étendue  de  l'empire  romain,  mais  bien 
au-delà  de  ses  frontières. 

C'est  ce  fait  de  l'universalité  de  l'Eglise  que  saint 
Jean  avait  en  vue,  quand  il  fait  ainsi  parler  les 
saints  dans  l'Apocalypse.  «  Seigneur,  vous  nous 
avez  rachetés  pour  Dieu  par  votre  sang,  nous  qui 
sommes  de  toute  tribu,  de  toute  langue,  de  tout 
peuple  et  de  toute  nation,  et  vous  avez  fait  de  nous 
un  royaume  pour  notre  Dieu.  Redemisti  nos  Deo 
in  sanguine  tuo  ex  omni  tribu,  et  lingua,  et  populo 
et  natione  :  et  fecisti  nos  Deo  nostro  regnum.  » 
(Apoc.  v). 

La  rédemption  de  Jésus-Christ  étant  univer- 
selle, l'Eglise  devait  être  universelle  aussi,  afin  de 
l'appliquer  à  tous  les  peuples. 

o.  Cette  catholicité  de  l'Eglise  avait  d'ailleurs 
été  prédite. 


LA  CATHOLICITÉ.  289 

David,  dans  un  de  ses  psaumes,  nous  repré- 
sente le  Père  céleste  tenant  ce  langage  à  son  Fils 
Jésus-Christ  :  «  Demandez,  lui  dit-il,  et  je  vous 
donnerai  les  nations  pour  héritage,  et  j'étendrai 
votre  empire  jusqu'aux  confins  du  monde.  Postula 
à  me,  et  dabo  tibi  gentes  haereditatem  tuam,  et 
possessionem  tuam  termines  terras.  »  (Ps.  n  . 

Cest  aussi  au  nom  de  l'Eglise  qu'il  parle,  quand 
il  dit  :  «  J'aurai  mémoire  de  l'Egypte  et  de  Baby- 
lone  ;  elles  apprendront  à  me  connaître.  Memorero 
Raab,  et  Babylonis  scientium  me.  »  (Ps.  lxxxvi). 
C'est  d'elle  encore  qu'il  a  prophétisé  que  les  hom- 
mes naîtraient  en  foule  dans  son  sein.  «  Homo  et 
homo  natus  est  in  ea.  »  (Ibid). 

L'Egypte  et  Babylone  indiquent  ici  les  nations 
idolâtres.  Le  prophète  assure  qu'ils  connaîtront 
l'Eglise  ;  sa  prédiction  s'est  accomplie  ;  l'Eglise 
compte  effectivement  des  millions  d'enfants  par 
toute  la  terre. 

Elle  est  donc  universelle  quant  aux  lieux. 

6.  Elle  est  encore  catholique  ou  universelle  à  un 
autre  point  de  vue.  je  veux  dire,  quant  aux  temps, 
car  elle  embrasse  tous  les  siècles. 

Depuis  Adam  jusqu'à  nous,  tout  ce  qu'il  y  a  eu 
de  vrais  croyants  dans  le  monde,  lui  appartien- 
nent ;  tous  ceux  qui  paraîtront  encore  dans  la  suite 
jusqu'à  la  fin  des  temps  seront  aussi  du  nombre  de 
ses  membres. 

Il  ne  faut  pas  croire  en  effet  que  la  véritable 
Eglise  existe  seulement  depuis  la  venue  de  Jésus- 


290  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

Christ.  Il  lui  a  donné,  il  est  vrai,  sa  dernière 
forme,  sa  constitution  actuelle,  mais  déjà  elle  sub- 
sistait sous  une  forme  moins  parfaite  et  non  défini- 
tive dans  l'Ancien  Testament,  et  dans  la  religion 
des  premiers  Patriarches.  Renfermée  d'abord  dans 
la  famille,  elle  prit  sous  la  loi  écrite  un  caractère 
national,  et  enfin  elle  reçut  de  Jésus-Christ  l'uni- 
versalité qui  lui  est  propre. 

Voilà  pourquoi  l'Apôtre  nous  dit  qu'elle  est  bâtie 
sur  le  fondement  des  apôtres  de  la  loi  nouvelle 
et  des  prophètes  de  l'ancienne  alliance.  Les  uns  et 
les  autres  aboutissent  en  effet  à  Jésus-Christ,  qui 
est  la  pierre  angulaire  de  tout  l'édifice  et  le  lien 
des  deux  Testaments.  C'est  lui  qui  est  venu  tout 
réconcilier,  tant  ceux  qui  l'ont  précédé  que  ceux 
qui  l'ont  suivi. 

7.  Enfin,  en  troisième  lieu,  l'Eglise  est  encore 
catholique  ou  universelle,  parce  qu'il  n'y  a  per- 
sonne qui  puisse  se  sauver  hors  de  son  sein. 

Elle  est  l'arche  du  salut.  Quiconque  refuse  d'y 
entrer,  refuse  le  salut,  comme  au  temps  de  Noé 
tous  ceux  qui  restèrent  hors  de  l'arche  périrent  par 
le  déluge. 

Tous  ceux  donc  qui  veulent  se  sauver  doivent 
l'embrasser  et  la  suivre. 

Mais  ici,  mettons-nous  en  garde  contre  une 
exagération  absurde  et  impie  faussement  attribuée 
à  l'Eglise.  Plusieurs  s'obstinent  à  dire  que  nous 
damnons  sans  pitié  quiconque  n'appartient  pas  à  la 
communion  extérieure  de  l'Eglise. 


LA  CATHOLICITE. 


291 


C'est  ignorer  ou  calomnier  sa  véritable  doctrine. 

Non,  il  n'est  pas  vrai  que  nous  damnions  indis- 
tinctement tout  ce  monde.  Quand  nous  disons,  ce 
qui  est  très-juste  :  Hors  de  l 'Eglise,  point  de  salut, 
voici  en  deux  mots  ce  qu'il  faut  entendre:  il  faut 
eutendre  que  celui-là  est  hors  de  la  voie  du  salut, 
qui,  par  sa  faute,  n'arrive  pas  à  la  connaissance  de 
l'Eglise,  ou  qui,  la  connaissant  pour  la  véritable 
Eglise,  refuse  de  se  soumettre  à  ses  enseignements. 

Pour  tous  ceux  en  effet  qui  ne  la  connaissent 
pas  .  sans  qu'il  y  ait  de  leur  faute  ;  et  qui  désirent 
sincèrement  d'ailleurs  de  connaître  la  vérité,  pour 
tous  ceux-là,  loin  de  les  damner,  nous  disons  qu'ils 
sont  catholiques  de  cœur  et  d'esprit. 

Dieu  seul,  il  est  vrai,  connaît  ces  fidèles  de 
cœur  ;  mais  nous  espérons  de  sa  bonté  que  le  nom- 
bre n'en  est  pas  petit,  qu'il  en  existe  partout,  et 
qu'il  en  a  existé  en  tout  temps. 


SECOND  POINT. 


8.  La  catholicité  des  temps  et  des  lieux,  voilà, 
chrétiens,  quelle  est  la  marque  la  plus  assurée  pour 
distinguer  la  véritable  Eglise  de  toutes  celles  qui 
s'en  arrogent  faussement  le  nom.  Il  y  a  plus  en- 
core; cette  catholicité  est  un  signe  manifeste  de  la 
divinité  de  l'Eglise  qui  en  est  douée. 

Je  vous  le  montrerai  plus  au  long  dans  une  con- 
férence spéciale  que  je  me  propose  de  vous  donner 
sur  ce  sujet,  l'un  des  plus  intéressants  qu'il  y  ait 
pour  nous. 


292  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L  EGLISE, 

Ici  je  me  contenterai  de  vous  donner  quelques 
simples  aperçus. 

Si  j'interroge  le  bon  sens  le  plus  vulgaire,  si  je 
demande  à  l'homme  le  moins  instruit  :  Mon  ami, 
ce  qui  était  vrai  hier,  peut-il  être  faux  aujourd'hui 
ou  demain?  —  Non,  sans  doute,  me  répondra-t-il. 
—  Si  je  lui  demande  de  nouveau  :  ce  qui  est  vrai  à 
Bruxelles,  peut-il  être  faux  à  Paris,  à  Londres  ou 
à  Constantinophe?  —  Non,  certainement,  me  ré- 
pondra-t-il encore. 

Et  cet  homme  aura  parfaitement  raison  ;  car  la 
vérité  ne  peut  varier  d'un  pays  à  l'autre,  ni  d'un 
siècle  à  un  autre  siècle. 

Mais,  si  la  vérité  est  une  et  la  même  pour  tous 
les  temps  et  pour  tous  les  lieux,  que  suit-il  de  là 
par  rapport  à  la  véritable  Eglise? 

C'est  que  la  véritable  Eglise  est  une,  une  sans 
variation,  une  et  la  même  partout,  une  et  la  même 
en  tout  lieu,  une  enfin  dans  tous  les  sens,  c'est-à- 
dire,  universelle  et  catholique. 

Voilà  donc  quel  est  le  caractère  propre  et 
essentiel  de  la  véritable  Eglise,  et  la  marque 
qu'elle  doit  nécessairement  porter  pour  se  faire 
reconnaître. 

9  Or,  cherchez  maintenant  parmi  toutes  les 
sociétés  religieuses  qui  sont  sur  la  terre  quelle  est 
celle  qui  jouit  de  cette  pérogative? 

L'examen  n'est  ni  long  ni  difficile.  Il  n'y  en  a 
qu'une  que  tout  le  monde  s'accorde  à  nommer 
catholique.  C'est  celle  qui  reconnaît  pour  Chef  su- 


LA  CATHOLICITÉ.  293 

prème  le  Pontife  romain,  l'Evèque  de  Rome,  le 
Pape.  Interrogez  quelle  secte  vous  voudrez,  de- 
mandez à  tel  hérétique  ou  schismatique  qu'il  vous 
plaira,  de  vous  désigner,  dans  le  pays  qu'il  habite, 
une  Eglise  catholique;  vous  indiquera-t-il  la  sien- 
ne? Non,  et  tout  en  prétendant  que  son  Eglise  est 
la  véritable,  il  vous  montre  celle  qui  est  en  com- 
munion avec  le  Pape.  Ainsi,  amis  et  ennemis,  tous 
qualifient  l'Eglise  romaine  du  nom  de  catholique. 
C'est  la  remarque  que  saint  Augustin  faisait  déjà 
de  son  temps. 

Mais  d'où  vient  qu'en  dépit  de  la  rivalité  des 
sectes,  l'Eglise  romaine  ait  seule  réussi  à  conser- 
ver ce  nom  qui  est  le  synonyme  de  la  vérité? 

C'est  qu'en  effet  elle  seule  le  justifie,  et  d'une 
manière  incontestable. 

D'abord  la  religion  qu'elle  enseigne  remonte 
sans  interruption  jusqu'au  berceau  du  monde.  Au 
contraire,  on  peut  assigner  l'origine  des  faux  cultes 
et  de  toutes  les  sectes,  fixer  une  époque  où  on  ne 
les  connaissait  pas,  dire  quels  ont  été  leurs  au- 
teurs. Ainsi  l'on  sait  que  l'idolâtrie  n'a  paru  dans 
le  monde  qu'après  la  dispersion  des  enfants  de 
Noé.  Avant  le  septième  siècle  de  l'ère  chrétienne, 
on  n'avait  point  entendu  parler  du  Mahométisme. 
Le  schisme  grec  date  de  Photius  et  de  Michel  Céru- 
laire  qui  vécurent,  le  premier  au  neuvième  siè- 
cle, et  le  second  au  onzième.  Le  protestantisme 
était  inconnu  avant  Luther,  l'anglicanisme  avant 
Henri  VIII. 

SYMB         II.  25 


294  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  D£  i/ÉGLISE, 

La  véritable  religion  a  précédé  toutes  les  er- 
reurs, toutes  les  hérésies,  tous  les  schismes  ;  la 
vérité  a  précédé  le  mensonge. 

Aussi  le  célèbre  Tertullien  se  contentait-il  d'in- 
voquer l'argument  de  prescription,  pour  les  con- 
fondre tous.  Vous  êtes  nouveaux,  disait-il  aux  hé- 
rétiques, vous  n'avez  donc  pas  la  vérité  pour  vous, 
car  la  vérité  est  aussi  ancienne  que  le  monde. 

La  véritable  religion  n'a  pas  seulement  pour  elle 
l'antiquité,  mais  elle  seule  est  perpétuelle  et  im- 
muable. «  Veritas  Domini  manet  in  aeternum.  La 
vérité  de  Dieu  demeure  à  jamais.  »  Combien  de 
fausses  religions  et  d'hérésies,  dont  il  ne  reste  plus 
de  vestiges  que  dans  l'histoire?  Que  sont  devenus 
les  faux  Dieux  de  Rome,  d'Athènes,  de  Babylone, 
de  Xinive  et  de  Memphis?  Qu'est  devenue  l'hérésie 
d'Arius  qui  menaça  pendant  si  longtemps  de  ruiner 
l'Eglise?  Que  sont  devenues  tant  d'autres  sectes 
soit  de  l'Orient,  soit  de  l'Occident, qui  corrompaient 
le  dogme  catholique?  Elles  sont  tombées  avec  le 
temps,  et  l'Eglise  catholique  les  a  vues  mourir 
comme  elle  les  avait  vues  naître. 

Voyez  encore  quelle  série  de  variations  dans 
toutes  les  sectes  qui  s'en  sont  séparées,  et  en  géné- 
ral dans  toutes  les  doctrines  religieuses,  excepté 
la  doctrine  catholique  !  Sur  une  multitude  de  points 
essentiels  au  salut,  les  protestants  sont  divisés  en- 
tr'eux  ;  leurs  confessions  de  foi  se  contredisent  ; 
leurs  croyances  de  nos  jours  sont  bien  éloignées 
de  celles  des   premiers   hérésiarques.    Comment 


LA  CATHOLICITÉ.  295 

d'ailleurs  pourrait-il  en  être  autrement?  Après 
avoir  rejeté  l'autorité  de  l'Eglise, ils  n'ont  plus  d'au- 
tre règle  de  foi  que  la  Bible  interprétée  d'après 
leur  jugement  particulier.  S'ils  étaient  toujours 
conséquents  avec  eux-mêmes,  ils  finiraient  par 
avoir  autant  de  religions  que  d'individus  ;  encore, 
ces  religions  multipliées  changeraient-elles  avec 
les  individus  eux-mêmes.  Et  c'est  en  effet  ce  qui 
est  arrivé  dans  les  sectes  protestantes.  On  en  est 
venu  à  nier  la  divinité  de  Jésus-Christ  et  ses  mira- 
cles, à  rejeter  tout  l'ordre  surnaturel,  à  ne  plus  rien 
admettre  que  ce  que  la  raison  peut  comprendre. 

Toutes  ces  variations  sont  les  fruits  et  les  consé- 
quences nécessaires  du  principe  même  du  protes- 
tantisme. 

Rien  de  semblable  dans  l'Eglise  catholique.  Ce 
qui  a  été  défini  comme  de  foi  dans  un  temps,  reste 
de  foi  dans  tous  les  suivants.  Jamais  elle  n'a  dû 
revenir  sur  un  seul  point  de  son  enseignement  en 
matière  de  dogme  ou  de  morale.  Tout  change  au- 
tour d'elle,  elle  seule  est  fixe  sous  le  soleil. 

C'est  donc  h  juste  titre  que  l'Eglise  romaine  porte 
le  nom  de  catholique,  et  qu'elle  sa  prétend  par 
conséquent  la  seule  véritable  Eglise. 

10.  J'ai  ajouté  que  ce  caractère  de  catholicité, 
qui  appartient  exclusivement  à  l'Eglise,  est  une 
marque  frappante  de  sa  divinité. 

Cela  ressort  de  trois  considérations  principales  : 

En  premier  lieu,  sur  tous  les  autres  points,  il  y 

a  séparation  et  division  parmi  les  hommes.  Rare- 


296  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

ment  on  les  trouve  d'accord  dans  les  questions 
scientifiques  ou  politiques.  Quel  monarque,  quel 
législateur,  quel  sage,  quelle  puissance  humaine 
enfin,  a  jamais  réussi  à  réunir  dans  une  même 
pensée,  et  à  assujettir  aux  mêmes  lois  des  hommes 
de  tout  pays,  d'éducation,  d'idées  et  de  mœurs  si 
différentes? 

L'Eglise  catholique  a  fait  ce  prodige.  En  elle,  il 
n'y  a  pas  de  distinction  entre  l'Européen  et  les 
peuplades  encore  sauvages  du  Nouveau  Monde, 
entre  les  génies  les  plus  sublimes  et  les  esprits  les 
plus  grossiers;  elle  ne  connaît  pas  les  préjugés  de 
race,  elle  n'est  point  subordonnée  aux  tempéra- 
ments des  peuples.  Quelle  que  soit  la  variété  et 
l'opposition  même  qui  existent  entr'eux,  elle  est 
parvenue  à  leur  faire  adopter  une  même  croyance 
et  une  même  loi. 

Si. ce  n'est  point  là  un  miracle,  où  pourra-t-on 
en  trouver?  L'Eglise  seule  a  accompli  cette  mer- 
veille; Dieu  est  donc  avec  elle. 

\  1 .  Ce  qui  double  la  grandeur  de  ce  prodige, 
c'est,  en  second  lieu,  qu'il  a  été  prédit  par  les  pro- 
phètes et  par  Jésus-Christ. 

Le  prophète  lsaïe,  parlant  de  la  conversion  des 
Gentils,  s'exprimait  ainsi  :  «  Réjouissez-vous  donc 
maintenant ,  vous  qui  étiez  stérile  ,  chantez  des 
cantiques  de  louange  et  poussez  des  cris  de  joie, 
vous  qui, n'aviez  point  d'enfants,  parce  que  celle 
qui  était  abandonnée,  (c'est-à-dire,  la  Gentilité),  a 
maintenant  plus  d'enfants  que  celle  qui  avait  un 


LA  CATHOLICITE.  297 

époux,  dit  le  Seigneur.  Prenez  donc  plus  d'espace 
pour  dresser  vos  tentes,  étendez-en  les  couver- 
tures le  plus  que  vous  pourrez  ;  ailongez-en  les 
cordages,  affermissez-en  les  pieux;  car  vous  vous 
étendrez  à  droite  et  à  gauche;  votre  postérité  aura 
les  nations  pour  héritage,  et  elle  habitera  les  villes 
qui  sont  maintenant  désertes.  Lauda,  stenlis  quae 
non  paris, décanta  laudem,et  hinni,  quae  non  parie- 
bas,  quoniam  multi  filii  desertae,  magis  quam  ejus 
quae  habet  virum,  dicit  Dominus.  Dilata  locum  ten- 
torii  tui,  et  pelles tabernaculorum  tuorum  extende, 
ne  parcas  :  longos  fac  funiculos  tuos,  et  clavos  tuos 
consolida.  Ad  dexteram  enim  et  ad  laevam  pene- 
trabis  :  et  semen  tuum  gentes  haereditabit,  et  ci  vi- 
tales désertas  inhabitabit.  »  (Isa.  liv.) 

Ailleurs,  rempli  d'un  saint  enthousiasme  à  la  vue 
des  merveilleux  progrès  de  l'Eglise,  il  s'écrie  : 
«  Lève-toi,  Jérusalem,  sois  brillante  de  clarté, 
parce  que  ta  lumière  a  paru  et  que  la  gloire  du 
Seigneur  s'est  levée  sur  toi.  Les  ténèbres  couvri- 
ront le  reste  de  la  terre,  et  une  nuit  sombre  enve- 
loppera les  autres  peuples  ;  mais  le  Seigneur  se 
lèvera  sur  toi,  et  sa  gloire  éclatera  en  toi.  Alors 
les  nations  marcheront  à  ta  lumière,  et  les  rois  à  ta 
splendeur.  Lève  les  yeux  et  regarde  autour  de  toi. 
Tous  ceux  que  tu  vois  ici  assemblés  viennent  se 
donner  à  toi.  Tes  fils  viendront  de  loin  et  tes  filles 
se  lèveront  de  tous  côtés.  Alors  tu  verras  une 
abondance  qui  te  surprendra  et  qui  dilatera  ton 
cœur  de  joie,  car  les  peuples  d'au-delà  des  mers 


298  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L  ÉGLISE, 

se  convertiront  à  toi  et  des  nations  puissantes  se 
joindront  à  toi.  Surge,  illuminare.  Jérusalem,  quia 
venit  lumen  tuum,  et  gloria  Domini  super  te  or' a 
est.  Quia  ecce  tenebrae  operient  terram,  et  caligo 
populos  :  super  te  autem  orietur  Dominus  et  gloria 
ejus  in  te  videbitur.  Et  ambulabunt  gentes  in 
lumine  tuo,  et  reges  in  splendore  ortùs  tui.  Leva 
in  circuitu  oculos  tuos,  et  vide  :  omnes  isti  congre- 
gati  sunt,  venerunt  tibi  :  fil ii  tui  de  longe  venient, 
et  filiae  tuas  de  latere  surgent.  Tune  videbis,  et 
alïlues,  et  mirabitur  et  dilatabitur  cor  tuum,  quando 
conversa  fuerit  ad  te  multitudo  maris,  fortitudo 
gentium  venerit  tibi  »  (Ibid.  lx). 

Le  divin  Sauveur  confirme  ces  prédictions  dans 
les  termes  les  plus  clairs.  Avant  de  monter  au  ciel, 
il  recommande  à  ses  apôtres  de  demeurer  à  Jéru- 
salem jusqu'à  ce  qu'ils  aient  reçu  le  Saint-Esprit; 
et  lorsque  vous  l'aurez  reçu,  ajoute-t-il,«vous  me 
rendrez  témoignage  dans  Jérusalem  et  dans  toute 
la  Judée  et  la  Samarie,  et  jusqu'aux  extrémités  de  la 
terre.  Et  eritis  mihi  testes  in  Jérusalem,  et  in  omni 
Judaea  et  Samaria,  et  usque  ad  ultimnm  terrae.  » 
(Act.  apost.  i).  «  Mon  Evangile,  dit-il  ailleurs,  sera 
prêché  par  toute  la  terre.  Et  praedicabitur  hoc 
Evangelium  regni  in  universoorbe,  in  testirnonium 
omnibus  gentibus.  »  [Matth.  xxiv).  «  J'ai  encore 
beaucoup  d'autres  brebis  qui  ne  font  point  partie 
de  mon  bercail,  dit-il  encore,  et  il  faut  que  je  les 
amène,  et  il  n'y  aura  plus  qu'un  troupeau  et  qu'un 
Pasteur.  Et  alias  oves  habeo  quae  non  sunt  ex  hoc 


LA  CATHOLICITÉ.  299 

ovili,  et  illas  oportet  me  adducere  ;  et  fiet  unum 
ovile  et  unus  Pastor.  »  (Joann.  x).  C'est  pourquoi 
il  envoie  ses  apôtres  prêcher  a  toutes  les  nations. 
((  Euntes  ergo  docete  omnes  gentes.  »  (Matth. 

XXVIÎl). 

Le  Sauveur  promettait  donc  à  ses  disciples  que 
son  Eglise  setendait  par  toute  la  terre.  Cette  ex- 
tension étant  un  miracle  en  elle-même,  la  prédire, 
contre  toute  apparence,  est  un  second  miracle  qui 
prouve  une  fois  de  plus  que  l'Eglise  est  l'œuvre  du 
Tout-Puissant.  Il  ne  fallait  rien  moins  que  la  puis- 
sance de  Dieu  pour  oser  prédire  ce  qui  était  hu- 
mainement impossible. 

12.  Enfin,  un  dernier  trait  qui  met  le  comble 
à  ce  miracle,  c'est  qu'il  est  perpétuel  et  toujours 
subsistant. 

Nous  sommes  les  témoins  du  grand  fait  de 
l'Eglise  et  de  son  universalité.  Tous  les  siècles  qui 
se  sont  écoulés  depuis  l'avènement  de  Jésus-Christ 
l'ont  été  aussi  bien  que  nous. 

Ainsi,  depuis  dix-huit  cents  ans,  l'Eglise  étend 
son  empire  par  toute  la  terre  ;  partout  elle  propage 
l'Evangile;  chaque  jour  ajoute  à  ses  conquêtes.  Il 
est  vrai  que  le  schisme  et  l'hérésie  ont  arraché  de 
ses  bras  un  grand  nombre  d'enfants  ;  mais  chaque 
fois  elle  a  compensé  ses  pertes  avec  avantage, 
toujours  féconde,  toujours  pleine  de  jeunesse  et  de 
vie,  toujours  triomphante  et  invincible,  malgré  les 
efforts  de  l'enfer  et  des  méchants  ligués  contre 
elle.  Elle  a  traversé  les  siècles  avec  une  majesté 


300  TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

divine  ;  et  forte  de  la  promesse  de  son  Fondateur, 
elle  voit,  sans  s'émouvoir,  leurs  inutiles  attaques, 
sachant  que  l'avenir  lui  appartient  et  qu'elle  repose 
sur  un  fondement  inébranlable. 

CONCLUSION. 

I  3.  Réjouissons-nous  donc,  mes  frères,  et  soyons 
.fiers  de  notre  nom  de  catholiques.  Par  ce  beau 
titre,  nous  sommes  en  communication  avec  tout  ce 
qu'il  y  eut  jamais  sur  la  terre  de  vrais  serviteurs 
de  Dieu.  Nous  avons  pour  ancêtres  les  Patriarches 
et  les  Prophètes,  nous  avons  été  greffés  sur  la 
souche  du  peuple  de  Dieu  dans  l'Ancien  Testa- 
ment ;  notre  vocation  à  la  foi  a  commencé  à  l'ap- 
parition de  la  miraculeuse  étoile  qui  conduisit  les 
Mages  au  berceau  du  Suiveur  ;  parmi  les  Gen- 
tils, nos  pères  ont  été  des  premiers  éclairés  des 
lumières  de  l'Evangile  ;  et  depuis  la  conversion  de 
nos  provinces,  le  divin  soleil  de  la  foi  n'a  pas  cessé 
de  répandre  sur  nous  ses  splendeurs  et  ses  bien- 
faits ;  ah  !  que  d'actions  de  grâces  ne  devons-nous 
pas  à  Dieu  pour  une  prédilection  si  insigne  !  Et  que 
nous  serions  coupables,  si  nous  ne  répondions 
pas  à  ces  témoignages  de  sa  bonté  par  une  vie 
vraiment  chrétienne. 

Prenons-y  garde  ;  si  les  puissances  de  l'enfer  ne 
peuvent  anéantir  l'Eglise,  elles  peuvent  du  moins 
la  déplacer.  L'Orient  en  fut  le  berceau,  et  le 
schisme  l'en  a  chassée.  L'Allemagne,  la  Suède, 
l'Angleterre,  la  Russie,  l'Egypte  et  l'Afrique,  étaient 


LA  CATHOLICITÉ.  301 

autrefois  autant  d'églises  florissantes.  Que  sont-elles 
aujourd'hui?  Hélas!  le  cruel  sanglier  du  schisme, 
de  l'hérésie,  de  l'infidélité,  a  tout  ravagé.  Ces  con- 
trées, autrefois  si  fertiles  en  saints,  ne  sont  plus 
aujourd'hui  que  l'ombre  d'elles-mêmes.  Ne  serions- 
nous  pas  menacés  du  même  malheur?  l'enfer 
peut-il  déployer  plus  d'astuce  et  d'audace  qu'il 
ne  fait,  afin  de  corrompre  notre  foi  et  de  ruiner  en 
nous  la  soumission  à  l'autorité  de  l'Eglise  ?  Ne 
sommes-nous  pas  inondés  d'un  déluge  de  maximes 
fausses  et  pernicieuses,  d'écrits  irréligieux  et  obs- 
cènes, propagés  à  dessein  de  pervertir  les  cœurs 
afin  d'en  bannir  plus  sûrement  la  foi? 

Oh  !  gardons  ce  dépôt  sacré  avec  la  plus  tendre 
sollicitude!  Si  vous  perdez  la  foi,  que  mettrez- 
vous  en  sa  place?  Qui  vous  consolera  dans  les 
peines  de  la  vie  ?  Qui  vous  apprendra  à  détacher 
votre  cœur  des  faux  biens?  Qui  vous  fera  penser 
à  vos  éternelles  destinées  et  vous  dirigera  dans  la 
voie  du  salut?  Ah!  plutôt  tout  perdre  que  de 
perdre  ma  foi!  0  Eglise  catholique,  fille  du  ciel, 
sainte  et  unique  épouse  de  Jésus-Christ,  Mère  et 
Maîtresse  des  enfants  de  Dieu,  je  vous  reconnais, 
je  vous  vénère  et  je  vous  aime  comme  ma  mère  ! 
((  Si  je  vous  oublie,  ô  sainte  Eglise!  puissé-je 
m'oublier  moi-même.  Que  ma  langue  se  sèche  et 
demeure  immobile  dans  ma  bouche,  si  vous  n'êtes 
pas  toujours  la  première  dans  mon  souvenir  et  si 
vous  n'êtes  pas  le  sujet  principal  de  ma  joie.  Si 


302         TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE,  ETC. 

oblîtus  fuero  toi ,  oblivioni  detur  dextera  mea, 
Adhaereat  liogua  mea  faucibus  meis,  si  non  memi- 
oerotui  :  Si^non  proposuero  Jérusalem,  in  prin- 
cipio  laetitiae  meœ.  »    Ps.  cxxxvi), 


NOTES.  303 


NOTES. 


Prœnuntialo  sponso  et  expresso,  procédât  et  sponsa  io 
verbis  Isaïa?  :  legamus  eam  in  veritate  paginarum  saneta- 
rum,  etagnoscamus  in  orbe  terrarum.  Hoc  lestimoninm  de 
sancla  Ecclesia  prsedictum  eliam  Paulus  Apostolus  posuit. 
Non  est  quo  fugiat  contentiosa  tergiversatio  ha?reticorum  : 
La?tare  sterilis  qua?  non  paris,  erumpe  et  exclama,  qua? 
non  parturis  ;  quoniam  multi  filii  déserta?,  magis  quam  ejus 
quae  habet  virum...  (Galat.  4,  f.  27.  Isa.  54,  f.  I.) 
Nonne  isti  sunt  multi  de  quibus...  dictum  est  :  Ideo  ipse 
•haereditate  possidebit  multos?Nam  qua?  est  ha?reditas  ejus, 
nisi  Ecclesia  ejus?... 

Multi  filii  déserta?,  magis  quam  ejus  qua?  habet  virum. 
Synagogam  scilicet  Juda?orum  volens  intelligi.  Comparent 
multitudinem  Christianorum  per  omnes  gentes,  quibus  non 
communicant  (haeretici)  et  videant  quam  pauci  sint  in 
comparatione  omnes  Judsei  ;  et  tandem  aliquando  intelh- 
gant  in  Ecclesia  Catholica  toto  orbe  diffusa,  istam  prophe- 
tiam  esse  completam  :  Multi  filii  déserta?,  magis  quam  ejus 
qua?  habet  virum. 

Unde  autem  multos  filios  esset  habitura  consequenter 
adjungit...  (Isai.  54.  2.  etseq.)  Dixit  enim  Dominus  :  dilata 
locurn  tabernaculi  tui  et  aularum  tuarum  :  fige,  noli  par- 
ctre,  longos  fjc  funiculos  tuos,  et  palos  tuos  confirma,  ad- 


30  i  NOTES. 

hue  in  dexteram  et  in  sinistram  exlende  :  et  semen  tuum 
génies  possidebit,  ne  timeas  quoniam  praevalebis,  neque 
verearis  quod  detestabilis  fueris.  Confusionem  œfernam 
oblivisceris.  ignominise  viduitatis  tuas  non  eris  memor  : 
quoniam  ego  Dominus  qui  facio  te.  Dominus  nomen  illi,  et 
qui  liberavit  te,  Deus  Israël  universse  terra?  vocabitur.  Ecce 
quousque  jussa  est  exlendere  funiculos,  donec  Deus  ejus 
Israël  uni  versas  terrée  vocetur... 

Et  ei  dicitur  per  eumdem  Prophetam  (62.  j^.  2  et  seq. 
Videbunl  omnes  gentes  justitiam  tuam,  et  Reges  honorem 
tuum  :...  Et  eris  eorona  pulcbritudinis  in  conspectu  Do- 
mini  et  diadema  regni  in  manu  Dei  tui  ;  et  jam  non  voca- 
beris  derelicta,  et  terra  tua  non  vocabitur  déserta.  Tu  enim 
vocaberis  voluntas  mea,  et  terra  tua  orbis  terrarum.  Ouid 
dici  manifestius  adhuc  exigendum  est?  Ecce  ex  uno  Pro- 
.pheta  quam  multa,  quam  clara  :  et  tamen  resistitur,  et 
contradicilur ,  non  cuidam  homini ,  sed  Spiritui  Dei,  et 
evidentissima?  veritati 

Jam  pauca  de  Psalmis  audiamus...  (Ps.  2,  f.  8.) 
Postula  a  me,  et  dabo  tibi  gentes  haereditatem  tuam,  et 
possessionem  tuam  fines  terras.  Quis  enim  Christianus 
unquam  dubitavit  hoc  de  Christo  esse  praedictum,  aut 
hanc  haereditatem  aliud  quam  Ecclesiam  esse  intellexit? 

(Ps.  21,  f.  28.)  Commemorabuntur,  et  convertenlur  ad 
Dominum  universi  fines  terras  ;  et  adorabunt  in  conspectu 
ejus  univers®  patriae  gentium  ;  quoniam  Domini  est  re- 
gnum,  et  ipse  dominabitur  gentium.  Nonne  Apostolus 
(Rom.  10,  f.  18.)  de  praedicatoribus  novi  Testamenti  dic- 
tum  exposuit  quod  scriptum  est  (Ps.  \  8,  f.  5.)  :  In  omnem 
terram  exivit  sonus  eorum,  et  in  fines  orbis  terrœ  verba 
eorum?  De  quo  alio  nisi  de  Christo  intelligitur  (Ps.  49, 
f.  1.)  :  Deus  Deornm  Dominus  locotus  est.  :  et  vocavit 
terram,  a  solis  ortu  usque  ad  occasum  :  ex  Sion  species 


NOTES.  305 

decqris  ejus.  Cujus,  oisi  Christi  vox  est  :  Dormivi  contur- 
batus... 

Audi  quid  seqnatur  (Ps.  56,  y.  6  et  \%.)  :  Exaltare 
super  cœlos,  Deus,  et  super  omnem  terram  gloria  tua...  et 
unde  gloria  ejus  super  omnem  terram  ? 

Ibi  etiam  {in  Psalmis)  dicuntur  hase,  ubi  agnoscitur 
Ecclesia  toto  orbe  diffusa,  omnibus  etiam  regibus  Christo 
subjugatis  :  Et  dominabitur,  inquit,  (Ps.  71,  f.  8  et  seq.), 
a  mari  usque  ad  mare  et  a  flumine  usque  ad  terminos, 
orbis  terras.  A  flumine  utique  ubi  eum  Spiritus  sanctus  in 
columbse  specie,  et  vox  de  cœlo  manifestavit... 

Goram  illo  décident  /Ethiopies,  et  inimici  ejus  terram 
lingent.  Reges  Tharsis  et  Insulae  munera  offerent,  Reges 
Arabum  et  Saba  dona  adducent,  et  adorabunt  eum  omnes 
Reges,  omnes  gentes  servient  ei...  et  benedicentur  in  eo 
omnes  tribus  terras,  omnes  gentes  magnificabunt  eum...  et 
replebitur  gloria  ejus  omnis  terra... 

Ecce  manifestata  est  in  Psalmis  Ecclesia  toto  orbe  dif- 
fusa, super  quam  requiescit  gloria  Régis  ejus,  et  ipsa 
Regina  est  sponsa  ejus  de  qua  ei  uicitur  in  Psalmo  (44,  y. 
\i)et  seq.)  Adstitit  Regina  a  dextris  luis,  in  vestitu  deaura- 
to,  circumamicta  varietate  :  et  ad  eam  ipsam  exhortandam 
continuo  divinus  sermo  dirigitur  :  Audi  filia,  et  vide,  et 
inclina  aurem  tuam  et  obliviseerepopulum  tuum  et  domum 
patris  lui,  quoniam  concupivit  Rex  speciem  tuam,  quia 
ipse  est  Deus  tuus...  Pro  patribus  luis,  nati  sunt  tibi  filii  : 
constitues  eos  principes  super  omnem  terram. 

Quid  ad  hase  dicturi  sunt  quae  commemoravi  ex  lege,  et 
Prophetis,  et  Psalmis,  de  Christi  Ecclesia,  quae  toto  orbe 
ditfunditur,  cui  malunt  repugnare  perversi  quam  commu- 
nicare  correcti.  Quid,  inquam,  dicturi  sunt?  .. 

Falsa  esse  non  audent  dicere  :  premuntur  enim  mole 
tantas  auctoritatis. 

sy.mb.     n.  26* 


306  NOTES. 

Quia  sic  scriptum  est,  et  sic  oportebat  Christum  pâli,  et 
resurgere  tertia  die,  et  prsedicari  in  nomine  ejus  pœniten- 
tiam  et  remissionem  peccatorum  per  omnes  gentes,  inci- 
pientibus  ab  Jérusalem... 

(Luc.  24,  y.  46.)  Teneamus  ergo  Ecclesiam  ex  ore 
Domini  designatam,  unde  cœptura,  et  quousque  perven- 
tura  esset;  cœptura  scilicet  ab  Jérusalem,  et  perventura  in 
omnes  gentes. 

Et  eritis  mihi  testes  in  Jérusalem,  et  in  tota  Judaea,  et 
Samaria,  et  usque  in  totam  terram  (Act.  \,  f.  8.).  Ecce  et 
hic  manifestum  est  unde  cœptura,  et  quousque  perven- 
tura esset  Ecclesia.  {S.  Aug.  Epist.  contra  Donatistas , 
cap.  4.) 

II. 

Ad  (Hœreticos)  merito  dicendum  est  :  Qui  estis?  Quando, 
et  unde  venisiis?  Quid  in  me  agitis,  non  mei?Quo  denique 
jure  s\  Ivam  meam  caeditis  ?  Qua  licentia  fontes  meos  trans- 
vertitis?Qua  potestate  limites  meos  commovetis?  Mea  est 
possessio.  Quid  hîc  caeteri  ad  voluntatem  vestram  semina- 
tis  etpascilis?  Mea  est  possessio,  olim  possideo,  prior  pos- 
sideo,  habeo  origines  firmas,  ab  ipsis  auctoribus  quorum 
fuit  res.  Ego  sum  hseres  Apostolorum.  Sicut  caverunt  tes- 
lamento  suo,  sicut  fidei  commiserunt,  sicut  adjuraverunt, 
ita  teneo.  Vos  certe  exhaeredaverunt  semper  et  abdicave- 
runt,  ut  extraneos,  ut  inimicos.  Unde  autem  extranei,  et 
inimici  Apostolis  hœretici,  nisi  ex  diversitate  doctrinœ, 
quam  unusquisque  de  suo  arbitrio,  adversus  Apostolos, 
aut  protulit,  aut  recepit?  (TertuUian.  de  prœscriptïombus 
cap.  37.) 

III. 

Multa  sunt  qua?  in  ejus  (Ecclesiœ  Catholicœ)  gremio  me 
justissime  teneant.  Tenet  consensio  populorum  atque  gen- 


NOTES.  307 

tium  :  tenefc  auctoritas  miraculis  inchoata,  spe  nutrita, 
charitale  aucla,  vetustate  firmata  ;  tenet  ab  ipsa  secle  Pétri 
Apostoii,  cui  pascendas  oves  suas  post  resurreetionem 
Dominus  commendavit,  usque  ad  prsesentem  Episcopatum 
successio  sacerdolum  :  postremo  ipsurn  Catholicse  nomen„ 
quod  non  sine  causa  inter  tam  multas  haereses,  sic  ista 
Ecclesia  sola  obtinuit ,  ut  cum  omnes  heeretici  se  Catho- 
licos  dici  velint,  quserenli  tamen  peregrino  alicui,  ubi  ad 
Gatholicam  conveniatur,  nullus  haereticorum,  vei  Basilicam 
suam  vel  domum  audeat  ostendere.  Ista  ergo  tôt  et  tanta 
nominis  Christiani  charissima  vincula  recte  hominem 
tenent  credentem  in  Catholica  Ecclesia,  etiamsi  propter 
nostrse  intelligentiœ  tarditatem  vel  vitee  meritum  veritas 
nondum  se  apertissime  ostendat... 

Nemo  me  movebit  ab  ea  fide  qua3  animum  tôt  ac  tantis 
nexibus  Christianae  religioni  adstringit.  (S.  Aug.  contra 
Epistolam  Manichœi  quam  vocant  fundamenti  cap.  4,  n.  5  ) 

IV. 

Ce  dogme  de  la  succession  et  de  la  perpétuité  de  l'E- 
glise si  visiblement  attesté  par  les  promesses  expresses  de 
Jésus-Christ  avec  les  paroles  les  plus  nettes  et  les  plus 
précises,  a  été  jugé  si  important,  qu'on  l'a  inséré  parmi  les 
douze  articles  du  Symbole  des  Apôtres  en  ces  termes  :  Je 
crois  l'Eglise  catholique  ou  universelle  :  universelle  dans 
tous  les  lieux  et  dans  tous  les  temps,  selon  les  propres  pa- 
roles de  Jésus-Christ.  Allez,  dit-il,  enseignez  toutes  les 
nations,  et  voila,  je  suis  avec  vous  tous  les  jours  (sans 
discontinuation),  jusqu'à  la  fin  des  siècles.  Ainsi  en  quelque 
lieu  et  en  quelque  temps  que  le  Symbole  soit  lu  et  récité, 
l'existence  de  l'Eglise  de  tous  les  lieux  et  de  tous  les  temps 
y  est  attestée  :  celte  foi  ne  souffre  point  d'interruption  ; 
puisqu'a  tous  moments  le  fidèle  doit  toujours  dire  :  Je  crois 


308  NOTES 

I  Eglise  catholique.  Quand  les  Novateurs,  quels  qu'ils  soient, 
ont  commencé  leurs  assemblées  schismatiques,  l'Eglise 
était  ;  il  la  fallait  croire.,  puisqu'on  disait  :  Je  crois  l'Eglise  : 
il  fallait  être  avec  elle,  à  peine  d'être  séparé  de  Jésus- 
Christ,  qui  a  dit  :  Je  suis  avec  vous  :  en  quelque  temps 
que,  hors  de  sa  communion,  qui  est  toujours  celle  des 
Saints,  on  ose  former  des  congrégations  illégitimes,  on  est 
manifestement  du  nombre  de  ceux  qui  se  séparent  eux- 
mêmes,  qui  se  condamnent  eux-mêmes,  par  leur  propre  et 
manifeste  séparation. 

Quand  on  dit  que  ce  sont  là  des  formalités,  et  qu'il  en 
faut  venir  au  fond,  on  abuse  trop  visiblement,  de  la  crédu- 
lité des  simples  :  comme  si  la  loi  des  promesses  si  claire- 
ment expliquée  par  Jésus-Christ  même,  et  renfermée  dans 
le  Symbole,  n'était  qu'une  formalité,  ou  que  ce  fût  une 
chose  peu  essentielle  au  christianisme,  de  croire  que  les 
Novateurs  qui  se  séparent  eux-mêmes,  portent  dès  là  leur 
condamnation  et  leur  nouveauté  sur  le  front. 

Ce  défaut  ne  se  peut  couvrir  par  quelque  suite  de  temps 
que  ce  puisse  être.  Le  schisme  de  Samarie  était  si  ancien, 
que  l'origine  en  remontait  jusqu'à  Roboam,  fils  de  Salo- 
mon,  jusqu'à  la  séparation  des  dix  tribus,  ainsi  que  les 
plus  anciens  Docteurs  l'ont  remarqué  devant  nous.  Le  salut 
des  Samaritains  séparés  depuis  si  longtemps  du  peuple  de 
Dieu,  en  était-il  plus  assuré  par  une  origine  si  reculée? 
Point  du  tout  :  le  peuple  de  Dieu  les  a  toujours  mis  au  rang 
des  nations  les  plus  odieuses.  L'Ecclésiastique  a  nommé, 
avec  les  enfants  d'Esaù  et  de  Chanaan,  le  peuple  insensé 
qui  fait  sa  demeure  dans  Sichar,  c'est-à-dire,  les  Samari- 
tains :  Jésus-Christ  a  confirmé  celte  sentence,  et  les  traite 
en  effet  comme  insensés  en  leur  disant  :  Vous  adorez  ce 
que  vous  ne  connaissez  pas  :  pour  nous,  nous  adorons  ce 
que  nous  connaissons.  Vous  ignorez  l'origine  de  l'alliance  : 
vous  avez  renoncé  à  la  suite  du  peuple  saint  :  vous  récla- 
mez en  vain  le  nom  de  Dieu  :  il  n'y  a  point  de  salut  :  le 


NOTES.  309 

saluf,  vient  des  Juifs  et  les  Samaritains  mêmes  ne  le  doivent 
tirer  que  de  la.  Et  remarquez  ces  paroles  :  vous  et  nous  ; 
dans  cette  opposition  Jésus-Christ  ne  dédaigne  pas  de  se 
mettre  du  côté  des  Juifs  par  ce  mot  de  nous  ;  parce  que 
c'était  la  tige  sacrée  où  se  conservaient  et  se  perpétuaient 
les  promesses,  ie  sacerdoce,  le  culte,  jusqu'à  ce  que  parut 
Celui  qui  par  sa  mort  et  par  sa  Résurrection  devait  être 
l'attente  des  peuples.  Quand  les  dix  lépreux,  dont  l'un  était 
Samaritain,  se  présentèrent  à  Jésus-Christ  pour  être  puri- 
fiés, le  Sauveur  les  renvoya  tous  également,  et  non  moins 
le  Samaritain  que  les  autres,  aux  Prêtres  successeurs 
d'Aaron,  comme  à  la  source  de  la  religion  et  des  sacre- 
ments :  Matricem  religionis  et  fontem  salutis,  comme  par- 
lait Tertuliien.  Il  ne  servait  donc  de  rien  à  ces  schismati- 
ques  que  leur  schisme  fût  invétéré,  et  qu'il  eût  duré  plus 
de  mille  ans  sous  diverses  formes;  on  ne  l'en  condamnait 
pas  moins  par  le  seul  titre  de  son  origine  :  on  se  souvient 
éternellement  de  l'auteur  de  la  division,  c'est-à-dire  de 
Jéroboam  qui  avait  fait  pécher  Israël  ;  et  qui  s'était  retiré 
par  un  attentat  manifeste  de  la  ville  choisie  de  Dieu;  c'est- 
à-dire,  de  l'Eglise  et  du  sacerdoce  établi  depuis  Aaron  et 
depuis  Moïse. 

Le  plus  ancien  schisme  parmi  les  chrétiens,  est  celui  de 
Nestorius  :  on  en  vient  de  voir  le  défaut  marqué  dans  son 
commencement,  et  dans  le  propre  nom  de  son  auteur  que 
la  secte  porte  encore  :  rien  ne  le  peut  effacer.  Le  point  de 
l'interruption  n'est  pas  moins  marqué  dans  les  autres 
schismes  d'Orient. 

Il  n'est  pas  ici  question  de  parler  des  Grecs,  ce  n'est 
point  à  l'Eglise  de  Constantinople  ni  aux  autres  sièges 
schismatiques  d'Orient,  que  nos  réformés  ont  songé  à  s'unir 
en  se  divisant  de  l'Eglise  Romaine  avec  tant  d'éclat  et  de 
scandale.  Avouez,  nos  chers  frères,  une  vérité  qui  est  trop 
constante,  pour  être  niée.  Rien  ne  vous  accommodait  dans 
tout  l'univers,  tout  le  monde  sait  que  ce  sont  les  Pères  de 


310  NOTES. 

l'Eglise  grecque  qui  ont  mis  les  premiers  de  tous  au  rang  des 
hérétiques  un  Aërius,  pour  avoir  cru  inutiles  les  prières  et 
les  oblations  pour  l'expiation  des  péchés  des  morls,  et  pour 
d'autres  points  qui  nous  sont  communs  avec  eux.  C'est  un 
lait  constant  que  nulle  adresse  des  protestants  n'a  pu  pallier. 
Je  ne  crois  pas  a  présent  que  des  gens  sensés  et  de  bonne 
foi  puissent  nous  objecter  sérieusement  que  nous  sommes 
des  idolâtres, après  qu'on  a  montré  en  tant  de  manières  que 
l'honneur  des  Saints,  des  reliques  et  des  images,  laisse  à 
Dieu  tout  le  culte  qui  est  dû  a  la  nature  incréée,  et  que 
loin  de  l'affaiblir,  elle  l'augmente.  Mais  quoi  qu'il  en  soit, 
l'Eglise  d'Orient  l'avait  comme  nous,  et  le  Concile  VII  reçu 
dans  les  deux  Eglises,  en  est  un  irréprochable  témoin.  Je 
ne  parle  pas  des  autres  dogmes  du  même  Concile,  ni  de  ce 
qu'il  dit  si  expressément  sur  la  Présence  réelle,  que  l'on  ne 
peut  éluder  que  par  des  chicanes  ;  ii  nous  suffit  à  présent 
que  l'Eglise  grecque  se  trouve  aussi  éloignée  des  Protes- 
tants que  la  Latine  ;  et  il  demeure  pour  constant  qu'ils  ont 
construit  leur  Eglise  prétendue  par  une  formelle  et  inévi- 
table désunion  d'avec  tout  ce  qu'il  y  avait  de  chrétiens 
dans  l'Univers. 

Aussi  se  sont-ils  vus  dès  leur  origine  irrémédiablement 
désunis  entr'eux-mêmes  :  Luthériens,  Calvinistes,  Soci- 
niens,  ont  été  des  noms  malheureux  qui  ont  formé  autant 
de  sectes  Les  Catholiques  savent  se  soumettre  et  se  ranger 
sous  l'étendard  :  on  en  a  dans  tous  les  siècle-  d'illustres 
exemples.  Il  n'en  est  pas  de  la  même  sorte  de  ceux  qui  ont 
rompu  avec  l'Eglise.  Le  principe  d'union  une  fois  perdu,  en 
se  séparant  d'avec  celle  où  tout  était  un  auparavant,  a  tout 
mis  en  division  ;  les  schismes  se  sont  multipliés,  et  n'ont 
pas  eu  de  remède  ;  car  la  maxime  qu'on  avait  posée  d'exa- 
miner chacun  par  soi-même  les  articles  de  la  foi  mettait 
tout  en  dispute  et  rien  en  paix.  Ainsi  s'étaient  divisées  toutes 
les  sectes  :  l'Arianisme,  le  Pélagianisme,  l'Eatichianisme 
avaient  enfanté  des  demi-Ariens,  des  demi-Pelagiens,  des 


NOTES.  31 1 

demi-Eutichiens  de  plus  d'une  sorte,  et  ainsi  des  autres. 
On  n'a  plus  rien  de  certain,  quand  une  fois  on  a  rejeté  le 
joug  salutaire  de  l'autorité  de  l'Eglise.  Les  Donatistes,  dit 
saint  Augustin,  avaient  pris  en  main  le  couteau  de  division 
pour  se  séparer  de  l'Eglise  :  le  couteau  de  division  est  de- 
meuré parmi  eux  ;  et  voyez,  dit  le  même  Père,  en  combien 
de  morceaux  se  sont  divisés  ceux  qui  avaient  rompu  avec 
l'Eglise  :  Qui  se  ab  unitate  praeciderunt,  in  quot  frusta 
divisi  sunt?  N'en  peut-on  pas  dire  autant  à  nos  prétendus 
Réformateurs?  C'est  en  vain  qu'ils  ont  voulu  reprendre 
l'autorité  attachée  au  nom  de  l'Eglise,  et  obliger  les  parti- 
culiers à  se  soumettre  aux  décisions  de  leurs  Synodes. 
Quand  on  a  une  fois  détruit  l'autorité,  on  n'y  peut  plus 
revenir;  on  aura  éternellement  contre  eux  le  même  droit 
qu'ils  ont  usurpé  contre  l'Eglise,  lorsqu'ils  l'ont  quittée. 
Ainsi  nulle  dispute  ne  finit  .  Dordrecht  ne  peut  rien  contre 
les  Arméniens  En  se  soulevant  contre  l'Eglise,  et  réduisant 
a  rien  ce  nom  sacré  avec  les  promesses  de  Jésus-Christ 
pour  son  éternelle  durée,  les  Protestants  se  sont  ôté  toute 
autorité,  tout  ordre,  toute  soumission  ;  et  aujourd'hui  s'ils 
se  font  justice,  ils  reconnaîtront  qu'ils  n'ont  aucun  moyen 
de  réprimer  ou  de  condamner  les  erreurs  ;  en  sorte  qu'il  ne 
leur  reste  aucun  remède  pour  s'unir  entr'eux,  que  celui  de 
trouver  tout  bon,  et  d'introduire  parmi  eux  la  confusion  de 
Babel  et  l'indifférence  des  religions  sous  le  nom  de  tolé- 
rance. 

Il  n'en  faut  pas  davantage  aux  cœurs  simples  et  de  bonne 
foi.  Les  promesses  dont  il  s'agit  sont  conçues,  comme  on  a 
vu,  en  termes  simples  et  très-clairs.  On  doit  donc  se  déter- 
miner en  très-peu  de  temps  à  y  croire,  et  cette  croyance 
enferme  une  claire  décision  de  toutes  les  controverses.  Car 
si  une  fois  il  est  constant  que  la  vérité  domine  toujours 
dans  l'Eglise,  tous  les  doutes  sont  résolus  :  il  n'y  a  qu'à 
croire,  et  tout  est  certain.  (Bossuet.  Instruction  pastorale 
sur  les  promesses  de  /' Eglise). 


312  NOTES. 

V     DE  LA  MAXIME,    HOKS  DE   L'ÉGLISE  POINT   DE  SALUT. 

Comment  les  Docteurs  catholiques  entendent-ils  l'expli- 
cation de  notre  maxime  ?  Si  le  principe  est  vrai,  ne  faudra-il 
pas  damner  à  priori  tous  les  protestants,  tous  les  schisma- 
tiques,  tous  ceux  en  un  mot  qui  n'appartiennent  pas  à  la 
communion  extérieure  de  l'Eglise?  Non,  mille  fois  non.  Il 
n'est  pas  un  seul  théologien  catholique  autorisé  qui  accepte 
une  pareille  cunséquence.  Voici,  de  l'aveu  unanime  de  nos 
Docteurs,  ce  qui  suit  uniquement  de-  ce  principe  en  soi 
incontestable  :  c'est  un  devoir,  une  obligation  rigoureuse 
pour  tout  homme  d'entrer  dans  l'Eglise,  de  se  soumettre  à 
son  autorité,  d'embrasser  la  religion  catholique,  qui  seule 
est  vraie,  qui  seule  vient  de  Dieu;  quiconque  refuse  ou 
néglige  par  sa  faute  de  le  faire  est  exclu  du  salut,  parce 
qu'il  se  place  volontairement  hors  de  la  voie  tracée  par  la 
main  souveraine  de  Dieu  pour  conduire  l'homme  à  sa  fin  et 
le  mènera  l'éternelle  félicité  qui  l'attend  au-delà  du  tom- 
beau. Voilà  la  conséquence  nécessaire  du  principe  catho- 
lique, mais  la  conséquence  unique. Quant  aux  hommes  qui, 
sans  qu'il  y  ait  aucune  faute  de  leur  part,  ignorent  la  voie 
divine  et  royale  du  salut,  qui  ne  connaissent  pas  l'Eglise, 
ils  ne  seront  point  damnés  pour  n'avoir  pas  été  catholi- 
ques. Ils  se  trouvent,  il  estvrai,  hors  de  la  religion  donnée 
et  prescrite  par  Dieu,  ils  marchent  hors  de  la  voie  que  Dieu 
a  tracée  et  qu'il  commande  de  suivre  pour  arriver  au  salut  ; 
mais  ce  n'est  pas  leur  faute,  et  nul  ne  saurait  être  condamné 
pour  n'avoir  pas  accompli  un  précepte  qu'il  lui  était  im- 
possible de  remplir.  Leur  bonne  foi  les  excuse,  et  Dieu, 
dont  la  miséricorde  est  infinie,  peut  les  attirer  et  les  ame- 
ner à  lui  par  des  sentiers  que  des  rapports  secrets  ratta- 
chent à  la  route  royale  du  Ciel.  On  peut  appartenir  à  l'E- 
glise de  Jésus-Christ  sans  vivre  dans  sa  communion  exté- 
rieure. 


NOTES.  3  I  3 

«On  ne  prétend  nullement,  dit  un  des  plus  célèbres 
controversistes  du  XVIIe  siècle,  Nicole,  que  tous  ceux  qui 
sont  hors  de  la  communion  extérieure  de  l'Eglise  romaine 
soient  exclus  du  salut.  On  prétend,  au  contraire,  qu'elle  a 
des  membres  qui  lui  appartiennent,  réellement  dans  toutes 
les  communions;  car  tous  les  enfants  baptisés,  qui  en  font 
toujours  une  partie  si  considérable,  sont  les  enfants  de  la 
vraie  Eglise,  parce  que  c'est  elle  qui  les  a  régénérés,  quoi- 
que par  le  ministère  de  pasteurs  hérétiques  ou  schismati- 
ques.  Tous  ceux  qui  n'ont  point  participé  par  leur  volonté 
et  avec  connaissance  au  schisme  et  à  l'hérésie,  font  partie 
de  la  véritable  Eglise...  L'Eglise  Romaine  ne  les  excuse 
qu'autant  de  temps  que  leur  bonne  foi  et  leur  ignorance  les 
excusera  devant  Dieu,  sans  oser  déterminer  jusqu'où  cela 
s'étend.  » 

On  sait  la  distinction  que  font  les  théologiens  entre  le 
corps  et  l'âme  de  l'Eglise. Le  corps, c'est  la  société  extérieure 
des  fidèles  telle  que  nous  l'avons  définie,  mais  en  la  con- 
sidérant toujours  comme  vivante  et  par  conséquent  unie  a 
l'âme;  l'âme  qui  anime  ce  corps,  c'est  l'Esprit-Saint  lui- 
même  avec  ses  dons  intérieurs,  la  foi,  l'espérance  et  la 
charité.  Or  les  théologiens  enseignent  unanimement  qu'on 
peut  appartenir  a  l'âme  de  l'Eglise  sans  appartenir  a  son 
corps  :  quiconque  est  uni  au  Saint-Esprit  par  la  grâce 
sanctifiante  appartient  a  l'âme  de  l'Eglise,  qu'il  soit  ou  non 
membre  de  son  corps. 

Redisons  donc  en  terminant  que  tous  les  hommes  sont 
obligés  d'entrer  dans  l'Eglise,  mais  que  nul,  pourvu  qu'il 
soit  de  bonne  foi,  ne  sera  condamné  pour  le  seul  motif  de 
n'avoir  pas  été  catholique.  Dieu,  qui  sonde  les  cœurs  et  les 
reins,  appréciera  les  intentions  et  rendra  à  chacun  selon 
ses  œuvres.  (Laforêt,  Dogmes  catholiques.) 


314  QUATRIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 


VIe  INSTRUCTION. 


EXORDE. 

I .  Au  caractère  de  catholicité  ou  d'universalité 
qui  la  distingue,  on  reconnaît  aisément  la  véritable 
Eglise  de  Jésus-Christ.  Nulle  autre  religion  ou  secte 
ne  peut  disputer  cet  avantage  à  l'Eglise  Romaine, 
ni  entrer  en  lice  avec  elle.  Aucune  ne  remonte 
jusqu'à  l'origine  des  temps  ;  aucune  ne  sort  de 
certaines  limites  pour  se  propager  par  toute  la 
terre.  Nous  l'avons  vu  dans  la  dernière  instruction. 

.Mais  ce  caractère  de  catholicité  qu'on  ne  trouve 
nulle  part  ailleurs  que  dans  l'Eglise  Romaine,  ne 
sert  pas  seulement  à  la  distinguer  des  autres 
sociétés  religieuses  ;  elle  la  fait  encore  briller  d'un 
éclat  divin. 

En  effet,  comme  nous  l'avons  remarqué,  il  y  a 
un  triple  miracle  dans  la  catholicité  de  l'Eglise. 

Un  premier  miracle,  en  ce  qu'elle  unit  dans 
une  même  foi  et  sous  un  même  chef  des  peuples  et 
des  hommes  si  différents  entre  eux  et  si  divisés 
sous  tous  les  autres  rapports. 

Un  second  miracle  en  ce  que  ce  fait,  si  prodi- 


SON  APOSTOLICITÉ.  315 

gieux  par  lui-même,  a  été  prédit  longtemps  avant 
son  accomplissement. 

Un  troisième  miracle  enfin,  en  ce  qu'il  est  per- 
pétuel, tandis  que  nous  voyons  toutes  les  institu- 
tions humaines  périr  avec  le  temps. 

2.  Il  nous  reste  à  considérer  la  quatrième  pro- 
priété de  l'Eglise,  qui  est  son  apostolicité. 

C'est  une  nouvelle  marque  qui  nous  aide  de  plus 
en  plus  à  discerner  la  véritable  Eglise.  Une  et  per- 
pétuelle, c'est  par  la  succession  non  interrompue 
des  Papes  et  des  Evèques ,  successeurs  des 
apôtres,  qu'elle  nous  montre  son  unité  et  sa  per- 
pétuité. 

Nous  allons  donc  expliquer  dans  cet  entretien 
en  quoi  consiste  l'apostolicité  de  l'Eglise  ;  après 
quoi,  nous  résumerons  brièvement  ce  que  nous 
avons  dit  de  ses  autres  propriétés  et  nous  conclu- 
rons qu'il  n'y.  a  de  sécurité  pour  le  salut  que  dans 
la  sainte  Eglise  Romaine. 

CORPS  DE  LINSTRUCTION. 

3.  On  appelle  l'Eglise  apostolique  pour  deux 
raisons.  Premièrement,  à  raison  de  la  doctrine 
qu'elle  professe  ;  secondement,  à  raison  de  l'auto- 
rité qui  la  gouverne. 

L'une  et  l'autre  sont  apostoliques,  c'est-à-dire, 
que  sa  doctrine  est  la  doctrine  même  des  apôtres, 
et  que  l'autorité  qui  la  gouverne,  est  l'autorité 
même  des  apôtres. 


316  QUATRIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  l'ÉULISE, 

Ces  deux  choses  sont  intimement  unies  dans 
l'Eglise  de  Jésus-Christ.  C'est  aux  apôtres  en  effet 
qu'il  a  donné  mission  d'enseigner  et  de  baptiser 
tous  les  peuples,  leur  promettant  d'être  avec  eux 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles. 

4.  Je  dis  que  la  doctrine  de  l'Eglise  est  la  doc- 
trine même  des  apôtres. 

Ce  qu'elle  nous  enseigne  n'est  pas  nouveau. 
Aucune  des  vérités  qu'elle  nous  propose  n'est 
d'invention  moderne.  C'est  de  Jésus-Christ,  son 
divin  fondateur,  qu'elle  tient  tout  ce  qu'elle  a 
transmis  aux  hommes  par  la  prédication. 

En  descendant  sur  la  terre,  le  divin  Maître  nous 
a  apporté  du  ciel  son  Evangile.  Après  l'avoir 
publié  en  personne  pendant  l'espace  de  trois  ans, 
il  le  fit  annoncer  par  les  apôtres  qu'il  avait  choisis 
et  formés  dans  ce  dessein,  et  ceux-ci,  par  son 
ordre,  en  ont  répandu  la  semence  dans  le  monde 
entier. 

Depuis  les  apôtres  jusqu'à  nous,  les  évoques, 
successeurs  des  apôtres,  et  à  leur  tête  le  pape, 
successeur  de  saint  Pierre,  toujours  assistés  de 
l'Esprit-Saint,  selon  la  parole  de  Jésus-Christ,  ont 
gardé  inviolablement  ce  dépôt  sacré,  et  ont  pro- 
pagé partout,  d'âge  en  âge,  l'enseignement  qu'ils 
avaient  reçu  des  apôtres. 

5.  D'après  cela,  jugez  de  ce  qu'il  faut  penser 
des  différentes  hérésies  qui  ont  paru  dans  la  suite 
des  temps. 


SON  APOSTOLICITÉ.  317 

N'est-il  pas  clair  qu'elles  portaient  leur  condam- 
nation dans  leur  nouveauté  même?  N'est-il  pas 
clair  que  par  cela  même  qu'elles  s'écartaient  de 
l'enseignement  de  l'Eglise  alors  en  vigueur,  c'était 
autant  d'innovations  contraires  à  la  foi  des  apôtres, 
autant  de  révoltes  contre  l'enseignement  de  Jésus- 
Christ? 

En  effet,  Notre-Seigneur  n'a  pu  manquer  à  sa 
parole.  Puisqu'il  a  promis  d'être  toujours  avec  son 
Eglise,  il  s'ensuit  que  l'Eglise  a  toujours  maintenu 
la  doctrine  apostolique,  et  ainsi  les  hérétiques  de 
tous  les  temps  ont  toujours  eu  tort  de  vouloir  la 
corriger. 

C'est  pour  nous  faire  sentir  d'une  part  la  fidélité 
de  l'Eglise  et  de  l'autre  l'infidélité  des  hérétiques 
à  la  doctrine  des  apôtres,  que  le  concile  de  Nicée 
a  joint  aux  autres  titres  de  l'Eglise,  celui  d'apos- 
tolique. 

«Credo  unam,  sanctam,  catholicam  et  aposto- 
licam  Ecclesiam.  Je  crois  l'Eglise  une,  sainte,  ca- 
tholique et  apostolique.  » 

Par  ce  dernier  trait,  le  saint  Concile  semble  nous 
dire  que  l'Eglise  qui  mérite  notre  foi,  est  celle-là 
seule  qui  conserve,  dans  toute  son  intégrité,  le 
dépôt  de  la  doctrine  apostolique. 

6.  Mais  ce  nom  d'apostolique  indique  quelque 
chose  de  plus.  Il  veut  dire  encore  que  l'Eglise  est 
gouvernée  par  la  même  autorité  que  celle  des 
apôtres.  Par  là,  il  désigne,  d'une  manière  très- 
précise,  quelle  est  l'Eglise  véritable,  l'Eglise  une, 


318  QUATRIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

sainte  et  catholique,  dans  laquelle  se  trouve,  par 
conséquent,  la  véritable  foi  enseignée  par  les 
apôtres. 

Quelle  est  donc  l'Eglise  catholique,  l'Eglise  fidèle 
dépositaire  de  la  foi  des  apôtres? 

Evidemment,  c'est  celle  qui  est  gouvernée  par 
leurs  légitimes  successeurs.  C'est  donc  celle  qui  a 
pour  pasteurs ,  le  successeur  légitime  de  saint 
Pierre  et  les  successeurs  légitimes  des  apôtres. 

Voilà  surtout  pour  quel  motif  on  l'appelle  apos- 
tolique. 

7.  Il  est  facile  de  comprendre  que  tel  en  effet 
doit  être  le  caractère  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ. 

Quels  sont  ceux  qu'il  a  envoyés  prêcher  en  son 
nom  par  toute  la  terre?  —  Les  apôtres,  ayant  saint 
Pierre  à  leur  tète  pour  les  confirmer  dans  la  foi. 
«J'ai  prié  pour  toi,  Pierre,  afin  que  ta  foi  ne  vienne 
point  à  défaillir,  et  toi,  une  fois  converti,  aie  soin 
de  confirmer  tes  frères.  Ego  rogavi  pro  te,  ut  non 
deficiat  fides  tua  ;  et  tu  aliquando  conversus,  con- 
firma fratres  tuos.  »  [Luc.  xxii.) 

A  qui  a-t-il  envoyé  le  Saint-Esprit,  avec  l'assu- 
rance qu'il  leur  enseignerait  toute  vérité?  — 
Encore  une  fois,  aux  apôtres,  «  Le  Saint-Esprit, 
dit-il,  le  Consolateur  que  le  Père  vous  enverra  en 
mon  nom,  vous  enseignera  toutes  choses,  et  vous 
rappellera  tout  ce  que  je  vous  ai  dit.  Paraclitus 
autem  Spiritus  sanctus,  quem  mittet  Pater  in  no- 
mine  meo,  ille  vos  docebit  omnia,  et  suggeret  vo- 
bis  omnia,  quaecumque  dixero  vobis.  r>(Joan.  xiv.) 


SON  APOSTOLI CITÉ.  319 

Enfin,  à  qui  Jésus-Christ  a-t-il  fait  la  promesse 
d'être  toujours  avec  eux  jusqu'à  la  fin  des  siècles? 

—  Toujours  aux  apôtres.  «  Ecce  ego  vobiscum 
sum  omnibus  diebus  usque  ad  consummationem 
saecnli.  Voici  que  je  suis  avec  vous  tous  les  jours 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  ))(Mai.  xxvui.) 

Par  ces  paroles,  Notre-Seigneur  ne  promettait 
pas  l'immortalité  aux  apôtres.  Comment  donc  peut- 
il  être  avec  eux  jusqu'à  la  fin  du  monde?  C'est  que 
dans  les  apôtres  il  comprenait  tous  leurs  légitimes 
successeurs.  L'assistance  qu'il  leur  promettait  re- 
garde donc  aussi  ceux  qui  leur  succéderont  ;  et 
jamais,  en  aucun  temps,  en  aucun  jour,  cette 
assistance  divine  ne  leur  fera  défaut. 

Voilà  comment  le  ministère,  l'autorité,  la  mis- 
sion des  apôtres,  persévère  constamment  dans 
l'Eglise,  et  voilà  ce  qui  fait  que  la  véritable  Eglise 
doit  être  apostolique,  c'est-à-dire,  remonter  jus- 
qu'aux apôtres  par  la  succession  légitime  des 
pasteurs  qui  la  gouvernent. 

8.  Comprenez  maintenant  toute  la  portée  et 
toute  la  force  de  cette  qualification  d'apostolique. 

Elle  vous  dit  quelle  doit  être  et  quelle  est  la  vraie 
foi;  elle  vous  dit  quelle  doit  être  et  quelle  est  la 
véritable  Eglise. 

J'ajoute  qu'elle  nous  dit  encore  pourquoi  l'Eglise 
ne  peut  errer  dans  son  enseignement  :  apostolique 
ou  infaillible,  c'est  ici  une  seule  et  même  chose. 
Nous  venons  d'en  dire  la  raison  :  c'est  que  Jésus- 
Christ  continue  d'enseigner  avec  l'Eglise  aposto- 


3i0  QUATRIEME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE, 

lique  :  c'est  que  le  Saint-Esprit  promis  aux  apôtres 
continue  d'être  avec  leurs  successeurs  et  qu'il  ne 
cessera  pas  de  les  assister  jusqu'à  la  fin  des  temps. 

Telle  est  donc  la  glorieuse  prérogative  de 
l'Eglise  :  Dieu  parle  par  sa  bouche.  «  Celui,  dit-il, 
qui  vous  écoute  m'écoute.  »  Voilà  pourquoi  elle 
ne  saurait  errer  ni  dans  la  foi  ni  dans  la  règle  des 
mœurs. 

Il  n'en  est  pas  ainsi  des  sectes  rivales.  Dépour- 
vues de  cette  assistance  divine,  guidées  par  l'es- 
prit du  démon,  on  les  voit  tomber  dans  les  plus 
funestes  erreurs  en  fait  de  dogme  et  de  morale. 
Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  voyez  ce  qu'enseigne 
le  père  du  protestantisme,  au  sujet  des  bonnes 
œuvres.  11  prétend  qu'elles  ne  sont  nullement  né- 
cessaires au  salut,  et  tirant  lui-même  la  conclusion 
de  cette  fausse  doctrine,  il  en  vient  jusqu'à  dire 
qu'on  peut  pécher  hardiment,  pourvu  qu'on  ait 
une  foi  assez  robuste.  A  quels  excès  un  tel  ensei- 
gnement ne  peut-il  pas  conduire? 

9.  Résumons  maintenant  en  peu  de  mots  ce  que 
nous  avons  dit  des  propriétés  et  caractères  de 
['Eglise,  et  concluons. 

Elle  est  une.  C'est  un  grand  corps  animé  d'un 
seul  esprit,  qui  a  Jésus-Christ  pour  chef  invisible, 
et  pour  chef  visible  le  successeur  de  saint  Pierre. 

Or.  cette  unité  de  corps,  d'esprit,  de  chef  et 
de  chef  établi  par  Jésus-Christ,  où  la  voyez-vous  , 
sinon  dans  l'Eglise  Romaine? 

L'Eglise  est  sainte.  Sa  vie,  c'est  la  sainteté.  Elle 


SON  APOSTOLICHH.  321 

a  été  instituée  dans  ce  but,  et  Jésus-Christ  son 
divin  Fondateur,  étant  la  sainteté  même,  ne  cesse 
de  répandre  ses  grâces  sur  elle,  afin  de  la  sancti- 
fier. L'Eglise  de  son  côté  porte  tous  ses  membres 
à  la  sainteté  par  sa  doctrine  et  par  ses  sacrements. 
Elle  produit  des  fruits  de  sainteté  incontestables. 

Eh  bien  !  cette  sainteté  vraie,  manifeste,  écla- 
tante, indubitable,  la  trouvez-vous  hors  de  l'Eglise 
Romaine?  Quelle  pauvreté  sous  ce  rapport  dans 
les  sectes  qui  en  sont  séparées!  Semblables  à  des 
branches  détachées  de  leur  tronc,  elles  languissent 
faute  de  sève  et  produisent  à  peine  des  avortons, 
au  lieu  de  fruits  véritables.  Non,  le  schisme  et  l'hé- 
résie ne  sauraient  enfanter  des  saints.  Convaincus 
de  leur  impuissance,  ils  se  bornent  à  décréditer 
ceux  dont  la  véritable  Eglise  s'honore  à  juste  titre. 

L'Eglise  est  catholique  ou  universelle,  quant 
aux  temps  et  quant  aux  lieux.  C'est  là,  nous 
l'avons  vu,  le  caractère  essentiel  de  la  vérité  qui 
ne  change  pas,  qui  est  une  et  la  même,  toujours  et 
partout. 

Eh  bien  !  encore  une  fois,  en  dehors  de  l'Eglise 
Romaine,  où  trouvera-t-on  une  société  religieuse 
qui  soit  l'héritière  directe  et  légitime  de  l'Ancien 
Testament,  une  société  qui  embrasse  tous  les 
peuples  dans  son  zèle,  qui  les  éclaire  tous  de  ses 
lumières,  qui  les  réunisse  tous  dans  une  même  foi  ; 
et  cela,  non  pas  pendant  une  période  de  temps 
quelconque,  mais  depuis  Jésus-Christ  jusqu'à  nos 
jours,  sans  aucune  interruption  ? 


322  QUATRIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  i/ÉGLISE, 

Enfin  ,  l'Eglise  est  apostolique  ;  nous  l'enten- 
dions iJ  n'y  a  qu'un  moment.  Jésus-Christ  l'a  fon- 
dée sur  Pierre  ;  il  l'a  fait  la  base  et  la  colonne 
de  tout  l'édifice,  si  bien  qu'il  est  impossible  aux 
puissances  mêmes  de  l'enfer,  de  les  séparer  l'un 
de  l'autre,  a  Tu  es  Pierre,  et  sur  cette  pierre  je 
bâtirai  mon  Eglise,  et  les  portes  de  l'enfer  ne  pré- 
vaudront jamais  contre  elle.  Tu  es  Petrus,  et  super 
hanc  petram  aedificabo  Ecclesiam  meam,  et  porta? 
inferi  non  praevalebunt  adversus  eam.  »  Ce  n'est 
pas  à  saint  Pierre  seul,  que  Jésus-Christ  a  adressé 
cette  parole,  mais  aussi  à  tous  ses  successeurs  légi- 
times. Si  l'Eglise  et  saint  Pierre  ne  font  qu'un,  là 
où  est  Pierre,  là  aussi  est  la  véritable  Eglise  de 
Jésus-Christ. 

D'après  cela,  où  est  l'Eglise  apostolique,  où  est 
l'Eglise  soumise  au  successeur  de  saint  Pierre,  le 
chef,  le  prince  et  le  centre  du  collège  apostolique? 

Il  n'y  a  qu'une  seule  réponse  possible  à  cette 
question  :  c'est  évidemment  l'Eglise  Romaine. 

CONCLUSION. 

40.  La  sainte  Eglise  Romaine  à  laquelle  nous 
avons  le  bonheur  d'appartenir,  voilà  donc,  chré- 
tiens, la  seule  et  unique  Eglise  qui  offre  toute  sé- 
curité pour  le  salut. 

Oui,  voilà  cette  arche  de  salut  dont  celle  de  Noé 
a  été  une  figure  frappante.  De  même  que  celle-ci 
fut  construite  par  l'ordre  de  Dieu,  ainsi  c'est  Dieu 


SON  APOSTOLICITÉ.  323 

lui-même  qui  a  fondé  l'Eglise.  Et  de  même  que, 
parmi  les  contemporains  de  Noé,  ceux-là  seuls 
échappèrent  uu  déluge,  qui  entrèrent  dans  l'arche; 
ainsi  il  n'y  a  de  salut  à  espérer  que  pour  ceux  qui, 
par  le  Baptême  ou  du  moins  par  le  désir  de  le 
recevoir,  se  réfugient  dans  le  sein  de  l'Eglise.  Pour 
ceux,  au  contraire,  qui  refusent  de  s'y  abriter,  ils 
seront  submergés  par  leurs  péchés  comme  les 
incrédules  le  furent  par  les  eaux  du  déluge. 

La  sainte  Eglise  Romaine,  c'est  cette  grande 
cité  de  Dieu,  c'est  cette  véritable  Jérusalem,  dont 
l'Ecriture  a  dit  tant  de  merveilles. 

Ce  qu'il  y  avait  de  plus  remarquable  dans  la 
Jérusalem  terrestre,  c'est  qu'il  n'était  pas  permis 
d'offrir  des  sacrifices  hors  de  son  temple.  Et  de 
même,  c'est  dans  la  sainte  Eglise  Romaine  seule- 
ment, et  nulle  part  ailleurs,  qu'on  trouve  le  vrai 
culte,  et  qu'on  offre  le  vrai  sacrifice,  seul  capable 
de  plaire  à  Dieu. 

11.0  mon  Dieu  !  je  vous  remercie  et  je  vous 
bénis  du  fond  de  mon  cœur  de  m'avoir  fait  naître 
dans  le  sein  de  votre  Eglise  !  Que  cette  faveur  est 
précieuse,  et  comment  pourrai-je  assez  vous  en 
témoigner  ma  reconnaissance?  J'aurais  pu  naître 
au  milieu  des  infidèles, dans  un  pays  où  régnent  le 
schisme  et  l'hérésie.  Mais  non  ;  vous  m'avez  choisi 
parmi  tant  de  milliers  d'autres  hommes,  pour  me 
faire  cette  grâce  de  sucer  la  vérité  avec  le  lait  ! 
A  peine  né,  j'ai  été  régénéré  dans  les  eaux  du  saint 
Baptême,  et  j'y  ai  puisé,  avec  la  vie  spirituelle,  ce 


324  QUATRIÈME  PROPRIÉTÉ  DE   [/ÉGLISE, 

don  inestimable  de  la  foi  qui  m'a  attaché  dès  mes 
plus  tendres  années  au  sein  de  votre  Eglise  1  Avec 
quelle  facilité  n'ai-je  point  saisi  sa  doctrine?  De 
quelles  douces  clartés  ses  enseignements  n'ont-ils 
pas  illuminé  mon  âme?  La  foi  m'a  été  comme  natu- 
relle ;  vous  m'avez  donné  une  pleine  et  profonde 
conviction  des  vérités  que  vous  avez  révélées. 
Seigneur,  je  ne  les  croirais  pas  plus  fermement, 
si  je  les  voyais  de  mes  propres  yeux. 

Oh  !  quelle  consolation  je  ressens  en  contemplant 
les  preuves  que  l'Eglise  me  donne  de  sa  divinité! 
Plus  je  la  considère,  et  plus  je  vois  en  elle  l'em- 
preinte éclatante  de  vos  divines  perfections.  Elle 
est  une  dans  sa  foi  et  dans  son  chef,  comme  vous 
êtes  un  par  essence.  Elle  est  immuable  dans  sa 
doctrine,  comme  vous  l'êtes  dans  votre  nature. 
Elle  est  perpétuelle  et  impérissable,  cnmme  vous 
êtes  éternel.  Elle  est  sainte  et  glorifie  par  là  votre 
sainteté  parfaite.  Elle  est  infaillible,  comme  vous 
êtes  la  vérité  même  ! 

0  mon  Dieu  !  augmentez  de  plus  en  plus  ma 
foi  et  faites-moi  la  grâce  de  profiter  d'un  bienfait 
dont  tant  d'autres  ne  jouissent  pas  ! 

12.  Tels  sont  sans  doute  vos  sentiments,  chré- 
tiens, mes  frères.  Comme  moi,  vous  appréciez 
l'insigne  bonheur  d'être  les  enfants  de  la  sainte 
Eglise  catholique.  Sachons  donc  nous  en  montrer 
reconnaissants.  Remercions  souvent  le  Seigneur 
du  bienfait  de  notre  vocation  et  souvenons-nous 
que  si  nous  avons  plus  reçu,  nous  avons  aussi  une 


SON  APOSTO LICITE.  325 

plus  grande  responsabilité.  Que  serait-ce  au  der- 
nier jour,  si  après  avoir  vécu  au  sein  du  christia- 
nisme, nous  nous  trouvions  confondus  avec  les 
idolâtres,  à  cause  de  notre  infidélité?  Ah  !  le  Sei- 
gneur sans  doute  nous  châtierait  avec  plus  de 
rigueur  comme  plus  coupables.  Tyr  et  Sidon, 
Sodome  et  Gomorrhe  élèveraient  la  voix  contre 
nous  ;  car  si  ces  villes  malheureuses  avaient  reçu 
la  même  grâce,  elles  se  seraient  converties  et 
sauvées. 

Ne  nous  exposons  pas  à  une  telle  malédiction. 
Nous  sommes  chrétiens,  gardons-nous  de  vivre 
comme  les  gentils  qui  ne  connaissent  point  Dieu. 
Faisons  honneur  à  la  sainteté  de  notre  nom  par  la 
sainteté  de  nos  œuvres,  et  lorsque  le  souverain 
Juge  viendra  nous  demander  compte  de  notre  vie, 
nous  pourrons  attendre  avec  confiance  la  récom- 
pense promise  aux  serviteurs  fidèles. 


326  divinité  de  l'église 


VIIe  INSTRUCTION.  * 

DIVINITÉ  DE  L'EGLISE  PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ 


EXORDE. 

1 .  Nous  désirons  tous  invinciblement  la  vie 
future;  nous  désirons  connaître  ce  qu'elle  nous 
réserve  et  les  relations  qui  existent  entre  elle  et  la 
vie  présente. 

Voilà  un  fait  qu'aucun  homme  de  bonne  foi  ne 
peut  nier. 

D'un  autre  côté  nous  n'attendons  cette  connais- 
sance ni  de  nous-mêmes,  ni  de  nos  semblables. 
Les  vérités  religieuses  ont  tout  un  côté  au  delà  du 
tombeau.  On  sent  bien  que,  si  Dieu  ne  nous  en 
avait  instruit  lui-même,  il  n'y  aurait  pas  de  certi- 
tude possible  en  matière  de  religion. 

Dira-t-on  qu'après  nous  avoir  créés,  il  n'a  pas 
daigné  nous  révéler  ses  desseins  et  nous  apprendre 
comment  nous  devons  y  répondre?  Tout  se  révolte 
en  nous  contre  une  telle  supposition.  Dieu  est 
Père;  il  n'a  pu  livrer  les  hommes  qui  sont  ses 
enfants  à  la  merci  de  leurs  ténèbres.  Non,  celui 

*  Cette  instruction  et  la  suivante  sont  empruntées ,  pour 
le  fond,  à  la  Démonstration  catholique  du  R.  P.  Deschamps. 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.        327 

qui  a  fait  l'astre  du  jour  pour  guider  nos  pas  sur 
la  terre,  n'a  point  privé  nos  intelligences  de  la  lu- 
mière du  salut.  Puisqu'elle  n'est  pas  en  nous,  il 
faut  nécessairement  qu'elle  vienne  du  dehors. 

Le  bon  sens  nous  dit  qu'elle  doit  être  assez  écla- 
tante pour  frapper  ceux  qui  y  sont  attentifs. 

On  doit  pouvoir  la  discerner  aisément  et  sans 
effort.  Si  elle  exigeait  de  longues  et  pénibles  re- 
cherches, comment  les  simples  et  les  ignorants 
parviendraient-ils  à  la  connaissance  de  la  religion? 

2.  Où  est-il  donc  ce  soleil  des  esprits?  Où  est 
cette  lumière  destinée  à  éclairer  tout  homme  ve- 
nant en  ce  monde? 

Elle  ne  peut  être  que  dans  l'Eglise  catholique. 
Où  serait-elle,  en  effet,  si  elle  n'était  point  là? 

L'Eglise  catholique  est  la  seule  société  religieuse 
en  ce  monde  qui  nous  apparaisse  marquée  du 
grand  signe  de  Dieu,  je  veux  dire,  l'Unité  ;  elle  est 
la  seule  qui  se  dise  et  qui  soit  contemporaine  de 
l'origine  de  l'homme  ;  la  seule  qui  fasse  remonter 
sa  généalogie  jusqu'au  commencement  des  choses  ; 
la  seule  qui  nous  montre  la  religion  descendant 
avec  elle  le  cours  des  siècles  ;  la  seule  qui  s'adresse 
à  tous  les  peuples,  qui  prêche  la  même  loi  sous 
tous  les  cieux  et  fasse  réciter  son  symbole  dans 
toutes  les  langues. 

La  vérité  est  une,  partout  et  toujours  la  même, 
la  même  à  toutes  les  époques,  la  même  dans  tous 
les  lieux,  et  cette  unité  qui  caractérise  l'Eglise  de 


328  divinité  de  l'église 

Dieu,  s'appelle  perpétuité  et  universalité,  en  un 
mot,  Catholicité. 

Dans  cet  entretien,  nous  allons  montrer  que  la 
catholicité  de  l'Eglise  prouve  d'une  manière  invin- 
cible sa  divinité. 

CORPS  DE  LINSTRUCTION. 

3.  Il  y  a  deux  choses  à  distinguer  dans  la  catho- 
licité.Pour  que  l'Eglise  justifie  son  nom  de  catholi- 
que, il  faut  qu'elle  soit  une  et  perpétuelle,  une  et 
universelle. 

Prouvons  d'abord  sa  perpétuité  dans  son  unité. 

«  Dieu,  dit  l'Apôtre,  a  parlé  autrefois  en  divers 
temps  et  de  diverses  manières  à  nos  ancêtres  par 
les  prophètes;  mais  en  dernier  lieu,  il  nous  a  parlé 
par  son  Fils  qu'il  a  fait  héritier  de  toutes  choses  et 
par  qui  il  a  fait  les  siècles.  Multifariam  multisque 
modis  olim  Deus  loquens  Patribus  in  Prophetis, 
novissime  locutus  est  nobis  in  Filio  quem  constituit 
haeredem  universorum,  per  quem  fecitet  saecula.  » 
{Hebr.  i.) 

Vous  avez  dans  ce  peu  de  mots  toute  la  suite 
de  la  religion  depuis  Adam  jusqu'à  Jésus-Christ. 
Dieu  parle  à  l'origine  ;  il  fait  répéter  sa  parole  par 
Moïse  et  les  prophètes  ;  voilà  la  loi  de  nature  et  la 
loi  écrite  qui  ne  sont  qu'un  acheminement  à  la  loi 
plus  parfaite  de  l'Evangile.  La  révélation  primitive 
et  la  révélation  mosaïque  sont  complétées  par  le 
Fils  de  Dieu  en  personne. 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.  329 

Saint  Paul  résume  d'une  manière  plus  concise 
encore  toute  la  suite  de  la  religion  :  «  Jésus-Christ, 
dit-il,  était  hier,  il  est  aujourd'hui,  il  sera  dans  tous 
les  siècles.  Christus  heri,  et  hodie,  ipse  et  in 
saecula.  »  (Hebr.  xm.J 

C'est  lui  en  effet  qui  est  le  centre  auquel  abou- 
tissent les  deux  Testaments.  11  en  est  le  lien,  et 
des  deux  il  n'en  fait  qu'un  seul.  L'Ancien  sert  de 
préparation  au  Nouveau.  Jésus-Christ  dit  lui- 
même  qu'il  n'est  point  venu  pour  détruire,  mais 
pour  accomplir  la  loi. 

Tout  l'Ancien  Testament  est  rempli  de  sa  pro- 
messe et  de  son  attente.  Il  était  hier. 

Tout  l'Evangile  est  rempli  de  sa  présence  ado- 
rable et  de  ses  mystères.  //  est  aujourd'hui. 

Il  sera  aussi  dans  tous  les  siècles.  «  Allez,  dit-il 
à  ses  apôtres,  enseignez  toutes  les  nations,  appre- 
nez-leur à  garder  ce  que  je  vous  ai  enseigné,  et 
voici  que  je  suis  avec  vous  jusqu'à  la  fin  des  siècles. 
Ite,  docete  omnes  gentes...  docentes  eos  servare 
omnia  quaecumque  mandavi  vobis.  Et  ecce  ego 
vobiscum  sum  omnibus  diebus  usque  ad  consum- 
mationem  sseculi.  »  [Matth.  xxvm.) 

La  religion  est  donc  parfaitement  une  en  Jésus- 
Christ  ;  et  vous  avez  sous  les>  yeux  la  preuve  de 
sa  perpétuité  ;  car,  depuis  qu'il  a  prononcé  cette 
parole  :  je  suis  avec  vous,'  plus  de  dix-huit  siècles 
se  sont  écoulés,  et  voyez  s'il  a  failli  à  sa  promesse. 

4.  Or,  cette  perpétuité  est  un  prodige  manifes- 


330  DIVINITÉ  DE  L'ÉGLISE 

tement  supérieur  aux  forces  humaines  et  ne  peut 
être  que  l'œuvre  de  la  puissance  de  Dieu. 

Pour  nous  en  convaincre,  voyons  quelle  a  été 
la  marche  de  l'Eglise  dans  la  succession  des 
temps. 

Que  sont  devenus  les  plus  fameux  empires 
fondés  par  les  Alexandre  et  les  César?  Ils  se  sont 
élevés,  et  malgré  leurs  richesses  et  leurs  armées, 
ils  sont  bientôt  tombés  ;  il  n'en  reste  plus  de  traces 
que  dans  l'histoire. 

L'Eglise,  sans  autres  armes  que  la  parole  de 
Dieu,  a  étendu  plus  loin  qu'eux  ses  conquêtes 
pacifiques  et  maintient  toujours  un  empire  plus 
vaste  que  le  leur. 

De  l'Orient,  où  elle  est  née  avec  la  première 
famille  humaine,  et  où  Jésus-Christ  lui  donna  une 
vie  nouvelle,  elle  a  gagné  l'Afrique,  l'Europe, 
l'Amérique,  les  îles  de  l'Océanie. 

Et  cependant  à  combien  d'assauts  n'a-t-elle  pas 
été  en  butte? 

Dans  les  trois  premiers  siècles  de  l'ère  chré- 
tienne, la  persécution  est  presque  incessante,  et 
quelle  persécution  !  C'est  par  millions  que  les  pre- 
miers chrétiens  confessent  la  foi  au  prix  de  leur 
sang.  Le  premier  pape,  saint  Pierre,  meurt  cru- 
cifié. Plus  de  trente  de  ses  successeurs,  plus  de 
trente  Papes,  meurent  martyrs.  Mais  le  sang  des 
martyrs  est  une  semence  de  chrétiens.  A  force 
d'être  versé  par  torrents,  il  ruine  les  fondements 
du  paganisme.  De  persécuteurs  qu'ils  étaient,  les 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.        334 

persécuteurs  se  font  eux-mêmes  chrétiens.  Avec 
Constantin,  la  croix  monte  au  capitole  et  décore  le 
diadème  des  Césars. 

A  la  persécution  du  glaive  succède  aussitôt  l'é- 
preuve des  hérésies. 

On  voit  s'élever  coup  sur  coup  celle  d'Ariusqii! 
nie  la  divinité  de  Jésus-Christ,  celle  de  Macédonius 
qui  attaque  la  divinité  du  Saint-Esprit,  celle  de 
Nestorius  qui  ruine  l'incarnation  du  Verbe,  en  dis- 
tinguant en  lui  deux  personnes,  celle  d'Eutychès 
qui  confond  les  deux  natures,  celle  des  Monothé- 
lites  qui  affirment  une  seule  volonté  en  Jésus- 
Christ,  celle  des  Iconoclastes  qui  combattent  le 
culte  des  saintes  images. 

L'empire  grec  favorise  toutes  ces  hérésies.  Rome 
lutte  avec  énergie.  L'empire  se  flétrit  et  perd  sa 
puissance.  L'Eglise  triomphe  et  demeure. 

Mais  voici  que  des  légions  de  Barbares  se  pré- 
cipitent sur  le  vieil  empire  romain  et  font  tomber 
le  colosse  en  poudre.  Tout  est  couvert  de  ses 
ruines  ;  aucune  des  institutions  humaines  n'échappe 
au  naufrage.  Qu'en  sera-t-il  de  l'Eglise?  Ne  sera-t- 
elle  pas  abîmée  elle-même  dans  cette  effroyable 
confusion  de  toutes  choses?  Non;  loin  de  succom- 
ber ,  elle  impose  le  respect  aux  vainqueurs , 
dompte  leur  férocité  naturelle,  adoucit  leurs 
mœurs,  et  en  les  faisant  chrétiens,  pose  les  fonde- 
ments de  la  civilisation  moderne. 

Les  Barbares  ont  tout  ruiné  ;  et  l'Eglise  seule  est 
demeurée  debout. 


332  divinité  de  l'église 

Elle  n'avait  pas  achevé  leur  conversion,  que  les 
empereurs  d'Occident  lui  suscitent  une  guerre 
nouvelle,  en  voulant  s'emparer  de  la  puissance 
spirituelle.  Les  Papes  résistent  héroïquement. 

Bientôt  les  Musulmans  menacent  l'Europe  chré- 
tienne. Semblables  à  une  mer  en  furie,  ils  débor- 
dent sur  tous  ses  rivages.  Les  Papes  donnent  le 
signal  des  Croisades.  Les  Turcs  et  les  Sarrazins 
sont  contenus.  Aujourd'hui  la  puissance  de  Maho- 
met s'en  va  et  la  papauté  subsiste. 

5.  Mais  tous  ces  dangers,  venant  d'ennemis 
déclarés ,  n'ont  pas  été  les  plus  grands  pour 
l'Eglise. 

Le  plus  formidable  de  tous  fut  toujours  le  relâ- 
chement des  mœurs  dans  ses  propres  enfants,  et 
dans  ses  ministres,  l'oubli  de  la  sainteté  de  leur 
état.  Ce  danger  domestique  s'est  reproduit  à  diffé- 
rentes époques  ;  mais  il  grandit  surtout  h  la  suite 
du  débordement  des  Barbares.  Le  sanctuaire  fut 
alors  en  proie  à  deux  grands  désordres,  la  simonie 
et  la  licence.  Le  clergé,  qui  est  le  soutien  naturel 
de  l'Eglise,  le  trahissait  par  l'ignorance  et  le  dérè- 
glement. Il  ne  fallut  rien  moins  qu'un  homme  de  la 
droite  de  Dieu,  le  grand  saint  Grégoire  VII,  pour 
le  rappeler  à  la  science  et  à  la  sainteté. 

L'Eglise  n'a  pas  été  corrompue  par  les  scandales 
de  ses  enfants  et  de  ses  ministres.  Toujours  elle  a 
trouvé  en  elle-même  le  feu  sacré  qui  purifie  et 
consume  la  rouille  des  misères  humaines. 

Pour  qu'elle  ne  manquât  d'aucune  preuve,  le 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.        333 

Saint-Siège  lui-même  eut  à  gémir  sur  les  vices  de 
quelques  Papes  qui  firent  exception  clans  la  longue 
série  de  saints  et  de  grands  hommes  qui  l'ont  illus- 
tré. Dieu,  sans  doute,  a  permis  cette  exception 
pour  rendre  le  prodige  de  la  perpétuité  de  l'Eglise 
plus  manifestement  miraculeux.  Par  là,  il  a  fait 
voir  que  si  elle  se  soutient,  c'est  parce  qu'elle 
repose  sur  lui  et  non  sur  ceux  qui  la  dirigent. 

Une  autre  crise  plus  périlleuse  encore  fut  ména- 
gée au  Saint-Siège. 

Pendant  plus  de  quarante  ans,  un  schisme  sans 
exemple  tient  l'Eglise  en  suspens  entre  plusieurs 
Papes,  sans  qu'on  parvienne  à  décider  quel  était  le 
légitime.  L'unité  menaça  alors  d'être  ruinée  par 
les  efforts  mêmes  qu'on  faisait  pour  la  sauver.  Il  y 
eut  jusqu'à  trois  Papes  reconnus  en  même  temps 
par  différentes  portions  de  la  chrétienté.  Mais  Dieu 
veillait  sur  son  Eglise.  Le  concile  de  Constance 
met  fin  aux  divisions  et  l'unité  de  l'Eglise  et  de  son 
chef  en  sort  plus  brillante  que  jamais. 

Sera-t-elle  enfin  assez  éprouvée,  l'œuvre  de 
Dieu?  Non,  l'Eglise  est  militante  et  ses  combats 
ne  cesseront  qu'avec  le  monde. 

Le  seizième  siècle  voit  éclore  la  grande  hérésie 
du  protestantisme.  Nommons-en  les  premiers  au- 
teurs et  les  promoteurs,  nous  prononcerons  en 
même  temps  sa  sentence.  Ce  fut  Luther,  un  moine 
parjure  et  impudique  ;  ce  fut  Calvin,  cet  homme 
tristement  célèbre  par  son  orgueil  et  sa  froide 
cruauté  ;  ce  fut  Henri  VIII,  ce  monarque  aux  pas- 


334  DIVINITE  DE  L  EGLISE 

sions  infâmes  et  sanguinaires.  Quoique  sortie  d'une 
source  si  impure,  l'erreur  ne  pouvait  manquer  de 
faire  des  ravages.  Elle  flattait  toutes  les  passions, 
les  passions  lui  répondirent  et  se  rangèrent  à  l'envi 
sous  sa  bannière. 

Trois  siècles  se  sont  écoulés  depuis  ;  nous  assis- 
tons à  l'agonie  du  protestantisme.  Usé  à  force  de 
divisions,  nous  le  voyons  aboutir  fatalement  à 
l'abime  du  rationalisme  ou  de  l'irréligion  systéma- 
tique, et  au  panthéisme  qui  n'est  qu'une  négation 
déguisée  de  la  Divinité. 

La  grande  révolution  française  de  la  fin  du 
siècle  dernier  a  été  la  dernière  grande  épreuve  de 
l'Eglise.  On  Ta  vue,  cette  révolution,  enchaîner  le 
vicaire  de  Jésus-Christ,  et  se  promettre  que  Pie  VI 
serait  le  dernier  des  Papes. 

La  révolution  a  passé  et  Pie  VI  a  déjà  eu  cinq 
successeurs. 

Ce  tableau  de  la  marche  victorieuse  de  l'Eglise 
à  travers  les  temps  n'a-t-il  pas  de  quoi  ravir  ?  Et 
qui  peut  y  méconnaître  la  main  de  Dieu? 

6.  Mais  tant  de  vicissitudes  n'ont-elles  pas  altéré 
son  unité?  Une  si  longue  durée  n'a-t-elle  pas  flé- 
tri sa  jeunesse  et  sa  beauté  primitive  ? 

Nullement.  Tandis  que  tout  change  et  se  modifie 
autour  d'elle,  l'Eglise  reste  immuablement  la  même 
dans  sa  constitution  et  sa  hiérarchie  divine,  dans 
son  dogme,  dans  sa  morale,  dans  ses  Sacrements. 

Plusieurs  fois, les  puissances  du  siècle  l'ont  per- 
sécutée, afin  d'obtenir  la  suppression  d'un  point  de 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.        335 

sa  croyance;  elle  a  été  inflexible.  Lorsque  Hen- 
ri VIII  prétendit  faire  plier  à  ses  caprices  la  loi  de 
l'indissolubilité  du  mariage,  menaçant  d'arracher 
l'Angleterre  à  la  foi  de  l'Eglise,  que  répondirent  les 
Papes ?«  Non  possumus,  nous  ne  le  pouvons  pas.  » 
D'illustres  Docteurs,  égarés  par  l'orgueil,  blessent 
la  vérité  dans  leurs  écrits.  Sans  tenir  compte  de 
leurs  talents  et  de  leur  renommée,  l'Eglise,  si  ses 
remontrances  maternelles  ne  sont  point  écoutées, 
les  retranche  de  son  sein.  Elle  est  si  éloignée  de 
toute  transaction  en  matière  de  foi,  qu'elle  a  laissé 
une  grande  partie  de  l'Orient  se  séparer  de  l'unité 
plutôt  que  de  sacrifier  un  seul  mot  du  Symbole. 

Dans  ces  derniers  temps,  Napoléon  en  face  de 
Pie  VII  à  Fontainebleau,  le  czar  Nicolas  en  face  de 
Grégoire  XVI  au  Vatican,  n'ont- ils  pas  senti  que  tout 
le  prestige  de  la  puissance  terrestre  s'évanouissait 
en  présence  du  Vicaire  de  Jésus-Christ? 

L'Eglise  n'a  souffert  de  modification  que  dans  sa 
discipline.  Les  lois  de  ce  genre  n'ont  pas  un  carac- 
tère fixe, mais  variable.  Il  était  de  sa  sagesse  de  les 
accommoder  aux  besoins  du  temps  et  au  plus 
grand  bien  de  ses  enfants.  C'est  ainsi  que  pour  de 
justes  raisons,  elle  a  diminué  le  nombre  des  jours 
de  fêtes,  adouci  la  rigueur  du  carême  et  des  lois 
de  l'abstinence.  Mais  quant  à  la  doctrine  dont  Jé- 
sus-Christ lui  a  confié  le  dépôt,  elle  n'en  a  rien 
retranché,  elle  n'y  a  rien  ajouté. 

Si,  dans  la  suite  des  siècles,  elle  précise  cer- 
tains points  non  encore  définis,  comme  elle  l'a  fait 


336  divinité  de  l'église 

en  1 854  pour  Je  dogme  de  l'Immaculée  Conception, 
ce  n'est  point  un  dogme  nouveau  qu'elle  crée,  mais 
une  vérité  ancienne  qu'elle  place  dans  un  plus 
grand  jour.  C'est  toujours  l'enseignement  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres  qu'elle  nous  propose.  Elle 
répute  comme  une  nouveauté  et  rejette  avec  hor- 
reur toute  doctrine  qui  ne  dérive  pas  de  cette 
source. 

Ainsi  l'unité  de  l'Eglise  marche  de  pair  avec  sa 
perpétuité,  d'où  résulte,  encore  une  fois,  la  preuve 
évidente  de  sa  divinité. 

7.  Une  autre  circonstance  de  cette  perpétuité 
de  l'Eglise,  qui  en  rehausse  de  plus  en  plus  le  pro- 
dige, c'est  qu'elle  a  été  non-seulement  prédite, 
mais  promise  par  Jésus-Christ,  a  Tu  es  Pierre,  et 
sur  cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise,  et  les  forces 
de  l'enfer  ne  prévaudront  jamais  contre  elle.  Tu  es 
Petrus,  et  super  hanc  petram  aBdificabo  Ecclesiam 
me.im  et  portas  inferi  non  praevalebunt  adversus 
eam  »  [Matth  xvi). 

Mémorables  paroles  qu'on  lit  au  haut  de  la  cou- 
pole de  Saint-Pierre  à  Rome  et  au  dessus  de  son 
tombeau,  comme  pour  rapprocher  la  prophétie  de 
son  accomplissement,  montrer  l'une  et  l'autre  à 
tous  les  regards,  et  par  là  donner  une  démonstra- 
tion sensible  de  la  divinité  de  l'Eglise. 

Jésus-Christ ,en tes  adressant  au  pêcheur  de  Ga- 
lilée, n'a-t-il  pas  pris  tous  les  siècles  à  témoin  d'un 
fait  que  Dieu  seul  pouvait  accomplir?  Quoi!  un 
pauvre  batelier  qui  ne  connaissait  d'abord  que  sa 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.        337 

barque  et  ses  filets,  va  s'établir  dans  la  capitale  du 
monde  païen,  et  là,  sous  l'œil  jaloux  des  Césars,  il 
fixe  le  siège  d'une  religion  qui  prêche  un  Dieu 
crucifié  et  qui  crucifie  elle-même  toutes  les  pas- 
sions ;  il  fonde  un  empire  qui  s'étend  dans  le  monde 
entier  et  assujettit  a  la  foi  des  hommes  de  toute 
langue,  de  toute  tribu,  de  toute  nalion  ;  il  opère 
cette  vaste  conquête  par  la  seule  puissance  de  la 
croix;  il  lègue  sa  puissance  a  ses  successeurs  qui 
depuis  plus  de  dix-huit  siècles  la  maintiennent  par 
le  même  moyen,  sans  que  ni  les  persécutions,  ni 
les  hérésies,  ni  les  schismes,  ni  les  révolutions,  ni 
les  scandales  aient  jamais  pu  l'ébranler  ;  et  un  tel 
fait,  contraire  à  toutes  les  lois  de  la  nature,  ne  serait 
pas  l'œuvre  de  Dieu  ?  Ah  I  il  faut  être  aveugle  pour 
en  douter.  Quel  est  donc  Celui  qui  commande  aux 
siècles  et  à  qui  les  siècles  obéissent,  si  ce  n'est 
Dieu? 

8.  Remarquons  ici  combien  cette  perpétuité  de 
l'Eglise,  toujours  une  et  invariable,  est  facile  à 
constater. 

Nous  l'avons  déjà  dit  :  s'il  fallait  pour  cela  de 
longues  et  difficiles  recherches,  les  simples  et  les 
ignorants  ne  pourraient  s'en  assurer. 

Or,  Dieu  a  voulu  que  la  connaissance  des  ca- 
ractères divins  de  l'Eglise  fût  à  la  portée  de  tous, 
si  bien  que  tous  pussent  les  saisir,  dès  qu'on  les 
leur  fait  remarquer. 

Comment  donc  pouvons-nous  nous  assurer  de 

SYMB.      II.  29 


338  DIVINITÉ  DE  L'ÉGLISE 

la  perpétuité  de  l'Eglise?  De  la  même  manière  que 
nous  nous  assurons  de  l'existence  d'une  ville  loin- 
taine que  nous  n'avons  jamais  vue  ou  d'un  fait  his- 
torique quelconque. 

Vous  ne  cloutez  nullement  de  l'existence  de  Pé- 
kin ou  de  Constantinople,  parce  que  c'est  là  un 
fait  de  notoriété  publique,  attesté  par  une  foule  de 
témoins  oculaires,  dont  la  sincérité  ne  saurait  vous 
être  suspecte.  Vous  ne  doutez  pas  non  plus  que 
Charlemagne,  par  exemple,  ait  régné  sur  nos  con- 
trées, qu'Henri  IV  et  Louis  XIV  aient  été  rois  de 
France.  Leurs  contemporains  ont  transmis  leurs 
noms  et  leur  gloire  à  la  postérité.  Nous  avons  foi 
dans  leur  témoignage.  Il  faudrait  être  insensé  pour 
le  rejeter. 

Eh  bien  !  c'est  en  vertu  de  témoignages  égale- 
ment irrécusables  que  nous  croyons  a  l'ancienneté, 
à  la  perpétuité,  à  l'unité  de  l'Eglise. 

Les  millions  d'hommes  qui  la  composent  s'ac- 
cordent unanimement  à  reconnaître  Jésus-Christ 
pour  son  fondateur.  Parmi  eux,  un  grand  nombre 
sont  distingués  par  leur  science  ef  leur  sainteté. 
Appuyés  sur  des  monuments  qui  remontent  à  la 
plus  haute  antiquité,  ils  attestent  que  de  Pie  IX 
qui  occupe  aujourd'hui  si  glorieusement  le  Saint- 
Siège,  on  remonte  par  une  succession  non  inter- 
rompue au  Pape  qui  a  sacré  Napoléon  au  com- 
mencement de  ce  siècle  ,  à  celui  qui  couronna 
Charlemagne  empereur,  à  celui  qui  reçut  le  grand 
Constantin  dans  le  sein  de  l'Eglise,  enfin  à  saint 
Pierre  qui  mourut  sous  Néron. 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.        339 

Les  catacombes  où  se  réunissaient  les  premiers 
chrétiens,  dans  les  temps  de  persécution,  existent 
encore  ;  tous  les  savants  reconnaissent  qu'elles  da- 
tent des  premiers  siècles  de  l'Eglise. 

Enfin,  l'histoire  entière  nous  fournit  la  preuve 
de  la  perpétuité  de  l'Eglise  ;  l'Eglise  se  trouve  mê- 
lée à  tous  les  événements  dont  l'histoire  nous  a 
conservé  la  mémoire. 

C'est  aussi  cette  succession,  cette  durée  perpé- 
tuelle que  nulle  hérésie,  nulle  secte,  nulle  autre 
société  que  la  seule  Eglise  de  Dieu  n'a  pu  se  donner. 
Les  fausses  religions  ont  pu  imiter  l'Eglise  en  beau- 
coup de  choses  ;  mais  quelles  qu'aient  été  leurs  pré- 
tentions, elles  n'ont  jamais  pu  prouver  leur  origine 
de  Jésus-Christ,  tandis  que  l'Eglise  nous  ramène  à 
lui  par  la  chaîne  non  interrompue  de  ses  pontifes, 
d'où,  en  reprenant  ceux  de  l'ancienne  loi,  on  va 
jusqu'à  Aaron  et  jusqu'à  Moïse  ;  de  là  jusqu'aux 
Patriarches  et  jusqu'au  commencement  du  monde. 

Quelle  plus  grande  autorité  par  conséquent  que 
celle  de  l'Eglise  qui  réunit  en  elle-même  toute  l'au- 
torité des  siècles  passés  et  les  anciennes  traditions 
du  genre  humain  jusqu'à  sa  première  origine  ! 

9.  Mais  si  l'Eglise  nous  offre,  par  sa  durée  dans 
le  passé,  les  marques  de  sa  divinité,  son  état  pré- 
sent n'en  porte  pas  moins  la  preuve. 

Il  y  a  toujours  en  elle  quelque  chose  d'actuel, 
qui  n'appartient  qu'à  elle  seule  et  qui  est  un  signe 
manifeste  de  cette  divinité. 

L'Eglise  n'est  pas  seulement  perpétuelle,    elle 


340  DIVINITÉ  DE  L'EGLISE 

est  encore  universelle.  Son  universalité  jointe  à 
son  unité  et  à  sa  perpétuité,  voilà,  comme  nous 
l'avons  déjà  remarqué,  ce  qui  lui  a  fait  donner  à 
juste  titre  le  nom  de  catholique. 

L'universalité  de  l'Eglise  consiste  en  ce  que, 
destinée  à  enseigner  toutes  les  nations,  elle  remplit 
sa  mission  dans  le  monde  avec  un  succès  divin. 
Vous  trouvez  réunis  dans  son  sein  une  multitude 
presque  innombrable  d'hommes  de  tout  pays  et  de 
toute  langue. 

L'Eglise  n'est  point  resserrée  dans  les  limites 
d'un  état  ou  d'une  province:  son  unité  embrasse 
tous  les  peuples.  Elle  couvre  de  ses  rameaux  bien- 
faisants le  nord  et  le  midi,  l'orient  et  l'occident. 
Elle  annonce  l'Evangile  dans  les  deux  hémisphè- 
res, sous  les  feux  de  l'équateur  et  sous  les  glaces 
du  pôle,  chez  les  peuples  civilisés  et  chez  les  bar- 
bares et  jusque  dans  les  îles  lointaines  perdues  au 
milieu  de  l'océan. 

C'est  là  un  fait  éclatant  comme  le  jour,  un  fait 
palpable,  que  la  plus  insigne  mauvaise  foi  ne  sau- 
rait contester.  Aussi  ce  n'est  pas  l'Eglise  seulement 
qui  se  dit  catholique,  mais  tous  les  siècles  lui  ont 
donné  ce  nom,  et  ses  ennemis  mêmes,  après  avoir 
tenté, mais  en  vain,  de  l'usurper,  se  virent  toujours 
obligés  de  le  lui  rendre  avec  tout  le  monde. 

Or,  cette  universalité  de  l'Eglise,  qui  est  le  pro- 
longement et  la  confirmation  de  sa  perpétuité,  voi- 
1 1  un  de  ses  caractères  dont  nous  sommes  témoins 
et  qui  nous  atteste  sa  divinité,  à  l'instant  même  où 
je  vous  parle. 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.  341 

Il  ii\ippartient  qu'à  elle.  En  dehors  de  son  sein, 
aucune  autre  société  religieuse  ne  réunit  tous  les 
peuples  dans  une  même  foi,  sous  un  seul  et  même 
chef. 

Ce  n'est  pas  le  protestantisme.  On  connaît  l'épo- 
que précise  de  son  apparition  ;  elle  ne  remonte  pas 
à  quatre  siècles  ;  puis,  dans  chaque  pays  où  il 
compte  des  sectateurs,  il  est  soumis  à  la  puissance 
civile,  ii  ne  subsiste  qu'à  la  condition  d'être  une 
église  nationale  ;  il  renie  donc  le  caractère  même 
de  la  vérité  religieuse,  la  catholicité,  et  sa  condi- 
tion essentielle,  qui  est  la  distinction  de  la  puissan- 
ce ecclésiastique  d'avec  la  puissance  civile. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  du  protestantisme, 
s'applique  au  schisme  grec  ;  c'est  aussi  un  schis- 
me national,  renfermé  dans  les  bornes  d'un  seul 
empire. 

Parlerons  -  nous  du  mahométisme?  Il  n'a  pas 
même  l'idée  de  l'universalité  ni  dans  les  temps  ni 
dans  les  lieux,  puisqu'il  n'est  qu'un  culte  de  race, 
qui  n'a  jamais  connu  d'autre  apostolat  que  celui  du 
glaive.  C'est  par  la  conquête  et  par  la  force  qu'il 
s'est  établi. 

Nulle  part,  hors  de  l'Eglise,  on  ne  voit  l'ombre 
d'une  autorité  enseignante  universelle  qui  s'affirme 
divine.  Nulle  part,  on  ne  rencontre  la  Mère  qui 
tend  les  bras  à  tous  les  peuples  pour  les  attirer  à 
Dieu.  Le  monde  a-t-il  jamais  entendu  parler  d'au- 
tres missionnaires  de  la  foi  que  de  ceux  de  l'Eglise? 
Il  est  vrai  que  l'Angleterre  protestante  a  songé  en- 

SYMB.      II.  29* 


342  divinité  de  l'église 

fin  à  fonder  des  sociétés  et  à  envoyer  partout  des 
colporteurs  pour  répandre  ses  bibles.  L'Eglise, 
elle,  ne  se  contente  pas  de  répandre  des  livres 
pour  convertir  les  peuples  ;  elle  leur  donne  sa  pa- 
role et  son  sang,  et  c'est  ainsi  qu'elle  a  fondé  le 
règne  de  la  catholicité  dans  le  monde. 

10.  Et  voyez  comment,  à  ce  signe,  sa  divinité 
brille  du  plus  vif  éclat. 

Jamais  puissance  humaine  n'est  parvenue  à  un 
résultat  semblable,  «  Le  nationalisme  caractérise 
toutes  les  sectes  ;  les  plus  puissants  des  faux  cultes 
n'ont  jamais  été  que  des  cultes  de  race;  et  les  plus 
grandes  philosophies  que  des  écoles  dont  les  maî- 
tres ont  rarement  formé  deux  disciples  qui  fussent 
d'accord.  »  Mais  voici  l'Eglise  qui  unit  dans  la  mê- 
me foi  des  hommes  de  toute  science,  de  toute  na- 
tion, de  tous  les  siècles  !  Qu'il  y  ait  des  savants 
incrédules,  qui  s'en  étonnera?  Le  doute,  l'obscu- 
rité, la  négation,  la  suffisance,  sont  naturels  à 
l'esprit  de  l'homme  déchu  ;  mais  que  des  génies  du 
premier  ordre,  depuis  les  Origène,  les  Augustin, 
les  Chrysostôme,  jusqu'aux  Bossuet  et  aux  Féne- 
lon,  s'accordent  dans  la  soumission  à  la  même  foi, 
et  cela  malgré  les  variations  des  siècles  et  des 
hommes,  cène  peut  être  que  l'œuvre  divine  de  la 
grâce  et  de  la  vérité  :  «  DisitusDei  est  hic.  »  [Exod. 

VIII.) 

Ce  que  je  dis  de  l'unité  de  doctrine,  je  le  dis 
aussi  de  l'unité  sociale  :  l'Eglise  catholique  est 
manifestement  une  œuvre  divine,  considérée  com- 


PROUVÉE  PAR  SA  CATHOLICITÉ.  343 

me  société  soumise  à  un  seul  chef.  C'est  à  grand'- 
peine  que  les  maîtres  des  plus  grands  empires, 
appuyés  sur  des  légions  de  soldats,  maintiennent 
leur  autorité  dans  un  seul  état.  Et  voici  que  l'Egli- 
se, sans  armes,  sans  autre  force  que  sa  parole, 
reste  seule  debout  au  milieu  des  ruines  de  tous 
les  autres  empires  et  se  fait  obéir,  de  siècle  en 
siècle ,  par  la  grande  famille  des  nations  qu'on 
appelle  la  chrétienté, peuple  spirituel  et  universel, 
qui  a  des  enfants  dans  les  deux  hémisphères,  mê- 
me au  milieu  des  royaumes  soumis  à  des  puissan- 
ces persécutrices. 

Voilà  certes  un  fait  dont  on  ne  peut  trouver  les 
causes  sur  la  terre.  Dieu  seul  peut  en  être  l'auteur. 

CONCLUSION. 

11.  Quelle  consolation  pour  nous,  enfants  de 
Dieu,  de  voir  cette  Eglise  qui  nous  a  engendrés  à 
la  foi,  resplendir  de  l'éclat  divin  de  la  catholicité  ! 
Avec  quel  amour  ne  devons-nous  pas  nous  attacher 
à  cette  Mère  que  Dieu  nous  a  donnée  pour  nous 
instruire  et  nous  diriger  dans  les  voies  du  salut  ! 
Avec  quel  profond  sentiment  de  bonheur  ne  de- 
vons-nous pas  remercier  le  Seigneur  de  nous  avoir 
fait  naître  dans  son  sein  ! 

0  Sainte  Eglise!  quand  je  considère  ce  caractère 
d'unité,  de  perpétuité,  d'universalité  qui  vous  est 
propre  et  qu'aucune  secte  ne  peut  vous  disputer, 
je  sens  au  fond  de  mon  ame  une  joie  indicible  de 


344  DIVINITÉ  DE  L'ÉGLISE,  ETC. 

posséder  en  vous  la  vérité  !  Oui,  si  Dieu  a  daigné 
parler  au  genre  humain,  et  lui  enseigner  le  moyen 
de  le  servir,  il  l'a  fait  dès  l'origine,  et  sa  parole  n'a 
pu  éprouver  ni  variation,  ni  altération  ;  la  vérité 
est  une  et  immuable,  une  et  la  même  dans  tous  les 
temps,  une  et  la  même  pour  tous  les  lieux  :  et  c'est 
en  vous  seule,  ô  Eglise  catholique,  que  je  vois  son 
organe  :  car  vous  seule  possédez  la  perpétuité, 
vous  seule  êtes  l'héritière  légitime  de  l'ancien  Tes- 
tament en  Jésus-Christ  votre  fondateur,  et  vous 
seule  remontez  par  lui  au  berceau  du  monde;  vous 
seule  aussi  conservez  immuablement  le  dépôt  des 
révélations  divines,  confié  d'abord  aux  patriarches 
et  au  peuple  hébreu,  puis  enrichi  et  complété  par 
Jésus-Christ  :  vous  seule  enfin  étendez  votre  solli- 
citude maternelle  sur  tous  les  peuples  ;  en  un  mot, 
vous  seul  êtes  Catholique  ! 

Je  vous  dirai  donc  avec  un  de  vos  plus  illustres 
Docteurs,  avec  le  grand  Augustin  :  «  Tenet  me  in 
Ecclesiae  gremio  ipsum  Catholicae  nomen.  »  Oui, 
votre  seul  nom  de  Catholique  suffît  pour  me  tenir 
inviolablement  attaché  à  votre  sein:  il  est  le  ca- 
chet de  la  vérité  ;  il  est  le  sceau  de  Dieu  ;  il  est  le 
signe  irréfragable  de  votre  divinité.  Je  crois  tout 
ce  que  vous  me  proposez  à  croire,  car  c'est  Dieu 
même  qui  l'a  dit  et  révélé,  et  je  veux  persévérer 
dans  cette  foi  jusqu'à  mon  dernier  soupir. 


NOTE  345 


NOTE. 


Teriullianus  de  Prœscriptionibus  adversus  Hœretkos, 
cap.  20... 

Apostoli.  .  primo  per  Judseam  contestatâ  fide  in  Jesum 
Christum,  et  Ecclesiis  institutis,  dehinc  in  orbem  profecti, 
eamdem  doctrinam  ejusdem  fidei  nationibus  promulgave- 
runt,  et  proindè  Ecclesias  apud  unamquamque  civitatem 
condiderunt,  a  quibus  traducem  fidei  et  semina  doctringe, 
creterae  exinde  Ecclesiœ  mutuatae  sunt,  et  quotidiè  mu- 
tuantur,  ut  Ecclesiae  fiant.  Ac  per  hoc  et  ipse  Apostolicse 
deputantur,  ut  soboles  Apostolicarum  Ecclesiarum.  Omne 
genus  ad  originem  suam  censeatur  necesse  est.  Itaque  tôt 
actantae  Ecclesiee,  una  est  illa  ab  Apostolis  prima,  ex  quâ 
omnes.  Sic  omnes  prima,  et  Apostolicae,  dum  una  omnes 
probant  unitatem  :  dum  est  iliis  communicatio  pacis,  et 
appellatio  fraternitatis,  et  contesseratio  hospitalitatis,  quee 
jura  non  alia  ratio  régit,  quam  ejusdem  sacramenti  una 
traditio. 

Age  jam  qui  voles  curiositatem  melius  exercere  in  nego- 
cio  salutis  tuae,  percurre  Ecclesias  Apostolicas,  apud  quas 
ipse  adhuc  cathedra?  Apostolorum  suis  locis  pra?sident, 
apud  quas  ipsœ  authenticœ  littéral  eorum  recitantur,  so- 
nantes  vocem  et  représentantes  faciem  uniuscujusque... 

Félix  Ecclesia,  cui  lotam  doctrinam  Apostoli  cum  san- 
guine suo   profuderunl;    ubi    Petrus    passioni    dominicae 


346  NOTE. 

adaequatur;  ubi  Paulus  Joannis  exitu  coronatur,  ubi  Apos- 
tolus  Joannes,  posteaquam  in  oleura  igneum  deinersus, 
nihil  passus  est,  in  insulam  relegatur... 

Legem  et  Prophetas  cum  Evangelicis,  et  Apostolicis 
litteris  miscet,  et  inde  portât  fidem  :  eam  aqua  signât, 
sancto  spiritu  vestit,  Eucharistia  pascit.  ad  martyrium 
exhortatur ,  et  ita  adversus  banc  institutionem  neminem 
recipit. 


divinité  de  l'église,  etc.  34k 


VIIIe  INSTRUCTION. 

DIVINITÉ  DE  LÉGLISE  PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ. 
EXORDE. 

1 .  Le  Symbole  des  apôtres  nous  a  appris  à  con- 
fesser la  sainte  Eglise  catholique.  Credo  sanctam 
Ecclesiam  catholicam. 

Dans  le  dernier  entretien,  nous  n'avons  expliqué 
que  cette  parole  :  Je  crois  l'Eglise  catholique. 

Nous  y  avons  déjà  trouvé  une  preuve  irréfra- 
gable de  la  divinité  de  l'Eglise. 

En  effet,  par  son  caractère  de  catholicité,  qui 
est  celui  de  la  vérité  même  essentiellement  une 
en  tout  temps  et  en  tout  lieu,  l'Eglise  nous  apparaît 
comme  l'organe  de  Dieu  qui  est  un,  qui  ne  change 
pas,  et  qui  est  toujours  le  même. 

Elle  répond  ainsi  d'une  manière  divine  à  ce 
besoin  que  nous  éprouvons  tous  de  trouver  sur  la 
terre  une  autorité  qui  nous  instruise  au  nom  de 
Dieu  des  choses  de  la  religion  et  du  salut. 

Je  vous  ai  fait  remarquer  combien  ce  caractère 
de  catholicité  est  facile  à  constater.  D'abord,  pour 
le  passé,  quel  fait  historique  est  attesté  par  des 
témoignages  plus  imposants  que  celui  de  la  per- 


348  D1VIMTÉ  DE  l'église 

pétuité  de  l'Eglise  ?  Il  est  mêlé  à  tous  les  événe- 
ments de  l'histoire,  et  il  en  est  inséparable,  de 
telle  sorte  que  pour  contester  la  catholicité  de 
l'Eglise  dans  la  succession  des  âges,  il  faut  révo- 
quer en  doute  toute  l'histoire  elle-même. 

Quant  au  présent,  cette  catholicité  est  palpable 
en  quelque  sorte.  Quel  homme  ignore  que  l'Eglise 
catholique  est  universellement  répandue  dans  les 
cinq  parties  du  monde,  qu'elle  compte  un  grand 
nombre  de  membres  dans  toutes  les  contrées  de 
la  terre,  et  qu'elle  l'emporte  sur  toutes  les  sectes 
hérétiques  et  schismatiques? 

Or,  que  l'Eglise  renferme  dans  son  sein  une  si 
grande  multitude  d'hommes  séparés  par  le  climat, 
par  l'éducation,  par  les  idées  et  les  mœurs,  c'est 
là  un  fait  qui  ne  peut  s'expliquer  humainement  et 
qui  manifeste  à  l'évidence  la  divinité  de  l'Eglise. 
Dieu  seul,  et  nulle  puissance  humaine,  a  pu  réunir 
des  esprits  si  divers  et  si  opposés  dans  cette  mer- 
veilleuse unité  de  foi  qui  est  le  propre  de  l'Eglise. 

Voilà  où  nous  a  conduit  la  considération  de  sa 
catholicité. 

2.  Mais  l'Eglise  catholique  est  un  corps  vivant  et 
animé.  Sa  foi  se  manifeste  par  ses  œuvres.  Puisque 
l'Esprit  de  Dieu  vit  en  elle,  il  doit  y  opérer  des 
effets  qu'on  ne  puisse  attribuer  qu'à  lui. 

11  doit  ainsi  y  avoir  dans  la  vie  de  l'Eglise  quelque 
chose  de  surhumain,  quelque  chose  que  les  seules 
forces  de  la  nature  ne  sauraient  produire;  un  ca- 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  349 

ractère  enfin  de  sainteté  auquel  on  ne  puisse  mé- 
connaître l'action  divine. 

C'est  cet  antre  caractère  que  le  Symbole  nous 
indique,  en  l'appelant  sainte.  ' 

Montrons  donc,  dans  cet  entretien,  qu'à  ce 
nouveau  signe,  il  faut  de  nouveau  confesser  la 
divinité  de  l'Eglise.  Nous  verrons  1°que  l'Eglise 
seule  possède  une  doctrine  sainte  ;  2°  qu'elle  pro- 
duit efficacement  la  sainteté. 

Par  sa  catholicité,  l'Eglise  se  révèle  comme 
l'œuvre  de  Dieu  à  nos  intelligences  ;  par  sa  sain- 
teté, c'est  surtout  à  nos  cœurs  qu'elle  s'adresse. 

Esprit-Saint,  daignez  les  purifier,  afin  que  nous 
puissions  contempler  dans  toute  sa  beauté  cette 
nouvelle  empreinte  de  votre  divinité  dans  l'Eglise. 


PREMIER  POINT. 


3.  Prévenons  d'abord  une  difficulté  qu'on  en- 
tend faire  assez  souvent. 

Comment,  dira-t-on,  pouvez-vous  donner  le 
nom  de  sainte  à  l'Eglise,  tandis  qu'un  si  grand 
nombre  de  ses  membres  sont  loin  d'être  saints,  et 
que  d'un  autre  côté  on  rencontre  dans  les  autres 
cultes  un  bon  nombre  de  gens  honnêtes  et  ver- 
tueux ? 

Que  l'on  rencontre  dans  les  fausses  religions  bon 
nombre  de  gens  honnêtes,  et  même  vertueux  sous 
quelque  rapport,  cela  est  vrai.  Toutefois  qu'on  y 
rencontre  des  saints,  des  justes  dans  toute  la  force 

SYMB.        H.  30 


350  divinité  de  l'église 

du  terme,  c'est-à-dire,  des  hommes  qui  s'acquittent 
parfaitement  de  leurs  devoirs  envers  Dieu,  envers 
le  prochain  et  envers  eux-mêmes,  nous  verrons, 
dans  la  suite  de  cet  entretien,  que  cela  n'est  pas. 

Voilà  pour  ceux  qui  sont  hors  de  l'Eglise. 

Pour  ceux  qui  en  sont  membres,  il  faut  convenir 
qu'en  effet  un  certain  nombre  d'entre  eux  ne  vivent 
pas  d'une  manière  conforme  à  la  foi,  qu'ils  désho- 
norent par  leur  conduite  la  sainteté  de  leur  pro- 
fession. 

Aussi,  quand  nous  disons  que  l'Eglise  est  sainte, 
quand  nous  disons  que  la  société  religieuse  divi- 
nement établie  sur  la  terre,  doit  se  reconnaître  et 
se  reconnaît  en  effet  à  son  caractère  de  sainteté, 
nous  ne  voulons  pas  dire  qu'il  est  nécessaire  que 
tous  ses  membres  soient  saints.  Nous  l'appelons 
sainte ,  et  elle  est  manifestement  sainte ,  non- 
seulement  dans  celui  qui  est  son  auteur,  mais  dans 
sa  doctrine  et  un  certain  nombre  de  ses  membres. 
Semblable  à  un  arbre  qui  prouve  ses  profondes 
racines  par  la  puissance  de  sa  végétation,  sans  que 
des  branches  brisées,  et  par  là,  languissantes  et 
desséchées,  puissent  faire  douter  de  sa  sève, 
l'Eglise,  dont  tous  les  enfants  ne  sont  pas  fidèles, 
prouve  la  divinité  de  sa  sève,  par  sa  doctrine  et 
ses  institutions  pleines  de  grâces  et  par  les  grands 
exemples  et  les  vertus  surnaturelles  d'une  multi- 
tude de  chrétiens.  Elle  est  animée  d'une  vie  si  di- 
vine, qu'il  suffit  d'y  participer  par  la  pratique  des 
devoirs  religieux,  pour  en  être  intimement  con- 
vaincu. 


PROUVÉE  PAR  SA  SALNTETÉ.  354 

Voilà  donc  ce  que  nous  disons  :  la  vraie  religion, 
la  société  établie  de  Dieu  sur  la  terre,  est  celle 
qui  fait  reconnaître  son  auteur  par  la  présence 
et  l'efficacité  de  l'Esprit-Saint,  toujours  vivant  en 
elle. 

4.  Mais  j'entends  soulever  une  autre  difficulté. 
La  sainteté,  me  dit-on,  dont  vous  voulez  faire 

un  signe  distinctif  de  la  vraie  religion,  qui  pourra 
nous  dire  où  elle  se  trouve  ? 

Sainte  Thérèse  a  résolu  cette  difficulté.  Le 
monde,  tout  méchant  qu'il  est,  sait  très-bien  dis- 
cerner, d  t-elle,  le  défaut  de  sainteté.  Il  a  un 
instinct  très-sùr  qui  lui  apprend  ce  qu'elle  doit 
être. 

Si  vous  voulez  voir  combien  cette  sainte  avait 
raison,  examinez  ce  qui  se  passe  dans  le  monde. 
Quand  il  arrive  qu'une  personne  fait  profession  de 
vertu,  n'est-il  pas  vrai  que  si  on  découvre  en  elle 
quelque  motif  humain,  comme  l'intérêt,  l'ambition, 
la  vanité,  on  sait  bien  dire  que  ce  n'est  là  qu'une 
vertu  fausse?  Le  monde  sait  donc  parfaitement, 
sans  qu'il  s'en  rende  compte,  ce  qui  empêche  d'être 
saint  et  ce  qui  est  requis  pour  l'être.  Il  sait  qu'il 
n'y  a  pas  de  sainteté  où  il  n'y  a  pas  de  pureté  et 
de  détachement.  Il  sait  que  les  œuvres  saintes  sont 
celles  qui  sont  faites  non  pour  un  motif  terrestre, 
mais  par  amour  pour  Dieu. 

5.  Cela  posé,  nous  disons  qu'il  est  facile  de 
reconnaître  la  sainteté  dans  l'Eglise  de  Dieu.  Cette 


352  DIVINITÉ  DE  L  ÉGLISE 

sainteté  réside  1°  dans  sa  doctrine,  2°  dans  son 
culte  et  sa  vie. 

Qu'est-ce  qu'une  doctrine  sainte? 

Ce  que  la  vérité  est  dans  les  pensées,  la  sain- 
teté l'est  dans  les  affections  et  la  vie  ;  c'est  la 
vérité  pour  le  cœur.  Une  doctrine  sainte  est  donc 
celle  qui  prescrit  d'aimer  ce  qui  est  véritablement 
aimable,  et  qu'y  a-t-il  de  souverainement  aimable, 
si  ce  n'est  Dieu  ? 

«  Tu  aimeras  ton  Dieu  de  tout  ton  cœur,  de 
toute  ton  âme  et  de  toutes  tes  forces.  C'est  là  le 
premier  et  le  plus  grand  commandement.  Diliges 
Dominum  Deum  tuum  ex  toto  corde  tuo,  et  in  tota 
anima  tua,  et  in  tota  mente  tua.  Hoc  est  maximum 
et  primum  mandatum.  »  [Matth.  xxh). 

ce  II  en  est  un  second,  semblable  au  premier  : 
Vous  aimerez  votre  prochain  comme  vous-même. 
Et  dans  ces  deux  commandements  sont  renfermés 
toute  la  loi  et  les  prophètes.  Secundum  autem 
simile  est  huic  :  Diliges  proximum  tuum,  sicut 
teipsum;  in  his  duobus  mandatis  universa  lex  pen- 
det,  et  prophetae.  •»  (Ibid.) 

La  sainteté  consiste  radicalement  dans  l'amour 
de  Dieu.  Celui  qui  n'aime-pas  Dieu  ne  saurait  être 
saint  ;  ses  affections  manquent  de  justice.  Pour 
être  juste,  ne  faut-il  pas  rendre  à  chacun  ce  qui 
lui  est  dû?  Or,  est-ce  rendre  à  Dieu  ce  qui  lui  est 
dû,  que  de  lui  refuser  notre  cœur? 

Il  faut  donc  bien  comprendre  tout  ce  qu'il  y  a  de 
vain  et  de  faux  dans  la  prétention  de  constituer  la 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  353 

vraie  justice  sans  l'amour  de  Dieu.  Il  faut  bien 
comprendre  tout  ce  qu'il  y  a  de  vain  et  de  faux 
dans  cette  maxime  :  qu'on  peut  être  honnête 
et  intègre  sans  religion.  L'honnêteté  et  l'inté- 
grité de  la  vie  se  trouvent  dans  l'accomplisse- 
ment des  devoirs,  et  une  vie  sans  amour  divin 
n'est-elle  pas  la  violation  du  premier  des  devoirs? 
«  Je  sais,  dit  Dieu  à  ces  hommes  qui  se  piquent 
d'être  justes  sans  religion,  je  sais  quelles  sont  vos 
œuvres,  vous  avez  le  nom  de  vivants,  mais  vous 
êtes  des  morts.  » 

Ainsi,  comme  nous  le  disions  en  commençant, 
les  vertus  que  l'on  rencontre  en  dehors  de  la  vraie 
religion  sont  des  vertus  imparfaites  et  insuffisantes 
pour  fonder  la  véritable  justice  ou  la  sainteté. 

Il  faut  bien  comprendre  encore  que  la  seule 
vraie  religion  est  celle  qui  nous  oblige  d'aimer 
Dieu  par-dessus  toutes  choses  et  qui  nous  le  fait 
chercher,  comme  Ja  fin,  comme  le  but  même  de 
notre  vie. 

Il  faut  comprendre  qu'on  n'aime  rien,  même 
sur  la  terre,  d'un  véritable  amour,  quand  on 
n'aime  pas  dans  l'homme  l'enfant  de  Dieu.  On  a 
beau  faire  retentir  les  grands  noms  de  fraternité, 
d'humanité,  de  philanthropie;  sans  l'amour  de 
Dieu,  l'amour  qu'on  a  pour  les  hommes  est  faux  ou 
imparfait. 

Et  ce  n'est  pas  seulement  l'amour  du  prochain 
qui  n'est  pas  véritable  sans  l'amour  de  Dieu,  c'est 
encore  l'amour  que   nous  nous  devons  à  nous- 


354  DIVINITE  DE   L  ÉGLISE 

mêmes.  Nul  ne  s'aime  véritablement  s'il  n'aime  pas 
Dieu,  car  en  n'aimant  pas  Dieu,  il  préfère  ses 
passions  au  souverain  bien.  Aussi,  est-ce  au  sacri- 
fice des  passions,  au  renoncement  à  soi-même,  que 
l'homme  le  moins  saint  reconnaît  la  sainteté  dans 
les  autres. 

11  n'y  a  donc  de  doctrine  vraiment  sainte  que 
celle  qui  prescrit  à  l'homme  l'amour  de  Dieu,  l'at- 
tachement a  Dieu  et  le  détachement  de  tout  ce  qui 
n'est  pas  conforme  à  sa  volonté. 

6.  Or,  que  voyons-nous  dans  les  doctrines  étran- 
gères à  celles  de  l'Eglise  ? 

Elles  ont  parlé  de  Dieu,  sans  doute,  mais  au- 
cune n'a  pensé  à  prescrire  l'amour  de  Dieu,  aucune 
ne  l'a  osé,  et  rien  n'est  si  vrai  que  la  réflexion  de 
Pascal,  a  La  vraie  religion,  dit-il,  doit  avoir  pour 
marque  d'obliger  à  aimer  Dieu  ;  cela  est  bien 
juste,  et  cependant  aucune  autre  que  la  nôtre  ne 
l'a  ordonné.  Elle  doit  encore  avoir  connu  la  concu- 
piscence de  l'homme  et  l'impuissance  où  il  est  par 
lui-même  d'acquérir  la  vertu.  Elle  doit  y  avoir 
apporté  des  remèdes,  dont  la  prière  est  le  prin- 
cipal. Notre  religion  a  fait  tout  cela,  nulle  autre 
n'a  jamais  demandé  à  Dieu  de  l'aimer  et  de  le 
suivre!  Il  faut,  pour  qu'une  religion  soit  vraie, 
qu'elle  ait  connu  notre  nature,  la  grandeur  et  la 
bassesse  de  l'homme,  et  la  raison  de  l'une  et  de 
l'autre.  Quelle  autre  religion  que  la  nôtre  a  connu 
toutes  ces  choses?»  (Pensées,  chap.  vu.) 


PROUVÉE   PAK  SA  SAINTETÉ.  355 

7.  Mais  est-il  vrai,  qu'à  l'exception  de  PEglise 
catholique,  aucune  autre  n'ait  demandé  à  Dieu  de 
l'aimer  et  de  le  suivre  ? 

Hélas!  il  n'est  que  trop  vrai,  comme  vous  allez 
le  voir. 

Parlerons-nous  des  matérialistes?  Mais  comment 
pourrait-il  être  question  de  sainteté  et  d'amour  de 
Dieu  chez  ceux  qui  ne  veulent  voir  dans  l'homme 
qu'une  vie  purement  animale? 

Les  panthéistes,  ces  nouveaux  idolâtres,  sont-ils 
plus  sages?  Non,  le  fond  de  leurs  doctrines,  c'est 
ie  culte  du  monde.  Les  païens,  au  témoignage  de 
saint  Paul,  ont  connu  Dieu,  mais  ils  ne  l'ont  pas 
glorifié  comme  tel,  et  ils  ont  préféré  adorer  la 
créature,  plutôt  que  le  Créateur.  Les  panthéistes, 
eux,  sont  encore  plus  coupables,  car  ils  n'oublient 
pas  seulement  le  culte  qui  est  du  à  Dieu,  mais  ils 
confondent  Dieu  et  le  monde.  C'est  la  pire  des 
idolâtries,  un  véritable  athéisme  déguisé,  qui  nie 
la  personnalité  de  Dieu  et  renverse  ainsi  toute  idée 
de  religion,  de  loi,  de  justice,  de  récompense  et  cle 
châtiment  de  la  part  du  souverain  maître.  En  ne 
distinguant  pas  Dieu  de  la  nature,  le  panthéiste  se 
fait  Dieu  lui-même,  et  se  contemple  nécessaire- 
ment comme  le  plus  noble  membre  de  sa  mon- 
strueuse divinité. 

Est-ce  là  de  la  sainteté?  N'en  est-ce  pas  au  con- 
traire l'exclusion  la  plus  formelle? 

La  religion  de  Mahomet  n'est  pas  non  plus  le 
culte  de  l'amour  divin  ;  il  n'a  pas  l'ombre  de  la 


356  divinité  de  l'église 

sainteté.  11  oblige  si  peu  à  soumettre  la  concupis- 
cence à  l'amour  de  Dieu,  qu'il  aspire  à  souiller  la 
béatitude  éternelle  par  d'infâmes  voluptés.  Le 
paradis  de  Mahomet  n'est  qu'un  lieu  de  débauche. 

8.  Passons  au  protestantisme.  Nous  avons  déjà 
dit  que  le  fond  de  la  doctrine  protestante  consiste 
à  prétendre  que  la  foi  seule  justifie  sans  les  œuvres. 
Elle  voudrait  nous  faire  croire  que  nous  serons 
sauvés  par  la  foi  aux  mérites  de  Jésus-Christ  sans 
notre  coopération. 

Loin  de  prêcher  l'obligation  essentielle  d'aimer 
Dieu  en  esprit  et  en  vérité,  et  de  demander  à  Dieu 
cet  amour  pour  le  servir,  les  fondateurs  du  pro- 
testantisme nient  absolument  la  nécessité  des 
bonnes  œuvres  pour  le  salut,  a  Vois  combien  est 
riche  l'homme  chrétien,  dit  Luther,  quand  il  vou- 
drait, il  ne  peut  perdre  son  salut  par  aucun  péché, 
si  ce  n'est  qu'il  veuille  ne  pas  croire,  car  si  nous 
exceptons  les  péchés  opposés  à  la  foi,  aucun  ne 
peut  l'exclure  du  salut.  Quand  la  foi  retourne  aux 
promesses  du  Baptême,  ou  quand  elle  ne  s'en  est 
point  écartée,  tous  les  péchés  sont  absorbés  en  un 
instant  par  cette  même  foi,  ou  plutôt  par  la  véra- 
cité divine,  car  Dieu  ne  peut  se  nier  lui-même, 
lorsque  tu  t'abandonnes  avec  confiance  en  ses 
promesses.  Le  repentir  et  la  confession  des  péchés, 
la  satisfaction  et  toutes  ces  œuvres  inventées  par 
les  hommes,  tout  cela  t'abandonnera  bientôt,  te 
rendra  malheureux,  si,  oubliant  la  véracité  divine, 
tu  te  reposes  sur  ces  vaines  pratiques  de  la  super- 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  357 

stition  humaine.  Vanité  des  vanités,  affliction  de 
l'esprit  et  du  cœur  est  tout  ce  qui  se  fait  hors  de 
la  foi  en  la  véracité  divine.  »  —  Le  misérable 
écrivait  ce  qui  suit  de  Wartbourg  à  son  ami  Mé- 
lanchton  en  1  521  :  «  Sois  pécheur  et  pèche  forte- 
ment :  Esto  peccator  et  pecca  fortiter.  Mais  plus 
fortement  encore,  crois  et  te  réjouis  en  Jésus-Christ 
le  vainqueur  du  péché,  de  la  mort  et  du  monde. 
Nous  devons  pécher  tant  que  nous  sommes  ici-bas  : 
Peccandum  est  quamdiu  hic  sumus  :  cette  vie  n'est 
pas  la  demeure  de  la  justice,  mais  nous  attendons, 
dit  saint  Pierre,  de  nouveaux  cieux  et  une  nouvelle 
terre  où  la  justice  fait  son  séjour.  Il  suffît  que  par 
les  richesses  de  la  gloire  de  Dieu,  nous  connaissions 
l'Agneau  qui  enlève  les  péchés  du  monde.  Dès  lors 
le  péché  ne  peut  plus  nous  arracher  de  Jésus- 
Christ,  quand  en  un  jour  nous  commettrions  cent 
mille  meurtres,  cent  mille  adultères  !  Etiamsi  mil- 
lies  mil  lies  uno  die  fornicemur  aut  occidamus  !  » 

Vous  voyez  donc  clairement  que  la  doctrine 
protestante  ne  prescrit  pas  la  fuite  du  péché, 
comme  condition  nécessaire  du  salut,  et  par  con- 
séquent qu'elle  ne  fait  pas  un  commandement  de 
l'amour  de  Dieu.  Elle  dit  au  contraire  que  cet 
amour  est  de  l'autre  vie,  et  que  la  foi  seule  est 
nécessaire  en  celle-ci. 

Voilà  ce  qu'ont  prêché  les  fondateurs  du  pro- 
testantisme, ce  qui  est  formulé  dans  ses  symboles, 
et  ce  que  soutiennent  encore  les  protestants  de 
nos  jours  qui  sont  restés  fidèles  aux  leçons  primi- 
tives de  Luther  et  de  Calvin. 


358  divinité  de  l'église 

Nous  ne  parlons  pas  ici  des  autres  qui  ont  modi- 
fié leur  croyance.  Nous  ne  parlons  pas  non  plus 
de  ceux  qui,  par  une  heureuse  inconséquence, 
sont  meilleurs  que  leur  doctrine.  Nous  savons  qu'il 
en  est  une  foule  qui  font  plus  de  cas  des  bonnes 
œuvres  en  pratique  qu'en  spéculation,  comme  il 
en  est  une  foule  qui  sont  de  bonne  foi  dans  les 
sectes  où  ils  sont  nés,  parce  qu'ils  en  ignorent 
l'origine  et  qu'ils  n'ont  pas  été  à  même  de  voir  et 
d'entendre  l'Eglise  catholique. 

Mais  ce  n'est  pas  de  cela  qu'il  est  ici  question. 

Nous  avons  promis  de  prouver  que  la  doctrine 
protestante,  la  prétendue  réforme,  n'a  pas  même 
l'ombre  de  sainteté  :  et  cela  est  évident  à  qui  con- 
sidère ce  qu'elle  enseigne  sur  la  grâce,  la  foi  et  les 
bonnes  œuvres  en  général. 

9.  La  doctrine  réformée  a-t-elle  mieux  traité  les 
vertus  en  particulier? 

Hélas  !  non.  N'a-t-il  pas  commencé  au  contraire 
par  flétrir  les  trois  plus  belles  fleurs  du  jardin  de 
l'Eglise  :  l'humilité,  la  virginité  et  la  sainteté  du 
mariage? 

Oui,  il  a  flétri  l'humilité,  en  donnant  à  chaque 
individu  le  droit  de  juger  des  matières  de  foi,  avec 
la  promesse  de  l'infaillibilité  qu'il  refusait  à  l'Eglise. 

Il  a  flétri  la  sainteté  du  mariage,  en  refusant  de 
le  reconnaître  pour  l'un  des  sacrements  de  la  loi 
nouvelle,  et  en  brisant  son  indissolubilité  et  son 
unité. 

Il    a  flétri  la  virginité  enfin,  en  niant  sa  préé- 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ  359 

minence  sur  le  mariage,  en  profanant  les  monas- 
tères des  vierges  consacrées  à  Dieu,  en  arrachant 
à  la  société  les  anges  consolateurs  de  toutes  les 
infirmités  et  de  toutes  les  douleurs. 

En  affirmant  que  la  foi  seule  justifie,  le  protes- 
tantisme a  aussi  desséché  les  sources  de  la  prière. 
Le  protestant,  qui  croit  n'avoir  besoin  que  de  la 
foi  pour  être  sauvé,  ne  se  met  guère  en  peine  de 
solliciter  la  grâce  pour  résister  b  ses  mauvais 
penchants,  pratiquer  la  vertu,  observer  les  com- 
mandements. Aussi  y  a-t-il  sous  ce  rapport  une 
différence  frappante  entre  les  pays  protestants  et 
catholiques. 

10.  Le  protestantisme  ne  peut  donc  revendi- 
quer la  sainteté.  Voyons  si  le  déisme  y  est  plus 
favorable. 

Le  déisme  est  la  religion  de  ceux  qui  se  conten- 
tent de  croire  en  Dieu  et  de  ne  faire  tort  à  person- 
ne, et  qui,  après  cela,  rejettent  les  mystères  du 
christianisme  avec  les  devoirs  qu'il  impose. 

Pour  prouver  à  un  déiste,  à  un  partisan  de  cette 
religion  qu'on  appelle  la  religion  de  l'honnête  hom- 
me, que  sa  doctrine  n'est  pas  sainte,  je  le  citerais 
au  tribunal  de  sa  conscience  et  je  lui  dirais  : 

«Vous  savez  bien  que  vous  n'êtes  pas  fidèle  au 
droit  de  la  nature  :  la  raison  naturelle  veut  que  les 
passions  la  servent  au  lieu  de  lui  commander.  Votre 
raison  exerce-t-elle  chez  vous  son  empire?  Dites 
oui,  si  vous  l'osez.  N'y  a-t-il  donc  pas  deux  hom- 
mes en  vous, comme  en  nous,  et  ne  seriez -vous  pas 


360  divinité  de  l'église 

de  l'espèce  humaine?  N'avouez-vous  pas  ce  qu'a- 
vouait saint  Paul  :  Je  ne  fais  pas  le  bien  que  je  veux, 
et  je  fais  le  mal  que  je  hais?  Si  vous  êtes  sourd  à 
ce  gémissement  intérieur,  ètes-vous  de  bonne  foi? 
Et  si  vous  l'écoutez,  sans  y  répondre,  sans  cher- 
cher votre  délivrance,  n'étouffez-vous  pas  le  cri  de 
votre  conscience?  Ne  reconnaissez-vous  pas  que 
la  justice  consiste  à  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  est 
dû?  non-seulement  à  votre  prochain,  mais  à  vous- 
même  et  à  Dieu?  Je  veux  bien  que  vous  soyez  juste 
envers  votre  prochain  et  que  vous  ne  lui  deviez 
rien  ;  mais  êtes-vous  juste  envers  vous-même  et 
respectez-vous  en  vous  la  Majesté  de  l'image  de 
Dieu  et  l'empire  de  votre  raison  ?  Respectez-vous 
votre  corps  lui-même,  ce  tabernacle  vivant  d'une 
âme  immortelle?  Et  puis,  êtes-vous  juste  envers 
Dieu?  Rendez-vous  à  Dieu  ce  qui  lui  est  dû?  Don- 
nez-vous votre  cœur  à  celui  qui  l'a  fait?  Craignez- 
vous  de  l'offenser?  Lui  demandez-vous  pardon  de 
vos  fautes  avec  cette  contrition  qui  brise  et  change 
le  cœur  coupable?  Connaissez-vous  la  prière?  — 
Soyez  franc,  avouez  que  non.  Toutes  ces  choses 
vous  sont  inconnues,  parce  que  votre  religion 
d'honnête  homme  ne  vous  donne  qu'une  idée  va- 
gue de  Dieu,  et  une  idée  arbitraire  de  vos  devoirs 
envers  lui.  Vous  ne  connaissez  pas  Jésus-Christ,  et 
cependant  nul  ne  va  au  Père  que  par  lui,  nul  ne 
connaît  le  Père,  si  ce  n'est  le  Fils,  et  celui  à  qui  le 
Fils  l'aura  révélé.  » 

Les  honnêtes  gens  du  déisme  ont  on  effet  perdu 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  361 

le  sentiment  de  la  vraie  justice,  au  point  qu'ils  ne 
pensent  pas  se  devoir  a  eux-mêmes  le  respect 
qu'on  appelle  chasteté,  et  qu'ils  ignorent  absolu- 
ment que  l'amour  envers  Dieu  est  la  plus  grande  et 
la  première  dette  de  l'homme.  De  là,  cette  habi- 
tude qu'ils  ont  de  concentrer  toute  la  loi  dans  le 
second  commandement  : 

Tu  aimeras  ton  prochain  comme  toi-même  ; 

commandement  qu'ils  ne  comprennent  pas  mieux 
qu'ils  ne  le  pratiquent.  Quant  au  premier  : 

Tu  aimeras  le  Seigneur  ton  Dieu  de  tout  ton  cœur, 

ils  en  font  complètement  abstraction.  Pourvu  qu'ils 
aient  payé  leurs  fournisseurs,  ils  affirment  qu'ils 
sont  justes,  qu'ils  ne  doivent  plus  rien  à  personne, 
comme  si  Dieu  n'était  pas  quelqu'un. 

îl  est  donc  bien  vrai  que  la"  prétendue  religion 
de  l'honnête  homme  ne  possède  pas  plus  la  sainteté 
que  les  autres  fausses  religions,  et  que,  en  dehors 
de  l'Eglise,  on  n'a  jamais  vu  ni  entendu  une  doc- 
trine vraiment  sainte. 

SECOND  POINT. 

\  1 .  Passons  donc  de  la  loi  à  son  accomplis- 
sement, et  voyons  si  l'Eglise  est  en  possession  des 
moyens  de  faire  pratiquer  cette  doctrine,  de  la  faire 
passer  dans  la  vie  de  ses  membres. 


362  divinité  de  l'église 

Nous  ne  séparerons  pas  la  cause  de  ses  effets 
dans  l'examen  de  celte  question. 

Voyons  donc  s'il  est  de  fait,  et  de  fait  incontes- 
table pour  les  hommes  de  bonne  foi,  que  cette 
doctrine  sainte  que  nous  avons  définie  tout  à 
l'heure  a  été  pratiquée  dans  l'Eglise?  si  l'Eglise  est 
visiblement  sainte  dans  ses  membres,  si  elle  nous 
offre  dans  sa  vie  un  phénomène  qu'on  cherche  vai- 
nement ailleurs,  et  qui  devient  aussi  une  preuve 
sensible  de  la  présence  d'une  grâce  qui  n'appar- 
tient qu'à  la  seule  vraie  religion? 

Il  en  est  ainsi  assurément.  Les  fruits  de  sainteté 
que  produit  l'Eglise  sont  partout. 

Pas  de  pauvre  village,  pas  d'humble  hameau  où 
on  ne  les  rencontre.  Oui,  jusque  dans  la  vie  ordi- 
naire du  commun  des  chrétiens,  il  y  a  quelque 
chose  d'évidemment  surnaturel  qui  atteste  en  eux 
la  présence  de  l'esprit  de  grâce. 

N'est-il  pas  vrai  qu'une  multitude  de  fidèles, 
exposés  comme  tous  les  hommes  aux  assauts  des 
passions,  conçoivent  la  résolution  de  les  combat- 
tre, emploient  les  moyens  que  Jésus-Christ  leur  a* 
donnés  pour  lus  vaincre,  et  remportent  d'innom- 
brables victoires? 

Eh  bien  !  tout  cela  est  surnaturel.  La  raison  de 
l'homme,  lorsqu'elle  est  laissée  à  elle-même,  n'est 
jamais  en  guerre  déclarée  avec  les  passions  de 
l'homme.  Elle  transige  avec  elles,  quand  elle  ne 
leur  obéit  pas  ;  c'est  la  foi,  c'est  la  crainte  de  Dieu, 
c'est  i'espérance  des  biens  éternels,  c'est  l'amour 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  363 

de  Dieu  surtout  qui  en  triomphe.  Mais,  sont-ce  là 
des  sentiments  purement  humains?  Ne  sont  -  ils 
pas  manifestement  l'effet  de  la  fidélité  aux  grâces 
divines? 

Mais,  c'est  surtout  dans  l'emploi  du  grand  moyen 
de  la  confession  que  se  manifeste  l'intervention  di- 
vine. Est-il  naturel  en  effet  de  détester  le  péché 
au  point  d'embrasser  la  confusion  d'un  aveu  sin- 
cère et  complet  pour  en  effacer  la  tache?  Si  ce 
moyen  est  en  harmonie  avec  ce  qui  nous  reste  de 
droiture  dans  le  cœur,  ne  faut-il  pas  convenir 
pourtant  qu'il  est  de  beaucoup  supérieur  a  nos 
seules  forces? 

La  chose  est  si  évidente,  que  si  l'un  des  maîtres 
du  monde,  fùt-il  le  plus  puissant  des  rois,  prescri- 
vait la  confession,  nul  ne  s'y  croirait  tenu,  et  tous 
ne  verraient  dans  cet  ordre,  que  l'égarement  de 
la  puissance. 

Tout  est  divin  dans  la  confession  :  la  loi,  l'ac- 
complissement de  la  loi  et  ses  étonnantes  consé- 
quences :  la  loi,  qu'aucune  puissance  humaine 
n'eût  pu  porter  sans  folie  ;  l'accomplissement  de 
la  loi,  que  l'homme  seul  n'eût  jamais  observée;  ses 
étonnantes  conséquences  qui  opèrent  un  tel  chan- 
gement dans  le  cœur  qu'on  peut  bien  l'appeler  avec 
saint  Paul  une  nouvelle  création. 

Nous  pourrions  insister  ici  sur  bien  d'autres  faits 
encore  qui  attestent  la  vie  surnaturelle  d'une  mul- 
titude d'cimes;  mais,  qui  les  ignore?  Qui  n'a  été 
témoin  mille  fois  d'actes  les  plus  touchants  de  cha- 


364  divinité  de  l'église 

rite,  de  résignation,  de  douceur,  et  de  patience, 
dins  toutes  les  classes  de  la  société,  dans  toutes 
les  situations  de  la  vie,  et  surtout  à  la  mort  où  la 
force  de  Jésus-Christ  est  souvent  si  visible?  Qui 
ne  sait  ou  ne  peut  savoir  que  la  prière  et  les  sacre- 
ments, mais  surtout  celui  de  l'Eucharistie,  soutien- 
nent seuls  des  être?  faibles  comme  nous  le  sommes, 
dans  la  pratique  des  vertus?  Qui  n'a  pu  comparer 
souvent  les  chagrins  des  riches  avec  la  paix  des 
chrétiens  heureux  dans  la  médiocrité,  résignés 
dans  la  pauvreté,  soumis  dans  l'affliction?  Que  de 
fois  n'avons-nous  pas  admiré  cette  puissance  de  la 
foi  qui  fait  pleurer  et  bénir  en  même  temps  sous 
une  couronne  d'épines? 

1 2.  Toutes  ces  preuves  de  la  sainteté  de  l'Eglise, 
ne  sont  tirées  que  de  la  vie  ordinaire  d'une  multi- 
tude de  fidèles.  Combien  ces  preuves  ne  grandi- 
ront-elles pas,  si  nous  considérons  maintenant  la 
vie  de  ce  grand  nombre  d'àmes  qui  sont  vouées  à 
la  perfection? 

Cette  vie  de  perfection  est  librement  embrassée, 
mais  le  choix  qu'on  en  fait,  est  un  acte  surnaturel 
de  fidélité  à  la  grâce  de  la  vocation.  Cette  vocation 
demande  des  sacrifices  que  la  nature  seule  ne  ferait 
pas  :  c<  Sors  de  ta  patrie  et  de  la  maison  de  ton  père, 
et  viens  où  je  te  montrerai.  »  Quand  Dieu  parle 
ainsi,  il  veut  qu'on  quitte  son  père  et  sa  mère  pour 
le  suivre.  Et  que  montre-t-il  aux  âmes  qu'il  ap- 
pelle ?  Des  vieillards  sans  soutien  à  qui  il  faut  tenir 
lieu  d'enfants  ;  des  orphelins  qui  réclament  une 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  365 

mère  ;  des  malades  qui  réclament  les  soins  de  la 
charité  ;  des  pauvres  sans  instruction  qui  de- 
mandent des  maîtres  dévoués  et  désintéressés. 
Que  montre-t-il  encore?  Des  sauvages  à  civiliser, 
des  pécheurs  à  convertir  ;  quelquefois  enfin  il 
montre  seulement  une  solitude,  une  sorte  de  tom- 
beau, où  il  veut  que  l'âme  aille  s'enfermer  pour  y 
faire  pénitence  et  y  prier,  pour  attirer  sa  miséri- 
corde sur  le  monde. 

Si  la  grâce  est  nécessaire  à  ces  âmes  d'élite  pour 
tout  abandonner  et  commencer  leur  sacrifice,  il 
ne  faut  pas  croire  qu'elle  le  soit  moins  pour  le 
continuer.  Que  ceux-là  qui  n'ont  point  été  touchés 
du  caractère  de  sainteté  de  l'Eglise,  entrent  dans 
les  sanctuaires  de  la  charité  et  de  la  prière  ;  qu'ils 
visitent  les  établissements  des  filles  de  Saint-Vin- 
cent de  Paul,  les  hôpitaux  confiés  aux  sœurs  de 
charité  ;  les  maisons  d'enfants  trouvés,  les  refuges 
de  repenties,  les  hospices  d'aliénés,  les  écoles  des 
frères  de  la  Doctrine  chrétienne,  les  cloîtres  de 
saint  François,  de  sainte  Thérèse  et  de  tant  d'autres 
saints  Fondateurs  d'ordres,  et  qu'ils  nous  disent  si 
l'on  n'y  respire  pas  un  air  de  sainteté,  et  si  tant 
d'abnégation  et  de  dévouement  est  le  propre  de 
l'humanité  abandonnée  à  sa  faiblesse? 

Jamais  rien  de  pareil  ne  s'est  vu  hors  de  l'Eglise 
catholique.  Voilà  les  admirables  fruits  de  la  chas- 
teté et  de  la  sainte  communion.  Telles  sont  les  deux 
sources  de  la  charité  et  de  l'esprit  de  sacrifice. 

SYMIi.       11.  31 


366  divinité  de  l'église 

13.  Venons-en  enfin  aux  saints  proprement  dits, 
qui  sont  comme  les  héros  parmi  les  braves. 

Ils  sont  de  tous  les  temps.  Les  derniers  siècles 
n'ont  pas  été  moins  féconds  que  les  premiers. 
Voyez  ce  François  Xavier  qui, renouvelant  les  pro- 
diges des  temps  apostoliques,  gagnait  un  monde 
à  Jésus-Christ,  pendant  que  l'hérésie  en  gâtait  un 
autre.  Ce  François  de  Sales,  dont  la  sagesse,  la 
pureté  virginale,  la  douceur,  la  science,  la  piété 
et  la  patience,  ramenaient  à  l'Eglise  soixante-dix 
mille  protestants  ;  ce  Vincent  de  Paul,  qui  était  par 
son  humble  et  héroïque  charité,  la  personnification 
si  vive  de  l'amour  de  Jésus-Christ  envers  les 
pauvres,  que  tous  les  cœurs  compatissants  cher- 
chaient le  sien  pour  être  plus  puissants  en  œuvres, 
et  que  devenu  ainsi  le  centre  de  tous,  il  nourris- 
sait des  provinces  entières  menacées  de  la  famine, 
sans  oublier  jamais,  en  aidant  les  corps,  de  guérir 
et  de  sauver  lésâmes;  ce  Charles  Borromée,  qui 
vivait  pauvre  sous  la  pourpre,  et  qui  répondait  aux 
sages  qui  l'engageaient  pendant  la  peste  de  Milan 
à  se  conserver  pour  son  troupeau,  et  à  ne  pas  se 
livrer  auprès  des  mourants  à  une  mort  presque 
certaine  :  Je  ne  suis  pas  obligé  de  vivre,  mais  je 
suis  obligé  d'accomplir  mon  devoir!  ce  Louis  de 
Gonzague,  dont  le  nom  reste  sur  la  terre  comme 
la  bonne  odeur  de  Jésus-Christ  pour  attirer  à  la 
vertu  la  jeunesse  exposée  aux  cruelles  séductions 
du  monde:  cet  Alphonse  de  Liguori  dont  le  cœur 
brûlant  d'amour  pour  celui  qui  mourut  afin  d'être 


PROUVÉE  PAU  SA  SAINTETÉ.  367 

aimé,  s'est  répandu  en  prières  sur  toutes  les  na- 
tions de  la  terre,  et  continue  après  sa  mort  d'élever 
à  Dieu,  par  ses  immortels  écrits,  les  âmes  qu'il 
touchait  lui-même  par  sa  parole,  il  y  a  soixante  ans 
à  peine. 

Les  Pierre  d'Àlcantara,  les  Ignace  et  les  Fran- 
çois de  Borgia,  les  Thérèse  et  les  Jean  de  la  Croix, 
les  Cajetan  de  Thienne  et  les  André  d'Avellin,  les 
Jean  de  Dieu  et  les  Camille  de  Lellis,  les  Pie  V  et 
les  Philippe  de  Néri,  les  Paul  de  la  Croix,  les 
Léonard  de  Port-Maurice,  les  François  de  Hiéro- 
nimo,  les  Benoît  Labre  et  bien  d'autres  encore, 
sont  de  cette  dernière  époque  qui  s'étend  jusqu'à 
nous. 

Il  n'est  pas  un  siècle  où  l'Eglise  n'ait  canonisé 
quelques  saints,  après  avoir  constaté  l'héroïsme  de 
leurs  vertus  et  les  miracles  obtenus  par  leur  inter- 
cession. On  sait  avec  quelle  rigueur  extrême  elle 
procède  à  cet  examen.  Elle  est  telle  que  ses  enne- 
mis même  ont  dû  convenir  plus  d'une  fois  qu'il 
n'était  pas  possible  de  pousser  plus  loin  la  sévérité. 

Quiconque  d'ailleurs  a  l'avantage  de  rencontrer 
une  âme  vraiment  sainte,  ne  peut  se  défendre  d'une 
impression  profonde.  Sans  même  être  témoin 
d'aucun  prodige,  on  sent  qu'il  est  impossible  d'as- 
similer ses  vertus  aux  vertus  purement  humaines. 

CONCLUSION. 

1 4.  Tel  est  le  grand  fait  de  la  sainteté  de  l'Eglise. 
Uniquement  propre  à  sa  doctrine,  cette  sainteté  se 


368  DIVINITÉ  DE   L  ÉGLISE 

manifeste  aussi  d'une  manière  unique  dans  la  vie 
de  ses  membres. 

Ce  que  nous  avons  dit  de  la  catholicité  de 
l'Eglise,  il  faut  donc  le  dire  aussi  de  sa  sainteté; 
l'une  et  l'autre  sont  des  signes  évidents  de  sa 
divinité.  La  première  convainc  tout  esprit  sincère, 
la  seconde  persuade  tout  cœur  droit. 

Résumons  à  grands  traits  ce  que  nous  avons  dit 
de  cette  sainteté  de  l'Eglise  dans  sa  doctrine  et 
dans  sa  vie. 

La  sainteté,  c'est  l'amour  de  Dieu  sur  toutes 
choses  ;  l'Eglise  seule  commande  d'aimer  Dieu 
ainsi  ;  l'Eglise  seule  fait  demander  à  Dieu  de 
l'aimer  ainsi  et  de  le  suivre  ;  l'Eglise  seule  fournit 
aux  âmes  les  moyens  de  parvenir  à  cet  amour  ; 
l'Eglise  seule  en  produit  les  fruits  incomparables. 
Vovez  :  il  n'est  dans  tout  le  cours  des  siècles 
qu'une  seule  voix  qui  ait  dit  sur  la  terre  cette 
parole  étonnante  :  «  Celui  qui  aime  son  père  et  sa 
mère  plus  que  moi,  n'est  pas  digne  de  moi.  » 
Matth.  x.  Evidemment,  si  cette  parole  n'était 
pas  de  Dieu,  elle  serait  une  folie  ou  une  infamie. 
Mais,  comment  douter  de  sa  source,  en  présence 
de  son  miraculeux  accomplissement? 

Jésus-Christ  seul  a  exigé  l'amour  et  le  cœur  des 
hommes.  Jésus-Christ  seul  a  dit  de  lui-même  qu'il 
attirerait  cet  amour.  Lui  seul  a  été  aimé  comme  il 
l'a  voulu.  Quel  est,  dites-moi,  le  grand  homme, 
l'insigne  bienfaiteur  de  ses  frères,  qui  ait  pu  com- 
mander et  obtenir  cet  amour  des  siècles  après  sa 


PROUVÉE  PAR  SA  SAINTETÉ.  369 

mort?  Jésus-Christ  seul  a  aimé  le  monde,  comme 
Dieu  seul  sait  aimer,  et  lui  seul  a  été  aimé  du 
monde  comme  un  Dieu  seul  mérite  de  l'être.  Les 
martyrs  lui  ont  donné  leur  sang,  les  apôtres  se 
sont  consumés  de  travaux  pour  sa  gloire,  les  dé- 
serts ont  été  remplis  de  saints  pénitents  que  cet 
amour  seul  soutenait,  les  vierges  lui  ont  consacré 
toutes  leurs  affections  ;  c'est  cet  amour  qui  a  fait 
verser  tant  de  larmes  au  repentir,  et  répandre  tant 
de  prières,  devant  les  saints  tabernacles;  c'est  cet 
amour  enfin  qui  produit  tant  et  de  si  grandes 
choses,  tant  et  de  si  sublimes  dévouements,  tant 
et  de  si  généreux  sacrifices.  N'est-ce  pas  là  l'ac- 
complissement visiblement  divin  de  la  parole  visi- 
blement divine  de  Jésus-Christ  :  «  Celui  qui  aime 
son  père  et  sa  mère  plus  que  moi,  n'est  pas  digne 
de  moi.  » 

Si  Jésus-Christ  est  Dieu  parce  qu'il  a  fait  attester, 
sa  divinité  dans  le  passé,  par  les  prophéties,  dans 
l'avenir,  par  la  perpétuité  de  son  œuvre  ;  s'il  est 
Dieu  parce  qu'il  s'est  rendu  le  Maître  des  temps, 
n'est-il  pas  visiblement  Dieu  encore  parce  que  lui 
seul  s'est  rendu  maître  des  cœurs?  Les  temps  et 
les  cœurs  vaincus  ne  racontent-ils  pas  sa  gloire 
avec  la  même  voix  que  les  cieux? 

Et  l'Eglise,  qui  triomphe  des  temps  et  des  cœurs 
avec  lui,  n'est-elle  pas  le  signe  toujours  vivant  qu'il 
a  laissé  au  monde  de  sa  toute-puissance? 

Oui,  sainte  Eglise  du  Dieu  vivant,  vous  êtes  la 
colonne  et  le  soutien  de  la  vérité.  Vous  me  mani- 


370  divinité  de  leglise,  etc. 

festez  la  force  et  la  sagesse  de  Dieu  dans  le  monde 
moral,  comme  l'ordre  et  la  beauté  des  cieux  me 
racontent  sa  gloire  dans  l'ordre  de  la  nature. 


-î^p'sza'f-s*^- 


LA  DIVINITÉ  DE  L'ÉGLISE  EST  IN  OBJET  DE  FOI.     371 


IXe  INSTRUCTION. 

LÀ   DIVINITÉ   DE  L  ÉGLISE  EST  UN  ORJET  DE  FOI, 


EXORDE. 

1 .  Nous  nous  sommes  étendus  longuement  sur 
l'article  de  l'Eglise.  Son  importance  l'exigeait. 

Placés  sur  la  terre  avec  l'invincible  instinct  de 
nos  destinées  éternelles,  rien  ne  nous  intéresse 
davantage  que  de  connaître  le  guide  qui  doit  sûre- 
ment nous  diriger  au  terme  du  salut.  Il  fallait  donc 
vous  prouver  avec  le  plus  grand  soin  que  l'Eglise 
catholique  seule  a  été  divinement  établie  dans 
ce  but. 

Nous  vous  avons  expliqué  son  nom,  les  diverses 
parties  dont  elle  se  compose,  les  propriétés  qui  lui 
sont,  essentielles,  et  qui,  tout  en  la  distinguant  des 
autres  sociétés  religieuses,  manifestent  avec  éclat 
sa  divinité.  Nous  vous  avons  montré  en  particulier 
comment  l'Eglise  nous  apparaît  manifestement 
divine  à  son  double  caractère  de  catholicité  et  de 
sainteté. 

De  tout  ce  que  nous  avons  dit  au  sujet  de  l'Eglise, 
nous  devons  conclure  finalement  que  la  sainte 
Eglise  romaine  seule  est  l'autorité  vivante  instituée 


'312  LA  DIVINITÉ  DE   L  ÉGLISE 

par  Jésus-Christ  pour  nous  enseigner  les  vérités 
du  salut,  et  qu'ainsi,  hors  de  son  sein,  on  ne  peut 
prétendre  au  bonheur  éternel. 

2.  Afin  de  compléter  nos  explications,  disons 
aujourd'hui  comment  et  pourquoi  l'Eglise  est  un 
dogme  de  foi,  car,  remarquez-le  bien,  vous  dites 
dans  le  Symbole  :  ce  Je  crois  la  sainte  Eglise  catho- 
lique. Credo  sanctam  Ecclesiam  catholicam  ;  » 
c'est-à-dire,  je  fais  un  acte  de  foi  par  rapport  à 
l'Eglise  comme  à  l'égard  des  autres  vérités  qui  sont 
énoncées  dans  le  Svmbole. 


COUPS  Dt  L INSTRUCTION. 


3.  On  peut  connaître  l'existence  de  l'Eglise  sans 
avoir  foi  à  l'Eglise. 

Pour  la  connaître,  il  suffit  d'avoir  la  raison,  il 
suffit  d'avoir  des  yeux.  Quel  est  l'homme,  si  borné 
qu'il  soit,  qui  ne  puisse  savoir  de  cette  manière  ou 
apprendre  de  témoins  dignes  de  foi,  qu'il  existe 
dans  le  monde  une  société  d'hommes  qui  font  pro- 
fession de  suivre  la  doctrine  de  Jésus-Christ?  C'est 
là  un  fait  sensible  que  les  Juifs  et  les  Mahométans 
eux-mêmes  n'ignorent  pas,  sans  pourtant  qu'ils 
aient  la  foi. 

i.  Quand  nous  disons  :  Je  crois  la  sainte  Eglise 
catholique,  il  ne  s'agit  donc  point  de  cette  connais- 
sance toute  matérielle.  Ce  n'est  pas  sur  ce  que 
nous  voyons  des  yeux  dans  l'Eglise  de  Jésus-Christ, 
ni  sur  ce  que  nous  en  savons  par  les  lumières  de 


EST  UN  OBJET  DE  FOI.  373 

la  raison  que  tombe  notre  acte  de  foi.  Cet  acte 
de  foi  a  pour  objet  les  mystères  renfermés  dans 
l'Eglise  :  son  origine  divine,  la  puissance  qu'elle  a 
reçue  de  Dieu,  son  infaillibilité,  l'assurance  qu'elle 
possède  de  sa  durée  perpétuelle.  Ni  les  sens,  ni  la 
simple  raison  humaine,  ne  suffisent  pour  nous 
rendre  ces  vérités  évidentes.  Nous  voyons  bien 
qu'elle  porte  en  elle  le  témoignage  manifeste  et  le 
sceau  de  la  divinité  ;  les  caractères  qui  la  distin- 
guent en  sont  l'empreinte  irrécusable  ;  à  moins  de 
renoncer  à  la  raison,  nous  sommes  obligés  de  con- 
fesser qu'elle  est  l'œuvre  de  Dieu  ;  mais  nous  ne 
pouvons  comprendre  tout  ce  qu'il  y  a  en  elle  de 
grand  et  de  divin,  par  exemple,  le  pouvoir  qu'elle 
a  de  remettre  les  péchés,  de  consacrer  le  corps  et 
le  sang  de  Jésus-Christ,  de  transmettre  la  puis- 
sance sacerdotale  par  l'ordination.  Toutes  ces 
choses  et  d'autres  encore,  sont  autant  de  mystères 
qui  surpassent  la  capacité  de  notre  intelligence. 
La  foi  seule  nous  en  donne  la  pleine  et  oarfaite  con- 
viction. Appuyés  sur  la  véracité  de  Dieu,  qui  ne 
peut  ni  nous  tromper  ni  se  tromper  lui-même, éclai- 
rés enfin  de  la  lumière  de  son  Esprit,  nous  disons: 
Je  crois  la  sainte  Eglise. 

5.  Maie  que  devons-nous  croire  principalement 
à  son  sujet? 

Trois  choses  :  premièrement,  qu'elle  est  l'ou- 
vrage de  Dieu  ;  secondement,  que  son  pouvoir  est 
divin  ;  troisièmement,  que  ce  pouvoir  a  toute  l'effi- 


374  LA  DIVINITÉ  DE  L  EGLISE 

cacité  nécessaire  pour  nous  faire  parvenir  à  la  vie 
éternelle. 

En  premier  lieu,  l'Eglise  n'est  pas  l'ouvrage  des 
hommes. 

Pourquoi  cela?  D'abord  parce  qu'il  n'y  a  aucune 
proportion  entre  la  grandeur  de  cette  œuvre  et  les 
moyens  qui  ont  servi  à  son  établissement. 

Douze  pauvres  pécheurs  ont  converti  le  monde 
païen.  L'idolâtrie  couvrait  presque  toute  la  face  de 
la  terre  ;  elle  était  passée  dans  les  mœurs  et  la 
législation.  Les  plus  sages  philosophes,  tout  en 
reconnaissant  la  vanité  du  culte  des  faux  dieux, 
n'avaient  pas  osé  entreprendre  de  la  faire  sentir 
aux  peuples;  ils  avouaient  leur  impuissance  à 
combattre  des  préjugés  si  profondément  enracinés. 
Le  paganisme  était  d'ailleurs  soutenu  par  toute  la 
puissance  des  Césars,  qui  en  étaient  les  grands 
pontifes.  Des  intérêts  sans  nombre  se  rattachaient 
à  sa  conservation  :  la  cupidité  et  les  passions  lui 
servaient  comme  de  remparts  inexpugnables. 

Néanmoins,  et  en  dépit  de  tous  ces  obstacles, 
les  apôtres  ont  réussi  à  établir  le  culte  d'un  Dieu 
crucifié;  aux  fables  et  aux  infamies  du  paganisme, 
ils  ont  substitué  la  foi  des  mystères  les  plus  incom- 
préhensibles et  fait  succéder  le  règne  des  plus 
pures  vertus. 

Point  de  milieu  :  ou  ils  ont  opéré  cette  révolu- 
tion à  force  de  miracles,  et  dans  ce  cas,  il  faut  dire 
que  Dieu  lui-même  leur  a  prêté  l'appui  de  sa  puis- 
sance;  ou    bien  ils  l'ont    opérée   sans  faire  de 


EST  UN  OBJET  DE  FOI.  375 

miracles.  Mais  s'il  se  pouvait  qu'un  tel  change- 
ment ait  eu  lieu  sans  miracles,  ne  serait-ce  pas 
là  un  nouveau  miracle,  plus  grand  et  plus  in- 
croyable que  tous  les  autres,  d'avoir  converti  le 
monde  sans  miracles,d'avoir  fait  entrer  tant  d'igno- 
rants dans  des  mystères  si  hauts,  d'avoir  inspiré 
à  tant  de  savants  une  humble  soumission,  et  d'avoir 
persuadé  tant  de  choses  incroyables  à  des  incré- 
dules? C'est  la  réflexion  de  saint  Augustin. 

L'établissement  de  l'Eglise  est  donc  divin.  11 
n'appartient  qu'à  Dieu  de  choisir  ce  qu'il  y  a  de 
plus  faible  et  de  plus  vil  selon  le  monde,  pour 
détruire  ce  qu'il  y  a  de  plus  grand  et  de  plus 
puissant  ;  il  n'appartient  qu'à  lui  de  se  servir  du 
néant  pour  créer  ce  qu'il  y  a  de  plus  admirable. 
«  Quae  stulta  sunt  mundi  elegit  Deus,  ut  confundat 
sapientes  ;  et  infirma  mundi  elegit  Deus,  ut  con- 
fundat fortia  :  et  ignobilia  mundi,  et  contemptibilia 
elegit  Deus,  et  ea  quae  non  sunt,  ut  ea  quae  sunt 
destrueret.  »  (i  Corintk.  i.) 

6.  Mais,  si  l'établissement  de  l'Eglise  est  mira- 
culeux, son  maintien  ne  l'est  pas  moins. 

Depuis  dix-huit  siècles  qu'elle  existe  dans  sa 
forme  actuelle,  toutes  les  institutions  humaines  ont 
été  renouvelées  autour  d'elle  ;  elle  a  vu  passer  les 
empires,  les  royaumes,  les  dynasties,  les  constitu- 
tions, les  schismes,  les  hérésies.  Elle  seule  a  sur- 
vécu à  tous  les  bouleversements  et  à  toutes  les 
ruines,  reparaissant  sans  cesse  comme  le  soleil 


376  LA  DIVINITÉ  DE  L'EGLISE 

après  les  tempêtes,  toujours  la  même,  toujours 
pleine  de  vie  et  de  fécondité. 

Et  cependant,  depuis  son  origine  jusqu'à  nous, 
a-t-elle  jamais  cessé  d'être  en  butte  aux  persécu- 
tions des  puissances,  aux  perfidies  de  l'hérésie,  aux 
révoltes  du  schisme,  à  l'indocilité  et  ii  l'ingratitude 
de  ses  propres  enfants,  en  un  mot,  à  la  haine  et 
aux  efforts  des  puissances  infernales? 

«  Dieu  l'a  fondée  parle  martyre,  il  l'a  tenue  du- 
rant trois  cents  ans  dans  cet  état,  sans  qu'elle  eût 
un  seul  moment  pour  se  reposer.  Après  qu'il  eut 
fait  voir  par  une  si  longue  expérience  qu'il  n'avait 
pas  besoin  du  secours  humain  ni  des  puissances  de 
la  terre  pour  rétablir  son  Eglise,  il  y  appela  enfin 
les  empereurs,  et  fit  du  grand  Constantin  un  pro- 
tecteur déclaré  du  christianisme.  Depuis  ce  temps 
les  rois  sont  accourus  de  toutes  parts  à  l'Eglise;  et 
tout  ce  qui  était  écrit  dans  les  prophéties  touchant 
sa  gloire  future,  s'est  accompli  aux  yeux  de  toute 
la  terre. 

»Que  si  elle  a  été  invincible  contre  les  efforts  du 
dehors,  elle  ne  l'est  pas  moins  contre  les  divisions 
intestines.  Ces  hérésies  tant  prédites  par  Jésus- 
Christ  et  par  ses  apôtres  sont  arrivées,  et  la  foi 
persécutée  par  les  empereurs  souffrait  en  même 
temps  des  hérétiques  une  persécution  plus  dange- 
reuse. Mais  cette  persécution  n'a  jamais  été  plus 
violente  que  dans  le  temps  où  l'on  vit  cesser  celle 
des  païens.  L'enfer  fit  alors  ses  plus  grands  efforts 
pour  détruire  par  elle-même  cette  Eglise  que  les 


EST  UN  OBJET  DE  FOI.  377 

attaques  de  ses  ennemis  déclarés  avaient  affermie. 
A  peine  commençait-elle  à  respirer  par  la  paix  que 
lui  donna  Constantin;  et  voilà  qu'Arius,  ce  malheu- 
reux prêtre,  lui  suscite  de  plus  grands  troubles 
qu'elle  n'en  avait  jamais  souffert.  Constance,  fils 
de  Constantin,  séduit  par  les  Ariens  dont  il  auto- 
rise le  dogme,  tourmente  les  catholiques  par  toute 
la  terre,  nouveau  persécuteur  du  christianisme,  et 
d'autant  plus  redoutable,  que  sous  le  nom  de  Jé- 
sus-Christ, il  fait  la  guerre  à  Jésus-Christ  même. 
Pour  comble  de  malheurs,  l'Eglise  ainsi  divisée 
tombe  entre  les  mains  de  Julien  l'Apostat  qui  met 
tout  en  œuvre  pour  détruire  le  christianisme,  et 
n'en  trouve  point  de  meilleur  moyen  que  de  fo- 
menter les  factions  dont  il  était  déchiré.  Après  lui 
vient  un  Valens,  autant  attaché  aux  Ariens  que 
Constance,  mais  plus  violent.  D'autres  empereurs 
protègent  d'autres  hérésies  avec  une  pareille  fu- 
reur. L'Eglise  apprend  par  tant  d'expériences, 
qu'elle  n'a  pas  moins  à  souffrir  sous  les  empereurs 
chrétiens  qu'elle  avait  souffert  sous  les  empereurs 
infidèles  ;  et  qu'elle  doit  verser  du  sang  pour  dé- 
fendre non-seulement  tout  le  corps  de  sa  doctrine, 
mais  encore  chaque  article  particulier.  En  effet, 
il  n'en  est  aucun  qu'elle  n'ait  vu  attaqué  par  ses 
enfants.  Mille  sectes  et  mille  hérésies  sorties  de  sou 
sein  se  sont  élevées  contre  elle.  Mais  si  elle  les  a 
vues  s'élever  selon  les  prédictions  de  Jésus-Christ, 
elle  lésa  vues  tomber  selon  ses  promesses, quoique 
souvent  soutenues  par  les  empereurs  et  par  les 

SYMB.      II.  32* 


378  la  mviNMTÉ  de  l'église 

rois. Ses  véritables  enfants  ont  été,  comme  dit  saint 
Paul,  reconnus  par  cette  épreuve  ;  la  vérité  n'a 
fait  que  se  fortifier  quand  elle  a  été  contestée,  et 
l'Eglise  est  demeurée  inébranlable.  »  {Discours  sur 
l'histoire  universelle,  2e  partie.) 

C'est  donc  Dieu  lui-même,  le  Roi  immortel  des 
siècles,  le  Dominateur  des  temps, qui,  après  l'avoir 
fondée  sur  la  pierre  ferme,  continue  de  la  soute- 
nir de  sa  main  divine.  Voilà  pourquoi  le  Roi-pro- 
phète disait  d'elle  que  le  Très-Haut  lui-même  l'avait 
établie  :  k  Ipse  fundavit  eam  Altissimus  ;  »  Ps. 
Lxxxvi.)et  qu'elle  était  l'héritage  de  Dieu,  le  peuple 
de  Dieu  :  «  Dabo  tibi  gentes  haereditatem  tuam.» 
(As.  ,..) 

7.  En  second  lieu,  avons-nous  dit,  la  puissance 
dont  l'Eglise  est  investie  est  également  divine;  elle 
ne  vient  pas  des  hommes. 

L'Eglise  possède  les  elefs  du  royaume  des  cieux  : 
elles  lui  ont  été  données  par  Jésus-Christ  dans  la 
personne  de  saint  Pierre  :  «  Et  tibi  dabo  claves 
regni  cœlorum  ;  et  quodeumque  ligaveris  super 
terram  erit  ligatum  et  in  cœlis,  et  quodeumque 
solveris  super  terram  erit  solutum  et  in  cœlis.  Je 
vous  donnerai  les  clefs  du  royaume  des  cieux  ;  et 
tout  ce  que  vous  lierez  sur  la  terre  sera  aussi  lié 
dans  les  cieux,  et  tout  co  que  vous  délierez  sur  la 
terre, sera  aussi  délié  dans  les  cieux.  ))(Matth.  xvi.) 

La  puissance  des  elefs  est  très-étendue  :  elle 
comprend  le  pouvoir  de  retenir  et  de  remettre  les 
péchés,  de  porter  des  lois  et  des  censures,  de  re- 


EST  UN  OBJET  DE   FOI.  379 

trancher  du  sein  de  l'Eglise  par  l'excommunica- 
tion. Tous  ces  pouvoirs  ont  été  conférés  par  le 
môme  Jésus-Christ  à  saint  Pierre,  aux  apôtres  et 
à  leurs  légitimes  successeurs.  «  Recevez  le  Saint- 
Esprit:  tous  ceux  dont  vous  remettrez  les  péchés, 
ils  leur  seront  remis  ;  et  tous  ceux  à  qui  vous  les 
retiendrez,  ils  leur  seront  retenus.  Accipite  Spiri- 
tum  Sanctum  :  quorum  remiseritis  peccata,  remit- 
tentur  eis  ;  et  quorum  retinueritis,  retenta  sunL  » 
(Joan.  xx.) 

L'Eglise  tient  également  de  son  divin  Fondateur 
le  pouvoir  de  baptiser,  de  consacrer  le  corps  et 
le  sang  de  Jésus-Christ,  ainsi  que  d'administrer  les 
autres  sacrements. 

Nous  devons  croire  que  l'Eglise  possède  toutes 
ces  prérogatives.  De  même  qu'elles  n'ont  pu  lui 
être  départies  par  une  puissance  humaine,  de 
même  nous  ne  pouvons  en  avoir  connaissance  que 
par  la  foi. 

8.  Mais  dans  quel  but  le  divin  Sauveur  en  a-t-il 
enrichi  l'Eglise? 

C'est  dans  le  but  d'assurer  aux  fidèles  tous  les 
secours  dont  ils  ont  besoin  pour  parvenir  au  salut. 

Nous  devons  donc  croire,  en  troisième  lieu,  que 
l'Eglise  est  en  possession  des  moyens  de  nous 
sanctifier.  Son  institution,  en  effet,  n'a  point  d'au- 
tre fin  que  le  salut  des  hommes.  C'est  pourquoi 
Jésus-Christ  a  dit  que  son  royaume  n'est  point  de 
ce  monde,  c'esl-à-dire,  que  son  objet  propre  n'est 
pas  de  régler  les  intérêts  de  la  terre,  ni  de  procu- 


380  LA  DIVINITÉ  DE  L  EGLISE 

rer  la  félicité  temporelle  de  ses  sujets,  bien  cepen- 
dant qu'il  y  contribue  très-puissamment.  Comme 
les  citoyens  de  ce  royaume  tout  spirituel  n'ont 
point  ici-bas  de  cité  permanente,  c'est  dans  la  vie 
future  qu'ils  la  cherchent,  et  l'Eglise  leur  en  mon- 
tre la  voie  et  les  aide  à  en  faire  la  conquête. 

Tels  sont  les  principaux  points  à  croire  touchant 
l'Eglise. 

9.  Remarquons,  en  terminant,  que  nous  expri- 
mons tout  différemment  notre  foi  à  l'égard  de  l'E- 
glise qu'à  l'égard  des  trois  personnes  divines. 

Nous  disons  :  «  Je  crois  en  Dieu  le  Père,...  et 
en  Jésus-Christ  son  Fils  unique,...  je  crois  au 
Saint-Esprit.  »  Au  contraire  nous  ajoutons  sim- 
plement :  (  Je  crois  la  sainte  Eglise  catholique  et 
non  pas,  en  la  sainte  Eglise  catholique. 

Par  cette  différence  d'expression,  nous  mar- 
quons la  différence  qu'il  y  a  entre  le  Créateur  et 
les  choses  créées.  Nous  croyons  au  Père,  au  Fils 
et  au  Saint-Esprit,  c'est-à-dire,  que  non-seulement 
nous  confessons  leur  existence,  mais  que  nous  ten- 
dons vers  eux  comme  vers  notre  premier  prin- 
cipe et  notre  dernière  fin,  en  un  mot,  nous  recon- 
naissons leur  divinité.  Pour  l'Eglise,  nous  confes- 
sons aussi  son  existence,  mais  nous  savons  qu'elle 
est  seulement  l'organe  de  Dieu.  C'est  à  ce  titre  que 
nous  avons  foi  dans  ses  enseignements,  que  nous 
croyons  sa  doctrine.  C'est  donc  à  Dieu  lui-même, 
en  dernière  analyse,  que  se  rapporte  la  soumis- 
sion que  nous  professons  pour  elle. 


EST   UN  OBJET  DE  FOI.  381 

En  disant  :  Je  crois  la  sainte  Eglise  catholique, 
nous  rendons  encore  gloire  h  Dieu  pour  les  pré- 
rogatives magnifiques  dont  il  a  orné  l'Eglise,  et 
nous  lui  rendons  grâces  du  grand  bienfait  de  son 
institution.  Elle  n'est  en  effet  que  l'extension  de  la 
mission  du  Fils  de  Dieu  sur  la  terre.  Ce  qu'il  a 
commencé,  elle  le  continue.  Il  n'a  prêché  l'Evan- 
gile qu'aux  brebis  perdues  delà  maison  d'Israël; 
elle  l'annonce  par  toute  la  terre.  Il  est  mort  une 
fois  sur  le  calvaire  pour  le  salut  des  hommes;  elle 
renouvelle  chaque  jour  sur  nos  autels  l'offrande  de 
ce  même  sacrifice,  afin  d'en  appliquer  les  mérites 
aux  fidèles.  Elle  continue  de  même  de  pardonner 
les  péchés  aux  pécheurs  pénitents,  comme  Jésus- 
Christ  l'a  fait  pendant  sa  vie  mortelle.  Enfin,  pour 
tout  dire  en  un  mot,  l'Eglise,  c'est  Jésus-Christ 
perpétuant  sa  mission  parmi  les  hommes. 

Toutes  ces  choses  sont  comprises  dans  cette 
profession  de  foi  :  Je  crois  la  sainte  Eglise  catho- 
lique. 

CONCLUSION. 

10.  Répétons-la  donc  avec  les  sentiments  de  la 
foi  la  plus  vive.  Oui,  mon  Dieu,  je  crois  de  tout 
mon  cœur  l'Eglise  qui  estime,  sainte,  catholique 
et  apostolique,  cette  Eglise  qui  n'est  autre  que  la 
sainte  Eglise  romaine,  au  sein  de  laquelle  vous 
m'avez  fait  la  grâce  de  naître,  et  où  je  veux,  avec 
votre  secours,  vivre  et  mourir. 

Je  crois,  Seigneur,  que  cette  Eglise  est  votre 


382  LA  DIVINITÉ  DE  L'ÉGLISE,   ETC. 

œuvre.  Je  reconnais  l'empreinte  de  votre  unité 
dans  son  unité,  le  reflet  de  votre  sainteté  dans  sa 
sainteté,  le  sceau  de  votre  puissance  dans  sa  ca- 
tholicité, le  gage  de  votre  assistance  continuelle 
dans  son  apostolicité. 

Je  révère  cette  Eglise  comme  l'oracle  de  votre 
bouche  et  l'organe  du  Saint-Esprit.  Vous  m'ensei- 
gnez par  sa  voix;  et  en  l'écoutant,  je  ne  crains  pas 
de  me  tromper.  Si  je  m'égarais  en  lui  obéissant, 
c'est  vous-même ,  Seigneur,  qui  m'auriez  trompé. 

Je  respecte  et  j'aime  la  puissance  dont  vous 
l'avez  douée,  puissance  pour  me  donner  des  lois, 
puissance  pour  me  pardonner,  puissance  pour  me 
sanctifier,  puissance  pour  me  donner  le  vrai  pain 
de  vie  qu'elle  fait  descendre  chaque  jour  du  ciel 
sur  l'autel.  Que  je  suis  heureux  de  trouver  en  elle 
une  si  grande  abondance  de  lumières  et  de  grâces  ! 
Mon  Dieu,  aidez-moi  à  en  profiter  pour  mon  salut, 
et  daignez  étendre  ce  bienfait  à  ces  milliers  d'hom- 
mes, qui  sont  mes  semblables  et  mes  frères,  et 
qui  n'ont  pas  encore  le  bonheur  de  connaître 
l'Eglise  et  de  puiser  la  vie  au  sein  de  cette  tendre 
mère. 


LA  COMMUNION  DES  SAINTS.  383 


Xe  INSTRUCTION. 

LA  COMMUNION  DES  SAINTS. EN  QUOI  ELLE  CONSISTE. 

DE  QUELS   BIENS  ELLE  SE  COMPOSE. 


EXORDE. 

1 .  A  l'article  de  l'Eglise,  le  Symbole  joint  immé- 
diatement la  communion  des  Saints.  Il  y  a  entre  les 
deux  une  relation  très-étroite,  comme  le  fait  en- 
tendre saint  Jean  l'Evangéliste,  dans  une  de  ses 
épîtres  aux  premiers  fidèles.  Les  entretenant  du 
but  qu'il  se  proposait  en  les  instruisant  des  mys- 
tères de  la  foi  :  «  C'est,  leur  disait-il,  afin  que  vous 
aussi  vous  entriez  en  société  avec  nous,  et  que  no- 
tre société  soit  avec  le  Père  et  avec  Jésus-Christ 
son  Fils.  Haec  scribo  vobis,  ut  et  vos  societatem 
habeatis  nobiscum,  et  societas  nostra  sit  cum  Pâtre 
etcum  Filio  ejus  Jesu-Christo.  »  (/  Joann.  i.) 

Or,  cette  association  glorieuse  dont  parle  saint 
Jean,  n'est  autre  chose  que  la  communion  des 
Saints  qui  existe  dans  l'Eglise  et  que  nous  allons 
vous  expliquer  dans  cet  entretien. 

2.  Ce  sujet  renferme  une  source  féconde  d'en- 
couragements pour  nous.  Vous  y  verrez  quel  est 
le  fruit  précieux  que  nous  retirons  des  mystères  de 


384  LA  COMMUNION  DES  SAINTS. 

la  religion.  Si  nous  devons  les  étudier  et  nous  en 
pénétrer,  c'est  pour  mériter  d'être  admis  dans  cette 
grande  et  heureuse  communion  des  saints,  et  pour 
y  persévérer  ensuite  avec  constance.  Cette  com- 
munion des  saints  est  une  grâce  signalée.  Elle 
faisait  dire  à  l'Apôtre  :  «  Rendons  grâces  avec  joie 
à  Dieu  le  Père,  de  ce  que,  en  nous  éclairant  des 
lumières  de  la  foi,  il  nous  a  rendus  dignes  de  par- 
ticiper à  l'héritage  des  saints.  Cum  gaudio  gratias 
agentes  Deo  Patri,  qui  dignos  nos  fecit  in  partem 
sortis  sanctorum  in  lumine.  »  (Coloss.  i.) 

Voyons  donc  ce  qu'il  faut  entendre  par  cette 
communion  des  saints,  puis  de  quels  biens  elle  se 
compose. 

CORI'S  DE  L'INSTRUCTION. 

3.  Qu'est-ce  que  la  communion  des  saints? 

S'agit-il  ici  de  la  communion  eucharistique  dans 
laquelle  nous  recevons  le  corps  et  le  sang  de  Jésus- 
Christ?  Non;  le  terme  de  communion  a  ici  une 
signification  beaucoup  plus  étendue. 

Par  communion  des  saints,  le  Symbole  des  apô- 
tres signifie  cette  union  intime  qui  existe  par  la  foi 
et  la  charité  entre  tous  les  vrais  fidèles,  union  qui 
ne  fait  d'eux  tous  qu'une  seule  famille  dans  laquelle 
les  biens  spirituels  sont  communs. 

La  communion  des  saints, c'est  donc  l'union  des 
fidèles  entre  eux  avec  communauté  des  biens  spi- 
rituels. Cette  union  et  cette  communauté  ne  sont 
que  l'explication  et  la  conséquence  de  ce  que  nous 
avons  dit  de  l'Eglise. 


LA  COMMUNION  DES  SAINTS.  385 

En  effet,  l'Eglise  étant  comme  un  corps  vivifié 
dans  toutes  ses  parties  par  un  même  esprit,  il 
s'ensuit  que  tous  ses  membres,  c'est-à-dire,  les 
fidèles  autrement  appelés  les  saints,  sont  liés  entre 
eux  de  la  manière  la  plus  étroite  et  qu'ils  partici-' 
pent  en  commun  à  la  vie  et  aux  grâces  de  cet 
esprit. 

4.  Plusieurs  sortes  de  biens  forment  l'apanage 
de  la  sainte  société  des  fidèles. 

La  première  espèce,  ce  sont  les  sacrements.  Ils 
sont  comme  des  canaux  toujours  ouverts  où  cha- 
cun peut  venir  puiser  les  grâces  dont  il  a  besoin. 
Ils  servent  aussi  comme  de  liens  extérieurs  qui 
nous  attachent  les  uns  aux  autres  et  nous  unissent 
à  Jésus-Christ. 

Le  Baptême  étant  la  porte  par  laquelle  on  entre 
dans  l'Eglise,  il  est  le  premier  bien  compris  dans  la 
communion  des  saints  ;  les  autres  sacrements  sont 
de  nouveaux  trésors  qui  viennent  augmenter  et 
enrichir  ce  premier  fond.  Par  le  Baptême,  on  ac- 
quiert le  droit  d'y  participer.  Ainsi,  dire  que  le 
Baptême  est  un  bien  commun  à  tous  les  fidèles, 
c'est  dire  en  même  temps  que  tous  les  autres  sa- 
crements leur  sont  aussi  communs. 

Voilà  pourquoi  les  Pères  du  Concile  de  Nicée, 
voulant  nous  indiquer  la  communauté  des  sacre- 
ments dans  l'Eglise,  se  sont  contentés  de  dire  dans 
leur  Symbole  :  «  Confiteor  unum  Baptisma.  Je 
confesse  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  Baptême.  » 

SYMB.        II.  33 


386  LA  COMMUNION  DES  SAINTS. 

5.  Nous  disions  tout  à  l'heure  que  les  sacrements 
ne  sont  pas  seulement  les  canaux  de  la  grâce,  mais 
qu'ils  sont  aussi  des  liens  sacrés  qui  nous  unissent 
à  Jésus-Christ. 

Chaque  sacrement  a  la  vertu  de  nous  mettre  en 
communion,  c'est-à-dire,  en  société  avec  lui,  de 
former  entre  Jésus-Christ  et  ses  membres  une 
sainte  et  glorieuse  alliance.  Ainsi,  par  le  Baptême, 
nous  devenons  ses  disciples;  par  la  Confirmation, 
ses  soldats  ;  par  l'Ordre,  ses  ministres.  Le  Mariage 
retrace,  en  ceux  qui  le  reçoivent,  son  union  avec 
l'Eglise  ;  enfin,  la  Pénitence  et  l'Extrème-Onction 
rétablissent  l'alliance  que  nous  avons  contractée 
avec  lui  dans  le  Baptême  et  que  le  péché  a  rom- 
pue ou  affaiblie. 

Le  nom  de  communion  convient  donc  à  tous  les 
sacrements,  puisqu'ils  nous  unissent  à  Dieu  et 
qu'ils  nous  rendent  participants  de  sa  nature  par 
la  grâce.  Mais  il  va  un  sacrement  qui  porte  cette 
union  au  plus  haut  point  :  c'est  la  divine  Eucha- 
ristie, sacrement  le  plus  auguste  de  tous,  dans 
lequel  Jésus-Christ,  comme  parle  saint  Jean-Chry- 
sostôme,  mêle  sa  chair  avec  la  nôtre,  en  sorte  que 
nous  ne  sommes  plus  qu'une  même  chose  avec  lui. 
De  là  vient  qu'on  l'appelle  par  excellence,  la  sainte 
communion. 

Telles  sont  les  premières  richesses  spirituelles 
communes  à  tous  les  fidèles. 

6.  La  seconde  catégorie  des  biens  compris  dans 
la  communion  des  saints,  est  d'une  nature  toute 


LA  COMMUNION  DES  SAINTS.  387 

différente  :  elle  se  compose  de  toutes  les  bonnes 
œuvres  qui  se  font  dans  l'Eglise. 

Tout  acte  de  vertu  pratiqué  par  l'un  des  fidèles 
profite  à  tous  ses  frères.  «  La  charité,  dit  saint 
Paul,  ne  cherche  point  ses  intérêts.  Charitas  non 
quœrit  quae  sua  sunt.  »  (/  Corinth.  xm.)  Elle  n'est 
point  égoïste  ;  ses  fruits  sont  la  propriété  de  l'E- 
glise entière. 

Saint  Ambroise  prouve  cette  vérité  dans  l'expli- 
cation qu'il  nous  donne  de  ces  paroles  du  Psal- 
miste  :  «  Particeps  ego  sum  omnium  timentium  te. 
Je  suis  uni  de  cœur  avec  tous  ceux  qui  vous  crai- 
gnent. »  (Ps.  cxvm.)((  De  même,  dit-il,  que  chacun 
des  membres  du  corps  a  part  aux  avantages  de 
tout  le  corps  ;  ainsi  en  est-il  de  tous  ceux  qui  sont 
unis  par  le  service  de  Dieu.  Sicut  membrum  par- 
ticeps esse  dicimus  totius  corporis,  sic  conjunctum 
omnibus  timentibus  Deum.  »  (Serm.  vin.) 

Voilà  pourquoi  Notre-Seigneur  a  prescrit  de  dire 
dans  l'Oraison  Dominicale  :  «  Donnez-nous  notre 
pain,  pardonnez-nous  nos  offenses,  ne  nous  lais- 
sez pas  succomber  à  la  tentation,  délivrez-nous  du 
mal,  et  non  pas  :  donnez-moi  mon  pain,  pardon- 
nez-moi mes  offenses,  et  ainsi  du  reste.  Il  nous 
apprend  de  la  sorte  à  nous  intéresser  au  bien 
commun  et  non  pas  seulement  à  notre  bien  indi- 
viduel. Toute  prière  faite  dans  l'esprit  de  Jésus- 
Christ,  tourne  donc  à  l'avantage  de  tous. 

7.  Il  ne  peut  en  être  autrement  dans  l'Eglise. 
Une  comparaison  va  vous  rendre  cette  doctrine 


388  LA  COMMUNION  DES  SAINTS. 

plus  sensible.  Voyez  l'union  et  la  solidarité  qui 
régnent  entre  tous  les  membres  de  votre  corps. 
Cest  l'Ecriture  elle-même  qui  emploie  cette  figure 
pour  nous  marquer  ce  qui  se  passe  dans  la  sainte 
Eglise. 

Votre  corps  est  composé  d'un  grand  nombre  de 
membres.  Quelque  nombreux  que  soient  ces  mem- 
bres, ils  ne  forment  pourtant  qu'un  seul  corps,  où 
chacun  remplit  une  fonction  particulière.  Tous  ne 
sont  pas  également  distingués  ;  les  uns  ont  des 
emplois  plus  utiles  et  plus  honorables  que  les 
autres.  Malgré  cela  cependant,  il  n'en  est  aucun 
qui  ne  s'oublie  lui-même  pour  contribuer  au  bien 
et  à  l'avantage  de  tout  le  corps.  Quoi  de  plus 
admirable  que  l'harmonie  et  la  concorde  qui  ré- 
gnent entre  eux  !  L'un  d'eux  vient-il  à  sentir  de  la 
douleur?  tous  les  autres  en  ressentent  aussitôt, 
tant  la  nature  a  mis  entre  eux  de  sympathie  et 
d'union.  Réciproquement,  l'un  deux  éprouve-t-il 
quelque  bien-être?  le  plaisir  qu'il  éprouve  se  com- 
munique à  tous  les  autres. 

Or,  voilà  l'image  très-naturelle  de  l'Eglise.  Elle 
est  formée  de  divers  membres,  c'est-à-dire  de 
différents  peuples,  de  Juifs,  de  Gentils,  d'hommes 
libres  et  d'esclaves,  de  riches  et  de  pauvres.  Tous 
néanmoins  ne  font  plus,  après  le  Baptême,  qu'un 
même  corps  en  Jésus-Christ.  De  là  vient  cette  par- 
faite communauté  de  biens  spirituels  qui  existe 
entre  tous. 

De  plus,  chacun,  dans  l'Eglise,  remplit  un  em- 


LA  COMMUNION  DES  SAINTS.  389 

ploi  déterminé.  Les  uns  sont  apôtres,  les  autres 
docteurs,  mais  tous,  quelle  que  soit  leur  charge, 
sont  appliqués  à  l'intérêt  général  ;  et  par  suite, 
pendant  que  les  uns  sont  obligés  de  diriger  et  d'en- 
seigner, les  autres  ont  pour  devoir  d'obéir  et  d'être 
soumis. 

8.  Mais  tout  chrétien,  demandera-t-on,  a-t-il 
part  aux  biens  spirituels,  aux  bonnes  œuvres  de  la 
communauté  ?  N'y  a-t-il  pas  des  empêchements  qui 
privent  de  cet  avantage? 

Distinguons  ici  trois  états  différents  :  le  chré- 
tien en  état  de  grâce,  le  chrétien  en  état  de  péché, 
et  le  chrétien  retranché  de  l'Eglise  par  l'excom- 
munication. 

Le  premier,  c'est-à-dire,  le  chrétien  vraiment 
fidèle,  vit  dans  la  charité  ;  il  est  juste  et  agréable 
à  Dieu.  Membre  vivant  de  l'Eglise,  il  jouit  des 
biens  et  des  faveurs  que  le  Seigneur  répand  sur 
elle.  Il  est  dans  l'état  où  se  trouve  tout  membre, 
sain  et  non  malade  ;  ce  membre  participe  à  la  nour- 
riture et  aux  autres  avantages  que  reçoit  le  corps. 
Le  sang,  en  circulant  dans  les  veines,  entretient 
sa  vie,  sa  force  et  sa  vigueur. 

Voilà  pour  le  chrétien  en  état  de  grâce. 

Pour  celui  au  contraire  qui  est  en  état  de  péché, 
il  ressemble  à  un  membre  mort.  Il  reste  encore 
attaché  au  corps  comme  jadis  ;  mais,  privé  de  la 
vie  spirituelle  de  la  grâce,  il  ne  ressent  plus,  comme 
le  juste,  les  salutaires  effets  de  la  circulation  vitale. 
Le  péché  y  met  obstacle  ;  il  empêche  ce  membre 


390  LA  COMMUNION  DES  SAINTS. 

paralysé  de  participer  à  la  vie  et  à  l'activité  dont 
jouissent  les  autres. 

Cependant  comme  il  est  encore  dans  l'Eglise, 
comme  le  membre  malade  est  encore  attaché  au 
corps,  les  autres  fidèles  peuvent  l'aider  par  leurs 
prières,  leurs  exhortations,  leurs  exemples  et  leurs 
bonnes  œuvres,  à  recouvrer  la  grâce  et  la  vie. 

Quant  au  chrétien  qui  a  été  retranché  de  l'Eglise 
par  l'excommunication,  il  est  semblable  à  un  mem- 
bre amputé  qui  ne  tient  plus  que  par  un  fil  au 
reste  du  corps.  Il  est  donc  dans  un  état  plus  dé- 
plorable encore  que  le  précédent.  L'Eglise  lui  re- 
fuse ses  prières  publiques  ;  les  fidèles  peuvent 
néanmoins  prier  pour  sa  conversion. 

Un  si  grand  châtiment  doit  faire  redouter  les 
crimes  pour  lesquels  l'Eglise  fulmine  l'excommu- 
nication. 

9.  La  communion  des  saints  possède  une  troi- 
sième classe  de  biens  :  ce  sont  les  dons  ou  talents 
spirituels  départis  aux  divers  membres  de  l'Eglise. 

Ces  dons  sont  très-variés  et  très-nombreux  : 
celui-ci  reçoit  le  don  de  science  ;  il  est  distingué 
par  sa  profonde  pénétration  dans  les  choses  de 
Dieu.  Un  second  est  doué  du  don  de  prophétie; 
Dieu  lui  manifeste  les  choses  à  venir.  Un  troisième 
sera  orné  du  don  des  langues,  comme  les  Apôtres 
le  furent  au  jour  de  la  Pentecôte.  Un  autre  aura  le 
pouvoir  d'opérer  des  miracles;  une  foule  de  saints 
ont  été  investis  de  cette  puissance.  Celui-ci  aura 
le  don  d'annoncer  avec  grâce  la  parole  de  Dieu  et 


LA  COMMUNION  DES  SAINTS.  391 

de  toucher  les  cœurs.  Celui-là  sera  doué  du  discer- 
nement des  esprits. 

Ces  sortes  de  dons  sont  appelés  par  les  théolo- 
giens, grâces  données  gratuitement,  gratiœ  gratis 
datœ  pour  les  distinguer  des  grâces  sanctifiantes, 
gratiœ  gratum  facientes.  En  effet,  ils  ne  supposent 
pas  nécessairement  la  sainteté  dans  ceux  qui  les 
reçoivent  ;  Dieu  les  accorde  quelquefois  aux  mé- 
chants. C'est  ainsi,  par  exemple,  que  le  devin 
Balaam  fut  réellement  inspiré  de  Dieu,  lorsque  in- 
vité à  maudire  Israël,  il  prédit  au  contraire  que  le 
Messie  sortirait  de  la  tige  de  ce  peuple.  Le  méchant 
pontife  des  juifs,  Caïphe,  fit  de  même  une  vraie 
prophétie,  au  témoignage  de  l'évangéliste  saint 
Jean,  lorsqu'il  dit  qu'il  était  expédient  qu'un  seul 
homme  mourut  pour  tout  le  peuple. 

Cesdons,  le  Seigneur  les  distribue',  comme  il  lui 
plaît ,  moins  pour  l'utilité  de  ceux  à  qui  il  les 
accorde,  que  pour  l'avantage  public  et  pour  l'édi- 
fication de  l'Eglise.  Vous  en  avez  la  preuve  dans 
le  don  de  guérir  les  maladies.  Il  est  évident  que  ce 
sont  les  malades  qui  en  profitent  et  non  celui  qui  a 
le  pouvoir  d'opérer  leur  guérison. 

4  0.  Enfin,  la  communion  des  saints  s'étend  en 
quelque  manière  jusqu'aux  biens  temporels. 

Un  vrai  chrétien  ne  possède  rien  qu'il  ne  doive 
regarder  comme  une  partie  du  domaine  commun. 
Voici  en  quel  sens  :  Il  faut  qu'il  soit  toujours  prêt, 
et  même  enclin  à  partager  son  bien  avec  les  pau- 
vres. En  effet,  celui  qui  est  pourvu  des  biens  tem- 


392  LA  COMMUNION  DES  SAINTS. 

porels,  et  qui,  voyant  son  frère  dans  l'indigence, 
néglige  de  le  secourir,  celui-là  ne  pèche-t-il  pas 
contre  la  charité?  Les  membres  d'un  même  corps 
ne  doivent-ils  pas  se  soulager  réciproquement? 

En  vertu  delà  communion  des  saints,  nous  som- 
mes donc  obligés  d'assister  le  prochain  dans  ses 
nécessités. 


CONCLUSION. 


1 1 .  Nous  venons  de  la  considérer,  telle  qu'elle 
existe  dans  l'Eglise  militante  et  sur  la  terre.  Mais 
la  communion  des  saints  unit  toutes  les  parties  de 
l'Eglise.  Elle  embrasse  par  conséquent  aussi  l'E- 
glise triomphante  qui  règne  dans  les  cieux  et  l'E- 
glise souffrante  qui  gémit  dans  le  purgatoire. 

Oui,  de  même  que  les  prières  et  les  bonnes 
œuvres  des  justes  qui  sont  sur  la  terre  sont  utiles 
à  tous  leurs  frères  en  Jésus-Christ,  de  même  les 
prières  et  les  mérites  des  saints  qui  sont  au  ciel  pro- 
curent toutes  sortes  de  grâces  au  reste  de  l'Eglise, 
c'est-à-dire,  aux  vivants  et  aux  morts.  Nous  mê- 
mes qui  sommes  encore  dans  l'exil,  nous  pouvons 
intercéder  avec  succès  en  faveur  des  âmes  du  pur- 
gatoire. 

La  mort  qui  brise  tous  les  liens  n'est  pas  capa- 
ble de  rompre  ceux  de  la  chanté.  Il  ne  faut  pas 
croire  que  les  joies  du  ciel  empêchent  les  saints  de 
s'intéresser  à  nous,  d'écouter  nos  prières  et  de  les 
appuyer  de  tout  leur  crédit  auprès  de  la  majesté 
divine.  Il  ne  faut  pas  croire  non  plus  qu'il  y  ait 


LA  COMMUNION  DES  SAINTS.  393 

entre  les  âmes  du  purgatoire  et  nous  une  barrière 
infranchissable.  Elles  sont  sorties  de  ce  monde 
dans  la  grâce  de  Dieu  ;  la  communion  des  saints 
subsiste  toujours  pour  elles;  c'est  pourquoi  nous 
pouvons  acquitter  leurs  dettes  envers  la  justice 
divine.  S'il  en  était  autrement,  l'Esprit-Saint  ne 
nous  aurait  pas  avertis  que  c'est  une  sainte  et  sa- 
lutaire pensée  de  prier  pour  les  morts,  afin  qu'ils 
soient  délivrés  de  leurs  péchés.  Sancta  et  salubris 
est  cogitatio  pro  defunctis  exorare,  ut  a  peccatis 
solvantur.  (2.  Machab.  xii.) 

Qu'elles  sont  donc  étendues,  qu'elles  sont  ad- 
mirables ,  les  relations  que  la  foi  et  la  charité 
établissent  entre  tous  les  membres  de  l'Eglise  !  A 
leur  tête,  je  vois  Jésus-Christ,  le  Fils  de  Dieu,  as- 
sis sur  un  trône  de  gloire,  à  la  droite  de  Dieu  son 
Père.  Et  qu'y  fait-il  ?  Il  plaide  notre  cause  auprès 
de  lui.  Au-dessous  de  Jésus-Christ,  je  vois  Marie, 
sa  sainte  et  immaculée  Mère,  qui  ne  cesse  d'offrir 
ses  prières  à  son  divin  Fils  pour  toute  l'Eglise,  et 
principalement  pour  ses  serviteurs  qui  l'invoquent 
avec  confiance.  Tous  les  chœurs  des  anges  et  des 
saints  s'unissent  à  Marie,  afin  de  faire  descendre 
sur  nous  l'abondance  des  miséricordes  divines.  Oh  ! 
il  se  passe  entre  le  ciel  et  la  terre  plus  de  choses 
qu'on  ne  pense  !  Comment  expliquer  autrement 
tant  de  grâces  et  de  bienfaits  que  le  Seigneur  pro- 
digue aux  mortels  coupables,  nonobstant  leurs  pé- 
chés et  leurs  ingratitudes  continuelles. 

Cultivons  ces  saintes  relations,  si  favorables  à 


394  LA  COMMUNION  DES  SAINTS. 

notre  salut,  en  invoquant  souvent  les  saints  et  sur- 
tout la  Reine  des  saints,  l'auguste  Vierge  Marie. 

D'autre  part,  puisque  tout  commerce  ne  nous  est 
pas  interdit  avec  les  défunts,  que  la  charité  nous 
fasse  souvent  penser  à  les  soulager.  Si  elle  nous 
oblige  à  donner  à  boire  à  celui  qui  a  soif,  à  visiter 
les  prisonniers,  à  consoler  les  affligés,  pouvons- 
nous  ne  pas  nous  sentir  émus  de  pitié,  quand  nous 
nous  rappelons  l'état  de  ces  âmes  en  proie  aux  ri- 
gueurs de  la  justice,  en  proie  à  une  affliction  et  à 
une  misère  incompréhensible?  Oui,  contribuons  de 
tout  notre  pouvoir  à  leur  soulagement,  et,  délivrées 
par  nos  prières,  elles  iront  grossir  le  nombre  de 
nos  avocats  dans  le  ciel. 

Voilà  donc  jusqu'où  s'étend  la  communion  des 
saints.  Nous  en  avons  vu  les  précieux  avantages. 
Que  nous  sommes  heureux,  chrétiens,  de  pouvoir 
en  jouir  !  de  nous  savoir  aidés  du  patronage  des 
saints  et  fortifiés  par  les  prières  et  les  mérites  des 
justes  de  la  terre!  N'est-ce  pas  là  comme  un  avant- 
goùt  de  la  félicité  du  ciel  où  nous  serons  enivrés 
des  biens  de  la  maison  de  Dieu?  Disons  donc  avec 
le  psalmiste  :  «  Que  vos  tabernacles  sont  aimables, 
Seigneur,  Dieu  des  vertus  !  Mon  âme  soupire  et  lan- 
guit, impatiente  d'entrer  dans  les  parvis  du  Sei- 
gneur. Heureux,  ô  mon  Dieu,  ceux  qui  habitent 
dans  votre  maison  !  Quam  dilecta  Tabernacula  tua, 
Domine,  Deus  virtutum  !  Concupiscit  et  déficit 
anima  mea  in  atria  Domini.  Beati  qui  habitant  in 
domo  tua,  Domine!  »  (Ps.  lxxxiii.) 


noie.  395 


NOTE. 


Comment  nomme-t-on  l'union  qui  est  entre  tous  les 
membres  de  l'Eglise? 

On  la  nomme  la  communion  des  Saints. 

Communion.  C'est  un  mot  latin,  qui  veut  dire  la  même 
chose  que  liaison,  société,  communication,  union. 

Des  saints.  Parce  que  tous  les  membres  de  l'Eglise  ont 
été  sanctifiés  par  le  Baptême  ;  que  tant  qu'ils  en  conservent 
la  grâce,  ou  lorsque  l'ayant  perdue,  ils  l'ont  recouvrée  par 
la  pénitence,  ils  sont  saints  :  et  que  toujours  ils  sont 
appelés  à  la  sainteté.  C'est  pourquoi,  quand  saint  Paul 
parlait  des  fidèles  de  son  temps,  ou  qu'il  leur  écrivait,  il 
leur  donnait  toujours  le  nom  de  saints. 

En  quoi  consiste  la  communion  des  saints? 

En  deux  choses  :  1 .  En  l'union,  soit  intérieure,  soit  ex- 
térieure, qui  subsiste  entre  tous  les  membres  de  l'Eglise, 
ainsi  que  nous  venons  de  l'expliquer. 

2.  Dans  la  communication  que  les  membres  de  l'Eglise 
se  font  entre  eux  des  biens  spirituels  qui  leur  sont  propres. 

Quels  sont  ces  biens  spirituels  que  les  membres  de  l'E- 
glise se  communiquent  les  uns  aux  autres  ? 

Les  prières,  les  bonnes  œuvres,  les  grâces,  les  sacre- 
ments. 

Cette  communication  de  biens  spirituels  ne  se  fait-elle 
qu'entre  les  membres  de  l'Eglise  de  la  terre  ? 

Elle  se  fait  entre  les  membres  des  trois  Eglises  :  de  l'E- 
glise de  la  terre,  de  celle  du  ciel,  et  de  celle  du  Purgatoire. 


396  NOTE. 

Cumme  ils  ne  font  tous  qu'un  seul  corps,  ils  participent 
aussi  tous  aux  mêmes  biens,  autant  que  chacun  d'eux  en 
est  capable,  selon  l'état  où  il  se  trouve. 

Gomment  se  fait  la  communication  des  prières  et  des 
grâces  entre  les  saints  qui  sont  d3ns  le  ciel  et  les  fidèles 
qui  vivent  sur  la  terre? 

Par  les  prières  qu'on  adresse  aux  saints,  et  les  secours 
que  les  saints  procurent. 

Comment  se  fait  cette  communication  entre  les  Fidèles, 
qui  vivent  sur  la  terre,  et  les  âmes  du  Purgatoire? 

Par  les  bonnes  œuvres,  les  prières,  le  sacrifice  des  Fi- 
dèles qui  vivent  sur  la  terre,  par  lesquels  les  âmes  du  Pur- 
gatoire sont  soulagées. 

Comment  se  fait  celte  communication  entre  tous  les  Fi- 
dèles qui  vivent  sur  la  terre? 

1 .  En  ce  que  tous  ont  part  aux  prières,  au  Sacrifice,  aux 
bonnes  œuvres,  aux  grâces,  aux  sacrements,  à  la  Foi  de 
l'Eglise. 

2.  En  ce  que  les  grâces  que  chacun  reçoit,  et  les  bonnes 
œuvres  qu'il  fait,  profitent  a  tous  les  autres.  (Pouget,  Ins- 
tructions générales  en  forme  de  catéchisme  *\  p.  sect.  2, 
chap.  3.) 


Xe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO    REMISSIONEM    PECCATORUM.    —    JE  CROIS 
LA  RÉMISSION  DES  PÈCHES. 


INSTRUCTION  UNIQUE 

POUVOIR    DE    L'ÉGLISE    POUR    REMETTRE    LES    PÉCHÉS. 
GRANDEUR    DE    CE    BIENFAIT. 


EXORDE. 

1 .  Le  dixième  article  du  Symbole  nous  fait  une 
obligation  de  croire  qu'il  y  a  rémission  des  péchés 
dans  l'Eglise.  On  ne  peut  douter  de  cette  vérité, 
sans  abjurer  la  foi  chrétienne,  et  sans  se  mettre 
hors  de  la  voie  du  salut.  Déjà,  nous  l'avons  fait 
remarquer  :  tous  les  articles  contenus  dans  le 
Symbole  sont  autant  de  points  qu'il  faut  admettre 
et  croire  fermement,  si  l'on  veut  parvenir  au  salut, 

Parlant  à  des  enfants  fidèles  de  l'Eglise,  je  n'in- 
sisterai pas  sur  la  nécessité  de  croire  la  rémission 
des  péchés.  Qu'il  me  suffise  de  vous  rappeler  une 
des  paroles  du  wSauveur  à  ce  propos.  Quelque 
temps  avant  de  monter  au  ciel,  il  ouvrit  l'esprit  de 
ses  disciples,  dit  l'Evangéliste  saint  Luc,  afin  de 


398  POUVOIR  DE  L  ÉGLISE 

leur  donner  l'intelligence  des  Ecritures  ;  après 
quoi,  il  leur  dit  :«  11  fallait  que  le  Christ  souffrît  et 
qu'il  ressuscitât  d'entre  les  morts  le  troisième  jour, 
et  qu'ensuite  la  pénitence  et  la  rémission  des  pé- 
chés fussent  prèchées  a  toutes  les  nations,  à  com- 
mencer par  Jérusalem.  Oportebat  Christum  pati, 
et  resurgere  à  mortuis  tertia  die,  et  praedicari  in 
nomine  ejus  pœnitentiam,  et  remissionem  pecca- 
torum  in  omnes  gentes,  incipientibus  ab  Hieroso- 
lyma.  »  [Luc.  xxiv.) 

2.  Vous  l'entendez  :  notre  Seigneur  recom- 
mande à  ses  apôtres  et  à  leurs  successeurs  de  prê- 
cher partout  en  son  nom  la  pénitence  et  la  rémis- 
sion des  péchés.  C'est  avec  joie  et  consolation 
que  je  m'acquitte  de  ce  devoir.  Quoi  de  plus  heu- 
reux pour  un  pasteur  que  d'annoncer  aux  âmes 
qui  lui  sont  confiées,  les  miséricordes  du  Seigneur? 
Est-il  une  vérité  plus  capable  de  ranimer  notre 
confiance?  Nous  sommes  tous  pécheurs  ;  tous  nous 
avons  offensé  Dieu  en  beaucoup  de  choses  :  «  In  mul- 
tis  offendimus  omnes.  »  Mais  la  foi  nous  apprend 
que  tout  n'est  pas  perdu,  qu'il  y  a  encore  une  res- 
source pour  nous,  quelque  grands  pécheurs  que 
nous  ayons  été.  Ecoutons  avec  une  pieuse  grati- 
tude ce  qu'elle  nous  apprend  touchant  la  rémission 
des  péchés,  et  ne  manquons  point  ensuite  de  pro- 
fiter d'une  grâce  si  précieuse. 

Je  vais  donc  vous  exposer,  dans  cet  entretien, 
premièrement  par  quels  moyens  et  de  quelle  ma- 


POUR  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.  399 

nière  se   fait  cette  rémission,    et   secondement, 
quelle  est  la  grandeur  de  ce  bienfait. 

PREMIER  POINT. 

3.  11  y  a  rémission  des  péchés  dans  l'Eglise. 

Le  prophète  Isaïe  avait  cette  vérité  devant  les 
yeux,  lorsqu'il  disait  :  «  Le  peuple  qui  habite  dans 
Sion  sera  purifié  de  ses  iniquités.  Populus  qui 
habitat  in  ea,  auferetur  ab  eo  iniquitas.  »  Usa,  lui.) 
Sion,  dans  cette  prophétie,  désigne  la  sainte  Eglise. 
Ainsi  tout  fidèle  doit  avoir  cette  confiance  que  ses 
péchés  lui  seront  pardonnes  par  les  mérites  de 
Jésus-Christ. 

Mais,  est-ce  là  tout  ce  que  le  Symbole  veut  nous 
faire  entendre? 

Non  ;  car,  s'il  en  était  ainsi,  on  pourrait  dire 
qu'il  n'y  a  rien  en  cela  de  nouveau,  puisque,  même 
sous  la  loi  ancienne,  les  serviteurs  de  Dieu  ont  pu 
obtenir  le  pardon  de  leurs  offenses,  par  la  péni- 
tence et  en  vertu  des  mérites  anticipés  du  Sau- 
veur. 

Qu'y  a-t-il  donc  ici  de  particulier  à  l'Eglise? 
Qu'a-t-elle  de  plus  que  la  loi  ancienne? 

Il  y  a  ceci  de  particulier,  que  Jésus-Christ  lui  a 
donné  le  pouvoir  de  remettre  et  de  retenir  les 
péchés,  pouvoir  qui  n'existait  pas  dans  l'ancien 
peuple  de  Dieu.  Par  suite  de  ce  pouvoir,  chaque 
fois  qu'un  prêtre  de  la  loi  nouvelle  absout  légitime- 
ment et  selon  les  règles  établies  par  notre  Sei- 


400  pouvoir  de  l'église 

gneur,  les  péchés   sont   véritablement  remis  et 
pardonnes. 

Tel  est  le  privilège  glorieux  de  l'Eglise,  et  voilà 
ce  que  nous  devons  entendre  et  croire,  quand 
nous  disons  cette  parole  du  Symbole  :  je  crois  la 
rémission  des  péchés.  C'est  ce  que  nous  explique- 
rons plus  amplement,  en  traitant  du  sacrement  de 
pénitence. 

4.  Mais,  par  quels  moyens  les  péchés  nous  sont- 
ils  remis,  et  jusqu'où  s'étend  cette  rémission? 

Les  péchés  nous  sont  remis,  premièrement, 
par  le  Baptême,  et  alors,  c'est  de  la  manière  la 
plus  complète. 

Quand  un  sujet  est  présenté  au  Baptême,  on  lui 
fait  faire  la  profession  de  foi.  Cette  profession 
faite,  on  verse  l'eau  sainte  sur  lui,  et  à  peine  a-t- 
elle  lavé  son  front  que  tous  ses  péchés  sont  effacés. 
Le  Baptême  efface  non-seulement  le  péché  origi- 
nel, mais  encore  tous  les  autres  péchés  qu'on 
aurait  commis  par  sa  volonté  propre,  tant  les 
péchés  d'action  que  les  péchés  d'omission.  Ce  n'est 
pas  tout  :  dans  le  Baptême,  Dieu  nous  accorde 
encore  une  amnistie  pleine  et  entière  pour  toutes 
les  peines  dues  à  nos  péchés. 

Ainsi,  dans  ce  sacrement,  la  miséricorde  divine 
s'exerce  envers  nous  dans  toute  sa  plénitude. 

Le  Baptême  cependant  ne  nous  délivre  pas  de 
toutes  les  infirmités  de  la  nature. 

Le  foyer  de  la  concupiscence  demeure  en  nous, 
comme  un  aiguillon  qui  nous  excite  au  mal.  Fidèles 


POUR  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.  401 

à  la  grâce  du  Baptême,  nous  sommes  en  état  de 
résister  à  nos  mauvais  penchants.  Mais,  hélas  !  où 
sont  les  hommes  qui  ne  manquent  jamais  de  cou- 
rage ou  de  vigilance  dans  cette  lutte  des  passions? 
Où  sont  ceux  qui  ne  sont  jamais  blessés  dans  cette 
guerre?  Le  plus  grand  nombre  n'éprouve  que 
trop  l'effet  de  la  fragilité  humaine.  Ils  sont  rares 
ceux  qui  conservent  avec  une  fidélité  parfaite  l'in- 
nocence qu'ils  ont  reçue  au  Baptême. 

De  là,  la  nécessité  d'un  autre  moyen  pour  obte- 
nir la  rémission  des  péchés  commis  après  le  Bap- 
tême. 

5.  Ce  second  moyen,  c'est  le  sacrement  de 
Pénitence. 

En  l'instituant,  Jésus-Christ  a  confié  à  son 
Eglise  les  chefs  du  royaume  des  cieux  ;  il  lui  a 
donné  le  pouvoir  de  pardonner  aux  pécheurs 
repentants,  lors  même  qu'ils  auraient  péché  jus- 
qu'au dernier  jour  de  leur  vie. 

Les  témoignages  de  l'Ecriture  sont  des  plus 
clairs.  Dans  saint  Matthieu,  notre  Seigneur  tient 
ce  langage  à  saint  Pierre  :  ce  Je  te  donnerai  les 
clefs  du  royaume  des  cieux.  Tout  ce  que  tu  lieras 
sur  la  terre,  sera  lié  dans  le  ciel,  et  tout  ce  que  tu 
délieras  sur  la  terre  sera  aussi  délié  dans  le  ciel. 
Tibi  dabo  claves  regni  cœlorum,  et  quodeumque 
ligaveris  super  terram,  erit  ligatum  et  in  cœlis  : 
et,  quodeumque  solveris  super  terram,  erit  solu- 
tum  et  in  cœlis.  »  (Matth.  xvi.)  S'adressant  à  tous 
les  apôtres,  il  leur  dit  pareillement  :  «  Tout  ce  que 

SYMB.       H.  34 


402  POUVOIR  DE  l'église 

vous  lierez  sur  la  terre  sera  aussi  lié  dans  le  ciel, 
et  tout  ce  que  vous  aurez  délié  sur  la  terre,  sera 
aussi  délié  dans  le  ciel.  Quaecumque  alligaveritis 
super  terrain,  erunt  ligata  et  in  cœlo  :  et  quaecum- 
que solveritis  super  terrain,  erunt  soluta  et  in 
cœlo.  »  {Mat th.  xvm.)  Saint  Jean  atteste  encore 
que  notre  Seigneur,  ayant  soufflé  sur  ses  apôtres, 
leur  parla  en  ces  termes  :  «  Recevez  le  Saint- 
Esprit  :  les  péchés  seront  remis*à  ceux  à  qui  vous 
les  remettrez,  et  ils  seront  retenus  à  ceux  à  qui 
vous  les  retiendrez.  Accipite  Spiritum  Sanctum  : 
quorum  remiseritis  peccata,  remittentur  eis  :  et 
quorum  retinueritis,  retenta  sunt.  »  (Joann.  xx.) 

6.  Le  pouvoir  de  l'Eglise  est  donc  indubitable. 
Je  viens  de  vous  en  montrer  l'origine  et  pour  ainsi 
dire  le  diplôme.  Elle  en  a  toujours  fait  usage;  la 
tradition  tout  entière  le  témoigne.  Mais  il  faut  voir 
maintenant  quelle  en  est  l'étendue. 

D'abord,  nulle  restriction,  quant  à  l'espèce  de 
péchés, 

Notre  Seigneur  parle  de  péchés  en  général  sans 
en  excepter  aucun.  Si  horribles  qu'on  puisse  les 
commettre  ou  les  imaginer,  il  n'en  est  aucun  dont 
l'Eglise  ne  puisse  absoudre. 

Ainsi,  quelque  coupable,  quelque  pervers  que 
soit  un  pécheur,  il  peut  espérer  son  pardon  avec 
assurance,  moyennant  qu'il  se  repente. 

Mais  la  puissance  de  l'Eglise  n'est-elle  pas  limi- 
tée quant  au  temps?  N'expire-t-elle  pas  après 
qu'elle  en  a  usé  un  certain  nombre  de  fois? 


P01R  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.         403 

Non,  cette  puissance  n'est  pas  plus  restreinte 
quant  au  temps  qu'elle  ne  l'est  en  ce  qui  concerne 
l'espèce  de  péchés.  Autant  de  fois  un  pécheur 
demande  sincèrement  pardon,  à  quelque  heure 
qu'il  ait  la  volonté  de  s'amender,  quand  ce  serait 
au  dernier  instant  de  sa  vie,  il  doit  être  accueilli  ; 
il  est  défendu  de  le  rebuter  ;  notre  Seigneur  l'a 
marqué  expressément.  Saint  Pierre  lui  demandant 
s'il  fallait  porter  la  clémence  jusqu'à  pardonner 
sept  fois  :  «  Je  ne  vous  dis  pas  sept  fois,  lui  répond 
le  Sauveur,  mais  jusqu'à  septante  fois  sept  fois.  r> 
C'est-à-dire,  toujours.  «  Non  dico  libi  usque  sep- 
ties,  sed  usque  septuagies  septies.  »  (Matîh.  xviii.) 

Notre  Seigneur  a  donc  conféré  à  son  Eglise  un 
pouvoir  sans  bornes  pour  pardonner  tous  les  pé- 
chés et  pour  les  pardonner  toujours. 

7.  La  seule  restriction  qu'il  ait  mise  à  ce  pou- 
voir consiste  en  ce  qu'il  en  a  délégué  l'exercice  à 
certains  ministres  choisis. 

Tout  fidèle  ne  le  possède  pas.  Notre  Seigneur 
n'a  pas  communiqué  un  ministère  si  relevé  à  tout 
le  monde;  il  en  a  fait  la  prérogative  des  évoques 
et  des  prêtres.  11  a  prescrit  de  plus  la  manière 
d'exercer  ce  pouvoir.  Les  prêtres  et  les  évoques 
ne  peuvent  remettre  les  péchés  qu'au  moyen  des 
sacrements  administrés  selon  la  forme.  L'Eglise  ne 
peut  les  remettre  autrement. 

Concluons  de  là  que  c'est  Jésus-Christ  lui-même, 
l'auteur  et  le  dispensateur  de  notre  salut ,  qui 
opère  en  nous  le  pardon  et  la  justification  ;  quant 


404  POUVOIR  DE  l'église 

aux  sacrements  et  aux  ministres  qui  les  confèrent, 
ils  ne  sont  que  des  instruments  de  son  choix  et 
dont  il  se  sert  pour  répandre  en  nous  ses  grâces. 

Voilà  le  don  précieux  que  le  Sauveur  a  daigné 
faire  à  son  Eglise.  Quelle  miséricorde!  quelle 
bonté  !  Ah  !  que  nous  serions  coupables,  si  nous 
n'en  concevions  pas  la  plus  haute  estime,  et  si  nous 
négligions  d'en  profiter  ! 

Pour  éviter  ce  malheur,  appliquons-nous  à  con- 
sidérer quel  est  ce  bienfait  de  la  rémission  des 
péchés  ;  tâchons,  autant  qu'il  est  en  nous,  d'en  ap- 
précier l'excellence  et  la  grandeur. 

SECOND  POINT. 

8.  Elles  doivent  se  mesurer,  d'abord,  sur  la 
puissance  requise  pour  pardonner  le  péché  et  jus- 
tifier le  pécheur. 

Or,  quelle  puissance  faut-il  pour  cela? 

La  puissance  même  de  Dieu,  une  puissance  im- 
mense, infinie,  telle  qu'il  faut  pour  ressusciter  les 
morts  et  pour  créer  le  monde.  C'est  trop  peu  dire  ; 
car,  selon  la  pensée  de  saint  Augustin,  la  justifi- 
cation d'un  pécheur  est  une  œuvre  plus  difficile 
que  la  création  du  monde. 

Si  donc  celle-ci  suppose  une  puissance  infinie, 
à  plus  forte  raison  celle-là.  Ainsi  c'est  Dieu,  et 
Dieu  seul  qui  peut  remettre  les  péchés. 

Les  Pères  tiennent  unanimement  cette  doctrine; 
nous  ne  sommes  ici  que  leur  fidèle  écho.  Oui,  une 


POUR  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.  405 

œuvre  si  merveilleuse  ne  peut  être  attribuée  qu'à 
une  bonté  et  à  une  puissance  souveraine.  «  C'est 
moi,  dit  le  Seigneur  par  son  prophète,  c'est  moi- 
même  qui  efface  les  iniquités.  Ego  sum,  ego  sum 
ipse  qui  deleo  iniquitates  tuas.  »  [Isa.  xliii) 

La  simple  raison  d'ailleurs  nous  le  dit  assez. 
Une  dette  peut-elle  être  remise  par  un  autre  que 
par  le  créancier?  Il  est  indubitable  que  non.  Lui 
seul  est  le  maître  de  son  bien  et  peut  en  disposer  à 
son  gré;  lui  seul  par  conséquent  peut  faire  grâce 
à  son  débiteur. 

Or,  le  péché  est  une  vraie  dette  ;  c'est  une  dette 
contractée  envers  la  justice  de  Dieu;  une  dette 
pour  laquelle  nous  sommes  passibles  d'un  châti- 
ment soit  temporel,  soit  éternel,  selon  que  la  faute 
est  plus  légère  ou  plus  grave.  Donc,  encore  une 
fois,  c'est  à  Dieu  seul  qu'il  appartient  de  nous  par- 
donner, c'est-à-dire,  de  nous  rendre  sa  bienveil- 
lance, si  nous  l'avons  perdue,  d'effacer  les  taches 
de  notre  âme,  de  nous  accorder  la  remise  ou  la 
commutation  de  la  peine  que  nous  avons  méritée. 

C'est  pour  cela  que  nous  disons  tous  les  jours 
dans  l'Oraison  Dominicale  :  ce  Pardonnez-nous  nos 
offenses,  ou,  remettez-nous  nos  dettes  :  Dimitte 
nobis  débita  nostra.  » 

9.  Et  voyez  de  quelle  manière  admirable  Dieu  a 
délégué  sa  puissance  à  l'Eglise. 

Avant  que  le  divin  Rédempteur  parut  sur  la 
terre,  nul  homme  au  monde  n'en  avait  reçu  com- 
munication. Jésus-Christ,  en  tant  qu'homme,  car 


.406  POUVOIR  DE  l'église 

il  l'est  aussi  véritablement  qu'il  est  Dieu,  est  le 
premier  à  qui  le  Père  céleste  en  ait  fait  part.  Le 
Sauveur  lui-même  nous  l'apprend.  Les  Juifs  mur- 
murant un  jour  de  ce  qu'il  s'attribuait  le  droit  de 
remettre  les  péchés,  voici  comment  il  les  confondit. 
Un  paralytique  gisait  dans  son  lit  en  présence 
d'une  foule  de  peuple.  Lequel  des  deux,  demanda 
alors  le  Sauveur  aux  pharisiens,  est  le  plus  facile, 
ou  de  remettre  les  péchés  ou  de  commander  à  cet 
homme  d'emporter  son  lit  et  de  marcher?  Or, 
ajouta-t-il,  pour  que  vous  sachiez  que  le  Fils  de 
l'homme  a  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés  sur  la 
terre  :  Lève-toi,  dit-il  au  malade,  emporte  ton  lit  et 
retourne  en  ta  maison.  Le  paralytique  obéit,  et  ce 
miracle  ferma  la  bouche  aux  ennemis  du  Sauveur. 

Comme  il  s'était  incarné,  afin  de  mériter  et  d'ac- 
corder aux  hommes  le  pardon  de  leurs  péchés, 
avant  de  monter  au  ciel,  pour  siéger  à  jamais  a  la 
droite  du  Père,  il  délègue  la  puissance  d'absoudre 
a  son  Eglise,  c'est-à-dire,  aux  évèques  et  aux 
prêtres. 

Il  y  a  toutefois  une  différence  essentielle  entre 
la  manière  dont  Jésus-Christ  et  ses  ministres  re- 
mettent les  péchés.  Nous  l'avons  déjà  signalée  :  les 
prêtres  absolvent  en  qualité  de  représentants  de 
Jésus-Christ  ;  Jésus-Christ  absout  de  sa  propre 
autorité. 

Quelle  estime  ne  devons-nous  pas  faire  de  la 
grâce  qu'il  a  accordée  à  son  Eglise!  Si  nous  admi- 
rons la  puissance  divine  dans  les  merveilles  de  la 


POUR  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.  407 

nature,  comment  pourrons-nous  assez  reconnaître 
cette  merveille  plus  grande  de  la  rémission  des 
péchés?  Pourrons-nous  jamais  assez  en  bénir  la 
bonté  divine? 

10.  Mais  voulons-nous  encore  mieux  compren- 
dre l'excellence  de  ce  bienfait?  considérons  de 
quel  moyen  Dieu  s'est  servi,  afin  d'effacer  les  pé- 
chés du  monde. 

Le  Père  éternel  a  voulu  que  nos  crimes  fussent 
expiés  par  le  sang  de  son  Fils.  Le  Fils  a  subi  de 
son    plein  gré  le  châtiment  dû    à  nos  iniquités. 

«  Oblatus  est,  quia  ipse  voluit Posuit  Dominus 

in  eo  iniquitatem  omnium  nostrùm.  Le  Seigneur 
l'a  chargé  de  nos  iniquités,  et  il  a  été  immolé  par- 
ce qu'il  l'a  bien  voulu.  »  {Isa.  lui.)  Juste,  il  a  été 
condamné  pour  les  injustes;  innocent,  il  a  souffert 
une  mort  cruelle  pour  les  coupables  :  «  Christus 
semel  pro  peccatis  nostris  mortuus  est,  justuspro 
injustis.  »  (7  Peir.  m.) 

«  Nous  n'avons  pas  été  rachetés  au  prix  d'un 
métal  corruptible,  à  prix  d'or  ou  d'argent  ;  mais, 
dit  le  Prince  des  apôtres,  au  prix  du  sang  précieux 
de  Jésus-Christ,  l'Agneau  sans  tache  et  sans  souil- 
lure. Non  corruptibilibus  auro  et  argento  redempti 

estis ,  sed  pretioso  sanguine  quasi  Agni  imma- 

culati  Christi  et  incontaminati.  »  [4  Petr.i.) 

Or,  ce  sont  les  mérites  de  ce  sang  divin  que 
l'Eglise  nous  applique  par  le  bienfait  de  l'absolu- 
tion. Ne  suffit-il  pas  de  considérer  ce  qu'il  a  coûté 
au  Sauveur,  pour  l'apprécier  ?  Quelle  charité  et 


408  pouvoir  de  l'église 

quelle  providence  de  sa  part,  d'avoir  mis  entre  les 
mains  de  l'Eglise  un  pouvoir  si  salutaire  !  et  ne 
sommes-nous  pas  heureux,  nous,  pauvres  pé- 
cheurs, sujets  à  tant  de  faiblesses  et  de  chutes,  de 
posséder  le  moyen  d'effacer  nos  péchés? 

1 1 .  Une  troisième  considération  achèvera  de 
nous  faire  sentir  l'excellence  de  ce  bienfait. 

Qu'arrive- t-il  à  celui  qui  offense  Dieu  par  un 
péché  mortel?  Sur-le-champ  il  est  dépouillé  de 
tous  les  mérites  qu'il  avait  acquis  en  vertu  de  la 
mort  et  de  la  croix  de  Jésus-Christ.  Le  ciel,  fermé 
d'abord  par  le  péché  d'Adam,  puis  rouvert  aux 
hommes  par  le  sang  de  la  rédemption,  lui  est  fer- 
mé de  nouveau,  et  l'entrée  lui  en  est  absolument 
interdite.  Le  voilà,  ce  malheureux,  dans  l'état  dé- 
plorable où  était  Adam  après  sa  chute.  Qu'a-t-il 
en  perspective?  Disgracié  de  Dieu,  il  ne  peut  plus 
s'attendre  qu'à  être  séparé  de  lui  pour  jamais.  Il  a 
perdu  son  Dieu,  il  a  perdu  le  ciel,  et  l'enfer  ouvre 
déjà  ses  abîmes  sous  ses  pas;  il  y  sera  infaillible- 
ment englouti,  si  la  mort  vient  à  le  frapper  dans 
l'état  du  péché. 

Peut-on  penser  aux  suites  désastreuses  d'un 
péché  mortel  sans  frémir? 

Mais,  tournons  les  yeux  vers  cette  admirable 
puissance  que  l'Eglise  a   reçue  pour  pardonner. 

0  Dieu  !  comment  ne  pas  tressaillir  de  joie  ! 
comment  ne  pas  vous  combler  d'immortelles 
louanges  !  La  foi  dit  à  ce  pauvre  désespéré  que 
tout  n'est  pas  perdu.  Elle  fait  entendre  à  ce  mort 


POUR  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.  409 

une  parole  de  résurrection  et  de  vie.  Courage! 
lui  dit-elle,  mon  enfant  :  il  y  a  rémission  des  pé- 
chés. Ta  malice  peut  être  énorme,  tes  péchés  plus 
grands  que  les  montagnes,  plus  nombreux  que  les 
cheveux  de  ta  tète,  plus  noirs  que  le  charbon  ; 
relève-toi  cependant  et  ranime  ta  confiance.  Alors, 
elle  lui  montre  dans  l'Eglise  un  tribi.tial  de  misé- 
ricorde. Là,  mon  fils,  lui  dit-elle  encore,  tout  pé- 
cheur, quels  que  soient  ses  crimes,  peut,  avec  le 
secours  de  la  grâce,  être  réintégré  dans  sa  dignité 
d'enfant  de  Dieu;  et  cette  grâce,  Dieu  l'offre  à 
tous  ;  il  te  l'offre  aussi  à  toi-même. 

Tel  est  le  langage  que  la  foi  adresse  à  tous  ceux 
qui  ont  eu  le  malheur  de  tomber  dans  le  péché. 
Qu'il  est  consolant  !  et  Dieu  pouvait-il  nous  don- 
ner un  gage  plus  sensible  de  sa  clémence  ?  Pou- 
vait-il nous  prouver  d'une  manière  plus  convain- 
cante qu'il  est  le  Père  des  miséricordes  et  le  Dieu 
de  toute  consolation? 

CONCLUSION. 

4  2.  Rien  de  plus  encourageant  clans  les  maladies 
que  de  savoir  qu'elles  ne  sont  pas  incurables.  Alors, 
on  recourt  avec  empressement  à  l'art  des  méde- 
cins, et  quelque  amère  que  soit  la  potion  qu'ils 
prescrivent,  on  s'y  soumet  de  bon  cœur;  le  désir 
de  recouvrer  la  santé,  l'amour  de  la 'vie  nous  ren- 
dent agréables  les  remèdes  les  plus  pénibles.  Avec 
combien    plus  d'empressement  ne  devons-nous 

SYMB.       11.  35 


410  pouvoir  de  l'église 

pas  recourir,  dans  les  infirmités  de  l'âme,  à  ceux 
du  céleste  médecin?  Et  combien  il  est  plus  doux 
et  plus  agréable  d'y  recourir,  puisqu'il  s'agit  de 
guérir  et  de  ressusciter  nos  âmes?  Les  remèdes 
humains  sont  d'une  efficacité  douteuse  ;  nous  ne 
sommes  pas  sûrs  qu'ils  produiront  leur  effet  ;  mais 
les  remèdes  de  l'âme,  préparés  par  la  sagesse  di- 
vine, opèrent  infailliblement. 

Il  suffit  de  vouloir  guérir  et  d'en  user. 

13.  Usez-en  donc,  chrétiens,  mes  frères;  usez- 
en  avec  soin,  usez-en  avec  de  bonnes  dispositions 
pour  la  sanctification  de  vos  âmes.  Oui,  profitez 
du  pardon  que  Dieu  vous  offre.  Négliger  un  don 
si  utile,  si  nécesaire,  ne  serait-ce  pas  en  faire  du 
mépris?  Que  penseriez-vous  d'un  criminel,  qui, 
après  avoir  été  condamnée  mort  pour  ses  méfaits, 
et  sachant  qu'il  peut  obtenir  sa  grâce,  refuserait  de 
s'humilier  et  de  la  demander  ?  Nous  sommes  ce 
criminel.  Mille  fois  peut-être  nous  nous  sommes 
révoltés  contre  Dieu.  Sa  justice  a  déjà  prononcé 
notre  sentence  ;  mais  sa  miséricorde,  qui  veut 
notre  conversion  et  non  pas  notre  perte,  nous  in- 
vite et  nous  presse  de  recourir  à  la  pénitence.  Que 
nous  sommes  insensés,  téméraires ,  ennemis  de 
nous-mêmes,  si,  comme  cet  obstiné,  nous  rejetons 
la  grâce  qu'on  nous  présente,  si  nous  différons  de 
jour  en  jour  -de  la  recevoir  !  Et  ne  me  dites  pas 
que  vous  vous  en  reconnaissez  indigne,  que  votre 
péché  est  trop  grand,  qu'il  n'y  a  plus  de  miséri- 
corde pour  vous  ;  car  enfin,  pourquoi  le  Seigneur 


POUR  REMETTRE  LES  PÉCHÉS.  4  11 

aurait-il  donné  à  l'Eglise  le  pouvoir  dé  pardonner  ? 
N'est-ce  pas  en  faveur  des  coupables  et  des  plus 
grands  coupables?  N'est-ce  pas  pour  que  tous  in- 
distinctement puissent  en  profiter?  sans  nul  doute. 
Hâtez-vous  donc,  et  ne  tardez  pas  davantage  à 
venir  implorer  votre  pardon  dans  le  sacrement  de 
pénitence.  Venez  vous  purifier  dans  ce  bain  salu- 
taire qui  est  comme  un  supplément  du  Baptême. 

C'est  l'unique  moyen  de  vous  réconcilier  avec 
Dieu.  De  même  qu'on  ne  peut  être  lavé  de  la  tache 
originelle  sans  le  Baptême  ,  de  même,  sans  le  sa- 
crement de  pénitence,  vous  ne  pouvez  recouvrer 
l'innocence  perdue  par  le  péché  mortel. 

Mais  qu'elle  est  merveilleuse  la  puissance  de  ce 
sacrement  !  Combien  Dieu  s'y  montre  enclin  à  par- 
donner !  Autant  de  fois  que  vous  vous  en  appro- 
chez avec  un  sincère  repentir,  autant  de  fois  le 
Seigneur  vous  fait  entendre  par  son  ministre  la 
parole  du  pardon  et  de  la  paix.  En  vérité,  il  sem- 
ble y  prodiguer  sa  miséricorde  ! 

Que  cette  facilité  du  pardon,  que  cette  dispo- 
sition divine  à  pardonner  en  tout  temps,  ne  nous 
fasse  pas  cependant  pécher  avec  plus  de  liberté, 
ni  différer  notre  conversion.  Quoi  I  serions-nous 
donc  plus  prompts  à  pécher,  parce  que  Dieu  est 
prompt  à  pardonner?  Quel  oulrage  pour  la  bonté 
divine!  Oh  !  s'il  en  était  ainsi,  nous  nous  rendrions 
indignes  de  sa  miséricorde  par  l'abus  même  que 
nous  en  ferions  1  Qu'elle  soit  plutôt  un  motif  nou- 
veau pour  nous  de  craindre  le  péché  et  de  l'éviter 


i!i  POUVOIR  DE  l'église,  etc. 

avec  tout  le  soin  possible.  Gardons-nous  aussi  de 
bisser  la  patience  de  Dieu  par  nos  délais.  Il  n'est 
aucun  temps,  il  est  vrai,  où  il  ne  soit  prêt  à  accor- 
der le  pardon  au  repentir  ;  mais  s'il  a  promis  le 
pardon  au  repentir,  souvenez-vous  qu'il  n'a  pas 
promis  le  lendemain  au  pécheur.  A  quel  danger  ne 
vous  exposez-vous  pas,  en  différant  toujours  !  La 
mort  peut  vous  surprendre  a  tout  moment,  et  si 
elle  venait  à  vous  frapper  dans  l'état  du  péché , 
à  quoi  vous  servirait  d'avoir  cru  la  rémission  des 
péchés  !  Vos  retards  ne  serviraient  qu'à  vous  ren- 
dre plus  coupables,  et  dans  l'éternité  vous  seriez 
doublement  châtiés  d'avoir  cru  le  pardon  facile  et 
d'avoir  négligé  de  l'obtenir.  Prévenez  ce  malheur, 
en  répondant  sans  plus  tarder  à  la  voix  divine  qui 
vous  appelle  à  la  pénitence. 


NOTE.  413 


NOTE. 


Ultrum  Christus,  secundum  quod  homo,  habuerit  potes- 
tatem  operandi  interiorem  effectuai  Sacramentorum. 

Videtur  quod  Christus,  secuodum  quod  homo,  habuerit 
potestatem  operaadi  interiorem  effectum  sacramentorum  : 
Dicit  enim  Joannes  Baptista,  ut  habetur  Joan.  1.  Qui  me 
misit  baptizare  in  aqua,  ille  mihi  dixit  :  Super  quem  vide- 
ris  Spiritum  descendentem  et  manentem  super  eum,  hic 
est  qui  baptizat  in  Spiritu  sancto  :  Sed  baptizare  in  Spiritu 
sanclo,  est  interius  gratiam  Spiritus  sancti  conferre  :  Spi- 
ritus  sanctus  autem  descendit  super  Christum  in  quantum 
homo,  non  in  quantum  Deus;  quia  sic  ipse  dat  Spiritum 
sanctum  :  Ergo  videtur,  quod  Christus  secundum  quod 
homo,  habuerit.  potestatem  interiorem  effectum  sacramen- 
torum causandi. 

Praeterea,  Matth.  9.  Dominus  dicit,  sciatis  quia  Filins 
hominis  habet  potestatem  in  terra  dimittendi  peccata  :  sed 
remissio  peccatorum  est  inlerior  effectus  sacramenti  :  Ergo 
videtur,  quod  Christus  secundum  quod  homo,  interiorem 
effectum  sacramentorum  operetur. 

Praeterea,  institutio  sacramentorum  pertinet  ad  eum  qui 
tanquam  principale  agens  operatur  ad  interiorem  sacramenti 
effectum  :  Manifeslum  est  autem  quod  Christus  sacramenta 
instituit  :  Ergo,  ipse  est  qui  interius  operatur  sacramento- 
rum effectum. 

SYMB.      11.  35* 


414  NOTE. 

Prseterea,  Nullus  potest  sine  sacramento  effeclum  sacra- 
menti  conferre,  nisi  propria  virtute  sacramenti  effectum 
operetur  :  Sed  Christus  sine  sacramento  contulit  sacra- 
menti effectum;  ut  patet  in  Magdalena,  cui  dixit  :  Dimit- 
tuntur  tibi  peccata.  Ergo  videtur,  quod  Christus,  secun- 
dum  quod  homo,  operetur  interiorem  sacramenti  effectum. 

Praeterea,  Ulud  in  cujus  virtute  sacramentum  operatur, 
est  id  principale  agens  ad  interiorem  effectum  :  Sed  sacra- 
menta  habent  virtutem  ex  passione  Christi  et  invocatione 
nominis  ejus,  secundum  illud  1 .  ad  Cor.  1 .  Numquid  Paulus 
pro  vobis  crucifixus  est,  aut  in  nomine  Pauli  baptizati 
estis?  Ergo  Christus  in  quantum  homo,  operetur  interiorem 
effectum  sacramenti. 

Sed  contra  est,  quod  Augustinus  dicit,  quod  insacramen- 
tis  divina  virtus  secretius  operatur  salutem  :  Divina  autem 
virtus  est  Christi,  secundum  quod  est  Deus,  non  autem 
secundum  quod  est  homo  :  Ergo  Christus  non  operatur  in- 
teriorem sacramenti  effectum,  secundum  quod  est  homo, 
sed  secundum  quod  est  Deus. 

CONCLUS  10. 

Christus  in  quantum  Deus,  polestatem  auctoritatis  in 
sacramentis  habuit,  in  quantum  vero  homo  habuit  minis- 
terii  principalis  polestatem,  seu  excellentise,  quatenus  ipse 
est,  qui  per  passionem  suam  meritorie  et  effective  operatus 
fuit  omnium  salutem,  et  meruit  ut  in  illius  nomine  sancti- 
ûcarentur,  et  instituerentur  sacramenta,  qui  absque  sacra- 
mentis potuit  solus  homines  justificare. 

Kespondeo  dicendum  ,  quod  interiorem  sacramentorum 
effectum  operatur  Christus;  et  serundum  quod  est  Deus,  et 
secundum  quod  est  homo,  aliter  {amen  et  aliter  :  Nam 
secundum  quod  est  Deus,  operatur  in  sacramentis  per  auc- 


NOTE.  415 

toritatem  ;  secundum  autem  quod  est  honio,  operatur  ad 
interiores  eiïectus  sacramentorum  meritorie  et  efficienter. 
sed  instrumentaliter.  Dictum  est  enim  (qu.  48).  quod  passio 
Christi,  quae  competit  ei  secundum  humanam  naturam, 
causa  est  nostrœ  justificationis,  et  meritorie  et  effective, 
non  quidem  per  modum  principalis  agentis ,  sive  per 
auctoritatem,  sed  per  modum  instrument,  in  quantum  hu- 
manitas  est  instrumentum  divinitatis  ejus  :  ut  supra  diclum 
est.  Sed  lamen  quia  est  instrumentum  conjunctum  extrin- 
secorum,  qui  sunt  ministri  Ecclesiae,  ut  ex  supra  dictis 
patet  (art.  i.),  et  ideo  sicut  Christus  inquanlum  Deus  habet 
potestatem  auctoritatis  in  sacramentis  ;  ita  in  quantum  homo 
habet  potestatem  ministerii  principalis,  sive  potestalem 
excellentiee,  quae  quidem  consistit  in  quatuor.  Primo  qui- 
dem in  hoc  meritum  et  virtus  ejus  operatur  in  sacramentis 
ut  supra  dictum  est  (qu.  G2.  art.  5.)  Et  quia  virtus  pas- 
sionis  copuiatur  nobis  per  fidem,  secundum  illud  Rom.  3. 
Quem  posuit  Deus  propitiatorem  per  fidem  in  sanguine 
ipsius,  quam  fidem  per  invocationem  nominis  Christi  pro- 
testamur,  ideo  secundo  ad  potestatem  excellentiœ,  quam 
Christus  habet  in  sacramentis,  pertinet  quod  in  ejus  nomine 
sacramenta  sanctificantur  :  Et  quia  ex  ejus  institutione  sa- 
cramenta  virtutem  obtinent,  inde  est  quod  tertio  ad  excel- 
lentiam  potestatis  Christi  pertinet,  quod  ipse  qui  dédit 
virtutem  sacramentis,  potuit  instituere  sacramenta.  Et  quia 
causa  non  dependet  ab  effectu,  sed  polius  è  con verso  ;  ideo 
quarto  ad  excellentiam  potestatis  Christi  pertinet,  quod 
ipse  potuit  effectum  sacramentum  sine  exteriori  sacramento 
conferre. 

Et  per  hoc  patet  responsio  ad  objecta,  utraque  enim 
pars  objectionum  secundum  aliquid  vera  est,  ut  dictum 
est.  (S.  Thom.  3  p.  g.  64.  art.  3), 


XIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO  CARNIS  RESURRECTIONEM.  —  JE  CROIS 
LA  RÉSURRECTION  DE  LA  CHAIR. 


Ire  INSTRUCTION. 

CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ  DE  LA  RÉSURRECTION. 


EX  OR  DE. 

'I .  De  la  communion  des  Saints  et  de  la  rémis- 
sion des  péchés,  le  Symbole  nous  fait  passer  immé- 
diatement à  l'article  de  la  résurrection  de  la  chair 
qui  n'aura  lieu  qu'à  la  fin  des  temps.  Pourquoi  cela  ? 
C'est  que  toute  la  vie  d'un  chrétien  se  résume  dans 
ces  deux  points  :  il  doit  profiter  des  grâces  qui  se 
trouvent  en  abondance  dans  le  sein  de  l'Eglise,  en 
un  mot,  profiter  de  la  communion  des  Saints  ;  puis, 
s'il  a  le  malheur  de  tomber  dans  quelques  fautes, 
il  doit  en  faire  pénitence,  afin  d'en  obtenir  la  ré- 
mission. 

C'est  ainsi  que  tout  chrétien  doit  se  préparer  à 
ses  fins  dernières  :  à  la  mort,  à  la  résurrection,  au 
jugement,  à  l'éternité. 


CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ,  ETC.  417 

2.  La  résurrection  de  la  chair,  objet  du  onzième 
article  du  Symbole,  est  une  confirmation  puissante 
de  la  vérité  de  notre  sainte  religion.  Les  divines 
Ecritures  font  bien  voir  l'importance  de  ce  dogme 
par  le  soin  qu'elles  mettent  non-seulement  à  le 
proposer,  mais  à  le  prouver. 

Toutes  nos  espérances  de  salut  reposent  en  effet 
sur  la  vérité  de  la  résurrection,  comme  sur  leur 
fondement  le  plus  solide.  «  S'il  est  faux  que  les 
morts  ressuscitent,  il  faut  en  conclure  que  Jésus- 
Christ  lui-même  n'est  pas  ressuscité  ;  et  si  Jésus- 
Christ  n'est  pas  ressuscité,  notre  prédication  est 
vaine  et  votre  foi  n'a  point  de  base.  »  Ainsi  raison- 
sonnait  l'apôtre  saint  Paul.  «  Si  mortuorum  resur- 
rectio  non  est,  neque  Christus  resurrexit  :  quod  si 
Christus  non  resurrexit,  inanis  est  praedicatio  nos- 
tra,  inanis  est  et  fidavestra.  »  (i  Corinth.  xi.) 

De  tout  temps,  les  impies  ont  fait  tous  leurs 
efforts  pour  renverser  ou  obscurcir  cette  vérité. 
Mettons  donc  le  plus  grand  zèle  à  nous  en  instruire. 
Nous  en  serons  amplement  récompensés  par  les 
encouragements  et  les  consolations  qu'elle  offre  à 
la  piété. 

Dans  cet  entretien ,  je  commencerai  par  vous  ex- 
pliquer ce  que  signifie  cette  parole  :  la  résurrec- 
tion de  la  chair  ;  je  vous  prouverai  ensuite  la  certi- 
tude de  la  résurrection,  et  enfin,  je  vous  exposerai 
les  motifs  qui  en  montrent  la  nécessité. 

0  Jésus,  qui  êtes  notre  résurrection  et  notre 
vie  !  excitez  en  nous  la  foi  la  plus  viveencegrand 


418  CERTITUDE  El   NÉCESSITÉ 

mystère  ;  faites-nous  la  grâce  d'en  être  profondé- 
ment convaincus. 


PREMIER  POINT. 

3.  Nous  devons  tous  mourir.  Il  n'est  point 
d'homme  sur  la  terre,  qui,  tôt  ou  tard,  ne  doive 
succomber  à  cette  nécessité  inévitable.  L'Ecriture 
sainte  contient  une  page  remarquable  sur  ce  sujet. 
En  traçant  la  généalogie  des  premiers  patriarches, 
elle  rappelle  le  nombre  d'années  qu'ils  ont  vécu 
et  termine  par  ces  simples  mots  :  «  Et  mortuus  est, 
et  il  est  mort.  » 

Adam  vécut  neuf  cent  trente  ans,  et  il  mourut. 

Seth,  vécut  neuf  cent  douze  ans,  et  il  mourut. 

Enos  vécut  neuf  cent  cinq  ans,  et  il  mourut. 

Caïman  vécut  neuf  cent  dix  ans,  et  il  mourut. 

Malaleèl  vécut  huit  cent  quatre-vingt-quinze  ans, 
et  il  mourut. 

Mathusalem  vécut  neuf  cent  soixante-neuf  ans, 
et  il  mourut. 

Quel  homme,  après  cela,  peut  se  flatter  d'échap- 
per à  la  mort?  Le  plus  fier  monarque  est  sujet  à 
cette  loi  aussi  bien  que  le  dernier  des  esclaves. 
«Souviens-toi  donc,  ô  homme!  que  tu  es  pous- 
sière, et  que  tu  retourneras  en  poussière.  Mémento, 
homo,  quia  pulvis  es  et  in  pulverem  reverteris.  » 

Mais  quand  tous  les  hommes  auront  payé  ce  tri- 
but à  leur  Créateur,  la  mort  aura  son  tour,  elle 
sera  vaincue  par  la  vie,  et  forcée  de  lui  restituer 
toutes  ses  victimes. 


DE  LA  RÉSURRECTION.  419 

Le  Symbole  nous  le  déclare,  par  ces  mots  :  Je 
crois  la  résurrection  de  la  chair.  Credo  carnis 
resurrectionem.  Par  cette  résurrection,  il  entend 
signifier  que  tous  les  hommes  ressusciteront,  sans 
aucune  exception. 

Mais,  pourquoi  dit-il  :  résurrection  de  la  chaire 

L'expression  a  été  choisie  à  dessein.  Le  corps 
seul  a  besoin  de  résurrection  ;  l'âme  est  immor- 
telle comme  les  divines  Ecritures  le  témoignent  en 
plusieurs  endroits;  et  c'est  un  dogme  de  foi. 

Aussi,  de  peur  qu'on  ne  s'imaginât  que  l'âme 
meure  avec  le  corps,  et  que  les  deux  seraient  en 
même  temps  rappelés  à  la  vie,  les  apôtres  se  sont 
énoncés  de  la  manière  la  plus  précise  :  Résurrec- 
tion de  la  chair,  c'est-à-dire,  que  la  chair  ou  le 
corps  seul  ressuscitera. 

4.  Le  mot  de  chair  est  ici  exactementsynonyme 
de  corps.  Ce  n'est  pas  comme  dans  certains  passa- 
ges de  l'Ecriture,  où  il  s'emploie  pour  signifier  tout 
l'homme,  comme  par  exemple,  lorsque  le  pro- 
phète Isaïe  dit  que  «  Toute  chair  est  comme  l'herbe 
des  champs  :  Gmnis  caro  fœnum  ;  »  {Isa.  xl.)ou 
encore,  lorsque  saint  Jean  dit  que  «  le  Verbe  s'est 
fait  chair  :  Et  Verbum  caro  factumest.  n{Joan.  i.) 

Dans  le  Symbole,  ce  mot  de  chair  est  employé 
par  opposition  à  l'âme.  C'est  comme  si  l'on  nous 
disait  :  des  deux  parties  dont  se  compose  l'homme, 
savoir  le  corps  et  l'âme,  le  corps  seul  est  sujet  à 
la  corruption  et  doit  retourner  dans  la  poussière 


420  CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ 

d'où  il  a  été  tiré  ;  quant  à  l'âme,  elle  demeure  in- 
corruptible. 

Comme  la  résurrection  suppose  la  mort,  on  ne 
peut  donc  dire  proprement  à  l'âme  qu'elle  ressus- 
cite, puisqu'elle  ne  meurt  pas.  Quand  vous  enten- 
dez parler  de  la  résurrection  de  l'âme,  il  ne  s'agit 
alors  que  d'une  résurrection  spirituelle.  Par  cette 
expression,  on  veut  dire  non  pas  que  l'âme  avait 
cessé  de  vivre,  mais  qu'elle  était  morte  en  la  grâce 
de  Dieu  par  le  péché  et  qu'elle  a  recouvré  cette 
grâce  par  la  pénitence. 

Du  temps  même  des  apôtres,  il  y  eut  deux  sec- 
taires, nommés  Hyménée  et  Philet,  qui  prétendaient 
qu'il  n'est  question  dans  l'Ecriture  que  de  cette  ré- 
surrection spirituelle,  et  qui  niaient  que  les  corps 
dussent  ressusciter.  C'est  pour  détruire  cette  er- 
reur que  les  apôtres  ont  dit  formellement  que  la 
chair  ressusciterait. 

Tel  est  le  sens,  manifeste  des  paroles  du  Sym- 
bole. 

SECOND  POINT. 

o.  Montrons  maintenant  la  certitude  de  la  ré- 
surrection des  corps. 

D'abord,  elle  est  prouvée  par  une  foule  d'exem- 
ples de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  et  de 
l'histoire  ecclésiastique. 

J'ouvre  les  saintes  Ecritures.  Ici,  je  vois  le  pro- 
phète Elie  qui  ressuscite  le  fils  de  la  veuve  de  Sa- 
repta.  Là,  c'est  Elisée,  son  disciple,  rendant  la  vie 


DE  LA  RÉSURRECTION.  421 

au  fils  de  la  Sunamite.  Un  peu  plus  loin,  je  lis  qu'un 
mort,  jeté  précipitamment  dans  le  tombeau  du 
mémo.  Elisée,  se  ranime  au  contact  des  ossements 
du  prophète. 

Dans  le  Nouveau  Testament,  trois  morts  sont 
rappelés  à  la  vie  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  : 
la  fille  de  Jaïre,  qui  venait  de  rendre  le  dernier  " 
soupir,  le  fils  de  la  veuve  de  Naïm,  qu'on  portait 
déjà  en  terre,  enfin,  Lazare,  l'ami  du  Sauveur,  qui 
était  dans  le  tombeau  depuis  quatre  jours.  Plus 
'tard,  l'apôtre  saint  Pierre  ressuscite  la  pieuse  Ta- 
bithe,  et  saint  Paul  le  jeune  Eutyque,  qui  était 
tombé  d'un  troisième  étage  pendant  que  l'apôtre 
prêchait. 

L'histoire  de  l'Eglise  mentionne  pareillement 
une  foule  de  résurrections  opérées  à  toutes  les 
époques  par  de  saints  personnages.  Saint  Irénée 
de  Lyon  et  Eusèbe  de  Césarée  en  rapportent  plu- 
sieurs. 

On  lit  dans  la  vie  de  saint  Martin  de  Tours, 
qu'il  eut  la  gloire  de  ressusciter  trois  morts.  Saint 
Stanislas  évèque  de  Cracovie,  se  voyant  accusé 
par  Boleslas  roi  de  Pologne,  de  s'être  emparé  in- 
justement d'une  terre  qu'il  avait  achetée  au  nom 
de  son  Eglise,  lui  promit,  à  défaut  d'autre  preuve, 
de  faire  comparaître  devant  lui  l'ancien  proprié- 
taire de  cette  terre,  qui  était  mort  trois  ans  aupa- 
ravant. Le  prince  impie  accepta  la  condition  avec 
moquerie.  Le  saint  évèque  passe  ti  ois  jours  en 
prière  et-  en  jeûne,  et  après  avoir  offert  le  saint 

SYMB.    11.  3  G 


I  22  CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ 

sacrifice,  il  va  au  tombeau,  et  commande  au  mort 
de  se  lever  et  de  le  suivre.  Le  mort  se  leva  en 
effet  et  alla  rendre  témoignage  de  l'innocence  du 
saint  prélat. 

Dans  des  temps  plus  rapprochés  de  nous,  saint 
François  Xavier,  aux  Indes,  fut  doué  d'un  sem- 
blable pouvoir.  Une  jeune  fille  de  Cangoxima  étant 
morte  à  la  fleur  de  l'âge,  son  père  vint  se  jeter 
aux  pieds  de  Xavier  et  le  conjura  les  larmes  aux 
yeux  de  lui  rendre  la.  vie  à  lui-même  en  la  rendant 
à  sa  fille  unique.  Xavier,  touché  de  la  foi  et  de 
l'affliction  du  païen,  se  retira  avec  son  compagnon 
Fernandès  pour  prier  Dieu.  Etant  revenu  peu  de 
temps  après  :  allez,  dit-il  à  ce  père  désolé,  votre, 
fille  est  en  vie. 

Un  jeune  homme  de  Malacca,  nommé  François 
Ciavus,  s'etant  mis  dans  la  bouche,  sans  y  penser, 
le  fer  d'une  flèche  empoisonnée,  mourut  tout  à 
coup,  tant  le  poison  était  subtil  et  mortel.  On  l'en- 
st  vrlissait,  lorsque  Xavier  survint  par  hasard.  Il 
fut  si  touché  des  cris  et  des  larmes  de  la  mère, 
que,  prenant  le  mort  par  la  main,  il  le  fit  revivre 
avec  ces  paroles  :  François,  au  nom  de  Jésus- 
Christ,  levez-vous.  (Vie  de  S.  François  Xavier, 
par  Bouhours.) 

Ces  résurrections  particulières  confirment  la  vé- 
rité de  notre  résurrection  future.  Il  faut  croire  que 
nous  ressusciterons  tous  comme  plusieurs  ont  été 
ressuscites.  Ces  prodiges,  en  effet,  Dieu  les  a  faits 
dans  le  dessein  de  nous  certifier  cette  vérité  et 


DE  LA  RÉSURRECTION.  423 

d'affermir  notre  foi.  C'est  même  là  le  principal  fruit 
que  nous  devons  en  retirer. 

6.  A  ces  exemples,  joignons  le  témoignage  des 
divines  Ecritures.  Elles  nous  enseignent  expressé- 
ment le  dosme  de  la  résurrection  dans  une  foule 
de  textes.  Je  me  contente  de  quelques-uns. 

L'Ancien  Testament  nous  présente  deux  grands 
témoins  de  cette  vérité  :  Job  et  Daniel. 

Job  est  réduit  à  la  dernière  misère.  Du  comble 
de  la  fortune,  il  est  tombé  dans  un  abime  de  maux. 
Il  ne  désespère  pas.  Ecoutez  pourquoi  :  «  Je  sais, 
dit-il,  que  mon  Rédempteur  est  vivant,  et  qu'au 
dernier  jour,  je  me  lèverai  du  sein  de  la  terre,  et 
je  serai  de  nouveau  revêtu  de  ma  peau,  et  je  ver- 
rai dans  ma  chair  le  Dieu  mon  Sauveur.  Scio  enim 
quod  Redemptor  meus  vivit,  et  in  novissimo  die 
de  terra  surrecturus  sum  :  Et  rursum  circumdabor 
pelle  mea,  et  in  carne  mea  videbo  Deum  meum.  » 
{Job.  xix.) 

Le  prophète  Daniel  assure  de  son  côté  que  : 
«  De  cette  multitude  qui  dort  dans  la  poussière  du 
tombeau,  les  uns  se  réveilleront  pour  la  vie  éter- 
nelle, les  autres  pour  un  opprobre  sans  fin.  Et 
multi  de  his  qui  dormiunt  in  terras  pulvere,  evigi- 
labunt  :  alii  in  vitam  œternam,  et  alii  in  oppro- 
brium  ut  videant  semper.  »  (Dan.  xn.) 

Le  Nouveau  Testament  renferme  des  témoigna- 
ges non  moins  éclatants  à  l'appui  de  la  résurrec- 
tion future. 

Il  y  avait  chez  les  Juifs  une  secte  appelée  les 


424  CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ 

Saduccéens  qui  niaient  ce  dogme.  Un  jour,  quel- 
ques-uns d'entre  eux  entreprirent  de  présenter 
leurs  difficultés  à  ce  sujet  au  Sauveur.  Pour  leur 
en  faire  sentir  la  futilité,  et  leur  montrer  par  l'Ecri- 
ture la  vérité  de  ce  dogme,  le  Sauveur  leur  dit  ces 
simples  paroles  :  «  Vous  êtes  dans  l'erreur  ;  vous 
ignorez  les  Ecritures  et  la  puissance  de  Dieu  ;  car 
après  la  résurrection,  il  n'y  aura  plus  d'alliance 
conjugale  ;  mais  les  hommes  seront  comme  les 
anges  de  Dieu  dans  le  ciel.  Et  quant  à  la  résurrec- 
tion elle-même,  n'avez-vous  pas  lu  ce  que  le  Sei- 
gneur vous  a  dit?  Je  suis  le  Dieu  d'Abraham, 
d'Isaac  et  de  Jacob?  Il  n'est  pas  le  Dieu  des  morts, 
mais  des  vivants.  Erratis,  nescientes  scripturas  ; 
neque  virtutem  Dei.  In  resurrectione  enim,  neque 
nubent,  neque  nubentur  :  sed  erunt  sicut  Angeli 
Dei  in  cœlo.  De  resurrectione  autem  mortuorum, 
non  legistis  quod  dictum  est  a  Deo  dicente  vobis  : 
Ego  sum  Deus  Abraham,  et  Deus  Isaac,  et  Deus 
Jacob?  Non  est  Deus  mortuorum,  sed  viventium.» 
(Malth.  xxii.) 

Dans  une  autre  circonstance ,  Notre-Seigneur 
parla  ainsi  aux  Juifs  :  «  En  vérité,  en  vérité,  je 
vous  dis  que  l'heure  vient  et  que  l'heure  est  déjà 
venue,  où  les  morts  entendront  la  voix  du  Fils  de 
Dieu  et  où  ceux  qui  l'entendront  vivront  :  car  mon 
Père  a  la  vie  en  lui-même,  et  il  a  aussi  donné  au 
Fils  d'avoir  la  vie  en  lui-même  et  il  lui  a  donné  le 
pouvoir  de  juger,  parce  qu'il  est  le  Fils  de  l'hom- 
me. Ne  vous  étonnez  pas  de  ceci  ;  car  le  temps 


DE  LA  RÉSURRECTION.  425 

viendra  où  tous  ceux  qui  sont  dans  le  tombeau 
entendront  la  voix  du  Fils  de  Dieu  ;  et  alors,  ceux 
qui  auront  fait  le  bien  ressusciteront  à  la  vie  éter- 
nelle ;  ceux  au  contraire  qui  auront  fait  le  mal  res- 
susciteront pour  leur  condamnation.  Amen,  amen 
dico  vobis,  quia  venit  hora,  et  nunc  est,  quando 
mortui  audient  vocem  Filii  Dei,  et  qui  audierint, 
vivent.  Sicut  enim  Pater  habet  vitam  in  semetip- 
so  :  sic  dédit  et  Filio  habere  vitam  in  semetipso. 
Et  potestatem  dédit  eijudicium  facere,  quia  Filius 
homrnis  est.  Nolite  mirari  hoc,  quia  venit  hora,  in 
qua  omnes,  qui  in  monnmentis  sunt,  audient  vo- 
cem Filii  Dei.  Et  procèdent  qui  bona  fecerunt,  in 
resurrectionem  vitae  :  qui  vero  mala  egerunt,  in 
resurrectionem  judicii.  »  (Joann.  v.) 

L'apôtre  saint  Paul  expose  aussi  ce  mystère 
dans  sa  première  épître  aux  Corinthiens.  Nous 
citerons  tout  à  l'heure  quelques-unes  de  ses  ré- 
flexions. C'est  encore  par  la  pensée  de  la  résur- 
rection future  qu'il  engage  les  Fidèles  de  Thessa- 
lonique  à  se  consoler  de  la  mort  de  leurs  proches. 
«  Ne  vous  laissez  pas  aller  à  la  tristesse,  leur 
dit-il,  comme  ceux  qui  n'ont  point  d'espérance.  Si 
nous  croyons  que  Jésus-Christ  est  mort  et  ressus- 
cité, nous  devons  croire  de  même  que  Dieu  fera 
participer  à  la  résurrection  de  Jésus-Christ,  ceux 
qui  sont  morts  dans  sa  grâce.  Non  contristemini, 
sicut  et  caeteri  qui  spem  non  habent.  Si  enim  cre- 
dimus  quod  Jésus  mortuus  est  et  resurrexit,  ita  et 
Deus  eos  qui  dormierunt  per  Jesum,  adducet  cum 
eo.  »  (/  Thessal.  iv.) 


426  CERTITUDE   ET  NÉCESSITÉ 

Rien  donc  de  plus  formel  dans  les  divines  Ecri- 
tures que  le  dogme  de  la  résurrection.  Ajoutons 
qu'il  n'y  a  rien  non  plus  qui  soit  plus  conforme 
aux  lumières  de  la  saine  raison. 

TROISIÈME  POINT. 

7.  Et  d'abord,  nous  en  trouvons  une  foule 
d'images  dans  la  nature  elle-même. 

On  demandait  à  l'apôtre  saint  Paul,  comment 
les  morts  pouvaient  ressusciter.  Ecoutez  sa  ré- 
ponse :  «  Insensé,  dit-il,  tu  jettes  une  semence 
dans  la  terre  ;  et  cette  semence  ne  meurt-elle  pas 
avant  de  prendre  une  vie  nouvelle?  Puis,  ce  que 
tu  sèmes,  est-ce  déjà  la  plante  qui  #doit  paraître 
plus  tard?. Non,  c'est  un  simple  grain  de  blé  ou 
toute  autre  semence;  et  pourtant,  Dieu  sait  bien 
lui  donner  tel  corps  qu'il  lui  plaît.  Insipiens,  tu 
quod  seminas,  non  vivificatur,  nisi  prius  moriatur  : 
et  quod  seminas,  non  corpus,  quod  futurum  est, 
seminas,  sed  nudum  granum,  ut  puta,  tritici,  aut 
alieujus  caeterum  ;  Deus  autem  dat  illi  corpus  sicut 
vult.  »  [4  Corinth.  xv.)     . 

La  conclusion  est  facile  à  tirer.  L'Apôtre  l'indi- 
que un  peu  après  :  «  Notre  corps,  dit-il,  est  semé 
dans  la  corruption,  il  ressuscitera  incorruptible. 
Seminatur  in  corruptione,  surget  in  incorrup- 
tione.  »  (Ibid.) 

A  cet  exemple  donné  par  l'Apôtre,  on  pourrait 
en  ajouter  une  infinité  d'autres    Saint  Grégoire  en 


DE   LA  RESURRECTION.  427 

allègue  quelques-uns.  «  Chaque  jour,  dit-il,  la  lu- 
mière disparaît  à  nos  yeux,  comme  si  elle  s'étei- 
gnait, et  elle  reparaît  le  jour  suivant,  comme  si  elle 
ressuscitait.  Les  arbres  perdent  leur,  verdure  et 
la  reprennent  ensuite  par  une  sorte  de  résurrec- 
tion. Les  semences  pourrissent  et  meurent,  puis 
se  raniment  en  germant.  Lux  quotidie  quasi  mo- 
riendo  oculis  substrahitur,  et  rursus  quasi  resur- 
gendo  revocatur  :  et  arbusta  viriditatem  amittunt, 
et  rursus  quasi  resurgendo  reparantur  :  et  semina 
putrcscendo  moriuntur,  et  rursum  germinando  re- 
surgunt.  »  (S.  Gregor.  lib.  44\  moral,  cap.  28.) 

Le  corps  humain  n'est  pas  anéanti  par  la  mort, 
Sera-t-il  plus  difficile  au  Tout-Puissant. d'en  ranimer 
les  cendres,  que  de  faire  sortir  l'épi  d'un  grain 
pourri  dans  la  terre?  Non,  indubitablement,  et  sa 
sagesse  demande  qu'il  en  agisse  ainsi. 

8.  De  puissantes  raisons  militent  en  effet  en 
faveur  de  la  résurrection. 

La  première,  c'est  que  nos  âmes  sont  immor- 
telles. 

Or,  qu'est-ce  que  l'âme?  Une  partie  seulement 
de  nous-mêmes;  une  partie  destinée  à  s'unir  à 
notre  corps  et  qui  éprouve  une  propension  natu- 
relle pour  cette  union  ;  car  tous,  nous  avons  hor- 
reur de  la  mort  qui  est  la  séparation  de  l'âme 
d'avec  le  corps. 

Mais,' s'il  en  est  ainsi,  une  séparation  éternelle 
serait  contre  nature  ;  ce  serait  un  état  violent,  et 
un  état  violent  ne  peut  durer  toujours. 


128  CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ 

Il  est  donc  très-convenable,  vous  le  voyez,  que 
l'àme  finisse  par  être  réunie  de  nouveau  au  corps, 
•  et  par  conséquent,  que  celui-ci  ressuscite. 

Ce  raisonnement  est  précisément  celui  que  le 
Sauveur  lui-même  proposa  aux  Sadducéens..  Il  les 
réfuta  en  disant  que  puisque  l'àme- est  immortelle, 
il  s'ensuit  que  le  corps,  doit  ressusciter.  . 

.  Ajoutez  à  cela'  que  tant  que  l'âme  sera  séparée 
du  corps,  l'homme  ne  peut  jouir  d'une  félicité  -com- 
plète, ni  ses  désirs  être  pleinement  satisfaits.  Une 
partie  séparée  de  son  tout*  est  imparfaite  ,  il  en  est 
de  même  de  l'âme  séparée  du  corps.  Pour  que  rien 
ne  manque  à  la  félicité  de  l'homme,  il  faut  donc 
cjue  le  corps  ressuscite. 

9.  Secondement,  la  justice  divine  réclame  aussi 
la  résurrection  des  corps. 

Dieu  a  décrété  des  châtiments  pour  les  méchatits' 
tjt  des  récompenses  pour  les  bons.'  Cependant, 
parmi  les  uns  et  les  autres,  un   grand   nombre 
meurent  avant  d'avoir  reçu  le  prix  ou  la  peine  qui 
leur  revient. 

La  résurrection  devient  donc  nécessaire  ,  sinon, 
.  le  corps  qui  a  été  le  complice  du  péché  dans  les 
uns,   l'auxiliaire  des  bonnes  œuvres  dans  les  au- 
tres, n'aurait  point  la  part  de  "peine  ou  de  consola- 
tion qu'il -a  méritée. 

Saint  Jean  Chrysostôme  développe  admirable- 
ment celte  considération  dans  ses  Homélies  au 
peuple  d'Antioche.  [V.-  notés.) 

C'est  là  aussi  ce  qui  faisait  dire  a  l'Apôtre,  par- 


DE. LA  RÉSURRECTION.  129 

lant  de  la  résurrection,  que  si  toutes  nos  espéran- 
ces, à  nous  chrétiens,  se  bornaient  à  cette  vie, 
nous- serions  les  plus  infortunés  des  hommes.  «  Si  in 
hac  vita  tantum  in  Christo  sperantes  sumus,  mise- 
rabiliores  sumus  omnibus  hominibus.  »  (■/  Corin- 
thiens, xv.) 

Assurément,  l'Apôtre  ne  met  pas  ici  en  doute 
l'immortalité  de  l'âme;*  il  ne  nie  pas  qu'elle  ne 
puisse  jouir  de  la  béatitude  sans  le  corps.  S'il 
affirme,  que  nous  serions  les  plus  infortunés  des 
hommes,  ce.  ne  peut  être  qu'en  envisageant  l'hom- 
me tout  entier.  Et  véritablement,  supposons  que 
le  corps  soit  frustré  de  sa  part  de  récompense,  il 
en  résultera  que  ceux  qui,  comme  les  apôtres, 
ont  souffert  tarit  d'afflictions  et  de  calamités  seront, 
à  certain  égard,  les  plus  malheureux  de  tous.  Leur 
corps  aura  supporté  le  poids  des  travaux  et  des 
souffrances  sans  aucune  compensation. 

Il  n'en  peut  être  ainsi.  Le  même  apôtre  s'en 
explique  plus  ouvertement,  en  écrivant  aux  fidèles 
de  Thessalonique  :  «  Nous  nous  glorifions,. dit-il, 
dans  les  Eglises  de  Dieu  à  votre  sujet,  à. cause  de 
la  patience  et  de  la  foi  que  vous  montrez  au  milieu 
des  persécutions  et  des  tribulations.  Ces  épreuves 
sont  des  marques  du  juste  jugement  de  Dieu.  Elles 
ont  pour  but  de  vous  rendre  dignes  du  royaume 
de  Dieu,  en  vue  duquel  aussi. vous  souffrez.  Car  il 
est  juste  devant  Dieu  que  vos  persécuteurs  soient 
affligés  à  leur  tour  et  que  vous,  qui  êtes  maintenant 
dans  .l'affliction,  jouissiez  un  jour  du  repos  avec 


130  CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ 

nous.  Il  vous  sera  donné,  ce  repos,  lorsque  le  Sei- 
gneur Jésus  descendra  du  ciel  dans  sa  gloire,  en- 
vironné de  ses  anges,  ministres  de  sa  puissance  et 
qu'il  viendra  au  milieu  du  feu  pour  tirer  vengeance 
de  ceux  qui  n'ont  point  connu  Dieu  et  qui  n'obéis- 
sent point  à  l'Evangile  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ.  Gloriamur  in  Ecclesiis  Dei  pro  patientia 
vestra,  et  fide  m  omnibus  persecutionibus  vestris, 
et  tribulationibus  quas  sustinetis  in  exemplum  justi 
judicii  Dei,  ut  digni  habeamini  in  regno  Dei,  pro 
quo  et  patimini  :  si  tamen  justum  est  apud  Deum 
tribuere  tribulationem  iis,  qui  vos  tribulant,  et 
vobis,  qui  tribulamini,  requiem  nobiscum  in  reve- 
Jatione  Domini  Jcsu  de  cœlo  cum  Angelis  virtutis 
ejus,  in  flamma  ignis  dantis  vindictam  iis,  qui  non 
noverunt  Deum,  et  qui  non  obediunt  Evangelio 
Domini  nostri  Jesu  Christi.  »  (/  Thessalon.  i.) 

CONCLUSION. 

10.  Nous  ne  pouvons  donc  en  douter  :  nous 
ressusciterons  un  jour,  a  II  faut  que  ce  corps  mor- 
tel soit  revêtu  d'immortalité  ;  que  ce  corps  corrup- 
tible soit  revêtu  d'incorruptibilité.  Oportet  enim 
corruptibile  hoc  induere  incorruptionem,  et  mor- 
tale  hoc  mduere  immortalitatem.  )>  (/  Cor.  xv.)  Ce 
n'est  pas  Dieu  qui  a  fait  la  mort,  mais  le  péché. 
«  Stimulus  mortis  peccatum  est.  Le  péché,  dit 
l'Apôtre,  est  l'aiguillon  delà  mort.  r,(lbid.)  Jésus- 
Christ  l'ayant  effacé  par  son  sang,  il  a  aussi  vaincu 
la  mort  :  sa  rédemption  nous  a  restitué  ce  que  le 


DE  LA  RÉSURRECTION.  131 

péché  nous  avait  ôté.«  Deo  autem  gratias  qui  dédit 
nobis  victoriam  per  Dominum  nostrum  Jesum 
Christum.  Seigneur,  grâces. vous  soient  rendues  de 
ce  que  vous  nous  avez  donné  la  victoire  par  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur!  »  (Fbid.) 

«  Ego  sum  resurrectio  et  vita,  qui  crédit  in  me, 
etiamsi  mortuus  fuerit,  vivet,  et  omnis  qui  vivit  et 
crédit  in  me,  non  morietur  in  aeternum.  Je  suis, 
dit  le  Sauveur  lui-même,  la  résurrection  et  la  vie. 
Celui  qui  croit  en  moi,  quand  il  serait  mort,  vivra  ; 
et  quiconque  vit  et  croit  en  moi,  ne  mourra  pas 
de  la  mort  éternelle.  »  (Joan.  xi.) 

«  Creclis  hoc?  Croyez-vous  cette  vérité?  »  De- 
mandait-il à  Marthe,  avant  de  ressusciter  Lazare. 
Il  nous  le  demande  aussi  à  nous-mêmes  en  ce  mo- 
ment. 

«  Credis  hoc  ?  »  Croyez-vous  que  vous  ressus- 
citerez un  jour? 

Répondons  avec  cette  pieuse  femme  :  «  Oui, 
Seigneur,  je  le  crois,  car  vous  êtes  le  Christ,  le  Fils 
du  Dieu  vivant,  qui  êtes  venu  en  ce  monde,  pour 
lui  donner  la  vie.  Utique,  Domine,  ego  credidi, 
quia  tu  es  Christus,  Filius  Dei  vivi,  qui  in  hune 
mundum  venisti.  »  (Ibid.) 

Répondons  avec  le  saint  homme  Job  :  «  Oui,  je 
crois  que  mon  Rédempteur  est  vivant.  Je  crois 
qu'au  dernier  jour  je  me  lèverai  delà  poussière  du 
tombeau  et  que  je  verrai  de  mes  yeux  Dieu  mon 
Sauveur.  Toujours  je  garderai  cette  espérance  au 
fond  de  mon  cœur.  Reposita  est  haec  spes  mea  in 


5  32  CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ,   ETC. 

si  nu  meo.  »  Elle  adoucira  les  peines  de  mon  exil, 
elle  me  rendra  le  calice  de  la  mort  moins  amer, 
elle  m'encouragera  à  la  vertu,  elle  m'excitera  à 
amasser  des  trésors  de  bonnes  œuvres. 

«  Itaque,  fratres  mei  dilecti,  stabiles  estote  et 
immobiles,  abundantes  in  opère  Domini  semper, 
scientes  quod  labor  vester  non  est  inanis  in  Do- 
mino. Courage  donc,  mes  frères  bien-aimés,  con- 
clut l'Apôtre,  soyez  fermes  et  immobiles  dans  la 
foi,  fervents  au  service  du  Seigneur,  sachant  que 
vos  travaux  ne  seront  point  inutiles  devant  le  Sei- 
gneur, y,  (/  Corniih.  XV.) 


NOTES.  433 


NOTES. 


I.    POSSIBILITÉ  DELA   RÉSURRECTION. 

Assurément  la  résurrection  des  corps  n'est  point  le  ré- 
sultat d'une  loi  ordinaire  de  la  nature,  c'est  un  fait  surna- 
turel et  miraculeux;  mais  je  ne  m'explique  pas  que  des 
hommes  qui  reconnaissent,  un  Dieu  tout-puissant  et  Créa- 
teur du  monde  contestent  la  possibilité  d'un  tel  fait.  Si  Dieu 
a  tiré  du  néant  le  corps  de  l'homme,  pourquoi  ne  pourrait-il 
pas,  je  ne  dirai  point  le  tirer  de  nouveau  du  néant,  car  la 
mort  ne  l'anéantit  pas, mais  ranimer  en  lui  la  vie  et  le  res- 
tituera l'âme  à  laquelle  il  appartient? Quel  principe  ration- 
nel invoquera-t-on  pour  nier  que  notre  corps,  une  fois 
décomposé  et  dissous  par  les  ravages  de  la  mort,  puisse 
être  rétabli  dans  son  intégrité,  et  rendu  à  l'âme  qui  l'anime 
aujourd'hui?  «  Vous  niez,  dit  un  savant  écrivain,  qu'un 
corps  rendu  à  une  âme  par  la  résurrection  puisse  être 
identique  avec  le  corps  qu'elle  animait  autrefois,  et  qui 
avait  cessé  d'exister  comme  corps  organisé.  Vous  savez 
donc  bien  quel  est  le  principe  de  l'identité  des  corps  vi- 
vants ;  car,  autrement,  vous  ne  pourriez  pas  savoir  s'il  est 
impossible  que  ce  principe  se  retrouve  après  la  dissolution 
du  cadavre.  Ce  principe,  quel  est-il?  Réponde  qui  l'osera. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  ce  principe  ne  consiste  pas 
dans  l'identité  complète  et  persistante  des  corps  vivants. 
En  effet,  dans  ce  flux  continuel  et  ce  renouvellement  in- 
cessant qui  constituent  le  jeu  de  la  vie  physiologique,  les 
matériaux  qui  ont  appartenu  successivement  à  un  même 


434  NOTES. 

corps  humain  depuis  l'enfance  jusqu'à  la  vieillesse  suffi- 
raient, suivant  la  remarque  de  don)  Calmet,  pour  former 
un  corps  colossal.  Dans  ce  torrent  de  la  vie,  les  matériaux 
passent  et  changent  sans  cesse  ;  mais  l'organisme  reste  le 
même,  malgré  ses  modifications  de  grandeur,  de  forme  et 
de  constitution  intime.  La  tige  naissante  du  chêne,  cachée 
entre  ses  deux  cotylédons,  aura-t-elle  cessé  d'être  le  même 
végétal,  quand  elle  sera  devenue  un  chêne  majestueux? 
L'embryon  de  la  chenille,  encore  contenue  dans  l'œuf,  au- 
ra-t-il  cessé  d'être  le  même  insecte,  quand  il  sera  devenu 
chenille,  puis  chrysalide,  puis  papillon  !  L'embryon  humain 
aura-t-il  cessé  d'être  le  même  individu,  quand  il  sera  de- 
venu enfant,  homme,  vieillard? Non,  sans  doute.  Or,  dans 
le  chêne,  dans  le  papillon,  dans  l'homme,  reste-t-il  une 
seule  des  molécules  pondérables  de  la  tige  naissante  du 
chêne,  de  l'embryon  de  la  chenille,  de  l'embryon  humain? 
Quel  physiologiste  oserait  aujourd'hui  l'affirmer,  ou  même 
le  supposer?  Pourtant,  nous  le  repétons,  c'est  bien  toujours 
le  même  individu  végétal,  le  même  insecte,  le  même  corps 
humain.  Quel  est  donc  ce  je  ne  sais  quoi  qui  persiste  dans 
le  chêne  depuis  sa  germination  à  travers  toutes  les  périodes 
de  sa  végétation,  dans  l'insecte  à  travers  tousses  dévelop- 
pements et  toutes  ses  métamorphoses,  dans  le  corps  humain 
a  travers  toutes  les  phases  de  son  existence,  et  qui  cons- 
titue a  la  fois  la  nature  spécifique  et  l'individualité  des 
corps  vivants  ?  Ce  je  ne  sais  quoi  est  quelque  chose  de  réel , 
car  la  nature  physique  et  l'identité  individuelle  persistent 
bien  réellement  dans  ces  corps. 

»  Dans  les  corps  vivants,  dit  Cuvier,  aucune  molécule  ne 
reste  en  place:  toutes  entrent  et  sortent  successivement  : 
la  vie  est  un  tourbillon  continuel,  dont  la  direction,  toute 
compliquée  qu'elle  est,  demeure  constante,  ainsi  que  les 
molécules  qui  y  sont  entraînées,  mais  non  les  molécules 
individuelles  elles-mêmes;  au  contraire,  la  matière  actuelle 
du  corps  vivant  n'y  sera  bientôt  plus,  et  cependant  elle 


NOTES.  W) 

est  dépositaire  delà  force  qui  contiendra  la  matière  future 
à  marcher  dans  le  même  sens  qu'elle.  Ainsi  la  forme- de  ces 
corps  leur  est  plus  essentielle  que  leur  matière,  puisque 
celle-ci  change  sans  cesse,  tandis  que  l'autre  se  conserve.  » 

Ce  n'est  donc  pas  la  matière,  comme  parle  Guvier,  ce 
ne  sont,  pas  les  molécules  qui  constituent  le  principe  de 
l'identité  du  corps  humain,  quisqu'elles  se  renouvellent  in- 
cessamment et  ne  font  que  paraître  et  disparaître.  Ce  prin- 
cipe ne  saurait  être  qu'une  force  sui  generis,  qui  persiste 
au  milieu  de  ce  renouvellement  continuel  de  la  matière,  et 
qui  a  la  vertu  de  s'assimiler  les  molécules  matérielles  et  de  t 
leur  imprimer  une  forme  propre  et  individuelle. 

«Toute  la  matière,  dit  M.  Flourens...,  paraît  et  dispa- 
raît, se  fait  et  se  défait,  et  une  seule  chose  reste,  c'est-a- 
dire  celle  qui  fait  et  défait,  celle  qui  produit  et  détruit, 
c'est-à-dire  la  force  qui  vit  au  milieu  de  la  matière  et  qui 
la  gouverne.  »  Le  corps  ressuscité  sera  donc  identique- au 
corps  actuel  du  moment  où  reparaîtra  cette  même  force 
qui  le  maintient  aujourd'hui,  lui  imprime  sa  forme  propre 
et  marque  son  individualité;  cette  force  reprenant  une  ac- 
tivité nouvelle  et  rejoignant  l'âme  à  laquelle  elle  a  été  asso- 
ciée pour  se  réunir  hypostatiquement  a  elle,  l'homme  tout 
entier  reparaîtra,  pleinement  identique  a  ce  qu'il  était  sur 
la  terre.  Sans  doute  cette  force,  qui  est  le  principe  de  l'i- 
dentité du  corps,  s'assimilera  des  éléments  matériels  qu'elle 
marquera  de  son  empreinte  ;  mais  il  n'est  nullement  néces- 
saire qu'elle  reprenne  les  mêmes  molécules  qui  composaient 
la  matière  du  corps  au  moment  de  la  mort  :  l'identité  des 
molécules  n'est  pas  essentielle  à  l'identité  du  corps. 

A  la  mort,  que  devient  cette  force,  ce  principe,  quel  qu'il 
soit,  de  l'identité  corporelle? 

Il  demeure  très-certainement  distinct  de  ces  molécules 
matérielles  qui  bientôt  \  ont  se  décomposer  et  se  dissoudre 
pour  être  sans  doute  entraînées  de  nouveau  dans  le  grand 
courant  de  la  vie.  Il  peut  continuer  de  subsister  au  sein  de 


436  NOTES. 

cette  matière  tant  qu'elle  n'est  pas  tout  à  fait  décomposée, 
mais  il  ne  se  confond  pas  avec  elle.  Que  devient-i'l  quand 
l'organisme  a  totalement  disparu  :  et  quel  peut  être,  s'il 
subsiste  toujours,  son  mode  d'existence  ?  Ce  sont-  là  des 
problèmes  insondables  pour  notre  faible  intelligence.  Il  est 
de  fait  qu'à  la  mort  l'activité  du  principe  de  l'identité  cor- 
porelle cesse  et  s'éteint  ,  mais  rien  ne  prouve  que  ce  prin- 
cipe sbit  anéanti  :  il  y  a  plus,  à  ne  considérer  que  la  chose 
en  elle-même,  abstraction  faite  de  toute  considération  mo- 
rale et  religieuse,  rien  n'autorise  à  affirmer  que  ce  prin- 
cipe, aujourd'hui  inactif  et  comme  éteint,  n'est  pas  destiné 
à  recouvrer  un  jour  une  activité  nouvelle  et  même  supé- 
rieure à  celle  dont  il  a  joui.  Où  est,  je  ne  dirai  pas  l'impos- 
sibilité, mais  l'invraisemblance  d'un  tel  réveil  ?  Or  ce  réveil 
suffit  pour  reproduire  le  même  corps  qui  a  vécu  aupara- 
vant. Si  le  principe  de  l'identité  corporelle  n'est  pas 
anéanti  par  la  mort,  —  et  personne  n'oserait  prétendre 
qu'il  le  soit,  —  ou  qu'il  subsiste  et  quel  que  soit  son  mode 
d'existence,  la  raison  conçoit  sans  peine  que  Dieu  peut  lui 
rendre  son  énergie  première  et  le  réunir  à  l'âme  dont  il  a 
partagé  la  condition. 

Allons  plus  loin,  quelle  impossibilité  y  a-t-il  que  le  corps 
ressuscité  soit  formé  de  parties  même  matériellement  iden- 
tiques à  celles  qui  l'ont  déjà  composé?  «  En  effet,  dirons- 
nous  avec  notre  regrettable  ami  M.  Waterkeyn,  lorsque  le 
corps  se  dissout,  ses  parties  se  désunissent,  les  éléments 
dont  chacune  d'elles  était  formée  se  séparent,  ils  forment 
des  composés  nouveaux,  mais  aucun  de  ses  éléments  ne 
s'est  anéanti.  Suivant  l'expression  d'un  savant  célèbre,  «  la 
terre  est  un  cahos  de  tous  les  corps  passés,  présents  et 
futurs,  duquel  tous  tirent  leur  origine  et  dans  lequel  tous 
retombent  successivement.  » 

Ainsi  la  main  divine  qui  forma  du  limon  de  la  terre  le 
corps  du  premier  homme,  pour.ra-t-elle  à  plus  forte  raison 
réunir  et  rétablir  les  diverses  éléments  qui  ont  déjà  cons- 


NOTES.  437 

titué  ce  corps  et  qui  n'ont  pas  cessé  un  seul  instant  d'être 
présents  à  la  divine  sagesse. 

Qu'on  cesse  donc  de  parler  d'impossibilité  dans  la  résur- 
rection des  corps  ;  de  quelque  côté  qu'on  l'envisage,  la 
raison  n'y  reconnaît  pas  l'ombre  d'impossibilité.  (Les dog- 
mes catholiques,  par  Laforêt,  liv.  27,  chap.  2.) 

II. 

Porro  mortuorum  etiam  resurrectionem  credimus.  Erit 
enim  profecto,  erit  inquam  mortuorum  resurrectio.  Resur- 
rectionem autem  dicentes,  corporum  resurrectionem  intel- 
ligimus.  Resurrectio  enim  nihil  aliud  est,  quam  secunda 
ejus  quod  cecidit  erectio. Anima?  etenim  cum  immortalitate 
praaditae  sint,  quo  tandem  pacto  résurgent?  Nam  cum 
mortem  ita  definiant,  ut  sit  animae  à  corpore  disjunctio, 
non  dubium  est  quin  resurrectio  sit  iterata  animée  et  cor- 
poris  conjunctio,  ac  secunda  dissoluti  et  collapsi  animantis 
excitatio.  Ex  quo  efficitur,  ut  illud  ipsummet  corpus,  quod 
interit  ac  dissolvitur,  tandem  interitus  expers  ad  vitam 
rediturum  sit.  Neque  enim  ea  imbecillitate  est  is ,  qui  et 
terras  pulvere  primum  illud  condtdit,  utdissolutum  postea, 
atque  in  terram,  ex  qua  sumptum  fuerat,  juxta  Opificis 
sententiam,  reversum,  rursus  ad  vitam  revocare  nequeat. 
Nam  si  non  est  resurrectio,  comedamus  et  bibamus,  ac 
jucundam  deliciisque  omnibus  conferlam  vitam  consecle- 
mur.  Si  non  est  resurrectio,  quid  tantum  est  quo  bruta 
animantia  antecellamus?  Si  non  est  resurrectio,  feras 
agrestes,  quae  vitam  omni  mœrore  vacuam  degunt,  beafas 
prœdicemus.  Si  non  est  resurrectio,  non  est  Deus,  nec 
providentia  :  verum  omnia  casu  temere  aguntur  ac  ferun- 
tur.  Ecce  enim.  plurimos  justos  homines  cernimus,  qui 
egeant,  et  injuria  afficiantur,  neque  ulla  in  hac  vita  ope 
subleventur  :  peccatores  contra  et  flagitiosos  opibus  atque 
omni    deliciarum    génère   circumfluentes.  Ecquis    autem 

5YMB.  11.  37 


438  NOTES. 

mente  preeditus  hoc  aeqai  judicii,  aut-sapientis  providentiel' 
esse  existimet?  Erit  igitur  resurrectio.  Nam  cum  Deus  jus- 
titise  laude  praestet.  iis  quoque,  qui  cum  patienti  animo 
oxpectant,  mercedem  persolvet.  Ac  si  quidem  anima  sola 
in  virtutis  palasstra  decertavit,  sola  quoque  coronam  obti- 
nebit  :  et  si  sola  in  voluplatum  caeno  sese  volutavit,  sola 
quoque  merito  poenas  luet.  At  cum  nec  substantiam  inter 
se  discretam  habuerint,  nec  anima  vel  virtutem,  vel  vitium 
sine  corpore  coluerit,  merito  proinde  arnbo  simul,  a  ut 
prsemiis,  aut  pœnis,  afficiantur.  Quin  divina  quoque  Scrip- 
tura  corporum  resurrectionem  fore  testatur.  Ait  quippe 
Deus  ad  Noë  post  diluvium,  quasi  olera  virentia  dedi  vobis 
omnia  :  excepto  quod  carnem  cum  animse  sanguine  non 
comedetis.  Sanguinem  enim  animarum  vestrarum  requi- 
ram  de  manu  omnium  bestiarum  :  et  de  manu  omnis 
hominis  et  fratris  ejus  requiram  animam  ipsius.  Qui  effu- 
derit  sanguinem  hominis,  pro  illius  sanguine  sanguis  ipsius 
effundetur  .  quia  ad  imaginem  Dei  hominem  ëffinxi*.  Quo- 
niam  autem  modo  facturus  est,  ut  sanguinem  hominis  de 
manu  omnium  bestiarum  requirat,  nisi  quia  corpora  homi- 
num,  qui  mortem  habeunt,  ad  vitam  excitabit?  Non  enim 
hominis  loco  bestite  morientur.  Ac  rursus  Mosen  alloquens, 
his  verbis  utitur  :  Ego  sum  Deus  Abraham,  et  Déuslsaac, 
et  Deus  Jacob.  Atqui  Deus  non  mortuorum,  hoc  est  eorum, 
qui  plane  înterieruot,  nec  jam  futuri  sunt,  Deus  est,  sed 
viventium  :  quorum  animée  quidem  in  manu  Dei  vivunt, 
corpora  autem  per  resurrectionem  rursus  victura  sunt. 
Quin  Dei  quoque  parens  David  ad  Deum  verba  faciens,  ita 
ioquitur  :  Auferes  spiritual  eorum  et  déficient,  et  in  pul- 
verem  suum  revertentur.  En  quo  pacto  de  corporis  ei  sermo 
sit.  Deinde  subjungit,  Emittes  spiritum  tuum  et  creabun- 
tur,  et  renovabis  faciem  terrée.  Esaias  item  :  Résurgent 
mortui,  et  exeitabuntur  qui  in  monumentis  suri!.  Atqui 
perspicuum  illud  est,  non  animas,  sed  corpora  in  monu- 
mentis coliocari  Ac  beatus  Ezechiel  :  Et  factum  est,  incjuit, 


NOIES.  130 

cuin  ego  prophetarom,  et  ecce  terrai  motus  :  et  adduxit 
ossa  os  ad  os,  unumquodque  ad'  commissuram  suam.  Et 
vidi;  et  ecce  rursus  oborti  sunt  ipsis  nervi,  et  carnes  enas- 
cebantur,  et  ascendebant  ad  eos,  et  circumfusae  sunt  ipsis 
pelles  desuper.  Ac  postea  docet,  quemadmodum  spiritus, 
simul  atque  il  lis  imperatum  est,  redierunt.  Hue  accedit 
quod  est  apud  Danielem  :  Et  in  tempore  illo  exurget  Mi- 
chaël  princeps  magnus,  qui  stat  super  filios  populi  tui.  Et 
erit  tempus  tribulationis,  et  quidem  ejus  modi,  qualis  non 
fuit,  ex  quo  extitit  gens  super  terram  usque  ad  tempus 
illud.  Et  in  tempore  illo  salvabitur  omnis  ille  populus  tuus, 
qui  inventas'  fuerit,  scriptus  in  libro  :  et  multi  eorum  qui 
dormiunt  in  sepulchris  terras  résurgent,  partim  in  vitam 
aeternâm,  partim  in.probrum  et  ignominiam  sempiternam. 
Et  qui  intelligentia  p'rasditi  fuerint,  lucebunt  in  splendore 
firmamenti,  et  inter  justos  multos  ut  stellse  in  saecula,  et 
adhuc  fulgebunt.  Ex  his  antem  verbis,  multi  eorum  qui 
dormiiînt  in  terras  sepulchris  résurgent,  perspicue  constat, 
eum  corporum  resurrectionem  indieare.  Neque  enim  hoc 
quispiam  dixerit,  animas. in  terras  pulvere  dormire.  Ouine- 
tiam  Dominus  in  sacris  Evangeliis  corporum  resurrectio- 
nem diiucide  tradidit.  Audientenim,  inquit,  qui  in'monu- 
mentissunt,  vocem  filii  Dei  ;  et  procèdent  "qui  bona  egerunt, 
in  resurrectionem  vitse,  qui'autem  mala  egerunt,  in  resur- 
rectionem judicii.  Ouis  autem ,  modo  mentis  compos , 
animas  in  monumentis  esse  unquam  dixerit?  Nec  vero 
Domi-nus  sermone  tantum,  sed  etiam  opère  corporum  re- 
surrectionem declaravit.  Primum,  cum  quarto  a  morte  die, 
jamque  corruptum  ac  fœtidum  Lazarum  a  morte  ad  vitam 
excitavit.  Neque  enim  animdm  corpore  orbatam,  verum 
etiam  corpus  una  cum  anima,  nec  alterum,  sed  ipsummet 
quod  corruptum  erat  excitavit.  Ouonam  enim  alioqui  modo 
agnità  fuisset,  aut  fidem  invenisset  morlui  resurrectio,  nisi 
certissimis  personœ  notis  ac  proprietatibus  ea' comprobata 
fuisset?  Verum  Lazarum  quidem,  ut  divinitatis  suas  speci- 


iiO  NOIES 

men  eiîeret,  ac'lum  ipshis,  tum  nostrae  resurrectiouis  (idem 
aslrueret,  ad  \iiam  ila  revoeavit,  ut  eidem  rursus"  morieu- 
dum  esset.  Al  ipse  Dominus perfectae,  necjam  morïi  sub- 
jectif .resurrecMonis  auspex  extitit.  Eoque  etiam  Domine 
divinus  Apostolus  dicebat,  si  ihortuî  non  résurgent,  nec 
Christus  resurrexit.  Igitur  vana  est  fides  nostra.  Igitur 
adh'uc.  sumus  in  peçcatfs*  uostris. 'Nunc  autem  Christus 
resurrexit  prirnitiœ  dormientium,  et  primogenitus  ex  mor- 
tuis. 

Ae  rursus,  si  enim  credimus  quod  Christus  mortuus  est 
ac  resurrexit  :  sic  etiam  Deus  eos  qui  dormiernnt  per 
Jesum,  adducet  cnm  eo,  Ad  hune  modum  Dominum  resur- 
rexisse  ait.  "Quod  autem  Domini  rèsurrectio  corpofis  jam 
immortalis  el  anima?  conjunçtio  esset  (nam  hœc'erant, 
iuter  qu«fe  (H Visio  extiterat)- hinc  liquido  perspici  potest. 
Ait  enim-,  solvite  templum  hoc,  et  in  tribus  diebus  œdifi- 
cabo  illud. 

Quod  autem  de  corpore  *suo  loqueretur,  Evangelista 
locuples  es!  testis:  Palpate  me,  et  videte  (.aiebat  ad  disn- 
pulos  sups  Dominas.,  ;cum  ita  affecti  essent,  ut  spiritum 
cernerè  sibi  viderentur)  quod  ego  suffi,  ar  non  immutaïus  : 
quoniam  spiritqs  ca.mern  etossa  non  habet,  quemadmodum 
me  vide  Us  habere.  Et' c  uni  hoc  dixissel,  ostendit  eis  manus 
et  latus,  eaque  Thomas  tractanda  porrexit.  'Quid?  an  non 
hajc.ad  fidem  rorporum  -resùrrectioni  conciliandam  suffi- 
ciuntj  Rursus  autem  Apostolus  ad  hune  modum  loquitur  : 
Oportel  enim  corrupt.ibile  hoc  induere  incorruptionem,  et 
morlale  hoc  induere  immortalitatem.  Ac  rursus,  seminafur 
in  ignominia  :  resurget  in  gloria..  Seminatur  corpus  ani- 
male, hoc  est  crassum  et  mortale  :  resurget  corpus  spiri- 
tUale,  immufabile,  impassibile,  subtile  (hoc  énim  significat 
spirituaie,  quàle  post  resurrectionem  corpus  Domini  erat, 
cum  per  januas- dansas  Iransirel)  infatigabile,  nec  cibo, 
aut  sowfflo,  aut  polu  indigent..  Erunt  enim,  inquit  Dorni- 


NOTES.  \k\ 

nu-,  sinit  Aageli  De».  Née  jam  matrimouio  aut.liberorum 
procreationi  locus  erit.  Ait  quippe  divinus  Apostolus, 
Noslra  conversatio  in  cœlis  est,  unde  etiam  Salvatorem 
expectamus  Dominum  Jesum,  qui  reformahit  corpus  humi- 
lilatis  nostr;e,  ul  sit  conforme  corpori  claritatis  suae.  Quo 
loco  non  mulalionem  in  alleram  forniam  inlelligit  (absiï) 
verum  immutationempotius  ex  corruptione  ad  statum  cor- 
ruptionis  expertem.  At  dicet  aliquis  :  Qui  fieri  potest  ut 
mortui  reviviscant?  0  insignem  infidelitatem  !  ô  miram 
amentiam  !  Qui  pulverem  in  corpus  sola  vôl.untate  commu- 
tavit,  qui  exiguam  materiee,  hoc  est  seminis  guttam  in 
utero  amplificari,  variumque  hoc  et  multiplex  corporis 
organum  efficere  jussit,  an  non  multo  magis  id  quod  fac- 
tum  est,  ac  detluxit,  cum  voluerit,  excitabit  ?  Quali  autem 
corpore  venient?  Stolide  homo,  si  ea  est  obduratio  tua,  ut 
te  Dei  verbis  fidem  adhibere  minime  sînat,  operibus  saltem 
crede.  Quod  enim  tu  seminas,  non  vivificatur,  nisi  mor- 
tuum  fuerit  :  et  quod  seminas,  non  corpus  quod  futurum 
est  seminas,  sed  nudum  granum,  puta  tritici,  aut  rei  cujus- 
piam  ejusmodi.  Deus  autem  corpus  ei  dat,  quemadmodum 
vult,  et  unicuique  seminum  suum  corpus.  Contemplare 
itaque  semina  in  sulcis,  non  sec  us  atque  in  sepulchris,  de- 
i'ossa.  Quisnam  igitur  radices  illis  et  calamurn,  et  folia,  et 
spicas,  et  subtilissimos  culmos  inscrit?  An  non  iile  rerum 
omnium  artifex?  An  non  ejus,  qui  omnia  fabricatus  est, 
prseceptum  ?  Ad  liunc  itaque  modum  etiam  Dei  voluntate 
ac  mu  tu  mortuornm  resurrectionem  fore  persuasum  habe'to. 
Etenim  ipsius  potentia  voluntatem  œquo  gradu  comitatur. 
Resurgemus  igilur,  animis  nimirum  nostris  cum  corpori- 
bus  immortalibus  jam  atque  corruptione  exutis,  rursus 
conjunctis  :  atque  horrendo  Christi  tribunali  sistemur  :  ac 
diabolus,  et  ipsius  deemones.et  ipsius  homo,  hoc  est  Anli- 
cliristus,  et  impii  ac  flagitiosi  homines,  in  >gnem  œternum, 
non  m.ateria  instar  hujusce  nostri  constantem,  sed  qualem 
Deus  novit,  conjicientur.  Qui  autem  bona  egerunt,  fulge- 


442  NOTES. 

bunt  sicut  sol  una  eu  m  angelis  in  vitam  seternam,  cum 
Domino  nostro  Jesu  Christo,  quem  perpetu;'  cernent,  ab 
eoque  cernentur,  sempiternamque  ex  eo  voluptatem  car- 
pent.  (S.  Joann.  Damasc.  hb.  4  orthod.  fidei  cap.  28.) 

III. 

Vis  et  aliunde  te  doceam,  quod  illic  tremendum  judi- 
cium?  aperi  conscientiae  tuae  fores,  et  vide  sedentem  in 
mente  tuà  judicem.  Si  vero-  tu  temetipsum  condemnas, 
licet  i'nimicus  tui  sis,  et  non  justum  proferre  judicium  non 
toléras  :  nonne  multo  magis  Deus  multam  justi  geret  cu- 
ram,  et  ineviiabilem  de  omnibus  feret  sententiam  ;  sed 
simpliciter  et  temere  cuncta  fieri  permittet?  Et  quis  haéc 
dixerit?  Nemo  qui  dicat.  Verum  et  Graeci,  et  Barbari,  et 
poetae,  et  philosopha,  et  omne  genus  hominum  nobis  con- 
sentiunt,  et  si  non  similiter.  Et  aiurit  esse  qua?dam  apud 
inferos  judicia  :  tam  manifestum  et  certum  est  factum.  Et 
car,  inquies,  hic  non  punitur?  ut  suam  ostendat  patien- 
tiam,  et  ex  pœnitentia  nobis  salutem  praebeat,  et  neque 
genus  nostrum  inereptum  permittat,  et  ex  optima  muta- 
tione  potentes  salvari  saluti  non  praeripiat.Si  namque  stati'm 
-post  peccata  punisset,  et  interemisset,  quo  modo  salvatus 
fui-set  Paulus?  quo  modo  Petrus?  qui  sunt  summi  terra- 
rum  orbis  doctores.  Quo  modo  David  ex  pœnitentia  salu- 
tem comparasset?  Quo  modo  Galatae?  Quo  modo  plures 
alii?  Propterea,  quidem  nec  hic  omnes  exigit  pœnas,  sed 
ex  omnibus  quosdam,  nec  illic  omnes  :  ut  et  multum  in- 
sensatos  per  eos  quos  punit,  excitet,  et  faciat,  ut  expectent 
futr.ra,  per  eos  quos  non  castigat.  An  non  vides  hic  quos- 
dam puniri,  sicut  turri  oppressos,  sicut  illos  quorum  cruo- 
rem  Pilatus  rommiseuit,  ut  qui  praematura  morte  apud 
CorÎQthios  rapti  sunt,  eo  quod  indigne  mysteriorum  se 
fecissen't  participes  :  sicut  Pharaonem,  sicut  Judaeos  a  Bar- 
baris  jugulatos.  sicut  alios  multos,  et  tune  et  nunc,  et  sem- 


NOTES.  H  3 

per?  Et  alii  vero  postquam  multum  peccaverunt,  abire, 

nuilam  hic  dantes  pœnam  :  sicut  clives  Lazari,  sicut,  alii 
mulli.  H'sec  autem  feeit  tu  m  futura  non  credentes  excitans, 
tum  credentes  et  segnes  faeiens  alacriores.Deus  enim  Judex 
justus,  fortis  et  paliens,  nec  iram  inducens  per  singulos 
dies.  Si  vero  patientia  nos  abutamur,  erit  tempus  cum  nec 
brève  quid  jam  sustinebit,  sed  stalim  inférèt  ultionem. 
Itaque  ne  ut  solum  deliciarum  habeamus  momentum  (hoc 
enim  est  praesens  vita)  infinitorum  attrahamus  saeculorum 
tormenta  :  sed  momento  laboremus,  ut  perenniter'corone- 
mur.  (S.  Joan.  Cfirjjs.  hom.  49  ad  popul.Antioch). 

Nidus  est  prresens  vita.,  charissimi,  ex  festucis  et  luto 
coagmentatus  :  licet  mihi  magnas  eedes  ostendes  ,  sive 
regias  ipsas  aurô  multo  fulgentes  et  gemmis ,  nihil  ab 
hirundinurn  nido  differre  censebo  :  hyeme  siquidem  ins- 
tante, omnia  sponte  corruént,  hyemena  vero  diem  illum 
voco,  non  omnibus  byemem  :  quoniam  et  Deus  noetem 
simul  et  diem  voeat  :  iliud  quidem  quantum  ad  peccatores, 
hoc  autem  quantum  ad  justos.  Ibidem  et  ego  nunr  hyemem 
ipsum  voco,  si  non  in  œstate  bene  alamur,  ut  volare  pos- 
simus  instante  hyeme,  non  nos  matres  suscipient,  sed 
esurie  sinent  perire,  vel  nido  ruente  perdi.  Tamquam  enim 
nidum,  quinimmo  et  facilius  quam  nidum,  omnia  Deus 
tune  destruet,  delens  et  transmutans  omnia.  Volatu  vero 
carentes,  et  ipsi  non  valentes  oecurrere  in  aéra  :  sed  ita 
vulgariter  nutriti,  ne  levés  habeant  pennas,  ea,  quaa  pati 
taies  est  verisimile,  patientur.  Hirundinurn  itaque  pulli, 
cum  ceciderint,  statim  pereunt  :  nos  vero  non  morimur 
sed  continue  punimur.  Hyems  erit  illud  tempus,  quinimo 
hyeme  difficilius,  non  enim  aquae  torrenles  profluunt,  sed 
ignis  flumina  :  non  ex  nubibus  tenebras  conflantur,  sed 
insolubiles,  et  omni  luce  carentes  tenebrae,  ut  neque  coelum 
videatur,  nec  aer  :  sed  plus  quam  terra  obruti,  compri- 
mantur  :  fréquenter  h;ec  dicimus,  sed   quibusquam   non 


444  NOTES. 

persuademus,  et  nihil  mirum  si  nos  homines  utique  viles 
ha?c  palimur,  etiam  de  his  disserenlés  :  quippeet  proptieta? 
talia  patiebantur,  non  tantum  de  talibus  loquentes  rébus, 
verum  et  de  bello,  et  captivitate.  Et  Sedechias  ab  Hieremia 
redarguebatur,  et  non  confundeb'atur.  Proplerea  prophetae 
dicebant  :  Yae  qui  dicitis,  appropinquet  in  celeritate,  ut 
videamus  quse  faciat  Deus,  et  veniat  voluntassancti  Israël 
ut  cognoscamus.  Ne  hoc  admiremur  :  nec  enim  qui  arcam 
fabrefieri  videbant,  crediderunt  :  sed  tune  credidere  dé- 
muni, cum  fidei  lucrum  erat  nullum.  Neque  Sodomorum 
habitatores  expectaverunt,  verum  et  ipsi  crediderunt,  cum 
ipsi  nihil  praefuit.  Et  quid  dico  futura?  qui  hase  unquam 
expectavit,  qua3  nunc  per  diversa  fiunt  loca,  urbium  ter- 
ra? motus, et  destructiones?  Et  hœc  quidem  sunt  illis  magis 
credibilia,  arca  dico.  Unde  patet  ?  Quoniam  illi  quidem  non 
habebant  in  quod  aliud  exemplum  respicerent,  neque 
scripturas  audierunt  :  hic  autem  infinita  sunt  gesta,  tum 
annis  nostris,  tum  prisas  .  Sed  unde  talium  infidelitas?  ex 
anima?  mollilie.  Bibebant  et  comedebant,  et  noncredebant 
propterea.  Quse  enim  quispiam  vult,  haec  etexistimat,  baec 
et  expectat  :  contradicentes  vero  nugae  sunt  :  sed  ne  nos 
idem  patiamur.  Non  enim  diluvium  jam  erit,  nec  ad  mor- 
tem  usque  supplicium  :  sed  pœnarum  initium  mors,  non 
credentibus  fore  judicium,  At,  inquiet  aliquis,  quis  illinc 
advenit  et  haec  annuntiavit?  Si  jocans  quidem  dicis,  nec  ita 
bene  :  nec  enim  in  hujusmodi  ludendum  istis.Non  enim  in 
ludreris,  sed  periculose  ludimus  :  Si  vero  sic  serio  sentis, 
et  post  hsec  nihil  esse  pu  tas,  quo  modo  te  dicis  esse  chris- 
tianum?  Nulla  namque  mihi  est  alienorum  cura.  Quare 
baptismum  ^uscipis?  Cur  Ecclesiam  ingrederis?  numquid 
enim  principatus  polliretur?  omnis  nobis  spes  in  futuris. 
Quid  igitur  accedis,  si  scripturis  fidem  non  habes,  si  Ghristo 
non  credis?  Xumquam  talem  Christianum  dixerim,  absit, 
sed  potius  et  gentilibus  pejorem.  In  quo?  In  hoc  quod 
Çhristum  putans  esse  Deum,  ei  non  crédit  tanquam  Deo  : 
impietas  enim  illa   quandam  habet  consequentiam.  Qui 


NOTES.  445 

namque  Christum  Deum  esse  non  crédit,  hune  nec  illi  cre- 
dere  necessarium  e>t.  Haec  aulem  impietas  neque  conse- 
quentiam  habet,  Deum  eonfiteri,  et  in  his  quae  dieit,  eum 
fide  dignum  non  censere.  Ebrietatis  hsec  verba,  lasciviae, 
Iuxuriae,  comedamus  et  bibamus,  cras  enim  morimur,  non 
poslridie.  Sed  cum  ha3C  dieitis,  mortui  jam  estis.  Nihil 
igitur  a  porcis  differemus,  nihil  ab  asinis,  ct'ia3so?Nam  si 
neque  judicium  est,  neque  retributio,  nequu  tribunal  :  qua 
de  causa  tali  sumus  munere  decorati,  ratione,  et  habemus 
omnia  subjecta?  quare  nos  quidem  dominamur,  illa  vero 
subdita  sunt?  Vide  qualiter  undique  diabolus,  ut  Dei  do- 
num  ignoremus,  persuadere  festinat.  Servos  Dominis  com- 
miscet,  tanquam  mancipium  quoddam  et  ingratus  servus. 
Liberum  in  eandem  cum  eo  qui  offendit,  vilitatem  inducere 
nititur  :  et  judicium  quidam  duntaxat  tollere  videtur,  tollit 
autem  esse  Deum;  talis  enim  semper  est  diabolus.  Omnia 
cum  arte,  non  ex  directo  prétendit,  ne  caveamus.  Si  non 
est  judicium,  Deus  non  est  justus,  secundum  hominem 
dico  :  Si  justus  non  est,  neque  Deus  :  si  Deus  non  est, 
omnia  temere  feruntur.  Nihil  virtus,  nihil  vicium,  sed  ho- 
rum  nihil  aperte  dicit.  Vidisti  satanicae  cavillationis  cogi- 
tatum?  qualiter  ex  hominibus  bruta  nos  facere  studet, 
imo  vero  feras,  quin  potius  dsemonas?  Itaq  ie  ne  creda- 
mus  :  est  enim  judicium,  ô  miser  et  infelix.  Novit  et  unde 
venias  ad  istos  sermones.  Multa  tibi  peccata  sunt,  lapsus 
es,  fiduciam  non  habes  ,  rationes  tuas  et  rerum  sequi 
naturam  existimas.  Intérim,  inquis,  gehenrtse  expectatione 
animam  non  conficiam.  Licet  gehenna  sit,  ei  persuadebo 
gehennam  non  esse,  intérim  hic  gaudebo.  Quare  peccata 
peccatis  accumulas?  Si  prœvaricaris,  gehennam  tamen  esse 
credideris,  peccatorum  dunlaxat  pœnas  liions  ebibis.  Si 
vero  et  istam  addideris  impietalem,  et  impietatis  et  cogi- 
tations hujus  extremas  dabis  pœnas  :  et  frigida  brevi 
facta  tibi  consolalio,  perennis  erit  ultionis  materia.  (Idem. 
Hom.  50). 

SYMB.    II.  38 


446  NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS. 


IIe  INSTRUCTION. 

NOOS  BESROSCITKKOflS  TOUS.    —    NOUS   AURONS  LE   MÊME  CORPS 
APRÈS  LA  RÉSURRECTION. 


E  X  0  R  b  E . 

I  Tout  conspire,  nous  l'avons  vu  dans  notre 
dernière  conférence,  pour  attester  la  vérité  de  la 
résurrection  future  :  la  foi  et  la  raison,  la  voix  de 
la  nature  et  celle  de  l'histoire,  l'ordre  physique  et 
l'ordre  moral. 

Les  deux  Testaments  la  proclament  de  concert  ; 
la  nature  nous  en  offre  partout  des  symboles  et  des 
images  ;  la  raison  nous  dit  que  l'àme  étant  immor- 
telle et  naturellement  unie  au  corps,  leur  sépa- 
ration ne  peut  être  éternelle  ;  la  justice  divine 
d'ailleurs  ne  s'exercerait  que  d'une  manière  in- 
complète, soit  à  l'égard  des  bons,  soit  à  l'égard  des 
méchants,  si  le  corps  ne  ressuscitait  pas,  afin  de 
participer  à  la  récompense  ou  à  la  peine  de  l'âme, 
comme  il  a  participé  à  ses  vices  ou  à  ses  vertus. 

Ce  dogme  si  consolant  a  donc  ses  racines  par- 
tout ;  il  les  a  surtout  dans  le  fond  de  votre  cœur. 
Oui,  là  domine  un  instinct  indestructible  de  con- 
servation, un  désir  insatiable  de  vie,  une  protes- 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  447 

tation  permanente  contre  le  retour  au  néant  non- 
seulemrnt  de  J'âme,  mais  du  corps. 

2.  Après  vous  avoir  exposé  les  principales  preu- 
ves de  cette  vérité,  nous  avons  maintenant  a 
étudier  plusieurs  questions  intéressantes  qui  s'y 
rattachent. 

La  première  est  celle-ci  :  la  résurrection  sera-t- 
elle  générale,  ou  bien  n'y  aura-t-il  que  les  bons  qui 
ressuciteront?  La  seconde:  aurons-nous  le  même 
corps  après  la  résurrection  qu'auparavant,  ou 
bien  recevrons-nous  un  corps  différent?  La  troi- 
sième enfin  :  quelles  seront  les  qualités  des  corps 
ressuscites? 

Nous  réserverons  cette  troisième  question  pour 
la  prochaine  conférence.  Les  deux  premières  fe- 
ront l'objet  de  celle-ci. 

PREMIER  POINT. 

3.  La  résurrection  sera-t-elle  générale? 

Oui,  répond  l'apôtre  saint  Paul  :  «  De  même, 
dit-il,  écrivant  aux  Corinthiens,  que  tous  les  hom- 
mes meurent  en  Adam  ,  de  môme  tous  seront 
vivifiés  en  Jésus-Christ.  Sicut  in  Adam  omnes  mo- 
riuntur,  ita  et  in  Christo  omnes  vivificabuntur.  » 
(/  Corinth.  xv.) 

La  loi  de  la  mort  ne  souffre  aucune  exception  ; 
La  sentence  prononcée  contre  Adam  frappe  toute 
sa  postérité.  Par  contre,  tous  seront  rappelés  a  la 
vie  par  les  mérites  de  Jésus-Christ.  ITesl  le  nouvel 


448  NOUS  RESSUSCITERONS  TOI  S. 

Adam  qui  a  réparé  la  ruine  de  l'ancien.  Si  quelques 
hommes  étaient  exceptés  de  la  résurrection,  le 
péché  de  notre  premier  père  eut  été  plus  puissant 
que  la  rédemption  du  Sauveur.  Et  cependant,  lui- 
même  n'a-t-il  pas  déclaré  «  qu'il  est  venu  pour 
nous  donner  la  vie,  et  une  vie  plus  abondante? 
Veni  ut  vitam  habeant,  et  abundantius  habeant.  » 

Donc,  tous,  sans  distinction  de  bons  et  de  mé- 
chants, ressusciteront  à  la  fin  des  temps. 

N'allez  pas  croire  pourtant  que  les  uns  et  les 
autres  soient  également  favorisés  dans  cette  ré- 
surrection universelle  ;  car  leur  sort  sera  bien 
différent  !  «  Ceux,  dit  Jésus-Christ,  qui  auront  fait 
le  bien,  ressusciteront  pour  la  vie  éternelle  ;  les 
méchants,  au  contraire,  pour  leur  condamnation. 
Et  procèdent  qui  bona  fecerunt  in  resurrectionem 
vitae,  qui  vero  mala  fecerunt,  in  resurrectionem 
judicii .•  »  (Joann.  v.)  Les  premiers  recevront  la 
palme  de  la  gloire  éternelle,  les  seconds  ne  ressus- 
citeront que  pour  leur  confusion  et  leur  supplice. 

Ah  !  si  nous  avions  plus  souvent  devant  les  yeux 
l'état  où  seront  alors  les  justes  et  les  pécheurs,  sans 
doute,  nous  tremblerions  de  vivre  un  seul  instant 
dans  la  disgrâce  de  Dieu,  et  nous  ferions  les  plus 
héroïques  efforts,  afin  de  nous  assurer  la  résurrec- 
tion bienheureuse  ! 

4 .  Mais,  demandera-t-on,  qu'en  sera-t-il  de  ceux 
qui  seront  encore  vivants  à  l'époque  du  jugement? 

Eux  aussi  mourront,  comme  tous  ceux  qui  les 
auront  précédés. 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  449 

L'Eglise,  au  témoignage  de  saint  Augustin  et 
de  saint  Jérôme,  penche  en  faveur  de  ce  sentiment; 
Il  est  le  plus  conforme  à  la  vérité. 

L'apôtre  saint  Paul  est  loin  de  le  contredire, 
quand  il  dit  dans  son  épître  aux  Thessaloniciens  : 
a  Que  ceux  qui  sont  morts  en  Jésus-Christ  ressus- 
citeront les  premiers  et  qu'ensuite  ceux  d'entre  les 
hommes  qui  vivront  et  qui  auront  été  laissés  jus- 
qu'alors sur  la  terre,  seront  emportés  sur  les  nuées 
avec  les  premiers  pour  aller  au-devant  de  Jésus- 
Christ,  dans  les  airs.  Mortui,  qui  in  Christo  sunt, 
résurgent  primi,  deinde  nos,  qui  vivimus,  qui  re- 
linquimur,  simul  rapiemur  cum  Mis  in  nubibus 
obviam  Christo  in  aéra.  »  (/.  Thessalon.  iv.) 

L'Apôtre,  disons-nous,  ne  veut  pas  signifier  par 
là  que  les  contemporains  du  jugement  seront  dis- 
pensés de  mourir  ;  car,  dit  saint  Ambroise,  expli- 
quant ce  passage  :  «  La  mort  les  saisira  au  moment 
même  de  leur  enlèvement.  Ce  sera  un  court  som- 
meil, et  la  vie  leur  sera  rendue  aussitôt  ;  mais 
néanmoins  ils  mourront  véritablement  dans  cet 
enlèvement,  et  parvenus  en  présence  du  Seigneur, 
ils  reprendront  une  vie  nouvelle,  parce  que  les 
morts  ne  peuvent  être  avec  le  Seigneur.  In  ipso 
raptu  mors  praeveniet,  et  quasi  per  soporem,  ut 
egressa  anima  in  mortem  reddatur  :  cùm  enim  tol- 
lentur ,  morientur,  ut  pervenientes  ad  Dominum 
praesentia  Domini  recipiant  animas,  quia  cum  Do- 
mino mortui  esse  non  possunt.  »  (Ambros.  in  4 
epist.  ad  Thessalon.  cap.  iv.) 

SYMB.       II.  3S* 


450  NOUS  RE96USCITERONS  TOUS. 

Saint  Augustin  s'exprime  dans  le  même  sens 
dans  son  livre  de  la  cité  de  Dieu. 

Concluons  donc  que  la  mort  et  la  résurrection 
seront  universelles  et  sans  exception. 

SECOND  POINT. 

o.  Voyons  maintenant  avec  quel  corps  nous 
ressusciterons. 

Séparé  de  l'âme  par  la  mort,  le  corps  humain  se 
dissout  bientôt.  Il  tombe  en  pourriture,  et  se  ré- 
duit peu  a  peu  en  poussière.  De  cadavre  qu'il  était, 
il  devient  un  je  ne  sais  quoi,  dit  Bossuet,  qui  n'a 
plus  de  nom  dans  aucune  langue. 

Comment  cette  poussière  pourra -t- elle  se 
ranimer  ? 

Elle  se  raminera  au  souffle  de  la  toute-puissance 
de  Dieu.  Celui  qui  a  créé  le  corps  d'Adam  d'un  peu 
de  terre,  saura  bien  en  reconstituer  les  débris. 
Notre  corps  en  effet,  quoique  corrompu  et  réduit 
en  poudre,  n'est  pas  anéanti  par  la  mort  ;  les  par- 
ties qui  le  composaient  se  séparent  et  prennent  une 
autre  forme;  mais  elles  ne  laissent  pas  de  subsis- 
ter toujours;  aucune  n'est  totalement  détruite. 

Eh  bien  !  c'est  avec  ces  restes  que  Dieu,  par  sa 
puissance,  reformera  notre  corps.  Ce  ne  sera  donc 
pas  avec  un  corps  étranger,  avec  un  corps  diffé- 
rent que  chacun  de  nous  ressuscitera,  mais  avec  le 
même  corps  qui  lui  a  appartenu  en  cette  vie. 

Convainquons-nous  de  cette  vérité  et  tâchons 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  451 

de  nous  en  pénétrer.  Elle  est  de  la  plus  haute  con- 
séquence pour  nous,  comme  je  vous  le  dirai  dans 
la  suite. 

Oui,  ce  même  corps  que  nous  portons  mainte- 
nant, sortira  au  dernier  jour  du  sein  de  la  mort. 
C'est  la  doctrine  expresse  de  l'apôtre  saint  Paul  : 
ail  faut,  dit-il,  que  ce  corps  mortel  soit  revêtu  de 
l'immortalité,  que  ce  corps  corruptible  soit  revêtu 
de  l'incorruptibilité.  Oportet  mortale  hoc  induere 
immortalitatem,  et  eorruptibile  hoc  induere  incor- 
ruptionem.  *  (/  Corinth.  xv.) 

Remarquez  cette  parole  :  «  Il  faut  que  ce  corps.  » 
C'est  donc  le  propre  corps  de  chacun  de  nous  qui 
doit  revêtir  l'immortalité  et  l'incorruptibilité. 

Le  saint  homme  Job  a  prédit  la  même  chose 
dans  les  termes  les  plus  clairs:  «  Je  verrai  mon 
Dieu  et  mon  Sauveur  dans  ma  chair,  dit-il,  je  le 
verrai,  moi,  je  le  verrai  de  mes  propres  yeux,  et 
ce  ne  sera  pas  un  autre.  Et  in  carne  mea  videbo 
Deum,  salvatorem  meum,  quem  visurus  sum  ego 
ipse,  et  oculi  mei  conspecturi  sunt,  et  non  alius.  » 
(Job.  xix.) 

C'est  là  d'ailleurs  ce  qui  ressort  de  l'idée  même 
de  la  résurrection.  Qu'est-ce  en  effet  que  la  ressur- 
rection,  sinon,  comme  le  remarque  saint  Jean  Da- 
mascène,  le  retour  à  l'état  d'où  l'on  est  tombé?  Si 
le  corps  était  différent  après  la  résurrection,  on  ne 
pourrait  pas  dire  en  vérité  qu'il  est  ressuscité, 
puisqu'il  ne  serait  plus  le  même. 

6.  Ce  qui  prouve  encore  que  nous  devons  res- 


loi  NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS. 

susciter  avec  notre  propre  corps,  c'est  le  but  pour 
lequel  la  résurrection  aura  lieu. 

Pourquoi  en  effet  ressusciterons-nous? 

Pour  recevoir  la  peine  ou  la  récompense  que 
nous  aurons  méritée  chacun  en  particulier,  à  rai- 
son du  bien  ou  du  mal  que  nous  aurons  fait  dans 
ce  corps  mortel.  Il  faut  donc  que  chacun  ressuscite 
avec  le  même  corps  à  l'aide  duquel  il  a  servi  Dieu 
ou  le  démon.  C'est  à  ce  corps  et  non  à  un  autre 
que  reviennent  les  honneurs  du  triomphe  et  la  cou- 
ronne de  gloire  s'il  a  servi  Dieu  ;  c'est  à  ce  corps 
et  non  à  un  autre  que  sont  dus  les  supplices,  s'il  a 
été  l'instrument  du  crime. 

Ainsi,  la  résurrection  nous  rendra  le  même  corps 
identiquement  que  nous  aurons  eu  en  cette  vie,  et 
qui  aura  été  dissous  par  la  mort. 

7.  Mais  précisons  encore  mieux  cette  vérité,  et 
entrons  dans  quelques  détails. 

Le  corps  se  compose  d'un  certain  nombre  de 
membres.  11  y  a  des  hommes  disgraciés  de  la 
nature,  ou  qu'un  accident,  une  maladie,  une  infir- 
mité quelconque  a  privés  de  l'un  de  ces  membres 
ou  de  quelque  ornement  du  corps.  Plusieurs  aussi 
naissent  avec  un  vice  de  constitution. 

Les  corps  ressuscites  conserveront-ils  ces  im- 
perfections? Aucunement  ;  à  la  résurrection,  le 
Tout-Puissant  rétablira  notre  corps  dans  toute  l'in- 
tégrité et  la  beauté  primitive  de  sa  nature.  Saint 
Augustin  nous  fournit  là  dessus  une  explication 
très-remarquable  :  «  Alors,  dit-il,  le  corps  sera 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  453 

dégagé  de  toute  imperfection.  Ceux  qui  étaient 
trop  chargés  d'embonpoint,  ne  reprendront  point 
toute  cette  masse  de  chair  ;  tout  ce  qui  excédera 
une  juste  proportion  sera  retranché  comme  super- 
flu. Au  contraire,  toute  altération  causée  par  les 
maladies  ou  par  Fàge  sera  réparée  par  la  vertu 
divine  de  Jésus-Christ.  Ainsi,  par  exemple,  ceux 
qui  étaient  d'une  maigreur  excessive,  cesseront 
d'être  décharnés.  Jésus-Christ  ne  fera  pas  seule- 
ment revivre  notre  corps,  mais  il  réparera  tous  les 
dommages  que  cette  misérable  vie  lui  aura  causés. 
Nihil  tune  vitii  in  corporibus  existet  :  si  aliqui  plus 
pinguedine  obesi  et  crassi  extiterint,  non  totam 
corporis  molem  assument;  sed  quod  illam  habi- 
tudinem  superabit,  reputabitur  superfluum  ;  et  è 
converso,  quaecumque  vel  morbus  vel  senium  con- 
fecit  in  corpore,  reparabitur  per  Christum  virtute 
divina  :  ut  si  aliqui  propter  macrorem  fuerint  gra- 
ciles ;  quia  Christus  non  solum  nobis  corpus  repa- 
rabit,  sed  quidquid  per  miseriamhujus  vitae  fuerit 
ademptum.  »  (Deciv.  Dei  lib.  22.) 

Dans  un  autre  endroit,  il  dit. encore  :  «  L'homme 
ne  reprendra  pas  tous  ses  cheveux,  mais  seule- 
ment la  quantité  convenable,  selon  cette  parole 
de  l'Ecriture  :  tous  les  cheveux  de  votre  tête  sont 
comptés,  c'est-à-dire,  tous  les  cheveux  que  la 
sagesse  divine  doit  vous  rendre.  Non  resumet 
homo  capillos  quos  habuerit,  sed  quos  decuerit, 
juxta  illud  :  omnes  capilli  capitis  vestri  numerati 
sunt,  qui  secundum  divinam  sapientiam  sunt  repa- 
randi.  »  (Enchirid.  cap  89.) 


45  i  NOUS  RESSUSCITERONS  IOUS. 

8.  D'après  cela,  il  n'y  a  pas  à  en  douter,  comme 
chacun  de  nos  membres  concourt  à  l'intégrité  de 
notre  nature,  tous  sans  exception  nous  seront  res- 
titués au  dernier  jour. 

L'aveugle  de  naissance  ou  par  accident,  le  boi- 
teux, celui  qui  a  perdu  le  bras,  celui  qui  est  per- 
clus de  quelque  membre,  ressusciteront  avec  un 
corps  entier  et  parfait.  Supposez  le  contraire,  l'âme 
serait  contrariée  clans  le  désir  qu'elle  a  de  se  réu- 
nir au  corps  ;  et  cependant  nous  croyons  ferme- 
ment que  ses  désirs  seront  comblés  à  la  résurrec- 
tion. 

Ne  faut- il  pas  d'ailleurs  que  la  résurrection  soit 
en  rapport  avec  la  création?  L'une  et  l'autre  comp- 
tent certainement  parmi  les  principales  œuvres 
de  la  puissance  divine.  La  résurrection  est  même 
comme  une  seconde  création  supérieure  à  la  pre- 
mière. Puisque  toutes  choses  ont  été  créées  parfai- 
tes, il  n'y  a  pas  de  doute  que  la  résurrection  ne  les 
remette  dans  le  même  état. 

9.  Faisons  maintenant  l'application  de  cette  doc- 
trine. 

Il  y  a  deux  classes  d'hommes  :  les  bons  et  les 
méchants.  Tous  indistinctement  ressusciteront  ; 
tous  rentreront-ils  aussi  dans  la  possession  de  tous 
leurs  membres? 

Oui,  sans  doute,  et  d'abord  les  bons.  Prenons 
pour  exemple  les  Martyrs.  Les  Martyrs,  dit  saint 
Augustin,  recouvreront  les  membres  qu'ils  ont 
perdus,  par  ce  motif  qu'un  corps  mutilé  serait  un 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  455 

corps  défectueux.  Celui  qui  nierait  cela,  devrait 
soutenir  que  ceux  qui  ont  été  décapités,  ressusci- 
teront sans  tête,  ce  qui  est  absurde. 

Cependant  on  pourra  voir  dans  leurs  membres 
la  trace  du  glaive.  Mais  leurs  cicatrices,  comme 
celles  du  Sauveur  ,  ne  serviront  qu'à  rehausser 
leur  beauté  ;  elles  surpasseront  l'éclat  de  l'or  et  de 
l'argent. 

Les  méchants,  eux  aussi,  ressusciteront  avec 
tous  leurs  membres,  quand  même  ils  en  auraient 
perdu  quelqu'un  par  leur  faute.  Mais,  hélas  !  ils 
n'auront  pas  sujet  de  se  féliciter  de  les  avoir  retrou- 
vés; car  ce  sera  pour  leur  plus  grand  malheur. 
Plus  ils  auront  de  membres,  plus  leurs  supplices 
seront  multipliés.  Ils  les  auront  fait  servir  à  l'ini- 
quité, ils  serviront  à  les  tourmenter. 

Ainsi,  pendant  que  les  justes  qui  ont  voué  leurs 
corps  à  la  pénitence,  recouvreront  tous  leurs 
membres  pour  leur  consolation  et  leur  gloire  ;  les 
impénitents  les  recouvreront  comme  autant  de 
bourreaux  et  d'instruments  de  supplice. 

La  justice  l'exige  ainsi.  C'est  par  leur  moyen 
qu'on  commet  le  péché  ou  qu'on  pratique  les  bon- 
nes œuvres  ;  c'est  donc  aussi  par  leur  moyen  qu'on 
doit  être  puni  ou  récompensé. 

CONCLUSION. 

10.  Arrêtons-nous  ici  et  méditons  sérieusement 
ces  grandes  vérités.  Quel  fond  inépuisable  de  sain- 
tes et  salutaires  réflexions  elles  nous  offrent  ! 


456  NOOS  RESSUSCITERONS  TOUS. 

Il  est  donc  vrai,  ce  corps,  ô  homme  pécheur, 
dont  tu  abuses  pour  offenser  Dieu,  ce  corps  dont 
tu  fais  ton  idole,  que  tu  souilles  et  dégrades  par 
d'ignobles  passions,  oui,  ce  même  corps  subira  un 
jour  les  conséquences  de  tes  désordres.  Après 
avoir  favorisé  et  satisfait  tes  appétits  déréglés,  il 
te  punira  par  où  tu  as  péché.  Aujourd'hui,  pour  le 
contenter,  tu  t'abandonnes  à  l'intempérance,  tu  te 
plonges  dans  des  voluptés  hideuses  ;  encore  un 
peu  de  temps,  et  ce  même  corps  sera  tourmenté 
par  une  faim  et  une  soif  dévorantes  et  les  feux  de 
l'enfer  lui  feront  expier  tes  plaisirs  impurs.  Quelle 
folie  !  quelle  cruauté  donc  d'accorder  à  ton  corps 
des  satisfactions  qui  te  coûteront  si  cher  !  Tu  aimes 
ta  chair,  et  tu  la  traites  ainsi?  Tu  veux  son  repos 
et  son  contentement,  et  tu  ne  la  soumets  pas  à  la 
raison?  elle  doit  être  ta  sujette, et  tu  en  fais  ta  reine 
et  ta  maîtresse,  obéissant,  comme  un  esclave,  a 
tous  ses  caprices?  ah  !  ne  vois-tu  pas  que  ta  fai- 
blesse et  ta  lâcheté  à  réprimer  ses  convoitises  sont 
pires  que  la  haine  et  la  vengeance? 

Oui,  chrétiens,  celui-là  est  le  plus  grand,  le 
plus  mortel,  l'éternel  ennemi  de  son  corps,  qui  ne 
met  pas  un  frein  à  ses  passions  en  cette  vie.  A 
la  résurrection ,  quand  le  Rémunérateur  suprême 
rendra  à  chacun  selon  ses  œuvres,  quel  sera  le 
sort  de  ces  yeux  que  vous  avez  rassasiés  de  mau- 
vais regards,  de  ces  oreilles  qui  ont  écouté  avec 
plaisir  l'obscénité  et  la  médisance,  de  cette  langue 
qui  a  distillé  le  poison  de  l'impiété  et  de  l'impudi- 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  457 

cité,  de  tous  ces  membres  enfin  qui,  au  mépris  de 
leur  consécration  à  Dieu,  se  sont  faits  le  théâtre  et 
les  acteurs  de  tant  d'oeuvres  abominables?  Ah! 
pensons-y  bien  !  si  pendant  cette  vie  mortelle, 
nous  imprimons  dans  nos  membres  le  stigmate  des 
vices,  nous  l'y  retrouverons  gravé  à  jamais,  après 
la  résurrection.  Quelle  confusion  pour  cette  jeune 
personne  qui  paraît  si  pudique  et  si  réservée,  pour 
cet  homme  qui  jouit  d'une  grande  considération, 
pour  cette  femme  que  personne  ne  suspecte,  pour 
ce  vieillard  dont  la  seule  vue  commande  le  respect, 
si  l'on  venait  à  découvrir  qu'ils  portent  une  flétris- 
sure jadis  infligée  par  la  main  du  bourreau  !  Que 
sera-ce,  lorsqu'au  dernier  jour,  chacun  de  nos 
membres  portera  la  marque  visible  des  crimes  aux- 
quels ils  se  seront  prêtés?  0  mort  !  vous  êtes  pré- 
férable à  une  telle  honte  !  Mais  alors,  le  pécheur 
invoquera  en  vain  la  mort,  en  vain  il  désirera  pou- 
voir ensevelir  de  nouveau  son  corps  dans  le  tom- 
beau ;  il  faudra,  malgré  lui,  qu'il  paraisse  aux  yeux 
de  son  Juge  et  de  l'univers  entier,  tout  couvert 
d'abominations  et  d'infamies  dont  la  vue  lui  sera 
insupportable  à  lui-même.  L'infortuné!  alors,  mais 
trop  tard,  il  maudira  ce  corps  qu'il  a  idolâtré  et 
pour  lequel  il  s'est  perdu.  Oui,  alors,  vous  mau- 
direz, cette  vanité,  ce  luxe  coupable,  ces  raffine- 
ments de  parure  inventés  pour  exciter  les  pas- 
sions, vous,  femmes  du  monde,  qui  ne  craignez 
pas  de  sacrifier  les  âmes  à  votre  désir  de  briller  et 
de  plaire!  Vous  maudirez  vos  excès  de  boisson, 

SYMB.    II.  39 


4  58  NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS. 

vous  esclaves  de  l'intempérance!  et  vous,  impudi- 
ques, vous  maudirez  vos  brutales  jouissances! 

Mais  encore  une  fois,  ce  sera  trop  tard,  alors. 

Pensez  donc  à  vous  convertir  ;  songez  au  mal- 
heur éternel  auquel  vous  vous  exposez  ;  songez  au 
bonheur  éternel  dont  vous  vous  privez  pour  un 
plaisir  passager  qui,  après  tout,  ne  vous  laisse  que 
des  remords  !  Ne  voulez-vous  donc  pas  assurer 
la  félicité  de  votre  corps  et  de  votre  âme  tout 
ensemble? 

11.  Quelle  ne  sera  pas  la  joie  du  juste,  qui, 
après  avoir  crucifié  sa  chair  avec  ses  vices  et  ses 
convoitises,  la  verra  si  amplement  dédommagée  de 
souffrances  et  de  privations  d'un  moment!  Oh!  avec 
quel  respect,  avec  quel  amour,  il  recevra  de  nou- 
veau ce  corps,  le  fidèle  compagnon  de  sa  péniten- 
ce, de  ses  travaux,  de  ses  bonnes  œuvres  !  Il  i'a 
assujetti  pendant  la  vie  au  joug  de  la  loi;  pénétré 
de  la  crainte  des  jugements  de  Dieu,  il  en  a  percé 
la  chair,  il  l'a  châtiée  de  ses  moindres  révoltes,  il 
l'a  forcée  à  souffrir,  afin  de  réparer  les  ignorances 
et  les  fautes  de  sa  jeunesse  ;  il  l'a  réduite  en  servi- 
tude comme  l'Apôtre,  il  l'a  marquée  du  sceatfde 
la  mortification  et  de  la  croix  ;  voilà  maintenant 
cette  chair  ressuscitée  pour  sa  récompense.  Aux 
privations  succède  l'abondance  ;  aux  travaux,  le 
repos;  aux  jeûnes,  les  délices;  aux  humiliations, 
la  gloire. 

Ah!  qui  de  vous  ne  se  sent  enflammé  du  plus 
ardent  désir  d'arriver  à  cet  heureux  état? 


NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  459 

Vous  l'avez  entendu:  c'est  la  pénitence  et  la 
mortification  des  passions  qui  nous  en  aplanissent 
la  voie  ;  c'est  le  péché  et  l'impénitence  qui  nous  en 
éloignent  et  nous  préparent  une  résurrection  mal- 
heureuse. 

Pécheurs,  faisons  donc  pénitence  ;  prévenons  h 
justice  divine,  en  nous  corrigeant  et  en  exerçant 
sur  nous-mêmes  une  sainte  sévérité  !  Justes,  ani- 
mons-nous à  la  persévérance  et  travaillons  à  gros- 
sir sans  cesse  le  trésor  de  nos  bonnes  œuvres  ! 
Ainsi  soit-il  ! 


460  QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES. 


IIIe  INSTRUCTION. 

QUALITÉS    DES    CORPS    RESSUSCITES. 
EXORDE. 

\ .  Dons  les  deux  instructions  précédentes, nous 
nous  sommes  convaincus  de  la  vérité  de  la  résur- 
rection future,  et  nous  avons  satisfait  aux  deux 
premières  questions  qui  se  rattachent  à  ce  dogme, 
savoir:  si  nous  ressusciterons  tous,  et  si  notre 
corps  sera  identiquement  le  même  après  la  résur- 
rection que  pendant  cette  vie  mortelle. 

A  la  première  de  ces  deux  questions,  nous  avons 
répondu  avec  l'apôtre  saint  Paul,  que  l'ancien 
Adam  ayant  fait  passer  la  mort  avec  le  péché  dans 
toute  sa  postérité,  Jésus-Christ,  le  nouvel  Adam  et 
le  réparateur  du  péché, rappellera  un  jour  tous  les 
hommes  à  la  vie.  La  résurrection  sera  donc  géné- 
rale. Ceux-là  mêmes  qui  seront  en  vie  à  l'époque 
du  jugement  paieront  leur  tribut  à  la  mort  pour 
ressusciter  immédiatement,  en  même  temps  que 
tous  ceux  qui  les  ont  précédés. 

A  la  seconde  question,  nous  avons  répondu  que 
nous  ressusciterons  dans  notre  propre  corps  et 
non  dans  un  corps  nouveau  et  étranger.   L'idée 


QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES.  461 

même  de  la  résurrection  exige  qu'il  y  ait  identité 
entre  ce  qui  meurt  et  ce  qui  ressuscite.  Puis,  ne 
faut-il  pas  que  le  même  corps  qui  a  servi  d'instru- 
ment au  péché  ou  à  la  vertu,  participe  à  la  peine 
ou  à  la  récompense?  Ce  sera  donc  notre  corps 
actuel  qui  reprendra  vie  à  la  résurrection  ;  mais 
alors  il  subira  une  transformation  telle  qu'il  sera 
dégagé  de  toutes  les  imperfections  qu'il  avait  en 
cette  vie.  Ce  changement  tournera  à  l'avantage  des 
justes,  mais  non  des  réprouvés. 

Nous  avons  conclu  de  là  avec  quel  zèle  nous 
devons  travailler  à  faire  pénitence  de  nos  péchés 
et  à  nous  enrichir  de  bonnes  œuvres,  pendant  que 
nous  sommes  en  ce  monde. 

2.  Il  reste  une  troisième  question  à  examiner. 
C'est  celle-ci  :  quelles  seront  les  qualités  des  corps 
ressuscites?  C'est  par  cette  considération  que  nous 
allons  achever  le  onzième  article  du  Symbole. 

Pauvres  mortels  que  nous  sommes,  c'est  ici 
notre  triomphe.  Elevons  donc  nos  esprits  et  nos 
cœurs  au-dessus  de  la  condition  misérable,  mais 
passagère  de  cette  vie,  et  allons  ensemble  puiser, 
dans  la  vue  de  notre  destinée  future,  la  magnani- 
mité qui  fait  les  saints. 

Esprit  de  Dieu,  donnez-nous  votre  lumière  ;  et 
vous,  Reine  des  Saints,  ô  Marie!  demandez -la 
pour  nous. 


i62  QUALITÉS  DES  COUPS  RESSUSCITES. 


COKI'S    DE  L  INSTRUCTION. 


3.  Si  nos  corps  doivent  être  les  mêmes,  quant 
à  la  substance,  après  qu'ils  auront  été  ressuscites, 
il  s'en  faut  qu'ils  restent  les  mêmes,  quant  à  leurs 
qualités.  Leur  condition  d'alors  sera  bien  différente 
de  l'état  où  ils  sont  présentement. 

Parmi  les  qualités  nouvelles  dont  ils  seront 
doués,  la  principale,  c'est  que  de  mortels  qu'ils 
étaient  auparavant,  ils  seront  revêtus  d'immorta- 
lité. Et  cette  prérogative  sera  commune  aux  mé- 
chants et  aux  bons  ;  les  uns  et  les  autres  seront 
pour  jamais  affranchis  de  la  mort. 

4.  Nous  devons  cette  merveilleuse  restauration 
de  notre  nature  à  Jésus-Christ.  Elle  est  le  fruit  de 
cette  victoire  glorieuse  qu'il  a  remportée  sur  la 
mort. 

C'est  ainsi  que  s'accompliront  les  oracles  des 
prophètes.  «  Il  précipitera  la  mort  pour  jamais, 
avait  dit  le  prophète  Isaïe.  Praecipitabit  mortem  in 
sempiternum.  »  (Isa.  xxv.)  «Omort,  je  serai  ta 
mort  !  0  mors,  ero  mors  tua  !  »  (Osé.  xm.) 

L'Apôtre  expliquant  les  prophètes,  dit  qu'après 
tous  nos  autres  ennemis,  la  mort  sera  enfin  détrui- 
te à  son  tour  :  «  Novissime  autem  inimica  destrue- 
tur  mors.  »  (/  Corinth.  xv.)  Ce  que  saint  Jean 
confirme  en  ces  termes:  «  Et  désormais,  la  mort 
ne  sera  plus.  Mors  ultra  non  erit.  »  (Apocal.  ix.) 

C'est  par  le  péché  d'Adam  qu'elle  est  entrée 


QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES.  463 

dans  le  monde.  Jésus-Christ,  en  mourant  pour 
nous,  a  renversé  son  empire.  Mais  comme  ses  mé- 
rites l'emportent  infiniment  sur  le  péché,  il  est 
juste  que  tous  nos  désastres  soient  réparés  avec 
avantage;  voilà  pourquoi  nous  ressusciterons, 
pour  ne  plus  mourir. 

5.  Une  autre  raison  d'ailleurs  exige  que  nous 
ressuscitions  pour  l'immortalité.  Cette  raison,  c'est 
l'exercice  de  la  justice  divine. 

Pour  que  cette  justice  ait  un  cours  plein  et 
entier,  soit  à  l'égard  des  bons,  soit  à  l'égard  des 
méchants,  l'éternité  lui  est  nécessaire.  D'un  côté, 
il  faut  que  les  bons  jouissent  éternellement  du 
fruit  de  leurs  vertus;  de  l'autre,  il  faut  que  les 
méchants,  condamnés  à  des  peines  également  éter- 
nelles, cherchent  la  mort  sans  la  trouver,  soupi- 
rent toujours  après  la  mort  qui  fuira  toujours. 

Second  motif  pour  lequel  l'immortalité  sera  le 
partage  commun  des  bons  et  des  méchants.  Sans 
elle,  les  premiers  n'obtiendraient  qu'une  félicité 
imparfaite;  mais  que  cette  immortalité  sera  funeste 
et  accablante  pour  les  autres  !  Quelle  perspective 
d'horreur  elle  leur  mettra  sous  les  yeux  au  réveil 
de  la  résurrection  ! 

6.  Venons-en  maintenant  aux  qualités  qui  se- 
ront l'apanage  exclusif  des  saints,  c'est-à-dire,  de 
ceux  qui  sont  morts  dans  la  grâce  de  Dieu. 

Les  saints  Pères  en  comptent  quatre  principa- 
les, d'après  ia  doctrine  de  l'apôtre  saint  Paul.  On 


464  QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES. 

les  appelle  dons.  Ces  dons  seront  comme  autant  de 
riches  et  magnifiques  ornements  qui  répandront 
sur  les  corps  des  saints  une  gloire  et  une  noblesse 
incomparable. 

Le  premier  de  ces  dons,  est  celui  de  l'impassi- 
bilité. 

Les  corps  des  saints  seront  impassibles,  c'est- 
à-dire,  qu'ils  seront  revêtus  d'une  force  qui  les 
mettra  à  l'abri  de  toute  sensation  fâcheuse,  de  toute 
souffrance,  de  toute  incommodité.  Rien  ne  pourra 
leur  nuire:  ni  la  rigueur  du  froid,  ni  l'ardeur  des 
flammes,  ni  l'impétuosité  des  eaux.  «  Dieu,  dit 
saint  Jean  dans  l'Apocalypse,  essuiera  les  larmes 
de  leurs  yeux  ;  pour  eux,  il  n'y  aura  plus  désor- 
mais de  mort,  ni  de  deuil,  ni  de  gémissement; 
pour  eux,  il  n'y  aura  plus  de  douleur,  parce  que 
tout  cela  est  passé.  Et  absterget  Deus  omnem  la- 
crymam  ab  oculis  eorum  :  et  mors  ultra  non  erit, 
neque  luctus,  neque  clamor,  neque  dolor  erit  ul- 
tra, quia  prima  abierunt.  »  (Apocal.  xxi.)  C'est  ce 
que  l'Apôtre  indique  en  ces  termes  :  «  Le  corps, 
dit-il,  est  semé  dans  la  corruption  ;  il  ressuscitera 
incorruptible.  Seminatur  in  corruptione,  surget  in 
incorruptione.  »  (/  Corinth.  xv.) 

A  la  vérité,  les  corps  des  damnés  ressusciteront 
aussi  incorruptibles;  mais  loin  d'être  impassibles, 
ils  seront  au  contraire  susceptibles  d'être  tourmen- 
tés par  le  chaud,  par  le  froid  et  par  toute  espèce 
de  supplices. 

L'impassibilité  est  donc  exclusivement  propre 


QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES.  465 

aux  bienheureux.  Elle  renferme  un  avantage  de 
plus  que  l'incorruptibilité;  elle  y  ajoute  l'exemption 
de  toute  souffrance  et  de  toute  incommodité. 

7.  La  seconde  qualité  dont  les  corps  des  saints 
seront  doués,  c'est  la  clarté. 

«  Les  justes,  dit  le  Sauveur,  brilleront  comme  le 
soleil  dans  le  royaume  de  leur  Père.  Justi  fulge- 
bunt  sicut  sol  in  regnoPatris  eorum.  »  (Malth.  xm.) 

C'est  pour  nous  donner  quelque  idée  de  la  gloire 
qui  leur  est  réservée,  qu'il  a  voulu  paraître  lui- 
même  plein  d'éclat  au  jour  de  sa  Transfiguration. 
((Alors, dit  l'Evangile, son  visage  devint  resplendis- 
sant comme  le  soleil  et  ses  vêtements  blancs  com- 
me la  neige.  Et  resplenduit  faciès  ejus  sicut  sol, 
vestimenta  autem  ejus  facta  sunt  alba  sicut  nix.  » 
(Matth.  xvn.) 

Cette  seconde  qualité  est  appelée  par  l'Apôtre 
tantôt  la  gloire,  tantôt  la  clarté. 

«Jésus-Christ,  dit-il,  reformera  notre  corps  vil 
et  abject,  en  le  rendant  semblable  à  son  corps 
brillant  de  clarté.  Reformabit  corpus  hurnilitatis 
nostree,  configuratum  corpori  claritatis  suas.  » 
(Philipp.  m.)  Et  dans  un  autre  endroit  :  ((Le  corps, 
dit-il,  est  semé  dans  l'abjection,  il  ressuscitera  dans 
la  gloire.  Seminatur  in  ignobilitate,  surget  in  glo- 
ria.  »  (7  Corinlh.  xv.) 

Le  peuple  d'Israël  vit  dans  le  désert  une  sorte 
d'image  de  cette  gloire  des  bienheureux.  Moïse, 
après  avoir  passé  quarante  jours  sur  la  montagne 
du  Sinaï,  en  descendit  enfin.  Son  visage  rayonnait 


466  QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES. 

du  plus  vif  éclat,  par  suite  de  ses  entretiens  avec 
le  Seigneur.  Les  Israélites  en  furent  si  éblouis,  que, 
pour  leur  parler,  il  fut  obligé  de  se  couvrir  d'un 
voile. 

8.  D'où  proviendra  cette  clarté,  cette  gloire, 
cette  splendeur  du  corps  des  saints? 

Elle  sera  comme  le  reflet  et  le  rayonnement  de 
la  souveraine  félicité  de  l'âme.  Celle-ci  puisera  sa 
félicité  dans  celle  de  Dieu  môme  et  la  fera  rejaillir 
en  quelque  manière  sur  le  corps. 

De  là  vient  que  tous  les  saints  ne  seront  pas 
dotés  de  cette  gloire  au  même  degré.  Absolument 
égaux  sous  le  rapport  de  l'impassibilité,  il  y  aura 
des  différences  entre  eux  sous  le  rapport  de  la 
splendeur.  Tout  sera  proportionné  aux  mérites 
de  chacun.  Plus  leur  charité  aura  été  parfaite  en 
cette  vie,  plus  élevés  ils  seront  dans  l'union  avec 
Dieu  ,  plus  aussi  par  conséquent  sera  parfaite  leur 
félicité  et  leur  gloire.  «  Le  soleil  a  son  éclat,  dit 
l'Apôtre,  la  lune  a  le  sien,  et  les  étoiles  ont  le  leur, 
et  même  entre  les  étoiles  l'une  est  plus  brillante 
que  l'autre.  Ainsi  en  sera-t-il  dans  la  résurrection 
des  morts.  Alia  claritas  solis,  alia  claritas  lunae, 
et  alia  claritas  stellarum  ;  Stella  enim  a  Stella 
differt  in  claritate  ;  sit  et  resurrectio  mortuo- 
rum.  ))  \lbid.) 

9.  Le  troisième  don  qui  distinguera  le  corps  des 
saints,  c'est  l'agilité. 

Le  corps  sera  délivré  de  cette  pesanteur  qui 


QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES.  167 

l'accable  maintenant.  L'âme  n'éprouvera  plus 
d'obstacle  pour  les  transporter  partout  où  elle 
voudra.  Pour  les  corps  des  saints,  plus  de  dis- 
tance. Us  suivront  le  mouvement  de  l'âme  avec  la 
rapidité  de  l'éclair,  et  ils  voleront  aussi  vite  que  la 
pensée  aux  extrémités  du  monde.  Vous  admirez 
la  vitesse  avec  laquelle  le  fluide  électrique  trans- 
met une  nouvelle,  ce  n'est  la  qu'une  ombre  légère 
de  l'agilité  prodigieuse  que  posséderont  les  corps 
glorifiés. 

Saint  Augustin  enseigne  expressément  que  telle 
sera  la  prérogative  des  saints.  Il  expose  sa  doc- 
trine dans  plusieurs  endroits  de  la  Cité  de  Dieu. 
Saint  Jérôme  enseigne  la  même  chose  dans  ses 
commentaires  sur  le  prophète  Isaïe. 

C'est  aussi  ce  que  l'Apôtre  a  voulu  marquer, 
quand  il  a  dit  :  «  Le  corps  est  semé  dans  la  fai- 
blesse, il  ressuscitera  plein  de  force.  Seminatur  in 
infirmitate,  surgêt  in  virtute.  »  (Jbid.)  Dans  son 
état  actuel ,  le  corps  humain  est  inférieur,  à  bien 
des  égards,  a  celui  des  animaux.  Combien  qui 
l'emportent  sur  lui  en  force,  comme  le  lion;  en  agi- 
lité, comme  le  cerf  ;  en  souplesse,  comme  le  ser- 
pentin vitesse,  comme  l'aigle. Attaché  à  la  terre, 
il  dépend  des  animaux  ,  ou  des  éléments,  comme 
l'air  et  la  vapeur,  pour  se  transporter  prompte- 
tement  d'un  lieu  à  un  autre.  Après  la  résurrec- 
tion ,  rien  dans  la  nature  visible  à  quoi  nous  ne 
serons  supérieurs  sous  tout  rapport. 


468  QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES. 

10.  Enfin,  le  quatrième  don  des  bienheureux 
sera  la  subtilité. 

En  vertu  de  ce  don ,  le  corps  sera  pour  ainsi 
dire  tout  spiritualité.  Il  participera  à  la  nature  de 
l'âme  et  sera  complètement  soumis  à  son  empire  ; 
il  sera  pour  elle  comme  un  serviteur  d'une  doci- 
lité parfaite  toujours  prête  à  exécuter  ses  ordres. 

L'Apôtre  indique  de  nouveau  ce  privilège  :  «  On 
met  en  terre  un  corps  tout  matériel,  dit-il,  il  en 
sortira  tout  spirituel.  Seminatur  corpus  animale, 
surget  spiritale.  »  (Ibid). 

Nul  obstacle  par  conséquent  ne  sera  capable  de 
l'arrêter.  Il  aura,  pour  pénétrer  partout,  plus  de 
facilité  que  les  rayons  du  soleil  pour  passer  au 
travers  d'une  glace.  Aujourd'hui  il  rencontre  par- 
tout des  barrières.  Un  mur,  une  simple  haie,  une 
cloison  légère  le  retient  et  l'empêche  d'avancer. 
A  la  résurrection,  nulle  difficulté  n'enchaînera  ses 
mouvements  ;  il  jouira  du  même  avantage  que 
Jésus-Christ  ressuscité,  qui  entra  dans  le  lieu  où 
se  tenaient  les  apôtres,  quoique  les  portes  en 
fussent  fermées,  comme  un  peu  auparavant  il 
avait  passé  à  travers  la  pierre  de  son  sépulcre, 
sans  la  briser. 

Voilà  ,  chrétiens ,  les  principaux  dons  qui  em- 
belliront le  corps  des  justes  au  grand  jour  de  la 
résurrection  générale. 


QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES.  169 


CONCLUSION. 


M.  Quels  fruits  devons-nous  retirer  de  toutes 
ces  considérations? 

Ah  !  sans  doute ,  le  premier  devoir  que  nous 
avons  à  remplir,  c'est  de  rendre  à  Dieu  les  plus 
humbles  actions  de  grâces  de  ce  qu'il  a  daigné 
nous  révéler  des  vérités  si  consolantes.  Oui,  c'est 
bien  ie  cas  de  répéter  avec  le  Sauveur  :  «  Je  vous 
loue,  ô  Père,  Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre  de  ce 
que  vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages  et  aux 
prudents  du  siècle,  et  que  vous  les  avez  décou- 
vertes aux  petits.  Confiteor  tibi ,  Pater  ,  Domine 
cœli  et  terras,  quia  haec  abscondisti  à  sapienti- 
bus  et  prudentibus  et  revelasti  ea  parvulis.  » 
{Math.  XL) 

Combien  d'hommes ,  en  effet,  distingués  par 
leur  prudence  et  très-éclairés  sur  tout  le  reste, 
sont  demeurés  dans  d'épaisses  ténèbres  à  l'égard 
d'une  vérité  si  certaine?  Avons-nous  mérité  plus 
qu'eux,  d'en  être  instruits?  Non,  sans  doute.  Dieu 
nous  l'a  manifestée  sans  aucun  mérite  de  notre  part. 
Quel  pressant  motif  pour  nous  de  louer  sa  bonté, 
d'exalter  à  jamais  sa  clémence  ! 

12.  Un  second  fruit  a  recueillir  de  la  méditation 
de  ce  mystère,  c'est  qu'on  y  trouve  une  source 
de  douces  consolations  pour  soi-même  et  pour 
les  autres,  lorsque  la  mort  vient  nous  ravir  nos 
parents,  nos  amis.  C'est  la  pensée  que  l'Apôtre 


470  QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES. 

suggérait  aux  Thessaloniciens',  comme  un  moyen 
d'adoucir  l'amertume  de  ces  pertes.  Votre  sépara- 
tion, dit  la  foi,  à  ces  parents,  à  ces  amis  désolés,  à 
cette  épouse  demeurée  veuve  à  la  fleur  de  l'âge, 
à  ces  enfants,  privés  d'un  père  chéri,  d'une  ten- 
dre mère,  votre  séparation  ne  sera  pas  éternelle. 
Un  jour  viendra  où  vous  reverrez  au  sein  de  la 
gloire  et  de  la  félicité  ceux  que  vous  pleurez  en  ce 
moment.  Travaillez  à  mériter  la  même  destinée, 
et  vous  vous  réunirez  pour  ne  plus  vous  quitter 
jamais. 

Servons-nous  également  de  cette  pensée  dans  les 
disgrâces  et  les  calamités  de  la  vie.  Quoi  de  plus 
propre  à  en  alléger  le  poids?  Quelle  consolation 
au  milieu  des  plus  grandes  peines  de  fixer  les  yeux 
sur  l'admirable  changement  qui  s'opérera  en  nous 
au  jour  de  la  résurrection?  Vous  avez  maintenant 
à  souffrir  ;  l'infortune  et  les  maladies  vous  acca- 
blent ;  vous  êtes  opprimés  par  la  calomnie  ;  le 
ciel  et  la  terre  semblent  conspirer  contre  vous  ; 
pour  vous  soutenir  parmi  les  flots  de  la  tribulation 
rappelez-vous  ce  que  disait  l'Apôtre  :  «  Il  n'y  a 
aucune  proportion  entre  les  souffrances  de  sa  vie 
et  la  gloire  future  qui  sera  dévoilée  en  nous.  Nos 
épreuves  sont  légères  et  ne  durent  qu'un  moment; 
cependant  elles  nous  vaudront  un  poids  immense 
et  éternel  de  gloire.  Non  sunt  condignae  passiones 
hujus  temporis  ad  futuram  gloriam  quae  revela- 
bitur  in  nobis.  Momentaneum  et  levé  tribulationis 
nostrse  immensum  supra  modum  asternum  gloriae 
pondus  operatur  in  nobis.  »  (Corinth.  iv.) 


QUALITÉS  DES  COUPS  RESSUSCITES.  471 

N'est-ce  pas  ce  souvenir  qui  fortifiait  le  saint 
homme  Job  au  fort  de  son  affliction?  A  son  exem- 
ple, encourageons-nous  dans  les  maux  par  l'es- 
pérance de  la  résurrection;  et  loin  de  nous  abattre, 
ils  ne  feront  qu'augmenter  en  nous  la  confiance  de 
ressusciter  pour  la  vie  éternelle. 

4  3.  Ge  n'est  pas  le  seul  fruit  que  nous  devons 
tirer  de  celte  vérité.  Elle  doit  encore  nous  porter 
efficacement  à  mener  une  vie  sainte  et  exempte 
de  tout  péché. 

Car,  dites-moi ,  ne  sont-elles  pas  assez  belles 
et  assez  attrayantes ,  les  récompenses  que  la  ré- 
surrection promet  à  la  vertu?  Et  au  contraire,  ne 
sont-ils  pas  encore  assez  formidables ,  les  châti- 
ments qu'elle  réserve  au  vice  et  à  Timpénitence? 
Se  peut-il  que  nous  considérions  avec  attention  les 
unes  et  les  autres ,  sans  nous  déterminer  à  tout 
faire  et  à  tout  souffrir  pour  mériter  la  résurrection 
glorieuse  et  éviter  la  malheureuse? 

La  mère  des  Machabées  et  ses  enfants  avaient 
nos  fins  dernières  devant  les  yeux  ;  et  voilà  ce  qui 
leur  fit  mépriser  les  supplices  d'Antiochus,  plutôt 
que  de  transgresser  la  loi.  «  Méchant  prince, 
lui  disait  le  premier  d'entre  eux,  tu  peux  nous 
ôter  cette  vie  mortelle;  mais  quand  nous  l'aurons 
sacrifiée  pour  la  religion,  le  roi  du  monde  nous 
ressuscitera  pour  la  vie  éternelle.  Tu  quidem  sce- 
lestissime  in  praesenti  vita  nos  perdis  :  Sed  Rex 
mundi  defunctos  nos  pro  suis  legibus  in  aeternae 
vitae  resurrectione  suscitabit.  »  (2  Machab.  vu.) 


472  QUALITÉS  DES  CORPS  RESSUSCITES. 

Un  autre  lui  tint  ce  langage  au  moment  de  mou- 
rir. ((  Il  nous  est  avantageux  d'être  condamnés  à 
la  mort  par  les  hommes  et  d'attendre  notre  récom- 
pense de  Dieu  ;  nous  savons  qu'il  nous  ressusci- 
tera un  jour,  mais  toi,  tu  ne  ressusciteras  pas  à  la 
vie.  Potius  est  ab  hominibus  morti  datum  spem 
expectare  a  Deo,  iterum  ab  ipso  ressuscitandos  : 
tibi  enim  resurrectio  ad  vitam  non  erit.  »  (Ibid.) 

Courage  donc,  chrétiens  !  réprimons  généreu- 
sement nos  convoitises,  combattons  avec  force  nos 
passions,  faisons  pénitence  de  nos  péchés,  prati- 
quons avec  fidélité  les  commandements,  accumu- 
lons un  trésor  de  bonnes  œuvres,  vivons  enfin  de 
la  vie  des  justes  pour  ressusciter  avec  les  justes. 


NOTE.  473 


NOTE 


QUOD  IN  RESURRECTIONE  MORTUORUM  NATCRA  CORPORUM  QUIBlTS- 
LIBET  MODIS  DISSIPATORUM  IN  INTEGRUM  UNDECUMQUE  REVO- 
CANDA  S1T. 

1 .  Absit  autem  ut  ad  ressuscitancla  corpora  vitaeque 
reddenda  non  possit  omnipotentia  Creatoris  omnia  revo- 
care,  quee  ve!  bestia,  vel  ignis  absumpsit,  vel  in  pulverem 
cineremve  collapsum,  ve!  in  humorem  solulum,  vel  in 
auras  est  exhalatum.  Absit  ut  sinus  ullus  secretumque 
naturae  ita  recipiat  aliquid  subîractum  sensibus  nostris,  ut 
omnium  Creatoris  aul  lateat  cognitionem,  aut  effugiat 
potestatem.  Deum,  certe  volens ,  sicut  poterat ,  definire 
Cicero  :  tantus  auclor  ipsorum,  Mens  quaedam,  inquit,  est 
soluta  et  libéra,  sécréta  ab  omni  concretione  mortali, 
omnia  sentiens  et  movens,  ipsaque  praedita  motu  sempi- 
terno  (Tuscul.  lib.  1,  cap.  27.)  Hoc  autem  reperit  in  doc- 
trinis  magnorum  philosophorum.  Ut  igilur  secundum  ipsos 
loquar,  quomodo  aliquid  vel  latet  omnia  sentientem,  vel 
irrevocabiliter  fugit  omnia  moventem  ? 

2.  Unde  jam  etiam  qusestio  illa  solvenda  est,  quœ  diffi- 
cilior  videtur  cœteris  :  ubi  quctritur,  cum  caro  mortui 
hominis  etiam  alterius  fit  viventis  caro,  cui  polius  eorum 
in  resurrectione  reddatnr.  Si  enim  quispiam  confectus 
famé  atque  compulsus  vescatur  cadaveribus  hominum, 
quod  malum  aliquoties  occidisse,  et  vêtus  testatur  bistorla, 
et  nostrorum  lemporum  infelicia  expérimenta  docuerunt; 

SYMB.    II.  40 


474  NOTE. 

nuin  qaisquam  veridica  ratione  contendet,  totum  digestum 
fuisse  per  imos  meatus,  nihil  inde  in  ejus  carnem  mutatum 
atque  conversum,  cura  ipsa  macies  quee  fuit  et  non  est, 
satis  indicet  quœ  illis  escis  detrimenta  supplela  sint?  Jam 
itaque  aliqua  paulo  ante  praemisi,  quae  ad  istum  quoque 
modum  solvendum  valere  debehunt.  Quidquid  enim  car- 
nium  exhausit  faraes,  utique  in  auras  est  exhalatum  :  unde 
diximus  omnipotentem  Deum  posse  revocare  quod  fugit. 
Reddatur  ergo  caro  illa  homini,  in  quo  esse  caro  humana 
primitus  cœpit.  Ab  illo  quippe  altero  tanquam  mutuo 
sumpta  deputanda  est  :  quse,  sicut  ses  alienum,  ei  redhi- 
benda  est,  unde  sumpta  est.  Sua  vero  illi,  quem  famés 
exinanierat,  ab  eo  qui  potest  etiam  exhalata  revocare, 
reddetur.  Ouamvis,  etsi  omnibus  perisset  modis,  nec  ulla 
ejus  materies  in  Ullis  naturae  latebris  remansisset,  unde 
veilet,  eam  repararet  Omnipotens.  Sed  propter  sententiam 
Yeritatis,  qua  dictum  est,  Capillus  capitis  vestri  non  peri- 
bit  ;  absurdum  est  ut  putemus,  cum  capillus  hominis  pe- 
rire  non  possit,  tantùm  carnes  famé  depastas  atque  con- 
sumptas  perire  potuisse. 

3.  Quibus  omnibus  pro  nostro  modulo  consideratis 
atque  tractatis,  ha?c  summa  confîcitur,  ut  in  resurrectione 
carnis  in  sternum  eas  mensuras  habeaf  corporum  magni- 
tudo.  quas  habebat  perficiendae  sive  perfectae  cujusque 
indita  corpori  ratio  juventutis,  in  membrorum  quoque 
omnium  modulis  congruo  décore  servato.  Quod  decus  ut 
servetur,  si  aliquid  demptum  fuerit  indecenti  alicui  gran- 
ditati  in  parle  aliqua  constitutae,  quod  per  totum  spargatur, 
ut  neque  id  pereat,  et  congruentia  partium  ubique  tenea- 
tur,  non  est  absurdum  :  ut  aliquid  inde  etiam  staturas  cor- 
poris  addi  posse  credamus,  cum  omnibus  partibus,  ut 
decorem  custodiant,  id  distribuitur,  quod  si  enormiter  in 
una  essel,  utique  non  deceret.  Aut  si  contenditur  in  ea 
quemque    statura    corporis  resurrecturum   esse,    in   qua 


NOTE.  475 

defunctus  est,  non  pugnaciter  resistendum  est  ;  tantum 
abfit  omnis  deformitus,  omnis  infirmitas,  omnis  tard i tas, 
omnisque  corruptio,  et  sï.quid  aliud  illud  non  decet  re- 

gnum,  in  quo  resurrectionis  et  promissionis  fîiii  sequales 
erunt  Angelis  Dei,  si  non  corpore,  non  œtate,  certe  felici- 
late.  (S.  Âug.  Hb.  22  de  civ.  Dei  cap.  19.) 


XIIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO  VITAM  .ETERNAM     —  JE  CROIS  LA  VIE 
ÉTERNELLE. 


I"  INSTRUCTION 

ce  qu'il  faut  entendre  par  la  vie  éternelle. 

EXORDE. 

1 .  Le  douzième  et  dernier  article  du  Symbole 
nous  propose  la  vie  éternelle. 

C'est  par  là  que  les  apôtres  qui  sont  nos  maîtres 
dans  la  science  du  salut,  ont  conclu  et  terminé  cet 
abrégé  de  notre  foi. 

Deux  motifs  les  ont  guidés.  D'abord,  c'est  qu'a- 
près la  résurrection  de  la  chair,  il  ne  nous  reste 
plus  à  attendre  que  la  récompense  de  la  vie  éter- 
nelle. Puis,  leur  dessein  a  été  de  nous  apprendre 
à  fixer  toutes  nos  pensées  sur  cette  souveraine 
félicité  que  Dieu  réserve  à  ses  amis  dans  l'autre  vie. 

Oh  !  si  nous  la  contemplons  attentivement,  cette 
récompense,  de  quelle  générosité  ne  nous  senti- 
rons-nous pas  enflammés  !  Non,  il  n'y  aura  plus  de 
sacrifice,  plus  d'effort,  qui  ne  nous  devienne  non- 


ce  qu'il  fait  entendre,  etc.  477 

seulement  possible,  mais  doux  et  facile,  pour  nous 
en  assurer  la  possession.  Transportés  à  la  vue  d'un 
si  grand  bien,  nous  ne  marcherons  plus,  mais  nous 
courrons  avec  joie  dans  la  voie  des  commande- 
ments de  Dieu,  la  seule  qui  conduise  à  cet  heu- 
reux terme.  «  Si  vis  ad  vitam  ingredi,  serva  man- 
data. Si  vous  voulez  parvenir  à  ia  vie,  gardez  les 
commandements,  »  nous  dit  le  Sauveur. 

2.  La  vie  éternelle  :  cette  courte  parole  couvre 
plus  d'un  mystère. 

Elle  signifie  en  général  la  béatitude  céleste, 
elle  en  exprime  la  nature  autant  qu'il  est  possible. 

Développons  dans  cette  instruction  le  sens  pro- 
fond que  les  apôtres  ont  attaché  à  ce  mot  :  vie  éter- 
nelle. Dans  la  suivante,  je  vous  exposerai  en  quoi 
consiste  la  vie  éternelle. 

0  mon  Dieu,  dilatez  notre  cœur;  attirez-le  à 
vous  tout  entier  par  la  vue  du  bonheur  que  vous 
nous  avez  promis  ;  apprenez-nous  à  nous  détacher 
de  cette  misérable  vie  et  de  ses  faux  biens  ! 

CORPS  DE  L'iNSTRITTION. 

3.  Par  ce  mot,  vie  éternelle,  que  faut-il  enten- 
dre?Est-ce  seulement  la  perpétuité  de  la  vie,  c'est- 
à-dire,  une  vie  sans  fin? 

Non,  car  les  démons  et  les  méchants  vivront 
aussi  perpétuellement. 

Qu'est-ce  donc  que  ce  mot  veut  dire? 

Il  veut  dire  :  éternité  de  bonheur,  bonheur  sans 


•178  ce  qu'il  faut  entendue 

fin.  Pour  que  les  saints  soient  parfaitement  heu- 
heux,  il  faut  que  leur  félicité  soit  interminable. 

Voilà  ce  que  les  apôtres  ont  voulu  exprimer  en 
disant  :  je  crois  la  vie  éternelle. 

C'est  aussi  ce  qu'entendait  ce  Docteur  de  la  loi 
qui  fit  un  jour  cette  question  au  Sauveur  :  «  Maî- 
tre, que  faut-il  que  je  fasse  pour  gagner  la  vie 
éternelle?  Magister,  quid  faciendo,  vitam  aeternam 
possidebo?  »  {Luc.  xvm.)  En  d'autres  termes,  il 
lui  demandait  quel  chemin  il  avait  à  suivre,  afin 
d'arriver  au  séjour  de  la  félicité  parfaite. 

L'Ecriture  emploie  souvent  cette  expression 
dans  le  même  sens. 

i.  Cela  posé,  une  première  question  se  pré- 
sente. 

Pourquoi  les  apôtres,  voulant  nous  indiquer  la 
souveraine  félicité,  se  sont-ils  servis  de  cette  for- 
mule :  je  crois  la  vie  éternelle? 

Pour  nous  empêcher  de  croire  ou  d'imaginer 
que  le  bonheur  réside  dans  les  biens  fragiles , 
dans  les  biens  matériels,  dans  les  biens  passagers 
de  ce  monde. 

Le  simple  mot  de  bonheur  ou  de  félicité  n'eût 
pas  énoncé  toute  leur  pensée.  11  a  d'ailleurs  quel- 
que chose  d'équivoque.  Combien  de  prétendus 
sages,  enflés  d'estime  pour  eux-mêmes,  n'ont-ils 
pas  fait  consister  le  bonheur  dans  les  jouissances 
sensibles? 

Or,  c'est  là  une  erreur  grossière.  Les  biens  de 
ia  terre  s'useul  et  périssent  avec  le  temps  ;  la  béa- 


PAR  LA  VIE  ÉTERNELLE.  479 

titude  véritable  au  contraire  ne  doit  jamais  finir. 
Ensuite,  les  biens  terrestres  sont  tellement  incapa- 
bles de  nous  rendre  heureux,  que  plus  on  les 
désire  et  plus  on  s'y  attache,  moins  en  goûte  de 
contentement. 

Aussi,  écoutez  l'avis  que  nous  donne  l'apôtre 
saint  Jean.  Il  savait  sans  doute  ce  qui  peut  faire  le 
vrai  bonheur  de  l'homme,  et  cependant  que  dit-il? 
«  N'aimez  pas  le  monde,  ni  ce  qui  est  dans  le 
monde.  Si  quelqu'un  aime  le  monde,  la  charité  du 
Père  n'est  point  en  lui.  Nolite  diligere  mundum, 
neque  ea,  quae  in  mundo  sunt  :  Si  quis  diligit  mun- 
dum, non  est  charitas  Patris  in  eo.  »  (/  Joann.  n.) 
Et  pourquoi,  ô  saint  apôtre!  nous  défendez- vous 
de  nous  attacher  au  monde?  a  C'est  que,  dit-il  un 
peu  plus  loin,  le  monde  passe  et  sa  concupiscence 
avec  lui.  Transit  mundus  et  concupiscentia  ejus.  » 
(Ibid.) 

Quiconque  s'appuie  sur  des  choses  périssables, 
risque  d'être  entraîné  dans  leur  ruine.  Si  vous 
habitez  une  demeure  bâtie  sur  le  sable,  quand  la 
tempête  viendra,  votre  maison  s'écoulera  sur  vous 
et  vous  serez  enseveli  dans  les  décombres. 

Tel  sera  le  sort  de  tant  d'hommes  qui  semblent 
ne  connaître  d'autres  biens  ni  d'autres  jouissances 
que  celles  de  cette  vie  mortelle.  La  mort  fondra 
sur  eux  comme  l'ouragan  ;  elle  dispersera  comme 
une  fumée  leurs  richesses  et  leurs  honneurs,  et 
que  leur  restera-t-il  de  ce  qu'ils  avaient  amassé 
avec  tant  de  labeurs  et  de  sollicitude?  Un  cercueil 
pour  leur  corps  et  l'enfer  pour  leur  âme  ! 


480  ce  qu'il  fait  entendre 

o.  Apprenons  de  là,  chrétiens,  à  mépriser  les 
biens  périssables.  En  vain  vous  tourmentez-vous 
à  chercher  le  bonheur  sur  la  terre  ;  vous  ne  l'y 
trouverez  pas.  Eussiez-vous  les  trésors,  la  sagesse 
et  la  puissance  d'un  Salomon,  à  quoi  bon?  Ne 
faudrait-il  pas  vous  écrier  avec  lui  :  «  Vanité  des 
vanités,  et  tout  n'est  que  vanité  et  affliction  d'es-- 
prit  ?  Vanitas  vanitatum,  et  omnia  vanitas  et  afïïictio 
spiritus.  »  Tel  est  le  gémissement  qu'une  triste 
expérience  lui  arrache,  après  qu'il  a  goûté,  comme 
il  le  dit  lui-même,  de  toutes  les  délices  que  ce 
monde  peut  offrir.  Vous  voulez  vous  établir  sur  la 
terre,  vous  y  fixer,  vous  y  agrandir  ;  avez-vous 
donc  oublié  que  nous  y  sommes  des  étrangers  et 
des  pèlerins?  La  patrie  dont  nous  sommes  ci- 
toyens, c'est  le  ciel.  Comment  aspirez-vous  au 
repos  dans  l'exil?  Au  ciel  est  le  centre  de  notre 
félicité.  Nous  aurons  soif  de  bonheur,  et  cette  soif 
sera  insatiable  jusqu'à  ce  que  nous  soyons  enivrés 
des  torrents  de  la  félicité  même  de  Dieu.  «  Fecisti 
nos  ad  te,  Domine,  et  irrequietum  est  cor  nostrum, 
donec  requiescat  in  te  !  Vous  nous  avez  faits  pour 
vous,  Seigneur,  disait  saint  Augustin,  et  notre 
cœur  est  dans  une  agitation  continuelle  jusqu'à  ce 
qu'il  se  repose  en  vous  !  » 

Il  y  a  pourtant  dès  ici-bas  un  commencement, 
un  prélude  et  comme  un  avant-goût  de  la  félicité 
véritable;  mais  en  quoi  et  en  faveur  de  qui? 

C'est  dans  l'espérance  que  la  foi  nous  donne, 
c'est  dans  la  perspective  des  destinées  glorieuses 


PAK  LA  VIE  ÉTERNELLE.  48  I 

qui  nous  attendent.  Oui,  déjà  nous  sommes  conso- 
lés des  longueurs  de  l'exil,  parce  que  nous  en  en- 
trevoyons le  terme  ;  déjà  nous  sentons  diminuer 
le  poids  de  nos  tribulations,  parce  que  nous  savons 
qu'elles  seront  suivies  de  la  récompense.  La  foi 
nous  fait  d'avance  habiter  dans  le  ciel,  «  Laetatus 
sum  in  his  quae  dicta  sunt  mihi  :  in  domum  Domini 
ibimus.  Je  me  suis  réjoui,  dit  le  Roi-prophète,  à 
cause  de  la  parole  qui  m'a  été  dite  :  nous  irons  dans 
la  maison  du  Seigneur.  »  (Ps.  cxxi.) 

Mais,  pour  sentir  cet  avant-goùt  du  ciel,  il  faut 
renoncer  à  l'impiété  et  aux  désirs  du  siècle  , 
vivre  dans  la  tempérance,  la  justice,  la  piété,  et 
attendre  ainsi  la  félicité  promise  et  l'avènement 
glorieux  de  notre  grand  Dieu  et  Sauveur  Jésus- 
Christ.  «  Abnegantes  impietatem  et  saecularia  de- 
sideria,  sobrie,  et  juste,  et  pie  vivamus  in  hoc 
saeculo,  expectantes  beatam  spem,  et  adventum 
gloriae  magniDei,  et  Salvatons  nostri  Jesu  Christi.» 
(TU.  ii.) 

Vivez  de  la  sorte,  et  vous  serez  déjà  heureux 
dès  cette  vie,  car  vous  jouirez  de  cette  paix  de 
Dieu  qui  surpasse  tout  autre  sentiment. 

Voilà  ce  que  n'ont  point  compris  une  foule 
d'hommes  qui  se  croyaient  sages.  Ne  voyant  rien 
au-delà  de  cette  vie,  ils  ont  cru  qu'il  fallait  cher- 
cher le  bonheur  ici-bas.  Les  pauvres  aveugles  ! 
leur  sagesse  a  été  convaincue  de  folie,  et  tous 
leurs  efforts  n'ont  abouti  qu'a  d'amères  déceptions. 
Au  lieu  de  la  félicité  qu'ils  se  promeliaient,  ils  sont 

SYMB.    II.  41 


482  ce  qu'il  faut  entendre 

tombés  dans  les  plus  grands  malheurs.  Tel  est  en- 
core le  sort  de  ces  mondains  qui  ne  vivent  que 
pour  la  terre  et  qui  pensent  trouver  enfin  le  moyen 
de  contenter  leur  àme  immortelle,  à  force  de  jouis- 
sances terrestres.  Illusion  déplorable!  est-ce  qu'on 
peut  combler  les  abîmes  de  la  mer  avec  quelques 
grains  de  sable?  Notre  cœur  est  trop  vaste  pour 
être  satisfait  autrement  que  par  la  possession  d'un 
bien  infini  et  éternel. 

6.  Nous  n'avons  pas  épuisé  toute  la  signification 
de  cette  parole  :  Je  crois  la  vie  éternelle. 

Par  cette  expression,  les  apôtres  ont  voulu  nous 

marquer,  en  second  lieu,  que  la  béatitude  une  fois 

obtenue  est  inamissible.  Ils  ont  ainsi  réfuté  une 

erreur  qui  a  quelquefois  eu  cours,  savoir  :  que  les 

.  saints  pouvaient  déchoir  de  leur  félicité. 

Non,  cela  ne  peut  être.  La  félicité,  en  effet, 
c'est  la  réunion  de  tous  les  biens  sans  mélange 
d'aucun  mal.  Si  elle  est  véritable,  elle  doit  combler 
tous  les  désirs  du  cœur  humain. 

Or,  celui  qui  est  heureux  peut-il  ne  pas  désirer 
de  l'être  toujours?  Supposez  que  son  état  ne  soit 
pas  stable  et  assuré,  la  crainte  de  le  perdre  ne 
fera-t-elle  pas  son  tourment,  et  ne  suiïïra-t-elle 
pas  pour  empoisonner  son  existence? 

La  véritable  béatitude  est  donc  éternelle;  telle 
est  la  seconde  vérité  contenue  dans  ce  mot  du 
Symbole  :  Je  crois  la  vie  éternelle. 

7.  Enfin,  cette  même  parole  indique  un   tioi- 


PAR  LA   VIE  ÉlERKELLE.  183 

sième  mystère.  Elle  nous  apprend  non-seulement 
que  le  bonheur  ne  réside  point  dans  les  biens  pas- 
sagers, et  qu'il  doit  avoir  pour  durée  l'éternité  ; 
mais  elle  nous  fait  entrevoir  quelque  chose  d'im- 
pénétrable à  l'esprit  humain,  je  veux  dire  l'im- 
mensité du  bonheur  réservé  aux  saints  dans  la 
céleste  patrie. 

Ce  bonheur,  ceux-là  seuls  peuvent  l'apprécier 
qui  en  jouissent.  Il  faut  l'avoir  goûté  pour  le  com- 
prendre. «  L'œil  de  l'homme  n'a  point  vu  ,  son 
oreille  n'a  point  entendu  ,  son  cœur  ne  peut  con- 
cevoir ce  que  Dieu  a  préparé  à  ceux  qui  l'aiment. 
Oculus  non  vidit,  nec  auris  audivit,  nec  in  cor 
hominis  ascendit  quae  piaeparavit  Deus  lis  qui 
diligunt  illum.  »  (/  Corinth.  n). 

Quand  les  apôtres  l'appellent  vie  éternelle,  ils 
nous  font  assez  comprendre  qu'il  n'y  a  point  de 
parole  humaine  pour  l'exprimer.  Quel  terme  en 
effet  emploient-ils  pour  nous  en  donner  une  idée? 
Ils  sont  réduits  à  se  servir  d'une  expression  com- 
mune, d'une  expression  qui  s'applique  tout  aussi 
bien  aux  réprouvés  qu'aux  élus  ;  car,  n'est-il  pas 
vrai  que  tous  vivront  éternellement? 

Eh  bien  !  par  là  même  que  les  apôtres  désignent 
la  félicité  sous  le  nom  de  vie  éternelle,  ils  confes- 
sent que  celle  qui  sera  le  partage  des  élus  est  d'un 
ordre  tellement  élevé,  tellement  supérieur  à  toute 
conception ,  qu'on  ne  saurait  la  dépeindre  et 
quelle  n'a  point  de  nom  propre  dans  la  langue 
des  hommes. 


484  ce  qu'il  faut  entendre 

Pour  désigner  cette  vie  des  élus,  je  vois  les 
divines  Ecritures  recourir  aux  images  les  plus 
magnifiques.  Ici ,  elles  l'appellent  le  royaume  de 
Dieu  ou  le  royaume  de  Jésus-Christ  :  le,  le  royau- 
me des  cieux  ;  ailleurs  .  le  paradis  ;  tantôt ,  la  cité 
sainte  et  la  Jérusalem  nouvelle  :  tantôt,  le  palais 
du  Père  céleste.  Mais  plus  elles  accumulent  les 
expressions  et  les  figures,  mieux  elles  en  mar- 
quent l'insuffisance  et  l'imperfection  ,  quand  il 
s'agit  de  décrire  la  félicité  éternelle. 

8.  Le  langage  humain  est  donc  tout  à  fait  im- 
puissant dans  cette  circonstance. 

Je  veux  pourtant  vous  montrer  que  dans  l'im- 
puissance absolue  de  nous  dire  ce  qui  est  ineffa- 
ble, les  apôtres  ont  choisi  l'expression  la  plus  éner- 
gique et  nous  ont  donné  du  bonheur  des  saints, 
l'idée  la  plus  juste  qu'on  puisse  avoir. 

En  effet,  quel  est,  sur  la  terre,  le  premier  et  le 
plus  précieux  de  tous  les  biens?  Quel  est  celui 
que  nous  mettons  en  première  ligne?  Assurément, 
c'est  la  vie.  Sans  elle,  aucun  autre  ne  subsiste; 
elle  est  le  fondement  de  tous  nos  avantages,  et  tous 
s'y  rapportent  comme  à  leur  centre.  Aussi,  que 
ne  fait-on  pas  pour  la  conserver?  Faut-il  sacri- 
fier sa  fortune,  s'imposer  des  privations  pénibles, 
entreprendre  des  voyages  dispendieux ,  s'assu- 
jettir à  un  régime  austère,  subir  même  l'amputa- 
tion de  quelque  membre?  tout  cède  à  l'amour  de 
la  vie;  pour  elle  on  se  soumet  à  tout,  on  sacrifie 
tout  le  reste. 


PAR  LA   VIE  ÉTERNELLE.  485 

La  vie  est  donc  réputée  le  bien  par  excellence. 

Or,  tel  est  le  trait  principal  par  lequel  les  apô- 
tres caractérisent  la  béatitude  :  c'est  la  vie  pro- 
prement dite,  c'est  la  vie  dégagée  de  toute  peine 
et  de  tout  souci,  c'est  la  vie  accompagnée  de  tous 
les  biens,  c'est  la  vie  remplissant  tous  les  désirs 
de  notre  cœur,  c'est  la  vie  dans  toute  sa  plénitude 
et  dans  toute  sa  perfection,  en  un  mot  c'est  la  vie 
éternelle. 

CONCLUSION. 

9.  Replions-nous  ici  un  moment  sur  nous- 
mêmes. 

La  vie  présente  est  courte,  pleine  de  calamités, 
sujette  à  une  infinité  de  misères.  Elle  mériterait 
mieux  d'être  appelée  une  longue  mort  qu'une 
vie  véritable.  «  Quid  est  enim  vita  praesens  nisi 
quaedam  prolixitas  mortis?  »  dit  saint  Grégoire.  Et 
cependant,  on  l'aime  passionnément.  Rien  ne  nous 
est  plus  cher  et  plus  agréable. 

Avec  combien  plus  de  zèle  et  d'ardeur  ne 
devons-nous  donc  pas  rechercher  cette  autre  vie 
qui  est  éternelle,  où  nous  serons  exempts  de  tous 
les  maux,  et  rassasiés  de  tous  les  biens?  Car,  tel 
est  le  bonheur  de  la  vie  éternelle  ,  selon  la  doc- 
trine unanime  des  saints  Docteurs.  Il  comprend  à 
la  fois  la  délivrance  de  tous,  les  maux  et  la  jouis- 
sance de  tous  les  biens. 

10.  Pour  les  bienheureux, plus  de  maux  à  crain- 
dre :  (dis  ne  souffriront  plus  ni  de  la  faim,  ni  de 

SY.MB.    II.  41* 


486  ce  qu'il  faut  entendre 

la  soif;  ni  le  soleil,  ni  la  chaleur  ne  les  incommo- 
deront plus.  Non  esurient,  neque  sitient  amplius, 
neque  cadet  super  illos  sol,  neque  ullus  aestus.  » 
(Apocal.  vu.)-  «  Dieu  essuiera  toute  larme  de  leurs 
yeux  :  la  mort  ne  sera  plus  ;  il  n'y  aura  plus  pour 
eux  ni  deuil,  ni  gémissement,  ni  douleur  ;  leur 
première  condition  est  changée  sans  retour.  Abs- 
terget  omnem  lacrymam  ab  oculis  eorum  :  et  mors 
ultra  non  erit,  neque  luctus,  neque  clamor,  neque 
dolor  erit  ultra,  quia  prima  abierunt.  »  (Ibid.  xxi). 
Voilà  comment  saint  Jean  s'exprime  dans  l'Apo- 
calypse. 

A  l'abri  de  tout  mal,  affranchis  de  toute  crainte, 
les  bienheureux  jouiront  en  outre'  d'une  gloire 
immense.  Ils  nageront  dans  des  torrents  de  déli- 
ces pures  et  de  jouissances  solides.  Gloire  des 
élus,  gloire  que  notre  esprit  ne  saurait  pénétrer, 
que  l'àme  même  des  saints  ne  saurait  contenir; 
elle  en  sera  débordée  de  toutes  parts  ;  elle  y  sera 
comme  plongée.  C'est  pourquoi  il  leur  sera  dit  : 
«  Entrez  dans  la  joie  de  votre  Seigneur.  Intra  in 
gaudium  Domini  tui.  »  [Matth.  xxv). 

14.  Oh.  chrétiens,  contemplez  cette  vie  éter- 
nelle, et  voyez  si  des  récompenses  si  magnifiques 
ne  sont  pas  dignes  de  votre  ambition  !  «  Vous  dési- 
rez la  fortune;  aimez  donc  les  véritables  richesses. 
Vous  aspirez  au  faîte  de  l'honneur,  marchez  donc 
à  la  conquête  du  royaume  des  deux.  La  gloire  et 
les  distinctions  vous  plaisent  ;  hâtez-vous  donc  de 
vous  faire  admettre  parmi  les  anges  dans  la  cour 


PAU  LA  VIE  ÉTERISELLE.  487 

du  Roi  des  rois.  Si  ergo,  fratres  charissimi,  esse 
divites  cupitis,  veras  divitias  amate.  Si  culmen 
veri  honoris  quaeritis,  ad  cœleste  regnum  tendite  : 
Si  gloriam  dignitatum  diligitis,  in  ilia  superna 
Angelorum  curia  adscribi  festinate.  »  (S.  Gregor. 
hom.  /5  in  Evang.) 

Il  est  vrai  qu'on  ne  peut  parvenir  à  ce  bonheur 
sans  combat.  «  Si  quelqu'un,  dit  Jésus-Christ,  veut 
venir  à  ma  suite,  qu'il  renonce  à  lui-même,  qu'il 
porte  sa  croix  et  qu'il  me  suive.  Si  quis  vult  venire 
post  me  ,  abneget  semetipsum ,  et  tollat  crucem 
suam  et  sequatur  me.  » 

Tl  en  coûte  donc  pour  gagner  le  Ciel,  «  mais, 
dit  un  saint  Père,  si  le  travail  vous  effraie,  que  la 
récompense  vous  anime.  Si  labor  terret,  merces 
invitet.  »  Considérez  des  yeux  de  l'esprit  ces  déli- 
ces, ce  repos,  cette  gloire,  ces  richesses  qui  vous 
attendent  dans  le  ciel  ;  cette  vue  vous  soutiendra  ; 
elle  adoucira  vos  peines,  relèvera  votre  courage, 
vous  fera  persévérer  jusqu'à  la  fin. 

Et  puis,  sommes-nous  donc  seuls  et  abandonnés 
à  nous-mêmes  dans  la  grande  affaire  du  salut?  Non 
certainement.  Dieu  y  travaille  bien  plus  de  son 
côté  par  le  moyen  de  ses  grâces  que  nous-mêmes 
par  nos  efforts  et  notre  fidélité.  Il  nous  tend  la 
main  pour  nous  conduire,  nous  offre  ses  sacre- 
ments et  spécialement  la  sainte  Eucharistie  pour 
nous  fortifier  dans  notre  pèlerinage.  Répondons 
aux  avances  qu'il  nous  fait  ;  prions-le  sans  cesse  de 
nous  donner  son  amour  et  la  persévérance  dans  sa 


488  ce  qu'il  faut  entendre 

grâce.  A  celui  qui  prie,  tout  devient  possible,  tout 
devient  facile.  La  prière  aplanit  la  voie  du  ciel, 
en  nous  rendant  douce  et  légère  la  pratique  des 
commandements. 

Ah  !  soyez  des  hommes  de  prière  ;  aimez  en 
particulier  à  vous  adresser  à  la  Mère  de  Dieu, 
ayez  envers  elle  une  dévotion  filiale  ;  recourez  à 
sa  protection  dans  tous  vos  besoins  et  vos  com- 
bats ,•  et  vous  arriverez  sûrement  au  port  du  salut. 

Aimer  la  prière,  avoir  une  piété  sincère  envers 
Marie,  faire  un  bon  et  fréquent  usage  des  sacre- 
ments, voilà  autant  de  marques  non  équivoques 
de  prédestination. 

12.  a  0  demeure  bienheureuse  delà  céleste 
cité!  s'écrie  l'auteur  de  l'Imitation.  O  jour  brillant 
de  l'éternité,  que  la  nuit  n'obscurcit  point,  mais 
que  la  souveraine  vérité  éclaire  incessamment  ! 
jour  de  joie  et  de  sécurité  éternelle,  que  nulle  vi- 
cissitude ne  trouble  jamais!  Oh!  plut  à  Dieu  que 
ce  jour  fût  déjà  venu  et  que  tout  ce  qui  est.  tempo- 
rel eut  pris  fin  ! 

Il  luit  pour  les  Saints  dans  tout  l'éclat  de  son 
éternelle  splendeur  ;  pour  nous,  qui  sommes 
encore  dans  le  pèlerinage  de  cette  vie,  nous  l'en- 
trevoyons seulement  de  loin  et  comme  dans  un 
miroir. 

Les  habitants  du  Ciel  savent  quelle  est  la  joie  de 
ce  jour;  pour  nous,  enfants  d'Eve,  exilés  sur  la 
terre,  nous  y  gémissons  à  cause  des  amertumes  et 
«le  l'ennui  de  la  vie... 


PAR  LA  VIE  ÉTERNELLE.  489 

Oh!  quand  viendra  La  fin  de  tant  de  maux? 
Quand  serai-je  délivré  de  la  misérable  servitude 
des  vices?  Quand  ma  pensée  sera-t-elle  tout  occu- 
pée de  vous  seul,  ô  mon  Dieu?  Quand  me  réjoui- 
rai-je  pleinement  en  vous"?  Quand  serai-je  libre 
de  tout  embarras,  affranchi  de  toute  peine  d'esprit 
et  de  corps? 

Quand  goùterai-je  une  paix  solide,  une  paix 
inaltérable  et  assurée,  une  paix  affermie  de  toutes 
parts? 

O  bon  Jésus  !  quand  paraitrai-je  devant  vous 
pour  vous  voir?  Quand  contemplerai-je  la  gloire 
de  votre  royaume?  Quand  me  serez-vous  tout  en 
toutes  choses?  Oh  !  quand  serai-je  avec  vous  dans 
le  royaume  que  vous  avez  préparé  h  vos  bien- 
aimés  de  toute  éternité?  »  (Liv.  3.  cfiap.  48.) 


490  NOTES; 


NOTES. 
ARTICULUSI. 

UTRUM  BEATITUDO  HOMiNIS  CONSISTAT  IN   D1VITIIS. 
CONCLUSIO. 

Cum  beatitudo  sit  ultimus  finis  hominis,  artificiales  au- 
tem  divitias  homines  quaerant,  propter  naturales,  alque  has 
référant  ad  naturam  hominis  sustentandam;  impossibile 
est  beatitudinem  hominis  consistere  in  divitiis. 

Respondeodicendum,  quod  impossibile  est  beatitudinem 
hominis  in  divitiis  consistere.  Sunt  enim  duplices  divitiae, 
ut  Philosophus  dicit  in  1.  Polit,  (cap.  9.)  Scilicet  naturales 
et  artificiales.  Naturales  quidem  divitiae  sunt,  quibushomini 
subvenitur  ad  defectus  naturales  tollendos  :  sibut  cicus  et 
potus,  vestimenta,  véhicula  et  habitacula,  et  alia  hujus- 
modi.  Divitiae  artificiales  sunt  quibus  secundum  se  natura 
non  juvatur,  utdenarii,  sed  ars  humana  eos  adinvenit  prop- 
ter facilitatem  commutaiionis,  ut  sint  quasi  mensura  rerum 
venalium.  Manifestum  est  autem  quod  in  divitiis  naturali- 
bus  beatitudo  hominis  esse  non  potest  :  qugeruntur  enim 
bujusmodi  divitiae  ad  sustentandam  naturam  hominis  :  et 
ideo  non  possunt  esse  ultimus  finis,  sed  magis-ordinantur 
ad  hominem  sicut  ad  finem.  Unde  in  ordine  naturae  omnia 
hujusmodi  sunt  infra  hominem  et  propter  hominem  facta, 
secundum  iliud  Psal  8.  Omnia  subjecisti  sub  pedibus  ejus. 
Divitiae  autem  artificiales  non  quaeruntur  nisi  propter  na- 


NOTES.  494 

turales  :  non  enim  quaererentur  nisi  quia  per  eas  emunlur 
ras  ad  usum  vitae  necessariae  :  unde  multo  minus  habent 
ratiunein  ultimi  finis.  Impossibile  et  igitur  beatitudinem, 
quau  cstultimus  liiiis  hominis,  in  divitiis  esse. 

ARTICULUS  II. 

DTRUM  BEAT1TCD0  HOMINIS  CONSISTAT   IN   HONOIlIBls. 
f.ONCLUSIO. 

Cum  secundum  beatitudinem  homo  constituatur  in  ex- 
cellentia,  cujus  signum  est  honor  et  reverentia,  non  nisi 
consécutive  in  honoribus  beatitudo  hominis  consistit. 

Respondeo  dicendum,  quod  impossibile  est  beatitudinem 
consistera  in  honore  :  honor  enim  exhibetur  ahcui  propter 
aliquam  ejus  excellentiam  ;  etit'a  et  signum  et  testimonium 
quoddam  illius  excellentia?,  quae  est  in  honorato  :  Excel- 
lente autem  hominis  maxime  attenditur  secundum  beati- 
tudinem, quae  est  hominis  bonum  perfectum,  et  secundum 
partes  ejus,  id  est,  secundum  illabona,  quibus  aliquidbea 
titudinis  participatur  :  et  ideo  honor  potest  quidem  conse- 
qui  beatitudinem,  sed  principaliter  in  eo  beatitudo  consis- 
tera non  potest. 

ARTICULUS  III. 

UTRl'M   BEATITUDO  BOMINIS  CONSISTAT  IN  FAMA,  SIVE  GLORIA. 
CONCLUSIO. 

Impossibile  est  in  fama,  seu  gloria  humana,  quae  fréquen- 
ter fallax  est,  consistera  hominis  felicitatem. 

Respondeo  dicendum,  quod  impossibileest beatitudinem 
hominis  in  fama,  sen  gloria  humana  consistera  :  nam  glo- 
ria  niliil  iiMud  est  quam  H;ir;t  notitia  cu:n  lau  <\uf  Ambras.» 


492  NOTES. 

dicit.  Res  autem  cognita  aliter  comparateur  ad  cognitionem 
divinam,  et  aliter  ad  cognitionem humanam  :  humanaenim 
cognitio  a  rébus  cognitis  causatur,  sed  divina  cognitio  est 
causa  rerum  cognitarum.  Unde  perfectio  humani  boni,  quae 
beatitudodicitur,  non  potest  causari  a  notitia  humana,  sed 
magis  notitia  humana  de  beatitudine  alicujus  procedit,  et 
quodammodo  causatur  ab  ipsa  humana  beatitudine,  vel 
inchoata,  vel  perfecta.  Et  ideo  in  fama,  vel  in  gloria  non 
potest  consistere  hominis  beatitudo.  Sed  bonum  hominis 
dependet  sicut  ex  causa  ex  cognitione  Dei  :  et  ideo  ex  glo- 
ria, quee  est  apud  Deum,  dependet  beatitudo  hominis,  sicut 
ex  causa  sua,  secundum  illud  Psal.  90.  Eripiam  eum,  et 
glorificabo  eum,  longitudine  dierum  replebo  eum,  et  os- 
tendam  illi  salutare  meum.  Et  etiam  illud  considerandum 
quod  humana  notitia  saepè  fallitur,  et  praecipuè  in  singu- 
laribus  contingentibus;  hujusmodi  sunt  actus  humani,  et 
ideo  fréquenter  humana  gloria  fallax  est.  Sed  quia  Deus 
falli  non  potest,  ejus  gloria  semper  vera  est  :  propter  quod 
dicitur,  2œ  ad  Corinth.  10.  Ille  probatus  est  quem  Deus 
commendat. 

ART1CULUS  IV. 

UTRUM  BEATITUDO  HOMINIS  CONSISTAT  IN   POTESTATE. 
CONCLUSIO. 

Potestas,  eum  principium  sit  malum  et  bonum  respiciens, 
inejusbono  usu  magis  quam  in  ipsa,  dicendum  est  consis- 
tere hominis  beatitudinem. 

Respondeo  dicendum,  quod  impossibile  est  beatitudinem 
in  potestate  consistere  propter  duo.  Primo  quidem,  quia 
potestas  habet  rationemprincipii,  ut  patet  in  5.  Metaphys. 
(Test.  17.)  beatitudo  autem  habet  rationem  ultimi  finis. 
Secundo,  quia  potestas  se  habet  ad  bonum  et  ad  malum  : 
Jpeatitudo  autem  estproprium  et  perfectum  hominis  bonum. 


NOTES.  493 

Unde  magis  posset  consistere  beatitudoaliqua  in  bono  non 
potestatis  qui  est  per  virtulem,  quam  in  ipsa  potcstate. 

Possunt  autem  quatuor  générales  rationes  induci  ad  os- 
tendendum.quod  in  nullo  prœmissorum  exteriorum  bono- 
rum  beatitudo  consistât  :  quarum  prima  est,  quod  cum 
béatitude  sit  summum  hominis  bonum,  non  compatitur 
secum  aliquod  malum,  omnia  autem  praedicta  possunt  in- 
veniri  et  in  bonis,  et  in  malis.  Secunda  ratio  est,  quia  cum 
de  ratione  beatitudinis  sit,  quod  per  se  sit  sufficiens,  ut 
patet  in  1.  Ethic.  [cap.  1.)  necesse  est,  quod  beatitudine 
adepta,  nullum  bonum  necessarium  homini  desit.  Adeptis 
autem  singulis  prœmissorum  possunt  adhuc  multa  bona  ho- 
mini necessaria  déesse,  puta  sapientia,  sanitas  corporis,  et 
hujusmodi.  Tertia,  quia  cum  beatitudo  sit  bonum  perfec- 
tum,  ex  beatitudine  non  potest  aliquod  malum  alicui  prove- 
nire,  quod  non  convenit  praemissis  :  dicitur  enim  Eccles. 
5.  quod  clivitise  interdum  conservantur  in  malum  domini 
sui,  et  simile  patet  in  aliis  tribus.  Quarta  ratio  est,  quia 
ad  beatitudinem  homo  ordinatur  per  principia  interiora, 
cum  ad  ipsam  naturaliter  ordinatur  :  praemissa  autem 
quatuor  bona  magis  sunt  a  causis  exterioribus,  et  ut  pluri- 
mum  a  fortuna,  unde  et  bona  fortunae  dicuntur.  Unde  pa- 
tet, quod  in  praemissis  nullo  modo  beatitudo consistit. 

ARTICULUSV. 

UTRUM  BEATITUDO  HOMINIS  CONSISTAT  IN  ALIQUO  CORPORIS   BONO. 
CONCLUSIO. 

Cum  corporalia  bona  ordinentur  ad  alia  ut  ad  finem, 
impossibile  est  in  aliquo  corporis  bono  beatitudinem,  quee 
est  ultimus  hominis  finis,  ronsistere. 

Respondeo  dicendum,  quod  impo-sibile  est  beatitudinem 
hominis  in   bonis -corporis  consistere  propter  duo.  Primo 

s  Y.MB.       II.  42 


494  NOTES. 

quidem,  quia  impossibile  est  quod  illiusrei,  quge  ordinatur 
ad  aliud  sicut  ad  finem,  ultimus  finis  sit  ejusdem  conserva- 
tio  in  esse.  Unde  gubernator  non  intendit  sicut  ultimum 
finem,  conservationem  navis  sibi  commissse,  eo  quod  navis 
ad  aliud  ordinatur  sicut  in  finem,  scilicet  ad  navigandum. 
Sicut  autem  navis  committiturgubernatori  ad  dirigendum  : 
ita  homo  est  suas  voluntati  et  rationi  commissus,  secundum 
illud  quod  dicitur  Eccl.  15.  Deus  ab  initio  constituit  ho- 
minem,  et  reliquit  eum  in  manu  consilii  sui.  Manifestum 
est  autem,  quod  homo  ordinatur  ad  aliquid  sicut  ad  finem, 
non  enim  homo  est  summum  bonum  :  Unde  impossibile 
est,  quod  ultimus  finis  rationis  et  voluntatis  humana?  sit 
conservatio  humani  esse,  secundo,  quia  dato  quod  finis 
rationis  et  voluntatis  humanae  esset  conservatio  humani 
esse,  non  tamen  posset  dici  quod  finis  esset  aliquod  cor- 
poris  bonum;  esse  enim  hominis  consistit  in  anima  et  in 
corpore  :  et  quamvis  esse  corporis  dependeat  ab  anima, 
esse  tamen  humanae  animae  non  dependet  a  corpore,  ut 
supra  ostensum  est  (1  part,  quœst.  74.  et  quœst.  95.) 
ipsumque  corpus  est  propter  animam,  sicut  materia  prop- 
ter  formam,  et  instrumenta  propter  motorem,  ut  per  ea 
suas  actiones  exerceat.  Unde  omnia  bona  corporis  ordi- 
nantur  ad  bona  animée  sicut  ad  finem  :  unde  impossibile  est 
quod  in  bonis  corporis  beatitudo  consistât,  quae  est  ultimus 
finis. 

ARTICULUS  VI. 

UTRUM  BEATITUDO  HOMINIS  CONSISTAT  IN  VOLUPTATE. 
CONCLUSIO. 

Cum  omnis  delectatio  sit  quoddam  proprium  accidens 
quod  consequitur  beatiludinem,  vel  aliquam  beatitudinis 
partem,  dici  non  potest  hominis  beatitudo  in  delectatione 
seu  voluptate  consistere. 


NOTES.  495 

Respondeo  dicendum,  quod  quia  deiectaliones  corpora- 
les  pluribus  notas  sunt,  assumpserunt  sibi  nomen  volupta- 
tum,  ut  dicitur  7.  Ethic.  {cap.  penult.)  In  quibus  tamen 
beatitudo  principaliter  non  consistit,  quia  in  unaquaque  re 
aliud  est  quod  pertinet  ad  essentiam  ejus,  aliud  est  pro- 
prium  accidens  ipsius  :  sicut  in  homine  aliud  est  quod  est 
animal  rationale  mortale  ;  aliud  quod  est  risibile.  Est  igitur 
considerandum,  quod  omnis  delectatio  est  quoddam  pro- 
prium  accidens,  quod  consequiturbeatitudinem  velaliquam 
beatitudinis  partem  :  ex  hoc  enim  aliquis  deleclatur  quia 
habet  bonum  aliquod  sibi  conveniens  vel  in  re,  vel  in  spe, 
vel  saltem  in  memoria.  Bonum  autem  conveniens  si  quidem 
sit  perfectum,  est  ipsa  hominis  beatitudo  :  si  autem  sitim- 
perfectum,  beatitudo  quasdam  participata,  vel  propinqua, 
vel  remota,  vel  saltem  apparens.  Unde  manifestum  est, 
quod  nec  ipsa  delectatio,  quas  sequitur  bonum  perfectum, 
est  ipsa  essentia  beatitudinis,  sed  quoddam  consequens  ad 
ipsam,  sicut  per  se  accidens  :  voluptas  autem  corporalis 
non  potest  etiam  modo  prasdicto  sequi  bonum  perfectum  ; 
nam  sequitur  bonum  quod  apprehendit  sensus,  qui  est  vir- 
tus  animas  corpore  ulens.  Bonum  autem  quod  pertinet  ad 
corpus,  quod  apprehenditur  secundum  sensum,  non  potest 
esse  perfectum  hominis  bonum.  Cum  enim  anima  rationalis 
excédât  proportionem  materias  corporalis,  pars  animas  quae 
estaborgano  corporeo  absoluta  quandam  habet  icfinitatem 
respectu  ipsius  corporis,  et  partium  animas  corpori  con- 
creatarum  :  sicut  invisibilia  sunt  quodammodo  inQnita  res- 
pectu materialium,eo  quod  forma  per  materiam  quodam- 
modo contrahitur  et  finitur  :  unde  forma  a  materia  absoluta 
est  quodammodo  infinita.  Et  ideo  sensus,  qui  est  vis  cor- 
poralis, cognoscit  singulare   quod  est  determinatum  per 
materiam  :  intellectus  vero,  qui  est  via  materia  absoluta, 
cognoscit  universale  quod   est   abstractum  a  materia,  et 
continet  sub  se  infinita  singularia.  Unde  patet  quod  bonum 
conveniens  corpori,  quod  per  apprehensionem  sensus  de- 


496  NOTES. 

lectaiionem  corporalem  causât,  non  est  perfectum  bonum 
hominis,  sed  minimum  quiddam  in  comparatione  ad  bonum 
animas;  unde,  Sapient.  7.  dicitur  :  quod  omne  aurum  in 
comparatione  sapientiae,  arena  estexigua.  Sic  igitur  neque 
voluptas  corporalis  est  ipsa  beatitudo,  nec  est  per  se  acci- 
dens  beatitudinis. 

ARTICULUS  VU. 

UTRCM  BEATITUDO   HOMINIS  CONSISTAT  IN  ALIQUO  BONO  ANIMEE. 
CONCLUSIO. 

Beatitudo  ipsa,  cum  sit  perfectio  animse,  est  quoddam 
animae  bonum  inhaerens,  sed  in  quo  beatitudo  consistit, 
quodscilicet  beatum  facit,  est  aliquid  extra  animam. 

Respondeo  dicendum,  quod  sicut  supra  dictum  est  (9. 
1 .  art.  8.)  finis  dupliciter  dicitur  :  scilicet  ipsa  res  quam 
adipisci  desideramus  ;  et  usus,  seu  adeptio  vel  possessio  il- 
lius  rei.  Si  ergo  loquamur  de  ultimo  fine  hominis  quantum 
ad  ipsam  rem  quam  appetimus  sicut  ultimum  finem,  im- 
possibile  est  quod  ultimus  finis  hominis  sit  ipsa  anima,  vel 
aliquid  ejus.  Ipsa  enim  anima  in  se  considerata  est  ut  in 
potenlia  existens  ;  sit  enim  de  potentia  sciente  actu  sciens, 
et  de  potentia  virtuosa  actu  virtuosa  :  cum  autem  potentia 
sit  propler  actum  sicut  propter  conplementum,  impossibile 
est,  quod  id  quod  est  secundum  se  in  potentia  existens,  ha- 
bealrationem  ultimi  finis:  unde  impossibile  est  quod  ipsa 
anima  sit  ultimus  finis  sui  ipsius.  Similiter  etiam  neque 
aliquid  ejus,  sive  sit  potentia,  sive  actus,  sive  habitus  : 
bonum  enim  quod  est  ultimus  finis,  est  bonum  perfectum, 
complens  appetitum  :  appetitus  autem  humanus,  qui  est 
voluntas,  est  boni  universalis  :  quodlibet  autem  bonum  in- 
haerens  ipsi  animas,  est  bonum  participatum,  et  per  conse- 
quens  particulatum  :  unde  impossibile  est  quod  aliquod 
eorum  sit  ultimus  finis  hominis.  Sed  si  loquamur  de  ultimo 


NOTES.  497 

fine  hominis  quantum  ad  ipsam  adeptionem,  vel  possessio- 
nem,  seu  quemcumque  nsum  ipsius  rei  qua3  appetitur  ut 
finis,  sic  ad  ultimum  finem  pertinet.  aliquid  hominis  ex 
parte  animas,  quia  homo  per  animam  beatitudinem  conse- 
quitur.  Res  ergo  ipsa  quae  appetitur  ut  finis,  estid  in  quo 
beatitudo  consistit,  et  quod  beatum  facit  :  sed  hujus  rei 
adeptio  vocatur  beatitudo.  Unde  dicendum  est  quod  beati- 
tudo  est  aliquid  animae  :  sed  in  quo  consistit  beatitudo,  est 
aliquid  extra  animam. 

ARTICULUS  VIII. 

UTRUW  BEATITUDO  HOMINIS  CONSISTAT  IN   ALIQUO  BONO  CREATO. 
CONCLUSIO. 

Cum  appetitum  humanum  qui  est  voluntatis,  nihil  quie- 
tum  reddere  aut  satiare  possit  prgeter  universale  bonum, 
quod  est  illius  objectum,  omne  autem  bonum  creatum  sit 
bonum  particulare,  nonpotest  hominis  beatitudo  consistere 
in  aliquo  bono  creato. 

Respondeo  dicendum,  quod  impossibile  est  beatitudinem 
hominis  esse  in  aliquo  bono  creato  ;  beatitudo  enim  est 
bonum  perfectum  quod  totahter  quietat  appetitum,  alio- 
quin  non  esset  ultimus  finis,  si  adhuc  restaret  aliquid  ap- 
petendum.  Objectum  autem  voluntatis  qui  est  appetitus 
humanus,  est  universale  bonum,  sicut  objectum  intellectus 
est  universale  verum.  Ex  ç^)  patet  quod  nihil  potest  quie- 
tare  voluntatem  hominis  iBrbonum  universale,  quod  non 
invenitur  in  aliquo  creato,  sed  solum  in  Deo,  quia  omnis 
creatura  habet  bonitatem  participatam.  Unde  solum  Deus 
voluntatem  hominis  implere  potest;  secundum  quod  dici- 
tur  in  Psal  102.  Qui  replet  in  bonis  desiderium,  etc.  In 
solo  igitur  Deo  beatitudo  hominis  consistit.  (S.  Thom.  1 . 
2.  9.  2.) 


498  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 


IIe  INSTRUCTION. 

ESSENCE  ET  ACCESSOIRES  DE  LA  BÉATITUDE. 
EXORDE. 

1 .  Nous  vous  disions  dans  l'entretien  précédent, 
quel  est  le  sens  de  cette  dernière  parole  du  Sym- 
bole :  «  Je  crois  la  vie  éternelle.  »  Employée  par 
les  apôtres  pour  signifier  la  souveraine  béatitude, 
elle  nous  montre  que  la  félicité  de  l'homme  n'est 
pas  sur  la  terre  ;  elle  place  cette  félicité  dans  l'au- 
tre vie,  et  ne  lui  assigne  d'autre  terme  que  l'éter- 
nité :  enfin  elle  nous  insinue  que  cette  félicité 
consiste  dans  une  vie  vraiment  digne  de  ce  nom, 
une  vie  exempte  de  tout  mal,  comblée  de  tout 
bien.  C'est  par  cette  dernière  pensée  que  nous 
avons  terminé. 

2.  Selon  saint  Augustin,  il  serait  plus  facile 
d'énumérer  les  maux  donKes  saints  sont  exempts 
que  de  dépeindre  l'abondance  de  leurs  biens  et  de 
leurs  délices.  Nous  connaissons  les  maux;  nous  en 
faisons  l'expérience  dans  cette  vallée  de  larmes  ; 
mais  qui  pourra  nous  dire  ce  que  la  munifi- 
cence divine  prodigue  de  joies  et  de  saintes  vo- 
luptés aux  élus? L'Apôtre,  après  avoir  été  ravi  au 


DE  LA  BÉATITUDE.  4-99 

troisième  Ciel,  nous  déclare  que  c'est  1h  un  secret 
ineffable. 

Tâchons  cependant  de  nous  en  faire  une  idée. 

L'aspect  du  ciel  dans  une  belle  nuit,  nous  ravit 
d'admiration  ;  la  terre  parée  de  verdure  et  de  fleurs 
au  printemps,  charme  nos  regards  ;  l'harmonie 
d'une  belle  musique  nous  fait  éprouver  une  sensa- 
tion délicieuse  ;  le  spectacle  de  la  mer  agrandit  et 
élève  notre  âme.  Sont-celà  des  images  du  paradis? 
Non,  ce  n'en  est  pas  l'ombre.  Qu'est-il  donc? 

Les  Docteurs,  pour  nous  aider  à  en  concevoir 
quelque  chose,  distinguent  deux  sortes  de  biens 
dans  la  béatitude.  Les  uns  forment  le  fond  primitif 
et  l'essence  même  de  la  béatitude.  Les  autres  en 
sont  les  fruits  et  les  accessoires. 

Dans  ce  dernier  entretien,  je  vais  donc  vous 
exposer,  premièrement,  en  quoi  consiste  essen- 
tiellement le  bonheur  des  saints,  et  secondement, 
quels  en  sont  les  principaux  accessoires. 

«  Sursum  corda  !  »  Elevons  nos  cœurs  bien  au- 
dessus  de  la  terre.  Oublions  pour  un  moment  notre 
exil,  afin  d'entrevoir  du  moins  quelque  rayon  de 
la  félicité  éternelle.  Nous  avons  besoin  pour  cela 
d'une  lumière  toute  céleste  ;  Esprit  de  Dieu,  dai- 
gnez illuminer  nos  esprits. 

PREMIER  POINT. 

3.  La  vraie  et  solide  béatitude  consiste  essen- 
tiellement à  voir  et  à  posséder  Dieu,  source  et 
principe  de  toute  bonté  et  de  toute  perfection. 


500  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 

Telle  est  la  racine  et  le  fondement  même  de  la 
béatitude.  «  La  vie  éternelle,  dit  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ,  parlant  à  son  Père,  consiste  à  vous 
connaître,  vous,  le  seul  Dieu  véritable,  et  Jésus- 
Christ  que  vous  avez  envoyé.  Haec  est  vita  aeterna, 
ut  cognoscant  te,  solum  Deum  verum,  et  quem 
misisti,  Jesum  Christum.  y>(Joann.  xvii.) 

Saint  Jean  semble  interpréter  cette  parole  quand 
il  dit  :  «  Mes  bien-aimés,  nous  sommes  déjà  les 
enfants  de  Dieu,  mais  on  ne  voit  pas  encore  tout 
ce  que  nous  serons  un  jour.  Nous  savons  qu'à  son 
avènement,  nous  serons  semblables  à  lui,  et  que 
nous  le  verrons  tel  qu'il  est.  Charissimi,  nunc  filii 
Dei  sumus,  et  nondum  apparuit  quid  erimus  :  sci- 
mus  quoniam  cum  apparuerit,  similes  ei  erimus, 
quoniam  videbimus  eum,sicuti  est.  »(/  Joann.  m.) 

Remarquez  ce  qui,  d'après  ces  paroles  de  saint 
Jean,  constitue  proprement  la  béatitude. 

Deux  choses  la  constituent  :  premièrement,  voir 
Dieu  dans  son  essence  et  en  lui-même  ;  seconde- 
ment, devenir  tous  semblables  à  lui,  devenir  nous- 
mêmes  comme  des  dieux.  La  possession  de  Dieu 
ne  nous  fera  point  perdre  notre  individualité  pro- 
pre ;  mais  elle  nous  revêtira  d'une  forme  admira- 
ble et  pour  ainsi  dire  divine,  elle  nous  transformera 
de  telle  sorte  que  nous  paraîtrons  plutôt  desdieux 
que  des  hommes.  Alors  se  vérifiera  dans  toute  la 
force  du  terme  la  parole  du  Roi-prophète  :  «  Je 
l'ai  dit  :  vous  êtes  des  dieux  et  des  enfants  du  Très- 
Haut.  Ego  dixi  :  dii  estis  et  filii  Excelsi  omnes.  » 


DE  LA  BKAT1TUDE.  501 

4.  Oui,  chrétiens,  si  hardie  et  si  sublime  quesoit 
cette  idée  de  la  béatitude,  elle  est  réelle  et  véri- 
table. 

Je  le  répète  :  vous  serez  transformés  jusqu'au 
point  d'être  pour  ainsi  dire  d'autres  dieux.  Je  n'a- 
vance rien  de  trop.  Pourquoi  cela  ? 

Parce  que,  pour  voir  Dieu  face  à  face,  il  faut 
que  lui-même  s'unisse  à  nous.  Il  n'existe  que  deux 
manières  de  connaître  les  objets  :  en  eux-mêmes, 
ou  bien  au  moyen  de  leur  représentation. 

Or,  aucune  représentation,  aucune  image,  quel- 
que parfaite  qu'on  la  suppose,  ne  saurait  nous 
montrer  Dieu,  tel  qu'il  est. 

Ainsi,  Dieu  lui-même  se  communiquera  à  nous 
immédiatement.  Nous  entrerons  en  participation 
de  son  essence  divine.  Nous  en  serons  tout  péné- 
trés. «  Maintenant,  dit  l'Apôtre,  nous  voyons  dans 
un  miroir  et  dans  une  énigme,  »  c'est-à-dire,  comme 
l'explique  saint  Augustin,  au  moyen  d'images  et  de 
représentations;  cernais  alors  nous  le  verrons  face  à 
face.  Videmus  nunc  per  spéculum  in  oenigmate, 
tune  autem  facie  ad  faciem.  »  (i.  Corinth.  xm.) 

5.  Saint  Denis  confirme  ce  que  nous  venons  de 
dire  :  «  L'image  d'un  être  inférieur,  dit-il,  est  inca- 
pable de  nous  représenter  un  être  d'un  ordre  su- 
périeur. »  Par  exemple,  l'image  d'un  corps  ne  sau- 
rait nous  donner  la  notion  parfaite  d'un  esprit. 

Cela  est  d'autant  plus  impossible  que  les  idées 
ont  quelque  chose  de  plus  spirituel  que  leur  objet 
même.  Ainsi,  quand  nous  nous  formons  l'idée  d'un 


502  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 

arbre,  d'un  animal,  d'un  homme,  l'image  qui  nous 
en  reste  dans  l'esprit,  la  connaissance  que  nous 
en  conservons,  est  moins  matérielle  et  plus  déliée 
que  les  objets  eux-mêmes. 

Appliquons  cette  remarque  à  la  vision  de  Dieu. 
Peut-il  y  avoir  dans  notre  intelligence  une  idée, 
une  conception  ou  représentation  quelconque  de 
la  divinité,  qui  soit  aussi  pure  et  aussi  spirituelle 
que  Dieu-même?  Evidemment,  cela  est  impossible. 
Dieu  est  pur  esprit,  et  le  plus  pur  de  tous  les  es- 
prits. Toute  image  créée,  toute  conception,  toute 
représentation  reste  infiniment  au-dessous  de  la 
pureté  infinie  de  son  essence,  et  rien  ne  saurait  ex- 
primer la  spiritualité  parfaite  de  son  être. 

Et  comment  d'ailleurs  ce  qui  est  créé  pourrait-il 
nous  donner  une  juste  idée  de  Dieu?  Il  est  infini  ; 
ce  qui  est  créé  est  nécessairement  borné,  et  par 
conséquent  impuissant  pour  représenter  son  im- 
mensité. 

De  ces  considérations, il  résulte,  encore  une  fois, 
que  pour  voir  Dieu  en  lui-même,  tel  qu'il  est,  ce 
qui  est  le  propre  de  la  félicité  des  saints,  il  est  de 
toute  nécessité  que  Dieu  lui-même  s'unisse  à  nous, 
et  qu'élevant  notre  intelligence  à  une  hauteur  in- 
compréhensible, il  la  rende  capable  de  cette  con- 
templation immédiate,  de  cette  vision  intuitive.  * 

6.  On  appelle  ce  don  :  lumière  de  la  gloire.  A 
leur  entrée  dans  le  ciel,  les  saints  sont  enveloppés 


*Les  numéros  4  et  5  peuvent  être  omis  dans  une  instruction 
ordinaire. 


DE  LA  BÉATITLDE.  503 

de  la  lumière  môme  de  Dieu,  et  ils  le  contemplent 
à  la  faveur  de  sa  propre  lumière.  «In  lumine  tuo 
videbimus lumen.  »  (Ps.  xxxv.)  Cette  vue  les  suit 
partout,  et  toujours  ils  jouiront  de  cette  contem- 
plation ravissante. 

Voilà  ce  qui  les  fait  entrer  en  participation  de  la 
nature  divine.  Voilà  ce  qui  constitue  essentielle- 
ment leur  félicité  :  voir  Dieu  face  à  face,  lui  être 
intimement  et  inséparablement  unis,  le  posséder, 
l'aimer  à  jamais.  Et  voilà  aussi,  chrétiens  mes  frè- 
res, ce  que  chacun  de  nous  doit  non-seulement 
croire,  mais  espérer,  avec  une  ferme  confiance,  de 
l'infinie  bonté  de  Dieu.  C'est  pour  chacun  de  nous 
en  effet  qu'il  est  écrit  dans  le  symbole  de  Nicée  : 
«  J'attends  la  résurrection  des  morts  et  la  vie  du 
siècle  à  venir.  Et  expecto  resurrectionem  mortuo- 
rum  et  vitam  venturi  saeculi.  »  Vous  le  dites  tous 
les  jours  en  faisant  l'acte  d'espérance  :  «  Mon  Dieu, 
j'espère  de  votre  bonté  infinie  et  par  les  mérites 
de  Jésus-Christ,  mon  Sauveur,  votre  grâce  en  ce 
monde  et  votre  gloire  en  l'autre,  parce  que  vous 
me  l'avez  promis  et  que  vous  êtes  fidèle  dans  vos 
promesses.  » 

7.  Cette  vision  de  Dieu  et  cette  sorte  de  trans- 
formation des  saints  en  Dieu  sont  des  merveilles 
toutes  divines  que  nulle  parole  n'est  capable  d'ex- 
pliquer, nulle  intelligence  de  concevoir. 

On  en  trouve  cependant  une  ombre  et  une 
image,  fort  grossières  sans  doute,  dans  les  choses 
sensibles.  Voyez  par  exemple  ce  que  devient  le 


504  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 

fer  plongé  dans  la  fournaise.  11  ne  cesse  pas  d'être 
du  fer,  il  ne  change  pas  de  nature  :  et  cependant 
ne  prend-il  pas  une  forme  nouvelle,  ne  paraît-il 
pas  métamorphosé  en  feu  ? 

C'est  ainsi  que  l'âme,  introduite  au  séjour  de  la 
gloire,  y  est  enflammée  de  l'amour  de  Dieu,  et  cet 
amour,  semblable  à  un  brasier  ardent,  la  trans- 
forme tellement,  que,  sans  cesser  d'être  elle- 
même,  elle  prend,  pour  ainsi  dire,  des  qualités 
divines  et  est  en  quelque  sorte  identifiée  avec  l'être 
infini  de  Dieu.  Entre  l'état  où  elle  est  alors  et  celui 
de  cette  vie,  il  y  a  plus  de  différence  qu'entre  le 
fer  ardent  et  celui  qui  est  froid.  Quelle  admirable 
union  !  quel  changement  !  quelle  élévation  î  II  avait 
donc  raison  ,  le  Prophète  royal ,  quand  il  disait  à 
Dieu  :  «  Quid  est  homo  quod  memor  es  ejus,  aut 
filius  hominis,  quoniam  visitas  eum?  Qu'est-ce 
que  l'homme ,  Seigneur ,  pour  que  vous  daigniez 
vous  souvenir  de  lui?  Qu'est  le  fils  de  l'homme, 
pour  que  vous  l'honoriez  d'une  telle  faveur?  » 
(Ps.  VIII.) 

Pour  nous  résumer  en  quelques  mots  :  la  sou- 
veraine béatitude  consiste  donc  essentiellement  et 
principalement  dans  la  possession  de  Dieu.  Et  en 
effet,  que  peut-il  manquer  au  bonheur,  que  reste- 
t-il  à  désirer,  quand  on  jouit  de  Dieu,  le  bien 
infini,  la  perfection  infinie,  la  beauté,  la  vérité,  la 
sainteté  infinie?  «  Quid  mihi  est  in  cœlo,  et  à  te, 
quid  volui  super  terram  ?  Defecit  cor  meum  et  caro 
mea  ;  Deus  cordis  mei  et  pars  mea,  Deus,  in  aster- 


DE  LA  BÉATITUDE.  505 

num.  Qu'y  a-t-il  au  ciel,  et  que  puis-je  désirer  sur 
la  terre,  sinon  vous,  ô  mon  Dieu  î  Aussi  mon  cœur 
et  ma  chair  languissent  du  désir  de  vous  posséder  : 
vous  êtes  le  Dieu  de  mon  cœur  et  mon  partage,  ô 
mon  Dieu,  pour  l'éternité.  » 

SECOND  POINT. 

8.  Considérons  maintenant  les  principaux  acces- 
soires qui  accompagnent  la  félicité  des  saints. 

Nous  ne  parlerons  ici  que  des  avantages  qui  sont 
communs  à  tous. 

Comme  ces  avantages  secondaires  sont  plus  à  la 
portée  de  notre  esprit,  ils  ne  manqueront  pas  de 
faire  sur  nous  une  impression  salutaire,  pour  peu 
que  nous  les  méditions. 

«  Gloire,  honneur  et  paix  à  tous  ceux  qui  font 
le  bien.  Gloria  et  honor  et  pax  omni  operanti  bo- 
num.  »  {Rom.  n.)  Ces  paroles  de  l'apôtre  saint 
Paul  aux  Romains  semblent  indiquer  quelques-unes 
des  prérogatives  des  saints. 

Premièrement,  les  bienheureux  jouiront  de  la 
gloire.  Non-seulement  ils  posséderont  cette  gloire 
qui  est  de  l'essence  même  de  la  béatitude  ou  qui 
en  est  inséparable,  mais  ils  seront  encore  glorifiés 
les  uns  par  les  autres.  Ils  se  connaîtront  mutuelle- 
ment, et  ils  auront  une  vue  claire  et  distincte  des 
mérites,  de  l'excellence,  de  la  dignité  de  chacun 
d'eux.  Aussi  se  donneront-ils  réciproquement  des 
témoignages  d'honneur  proportionnés  à  leur  sain- 
teté. 


506  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 

9.  En  second  lieu,  ils  se  verront  comblés  d'hon- 
neur. 

Quelle  joie  pour  eux  d'être  appelés  par  le  Sei- 
gneur, non  plus  du  nom  de  serviteurs,  mais  du 
nom  d'amis,  de  frères,  d'enfants  !  «  Jam  non  dicam 
vos  servos,  vos  autem  dixi  amicos.  »  (Joann.  xv.) 
Quelle  aimable  et  gracieuse  invitation  le  Sauveur 
leur  adressera  en  présence  de  l'univers  entier! 
«  Venez,  les  bénis  de  mon  Père,  possédez  le 
royaume  qui  vous  a  été  préparé  dès  le  commen- 
cement du  monde.  Venite,  benedicti  Patris  mei, 
possidete  paratum  vobis  regnum  a  constitutione 
mundi.  »  (Matth.  xxv.)  Enfants  de  Dieu,  c'est  alors 
qu'ils  recueilleront  l'héritage  de  leur  Père  céleste 
et  qu'ils  deviendront  les  cohéritiers  de  Jésus- 
Christ.  «  Si  filii,  et  heredes;  heredes  quidem  Dei, 
coheredes  autem  Christi.  » 

«  Courage,  bon  et  fidèle  serviteur,  dira  à  cha- 
cun d'eux  le  souverain  Rémunérateur  ;  vous  avez 
été  fidèle  dans  de  petites  choses,  je  vais  mainte- 
nant vous  élever  sur  de  plus  grandes.  Euge,  serve 
bone  et  fidelis,  quia  in  pauca  fuisti  fidelis,  super 
multa  te  constituam.  »  Et  en  effet,  il  les  établira 
princes  de  sa  cour,  rois  dans  son  royaume.  Que 
sont  auprès  de  cet  honneur  les  couronnes  et  les 
sceptres  de  la  terre  ?  La  dignité  du  moindre  des 
saints  excède  sans  comparaison  toutes  les  pompes 
et  les  magnificences  des  empires  d'ici-bas. 

Ah  !  c'est  bien  ici  qu'il  y  a  sujet  de  s'écrier  avec 
le  Psalmiste  :  «  0  Dieu  !  avec  quelle  distinction 


DE  LA  BÉATITUDE.  507 

admirable  vous  traitez  vos  amis  !  Nimis  honorificati 
sunt  amici  lui,  Deus  !  »  (Ps.  cxxxvm.) 

Jésus-Christ  lui-même  fera  l'éloge  de  leurs  ver- 
tus devant  son  Père  céleste  et  devant  ses  Anges. 
Il  exaltera  leur  humilité  et  leur  abnégation  ;  il  dira 
quels  ont  été  leurs  combats  et  leurs  victoires. 
Semblable  à  un  général  d'armée  qui  fait  la  revue 
de  ses  soldats  après  une  grande  bataille,  il  louera 
leur  courage  et  leur  magnanimité  à  le  suivre  et  à 
combattre  ses  ennemis  qui  sont  le  démon,  le  monde 
et  la  chair.  Il  n'oubliera  aucun  des  sacrifices,  aucun 
des  efforts  qu'ils  ont  faits  pour  pratiquer  la  vertu  ; 
il  publiera  leur  charité,  leur  patience,  toutes  leurs 
bonnes  œuvres  ;  il  mentionnera  jusqu'au  verre 
d'eau  froide  qu'ils  auront  donné  en  son  nom  et 
pour  l'amour  de  lui.  Quel  honneur  pour  les  saints 
d'entendre  leurs  louanges  de  la  bouche  même  de 
la  sagesse  éternelle  !  Qui  peut  imaginer  la  satisfac- 
tion infinie  qu'ils  en  ressentiront?  Ah!  ce  n'est 
point  de  l'approbation  des  hommes  qu'il  faut  être 
jaloux  ;  soyons  bien  plutôt  ambitieux  d'obtenir  celle 
de  Jésus-Christ. 

Chacun  des  saints  recevra  de  la  part  des  autres 
élus  les  marques  de  la  plus  profonde  estime.  Il  est 
si  naturel  à  l'homme  de  souhaiter  celle  des  gens 
sages  !  Leur  témoignage  passe  avec  raison  pour  un 
sûr  garant  du  mérite. 

Quel  surcroit  de  gloire  ne  sera-ce  donc  pas  pour 
les  saints,  de  se  voir  considérés,  estimés,  honorés, 
par  tout  ce  qu'il  y  eut  jamais  de  plus  grand  et  de 
plus  distingué  au  monde! 


508  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 

10.  En  troisième  lieu,  tous  leurs  désirs  seront 
satisfaits. 

Qui  pourrait  énumérer  tous  les  genres  de  satis- 
faction dont  ils  seront  comblés  au  sein  de  la  gloire? 
Quelle  intelligence  pourrait  même  les  concevoir? 
Tout  ce  que  la  vie  présente  offre  d'agréments  et  de 
charmes,  tout  ce  qu'il  est  possible  de  désirer,  soit 
pour  le  contentement  de  l'esprit,  soit  pour  la  par- 
faite disposition  du  corps,  les  connaissances  les 
plus  hautes  et  les  plus  vastes,  la  santé,  la  vigueur, 
la  beauté,  la  jeunesse,  tout  cela  sera  donné  aux 
saints  avec  abondance.  Mais  avec  quelle  pureté  et 
quelle  perfection  !  «  L'œil  de  l'homme  n'a  point  vu, 
son  oreille  n'a  point  entendu  et  son  cœur  n'a  jamais 
rien  conçu  qui  en  approche.  Oculus  non  vidit, 
nec  auris  audivit,  nec  in  cor  hominis  ascendit,  » 
dit  l'Apôtre. 

Ainsi  le  corps,  qui  était  ici-bas  grossier  et  maté- 
riel, une  fois  dégagé  de  la  mortalité,  et  devenu 
semblable  aux  esprits,  n'aura  plus  besoin  d'ali- 
ments dans  le  ciel. 

L'âme  s'y  rassasiera  avec  d'ineffables  transports 
de  l'aliment  éternel  de  la  gloire.  Dieu  lui-même 
servira  ce  magnifique  banquet  à  ses  élus. 

Au  ciel,  les  vêtements  et  les  parures  du  corps 
seront  superflus.  La  pourpre  des  rois,  la  richesse 
des  diamants  et  des  pierres  précieuses  seront  effa- 
cées par  ce  vêtement  d'immortalité  et  de  lumière, 
par  ce  diadème  de  gloire  dont  les  saints  seront 
décorés. 


DE  LA  BÉATITUDE.  509 

Et  quelle  ne  sera  pas  la  beauté  de  leur  demeure? 
On  s'estime  heureux  ici-bas  d'habiter  une  vaste 
maison,  bâtie  avec  élégance  et  ornée  de  meubles 
précieux.  Quoi  de  plus  grand  et  de  plus  magni- 
fique que  ce  palais  du  ciel  éclairé  de  toutes  parts 
de  la  clarté  de  Dieu  ! 

Qu'on  serait  émerveillé,  dit  un  grand  saint,  de 
voir  une  ville  dont  les  rues  sont  pavées  de  cristal, 
et  dont  les  maisons  sont  autant  de  palais  d'argent, 
ornés  de  lambris  d'or  et  de  guirlandes  de  fleurs  de 
toute  espèce?  Oh  !  combien  plus  belle  encore  est 
la  cité  céleste  ! 

Une  des  plus  grandes  joies  des  saints  sera  d'y 
voir  Marie  qui  leur  paraîtra  plus  belle  que  tout  le 
Paradis.  Avec  quelle  tendre  émotion  ne  contem- 
pleront-ils pas  cette  bien-aimée  Mère  de  Dieu,  le 
chef-d'œuvre  de  ses  mains  ?  Combien  ne  la  remer- 
cieront-ils pas  de  toutes  les  grâces  qu'elle  leur  a 
obtenues? 

Mais  quelle  joie  de  contempler  la  sainte  huma- 
nité de  Jésus-Christ?  Dans  quelle  douce  extase  ne 
seront-ils  pas  plongés  en  voyant  cette  chair  divi- 
ne, portant  encore  les  cicatrices  des  blessures 
qu'elle  a  reçues  pour  nous  sauver  î  Sainte  Thérèse, 
ayant  seulement  entrevu  une  main  du  Sauveur, 
fut  ravie  hors  d'elle-même,  jusqu'à  perdre  tout 
sentiment. 

Non,  dans  le  ciel,  Dieu  n'épargnera  rien  pour 
enivrer  ses  élus  des  tonents  de  sa  propre  félicité. 

SYMB.      II.  43 


510  ESSENCE  ET  ACCESSOIRES 

<(  Inebriabuntur  ab  ubertate  domus  tuae,  et  tor- 
rente  voluptatis  tuae  potabis  eos.  »  (Ps.  lxxii.) 

conclusion. 

11.  A  la  pensée  des  beautés  du  ciel,  le  Roi- 
prophète,  transporté  d'admiration  et  tout  enflammé 
d'amour,  s'écriait  :  «  Qu'ils  sont  délicieux  vos  ta- 
bernacles, ô  Dieu  des  armées  I  Mon  âme  languit 
dans  l'impatience  d'habiter  les  parvis  du  Seigneur. 
Mon  cœur  et  ma  chair  tressaillent  vers  le  Dieu  vi- 
vant. Quam  dilecta  tabernacula  tua,  Domine  vir- 
tutum  !  Concupiscit  et  déficit  anima  mea  in  atria 
Domini.  Cor  meum  et  caro  meo  exulta verunt  in 
Deum  vivum.  »  (Ps.  lxxxiii.) 

Que  tels  soient  aussi  nos  sentiments,  tel,  notre 
langage  à  tous,  Chrétiens  mes  frères.  Je  dis  :  à 
tous;  car,  sachez-le  bien,  tous,  vous  pouvez  pré- 
tendre à  ce  bonheur.  Le  Sauveur  nous  l'a  mérité  à 
tous.  Piquons-nous  d'une  sainte  émulation  :  «  Dans 
la  maison  de  mon  Père,  dit  Jésus-Christ,  il  y  a  plu- 
sieurs demeures.  In  domo  Patris  mei  mansiones 
multae  sunt.  »(Joann.  xiv.)  C'est-à-dire  que  chacun 
y  sera  plus  ou  moins  récompensé  selon  ses  méri- 
tes, a  Celui  qui  sème  peu,  recueillera  peu  ;  celui 
qui  sème  avec  abondance,  recueillera  avec  abon- 
dance. Qui  parce  seminat,  parce  et  metet  ;  et  qui 
seminat  in  benedictionibus,  de  benedictionibus  et 
metet.  »  (/  Cor.  ix.) 

12.  Voulez-vous  vous  assurer  ce  bonheur?  Que 


DE  LA  BÉATITUDE.  -J  I  I 

votre  vie  soit  une  vie  de  foi  et  de  charité.  La  cha- 
rité seule,  c'est-à-dire  l'observation  des  comman- 
dements, peut  vous  ouvrir  la  porte  du  ciel.  Pour 
garder  les  commandements,  persévérez  dans  la 
prière  et  le  bon  usage  des  sacrements.  Enfin,  fai- 
tes-vous un  trésor  de  mérites  par  la  pratique  des 
œuvres  de  miséricorde. 

C'est  par  l'emploi  constant  de  ces  moyens  que 
vous  obtiendrez  de  la  bonté  de  Dieu  cette  glorieuse 
récompense  qu'il  a  préparée  à  ceux  qui  l'aiment. 
C'est  ainsi  qu'il  accomplira  en  vous  la  parole  de  son 
prophète  :  «  Mon  peuple  habitera  au  milieu  d'une 
paix  profonde  ;  il  sera  tranquille  dans  ses  tentes  et 
jouira  du  repos  et  de  l'abondance.  Sedebit  populus 
meus  in  pulchritudine  pacis,  et  tabernaculis  fidu- 
ciae,  et  in  requie  opulenta.  »  (Isa.  xxxiv.)  Amen. 


512  NOTES. 


NOTES 


I.     DE    L'UNION    DES    ESPKITS    BIENHEUREUX    AVEC    DIEU 
DANS  LA  VISION  DE  LA  DIVINITÉ. 

Quand  nous  regardons  un  objet,  quoiqu'il  nous  soit  pré- 
sent, il  ne  s'unit  pas  à  nos  yeux  lui-même  ;  mais  seule- 
ment il  leur  envoie  une  certaine  représentation  ou  image  de 
lui-même,  que  Ton  appelle  espèce  sensible,  par  le  moyen 
de  laquelle  nous  voyons.  Et  quand  nous  contemplons  ou 
entendons  quelque  chose,  ce  que  nous  entendons  ne  s'unit 
pas  non  plus  a  notre  entendement,  sinon  par  le  moyen 
d'une  autre  représentation  très-délicate  et  spirituelle,  que 
l'on  nomme  espèce  intelligible.  Mais  encore  ces  espèces, 
par  combien  de  détours  et  de  changements  viennent-elles 
a  notre  entendement  !  Elles  abordent  au  sens  extérieur,  et 
de  la  passent  a  l'intérieur,  puis  à  l'idée,  de  là  à  l'entende- 
ment actif,  et  viennent  enfin  au  passif;  afin  que  passant 
comme  par  tant  d'étamines  et  sous  tant  de  limes,  elles 
soient  par  ce  moyen  purifiées,  subtilisées  et  affinées,  et 
que  de  sensibles  elles  soient  rendues  intelligibles. 

Nous  voyons  et  entendons  ainsi,  Théotime,  tout  ce  que 
nous  voyons  ou  entendons  en  celte  vie  mortelle,  et  même 
les  choses  de  la  foi.  Car,  comme  le  miroir  ne  contient  pas 
la  chose  que  l'on  y  voit,  mais  seulement  sa  représentation 
et  son  espèce,  laquelle  représentation,  arrêtée  par  le  mi- 
roir, en  produit  une  autre  dans  l'œil  qui  regarde  ;  de  même 
les  paroles  de  la  foi  ne  contiennent  pas  les  choses  qu'elle  an- 
nonce, mais  seulement  elle  les  représente  :  el  cette  repré- 


NOTES.  513 

sentation  des  choses  divines  qui  est  en  la  parole  de  la  foi, 
en  produit  une  autre,  que  notre  entendement,  moyennant 
la  grâce  de  Dieu,  accepte  et  reçoit  comme  la  représentation 
de  la  sainte  vérité  ;  notre  volonté  s'y  complaît  et  l'embrasse 
comme  une  vérité  honorable,  utile,  aimable  et  très-bonne  : 
de  sorte  que  les  vérités,  signifiées  en  la  parole  de  Dieu, 
sont  par  elle  représentées  à  l'entendement  comme  les  cho- 
ses exprimées  dans  le  miroir  sont  par  le  miroir  représen- 
tées à  l'œil  :  en  sorte  que  croire,  c'est  voir  comme  par  un 
miroir,  dit  le  grand  Apôtre. 

Mais  au  ciel,  Théotime,  ah  !  mon  Dieu,  quelles  faveurs! 
La  divinité  s'unira  elle-même  a  notre  entendement,  sans 
entremise  d'espèce  ni  de  représentation  quelconque;  mais 
elle  s'appliquera  et  se  joindra  elle-même  a  notre  entende- 
ment, se  rendant  tellement  présente  à  lui,  que  cette  intime 
présence  tiendra  lieu  de  représentation  et  d'espèce.  0  vrai 
Dieu,  quelle  suavité  pour  l'entendement  humain  d'être  à 
jamais  uni  à  son  souverain  objet,  recevant  non  sa  représen- 
tation, mais  sa  présence,  non  une  image  ou  une  espèce, 
mais  la  propre  essence  de  sa  divine  vérité  et  de  sa  majesté! 
Nous  serons  la  comme  des  enfants  très-heureux  de  la  divi- 
nité, ayant  l'honneur  d'être  nourris  de  la  propre  substance 
divine,  reçue  en  notre  âme  par  la  bouche  de  notre  enten- 
dement; et,  ce  qui  surpasse  toute  douceur,  c'est  que  Dieu 
notre  père  ne  se  contentera  pas  de  faire  recevoir  sa  propre 
substance  dans  noire  entendement,  c'est-a-dire,  de  nous 
faire  voir  sa  divinité,  mais  par  un  abîme  de  sa  douceur,  il 
appliquera  lui-même  sa  substance  a  notre  esprit,  afin  que 
nous  l'entendions,  non  plus  en  espèce  ou  en  représentation, 
mais  en  elle-même  et  par  elle-même  ;  en  sorte  que  sa  subs- 
tance paternelle  et  éternelle  sene  d'espèce  aussi  bien  que 
d'objet  à  notre  entendement.  Et  alors  seront  pratiquées  en 
une  façon  excellr-nte  ces  divine-  promesses  :  .le  la  mènerai 
en  la  solitude,  el  je  parlerai  à  son  cœur,  et  je  l'allaiterai. 

Bonheur  infini,  Tiicoiime,  et  qui  ne  nous  a  pas  teule- 


514  NOTES. 

ment  élé  promis,  mais  dont  nous  a  sons  un  avant-goût  au 
très-saint  sacrement  de  l'Eucharistie,  festin  perpétuel  de  la 
grâce  divine  ;  car  en  lui  nous  recevons  le  sang  du  Sauveur 
en  sa  chair,  et  sa  chair  en  son  sang  :  son  sang  nous  étant 
appliqué  par  sa  chair,  sa  substance  par  sa  substance  à  notre 
propre  bouche  corporelle,  afin  que  nous  sachions  qu'il 
nous  appliquera  de  même  son  essence  divine  au  festin  éter- 
nel de  la  gloire.  Il  est  vrai  qu'ici  cette  faveur  nous  est  faite 
réellement,  mais  à  couvert  sous  les  espèces  et  apparences 
sacramentelles  ;  mais  au  ciel  la  divinité  se  donnera  a  dé- 
couvert, et  nous  la  verrons  face  à  face  comme  elle  est. 

II.   LA  SAINTE  LUMIÈRE  DE  LA  GLOIRE  SERVIRA  A  L'UNION 
DES  ESPRITS  BIENHEUREUX  AVEC  DIEU. 

L'entendement  créé  verra  donc  l'essence  divine  sans 
aucune  entremise  d'espèce  ni  de  représentation  ;  mais  il  ne 
la  verra  pas  néanmoins  sans  quelque  excellente  lumière 
qui  le  dispose,  l'élève  et  le  fortifie  pour  élever  ses  regards 
si  haut  et  sur  un  objet  si  sublime  et  si  éclatant.  Car,  com- 
me la  chouette  a  la  vue  assez  forte  pour  voir  la  sombre 
lumière  de  la  nuit  sereine,  mais  non  toutefois  pour  voir  la 
clarté  du  midi  qui  est  trop  brillante  pour  être  reçue  par  des 
yeux  si  troubles  et  si  faibles  :  ainsi  notre  entendement  qui 
a  bien  assez  de  force  pour  considérer  les  vérités  naturelles 
par  sa  raison,  et  même  les  choses  surnaturelles  de  la  grâce 
par  la  lumière  de  la  foi,  ne  saurait  néanmoins  ni  par  la 
lumière  de  la  nature,  ni  par  la  lumière  de  la  foi,  atteindre 
jusqu'à  la  vue  de  la  substance  divine  en  elle-même.  C'est 
pourquoi  la  suavité  de  la  sagesse  éternelle  a  disposé  de  ne 
point  appliquer  son  essence  a  notre  entendement,  qu'elle 
ne  l'ait  préparé,  fortifié  et  éclairé  pour  recevoir  une  vue 
aussi  éminente,  et  aussi  disproportionnée  à  sa  condition 
naturelle,  qu'est  la  vue  de  la  divinité.  C'est  ainsi  que  le 
soleil,  souverain  objet  de  nos  yeux  corporels  entre  les  cho- 


.NOIES.  515 

ses  naturelles,  ne  se  présente  point  a  notre  vue  que  premiè- 
rement il  n'envoie  ses  rayons  par  le  moyen  desquels  nous  le 
puissions  voir,  de  sorte  que  nous  ne  le  voyons  que  par  sa 
lumière.  Toutefois,  il  y  a  de  la  différence  entre  les  rayons 
que  le  soleil  jette  à  nos  yeux  corporels,  et  la  lumière  que 
Dieu  créera  au  ciel  dans  nos  entendements;  car  le  rayon 
du  soleil  corporel  ne  fortifie  point  nos  yeux  quand  ils  sont 
faibles  et  impuissants  à  voir,  mais  plutôt  il  les  aveugle, 
éblouissant  et  dissipant  leur  vue  infirme  :  tandis  qu'au 
contraire  cette  sacrée  lumière  de  gloire  trouvant  nos  en- 
tendements inhabiles  et  incapables  de  voir  la  Divinité,  les 
élève,  les  fortifie  et  les  perfectionne  si  excellemment,  que, 
par  une  merveille  incompréhensible,  ils  regardent  et  con- 
templent l'abîme  de  la  clarté  divine  fixement  et  en  face, 
sans  être  éblouis  ni  fatigués  de  la  grandeur  infinie  de  son 
éclat. 

De  môme  donc  que  Dieu  nous  a  donné  la  lumière  de  la 
raison  par  laquelle  nous  pouvons  le  connaître  comme  au- 
teur de  la  nature,  et  la  lumière  de  la  foi  par  laquelle  nous 
le  considérons  comme  source  de  la  grâce  :  de  même  il  nous 
donnera  la  lumière  de  gloire  par  laquelle  nous  le  contem- 
plerons comme  source  de  la  béatitude  et  de  la  vie  éternelle  ; 
mais  source,  Théotime,  que  nous  ne  contemplerons  pas  de 
loin,  comme  nous  faisons  maintenant  par  la  foi,  mais  que 
nous  verrons  par  la  lumière  de  gloire,  plongés  et  abîmés  en 
elle.  Les  plongeurs,  dit  Pline,  qui  pour  pêcher  les  pierres 
précieuses  s'enfoncent  dans  la  mer,  prennent  del'huiledans 
leur  bouche,  afin  que  la  répandant  ils  aient  plus  de  jour 
pour  voir  dans  les  eaux  entre  lesquelles  ils  nagent.  Théo- 
time, l'âme  bienheureuse  étant  enfoncée  et  plongée  dans 
l'Océan  de  la  divine  essence,  Dieu  répandra  dans  son  en- 
tendement la  sacrée  lumière  de  gloire,  qui  lui  en  fera  jour 
dans  cet  abîme  de  lumière  Inaccessible,  afin  que  par  la  clarté 
de  la  gloire  nous  voyions  la  clarté  de  la  divinité. 


516  NOTES. 

III.  L'UHIOM  DtS  BIENHEUREUX  AVEC  DIED  AURA  DIFFÉRENTS  DEGRÉS. 

Or  ce  sera  cetle  lumière  de  gloire,  Théotime,  qui  don- 
nera la  mesure  à  la  vue  et  a  la  contemplation  des  bienheu- 
reux ;  et,  selon  que  nous  aurons  plus  ou  moins  de  cette 
sainte  splendeur,  nous  verrons  aussi  plus  ou  moins  claire- 
ment, et  par  conséquent  plus  ou  moins  heureusement  la 
très-sainte  Trinité,  qui  regardée  diversement  nous  rendra 
de  même  différemment  glorieux.  Certes  en  ce  paradis  cé- 
leste tous  les  esprits  voient  toute  l'essence  divine  ;  mais  nul 
d'entre  eux,  ni  tous  ensemble  ne  la  voient,  ni  ne  peuvent 
la  voir  totalement.  Non,  Théotime;  car  Dieu  étant  très- 
uniquement  un  et  très-simplement  indivisible ,  on  ne  le 
peut  voir  qu'on  ne  le  voie  tout;  parce  qu'il  est  infini,  sans 
limite,  ni  borne,  ni  mesure  quelconque  en  sa  perfection, 
il  n'y  a  ni  ne  peut  y  avoir  aucune  capacité  hors  de  lui,  qui 
jamais  puisse  totalement  comprendre  ou  pénétrer  l'infinité 
de  sa  bonté  infiniment  essentielle  et  essentiellement  infinie. 

Cette  lumière  créée  du  soleil  visible  qui  est  limitée  et 
finie,  est  toute  vue  de  tous  ceux  qui  la  regardent,  mais  de 
telle  manière  qu'elle  n'est  pourtant  jamais  vue  totalement 
de  pas  un,  ni  même  de  tous  ensemble.  Il  en  est  presque 
ainsi  de  tous  nos  sens  :  entre  plusieurs  qui  entendent  une 
excellente  musique,  quoique  tous  l'entendent  toute,  les 
uns  pourtant  ne  l'entendent  pas  aussi  bien,  ni  avec  autant 
de  plaisir  que  les  autres,  selon  que  les  oreilles  sont  plus  ou 
moins  délicates.  La  manne  était  toute  savourée  de  quicon- 
que la  mangeait,  mais  différemment  néanmoins,  selon  la 
diversité  des  appétits  de  ceux  qui  la  prenaient,  et  elle  ne 
fut  jamais  savourée  totalement  ;  car  elle  avait  plus  de  diffé- 
rentes saveurs,  qu'il  n'y  avait  de  variétés  de  goût  dans  les 
Israélites.  Théotime,  nous  verrons  et  nous  savourerons  là 
haut  au  ciel  toute  la  divinité  ;  mais  jamais  nul  des  bienheu- 
reux, ni  tous  ensemble,  ne  la  verront  ou  ne  la  savoureront 
totalement.  Cette  infinité  divine  aura  toujours  infiniment 
plus  d'excellence  que  nous  ne  saurions  avoir  de  suffisance 


NOTES,  517 

el  de  capacité,  et  nous  n'aurons  un  contentement  indicible 
de  connaître,  qu'après  avoir  assouvi  tout  le  désir  de  notre 
cœur,  et  rempli  pleinement  sa  capacité  dans  la  jouissance 
du  bien  infini  qui  est  Dieu  ;  néanmoins  il  restera  encore 
dans  cette  infinité  d'infinies  perfections  a  voir  et  a  posséder, 
que  sa  divine  majesté  comprend  et  voit  elle  seule,  elle  seule 
se  comprenant  elle-même. 

Ainsi  les  poissons  jouissent  de  la  grandeur  incroyable 
de  l'Océan  ;  et  jamais  pourtant  aucun  poisson,  ni  même 
toute  la  multitude  des  poissons,  ne  vit  Lûtes  les  plages,  ni 
ne  trempa  ses  écailles  dans  toutes  les  eaux  de  la  mer.  Et 
les  oiseaux  s'égaient  a  leur  gré  dans  l'immensité  de  l'air; 
mais  jamais  aucun  oiseau,  ni  même  toute  la  race  des  oi- 
seaux ensemble,  n'a  battu  de  ses  ailes  toutes  les  contrées 
de  l'air,  et  n'est  parvenu  à  sa  suprême  région.  Ah  !  Théo- 
time,  nos  esprits,  à  leur  gré  et  selon  l'étendue  de  leurs 
souhaits,  nageront  dans  l'Océan,  el  voleront  dans  l'air  de 
la  Divinité;  ils  se  réjouiront  éterneilemmt  de  voir  que  cet 
air  est  si  infini,  cet  Océan  si  vaste,  qu'il  ne  peut  être  me- 
suré par  leurs  ailes  ;  mais  quoique  jouissant,  sans  réserve 
ni  exception  quelconque,  de  tout  cet  abîme  infini  de  la  Di- 
vinité, ils  ne  peuvent  néanmoins  jamais  égaler  leur  jouis- 
sance a  cette  Infinité,  qui  demeure  tuujours  infiniment  infi- 
nie au-dessus  de  leur  capacité. 

Et  sur  ce  sujet  les  esprits  bienheureux  sont  ravis  de  deux 
admirations,  l'une  pour  l'infinie  beauté  qu'ils  contemplent, 
et  l'autre  pour  l'abîme  de  l'infinité  qui  reste  a  voir  en  cette 
beauté.  0  Dieu  !  que  ce  qu'ils  voient  est  admirable  !  mais, 
ô  Dieu  i  que  ce  qu'ils  ne  voient  pas  est  beaucoup  plus!  Et 
toutefois,  Tliéotime,  la  très-sainte  beauté  qu'ils  voient  étant 
infinie,  elle  les  rend  parfaitement  satisfaits  et  rassasiés;  et 
se  contentant  d'en  jouir,  selon  le  rang  qu'ils  tiennent  dans 
le  ciel/a  cause  de  la  très-aimable  providence,  divine  qui 
en  a  ainsi  ordonné,  ils  convertissent  la  connaissance  qu'ils 
ont  de  ne  pas  posséder,  ni  de  pouvoir  posséder  totalement 
s\Mn.     n.  4i 


518  NOTES. 

leur  objet,  en  une  simple  complaisance  d'admiration,  par 
laquelle  ils  ont  une  joie  souveraine  de  voir  que  la  beauté 
qu'ils  aiment  est  tellement  infinie,  qu'elle  ne  peut  être  to- 
talement connue  que  par  elle-même.  Car  en  cela  consiste 
la  divinité  de  cette  beauté  infinie,  ou  la  beauté  de  cette  in- 
finie divinité.  (S.  François  de  Sales,  Traité  de  l'amour  de 
Dieu,  lit.  3,  chap.  M,  M  et  15.) 

IV.  de  l'éternelle  félicité  et  du  repos  perpétuel 

DE  LA  CITÉ  DE  DIEU. 

1 .  Quanta  erit  illa  félicitas,  ubi  nullum  erit  malum,  nul- 
lum  latebit  bonum,  vocabilur  Dei  laudibus,  qui  erit  omnia 
in  omnibus!  Nam  quid  aliud  agatur,  ubi  neque  ulla  desi- 
dia  cessabitur,  neque  ulla  indigentia  laborabitur,  nescio. 
Admoneor  etiam  sancto  Cantico,  ubi  lego,  vel  audio.  Beati 
qui  habitant  in  domo  tua,  Domine,  in  saecula  saeculoruin 
laudabunt  te  (Ps.  lxxxiii,  5.)  Omnia  membra  et  viscera 
incorruptibilis  corporis,  quae  nunc  videmus  per  usus  né- 
cessitais varios  distributa,  quoniam  tune  non  erit  ipsa  né- 
cessitas, sed  plena,  certa,  secura,  sempiterna  félicitas, 
proficient  in  laudibus  Dei.  Omnes  quippe  illi,  dequibusjam 
sum  locutus,  qui  nunc  latent,  harmonise  corporalis  numeri 
nonlatebunt,  intrinsecus  et  extrinsecus  per  corporis  cuncta 
dispositi  ;  et  cum  caeteris  rébus,  quae  ibi  magnœ  atquemi- 
rabiles  videbuntur,  rationales  mentes  in  tant!  artificis 
laudem  rationabilispulchritudinis  delectatione  succendent. 
Qui  motus  illic  talium  corporum  sint  futuri  temere  definire 
non  audeo,  quod  excogitare  non  valeo.  Tamen  et  motus  et 
status,  sicut  ipsa  species,  decens  erit  quicumque  erit,  ubi 
quod  non  decebit,  non  erit.  Certe  ubi  volet  spiritus,  ibi 
protinus  erit  corpus  :  nec  volet  aliquid  spiritus,  quod  nec 
spiritual  possit  decere*  nec  corpus.  Vera  ibi  gloria  erit,  ubi 
laudantis  nec  errore  quisquam  nec  adulatione  landabitur. 
Verushonor,  qui  nulli  negabitur  digno,  nulli  deferetur  in- 
digno  :  sed  nec  ad  eum  ambiet  ullus  indignus,  ubi  nullus 


NOTES.  519 

permittc-tur  esse  nisi  dignus.  Yera  pax,  ubi  nihil  adversi, 
nec  a  seipso,  nec  ab  alio  quisquampatietur.Prœmium  vir- 
tutis  erit  ipse  qui  virtutem  dédit,  eique  seipsum,  quo  me- 
lius  et  majus  nihil  possit  esse,  promisit.  Quid  est  enim  aliud 
quod  per  Prophetam  dixit.  Ero  illorum  Deus,  et  ipsi  erunt 
nihil  plebs.  (Levit.  xxvi,  12.)  ;  nisi,  Ergo  ero  unde  satien- 
tur,  ergo  ero  quaecumque  ab  hominibus  honeste  deside- 
rantur,  et  vita,  et  salus,  et  viclus,  et  copia,  etgloria,  et 
honor,  et  pax,  et  omnia  bona  ?  Sic  enim  et  illud  recte  in- 
telligitur,  quod  ait  Apostolus,  ut  sit  Deus  omnia  in  omni- 
bus, (i  Cor.  xv,  28.)  Ipse  finis  eritdesideriorum  nostrorum, 
qui  sine  fine  videbitur,  sine  fastidio  amabitur,  sine  fatiga- 
tione  laudabitur.  Hoc  munus,  hic  effectus,  hic  actio  pro- 
fecto  erit  omnibus,  sirut  ipsa  vita  seterna,  communis. 

2.  Cœterum  qui  futuri  sint  pro  meritis  prserniorum 
etiam  gradus  honorum  alque  gloriarum,  qui  est  idoneus 
cogitare,  quanto  magis  dicere  ?  Quod  tamen  futuri  sint, 
non  est  ambigendum.  Atque  id  etiam  beata  civitas  illa  ma- 
gnum in  se  bonum  videbit,  quod  nulii  superiori  ullus  in- 
ferior  invidebit,  sicct  nunc  non  invident  Archangelis  An- 
ge!i  cseteri  :  tamque  nolet  esse  unusquisque  quod  non 
accepit,  quamvis  sit  pacatissimo  concordiae  vinculo  ei  qui 
accepit  obstrictus,  quam  nec  in  corpore  vult  oculus  esse 
qui  est  digitus,  cum  membrum  utrumque  contineat  tolius 
carnis  pacata  compago.  Sic  itaque  habebit  domum  alius  alio 
minus,  ut  hoc  quoque  donum  habeat,  ne  velit  amplius. 

3.  Nec  ideo  liberum  arbitrium  non  habebunt,  quia  pec- 
cata  eosdelectare  non  poterunt.  Magis  quippe  erit  liberum, 
a  delectatione  peccandi  usque  ad  delectationem  non  pec- 
candi  mdeclinabilem  liberatum.  Nam  primum  liberum  ar- 
bitrium, quod  homini  datum  est,  quando  primum  creatus 
et  rectus,  potuit  non  peccare,  sed  potuit  et  peccare  :  hoc 
autem  novissimum  eo  potentius  erit,  quo  peccare  non  po- 
terit.  Verum  hoc  quoque  Dei  munere,  non  suse  possibili- 
tate  natura3.  Aliud  est  enim,  esse  Deum  ;  aliud,  participem 


520  NOTES. 

Dei.  Deus  natura  peccare  non  potest;  particeps  vero  Dei 
ab  illo  accipit,  ut  peccare  non  possit.  Servandi  antem  gra- 
dus  erant  divini  muneris,  ut  primum  daretur  liberum  ar- 
bitrium,  quo  non  peccare  posset  homo;  novissimum,  quo 
peccare  nonposset,  atqueillumadcomparandum  meritutn, 
hoc  ad  recipiendum  praemium  pertineret.  Sed  quia  pecea- 
vit  ista  natura  cum  peccare  potuit,  largiore  gratialiberatur, 
ut  ad  eam  perducatur  libertatem,  in  qua  peccare  non  pos- 
sit.  Sicut  enim  prima  immortalis  fuit,  quam  peccando  Adam 
perdidit,  posse  non  mori,  novissima  erit  non  posse  mori  : 
lia  primum  liberum  arbitrium  posse  non  peccare,  novissi- 
mum non  posse  peccare.  Sic  enim  erit  inamissibilis  vo- 
luntas  pietatis  et  aequitatis,  quomodo  est  felicitatis.  Nam 
utique  peccando  nec  pietatem  nec  felicitatem  tenuimus, 
voluntatem  vero  felicitatis  nec  perdita  felicitate  perdidi- 
mus.  Certe  Deus  ipse  numquid,  quoniam  peccare  non 
potest,  ideo  liberum  arbitrium  habere  negandus  est? Erit 
ergo  illias  eivitatis  et  una  in  omnibus,  et  inseparabilis  in 
singulis  voluntas  libéra,  ab  omni  malo  liberata,  et  impleta 
omni  bono,  fruens  indeficienter  aelernorum  gaudiorum, 
oblita  culparum,  oblita  pœnarum;  nec  tamen  ideo  suas  li- 
berationis  oblita,  ut  liberatori  suo  non  sit  grata. 

4.  Quantum  ergo  attinet  ad  scientiam  rationalem,  me- 
mor  praeteritorem  etiam  malorum  suorum  :  quantum  au- 
tem  ad  experientis  sensum,  prorsus  immemor.  Nam  et 
peritissimus  medieus,  sicut  arte  sciuntur,  omnes  fere  mor- 
bos  corporis  novit  :  sicut  autem  corpore  sentiuntur,  pluri- 
mos  nescit,  quos  ipse  non  passus  est.  Ut  ergo  scientiae 
malorum  dua?  sunt  ;  una,  qua  potentiam  mentis  non  latent  ; 
altéra,  qua  experientis  sensibus  inheerent  (aliter  quippe 
sciuntur  omnia  vitia  per  sapientiae  doctrinam,  aliter  per 
insipienlis  pessimam  vitam)  :  ita  et  obliviones  malorum 
duae  sunt.  Aliter  ea  namque  obliviscitur  eruditus  et  doc- 
tus,  aliter  expertus  et  passus  :  ille,  si  peritiam  negligat; 
iste,  si  miseria  careat.  Secundum  hanc  oblivionem  quam 
posteriore  loco  posui,  non  erunt  memores  sancti  praeteri- 


NOTES. 


521 


torum  malûrum  :  carebuot  enim  omnibus,  ila  ut  penilus 
deleantur  de  sensibus  eorum.  Ea  tamen  poteotia  scieniiae, 

quse  magna  in  eis  erit,  non  solum  sua  praeleritaj  sed  eliam 
damnatorum  eos  sempilerna  miseria  non  latebit.  Alioquin 
si  se  fuisse  mjseros  nescituri  sunl,  quomodo,  sicut  ait 
psalmus,  misericordias  Domini  in  aeternum  cantabunt  (Ps. 
lixxvih,  2)?  Quo  cantico  in  gloriam  gratiae  Christi,  cujus 
sanguine  liberati  sumus,  nihil  erit  profecto  illi  jucundius 
civitati.  Ibi  perficietur.  Vacate,  et  videte  quoniam  egosum 
Deus  (Psal.  xlv,  u.)  Quod  erit  vere  maximum  satbatuin 
non  habens  vesperam,  quod  commendavit  Dominus  in  pri- 
mis  operibus  mundi,  ubi  legitur  :  Et  requievit  Deus  die 
septimo  ab  omnibus  operibus  suis,  quae  fecit  :  etbenedixit 
Deus  diem  septimum,  et  sanctificavit  eum,  quia  in  eo  re- 
quievit ab  omnibus  operibus  suis,  quae  inchoavit  Deus  fa- 
cere  (Gen.  n,  2,  3).  Dies  enim  septimus  etiam  nos  ipsi  eri- 
mus,  quando  ejus  fuerimus  benedictione  et  sanetificatione 
pleni  atque  refecti.  Ibi  vacantes  videbimus  quoniam  ipse 
est  Deus  :  quod  nobis  ipsi  esse  voluimus,  quando  ab  il lo 
cecidimus,  audientes  a  seductore,  Eritis  sicut  dii  (Id.  m, 
5,)  ;  et  recedentes  a  vero  Deo,  quo  faciente  dii  essemus 
ejus  partieipatione,  non  desertione.  Quid  enim  sine  illo  fe- 
cimus,  nisi  quod  in  ira  ejus  defecimus  (Psal.  lxxxix.  9)  ? 
A  quo  refecti,  et  gratia  majore  perfecti,  vocabimus  in 
aeternum,  videntes,  quia  ipse  est  Deus,  quo  pleni  erimus, 
quando  ipse  erit  omnia  in  omnibus.  Nain  et  ipsa  bona  opéra 
noslra,  quando  ipsius  potius  intelliguntur  esse  quam  nos- 
tra,  tune  nobis  ad  hoc  sabbatumadipiscendum  imputantur. 
Quia  si  nobis  ea  tribuerimus,  servilia  erunt  ;  cum  de  sab- 
bato  dicatur,  Omne  opus  servile  in  eo  non  facietis  (Deut. 
v,  1  4.)  Propter  quod  et  per  Ezechielem  propbetam  dicitur, 
Et  sabbata  mea  dedi  eis  in  signum  inter  me  et  inter  eos,  ut 
scirent  quia  ego  Dominus  qui  sanctifico  eos  (Ezech.  xx,  4  2) 
Hoc  perfecte  tune  sciemus,  quando  perfecte  vocabimus,  et 
perfecte  videbimus  quia  ipse  est  Deus. 

stmb.  n.  44* 


522.  NOTES. 

5.  Ipseeliam  Dameras  aetatam,  veiuti  dierum,  in  secun- 
dum  eos  articulos  temporis  cornputetur,  qui  in  scripturis 
videntur  expressi,  iste  sabbatisrnus  evidentius  apparebit, 
quoniam  septimus  invenitur  :  ut  prima  aetas  tanquam  dies 
primus  Bit  ab  Adam  usque  ad  diluvium,  secunda  inde  us- 
que  ad  Abraham,  non  sequalitate  temporum,  sed  numéro 
generationum  :  denas  quippe  habere  reperiuntur.  Hincjam 
sicut  Mathseus  evangelista  déterminât,  très  aetates  usque 
ad  Christi  subsequuntur  adventum,  quae  singulae  dénis  et 
quaternis  generationibus  explicantur  :  Ab  Abraham  usque 
ad  David  una,  altéra  inde  usque  ad  transmigrationem  in 
Babyloniam,  tertia  inde  usque  ad  Christi  earnalem  nati- 
vilatem.  Fiunt  itaque  omnes  quinque.  Sexta  nunc  agitur, 
nullo  generationum  numéro  metienda,  propter  idquoddie- 
tum  est,  Non  est  vestrum  scire  tempora,  quae  Pater  posuit 
in  sua  potestate  (Act.  i,  7.)  Post  hanc  tanquam  in  die  sep- 
timo  requiescet  Deus,  cum  eumdem  septimum  diem,  quod 
nos  erimus,  in  se  ipso  Deo  faciet  requiescere.  De  istis 
porro  aetatibus  singulis  nunc  diligenter  longum  est  dispu- 
tare.  Haec  tamen  septima  erit  sabbatum  nostrum,  cujus 
finis  non  erit  vespera,  sed  dominicus  dies  velut  octavus 
aeternus,  qui  Christi  resurrectione  sacratus  est,  œternam 
non  solum  spiritus,  verum  etiam  eorporis  requiem  praefi- 
gurans.  Ibi  vacabimus,  et  videbimus  ;  videbimus,  et  ama- 
bimu?;  amabimus,  et  laudabimus.  Ecce  quod  erit  in  fine  sine 
fine.  Nam  quis  aliud  noster  est  finis,  nisi  pervenire  ad 
regnum,  cujus  nullus  est  finis?  (S  Aug.  lib.  22  de  civ. 
Dei,  cap.  30.; 


FIN   DU  SECOND  ET  DERNIER  VOLUME 


TABLE 


ET    SOMMAIRE   DES  INSTRUCTIONS. 


Ve  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 


DESCENDIT  AD  INFERNOS,   TERT1A  DIE  RESURREXIT  A  MORTUIS. 


Ire  INSTRUCTION. 

IL  EST  DESCENDU  AUX  ENFERS.  —  DESCENDIT  AD  INFEROS.  —  SENS  DE 
CES  PAROLES,  MOTIFS  DE  LA  DESCENTE  DE  J.-C  AUX  ENFERS. 

Exorde.  4 .  Résumé  de  l'instruction  précédente.  2.  Le  cin- 
quième article  du  Symbole  rappelle  l'expédition  de  Jésus-Christ 
aux  enfers  et  sa  victoire  sur  la  mort  par  sa  résurrection.  3.  Ob- 
jet et  division  de  cette  instruction.  4 

Premier  point.  Descente  de  .lésus-Christ  aux  enfers.  ï.  En 
quelle  qualité  Jésus-Christ  y  est  descendu,  o.  Ce  qu'il  faut  en- 
tendre par  le  mot  enfers.  6.  De  l'enfer  des  damnés.  7.  Du  pur- 
gatoire. Motifs  qui  démontrent  son  existence.  Définition  de 
l'Eglise.  Judas  Machabée.  Témoignage  de  l'Evangile.  Trait  de 
saint  Augustin.  8.  Des  limbes.  9.  Notre-Seigneur  est  descendu 
dans  cette  troisième  demeure,  afin  d'en  tirer  les  âmes  qui  y 
étaient  captives.  3 

Second  point.  Motifs  pour  lesquels  il  y  est  descendu.  40.  Cette 
démarche  n'a  point  dérogé  à  sa  dignité,  11.1°  Son  dessein  a  été 
de  ravir  aux  démons  leurs  dépouilles.  Promesse  du  Sauveur  au 


■ï£1  TABLE 

bon  larron.  Accomplissement  de  la  prophétie  d'Osée.  12.  Com- 
bien fut  convenable  la  descente  du  Sauveur  anx  limbes.  13.  2°  11 
était  juste  qu'il  fit  reconnaître  sa  puissance  jusques  dans  les 
enfers.  9 

Conclusion.  14.  Admirons  l'empressement  du  Sauveur  à  faire 
jouir  les  anciens  justes  du  bienfait  de  sa  mort.  44 

Noies.  I.  Sur  le  purgatoire.  IL  Réfutation  de  ceux  qui  s'ima- 
ginent que  tout  chrétien  sera  sauvé  par  le  feu.  45 

IIe  INSTRUCTION. 

LE    TROISIÈME    JOUR    IL    EST  RESSUSCITE   DES  MORTS.   —  TERTIA   DIE 
RESURREXIT  A  MORTUIS.  —  DE  LA  RÉSURRECTION  DE  J.-C. 

Exorde.  1 .  Importance  du  fait  de  la  résurrection.  Avec  quelle 
joie  nous  devons  le  contempler.  2.  Sainte  allégresse  de  l'Eglise 
au  sujet  de  ce  mystère.  3.  Simplicité  des  termes  dans  lesquels 
le  Symbole  l'énonce.  Division.  22 

Premier  point .  Récit  du  fait  de  la  résurrection,  ses  caractères. 
4.  Précautions  des  Juifs  pour  empêcher  l'enlèvement  du  corps 
de  Jésus.  5.  Notre-Seigneur  ressuscite.  Certitude  du  fait.  6.  Pre- 
mier caractère  de  la  résurrection  :  Jésus-Christ  s'est  ressuscité 
lui-même.  7.  Prophéties  de  la  résurrection  :  Elles  doublent  la 
grandeur  du  miracle.  8.  Pourquoi  on  dit  aussi  que  Jésus-Christ 
a  été  ressuscité  par  son  Père.  9.  Second  caractère  de  la  résur- 
rection :  Jésus-Christ  est  ressuscité  pour  ne  plus  mourir.  10.  Ce 
que  signifie  cette  parole  :  le  troisième  jour.  Pour  quel  motif 
Notre-Seigueur  a  attendu  le  troisième  jour.  25 

Second  point.  Importance  du  fait  de  la  résurrection.  14 .  C'est 
la  preuve  décisive  du  christianisme.  Doctrine  de  l'Apôtre.  Sen- 
timent de  saint  Augustin.  1 2.  Notre-Seigneur  a  attaché  à  sa  ré- 
surrection la  preuve  principale  de  sa  Divinité.  32 

Conclusion.  43.  Dire  comme  saint  Thomas  :  Vous  êtes  mon 
Seigneur  et  mon  Dieu.  35 

Note.  Vérité  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ.  37 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  525 

111'    INSTRUCTION. 

CONSIDÉRATIONS  SLR  LE  MYSTÈRE  DE  LA  RESURRECTION  DE  J.-  C. 
MOTIFS  ET  FRUITS  DE  LA  RÉSURRECTION. 

Exorde.  I .  Résumé  des  preuves  de  la  résurrection.  Comment 
les  ennemis  du  Sauveur  ont  contribué  à  la  certifier.  2.  Témoi- 
gnage des  apôtres.  3.  Objet  de  cette  instruction.  Division.      45 

Premier  point.  Motifs  de  la  résurrection.  4.  1°  La  justice 
divine  devait  celte  récompense  au  Sauveur.  5.  2°  La  résurrec- 
tion était  nécessaire  pour  affermir  notre  foi.  6.  3°  Pour  conso- 
lider nos  espérances.  7.  4°  pour  parfaire  l'œuvre  de  notre 
rédemption.  47 

Second  point.  Fruits  de  la  résurrection.  8.  1°  Elle  est  une 
lumière  éclatante  qui  nous  fait  connaître  la  grandeur  deJ.-C. 
9.  2°  Elle  est  le  modèle  et  le  principe  de  notre  résurrection. 
Principe,  parce  que  Jésus-Christ  nous  a  acquis  parla  le  droit  de 
ressusciter.  10.  Modèle,  en  ce  que  notre  résurrection  sera  con- 
forme a  la  sienne.  1 1 .  3°  La  résurrection  du  Sauveur  est  encore 
le  type  de  notre  résurrection  spirituelle.  12.  Deux  leçons  à  tirer 
de  là  :  nécessité  d'une  conversion  sincère,  nécessité  de  la  per- 
sévérance. 4  3.  Nous  trouvons  dans  la  résurrection  les  grâces 
dont  nous  avons  besoin  pour  ce  double  effet.  52 

Conclusion.  14.  Des  deux  marques  auxquelles  on  peut  recon- 
naître si  on  est  ressuscité  à  la  vie  spirituelle.  57 

Notes.  I.  Sur  les  motifs  de  la  résurrection.  II.  Commentaire 
sur  ces  paroles  :^Il  a  été  livré  pour  nos  péchés  et  il  est  ressuscité 
pour  notre  justification.  60 


OÎti  TABLE 

VIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

ASCENDIT  AD  COELOS,    SEDET  AD   DEXTERAM  DEI  PATR1S 
0MN1P0TENTIS. 


Ire  INSTRUCTION . 

il  est  monté  aux  ciuux,  il  est  assis  a  la  droite  de  dieu  le  père 
tout-puissant.  —  explication  de  ces  paroles.  —  recit  de 
l'ascension. 

Exorde.  1 .  Prophéties  de  David  sur  le  triomphe  du  Sauveur. 
Le  contempler  avec  joie.  2.  Objet  et  division  de  cette  instruc- 
tion. 67 

Premier  point.  Explication  des  termes  du  Symbole.  3.  En 
quelle  qualité  Jésus-Christ  est  monté  au  ciel.  4.  Il  n'y  fut  pas 
transporté,  mais  il  s'y  éleva  de  lui-même.  5.  Ce  qu'on  entend 
par  la  droite  de  Dieu.  6.  Gloire  du  Sauveur  exprimée  par  ces 
paroles  :  Il  est  assis  à  la  droite  de  Dieu  le  Père.  Comment 
JEglise  en  félicite  Jésus-Christ.  69 

Second  point,  Historique  de  l'Ascension.  7.  Récit  de  saint 
Luc.  8.  L'AsceDsion  est  le  complément  de  tous  les  mystères. 
9.  Deux  époques  dans  la  vie  du  Sauveur  :  l'une  d'anéantisse- 
ment, l'autre  de  gloire.  74 

Conclusion.  10.  0  Jésus  !  il  était  bien  temps  de  mettre  un 
terme  à  vos  travaux  et  à  vos  souffrances.  Prière.  79 

IIe  INSTRUCTION. 

MOTIFS  ET  FRUITS  DE  L'ASCENSION  DE  J.-C. 

Exorde.  1.  Résumé  de  l'instruction  précédente.  —  2.  Il  ne 
suffit  pas  de  connaître  superficiellement  les  mystères;  il  est 
avantageux  d'en  considérer  les  motifs  et  les  conséquences. 
Objet  et  division  de  cette  instruction.  81 

Premier  point.  Motifs  de  l'Ascension.  3.  l°  C'est  l'état  glo- 
rieux de  Jésus-Christ  ressuscité.  4.  2°  Son  royaume  n'est  pas 
de  ce  monde-  5.  3°  Jésus-Christ,  montant  au  ciel,  a  voulu  nous 
détacher  de  la  terre.  83 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  527 

Second  point.  Fruits  de  l'Ascension.  G.  4°  Il  a  fait  entrer  dans 
la  gloire  les  âmes  des  justes,  et  il  a  envoyé  son  Saint-Esprit  aux 
apôtres.  7.  2°  Jésus-Christ,  daus  le  ciel,  est  notre  avocat  auprès 
de  son  Père.  8.  3°  En  y  montant,  il  nous  y  a  préparé  une  place. 
9.  Essor  que  l'Ascension  donne  aux  vertus  chrétiennes  :  1°  elle 
ennoblit  notre  foi.  10.  2°  Elle  sert  à  affermir  notre  espérance. 
44.  3°  Elle  épure  et  enflamme  notre  charité.  12.  4°  Elle  a  été  le 
signal  du  développement  de  l'Eglise.  86 

Conclusion.  13.  L'Ascension  est  une  source  de  grâces  qui 
nous  aident  à  nous  détacher  de  la  terre.  95 

Note.  Gomment  elle  est  une  source  de  salut  pour  nous.       97 


VIIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

INDE  VENTURUS  EST  JUniCARE  VIVOS  ET  MORTUOS. 

Ire  INSTRUCTION. 

VÉRITÉ    ET   NÉCESSITÉ   D'UN   JUGEMENT    GENERAL. 

Exorde.  I.  Notre-Seigneur  a  trois  fonctions  :  Rédempteur, 
Avocat  et  Juge.  Comment  il  a  été  notre  Rédempteur.  2.  Com- 
ment il  est  notre  Avocat.  3.  Nous  allons  nous  occuper  de  sa 
troisième  fonction.  Division  de  cette  instruction.  1 00 

Premier  point.  Vérité  du  Jugement.  4.  Deux  avènements  du 
Fils  de  Dieu  marqués  dans  l'Ecriture,  o.  Témoignages  des  livres 
saints  touchant  la  vérité  du  Jugement.  6.  Deux  sortes  de  juge- 
ments :  jugement  particulier,  jugement  général.  102 

Second  point.  Nécessité  du  jugement  général.  7.  1°  C'est 
qu'il  faut  la  fin  du  monde  pour  juger  de  tout  le  bien  ou  de  tout 
le  mal  dont  chaque  homme  aura  été  cause.  8.  2°  11  est  néces- 
saire, pour  réformer  les  faux  jugements  du  monde.  9.  3°  Néces- 
saire, pour  que  l'homme  tout  entier  soit  puni  ou  récompensé 
selon  ses  mérites.  10.  Nécessaire  enfin,  pour  justifier  la  Pro- 
vidence, il.  Injustice  des  hommes  au  sujet  de  cette  Provi- 
dence. 107 


528  TABLE 

Conclusion.  1 2. Pécheurs  et  justes,  nous  avons  tous  de  grandes 
leçons  à  tirer  de  cette  vérité.  114 

Notes.  T.  Preuves  du  Jugement  dernier  par  saint  Augustin. 
11.  Preuves  du  jugement  dernier  par  saint  Thomas.  III.  Etat  des 
impies  et  des  justes  au  dernier  jour.  117 

IIe  INSTRUCTION. 

DU  JUGEMENT   DERNIER.    —    DU   SOUVERAIN    JUGE. —  SIGNES  PRÉCUR- 
SEURS ET  PRÉLUDES  DU  JUGEMENT.  —  DE  LA  SENTENCE. 

Exorde.  1.  Résumé  de  la  dernière  instruction.  2.  Objet  et 
division  de  celle-ci.  127 

Premier  point.  Du  Souverain  Juge.  3.  Jésus-Christ  nous 
jugera  comme  Dieu  et  comme  homme.  4.  Pour  quels  motifs  il 
nous  jugera  aussi  comme  homme.      .  129 

Second  point.  Signes  précurseurs  et  préludes  du  Jugement. 

5.  Premier  signe  :  l'Evangile  sera  propagé  par  toute  la  terre. 

6.  Second  signe  :  l'apostasie  générale.  7.  Troisième  signe  :  la 
venue  de  l'Antéchrist.  Portrait  qu'en  trace  saint  Paul.  Il  y  a 
déjà  des  Antechrists  dans  le  monde.  8.  Préludes  du  Jugement  : 
bouleversement  du  monde,  résurrection  générale,  apparition 
du  Juge.  131 

Troisième  point.  Sentence.  9.  Premièrement,  sentence  des 
élus.  Considérants  sur  lesquels  elle  est  motivée.  10.  Seconde- 
ment, sentence  des  réprouvés.  11.  Considérants  de  cette  se- 
conde sentence.  138 

Conclusion.  12.  Souvenez-vous  de  vos  fins  dernières,  et 
vous  ne  pécherez  pas.  13.  Notre  sentence  est  dans  nos  mains. 
14.  Prière  de  l'Eglise.  143 

Notes.  I.  Extrait  de  saint  Augustin.  II.  Sur  l'Antéchrist,  par 
saint  Jean  Damascène.UI.  Explication  des  paroles  de  saint  Paul, 
par  saint  Augustin.  IV.  Eternité  des  peines  des  damnés.  V.  De 
la  perte  de  Dieu.  148 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  529 

VIII-  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO  INSPIRITUM  SANCTI'M. 
I"  INSTRUCTION. 

DU    NOM    ET   DE    LA    DIVINITÉ    DU    SAINT-ESPRIT. 

Exorde.  1 .  Résumé  des  deux  premières  parties  du  Symbole. 
2.  De  ceux  qui  ne  connaissent  pas  le  Saint-Esprit.  3.  Fruits  de 
la  connaissance  du  Saint-Esprit.  Objet  et  division  de  cette  ins- 
truction. IGo 

Premier  point.  Du  nom  de  Saint-Esprit,  i.  Ce  qu'il  signifie 
en  général.  5.  Sa  signification  spéciale  dans  le  Symbole. 
G.  Pourquoi  on  donne  ce  nom  à  la  troisième  personne  de  la 
Sainte-Trinité.  Convenance  parfaite  de  cette  dénomination.    1 68 

Second  point.  Divinité  du  Saint-Esprit.  7.  Il  a  la  même  na- 
ture que  les  deux  autres  personnes  et  il  est  un  môme  Dieu  avec 
elles.  Première  preuve  :  les  paroles  du  Symbole.  8.  Seconde 
preuve  :  les  Ecritures  lui  donnent  le  nom  de  Dieu.  9.  Troisième 
preuve  :  elles  le  mettent  sans  restriction  au  même  rang  que  le 
Père  et  le  Fils.  4  0.  Enfin,  elles  lui  donnent  les  attributs  divins. 
1 1.  Conclusion.  12.  Définition  de  l'Eglise  contre  Macédonius. 
1 3.  Le  Saint-Esprit  procède  du  Père  et  du  Fils.  171 

Conclusion.  14.  Hommage  de  foi,  de  reconnaissance  et  d'a- 
mour au  Saint-Esprit.  4  80 

Notes.  I.  Le  Saint-Esprit  est  appelé  le  Don  de  Dieu.  II.  Ex- 
trait de  saint  Grégoire  de  Nazianze.  111.  Extrait  de  saint.  Am- 
broise  sur  la  Divinité  du  Saint-Esprit.  IV.  Le  Saint-Esprit 
procède  du  Père  et  du  Fils.  Saint  Augustin.  183 

II''  INSTRUCTION. 

LE   SAINT-ESPRIT,   SOURCE  DE   NOTRE    SANCTIFICATION. 
DONS  DU  SAINT-ESPRIT. 

Exorde.  I .  Résumé  de  l'instruction  précédente  2.  Le  Saint- 

SYMB.      II.  45 


530  TABLE 

Esprit  se  plaît  à  se  communiquer  aux  hommes.  Objet  et  division 
de  cette  instruction.  ■  493 

Premier  point.  Le  Saint-Esprit,  source  de  tout  bien.  —  3.  11 
donne  la  fécondité  à  la  terre:  il  estVinspirateur  des  prophètes; 
il  anime  les  apôtres:  il  sanctifie  les  hommes  dans  les  sacrements. 

4.  Pourquoi  on  attribue  spécialement  ces  effets  au  Saint-Esprit. 

5.  Nous  n'avons  aucun  bien  que  par  lui.  195 

Second  point.  Dons  du  Saint-Esprit.  6.  En  général,  il  est  l'au- 
teur de  notre  sanctification.  7.  Des  sept  dons  du  Saint-Esprit. 
Don  de  sagesse.  8.  Don  d'intelligence.  9.  Don  de  conseil,  de 
science  et  de  force.  10.  Dons  de  piété  et  de  crainte  de  Dieu. 
4 1 .  On  les  appelle  quelquefois  simplement  le  Saint-Esprit.  I  2.  A 
quoi  servent  les  dons  du  Saint-Esprit.  I3t.  Son  don  par  excel- 
lence, c'est  la  grâce  sanctifiante.  \  99 

Conclusion,  1 4.  Estime  que  nous  devons  faire  de  la  grâce 
sanctifiante.  Prière  au  Saint-Esprit.  205 

Notes.  I.  Sur  les  dons  du  Saint-Esprit,  par  saint  Fulgence. 
II.  Pourquoi  on  distingue  sept  dons  du  Saint-Esprit.  207 


IXe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CKEDO  SAHCTAH  ECCLESIAM  CATHOLICAM,  SANCTORUM  COMMOHIOKEM. 

Ire  INSTRUCTION. 

SIGNIFICATION  DU  MOT  ÉGLISE.  —  DIVERS  NOMS  DE  L'ÉGLISE. 

Exorde.  I .  Les  prophètes  ont  parlé  avec  plus  de  détails  de 
l'Eglise  que  de  Jésus-Christ  lui-même.  La  connaissance  de  l'E- 
glise nous  met  à  l'abri  de  toutes  les  hérésies  et  de  toutes  les 
erreurs.  2.  Liaison  entre  cet  article  et  le  précédent.  Objet  et 
division  de  cette  instruction.  212 

Premier  point.  Signification  du  mot  Eglise.  3.  Il  signifie  pri- 
mitivement convocation,  puis,  réunion.  4.  Sa  signification  dans 
le  langage  chrétien.  5.  Il  signifie  que  nous  avons  été  appelés  par 
la  grâce  de  Dieu  à  la  connaissance  de  l'Evangile.  6  Comparaison 
entre  le  nom  d'Eglise  et  celui  de  Synagogue.  21 4 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  534 

Second  point.  Différentes  dénominations  de  l'Eglise.  7.  t"  Bile 
«-st  appelée  la  maison  de  Dieu.  8.  2°  Le  bercail  de  Jésus-Christ. 

9.  3"  Sun  épouse.  10  4°  Son  corps.  217 

(  (inclusion.  44.  Quels  étaient  nos  ancêtres.  Gomment  ils  ont 
été  appelés  à  la  foi.  Héritage  précieux  qu'ils  nous  ont  conservé. 

12.  Reconnaissance  que  nous  devons  à  Dieu  pour  ce  bienfait.  22 1 

Noies.  I.  Prophéties  de  l'Eglise  comparées  aux  prophéties  du 
Messie.  II.  Rapports  entre  le  Saint-Esprit  et  l'Eglise.  221} 

II0  INSTRUCTION. 
DES  DIFFÉKENTES  PARTIES  DONT  SE  COMPOSE  L'ÉGLISE. 

Exorde.  I.  Résumé  de  l'instruction  précédente.  2.  Objet  et 
divisiun  de  cette  instruction.  230 

Premier  point.  Comment  on  divise  l'Eglise.  3.  Eglise  triom- 
phante, Eglise  militante,  Eglise  souffrante.  4.  Elles  ne  sont 
qu'une  seule  et  même  Eglise  dans  trois  états  différents.  231 

Second  point.  De  quels  éléments  se  compose  l'Eglise  militante. 

5.  Elle  se  compose  de  bons  et  de  méchants.  Deux  choses  re- 
quises pour  être  bon  :  professer  la  vraie  foi  et  la  pratiquer.  On 
ne  connaît  pas  d'une  manière  infaillible  qui  sont  les    bons. 

6.  Quand  Notre-Seigneur  parle  de  l'Eglise,  il  n'entend  pas  seu- 
lement parler  des  bons.  7.  L'Eglise  est  visible.  Prophéties 
d'Isaïe  et  de  Michée.  Témoignage  du  Sauveur.  8.  Paraboles  qui 
indiquent  le  mélange  des  bons  et  des  méchants  dans  l'Eglise. 
9.  Elle  sera  un  jour  purgée  des  méchants  qui  vivent  dans  son 
sein.  10.  Quels  sont  ceux  qui  sont  hors  de  l'Eglise.  233 

Troisième  point.  Extension  donnée  au  nom  d'Eglise  par 
l'usage.  41 .  On  désigne  sous  ce  nom  les  diverses  portions  de 
l'Eglise.  12.  On  appelle  du  même  nom  les  édifices   sacrés. 

1 3.  Sous  ce  nom  on  désigne  surtout  le  corps  des  Pasteurs  de 
l'Eglise,  ou  l'Eglise  enseignante.  241 

Conclusion.  1 4.  Balaam  bénissant  le  peuple  d'Israël.  1 5.  Nous 
ranger  parmi  les  enfants  fidèles  et  travailler  à  la  conversion  de 
ceux  qui  ne  le  sont  pas.  244 


332  TABLE 

IIIe  INSTRUCTION. 

PREMIÈRE  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE.  —  SON  UNITÉ. 

Exorde.  1.  L'Eglise  considérée  en  général  est  la  société  des 
fidèles  répandus  dans  tout  l'univers.  2.  Propriété  et  caractères 
qui  la  distinguent.  Objet  de  cet  entretien  :  en  quoi  consiste 
l'unité  de  l'Eglise.  246 

Corps  de  V  instruction.  3.  L'Eglise  est  une,  et  comment.  4.  Ce 
qui  constitue  essentiellement  cette  unité,  c'est  celle  de  son  chef. 
5.  L'unité  de  chef  était  le  seul  moyen  efficace  de  maintenir  l'unité 
du  corps.  Sentiments  de  saint  Jérôme,  de  saint  Irénée,  de  saint 
Cyprien,  de  saint  Optât  de  Milève,  de  saint  Basile  et  de  saint 
Ambroise.  6.  L'Eglise  a  un  chef  visible  sur  la  terre  pourquoi. 
7.  L'unité  de  l'Eglise  consiste  en  second  lieu  dans  l'unité  de  son 
esprit.  8.  De  la  résulte  l'unité  de  la  foi,  l'unité  du  Baptême, 
l'unité  d'espérance.  248 

Conclusion.  9.  Un  seul  corps,  un  seul  esprit,  voilà  l'Eglise. 
10.  Combien  cette  unité  est  merveilleuse.  257 

Notes.  I.  Extrait  de  la  lettre  de  saint  Jérôme  au  pape  Da- 
mase.  II.  Définition  du  concile  de  Florence  sur  la  primauté  du 
Pape.  III.  Passage  de  saint  Cyprien  sur  l'unité  de  l'Eglise.    261 

«  IVe  INSTRUCTION. 

SECONDE  PROPRIÉTÉ  DE  L  EGLISE.  —  LA  SAINTETÉ. 

Exorde.  1 .  Résumé  de  l'instruction  précédente.  L'Eglise  est 
un  corps  vivant.  2.  Elle  manifeste  sa  vie  par  la  sainteté.  Objet 
et  division  de  cette  instruction.  .  266 

Premier  point.  Pourquoi  on  dit  que  l'Eglise  est  sainte. 
3.  1°  Parce  quelle  est  consacrée  et  dédiée  à  Dieu.  4.  Le  mélange 
des  bons  et  des  méchants  n'empêche  pas  qu'elle  soit  sainte. 
o.  2°  Elle  est  sainte,  parce  que  son  Auteur  et  son  Chef  est  la 
source  de  toute  sainteté.  6.  3°  Elle  est  sainte,  parce  qu'elle  a 
entre  les  mains  des  moyens  efficaces  de  sanctification.  267 

Second  point.  Fruits  de  sainteté  que  produit  l'Eglise.  7.  Etat 
du  monde  au  moment  où  les  apôtres  reçurent  le  Saint-Esprit. 
Premiers  chrétiens;  leur  sainte  vie.  Martyrs  de  l'Eglise  pen- 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  533 

dant  les  trois  premiers  siècles.  8   Saints  Anachorètes  dans  les 

déserts,  saints  Docteurs  dans  le  monde,  saints  de  toutes  les  con- 
ditions dans  le  ours  des  différents  âges.  Saints  des  derniers 
tnmps.  9.  Fruits  de  sainteté  que  l'Eglise  opère  sous  nos  yeux  : 
humilité,  chasteté,  charité,  qui  distinguent  ses  enfants  fidèles, 
et  surtout  les  âmes  vouées  à  la  perfection.  10.  Sainteté  de  l'E- 
glise jusque  dans  la  vie  commune  des  simples  fidèles.  272 

Conclusion.  1 1.  Reconnaître  l'arbre  à  ses  fruits.  La  main  de 
Dieu  peut  seule  opérer  les  merveilles  de  sainteté  qui  éclatent 
dans  l'Eglise.  12.  Ne  pas  seulement  admirer,  mais  pratiquer  la 
sainteté.  280 

Note.  Extrait  de  saint  Augustin.  283 

Ve  INSTRUCTION. 

TROISIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  L'ÉGLISE.  —  LA  CATHOLICITÉ. 

Exorde.  I  Résumé  des  deux  instructions  précédentes.  2.  Ob- 
jet et  division  de  cette  instruction.  285 

Premier  point.  En  quoi  consiste  la  catholicité  de  l'Eglise. 
3.  1°  Elle  est  universelle  quant  aux  lieux,  A.  Cette  universalité 
date  des  temps  apostoliques,  o.  Elle  avait  été  prédite  par  les 
prophètes.  6.  2°  L'Eglise  est  catholique  quant  aux  temps.  Ex- 
plication. 7  3°  Elle  est  universelle  quant  au  salut,  c'est-à-dire, 
qu'on  ne  peut  se  sauver  sans  lui  appartenir  au  moins  de 
cœur.  286* 

Second  point.  Réflexions  sur  la  catholicité  de  l'Eglise.  La 
catholicité  ou  l'universalité  est  le  caractère  propre  de  la  vérité. 
9.  Il  n'y  a  de  catholicité  que  dans  l'Eglise  romaine.  Tout  le 
monde  l'appelle  l'Eglise  catholique.  Elle  justifie  ce  nom,  et  au- 
cune autre  société  religieuse  n'a  droit  d'y  prétendre.  Elle  a  pré- 
cédé toutes  les  hérésies;  elle  leur  survit  ;  elle  reste  toujours  la 
même.  10.  Divinité  de  ce  caractère  prouvée  1°  parce  qu'il 
n'existe  nulle  part  ailleurs  dans  les  choses  humaines.  11.2°  par- 
ce qu'il  a  été  prédit  par  les  prophètes  et  par  Jésus-Christ. 
12   3°  Parce  qu'il  est  perpétuel  et  toujours  subsistant.  291 

Conclusion.  13.  Avec  quelle  sollicitude  nous  devons  conser- 
ver le  dépôt  de  la  foi .  300 

Xotes.  I.  Passage  de  saint  Augustin  sur    la   catholicité  de 


534  TABLE 

l'Eglise.  II.  Nouveauté  des  hérésies.  III.  Du  nom  de  catholique 
donné  à  l'Eglise.  IV.  Réflexions  de  Bossuet  sur  le  même  sujet. 
V.  De  la  maxime  :  hors  de  l'Eglise,  point  de  salut.  303 


VIe  INSTRUCTION. 

QUATRIÈME  PROPRIÉTÉ  DE  l'ÉGLISE.  —  SON  APOSTOLICITÉ. 

Exorde.  I.  Résumé  de  l'instruction  précédente.  2.  Objet  de 
cette  instruction  :  Apostolicité  de  l'Eglise  ;  conclusion  à  tirer  des 
caractères  de  l'Eglise.  31 4 

Corps  de  V instruction .  3  L'Eglise  est  apostolique,  parce  que 
sa  doctrine  et  son  gouvernement  sont  apostoliques.  4.  Gomment 
la  doctrine  de  l'Eglise  est  apostolique.  5-  Ce  qu'il  faut  penser 
des  hérésies.  6.  Le  gouvernement  de  l'Eglise  est  également 
apostolique.  7.  On  prouve  par  les  paroles  de  Notre-Seigneur 
qu'il  ne  peut  pas  ne  pas  l'être.  8.  Infaillibilité  de  l'Eglise  ré- 
sultant de  son  apostolicité.  9.  Résumé  des  caractères  de  l'E- 
glise, et  leur  application  à  la  sainte  Eglise  romaine.  3  î  5 

Conclusion.  10.  L'Eglise  romaine  figurée  par  l'arche  de  Noé 
et  par  la  cité  de  Jérusalem.  1 1 .  Actions  de  grâces  pour  le  bien- 
fait de  notre  éducation  dans  l'Eglise.  12.  Combien  nous  sommes 
obligés  de  répondre  à  ce  bienfait.  322 

VIIe  INSTRUCTION. 

divinité  de  l'église  prouvée  par  sa  catholicité. 

Exorde.  1.  Nous  désirons  la  vie  future,  et  pour  savoir  la  voie 
qui  y  conduit,  nous  avons  besoin  de  la  parole  de  Dieu.  Dieu  qui 
est  sage  et  bon  n'a  pu  négliger  de  nous  donner  v.n  guide.  2.  Ce 
guide,  nous  le  trouvons  dans  l'Eglise  catholique,  seule  marquée 
du  caractère  delà  vérité,  qui  est  la  catholicité.  326 

Corps  de  l'instruction.  3.  Deux  choses  à  distinguer  dans  la 
catholicité  :  l'unité  dans  tous  les  temps,  l'unité  en  tous  lieux. 
L'Eglise  est  perpétuelle.  Preuves.  4.  Cette  perpétuité  est  un 
prodige.  Elle  a  triomphé  des  persécutions,  des  hérésies,  des 
barbares,  du  mahométisme.  o.  Elle  a  triomphé  du  relâchement 
des  mœurs,  du  grand  schisme  d'Occident,  du  protestantisme, 
de  la  grande  révolution  française.  6.  Son  unité  n'a  rien  souffert 
malgré  tant  de  vicissitudes  ;  elle  n'a  rien  ajouté  à  sa  croyance, 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  535 

elle  n'en  a  rien  retranché.  7.  La  perpétuité  de  l'Eglise  a  été  pré- 
dite. L'accomplissement  de  la  prédiction  est  manifeste  x.  Com- 
bien il  est  facile  de  s'assurer  de  la  perpétuité  de  l'Eglise.  9.  L'E- 
glise est  également  universelle.  Elle  seule  offre  le  phénomène 
de  l'universalité.  10.  Divinité  de  ce  phénomène.  328 

Conclusion .  1 1  .Profond attachement  à  l'Eglise  catholique.  343 
Note.  Apostolicité  de  l'Eglise,  par  Tertullien.  345 

VIIIe  INSTRUCTION. 

divinité  de  l'église  prouvée  par  sa  sainteté. 

E.vorde.  I.  Résumé  de  l'instruction  précédente,  o.  L'Eglise 
catholique  est  animée  de  l'esprit  de  son  divin  fondateur.  Elle 
le  prouve  par  sa  sainteté.  Objet  et  division  de  cette  instruc- 
tion. 347 

Premier  point.  L'Eglise  seule  possède  une  doctrine  sainte. 
3.  Objection  :  comment  la  sainteté  est-elle  un  caractère  de  l'E- 
glise, tandis  qu'un  si  grand  nombre  de  ses  membres  sont  vi- 
cieux et  qu'on  rencontre  hors  de  son  sein  bien  des  gens  ver- 
tueux. Réponse.  4.  Peut-on  distinguer  facilement  la  véritable 
sainteté,  5.  La  sainteté  de  l'Eglise  réside  1°  dans  sa  doctrine, 
2°  dans  son  culte  et  sa  vie.  Ce  que  c'est  qu'une  doctrine  sainte. 
C'est  celle  qui  enseigne  et  qui  prescrit  le  véritable  amour  de 
Dieu  et  du  prochain.  6.  Il  n'y  a  pas  de  sainteté  dans  les  doctrines 
étrangères  a  celles  de  l'Eglise.  7.  Du  matérialisme  et  du  maho- 
métisme.  8.  Des  doctrines  protestantes.  Sur  la  justification  et 
les  bonnes  œuvres  en  général.  Elles  sapent  la  sainteté  dans  ses 
fondements.  9.  Comment  la  réforme  a  traité  l'humilité,  la  vir- 
ginité et  le  mariage.  10.  Le  déisme  n'est  pas  plus  favorable  à  la 
sainteté.  Examen  de  conscience  d'un  déiste.  349 

Second  point.  L'Eglise  produit  efficacement  la  sainteté.  1°,  de 
la  sainteté  commune.  Moyens  qui  la  procurent  :  la  prière  et  les 
sacrements.  Vertus  enfantées  par  la  confession.  12.  2".  sainteté 
plus  parfaite  des  âmes  appelées  à  l'état  religieuxou  au  sacerdoce. 
Pratique  du  renoncement.  Chasteté  perpétuelle.  13.  3°,  Sainteté 
héroïque.  Chaque  siècle  a  produit  de  grands  saints.  Les  derniers 
temps  ne  sont  pas  moins  féconds  que  les  premiers.  361 

Conclusion.  I  i.  Résumé  de  cette  instruction.  L'Eglise  visi- 


336  TABLE 

blement  divine  par  ses  deux  caractères  de  catholicité  et  de 

sainteté.  367 

IX"   INSTRUCTION. 
LA  DIVINITE  DE  L  ÉGLISE  EST  UN  OBJET  DE  FOI. 


2.  Objet  de  cette  instruction  :  nous  devons  faire  un  acte  de  foi 
sur  la  divinité  de  l'Eglise.  37! 

Corps  de  l'instruction.  3.  Il  ne  suffit  pas  de  connaître  l'exis- 
tence de  l'Eglise.  A.  Nous  devons  croire  qu'elle  est  divine. 
o-  1°  Nous  devons  croire  qu'elle  n'est  pas  l'ouvrage  des  hom- 
mes et  que  c'est  Dieu  même  qui  l'a  établie.  6.  Divine  dans  son 
établissement,  elle  ne  l'est  pas  moins  dans  son  maintien. 7. 2° Nous 
devons  croire  que  son  pouvoir  est  divin.  Eu  quoi  consiste  ce 
pouvoir.  8.  Nous  devons  croire,  3°,  qu'elle  possède  tous  les 
moyens  de  nous  conduire  au  salut.  9.  Différence  entre  la  ma- 
nière dont  nous  exprimons  notre  foi  envers  Dieu  et  envers 
l'Eglise.  372 

Conclusion.  10.  Acte  de  foi  touchant  la  divinité  de  l'E- 
glise. 38  i 

XP  INSTRUCTION. 

LA    COMMUNION    DES    SAINTS.    —    EN    QUOI   ELLE    CONSISTE. 
DE   QUELS   BIENS    ELLE    SE   COMPOSE. 

Exorde.  Relation  qui  existe  entre  l'article  de  l'Eglise  et  la 
communion  des  saints.  2.  Cette  communion  des  saints  est  «une 
grâce  signalée.  Objet  de  cette  instruction  :  ce  qu'il  faut  enten- 
dre parla  communion  des  saints  et  de  quels  biens  elle  se  com- 
pose. 383 

C(>rp*  de  F  instruction.  3.  La  communion  des  saints  est  l'union 
des  fidèles  entre  eux  avec  communauté  des  biens  spirituels. 
i.  Biens  qui  entrent  dans  cette  communauté  :  i°  Les  sacrements. 
5.  Os  sont  aussi  des  liens  qui  nous  attachent  à  Jésus-Christ, 
nnes  œuvres  qui  se  pratiquent  dans  l'Eglise  ;  elles  en- 
trent aussi  dans  le  patrimoine  commun.  7.  Comparaison  entre 
l'Eglise  et  le  corps  humain.  8.  Tout  chrétien  a-t-il  part  aux 
avantages  communs.  Du  chrétien  en  état  de  grâce.  Du  pécheur. 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  '337 

Dis  excommuniés.  9.  3°  Grâces  gratuites  accordées  à  certains 
particuliers  pour  le  bien  général  de  l'Eglise.  10.  't°  La  commu- 
nion des  saints  implique  une  sort».1  de  communauté  des  biens 
temporels  mêmes.  Précepte  de  l'aumône.  384 

Conclusion.  1 1 .  Les  relations  de  l'Eglise  avec  le  ciel  et  avec  le 
purgatoire.  Invocation  des  saints.  Suffrages  en  faveur  des  âmes 
du  purgatoire.  Exhortation  à  cultiver  ces  deux  sortes  de  rela- 
tions. 392 

Xole.  Sur  la  communion  des  saints.  305 


Xe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CHLDO   HEMISSIONEN  PECCATOBUM.   JE  CROIS  LA  RÉMISSION 

DES  PÉCHAS. 


INSTRUCTION    UNIQUE. 

pouvoir  de  l'église  pour  remettre  les  péchés, 
grandeur  de  ce  bienfait. 

Eccorde.  I  .Nous  n'insistons  pas  sur  l'existence  de  ce  pouvoir. 
2.  Ordre  donné  par  le  divin  Maître  de  prêcher  partout  la  péni- 
tence et  la  rémission  des  péchés.  Objet  et  division  de  cette  ins- 
truction. 397 

Premier  point.  Par  quels  moyens  et  de  quelle  manière  se  fait 
la  rémission  des  péchés.  3.  Il  n'y  avait  point  d'autorité  établie 
dans  l'ancienne  loi  pour  les  remettre.  Ce  pouvoir  est  le  privilège 
de  la  loi  nouvelle,  't.  Premier  moyen  par  lequel  les  péchés  sont 
remis  :  le  Baptême.  5.  Second  moyen  subsidiaire  :  le  sacrement 
de  Pénitence.  Preuves  tirées  de  l'Evangile.  G.  Etendue  du  pou- 
voir de  l'Eglise.  Nulle  restriction  quant  à  l'espèce  de  péchés  ni 
quant  au  temps.  7.  Cette  puissance  de  remettre  les  péchés  n'ap- 
partient toutefois  qu'aux  ministres  de  Jésus-Christ,  et  ils  ne 
peuvent  l'exercer  que  d'après  la  forme  qu'il  a  prescrite.        399 

Second  point.  Grandeur  du  bienfait  de  la  rémission  des  pé- 
chés. 8.  Pour  remettre  les  péchés,  il  faut  la  puissance  de  Dieu. 


538  TABLE 

9.  Comment  Dieu  a  délégué  cette  puissance  à  l'Eglise.  Paralyti- 
que de  l'Evangile.  10.  A  quel  prix  Jésus-Christ  nous  a  mérité  le 
pardon  de  nos  péchés.  1 1.  Effets  merveilleux  de  cette  rémis- 
sion. 404 

Conclusion.  1 2.  La  pénitence  est  un  remède  divin  qui  guérit 
toutes  les  maladies  de  l'âme.  13.  Exhortation  aux  pécheurs.  La 
facilité  du  pardon  ne  doit  pas  nous  porter  à  pécher  plus  facile- 
ment. Malheur  et  imprudence  de  ceux  qui  diffèrent  leur  con- 
version. 409 

Note.  En  quelle  qualité  Jésus-Christ  remet  les  péchés.       413 


XIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO  CARNIS  RESURRECTIO*EM.   JE  CROIS  LA  RESURRECTION 

DE  LA  CHAIR. 


Ire  INSTRUCTION. 

CERTITUDE  ET  NÉCESSITÉ  DE  LA  RÉSURRECTION. 

Exorde.  I.  Pourquoi  le  Symbole  passe  immédiatement  aux 
fins  dernières  de  l'homme.  2.  La  résurrection  de  la  chair  est  la 
confirmation  de  la  religion.  Objet  et  division  de  cet  entre- 
tien. 416 

Premier  point.  Explication  des  termes.  3.  Nous  devons  tous 
mourir.  Pourquoi  le  Symbole  parle  de  la  résurrection  de  la  chair 
et  non  de  l'homme.  I.  Le  terme  de  chair  est  employé  ici  préci- 
sément par  opposition  à  l'âme.  En  quel  sens  l'âme  ressuscite.  418 

Second  point.  Certitude  de  la  Résurrection.  5.  Exemples  de 
résurrection  dans  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament  et  dans 
l'histoire  de  l'Eglise.  Elie  et  Elisée.  Morts  ressuscites  parle  Sau- 
veur, et  par  les  Apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Saint  Martin 
de  Tours.  Saint  Stanislas  de  Polugne.  Saint  François  Xavier. 
6.  L'Ecriture  nous  enseigne  expressément  le  dogme  de  la  Ré- 
surrection. Témoignages  de  Job  et  de  Daniel.  Controverse  du 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  539 

Sauveur  avec  les  sadducéens.  Autres  témoignages  de  Notre-Sei- 
gneur  et  de  l'apôtre  saint  Paul.  '«-20 

Troisième  point.  Motifs  de  la  Résurrection.  7.  Nous  en  trou- 
vons une  foule  d'images  dans  la  nature.  8.  De  puissantes  raisons 
militent  en  faveur  de  la  résurrection.  1°  L'âme  immortelle  dé- 
sire son  union  avec  le  corps.  !).  2°  La  justice  divine  la  réclame 
aussi.  426 

Conclusion.  10.  Entretien  de  Jésus-Christ  avec  Marthe,  sœur 
de  Lazare.  430 

Notes.  I.  Possibilité  de  la  Résurrection.  II.  Du  dogme  de  la 
Résurrection  par  saint  Jean  Damascène.  III.  Extrait,  de  saint 
Jean  Chrysostôme.  433 

IIe  INSTRUCTION. 

NOUS  RESSUSCITERONS  TOUS.  —  NOIS  AURONS  LE  MÊME  CoKPS 
APRÈS  LA  RÉSURRECTION. 

Exorde.  Résumé  de  l'instruction  précédente.  Principales 
questions  qui  se  rattachent  au  dogme  de  la  Résurrection.  Objet  et 
division  de  cette  instruction.  446 

Premier  point.  La  Résurrection  sera  générale.  3.  Point  de 
distinction  ici  entre  les  bons  et  les  méchants.  4.  Les  hommes  qui 
vivront  à  la  fin  du  monde  mourront  aussi  pour  ressusciter  im- 
médiatement. 447 

Second  point.  Dans  quel  corps  nous  ressusciterons.  5.  Avec 
le  même  corps  identiquement  que  uous  aurons  eu  en  cette  vie. 
Première  preuve. par  l'Ecriture.  Seconde  preuve,  par  la  raison. 
6.  Troisième  preuve  tirée  de  la  justice  divine  7.  A  la  résurrec- 
tion toutes  les  défectuosités  du  corps  disparaîtront.  8.  Il  ressus- 
citera dans  une  intégrité  parfaite.  9.  Application  de  cette  vérité 
aux  justes  et  aux  méchants.  450 

Conclusion.  10.  Quelle  sera  la  désolation  des  méchants  qui  se 
seront  damnés  pour  contenter  leurs  corps.  2.  Quelle  sera  la  joie 
du  juste  qui  aura  crucifié  sa  chair  avec  ses  vices  et  ses  Convoi- 
tises. 455 


540  TABLE 


IIIe  INSTRUCTION. 

QUALITÉ  DES  CORPS  RESSUSCITES. 

Exorde.  1.  Résumé  des  deux  instructions  précédentes.  2.  Ob- 
jet de  cette  instruction  :  quelles  seront  les  qualités  des  corps  res- 
suscites. 460 

Corps  de  l'instruction.  3.  Nos  corps  resteront  les  mêmes 
quant  à  la  substance,  mais  ils  seront  changés  quant  à  la  qua- 
lité. Immortalité  des  corps  ressuscites.  4.  La  mort  totalement  dé- 
truite par  la  rédemption  de  Jésus-Christ.  5.  Après  la  Résurrec- 
tion, nous  serons  immortels,  pour  que  la  justice  de  Dieu  ait  son 
plein  exercice.  Bons  et  méchants,  tous  auront  l'immortalité  en 
partage.  6.  Desquatre  qualités  qui  seront  l'apanage  exclusif  des 
saints.  1°  De  l'impassibilité,  différente  de  l'incorruptibilité. 
7.  2°  De  la  clarté  ou  de  l'éclat  des  corps  glorieux.  8.  Cette  clarté 
sera  le  reflet  de  cette  félicité  de  l'âme.  Tous  les  saints  ne  possè- 
dent pas  la  même  gloire.  9  3"  De  l'agilité  des  corps  glorieux. 
10.  4°  De  leur  subtilité.  La  chair  sera  comme  spiritualisée  par  la 
résurrection.  462 

Conclusion.  I  ! .  Les  philosophes  païens  n'ont  point  connu  ces 
vérités.  Reconnaissance  que  nous  devons  à  Dieu  qui  nous  les  a 
révélées.  1 2.  La  résurrection  est  une  source  de  consolation  lors- 
qu'onperd  des  personnes  chéries.  Elle  allège  le  poids  des  tribu- 
lations de  la  vie.  Exemple  du  saint  homme  Job.  13.  Elle  nous 
porte  efficacement  à  la  sainteté.  Exemple  des  Machabées.       469 

Note.  Extrait  de  saint  Augustin.  473 


XIIe  ARTICLE  DU  SYMBOLE. 

CREDO  Y1TAM   .ETERNAM.   JE  CROIS   LA  VIE  ÉTERNELLE. 

lre  INSTRUCTION. 

CE  Ql'"lL  FAUT  ENTENDRE  PAR  LA  VIE  ÉTERNELLE. 

Exorde.  I .  Motifs  pour  lesquels  les  Apôtres  ont  terminé  par 
là  le  Symbole.  2.  Ce  que  signifie  en  général  ce  mol,  vie  éter- 
nelle. Objet  de  cette  instruction.  476 


ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS.  544 

Corps  de  f  instruction.  3.  Vie  éternelle  ne  dit  pus  seulement 
une  %  if  sans  tin,  mais  elle  dit  encore  l'éternité  du  bonheur,  t.  Les 
apôtres  ont  ainsi  désigné  la  félicité  suprême,  pour  empêcher 

qu'un  ne  se  méprit  sur  sa  nature.  Fausses  idées  sur  la  félicité 
Tout  ce  qui  est  passager  ne  peut  constituer  le  bonheur.  5.  Dé- 
tachement des  faux  biens.  Il  n'y  a  de  bonheur  ici-bas  que  dans 
l'espérance  du  Ciel  et  la  pratique  de  la  vertu.  G.  Seconde  signi- 
fication dece  mot, vie  éternelle.  Il  nous  marque  qui  la  béatitude 
une  fois  obtenue  est  inamissible.  7.  Troisième  mystère  indiqué 
par  cette  parole  :  la  béatitude  consiste  dans  un  bien  inexprima- 
ble. Les  apôtres  sont  réduits  à  l'indiquer  par  un  terme  commun. 
Expressions  des  Ecritures  pour  désigner  la  béatitude.  8.  La  vie 
est  le  plus  grand  des  biens  ;  le  plus  grand  des  bonheurs  est  indi- 
qué par  la  vie  éternelle.  477 

Conclusion.  9.  Combien  on  aime  la  vie.  10  Les  bienheureux 
seront  exempts  de  tous  les  maux,  ils  seront  comblés  de  tous  les 
biens.  1 1 ,  Avec  quel  zèle  nous  devons  travailler  à  mériter  la  vie 
éternelle.  Violence  nécessaire  à  cette  fin.  Moyens  à  mettre  en 
pratique.  1 2.  Extrait  de  l'Imitation  de  Jésus-Christ.  485 

Notes.  I.  Le  bonheur  ne  consiste  pas  dans  les  richesses.  II.  Ni 
dans  les  honneurs.  III.  Ni  dans  la  réputation  et  la  gloire.  IV.  Ni 
dans  la  puissauce.  V.  Ni  dans  les  avantages  du  corps.  VI .  Ni  dans 
les  plaisirs.  VII.  Ni  dans  les  dons  et  les  avantages  de  l'esprit. 
VIII.  Ni  enfin  dans  aucun  bien  créé.  490 


IIe  ET  DERNIERE  INSTRUCTION. 

ESSENCE    ET     ACCESSOIRES     DE     LA     BÉATITUDE. 

Exorde.  1 .  Résumé  de  l'instruction  précédente.  2.  II  est  plus 
facile  de  dire  les  maux  dont  la  béatitude  délivre  que  de  décrire 
les  biens  qui  la  composent.  Deux  sortes  de  biens  compris  dans 
la  béatitude.  Objet  et  division  de  cette  instruction.  498 

Premier  point.  Essence  de  la  béatitude.  3.  Elle  c  nsiste  à  voir 
Dieuet  à  devenir  semblables  à  lui.  4.  Dieu  se  communiquera 
immédiatement  aux  bienheureux.  Explication.  5.  Doctrine  de 
saint  Denis.  6.  On  appelle,  lumière  de  la  gloire,  le  moyen  qui 
élève  l'âme  bienheureuse  à  la  vue  et  à  la  participation  de  la 
Divinité.  7.  Comparaison  avec  le  fer  plongé  dans  le  feu.  Ré- 
sumé. 499 


542  TABLE  ET  SOMMAIRE  DES  INSTRUCTIONS. 

Second  point.  Accessoires  de  la  béatitude.  8.  1°  Les  saints 
jouiront  de  la  vraie  gloire.  9,  2°  Ils  seront  comblés  d'honneur. 
Louanges  que  leur  donnera  Jésus-Christ.  10  3°  Tous  leurs  dé- 
sirs seront  rassasiés.  Aliment,  vêtement  et  parure  des  bienheu- 
reux. Beauté  de  la  demeure  qu'ils  habiteront.  Vue  de  la  sainte 
Vierge  et  de  l'humanité  saiote  de  Jésus-Christ.  505 

Conclusion.  II.  Sentiments  du  Roi-prophète.  Nous  devons 
tous  les  partager  Aspirer  aux  plus  belles  places  du  ciel.  \i.  Ce 
que  nous  devons  faire  pour  nous  assurer  ce  bonheur.  510 

Notes.  I.  De  l'union  des  esprits  bienheureux  avec  Dieu  dans 
la  vision  de  la  Divinité.  IL  La  sainte  lumière  de  la  gloire  servira 
à  l'union  des  esprits  bienheureux  avec  Dieu.  III  L'union  des 
bienheureux  avec  Dieu  aura  différents  degrés.  IV.  De  la  félicité 
éternelle  et  du  repos  sans  fin  delà  cité  de  Dieu.  512 


FIN  DE  LA  TABLE  DIT  SECUND  ET  DERNJEK  VOLUME. 


Tournai,  typ.  de  H.  Casterman. 


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BX    1958    .F7    1860    v.2    SMC 
gHallez,    Désire   Germain. 

Plans    d'instructions    sur    le 
Bsymbole    d'après    le    catechism^J 
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