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JOHN M. KELLY LIBRARY
Donated by
The Redemptorists of
the Toronto Province
from the Library Collection of
Holy Redeemer Collège, Windsor
University of
St. Michael's Collège, Toronto
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EX BIBUOTHEGA
COMG SSmi REDEMPTORIS,
BBUXELLIS. AU S. .inSKlMU.M.
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Séries 3.
PLANS D'INSTRUCTIONS
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LE SYMBOLE
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1
PLANS D'INSTRUCTIONS
LE SYMBOLE
LE CATECHISME DU CONCILE DE THENTE.
PAR LE CHANOINE
D.-G. HALLEZ,
licencié en Théologie, professeur d'Éloquence sacrée au séminaire de Tournai.
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il réserve pour toute traduction.
PLANS D'INSTRCCTIOXS
SUR LE SYMBOLE.
Ve ARTICLE DU SYMBOLE.
DESCENDIT AD INFEROS, TERTIA DIE RESURREXIT
A MORTU1S.
Ire INSTRUCTION.
IL EST DESCENDU AUX ENFERS. DESCENDIT AD INFEROS.
SENS DECES PAROLES; MOTIFS DE LA DESCENTE DE JÉSUS-
CHRIST AUX ENFERS.
EXORDE.
'1 . Comme nous l'avons vu précédemment, la
sépulture du Sauveur ne fut pas sans gloire. A
peine e.ut-il consommé son sacrifice sur la croix,
que Dieu se hâta de le glorifier. Il inspira à Joseph
d'Arimathie et à Nicodème la pensée de rendre les
derniers devoirs à son corps sacré. Ils s'acquit-
tèrent de ce pieux office avec des démonstrations
de zèle et de piété qui marquaient bien que la mort
SY.MR. II. \
2 MOTIFS DE LA DESCENTE
de Jésus-Christ opérait déjà ses premiers fruits
dans leurs cœurs.
Vous avez suivi avec un intérêt mêlé d'atten-
drissement les détails de cette sépulture ; vous
vous êtes associés du fond du cœur aux homma-
ges rendus à la dépouille mortelle du Fils de Dieu.
2. À dater de ce moment, nous quittons la voie
des douleurs pour entrer dans celle des triomphes.
Par sa mort, Jésus-Christ a vaincu l'enfer ; la
croix fut l'arme dont il se servit pour abattre sa
puissance. Profitant des premiers moments de sa
victoire, il pénètre jusqu'au cœur de l'empire de
son ennemi et lui enlève ses dépouilles.
C'est de cette expédition glorieuse que le Sym-
bole nous instruit par ces mots : « Descendit ad
inferos. Il est descendu aux enfers. »
A ce premier triomphe, il ajoute celui que le
Sauveur remporta trois jours après, sur la mort :
« Tertia die resurrexit a mortuis. Le troisième
jour, il est ressuscité des morts, »
3. Tels sont les deux hauts faits compris dans
le cinquième article , et que nous allons vous
exposer.
Il serait superflu d'exciter ici votre attention.
L'importance de ces deux mystères est manifeste.
Votre pieté et votre amour pour le Sauveur y trou-
veront de nouveaux et précieux aliments.
Dans cet entretien, nous nous occuperons seu-
lement delà descente de Jésus-Christ aux enfers.
DE J.-C. AUX ENFERS. O
Nous verrons premièrement ce que fut cette
descente ; nous en verrons ensuite les motifs.
O Jésus ! nous vous avons suivi avec fidélité
jusqu'au Calvaire et au tombeau ; faites-nous la
grâce de vous accompagner maintenant dans vos
triomphes et d'y prendre une juste part.
PREMIER POINT.
4. Jésus-Christ, étant mort, descendit aux en-
fers, dit le Symbole.
Par ces paroles, nous croyons qu'après s'être
séparée du corps, l'âme de Notre-Seigneur se ren-
dit dans un lieu appelé par l'Ecriture, les enfers,
et qu'elle y séjourna tout le temps que son corps
resta dans le tombeau.
Nous confessons en outre que la personne di-
vine de Jésus-Christ se trouva alors tout à la fois
aux enfers avec l'âme et dans le tombeau avec le
corps.
Il en fut donc autrement, sous ce rapport, de
l'humanité de Jésus-Christ que de la nôtre. A la
mert, on ne peut pas dire que la personne humaine
continue de résider dans le corps comme dans
l'âme; la dissolution du lien qui les unissait fait que
le corps, privé de l'âme, est aussi privé de la per-
sonalité. Au contraire, la personne de Jésus-Christ
resta unie au corps aussi bien qu'à l'âme , malgré
leur séparation ; parce que cette personne était,
non une personne humaine, mais la personne di-
5 MOTIFS DE LA DESCENTE
vine du Verbe, et que cette personne divine,
comme nous l'avons dit, a contracté avec la nature
humaine une union indissoluble, plus étroite même
que l'union naturelle du corps et de l'âme. Cette
union n'a donc pas été brisée par la mort.
5. Mais quand le Symbole nous dit que Jésus-
Christ est descendu aux enfers, de quels enfers
veut-il nous parler ?
Plusieurs ont prétendu que par ce terme les
apôtres avaient voulu désigner le sépulcre. Mais
qui ne voit l'absurdité de cette opinion? Ils
viennent de nous dire de la manière la plus nette
que le Sauveur, étant mort, fut enseveli , c'est-à-
dire, mis au tombeau. Quel besoin avaient-ils de
répéter de suite la même chose et d'employer
pour cela une expression inintelligible? Ce n'est
pas ainsi qu'ils procèdent dans le reste du Sym-
bole ; leur langage est partout simple et clair,
comme il convenait à une profession de foi.
Par le mot enfers, il faut donc entendre ici ces
retraites cachées où séjournent les âmes qui ne
jouissent pas de la béatitude céleste.
Les divines Ecritures font souvent usage de ce
mot dans cette acception. C'est ainsi que l'apôtre
saint Paul a dit qu'au nom de Jésus, tout genou doit
fléchir au Ciel, sur la terre et dans les enfers. « Tn
nomine Jesu omne genu flectatur cœlestium, ter-
restrium et infernorum. » (Philip, h.) Saint Pierre,
dit dans le même sens que Jésus-Christ est ressus-
DE J.-C. AUX ENFERS. )
cité, après avoir brisé les liens de l'enfer. « Quem
Deus suscitavit, solutisdoloribus inferni. y>(Aêt. n.)
6. Or, ces retraites sont de différentes sortes.
D'abord, il y a cette prison affreuse et obscure
où les âmes des damnés sont à jamais tourmentées
avec les démons dans un feu inextinguible.
«Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éter-
nel qui a été préparé pour le diable et pour ses
anges. Discedite à me, maledicti, in ignem aster-
num qui paratus est diabolo et angelis ejus. »
(Matth. xxv). « Vermis eorum non moritur et ignis
non extinguitur. Le ver qui les ronge, a dit Notre-
Seigneur, parlant de ces malheureux, ne meurt
pas, et le feu qui les dévore ne s'éteint pas. »
On donne à ce lieu d'horreur le nom de géhenne
et d'abîme. C'est l'enfer proprement dit.
7. Il v a ensuite le purgatoire.
Le purgatoire est un lieu d'expiation par lequel
passent les Ames justes qui n'ont pas entièrement
acquitté leurs dettes envers la justice de Dieu.
Rien de souillé ne peut entrer dans le ciel. Si
une amé, au sortir de cette vie, n'est pas absolu-
ment pui»e, quoique juste, il faut qu'elle aille ache-
ver de se purifier dans la prison du purgatoire.
L'entrée du ciel lui sera interdite, aussi longtemps
que l'expiation ne sera point parfaite.
En effet, il est de foi que toute la peine du péché
n'est pas toujours remise avec l'offense, et que ce
qui reste de cette peine doit être expié ou en ce
monde, ou en l'autre dans le Purgatoire.
6 MOTIFS DE LA DESCENTE
Il est également de foi que les âmes qui sont en
purgatoire peuvent être soulagées par les prières
de l'Eglise et surtout par les mérites du saint-
sacrifice.
Ces deux points ont été spécialement sanctionnés
par le saint concile de Trente.
Voici comment il les rappelle dans sa vingt-
cinquième session : « L'Eglise catholique, dit-il,
instruite par l'Esprit-Saint, a toujours enseigné,
suivant les saintes Ecritures et l'antique tradition
des Pères..., qu'il y a un purgatoire et que les
âmes qui y sont détenues, reçoivent du soulage-
ment parles suffrages des fidèles et principalement
parle sacrifice de l'autel, toujours agréé de Dieu.
Cum sancta Ecclesia Spiritu sancto edocta, ex
sacris litteris et antiqua Patrum traditione... do-
cuerit purgatorium esse, animasque ibi detentas,
fidelium suffrages, potissimum vero acceptabili
altaris sacrificio juvari... » (Sess. xxv. Décret de
purgatorio.)
Déjà cette croyance existait sous l'Ancien Tes-
tament.
L'auteur du second livre des Machabées rap-
porte, qu'après une bataille , Judas Machabée
« ayant fait une collecte, envoya douze mille
drachmes d'argent a Jérusalem, afin de faire offrir
un sacrifice pour les péchés des morts, ayant de
bons et religieux sentiments sur la résurrection. »
A quoi l'écrivain sacré ajoute cette réflexion :
« C'est donc une sainte et salutaire pensée de prier
DE J -C. AUX ENFERS. 7
pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs
péchés. Sancta ergo et salubris est cogitatio pro
defunctis exorare ut à peccatis solvantur. » (2.
Machab. xn.)
L'Evangile fait manifestement allusion à cette
même vérité et la suppose.
Ecoutons parler le divin Maître : « Quiconque
aura parlé contre le Fils de l'homme, son péché
lui sera remis ; mais si quelqu'un parle contre le
Saint-Esprit, son péché ne lui sera remis ni dans ce
siècle, ni dans le siècle futur. Quicumque dixerit
Verbum contra Filium hominis, remittetur ei ; qui
autem dixerit Verbum contra Spiritum sanctum,
non remittetur ei, neque in hoc saeculo, neque in
futuro. » (Matîh. xn.) Ce langage suppose qu'il
y a une sorte de péchés dont on peut obtenir la
rémission dans l'autre vie, en un mot qu'il y a un
purgatoire.
C'est la conséquence qu'en déduit saint Augustin .
Voici ses paroles : « Il ne serait pas vrai de dire de
quelques-uns qu'il ne leur sera pardonné ni en
ce siècle ni en l'autre, s'il n'y en avait à qui il
sera pardonné en l'autre vie. Neque enim de qui-
busdam veraciter diceretur quod non eis remit-
tatur neque in hoc sseculo, neque in futuro, nisi
essent quibus, etsi non in isto, tamen remitteretur
in futuro. » (Decivit. Dei, lib. %i ', cap. 24.)
Le même saint docteur rendit un beau témoi-
gnage à cette vérité, en recommandant a ses amis
et à ses lecteurs, dans le livre de ses confessions,
S MOTIFS DE LA DESCENTE
de prier pour l'âme de sainte Monique sa mère et
de Patrice son père, morts déjà depuis longtemps.
Le purgatoire, voilà donc la seconde espèce de
lieux quelquefois désignés sous le nom d'enfer.
8. Enfin il y en a une troisième sorte appelée
les Limbes.
Le ciel étant fermé à cause du péché d'Adam,
personne n'y pouvait entrer, avant que Jésus-Christ
n'en eût rouvert les portes. Les limbes étaient la
demeure provisoire des saints avant sa venue.
Exemptes de douleur, soutenues par l'espérance
consolante de la Rédemption promise, leurs âmes
y jouissaient de la paix et du repos.
On appelait aussi les limbes le sein d'Abraham,
le Père des croyants étant comme le centre de la
société sainte qui s'y trouvait réunie. Ainsi Notre-
Seigneur dit dans la parabole du mauvais riche et
du pauvre Lazare, que le premier, étant mort, fut
enseveli dans l'enfer, tandis que le second fut
porté par les anges dans le sein d'Abraham.
9. Donc, pour nous résumer, sous le nom d'en-
fers, on peut entendre ou l'enfer des damnés, ou
le Purgatoire, ou les Limbes.
Or, en disant que Notre-Seigneur est descendu
aux enfers, le symbole veut surtout nous indiquer
par là les Limbes. Jésus-Christ s'y rendit, afin de
visiter, de consoler et de délivrer les saintes âmes
qui y étaient retenues et qui soupiraient depuis si
longtemps après son avènement.
DE J.-C. AUX ENFERS. V
Mais comment y est-il descendu?
Ce n'est pas simplement en y faisant sentir les
effets de sa puissance ; mais en s'y transportant en
personne. Son âme y fut réellement et en vérité.
David atteste hautement qu'il en serait ainsi,
quand il dit au nom du Sauveur : « Vous ne laisse-
rez pas mon âme dans l'enfer. Non derelinques
animam meam in inferno. » (Ps. xv.)
Cette prière de Jésus-Christ à son Père prouve
"bien que son âme serait un jour présente dans les
limbes. On ne sort pas d'un lieu où l'on n'est point
entré.
Passons maintenant aux motifs qui ont conduit
Notre-Seigneur aux limbes.
SECOND POINT.
10. A la première vue, cette démarche semble
contraire à la dignité et à la sainteté de sa per-
sonne.
Loin cependant qu'elle déroge ni à l'une ni à
l'autre, elle les fait au contraire ressortir davantage.
Elle prouve que tout ce qui avait été publié de la
sainteté de Jésus-Christ était véritable ; elle prouve
qu'il était le Fils de Dieu, comme il l'avait déjà
attesté par tant de miracles.
* Quelle différence en effet entre les raisons qui
ont conduit le Sauveur aux enfers et celles qui y
avaient fait descendre les autres hommes !
Tandis que ceux-ci y étaient descendus en qua-
4 0 MOTIFS DE LA DESCENTE
lité de captifs, Jésus-Christ y paraît, « libre entre
les morts, inter mortuos liber. » (Ps. lxxxvii.)
Il y paraît en vainqueur pour terrasser les dé-
mons devenus, pour ainsi dire, les geôliers de cette
demeure, par suite du péché, et pour les con-
traindre à lui rendre leurs prisonniers.
En outre, parmi ceux qui descendaient aux
enfers, les uns y étaient livrés aux tourments, les
autres, quoique exempts de douleurs, souffraient
la privation de la vue de Dieu et languissaient
dans l'attente de la gloire du ciel. Jésus-Christ au
contraire y descend, non pour souffrir, mais pour
délivrer les justes de l'ennui et des misères de leur
captivité, et pour les rendre participants des fruits
de sa passion.
Sa dignité et sa puissance souveraine n'ont donc
pas souffert de sa descente aux enfers.
! 1 . Mais précisons encore mieux le but que
s'est ici proposé le Sauveur.
Premièrement, son dessein a été de ravir aux
démons leurs dépouilles. Jusque-là ils avaient eu
le pouvoir de retenir captives les âmes mêmes des
justes. Notre-Seigneur brise ce pouvoir; il arrache
ces saintes âmes à leur prison, les met en posses-
sion du ciel d'une manière également glorieuse et
admirable. Sa présence répand sur elles des tor- *
rents de lumière, les comble d'une joie et d'une
allégresse ineffables, les fait jouir de la béatitude
après laquelle elles soupiraient avec tant d'ardeur,
de cette béatitude qui consiste dans la vue de Dieu.
DE J.-C. AUX ENFERS. \\
Ainsi se vérifia la promesse qu'il avait faite au
bon larron. Celui-ci lui ayant fait cette prière :
« Seigneur, souvenez-vous de moi, lorsque vous
serez entré dans votre royaume. Mémento mei,
dùm veneris in regnum tuum. » — « En vérité,
repartit le Sauveur, je vous le dis : aujourd'hui
même vous serez en paradis avec moi. Amen dico
tibi, hodie mecum eris in paradiso. » (Luc. xxm.)
Le paradis en effet n'est autre chose que la
vision intuitive de Dieu ; et Notre-Seigneur pro-
mettait ainsi au bon larron de lui découvrir la
gloire de sa divinité, dès ce jour-là même, où ils
devaient se rencontrer aux limbes.
Alors encore fut accomplie la prédiction du
prophète Osée : « 0 mort ! je serai ta mort. 0
enfer ! je te mettrai en pièces. 0 mors ! ero mors
tua; morsus tuus ero, inferne ! » (Oseœ. xm.)
Cette parole marquait la délivrance des justes
retenus aux limbes, comme cette autre de Zacharie :
a Seigneur, vous avez répandu le sang de votre
testament, et vous avez fait sortir vos captifs de
cet abîme où il n'y a point d'eau. Tu quoque in
sanguine testamenti tune emisisti vinctos tuos de
laçu in quo non est aqua. » (Zachar. ix.)
C'est cette même délivrance que l'Apôtre avait
en vue, quand il dit que Notre-Seigneur a dépouillé
les principautés et les puissances, et qu'il les a fait
servir à la gloire de son triomphe à la face du
monde : « Exspolians principatus et potestates,
traduxit confidenter, palam triumphans illos in
semetipso. » (Coloss. n.)
! î MOTIFS DE LA DESCENTE
\ 2. Tel fut donc le premier dessein du Sauveur,
en descendant aux enfers : il y descendit pour
délivrer les justes qui s'y trouvaient retenus.
Voulez-vous maintenant vous convaincre que
cette démarche était convenable et digne? Faites
réflexion sur sa qualité de Sauveur.
S'il est le Sauveur de tous les hommes, personne
parmi tous ceux qui l'ont précédé ou qui ont été
ses contemporains ou qui devaient naître encore
dans la suite, personne, disons-nous, n'a été ou ne
sera sauvé que par les mérites de sa passion.
Voilà pourquoi, avant sa mort et sa résurrec-
tion, les portes du ciel ne furent ouvertes à per-
sonne. Ceux qui mouraient en état de grâce étaient
donc placés, en attendant, dans les limbes ou le
sein d'Abraham; ou bien, ils allaient, comme
maintenant encore, achever de se purifier en pur-
gatoire.
Xotre-Seigneur, ayant consommé par. sa mort
l'œuvre de notre rédemption, il convenait qu'il en
appliquât les fruits à ces âmes qui l'attendaient
avec tant d'empressement, et depuis tant de siè-
cles. Aussi daigna-t-il combler leurs voeux, à l'ins-
tant même de sa mort.
13. Une autre raison encore pour laquelle il est
descendu aux enfers, c'est qu'il était juste qu'il y
fit reconnaître sa puissance aussi bien qu'au ciel et
sur la terre.
« Dieu, dit saint Paul, en récompense de ses
humiliations, lui a donné un nom au-dessus de
DE J.-C. AUX ENFERS. 13
tout nom, un nom devant lequel tout genou doit
fléchir aux cieux, sur la terre et dans les enfers.
Propter quod dédit illi nomen quod est super omne
nomen, ut in nomine Jesu omne genu flectatur,
ccelestium, terrestrium et infernorum. » (Phi-
lipp. ii.)
Jésus-Christ commence par rendre son nom
redoutable à. ses ennemis. Il exerce d'abord sur
eux cette souveraine puissance qu'il a acquise par
son sang. Il paraît au milieu d'eux en Triompha-
teur qui reçoit l'hommage des peuples vaincus et
qui reprend les provinces injustement envahies
par l'ennemi.
Mais autant l'apparition de Jésus-Christ est fou-
droyante pour les anges rebelles, autant elle est
consolante pour les âmes justes qu'il vient délivrer.
Il se fait reconnaître d'elles pour le Sauveur après
lequel elles soupiraient. Qui pourra dire avec quels
m transports de joie et d'amour, de vénération et de
reconnaissance, elles le reçurent et l'adorèrent?
Abraham avait salué de loin cet heureux moment,
et il avait tressailli de joie. Oh! dans quelle extase
de bonheur ne fut-il pas plongé, lui et tout ce
peuple de justes depuis Abel jusqu'à saint Jean-
Baptiste, quand ils virent enfin le Messie, le Désiré
des nations, apparaître avec tout l'éclat de sa divi-
nité dans la sombre demeure des limbes?
I 4 MOTIFS DE LA DESCENTE, ETC.
CONCLUSION.
4 4. Ne terminons pas cet entretien sans admirer
l'extrême bonté du Sauveur envers les hommes.
Il vient de subir pour nous la mort de la croix.
II s'est sacrifié avec joie, afin d'effacer nos péchés
dans son sang. A peine il a rendu le dernier sou-
pir, qu'il se hâte de descendre dans les profon-
deurs de la terre, et. poutquoi? Parce qu'il s'y
trouve des âmes qui lui sont chères et qu'il veut
rendre heureuses, en leur appliquant les prémices
de sa rédemption !
0 Jésus ! je me joins aux chœurs des Patriar-
ches et des Prophètes qui eurent les premiers
l'honneur de saluer votre triomphe ; je m'unis à
vos saints ancêtres, qui, dans ce moment, s'em-
pressèrent avec tant de bonheur à votre rencon-
tre ; je m'unis à votre saint Précurseur Jean-Bap-
tiste et à saint Joseph, votre père nourricier, qui, •
sans doute, étaient à la tête de toute cette sainte
multitude ; je vous loue avec eux, je vous bénis,
je vous remercie et je vous félicite de la victoire
que vous avez remportée sur f enfer, et dont vous
daignez ainsi commencer à partager les fruits avec
nous ! Oh ! ne permettez pas que tant de bonté ne
serve qu'à ma condamnation ?
NOTES 1 5
NOTES.
I. DOCTRINE CATHOLIQUE SUR LE PURGATOIRE.
L'Eglise a exposé et défini elle-même, au Concile de
Trente, sa croyance sur le purgatoire. Laissons-la parler.
«Si quelqu'un dit que, par la grâce de la justification,
la coulpe et la peine éternelle sont tellement remises au
pénitent, qu'il ne lui reste plus de peine temporelle à souf-
frir, ou en ce monde, ou en l'autre dans le purgatoire,
avant d'entrer dans le royaume des cicux, qu'il soit ana-
thème. » « Si quelqu'un dit que le sacrifice de la messe...
n'est pas propitiatoire..., qu'il ne doit pas être offert pour
les vivants et pour les morts, pour les péchés, les peines,
les satisfactions et autres nécessités., qu'il soit anathème. »
Voici maintenant le décret spécial du concile sur toute cette
matière du purgatoire. «Comme l'Eglise catholique, ins-
truite par l'Esprit-Saint, a, d'après les saintes Lettres etl'an-
tique tradition des Pères, enseigné dans les saints conciles
et en dernier lieu dans ce concile œcuménique qu'il y a
un purgatoire, et que les âmes qui y sont détenues sont ai-
dées par les suffrages des fidèles, et surtout par le précieux
sacrifice de l'autel ; le saint concile ordonne aux évêques
de veiller avec soin à ce que la saine doctrine sur le pur-
gatoire, que les saints Pères et les saints conciles nous ont
transmise, soit crue et maintenue parmi les fidèles, ensei-
gnée et prêchée partout. Mais qu'ils écartent des discours
adressés à la foule peu instruite les questions trop difficiles
16 NOIES.
et trop subtile», et qui ne contribuent pas à l'édification,
et le plus souvent ne font rien gagner à la piété. Qu'ils ne
permettent point de publier et de débattre des choses incer-
taines ou peu vraisemblables. Qu'ils interdisent comme
scandaleux et ruineux pour la foi tout ce qui serait entaché
dune certaine curiosité ou de superstition, tout ce qui au-
rait la couleur dune honteuse cupidité. Quant aux œuvres
pies, que les fidèles vivants ont la coutume de pratiquer
pour les fidèles défunts, telles que suffrages, sacrifice delà
messe, prières, aumônes, etc, que les évêques aient soin
de les faire accomplir avec piété et dévotion, d'une manière
conforme aux institutions de l'Eglise. Qu'ils veillent aussi à
faire exécuter, non par manière d'acquit, mais avec soin et
diligence, par les prêtres et les ministres de l'Eglise et au-
tres personnes qui y sont tenues, ce qui est dû pour les dé-
funts, soit en vertu des fondations testamentaires, soit de
toute autre manière. »
Ces définitions, ces prescriptions et ces recommandations
du concile, en marquant en quoi consiste précisément la
doctrine catholique, nous montrent en même temps avec
quel soin l'Eglise veut que les prédicateurs évitent d'y mê-
ler des opinions incertaines et des questions difficiles, plus
propres à alarmer et à égarer la foi des peuples qu'à nour-
rir leur piété. Qu'ils exposent, sans en rien retrancher, la
doctrine que tout chrétien doit croire, qu'ils la développent
et en fassent ressortir la portée ; mais qu'ils ne l'exagèrent
pas, et qu'ils n'y ajoutent pas arbitrairement.
Il est donc de foi qu'il y a un purgatoire, c'est-'a-dire
que les âmes qui sont sorties de ce monde dans la grâce
sanctifiante, mais redevables encore à la justice divine,
soutirent certaines peines temporelles avant d'entrer dans
le royaume des deux. Il est de foi, en outre, que ces âmes
peuvent être aidées par les suffrages des fidèles et surtout
par le sacrifice de la messe. Voilà tout ce que nous sommes
tenus de croire. « Le concile ne décide point, comme 1ère-
NOTES . 1 7
marque Bergier, si le purgatoire est un lieu particulierdans
lequel les âmes sont renfermées, de quelle manière elles
sont purifiées, si c'est par un feu ou autrement, quelle est
la rigueur de leurs peines ni quelle en est la durée, jusqu'à
quel point elles sont soulagées par les prières, par les bon-
nes œuvres des vivants, ou par le saint sacrifice de la messe. . .
Les théologiens peuvent avoir chacun leur opinion sur ces
différentes questions; mais elles ne sont ni des dogmes de
foi ni d'une certitude absolue, et personne n'est obligé d'y
souscrire, « Bossuet, après avoir rapporté ce que le concile
de Trente nous propose à croire touchant les âmes détenues
dans le purgatoire, ajoute aussi : « Il ne détermine pas en
quoi consistent leurs peines, et beaucoup d'autres choses
semblables, sur lesquelles ce saint concile demande une
grande retenue, blâmant ceux qui débitent ce qui est in-
certain et suspect. »
II. RÉFUTATION DE CEUX QUI s'i.MAGINENT QUE TOUT CHRETIEN
SERA SAUVÉ PAR LE FEU.
Creduntur autem a quibusdam etiam ii qui nomenChristi
non relinquunt, et ejus lavacro in Ecclesia baptizantur, nec
ab eaullo schismate vel hseresi praecidentur, inquantislibet
sceleribus vivant, quae nec diluant pœnitendo, nec eleemo-
synis redimant,sed in eis usqueadhujus vitaeultimum diem
pertinacissime persévèrent, salvifuturi per ignem ; licetpro
magnitudine facinorum flagitiorumque diuturno , non ta-
men eeterno igné puniri. Sed qui hoc credunt, et tamen ca-
tholicisunt, humanaquadam benevoléntia mihi falli viden-
tur : namscriptura divinaaliud consulta respondet. Librum
autem de hac quœstione conscripsi, cujus titulus est, de
Fide et Operibus ; ubi secundum scripturas sanctas, quan-
tum Deo adjuvante potui, demonstravi, eam fklem salvos
facere, quam satis evidenter expressit Paulus Apostolus,
dicens : InChristo enim Jesu neque circumeisio quidquam
SYMB. II. -
18 NOTES.
valet, neque praeputium, sed fides quae per dilectionem
operatur (Galat. v, 6). Si autem maie et non bene operatur,
procul dubio, secundum apostolum Jacobum, mortua est
in semelipsa. Qui rursus ait : Sifidem dicat se quis habere,
opéra autem non habeat. numquid poterit fides salvare eum
(Jacobi 11,17, 14)? Porro autem si homo sceleratus, prop-
ter fidem solam per ignem salvabitur, et sic est accipien-
dum quod ait beatus Paulus : Ipse autem salvus erit, sic
tamen quasi per ignem ; poterit ergo salvare sine operibus
fides, et falsum erit quod dixit ejus coapostolus Jacobus ,
falsum erit et illud quod idem ipse Paulus dixit, Nolite,
inquit, errare; neque fornicatores, neque idolis servientes,
neque adulteri, neque molles, neque masculorum concubi-
tores, neque fures, neque avari, neque ebriosi, neque ma-
ledici, neque rapaces regnum Dei possidebunt (1 . Cor. vi,
9, 10.) Si enim etiam in istis persévérantes criminibus, ta-
men propter fidem Christi salvi erunt, quomodo in regno
Dei non erunt?
Sed quia haec apostolica manifestissima et apertissima
testimoniafalsa esse non possunt ; îlludquod obscuredictum
est de iis qui sup^raedificant super fundamentum, quod est
Christus, non aurum, argenlum, lapides pretiosos, sed li-
gna, fœnum, stipulam (de his enim dictum est quod per
ignem salvi erunt, quoniam fundamenti merito non peri-
bunt), sicintelligendum est, uthismanifestis non inveniatur
esse contrarium. Ligna quippe et fœnum et stipula non ab-
surde accipi possunt rerum saecularium, quamvis licite
concessarum, taies cupiditates, ut amitti sine animi dolore
non possint. Cum autem iste dolor urit, si Christus in corde
fundamenti habet locum, id est, ut ei nihil anteponatur, et
malit homo qui tali dolore uritur, rébus quas ita diligit
magis earere quam Christo, per ignem fit salvus; si autem
res hujusmodi temporales ac sseculares temporetentationis
maluerit tenere quam Christum, eum in fundamento non
NOTES. 4 9
habuit ; quia hœc priore loco habuit, cum in œdificio prius
non silaliquid fundamento.Ignis enim, de quo eo loco est
locutus Apostolus, talis débet intelligi, ut ambo per eum
transeant ; id est, et qui aedificat super hoc fundamentum,
aurum, argentum, lapides pretiosos, et qui aedificat ligna,
fœnum etstipulam.Cum enim hoc dixisset, adjungit Unius-
cujusque opus quale sit, ignis probabit. Si cujus opus per-
manserit, quod superaedificavit, mercedem accipiet. Si
cujus opus autem exustum fuerit, damnum patietur : ipse
autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem [Id. m,
14-15.) Non ergo unius eorum, sed utriusque opus ignis
probabit. Est quidam ignis tentatio tribulationis, de quo
aperte alio loco scriptum est : Vasa figuliprobat fornax, et
homines justos tentatio tribulationis (Eccli. xxvn, 6.) Iste
ignis in hac intérim vita facit quod Apostolus dixit, si ac-
cidat duobus fidehbus, uni sciltcet cogitanîi quae Dei sunt,
quomodo placeat Deo, hoc est, œdificanti super Christum
fundamentum, aurum, argentum, lapides pretiosos; alteri
autem cogitantieaquae sunt mundi, quomodo placeat uxori
(1 Cor. vu, 32-33,) id est, œdificanti super idem funda-
mentum ligna, fœnum, stipulam : illius enim opus non exu-
ritur, quia non ea dilexit quorum amissione crucietur :
exuritur autem hujus, quoniam sine dolore non pereunt,
quae cum amore possessa sunt. Sed quoniam alterutra con-
ditione proposita, eis potius carere mallet quam Christo,
nec timoré amittendi talia deserit Christum, quamvis do-
leat cum amittit, salvus est quidem, sic tamen quasi per
ignem : quia urit eum rerum dolor, quas dilexerat, amissa-
rum ; sed non subvertit neque consumit fundamenti stabi-
litate atque incorruplione munitum.
Ignis etiam purgatorius quidam post hanc vitam. Taie
aliquid etiam post hanc vitam fieri, incredibile non est, et
utrum ita sit, quaeri potest ; et aut inveniri, aut latere,
nonnullos fidèles per ignem quemdampurgatorium, quanto
L •' NOTES.
magis minusve bon a pereunlia dilexerunt, tantotardiusci-
tiusque salvari : non tamen taies de quibus dictum est,
quod regnum Dei non possidebunt, nisi convenienter pœ-
nitentibus eadem crimina remittuntur. Convenienter au-
tem dixi, ut stériles in eleemosynis non sint, quibus tantum
tribuit scriptura divina, ut earum tantummodo fructum se
imputaturuin praenuntiet Dominus dexlris, et earum tan-
tummodo sterilitatem sinistris: quando his dicturus est,
Yenite, benedicti Patris mei, percipiteregnum : illisautem,
Ite in ignem aeternum. (Malth. xxv, 34, 41.) (S. August.
Enchirid. cap. 67, 68 et 69.)
Frustra itaque nonnulli, imo quam'plurimi, eeternam dam-
natorum pœnam et eruciatus sine intermissione perpetuos
humano miserantur affectu, atqueita futurumesse non cre-
dunt ; non quidem scripturis divinis adversando, sed pro
suo motu dura quaeque molliendo, et in leniorem flectendo
sententiam, qua? putant in eis terribilius esse dicta, quam
verius. Non enim obliviscetur, inquiunt, misereri Deus, aut
continebit in ira sua miserationes suas (Psal. lxxvi, 10.)
Hoc quidem in psalmo legitur sancto ; sed de his sine ullo
scrupulo intelligitur, qui vasa misericordiœ nuncupantur,
quia et ipsi non pro meritis suis, sed Deo miserante demi-
seria liberantur. Aut si hoc adomnes existimant pertinere,
non ideo necesseest ut damnationemopinentur posse finiri
eorum de quibus dictum est : Et ibunt isti in supplicium
teternum : ne isto modo putetur habitura finem quandoque
félicitas etiam illorum, de quibus è contrario dictum est :
Jasiâ autem in vitam aeternam (Matth. xxv, 46.) Sedpœnas
damnatorum cerlis temporum intervallis existiment, si hoc
eis placet, aliquatenus mitigari. Etiam sic quippe intelligi
potest manere in illis ira Dei (Joan. m, 36,) hoc et ipsa
damnatio (haecenim vocatur ira Dei, non divini animiper-
turbatio,) ut in ira sua, hoc est manente ira sua, non ta-
men contineat miserationes suas; non aeterno supplicio
NOTES. %\
linern dando, sed levamen adhibendo vel interponendo
crucialibus. Quia nec Psalmus ait, Ad finiendam ir.am
suam, vel, post iram suam, sed, in ira sua. Quaa si sola
esset, quanta ibi minimacogitari potest, perire a regnoDei,
exsulare a civitate Dei, alienari a vitaDei, carere tam ma-
gna multitudine dulcedinis Dei quam abscondit timentibus
se, perfecit autem sperantibus in se (Psal. xxx, 20,) tam
grandis est pœna, ut ei nulla possint tormenta quee novimus
comparari, si illa sit œterna, ista autem sint quamlibet
multissœculislonga.
Morsimpiorum, ut vita piorum, perpétua. Manebit ergo
sine fine mors illa perpétua damnatorum, id est aiienatio a
vita Dei, et omnibus erit ipsa communis, quaelibet homines
de veritate pœnarum, de dolorum relevatione vel inter-
missione pro suis humanis motibus suspicentur : sicut ma-
nebit communiter omnium vita œterna sanctorum, qualibet
hooorum distantia concorditer fulgeant. (S. Augnst. En-
chirid. cap. 112 et 113.)
22 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
IIe INSTRUCTION.
LE TROISIÈME JOUR IL EST RESSUSCITÉ DES MORTS. — TERTiA DIE
RESURREXIT A MORTUIS. DE LA RÉSURRECTION DE JÉSUS-
CHRIST. — CARACTÈRES ET IMPORTANCE DE CE FAIT.
EX OR DE.
1 . « Souvenez-vous, disait l'Apôtre écrivant
à Timothée, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est
ressuscité d'entre les morts. Memor esto Dominum
nostrum Jesum Christum resurrexisse a mortuis. »
(2 Tim. ii.)
Son but, en lui rappelant ce grand mystère, était
de fortifier de plus en plus sa foi et sa confiance ;
car, ainsi que nous le verrons dans le cours de cet
entretien, c'est ici la preuve fondamentale de la
divinité de notre sainte religion et le plus solide
fondement de nos espérances éternelles.
Parvenus à l'article du Symbole qui énonce ce
mystère, nous vous exhortons dans les mêmes
sentiments et les mêmes vues que l'Apôtre, à le
considérer avec une religieuse attention. Si déjà,
vous avez admiré le triomphe de Jésus-Christ sur
l'enfer, avec quelle douce joie ne le verrez-vous
pas ensevelir la mort même dans son tombeau?
DE LA RÉSURRECTION DE J.-C. 23
2. C'est le sentiment que la sainte Eglise, son
épouse et notre mère, fait éclater dans ses chants
de la résurrection,
Aurora coelum purpurat,
iEther résultat laudibus,
Mundus triumphans jubilât,
Horrens avernus infremit,
Rex ille dum fortissimus,
De mortis inferno specu,
Patrum senatum liberum
Educit ad vitae jubar.
« L'aurore , dit-elle , empourpre le ciel ; l'air
retentit d'acclamations, la terre se livre à la joie
du triomphe, l'enfer frémit d'horreur, lorsque le
Christ, ce Roi magnanime, délivre des sombres
réduits de la mort et ramène aux splendeurs de la
vie le glorieux sénat des anciens Patriarches. »
Cujus sepulcrum plurimo
Custode sigDabat lapis,
Victor triumphat, et suo
Mortem sepulcro funerat.
« Son tombeau était fermé d'une pierre et en-
vironné de gardes. Mais il en sort victorieux et
triomphant, et il ensevelit la mort dans son propre
tombeau. »
Sat funeri, sat lacrymis,
Sat est datum doloribus ;
Surrexit extinctor necis,
Clamât coruscans Angélus.
i\ DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
(( C'est assez de deuil, c'est assez de larmes,
c'est assez de douleurs. Le destructeur de la mort
est ressuscité. Un ange brillant de lumière annonce
sa victoire. »
Ainsi s'exprime l'Eglise dans son saint enthou-
siasme.
3. Le Symbole énonce ce grand événement en
quelques simples paroles : « Tertia die resurrexit
à mortuis. Le troisième jour, il est ressuscité des
morts. »
Qui ne sent la sublimité et la divinité même de
ce langage? Dieu exprime ses plus grands miracles
comme il les opère, c'est-à-dire, d'un mot. Il
montre ainsi qu'ils ne coûtent rien à sa puissance.
Moïse avait raconté dans les termes les plus simples
les merveilles de la création. Animés du môme
Esprit, les apôtres racontent sans la moindre
emphase le prodige plus étonnant encore de la
Rédemption.
Dans cet entretien, après avoir exposé briève-
ment le fait de la résurrection, je me propose de
vous en marquer les caractères et de vous en faire
entrevoir l'importance.
0 Marie ! permettez-nous d'abord de vous offrir
nos félicitations. Nous avons compati à vos souf-
frances sur le calvaire ; vous étiez alors la mère
des douleurs ; voici maintenant vos peines chan-
gées pour jamais en joie. Réjouissez-vous donc,
Reine du ciel, parce que celui que vous, avez
mérité d'enfanter est ressuscité selon sa promesse.
DE LA RÉSURRECTION DE J.-C. 25
et daignez nous donner quelque part à votre bon-
heur en priant pour nous !
PREMIER POINT.
4. Jésus-Christ avait rendu l'âme sur la croix,
le vendredi, vers trois heures du soir, ou selon la
manière de compter dans l'antiquité, vers la neu-
vième heure du jour.
Le même jour, avant le coucher du soleil, il fut
enseveli par les soins de ses disciples, avec l'agré-
ment de Pilate.
Son corps, détaché de la croix, fut déposé dans
un sépulcre neuf qui était dans un jardin voisin ;
on ferma l'entrée du tombeau en y roulant une
grosse pierre.
Les choses étant en cet état, «le lendemain, les
princes des prêtres et les pharisiens s'étant assem-
blés, dit l'Evangéliste saint Mathieu, (Matth. xxvn.)
vinrent trouver Pilate et lui dirent : Seigneur, nous
nous sommes souvenus que cet imposteur (c'est
Notre -Seigneur qu'ils désignaient), a dit, étant
encore en vie : Je ressusciterai trois jours après
ma mort.
Commandez donc que le sépulcre soit gardé
jusqu'au troisième jour, de peur que ses disciples
ne viennent dérober son corps et ne disent au
peuple : il est ressuscité d'entre les morts; cette
dernière erreur serait pire que la première.
Pilate leur répondit : vous avez des gardes :
allez, faites-le garder comme vous l'entendez.
S Y.MB. I). 3
26 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
Us s'en allèrent donc, et pour s'assurer du sé-
pulcre, ils mirent le sceau sur la pierre et apos-
tèrent des gardes. »
La divine Providence, vous le voyez, n'a omis
aucune des précautions nécessaires pour constater
la vérité de la résurrection.
Le sépulcre est neuf, personne n'y a encore
été mis; il est creusé dans le roc, il est impéné-
trable par conséquent et n'est accessible que par
l'ouverture ; cette ouverture unique est fermée
d'une grosse pierre ; la pierre est scellée du sceau
de l'autorité publique, enfin des soldats sont placés
en sentinelle, pour écarter toute tentative d'en-
lèvement.
Et, chose admirable ! par qui Dieu veut-il que
toutes ces dispositions soient prises? Par les plus
mortels ennemis de Jésus-Christ, qui le traitent
encore d'imposteur, qui redoutent qu'on ne vienne
l'enlever, et puis, qu'on fasse courir le bruit de sa
résurrection. Vous comprenez tout l'intérêt qu'ils
avaient à prouver la fausseté de sa prédiction.
5. Or cependant, qu'arriva-t-il ?
Le troisième jour, qui était un dimanche, son
âme se réunit de nouveau à son corps, de sorte
que celui-là même qui pendant ces trois jours
était resté mort, reprit la vie qu'il avait quittée en
mourant ; en un mot, ressuscita.
L'événement eut lieu de grand matin. Tout d'un
coup, il se fit un grand tremblement de terre. Un
ange descendit du ciel, vint renverser la pierre du
DE LA RÉSURRECTIOiN DE J.-C. 27
sépulcre et s'assit dessus. Son visage était brillant
comme l'éclair, et ses vêtements blancs comme la
neige. Les gardes en furent tellement effrayés,
qu'ils devinrent comme morts.
Cependant Msrie-Madelaine et une autre Marie,
ayant acheté des parfums dans l'intention d'em-
baumer le corps du Sauveur, arrivèrent au sé-
pulcre. Le soleil était déjà levé. Elles se disaient
l'une à l'autre : qui nous ôtera la pierre de l'entrée
du sépulcre? car cette pierre était fort grande.
Mais en regardant, elles virent qu'elle avait été
ôtée. En entrant dans le sépulcre, elles virent un
jeune homme assis du côté droit, vêtu d'une robe
blanche. Sa vue les effraya beaucoup. Mais il leur
dit : ne craignez point ; vous cherchez Jésus de
Nazareth qui a été crucifié ; il est ressuscité, il n'est
plus ici ; voici le lieu où on l'avait mis. Hâtez-
vous d'aller dire à ses disciples qu'il est ressuscité.
Tel est le récit des Evangélistes. Il porte sa
preuve en lui-même. Si jamais la vérité a parlé,
c'est ainsi qu'elle l'a fait.
Ajoutons de suite comment les Juifs eux-mêmes,
en le contredisant, ont achevé de le certifier.
Les gardes étant venus rendre compte aux
Princes des prêtres de ce qui s'était passé, ceux-ci
tinrent conseil, et leur donnèrent une grande
somme d'argent, afin qu'ils publiassent partout
que les disciples de Jésus étaient venus la nuit et
que, pendant leur sommeil, ils avaient enlevé le
corps de leur maître. 0 ruse maladroite! s'écrie
28 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
ici saint Augustin ; voilà donc les seuls témoins
que vous nous opposez : des gens endormis !
Mais sans insister sur la certitude de l'évé-
nement, considérons les caractères propres de la
résurrection de Jésus-Christ.
6. Deux caractères distinguent cette résur-
rection.
Premièrement, c'est par lui-même, par sa propre
puissance, que Jésus-Christ s'est ressuscité. Il n'a
pas eu besoin à cet effet d'un secours étranger,
comme les autres hommes qui sont sortis du tom-
beau avant ou depuis sa venue. Personne n'a par-
tagé ce privilège avec lui.
Or, c'est là un prodige qui atteste sa- divinité.
Nul mortel en effet n'a le pouvoir de se ressus-
citer lui-même. La nature est impuissante contre
la mort. Dieu seul peut lui commander.
C'est la remarque de l'apôtre saint Paul : « Jésus-
Christ, dit-il, a été crucifié selon sa nature infirme,
c'est-à-dire, selon son humanité ; mais il a recou-
vré la vie par la puissance de Dieu. Etsi crucifixus
est ex infirmitate, sed vivit ex virtute Dei. »
(2 Corinth. xiu.)
11 est facile du reste d'expliquer comment il a
pu se ressusciter lui-même.
Nous l'avons déjà remarqué : sa divinité n'a pas
cessé, après sa mort, de rester unie au corps dans
le tombeau et à son âme dans les limbes. Dans
l'une et l'autre des deux parties de sa sainte huma-
nité, il y eut donc constamment un principe, une
DE LA RÉSURRECTION DE J.-C. 29
force qui leur permettait de se rejoindre récipro-
quement.
Voilà comment Notre-Seigneur possédait dans
sa personne divine le pouvoir de revenir à la vie.
7. Ce miracle avait été prédit plus d'une fois.
Mille ans et plus avant son accomplissement,
David, inspiré de Dieu, avait dit en parlant du
Messie : a II a triomphé par la force de son bras et
par la puissance de sa droite. Salvavit sibi dextera
ejus, et brachium sanctum ejus. » (Ps. xcvu.)
Notre-Seigneur confirma la prédiction dans les
termes les plus explicites. « Je quitte la vie, dit-il
aux Juifs, mais pour la reprendre. J'ai le pouvoir
de la perdre et j'ai le pouvoir de la recouvrer. Ego
pono animam meam, ut iterum sumam eam ; et
potestatem habeo ponendi eam , et potestatem
habeo iterum sumendi eam. » (Joan. x.)
11 dit encore aux Juifs pour certifier sa doctrine :
« Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois
jours. Solvite templnm hoc, et in tribus diebus
excitabo îllud. » (Ibid. n.) Ses grossiers auditeurs
appliquèrent, il est vrai, cette parole au temple
de Jérusalem, bâti de pierres avec tant de magni-
ficence ; mais Jésus-Christ, comme l'observe l'E-
vangéliste, parlait très-certainement du temple de
son corps.
Ainsi Notre-Seigneur a doublé pour ainsi dire le
miracle de la résurrection ; car il ne l'a pas seule-
ment opéré, il l'a prédit.
8. Nous disons donc que le premier caractère
30 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
de la résurrection de Jésus-Christ consiste en ce
qu'il s'est ressuscité lui-même.
On peut cependant dire en toute vérité qu'il a
été ressuscité par son Père. L'Ecriture s'énonce
de l'une et de l'autre façon. Ces deux manières de
parler sont justes : comme homme, Jésus-Christ a
été ressuscité par Dieu ; comme Dieu, il s'est res-
suscité lui-même ; et comme toutes les opérations
qui ont lieu au dehors de l'essence divine, sont
communes aux trois personnes, il est très-exact
aussi de dire avec saint Pierre, que Dieu a ressus-
cité son Fils Jésus.
9. Le second caractère spécial à la résurrection
de Jésus-Christ, c'est qu'il est le premier de tous
qui soit ressuscité pour ne plus mourir.
Voilà pourquoi l'Ecriture le nomme le premier-
né d'entre les morts et le premier-né des morts,
(( primogenitus ex mortuis, primogenitus mortuo-
rum. » (Apoc. i. — Coloss. i.)
k Jésus-Christ, dit l'Apôtre, est ressuscité d'entre
les morts, comme prémices de ceux qui dorment
dans le tombeau ; car de même qu'un homme a
introduit la mort, de même aussi un homme a
introduit la résurrection. Comme tous meurent en
Adam, tous aussi seront ressuscites en Jésus-Christ,
chacun selon son rang : Jésus-Christ d'abord, en
qualité de prémices, puis tous ceux qui sont à
Jésus-Christ. Christus resurrexit à mortuis, pri-
mitiaedormientium : quoniam quidemper hominem
mors et per hominem resurrectio mortuorum ; et
DE LA RÉSURRECTION DE J.-C. 31
sicut in Adam omnes moriuntur, ita et in Christo
omnes vivificabuntur, unusquisque in ordine suo :
primitise Christus , deinde ii qui sunt Christi. »
(i Corinth. xv.)
L'Apôtre parle évidemment ici de la résurrec-
tion parfaite, de la résurrection définitive à une vie
immortelle. Jésus-Christ le premier est ressuscité
à l'immortalité. Plusieurs avant lui, plusieurs
encore, depuis sa venue, ont été tirés du tombeau
par miracle. Lui-même a ressuscité plusieurs
morts, comme la fille de Jaïre, le fils de la veuve
de Naim et Lazare ; mais ces résurrections n'af-
franchissaient pas de la mort pour toujours.
Jésus-Christ, au contraire, dompte irrévocable-
ment la mort ; il est ressuscité à jamais, il ne peut
plus mourir. L'Apôtre l'atteste dans les termes les
plus formels : « Jésus-Christ, dit-il, une fois res-
suscité, ne meurt plus ; la mort n'aura plus désor-
mais d'empire sur lui. Christus resurgens ex mor-
tuis, jam non moritur ; mors illi ultra non domina-
bitur. » (Rom. vi.) Tel est le second caractère de
sa résurrection.
10. Avant de passer h une autre considération,
observons ici en quel sens le Symbole dit que
Jésus-Christ est ressuscité le troisième jour.
Ce n'est pas que Notre-Seigneur ait passé trois
jours entiers dans le tombeau. 11 n'y a passé réel-
lement que la journée du samedi, plus une partie
du vendredi et une partie du dimanche.
Mais cela suffit pour dire qu'il est ressuscité le
32 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
troisième jour, ou le surlendemain de sa mort. Il
n'y a point de difficulté à ce sujet.
On pourrait se demander : pourquoi plutôt le
troisième jour que tout autre?
À cette demande, je réponds que Notre-Seigneur
avait donné le miracle de sa résurrection comme
la principale preuve de sa divinité.
Cela étant, il ne pouvait l'ajourner jusqu'à la
résurrection générale qui aura lieu à la fin du
monde ; la chose est évidente.
D'un autre côté, il convenait qu'il laissât tout le
temps nécessaire pour qu'on put s'assurer de sa
mort ; ainsi il ne pouvait ressusciter immédiatement
après son dernier soupir.
11 attendit donc le troisième jour. Cet espace de
temps suffisait pour prouver que sa mort n'était
pas feinte ; dès lors sa résurrection ne pouvait être
qu'un miracle, et ce miracle avait toute la portée
qu'il lui avait assignée, et que nous allons mainte-
nant envisager.
SECOND POINT.
1 1 . Quelle est donc la portée ou l'importance
du fait de la résurrection ?
La résurrection de Jésus-Christ, c'est l'événe-
ment capital, la preuve décisive et sans réplique
du Christianisme.
Les Pères du concile de Constantinople, après
avoir déclaré dans leur profession de foi que Jésus-
Christ est ressuscité le troisième jour, ont ajouté :
DE LA RÉSURRECTION DE J.-C. 33
secundum Scripturas, selon les Ecritures, a L'Apô-
tre l'avait dit avant eux, et les Pères ont suivi son
exemple, pour nous faire entendre de quelle con-
séquence est la vérité de la résurrection de Jésus-
Christ.
La résurrection a eu lieu selon les Ecritures ;
c'est comme s'ils nous disaient que l'Ancien et le
Nouveau Testament trouvent leur confirmation
dans ce fait ; qu'on ne peut le nier, sans rejeter les
divines Ecritures, sans refuser sa foi aux prophètes
qui l'ont prédit, aux apôtres qui l'ont attesté ; en
un mot, sans ébranler tout l'édifice de la religion.
C'est en effet sur la résurrection de Jésus-Christ,
qu'il s'élève comme sur sa base fondamentale. Si
ce fondement lui manque, il faut qu'il tombe en
ruine.
L'Apôtre exprime parfaitement cette consé-
quence : « Si Jésus-Christ n'est pas ressuscité, dit-il,
il faut en conclure que vaine est notre prédication,
que vaine est votre foi. Encore un coup, si Jésus-
Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine; car
vous êtes encore dans le péché. Si Christus non
surrexit, inanis est ergo praedicatio nostra, inanis
est et fides vestra ... Si Christus non surrexit, vana
est fides vestra ; adhuc enim estis in peccatis ves-
tris. » (1 Corinth. xv.)
Au contraire, dès qu'on admet la résurrection
de Jésus-Christ, il faut nécessairement reconnaître
la divinité de sa mission et de son Evangile ; il faut
l'adorer comme le vrai Fils de Dieu et se soumettre
sans réserve à sa doctrine et à ses préceptes.
34 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
Aussi saint Augustin, admirant comment le
monde a cru :« Ce n'est pas merveille, disait-il,
de croire que Jésus-Christ est mort. Les païens,
les Juifs, les impies le croient; tous croient qu'il
est mort. La foi du chrétien, c'est la résurrection
de Jésus-Christ. Croire qu'il est ressuscité, voilà
ce que nous appelons une grande chose. Non
magnum est credere quia mortuus est Christus ;
hoc et pagani, et Judaei, et omnes iniqui credunt ;
hoc omnes credunt, quia mortuus est. Fides chris-
tianorum, resurrectio Christi est; hoc pro magno
habemus, quia credimus eum resurrexisse. » (In
psalm. cxx.)
12. C'est parce que sa résurrection devait être
la preuve de sa divinité et le fondement de notre
foi, que Notre-Seigneur s'est plu à la prédire tant
de fois.
Presque jamais il n'entretint ses disciples de sa
passion, sans faire mention de sa résurrection.
«Le Fils de l'homme, leur dit-il, sera livré- aux
Gentils; on le traitera avec dérision, on le flagel-
lera, on le couvrira de crachats, et après qu'on
l'aura flagellé, on le mettra à mort. Filius hominis
tradetur Gentibus, et illudetur, et flagellabitur,
et conspuetur; et postquam flagellaverint, occi-
dent eum. » (Matth. xvi.) Voila comment il leur
annonce ses ignominies et sa mort ; mais il ne
s'en tient pas là : il a soin d'ajouter : « Et tertia
die resurget ; et le troisième jour il ressuscitera. »
(Ibid.)
DE LA RÉSURRECTION DE J.-C. 35
Les Juifs lui demandent quelque signe, quelque
prodige en faveur de sa doctrine.
« Maître, nous désirons vous voir opérer un
miracle, disaient-ils. Jésus leur répond : cette
génération méchante et adultère veut un signe; il
ne lui en sera point donné d'autre que celui du
prophète Jonas. Car de même que Jonas demeura
trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand
poisson, de même le Fils de l'homme sera trois
jours et trois nuits dans le sein de la terre. Ma-
gister, volumus à te signum videre... Generatio
mala et adultéra signum quaerit, et signum non
dabitur ei, nisi signum Jonae prophetse. Nam sicut
fuit Jonas in ventre ceti tribus diebus et tribus
noctibus, sic erit Filius hominis in corde terrae
tribus diebus et tribus noctibus. » (Matth. xn.)
CONCLUSION.
A la vue d'un signe si éclatant, disons, chré-
tiens, comme jadis ceux qui furent témoins des
miracles de Moïse : « Digitus Dei est hic ! Le doigt
de Dieu est ici ! »
Qui pourrait le méconnaître? Le miracle, a dit
saint Augustin, est la voix de Dieu qui parle aux
yeux, et le plus grand des miracles est la résur-
rection d'un mort. Mais entre toutes les résurrec-
tions, quelle est la plus miraculeuse? N'est-ce pas,
poursuit le saint Docteur, de se rendre la vie à
soi-même et de se ressusciter par sa propre vertu ?
36 DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
Ce n'est donc pas sans raison que Jésus-Christ
s'attachait spécialement à ce signe, pour montrer
qu'il était Fils de Dieu et Dieu lui-même.
Arrêtons-nous ici, et sans attendre, comme l'in-
fidèle Thomas, qu'il nous montre les cicatrices de
ses pieds et de ses mains et la plaie de son côté,
prosternons-nous à ses pieds pour lui dire avec l'A-
pôtre convaincu : «Dominus meus ! etDeus meus !
Oui, ô Jésus! vous êtes mon Seigneur et mon
Dieu! )) Ou bien, avec les saints dont il est parlé
dans l'Apocalypse : « Dignus est Agnus qui occisus
est, accipere virtutem et divinitatem. » 0 Agneau
immolé pour le salut des hommes, oui, vous êtes
digne de recevoir les hommages divins ; vous mé-
ritez de régner sur toutes les créatures. Régnez sur
nous, faites que nous ne respirions plus désormais
que pour votre amour.
NOTES. 37
NOTES.
I. VÉRITÉ DE LA RÉSURRECTION DE JÉSUS-CHRIST.
Toute la question se réduit à trois articles, à savoir si
Jésus-Christ est véritablement mort sur la croix, s'il est
ensuite sorti du tombeau lui-même, ou si ses disciples ont
fait disparaître son corps, si les attestations de sa Résur-
rection sont suffisantes; nous ne pouvons qu'indiquer
sommairement les preuves de la vérité de ces trois faits
essentiels.
1°. La vérité de la mort de Jésus-Christ est prouvée par
la narration uniforme des quatre Evangélistes ; (on peut
comparer leur récit dans une concordance) par la longueur
et la variété des tourments qu'on lui avait fait souffrir : il
avait essuyé le matin une flagellation cruelle, la violence
et les coups des soldats ; il avait succombé sous le poids de
sa croix ; le crucifiement mit le comble à ses douleurs, on
est étonné de ce qu'il put vivre encore pendant trois heu-
res sur la croix.
Une troisième preuve e?t le coup de lance qui lui fut
donné par un soldat, et qui fit sortir de son côté le sang
qui lui restait dans le cœur avec l'eau du péricarde ; il lui
était impossible de survivre a cette blessure. C'est parce
qu'il était mort que les soldats ne lui rompirent point les
jambes, comme aux deux larrons crucifiés avec lui. Ajou-
tons la précaution que Pilate prit avant de permettre que
le corps de Jésus fût détaché de la croix; il interrogea le
38 NOTES.
Centurion témoin du supplice de Jésus, pour savoir s'il
était véritablement mort, cet officier le lui assura.
La cinquième preuve est l'embaumement que firent de
ce corps Xicodème et Joseph d'Arimathie, opération qui
aurait suffoqué Jésus, s'il n'avait pas été véritablement
mort.
La sixième est l'attention qu'eurent les Juifs de visiter
le tombeau de Jésus lorsqu'il y fut renfermé, de sceller la
pierre qui en fermait l'entrée, d'y mettre des gardes, de
peur queson corps ne fût enlevé par ses disciples, et qu'ils
ne publiassent qu'il était ressuscité. Enfin, la persuasion
dans laquelle les Juifs ont toujours été que Jésus avait été
déposé mort dans le tombeau, et le bruit qu'ils ont répandu
de l'enlèvement de son corps pendant que les gardes dor-
maient. Les Juifs ont toujours contesté sa Résurrection,
mais ils n'ont jamais nié sa mort. Elle est donc prouvée
par tous les faits et par toutes les circonstances qui peuvent
la rendre indubitable.
II.
Les disciples de Jésus n'ont pas tiré son corps du tom-
beau ; second fait a prouver. 1°. Ils n'ont pas osé l'entre-
prendre: leur timidité est connue, ils en font eux-mêmes
l'aveu. Ils s'enfuirent lorsque Jésus fut saisi par les Juifs,
saint Pierre qui le suivit de loin n'osa se déclarer son dis-
ciple, saint Jean seul osa se montrer sur le calvaire et se
tenir près de sa croix. Pendant les jours suivants ils s'en-
fermaient de peur d'être recherchés et poursuivis par les
Juifs. Lorsque Jésus ressuscité se fit voir à eux, ils le pri-
rent pour un fantôme et furent saisis de frayeur. Ce ne sont
pas là des hommes capables de vouloir forcer un corps-de-
gardes et de tirer par violence un cadavre du tombeau.
2° Quand ils l'auraient osé, ils ne l'ont pas voulu. Pour
former ce dessein, il fallait un motif; or, les Apôtres n'en
avaient aucun. Une fois convaincus de la mort de leur Mai-
NOTES. 39
tre, ils ont dû le regarder ou comme un imposteur qui les
avait trompés par de fausses promesses, ou comme un es-
prit faible qui s'était abusé lui-même par de folles espé-
rances. Quel intérêt pouvait donc les engager à braver la
haine des Juifs et le danger du supplice, pour soutenir
l'honneur de Jésus, pour persuader la Résurrection, pour
le faire reconnaître comme Messie? Ils ne pouvaient espérer
ni de tromper les Juifs, ni d'éviter le châtiment, ni de sé-
duire le inonde entier. C'eût été deleurpart un crime aussi
absurde qu'inutile. Ils ne pouvaient pas compter assez les
uns sur les autres pour se persuader qu'aucun ne dévoile-
rait la conspiration et ne découvrirait la vérité. A moins
qu'ils n'aient été tous saisis, par un accès de démence, le
dessein d'enlever le corps de Jésus n'a pas dû leur venir
dans l'esprit.
3°. Quand ils auraient entrepris de commettre ce crime,
ils ne l'auraient pas pu. Le tombeau était gardé par des sol-
dats ; avant d'y placer cette garde, les Juifs avaient eu soin
de visiter, de fermer et de cacheter le tombeau, Matth. c.
27, v. 66. Cette opération ne s'était pas faite la nuit ni se-
crètement, mais au grand jour. On ne pouvait lever une
grosse pierre, ni emporter un corps enduit d'aromates sans
faire du bruit. Le tombeau était creusé dans le roc ; on le
voit encore aujourd'hui, mille voyageurs l'ont visité.
4° Enfin, quand les Apôtres auraient pu et auraient
voulu enlever le corps de leur iMaître, ils ne l'ont pas fait. Ils
ont été justifiés de ce vol par les gardes, lorsque ceux-ci
sont allés déclarer aux Juifs ce qui était arrivé. Si ces gar-
des avaient favorisé les apôtres pour commettre ce crime,
ils auraient été punis, puisque ceux qui gardaient saint
Pierre dans la prison furent envoyés au supplice, quoique
cet apôtre eût été délivré par miracle, Act. c. 12, y. 29.
Au contraire les Juifs donnèrent de l'argent aux soldats,
afin qu'ils publiassent que le corps de Jésus avait été en-
levé pendant qu'ils dormaient. Mais ces mêmes Juifs ont
40 NOTES.
encore justifié les apôtres de ce crime prétendu. Lorsqu'ils
firent mettre en prison et battre de verges saint Pierre,
saint Jean et les autres, lorsqu'ils mirent à mort saint
Etienne, les deux saints Jacques et saint Siméon, ils ne les
accusèrent point d'avoir volé le corps de Jésus-Christ, ni
d'avoir publié faussement la Résurrection, mais seulement
de l'avoir prêchée malgré la défense qu'on leur en avait
faite.
Donc les Apôtres sont pleinement absous du crime que
les Juifs et les incrédules veulent aujourd"hui leur imputer.
Si donc Jésus-Christ, après avoir été déposé mort dans un
tombeau, a reparu vivant et conversant avec ses Apôtres,
nous sommes forcés de croire qu'il est ressuscité.
III.
La Résurrection de Jésus-Christ est attestée par des té-
moignages irrécusables. Elle l'est, en premier lieu, par
tous les apôtres qui affirment que pendant quarante jours
ils ont vu et touché Jésus-Christ vivant, qu'ils ont conversé,
bu et mangé avec lui comme avant sa mort. Ils ont donné
leur vie en témoignage de ce fait, et leur conduite jusqu à
la mort a été telle qu'il fallait, pour mériter une entière
confiance.
Cette Résurrection est confirmée, en second lieu, par la
persuasion de huit mille hommes convertis cinquante jours
après par deux prédications de saint Pierre. Ils étaient sur
le lieu, ils ont pu interroger les Juifs et les gardes, visiter
le tombeau, consulter la notoriété publique, confronter les
témoignages des apôtres avec ceux des ennemis de Jésus,
prendre toutes les précautions possibles .pour n'être pas
trompés. Personne n'a pu se faire chrétien, sans croire cette
Résurrection, c'a toujours été le point fondamental delà
prédication des apôtres et de la doctrine chrélienne. Il est
incontestable qu'immédiatement après la descente du Saint-
NOTES. 41
Esprit , il y a eu une Eglise nombreuse a Jérusalem, et
qu'elle y a subsisté pendant plusieurs siècles sans aucune
interruption ; or, elle a été composée d'abord par des té-
moins oculaires de tous les faits qui concouraient a prou-
ver la Résurrection de Jésus-Christ .
Ce fait est confirmé, en troisième lieu, non-seulement
par le silence des Juifs qui n'ont jamais accusé les apôtres
de mensonge, ni d'imposture sur ce point, mais par leur
aveu formel. Dans les Sepher Th.olédoth Jeschu, ou mes de
Jésus qui ont été composées par les Rabbins, ils disent que
le corps de Jésus mort fut montré au peuple par un certain
Tan-Cuma, or Tan-Cuma signifie à la lettre, miracle de la
Résurrection.
Un quatrième témoignage positif est celui de Joseph l'his-
torien dans le célèbre passage que nous avons rapporté a
son article, et dont nous avons prouvé l'authenticité.
La manière dont Celse, de concert avec les Juifs, a con-
testé la Résurrection de Jésus-Christ, est équivalente a un
aveu formel. Il dit que les apôtres ont été trompés par un
fantôme, ou qu'ils en ont imposé. Mais un fantôme ne fait
pas illusion pendant quarante jours consécutifs a des hom-
mes éveillés, on ne l'entend point converser, on ne le voit
point boire et manger, il ne se laisse point toucher, comme
a fait Jésus après sa Résurrection. Les apôtres n'ont pas pu
en imposer aux Juifs, de manière à leur fermer la bouche,
et à déconcerter leur conduite ; ils n'ont pas pu fasciner les
yeux ni les oreilles à la multitude de témoins oculaires et
placés sur les lieux, qui ont cru à leur prédication.
Nous demandons aux incrédules quelle espèce de preu-
ves plus convaincantes ils exigent pour croire la Résurrec-
tion de Jésus-Christ. Dans l'impuissance d'attaquer direc-
tement celles que nous alléguons , ils se jettent sur les
accessoires, ils objectent :
1° Que personne n'a vu Jésus-Christ sortir du tombeau.
D'abord on ne sait pas si les gardes ne l'ont pas vu, l'Evan-
SYMB. II. 4
42 NOTES.
gile n'en dit rien. En second lieu, tous les témoins qui se
seraient trouvés là, fassent-ils au nombre de mille, auraient
été aussi effrayés que les gardes. Un tremblement de terre,
la pierre du tombeau renversée, un ange assis dessus avec
un regard terrible, un mort qui sort du tombeau, ne sont
pas des objets que Ton puisse envisager de sang-froid ; or,
Jésus-Christ ne voulait point épouvanter les témoins de sa
Résurrection, il voulait au contraire les rassurer, et il eut
beaucoup de peine a dissiper leur frayeur les premières
fois qu'il leur apparut. Enfin, qu'importe qu'on ne l'ait pas
vu sortir du tombeau, pourvu qu'on l'ait vu, entendu et
louché après qu'il en a été sorti? Il n'en résulte pas moins
qu'il a été vivant après avoir été mort.
2°. Les incrédules disent que la narration des Evangé-
listes est chargée de circonstances difficiles à concilier.
C'est justement ce qui prouve qu'elle est vraie, si ces qua-
tre Ecrivains l'avaient forgée et l'avaient arrangée de con-
cert, ils l'auraient rendue plus claire. Ils auraient fait sortir
du lombeciu Jésus resplendissant de gloire, comme les
peintres ont coutume de le représenter; au lieu de placer
un ange sur la pierre, ils y auraient supposé Jésus-Christ
lui-même assis avec un regard menaçant fixé sur les gar-
des. Ils auraient dit : nous y étions, nous l'avons vu ; ce
mensonge ne leur aurait pas plus coûté que le reste, et il
aurait été plus imposant. Si au contraireles quatre Evangé-
listes avaient forgé, chacun en particulier, et sans s'être
concertés, une histoire fausse, il serait impossible qu'il ne
se fût pas trouvé dans leur récit des circonstances contra-
dictoires et inconciliables ; or, il n'y en a point, et elles sont
très-bien conciliées dans les concordances.
3°. Jésus-Christ ressuscité, disent nos adversaires, devait
se montrer aux Juifs, à ses juges, à ses bourreaux, pour
les convaincre et confondre leur incrédulité ; Celse le sou-
tenait déjà ainsi, et celte objection a été cent fois répétée de
nos jours. Si elle est sensée et raisonnable, Jésus ressus-
NOTES. 43
cité devait se montrer aussi a toutes ies nations auxquelles
il voulait envoyer ses apôtres, afin de les convertir; il de-
vait se faire voir aux persécuteurs de ses disciples et a tous
les ennemis de sa religion, afin d'amortir leur fureur. Il de-
vrait même ressusciter aujourd'hui de nouveau sous les
yeux des incrédules, afin de les rendre dociles ; ils ont mé-
rité cette grâce par leur impiété, tout comme les Juifs s'en
étaient rendus dignes, en crucifiant celui qui venait les
sauver. Ne rougira-t-on jamais de cette absurdité? Dieu
ne multiplie point les preuves, les motifs de foi, les grâces
du salut, au gré des incrédules et des opiniâtres; il en
donne suffisamment pour les âmes droites et dociles, les
autres méritent d'être abandonnées a leurentêtement. Lors-
que le mauvais riche tourmenté dans l'autre vie, conjurait
Abraham d'envoyer un mort ressuscité prêcher la pénitence
a ses frères, ce Patriarche lui répondit : « S'ils ne croient
pas Moïse ni les Prophètes, ils ne croiront pas plus un mort
ressuscité » Luc. c. 16, f. 31. De même, dè^ que le té-
moignage des gardes joint à celui des apôtres n'a pas suffi
pour convaincre les Juifs, ils n'auraient pas été plus touchés
du témoignage de Jésus-Christ lui-même. Ils avaient dit
pendant sa vie : C'est le prince des démons qui opère les
miracles de Jésus ; ils auraient dit de sa Résurrection :
c'est ce même prince des ténèbres qui a pris la figure de
Jésus pour venir nous séduire. N'avons-nous pas entendu
dire aux incrédules modernes : Quand je verrais ressusciter
un mort, je n'en croirais rien, je suis plus sûr de mon juge-
ment que de mes yeux.
4°. Ils prétendent que le récit des apparitions qui ont
suivi la Résurrection du Sauveur est rempli de difficultés et
de contradictions ; c'est une fausseté. Il n'y en a point lors-
que l'on ne cherche pas à y en mettre, lorsque l'on n'ajoute
rien a la narration, et lorsque l'on rapproche les Evangélis-
tes l'un de l'autre ; c'est ce que l'on a fait dans les concor- '
dances. Mais les incrédules ne veulent aucune conciliation,
44 NOTES.
ils ne veulent que disputer et s'aveugler. Lorsqu'un des
Evangélistes rapporte un fait ou une circonstance dont un
autre ne parle pas, ils appellent cette différence une con-
tradiction, comme si le silence était une dénégation positive.
5° Ils soutiennent que les apôtres et les Evangélistes
sont des témoins suspects, qui étaient intéressés à forger
une fausse histoire pour leur propre honneur, et pour celui
de leur Maître. Déjà nous avons démontré l'absurdité de
cette calomnie. Les apôtres n'auraient pu avoir aucun in-
térêt a soutenir l'honneur de Jésus-Christ, s'il avait été
fourbe et imposteur ; et s'il n'était pas ressuscité, leur pro-
pre honneur les aurait engagés à reconnaître qu'ils avaient
été trompés, et a retourner a leur premier état. Jésus-Christ,
loin de leur promettre des honneurs, de la célébrité et une
gloire temporelle , leur avait prédit qu'ils seraient haïs,
persécutés, couverts d'ignominies et mis à mort pour son
nom; ce sont eux-mêmes qui le déclarent; cette sincérité
est-elle compatible avec un motif d'intérêt temporel?
Mais dès que Jésus-Christ est véritablement ressuscité
comme il l'avait promis, les apôtres ont été conduits par le
seul intérêt qui agit sur les âmes vertueuses, par le désir
de faire connaître la vérité, d'éclairer et de sanctifier les
hommes. C'est justement cet intérêt noble et généreux qui
rend ces témoins plus dignes de foi. (Bergier, dictionn.
Théologique.)
MOTIFS ET FRUITS DE LA RÉSURRECTION. 45
IIIe INSTRUCTION.
CONSIDÉRATIONS SUR LE MYSTÈRE DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
MOTIFS ET FRUITS DE LA RÉSURRECTION.
EXORDE.
1 . Le fait de la résurrection de Jésus-Christ est
indubitable.
Notre-Seigneur l'ayant donné comme la mar-
que par excellence de sa mission divine, il était
de sa sagesse qu'il l'environnât de preuves écla-
tantes.
Ces preuves, nous l'avons vu, sont surabon-
dantes.
Notre-Seigneur commença par annoncer qu'il
ressusciterait le troisième jour après sa mort. Par
cette prédiction, il prévenait ses amis et ses enne-
mis. Les uns et les autres devaient concourir à
rendre l'événement authentique.
. Vous avez remarqué combien les précautions
des Juifs ont servi à ce dessein. Que pouvaient-ils
imaginer de plus, afin de s'assurer de la vérité?
La seule chose qu'ils eussent à craindre, était qu'on
n'enlevât furtivement le corps de Jésus. Ils rendent
toute tentative d'enlèvement impossible. Ils appo
46 MOTIFS ET FRUITS
sent leur sceaa sur la pierre qui ferme le sépulcre ;
ils le fonl garder par des soldais de leur choix.
La résurrection a lieu ; les soldats, premiers
témoins du prodige, vont en avertir les chefs de la
Synagogue. Que font ceux-ci? Ecoutez comment
l'iniquité va se mentir à elle-même : « Voici de
l'argent, disent-ils aux soldats ; dites que ses dis-
ciples sont venus la nuit, et ont dérobé le corps,
pendant que vous dormiez. »
Mais ce propos absurde, ce misérable expé-
dient, ils en sentent si bien le néant et le ridicule,
que plus tard, lorsque les apôtres viendront leur
dire en face qu'ils ont crucifié le Fils de Dieu et que
Dieu l'a ressuscité, pas une voix parmi eux n'osera
contester le fait, ni témoigner le moindre doute.
Voilà comment Jésus-Christ a fait servir la Syna-
gogue à la preuve de sa résurrection.
2. Vous savez de quelle manière il y a fait con-
courir ses amis.
S'ils y avaient cru à la légère, sans difficulté,
leur témoignage aurait moins de poids. Mais Jésus-
Christ a dû les convaincre par toute sorte de
démonstrations. Il leur a apparu à diverses repri-
ses, il a conversé et mangé avec eux. L'un d'eux,
Thomas, se montrant plus incrédule que tous les
autres, Notre-Seigneur pour dissiper son incré-
dulité lui montre les cicatrices de ses pieds et de
ses mains, et lui dit de mettre la main dans la bles-
sure de son côté.
C'est en notre faveur, c'est pour multiplier les
DE LA RÉSURRECTION. 47
preuves de sa résurrection, c'est pour nous ôter
jusqu'au moindre prétexte d'en douter, que Jésus-
Christ a permis les hésitations de ses disciples.
Elles nous ont été très-profitables.
Enfin, entièrement convaincus, les apôtres iront
désormais prêcher par toute la terre, et après
avoir converti une multitude de peuples par la
puissance de leurs miracles, ils finiront par donner
leur vie en témoignage de la résurrection de Jésus-
Christ.
Quel ensemble magnifique de preuves ! Y eut-il
jamais un événement certifié par de plus impo-
sants et de plus irrécusables témoignages?
3. Telle est donc notre foi, chrétiens : nous
croyons que Jésus-Christ est vraiment ressuscité ;
et nous nous glorifions de le croire.
Mais ne nous contentons pas d'une connaissance
superficielle de ce mystère ; tâchons d'en pénétrer
de plus en plus la portée et la profondeur.
J'ai à vous proposer pour cela deux considéra-
tions : premièrement, pour quelles raisons et dans
quel but Jésus-Christ est-il ressuscité? Seconde-
ment, quels fruits devons-nous retirer de sa résur-
rection?
PREMIER POINT.
4. On peut assigner quatre raisons principales
de la résurrection de Jésus-Christ.
En premier lieu, la justice divine lui devait cette
récompense.
48 MOTIFS ET FRUITS
Pour obéir à son Père et réparer la faute de
l'homme, Jésus-Christ s'était anéanti et dévoué aux
dernières humiliations.
Il était de la justice de Dieu de l'exalter autant
qu'il s'était humilié ; car n'est-il pas écrit que celui
qui s'élève sera abaissé et que celui qui s'abaisse
sera élevé? 0 Jésus ! vous vous êtes rendu volon-
tairement semblable à un ver de terre, l'opprobre
des hommes et le rebut du peuple! Toute gloire
vous est due maintenant ; que tout genou fléchisse
devant vous comme vous vous êtes abaissé au des-
sous de tous!
C'est en effet la raison que donne l'Apôtre de
l'exaltation du Sauveur : « Jésus-Christ, écrivait-il
aux Philippiens, s'est humilié lui-même, se rendant
obéissant jusqu'à la mort et la mort de la croix ;
voilà pourquoi Dieu l'a élevé et lui a donné un nom
supérieur à tout autre nom. Christus humiliavit
semetipsum, factus obediens usque ad mortem,
mortem autem crucis ; propter quod et Deus exal-
tavit illum, et donavit illi nomen, quod est super
omnenomen. » Philippe, n.)
5. Un second motif pour lequel Jésus-Christ est
ressuscité, c'est pour affermir notre foi.
Autant la foi est nécessaire au salut, autant la
base sur laquelle elle repose doit être solide et
inébranlable.
Or, nous l'avons déjà dit, la résurrection de
Jésus-Christ est cette base; elle est la pierre angu-
DE LA RÉSURRECTION. 49
laire du christianisme ; l'édifice entier de la religion
porte sur ce fondement.
En effet, Jésus-Christ s'est donné pour le Fils
de Dieu, Dieu lui-même, et c'est à ce titre qu'il a
prêché son Evangile, avec ordre à ses apôtres de
le propager en tous lieux jusqu'à la fin des siècles.
En preuve de sa divinité, il a déclaré qu'il res-
susciterait trois jours après sa mort.
S'il n'était pas ressuscité, sa mission prétendue
n'eût été qu'une imposture et sa religion croulait
par la base.
Mais sa résurrection étant un fait incontestable,
il n'est pas moins avéré qu'il est vraiment le Fils
de Dieu et que son Evangile est une vérité, qu'il
n'y a par conséquent d'autre moyen de nous sau-
ver que de croire en lui, de nous soumettre à ses
préceptes et d'écouter l'Eglise qu'il a établie pour
nous instruire et nous diriger.
Rien ne prouve la divinité du christianisme
d'une manière plus invincible que le fait de la ré-
surrection de Jésus-Christ.
C'est le miracle des miracles ; c'est le chef-
d'œuvre de la droite du Très-Haut ; il est unique
et singulier ; il n'appartient qu'à Jésus-Christ de
s'être ressuscité lui-même, au jour qu'il avait mar-
qué à l'avance.
6. En troisième lieu, par sa résurrection, le
Sauveur a voulu nous donner un gage d'immor-
talité.
Les membres ne suivent-ils pas les destinées de
30 MOTIFS ET FRUITS
leur chef? Nous ne formons avec Jésus-Christ qu'un
seul corps mystique, dont il est le chef et dont
nous sommes les membres. Puisqu'il est ressuscité,
nous ressusciterons donc tous un jour comme lui.
C'est le raisonnement de l'apôtre saint Paul :
« S'il est vrai, dit-il, que le Christ est ressuscité
des morts, par quelle inconséquence vient-on nous
dire que les morts ne ressusciteront point? Si
Christus praedicatur quod resurrexit à mortuis,
quomodo quidam dicunt in vobis quoniam resur-
rectio mortuorum non est?» (1 Corinth.xv.) Pour
moi, ajoute-t-il, je vous, déclare que « s'il n'y a
point de résurrection des morts à attendre, le Christ
lui-même n'est pas ressuscité. Si autem resurrectio
mortuorum non est, neque Christus resurrexit. »
{Ibid.)
On ne pouvait exprimer d'une manière plus
énergique que la résurrection du Sauveur est le
principe et le gage de la nôtre.
C'est encore ce qu'il fait entendre dans sa pre-
mière épître aux Thessaloniciens. Voulant les con-
soler de la perte de ceux qui leur étaient chers, il
leur dit de ne pas s'abandonner à la douleur,
comme des gens sans espérance : « car, continue-
t-il, si nous crovons que Jésus-Christ est mort et
ressuscité, nous devons pareillement croire que
Dieu lui associera ceux qui lui auront été fidèles
jusqu'à la mort. Si enim credimus quod Jésus
mortuus est et resurrexit, ita et Deus, eos qui dor-
mierunt per Jesum, adducet cum eo. »(4 Thés, iv.)
DE LA RÉSURRECTION. 51
C'est ce qui a fait dire aussi au prince des
Apôtres : « Béni soit Dieu, le Père de Noire-Sei-
gneur Jésus-Christ, qui, dans sa grande miséri-
corde, nous a régénérés par la résurrection de
Jésus-Christ à la vive espérance d'un héritage
incorruptible. Benedictus Deus et Pater Domini
nostri Jesu Christi, qui, secundum misericordiam
suam magnam, regeneravit nos in spem vivam,
per resurrectionem Jesu Christi ex mortuis, in
haereditatem incorruptibilem... »(l Petr. i.)
7. Un quatrième motif pour lequel le Sauveur
est ressuscité, c'est afin de parfaire l'œuvre de
notre rédemption.
Par sa mort, il nous a délivrés du péché ; mais
par sa résurrection, il nous a réintégrés dans la
jouissance des biens précieux que le péché nous
avait ravis, c'est-à-dire, qu'il nous a donné la
grâce de redevenir, comme à l'origine, les enfants
adoptifs de Dieu, et les héritiers de son royaume
éternel.
De là vient que l'Apôtre a dit : « Jésus-Christ a
été livré à la mort pour nos péchés, et il est res-
suscité pour notre justification. Traditusest propter
delicta nostra, et resurrexit propter justificationem
nostram. » (Rom. iv.) Le péché nous avait donné
la mort de l'âme et du corps. Pour abolir cet effet,
le Rédempteur a voulu souffrir lui-même la mort.
« Qui mortem nostram moriendo destruxit, dit la
sainte Eglise. Il a détruit notre mort par la sienne.»
Son sang divin a effacé la sentence portée contre
52 MOTIFS ET FRUITS
nous. Mais il fallait quelque chose de plus ; il fallait
réparer les pertes que le péché nous avait causées ;
c'est pourquoi, selon l'Apôtre, il est ressuscité;
ou, comme dit encore la sainte Eglise : « Et vitam
resurgendo reparavit. 11 nous a rendu la vie par sa
résurrection. »
Ainsi pour qu'il ne manquât rien à notre rédemp-
tion, Jésus-Christ devait ressusciter, de même qu'il
avait du mourir.
Tels sont les principaux motifs et le but de la
résurrection deNotre-Seigneur. Passons aux avan-
tages ou aux fruits qui en dérivent pour nous.
SECOND POINT.
8. Ces avantages ou ces fruits sont déjà compris
dans tout ce que nous venons de dire. Exposons-
les cependant plus distinctement, afin d'exciter
davantage notre reconnaissance.
Premièrement donc, la résurrection est une
lumière éclatante qui nous fait connaître la gran-
deur de Jésus-Christ.
S'il est ressuscité par sa propre puissance, qui
ne doit confesser hautement qu'il est le Dieu im-
mortel et glorieux, celui qui tient dans ses mains
les clefs de la vie et de la mort, le vainqueur de
l'enfer et du démon?
0 Fils de Dieu ! votre incarnation semblait vous
avoir dépouillé de votre majesté, votre mort pa-
raissait avoir absorbé votre puissance ; mais votre
DE LA RÉSURRECTION. 53
résurrection fait tomber tous les voiles ; elle dé-
couvre qui vous êtes ; elle ratifie et confirme ce
que vous avez dit de vous-même : « Je suis le Fils
de Dieu. »
•9. Secondement, la résurrection de Jésus-Christ
a enfanté notre propre résurrection, c'est-à-dire
qu'elle en est le principe et le modèle.
Je dis que la résurrection du Sauveur est le
principe de la nôtre. L'Apôtre rend témoignage à
cette vérité : ce De même, dit-il, que la mort est
venue par un homme, de même la résurrection des
morts provient d'un autre homme. Per hominem
mors et per hominem resurrectio mortuorum. »
(1 Cor. xv.)
Oui, en ressuscitant, Jésus-Christ nous a acquis
le droit de ressusciter nous-mêmes ; ce n'est pas
pour lui seul, mais pour nous tous, qu'il a vaincu
la mort; nouvel Adam, il est pour tout le genre
humain un principe de vie, comme l'ancien avait
été un principe de mort.
Sa résurrection est même comme l'instrument
par lequel la nôtre s'effectuera au dernier jour. En
effet, dans tout ce qui se rapporte à la rédemption
des hommes, le moyen et pour ainsi dire l'instru-
ment dont Dieu se sert, c'est la sainte humanité de
Jésus-Christ.
10. Mais la résurrection du Sauveur n'est pas
seulement le principe de la nôtre, elle en est aussi
le modèle et le type.
54 MOTIFS ET FRUITS
D'abord, elle est la plus parfaite de toutes les
résurrections : puis la nôtre sera comme une image
et une copie de la sienne. De même qu'en ressus-
citant, Notre-Seigneur est passé a l'immortalité
glorieuse, ainsi nos corps, de faibles et corruptibles
qu'ils sont, seront transformés en des corps glo-
rieux et immortels.
L'Apôtre nous l'enseigne en ces termes : « Nous
attendons, dit-il, notre Sauveur et Seigneur Jésus-
Christ, qui réformera notre corps corruptible, pour
le rendre conforme à son corps glorieux. Salva-
torem expectamus Dominum nostrum Jesum Chris-
tum qui reformabit corpus humilitatis nostrae, con-
Bguratum corpori claritatis suas. » {Philipp. ni.)
1 1 . Ce que nous venons de dire de la résur-
rection de nos corps peut s'appliquer aussi à
celle de nos âmes. Ainsi, troisièmement, la ré-
surrection de Xotre-Seigneur est encore le modèle
de notre résurrection spirituelle.
La vie de l'âme, c'est la grâce et l'amitié de
Dieu ; elle meurt, à cette vie surnaturelle par le
péché : elle y ressuscite par une conversion sincère.
Or quels sont les caractères d'une vraie conver-
sion? Ceux-là même que nous remarquons dans la
résurrection de Notre-Seigneur. L'Apôtre les in-
dique en ces termes : « De même, dit-il, que Jésus-
Christ est ressuscité par la puissance de son Père,
ainsi devons-nous marcher nous-mêmes dans une
vie nouvelle ; car si nous avons été entés en lui
par la ressemblance de sa mort, nous devons l'être
DE LA RESURRECTION. OO
aussi par la ressemblance de sa résurrection. Quo-
modo Christus à mortuis resurrexit per gloriam
Patris, ita et nos in novitate vitae ambulemus : si
enim complantati facti sumus similitudini mortis
ejus, simul et resurrectionis erimus. » (Rom. vi.)
Un peu plus loin il ajoute : « Nous savons que
Jésus-Christ ressuscité ne meurt plus et que la
mort n'aura plus aucun empire sur lui. Car s'il est
mort pour le péché, il n'est mort qu'une fois, et
maintenant qu'il vit, il vit pour Dieu. Ainsi consi-
dérez-vous vous-mêmes comme morts au péché et
ne vivant plus que pour Dieu en Jésus-Christ.
Scientes quod Christus resurgens ex mortuis jam
non moritur, mors illi ultra non dominabitur; quod
enim mortuus est peccato, mortuus est semel ;
quod autem vivit, vivit Deo. Ita et vos existimate
vos mortuos quidem esse peccato, viventes autem
Deo in Christo Jesu. » (Ibid.)
12. Nous devons donc tirer de la résurrection
de Jésus-Christ deux importantes leçons.
La première, c'est qu'après nous être purifiés
des souillures du péché par la pénitence, il faut
que nous commencions une vie toute nouvelle,
une vie de pureté, d'innocence et de sainteté, une
vie de tempérance et de justice, de charité et
d'humilité. C'est par la pratique de ces vertus
qu'on prouve la sincérité de sa conversion. Pour
ressusciter véritablement avec Jésus-Christ, il faut
laisser dans le tombeau le vieil homme avec ses
vices. « Expurgate vêtus fermentum, ut sitis nova
56 MOTIFS ET FRUITS
conspersio, dit l' Apôtre. Purgez-vous du vieux
levain, afin d'être une pâte nouvelle... Epulemur
non in fermento veteri, neque in fermento malitiae
et-nequitiae, sed in azymis sinceritatis et veritatis.
Nourrissons-nous, non plus du vieux levain, ni du
levain de la malice et du mensonge, mais des
azymes de la sincérité et de la vérité, (i Cor. v.)
La seconde leçon que nous donne Jésus-Christ
ressuscité, c'est qu'après avoir commencé cette vie
nouvelle, il faut y persévérer fidèlement et, avec la
grâce de Dieu, ne plus nous écarter des sentiers
de la justice. « Le Christ une fois ressuscité, ne
meurt plus. » Une fois sortis du tombeau du péché,
gardons-nous d'y rentrer. La rechute dans le mal
est plus grave et plus dangereuse que le mal
même. C'est pourquoi nous ne saurions trop veiller
sur nous-mêmes après la conversion, ni trop nous
défier de notre faiblesse et des occasions du péché.
Qui veut persévérer ne s'expose pas au danger,
et persuadé qu'il ne peut rien par lui-même, il ne
cesse de demander à Dieu la grâce et la force
dont il a besoin.
13. Modèle de notre résurrection spirituelle,
Jésus-Christ ressuscité en est encore le principe,
comme il l'est de la résurrection de nés corps.
Les paroles de l'Apôtre que nous rappelions
tout à l'heure indiquent clairement que telle est
l'efficacité de .ce mystère. Après avoir dit que par
le baptême nous avons été ensevelis avec Jésus-
Christ pour mourir au péché, il ajoute que si nous
DE LA RÉSURRECTION . O /
avons été entés en lui par la ressemblance de sa
mort, nous le serons aussi par la ressemblance de
sa résurrection.
La résurrection du Sauveur nous a donc valu la
grâce de ressusciter nous-mêmes à la vie spiri-
tuelle, c'est-à-dire de renoncer au péché et de
nous convertir ; elle nous a valu la force nécessaire
pour persévérer dans la justice et accomplir fidèle-
ment jusqu'à la fin les commandements du Sei-
gneur.
Par sa mort, Jésus-Christ nous a appris à mourir
au péché, et il nous a donné la grâce d'y mourir
en effet; de même, par sa résurrection, il nous a
offert un modèle de conversion, et nous a obtenu
les lumières et la force dont nous avons besoin
pour recouvrer la vie de la grâce, pour servir Dieu
dans la piété et la sainteté, et pour nous maintenir
inviolablement jusqu'à la fin dans cette vie nou-
velle.
Voilà le principal avantage qu'il nous a procuré
en ressuscitant : après être morts avec lui au
péché et au monde, il nous a fait ressusciter avec
lui à une vie nouvelle.
CONCLUSION.
1 4. Quelle source de lumière, quelle abondance
de grâces ne trouvons-nous donc pas dans le
mystère de la résurrection du Sauveur?
Mais en avons-nous orofité comme nous le
58 MOTIFS ET FRUITS
devions? Retraçons-nous ce mystère dans notre
conduite? Avons-nous participé à ses fruits pré-
cieux?
Il y a deux marques auxquelles nous pouvons
reconnaître si nous sommes vraiment ressuscites.
a Si consurrexistis cum Christo, quaa sursum
sunt quaerite, ubi Christus est in dextera Dei se-
dens. Si vous êtes ressuscites avec Jésus-Christ,
dit l'Apôtre, cherchez ce qui est en haut, où Jésus-
Christ est assis à la droite de Dieu. » (Goloss. m.)
Il nous enseigne par là que la première marque
d'une véritable résurrection consiste à mépriser les
biens terrestres, ]es honneurs, les plaisirs, les
richesses du monde, et à mettre notre trésor, notre
gloire, notre félicité, dans les biens du ciel.
L'Apôtre ajoute une seconde marque : « Quse
sursum sunt sapite, non quae super terram. N'ayez
de goût, dit-il, que pour les choses du ciel et non
pour celles de la terre. » (Jbid.)
Le goût est l'indice de la santé et des dispositions
du corps. De même, si nous aimons tout ce qui
est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est
juste, tout ce qui est saint, si nous faisons nos
délices des choses spirituelles, si nous sommes
affectionnés au service de Dieu et des bonnes
œuvres, en un mot, si nous avons le goût de la
vertu, c'est la meilleure preuve que nous sommes
ressuscites avec Jésus-Christ.
« Que le péché ne régne donc plus, chrétiens,
dans votre corps mortel, en sorte que vous obéis-
DE LA KÉSUKRECTION. 59
siez à ses convoitises. Non ergo regnet peccatum
in vestro mortali corpore, ut obediatis coneupi-
scentiis ejus. Et ne prêtez plus désormais vos
membres au péché pour être des instruments
d'iniquité; mais offrez-vous à Dieu, comme des
hommes ressuscites à une vie nouvelle, et que vos
membres vous soient des instruments de vertu
pour la gloire de Dieu. Sed neque exhibeatis mem-
bra vestra arma iniquitatis peccato, sed exhibete
vos Deo, tamquam ex mortuis viventes, et membra
vestra arma justitiae Deo. » (Rom. vi.)
60 NOTES.
NOTES.
I. UTRUM Fl'ERIT NECESSARIUM CHRISTCM RESURGERE?
Videturquod non fuerit necessarium Christum resurgere.
Dicit enim Damasc. in 4. lib. (cap. ult.) Resurrectio est
secunda ejus quod dissolutum est et cecidit animalis, sur-
rectio. Sed Christus non cecidit per peccatum, nec corpus
ejus est dissolutum ; ut ex supra dictis patet (qu. 51 . art.
3.) non ergo propriè convenit sibi resurgere.
Praeterea, quicunque resurgit, ad aliquid altius promo-
vetur ; quia surgere est sursum moveri : Sed corpus Christi
remansit post mortem divinitati unitum, et ita non potuit
in aliquid altius promoveri : Ergo non competebat sibi
resurgere.
Praeterea, Ea quae circa humanitatem Christi sunt acta,
ad nostram salutem ordinantur : Sed sufficiebat ad salutem
nostram passio Christi ; per quam sumus liberati a pœDa et
culpa ; ut ex supra dictis patet (qu. 49. art. 7.) Non ergo
fuit necessarium quod Christus à mortuis resurgere.
Sed contra est, quod dicitur Luc ult. Oportebat Christum
pati et resurgere a mortuis.
C0NCLISI0.
Necessarium fuit Christum ex mortuis resurgere, non
modo ad divinae justitiae commendationem, ad fidei nostrae
NOTES.
61
instruclionem et spei erectionem, verum etiam ad vitœ
fidelium informationem,et salutis nostreeconsummationem.
RespODdeo dicendum, quod necessarium fuit Christum
resurgere propter quinque. Primo quidem, ad commenda-
tionem divinse justitise ad quam pertinet exaltare illos qui
se propter Deum humiliant : secundum illud Luc. 1 . Depo-
suit potentes de sede, et exaltavit humiles; quia igitur
Christus propter charitatem et obedientiam Dei, se humi-
liavit usque ad mortem crucis, oportebat quod exaltaretur
a Deo usque ad gloriosam resurrectionem. Unde ex ejus
persona dicitur in Psal. 138. (Tu cognovisti id est, appro-
basti) sessionem meam (id est humilitatem et passionem)
et resurrectionem meam (id est, glorificationem in resur-
rectione) sicut gloss. exponit. Secundo ad fidei nostrae
instructionem ; quia per ejus resurrectionem confirmala est
fides nostra circa divinitatem Chrisli, quia ut dicitur 2. ad
Cor. ult. Etsi crucifixus estinfirmitate, sed vivit ex virtute
Dei. Et ideo 1 . ad Cor. 15. dicitur, Si Christus non resur-
rexit, inanis est prsedicatio nostra, inanis^st et fides ves-
tra. Et in Psal. 29. dicitur : Quae utilitas in sanguine meo
(id est, in effusione sanguinis mei) dum descendu (quasi
per quosdam gradus malorum) in corruptionem ? quasi
dicat, Nulla : Si enim statim non resuFgo, corruptumque
fuerit corpus meum, nemini annunliabo, nullum lucrabor,
ut gloss. exponit. Tertio, ad sublevationem nostree spei,
quia dum videmus Christum resurgere, qui est caput nos-
trum ; speramus et nos resurrecturos. Unde dicit 1. ad
Cor. 15. Si Christus praedicatur quod resurrexit à mortuis,
quomodo quidam dicunt in vobis, quoniam resurrectio
mortuorum non est. Et Job. 19. dicitur : scio (scilicet per
certitudinem fidei) quod redemptor meus id est Christus)
vivit (a mortuis resurgens) et ideo in novissimo die de terra
resurrecturus sum, reposita est hase spes mea in sinu meo.
Quarto, ad informationem vitae (idelium, secundum illud
SYIMB. 11. G
62 NOTES.
Rom. 6. Quornodo Chnstus surrexit a mortuis per gloriam
patris; ita et nos in novitatœ vitae ambulemus. Et infra :
Chrislus resurgens ex mortuis, jam non moritur, ita et vos
existimate vos mortuos quidem esse peccato, viventes
autem Deo. Quinto, ad complementumnostrae salutis ;
quia sicut per hoc quod mala sustinuit, humiliatus est
moriendo, ut nos liberaret a malis ; ita glorihcalus est
resurgendo, ut nos promoveret ad bona ; secundum illud
Rom. 4 : Traditus est propter delicta nostra, et resurrexil
propter justificationem nostram.
Ad primum ergo dieendum, quod licet Christus non
ceciderit per peccatum, cecidit tamen per mortem ; quia
sicut peccatum est casus a justitia, ita mors casus a vita.
Unde ex persona Christi potest intelligi, quod dicitur Mich.
7. Ne laeteris inimica mea super me : qui cecidi, consurgam :
Similiter etiam licet corpus Christi non fuerit dissolutum
per incineralionem, ipsa tamen separatio animae a corpore,
dissolutio queedam fuit.
Ad secundum éicendum, quod divinitas erat carni Christi
post mortem unita unione personali ; non autem unione
natura?, sicut anima unitur corpori ut forma ad consti-
tuendam humanam naturam. Et ideo per hoc quod corpus
< jus nniium est anima?, promotum est in altiorem statum
nalurae, non autem in altiorem statum personœ.
Ad terlium dieendum, quod passio Christi operata est
nostram salulem, proprie loquendo, quantum ad remotio-
nem malorum ; resurrectio autem, quantum ad inchoatio-
nem etexemplar. (S Thom. 3 p. q. 53. art. 1.)
II. COMMENTAIRE SUR CES PAROLES : IL A ÉTÉ LIVRE POUR NOS
PÉCBÉS ET IL EST P.ESSUSCITÉ POUR NOTRE JUSTIFICATION.
Qui Iraditus est propter delicta nostra. Traditus in mor-
tem, idquea Pâtre. Qui etiam proprio Filio non pepercit,
NOTES. 63
sed pro nobis omnibus tradidit illum. Propter delicta sive
peccata ncstra abolenda.
Et resurrexit propter justificationem nostram. Resur-
rexit, Gnecè yjepSy suscitalus est. Tum in eo variant
Graeca, quod alia legunt Jikxix<jiv justificationem, alia
Maioowvjv justitiam : tametsi res eodem recidit, ut ex
sensu patebit. Quem ut assequamur :
Illud primo sciendum est : omne meritum Christi salva-
toris in passione ejus et morte completum fuisse, et proinde
sua resurrectione eum nihil meruisse ; uti nec ascensione in
cœlum, ac cseteris quse egit post passionem et mortem.
Quse doctrina est omnium Theologorum. Quocirca hac parte
significari non potest Christum resurgendo meruisse nos-
tram justificationem, sicut patiendo meruit deliclorum
nostrorum remissionem. Yidendum ergo quo sensu dicatur
resurrexisse propter justificationem nostram : et omnino
quis totius pericopes sensus sit. Laborant enim in eo red-
dendo interprètes.
Ac primum illud recipi nullo modo potest quod Pseu-
dambrosius in hune locum commentatur : Dicit enim eos
qui ante Domini passionem baptizati fuerunt, solam acce-
pisse remissionem peccatorum (quorum zelo, inquit, sata-
nas occidit salvatorem); post resurrectionem vero tam eos
qui prius, quam qui postea baptizati sunt, omnes justifica-
tos esse per datam formam fidei Trinitatis : Et id Paulum
existimat hoc loco significare voluisse. Sed hoc commen-
tario velut parum sano repudiato, alios audiamus.
S. Thomas dicit mortem et resurrectionem Christi hic
considerari, non ut meriti rationem babent, id enim resur-
rectioni non competere : sed ut salutares nobis fuerunt
per modum cujusdam efficientiae, sicuti fuerunt et egeterœ
omnes actiones ejus et passiones, ut pote ex virtute divini-
latis provenientes, cujus humanitas ipsius er3t instrumen-
64 NOTES.
tum. Sed quoniam, inquit, effectus aliquo modo similitu-
dinem habet suae causae ; mortem Christi, per quam in eo
extincta est mortalis vita, dicit Apostolus esse causam
extinclionis peccalorum nostrorum : resurrectionem autem
ejus, qua rediitad novam vilam gloriae, dicit esse causam
justificationis nostrae, per quam redimus ad novitatem
justitiae. Sic ille. Verum huic expositioni videtur obstare,
quod à Paulo non nominantur actiones humanitatis Christi,
sed actiones Patris : traditus est, suscitatus est, scilicet à
Pâtre.
Aliorum expositio est : mortem et resurrectionem Christi
hic consideran tantum ut causam exemplarem. Sic enim
loquuntur : tamquam Christus moriens exemplum nobis
dederit, ut nos quoque moriamur peccatis : resurgens vero
exemplum dederit, ut et nos a morte peccati resurgamus
ad novitatem vitae. Equidem typum seu figuram dicere
malim quam exemplar. Nam Christus ipse non est mortuus
vitae peccati, neque resurrexit in vitam justitiae : sed ejus
mors et resurrectio corporalis fuit typus ac figura nostrae
mortis et resurrectionis spiritualis : mortis quidem qua
peccatis morimur, resurrectionis autem qua ressuscitamur
ad justitiam : quemadmodum id plurimis exhortando
déclarât Apostolus infrà c. 6. Rectè vero dixeris Christi
resurrectionem esse causam exemplarem nostrae resurrec-
tionis, qua corporaliler resurgemus ad vitam immortalem.
Quo sensu accipiendum quod de eo canit ecclesia in praefa-
tione paschali : qui mortem nostram moriendo destruxit,
et vitam resurgendo reparavit. Qua etiam ratione primitia?
dormientium Christus vocalur. 1 Cor. 15.
Yerumtamen et hincjam dicta? expositioni (quamvis eam
suppeditent Augustinus ser. Ml. de tempore et Thomas.
3. quaest. 56, art. 2.) non parum obsistit, quod Paulus
non dixit, mortuus est : sed traditus est : nec addidit, ut
nos moriamur peccato, sed simpliciter dixit, propter delicia
nostra.
NOTES. 65
Porro Cajetanus sic interpretatur : Qui traditus est morti
propter delicta nostra delenda, resurrexit autem propter
justificationem nostram, id est, resurrexit ut crederemus,
et credentes justificaremur : quia nisi homo ille mortuus
resurrexisset ad vitam immortalem, mundus in eum non
crederet. Sed quia resurrexit, credidit mundus, et per hoc
pervenit ad mundum justificatio. Sensus hic etiam Sasboldo
et Pererio probatur : potestque ad ejus confirmationem
adduci quod scribit Petrus 4 . Epist. -1 . Qui regeneravit nos
in spem vivam per resurrectionem Jesu Christi ex mortuis.
Et infra : Qui suscitavit eum à morluis, et dédit ei gloriam,
ut fides vestra et spes esset in Deo.
Est et alia expositio quam hue adfert F. Toletus, ac
legitimam eenset : ideo videlicet dictum, resurrexisse
Christum propter justificationem nostram, quia quamvis in
morte Christi precium esset persolutum pro redemptione
generis humani, tamen applicatio precii ad hominum justi-
ficationem generaliter non erat futura (Deo nimirum sic
ordinanle) nisi pôst resurrectionem Christi, missis in mun-
dum Apostolis annunciatoribus salutis : et ideirco Chris-
tum tam cito resurrexisse, ne remedii salutaris applicatio
dilata, multorum hominum damnationis esset occasio.
Probabilis est haec expositio, quemadmodum et proximè
praecedens.
Mihi tamen simplicius ac magis germanum videtur, si
singula membra suum proprium habeant sensum accommo-
datum consuetudini sermonis Apostolici : ut traditus in
mortem Christus dicatur propter peccata nostra, id est, ut
sua morte pœnam peccatis nostrisdebitam aboleret : resur-
rexisse vero propter justitiam nostram, id est, ut sua
resurrectione typum quemdam nobis praeferret resurgendi
ad justitiam seu vitae novitatem, secundum ea quœ dicuntur
infra c. 6. vel certè, ut nobis reconciliafis ipse jam redivi-
vus et immortalis justificationem nostram, qua scilicet
66 NOTES.
mens nostra renovetur de die in diem, et quae inde sequi-
tur, salutem apud Deum promoveret, secundum id quod
dicitur capite sequenti : Si enim cum inimici essemus,
réconciliât! sumus Deo per mortem filii ejus, multo magis
recoociliali salvi erimus in vita ipsius. Ubi postremo et
illud observa contra sectarios justitiam nostram in sola
remissione peceatorum constituentes : Apostolum diserte
distinguere hase duo, deletionem peceatorum, et justitiam,
id est, vitae novitatem velut justificationis nostrae partem
prsecipuam. (Estius, commentai*, in epist. ad Romanos, cap.
k. y. 25.)
VIe ARTICLE DU SYMBOLE.
ASCENDIT AD CŒLOS, SEDET AD DEXTERAM DEI
PATRIS OMNIPOTENTES.
I» INSTRUCTION.
IL EST MONTE AUX CIEUX, IL EST ASSIS A LA DROITE DE DIEU LE
PÈRE TOUT-PUISSANT. EXPLICATION DE CES PAROLES.
RÉCIT DE LASCENSION.
EXORDE.
'1 . Le sixième article du Symbole porte que
Jésus-Christ est monté aux cieux et qu'il est assis
à la droite de Dieu le Père tout-puissant.
Il fut donné au saint roi David de contempler
ce mystère dans une lumière prophétique. Ravi
de la gloire décernée au Sauveur dans son ascen-
sion bienheureuse, il invite tous les peuples de la
terre à célébrer son triomphe avec les plus»vifs
transports de joie.
« Omnes gentes plaudite manibus, jubilate Deo
in voce exultationis... Ascendit Deus in jubila-
tione et Dominus in voce tubae. Peuples de la
terre, s'écrie-t-il, applaudissez tous, faites retentir
68 RÉCIT DE L'ASCENSION.
les airs de cantiques à la gloire de Dieu... Dieu
est monté au son des trompettes et au bruit des
acclamations. » (Ps. xlvi.)
Il est juste en effet de nous réjouir du triomphe
de Jésus-Christ. Nous gémissions dans le plus dur
esclavage: comme un guerrier magnanime, il est
venu combattre nos ennemis et nous délivrer de
l'oppression. Pour nous sauver, il n'a pas dédaigné,
lui, le Fils du Très-Haut, de se faire notre sem-
blable, de passer trente-trois ans sur la terre dans
la pauvreté, les travaux et les souffrances ; enfin,
il en est venu jusqu'à verser son sang et sacrifier
sa vie, afin de briser nos fers et de nous rendre à
la liberté. Quelle reconnaissance ne devons-nous
pas à ce généreux Libérateur? incapables de le
payer nous-mêmes de ses bienfaits , quelle ne
doit pas être notre joie de le voir récompensé et
glorifié, comme il le mérite, par Dieu son Père?
2. C'est dans ces sentiments que nous étudie-
rons le sixième article du Symbole. Deux vérités
nous y sont proposées : l'ascension de Jésus-Christ
au ciel, puis le repos dont il y jouit. Considérons-
les avec soin, afin non-seulement de les croire
et d'en avoir l'intelligence, mais aussi de les
exprimer dans notre vie, avec le secours de la
grâce.
Dans cette instruction, je vous expliquerai
d'abord les termes dans lesquels le Symbole
s'énonce ; et dans un second point, je vous rap-
pellerai les circonstances de l'ascension.
RÉCIT DE L'ASCENSION. 69
0 Marie ! et vous, saints apôtres et premiers
disciples de Jésus, vous qui avez été les heureux
témoins de son triomphe, prêtez-nous vos cœurs
pour y applaudir.
PREMIER POINT.
3. Jésus-Christ est monté au ciel. Que croyons-
nous par ces paroles du Symbole ? Nous croyons
que le Fils de Dieu, qui, du sein de son Père,
était venu en ce monde pour nous racheter, est
monté au ciel, après avoir consommé le grand
ouvrage de notre rédemption.
Mais en quelle qualité y est-il monté? Est-ce
comme Dieu, est-ce comme homme? Certes, il ne
peut être ici question de sa divinité. Comme
Dieu, Notre-Seigneur est partout, remplit tout et.
n'a jamais par conséquent quitté le ciel. C'est
donc comme homme qu'il y est monté, c'est-à-
dire en corps et en âme, avec notre propre
nature, avec l'humanité toute semblable à la
nôtre dont il avait daigné se revêtir.
4. Mais comment y est-il monté? Y fut-il élevé
comme le prophète Elie dans un char de feu? Vous
savez que ce saint prophète, tout consumé de zèle
pour la gloire de Dieu, fut ainsi ravi à la terre. Il
donnait ses dernières instructions à son disciple
Elisée, lorsque tout à coup un char enflammé,
traîné par des chevaux qui semblaient de feu,
descend du ciel, se dirige vers lui, le sépare de son
70 RÉCIT DE L'ASCENSION.
disciple et l'emporte dans les airs. Notre-Seigneur
eut-il besoin d'un secours étranger, comme le
prophète Habacuc, ou comme le saint diacre Phi-
lippe, qu'une force divine transporta à une grande
distance? Pendant la captivité des Juifs à Baby-
lone, le prophète Daniel ayant été jeté dans la fosse
aux lions, le prophète Habacuc, qui se trouvait
pour lors en Judée, reçut d'un ange l'ordre d'aller
porter à Daniel le dîner qu'il avait préparé pour
ses moissonneurs. Seigneur, lui répondit le pro-
phète, je ne connais ni Babylone ni la fosse aux
lions. A ces mots, l'ange le saisit par les cheveux
et le transporte en un clin d'oeil au lieu marqué, et
le ramène de la même manière en Judée. Plus tard,
il arriva quelque chose de semblable au diacre
saint Philippe. Il venait de baptiser l'Eunuque de
la reine de Candace sur la route de Gaza, et tout
d'un coup, il se trouva transporté dans la ville
d'Azoth.
Est-ce de cette manière que Notre-Seigneur a
été élevé au ciel ?
Aucunement. Jésus-Christ monta au ciel en
vertu de sa propre puissance, par un acte de sa
volonté. Il n'eut besoin pour s'y élever ni du
ministère des anges, ni d'aucune assistance étran-
gère. Comme Dieu, il pouvait sans doute trans-
porter sa sainte humanité partout où il voulait ;
mais ce n'est pas seulement en vertu de la toute-
puissance divine qu'il Ta transportée dans les cieux,
c'est même comme homme.
RÉCIT DE L'ASCENSION. 74
Vous me direz peut-être qu'un homme n'a pas
ce pouvoir. Vous dites vrai : l'homme dans l'état
où il est sur la terre, l'homme encore sujet à la
mort, ne peut naturellement monter au ciel. Le
poids de son corps le retient attaché à la terre.
Mais quand notre corps aura été transformé par la
résurrection, il en sera tout autrement. Alors,
revêtu de l'immortalité et devenu en quelque sorte
tout spirituel, il sera doué d'une agilité et d'une
subtilité surnaturelles , qui lui permettront de
franchir les distances et les obstacles au gré de la
volonté.
Or le corps de Jésus-Christ était déjà en pos-
session de la gloire ; il jouissait de toutes les pré-
rogatives des corps glorieux.
C'est ainsi que son âme bienheureuse a pu le
mouvoir selon qu'il lui plaisait et par sa seule force,
et que le corps de son côté a pu se prêter sans
difficulté au mouvement de l'âme.
En disant que Jésus-Christ est monté aux cieux,
nous devons donc entendre qu'il s'y est transporté
lui-même par le pouvoir qu'il en avait et comme
Dieu et comme homme.
5. Le Symbole ajoute qu'il est assis à la droite
de Dieu le Père tout-puissant .
Que signifie d'abord cette manière de parler : à
la droite de Dieu?
Cette manière de parler est figurée, c'est-à-dire,
employée pa*r comparaison. Pour s;accommoder à
notre façon de concevoir, l'Ecriture prête souvent
it RECIT DE L ASCENSION.
à Dieu un corps et des sentiments humains. Ainsi,
voulant signifier qu'il voit tout, elle dit que tout est
nu et à découvert devant ses yeux. Pour marquer
sa puissance, elle dit que son bras n'est point rac-
courci, que les cieux sont l'œuvre de ses mains, et
se sert d'autres expressions analogues. Ces façons
de parler ne peuvent être prises à la lettre, puisque
Dieu est un pur esprit et qu'il n'a ni eorps, ni
mains, ni aucun de nos membres.
11 en est de même de cette parole du Symbole :
à la droite de Dieu. Elle ne signifie pas que Dieu
ait une droite et une gauche ; mais comme dans la
société humaine, il est convenu que la droite est
la place d'honneur, par analogie, pour signifier
que Jésus-Christ s'est acquis comme homme une
gloire supérieure a toute créature, qu'il occupe
dans le ciel le trône le plus brillant, nous disons
qu'il est assis à la droite de son Père.
6. Cette autre expression, il est assis, ne désigne
pas non plus, à proprement parler, la situation où
il se tient ou certaine position du corps; mais elle
indique l'autorité souveraine dont Jésus-Christ a
été investi comme homme par son Père et le repos
immuable dont il jouit au ciel. En effet, dit l'Apôtre,
« son Père, l'ayant ressuscité des morts, l'a placé
à sa droite dans les cieux, au-dessus de toutes les
principautés, de toutes les puissances, de toutes
les vertus, de toutes les dominations et de tout ce
qu'il y a de plus grand soit dans le siè*cle présent,
soit dans le siècle futur ; en un mot, il lui a mis
RÉCIT DE L'ASCENSION. 73
toutes choses sous les pieds. Suscitans illum à
mortuis et constituées ad dexteram suara in cceles-
tibus, supra omnem principatum, et potestatem,
et virtutem, et dominationem, et omne nomen
quod nominatur non solum in hoc saacuîo, sed
etiam in futuro ; et omnia subjecit sub pedibus
ejus. » (Ephes. i.)
Cette gloire est unique ; elle n'a été accordée
qu'à la sainte humanité de Notre-Seigneur; elle lui
appartient exclusivement ; aucune simple créature
n'en est capable. C'est ce qui a fait dire au même
Apôtre dans un autre passage : « Quel est celui
des anges à qui le Seigneur a jamais dit : asseyez-
vous à ma droite? Ad quem autem angelorum
dixit aliquando : sede à dextris meis. » (Hebr. 1.)
. C'est encore ce qui a inspiré à la sainte Eglise
ces félicitations solennelles qu'elle adresse au Ré-
dempteur montant aux cieux :
sterne Rex altissime,
Redemptor et fîdelium,
Cui mors perempta detulit
Sumrnse triumphum gloriee !
Ascendis orbes siderum,
Quo te vocabat cœlitùs
Collata, non humanitus,
Rernm potestas omnium ;
Ut trina rerum machina
Cœlestium, terrestrium,
Et inferorum condila,
Flectat genu jam subdita
.'4 RECIT DE L ASCENSION.
0 Roi éternel et plein de majesté, ô Rédemp-
teur du monde, vous à qui la destruction de la
mort a valu le triomphe le plus glorieux ! Vous
montez au-dessus des sphères célestes, là où vous
appelait la puissance suprême qui vous a été
donnée sur l'univers, non par les hommes, mais
par le ciel. Voici donc que la triple machine du
monde, le ciel, la terre, les enfers, enfin que tout
ce qui est créé, va fléchir humblement le genou
devant vous 3
Tremunt \identes Angeli
Versam vicem mortalium :
Peccat caro, mundat caro,
Régnât Deus Dei caro.
Les anges sont saisis d'étonnement, en voyant
la destinée des mortels ainsi changée : la chair
avait péché, la chair efface le péché, le Dieu fait
chair règne avec l'humanité au plus haut des cieux !
Jésus-Christ assis à la droite de Dieu le Père,
c'est donc notre nature couronnée de gloire et
d'honneur, revêtue d'une puissance souveraine et
universelle, jouissant du plus délicieux repos au
sein de Dieu, dans la personne du Verbe incarné !
Nous entendons suffisamment le mystère ;
voyons maintenant comment il s'est accompli.
SECOND POINT.
7. Saint Luc fait un admirable récit de l'Ascen-
sion dans les Actes des Apôtres. Laissez-moi vous
RÉCIT DE LASCENSION. 75
le redire, en intercalant quelques courtes ré-
flexions.
a Le Seigneur Jésus, dit-il, se montra à ses
disciples après sa passion et leur donna une foule
de preuves de sa résurrection, leur apparaissant
durant quarante jours et leur parlant du royaume
de Dieu. »
Ce séjour prolongé avait pour but de les con-
vaincre de ce grand miracle et d'achever leur
instruction. C'est dans cet intervalle que le Sauveur
mit la dernière main à la fondation de son Eglise,
en lui donnant pour chef suprême saint Pierre.
Mais avant que les Apôtres se missent en devoir
d'aller prêcher l'Evangile par toute la terre, ils
avaient besoin d'être revêtus de la force d'en haut.
« Un jour donc, continue saint Luc, que Jésus
mangeait avec eux, il leur commanda de ne point
sortir de Jérusalem, mais d'y attendre la promesse
du Père; promesse, leur dit-il, que vous avez
reçue de ma bouche; car Jean a baptisé dans l'eau:
pour vous, dans peu de jours vous serez baptisés
dans le Saint-Esprit. »
Le divin Maître rappelait ici à ses disciples l'en-
gagement qu'il avait pris, la veille de sa mort, de
ne point les laisser orphelins, « Je prierai mon
Père, leur avait-il dit, et il vous enverra un autre
Paraclet, qui demeurera toujours avec vous, l'Es-
prit de vérité. »
Encore remplis des préjugés de leur nation tou-
chant le règne temporel du Messie, « ceux qui
76 RÉCIT DE L'ASCENSION.
étaient présents lui firent alors cette demande :
Seigneur, sera-ce dans ce temps que vous rétablirez
le royaume d'Israël? Le Seigneur leur répondit :
ce n'est pas à vous de savoir le temps et les mo-
ments que le Père a marqués dans sa puissance.
Mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui
descendra sur vous, et vous me rendrez témoi-
gnage dans Jérusalem et dans toute la Judée et la
Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre
« Après qu'il eut dit ces paroles, il s'éleva vers
le ciel en leur présence, et une nuée le déroba à
leurs yeux. Et comme ils le suivaient du regard,
montant au ciel, deux hommes vêtus de blanc se
présentèrent tout à coup et leur dirent : hommes
de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder
au ciel? Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé
au ciel, en viendra de la même manière que vous
l'y avez vu monter. » (Act. Apost. i.)
8. Ainsi se termina la carrière de notre divin
Sauveur sur la terre.
Tous ses autres mystères se rapportent à son
ascension comme à leur terme ; ils y trouvent leur
complément et leur perfection. De même que tous
les mystères de la religion tirent leur origine de
son incarnation, de même son ascension met fin a
son pèlerinage en ce monde.
Mais entre ces deux termes, que d'humiliations,
de travaux, de souffrances! Ah! quel douloureux
exil la terre a été pour Jésus-Christ. Rebuté dès
sa naissance, il n'a pour naître qu'une étable, une
îtÉciT de l'ascension. 77
crèche et un peu de paille ; à peine a-t-il vu le
jour, que le cruel Hérode cherche à le faire périr,
en l'enveloppant dans le massacre des enfants de
Bethléem ; réduit à passer les premières années
de son enfance dans une terre étrangère, il ne
rentre dans sa patrie que pour vivre dans l'obscu-
rité de la pauvre maison de Nazareth, travaillant
de ses mains comme un simple artisan, vivant
soumis à Marie et à Joseph comme un enfant or-
dinaire, jusqu'à l'âge de trente ans. Sa vie aposto-
lique commence alors, et depuis cette époque
jusqu'à sa mort, ce n'est plus qu'un enchaînement
de voyages et de fatigues pour prêcher l'Evangile.
11 vit d'aumônes ; il n'a d'autre gîte que celui de la
charité ; le Fils de l'homme n'a pas une pierre où
reposer sa tête. De quel zèle il est consumé pour
la gloire de son Père et pour le salut des hommes!
Chacun de ses pas est empreint de vertu et d'amour ;
la volonté de son Père fait sa nourriture ; il ne
respire que pour lui plaire et faire l'œuvre dont il
l'a chargé ! Enfin le moment de son sacrifice est
venu ! A quel prix il achète notre réconciliation !
Dans quelle mer d'opprobres et de douleurs il faut
qu'il soit plongé ! De quelle mort il faut qu'il meure î
De la mort des criminels, au nombre desquels il
consent à être rangé, mourant sur la croix entre
deux voleurs !
Telle est la carrière qu'il a parcourue, avant de
parvenir à la gloire de son ascension.
(( Nonne oportuit Christum pati et ita intrare in
SYMB. 11. 7
/8 RÉCIT DE L ASCENSION.
gloriam suam? Ne fallait-il pas, dit-il lui-même,
que le Christ souffrît et qu'il entrât ainsi dans sa
gloire? »
9. Tous les autres mystères de la vie de Jésus-
Christ,- nous font donc connaître ses anéantisse-
ments.
Fils unique de Dieu, nous l'avons vu se revêtir
de notre nature et de nos infirmités ; Saint des
saints, nous l'avons vu souffrir et mourir pour les
péchés des hommes ; peut-on concevoir une hu-
miliation plus profonde, un abaissement plus pro-
digieux? Mais c'en est fait : le temps est venu pour
le Sauveur de recevoir sa récompense. Le mystère
de sa résurrection, dont nous parlions dernière-
ment, et celui de son ascension qui nous occupe
en ce moment, nous découvrent sa gloire souve-
raine et sa majesté divine, et avec quel éclat, avec
quelle magnificence !
Perrumpis infernum chaos,
Vinctis catenas detrahis,
Victor, triumpho nobili,
Ad dexteram Patris sedes.
a Vous brisez, lui dit l'Eglise, les portes de l'in-
fernal abîme ; vous faites tomber les fers de ses
captifs ; vainqueur, vous recevez les honneurs du
triomphe et vous siégez à la droite du Père ! »
« Déjà, comme l'observe saint Léon, Notre-Sei-
gneur avait laissé percer, sous la forme d'esclave,
plus d'un rayon de sa divinité ; mais les actes de
RÉCIT DE L'ASCENSION. 79
sa vie mortelle avaient proprement pour but de
prouver la vérité de son incarnation. Après sa
passion, lorsqu'il eut brisé les liens de la mort qui,
en frappant l'Innocent avait perdu son aiguillon,
sa faiblesse est changée en force, sa mortalité en
immortalité, son humiliation en gloire. » (Serm. 2,
de Ascensione Domini.)
CONCLUSION.
■10. 0 Jésus! il était bien temps de mettre un
terme à vos travaux, à vos abaissements et à vos
souffrances ! Vous vous êtes anéanti jusqu'à la
mort de la croix ; il est juste que vous montiez au
comble de la gloire ! Père Eternel ! commandez
que votre divin Fils, victime d'obéissance, reçoive
dans son humanité sainte, une mesure de conso-
lation égale à la mesure de ses douleurs ! Par
lui, votre gloire a été réparée avec avantage ;
par lui, le péché a été effacé ; par lui, votre misé-
ricorde et votre vérité se sont rencontrées ; en lui
la justice et la paix se sont donné le baiser de ré-
conciliation ; glorifiez-le maintenant en commu-
niquant à son humanité la gloire dont il jouissait
en vous de toute éternité. « Clarifica me, Pater,
claritate quam habui, priusquam mundus esset
apud te ! »
Et vous, anges du Ciel, princes de la maison de
Dieu, ouvrez-en les portes au Roi de gloire qui
va y entrer. « Attolite portas, principes, vestras, et
clevamini, porta^aeternales, et introibit Rex glo-
80 RÉCIT DE LASCENSION.
riae. » Et si vous me demandez quel est ce roi de
gloire ? quis est iste rex gloriae ? je vous répondrai
que, bien qu'il soit couvert de la robe de notre
humanité et qu'il s'élève du désert de la terre, il
est cependant le Seigneur fort et puissant, le Sei-
gneur puissant dans le combat, le Seigneur des
vertus. Je vous répondrai qu'abaissé un peu au-
dessous de vous par son incarnation, il n'en est
pas moins Celui que vous avez reçu l'ordre d'ado-
rer et qui mérite tous vos hommages.
0 Jésus! ô aimable Sauveur! nous vous félici-
tons de votre triomphe ; nous y applaudissons de
tout notre cœur. Maintenant que vous régnez au
plus haut des cieux, usez de votre pouvoir, nous
vous en prions, pour nous pardonner nos péchés,
et après avoir purifié nos cœurs, attirez-les à vous
par les doux attraits de votre amour.
Hinc te precantes, quaesumus,
Ignosce culpis omnibus
Et corda sursuqn subleva
Ad te, superna gratiâ.
Oui, divin Sauveur, accordez-nous cette grâce,
afin que, lorsque vous apparaîtrez soudain comme
juge sur les nuées du Ciel, vous nous remettiez
les peines que nous avons méritées, et nous ren-
diez les couronnes que nous avons perdues.
Dl eu m repente cœperis
Clarere nube jodîcis
Pœaas repellas débitas,
Reddas coronas perditas.
MOTIFS ET FRUITS, ETC
II" INSTRUCTION.
MOTIFS ET FRUITS DE L ASCENSION DE JÉSUS-CHRIST.
EXORIiE.
! . Dans l'entretien précédent, nous vous avons
expliqué le sens du sixième article du Symbole :
« Il est monté aux cieux et il est assis à la droite
de Dieu le Père Tout-puissant. »
Par ces paroles, nous devons comprendre que
Jésus-Christ, ayant prolongé sa demeure sur la
terre pendant quarante jours après sa résurrection,
la quitta enfin pour aller prendre possession de sa
gloiredans les cieux. 11 y monta sans aucun secours
étranger, et non pas seulement en vertu de sa
puissance divine, mais encore par l'effet de l'em-
pire absolu que l'ame acquiert sur le corps res-
suscité, empire qui est tel qu'elle le transporte
partout à son gré, sans obSacle ni difficulté. Il
monta donc de lui-même au ciel, non pas toutefois
comme Dieu, puisqu'en cette qualité, il est par-
tout, mais comme homme.
Là, le Symbole nous le représente assis, pour
signifier son repos et sa puissance, et assis à la
droite de Dieu le Père, pour marquer par cette ex-
82 MOTIFS ET FRUITS
pression figurée qu'il y occupe la place la plus
éminente.
En écoutant ensuite le récit de son Ascension
par saint Luc, nous avons en quelque sorte suivi
des yeux sa marche triomphale. Il nous a semblé
que nous nous trouvions pour un moment sur cette
montagne à jamais célèbre des oliviers, d'où le
Sauveur, bénissant pour la dernière fois ses disci-
ples, prit l'essor vers lescieux, ayant pour cortège
les saints de l'Ancien Testament qu'il avait délivrés
des Limbes. Quel triomphe! quelle gloire! que ce
mystère est propre à élever nos pensées et nos
atfections !
2. Mais jusqu'ici nous n'en avons encore consi-
déré que le dehors ; nous n'en avons qu'à peine
effleuré la surface ; il faut y revenir, pour le médi-
ter plus a fond .
En effet, quand on veut se faire une juste idée
des mystères, en acquérir une connaissance exacte,
en tirer beaucoup de lumières et de grâces, il ne
suffit pas de savoir en gros comment ils se sont
accomplis; mais il est bon d'en rechercher les mo-
tifs, d'en voir les conséquences, autant du moins
que la faiblesse de notre intelligence le permet, à
l'aide du flambeau de la foi.
C'est ce que nous avons fait pour le mystère de
la résurrection. Grâce aux enseignements de l'A-
pôtre, nous avons pu saisir quelques-unes des rai-
sons de convenance de ce mystère et les rapports
qu'il a avec notre propre résurrection.
DE L'ASCENSION DE J.-C. 83
Nous allons faire la même étude sur l'Ascension
deNotre-Seigneur.
Première question à examiner : pour quelles
raisons Jésus-Christ est-il monté au ciel? seconde
question : quels ont été pour nous les avantages de
son Ascension?
L'éclaircissement de ces deux points en nous
donnant plus de lumière, nous donnera aussi, j'es-
père, plus d'amour envers la personne adorable de
notre Sauveur. Demandons à Marie de nous obte-
nir cette grâce. Dites une seule parole, ô sainte
Vierge, et nous serons exaucés !
PREMIER POINT.
3. La première raison pour laquelle Jésus-Christ
est monté au ciel, c'est l'état glorieux de son corps
ressuscité. •
De passible et mortel qu'il était auparavant, il
devint par l'effet de sa Résurrection, impassible et
immortel. Ce n'est plus ce corps sujet à toute sorte
de besoins et d'infirmités, que la fatigue abat, que
la souffrance consume, que la mort glace et prive
de tout mouvement ; c'est un corps plus lumineux
que les astres, plus léger que l'air, plus prompt
que l'éclair, plus pur que lescieux.
La terre, cette obscure demeure, ce lieu d'exil
et d'épreuve, ce pénitentiaire enfin où le genre
humain doit s'épurer dans la douleur ; la terre
était-elle encore un séjour assez digne de lui? Non
84 MOTIFS ET FRUITS
certes, et pour croire le contraire, il faudrait avoir
oublié qu'elle a été condamnée à se hérisser de
ronces et d'épines, qu'elle est une vallée de larmes,
un théâtre de luttes et de misères, un vaste tom-
beau où toutes les générations viennent s'ensevelir
tour à tour. Et ne me dites pas qu'elle a cependant
ses beautés et ses merveilles enfantées par la na-
ture ou par le génie de l'homme ; si admirables
en effet que soient toutes ces choses, elles ne sont
au plus qu'une ombre des magnificences du ciel.
Le Seigneur nV-t-il pas dit en parlant de la terre
qu'elle est son marche-pied, et que c'est au ciel
qu'est sa demeure? « Cœlum mihi sedes est ; terra
autem scabellum pedum meorum. »
Donc encore une fois, elle ne pouvait plus
servir de séjour au Sauveur ressuscité. Venant au
monde, une étable lui a suffi, parce qu'il voulait
s'humilier ; aujourd'hui qu'il est glorifié, le Ciel
des cieux est la seule résidence qui convienne à son
humanité triomphante.
11 entre donc au ciel, semblable à un roi victo-
rieux qui fait son entrée dans sa capitale. 11 va
s'asseoir sur le trône qu'il a conquis par son sang.
C'est de là, comme nous le verrons tout à l'heure,
que, tenant en main les rênes de son empire, il
dirige toutes choses au salut des âmes qu'il a
rachetées.
4. Une autre raison pour laquelle il est monté
au ciel, c'est pour témoigner par le fait que son
royaume n'était pas de ce monde.
DE L'ASCENSION DE J.-C. 85
Que sont les royaumes d'ici-bas? Des lambeaux
de terre, des sceptres fragiles, des trônes qui ne
sont soutenus que par les armes et la force. Le
royaume de Jésus-Christ n'est point temporel,
comme les Juifs se le figuraient, mais spirituel,
c'est-à-dire, qu'il se compose d'âmes, et éternel,
c'est-à-dire, qu'aucune révolution ne peut le dé-
truire.
Ce royaume tout spirituel a aussi pour fon-
dement une puissance et des richesses toutes spiri-
tuelles.
Quels sont, demanderez-vous, les plus riches et
les plus considérables dans ce royaume ?
Ce sont ceux qui ont le plus d'ardeur et d'em-
pressement pour les choses de Dieu, qui observent
ses commandements avec plus de fidélité, qui
ont plus de zèle pour sa gloire, en un mot, ceux
qui s'appliquent le plus à acquérir la sainteté.
C'est en ce sens que l'apôtre saint Jacques disait :
« Le Seigneur n'a-t-il pas choisi ceux qui étaient
pauvres selon le monde pour les rendre riches
selon la foi et en faire les héritiers du royaume
qu'il a promis à ses amis? Nonne Deus elegit pau-
peres in hoc mundo, divites in fîde et haeredes
regni quod repi omisit Deus diligentibus se ? »
{Jacob, h.)
5. Enfin un troisième motif de l'ascension : Jésus-
Christ en montant au ciel, a voulu y attirer à sa
suite nos pensées et nos désirs.
SYMB. II. 8
86 MOTIFS ET FRUITS
Par sa mort et sa résurrection, il nous a appris
à mourir et à ressusciter en esprit, c'est-à-dire, à
mourir au péché et à ne vivre que pour lui ; de
même par son ascension, il nous enseigne à n'être
plus que de corps sur la terre et à vivre en esprit
dans le ciel.
Oui, du haut du ciel, il nous exhorte à nous con-
sidérer ici-bas comme des pèlerins et des étran-
gers qui soupirent sans cesse après la patrie,
comme les concitoyens des saints, comme des ser-
viteurs attachés à la maison de Dieu.
Heureux ceux qui travaillent de la sorte à se
détacher de tout ce qui passe! Ils peuvent dire
avec l'Apôtre : « Nostra autem conversatio in
cœlis esL Nous vivons par avance dans le ciel. »
[Phi H pp. il)
Voilà pour quels motifs Notre-Seigneur est monté
au ciel. Oh ! combien ils sont propres à élever nos
pensées au-dessus de la terre, à détourner nos
regards des choses du temps et à les fixer sur celles
de l'éternité '
S'il y a là de quoi ravir nos esprits, nous serons
encore plus touchés sans doute des avantages que
Jésus-Christ a attachés à ce mystère.
SECOND POINT.
6. Ces avantages sont infiniment précieux, et
nulle langue humaine ne saurait les exprimer di-
gnement.
Le saint roi David, à qui Dieu révéla tant de
DE L'ASCENSION DE J.-C. 87
choses, vit d'avance quelques-uns des résultats de
l'ascension du Sauveur. Voici comment il en parle :
Ascendens in altum, captivam duxit captivitatem ;
dédit dona hominibus. En montant aux cieux, le
Seigneur a emmené captifs les captifs eux-mêmes ;
et il a répandu ses dons sur les hommes. » (Ps.
lxvii.) L'Apôtre, interprétant ce passage, l'applique
à ce mystère ; et qui ne voit avec quelle admirable
justesse il s'y rapporte? Notre-Seigneur n'a-t-il pas
en effet emmené en triomphe avec lui les âmes des
justes qui jusque là étaient restées prisonnières
dans les limbes? Et lorsqu'il se fut assis à la droite
de son Père, n'a-t-il pas versé les dons de sa grâce
sur les hommes avec une libéralité vraiment
divine?
Fidèles à ses dernières recommandations , les
apôtres se tenaient renfermés a Jérusalem dans le
Cénacle, vivant dans la retraite, la prière et la plus
parfaite union, lorsque le dixième jour, qui était
celui de la Pentecôte, on entendit tout à coup un
bruit venant du ciel, comme celui d'un vent impé-
tueux, qui remplit toute la maison où ils étaient.
Alors il parut comme des langues de feu qui se
divisèrent et allèrent se reposer sur chacun d'eux.
Tous en ce moment furent remplis du Saint-Esprit.
Le premier don de Jésus-Christ monté au ciel
fut donc celui du Saint-Esprit, don admirable par
lequel il changea soudainement les apôtres en des
hommes tout nouveaux, les éclaira des plus vives
lumières, les combla de ses grâces, les revêtit
88 MOTIFS ET FRUITS
d'une force invincible, leur communiqua le don
des langues, afin qu'ils pussent annoncer l'Evangile
par toute la terre.
Alors fut accomplie la promesse magnifique qu'il
leur avait laissée : a II vous est avantageux que je
m'en aille ; car si je ne m'en vais, le Consolateur
ne viendra pas à vous; au contraire, si je m'en
vais, je vous l'enverrai. Expedit vobis ut ego
vadam ; si enim non abiero, Paraclitus non veniet
ad vos; si autem abiero, mittam eum ad vos. »
(Joan. xvi.)
7. Autre avantage de l'ascension : Jésus-Christ
dans le ciel se tient devant le trône de son Père et
y fait l'office d'avocat en notre faveur.
L'apôtre saint Paul nous le représente sans cesse
occupé de nos intérêts, « Semper vivens ad inter-
pellandum pro nobis. » Saint Jean l'appelle notre
avocat et exhorte les plus grands pécheurs à re-
courir avec confiance à sa médiation. Mes chers
enfants, disait-il aux premiers fidèles, je vous écris
ceci, afin que vous ne péchiez point. Cependant
s'il arrive que l'un de vous pèche, nous avons pour
avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le Juste par
excellence, et c'est lui qui est la victime de propi-
tiation pour nos péchés, et non-seulement pour les
nôtres, mais encore pour ceux de tout le inonde.
Filioli mei, hase scribo vobis ut non peccetis; sedet
si quis peccaverit, advocatum habemus apud Pa-
trem Jesum Christum Justum,et ipseest propitiatio
propeccatis nostris, non pro nostris autem tantum
DE L'ASCENSION DE J.-C. 89
sed et pro totius mundi. » (1 Joan. n.) Il avait
d'autant plus sujet de parler ainsi que, dans une
de ses visions, il a vu ce même Jésus-Christ, de-
bout devant le trône de Dieu, semblable à un
agneau qui vient d'être immolé ; touchante image
par laquelle le Sauveur a voulu nous apprendre
qu'il offre perpétuellement les mérites de son
sacrifice à son Père en faveur du genre humain.
Dans l'ancienne loi, le Grand-Prètre entrait une
fois chaque année dans le Saint des Saints, pour y
offrir le sang des victimes. Jésus-Christ, dit l'Apôtre,
est entré de même dans le tabernacle du ciel, non
pas avec le sang des animaux, mais avec son propre
sang, afin de se présenter pour nous devant son
Père. Et n'est-ce pas pour attendrir plus sûrement
sa miséricorde, qu'il a conservé dans ses pieds et
ses mains les cicatrices de ses plaies? Oh! quelle
puissance, quel crédit n'a pas sa prière, lorsqu'il
élève vers le trône de Dieu ses mains transpercées
et qu'il montre à son Père la trace toujours visi-
ble de la lance qui a ouvert son cœur?
Quelle joie donc et quelle consolation pour nous,
chrétiens, d'avoir un médiateur et un avocat si
éminent auprès de Dieu? A qui nos intérêts pou-
vaient-ils être mieux confiés? Notre salut éternel
n'est-il pas en sûreté entre ses mains, si nous le
voulons? Jésus-Christ ne néglige rien de son côté :
soyez fidèles du vôtre à correspondre à sa grâce.
8. Voici un nouveau bienfait de l'Ascension :
SYJIB. II. 8*
90 MOTIFS ET FRUITS
Jésus-Christ en montant au ciel est allé nous- y
préparer une place. C'est lui-même qui nous le
déclare : « Yado pararevobis locum. »
Le premier, il a pris possession de la gloire
céleste ; mais ce n'est pas en son nom seulement,
c'est au nom de nous tous, c'est au nom de tous les
membres de ce corps mystique dont il est le chef.
« Ascensio Christi, dit saint Léon, nostra provectio
est, et quo praecessit gloria capitis, eo spes vocatur
et corporis. L'ascension de Jésus-Christ est notre
propre exaltation ; là où nous a précédés notre
glorieux chef, là tout le reste du corps peut espérer
de parvenir. » (Serm. 1 de Ascens. Dom.)
En effet, en pénétrant le premier dans le ciel,
il nous a rouvert les portes que le péché d'Adam
avait fermées; il nous a frayé le chemin du bonheur
éternel.
11 l'avait prédit dans la dernière cène à ses chers
disciples. En conformité de sa promesse, il com-
mence, au jour de son ascension, par introduire
en paradis les justes qu'il avait affranchis de la
prison des limbes. Leur délivrance, leur intro-
duction au ciel est le gage du bonheur tout sem-
blable qui nous est réservé.
9. Plaçons-nous maintenant à un autre point de
vue. Considérons quel essor nouveau l'ascension
donne aux vertus chrétiennes.
Quels fruits de salut n'a-t-elle pas encore pro-
duits sous ce rapport? C'est toute une nouvelle
DE L'ASCENSION DE J.-C. 91
série d'avantages à joindre à ceux que nous avons
déjà marqués.
En premier lieu, elle a rendu notre foi bien plus
méritoire.
L'objet de la foi, c'est l'invisible et l'incompré-
hensible. Si Noire-Seigneur fut demeuré sur la
terre, quel mérite aurions-nous eu de croire en lui?
Certes, il eût été beaucoup moindre. Lui-même
l'a témoigné clairement, quand il dit à Thomas :
« Vous croyez, parce que vous avez vu ; heureux,
ceux qui n'ont point vu et qui ont cru ! Quia vidisti
me , Thoma credidisti ; beati qui non viderunt et
crediderunt ! » {Joan. xx.)
10. Ensuite, l'ascension sert aussi merveilleu-
sement à affermir notre espérance.
Si nous croyons que Jésus-Christ est monté au
ciel comme homme, si, dés yeux de la foi, nous
voyons notre humanité assise en sa personne à la
droite de Dieu, comment ne pas espérer fermement
que nous, membres de Jésus-Christ , nous irons
nous réunir un jour à notre chef?
Le Sauveur ne nous en a-t-il pas fait la .pro-
messe? (( Mon Père, ceux que vous m'avez donnés,
je Veux, a-t-il dit, que là où je suis, eux aussi y
soient avec moi. Pater, quos dedisti mihi, volo, ut
ubi sum ego, et illi sint mecum. » (Joan. xvn.)
ce En élevant notre nature au-dessus des astres,
dit saint Augustin, il a montré que les cieux seraient
aussi ouverts à ceux qui croient en lui ; en trans-
portant le vainqueur delà mort dans les cieux, il a
92 MOTIFS ET FRUITS
frayé le chemin à ceux qui seront vainqueurs des
vices. Dum humanam conditionem sideribus im-
portavit, credentibus cœlum patere possemonstra-
vit, et dum victorem mortis in cœlestia elevavit,
victoribus quo sequantur, ostendit. » (serm. 5. de
ascens.)
1 1 . L'Ascension de Jésus-Christ a enfin pour
effet d'épurer nos affections et d'enflammer notre
cœur du feu divin de la charité. Et ce n'est pas as-
surément le moins précieux des biens qu'elle nous
a procurés, puisque le moindre degré de charité est
incomparablement au-dessus de tous les trésors du
monde.
Mais comment le mystère de l'Ascension obtient-
il ce résultat?
Le voici : là où est notre trésor, là est notre
cœur, a Ubi thésaurus tuus, ibi et cor tuum erit. »
C'est le divin Maître lui-même qui l'a dit. Suppo-
sons donc que Notre-Seigneur fut demeuré sur la
terre, que serait-il arrivé? Le bonheur de contem-
pler son humanité et de jouir de son commerceeût
été toute notre ambition ; nous n'eussions vu en lui
que l'homme, un homme sans doute qui méritait
toute notre reconnaissance pour ses bienfaits ; mais
notre amour pour lui eût été trop humain, nos ser-
vices trop intéressés.
En montant au ciel, Notre-Seigneur a dérobé
son humanité à nos regards et il a rendu notre
amour pour lui plus spirituel et plus noble. Quand
nous pensons maintenant à lui, nous ne pouvons
DE L'ASCENSION DE J.-C. 93
nous empêcher de nous rappeler qu'il est notre
Dieu, et c'est en cette qualité que nous l'honorons
et que nous l'aimons.
Il était donc nécessaire qu'il nous ôtât sa pré-
sence visible. Nous le voyons par l'exemple des
Apôtres. Eux aussi eurent une affection trop hu-
maine pour Notre-Seigneur, pendant qu'ils jouirent
de sa vue. Et que leur dit-il, à ce sujet? «Il vous est
avantageux, leur dit-il, que je m'en aille. Expedit
vobis ut ego vadam. » (Joan. xvi.) L'amour qu'ils
lui portaient était trop imparfait ; il avait besoin
d'être perfectionné par l'amour divin, c'est-à-dire,
parla descente du Saint-Esprit dans leurs cœurs ;
c'est pourquoi Notre-Seigneur ajoute immédiate-
ment : «Si je ne m'en vais, le Consolateur ne vien-
dra pas à vous. Sienim non abiero, Paraclitusnon
veniet ad vos. »
J'avais donc raison de dire que l'Ascension du
Sauveur donne un élan nouveau à notre foi, à notre
confiance et à notre amour. Jésus-Christ montant
au ciel est comme cet aigle qui apprend à ses petits
à voler. «Sicutaquila provocans ad volandum pul-
lossuos, et super eosvolitans, expandit alas suas. »
(Deuter. xxxn.) Il nous excite par son exemple à
nous élever au-dessus des choses de la terre et à
ne respirer que pour celles du ciel. Il nous provo-
que à le suivre. Il avait dit avant sa passion : « Et
ego, cum exaltatus fuero à terra, omnia traham ad
meipsum. Quand j'aurai été élevé de terre, j'atti-
rerai toutes choses à moi. » Il attire effectivement à
94 MOTIFS ET FRUITS
lui nos pensées et nos affections ; il suffit dele con-
sidérer sur le trône de sa gloire, pour prendre en
pitié les faux biens de la terre, et dire avec l'A-
pôtre : a Omnia detrimentum feci et arbitror ut
stercora, ut Christum lucrifaciam. J'ai tout sacrifié,
j'ai estimé toutes choses comme du fumier, afin de
m'assurer la possession de Jésus-Christ.
1 2. Aussi, c'est à partir de l'Ascension deNotre-
Seigneur, que l'Eglise qui est la maison de Dieu,
a commencé à s étendre dans le monde.
« Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout
à moi. » Il faut que cette parole se vérifie pleine-
ment; voyez si la suite lui a fait défaut.
Monté au ciel, Jésus-Christ envoie le Saint-Es-
prit à l'Eglise naissante pour qu'il la dirige et la
gouverne invisiblement, Il lui laisse pour pasteur et
pour chef suprême, ici-bas, saint Pierre, prince des
Apôtres. Il lui donne des apôtres, des prophètes,
desévangélistes. des pasteurs et des docteurs, qui
vont prêcher son Evangile par toute la terre. A
leur prédication secondée par l'éclat des miracles,
les peuples se convertissent en foule ; leur voix
comme celle des cieux, se fait entendre d'une ex-
trémité du monde à l'autre. Une succession non in-
terrompue de Pontifes et d'Evêques perpétue d'âge
en âge l'enseignement des Apôtres.
Et pendant qu'ici-bas, l'Eglise accomplit son pè-
lerinage à travers les siècles, du haut des cieux où
il est assis a la droite du Père, Jésus-Christnecesse
de départir a chacun des fidèles qui la composent
DE L'ASCENSION DE J.-C. 95
cette variété de dons qui les distinguent et les sanc-
tifient. « Chacun de nous, dit l'Apôtre, a reçu son
don particulier, selon la mesure que Jésus-Christ a
jugée à propos. Unicuique nostrum data est gratia
secundum mensuram donationis Christi. »(Ep. iv.)
CONCLUSION.
\ 3. Concluons et résumons, en quelque manière,
en un seul avantage final, tout ce que nous avons
dit des fruits de l'Ascension du Sauveur.
Comme sa mort, comme sa résurrection, elle est
aussi pour nous un modèle, un modèle qui nous
apprend à habiter de cœur et d'esprit dès cette vie
même dans la céleste patrie, mais modèle actif,
puissant et efficace ; car s'il est vrai que nous som-
mes redevables de notre rédemption à la mort de
Jésus-Christ, s'il est vrai que c'est par les mérites
de son sang que le ciel est ouvert aux justes, il est
également vrai que son Ascension a été pour nous
comme la source des grâces dont nous avons besoin
pour nous détacher de la terre et transporter au
ciel nos affections et nos pensées.
Demandons instamment à Jésus-Christ que son
ascension opère en nous ce fruit précieux qui ren-
ferme tous les autres. Si nous l'obtenons, si nous
comprenons bien que cette vie est un exil et que
nous soupirions continuellement après la patrie,
ah ! sans doute nous aurons le bonheur d'y attein-
dre, et à la mort, nous verrons noire nom inscrit
parmi les citoyens du ciel.
96 MOTIFS ET FRUITS, ETC.
Ta dux ad astra et semita,
Sis meta nostris cordibus,
Sis lacrymarum gaudium,
Sis dulce vitse praemium.
0 Jésus ! qui êtes notre guide et notre voie vers
le ciel, soyez le terme de toutes nos affections,
soyez notre joie dans les larmes, soyez notre douce
récompense dans la vie éternelle !
NOTE. 97
NOTE.
UTRUM ASCENSIO CHRISTI SIT CAUSA NOSTRJE SALUTIS.
Videtur quod ascensio Christi non sit causa nostrae
salulis ; Christus enim fuit causa nostrae salulis in quantum
salutem nostram meruit : sed per ascensionem nihil nobis
meruit; quia ascensio pertinet ad praemium exaitationis
ejus : non est autem idem meritum et praemium, sicut nec
via et terminus : Ergo videtur, quod ascensio Christi non
sit causa nostrae salutis.
Praeterea, si ascensio Christi est causa nostrae salutis,
maxime hoc videtur quantum ad hoc, quod ascensio ejus
sit causa nostrae a-censionis : Sed hoc collatum est nobis
per ejus passionem : quia ut dicitur Heb. 10 babemus
fiduciam in introilu sanctorum per sanguinem ipsius : Ergo
videtur quod ascensio Christi non fuerit causa nostrae
salutis.
Praeterea, Salusnobis per Christum collata estsempiterna,
secundum illud Isa. 51 : Salus autem mea in sempiternum
erit : Sed Christus non ascendit in cœlum ut ibi in sempi-
ternum esset : dicitur enim Act 1 . Quemadmodum vidistis
eum ascendentem in cœlum, ila veniet. Legitur etiam
multis sanctis se demonstrasse in terris post suam ascen-
sionem ; sicut de Paulo legitur Act. 9. Ergo videtur, quod
ejus ascensio non sit causa nostrae salutis.
Sed contra est, quo i ipse clicit Joan. 16. Expedit vobis
symb. ii. 9
98 NOTE.
ut ego vadam, id est, ut reeedam a vobis per ascensio-
nem.
CONCLUSIO.
Ascensio Christi salutis nostrae causa fuit, tum ex parte
nostra quatenus per ejus ascensionem mens nostra in ipsum
movetur, tum ex parte sua, quatenus nobis viam in cœlum
praeparavit.
Respondeo dicendum, quod ascensio Christi est causa
nostrae salutis dupliciter . Uno modo ex parte nostra, alio
modo ex parte ipsius : Ex parte quidem nostra, in quantum
per Christi ascensionem mens nostra movetur in ipsum ;
quia per ejus ascensionem sicut supra dictum est (art. 4 .
et 3.) primo quidem datur locus fidei, secundo spei, tertio,
charitati, quanto etiam per hoc reverentia nostra augetur
ad ipsum, dum jam non existimamus eum sicut hominem
terrenum, sed sicut Deum cœlestem sicut et Apost. dicit
2. ad Cor. 5. Et si cognovimus secundum carnem Christum,
(id est mortalem, per quod putavimus eum tantum homi-
nem : ut gloss. exponitj sed nunc jam non novimus. Ex
parte autem sua, quantum ad ea quae ipse fecit, ascen-
dens propter nostram salutem ; primo quidem viam nobis
preeparavit ascendendi in cœlum, secundum quod ipse dicit
Joan. 4 4. Vado vobis parare locum ; et Mich. 2. Ascendit
pandens iter ante eos : Quia enim ipse est caput nostrum,
oportet illuc sequi membra, quo caput prœcessit : Unde
dicitur Joan. 14. Ut ubi ego sum, et vos sitis : Et in hujus
signum animas Sanctorum, quas de inferno eduxerat, in
cœlum traduxit secundum illud Psal. 67. Ascendens
Christus in altum captivam duxit captivitatem : quia scili-
cet eos, qui fuerant a diabolo captivitati, secum duxit in
cœlum, quasi in locum peregrinum humanae naturae, bona
captione caplivos,. utpoteper victoriam acquisitos. Secun-
do : quia sicut Pontifex in veteri Testamento intrabat sanc-
tuarium, ut assisteret Deo pro populo ; ita et Christus intra-
NOTE. 99
vitcœium, ad interpellandum pro nobis, ut dicitur Heb. 9.
Ipsa enim reprœsentatio sui ex natura humana, quam in
cœlum intulit, est quaedam interpellatio pro nobis, ut ex
quo Deus humanam naturam sic exaltavit in Christo, etiam
eorum misereatur, pro quibusFilius Dei humanam naturam
assumpsit. Tertio ut in cœlorum sede quasi Deus et Domi-
nus constitutus, exinde divina dona hominibus mitteret,
secundum illud Ephes. 4. Ascendit super omnes cœlos, ut
adimpleret omnia, scilicet donis suis- secundum gloss.
Ad primum ergo dicendum, quod ascensio Christi est
causa nostrae salutis, non per modum meriti, sed per mo-
dum efficientiee; sicut supra de resurrectione dictum est
(qu. 56 art. % et 3.)
Ad secundum dicendum, quod passio Christi est causa
nostrae salutis in cœlum proprie loquendo per remotionem
peccati prohibentis, et per modum meriti ; ascensio autem
Christi est directe causa ascensionis nostrae, quoniam in-
choavimus ipsam in capite nostro, cui oportet membra
conjungi.
Ad tertium dicendum, quod Christus semel ascendens
in cœlum, adeptus est sibi et nobis in perpetuum, jus et
dignitatem mansionis cœlestis; cui tamen dignitati non
derogat, si ex aliqua dispensatione Christus qii3ndoque
corporaliter ad terram descendens vel ostendat se omnibus,
sicut in judicio, vel ostendat se alicui specialiter, sicut
Paulo, ut habetur Act. 9. Et ne quis credat hoc factum
fuisse, non Christo ibi corporaliter prsesente, sed aliqua-
liter apparente, contrarium apparet per hoc quod ipse
Apost. dicit 1 ad Cor. 15. ad confirmandam resurrectionis
fidem : Novissime omnium tanquam abortivo visus est et
mihi. Ou33 quidem visio veritatem resurrectionis non pro-
baret, nisi ipsum verum Christi corpus visu m fuisset ab eo.
{S. Thom. 3 p. q. bl,art. 6.)
VIIe ARTICLE DU SYMBOLE,
INDE VENTURUS EST JUDICAEE VIVÔS ET MORTUOS.
i" INSTRUCTION.
VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ DON JUGEMENT GÉNÉRAL.
EXOIlDt.
1 . Notre-Seigneur Jésus-Christ remplit trois fonc-
tions illustres qui font la gloire et l'ornement de
son Eglise : il est notre Rédempteur, notre avocat
et notre juge.
Dans les articles précédents, nous avons vu
comment il est devenu notre Rédempteur. C'est
au prix de son sang et de sa vie. ce Pour nous autres
hommes et pour notre salut, dit le Symbole de
Nîcée, il est descendu des cieux, s'est incarné dans
le sein virginal de Marie par la vertu du Saint-Es-
prit et s'est fait homme. 11 a aussi été crucifié pour
nous sous Ponce Pilate, il a souffert et il a été en-
seveli. Propter nos homines et propter nostramsa-
lutem descendit de cœlis, et incarnatus est de Spi-
iltu sancto ex Maria virgine, et homo factus est;
VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ, ETC. 101
crucifixus etiam pronobis subPonlio Pilato, passus
et sepultus est. »
Mais il n'a pas sulli au Sauveur de détruire notre
mort par la sienne, il a voulu que sa résurrection
fut le principe, le modèle et le gage de la nôtre :
« mortem nostram moriendo destruxit, et vitam
resurgendo reparavit. »
Est-ce tout? Non; cette Rédemption n'eût pas
été assez parfaite à son gré : il est donc monté au
ciel, afin, comme le dit encore la sainte Eglise, de
nous rendre participants de sa divinité : « est ele-
vatus in cœlum ut nosdivinitatis suas tribueret esse
participes. » [Préface de l'Ascension.)
Voila quelle a été la plénitude de sa rédemption.
2. Pour que les fruits nous en soient plus sûre-
ment appliqués, à la qualité de Rédempteur, Jésus-
Christ joint celle d'Avocat.
On vous a dit dans la dernière instruction, avec
quelle charité il s'acquitte de cet office, toujours
occupé à intercéder pour nous et à faire valoir en
notre faveur les mérites de son sang. Médiateur en-
tre Dieu et nous, pour apaiser la justice et nous
concilier la miséricorde de son Père, il lui montre
les plaies qu'il a reçues et qu'il conserve comme
un monument de son obéissance envers lui et de
son amour pour nous.
3. La troisième fonction de Jésus-Christ, bien
différente des deux premières à certains égards, s'y
rapporte néanmoins très-justement : après avoir
1 02 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
été noire Rédempteur et notre Avocat, il sera aussi
notre Juge.
C'est ce dernier titre que nous allons maintenant
considérer.
Le septième article du Symbole l'exprime en
disant : du ciel, il viendra juger les vivants et les
morts. Par ces paroles, il nous déclare qu'à la fin
des temps, il y aura un jugement général pour tous
les hommes, jugement présidé par Jésus-Christ en
personne.
Etablissons d'abord la vérité du jugement; nous
verrons ensuite pourquoi un jugement général est
nécessaire.
PREMIER POINT.
i-. L'Ecriture fait mention de deux avènements
du Fils de Dieu.
Le premier s'est accompli, quand il s'est fait
homme dans le sein de la Vierge pour nous ra-
cheter.
Le second aura lieu, quand, à la fin des siècles,
il viendra pour juger tous les hommes.
Ce dernier avènement est appelé par excellence
le jour du Seigneur : dies Domini ; c'est-à-dire le
jour où il paraîtra dans tout l'éclat de sa grandeur
et de sa puissance, le jour où toute créature le
reconnaîtra pour son Maître et son Dieu, le jour
enfin où il distribuera à chacun selon ses mérites.
Quand viendra ce jour formidable? L'Apôtre
nous avertit qu'il viendra de nuit comme un voleur.
D'UN JUGEMENT GÉNÉRAL. 103
« Dies Domini sicut fur in nocte, ita veniet. » (/.
Thess. v.) Et le Sauveur lui-même nous a déclaré
que a personne ne connaît ni ce jour ni cette heure,
pas même les anges du Ciel, excepté le Père seul.
De illa autem die et hora nemo scit, neque angeli
cœlorum, nisi sol us Pater. » [Mat th. xxiv.)
5. Mais si le Seigneur nous laisse dans l'incerti-
tude quant à l'heure du jugement, rien de plus
certain que le jugement lui-même.
Le seul témoignage de l'Apôtre pourrait suffire,
tant il est clairet catégorique : « Tous, dit-il, nous
devons comparaître devant le tribunal de Jésus-
Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le
mal qu'il aura fait dans cette vie. Omnes nos ma-
nifestait oportet ante tribunal Christi, ut référât
unusquisque propria corporis, prout gessit sive bo-
nnm sive malum. » (2 Corinth. v.}
Les livres saints sont remplis de semblables té-
moignages.
«Les ennemis du Seigneur, dit la mère de Sa-
muel dans son cantique, apprendront à le redou-
ter ; du haut des deux, il fera retentir sur eux son
tonnerre. Le Seigneur viendra juger la terre, il
donnera l'empire au Roi qu'il s'est choisi et il exal-
tera la puissance de son Christ. Dominum formi-
dabunt adversarii ejus, et super ipsos in cœlis
tonabit; Dominus judicabit fines terrae , et dabit
imperium régi suo etsublimabit cornu Christi sui.»
(J Beg. il)
« Le Seigneur, dit le prophète royal, est le Roi
1 04 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
de l'univers; que les continents et les îles de la
mer bondissent de joie. 11 viendra un jour sur la
terre, entouré d'épais nuages; son trône sera sou-
tenu par la justice et la sagesse. Il sera précédé d'un
feu dévorant qui enveloppera et consumera ses
ennemis. Ses foudres brilleront dans les airs, la
terre sera consternée à sa vue. Les montagnes
fondront comme la cire devant sa face, la terre
entière fondra en sa présence. Les cieux par une
foule de prodiges, annonceront aux hommes que
Je temps de sa justice est venu, et alors tous les
peuples seront témoins de sa gloire. Dominus re-
gnavit , exultet terra, laetentur insulae multae.Nubes
et caligo in circuitu ejus, justitia et judicium cor-
rectio sedis ejus. Ignis ante ipsum praecedet, et
inflammabit in circuitu inimicos ejus. Illuxerunt
fulgura ejus orbi terras; viditetcommota est terra,
Annuntiaverunt cœlijustitiamejus, et videruntom-
nes populi gloriam ejus. » (Ps. xcvj.)
Le prophète Sophonie, sous la figure des châti-
ments qui allaient fondre sur les Juifs, dépeint en
ces termes le grand jour du jugement : « Ce jour
là, dit-il, sera un jour de colère, un jour d'affliction
et d'angoisse, un jour de calamité et de misère, un
jour de ténèbres et d'obscurité, un jour de nuages
et de tempêtes. Dies iras, dies illa, dies tribulationis
et angustiaa, dies calamitatis et miseriae, dies tene-
brarum et caliginis, dies nebulae et turbinis. »
{Sophon. i.)
Dans l'Evangile, notre divin Sauveur ayant pro-
D UN JUGEMENT GÉNÉRAL. 105
posé au peuple la parabole de la bonne et de la
mauvaise semence qui croissent ensemble dans le
même champ jusqu'au moment de la moisson, l'ex-
pliqua ensuite en particulier à ses disciples : ((Celui
qui sème le bon grain, leur dit-il, c'est le Fils de
l'homme. Le champ, c'est le monde. La bonne se-
mence, ce sont les enfants du royaume. La mau-
vaise ou l'ivraie, ce sont les méchants. L'ennemi
qui l'a semée, c'est le démon. La moisson, c'est
la consommation des siècles. Les moissonneurs,
ce sont les anges. Or, ajoute le divin Maître, de
même qu'on ramasse l'ivraie et qu'on la jette au
feu ; ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Alors le
Fils de l'homme enverra ses anges et ils enlève-
ront de son royaume tous les scandales et tous
ceux qui commettent l'iniquité et ils les précipi-
teront dans la fournaise. C'est là qu'il y aura des
pleurs et des grincements de dents. Alors les justes
brilleront comme le soleil dans le royaume de mon
Père. »
C'est ainsi que les divines Ecritures attestent
l'arrivée infaillible du grand jour du jugement, et
qu'elles nous en rendent la vérité sensible.
Mais quelle a été l'intention du Saint-Esprit, en
le désignant si souvent sous le nom de jour du
Seigneur?
Ah l ce n'est pas uniquement pour en imprimer
la crainte dans nos cœurs ; c'est aussi pour nous
en faire désirer l'avènement.
Depuis la création du monde, le jour le plus
106 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
désiré fut celui où le Rédempteur devait se revêtir
de notre nature et paraître sur la terre ; car ce
jour devait commencer une ère nouvelle, celle de
la délivrance du genre gumain. Eh bien ! mainte-
nant que Jésus-Christ est mort et ressuscité, et
qu'il est monté au ciel, quel autre jour mérite plus
d'exciter nos désirs, sinon cet autre jour du Sei-
gneur , où doivent s'accomplir nos espérances
bienheureuses, et où nous attendons l'avènement
glorieux de notre grand Dieu, Jésus-Christ, notre
Sauveur? « Expectantes beatam spemet adventum
gloriae magni Dei et salvatoris nostri Jesu-Christi. »
(77/. il.)
Voilà deux puissants motifs qui doivent nous
inspirer, comme aux anciens patriarches, une
sainte impatience de son arrivée.
6. Nous serons donc tous cités au tribunal de
Jésus-Christ pour rendre compte de nos pensées,
de nos paroles, de nos actions, et entendre de sa
bouche notre sentence. C'est là une vérité indu-
bitable.
Mais devrons-nous attendre pour cela la fin des
siècles?
Non, le jugement se fera en deux temps diffé-
rents.
Le premier a lieu immédiatement après la mort
de chacun ; car aussitôt le dernier soupir rendu,
l'âme comparaît devant le tribunal de Dieu, et là,
elle subit un rigoureux examen sur tout ce qu'elle
D'UN JUGEMENT GÉNÉRAL. 107
a fait, dit ou pensé pendant la vie. C'est le juge-
ment particulier.
Le second aura lieu à la fin du monde. Alors, en
un même jour et en un même lieu, les hommes qui
auront existé en quelque temps que ce soit, com-
paraîtront tous ensemble devant le Juge suprême.
Là, en présence de toutes les générations humaines,
chacun entendra la sentence portée sur lui, et la
manifestation de cette sentence ne sera pas le
moindre châtiment des impies et des méchants,
tandis que les justes et les saints y trouveront une
partie de leur récompense et de leur félicité.
Chacun alors paraîtra tel qu'il aura été dans cette
vie. A ce moment, toutes les vaines apparences
de vertu et de probité disparaîtront : tout masque
tombera, et le vice et la vertu seront pleinement
à découvert.
Ce second jugement s'appelle le jugement géné-
ral. Il s'agit à présent de vous en expliquer la.
nécessité.
SECOND POINT.
7. Puisque tout homme est jugé au sortir de ce
monde, ne semble-t-il pas qu'un second jugement
soit superflu?
Non, ce second jugement n'est pas inutile;
plusieurs motifs le rendent même nécessaire.
Le premier de ces motifs, c'est que d'ordinaire
le passage de l'homme sur la terre y laisse des
traces.
108 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
Généralement, l'homme se survit à lui-même,
soit dans ses enfants, soit dans ses amis, soit dans
ses disciples. L'éducation qu'il a donnée à ses en-
fants, les maximes, les leçons, les exemples qu'il a
laissés à ceux avec qui il a vécu, continuent d'avoir
leur effet après sa mort. Prenons deux exemples,
l'un d'un saint, l'autre d'un impie. Il y a près de
deux siècles que saint Vincent de Paul a paru sur la
terre. Ne respirons-nous pas encore de nos jours
l'odeur de ses vertus? et les semences de charité
qu'il a jetées dans le monde ne continuent-elles
pas d'y fructifier? et son esprit ne subsiste-t-il pas
toujours dans ces admirables institutionsqui doivent
leur naissance à son zèle ? Au contraire, le mal pro-
duit par Henri VIII, par exemple, ou par Luther, a-t-
îl cessé avec eux ? Le schisme dont le premier fut la
cause, l'hérésie dont le second fut le père, conti-
nuant d'exercer leurs ravages et d'entraîner une
multitude d'âmes à leur perte, ces malheureux
n'en sont-ils pas responsables? Ne sont-ils pas
coupables des suites de leurs scandales?
Ainsi de jour en jour s'augmente la somme de
bien ou de mal appartenant à" celui qui a vécu sur
la terre; et ce n'est qu'au dernier jour qu'il aura
comblé la mesure de ses mérites ou de ses démé-
rites.
11 est juste qu'il y ait une enquête exacte sur
tout cet enchaînement de bien et de mal; il est
donc nécessaire qu'il y ait un jugement général.
8. En second lieu, ce jugement est encore né-
D'UN JUGEMENT GÉNÉRAL. 109
cessaire pour réformer l'injustice des jugements
du monde.
Il arrive souvent ici-bas que les gens de bien
sont méconnus, méprisés et calomniés, tandis que
les méchants jouissent des honneurs de la vertu.
Tel passe pour honnête homme et possède l'estime,
qui, au fond et devant Dieu, n'est qu'un esclave des
vices les plus honteux. Tel, au contraire, est bafoué
et tenu pour faible d'esprit, qui, bravant le respect
humain, pratique généreusement les devoirs du
chrétien. Tel encore marche tète levée et voit tout
le monde s'incliner avec respect devant lui, parce
qu'il a réussi par toute sorte de moyens à se faire
une fortune ; tel autre, au contraire, végète dans
la plus profonde obscurité, parce qu'il n'a d'autre
bien en partage que la vertu.
0 monde ! un jour viendra où tes faux jugements
seront cassés et redressés. Alors se dissiperont toute
cette vaine réputation et cette fausse gloire que tu
décernais à tes sectateurs ; alors justice sera faite
aux humbles et aux petits que lu foulais aux pieds
avec tant d'arrogance et que tu regardais comme
labalayure de la terre.
Oui, la justice divine exige que chacun soit re-
connu pour ce qu'il est et ce qu'il vaut ; l'impie et
l'hypocrite doivent être démasqués et confondus ;
le juste et l'innocent doivent être pleinement réha-
bilités.
Tel est le second motif pour lequel il y aura un
jugement général.
1 1 0 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
Consolez-vous donc, vous qui gémissez sous le
poids de la calomnie et d'injustes préventions ;
au dernier jour, votre innocence sera proclamée à
la face de l'univers. Pour vous, dont la réputation
n'est fondée que sur le déguisement, l'artifice et
l'erreur, pensez-y bien, si vous ne changez sincère-
ment de conduite, vous tomberez alors dans une
confusion d'autant plus grande que vous aurez joui
injustement d'une plus haute considération.
9. En troisième lieu, il faut encore un jugement
général, pour que l'homme soit puni ou récompensé
en corps et en âme.
Notre corps est le compagnon, le serviteur et
l'instrument de notre àme. il participe au bien et
au mal quelle commet. C'est par son moyen qu'elle
pratique les œuvres extérieures de pénitence, de
charité, de zèle, enfin de toutes les vertus. C'est
également par son moyen qu'elle se livre aux
œuvres du péché ; souvent même c'est pour lui
procurer des jouissances coupables, qu'elle se
laisse aller au mal.
Les martyrs ont souffert pour la foi dans leur
chair ; les saints pénitents l'ont matée, les vierges
l'ont crucifiée et environnée d'épines, afin de la
défendre contre les attraits de la volupté ; n'est-il
pas juste que cette chair humiliée et affligée ait
part à la gloire de l'âme? N'est-il pas juste aussi
que celle du libertin, de l'homme sensuel et animal,
reçoive le prix de ses désordres et le châtiment de
ses infamies?
d'un jugement général. 111
C'est pour cela que nous ressusciterons tous et
qu'ensuite nous paraîtrons tous au jugement en
corps et en âme.
Oh ! alors, quelle ne sera pas la joie du chrétien
fidèle qui, à l'exemple de saint Paul, aura châtié
son corps et l'aura réduit en servitude ! Quel ne
sera pas le désespoir de celui qui s'en sera fait une
idole, qui l'aura flatté et satisfait aux dépens de
son âme !
10. Enfin, un jugement général est nécessaire
pour justifier la conduite de la divine Providence.
Dans cette vie, les biens et les maux sont le par-
tage des bons et des méchants indistinctement. Il
semble que le hasard seul préside à cette distri-
bution. On voit des méchants dans la prospérité,
des justes accablés de revers.
Il n'y a cependant, dans cette répartition des
biens et des maux, absolument rien qui ne soit
réglé par la sagesse et la justice infinie de Dieu ;
« un seul cheveu ne peut tomber de notre tète sans
sa permission. »
Mais cette sagesse et cette justice doivent être
manifestes pour tous. Il convient que la divine
providence fasse paraître l'équité de son gouver-
nement.
Or, pour. cela, il ne suffit pas qu'il y ait dans
l'autre vie des peines pour les méchants et des
récompenses pour les bons, il faut encore que ces
peines et ces récompenses soient décernées à la
I I 2 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
face de l'univers, après un jugement public et
général.
C'est ainsi que la justice divine paraîtra dans
tout son éclat, et que toute créature sera obligée
de la reconnaître et de lui rendre hommage : «Jus-
tus es. Domine, et rectum judicium tuum. Alors
élus et réprouvés, tous s'écrieront d'une voix una-
nime : ((Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements
sont la vérité même. » {Ps. cxvm.)
1 I . Oui, Dieu se doit cett-e justification éclatante
et glorieuse.
Souvent, hélas! dans leur aveuglement, les
hommes murmurent contre les dispositions de sa
Providence ; leur vue bornée s'arrête à la peine
présente et, s'irritant d'un mal dont ils n'aperçoivent
pas la raison, dont ils ne devinent pas les avan-
tages, ils se livrent au chagrin et à l'impatience.
Les justes mêmes sont quelquefois tentés de se
plaindre, en voyant les méchants dans la prospé-
rité et l'abondance. « Mes pieds, disait le Psalmiste,
ont chancelé ; j'ai été sur le point de succomber au
murmure, témoin de la paix des impies, j'en res-
sentais de l'envie. Mei autem penèmoti sunt pedes,
pêne effusi sunt gressus mei, quia zelavi super
iniquos, pacem peccatorum videns. » (Ps. lxxii )
Un peu plus loin, exposant les réflexions ou plutôt
les tentations que cette vue faisait naître dans son
esprit : « Voilà, s j disait- il, voilà des hommes im-
pies et libertins, et cependant tout leur réussit
dans la vie, ils regorgent de richesses. C'est donc
DUN JUGEMENT GÉNÉRAL. 113
en vain que j'ai conservé mon cœur pur et que
j'ai lavé mes mains au milieu des hommes les plus
intègres, puisque je ne cesse pas d'être flagellé et
que votre main est si prompte à me châtier. Ecce
ipsi peccalores, et abundantes in saeculo ; obtinue-
runt divitias. Et dixi : ergo sine causa justificavi
cor meum et lavi inter innocentes manus meas ; et
fui flagellatus tota die, et castigatio mea in matu-
Bnis. » (Ibid.)
Cette plainte n'est point rare. Plusieurs saints
ersonnages l'ont faite, non sans doute par esprit
'Je murmure, mais pour exprimer la vivacité de
fteurs peines et en demander au Seigneur le sou-
lagement.
Un jugement général est donc indispensable.
La vérité de ce jugement à venir, voilà ce qui
nous empêche de dire avec l'impie que Dieu se
contente de se promener sur la voûte des cieux,
laissant aller à l'aventure les choses d'ici-bas.
Non, il n'en est pas ainsi, et nous n'avons pas
affaire à un Dieu aveugle et insouciant, mais à un
Dieu juste, et saint, qui considère attentivement
toutes les démarches des enfants des hommes,
pour rendre à chacun selon ses mérites.
« Je me flattais, ajoute le Psalmiste, de péné-
trer le secret de la conduite divine ; mois j'y ai
travaillé inutilement, jusqu'à ce qu'entrant dans le
sanctuaire du Seigneur, j'ai compris quelle de-
vait être la fin des pécheurs. . . Dans quelle déso-
lation je les vois réduits ! Comme ils sont tombés
svmr ii 4 0
4 1 4 VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ
soudain ! Dans quelle ruine l'iniquité les a préci-
pités ! Leur prospérité passera comme un songe
au réveil, el vous anéantirez, Seigneur, leur bon-
heur imaginaire... Exisiimabam ut cognoscerem
hoc ; labor est ante me, donec intrem in sanctua-
rium Dei et intelligam in novissimis eorum... Quo-
moclo facti sunt in desolationem! Subito defecerunt,
perierunt propter iniquitatem suam. Velut som-
nium surgentium, Domine ; in civitate tua imagi-
nem ipsorum ad nihilum rédiges. »(Ibid.)
CONCLUSION.
12. Que cette grande vérité du jugement der-
nier raffermisse notre foi dans la providence et la
justice de Dieu !
Non, ce désordre qui semble régner dans le
monde : la vertu opprimée, le crime impuni, l'in-
justice triomphante, l'innocence persécutée, le vice
sur le trône, la sainteté dans les fers, le méchant
dans l'abondance, le juste dans la misère, tant d'ir-
régularités enfin qui choquent nos faibles yeux ne
dureront pas toujours. Elles nous seront expliquées
un jour, et elles seront redressées au temps mar-
qué par la justice.
Prenons garde seulement de nous laisser ébran-
ler par l'épreuve, et d'imiter l'impie qu'une vaine
apparence de félicité séduit et aveugle.
Justes, consolez-vous par la perspective du
grand jour du jugement, et animez-vous à la per-
sévérance ; sachez qu'alors vous récolterez en abon-
d'un jugement général. 1 1 0
dance les fruits de vos vertus et de vos sacrifices.
Tout sera compté, ju squ'au verre d'eau froide donné
pour l'amour de Jésus-Christ.
Pour vous, pécheurs, songez à ce qui vous at-
tend finalement. Ah ! quel compte terrible vous
rendrez en ce jour, non-seulement de vos péchés
personnels, mais de tous ceux dont vous aurez été
la cause par vos scandales ! Pères et mères, qui
donnez mauvais exemple à vos enfants, avec quelle
rigueur le Souverain Juge n'examinera-t-il pas
alors le tort que vous faites à leur âme? Il vous en
demandera compte, et vous répondrez d'eux, ame
pour ame, vie pour vie, éternité pour éternité!
Et vous, Maîtres et Maîtresses, vous qui avez quel-
que autorité sur vos semblables, pensez aussi com-
ment en ce jour vous soutiendrez l'examen qui
sera fait de votre conduite, si au lieu d'employer
toute votre influence pour porter vos inférieurs
au bien, vous en abusez pour les entraîner au
péché !
Ah ! si jusqu'ici nous avons eu le malheur de
méconnaître nos devoirs, revenons à Dieu : hâtons-
nous pendant qu'il nous en laisse encore le temps
et la grâce. Malheur à nous, si nous endurcissons
nos cœurs et fermons l'oreille a sa voix !
Tous, qui que nous soyons, méditons cette for-
midable vérité du jugement. La considération de
cette vérité nous convertira, si nous sommes dans
le péché, et nous soutiendra dans la vertu, si nous
sommes justes.
I 16 VÉRITÉ ET SECESSITÉ, ETC.
C'est dans ce dessein que Jésus-Christ nous l'a
annoncé. Il en a décrit les signes avant-coureurs
pour nous mettre sur nos gardes. Monté au ciel,
il a envoyé ses anges, pour consoler ses disciples
affligés de son départ, et en même temps pour leur
déclarer de sa part qu'il reviendrait : « Ce même
Jésus qui vient de vous quitter et de s'élever aux
cieui, en redescendra un jour comme vous l'y avez
vu monter. Hic Jésus, qui assumptus est à vobis
in oœlum, sic veniet, quemadmodum vidistis eum
euntem in cœlum. » (Act. i.)
.NOTES. I 17
NOTES.
I. PREUVES DU JUGEMENT DERNIER PAR SAINT AUGUSTIN.
Quod ad disserendum de novissimo Judith Dei. novi pri-
mum Testament), ac dehi.de Veteris testimonia prolaturus sit.
Hujus itaque ultimi judicii Dei testimonia de scriptaris
sanctis quae ponere institui, prius eligenda sunt de libris
Instrument! Novi, postea de Veteris. Quamvis enim vetera
priera sint tempore, nova tamen anteponenda sunt digni-
tate ; quoniam illa vetera praeconia sunt novorum. Nova
igitur ponentur prius, qiue ut firmius probemus, assumen-
tur et vetera. In veteribus habentur Lex et Propheta?, in
novis Evangelium et apostoliese Litteroe. Ait autem Aposto-
lus, Per legem enim cognitio peccati. Nunc autem sine lege
justifia Dei manifesta est, testificata per Legem et Proplie-
tas : justitia autem Dei, per fidem Jesu Christi in omnes
qui credunt (Rom. ni, 20-22 ) Hœc justitia Dei ad novum
pertinet Tesfamentum, et testimonium habet a veteribus
Libris, boc est, a Lege et Prophetis. Prius ergo ipsa causa
ponenda est, et postea testes introdueendi. Hune et ipse
Jésus Christus ordinem ser\andum esse demonstmns ,
scriba, inquit, eruditus in regno Dei, similis est viro patri-
familias, proferenti de thesauro suo nova et vetera (Mai th.
un, 52.) Non dixit, Vetera et nova : quod utique drxisset,
nisi maluisset meritorum ordinem servare quam temporum.
Quibûs sententiis Domini Salvatoris divinum judicium
fiiturum in fine saculi declaretur.
1 1 8 NOTES
-1 . Ergo ipse salvator cum objurgaret ci vitales, in qui-
bus vinutes magnas fecerat, neque crecliderant, et eis alie-
nigenas anteponeret : Yerumtamen, inquit, dico vobis :
Tyro et Sidoni remissius erit in die judicii quam vobis. Et
paulo post alteri civitati : Amen, inquit, dico' vobis, quia
terras sodomorum remissius erit in die judicii quam tibi
(Matth. xr, 22, 24.) Hic evidentissime praedicat diem
judicii esse venturum. Et alio loco : Viri Ninivitae, inquit,
surgent in judicio cum generatione ista, et condemnabunt
eam ; quia pœnitentiam egerunt in praedicatione Jonge, et
ecce plus quam Jonas hic. Regina Austri surgel in judicio
cum generatione ista, et condemnabit eam ; quia venit a
finibus terra? audire sapientiam Salomonis, et ecce plus
quam Salomon hic (Id. xn, 41, 42.) Duas hoc loco res
discimus, et venturum esse judicium, et eum mortuorum
resurrectione venturum. De Ninivitis enim et regina Austri
quando ista dicebat, de mortuis sine dubio loquebatur,
quos tamen in die judicii resurrecturos esse praedixit. Nec
ideo dixit, condemnabunt, quia ipsi judicabunt : sed quia
ex ipsorum comparalione isti merito damnabuntur.
2. Rursus alio loco, cum dehominum bonorum et malo-
rum nnncpermixtione, posteaseparatione.quae utique judi-
cii tempore futura est, loqueretur, adhibuit similitudinem
de tritico seminato et superseminatis zizaniis, eamque suis
exponens discipulis : Qui seminat, inquit, bonum semen,
est Filius hominis : ager autem est mundus : bonum vero
semen ni sunt (îlii regni ; zizania autem filii sunt nequam :
inimicus autem qui seminavit ea, est diabolus : messis
autem consummatio sa?culiest, messores vero Angeli sunt.
Sicut ergo colligunlur zizania, et igni comburuntur ; sic
erit in consummatione saeculi. Mittet Filius hominis Angelos
suos, et colligent de regno ejus omnia scandala, et eos qui
faciunt iniquitatem, et initient eos in caminum ignis : ibi
erit fletus et stri;!or dentium. Tune justi fulgebunt sicut
NOTES. I 19
sol in regno Patris eorum. Qui habet aures audiendi, au-
dial Matth. xin, 37, 43.) Hic quidem judicium vel diem
judicii non nominavit, scd multo euin clarius ipsis rébus
expressit, et in fine seeculi futurum esse praedixit.
3. Item discipulis suis : Amen, inquit, dico vobis, quod
vos qui secuti estis me, in regeneratione, cum sederit
Filius hominis in sede majestatis suae, sedebitis et vos
super sedes duodecim, judicantes duodecim tribus Israël
(Id. xix. 28.) Hic discimus -cum suis discipulis judicaturum
Jesum. Unde et alibi judœis dixit : Si ego in Beelzebub
ejicio dœmonia, fil ii vestri in quo ejiciunt ? Ideo ipsi judices
vestri erunt (Id. xn, 27.) Nec quoniam super duodecim
sedes sessuros esse ait, duodecim solos homines cum illo
judicaturos putare debemus. Duodenario quippe numéro,
liniversa quaedam significata est judicantium multitudo,
propter duas partes numeri septenarii, quo signifieatur
plerumque universitas : quee duae partes, id est tria et
quatuor, altéra per alleram multiplicatae duodecim faciunt.
Nam et quatuor ter, et tria quater duodecim sunt : et si
qua alia hujus duodenarii numeri, quae ad hoc valeat, ratio
reperitur. Alioquin quoniam in locum Judas traditoris apos-
tolum Matthiam legimus ordinatum ; apostolus Paulus, qui
plus Ulis omnibus laboravit, ubi ad judicandum sedeat non
habebil : qui profecto cum aliis sanctis ad numerum jurli-
cum se pertinere demonstrat, cum dicil, Nescitis quia
Angelos judicabimus ?(/(/. vi, 3.)De ipsis quoque judican-
dis in hoc numéro duodenario similis causa est. Non enim
quia dictum est, judicantes duodecim tribus Israël, tribus
Levi, quœ tertia décima est, ab eis judicanda non erit, aut
solum illum populum, non etiam cœteras gentes judica-
bunt. Quod autem ait, in regeneratione, procul dubio
mortuorum resurrectionem nomine voluit regenerationis
intelligi. Sic enim caro nostra regenerabitur per incorrup-
tionem, quemadmodum est anima nostra regenerala per
fidem.
1^0 NOTES.
•4. Multa prcetereo, quae de ultimo judicio ila dici viden-
!ur, ut diligenter considerata reperiantur ambigua, vel
magis ad aliud pertinentia ; sive scilicet ad eum Salvatoris
adventam, quo per tolum hoc tempus in Ecclesia sua
venit, hoc est, in membris suis, particulatim atque pau-
latim, quoniam iota corpus est ejus ; sive ad excidium
terrenae Jérusalem : quia et de il lo cum loquitur, plerum-
que sic loquitur, tanquam de fine sœculi atque de illo die
judicii Dovissimo et magno loquatur ; ita ut dignosci non
possit omnino, nisi ea quae apud 1res evangelistas, Mal-
thseum, Marcum, et Lucam de hac re similiter dicta sunt,
inler se omnia conferantur. Quaedam quippe alter obscu-
rius, alter explicat planius ; ut ea quae ad meam rem per-
tinentia dicuntur, appareat unde dicantur. Ouod facere
utcumque curavi in quadam epistola, quam rescripsi ad
beatae mémorise virum Hesychium, Salonitanae urbis epis-
copum, cujus epistolœ titulus est, de Fine sseculi (Epist.
199.)
5. Proinde jam illud hic dicam quod in Evangelio secun-
dum Matthaeum de separatione bonorum et malorum legitur
per judicium prœsrnîissimum atque novissimum Christi.
Cum autem venerit, inquit, Filius hominis in majestate sua,
et omnes angeli cum eo, tune sedebit super sedem majes-
tatis suse, et congregabuntur anle eum omnes gentes, et
separabit eos ab invicem, sicut pastor segregat oves ab
hœdis : et statuet oves quidem a dextris suis, hœdos autem
a sinistris. Tune dicet Rex his, qui a dextris ejus erunt,
Venite , benedicli Patris mei , possidete paratum vobis
regnum a constitutione mundi. Esurivi enim, et dedistis
mihi manducare; sitivi, et dedistis mihibibere; hospes
eram, et collegistis me: nudus, et cooperuistis me ; infir-
mus, et visitastis me : in c.ircere eram, et venistis ad me.
Tune respondebunt ei justi, dicentes : Domine, quando
vidimus te esurienlem, et pavimus; sitientem, et dedimus
NOTES. 121
tibi polum? Quando autem te vidimus hospitem, et colle-
gimus le; aul nudum, et cooperuimus te? Aut quando te
vidimus infirmum, aut in earcere, et venimus ad te? Et
respondens Rex dicel illis : Amen dico vobis, qnamdiu
fecistis uni de his fratribùs nieis minimis, niihi fecislis.
Tune dicet, inquit, et his qui a sinistris erunt : Discedite a
me, maledicti, in ignem aeternum, qui paratus est diabolo
et angelis ejus. Deinde similiter etiam his enumerat, quod
illa non fecerint, quse dextros feeisse memoravit. Simili-
terque interrogantibus, quando eum vidorïnt in horum
indigentia constitutum : quod minimis suis factum non est,
sibi factum non fuisse respondet ; sermonemque eonclu-
dens : Et ni, inquit, in suppiicium a3ternum ibunt, justi
autem in vitam aeternam (Matth. xxv. 31-46.) Joannes
vero evangelista apertissime narrât eum in resurrectione
mortuorum futurum prsedixisse judicium. Cum enim dixis-
set, Neque enim Pater judicat quemquam, sed judicium
omne dédit Filio, ntomnes lionorificent Filium, sicuthono-
rificant Patrem : qui non honorifîcat Filium, non honori-
ficat Patrem, qui misit illum ; protinus addidit : Amen,
amen dico vobis, quia qui verbum m eu m audit, et crédit
ei qui me misit, habet vitam seternam ; et in judicium non
veniet, sed transiita morte in vitam (Joan. v. 22-24.) Ecce
hic dixit fidèles suos in judicium non venire. Ouomodo
ergo per judicium separabuntur a malis, et ad ejus dexte-
ram stabunt, nisi quia hoc ioco judicium pro damnatione
posuit? In taie quippe judicium non veniect, qui audiunt
verbum ejus, et credunt ei qui misit illum. (S. Aug. lib.
20 de civit. Dei cap. 4 et 5.)
II. UTRUM POST JDDICIUM QUOD AG1TLR IN PR.ESENTI TEMPORE,
RESTET ALILD JDDICIUM.
Videtur quod post judicium quod in praasenti lempore
agitur, non restet aliud judicium générale : Po^t ultimam
SYMR II. \\
122 NOTES.
enim retributionem prsemiorum et pœnarum frustra adhi-
betur judicium : Sed in hoc praesenti tempore fit retributio
prsemiorum et pœnarum ; dixit enim Dominus latroni in
cruce Luc 23. Hodie mecum eris in paradiso : Et Luc.
16. dicitur, quod mortuus est dives et sepultus est in
inferno : Ergo frustra expectatur finale judicium.
Prœterea Nahum 1 . dicitur secundum aliam literam :
Non judicabit Deus bis in idipsum. Sed in hoc tempore
Dei judicium exercetur, et quantum ad temporalia, et
quantum ad spiritualia : Ergo videtur quod non sit expec-
tandum aliud finale judicium.
Prœterea, Praemium et pœna respondentmerito et deme-
rito : Sed meritum et demeritum non pertinent ad corpus,
nisi inquantum est animae instrumentum : Ergo nec prse-
mium seu pœna debetur corpori nisi propter animam : Non
ergo requiritur aliud judicium in fine, ad hoc quod homo
praemietur aut puniatur in corpore, prœter illud, quo nunc
puniuntur aut prœmiantur animas.
Sed contra est, quod dicitur Joan. 4 2. Sermo quem
locutus sum, ille judicabit eum in novissimo die. Erit ergo
quoddam judicium in novissimo die preeler judicium quod
nunc agitur.
CONCLUSIO.
Gum de re aliqua mutabili ante plenam ejus consumma-
tionem, perfectum judicium dari nequeat, praeter judicium
quod in cujuslibet hominis morte fit, finale judicium esse
oportet in novissimo die.
Respondeo dicendum, quod judicium de aliqua re muta-
bili perfecte dari non potest ante ejus consummationem,
sicul judicium de aliqua actione qualis sit, perfecte dari
non potest, antequam sit consummata et in se et in suis
NOTES. 4 23
effectibus ; quia multae actiones videntur esse utiles, quse
ex effectibus demonstrantur nociva? : Et sirniliter de ho-
mine aliquo judicium perfecte dari non potest, quoad ejus
vita terminetur, eo quod multipliciter potest mutari de
bonoinmalum, autè converso; vel de bono in melins, a ut
de mal.o in pejas : Unde Apos. dicit Hebr. 9. quod hooii-
nibus slatutum est semel mori, post hoc autem judicium.
Sciendum tamen, quod licet per mortem vita hominibus
temporalis terminetur secundum se , remanet tamen ex
futuris secundum quid dependens : Uno quidem modo,
secundurn quod adhuc vivit in memoriis hominum in qui-
bus quandoque contra veritatem remanet bona? famée vel
maire : Alio modo in filiis, qui sunt quasi aliquid patris
(secundum illud Eccl. 30. Mortuus est pater ejus et quasi
non est mortuus, similem enim reliquit sibi post se :) et
tamen multorum bonorum sunt mali filii, et è contrario.
Tertio modo, quantum ad effectum suorum operum,
sicut ex deceptione Arii, et aliorum seductorum pullulât
infidelitas usque ad finem mundi ; et usque tune proficit
fides ex prsedicatione Apostolorum. Quarto modo, quan-
tum ad corpus quod quandoque honorifice traditur sépul-
tures, quandoque vero relinquitur insepultum et tandem
incineratum omnino resolvitur. Quinto modo, quantum ad
ea, in quibus homo suum affectum defixiti puta in quibus-
cumque temporalibus rébus, quarum queedam citius finiun-
tur, quaedam diutius durant. Omnia autem hase subdun-
tur existimalioni judicii divini. Et ideo de his omnibus
perfectum et manifestum judicium haberi non potest,
quamdiu hujus temporis cursus durât. Et propterhoc opor-
tet esse finale judicium in novissimo die, in quo perfecte
id quod ad unumquemque hominem pertinet, quoeunque
modo, perfecte et manifeste judicetur.
Ad primum ergo dicendum, quod opinio quorundam
1 24 NOTES.
fait: quod animse sanctorum non praemientur in cœlo
donec animée damnatorum puniantur in inferno usque ad
diem judicii . Quod quidem apparet. falsum ex hoc quod
Apostolus 2. Cor. 5. dicit. Audemus, et bonam volunta-
tem habemus magis peregrinari a corpore, et prsesent.es
esse ad Dominum ; quod est jam non ambulare per firlem,
sed per speciem, ut patet ex his quee subsequuntur : Hoc
autem est videre Deum per essenliam, in quo consistit
vita eeterna : ut patet Joan. 17. Unde manifestum est ani-
mas è corporibus separatas esse in vita aeterna : Et ideo
dicendum est, quod post mortem , quantum ad ea quae
sont animas, homo sorlitur quemdam immutabilem statu m :
et ideo quantum ad praemium animée, non oportet ulterius
difîerri judicium. Sed quia queedam alia sunt ad hominem
pertinentia, quœ toto temporis cursu aguntur, quae non
sunt aliéna a divine judicio: oportet iterum in fine tem-
poris, omnia haec in judicium adduci. Licet enim homo
secundum hœc non mereatur neque demereatur, tamen
pertinent ad aliquod ejus praemium vel pœnam : Unde
oportet hase omnia eestimari in finali judicio :
Ad secundum dicendum, quod Deus non judicabit bis in
idipsum, îd est, secundum idem ; sed secundum diversa
non est inconveniens Deum bis judicare.
Ad tertium dicendum, quod licet praemium vel pœna
corporis dependeat ex praemio vel pœna animas; tamen
quia anima non est mutabilis nisi per accidens propter
corpus, statim separata a corpore, habet statum immuta-
bilem, et accipit suum judicium. Sed corpus remanet mu-
tabilitati subjectum usque ad finem temporis : Et ideo
oportet quod tune recipiat suum praemium vel pœnam in
finali judicio. {S. Thom. 3 p. q. 59. art. 5.)
NOIES. 125
III. ETAT DES IMPIES ET DES JUSTES AI/ DERNIER JOUR.
Tune stabunt jusîi in magna constanlia adversus eos,
qui se angusliaverunt, et qui abstulerunt labores eorum.
Yidentes turbabuntur timoré horribili, et mirabuntur in
subitatione insperatae saiutis, dicentes intra se , pœni-
tentiam agentes, et pra? angustia spiritûs gementes : Hi
sunt quos habuimus aliquando in derisum, et in similitu-
dinem improperii. Nos insensati, vitam illorum aestima-
bamus insaniam, et finem illorum sine honore : Ecce quo-
modo computati sunt inter Filios Dei, et inter sanetos sors
illorum est. Ergo erravimus a via veritatis, et justitiaj
lumen non luxit nobis, et sol intelligentiœ non est ortus
nobis. Lassati sumus in via iniquitatis et perditionis, et
ambulavimus vias difficiles, viam aulem Domini ignora-
vimus.
Quid nobis profuit superbia? aut diviliarum jactantia
quid conlulit nobis? Transierunt omnia ilia tanquam um-
bra, et tanquam nuntius percurrens : et tanquam navis,
quse pertransit fluctuantem aquam : cujus, cum preeterie-
rit, non est vestigium invenire, neque semitam carinae
illius in fluctibus : aut tanquam avis, quaj transvolat in
aère, cujus nullum invenitur argumentum itineris, s^d
tantum sonitus alarum \erberans levem ventum, et scin-
dens per vim itineris aërem : commotis alis transvolavit,
et post hoc nullum signum invenitur itineris illius : aut
tanquam sagitta emissa in locum destinatum, divisus aer
continuo in se reclusus est, ut ignoretur transitus illius.
Sic et nos nali continuo desivimus esse :et virtutis quidem
nullum signum va|uimus oslendere : in malignitate autem
nostra consumpti. sumus. Talia dixerunt in inferno hi, qui
peccaverunt : Quoniam spes impii tanquam lanugo est,
quœ a vento tollitur : et tanquam spuma gracilis, quae
SYMB. II. Il*
1 26 NOTES.
a procella dispergilur : et tanquam fumus, qui a veoto
diffusus est; e*t tanquam memoria hospitis unius diei prae-
tereuntis.
Justi autem in perpetuum vivent, et apud Dominum est
merces eorum, et cogitatio illorum apud Altissimum. Ideo
accipient regnum decoris, et diadema speciei de manu
Domini : quoniam dexterâ suâ teg^t eos, et brachio sancto
suo defendet illos. Accipiet armaturam zelus illius, et ar-
mabit creatunam ad ultionem inimicorum. Induet pro tho-
race justitiam, et accipiet pro galea judicium certum ;
sumet scutam inexpugnabile aequitatem. Acuet autem
duram iram in laaceam : et pugnabil cum illo orbis ter-
rarum contra insensatos, Ibunt directe emissiones fulgu-
ram, el tanquam a bene curvato arcu nubium extermina-
buntur, et ad certum locum insilient. Et a petrosa ira plena?
mittentur grandines; excandescet in illos aqua maris, et
flumina concurrent duriter. Contra illos stabit spiritus vir-
tutis, et tanquam turbo venli dividet illos : et ad eremum
perducet omnem terram iniquitas illorum, et malignitas
everîet sedes potentium. (Sapient. cap v.)
-cr^a-Esa^*^
DU JUGEMENT DERN'IEK. 127
II* INSTRUCTION.
DU JUGEMENT DERNIER DU SOUVERAIN JURE. SIGNES
PRÉCURSEURS ET PRÉLUDES DU JUGEMENT. DE LV SEN-
TENCE.
EXORDE.
1. Outre- le jugement particulier que chacun
subit à la mort, il y aura, au dernier jour, un
jugement universel clans lequel tous les hommes
sans exception comparaîtront devant le tribunal de
Dieu. Le jour de ce jugement est appelé dans les
Ecritures le jour du Seigneur, parce que c'est en
effet celui où Dieu paraîtra dans tout l'éclat de sa
majesté et se fera reconnaître par toutes les créa-
tures pour le Maître et l'arbitre suprême de l'Uni-
vers.
Nous avons montré la vérité de ce jugement
général. Déjà les prophètes l'avaient annoncé en
même temps qu'ils prédisaient le premier avène-
ment du Fils de Dieu; et lorsque Jésus-Christ parut
sur la terre, il déclara à plusieurs reprises, qu'on
le reverrait, à la fin des siècles, descendre sur les
nuées du ciel pour venir juger les hommes.
Ce jugement général est nécessaire, avons-nous
dit, d'abord, parce qu'on ne pourra juger qu'à la
1 28 DU JUGEMENT DERNIER.
fin des temps de tout le bien et de tout le mal que
l'homme aura fait en passant sur la terre ; puis,
afin de réformer les faux jugements qui ont souvent
lieu au préjudice des bons et à l'avantage des mé-
chants ; en troisième lieu, afin que le corps qui
aura été l'instrument du bien ou du mal, participe
à la récompense pu à la peine de l'âme ; enfin ce
jugement général est encore nécessaire pour
justifier la conduite de la divine Providence dans
le gouvernement du monde.
2. Voilà de quoi nous vous entretenions dans la
dernière instruction.
Dans celle-ci, je commencerai par vous mettre
sous les yeux la personne du Juge, je vous parlerai
ensuite des signes avant-coureurs et des prélimi-
naires ou préparatifs du jugement: nous verrons
enfin quelle sera la sentence.
Considérons attentivement la scène imposante
du dernier jugement. Un jour viendra où moi qui
vous parle et vous qui m'écoutez, nous en serons
les témoins oculaires et les acteurs.
Quantus tremor est futurus,
Ouanclo Jades est venturus
Cuncta stricte discussurus !
De quel tremblement ne serons-nous pas saisis,
quand le souverain Juge viendra pour examiner
dans toute la rigueur de sa justice, nos actions,
nos paroles ci jusqu'à nos moindres pensées?
DU JUGEMENT DERNIER. 129
Seigneur Jésus! par votre miséricorde, faites
qu'aucun de nous ne soit alors victime de vos
vengeances! Refuge des pécheurs, ô Marie, inter-
cédez en ce moment même pour nous, afin que
nous puissions entendre alors une sentence favo-
rable !
PREMIER POINT.
3. C'est à Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait
homme, qu'a été dévolu l'office de Juge suprême
des vivants et des morts.
Il viendra nous juger au dernier jour non-seule-
ment comme Dieu, mais aussi comme homme.
Tel est l'enseignement de nos livres saints.
Je dis : comme Dieu. Le pouvoir de juger est
commun, il est vrai, aux trois personnes de la
sainte Trinité. Cependant, par la même raison
qu'on attribue spécialement la sagesse au Fils, on
lui attribue aussi tout spécialement la qualité de
Juge. Cette fonction paraît être en effet le. propre
de celui qui est la sagesse divine en personne.
J'ai ajouté qu'il sera notre Juge, même en tant
qu'homme. C'est ce qu'il a déclaré lui-même en
propres termes : Comme le Père, dit-il, a la vie en
lui-même, il a aussi donné au Fils d'avoir la vie en
lui-même; il lui a donné de plus le pouvoir de
juger, parce qu'il est le Fils de l'homme. Sicut
Pater habet vitam in semetipso, sic dédit et Filio
habere vitam in semetipso, et potestatem dédit ei
juclicium fricere, quia Filius hominis est. y>(Joan. v.)
130 DU JUGEMENT DERNIER.
i. Que Jésus-Christ fut investi, même comme
homme, du jugement suprême, cela était de toute
convenance pour deux raisons : premièrement,
puisqu'il s'agit de juger les hommes, il convenait,
que ceux-ci pussent voir leur juge des yeux du
corps et entendre de leurs oreilles la sentence qui
serait portée , en un mot, connaître à l'aide de
leurs sens, le jugement qui les concerne.
Secondement, il était souverainement équitable
que ce même homme, c'est-à-dire Jésus-Christ,
autrefois condamné injustement par les hommes,
parut aux yeux de tous sur son trône pour les'
juger à leur tour. Traîné au tribunal de Caïphe,
Tsotre-Seigneur, après avoir déclaré sur la demande
du Grand-Prêtre qu'il était le Fils de Dieu, ajoute :
(( Et vous verrez un jour le Fils de l'homme assis
à la droite de la Majesté divine et venant sur les
nuées du ciel. Et amodo videbitis Filium hominis
sedentem a dextris virtutis Dei et venientem in
nubibus cœli. » (Matlh. xxvi.) Il témoignait ainsi
hautement à ses juges qu'ils auraient un jour a
comparaître devant lui et à lui rendre compte du
jugement qu'ils allaient prononcer.
C'est en effet pour réparer l'iniquité de leur
sentence que Dieu a remis à l'Homme-Dieu le soin
de juger tous les hommes. Le prince des apôtres
nous dévoile ce dessein dans l'instruction qu'il
adressa au centurion Corneille. Après lui avoir
exposé les principaux points de la foi chrétienne
et lui avoir parlé du crucifiement et de la mort de
DU JUGEMENT DERKIER. 1 3 l
Jésus-Christ, il continue en disant : « Et il nous a
ordonné de prêcher, et de certifier au peuple que
c'est Lui qui a été établi de Dieu, Juge des vivants
et des morts. Et praecepit nobis praedicare populo
et testificari, quia Ipse est qui constitutus est h
Deo, Judex vivorum et mortuorum. » (Act. x.)
Jésus-Christ viendra donc nous juger. Après
nous avoir rachetés au prix de sa vie, après nous
avoir donné l'Evangile pour être la règle de notre
conduite, c'est à juste titre qu'il viendra nous
demander compte de son sang et de ses préceptes.
Examinons maintenant quels seront les prosages
de son second avènement.
SECOND POINT.
5. Trois signes principaux, au témoignage de
l'Ecriture, doivent précéder le jugement dernier :
la prédication de l'Evangile par toute la terre,
l'apostasie presque générale et l'Antéchrist.
D'abord, l'Evangile doit être propagé par toute
la terre.
« Cet évangile du royaume, dit le Sauveur, sera
annoncé dans tout l'univers pour servir de témoi-
gnage a toutes les nations, et alors viendra la fin.
Praedicabitur hoc Evangelium regni in universo
orbe, in testimonium omnibus gentibus, et tune
veniet consummatio. » (Mat th. xxiv.)
Aucun peuple n'est exclu du bienfait de la Ré-
demption. Jésus-Christ veut que tous puissent par-
132 DU JUGEMENT DERNIER.
venir à la vie éternelle; et comme la vie éternelle
consiste, ainsi qu'il l'a dit lui-même, à connaître le
seul vrai Dieu et le Christ qu'il a envoyé, il veut que
le flambeau de l'Evangile éclaire successivement
toutes les contrées du globe, et en attendant, il ne
prive personne des secours indispensables au sa-
lut. « Pour moi, je n'ai été envoyé que pour cher-
cher les brebis perdues de la maison d'Israël ; non
sum missus nisi ad oves quae perierunt domùs
Israël ; mais vous, disait-il parlant à ses apôtres,
allez, enseignez toutes les nations ; ite, docete om-
nes gentes. Lorsque le Saint-Esprit sera venu en
vous, leur disait-il encore, vous me rendrez témoi-
gnage dans Jérusalem, dans toute la Judée et la
Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre. Ac-
cipietis virtutem supervenientis in vos Spiritus
sancti, et eritis mihi testes in Jérusalem et in omni
Judaea et Samaria, et usque ad ultimum terras. »
(Joan. vu. Matth. xxviii. — Act. i.)
11 faut donc qu'avant la fin des temps, la pléni-
tude des Gentils, comme parle l'apôtre saint Paul,
soit entrée dans le bercail de Jésus-Christ et que
les Juifs eux-mêmes le reconnaissent enfin pour le
Messie promis à leurs Pères. Alors, dit le Sauveur,
ce sera la fin.
6. Le secondsigne précurseurdu Jugement sera
une apostasie presque universelle. A la prédication
de l'Evangile succédera un affaiblissement consi-
dérable de la foi. Des séducteurs de tout geure en-
traîneront un erand nombre de chrétiens hors de
DU JUGEMENT DERNIER. 1 33
l'Eglise. Le schisme, l'hérésie et l'infidélité, sans
pouvoir jamais la détruire, obscurciront son éclat.
Hélas ! nous ne voyons que trop s'étendre cet
obscurcissement fatal de la vérité ! Que de pays
autrefois inondés de ces clartés et où il semble
qu'elle ne luise plus aujourd'hui que comme une
lampe dans les ténèbres ! On ne peut le nier, s'il y
a des contrées où se manifeste un consolant retour
vers la religion, il en est d'autres aussi où l'in-
différence et l'impiété exercent d'affreux ravages.
Prenons garde de grossir le nombre des apos-
tats. En nous annonçant la défection d'un grand
nombre, comme un des présages du jugement]
qu'a prétendu le Sauveur, sinon nous faire com-
prendre que c'est la religion seule qui conserve
le monde et qu'aussitôt qu'elle en sera bannie,
il faudra qu'il périsse; qu'ainsi nous avons le plus
grand intérêt à conserver précieusement le trésor
de la foi.
7. Enfin, le troisième signe précurseur du Juge-
ment sera la venue de l'Antéchrist.
Dès la primitive Eglise, on répandait de faux
bruits sur la proximité du jugement. Saint Paul
voulant éclairer sur ce point les fidèles de Thessa-
lonique, leur donne pour marques l'apostasie dont
nous venons de parler, et l'Antéchrist.
« Nous vous conjurons par l'avènement de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, leur dit-il, et par notre
réunion avec lui, de ne pas vous laisser ébranler
dans votre premier sentiment, et de ne pas vous
SYMB. H. 4 2
134 DU JUGEMENT DERNIER,
troubler, en croyant, sur ]a foi de quelque esprit
prophétique, ou sur quelque discours, ou sur quel-
que lettre qu'on supposerait venir de nous, que le
jour du Seigneur est près d'arriver. Que personne
ne vous séduise en quelque manière que ce soit,
car ce jour-là ne viendra point que l'apostasie ne
soit arrivée auparavant, et qu'on n'ait vu paraître
cet homme de péché, cet enfant de perdition, qui,
s'opposant à Dieu, s'élèvera au-dessus de tout ce
qui est appelé Dieu, ou ce qui est adoré, jusqu'à
s'asseoir dans le temple de Dieu, comme s'il était
Dieu, et vouloir passer lui-même pour Dieu. Ro-
gamus autem vos, fratres, per adventum Domini
nostri Jesu Christi et nostraecongregationis in ipsum
ut non cito moveamini à vestro sensu, neque per
spiritum. neque per sermonem, neque per épis-
tolam tanquam per nos missam, quasi instet dies
Domini. Xequisvos seducat ullo modo : quoniam
nisi venerit discessio primum et revelatus fuerit
homo peceati, filius perditionis, qui adversatur et
extollitur supra omne quod dicitur Deus, aut quod
colitur, ita ut in templo Dei sedeat, ostendens se
tanquam sitDeus. » (2 Thessal. h.)
Les derniers jours du monde seront donc signa-
lés par l'apparition de l'Antéchrist qui soulèvera
la dernière et la plus effroyable des persécutions
contre l'Eglise.
Saint Paul vient de vous tracer son portrait.
Il l'appelle l'homme de péché et l'enfant déper-
dition. Ce sera le plus grand adversaire de Jésus-
DU JUGEMENT DERNIER. \ 35
Christ, un monstre d'impiété et d'iniquité, en qui
la malice de Satan sera comme incarnée.
« II ne niera pas seulement la divinité de Jésus-
Christ, il ne reniera pas seulement le vrai Dieu dans
l'auguste Trinité, il ne reniera pas seulement la
grande œuvre de l'amour divin : l'Incarnation du
Verbe ; mais revêtu de la puissance surhumaine de
Satan, il trompera ceux qui n'ont pas aimé la lu-
mière de la vérité, et s'élevant au-dessus de tout
ce qui est appelé Dieu, il se donnera lui-même
comme un Dieu. Voilh l'homme qui apparaîtra à la
tète de l'empire antichrélien dont le retour est éga-
lement annoncé par le grand prophète du Nouveau
Testament, saint Jean l'évangéliste. » (Le Christ et
les anlechrists, chap.iv ; par le P. Dechamps.)
« Cet impie, dit l'Apôtre, viendra accompagné
de la puissance de Satan avec toute sorte de mira-
cles et de prodiges trompeurs, et avec toutes les
illusions qui peuvent porter à l'iniquité ceux qui
périssent, parce qu'ils n'ont pas reçu et aimé la
vérité pour être sauvés. Cujus est adventus se-
cundum operationem satanae, in omni virtute et
signis et prodigiis mendacibus et in omni seduc-
tione iniquitatis, iis qui pereunt, eo quod charila-
tem veritatis non receperunt ut salvi fièrent. »
(2 Thessal. n.)
Tel sera l'antechrist. Quand viendra-t-il? Ecou-
tons encore l'Apôtre :
« Le mystère d'iniquité se forme dès à présent,
dit-il, et quand l'obstacle qui l'arrête, aura disparu,
136 DU JUGEMENT DERNIER.
alors se découvrira l'impie que le Sauveur Jésus
fera périr par le souille de sa bouche, et perdra
par l'éclat de son avènement, Mysterium jam ope-
ratur iniquitatis ; tantum ut qui tenet nunc teneat,
donec de medio fiât. Et tune revelabitur ille ini-
quus quem Dominus Jésus interficiet spiritu oris
sui, et destruet illustratione adventùs sui .» (Ibid.)
L'entendez-vous? Si déjà de son temps l'Apôtre
remarquait dans le monde le germe de cet esprit
d'impiété qui sera le caractère propre de l'Anté-
christ, ne devons-nous pas reconnaître avec effroi
qu'il a fait depuis lors des progrès sensibles et que
de nos jours il semble bien près de son dernier
période ?
Qui empêche donc l'Antéchrist de paraître? La
seule chose qui le retienne, au témoignage de saint
Thomas, c'est que plusieurs doivent encore em-
brasser la foi et d'autres la perdre jusqu'à ce qu'ar-
rive l'apostasie générale. (S. Thom. lect. 2 in
hune loc.)
Mais ses précurseurs sont visiblement occupés
a lui frayer les voies. Hélas ! que d'antechrists il y
a des à présent, qui s'efforcent par tous les moyens
de ruiner la foi dans les âmes, et qui font à Jésus-
Christ et à son Eglise une guerre implacable !
8. Les trois signes principaux que nous venons
de marquer, seront bientôt suivis de la catastrophe
finale qui sera le prélude du jugement.
Jésus-Christ lui-même a décrit ce qui se passera
alors : « Aussitôt, dit-il, après les calamités de ces
DU JUGEMENT DERNIER. 137
jours (il parle des temps de l'antechrist), le soleil
s'obscurcira et la lune refusera sa lumière, et les
étoiles tomberont du ciel, et les vertus du ciel
seront ébranlées ; et alors paraîtra le signe du Fils
de l'homme dans les airs, et alors toutes les tribus
de la terre éclateront en gémissements, et on verra
le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec
une grande puissance et une grande majesté.
» Ensuite il enverra ses anges qui feront en-
tendre le bruit de la trompette ; et ils rassemble-
ront les élus des quatre vents, d'une extrémité des
cieux jusqu'à l'autre. (Matth. xxiv.)
Pour achever cet imposant tableau, il ajoute un
peu plus loin : « Et lorsque le Fils de l'homme
sera venu dans sa majesté, et tous ses anges avec
lui, alors il s'assiéra sur le trône de sa majesté, et
toutes les nations seront rassemblées devant lui,
et il les séparera les uns des autres, comme un
pasteur sépare les brebis des boucs, et il placera
les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. »
(Ibid. xxv.)
Le prophète Daniel a entrevu le souverain Juge
au moment où il s'apprête à juger l'univers. Quelle
grandeur ! quelle majesté ! qu'il sera formidable
l'appareil qu'il déploiera alors aux regards des
générations humaines, « Je regardais, dit le pro-
phète, attendant que les trônes fussent placés.
L'Ancien des jours, c'est-à-dire, l'Eternel s'assit.
Son vêtement était blanc comme la neige ; sa che-
velure ressemblait à une laine pure. Son trône
138 DU JUGEMENT DERNIER.
était étincelant comme la flamme et les gonds de
ce trône étaient comme un foyer aident. Des flots
de lumière jaillissaient avec impétuosité de son
visaçe. Mille milliers d'anses le servaient, et dix
mille fois cent mille se tenaient debout devant lui.
Le jugement s'assit, et les livres furent ouverts. »
[Dan. vu.
Quel spectacle ! Qui n'est glacé d'effroi au seul
récit de ces préparatifs?
Quid sura miser tune die tu rus?
Quem patronum rogaturus,
Cum vixjustussit courus?
Le juste en ce moment terrible sera à peine en
sûreté: que dirai-je donc alors, moi, malheureux
pécheur! et de qui pourrai-je réclamer la pro-
tection ?
a Alors, a dit Jésus-Christ, les hommes commen-
ceront a dire aux montagnes : tombez sur nous ; et
aux collines : couvrez-nous. Tune incipient dicere
mon ti bus : cadite super nos; et collibus : operite
nos. » [Luc. ixiii.) Mais nulle puissance ne pourra
les dérober à la juste sentence que va prononcer
sur eux le Juge suprême.
Recueillons-nous ici et écoutons attentivement.
TROISIÈME POINT.
9. La sentence sera double.
Xotre-Seigneur Jésus-Christ se tournant vers les
DU JUGEMENT DERNIER. 139
brebis placées à sa droite, et fixant sur elles des
i égards pleins d'aménité, leur dira avec une dou-
ceur infinie :
« Venez, les bénis de mon Père, possédez le
royaume qui vous a été préparé dès l'origine du
monde. Venite, benedicti Patris mei, possidete
regnum quod paratum est vobis à constitutione
mundi. » (Matth. xxv.)
Que peut-on concevoir de plus consolant? Le
simple rapprochement de cette sentence et de celle
qui va frapper les réprouvés en fait ressortir le
bonheur.
Jésus-Christ dit aux élus : Venez, il commandera
aux réprouvés de s'éloigner ; il appelle les élus,
les bénis et tes bien-aimés de son Père, il n'aura
pour les réprouvés que des malédictions ; il invite
les premiers à posséder le royaume qui leur est
destiné; au lieu d'un royaume, au lieu de la gloire
et de la félicité, il assignera pour demeure aux
seconds la prison de l'enfer, les feux éternels et la
compagnie des démons.
Quelle opposition entre ces deux états ! quel
contraste entre les deux sentences ! Mais les justes
n'échappent pas seulement au malheur où les t
réprouvés vont être condamnés. La voix du Juge
les appelle des travaux au repos, de la vallée des
larmes au comble de la joie, des misères de cette
vie à la béatitude éternelle.
Et remarquons sur quoi il motive son jugement :
« J'ai eu faim, dit-il, et vous m'avez donné à
1 40 DIT JUGEMENT DERNIER.
manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ;
j'étais étranger, et vous m'avez accueilli; j'étais nu,
et vous m'avez vêtu; j'étais infirment vous m'avez
visité; j'étais en prison, et vous êtes venus me con-
soler. Esurivi enim,et dedistis mihi manducare ;
sitivi, et dedistis mihi bibere ; hospes eram, et col-
legistis me; nudus, et cooperuistis me;inffrmus, et
visitastisme; in carcere eram, et venistis ad me. »
{Matth. xxv.)
« En vérité, je vous le dis, quand vous avez
fait cela pour un de mes moindres frères, c'est à
moi-même que vous l'avez fait. Amen dico vobis,
quamdiu fecistis uni ex bis fratribus meis minimis,
mihi fecistis. » (Ibid.)
C'est ainsi que le Juge exaltera les mérites des
élus.
10. Ensuite lançant des regards terribles sur
les réprouvés placés à sa gauche, il prononcera
contre eux cet arrêt foudroyant :
«Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu
éternel qui a été préparé pour le démon et pour
ses anges. Discedite a me, maledicti, in ignem
aeternum qui paratus est diabolo et angelis ejus. »
» (Matth. xxv.)
Discedite a me, retirez-vous de moi. Ces premiè-
res paroles expriment le plus grand châtiment dont
les reprouvés seront punis. Bannis et rejetés loin
de Dieu, tout espoir de jouir de sa présence leur
sera ôté pour jamais.
C'est la peine du dam. Elle consiste dans la pri-
DU JUGEMENT DERNIER. '141
vation de la vue de Dieu ; peine effroyable qui fait
proprement l'essence de la damnation, comme la
jouissance de Dieu fait le bonheur des élus.
Maledicti, maudits. Ce terme de malédiction
augmentera encore d'une manière prodigieuse pour
les damnés le regret de la perte de Dieu. Si, du
moins, en le perdant, ils pouvaient entendre un
mot de consolation ! Mais non ; ils ne sont point di-
gnes de ce ménagement ; et la divine Justice, pre-
nant la place de la miséricorde dont ils ont abusé,
les poursuit et les accable de ses malédictions.
On a vu des hommes succomber à la douleur
pour avoir encouru la disgrâce des princes; mal-
heureux reprouvés, quel ne sera pas votre déses-
poir de vous voir non-seulement abandonnés, mais
maudits de votre Dieu !
Allez au feu éternel In ignem œternum. Un
autre genre de peine est ici marqué. C'est la peine
du sens, ainsi appelée parce qu'elle agit sur la sen-
sibilité naturelle, comme les verges, les fouets et
les autres supplices de ce genre.
Or, de tous les tourments, celui du feu est in-
contestablement le plus sensible et le plus doulou-
reux. Il sera celui des damnés ; et ce qui le rend
infiniment redoutable, c'est qu'il n'aura point de
fin. « Ignis non extinguetur. »Ce feu ne s'éteindra
jamais; toujours ils en ressentiront les ardeurs
insupportables; toujours, toujours. 0 éternité! ô
éternité i c'est toi qui mets le comble au malheur
des damnés.
\ 42 DU JUGEMENT DERNIER.
Les dernières paroles du Juge achèvent de faire
ressortir toute l'horreur de leur sort : « Allez au
feu qui a été préparé pour le démon et pour ses an-
ges, in ignem qui paratus est diabolo et angelis
ejus. »
Ici-bas, on éprouve une sorte d'allégement à ses
maux, quand on a pour compagnon d'infortune
quelque ami sage et bienveillant. En se communi-
quant réciproquement ses peines, on en diminue
le poids. Quelle ne sera pas la misère des réprou-
vés de se voir enchaînés, au milieu de leurs tour-
ments, dans l'affreuse société des démons?
1 1 . C'est avec justice pourtant qu'ils seront con-
damnés. Le souverain Juge va leur notifier comme
aux élus les motifs de sa sentence.
Prêtons l'oreille et apprenons comment nous
pouvons nous en épargner à nous-mêmes la rigueur.
(( J'ai eu faim, leur dira-t-il, et vous ne m'avez pas
donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez re-
fusé à boire ; j'étais étranger, et vous ne m'avez
pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas
couvert; j'étais malade et prisonnier, et vous n'êtes
pas venus me visiter ni me consoler. Esurivi enim,
et non dedistis mihi manducare; sitivi, et non de-
distis mihi potum ; hospes eram, et non collegistis
me; nudus, et non cooperuistis me; infirmus et
incarcère, et non visitastis me. Mais, Seigneur, lui
répondront les réprouvés, quand est-ce que nous
vous avons vu pressé par la faim ou la soif,oudans
la nudité, ou sans asile, ou malade et prisonnier,
DU JUGEMENT DERNIER. 1 4 3
et que nous avons refusé de vous soulager? — En
vérité, je vous le dis, leur dira le souverain Juge,
chaque fois que vous avez refusé ces services au
moindre d'entre ceux-ci, c'est a moi-même que
vous les avez refusés. Amen, dico vobis, quamdiu
non fecistis uni de minoribus his, nec mihi fecis-
tis. » (Mat th. xxv.)
La condamnation des reprouvés est donc fondée,
vous le voyez, sur l'oubli dans lequel ils ont vécu
des devoirs de la charité. Us n'ont point fait misé-
ricorde aux autres; la justice divine les châtie sans
miséricorde. « Et ces derniers, dit Jésus-Christ,
iront au supplice éternel, tandis que les justes en-
treront dans la vie éternelle. Et ibunt hi in sup-
pîicium aeternum, justi autem in vitam aeternam. »
(Ibid.)
CONCLUSION.
1 2. ce Dans toutes vos œuvres, nous dit le Saint-
Esprit, souvenez-vous de vos fins dernières et vous
ne pécherez point. In omnibus operibus tuis me-
morare novissima tua, et in aeternum non pecca-
bis. » (Eccli. vu.)
Oui, chrétiens, ayons souvent devant les yeux
la grande image du jugement. Si nous l'imprimons
fortement dans notre esprit, elle sera pour nous
comme un frein salutaire qui nous empêchera de
faire le mal, et comme un aiguillon puissant pour
nous porter au bien.
Quel est, je vous le demande, quel est l'homme,
144 DU JUGEMENT DERNIER.
si emporté qu'il soit par les passions, qui ne re-
vienne à la vertu, s'il se disait sérieusement à lui-
même : un jour viendra où il me faudra rendre
compte au tribunal de Dieu de mes actions, de mes
paroles, de mes plus secrètes pensées même ; et si
je pèche et que je ne fasse pas une sincère péni-
tence, à quel châtiment rigoureux ne dois-je pas
m'attendre? Eh quoi ! voudrai-je pour un vil inté-
rêt, pour une satisfaction passagère, pour un faux
point d'honneur, m'exposer à la plus horrible con-
fusion et à des supplices sans fin ? Voudrai-je per-
dre le Ciel et Dieu et mon âme?
Quel est le juste qui ne se sente animé de plus
en plus à la vertu, encouragé dans sa pauvreté,
consolé dans ses peines et ses disgrâces, fortifié
dans les opprobres et les tourments, quand il pense
de son côté aux récompenses que lui réserve le
grand jour de la justice. Oh! doit-il se dire, encore
quelques jours de lutte et de souffrance, et la palme
me sera décernée à la face du monde entier, et je
me verrai introduit dans ma céleste patrie, et j'y
serai comblé des biens de la maison de Dieu pour
toute l'éternité ! A cette pensée il ne se possède plus
de joie ; ses larmes cessent de couler ou lui de-
viennent délicieuses : a Lsetatus sum in his quae
dicta sunt mihi : in domum Domini ibimus. Quel
bonheur! s'écrie-t-il avec le roi-prophète; il est
donc vrai, j'entrerai un jour dans la maison du
Seigneur ! »et là, je boirai à longs traits au torrent
de sa félicité : j'échangerai ma pauvreté pour des
DU JUGEMENT DERNIER. 145
richesses infinies, mon exil pour la patrie, la terre
pour le ciel, l'espérance pour la possession. Mon
Dieu sera tout à moi et je serai tout à lui !
13. Vivons, chrétiens, comme devant être jugés.
Notre sentence, notre sort éternel est dans nos
mains. Voulons-nous nous assurer un jugement
favorable? Exerçons la charité ; concilions-nous la
bienveillance de notre Juge en rendant a nos frè-
res tous les bons offices en notre pouvoir. C'est un
Juge intègre, incorruptible, inexorable ; cependant
lui-même nous l'a déclaré, et vous l'avez entendu,
on peut parvenir à le gagner ; pour cela, nous de-
vons pratiquer la miséricorde envers le prochain,
le soulager de bon cœur dans ses nécessités spiri-
tuelles et corporelles, lui faire du bien pour l'a-
mour de Dieu.
« Heureux celui qui est attentif aux besoins du
pauvre et de l'indigent, le Seigneur le délivrera au
jour mauvais. Beatus qui intelligit super egenum
et pauperem, in die mala liberabit eum Dominus.»
La miséricorde attire la miséricorde. Si vous
êtes miséricordieux, Dieu vous pardonnera vos
péchés ; il vous accordera la grâce d'être fidèles à
ses commandements ; il ne permettra pas que vous
mouriez dans le péché. t
Vivons de telle sorte, chrétiens, que nous puis-
sions attendre avec confiance l'arrivée du grand
jour, et le désirer avec ardeur, comme il convient
à de vrais enfants de Dieu.
1 4 . « 0 Jésus ! nous croyons fermement que vous
146 DU JUGEMENT DERNIER.
viendrez nous juger un jour. Judex crederis esse
venturus. Nous vous en conjurons donc, ayez pitié
de vos serviteurs que vous avez rachetés par votre
précieux sang. Te ergo. quaesumus, famulis tuis
subveni, quospretioso sanguine redemisti. »
Rex tremendse majestatis,
Qui salvandos salvas gratis,
Salva me, fons pietatis.
0 Roi, dont la majesté est si terrible, vous qui
sauvez gratuitement ceux qui doivent être sauvés,
sauvez-moi, Dieu de miséricorde.
Kecordare, Jesu pie,
Quod sum causa tuae vise,
Ne me perdas illa die.
Souvenez-vous, ô bon Jésus, que vous êtes des-
cendu du ciel pour moi, ne me réprouvez pas en
ce jour.
Quaerens me sedisti Iassus,
Redemisti crucem passus,
Tantus labor non sit cassus.
Vous vous êtes fatigué à me chercher ; pour me
racheter, vous êtes mort sur la croix; ah! que
tant de peines ne soient pas inutiles pour moi !
Qui Mariam absolvisti
Et latronem exaudisti,
Mihi quoquespem dedisti.
DU JUGEMENT DERNIER. 147
Vous avez pardonne à la Madelaine et vous avez
exaucé le bon larron ; vous m'avez donc permis
d'espérer ma grâce.
Preces meae non sunL dignte,
Sed tu bonus fac bénigne,
Ne perenni cremerigne.
Je ne mérite pas d'être exaucé ; mais vous,
Seigneur, usez de miséricorde, afin que j'échappe
aux feux éternels.
Inter oves locum praesta,
Et ab hasdis me séquestra,
Statuens in parte dextra.
Donnez-moi place parmi les brebis et séparez-
moi des boucs, en me rangeant à la droite.
Confutatis maledictis,
Flammis acribus addictis,
Voca me cum benedictis.
Quand vous aurez repoussé les maudits et que
vous les aurez voués aux flammes dévorantes, ah !
daignez m'appeler à vous avec ceux qui seront bé-
nis ! Ainsi soit-il.
148 NOTES.
NOTES.
I. DU JUGE SUPRÊME.
Omnino est quidam inlellectus verus, fortis, si quomodo
eum tenere possumus, quia Paler non judicat quemquam,
sed omne judicium dédit Filio. Hoc enim dictum est, quia
hominibus in judicio non apparebit nisi Filius. Pater oc-
cultus ent, Filius manifestus. In quo erit Filius manifestus?
In forma qua ascendit.Nam in forma Dei eum Pâtre occul-
tus est, in forma servi hominibus manifestus. Non ergo
Pater judicat quemquam, sed omne judicium dédit Filio,
sed manifestum : in quo manifesto judicio Filius judicabit,
quia ipse judicandis apparebit. Evidentius nobis ostendit
scriptura quia ipse apparebit. Quadragesimo die post resur-
rectionem suam ascendit in cœlum, videntibus discipulis
suis : et vox illis angelica, Viri, inquit, Galilrjei, quid statis
aspicientes in cœlum ? Iste qui assumptus est a vobis in
cœlum, sic veniet quemadmocfum vidistis eum euntem in
cœlum. (Act. 1, 3, 9, 10, 11.) Quo modo eum videbant
ire? In carne , quam tetigerunt, quam palpaverunt, cujus
etiam cicatrices tangendo probaverunt, in illo corpore in
quo eum eis intravit et exivit per quadraginta dies, ma-
nifestons se eis in veritate ; non in aliqua falsitate : non
phantasma, non umbra, non spiritus ; sed quemadmodum
ipse dixit non fa 11 en s, Palpate, et videte, quia spiritus car-
nem et ossa non habet, <icul me videtishabere (Luc. xxiv,
39.) Est quidem illud jam corpus dignum cœlesti habita-
NOTES. 149
tione, non subjacens morti, non mutabile per aetates. Non
enim sicut ad illam œtatem ab ihfanlia creaverat, sic ab
œtate quse juventus erat, vergit in senectutem : manet
sicut ascendit, venturus ad eos quibus antequam veniat,
Verbum suum voluit preedicari. Sic ergo véniel in forma
humana . hanc videbunt et impii, videbunt et ad dexteram
positi, videbunt et ad sinistram separati ; sicut scriptum
est, Videbunt in quem pupugerunt (Zach. xii, 10. — Joan.
xix, 37.) Si videbunt in quem pupugerunt, corpus ipsum
videbunt, quod lancea percusserunt : lancea non percutitur
Verbum : hoc ergo impii videre poterunt, quod et vulnera
potuerunt. Latentem Deum in corpore non videbunt : post
judicium videbitur ab his qui ad dexteram erunt. Hoc est
ergo quod ait, Pater non judicat quemquam, sed omne
judicium dédit Filio : quia manifestus ad judicium veniet
Filius, in humano corpore apparens hominibus, dicens
dextris, Venite, benedicti Patris mei, percipite regnum ;
dicens sinistris, Ite in ignem seternum , qui paratus est
diabolo et angelis ejus (Matlh. xxv, 34, 41 .)
Ecce videbitur forma hominis a piis et ab impiis, a justis
et ab injustis, a fidelibus et ab infidelibus, a gaudentibus
et a plangentibus, a confisis et a confusis : ecce videbitur.
Cum visa fuerit illa forma in judicio, et fuerit peractum
judicium, ubi dictum est Patrem non judicare quemquam,
sed omne judicium dédisse Filio, ob hoc, quia Filius appa-
rebit in judicio in forma quam ex nobis accepit, quid postea
futurum est?Quando videbitur forma Dei, quam sitiunt
omnes fidèles ? Quando videbitur illud quod erat in prin-
cipio Verbum, Deus apud Deum, per quod facta sunt om-
nia? Quando videbitur illa forma Dei, de qua dicit Apos-
tolus, Cum in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est
esse aequalis Deo ? (PhiUpp. h, 6.) Magna enim illa forma
ubi adhuc aequalitas Patris et Filii cognoscitur: inetîabilis,
incomprehensibilis, maxime parvulis. Quando videbitur?
SYMB. II. 13
1 50 NOTES.
Ecce ad dexteram sunt justi, ad sinistram sunt injusli, om-
nes pariîer hominem vident, Filium hominis vident, qui
puDctus est vident, qui cruciGxus est vident, humiliatum
vident, natum ex Yirgine vident. Agnum de tribu Juda
vident: Verbum Deum apud Deum quando videbunt? Ipse
eritettunc, sed forma servi apparebil. Forma servi servis
demonstrabitur : forma Dei filiis servabitur. Fiant ergo servi
filii; qui sunt ad dexteram, eant in selernam ha?reditatem
olim promissam, quam non videnles martyres crediderunt,
pro cnjus promissione sanguinem suum sine dubitatione
fuderunt : eant illuc et videant ibi. Quando illuc ibunt?
Dicat ipse Dominus : sic ibunt illi in ambustionem aeter-
nam, justi autem in vitam seternam. (Matth. xxv, 46. —
S. August. in Joan. evang. tract, xxi, cap. v.)
II. sur l'antechrist.
Nosse autem operae pretium est, venturum omnino An-
tichristum esse. Et quidem omnis, qui Filium Dei ac Deum
in carne venisse, ac Deum perfectum esse, alqne hominem
perfectom, una cum eo quoque quod Deus erat, foctum
esse, minime confitetur, Antichristus est. Caeterum pecu-
liari ac praecipuo modo Antichristus ille dicitur, qui sub
mundi catastrophem venturus est. Primum itaque, quem-
admodum Dominus dixit, Evangelium apud omnes gentes
prcpdicari necesse est : ac tum ille ad prodendam Judaeo-
rum impietatem veniet. His enim verbis Dominus ad eos
usus est, Ego veni in nomine Palris mei, et non accepistis
me. Veniet abus in nomine suo, et illum accipietis. Et
Apostolus, Pro eo quod amorem veritatis non susceperunt,
ut salvi fièrent, propterea mittet ipsis Deus operationem
erroris ad credendum mendacio, ut judicentur omnes qui
non crediderunt verilati, sed acquieverunt in injustitia.
Ergo Judaei Dominum Jesum Christum ac Deum, Deiquc
filium haudquaquam receperunt : impostorem contra,
NOTES. !5I
divinitatem sibi arrogantem, récipient. Nam quod Dei
nomen usurpaturus sit, angélus ille Danielem docens, his
verbis ostendit : Ad Deos Patrum suorum non intelliget.
Et Apostolus, Nemo vos seducat ul!o modo. Quoniam nisi
discessio primum venerit, et revelatus fuerit homo peccati,
filius perditionis, qui adversatur, etextollitur super omne,
quod dicilur Deus, aut quod colitnr, ita ut ipse tanquam
Deus in templo Dei sedeat, ostendens seipsum quod sit
Deus. Porro per Dei templum, non templum nostrum intel-
ligit, sed vêtus Judaicum. Non enim nobis, sed Judteis
veniet : non pro Christo , sed adversus Christum. Qua
etiam de causa Antichristus dicitur. Primum ergo Evange-
lium apud omnes gentes prœdicetur necesse est : ac tum
revelabitur iniquus ille, cujus erit adventus secundum
operationem Sathanae in omni potentia, et siimis, et pro-
digiis falsis, et in omni fallacia injustitiaa iis qui pereunt :
quem Deus oris sui verbo interficiet, atque adventus sui
praestantia delebit. Nec vero quemadmodum Dous huma-
nitatem assumpsit, ita etiam diabolus homo efficietur (ab-
sit enim hoc :) verum homo ex fornicatione parietur, atque
omnem sathanœ afflatum suscipiet. Deus etenim incredi-
bilem quandam futura3 ipsius voluntatis perversitalem
praenoscens, diabolum in eo domicilium sibi constituere
sinet. Ex fornicatione itaque, ut diximus, nascetur, et
clam educabitur, ac repente insurgeL caputque attollet,
atque imperio potietur. Atque in regni quidem sui, vel
tyrannidis potius praeludiis bonitatis speciem prae se feret.
Cum autem rerum potitus fuerit, tum vero Ecclesiam Dei
pcrsequetur, perversitatemque suam omnem depromet.
Veniet aulem in signis et prodigiis mendacii fictis ac non
veris. eosque, quorum imbecilla parumque firmo funda-
mento nixa mens est, in fraudem inducet, atque a Deo vivo
abstrahet, ita ut scandalizentur, si fieri potest, etiam electi.
At vero mittentur Enoch et Helias Thesbites, et patrum
corda in filios, hoc est synagogam ad Dominum nostrum
152 NOTES.
Jesum Christum, et Apostolorum prœdicationem, conver-
tent : ab eoque trucidabuntur. Ai tum Dominus, quemad-
inodum sancti Apostoli in cœlum euntem viderunt, hoc
est Deus perfectus et homo perfectus, cum gloria et po-
tentia veniet, ac peccati hominem, perditionisque filium
orissui spiritu interficiet. Quamobrem nihil est, cur quis-
quam Dominum e terra expectet : verum e cœlo, quemad-
modum ipse nobis affirmavit. (S. Joann. Damasc. lib. 4.
orthod. fide cap. 27.)
III. DOCTRINE DE l'aPOTRE SAINT PAUL TOUCHANT LA MANIFESTA-
TION DE l' ANTECHRIST. SES AVERTISSEMENTS AUX FIDÈLES DE
THESSALONIQUE.
4. Multas evangelicasapostolicasque senteDtiasdedivino
isto judicio novissimo video mihi esse praetereundas, ne
hoc volumen in nimiam longitudinem provolvatur : sed
nullo modo est praetereundus apostolus Paulus, qui scri-
bens ad Thessalonicences, Rogamus, inquit, vos, fratres,
per adventum Domini nostri Jesu Christi, et nostrae con-
gregationis in ipsum, ut non cito moveamini mente, neque
terreamini, neque perspiritum, neque per verbum, neque
per epistolam tanquam per nos missam, quasi instet dies
Domini : ne quis vos seducat uilo modo. Quoniam nisi
venerit refuga primum, et revelatus fuerit homo peccati,
filius interitus, qui adversatur et superextollitur supra
omne quod dicitur Deus, aut quod colitur ; ita ut in tem-
plo Dei sedeat, ostentans se tanquam si t Deus. Non reti-
netis in memoria, quod adhuc cum essem apud vos, ha?c
dicebam vobis?Et nunc quid detineat scitis, ut reveletur
in suo tempore. Jam enim myslerium iniquitatis operatur.
Tantum qui modo tenet teneat, donec de medio fiât : et
tune revelabitup iniquus, quem Dominus Jésus interficiet
spiritu oris sui, et evacuabit illuminatione preesentiae suaa
eum, cujus est praesentia secundum operationem satanae,
NOTES. 153
omni virtule, et signis, et prodigiis mendaeii, et in omne
seduetione iniquitatis, his qui pereunt ; pro eo quod dilec-
tionem veritatis non receperunt, ut salvi fièrent. Et ideo
mittet il] is Deus operationem erroris, ut credant mendacio,
et judicentur omnes qui non crediderunt veritati, sed con-
senserunt iniquitati. (n Thess. n, 4-H.)
2. Nulli dubium est, eum de Antichrislo ista dixisse ;
diemque judicii (hune enim appellat diem Domini) non esse
venturum, nisi ille prior venerit, quem refugam vocat,
utiquea Domino Deo. Quod si de omnibus impiis merito
dici potest, quanto magis de isto? Sed in quo templo Dei
sit sessurus, incertum est : utrum in illa ruina templi,
quod a Salomone rege constructum est, an vero in Eccle-
sia. Non enim templum alicujus idoli aut dsemonis, tem-
plum Dei Apostolus dieeret. Unde nonnulli, non ipsum
principem, sed universum quadammodo corpus ejus. id
est, ad eum pertinentem hominum multitudinem, simul
cum ipso suo principe hoc loco intelligi Antichristum vo-
lunt : rectiusque putant etiam latine dici, sicut in grseco
est, non, in templo Dei, sed, in templum Dei sedeat, tan-
quam ipse sit templum Dei, quod est Ecclesia : sicut di-
cimus, sedet in amicum, id est, velut amicus; vel si quid
aliud isto ïoeutionis génère dici solet. Quod autem ait, Et
nunc quid detine3t scitis, id est, quid sit in mora, quse
causa sit dilationis ejus, ut reveletur in suo tempore, sci-
tis : quoniam scire illos dixit, aperte hoc dicere noluit. Et
ideo nos qui nescimus quod illi sciebant, pervenire cum
labore ad id quod sensit Apostolus, cupimus, nec vale-
mus, preesertim quia et illa quae addidil, hnne sensum
faciunt obscuriorem. Nam quid est, Jam enim mysterium
iniquitatis operatur. Tantum qui modo tenet teneat, donec
de medio fiât; et tune revelabitur iniquus? Ego prorsus
quid dixerit, me fateor ignorare. Suspiciones tamen homi-
num, quas vel audire, vel légère pot.ui, non tacebo.
154 NOTES.
3. Quidam putant hoc de imperio dictum fuisse Komano,
et proplerea Paulum apostolum non id aperte scribere
voluisse ; ne calumniam videlisset incurreret, quod Roma-
no imperio maie optaverit, cum sperarelur seternum : ut
hoc quod dixit, jam enim mysterium iniquitatis operatur,
Neronem voluerit intelligi, cujus jam facta velut Antichristi
videbantur. Unde nonnulli ipsum resurrecturum, et futu-
rum Antichristum suspicantur. Alii vero nec oceisum pu-
tant, sed substractum potius, ut putaretur occisus ; et
vivum occultari in vigore ipsius aetatis, in qua fuit, cum
crederetur exstinctus, donec suo lempore reveletur, et res-
tituatur in regnum. Sed multum mihi mira est haec opi-
niantium tanta prassumptio. Illud tamem quod ait Aposto-
lus, Tantum qui modo tenet teneat, donec de medio fiât :
non absurde de ipso Romano imperio creditur dictum, tan-
quam dictum sit : Tantum qui modo imperat imperet, do-
nec de medio fiât, id est, de medio tollatur. Et tune reve-
labitur iniquus : quem significari Antichristum , nullus
ambigit. Alii vero et quod ait, Quid detineat scitis ; et,
mysterium operari iniquitatis, non putant dictum, nisi de
malis et fictis, qui sunt in Ecclesia , donec perveniant ad
tantum numerum,qui Antichristo magnum populum faciat;
et hoc esse mysterium iniquitatis quia videtur occultum.
Hortari autem Apostolum fidèles, ut in fine quam tenent
tenaciter persévèrent, dicendo, Tantum qui modo tenet
teneat, donec de medio fiât : hoc est, donec exeat de me-
dio Eeelesiae mysterium iniquitatis, quod nunc occultum
est. Ad ipsum enim mysterium pertinere arbitrantur, quod
ait in Epistola sua Joannes evangelista, Pueri, novissima
hora est : et sicut audistis, quod Antichristussit venturus;
nunc autem Antichristi mulii facti sunt : unde cognosci-
mus qnod novissima sit hora. Ex nobis exierunt : sed non
erant ex nobis. Quod si fuissent ex nobis permansissent
utique nobiscum (i Joan. n, 18 et 19.) Sicut ergo ante
finem in bac hora, inquiunt, quam Joannes novissimam
NOTES. I 55
dicit, exierunt multi hœretici de medio Ecclesiae , quos
multos dicit Anlichristos : ita omnes tune inde exibunt,
qui non ad Christuin, sed ad illum novissimum Antichris-
tum pertinebunt, et tune revelabitur.
4. Alius ergo sic, alius autem sic Apostoli obscura verba
conjectant : quod tamen eum dixisse non dubium est, Non
veniet ad vivos et mortuos judicandos Christus, nisi prius
venerit ad seducendos in anima mortuos adversarius ejus
Antichristus; quamvis ad occuitum jam judicium Dei per-
tineat, quod ab illo seducentur. Praesentia quippe ejus erit,
sicut dictum est, secundum operationem satanée, in omni
virtute, et signis, et prodigiis mendacii, et in omni seduc-
tione iniquitatis, his qui pereunt. Tuncenim solvetur sata-
nas, et per illum Antichristum in omni sua virtute mira-
biliter quidem, sed mendaciter operabitur. Quse solet
ambigi utrum propterea dicta sint signa et prodigia men-
dacii, quoniam mortales sensus per phaniasmata deceptu-
rus est; ut quod non facit, facere videatur : an quia illa
ipsa, etiamsi erunt vera prodigia, ad mendacium pertrahent
credituros non ea potuisse nisi divinitus fieri, virtutem
diaboli nescientes ; maxime quando tantam, quantam nun-
quam habuit, acceperit potestatem. Non enim quando de
cœlo' ignis cecidit, et tantam familiam cum taniis gregibus
pecorum sancti Job uno impetu absumpsit, et turbo irruens
et domum dejiciens filios ejus accidit {Job. i.) phantasmata
fuerunt : quae tamen fuerunt opéra satanée, cui Deus dede-
rat hanc potestatem. Propter quid horum ergo dicta sint
prodigia et signa mendacii, tune potius apparebit. Sed
propler quodlibet horum dictum sit, seducentur eis signis
atque prodigiis, qui seduci merebuntur : pro eo quod
dilectionem veritatis, inquit , non receperunt, ut salvi
fièrent. Nec dubitavit Apostolus addere, et dicere : ldeo
mittet illis Deus operationem erroris, ut credant mendacio.
Deus enim mittet, quia Deus diabolum facere ista permittet,
1 56 NOTES.
justo ipse judicio, quamvis facial iile inique malignoque
consilio. Ut judicentur, inquit, om nés qui non crediderunt
veritati, sed consenserunt iniquitati. Proinde judicati sedu-
centur, et seducti judicabuntur. Sed judicati seducentur
illis judiciis Dei occulte justis, juste occultis, quibus ab
initio peccali rationalis creaturae nunquam judicare cessa-
vit : seducti autem judicabuntur novissimo manifestoque
judicio per Jesum Christum, justissime judicaturum, injus-
tissime judicatum. (S. Aug. lib. 20 de civ . Dei cap. 19.)
IV. LE CORPS PEUT BRULER ÉTERNELLEMENT.
Quid igitur ostendam, unde convincantur increduli,
posse bumana corpora animata atque viventia, non solum
nunquam morte dissolvi, sed in geternorum quoque ignium
durare tormentis? Nolunt enim hoc ad Omnipotentis nos
referre potentiam, sed aliquo exemplo probari sibi flagitant.
Quibus si respondemus, esse animalia profecto corrup-
tibilia. quia mortalia, quaa lamen in mediis ignibus vi-
vant : nonnullum etiam genus vermium in aquarum
calidarum scaturigine reperiri, quarum fervorem nemo
impune contrectat ; illos autem non solum sine ulla sui
lœsione ibi esse, sed extra esse non posse : aut nolunt
credere, si ostendere non valemus ; aut si ^aluerimus sive
oculis demonstrare res ipsas, sive per testes idoneos edo-
cere, non satis hoc esse ad exemplum rei, de qua quaestio
est, eadem infidelitate contendent : quia hsec animalia nec
semper vivunt, et in illis fervoribus sine doloribus vivunt,
suas quippe naturae convenientibus vegetantur illis, non
cruciantur elementis; quasi non incredibilius sit vegetari,
quam cruciari talibus rébus Mirabile est. enim, dolere in
ignibus, et tamen vivere : sed mirabilius, vivere in igni-
bus, nec dolere. Si autem hoc creditur, cur non etillud?
An consequens sit ut eorporeum dolorem sequatur earnis
iîiteritus.
NOTES. 157
\. Sed nullum est, inquiunt, corpus quod dolere possit.
née possit mori. Et hoc unde scimus? Nam de eorporibus
quis certus est deemonum, utrum in eis doleant, quandose
affligi magnis crucialibus confitentur? Quod si responde-
tur, terrenuin corpus solidum scilicet atque conspicuum
nullum esse, atque ut uno potius nomine id expiicem,
nullam esse carnem quee dolere possit, morique non pos-
sit : quid alitid dicitur, nisi quod sensu corporis homines
et experientia collegerunt? Nullam namque carnem nisi
mortalern sciunf, : et hac est eorum tota ratio, ut quod
experti non sunt, nequaquam esse posse arbitrentur. Nam
cujus rationis est dolorem facere mortis argumentum, cum
vitae potius sit indicium ? Etsi enim quaerimus, utrum sem-
per possit vivefe : certum tamen est vivere omne quod
dolet, doloremque omnem nisi in re vivenle esse non posse.
Necesse est ergo ut vivat dolens, non est necesse ut occidat
dolor : quia nec corpora ista mortalia, et utique rnoritura,
omnis dolor occidit ; et ut dolor aliquis possit occidere,
illa causa est, quoniam sic est anima connexa huic corpori,
ut summis doloribus cedat, atque discedat : quoniam et
ipsa compago membrorum atque vitalium sic infirma est,
ut eam vim quae magnum vel summum dolorem facit, non
valeat sustinere. Tune autem tali corpori anima et eo con-
nectitur modo, ut illud vinculum sicut nulla temporis
longitudine solvitur, ita nullo dolore rumpatur. Proinde
etiamsi caro nunc talis nulla est, quse sensum doloris per-
peti possit, mortemque non possit : erit tamen tune talis*
caro, qualis nunc non est : sicut talis ent et mors, qualis
nunc non est. Non enim nulla, sed sempiterna mors erit,
quando nec vivere anima poterit Deum non habendo, nec
doloribus corporis carere moriendo. Prima mors animam
nolentem pellit è corpore, secunda mors animam nolentem
tenet in corpore : ab utraque morte communiter id habe-
tur, ut quod non vult anima, de suo corpore patiatur.
SYMB. II. 14
15S NOTES.
2. Attendant autrm isti con tr ad ic tores nullam esse
nune carnem, quae dolorem pati possit, morlemque non
possit ; el non atlcndunt esse tamen aliquid taie quod
corpore majus sit. Ipse quippe animus, cujus praesentia
corpus \ivil tl regitur, et dolorem pati polest, et mori non
potest. Ecce inventa res est, quae cum sensum doloris
habeat, immorlalis est. Hoc igitur erit tune etiam in cor-
poribus damnatorum, quod nunc esse scimus in animis
omnium. Si au te m consideremus diligentius, dolor qui
dicitur corporis, magis ad animam pertiuet. Animas enim
est doiere, non corporis, etiam quando ei dolendi causa
existât a corpore, cum in eo loco dolet, ubi lœdilur cor-
pus. Sicut ergo dicimus corpora sententia, et corpora vi-
ventia, cum ab anima sit corporis sensus et vita ; ita et
corpora dicimus dolentia, cum dolor corporis nisi ab anima
esse non possit. Dolet itaque anima cum corpore in eo
loco ejus, ubi aliquid contigit ut doleat. Dolet et sola,
quamvis sit in corpore, cum aliqoa causa etiam invisibili
tristi? est ipsa corpore ineolumi. Dolet etiam non in cor-
pore constituta : nam iifique dolebat dives ille apud infe-
ros, quando dicobat, Crucior iu hac flamma {Luc. xvi.Sl )
Corpus autem nec exanime dolet, nec animatum sine ani-
ma dolet. Si ergo a dolore argumentum recte sumeretur
ad mertem, ut ideo mors possit accidere, quia potuit
accidere el dolor, magis ad animam pertineret mori, ad
quam magis pertinet et doiere. Cum vero illa quae magis
Tlolere potest, non possit mori, quid momenti affert cur
illa corpora, quoniam futura sunt in dolor ibus, ideo etiam
moritura esse credamus? Dixerunt quidem Platonici, ex
terrenis corporibus moribundisque membris esse animae et
metuere, et cupere, et doiere, atque gaudere. Unde Vir-
gilius, Hinc, inquit, id est, ex moribundis terreni corpo-
ris membris) metuunl cupiuntque , dolent gaudentque
LEneid. Hb. 6. vers. 733.) Sed convicimus eos in quarto
decimo hujus operis libro, habere animas secundum ipsos
NOTES. 159
al) omni etiam corporis labe purgat<is, dira m cupidilatem,
qua rursus incipiunt in corpora velle reverti (Ibid. vers.
720, 721 .) Ubi autem potest esse cupiditas, profecto etiam
dolor polest. Frustra ta quippe cupiditas sive non prove-
niendo quo tendebat, sive amiitendo quo pervenerat, ver-
litur, in dolorem. Quapropter si anima, quae yelsola vel
maxime do!et, liabet tamen quamdam pro suo modo im-
morlalitat.em suam, non ideo mori poterunt illa corpora,
quia dolebunt Postremo si corpora faciunt, ut animée do-
leant, cur eis dolorem possunt, moriem vero inferre non
possunt, nisi quia consequens non est, ut moriem facial,
quod dolorem facit? Curergo incredibile est, ita ignés iilis
corporibus dolorem posse inferre, non moriem, picot ipsa
corpora dolere animas faciunt, quas tamen non ideo mori
cogunl? Non est ergo necessarium ftilurse mortis argumen-
tum dolor.
De naturalibus exemplis, quorum consideralio doreat
posse inter cruciatus viventia corpora permanere.
1. Quapropter si, ul scripserunt qui Da taras animalium
cutiosius indagarunt, salamandra in ignibus vivit; et qui-
dem notissimi Sîcilisc montes, qui tanta diuturnilale tem-
poris atque vetustate usque nunc ac deinceps flammis
œstuant, alque integri persévérant, satis idonei testes
sunt, non omne quod ardet absumi ; et anima indical, non
omne quod dolere potest, posse etiam mori : quid adhuc
a nobis rerum poscuntur exempla, quibus doceamus, non
esse incredibile, ut hominum corpora sempiterno supplicio
punitorum, et in igné animam non amittant, et sine detri-
mento ardeant, et sine interitu doleant? Habebit enim tune
istam carnis substantia qualitatem a*b illo inductam, qui
tam miras et varias tôt rébus indidit, quas v idem us, ut
eas, quia mullse sunt, non miremur. Quis enim nisi Deus
creator omnium dédit carni pavonis mortui ne pulresceret?
Quod cum auditum incredibile videretur, evenit ut apud
1 60 NOTES.
Carthaginem nobis cocta apponeretur haec avis : de cujus
pectore pulparum, quantum visum est, decerptum servari
jussimus : quod post dierum tantum spacium, quanto alio
caro quaecumque cocta putresceret. prolatum atque obla-
tum, nihil nostrum offendit olfactum. Itemque reposilom
post dies amp!ius quam triginta, idem quod erat inventum
est : idemqae post annum , nisi quod aliquantum cor-
pulentiee siccioris e! contraclioris fuit. Quis paleae dédit
vel tan; frigidam vim, ut obrutas nives servet ; vel tam
fervidam. ut poma immatura maturet ?
2. De ipso igné mira quis explicet, quo quseque adusta
nigrescunt, cum ipse sit lucidus ; et pêne omnia quae am-
bit et lambit, colore pulcherrimus décolorât, atque ex
pruna fulgida carbonem teterrimum reddit? Neque id quasi
regulariter definitum est : nam e contrario lapides igné
C3ndente percocti , et ipsi 6unt candidi, et quamvis ille
- - rubeat, illi albicent, congruit tamen luci quod album
est , sicut nigrum tenebris. Cum itaque ignis in lignis
ardeat, ut lapides coqoat, contrarios babet non in contra-
nis rébus effeclus. E'si enim lapides et ligna diversa sunt ,
contraria tamen non sunt, sicut album et nigrum, quorum
in lapidibus unum facit, alterum in lignis, clarus illos cla-
rificans, ha?e obfuscans : cum in illis deficeret, nisi in istis
viveret. Quid in carbonibus, nonne miranda est et tanta
infirmitas ut ictu levissimo frangantur, pressu faciliimo
conîerantur : et tanta firmitas, ut nullo humore corrum-
pantur. nulla œtate vincantnr, usque adeo ut eos subste-
nere soleanf qui limites figunt, ad convincendum litigato-
rem. quisquis post quantalibet tempora existerit, fixumque
lapidem limitem non esse contenderit? Quis eos in terra
bumida infossos, ubi ligna putrescerent, tam diu durare in-
corruplibiliter posse, nisi rerum ille corruptor ignis effecit ?
3. Intueamur etiam miraculum calcis, excepto eo, de
quo jam salis diximus, quod igné candeat , quo alia tetra
NOTES. 161
redduntur,etiam ocultissime ab igné ignem concipit, eum-
que jam gleba tangentibus frigida tam latenter servat, ut
nulli nostro sensui prorsus appareat, sed compertus expé-
rimente etiam dum non apparet, sciatur inesse sopitus.
Propter quod eam vivam calcem loquimur, velut ipse ignis
latens anima sit invisibilis corporis.Jam vero quam mirum
est quod cum exstinguitur, non accenditur? Ut enim oc-
culto igné careat, aqua infunditur, aquave perfunditur; et
cum ante sit frigida, inde fervescit, unde ferventia cuncta
frigescunt. Yelut exspirante ergo illa gleba diseedens ignis,
qui lalebat, apparet, ac deinde tanquam morte sic frigida
est, ut adjecta unda non sit arsura, et quam calcem voca-
bamus vivam, vocemus exstinctam. Quid est quod huic
miraculo addi posse videatur? et tamen additur. Nam si
non adhibeas aquam, sed oleum, quod magis fomes est
ignis, nulla ejus perfusione vel infusione fervescit. Hoc mi-
raculum si de aliquo Indico lapide legeremu? , sive audi-
remus, et in nostrum experimentum venire non posset,
profecto aut mendacium putaremus, aut certe granditer
miraremur. Quarum vero rerum ante oculos nostros quo-
tidiana documenta versantur, non génère minus mirabili,
sed ipsa assiduitate vilescunt, ita ut ex ipsa India, quae
remota et pars orbis à nobis, disceremus non nulla mirari,
quae ad nos potuerunt miranda perduci.
4. Adamantem lapidem multi apud nos habent, et ma-
xime aurifices insignitoresque gemmarum, qui lapis nec
ferro, nec igni, nec alia vi ulla, perhibetur praeter hircino
sanguine vinci. Sed qui eum habent atque noverunt, num-
quid ita mirantur, ut hi quibus primum potentia ejus os-
tenditur? Quibus autem non ostenditur, fortasse nec cre-
dunt; aut si credunt, inexperta mirantur; et si contigerit
experiri, adbuc quidem mirantur insolita, sed assiduitas
experiendi paulatim subtrahit admirationis incitamentum.
Magnetem lapidem novimusmirabilem ferri esse raptorem :
SYMB. II. -14*
162 NOTES.
quod quamprimum vidi, vehementer inhoirui. Quippe cer-
nebama lapide ferreumannulumraptum atque suspensum ;
deinde tanquam ferro quod rapuerat, vim dedisset suam,
communetnque fecisset, idem annulus admotus eat alleri,
eumque suspendit, atque ut ille prior lapidi, sic alter an-
nulus priori annulo cohaerebat : accessit eodem modo ter-
tius, accessit et quartus, jamque sibi per mutua circulis
nexis, non implicatorum intrinsecus, sed extrinsecus ad-
hcerentium, quasi catena pependerat annulorum.Quis istam
vim lapidis Don stuperet, quae illi non solum inerat, verum
etiam per tôt suspensa transibat, et invisibilius ea vinculis
subligabat? Sed multo est mirabilius, quod a fratre et coe-
piscopo meo Severo Mîlevitano de isto lapide comperi. Se
ipsum namque vidisse narravit, quemadmodum Bathana-
rias quondam Cornes Africa?, cum apud eum conversabatur
Episcopus, eumdem protulerit lapidem, et tenueritsub ar-
gento, ferrumque super argentum posuent ; deinde sicut
subter movebat manum, qua lapidem tenebat, ita ferrum
desuper movebatur , atque argento medio nihilque pa-
tiente, concitatissimo cursu ac recursu infra lapis ab ho-
mine, supra ferrum rapiebatur a lapide. Dixi quod ipse
conspexi, dixi quod ab illo audivi, cui tanquam ipse vide-
rim credidi. Quid etiam de isto magnete legerim dicam.
Quando juxta eum ponitur adamas non mpit ferrum ; et
si jam rapuerat, ut ei appropinquaverit,mox remittit.India
mittit bos lapides : sed si eos nos cognitos jam desistimus
admirari, quanto magis illi a quibus veniunt, si eos facil-
limos habent, sic forsitan habent ut nos calcem.quam miro
modo aqua fervescentem, qua solet ignis exstingui, et oleo
non fervescentem, quo solet ignis accendi, quia in promptu
nobis est, non miramur? (S. Aug. lib. 20 de civ. Dei cap.
2, 3eU.
Inlolerabilis quidem res est etiam gehenna : quis nesciat?
et supplicium illud horribile. Tamen si mille aliquis ponat
NOTES. 163
gehennas, nihil taie dicturus est, quale est a beatae illius
gloriae honore repelli, exosumque esse Christo, et audire
abillo,Non novi vos : atqueargui quodesurienti et sitieiiti
negaverimus cibum etpotum. Est enim satius mille ful-
mina sustinere, quam vultum illum mansuetudims piela-
tisque plénum, nos tamen adversantem videre, et illos
placidissimos oculos nequaquam nos aspicere sustinentes.
Si enim ille me cum ei inimicus existerem, eumque odis-
sem, atque adversarer, ita est tamen secutus, ut ne sibi
quidem parceret, seseque ipsum in mortem traderet :
quando post illa omnia esurientem illum ne pane quidem
duco dignum, quibus jam illum potero oculis intueri? Sed
hoc etiam loco illius considéra lenitatem. Neque enim bé-
néficia sua imputando commémorât, nec quod illi eum
despiciant, quibus tanta praBstiterit : nec enim dicit, me
despicis, qui cum non esses, esse te prœstiti, et tibi inspi-
ravi animam : qui te supra ea quas in terra sunt cuncta
constitui : qui propter te et cœlos, et aerem, et pelagus,
et terra, et omnia quae existunt, creavi : qui à te inhono-
ratus sum, et diabolo ipso vilior existimatus : qui nec sic
quidem destiti, sed innumera tibi bénéficia etiam post ista
donavi : qui ob tuam salutem fieri servus elegi : qui pal-
mis ora temeratus, et faciem spntaminibus aspersus, et
occisus, et quidem turpissima morte, qui pro te etiam in
cœlo interpelio patrem, qui spiritum sanctum tibi dono,
qui te ad regnum invito cœlorum, qui tibi etiam tanta
promisi : qui et caput tuum esse volui, et sponsus, et ves-
tis, et domus, et radix, et pastus, et potus, et pastor, et
rex, etfrater : qui te haeredem coheeredemque delegi : qui
è tenebris in lumen te duxi ; cum hsec enim, hisque plura
proferre posset, nihil horum omnino commémorât. Sed
quid? Solum ipsum profecto peccatum, hic quoque chari-
t3tem ac desiderinm quod erga te habet ostendens. Neque
enim dixit : Ite in ignem paratum vobis : sed paralum dia-
bolo. Et prius dicit, quaenam illi peccaverint. Et ne tune
104 NOTES.
quidam cuncta, sed pauca : et ante hos illos qui man-
data ejus impleverint, in regnum vocat, ut ex hoc quoque
ostendat juste se cuipare damnatos.Quonam ergo supplicio
non sunt verba ejusmodi saeviora? Si enim hominem ali-
quis a quo beneficiis affectus est, esurientem videns mi-
nime despicit : sed estifortasse despiciat : certe cum eiille
exprobrare bénéficia sua cœperit, eligit magis in terram
omnino demergi;quam coram duobus tribusve amicis taie
aliquid audire : quid nos patiemur, perpendite, qui toto
jam teste mundo haec quae memorata sunt, audiemus?quae
ne tune quidem diceret nisi et aequitatem propriœ vellet
declarare sententise. Quod enim haud exprobrans ea pro-
ferret, sed quasi satisfaciens, et ostendens, quia non eis
frustra, nec absque certa justitiœ ralione dicturus sit, Dis-
cedite a me : ipsa satis beneficiorum quae eis ante contule-
rat liberalitate patefecit.Si enim exprobrare voluisset,omnia
illa quœ dixi, adduceret in médium : nunc autem dicit sola
illa quae passus est. Timeamus igitur, dilectissimi, hujus-
modi tune audire sermones. (S. Joan. Chrys. homil. 23. in
cap. 7 Matth.)
VIIIe ARTICLE DU SYMBOLE
CREDO IN SPIRITUM SANCTUM.
Ife INSTRUCTION
DU NOM ET DE L.\ DIVINITE DU SAINT-ESPRIT.
EXORDE.
\ . Le huitième article du Symbole, où nous voici
parvenus, s'énonce en ces termes :« Je crois au
Saint-Esprit. Credo in Spiritum Sanctum.
Jusqu'ici, nous vous avons entretenus de ce qui
regarde les deux premières personnes de la sainte
Trinité. Tous avez vu que la première est le Père,
à qui l'on attribue spécialement, avec la toute-
puissance, l'œuvre de la création du monde. Le
monde ayant été créé, l'ange fut placé au ciel et
l'homme sur la terre, tous les deux destinés à par-
tager la félicité de Dieu même, pourvu qu'ils lui
fussent fidèles. Mais une partie des esprits célestes
prévariqua et fut disgraciée sans retour, tandis que
l'autre resta soumise à son créateur et fut con-
firmée dans la grâce. L'homme aussi eut le mal-
I 66 DU ROM ET DE LA DIVINITÉ
heur de pécher, et comme il s'était fait le complice
de l'ange rebelle, il aurait du de même être le
compagnon de son supplice.
Alors se montre avec le Fils de Dieu, seconde
personne de la sainte Trinité, le grand dessein que
Dieu a formé de toute éternité pour la rédemption
du genre humain, dessein plus admirable que celui
de la création. « Deus qui humanae substantiae
dignitatem mirabiliter condidisti et mirabilius refor-
masti. Seigneur, dit l'Eglise, vous avez été admi-
rable, quand vous avez créé la dignité de la nature
humaine: mais vous l'avez réparée d'une manière
bien plus admirable encore ! »
En effet, comme on vous l'a expliqué, le Fils
unique de Dieu, en tout égala son Père, ayant bien
voulu s'offrir pour expier le péché d'Adam, n'a pas
dédaigné de se faire homme dans le sein de la
Vierge Marie. « Tu ad liberandum suscenturus
hominem. non horruisti Virginis uterum ! » Conçu
du Saint-Esprit, né de la Vierge, après avoir passé
trente-trois ans dans la pauvreté et les travaux, il
a souffert et il a été crucifié pour nous et pour
notre salut.
Mais pour que l'œuvre de notre rédemption ne
laissât rien a désirer, après avoir vaincu notre
mort par la sienne, il est ressuscité et il est monté
aux cieux. afin que, sortant nous-mêmes du sein
de la mort, nous pussions être trouvés dignes, au
grand jour du jugement, de le suivre dans sa
gloire.
DU SA1NT-ESPRÎT. I G*
Voilà un aperçu rapide des grandes choses que
le Symbole nous a apprises sur les deux premières
personnes de la sainte Trinité.
2. Nous aurons maintenant à nous occuper de
ce qui concerne la troisième, ou le Saint-Esprit.
C'est à quoi nous ne saunons mettre trop d'appli-
cation et de zèle. 11 n'est pas plus permis à un
chrétien d'ignorer ie Saint-Esprit que le Père et le
Fils, puisqu'il est un seul et même Dieu avec eux.
Nous en avons la preuve dans la conduite de
l'Apôtre .
Comme il prêchait à Ephèse, il y rencontra quel-
ques disciples animés d'excellentes dispositions.
Il leur demanda s'ils avaient reçu le Saint-Esprit,
depuis qu'ils avaient cru en Jésus-Christ. — « Mais,
lui répondirent-ils, nous ne savons même pas s'il
y a un Saint-Esprit. — Quel baptême avez-vous
donc reçu ? » répliqua aussitôt l'Apôtre, témoignant
par cette question qu'on n'est pas chrétien sans ia
foi au Saint-Esprit. Aussi prit-il soin de les instruire
sur-le-champ.
3. Ne manquons pas de profiter de cet exemple.
Connaître le Saint-Esprit, c'est savoir qu'il est la
vraie source de tout le bien qui est en nous. Le fruit
de cette connaissance sera de nous inspirer des
sentiments d'humilité et de modestie à l'égard de
nous-mêmes et de confiance dans la bonté de Dieu.
Or, c'est là pour le chrétien le premier pas vers
la vraie sagesse et par conséquent vers le souve-
rain bonheur.
1 68 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ
Commençons dans cet entretien par expliquer
le sens précis de ce nom : Saint-Esprit ; nous
verrons ensuite ce qu'est le Saint-Esprit en lui-
même.
Nous désirons vous connaître, ô Esprit de Dieu !
mais nous ne le pouvons qu'avec votre assistance ;
daignez donc nous prévenir d'un rayon de votre
lumière ; daignez nous rendre dociles à vos inspi-
rations.
PREMIER POINT.
i. La qualification d'Esprit-Saint pourrait s'ap-
pliquer aussi justement au Père et au Fils qu'au
Saint-Esprit.
En effet, l'un et l'autre sont esprits, puisque Dieu
est un pur esprit, qui n'a ni corps, ni membres,
ni rien de ce qui frappe nos sens ; ensuite l'un et
l'autre sont saints, puisque Dieu est la sainteté par
essence.
Il y a plus, on pourrait même qualifier du nom
d'esprits saints les anges et les esprits des bien-
heureux, puisqu'eux aussi n'ont rien de corporel
et qu'étant les amis de Dieu, ils participent à sa
sainteté.
5. Mais quand le Symbole dit : Je crois au Saiîit-
Esprit, sous ce nom il désigne la troisième per-
sonne de la Sainte Trinité, et il emploie cette
dénomination pour la distinguer des deux autres.
On rencontre très-fréquemment le nom de Saint-
Esprit pris en ce sens dans le Nouveau Testament.
DU SAIfiT-ESPRIT. 169
On le trouve même plusieurs fois dans l'Ancien.
C'est ainsi que David l'entend dans cette prière :
« Seigneur, n'éloignez point de moi votre Saint-
Esprit. Et Spiritum Sanctum tuum ne auferas à
me. » (Ps. l.) Nous lisons également au livre de la
Sagesse : « Qui saura votre pensée, Seigneur, si
vous ne donnez la sagesse, et si vous n'envoyez
d'en haut votre Saint-Esprit? Sensum tuum quis
sciet, nisi tu dederis sapientiam, et miseris Spiri-
tum Sanctum tuum de altissimis? » (Sap. ix.)
Ailleurs on lit encore que « Dieu a créé la sagesse
par le Saint-Esprit. Ipse creavit illam in Spiritu
Sancto. » (Eccli. i.)
Mais le Nouveau Testament est beaucoup plus
explicite à cet égard.
Notre-Seigneur envoyant ses disciples prêcher
par tout le monde, leur ordonne de baptiser au
nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. « Bap-
tizantes eos in nomine Patris et Filii et Spiritus
Sancti. » (Matth. xxvin.) Il est évident par là que
le nom de Saint-Esprit se rapporte à une personne
divine autre que le Père et le Fils.
Nous voyons aussi dans l'Evangile que la sainte
Vierge a conçu du Saint-Esprit. « Le Saint-Esprit,
lui dit l'ange, surviendra en vous, et la vertu du
Très-Haut vous couvrira de son ombre. Spiritus
Sanctussuperveniet in te, et virtus Altissimi obum-
brabit tibi. » (Luc. i.)
Saint Jean-Baptiste envoie les Juifs à Jésus-
SYMB. II. Î5
\ 70 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ
Christ, en leur déclarant que c'est lui qui baptise
dans le Saint-Esprit.
Cent autres passages que nous pourrions citer,
emploient pareillement le nom de Saint-Esprit pour
indiquer la troisième personne de la sainte Trinité.
6. Mais d'où vient, dira-t-on, que cette troi-
sième personne, au lieu d'avoir un nom propre et
spécial comme les deux autres, n'a qu'un nom
commun et générique ?
En voici la raison : c'est que nous sommes
obligés d'emprunter aux créatures les noms que
nous donnons à Dieu.
Or, dans l'ordre des choses humaines, nous
avons bien des termes pour exprimer le rapport
qui existe entre les deux premières personnes ;
ainsi, nous appelons la première le Père, la se-
conde le Fils, parce que la seconde procède de
toute éternité de la première par voie de géné-
ration, et que nous donnons le nom de Père à
celui qui engendre et celui de Fils à celui qui est
engendré.
Mais pour le rapport qui existe entre la troisième
personne et les deux autres, c'est-à-dire pour la
manière dont elle en procède, nous ne connaissons
absolument rien de semblable dans les choses
créées. En effet, il n'existe dans les créatures qu'un
seul mode de communiquer la nature et l'essence,
c'est la génération.
Or, ce n'est nullement par voie de génération
que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Il
DU SAINT-ESPRIT. '171
est le terme de leur amour réciproque et éternel.
Le Père et le Fils en s'aimant de toute éternité le
produisent, et lui communiquent leur nature par
voie d'amour ou de volonté, et non par voie de
génération.
Ainsi, le Saint-Esprit émane des deux autres
personnes d'une manière inexprimable, c'est-à-dire
qu'on ne peut énoncer parfaitement.
Voilà pourquoi on l'appelle simplement le Saint-
Esprit, d'un nom qui est commun aux deux autres.
Cette dénomination du reste lui convient parfai-
tement ; elle marque très-bien ce qu'il opère dans
nos âmes.
C'est le Saint-Esprit en effet qui répand en nous
la vie spirituelle, et sans son inspiration nous ne
pouvons rien faire de méritoire pour la vie éter-
nelle. De même donc que c'est l'âme qui anime et
vivifie le corps, de même c'est le Saint-Esprit qui
anime et vivifie notre âme en la sanctifiant par sa
grâce.
SECOND POINT.
7. Voyons maintenant plus particulièrement ce
qu'est le Saint-Esprit.
Que nous enseigne la foi à son sujet?
En premier lieu, elle nous enseigne qu'il est égal
en tout au Père et au Fils, et un même Dieu avec
eux, tout -puissant, éternel, infiniment parfait
comme eux, qu'il possède avec eux la même
bonté, la même sagesse, la même éternité, en un
mot, la même divinité.
4 72 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ
Tout cela nous est indiqué par les termes mêmes
du Symbole.
Il dit : Je crois en V Esprit Saint, credo in Spi-
ritum Sanctum, ou ce qui est exactement la même
chose, je crois au Saint-Esprit, de la même ma-
nière qu'il a dit : je crois en Dieu le Père, et je crois
en Jésus- Christ.
Il ne met aucune différence entre la foi que nous
devons au Saint-Esprit et celle que nous devons
au Père et au Fils.
Vous vous rappelez quelle est la force de cette
expression : croire en Dieu. Ce n'est pas seulement
avouer son existence, mais c'est confesser qu'il est
notre premier principe et notre dernière fin. Je
crois en Dieu, c'est-à-dire, que je me soumets à
Dieu et que je tends vers lui par toutes les facultés
de mon âme.
Or, voilà ce que le Symbole nous apprend à
dire à l'égard du Saint-Esprit, comme à l'égard du
Père et du Fils.
N'est-ce pas nous apprendre en même temps
qu'il y a égalité parfaite entre les trois, et que par
conséquent le Saint-Esprit est vraiment Dieu?
Sans nul doute. Ainsi nous avons dans le Sym-
bole même une première preuve de la divinité du
Saint-Esprit.
8. La seconde se tire de ce que les saintes Ecri-
tures lui donnent le nom de Dieu. Grand nombre
de textes sont très-catégoriques. Donnons-en quel-
ques-uns.
DU SAINT-ESPRIT. 173
Les premiers fidèles mettaient leurs biens en
commun. Plusieurs vendaient leurs possessions et
en venaient déposer le prix aux pieds des apôtres.
Ananie et Saphire, pour imiter cet exemple, ven-
dirent un champ qu'ils avaient, mais au lieu d'en
remettre intégralement la somme, ils en retinrent
une partie. Ananie se présenta donc à saint Pierre
et feignit de lui remettre le tout. Alors le Prince
des apôtres lui dit cette remarquable parole :
« Ananie, comment vous êtes-vous laissé séduire
par Satan, jusqu'à mentir au Saint-Esprit?... Ce
n'est pas aux hommes que vous avez menti, c'est à
Dieu. Anania , cur tentavit Satanas cor tuum,
mentiri te Spiritui Sancto?... Non es mentitus ho-
minibus, sed Deo. » (Act. v.)
Puisqu'au témoignage de saint Pierre, mentir au
Saint-Esprit, c'est mentir non aux hommes, mais
à Dieu ; il est donc manifeste que le Saint-Esprit
est Dieu.
L'apôtre saint Paul tient un langage tout sem-
blable. « Il y a, dit-il, dans sa première épître aux
Corinthiens, il y a une grande diversité d'opéra-
tions ; mais il n'y a qu'un même Dieu qui opère
tout en tous. Divisiones operationum sunt, idem
vero Deus qui operaturomnia in omnibus. » (i Cor.
xii.) Entendons maintenant ce qu'il ajoute : «C'est
un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses,
distribuant ses dons à chacun selon qu'il lui plaît.
Hase au te m omnia opérât urunus atque idem Spi-
ritus, dividens singulis prout vult. » (Jb\d.)
174 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ
Dans les Actes des Apôtres, nous voyons que le
même saint Paul attribue au Saint-Esprit ce que
les prophètes attribuaient à Dieu. Isaïe avait dit :
« J'ai entendu la voix du Seigneur qui disait : Qui
enverrai-je? Allez, me dit-il ensuite, et dites à ce
peuple : ton cœur est aveugle, tes oreilles sont
endurcies, tes yeux sont fermés de peur de voir,
tes oreilles bouchées de peur d'entendre. Audivi
vocem Domini dicentis : Quem mittam? Et dixit
mihi : Vade et dices populo huic : Excaeca cor
populi hujus, et aures ejus aggrava, et oculos ejus
claude, ne forte videat oculij suis, et auribus suis
audiat. » (/sa. vi.)
Or, l'Apôtre citant la parole du prophète, s'ex-
prime ainsi : a C'est avec raison que le Saint-Esprit
a dit par la bouche du prophète Isaïe. Bene Spiritus
Sanctus locutus est per Isaïam prophetam. »
(Act. xxviii.)
9. Une troisième preuve de la divinité du Saint-
Esprit, qui est aussi fournie par la sainte Ecriture,
consiste en ce qu'elle le joint au Père et au Fils
sans la moindre restriction.
Vous en avez un exemple sensible dans la forme
du baptême. 11 est conféré au nom du Père et du
Fils et du Saint-Esprit.
Quoi de plus manifeste qu'il est leur égal et qu'il
mérite les mêmes hommages?
Si le Saint-Esprit n'était qu'une créature, de quoi
servirait le baptême donné en son nom ? Un sem-
blable baptême serait sans fruit pour le salut.
DU SAINT-ESPRIT. 175
L'Apôtre nous le fait bien voir quand il dit aux
Corinthiens :« Est-ce au nom de Paul que vous
avez été baptisés? Numquid in nomine Pauli bapti-
zati estis?» (i Cor'inth. i.)
Si donc le baptême est administré au nom du
Saint-Esprit, comme au nom du Père et du Fils, il
s'ensuit nécessairement qu'il est Dieu comme le
Père et le Fils ; car Dieu seul peut effacer les
péchés et produire la grâce au moyen du baptême.
Vous voyez le Saint-Esprit associé de la même
manière au Père et au Fils dans ce passage célèbre
de saint Jean : « Il y en a trois qui rendent témoi-
gnage dans le ciel, le Père, le Verbe et le Saint-
Esprit, et ces trois ne sont qu'une seule chose.
Très sunt qui testimonium dant in coelo, Pater,
VerbumetSpiritusSanctus, et hi très unum sunt. »
(i Joan. v.)
Il en est de même dans la doxologie : « Gloire
au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; comme elle
était au commencement, qu'elle soit maintenant et
dans tous les siècles des siècles. Gloria Patri, et
Filio, et Spiritui Sancto ; sicut ecat in principio et
nunc, et semper, et in saecula saeculorum. »
Ce sont là autant de preuves nouvelles de la
divinité du Saint-Esprit.
10. Enfin, ce qui confirme au plus haut point
cette vérité, c'est que l'Ecriture ne cesse d'attri-
buer au Saint-Esprit les propriétés qui ne con-
viennent qu'à Dieu.
Elle lui donne des temples : « Ne sa vez-vous pas,
1 76 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ
dit l'Apôtre, que vos membres sont les temples du
Saint-Esprit? An nescitis quoniam membra vestra
templum sunt Spiritus Saneti? (i Cor. xvi.)
Elle lui reconnaît le pouvoir de sanctifier et de
vivifier,celuidesonderlesprofondeursdeDieu.«In
sanctificationem Spiritus. » (i Petr. i.) « Charitas
Dei diffusa est in cordibus nostris per inhabitantem
Spiritum ejus in nobis. La charité de Dieu, dit
l'Apôtre, a été répandue dans nos cœurs par son
Esprit qui fait en nous sa résidence. » (Rom. v.)
« Cet Esprit scrute les profondeurs même de Dieu.
Spiritus omnia scrutatur, etiamprofunda Dei, » dit
encore l'Apôtre, (i Cor. n.)
Il est l'inspirateur des prophètes, comme l'at-
teste saint Pierre. « Non enim voluntate humana
allata est aliquando prophetia, sed Spiritu Sancto
inspirati locuti sunt saneti Dei homines. Les pro-
phéties, dit-il, ne sont nullement le produit de la
volonté humaine, mais les hommes de Dieu n'ont
parlé que sous l'inspiration du Saint-Esprit. »
[2 Petr. il)
Enfin il est partout, s Quo ibo à Spiritu tuo ? Où
irai-je pour me dérober à votre Esprit ? » dit. le
Psalmiste. (Ps. cxxxvm.) « Spiritus Domini reple-
vit orbem terrarum. L'Esprit du Seigneur, lisons-
nous au livre de la Sagesse, remplit toute l'éten-
due de la terre. » (Sap. i.)
Or, ce sont bien là les caractères propres de la
divinité.
11. Premièrement donc, nous devons croire
DU SAINT-ESPRIT. 177
que le Saint-Esprit est Dieu. Nous devons savoir
en outre qu'il est la troisième personne de la sainte
Trinité, réellement distincte du Père et du Fils, et
procédant de la volonté de l'un et de l'autre. Car,
pour ne point faire mention des autres témoignages
de l'Ecriture, la seule formule du baptême pres-
crite par Notre-Seigneur, montre clairement que
le Saint-Esprit est la troisième personne divine,
subsistant par elle-même et réellement distincte
des deux autres.
C'est ce que déclare pareillement l'apôtre saint
Paul, lorsqu'il dit : « Que la grâce de Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, et là charité de Dieu, et la
communication du Saint-Esprit soit avec tous.
Gratia Domini nostri Jesu Christi, et charitas Dei,
et communicatio Spiritus Sancti sit cum omnibus
vobis. » (2 Cor. xm )
12. Mais de toutes les preuves qu'on peut don-
ner de la divinité du Saint-Esprit et de sa distinc-
tion d'avec le Père et le Fils, il n'en est aucune qui
garantisse mieux cette vérité que l'enseignement
même de l'Eglise , l'infaillible interprète de la ré-
vélation.
Dès le commencement, elle en a fait profession ;
le Symbole des Apôtres le prouve. Depuis, elle a
constamment gardé cette croyance.
Aussi l'impie Macédonius ayant osé révoquer
en doute la divinité du Saint-Esprit, le premier
concile de Constantinople, célébré en 381 , pros-
crivit ses erreurs ; et pour les confondre à jamais,
178 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ
l'Eglise ajouta ces paroles au Symbole : « Je crois
au Saint-Esprit, Notre-Seigneur, qui vivifie, qui
procède du Père et du Fils, qui est adoré et glori-
fié avec le Père et le Fils, et qui a parlé par les
prophètes. Et in Spiritum sanctum, Dominum et
vivificantem, qui ex Pâtre Filioque procedit, qui
cura Pâtre et Filio simul adoratur et conglonfica-
tur, qui locutus estper prophetas.»
L'Eglise donc reconnaît le Saint-Esprit pour
Seigneur.
Par là, elle nous montre qu'il est infiniment au-
dessus des anges, qui sont cependant les plus
nobles esprits que Dieu ait créés. Que sont en effet
les anges, <( sinon, comme le dit l'Apôtre, de sim-
ples ministres aux ordres du Seigneur qui les en-
voie sur la terre pour le service des héritiers du
salut? Nonne omnes sunt arlministratorii spiiïtus in
ministerium missi propter eos qui hasreditatem ca-
piunt salutis? » (Hebr. i.)
L'Eglise l'appelle l'Esprit vivifiant.
Notre âme, unie à Dieu par la grâce, puise dans
cette union une vie plus réelle, plus véritable et
plus parfaite que celle dont elle-même anime notre
corps.
Or, cette union de notre âme avec Dieu est
spécialement attribuée au Saint-Esprit dans l'Ecri-
ture ; c'est donc avec justice qu'on l'appelle vivi-
fiant, c'est-à-dire, source dévie.
13. L'Eglise dit encore qu'il procède du Père et
du Fils.
DU SAINT-ESPRIT. 179
Qu'est-ce à dire? Cette parole signifie que de
toute éternité, le Saint-Esprit émane ou tire son
origine du Père et du Fils, comme d'un seul
principe.
Telle est la doctrine de l'Eglise, dont personne
ne peut s'écarter sans infidélité. Plusieurs conciles
l'ont confirmée par des définitions solennelles.
Cette vérité découle desEcriJLures.
Elles appellent l'Esprit-Saint tantôt l'Esprit de
Jésus-Christ, tantôt l'Esprit du Père. Ici elles le
disent envoyé par le Père, et là par le Fils. Cela
montre clairement qu'il procède également des
deux. En voici une nouvelle preuve. D'un côté,
Notre-Seigneur déclare que le Saint-Esprit le glo-
rifiera, car, dit-il, « il recevra de ce qui est à moi.
Ille me clarincabit, quia de meo accipiet. » (Joan.
xvi.) Et l'Apôtre saint Paul dit : « celui qui n'a pas
l'Esprit de Jésus-Christ, n'est pas du nombre des
siens. Qui Spiritum Christi non habet, hic non est
ejus. » (Rom. vni.)« Dieu, dit-il encore écrivant
aux Galates, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit
de son Fils qui vous fait dire : Mon Père ! Mon
Père ! Misit Deus Spiritum Filii sui in corda vestra
clamantem : Abba ! Pater ! » (Galal. iv.)
D'un autre côté, nous voyons le Saint-Esprit
appelé l'Esprit du Père : « Quand vous serez de-
vant les Juges et les gouverneurs, ne pensez pas,
dit Jésus-Christ à ses Apôtres, de quelle manière
vous leur répondrez. Ce n'est pas vous qui parle-
rez alors, mais ce sera l'Esprit de votre Père qui
1 80 Dl" ROM ET DE LA DIVINITÉ
parlera en vous. Cum steteritis ante reges et pré-
sides, nolite cogitarequomodo autquid loquamini ;
non enim vos estis qui loquimini, sed SpiritusPa-
tris vestri qui loquitur in vobis. » (Matth. x.) Voici
encore de quelle manière il s'exprima pendant la
dernière cène : « Le consolateur que je vous en-
verrai, cet Esprit de vérité qui procède du Père,
rendra témoignage de moi. Paraclitus quem ego
mittam vobis, Spiritum veritatis qui à Pâtre proce-
dit, ille testimonium perhibebit de me. v>(Joan.
xv.) Ailleurs, il assure que ce même Esprit sera
envoyé par le Père : « Quem mittet Pater in nomine
meo. Le Père vous l'enverra en mon nom. »
(Ibid. xiv.)
Toutes ces expressions s'entendent de la proces-
sion du Saint-Esprit -, encore une fois donc, il est
indubitable qu'il procède du Père et du Fils comme
d'un principe unique.
CONCLUSION.
li. Concluons avec l'Eglise elle-même : « Qui
cum Pâtre et Filio simul adoratur et conglorificatur,
le Saint-Esprit doit être adoré et glorifié conjointe-
ment avec le Père et le Fils. »
Adorons donc et glorifions dans une même foi,
une même espérance et un même amour, le Père,
le Fils et le Saint-Esprit, un seul Dieu en trois per-
sonnes. Remercions Dieu de nous avoir donné par
l'organe de la sainte Eglise une connaissance si
DU SAINT-ESPRIT. 181
distincte de l'unité de sa nature et delà Trinité de
ses personnes.
0 Esprit de Dieu ! ô amour éternel du Père et
du Fils ! Venez en nous et allumez dans nos cœurs
le feu de la divine charité ! Vous nous avez été
promis comme un autre Consolateur par Jésus-
Christ. Ne nous laissez pas orphelins dans cette
vallée de larmes. Soyez notre lumière dans les
ténèbres, notre force dans les combats, notre sou-
tien dans les épreuves.
Déjà vous avez daigné vous communiquer à nous
par le Baptême ; la vie nouvelle que nous y avons
reçue est le souffle de votre bouche et le don de
votre grâce ; par vous, nous avons été élevés à la
dignité d'enfants de Dieu. Hélas! ingrats que nous
sommes, nous n'avons pas apprécié notre bonheur,
et par le péché, nous en sommes volontairement
déchus ! Vous faisiez vos délices d'habiter en nous,
nos cœurs étaient votre sanctuaire ; sourds à vos
douces remontrances, nous vous avons contristé,
nous vous avons banni ignominieusement de votre
temple pour y introduire le péché et le démon !
Esprit Saint ! nous reconnaissons notre erreur
et notre ingratitude. Tout indignes que nous som-
mes , ah ! venez reprendre en nous la place qui
vous est due. Venez fixer de nouveau votre rési-
dence dans nos cœurs. Désormais, si vous nous
rendez votre grâce, comme nous vous conjurons
de le faire, vous nous verrez dociles à vos inspi-
rations, attentifs à éviter le péché, empressés à
182 DU NOM ET DE LA DIVINITÉ, ETC.
pratiquer le bien ; nous vivrons pour vous plaire ;
et ce ne sera plus notre esprit, mais le votre qui
animera notre vie.
« Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et reno-
vabis faciem terrée. 0 Dieu ! envoyez donc votre
Esprit en nous, et nous serons changés en des
hommes nouveaux! »
NOTES. 1 83
NOTES.
I. LTRUM DONUM SIT PROPRIUM NOMEN SPIRITUS SANCT1?
Videtur quod donum non sit proprium nomen Spiritus
Sancti. Donum enim dicitur ex eo quod datur. Sed sicut
dicitur Isa. 9. Filius datus est nobis Ergo esse donum
convenu Filio, sicut Spirilui sancto.
Prseterea, Omne nomen proprium alicujus personae si-
gnificat aliquam ejus proprietatem, sed hoc nomen, donum;
non significat proprietatem aliquam Spiritus sancti : Ergo
donum non est proprium nomen Spiritus sancti.
Prseterea, Spiritus sanctus potest dici spiritus alicujus
hominis : sed non potest dici donum alicujus hominis, sed
solum donum Dei. Ergo donum non est proprium nomen
Spiritus sancti.
Sed contra est, quod August. dicit in 4 de TriniL (c. 20)
Sicut natum esse, est Filio a Pâtre esse, ita Spiritum sanctum
donum Dei esse, est a Pâtre et Filio procedere. Seu Spiritus
sanctus sortitur proprium nomen in quantum procedit a
Pâtre et Filio : Ergo donum est proprium nomen Spiritus
sancti.
CONCLUSIO.
Cum Spiritus sanctus procédât in divinis ut amor, do-
num estei proprium nomen et personale.
Respondeo dicendum, quod donum secundum quod per-
184 NOTES.
sonaliter sumitur in divinis, est proprium nomen Spiritus
sancti.
Ad cujus evidentiam sciendum est quod donum proprie
est datio irreddibilis, secundum philosophum, id est, quod
non datur intentione retributionis ; et sic importât gratuitam
donationem. Ratio autem gratuitae donationis est amor :
ideo enim damus gratis alicui aliquid, quia volumus ei bo-
num. Primum ergo quod damus ei, est amor quo volumus
ei bonum : Unde manifestum est , quod amor habet ratio-
nem primi boni, per quod omnia dona gratuita donantur :
Unde, cum Spiritus sanctus procédât ut amor (sicut jam
dictum est,) procedit in rationedoni primi. Unde dicit Au-
gust. 15 de ïrinit. (cap. 24) Quod per donum quod est
Spiritus sanctus, nulla propria dona dividuntur membris
Christi.
Ad primum dicendum, quod sicut Filius, quia procedit
per modum Verbi, quod de ratione sua habet quod simili-
tudo sit sui principii, dicitur propriè imago, licet etiam Spi-
ritus sanctus sit similis Patri : ita etiam Spiritus sanctus,
quia a Pâtre procedit ut amor, dicitur propriè donum, licet
etiam Filius detur. Hoc enim ipsum quod Filius datur, est
ex Patris amore, secundum illud Joan. 3. Sic Deus dilexit
mundum ut Filium suum unigenitum daret.
Ad secundum dicendum, quod in nomine doni importatur
quod sit dantis per originem : Et sic importatur proprietas
originis Spiritus sancti, quae est processio.
Ad tertium dicendum, quod donum antequam detur est
tantum dantis : sed postquam datur, est ejus cui datur.
Quia igitur donum non importât dationem in actu ; non po-
test dici quod sit donum hominis, sed donum Dei dantis;
cum autem jam datum est, tune hominis est vel spiritus
vel datum. (S. Tkom. 1 p. q. 38, art. 2.)
NOTES. 185
II.
Duae ex omni aevo illustres vitarum mutationes extite-
runt, quas etiam duo Testamenta, atque ob rei celebritatem
terras motus appellantur : altéra a simulacrorum cultu ad
Legem, altéra à Lege ad Evangelium. Ac tertium etiam
terras motum scriptura nobis annunciat, nempè rnigratio-
nem ab hac vita ad alteram illam motus omni| et jactatio-
nis expertem . Idem porro duobus Testamentis accidit. Quid
illud? Non subito, nec ac primam aggressionis impulsio-
nem commutata sunt. Quamobrem? (Id enim scire opéras
pretium est.) Ut ne vi pertraheremur, sed persuasione ad-
duceremur. Quod enim voluntarium non est, ne diuturnum
quidem est ; quemadmodum nec fluenta, aut stirpes, quae
per vim retinentur. Quod autem voluntarium est,lum
diuturnius est, tum certius. Atque alterum ejus est, qui
vim intuiit : alterum nostrum. Alterum divinaebenignitatis :
alterum tyrannicae polestatis. Quocirca Deus minime fa-
ciendum sibi duxit, ut invitos beneficiis afficeret, sed ut de
volentibus bene mereretur. Ac proinde paedagogi cujus-
dam etmedici more, patrios ritus partim substrahit, parlim
concessit, nonnihil videlicet eorum voluptati indulgens,
quemadmodum medici segrotantibus, ut medicamentum,
suavioribus rébus arte temperatum etedulcatum, admittant.
Neque enim facile est ab iis, quae longo usu et diulurno
tempore in honore ac pretio fuerunt, ad alia transilire.
Ergo prima Lex sublatis idolis sacrificia permisit. Secunda
submotis sacrificiis, circumcisionem minime prohibuit. Ac
postea, ut semel substrahi sibi aliquid aequo animo tulerunt
homines, rébus etiam sibi concessis, hoc est, illi sacrificiis,
hi circumcisione, abstinuerunt, atque, ut ex Ethnicis Ju-
dasi , ita ex Judasis Christiani facli sunt, per mutationes
quasi furtim ad Evangelium perducti. Hujus rei tibi fldem
faciat Paulus, qui ex eo quod circumcidebat, ac purifica-
sywb. 11. 16
186 NOTES.
batur, eo tandem progressus est, ut diceret : Ego autem,
Fratres, si circumcisionempraedico, quid adhuc persecutio-
nem patior? Illud dispensationis erat; hoc perfectionis.
Huic exemplo divinitatis doctrina comparari potest, nisi
quod contrario modo res procedit. Illic enim ex subtrac-
tione mutatio fiebat : hue autem ex accessione atque in-
créments ad perfectionem ventumest.Sicemmse res habet:
Vêtus Testanientum Patrem apertè preedicabat, Filium
obscurius. Novum autem nobis Filium perspicuè ostendit,
et Spiritûs divinitatem subobscurè quodammodo indicavit.
Nunc vero Spiritûs ipse nobiscum versatur, seseque nobis
apertius déclarât. Neque enim tutum erat, Patris divini-
tate nondum confessa, Filium apertè praedicari : nec, Filii
divinitate nondum admissâ, Spiritum sanctum, velut gra-
viorem quandam, si ita loqui fas est, sarcinam nobis in-
geri : ne alioqui, velut cibis ultra vires gravati, ac solis
radiis hebetes oculos adjicientes, iis quoque, quibus prœ-
diti eramus, viribus periclitaremur : quin tacitis potius
accessionibus, et, ut David loquitur, ascensionibus, atque
è claritate" in claritatem progressionibus et incrementis
Trinitatis lumen splendidioribus îlluceret. Obhanccausam,
ut opinor, ad diseipulos quoque sigillatim se confert, ad
excipientium videlicet captum modulumque sese impertiens;
nimirum in Evangelii principio virtutes perficiens, post
Christi passionem insufflatus, post ascensum in igneis lin-
guis apparens. Quin etiam ab ipso Jesu paulatim declara-
tur, ut ipse quoque comperies, si animum diligentius ad-
verteris. Rogabo enim Patrem, inquit, etaliumParacletum
mittet vobis, spiritum veritatis. Quae quidem verba eo di-
xit, ne adversarius quispiam Dei esse, aut quasi de alia
quadam potestate sermonem facere videretur. Postea, mittet
quidem, ceeterum innominemeo. Hîc, omissâ voce, rogabo,
vocem, mittet, retinuit. Mox, miltam : ut, propriam aucto-
ritatem ostendat. Tumdenique, veniet : quo verbo Spiritu?
potestas indicatur.
NOTES. 187
Vides illuminationes paulatim no bis affulgentes, Theo-
logiceque ordinem, quem nobis quoque tenere praestiterit,
ut nec repente atque confertim omnia in lucem efferamus,
nec in finem usque occultemus. Illud enim inconsultum
atque ab arle alienum fuerit, hoc impium : illud alienos
offendere ac vulnerare queat, hoc nostros à nobis abalie-
nare. Enim vero id, quod quibusdam quoque aliis fortasse
in nientem vcnit, ego tamen animi mei fœtum esse exis-
timo, superioribus adjungam. Habebat qusedam Salvator,
quse à Discipulis, licet alioqui multiplici doctrina imple-
rentur, tune tamen portari posse negabat, ob eas fortasse,
quas attuli, causas, atque ideirco eas ipsis oc*cultabat. Ac
rursus dicebat fore, ut ab adveniente Spiritu omnia edo-
cerentur. Ergo unum ex eorum numéro esse censeo, ipsam
Spiritûs sancti Deitatem, in posterum apertius declaran-
dam, tum videlicet, cum jam post Salvatoris in integrum
restitutionem, matura et perceptibilis esset ipsius cogni-
tio, utpote cui ob tam insigne miraculum fîdes non jam
abrogaretur. Quid enim hoc majus, vel ille polliceri, yel
Spiritûs docere potuisset? Si modo magnum aliquid exis-
timandum est, Deique magnificentia dignum, quod pro-
mittebatur, vel quod docebatur.
Ac dehisitasentio, utinamque sentiam,et quisquis mini
amicus est, colamusque Deum Patrem , Deum Filium ,
Deum Spiritum sanctum, très proprietates, unam divinita-
tem, nec gloriâ, nec honore, nec essentiâ, nec regno divi-
sam, ut quispiam, divino numine afïlatus, non ita pridem
philosophatus est. Nec luciferum exorientem videat, ut
cum scriptura loquar, nec cœlestis splendoris gloriam,
quisquis aliter sentit, aut tempori ob.-equitur, aliam aliam-
que subinde formam assumens, putidumque de maximis
rébus consilium capiens. Si enim Spiritûs adorandus non
est, quomodo me deum per Baptismum effecit? Si autem
adorandus, an non colendus, et venerandus? Si porro ve-
nerandus, an non Deus? Unum uni cohaeret, ac vere aurea
188 NOTES.
quœdam et salutis est hcec catena. Et quidem a Spiritu
regenerationem habemos, a regeneratione instaurationem,
ab instauratione cognitionem dignitatis illius, à quo instau-
rati sumus. (S. Gregor. Nazianz. oral. 31 .)
III.
Quis igitur unitatem negare audeat nominis, cum opera-
tionis videat unitatem? Sed quid ego unitatem nominis
argumentis astruo ; cum divinae vocis evidens teslimonium
sit, unum nomen esse Patris et Filii et Spiritus Sancti?
Scriptum est enim : Ite, baptizate gentes in nomine Patris
et Filii et Spiritus Sancti (Matth. xxvm, 19.) In nomine
dixit, non in nominibus. Non ergo aliud nomen Patris,
aliud nomen Filii, aliud nomen Spiritus Sancti; quia unus
Deus : non plura nomina ; quia non duo Dii, non très Dii.
(i Cor. vm, 4.)
Et ut aperiret quia una divinitas, una majestas est, quia
unum nomen Patris et Filii et Spiritus Sancti ; nec in alio
nomine venerit Filins, in alio nomine Spiritus Sanctus, ait
ipse Dominus : Ego veni in nomine Patris mei,et non acce-
pistisme:si alius venerit in nomine suo, illum accipietis.
(Joan. v, 43.)
Quod autem nomen Patris est hoc idem Filii, scriptura
déclarât, quia inExodo dixit Dominus : Ego antecedam te
in nomine meo et vocabo in nomine meo Dominum in con-
spectutuo. (Exod. xxxm, 19.) Dominus ergo dixit quia in
nomine suo vocabit Dominum : Dominus ergo et Patris est
nomen et Filii.
Cum autem unum nomen sit Patris et Filii, accipe quia
et Spiritus sancti idem nomen sit, quoniam et Spiritus
sanctus in nomine Filii venit, sicut scriptum est : Para-
clitus autem Spiritus Sanctus quem mittet Pater in nomine
NOTES. 189
meo, ille vos docebit omnia. [Joan. xxiv, 26.) Qui aulem
venit in nomine Filii, utique etiam in nomine Patris \enit;
quia unum nomen Patris et Filii est. Sic sit ut unum et
Patris et Filii nomen sit et Spiritus sancti. Nec enim est
aliud nomen sub cœlo datum, in quo oporteat nos salvos
fieri {Act. rv, 4 2.)
Simul docuit unitatem divini nominis esse credendam,
non disparilitatem ; quoniam in unitate nominis venit
Christus : in suo autem nomine venturus Antichristus est,
sicut scriptum est : Ego veni in nomine Patris mei, et non
accepistis me : si alius veneril in nomine suo, illum acci-
pietis. {Joan. v, 43.)
Edoctum est. igitur ex his non esse in Pâtre et Filio et
Spiritu sancto paraclito nominis diversitatem : et quod
nomen est Patris, id esse etiam Filii nomen : similiter quod
nomen est Filii, esse id etiam Spiritus sancti ; quando etiam
paraclitus Filius dicitur, sicut et Spiritus sanctus. Et ideo
ait in Evangelio Dominus Jésus : Rogabo Patrem meum, et
alium paraclitum dabit vobis qui vobiscum sit in aeternum
Spiriturn veritatis. [Joan. xiv, 16.) Et bene dixit alium,
ne ipsum Filium, ipsum Spiritum intelligeres ; unitas enim
nominis est, non Filii Spiritusque Sabelliana confusio.
Itaque alius paraclitus est Filius , alius paraclitus
Spiritus sanctus , Filium enim paraclitum dixit etiam
Joannes, sicut habes : si quis peccaverit, paraclitum habe-
mus apud Patrem Jesum Christum. (i. Joan. 41, i.) Itaque
quemadmodum unitas nominis, ita etiam unilas potestatis
est; ubi enim paraclitus Spiritus, ibi etiam Filius.
Nam sicut hic in aeternum Dominus futurum cum fide-
libus Spiritum dicit, ita etiam de se alibi ostendit quod in
aeternum cum Apostolis sit futurus, dicens : Ecce ego vo-
biscum sum omnibus diebus usque ad consummationem
mundi. [Matth. xxvin, 20.) Unum sunt ergo Filius et Spiri-
190 NOTES.
tus : unum nomen est Trinitatis, et una inseparabilisque
praesentia.
Sicut autem ostendimus paraclitum Filium nominatum,
ita etiam ostendimus veritatem Spiritum nuncupatum,
veritas Christus , veritas Spiritus ; habes enim in epistola
Joannis : Quoniam Spiritus est veritas. (i Joan. x, 6.) Non
solum ergo Spiritus veritatis, sed etiam veritas dicitur Spi-
ritus, sicut et Films veritas prœdicatur, qui ait : Ego sum
via et veritas et vita. (i Joan. xiv, 6. — Ambros. libr. i, de
Spiritu Sancto cap. 4 2 et 13.)
IV.
Hic aliquis forsitan quaerat utrum et a Filio procédât
Spiritus sanctus. Filius enim solius Patris est Filius, et
Pater solius Filii est Pater : Spiritus autem sanctus non est
anius eorum Spiritus, sed amborum. Habes ipsum Domi-
num dicentem, Non enim vos estis qui loquimini, sed
Spiritus Patris vestri qui loquitur in vobis (Maîth . x, 20) :
habes et Apostolum, Misit Deus Spiritum Filii sui in corde
vestra [Galat. iv, 6 ) Numquid duo sunt, alius Patris, alius
Filii ? Absit. Unum enim corpus, ait, cum significaret Ec-
clesiam ; moxque addidit et unus Spiritus. Et vide quomodo
illic impleat Trinitatem. Sicut vocati estis, inquit, in una
spe vocationis vestrae, Unus Dominus : hic utique Christum
intelligi voluit : restât ut etiam Patrem nominet : sequitur
ergo, Una fides, unum baptisma : unus Deus et Pater
omnium, qui super omnes, et per omnes, et in omnibus
nobis. [Ephes. iv, 4, 6) Cum ergo sicut unus Pater, et unus
Dominus, id est Filius. ita sit et unus Spiritus; profeclo
amborum est : quando quidem dicit ipse Christus Jésus,
Spiritus Patris vestri qui loquitur in vobis; et dicit Apos-
tolus. misit Deus Spiritum Filii sui in corda vestra. Habes
alio loco eumdp'n apostolum dicentem : Si autem Spiritus
NOTES. 191
ejus qui suscitavit Jesum ex mortuis, habitat iu vobis ; hic
utique Spiritum Patris intelligi voluit : de quo tamen alio
loco dicit, quisquis autem Spiritum Ghristi non habet, hic
non est ejus (Rom. vin, 11, 9.) Et multa alia sunt testimonia
quibus hoc evidenter ostenditur, et Patris et Filii esse Spi-
ritum qui in Trinitale dicitur Spiritussanctus.
Nec ob aliud existimo ipsum vocari proprie Spiritum :
cum etiamsi de singulis interrogemur, non possimus nisi
et Patrem et Filium spiritum dicere ; quoniam spiritus est
Deus (Joan. iv, 24), id est, non corpus est Deus, sed spi-
ritus. Quod ergo communiter vocantur et singuli, hoc pro-
prie vocari oportuit eum qui non est unus eorum, sed in
quo communitas apparet amborum. Cur ergo non credamus
quod etiam de Filio procédât Spiritus sanctus, cum Filii
quoque ipse sit Spiritus? Si enim non ab eo procederet,
non post resurrectionem se repraesentans discipulis suis
insufflasset dicens : Accipite Spiritum Sanctum(/d. xx, 22).
Quid enim aliud significavit illa insufflatio, nisi quod pro-
cédât Spiritus sanctus et de ipso? Ad hoc pertinet etiam
illud quod de muliere quae fluxum sanguinis patiebatur,
ait : Tetigit me aliquis : ego enim sensi de me virtutem
exiisse (Luc. vin, 46). Nam virtutis nomine appellari etiam
Spiritum sanctum, ex eo loco clarum est, ubi angélus
dicenti Marias, quomodo fiet istud, quoniam non virumnon
cognosco? respondit, Spiritus sanctus superveniet in te, et
virtus Altissimi obumbrabit tibi (Ici. 1, 34, 35) : Et ipse
Dominus promittens eum discipulis, ait, Vos autem sedete
in civitate quonsque induamini virtute ex alto (Id. xxiv,
49); et iterum, accipietis, inquil, virtutem Spiritus sancti
supervenientem in vos, et eritis mini testes (Act, 1, 8). De
hac virtute credendus est dicere esangelista, Virtus de illo
exibat, et sanabat omnes (Luc. vi, 19).
Si ergo et de Pâtre et de Filio procedit Spiritus sanctus;
cur Filius dixit, de Pâtre procedit (Joan. xv, 2 6)? Cur putas,
192 NOIES.
nisi quemadinodum ad eum solet referre et quod ipsius est
de quo et ipse est? Unde illud est quod ait : Mea doctrina
non est mea, sed ejus qui me misit (Joan. \u, 16). Si igitur
intelligitur hic ejus doctrina, quam tamen dixit non suam,
sed Patris ; quanto magis illic intelligendus est de ipso pro-
cedere Spiritus sanctus, ubi sic ait, de Pâtre procedit, ut
non diceret, de me procedit? A quo autem habet Filius ut
sit Deus (est enim de Deo Deus), ab illo habet utique ut
etiam de illo procédât Spiritus sanctus ; sed per hoc Spi-
ritus sanctus, ut etiam de Filio procédât, sicut procedit de
Pâtre, ab ipso habet Pâtre.
Hic ulcumque etiam illud intelligitur, quantum a talibus
quales nos sumus, intelligi potest, cur non dicatur natus
esse, sed potius procedere Spiritus sanctus. Quoniam si et
ipse Filius diceretur, amborum utique Filius diceretur,
quod absurdissimum est. Filius, quippe nullus est duorum,
nisi patris et matris. Absit autem, ut interDeum Patrem et
Deum Filium taie aliquid suspicemur. Quia nec filius
hominum simul et ex pâtre et ex matre procedit : sed cum
in matrem procedit ex pâtre, non tune procedit ex pâtre.
Spiritus autem sanctus non de Pâtre procedit in Filium, et
de Filio procedit ad sanctificandam creaturam ; sed simul
de utroque procedit : quamvis hoc Filio Pater dederit, ut
quemadmodum de se, ita de illo quoque procédât. Neque
enim possumus dicere quod non sit vita Spiritus sanctus
cum vita Pater, vita sit Filius. Ac per hoc sicut Pater cum
habeat vitam in semetipso, dédit et Filio habere vitam in
semetipso ; sic et dédit vitam procedere de illo, sicut pro-
cedit et de ipso. Sequuntur autem verba Domini dicentis :
Et quœ ventura sunt, annuntiabit vobis. Ille me clarificabit,
quia de meo accipiet, et annuntiabit vobis. Omnia quae-
cumque habet Pater, mea sunt : propterea dixi quia de
meo accipiet, et annuntiabit vobis. Sed quia iste jam pro-
lixus est, in alium sunt differenda sermonem. (S. August.
in Joan. evang. tract, xcix, cap. xvi.)
DCNS DU SAINT-ESPRIT. 193
II* INSTRUCTION.
LE SAINT-ESPRIT, SOURCE DE NOTRE SANCTIFICATION.
DONS DU SAINT-ESPRIT.
EXORDE.
1 . Nous avons parlé dans la précédente instruc-
tion du nom et de la divinité du Saint-Esprit.
Il n'y a point dans les créatures de fécondité
analogue à celle dont l'Esprit-Saint est le fruit,
puisqu'il procède, non par voie de génération,
mais par voie de volonté. C'est pourquoi, avons-
nous dit, il n'a pas de nom propre qui caractérise
sa manière de procéder du Père et du Fils ; nous
nous contentons de le désigner par un nom com-
mun, par le nom d'Esprit-Saint.
Ce nom toutefois indique fort bien ce qu'il est
par rapport à nous, c'est-à-dire, le principe et
l'auteur de notre vie spirituelle.
Quant à sa nature, la foi nous apprend qu'il est
un même Dieu avec le Père et le Fils, et qu'il a
pour propriété distinctive de procéder de l'un et
de l'autre comme d'un principe unique. « Le Père,
dit le Symbole de saint Athanase, n'a été ni fait,
ni créé, ni engendré par aucune des deux autres
SYMB. II. il
'194 DONS DU SAINT-ESPRIT.
personnes. Le Fils tire son origine du Père seul,
non pas qu'il ait été fait ou créé, mais il est en-
gendré de lui. Le Saint-Esprit tire la sienne du
Père et du Fils ; il n'a point été fait, ni créé, ni
engendré : il procède simplement des deux. Pater
à nullo est factus, nec creatus, nec genitus. Filius
à Pâtre solo est, non factus, nec creatus, sed ge-
nitus. Spiritus Sanctus à Pâtre et Filio, non factus,
nec creatus, nec genitus, sed procedens. »
Nous vous avons exposé quelques preuves de
la divinité du Saint-Esprit. Indiquée par le Sym-
bole qui nous apprend à croire en lui comme au
Père et au Fils, elle est attestée par les Ecritures
qui tantôt lui donnent le nom de Dieu, tantôt l'ad-
joignent sans restriction au Père et au Fils comme
leur étant égal, tantôt lui attribuent les perfections
divines.
Mais cette divinité nous est surtout certifiée par
l'enseignement de l'Eglise qui l'a constamment
professée et qui a condamné comme hérétiques
ceux qui ont osé la nier.
2. L'Esprit-Saint étant Dieu, nous ne pouvons
découvrir toutes les richesses de son être qui sont
infinies; mais s'il ne nous est pas donné de les con-
templer dans leur source, nous pouvons du moins
en admirer l'effusion dans les dons qu'il communi-
que aux hommes.
C'est par là surtout qu'il se rend accessible à
notre intelligence et qu'il attire à lui notre cœur.
Je me propose donc dans cet entretien, premiè-
DONS DU SAINT-ESPRIT. 4 95
rement, de vous montrer que l'Esprit-Saint est la
source de tout bien; puis j'entrerai dans le détail
de ses principaux dons.
Commençons par invoquer sa grâce, en lui di-
sant avec l'Eglise :« Veni, Sancte Spiritus, reple
tuorum corda fîdelium et tui amoris in eis ignem
accende. Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs
de vos fidèles et allumez-y le feu de votre amour.»
PREMIER POINT.
3. L'Ecriture nous présente l'Esprit-Saint com-
me l'auteur spécial de certains effets admirables
et de certains dons excellents.
A l'origine du monde, nous le voyons planer,
pour ainsi dire, sur les eaux qui enveloppaient le
globe, comme pour communiquer à la terre sa
fécondité merveilleuse et aux eaux la vertu de
régénérer les hommes par le Baptême.
Dans la suite des temps, il inspire les prophètes
chargés d'annoncer le Rédempteur futur et de lui
préparer les voies.
Au moment marqué pour son avènement, il pré-
side au mystère de l'Incarnation ; c'est par son
opération que le Verbe est conçu dans le sein vir-
ginal de Marie.
Au baptême de Jésus-Christ, il repose sur sa tête
en forme de colombe, pour montrer que le Sau-
veur en tant qu'homme était rempli de la plénitude
de ses grâces. De même qu'il avait présidé aux
prophéties de l'Ancien Testament, il préside aussi
196 DONS DU SAINT-ESPRIT.
à l'apostolat du Nouveau. Au jour de Ja Pentecôte,
il descend sur les Apôtres en forme de langues de
feu, les embrase de charité, leur communique le
don des langues, afin qu'ils puissent aller prêcher
à toutes les nations, selon l'ordre de Jésus-Christ.
Enfin, il répand ses dons avec éclat sur les pre-
miers fidèles, pour qu'ils rendent à la divinité de
l'Evangile un témoignage d'autant plus convaincant
qu'il était accompagné de prodiges.
L'Ecriture nous le montre encore comme l'au-
teur de notre sanctification dans les sacrements.
Il nous purifie au Baptême de la tache du péché
originel et fixe sa demeure dans nos âmes, au
point que l'Apôtre nous appelle ses temples. Dans
la confirmation, il imprime en nous la marque du
parfait chrétien et se donne lui-même avec tous ses
dons. Si la charité règne en nous, c'est par l'Es-
prit-Saint, dit l'Apôtre, que Dieu la répand dans
nos cœurs.
Faut-il conclure de là qu'il opère seul toutes ces
merveilles à l'exclusion des deux autres personnes
de la sainte Trinité? Non sans doute; car, ainsi
que nous l'avons dit plusieurs fois, toute action de
la Divinité qui a son effet et son terme hors d'elle-
même est commune aux trois personnes ; l'une
n'agit pas sans l'autre, l'une n'y a pas plus de part
que l'autre.
4. On attribue cependant d'une manière plus
spéciale au Saint-Esprit plusieurs opérations divi-
nes, quoique communes aux trois personnes ; ce
DONS DU SAINT-ESPRIT. 197
sont celles où la bonté de Dieu se manifeste avec
plus d'éclat , comme par exemple dans l'Incarna-
tion du Verbe.
Et pourquoi lui attribue-t-on les œuvres qui ont
ce caractère?
Pour nous faire comprendre que la source dont
elles émanent, c'est l'amour même de Dieu envers
nous.
L'Esprit-Saint en effet est la bonté et l'amour par
essence. Il procède de la volonté tout enflammée
d'amour du Père et du Fils. C'est là ce qui le
distingue et en fait une personne à part.
Or, quel est le propre de la bonté? N'est-ce pas
de faire du bien, de donner et de donner libéra-
lement, gratuitement, sans espoir de récompense?
Telle est la nature du Saint-Esprit. Voilà pour
quelle raison tout ce qui porte une empreinte par-
ticulière de bonté et d'amour dans les œuvres
divines lui est spécialement approprié. De là vient
aussi qu'il est appelé le don de Dieu : « Àltissimi
donum Dei. » C'est-à-dire, le don par excellence,
celui qui renferme tous les autres dons.
5. Nous avons ici une réflexion importante à
faire : Si le Saint-Esprit est le principe et la source
de tous les dons de Dieu, c'est donc à sa libéralité
que nous sommes redevables de toutes les grâces
et de tous les biens dont Dieu nous a comblés.
« Et qu'avez-vous, dit l'Apôtre, que vous n'ayez
reçu? Quid autem habes quod non acceperis? »
(i Corinth. iv.)
SYMB. II. 17*
198 DONS DU SAINT-ESPRIT.
Mais si nous avons tout reçu, ne devons-nous
pas rapporter fidèlement à Dieu tout ce que nous
sommes? Ne devons-nous pas reconnaître que,
n'ayant rien de nous-mêmes, nous n'avons aucun
sujet de nous glorifier? « Quod si accepisti, quid
gloriaris, quasi non acceperis?Si vous avez tout
reçu, dit l'Apôtre, d'où vient que vous' vous glori-
fiez comme si vous aviez tout de vous-même ? »
(Ibid.)
0 grande vérité trop souvent oubliée ! Nous
nous estimons nous-mêmes et nous voulons qu'on
nous estime, comme si nous possédions en propre
les biens et les avantages que Dieu nous a départis ;
nous nous en prévalons pour nous élever au-dessus
des autres et exiger leurs hommages. L'un est fier
de ses richesses, l'autre de sa force, l'autre de sa
science et de ses talents. Nous recherchons la
gloire ; nous voulons être loués et applaudis. Qui-
conque ne reconnaît pas notre mérite ou ne semble
pas partager la bonne opinion que nous avons de
nous-mêmes, devient notre ennemi.
D'où vient ce désordre? De cette vanité aveugle
qui nous empêche de voir notre néant et qui nous
fait considérer les dons de Dieu comme notre pro-
priété. Est-il cependant une usurpation plus mani-
feste, une injustice plus criante?
Cessons de dérober à Dieu l'unique fruit qu'il
attend de ses dons, qui est sa gloire. Avouons au
contraire en toute humilité , que si nous avons
quelque bien, il lui appartient tout entier. Témoi-
DONS DU SAINT-ESPRIT . 1 99
gnons-lui-en la plus sincère et la plus vive recon-
naissance.
SECOND POINT.
6. Descendons maintenant quelque peu dans le
détail des effets que produit le Saint-Esprit.
« Ejus sapientiâ conditi sumus et providentiâ
gubernamur. Nous avons été créés par sa sagesse
et c'est sa providence qui nous gouverne, » dit la
sainte Eglise. Mais pour ne pas répéter ici ce qui a
été dit au premier et au second article du Symbole,
arrêtons-nous seulement à l'œuvre de la sanctifi-
cation des hommes qui lui est spécialement attri-
buée.
Nous avons vu dans l'entretien précédent que
c'est pour cette raison qu'on le nomme l'Esprit-
Saint, l'Esprit vivifiant et l'Esprit sanctificateur. 11
est la vie spirituelle de nos âmes.
C'est ce que témoigne le prophète Ezéchiel,
quand il dit au nom de Dieu : « Je vous donnerai
mon Esprit, et vous vivrez. Dabo vobis Spiritum,
et vi vêtis. » (Ezech. xxvn.)
Il y a deux sortes de vies en nous : l'une est la
vie du corps, qui résulte de son union avec l'âme;
l'autre est la vie de l'âme, qui résulte de son union
avec Dieu.
Or, de même que dans la création Dieu a animé
le corps de l'homme par le souffle de sa bouche :
« lnspiravit in faciem ejus spiraculum vitae et factus
est homo in animam viventem ; » (Gènes, h.) de
200 DONS DU SAINT-ESPRIT.
même, c'est par le souille de son divin Esprit, qu'il
nous donne la vie de l'âme. Le corps meurt dès
que l'âme en est séparée ; notre âme meurt aussi
à la vie surnaturelle et divine, dès que le Saint-
Esprit cesse de l'animer.
Le Saint-Esprit est donc l'auteur de notre vie
spirituelle ou de notre sanctification.
7. Mais précisons encore mieux les effets qu'il
opère en nous.
Les opérations qui sont éminemment propres au
Saint-Esprit, ce sont les sept dons qu'énumère le
prophète lsaïe : « l'esprit de sagesse et d'intelli-
gence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de
science et de piété, et l'esprit de crainte du Sei-
gneur. (Isa. xi.)
Disons quelque chose de ces différents dons.
Par le don de sagesse, on entend une lumière
et une onction surnaturelle qui nous fait goûter les
choses divines et nous détache de celles de la
terre.
Ornée de ce don, l'âme voit clairement la vanité
et le néant de tout ce qui passe, et concevant un
généreux mépris du monde, elle n'aspire qu'aux
biens éternels.
Voilà ce qui a déterminé un si grand nombre
d'âmes à renoncer aux richesses, aux plaisirs et
aux honneurs du siècle, pour embrasser la perfec-
tion évangélique.
8. Le don d'intelligence nous aide à entendre les
DONS DU SAINT-ESPRIT. 201
mystères de la foi autant qu'il est possible ici-
bas. Sans nous en donner la claire vision, ce qui
est réservé à la patrie céleste, il nous en découvre
les beautés, nous en fait admirer l'harmonie, nous
en fait apercevoir les convenances.
Ce don est la récompense de l'humilité et de la
pureté de cœur. « Je vous rends grâces, ô mon
Père, Seigneur du ciel et de la terre, disait le
Sauveur, parce que vous avez caché ces choses
aux sages et aux prudents, et que vous les avez
révélées aux petits. Confiteor tibi, Pater, Domine
cœli et terne, quia abscondisti haec à sapientibus et
prudentibus, et revelasti ea parvulis. » (Matth. xi.)
« Heureux, disait-il encore, ceux qui ont le cœur
pur, car ils verront Dieu ! Beati mundo corde,
quoniam ipsi Deum videbunt ! » (Jbid. v.)
L'âme pure voit déjà Dieu dès cette vie ; oui,
tout invisible qu'il est, elle le contemple des yeux
de la foi, et perce les voiles obscurs qui environnent
les mystères. De quelles ravissantes lumières une
sainte Thérèse, un saint Ignace de Loyola, un saint
Philippe de Néri et tant d'autres saintes âmes
n'ont-elles pas été favorisées dès ce monde? Ne
voyons-nous pas encore souvent des personnes
simples et sans lettres parler de Dieu et des choses
divines d'une manière sublime?
Voilà le don d'intelligence.
9. Le don de conseil nous fait discerner en toute
circonstance le parti le plus avantageux à la gloire
de Dieu et au salut de notre âme.
202 DONS DU SAINT-ESPRIT.
Le don de science nous apprend ce qu'il faut
faire et ce qu'il faut éviter pour arriver sûrement
au ciel.
Par ces deux dons, le Saint-Esprit se fait notre
conseiller et notre guide au milieu des ténèbres
de cette vie ; il est comme le pilote qui dirige
notre navire vers le port de la bienheureuse
éternité.
Mais de quoi nous serviraient le discernement
et la science, si nous étions abandonnés à notre
faiblesse? Je vois le bien et je l'aime, disait un
ancien, et je suis entraîné au mal.
...Video meliora proboque,
Détériora sequor.
C'est pourquoi l'Esprit-Saint y joint le don de
force, qui nous donne l'énergie nécessaire pour
surmonter les difficultés du salut.
Ce don éclata d'une manière merveilleuse dans
les apôtres et les martyrs. Revêtus de la force
d'en haut, avec quel courage et quelle générosité
ne les a-t-on pas vus confesser Jésus-Christ, malgré
les persécutions et les tourments? C'est par cette
force divine que les saints ont triomphé du monde,
que tant de vierges ont conservé sans tache le lis
de la pureté au milieu de la corruption du siècle.
Oh ! demandons-le instamment, ce don pré-
cieux ; car si de nos jours la foi n'a plus d'épreuves
sanglantes ni de persécutions ouvertes à redouter,
à combien de dangers n'est-elle pas exposée à
DONS DU SAINT-ESPRIT. 203
cause de la licence des doctrines et des mœurs ?
Que de fois aussi ne sommes-nous pas en danger
de succomber au respect humain ?
10. Le sixième don de l'Esprit-Saint est le don
de piété qui nous fait embrasser avec plaisir et
avec facilité tout ce qui est du service de Dieu.
La piété nous inspire un grand amour pour la
prière ; elle nous fait trouver notre consolation et
notre bonheur dans l'accomplissement fidèle des
devoirs de la religion ; elle nous donne un goût
particulier pour la fréquentation des sacrements,
des saints offices et des cérémonies de l'Eglise.
Enfin le septième don du Saint-Esprit est celui
de la crainte de Dieu.
Ce don n'est pas cette crainte servilequi regarde
Dieu comme un juge sévère, et qui fait éviter le
péché de peur surtout d'encourir l'enfer; non,
mais c'est cette crainte filiale qui est un mélange de
. respect et d'amour, et qui nous fait appréhender
de déplaire à Dieu notre Père.
\ 1 . Tels sont les dons du Saint-Esprit. On les
appelle quelquefois simplement le Saint-Esprit.
De là cet avis de saint Augustin : Quand l'Ecri-
ture nomme le Saint-Esprit, il faut faire attention,
si c'est de la troisième personne de la sainte Tri-
nité, ou de ses opérations seulement qu'elle entend
parler. Ainsi par exemple, quand l'apôtre saint
Paul nous exhorte à ne pas éteindre l'esprit saint
en nous : « Spiritum nolite extinguere » il veut
204 DONS DU SAINT-ESPRIT.
dire par là simplement que nous ne devons pas
étouffer ses inspirations et résister à ses lumières ;
il ne s'agit pas dans ce passage de la personne
même du Saint-Esprit. Entre les deux choses, il y
a une distance infinie, puisque c'est la distance
même qui existe entre la créature et le créateur.
12. A quoi servent les dons du Saint-Esprit?
demandera-t-on.
Ils servent à deux fins : premièrement, nous y
puisons les règles de la vie chrétienne. C'est ce
qui ressort clairement de ce que nous en avons dit.
Secondement, ils sont comme des marques au
moyen desquelles nous pouvons savoir si l'Esprit-
Saint habite en nous.
Quand on voit une âme sérieusement occupée
de la grande affaire du salut, éloignée des vains
plaisirs du monde, aimant ses devoirs, s'y montrant
fidèle sans affectation, mais aussi sans respect
humain ; une âme qui a horreur du péché et qui
regarde l'offense de Dieu comme le plus grand des
malheurs ; enfin qui fait ses délices de la prière
et de la sainte communion ; cette âme possède
au dedans d'elle-même un témoignage consolant
de la présence du Saint-Esprit. « Si quelqu'un
m'aime, dit Jésus-Christ, il gardera ma parole, et
mon Père l'aimera aussi, et nous viendrons à lui,
et nous établirons en lui notre demeure. Si quis
diligit me, sermonem meum servabit, et Pater
meus diliget eum et ad eum veniemus, et mansio-
nem apud eum faciemus. » [Joan. xiv.)
DONS DU SAINT-ESPRIT. 205
13. Mais parmi tous les dons du Saint-Esprit,
le plus digne de notre admiration et de nos vœux,
c'est la grâce sanctifiante.
On appelle ainsi la grâce qui nous rend justes
et saints devant Dieu. Cette grâce est comme un
sceau divin dont le Saint-Esprit nous marque et
par lequel il nous donne le gage du bonheur
céleste.
Rien de plus précieux que la grâce sanctifiante.
Elle nous unit à Dieu par les liens de la charité ;
elle nous enflamme d'un vif sentiment de piété ;
elle nous fait embrasser une vie nouvelle ; elle nous
rend participants de la nature divine ; enfin elle
nous fait mériter le titre et la qualité d'enfants de
Dieu.
« Si dederit homo omnem substantiam domus
suae pro dilectione , quasi nihil despiciet eam.
Quand l'homme échangerait toute sa fortune pour
l'amour de Dieu, il l'aurait acquis pour rien. »
(Cantic. vin.) Ainsi parle le sage Salomon.
CONCLUSION.
44, Apprenons à estimer les dons de l'Esprit-
Saint ; apprenons à estimer la grâce. Voilà les
vrais biens, voilà les vraies richesses. Qu'importent
les grandeurs et les trésors de la terre ? qu'im-
portent la gloire et la^éputation ? qu'importent la
faveur, les talents, la science, l'habileté? Si nous
ne sommes pas les amis de Dieu, si nous ne possé-
SYMB. II. 4 8
206 DONS DU SAINT-ESPRIT.
dons pas sa grâce, de quoi tout cela nous servira-
t-il au dernier jour?
C'est ce qui inspirait à saint Ignace de Loyola
cette belle prière : a Amorem tui solum cum gratia
tua mihi dones, et dives sum satis. Donnez-moi
seulement votre amour et votre grâce, et je suis
assez riche ! »
Veni, Creator Spiritus,
Mentes tuorum visita,
Impie superna gratia
Quae tu creasti pectora.
Venez donc, Esprit Créateur, visitez notre âme
et remplissez de la grâce céleste les cœurs que
vous avez créés.
Qui diceris Paraclitus,
Altissimi donum Dei,
Fons vivus, ignis, charitas
Et spirilalis unctio...
Aceende lumen sensibus,
Infunde amorem cordibus,
Infirma nostri corporis
Virtute firmans perpeti.
Vous êtes appelé le Consolateur, le don du Dieu
Très-Haut, la source vive, le feu divin, la charité
et l'onction spirituelle, allumez votre lumière dans
notre intelligence, répandez*vrotre amour dans nos
cœurs, fortifiez notre chair fragile par une assis-
tance continuelle. Ainsi soit-il.
NOTES. 207
NOTES.
Considerare debemus, nomine Spiritus sancti nonnun-
quam dona spiritalis gratiae nuncupari. Nam legimus in libro
Regurn : Cum esset Helias divino munere transferendus, et
discipulo, priusquam tolleretur, dedisset fiduciam postu-
landi quod vellet, ille spirituin, quem Helias acceperat du-
plicem, sibi postulavit atlribui. Ubi utique intelligimus
Spiritus nomine donum spiritalis gratiae designari. Neque
enim substantia Spiritus sancti potest vel augeri vel minui,
qui sicut est sine initio et sine termino sempiternus, sic est
sine augmente- detrimentoque perfectus.
Cujus tamen dona, secundum ipsius imperscrutabilem
atque irreprehensibilem voluntatem, sicut in hominibus
posse augeri credimus, sic ineis posse minui non negamus.
Nam cum dona sunt Spiritus sancti, charitas, gaudium,
pax, longanimitas, bonitas, benignitas, fides, modestia,
continentia : Et cum alii per Spiritum sermo sapientiae, alii
autem sermo scientiae secundum eundem Spiritum, élteri
fides in eodem Spiritu. Hsec tamen omnia possunt in homi-
nibus et augeri et minui. Unde est illud, quod ipsi Apostoli
augmentum fidei sibi à Domino postulant condonari, di-
centes : Domine, auge nobis fidem. In charitate quoque nos
crescere, ipse beatus demonstrat Apostolus, qui ait :
Veritatem autem facientes in charitate, crescamus in illo
per omnia. Quomodo autem in charitate crescimus, nisi
208 NOTES.
cum per dona gratiae spiritalis crementum accipimus cha-
ritatis? Charitas enim Dei diffusa est in cordibus nostris,
per Spiritum sanctum, qui datusest nobis. Hoc sentitur et
de caelerisspiritalibus donis, quse prouniuscujusque captu,
vel augeri vel minui dicuntur in nobis. Quoniam talium
crementa detrimentaque charismatum, secundum id di-
cuntur, quod quibusdam seu plus seu minus insunt : non
quod in se vel augeri vel minui possunt. Nam et sol tantus
cum videtur ab oculis sanis, quantus ; cum videtur a sau-
ciis, nec ipse minuitur, cum minus ab oculis turbatis per-
cipitur, nec augetur cum amplius -oculis sanis infunditur.
Quia diversitas illa visionis, non ex diversitate solis evenit,
sed in diversitate sanitatis infirinatisqueeonsistit.Et quam-
vis unum minus, alterummagisilluminet, ipse tamen unum
atque idem in se lumen habet, quod unus minus, alter
amplius videt. Sic etiam Spiritu sancto, in se sine aug-
menta ac detrimento immutabiliter permanente, duplicem
sibi Elisens Spiritum poposcit, in eo quod augmentum
spiritalis gratiae postulavit. {S. Fulgent. lib. 2 ad Moni-
mum cap. 7 et 8.)
II. ITRUM CONVEN1ENTER SEPTEM DONA SPIKITUS SANCTI
ENUMERENTUR ?
Videtur quod inconvenienter septem dona Spiritus sancti
enumerentur. In illa enim enumeratione ponuntur quatuor
pertinentia ad virtutes intellectuales, scilicet sapientia,
intellectus, scientia et consilium, quod pertinet ad pru-
dentiam ; nihil autem ibi ponitur quod pertineat ad artem,
quae est quinta virtus intellectualis ; similiter etiam ponitur
aliquid pertinens ad juslitiam, scilicet pietas, et aliquid
pertinens ad fortitudinem, scilicet fortitudinis donum :
nihil autem ponitur ibi pertinens ad temperantiam : Ego
insufficienter enumerantur dona.
NOTES. 209
Preeterea, pietas pars est justitiae, sed circa forlitudinem
non ponitur aliqua pars ejus, sed ipsa fortitudo : ergo non
debuitponi pietas, sed ipsa justitia.
Preeterea, virtutes theologicae maxime ordinant nos ad
Deum : cum ergo dona perficiant hominem secundum quod
movetur a Deo, videtur quod debuissent poni aliqua dona
pertinentia ad Theologicas virtutes.
Preeterea, sicut Deus timelur, ita etiam amatur, et in
ipsum aliquis sperat, et de eo delectatur : amor autem,
spes et delectatio sunt passiones condi visée timori. Ergo
sicut timor ponitur donum, ita et alia tria debent poni
dona.
Praeterea, inlelleetui adjungitur sapientia quee régit
ipsum, fortitudini autem consilium, pietati vero scientia :
ergo timori debuit addi aliquod donum directivum. In-
convenienter ergo septem dona Spiritus sancti enume-
rantur.
Sed in contrarium est auctoritas scripturas Isai. n.
C0NCLUSIO.
Septem sunt Spiritus sancti dona, quibus homo tam in
ratione, quam in appetitu perhcitur ad virtutum opéra
consummanda, donum scilicet sapientise, intelleclus, con-
silii, fortitudinis, scientiœ, pietatis, ettimoris.
Respondeo dicendum, quod sicut dictum est (art. 3.)
dona sunt quidam habitus perficientes hominem ad hoc
quod prompte sequatur instinctum Spiritus sancti, sicut
virtutes morales perficiunt vires appetitivas ab obediendum
rationi : sicut autem vires appetitivas natee sunt moveri
per instinctum Dei, sicut a quadam superiori potenlia ; et
ideo in omnibus viribus hominis, qua? possunt esse prin-
2\i) NOTES.
cipia humanorum actuum, sicut sunl virtutes, ita etiam
sunt dona, scilicet in ratione, et in vi appetitiva. Ratio au-
tem est spéculât i va et practica, et in utraque consideratur
apprehensio veritatis, quae pertinet ad inventionem et ju-
dicium de veritate. Ad apprehensionem igitur veritatis
perficitur speculativa ratio per intellectum, practica vero
per consilium : ad recte autem judicandum speculativa qui-
dem per sapientiam, practica vero per scientiam perficitur.
Appetitiva autem virtus in his quidem qua3 sunt ad alte-
rum, perficitur per pietatem : in his autem quae sunt ad
seipsum, perficitur per fortitudinem contra timorem peri-
culorum : contra concupiscentiam vero inordinatam delec-
tabilium, per timorem, secundum illud Proverb. 16. In
timoré Domini déclinât omnis a malo. Et in Psalm. 118.
Confige timoré tuo carnes meas, a judiciis enim tuis timui.
Et sic patet, quod ha?c dona extendunt se ad omnia, ad
quae se extendunt virtutes, tam intellectuales, quam mo-
rales.
Ad primum ergo dicendum, quod dona Spiritus sancti
perficiunt hominemin his quae pertinent ad bene vivendum,
ad quae non ordinatur ars, sed ad exteriora factibilia ; est
enim ars ratio recta non agibilium, sed factibilium, ut di-
citur in sexto, et hic (cap 5.)Potest tamen etiam dici. quod
quantum ad infusionem donorum ars pertinet ad Spiritum
sanctum, qui est principaliter movens, non autem ad ho-
mmes, qui suntquaedam organa ejus dum ab eo moventur.
Temperantiae autem respondet quodammodo donum timo-
ris : sicut enim ad virtutem temperantiae pertinet secun-
dum ejus propriam rationem ut aliquis recédât a delecta-
tionibus pravis propter bonum rationis, ita ad donum
timoris pertinet, quod aliquis recédât a delectationibus
pravis propter Dei timorem.
Ad secundum dicendum, quod nomen justitiae imponitur
a rectitudine rationis, et ideo nomen virtutis est conve-
NOTES. 241
nientius quam nomen ,doni : sed nomen pietatis importât
reverentiam, quam habemus ad patrem, et ad patriam : Et
quia pater omnium Deus est, etiam cultus Dei pietas no-
minatur, ut August- dicit 1 0. de civit. Dei (cap. 1 .)Et ideo
convenienfer donum quo aliquis propter reverentiam Dei
bonum operatur ad omnes, pietas nominatur.
Ad tertium dicendum, quod animus hominis non mo-
vetura Spiritu sancto, nisi ei secundum aliquem modum
uniatur : sicut instrumentum non movetur ab artifice, nisi
per contactum, aut per aliam aliquam unionem. Prima au-
tem unio hominis est per. fidem, spem et charitatem, unde
istae virtutes prœsupponuntur ad dona, sicut radiées qua?-
dam donorum. Unde omnia dona pertinent ad has très
virtutes, sicut quaedam derivationes praedictarum virtutem.
Ad quartum dicendum, quod amor, spes et delectatio
babent bonum pro objecto, summum autem bonum Deus
est : unde nomina harum passionum transferuntur ad vir-
tutes theologicas, quibus anima cunjungitur Deo. Timoris
autem objectum est malum quod Deo nullo modo competit.
Unde nonimportat conjunctionem ad Deum, sed magis re-
cessum ab aliquibus rébus, propter reverentiam Dei. Et
ideo non est nomen virtutis théologien, sed doni, quod
eminentius retrahit a malis, quam virtus moralis.
Ad quintum dicendum, quod per sapientiam dirigitur et
hominis intellectus, et hominis affectus : et ideo ponuntur
duoeorrespondentia sapienliee, tanquam directiva : ex parte
quidem intellectus donum intellectus, ex parte autem af-
fectus donum timoris. Ratio enim timendi Deum praecipuè
sumitur ex consideratione excellentias divinae, quam con-
sidérât sapientia. (S. Thom. \. %. q. 58. art. iv)
IXe ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO SANCTAM ECCLESIAM CATHOLICAM
SANCTORUM COMMUNIONEM.
Ire INSTRUCTION.
SIGNIFICATION DC MOT ÉGLISE. DIVERS NOMS DE LÉGLISE.
IX OR DE.
1 . Le neuvième article du Symbole nous pro-
pose d'abord à croire la sainte Eglise catholique.
Deux considérations montrent l'importance de
cet article.
Premièrement, au témoignage de saint Augus-
tin, l'établissement et les destinées de l'Eglise ont
été prédits par les prophètes d'une manière plus
claire que la mission même de Jésus-Christ. Ils
prévoyaient que l'article de l'Eglise rencontrerait
plus de contradicteurs que celui de la rédemption.
En effet, combien n'y a-t-il pas eu d'imposteurs qui,
semblables au singe qui contrefait l'homme, ont
osé s'arroger le nom de catholiques et prétendu
former seuls la véritable Eslise?
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 213
11 importe de confondre leur orgueil et de dé-
couvrir leur malice , première raison qui nous
engage à traiter ce point avec tout le soin pos-
sible.
Une seconde raison en relève encore l'impor-
tance, c'est que si nous connaissons bien l'Eglise,
si nous avons soin d'imprimer fortement dans notre
cœur sa divine autorité, nous serons pour toujours
à l'abri des séductions de l'hérésie.
En quoi consiste en effet le crime d'hérésie?
Ce n'est pas précisément dans une opinion erro-
née en matière de foi, mais dans l'obstination avec
laquelle on s'y attache, au mépris de l'autorité de
l'Eglise.
Un fidèle, instruit de la vérité de l'Eglise, et per-
suadé que son enseignement est celui de Jésus-
Christ lui-même, ne saurait s'abandonner à une
telle obstination; il aura toujours une horreur pro-
fonde pour les artifices et les mensonges de l'in-
crédulité ; il persévérera dans la foi jusqu'à son
dernier soupir.
2. L'article de l'Eglise est intimement lié à ce
que nous avons dit dans les deux instructions pré-
cédentes. Nous y avons montré que le saint Esprit
est la source de toute sainteté. L'existence de l'E-
glise n'a point d'autre but que la sanctification des
hommes, et c'est de l'Esprit-Saint qu'elle reçoit
toute sa sainteté.
Dans cet entretien, nous nous bornerons à vous
exposer la signification du mot Eglise et des
214 SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE.
différentes dénominations qui servent à désigner
l'Eglise.
PREMIER POINT.
3. Le mot Eglise est d'origine grecque. Les La-
tins l'ont adopté dans leur langue, et depuis la
publication de l'Evangile, il a été appliqué aux cho-
ses saintes.
Ce mot, Eglise, dans son acception primitive,
signifie la môme chose que : appel ou convocation.
Comme une convocation a pour but et pour effet
de former une réunion, une assemblée, on a donné
ensuite le nom d'Eglise à toute assemblée ou réu-
nion, sans aucun égard pour les sentiments reli-
gieux de ceux qui en faisaient partie. Aussi, aux
Actes des apôtres, un magistrat de la ville d'Ephè-
se, s'adressant au peuple dans une émeute qu'il
venait d'apaiser : « Si vous avez quelque autre
sujet de plainte, lui dit-il, on pourra y faire droit
dans une église ou assemblée légitime. Si quid au-
tem alterius rei quaeritis, in légitima ecclesia pote-
rit absolvi. » [Act. xix.)
Ce magistrat donna donc le nom d'église légitime
à une assemblée d'hommes qui adoraient la déesse
Diane.
Si une réunion d'idolâtres a reçu le nom d'église,
il n'est pas surprenant que le Psalmiste ait aussi
appelé église, une assemblée composée de pé-
cheurs et de méchants : « J'ai détesté, dit-il, l'église
des méchants et je n'ai point siégé parmi les im-
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 21 5
pies. Ocjivi ecclesiam malignantium et cum impiis
non sedebo. » (Ps. xxv.)
4. Mais venons-en à la signification toute reli-
gieuse de ce nom d'Eglise sous l'Evangile.
L'usage n'a pas tardé à consacrer ce terme pour
désigner les assemblées particulières des fidèles
et la société chrétienne tout entière.
Par l'Eglise, on entend donc, dans le langage
chrétien, la société de ceux qui ont été appelés par
la foi à la lumière de la vérité et à la connaissance
de Dieu ; la société de ceux qui ont renoncé aux
ténèbres de l'ignorance et de l'erreur, pour adorer
en toute sincérité et servir de tout leur cœur le
Dieu vivant et véritable. En un mot, l'Eglise, comme
dit saint Augustin, c'est le peuple fidèle répandu
dans tout l'univers. Ecclesiaest populusfidelis per
universum orbem dispersus. »
5. De grands mystères sont renfermés dans ce
nom d'Eglise.
Nous venons de dire que ce mot signifie primiti-
vement, appel, convocation. Qui ne se rappelle aus-
sitôt, à cette parole, qu'il est redevable à la bonté
divine d'avoir été appelé et attiré à la foi ? Qui ne
comprend que l'origine de l'Eglise est toute diffé-
rente de celle des sociétés humaines? Celles-ci ont
pour fondement la sagesse etla prudence humaine;
celle-là a été établie par la sagesse et la volonté de
Dieu.
Nous avons eu le bonheur de naître dans le sein
216 SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE.
de l'Eglise ; mais nos ancêtres étaient païens. Com-
ment ont-ils été transférés des ténèbres de l'idolâ-
trie à la lumière admirable de l'Evangile ? Comment
sont-ils devenus chrétiens? Us ont été appelés à
la foi par la grâce de Dieu ; ils y ont été appelés
extérieurement par la voix et la prédication des
hommes apostoliques qui les ont évangélisés ; ils
y ont été appelés intérieurement par la voix de
l'Esprit-Saint qui seul a le pouvoir de toucher les
cœurs.
6. Mais il y a quelque chose de plus dans ce
nom d'Eglise, en tant qu'il signifie appel, convo-
cation.
Outre le principe de notre vocation à la foi, qui
est la miséricorde de Dieu, il nous en indique en-
core très-bien le but et la fin. Ce but, cette fin, c'est
la connaissance et l'acquisition des biens éternels.
Voilà pourquoi en effet le Seigneur a daigné nous
appeler à la foi. Nous comprendrons cette signifi-
cation du nom d'Eglise, si nous comparons avec
ce nom celui que portait autrefois la société des
fidèles. La société des fidèles, sous la loi de Moïse,
ne s'appelait pas l'Eglise, mais la Synagogue, mot
qui veut dire rassemblement, congrégation, attrou-
pement.
Mais pourquoi lui donnait-on ce nom ? Parce que,
selon la remarque de saint Augustin, semblable à
un troupeau qu'on tient assemblé de force, le peu-
ple Juif était conduit par l'attrait des récompenses
temporelles et retenu dans le devoir par la crainte
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 217
des maux sensibles. Dieu le traitait en peuple
charnel ; pour prix de sa fidélité, il lui promettait
la rosée du ciel et la fertilité de la terre, la paix
et les prospérités d'ici-bas; il le menaçait, s'il était
rebelle, de rendre le ciel comme d'airain, de frap-
per ses champs de stérilité, de déchaîner sur lui
la famine, la peste et la guerre.
Telle était la sanction de la loi de Moïse. Jésus-
Christ a scellé son Evangile d'une sanction bien
différente. Il nous a appris à mépriser les choses
terrestres et passagères pour ne tenir compte -que
de celles qui sont éternelles. Formé à son école
divine, le peuple chrétien aspire aux récompenses
du ciel et non aux bénédictions de la terre. S'il
n'est pas insensible aux maux du temps, il redoute
bien plus les peines de l'éternité.
C'est pourquoi il ne s'appelle plus la Synagogue,
mais l'Eglise. L'Eglise respire la charité, tandis que
la Synagogue était sous le joug de la crainte. Dieu
y présidait en maître, il gouverne les chrétiens
en père.
SECOND POINT.
7. Le nom d'Eglise n'est pas le seul en usage
pour désigner la société des chrétiens ; elle porte
encore plusieurs autres noms qui ne sont pas
moins mystérieux.
L'apôtre saint Paul l'appelle la maison de Dieu,
l'édifice de Dieu. Voici ce qu'il dit à Timothée :
« Je vous écris, afin que si je tardais trop long-
218 SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE.
temps, vous sachiez comment vous devez vous
comporter dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise
du Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité.
Si tardavero,ut scias, quomodo oporteat te in domo
Dei conversari, quae est Ecclesia Dei vivi, columna,
et firmamentum veritatis. » (i Tim. ni.)
Pourquoi l'Eglise est-elle appelée la maison de
Dieu?
Parce qu'elle est comme une famille qui est
gouvernée par un seul chef, et au sein de laquelle
il y a communauté des biens spirituels. Le père de
famille, c'est Dieu ; tous les fidèles sont ses enfants,
et la charité qui règne entre eux, fait qu'ils s'en-
tr'aident réciproquement par leurs prières et leurs
bonnes œuvres, comme nous le dirons plus tard,
en expliquant la Communion des saints.
8. On nomme encore l'Eglise le bercail ou le
troupeau de Jésus-Christ.
Il est la porte qui donne entrée dans la bergerie,
a Je suis la porte, dit-il ; si quelqu'un entre par
moi, il sera sauvé, il ira et viendra, et il trouvera
des pâturages. Ego sum ostium ; per me, si quis
introierit, salvabitur, et ingredietur et egredietur,
et pascua inveniet. » [Joan. x.)
Il est le pasteur, et nous chrétiens, nous sommes
ses ouailles, a Je suis le bon Pasteur, dit-il, je
connais mes brebis et mes brebis me connaissent.
J'ai encore d'autres brebis qui ne font point partie
de ce bercail ; il faut que je les amène ; elles en-
tendront ma voix, et il n'y aura plus qu'un trou-
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 219
peau et qu'un pasteur. Ego sum Pastor bonus, et
cognosco oves meas et cognoscunt me meae... Et
alias oves habeo, quae non sunt ex hoc ovili ; et
illas oportet me adducere, et vocem meam audient,
et fiet unum ovile et unus pastor. » (Ibid.)
Voilà la touchante image sous laquelle Jésus-
Christ aime à se représenter à nos yeux. Qui n'est
attendri en lisant la parabole de la brebis égarée
que ce bon Pasteur va chercher dams le désert, au
travers des ronces et des épines, et qu'il rapporte
sur ses épaules au bercail?
C'est sous la même image qu'il confère le gou-
vernement de FEglise à saint Pierre. « Paissez mes
agneaux, paissez mes brebis, lui dit-il. Pasceagnos
meos, pasce oves meas. » (Joan. xxi.)
De là vient que ceux qui ont la conduite des
âmes sont aussi appelés du nom de pasteurs.
9. L'Eglise, c'est aussi ï épouse de Jésus-Christ.
L'Apôtre le dit aux Corinthiens : « Je vous ai
fiancés à un époux unique, et mon désir est de
vous offrir à Jésus-Christ comme une vierge sans
tache. Despondi vos uni viro virginem castam
exibere Christo. » (2 Corinth. xi.)
Parlant aux Ephésiens et leur traçant les devoirs
mutuels des époux :« Maris, aimez vos épouses,
leur dit-il, comme Jésus-Christ a aimé l'Eglise et
s'est livré pour elle afin de la sanctifier, la puri-
fiant par l'ablution de l'eau et la parole divine, afin
de se donner une Eglise glorieuse qui n'a ni tache
ni ride, ni autre défaut, mais qui est sainte et
220 SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE.
immaculée. Viri diligite uxores vestras, sicut et
Christus dilexit Ecclesiam, et seipsum tradidit pfo
ea, ut illam sanctificaret, mundans lavacro aquae
in verbo vitae, ut exhiberet ipse sibi gloriosam
Ecclesiam, non habentem maculam, aut rugam,
aut aliquid hujusmodi, sed ut sit sancta et imma-
culata. » (Ephes. v.)
Il ajoute au sujet du mariage que c'est un grand
sacrement, et il le relève si haut, parce qu'il est le
symbole de l'union de Jésus-Christ avec l'Eglise.
« Sacramentum hoc magnum est ; ego autem dico
in Christo et in Ecclesiâ. » (Ibid.)
C'est pour contracter cette alliance mystérieuse
avec les hommes, que le Fils de Dieu est descendu
sur la terre. Comme un autre Jacob, il est venu
chercher une épouse dans un pays lointain, et il l'a
rachetée au prix des plus rudes travaux et de sa vie
même. Pouvait-il témoigner plus sensiblement son
affection et sa tendresse pour les âmes, que de
prendre à leur égard le titre et la qualité d'époux ?
10. Enfin, l'Eglise n'est pas seulement appelée
l'épouse de Jésus-Christ ; elle est encore appelée
son corps.
Sans doute elle ne constitue pas son corps na-
turel, mais elle est réellement son corps mystique.
Il est notre chef, nous sommes ses membres.
Dieu, dit l'Apôtre, a mis toutes choses sous les
pieds de Jésus-Christ, et il l'a établi chef suprême
de l'Eglise ; l'Eglise est son corps et sa plénitude.
Omnia subjecit sub pedibus ejus, et ipsum dédit
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 221
caput supra omnem Ecclesiam, quae est corpus
ipsius et plenitudo ejus. » (Ephes. i.)
Il parle dans le même sens dans sa lettre aux
Colossiens. Ecrivant aux Romains, il développe
ainsi sa pensée : « De même que notre corps est
composé de plusieurs membres, et qu'il ne cesse
pas d'être un, quoique les différents membres
n'aient pas la même fonction ; de même, quelque
nombreux que nous soyons, nous ne formons tous
ensemble qu'un seul corps en Jésus-Christ, et nous
sommes réciproquement membres les uns des
autres. Sicut enim in uno corpore multa membra
habemus , omnia autem membra non eumdem
actum habent : ita multi unum corpus sumus in
Cbristo, singuli autem alter alterius membra. »
(Rom. xii.) « Oui, dit-il encore, nous sommes les
membres de son corps, nous sommes de sa chair
et de ses os. Membra sumus corporis ejus, de carne
ejus et de ossibus ejus. n (Ephes. v.)
CONCLUSION.
11. Enfants de l'Eglise, considérez donc quelle
est la grandeur et la sainteté de votre vocation.
Dieu vous a fait la grâce de naître dans un pays et
de parents chrétiens. Dès les premiers siècles du
christianisme, il a jeté un regard de miséricorde et
de faveur sur nos provinces. Elles étaient plongées
alors, comme le reste du monde païen, dans les
plus épaisses ténèbres. Nos ancêtres courbaient la
SY&IB II. 19
222 SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE.
tète et fléchissaient les genoux devant d'impures
idoles ; ils joignaient aux superstitions insensées
du paganisme, des moeurs qui font horreur ; ils
baignaient les autels de leurs faux dieux du sang
des victimes humaines; ils étaient tombés dans la
dégradation la plus profonde. Nous qui sommes
leurs descendants, nous pouvions naître à cette
époque de corruption et d'ignorance; mais non, le
Seigneur a fait luire sur nous le soleil de la vraie
justice. De généreux apôtres sont venus en son
nom annoncer la bonne nouvelle à nos aïeux, et
avec la lumière de l'Evangile, parut bientôt un
nouvel ordre de choses. A mesure que le règne de
la religion s'étendit dans notre pays, la barbarie fit-
place à la civilisation. Depuis lors, la foi est de-
venue la portion la plus précieuse du patrimoine
des familles. Nous l'avons héritée de nos pères,
comme ils l'avaient reçue de leurs prédécesseurs.
En qualité de chrétiens, nous faisons partie de
la famille de Dieu : « Vous n'êtes plus des hôtes et
des étrangers, disait l'Apôtre, mais vous êtes les
concitoyens des saints, les serviteurs de Dieu,
vous avez été élevés sur le fondement des apôtres
et des prophètes, vous êtes les pierres de cet édi-
fice spirituel dont Jésus-Christ est la pierre angu-
laire. Fratres, jam non estis hospites, et advenae :
sed estis cives sanctorum, et domestici Dei : su-
peraedificati super fundamentum Apostolorum et
Prophetanim, ipso summo angulari lapide Christo
Jesu. » [Ephes. h.)
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 223
Le souverain Pasteur nous compte parmi les
brebis de son bercail. Que dis-je?Nous avons
été fiancés à Jésus-Christ, nos âmes sont ses
épouses, nous avons l'honneur d'être les membres
de son corps.
Il n'a point encore fait cette grâce à toutes les
nations de la terre. Combien d'hommes dans le
monde qui ne le connaissent pas encore , hélas !
42. Mais si nous avons été les privilégiés, n'est-
ce pas un motif pour nous montrer d'autant plus
reconnaissants?
Oh ! bénissons le Seigneur de nous avoir choisis
et favorisés de préférence à tant d'autres qui,
peut-être, eussent mieux profité que nous des
lumières de l'Evangile. Ne laissons point passer un
seul jour sans le remercier de nous avoir faits
chrétiens. Correspondons par une vie sainte à la
prédilection que Dieu nous a témoignée.
« Je vous en supplie, disait l'Apôtre aux pre-
miers fidèles, conduisez-vous d'une manière digne
de votre vocation, en pratiquant l'humilité, la dou-
ceur et la patience, en vous supportant mutuel-
lement avec charité, et en mettant tous vos soins
à conserver l'unité de l'esprit dans le lien de la
paix. Vous n'êtes qu'un seul corps ; ayez un même
esprit, car vous êtes appelés aux mêmes espé-
rances. Obsecro vos... ut digne ambuletis voca-
tione, qua vocati estis, cum omni humilitate, et
mansuetudine, cum patientia, supportantes invi-
cem in charitate, solliciti servars unitatem spiritus
224 SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE.
in vinculo pacis. Unum corpus, et unus spiritus.
sicut vocati estis in una spe vocationis vestrae. »
Ephes. iv.)
(( Je vous avertis donc, continue l'Apôtre, et je
vous conjure par le Seigneur, de ne plus vivre
désormais comme les païens, qui suivent dans leur
conduite la vanité de leurs pensées, qui ont l'esprit
plein de ténèbres, qui sont éloignés de la vie de
Dieu à cause de l'ignorance où ils sont et de l'aveu-
glement de leur cœur; qui, s'abandonnant au dé-
sespoir, lâchent la bride à leurs passions et se
plongent avec une ardeur insatiable dans toute
sorte de désordres. Quant à vous, ce n'est pas
ainsi que vous avez été instruits à l'école de Jésus-
Christ. Au contraire, vous y avez été exhortés et
vous avez appris, selon la vérité de sa doctrine, à
dépouiller le vieil homme selon lequel vous viviez
autrefois, qui vous égarait et vous corrompait.
Renouvelez-vous donc dans l'intérieur de votre
âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui a
été créé selon Dieu dans une justice et une sainteté
véritable. Hoc igitur dico, et testificor in Domino,
ut jam non ambuletis, sicut et gentes ambulant,
in vanitate sensùs sui, tenebris obscuratum ha-
bentes intellectum, alienati a vita Dei, per igno-
rantiam quae est in illis, propter cœcitatem cordis
ipsorum. Qui desperantes, semetipsos tradiderunt
impudicitiae, in operationem immunditiaB omnis, in
avaritiam. Vos autem non ita didicistis Christum,
si tarnen illum audistis, et in ipso edocti estis, sicut
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. 225
est veritas in Jesu. Deponere vos secunchim pris-
tinam conversationem veterem hominem, qui cor-
rumpitur secundum desideria erroris. Renovarnini
autem spiritu mentis vestrae. Et induite novum
hominem, qui secundum Deum creatus est in justi-
tia, et sanctitate veritatis. » (Ibid.)
« Efforcez-vous donc de plus en plus, vous
dirai-je avec le prince des apôtres, d'assurer votre
vocation et votre élection par la pratique des
bonnes œuvres. Quapropter, fratres, magis satagite
ut per bona opéra certam vestram vocationem et
electionem faciatis. » (2 Petr. 1.)
226 NOTES.
NOTES.
I.
Obscurius dixerunt prophetae de Christo, quam de Ec-
clesia : puto propterea quia videbant in spiritu contra
Ecclesiam homines facturos esse participas, et de Christo
non tantamlitem habituros, de Ecclesia magnas contentio-
nes excitaturos. Ideo illud unde majores lites futurae erant,
planius prsedictnm il lis voluit qui viderunt et foras fuge-
runt. Exempli gratia unum commemorabo : Abraham pater
noster fuit non propler propaginem earnis , sed propter
imitationem fidei. Justus et placens Deo, per fidem susce-
pit filiutn sibi promissum Isaac de Sara sterili uxore sua
in senectute sua. Jussus est immolare Deo eumdem filium,
nec dubitavit, nec disceptavit, nec de jussu Dei disputavit,
nec malum putavit quod jubere optimus potuit. Duxit
61ium suum ad immolandum, imposuit ei ligna sacrificii,
pervenit ad locum, erexit dexteram ut percuteret : eo
prohibante deposuit, quo jubente levaverat. Qui oblem-
peraverat, ut feriret. obtemperavit ut parceret : ubique
obediens, nusquam timidus. Ut tamen impleretur sacrifi-
cium, et sine sanguine non discederetur : inventus est
aries hœrens in vepre cornibus, ipse immolatus est, perac-
tum est saerificium. Quaere quid sit : Figura est Christi
involuta sacramentis. Denique ut videatur discutitur, ut
videatur pertractatur, ut quod involutum est evolvatur.
Isaac tamquam fiius unicus dileclus figuram habens fîlii
NOTES. 227
Dei, portans ligua sibi, quomodo Christus crucem portavit.
Me postrerno ipse aries Christum significavit. Quid est
enim hœrere cornibus, nisi quodammodo crucifigi? Figura
est ista de Christo. Continuo prsedicanda erat Ecclesia,
prsenuntiato capite, prœnuntiandum erat et corpus. Cœpit
Spiritus Dei, cœpit Deus ad Abraham prsedicare velle
Ecclesiam, et tulit figuram. Christum figuratè prœdicabat,
Ecclesiam aperte praedicavit : ait enim ad Abraham, Quo-
niam obaudisti vocem meam, et non pepercisti filio tuo
dilecto propter me, benedicens benedicam te, et implendo
implebo semen tuum sicut stellas cœli, et sicut arenam
maris, et benedicentur in semine tuo omnes gentes terra?.
Et penè ubique Christus in aliquo involuto sacramento
praedicatus est a prophetis, Ecclesia apertè : ut viderunt
illam et qui futuri erant contra illam, et impleretur in eis
ista nequitia, quam praedixit psalmus. Qui videbant me,
foras fugerunt à me. Ex nobis exierunt, sed non suntex
nobis. Hoc Apostolus Joannes de illis dixit. (S. August. in
Psalm. xxx. Enarratio.)
II
De Spiritu sancto et Ecclesia recto ordine dictum in
Symbolo. Ecclesia cœlestis terrenae opitulatur. Cum au-
tem de Jesu Christo Filio Dei unico Domino nostro, quod
ad brevitatem confessionis pertinet, dixerimus, adjungimus
sic credere nos et in Spiritum sanctum , ut illa Trinitas
compleatur, quae Deus est : deinde sancta commemoratur
Ecclesia. Unde datur intelligi rationalem creaturam ad
Jérusalem liberam pertinentem (Galat. iv, 26), post com-
memorationem Creatoris, id est summae illius Trinitatis,
fuisse subdendam. Quoniam quidquid de homine Christo
dictum est, ad unitatem persona? Unigeniti pertinet. Reclus
itaque confessionis ordo poscebat, ut Trinitati subjungere-
tur Ecclesiam, tanquam habitatori domus sua, et Deo tem-
228 NOTES.
plum suum et conditori civitas sua. Quae tota hic accipienda
est, non solum ex parte qua peregrinatur in terris, a solis
ortu usque ad occasum laudans nomen Domini (Psal. cxn,
3j, et post captivitatem vetustatis cantans canticum no-
vum ; verum etiam ex illa quae in cœlis semper, ex quo
condita est, cohaesit Deo, nec ullum malum sui casus ex-
perta est. Haec in sanctis Angelis beata persistit, et suae
parti peregrinanti sicut oportet opitulatur; quia utraque una
erit consortioaeternitatis et nunc una est vinculocharitatis,
quae tota instiluta est ad colendum unum Deum. Unde nec
tota, nec ulla pars ejus vult se coli pro Deo, nec cuiquam
esse Deus pertinenti ad templum Dei, quod sedificatur ex
diis quos facit non factus Deus. Ac per hoc Spiritus sanctus
si creatura, non creator esset, profecto creatura rationa-
lis esset ; ipsa est enim summa creatura. Et ideo in Régula
fidei non poneretur ante Ecclesiam ; pertineret in illa ejus
parte qui in cœlis est. Nec haberet templum, sed etiam ipse
templum esset. Templum autem habet, de quo dicit Apos-
tolus : Nescilis quia corpora vestra templum sunt Spiritus
sancti, qui in vobis est, quem habetis a Deo? De quibus
alio loco dicit : Nescitis quia corpora vestra membra sunt
Christi (I. Cor. vi. 19, 15)? Quomodo ergo Deus non est,
qui templum habet? aut minor Christo est, cujus membra
templum habet? Neque aliud templum ejus, aiiud templum
Dei est. Cum autem dicat Apostolus, nescitis quia templum
Dei estis : quod ut probaret, adjecit.Et Spiritus Dei habitat
in vobis (Id. m, 16). Deus ergo habitat in templo suo, non
solum Spiritus sanctus, sed etiam Pater et Filius.qui etiam
de corpore suo, per quod factus est caput Ecclesiae, quae
in hominibus est, ut sit ipse in omnibus primatum lenens,
(Coloss. i, 18), ait, solvite templum hoc, et in triduo sus-
citabo illud (Joan. n, 19). Templum ergo Dei, hoc est
totius summae Trinitatis, sancta est Ecclesia, sciiieet uni-
versa in cœlo et in terra.
NOTES. 229
Sed de illa qtiœ in cœlo est, affirmare quid possumus,
nisi quod nullus in ea malus est, née quisquam deinceps
inde cecidit aut casurus est, ex que- Deus Angelis peccan-
tibus non pepercit, sicut scribit Apostolus Petrus; sed
carcenbus caliginis inferni retrudens tradidit in judicio
puniendos reservari (uPetr.u, i. S. August. Enchiridion.
cap. 56 e* 57).
20
230 DES DIFFÉRENTES PARTIES
IIe INSTRUCTION.
DES DIFFÉRENTE^ PARTIES DONT SE COMPOSE LEGLISE.
EXORDE.
I . Je me suis borné, dans le dernier entretien,
à vous exposer la signification du nom d'Eglise et
des autres noms sous lesquels on désigne la société
des vrais fidèles.
Ainsi que nous l'avons vu, ce nom seul d'Eglise
nous fait déjà entendre l'origine et la fin toute cé-
leste de la société religieuse fondée sur la terre
par Jésus-Christ. Bien différente des sociétés hu-
maines, l'Eglise est l'œuvre de Dieu. Il invite toutes
les nations à y entrer ; il les y attire par la voix
des prédicateurs et par l'attrait intérieur de sa
grâce. Le but de cette société est tout spirituel ;
elle a pour fin de conduire les hommes au salut
éternel. A ce propos, je vous ai montré la diffé-
rence qui existe entr'elle et la Synagogue. Celle-
ci était régie par une loi de crainte ; elle proposait
aux juifs les peines et les récompenses de cette
vie. L'Eglise au contraire vit sous la loi d'amour
proclamée par Jésus- Christ, et son divin Maître
lui a appris à élever ses espérances et ses désirs
vers les biens éternels.
DONT SE COMPOSE L'ÉGLISE. 231
Vous avez pu juger combien elle est chère au
cœur de Dieu par les beaux titres qu'elle porte.
Elle est appelée tantôt la maison ou la famille de
Dieu, tantôt le bercail de Jésus-Christ, tantôt sa
fiancée et son épouse, très-souvent enfin son corps
mystique.
Que peut-on dire de plus à sa louange et à sa
gloire ?
2. Pour mieux connaître sa nature, ses proprié-
tés, les dons et les grâces dont elle est enrichie,
nous allons maintenant envisager les diverses par-
ties dont elle se compose.
Cette considération n'ajoutera pas peu à l'estime
que nous devons avoir pour l'Eglise et à la re-
connaissance que nous devons à Dieu pour son
établissement.
Voyons donc dans cette instruction, première-
ment, comment on divise l'Eglise, secondement,
de quels éléments elle se compose sur la terre, et
troisièmement, quelle est l'extension que l'usage a
donnée au nom d'Eglise.
PREMIER POINT.
3. L'Eglise se divise en trois parties : l'une s'ap-
pelle l'Eglise triomphante, l'autre, l'Eglise militan-
te ; la troisième qui est intermédiaire entre les
deux, s'appelle l'Eglise souffrante ; c'est le purga-
toire. Nous en avons déjà parlé dans une autre
occasion ; c'est pourquoi nous ne nous occuperons
ici que des deux premières.
232 DES DIFFÉRENTES PARTIES
Par X Eglise triomphante, on entend cette société
brillante et fortunée des anges et des saints qui,
vainqueurs du monde, de la chair et du démon,
et dégagés des misères de cette vie, jouissent en
paix de la béatitude éternelle.
L'Eglise militante, au contraire, est la société
des fidèles qui vivent sur la terre. On l'appelle mi-
litante, parce qu'elle est perpétuellement en guerre
contre les cruels ennemis du salut, qui sont le dé-
mon, le monde et la chair.
4. Ces deux états sont très-différents sans doute.
L'Eglise militante est justement comparée à une
mer orageuse pleine d'écueils et de dangers ; l'E-
glise triomphante est le port.
Cependant il n'en faut pas conclure que l'Eglise
du ciel et l'Eglise de la terre soient deux Eglises.
Ce sont deux portions d'une seule et même Eglise.
La première n'a fait que devancer la seconde dans
la céleste patrie. La seconde se dirige vers le
même terme et y tend de jour en jour. Elle finira
comme la première par aller rejoindre le Sauveur
et se reposer avec lui au sein de la félicité éternelle.
Mais il faut, avant de triompher, qu'elle com-
batte. « Le royaume du ciel souffre violence, et il
n'y a que les braves qui l'emportent. Regnum cœ-
lorum vim patitur, et violenti rapiunt illud. »
Oui, le ciel est une conquête qui exige des
sacrifices.
Le chrétien lâche et infidèle n'y arrivera jamais,
si erifin il ne se détermine à combattre avec cou-
DONT SE COMPOSE L'ÉGLISE. 233
rage et à dompter ses passions. Les héros y sont
introduits, aussitôt après la mort ; car les saints
qui se sont totalement acquittés envers la divine
justice, sont mis aussitôt en possession du ciel.
Pour ceux à qui cette justice aurait encore quelque
reproche à faire, ils doivent d'abord achever leur
expiation dans le purgatoire, et ce n'est qu'après
s'être entièrement purifiés, qu'ils sont admis aux
honneurs du triomphe.
SECOND POINT.
5. Plus tard, en achevant l'explication du Sym-
bole, nous aurons occasion de considérer plus à
loisir les destinées de l'Eglise triomphante; ici,
nous avons à nous occuper plus spécialement de
l'Eglise militante.
De quoi se compose-t-elle? Telle est la première
question que nous devons examiner.
L'Eglise militante renferme deux sortes de per-
sonnes : les bons et les méchants.
Les méchants participent aux mêmes sacrements
et professent la même foi que les bons; mais ils
en diffèrent par leur vie et leurs mœurs. Marqués
aussi bien que les bons du sceau de la croix, ils
sont infidèles aux engagements sacrés de leur bap-
tême ; ils confessent Jésus-Christ de bouche, mais
ils le renient par leurs œuvres. Voilà ce qu'on en-
tend parles méchants. On peut ranger à coup sur
dans cette classe tous ceux qui vivent selon les
SYMB. II. 20*
234 DES DIFFÉRENTES PARTIES
maximes du monde et qui, soit par respect humain,
soit par insouciance, soit par passion, violent ou-
vertement ou en secret les lois de l'Evangile.
On appelle bons dans l'Eglise ceux qui, outre le
lien extérieur de la profession d'une même foi et
de la participation aux mêmes sacrements, sont de
plus intimement unis ensemble par la grâce et la
charité.
Deux choses sont donc requises pour être bon :
il faut d'abord professer la vraie foi et participer
aux sacrements ; il faut ensuite conformer sa vie
aux enseignements de la foi ; en deux mots, il faut
la foi et les œuvres.
Mais, quels sont en particulier ceux qu'on peut
ranger dans cette catégorie?
« Dieu seul, ainsi qu'il est écrit, connaît sûre-
ment ceux qui lui appartiennent. Cognovit Domi-
nus qui sunt ejus. » (2. Tim. h.) Quant à nous,
nous pouvons bien, à l'aide de certains indices,
conjecturer si tel ou tel est de ce nombre ; mais
nous ne pouvons le savoir avec une entière certi-
tude. Il faudrait lire pour cela dans le fond des
cœurs, interroger tous les replis de la conscience ;
or, il n'y a que Dieu dont le regard pénètre si
avant. « Personne, dit le Sage, ne sait s'il est digne
d'amour ou de haine. Nemo novit utrum amore an
odio dignus sit. »
«De même, dit le saint Concile de Trente, qu'on
ne peut sans impiété douter de la miséricorde de
Dieu, des mérites de Jésus-Christ, de la vertu et
DONT SE COMPOSE L'ÉGLISE. 235
de l'efficacité des sacrements; de même, chacun
en particulier en se considérant lui-même, ainsi
que sa faiblesse et son manque de disposition, peut
craindre et redouter de n'être pas dans la grâce de
Dieu. Personne en effet, ajoute le saint Concile, ne
peut savoir d'une certitude de foi et par consé-
quent infaillible, s'il a obtenu grâce de Dieu. Sicut
nemo pius de Dei misericordia, de Christi merito ,
deque Sacramentorum virtule et efficacia, dubitare
débet: sic quilibet, dum seipsum, suamque pro-
priam infirmitatem et indispositionem respicit, de
sua gratia formidare, et timere potest ; cum nullus
scire valeatcertitudine fidei, cui non potest subesse
falsum, se gratiam Dei esse consecutum. » (Tri-
dent, sess. vi, cap. ix.)
6. Tirons de la deux conséquences très-impor-
tantes.
Premièrement, quand le Sauveur nous renvoie à
l'Eglise, qu'il nous ordonne de lui obéir, évidem-
ment ce n'est pas à l'Eglise composée des seuls
justes qu'il nous adresse. Puisqu'on ne sait pas
d'une manière certaine où ils sont, comment sau-
rait-on à quel tribunal il faut recourir, et à quelle
autorité il faut se soumettre?
L'Eglise comprend donc, comme nous le disions
tout à l'heure, les méchants et les bons.
C'est d'ailleurs ce qu'attestent les divines Ecri-
tures et les Pères. L'Apôtre ne fait pas de distinc-
tion entre les uns et les autres, quand il dit que
l'Eglise est un seul corps et un seul esprit.
236 DES DIFFÉRENTES PARTIES
7. Une seconde conséquence qui résulte de là,
c'est que l'Eglise est visible.
Elle est cette ville située sur la montagne, et
qu'on découvre de toutes parts. « Non potest civi-
tas abscondi supra montem posita.» [Matth. v.)
Elle est cette lampe allumée pour éclairer tous
ceux qui sont dans la maison, et qu'on ne met pas
sous le boisseau, mais sur le chandelier. « Neque
accendunt lucernam, et ponunt eam sub modio,
sed super candelabrum, ut luceat omnibus qui in
domo sunt. r> (Ibid.)
Le prophète Isaïe nous la montre de loin comme
une montagne élevée au sommet d'autres monta-
gnes, vers laquelle afflueront toutes les nations de
la terre, « Et erit in novissimis diebus praeparatus
mons domus Domini in vertice montium, et eleva-
bitur super colles, et fluent ad eum omnes gentes.»
{/sa, 2.)
Le prophète Michée a eu la même vision. Voici
comment il s'exprime : «. Dans les derniers temps,
dit-il, la montagne sur laquelle se bâtira la maison
du Seigneur, sera fondée sur le haut des monts,
et elle s'élèvera sur le haut des collines : les peu-
ples y accourront , et les nations se hâteront d'y
venir en foule, en disant : Allons à la montagne du
Seigneur, et à la maison du Dieu de Jacob : il nous
enseignera ses voies, et nous marcherons dans ses
sentiers ; parce que la loi sortira de Sion, et la pa-
role du Seigneur, de Jérusalem. Et erit : in novis-
simo dierum erit mons domùs Domini praeparatus
DONT SE COMPOSE i/ÉGLISE. 237
in vertice montium, et sublimis super colles: et
fluent ad eum populi. Et properabunt gentes mili-
tas, et dicent : Venite, ascendamus ad montem Do-
mini, et ad domum Dei Jacob: et docebit nos de
viis suis et ibimus in semitis ejus : quia de Sion
egredietur iex, et verbum Domini de Jérusalem. »
(Mich. iv.)
Comment l'Eglise serait-elle invisible , elle qui
est destinée à enseigner toutes les nations? Qui-
conque refuse de lui obéir, Jésus-Christ déclare
que nous devons le tenir pour un païen et un publi-
cain. « Si Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut et
Ethnicus et Publicanus. » (Matth. xvm.). Puisque
tous sont obligés de lui obéir, il faut donc que tous
puissent la connaître, et qu'ainsi elle soit visible et
reconnaissable.
8. Confirmons ce que nous disions tout h l'heure,
savoir que l'Eglise renferme dans son sein les mé-
chants aussi bien que les bons.
L'Evangile nous propose cette vérité sous une
foule d'images ou paraboles.
Le royaume des cieux, dit le Sauveur, c'est-à-
dire l'Eglise militante, est semblable à un filet qu'on
jette dans la mer et qui recueille toute espèce de
poissons. Quand il est rempli, les pécheurs le reti-
rent et, s'asseyant sur le rivage, ils choisissent les
bons et les renferment dans les vases et ils jettent
les mauvais dehors. Ainsi en sera-t-il à la fin des
siècles ; les anges sortiront et sépareront les mé-
238 DES DIFFÉRENTES PARTIES
chants du milieu des justes et les jetteront dans la
fournaise.» [Matth. xm.)
L'Eglise est encore comparée à un champ où
l'on a sursemé de l'ivraie sur le bon grain ; puis a
une aire de grange où la paille et le froment sont
mêlés ensemble ; ou encore à ces dix vierges dont
les unes sont prudentes et se préparent à l'arrivée
de l'époux, tandis que les autres sont imprudentes,
et n'ont pas soin de garnir leur lampe de l'huile des
bonnes œuvres.
Toutes ces figures indiquent clairement que l'E-
glise sur la terre est un mélange de bons et de
méchants.
Longtemps auparavant elle avait été figurée par
l'arche de Noé qui contenait tout à la fois des ani-
maux purs et des animaux immondes.
9. Mais si la foi nous apprend qu'au sein de
l'Eglise, les pécheurs sont mêlés avec les justes, ce
n'est pas à dire que leur condition et leur avenir
soient les mêmes.
Les pécheurs y sont par rapport aux justes ce
qu'est la paille à l'égard du froment, ce que sont
des membres morts dans un corps vivant. Ils ap-
partiennent au corps de l'Eglise, parce qu'ils pro-
fessent sa foi et qu'elle les a engendrés par le Bap-
tême ; mais ils n'appartiennent pas à son âme qui
est la charité ; ils ne vivent point de sa vie qui est
la vie de la foi ; ils n'ont qu'une foi morte, dé-
pourvue de bonnes œuvres.
Telle est leur condition ; quelle sera leur desti-
DONT SE COMPOSE i/ÉGLISE. 239
née? Jésus-Christ va nous l'apprendre : « Tout ar-
• bre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et
jeté au feu. Omnis arbor quae non facit fructum
bonum excidetur et in ignem mittetur. Le Sei-
gneur, dit saint Jean-Baptiste, tient le van en main;
il purgera son grain et le séparera de la paille. A
la fin des temps, quand se fera la grande moisson
du Père de famille, l'ivraie sera liée en bottes et
jetée au feu, et l'on réservera le froment pour le
placer dans les greniers du Maître. Je suis la
vigne, nous dit encore le Sauveur, et vous êtes les
branches Si quelqu'un ne demeure pas en
moi, on le retranchera comme un sarment inutile,
et il se desséchera, et on le ramassera pour le jeter
au feu où il sera consumé. Ego sum vitis, vos pal-
mites Si quis in mè non manserit : mittetur
foras sicut palmes, et arescet, et colligent eum, et
in ignem mittent, et ardet. ))(Joan. xv.)
4 0. Quels sont donc ceux, demanderez-vous,
qui sont hors de l'Eglise?
Trois sortes de personnes seulement en sont
exclues : premièrement les infidèles, en second
lieu les hérétiques et les schismatiques, troisième-
ment les excommuniés.
Les infidèles sont hors de l'Eglise, parce qu'ils
n'ont jamais été dans son sein, qu'ils ne Font point
connue, et qu'ils n'ont participé à aucun sacrement
dans la société du peuple chrétien.
Remarquez bien que nous parlons ici des infi-
dèles volontaires, obstinés, à qui l'on doit impu-
240 DES DIFFÉREN1ES PARUES
ter leur ignorance, parce qu'ils ont résisté aux
lumières de leur conscience et à la grâce de Dieu,
qui n'est refusée à personne. Pour ceux qui sont
involontairement clans l'infidélité, si , comme le
centurion Corneille, ils suivent avec l'aide de la
grâce cette loi naturelle que nous portons impri-
mée au fond du cœur, s'ils sont de bonne vo-
lonté et qu'ils désirent sincèrement de connaître la
voie du salut, à raison de dispositions si saintes,
on peut dire qu'ils sont déjà chrétiens de cœur ;
et ceux-là appartiennent déjà en un sens à l'Eglise.
Nous disons en second lieu que les hérétiques et
les schismatiques n'en font point partie.
Encore une fois, il ne peut être question ici que
de ceux <jui sont de mauvaise foi ; on ne peut en
exclure ceux qui sont dans une ignorance invin-
cible.
C'est avec raison que les premiers ont été reje-
tés du sein de l'Eglise, puisqu'ils s'en sont séparés
volontairement. Enfants rebelles, ils ont déchiré le
sein de leur Mère. Ils n'appartiennent pas plus à
la société des fidèles que les transfuges ou les
déserteurs n'appartiennent à l'armée qu'ils ont
quittée.
L'Eglise cependant conserve son pouvoir sur
eux, comme le chef d'une armée sur ceux qui ont
déserté le drapeau. Elle a le droit de les juger, de
les punir et de les frapper d'anathème.
Enfin, les excommuniés sont hors de l'Eglise.
Bannis de son sein à cause de leurs crimes, l'Eglise
DONT SE COMPOSE L'ÉGLISE. 241
ne veut plus les reconnaître pour ses enfants, à
moins qu'ils ne fassent pénitence. Et que prétend-
elle, cette Mère charitable, en les retranchant de sa
communion? Leur infliger une confusion salutaire
qui les porte à rentrer en eux-mêmes, les engager
efficacement à se convertir et à réparer leurs scan-
dales ; en un mot, elle les frappe pour les guérir
et les sauver, ou du moins pour empêcher la con-
tagion de leurs mauvais exemples.
Telles sont donc les trois classes d'hommes qu>
n'appartiennent pas à l'Eglise. Pour les autres,
quelque vicieux et criminels qu'ils soient, ils ne
cessent pas, nous le répétons, d'être du nombre
de ses membres. Et si, ce qu'à Dieu ne plaise,
parmi les pasteurs mêmes, il s'en trouvait qui dés-
honorassent la sainteté de leur caractère par leur
vie, tout coupables qu'ils seraient, ils n'en conser-
veraient pas moins,, avec leur autorité, les titres
qu'ils ont reçus de Dieu à nos respects et à notre
obéissance dans les choses du salut.
TROISIÈME POINT.
\ 1 . Après avoir vu comment on divise l'Eglise
considérée dans toute son extension, puis quels
sont ceux qui en font ou qui n'en font point partie,
nous devons maintenant voir dans quelle autre ac-
ception plus restreinte on prend encore le nom
d'Eglise.
L'Eglise militante, mêlée de bons et de mé-
chants, s'étend par toute la terre. C'est elle que
SV.MB. il. 21
242 DES DIFFÉRENTES PARTIES
nous désignons généralement, quand nous nom-
mons l'Eglise.
Mais pour indiquer la portion de ses membres
qui habitent une contrée, une province, une ville,
on a coutume de les appeler aussi Eglise, en y joi-
gnant le nom du lieu. C'est ainsi que l'Apôtre parle
de l'Eglise de Corinthe, de l'Eglise de Galatie, de
l'Eglise de Laodicée, de l'Eglise de Thessalonique.
Il désigne par là les chrétiens qui résidaient dans
-ces diverses localités.
Il appelle même Eglises des familles chrétiennes :
« Saluez de ma part, dit-il, l'Eglise domestique de
Prisque et d'Aquila, c'est-à-dire, leur famille.»
Dans un autre endroit, écrivant aux Corinthiens :
« Aquila et Priscille, leur dit-il, vous saluent affec-
tueusement dans le Seigneur, ainsi que leur Eglise
domestique. Salutant vos in Domino multum Aquila,
et Priscilla cum domestica sua Ecclesia. » (/ Cor-
rinthien. xvi.)
Il tient le même langage dans son épître à Phi-
lémon.
12. Ceci nous amène à une autre acception du
nom d'Eglise qui vous est très-familière. Qui de
vous ne sait qu'on donne encore le nom d'Eglise aux
édifices consacrés au culte divin?
Mais pourquoi nos temples sont-ils ainsi ap-
pelés ?
Nous l'avons dit dans la dernière instruction : le
mot Eglise signifie primitivement appel, convo-
cation. Le résultat d'une convocation, c'est de réu-
DONT SE COMPOSE L'ÉGLISE. 243
nir un nombre plus ou moins considérable de per-
sonnes dans un certain lieu. Eh bien ! cette réunion
dans le langage ecclésiastique se nomme Eglise, et
le lieu où elle se tient s'appelle aussi Eglise. Vous
vous réunissez dans la maison de Dieu pour la
prière, pour assister au saint sacrifice, pour enten-
dre l'instruction, pour recevoir les sacrements,
pour remplir les autres devoirs religieux. Voilà
pourquoi ce saint lieu est appelé l'Eglise.
4 3. Enfin, une dernière signification du nom
d'Eglise. Sous ce nom on désigne très-souvent le
corps des Pasteurs, c'est-à-dire, le Pape et les
Evèquesqui gouvernent l'Eglise. Cettesignification
est très-remarquable.
C'est en ce sens que le Sauveur parle, quand il
dit dans l'Evangile : « Si votre frère ne reçoit
pas vos avertissements, dénoncez-le à l'Eglise. Si
te non audierit, die Ecclesige. )){Matth. xvm.) Evi-
demment il veut désigner par ce terme les chefs de
l'Eglise. Ils en sont la portion la plus distinguée.
C'est à eux que Jésus-Christ a confié la mission
d'enseigner et de gouverner les fidèles.
On emploie le nom d'Eglise dans la même ac-
ception, chaque fois qu'on dit : l'Eglise enseigne,
l'Eglise commande, l'Eglise défend. Cela signifie
que ce sont les Pasteurs de l'Eglise qui nous en-
seignent, nous commandent, nous défendent, par
l'autorité qu'ils ont reçue du divin Maître.
Toutefois, dans le Symbole, nous entendons sous
le nom d'Eglise toute la société des fidèles, sans
24 4 DES DIFFÉRENTES PARTIES
distinction de bons et de méchants, de chefs et
d'inférieurs.
CONCLUSION.
14. Résumons cet entretien et concluons.
Vous avez vu comment l'Eglise, envisagée dans
son universalité, compte des membres au ciel aussi
bien que sur la terre et dans le purgatoire.
Quelle magnifique et imposante réunion elle pré-
sente à nos regards !
On lit au livre des Nombres, que le devin Balaam
avant été amené par le roi des Moabites devant le
camp d'Israël pour le maudire, l'esprit de Dieu
s'empara du devin et lui fit prononcer des béné-
dictions au lieu des malédictions qu'on attendait de
lui. « Que tes tabernacles sont beaux, ô Jacob!
que tes tentes sont belles, ô Israël ! Tu es semblable
à un vallon où règne un doux ombrage, à un jardin
entrecoupé de ruisseaux, à des tentes plantées par
la main du Seigneur, à des cèdres qui croissent le
long des eaux... Celui qui te bénira sera béni,
celui qui te maudira sera lui-même réputé mau-
dit. Quam pulchra tabernacula tua Jacob, et ten-
toria tua Israël ! Ut valles nemorosae, ut horti juxta
fluvios irrigui, ut tabernacula quse fixit Dominus,
quasi cedri prope aquas... Qui benedixerit tibi,
erit et ipse benedictus : qui maledixerit, in male-
dictione reputabitur. » (Numer. xxiv.)
Nous partagerions l'admiration et la surprise de
cet homme, s'il nous était donné d'entrevoir le
triomphe de l'Eglise du ciel ; nous n'aurions pas
DONT SE COMPOSE LÉGL1SE. 945
assez de bénédictions pour remercier le Seigneur
de la gloire dont il récompense les saints. Ne né-
gligeons rien pour mériter d'être un jour associés
à leur bonheur.
15. L'Eglise de la terre présente un spectacle
bien différent. A côté d'une foule de justes qui
l'honorent et la consolent, hélas ! elle a la douleur
de voir des enfants indociles et ingrats.
Rangeons -nous parmi les premiers. Prêtons
une oreille attentive aux leçons divines qu'elle
nous donne ; observons ses commandements avec
amour. Mais ne concentrons pas cette grâce en
nous-mêmes.
Plaignons le sort des mauvais chrétiens ; prions
pour leur conversion.
Que notre charité s'étende encore plus loin.
Demandons au Seigneur, procurons de tout notre
pouvoir la conquête ou le retour de tant d'hommes
ou qui ne la connaissent pas ou qui vivent séparés
de son sein. Oui, supplions le Seigneur d'ouvrir les
yeux à tant d'infidèles, d'hérétiques, de schisma-
tiques ; soyons jaloux de les faire participer au
bonheur dont nous jouissons nous-mêmes.
Enfin, souvenons-nous toujours que l'Eglise en-
tière se résume, pour ainsi dire, dans les Pasteurs
chargés de la gouverner. Restons-leur soumis.
Unis a eux, nous le sommes à Jésus-Christ, notre
chef, et nous faisons partie de son corps mystique
sur la terre, avec l'espérance de faire partie de
son corps glorieux dans les cieux.
246 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
IIIe INSTRUCTION.
PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE l'ÉGLISE, SON UNITÉ.
EXORDE.
1 . Considérée en général et dans toute son
extension. l'Eglise, comme l'a définie saint Au-
gustin , est la société des fidèles répandus dans
tout l'univers.
Ainsi envisagée, elle ne date pas seulement de
la venue de Jésus-Christ, mais elle remonte au
berceau du genre humain. Cependant, sous le nom
d'Eglise, nous avons ici plus particulièrement en
vue la société fondée par le Fils de Dieu fait
homme et dont il a confié le gouvernement aux
apôtres et à leurs successeurs. La religion des
Patriarches et la loi écrite n'étaient qu'un achemi-
nement à sa fondation. En l'instituant, Jésus-
Christ, qui n'est point venu pour détruire la loi
mais pour l'accomplir, l'a rendue, cette Eglise,
l'héritière légitime de l'ancien Testament. La
Synagogue avait pour mission principale de con-
server au sein du peuple Hébreu le dépôt des
promesses dont l'accomplissement était réservé à
l'Evangile. L'Eglise, au contraire, est une société
SON UNITÉ. 247
dans laquelle toutes les nations de la terre doivent
entrer. «• Ite, docete omnes gentes. Allez, ensei-
gnez toutes les nations, m La Synagogue ne devait
durer que jusqu'à l'avènement du Prophète an-
noncé par Moïse et qui devait être plus grand que
lui. L'Eglise, au contraire, est établie pour toute
la durée des siècles. « Voici, dit le Sauveur à ses
apôtres, que je suis avec vous jusqu'à la consom-
mation des siècles. Ecce ego vobiscum sum usque
ad consummationem saeculi. » (Matth. xxvm.)
Nous l'avons vu en dernier lieu, l'Eglise de
Jésus-Christ est visible. Ce serait contredire les
prophètes et le Sauveur lui-même que de le nier.
Comment une Eglise invisible pourrait-elle ensei-
gner, baptiser, prononcer des sentences, admettre
à sa communion ?
Non-seulement elle doit être visible, mais il
faut de plus qu'on puisse facilement la recon-
naître.
2. Quelles sont donc les propriétés ou les ca-
ractères qui la distinguent ici-bas de toutes les
autres sociétés?
Importante question s'il en fut jamais, puis-
qu'elle a pour conséquence de nous montrer quelle
est l'autorité vivante instituée par Jésus-Christ
pour nous conduire au salut.
L'Eglise est une, sainte, catholique, apostolique.
Etudions avec soin ces quatre prérogatives, et
nous comprendrons mieux combien nous avons à
248 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L ÉGLISE,
remercier le Seigneur d'être nés et d'avoir été
élevés dans le sein de l'Eglise. .
Je vous les exposerai successivement. Pour
commencer, nous verrons dans cet entretien en
quoi consiste l'unité de l'Eglise.
Divin Sauveur des âmes, vous qui êtes venu sur
la terre, afin qu'il n'y eût qu'un troupeau et qu'un
Pasteur, éclairez-nous d'une lumière spéciale, afin
que nous ayons l'intelligence de cette vérité.
CORPS DE L'INSTRUCTION.
3. L'unité est la première propriété de l'Eglise,
exprimée dans le symbole de Nicée.
« Credo unam, sanctam, catholicam et apostoli-
cam Ecclesiam. Je crois l'Eglise une, sainte, ca-
tholique et apostolique. »
L'Esprit saint, dans le Cantique des Cantiques,
avait déjà préfiguré cette unité, en inspirant cette
parole à Salomon : « Ma colombe est unique, uni-
que est ma bien-aimée. Una est columba mea, una
est speciosa mea. » [Cantic, vi.)
Oui, l'Eglise est une. Quelque innombrable que
soit la multitude de ses enfants, quelque dispersés
qu'ils soient dans le monde , quelque éloignés
qu'ils soient les uns des autres, ils sont un.
Comment cela? L'Apôtre nous en donne la rai-
son dans sa lettre aux Ephésiens; « C'est, dit-il,
qu'il n'y a qu'un Seigneur, qu'une foi, qu'un Bap-
tême. Unus Dominus, una fides, unum Baptisma. »
(Ephes. iv.)
SON UNITÉ. 249
Toute cette multitude en effet adore un seul et
même Dieu, professe une seule et même foi, est
sanctifiée par un seul et même Baptême. Ainsi,
tous sont réunis en un seul corps par le lien d'une
même croyance et par la participation aux mêmes
sacrements, car le Baptême est ici nommé pour
désigner tous les autres.
4. Mais approfondissons la raison de cette unité
et remontons jusqu'à sa racine.
Ce qui constitue essentiellement l'unité de l'E-
glise, c'est l'unité de son chef.
L'Eglise a pour Chef unique Jésus-Christ. «Dieu,
dit l'Apôtre, l'a donné pour Chef à l'Eglise, qui est
son corps mystique. Et ipsum dédit caput supra
omnem Ecclesiam , qnae est corpus ipsius. »
(Ephes. i.)
Mais, comme après son ascension au ciel, Jé-
sus-Christ devait cesser d'être visible, avant d'y
monter, il s'est choisi un Vicaire pour tenir sa
place sur la terre et être en son nom le Chef visi-
ble de l'Eglise.
C'est le Pontife romain, successeur légitime de
saint Pierre, prince des apôtres.
5. C'était le seul moyen efficace pour établir et
maintenir l'unité de l'Eglise.
Tous les Pères sont unanimes à ce sujet.
Saint Jérôme s'en exprime ainsi dans son ou-
vrage contre Jovinien : « Un seul, dit-il, est choisi
et établi pour Chef, afin d'ôter tout prétexte au
250 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
schisme. Unus eligitur, ut capite constituto, schis-
matis tollatur occasio. » (S. Hieron. Hbr. i , cont.
Jovinian.] Et dans sa lettre au pape Damase :
s Que l'envie se taise, dit-il, que l'orgueil et l'am-
bition de Rome païenne s'évanouissent 1 Je parle
au successeur du pêcheur Pierre et au disciple de
la croix. Attaché avant tout à Jésus-Christ comme
à mon premier chef, je suis uni de communion à
votre sainteté, c'est-à-dire, à la chaire de saint
Pierre. Je sais que l'Eglise est fondée sur cette
pierre. Quiconque mange l'Agneau hors de cette
maison, est un profane. Celui qui ne sera pas dans
l'arche de Noé. périra dans les eaux du déluge.
Facessat invidia : Romani culminis recédât am-
bitio : cum successore piscatoris, et discipulo cru-
cis loquor. Ego nullum primum, nisi Christum
sequens, beatitudini tuse, id est, Cathedrae Pétri,
communione consocior : super illam petram aedifi-
catam Ecclesiam scio. Quicumque extra hanc do-
mum agnnm comederit, profanus est : si quis in
area Noe non fuerit, peribit régnante diluvio. »
(S. Hieron. epist. 57.)
Longtemps auparavant, saint Irénée tenait le
même langage. « Il nous suffît, dit-il, d'indiquer
la foi de la grande et très-ancienne Eglise de Rome,
fondée par les glorieux apôtres Pierre et Paul et
qui est connue du monde entier ; il nous suffit,
dis-je, d'indiquer la tradition qu'elle tient des apô-
tres et la foi qu'ils ont annoncée aux hommes et
qui est parvenue jusqu'à nous par la succession
SON UNI1É. 251
des Evèques, pour confondre tous ceux qui, soit
par présomption, soit par vaine gloire, soit par
aveuglement et ignorance, tiennent des assem-
blées illégitimes. Il faut en effet que toute l'Eglise
soit unie à celle de Rome à cause de sa primauté
et de sa dignité ; il est de toute nécessité que les
fidèles répandus dans le monde soient soumis à
cette Eglise qui a toujours conservé la doctrine des
apôtres. Maximae, et antiquissimae, et omnibus
cognitae, a gloriosissimis duobus apostolis Petro et
Paulo Romas fundatae et constitutae Ecclesise, eam
quam habet ab Apostolis Traditionem, et annun-
tiatam hominibus fidem, per successiones Episco-
porum pervenientem usque ad nos, indicantes,
confundimus omnes eos, qui, quoquo modo, vel
persuî placentiam malam, vel vanam gloriam, vel
per cœcitatem et malam sententiam, praeterquam
oportet, colligunt. Ad banc enim Ecclesiam prop-
ter potentiorem principalitatem, necesse est om-
nem convenire Ecclesiam, hoc est, eos qui sunt
undique fidèles, in quâ semper conservata est ea
quae est ab Apostolis Traditio. » (Iren. libr. 5,
cont. hœres. c. 3.)
Saint Irénée gouvernait l'Eglise de Lyon au
second siècle de l'ère chrétienne.
Dans le troisième, saint Cyprien, évèque de
Carthage, parlant de l'unité de l'Eglise, s'énonce
en ces termes : «Le Seigneur dit à Pierre : Je vous
dis que vous êtes Pierre et que sur cette pierre
je bâtirai mon Eglise. Il bâtit l'Eglise sur un seul,
25i
et quoiqu'il accorde un pouvoir semblable à tous les
apôtres après sa résurrection, et qu'il leur dise :
— Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie
de même, recevez le Saint-Esprit ; — néanmoins
pour rendre sensible l'unité de l'Eglise, il a voulu
et il a fait en sorte que cette unité tirât son origine
d'un seul. Loquitur Dominus ad Petrum : Ego,
Petre, dico tibi quia tu es Petrus, et super hanc
petram aedificabo Ecclesiam meam. Super unum
aedifîcat Ecclesiam : et quamvis apostolis omnibus,
post resurrectionem suam, parem potestatem tri-
buat, et dicat : Sicut misit me Pater, et ego mitto
vos : accipite Spiritum sanctum : tamen, ut uni-
tatem manifestaret, unitatis ejusdem originem, ab
uno incipientem, auctoritate sua disposuit »
Optât de Milève n'est pas moins formel. ((Vous
ne pouvez, écrit-il à Parménien, prétexter cause
d'ignorance ; vous savez très-bien que Rome est
le siège épiscopal donné d'abord à saint Pierre, le
prince des apôtres et occupé par lui. Sa chaire est
ce centre d'unité que tous doivent respecter, de
telle sorte qu'aucun des autres apôtres n'a pu
revendiquer l'indépendance pour la sienne ; de
telle sorte encore que celui-là serait schismatique
et prévaricateur, qui élèverait sa chaire contre la
chaire suprême de saint Pierre. Ignorantiae tibi
adscribi non potest, scienti in urbe Roma, Petro
primo cathedram episcopalem esse collatam, in
qua sederit omnium apostolorum caput Petrus ;
in quo uno cathedrae unitas ab omnibus servaretur,
ne ceteri apostoli singulas sibi quisque défende-
SON UNITÉ. 253
rent : ut jam schismaticus et praevaricator esset,
qui contra singularem cathedram alteram collo-
caret. y) [Optât in init. lib. 2, ad Parmen.)
Saint Basile écrivait de son côté ces belles pa-
roles : « Pierre a été établi pour fondement de
l'Eglise. Il a dit : Vous êtes le Christ, le Fils du
Dieu vivant. Il lui a été dit en retour qu'il était
pierre, non pas à l'égal de Jésus-Christ qui est la
vraie pierre immobile, mais pierre parla puissance
de Jésus-Christ, Dieu, en effet, fait part de ses di-
gnités aux hommes. Il est prêtre et il fait des
prêtres ; il est le fondement de l'Eglise, et il donne
cette qualité à saint Pierre, communiquant à ses
serviteurs ce qui lui est propre. Petrus collocatus
est in fundamento ; dixit enim : Tu es Christus
FiliusDei vivi ; et vicissim audivit se esse petram ;
licet enim petra esset, non tamen petra erat ut
Christus. Nam Christus vere immobilis petra ;
Petrus vero propter petram. Dignitates enim suas
Deus largitur aliis : sacerdos est, et facit sacer-
dotes : petra est, et petram facit : et quse sua sunt,
largitur servis suis. »(5. Basil. Hom. 29, de pœnit.)
Enfin saint Ambroise dit, en parlant de saint
Pierre, qu'il a été préféré à tous les autres, parce
qu'entre tous les autres, lui seul a professé la divi-
nité de Jésus-Christ. « Quia solus profitetur ex
omnibus, omnibus antefertur. » (Ambros. lib. 9,
comm. in Luc. cap. 9. *
254 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE l'ÉGLISE,
6. Mais, dira-t-on, l'Eglise ayant Jésus-Christ
lui-même pour chef et pour époux, à quoi bon lui
en donner un autre?
Tl est facile de répondre à cette difficulté. Ne
reconnaissons-nous pas Notre-Seigneur Jésus-Christ
non-seulement pour l'auteur, mais encore pour le
véritable ministre intérieur des sacrements? N'est-
ce pas lui en réalité qui confère le Baptême et qui
absout? Nous n'en pouvons douter. Or cependant,
il a établi des hommes pour être les ministres ex-
térieurs des sacrements. Eh bien ! par la même
raison, quoique ce soit réellement lui qui gouverne
l'Eglise et qui l'anime de son esprit, il a placé à
sa tète un homme comme Vicaire et ministre de sa
puissance.
L'Eglise visible a besoin d'un chef visible pour
représenter Jésus-Christ sur la terre. C'est ainsi
que lorsqu'un monarque s'éloigne de ses Etats, il
nomme un lieutenant chargé d'administrer en son
absence.
Voila pourquoi Notre-Seigneur a établi saint
Pierre chef et pasteur de tout son troupeau.
« Paissez mes agneaux, paissez mes brebis. Pasce
agnos meos, pasce oves meas. » (Joan. xxi.)
Mais ce n'est pas à saint Pierre seulement qu'il
a donné la charge de paître ses brebis ; comme
l'Eglise doit durer jusqu'à la consommation des
siècles, il a voulu que les successeurs de Pierre
variantes très-considérables. Nous avons suivi l'édition la plus
récente, imprimée à la Propagande en 1 858.
SON UNITÉ. 255
eussent le même pouvoir que lui pour la régir et
la gouverner.
7. L'unité de chef, voilà donc ce qui constitue et
assure l'unité du corps de l'Eglise.
Mais l'unité de l'Eglise n'est pas seulement exté-
rieure et apparente, elle est aussi intérieure et
spirituelle.
Elle est donc une en second lieu, à cause de
l'unité de son esprit.
De même que notre âme répand la vie dans tous
les membres de notre corps ; de même, un seul et
même esprit anime tout le corps de l'Eglise et
communique aux fidèles la grâce qui est la vie
spirituelle de l'âme. C'est la pensée de l'apôtre
saint Paul : « Soyez attentifs, dit-il aux Ephésiens,
à conserver l'unité d'esprit dans le lien de la paix.
Vous ne formez tous ensemble qu'un même corps;
vous devez avoir un même esprit. Solliciti servare
unitatem spiritus in vinculo pacis ; unum corpus
et unus spiritus. » (Ephes. iv.)
Encore une fois, le corps mystique de Jésus-
Christ, qui est l'Eglise, est composé d'une infinité
de membres ; mais tous ces membres, c'est-à-dire
les fidèles, sont vivifiés par le même «esprit, de
même que c'est l'âme qui prête à chacun de nos
organes la vie et le mouvement qui leur sont
propres : aux yeux la faculté de voir, aux oreilles
la faculté d'entendre, et ainsi des autres sens.
8. De cette unité d'esprit, résulte l'unité de la foi.
256 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L EGLISE,
Tous doivent garder et professer le même Sym-
bole. « Qu'il n'y ait point de schismes parmi vous,
dit l'Apôtre. Non sint in vobis schismata. »(i Cor. i.)
Le plus merveilleux accord règne entre tous les
fidèles touchant la croyance. Disséminés par toute
la terre, ils récitent le même Symbole ; ils ont
la même soumission pour les enseignements de
l'Eglise. Ni la différence des climats et des mœurs,
ni la séparation des lieux, ni la distance des temps
ne modifient la croyance. Tous les siècles sont
unis dans la même foi. Qu'on tire de leur tombeau
les générations éteintes, et qu'o*n leur demande ce
qu'elles ont cru, et elles répondront par la même
formule que nous disons encore tous les jours.
Autre n'est pas la foi des savants et celle des igno-
rants: tous admettent les mêmes vérités, soit d'une
manière plus générale, soit d'une manière plus
explicite, car tous adhèrent également à la doc-
trine de l'Eglise et sont prêts à embrasser toutes
ses décisions.
A l'unité de foi se joint l'unité du Baptême.
« Confiteor unum baptisma in remissionem pecca-
torum. Je confesse qu'il y a un seul baptême pour
la rémission des péchés. » C'est le sacrement de la
foi chrétienne. C'est par lui que nous devenons
chrétiens, que nous sommes incorporés à l'Eglise
et que nous sommes faits participants de son esprit.
Enfin, de l'unité de la foi résulte l'unité d'espé-
rance.
Notre vocation est la même. Nous sommes tous
SON UNITÉ. 257
appelés à jouir de la vie éternelle et bienheureuse.
Telle est notre destinée commune, telle est notre
commune espérance, « Unus corpus et unus spiri-
tus, sicut vocati estis in una spe vocationis ves-
trae. » (Ephes. iv.)
CONCLUSION.
9. Voilà donc la première propriété de l'Eglise,
sa propriété fondamentale, dont toutes les autres
ne sont que les conséquences : l'unité. Un seul
corps, un seul esprit. Un seul corps, puisque toute
la société des fidèles, sans distinction de pays, de
langue, de condition ou de sexe, est soumise à un
seul chef suprême, Jésus-Christ, qui a pour lieu-
tenant visible sur la terre, notre Saint Père le
Pape, successeur de saint Pierre. Un seul esprit,
puisque c'est le Saint-Esprit qui vivifie tout le
corps de l'Eglise et qui en est comme l'âme. Il nous
appelle tous aux mêmes espérances, nous unit par
les liens d'une même foi, nous sanctifie par le
même baptême.
10. Que cette unité est merveilleuse! Qui peut
contempler la chrétienté, ne formant de tous les
fidèles qu'une seule famille de frères, marqués du
même sceau, professant la même foi, participant
aux mêmes sacrements, obéissant au même chef,
sans s'écrier qu'elle est la véritable famille des
enfants de Dieu?
Où trouver en effet, parmi les institutions hu-
SYMB. 11. 22
258 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
mai nés. quelque chose qui accorde ainsi des
hommes de tout pays et de toute langue dans la
soumission libre et volontaire à une autorité toute
spirituelle?
Est-ce dans les sociétés civiles, dans les Etats,
les royaumes, les empires?
A la vérité, on y voit présider un chef, et une
législation commune régit les sujets de chaque
territoire. Mais ce chef a besoin de la force, pour
maintenir l'ordre ; il s'appuie sur ses armées pour
faire respecter ses volontés. La soumission qu'on
lui marque, l'obéissance qu'on a pour ses lois peut
n'être qu'extérieure ; son pouvoir n'atteint pas
nécessairement le fond des cœurs et ne gouverne
pas jusqu'aux pensées les plus secrètes.
Dans l'Eglise. au contraire, tout le monde recon-
naît et vénère de cœur et d'esprit, le vicaire de
Jésus-Christ pour son chef. Il parle au nom de
Dieu, et sa parole désarmée est reçue avec le plus
profond respect. Toute controverse cesse, dès
qu'il a prononcé. Il impose ses jugements à la
conscience. Quiconque oserait concevoir une pen-
sée contraire est déjà condamné, et s'il la manifeste
au dehors, retranché du sein de l'Eglise.
Un grand exemple de cette autorité de l'Eglise
nous a été donné dans ces derniers temps. En
1854, le souverain Pontife Pie IX, jugeant que le
moment était venu de prononcer définitivement
sur la question de l'Immaculée Conception de la
très-sainte Vierge Marie, après avoir adressé une
SON UNITÉ. 259
encyclique aux évêques du monde catholique pour
leur demander leur sentiment, porta enfin son
décret et déclara, comme dogme de foi, que la
sainte Vierge avait été conçue sans péché. Depuis
plus de six cents ans, les Docteurs agitaient la
question. Une parole du Saint-Siège l'a tranchée
sans retour et sans appel, et le monde catholique
s'est incliné devant elle.
Quel est le Monarque, encore une fois, assez
puissant pour obliger tous ses sujets à conformer
leur jugement au sien?
L'unité sociale des Etats n'approche donc pas
de la merveilleuse unité qui existe dans l'Eglise.
Trouvera-t-on cette unité chez les hérétiques
séparés de son sein? Non. On n'en trouve que
l'ombre. Ils sont divisés entr'eux. Ce que l'un
admet, l'autre le rejette, et nulle puissance n'est
capable de leur faire souscrire un Symbole uni-
forme. D'ailleurs, en vertu même du principe
d'indépendance qui les a soustraits à l'autorité de
l'Eglise , ils n'ont d'autre juge en matière de foi
que leur raison individuelle, et ils sont ainsi sujets
à toute sorte de variations.
La véritable unité qui triomphe des temps, de
l'espace et de la mobilité naturelle des hommes
n'appartient qu'à l'Eglise catholique. Nous le ver-
rons encore mieux dans une instruction prochaine.
Pour le moment, bénissons le Seigneur de la
grâce qu'il nous a faite de nous faire naître dans
son sein. Renouvelons nos sentiments de foi et de
2(30 PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L'EGLISE, ETC.
vénération pour le vicaire de Jésus-Christ sur la
terre. Ne perdons jamais de vue la pensée de saint
Jérôme : l'Eglise est l'arche du salut. Malheur à
celui qui s'en détache! il sera entraîné et englouti
dans les eaux du déluge.
NOTES. 261
NOTES.
j.
Quoniam vetusto Oriens inter se populorum furore col-
lisus, indiscissam Domini tunicam et desuper textam,
minutatim per frustra discerpit, et Christi vineam extermi-
nant vulpes ut difficile ubi fons signatus et hortus ille con-
clusus sit, possit intelligi : ideo mihi eathedram Pétri et
fidem apostolico ore laudatam censui consulendam : inde
nunc meee animas postulans cibum, unde olim Christi ves-
timenta suscepi. Neque vero tanta vastitas elementi liquen-
tis, et interjacens longitudino terrarum me a pretiosae
margaritae potuit inqnisitione prohibere.« Ubicumque fue-
rit corpus, illuc congregabuntur aquilae. » (Matth. 24.)
Profligato a sobole mala patrimonio, apud vos solos incor-
rupta patrum servatur hereditas. Ibi cespite terra faecundo
dominici seminis puritatem centeno fructu refert. Hic
obruta sulcis frumenta in lolium avenasque dégénérant.
Nunc in Occidente soi justitise oritur ; in Oriente autem
Lucifer ille qui ceciderat, supra sidéra posuit thronum
suum. « Vos estis lux mundi, vos sal terras, » vos aurea
vasa et argenlea; hic testacea vasa vel lignea, virgam
ferream et aeternum operiuntur incendium. Quamquam
igitur tui me terreat magnitudo, invitât tamen humanitas.
A sacerdote victima salutem, a Pastore praesidium ovis
flagito. Face^sat invidia : Romani culminis recédât ambitio,
cum successore Piscatoris et discipulo crucis loquor. Ego
262 ROTES
nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini tuœ,
ici est cathedra? Pétri, communione consocior; super illam
petram œdificatam Ecclesiam scio. Quicumque extra haDC
domum agnum comederit, profanus est; si quis in arca
Xoe non fuerit, peribit régnante diluvio. Et quia pro faci-
noribus meis ad eam solitudinemcommigravi, quaeSyriam
juncto Barbariae fine déterminât, nec possum sanctum
Domini , tôt interjacentibus spatiis, a sanctimonia tua
semper expetpre ; ideo hic collegas tuos jEgyptios confes-
sores sequor. Non novi Yilalem, Meletium respuo, ignoro
Paulinum. Quicumque tecum non colligit, spargit, hoc est,
qui Christi non est, Antichristi est. (Epist. 1 4, ad Dama-
sum papam, scripta annocirciter 3*5.)
II.
Diffinimus sanctam Apostolicam sedem et Romanum
Pontificem in uni\ersum orbem tenere primatum, et ipsum
Romanum Pontificem successorem esse B. Pétri principis
Apostolorum, et verum Christi Vicarium, totiusque Ecc'.e-
siae caput, et omnium Christianorum patrem et doctorem
existera, et ipsi in B. Petro pascendi, regendi ac guber-
nandi Ecclesiam, à D. N. J. C. plenam potestatem traditam
esse, quemadmodum etiam in gestis œcumenicorum con-
ciliorum et in sacris canonibus continetur. [Cône. Floren-
tini, apud Labb. tom xm, csl. u. 67).
III.
Hanc Ecclesiy? unilatem qui non tenet, tenere se fidem
crédit? Oui Ecclesiae renititur et resistit, in Ecclesia se esse
confidit? Quando et beatus Apostolus Paulus hoc idem do-
ceat et sacramentum unitatis ostendat, dicens : (E plies. 4.
y. 4, o et 6 Dnura corpus, et unus Spiritus, una spes
vocationis vestiae, unus Dominas, una fides, unum Bap-
>otes. 263
tisma, unus Deus,Quam unitatem firmiter tenere et \indi-
care debemus, maxime Episcopi, qui in Ecclesia prseside-
mus.utEpiscopatum quoque ipsum, unum atquê indivisum
probemus. Nemo fraternitatem mendacio fallat: nemo fidei
veritatem perfida praevaricatione corrumpat. Episcopatus
unusest, cujus a singulis in solidum pars tenetur. Ecclesia
quoque una est, qua3 in multitudinem latius incremenlo
faecunditatis extenditur : Quomodo solis multi radii, sed
lumen unum ; et rami arboris multi, sed robur unum tenaci
radice fundatum : et cum de fonte uno rivi plurimi defluunt
numerositas licet diffusa videatur exundantis copise largi-
tate, unitas tamen servatur in origine. Avelle radium solis
a.corpore, divisionem lucis unitas non capit : ab arbore
frange ramum, fructus gerœinare non poterit : à fonte
prsecide nvum, praecisus arescet. Sic Ecclesia Domini luce
perfusâ per orbem totum radios suos porrigit, unum tamen
lumen est, quod ubique dirfunditur, nec unitas corporis
separatur : ramos suos in universam terram copia ubertatis
extendit, profluentes largiter rivos latius expandit : unum
tamen caput est, et origo una, et una mater faecunditatis
successibus copiosa. Illius faetu pascimur, illius lacté nu-
trimur, spiritu ejus animamur. {S. Cyprian. de unitale
Ecclesiœ) .
Adulterari non potest sponsa Christi, incorrupta est et
pudica : unam domum novit, unius cubiculi sanctitatem
casto pudore custodit. Haec nos Deo servat, hœc filios
regno, quos generavit, assignat. Ouisquis ab Ecclesiae se-
gregatus adultéra? jungitur, a promissis Ecclesiœ separa-
tur : nec pervenit ad Christi preemia, qui relinquit Ecclesiarn
Christi : alienus est, profanus est, hostis est. Habere jam
non potest Deum Patrem qui Ecclesiarn non habet matrem.
Si potuit evadere quisquam qui extra arcam Noe fuit; et
qui extra Ecc'iesiam foris fuerit, evadet. Monet Dominus et
dicit : (Matth. 12, f. 30). Qui non est mecum, adversusme
264- NOTES.
est : et qui non mecum colligit, spargit. Qui pacem Chrisli
et concordiam rumpit, adversus Christum facit. Qui alibi
praeter Ecclesiam colligit, Christi Ecclesiam spargit....
Hanc unitatem qui non tenet, Dei legem non lenet; non
tenet Patris et Filii fidem, et veritatem non tenet ad salu-
tem. Hoc unitatis sacramentum, hoc vinculum concordiae
iDseparabiliter cohœrentis ostenditur, quando in Evangelio
tunica Domini Jesu Christi non dividitur omnino, nec scin-
ditur... et incorrupta atque invidua vestis possidetur :...<
possidere non potest indumentum Christi, qui scindit et
dividit Ecclesiam Christi : Christi populus non potest scindi,
tunica ejus per totum textilis et cohaerens, divisa a possi-
dentibus non est : individua, copulata, connexa, ostendit
populi nostri, qui Christum induimus, concordiam cohe-
rentem ; sacramento vestis et signo declaravit Ecclesia3
unitatem. Quis ergo sic est sceleratus et perfidus, quis sic
discordia? furore vesanus, ut aut credat scindi posse aut
audeat scindere unitatem Dei? Vestem Domini? Ecclesiam
Christi? Monet ipse qui in Evangelio suo et docet dicens :
(Joann. 10. f. 16.) Et erit unus grex, et unus paslor. Et
esse posse uno in loco aliquis existimat aut multos pasto-
res, aut multos grèges? Apostolus item Paulus hanc ean-
dem nobis insinuans unitatem, obsecrat et hortatur dicens :
Obsecro, inquit, (i Cor. i. f. 10) vos fratres, per nomen
Domini Jesu Christi, ut id ipsum dicatis omnes, et non sint
in vobis schismata ; sitis autem compositi in eodem sensu
et in eadem sententia. Et iterum dicit : (Ephes. k, f. 2 et
3). Sustinentes invicem in dilectione, satis agentes servare
unitatem spirilus in conjunctione pacis. Stare tu et vivere
putas posse de Ecclesia recedentem? Sedes sibi alias et
diversa domicilia condentem? Cum dictum sit ad Raab,
(Jos. 2, f. 48 et 19,) in qua praeformabatur Ecclesia : Pa-
trem tuum et matrem tuam, et fratres tuos, ettotam domum
patris tui colliges ad te ipsam in domum tuam, et erit,
NOTES. 265
omnis qui exierit ostium doraus tuse foras, reus sibi erit.
Item sacramentum Paschae nihil aliud in Exodi lege conti-
neat, quam ut agnus, qui in figura Christi occiditur, in
domo una edatur....
Garo Christi et sanclum Doinini ejici foras non potest,
nec alia ulla credentibus, prseter unam Ecclesiam, domus
est. Hanc domum, hoc unanimilatis hospitium désignât et
denuntiat Spiritus sanctus in Psalmo (67. f. 7) dicens :
Deus qui inhabitare facit unanimes in domo. In domo Dei,
in Ecclesia Christi unanimes habitant, concordes et simpli-
ces persévérant. (Ibid.)
266 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
IVe INSTRUCTION.
SECONDE PROPRIÉTÉ DE LÉGLISE, LA SAINTETÉ.
EXORDE.
\ . Dans l'instruction précédente , nous avons
considéré la première propriété de l'Eglise, c'est-
à-dire, son unité.
En vertu de cette unité, l'Eglise est comme un
corps immense qui a pour chef Jésus-Christ dans
le ciel, et sur la terre, le Pontife romain; et ce
corps est composé d'autant de membres qu'il y a
de fidèles au monde. Un seul et même esprit,
comme nous l'avons vu, l'anime dans toutes ses
parties. Le même Baptême engendre chacun de
ses membres à la vie et les fait participer à cet
esprit. Une même foi les unit intimement les uns
aux autres. Une même espérance les appelle à
partager la même félicité éternelle.
L'Eglise est donc un corps vivant. Voilà le résul-
tat de son unité.
2. Mais un corps vivant manifeste sa vie par
différents phénomènes : il se meut, il agit. Si l'E-
glise possède une vie qui lui est propre, cette vie
LA SAINTETÉ. 267
doit donc se produire au dehors par des actes qui
lui sont également propres.
On appelle la vie de l'Eglise : la sainteté. C'est
par des fruits de sainteté qu'elle rend visible à
tous les yeux la présence permanente de l'Esprit
de Dieu en elle.
Telle est la seconde propriété de l'Eglise que
nous allons étudier dans cet entretien.
Pourquoi dit-on que l'Eglise est sainte? Quels
sont les fruits de la sainteté de l'Eglise?
Nous répondrons à ces deux questions dans cet
entretien .
PREMIER POINT.
3. Que l'Eglise soit sainte, c'est ce que le prince
des apôtres nous marque, quand il dit aux fidèles :
« Vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la
nation sainte, le peuple conquis, afin que vous
publiiez les grandeurs de celui qui vous a appelés
des ténèbres à son admirable lumière. Vos autem
genus electum, regale sacerdotium, gens sancta,
populus acquisitionis : ut virtutes annuntietis ejus,
qui de tenebris vos vocavit in admirabile lumen
suum. » (/ Petr. n.)
Trois motifs principaux justifient ce titre de
sainte que nous donnons à l'Eglise.
Premièrement, l'Eglise est appelée sainte, parce
qu'elle est consacrée et dédiée à Dieu.
En effet, on appelle saint, tout ce qui est séparé
des usages profanes et employé au service divin.
268 SECONDE PROPRIÉTÉ DE i/ÉGLlSE,
Tout objet, même matériel, qui a cette destination,
est réputé saint. Ainsi, dans l'ancienne loi, on
honorait de la qualification de saints, les vases qui
servaient aux sacrifices, les vêtements sacerdo-
taux, les autels, le temple du Seigneur.
Les fils aînés portaient également le titre de
saints, et pour la même raison, c'est-à-dire, parce
qu'ils étaient spécialement consacrés au Seigneur.
i. Mais, me direz-vous, n'avons-nous pas vu
que l'Eglise renferme dans son sein une foule
d'hommes qui sont loin d'être saints? Comment
dire après cela qu'elle est sainte?
On appelle les chrétiens des saints, de la même
manière qu'on appelle au artisan quelconque du
nom de sa profession. Un peintre peut manquer
aux règles de son art ; un ouvrier, être peu habile
dans son métier : un militaire, forfaire à son dra-
peau ; un magistrat, violer la justice ; en un mot,
on peut méconnaître les obligations de son état et
en violer les devoirs. Mais, cesse-t-on pour cela
d'en porter le nom? Non, sans doute, à moins
d'avoir été dégradé de ses titres ou d'y avoir
renoncé.
Ainsi en est-il du chrétien. Son état, sa voca-
tion, sa profession, est d'être saint, de mener une
vie sainte. Il a pris cet engagement au Baptême.
Avant de l'y admettre, l'Eglise s'est assurée de ses
dispositions. « Renoncez-vous à Satan, à ses pom-
pes, à ses œuvres, c'est-à-dire, aux maximes du
monde et au péché? Qu'a-t-il répondu? — Oui,
LA SAINTETÉ. ^69
j'y renonce. Mais comme il ne suffit pas de renon-
cer au péché pour être saint, l'Eglise, continuant
son interrogatoire, lui a demandé à qui il pré-
tendait désormais appartenir ; et il a répondu : à
Jésus-Christ.
Par cette autre déclaration, le chrétien a pro-
mis solennellement, à la face du ciel et de la terre,
de faire de l'Evangile la règle de sa conduite,
d'aimer Dieu sur toutes choses et le prochain
comme lui-même , deux commandements dans
lesquels se résume toute la sainteté.
La foi qu'il professe, son titre d'enfant de Dieu,
l'obligent donc étroitement à mener une vie sainte.
S'il vient à pécher et à enfreindre ses promesses,
il fait injure à sa profession et il est coupable sans
doute ; néanmoins sa profession ne laisse pas
d'être toujours sainte et de réclamer toujours de
lui la sainteté.
C'est en ce sens que tout chrétien sans distinc-
tion peut être appelé saint. Voilà aussi pourquoi
l'apôtre saint Paul ne faisait pas difficulté de don-
ner aux Corinthiens le nom de sanctifiés et de
saints, bien qu'il y en eut parmi eux à qui il repro-
chait d'être encore des hommes charnels et qu'il
qualifiait d'une manière encore plus sévère.
5. Le second motif pour lequel l'Eglise est
appelée sainte, c'est qu'elle a pour chef Jésus-
Christ, qui est la source de toute sainteté.
Entre Jésus-Christ et l'Eglise, il y a la même
. union, les mêmes rapports, la même correspon-
syjhî. ii. 23*
270 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
dance qu'entre la tète et le corps. La tête étant
pleine de sainteté répand sur les membres qui lui
sont unis, les grâces du Saint-Esprit, les richesses
de la bonté divine.
Le corps de l'Eglise participe donc à la sainteté
de son chef. Comment dès lors ne serait-elle pas
sainte?
Saint Augustin confirme cette vérité d'une ma-
nière remarquable, en expliquant cette parole du
psalmiste : Sauvez-moi, parce que je suis saint.
« Que le corps entier de Jésus-Christ, dit-il, que
chacun des fidèles élève la voix des extrémités de
la terre, et qu'il ne craigne pas de dire avec son
chef et sous son chef : je suis saint. N'a-t-il pas
reçu en effet la grâce de la sainteté, la grâce du
Baptême et de la rémission des péchés. Audeat et
corpus Christi, audeat et unus ille homo, damans
à finibus terras, cum capite suo, et sub capite
dicere : sanctus sum : accepit enim gratiam sancti-
tatis, gratiam Baptismi etremissionis peceatorum.»
(August. in Psam. 85.) 11 ajoute un peu plus
loin : « Si tous les chrétiens, si tous les fidèles
baptisés en Jésus-Christ ont été revêtus de lui,
comme le déclare l'Apôtre en ces termes : Vous
tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous
êtes revêtus de Jésus-Christ ; si, dis-je, ils sont
devenus membres de son corps, et qu'ensuite ils
prétendent qu'ils ne sont pas saints, ils font injure
à leur chef dont les membres sont saints. Si chris-
tiani omnes, et fidèles in Christo baptizati, ipsum
LA SALMETÉ. 271
induerunt , sicut apostolus dicit : Quotquot in
Christo baptizati estis, Christum induistis ; si mem-
bra sunt facta corporis ejus, et dicunt se sanctos
non esse, capiti ipsi faciunt injuriam, cujus mem-
bra sancta sunt. » (Ibid.)
Ainsi, au témoignage de saint Augustin, la sain-
teté de Jésus-Christ rejaillit sur toute l'Eglise. De
même que la vigne propage sa sève dans ses
branches, ainsi le Sauveur répand sa grâce en elle.
Pour qu'il en fût autrement, il faudrait ou qu'elle
ne fut pas son corps mystique, ou que ce corps
fut séparé de son chef.
Mais l'alliance de Jésus-Christ et de l'Eglise est
éternelle : « Je suis avec vous jusqu'à la consom-
mation des siècles, » c'est donc à bon droit que
l'Eglise est appelée sainte, comme participant à la
sainteté de son chef.
6. Le troisième motif qui nous oblige à l'appe-
ler sainte, c'est qu'elle est seule dépositaire des
moyens qui opèrent la sanctification.
Ces moyens sont le saint sacrifice et les sacre-
ments. Dieu s'en sert, comme d'instruments, pour
verser sa grâce dans nos âmes et y produire une
vraie sainteté.
Or, c'est à l'Eglise seule qu'il en a confié la
dispensation. Seule, elle a mission légitime pour
offrir le sacrifice et conférer avec fruit les sacre-
ments. C'est aux apôtres que Jésus-Christ a dit,
dans la dernière cène : a Faites ceci en mémoire
de moi, «c'est-à-dire, consacrez le pain et le vin.
272 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L EGLISE.
comme je viens de le faire, changez-les par la
puissance de ma parole, en mon corps et en mon
sang, afin que vous ayez toujours à offrir à Dieu
une victime digne de lui. C'est encore aux apôtres
qu'il a donné le pouvoir de baptiser et de remettre
les péchés.
Comme on ne peut être sanctifié que par l'ap-
plication des mérites du Sauveur, et que cette
application se fait au moyen des sacrements qui
sont entre les mains de l'Eglise, il s'ensuit qu'il
n'y a point de sainteté véritable hors de son sein.
Encore une fois par conséquent, l'Eglise est
sainte, et elle est sainte, parce qu'elle est le corps
de Jésus-Christ qui la sanctifie et la purifie dans
son sang.
SECOND POINT .
7. Voyons maintenant les fruits de sainteté que
produit l'Eglise.
Sainte par sa destination, qui est de glorifier
Dieu, sainte à raison de son Chef qui est la sainteté
même, sainte parce qu'elle est enrichie des moyens
de sanctification les plus efficaces, l'Eglise, cette
vigne chérie du Seigneur, serait-elle stérile? Et
son titre de sainte serait-il un vain nom?
Il n'en est pas ainsi. Elle a toujours produit et
elle produira toujours en abondance les fruits d'une
sainteté véritable.
Qu'était le monde, au moment où elle reçut de
son divin Maître l'ordre de prêcher l'Evangile?
LA SAINTETÉ. 273
A part le peuple juif, tous les autres étaient
plongés dans les superstitions infâmes de l'idolâ-
trie. Tout était Dieu, excepté Dieu lui-même, a dit
Bossuet ; et l'on peut ajouter que tout aussi était
vertu, excepté la vertu elle-même. Egarés par
leurs penchants dépravés, les hommes avaient fait
la divinité à l'image de leurs vices ; le culte était
souillé par des abominations de tout genre. A quel
excès de corruption la société n'était-elle pas des-
cendue !
Les apôtres commencent par former à Jérusalem
la première Eglise chrétienne. Les juifs fidèles se
font baptiser. Cette Eglise donne au monde un
spectacle nouveau. Les premiers chrétiens mettent
leurs biens en commun et vivent dans une union
si parfaite, qu'on ne savait assez admirer leur
charité.
Bientôt les Gentils entendent à leur tour la
bonne nouvelle du salut. Convaincus par la parole
et les miracles des apôtres, ils reçoivent aussi le
baptême. A dater de ce moment, on les voit trans-
formés d'une manière merveilleuse. Ce ne sont plus
ces hommes esclaves des passions les plus viles ;
ils goûtent le mystère de la croix et commencent
à pratiquer les austères vertus qu'elle inspire. La
chasteté brille d'un vif éclat dans leurs mœurs jus-
que là si dissolues. Fortifiés par la grâce, ils con-
fessent la foi devant les tribunaux et font pour elle
le sacrifice généreux de leurs biens, de leurs hon-
neurs, et de leur vie. Pendant trois siècles, les
274 SECONDE PROPRIÉTÉ DE i/ÉGLISE,
échafauds et les amphithéâtres regorgent du sang
chrétien. Enfin le culte du vrai Dieu a remplacé
celui des fausses divinités, et le monde païen est
régénéré à une vie nouvelle.
8. Après avoir donné au ciel onze à douze mil-
lions de martyrs, premiers fruits de sa fécondité,
l'Eglise continue, dans la suite des siècles, d'en-
gendrer des myriades de saints de tout âge, de
tout sexe, de toute condition. Cette sainte pos-
térité est aussi nombreuse que les étoiles du firma-
ment.
Parcourez les déserts de la Thébaïde, vous y
rencontrez les Paul, les Antoine, les Hilarion,
avec une multitude innombrable d'anachorètes et
de cénobites, qui retracent la vie des anges sur la
terre.
Bientôt paraissent les saints Docteurs, que Dieu
suscite pour combattre les hérésies et répandre sur
le monde l'éclat de leur science. Ici, c'est le grand
Athanase, qui, pendant quarante ans, s'oppose
comme un mur d'airain à l'Arianisme et étonne
ses ennemis par sa constance. Là, c'est Grégoire
de Nazianze et Basile, ces deux illustres amis,
dignes l'un de l'autre par leur éloquence, leur
savoir et leur sainteté. Plus loin, c'est Chrysos-
tôme, la bouche d'or, c'est Ambroise dont la haute
vertu sait soumettre un empereur à la pénitence ;
c'est Augustin, le génie peut-être le plus profond
qui ait paru ; c'est Jérôme, dont les travaux sont
aussi célèbres que ses austérités ; c'est Léon dont
LA SAINTETÉ. 275
l'ascendant divin arrête Attila, le fléau de Dieu,
aux portes de Rome ; c'est saint Grégoire pape, à
qui l'Eglise reconnaissante a décerné le nom de
grand.
«-/
Tous ces grands hommes paraissent ornés de la
double auréole de la sainteté et du génie.
A leur suite, on voit éclore une foule d'autres
saints dans tous les rangs de la société chrétienne.
L'impératrice Pulchérie et sainte Clotilde, saint
Louis et saint Henri, saint Etienne de Hongrie et
saint Wenceslas de Bohème, font briller la sain-
teté sur le trône.
Qui pourrait compter les Pontifes et les Evéques
qui en donnèrent aussi l'exemple à leur siècle? En
quelle province, en quelle ville, n'a-t-on point con-
servé la mémoire de l'un d'eux? Leur lumière a
éclairé toutes les contrées où ils ont porté l'E-
vangile. Leurs reliques y reposent, et souvent,
ils y font encore éprouver la puissance de leurs
mérites.
La sainteté a revêtu toutes les formes ; elle
s'est accommodée à tous les besoins. Après les
irruptions des Barbares, saint Benoît fonde son
ordre, vénérable asile qui conserva les lettres et
les arts. Saint François d'Assise et saint Dominique
viennent au secours de l'Eglise en lui donnant des
légions d'ouvriers apostoliques. Les déserts de la
Chartreuse reçoivent l admirable colonie de saint
Bruno. Saint Bernard, du fond de son monastère
de Clairvaux éclaire et édifie le monde.
276 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L EGLISE,
A la même époque, les plus célèbres universités
voient leurs chaires occupées par les Albert-le-
grand et les Thomas d'Aquin. Saint Anselme en
Angleterre avait frayé la voie aux fortes études
philosophiques et religieuses qui ont illustré cet
âge. Le Docteur séraphique, saint Bonaventure,
se rend aussi célèbre par ses vertus que par sa
science.
La sainteté ne cultiva pas seulement la science ;
il n'est pas un besoin, pas une plaie de l'humanité
dont elle n'ait inventé le remède. Que d'hospices
et de refuges de tout genre n'a-t-elle pas ouverts
à la misère ! La lèpre vient-elle à sévir dans les
contrées de l'Europe ? Un saint crée aussitôt l'ordre
de Saint-Lazare et fonde un grand nombre d'hôpi-
taux connus sous le nom de léproseries. Pour
recueillir l'enfance abandonnée ou orpheline, saint
Jérôme Emilien en Italie, saint Joseph de Calas-
sance en Espagne instituent des congrégations
spéciales, que saint Vincent de Paul et le bienheu-
reux de La Salle imitèrent dans la suite en France.
Les pèlerins de la Terre-Sainte ont besoin de pro-
tection, l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem est créé
dans cette vue. 11 y a des voyageurs qui traversent
les Alpes, au risque d'être surpris par l'avalanche.
Un saint ira les attendre au sommet avec ses reli-
gieux. Un autre saint descendra plus tard dans les
cabanons des nègres et s'y enfermera volontaire-
ment toute sa vie, afin d'instruire et de consoler
ces malheureux rebuts du monde. C'est le bien-
heureux Gaver.
LA SAINTETÉ. 277
Le protestantisme paraît. Dieu oppose à ses
ravages une nouvelle légion de saints, entre les-
quels se distinguent saint Ignace de Loyola, fon-
dateur de la compagnie de Jésus, saint Charles
Borromée, l'illustre archevêque de Milan qui, s'ou-
bliant lui-même, expose sa vie avec intrépidité
pour secourir les pestiférés ; saint François (\e
Sales, ce grand évêque dont la douceur ramena
un si grand nombre d'hérétiques à l'Eglise ; saint
Vincent de Paul, l'ami par excellence de tous les
infortunés, dont le nom a commandé le respect
aux plus impies mêmes ; saint Louis de Gonzague
et saint Stanislas de Kostka qui ont été les anges
de la terre par leur innocence ; sainte Thérèse, la
réformatrice du Carmel, saint Jean de la Croix,
son fidèle coadjuteur, saint Philippe de Néri, insti-
tuteur de l'oratoire ; tant d'autres enfin dont l'E-
glise a canonisé les vertus.
Elle a répondu aux reproches de corruption et
de relâchement, en multipliant ses saints.
A une époque plus rapprochée de nous, elle a
enfanté d'autres héros non moins dignes d'admira-
tion. Pendant que la philosophie incrédule sème
partout ses poisons, elle fait naître coup sur coup
les François de Hiéronimo, les Léonard de Port
Maurice, les Paul de la Croix, les Alphonse de
Liguori qui par leurs écrits ou leurs prédications
réveillent avec succès la foi des peuples.
9. A-t-elle cessé de nos jours de produire de
nouveaux rejetons de sainteté?
278 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
Ouvrez les yeux, et regardez ce qui se passe
autour de vous. Ne la voyez-vous pas toute res-
plendissante encore de l'auréole des vertus? Ne
compte-t-elle pas dans tous les rangs de la société,
dans tous les états de vie, un grand nombre d'en-
fants dociles qui, par leur vie exemplaire, la con-
solent et la dédommagent de l'infidélité des autres?
Qui peut ne pas admirer les dévouements sublimes
qu'elle inspire chaque jour sous nos yeux ?
Trois vertus surtout contribuent à la gloire de
l'Eglise : l'humilité, la chasteté, la charité. Incon-
nues au paganisme, méprisées ou affaiblies parmi
les sectes, c'est dans l'Eglise catholique seulement
qu'elles brillent de tout leur lustre. N'est-ce pas
une chose journalière que des chrétiens renon-
cent aux grandeurs du siècle, aux biens et aux
espérances de ce monde, à leur patrie, à ce qu'ils
ont de plus cher, et pourquoi? pour s'ensevelir
dans l'obscurité du cloître, embrasser la pauvreté
et la pénitence, se renoncer totalement à eux-mê-
mes par le vœu d'obéissance.
Cherchez autour de vous, et nommez-moi un
genre d'infortune qui soit dénué de soulagement?
La charité chrétienne n'a-t-elle pas fixé ses vier-
ges au chevet des pauvres malades dans les hôpi-
taux et les hospices d'incurables? N'a-t-elle pas
attaché la sœur du bon Pasteur aux cotés de cette
créature que le souffle des passions a flétrie ? N'a-
t-elle pas institué des frères de Miséricorde pour
les prisons? des sœurs de la Sagesse, de notre
LA SAINTETÉ. 279
Dame, de la Providence, les Dames du Sacré
Cœur, la congrégation des Ursulines, pour élever
chrétiennement les personnes de leur sexe? N'a-t-
elle pas étendu et propagé les frères des écoles
chrétiennes pour l'instruction des pauvres ? A
combien d'ames généreuses n'inspire-t-elle pas le
courage de porter l'Evangile aux extrémités du
monde, sans tenir compte ni des sacrifices, ni des
fatigues, ni de leurs sueurs, ni de leur sang?
Quoi de plus admirable encore que cette multi-
tude d'autres âmes qui font profession d'une invio-
lable chasteté, et qui, soit dans le sacerdoce, soit
dans l'état religieux , soit même au milieu du
monde, paraissent les émules des anges par la pu-
reté de leurs mœurs?
Ce spectacle ne nous étonne plus, tant nous
sommes familiarisés avec toutes ces merveilles.
Cependant ce sont la autant de fruits de la sainteté
de l'Eglise : elle peut défier toutes les religions
d'invention humaine de lui opposer rien de sem-
blable.
Où sont par exemple dans les Etats protestants
ces essaims d'hommes et de femmes, tout occupés
de la prière et de la pénitence, victimes d'expia-
tion pour les péchés de leurs frères? Montrez-moi
un véritable missionnaire, une véritable sœur de
charité, au sein de l'Angleterre, de la Prusse, de la
Suède protestante. La vraie foi est seule capable
de produire l'héroïsme de la charité.
10. La sainteté de l'Eglise ne se manifeste pas
280 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
seulement chez les âmes d'élite qui aspirent h la
perfection; elle perce jusque dans la vie ordinaire
du commun des chrétiens.
Tous ne sont pas saints, il n'est, hélas ! que trop
vrai ; mais que ne fait point cette tendre Mère pour
les ramener à la pénitence et à la vertu? Sont-ils
dociles à sa voix, se laissent-ils toucher par ses
remontrances? ils vont se purifier par une sincère
confession de leurs fautes, et en recevant le bien-
fait de l'absolution qui est comme l'extension du
Baptême, ils recouvrent la sainteté perdue.
CONCLUSION.
1 1 . C'est ainsi que la sainteté de Jésus-Christ
pénètre tout le corps de l'Eglise. Quelle autre que
lui, quelle puissance, quelle vertu, sinon la sienne,
est capable d'opérer tous ces prodiges? Aussi ne
pouvons-nous en douter, c'est l'esprit de Dieu qui
vivifie et anime l'Eglise, comme le Sauveur Ta pro-
mis à ses apôtres.
On reconnaît l'arbre à ses fruits. L'Eglise, comme
une vigne d'une fécondité inépuisable, ne cesse
d'engendrer toujours de nouveaux saints ; elle s'ef-
force de faire arriver cette sève de la sainteté
jusqu'aux branches les plus reculées. Nous venons
d'admirer ses magnifiques produits. Reconnaissons
la main qui l'a plantée et qui la cultive sans relâ-
che. C'est la main de Dieu même.
Avec quelle sainte joie ne devons-nous pas con-
templer cette sainteté de notre Mère ! Avec quel
LA SAINTETÉ. 281
bonheur ne devons-nous pas nous voir associés à
cette troupe brillante de héros, qui sont nos frères
et qui nous appellent à marcher sur leurs traces !
Quelle noble famille que celle des chrétiens, illus-
trée par tant de vertus, de mérites et de grandes
œuvres !
12. Mais, ne nous contentons pas d'une admi-
ration oisive et stérile. Chrétiens, ne l'oublions
pas, nous sommes tous appelés à la sainteté. La
sainteté est notre vocation, notre état, notre pro-
fession, notre devoir. Le nom même que nous
portons devient notre condamnation et notre honte,
dès que nous cessons de vivre en saints. Que nous
importerait d'être les membres d'une Eglise sainte,
si nous sommes des membres morts ou paralysés?
Malheur h la branche qui sèche sur l'arbre, on la
retranchera sans pitié et on la condamnera au feu.
« Fratres, obsecro vos, ut exhibeatis corpora
vestra hostiam viventem, sanctam, Deo placentem
rationabile obsequium vestrum. Mes frères, disait
l'apôtre saint Paul, ayez donc soin, je vous en
conjure, d'offrir vos corps à Dieu comme une
victime vivante, sainte et agréable; rendez-lui de
la sorte un culte spirituel. y>(Rom. xn). Vivre dans
l'Eglise et y vivre en pécheur, sans songer sérieuse-
ment a quitter le péché, c'est faire injure au corps
de Jésus-Christ, le rendre difforme autant qu'il est
en nous et nous exposer a cette terrible excom-
munication qu'il prononcera au dernier jour : «Di-
scedite a me. Retirez-vous de moi. »
282 SECONDE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE, ETC.
Pensons-y bien et travaillons efficacement à
nous sanctifier par les moyens que l'Eglise nous
offre en abondance. Allons souvent puiser la grâce
dans les sacrements, et appelons-la fréquemment
en nous par la prière. Celui qui prie et qui use
bien des Sacrements se sanctifiera ; il portera des
fruits de sainteté qui le feront reconnaître par
Jésus-Christ pour un serviteur fidèle.
HOTE. 283
NOTE
Merito Ecclesia catholica, mater christianorum verissima,
non sol u m ipsum Deum, cujus adeplio vita est beatissima,
purissime atque castissime colendum praedicans, nuliam
nobis adorandam crealuram inducens, cui servire jubea-
mur : et ab alia incorrupta et inviolabili aeternitate, cui soli
homo sobjieiendus est, cui soli rationalis anima cohaerendo
non misera est, excludens omne quod factum est, quod
obnoxium commutationi, quod subditum tempori ; neque
confundens quod eeternitas, quod veritas, quod denique
pax ipsa distinguit; necrursum separans quod majestas una
conjungit : sed etiam proximi dilectionem atque charitatem
ita complectens, ut variorum morborum, quibus pro pec-
catis suis anima? œgrotanl , cmnis apud te medicina prae-
polleat!
Tu pueriliter pueros, fortiter juvenes, quiète senes, prout
cujusque non corporistantum, sed et animisetas est, exer-
ces ac doces. Tu feeminas virissuis non ad exemptam libi-
dinem, sed ad propagandam prolem, et ad rei familiaris
societatem, casta et fideli obedientia subjicis. Tu viros
conjugibus, non ad illudendum imbecilliorem sexum, sed
sinceri amoris legibus prœficis. Tu parentibus filios libéra
quadam servitute subjungis, parentes filiis dominatione
prceponis. Tu fratribus fratres, religionis vinculo firmiore
atque arctiore quam sanguinis, nectis. Tu omnem generis
propinquitatem et affinitatis necessitudinem, servatis na-
tures voluntatisquç nexibus, mutua charitate constringis.
284 NOTE.
Tu dominis servos, non tam conditionis necessitate, quam
officii delectatione doces adhaerere. Tu dominos servis,
summi Dei communis Domini consideratione placabiles, ad
consulendum quam coërcendum propensiores facis. Tu
cives civibus, gentes gentibus, et prorsus homines primo-
rum parentum recordatione, non societate tantum, sed
quadam etiam fraternitate conjungis. Doces Reges prospi-
cere populis : mones populos se subdere Regibus. Quibus
honor debeatur, quibus affeetus, quibus reverentia, quibus
timor, quibus consolatio, quibus admonitio, quibus cohor-
tatio, quibus disciplina, quibus objurgatio, quibus suppli-
cium, sedulo doces: ostendens quemadmodum et non
omnibus omnia, et omnibus chantas, et nulli debeatur
injuria.
Merito apud te divina praecepta late diffusèque ser-
vantur...
Merito apud te bene intelligitur, quam si t gravius co-
gnita quam incognita lege peccare.
Merito apud te visum est, quam sit sub lege operatio
vana, cum libido animum vastal, et cohibetur pœnaemetu,
non amore virtutis obruitur. Merito tibi tam multi hos-
ditales, multi officiosi, multi miséricordes, multi docti,
multi casli, multi sancti, multi usque adeo Dei amore fla-
grantes, ut eos in somma continentiâ, atque mundi hujus
incredibili contemptu etiam solitudo delectet. (S. Aug.
libr. \, de moribus Ecclesiœ Catholicœ, cap. 30.)
TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE, ETC. '285
Ve INSTRUCTION.
TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE LÉGLISE, LA CATHOLICITÉ.
m
EXORDE.
\ Dans les deux instructions précédentes, nous
avons considéré l'unité et la sainteté de l'Eglise.
Ce sont les deux premières propriétés dont elle
est douée, et les deux premières marques aux-
quelles on peut reconnaître sa divinité.
Par son unité , l'Eglise se présente comme
un corps immense, animé et régi par un même
esprit. Sous ce rapport, elle offre à nos regards
un phénomène sans exemple dans l'histoire du
monde. Jamais, en dehors d'elle, on ne vit une
société religieuse, étendue en tout lieu et réunis-
sant dans la concorde d'une même foi et sous
l'autorité d'un même chef, tant d'intelligences si
divisées sur tout le reste.
Cette unité dépasse les forces humaines et ne
peut s'expliquer que par l'action divine. C'est une
des marques à laquelle Jésus-Christ a voulu qu'on
reconnût son œuvre. « Mon Père, dit-il, faites que
mes disciples soient un, comme nous sommes un
nous-mêmes.... Qu'ils soient consommés dans l'u-
286 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
nité, afin que le monde connaisse que vous m'avez
envoyé. Ut sint unum, sicut et nos unum sumus. . .
Ut sint consummati in unum, et credat mundus,
quia tu me misisti. » (Joan. xvn).
Et ce grand corps de l'Eglise, de quelle vie est-
il animé? D'une vie surnaturelle et divine, d'une
vie de foi et de charité ; en un mot, comme nous
l'avons vu et admiré dernièrement, la sainteté est
la vie de l'Eglise. Il a suffi, pour nous en convain-
cre, de parcourir rapidement sa marche depuis
Jésus-Christ jusqu'à nos jours. On peut justement
la comparer à celle d'un fleuve dont la source est
intarissable, et qui, par une infinité de canaux,
porte partout, avec ses eaux, la fertilité et l'abon-
dance.
2. L'Eglise est donc une et sainte. Mais de plus
elle est catholique, ainsi qu'il est marqué dans le
Symbole. La catholicité est un autre caractère de
l'Eglise, non moins divin que les deux premiers et
par lequel il est aisé, non pas seulement de la dis-
tinguer des sectes rivales, mais encore de nous
persuader pleinement de sa divinité.
Exposons clans cet entretien en quoi consiste
la catholicité de l'Eglise. Nous joindrons à cet
exposé quelques réflexions utiles.
PREMIER POINT.
3. Pourquoi l'Eglise est-elle appelée catholique?
Catholique est un mot d'origine grecque, qui
signifie universelle.
LA CATHOLICITÉ. 287
L'Eglise est catholique ou universelle sous trois
points de vue principaux.
D'abord, elle est universelle quant aux lieux.
«Depuis le lever du soleil jusqu'à son couchant,
dit saint Augustin, nous voyons une même foi
répandre partout sa splendeur. A solis ortu usque
ad occasum, unius fidei splendore diffunditur. »
Les sociétés civiles et les sectes hérétiques sont
circonscrites dans les limites d'un pays ou ne ren-
ferment qu'une seule race d'hommes. L'Eglise ,
comme la vérité, n'a d'autres bornes que le monde.
Elle embrasse dans le sein de sa charité l'humanité
tout entière : Barbares ou Scythes, libres ou escla-
ves, hommes et femmes, comme s'exprimait déjà
l'apôtre saint Paul.
i. La catholicité de l'Eglise à ce premier point
de vue est un fait éclatant et incontestable. 11 suffit
d'ouvrir les yeux pour s'en assurer.
Et ce fait n'existe pas seulement dans le pré-
sent ; il date de l'origine même de l'Eglise. Peu de
temps après l'ascension de Jésus-Christ, les douze
apôtres se divisent pour aller porter l'Evangile
dans les contrées les plus lointaines. Le prince des
apôtres, après avoir fixé son siège à Antioche,
capitale de la Syrie, pendant l'espace de sept ans,
le transporte définitivement à Rome, où il est re-
joint par l'apôtre des Gentils, saint Paul. Ce dernier
fonde sur sa route un grand nombre d'églises, tant
pour les Juifs que pour les Gentils convertis à Ja
foi. Les autres apôtres parcourent l'Ethiopie, l'Ar-
288 TROISIEME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
ménie, la Chaldée, la Perse, la Scythie et d'autres
provinces encore plus reculées. Ils n'avaient pas
encore achevé leur course, et saint Paul disait déjà
aux Romains que leur foi était annoncée à tout le
monde. Sous leurs disciples, il n'y avait presque
plus dd pays si inconnus où l'Evangile n'eût péné-
tré. Cent ans après Jésus-Christ, saint Justin
comptait parmi les fidèles beaucoup de nations
sauvages, et jusqu'à ces peuples vagabonds qui
menaient une vie nomade. Au milieu du troisième
siècle, Tertullien et Origène font voir dans l'Eglise
des peuples entiers qu'on n'y mettait pas un peu
auparavant. Elle s'était propagée non-seulement
dans toute l'étendue de l'empire romain, mais bien
au-delà de ses frontières.
C'est ce fait de l'universalité de l'Eglise que saint
Jean avait en vue, quand il fait ainsi parler les
saints dans l'Apocalypse. « Seigneur, vous nous
avez rachetés pour Dieu par votre sang, nous qui
sommes de toute tribu, de toute langue, de tout
peuple et de toute nation, et vous avez fait de nous
un royaume pour notre Dieu. Redemisti nos Deo
in sanguine tuo ex omni tribu, et lingua, et populo
et natione : et fecisti nos Deo nostro regnum. »
(Apoc. v).
La rédemption de Jésus-Christ étant univer-
selle, l'Eglise devait être universelle aussi, afin de
l'appliquer à tous les peuples.
o. Cette catholicité de l'Eglise avait d'ailleurs
été prédite.
LA CATHOLICITÉ. 289
David, dans un de ses psaumes, nous repré-
sente le Père céleste tenant ce langage à son Fils
Jésus-Christ : « Demandez, lui dit-il, et je vous
donnerai les nations pour héritage, et j'étendrai
votre empire jusqu'aux confins du monde. Postula
à me, et dabo tibi gentes haereditatem tuam, et
possessionem tuam termines terras. » (Ps. n .
Cest aussi au nom de l'Eglise qu'il parle, quand
il dit : « J'aurai mémoire de l'Egypte et de Baby-
lone ; elles apprendront à me connaître. Memorero
Raab, et Babylonis scientium me. » (Ps. lxxxvi).
C'est d'elle encore qu'il a prophétisé que les hom-
mes naîtraient en foule dans son sein. « Homo et
homo natus est in ea. » (Ibid).
L'Egypte et Babylone indiquent ici les nations
idolâtres. Le prophète assure qu'ils connaîtront
l'Eglise ; sa prédiction s'est accomplie ; l'Eglise
compte effectivement des millions d'enfants par
toute la terre.
Elle est donc universelle quant aux lieux.
6. Elle est encore catholique ou universelle à un
autre point de vue. je veux dire, quant aux temps,
car elle embrasse tous les siècles.
Depuis Adam jusqu'à nous, tout ce qu'il y a eu
de vrais croyants dans le monde, lui appartien-
nent ; tous ceux qui paraîtront encore dans la suite
jusqu'à la fin des temps seront aussi du nombre de
ses membres.
Il ne faut pas croire en effet que la véritable
Eglise existe seulement depuis la venue de Jésus-
290 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
Christ. Il lui a donné, il est vrai, sa dernière
forme, sa constitution actuelle, mais déjà elle sub-
sistait sous une forme moins parfaite et non défini-
tive dans l'Ancien Testament, et dans la religion
des premiers Patriarches. Renfermée d'abord dans
la famille, elle prit sous la loi écrite un caractère
national, et enfin elle reçut de Jésus-Christ l'uni-
versalité qui lui est propre.
Voilà pourquoi l'Apôtre nous dit qu'elle est bâtie
sur le fondement des apôtres de la loi nouvelle
et des prophètes de l'ancienne alliance. Les uns et
les autres aboutissent en effet à Jésus-Christ, qui
est la pierre angulaire de tout l'édifice et le lien
des deux Testaments. C'est lui qui est venu tout
réconcilier, tant ceux qui l'ont précédé que ceux
qui l'ont suivi.
7. Enfin, en troisième lieu, l'Eglise est encore
catholique ou universelle, parce qu'il n'y a per-
sonne qui puisse se sauver hors de son sein.
Elle est l'arche du salut. Quiconque refuse d'y
entrer, refuse le salut, comme au temps de Noé
tous ceux qui restèrent hors de l'arche périrent par
le déluge.
Tous ceux donc qui veulent se sauver doivent
l'embrasser et la suivre.
Mais ici, mettons-nous en garde contre une
exagération absurde et impie faussement attribuée
à l'Eglise. Plusieurs s'obstinent à dire que nous
damnons sans pitié quiconque n'appartient pas à la
communion extérieure de l'Eglise.
LA CATHOLICITE.
291
C'est ignorer ou calomnier sa véritable doctrine.
Non, il n'est pas vrai que nous damnions indis-
tinctement tout ce monde. Quand nous disons, ce
qui est très-juste : Hors de l 'Eglise, point de salut,
voici en deux mots ce qu'il faut entendre: il faut
eutendre que celui-là est hors de la voie du salut,
qui, par sa faute, n'arrive pas à la connaissance de
l'Eglise, ou qui, la connaissant pour la véritable
Eglise, refuse de se soumettre à ses enseignements.
Pour tous ceux en effet qui ne la connaissent
pas . sans qu'il y ait de leur faute ; et qui désirent
sincèrement d'ailleurs de connaître la vérité, pour
tous ceux-là, loin de les damner, nous disons qu'ils
sont catholiques de cœur et d'esprit.
Dieu seul, il est vrai, connaît ces fidèles de
cœur ; mais nous espérons de sa bonté que le nom-
bre n'en est pas petit, qu'il en existe partout, et
qu'il en a existé en tout temps.
SECOND POINT.
8. La catholicité des temps et des lieux, voilà,
chrétiens, quelle est la marque la plus assurée pour
distinguer la véritable Eglise de toutes celles qui
s'en arrogent faussement le nom. Il y a plus en-
core; cette catholicité est un signe manifeste de la
divinité de l'Eglise qui en est douée.
Je vous le montrerai plus au long dans une con-
férence spéciale que je me propose de vous donner
sur ce sujet, l'un des plus intéressants qu'il y ait
pour nous.
292 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L EGLISE,
Ici je me contenterai de vous donner quelques
simples aperçus.
Si j'interroge le bon sens le plus vulgaire, si je
demande à l'homme le moins instruit : Mon ami,
ce qui était vrai hier, peut-il être faux aujourd'hui
ou demain? — Non, sans doute, me répondra-t-il.
— Si je lui demande de nouveau : ce qui est vrai à
Bruxelles, peut-il être faux à Paris, à Londres ou
à Constantinophe? — Non, certainement, me ré-
pondra-t-il encore.
Et cet homme aura parfaitement raison ; car la
vérité ne peut varier d'un pays à l'autre, ni d'un
siècle à un autre siècle.
Mais, si la vérité est une et la même pour tous
les temps et pour tous les lieux, que suit-il de là
par rapport à la véritable Eglise?
C'est que la véritable Eglise est une, une sans
variation, une et la même partout, une et la même
en tout lieu, une enfin dans tous les sens, c'est-à-
dire, universelle et catholique.
Voilà donc quel est le caractère propre et
essentiel de la véritable Eglise, et la marque
qu'elle doit nécessairement porter pour se faire
reconnaître.
9 Or, cherchez maintenant parmi toutes les
sociétés religieuses qui sont sur la terre quelle est
celle qui jouit de cette pérogative?
L'examen n'est ni long ni difficile. Il n'y en a
qu'une que tout le monde s'accorde à nommer
catholique. C'est celle qui reconnaît pour Chef su-
LA CATHOLICITÉ. 293
prème le Pontife romain, l'Evèque de Rome, le
Pape. Interrogez quelle secte vous voudrez, de-
mandez à tel hérétique ou schismatique qu'il vous
plaira, de vous désigner, dans le pays qu'il habite,
une Eglise catholique; vous indiquera-t-il la sien-
ne? Non, et tout en prétendant que son Eglise est
la véritable, il vous montre celle qui est en com-
munion avec le Pape. Ainsi, amis et ennemis, tous
qualifient l'Eglise romaine du nom de catholique.
C'est la remarque que saint Augustin faisait déjà
de son temps.
Mais d'où vient qu'en dépit de la rivalité des
sectes, l'Eglise romaine ait seule réussi à conser-
ver ce nom qui est le synonyme de la vérité?
C'est qu'en effet elle seule le justifie, et d'une
manière incontestable.
D'abord la religion qu'elle enseigne remonte
sans interruption jusqu'au berceau du monde. Au
contraire, on peut assigner l'origine des faux cultes
et de toutes les sectes, fixer une époque où on ne
les connaissait pas, dire quels ont été leurs au-
teurs. Ainsi l'on sait que l'idolâtrie n'a paru dans
le monde qu'après la dispersion des enfants de
Noé. Avant le septième siècle de l'ère chrétienne,
on n'avait point entendu parler du Mahométisme.
Le schisme grec date de Photius et de Michel Céru-
laire qui vécurent, le premier au neuvième siè-
cle, et le second au onzième. Le protestantisme
était inconnu avant Luther, l'anglicanisme avant
Henri VIII.
SYMB II. 25
294 TROISIÈME PROPRIÉTÉ D£ i/ÉGLISE,
La véritable religion a précédé toutes les er-
reurs, toutes les hérésies, tous les schismes ; la
vérité a précédé le mensonge.
Aussi le célèbre Tertullien se contentait-il d'in-
voquer l'argument de prescription, pour les con-
fondre tous. Vous êtes nouveaux, disait-il aux hé-
rétiques, vous n'avez donc pas la vérité pour vous,
car la vérité est aussi ancienne que le monde.
La véritable religion n'a pas seulement pour elle
l'antiquité, mais elle seule est perpétuelle et im-
muable. « Veritas Domini manet in aeternum. La
vérité de Dieu demeure à jamais. » Combien de
fausses religions et d'hérésies, dont il ne reste plus
de vestiges que dans l'histoire? Que sont devenus
les faux Dieux de Rome, d'Athènes, de Babylone,
de Xinive et de Memphis? Qu'est devenue l'hérésie
d'Arius qui menaça pendant si longtemps de ruiner
l'Eglise? Que sont devenues tant d'autres sectes
soit de l'Orient, soit de l'Occident, qui corrompaient
le dogme catholique? Elles sont tombées avec le
temps, et l'Eglise catholique les a vues mourir
comme elle les avait vues naître.
Voyez encore quelle série de variations dans
toutes les sectes qui s'en sont séparées, et en géné-
ral dans toutes les doctrines religieuses, excepté
la doctrine catholique ! Sur une multitude de points
essentiels au salut, les protestants sont divisés en-
tr'eux ; leurs confessions de foi se contredisent ;
leurs croyances de nos jours sont bien éloignées
de celles des premiers hérésiarques. Comment
LA CATHOLICITÉ. 295
d'ailleurs pourrait-il en être autrement? Après
avoir rejeté l'autorité de l'Eglise, ils n'ont plus d'au-
tre règle de foi que la Bible interprétée d'après
leur jugement particulier. S'ils étaient toujours
conséquents avec eux-mêmes, ils finiraient par
avoir autant de religions que d'individus ; encore,
ces religions multipliées changeraient-elles avec
les individus eux-mêmes. Et c'est en effet ce qui
est arrivé dans les sectes protestantes. On en est
venu à nier la divinité de Jésus-Christ et ses mira-
cles, à rejeter tout l'ordre surnaturel, à ne plus rien
admettre que ce que la raison peut comprendre.
Toutes ces variations sont les fruits et les consé-
quences nécessaires du principe même du protes-
tantisme.
Rien de semblable dans l'Eglise catholique. Ce
qui a été défini comme de foi dans un temps, reste
de foi dans tous les suivants. Jamais elle n'a dû
revenir sur un seul point de son enseignement en
matière de dogme ou de morale. Tout change au-
tour d'elle, elle seule est fixe sous le soleil.
C'est donc h juste titre que l'Eglise romaine porte
le nom de catholique, et qu'elle sa prétend par
conséquent la seule véritable Eglise.
10. J'ai ajouté que ce caractère de catholicité,
qui appartient exclusivement à l'Eglise, est une
marque frappante de sa divinité.
Cela ressort de trois considérations principales :
En premier lieu, sur tous les autres points, il y
a séparation et division parmi les hommes. Rare-
296 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
ment on les trouve d'accord dans les questions
scientifiques ou politiques. Quel monarque, quel
législateur, quel sage, quelle puissance humaine
enfin, a jamais réussi à réunir dans une même
pensée, et à assujettir aux mêmes lois des hommes
de tout pays, d'éducation, d'idées et de mœurs si
différentes?
L'Eglise catholique a fait ce prodige. En elle, il
n'y a pas de distinction entre l'Européen et les
peuplades encore sauvages du Nouveau Monde,
entre les génies les plus sublimes et les esprits les
plus grossiers; elle ne connaît pas les préjugés de
race, elle n'est point subordonnée aux tempéra-
ments des peuples. Quelle que soit la variété et
l'opposition même qui existent entr'eux, elle est
parvenue à leur faire adopter une même croyance
et une même loi.
Si. ce n'est point là un miracle, où pourra-t-on
en trouver? L'Eglise seule a accompli cette mer-
veille; Dieu est donc avec elle.
\ 1 . Ce qui double la grandeur de ce prodige,
c'est, en second lieu, qu'il a été prédit par les pro-
phètes et par Jésus-Christ.
Le prophète lsaïe, parlant de la conversion des
Gentils, s'exprimait ainsi : « Réjouissez-vous donc
maintenant , vous qui étiez stérile , chantez des
cantiques de louange et poussez des cris de joie,
vous qui, n'aviez point d'enfants, parce que celle
qui était abandonnée, (c'est-à-dire, la Gentilité), a
maintenant plus d'enfants que celle qui avait un
LA CATHOLICITE. 297
époux, dit le Seigneur. Prenez donc plus d'espace
pour dresser vos tentes, étendez-en les couver-
tures le plus que vous pourrez ; ailongez-en les
cordages, affermissez-en les pieux; car vous vous
étendrez à droite et à gauche; votre postérité aura
les nations pour héritage, et elle habitera les villes
qui sont maintenant désertes. Lauda, stenlis quae
non paris, décanta laudem,et hinni, quae non parie-
bas, quoniam multi filii desertae, magis quam ejus
quae habet virum, dicit Dominus. Dilata locum ten-
torii tui, et pelles tabernaculorum tuorum extende,
ne parcas : longos fac funiculos tuos, et clavos tuos
consolida. Ad dexteram enim et ad laevam pene-
trabis : et semen tuum gentes haereditabit, et ci vi-
tales désertas inhabitabit. » (Isa. liv.)
Ailleurs, rempli d'un saint enthousiasme à la vue
des merveilleux progrès de l'Eglise, il s'écrie :
« Lève-toi, Jérusalem, sois brillante de clarté,
parce que ta lumière a paru et que la gloire du
Seigneur s'est levée sur toi. Les ténèbres couvri-
ront le reste de la terre, et une nuit sombre enve-
loppera les autres peuples ; mais le Seigneur se
lèvera sur toi, et sa gloire éclatera en toi. Alors
les nations marcheront à ta lumière, et les rois à ta
splendeur. Lève les yeux et regarde autour de toi.
Tous ceux que tu vois ici assemblés viennent se
donner à toi. Tes fils viendront de loin et tes filles
se lèveront de tous côtés. Alors tu verras une
abondance qui te surprendra et qui dilatera ton
cœur de joie, car les peuples d'au-delà des mers
298 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L ÉGLISE,
se convertiront à toi et des nations puissantes se
joindront à toi. Surge, illuminare. Jérusalem, quia
venit lumen tuum, et gloria Domini super te or' a
est. Quia ecce tenebrae operient terram, et caligo
populos : super te autem orietur Dominus et gloria
ejus in te videbitur. Et ambulabunt gentes in
lumine tuo, et reges in splendore ortùs tui. Leva
in circuitu oculos tuos, et vide : omnes isti congre-
gati sunt, venerunt tibi : fil ii tui de longe venient,
et filiae tuas de latere surgent. Tune videbis, et
alïlues, et mirabitur et dilatabitur cor tuum, quando
conversa fuerit ad te multitudo maris, fortitudo
gentium venerit tibi » (Ibid. lx).
Le divin Sauveur confirme ces prédictions dans
les termes les plus clairs. Avant de monter au ciel,
il recommande à ses apôtres de demeurer à Jéru-
salem jusqu'à ce qu'ils aient reçu le Saint-Esprit;
et lorsque vous l'aurez reçu, ajoute-t-il,«vous me
rendrez témoignage dans Jérusalem et dans toute
la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la
terre. Et eritis mihi testes in Jérusalem, et in omni
Judaea et Samaria, et usque ad ultimnm terrae. »
(Act. apost. i). « Mon Evangile, dit-il ailleurs, sera
prêché par toute la terre. Et praedicabitur hoc
Evangelium regni in universoorbe, in testirnonium
omnibus gentibus. » [Matth. xxiv). « J'ai encore
beaucoup d'autres brebis qui ne font point partie
de mon bercail, dit-il encore, et il faut que je les
amène, et il n'y aura plus qu'un troupeau et qu'un
Pasteur. Et alias oves habeo quae non sunt ex hoc
LA CATHOLICITÉ. 299
ovili, et illas oportet me adducere ; et fiet unum
ovile et unus Pastor. » (Joann. x). C'est pourquoi
il envoie ses apôtres prêcher a toutes les nations.
(( Euntes ergo docete omnes gentes. » (Matth.
XXVIÎl).
Le Sauveur promettait donc à ses disciples que
son Eglise setendait par toute la terre. Cette ex-
tension étant un miracle en elle-même, la prédire,
contre toute apparence, est un second miracle qui
prouve une fois de plus que l'Eglise est l'œuvre du
Tout-Puissant. Il ne fallait rien moins que la puis-
sance de Dieu pour oser prédire ce qui était hu-
mainement impossible.
12. Enfin, un dernier trait qui met le comble
à ce miracle, c'est qu'il est perpétuel et toujours
subsistant.
Nous sommes les témoins du grand fait de
l'Eglise et de son universalité. Tous les siècles qui
se sont écoulés depuis l'avènement de Jésus-Christ
l'ont été aussi bien que nous.
Ainsi, depuis dix-huit cents ans, l'Eglise étend
son empire par toute la terre ; partout elle propage
l'Evangile; chaque jour ajoute à ses conquêtes. Il
est vrai que le schisme et l'hérésie ont arraché de
ses bras un grand nombre d'enfants ; mais chaque
fois elle a compensé ses pertes avec avantage,
toujours féconde, toujours pleine de jeunesse et de
vie, toujours triomphante et invincible, malgré les
efforts de l'enfer et des méchants ligués contre
elle. Elle a traversé les siècles avec une majesté
300 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
divine ; et forte de la promesse de son Fondateur,
elle voit, sans s'émouvoir, leurs inutiles attaques,
sachant que l'avenir lui appartient et qu'elle repose
sur un fondement inébranlable.
CONCLUSION.
I 3. Réjouissons-nous donc, mes frères, et soyons
.fiers de notre nom de catholiques. Par ce beau
titre, nous sommes en communication avec tout ce
qu'il y eut jamais sur la terre de vrais serviteurs
de Dieu. Nous avons pour ancêtres les Patriarches
et les Prophètes, nous avons été greffés sur la
souche du peuple de Dieu dans l'Ancien Testa-
ment ; notre vocation à la foi a commencé à l'ap-
parition de la miraculeuse étoile qui conduisit les
Mages au berceau du Suiveur ; parmi les Gen-
tils, nos pères ont été des premiers éclairés des
lumières de l'Evangile ; et depuis la conversion de
nos provinces, le divin soleil de la foi n'a pas cessé
de répandre sur nous ses splendeurs et ses bien-
faits ; ah ! que d'actions de grâces ne devons-nous
pas à Dieu pour une prédilection si insigne ! Et que
nous serions coupables, si nous ne répondions
pas à ces témoignages de sa bonté par une vie
vraiment chrétienne.
Prenons-y garde ; si les puissances de l'enfer ne
peuvent anéantir l'Eglise, elles peuvent du moins
la déplacer. L'Orient en fut le berceau, et le
schisme l'en a chassée. L'Allemagne, la Suède,
l'Angleterre, la Russie, l'Egypte et l'Afrique, étaient
LA CATHOLICITÉ. 301
autrefois autant d'églises florissantes. Que sont-elles
aujourd'hui? Hélas! le cruel sanglier du schisme,
de l'hérésie, de l'infidélité, a tout ravagé. Ces con-
trées, autrefois si fertiles en saints, ne sont plus
aujourd'hui que l'ombre d'elles-mêmes. Ne serions-
nous pas menacés du même malheur? l'enfer
peut-il déployer plus d'astuce et d'audace qu'il
ne fait, afin de corrompre notre foi et de ruiner en
nous la soumission à l'autorité de l'Eglise ? Ne
sommes-nous pas inondés d'un déluge de maximes
fausses et pernicieuses, d'écrits irréligieux et obs-
cènes, propagés à dessein de pervertir les cœurs
afin d'en bannir plus sûrement la foi?
Oh ! gardons ce dépôt sacré avec la plus tendre
sollicitude! Si vous perdez la foi, que mettrez-
vous en sa place? Qui vous consolera dans les
peines de la vie ? Qui vous apprendra à détacher
votre cœur des faux biens? Qui vous fera penser
à vos éternelles destinées et vous dirigera dans la
voie du salut? Ah! plutôt tout perdre que de
perdre ma foi! 0 Eglise catholique, fille du ciel,
sainte et unique épouse de Jésus-Christ, Mère et
Maîtresse des enfants de Dieu, je vous reconnais,
je vous vénère et je vous aime comme ma mère !
(( Si je vous oublie, ô sainte Eglise! puissé-je
m'oublier moi-même. Que ma langue se sèche et
demeure immobile dans ma bouche, si vous n'êtes
pas toujours la première dans mon souvenir et si
vous n'êtes pas le sujet principal de ma joie. Si
302 TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE, ETC.
oblîtus fuero toi , oblivioni detur dextera mea,
Adhaereat liogua mea faucibus meis, si non memi-
oerotui : Si^non proposuero Jérusalem, in prin-
cipio laetitiae meœ. » Ps. cxxxvi),
NOTES. 303
NOTES.
Prœnuntialo sponso et expresso, procédât et sponsa io
verbis Isaïa? : legamus eam in veritate paginarum saneta-
rum, etagnoscamus in orbe terrarum. Hoc lestimoninm de
sancla Ecclesia prsedictum eliam Paulus Apostolus posuit.
Non est quo fugiat contentiosa tergiversatio ha?reticorum :
La?tare sterilis qua? non paris, erumpe et exclama, qua?
non parturis ; quoniam multi filii déserta?, magis quam ejus
quae habet virum... (Galat. 4, f. 27. Isa. 54, f. I.)
Nonne isti sunt multi de quibus... dictum est : Ideo ipse
•haereditate possidebit multos?Nam qua? est ha?reditas ejus,
nisi Ecclesia ejus?...
Multi filii déserta?, magis quam ejus qua? habet virum.
Synagogam scilicet Juda?orum volens intelligi. Comparent
multitudinem Christianorum per omnes gentes, quibus non
communicant (haeretici) et videant quam pauci sint in
comparatione omnes Judsei ; et tandem aliquando intelh-
gant in Ecclesia Catholica toto orbe diffusa, istam prophe-
tiam esse completam : Multi filii déserta?, magis quam ejus
qua? habet virum.
Unde autem multos filios esset habitura consequenter
adjungit... (Isai. 54. 2. etseq.) Dixit enim Dominus : dilata
locurn tabernaculi tui et aularum tuarum : fige, noli par-
ctre, longos fjc funiculos tuos, et palos tuos confirma, ad-
30 i NOTES.
hue in dexteram et in sinistram exlende : et semen tuum
génies possidebit, ne timeas quoniam praevalebis, neque
verearis quod detestabilis fueris. Confusionem œfernam
oblivisceris. ignominise viduitatis tuas non eris memor :
quoniam ego Dominus qui facio te. Dominus nomen illi, et
qui liberavit te, Deus Israël universse terra? vocabitur. Ecce
quousque jussa est exlendere funiculos, donec Deus ejus
Israël uni versas terrée vocetur...
Et ei dicitur per eumdem Prophetam (62. j^. 2 et seq.
Videbunl omnes gentes justitiam tuam, et Reges honorem
tuum :... Et eris eorona pulcbritudinis in conspectu Do-
mini et diadema regni in manu Dei tui ; et jam non voca-
beris derelicta, et terra tua non vocabitur déserta. Tu enim
vocaberis voluntas mea, et terra tua orbis terrarum. Ouid
dici manifestius adhuc exigendum est? Ecce ex uno Pro-
.pheta quam multa, quam clara : et tamen resistitur, et
contradicilur , non cuidam homini , sed Spiritui Dei, et
evidentissima? veritati
Jam pauca de Psalmis audiamus... (Ps. 2, f. 8.)
Postula a me, et dabo tibi gentes haereditatem tuam, et
possessionem tuam fines terras. Quis enim Christianus
unquam dubitavit hoc de Christo esse praedictum, aut
hanc haereditatem aliud quam Ecclesiam esse intellexit?
(Ps. 21, f. 28.) Commemorabuntur, et convertenlur ad
Dominum universi fines terras ; et adorabunt in conspectu
ejus univers® patriae gentium ; quoniam Domini est re-
gnum, et ipse dominabitur gentium. Nonne Apostolus
(Rom. 10, f. 18.) de praedicatoribus novi Testamenti dic-
tum exposuit quod scriptum est (Ps. \ 8, f. 5.) : In omnem
terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terrœ verba
eorum? De quo alio nisi de Christo intelligitur (Ps. 49,
f. 1.) : Deus Deornm Dominus locotus est. : et vocavit
terram, a solis ortu usque ad occasum : ex Sion species
NOTES. 305
decqris ejus. Cujus, oisi Christi vox est : Dormivi contur-
batus...
Audi quid seqnatur (Ps. 56, y. 6 et \%.) : Exaltare
super cœlos, Deus, et super omnem terram gloria tua... et
unde gloria ejus super omnem terram ?
Ibi etiam {in Psalmis) dicuntur hase, ubi agnoscitur
Ecclesia toto orbe diffusa, omnibus etiam regibus Christo
subjugatis : Et dominabitur, inquit, (Ps. 71, f. 8 et seq.),
a mari usque ad mare et a flumine usque ad terminos,
orbis terras. A flumine utique ubi eum Spiritus sanctus in
columbse specie, et vox de cœlo manifestavit...
Goram illo décident /Ethiopies, et inimici ejus terram
lingent. Reges Tharsis et Insulae munera offerent, Reges
Arabum et Saba dona adducent, et adorabunt eum omnes
Reges, omnes gentes servient ei... et benedicentur in eo
omnes tribus terras, omnes gentes magnificabunt eum... et
replebitur gloria ejus omnis terra...
Ecce manifestata est in Psalmis Ecclesia toto orbe dif-
fusa, super quam requiescit gloria Régis ejus, et ipsa
Regina est sponsa ejus de qua ei uicitur in Psalmo (44, y.
\i)et seq.) Adstitit Regina a dextris luis, in vestitu deaura-
to, circumamicta varietate : et ad eam ipsam exhortandam
continuo divinus sermo dirigitur : Audi filia, et vide, et
inclina aurem tuam et obliviseerepopulum tuum et domum
patris lui, quoniam concupivit Rex speciem tuam, quia
ipse est Deus tuus... Pro patribus luis, nati sunt tibi filii :
constitues eos principes super omnem terram.
Quid ad hase dicturi sunt quae commemoravi ex lege, et
Prophetis, et Psalmis, de Christi Ecclesia, quae toto orbe
ditfunditur, cui malunt repugnare perversi quam commu-
nicare correcti. Quid, inquam, dicturi sunt? ..
Falsa esse non audent dicere : premuntur enim mole
tantas auctoritatis.
sy.mb. n. 26*
306 NOTES.
Quia sic scriptum est, et sic oportebat Christum pâli, et
resurgere tertia die, et prsedicari in nomine ejus pœniten-
tiam et remissionem peccatorum per omnes gentes, inci-
pientibus ab Jérusalem...
(Luc. 24, y. 46.) Teneamus ergo Ecclesiam ex ore
Domini designatam, unde cœptura, et quousque perven-
tura esset; cœptura scilicet ab Jérusalem, et perventura in
omnes gentes.
Et eritis mihi testes in Jérusalem, et in tota Judaea, et
Samaria, et usque in totam terram (Act. \, f. 8.). Ecce et
hic manifestum est unde cœptura, et quousque perven-
tura esset Ecclesia. {S. Aug. Epist. contra Donatistas ,
cap. 4.)
II.
Ad (Hœreticos) merito dicendum est : Qui estis? Quando,
et unde venisiis? Quid in me agitis, non mei?Quo denique
jure s\ Ivam meam caeditis ? Qua licentia fontes meos trans-
vertitis?Qua potestate limites meos commovetis? Mea est
possessio. Quid hîc caeteri ad voluntatem vestram semina-
tis etpascilis? Mea est possessio, olim possideo, prior pos-
sideo, habeo origines firmas, ab ipsis auctoribus quorum
fuit res. Ego sum hseres Apostolorum. Sicut caverunt tes-
lamento suo, sicut fidei commiserunt, sicut adjuraverunt,
ita teneo. Vos certe exhaeredaverunt semper et abdicave-
runt, ut extraneos, ut inimicos. Unde autem extranei, et
inimici Apostolis hœretici, nisi ex diversitate doctrinœ,
quam unusquisque de suo arbitrio, adversus Apostolos,
aut protulit, aut recepit? (TertuUian. de prœscriptïombus
cap. 37.)
III.
Multa sunt qua? in ejus (Ecclesiœ Catholicœ) gremio me
justissime teneant. Tenet consensio populorum atque gen-
NOTES. 307
tium : tenefc auctoritas miraculis inchoata, spe nutrita,
charitale aucla, vetustate firmata ; tenet ab ipsa secle Pétri
Apostoii, cui pascendas oves suas post resurreetionem
Dominus commendavit, usque ad prsesentem Episcopatum
successio sacerdolum : postremo ipsurn Catholicse nomen„
quod non sine causa inter tam multas haereses, sic ista
Ecclesia sola obtinuit , ut cum omnes heeretici se Catho-
licos dici velint, quserenli tamen peregrino alicui, ubi ad
Gatholicam conveniatur, nullus haereticorum, vei Basilicam
suam vel domum audeat ostendere. Ista ergo tôt et tanta
nominis Christiani charissima vincula recte hominem
tenent credentem in Catholica Ecclesia, etiamsi propter
nostrse intelligentiœ tarditatem vel vitee meritum veritas
nondum se apertissime ostendat...
Nemo me movebit ab ea fide qua3 animum tôt ac tantis
nexibus Christianae religioni adstringit. (S. Aug. contra
Epistolam Manichœi quam vocant fundamenti cap. 4, n. 5 )
IV.
Ce dogme de la succession et de la perpétuité de l'E-
glise si visiblement attesté par les promesses expresses de
Jésus-Christ avec les paroles les plus nettes et les plus
précises, a été jugé si important, qu'on l'a inséré parmi les
douze articles du Symbole des Apôtres en ces termes : Je
crois l'Eglise catholique ou universelle : universelle dans
tous les lieux et dans tous les temps, selon les propres pa-
roles de Jésus-Christ. Allez, dit-il, enseignez toutes les
nations, et voila, je suis avec vous tous les jours (sans
discontinuation), jusqu'à la fin des siècles. Ainsi en quelque
lieu et en quelque temps que le Symbole soit lu et récité,
l'existence de l'Eglise de tous les lieux et de tous les temps
y est attestée : celte foi ne souffre point d'interruption ;
puisqu'a tous moments le fidèle doit toujours dire : Je crois
308 NOTES
I Eglise catholique. Quand les Novateurs, quels qu'ils soient,
ont commencé leurs assemblées schismatiques, l'Eglise
était ; il la fallait croire., puisqu'on disait : Je crois l'Eglise :
il fallait être avec elle, à peine d'être séparé de Jésus-
Christ, qui a dit : Je suis avec vous : en quelque temps
que, hors de sa communion, qui est toujours celle des
Saints, on ose former des congrégations illégitimes, on est
manifestement du nombre de ceux qui se séparent eux-
mêmes, qui se condamnent eux-mêmes, par leur propre et
manifeste séparation.
Quand on dit que ce sont là des formalités, et qu'il en
faut venir au fond, on abuse trop visiblement, de la crédu-
lité des simples : comme si la loi des promesses si claire-
ment expliquée par Jésus-Christ même, et renfermée dans
le Symbole, n'était qu'une formalité, ou que ce fût une
chose peu essentielle au christianisme, de croire que les
Novateurs qui se séparent eux-mêmes, portent dès là leur
condamnation et leur nouveauté sur le front.
Ce défaut ne se peut couvrir par quelque suite de temps
que ce puisse être. Le schisme de Samarie était si ancien,
que l'origine en remontait jusqu'à Roboam, fils de Salo-
mon, jusqu'à la séparation des dix tribus, ainsi que les
plus anciens Docteurs l'ont remarqué devant nous. Le salut
des Samaritains séparés depuis si longtemps du peuple de
Dieu, en était-il plus assuré par une origine si reculée?
Point du tout : le peuple de Dieu les a toujours mis au rang
des nations les plus odieuses. L'Ecclésiastique a nommé,
avec les enfants d'Esaù et de Chanaan, le peuple insensé
qui fait sa demeure dans Sichar, c'est-à-dire, les Samari-
tains : Jésus-Christ a confirmé celte sentence, et les traite
en effet comme insensés en leur disant : Vous adorez ce
que vous ne connaissez pas : pour nous, nous adorons ce
que nous connaissons. Vous ignorez l'origine de l'alliance :
vous avez renoncé à la suite du peuple saint : vous récla-
mez en vain le nom de Dieu : il n'y a point de salut : le
NOTES. 309
saluf, vient des Juifs et les Samaritains mêmes ne le doivent
tirer que de la. Et remarquez ces paroles : vous et nous ;
dans cette opposition Jésus-Christ ne dédaigne pas de se
mettre du côté des Juifs par ce mot de nous ; parce que
c'était la tige sacrée où se conservaient et se perpétuaient
les promesses, ie sacerdoce, le culte, jusqu'à ce que parut
Celui qui par sa mort et par sa Résurrection devait être
l'attente des peuples. Quand les dix lépreux, dont l'un était
Samaritain, se présentèrent à Jésus-Christ pour être puri-
fiés, le Sauveur les renvoya tous également, et non moins
le Samaritain que les autres, aux Prêtres successeurs
d'Aaron, comme à la source de la religion et des sacre-
ments : Matricem religionis et fontem salutis, comme par-
lait Tertuliien. Il ne servait donc de rien à ces schismati-
ques que leur schisme fût invétéré, et qu'il eût duré plus
de mille ans sous diverses formes; on ne l'en condamnait
pas moins par le seul titre de son origine : on se souvient
éternellement de l'auteur de la division, c'est-à-dire de
Jéroboam qui avait fait pécher Israël ; et qui s'était retiré
par un attentat manifeste de la ville choisie de Dieu; c'est-
à-dire, de l'Eglise et du sacerdoce établi depuis Aaron et
depuis Moïse.
Le plus ancien schisme parmi les chrétiens, est celui de
Nestorius : on en vient de voir le défaut marqué dans son
commencement, et dans le propre nom de son auteur que
la secte porte encore : rien ne le peut effacer. Le point de
l'interruption n'est pas moins marqué dans les autres
schismes d'Orient.
Il n'est pas ici question de parler des Grecs, ce n'est
point à l'Eglise de Constantinople ni aux autres sièges
schismatiques d'Orient, que nos réformés ont songé à s'unir
en se divisant de l'Eglise Romaine avec tant d'éclat et de
scandale. Avouez, nos chers frères, une vérité qui est trop
constante, pour être niée. Rien ne vous accommodait dans
tout l'univers, tout le monde sait que ce sont les Pères de
310 NOTES.
l'Eglise grecque qui ont mis les premiers de tous au rang des
hérétiques un Aërius, pour avoir cru inutiles les prières et
les oblations pour l'expiation des péchés des morls, et pour
d'autres points qui nous sont communs avec eux. C'est un
lait constant que nulle adresse des protestants n'a pu pallier.
Je ne crois pas a présent que des gens sensés et de bonne
foi puissent nous objecter sérieusement que nous sommes
des idolâtres, après qu'on a montré en tant de manières que
l'honneur des Saints, des reliques et des images, laisse à
Dieu tout le culte qui est dû a la nature incréée, et que
loin de l'affaiblir, elle l'augmente. Mais quoi qu'il en soit,
l'Eglise d'Orient l'avait comme nous, et le Concile VII reçu
dans les deux Eglises, en est un irréprochable témoin. Je
ne parle pas des autres dogmes du même Concile, ni de ce
qu'il dit si expressément sur la Présence réelle, que l'on ne
peut éluder que par des chicanes ; ii nous suffit à présent
que l'Eglise grecque se trouve aussi éloignée des Protes-
tants que la Latine ; et il demeure pour constant qu'ils ont
construit leur Eglise prétendue par une formelle et inévi-
table désunion d'avec tout ce qu'il y avait de chrétiens
dans l'Univers.
Aussi se sont-ils vus dès leur origine irrémédiablement
désunis entr'eux-mêmes : Luthériens, Calvinistes, Soci-
niens, ont été des noms malheureux qui ont formé autant
de sectes Les Catholiques savent se soumettre et se ranger
sous l'étendard : on en a dans tous les siècle- d'illustres
exemples. Il n'en est pas de la même sorte de ceux qui ont
rompu avec l'Eglise. Le principe d'union une fois perdu, en
se séparant d'avec celle où tout était un auparavant, a tout
mis en division ; les schismes se sont multipliés, et n'ont
pas eu de remède ; car la maxime qu'on avait posée d'exa-
miner chacun par soi-même les articles de la foi mettait
tout en dispute et rien en paix. Ainsi s'étaient divisées toutes
les sectes : l'Arianisme, le Pélagianisme, l'Eatichianisme
avaient enfanté des demi-Ariens, des demi-Pelagiens, des
NOTES. 31 1
demi-Eutichiens de plus d'une sorte, et ainsi des autres.
On n'a plus rien de certain, quand une fois on a rejeté le
joug salutaire de l'autorité de l'Eglise. Les Donatistes, dit
saint Augustin, avaient pris en main le couteau de division
pour se séparer de l'Eglise : le couteau de division est de-
meuré parmi eux ; et voyez, dit le même Père, en combien
de morceaux se sont divisés ceux qui avaient rompu avec
l'Eglise : Qui se ab unitate praeciderunt, in quot frusta
divisi sunt? N'en peut-on pas dire autant à nos prétendus
Réformateurs? C'est en vain qu'ils ont voulu reprendre
l'autorité attachée au nom de l'Eglise, et obliger les parti-
culiers à se soumettre aux décisions de leurs Synodes.
Quand on a une fois détruit l'autorité, on n'y peut plus
revenir; on aura éternellement contre eux le même droit
qu'ils ont usurpé contre l'Eglise, lorsqu'ils l'ont quittée.
Ainsi nulle dispute ne finit . Dordrecht ne peut rien contre
les Arméniens En se soulevant contre l'Eglise, et réduisant
a rien ce nom sacré avec les promesses de Jésus-Christ
pour son éternelle durée, les Protestants se sont ôté toute
autorité, tout ordre, toute soumission ; et aujourd'hui s'ils
se font justice, ils reconnaîtront qu'ils n'ont aucun moyen
de réprimer ou de condamner les erreurs ; en sorte qu'il ne
leur reste aucun remède pour s'unir entr'eux, que celui de
trouver tout bon, et d'introduire parmi eux la confusion de
Babel et l'indifférence des religions sous le nom de tolé-
rance.
Il n'en faut pas davantage aux cœurs simples et de bonne
foi. Les promesses dont il s'agit sont conçues, comme on a
vu, en termes simples et très-clairs. On doit donc se déter-
miner en très-peu de temps à y croire, et cette croyance
enferme une claire décision de toutes les controverses. Car
si une fois il est constant que la vérité domine toujours
dans l'Eglise, tous les doutes sont résolus : il n'y a qu'à
croire, et tout est certain. (Bossuet. Instruction pastorale
sur les promesses de /' Eglise).
312 NOTES.
V DE LA MAXIME, HOKS DE L'ÉGLISE POINT DE SALUT.
Comment les Docteurs catholiques entendent-ils l'expli-
cation de notre maxime ? Si le principe est vrai, ne faudra-il
pas damner à priori tous les protestants, tous les schisma-
tiques, tous ceux en un mot qui n'appartiennent pas à la
communion extérieure de l'Eglise? Non, mille fois non. Il
n'est pas un seul théologien catholique autorisé qui accepte
une pareille cunséquence. Voici, de l'aveu unanime de nos
Docteurs, ce qui suit uniquement de- ce principe en soi
incontestable : c'est un devoir, une obligation rigoureuse
pour tout homme d'entrer dans l'Eglise, de se soumettre à
son autorité, d'embrasser la religion catholique, qui seule
est vraie, qui seule vient de Dieu; quiconque refuse ou
néglige par sa faute de le faire est exclu du salut, parce
qu'il se place volontairement hors de la voie tracée par la
main souveraine de Dieu pour conduire l'homme à sa fin et
le mènera l'éternelle félicité qui l'attend au-delà du tom-
beau. Voilà la conséquence nécessaire du principe catho-
lique, mais la conséquence unique. Quant aux hommes qui,
sans qu'il y ait aucune faute de leur part, ignorent la voie
divine et royale du salut, qui ne connaissent pas l'Eglise,
ils ne seront point damnés pour n'avoir pas été catholi-
ques. Ils se trouvent, il estvrai, hors de la religion donnée
et prescrite par Dieu, ils marchent hors de la voie que Dieu
a tracée et qu'il commande de suivre pour arriver au salut ;
mais ce n'est pas leur faute, et nul ne saurait être condamné
pour n'avoir pas accompli un précepte qu'il lui était im-
possible de remplir. Leur bonne foi les excuse, et Dieu,
dont la miséricorde est infinie, peut les attirer et les ame-
ner à lui par des sentiers que des rapports secrets ratta-
chent à la route royale du Ciel. On peut appartenir à l'E-
glise de Jésus-Christ sans vivre dans sa communion exté-
rieure.
NOTES. 3 I 3
«On ne prétend nullement, dit un des plus célèbres
controversistes du XVIIe siècle, Nicole, que tous ceux qui
sont hors de la communion extérieure de l'Eglise romaine
soient exclus du salut. On prétend, au contraire, qu'elle a
des membres qui lui appartiennent, réellement dans toutes
les communions; car tous les enfants baptisés, qui en font
toujours une partie si considérable, sont les enfants de la
vraie Eglise, parce que c'est elle qui les a régénérés, quoi-
que par le ministère de pasteurs hérétiques ou schismati-
ques. Tous ceux qui n'ont point participé par leur volonté
et avec connaissance au schisme et à l'hérésie, font partie
de la véritable Eglise... L'Eglise Romaine ne les excuse
qu'autant de temps que leur bonne foi et leur ignorance les
excusera devant Dieu, sans oser déterminer jusqu'où cela
s'étend. »
On sait la distinction que font les théologiens entre le
corps et l'âme de l'Eglise. Le corps, c'est la société extérieure
des fidèles telle que nous l'avons définie, mais en la con-
sidérant toujours comme vivante et par conséquent unie a
l'âme; l'âme qui anime ce corps, c'est l'Esprit-Saint lui-
même avec ses dons intérieurs, la foi, l'espérance et la
charité. Or les théologiens enseignent unanimement qu'on
peut appartenir a l'âme de l'Eglise sans appartenir a son
corps : quiconque est uni au Saint-Esprit par la grâce
sanctifiante appartient a l'âme de l'Eglise, qu'il soit ou non
membre de son corps.
Redisons donc en terminant que tous les hommes sont
obligés d'entrer dans l'Eglise, mais que nul, pourvu qu'il
soit de bonne foi, ne sera condamné pour le seul motif de
n'avoir pas été catholique. Dieu, qui sonde les cœurs et les
reins, appréciera les intentions et rendra à chacun selon
ses œuvres. (Laforêt, Dogmes catholiques.)
314 QUATRIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
VIe INSTRUCTION.
EXORDE.
I . Au caractère de catholicité ou d'universalité
qui la distingue, on reconnaît aisément la véritable
Eglise de Jésus-Christ. Nulle autre religion ou secte
ne peut disputer cet avantage à l'Eglise Romaine,
ni entrer en lice avec elle. Aucune ne remonte
jusqu'à l'origine des temps ; aucune ne sort de
certaines limites pour se propager par toute la
terre. Nous l'avons vu dans la dernière instruction.
.Mais ce caractère de catholicité qu'on ne trouve
nulle part ailleurs que dans l'Eglise Romaine, ne
sert pas seulement à la distinguer des autres
sociétés religieuses ; elle la fait encore briller d'un
éclat divin.
En effet, comme nous l'avons remarqué, il y a
un triple miracle dans la catholicité de l'Eglise.
Un premier miracle, en ce qu'elle unit dans
une même foi et sous un même chef des peuples et
des hommes si différents entre eux et si divisés
sous tous les autres rapports.
Un second miracle en ce que ce fait, si prodi-
SON APOSTOLICITÉ. 315
gieux par lui-même, a été prédit longtemps avant
son accomplissement.
Un troisième miracle enfin, en ce qu'il est per-
pétuel, tandis que nous voyons toutes les institu-
tions humaines périr avec le temps.
2. Il nous reste à considérer la quatrième pro-
priété de l'Eglise, qui est son apostolicité.
C'est une nouvelle marque qui nous aide de plus
en plus à discerner la véritable Eglise. Une et per-
pétuelle, c'est par la succession non interrompue
des Papes et des Evèques , successeurs des
apôtres, qu'elle nous montre son unité et sa per-
pétuité.
Nous allons donc expliquer dans cet entretien
en quoi consiste l'apostolicité de l'Eglise ; après
quoi, nous résumerons brièvement ce que nous
avons dit de ses autres propriétés et nous conclu-
rons qu'il n'y. a de sécurité pour le salut que dans
la sainte Eglise Romaine.
CORPS DE LINSTRUCTION.
3. On appelle l'Eglise apostolique pour deux
raisons. Premièrement, à raison de la doctrine
qu'elle professe ; secondement, à raison de l'auto-
rité qui la gouverne.
L'une et l'autre sont apostoliques, c'est-à-dire,
que sa doctrine est la doctrine même des apôtres,
et que l'autorité qui la gouverne, est l'autorité
même des apôtres.
316 QUATRIÈME PROPRIÉTÉ DE l'ÉULISE,
Ces deux choses sont intimement unies dans
l'Eglise de Jésus-Christ. C'est aux apôtres en effet
qu'il a donné mission d'enseigner et de baptiser
tous les peuples, leur promettant d'être avec eux
jusqu'à la consommation des siècles.
4. Je dis que la doctrine de l'Eglise est la doc-
trine même des apôtres.
Ce qu'elle nous enseigne n'est pas nouveau.
Aucune des vérités qu'elle nous propose n'est
d'invention moderne. C'est de Jésus-Christ, son
divin fondateur, qu'elle tient tout ce qu'elle a
transmis aux hommes par la prédication.
En descendant sur la terre, le divin Maître nous
a apporté du ciel son Evangile. Après l'avoir
publié en personne pendant l'espace de trois ans,
il le fit annoncer par les apôtres qu'il avait choisis
et formés dans ce dessein, et ceux-ci, par son
ordre, en ont répandu la semence dans le monde
entier.
Depuis les apôtres jusqu'à nous, les évoques,
successeurs des apôtres, et à leur tête le pape,
successeur de saint Pierre, toujours assistés de
l'Esprit-Saint, selon la parole de Jésus-Christ, ont
gardé inviolablement ce dépôt sacré, et ont pro-
pagé partout, d'âge en âge, l'enseignement qu'ils
avaient reçu des apôtres.
5. D'après cela, jugez de ce qu'il faut penser
des différentes hérésies qui ont paru dans la suite
des temps.
SON APOSTOLICITÉ. 317
N'est-il pas clair qu'elles portaient leur condam-
nation dans leur nouveauté même? N'est-il pas
clair que par cela même qu'elles s'écartaient de
l'enseignement de l'Eglise alors en vigueur, c'était
autant d'innovations contraires à la foi des apôtres,
autant de révoltes contre l'enseignement de Jésus-
Christ?
En effet, Notre-Seigneur n'a pu manquer à sa
parole. Puisqu'il a promis d'être toujours avec son
Eglise, il s'ensuit que l'Eglise a toujours maintenu
la doctrine apostolique, et ainsi les hérétiques de
tous les temps ont toujours eu tort de vouloir la
corriger.
C'est pour nous faire sentir d'une part la fidélité
de l'Eglise et de l'autre l'infidélité des hérétiques
à la doctrine des apôtres, que le concile de Nicée
a joint aux autres titres de l'Eglise, celui d'apos-
tolique.
«Credo unam, sanctam, catholicam et aposto-
licam Ecclesiam. Je crois l'Eglise une, sainte, ca-
tholique et apostolique. »
Par ce dernier trait, le saint Concile semble nous
dire que l'Eglise qui mérite notre foi, est celle-là
seule qui conserve, dans toute son intégrité, le
dépôt de la doctrine apostolique.
6. Mais ce nom d'apostolique indique quelque
chose de plus. Il veut dire encore que l'Eglise est
gouvernée par la même autorité que celle des
apôtres. Par là, il désigne, d'une manière très-
précise, quelle est l'Eglise véritable, l'Eglise une,
318 QUATRIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
sainte et catholique, dans laquelle se trouve, par
conséquent, la véritable foi enseignée par les
apôtres.
Quelle est donc l'Eglise catholique, l'Eglise fidèle
dépositaire de la foi des apôtres?
Evidemment, c'est celle qui est gouvernée par
leurs légitimes successeurs. C'est donc celle qui a
pour pasteurs , le successeur légitime de saint
Pierre et les successeurs légitimes des apôtres.
Voilà surtout pour quel motif on l'appelle apos-
tolique.
7. Il est facile de comprendre que tel en effet
doit être le caractère de l'Eglise de Jésus-Christ.
Quels sont ceux qu'il a envoyés prêcher en son
nom par toute la terre? — Les apôtres, ayant saint
Pierre à leur tète pour les confirmer dans la foi.
«J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne vienne
point à défaillir, et toi, une fois converti, aie soin
de confirmer tes frères. Ego rogavi pro te, ut non
deficiat fides tua ; et tu aliquando conversus, con-
firma fratres tuos. » [Luc. xxii.)
A qui a-t-il envoyé le Saint-Esprit, avec l'assu-
rance qu'il leur enseignerait toute vérité? —
Encore une fois, aux apôtres, « Le Saint-Esprit,
dit-il, le Consolateur que le Père vous enverra en
mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous
rappellera tout ce que je vous ai dit. Paraclitus
autem Spiritus sanctus, quem mittet Pater in no-
mine meo, ille vos docebit omnia, et suggeret vo-
bis omnia, quaecumque dixero vobis. r>(Joan. xiv.)
SON APOSTOLI CITÉ. 319
Enfin, à qui Jésus-Christ a-t-il fait la promesse
d'être toujours avec eux jusqu'à la fin des siècles?
— Toujours aux apôtres. « Ecce ego vobiscum
sum omnibus diebus usque ad consummationem
saecnli. Voici que je suis avec vous tous les jours
jusqu'à la consommation des siècles. ))(Mai. xxvui.)
Par ces paroles, Notre-Seigneur ne promettait
pas l'immortalité aux apôtres. Comment donc peut-
il être avec eux jusqu'à la fin du monde? C'est que
dans les apôtres il comprenait tous leurs légitimes
successeurs. L'assistance qu'il leur promettait re-
garde donc aussi ceux qui leur succéderont ; et
jamais, en aucun temps, en aucun jour, cette
assistance divine ne leur fera défaut.
Voilà comment le ministère, l'autorité, la mis-
sion des apôtres, persévère constamment dans
l'Eglise, et voilà ce qui fait que la véritable Eglise
doit être apostolique, c'est-à-dire, remonter jus-
qu'aux apôtres par la succession légitime des
pasteurs qui la gouvernent.
8. Comprenez maintenant toute la portée et
toute la force de cette qualification d'apostolique.
Elle vous dit quelle doit être et quelle est la vraie
foi; elle vous dit quelle doit être et quelle est la
véritable Eglise.
J'ajoute qu'elle nous dit encore pourquoi l'Eglise
ne peut errer dans son enseignement : apostolique
ou infaillible, c'est ici une seule et même chose.
Nous venons d'en dire la raison : c'est que Jésus-
Christ continue d'enseigner avec l'Eglise aposto-
3i0 QUATRIEME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE,
lique : c'est que le Saint-Esprit promis aux apôtres
continue d'être avec leurs successeurs et qu'il ne
cessera pas de les assister jusqu'à la fin des temps.
Telle est donc la glorieuse prérogative de
l'Eglise : Dieu parle par sa bouche. « Celui, dit-il,
qui vous écoute m'écoute. » Voilà pourquoi elle
ne saurait errer ni dans la foi ni dans la règle des
mœurs.
Il n'en est pas ainsi des sectes rivales. Dépour-
vues de cette assistance divine, guidées par l'es-
prit du démon, on les voit tomber dans les plus
funestes erreurs en fait de dogme et de morale.
Pour ne citer qu'un exemple, voyez ce qu'enseigne
le père du protestantisme, au sujet des bonnes
œuvres. 11 prétend qu'elles ne sont nullement né-
cessaires au salut, et tirant lui-même la conclusion
de cette fausse doctrine, il en vient jusqu'à dire
qu'on peut pécher hardiment, pourvu qu'on ait
une foi assez robuste. A quels excès un tel ensei-
gnement ne peut-il pas conduire?
9. Résumons maintenant en peu de mots ce que
nous avons dit des propriétés et caractères de
['Eglise, et concluons.
Elle est une. C'est un grand corps animé d'un
seul esprit, qui a Jésus-Christ pour chef invisible,
et pour chef visible le successeur de saint Pierre.
Or. cette unité de corps, d'esprit, de chef et
de chef établi par Jésus-Christ, où la voyez-vous ,
sinon dans l'Eglise Romaine?
L'Eglise est sainte. Sa vie, c'est la sainteté. Elle
SON APOSTOLICHH. 321
a été instituée dans ce but, et Jésus-Christ son
divin Fondateur, étant la sainteté même, ne cesse
de répandre ses grâces sur elle, afin de la sancti-
fier. L'Eglise de son côté porte tous ses membres
à la sainteté par sa doctrine et par ses sacrements.
Elle produit des fruits de sainteté incontestables.
Eh bien ! cette sainteté vraie, manifeste, écla-
tante, indubitable, la trouvez-vous hors de l'Eglise
Romaine? Quelle pauvreté sous ce rapport dans
les sectes qui en sont séparées! Semblables à des
branches détachées de leur tronc, elles languissent
faute de sève et produisent à peine des avortons,
au lieu de fruits véritables. Non, le schisme et l'hé-
résie ne sauraient enfanter des saints. Convaincus
de leur impuissance, ils se bornent à décréditer
ceux dont la véritable Eglise s'honore à juste titre.
L'Eglise est catholique ou universelle, quant
aux temps et quant aux lieux. C'est là, nous
l'avons vu, le caractère essentiel de la vérité qui
ne change pas, qui est une et la même, toujours et
partout.
Eh bien ! encore une fois, en dehors de l'Eglise
Romaine, où trouvera-t-on une société religieuse
qui soit l'héritière directe et légitime de l'Ancien
Testament, une société qui embrasse tous les
peuples dans son zèle, qui les éclaire tous de ses
lumières, qui les réunisse tous dans une même foi ;
et cela, non pas pendant une période de temps
quelconque, mais depuis Jésus-Christ jusqu'à nos
jours, sans aucune interruption ?
322 QUATRIÈME PROPRIÉTÉ DE i/ÉGLISE,
Enfin , l'Eglise est apostolique ; nous l'enten-
dions iJ n'y a qu'un moment. Jésus-Christ l'a fon-
dée sur Pierre ; il l'a fait la base et la colonne
de tout l'édifice, si bien qu'il est impossible aux
puissances mêmes de l'enfer, de les séparer l'un
de l'autre, a Tu es Pierre, et sur cette pierre je
bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne pré-
vaudront jamais contre elle. Tu es Petrus, et super
hanc petram aedificabo Ecclesiam meam, et porta?
inferi non praevalebunt adversus eam. » Ce n'est
pas à saint Pierre seul, que Jésus-Christ a adressé
cette parole, mais aussi à tous ses successeurs légi-
times. Si l'Eglise et saint Pierre ne font qu'un, là
où est Pierre, là aussi est la véritable Eglise de
Jésus-Christ.
D'après cela, où est l'Eglise apostolique, où est
l'Eglise soumise au successeur de saint Pierre, le
chef, le prince et le centre du collège apostolique?
Il n'y a qu'une seule réponse possible à cette
question : c'est évidemment l'Eglise Romaine.
CONCLUSION.
40. La sainte Eglise Romaine à laquelle nous
avons le bonheur d'appartenir, voilà donc, chré-
tiens, la seule et unique Eglise qui offre toute sé-
curité pour le salut.
Oui, voilà cette arche de salut dont celle de Noé
a été une figure frappante. De même que celle-ci
fut construite par l'ordre de Dieu, ainsi c'est Dieu
SON APOSTOLICITÉ. 323
lui-même qui a fondé l'Eglise. Et de même que,
parmi les contemporains de Noé, ceux-là seuls
échappèrent uu déluge, qui entrèrent dans l'arche;
ainsi il n'y a de salut à espérer que pour ceux qui,
par le Baptême ou du moins par le désir de le
recevoir, se réfugient dans le sein de l'Eglise. Pour
ceux, au contraire, qui refusent de s'y abriter, ils
seront submergés par leurs péchés comme les
incrédules le furent par les eaux du déluge.
La sainte Eglise Romaine, c'est cette grande
cité de Dieu, c'est cette véritable Jérusalem, dont
l'Ecriture a dit tant de merveilles.
Ce qu'il y avait de plus remarquable dans la
Jérusalem terrestre, c'est qu'il n'était pas permis
d'offrir des sacrifices hors de son temple. Et de
même, c'est dans la sainte Eglise Romaine seule-
ment, et nulle part ailleurs, qu'on trouve le vrai
culte, et qu'on offre le vrai sacrifice, seul capable
de plaire à Dieu.
11.0 mon Dieu ! je vous remercie et je vous
bénis du fond de mon cœur de m'avoir fait naître
dans le sein de votre Eglise ! Que cette faveur est
précieuse, et comment pourrai-je assez vous en
témoigner ma reconnaissance? J'aurais pu naître
au milieu des infidèles, dans un pays où régnent le
schisme et l'hérésie. Mais non ; vous m'avez choisi
parmi tant de milliers d'autres hommes, pour me
faire cette grâce de sucer la vérité avec le lait !
A peine né, j'ai été régénéré dans les eaux du saint
Baptême, et j'y ai puisé, avec la vie spirituelle, ce
324 QUATRIÈME PROPRIÉTÉ DE [/ÉGLISE,
don inestimable de la foi qui m'a attaché dès mes
plus tendres années au sein de votre Eglise 1 Avec
quelle facilité n'ai-je point saisi sa doctrine? De
quelles douces clartés ses enseignements n'ont-ils
pas illuminé mon âme? La foi m'a été comme natu-
relle ; vous m'avez donné une pleine et profonde
conviction des vérités que vous avez révélées.
Seigneur, je ne les croirais pas plus fermement,
si je les voyais de mes propres yeux.
Oh ! quelle consolation je ressens en contemplant
les preuves que l'Eglise me donne de sa divinité!
Plus je la considère, et plus je vois en elle l'em-
preinte éclatante de vos divines perfections. Elle
est une dans sa foi et dans son chef, comme vous
êtes un par essence. Elle est immuable dans sa
doctrine, comme vous l'êtes dans votre nature.
Elle est perpétuelle et impérissable, cnmme vous
êtes éternel. Elle est sainte et glorifie par là votre
sainteté parfaite. Elle est infaillible, comme vous
êtes la vérité même !
0 mon Dieu ! augmentez de plus en plus ma
foi et faites-moi la grâce de profiter d'un bienfait
dont tant d'autres ne jouissent pas !
12. Tels sont sans doute vos sentiments, chré-
tiens, mes frères. Comme moi, vous appréciez
l'insigne bonheur d'être les enfants de la sainte
Eglise catholique. Sachons donc nous en montrer
reconnaissants. Remercions souvent le Seigneur
du bienfait de notre vocation et souvenons-nous
que si nous avons plus reçu, nous avons aussi une
SON APOSTO LICITE. 325
plus grande responsabilité. Que serait-ce au der-
nier jour, si après avoir vécu au sein du christia-
nisme, nous nous trouvions confondus avec les
idolâtres, à cause de notre infidélité? Ah ! le Sei-
gneur sans doute nous châtierait avec plus de
rigueur comme plus coupables. Tyr et Sidon,
Sodome et Gomorrhe élèveraient la voix contre
nous ; car si ces villes malheureuses avaient reçu
la même grâce, elles se seraient converties et
sauvées.
Ne nous exposons pas à une telle malédiction.
Nous sommes chrétiens, gardons-nous de vivre
comme les gentils qui ne connaissent point Dieu.
Faisons honneur à la sainteté de notre nom par la
sainteté de nos œuvres, et lorsque le souverain
Juge viendra nous demander compte de notre vie,
nous pourrons attendre avec confiance la récom-
pense promise aux serviteurs fidèles.
326 divinité de l'église
VIIe INSTRUCTION. *
DIVINITÉ DE L'EGLISE PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ
EXORDE.
1 . Nous désirons tous invinciblement la vie
future; nous désirons connaître ce qu'elle nous
réserve et les relations qui existent entre elle et la
vie présente.
Voilà un fait qu'aucun homme de bonne foi ne
peut nier.
D'un autre côté nous n'attendons cette connais-
sance ni de nous-mêmes, ni de nos semblables.
Les vérités religieuses ont tout un côté au delà du
tombeau. On sent bien que, si Dieu ne nous en
avait instruit lui-même, il n'y aurait pas de certi-
tude possible en matière de religion.
Dira-t-on qu'après nous avoir créés, il n'a pas
daigné nous révéler ses desseins et nous apprendre
comment nous devons y répondre? Tout se révolte
en nous contre une telle supposition. Dieu est
Père; il n'a pu livrer les hommes qui sont ses
enfants à la merci de leurs ténèbres. Non, celui
* Cette instruction et la suivante sont empruntées , pour
le fond, à la Démonstration catholique du R. P. Deschamps.
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 327
qui a fait l'astre du jour pour guider nos pas sur
la terre, n'a point privé nos intelligences de la lu-
mière du salut. Puisqu'elle n'est pas en nous, il
faut nécessairement qu'elle vienne du dehors.
Le bon sens nous dit qu'elle doit être assez écla-
tante pour frapper ceux qui y sont attentifs.
On doit pouvoir la discerner aisément et sans
effort. Si elle exigeait de longues et pénibles re-
cherches, comment les simples et les ignorants
parviendraient-ils à la connaissance de la religion?
2. Où est-il donc ce soleil des esprits? Où est
cette lumière destinée à éclairer tout homme ve-
nant en ce monde?
Elle ne peut être que dans l'Eglise catholique.
Où serait-elle, en effet, si elle n'était point là?
L'Eglise catholique est la seule société religieuse
en ce monde qui nous apparaisse marquée du
grand signe de Dieu, je veux dire, l'Unité ; elle est
la seule qui se dise et qui soit contemporaine de
l'origine de l'homme ; la seule qui fasse remonter
sa généalogie jusqu'au commencement des choses ;
la seule qui nous montre la religion descendant
avec elle le cours des siècles ; la seule qui s'adresse
à tous les peuples, qui prêche la même loi sous
tous les cieux et fasse réciter son symbole dans
toutes les langues.
La vérité est une, partout et toujours la même,
la même à toutes les époques, la même dans tous
les lieux, et cette unité qui caractérise l'Eglise de
328 divinité de l'église
Dieu, s'appelle perpétuité et universalité, en un
mot, Catholicité.
Dans cet entretien, nous allons montrer que la
catholicité de l'Eglise prouve d'une manière invin-
cible sa divinité.
CORPS DE LINSTRUCTION.
3. Il y a deux choses à distinguer dans la catho-
licité.Pour que l'Eglise justifie son nom de catholi-
que, il faut qu'elle soit une et perpétuelle, une et
universelle.
Prouvons d'abord sa perpétuité dans son unité.
« Dieu, dit l'Apôtre, a parlé autrefois en divers
temps et de diverses manières à nos ancêtres par
les prophètes; mais en dernier lieu, il nous a parlé
par son Fils qu'il a fait héritier de toutes choses et
par qui il a fait les siècles. Multifariam multisque
modis olim Deus loquens Patribus in Prophetis,
novissime locutus est nobis in Filio quem constituit
haeredem universorum, per quem fecitet saecula. »
{Hebr. i.)
Vous avez dans ce peu de mots toute la suite
de la religion depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ.
Dieu parle à l'origine ; il fait répéter sa parole par
Moïse et les prophètes ; voilà la loi de nature et la
loi écrite qui ne sont qu'un acheminement à la loi
plus parfaite de l'Evangile. La révélation primitive
et la révélation mosaïque sont complétées par le
Fils de Dieu en personne.
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 329
Saint Paul résume d'une manière plus concise
encore toute la suite de la religion : « Jésus-Christ,
dit-il, était hier, il est aujourd'hui, il sera dans tous
les siècles. Christus heri, et hodie, ipse et in
saecula. » (Hebr. xm.J
C'est lui en effet qui est le centre auquel abou-
tissent les deux Testaments. 11 en est le lien, et
des deux il n'en fait qu'un seul. L'Ancien sert de
préparation au Nouveau. Jésus-Christ dit lui-
même qu'il n'est point venu pour détruire, mais
pour accomplir la loi.
Tout l'Ancien Testament est rempli de sa pro-
messe et de son attente. Il était hier.
Tout l'Evangile est rempli de sa présence ado-
rable et de ses mystères. // est aujourd'hui.
Il sera aussi dans tous les siècles. « Allez, dit-il
à ses apôtres, enseignez toutes les nations, appre-
nez-leur à garder ce que je vous ai enseigné, et
voici que je suis avec vous jusqu'à la fin des siècles.
Ite, docete omnes gentes... docentes eos servare
omnia quaecumque mandavi vobis. Et ecce ego
vobiscum sum omnibus diebus usque ad consum-
mationem sseculi. » [Matth. xxvm.)
La religion est donc parfaitement une en Jésus-
Christ ; et vous avez sous les> yeux la preuve de
sa perpétuité ; car, depuis qu'il a prononcé cette
parole : je suis avec vous,' plus de dix-huit siècles
se sont écoulés, et voyez s'il a failli à sa promesse.
4. Or, cette perpétuité est un prodige manifes-
330 DIVINITÉ DE L'ÉGLISE
tement supérieur aux forces humaines et ne peut
être que l'œuvre de la puissance de Dieu.
Pour nous en convaincre, voyons quelle a été
la marche de l'Eglise dans la succession des
temps.
Que sont devenus les plus fameux empires
fondés par les Alexandre et les César? Ils se sont
élevés, et malgré leurs richesses et leurs armées,
ils sont bientôt tombés ; il n'en reste plus de traces
que dans l'histoire.
L'Eglise, sans autres armes que la parole de
Dieu, a étendu plus loin qu'eux ses conquêtes
pacifiques et maintient toujours un empire plus
vaste que le leur.
De l'Orient, où elle est née avec la première
famille humaine, et où Jésus-Christ lui donna une
vie nouvelle, elle a gagné l'Afrique, l'Europe,
l'Amérique, les îles de l'Océanie.
Et cependant à combien d'assauts n'a-t-elle pas
été en butte?
Dans les trois premiers siècles de l'ère chré-
tienne, la persécution est presque incessante, et
quelle persécution ! C'est par millions que les pre-
miers chrétiens confessent la foi au prix de leur
sang. Le premier pape, saint Pierre, meurt cru-
cifié. Plus de trente de ses successeurs, plus de
trente Papes, meurent martyrs. Mais le sang des
martyrs est une semence de chrétiens. A force
d'être versé par torrents, il ruine les fondements
du paganisme. De persécuteurs qu'ils étaient, les
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 334
persécuteurs se font eux-mêmes chrétiens. Avec
Constantin, la croix monte au capitole et décore le
diadème des Césars.
A la persécution du glaive succède aussitôt l'é-
preuve des hérésies.
On voit s'élever coup sur coup celle d'Ariusqii!
nie la divinité de Jésus-Christ, celle de Macédonius
qui attaque la divinité du Saint-Esprit, celle de
Nestorius qui ruine l'incarnation du Verbe, en dis-
tinguant en lui deux personnes, celle d'Eutychès
qui confond les deux natures, celle des Monothé-
lites qui affirment une seule volonté en Jésus-
Christ, celle des Iconoclastes qui combattent le
culte des saintes images.
L'empire grec favorise toutes ces hérésies. Rome
lutte avec énergie. L'empire se flétrit et perd sa
puissance. L'Eglise triomphe et demeure.
Mais voici que des légions de Barbares se pré-
cipitent sur le vieil empire romain et font tomber
le colosse en poudre. Tout est couvert de ses
ruines ; aucune des institutions humaines n'échappe
au naufrage. Qu'en sera-t-il de l'Eglise? Ne sera-t-
elle pas abîmée elle-même dans cette effroyable
confusion de toutes choses? Non; loin de succom-
ber , elle impose le respect aux vainqueurs ,
dompte leur férocité naturelle, adoucit leurs
mœurs, et en les faisant chrétiens, pose les fonde-
ments de la civilisation moderne.
Les Barbares ont tout ruiné ; et l'Eglise seule est
demeurée debout.
332 divinité de l'église
Elle n'avait pas achevé leur conversion, que les
empereurs d'Occident lui suscitent une guerre
nouvelle, en voulant s'emparer de la puissance
spirituelle. Les Papes résistent héroïquement.
Bientôt les Musulmans menacent l'Europe chré-
tienne. Semblables à une mer en furie, ils débor-
dent sur tous ses rivages. Les Papes donnent le
signal des Croisades. Les Turcs et les Sarrazins
sont contenus. Aujourd'hui la puissance de Maho-
met s'en va et la papauté subsiste.
5. Mais tous ces dangers, venant d'ennemis
déclarés , n'ont pas été les plus grands pour
l'Eglise.
Le plus formidable de tous fut toujours le relâ-
chement des mœurs dans ses propres enfants, et
dans ses ministres, l'oubli de la sainteté de leur
état. Ce danger domestique s'est reproduit à diffé-
rentes époques ; mais il grandit surtout h la suite
du débordement des Barbares. Le sanctuaire fut
alors en proie à deux grands désordres, la simonie
et la licence. Le clergé, qui est le soutien naturel
de l'Eglise, le trahissait par l'ignorance et le dérè-
glement. Il ne fallut rien moins qu'un homme de la
droite de Dieu, le grand saint Grégoire VII, pour
le rappeler à la science et à la sainteté.
L'Eglise n'a pas été corrompue par les scandales
de ses enfants et de ses ministres. Toujours elle a
trouvé en elle-même le feu sacré qui purifie et
consume la rouille des misères humaines.
Pour qu'elle ne manquât d'aucune preuve, le
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 333
Saint-Siège lui-même eut à gémir sur les vices de
quelques Papes qui firent exception clans la longue
série de saints et de grands hommes qui l'ont illus-
tré. Dieu, sans doute, a permis cette exception
pour rendre le prodige de la perpétuité de l'Eglise
plus manifestement miraculeux. Par là, il a fait
voir que si elle se soutient, c'est parce qu'elle
repose sur lui et non sur ceux qui la dirigent.
Une autre crise plus périlleuse encore fut ména-
gée au Saint-Siège.
Pendant plus de quarante ans, un schisme sans
exemple tient l'Eglise en suspens entre plusieurs
Papes, sans qu'on parvienne à décider quel était le
légitime. L'unité menaça alors d'être ruinée par
les efforts mêmes qu'on faisait pour la sauver. Il y
eut jusqu'à trois Papes reconnus en même temps
par différentes portions de la chrétienté. Mais Dieu
veillait sur son Eglise. Le concile de Constance
met fin aux divisions et l'unité de l'Eglise et de son
chef en sort plus brillante que jamais.
Sera-t-elle enfin assez éprouvée, l'œuvre de
Dieu? Non, l'Eglise est militante et ses combats
ne cesseront qu'avec le monde.
Le seizième siècle voit éclore la grande hérésie
du protestantisme. Nommons-en les premiers au-
teurs et les promoteurs, nous prononcerons en
même temps sa sentence. Ce fut Luther, un moine
parjure et impudique ; ce fut Calvin, cet homme
tristement célèbre par son orgueil et sa froide
cruauté ; ce fut Henri VIII, ce monarque aux pas-
334 DIVINITE DE L EGLISE
sions infâmes et sanguinaires. Quoique sortie d'une
source si impure, l'erreur ne pouvait manquer de
faire des ravages. Elle flattait toutes les passions,
les passions lui répondirent et se rangèrent à l'envi
sous sa bannière.
Trois siècles se sont écoulés depuis ; nous assis-
tons à l'agonie du protestantisme. Usé à force de
divisions, nous le voyons aboutir fatalement à
l'abime du rationalisme ou de l'irréligion systéma-
tique, et au panthéisme qui n'est qu'une négation
déguisée de la Divinité.
La grande révolution française de la fin du
siècle dernier a été la dernière grande épreuve de
l'Eglise. On Ta vue, cette révolution, enchaîner le
vicaire de Jésus-Christ, et se promettre que Pie VI
serait le dernier des Papes.
La révolution a passé et Pie VI a déjà eu cinq
successeurs.
Ce tableau de la marche victorieuse de l'Eglise
à travers les temps n'a-t-il pas de quoi ravir ? Et
qui peut y méconnaître la main de Dieu?
6. Mais tant de vicissitudes n'ont-elles pas altéré
son unité? Une si longue durée n'a-t-elle pas flé-
tri sa jeunesse et sa beauté primitive ?
Nullement. Tandis que tout change et se modifie
autour d'elle, l'Eglise reste immuablement la même
dans sa constitution et sa hiérarchie divine, dans
son dogme, dans sa morale, dans ses Sacrements.
Plusieurs fois, les puissances du siècle l'ont per-
sécutée, afin d'obtenir la suppression d'un point de
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 335
sa croyance; elle a été inflexible. Lorsque Hen-
ri VIII prétendit faire plier à ses caprices la loi de
l'indissolubilité du mariage, menaçant d'arracher
l'Angleterre à la foi de l'Eglise, que répondirent les
Papes ?« Non possumus, nous ne le pouvons pas. »
D'illustres Docteurs, égarés par l'orgueil, blessent
la vérité dans leurs écrits. Sans tenir compte de
leurs talents et de leur renommée, l'Eglise, si ses
remontrances maternelles ne sont point écoutées,
les retranche de son sein. Elle est si éloignée de
toute transaction en matière de foi, qu'elle a laissé
une grande partie de l'Orient se séparer de l'unité
plutôt que de sacrifier un seul mot du Symbole.
Dans ces derniers temps, Napoléon en face de
Pie VII à Fontainebleau, le czar Nicolas en face de
Grégoire XVI au Vatican, n'ont- ils pas senti que tout
le prestige de la puissance terrestre s'évanouissait
en présence du Vicaire de Jésus-Christ?
L'Eglise n'a souffert de modification que dans sa
discipline. Les lois de ce genre n'ont pas un carac-
tère fixe, mais variable. Il était de sa sagesse de les
accommoder aux besoins du temps et au plus
grand bien de ses enfants. C'est ainsi que pour de
justes raisons, elle a diminué le nombre des jours
de fêtes, adouci la rigueur du carême et des lois
de l'abstinence. Mais quant à la doctrine dont Jé-
sus-Christ lui a confié le dépôt, elle n'en a rien
retranché, elle n'y a rien ajouté.
Si, dans la suite des siècles, elle précise cer-
tains points non encore définis, comme elle l'a fait
336 divinité de l'église
en 1 854 pour Je dogme de l'Immaculée Conception,
ce n'est point un dogme nouveau qu'elle crée, mais
une vérité ancienne qu'elle place dans un plus
grand jour. C'est toujours l'enseignement de Jésus-
Christ et des apôtres qu'elle nous propose. Elle
répute comme une nouveauté et rejette avec hor-
reur toute doctrine qui ne dérive pas de cette
source.
Ainsi l'unité de l'Eglise marche de pair avec sa
perpétuité, d'où résulte, encore une fois, la preuve
évidente de sa divinité.
7. Une autre circonstance de cette perpétuité
de l'Eglise, qui en rehausse de plus en plus le pro-
dige, c'est qu'elle a été non-seulement prédite,
mais promise par Jésus-Christ, a Tu es Pierre, et
sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les forces
de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle. Tu es
Petrus, et super hanc petram aBdificabo Ecclesiam
me.im et portas inferi non praevalebunt adversus
eam » [Matth xvi).
Mémorables paroles qu'on lit au haut de la cou-
pole de Saint-Pierre à Rome et au dessus de son
tombeau, comme pour rapprocher la prophétie de
son accomplissement, montrer l'une et l'autre à
tous les regards, et par là donner une démonstra-
tion sensible de la divinité de l'Eglise.
Jésus-Christ ,en tes adressant au pêcheur de Ga-
lilée, n'a-t-il pas pris tous les siècles à témoin d'un
fait que Dieu seul pouvait accomplir? Quoi! un
pauvre batelier qui ne connaissait d'abord que sa
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 337
barque et ses filets, va s'établir dans la capitale du
monde païen, et là, sous l'œil jaloux des Césars, il
fixe le siège d'une religion qui prêche un Dieu
crucifié et qui crucifie elle-même toutes les pas-
sions ; il fonde un empire qui s'étend dans le monde
entier et assujettit a la foi des hommes de toute
langue, de toute tribu, de toute nalion ; il opère
cette vaste conquête par la seule puissance de la
croix; il lègue sa puissance a ses successeurs qui
depuis plus de dix-huit siècles la maintiennent par
le même moyen, sans que ni les persécutions, ni
les hérésies, ni les schismes, ni les révolutions, ni
les scandales aient jamais pu l'ébranler ; et un tel
fait, contraire à toutes les lois de la nature, ne serait
pas l'œuvre de Dieu ? Ah I il faut être aveugle pour
en douter. Quel est donc Celui qui commande aux
siècles et à qui les siècles obéissent, si ce n'est
Dieu?
8. Remarquons ici combien cette perpétuité de
l'Eglise, toujours une et invariable, est facile à
constater.
Nous l'avons déjà dit : s'il fallait pour cela de
longues et difficiles recherches, les simples et les
ignorants ne pourraient s'en assurer.
Or, Dieu a voulu que la connaissance des ca-
ractères divins de l'Eglise fût à la portée de tous,
si bien que tous pussent les saisir, dès qu'on les
leur fait remarquer.
Comment donc pouvons-nous nous assurer de
SYMB. II. 29
338 DIVINITÉ DE L'ÉGLISE
la perpétuité de l'Eglise? De la même manière que
nous nous assurons de l'existence d'une ville loin-
taine que nous n'avons jamais vue ou d'un fait his-
torique quelconque.
Vous ne cloutez nullement de l'existence de Pé-
kin ou de Constantinople, parce que c'est là un
fait de notoriété publique, attesté par une foule de
témoins oculaires, dont la sincérité ne saurait vous
être suspecte. Vous ne doutez pas non plus que
Charlemagne, par exemple, ait régné sur nos con-
trées, qu'Henri IV et Louis XIV aient été rois de
France. Leurs contemporains ont transmis leurs
noms et leur gloire à la postérité. Nous avons foi
dans leur témoignage. Il faudrait être insensé pour
le rejeter.
Eh bien ! c'est en vertu de témoignages égale-
ment irrécusables que nous croyons a l'ancienneté,
à la perpétuité, à l'unité de l'Eglise.
Les millions d'hommes qui la composent s'ac-
cordent unanimement à reconnaître Jésus-Christ
pour son fondateur. Parmi eux, un grand nombre
sont distingués par leur science ef leur sainteté.
Appuyés sur des monuments qui remontent à la
plus haute antiquité, ils attestent que de Pie IX
qui occupe aujourd'hui si glorieusement le Saint-
Siège, on remonte par une succession non inter-
rompue au Pape qui a sacré Napoléon au com-
mencement de ce siècle , à celui qui couronna
Charlemagne empereur, à celui qui reçut le grand
Constantin dans le sein de l'Eglise, enfin à saint
Pierre qui mourut sous Néron.
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 339
Les catacombes où se réunissaient les premiers
chrétiens, dans les temps de persécution, existent
encore ; tous les savants reconnaissent qu'elles da-
tent des premiers siècles de l'Eglise.
Enfin, l'histoire entière nous fournit la preuve
de la perpétuité de l'Eglise ; l'Eglise se trouve mê-
lée à tous les événements dont l'histoire nous a
conservé la mémoire.
C'est aussi cette succession, cette durée perpé-
tuelle que nulle hérésie, nulle secte, nulle autre
société que la seule Eglise de Dieu n'a pu se donner.
Les fausses religions ont pu imiter l'Eglise en beau-
coup de choses ; mais quelles qu'aient été leurs pré-
tentions, elles n'ont jamais pu prouver leur origine
de Jésus-Christ, tandis que l'Eglise nous ramène à
lui par la chaîne non interrompue de ses pontifes,
d'où, en reprenant ceux de l'ancienne loi, on va
jusqu'à Aaron et jusqu'à Moïse ; de là jusqu'aux
Patriarches et jusqu'au commencement du monde.
Quelle plus grande autorité par conséquent que
celle de l'Eglise qui réunit en elle-même toute l'au-
torité des siècles passés et les anciennes traditions
du genre humain jusqu'à sa première origine !
9. Mais si l'Eglise nous offre, par sa durée dans
le passé, les marques de sa divinité, son état pré-
sent n'en porte pas moins la preuve.
Il y a toujours en elle quelque chose d'actuel,
qui n'appartient qu'à elle seule et qui est un signe
manifeste de cette divinité.
L'Eglise n'est pas seulement perpétuelle, elle
340 DIVINITÉ DE L'EGLISE
est encore universelle. Son universalité jointe à
son unité et à sa perpétuité, voilà, comme nous
l'avons déjà remarqué, ce qui lui a fait donner à
juste titre le nom de catholique.
L'universalité de l'Eglise consiste en ce que,
destinée à enseigner toutes les nations, elle remplit
sa mission dans le monde avec un succès divin.
Vous trouvez réunis dans son sein une multitude
presque innombrable d'hommes de tout pays et de
toute langue.
L'Eglise n'est point resserrée dans les limites
d'un état ou d'une province: son unité embrasse
tous les peuples. Elle couvre de ses rameaux bien-
faisants le nord et le midi, l'orient et l'occident.
Elle annonce l'Evangile dans les deux hémisphè-
res, sous les feux de l'équateur et sous les glaces
du pôle, chez les peuples civilisés et chez les bar-
bares et jusque dans les îles lointaines perdues au
milieu de l'océan.
C'est là un fait éclatant comme le jour, un fait
palpable, que la plus insigne mauvaise foi ne sau-
rait contester. Aussi ce n'est pas l'Eglise seulement
qui se dit catholique, mais tous les siècles lui ont
donné ce nom, et ses ennemis mêmes, après avoir
tenté, mais en vain, de l'usurper, se virent toujours
obligés de le lui rendre avec tout le monde.
Or, cette universalité de l'Eglise, qui est le pro-
longement et la confirmation de sa perpétuité, voi-
1 1 un de ses caractères dont nous sommes témoins
et qui nous atteste sa divinité, à l'instant même où
je vous parle.
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 341
Il ii\ippartient qu'à elle. En dehors de son sein,
aucune autre société religieuse ne réunit tous les
peuples dans une même foi, sous un seul et même
chef.
Ce n'est pas le protestantisme. On connaît l'épo-
que précise de son apparition ; elle ne remonte pas
à quatre siècles ; puis, dans chaque pays où il
compte des sectateurs, il est soumis à la puissance
civile, ii ne subsiste qu'à la condition d'être une
église nationale ; il renie donc le caractère même
de la vérité religieuse, la catholicité, et sa condi-
tion essentielle, qui est la distinction de la puissan-
ce ecclésiastique d'avec la puissance civile.
Ce que nous venons de dire du protestantisme,
s'applique au schisme grec ; c'est aussi un schis-
me national, renfermé dans les bornes d'un seul
empire.
Parlerons - nous du mahométisme? Il n'a pas
même l'idée de l'universalité ni dans les temps ni
dans les lieux, puisqu'il n'est qu'un culte de race,
qui n'a jamais connu d'autre apostolat que celui du
glaive. C'est par la conquête et par la force qu'il
s'est établi.
Nulle part, hors de l'Eglise, on ne voit l'ombre
d'une autorité enseignante universelle qui s'affirme
divine. Nulle part, on ne rencontre la Mère qui
tend les bras à tous les peuples pour les attirer à
Dieu. Le monde a-t-il jamais entendu parler d'au-
tres missionnaires de la foi que de ceux de l'Eglise?
Il est vrai que l'Angleterre protestante a songé en-
SYMB. II. 29*
342 divinité de l'église
fin à fonder des sociétés et à envoyer partout des
colporteurs pour répandre ses bibles. L'Eglise,
elle, ne se contente pas de répandre des livres
pour convertir les peuples ; elle leur donne sa pa-
role et son sang, et c'est ainsi qu'elle a fondé le
règne de la catholicité dans le monde.
10. Et voyez comment, à ce signe, sa divinité
brille du plus vif éclat.
Jamais puissance humaine n'est parvenue à un
résultat semblable, « Le nationalisme caractérise
toutes les sectes ; les plus puissants des faux cultes
n'ont jamais été que des cultes de race; et les plus
grandes philosophies que des écoles dont les maî-
tres ont rarement formé deux disciples qui fussent
d'accord. » Mais voici l'Eglise qui unit dans la mê-
me foi des hommes de toute science, de toute na-
tion, de tous les siècles ! Qu'il y ait des savants
incrédules, qui s'en étonnera? Le doute, l'obscu-
rité, la négation, la suffisance, sont naturels à
l'esprit de l'homme déchu ; mais que des génies du
premier ordre, depuis les Origène, les Augustin,
les Chrysostôme, jusqu'aux Bossuet et aux Féne-
lon, s'accordent dans la soumission à la même foi,
et cela malgré les variations des siècles et des
hommes, cène peut être que l'œuvre divine de la
grâce et de la vérité : « DisitusDei est hic. » [Exod.
VIII.)
Ce que je dis de l'unité de doctrine, je le dis
aussi de l'unité sociale : l'Eglise catholique est
manifestement une œuvre divine, considérée com-
PROUVÉE PAR SA CATHOLICITÉ. 343
me société soumise à un seul chef. C'est à grand'-
peine que les maîtres des plus grands empires,
appuyés sur des légions de soldats, maintiennent
leur autorité dans un seul état. Et voici que l'Egli-
se, sans armes, sans autre force que sa parole,
reste seule debout au milieu des ruines de tous
les autres empires et se fait obéir, de siècle en
siècle , par la grande famille des nations qu'on
appelle la chrétienté, peuple spirituel et universel,
qui a des enfants dans les deux hémisphères, mê-
me au milieu des royaumes soumis à des puissan-
ces persécutrices.
Voilà certes un fait dont on ne peut trouver les
causes sur la terre. Dieu seul peut en être l'auteur.
CONCLUSION.
11. Quelle consolation pour nous, enfants de
Dieu, de voir cette Eglise qui nous a engendrés à
la foi, resplendir de l'éclat divin de la catholicité !
Avec quel amour ne devons-nous pas nous attacher
à cette Mère que Dieu nous a donnée pour nous
instruire et nous diriger dans les voies du salut !
Avec quel profond sentiment de bonheur ne de-
vons-nous pas remercier le Seigneur de nous avoir
fait naître dans son sein !
0 Sainte Eglise! quand je considère ce caractère
d'unité, de perpétuité, d'universalité qui vous est
propre et qu'aucune secte ne peut vous disputer,
je sens au fond de mon ame une joie indicible de
344 DIVINITÉ DE L'ÉGLISE, ETC.
posséder en vous la vérité ! Oui, si Dieu a daigné
parler au genre humain, et lui enseigner le moyen
de le servir, il l'a fait dès l'origine, et sa parole n'a
pu éprouver ni variation, ni altération ; la vérité
est une et immuable, une et la même dans tous les
temps, une et la même pour tous les lieux : et c'est
en vous seule, ô Eglise catholique, que je vois son
organe : car vous seule possédez la perpétuité,
vous seule êtes l'héritière légitime de l'ancien Tes-
tament en Jésus-Christ votre fondateur, et vous
seule remontez par lui au berceau du monde; vous
seule aussi conservez immuablement le dépôt des
révélations divines, confié d'abord aux patriarches
et au peuple hébreu, puis enrichi et complété par
Jésus-Christ : vous seule enfin étendez votre solli-
citude maternelle sur tous les peuples ; en un mot,
vous seul êtes Catholique !
Je vous dirai donc avec un de vos plus illustres
Docteurs, avec le grand Augustin : « Tenet me in
Ecclesiae gremio ipsum Catholicae nomen. » Oui,
votre seul nom de Catholique suffît pour me tenir
inviolablement attaché à votre sein: il est le ca-
chet de la vérité ; il est le sceau de Dieu ; il est le
signe irréfragable de votre divinité. Je crois tout
ce que vous me proposez à croire, car c'est Dieu
même qui l'a dit et révélé, et je veux persévérer
dans cette foi jusqu'à mon dernier soupir.
NOTE 345
NOTE.
Teriullianus de Prœscriptionibus adversus Hœretkos,
cap. 20...
Apostoli. . primo per Judseam contestatâ fide in Jesum
Christum, et Ecclesiis institutis, dehinc in orbem profecti,
eamdem doctrinam ejusdem fidei nationibus promulgave-
runt, et proindè Ecclesias apud unamquamque civitatem
condiderunt, a quibus traducem fidei et semina doctringe,
creterae exinde Ecclesiœ mutuatae sunt, et quotidiè mu-
tuantur, ut Ecclesiae fiant. Ac per hoc et ipse Apostolicse
deputantur, ut soboles Apostolicarum Ecclesiarum. Omne
genus ad originem suam censeatur necesse est. Itaque tôt
actantae Ecclesiee, una est illa ab Apostolis prima, ex quâ
omnes. Sic omnes prima, et Apostolicae, dum una omnes
probant unitatem : dum est iliis communicatio pacis, et
appellatio fraternitatis, et contesseratio hospitalitatis, quee
jura non alia ratio régit, quam ejusdem sacramenti una
traditio.
Age jam qui voles curiositatem melius exercere in nego-
cio salutis tuae, percurre Ecclesias Apostolicas, apud quas
ipse adhuc cathedra? Apostolorum suis locis pra?sident,
apud quas ipsœ authenticœ littéral eorum recitantur, so-
nantes vocem et représentantes faciem uniuscujusque...
Félix Ecclesia, cui lotam doctrinam Apostoli cum san-
guine suo profuderunl; ubi Petrus passioni dominicae
346 NOTE.
adaequatur; ubi Paulus Joannis exitu coronatur, ubi Apos-
tolus Joannes, posteaquam in oleura igneum deinersus,
nihil passus est, in insulam relegatur...
Legem et Prophetas cum Evangelicis, et Apostolicis
litteris miscet, et inde portât fidem : eam aqua signât,
sancto spiritu vestit, Eucharistia pascit. ad martyrium
exhortatur , et ita adversus banc institutionem neminem
recipit.
divinité de l'église, etc. 34k
VIIIe INSTRUCTION.
DIVINITÉ DE LÉGLISE PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ.
EXORDE.
1 . Le Symbole des apôtres nous a appris à con-
fesser la sainte Eglise catholique. Credo sanctam
Ecclesiam catholicam.
Dans le dernier entretien, nous n'avons expliqué
que cette parole : Je crois l'Eglise catholique.
Nous y avons déjà trouvé une preuve irréfra-
gable de la divinité de l'Eglise.
En effet, par son caractère de catholicité, qui
est celui de la vérité même essentiellement une
en tout temps et en tout lieu, l'Eglise nous apparaît
comme l'organe de Dieu qui est un, qui ne change
pas, et qui est toujours le même.
Elle répond ainsi d'une manière divine à ce
besoin que nous éprouvons tous de trouver sur la
terre une autorité qui nous instruise au nom de
Dieu des choses de la religion et du salut.
Je vous ai fait remarquer combien ce caractère
de catholicité est facile à constater. D'abord, pour
le passé, quel fait historique est attesté par des
témoignages plus imposants que celui de la per-
348 D1VIMTÉ DE l'église
pétuité de l'Eglise ? Il est mêlé à tous les événe-
ments de l'histoire, et il en est inséparable, de
telle sorte que pour contester la catholicité de
l'Eglise dans la succession des âges, il faut révo-
quer en doute toute l'histoire elle-même.
Quant au présent, cette catholicité est palpable
en quelque sorte. Quel homme ignore que l'Eglise
catholique est universellement répandue dans les
cinq parties du monde, qu'elle compte un grand
nombre de membres dans toutes les contrées de
la terre, et qu'elle l'emporte sur toutes les sectes
hérétiques et schismatiques?
Or, que l'Eglise renferme dans son sein une si
grande multitude d'hommes séparés par le climat,
par l'éducation, par les idées et les mœurs, c'est
là un fait qui ne peut s'expliquer humainement et
qui manifeste à l'évidence la divinité de l'Eglise.
Dieu seul, et nulle puissance humaine, a pu réunir
des esprits si divers et si opposés dans cette mer-
veilleuse unité de foi qui est le propre de l'Eglise.
Voilà où nous a conduit la considération de sa
catholicité.
2. Mais l'Eglise catholique est un corps vivant et
animé. Sa foi se manifeste par ses œuvres. Puisque
l'Esprit de Dieu vit en elle, il doit y opérer des
effets qu'on ne puisse attribuer qu'à lui.
11 doit ainsi y avoir dans la vie de l'Eglise quelque
chose de surhumain, quelque chose que les seules
forces de la nature ne sauraient produire; un ca-
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 349
ractère enfin de sainteté auquel on ne puisse mé-
connaître l'action divine.
C'est cet antre caractère que le Symbole nous
indique, en l'appelant sainte. '
Montrons donc, dans cet entretien, qu'à ce
nouveau signe, il faut de nouveau confesser la
divinité de l'Eglise. Nous verrons 1°que l'Eglise
seule possède une doctrine sainte ; 2° qu'elle pro-
duit efficacement la sainteté.
Par sa catholicité, l'Eglise se révèle comme
l'œuvre de Dieu à nos intelligences ; par sa sain-
teté, c'est surtout à nos cœurs qu'elle s'adresse.
Esprit-Saint, daignez les purifier, afin que nous
puissions contempler dans toute sa beauté cette
nouvelle empreinte de votre divinité dans l'Eglise.
PREMIER POINT.
3. Prévenons d'abord une difficulté qu'on en-
tend faire assez souvent.
Comment, dira-t-on, pouvez-vous donner le
nom de sainte à l'Eglise, tandis qu'un si grand
nombre de ses membres sont loin d'être saints, et
que d'un autre côté on rencontre dans les autres
cultes un bon nombre de gens honnêtes et ver-
tueux ?
Que l'on rencontre dans les fausses religions bon
nombre de gens honnêtes, et même vertueux sous
quelque rapport, cela est vrai. Toutefois qu'on y
rencontre des saints, des justes dans toute la force
SYMB. H. 30
350 divinité de l'église
du terme, c'est-à-dire, des hommes qui s'acquittent
parfaitement de leurs devoirs envers Dieu, envers
le prochain et envers eux-mêmes, nous verrons,
dans la suite de cet entretien, que cela n'est pas.
Voilà pour ceux qui sont hors de l'Eglise.
Pour ceux qui en sont membres, il faut convenir
qu'en effet un certain nombre d'entre eux ne vivent
pas d'une manière conforme à la foi, qu'ils désho-
norent par leur conduite la sainteté de leur pro-
fession.
Aussi, quand nous disons que l'Eglise est sainte,
quand nous disons que la société religieuse divi-
nement établie sur la terre, doit se reconnaître et
se reconnaît en effet à son caractère de sainteté,
nous ne voulons pas dire qu'il est nécessaire que
tous ses membres soient saints. Nous l'appelons
sainte , et elle est manifestement sainte , non-
seulement dans celui qui est son auteur, mais dans
sa doctrine et un certain nombre de ses membres.
Semblable à un arbre qui prouve ses profondes
racines par la puissance de sa végétation, sans que
des branches brisées, et par là, languissantes et
desséchées, puissent faire douter de sa sève,
l'Eglise, dont tous les enfants ne sont pas fidèles,
prouve la divinité de sa sève, par sa doctrine et
ses institutions pleines de grâces et par les grands
exemples et les vertus surnaturelles d'une multi-
tude de chrétiens. Elle est animée d'une vie si di-
vine, qu'il suffit d'y participer par la pratique des
devoirs religieux, pour en être intimement con-
vaincu.
PROUVÉE PAR SA SALNTETÉ. 354
Voilà donc ce que nous disons : la vraie religion,
la société établie de Dieu sur la terre, est celle
qui fait reconnaître son auteur par la présence
et l'efficacité de l'Esprit-Saint, toujours vivant en
elle.
4. Mais j'entends soulever une autre difficulté.
La sainteté, me dit-on, dont vous voulez faire
un signe distinctif de la vraie religion, qui pourra
nous dire où elle se trouve ?
Sainte Thérèse a résolu cette difficulté. Le
monde, tout méchant qu'il est, sait très-bien dis-
cerner, d t-elle, le défaut de sainteté. Il a un
instinct très-sùr qui lui apprend ce qu'elle doit
être.
Si vous voulez voir combien cette sainte avait
raison, examinez ce qui se passe dans le monde.
Quand il arrive qu'une personne fait profession de
vertu, n'est-il pas vrai que si on découvre en elle
quelque motif humain, comme l'intérêt, l'ambition,
la vanité, on sait bien dire que ce n'est là qu'une
vertu fausse? Le monde sait donc parfaitement,
sans qu'il s'en rende compte, ce qui empêche d'être
saint et ce qui est requis pour l'être. Il sait qu'il
n'y a pas de sainteté où il n'y a pas de pureté et
de détachement. Il sait que les œuvres saintes sont
celles qui sont faites non pour un motif terrestre,
mais par amour pour Dieu.
5. Cela posé, nous disons qu'il est facile de
reconnaître la sainteté dans l'Eglise de Dieu. Cette
352 DIVINITÉ DE L ÉGLISE
sainteté réside 1° dans sa doctrine, 2° dans son
culte et sa vie.
Qu'est-ce qu'une doctrine sainte?
Ce que la vérité est dans les pensées, la sain-
teté l'est dans les affections et la vie ; c'est la
vérité pour le cœur. Une doctrine sainte est donc
celle qui prescrit d'aimer ce qui est véritablement
aimable, et qu'y a-t-il de souverainement aimable,
si ce n'est Dieu ?
« Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de
toute ton âme et de toutes tes forces. C'est là le
premier et le plus grand commandement. Diliges
Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et in tota
anima tua, et in tota mente tua. Hoc est maximum
et primum mandatum. » [Matth. xxh).
ce II en est un second, semblable au premier :
Vous aimerez votre prochain comme vous-même.
Et dans ces deux commandements sont renfermés
toute la loi et les prophètes. Secundum autem
simile est huic : Diliges proximum tuum, sicut
teipsum; in his duobus mandatis universa lex pen-
det, et prophetae. •» (Ibid.)
La sainteté consiste radicalement dans l'amour
de Dieu. Celui qui n'aime-pas Dieu ne saurait être
saint ; ses affections manquent de justice. Pour
être juste, ne faut-il pas rendre à chacun ce qui
lui est dû? Or, est-ce rendre à Dieu ce qui lui est
dû, que de lui refuser notre cœur?
Il faut donc bien comprendre tout ce qu'il y a de
vain et de faux dans la prétention de constituer la
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 353
vraie justice sans l'amour de Dieu. Il faut bien
comprendre tout ce qu'il y a de vain et de faux
dans cette maxime : qu'on peut être honnête
et intègre sans religion. L'honnêteté et l'inté-
grité de la vie se trouvent dans l'accomplisse-
ment des devoirs, et une vie sans amour divin
n'est-elle pas la violation du premier des devoirs?
« Je sais, dit Dieu à ces hommes qui se piquent
d'être justes sans religion, je sais quelles sont vos
œuvres, vous avez le nom de vivants, mais vous
êtes des morts. »
Ainsi, comme nous le disions en commençant,
les vertus que l'on rencontre en dehors de la vraie
religion sont des vertus imparfaites et insuffisantes
pour fonder la véritable justice ou la sainteté.
Il faut bien comprendre encore que la seule
vraie religion est celle qui nous oblige d'aimer
Dieu par-dessus toutes choses et qui nous le fait
chercher, comme Ja fin, comme le but même de
notre vie.
Il faut comprendre qu'on n'aime rien, même
sur la terre, d'un véritable amour, quand on
n'aime pas dans l'homme l'enfant de Dieu. On a
beau faire retentir les grands noms de fraternité,
d'humanité, de philanthropie; sans l'amour de
Dieu, l'amour qu'on a pour les hommes est faux ou
imparfait.
Et ce n'est pas seulement l'amour du prochain
qui n'est pas véritable sans l'amour de Dieu, c'est
encore l'amour que nous nous devons à nous-
354 DIVINITE DE L ÉGLISE
mêmes. Nul ne s'aime véritablement s'il n'aime pas
Dieu, car en n'aimant pas Dieu, il préfère ses
passions au souverain bien. Aussi, est-ce au sacri-
fice des passions, au renoncement à soi-même, que
l'homme le moins saint reconnaît la sainteté dans
les autres.
11 n'y a donc de doctrine vraiment sainte que
celle qui prescrit à l'homme l'amour de Dieu, l'at-
tachement a Dieu et le détachement de tout ce qui
n'est pas conforme à sa volonté.
6. Or, que voyons-nous dans les doctrines étran-
gères à celles de l'Eglise ?
Elles ont parlé de Dieu, sans doute, mais au-
cune n'a pensé à prescrire l'amour de Dieu, aucune
ne l'a osé, et rien n'est si vrai que la réflexion de
Pascal, a La vraie religion, dit-il, doit avoir pour
marque d'obliger à aimer Dieu ; cela est bien
juste, et cependant aucune autre que la nôtre ne
l'a ordonné. Elle doit encore avoir connu la concu-
piscence de l'homme et l'impuissance où il est par
lui-même d'acquérir la vertu. Elle doit y avoir
apporté des remèdes, dont la prière est le prin-
cipal. Notre religion a fait tout cela, nulle autre
n'a jamais demandé à Dieu de l'aimer et de le
suivre! Il faut, pour qu'une religion soit vraie,
qu'elle ait connu notre nature, la grandeur et la
bassesse de l'homme, et la raison de l'une et de
l'autre. Quelle autre religion que la nôtre a connu
toutes ces choses?» (Pensées, chap. vu.)
PROUVÉE PAK SA SAINTETÉ. 355
7. Mais est-il vrai, qu'à l'exception de PEglise
catholique, aucune autre n'ait demandé à Dieu de
l'aimer et de le suivre ?
Hélas! il n'est que trop vrai, comme vous allez
le voir.
Parlerons-nous des matérialistes? Mais comment
pourrait-il être question de sainteté et d'amour de
Dieu chez ceux qui ne veulent voir dans l'homme
qu'une vie purement animale?
Les panthéistes, ces nouveaux idolâtres, sont-ils
plus sages? Non, le fond de leurs doctrines, c'est
ie culte du monde. Les païens, au témoignage de
saint Paul, ont connu Dieu, mais ils ne l'ont pas
glorifié comme tel, et ils ont préféré adorer la
créature, plutôt que le Créateur. Les panthéistes,
eux, sont encore plus coupables, car ils n'oublient
pas seulement le culte qui est du à Dieu, mais ils
confondent Dieu et le monde. C'est la pire des
idolâtries, un véritable athéisme déguisé, qui nie
la personnalité de Dieu et renverse ainsi toute idée
de religion, de loi, de justice, de récompense et cle
châtiment de la part du souverain maître. En ne
distinguant pas Dieu de la nature, le panthéiste se
fait Dieu lui-même, et se contemple nécessaire-
ment comme le plus noble membre de sa mon-
strueuse divinité.
Est-ce là de la sainteté? N'en est-ce pas au con-
traire l'exclusion la plus formelle?
La religion de Mahomet n'est pas non plus le
culte de l'amour divin ; il n'a pas l'ombre de la
356 divinité de l'église
sainteté. 11 oblige si peu à soumettre la concupis-
cence à l'amour de Dieu, qu'il aspire à souiller la
béatitude éternelle par d'infâmes voluptés. Le
paradis de Mahomet n'est qu'un lieu de débauche.
8. Passons au protestantisme. Nous avons déjà
dit que le fond de la doctrine protestante consiste
à prétendre que la foi seule justifie sans les œuvres.
Elle voudrait nous faire croire que nous serons
sauvés par la foi aux mérites de Jésus-Christ sans
notre coopération.
Loin de prêcher l'obligation essentielle d'aimer
Dieu en esprit et en vérité, et de demander à Dieu
cet amour pour le servir, les fondateurs du pro-
testantisme nient absolument la nécessité des
bonnes œuvres pour le salut, a Vois combien est
riche l'homme chrétien, dit Luther, quand il vou-
drait, il ne peut perdre son salut par aucun péché,
si ce n'est qu'il veuille ne pas croire, car si nous
exceptons les péchés opposés à la foi, aucun ne
peut l'exclure du salut. Quand la foi retourne aux
promesses du Baptême, ou quand elle ne s'en est
point écartée, tous les péchés sont absorbés en un
instant par cette même foi, ou plutôt par la véra-
cité divine, car Dieu ne peut se nier lui-même,
lorsque tu t'abandonnes avec confiance en ses
promesses. Le repentir et la confession des péchés,
la satisfaction et toutes ces œuvres inventées par
les hommes, tout cela t'abandonnera bientôt, te
rendra malheureux, si, oubliant la véracité divine,
tu te reposes sur ces vaines pratiques de la super-
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 357
stition humaine. Vanité des vanités, affliction de
l'esprit et du cœur est tout ce qui se fait hors de
la foi en la véracité divine. » — Le misérable
écrivait ce qui suit de Wartbourg à son ami Mé-
lanchton en 1 521 : « Sois pécheur et pèche forte-
ment : Esto peccator et pecca fortiter. Mais plus
fortement encore, crois et te réjouis en Jésus-Christ
le vainqueur du péché, de la mort et du monde.
Nous devons pécher tant que nous sommes ici-bas :
Peccandum est quamdiu hic sumus : cette vie n'est
pas la demeure de la justice, mais nous attendons,
dit saint Pierre, de nouveaux cieux et une nouvelle
terre où la justice fait son séjour. Il suffît que par
les richesses de la gloire de Dieu, nous connaissions
l'Agneau qui enlève les péchés du monde. Dès lors
le péché ne peut plus nous arracher de Jésus-
Christ, quand en un jour nous commettrions cent
mille meurtres, cent mille adultères ! Etiamsi mil-
lies mil lies uno die fornicemur aut occidamus ! »
Vous voyez donc clairement que la doctrine
protestante ne prescrit pas la fuite du péché,
comme condition nécessaire du salut, et par con-
séquent qu'elle ne fait pas un commandement de
l'amour de Dieu. Elle dit au contraire que cet
amour est de l'autre vie, et que la foi seule est
nécessaire en celle-ci.
Voilà ce qu'ont prêché les fondateurs du pro-
testantisme, ce qui est formulé dans ses symboles,
et ce que soutiennent encore les protestants de
nos jours qui sont restés fidèles aux leçons primi-
tives de Luther et de Calvin.
358 divinité de l'église
Nous ne parlons pas ici des autres qui ont modi-
fié leur croyance. Nous ne parlons pas non plus
de ceux qui, par une heureuse inconséquence,
sont meilleurs que leur doctrine. Nous savons qu'il
en est une foule qui font plus de cas des bonnes
œuvres en pratique qu'en spéculation, comme il
en est une foule qui sont de bonne foi dans les
sectes où ils sont nés, parce qu'ils en ignorent
l'origine et qu'ils n'ont pas été à même de voir et
d'entendre l'Eglise catholique.
Mais ce n'est pas de cela qu'il est ici question.
Nous avons promis de prouver que la doctrine
protestante, la prétendue réforme, n'a pas même
l'ombre de sainteté : et cela est évident à qui con-
sidère ce qu'elle enseigne sur la grâce, la foi et les
bonnes œuvres en général.
9. La doctrine réformée a-t-elle mieux traité les
vertus en particulier?
Hélas ! non. N'a-t-il pas commencé au contraire
par flétrir les trois plus belles fleurs du jardin de
l'Eglise : l'humilité, la virginité et la sainteté du
mariage?
Oui, il a flétri l'humilité, en donnant à chaque
individu le droit de juger des matières de foi, avec
la promesse de l'infaillibilité qu'il refusait à l'Eglise.
Il a flétri la sainteté du mariage, en refusant de
le reconnaître pour l'un des sacrements de la loi
nouvelle, et en brisant son indissolubilité et son
unité.
Il a flétri la virginité enfin, en niant sa préé-
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ 359
minence sur le mariage, en profanant les monas-
tères des vierges consacrées à Dieu, en arrachant
à la société les anges consolateurs de toutes les
infirmités et de toutes les douleurs.
En affirmant que la foi seule justifie, le protes-
tantisme a aussi desséché les sources de la prière.
Le protestant, qui croit n'avoir besoin que de la
foi pour être sauvé, ne se met guère en peine de
solliciter la grâce pour résister b ses mauvais
penchants, pratiquer la vertu, observer les com-
mandements. Aussi y a-t-il sous ce rapport une
différence frappante entre les pays protestants et
catholiques.
10. Le protestantisme ne peut donc revendi-
quer la sainteté. Voyons si le déisme y est plus
favorable.
Le déisme est la religion de ceux qui se conten-
tent de croire en Dieu et de ne faire tort à person-
ne, et qui, après cela, rejettent les mystères du
christianisme avec les devoirs qu'il impose.
Pour prouver à un déiste, à un partisan de cette
religion qu'on appelle la religion de l'honnête hom-
me, que sa doctrine n'est pas sainte, je le citerais
au tribunal de sa conscience et je lui dirais :
«Vous savez bien que vous n'êtes pas fidèle au
droit de la nature : la raison naturelle veut que les
passions la servent au lieu de lui commander. Votre
raison exerce-t-elle chez vous son empire? Dites
oui, si vous l'osez. N'y a-t-il donc pas deux hom-
mes en vous, comme en nous, et ne seriez -vous pas
360 divinité de l'église
de l'espèce humaine? N'avouez-vous pas ce qu'a-
vouait saint Paul : Je ne fais pas le bien que je veux,
et je fais le mal que je hais? Si vous êtes sourd à
ce gémissement intérieur, ètes-vous de bonne foi?
Et si vous l'écoutez, sans y répondre, sans cher-
cher votre délivrance, n'étouffez-vous pas le cri de
votre conscience? Ne reconnaissez-vous pas que
la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est
dû? non-seulement à votre prochain, mais à vous-
même et à Dieu? Je veux bien que vous soyez juste
envers votre prochain et que vous ne lui deviez
rien ; mais êtes-vous juste envers vous-même et
respectez-vous en vous la Majesté de l'image de
Dieu et l'empire de votre raison ? Respectez-vous
votre corps lui-même, ce tabernacle vivant d'une
âme immortelle? Et puis, êtes-vous juste envers
Dieu? Rendez-vous à Dieu ce qui lui est dû? Don-
nez-vous votre cœur à celui qui l'a fait? Craignez-
vous de l'offenser? Lui demandez-vous pardon de
vos fautes avec cette contrition qui brise et change
le cœur coupable? Connaissez-vous la prière? —
Soyez franc, avouez que non. Toutes ces choses
vous sont inconnues, parce que votre religion
d'honnête homme ne vous donne qu'une idée va-
gue de Dieu, et une idée arbitraire de vos devoirs
envers lui. Vous ne connaissez pas Jésus-Christ, et
cependant nul ne va au Père que par lui, nul ne
connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le
Fils l'aura révélé. »
Les honnêtes gens du déisme ont on effet perdu
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 361
le sentiment de la vraie justice, au point qu'ils ne
pensent pas se devoir a eux-mêmes le respect
qu'on appelle chasteté, et qu'ils ignorent absolu-
ment que l'amour envers Dieu est la plus grande et
la première dette de l'homme. De là, cette habi-
tude qu'ils ont de concentrer toute la loi dans le
second commandement :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même ;
commandement qu'ils ne comprennent pas mieux
qu'ils ne le pratiquent. Quant au premier :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
ils en font complètement abstraction. Pourvu qu'ils
aient payé leurs fournisseurs, ils affirment qu'ils
sont justes, qu'ils ne doivent plus rien à personne,
comme si Dieu n'était pas quelqu'un.
îl est donc bien vrai que la" prétendue religion
de l'honnête homme ne possède pas plus la sainteté
que les autres fausses religions, et que, en dehors
de l'Eglise, on n'a jamais vu ni entendu une doc-
trine vraiment sainte.
SECOND POINT.
\ 1 . Passons donc de la loi à son accomplis-
sement, et voyons si l'Eglise est en possession des
moyens de faire pratiquer cette doctrine, de la faire
passer dans la vie de ses membres.
362 divinité de l'église
Nous ne séparerons pas la cause de ses effets
dans l'examen de celte question.
Voyons donc s'il est de fait, et de fait incontes-
table pour les hommes de bonne foi, que cette
doctrine sainte que nous avons définie tout à
l'heure a été pratiquée dans l'Eglise? si l'Eglise est
visiblement sainte dans ses membres, si elle nous
offre dans sa vie un phénomène qu'on cherche vai-
nement ailleurs, et qui devient aussi une preuve
sensible de la présence d'une grâce qui n'appar-
tient qu'à la seule vraie religion?
Il en est ainsi assurément. Les fruits de sainteté
que produit l'Eglise sont partout.
Pas de pauvre village, pas d'humble hameau où
on ne les rencontre. Oui, jusque dans la vie ordi-
naire du commun des chrétiens, il y a quelque
chose d'évidemment surnaturel qui atteste en eux
la présence de l'esprit de grâce.
N'est-il pas vrai qu'une multitude de fidèles,
exposés comme tous les hommes aux assauts des
passions, conçoivent la résolution de les combat-
tre, emploient les moyens que Jésus-Christ leur a*
donnés pour lus vaincre, et remportent d'innom-
brables victoires?
Eh bien ! tout cela est surnaturel. La raison de
l'homme, lorsqu'elle est laissée à elle-même, n'est
jamais en guerre déclarée avec les passions de
l'homme. Elle transige avec elles, quand elle ne
leur obéit pas ; c'est la foi, c'est la crainte de Dieu,
c'est i'espérance des biens éternels, c'est l'amour
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 363
de Dieu surtout qui en triomphe. Mais, sont-ce là
des sentiments purement humains? Ne sont - ils
pas manifestement l'effet de la fidélité aux grâces
divines?
Mais, c'est surtout dans l'emploi du grand moyen
de la confession que se manifeste l'intervention di-
vine. Est-il naturel en effet de détester le péché
au point d'embrasser la confusion d'un aveu sin-
cère et complet pour en effacer la tache? Si ce
moyen est en harmonie avec ce qui nous reste de
droiture dans le cœur, ne faut-il pas convenir
pourtant qu'il est de beaucoup supérieur a nos
seules forces?
La chose est si évidente, que si l'un des maîtres
du monde, fùt-il le plus puissant des rois, prescri-
vait la confession, nul ne s'y croirait tenu, et tous
ne verraient dans cet ordre, que l'égarement de
la puissance.
Tout est divin dans la confession : la loi, l'ac-
complissement de la loi et ses étonnantes consé-
quences : la loi, qu'aucune puissance humaine
n'eût pu porter sans folie ; l'accomplissement de
la loi, que l'homme seul n'eût jamais observée; ses
étonnantes conséquences qui opèrent un tel chan-
gement dans le cœur qu'on peut bien l'appeler avec
saint Paul une nouvelle création.
Nous pourrions insister ici sur bien d'autres faits
encore qui attestent la vie surnaturelle d'une mul-
titude d'cimes; mais, qui les ignore? Qui n'a été
témoin mille fois d'actes les plus touchants de cha-
364 divinité de l'église
rite, de résignation, de douceur, et de patience,
dins toutes les classes de la société, dans toutes
les situations de la vie, et surtout à la mort où la
force de Jésus-Christ est souvent si visible? Qui
ne sait ou ne peut savoir que la prière et les sacre-
ments, mais surtout celui de l'Eucharistie, soutien-
nent seuls des être? faibles comme nous le sommes,
dans la pratique des vertus? Qui n'a pu comparer
souvent les chagrins des riches avec la paix des
chrétiens heureux dans la médiocrité, résignés
dans la pauvreté, soumis dans l'affliction? Que de
fois n'avons-nous pas admiré cette puissance de la
foi qui fait pleurer et bénir en même temps sous
une couronne d'épines?
1 2. Toutes ces preuves de la sainteté de l'Eglise,
ne sont tirées que de la vie ordinaire d'une multi-
tude de fidèles. Combien ces preuves ne grandi-
ront-elles pas, si nous considérons maintenant la
vie de ce grand nombre d'àmes qui sont vouées à
la perfection?
Cette vie de perfection est librement embrassée,
mais le choix qu'on en fait, est un acte surnaturel
de fidélité à la grâce de la vocation. Cette vocation
demande des sacrifices que la nature seule ne ferait
pas : c< Sors de ta patrie et de la maison de ton père,
et viens où je te montrerai. » Quand Dieu parle
ainsi, il veut qu'on quitte son père et sa mère pour
le suivre. Et que montre-t-il aux âmes qu'il ap-
pelle ? Des vieillards sans soutien à qui il faut tenir
lieu d'enfants ; des orphelins qui réclament une
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 365
mère ; des malades qui réclament les soins de la
charité ; des pauvres sans instruction qui de-
mandent des maîtres dévoués et désintéressés.
Que montre-t-il encore? Des sauvages à civiliser,
des pécheurs à convertir ; quelquefois enfin il
montre seulement une solitude, une sorte de tom-
beau, où il veut que l'âme aille s'enfermer pour y
faire pénitence et y prier, pour attirer sa miséri-
corde sur le monde.
Si la grâce est nécessaire à ces âmes d'élite pour
tout abandonner et commencer leur sacrifice, il
ne faut pas croire qu'elle le soit moins pour le
continuer. Que ceux-là qui n'ont point été touchés
du caractère de sainteté de l'Eglise, entrent dans
les sanctuaires de la charité et de la prière ; qu'ils
visitent les établissements des filles de Saint-Vin-
cent de Paul, les hôpitaux confiés aux sœurs de
charité ; les maisons d'enfants trouvés, les refuges
de repenties, les hospices d'aliénés, les écoles des
frères de la Doctrine chrétienne, les cloîtres de
saint François, de sainte Thérèse et de tant d'autres
saints Fondateurs d'ordres, et qu'ils nous disent si
l'on n'y respire pas un air de sainteté, et si tant
d'abnégation et de dévouement est le propre de
l'humanité abandonnée à sa faiblesse?
Jamais rien de pareil ne s'est vu hors de l'Eglise
catholique. Voilà les admirables fruits de la chas-
teté et de la sainte communion. Telles sont les deux
sources de la charité et de l'esprit de sacrifice.
SYMIi. 11. 31
366 divinité de l'église
13. Venons-en enfin aux saints proprement dits,
qui sont comme les héros parmi les braves.
Ils sont de tous les temps. Les derniers siècles
n'ont pas été moins féconds que les premiers.
Voyez ce François Xavier qui, renouvelant les pro-
diges des temps apostoliques, gagnait un monde
à Jésus-Christ, pendant que l'hérésie en gâtait un
autre. Ce François de Sales, dont la sagesse, la
pureté virginale, la douceur, la science, la piété
et la patience, ramenaient à l'Eglise soixante-dix
mille protestants ; ce Vincent de Paul, qui était par
son humble et héroïque charité, la personnification
si vive de l'amour de Jésus-Christ envers les
pauvres, que tous les cœurs compatissants cher-
chaient le sien pour être plus puissants en œuvres,
et que devenu ainsi le centre de tous, il nourris-
sait des provinces entières menacées de la famine,
sans oublier jamais, en aidant les corps, de guérir
et de sauver lésâmes; ce Charles Borromée, qui
vivait pauvre sous la pourpre, et qui répondait aux
sages qui l'engageaient pendant la peste de Milan
à se conserver pour son troupeau, et à ne pas se
livrer auprès des mourants à une mort presque
certaine : Je ne suis pas obligé de vivre, mais je
suis obligé d'accomplir mon devoir! ce Louis de
Gonzague, dont le nom reste sur la terre comme
la bonne odeur de Jésus-Christ pour attirer à la
vertu la jeunesse exposée aux cruelles séductions
du monde: cet Alphonse de Liguori dont le cœur
brûlant d'amour pour celui qui mourut afin d'être
PROUVÉE PAU SA SAINTETÉ. 367
aimé, s'est répandu en prières sur toutes les na-
tions de la terre, et continue après sa mort d'élever
à Dieu, par ses immortels écrits, les âmes qu'il
touchait lui-même par sa parole, il y a soixante ans
à peine.
Les Pierre d'Àlcantara, les Ignace et les Fran-
çois de Borgia, les Thérèse et les Jean de la Croix,
les Cajetan de Thienne et les André d'Avellin, les
Jean de Dieu et les Camille de Lellis, les Pie V et
les Philippe de Néri, les Paul de la Croix, les
Léonard de Port-Maurice, les François de Hiéro-
nimo, les Benoît Labre et bien d'autres encore,
sont de cette dernière époque qui s'étend jusqu'à
nous.
Il n'est pas un siècle où l'Eglise n'ait canonisé
quelques saints, après avoir constaté l'héroïsme de
leurs vertus et les miracles obtenus par leur inter-
cession. On sait avec quelle rigueur extrême elle
procède à cet examen. Elle est telle que ses enne-
mis même ont dû convenir plus d'une fois qu'il
n'était pas possible de pousser plus loin la sévérité.
Quiconque d'ailleurs a l'avantage de rencontrer
une âme vraiment sainte, ne peut se défendre d'une
impression profonde. Sans même être témoin
d'aucun prodige, on sent qu'il est impossible d'as-
similer ses vertus aux vertus purement humaines.
CONCLUSION.
1 4. Tel est le grand fait de la sainteté de l'Eglise.
Uniquement propre à sa doctrine, cette sainteté se
368 DIVINITÉ DE L ÉGLISE
manifeste aussi d'une manière unique dans la vie
de ses membres.
Ce que nous avons dit de la catholicité de
l'Eglise, il faut donc le dire aussi de sa sainteté;
l'une et l'autre sont des signes évidents de sa
divinité. La première convainc tout esprit sincère,
la seconde persuade tout cœur droit.
Résumons à grands traits ce que nous avons dit
de cette sainteté de l'Eglise dans sa doctrine et
dans sa vie.
La sainteté, c'est l'amour de Dieu sur toutes
choses ; l'Eglise seule commande d'aimer Dieu
ainsi ; l'Eglise seule fait demander à Dieu de
l'aimer ainsi et de le suivre ; l'Eglise seule fournit
aux âmes les moyens de parvenir à cet amour ;
l'Eglise seule en produit les fruits incomparables.
Vovez : il n'est dans tout le cours des siècles
qu'une seule voix qui ait dit sur la terre cette
parole étonnante : « Celui qui aime son père et sa
mère plus que moi, n'est pas digne de moi. »
Matth. x. Evidemment, si cette parole n'était
pas de Dieu, elle serait une folie ou une infamie.
Mais, comment douter de sa source, en présence
de son miraculeux accomplissement?
Jésus-Christ seul a exigé l'amour et le cœur des
hommes. Jésus-Christ seul a dit de lui-même qu'il
attirerait cet amour. Lui seul a été aimé comme il
l'a voulu. Quel est, dites-moi, le grand homme,
l'insigne bienfaiteur de ses frères, qui ait pu com-
mander et obtenir cet amour des siècles après sa
PROUVÉE PAR SA SAINTETÉ. 369
mort? Jésus-Christ seul a aimé le monde, comme
Dieu seul sait aimer, et lui seul a été aimé du
monde comme un Dieu seul mérite de l'être. Les
martyrs lui ont donné leur sang, les apôtres se
sont consumés de travaux pour sa gloire, les dé-
serts ont été remplis de saints pénitents que cet
amour seul soutenait, les vierges lui ont consacré
toutes leurs affections ; c'est cet amour qui a fait
verser tant de larmes au repentir, et répandre tant
de prières, devant les saints tabernacles; c'est cet
amour enfin qui produit tant et de si grandes
choses, tant et de si sublimes dévouements, tant
et de si généreux sacrifices. N'est-ce pas là l'ac-
complissement visiblement divin de la parole visi-
blement divine de Jésus-Christ : « Celui qui aime
son père et sa mère plus que moi, n'est pas digne
de moi. »
Si Jésus-Christ est Dieu parce qu'il a fait attester,
sa divinité dans le passé, par les prophéties, dans
l'avenir, par la perpétuité de son œuvre ; s'il est
Dieu parce qu'il s'est rendu le Maître des temps,
n'est-il pas visiblement Dieu encore parce que lui
seul s'est rendu maître des cœurs? Les temps et
les cœurs vaincus ne racontent-ils pas sa gloire
avec la même voix que les cieux?
Et l'Eglise, qui triomphe des temps et des cœurs
avec lui, n'est-elle pas le signe toujours vivant qu'il
a laissé au monde de sa toute-puissance?
Oui, sainte Eglise du Dieu vivant, vous êtes la
colonne et le soutien de la vérité. Vous me mani-
370 divinité de leglise, etc.
festez la force et la sagesse de Dieu dans le monde
moral, comme l'ordre et la beauté des cieux me
racontent sa gloire dans l'ordre de la nature.
-î^p'sza'f-s*^-
LA DIVINITÉ DE L'ÉGLISE EST IN OBJET DE FOI. 371
IXe INSTRUCTION.
LÀ DIVINITÉ DE L ÉGLISE EST UN ORJET DE FOI,
EXORDE.
1 . Nous nous sommes étendus longuement sur
l'article de l'Eglise. Son importance l'exigeait.
Placés sur la terre avec l'invincible instinct de
nos destinées éternelles, rien ne nous intéresse
davantage que de connaître le guide qui doit sûre-
ment nous diriger au terme du salut. Il fallait donc
vous prouver avec le plus grand soin que l'Eglise
catholique seule a été divinement établie dans
ce but.
Nous vous avons expliqué son nom, les diverses
parties dont elle se compose, les propriétés qui lui
sont, essentielles, et qui, tout en la distinguant des
autres sociétés religieuses, manifestent avec éclat
sa divinité. Nous vous avons montré en particulier
comment l'Eglise nous apparaît manifestement
divine à son double caractère de catholicité et de
sainteté.
De tout ce que nous avons dit au sujet de l'Eglise,
nous devons conclure finalement que la sainte
Eglise romaine seule est l'autorité vivante instituée
'312 LA DIVINITÉ DE L ÉGLISE
par Jésus-Christ pour nous enseigner les vérités
du salut, et qu'ainsi, hors de son sein, on ne peut
prétendre au bonheur éternel.
2. Afin de compléter nos explications, disons
aujourd'hui comment et pourquoi l'Eglise est un
dogme de foi, car, remarquez-le bien, vous dites
dans le Symbole : ce Je crois la sainte Eglise catho-
lique. Credo sanctam Ecclesiam catholicam ; »
c'est-à-dire, je fais un acte de foi par rapport à
l'Eglise comme à l'égard des autres vérités qui sont
énoncées dans le Svmbole.
COUPS Dt L INSTRUCTION.
3. On peut connaître l'existence de l'Eglise sans
avoir foi à l'Eglise.
Pour la connaître, il suffit d'avoir la raison, il
suffit d'avoir des yeux. Quel est l'homme, si borné
qu'il soit, qui ne puisse savoir de cette manière ou
apprendre de témoins dignes de foi, qu'il existe
dans le monde une société d'hommes qui font pro-
fession de suivre la doctrine de Jésus-Christ? C'est
là un fait sensible que les Juifs et les Mahométans
eux-mêmes n'ignorent pas, sans pourtant qu'ils
aient la foi.
i. Quand nous disons : Je crois la sainte Eglise
catholique, il ne s'agit donc point de cette connais-
sance toute matérielle. Ce n'est pas sur ce que
nous voyons des yeux dans l'Eglise de Jésus-Christ,
ni sur ce que nous en savons par les lumières de
EST UN OBJET DE FOI. 373
la raison que tombe notre acte de foi. Cet acte
de foi a pour objet les mystères renfermés dans
l'Eglise : son origine divine, la puissance qu'elle a
reçue de Dieu, son infaillibilité, l'assurance qu'elle
possède de sa durée perpétuelle. Ni les sens, ni la
simple raison humaine, ne suffisent pour nous
rendre ces vérités évidentes. Nous voyons bien
qu'elle porte en elle le témoignage manifeste et le
sceau de la divinité ; les caractères qui la distin-
guent en sont l'empreinte irrécusable ; à moins de
renoncer à la raison, nous sommes obligés de con-
fesser qu'elle est l'œuvre de Dieu ; mais nous ne
pouvons comprendre tout ce qu'il y a en elle de
grand et de divin, par exemple, le pouvoir qu'elle
a de remettre les péchés, de consacrer le corps et
le sang de Jésus-Christ, de transmettre la puis-
sance sacerdotale par l'ordination. Toutes ces
choses et d'autres encore, sont autant de mystères
qui surpassent la capacité de notre intelligence.
La foi seule nous en donne la pleine et oarfaite con-
viction. Appuyés sur la véracité de Dieu, qui ne
peut ni nous tromper ni se tromper lui-même, éclai-
rés enfin de la lumière de son Esprit, nous disons:
Je crois la sainte Eglise.
5. Maie que devons-nous croire principalement
à son sujet?
Trois choses : premièrement, qu'elle est l'ou-
vrage de Dieu ; secondement, que son pouvoir est
divin ; troisièmement, que ce pouvoir a toute l'effi-
374 LA DIVINITÉ DE L EGLISE
cacité nécessaire pour nous faire parvenir à la vie
éternelle.
En premier lieu, l'Eglise n'est pas l'ouvrage des
hommes.
Pourquoi cela? D'abord parce qu'il n'y a aucune
proportion entre la grandeur de cette œuvre et les
moyens qui ont servi à son établissement.
Douze pauvres pécheurs ont converti le monde
païen. L'idolâtrie couvrait presque toute la face de
la terre ; elle était passée dans les mœurs et la
législation. Les plus sages philosophes, tout en
reconnaissant la vanité du culte des faux dieux,
n'avaient pas osé entreprendre de la faire sentir
aux peuples; ils avouaient leur impuissance à
combattre des préjugés si profondément enracinés.
Le paganisme était d'ailleurs soutenu par toute la
puissance des Césars, qui en étaient les grands
pontifes. Des intérêts sans nombre se rattachaient
à sa conservation : la cupidité et les passions lui
servaient comme de remparts inexpugnables.
Néanmoins, et en dépit de tous ces obstacles,
les apôtres ont réussi à établir le culte d'un Dieu
crucifié; aux fables et aux infamies du paganisme,
ils ont substitué la foi des mystères les plus incom-
préhensibles et fait succéder le règne des plus
pures vertus.
Point de milieu : ou ils ont opéré cette révolu-
tion à force de miracles, et dans ce cas, il faut dire
que Dieu lui-même leur a prêté l'appui de sa puis-
sance; ou bien ils l'ont opérée sans faire de
EST UN OBJET DE FOI. 375
miracles. Mais s'il se pouvait qu'un tel change-
ment ait eu lieu sans miracles, ne serait-ce pas
là un nouveau miracle, plus grand et plus in-
croyable que tous les autres, d'avoir converti le
monde sans miracles,d'avoir fait entrer tant d'igno-
rants dans des mystères si hauts, d'avoir inspiré
à tant de savants une humble soumission, et d'avoir
persuadé tant de choses incroyables à des incré-
dules? C'est la réflexion de saint Augustin.
L'établissement de l'Eglise est donc divin. 11
n'appartient qu'à Dieu de choisir ce qu'il y a de
plus faible et de plus vil selon le monde, pour
détruire ce qu'il y a de plus grand et de plus
puissant ; il n'appartient qu'à lui de se servir du
néant pour créer ce qu'il y a de plus admirable.
« Quae stulta sunt mundi elegit Deus, ut confundat
sapientes ; et infirma mundi elegit Deus, ut con-
fundat fortia : et ignobilia mundi, et contemptibilia
elegit Deus, et ea quae non sunt, ut ea quae sunt
destrueret. » (i Corintk. i.)
6. Mais, si l'établissement de l'Eglise est mira-
culeux, son maintien ne l'est pas moins.
Depuis dix-huit siècles qu'elle existe dans sa
forme actuelle, toutes les institutions humaines ont
été renouvelées autour d'elle ; elle a vu passer les
empires, les royaumes, les dynasties, les constitu-
tions, les schismes, les hérésies. Elle seule a sur-
vécu à tous les bouleversements et à toutes les
ruines, reparaissant sans cesse comme le soleil
376 LA DIVINITÉ DE L'EGLISE
après les tempêtes, toujours la même, toujours
pleine de vie et de fécondité.
Et cependant, depuis son origine jusqu'à nous,
a-t-elle jamais cessé d'être en butte aux persécu-
tions des puissances, aux perfidies de l'hérésie, aux
révoltes du schisme, à l'indocilité et ii l'ingratitude
de ses propres enfants, en un mot, à la haine et
aux efforts des puissances infernales?
« Dieu l'a fondée parle martyre, il l'a tenue du-
rant trois cents ans dans cet état, sans qu'elle eût
un seul moment pour se reposer. Après qu'il eut
fait voir par une si longue expérience qu'il n'avait
pas besoin du secours humain ni des puissances de
la terre pour rétablir son Eglise, il y appela enfin
les empereurs, et fit du grand Constantin un pro-
tecteur déclaré du christianisme. Depuis ce temps
les rois sont accourus de toutes parts à l'Eglise; et
tout ce qui était écrit dans les prophéties touchant
sa gloire future, s'est accompli aux yeux de toute
la terre.
»Que si elle a été invincible contre les efforts du
dehors, elle ne l'est pas moins contre les divisions
intestines. Ces hérésies tant prédites par Jésus-
Christ et par ses apôtres sont arrivées, et la foi
persécutée par les empereurs souffrait en même
temps des hérétiques une persécution plus dange-
reuse. Mais cette persécution n'a jamais été plus
violente que dans le temps où l'on vit cesser celle
des païens. L'enfer fit alors ses plus grands efforts
pour détruire par elle-même cette Eglise que les
EST UN OBJET DE FOI. 377
attaques de ses ennemis déclarés avaient affermie.
A peine commençait-elle à respirer par la paix que
lui donna Constantin; et voilà qu'Arius, ce malheu-
reux prêtre, lui suscite de plus grands troubles
qu'elle n'en avait jamais souffert. Constance, fils
de Constantin, séduit par les Ariens dont il auto-
rise le dogme, tourmente les catholiques par toute
la terre, nouveau persécuteur du christianisme, et
d'autant plus redoutable, que sous le nom de Jé-
sus-Christ, il fait la guerre à Jésus-Christ même.
Pour comble de malheurs, l'Eglise ainsi divisée
tombe entre les mains de Julien l'Apostat qui met
tout en œuvre pour détruire le christianisme, et
n'en trouve point de meilleur moyen que de fo-
menter les factions dont il était déchiré. Après lui
vient un Valens, autant attaché aux Ariens que
Constance, mais plus violent. D'autres empereurs
protègent d'autres hérésies avec une pareille fu-
reur. L'Eglise apprend par tant d'expériences,
qu'elle n'a pas moins à souffrir sous les empereurs
chrétiens qu'elle avait souffert sous les empereurs
infidèles ; et qu'elle doit verser du sang pour dé-
fendre non-seulement tout le corps de sa doctrine,
mais encore chaque article particulier. En effet,
il n'en est aucun qu'elle n'ait vu attaqué par ses
enfants. Mille sectes et mille hérésies sorties de sou
sein se sont élevées contre elle. Mais si elle les a
vues s'élever selon les prédictions de Jésus-Christ,
elle lésa vues tomber selon ses promesses, quoique
souvent soutenues par les empereurs et par les
SYMB. II. 32*
378 la mviNMTÉ de l'église
rois. Ses véritables enfants ont été, comme dit saint
Paul, reconnus par cette épreuve ; la vérité n'a
fait que se fortifier quand elle a été contestée, et
l'Eglise est demeurée inébranlable. » {Discours sur
l'histoire universelle, 2e partie.)
C'est donc Dieu lui-même, le Roi immortel des
siècles, le Dominateur des temps, qui, après l'avoir
fondée sur la pierre ferme, continue de la soute-
nir de sa main divine. Voilà pourquoi le Roi-pro-
phète disait d'elle que le Très-Haut lui-même l'avait
établie : k Ipse fundavit eam Altissimus ; » Ps.
Lxxxvi.)et qu'elle était l'héritage de Dieu, le peuple
de Dieu : « Dabo tibi gentes haereditatem tuam.»
(As. ,..)
7. En second lieu, avons-nous dit, la puissance
dont l'Eglise est investie est également divine; elle
ne vient pas des hommes.
L'Eglise possède les elefs du royaume des cieux :
elles lui ont été données par Jésus-Christ dans la
personne de saint Pierre : « Et tibi dabo claves
regni cœlorum ; et quodeumque ligaveris super
terram erit ligatum et in cœlis, et quodeumque
solveris super terram erit solutum et in cœlis. Je
vous donnerai les clefs du royaume des cieux ; et
tout ce que vous lierez sur la terre sera aussi lié
dans les cieux, et tout co que vous délierez sur la
terre, sera aussi délié dans les cieux. ))(Matth. xvi.)
La puissance des elefs est très-étendue : elle
comprend le pouvoir de retenir et de remettre les
péchés, de porter des lois et des censures, de re-
EST UN OBJET DE FOI. 379
trancher du sein de l'Eglise par l'excommunica-
tion. Tous ces pouvoirs ont été conférés par le
môme Jésus-Christ à saint Pierre, aux apôtres et
à leurs légitimes successeurs. « Recevez le Saint-
Esprit: tous ceux dont vous remettrez les péchés,
ils leur seront remis ; et tous ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus. Accipite Spiri-
tum Sanctum : quorum remiseritis peccata, remit-
tentur eis ; et quorum retinueritis, retenta sunL »
(Joan. xx.)
L'Eglise tient également de son divin Fondateur
le pouvoir de baptiser, de consacrer le corps et
le sang de Jésus-Christ, ainsi que d'administrer les
autres sacrements.
Nous devons croire que l'Eglise possède toutes
ces prérogatives. De même qu'elles n'ont pu lui
être départies par une puissance humaine, de
même nous ne pouvons en avoir connaissance que
par la foi.
8. Mais dans quel but le divin Sauveur en a-t-il
enrichi l'Eglise?
C'est dans le but d'assurer aux fidèles tous les
secours dont ils ont besoin pour parvenir au salut.
Nous devons donc croire, en troisième lieu, que
l'Eglise est en possession des moyens de nous
sanctifier. Son institution, en effet, n'a point d'au-
tre fin que le salut des hommes. C'est pourquoi
Jésus-Christ a dit que son royaume n'est point de
ce monde, c'esl-à-dire, que son objet propre n'est
pas de régler les intérêts de la terre, ni de procu-
380 LA DIVINITÉ DE L EGLISE
rer la félicité temporelle de ses sujets, bien cepen-
dant qu'il y contribue très-puissamment. Comme
les citoyens de ce royaume tout spirituel n'ont
point ici-bas de cité permanente, c'est dans la vie
future qu'ils la cherchent, et l'Eglise leur en mon-
tre la voie et les aide à en faire la conquête.
Tels sont les principaux points à croire touchant
l'Eglise.
9. Remarquons, en terminant, que nous expri-
mons tout différemment notre foi à l'égard de l'E-
glise qu'à l'égard des trois personnes divines.
Nous disons : « Je crois en Dieu le Père,... et
en Jésus-Christ son Fils unique,... je crois au
Saint-Esprit. » Au contraire nous ajoutons sim-
plement : ( Je crois la sainte Eglise catholique et
non pas, en la sainte Eglise catholique.
Par cette différence d'expression, nous mar-
quons la différence qu'il y a entre le Créateur et
les choses créées. Nous croyons au Père, au Fils
et au Saint-Esprit, c'est-à-dire, que non-seulement
nous confessons leur existence, mais que nous ten-
dons vers eux comme vers notre premier prin-
cipe et notre dernière fin, en un mot, nous recon-
naissons leur divinité. Pour l'Eglise, nous confes-
sons aussi son existence, mais nous savons qu'elle
est seulement l'organe de Dieu. C'est à ce titre que
nous avons foi dans ses enseignements, que nous
croyons sa doctrine. C'est donc à Dieu lui-même,
en dernière analyse, que se rapporte la soumis-
sion que nous professons pour elle.
EST UN OBJET DE FOI. 381
En disant : Je crois la sainte Eglise catholique,
nous rendons encore gloire h Dieu pour les pré-
rogatives magnifiques dont il a orné l'Eglise, et
nous lui rendons grâces du grand bienfait de son
institution. Elle n'est en effet que l'extension de la
mission du Fils de Dieu sur la terre. Ce qu'il a
commencé, elle le continue. Il n'a prêché l'Evan-
gile qu'aux brebis perdues delà maison d'Israël;
elle l'annonce par toute la terre. Il est mort une
fois sur le calvaire pour le salut des hommes; elle
renouvelle chaque jour sur nos autels l'offrande de
ce même sacrifice, afin d'en appliquer les mérites
aux fidèles. Elle continue de même de pardonner
les péchés aux pécheurs pénitents, comme Jésus-
Christ l'a fait pendant sa vie mortelle. Enfin, pour
tout dire en un mot, l'Eglise, c'est Jésus-Christ
perpétuant sa mission parmi les hommes.
Toutes ces choses sont comprises dans cette
profession de foi : Je crois la sainte Eglise catho-
lique.
CONCLUSION.
10. Répétons-la donc avec les sentiments de la
foi la plus vive. Oui, mon Dieu, je crois de tout
mon cœur l'Eglise qui estime, sainte, catholique
et apostolique, cette Eglise qui n'est autre que la
sainte Eglise romaine, au sein de laquelle vous
m'avez fait la grâce de naître, et où je veux, avec
votre secours, vivre et mourir.
Je crois, Seigneur, que cette Eglise est votre
382 LA DIVINITÉ DE L'ÉGLISE, ETC.
œuvre. Je reconnais l'empreinte de votre unité
dans son unité, le reflet de votre sainteté dans sa
sainteté, le sceau de votre puissance dans sa ca-
tholicité, le gage de votre assistance continuelle
dans son apostolicité.
Je révère cette Eglise comme l'oracle de votre
bouche et l'organe du Saint-Esprit. Vous m'ensei-
gnez par sa voix; et en l'écoutant, je ne crains pas
de me tromper. Si je m'égarais en lui obéissant,
c'est vous-même , Seigneur, qui m'auriez trompé.
Je respecte et j'aime la puissance dont vous
l'avez douée, puissance pour me donner des lois,
puissance pour me pardonner, puissance pour me
sanctifier, puissance pour me donner le vrai pain
de vie qu'elle fait descendre chaque jour du ciel
sur l'autel. Que je suis heureux de trouver en elle
une si grande abondance de lumières et de grâces !
Mon Dieu, aidez-moi à en profiter pour mon salut,
et daignez étendre ce bienfait à ces milliers d'hom-
mes, qui sont mes semblables et mes frères, et
qui n'ont pas encore le bonheur de connaître
l'Eglise et de puiser la vie au sein de cette tendre
mère.
LA COMMUNION DES SAINTS. 383
Xe INSTRUCTION.
LA COMMUNION DES SAINTS. EN QUOI ELLE CONSISTE.
DE QUELS BIENS ELLE SE COMPOSE.
EXORDE.
1 . A l'article de l'Eglise, le Symbole joint immé-
diatement la communion des Saints. Il y a entre les
deux une relation très-étroite, comme le fait en-
tendre saint Jean l'Evangéliste, dans une de ses
épîtres aux premiers fidèles. Les entretenant du
but qu'il se proposait en les instruisant des mys-
tères de la foi : « C'est, leur disait-il, afin que vous
aussi vous entriez en société avec nous, et que no-
tre société soit avec le Père et avec Jésus-Christ
son Fils. Haec scribo vobis, ut et vos societatem
habeatis nobiscum, et societas nostra sit cum Pâtre
etcum Filio ejus Jesu-Christo. » (/ Joann. i.)
Or, cette association glorieuse dont parle saint
Jean, n'est autre chose que la communion des
Saints qui existe dans l'Eglise et que nous allons
vous expliquer dans cet entretien.
2. Ce sujet renferme une source féconde d'en-
couragements pour nous. Vous y verrez quel est
le fruit précieux que nous retirons des mystères de
384 LA COMMUNION DES SAINTS.
la religion. Si nous devons les étudier et nous en
pénétrer, c'est pour mériter d'être admis dans cette
grande et heureuse communion des saints, et pour
y persévérer ensuite avec constance. Cette com-
munion des saints est une grâce signalée. Elle
faisait dire à l'Apôtre : « Rendons grâces avec joie
à Dieu le Père, de ce que, en nous éclairant des
lumières de la foi, il nous a rendus dignes de par-
ticiper à l'héritage des saints. Cum gaudio gratias
agentes Deo Patri, qui dignos nos fecit in partem
sortis sanctorum in lumine. » (Coloss. i.)
Voyons donc ce qu'il faut entendre par cette
communion des saints, puis de quels biens elle se
compose.
CORI'S DE L'INSTRUCTION.
3. Qu'est-ce que la communion des saints?
S'agit-il ici de la communion eucharistique dans
laquelle nous recevons le corps et le sang de Jésus-
Christ? Non; le terme de communion a ici une
signification beaucoup plus étendue.
Par communion des saints, le Symbole des apô-
tres signifie cette union intime qui existe par la foi
et la charité entre tous les vrais fidèles, union qui
ne fait d'eux tous qu'une seule famille dans laquelle
les biens spirituels sont communs.
La communion des saints, c'est donc l'union des
fidèles entre eux avec communauté des biens spi-
rituels. Cette union et cette communauté ne sont
que l'explication et la conséquence de ce que nous
avons dit de l'Eglise.
LA COMMUNION DES SAINTS. 385
En effet, l'Eglise étant comme un corps vivifié
dans toutes ses parties par un même esprit, il
s'ensuit que tous ses membres, c'est-à-dire, les
fidèles autrement appelés les saints, sont liés entre
eux de la manière la plus étroite et qu'ils partici-'
pent en commun à la vie et aux grâces de cet
esprit.
4. Plusieurs sortes de biens forment l'apanage
de la sainte société des fidèles.
La première espèce, ce sont les sacrements. Ils
sont comme des canaux toujours ouverts où cha-
cun peut venir puiser les grâces dont il a besoin.
Ils servent aussi comme de liens extérieurs qui
nous attachent les uns aux autres et nous unissent
à Jésus-Christ.
Le Baptême étant la porte par laquelle on entre
dans l'Eglise, il est le premier bien compris dans la
communion des saints ; les autres sacrements sont
de nouveaux trésors qui viennent augmenter et
enrichir ce premier fond. Par le Baptême, on ac-
quiert le droit d'y participer. Ainsi, dire que le
Baptême est un bien commun à tous les fidèles,
c'est dire en même temps que tous les autres sa-
crements leur sont aussi communs.
Voilà pourquoi les Pères du Concile de Nicée,
voulant nous indiquer la communauté des sacre-
ments dans l'Eglise, se sont contentés de dire dans
leur Symbole : « Confiteor unum Baptisma. Je
confesse qu'il n'y a qu'un seul Baptême. »
SYMB. II. 33
386 LA COMMUNION DES SAINTS.
5. Nous disions tout à l'heure que les sacrements
ne sont pas seulement les canaux de la grâce, mais
qu'ils sont aussi des liens sacrés qui nous unissent
à Jésus-Christ.
Chaque sacrement a la vertu de nous mettre en
communion, c'est-à-dire, en société avec lui, de
former entre Jésus-Christ et ses membres une
sainte et glorieuse alliance. Ainsi, par le Baptême,
nous devenons ses disciples; par la Confirmation,
ses soldats ; par l'Ordre, ses ministres. Le Mariage
retrace, en ceux qui le reçoivent, son union avec
l'Eglise ; enfin, la Pénitence et l'Extrème-Onction
rétablissent l'alliance que nous avons contractée
avec lui dans le Baptême et que le péché a rom-
pue ou affaiblie.
Le nom de communion convient donc à tous les
sacrements, puisqu'ils nous unissent à Dieu et
qu'ils nous rendent participants de sa nature par
la grâce. Mais il va un sacrement qui porte cette
union au plus haut point : c'est la divine Eucha-
ristie, sacrement le plus auguste de tous, dans
lequel Jésus-Christ, comme parle saint Jean-Chry-
sostôme, mêle sa chair avec la nôtre, en sorte que
nous ne sommes plus qu'une même chose avec lui.
De là vient qu'on l'appelle par excellence, la sainte
communion.
Telles sont les premières richesses spirituelles
communes à tous les fidèles.
6. La seconde catégorie des biens compris dans
la communion des saints, est d'une nature toute
LA COMMUNION DES SAINTS. 387
différente : elle se compose de toutes les bonnes
œuvres qui se font dans l'Eglise.
Tout acte de vertu pratiqué par l'un des fidèles
profite à tous ses frères. « La charité, dit saint
Paul, ne cherche point ses intérêts. Charitas non
quœrit quae sua sunt. » (/ Corinth. xm.) Elle n'est
point égoïste ; ses fruits sont la propriété de l'E-
glise entière.
Saint Ambroise prouve cette vérité dans l'expli-
cation qu'il nous donne de ces paroles du Psal-
miste : « Particeps ego sum omnium timentium te.
Je suis uni de cœur avec tous ceux qui vous crai-
gnent. » (Ps. cxvm.)(( De même, dit-il, que chacun
des membres du corps a part aux avantages de
tout le corps ; ainsi en est-il de tous ceux qui sont
unis par le service de Dieu. Sicut membrum par-
ticeps esse dicimus totius corporis, sic conjunctum
omnibus timentibus Deum. » (Serm. vin.)
Voilà pourquoi Notre-Seigneur a prescrit de dire
dans l'Oraison Dominicale : « Donnez-nous notre
pain, pardonnez-nous nos offenses, ne nous lais-
sez pas succomber à la tentation, délivrez-nous du
mal, et non pas : donnez-moi mon pain, pardon-
nez-moi mes offenses, et ainsi du reste. Il nous
apprend de la sorte à nous intéresser au bien
commun et non pas seulement à notre bien indi-
viduel. Toute prière faite dans l'esprit de Jésus-
Christ, tourne donc à l'avantage de tous.
7. Il ne peut en être autrement dans l'Eglise.
Une comparaison va vous rendre cette doctrine
388 LA COMMUNION DES SAINTS.
plus sensible. Voyez l'union et la solidarité qui
régnent entre tous les membres de votre corps.
Cest l'Ecriture elle-même qui emploie cette figure
pour nous marquer ce qui se passe dans la sainte
Eglise.
Votre corps est composé d'un grand nombre de
membres. Quelque nombreux que soient ces mem-
bres, ils ne forment pourtant qu'un seul corps, où
chacun remplit une fonction particulière. Tous ne
sont pas également distingués ; les uns ont des
emplois plus utiles et plus honorables que les
autres. Malgré cela cependant, il n'en est aucun
qui ne s'oublie lui-même pour contribuer au bien
et à l'avantage de tout le corps. Quoi de plus
admirable que l'harmonie et la concorde qui ré-
gnent entre eux ! L'un d'eux vient-il à sentir de la
douleur? tous les autres en ressentent aussitôt,
tant la nature a mis entre eux de sympathie et
d'union. Réciproquement, l'un deux éprouve-t-il
quelque bien-être? le plaisir qu'il éprouve se com-
munique à tous les autres.
Or, voilà l'image très-naturelle de l'Eglise. Elle
est formée de divers membres, c'est-à-dire de
différents peuples, de Juifs, de Gentils, d'hommes
libres et d'esclaves, de riches et de pauvres. Tous
néanmoins ne font plus, après le Baptême, qu'un
même corps en Jésus-Christ. De là vient cette par-
faite communauté de biens spirituels qui existe
entre tous.
De plus, chacun, dans l'Eglise, remplit un em-
LA COMMUNION DES SAINTS. 389
ploi déterminé. Les uns sont apôtres, les autres
docteurs, mais tous, quelle que soit leur charge,
sont appliqués à l'intérêt général ; et par suite,
pendant que les uns sont obligés de diriger et d'en-
seigner, les autres ont pour devoir d'obéir et d'être
soumis.
8. Mais tout chrétien, demandera-t-on, a-t-il
part aux biens spirituels, aux bonnes œuvres de la
communauté ? N'y a-t-il pas des empêchements qui
privent de cet avantage?
Distinguons ici trois états différents : le chré-
tien en état de grâce, le chrétien en état de péché,
et le chrétien retranché de l'Eglise par l'excom-
munication.
Le premier, c'est-à-dire, le chrétien vraiment
fidèle, vit dans la charité ; il est juste et agréable
à Dieu. Membre vivant de l'Eglise, il jouit des
biens et des faveurs que le Seigneur répand sur
elle. Il est dans l'état où se trouve tout membre,
sain et non malade ; ce membre participe à la nour-
riture et aux autres avantages que reçoit le corps.
Le sang, en circulant dans les veines, entretient
sa vie, sa force et sa vigueur.
Voilà pour le chrétien en état de grâce.
Pour celui au contraire qui est en état de péché,
il ressemble à un membre mort. Il reste encore
attaché au corps comme jadis ; mais, privé de la
vie spirituelle de la grâce, il ne ressent plus, comme
le juste, les salutaires effets de la circulation vitale.
Le péché y met obstacle ; il empêche ce membre
390 LA COMMUNION DES SAINTS.
paralysé de participer à la vie et à l'activité dont
jouissent les autres.
Cependant comme il est encore dans l'Eglise,
comme le membre malade est encore attaché au
corps, les autres fidèles peuvent l'aider par leurs
prières, leurs exhortations, leurs exemples et leurs
bonnes œuvres, à recouvrer la grâce et la vie.
Quant au chrétien qui a été retranché de l'Eglise
par l'excommunication, il est semblable à un mem-
bre amputé qui ne tient plus que par un fil au
reste du corps. Il est donc dans un état plus dé-
plorable encore que le précédent. L'Eglise lui re-
fuse ses prières publiques ; les fidèles peuvent
néanmoins prier pour sa conversion.
Un si grand châtiment doit faire redouter les
crimes pour lesquels l'Eglise fulmine l'excommu-
nication.
9. La communion des saints possède une troi-
sième classe de biens : ce sont les dons ou talents
spirituels départis aux divers membres de l'Eglise.
Ces dons sont très-variés et très-nombreux :
celui-ci reçoit le don de science ; il est distingué
par sa profonde pénétration dans les choses de
Dieu. Un second est doué du don de prophétie;
Dieu lui manifeste les choses à venir. Un troisième
sera orné du don des langues, comme les Apôtres
le furent au jour de la Pentecôte. Un autre aura le
pouvoir d'opérer des miracles; une foule de saints
ont été investis de cette puissance. Celui-ci aura
le don d'annoncer avec grâce la parole de Dieu et
LA COMMUNION DES SAINTS. 391
de toucher les cœurs. Celui-là sera doué du discer-
nement des esprits.
Ces sortes de dons sont appelés par les théolo-
giens, grâces données gratuitement, gratiœ gratis
datœ pour les distinguer des grâces sanctifiantes,
gratiœ gratum facientes. En effet, ils ne supposent
pas nécessairement la sainteté dans ceux qui les
reçoivent ; Dieu les accorde quelquefois aux mé-
chants. C'est ainsi, par exemple, que le devin
Balaam fut réellement inspiré de Dieu, lorsque in-
vité à maudire Israël, il prédit au contraire que le
Messie sortirait de la tige de ce peuple. Le méchant
pontife des juifs, Caïphe, fit de même une vraie
prophétie, au témoignage de l'évangéliste saint
Jean, lorsqu'il dit qu'il était expédient qu'un seul
homme mourut pour tout le peuple.
Cesdons, le Seigneur les distribue', comme il lui
plaît , moins pour l'utilité de ceux à qui il les
accorde, que pour l'avantage public et pour l'édi-
fication de l'Eglise. Vous en avez la preuve dans
le don de guérir les maladies. Il est évident que ce
sont les malades qui en profitent et non celui qui a
le pouvoir d'opérer leur guérison.
4 0. Enfin, la communion des saints s'étend en
quelque manière jusqu'aux biens temporels.
Un vrai chrétien ne possède rien qu'il ne doive
regarder comme une partie du domaine commun.
Voici en quel sens : Il faut qu'il soit toujours prêt,
et même enclin à partager son bien avec les pau-
vres. En effet, celui qui est pourvu des biens tem-
392 LA COMMUNION DES SAINTS.
porels, et qui, voyant son frère dans l'indigence,
néglige de le secourir, celui-là ne pèche-t-il pas
contre la charité? Les membres d'un même corps
ne doivent-ils pas se soulager réciproquement?
En vertu delà communion des saints, nous som-
mes donc obligés d'assister le prochain dans ses
nécessités.
CONCLUSION.
1 1 . Nous venons de la considérer, telle qu'elle
existe dans l'Eglise militante et sur la terre. Mais
la communion des saints unit toutes les parties de
l'Eglise. Elle embrasse par conséquent aussi l'E-
glise triomphante qui règne dans les cieux et l'E-
glise souffrante qui gémit dans le purgatoire.
Oui, de même que les prières et les bonnes
œuvres des justes qui sont sur la terre sont utiles
à tous leurs frères en Jésus-Christ, de même les
prières et les mérites des saints qui sont au ciel pro-
curent toutes sortes de grâces au reste de l'Eglise,
c'est-à-dire, aux vivants et aux morts. Nous mê-
mes qui sommes encore dans l'exil, nous pouvons
intercéder avec succès en faveur des âmes du pur-
gatoire.
La mort qui brise tous les liens n'est pas capa-
ble de rompre ceux de la chanté. Il ne faut pas
croire que les joies du ciel empêchent les saints de
s'intéresser à nous, d'écouter nos prières et de les
appuyer de tout leur crédit auprès de la majesté
divine. Il ne faut pas croire non plus qu'il y ait
LA COMMUNION DES SAINTS. 393
entre les âmes du purgatoire et nous une barrière
infranchissable. Elles sont sorties de ce monde
dans la grâce de Dieu ; la communion des saints
subsiste toujours pour elles; c'est pourquoi nous
pouvons acquitter leurs dettes envers la justice
divine. S'il en était autrement, l'Esprit-Saint ne
nous aurait pas avertis que c'est une sainte et sa-
lutaire pensée de prier pour les morts, afin qu'ils
soient délivrés de leurs péchés. Sancta et salubris
est cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis
solvantur. (2. Machab. xii.)
Qu'elles sont donc étendues, qu'elles sont ad-
mirables , les relations que la foi et la charité
établissent entre tous les membres de l'Eglise ! A
leur tête, je vois Jésus-Christ, le Fils de Dieu, as-
sis sur un trône de gloire, à la droite de Dieu son
Père. Et qu'y fait-il ? Il plaide notre cause auprès
de lui. Au-dessous de Jésus-Christ, je vois Marie,
sa sainte et immaculée Mère, qui ne cesse d'offrir
ses prières à son divin Fils pour toute l'Eglise, et
principalement pour ses serviteurs qui l'invoquent
avec confiance. Tous les chœurs des anges et des
saints s'unissent à Marie, afin de faire descendre
sur nous l'abondance des miséricordes divines. Oh !
il se passe entre le ciel et la terre plus de choses
qu'on ne pense ! Comment expliquer autrement
tant de grâces et de bienfaits que le Seigneur pro-
digue aux mortels coupables, nonobstant leurs pé-
chés et leurs ingratitudes continuelles.
Cultivons ces saintes relations, si favorables à
394 LA COMMUNION DES SAINTS.
notre salut, en invoquant souvent les saints et sur-
tout la Reine des saints, l'auguste Vierge Marie.
D'autre part, puisque tout commerce ne nous est
pas interdit avec les défunts, que la charité nous
fasse souvent penser à les soulager. Si elle nous
oblige à donner à boire à celui qui a soif, à visiter
les prisonniers, à consoler les affligés, pouvons-
nous ne pas nous sentir émus de pitié, quand nous
nous rappelons l'état de ces âmes en proie aux ri-
gueurs de la justice, en proie à une affliction et à
une misère incompréhensible? Oui, contribuons de
tout notre pouvoir à leur soulagement, et, délivrées
par nos prières, elles iront grossir le nombre de
nos avocats dans le ciel.
Voilà donc jusqu'où s'étend la communion des
saints. Nous en avons vu les précieux avantages.
Que nous sommes heureux, chrétiens, de pouvoir
en jouir ! de nous savoir aidés du patronage des
saints et fortifiés par les prières et les mérites des
justes de la terre! N'est-ce pas là comme un avant-
goùt de la félicité du ciel où nous serons enivrés
des biens de la maison de Dieu? Disons donc avec
le psalmiste : « Que vos tabernacles sont aimables,
Seigneur, Dieu des vertus ! Mon âme soupire et lan-
guit, impatiente d'entrer dans les parvis du Sei-
gneur. Heureux, ô mon Dieu, ceux qui habitent
dans votre maison ! Quam dilecta Tabernacula tua,
Domine, Deus virtutum ! Concupiscit et déficit
anima mea in atria Domini. Beati qui habitant in
domo tua, Domine! » (Ps. lxxxiii.)
noie. 395
NOTE.
Comment nomme-t-on l'union qui est entre tous les
membres de l'Eglise?
On la nomme la communion des Saints.
Communion. C'est un mot latin, qui veut dire la même
chose que liaison, société, communication, union.
Des saints. Parce que tous les membres de l'Eglise ont
été sanctifiés par le Baptême ; que tant qu'ils en conservent
la grâce, ou lorsque l'ayant perdue, ils l'ont recouvrée par
la pénitence, ils sont saints : et que toujours ils sont
appelés à la sainteté. C'est pourquoi, quand saint Paul
parlait des fidèles de son temps, ou qu'il leur écrivait, il
leur donnait toujours le nom de saints.
En quoi consiste la communion des saints?
En deux choses : 1 . En l'union, soit intérieure, soit ex-
térieure, qui subsiste entre tous les membres de l'Eglise,
ainsi que nous venons de l'expliquer.
2. Dans la communication que les membres de l'Eglise
se font entre eux des biens spirituels qui leur sont propres.
Quels sont ces biens spirituels que les membres de l'E-
glise se communiquent les uns aux autres ?
Les prières, les bonnes œuvres, les grâces, les sacre-
ments.
Cette communication de biens spirituels ne se fait-elle
qu'entre les membres de l'Eglise de la terre ?
Elle se fait entre les membres des trois Eglises : de l'E-
glise de la terre, de celle du ciel, et de celle du Purgatoire.
396 NOTE.
Cumme ils ne font tous qu'un seul corps, ils participent
aussi tous aux mêmes biens, autant que chacun d'eux en
est capable, selon l'état où il se trouve.
Gomment se fait la communication des prières et des
grâces entre les saints qui sont d3ns le ciel et les fidèles
qui vivent sur la terre?
Par les prières qu'on adresse aux saints, et les secours
que les saints procurent.
Comment se fait cette communication entre les Fidèles,
qui vivent sur la terre, et les âmes du Purgatoire?
Par les bonnes œuvres, les prières, le sacrifice des Fi-
dèles qui vivent sur la terre, par lesquels les âmes du Pur-
gatoire sont soulagées.
Comment se fait celte communication entre tous les Fi-
dèles qui vivent sur la terre?
1 . En ce que tous ont part aux prières, au Sacrifice, aux
bonnes œuvres, aux grâces, aux sacrements, à la Foi de
l'Eglise.
2. En ce que les grâces que chacun reçoit, et les bonnes
œuvres qu'il fait, profitent a tous les autres. (Pouget, Ins-
tructions générales en forme de catéchisme *\ p. sect. 2,
chap. 3.)
Xe ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO REMISSIONEM PECCATORUM. — JE CROIS
LA RÉMISSION DES PÈCHES.
INSTRUCTION UNIQUE
POUVOIR DE L'ÉGLISE POUR REMETTRE LES PÉCHÉS.
GRANDEUR DE CE BIENFAIT.
EXORDE.
1 . Le dixième article du Symbole nous fait une
obligation de croire qu'il y a rémission des péchés
dans l'Eglise. On ne peut douter de cette vérité,
sans abjurer la foi chrétienne, et sans se mettre
hors de la voie du salut. Déjà, nous l'avons fait
remarquer : tous les articles contenus dans le
Symbole sont autant de points qu'il faut admettre
et croire fermement, si l'on veut parvenir au salut,
Parlant à des enfants fidèles de l'Eglise, je n'in-
sisterai pas sur la nécessité de croire la rémission
des péchés. Qu'il me suffise de vous rappeler une
des paroles du wSauveur à ce propos. Quelque
temps avant de monter au ciel, il ouvrit l'esprit de
ses disciples, dit l'Evangéliste saint Luc, afin de
398 POUVOIR DE L ÉGLISE
leur donner l'intelligence des Ecritures ; après
quoi, il leur dit :« 11 fallait que le Christ souffrît et
qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour,
et qu'ensuite la pénitence et la rémission des pé-
chés fussent prèchées a toutes les nations, à com-
mencer par Jérusalem. Oportebat Christum pati,
et resurgere à mortuis tertia die, et praedicari in
nomine ejus pœnitentiam, et remissionem pecca-
torum in omnes gentes, incipientibus ab Hieroso-
lyma. » [Luc. xxiv.)
2. Vous l'entendez : notre Seigneur recom-
mande à ses apôtres et à leurs successeurs de prê-
cher partout en son nom la pénitence et la rémis-
sion des péchés. C'est avec joie et consolation
que je m'acquitte de ce devoir. Quoi de plus heu-
reux pour un pasteur que d'annoncer aux âmes
qui lui sont confiées, les miséricordes du Seigneur?
Est-il une vérité plus capable de ranimer notre
confiance? Nous sommes tous pécheurs ; tous nous
avons offensé Dieu en beaucoup de choses : « In mul-
tis offendimus omnes. » Mais la foi nous apprend
que tout n'est pas perdu, qu'il y a encore une res-
source pour nous, quelque grands pécheurs que
nous ayons été. Ecoutons avec une pieuse grati-
tude ce qu'elle nous apprend touchant la rémission
des péchés, et ne manquons point ensuite de pro-
fiter d'une grâce si précieuse.
Je vais donc vous exposer, dans cet entretien,
premièrement par quels moyens et de quelle ma-
POUR REMETTRE LES PÉCHÉS. 399
nière se fait cette rémission, et secondement,
quelle est la grandeur de ce bienfait.
PREMIER POINT.
3. 11 y a rémission des péchés dans l'Eglise.
Le prophète Isaïe avait cette vérité devant les
yeux, lorsqu'il disait : « Le peuple qui habite dans
Sion sera purifié de ses iniquités. Populus qui
habitat in ea, auferetur ab eo iniquitas. » Usa, lui.)
Sion, dans cette prophétie, désigne la sainte Eglise.
Ainsi tout fidèle doit avoir cette confiance que ses
péchés lui seront pardonnes par les mérites de
Jésus-Christ.
Mais, est-ce là tout ce que le Symbole veut nous
faire entendre?
Non ; car, s'il en était ainsi, on pourrait dire
qu'il n'y a rien en cela de nouveau, puisque, même
sous la loi ancienne, les serviteurs de Dieu ont pu
obtenir le pardon de leurs offenses, par la péni-
tence et en vertu des mérites anticipés du Sau-
veur.
Qu'y a-t-il donc ici de particulier à l'Eglise?
Qu'a-t-elle de plus que la loi ancienne?
Il y a ceci de particulier, que Jésus-Christ lui a
donné le pouvoir de remettre et de retenir les
péchés, pouvoir qui n'existait pas dans l'ancien
peuple de Dieu. Par suite de ce pouvoir, chaque
fois qu'un prêtre de la loi nouvelle absout légitime-
ment et selon les règles établies par notre Sei-
400 pouvoir de l'église
gneur, les péchés sont véritablement remis et
pardonnes.
Tel est le privilège glorieux de l'Eglise, et voilà
ce que nous devons entendre et croire, quand
nous disons cette parole du Symbole : je crois la
rémission des péchés. C'est ce que nous explique-
rons plus amplement, en traitant du sacrement de
pénitence.
4. Mais, par quels moyens les péchés nous sont-
ils remis, et jusqu'où s'étend cette rémission?
Les péchés nous sont remis, premièrement,
par le Baptême, et alors, c'est de la manière la
plus complète.
Quand un sujet est présenté au Baptême, on lui
fait faire la profession de foi. Cette profession
faite, on verse l'eau sainte sur lui, et à peine a-t-
elle lavé son front que tous ses péchés sont effacés.
Le Baptême efface non-seulement le péché origi-
nel, mais encore tous les autres péchés qu'on
aurait commis par sa volonté propre, tant les
péchés d'action que les péchés d'omission. Ce n'est
pas tout : dans le Baptême, Dieu nous accorde
encore une amnistie pleine et entière pour toutes
les peines dues à nos péchés.
Ainsi, dans ce sacrement, la miséricorde divine
s'exerce envers nous dans toute sa plénitude.
Le Baptême cependant ne nous délivre pas de
toutes les infirmités de la nature.
Le foyer de la concupiscence demeure en nous,
comme un aiguillon qui nous excite au mal. Fidèles
POUR REMETTRE LES PÉCHÉS. 401
à la grâce du Baptême, nous sommes en état de
résister à nos mauvais penchants. Mais, hélas ! où
sont les hommes qui ne manquent jamais de cou-
rage ou de vigilance dans cette lutte des passions?
Où sont ceux qui ne sont jamais blessés dans cette
guerre? Le plus grand nombre n'éprouve que
trop l'effet de la fragilité humaine. Ils sont rares
ceux qui conservent avec une fidélité parfaite l'in-
nocence qu'ils ont reçue au Baptême.
De là, la nécessité d'un autre moyen pour obte-
nir la rémission des péchés commis après le Bap-
tême.
5. Ce second moyen, c'est le sacrement de
Pénitence.
En l'instituant, Jésus-Christ a confié à son
Eglise les chefs du royaume des cieux ; il lui a
donné le pouvoir de pardonner aux pécheurs
repentants, lors même qu'ils auraient péché jus-
qu'au dernier jour de leur vie.
Les témoignages de l'Ecriture sont des plus
clairs. Dans saint Matthieu, notre Seigneur tient
ce langage à saint Pierre : ce Je te donnerai les
clefs du royaume des cieux. Tout ce que tu lieras
sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que tu
délieras sur la terre sera aussi délié dans le ciel.
Tibi dabo claves regni cœlorum, et quodeumque
ligaveris super terram, erit ligatum et in cœlis :
et, quodeumque solveris super terram, erit solu-
tum et in cœlis. » (Matth. xvi.) S'adressant à tous
les apôtres, il leur dit pareillement : « Tout ce que
SYMB. H. 34
402 POUVOIR DE l'église
vous lierez sur la terre sera aussi lié dans le ciel,
et tout ce que vous aurez délié sur la terre, sera
aussi délié dans le ciel. Quaecumque alligaveritis
super terrain, erunt ligata et in cœlo : et quaecum-
que solveritis super terrain, erunt soluta et in
cœlo. » {Mat th. xvm.) Saint Jean atteste encore
que notre Seigneur, ayant soufflé sur ses apôtres,
leur parla en ces termes : « Recevez le Saint-
Esprit : les péchés seront remis*à ceux à qui vous
les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui
vous les retiendrez. Accipite Spiritum Sanctum :
quorum remiseritis peccata, remittentur eis : et
quorum retinueritis, retenta sunt. » (Joann. xx.)
6. Le pouvoir de l'Eglise est donc indubitable.
Je viens de vous en montrer l'origine et pour ainsi
dire le diplôme. Elle en a toujours fait usage; la
tradition tout entière le témoigne. Mais il faut voir
maintenant quelle en est l'étendue.
D'abord, nulle restriction, quant à l'espèce de
péchés,
Notre Seigneur parle de péchés en général sans
en excepter aucun. Si horribles qu'on puisse les
commettre ou les imaginer, il n'en est aucun dont
l'Eglise ne puisse absoudre.
Ainsi, quelque coupable, quelque pervers que
soit un pécheur, il peut espérer son pardon avec
assurance, moyennant qu'il se repente.
Mais la puissance de l'Eglise n'est-elle pas limi-
tée quant au temps? N'expire-t-elle pas après
qu'elle en a usé un certain nombre de fois?
P01R REMETTRE LES PÉCHÉS. 403
Non, cette puissance n'est pas plus restreinte
quant au temps qu'elle ne l'est en ce qui concerne
l'espèce de péchés. Autant de fois un pécheur
demande sincèrement pardon, à quelque heure
qu'il ait la volonté de s'amender, quand ce serait
au dernier instant de sa vie, il doit être accueilli ;
il est défendu de le rebuter ; notre Seigneur l'a
marqué expressément. Saint Pierre lui demandant
s'il fallait porter la clémence jusqu'à pardonner
sept fois : « Je ne vous dis pas sept fois, lui répond
le Sauveur, mais jusqu'à septante fois sept fois. r>
C'est-à-dire, toujours. « Non dico libi usque sep-
ties, sed usque septuagies septies. » (Matîh. xviii.)
Notre Seigneur a donc conféré à son Eglise un
pouvoir sans bornes pour pardonner tous les pé-
chés et pour les pardonner toujours.
7. La seule restriction qu'il ait mise à ce pou-
voir consiste en ce qu'il en a délégué l'exercice à
certains ministres choisis.
Tout fidèle ne le possède pas. Notre Seigneur
n'a pas communiqué un ministère si relevé à tout
le monde; il en a fait la prérogative des évoques
et des prêtres. 11 a prescrit de plus la manière
d'exercer ce pouvoir. Les prêtres et les évoques
ne peuvent remettre les péchés qu'au moyen des
sacrements administrés selon la forme. L'Eglise ne
peut les remettre autrement.
Concluons de là que c'est Jésus-Christ lui-même,
l'auteur et le dispensateur de notre salut , qui
opère en nous le pardon et la justification ; quant
404 POUVOIR DE l'église
aux sacrements et aux ministres qui les confèrent,
ils ne sont que des instruments de son choix et
dont il se sert pour répandre en nous ses grâces.
Voilà le don précieux que le Sauveur a daigné
faire à son Eglise. Quelle miséricorde! quelle
bonté ! Ah ! que nous serions coupables, si nous
n'en concevions pas la plus haute estime, et si nous
négligions d'en profiter !
Pour éviter ce malheur, appliquons-nous à con-
sidérer quel est ce bienfait de la rémission des
péchés ; tâchons, autant qu'il est en nous, d'en ap-
précier l'excellence et la grandeur.
SECOND POINT.
8. Elles doivent se mesurer, d'abord, sur la
puissance requise pour pardonner le péché et jus-
tifier le pécheur.
Or, quelle puissance faut-il pour cela?
La puissance même de Dieu, une puissance im-
mense, infinie, telle qu'il faut pour ressusciter les
morts et pour créer le monde. C'est trop peu dire ;
car, selon la pensée de saint Augustin, la justifi-
cation d'un pécheur est une œuvre plus difficile
que la création du monde.
Si donc celle-ci suppose une puissance infinie,
à plus forte raison celle-là. Ainsi c'est Dieu, et
Dieu seul qui peut remettre les péchés.
Les Pères tiennent unanimement cette doctrine;
nous ne sommes ici que leur fidèle écho. Oui, une
POUR REMETTRE LES PÉCHÉS. 405
œuvre si merveilleuse ne peut être attribuée qu'à
une bonté et à une puissance souveraine. « C'est
moi, dit le Seigneur par son prophète, c'est moi-
même qui efface les iniquités. Ego sum, ego sum
ipse qui deleo iniquitates tuas. » [Isa. xliii)
La simple raison d'ailleurs nous le dit assez.
Une dette peut-elle être remise par un autre que
par le créancier? Il est indubitable que non. Lui
seul est le maître de son bien et peut en disposer à
son gré; lui seul par conséquent peut faire grâce
à son débiteur.
Or, le péché est une vraie dette ; c'est une dette
contractée envers la justice de Dieu; une dette
pour laquelle nous sommes passibles d'un châti-
ment soit temporel, soit éternel, selon que la faute
est plus légère ou plus grave. Donc, encore une
fois, c'est à Dieu seul qu'il appartient de nous par-
donner, c'est-à-dire, de nous rendre sa bienveil-
lance, si nous l'avons perdue, d'effacer les taches
de notre âme, de nous accorder la remise ou la
commutation de la peine que nous avons méritée.
C'est pour cela que nous disons tous les jours
dans l'Oraison Dominicale : ce Pardonnez-nous nos
offenses, ou, remettez-nous nos dettes : Dimitte
nobis débita nostra. »
9. Et voyez de quelle manière admirable Dieu a
délégué sa puissance à l'Eglise.
Avant que le divin Rédempteur parut sur la
terre, nul homme au monde n'en avait reçu com-
munication. Jésus-Christ, en tant qu'homme, car
.406 POUVOIR DE l'église
il l'est aussi véritablement qu'il est Dieu, est le
premier à qui le Père céleste en ait fait part. Le
Sauveur lui-même nous l'apprend. Les Juifs mur-
murant un jour de ce qu'il s'attribuait le droit de
remettre les péchés, voici comment il les confondit.
Un paralytique gisait dans son lit en présence
d'une foule de peuple. Lequel des deux, demanda
alors le Sauveur aux pharisiens, est le plus facile,
ou de remettre les péchés ou de commander à cet
homme d'emporter son lit et de marcher? Or,
ajouta-t-il, pour que vous sachiez que le Fils de
l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la
terre : Lève-toi, dit-il au malade, emporte ton lit et
retourne en ta maison. Le paralytique obéit, et ce
miracle ferma la bouche aux ennemis du Sauveur.
Comme il s'était incarné, afin de mériter et d'ac-
corder aux hommes le pardon de leurs péchés,
avant de monter au ciel, pour siéger à jamais a la
droite du Père, il délègue la puissance d'absoudre
a son Eglise, c'est-à-dire, aux évèques et aux
prêtres.
Il y a toutefois une différence essentielle entre
la manière dont Jésus-Christ et ses ministres re-
mettent les péchés. Nous l'avons déjà signalée : les
prêtres absolvent en qualité de représentants de
Jésus-Christ ; Jésus-Christ absout de sa propre
autorité.
Quelle estime ne devons-nous pas faire de la
grâce qu'il a accordée à son Eglise! Si nous admi-
rons la puissance divine dans les merveilles de la
POUR REMETTRE LES PÉCHÉS. 407
nature, comment pourrons-nous assez reconnaître
cette merveille plus grande de la rémission des
péchés? Pourrons-nous jamais assez en bénir la
bonté divine?
10. Mais voulons-nous encore mieux compren-
dre l'excellence de ce bienfait? considérons de
quel moyen Dieu s'est servi, afin d'effacer les pé-
chés du monde.
Le Père éternel a voulu que nos crimes fussent
expiés par le sang de son Fils. Le Fils a subi de
son plein gré le châtiment dû à nos iniquités.
« Oblatus est, quia ipse voluit Posuit Dominus
in eo iniquitatem omnium nostrùm. Le Seigneur
l'a chargé de nos iniquités, et il a été immolé par-
ce qu'il l'a bien voulu. » {Isa. lui.) Juste, il a été
condamné pour les injustes; innocent, il a souffert
une mort cruelle pour les coupables : « Christus
semel pro peccatis nostris mortuus est, justuspro
injustis. » (7 Peir. m.)
« Nous n'avons pas été rachetés au prix d'un
métal corruptible, à prix d'or ou d'argent ; mais,
dit le Prince des apôtres, au prix du sang précieux
de Jésus-Christ, l'Agneau sans tache et sans souil-
lure. Non corruptibilibus auro et argento redempti
estis , sed pretioso sanguine quasi Agni imma-
culati Christi et incontaminati. » [4 Petr.i.)
Or, ce sont les mérites de ce sang divin que
l'Eglise nous applique par le bienfait de l'absolu-
tion. Ne suffit-il pas de considérer ce qu'il a coûté
au Sauveur, pour l'apprécier ? Quelle charité et
408 pouvoir de l'église
quelle providence de sa part, d'avoir mis entre les
mains de l'Eglise un pouvoir si salutaire ! et ne
sommes-nous pas heureux, nous, pauvres pé-
cheurs, sujets à tant de faiblesses et de chutes, de
posséder le moyen d'effacer nos péchés?
1 1 . Une troisième considération achèvera de
nous faire sentir l'excellence de ce bienfait.
Qu'arrive- t-il à celui qui offense Dieu par un
péché mortel? Sur-le-champ il est dépouillé de
tous les mérites qu'il avait acquis en vertu de la
mort et de la croix de Jésus-Christ. Le ciel, fermé
d'abord par le péché d'Adam, puis rouvert aux
hommes par le sang de la rédemption, lui est fer-
mé de nouveau, et l'entrée lui en est absolument
interdite. Le voilà, ce malheureux, dans l'état dé-
plorable où était Adam après sa chute. Qu'a-t-il
en perspective? Disgracié de Dieu, il ne peut plus
s'attendre qu'à être séparé de lui pour jamais. Il a
perdu son Dieu, il a perdu le ciel, et l'enfer ouvre
déjà ses abîmes sous ses pas; il y sera infaillible-
ment englouti, si la mort vient à le frapper dans
l'état du péché.
Peut-on penser aux suites désastreuses d'un
péché mortel sans frémir?
Mais, tournons les yeux vers cette admirable
puissance que l'Eglise a reçue pour pardonner.
0 Dieu ! comment ne pas tressaillir de joie !
comment ne pas vous combler d'immortelles
louanges ! La foi dit à ce pauvre désespéré que
tout n'est pas perdu. Elle fait entendre à ce mort
POUR REMETTRE LES PÉCHÉS. 409
une parole de résurrection et de vie. Courage!
lui dit-elle, mon enfant : il y a rémission des pé-
chés. Ta malice peut être énorme, tes péchés plus
grands que les montagnes, plus nombreux que les
cheveux de ta tète, plus noirs que le charbon ;
relève-toi cependant et ranime ta confiance. Alors,
elle lui montre dans l'Eglise un tribi.tial de misé-
ricorde. Là, mon fils, lui dit-elle encore, tout pé-
cheur, quels que soient ses crimes, peut, avec le
secours de la grâce, être réintégré dans sa dignité
d'enfant de Dieu; et cette grâce, Dieu l'offre à
tous ; il te l'offre aussi à toi-même.
Tel est le langage que la foi adresse à tous ceux
qui ont eu le malheur de tomber dans le péché.
Qu'il est consolant ! et Dieu pouvait-il nous don-
ner un gage plus sensible de sa clémence ? Pou-
vait-il nous prouver d'une manière plus convain-
cante qu'il est le Père des miséricordes et le Dieu
de toute consolation?
CONCLUSION.
4 2. Rien de plus encourageant clans les maladies
que de savoir qu'elles ne sont pas incurables. Alors,
on recourt avec empressement à l'art des méde-
cins, et quelque amère que soit la potion qu'ils
prescrivent, on s'y soumet de bon cœur; le désir
de recouvrer la santé, l'amour de la 'vie nous ren-
dent agréables les remèdes les plus pénibles. Avec
combien plus d'empressement ne devons-nous
SYMB. 11. 35
410 pouvoir de l'église
pas recourir, dans les infirmités de l'âme, à ceux
du céleste médecin? Et combien il est plus doux
et plus agréable d'y recourir, puisqu'il s'agit de
guérir et de ressusciter nos âmes? Les remèdes
humains sont d'une efficacité douteuse ; nous ne
sommes pas sûrs qu'ils produiront leur effet ; mais
les remèdes de l'âme, préparés par la sagesse di-
vine, opèrent infailliblement.
Il suffit de vouloir guérir et d'en user.
13. Usez-en donc, chrétiens, mes frères; usez-
en avec soin, usez-en avec de bonnes dispositions
pour la sanctification de vos âmes. Oui, profitez
du pardon que Dieu vous offre. Négliger un don
si utile, si nécesaire, ne serait-ce pas en faire du
mépris? Que penseriez-vous d'un criminel, qui,
après avoir été condamnée mort pour ses méfaits,
et sachant qu'il peut obtenir sa grâce, refuserait de
s'humilier et de la demander ? Nous sommes ce
criminel. Mille fois peut-être nous nous sommes
révoltés contre Dieu. Sa justice a déjà prononcé
notre sentence ; mais sa miséricorde, qui veut
notre conversion et non pas notre perte, nous in-
vite et nous presse de recourir à la pénitence. Que
nous sommes insensés, téméraires , ennemis de
nous-mêmes, si, comme cet obstiné, nous rejetons
la grâce qu'on nous présente, si nous différons de
jour en jour -de la recevoir ! Et ne me dites pas
que vous vous en reconnaissez indigne, que votre
péché est trop grand, qu'il n'y a plus de miséri-
corde pour vous ; car enfin, pourquoi le Seigneur
POUR REMETTRE LES PÉCHÉS. 4 11
aurait-il donné à l'Eglise le pouvoir dé pardonner ?
N'est-ce pas en faveur des coupables et des plus
grands coupables? N'est-ce pas pour que tous in-
distinctement puissent en profiter? sans nul doute.
Hâtez-vous donc, et ne tardez pas davantage à
venir implorer votre pardon dans le sacrement de
pénitence. Venez vous purifier dans ce bain salu-
taire qui est comme un supplément du Baptême.
C'est l'unique moyen de vous réconcilier avec
Dieu. De même qu'on ne peut être lavé de la tache
originelle sans le Baptême , de même, sans le sa-
crement de pénitence, vous ne pouvez recouvrer
l'innocence perdue par le péché mortel.
Mais qu'elle est merveilleuse la puissance de ce
sacrement ! Combien Dieu s'y montre enclin à par-
donner ! Autant de fois que vous vous en appro-
chez avec un sincère repentir, autant de fois le
Seigneur vous fait entendre par son ministre la
parole du pardon et de la paix. En vérité, il sem-
ble y prodiguer sa miséricorde !
Que cette facilité du pardon, que cette dispo-
sition divine à pardonner en tout temps, ne nous
fasse pas cependant pécher avec plus de liberté,
ni différer notre conversion. Quoi I serions-nous
donc plus prompts à pécher, parce que Dieu est
prompt à pardonner? Quel oulrage pour la bonté
divine! Oh ! s'il en était ainsi, nous nous rendrions
indignes de sa miséricorde par l'abus même que
nous en ferions 1 Qu'elle soit plutôt un motif nou-
veau pour nous de craindre le péché et de l'éviter
i!i POUVOIR DE l'église, etc.
avec tout le soin possible. Gardons-nous aussi de
bisser la patience de Dieu par nos délais. Il n'est
aucun temps, il est vrai, où il ne soit prêt à accor-
der le pardon au repentir ; mais s'il a promis le
pardon au repentir, souvenez-vous qu'il n'a pas
promis le lendemain au pécheur. A quel danger ne
vous exposez-vous pas, en différant toujours ! La
mort peut vous surprendre a tout moment, et si
elle venait à vous frapper dans l'état du péché ,
à quoi vous servirait d'avoir cru la rémission des
péchés ! Vos retards ne serviraient qu'à vous ren-
dre plus coupables, et dans l'éternité vous seriez
doublement châtiés d'avoir cru le pardon facile et
d'avoir négligé de l'obtenir. Prévenez ce malheur,
en répondant sans plus tarder à la voix divine qui
vous appelle à la pénitence.
NOTE. 413
NOTE.
Ultrum Christus, secundum quod homo, habuerit potes-
tatem operandi interiorem effectuai Sacramentorum.
Videtur quod Christus, secuodum quod homo, habuerit
potestatem operaadi interiorem effectum sacramentorum :
Dicit enim Joannes Baptista, ut habetur Joan. 1. Qui me
misit baptizare in aqua, ille mihi dixit : Super quem vide-
ris Spiritum descendentem et manentem super eum, hic
est qui baptizat in Spiritu sancto : Sed baptizare in Spiritu
sanclo, est interius gratiam Spiritus sancti conferre : Spi-
ritus sanctus autem descendit super Christum in quantum
homo, non in quantum Deus; quia sic ipse dat Spiritum
sanctum : Ergo videtur, quod Christus secundum quod
homo, habuerit. potestatem interiorem effectum sacramen-
torum causandi.
Praeterea, Matth. 9. Dominus dicit, sciatis quia Filins
hominis habet potestatem in terra dimittendi peccata : sed
remissio peccatorum est inlerior effectus sacramenti : Ergo
videtur, quod Christus secundum quod homo, interiorem
effectum sacramentorum operetur.
Praeterea, institutio sacramentorum pertinet ad eum qui
tanquam principale agens operatur ad interiorem sacramenti
effectum : Manifeslum est autem quod Christus sacramenta
instituit : Ergo, ipse est qui interius operatur sacramento-
rum effectum.
SYMB. 11. 35*
414 NOTE.
Prseterea, Nullus potest sine sacramento effeclum sacra-
menti conferre, nisi propria virtute sacramenti effectum
operetur : Sed Christus sine sacramento contulit sacra-
menti effectum; ut patet in Magdalena, cui dixit : Dimit-
tuntur tibi peccata. Ergo videtur, quod Christus, secun-
dum quod homo, operetur interiorem sacramenti effectum.
Praeterea, Ulud in cujus virtute sacramentum operatur,
est id principale agens ad interiorem effectum : Sed sacra-
menta habent virtutem ex passione Christi et invocatione
nominis ejus, secundum illud 1 . ad Cor. 1 . Numquid Paulus
pro vobis crucifixus est, aut in nomine Pauli baptizati
estis? Ergo Christus in quantum homo, operetur interiorem
effectum sacramenti.
Sed contra est, quod Augustinus dicit, quod insacramen-
tis divina virtus secretius operatur salutem : Divina autem
virtus est Christi, secundum quod est Deus, non autem
secundum quod est homo : Ergo Christus non operatur in-
teriorem sacramenti effectum, secundum quod est homo,
sed secundum quod est Deus.
CONCLUS 10.
Christus in quantum Deus, polestatem auctoritatis in
sacramentis habuit, in quantum vero homo habuit minis-
terii principalis polestatem, seu excellentise, quatenus ipse
est, qui per passionem suam meritorie et effective operatus
fuit omnium salutem, et meruit ut in illius nomine sancti-
ûcarentur, et instituerentur sacramenta, qui absque sacra-
mentis potuit solus homines justificare.
Kespondeo dicendum , quod interiorem sacramentorum
effectum operatur Christus; et serundum quod est Deus, et
secundum quod est homo, aliter {amen et aliter : Nam
secundum quod est Deus, operatur in sacramentis per auc-
NOTE. 415
toritatem ; secundum autem quod est honio, operatur ad
interiores eiïectus sacramentorum meritorie et efficienter.
sed instrumentaliter. Dictum est enim (qu. 48). quod passio
Christi, quae competit ei secundum humanam naturam,
causa est nostrœ justificationis, et meritorie et effective,
non quidem per modum principalis agentis , sive per
auctoritatem, sed per modum instrument, in quantum hu-
manitas est instrumentum divinitatis ejus : ut supra diclum
est. Sed lamen quia est instrumentum conjunctum extrin-
secorum, qui sunt ministri Ecclesiae, ut ex supra dictis
patet (art. i.), et ideo sicut Christus inquanlum Deus habet
potestatem auctoritatis in sacramentis ; ita in quantum homo
habet potestatem ministerii principalis, sive potestalem
excellentiee, quae quidem consistit in quatuor. Primo qui-
dem in hoc meritum et virtus ejus operatur in sacramentis
ut supra dictum est (qu. G2. art. 5.) Et quia virtus pas-
sionis copuiatur nobis per fidem, secundum illud Rom. 3.
Quem posuit Deus propitiatorem per fidem in sanguine
ipsius, quam fidem per invocationem nominis Christi pro-
testamur, ideo secundo ad potestatem excellentiœ, quam
Christus habet in sacramentis, pertinet quod in ejus nomine
sacramenta sanctificantur : Et quia ex ejus institutione sa-
cramenta virtutem obtinent, inde est quod tertio ad excel-
lentiam potestatis Christi pertinet, quod ipse qui dédit
virtutem sacramentis, potuit instituere sacramenta. Et quia
causa non dependet ab effectu, sed polius è con verso ; ideo
quarto ad excellentiam potestatis Christi pertinet, quod
ipse potuit effectum sacramentum sine exteriori sacramento
conferre.
Et per hoc patet responsio ad objecta, utraque enim
pars objectionum secundum aliquid vera est, ut dictum
est. (S. Thom. 3 p. g. 64. art. 3),
XIe ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO CARNIS RESURRECTIONEM. — JE CROIS
LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.
Ire INSTRUCTION.
CERTITUDE ET NÉCESSITÉ DE LA RÉSURRECTION.
EX OR DE.
'I . De la communion des Saints et de la rémis-
sion des péchés, le Symbole nous fait passer immé-
diatement à l'article de la résurrection de la chair
qui n'aura lieu qu'à la fin des temps. Pourquoi cela ?
C'est que toute la vie d'un chrétien se résume dans
ces deux points : il doit profiter des grâces qui se
trouvent en abondance dans le sein de l'Eglise, en
un mot, profiter de la communion des Saints ; puis,
s'il a le malheur de tomber dans quelques fautes,
il doit en faire pénitence, afin d'en obtenir la ré-
mission.
C'est ainsi que tout chrétien doit se préparer à
ses fins dernières : à la mort, à la résurrection, au
jugement, à l'éternité.
CERTITUDE ET NÉCESSITÉ, ETC. 417
2. La résurrection de la chair, objet du onzième
article du Symbole, est une confirmation puissante
de la vérité de notre sainte religion. Les divines
Ecritures font bien voir l'importance de ce dogme
par le soin qu'elles mettent non-seulement à le
proposer, mais à le prouver.
Toutes nos espérances de salut reposent en effet
sur la vérité de la résurrection, comme sur leur
fondement le plus solide. « S'il est faux que les
morts ressuscitent, il faut en conclure que Jésus-
Christ lui-même n'est pas ressuscité ; et si Jésus-
Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est
vaine et votre foi n'a point de base. » Ainsi raison-
sonnait l'apôtre saint Paul. « Si mortuorum resur-
rectio non est, neque Christus resurrexit : quod si
Christus non resurrexit, inanis est praedicatio nos-
tra, inanis est et fidavestra. » (i Corinth. xi.)
De tout temps, les impies ont fait tous leurs
efforts pour renverser ou obscurcir cette vérité.
Mettons donc le plus grand zèle à nous en instruire.
Nous en serons amplement récompensés par les
encouragements et les consolations qu'elle offre à
la piété.
Dans cet entretien , je commencerai par vous ex-
pliquer ce que signifie cette parole : la résurrec-
tion de la chair ; je vous prouverai ensuite la certi-
tude de la résurrection, et enfin, je vous exposerai
les motifs qui en montrent la nécessité.
0 Jésus, qui êtes notre résurrection et notre
vie ! excitez en nous la foi la plus viveencegrand
418 CERTITUDE El NÉCESSITÉ
mystère ; faites-nous la grâce d'en être profondé-
ment convaincus.
PREMIER POINT.
3. Nous devons tous mourir. Il n'est point
d'homme sur la terre, qui, tôt ou tard, ne doive
succomber à cette nécessité inévitable. L'Ecriture
sainte contient une page remarquable sur ce sujet.
En traçant la généalogie des premiers patriarches,
elle rappelle le nombre d'années qu'ils ont vécu
et termine par ces simples mots : « Et mortuus est,
et il est mort. »
Adam vécut neuf cent trente ans, et il mourut.
Seth, vécut neuf cent douze ans, et il mourut.
Enos vécut neuf cent cinq ans, et il mourut.
Caïman vécut neuf cent dix ans, et il mourut.
Malaleèl vécut huit cent quatre-vingt-quinze ans,
et il mourut.
Mathusalem vécut neuf cent soixante-neuf ans,
et il mourut.
Quel homme, après cela, peut se flatter d'échap-
per à la mort? Le plus fier monarque est sujet à
cette loi aussi bien que le dernier des esclaves.
«Souviens-toi donc, ô homme! que tu es pous-
sière, et que tu retourneras en poussière. Mémento,
homo, quia pulvis es et in pulverem reverteris. »
Mais quand tous les hommes auront payé ce tri-
but à leur Créateur, la mort aura son tour, elle
sera vaincue par la vie, et forcée de lui restituer
toutes ses victimes.
DE LA RÉSURRECTION. 419
Le Symbole nous le déclare, par ces mots : Je
crois la résurrection de la chair. Credo carnis
resurrectionem. Par cette résurrection, il entend
signifier que tous les hommes ressusciteront, sans
aucune exception.
Mais, pourquoi dit-il : résurrection de la chaire
L'expression a été choisie à dessein. Le corps
seul a besoin de résurrection ; l'âme est immor-
telle comme les divines Ecritures le témoignent en
plusieurs endroits; et c'est un dogme de foi.
Aussi, de peur qu'on ne s'imaginât que l'âme
meure avec le corps, et que les deux seraient en
même temps rappelés à la vie, les apôtres se sont
énoncés de la manière la plus précise : Résurrec-
tion de la chair, c'est-à-dire, que la chair ou le
corps seul ressuscitera.
4. Le mot de chair est ici exactementsynonyme
de corps. Ce n'est pas comme dans certains passa-
ges de l'Ecriture, où il s'emploie pour signifier tout
l'homme, comme par exemple, lorsque le pro-
phète Isaïe dit que « Toute chair est comme l'herbe
des champs : Gmnis caro fœnum ; » {Isa. xl.)ou
encore, lorsque saint Jean dit que « le Verbe s'est
fait chair : Et Verbum caro factumest. n{Joan. i.)
Dans le Symbole, ce mot de chair est employé
par opposition à l'âme. C'est comme si l'on nous
disait : des deux parties dont se compose l'homme,
savoir le corps et l'âme, le corps seul est sujet à
la corruption et doit retourner dans la poussière
420 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ
d'où il a été tiré ; quant à l'âme, elle demeure in-
corruptible.
Comme la résurrection suppose la mort, on ne
peut donc dire proprement à l'âme qu'elle ressus-
cite, puisqu'elle ne meurt pas. Quand vous enten-
dez parler de la résurrection de l'âme, il ne s'agit
alors que d'une résurrection spirituelle. Par cette
expression, on veut dire non pas que l'âme avait
cessé de vivre, mais qu'elle était morte en la grâce
de Dieu par le péché et qu'elle a recouvré cette
grâce par la pénitence.
Du temps même des apôtres, il y eut deux sec-
taires, nommés Hyménée et Philet, qui prétendaient
qu'il n'est question dans l'Ecriture que de cette ré-
surrection spirituelle, et qui niaient que les corps
dussent ressusciter. C'est pour détruire cette er-
reur que les apôtres ont dit formellement que la
chair ressusciterait.
Tel est le sens, manifeste des paroles du Sym-
bole.
SECOND POINT.
o. Montrons maintenant la certitude de la ré-
surrection des corps.
D'abord, elle est prouvée par une foule d'exem-
ples de l'Ancien et du Nouveau Testament et de
l'histoire ecclésiastique.
J'ouvre les saintes Ecritures. Ici, je vois le pro-
phète Elie qui ressuscite le fils de la veuve de Sa-
repta. Là, c'est Elisée, son disciple, rendant la vie
DE LA RÉSURRECTION. 421
au fils de la Sunamite. Un peu plus loin, je lis qu'un
mort, jeté précipitamment dans le tombeau du
mémo. Elisée, se ranime au contact des ossements
du prophète.
Dans le Nouveau Testament, trois morts sont
rappelés à la vie par Notre-Seigneur Jésus-Christ :
la fille de Jaïre, qui venait de rendre le dernier "
soupir, le fils de la veuve de Naïm, qu'on portait
déjà en terre, enfin, Lazare, l'ami du Sauveur, qui
était dans le tombeau depuis quatre jours. Plus
'tard, l'apôtre saint Pierre ressuscite la pieuse Ta-
bithe, et saint Paul le jeune Eutyque, qui était
tombé d'un troisième étage pendant que l'apôtre
prêchait.
L'histoire de l'Eglise mentionne pareillement
une foule de résurrections opérées à toutes les
époques par de saints personnages. Saint Irénée
de Lyon et Eusèbe de Césarée en rapportent plu-
sieurs.
On lit dans la vie de saint Martin de Tours,
qu'il eut la gloire de ressusciter trois morts. Saint
Stanislas évèque de Cracovie, se voyant accusé
par Boleslas roi de Pologne, de s'être emparé in-
justement d'une terre qu'il avait achetée au nom
de son Eglise, lui promit, à défaut d'autre preuve,
de faire comparaître devant lui l'ancien proprié-
taire de cette terre, qui était mort trois ans aupa-
ravant. Le prince impie accepta la condition avec
moquerie. Le saint évèque passe ti ois jours en
prière et- en jeûne, et après avoir offert le saint
SYMB. 11. 3 G
I 22 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ
sacrifice, il va au tombeau, et commande au mort
de se lever et de le suivre. Le mort se leva en
effet et alla rendre témoignage de l'innocence du
saint prélat.
Dans des temps plus rapprochés de nous, saint
François Xavier, aux Indes, fut doué d'un sem-
blable pouvoir. Une jeune fille de Cangoxima étant
morte à la fleur de l'âge, son père vint se jeter
aux pieds de Xavier et le conjura les larmes aux
yeux de lui rendre la. vie à lui-même en la rendant
à sa fille unique. Xavier, touché de la foi et de
l'affliction du païen, se retira avec son compagnon
Fernandès pour prier Dieu. Etant revenu peu de
temps après : allez, dit-il à ce père désolé, votre,
fille est en vie.
Un jeune homme de Malacca, nommé François
Ciavus, s'etant mis dans la bouche, sans y penser,
le fer d'une flèche empoisonnée, mourut tout à
coup, tant le poison était subtil et mortel. On l'en-
st vrlissait, lorsque Xavier survint par hasard. Il
fut si touché des cris et des larmes de la mère,
que, prenant le mort par la main, il le fit revivre
avec ces paroles : François, au nom de Jésus-
Christ, levez-vous. (Vie de S. François Xavier,
par Bouhours.)
Ces résurrections particulières confirment la vé-
rité de notre résurrection future. Il faut croire que
nous ressusciterons tous comme plusieurs ont été
ressuscites. Ces prodiges, en effet, Dieu les a faits
dans le dessein de nous certifier cette vérité et
DE LA RÉSURRECTION. 423
d'affermir notre foi. C'est même là le principal fruit
que nous devons en retirer.
6. A ces exemples, joignons le témoignage des
divines Ecritures. Elles nous enseignent expressé-
ment le dosme de la résurrection dans une foule
de textes. Je me contente de quelques-uns.
L'Ancien Testament nous présente deux grands
témoins de cette vérité : Job et Daniel.
Job est réduit à la dernière misère. Du comble
de la fortune, il est tombé dans un abime de maux.
Il ne désespère pas. Ecoutez pourquoi : « Je sais,
dit-il, que mon Rédempteur est vivant, et qu'au
dernier jour, je me lèverai du sein de la terre, et
je serai de nouveau revêtu de ma peau, et je ver-
rai dans ma chair le Dieu mon Sauveur. Scio enim
quod Redemptor meus vivit, et in novissimo die
de terra surrecturus sum : Et rursum circumdabor
pelle mea, et in carne mea videbo Deum meum. »
{Job. xix.)
Le prophète Daniel assure de son côté que :
« De cette multitude qui dort dans la poussière du
tombeau, les uns se réveilleront pour la vie éter-
nelle, les autres pour un opprobre sans fin. Et
multi de his qui dormiunt in terras pulvere, evigi-
labunt : alii in vitam œternam, et alii in oppro-
brium ut videant semper. » (Dan. xn.)
Le Nouveau Testament renferme des témoigna-
ges non moins éclatants à l'appui de la résurrec-
tion future.
Il y avait chez les Juifs une secte appelée les
424 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ
Saduccéens qui niaient ce dogme. Un jour, quel-
ques-uns d'entre eux entreprirent de présenter
leurs difficultés à ce sujet au Sauveur. Pour leur
en faire sentir la futilité, et leur montrer par l'Ecri-
ture la vérité de ce dogme, le Sauveur leur dit ces
simples paroles : « Vous êtes dans l'erreur ; vous
ignorez les Ecritures et la puissance de Dieu ; car
après la résurrection, il n'y aura plus d'alliance
conjugale ; mais les hommes seront comme les
anges de Dieu dans le ciel. Et quant à la résurrec-
tion elle-même, n'avez-vous pas lu ce que le Sei-
gneur vous a dit? Je suis le Dieu d'Abraham,
d'Isaac et de Jacob? Il n'est pas le Dieu des morts,
mais des vivants. Erratis, nescientes scripturas ;
neque virtutem Dei. In resurrectione enim, neque
nubent, neque nubentur : sed erunt sicut Angeli
Dei in cœlo. De resurrectione autem mortuorum,
non legistis quod dictum est a Deo dicente vobis :
Ego sum Deus Abraham, et Deus Isaac, et Deus
Jacob? Non est Deus mortuorum, sed viventium.»
(Malth. xxii.)
Dans une autre circonstance , Notre-Seigneur
parla ainsi aux Juifs : « En vérité, en vérité, je
vous dis que l'heure vient et que l'heure est déjà
venue, où les morts entendront la voix du Fils de
Dieu et où ceux qui l'entendront vivront : car mon
Père a la vie en lui-même, et il a aussi donné au
Fils d'avoir la vie en lui-même et il lui a donné le
pouvoir de juger, parce qu'il est le Fils de l'hom-
me. Ne vous étonnez pas de ceci ; car le temps
DE LA RÉSURRECTION. 425
viendra où tous ceux qui sont dans le tombeau
entendront la voix du Fils de Dieu ; et alors, ceux
qui auront fait le bien ressusciteront à la vie éter-
nelle ; ceux au contraire qui auront fait le mal res-
susciteront pour leur condamnation. Amen, amen
dico vobis, quia venit hora, et nunc est, quando
mortui audient vocem Filii Dei, et qui audierint,
vivent. Sicut enim Pater habet vitam in semetip-
so : sic dédit et Filio habere vitam in semetipso.
Et potestatem dédit eijudicium facere, quia Filius
homrnis est. Nolite mirari hoc, quia venit hora, in
qua omnes, qui in monnmentis sunt, audient vo-
cem Filii Dei. Et procèdent qui bona fecerunt, in
resurrectionem vitae : qui vero mala egerunt, in
resurrectionem judicii. » (Joann. v.)
L'apôtre saint Paul expose aussi ce mystère
dans sa première épître aux Corinthiens. Nous
citerons tout à l'heure quelques-unes de ses ré-
flexions. C'est encore par la pensée de la résur-
rection future qu'il engage les Fidèles de Thessa-
lonique à se consoler de la mort de leurs proches.
« Ne vous laissez pas aller à la tristesse, leur
dit-il, comme ceux qui n'ont point d'espérance. Si
nous croyons que Jésus-Christ est mort et ressus-
cité, nous devons croire de même que Dieu fera
participer à la résurrection de Jésus-Christ, ceux
qui sont morts dans sa grâce. Non contristemini,
sicut et caeteri qui spem non habent. Si enim cre-
dimus quod Jésus mortuus est et resurrexit, ita et
Deus eos qui dormierunt per Jesum, adducet cum
eo. » (/ Thessal. iv.)
426 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ
Rien donc de plus formel dans les divines Ecri-
tures que le dogme de la résurrection. Ajoutons
qu'il n'y a rien non plus qui soit plus conforme
aux lumières de la saine raison.
TROISIÈME POINT.
7. Et d'abord, nous en trouvons une foule
d'images dans la nature elle-même.
On demandait à l'apôtre saint Paul, comment
les morts pouvaient ressusciter. Ecoutez sa ré-
ponse : « Insensé, dit-il, tu jettes une semence
dans la terre ; et cette semence ne meurt-elle pas
avant de prendre une vie nouvelle? Puis, ce que
tu sèmes, est-ce déjà la plante qui #doit paraître
plus tard?. Non, c'est un simple grain de blé ou
toute autre semence; et pourtant, Dieu sait bien
lui donner tel corps qu'il lui plaît. Insipiens, tu
quod seminas, non vivificatur, nisi prius moriatur :
et quod seminas, non corpus, quod futurum est,
seminas, sed nudum granum, ut puta, tritici, aut
alieujus caeterum ; Deus autem dat illi corpus sicut
vult. » [4 Corinth. xv.) .
La conclusion est facile à tirer. L'Apôtre l'indi-
que un peu après : « Notre corps, dit-il, est semé
dans la corruption, il ressuscitera incorruptible.
Seminatur in corruptione, surget in incorrup-
tione. » (Ibid.)
A cet exemple donné par l'Apôtre, on pourrait
en ajouter une infinité d'autres Saint Grégoire en
DE LA RESURRECTION. 427
allègue quelques-uns. « Chaque jour, dit-il, la lu-
mière disparaît à nos yeux, comme si elle s'étei-
gnait, et elle reparaît le jour suivant, comme si elle
ressuscitait. Les arbres perdent leur, verdure et
la reprennent ensuite par une sorte de résurrec-
tion. Les semences pourrissent et meurent, puis
se raniment en germant. Lux quotidie quasi mo-
riendo oculis substrahitur, et rursus quasi resur-
gendo revocatur : et arbusta viriditatem amittunt,
et rursus quasi resurgendo reparantur : et semina
putrcscendo moriuntur, et rursum germinando re-
surgunt. » (S. Gregor. lib. 44\ moral, cap. 28.)
Le corps humain n'est pas anéanti par la mort,
Sera-t-il plus difficile au Tout-Puissant. d'en ranimer
les cendres, que de faire sortir l'épi d'un grain
pourri dans la terre? Non, indubitablement, et sa
sagesse demande qu'il en agisse ainsi.
8. De puissantes raisons militent en effet en
faveur de la résurrection.
La première, c'est que nos âmes sont immor-
telles.
Or, qu'est-ce que l'âme? Une partie seulement
de nous-mêmes; une partie destinée à s'unir à
notre corps et qui éprouve une propension natu-
relle pour cette union ; car tous, nous avons hor-
reur de la mort qui est la séparation de l'âme
d'avec le corps.
Mais,' s'il en est ainsi, une séparation éternelle
serait contre nature ; ce serait un état violent, et
un état violent ne peut durer toujours.
128 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ
Il est donc très-convenable, vous le voyez, que
l'àme finisse par être réunie de nouveau au corps,
• et par conséquent, que celui-ci ressuscite.
Ce raisonnement est précisément celui que le
Sauveur lui-même proposa aux Sadducéens.. Il les
réfuta en disant que puisque l'àme- est immortelle,
il s'ensuit que le corps, doit ressusciter. .
. Ajoutez à cela' que tant que l'âme sera séparée
du corps, l'homme ne peut jouir d'une félicité -com-
plète, ni ses désirs être pleinement satisfaits. Une
partie séparée de son tout* est imparfaite , il en est
de même de l'âme séparée du corps. Pour que rien
ne manque à la félicité de l'homme, il faut donc
cjue le corps ressuscite.
9. Secondement, la justice divine réclame aussi
la résurrection des corps.
Dieu a décrété des châtiments pour les méchatits'
tjt des récompenses pour les bons.' Cependant,
parmi les uns et les autres, un grand nombre
meurent avant d'avoir reçu le prix ou la peine qui
leur revient.
La résurrection devient donc nécessaire , sinon,
. le corps qui a été le complice du péché dans les
uns, l'auxiliaire des bonnes œuvres dans les au-
tres, n'aurait point la part de "peine ou de consola-
tion qu'il -a méritée.
Saint Jean Chrysostôme développe admirable-
ment celte considération dans ses Homélies au
peuple d'Antioche. [V.- notés.)
C'est là aussi ce qui faisait dire a l'Apôtre, par-
DE. LA RÉSURRECTION. 129
lant de la résurrection, que si toutes nos espéran-
ces, à nous chrétiens, se bornaient à cette vie,
nous- serions les plus infortunés des hommes. « Si in
hac vita tantum in Christo sperantes sumus, mise-
rabiliores sumus omnibus hominibus. » (■/ Corin-
thiens, xv.)
Assurément, l'Apôtre ne met pas ici en doute
l'immortalité de l'âme;* il ne nie pas qu'elle ne
puisse jouir de la béatitude sans le corps. S'il
affirme, que nous serions les plus infortunés des
hommes, ce. ne peut être qu'en envisageant l'hom-
me tout entier. Et véritablement, supposons que
le corps soit frustré de sa part de récompense, il
en résultera que ceux qui, comme les apôtres,
ont souffert tarit d'afflictions et de calamités seront,
à certain égard, les plus malheureux de tous. Leur
corps aura supporté le poids des travaux et des
souffrances sans aucune compensation.
Il n'en peut être ainsi. Le même apôtre s'en
explique plus ouvertement, en écrivant aux fidèles
de Thessalonique : « Nous nous glorifions,. dit-il,
dans les Eglises de Dieu à votre sujet, à. cause de
la patience et de la foi que vous montrez au milieu
des persécutions et des tribulations. Ces épreuves
sont des marques du juste jugement de Dieu. Elles
ont pour but de vous rendre dignes du royaume
de Dieu, en vue duquel aussi. vous souffrez. Car il
est juste devant Dieu que vos persécuteurs soient
affligés à leur tour et que vous, qui êtes maintenant
dans .l'affliction, jouissiez un jour du repos avec
130 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ
nous. Il vous sera donné, ce repos, lorsque le Sei-
gneur Jésus descendra du ciel dans sa gloire, en-
vironné de ses anges, ministres de sa puissance et
qu'il viendra au milieu du feu pour tirer vengeance
de ceux qui n'ont point connu Dieu et qui n'obéis-
sent point à l'Evangile de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. Gloriamur in Ecclesiis Dei pro patientia
vestra, et fide m omnibus persecutionibus vestris,
et tribulationibus quas sustinetis in exemplum justi
judicii Dei, ut digni habeamini in regno Dei, pro
quo et patimini : si tamen justum est apud Deum
tribuere tribulationem iis, qui vos tribulant, et
vobis, qui tribulamini, requiem nobiscum in reve-
Jatione Domini Jcsu de cœlo cum Angelis virtutis
ejus, in flamma ignis dantis vindictam iis, qui non
noverunt Deum, et qui non obediunt Evangelio
Domini nostri Jesu Christi. » (/ Thessalon. i.)
CONCLUSION.
10. Nous ne pouvons donc en douter : nous
ressusciterons un jour, a II faut que ce corps mor-
tel soit revêtu d'immortalité ; que ce corps corrup-
tible soit revêtu d'incorruptibilité. Oportet enim
corruptibile hoc induere incorruptionem, et mor-
tale hoc mduere immortalitatem. )> (/ Cor. xv.) Ce
n'est pas Dieu qui a fait la mort, mais le péché.
« Stimulus mortis peccatum est. Le péché, dit
l'Apôtre, est l'aiguillon delà mort. r,(lbid.) Jésus-
Christ l'ayant effacé par son sang, il a aussi vaincu
la mort : sa rédemption nous a restitué ce que le
DE LA RÉSURRECTION. 131
péché nous avait ôté.« Deo autem gratias qui dédit
nobis victoriam per Dominum nostrum Jesum
Christum. Seigneur, grâces. vous soient rendues de
ce que vous nous avez donné la victoire par Jésus-
Christ notre Seigneur! » (Fbid.)
« Ego sum resurrectio et vita, qui crédit in me,
etiamsi mortuus fuerit, vivet, et omnis qui vivit et
crédit in me, non morietur in aeternum. Je suis,
dit le Sauveur lui-même, la résurrection et la vie.
Celui qui croit en moi, quand il serait mort, vivra ;
et quiconque vit et croit en moi, ne mourra pas
de la mort éternelle. » (Joan. xi.)
« Creclis hoc? Croyez-vous cette vérité? » De-
mandait-il à Marthe, avant de ressusciter Lazare.
Il nous le demande aussi à nous-mêmes en ce mo-
ment.
« Credis hoc ? » Croyez-vous que vous ressus-
citerez un jour?
Répondons avec cette pieuse femme : « Oui,
Seigneur, je le crois, car vous êtes le Christ, le Fils
du Dieu vivant, qui êtes venu en ce monde, pour
lui donner la vie. Utique, Domine, ego credidi,
quia tu es Christus, Filius Dei vivi, qui in hune
mundum venisti. » (Ibid.)
Répondons avec le saint homme Job : « Oui, je
crois que mon Rédempteur est vivant. Je crois
qu'au dernier jour je me lèverai delà poussière du
tombeau et que je verrai de mes yeux Dieu mon
Sauveur. Toujours je garderai cette espérance au
fond de mon cœur. Reposita est haec spes mea in
5 32 CERTITUDE ET NÉCESSITÉ, ETC.
si nu meo. » Elle adoucira les peines de mon exil,
elle me rendra le calice de la mort moins amer,
elle m'encouragera à la vertu, elle m'excitera à
amasser des trésors de bonnes œuvres.
« Itaque, fratres mei dilecti, stabiles estote et
immobiles, abundantes in opère Domini semper,
scientes quod labor vester non est inanis in Do-
mino. Courage donc, mes frères bien-aimés, con-
clut l'Apôtre, soyez fermes et immobiles dans la
foi, fervents au service du Seigneur, sachant que
vos travaux ne seront point inutiles devant le Sei-
gneur, y, (/ Corniih. XV.)
NOTES. 433
NOTES.
I. POSSIBILITÉ DELA RÉSURRECTION.
Assurément la résurrection des corps n'est point le ré-
sultat d'une loi ordinaire de la nature, c'est un fait surna-
turel et miraculeux; mais je ne m'explique pas que des
hommes qui reconnaissent, un Dieu tout-puissant et Créa-
teur du monde contestent la possibilité d'un tel fait. Si Dieu
a tiré du néant le corps de l'homme, pourquoi ne pourrait-il
pas, je ne dirai point le tirer de nouveau du néant, car la
mort ne l'anéantit pas, mais ranimer en lui la vie et le res-
tituera l'âme à laquelle il appartient? Quel principe ration-
nel invoquera-t-on pour nier que notre corps, une fois
décomposé et dissous par les ravages de la mort, puisse
être rétabli dans son intégrité, et rendu à l'âme qui l'anime
aujourd'hui? « Vous niez, dit un savant écrivain, qu'un
corps rendu à une âme par la résurrection puisse être
identique avec le corps qu'elle animait autrefois, et qui
avait cessé d'exister comme corps organisé. Vous savez
donc bien quel est le principe de l'identité des corps vi-
vants ; car, autrement, vous ne pourriez pas savoir s'il est
impossible que ce principe se retrouve après la dissolution
du cadavre. Ce principe, quel est-il? Réponde qui l'osera.
Ce qu'il y a de certain, c'est que ce principe ne consiste pas
dans l'identité complète et persistante des corps vivants.
En effet, dans ce flux continuel et ce renouvellement in-
cessant qui constituent le jeu de la vie physiologique, les
matériaux qui ont appartenu successivement à un même
434 NOTES.
corps humain depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse suffi-
raient, suivant la remarque de don) Calmet, pour former
un corps colossal. Dans ce torrent de la vie, les matériaux
passent et changent sans cesse ; mais l'organisme reste le
même, malgré ses modifications de grandeur, de forme et
de constitution intime. La tige naissante du chêne, cachée
entre ses deux cotylédons, aura-t-elle cessé d'être le même
végétal, quand elle sera devenue un chêne majestueux?
L'embryon de la chenille, encore contenue dans l'œuf, au-
ra-t-il cessé d'être le même insecte, quand il sera devenu
chenille, puis chrysalide, puis papillon ! L'embryon humain
aura-t-il cessé d'être le même individu, quand il sera de-
venu enfant, homme, vieillard? Non, sans doute. Or, dans
le chêne, dans le papillon, dans l'homme, reste-t-il une
seule des molécules pondérables de la tige naissante du
chêne, de l'embryon de la chenille, de l'embryon humain?
Quel physiologiste oserait aujourd'hui l'affirmer, ou même
le supposer? Pourtant, nous le repétons, c'est bien toujours
le même individu végétal, le même insecte, le même corps
humain. Quel est donc ce je ne sais quoi qui persiste dans
le chêne depuis sa germination à travers toutes les périodes
de sa végétation, dans l'insecte à travers tousses dévelop-
pements et toutes ses métamorphoses, dans le corps humain
a travers toutes les phases de son existence, et qui cons-
titue a la fois la nature spécifique et l'individualité des
corps vivants ? Ce je ne sais quoi est quelque chose de réel ,
car la nature physique et l'identité individuelle persistent
bien réellement dans ces corps.
» Dans les corps vivants, dit Cuvier, aucune molécule ne
reste en place: toutes entrent et sortent successivement :
la vie est un tourbillon continuel, dont la direction, toute
compliquée qu'elle est, demeure constante, ainsi que les
molécules qui y sont entraînées, mais non les molécules
individuelles elles-mêmes; au contraire, la matière actuelle
du corps vivant n'y sera bientôt plus, et cependant elle
NOTES. W)
est dépositaire delà force qui contiendra la matière future
à marcher dans le même sens qu'elle. Ainsi la forme- de ces
corps leur est plus essentielle que leur matière, puisque
celle-ci change sans cesse, tandis que l'autre se conserve. »
Ce n'est donc pas la matière, comme parle Guvier, ce
ne sont, pas les molécules qui constituent le principe de
l'identité du corps humain, quisqu'elles se renouvellent in-
cessamment et ne font que paraître et disparaître. Ce prin-
cipe ne saurait être qu'une force sui generis, qui persiste
au milieu de ce renouvellement continuel de la matière, et
qui a la vertu de s'assimiler les molécules matérielles et de t
leur imprimer une forme propre et individuelle.
«Toute la matière, dit M. Flourens..., paraît et dispa-
raît, se fait et se défait, et une seule chose reste, c'est-a-
dire celle qui fait et défait, celle qui produit et détruit,
c'est-à-dire la force qui vit au milieu de la matière et qui
la gouverne. » Le corps ressuscité sera donc identique- au
corps actuel du moment où reparaîtra cette même force
qui le maintient aujourd'hui, lui imprime sa forme propre
et marque son individualité; cette force reprenant une ac-
tivité nouvelle et rejoignant l'âme à laquelle elle a été asso-
ciée pour se réunir hypostatiquement a elle, l'homme tout
entier reparaîtra, pleinement identique a ce qu'il était sur
la terre. Sans doute cette force, qui est le principe de l'i-
dentité du corps, s'assimilera des éléments matériels qu'elle
marquera de son empreinte ; mais il n'est nullement néces-
saire qu'elle reprenne les mêmes molécules qui composaient
la matière du corps au moment de la mort : l'identité des
molécules n'est pas essentielle à l'identité du corps.
A la mort, que devient cette force, ce principe, quel qu'il
soit, de l'identité corporelle?
Il demeure très-certainement distinct de ces molécules
matérielles qui bientôt \ ont se décomposer et se dissoudre
pour être sans doute entraînées de nouveau dans le grand
courant de la vie. Il peut continuer de subsister au sein de
436 NOTES.
cette matière tant qu'elle n'est pas tout à fait décomposée,
mais il ne se confond pas avec elle. Que devient-i'l quand
l'organisme a totalement disparu : et quel peut être, s'il
subsiste toujours, son mode d'existence ? Ce sont- là des
problèmes insondables pour notre faible intelligence. Il est
de fait qu'à la mort l'activité du principe de l'identité cor-
porelle cesse et s'éteint , mais rien ne prouve que ce prin-
cipe sbit anéanti : il y a plus, à ne considérer que la chose
en elle-même, abstraction faite de toute considération mo-
rale et religieuse, rien n'autorise à affirmer que ce prin-
cipe, aujourd'hui inactif et comme éteint, n'est pas destiné
à recouvrer un jour une activité nouvelle et même supé-
rieure à celle dont il a joui. Où est, je ne dirai pas l'impos-
sibilité, mais l'invraisemblance d'un tel réveil ? Or ce réveil
suffit pour reproduire le même corps qui a vécu aupara-
vant. Si le principe de l'identité corporelle n'est pas
anéanti par la mort, — et personne n'oserait prétendre
qu'il le soit, — ou qu'il subsiste et quel que soit son mode
d'existence, la raison conçoit sans peine que Dieu peut lui
rendre son énergie première et le réunir à l'âme dont il a
partagé la condition.
Allons plus loin, quelle impossibilité y a-t-il que le corps
ressuscité soit formé de parties même matériellement iden-
tiques à celles qui l'ont déjà composé? « En effet, dirons-
nous avec notre regrettable ami M. Waterkeyn, lorsque le
corps se dissout, ses parties se désunissent, les éléments
dont chacune d'elles était formée se séparent, ils forment
des composés nouveaux, mais aucun de ses éléments ne
s'est anéanti. Suivant l'expression d'un savant célèbre, « la
terre est un cahos de tous les corps passés, présents et
futurs, duquel tous tirent leur origine et dans lequel tous
retombent successivement. »
Ainsi la main divine qui forma du limon de la terre le
corps du premier homme, pour.ra-t-elle à plus forte raison
réunir et rétablir les diverses éléments qui ont déjà cons-
NOTES. 437
titué ce corps et qui n'ont pas cessé un seul instant d'être
présents à la divine sagesse.
Qu'on cesse donc de parler d'impossibilité dans la résur-
rection des corps ; de quelque côté qu'on l'envisage, la
raison n'y reconnaît pas l'ombre d'impossibilité. (Les dog-
mes catholiques, par Laforêt, liv. 27, chap. 2.)
II.
Porro mortuorum etiam resurrectionem credimus. Erit
enim profecto, erit inquam mortuorum resurrectio. Resur-
rectionem autem dicentes, corporum resurrectionem intel-
ligimus. Resurrectio enim nihil aliud est, quam secunda
ejus quod cecidit erectio. Anima? etenim cum immortalitate
praaditae sint, quo tandem pacto résurgent? Nam cum
mortem ita definiant, ut sit animae à corpore disjunctio,
non dubium est quin resurrectio sit iterata animée et cor-
poris conjunctio, ac secunda dissoluti et collapsi animantis
excitatio. Ex quo efficitur, ut illud ipsummet corpus, quod
interit ac dissolvitur, tandem interitus expers ad vitam
rediturum sit. Neque enim ea imbecillitate est is , qui et
terras pulvere primum illud condtdit, utdissolutum postea,
atque in terram, ex qua sumptum fuerat, juxta Opificis
sententiam, reversum, rursus ad vitam revocare nequeat.
Nam si non est resurrectio, comedamus et bibamus, ac
jucundam deliciisque omnibus conferlam vitam consecle-
mur. Si non est resurrectio, quid tantum est quo bruta
animantia antecellamus? Si non est resurrectio, feras
agrestes, quae vitam omni mœrore vacuam degunt, beafas
prœdicemus. Si non est resurrectio, non est Deus, nec
providentia : verum omnia casu temere aguntur ac ferun-
tur. Ecce enim. plurimos justos homines cernimus, qui
egeant, et injuria afficiantur, neque ulla in hac vita ope
subleventur : peccatores contra et flagitiosos opibus atque
omni deliciarum génère circumfluentes. Ecquis autem
5YMB. 11. 37
438 NOTES.
mente preeditus hoc aeqai judicii, aut-sapientis providentiel'
esse existimet? Erit igitur resurrectio. Nam cum Deus jus-
titise laude praestet. iis quoque, qui cum patienti animo
oxpectant, mercedem persolvet. Ac si quidem anima sola
in virtutis palasstra decertavit, sola quoque coronam obti-
nebit : et si sola in voluplatum caeno sese volutavit, sola
quoque merito poenas luet. At cum nec substantiam inter
se discretam habuerint, nec anima vel virtutem, vel vitium
sine corpore coluerit, merito proinde arnbo simul, a ut
prsemiis, aut pœnis, afficiantur. Quin divina quoque Scrip-
tura corporum resurrectionem fore testatur. Ait quippe
Deus ad Noë post diluvium, quasi olera virentia dedi vobis
omnia : excepto quod carnem cum animse sanguine non
comedetis. Sanguinem enim animarum vestrarum requi-
ram de manu omnium bestiarum : et de manu omnis
hominis et fratris ejus requiram animam ipsius. Qui effu-
derit sanguinem hominis, pro illius sanguine sanguis ipsius
effundetur . quia ad imaginem Dei hominem ëffinxi*. Quo-
niam autem modo facturus est, ut sanguinem hominis de
manu omnium bestiarum requirat, nisi quia corpora homi-
num, qui mortem habeunt, ad vitam excitabit? Non enim
hominis loco bestite morientur. Ac rursus Mosen alloquens,
his verbis utitur : Ego sum Deus Abraham, et Déuslsaac,
et Deus Jacob. Atqui Deus non mortuorum, hoc est eorum,
qui plane înterieruot, nec jam futuri sunt, Deus est, sed
viventium : quorum animée quidem in manu Dei vivunt,
corpora autem per resurrectionem rursus victura sunt.
Quin Dei quoque parens David ad Deum verba faciens, ita
ioquitur : Auferes spiritual eorum et déficient, et in pul-
verem suum revertentur. En quo pacto de corporis ei sermo
sit. Deinde subjungit, Emittes spiritum tuum et creabun-
tur, et renovabis faciem terrée. Esaias item : Résurgent
mortui, et exeitabuntur qui in monumentis suri!. Atqui
perspicuum illud est, non animas, sed corpora in monu-
mentis coliocari Ac beatus Ezechiel : Et factum est, incjuit,
NOIES. 130
cuin ego prophetarom, et ecce terrai motus : et adduxit
ossa os ad os, unumquodque ad' commissuram suam. Et
vidi; et ecce rursus oborti sunt ipsis nervi, et carnes enas-
cebantur, et ascendebant ad eos, et circumfusae sunt ipsis
pelles desuper. Ac postea docet, quemadmodum spiritus,
simul atque il lis imperatum est, redierunt. Hue accedit
quod est apud Danielem : Et in tempore illo exurget Mi-
chaël princeps magnus, qui stat super filios populi tui. Et
erit tempus tribulationis, et quidem ejus modi, qualis non
fuit, ex quo extitit gens super terram usque ad tempus
illud. Et in tempore illo salvabitur omnis ille populus tuus,
qui inventas' fuerit, scriptus in libro : et multi eorum qui
dormiunt in sepulchris terras résurgent, partim in vitam
aeternâm, partim in.probrum et ignominiam sempiternam.
Et qui intelligentia p'rasditi fuerint, lucebunt in splendore
firmamenti, et inter justos multos ut stellse in saecula, et
adhuc fulgebunt. Ex his antem verbis, multi eorum qui
dormiiînt in terras sepulchris résurgent, perspicue constat,
eum corporum resurrectionem indieare. Neque enim hoc
quispiam dixerit, animas. in terras pulvere dormire. Ouine-
tiam Dominus in sacris Evangeliis corporum resurrectio-
nem diiucide tradidit. Audientenim, inquit, qui in'monu-
mentissunt, vocem filii Dei ; et procèdent "qui bona egerunt,
in resurrectionem vitse, qui'autem mala egerunt, in resur-
rectionem judicii. Ouis autem , modo mentis compos ,
animas in monumentis esse unquam dixerit? Nec vero
Domi-nus sermone tantum, sed etiam opère corporum re-
surrectionem declaravit. Primum, cum quarto a morte die,
jamque corruptum ac fœtidum Lazarum a morte ad vitam
excitavit. Neque enim animdm corpore orbatam, verum
etiam corpus una cum anima, nec alterum, sed ipsummet
quod corruptum erat excitavit. Ouonam enim alioqui modo
agnità fuisset, aut fidem invenisset morlui resurrectio, nisi
certissimis personœ notis ac proprietatibus ea' comprobata
fuisset? Verum Lazarum quidem, ut divinitatis suas speci-
iiO NOIES
men eiîeret, ac'lum ipshis, tum nostrae resurrectiouis (idem
aslrueret, ad \iiam ila revoeavit, ut eidem rursus" morieu-
dum esset. Al ipse Dominus perfectae, necjam morïi sub-
jectif .resurrecMonis auspex extitit. Eoque etiam Domine
divinus Apostolus dicebat, si ihortuî non résurgent, nec
Christus resurrexit. Igitur vana est fides nostra. Igitur
adh'uc. sumus in peçcatfs* uostris. 'Nunc autem Christus
resurrexit prirnitiœ dormientium, et primogenitus ex mor-
tuis.
Ae rursus, si enim credimus quod Christus mortuus est
ac resurrexit : sic etiam Deus eos qui dormiernnt per
Jesum, adducet cnm eo, Ad hune modum Dominum resur-
rexisse ait. "Quod autem Domini rèsurrectio corpofis jam
immortalis el anima? conjunçtio esset (nam hœc'erant,
iuter qu«fe (H Visio extiterat)- hinc liquido perspici potest.
Ait enim-, solvite templum hoc, et in tribus diebus œdifi-
cabo illud.
Quod autem de corpore *suo loqueretur, Evangelista
locuples es! testis: Palpate me, et videte (.aiebat ad disn-
pulos sups Dominas., ;cum ita affecti essent, ut spiritum
cernerè sibi viderentur) quod ego suffi, ar non immutaïus :
quoniam spiritqs ca.mern etossa non habet, quemadmodum
me vide Us habere. Et' c uni hoc dixissel, ostendit eis manus
et latus, eaque Thomas tractanda porrexit. 'Quid? an non
hajc.ad fidem rorporum -resùrrectioni conciliandam suffi-
ciuntj Rursus autem Apostolus ad hune modum loquitur :
Oportel enim corrupt.ibile hoc induere incorruptionem, et
morlale hoc induere immortalitatem. Ac rursus, seminafur
in ignominia : resurget in gloria.. Seminatur corpus ani-
male, hoc est crassum et mortale : resurget corpus spiri-
tUale, immufabile, impassibile, subtile (hoc énim significat
spirituaie, quàle post resurrectionem corpus Domini erat,
cum per januas- dansas Iransirel) infatigabile, nec cibo,
aut sowfflo, aut polu indigent.. Erunt enim, inquit Dorni-
NOTES. \k\
nu-, sinit Aageli De». Née jam matrimouio aut.liberorum
procreationi locus erit. Ait quippe divinus Apostolus,
Noslra conversatio in cœlis est, unde etiam Salvatorem
expectamus Dominum Jesum, qui reformahit corpus humi-
lilatis nostr;e, ul sit conforme corpori claritatis suae. Quo
loco non mulalionem in alleram forniam inlelligit (absiï)
verum immutationempotius ex corruptione ad statum cor-
ruptionis expertem. At dicet aliquis : Qui fieri potest ut
mortui reviviscant? 0 insignem infidelitatem ! ô miram
amentiam ! Qui pulverem in corpus sola vôl.untate commu-
tavit, qui exiguam materiee, hoc est seminis guttam in
utero amplificari, variumque hoc et multiplex corporis
organum efficere jussit, an non multo magis id quod fac-
tum est, ac detluxit, cum voluerit, excitabit ? Quali autem
corpore venient? Stolide homo, si ea est obduratio tua, ut
te Dei verbis fidem adhibere minime sînat, operibus saltem
crede. Quod enim tu seminas, non vivificatur, nisi mor-
tuum fuerit : et quod seminas, non corpus quod futurum
est seminas, sed nudum granum, puta tritici, aut rei cujus-
piam ejusmodi. Deus autem corpus ei dat, quemadmodum
vult, et unicuique seminum suum corpus. Contemplare
itaque semina in sulcis, non sec us atque in sepulchris, de-
i'ossa. Quisnam igitur radices illis et calamurn, et folia, et
spicas, et subtilissimos culmos inscrit? An non iile rerum
omnium artifex? An non ejus, qui omnia fabricatus est,
prseceptum ? Ad liunc itaque modum etiam Dei voluntate
ac mu tu mortuornm resurrectionem fore persuasum habe'to.
Etenim ipsius potentia voluntatem œquo gradu comitatur.
Resurgemus igilur, animis nimirum nostris cum corpori-
bus immortalibus jam atque corruptione exutis, rursus
conjunctis : atque horrendo Christi tribunali sistemur : ac
diabolus, et ipsius deemones.et ipsius homo, hoc est Anli-
cliristus, et impii ac flagitiosi homines, in >gnem œternum,
non m.ateria instar hujusce nostri constantem, sed qualem
Deus novit, conjicientur. Qui autem bona egerunt, fulge-
442 NOTES.
bunt sicut sol una eu m angelis in vitam seternam, cum
Domino nostro Jesu Christo, quem perpetu;' cernent, ab
eoque cernentur, sempiternamque ex eo voluptatem car-
pent. (S. Joann. Damasc. hb. 4 orthod. fidei cap. 28.)
III.
Vis et aliunde te doceam, quod illic tremendum judi-
cium? aperi conscientiae tuae fores, et vide sedentem in
mente tuà judicem. Si vero- tu temetipsum condemnas,
licet i'nimicus tui sis, et non justum proferre judicium non
toléras : nonne multo magis Deus multam justi geret cu-
ram, et ineviiabilem de omnibus feret sententiam ; sed
simpliciter et temere cuncta fieri permittet? Et quis haéc
dixerit? Nemo qui dicat. Verum et Graeci, et Barbari, et
poetae, et philosopha, et omne genus hominum nobis con-
sentiunt, et si non similiter. Et aiurit esse qua?dam apud
inferos judicia : tam manifestum et certum est factum. Et
car, inquies, hic non punitur? ut suam ostendat patien-
tiam, et ex pœnitentia nobis salutem praebeat, et neque
genus nostrum inereptum permittat, et ex optima muta-
tione potentes salvari saluti non praeripiat.Si namque stati'm
-post peccata punisset, et interemisset, quo modo salvatus
fui-set Paulus? quo modo Petrus? qui sunt summi terra-
rum orbis doctores. Quo modo David ex pœnitentia salu-
tem comparasset? Quo modo Galatae? Quo modo plures
alii? Propterea, quidem nec hic omnes exigit pœnas, sed
ex omnibus quosdam, nec illic omnes : ut et multum in-
sensatos per eos quos punit, excitet, et faciat, ut expectent
futr.ra, per eos quos non castigat. An non vides hic quos-
dam puniri, sicut turri oppressos, sicut illos quorum cruo-
rem Pilatus rommiseuit, ut qui praematura morte apud
CorÎQthios rapti sunt, eo quod indigne mysteriorum se
fecissen't participes : sicut Pharaonem, sicut Judaeos a Bar-
baris jugulatos. sicut alios multos, et tune et nunc, et sem-
NOTES. H 3
per? Et alii vero postquam multum peccaverunt, abire,
nuilam hic dantes pœnam : sicut clives Lazari, sicut, alii
mulli. H'sec autem feeit tu m futura non credentes excitans,
tum credentes et segnes faeiens alacriores.Deus enim Judex
justus, fortis et paliens, nec iram inducens per singulos
dies. Si vero patientia nos abutamur, erit tempus cum nec
brève quid jam sustinebit, sed stalim inférèt ultionem.
Itaque ne ut solum deliciarum habeamus momentum (hoc
enim est praesens vita) infinitorum attrahamus saeculorum
tormenta : sed momento laboremus, ut perenniter'corone-
mur. (S. Joan. Cfirjjs. hom. 49 ad popul.Antioch).
Nidus est prresens vita., charissimi, ex festucis et luto
coagmentatus : licet mihi magnas eedes ostendes , sive
regias ipsas aurô multo fulgentes et gemmis , nihil ab
hirundinurn nido differre censebo : hyeme siquidem ins-
tante, omnia sponte corruént, hyemena vero diem illum
voco, non omnibus byemem : quoniam et Deus noetem
simul et diem voeat : iliud quidem quantum ad peccatores,
hoc autem quantum ad justos. Ibidem et ego nunr hyemem
ipsum voco, si non in œstate bene alamur, ut volare pos-
simus instante hyeme, non nos matres suscipient, sed
esurie sinent perire, vel nido ruente perdi. Tamquam enim
nidum, quinimmo et facilius quam nidum, omnia Deus
tune destruet, delens et transmutans omnia. Volatu vero
carentes, et ipsi non valentes oecurrere in aéra : sed ita
vulgariter nutriti, ne levés habeant pennas, ea, quaa pati
taies est verisimile, patientur. Hirundinurn itaque pulli,
cum ceciderint, statim pereunt : nos vero non morimur
sed continue punimur. Hyems erit illud tempus, quinimo
hyeme difficilius, non enim aquae torrenles profluunt, sed
ignis flumina : non ex nubibus tenebras conflantur, sed
insolubiles, et omni luce carentes tenebrae, ut neque coelum
videatur, nec aer : sed plus quam terra obruti, compri-
mantur : fréquenter h;ec dicimus, sed quibusquam non
444 NOTES.
persuademus, et nihil mirum si nos homines utique viles
ha?c palimur, etiam de his disserenlés : quippeet proptieta?
talia patiebantur, non tantum de talibus loquentes rébus,
verum et de bello, et captivitate. Et Sedechias ab Hieremia
redarguebatur, et non confundeb'atur. Proplerea prophetae
dicebant : Yae qui dicitis, appropinquet in celeritate, ut
videamus quse faciat Deus, et veniat voluntassancti Israël
ut cognoscamus. Ne hoc admiremur : nec enim qui arcam
fabrefieri videbant, crediderunt : sed tune credidere dé-
muni, cum fidei lucrum erat nullum. Neque Sodomorum
habitatores expectaverunt, verum et ipsi crediderunt, cum
ipsi nihil praefuit. Et quid dico futura? qui hase unquam
expectavit, qua3 nunc per diversa fiunt loca, urbium ter-
ra? motus, et destructiones? Et hœc quidem sunt illis magis
credibilia, arca dico. Unde patet ? Quoniam illi quidem non
habebant in quod aliud exemplum respicerent, neque
scripturas audierunt : hic autem infinita sunt gesta, tum
annis nostris, tum prisas . Sed unde talium infidelitas? ex
anima? mollilie. Bibebant et comedebant, et noncredebant
propterea. Quse enim quispiam vult, haec etexistimat, baec
et expectat : contradicentes vero nugae sunt : sed ne nos
idem patiamur. Non enim diluvium jam erit, nec ad mor-
tem usque supplicium : sed pœnarum initium mors, non
credentibus fore judicium, At, inquiet aliquis, quis illinc
advenit et haec annuntiavit? Si jocans quidem dicis, nec ita
bene : nec enim in hujusmodi ludendum istis.Non enim in
ludreris, sed periculose ludimus : Si vero sic serio sentis,
et post hsec nihil esse pu tas, quo modo te dicis esse chris-
tianum? Nulla namque mihi est alienorum cura. Quare
baptismum ^uscipis? Cur Ecclesiam ingrederis? numquid
enim principatus polliretur? omnis nobis spes in futuris.
Quid igitur accedis, si scripturis fidem non habes, si Ghristo
non credis? Xumquam talem Christianum dixerim, absit,
sed potius et gentilibus pejorem. In quo? In hoc quod
Çhristum putans esse Deum, ei non crédit tanquam Deo :
impietas enim illa quandam habet consequentiam. Qui
NOTES. 445
namque Christum Deum esse non crédit, hune nec illi cre-
dere necessarium e>t. Haec aulem impietas neque conse-
quentiam habet, Deum eonfiteri, et in his quae dieit, eum
fide dignum non censere. Ebrietatis hsec verba, lasciviae,
Iuxuriae, comedamus et bibamus, cras enim morimur, non
poslridie. Sed cum ha3C dieitis, mortui jam estis. Nihil
igitur a porcis differemus, nihil ab asinis, ct'ia3so?Nam si
neque judicium est, neque retributio, nequu tribunal : qua
de causa tali sumus munere decorati, ratione, et habemus
omnia subjecta? quare nos quidem dominamur, illa vero
subdita sunt? Vide qualiter undique diabolus, ut Dei do-
num ignoremus, persuadere festinat. Servos Dominis com-
miscet, tanquam mancipium quoddam et ingratus servus.
Liberum in eandem cum eo qui offendit, vilitatem inducere
nititur : et judicium quidam duntaxat tollere videtur, tollit
autem esse Deum; talis enim semper est diabolus. Omnia
cum arte, non ex directo prétendit, ne caveamus. Si non
est judicium, Deus non est justus, secundum hominem
dico : Si justus non est, neque Deus : si Deus non est,
omnia temere feruntur. Nihil virtus, nihil vicium, sed ho-
rum nihil aperte dicit. Vidisti satanicae cavillationis cogi-
tatum? qualiter ex hominibus bruta nos facere studet,
imo vero feras, quin potius dsemonas? Itaq ie ne creda-
mus : est enim judicium, ô miser et infelix. Novit et unde
venias ad istos sermones. Multa tibi peccata sunt, lapsus
es, fiduciam non habes , rationes tuas et rerum sequi
naturam existimas. Intérim, inquis, gehenrtse expectatione
animam non conficiam. Licet gehenna sit, ei persuadebo
gehennam non esse, intérim hic gaudebo. Quare peccata
peccatis accumulas? Si prœvaricaris, gehennam tamen esse
credideris, peccatorum dunlaxat pœnas liions ebibis. Si
vero et istam addideris impietalem, et impietatis et cogi-
tations hujus extremas dabis pœnas : et frigida brevi
facta tibi consolalio, perennis erit ultionis materia. (Idem.
Hom. 50).
SYMB. II. 38
446 NOUS RESSUSCITERONS TOUS.
IIe INSTRUCTION.
NOOS BESROSCITKKOflS TOUS. — NOUS AURONS LE MÊME CORPS
APRÈS LA RÉSURRECTION.
E X 0 R b E .
I Tout conspire, nous l'avons vu dans notre
dernière conférence, pour attester la vérité de la
résurrection future : la foi et la raison, la voix de
la nature et celle de l'histoire, l'ordre physique et
l'ordre moral.
Les deux Testaments la proclament de concert ;
la nature nous en offre partout des symboles et des
images ; la raison nous dit que l'àme étant immor-
telle et naturellement unie au corps, leur sépa-
ration ne peut être éternelle ; la justice divine
d'ailleurs ne s'exercerait que d'une manière in-
complète, soit à l'égard des bons, soit à l'égard des
méchants, si le corps ne ressuscitait pas, afin de
participer à la récompense ou à la peine de l'âme,
comme il a participé à ses vices ou à ses vertus.
Ce dogme si consolant a donc ses racines par-
tout ; il les a surtout dans le fond de votre cœur.
Oui, là domine un instinct indestructible de con-
servation, un désir insatiable de vie, une protes-
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 447
tation permanente contre le retour au néant non-
seulemrnt de J'âme, mais du corps.
2. Après vous avoir exposé les principales preu-
ves de cette vérité, nous avons maintenant a
étudier plusieurs questions intéressantes qui s'y
rattachent.
La première est celle-ci : la résurrection sera-t-
elle générale, ou bien n'y aura-t-il que les bons qui
ressuciteront? La seconde: aurons-nous le même
corps après la résurrection qu'auparavant, ou
bien recevrons-nous un corps différent? La troi-
sième enfin : quelles seront les qualités des corps
ressuscites?
Nous réserverons cette troisième question pour
la prochaine conférence. Les deux premières fe-
ront l'objet de celle-ci.
PREMIER POINT.
3. La résurrection sera-t-elle générale?
Oui, répond l'apôtre saint Paul : « De même,
dit-il, écrivant aux Corinthiens, que tous les hom-
mes meurent en Adam , de môme tous seront
vivifiés en Jésus-Christ. Sicut in Adam omnes mo-
riuntur, ita et in Christo omnes vivificabuntur. »
(/ Corinth. xv.)
La loi de la mort ne souffre aucune exception ;
La sentence prononcée contre Adam frappe toute
sa postérité. Par contre, tous seront rappelés a la
vie par les mérites de Jésus-Christ. ITesl le nouvel
448 NOUS RESSUSCITERONS TOI S.
Adam qui a réparé la ruine de l'ancien. Si quelques
hommes étaient exceptés de la résurrection, le
péché de notre premier père eut été plus puissant
que la rédemption du Sauveur. Et cependant, lui-
même n'a-t-il pas déclaré « qu'il est venu pour
nous donner la vie, et une vie plus abondante?
Veni ut vitam habeant, et abundantius habeant. »
Donc, tous, sans distinction de bons et de mé-
chants, ressusciteront à la fin des temps.
N'allez pas croire pourtant que les uns et les
autres soient également favorisés dans cette ré-
surrection universelle ; car leur sort sera bien
différent ! « Ceux, dit Jésus-Christ, qui auront fait
le bien, ressusciteront pour la vie éternelle ; les
méchants, au contraire, pour leur condamnation.
Et procèdent qui bona fecerunt in resurrectionem
vitae, qui vero mala fecerunt, in resurrectionem
judicii .• » (Joann. v.) Les premiers recevront la
palme de la gloire éternelle, les seconds ne ressus-
citeront que pour leur confusion et leur supplice.
Ah ! si nous avions plus souvent devant les yeux
l'état où seront alors les justes et les pécheurs, sans
doute, nous tremblerions de vivre un seul instant
dans la disgrâce de Dieu, et nous ferions les plus
héroïques efforts, afin de nous assurer la résurrec-
tion bienheureuse !
4 . Mais, demandera-t-on, qu'en sera-t-il de ceux
qui seront encore vivants à l'époque du jugement?
Eux aussi mourront, comme tous ceux qui les
auront précédés.
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 449
L'Eglise, au témoignage de saint Augustin et
de saint Jérôme, penche en faveur de ce sentiment;
Il est le plus conforme à la vérité.
L'apôtre saint Paul est loin de le contredire,
quand il dit dans son épître aux Thessaloniciens :
a Que ceux qui sont morts en Jésus-Christ ressus-
citeront les premiers et qu'ensuite ceux d'entre les
hommes qui vivront et qui auront été laissés jus-
qu'alors sur la terre, seront emportés sur les nuées
avec les premiers pour aller au-devant de Jésus-
Christ, dans les airs. Mortui, qui in Christo sunt,
résurgent primi, deinde nos, qui vivimus, qui re-
linquimur, simul rapiemur cum Mis in nubibus
obviam Christo in aéra. » (/. Thessalon. iv.)
L'Apôtre, disons-nous, ne veut pas signifier par
là que les contemporains du jugement seront dis-
pensés de mourir ; car, dit saint Ambroise, expli-
quant ce passage : « La mort les saisira au moment
même de leur enlèvement. Ce sera un court som-
meil, et la vie leur sera rendue aussitôt ; mais
néanmoins ils mourront véritablement dans cet
enlèvement, et parvenus en présence du Seigneur,
ils reprendront une vie nouvelle, parce que les
morts ne peuvent être avec le Seigneur. In ipso
raptu mors praeveniet, et quasi per soporem, ut
egressa anima in mortem reddatur : cùm enim tol-
lentur , morientur, ut pervenientes ad Dominum
praesentia Domini recipiant animas, quia cum Do-
mino mortui esse non possunt. » (Ambros. in 4
epist. ad Thessalon. cap. iv.)
SYMB. II. 3S*
450 NOUS RE96USCITERONS TOUS.
Saint Augustin s'exprime dans le même sens
dans son livre de la cité de Dieu.
Concluons donc que la mort et la résurrection
seront universelles et sans exception.
SECOND POINT.
o. Voyons maintenant avec quel corps nous
ressusciterons.
Séparé de l'âme par la mort, le corps humain se
dissout bientôt. Il tombe en pourriture, et se ré-
duit peu a peu en poussière. De cadavre qu'il était,
il devient un je ne sais quoi, dit Bossuet, qui n'a
plus de nom dans aucune langue.
Comment cette poussière pourra -t- elle se
ranimer ?
Elle se raminera au souffle de la toute-puissance
de Dieu. Celui qui a créé le corps d'Adam d'un peu
de terre, saura bien en reconstituer les débris.
Notre corps en effet, quoique corrompu et réduit
en poudre, n'est pas anéanti par la mort ; les par-
ties qui le composaient se séparent et prennent une
autre forme; mais elles ne laissent pas de subsis-
ter toujours; aucune n'est totalement détruite.
Eh bien ! c'est avec ces restes que Dieu, par sa
puissance, reformera notre corps. Ce ne sera donc
pas avec un corps étranger, avec un corps diffé-
rent que chacun de nous ressuscitera, mais avec le
même corps qui lui a appartenu en cette vie.
Convainquons-nous de cette vérité et tâchons
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 451
de nous en pénétrer. Elle est de la plus haute con-
séquence pour nous, comme je vous le dirai dans
la suite.
Oui, ce même corps que nous portons mainte-
nant, sortira au dernier jour du sein de la mort.
C'est la doctrine expresse de l'apôtre saint Paul :
ail faut, dit-il, que ce corps mortel soit revêtu de
l'immortalité, que ce corps corruptible soit revêtu
de l'incorruptibilité. Oportet mortale hoc induere
immortalitatem, et eorruptibile hoc induere incor-
ruptionem. * (/ Corinth. xv.)
Remarquez cette parole : « Il faut que ce corps. »
C'est donc le propre corps de chacun de nous qui
doit revêtir l'immortalité et l'incorruptibilité.
Le saint homme Job a prédit la même chose
dans les termes les plus clairs: « Je verrai mon
Dieu et mon Sauveur dans ma chair, dit-il, je le
verrai, moi, je le verrai de mes propres yeux, et
ce ne sera pas un autre. Et in carne mea videbo
Deum, salvatorem meum, quem visurus sum ego
ipse, et oculi mei conspecturi sunt, et non alius. »
(Job. xix.)
C'est là d'ailleurs ce qui ressort de l'idée même
de la résurrection. Qu'est-ce en effet que la ressur-
rection, sinon, comme le remarque saint Jean Da-
mascène, le retour à l'état d'où l'on est tombé? Si
le corps était différent après la résurrection, on ne
pourrait pas dire en vérité qu'il est ressuscité,
puisqu'il ne serait plus le même.
6. Ce qui prouve encore que nous devons res-
loi NOUS RESSUSCITERONS TOUS.
susciter avec notre propre corps, c'est le but pour
lequel la résurrection aura lieu.
Pourquoi en effet ressusciterons-nous?
Pour recevoir la peine ou la récompense que
nous aurons méritée chacun en particulier, à rai-
son du bien ou du mal que nous aurons fait dans
ce corps mortel. Il faut donc que chacun ressuscite
avec le même corps à l'aide duquel il a servi Dieu
ou le démon. C'est à ce corps et non à un autre
que reviennent les honneurs du triomphe et la cou-
ronne de gloire s'il a servi Dieu ; c'est à ce corps
et non à un autre que sont dus les supplices, s'il a
été l'instrument du crime.
Ainsi, la résurrection nous rendra le même corps
identiquement que nous aurons eu en cette vie, et
qui aura été dissous par la mort.
7. Mais précisons encore mieux cette vérité, et
entrons dans quelques détails.
Le corps se compose d'un certain nombre de
membres. 11 y a des hommes disgraciés de la
nature, ou qu'un accident, une maladie, une infir-
mité quelconque a privés de l'un de ces membres
ou de quelque ornement du corps. Plusieurs aussi
naissent avec un vice de constitution.
Les corps ressuscites conserveront-ils ces im-
perfections? Aucunement ; à la résurrection, le
Tout-Puissant rétablira notre corps dans toute l'in-
tégrité et la beauté primitive de sa nature. Saint
Augustin nous fournit là dessus une explication
très-remarquable : « Alors, dit-il, le corps sera
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 453
dégagé de toute imperfection. Ceux qui étaient
trop chargés d'embonpoint, ne reprendront point
toute cette masse de chair ; tout ce qui excédera
une juste proportion sera retranché comme super-
flu. Au contraire, toute altération causée par les
maladies ou par Fàge sera réparée par la vertu
divine de Jésus-Christ. Ainsi, par exemple, ceux
qui étaient d'une maigreur excessive, cesseront
d'être décharnés. Jésus-Christ ne fera pas seule-
ment revivre notre corps, mais il réparera tous les
dommages que cette misérable vie lui aura causés.
Nihil tune vitii in corporibus existet : si aliqui plus
pinguedine obesi et crassi extiterint, non totam
corporis molem assument; sed quod illam habi-
tudinem superabit, reputabitur superfluum ; et è
converso, quaecumque vel morbus vel senium con-
fecit in corpore, reparabitur per Christum virtute
divina : ut si aliqui propter macrorem fuerint gra-
ciles ; quia Christus non solum nobis corpus repa-
rabit, sed quidquid per miseriamhujus vitae fuerit
ademptum. » (Deciv. Dei lib. 22.)
Dans un autre endroit, il dit. encore : « L'homme
ne reprendra pas tous ses cheveux, mais seule-
ment la quantité convenable, selon cette parole
de l'Ecriture : tous les cheveux de votre tête sont
comptés, c'est-à-dire, tous les cheveux que la
sagesse divine doit vous rendre. Non resumet
homo capillos quos habuerit, sed quos decuerit,
juxta illud : omnes capilli capitis vestri numerati
sunt, qui secundum divinam sapientiam sunt repa-
randi. » (Enchirid. cap 89.)
45 i NOUS RESSUSCITERONS IOUS.
8. D'après cela, il n'y a pas à en douter, comme
chacun de nos membres concourt à l'intégrité de
notre nature, tous sans exception nous seront res-
titués au dernier jour.
L'aveugle de naissance ou par accident, le boi-
teux, celui qui a perdu le bras, celui qui est per-
clus de quelque membre, ressusciteront avec un
corps entier et parfait. Supposez le contraire, l'âme
serait contrariée clans le désir qu'elle a de se réu-
nir au corps ; et cependant nous croyons ferme-
ment que ses désirs seront comblés à la résurrec-
tion.
Ne faut- il pas d'ailleurs que la résurrection soit
en rapport avec la création? L'une et l'autre comp-
tent certainement parmi les principales œuvres
de la puissance divine. La résurrection est même
comme une seconde création supérieure à la pre-
mière. Puisque toutes choses ont été créées parfai-
tes, il n'y a pas de doute que la résurrection ne les
remette dans le même état.
9. Faisons maintenant l'application de cette doc-
trine.
Il y a deux classes d'hommes : les bons et les
méchants. Tous indistinctement ressusciteront ;
tous rentreront-ils aussi dans la possession de tous
leurs membres?
Oui, sans doute, et d'abord les bons. Prenons
pour exemple les Martyrs. Les Martyrs, dit saint
Augustin, recouvreront les membres qu'ils ont
perdus, par ce motif qu'un corps mutilé serait un
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 455
corps défectueux. Celui qui nierait cela, devrait
soutenir que ceux qui ont été décapités, ressusci-
teront sans tête, ce qui est absurde.
Cependant on pourra voir dans leurs membres
la trace du glaive. Mais leurs cicatrices, comme
celles du Sauveur , ne serviront qu'à rehausser
leur beauté ; elles surpasseront l'éclat de l'or et de
l'argent.
Les méchants, eux aussi, ressusciteront avec
tous leurs membres, quand même ils en auraient
perdu quelqu'un par leur faute. Mais, hélas ! ils
n'auront pas sujet de se féliciter de les avoir retrou-
vés; car ce sera pour leur plus grand malheur.
Plus ils auront de membres, plus leurs supplices
seront multipliés. Ils les auront fait servir à l'ini-
quité, ils serviront à les tourmenter.
Ainsi, pendant que les justes qui ont voué leurs
corps à la pénitence, recouvreront tous leurs
membres pour leur consolation et leur gloire ; les
impénitents les recouvreront comme autant de
bourreaux et d'instruments de supplice.
La justice l'exige ainsi. C'est par leur moyen
qu'on commet le péché ou qu'on pratique les bon-
nes œuvres ; c'est donc aussi par leur moyen qu'on
doit être puni ou récompensé.
CONCLUSION.
10. Arrêtons-nous ici et méditons sérieusement
ces grandes vérités. Quel fond inépuisable de sain-
tes et salutaires réflexions elles nous offrent !
456 NOOS RESSUSCITERONS TOUS.
Il est donc vrai, ce corps, ô homme pécheur,
dont tu abuses pour offenser Dieu, ce corps dont
tu fais ton idole, que tu souilles et dégrades par
d'ignobles passions, oui, ce même corps subira un
jour les conséquences de tes désordres. Après
avoir favorisé et satisfait tes appétits déréglés, il
te punira par où tu as péché. Aujourd'hui, pour le
contenter, tu t'abandonnes à l'intempérance, tu te
plonges dans des voluptés hideuses ; encore un
peu de temps, et ce même corps sera tourmenté
par une faim et une soif dévorantes et les feux de
l'enfer lui feront expier tes plaisirs impurs. Quelle
folie ! quelle cruauté donc d'accorder à ton corps
des satisfactions qui te coûteront si cher ! Tu aimes
ta chair, et tu la traites ainsi? Tu veux son repos
et son contentement, et tu ne la soumets pas à la
raison? elle doit être ta sujette, et tu en fais ta reine
et ta maîtresse, obéissant, comme un esclave, a
tous ses caprices? ah ! ne vois-tu pas que ta fai-
blesse et ta lâcheté à réprimer ses convoitises sont
pires que la haine et la vengeance?
Oui, chrétiens, celui-là est le plus grand, le
plus mortel, l'éternel ennemi de son corps, qui ne
met pas un frein à ses passions en cette vie. A
la résurrection , quand le Rémunérateur suprême
rendra à chacun selon ses œuvres, quel sera le
sort de ces yeux que vous avez rassasiés de mau-
vais regards, de ces oreilles qui ont écouté avec
plaisir l'obscénité et la médisance, de cette langue
qui a distillé le poison de l'impiété et de l'impudi-
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 457
cité, de tous ces membres enfin qui, au mépris de
leur consécration à Dieu, se sont faits le théâtre et
les acteurs de tant d'oeuvres abominables? Ah!
pensons-y bien ! si pendant cette vie mortelle,
nous imprimons dans nos membres le stigmate des
vices, nous l'y retrouverons gravé à jamais, après
la résurrection. Quelle confusion pour cette jeune
personne qui paraît si pudique et si réservée, pour
cet homme qui jouit d'une grande considération,
pour cette femme que personne ne suspecte, pour
ce vieillard dont la seule vue commande le respect,
si l'on venait à découvrir qu'ils portent une flétris-
sure jadis infligée par la main du bourreau ! Que
sera-ce, lorsqu'au dernier jour, chacun de nos
membres portera la marque visible des crimes aux-
quels ils se seront prêtés? 0 mort ! vous êtes pré-
férable à une telle honte ! Mais alors, le pécheur
invoquera en vain la mort, en vain il désirera pou-
voir ensevelir de nouveau son corps dans le tom-
beau ; il faudra, malgré lui, qu'il paraisse aux yeux
de son Juge et de l'univers entier, tout couvert
d'abominations et d'infamies dont la vue lui sera
insupportable à lui-même. L'infortuné! alors, mais
trop tard, il maudira ce corps qu'il a idolâtré et
pour lequel il s'est perdu. Oui, alors, vous mau-
direz, cette vanité, ce luxe coupable, ces raffine-
ments de parure inventés pour exciter les pas-
sions, vous, femmes du monde, qui ne craignez
pas de sacrifier les âmes à votre désir de briller et
de plaire! Vous maudirez vos excès de boisson,
SYMB. II. 39
4 58 NOUS RESSUSCITERONS TOUS.
vous esclaves de l'intempérance! et vous, impudi-
ques, vous maudirez vos brutales jouissances!
Mais encore une fois, ce sera trop tard, alors.
Pensez donc à vous convertir ; songez au mal-
heur éternel auquel vous vous exposez ; songez au
bonheur éternel dont vous vous privez pour un
plaisir passager qui, après tout, ne vous laisse que
des remords ! Ne voulez-vous donc pas assurer
la félicité de votre corps et de votre âme tout
ensemble?
11. Quelle ne sera pas la joie du juste, qui,
après avoir crucifié sa chair avec ses vices et ses
convoitises, la verra si amplement dédommagée de
souffrances et de privations d'un moment! Oh! avec
quel respect, avec quel amour, il recevra de nou-
veau ce corps, le fidèle compagnon de sa péniten-
ce, de ses travaux, de ses bonnes œuvres ! Il i'a
assujetti pendant la vie au joug de la loi; pénétré
de la crainte des jugements de Dieu, il en a percé
la chair, il l'a châtiée de ses moindres révoltes, il
l'a forcée à souffrir, afin de réparer les ignorances
et les fautes de sa jeunesse ; il l'a réduite en servi-
tude comme l'Apôtre, il l'a marquée du sceatfde
la mortification et de la croix ; voilà maintenant
cette chair ressuscitée pour sa récompense. Aux
privations succède l'abondance ; aux travaux, le
repos; aux jeûnes, les délices; aux humiliations,
la gloire.
Ah! qui de vous ne se sent enflammé du plus
ardent désir d'arriver à cet heureux état?
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. 459
Vous l'avez entendu: c'est la pénitence et la
mortification des passions qui nous en aplanissent
la voie ; c'est le péché et l'impénitence qui nous en
éloignent et nous préparent une résurrection mal-
heureuse.
Pécheurs, faisons donc pénitence ; prévenons h
justice divine, en nous corrigeant et en exerçant
sur nous-mêmes une sainte sévérité ! Justes, ani-
mons-nous à la persévérance et travaillons à gros-
sir sans cesse le trésor de nos bonnes œuvres !
Ainsi soit-il !
460 QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
IIIe INSTRUCTION.
QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
EXORDE.
\ . Dons les deux instructions précédentes, nous
nous sommes convaincus de la vérité de la résur-
rection future, et nous avons satisfait aux deux
premières questions qui se rattachent à ce dogme,
savoir: si nous ressusciterons tous, et si notre
corps sera identiquement le même après la résur-
rection que pendant cette vie mortelle.
A la première de ces deux questions, nous avons
répondu avec l'apôtre saint Paul, que l'ancien
Adam ayant fait passer la mort avec le péché dans
toute sa postérité, Jésus-Christ, le nouvel Adam et
le réparateur du péché, rappellera un jour tous les
hommes à la vie. La résurrection sera donc géné-
rale. Ceux-là mêmes qui seront en vie à l'époque
du jugement paieront leur tribut à la mort pour
ressusciter immédiatement, en même temps que
tous ceux qui les ont précédés.
A la seconde question, nous avons répondu que
nous ressusciterons dans notre propre corps et
non dans un corps nouveau et étranger. L'idée
QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES. 461
même de la résurrection exige qu'il y ait identité
entre ce qui meurt et ce qui ressuscite. Puis, ne
faut-il pas que le même corps qui a servi d'instru-
ment au péché ou à la vertu, participe à la peine
ou à la récompense? Ce sera donc notre corps
actuel qui reprendra vie à la résurrection ; mais
alors il subira une transformation telle qu'il sera
dégagé de toutes les imperfections qu'il avait en
cette vie. Ce changement tournera à l'avantage des
justes, mais non des réprouvés.
Nous avons conclu de là avec quel zèle nous
devons travailler à faire pénitence de nos péchés
et à nous enrichir de bonnes œuvres, pendant que
nous sommes en ce monde.
2. Il reste une troisième question à examiner.
C'est celle-ci : quelles seront les qualités des corps
ressuscites? C'est par cette considération que nous
allons achever le onzième article du Symbole.
Pauvres mortels que nous sommes, c'est ici
notre triomphe. Elevons donc nos esprits et nos
cœurs au-dessus de la condition misérable, mais
passagère de cette vie, et allons ensemble puiser,
dans la vue de notre destinée future, la magnani-
mité qui fait les saints.
Esprit de Dieu, donnez-nous votre lumière ; et
vous, Reine des Saints, ô Marie! demandez -la
pour nous.
i62 QUALITÉS DES COUPS RESSUSCITES.
COKI'S DE L INSTRUCTION.
3. Si nos corps doivent être les mêmes, quant
à la substance, après qu'ils auront été ressuscites,
il s'en faut qu'ils restent les mêmes, quant à leurs
qualités. Leur condition d'alors sera bien différente
de l'état où ils sont présentement.
Parmi les qualités nouvelles dont ils seront
doués, la principale, c'est que de mortels qu'ils
étaient auparavant, ils seront revêtus d'immorta-
lité. Et cette prérogative sera commune aux mé-
chants et aux bons ; les uns et les autres seront
pour jamais affranchis de la mort.
4. Nous devons cette merveilleuse restauration
de notre nature à Jésus-Christ. Elle est le fruit de
cette victoire glorieuse qu'il a remportée sur la
mort.
C'est ainsi que s'accompliront les oracles des
prophètes. « Il précipitera la mort pour jamais,
avait dit le prophète Isaïe. Praecipitabit mortem in
sempiternum. » (Isa. xxv.) «Omort, je serai ta
mort ! 0 mors, ero mors tua ! » (Osé. xm.)
L'Apôtre expliquant les prophètes, dit qu'après
tous nos autres ennemis, la mort sera enfin détrui-
te à son tour : « Novissime autem inimica destrue-
tur mors. » (/ Corinth. xv.) Ce que saint Jean
confirme en ces termes: « Et désormais, la mort
ne sera plus. Mors ultra non erit. » (Apocal. ix.)
C'est par le péché d'Adam qu'elle est entrée
QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES. 463
dans le monde. Jésus-Christ, en mourant pour
nous, a renversé son empire. Mais comme ses mé-
rites l'emportent infiniment sur le péché, il est
juste que tous nos désastres soient réparés avec
avantage; voilà pourquoi nous ressusciterons,
pour ne plus mourir.
5. Une autre raison d'ailleurs exige que nous
ressuscitions pour l'immortalité. Cette raison, c'est
l'exercice de la justice divine.
Pour que cette justice ait un cours plein et
entier, soit à l'égard des bons, soit à l'égard des
méchants, l'éternité lui est nécessaire. D'un côté,
il faut que les bons jouissent éternellement du
fruit de leurs vertus; de l'autre, il faut que les
méchants, condamnés à des peines également éter-
nelles, cherchent la mort sans la trouver, soupi-
rent toujours après la mort qui fuira toujours.
Second motif pour lequel l'immortalité sera le
partage commun des bons et des méchants. Sans
elle, les premiers n'obtiendraient qu'une félicité
imparfaite; mais que cette immortalité sera funeste
et accablante pour les autres ! Quelle perspective
d'horreur elle leur mettra sous les yeux au réveil
de la résurrection !
6. Venons-en maintenant aux qualités qui se-
ront l'apanage exclusif des saints, c'est-à-dire, de
ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu.
Les saints Pères en comptent quatre principa-
les, d'après ia doctrine de l'apôtre saint Paul. On
464 QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
les appelle dons. Ces dons seront comme autant de
riches et magnifiques ornements qui répandront
sur les corps des saints une gloire et une noblesse
incomparable.
Le premier de ces dons, est celui de l'impassi-
bilité.
Les corps des saints seront impassibles, c'est-
à-dire, qu'ils seront revêtus d'une force qui les
mettra à l'abri de toute sensation fâcheuse, de toute
souffrance, de toute incommodité. Rien ne pourra
leur nuire: ni la rigueur du froid, ni l'ardeur des
flammes, ni l'impétuosité des eaux. « Dieu, dit
saint Jean dans l'Apocalypse, essuiera les larmes
de leurs yeux ; pour eux, il n'y aura plus désor-
mais de mort, ni de deuil, ni de gémissement;
pour eux, il n'y aura plus de douleur, parce que
tout cela est passé. Et absterget Deus omnem la-
crymam ab oculis eorum : et mors ultra non erit,
neque luctus, neque clamor, neque dolor erit ul-
tra, quia prima abierunt. » (Apocal. xxi.) C'est ce
que l'Apôtre indique en ces termes : « Le corps,
dit-il, est semé dans la corruption ; il ressuscitera
incorruptible. Seminatur in corruptione, surget in
incorruptione. » (/ Corinth. xv.)
A la vérité, les corps des damnés ressusciteront
aussi incorruptibles; mais loin d'être impassibles,
ils seront au contraire susceptibles d'être tourmen-
tés par le chaud, par le froid et par toute espèce
de supplices.
L'impassibilité est donc exclusivement propre
QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES. 465
aux bienheureux. Elle renferme un avantage de
plus que l'incorruptibilité; elle y ajoute l'exemption
de toute souffrance et de toute incommodité.
7. La seconde qualité dont les corps des saints
seront doués, c'est la clarté.
« Les justes, dit le Sauveur, brilleront comme le
soleil dans le royaume de leur Père. Justi fulge-
bunt sicut sol in regnoPatris eorum. » (Malth. xm.)
C'est pour nous donner quelque idée de la gloire
qui leur est réservée, qu'il a voulu paraître lui-
même plein d'éclat au jour de sa Transfiguration.
((Alors, dit l'Evangile, son visage devint resplendis-
sant comme le soleil et ses vêtements blancs com-
me la neige. Et resplenduit faciès ejus sicut sol,
vestimenta autem ejus facta sunt alba sicut nix. »
(Matth. xvn.)
Cette seconde qualité est appelée par l'Apôtre
tantôt la gloire, tantôt la clarté.
«Jésus-Christ, dit-il, reformera notre corps vil
et abject, en le rendant semblable à son corps
brillant de clarté. Reformabit corpus hurnilitatis
nostree, configuratum corpori claritatis suas. »
(Philipp. m.) Et dans un autre endroit : ((Le corps,
dit-il, est semé dans l'abjection, il ressuscitera dans
la gloire. Seminatur in ignobilitate, surget in glo-
ria. » (7 Corinlh. xv.)
Le peuple d'Israël vit dans le désert une sorte
d'image de cette gloire des bienheureux. Moïse,
après avoir passé quarante jours sur la montagne
du Sinaï, en descendit enfin. Son visage rayonnait
466 QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
du plus vif éclat, par suite de ses entretiens avec
le Seigneur. Les Israélites en furent si éblouis, que,
pour leur parler, il fut obligé de se couvrir d'un
voile.
8. D'où proviendra cette clarté, cette gloire,
cette splendeur du corps des saints?
Elle sera comme le reflet et le rayonnement de
la souveraine félicité de l'âme. Celle-ci puisera sa
félicité dans celle de Dieu môme et la fera rejaillir
en quelque manière sur le corps.
De là vient que tous les saints ne seront pas
dotés de cette gloire au même degré. Absolument
égaux sous le rapport de l'impassibilité, il y aura
des différences entre eux sous le rapport de la
splendeur. Tout sera proportionné aux mérites
de chacun. Plus leur charité aura été parfaite en
cette vie, plus élevés ils seront dans l'union avec
Dieu , plus aussi par conséquent sera parfaite leur
félicité et leur gloire. « Le soleil a son éclat, dit
l'Apôtre, la lune a le sien, et les étoiles ont le leur,
et même entre les étoiles l'une est plus brillante
que l'autre. Ainsi en sera-t-il dans la résurrection
des morts. Alia claritas solis, alia claritas lunae,
et alia claritas stellarum ; Stella enim a Stella
differt in claritate ; sit et resurrectio mortuo-
rum. )) \lbid.)
9. Le troisième don qui distinguera le corps des
saints, c'est l'agilité.
Le corps sera délivré de cette pesanteur qui
QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES. 167
l'accable maintenant. L'âme n'éprouvera plus
d'obstacle pour les transporter partout où elle
voudra. Pour les corps des saints, plus de dis-
tance. Us suivront le mouvement de l'âme avec la
rapidité de l'éclair, et ils voleront aussi vite que la
pensée aux extrémités du monde. Vous admirez
la vitesse avec laquelle le fluide électrique trans-
met une nouvelle, ce n'est la qu'une ombre légère
de l'agilité prodigieuse que posséderont les corps
glorifiés.
Saint Augustin enseigne expressément que telle
sera la prérogative des saints. Il expose sa doc-
trine dans plusieurs endroits de la Cité de Dieu.
Saint Jérôme enseigne la même chose dans ses
commentaires sur le prophète Isaïe.
C'est aussi ce que l'Apôtre a voulu marquer,
quand il a dit : « Le corps est semé dans la fai-
blesse, il ressuscitera plein de force. Seminatur in
infirmitate, surgêt in virtute. » (Jbid.) Dans son
état actuel , le corps humain est inférieur, à bien
des égards, a celui des animaux. Combien qui
l'emportent sur lui en force, comme le lion; en agi-
lité, comme le cerf ; en souplesse, comme le ser-
pentin vitesse, comme l'aigle. Attaché à la terre,
il dépend des animaux , ou des éléments, comme
l'air et la vapeur, pour se transporter prompte-
tement d'un lieu à un autre. Après la résurrec-
tion , rien dans la nature visible à quoi nous ne
serons supérieurs sous tout rapport.
468 QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
10. Enfin, le quatrième don des bienheureux
sera la subtilité.
En vertu de ce don , le corps sera pour ainsi
dire tout spiritualité. Il participera à la nature de
l'âme et sera complètement soumis à son empire ;
il sera pour elle comme un serviteur d'une doci-
lité parfaite toujours prête à exécuter ses ordres.
L'Apôtre indique de nouveau ce privilège : « On
met en terre un corps tout matériel, dit-il, il en
sortira tout spirituel. Seminatur corpus animale,
surget spiritale. » (Ibid).
Nul obstacle par conséquent ne sera capable de
l'arrêter. Il aura, pour pénétrer partout, plus de
facilité que les rayons du soleil pour passer au
travers d'une glace. Aujourd'hui il rencontre par-
tout des barrières. Un mur, une simple haie, une
cloison légère le retient et l'empêche d'avancer.
A la résurrection, nulle difficulté n'enchaînera ses
mouvements ; il jouira du même avantage que
Jésus-Christ ressuscité, qui entra dans le lieu où
se tenaient les apôtres, quoique les portes en
fussent fermées, comme un peu auparavant il
avait passé à travers la pierre de son sépulcre,
sans la briser.
Voilà , chrétiens , les principaux dons qui em-
belliront le corps des justes au grand jour de la
résurrection générale.
QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES. 169
CONCLUSION.
M. Quels fruits devons-nous retirer de toutes
ces considérations?
Ah ! sans doute , le premier devoir que nous
avons à remplir, c'est de rendre à Dieu les plus
humbles actions de grâces de ce qu'il a daigné
nous révéler des vérités si consolantes. Oui, c'est
bien ie cas de répéter avec le Sauveur : « Je vous
loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre de ce
que vous avez caché ces choses aux sages et aux
prudents du siècle, et que vous les avez décou-
vertes aux petits. Confiteor tibi , Pater , Domine
cœli et terras, quia haec abscondisti à sapienti-
bus et prudentibus et revelasti ea parvulis. »
{Math. XL)
Combien d'hommes , en effet, distingués par
leur prudence et très-éclairés sur tout le reste,
sont demeurés dans d'épaisses ténèbres à l'égard
d'une vérité si certaine? Avons-nous mérité plus
qu'eux, d'en être instruits? Non, sans doute. Dieu
nous l'a manifestée sans aucun mérite de notre part.
Quel pressant motif pour nous de louer sa bonté,
d'exalter à jamais sa clémence !
12. Un second fruit a recueillir de la méditation
de ce mystère, c'est qu'on y trouve une source
de douces consolations pour soi-même et pour
les autres, lorsque la mort vient nous ravir nos
parents, nos amis. C'est la pensée que l'Apôtre
470 QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
suggérait aux Thessaloniciens', comme un moyen
d'adoucir l'amertume de ces pertes. Votre sépara-
tion, dit la foi, à ces parents, à ces amis désolés, à
cette épouse demeurée veuve à la fleur de l'âge,
à ces enfants, privés d'un père chéri, d'une ten-
dre mère, votre séparation ne sera pas éternelle.
Un jour viendra où vous reverrez au sein de la
gloire et de la félicité ceux que vous pleurez en ce
moment. Travaillez à mériter la même destinée,
et vous vous réunirez pour ne plus vous quitter
jamais.
Servons-nous également de cette pensée dans les
disgrâces et les calamités de la vie. Quoi de plus
propre à en alléger le poids? Quelle consolation
au milieu des plus grandes peines de fixer les yeux
sur l'admirable changement qui s'opérera en nous
au jour de la résurrection? Vous avez maintenant
à souffrir ; l'infortune et les maladies vous acca-
blent ; vous êtes opprimés par la calomnie ; le
ciel et la terre semblent conspirer contre vous ;
pour vous soutenir parmi les flots de la tribulation
rappelez-vous ce que disait l'Apôtre : « Il n'y a
aucune proportion entre les souffrances de sa vie
et la gloire future qui sera dévoilée en nous. Nos
épreuves sont légères et ne durent qu'un moment;
cependant elles nous vaudront un poids immense
et éternel de gloire. Non sunt condignae passiones
hujus temporis ad futuram gloriam quae revela-
bitur in nobis. Momentaneum et levé tribulationis
nostrse immensum supra modum asternum gloriae
pondus operatur in nobis. » (Corinth. iv.)
QUALITÉS DES COUPS RESSUSCITES. 471
N'est-ce pas ce souvenir qui fortifiait le saint
homme Job au fort de son affliction? A son exem-
ple, encourageons-nous dans les maux par l'es-
pérance de la résurrection; et loin de nous abattre,
ils ne feront qu'augmenter en nous la confiance de
ressusciter pour la vie éternelle.
4 3. Ge n'est pas le seul fruit que nous devons
tirer de celte vérité. Elle doit encore nous porter
efficacement à mener une vie sainte et exempte
de tout péché.
Car, dites-moi , ne sont-elles pas assez belles
et assez attrayantes , les récompenses que la ré-
surrection promet à la vertu? Et au contraire, ne
sont-ils pas encore assez formidables , les châti-
ments qu'elle réserve au vice et à Timpénitence?
Se peut-il que nous considérions avec attention les
unes et les autres , sans nous déterminer à tout
faire et à tout souffrir pour mériter la résurrection
glorieuse et éviter la malheureuse?
La mère des Machabées et ses enfants avaient
nos fins dernières devant les yeux ; et voilà ce qui
leur fit mépriser les supplices d'Antiochus, plutôt
que de transgresser la loi. « Méchant prince,
lui disait le premier d'entre eux, tu peux nous
ôter cette vie mortelle; mais quand nous l'aurons
sacrifiée pour la religion, le roi du monde nous
ressuscitera pour la vie éternelle. Tu quidem sce-
lestissime in praesenti vita nos perdis : Sed Rex
mundi defunctos nos pro suis legibus in aeternae
vitae resurrectione suscitabit. » (2 Machab. vu.)
472 QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITES.
Un autre lui tint ce langage au moment de mou-
rir. (( Il nous est avantageux d'être condamnés à
la mort par les hommes et d'attendre notre récom-
pense de Dieu ; nous savons qu'il nous ressusci-
tera un jour, mais toi, tu ne ressusciteras pas à la
vie. Potius est ab hominibus morti datum spem
expectare a Deo, iterum ab ipso ressuscitandos :
tibi enim resurrectio ad vitam non erit. » (Ibid.)
Courage donc, chrétiens ! réprimons généreu-
sement nos convoitises, combattons avec force nos
passions, faisons pénitence de nos péchés, prati-
quons avec fidélité les commandements, accumu-
lons un trésor de bonnes œuvres, vivons enfin de
la vie des justes pour ressusciter avec les justes.
NOTE. 473
NOTE
QUOD IN RESURRECTIONE MORTUORUM NATCRA CORPORUM QUIBlTS-
LIBET MODIS DISSIPATORUM IN INTEGRUM UNDECUMQUE REVO-
CANDA S1T.
1 . Absit autem ut ad ressuscitancla corpora vitaeque
reddenda non possit omnipotentia Creatoris omnia revo-
care, quee ve! bestia, vel ignis absumpsit, vel in pulverem
cineremve collapsum, ve! in humorem solulum, vel in
auras est exhalatum. Absit ut sinus ullus secretumque
naturae ita recipiat aliquid subîractum sensibus nostris, ut
omnium Creatoris aul lateat cognitionem, aut effugiat
potestatem. Deum, certe volens , sicut poterat , definire
Cicero : tantus auclor ipsorum, Mens quaedam, inquit, est
soluta et libéra, sécréta ab omni concretione mortali,
omnia sentiens et movens, ipsaque praedita motu sempi-
terno (Tuscul. lib. 1, cap. 27.) Hoc autem reperit in doc-
trinis magnorum philosophorum. Ut igilur secundum ipsos
loquar, quomodo aliquid vel latet omnia sentientem, vel
irrevocabiliter fugit omnia moventem ?
2. Unde jam etiam qusestio illa solvenda est, quœ diffi-
cilior videtur cœteris : ubi quctritur, cum caro mortui
hominis etiam alterius fit viventis caro, cui polius eorum
in resurrectione reddatnr. Si enim quispiam confectus
famé atque compulsus vescatur cadaveribus hominum,
quod malum aliquoties occidisse, et vêtus testatur bistorla,
et nostrorum lemporum infelicia expérimenta docuerunt;
SYMB. II. 40
474 NOTE.
nuin qaisquam veridica ratione contendet, totum digestum
fuisse per imos meatus, nihil inde in ejus carnem mutatum
atque conversum, cura ipsa macies quee fuit et non est,
satis indicet quœ illis escis detrimenta supplela sint? Jam
itaque aliqua paulo ante praemisi, quae ad istum quoque
modum solvendum valere debehunt. Quidquid enim car-
nium exhausit faraes, utique in auras est exhalatum : unde
diximus omnipotentem Deum posse revocare quod fugit.
Reddatur ergo caro illa homini, in quo esse caro humana
primitus cœpit. Ab illo quippe altero tanquam mutuo
sumpta deputanda est : quse, sicut ses alienum, ei redhi-
benda est, unde sumpta est. Sua vero illi, quem famés
exinanierat, ab eo qui potest etiam exhalata revocare,
reddetur. Ouamvis, etsi omnibus perisset modis, nec ulla
ejus materies in Ullis naturae latebris remansisset, unde
veilet, eam repararet Omnipotens. Sed propter sententiam
Yeritatis, qua dictum est, Capillus capitis vestri non peri-
bit ; absurdum est ut putemus, cum capillus hominis pe-
rire non possit, tantùm carnes famé depastas atque con-
sumptas perire potuisse.
3. Quibus omnibus pro nostro modulo consideratis
atque tractatis, ha?c summa confîcitur, ut in resurrectione
carnis in sternum eas mensuras habeaf corporum magni-
tudo. quas habebat perficiendae sive perfectae cujusque
indita corpori ratio juventutis, in membrorum quoque
omnium modulis congruo décore servato. Quod decus ut
servetur, si aliquid demptum fuerit indecenti alicui gran-
ditati in parle aliqua constitutae, quod per totum spargatur,
ut neque id pereat, et congruentia partium ubique tenea-
tur, non est absurdum : ut aliquid inde etiam staturas cor-
poris addi posse credamus, cum omnibus partibus, ut
decorem custodiant, id distribuitur, quod si enormiter in
una essel, utique non deceret. Aut si contenditur in ea
quemque statura corporis resurrecturum esse, in qua
NOTE. 475
defunctus est, non pugnaciter resistendum est ; tantum
abfit omnis deformitus, omnis infirmitas, omnis tard i tas,
omnisque corruptio, et sï.quid aliud illud non decet re-
gnum, in quo resurrectionis et promissionis fîiii sequales
erunt Angelis Dei, si non corpore, non œtate, certe felici-
late. (S. Âug. Hb. 22 de civ. Dei cap. 19.)
XIIe ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO VITAM .ETERNAM — JE CROIS LA VIE
ÉTERNELLE.
I" INSTRUCTION
ce qu'il faut entendre par la vie éternelle.
EXORDE.
1 . Le douzième et dernier article du Symbole
nous propose la vie éternelle.
C'est par là que les apôtres qui sont nos maîtres
dans la science du salut, ont conclu et terminé cet
abrégé de notre foi.
Deux motifs les ont guidés. D'abord, c'est qu'a-
près la résurrection de la chair, il ne nous reste
plus à attendre que la récompense de la vie éter-
nelle. Puis, leur dessein a été de nous apprendre
à fixer toutes nos pensées sur cette souveraine
félicité que Dieu réserve à ses amis dans l'autre vie.
Oh ! si nous la contemplons attentivement, cette
récompense, de quelle générosité ne nous senti-
rons-nous pas enflammés ! Non, il n'y aura plus de
sacrifice, plus d'effort, qui ne nous devienne non-
ce qu'il fait entendre, etc. 477
seulement possible, mais doux et facile, pour nous
en assurer la possession. Transportés à la vue d'un
si grand bien, nous ne marcherons plus, mais nous
courrons avec joie dans la voie des commande-
ments de Dieu, la seule qui conduise à cet heu-
reux terme. « Si vis ad vitam ingredi, serva man-
data. Si vous voulez parvenir à ia vie, gardez les
commandements, » nous dit le Sauveur.
2. La vie éternelle : cette courte parole couvre
plus d'un mystère.
Elle signifie en général la béatitude céleste,
elle en exprime la nature autant qu'il est possible.
Développons dans cette instruction le sens pro-
fond que les apôtres ont attaché à ce mot : vie éter-
nelle. Dans la suivante, je vous exposerai en quoi
consiste la vie éternelle.
0 mon Dieu, dilatez notre cœur; attirez-le à
vous tout entier par la vue du bonheur que vous
nous avez promis ; apprenez-nous à nous détacher
de cette misérable vie et de ses faux biens !
CORPS DE L'iNSTRITTION.
3. Par ce mot, vie éternelle, que faut-il enten-
dre?Est-ce seulement la perpétuité de la vie, c'est-
à-dire, une vie sans fin?
Non, car les démons et les méchants vivront
aussi perpétuellement.
Qu'est-ce donc que ce mot veut dire?
Il veut dire : éternité de bonheur, bonheur sans
•178 ce qu'il faut entendue
fin. Pour que les saints soient parfaitement heu-
heux, il faut que leur félicité soit interminable.
Voilà ce que les apôtres ont voulu exprimer en
disant : je crois la vie éternelle.
C'est aussi ce qu'entendait ce Docteur de la loi
qui fit un jour cette question au Sauveur : « Maî-
tre, que faut-il que je fasse pour gagner la vie
éternelle? Magister, quid faciendo, vitam aeternam
possidebo? » {Luc. xvm.) En d'autres termes, il
lui demandait quel chemin il avait à suivre, afin
d'arriver au séjour de la félicité parfaite.
L'Ecriture emploie souvent cette expression
dans le même sens.
i. Cela posé, une première question se pré-
sente.
Pourquoi les apôtres, voulant nous indiquer la
souveraine félicité, se sont-ils servis de cette for-
mule : je crois la vie éternelle?
Pour nous empêcher de croire ou d'imaginer
que le bonheur réside dans les biens fragiles ,
dans les biens matériels, dans les biens passagers
de ce monde.
Le simple mot de bonheur ou de félicité n'eût
pas énoncé toute leur pensée. 11 a d'ailleurs quel-
que chose d'équivoque. Combien de prétendus
sages, enflés d'estime pour eux-mêmes, n'ont-ils
pas fait consister le bonheur dans les jouissances
sensibles?
Or, c'est là une erreur grossière. Les biens de
ia terre s'useul et périssent avec le temps ; la béa-
PAR LA VIE ÉTERNELLE. 479
titude véritable au contraire ne doit jamais finir.
Ensuite, les biens terrestres sont tellement incapa-
bles de nous rendre heureux, que plus on les
désire et plus on s'y attache, moins en goûte de
contentement.
Aussi, écoutez l'avis que nous donne l'apôtre
saint Jean. Il savait sans doute ce qui peut faire le
vrai bonheur de l'homme, et cependant que dit-il?
« N'aimez pas le monde, ni ce qui est dans le
monde. Si quelqu'un aime le monde, la charité du
Père n'est point en lui. Nolite diligere mundum,
neque ea, quae in mundo sunt : Si quis diligit mun-
dum, non est charitas Patris in eo. » (/ Joann. n.)
Et pourquoi, ô saint apôtre! nous défendez- vous
de nous attacher au monde? a C'est que, dit-il un
peu plus loin, le monde passe et sa concupiscence
avec lui. Transit mundus et concupiscentia ejus. »
(Ibid.)
Quiconque s'appuie sur des choses périssables,
risque d'être entraîné dans leur ruine. Si vous
habitez une demeure bâtie sur le sable, quand la
tempête viendra, votre maison s'écoulera sur vous
et vous serez enseveli dans les décombres.
Tel sera le sort de tant d'hommes qui semblent
ne connaître d'autres biens ni d'autres jouissances
que celles de cette vie mortelle. La mort fondra
sur eux comme l'ouragan ; elle dispersera comme
une fumée leurs richesses et leurs honneurs, et
que leur restera-t-il de ce qu'ils avaient amassé
avec tant de labeurs et de sollicitude? Un cercueil
pour leur corps et l'enfer pour leur âme !
480 ce qu'il fait entendre
o. Apprenons de là, chrétiens, à mépriser les
biens périssables. En vain vous tourmentez-vous
à chercher le bonheur sur la terre ; vous ne l'y
trouverez pas. Eussiez-vous les trésors, la sagesse
et la puissance d'un Salomon, à quoi bon? Ne
faudrait-il pas vous écrier avec lui : « Vanité des
vanités, et tout n'est que vanité et affliction d'es--
prit ? Vanitas vanitatum, et omnia vanitas et afïïictio
spiritus. » Tel est le gémissement qu'une triste
expérience lui arrache, après qu'il a goûté, comme
il le dit lui-même, de toutes les délices que ce
monde peut offrir. Vous voulez vous établir sur la
terre, vous y fixer, vous y agrandir ; avez-vous
donc oublié que nous y sommes des étrangers et
des pèlerins? La patrie dont nous sommes ci-
toyens, c'est le ciel. Comment aspirez-vous au
repos dans l'exil? Au ciel est le centre de notre
félicité. Nous aurons soif de bonheur, et cette soif
sera insatiable jusqu'à ce que nous soyons enivrés
des torrents de la félicité même de Dieu. « Fecisti
nos ad te, Domine, et irrequietum est cor nostrum,
donec requiescat in te ! Vous nous avez faits pour
vous, Seigneur, disait saint Augustin, et notre
cœur est dans une agitation continuelle jusqu'à ce
qu'il se repose en vous ! »
Il y a pourtant dès ici-bas un commencement,
un prélude et comme un avant-goût de la félicité
véritable; mais en quoi et en faveur de qui?
C'est dans l'espérance que la foi nous donne,
c'est dans la perspective des destinées glorieuses
PAK LA VIE ÉTERNELLE. 48 I
qui nous attendent. Oui, déjà nous sommes conso-
lés des longueurs de l'exil, parce que nous en en-
trevoyons le terme ; déjà nous sentons diminuer
le poids de nos tribulations, parce que nous savons
qu'elles seront suivies de la récompense. La foi
nous fait d'avance habiter dans le ciel, « Laetatus
sum in his quae dicta sunt mihi : in domum Domini
ibimus. Je me suis réjoui, dit le Roi-prophète, à
cause de la parole qui m'a été dite : nous irons dans
la maison du Seigneur. » (Ps. cxxi.)
Mais, pour sentir cet avant-goùt du ciel, il faut
renoncer à l'impiété et aux désirs du siècle ,
vivre dans la tempérance, la justice, la piété, et
attendre ainsi la félicité promise et l'avènement
glorieux de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-
Christ. « Abnegantes impietatem et saecularia de-
sideria, sobrie, et juste, et pie vivamus in hoc
saeculo, expectantes beatam spem, et adventum
gloriae magniDei, et Salvatons nostri Jesu Christi.»
(TU. ii.)
Vivez de la sorte, et vous serez déjà heureux
dès cette vie, car vous jouirez de cette paix de
Dieu qui surpasse tout autre sentiment.
Voilà ce que n'ont point compris une foule
d'hommes qui se croyaient sages. Ne voyant rien
au-delà de cette vie, ils ont cru qu'il fallait cher-
cher le bonheur ici-bas. Les pauvres aveugles !
leur sagesse a été convaincue de folie, et tous
leurs efforts n'ont abouti qu'a d'amères déceptions.
Au lieu de la félicité qu'ils se promeliaient, ils sont
SYMB. II. 41
482 ce qu'il faut entendre
tombés dans les plus grands malheurs. Tel est en-
core le sort de ces mondains qui ne vivent que
pour la terre et qui pensent trouver enfin le moyen
de contenter leur àme immortelle, à force de jouis-
sances terrestres. Illusion déplorable! est-ce qu'on
peut combler les abîmes de la mer avec quelques
grains de sable? Notre cœur est trop vaste pour
être satisfait autrement que par la possession d'un
bien infini et éternel.
6. Nous n'avons pas épuisé toute la signification
de cette parole : Je crois la vie éternelle.
Par cette expression, les apôtres ont voulu nous
marquer, en second lieu, que la béatitude une fois
obtenue est inamissible. Ils ont ainsi réfuté une
erreur qui a quelquefois eu cours, savoir : que les
. saints pouvaient déchoir de leur félicité.
Non, cela ne peut être. La félicité, en effet,
c'est la réunion de tous les biens sans mélange
d'aucun mal. Si elle est véritable, elle doit combler
tous les désirs du cœur humain.
Or, celui qui est heureux peut-il ne pas désirer
de l'être toujours? Supposez que son état ne soit
pas stable et assuré, la crainte de le perdre ne
fera-t-elle pas son tourment, et ne suiïïra-t-elle
pas pour empoisonner son existence?
La véritable béatitude est donc éternelle; telle
est la seconde vérité contenue dans ce mot du
Symbole : Je crois la vie éternelle.
7. Enfin, cette même parole indique un tioi-
PAR LA VIE ÉlERKELLE. 183
sième mystère. Elle nous apprend non-seulement
que le bonheur ne réside point dans les biens pas-
sagers, et qu'il doit avoir pour durée l'éternité ;
mais elle nous fait entrevoir quelque chose d'im-
pénétrable à l'esprit humain, je veux dire l'im-
mensité du bonheur réservé aux saints dans la
céleste patrie.
Ce bonheur, ceux-là seuls peuvent l'apprécier
qui en jouissent. Il faut l'avoir goûté pour le com-
prendre. « L'œil de l'homme n'a point vu , son
oreille n'a point entendu , son cœur ne peut con-
cevoir ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment.
Oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor
hominis ascendit quae piaeparavit Deus lis qui
diligunt illum. » (/ Corinth. n).
Quand les apôtres l'appellent vie éternelle, ils
nous font assez comprendre qu'il n'y a point de
parole humaine pour l'exprimer. Quel terme en
effet emploient-ils pour nous en donner une idée?
Ils sont réduits à se servir d'une expression com-
mune, d'une expression qui s'applique tout aussi
bien aux réprouvés qu'aux élus ; car, n'est-il pas
vrai que tous vivront éternellement?
Eh bien ! par là même que les apôtres désignent
la félicité sous le nom de vie éternelle, ils confes-
sent que celle qui sera le partage des élus est d'un
ordre tellement élevé, tellement supérieur à toute
conception , qu'on ne saurait la dépeindre et
quelle n'a point de nom propre dans la langue
des hommes.
484 ce qu'il faut entendre
Pour désigner cette vie des élus, je vois les
divines Ecritures recourir aux images les plus
magnifiques. Ici , elles l'appellent le royaume de
Dieu ou le royaume de Jésus-Christ : le, le royau-
me des cieux ; ailleurs . le paradis ; tantôt , la cité
sainte et la Jérusalem nouvelle : tantôt, le palais
du Père céleste. Mais plus elles accumulent les
expressions et les figures, mieux elles en mar-
quent l'insuffisance et l'imperfection , quand il
s'agit de décrire la félicité éternelle.
8. Le langage humain est donc tout à fait im-
puissant dans cette circonstance.
Je veux pourtant vous montrer que dans l'im-
puissance absolue de nous dire ce qui est ineffa-
ble, les apôtres ont choisi l'expression la plus éner-
gique et nous ont donné du bonheur des saints,
l'idée la plus juste qu'on puisse avoir.
En effet, quel est, sur la terre, le premier et le
plus précieux de tous les biens? Quel est celui
que nous mettons en première ligne? Assurément,
c'est la vie. Sans elle, aucun autre ne subsiste;
elle est le fondement de tous nos avantages, et tous
s'y rapportent comme à leur centre. Aussi, que
ne fait-on pas pour la conserver? Faut-il sacri-
fier sa fortune, s'imposer des privations pénibles,
entreprendre des voyages dispendieux , s'assu-
jettir à un régime austère, subir même l'amputa-
tion de quelque membre? tout cède à l'amour de
la vie; pour elle on se soumet à tout, on sacrifie
tout le reste.
PAR LA VIE ÉTERNELLE. 485
La vie est donc réputée le bien par excellence.
Or, tel est le trait principal par lequel les apô-
tres caractérisent la béatitude : c'est la vie pro-
prement dite, c'est la vie dégagée de toute peine
et de tout souci, c'est la vie accompagnée de tous
les biens, c'est la vie remplissant tous les désirs
de notre cœur, c'est la vie dans toute sa plénitude
et dans toute sa perfection, en un mot c'est la vie
éternelle.
CONCLUSION.
9. Replions-nous ici un moment sur nous-
mêmes.
La vie présente est courte, pleine de calamités,
sujette à une infinité de misères. Elle mériterait
mieux d'être appelée une longue mort qu'une
vie véritable. « Quid est enim vita praesens nisi
quaedam prolixitas mortis? » dit saint Grégoire. Et
cependant, on l'aime passionnément. Rien ne nous
est plus cher et plus agréable.
Avec combien plus de zèle et d'ardeur ne
devons-nous donc pas rechercher cette autre vie
qui est éternelle, où nous serons exempts de tous
les maux, et rassasiés de tous les biens? Car, tel
est le bonheur de la vie éternelle , selon la doc-
trine unanime des saints Docteurs. Il comprend à
la fois la délivrance de tous, les maux et la jouis-
sance de tous les biens.
10. Pour les bienheureux, plus de maux à crain-
dre : (dis ne souffriront plus ni de la faim, ni de
SY.MB. II. 41*
486 ce qu'il faut entendre
la soif; ni le soleil, ni la chaleur ne les incommo-
deront plus. Non esurient, neque sitient amplius,
neque cadet super illos sol, neque ullus aestus. »
(Apocal. vu.)- « Dieu essuiera toute larme de leurs
yeux : la mort ne sera plus ; il n'y aura plus pour
eux ni deuil, ni gémissement, ni douleur ; leur
première condition est changée sans retour. Abs-
terget omnem lacrymam ab oculis eorum : et mors
ultra non erit, neque luctus, neque clamor, neque
dolor erit ultra, quia prima abierunt. » (Ibid. xxi).
Voilà comment saint Jean s'exprime dans l'Apo-
calypse.
A l'abri de tout mal, affranchis de toute crainte,
les bienheureux jouiront en outre' d'une gloire
immense. Ils nageront dans des torrents de déli-
ces pures et de jouissances solides. Gloire des
élus, gloire que notre esprit ne saurait pénétrer,
que l'àme même des saints ne saurait contenir;
elle en sera débordée de toutes parts ; elle y sera
comme plongée. C'est pourquoi il leur sera dit :
« Entrez dans la joie de votre Seigneur. Intra in
gaudium Domini tui. » [Matth. xxv).
14. Oh. chrétiens, contemplez cette vie éter-
nelle, et voyez si des récompenses si magnifiques
ne sont pas dignes de votre ambition ! « Vous dési-
rez la fortune; aimez donc les véritables richesses.
Vous aspirez au faîte de l'honneur, marchez donc
à la conquête du royaume des deux. La gloire et
les distinctions vous plaisent ; hâtez-vous donc de
vous faire admettre parmi les anges dans la cour
PAU LA VIE ÉTERISELLE. 487
du Roi des rois. Si ergo, fratres charissimi, esse
divites cupitis, veras divitias amate. Si culmen
veri honoris quaeritis, ad cœleste regnum tendite :
Si gloriam dignitatum diligitis, in ilia superna
Angelorum curia adscribi festinate. » (S. Gregor.
hom. /5 in Evang.)
Il est vrai qu'on ne peut parvenir à ce bonheur
sans combat. « Si quelqu'un, dit Jésus-Christ, veut
venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il
porte sa croix et qu'il me suive. Si quis vult venire
post me , abneget semetipsum , et tollat crucem
suam et sequatur me. »
Tl en coûte donc pour gagner le Ciel, « mais,
dit un saint Père, si le travail vous effraie, que la
récompense vous anime. Si labor terret, merces
invitet. » Considérez des yeux de l'esprit ces déli-
ces, ce repos, cette gloire, ces richesses qui vous
attendent dans le ciel ; cette vue vous soutiendra ;
elle adoucira vos peines, relèvera votre courage,
vous fera persévérer jusqu'à la fin.
Et puis, sommes-nous donc seuls et abandonnés
à nous-mêmes dans la grande affaire du salut? Non
certainement. Dieu y travaille bien plus de son
côté par le moyen de ses grâces que nous-mêmes
par nos efforts et notre fidélité. Il nous tend la
main pour nous conduire, nous offre ses sacre-
ments et spécialement la sainte Eucharistie pour
nous fortifier dans notre pèlerinage. Répondons
aux avances qu'il nous fait ; prions-le sans cesse de
nous donner son amour et la persévérance dans sa
488 ce qu'il faut entendre
grâce. A celui qui prie, tout devient possible, tout
devient facile. La prière aplanit la voie du ciel,
en nous rendant douce et légère la pratique des
commandements.
Ah ! soyez des hommes de prière ; aimez en
particulier à vous adresser à la Mère de Dieu,
ayez envers elle une dévotion filiale ; recourez à
sa protection dans tous vos besoins et vos com-
bats ,• et vous arriverez sûrement au port du salut.
Aimer la prière, avoir une piété sincère envers
Marie, faire un bon et fréquent usage des sacre-
ments, voilà autant de marques non équivoques
de prédestination.
12. a 0 demeure bienheureuse delà céleste
cité! s'écrie l'auteur de l'Imitation. O jour brillant
de l'éternité, que la nuit n'obscurcit point, mais
que la souveraine vérité éclaire incessamment !
jour de joie et de sécurité éternelle, que nulle vi-
cissitude ne trouble jamais! Oh! plut à Dieu que
ce jour fût déjà venu et que tout ce qui est. tempo-
rel eut pris fin !
Il luit pour les Saints dans tout l'éclat de son
éternelle splendeur ; pour nous, qui sommes
encore dans le pèlerinage de cette vie, nous l'en-
trevoyons seulement de loin et comme dans un
miroir.
Les habitants du Ciel savent quelle est la joie de
ce jour; pour nous, enfants d'Eve, exilés sur la
terre, nous y gémissons à cause des amertumes et
«le l'ennui de la vie...
PAR LA VIE ÉTERNELLE. 489
Oh! quand viendra La fin de tant de maux?
Quand serai-je délivré de la misérable servitude
des vices? Quand ma pensée sera-t-elle tout occu-
pée de vous seul, ô mon Dieu? Quand me réjoui-
rai-je pleinement en vous"? Quand serai-je libre
de tout embarras, affranchi de toute peine d'esprit
et de corps?
Quand goùterai-je une paix solide, une paix
inaltérable et assurée, une paix affermie de toutes
parts?
O bon Jésus ! quand paraitrai-je devant vous
pour vous voir? Quand contemplerai-je la gloire
de votre royaume? Quand me serez-vous tout en
toutes choses? Oh ! quand serai-je avec vous dans
le royaume que vous avez préparé h vos bien-
aimés de toute éternité? » (Liv. 3. cfiap. 48.)
490 NOTES;
NOTES.
ARTICULUSI.
UTRUM BEATITUDO HOMiNIS CONSISTAT IN D1VITIIS.
CONCLUSIO.
Cum beatitudo sit ultimus finis hominis, artificiales au-
tem divitias homines quaerant, propter naturales, alque has
référant ad naturam hominis sustentandam; impossibile
est beatitudinem hominis consistere in divitiis.
Respondeodicendum, quod impossibile est beatitudinem
hominis in divitiis consistere. Sunt enim duplices divitiae,
ut Philosophus dicit in 1. Polit, (cap. 9.) Scilicet naturales
et artificiales. Naturales quidem divitiae sunt, quibushomini
subvenitur ad defectus naturales tollendos : sibut cicus et
potus, vestimenta, véhicula et habitacula, et alia hujus-
modi. Divitiae artificiales sunt quibus secundum se natura
non juvatur, utdenarii, sed ars humana eos adinvenit prop-
ter facilitatem commutaiionis, ut sint quasi mensura rerum
venalium. Manifestum est autem quod in divitiis naturali-
bus beatitudo hominis esse non potest : qugeruntur enim
bujusmodi divitiae ad sustentandam naturam hominis : et
ideo non possunt esse ultimus finis, sed magis-ordinantur
ad hominem sicut ad finem. Unde in ordine naturae omnia
hujusmodi sunt infra hominem et propter hominem facta,
secundum iliud Psal 8. Omnia subjecisti sub pedibus ejus.
Divitiae autem artificiales non quaeruntur nisi propter na-
NOTES. 494
turales : non enim quaererentur nisi quia per eas emunlur
ras ad usum vitae necessariae : unde multo minus habent
ratiunein ultimi finis. Impossibile et igitur beatitudinem,
quau cstultimus liiiis hominis, in divitiis esse.
ARTICULUS II.
DTRUM BEAT1TCD0 HOMINIS CONSISTAT IN HONOIlIBls.
f.ONCLUSIO.
Cum secundum beatitudinem homo constituatur in ex-
cellentia, cujus signum est honor et reverentia, non nisi
consécutive in honoribus beatitudo hominis consistit.
Respondeo dicendum, quod impossibile est beatitudinem
consistera in honore : honor enim exhibetur ahcui propter
aliquam ejus excellentiam ; etit'a et signum et testimonium
quoddam illius excellentia?, quae est in honorato : Excel-
lente autem hominis maxime attenditur secundum beati-
tudinem, quae est hominis bonum perfectum, et secundum
partes ejus, id est, secundum illabona, quibus aliquidbea
titudinis participatur : et ideo honor potest quidem conse-
qui beatitudinem, sed principaliter in eo beatitudo consis-
tera non potest.
ARTICULUS III.
UTRl'M BEATITUDO BOMINIS CONSISTAT IN FAMA, SIVE GLORIA.
CONCLUSIO.
Impossibile est in fama, seu gloria humana, quae fréquen-
ter fallax est, consistera hominis felicitatem.
Respondeo dicendum, quod impossibileest beatitudinem
hominis in fama, sen gloria humana consistera : nam glo-
ria niliil iiMud est quam H;ir;t notitia cu:n lau <\uf Ambras.»
492 NOTES.
dicit. Res autem cognita aliter comparateur ad cognitionem
divinam, et aliter ad cognitionem humanam : humanaenim
cognitio a rébus cognitis causatur, sed divina cognitio est
causa rerum cognitarum. Unde perfectio humani boni, quae
beatitudodicitur, non potest causari a notitia humana, sed
magis notitia humana de beatitudine alicujus procedit, et
quodammodo causatur ab ipsa humana beatitudine, vel
inchoata, vel perfecta. Et ideo in fama, vel in gloria non
potest consistere hominis beatitudo. Sed bonum hominis
dependet sicut ex causa ex cognitione Dei : et ideo ex glo-
ria, quee est apud Deum, dependet beatitudo hominis, sicut
ex causa sua, secundum illud Psal. 90. Eripiam eum, et
glorificabo eum, longitudine dierum replebo eum, et os-
tendam illi salutare meum. Et etiam illud considerandum
quod humana notitia saepè fallitur, et praecipuè in singu-
laribus contingentibus; hujusmodi sunt actus humani, et
ideo fréquenter humana gloria fallax est. Sed quia Deus
falli non potest, ejus gloria semper vera est : propter quod
dicitur, 2œ ad Corinth. 10. Ille probatus est quem Deus
commendat.
ART1CULUS IV.
UTRUM BEATITUDO HOMINIS CONSISTAT IN POTESTATE.
CONCLUSIO.
Potestas, eum principium sit malum et bonum respiciens,
inejusbono usu magis quam in ipsa, dicendum est consis-
tere hominis beatitudinem.
Respondeo dicendum, quod impossibile est beatitudinem
in potestate consistere propter duo. Primo quidem, quia
potestas habet rationemprincipii, ut patet in 5. Metaphys.
(Test. 17.) beatitudo autem habet rationem ultimi finis.
Secundo, quia potestas se habet ad bonum et ad malum :
Jpeatitudo autem estproprium et perfectum hominis bonum.
NOTES. 493
Unde magis posset consistere beatitudoaliqua in bono non
potestatis qui est per virtulem, quam in ipsa potcstate.
Possunt autem quatuor générales rationes induci ad os-
tendendum.quod in nullo prœmissorum exteriorum bono-
rum beatitudo consistât : quarum prima est, quod cum
béatitude sit summum hominis bonum, non compatitur
secum aliquod malum, omnia autem praedicta possunt in-
veniri et in bonis, et in malis. Secunda ratio est, quia cum
de ratione beatitudinis sit, quod per se sit sufficiens, ut
patet in 1. Ethic. [cap. 1.) necesse est, quod beatitudine
adepta, nullum bonum necessarium homini desit. Adeptis
autem singulis prœmissorum possunt adhuc multa bona ho-
mini necessaria déesse, puta sapientia, sanitas corporis, et
hujusmodi. Tertia, quia cum beatitudo sit bonum perfec-
tum, ex beatitudine non potest aliquod malum alicui prove-
nire, quod non convenit praemissis : dicitur enim Eccles.
5. quod clivitise interdum conservantur in malum domini
sui, et simile patet in aliis tribus. Quarta ratio est, quia
ad beatitudinem homo ordinatur per principia interiora,
cum ad ipsam naturaliter ordinatur : praemissa autem
quatuor bona magis sunt a causis exterioribus, et ut pluri-
mum a fortuna, unde et bona fortunae dicuntur. Unde pa-
tet, quod in praemissis nullo modo beatitudo consistit.
ARTICULUSV.
UTRUM BEATITUDO HOMINIS CONSISTAT IN ALIQUO CORPORIS BONO.
CONCLUSIO.
Cum corporalia bona ordinentur ad alia ut ad finem,
impossibile est in aliquo corporis bono beatitudinem, quee
est ultimus hominis finis, ronsistere.
Respondeo dicendum, quod impo-sibile est beatitudinem
hominis in bonis -corporis consistere propter duo. Primo
s Y.MB. II. 42
494 NOTES.
quidem, quia impossibile est quod illiusrei, quge ordinatur
ad aliud sicut ad finem, ultimus finis sit ejusdem conserva-
tio in esse. Unde gubernator non intendit sicut ultimum
finem, conservationem navis sibi commissse, eo quod navis
ad aliud ordinatur sicut in finem, scilicet ad navigandum.
Sicut autem navis committiturgubernatori ad dirigendum :
ita homo est suas voluntati et rationi commissus, secundum
illud quod dicitur Eccl. 15. Deus ab initio constituit ho-
minem, et reliquit eum in manu consilii sui. Manifestum
est autem, quod homo ordinatur ad aliquid sicut ad finem,
non enim homo est summum bonum : Unde impossibile
est, quod ultimus finis rationis et voluntatis humana? sit
conservatio humani esse, secundo, quia dato quod finis
rationis et voluntatis humanae esset conservatio humani
esse, non tamen posset dici quod finis esset aliquod cor-
poris bonum; esse enim hominis consistit in anima et in
corpore : et quamvis esse corporis dependeat ab anima,
esse tamen humanae animae non dependet a corpore, ut
supra ostensum est (1 part, quœst. 74. et quœst. 95.)
ipsumque corpus est propter animam, sicut materia prop-
ter formam, et instrumenta propter motorem, ut per ea
suas actiones exerceat. Unde omnia bona corporis ordi-
nantur ad bona animée sicut ad finem : unde impossibile est
quod in bonis corporis beatitudo consistât, quae est ultimus
finis.
ARTICULUS VI.
UTRUM BEATITUDO HOMINIS CONSISTAT IN VOLUPTATE.
CONCLUSIO.
Cum omnis delectatio sit quoddam proprium accidens
quod consequitur beatiludinem, vel aliquam beatitudinis
partem, dici non potest hominis beatitudo in delectatione
seu voluptate consistere.
NOTES. 495
Respondeo dicendum, quod quia deiectaliones corpora-
les pluribus notas sunt, assumpserunt sibi nomen volupta-
tum, ut dicitur 7. Ethic. {cap. penult.) In quibus tamen
beatitudo principaliter non consistit, quia in unaquaque re
aliud est quod pertinet ad essentiam ejus, aliud est pro-
prium accidens ipsius : sicut in homine aliud est quod est
animal rationale mortale ; aliud quod est risibile. Est igitur
considerandum, quod omnis delectatio est quoddam pro-
prium accidens, quod consequiturbeatitudinem velaliquam
beatitudinis partem : ex hoc enim aliquis deleclatur quia
habet bonum aliquod sibi conveniens vel in re, vel in spe,
vel saltem in memoria. Bonum autem conveniens si quidem
sit perfectum, est ipsa hominis beatitudo : si autem sitim-
perfectum, beatitudo quasdam participata, vel propinqua,
vel remota, vel saltem apparens. Unde manifestum est,
quod nec ipsa delectatio, quas sequitur bonum perfectum,
est ipsa essentia beatitudinis, sed quoddam consequens ad
ipsam, sicut per se accidens : voluptas autem corporalis
non potest etiam modo prasdicto sequi bonum perfectum ;
nam sequitur bonum quod apprehendit sensus, qui est vir-
tus animas corpore ulens. Bonum autem quod pertinet ad
corpus, quod apprehenditur secundum sensum, non potest
esse perfectum hominis bonum. Cum enim anima rationalis
excédât proportionem materias corporalis, pars animas quae
estaborgano corporeo absoluta quandam habet icfinitatem
respectu ipsius corporis, et partium animas corpori con-
creatarum : sicut invisibilia sunt quodammodo inQnita res-
pectu materialium,eo quod forma per materiam quodam-
modo contrahitur et finitur : unde forma a materia absoluta
est quodammodo infinita. Et ideo sensus, qui est vis cor-
poralis, cognoscit singulare quod est determinatum per
materiam : intellectus vero, qui est via materia absoluta,
cognoscit universale quod est abstractum a materia, et
continet sub se infinita singularia. Unde patet quod bonum
conveniens corpori, quod per apprehensionem sensus de-
496 NOTES.
lectaiionem corporalem causât, non est perfectum bonum
hominis, sed minimum quiddam in comparatione ad bonum
animas; unde, Sapient. 7. dicitur : quod omne aurum in
comparatione sapientiae, arena estexigua. Sic igitur neque
voluptas corporalis est ipsa beatitudo, nec est per se acci-
dens beatitudinis.
ARTICULUS VU.
UTRCM BEATITUDO HOMINIS CONSISTAT IN ALIQUO BONO ANIMEE.
CONCLUSIO.
Beatitudo ipsa, cum sit perfectio animse, est quoddam
animae bonum inhaerens, sed in quo beatitudo consistit,
quodscilicet beatum facit, est aliquid extra animam.
Respondeo dicendum, quod sicut supra dictum est (9.
1 . art. 8.) finis dupliciter dicitur : scilicet ipsa res quam
adipisci desideramus ; et usus, seu adeptio vel possessio il-
lius rei. Si ergo loquamur de ultimo fine hominis quantum
ad ipsam rem quam appetimus sicut ultimum finem, im-
possibile est quod ultimus finis hominis sit ipsa anima, vel
aliquid ejus. Ipsa enim anima in se considerata est ut in
potenlia existens ; sit enim de potentia sciente actu sciens,
et de potentia virtuosa actu virtuosa : cum autem potentia
sit propler actum sicut propter conplementum, impossibile
est, quod id quod est secundum se in potentia existens, ha-
bealrationem ultimi finis: unde impossibile est quod ipsa
anima sit ultimus finis sui ipsius. Similiter etiam neque
aliquid ejus, sive sit potentia, sive actus, sive habitus :
bonum enim quod est ultimus finis, est bonum perfectum,
complens appetitum : appetitus autem humanus, qui est
voluntas, est boni universalis : quodlibet autem bonum in-
haerens ipsi animas, est bonum participatum, et per conse-
quens particulatum : unde impossibile est quod aliquod
eorum sit ultimus finis hominis. Sed si loquamur de ultimo
NOTES. 497
fine hominis quantum ad ipsam adeptionem, vel possessio-
nem, seu quemcumque nsum ipsius rei qua3 appetitur ut
finis, sic ad ultimum finem pertinet. aliquid hominis ex
parte animas, quia homo per animam beatitudinem conse-
quitur. Res ergo ipsa quae appetitur ut finis, estid in quo
beatitudo consistit, et quod beatum facit : sed hujus rei
adeptio vocatur beatitudo. Unde dicendum est quod beati-
tudo est aliquid animae : sed in quo consistit beatitudo, est
aliquid extra animam.
ARTICULUS VIII.
UTRUW BEATITUDO HOMINIS CONSISTAT IN ALIQUO BONO CREATO.
CONCLUSIO.
Cum appetitum humanum qui est voluntatis, nihil quie-
tum reddere aut satiare possit prgeter universale bonum,
quod est illius objectum, omne autem bonum creatum sit
bonum particulare, nonpotest hominis beatitudo consistere
in aliquo bono creato.
Respondeo dicendum, quod impossibile est beatitudinem
hominis esse in aliquo bono creato ; beatitudo enim est
bonum perfectum quod totahter quietat appetitum, alio-
quin non esset ultimus finis, si adhuc restaret aliquid ap-
petendum. Objectum autem voluntatis qui est appetitus
humanus, est universale bonum, sicut objectum intellectus
est universale verum. Ex ç^) patet quod nihil potest quie-
tare voluntatem hominis iBrbonum universale, quod non
invenitur in aliquo creato, sed solum in Deo, quia omnis
creatura habet bonitatem participatam. Unde solum Deus
voluntatem hominis implere potest; secundum quod dici-
tur in Psal 102. Qui replet in bonis desiderium, etc. In
solo igitur Deo beatitudo hominis consistit. (S. Thom. 1 .
2. 9. 2.)
498 ESSENCE ET ACCESSOIRES
IIe INSTRUCTION.
ESSENCE ET ACCESSOIRES DE LA BÉATITUDE.
EXORDE.
1 . Nous vous disions dans l'entretien précédent,
quel est le sens de cette dernière parole du Sym-
bole : « Je crois la vie éternelle. » Employée par
les apôtres pour signifier la souveraine béatitude,
elle nous montre que la félicité de l'homme n'est
pas sur la terre ; elle place cette félicité dans l'au-
tre vie, et ne lui assigne d'autre terme que l'éter-
nité : enfin elle nous insinue que cette félicité
consiste dans une vie vraiment digne de ce nom,
une vie exempte de tout mal, comblée de tout
bien. C'est par cette dernière pensée que nous
avons terminé.
2. Selon saint Augustin, il serait plus facile
d'énumérer les maux donKes saints sont exempts
que de dépeindre l'abondance de leurs biens et de
leurs délices. Nous connaissons les maux; nous en
faisons l'expérience dans cette vallée de larmes ;
mais qui pourra nous dire ce que la munifi-
cence divine prodigue de joies et de saintes vo-
luptés aux élus? L'Apôtre, après avoir été ravi au
DE LA BÉATITUDE. 4-99
troisième Ciel, nous déclare que c'est 1h un secret
ineffable.
Tâchons cependant de nous en faire une idée.
L'aspect du ciel dans une belle nuit, nous ravit
d'admiration ; la terre parée de verdure et de fleurs
au printemps, charme nos regards ; l'harmonie
d'une belle musique nous fait éprouver une sensa-
tion délicieuse ; le spectacle de la mer agrandit et
élève notre âme. Sont-celà des images du paradis?
Non, ce n'en est pas l'ombre. Qu'est-il donc?
Les Docteurs, pour nous aider à en concevoir
quelque chose, distinguent deux sortes de biens
dans la béatitude. Les uns forment le fond primitif
et l'essence même de la béatitude. Les autres en
sont les fruits et les accessoires.
Dans ce dernier entretien, je vais donc vous
exposer, premièrement, en quoi consiste essen-
tiellement le bonheur des saints, et secondement,
quels en sont les principaux accessoires.
« Sursum corda ! » Elevons nos cœurs bien au-
dessus de la terre. Oublions pour un moment notre
exil, afin d'entrevoir du moins quelque rayon de
la félicité éternelle. Nous avons besoin pour cela
d'une lumière toute céleste ; Esprit de Dieu, dai-
gnez illuminer nos esprits.
PREMIER POINT.
3. La vraie et solide béatitude consiste essen-
tiellement à voir et à posséder Dieu, source et
principe de toute bonté et de toute perfection.
500 ESSENCE ET ACCESSOIRES
Telle est la racine et le fondement même de la
béatitude. « La vie éternelle, dit Notre-Seigneur
Jésus-Christ, parlant à son Père, consiste à vous
connaître, vous, le seul Dieu véritable, et Jésus-
Christ que vous avez envoyé. Haec est vita aeterna,
ut cognoscant te, solum Deum verum, et quem
misisti, Jesum Christum. y>(Joann. xvii.)
Saint Jean semble interpréter cette parole quand
il dit : « Mes bien-aimés, nous sommes déjà les
enfants de Dieu, mais on ne voit pas encore tout
ce que nous serons un jour. Nous savons qu'à son
avènement, nous serons semblables à lui, et que
nous le verrons tel qu'il est. Charissimi, nunc filii
Dei sumus, et nondum apparuit quid erimus : sci-
mus quoniam cum apparuerit, similes ei erimus,
quoniam videbimus eum,sicuti est. »(/ Joann. m.)
Remarquez ce qui, d'après ces paroles de saint
Jean, constitue proprement la béatitude.
Deux choses la constituent : premièrement, voir
Dieu dans son essence et en lui-même ; seconde-
ment, devenir tous semblables à lui, devenir nous-
mêmes comme des dieux. La possession de Dieu
ne nous fera point perdre notre individualité pro-
pre ; mais elle nous revêtira d'une forme admira-
ble et pour ainsi dire divine, elle nous transformera
de telle sorte que nous paraîtrons plutôt desdieux
que des hommes. Alors se vérifiera dans toute la
force du terme la parole du Roi-prophète : « Je
l'ai dit : vous êtes des dieux et des enfants du Très-
Haut. Ego dixi : dii estis et filii Excelsi omnes. »
DE LA BKAT1TUDE. 501
4. Oui, chrétiens, si hardie et si sublime quesoit
cette idée de la béatitude, elle est réelle et véri-
table.
Je le répète : vous serez transformés jusqu'au
point d'être pour ainsi dire d'autres dieux. Je n'a-
vance rien de trop. Pourquoi cela ?
Parce que, pour voir Dieu face à face, il faut
que lui-même s'unisse à nous. Il n'existe que deux
manières de connaître les objets : en eux-mêmes,
ou bien au moyen de leur représentation.
Or, aucune représentation, aucune image, quel-
que parfaite qu'on la suppose, ne saurait nous
montrer Dieu, tel qu'il est.
Ainsi, Dieu lui-même se communiquera à nous
immédiatement. Nous entrerons en participation
de son essence divine. Nous en serons tout péné-
trés. « Maintenant, dit l'Apôtre, nous voyons dans
un miroir et dans une énigme, » c'est-à-dire, comme
l'explique saint Augustin, au moyen d'images et de
représentations; cernais alors nous le verrons face à
face. Videmus nunc per spéculum in oenigmate,
tune autem facie ad faciem. » (i. Corinth. xm.)
5. Saint Denis confirme ce que nous venons de
dire : « L'image d'un être inférieur, dit-il, est inca-
pable de nous représenter un être d'un ordre su-
périeur. » Par exemple, l'image d'un corps ne sau-
rait nous donner la notion parfaite d'un esprit.
Cela est d'autant plus impossible que les idées
ont quelque chose de plus spirituel que leur objet
même. Ainsi, quand nous nous formons l'idée d'un
502 ESSENCE ET ACCESSOIRES
arbre, d'un animal, d'un homme, l'image qui nous
en reste dans l'esprit, la connaissance que nous
en conservons, est moins matérielle et plus déliée
que les objets eux-mêmes.
Appliquons cette remarque à la vision de Dieu.
Peut-il y avoir dans notre intelligence une idée,
une conception ou représentation quelconque de
la divinité, qui soit aussi pure et aussi spirituelle
que Dieu-même? Evidemment, cela est impossible.
Dieu est pur esprit, et le plus pur de tous les es-
prits. Toute image créée, toute conception, toute
représentation reste infiniment au-dessous de la
pureté infinie de son essence, et rien ne saurait ex-
primer la spiritualité parfaite de son être.
Et comment d'ailleurs ce qui est créé pourrait-il
nous donner une juste idée de Dieu? Il est infini ;
ce qui est créé est nécessairement borné, et par
conséquent impuissant pour représenter son im-
mensité.
De ces considérations, il résulte, encore une fois,
que pour voir Dieu en lui-même, tel qu'il est, ce
qui est le propre de la félicité des saints, il est de
toute nécessité que Dieu lui-même s'unisse à nous,
et qu'élevant notre intelligence à une hauteur in-
compréhensible, il la rende capable de cette con-
templation immédiate, de cette vision intuitive. *
6. On appelle ce don : lumière de la gloire. A
leur entrée dans le ciel, les saints sont enveloppés
*Les numéros 4 et 5 peuvent être omis dans une instruction
ordinaire.
DE LA BÉATITLDE. 503
de la lumière môme de Dieu, et ils le contemplent
à la faveur de sa propre lumière. «In lumine tuo
videbimus lumen. » (Ps. xxxv.) Cette vue les suit
partout, et toujours ils jouiront de cette contem-
plation ravissante.
Voilà ce qui les fait entrer en participation de la
nature divine. Voilà ce qui constitue essentielle-
ment leur félicité : voir Dieu face à face, lui être
intimement et inséparablement unis, le posséder,
l'aimer à jamais. Et voilà aussi, chrétiens mes frè-
res, ce que chacun de nous doit non-seulement
croire, mais espérer, avec une ferme confiance, de
l'infinie bonté de Dieu. C'est pour chacun de nous
en effet qu'il est écrit dans le symbole de Nicée :
« J'attends la résurrection des morts et la vie du
siècle à venir. Et expecto resurrectionem mortuo-
rum et vitam venturi saeculi. » Vous le dites tous
les jours en faisant l'acte d'espérance : « Mon Dieu,
j'espère de votre bonté infinie et par les mérites
de Jésus-Christ, mon Sauveur, votre grâce en ce
monde et votre gloire en l'autre, parce que vous
me l'avez promis et que vous êtes fidèle dans vos
promesses. »
7. Cette vision de Dieu et cette sorte de trans-
formation des saints en Dieu sont des merveilles
toutes divines que nulle parole n'est capable d'ex-
pliquer, nulle intelligence de concevoir.
On en trouve cependant une ombre et une
image, fort grossières sans doute, dans les choses
sensibles. Voyez par exemple ce que devient le
504 ESSENCE ET ACCESSOIRES
fer plongé dans la fournaise. 11 ne cesse pas d'être
du fer, il ne change pas de nature : et cependant
ne prend-il pas une forme nouvelle, ne paraît-il
pas métamorphosé en feu ?
C'est ainsi que l'âme, introduite au séjour de la
gloire, y est enflammée de l'amour de Dieu, et cet
amour, semblable à un brasier ardent, la trans-
forme tellement, que, sans cesser d'être elle-
même, elle prend, pour ainsi dire, des qualités
divines et est en quelque sorte identifiée avec l'être
infini de Dieu. Entre l'état où elle est alors et celui
de cette vie, il y a plus de différence qu'entre le
fer ardent et celui qui est froid. Quelle admirable
union ! quel changement ! quelle élévation î II avait
donc raison , le Prophète royal , quand il disait à
Dieu : « Quid est homo quod memor es ejus, aut
filius hominis, quoniam visitas eum? Qu'est-ce
que l'homme , Seigneur , pour que vous daigniez
vous souvenir de lui? Qu'est le fils de l'homme,
pour que vous l'honoriez d'une telle faveur? »
(Ps. VIII.)
Pour nous résumer en quelques mots : la sou-
veraine béatitude consiste donc essentiellement et
principalement dans la possession de Dieu. Et en
effet, que peut-il manquer au bonheur, que reste-
t-il à désirer, quand on jouit de Dieu, le bien
infini, la perfection infinie, la beauté, la vérité, la
sainteté infinie? « Quid mihi est in cœlo, et à te,
quid volui super terram ? Defecit cor meum et caro
mea ; Deus cordis mei et pars mea, Deus, in aster-
DE LA BÉATITUDE. 505
num. Qu'y a-t-il au ciel, et que puis-je désirer sur
la terre, sinon vous, ô mon Dieu î Aussi mon cœur
et ma chair languissent du désir de vous posséder :
vous êtes le Dieu de mon cœur et mon partage, ô
mon Dieu, pour l'éternité. »
SECOND POINT.
8. Considérons maintenant les principaux acces-
soires qui accompagnent la félicité des saints.
Nous ne parlerons ici que des avantages qui sont
communs à tous.
Comme ces avantages secondaires sont plus à la
portée de notre esprit, ils ne manqueront pas de
faire sur nous une impression salutaire, pour peu
que nous les méditions.
« Gloire, honneur et paix à tous ceux qui font
le bien. Gloria et honor et pax omni operanti bo-
num. » {Rom. n.) Ces paroles de l'apôtre saint
Paul aux Romains semblent indiquer quelques-unes
des prérogatives des saints.
Premièrement, les bienheureux jouiront de la
gloire. Non-seulement ils posséderont cette gloire
qui est de l'essence même de la béatitude ou qui
en est inséparable, mais ils seront encore glorifiés
les uns par les autres. Ils se connaîtront mutuelle-
ment, et ils auront une vue claire et distincte des
mérites, de l'excellence, de la dignité de chacun
d'eux. Aussi se donneront-ils réciproquement des
témoignages d'honneur proportionnés à leur sain-
teté.
506 ESSENCE ET ACCESSOIRES
9. En second lieu, ils se verront comblés d'hon-
neur.
Quelle joie pour eux d'être appelés par le Sei-
gneur, non plus du nom de serviteurs, mais du
nom d'amis, de frères, d'enfants ! « Jam non dicam
vos servos, vos autem dixi amicos. » (Joann. xv.)
Quelle aimable et gracieuse invitation le Sauveur
leur adressera en présence de l'univers entier!
« Venez, les bénis de mon Père, possédez le
royaume qui vous a été préparé dès le commen-
cement du monde. Venite, benedicti Patris mei,
possidete paratum vobis regnum a constitutione
mundi. » (Matth. xxv.) Enfants de Dieu, c'est alors
qu'ils recueilleront l'héritage de leur Père céleste
et qu'ils deviendront les cohéritiers de Jésus-
Christ. « Si filii, et heredes; heredes quidem Dei,
coheredes autem Christi. »
« Courage, bon et fidèle serviteur, dira à cha-
cun d'eux le souverain Rémunérateur ; vous avez
été fidèle dans de petites choses, je vais mainte-
nant vous élever sur de plus grandes. Euge, serve
bone et fidelis, quia in pauca fuisti fidelis, super
multa te constituam. » Et en effet, il les établira
princes de sa cour, rois dans son royaume. Que
sont auprès de cet honneur les couronnes et les
sceptres de la terre ? La dignité du moindre des
saints excède sans comparaison toutes les pompes
et les magnificences des empires d'ici-bas.
Ah ! c'est bien ici qu'il y a sujet de s'écrier avec
le Psalmiste : « 0 Dieu ! avec quelle distinction
DE LA BÉATITUDE. 507
admirable vous traitez vos amis ! Nimis honorificati
sunt amici lui, Deus ! » (Ps. cxxxvm.)
Jésus-Christ lui-même fera l'éloge de leurs ver-
tus devant son Père céleste et devant ses Anges.
Il exaltera leur humilité et leur abnégation ; il dira
quels ont été leurs combats et leurs victoires.
Semblable à un général d'armée qui fait la revue
de ses soldats après une grande bataille, il louera
leur courage et leur magnanimité à le suivre et à
combattre ses ennemis qui sont le démon, le monde
et la chair. Il n'oubliera aucun des sacrifices, aucun
des efforts qu'ils ont faits pour pratiquer la vertu ;
il publiera leur charité, leur patience, toutes leurs
bonnes œuvres ; il mentionnera jusqu'au verre
d'eau froide qu'ils auront donné en son nom et
pour l'amour de lui. Quel honneur pour les saints
d'entendre leurs louanges de la bouche même de
la sagesse éternelle ! Qui peut imaginer la satisfac-
tion infinie qu'ils en ressentiront? Ah! ce n'est
point de l'approbation des hommes qu'il faut être
jaloux ; soyons bien plutôt ambitieux d'obtenir celle
de Jésus-Christ.
Chacun des saints recevra de la part des autres
élus les marques de la plus profonde estime. Il est
si naturel à l'homme de souhaiter celle des gens
sages ! Leur témoignage passe avec raison pour un
sûr garant du mérite.
Quel surcroit de gloire ne sera-ce donc pas pour
les saints, de se voir considérés, estimés, honorés,
par tout ce qu'il y eut jamais de plus grand et de
plus distingué au monde!
508 ESSENCE ET ACCESSOIRES
10. En troisième lieu, tous leurs désirs seront
satisfaits.
Qui pourrait énumérer tous les genres de satis-
faction dont ils seront comblés au sein de la gloire?
Quelle intelligence pourrait même les concevoir?
Tout ce que la vie présente offre d'agréments et de
charmes, tout ce qu'il est possible de désirer, soit
pour le contentement de l'esprit, soit pour la par-
faite disposition du corps, les connaissances les
plus hautes et les plus vastes, la santé, la vigueur,
la beauté, la jeunesse, tout cela sera donné aux
saints avec abondance. Mais avec quelle pureté et
quelle perfection ! « L'œil de l'homme n'a point vu,
son oreille n'a point entendu et son cœur n'a jamais
rien conçu qui en approche. Oculus non vidit,
nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, »
dit l'Apôtre.
Ainsi le corps, qui était ici-bas grossier et maté-
riel, une fois dégagé de la mortalité, et devenu
semblable aux esprits, n'aura plus besoin d'ali-
ments dans le ciel.
L'âme s'y rassasiera avec d'ineffables transports
de l'aliment éternel de la gloire. Dieu lui-même
servira ce magnifique banquet à ses élus.
Au ciel, les vêtements et les parures du corps
seront superflus. La pourpre des rois, la richesse
des diamants et des pierres précieuses seront effa-
cées par ce vêtement d'immortalité et de lumière,
par ce diadème de gloire dont les saints seront
décorés.
DE LA BÉATITUDE. 509
Et quelle ne sera pas la beauté de leur demeure?
On s'estime heureux ici-bas d'habiter une vaste
maison, bâtie avec élégance et ornée de meubles
précieux. Quoi de plus grand et de plus magni-
fique que ce palais du ciel éclairé de toutes parts
de la clarté de Dieu !
Qu'on serait émerveillé, dit un grand saint, de
voir une ville dont les rues sont pavées de cristal,
et dont les maisons sont autant de palais d'argent,
ornés de lambris d'or et de guirlandes de fleurs de
toute espèce? Oh ! combien plus belle encore est
la cité céleste !
Une des plus grandes joies des saints sera d'y
voir Marie qui leur paraîtra plus belle que tout le
Paradis. Avec quelle tendre émotion ne contem-
pleront-ils pas cette bien-aimée Mère de Dieu, le
chef-d'œuvre de ses mains ? Combien ne la remer-
cieront-ils pas de toutes les grâces qu'elle leur a
obtenues?
Mais quelle joie de contempler la sainte huma-
nité de Jésus-Christ? Dans quelle douce extase ne
seront-ils pas plongés en voyant cette chair divi-
ne, portant encore les cicatrices des blessures
qu'elle a reçues pour nous sauver î Sainte Thérèse,
ayant seulement entrevu une main du Sauveur,
fut ravie hors d'elle-même, jusqu'à perdre tout
sentiment.
Non, dans le ciel, Dieu n'épargnera rien pour
enivrer ses élus des tonents de sa propre félicité.
SYMB. II. 43
510 ESSENCE ET ACCESSOIRES
<( Inebriabuntur ab ubertate domus tuae, et tor-
rente voluptatis tuae potabis eos. » (Ps. lxxii.)
conclusion.
11. A la pensée des beautés du ciel, le Roi-
prophète, transporté d'admiration et tout enflammé
d'amour, s'écriait : « Qu'ils sont délicieux vos ta-
bernacles, ô Dieu des armées I Mon âme languit
dans l'impatience d'habiter les parvis du Seigneur.
Mon cœur et ma chair tressaillent vers le Dieu vi-
vant. Quam dilecta tabernacula tua, Domine vir-
tutum ! Concupiscit et déficit anima mea in atria
Domini. Cor meum et caro meo exulta verunt in
Deum vivum. » (Ps. lxxxiii.)
Que tels soient aussi nos sentiments, tel, notre
langage à tous, Chrétiens mes frères. Je dis : à
tous; car, sachez-le bien, tous, vous pouvez pré-
tendre à ce bonheur. Le Sauveur nous l'a mérité à
tous. Piquons-nous d'une sainte émulation : « Dans
la maison de mon Père, dit Jésus-Christ, il y a plu-
sieurs demeures. In domo Patris mei mansiones
multae sunt. »(Joann. xiv.) C'est-à-dire que chacun
y sera plus ou moins récompensé selon ses méri-
tes, a Celui qui sème peu, recueillera peu ; celui
qui sème avec abondance, recueillera avec abon-
dance. Qui parce seminat, parce et metet ; et qui
seminat in benedictionibus, de benedictionibus et
metet. » (/ Cor. ix.)
12. Voulez-vous vous assurer ce bonheur? Que
DE LA BÉATITUDE. -J I I
votre vie soit une vie de foi et de charité. La cha-
rité seule, c'est-à-dire l'observation des comman-
dements, peut vous ouvrir la porte du ciel. Pour
garder les commandements, persévérez dans la
prière et le bon usage des sacrements. Enfin, fai-
tes-vous un trésor de mérites par la pratique des
œuvres de miséricorde.
C'est par l'emploi constant de ces moyens que
vous obtiendrez de la bonté de Dieu cette glorieuse
récompense qu'il a préparée à ceux qui l'aiment.
C'est ainsi qu'il accomplira en vous la parole de son
prophète : « Mon peuple habitera au milieu d'une
paix profonde ; il sera tranquille dans ses tentes et
jouira du repos et de l'abondance. Sedebit populus
meus in pulchritudine pacis, et tabernaculis fidu-
ciae, et in requie opulenta. » (Isa. xxxiv.) Amen.
512 NOTES.
NOTES
I. DE L'UNION DES ESPKITS BIENHEUREUX AVEC DIEU
DANS LA VISION DE LA DIVINITÉ.
Quand nous regardons un objet, quoiqu'il nous soit pré-
sent, il ne s'unit pas à nos yeux lui-même ; mais seule-
ment il leur envoie une certaine représentation ou image de
lui-même, que Ton appelle espèce sensible, par le moyen
de laquelle nous voyons. Et quand nous contemplons ou
entendons quelque chose, ce que nous entendons ne s'unit
pas non plus a notre entendement, sinon par le moyen
d'une autre représentation très-délicate et spirituelle, que
l'on nomme espèce intelligible. Mais encore ces espèces,
par combien de détours et de changements viennent-elles
a notre entendement ! Elles abordent au sens extérieur, et
de la passent a l'intérieur, puis à l'idée, de là à l'entende-
ment actif, et viennent enfin au passif; afin que passant
comme par tant d'étamines et sous tant de limes, elles
soient par ce moyen purifiées, subtilisées et affinées, et
que de sensibles elles soient rendues intelligibles.
Nous voyons et entendons ainsi, Théotime, tout ce que
nous voyons ou entendons en celte vie mortelle, et même
les choses de la foi. Car, comme le miroir ne contient pas
la chose que l'on y voit, mais seulement sa représentation
et son espèce, laquelle représentation, arrêtée par le mi-
roir, en produit une autre dans l'œil qui regarde ; de même
les paroles de la foi ne contiennent pas les choses qu'elle an-
nonce, mais seulement elle les représente : el cette repré-
NOTES. 513
sentation des choses divines qui est en la parole de la foi,
en produit une autre, que notre entendement, moyennant
la grâce de Dieu, accepte et reçoit comme la représentation
de la sainte vérité ; notre volonté s'y complaît et l'embrasse
comme une vérité honorable, utile, aimable et très-bonne :
de sorte que les vérités, signifiées en la parole de Dieu,
sont par elle représentées à l'entendement comme les cho-
ses exprimées dans le miroir sont par le miroir représen-
tées à l'œil : en sorte que croire, c'est voir comme par un
miroir, dit le grand Apôtre.
Mais au ciel, Théotime, ah ! mon Dieu, quelles faveurs!
La divinité s'unira elle-même a notre entendement, sans
entremise d'espèce ni de représentation quelconque; mais
elle s'appliquera et se joindra elle-même a notre entende-
ment, se rendant tellement présente à lui, que cette intime
présence tiendra lieu de représentation et d'espèce. 0 vrai
Dieu, quelle suavité pour l'entendement humain d'être à
jamais uni à son souverain objet, recevant non sa représen-
tation, mais sa présence, non une image ou une espèce,
mais la propre essence de sa divine vérité et de sa majesté!
Nous serons la comme des enfants très-heureux de la divi-
nité, ayant l'honneur d'être nourris de la propre substance
divine, reçue en notre âme par la bouche de notre enten-
dement; et, ce qui surpasse toute douceur, c'est que Dieu
notre père ne se contentera pas de faire recevoir sa propre
substance dans noire entendement, c'est-a-dire, de nous
faire voir sa divinité, mais par un abîme de sa douceur, il
appliquera lui-même sa substance a notre esprit, afin que
nous l'entendions, non plus en espèce ou en représentation,
mais en elle-même et par elle-même ; en sorte que sa subs-
tance paternelle et éternelle sene d'espèce aussi bien que
d'objet à notre entendement. Et alors seront pratiquées en
une façon excellr-nte ces divine- promesses : .le la mènerai
en la solitude, el je parlerai à son cœur, et je l'allaiterai.
Bonheur infini, Tiicoiime, et qui ne nous a pas teule-
514 NOTES.
ment élé promis, mais dont nous a sons un avant-goût au
très-saint sacrement de l'Eucharistie, festin perpétuel de la
grâce divine ; car en lui nous recevons le sang du Sauveur
en sa chair, et sa chair en son sang : son sang nous étant
appliqué par sa chair, sa substance par sa substance à notre
propre bouche corporelle, afin que nous sachions qu'il
nous appliquera de même son essence divine au festin éter-
nel de la gloire. Il est vrai qu'ici cette faveur nous est faite
réellement, mais à couvert sous les espèces et apparences
sacramentelles ; mais au ciel la divinité se donnera a dé-
couvert, et nous la verrons face à face comme elle est.
II. LA SAINTE LUMIÈRE DE LA GLOIRE SERVIRA A L'UNION
DES ESPRITS BIENHEUREUX AVEC DIEU.
L'entendement créé verra donc l'essence divine sans
aucune entremise d'espèce ni de représentation ; mais il ne
la verra pas néanmoins sans quelque excellente lumière
qui le dispose, l'élève et le fortifie pour élever ses regards
si haut et sur un objet si sublime et si éclatant. Car, com-
me la chouette a la vue assez forte pour voir la sombre
lumière de la nuit sereine, mais non toutefois pour voir la
clarté du midi qui est trop brillante pour être reçue par des
yeux si troubles et si faibles : ainsi notre entendement qui
a bien assez de force pour considérer les vérités naturelles
par sa raison, et même les choses surnaturelles de la grâce
par la lumière de la foi, ne saurait néanmoins ni par la
lumière de la nature, ni par la lumière de la foi, atteindre
jusqu'à la vue de la substance divine en elle-même. C'est
pourquoi la suavité de la sagesse éternelle a disposé de ne
point appliquer son essence a notre entendement, qu'elle
ne l'ait préparé, fortifié et éclairé pour recevoir une vue
aussi éminente, et aussi disproportionnée à sa condition
naturelle, qu'est la vue de la divinité. C'est ainsi que le
soleil, souverain objet de nos yeux corporels entre les cho-
.NOIES. 515
ses naturelles, ne se présente point a notre vue que premiè-
rement il n'envoie ses rayons par le moyen desquels nous le
puissions voir, de sorte que nous ne le voyons que par sa
lumière. Toutefois, il y a de la différence entre les rayons
que le soleil jette à nos yeux corporels, et la lumière que
Dieu créera au ciel dans nos entendements; car le rayon
du soleil corporel ne fortifie point nos yeux quand ils sont
faibles et impuissants à voir, mais plutôt il les aveugle,
éblouissant et dissipant leur vue infirme : tandis qu'au
contraire cette sacrée lumière de gloire trouvant nos en-
tendements inhabiles et incapables de voir la Divinité, les
élève, les fortifie et les perfectionne si excellemment, que,
par une merveille incompréhensible, ils regardent et con-
templent l'abîme de la clarté divine fixement et en face,
sans être éblouis ni fatigués de la grandeur infinie de son
éclat.
De môme donc que Dieu nous a donné la lumière de la
raison par laquelle nous pouvons le connaître comme au-
teur de la nature, et la lumière de la foi par laquelle nous
le considérons comme source de la grâce : de même il nous
donnera la lumière de gloire par laquelle nous le contem-
plerons comme source de la béatitude et de la vie éternelle ;
mais source, Théotime, que nous ne contemplerons pas de
loin, comme nous faisons maintenant par la foi, mais que
nous verrons par la lumière de gloire, plongés et abîmés en
elle. Les plongeurs, dit Pline, qui pour pêcher les pierres
précieuses s'enfoncent dans la mer, prennent del'huiledans
leur bouche, afin que la répandant ils aient plus de jour
pour voir dans les eaux entre lesquelles ils nagent. Théo-
time, l'âme bienheureuse étant enfoncée et plongée dans
l'Océan de la divine essence, Dieu répandra dans son en-
tendement la sacrée lumière de gloire, qui lui en fera jour
dans cet abîme de lumière Inaccessible, afin que par la clarté
de la gloire nous voyions la clarté de la divinité.
516 NOTES.
III. L'UHIOM DtS BIENHEUREUX AVEC DIED AURA DIFFÉRENTS DEGRÉS.
Or ce sera cetle lumière de gloire, Théotime, qui don-
nera la mesure à la vue et a la contemplation des bienheu-
reux ; et, selon que nous aurons plus ou moins de cette
sainte splendeur, nous verrons aussi plus ou moins claire-
ment, et par conséquent plus ou moins heureusement la
très-sainte Trinité, qui regardée diversement nous rendra
de même différemment glorieux. Certes en ce paradis cé-
leste tous les esprits voient toute l'essence divine ; mais nul
d'entre eux, ni tous ensemble ne la voient, ni ne peuvent
la voir totalement. Non, Théotime; car Dieu étant très-
uniquement un et très-simplement indivisible , on ne le
peut voir qu'on ne le voie tout; parce qu'il est infini, sans
limite, ni borne, ni mesure quelconque en sa perfection,
il n'y a ni ne peut y avoir aucune capacité hors de lui, qui
jamais puisse totalement comprendre ou pénétrer l'infinité
de sa bonté infiniment essentielle et essentiellement infinie.
Cette lumière créée du soleil visible qui est limitée et
finie, est toute vue de tous ceux qui la regardent, mais de
telle manière qu'elle n'est pourtant jamais vue totalement
de pas un, ni même de tous ensemble. Il en est presque
ainsi de tous nos sens : entre plusieurs qui entendent une
excellente musique, quoique tous l'entendent toute, les
uns pourtant ne l'entendent pas aussi bien, ni avec autant
de plaisir que les autres, selon que les oreilles sont plus ou
moins délicates. La manne était toute savourée de quicon-
que la mangeait, mais différemment néanmoins, selon la
diversité des appétits de ceux qui la prenaient, et elle ne
fut jamais savourée totalement ; car elle avait plus de diffé-
rentes saveurs, qu'il n'y avait de variétés de goût dans les
Israélites. Théotime, nous verrons et nous savourerons là
haut au ciel toute la divinité ; mais jamais nul des bienheu-
reux, ni tous ensemble, ne la verront ou ne la savoureront
totalement. Cette infinité divine aura toujours infiniment
plus d'excellence que nous ne saurions avoir de suffisance
NOTES, 517
el de capacité, et nous n'aurons un contentement indicible
de connaître, qu'après avoir assouvi tout le désir de notre
cœur, et rempli pleinement sa capacité dans la jouissance
du bien infini qui est Dieu ; néanmoins il restera encore
dans cette infinité d'infinies perfections a voir et a posséder,
que sa divine majesté comprend et voit elle seule, elle seule
se comprenant elle-même.
Ainsi les poissons jouissent de la grandeur incroyable
de l'Océan ; et jamais pourtant aucun poisson, ni même
toute la multitude des poissons, ne vit Lûtes les plages, ni
ne trempa ses écailles dans toutes les eaux de la mer. Et
les oiseaux s'égaient a leur gré dans l'immensité de l'air;
mais jamais aucun oiseau, ni même toute la race des oi-
seaux ensemble, n'a battu de ses ailes toutes les contrées
de l'air, et n'est parvenu à sa suprême région. Ah ! Théo-
time, nos esprits, à leur gré et selon l'étendue de leurs
souhaits, nageront dans l'Océan, el voleront dans l'air de
la Divinité; ils se réjouiront éterneilemmt de voir que cet
air est si infini, cet Océan si vaste, qu'il ne peut être me-
suré par leurs ailes ; mais quoique jouissant, sans réserve
ni exception quelconque, de tout cet abîme infini de la Di-
vinité, ils ne peuvent néanmoins jamais égaler leur jouis-
sance a cette Infinité, qui demeure tuujours infiniment infi-
nie au-dessus de leur capacité.
Et sur ce sujet les esprits bienheureux sont ravis de deux
admirations, l'une pour l'infinie beauté qu'ils contemplent,
et l'autre pour l'abîme de l'infinité qui reste a voir en cette
beauté. 0 Dieu ! que ce qu'ils voient est admirable ! mais,
ô Dieu i que ce qu'ils ne voient pas est beaucoup plus! Et
toutefois, Tliéotime, la très-sainte beauté qu'ils voient étant
infinie, elle les rend parfaitement satisfaits et rassasiés; et
se contentant d'en jouir, selon le rang qu'ils tiennent dans
le ciel/a cause de la très-aimable providence, divine qui
en a ainsi ordonné, ils convertissent la connaissance qu'ils
ont de ne pas posséder, ni de pouvoir posséder totalement
s\Mn. n. 4i
518 NOTES.
leur objet, en une simple complaisance d'admiration, par
laquelle ils ont une joie souveraine de voir que la beauté
qu'ils aiment est tellement infinie, qu'elle ne peut être to-
talement connue que par elle-même. Car en cela consiste
la divinité de cette beauté infinie, ou la beauté de cette in-
finie divinité. (S. François de Sales, Traité de l'amour de
Dieu, lit. 3, chap. M, M et 15.)
IV. de l'éternelle félicité et du repos perpétuel
DE LA CITÉ DE DIEU.
1 . Quanta erit illa félicitas, ubi nullum erit malum, nul-
lum latebit bonum, vocabilur Dei laudibus, qui erit omnia
in omnibus! Nam quid aliud agatur, ubi neque ulla desi-
dia cessabitur, neque ulla indigentia laborabitur, nescio.
Admoneor etiam sancto Cantico, ubi lego, vel audio. Beati
qui habitant in domo tua, Domine, in saecula saeculoruin
laudabunt te (Ps. lxxxiii, 5.) Omnia membra et viscera
incorruptibilis corporis, quae nunc videmus per usus né-
cessitais varios distributa, quoniam tune non erit ipsa né-
cessitas, sed plena, certa, secura, sempiterna félicitas,
proficient in laudibus Dei. Omnes quippe illi, dequibusjam
sum locutus, qui nunc latent, harmonise corporalis numeri
nonlatebunt, intrinsecus et extrinsecus per corporis cuncta
dispositi ; et cum caeteris rébus, quae ibi magnœ atquemi-
rabiles videbuntur, rationales mentes in tant! artificis
laudem rationabilispulchritudinis delectatione succendent.
Qui motus illic talium corporum sint futuri temere definire
non audeo, quod excogitare non valeo. Tamen et motus et
status, sicut ipsa species, decens erit quicumque erit, ubi
quod non decebit, non erit. Certe ubi volet spiritus, ibi
protinus erit corpus : nec volet aliquid spiritus, quod nec
spiritual possit decere* nec corpus. Vera ibi gloria erit, ubi
laudantis nec errore quisquam nec adulatione landabitur.
Verushonor, qui nulli negabitur digno, nulli deferetur in-
digno : sed nec ad eum ambiet ullus indignus, ubi nullus
NOTES. 519
permittc-tur esse nisi dignus. Yera pax, ubi nihil adversi,
nec a seipso, nec ab alio quisquampatietur.Prœmium vir-
tutis erit ipse qui virtutem dédit, eique seipsum, quo me-
lius et majus nihil possit esse, promisit. Quid est enim aliud
quod per Prophetam dixit. Ero illorum Deus, et ipsi erunt
nihil plebs. (Levit. xxvi, 12.) ; nisi, Ergo ero unde satien-
tur, ergo ero quaecumque ab hominibus honeste deside-
rantur, et vita, et salus, et viclus, et copia, etgloria, et
honor, et pax, et omnia bona ? Sic enim et illud recte in-
telligitur, quod ait Apostolus, ut sit Deus omnia in omni-
bus, (i Cor. xv, 28.) Ipse finis eritdesideriorum nostrorum,
qui sine fine videbitur, sine fastidio amabitur, sine fatiga-
tione laudabitur. Hoc munus, hic effectus, hic actio pro-
fecto erit omnibus, sirut ipsa vita seterna, communis.
2. Cœterum qui futuri sint pro meritis prserniorum
etiam gradus honorum alque gloriarum, qui est idoneus
cogitare, quanto magis dicere ? Quod tamen futuri sint,
non est ambigendum. Atque id etiam beata civitas illa ma-
gnum in se bonum videbit, quod nulii superiori ullus in-
ferior invidebit, sicct nunc non invident Archangelis An-
ge!i cseteri : tamque nolet esse unusquisque quod non
accepit, quamvis sit pacatissimo concordiae vinculo ei qui
accepit obstrictus, quam nec in corpore vult oculus esse
qui est digitus, cum membrum utrumque contineat tolius
carnis pacata compago. Sic itaque habebit domum alius alio
minus, ut hoc quoque donum habeat, ne velit amplius.
3. Nec ideo liberum arbitrium non habebunt, quia pec-
cata eosdelectare non poterunt. Magis quippe erit liberum,
a delectatione peccandi usque ad delectationem non pec-
candi mdeclinabilem liberatum. Nam primum liberum ar-
bitrium, quod homini datum est, quando primum creatus
et rectus, potuit non peccare, sed potuit et peccare : hoc
autem novissimum eo potentius erit, quo peccare non po-
terit. Verum hoc quoque Dei munere, non suse possibili-
tate natura3. Aliud est enim, esse Deum ; aliud, participem
520 NOTES.
Dei. Deus natura peccare non potest; particeps vero Dei
ab illo accipit, ut peccare non possit. Servandi antem gra-
dus erant divini muneris, ut primum daretur liberum ar-
bitrium, quo non peccare posset homo; novissimum, quo
peccare nonposset, atqueillumadcomparandum meritutn,
hoc ad recipiendum praemium pertineret. Sed quia pecea-
vit ista natura cum peccare potuit, largiore gratialiberatur,
ut ad eam perducatur libertatem, in qua peccare non pos-
sit. Sicut enim prima immortalis fuit, quam peccando Adam
perdidit, posse non mori, novissima erit non posse mori :
lia primum liberum arbitrium posse non peccare, novissi-
mum non posse peccare. Sic enim erit inamissibilis vo-
luntas pietatis et aequitatis, quomodo est felicitatis. Nam
utique peccando nec pietatem nec felicitatem tenuimus,
voluntatem vero felicitatis nec perdita felicitate perdidi-
mus. Certe Deus ipse numquid, quoniam peccare non
potest, ideo liberum arbitrium habere negandus est? Erit
ergo illias eivitatis et una in omnibus, et inseparabilis in
singulis voluntas libéra, ab omni malo liberata, et impleta
omni bono, fruens indeficienter aelernorum gaudiorum,
oblita culparum, oblita pœnarum; nec tamen ideo suas li-
berationis oblita, ut liberatori suo non sit grata.
4. Quantum ergo attinet ad scientiam rationalem, me-
mor praeteritorem etiam malorum suorum : quantum au-
tem ad experientis sensum, prorsus immemor. Nam et
peritissimus medieus, sicut arte sciuntur, omnes fere mor-
bos corporis novit : sicut autem corpore sentiuntur, pluri-
mos nescit, quos ipse non passus est. Ut ergo scientiae
malorum dua? sunt ; una, qua potentiam mentis non latent ;
altéra, qua experientis sensibus inheerent (aliter quippe
sciuntur omnia vitia per sapientiae doctrinam, aliter per
insipienlis pessimam vitam) : ita et obliviones malorum
duae sunt. Aliter ea namque obliviscitur eruditus et doc-
tus, aliter expertus et passus : ille, si peritiam negligat;
iste, si miseria careat. Secundum hanc oblivionem quam
posteriore loco posui, non erunt memores sancti praeteri-
NOTES.
521
torum malûrum : carebuot enim omnibus, ila ut penilus
deleantur de sensibus eorum. Ea tamen poteotia scieniiae,
quse magna in eis erit, non solum sua praeleritaj sed eliam
damnatorum eos sempilerna miseria non latebit. Alioquin
si se fuisse mjseros nescituri sunl, quomodo, sicut ait
psalmus, misericordias Domini in aeternum cantabunt (Ps.
lixxvih, 2)? Quo cantico in gloriam gratiae Christi, cujus
sanguine liberati sumus, nihil erit profecto illi jucundius
civitati. Ibi perficietur. Vacate, et videte quoniam egosum
Deus (Psal. xlv, u.) Quod erit vere maximum satbatuin
non habens vesperam, quod commendavit Dominus in pri-
mis operibus mundi, ubi legitur : Et requievit Deus die
septimo ab omnibus operibus suis, quae fecit : etbenedixit
Deus diem septimum, et sanctificavit eum, quia in eo re-
quievit ab omnibus operibus suis, quae inchoavit Deus fa-
cere (Gen. n, 2, 3). Dies enim septimus etiam nos ipsi eri-
mus, quando ejus fuerimus benedictione et sanetificatione
pleni atque refecti. Ibi vacantes videbimus quoniam ipse
est Deus : quod nobis ipsi esse voluimus, quando ab il lo
cecidimus, audientes a seductore, Eritis sicut dii (Id. m,
5,) ; et recedentes a vero Deo, quo faciente dii essemus
ejus partieipatione, non desertione. Quid enim sine illo fe-
cimus, nisi quod in ira ejus defecimus (Psal. lxxxix. 9) ?
A quo refecti, et gratia majore perfecti, vocabimus in
aeternum, videntes, quia ipse est Deus, quo pleni erimus,
quando ipse erit omnia in omnibus. Nain et ipsa bona opéra
noslra, quando ipsius potius intelliguntur esse quam nos-
tra, tune nobis ad hoc sabbatumadipiscendum imputantur.
Quia si nobis ea tribuerimus, servilia erunt ; cum de sab-
bato dicatur, Omne opus servile in eo non facietis (Deut.
v, 1 4.) Propter quod et per Ezechielem propbetam dicitur,
Et sabbata mea dedi eis in signum inter me et inter eos, ut
scirent quia ego Dominus qui sanctifico eos (Ezech. xx, 4 2)
Hoc perfecte tune sciemus, quando perfecte vocabimus, et
perfecte videbimus quia ipse est Deus.
stmb. n. 44*
522. NOTES.
5. Ipseeliam Dameras aetatam, veiuti dierum, in secun-
dum eos articulos temporis cornputetur, qui in scripturis
videntur expressi, iste sabbatisrnus evidentius apparebit,
quoniam septimus invenitur : ut prima aetas tanquam dies
primus Bit ab Adam usque ad diluvium, secunda inde us-
que ad Abraham, non sequalitate temporum, sed numéro
generationum : denas quippe habere reperiuntur. Hincjam
sicut Mathseus evangelista déterminât, très aetates usque
ad Christi subsequuntur adventum, quae singulae dénis et
quaternis generationibus explicantur : Ab Abraham usque
ad David una, altéra inde usque ad transmigrationem in
Babyloniam, tertia inde usque ad Christi earnalem nati-
vilatem. Fiunt itaque omnes quinque. Sexta nunc agitur,
nullo generationum numéro metienda, propter idquoddie-
tum est, Non est vestrum scire tempora, quae Pater posuit
in sua potestate (Act. i, 7.) Post hanc tanquam in die sep-
timo requiescet Deus, cum eumdem septimum diem, quod
nos erimus, in se ipso Deo faciet requiescere. De istis
porro aetatibus singulis nunc diligenter longum est dispu-
tare. Haec tamen septima erit sabbatum nostrum, cujus
finis non erit vespera, sed dominicus dies velut octavus
aeternus, qui Christi resurrectione sacratus est, œternam
non solum spiritus, verum etiam eorporis requiem praefi-
gurans. Ibi vacabimus, et videbimus ; videbimus, et ama-
bimu?; amabimus, et laudabimus. Ecce quod erit in fine sine
fine. Nam quis aliud noster est finis, nisi pervenire ad
regnum, cujus nullus est finis? (S Aug. lib. 22 de civ.
Dei, cap. 30.;
FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME
TABLE
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS.
Ve ARTICLE DU SYMBOLE.
DESCENDIT AD INFERNOS, TERT1A DIE RESURREXIT A MORTUIS.
Ire INSTRUCTION.
IL EST DESCENDU AUX ENFERS. — DESCENDIT AD INFEROS. — SENS DE
CES PAROLES, MOTIFS DE LA DESCENTE DE J.-C AUX ENFERS.
Exorde. 4 . Résumé de l'instruction précédente. 2. Le cin-
quième article du Symbole rappelle l'expédition de Jésus-Christ
aux enfers et sa victoire sur la mort par sa résurrection. 3. Ob-
jet et division de cette instruction. 4
Premier point. Descente de .lésus-Christ aux enfers. ï. En
quelle qualité Jésus-Christ y est descendu, o. Ce qu'il faut en-
tendre par le mot enfers. 6. De l'enfer des damnés. 7. Du pur-
gatoire. Motifs qui démontrent son existence. Définition de
l'Eglise. Judas Machabée. Témoignage de l'Evangile. Trait de
saint Augustin. 8. Des limbes. 9. Notre-Seigneur est descendu
dans cette troisième demeure, afin d'en tirer les âmes qui y
étaient captives. 3
Second point. Motifs pour lesquels il y est descendu. 40. Cette
démarche n'a point dérogé à sa dignité, 11.1° Son dessein a été
de ravir aux démons leurs dépouilles. Promesse du Sauveur au
■ï£1 TABLE
bon larron. Accomplissement de la prophétie d'Osée. 12. Com-
bien fut convenable la descente du Sauveur anx limbes. 13. 2° 11
était juste qu'il fit reconnaître sa puissance jusques dans les
enfers. 9
Conclusion. 14. Admirons l'empressement du Sauveur à faire
jouir les anciens justes du bienfait de sa mort. 44
Noies. I. Sur le purgatoire. IL Réfutation de ceux qui s'ima-
ginent que tout chrétien sera sauvé par le feu. 45
IIe INSTRUCTION.
LE TROISIÈME JOUR IL EST RESSUSCITE DES MORTS. — TERTIA DIE
RESURREXIT A MORTUIS. — DE LA RÉSURRECTION DE J.-C.
Exorde. 1 . Importance du fait de la résurrection. Avec quelle
joie nous devons le contempler. 2. Sainte allégresse de l'Eglise
au sujet de ce mystère. 3. Simplicité des termes dans lesquels
le Symbole l'énonce. Division. 22
Premier point . Récit du fait de la résurrection, ses caractères.
4. Précautions des Juifs pour empêcher l'enlèvement du corps
de Jésus. 5. Notre-Seigneur ressuscite. Certitude du fait. 6. Pre-
mier caractère de la résurrection : Jésus-Christ s'est ressuscité
lui-même. 7. Prophéties de la résurrection : Elles doublent la
grandeur du miracle. 8. Pourquoi on dit aussi que Jésus-Christ
a été ressuscité par son Père. 9. Second caractère de la résur-
rection : Jésus-Christ est ressuscité pour ne plus mourir. 10. Ce
que signifie cette parole : le troisième jour. Pour quel motif
Notre-Seigueur a attendu le troisième jour. 25
Second point. Importance du fait de la résurrection. 14 . C'est
la preuve décisive du christianisme. Doctrine de l'Apôtre. Sen-
timent de saint Augustin. 1 2. Notre-Seigneur a attaché à sa ré-
surrection la preuve principale de sa Divinité. 32
Conclusion. 43. Dire comme saint Thomas : Vous êtes mon
Seigneur et mon Dieu. 35
Note. Vérité de la résurrection de Jésus-Christ. 37
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 525
111' INSTRUCTION.
CONSIDÉRATIONS SLR LE MYSTÈRE DE LA RESURRECTION DE J.- C.
MOTIFS ET FRUITS DE LA RÉSURRECTION.
Exorde. I . Résumé des preuves de la résurrection. Comment
les ennemis du Sauveur ont contribué à la certifier. 2. Témoi-
gnage des apôtres. 3. Objet de cette instruction. Division. 45
Premier point. Motifs de la résurrection. 4. 1° La justice
divine devait celte récompense au Sauveur. 5. 2° La résurrec-
tion était nécessaire pour affermir notre foi. 6. 3° Pour conso-
lider nos espérances. 7. 4° pour parfaire l'œuvre de notre
rédemption. 47
Second point. Fruits de la résurrection. 8. 1° Elle est une
lumière éclatante qui nous fait connaître la grandeur deJ.-C.
9. 2° Elle est le modèle et le principe de notre résurrection.
Principe, parce que Jésus-Christ nous a acquis parla le droit de
ressusciter. 10. Modèle, en ce que notre résurrection sera con-
forme a la sienne. 1 1 . 3° La résurrection du Sauveur est encore
le type de notre résurrection spirituelle. 12. Deux leçons à tirer
de là : nécessité d'une conversion sincère, nécessité de la per-
sévérance. 4 3. Nous trouvons dans la résurrection les grâces
dont nous avons besoin pour ce double effet. 52
Conclusion. 14. Des deux marques auxquelles on peut recon-
naître si on est ressuscité à la vie spirituelle. 57
Notes. I. Sur les motifs de la résurrection. II. Commentaire
sur ces paroles :^Il a été livré pour nos péchés et il est ressuscité
pour notre justification. 60
OÎti TABLE
VIe ARTICLE DU SYMBOLE.
ASCENDIT AD COELOS, SEDET AD DEXTERAM DEI PATR1S
0MN1P0TENTIS.
Ire INSTRUCTION .
il est monté aux ciuux, il est assis a la droite de dieu le père
tout-puissant. — explication de ces paroles. — recit de
l'ascension.
Exorde. 1 . Prophéties de David sur le triomphe du Sauveur.
Le contempler avec joie. 2. Objet et division de cette instruc-
tion. 67
Premier point. Explication des termes du Symbole. 3. En
quelle qualité Jésus-Christ est monté au ciel. 4. Il n'y fut pas
transporté, mais il s'y éleva de lui-même. 5. Ce qu'on entend
par la droite de Dieu. 6. Gloire du Sauveur exprimée par ces
paroles : Il est assis à la droite de Dieu le Père. Comment
JEglise en félicite Jésus-Christ. 69
Second point, Historique de l'Ascension. 7. Récit de saint
Luc. 8. L'AsceDsion est le complément de tous les mystères.
9. Deux époques dans la vie du Sauveur : l'une d'anéantisse-
ment, l'autre de gloire. 74
Conclusion. 10. 0 Jésus ! il était bien temps de mettre un
terme à vos travaux et à vos souffrances. Prière. 79
IIe INSTRUCTION.
MOTIFS ET FRUITS DE L'ASCENSION DE J.-C.
Exorde. 1. Résumé de l'instruction précédente. — 2. Il ne
suffit pas de connaître superficiellement les mystères; il est
avantageux d'en considérer les motifs et les conséquences.
Objet et division de cette instruction. 81
Premier point. Motifs de l'Ascension. 3. l° C'est l'état glo-
rieux de Jésus-Christ ressuscité. 4. 2° Son royaume n'est pas
de ce monde- 5. 3° Jésus-Christ, montant au ciel, a voulu nous
détacher de la terre. 83
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 527
Second point. Fruits de l'Ascension. G. 4° Il a fait entrer dans
la gloire les âmes des justes, et il a envoyé son Saint-Esprit aux
apôtres. 7. 2° Jésus-Christ, daus le ciel, est notre avocat auprès
de son Père. 8. 3° En y montant, il nous y a préparé une place.
9. Essor que l'Ascension donne aux vertus chrétiennes : 1° elle
ennoblit notre foi. 10. 2° Elle sert à affermir notre espérance.
44. 3° Elle épure et enflamme notre charité. 12. 4° Elle a été le
signal du développement de l'Eglise. 86
Conclusion. 13. L'Ascension est une source de grâces qui
nous aident à nous détacher de la terre. 95
Note. Gomment elle est une source de salut pour nous. 97
VIIe ARTICLE DU SYMBOLE.
INDE VENTURUS EST JUniCARE VIVOS ET MORTUOS.
Ire INSTRUCTION.
VÉRITÉ ET NÉCESSITÉ D'UN JUGEMENT GENERAL.
Exorde. I. Notre-Seigneur a trois fonctions : Rédempteur,
Avocat et Juge. Comment il a été notre Rédempteur. 2. Com-
ment il est notre Avocat. 3. Nous allons nous occuper de sa
troisième fonction. Division de cette instruction. 1 00
Premier point. Vérité du Jugement. 4. Deux avènements du
Fils de Dieu marqués dans l'Ecriture, o. Témoignages des livres
saints touchant la vérité du Jugement. 6. Deux sortes de juge-
ments : jugement particulier, jugement général. 102
Second point. Nécessité du jugement général. 7. 1° C'est
qu'il faut la fin du monde pour juger de tout le bien ou de tout
le mal dont chaque homme aura été cause. 8. 2° 11 est néces-
saire, pour réformer les faux jugements du monde. 9. 3° Néces-
saire, pour que l'homme tout entier soit puni ou récompensé
selon ses mérites. 10. Nécessaire enfin, pour justifier la Pro-
vidence, il. Injustice des hommes au sujet de cette Provi-
dence. 107
528 TABLE
Conclusion. 1 2. Pécheurs et justes, nous avons tous de grandes
leçons à tirer de cette vérité. 114
Notes. T. Preuves du Jugement dernier par saint Augustin.
11. Preuves du jugement dernier par saint Thomas. III. Etat des
impies et des justes au dernier jour. 117
IIe INSTRUCTION.
DU JUGEMENT DERNIER. — DU SOUVERAIN JUGE. — SIGNES PRÉCUR-
SEURS ET PRÉLUDES DU JUGEMENT. — DE LA SENTENCE.
Exorde. 1. Résumé de la dernière instruction. 2. Objet et
division de celle-ci. 127
Premier point. Du Souverain Juge. 3. Jésus-Christ nous
jugera comme Dieu et comme homme. 4. Pour quels motifs il
nous jugera aussi comme homme. . 129
Second point. Signes précurseurs et préludes du Jugement.
5. Premier signe : l'Evangile sera propagé par toute la terre.
6. Second signe : l'apostasie générale. 7. Troisième signe : la
venue de l'Antéchrist. Portrait qu'en trace saint Paul. Il y a
déjà des Antechrists dans le monde. 8. Préludes du Jugement :
bouleversement du monde, résurrection générale, apparition
du Juge. 131
Troisième point. Sentence. 9. Premièrement, sentence des
élus. Considérants sur lesquels elle est motivée. 10. Seconde-
ment, sentence des réprouvés. 11. Considérants de cette se-
conde sentence. 138
Conclusion. 12. Souvenez-vous de vos fins dernières, et
vous ne pécherez pas. 13. Notre sentence est dans nos mains.
14. Prière de l'Eglise. 143
Notes. I. Extrait de saint Augustin. II. Sur l'Antéchrist, par
saint Jean Damascène.UI. Explication des paroles de saint Paul,
par saint Augustin. IV. Eternité des peines des damnés. V. De
la perte de Dieu. 148
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 529
VIII- ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO INSPIRITUM SANCTI'M.
I" INSTRUCTION.
DU NOM ET DE LA DIVINITÉ DU SAINT-ESPRIT.
Exorde. 1 . Résumé des deux premières parties du Symbole.
2. De ceux qui ne connaissent pas le Saint-Esprit. 3. Fruits de
la connaissance du Saint-Esprit. Objet et division de cette ins-
truction. IGo
Premier point. Du nom de Saint-Esprit, i. Ce qu'il signifie
en général. 5. Sa signification spéciale dans le Symbole.
G. Pourquoi on donne ce nom à la troisième personne de la
Sainte-Trinité. Convenance parfaite de cette dénomination. 1 68
Second point. Divinité du Saint-Esprit. 7. Il a la même na-
ture que les deux autres personnes et il est un môme Dieu avec
elles. Première preuve : les paroles du Symbole. 8. Seconde
preuve : les Ecritures lui donnent le nom de Dieu. 9. Troisième
preuve : elles le mettent sans restriction au même rang que le
Père et le Fils. 4 0. Enfin, elles lui donnent les attributs divins.
1 1. Conclusion. 12. Définition de l'Eglise contre Macédonius.
1 3. Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. 171
Conclusion. 14. Hommage de foi, de reconnaissance et d'a-
mour au Saint-Esprit. 4 80
Notes. I. Le Saint-Esprit est appelé le Don de Dieu. II. Ex-
trait de saint Grégoire de Nazianze. 111. Extrait de saint. Am-
broise sur la Divinité du Saint-Esprit. IV. Le Saint-Esprit
procède du Père et du Fils. Saint Augustin. 183
II'' INSTRUCTION.
LE SAINT-ESPRIT, SOURCE DE NOTRE SANCTIFICATION.
DONS DU SAINT-ESPRIT.
Exorde. I . Résumé de l'instruction précédente 2. Le Saint-
SYMB. II. 45
530 TABLE
Esprit se plaît à se communiquer aux hommes. Objet et division
de cette instruction. ■ 493
Premier point. Le Saint-Esprit, source de tout bien. — 3. 11
donne la fécondité à la terre: il estVinspirateur des prophètes;
il anime les apôtres: il sanctifie les hommes dans les sacrements.
4. Pourquoi on attribue spécialement ces effets au Saint-Esprit.
5. Nous n'avons aucun bien que par lui. 195
Second point. Dons du Saint-Esprit. 6. En général, il est l'au-
teur de notre sanctification. 7. Des sept dons du Saint-Esprit.
Don de sagesse. 8. Don d'intelligence. 9. Don de conseil, de
science et de force. 10. Dons de piété et de crainte de Dieu.
4 1 . On les appelle quelquefois simplement le Saint-Esprit. I 2. A
quoi servent les dons du Saint-Esprit. I3t. Son don par excel-
lence, c'est la grâce sanctifiante. \ 99
Conclusion, 1 4. Estime que nous devons faire de la grâce
sanctifiante. Prière au Saint-Esprit. 205
Notes. I. Sur les dons du Saint-Esprit, par saint Fulgence.
II. Pourquoi on distingue sept dons du Saint-Esprit. 207
IXe ARTICLE DU SYMBOLE.
CKEDO SAHCTAH ECCLESIAM CATHOLICAM, SANCTORUM COMMOHIOKEM.
Ire INSTRUCTION.
SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. — DIVERS NOMS DE L'ÉGLISE.
Exorde. I . Les prophètes ont parlé avec plus de détails de
l'Eglise que de Jésus-Christ lui-même. La connaissance de l'E-
glise nous met à l'abri de toutes les hérésies et de toutes les
erreurs. 2. Liaison entre cet article et le précédent. Objet et
division de cette instruction. 212
Premier point. Signification du mot Eglise. 3. Il signifie pri-
mitivement convocation, puis, réunion. 4. Sa signification dans
le langage chrétien. 5. Il signifie que nous avons été appelés par
la grâce de Dieu à la connaissance de l'Evangile. 6 Comparaison
entre le nom d'Eglise et celui de Synagogue. 21 4
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 534
Second point. Différentes dénominations de l'Eglise. 7. t" Bile
«-st appelée la maison de Dieu. 8. 2° Le bercail de Jésus-Christ.
9. 3" Sun épouse. 10 4° Son corps. 217
( (inclusion. 44. Quels étaient nos ancêtres. Gomment ils ont
été appelés à la foi. Héritage précieux qu'ils nous ont conservé.
12. Reconnaissance que nous devons à Dieu pour ce bienfait. 22 1
Noies. I. Prophéties de l'Eglise comparées aux prophéties du
Messie. II. Rapports entre le Saint-Esprit et l'Eglise. 221}
II0 INSTRUCTION.
DES DIFFÉKENTES PARTIES DONT SE COMPOSE L'ÉGLISE.
Exorde. I. Résumé de l'instruction précédente. 2. Objet et
divisiun de cette instruction. 230
Premier point. Comment on divise l'Eglise. 3. Eglise triom-
phante, Eglise militante, Eglise souffrante. 4. Elles ne sont
qu'une seule et même Eglise dans trois états différents. 231
Second point. De quels éléments se compose l'Eglise militante.
5. Elle se compose de bons et de méchants. Deux choses re-
quises pour être bon : professer la vraie foi et la pratiquer. On
ne connaît pas d'une manière infaillible qui sont les bons.
6. Quand Notre-Seigneur parle de l'Eglise, il n'entend pas seu-
lement parler des bons. 7. L'Eglise est visible. Prophéties
d'Isaïe et de Michée. Témoignage du Sauveur. 8. Paraboles qui
indiquent le mélange des bons et des méchants dans l'Eglise.
9. Elle sera un jour purgée des méchants qui vivent dans son
sein. 10. Quels sont ceux qui sont hors de l'Eglise. 233
Troisième point. Extension donnée au nom d'Eglise par
l'usage. 41 . On désigne sous ce nom les diverses portions de
l'Eglise. 12. On appelle du même nom les édifices sacrés.
1 3. Sous ce nom on désigne surtout le corps des Pasteurs de
l'Eglise, ou l'Eglise enseignante. 241
Conclusion. 1 4. Balaam bénissant le peuple d'Israël. 1 5. Nous
ranger parmi les enfants fidèles et travailler à la conversion de
ceux qui ne le sont pas. 244
332 TABLE
IIIe INSTRUCTION.
PREMIÈRE PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE. — SON UNITÉ.
Exorde. 1. L'Eglise considérée en général est la société des
fidèles répandus dans tout l'univers. 2. Propriété et caractères
qui la distinguent. Objet de cet entretien : en quoi consiste
l'unité de l'Eglise. 246
Corps de V instruction. 3. L'Eglise est une, et comment. 4. Ce
qui constitue essentiellement cette unité, c'est celle de son chef.
5. L'unité de chef était le seul moyen efficace de maintenir l'unité
du corps. Sentiments de saint Jérôme, de saint Irénée, de saint
Cyprien, de saint Optât de Milève, de saint Basile et de saint
Ambroise. 6. L'Eglise a un chef visible sur la terre pourquoi.
7. L'unité de l'Eglise consiste en second lieu dans l'unité de son
esprit. 8. De la résulte l'unité de la foi, l'unité du Baptême,
l'unité d'espérance. 248
Conclusion. 9. Un seul corps, un seul esprit, voilà l'Eglise.
10. Combien cette unité est merveilleuse. 257
Notes. I. Extrait de la lettre de saint Jérôme au pape Da-
mase. II. Définition du concile de Florence sur la primauté du
Pape. III. Passage de saint Cyprien sur l'unité de l'Eglise. 261
« IVe INSTRUCTION.
SECONDE PROPRIÉTÉ DE L EGLISE. — LA SAINTETÉ.
Exorde. 1 . Résumé de l'instruction précédente. L'Eglise est
un corps vivant. 2. Elle manifeste sa vie par la sainteté. Objet
et division de cette instruction. . 266
Premier point. Pourquoi on dit que l'Eglise est sainte.
3. 1° Parce quelle est consacrée et dédiée à Dieu. 4. Le mélange
des bons et des méchants n'empêche pas qu'elle soit sainte.
o. 2° Elle est sainte, parce que son Auteur et son Chef est la
source de toute sainteté. 6. 3° Elle est sainte, parce qu'elle a
entre les mains des moyens efficaces de sanctification. 267
Second point. Fruits de sainteté que produit l'Eglise. 7. Etat
du monde au moment où les apôtres reçurent le Saint-Esprit.
Premiers chrétiens; leur sainte vie. Martyrs de l'Eglise pen-
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 533
dant les trois premiers siècles. 8 Saints Anachorètes dans les
déserts, saints Docteurs dans le monde, saints de toutes les con-
ditions dans le ours des différents âges. Saints des derniers
tnmps. 9. Fruits de sainteté que l'Eglise opère sous nos yeux :
humilité, chasteté, charité, qui distinguent ses enfants fidèles,
et surtout les âmes vouées à la perfection. 10. Sainteté de l'E-
glise jusque dans la vie commune des simples fidèles. 272
Conclusion. 1 1. Reconnaître l'arbre à ses fruits. La main de
Dieu peut seule opérer les merveilles de sainteté qui éclatent
dans l'Eglise. 12. Ne pas seulement admirer, mais pratiquer la
sainteté. 280
Note. Extrait de saint Augustin. 283
Ve INSTRUCTION.
TROISIÈME PROPRIÉTÉ DE L'ÉGLISE. — LA CATHOLICITÉ.
Exorde. I Résumé des deux instructions précédentes. 2. Ob-
jet et division de cette instruction. 285
Premier point. En quoi consiste la catholicité de l'Eglise.
3. 1° Elle est universelle quant aux lieux, A. Cette universalité
date des temps apostoliques, o. Elle avait été prédite par les
prophètes. 6. 2° L'Eglise est catholique quant aux temps. Ex-
plication. 7 3° Elle est universelle quant au salut, c'est-à-dire,
qu'on ne peut se sauver sans lui appartenir au moins de
cœur. 286*
Second point. Réflexions sur la catholicité de l'Eglise. La
catholicité ou l'universalité est le caractère propre de la vérité.
9. Il n'y a de catholicité que dans l'Eglise romaine. Tout le
monde l'appelle l'Eglise catholique. Elle justifie ce nom, et au-
cune autre société religieuse n'a droit d'y prétendre. Elle a pré-
cédé toutes les hérésies; elle leur survit ; elle reste toujours la
même. 10. Divinité de ce caractère prouvée 1° parce qu'il
n'existe nulle part ailleurs dans les choses humaines. 11.2° par-
ce qu'il a été prédit par les prophètes et par Jésus-Christ.
12 3° Parce qu'il est perpétuel et toujours subsistant. 291
Conclusion. 13. Avec quelle sollicitude nous devons conser-
ver le dépôt de la foi . 300
Xotes. I. Passage de saint Augustin sur la catholicité de
534 TABLE
l'Eglise. II. Nouveauté des hérésies. III. Du nom de catholique
donné à l'Eglise. IV. Réflexions de Bossuet sur le même sujet.
V. De la maxime : hors de l'Eglise, point de salut. 303
VIe INSTRUCTION.
QUATRIÈME PROPRIÉTÉ DE l'ÉGLISE. — SON APOSTOLICITÉ.
Exorde. I. Résumé de l'instruction précédente. 2. Objet de
cette instruction : Apostolicité de l'Eglise ; conclusion à tirer des
caractères de l'Eglise. 31 4
Corps de V instruction . 3 L'Eglise est apostolique, parce que
sa doctrine et son gouvernement sont apostoliques. 4. Gomment
la doctrine de l'Eglise est apostolique. 5- Ce qu'il faut penser
des hérésies. 6. Le gouvernement de l'Eglise est également
apostolique. 7. On prouve par les paroles de Notre-Seigneur
qu'il ne peut pas ne pas l'être. 8. Infaillibilité de l'Eglise ré-
sultant de son apostolicité. 9. Résumé des caractères de l'E-
glise, et leur application à la sainte Eglise romaine. 3 î 5
Conclusion. 10. L'Eglise romaine figurée par l'arche de Noé
et par la cité de Jérusalem. 1 1 . Actions de grâces pour le bien-
fait de notre éducation dans l'Eglise. 12. Combien nous sommes
obligés de répondre à ce bienfait. 322
VIIe INSTRUCTION.
divinité de l'église prouvée par sa catholicité.
Exorde. 1. Nous désirons la vie future, et pour savoir la voie
qui y conduit, nous avons besoin de la parole de Dieu. Dieu qui
est sage et bon n'a pu négliger de nous donner v.n guide. 2. Ce
guide, nous le trouvons dans l'Eglise catholique, seule marquée
du caractère delà vérité, qui est la catholicité. 326
Corps de l'instruction. 3. Deux choses à distinguer dans la
catholicité : l'unité dans tous les temps, l'unité en tous lieux.
L'Eglise est perpétuelle. Preuves. 4. Cette perpétuité est un
prodige. Elle a triomphé des persécutions, des hérésies, des
barbares, du mahométisme. o. Elle a triomphé du relâchement
des mœurs, du grand schisme d'Occident, du protestantisme,
de la grande révolution française. 6. Son unité n'a rien souffert
malgré tant de vicissitudes ; elle n'a rien ajouté à sa croyance,
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 535
elle n'en a rien retranché. 7. La perpétuité de l'Eglise a été pré-
dite. L'accomplissement de la prédiction est manifeste x. Com-
bien il est facile de s'assurer de la perpétuité de l'Eglise. 9. L'E-
glise est également universelle. Elle seule offre le phénomène
de l'universalité. 10. Divinité de ce phénomène. 328
Conclusion . 1 1 .Profond attachement à l'Eglise catholique. 343
Note. Apostolicité de l'Eglise, par Tertullien. 345
VIIIe INSTRUCTION.
divinité de l'église prouvée par sa sainteté.
E.vorde. I. Résumé de l'instruction précédente, o. L'Eglise
catholique est animée de l'esprit de son divin fondateur. Elle
le prouve par sa sainteté. Objet et division de cette instruc-
tion. 347
Premier point. L'Eglise seule possède une doctrine sainte.
3. Objection : comment la sainteté est-elle un caractère de l'E-
glise, tandis qu'un si grand nombre de ses membres sont vi-
cieux et qu'on rencontre hors de son sein bien des gens ver-
tueux. Réponse. 4. Peut-on distinguer facilement la véritable
sainteté, 5. La sainteté de l'Eglise réside 1° dans sa doctrine,
2° dans son culte et sa vie. Ce que c'est qu'une doctrine sainte.
C'est celle qui enseigne et qui prescrit le véritable amour de
Dieu et du prochain. 6. Il n'y a pas de sainteté dans les doctrines
étrangères a celles de l'Eglise. 7. Du matérialisme et du maho-
métisme. 8. Des doctrines protestantes. Sur la justification et
les bonnes œuvres en général. Elles sapent la sainteté dans ses
fondements. 9. Comment la réforme a traité l'humilité, la vir-
ginité et le mariage. 10. Le déisme n'est pas plus favorable à la
sainteté. Examen de conscience d'un déiste. 349
Second point. L'Eglise produit efficacement la sainteté. 1°, de
la sainteté commune. Moyens qui la procurent : la prière et les
sacrements. Vertus enfantées par la confession. 12. 2". sainteté
plus parfaite des âmes appelées à l'état religieuxou au sacerdoce.
Pratique du renoncement. Chasteté perpétuelle. 13. 3°, Sainteté
héroïque. Chaque siècle a produit de grands saints. Les derniers
temps ne sont pas moins féconds que les premiers. 361
Conclusion. I i. Résumé de cette instruction. L'Eglise visi-
336 TABLE
blement divine par ses deux caractères de catholicité et de
sainteté. 367
IX" INSTRUCTION.
LA DIVINITE DE L ÉGLISE EST UN OBJET DE FOI.
2. Objet de cette instruction : nous devons faire un acte de foi
sur la divinité de l'Eglise. 37!
Corps de l'instruction. 3. Il ne suffit pas de connaître l'exis-
tence de l'Eglise. A. Nous devons croire qu'elle est divine.
o- 1° Nous devons croire qu'elle n'est pas l'ouvrage des hom-
mes et que c'est Dieu même qui l'a établie. 6. Divine dans son
établissement, elle ne l'est pas moins dans son maintien. 7. 2° Nous
devons croire que son pouvoir est divin. Eu quoi consiste ce
pouvoir. 8. Nous devons croire, 3°, qu'elle possède tous les
moyens de nous conduire au salut. 9. Différence entre la ma-
nière dont nous exprimons notre foi envers Dieu et envers
l'Eglise. 372
Conclusion. 10. Acte de foi touchant la divinité de l'E-
glise. 38 i
XP INSTRUCTION.
LA COMMUNION DES SAINTS. — EN QUOI ELLE CONSISTE.
DE QUELS BIENS ELLE SE COMPOSE.
Exorde. Relation qui existe entre l'article de l'Eglise et la
communion des saints. 2. Cette communion des saints est «une
grâce signalée. Objet de cette instruction : ce qu'il faut enten-
dre parla communion des saints et de quels biens elle se com-
pose. 383
C(>rp* de F instruction. 3. La communion des saints est l'union
des fidèles entre eux avec communauté des biens spirituels.
i. Biens qui entrent dans cette communauté : i° Les sacrements.
5. Os sont aussi des liens qui nous attachent à Jésus-Christ,
nnes œuvres qui se pratiquent dans l'Eglise ; elles en-
trent aussi dans le patrimoine commun. 7. Comparaison entre
l'Eglise et le corps humain. 8. Tout chrétien a-t-il part aux
avantages communs. Du chrétien en état de grâce. Du pécheur.
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. '337
Dis excommuniés. 9. 3° Grâces gratuites accordées à certains
particuliers pour le bien général de l'Eglise. 10. 't° La commu-
nion des saints implique une sort».1 de communauté des biens
temporels mêmes. Précepte de l'aumône. 384
Conclusion. 1 1 . Les relations de l'Eglise avec le ciel et avec le
purgatoire. Invocation des saints. Suffrages en faveur des âmes
du purgatoire. Exhortation à cultiver ces deux sortes de rela-
tions. 392
Xole. Sur la communion des saints. 305
Xe ARTICLE DU SYMBOLE.
CHLDO HEMISSIONEN PECCATOBUM. JE CROIS LA RÉMISSION
DES PÉCHAS.
INSTRUCTION UNIQUE.
pouvoir de l'église pour remettre les péchés,
grandeur de ce bienfait.
Eccorde. I .Nous n'insistons pas sur l'existence de ce pouvoir.
2. Ordre donné par le divin Maître de prêcher partout la péni-
tence et la rémission des péchés. Objet et division de cette ins-
truction. 397
Premier point. Par quels moyens et de quelle manière se fait
la rémission des péchés. 3. Il n'y avait point d'autorité établie
dans l'ancienne loi pour les remettre. Ce pouvoir est le privilège
de la loi nouvelle, 't. Premier moyen par lequel les péchés sont
remis : le Baptême. 5. Second moyen subsidiaire : le sacrement
de Pénitence. Preuves tirées de l'Evangile. G. Etendue du pou-
voir de l'Eglise. Nulle restriction quant à l'espèce de péchés ni
quant au temps. 7. Cette puissance de remettre les péchés n'ap-
partient toutefois qu'aux ministres de Jésus-Christ, et ils ne
peuvent l'exercer que d'après la forme qu'il a prescrite. 399
Second point. Grandeur du bienfait de la rémission des pé-
chés. 8. Pour remettre les péchés, il faut la puissance de Dieu.
538 TABLE
9. Comment Dieu a délégué cette puissance à l'Eglise. Paralyti-
que de l'Evangile. 10. A quel prix Jésus-Christ nous a mérité le
pardon de nos péchés. 1 1. Effets merveilleux de cette rémis-
sion. 404
Conclusion. 1 2. La pénitence est un remède divin qui guérit
toutes les maladies de l'âme. 13. Exhortation aux pécheurs. La
facilité du pardon ne doit pas nous porter à pécher plus facile-
ment. Malheur et imprudence de ceux qui diffèrent leur con-
version. 409
Note. En quelle qualité Jésus-Christ remet les péchés. 413
XIe ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO CARNIS RESURRECTIO*EM. JE CROIS LA RESURRECTION
DE LA CHAIR.
Ire INSTRUCTION.
CERTITUDE ET NÉCESSITÉ DE LA RÉSURRECTION.
Exorde. I. Pourquoi le Symbole passe immédiatement aux
fins dernières de l'homme. 2. La résurrection de la chair est la
confirmation de la religion. Objet et division de cet entre-
tien. 416
Premier point. Explication des termes. 3. Nous devons tous
mourir. Pourquoi le Symbole parle de la résurrection de la chair
et non de l'homme. I. Le terme de chair est employé ici préci-
sément par opposition à l'âme. En quel sens l'âme ressuscite. 418
Second point. Certitude de la Résurrection. 5. Exemples de
résurrection dans l'Ancien et le Nouveau Testament et dans
l'histoire de l'Eglise. Elie et Elisée. Morts ressuscites parle Sau-
veur, et par les Apôtres saint Pierre et saint Paul. Saint Martin
de Tours. Saint Stanislas de Polugne. Saint François Xavier.
6. L'Ecriture nous enseigne expressément le dogme de la Ré-
surrection. Témoignages de Job et de Daniel. Controverse du
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 539
Sauveur avec les sadducéens. Autres témoignages de Notre-Sei-
gneur et de l'apôtre saint Paul. '«-20
Troisième point. Motifs de la Résurrection. 7. Nous en trou-
vons une foule d'images dans la nature. 8. De puissantes raisons
militent en faveur de la résurrection. 1° L'âme immortelle dé-
sire son union avec le corps. !). 2° La justice divine la réclame
aussi. 426
Conclusion. 10. Entretien de Jésus-Christ avec Marthe, sœur
de Lazare. 430
Notes. I. Possibilité de la Résurrection. II. Du dogme de la
Résurrection par saint Jean Damascène. III. Extrait, de saint
Jean Chrysostôme. 433
IIe INSTRUCTION.
NOUS RESSUSCITERONS TOUS. — NOIS AURONS LE MÊME CoKPS
APRÈS LA RÉSURRECTION.
Exorde. Résumé de l'instruction précédente. Principales
questions qui se rattachent au dogme de la Résurrection. Objet et
division de cette instruction. 446
Premier point. La Résurrection sera générale. 3. Point de
distinction ici entre les bons et les méchants. 4. Les hommes qui
vivront à la fin du monde mourront aussi pour ressusciter im-
médiatement. 447
Second point. Dans quel corps nous ressusciterons. 5. Avec
le même corps identiquement que uous aurons eu en cette vie.
Première preuve. par l'Ecriture. Seconde preuve, par la raison.
6. Troisième preuve tirée de la justice divine 7. A la résurrec-
tion toutes les défectuosités du corps disparaîtront. 8. Il ressus-
citera dans une intégrité parfaite. 9. Application de cette vérité
aux justes et aux méchants. 450
Conclusion. 10. Quelle sera la désolation des méchants qui se
seront damnés pour contenter leurs corps. 2. Quelle sera la joie
du juste qui aura crucifié sa chair avec ses vices et ses Convoi-
tises. 455
540 TABLE
IIIe INSTRUCTION.
QUALITÉ DES CORPS RESSUSCITES.
Exorde. 1. Résumé des deux instructions précédentes. 2. Ob-
jet de cette instruction : quelles seront les qualités des corps res-
suscites. 460
Corps de l'instruction. 3. Nos corps resteront les mêmes
quant à la substance, mais ils seront changés quant à la qua-
lité. Immortalité des corps ressuscites. 4. La mort totalement dé-
truite par la rédemption de Jésus-Christ. 5. Après la Résurrec-
tion, nous serons immortels, pour que la justice de Dieu ait son
plein exercice. Bons et méchants, tous auront l'immortalité en
partage. 6. Desquatre qualités qui seront l'apanage exclusif des
saints. 1° De l'impassibilité, différente de l'incorruptibilité.
7. 2° De la clarté ou de l'éclat des corps glorieux. 8. Cette clarté
sera le reflet de cette félicité de l'âme. Tous les saints ne possè-
dent pas la même gloire. 9 3" De l'agilité des corps glorieux.
10. 4° De leur subtilité. La chair sera comme spiritualisée par la
résurrection. 462
Conclusion. I ! . Les philosophes païens n'ont point connu ces
vérités. Reconnaissance que nous devons à Dieu qui nous les a
révélées. 1 2. La résurrection est une source de consolation lors-
qu'onperd des personnes chéries. Elle allège le poids des tribu-
lations de la vie. Exemple du saint homme Job. 13. Elle nous
porte efficacement à la sainteté. Exemple des Machabées. 469
Note. Extrait de saint Augustin. 473
XIIe ARTICLE DU SYMBOLE.
CREDO Y1TAM .ETERNAM. JE CROIS LA VIE ÉTERNELLE.
lre INSTRUCTION.
CE Ql'"lL FAUT ENTENDRE PAR LA VIE ÉTERNELLE.
Exorde. I . Motifs pour lesquels les Apôtres ont terminé par
là le Symbole. 2. Ce que signifie en général ce mol, vie éter-
nelle. Objet de cette instruction. 476
ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS. 544
Corps de f instruction. 3. Vie éternelle ne dit pus seulement
une % if sans tin, mais elle dit encore l'éternité du bonheur, t. Les
apôtres ont ainsi désigné la félicité suprême, pour empêcher
qu'un ne se méprit sur sa nature. Fausses idées sur la félicité
Tout ce qui est passager ne peut constituer le bonheur. 5. Dé-
tachement des faux biens. Il n'y a de bonheur ici-bas que dans
l'espérance du Ciel et la pratique de la vertu. G. Seconde signi-
fication dece mot, vie éternelle. Il nous marque qui la béatitude
une fois obtenue est inamissible. 7. Troisième mystère indiqué
par cette parole : la béatitude consiste dans un bien inexprima-
ble. Les apôtres sont réduits à l'indiquer par un terme commun.
Expressions des Ecritures pour désigner la béatitude. 8. La vie
est le plus grand des biens ; le plus grand des bonheurs est indi-
qué par la vie éternelle. 477
Conclusion. 9. Combien on aime la vie. 10 Les bienheureux
seront exempts de tous les maux, ils seront comblés de tous les
biens. 1 1 , Avec quel zèle nous devons travailler à mériter la vie
éternelle. Violence nécessaire à cette fin. Moyens à mettre en
pratique. 1 2. Extrait de l'Imitation de Jésus-Christ. 485
Notes. I. Le bonheur ne consiste pas dans les richesses. II. Ni
dans les honneurs. III. Ni dans la réputation et la gloire. IV. Ni
dans la puissauce. V. Ni dans les avantages du corps. VI . Ni dans
les plaisirs. VII. Ni dans les dons et les avantages de l'esprit.
VIII. Ni enfin dans aucun bien créé. 490
IIe ET DERNIERE INSTRUCTION.
ESSENCE ET ACCESSOIRES DE LA BÉATITUDE.
Exorde. 1 . Résumé de l'instruction précédente. 2. II est plus
facile de dire les maux dont la béatitude délivre que de décrire
les biens qui la composent. Deux sortes de biens compris dans
la béatitude. Objet et division de cette instruction. 498
Premier point. Essence de la béatitude. 3. Elle c nsiste à voir
Dieuet à devenir semblables à lui. 4. Dieu se communiquera
immédiatement aux bienheureux. Explication. 5. Doctrine de
saint Denis. 6. On appelle, lumière de la gloire, le moyen qui
élève l'âme bienheureuse à la vue et à la participation de la
Divinité. 7. Comparaison avec le fer plongé dans le feu. Ré-
sumé. 499
542 TABLE ET SOMMAIRE DES INSTRUCTIONS.
Second point. Accessoires de la béatitude. 8. 1° Les saints
jouiront de la vraie gloire. 9, 2° Ils seront comblés d'honneur.
Louanges que leur donnera Jésus-Christ. 10 3° Tous leurs dé-
sirs seront rassasiés. Aliment, vêtement et parure des bienheu-
reux. Beauté de la demeure qu'ils habiteront. Vue de la sainte
Vierge et de l'humanité saiote de Jésus-Christ. 505
Conclusion. II. Sentiments du Roi-prophète. Nous devons
tous les partager Aspirer aux plus belles places du ciel. \i. Ce
que nous devons faire pour nous assurer ce bonheur. 510
Notes. I. De l'union des esprits bienheureux avec Dieu dans
la vision de la Divinité. IL La sainte lumière de la gloire servira
à l'union des esprits bienheureux avec Dieu. III L'union des
bienheureux avec Dieu aura différents degrés. IV. De la félicité
éternelle et du repos sans fin delà cité de Dieu. 512
FIN DE LA TABLE DIT SECUND ET DERNJEK VOLUME.
Tournai, typ. de H. Casterman.
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Plans d'instructions sur le
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