THE PLAYS OF
JEAN BAPTISTE POQUELIN MOLli:RE
Born January 15th (?), 162a
Died February 17th, 1673
In the age of Louis xiv
TARTUFFE, OR THE HYPOCRITE
LE TARTUFFE, OU L'iMPOS-
TEUR
DON JUAN, OR THE FEAST WITH THE
STATUE
DOM JUAN, OU LE FESTIN DB
PIERRE
LOVE 'S THE BEST DOCTOR
l' AMOUR MfiDECIN
•|"$"f
AllfighU reserved
V.
'ifJiO^Jt^^ltort'd^t't^
Jri*<<i**; J^'.^vi&t*'
LE TARTUFFE
(Acte IV, Scene IV)
IT t ^ i^ ' \Jt f
THE
PLAYS OF MOLIERE
IN FRENCH
With an English Translation
and Notes by
A. R. WALLER, M.A.
VOLUME IV
166*4-1665
ILLUSTRATED WITH THIRTY-ONE ETCHINGS
AFTER LELOIR
EDINBURGH: JOHN GRANT
31 GEORGE IV BRIDGE
1907
Edinburgh : T. and A. Constable, Printers to His Majesty
CONTENTS
PAGE
Tartuffe, or the Hypocrite Le Tartuffe, ou L'lm-
posteur. . . 1
Don Juan, or the Feast Dom Juan, ou Le
with the Statue . . Festin de Pierre . 137
Love 's the Best Doctor . L'Amour Medecin . 265
Notes .- 325
TARTUFFE
OS
THE HYPOCRITE
(Vlmposteur)
A Comedy
DRAMATIS PERSONS
Mmb. Pernellb, Organ's mother.
Obgon, Elmire's husband.
Eluire, ^Organ's wife.
Damis, Organ's son.
Mabiane, Organ's daughter and Valere's lover.
VAiiaiE, Mariane's lover.
Cli6antb, Organ's brother-in-law.
Tabtuffe, a hypocrite (faux devot).
DoEiNE, Mariane's maid.
M. Loyal, a bailiff or tipstaff (sergent).
Un Exempt, a police officer.
Flipote, Mme. Femelle's servant.
Scene : Paris.
LE TARTUFFE
ou
UIMPOSTEUR
ACTE I
ScilNE I
Madame Pbrnellb et Flipotb, sa servante, Elmibe,
Mabiane^ Dobine, Damis^ Cl^ante.
Mmb. Per. Allons, Flipote, allons, que d'eux je me
delivre.
Etju. Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine a vous
suivre.
Mme. Per. Laissez^ ma bru, laissez^ ne venez pas
plus loin :
Ce sont toutes fagons dont je n'ai pas besoin.
Elm. De ce que Ton vous doit envers vous on
s'acquitte.
Mais, ma mere, d'ou vient que vous sortez si vite ?
Mme. Per. C'est que je ne puis voir tout ce menage-ci,
Et que de me complaire on ne prend nul soucL
Oui, je sors de chez vous fort mal edifiee :
Dans toutes mes legons j'y suis contrariee,
On n'y respecte rien, chacun y parle haut,
Et c'est tout justement la cour du roi Petaud.
Dor. Si . . .
Mme. Per. Vous etes, ma mie, une fille suivante
Un peu trop forte en gueule, et fort impertinente ;
Vous vous melez sur tout de dire votre avis.
TARTUFFE
0£
THE HYPOCRITE
ACT I
Scene I
Madame Pernelle and Flipote, her servant, Elmire,
Mariane, Dorine, Damis, Cl^lante.
Mue. Per. Come along, Flipote, come along ; let me
get away from them.
Elm. You walk so fast that I can scarcely keep up
with you.
Mmb. Per. You need not come any further, child. I
can dispense with such ceremony.
Elm. We only give what is due to you. But, mother,
why are you in such a hurry to leave us .''
Mme. Per. Because I cannot bear to see such goings
on and no one takes any pains to meet my wishes.
Yes, I leave your house not very well pleased : you
ignore all my advice, you do not show any respect
for anything, everyone says what he likes, and it is
just like the Court of King Petaud.
Dor. If . . .
Mme. Per. You are far too free with your tongue for
your position, my lass, and too saucy. You offer
your advice about everything.
4 LE TARTUFFE [actb i.
Dah. Mais ...
Mme. Per. Vous etes un sot en trois lettres,
mon fils ;
C'est moi qui vous le dis, qui suis votre grand'mere ;
Et j'ai predit cent fois a mon fils, votre pere.
Que vous preniez tout I'air d'un mechant garnement,
Et ne lui donneriez jamais que du tourment.
Mar. Je crois . . .
Mme. Per. Mon Dieu, sa soeur, vous faites la discrette,
Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette ;
Mais il n est, comme on dit, pire eau que I'eau qui
dort,
Et vous menez sous chape un train que je hais fort.
Elm. Mais, ma mere . . .
Mme. Per. Ma bru, qu'il ne vous en deplaise,
Votre conduite en tout est tout a fait mauvaise ;
Vous devriez leur mettre un bon exemple aux yeux,
Et leur defunte mere en usait beaucoup mieux.
Vous etes depensiere ; et cet etat me blesse.
Que vous alliez vetue ainsi qu'une princesse.
Quiconque a son mari veut plaire seulement,
Ma bru, n'a pas besoin de tant d'ajustement.
Cu6an. Mais, Madame, apres tout . . .
Mme. Per. Pour vous. Monsieur son frere,
Je vous estime fort, vous aime, et vous revere ;
Mais enfin, si j'etais de mon fils, son epoux,
Je vous prierais bien fort de n'entrer point chez nous.
Sans cesse vous prechez des maximes de vivre
Qui par d'honnetes gens ne se doivent point suivre.
Je vous parle un peu franc ; mais c'est la mon humeur,
Et je ne mache point ce que j'ai sur le coeur.
Dam. Votre monsieur Tartufi"e est bien heureux sans
doute .
Mme. Per. C'est un homme de bien, qu'il faut que
Ton ecoute ;
Et je ne puis souffrir sans me mettre en courroux
De le voir querelle par un fou comme vous.
Dam. Quoi.^ je souiFrirai, moi, qu'un cagot de critique
Vienne usurper ceans un pouvoir tyrannique,
so. I.] TARTUFFE 5
Dam. But . . .
Mme. Per. You are a fool thrice over, my boy,
though it is your own grandmother who says it.
I have told your father a hundred times that you
will become a ne'er-do-weel, and will cause him
nothing but trouble.
Mar. I think . . .
Mme. Per. As for you, his sister, you put on such a
demure air that it is difficult to catch you tripping.
But, as the saying is, still waters are the most
dangerous, and I hate yourunderhand ways.
Elm. But, mother . . .
Mme. Per. Let me tell you, daughter, that your
whole conduct is entirely wrong. You ought to
set them a good example : their late Tnn|Tip.r did
juuch-hfittor. You are extravagant : I am shocked
to see you decked out like a princess. If a woman
wishes to please her husband only, she has no need
for so much finery, my child.
CLi;AN. But, madam, after all . . .
Mme. Per. As for you, sir, who are her brother, I
think very highly of you, and I both love and
respect you, but, at the same time, if I were my
son, her husband, I should request you not to enter
our house. You are always laying down rules of
conduct which respectable people should not follow.
I speak rather frankly to you, but that is my
nature : I do not mince matters when 1 have any-
thing on my mind.
pAM^Your Mr. Tartuffe is. no doubt, an excellent
person . . .
Mme. Per. He is a very worthy man, one who should . yy
be listened to ; and it makes me ve^^y gnprry y^ lipar '•'^
him sneered at by a tool like yoU;
Dam. What ! Am I to permit a censorious bigot to
exercise a tyrannical influence in the family ; and
6 LE TARTUFFE [actb i.
Et que nous ne puissions a rien nous divertir,
Si ce beau Monsieur-la n'y daigne consentir ?
Dor. S'il le faut ecouter et croire a ses maximes.
On ne peut faire rien qu'on ne fasse des crimes ;
Car il controle tout, ce critique zele.
Mme. Feb. Et tout ce qu'il controle est fort bien
controle.
C'est au chemin du Ciel qu'il pretend vous conduire,
T^ Et mon fils a I'aimer vous devrait tous induire.
Dam. Non, voyez-vous, ma mere, il n'est pere ni rien
Qui me puisse obliger a lui vouloir du bien :
Je trahirais mon coeur de parler d'autre sorte ;
Sur ses ia9ons de faire a tous coups je m'emporte ;
J'en prevois una suite, et qu'avec ce pied plat
II faudra que j'en vienne a quelque grand eclat.
Dor. Certes c'est une chose aussi qui scandalise,
De voir qu'un inconnu ceans s'impatronise,
Qu'un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de
souliers
Et dont I'habit entier valait bien six deniers,
En vienne j usque-la que de se meconnaitre,
De contrarier tout, et de faire le maitre.
Mme. Per. He ! merci de ma vie ! il en irait bien mieuz.
Si tout se gouvernait par ses ordres pieux.
. Dor. II passe pour un saint dans votre fantaisie :
* Tout son fait, croyez-moi, n'est rien qu'hypocrisie.
Mme. Per. Voyez la langue !
Dor. a lui, non plus qu'a son Laurent,
Je ne me fierais, moi, que sur un bon garant.
Mme. Per. J'ignore ce qu'au fond le serviteur peut etre ;
Mais pour homme de bien, je garantis le maitre.
Vous ne lui voulez mal et ne le rebutez
Qu'a cause qu'il vous dit a tous vos ve'rites.
C'est contre le peche que son coeur se courrouce,
Et I'interet du Ciel est tout ce qui le pousse.
Dor. Oui ; mais pourquoi, surtout depuis un certain
temps,
I-l
TART[JFFE
are we not to be allowed any pleasures unless this
good gentleman condescends to give his consent?
Dor. Were we to listen to him and to put faith in )/
his maxims, we should look upon all our acts as
criminal, for the zealous critic finds fault with
everything.
Mme. Per. And whatever he finds fault with deserves / \Aj\j/l ^
censure,
J8 my son
fjTp wants tn IpnH ynii tn Ht^ftyfin, find it^
's^uty to teach you to value him.' 7- - ^
Dam. No ; Innlc hftrP t^rnndmntliPT^ neither my ^"^^p''
nor anyone elseshall ever induceme_to_yiuik_stfill
j)f him : I should be false tO myself were I to speak
otherwise. His ways irritate me constantly. I can
see what the consequence will be : that underbred
fellow and I will soon quarrel.
Dor. Siirp.ly it is a scanda|()iis thing tn fip.e a st.ranfref
exercise such authority in this house : to see a
beggar, who, when hft i-amej had not shoes on his
feetj and whospi whole clothing- may havft bean
worth twopence, bo far forget himself as to interfere
with everything, and play the master"
Mme. Per. Ah ! mercy on me ! it would be much
better if everything were done in accordance with
his good rules.
D^OR. JJe-iaja-Saint in vour opinion, but^ i" TniT]p, ha _
is a hypocrite. ~"" — ~-
MME.TERf Wliat language !
Dor. I should not like to trust myself either with
him or with his man Laurent, without good
security.
Mme. Per. I do not know what the servant may be
at heart, but I will swear the master is a worthy
man. You all hate and flout him because he tells
you unpleasant truths. ^is ""jfftir '" dirfiotcd
against sin^ and liis only desire is to further the.
cause oFTTeaven.
Dor. Yes ; but why, especially for some time past, can
he not bear any one to come to the house ? Why
-7^'
^^yy^X^^
K
8 LE TARTUFFE [acte i.
Ne saurait-il souflFrir qu'aucun hante ceans ?
En quoi blesse le Ciel une visite honnete.
Pour en faire un vacarme a nous rompre la tete ?
Veut-on que la-dessus je m'explique entre nous?
Je crois que de Madame il est, ma foi, jaloux.
Mme. Per. Taisez-vous, et songez aux choses que vous
dites.
Ce n'est pas lui tout seul qui blame ces visites.
Tout ce tracas qui suit les gens que vous hantez,
Ces carrosses sans cesse a la porte plantes,
Et de tant de laquais le bruyant assemblage
Font un eclat facheux dans tout le voisinage.
Je veux croire qu'au fond il ne se passe rien ;
Mais enfin on en parle, et cela n'est pas bien.
Cii)AN. He ! voulez-vous, Madame, empecher qu'on
ne cause ?
Ce serait dans la vie une facheuse chose,
Si pour les sots discours ou Ton peut etre mis,
II fallait renoncer a ses meilleurs amis.
Et quand meme on pourrait se resoudre a le faire,
Croiriez-vous obliger tout le monde a se taire .''
Contre la medisance il n'est point de rempart.
A tons les sots caquets n'ayons done nul egard ;
EfFor^ons-nous de vivre avec toute innocence,
Et laissons aux causeurs une pleine licence.
Dob. Daphne, notre voisine, et son petit epoux
Ne seraient-ils point ceux qui parlent mal de
nous?
Ceux de qui la conduite offre le plus a rire
Sont toujours sur autrui les premiers a medire ;
lis ne manquent jamais de saisir promptement
L'apparente lueur du moindre attachement,
D'en semer la nouvelle avec beaucoup de joie,
Et d'y donner le tour qu'ils veulent qu'on y croie
Des actions d'autrui, teintes de leurs couleurs,
lis pensent dans le monde autoriser les leurs,
Et, sous le faux espoir de quelque ressemblance,
Aux intrigues qu'ils ont donner de I'innocence,
Ou faire ailleurs tomber quelques traits partages
De ce blame public dont ils sont trop charges.
8C. I.] TARTUFFE 9
is a polite call so offensive to Heaven that he needs
mate noise enough about it to split otir heads?
Betweea ourselves 1 will tell you what I think.
Upon my wordj I believe that he is jealous of
Madame..
Mme. Per. Hold your tongue, and take care what
you say. He is not the only person who blames
these visits. The whole neighbourhood is annoyed
by the bustle of the people you receive, their
carriages always waiting before the door, and the
noisy crowd of servants. I am willing to believe
that there is no actual harm done, but people will
talk, and it is better not to give them cause.
CiAkv. Ah ! madam, how can you stop people talking.''
It would be a sorry thing if in this world we had to
give up our best friends, because of idle chatter
aimed at us. And even if we could bring ourselves
to do so, do you think it would stop people's
tongues.'' There „i§„._UQt.„any protection against
slander. Do not let us pay any attention to foolish
gossip, but endeavour to live "honestly and leave
the scandal-mongers to say what they will.
Dob. Probably our neighbour Daphne, and her little
husband, are at the bottom of all this slander.
Those who are the most ridiculous in their own
conduct are always the first to libel others. They
are quick to get hold of the slightest rumour of a
love-affair, to spread it abroad with high glee,
giving the story just what twist they like. They
paint the actions of others in their own colours,
thinking thereby to justify their own conduct to
the world ; and in the vain hope of a resemblance
they try to give their intrigues some show of
innocence, or else to shift to other shoulders a part
of that blame with which they themselves are over-
burdened.
10 LE TARTUFFE [acte i.
Mme. Per. Tous ces raisonnements ne font rien a
I'affaire.
On sait qu'Orante mene une vie exemplaire :
Tous ses soins vont au Ciel ; et j'ai su par des gens
Qu'elle condamne fort le train qui vient ceans.
Dob. L'exemple est admirable, et cette dame est
bonne !
II est vrai qu'elle vit en austere personne ;
Mais I'age dans son ame a mis ce zele ardent,
Et Ton sait qu'elle est prude a son corps defendant.
Tant qu'elle a pu des coeurs attirer les hommages,
EUe a fort bien joui de tous ses avantages ;
Mais, voyant de ses yeux tous les brillants baisser,
Au monde, qui la quitte, elle veut renoncer,
Et du voile pompeux d'une haute sagesse
De ses attraits uses deguiser la foiblesse.
Ce sont la les retours des coquettes du temps.
II leur est dur de voir deserter les galants.
Dans un tel abandon, leur sombre inquietude
Ne voit d'autre recours que le metier de prude ;
Et la severite de ces femmes de bien
Censure toute chose, et ne pardonne a rien ;
Hautement d'un chacun elles blament la vie,
Non point par charite, mais par un trait d'envie.
Qui ne saurait souffrir qu'une autre ait les plaisirs
Dont le penchant de I'age a sevre leurs desirs.
Mme. Per. Voila les contes bleus qu'il vous faut pour
vous plaire,
Ma bru. Ton est chez vous contrainte de se taire,
Car Madame, a jaser, tient le de tout le jour.
Mais enfin je pretends discourir a mon tour :
Je vous dis que mon fils n'a rien fait de plus sage
Qu'en recueillant chez soi ce devot personnage ;
Que le Ciel au besoin I'a ceans envoye
Pour redresser a tous votre esprit fourvoye ;
Que pour votre salut vous le devez entendre,
Et qu'il ne reprend rien qui ne soit a reprendre.
Ces visites, ces bals, ces conversations
Sont du malin esprit toutes inventions.
M. I.]
TARTUFFE
11
Mmk. Per. All these arguments have nothing to do
with the matter. Everybody knows that Orante
leads an exemplary life, and that all her thoughts
are towards heaven. Well, I have been told that
she strongly disapproves of the company who visit
here.
Dor. The example is admirable, and the lady is
beyond reproach ! It is true that she lives an
austere life, but age is responsible for her fervent
zeal, and people know that she is a prude because
she caiinot help it. She made the most of all her
advantages while she had the power of attracting
attention. But now that her eyes have lost their
lustre she renounces the world which renounces
her, and hides under the pompous cloak of prudence
the decay of her worn-out charms. Such is the
last shift of a modern' Coquette. Mortified to see
their lovers fall away from them, their gloomy
despair sees nothing for it, when thus forsaken,
but the role of prudery ; and in their strictness
these good women censure everything and pardon
nothing. They loudly condemn the actions of
others, not from principles of charity, but out of
envy, since they cannot bear to see another taste
those pleasures for which age has taken away their
appetite.
Mme. Per. These are idle tales told to please you.
I have to be silent in your house, my child, for
madam keeps the ball rolling all day long. Still,
I mean to have my say in my turn. JLjielLyim-that
""y sjBJgy^'' 'y\'^ '^ wiff^r n''* th;^n y})Pn hf, rpppivpi]
tTiir^^d_m;in^jiito his fapnily : Heaven mercifully
senthirrPintfTyour house to convert your erring
thoughts. You ought to Jiear him for your soulji
6aka,_since he censures notTimg~5ut that which
dfiservea, censure. All these visits, these balls,
these tales, are inventions of the evil one. Not
one good word is heard at them, nothing but idle
gossip, songs and chatter. Often enough the
12 LE TARTUFFE [actei.
La jamais on n'entend de pieuses paroles :
Ce sont propos oisifs, chansons et fariboles ;
Bien souvent le prochain en a sa bonne part,
Et Ton y sait medire et du tiers et du quart.
Enfin les gens senses ont leurs tetes troubl^es
De la confusion de telles assemblees :
Mille caquets divers s'y font en moins de rien ;
Et comma I'autre jour un docteur dit fort bien,
C'est veritablement la tour de Babylone,
Car chacun y babille, et tout du long de I'aune ;
Et pour conter I'histoire ou ce point I'engagea . . .
Voila-t-il pas Monsieur qui ricane d^ja !
Allez chercher vos fous qui vous donnent a rire,
Et sans . . . Adieu, ma bru : je ne veux plus rien dire.
Sachez que pour ceans j'en rabats de moitie,
Et qu'il fera beau temps quand j'y mettrai le pied.
Dormant un aoufflet d Flipotb.
Allons, vous, vous revez et bayez aux corneilles.
Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles.
Marchons, gaupe, marchons.
Sc^NE II
Cl^nte, Dobine.
Cii^AN. Je n'y veux point aller,
De peur qu'elle ne vint encor me quereller.
Que cette bonne femme . . .
Dor. Ah ! certes, c'est dommage
Qu'elle ne vous ouit tenir un tel langage :
Elle vous dirait bien qu'elle vous trouve bon,
Et qu'elle n'est point d'age a lui donner ce nom.
CiisAN. Comme elle s'est pour rien contre nous
echauffee !
Et que de son Tartuffe elle parait coiffee !
Dob. Oh ! vraiment tout cela n'est rien au prix du
fils,
Et si vous I'aviez vu, vous diriez : ' C'est bien pis ! '
Nos troubles I'avaient mis sur le pied d'homme sage.
sc. II.] TARTUFFE 13
neighbour comes in for his share, and there is
scandal right and left. Indeed the heads of sensible
people are quite turned by the distraction of these
gatherings. A thousand ill-natured stories are
spread abroad in no time ; and, as a certain doctor
very truly said the other day, it is a perfect tower
of Babylon, for every one babbles as long as he
likes. And to tell the story which brought this
up . . . Here is this gentleman giggling already !
Go and find the fools who make you laugh, and
without . . . Good-bye, my child. I'll say no
more. My regard for your house has fallen by
one-half, and it will be a very long time before I
set foot in it again.
(Slapping FuporK's/oce.)
Come along, you, don't stand there dreaming and
gaping. Good Lord ! I '11 warm your ears for you,
come on, hussy, come on.
Scene II
CuSante, Dorine.
Cl^an. I will not follow her lest she should begin
scolding me again. How that old woman . . .
Dor. Ah ! truly it is a pity that she does not hear
you use such language. She would soon .tell you
your age, and that she is not yet old enough to
deserve that title.
Clean. What a passion she got into with us about
nothing, and how infatuated she seen^g yjtln bar
Tartuffe ! ' '
DoffT'Ofa.! indeed y her infatuation Is nothing jn r^m-
parison with her son s, and if you could see him you
woultt SAjf he wag tar worse ! During our civil
troubles he gained a reputation for sense, and
14 LE TARTUFFE [actb i.
£t pour servir son prince il montra du courage ;
Mais il est devenu comme un homme hebete,
Depuis que de Tai-tuffe ou le voit entete ;
II 1 appelle son frere, et I'aime dans son ame
Cent fois plus qu'il ne fait mere, fils, fille, et femme.
C'est de tous ses secrets I'unique confident,
Et de ses actions le directeur prudent ;
II le choie, il I'embrasse, et pour une maitresse
On ne saurait, je pense, avoir plus de tendresse ;
A table, au plus haut bout il veut qu'il soit assis ;
Avec joie il I'y voit manger autant que six ;
Les bons morceaux de tout, il fait qu'on les lui
cede;
Et s'il vient a roter, il lui dit, ' Dieu vous aide ! '
(C'est une servante qui parle.)
Enfin il en est fou ; c'est son tout, sou heros ;
II I'admire a tous coups, le cite a tous propos ;
Ses moindres actions lui semblent des miracles,
Et tous les mots qu'il dit sont pour lui des oracles.
Lui, qui connait sa dupe et qui veut en jouir.
Par cent dehors fardes a I'art de I'eblouir ;
Son cagotisme en tire a toute heure des sommes,
Et prend droit de gloser sur tous tant que nous
sommes.
II n'est pas jusqu'au fat qui lui sert de gar^on
Qui ne se mele aussi de nous faire le^on ;
II vient nous sermonner avec des yeux farouches,
Et Jeter nos rubans, notre rouge et nos mouches.
Le traitre, 1' autre jour, nous rompit de ses mains
Un mouchoir qu'il trouva dans une Fleur des Saints,
Disant que nous melions, par un crime efFroyable,
Avec la saintete les parures du diable.
SciNE III
Elhire, Mariane, Damis, Cl4a.ntb, Dobine.
Elm. Vous etes bien heureux de n'etre point venu
Au discours qu'a la porte elle nous a tenu.
,. III.] TARTUFFE 16
showed some courage jljusejajn g h i « pri n r,Pj but-be
ha» bft'^nTTiA an iflint. sin<^o ^is hpaA has been full ^ of
Tartuffe. He calls^ him brother^ and-ia bia heart
ioY.es ^i"' a~Eundrfld times, jnore than h© 4oves
mother, son, daughter, and wifr, Hp maV^s b'""
4ltP gnlfl rnnfifiaij^^oTjIFhiHrfiprrfitB. and the aage
adviser of all..his actions. He caresses him, kisses
him, andXdoTiot think he could show more affec-
tion to a mistress. Ila-will-hRve him seatftd^at^he
bead-©£ the_tablfi,..aDd is delighted to see him eat
as much as half-a-dozen other people. All the
choice morsels are given to him, and if he chance
to hiccup he saysjta him, ' Gnd, bless-you ! '
(It is a servant who is speaking.)
In short, he is crazy about him ; h_e_is_Jua_all,Jus
hero ; he admires him at all points, quotes him on
all ~occasions7 he considers that his most trifling -^
actions are miracles, and eveFy word he utters an ^
oracle. Tartuife, vmo iTndersta'nds his dupe, and ''Vw
v^sFes to maEe'QrS'mgst profit ont offaimrisrctever j
onjjiigh t.n ujipose upon him in a hundreE'dlfferent I
shams. PIeconstantly"extorts money from htnTby /
hiscant, and takes upon himself the right t6~fihd
fqj^ witli lis all Even that puppy of a footboy of
his has the cheek to lecture us ; he preaches at us
with indignant looks, and throws away our ribbons,
rouge, and patches. Only the other day the wretch
tore a handkerchief to pieces which he found in a
' Flower of the Saints,' saying that it was an abomin-
able sin to put the devil's trappings side by side
with holy things.
Scene III
Elmibe, Mabiane, Damxs, Cleante, Dobinb
Elm. You are very lucky to have missed the sermon
she gave us at the door. But I have just seen my
16 LE TARTUFFE acte i.
Mais j'ai vu mon mari : comme il ne m'a point vue,
Je veux aller la-haut attendre sa venue.
CvkkN. Moi, je I'attends ici pour moins d'amusement,
Et je vais lui donner le bonjour seulement.
Dam. De I'hymen de ma soeur touchez-lui quelque
chose.
J'ai soup9on que TartuflFe a son eflFet s'oppose,
Qu'il oblige mon pere a des detours si grands ;
Et vous n'ignorez pas quel interet j'y prends.
Si meme ardeur enflamme et ma soeur et Valere,
La soeur de cet ami, vous le savez, m'est chere ;
Et s'il fallait . . .
Dob. II entre.
Scene IV
OrGON, CliiANTE, DORINB.
Org. Ah ! mon frere, bonjour.
Clean. Je sortais, et j'ai joie a vous voir de retour.
La campagne a present n'est pas beaucoup fleurie.
Org. Dorine . . . Mon beau-frere, attendez, je vous
prie :
Vous voulez bien soufFrir, pour m'oter de souci.
Que je m'informe un peu des nouvelles d'ici.
Tout s'est-il, ces deux jours, passe de bonne sorte.^
Qu'est-ce qu'on fait ceans .'' comme est-ce qu'on s'y
porte .''
Dob. Madame eut avant-hier la fievre jusqu'au soir,
Avec un mal de tete etrange a concevoir.
Org. EtTartuffe?
Dor. TartuiFe } II se porte k merveille,
Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille.
Org. Le pauvre homme !
Dor. Le soir, elle eut un grand degout,
Et ne put au souper toucher a rien du tout,
Tant sa douleur de tete etait encor cruelle !
Org. EtTartuffe?
Dor. II soupa, lui tout seul, devant elle.
8C. IV.] TARTUFFE 17
husband, and as he did not see me I shall go and
wait upstairs for him.
Clean. I will wait for him here for a little longer,
only to bid him 'Good-morning.'
Dam. Sm^nd bjm a littlft abniit. my sistpr'a Tnari-ia{]fa ^ ^p^giAA^
I nii'prrMjxati Tnrtiuffr oppnir~ it, because he puts
my latherup to so many evasions ; and you know
what a great interest I take in it. If the same
passion influences my sister and Valere, his sister
is, as you know, dear to me^^gd,
sary . . . '
Dob. Here he is.
Scene IV
Obgon, Cl^ante, Dokinb
Org. Ah ! good-morning, brother.
Cl^an. I am glad to see you back. I was just going
away. The country is not very attractive just now.
Org. Dorine . . . Just one moment, brother, I beg.
You will, I know, let me relieve my mind by asking
how things have gone here. Has all been well
during the last two days.'' What has happened.''
How are they all ?
Dob, The day before yesterday Madam was feverish
from morning to night, with a splitting headache.
Org. AxuUTaftttfl'e ?
Dor. Tartuffe? He is in excellent health, stout and
fat, with a fresh complexion and ruddy lips.
Obg. Poor man !
Dob. In the evening she felt very sick, and her head
ached so violently she could not touch anything
at supper.
Org. And Tartuffe ?
Dob. He took his supper, in her presence, and very
A ^ A^lAAJ/lt-^ ^{4^-^^/^
A^/'
18 LE TARTUFFE [actb i.
Et fort devotement il mangea deux perdrix,
Avec une moitie de gigot en hachis.
Org. Le pauvre homme !
Dob. La nuit se passa tout entiere
Sans qu'elle put farmer un moment la paupiere ;
Des chaleurs I'empechaient de pouvoir sommeiller,
Et jusqu'au jour, pres d'elle, il nous fallut veiller.
Org. EtTartuffe?
DoH. Presse d'un sommeil agreable,
II passa dans sa chambre au sortir de la table,
Et dans son lit bien chaud il se mit tout soudain,
Ou sans trouble il dormit jusques au lendemain.
Org. Le pauvre homme !
Dor. a la fin, par nos raisons gagnee,
Elle se resolut a souffrir la saignee,
Et le soulagement suivit tout aussitot.
Org. EtTartuffe?
Dor. II reprit courage comme il faut,
Et contre tous les maux fortifiant son ame.
Pour reparer le sang qu'avait perdu Madame,
But a son dejeuner quatre grands coups de vin.
Org. Le pauvre homme !
Dor. Tous deux se portent bien enfia ;
Et je vais a Madame annoncer par avance
La part que vous prenez a sa convalescence.
SciNE V
Orgon, Cl^ante.
Cl^an. a votre nez, mon frere, elle se rit de vous ;
Et sans avoir dessein de vous metti'e en courroux,
Je vous dirai tout franc que c'est avec justice.
A-t-on jamais parle d'un semblable caprice ."*
£t se peut-il qu'un homme ait un charme aujour-
d'hui
A vous faire oublier toutes choses pour lui,
Qu'apres avoir chez vous repare sa misere,
Vous en veniez au point . . . ?
Jlc. v.] / TARTUFFE ' 19
devoutly ate a brace of partridges and half a leg of
mutton hashed.
0kg. Poor man !
"Dor. She passed the whole night without closing her
eyes for a moment^ kept from sleeping by her
feverishnessj and we were obliged to sit up with her
until morning.
Org. ^And-TarJtuffe?
Dob. Comfortably drowsy when he got up from the
table, he went to his bedroom and quickly tumbled
into his warmed bed, where he slept undisturbed
till the morning.
Org. Eaoijman !
Dob. At length we prevailed upon her to be bled,
and immediately she felt relieved.
Org. A_ndTartuffe?
Dob. He tookHeart again, as was only right, and to
fortify himself against all ills, and to make up for
the blood which Madam had lost, he drank four
large bumpers of wine at breakfast.
Org. Poor man !
Dor. fioth are now well again, and I will go and tell j^^av*'^
Madam how pleased you are at her recovery.
Scene V
Obgon, CiAantb
Clean. She is making game of you, brother, to your
face, and, without wishing to vex you, I tell you
frankly there is good reason for it. Who ever
heard of such a whim } Tfnw ^"^ y"" ^*^ so i^^fa-
tuated with a man at_this time of day as to forget
ev.grytfaTn^eIseloFh im .'' And, after having saved
him from want by talfing_>irmintn your own house
you should go so far as . . .
20 LE TARTUFFE [actb i.
Org. Alte-la, mon beau-frere :
Vous ne connaissez pas celui dont vous parlez.
Clean. Je ne le connais pas, puisque vous le voulez ;
Mais enfin, pour savoir quel homme ce peut etre . . .
Org. Mon frere, vous seriez charme de le connaitre,
Et vos ravissements ne prendraient point de fin.
C'est un homme . . . qui . . ha ! . . . un homme
. . . un homme enfin.
Qui suit bien ses le§ons goute une paix profonde,
Et comme du fumier regarde tout le monde.
Oui, je deviens tout autre avec son entretien ;
II m'enseigne a n'avoir affection pour rien,
De toutes amities il detache mon ame ;
Et je verrais mourir frere, enfants, mere et femme.
Que je m'en soucierais autant que de cela.
Cii^AN. Les sentiments humains, mon frere, que voila !
Org. Ha ! si vous aviez vu comme j'en fis rencontre,
Vous auriez pris pour lui I'amitie que je montre.
Chaque jour a I'eglise il venait, d'un air doux.
Tout vis-a-vis de moi se mettre a deux genoux.
II attirait les yeux de I'assemblee entiere
Par I'ardeur dont au Ciel il poussait sa priere ;
II faisait des soupirs, de grands dlancements,
Et baisait humblement la terre a tous moments ;
Et lorsque je sortais, il me devan^ait vite.
Pour m'aller a la porte oiFrir de I'eau benite.
Instruit par son gar^on, qui dans tout I'imitait,
Et de son indigence, et de ce qu'il etait,
Je lui faisais des dons ; mais avec modestie
II me voulait toujours en rendre une partie.
* C'est trop, me disait-il, c'est trop de la moitid ;
Je ne merite pas de vous faire pitie ; '
Et quand je refusais de le vouloir reprendre,
Aux pauvres, a mes yeux, il allait le repandre.
Enfin le Ciel chez moi me le fit retirer,
Et depuis ce temps-la tout semble y prosperer.
Je vois qu'il reprend tout, et qu'a ma femme meme
II prend, pour mon honneur, un interet extreme ;
II m'avertit des gens qui lui font les yeux doux,
sa v.] TARTUFFE 21
Org. Stop there, brother, you do not know the man
of whom you speak.
Clean. I do not know him then, if you like ; but,
after all, to know what sort of a man he is . . .
One. Brother, you would be only too glad to know
him, and your astonishment would be boundless.
He is a man . . . who ... ha ! ... a man . . .
in fact, a man. He who follows attentively his
precepts enjoys a pi-ofound peace, and looks upon
the rest of the world as so much dross. Yesy^-am
quite another man since I onnY*"'"*''^ -ar'^fh liim
He teaches me that 1 must not set my affections
upon anything ; t»A flptaryiPg my hpart frnm all tipp ;
and I could see my brother, children, mother and
wife die without caring as much as a snap of the
fingers.
Clean. Humane feelings these, brother !
Org. Oh ! had you but seen him as I first saw him,
you would have for him the same affection that I
have. jEvery_^ay htt "^'^"IH rinmf? t" churchy and i L.
with_mild Inoka ^<-ipp1 fl"wn in front of me. He J(j^ \AJ^'\
drew upon himself the attention of the whole con- "^ < aC
gregation by the fervour of hia prayprs t^TTeaven ; JiA^^-^
he sighed deeply in his saintly raptures and kissed ** 4/{J\
the ground humbly every moment, and when I sX'^ j
came out he would steal quickly before me to the 1/4^1/,)*'^
floor to offer me holy water. Slaving learnt~who r * \
he was, and that he was poor — through his foot- r / f
boy — who copies everything he does — I gave him ^
presents, but he always modestly wished to return . / _
me some part ftf thorn 'It is too much, too much /? -fv^ '^
Iby half,' he would say, 'I do not deserve your
pity.' And when I refused to take it back he distri-
buted JtJto_the_20or_£fiSifii!^!ejEfiS> At last Heaven
moved me to take him into my house, and since
then everything has seemed to prosper here. He
reproves everything, and, with a view to my honour,
he shows an extreme solicitude even towards my
wife. He telK me of those who cast sweet looks
"Tier way, and he is six times more jealous of her
22 LE TARTUFFE [actr i.
Et plus que moi six fois il s'en montre jaloux.
Mais vous ne croiriez point jusqu'ou monte son
zele :
II s'impute a peche la moindre bagatelle ;
Un rien presque suffit pour le scandaliser ;
Jusque-la qu'il se vint I'autre jour accuser
D'avoir pris une puce en faisant sa priere,
Et de I'avoir tuee avec trop de colere.
Clean. Parbleu ! vous etes fou^ mon fr^re, que je croi.
Avec de tels discours vous moquez-vous de moi ?
Et que pre'tendez-vous que tout ce badinage . . . ?
Org. Mou frere, ce discours sent le libertinage :
Vous en etes un peu dans votre ame entiche' ;
Et comme je vous I'ai plus de dix fois preche,
Vous vous attirerez quelque mechante affaire.
Cl^an. Voila de vos pareils le discours ordinaire :
lis veulent que chacun soit aveugle comme eux.
C'est etre libertin que d'avoir de bons yeux,
Et qui n'adore pas de vaines simagrees,
N'a ni respect ni foi pour les choses sacrees.
Allez, tous vos discours ne me font point de peur :
Je sais comme je parle^ et le Ciel voit mon cceur.
De tous vos fagonniers on n'est point les esclaves.
II est de faux devots ainsi que de faux braves ;
Et comme on ne voit pas qu'ou I'honneur les con-
duit
Les vrais braves soient ceux qui font beaucoup de
bruit,
Les bons et vrais devots, qu'on doitsuivre a la trace,
Ne sont pas ceux aussi qui font tant de grimace.
He quoi .'' vous ne ferez nulle distinction
Entre I'hypocrisie et la devotion .''
Vous les voulez traiter d'un semblable langage,
Et rendre meme honneur au masque qu'au visage,
Egaler I'artifice a la sincerite,
Confondre I'apparence avec la verite,
Estimer le fantome autant que la personne,
Et la fausse monnaie a I'egal de la bonne }
Les hommes la plupart sont etrangement faits !
Dans la juste nature on ne les voit jamais ;
). v.] TARTUFFE 23
thanlam. You would never guess how far he
'carries Eis zeal : he accuses himself of sin over the
slightest trifle ; a mere nothing is enough to shock
him ; he even accused himself the other day for
having killed a flea too angrily which he caught
whilst saying his prayers.
Clean. Really, brother, I think you must be crazy.
Are you joking at my expense with this nonsense .''
How can you pretend that all this foolery . . . ?
Org. Brother, your talk savours of free thought : you
are somewhat tainted with it ; and, as I have re-
peatedly told you, you will draw down some heavy
judgment upon your head.
Clean. That is the usual style of talking among your
set ; they want everyone to be as blind as them-
selves. To be clear-sighted is to be a free-thinker,
and he who does not bow down to idle afi"ectations
has neither respect for nor faith in sacred things.
1 tell you none of your sermons frighten me : 1
know what I say, and Heaven sees my heart. We
are not ruled by your formalists. There are pre-
tenders to devotion as to courage ; and even as
those who are truly brave when honour calls are
not those who make the most noise, so the good
and truly pious, in whose footsteps we ought to
follow, are not those who make so many grimaces.
^Vhail, > will yny nnt m^^]^p anv djstlnction betweefl_
hypocrisy ap^ sin<'f»rity^ vViil you speak ot' theni
in the same words, and render the same homage to
the mask as to the face, put artifice on a level with
sincerity, confound the appearance with the reality,
value the shadow as much as the substance and
false coin as good ? Men, truly, are strange beings !
They are never seen in their proper nature ; reason's
boundaries are too limited for them ; in every char-
acter they over-act the part ; and they often mar
that which is most noble by too much exaggeration
24 LE TARTUFFE [actb i.
La raison a pour eux des bornes trop petites ;
En chaque caractere ilg passent sea limites ;
Et la plus noble chose, ils la gatent souvent
Pour la vouloir outrer et pousser trop avant.
Que cela vous soit dit en passant, mon beau-frere.
Org. Oui, vous etes sans doute un docteur qu'on
revere ;
Tout le savoir du monde est chez vous retire ;
Vous etes le seul sage et le seul eclaire,
Un oracle, un Caton dans le siecle ou nous sommes ;
Et pres de vous ce sont des sots que tous les hommes.
Cl^an. Je ne suis point, mon frere, un docteur revere,
Et le savoir chez moi n'est pas tout retire.
Mais, en un mot, je sais, pour toute ma science,
Du faux avec le vrai faire la diiFerence.
Et comme je ne vols nul genre de heros
Qui soient plus a priser que les parfaits devots,
Aucune chose au monde et plus noble et plus belle
Que la sainte ferveur d'un veritable zele,
Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux
Que le dehors platre d'un zele specieux.
Que ces francs charlatans, que ces devots de place,
De qui la sacrilege et trompeuse grimace
Abuse impunement et se joue a leur gre
De ce qu'ont les mortels de plus saint et sacre,
Ces gens qui, par une ame a I'interet soumise.
Font de devotion metier et marchandise,
Et veulent acheter credit et dignites
A prix de faux clins d'yeux et d' elans affectes,
Ces gens, dis-je, qu'on voit d'une ardeur non com-
mune
Par le chemin du Ciel courir a leur fortune.
Qui, briilants et priants, demandent chaque jour,
Et prechent la retraite au milieu de la cour.
Qui savent ajuster leur zele avec leurs vices,
Sont prompts, vindicatifs, sans foi, pleins d'artifices,
Et pour perdre quelqu'un couvrent insolemment
De I'interet du Ciel leur fier ressentiment,
D'autant plus dangereux dans leur apre colere,
Qu'ils prennent centre nous des armes qu'on revere.
8C. v.] TARTUFFE 26
and by wilful extremes. But this, brother, is by
the way.
Org. Yes, you are doubtless a doctor, revered by all ;
all the learning of the ages is concentrated in you ;
you alone are wise, enlightened, an oracle, a Cato
for the present age ; and compared with you, all
men are fools.
Clean. No, brother, I am not a revered teacher, nor
do I possess all wisdom ; my learning is simply the y2.-^'
knowledge of how to tell the false from the true.
And since 1 do not know any character more admir-
able than the truly devout, nor anything in the
world more noble and more beautiful than the
righteous fervour of a sincere piety, neither do I
know anything more odious than the whited
sepulchre of a specious zeal ; than these barefaced
hypocrites, these hireling bigots, whose sacrilegious
and deceitful mouthings impose on people with
impunity, who jest as they please with all that
men hold most holy and sacred ; these slaves of
self-interest who barter religion and make a trade
of it, and who would purchase honour and reputa-
tion with a false uplifting of the eyes and affected
groans. These men, I say, whom we see possessed
of such uncommon ardour, make their fortunes in
this world by way of the next ; themselves asking
each day some new favour, they preach solitude in
the midst of the Court, burning with zeal and great
in prayer. They know how to reconcile their pro-
fession with their vices, are passionate, revengeful,
faithless, full of deceit, and, in order to ruin a man,
insolently cover their fierce resentment with the
cloak of Heaven's interests. They — ar«.„doubly
dangerous in their bitter wrath for they use against
us the weapons we revere ; and their anger, for
which they are commended, prompts them to kill
26 LE TARTUFFE [acth l
Et que leur passion, dont on leur salt bon gre,
Veut nous assassiner avec un fer sacre.
De ce faux caractere on en voit trop paraitre ;
Mais les devots de coeur sont aises a connaitre.
Notre siecle, mon frere, en expose a nos yeux
Qui peuvent nous servir d'exemples glorieux :
Regardez Ariston, regardez Periandre,
Oronte, Alcidamas, Polydore, Clitandre ;
Ce titre par aucun ne leur est debattu ;
Ce ne sont point du tout fanfarons de vertu ;
On ne voit point en eux ce faste insupportable,
Et leur devotion est humaine, est traitable ;
lis ne censurent point toutes nos actions ;
lis trouvent trop d'orgueil dans ces corrections ;
Et laissant la fierte des paroles aux autres,
C'est par leurs actions qu'ils reprennent les notres.
L'apparence du mal a chez eux pen d'appui,
Et leur ame est portee a juger bien d'autrui.
Point de cabale en eux, point d'intrigues a suivre ;
On les voit, pour tous soins, se meler de bien vivre;
Jamais contre un pecheur ils n'ont d'acharnement ;
lis attachent leur haine au peche seulement,
Et ne veulent point prendre, avec un zele extreme,
Les interets du Ciel plus qu'il ne veut lui-meme.
Voila mes gens, voila comme il en faut user,
Voila I'exemple enfin qu'il se faut proposer.
Votre homme, a dire vrai, n'est pas de ce modele :
C'est de fort bonne foi que vous vantez son zele ;
Mais par un faux eclat je vous crois ebloui.
Org. Monsieur mon cher beau-frere, avez-vous tout
dit.?
Cli£an. Oui.
Org. Je suis votre valet. (H veut s'en aller.)
Cli6an. De grace, un mot, mon frere.
Laissons la ce discours. Vous savez que Valere
Pour etre votre gendre a parole de vous ?
Org. Oui.
Cl6an. Vous aviez pris jour pour un lien si doux.
Org. II est vrai.
Ci^N. Pourquoi done en differer la fete ^
8C. v.] TARTUFFE 27
us with a consecrated blade. There are too many of
these false characters ; the truly devout are easily
recognised. Our age, brother, has shown us some
who should serve us as glorious examples : look
at Ariston, look at Pe'riandre, Oronte, Alcidamas,
Polydore, Clitandre — no one denies their title.
These are not boasters of virtue ; unbearable osten-
tation is not seen in them ; their piety is human,
is reasonable; they do not condemn all our actions:
they think there is too much arrogance in these
censures; and, leaving haughty words to others,
they reprove our actions by their own. They do
not build upon the appearances of evil, and their
minds are inclined to think well of others. No
spirit of cabal is found in them ; they have no
intrigues to scent out ; their sole care is to live
rightly. They do not persecute a sinner ; it is only
the sin itself they hate. Neither do they desire
to vindicate the interests of Heaven with a keener
zeal than Heaven itself shows. These are the
people I admire ; that is the right way to live ;
there is, in short, the example to be followed.
Your man, to speak truly, is not of this mould :
you applaud his piety in good faith, but I believe
you are dazzled by a false glitter.
Org. Have you said your say, my dear brother ?
Clean. Yes.
Org. I am your humble servant. (going.)
Cl6an. One word, brother, I pray. Let us drop this
discussion. You know you promised Valere he
should become your son-in-law .''
Org. Yes.
Cli^an. And that you had fixed the happy day.
Org. True.
Cu^N. Why, then, defer the ceremony ?
28 LE TARTUFFE [aotb ii.
Org. Je ne sais.
Cl^n. Auriez-vous autre pensee en tete ?
Org. Peut-etre.
CuSan. Vous voulez manquer a votre foi ?
Org. Je ne dis pas cela.
Cl]6an. Nul obstacle^ je croi,
Ne vous peut empecher d'accomplir vos promesses.
Org. Selon.
Cl^an. Pour dire un mot faut-il tant de finesse ?
Valere sur ce point me fait vous visiter.
Org. Le Ciel en soit loue !
CiijAN. Mais que lui reporter ?
Org. Tout ce qu'il vous plaira.
Cl^an. Mais il est necessaire
De savoir vos desseins. Quels sont-ils done .''
Org. De faire
Ce que le Ciel voudra.
Clean. Mais parlons tout de bon.
Valere a votre foi : la tiendrez-vous, ou non ?
Org. Adieu.
Cl^an. Pour son amour je crains une disgrace,
Et je dois I'avertir de tout ce qui se passe.
PIN DU premier AGTE.
ACTE II
Sc^NE I
Orgon, Marianb.
Org. Mariane.
Mar. Mon pere.
Org. Approchez, j'ai de quel
Vous parler en secret.
Mar. Que cherchez-vous ?
Org. (II regarde dans un petit cabinet.) Je voi
Si quelqu'unn' est point laquipourraitnous entendre;
Car ce petit endroit est propre pour surprendre.
sc. I.] TARTUFFE 29
Org. I do not know.
Clean. Have you another design in view ?
Org. Perhaps.
Cl]6an. You will break your word ?
Org. I do not say that.
Cu^AN. No obstacle, I believe, can prevent you tul-
filling your promises.
Org. That depends.
Cl^an. Why so much circumspection about a word .''
Valere sent me to see you on this matter.
Org. Heaven be praised !
Cii^AN. But what shall I tell him }
Org. What you please.
CiisAN. But it is necessary to know your intentions.
What, then, are they ?
Org. To perform the will of Heaven.
Cl^an. Come, speak to the point. Valere has your
word. Will you keep it or not ?
Org. Good-bye.
Cl^an. I am afraid his love will not run smooth, and
I ought to tell him what is going on.
END OF THE FIRST ACT.
ACT II
Scene I
Orgon, Marianb,
Org. Marian e.
Mar. Yes, father.
Org. Come here, I have something to say to you
privately.
Mar. What are you looking for ?
Org. (looking into a small side-room.) I am looking to
see whether anyone is there who might overhear
us ; this is a most likely little place for such a pur-
30 LE TARTUFFE [actb ii.
Or sus, nous voila bien. J'ai, Mariane, en vous
Reconnu de tout temps un esprit assez doux,
Et de tout temps aussi vous m'avez ete chere.
Mar. Je suis fort redevable a cet amour de pere.
Org. C'est fort bien dit^ ma fille ; et pour le meriter,
Vous devez n'avoir soin que de me contenter.
Mar. C'est ou je mets aussi ma gloire la plus haute.
Or«. Fort bien. Que dites-vous de Tartuffe notre
bote.?
Mar. Qui, moi.''
Org. Vous. Voyez bien comme vous repondrez.
Mar. Helas ! j'en dirai, moi, tout ce que vous voudrez.
Org. C'est parler sagement. Dites-moi done, ma fille,
Qu'en toute sa personne un haut merite brille,
Qu'il toucbe votre coeur, et qu'il vous serait doux
De le voir par mon cboix devenir votre epoux.
Eh?
(Mariane Be recule aveo surprise.)
Mar. Eh.?
Org. Qu'est-ce ?
Mar. Plait-il ?
Org. Quoi ?
Mar. Me suis-je meprise ?
Org. Comment?
Mar. Qui voulez-vous, mon pere, que je dise
Qui me touche le coeur, et qu'il me serait doux
De voir par votre choix devenir mon epoux ?
Org. Tartuffe.
Mar. II n'en est rien, mon pere, je vous jure.
Pourquoi me faire dire une telle imposture ?
Org. Mais je veux que cela soit une verite ;
Et c'est assez pour vous que je I'aie arrete.
Mar. Quoi ? vous voulez, mon pere . . . ?
Org. Oui, je pretends, ma fille,
Unir par votre hymen Tartuffe a ma famille.
II sera votre epoux, j'ai resolu cela ;
Et comme sur vos voeux je . . .
Bc. I.] TARTUFFE 31
pose. Now, we are all right. Mariane, I have
always found you very good-natured, and you have
always been dear to me.
Mar. I am very grateful for your fatherly love.
Org. That is well said, my child, and in order to
deserve it your chief care ought to be to please me.
Mar. It is my dearest wish.
Org. Very well. What do you think of our guest
Tartuffe ?
Mar. Who, I .?
Org. You. Think well before you answer.
Mar. Oh, dear ! I will say anything you like.
Org. That is sensibly spoken. TglL-me^ then, my
child, that he is a man whosfl-Kiiliies- Aine forth,
that you love him, and that it would make you
very happy weri£.I_tp cHoose him fpr yoIlE-husband.
Eh?
(Mabiane draws back, surprised.)
Mar. Eh.?
Org. What is the matter?
Mar. What did you say ?
Org. What?
Mar. Am I mistaken ? f
Org. Why?
Mar. Whom do you wish me to say I love, father?
Whom do I wish you to choose as my husband ?
Org. Tartuffe.
Mar. tjdoa't- wish -aaytbing of the kind^ father t_I
assure you. Why would you make me tell such
ajie?
Org. But I wish it to be the tr^^thj ""'^ it is enough
^"r yoiTtihat I ha^» mgHo np^ymind on the subject.
Mar. What, father, would you . . . ?
Org. Yes, my child, I intpn j tn nnitn Tnrt.uffp tft Tny
family by your marriage. I have decided that he
shall be your husband, and since you have pro-
mised^ I . . .
/
32 LE TARTUFFE [acte n.
Sc^NE II
DORINE^ ObGON, MaRIANE
Org. Que faites-vous la ?
La curiosite qui vous presse est bien forte,
Mamie, a nous venir ecouter de la sorte.
Dob. Vraiment, je ne sais pas si c'est un bruit qui
part
De quelque conjecture, ou d'un coup de hasard ;
Mais de ce manage on m'a dit la nouvelle,
Et j'ai traite cela de pure bagatelle.
Org. Quoi done .'' la chose est-elle incroyable ?
Dor. ^ A tel point,
Que vous-meme, Monsieur, je ne vous en crois
point.
Org. Je sais bien le moyen de vous le faire croire.
Dor. Oui, oui, vous nous contez une plaisante
histoire.
Org. Je conte justement ce qu'on verra dans peu.
Dor. Chansons !
Org. Ce que je dis, ma fille, n'est point jeu.
Dor. AUez, ne croyez point a Monsieur votre pere :
II raille.
Org. Je vous dis . . .
Dor. Non, vous avez beau faire^
On ne vous croira point.
Org. a la fin mon courroux . . .
Dor. H^ bien ! on vous croit done, et c'est tant pis
pour vous.
Quoi .'' se peut-il. Monsieur, qu'avec I'air d'homme
sage
Et cette large barbe au milieu du visage,
Vous soyez assez fou pour vouloir . . . ?
Org. lEcoutez :
Vous avez pris ceans certaines privautes
Qui ne me plaisent point; je vous le dis, mamie.
Dob. Parlous sans nous facher. Monsieur, je vous
supplie.
so. II.] TARTUFFE 33
Scene II
DoRiNE, Orgon, Marians
Org. What are you doing here? Your curiosity
must be very great, my girl, to urge you to come
and listen to us in this way.
Dor. Indeed, I don't know whether the report is
conjecture or simply chance words, but I have just
heard some news about this marriage and I treated
it as a mere jest.
Org. Why ? Is the thing incredible .''
Dor. So much so that I could not believe it from your
lips. Monsieur.
Org. I know how to make you believe it, though. ■^-A'^^ '^
Dor. Yes, yes, you tell us a pretty story.
Org. I tell you what you will see happen very shortly.
Dor. Nonsense !
Org. I am not jesting, my child.
Dor. Come, do not believe your father, he is
joking.
Org. I tell you ...
Dor. No, you may say what you like, and no one
will believe you.
Org. My anger will very soon . . .
Dor. Very well, we will believe you, but so much the
worse for you. What, is it possible. Monsieur, with
that air of wisdom and your well-bearded face, that
you would be silly enough to want . . .
Org. Now listen : you have taken certain liberties
in this house, my girl, which I do not like.
Dor. Let us talk without becoming angry. Monsieur,
I beg. Are you making game of everybody by
C
34 LE TARTUFFE [acte ii.
Vous moquez-vous des gens d' avoir fait ce complot?
Votre fille n'est point I'affaire d'un bigot :
II a d'autres emplois auxquels il faut qu'il pense.
Et puis, que vous apporte une telle alliance?
A quel sujet aller, avec tout votre bien,
Choisir un gendre gueux ? . . .
Org. Taisez-vous. S'il n'a rien,
Sachez que c'est par la qu'il faut qu'on le revere.
Sa misere est sans doute une honnete misere ;
Au-dessus des grandeurs elle doit I'elever,
Puisqu'enfin de son bien il s'est laisse priver
Par son trop peu de soin des choses temporelles,
Et sa puissante attache aux choses eternelles.
Mais mon secours pourra lui donner les moyens
De sortir d'embarras et rentrer dans ses biens :
Ce sont fiefs qu'a bon titre au pays on renomme ;
Et tel que Ton le voit, il est bien gentilhomme.
DoK. Oui, c'est lui qui le dit ; et cette vanity.
Monsieur, ne sied pas bien avec la piete.
Qui d'une sainte vie embrasse I'innocence
Ne doit point tant proner son nom et sa naissance,
Et I'humble procede de la devotion
Souffre mal les eclats de cette ambition.
A quoi bon cet orgueil .''... Mais ce discours vous
blesse :
Parlons de sa personne, et laissons sa noblesse.
Ferez-vous possesseur, sans quelque peu d' ennui,
D'une fille comme elle un homme comme lui .''
Et ne devez-vous pas songer aux bienseances,
Et de cette union prevoir les consequences .''
Sachez que d'une fille on risque la vertu,
Lorsque dans son hymen son gout est combattu.
Que le dessein d'y vivre en honnete personne
Depend des qualites du mari qu'on lui donne,
Et que ceux dont partout on montre au doigt le front
Font leurs femmes souvent ce qu'on voitqu'elles sont.
II est bien difficile enfin d'etre fidele
A de certains maris faits d'un certain modele ;
Et qui donne a sa fille un homme quelle hait
Est responsable au Ciel des fautes qu'elle fait.
Songez a quels perils votre dessein vous livre.
fic. n.]
TARTUFFE
36
means of this scheme. Your daupi'hter will never
do for a bigot : he has other things to think about.
Besides^ wnatgood willsucH" an alliance be to you ?
Whyj_with all your wealthy do you choose a beggar
for a son -In-law ?^ ~
Org. Be quiet. If he has-Bothing ho ough-t-to, be
tJbe pi^rft f Stnnfnrul Win pnirnrty jgj withnnt df^nbtj
a. noble poverty ; it should raise hiiiL-.aJ)jQyeuall
worldly greatness since he has alLoiwed himself t.f^
be--4lepim£d,_.Qf -his wealth byLcariQ&-tofi_little for
earthly- -affairs, and by his ardent attachment to
things eternal. STy help may be Ihe means of
getting him out of his troubles and of restoring his
property to him : his estates are well known in his
native place, but even as he is he is a gentleman.
Dou. Well, he says he is, but this vanity. Monsieur,
does not agree well with his piety. H€^jsJift,sm-
braces the "jjliplif'^y "f ^ ^^"1y lift? phmilrl not boast
QfWgtlaine and lineage : the humble ways of good-
ness^ have nothing in common_witk.JJxe glaraj)f
ambition. Why such ^in3e7 But what I say
vexes you : let us speak of himself and leave his
quality. Can you have the heart to bestow such
a daughter as yours upon a man of his stamp?
Ought you not to have some regard for propriety
and foresee the consequences of this union .'' YsaL_
must know the girl's virtue is not safe wheo
shels married aj^ainst her iucliuatioiis, that her,
living~Tii luu usjy depends, upon the qualities of
the husband who.is-Kiven to -h£i^ and that those
who have the finger of scorn pointed at them make
their wives what^ we_see Hiey.are. It is truly no
easy task toTje faithful to certain husbands ; and
he who gives his daughter to a man she hates is
responsible tq__haayen for the sins she commits.
Consider,, theuj. to what perils your design exposes
you.
u
T
.36 LE TARTUFFE [acte ii.
Org. Je vous dis qu'il me faut apprendre d'elle a
vivre.
Dob. Vous n'en leriez que mieux de suivre mes le9ons.
Org. Ne nous amusons point, ma fille^ a ces chansons :
Je sais ce qu'il vous faut, ct je suis votre pere.
J'avais donne pour vous ma parole a Valere ;
Mais outre qu'a jouer on dit qu'il est enclin,
Je le soup^onne encor d'etre un peu libertin :
Je ne remarque point qu'il hante les eglises.
Dob. Voulez-vous qu'il y coure a vos heures precises,
Comme ceux qui n'y vont que pour etre aper^us .''
Org. Je ne demande pas votre avis la-dessus.
Enfin avec le Ciel 1 autre est le mieux du monde,
Et c'est une richesse a nulle autre seconde.
Get hymen de tous biens comblera vos desirs,
II sera tout confit en douceurs et plaisirs.
Ensemble vous vivrez, dans vos ardeurs fideles,
Comme deux vrais enfants, comme deux tourterelles ;
A nul facheux debat jamais vous n'en viendrez,
Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez.
Dob. EUe? Elle n'en fera qu'un sot, je vous assure.
Org. Ouais ! quels discours !
Dob. Je dis qu'il en a I'encolure,
Et que son ascendant, Monsieur, I'eniportera
Sur toute la vertu que votre fille aura.
Obo. Cessez de m'interrompre, et songez a vous
taire.
Sans mettre votre nez ou vous n'avez que faire.
Dob. Je n'en parle. Monsieur, que pour votre interet.
(Elle I'interrompt toujours au moment qu'il se retourne
pour parler k sa fille.)
Obg. C'est prendre trop de soin ! taisez-vous, s'il voua
plait.
Dob. Si Ton ne vous aimait . . .
Org. Je ne veux pas qu'on m'aime.
Dob. Et je veux vous aimer, Monsieur, malgr^ vous-
meme.
Obg. Ah!
80. II.] TARTUFFE 37
Org. I see I shall have to learn from her how to
live.
Dor. You could not do better than follow my advice.
Org. Do not let us waste time, my child, with this
silly talk. I am your father, and I know what is
good for you. I had betrothed you to Valere, but
I hear he is inclined to gambling, and 1 also suspect
he is a free-thinker, for I never see him at church.
Dor. Would you like him to go there at stated tiyies / ij/ll
IrkeTffbse who go to be seen? _ii / - / vC' rv^ / -l Vi^^ \^
Org. I'doTrti ttok youj advico upon the hikiter.^T'ar- ^
tufFe is on the best possibla_terms with heaven, and
that is a treasure second to none. This union will
crown your wishes with every blessing. It will be
full of pleasure and joy. You will live together in
faithful love like two young children, like turtle-
doves, there will not be any miserable disputes
between you, and you will make anything you like
of him.
Dor. She? Why, I am sure she will never make
anything of him but a fool.
Org. Good gracious ! what language !
Dor. I tell you he looks it all over, and his destiny.
Monsieur, will be stronger than your daughter's
virtue.
Org. Don't interrupt me. Try to hold your tongue
without poking your nose into what does not concern
you.
Dor. I only speak for your good. Monsieur.
fSh(> intRrrupta him every tima ha tiinm t.n «i;>£aJ£_^ his
Org. You are too good ! Be quiet, will you ?
Dor. If I did not like you . . .
Org. I do not need affection.
Dor. But 1 will care for you. Monsieur, in spite of
yourself.
Org. Ah !
38 LE TARTUFFE [actb ii.
Dor. Votre honneur m'est cher, et je ne puis soufFrir
Qu'aux brocards d'un chacun vous alliez vous ofFrir.
Org. Vous ne vous tairez point ?
Dor. C'est une conscience
Que de vous laisser faire une telle alliance.
Org. Tetairas-tu, serpent, dontles traits effrontes . . .?
Dob. Ah ! vous etes devot, et vous vous emportez }
Org. Oui, ma bile s'echauffe a toutes ces fadaises,
Et tout resolument je veux que tu te taises.
Dor. Soit. Mais, ne disant mot, je n'en pense pas
moins.
Org. Pense, si tu le veux ; mais applique tes soins
(Se retoumant vers sa fiUe. )
A ne m'en point parler, ou . . . : suffit. Comme sage,
J'ai pese murement toutes choses.
Dor. J'enrage
De ne pouvoir parler.
(EUe se tait lorsqu'il toume la tSte.)
Org. Sans etre demoiseau,
TartufFe est fait de sorte . . .
Dor. Oui, c'est un beau museau.
Org, Que quand tu n'aurais meme aucune sympathie
Pour tous les autres dons . . .
(II se tourno devant elle, et la regarde les bras crois^s.)
Dor. La voila bien lotie !
Si j'etais en sa place, un homme assurement
Ne m'epouserait pas de force impunement ;
Et je lui ferais voir bientot apres la fete
Qu'une femme a toujours une vengeance prete.
Org. Done de ce que je dis on ne fera nul cas ?
Dor. De quoi vous plaignez-vous .'' Je ne vous parle
pas.
Oho. Qu'est-ce que tu fais done .''
Dor. Je me parle a moi-meme.
Org. Fort bien. Pour chatier son insolence extreme,
II faut que je lui donne un revers de ma main.
(II Be met en posture delui donner un soufflet; etDoRiNK,
k oLaque coup d'oeil qu'il jette, se tient dioit sana parler.)
so. n.] TARTUFFE 89
Dor. Your honour is dear to me, and I cannot bear >
that you should be jeered at by every one. P '.A-V^
Org. Will you be silent }
Dob. It is a shame to let you make such an alliance.
Org. Will you hold your peace, you viper, whose
brazen face . . .
Dor. What ! you a religious man and you give way
to anger ?
Org. Yes, my choler is roused to fury by your non-
sense. I insist upon your holding your tongue.
Dor. Very well. But if I cannot speak I shall think
all the more.
Org. Think, if you like, but take care not to tell
your thoughts to me, or . . . beware. (Tiirning
towards his daughter. ) I have deliberately weighed
everything as a prudent man should.
Dor. It makes me furious not to be allowed to
speak.
(She is silent when he looks towards her.)
Org. Without being a fop Tartuffe's looks are
such . . .
Dor. YeSj he has a fine mug.
Org. That even if you do not appreciate his other
qualities . . .
(He turns towards her, and looks at her, his arms folded.)
Dor. She has got a bargain. If I were in her place,
depend upon it no man should marry me against
my will with impunity. I would soon let him see,
after the wedding-day, that a woman has always
her vengeance in her own hands.
Org. Then you do not mean to take any notice of
what I say."*
Dor. What are you complaining about.'' I was not
speaking to you.
Org. What were you doing then .''
Dor. I was speaking to myself.
Org. All right. I must give her the back of my hand
for her unbearable insolence. (He prepares to slap
Dokikb's face ; and Dorink stands silent and erect
each time he looks at her.) You ought to approve
40 LE TARTUFFE [actb ii.
Ma fille, vous devez approuver mon dessein . . .
Croire que le mari . . . que j'ai su vous elire . . .
Que ne te parles-tu ?
Dor. Je n'ai rien a me dire.
Org. Encore un petit mot.
Dor. II ne me plait pas, moi.
Org. Cartes, je t'y guettais.
Dor. Quelque sotte, ma foi !
Org. Enfin, ma fille, il faut payer d'obeissance,
Et montrer pour mon choix entiere deference.
Dor. (en s'enfuyant.) Je me moquerais fort de prendre
un tel epoux.
(II lui veut donner un souflBet et la manque.)
Org. Vous avez la, ma fille, une peste avec vous,
Avec qui sans peche je ne saurais plus vivre.
Je me sens hors d'etat maintenant de poursuivre :
Ses discours insolents m'ont mis I'esprit en feu,
Et je vais prendre I'air pour me rasseoir un peu.
SciiNE III
Dorinb, Mariane.
Dor. Avez-vous done perdu, dites-moi, la parole,
Et faut-il qu'en ceci je fasse votre role?
SouiFrir qu'on vous propose un projet insense.
Sans que du moindre mot vous I'ayez repousse !
Mar. Contre un pere absolu que veux-tu que je fasse }
Dor. Ce qu'il faut pour parer une telle menace.
Mar. Quoi?
Dor. Lui dire qu'un coeur n'aime point par autrui.
Que vous vous mariez pour vous, non pas pour lui,
Qu'etant celle pour qui se fait toute raflPaire,
C'est a vous, non a lui, que le mari doit plaire,
Et que si son Tartuife est pour lui si charmant,
II le peut epouser sans nul empechement.
Mar. Un pere, je I'avoue, a sur nous tant d'empire,
Que je n'ai jamais eu la force de rien dire.
80. III.1 TARTUFFE 41
of my plan, my child . . . and believe the husband
... I have chosen for you . . Why do you
not speak to yourself?
Dor. Because I have no more to say to myself.
Org. Only a little word.
Dor. It does not suit me.
Org. I was waiting for you.
Dor. I am not such a fool.
Org. In short, my girl, you must obey, and show all
deference to my choice.
Dor. (running away.) I would take care I would not
marry such a husband.
(He tries to slap Dokine's face and misses her.)
Org. You have a pestilent hussy there, my child,
with whom I cannot live without forgetting myself.
I feel I am not fit now to continue the conver-
sation. Such insolent speeches have put me in so
great a passion that I must have a breath of air to
compose myself.
Scene III
Dorine, Mariane.
Dor. Tell me, have you lost your tongue ; must I
play your part in this matter.'* To think you
allow such an absurd proposal to be made to you
without your saying a word against it !
Mar. What would you have me d o against a tyrannical
father .''
Dor. Anything to ward off such a fate.
Mar. But what ?
Dor. Tell him a heart cannot love at the bidding
of another, that you marry to please yourself not
him, that, as the matter concerns you alone it is
you, not him, whom the husband must please, and
that, since he is so charmed with his Tartuffe, he
can marry him himself without any hindrance.
Mar. a father has such authority over_ugJhha.t I admit
I haveTTOthsniie courage to say anything.
42 LE TARTUFFE [actb u.
Dor. Mais raisonnons. Valere a fait pour vous des
pas :
L'aime2i-vous, je vous prie, ou ne raimez-vous pas ?
Mar. Ah ! qu'envers mon amour ton injustice est
grande,
Dorine ! Me dois-tu faire cette demande ?
"Fai-je pas la-dessus ouvert cent fois mon coeur,
Et sais-tu pas pour lui jusqu'ou va mon ardeur ?
Dor. Que sais-je si le coeur a parl^ par la bouche,
Et si c'est tout de bon que cet amant vous touche ?
Mar. Tu me fais un grand tort, Dorine, d'en douter,
Et mes vrais sentiments ont su trop eclater.
Dor. Enfin, vous I'aimez done ?
Mar. Ouij d'une ardeur extreme.
Dor. Et selon I'apparence il vous aime de meme ?
Mar. Je le crois.
Dor, Et tous deux brulez egalement
De vous voir maries ensemble }
Mar. Assurement.
Dor. Sur cette autre union quelle est done votre
attente .''
Mar. De me donner la mort si Ton me violente.
Dor. Fort bien : c'est un recours ou je ne songeais
pas ;
Vous n'avez qu'a mourir pour sortir d'embarras ;
Le remede sans doute est merveilleux. J'enrage
Lorsque j'entends tenir ces sortes de langage.
Mar. Mon Dieu ! de quelle humeur, Dorine, tu te
rends !
Tu ne compatis point aux deplaisirs des gens.
Dor. Je ne compatis point a qui dit des sornettes
Et dans I'occasion mollit comme vous faites.
Mar. Mais que veux-tu ? si j'ai de la timidite.
Dor. Mais I'amour dans un coeur veut de la fermete.
Mar. Mais n'en garde-je pas pour les feux de Valere ?
Et n'est-ce pas a lui de m'obtenir d'un pere }
Dor. Mais quoi .-' si votre pere est un bourru fieffe'.
Qui s'est de son Tartuffe entierement coifFe
8c. III.] TARTUFFE 43
Dor. Let us talk it all over. Valere has proposed to
you : do you love him, pray, or do you not }
Mar, Oh ! Dorine, you are very unjust to me. How
can you ask me such a question } Have I not opened
my heart to you a hundred times on this subject.''
Do you not know how much I love him ?
Dor. How do I know your lips have spoken what
your heart felt and that you really care for this
lover .''
Mar. You wrong me greatly, Dorine, to doubt it.
Surely my real feelings have shown themselves only
too plainly.
Dor. Then you love him ?
Mar. Yes, passionately.
Dor. And apparently he loves you just as ardently.
Mar. I believe so.
Dor. And you both are eager to be married.
Mar. Most certainly.
Dor. What do you mean to do, then, about this other
match .''
Mar. To kill myself if I am forced into it.
Dor. Good ! I had not thought of that way out of
the difficulty ; you have but to die to be rid of
troubles ; what an excellent remedy ! It puts me
out of all patience to hear such talk.
Mar. Good heavens ! what a temper you are in,
Dorine. You have no sympathy for people in their
troubles.
Dor. I have no pity for those who talk nonsense and
give way at the critical moment as you do.
Mar. But what can I do .'' I am afraid.
Dor. Love asks for courage.
Mar. Have I wavered in my love for Valere .'* Is it
not his place to win me from my father ?
Dor. What if your father is a downright lunatic,
who has gone clean crazy over his TartuflFe, and
44 LE TARTUFFE [acte ii.
Et manque a I'union qu'il avait arretee,
La faute a votre amant doit-elle etre imputde ?
Mar. Mais par un haut refus et d'eclatants mepris
Ferai-je dans mon choix voir un coeur trop epris ?
Sortirai-je pour lui, quelque e'clat dont il brille,
De la pudeur du sexe et du devoir de fille ?
Et veux-tu que mes feux par le monde etalds . . . ?
Dor. Non, non, je ne veux rien. Je vois que vous
voulez
Etre a Monsieur TartuiFe; et j'aurais, quand j'y
pense.
Tort de vous detourner d'une telle alliance.
Quelle raison aurais-je a combattre vos voeux?
Le parti de soi-meme est fort avantageux.
Monsieur TartufFe ! oh ! oh ! n'est-ce rien qu'on
propose ?
Certes Monsieur TartuffCj a bien prendre la chose,
N'est pas un homme, non, qui se mouche du pied,
Et ce n'est pas peu d'heur que d'etre sa moitie.
Tout le monde deja de gloire le couronne ;
II est noble chez lui, bien fait de sa personne ;
II a I'oreille rouge et le teint bien fleuri :
Vous vivrez trop contente avec un tel mari.
Mar. Mon Dieu f . . .
Dor, Quelle allegresse aurez-vous dans votre ame,
Quand d'un epoux si beau vous vous verrez la
femme !
Mar. Ha ! cesse, je te prie, un semblable discours,
Et contre cet hymen ouvre-moi du secours.
C'en est fait, je me rends, et suis prete a tout faire.
Dor. Non, il faut qu'une fille obeisse a son pere,
Voulut-il lui donner un singe pour epoux.
Votre sort est fort beau : de quoi vous plaigne:^
vous?
Vous irez par le coche en sa petite ville,
Qu'en oncles et cousins vous trouverez fertile,
Et vous vous plairez fort a les entretenir.
D'abord chez le beau monde on vous fera venir ;
Vous irez visiter, pour votre bienvenue.
sc. in.] TARTUFFE 46
who does not keep his promise about this marriage :
is your lover to be blamed for that ?
Mar, But am I, by haughty refusal and contemp-
tuous disdain^ to let everyone see my own heart
is too deeply smitten? However much I desire
Valere, am I to cast aside for him my womanly
modesty and my filial duty ? And would you have
me show my heart to the whole world . . . ?
Dor, No, no ! I won't ask you to do anything. I see
you wish to belong to Monsieur Tartuffe ; and I
should do wrong, now I come to think of it, were
I to dissuade you from such a marriage. What
excuse have I for opposing your wishes? The
match in itself is very advantageous. Monsieur
Tartuffe ! oh ! oh ! is it nothing that he should
Eropose for your hand ? Indeed, Monsieur Tartuffe
as looked at the thing in the right light. He is
not a man to be trifled with by any means, and it is
not a piece of bad luck to be his better half. The
world has already crowned him with glory ; he
passes for an aristocrat in his own parish, well set
up in person, with his red ears and his florid com-
plexion. How very happy you will be with such a
husband !
Mar. Oh ! dear . . .
Dor. What delight you will experience when you
become the wife of such a bridegroom !
Mar, Oh ! stop such talk, I beg you, and show me
the way to avoid this marriage. Let us make an
end of it. I give in, and am ready to do anything.
Dor. a daughter should obey her father even if he
wished her to marry an ape. Yours is an enviable
fate ; of what do you complain ? You will go in
the coach to his native town and find yourself rich
in uncles and cousins whom it will delight you ex-
ceedingly to entertain. You will soon be intro-
troduced into the best society ; you will begin by
visits to the magistrate's wife and the tax-surveyor's
lady, who will honour you with a folding-stool. At
46 LE TARTUFFE [acte ii.
Madame la baillive et Madame I'elue,
Qui d'un siege pliant vous feront honorer.
La, dans le carnaval, vous pourrez esperer
Le bal et la grand'bande, a savoir, deux musettes,
Et parfois Fagotin et les marionnettes.
Si pourtant votre epoux . . .
Mar. Ah ! tu me fais mourir.
De tes conseils plutot songe a me secourir.
Dob. Je suis votre servante.
Mab. Eh ! Dorine, de grace . . .
Dob. II faut, pour vous punir, que cette affaire passe.
Mab. Ma pauvre fiUe !
Dob. Non.
Mar. Si mes voeux declares . . .
Dob. Point : Tartuffe est votre homme, et vous en
taterez.
Mab. Tu sais qu'a toi toujours je me suis confiee :
Fais-moi . . .
Dob. Non, vous serez, ma foi ! tartuffiee.
Mab. H^ bien ! puisque mon sort ne saurait t'emou-
voir,
Laisse-moi desormais toute a mon desespoir :
C'est de lui que mon coeur empruntera de I'aide,
Et je sais de mes maux I'infaillible remede.
(Elle veut s'en aller.)
Dob. H^ ! la, la, revenez. Je quitte mon courrouz.
II faut, nonobstant tout, avoir pitie de vous.
Mar. Vois-tu, si Ton m' expose a ce cruel martyre,
Je te le dis, Dorine, il faudra que j'expire.
Dob. Ne vous tourmentez point. On peut adroite-
ment
Empecher . . . Mais voici Valere, votre amant.
sc. III.] TARTUFFE 47
carnival time you may hope for a ball there, the
grand local band, consisting of two bagpipes, in
attendance, and possibly the learned ape will be
present and marionettes, only, if your husband . . .
Mar. Oh ! you are enough to kill me. Help me
rather with your advice.
Dor. I am your servant.
Mar. Ah ! Dorine, for pity's sake . . .
Dor. This matter ought to go through in order to
punish you.
Mar. My dear girl !
Dor. No.
Mar. If my declared vows . . .
Dor. No. Tartuffe is your man, and you must have
him.
Mar. You know I have always trusted in you. Help
me . . .
Dor. No, upon my word you shall be tartufFed.
Mar. Very well, since my fate fails to move you,
leave me alone henceforth with my despair : my
heart shall borrow help from that, and I know
there is one unfailing remedy for my misery.
(She turns to go.)
Dor. Here ! stop, stop, come back. I won't be angry
any longer. It seems I must take pity on you, in
spite of everything.
Mar. Dorine, you may be sure if they force me to
endure this cruel martyrdom I shall surely die.
Dor. Do not worry yourself. We will be too clever
for them, and prevent . . . But here comes your
lover Valere.
48 LE TARTUFFE [aotb ii.
Sc^NE IV
VAiiaiE, Mariane^ Dorinb
Val. On vient de debiter, Madame, une nouvelle
Que je ne savais pas, et qui sans doute est belle.
Mar. Quoi?
Vxh. Que vous epousez Tartuffe.
Mar. 11 est certain
Que mon pere s'est mis en tete ce dessein.
Val. Votre pere, Madame . . .
Mar. a change de visee :
La chose vient par lui de m'etre proposee.
Val. Quoi? serieusement .f*
Mar. Oui, serieusement.
II s'est pour cet hymen declare hautement.
Val. Et quel est le dessein ou votre ame s'arrete,
Madame ?
Mar. Je ne sais.
Val. La reponse est honnete.
Vous ne savez.''
Mar. Non.
Val. Non.?
Mar. Que me conseillez-vous ?
Val. Je vous conseille, moi, de prendre cet epoux.
Mar. Vous me le conseillez }
Val. Oui.
Mar. Tout de bon ?
Val. Sans doute :
Le choix est glorieux, et vaut bien qu'on I'ecoute,
Mar. He bien ! c'est un conseil. Monsieur, que je
re^ois.
Val. Vous n'aurez pas grand'peine a le suivre, je
crois.
Mar. Pas plus qu'a le donner en a souffert votre
ame.
Val. Moi, je vous I'ai donne pour vous plaire, Madame,
Mar. Et moi, je le suivrai pour vous faire plaisir.
Dor. Voyons ce qui pourra de ceci reussir.
sc. IV. 3 TARTUFFE 49
Scene IV
Val^ire, Mariane, Dorine.
Val. I have just been told a very pretty piece of
news which I did not know.
Mar. What is it ?
Val. That you are to marry Tartuffe.
Mar. It is true my father has this design in his
head.
Val. Your father^ Madam . . .
Mar. Has changed his mind : he has just proposed
this thing to me.
Val. What, seriously .-'
Mar. Yes, seriously. He has declared himself openly
for the match.
Val. And what is your own decision in the matter,
Madam.
Mar. I do not know.
Val. a candid answer. You do not know ?
Mar. No.
Val. No?
Mar. What do you advise me ?
Val. I } I advise you to accept this husband.
Mar. You advise me that }
Val. Yes.
Mar. In earnest ?
Val. Without doubt : the choice is excellent and well
worth considering.
Mar. Very well, then, sir, I will act on the advice.
Val. That will not be very disagreeable, I imagine.
Mar. Not more painful than for you to give it
Val. I .^ I gave it to please you. Madam.
Mar. And I .? I shall follow it to please you.
Dor. Let us see what will come of this.
60 LE TARTUFFE [actb ii.
Val. C'est done ainsi qu'on aime ? Et c'etait trom-
perie
Quand vous . . .
Mab. Ne parlons point de cela^ je vous prie.
Vous m'avez dit tout franc que je dois accepter
Celui que pour epoux on me veut presenter :
Et je declare, moi, que je pre'tends le faire,
Puisque vous m'en donnez le conseil salutaire.
Val. Ne vous excusez point sur mes intentions.
Vous aviez pris deja vos resolutions ;
Et vous vous saisissez d'un pretexte frivole
Pour vous autoriser a manquer de parole.
Mar. II est vrai, c'est bien dit.
Val. Sans doute ; et votre coeur
N'a jamais eu pour moi de veritable ardeur.
Mar. Helas ! permis a vous d'avoir cette pensee.
Val. Oui, oui, permis a moi ; mais mon ame oiFensee
Vous previendra peut-etre en un pareil dessein ;
Et je sais ou porter et mes roeux et ma main.
Mar. Ah ! je n'en doute point ; et les ardeurs qu'ex-
cite
Le merite . . .
Val. Mon Dieu, laissons la le merite :
J'en ai fort peu, sans doute, et vous en faites foi.
Mais j'espere aux bontes qu'une autre aura pour
moi,
Et j'en sais de qui I'ame, a ma retraite ouverte,
Consentira sans honte a reparer ma perte.
Mar. La perte n'est pas grande; et de ce change-
ment
Vous vous consolerez assez facilement.
Val. J'y ferai mon possible, et vous le pouvez croire.
Un coeur qui nous oublie engage notre gloire ;
II faut a I'oublier mettre aussi tous nos soins :
Si Ton n'en vient a bout, on le doit feindre au moins ;
Et cette lachete jamais ne se pardonne,
De montrer de I'amour pour qui nous abandonne.
Mar. Ce sentiment, sans doute, est noble et releve.
Val. Fort bien ; et d'un chacun il doit etre approuve.
H4 quoi.'' vous voudriez qu'a jamais dans mon ame
8c. IV.] TARTUFFE 51 ^f^
Val. This^ then, is your affection? And it was de-
"ception when you . . .
Mar. Pray do not let us talk any more of that. You
told me plainly I ought to accept the husband
selected for me : and I declare I intend to do so,
since you have given me that salutary advice.
VAii. Do not make my advice your excuse. You had
already made up your mind, and you seized a
frivolous pretext to justify the breaking of your
word. " — -~ — '
Mab. Very true, and well put.
Val. No doubt ; and you never really loved me.
Mar. Alas ! think so if you please.
Val. Yes, yes, if I please ; but my slighted love may
perchance forestall you in a similar design ; and I
know where to offer both my heart and my hand.
Mar. Ah ! I do not doubt it. The love which merit
can command . . .
Val. For Heaven's sake, let us leave merit out of the
question : there is but little of it in me, no doubt,
and you have given proof of it. But I have great
hopes of the kindness another woman will have for
me, and I know whose heart will not be ashamed to
consent to make up for my loss when I am free.
Mar. The loss is not great ; and you will be consoled
easily enough by this exchange.
Val. I shall do my best, you may depend. To be •
forgotten wounds self-love ; every endeavour must
be used to forget also ; and if one does not succeed,
one must at least pretend to do so ; for it is an un-
pardonable weakness to appear loving when for-
saken.
Mar. Truly, what noble and praiseworthy sentiments.
Val. Most certainly ; and they should be approved
by everyone. What? Would you have me for
62 LE TARTUFFE [acte ii.
Je gardasse pour vous lea ardeurs de ma flamme,
Et vous visse, a mes yeux, passer en d'autres braSj
Sans mettre ailleurs un coeur dont vous ne voulez
pas?
Mar. Au contraire : pour moi^ c'est ce que je sou-
haite ;
Et je voudrais deja que la chose fut faite.
Val. Vous le voudriez ?
Mar. Oui.
VAii, C'est assez m'insulter,
Madame ; et de ce pas je vais vous contenter.
(II fait un paa pour s'en aller et revient toujours.)
Mab. Fort bien.
Val. Souvenez-vous au moins que c'est vous-meme
Qui contraignez mon coeur a cet effort extreme.
Mar. Oui.
Val. Et que le dessein que mon ame conQoit
N'est rien qu'a votre exemple.
Mar. a mon exemple, soit.
Val. Suffit : vous allez etre a point nomme servie.
Mar. Tant mieux.
Val. Vous me voyez, c'est pour toute ma vie.
Mar. a la bonne heure.
Val. Euh ?
(II s'en va ; et lorsqu'il est vers la porte, 11 se retourne.)
Mar. Quoi ?
Val. Ne m'appelez-vous pas }
Mar. Moi ? Vous revez.
Val. He bien ! je poursuis done mes pas.
Adieu, Madame.
Mar. Adieu, Monsieur.
Dor. Pour moi, je pense
Que vous perdez I'esprit par cette extravagance ;
Et je vous ai laisses tout du long quereller.
Pour voir ou tout cela pourrait enfin aller,
Hola ! seigneur Valere.
(EUe va I'arrSter par le bras, et lui, fait mine de grande
resistance. )
Val. He ! que veux-tu, Dorine .''
Dor. Venez ici.
gc. IV.] TARTUFFE 63
ever cherish in my heart the warmth of my passion
for you ? Am I to see you throw yourself into the
arms of another before my face, and not elsewhere
bestow the heart you no longer want ?
Mar. On the contrary : I confess that is exactly what
I desire. I wish the thing were done already.
Val. You wish it.''
Mar. Yes.
Val. You insult me, Madam. I will go at once to
satisfy you. Uu'V^"
(He turns to go but keeps on coining back.) f
Mar. Very well.
Val. Recollect at least that it is you yourself who
drive me to this extremity.
Mar. Yes.
Val. And that the design I have in my mind is but
to follow your example.
Mar. My example let it be.
Val. Be it so : you will be served just as you wish.
Mar. I am very glad.
Val. You see me for the last time in your life.
Mar. That is all right.
Val. Eh.?
(He goes ; and when he is near the door he returns.)
Mar. What.?
Val. Did you call me ?
Mar. I } You are dreaming.
Val. Ah ! well, I will go my way then. Farewell,
Madam.
Mar. Farewell, Monsieur.
Dor. I think you are mad to talk such nonsense ; I
have left you to quarrel all this time to see how far
you would go. Stop there, seigneur Valere !
(She takes hold of his arm to stop him, and he makes a
great show of resistance).
Val. Well, what do you want, Dorine?
Dor. Come here.
64 LE TARTUFFE [actb ii.
Val. Non, non, le depit me domine :
Ne me ddtourne point de ce qu'elle a voulu.
Dor. Arretez.
Val. Non, vois-tu ? c'est un point resolu.
DoK. Ah!
Mar. II souflFre a me voir, ma presence le chasse,
Et je ferai bien mieux de lui quitter la place.
Dor. (Elle quitte Val±rk, et court kMABiAKx.)
A I'autre. Ou courez-vous .''
Mar. Laisse.
Dor. II faut revenir.
Mar. Non, non, Dorine ; en vain tu veux me retenir.
Val. Je vois bien que ma vue est pour elle un sup-
plice,
Et sans doute il vaut mieux que je Ten affranchisse.
Dor. (Elle quitte Mabians, et court k VxiiiRB.)
Encor .'' Diantre soit fait de vous si je le veux !
Cessez ce badinage, et venez §a tous deux.
(Elle les tire I'un et I'autre.)
Val. Mais quel est ton dessein ?
Mar. Qu'est-ce que tu veux faire .''
Dor. Vous bien remettre ensemble, et vous tirer
d'affaire.
Etes-vous fou d'avoir un pareil demele ?
Val. N'as-tu pas eutendu comme elle m'a parl^.?*
Dor. Etes-vous folle, vous, de vous etre emport^e }
Mar. N'as-tu pas vu la chose, et comme il m'a trait^e.-*
Dor. Sottise des deux parts. Elle n'a d'autre soin
Que de se conserver a vous, j'en suis temoin.
II n'aime que vous seule, et n'a point d'autre envie
Que d'etre votre epoux ; j'en re'ponds sur ma vie.
Mar. Pourquoi done me donner un semblable con-
seil }
Val. Pourquoi m'en demander sur un sujet pareil .''
Dor. Vous etes fous tous deux, ^a, la main I'un et
I'autre.
AUons, vous.
sc. IV.] TARTUFFE 65
Val. No, no, I am too indignant. Do not turn me
away from doing her will.
Dor. Stop.
Val. No, do you not see my mind is made up ?
Dor. Ah !
Mar. He cannot bear to see me, my presence drives
him away. I had much better give up the place to
him.
Dor. (She leaves ValArb and runs to Mabiane.) Here goes
another. Where are you running oflF to }
Mar. Let me go.
Dor. You must come back.
Mar. No, no, Dorine, it is in vain for you to try to
keep me.
Val. I see plainly the sight of me annoys her, and
doubtless I had better rid her of my presence.
Dor. (She leaves Mariane and runs to VALfcRE). Again ?
Deuce take you if I wish it ! Stop this fooling and
come here, both of you.
(She seizes hold of them both.)
Val. What do you want ?
Mar. What are you going to do ?
Dor. To bring you together again, and set things
straight. Are you mad to wrangle like this ?
Val. Did you not hear how she spoke to me ?
Dor. Are you an idiot to have got into such a passion?
Mar. Did you not see how it all happened, and how
he treated me ?
Dor. Folly on both sides. She has no other wish
than to remain yours ; I can vouch for it. He loves
you only, and desires nothing else than to be your
husband ; I will answer for it with my life.
Mar. Why, then, did you give me such advice .''
Val. Why did you ask for it on such a subject?
Dor. What a couple of fools you are. Come, now,
give me your hands here.
66 LE TARTUFFE [acte ii.
Val. (en donnant sa main k Dorinb.) A quoi bon ma
main ?
Dor. Ah ! §a la votre.
Mab. (en donnant ausai sa main.) De quoi sert tout
cela.''
Dor. Mon Dieu ! vite, avancez.
Vous vous aimez tous deux plus que vous ne pensez.
Val. Mais ne faites done point les choses avec peine,
Et regardez un peu les gens sans nulle haine.
(Makiane toume I'oeil sur VALiuB et fait un petit souris. )
Dor. A vous dire le vrai, les amants sont bien fous !
Val. Ho 5a n'ai-je pas lieu de me plaindre de vous?
Et pour n'en point mentir, n'etes-vous pas mechante
De vous plaire a me dire une chose affligeante ?
Mar. Mais vous, n'etes-vous pas I'homme le plus
ingrat ....''
Dor. Pour une autre saison laissons tout ce debat,
Et songeons a parer ce facheux mariage.
Mar. Dis-nous done quels ressorts il faut mettre en
usage.
Dor. Nous en ferons agir de toutes les fa§ons.
Votre pere se moque, et ce sont des chansons :
Mais pour vous, il vaut mieux qu'a son extravagance
D'un doux consentement vous pretiez I'apparence,
Afin qu'en cas d'alarme il vous soit plus aise
De tirer en longueur cet hymen propose.
En attrapant du temps, a tout on remedie.
Tantot vous payerez de quelque maladie.
Qui viendra tout a coup et voudra des delais ;
Tantot vous payerez de presages mauvais :
Vous aurez fait d'un mort la rencontre facheuse,
Casse quelque miroir, ou songe d'eau bourbeuse.
Enfin le bon de tout, c'est qu'a d'autres qu'a lui
On ne vous peut lier, que vous ne disiez ' oui.'
Mais pour mieux reussir, il est bon, ce me semble,
Qu'on ne vous trouve point tous deux parlant en-
semble.
(A ValAre.)
Sortez, et sans tarder employez vos amis,
Pour vous faire tenir ce qu'on vous a promis.
8c. IV.] TARTUFFE 67
Val. (giving his hand to Dorine.) What is the good of
my hand ?
Dob. Ah ! now, then, yours.
Mab. (also giving her hand.) What is the good of my
hand .-*
Dor. Goodness ! be quick, come on. You both are
fonder of each other than you think.
Val. Don't do things with such a bad grace, then,
but give a man a civil look.
(Mariane turns her eyes on VAtiRE and smiles a little.) '
Dob. What silly creatures lovers are, to be sure !
Val. But still, have I not cause to complain of you ?
And, to say the least, were you not unkind to utter
such cruel things to me ?
Mar. But you, are you not also the most ungrateful
man ....''
Dor. Let us leave all this talk for another time, and
consider how we can avert this wretched marriage.
Mab. Tell us, then, what plans we must prepare.
Dob. We will try every means. Your father is only
jesting, and it is mere talk ; but as for you, you
had better pretend to humour his whim dutifully,
so that in case of alarm it would be easier for you
to put the wedding off indefinitely. In gaining
time, we remedy everything. Sometimes you will
give sudden illness as an excuse, and so cause
delays ; at other times you will bring forward some
ill-omen : you had the ill-luck to meet a corpse,
broke a mirror, or dreamt of muddy water. But
the best of all is that they cannot marry you either
to others or to him unless you say * yes.' However,
the best way to succeed, I think, is for you two not
to be seen talking together.
(To VALiBK.)
Go away at once, and without delay employ your
friends to make her father keep his promise to you.
68 LE TARTUFFE [actb hi.
Nous aliens reveiller les efforts de son frere,
Et dans notre parti jeter la belle-mere.
Adieu.
Val. {k Mabiank.) Quelques efforts que nous preparions
tous.
Ma plus grande esperance, a vrai dire^ est en vous.
Mab. {h, VALiRK.) Je ne vous reponds pas des volontes
d'un pere ;
Mais je ne serai point a d'autre qu'a Valere.
Val. Que vous me comblez d'aise ! Et quoi que puisse
oser . . .
Dor. Ah ! jamais les amants ne sont las de jaser.
Sortez, vous dis-je.
Val. (n fait un pas et revient.) Enfin . . .
Dor. Quel caquet est le votre
Tirez de cette part ; et vous, tirez de 1' autre.
(Les poussant chacun par I'^paule.)
FIN DU SECOND ACTB
ACTE III
SciiNE I
Dahis, Dorine
Dam. Que la foudre sur I'heure acheve mes destins,
Qu'on me traite partout du plus grand des faquins,
S'il est aucun respect ni pouvoir qui m'arrete,
Et si je ne fais pas quelque coup de ma tete !
Dor. De grace, moderez un tel emportement :
Votre pere n'a fait qu'en parler simplement.
On n'execute pas tout ce qui se propose,
Et le chemin est long du projet a la chose.
Dam. II faut que de ce fat j'arrete les complots,
Et qu'a I'oreille un peu je lui dise deux mots.
Dor. Ha ! tout doux ! envers lui, comme envers
votre pere,
80. I.] TARTUFFE 69
We will enlist the efforts of his hrother and the
interest of the step-mother on our side. Good-
bye.
Val. (To Mabianb.) Whatever efforts we all make my
greatest hope is really in you.
Mar. (To Valebb.) I cannot answer for the will of a
father, but I will not belong to any one but Valere.
Val. Oh ! how happy you make me. And whatever
they may attempt . . .
Dor. Ah ! lovers never weary of chattering. Be off,
I tell you.
Val. (He goes a step and returns.) In short . . .
Dor. What a cackle you make ! You take yourself
off that way ; and you, the other.
(Pushing each by the shoulder.)
END OF THE SECOND ACT
ACT III
Scene I
DamiSj Dorine
Dam. May I be struck down by lightning this very
moment, may everybody look upon me as the
greatest of scamps, if there is any respect or power
to stop me from doing something rash !
Dor. For heaven's sake control your temper : your
father merely mentioned the matter. People do
not carry out all they propose : there is many a
slip 'twixt the cup and the lip.
Dam. I must put a stop to this fellow's intrigues and
whisper a few words in his ear.
Dor. Gently, gently, let your stepmother manage
him, and your father as well. She has soniie in-
60 LE TARTUFFE [actb m.
Laissez agir les soins de votre belle-mere.
Sur I'esprit de Tartuffe elle a quelque credit ;
II se rend complaisant a tout ce qu'elle dit,
Et pourrait bien avoir douceur de coeur pour elle.
Plut a Dieu qu'il fut vrai ! la chose serait belle.
Enfin votre interet I'oblige a le mander :
Sur I'hymen qui vous trouble elle veut le sonder,
Savoir ses sentiments, et lui faire connaitre
Quels facheux demeles il pourra faire naitre,
S'il faut qu'a ce dessein il prete quelque espoir
Son valet dit qu'il prie, et je n'ai pu le voir ;
Mais ce valet m'a dit qu'il s'en allait descendre.
Sortez done, je vous prie, et me laissez I'attendre.
Dam, Je puis etre present a tout cet entretien.
Dob. Point. II faut qu'ils soient seuls.
Dam. Je ne lui dirai rien.
Dor. Vous vous moquez : on sait vos transports
ordinaires,
Et c'est le vrai moyen de gater les affaires.
Sortez.
Dam. Non : je veux voir, sans me mettre en courroux.
Dob. Que vousetes facheux ! 11 vient. Retirez-vous.
Scene II
Tartuffe, Laurent, Dobine
Tab. (apercevant Dorine.) Laurent, serrez ma haire avec
ma discipline,
Et priez que toujours le Ciel vous illumine.
Si Ton vient pour me voir, je vais aux prisonniers
Des aumones que j'ai partager les deniers.
Dob. Que d'affectation et de forfanterie !
Tar. Que voulez-vous .''
Dob. Vous dire . . .
Tar. (Iltireunmouchoir desapoche.) Ah! mon Dieu,
je vous prie,
Avant que de parler prenez-moi ce mouchoir.
8c. 11.] TARTUFFE 61
fluence over TartufFe ; he agrees with all she says,
and very likely he has a tender feeling for her.
Would to heaven it were true ! That would
be a fine thing ! Indeed, she has thought it best
to send for him in your interest : she wants to
sound him about the marriage which makes you
so furious, to find out his feelings, and to let him
know what unhappy contentions it would cause
were he to entertain the least hope of realising this
scheme. His man told me he was at his prayers
60 I could not see him ; but he said he was just
coming down ; therefore, pray be gone and leave
me to wait for him.
Dam. I may be present throughout this interview.
Dob. Certainly not : they must be alone.
Dam. I will not say anything to him.
Dob. You deceive yourself: we know what rages you
get into, and that would be the surest way to spoil
everything. Go away.
Dam. No ; I will look on, without losing my temper.
Dor. How tiresome you are ! Here he comes. Do
go away.
Scene II
Tabtupfe, Laurent, Dorinb
Tar. (Perceiving Dorine.) Laurent, lock up my hair-
shirt and my scourge, and pray heaven ever to
enlighten you. If any one comes to see me, say
I have gone to the prisoners to distribute the alms
I have received.
Dob. What aflfectation and boasting !
Tab. What do you want .''
Dob. To tell you . . .
Tab. (He takes a handkerchief out of his pocket. ) Ah ! for
the sake of heaven, pray take this handkerchief
before you speak to me.
62 LE TARTUFFE [acte iii.
Dob. Comment?
Tar. Couvrez ce sein que je ne saurais voir :
Par de pareils objets les ames sont blessees,
Et cela fait venir de coupables pensees.
Dob. Vous etes done bien tendre a la tentation,
Et la chair sur vos sens fait grande impression }
Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte :
Mais a convoiter, moi, je ne suis point si prompte,
Et je vous verrais nu du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ne me tenterait pas.
Tab. Mettez dans vos discours un peu de modestie,
Ou je vais sur-le-champ vous quitter la parti e.
Dor. Nonj non, c'est moi qui vais vous laisser en
repos,
Et je n'ai seulement qu'a vous dire deux mots.
Madame va venir dans cette salle basse,
Et d'un mot d'entretien vous demande la gr^ce.
Tar. Helas ! tres-volontiers.
Dor. (en Boi-mSme.) Comme il se radoucit !
Ma foi, je suis toujours pour ce que j'en ai dit.
Tar. Viendra-t-elle bientot.''
Dob. Je I'entends, ce me semble.
Oui, c'est elle en personne, et je vous laisse ensemble.
ScilNE III
Elmibe, Tartufpb
Tab. Que le Ciel a jamais par sa toute-bonte
Et de I'ame et du corps vous donne la sant^,
Et b^nisse vos jours autant que le desire
Le plus humble de ceux que son amour inspire.
Elm. Je suis fort obligee a ce souhait pieux.
Mais prenons une chaise, afin d'etre un peu mieux.
Tab. Comment de votre mal vous sentez-vous remise?
Elm. Fort bien ; et cette fievre a bientot quitte priset
Tab. Mes prieres n'ont pas le merite qu'il faut
BO. HI.] TARTUFFE 63
Dob. What for?
Tab. To coyer Jhat bosom which I cannot bear to
see. Such a sight klnjuriianrtor^the soni ^tni gives
birth to sinful thoughts.
Dor. You are mightily susceptible, then, to tempta-
tion, and the flesh seems to make a great impression ^
on your senses. Truly, I do not know why you should • ^a-^
take fire so quickly : as for me, my passions are not f'^"^^
so easily roused, were I to see you unclothed from
top to toe your hide would not tempt me.
Tar. Be a little more modest in your conversation,
or I shall leave you at once.
Dor. No, no, I am going to leave you in peace, and
I have only two words to say to you. Madame is
coming down into this room, and wishes the favour
of a few moments' talk with you.
Tar. Alas ! most willingly.
Dob. (To herself.) How sweet we are ! Upon my word,
I still stick to what I said about it.
Tar. Will she soon be here .''
Dor. I think I hear her. Tes, here she 18. I will
leave you together.
ScKNE III
Elmjre, Tartuffb
Tar. May a supremely bountiful heaven ever bestow
upon you health of body and of soul, and bless your
days as abundantly as the humblest of its servants
can desire.
Elm. I am much obliged for this« pious wish. But
let us sit down, to be a little more at our ease.
Tar. Have you quite recovered from your indis-
position .''
Elm. Quite : the fever soon left me.
Tar. My prayers are not worthy to have drawn down
64 LE TARTUFFE [acts m.
Pour avoir attire cette grkce d'en haut ;
Mais je n'ai fait au Ciel nuUe devote instance
Qui n'ait eu pour objet votre convalescence.
Elm. Votre zele pour moi s'est trop inquiete.
Tab. On ne peut trop cherir votre chere sante,
Et pour la retablir j'aurais donne la mienne.
Elm. C'est pousser bien avant la charite chretienne,
Et je vous dois beaucoup pour toutes ces bontes.
Tab. Je fais bien moins pour vous que vous ne
meritez.
Elm. J'ai voulu vous parler en secret d'une affaire,
Et suis bien aise ici qu'aucun ne nous eclaire.
Tab. J'en suis ravi de meme, et sans doute il m'est
doux,
Madame, de me voir seul a seul avec vous :
C'est une occasion qu'au Ciel j'ai demandee,
Sans que jusqu'a cette heure il me I'ait accordee.
Elm. Pour moi, ce que je veux, c'est un mot d'en-
tretien,
Ou tout votre coeur s'ouvre, et ne me cache rien.
Tab. Et je ne veux aussi pour grace singuliere
Que montrer a vos yeux mon ame tout entiere,
Et vous faire serment que les bruits que j'ai faits
Des visites qu'ici regoivent vos attraits
Ne sont pas envers vous I'efFet d'aucune haine,
Mais plutot d'un transport de zele qui m'entraine,
Et d'un pur mouvement . . .
Elm. Je le prends bien aussi^
Et crois que mon salut vous donne ce souci.
Tab. (Illui serreleboutdesdoigts.) Oui, Madame, sans
doute, et ma ferveur est telle . . .
Elm. Ouf ! vous me serrez trop.
Tab. C'est par exces de zele.
Et vous faire autre mal je n'eus jamais dessein,
Et j'aurais bien plutot . . .
(II lui met la main sur le genou.)
EiiM. Que fait la votre main ?
Tab. Je tate votre habit : I'etoffe en est moelleuse.
Elm. Ah ! de grace, laissez, je suis fort chatouilleuse.
(Elle recule sa chaise, et Tartuffs rapproche la sienne.)
8C. III.] TARTUFFE 65
such favour from heaven ; but I have not offered up
a single pious aspiration which has not had your
recovery for its object.
Elm. You are too solicitous in my behalf.
Tar. It is impossible to be too anxious concerning
your precious health ; I would have sacrificed my
own to re-estjiblish yours.
Elm. You carry Christian charity to an extreme; I
am much indebted to you for all this kindness.
Tar. I do much less for you than you deserve.
E£m. I wished to speak privately to you on a certain
matter. I am very glad no one is watching us.
Tar. I am equally delighted^ and it is indeed very
pleasant, Madame, to find myself quite alone with
you. I have often implored heaven to grant me
this favour, but until now it has been denied
me.
Elm. I too wish a few words with you ; I hope you
will speak openly to me and not hide anything
from me.
Tar. I have but the wish, in return for this singular
favour, to lay bare my whole soul to you, and to
swear to you that the reports which I have spread
abroad concerning the visits paid here to your
charms do not spring from any hatred towards you,
but rather from a passionate zeal which carries me
away, and f'-""' « pnro mntivp , , .
Elm. I quite understand, and I feel sure the pains
you take are for my welfare.
Tar. (He presses the end of her fingerspYes. Madame,
you are right, and such Tsmy devotion , . , ,
Elm. Oh ! you squeeze me too hard.
Tar. It is from excess of zeal. I never had any in-
tention of doing you any other ill ; I would much
sooner . . .
Elm. Why do you put your hand there ?
Tar. I am feeling your dress : the stuff is very soft.
Elm. Oh ! please, leave off, I am very ticklish.
(She pushes backher chair, and Tartuffk draws his nearer.)
66 LE TARTUFFE [actb iil
Tab. Mon Dieu ! que de ce point I'ouvrage est mer-
veilleux !
On travaille aujourd'hui d'un air miraculeux ;
Jamais^ en toute chose, on n'a vu si bien faire.
Elm. II est vrai. Mais parlons un peu de notre affaire.
On tient que mon mari veut degager sa foi,
Et vous donner sa fille. Est-il vrai, dites-moi .»*
Tar. II m'en a dit deux mots ; mais, Madame^ a vrai
dire,
Ce n'est pas le bonheur apres quoi je soupire ;
Et je vois autre part les merveilleux attraits
De la felicite qui fait tous mes souhaits.
Elm. C'est que vous n'aimez rien des choses de la
terre.
Tar. Mon sein n'enferme pas un coeur qui soit de
pierre.
Elm. Pour moi, je crois qu'au Ciel tendent tous vos
soupirs,
Et que rien ici-bas n'arrete vos desirs.
Tar. L' amour qui nous attache aux beautes eternelles
N'etouffe pas en nous I'amour des temporelles ;
Nos sens facilement peuvent etre charmes
Des ouvrages parfaits que le Ciel a formes.
Ses attraits reflechis brillent dans vos pareilles ;
Mais il etale en vous ses plus rares merveilles :
II a sur votre face epanche des beautes
Dont les yeux sont surpris, et les coeurs transportes,
Et je n'ai pu vous voir, parfaite creature,
Sans admirer en vous I'auteur de la nature,
Et d'une ardente amour sentir mon coeur atteint,
Au plus beau des portraits ou lui-meme il s'est peint.
D'abord j'appre'hendai que cette ardeur secrete
Ne fut du noir esprit une surprise adroite ;
Et meme a fuir vos yeux mon coeur se resolut
Vous croyant un obstacle a faire mon salut.
Mais enfin je connus, 6 beaute tout aimable.
Que cette passion pent n'etre point coupable,
Que je puis I'ajuster avecque la pudeur,
Et c'est ce qui m'y fait abandonner mon coeur.
8c. III.] TARTUFFE 67
Tab. Heavens ! how marvellous is the workmanship
of this lace ! Work nowadays is wonderfully
skilful ; one could not imagine anything more
beautifully made.
Elm. It is true. But let us talk a little about our
business. They say my husband wishes to break
his word and give you his daughter. Tell me, is
it true ."*
Tab. He did just mention it ; but, Madame, to tell
you the truth, thatJsjiatJJieJiaBJUJi«sa»£Qi_ffiliich
I sigh ; I see elsewjberfi, the perfect attractions of
that bliss which is the end of alf my-^sirea.
Elm. That is because you have no love for the things
of the~eMth. - '
Tab. My Ibreast does not contain a heart of flint. ___
Elm. I quite believe all your sighs tend heaven-
wards, and that nothing here below satisfies your
desires.
Tab. Our love for the beauty which is eternal does
not stifle in us the love for things fleeting ; our
senses can easily be charmed with the perfect works
which heaven has created. Its reflected loveliness
shines forth in such as are like you ; but in you
yourself it displays its choicest wonders. It has
lavished on your face a beauty which dazzles the
eyes and transports the heart, and I am unable to
gaze' on you, you perfect creature, without adoring
in you the author of nature, and withou]: feeling' my
heariL-agized- with a passionate laxa_£aiL_tlifi_most
beautiful of the portraits in which he has delineated
himself. At first I feared lest this secret tender-
ness might be but an artful assault of the evil one ;
and my heart even resolved to flee from your eyes,
fearing you might be a stumbling-block in the way
of my salvation. But at last I learnt, ah ! most
entrancing beauty, that this passion need not be a
guilty one, that I could reconcile it with modesty,
and so I have let my heart give way to it. It is, I
68 LE TARTUFFE [aote hi.
Ce m'est, je le confesse, une audace bien grande
Que d'oser de ce coeur vous adresser I'ofFrande ;
Mais j 'attends en mes vceux tout de votre bonte,
Et rien des vains efforts de mon infirmite ;
En vous est mon espoir, mon bien, ma quie'tude,
De vous depend ma peine ou ma beatitude,
Et je vais etre enfin, par votre seul arret,
Heureux, gi vous voulez, malheureux, s'il vous
plait.
Elm. La declaration est tout a fait galante,
Mais elle est, a vrai dire, un peu bien surprenante.
Vous deviez, ce me semble, armer mieux votre sein,
Et raisonner un peu sur un pareil dessein.
Un devot comme vous, et que partout on nomme . . .
Tar. Ah ! pour etre de'vot, je n'en suis pas moins
homme ;
Et lorsqu'on vient a voir vos celestes appas,
Un coeur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
Je sais qu'un tel discours de moi parait etrange ;
Mais, Madame, apres tout, je ne suis pas un ange ;
Et si vous condamnez I'aveu que je vous fais,
Vous devez vous en prendre a vos charmants attraits.
Des que j'en vis briller la splendeur plus qu'humaine,
De mon interieur vous futes souveraine ;
De vos regards divins I'ineffable douceur
For§a la resistance ou s'obstinait mon coeur ;
Elle surmonta tout, jeunes, prieres, larmes,
Et tourna tons mes voeux du cote de vos charmes.
Mes yeux et mes soupirs vous I'ont dit mille fois,
Et pour mieux m'expliquer j'emploie ici la voix.
Que si vous contemplez d'une ame un peu benigne
Les tribulations de votre esclave indigne,
S'il faut que vos bontes veuillent me consoler
Et jusqu'a mon neant daignent se ravaler,
J'aurai toujours pour vous, 6 suave merveille,
Une devotion a nulle autre pareille.
Votre honneur avec moi ne court point de hasard,
Et n'a nulle disgrace a craindre de ma part.
Tons ces galants de cour, dont les femmes sent
folles,
sc. III.] TARTUFFE 69
own, a very great presumption in me to dare to offer
you this heart ; but my love expects everything
from your kindness, and nothing from the vain '
efforts of my weakness. Injrou ia_myi__hope, mj
happiness, my peace, on ynii Idftppjids my torment
orntnyL bliss ; in truth, I shall be happy if you will
it, or unhappy if such be your pleasure : you are
thjofllfi-arliitress.
Elm, The declaration is most gallant, but it is cer-
tainly a little surprising. I think you ought to
have guarded your heart more carefully, and have
reflected a little upon such a design. A pious man
like you, whose name is in every one's rfiouth . . .
Tar. -Ah.! I may be piouSy but I am none the_lfi&a.a
'fL"' ''" "
man ; and when your heavenly charms are seen
{EeHieart surrenders without reasoning. I know
BUffh language from mft must seem strange: but,
after all, Madame, 1 am not an ange], ai]d^ if y^]fi
condemn my avowal, you must lay the blame on
youf captivating attractions. Von became the
queen of my heart the moment your ethereal
beauty first shone upon me ; the ineffable sweet-
ness of your divine looks broke down the resistance
of my obstinate heart ; it overcame everything —
fasting, prayers, tears, and diverted all my thoughts
to the consideration of your charms. J^jcJooks
and my sighs have declared this Jo you^a thousand
times, and to make it still clearer 1 now ^J3~my
voice. If it should happen that you would look
upon the sufferings of your unworthy slave a little
kindly, if you would only of your bounty take
compassion upon me and deign to stoop even to
my insignificance, 1 should ever have for you, ah !
miracle of grace, a devotion beyond comparison.
With me your reputation is not in danger, and you
need not fear any disgrace from me. AH those
court gallants upon whom women dote are noisy
in their doings and boastful in their talk, ceaselessly
bragging of their successes ; they do not receive any
70 LE TARTUFFE [actb iu.
Sont bruyants dans leurs faits et vains dans leura
paroles,
De leurs progres sans cesse on les voit se targuer ;
lis n'ont point de faveurs qu'ils n'aillent divulguer,
Et leur langue indiscrete, en qui Ton se confie,
Deshonore I'autel ou leur coeur sacrifie.
Mais les gens comme nous brulent d'un feu discret,
Avec qui pour to uj ours on est sur du secret :
Le soin que nous prenons de notre renommee
R^pond de toute chose a la personne aimee,
Et c'est en nous qu'on trouve, acceptant notre
coeur,
De I'amour sans scandale et du plaisir sans peur.
Elm. Je vous ecoute dire, et votre rhetorique
En termes assez forts a mon ame s'explique.
N'apprehendez-vous point que je ne sois d'humeur
A dire a mon mari cette galante ardeur,
Et que le prompt avis d'un amour de la sorte
Ne put bien alterer I'amitie qu'il vous porte ?
Tau. Je sais que vous avez trop de benignite',
Et que vous ferez grace a ma temerite.
Que vous m'excuserez sur I'humaine faiblesse
Des violents transports d'un amour qui vous blesse,
Et considererez, en regardant votre air.
Que Ton n'est pas aveugle, et qu'un homme est de
chair.
Elm. D'autres prendraient cela d'autre fagon peut-
etre;
Mais ma discretion se veut faire paraitre.
Je ne redirai point I'affaire a mon epoux ;
Mais je veux en revanche une chose de vous :
C'est de presser tout franc et sans nulle chicane
L'union de Valere avecque Marians,
De renoncer vous-meme a I'injuste pouvoir
Qui veut du bien d'un autre enrichir votre espoir,
Et . . .
so. III.] TARTUFFE 71
favours which they do not divulge, and their indis-
creet tongues, in which people believe, dishonour
the altar where their hearts worship. But people
like ourselves love more discreetly, and our secrets
are always safely kept. The care which we take of
our reputation is a sufficient safeguard to the woman
loved, who finds, in accepting our devotion, love
without scandal and pleasure without fear.
Elm. I have listened to what you say, and your
eloquence expresses itself to me in sufficiently strong
terms. Are you not afraid I may be disposed to
tell my husband of this ardent devotion, and that
the sudden knowledge of such a feeling may well
cause him to change his friendship for you .''
Tar.. I know you are too gracious, and that you will
forgive my boldness ; you will excuse, in considera-
tioii of human frailty, the passionate raptures of a
love which offends you, and you will consider, when
you look in your mirror, that people are not blind,
and that a man is of the flesh. U3&^'
Elm. Others may perhaps take all this in a different
way, but I will exercise discretion. I will not speak
to my husband about the matter, but I want one
thing from you in return : and that is, to forward
honestlyand openly the union of ValereandMariane,
and to renounce the unj uatjmffip.r wh ich would enrich
you with what belongs to another, ant
72 LE TARTUFFE [actb uu
Scene IV
Damis, Elmike, Tartuffk
Dam. (sortantdu cabinet oil ils'^tait retire.) Non, Madame,
non : ceci doit se repandre.
J'etais en cet endroit, d'ou j'ai pu tout entendre ;
Et la bonte du Ciel m'y semble avoir conduit
Pour confondre I'orgueil d'un traitre qui me nuit,
Pour m'ouvrir une voie a prendre la vengeance
De son hypocrisie et de son insolence,
A detromper mon pere, et lui mettre en plein jour
L'ame d'un scelerat qui vous parle d' amour.
Elm. Non, Damis : il suffit qu'il se rende plus sage,
Et tache a meriter la grace ou je m'engage.
Puisque je I'ai promis, ne m'en dedites pas.
Ce n'est point mon humeur de faire des eclats :
Une femme se rit de sottises pareilles,
Et jamais d'un mari n'en trouble les oreilles.
Dam. Vous avez vos raisons pour en user ainsi,
Et pour faire autrement j'ai les miennes aussi.
Le vouloir epargner est une raillerie ;
Et I'insolent orgueil de sa cagoterie
N'a triomphe que trop de mon juste courroux,
Et que trop excite de desordre chez nous.
Le fourbe trop longtemps a gouverne mon pere,
Et desservi mes feux avec ceux de Valere.
II faut que du perfide il soit desabuse,
Et le Ciel pour cela m'oiFre un moyen aise.
De cette occasion je lui suis redevable,
Et pour la ne'gliger, elle est trop favorable :
Ce serait meriter qu'il me la vint ravir
Que de I'avoir en main et ne m'en pas servir.
DiiM. Damis . . .
Dam. Non, s'il vous plait, il faut que je me croie.
Mon ame est maintenant au comble de sa joie ;
Et vos discours en vain pretendent m'obliger
A quitter le plaisir de me pouvoir venger.
Sans aller plus avant, je vais vider I'affaire ;
Et voici justement de quoi me satisfaire.
I
60. IV.] TARTUFFE 73
Scene IV
Damis, Elmire, Tartuffb
Dam. (Coming out of the little room in which he had been
hiding.) No, Madame, no ; this ought to be made
public. I have been in here, where I have over-
heard everything ; and heaven in its goodness seems
to have directed me here to confound the pride of
a traitor who wrongs me,^ J:q point„ out a^ way to
take vengeance on his hypocrisy and his insolence,
'loundeceive my^faEHer and to show him plainly the
heart of the scoundrel who speaks to you of loye.
Eiji. No, Damis : it is sufficient that he promises to
amend and tries to deserve the forgiveness to which
I have committed myself. Since I have promised it,
do not make me break my word. 1 have no mind
to cause a scandal : a woman laughs at such follies,
and never troubles her husband's ears with them.
Dam. You have your reasons for acting thus and I
have mine also for dealing otherwise. It is a
mockery to wish to spare him ; the insolent pride
of his bigotry has lorded it over my just anger but
too often, and he has caused too many troubles in
our house. The knave has governed my father too
long, and he has thwarted my love as well as Valere's.
It is necessary tiiy father should have his eyes opened
to this treachery, and Providence has oflFered me for
that an easy opportunity for which I am thankful.
It is too favourable to be neglected ; and were I
not to use it whilst I have it in my hands, I should
deserve to have it snatched away from me.
Elm. Damis . . .
Dam. No, by your leave, I must take my own counsel.
My heart is now overjoyed : it is in vain for you
to try to persuade me to give up the pleMUrfc-of
revenging myself] I shall drsclose the affair with-
out delay, and here is just the very opportunity I
want.
74 LE TARTUFFE [actb hi.
Sc^NE V
Orgon, Damis, Tabtuffb, Elmirb
Dam. Nous allons regaler, mon pere, votre abord
D'un incident tout frais qui vous surprendra fort.
Vous etes bien paye de toutes vos caresses,
Et Monsieur d'un beau prix reconnait vos tendresses.
Son grand zele pour vous vient de se declarer :
II ne va pas a moins qu'a vous deshonorer ;
Et je I'ai surpris la qui faisait a Madame
L'injurieux aveu d'une coupable flamme.
Elle est d'une humeur douce, et son coeur trop
discret
Voulait a toute force en garder le secret ;
Mais je ne puis flatter une telle impudence,
Et crois que vous la taire est vous faire une offense.
Ex>M. Oui, je tiens que jamais de tous ces vains propos
On ne doit d'un mari traverser le repos.
Que ce n'est point de la que I'honneur peut de-
pendre,
Et qu'il suflit pour nous de savoir nous defendre :
Ce sont mes sentiments ; et vous n'auriez rien dit,
Damis, si j 'avals eu sur vous quelque credit.
SciNE VI
Orqon, Damis, Tartuffb
Org. Ce que je viens d'entendre, 6 Ciel ! est-il cro-
yable ?
Tar. Oui, mon frere, je suis un mechant, un coupable,
Un malheureux pecheur, tout plein d'iniquite,
Le plus grand scelerat qui jamais ait ete ;
Chaque instant de ma vie est charge de souillures ;
Elle n'est qu'un amas de crimes et d'ordures ;
Et je vols que le Ciel, pour ma punition,
Me veut mortifier eu cette occasion.
6C. VI.] TARTUFFE 7^
Scene V
Obgon, Damis, Tartuffb, Elmire
Dam. Come, father, we will enliven your arrival with
an altogether novel and very surprising piece of
news. You are well rewarded for all your caresses ;
this gentleman amply recompenses your kindness.
His great zeal for you has just revealed itself: it
aims at nothing less than to dishonour yqu. I have
here overheard mm make shameful avowal of a
guilty passion. She, being too prudent and good-
natured, insisted at all hazards upon keeping the
matter secret ; but I cannot countenance such im-
pudence, and I should wrong you were I to keep
silence.
Elm. Yes, I hold that it is better never to disturb the
peace of mind of one's husband by such silly non-
sense. Honour does not depend on the confession
of attacks upon it, and it is enough for us that we
know how to protect ourselves. These are my
own sentiments. You would not have said any-
thing, Damis, if I had had more influence over you.
Scene VI
Orqon, Damis, Tartuffb
Org. What do I hear? Good heavens, is it possible?
Tar. Yes, brother, I am a wicked, miserable and
guilty sinner, full of iniquity, the greatest wretch
who ever lived. Every moment of my life is weighed
down with pollution ; it is nothing but a mass of ^
crime and corruption, and I see that heaven, for
my punishment, intends to mortify me on this i
occasion. I throw away the pride of self-defence
76 LE TARTUFFE [acte m.
De quelque grand forfait qu'on me puisse reprendre,
Je n'ai garde d' avoir I'orgueil de m'en defendre.
Croyez ce qu'on vous dit, armez votre courroux,
Et comme un criminel chassez-moi de chez vous :
Je ne saurais avoir tant de honte en partage.
Que je n'en aie encor merite davantage.
Org. (k son fils.) Ah ! traitre, oses-tu bien par cette
faussete'
Vouloir de sa vertu ternir la purete ;
Dam. Quoi .-* la feinte douceur de cette ame hypocrite
Vous fera dementir ....''
Org. Tais-toi, peste maudite.
Tar. Ah ! laissez-le parler : vous I'accusez a tort,
Et vous ferez bleu mieux de croire a son rapport.
Pourquoi sur un tel fait m'etre si favorable ?
Savez-vouSj apres tout, de quoi je suis capable ?
Vous fiez-vous, mon frere, a mon exterieur ?
Et, pour tout ce qu'on volt, me croyez-vous meilleur ?
Non, non : vous vous laissez tromper a I'appareiice,
Et je ne suis rien moins, helas ! que ce qu'on pense ;
Tout le monde me prend pour un homme de bien ;
Mais la verite pure est que je ne vaux rien.
(S'adressant k Damis.)
Oui, mon cher fils, parlez : traitez-moi de perfide,
D'infame, de perdu, de voleur, d'homicide ;
Accablez-moi de noms encor plus detestes :
Je n'y contredis point, je les ai merites ;
Et j'en veux a genoux souffrir I'ignominie,
Comme une honte due aux crimes de ma vie.
Ro. (i Tartuffb.) Mon frere, e'en est trop. (A son
fils.) Ton coeur ne se rend point,
Traitre !
Dah. Quoi ? ses discours vous seduiront au point . . .
Org. Tais-toi, pendard. (ATartuffk.) Mon frere, eh!
levez-vous, de grace !
(1 son fils.) Infame !
Dam. II pent . . .
Org. Tais-toi.
Daju. J'eurage ! Quoi.'' je passe
6c. VI.] TARTUFFE 77
no matter what great crime I may be accused of.
Believe what they tell you, let your wrath take up
arms and drive me, like a ci'iminal, from your
house. I deserve even greater shame than I shall
have in being turned away.
Org. (To his son.) Ah ! you villain, how dare you try \ f^V^^^
to sully the purity of his virtue by such false- LAj^'^iJl^^
hoods ? /) />
Dam. What? Does the feigned meekness of this /A/^v i^
hypocrite make you give the lie to . . . ?
Org. Be quiet, you accursed plague.
Tar. Oh ! let him speak : you chide him wrongfully
and you had much better believe his story. WTiy
be favourable to me in the face of such an assertion }
Are you aware, after all, of what I am capable? \
Why trust in my bearingr^<>ther ? W^hy believe ■■
me good because of mioutward professions ?\No,
no; you suffer yourself to~JJ5" deceived by appear-
ances, and I am, alasjjust what these people tlimk.
TEe^wofld takes me for a worthy man; but the
simple trutli is that \ R"i wnrtVii^gg,
(Addressing Damis.)
Yes, my dear boy, speak : accuse me of treachery,
infamy, theft, murder ; overwhelm me with still
more despicable names. I do not deny them, I
have deserved them ; on my knees I will bear the
shameful ignominy due to the sins of my life.
Org. (ToTartuffe.) This is too much, my brother.
(To his son.) Wretch, does not your heart relent?
Dam. JEh»t?—6«i his words so far deceive you . . .?
Org. Hold your tongue, rascal. (ToTartuff3.) Oh!
rise, my brother, I beseech you. (To his son.) In-
famous scoundrel !
Dam. He can . . .
Org. Be quiet.
Dam. Intolerable ! What ? I am taken for . . .
78 LE TARTUFFE [aotb in.
Org. Si tu dis un seul mot, je te romprai les bras.
Tar. Mon frere, au nom de Dieu, ne vous emportez
pas.
J'aimerais mieux soufFrir la peine la plus dure,
Qu'il eut regu pour moi la moindre egratignure.
Org. (iksonfils.) Ingrat !
Tar. Laissez-le en paix. S'il faut, a deux genoux,
Vous demander sa grace . . .
Org. (k Tartupfe.) Helas ! vous moquez-vous ?
(A. son fils.) Coquin ! vols sa bonte.
Dam. Done ...
Org. Paix.
Dam. Quoi? je . . .
Org. Paix, dis-je.
Je sais bien quel motif a I'attaquer t'oblige :
Vous le haissez tous ; et je vois aujourd nui
Femme, enfants et valets dechaines contre lui ;
On met impudemment toute chose en usage,
Pour oter de chez moi ce devot personnage.
Mais plus on fait d'effort afin de Ten bannir.
Plus j'en veux employer a I'y mieux retenir ;
Et je vais me hater de lui donner ma fille.
Pour confondre I'orgueil de toute ma famille.
Dam. a recevoir sa main on pense I'obliger?
Org. Oui, traitre, et des ce soir, pour vous faire
enrager.
Ah ! je vous brave tous, et vous ferai connaitre
Qu'il faut qu'on m'obeisse et que je suis le maitre.
Allons, qu'on se retracte, et qu'a I'instant,
fripon.
On se jette a ses pieds pour demander pardon.
Dam. Qui, moi.'' de ce coquin, qui, par ses impos-
tures . . .
Org. Ah ! tu resistes, gueux, et lui dis des injures !
Un baton ! un baton ! (A TARTurFE.) Ne me retenez
pas.
(k son fils.) Sus, que de ma maison on sorte de ce
P*^\ . ... . 1. ,
Et que d y revenir on n ait jamais 1 audace.
8C. VI.] TARTUFFE 79
Org. If you say another word I will break every
bone.
Tar. Control yourself, my brother, in heaven's name. ■
I would rather suffer the greatest injui-y than that ><^^
he should receive the slightest hurt on my account.
Org. (To his son.) Ungrateful wretch !
Tar. Leave him alone. If I must on my knees ask
you to forgive him . . .
ORG.~(T0-^AimTiTE.) Oh! you jest .^ (To his son.) Ras-
cal ! See how good he is.
Dam. Then . . .
Org. Cease.
Dam. What? I . . .
Org. Cease, I say. I know well the motive which
makes you accuse him. You all hate him ; and I
now see my wifPj children and jgryantq all irn'oncoH
against_-him. Youjtry every impudent_Jxi«k to
drive this saintly person awayfTXTIfrlnel But the
more you sfnvelTq^^M 7him_iiwa^;zt3rac:^reater
efforts I shall make to keep him herg^ longer, and
I will haste my dau^hter'^s "marn^e to him to crush
the pride of the whole family^
Dam. You mean to force her to take him .''
Org. Yes, scoundrel, this very night, to confound
you all. Ah ! I defy the whole household. I
will let you know I am the master and must be
obeyed. You wretch, come and retract what you
have said, and throw yourself instantly at his feet
to beg his pardon.
Dam. Who, I ? Of this villain who, by his impos-
tures . . .
Org. Ah ! you refuse, you scamp, and abuse him
besides? A stick! A stick! (To Tartuitk.) Do
not prevent me. (To his son.) Begone this instant out
of my sight, and never have the face to set foot in
my house again.
80 LE TARTUFFE [actb hi.
Dam. Oui, je sortirai ; mais . . .
Org. Vite, quittons la placa
Je te prive, pendard, de ma succession^
Et te donne de plus ma male'diction.
SciNK VII
OllGON, TaRTUFFE
Org. OfFenser de la sorts une sainte personne !
Tar. O Ciel, pardonne-lui la douleur qu'il me donne !
(A Orqon.) Si vous pouviez savoir avec quel deplaisir
Je vois qu'envers men frere on tache a me noir-
cir . . .
Org. Helas !
Tar. Le seul penser de cette ingratitude
Fait souffrir a mon ume un supplice si rude . . .
L'horreur que j'en congois . . . J'ai le cceur si
serre,
Que je ne puis parler, et crois que j'en mourrai.
Org. (II court tout en laniies k la porte par ou il a chasae
sonfila.) Coquiu ! je me repens que ma main
t'ait fait grace,
Et ne t'ait pas d'abord assommc sur la place.
Remettez-vous, mon frere, et ne vous fachez pas.
Tar. Rompons, rompons le cours de ces facheux
debats.
Je regarde ceans quels grands troubles j'apporte,
Et crois qu'il est besoin, mon frere, que j'en sorte.
Org. Comment? vous moquez-vous ?
Tar. On m'y bait, et je voi
Qu'on cherche a vous donner des soupgons de ma foi.
Org. Qu'importe .>* Voyez-vous que mon coeur les
ecoute ?
Tar. On ne manquera pas de poursuivre, sans doute;
Et ces memes rapports qu'ici vous rejetez
Peut-etre une autre fois seront-ils ecoutes.
Org. Non, mon frere, jamais.
8C. VII.] TARTUFFE 81
Dam. Yes, I will go ; but . . .
Org. Quick, leave the place. I disinherit- you, you
hangdog, and curse you, as wellf j i i Y ^
D
cvrs"},-^
Scene VII
Orgon, Tartuffb
Org. To affront a holy person in such a manner !
Tar. Oh Heaven ! forgive him the pain he causes me.
(To Orqok.) If you only knew with what anguish I
see them endeavour tn hbckfn my rhainrh i in the
eyfts nt my brother . . .
Org. Alas !
Tar. The very thought of such ingratitude is so great
a torture to me that , . . The horror I feel . . .
My heart is tpp |jijlto speak,""aud I believe I shall
Org. (He runs in tears to the door through which he had
driveahisson.) Villain! How I regret J held my
hand and that I did not instantly make an end
of you on the spot. Compose yourself, brother,
and do not grieve.
Tar. Let us put an end to these miserable disputes.
I see what great friction I cause in this house, and
I feel sure it is needful, my brother, that I should
go away.
Org. What ? You are not in earnest }
Tar. They hate me, and I see they will seek to rouse
suspicions in you as to my integrity.
Org. What doeij it mnttoi' ? — -Du ^ou"~t.binlf T. pay
any attention to what they say }
Tar. Tiiey will not fail to continue, never fear, and
the same stories which now you reject you may at
another time credit.
Org. No, brother, never. . >' J^* ^
F ':' , \ .-,
82 LE TARTUFFE [acte iit.
Tar. Ah ! mon frere^ une femme
Ais^ment d'un mari peut bien surprendre I'ame.
Org. Non, non.
Tar. Laissez-moi vite^ en m'eloignant d'ici,
Leur oter tout sujet de m'attaquer ainsi.
Org. Noiij vous demeurerez : il y va de ma vie.
Tar, He bien! il faudra done que je me mortifie.
Pourtant, si vous vouliez . . .
Org. Ah !
Tar. Soit : n'en parlons plus.
Mais je sais comme il faut en user la-dessus.
L'honneur est delicat, et I'amitie m'engage
A pre'venir les bruits et les sujets d'ombrage.
Je fuirai votre e'pouse^ et vous ne me verrez . . ,
Org. NoDj en depit de tous vous la frequenterez.
Faire enrager le monde est ma plus grande joie,
Et je veux qu'a toute heure avec elle on vous
voie.
Ce n'est pas tout encor : pour les mieux braver
tous,
Je ne veux point avoir d'autre heritier que vous,
Et je vais de ce pas, en fort bonne maniere,
Vous faire de mon bien donation entiere.
Un bon et franc ami, que pour gendre je prends,
M'est bien plus cher que fils, que femme, et que
parents.
N'accepterez-vous pas ce que je vous propose .''
Tar. La volonte du Ciel soit faite en toute chose.
Org. Le pauvre homme ! Aliens vite en dresser un
ecrit,
Et que puisse I'envie en crever de depit !
FIN DU troisi:emue acte
sc. VII.] TARTUFFE 83
Tar. Oh ! my brother, a wife can very easily influence
the mind of her husband.
Org. No, no.
Tab. Let me leave here at once and thus remove all
occasion for their attacks.
Org. Noj you shall stay : my life is at stake.
Tar. Ah ! well, then I must mortify myself. Never-
theless, if you would . . .
Org. Ah !
Tar. Be it so : let us not say anything more about it.
But I know how I must act in the future. Honour
is a delicate matter, and friendship enjoins me to
prevent reports and not to give cause for suspicion.
I will shun your wife, and you shall not see me . , .
Org. No. You shall see her frequently in spite of
every one. I desire nothing more than to annoy
people and I wish her to be seen in your company
at all hours. Nor is this all : the better to defy
them all you shall /6e my~sole heirrand I will go j^^
forthwith to arrange in due torm that the whole of ^ /
my property shall be made yours. A good and
faitht'ul frieiad, whom 1 take for son-in-law, is far
^ dearer to me than son, wife, or kindred. Will you \
not accept my oSeFT
TAB..,_TlLr i"iVl "^ tx^yAn he done in all things ! "
ORG.^oor maO ! Let us go quickly to draw up the
deeoT thenrnay envy itself burst with spite.
END OF THE TBIIID ACT
84 LE TARTUFFE [acte iv.
ACTE IV
Sc^NE I
Cleante, Tartuffe
Cl^an. Oui, tout le monde en parle, et vous m'en
pouvez croire,
L' eclat que fait ce bruit n'est point a votre gloire ;
Et je vous ai trouve. Monsieur, fort a propos.
Pour vous en dire net ma pensee en deux mots.
Je n'examine point a fond ce qu'on expose ;
Je passe la-dessus, et prends au pis la chose.
Supposons que Damis n'en ait pas bien use,
Et que ce soit a tort qu'on vous ait accuse :
N'est-il pas d'un chretien de pardonner I'offense,
Et d'eteindre en son coeur tout desir de vengeance?
Et devez-vous souiFrir, pour votre demele.
Que du logis d'un pere un fils soit exile .''
Je vous le dis encore, et parle avec franchise,
II n'est petit ni grand qui ne s'en scandalise ;
Et si vous m'en croyez, vous pacifierez tout,
Et ne pousserez point les affaires a bout.
Sacrifiez a Dieu toute votre colere,
Et remettez le fils en grace avec le pere.
Tar. Helas ! je le voudrais, quant a moi, de bon coeur :
Je ne garde pour lui. Monsieur, aucune aigreur ;
Je lui pardonne tout, de rien je ne le blame,
Et voudrais le servir du meilleur de mon ame ;
Mais I'interet du Ciel n'y saurait consentir,
Et s'il rentre ceans, c'est a moi d'en sortir.
Apres son action, qui n'eut jamais d'egale,
Le commerce entre nous porterait du scandale :
Dieu sait ce que d'abord tout le monde en croirait !
A pure politique on me I'imputerait ;
Et Ton dirait partout que, me sentant coupable,
Je feins pour qui m'accuse un zele charitable.
Que mon coeur I'apprehende et veut le manager.
Pour le pouvoir sous main au silence engager.
go. I.] TARTUFFE 85
ACT IV
Scene I
Cli6ante, Tartuffe
Clean. Indeed^ you may believe me, everybody is
talking about it. The scandal which this rumour
makes is not to your credit. I have met you.
Monsieur, very seasonably, and I can tell you plainly
my view of the matter, in two words. I do not
sift these reports to the bottom ; 1 pass them by
and admit the worst view of the case. Let us
grant that Damis has not acted wisely, and it may
be you have been accused in error: does it not
become a Christian to forgive the offence and
to extinguish in him every desire for vengeance ?
And, because of your quarrel, ought you to suffer
a father to drive a son out of his house .'' I repeat
it, and 1 tell you candidly, high and low are scan-
dalised by it. If you take my advice, you will
make peace and not push matters to extremes.
Make an offering to God of all your resentment,
and restore the son to the father's favour.
Tar. Alas ! So far as I am concerned I would do so
with all my heart. I do not bear him any ill-will.
Monsieur, I forgive him everything. I do not blame
him for anything. I would serve him to the best
of my power. But the interests of heaven cannot
consent to it ; and if he returns home I must go
away. After his unparalleled behaviour intercourse
betwpftn "° wf»il/i giyo ^ig^j. tn cfo-nHQl Heaven
knows what every one would think of it at once !
ITiey would impute it to sheer policy on my part,
and it would be said everywhere that, knowing
myself to be guilty, I affect a charitable zeal for
my accuser ; that I am afraid of him ; and that J
wish to conciliate him in order to bribe him in an
underhand manner to silence.
/
86 LE TARTUFFE [actb it.
Clean. Vous nous payez ici d'excuses colorees,
Et toutes vos raisous, Monsieur, sont trop tirees.
Des interets du Ciel pourquoi vous chargez-vous ?
Pour punir le coupable a-t-il besoin de nous ?
Laissez-lui, laissez-lui le soin de ses vengeances ;
Ne songez qu'au pardon qu'il present des offenses ;
Et ne regardez point aux jugements humains,
Quand vous suivez du Ciel les ordres souverains.
Quoi ? le faible interet de ce qu'on pourra croire
D'une bonne action empechera la gloire ?
Non, non : faisons toujours ce que le Ciel prescrit,
Et d'aucun autre soin ne nous brouillons I'esprit.
Tar. Je vous ai deja dit que mon coeur lui pardonne,
Et c'est faire, Monsieur, ce que le Ciel ordonne ;
Mais apres le scandale et I'affront d'aujourd'hui,
Le Ciel n'ordonne pas que je vive avec lui.
CliSan. Et vous ordonne-t-il. Monsieur, d'ouvrir
I'oreille
A ce qu'un pur caprice a son pere conseille,
Et d' accepter le don qui vous est fait d'un bien
Ou le droit vous oblige a ne pretendre rien ?
Tar. Ceux qui me connaitront n'auront pas la pensee
Que ce soit un effet d'une ame interessee.
Tous les biens de ce monde ont pour moi peu d'appas,
De leur eclat trompeur je ne m'eblouis pas ;
Et si je me resous a recevoir du pere
Cette donation qu'il a voulu me faire,
Ce n'est, a dire vrai, que parce que je crains
Que tout ce bien ne tombe en de mechantes mains,
Qu'il ne trouve des gens qui, I'ayant en partage.
En fassent dans le monde un crimiuel usage,
Et ne s'en servent pas, ainsi que j'ai dessein.
Pour la gloire du Ciel et le bien du prochain.
Cl^an. He, Monsieur, n'ayez point ces delicates
craintes,
Qui d'un juste heritier peuvent causer les plaintes ;
Souffrez, sans vous vouloir embarrasser de rien,
Qu'il soit a ses perils possesseur de sou bien ;
£t songez qu'il vaut mieux encor qu'il en mesuse,
sc. I.] TAllTUFFE 87
CtiiiAN.^XQU are putting_us_ off, Moiisieux^with_sham
excuses. All your arguments are too far-fetched.
Wliy do you take upon yourself the interests of
heaven? Cannot it punish sinners without our
help? Leave vengeance to it, leave vengeance to
it, and rememher only the forgiveness which it ^
directs towards offences. Do not trouble yourself '^^\
about men's judgments when you follow the sove-
reign edicts of heaven. What ? Shall the paltry
fear of men's opinion prevent the accomplishment
of a good deed ? No, no ; let us always do what
heaven commands, and not trouble our minds with
any other care.
Tar. I have already told you. Monsieur, that I for-
give him as heaven enjoins. But, after the scandal
and insult of to-day, heaven does not ordain that
I should live with him.
Clean. And does it require you. Monsieur, to lend
your ears to what a mere whim dictates to his
father, and to accept the gift which is made you of
a property to which in justice you cannot pretend
to have any claim?
TabT inose who know me will not think I act
^m iaterestad motives. All the riches of this
world have few attractions for me. I am not
dazzled by their false glitter. IFI bring myself to
take this gift which the father wishes to make to
me, it is merely because I fear all thisjcealth will
fall into wicked hands, and that it will be shared
oiily by those wTro~willput it hgre to bad uses, and
nnt. p.mplny it^ as-T proposfi. to do, for the glory of
heaven and the well-being of my fellow-men.
Cii^AN. Ah! Monsieur, do not entertain these delicate
scruples, which may give ground of complaint to a
rightful heir. Allow him, without giving yourself
any anxiety, to enjoy his rights at his own peril ;
and consider that it is far better for him to make
a bad use of it than that people should accuse.
88 LE TARTUFFE [actb iv.
Que si de Ten frustrer il faut qu'on vous accusQ
J'admire seulement que sans confusion
Vous en ayez souffert la proposition ;
Car enfin le vrai zele a-t-il quelque maxime
Qui montre a depouiller Theritier legitime ?
Et s'il faut que le Ciel dans votre coeur ait mis
Un invincible obstacle a vivre avec Damis,
Ne vaudrait-il pas mieux qu'en personne discrete
Vous fissiez de ceans une honnete retraite.
Que de souffrir ainsi^ contre toute raison,
Qu'on en chasse pour vous le fils de la maison ?
Croyez-moi, c'est donner de votre prud'homie.
Monsieur . . .
Tar. II est. Monsieur, trois heures et demie :
Certain devoir pieux me demande la-haut,
Et vous m'excuserez de vous quitter si tot.
Cl^n. Ah!
Sc]6;ne II
Elmire, Mariane, Dorine, CliSantb
Dor. De grace, avec nous employez-vous pour elle.
Monsieur : son ame souflFre une douleur mortelle ;
Et I'accord que son pere a conclu pour ce soir
La fait, a tous moments, entrer en desespoir,
II va venir. Joignons nos efforts, je vous prie,
Et tachons d'ebranler, de force ou d'industrie,
Ce malheureux dessein qui nous a tous troubles.
SciNE III
Orgon, EiiMiRB, Marians, CliSantb, Dorinb
Org. Ha ! je me rejouis de vous voir assembles :
(AMariank.) Je porte en ce contrat de quoi voua
faire rire,
Et vous savez deja ce que cela veut dire.
8C. III.] TARTUFFE 89
^oi^ nf defrauding him of it. I only wonder you
could have suffered unblushingly such a proposal to
be made you. For, in truths do we find among the
maxims of true piety one which teaches how to
plunder a lawful heir? And, if it is a fact that
heaven has put in your heart an invincible obstacle
against your living with Damis, would it not be
better for you, as a discreet person, honourably to
retire from this house, rather than to allow the son
of the house to be turned ont nf it^ aga^nct all
in<i<mm^ (tri yniif account,'^ Relieve me^ Monsieur,
it would give a proof of your probity . . .
Tar. Monsieur, it is half-past three : a certain reli-
gious exercise calls me upstairs ; pray excuse me
for leaving you so soon.
Cl^an. Ah!
Scene II
Elmirb, Mariane, Dorine, CiAante
Dor. For pity's sake join us in all we do for her,
Monsieur. She is suffering great misery, and the
agreement which her father has concluded for to-
night drives her every moment to despair. Here
he comes. Let us unite our efforts, I beseech you,
to try, either by force or by skill to frustrate this
unhappy design which causes us all this trouble.
Scene III
Orgon, EiiMiRE, Mariane, Cl^nte, Dorine
Org. Ah ! I am delighted to find you all here.
(To Mariane.) I have something in this document
which will please you : you know already what I
mean.
90 LE TARTUFFE [actb iv.
Mar. (igenoux.) Mon pere, au nom du Ciel qui con-
nait ma douleur,
Et par tout ce qui peut emouvoir votre coeur,
Relachez-vous un peu des droits de la naissance,
Et dispensez mes voeux de cette obeissance ;
Ne me re'duisez point par cette dure loi
Jusqu'a me plaindre au Ciel de ce que je vous
doi,
Et cette vie, he'las ! que vous m'avez donnee,
Ne me la rendez pas, mon pere, infortune'e.
Si, centre un doux espoir que j'avais pu former,
Vous me de'fendez d'etre a ce que j'ose aimer,
Au moins, par vos bontes, qu'a vos genoux j 'implore,
Sauvez-moi du tourment d'etre a ce que j'abhorre,
Et ne me portez point a quelque de'sespoir.
En vous servant sur moi de tout votre pouvoir.
Org. (ae sentant attendrir. ) Allons, ferme, mon coeur,
point de faiblesse humaine.
Mar. Vos tendresses pour lui ne me font point de
peine ;
Faites-les eclater, donnez-lui votre bien,
Et, si ce n'est assez, joignez-y tout le mien:
J'y consens de bon coeur, et je vous I'abandonne ;
Mais au moins n'allez pas jusques a ma personne,
Et soufFrez qu'un convent dans les austerites
Use les tristes jours que le Ciel m'a comptes.
Org. Ah ! voila justement de mes religieuses,
Lorsqu'un pere combat leurs flammes amoureuses !
Debout ] Plus votre coeur repugne a I'accepter,
Plus ce sera pour vous matiere a meriter :
Mortifiez vos sens avec ce mariage,
Et ne me rompez pas la tete davantage.
Dor. Mais quoi . . .?
Org. Taisez-vous, vous ; parlez a votre ecot :
Je vous de'fends tout net d'oser dire un seul mot.
Cl]6an. Si par quelque conseil vous souffrez qu'on
reponde . . .
Org. Mon frere, vos conseils sont les meilleurs du
monde,
sc. III.] TARTUFFE 91
Mab. (on her knees.) Father, in the name of that heaven
which knows my grief, in the name of everything
that can move your heart, forego a little of a
father's rights and do not exact this ohedience from
me. Do not compel me, by this harsh command,
to reproach heaven with my duty to you ; do not,
oh my father, render most miserable the life which,
alas ! you gave me. If, contrary to the sweet
hopes I had cherished, you forbid me to belong to
the one whom I have dared to love, I implore you
on my knees at least, of your goodness, to spare me
the horror of br1nnjmT^to_mir Thnm T ahhfir Do
not drive me to despair By^xerting all your autho-
rity over me.
Org. (feeling himself Boften.) Be firm, my heart; none
of this human weakness.
Mab. r do notfeel aggrieved at your tenderness for
him ; indulge in it, give him your wealth, and, if
that is not enough, add all mine to it : I consent
with all my heart and give it to you. But, at
least, do not go so far as to include my person, let
me wear out in the hardships of a convent the rest
of the sad days that heaven has allotted to me.
Org. Ah ! girls always wish to become nuns when a
father crosses their love-sick inclinations. Get
up : the more your heart recoils from accepting the
offer, the greater will be your merit. Mortify your
senses by this marriage, and do not trouble me any
further.
Dob. But what . . . ?
Org. You hold your tongue : mind your own busi-
ness. I absolutely forbid you to dare to say a single
word.
Cl^an. If you will allow me to speak and advise . .
Org. Brother, your advice is the best in the world.
t
92 LE TARTUFFE [actf iv.
lis sont bien raisonnes, et j'en fais un grand cas ;
Mais V0U8 trouverez bon que je n'en use pas.
Erjtf, (k. son mari.) A voir ce que je vois, je ne sais plus
que dire,
Et votre aveuglement fait que je vous admire :
C'est etre bien coiffe, bien prevenu de lui,
Que de nous dementir sur le fait d'aujourd'hui.
Org. Je suis votre valet, et crois les apparences :
Pour mon fripon de fils je sais vos complaisances,
Et vous avez eu peur de le desavouer
Du trait qu'a ce pauvre homme il a voulu jouer ;
Vous etiez trop tranquille enfin pour etre crue,
Et vous auriez paru d'autre maniere emue.
Elm. Est-ce qu'au simple aveu d'un amoureux trans-
port
II faut que notre honneur se gendarme si fort.^
Et ne peut-on repondre a tout ce qui le touche
Que le feu dans les yeux et I'injure a la bouche ?
Pour moi, de tels propos je me ris simplement,
Et I'eclat la-dessus ne me plait nuUement ;
J'aime qu'avec douceur nous nous montrions
sages,
Et ne suis point du tout pour ces prudes sauvages
Dont I'honneur est arme de griiFes et de dents,
Et veut au moindre mot devisager les gens :
Me preserve le Ciel d'une telle sagesse !
Je veux une vertu qui ne soit point diablesse,
Et crois que d'un refus la discrete froideur
N'en est pas moins puissante a rebuter un coeur.
Org. Enfin je sais I'affaire et ne prends point le
change.
Elm. J'admire, encore un coup, cette faiblesse etrange.
Mais que me repondrait votre incred\ilit^
Si je vous faisais voir qu'on vous dit verite.^
Org. Voir?
EiiH. Qui.
Org. Chansons.
Elm. Mais quoi ? si je trouvais maniere
De vous le faire voir avec pleine lumiere ?
Org. Contes en I'air.
Bc. III.] TARTUFFE 93
and I value it highly : you will permit me^ however,
not to take it.
Elm. (To Obgon.) In the face of all this I do not know
I can say more than that I am astonished at your
blindness. You must be quite bewitched with the
man and altogether prejudiced in his favour, to deny
the truth of what we tell you took place to-day.
Org. I am your humble servant, l^ut I judge by -jkr
appparanp.Pifi. I know how lenient you are towards
my rascal of a son, and you were afraid to disown
the trick which he wished to play on the poor
fellow. In fact, you took it too calmly to be believed.
You should have been a little more disturbed.
Elm. Is it necessary one's honour should take up
arms so furiously at a simple declaration of tender
feelings ? Is it not possible to give a fitting answer
without anger in the eyes and invective on the
lips.'' For myself, I simply laugh at such talk;
it does not please me to make a noise about it.
I prefer to show that prudence can be accompanied
by gentleness. I am not at all like the savage
prudes who defend their honour with tooth and
nail, and who are ready, at the slightest word, to
tear a man's eyes out. Heaven preserve me from
such discretion ! I prefer a virtue that has nothing
of the tigress about it, and I believe a quiet and
cold rebuff is not less efficient in repelling an
advance.
Org. Nevertheless, I understand the whole affair and
I will not be imposed upon.
Elm. Once more, I wonder at this strange weakness :
but what answer would your incredulity give me,
if I made you see we have told you the truth }
Org. See?
Elm. Yes.
Org. Nonsense.
Elm. Never mind ! Suppose I found a way of con-
vincing you irresistibly ?
Org. Moonshine.
94 LE TARTUFFE [actb iv.
Elm. Quel homme ! Au moins repondez-moi.
Je ne vous parle pas de nous ajouter foi ;
Mais supposons ici que, d'un lieu qu'on peut prendre,
On vous fit clairement tout voir et tout entendre.
Que diriez-vous alors de votre homme de bien ?
Org. En ce cas, je dirais que . . . Je ne dirais rien.
Car cela ne se peut.
Elm. L'erreur trop lon^emps dure,
Et c'est trop condamner ma bouche d'imposture.
II faut que par plaisir, et sans aller plus loin,
De tout ce qu'on vous dit je vous fasse temoin.
Org. Soit : je vous prends au mot. Nous verrons
votre adresse,
Et comment vous pourrez remplir cette promesse.
Elm. Faites-le-moi venir.
Dor. Son esprit est ruse,
Et peut-etre a surprendre il sera malaise.
Elm. Non : on est aisement dupe par ce qu'on aime,
Et I'amour-propre engage a se tromper soi-meme.
(Parlant k Cleante et k Mariane.) Faites-le-moi de-
scend re. Et vous, retirez-vous.
SciNE IV
Elmire, Orgon
Elm. Approchons cette table, et vous mettez dessous.
Org. Comment.''
Elm. Vous bien caclier est un point necessaire.
Org. Pourquoi sous cette table .''
Elm. Ah, mon Dieu ! laissez faire :
J'ai mon dessein en tete, et vous en jugerez.
Mettez-vous la, vous dis-je ; et quand vous y serez,
Gardez qu'on ne vous voie et qu'on ne vous
entende.
Org. Je confesse qu'ici ma complaisance est grande ;
Mais de votre entreprise il vous faut voir sortir.
8c. IV.] TARTUFFE 96
Elm. What a man you are ! At least, answer me.
I do not ask you to believe us, but, look here, sup-
pose we found a place where you could plainly see
and hear everything, what would you say then of
your good man .''
Org. In that case I should say ... I should not say
anything, for such a thing could not be.
Elm. Your delusion has lasted too long, and you
have taxed us too much with imposture. You must,
to satisfy me, and without going any further, be a
witness of all that has been told you.
Org. Be it so. I take you at your word. We will
see your cleverness and how you can carry out this
undertaking.
Elm. Make him come here.
Dor. He is very crafty and perhaps it will be difficult
to catch him.
Elm. No ; people are easily duped by those whom
they love. Self-love leads the way to self-deceit.
(Speaking to CLiiANTE and to Mabiane.) Tell him to
come down to me. And you, withdraw.
Scene IV
Elmire, Orgon Xo*^'
Elm. Let us bring this table nearer and you go under
it.
Org. Why?
Elm. It ia necessary you should be well concealed.
Org. Why under this table .''
Elm. Oh ! good heavens, never mind ; I have thought
out my plan, and you shall judge of it. Go under
there, I tell you ; and, when you are there, take
care you are neither seen nor heard.
Org. I must say my complaisance in this matter is
great, but I will see you through with your scheme.
96 LE TARTUFFE [actbiv.
Elm. Vous n'aurez, que je crois, rien a me repartir.
(A son mari qui est sous la table.)
Au moins, je vais toucher une etrange matiere ;
Ne vous scandalisez en aucune maniere.
Quoi que je puisse dire^ il doit m'etre permis,
Et c'est pour vous convaincrej ainsi que j'ai promis.
Je vais par des douceurs^ puisque j'y suis reduite,
Faire poser le masque a cette ame hypocrite.
Flatter de son amour les desirs eiFrontes,
Et donner un champ libre a ses temerites.
Comme c'est pour vous seul, et pour mieux le con-
fondre,
Que mon ame a ses voeux va feindre de repondre,
J'aurai lieu de cesser des que vous vous rendrez,
Et les choses n'iront que jusqu'ou vous voudrez.
C'est a vous d'arreter son ardeur insensee,
Quand vous croirez I'afFaire assez avant poussee,
D'epargner votre femme, et de ne m'exposer
Qu'a ce qu'il vous faudra pour vous desabuser :
Ce sont vos interets ; vous en serez le maitre,
Et . . . L'on vient. Tenez-vous, et gardez de
paraitre.
SciNE V
Tabtuffb, Elmibg, Obgon
Tar. On m'a dit qu'en ce lieu vous me vouliez parler.
EiiM. Oui. L'on a des secrets a vous y reveler.
Mais tirez cette porte avant qu'on vous les dise,
Et regardez partout de crainte de surprise.
Une affaire pareille a celle de tantot
N'est pas assurement ici ce qu'il nous faut.
Jamais il ne s'est vu de surprise de meme ;
Damis m'a fait pour vous une frayeur extreme,
Et vous avez bien vu que j'ai fait mes efforts
Pour rompre son dessein et calmer ses transports.
Mon trouble, il est bien vrai, m'a si fort possedee.
Que de le dementir je n'ai point eu I'ide'e ;
sc. v.] TARTUFFE 97
Elm. You will not have anything with which to
reproach me, that I swear. (To her husband, under the
table.) Now mind ! I am going to speak on a strange
subject and you must not be shocked in any way.
As I have undertaken to convince you, I must be
allowed to say whatever I choose. Since I am com-
pelled to it, I shalLflatter this hypot-rite until hf,
Ipta ^^^^ hi" mask : I shall encourage the impudent
desires of his love, and give free scope to his
audacity. As I am going to pretend to yield to
his wishes for your sake alone, and the better to
confound him, things need not go any further than
you like, and I will cease as soon as you are con-
vinced. I leave it to you to stop his mad passion
when you think matters have gone far enough, to
spare your wife, and not to expose me longer than
is necessary to disabuse you. This is your concern,
you must decide, and . . . Here he comes. Keep
still, and do not show yourself.
Scene V
Tabtufpe, EiiMiBE, Obgon
Tar. They tell me you wish to speak to me here.
Elm. Yes. I have some secrets to reveal to you.
But shut the door before I begin to tell them to
you. Look everywhere, lest we should be surprised.
We must certainly not have such an affair here as
we had a little while ago. I was never so surprised.
Damis put me in a terrible fright on your account.
You saw I tried all I could to baffle his design
and to calm his anger. In fact I was so con-
fused that the thought of denying what he said
never occurred to me ; but, nevertheless, thank
heaven, it was all for the best and things are on a
G
98 LE TARTUFFE [acte iv.
Mais par Ik, grace au Ciel, tout a bien mieux ete,
Et les choses en sont en plus de surete.
L'estime ou Ton vous tient a dissipe I'orage,
Et mon mari de vous ne peut prendre d'ombrage.
Pour mieux braver I'eclat des mauvais jugements,
II veut que nous soyons ensemble a tous moments ;
Et c'est par ou je puis, sans peur d'etre blamee.
Me trouver ici seule avec vous enfermee,
Et ce qui m'autorise a vous ouvrir un coeur
Un peu trop prompt peut-etre a souffrir votre ardeur.
Tab. Ce langage a comprendre est assez difl&cile,
Madame^ et vous parliez tantot d'un autre style.
Elm. Ah ! si d'un tel refus vous etes en courroux.
Que le coeur d'une femme est mal connu de vous
Et que vous savez peu ce qu'il veut faire entendre
Lorsque si faiblement on le voit se defendre !
Toujours notre pudeur combat dans ces moments
Ce qu'on peut nous donner de tendres sentiments.
Quelque raison qu'on trouve a I'amour qui nous
dompte.
On trouve a I'avouer toujours un peu de honte ;
On s'en defend d'abord ; mais de I'air qu'on s'y
prend.
On fait connaitre assez que notre coeur se rend,
Qu'a nos voeux par honneur notre bouche s' oppose,
Et que de tels refus promettent toute chose.
C'est vous faire sans doute un assez libre aveu,
Et sur notre pudeur me menager bien peu ;
Mais puisque la parole enfin en est lachee,
A retenir Damis me serais-je attach ee,
Aurais-je, je vous prie, avec tant de douceur
^ficoute tout au long I'ofFre de votre coeur,
Aurais-je pris la chose ainsi qu'on m'a vu faire.
Si I'offre de ce coeur n'eut eu de quoi me plaire ?
Et lorsque j'ai voulu moi-meme vous forcer
A refuser I'hymen qu'on venait d'annoncer,
Qu'est-ce que cette instance a du vous faire
entendre.
Que I'interet qu'en vous on s'avise de prendre,
Et I'ennui qu'on aurait que ce noeud qu'on resout
Vint partager du moins un coeur que Ton veut tout ?
sc. v.] TARTUFFE 99
surer footing. The esteem in which you are held
has dispelled the storm, and my husband cannot be
offended with you. He wishes us to be together
constantly, the better to set at defiance the spiteful
remarks which people spread abroad, and that is
the reason why I may be shut up here alone with
you, without fear of being blamed. This justifies
me in opening my heart to you, a little too readily,
perhaps, in response to your love.
Tab. This language, Madam, is a little diflficult to com-
prehend. You spoke but lately in a diiFerent strain.
Elm. Ah ! if such a refusal has offended you, how very
little you know a woman's heart, how little you
understand what we mean when we defend our-
selves so feebly. At such times our modesty always
struggles with any tender sentiments we may feel.
Whatever reasons we may find for the love which
conquers us, there is always a little shame in the
avowal of it. We resist at first, but from our
manner it can easily be seen our heart surren-
ders, that our words nppnsp any wisbfts for t.bft
sake of honour, and that we refuse in such a way
as to promise everything. I am making a very free
confession to you, to be sure, and I am not sparing
woman's modesty ; but, since these words have at
last escaped me, should I have been anxious to
restrain Damis, should I, I ask you, have listened
to you so long and with so much patience, when
you offered me your heart, should I have taken the
thing as I did, if the offer of your heart had not
given me pleasure.'' What could you infer from
such an action when I myself tried to make you
renounce the proposed marriage, if it were not that
I took an interest in you, and that I should have
been grieved if such a marriage had taken place
and you had in the least divided that affection
which I wanted to be wholly mine .''
100 LE TARTUFFE [actb iv.
Tab. C'est sans doute, Madame, une douceur extreme
Que d'entendre ces mots d'une bouche qu'on aime :
Leur miel dans tous mes sens fait couler a longs traits
Une suavite qu'on ne gouta jamais.
Le bonheur de vous plaire est ma supreme etude,
Et mon coeur de vos voeux fait sa beatitude ;
Mais ce coeur vous demande ici la liberte
D'oser douter un peu de sa felicite.
Je puis croire ces mots un artifice honnete
Pour m'obliger a rompre un hymen qui s'apprete ;
Et s'il faut librement m'expliquer avec vous,
Je ne me fierai point a des propos si doux,
Qu'un peu de vos faveurs, apres quoi je soupire,
Ne vienne m'assurer tout ce qu'ils m'ont pu dire,
Et planter dans mon ame une constante foi
Des charmantes bontes que vous avez pour moi.
Elh. (Elle tousse pour avertir son mari.) Quoi? vous
voulez aller avec cette vitesse,
Et d'un cceur tout d'abord epuiser la tendresse .''
On se tue a vous faire un aveu des plus doux ;
Cependant ce n'est pas encore assez pour vous,
Et Ton ne pent aller jusqu'a vous satisfaire,
Qu'aux dernieres favours on ne pousse I'affaire ?
Tab. Moins on merite un bien, moins on I'ose esperer.
Nos voeux sur des discours ont peine a s' assurer.
On soupgonne aisement un sort tout plein de gloire,
Et Ton veut en jouir avant que de le croire.
Pour moi, qui crois si peu meriter vos bontes,
Je doute du bonheur de mes temerites ;
Et je ne croirai rien, que vous n'ayez, Madame,
Par des realites su convaincre ma flamme.
EiiM. Mon Dieu, que votre amour en vrai tyran agit,
Et qu'en un trouble etrange il me jette I'esprit !
Que sur les occurs il prend un furieux empire,
Et qu'avec violence il veut ce qu'il desire !
Quoi .'' de votre poursuite on ne pent se parer,
Et vous ne donnez pas le temps de respirer ?
Sied-il bien de tenir une rigueur si grande,
De vouloir sans quartier les choses qu'on demande,
Et d'abuser ainsi par vos efforts pressants
Du faible que pour vous vous voyez qu'ont les gens ?
so. v.] TARTUFFE 101
Tar, It is certainly, Madam, extremely pleasant to
hear-fiiirh w^rds frntn ihf\ lips ny^ft jfnvpg Their
honey generously diffuses through all my senses a
sweetness which I never before knew. The happi-
ness of pleasing you is my supreme study, and it is
the delight of my heart to carry out your wishes,
but, with your leave, my heart presumes still to
doubt a little of its felicity. It may be that these
words are a plausible stratagem to compel me to
break off the approaching marriage ; and, if I must
speak candidly to you, I shall not trust in these
tender words until I am assured they mean what
they say by a few of those favours for which Xsighj
which will establish in my heart a firm belief in
the kindly sentiments you bear towards me.
Elm. (She coughs to warn her husband.) What.'' would
you proceed so fast and exhaust the kindness of my
heart all at once .'' I commit myself in making such
a tender admission ; yet that is not enough for you.
Will nothing satisfy you but to push things to their
furthest extremity .''
Tab. The less a blessing is merited the less one
ventures to hope for it. Our love can hardly be
satisfied with words. A con3iti6ft tull-ffiught with
happiness is difficult to realise and we wish to enjoy
it before we believe in it. I so little deserve your
favours that I>-iioubt the succfipa of my hnldn<»Bg ;
and I shall not believe anything, Madam, until you
have satisfif^d my p^^fjsjnn-hy uniil p.rnnfg
Elm. Good Heavens ! How very tyrannical is your
love, and into what strange agitation it throws me !
What an irresistible power it exercises over the
heart, and how violently it clamours for what it
desires ! What .-' is there no avoiding your pursuit.
Will you not give me time to breathe.^ Is it
decent to be so very exacting, to insist without
quarter upon those things which you demand, and,
by your pressing ardour, thus to take advantage of
the weakness which you see is felt for you }
102 LE TARTUFFE [acte iv.
Tar. Mais si d'un ceil benin vous voyez mes hommages,
Pourquoi m'en refuser d'assures temoignages ?
Elm. Mais comment consentir a ce que vous voulez,
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez?
Tar. Si ce n'est que le Ciel qu'a mes voeux on oppose,
Lever un tel obstacle, est a moi peu de chose,
Et cela ne doit pas retenir votre coeur.
Elm. Mais des arrets du Ciel on nous fait tant de peur !
Tar. Je vous puis dissiper ces craintes ridicules,
Madame, et je sais I'art de lever les scrupules.
Le Ciel defend, de vrai, certains contentements ;
(O'est un sc^l^rat qui parle.)
Mais on trouve avec lui des accommoderaents ;
Selon divers besoins, il est une science
D'etendre les liens de notre conscience,
Et de rectifier le mal de Taction
Avec la purete de notre intention.
De ces secrets, Madame, on saura vous instruire ;
Vous n'avez seulement qu'a vous laisser conduire.
Contentez mon de'sir, et n'ayez point d'efFroi :
Je vous reponds de tout, et prends le mal sur moi.
Vous toussez fort, Madame.
Elm. Oui, je suis au supplice.
Tar. Vous plait-il un morceau de ce jus de reglisse?
Elm. C'est un rhume obstine, sansdoute; et je vols
bien
Que tons les jus du monde ici ne feront rien.
Tar. Cela certe est facheux.
Elm. Oui, plus qu'on ne peut dire.
Tar. Enfin votre scrupule est facile a detruire :
Vous etes assuree ici d'un plein secret,
Et le mal n'est jamais que dans I'e'clat qu'on fait;
Le scandale du monde est ce qui fait I'offense,
Et ce n'est pas pecher que pecher en silence.
Er,M. (aprfes avoir encore touss^.) Enfin je vois qu'il faut
se resoudre a ceder,
Qu'il faut que je consente a vous tout accorder,
Et qu'a moins de cela je ne dois point pretendre
sc. v.] TARTUFFE 103
Tar. But if you look upon my address with a favour-
able eye, why refuse me convincing- proofs ?
Elm. How can I comply with your desires without
offending that heaven of which you constantly speak .''
Tar, If heaven is the only thing which opposes my
wishes I can easily remove such an obstacle ; that
Pgeij. Tint he any restraint upon youriav^.
Elm. But the judgments of heaven are terrifying.
Tar. I can dispel these absurd fears from you,
Madam ; I know the art of removing scruples.
Heaven, IE la true, forbids certain gratifications ;
(it is a scoundrel who is speaking) but there are ways
of compounding with it. It is a science to stretch
the strings of our conscience according to divers
needs and to rectify the immorality of the act with
the purity of our intention. I can initiate you into
these secrets, Madam ; you have only to allow your-
self to be led. .Satisfy jny desire^and do not be
afraid : I will be answerable foFyoii in ^Vefy thing,
and I will take the sin upon myself. You cough a
good deal. Madam. "~
Elm. Yes, it racks me.
Tar. Would you please to take a piece of this
liquorice .''
Elm. It is a troublesome cold, to be sure ; and I very
much fear all the liquorice in the world will not
do it any good now.
Tar. It is certainly very tiresome.
Elm. Yes, more than I can say. •^
Tar. In short your scruple is easily overcome. You j
may be sure the secret will be well kept here, V-
and no harm is done unless the thing is noised (
abroad. The scandal of the world is what makes \
the offence, and to sin in secret is not to sin at J
all. — ^v_. — ^
Elm. (After having coughed again.) Well, I see I must
make up my mind to yield : that I must con-
sent to grant you everything : and that with less
than this I ought not to expect you should be
104 LE TARTUFFE [acte iv.
Qu'on paisse etre content, et qu'on veuille se
rendre.
Sans doute il est facheux d'en venir jusque-la,
Et c'est bien malgre moi que je franchis cela ;
Mais puisque Ton s'obstine a m'y vouloir reduire,
Puisqu'on no veut point croire a tout ce qu'on peut
dire,
Et qu'on veut des temoins que soient plus convain-
cants,
11 faut bien s'y resoudre, et contenter les gens.
Si ce contentement porte en soi quelque oflFense,
Tant pis pour qui me force a cette violence ;
La faute assurement n'en doit point etre a moi.
Tab. Oui, Madame, on s'en charge ; et la chose de
soi . . .
Elh. Ouvrez un peu la porte, et voyez, je vous prie,
Si mon mari n'est point dans cette galerie.
Tab. Qu'est-il besoin pour lui du soin que vous
prenez ?
C'est un homme, entre nous, a mener par le nez ;
De tous nos entretiens il est pour faire gloire,
Et je I'ai mis au point de voir tout sans rien croire.
Elm. II n'importe : sortez, je vous prie, un moment,
Et partout la dehors voyez exactement.
Sc^NE VI
Obgon, Elmibe
Obg. (sortant de dessous la table.) Voila, je vous I'avoue,
un abominable homme !
Je n'en puis revenir, et tout ceci m'assomme.
Elm. Quoi."* vous sortez sitot.'' Vous vous moquez
des gens.
Rentrez sous le tapis, il n'est pas encor temps ;
Attendez jusqu'au bout pour voir les choses sures,
Et ne vous fiez point aux simples conjectures.
Org. Non, rien de plus mechant n'est sorti de I'enfer.
Elm. Mon Dieu ! Ton ne doit point croire trop de
l^ger.
5. VI.] TARTUFFE 106
satisfied^ or convinced. It is indeed very hard to
come to this, and it is greatly against my will that
I venture so far, but, since people persist in driving
me to this ; since they will not believe anything
that is said to them, and since they wish for more
convincing testimony, one must even resolve upon
it and satisfy them. If this gratification carries
any offence in it, so much the worse for those who
force me to this violence; the fault, assuredly, is
not mine.
Tar. Yes, Madam, I take it upon myself, and the
thing itself . . .
Elm, Open the door a little, and pray, look if my
husband is not in that passage.
Tab. Why need you trouble yourself so much about
him ? Between ourselves, he is a man to be led
by the nose. He is inclined to be proud of our
intercourse, and I have brought him so far as to
see everything without believing anything.
Elm. Nevertheless, pray, go out for a moment and
look carefully everywhere outside.
Scene VI
Obqon, Elmire
Org. (Coming from under the table.) Well! he is an
abominable man, I admit. I cannot get over it,
it has stunned me.
Elm. What.^ you come out so soon? You make
fools of people. Go back under the table-cloth, it
is not time yet ; stay to the end to make sure of
things, and do not trust to mere conjectures.
Org. No : no nng pinrft wirlfrd Bvirr <'nmf ""t "^^^^
Elm. Good Heavens ! You ought not to believe things
too easily : let yourself be fully convinced before you
106 LE TARTUFFE [acte iv.
Laissez-vous bien convaincre avant que de vou8
rend re,
Et ne vous hatez point, de peur de vous meprendre.
(Elle fait mettre son mari derri^re elle.)
Scene VII
Tartuffe, Elmire, Orgon
Tar. Tout conspire, Madame, a mon contentement :
J'ai visite de I'oeil tout cet appartement ;
Personne ne s'y trouve ; et mon ame ravie . . .
Org. (enrarrfitant.) Toutdoux! vous suivez trop votre
amoureuse envie,
Et vous ne devez pas vous tant passionner.
Ah ! ah ! I'homme de bien, vous m'en voulez
donner !
Comme aux tentations s'abandonne votre ame !
Vous epousiez ma fille, et convoitiez ma femme !
J'ai doute fort longtemps que ce fut tout de bou,
Et je croyais toujours qu'on changerait de ton ;
Mais c'est assez avant pousser le temoignage :
Je m'y tiens, et n'en veux, pour moi, pas davantage.
Elm. {h TABTurra.) C'est contre mon humeur que j'ai
fait tout ceci ;
Mais on m'a mise au point de vous traiter ainsi.
Tar. Quoi .'' vous croyez ....''
Org. AUons, point de bruit, je vous prie.
Denichons de ceans, et sans ceremonie.
Tar. Mon dessein . . .
Org. Ces discours ne sont plus de saison ;
II faut, tout sur-le-champ, sortir de la maison.
Tar. C'est a vous d'en sortir, vous qui parlez en
maitre :
La maison m'appartient, je le ferai connaitre,
Et vous montrerai bien qu'en vain on a recours.
Pour me chercher querelle, a ces laches detours,
Qu'on n'est pas ou Ton pense en me faisant injure,
Que j'ai de quoi confondre et punir I'imposture,
Venger le Ciel qu'on blesse, et faire repentir
Ceux qui parlent ici de me faire sortir.
sc. vii.] TARTUFFE 107
give in, and do not hurry, lest you should be mis-
taken.
(She pushes her husband behind her.)
Scene VII
Tabtuffb, Elmire, Obgon
Tar. Everything' conspires. Madam, to my satisfac-
tion. I have looked everywhere, there is no one
here ; and my ravished soul . . .
Org. (Stopping him.) Gently, you are too eager in your
amorous wishes ; you ought not to be so impetuous.
Ah ! ah ! my good man, you want to rob me of my
wife. How your soul is led away by temptations !
You would marry my daughter and covet my wife.
I have very much doubted for a long time whether
you were in earnest, and I always thought you
would change your tone. But the proof has gone
quite far enough : I am satisfied, and for my part
I do not want any more.
Elm. (To Tabtuffb.) The part I have played is con-
trary to my inclinations, but I was obliged to the
necessity of treating you thus.
Tar. What ? Do you believe ....''
Org. Cpmef pray, no more talk, leave this.plqtrpi, and
without cergmimy.
Tar. 1 intended . '. .
Org. Your speeches are no longer in season. You
must quit thig^house immediateLt
TarT It is for^you to leave, you who speak as though
you were the master of it. The house belongs to
me, and I will make you know it. I will show
you plainly it is useless to resort to these cowardly
tricks in order to pick a quarrel with me. You
have made a great mistake in insulting me. I have
it in my power to confound and to punish imposture,
to avenge an offended heaven, and to make those
repent who talk of turning me away.
108 LE TARTUFFE [actb v.
SciiNK VIII
Elmire, Oroon
Elm. Quel est done ce langage ? et qu'est-ce qu'il veut
dire?
Org. Ma foi, je suis confus^ et n'ai pas lieu de
rire.
Elm. Comment?
Org. Je vois ma faute aux choses qu'il me dit,
Et la donation m'embarrasse I'esprit.
Elm. La donation . . .
Org. Oui, c'est une affaire faite.
Mais j'ai quelque autre chose encor qui m'inquiete.
Elm. Et quoi ?
Org. Vous saurez tout. Mais voyons au plus tot
Si certaine cassette est encore la-haut.
FIN DU QUATRli<:ME AOTB
ACTE V
SciNE I
Oroow, Cl^antb
Cl^an. Ou voulez-vous courir ?
Org. Las ! que sais-je ?
CL:ifiAN. II me semble
Que Ton doit commencer par consulter ensemble
Les choses qu'on peut faire en cet evenement.
Org. Cette cassette-la me trouble entierement ;
Plus que fe reste encore elle me desespere.
Cl^an. Cette cassette est done un important mystere?
Org. C'est un depot qu'Argas, cet ami que je plains^
Lui-meme, en grand secret, m'a mis entre lea
mains :
K. I.] TARTUFFE 109
Scene VIII
Elmirb^ Orgon
Elm. What talk is this ? What does he mean ?
Org. Alas ! I am in a turmoil ; it is no laughing
matter.
Elm. Why?
Org. I see my fault by what he says^ and the deed
of gift troubles my mind.
Elm. The deed of gift . . .
Org. Yes, the thing is done, but there is still some-
thing else which makes me anxious.
Elm. What is that?
Org. You shall know all, but let us see first if a
particular box is still upstairs.
END OF ACT IV.
ACT V
Scene I
Orgon, Cl^antb
Cl^n. Where are you going ?
Org. Indeed, I do not know.
CLiiAN. It seems to me the first thing to be done is
to consult together concerning what steps we can
take in this matter.
Org. This box troubles me greatly ; it distresses me
more than anything else.
ClMian. Then it contains an important secret ?
Org. It is a trust that Argas himself, my unfortunate
friend, put secretly into my hands : he selected me
for this, when he fled. And, from what he told
no LE TARTUFFE [acte v.
Pour cela, dans sa fuite, il me voulut elire ;
Et ce sont des papiers, a ce qu'il m'a pu dire,
Ou sa vie et ces biens se trouvent attaches.
CiiEAN". Pourquoi done les avoir en d'autres mains
laches ?
Org. Ce fut par un motif de cas de conscience :
J'allai droit a mon traitre en faire confidence ;
Et son raisonnement me vint persuader
De lui donner plutot la cassette a garder,
Afin que, pour nier, en cas de quelque enquete,
J'eusse d'un faux-fuyant la faveur toute prete,
Par ou ma conscience eut pleine surete
A faire des serments contre la verite.
Cl^an. Vous voila mal, au moinssi j'en crois I'appa-
rence ;
Et la donation^ et cette confidence,
Sont, a vous en parler selon mon sentiment,
Des demarches par vous faites legerement.
On peut vous mener loin avec de pareils gages ;
Et cet homme sur vous ayant ces avantages,
Le pousser est encor grande imprudence a vous,
Et vous deviez chercher quelque biais plus doux.
Org. Quoi.'' sous un beau semblant de ferveur si
touchante
Cacher un coeur si double, une ame si mechaute !
Et moi qui I'ai regu gueusant et n'ayant rien . . .
C'en est fait, je renonce a tous les gens de bien :
J'en aurai desormais une horreur effroyable,
Et m'en vais devenir pour eux pire qu'un diable.
Cl^an. He bien ! ne voila pas de vos emportements
Vous ne gardez en rien les doux temperaments ;
Dans la droite raison jamais n'entre la votre,
Et toujours d'un exces vous vous jetez dans I'autre.
Vous voyez votre erreur, et vous avez connu
• Que par un zele feint vous etiez prevenu ;
Mais pour vous corriger, quelle raison demande
Que vous alliez passer dans une erreur plus grande,
Et qu'avecque le cceur d'un perfide vaurien
Vous confondiez les coeurs de tous les gens de bien ?
Quoi ? parce qu'un fripon vous dupe avec audace
8c. I.] TARTUFFE 111
me^ on these papers depend his life and his for-
tune.
Cl^an. Then why did you trust them to any other
hands ?
Org. It was from a conscientious motive. I went
straight away to tliat wretch in utter confidence,
and his arguments persuaded me it was better to
give him the box to keep, so that, in case of enquiry,
I could deny having it. I might have the help of
a subterfuge in readiness, by which my conscience
might be quite safe in swearing against the truth.
Cl^an. If one may judge by appearances, you are in
a bad case. The deed of gift and this trust are, to
speak frankly, steps taken with little consideration.
You may be carried great lengths by such pledges.
Since this man has these advantages over you, it
is still greater imprudence in you to irritate him :
you ought to seek some gentler method.
Org. What? To conceal such a false heart and such
a wicked soul under so fair an appearance of
ardent zeal ! And I, who received him as a beggar
and penniless ... It is all over, I renounce all
pious people : I shall hold them henceforth in utter
abhorrence, and shall become worse to them than
the devU.
Clean. Is not that just likft ymir liaaty wayeP Vnn ^^j^
never judge anything calmly, Yah imvar Tf<^^p y*'
in due reason. you alwaysrush from one ex- ^
treme to the other. You see your error, and
you realise you have been imposed upon by a false
piety. But is it reasonable that, in order to
correct one mistake, you should commit a greater ,■
and not make UUy lllftat-6nce hetwpipn tho hVai^^T'
^a perfidious rascal and that of a good man? What.''
because a villain nas shamelessly imposed upon
you, under the pompous mask of austerity, would
112 LE TARTUFFE [acte v.
Sous le pompeux eclat d'une austere grimace,
Vous voulez que partout on soit fait comme lui,
Et qu'aucun vrai devot ne se trouve aujourd'hui ?
Laissez aux libertins ces sottes consequences ;
Demelez la vertu d'avec ses apparences,
Ne basardez jamais votre estime trop tot,
Et soyez pour cela dans le milieu qu'il faut :
Gardez-vous, s'il se pent, d'honorer I'imposture ;
Mais au vrai zele aussi n'allez pas faire injure ;
Et s'il vous faut tomber dans une extremite,
Pechez plutot encor de cet autre cote.
SciNE II
Damis, Orgon, CuSantb
Dah. Quoi ? mon pere, est-il vrai qn'un coquin vous
menace
Qu'il n'est point de bienfait qu'en son ame il n'efface,
Et que son lache orgueil, trop digne de courroux,
Se fait de vos bontes des armes contre vous ?
Org. Oui, mon fils, et j'en sens des douleurs non
pareilles.
Dam. Laissez-moij je lui veux couper les deux oreilles :
Contre son insolence on ne doit point gauchir ;
C'est a moi, tout d'un coup, de vous en affranchir,
Et pour sortir d'afFaire, il faut que je I'assomme.
Cl^an. Voila tout justement parler en vrai jeune
homme.
Moderez, s'il vous plait, ces transports eclatants :
Nous vivons sous uu regno et sommes dans un temps
Ou par la violence on fait mal ses affaires.
sc. II.] TARTUFFE 113
you have it that all men are like him, and that
there is not a sincere worshipper to be found now-
a-days? Leave these foolish deductions to un-
believers ; distinguish between virtue and the
appearance of it ; do not bestow your esteem so
rashly ; and keep in this the rightful middle course.
Do not honour imposture, if you can avoid dninfr
3^/hHt at the same time, ao not attack tme yj^'tuft^^
I£ you must fall into an PYtrPmity, ftrr, rather^ on
the other side.
Scene II
Damis, Orgon, Cleante
Dam. Is it true, father, that this scoundrel threatens
you, that he has forgotten every benefit he has
recdrrgd, And tnat nis cowardly and shameless
arrogance turns your goodness to him mt6 arms
against you ?
Org. Yes, my son, and it causes me inexpressible
grief.
Dam. Leave him to me, I will crop his two ears for
him : you must not flinch before his insolence. I
I will rid you of him at a stroke, and, to put an end
to the matter, I will put an end to him.
CiiifcAN, That ^ pxactly how a Tnaro boy talks. T^-y
to moderate these violent outbursts. We live under
'a government, and Iti an age in'which violence only
B
114 LE TARTUFFE [actb v.
Sc&NE III
Madamb Pernelle, Marianb, Elmibe, Dorine,
Damis, Orgon, Cl^antb
Mad. Per. Qu'est-ce.'' J'apprends ici de terribles
mysteres.
Org. Ce sont des nouveautes dont mes yeux sont
temoins,
Et vous voyez le prix dont sont payes mes soins.
Je recueille avec zele un hotnme en sa misere,
Je le loge et le tiens comme mon propre frere ;
De bienfaits chaque jour il est par moi charge ;
Je lui donne ma fiUe et tout le bien que j'ai ;
Et, dans le memo temps, le perfide, I'infame,
Tente le noir dessein de suborner ma femme,
Et non content encor de ses laches essais,
II m'ose menacer de mes propres bienfaits,
Et veut, a ma mine, user des avantages
Dont le viennent d'armer mes bontes trop peu
sages.
Me chasser de mes biens, ou je I'ai transfere,
Et me reduire au point d'ou je I'ai retire.
Dor. Le pauvre homme !
Mad. Per. Mon fils, je ne puis du tout croire
Qu'il ait voulu commettre une action si noire.
Org. Comment?
Mad. Per. Les gens de bien sont envies toujours.
Org. Que voulez-vous done dire avec votre discours.
Ma mere ?
Mad. Per. Que chez vous on vit d'etrange sorte,
Et qu'on ne sait que trop la haine qu'on lui porte.
Org. Qu'a cette haine a faire avec ce qu'on vous dit.^
Mad. Per. Je vous I'ai dit cent fois quand vous ^tiea
petit :
La vertu dans le monde est toujours poursuivie ;
Les envieux mourront, mais non jamais I'euvie.
III.] TARTUFFE 116
Scene III
Madame Pernelle, Mariane, Elmire^ Dorine,
Damis, Orgon, Cl]6antb
Mad, Per. What is the matter? What are these
dreadful, mysterious reports I hear.''
Org. They are of things which I have seen with my
own eyes, and you see how I am paid for my kind-
ness. 1 eaf eriy take in a m^n mit. nf <^harity^ I
shelter Tiim, and treat him as my own brother. I
heap benents upon him every day, I give him my
riaiip-htPir and PVPryt>iing T possesS, and, all the
while, tljp villani^ thp t.r'^itnr^ |^arV^».ii-a tlio l.lQr.L-
design of sednoing- my wifp!. Not content even
with this vile attempt^ he dares to threaten me
with my own gifts ; and, in order to ruin me, he
intends to use the advantage he has obtained
through my unwise good nature to drive me out
of my estate which I made over to him, and to
reduce me to the same condition from which I
rescued him.
Dor. Pqor ipan !
Mad. Per. I can never believe, my son, that he
would commit so black a deed.
Org. Why.?
Mad. Per. Good people are always envied.
Org. What do you mean by that, mother ?
Mad. Per. Why, there are strange goings-on in your
house. It is very plain to see the ill-will they bear
him.
Org. What has this hatred to do with what I have
just told you.
Mad. Per. When you were a child I told you a
hundred times that in this world virtue is ever
persecuted, and that the envious may die, but
envy never.
116 LE TARTUFFE [acte v.
Org. Mais que fait ce discours aux choses d'aujour-
d'hui ?
Mad. Per. On vous aura forge cent sots contes de lui.
Org. Je vous ai dit deja que j'ai vu tout moi-meme.
Mad. Per. Des esprits medisants la malice est
extreme.
Org. Vous me feriez damner, ma mere. Je vous di
Que j'ai vu de mes yeux un crime si hardi.
Mad. Per, Les langues ont to uj ours du venin a
repandre,
Et rien n'est ici-bas qui s'en puisse defendre.
Org. C'est tenir un propos de sens bien de'pourvu.
Je I'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu,
Ce qu'on appelle vu : faut-il vous le rebattre
Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre ?
Mad. Per. Mon Dieu, le plus souvent I'apparence
degoit :
II ne faut pas toujours juger sur ce qu'on volt.
Org. J' enrage.
Mad. Per. Aux faux soup§ons la nature est sujette,
Et c'est souvent a mal que le bien s'interprete.
Org. Je dois interpreter k charitable soin
Le desir d'embrasser ma femme .''
Mad. Per. II est besoin,
Pour accuser les gens, d'avoir de justes causes ;
Et vous deviez attendre a vous voir sur des choses.
Org. He, diantre ! le moyen de m'en assurer mieux ?
Je devais done, ma mere, attendre qu'a mes yeux
II eut...Vous me feriez dire quelque sottise.
Mad. Per. Enfin d'un trop pur zele on voit son ^me
eprise ;
Et je ne puis du tout me mettre dans I'esprit
Qu'il ait voulu tenter les choses que Ton dit.
Org. Allez, je ne sais pas, si vous n'etiez ma mere,
Ce que je vous dirais, tant je suis en colere.
sc. III.] TARTUFFE 117
Org. But what has this speech to do with what has
happened to-day ?
Mad. Per. They have most likely fahricated a hundred _^ ^ flL<^./v^
idle stoEJes^a^aiDst liim for your benefit~ , i^ j^
Org. I have already told you 1 have seen everything^'lA/Qf "^^
myself. jOfii^Tj C
Mad. Per. The spite of slanderers is great. vV*.*^^
Org. You would drive me mad, mother. I tell you > i^A *
I saw with my own eyes this monstrous crime.
Mad. Per. Tongues are always ready to spit venom :
nothing here below is proof against them.
Org. That remark seems to lack common-sense. I
have seen it, I tell you, seen it, with my own eyes,
seen it, what people call seen it. Must I drum it
in your ears a hundred times and shout at the top
of my voice ?
Mad. Per. Well, appearances deceive more often
than not ; you must not always ludge by wnat you
see.
OUgT This maddens me.
Mad. Per. We are naturally subject to false suspicions,
and a bad construction is often put on a good deed.
Org. Must I regard his desire to kiss my wife as
charitable .''
Mad. Per. You should have just cause before you
accuse people. You ought to have waited until you
were sure you saw these things.
Org. How the devil could I better satisfy myself?
Ought I then to have waited, mother, until before
my eyes he had . . . You will make me say some-
thing idiotic.
Mad. Per. Indeed I am sure his soul burns with
too pure a zeal ; I cannot possibly believe he
would attempt the things of which people accuse
him.
Org. Enough ! If you were not my mother I do not
know what I might say to you, you make me so
angry.
118 LE TARTUFFE [aote r.
Dob. Juste retour, Monsieur, des choses d'ici-bas : J
Vous ne vouliez point croire, et Ton ue vous croit /
pas. '^ — '
Cl£an. Nous pardons des moments en bagatelles pures,
Qu'il faudrait employer a prendre des mesures.
Aux menaces du fourbe on doit ne dormir point.
Dam. Quoi.'' son eiFronterie irait jusqu'a ce point ?
Elm. Pour moi, je ne crois pas cette instance possible,
Et son ingratitude est ici trop visible.
Cl^an. Ne vous y fiez pas : il aura des ressorts
Pour donner contre vous raison a ses efforts ;
Et sur moins que cela le poids d'une cabale
Embarrasse les gens dans un facheux de'dale.
Je vous le dis encore : arme de ce qu'il a,
Vous ne deviez jamais le pousserj usque-la.
Org. II est vrai ; mais qu'y faire ? A I'orgueil de ce
traitre,
De mes ressentiments je n'ai pas ete maitre.
Clean. Je voudrais, de bon coeur, qu'on put entre
vous deux
De quelque ombre de paix raccommoder les uoeuds.
Elm. Si j'avais su qu'en main il a de telles armes,
Je n'aurais pas donne matiere a tant d'alarmes,
Et mes...
Org. Que veut cet homme } Allez tot le savoir.
Je suis bien en etat que Ton me vienne voir !
SciNE IV.
Monsieur Loyal, Madame Pebnellb, Orgon, Damis,
Mariane, Dorine, Elmirb, CliSante.
M. LoY. Bonjour, ma chere soeur ; faites, je voua
supplie.
Que je parle a Monsieur.
Dob. II est en compagnie,
Et je doute qu'il puisse a present voir quelqu'un.
M. LoY. Je ne suis pas pour etre en ces lieux importun.
sc. IV.] TARTUFFE 119
Dob. Such is the just reward of acts in this world.
Monsieur. You would not believe and now vou are
nnj hp.liflved.*^ '
CleTn, We waste time in mere trifles which we ought
to use in taking measures. We ought not to sleep
when a knave threatens.
Dam. What ? would his effrontery go to such lengths ?
Elm. For my part, I do not believe he can possibly
make out a case : his ingratitude would be too
glaring.
CijfeAN. You must not trust to that. He will find
means to justify his actions against you : for less
than this a powerful party has involved people in
sad troubles. I tell you again, armed as he is, you
ought never to have driven him thus far.
Org. That is true, but what could I do ? I was not
the master of my feelings when I saw the insolence
of this traitor.
Clean. I wish, with all my heart, we could arrange
for even the shadow of peace between you two.
Elm. If I had known he had such weapons in his
hands I would not have made so much noise about
the matter, and my . . .
Obc. What does that man want. ^ Go quickly, and
see. A nice condition I am in for seeing anybody.
Scene IV.
Monsieur Loyal, Madam Perneijle, Oroon, Damis,
Mariane, Dorine, Euhire, Cl^ante.
M. Loy. Good-morning, my dear sister, pray let me
speak to your master.
Dor. He is engaged with friends, and I doubt whether
he can see anyone at present.
M. LoY. I do not want to be intrusive in his own
120 LE TARTUFFE [acte v.
Mon abord n'aura rien, je crois, qui lui deplaise;
Et je viens pour un fait dont il sera bien aise.
Doa. Votre nom ?
M. LoY. Dites-lui seulement que je vien
De la part de Monsieur Tartuffe, pour son bien.
Dob. C'est un homme qui vient, avec douce maniere,
De la part de Monsieur Tartuffe, pour affaire
Dont vous serez, dit-il, bien aise.
Cl6an. II vous faut voir
Ce que c'est que cet homme, et ce qu'il pent vouloir.
Org. Pour nous raccommoder il vient ici peut-etre :
Quels sentiments aurai-je a lui faire paraitre?
ClAan. Votre ressentiment ne doit point eclater ;
Et s'il parle d'accord, il le faut ecouter.
M. LoY. Salut, Monsieur ! Le Ciel perde qui vous
veut nuire,
Et vous soit favorable autant que je desire !
Org. Ce doux debut s'accorde avec mon jugement,
Et pre'sage deja quelque accommodement.
M. LoY. Toute votre maison m'a toujours ete chere,
Et j'etais serviteur de Monsieur votre pere.
Org. Monsieur, j'ai grande honte et demande pardon
D'etre sans vous connaitre ou savoir votre nom.
M. LoY. Je m'appelle Loyal, natif de Normandie,
Et suis huissier a verge, en depit de I'envie.
J'ai depuis quarante ans, grace au Ciel, le bonheur
D'en exercer la charge avec beaucoup d'honneur ;
Et je vous viens. Monsieur, avec votre licence,
Signifier 1' exploit de certaine ordonnance...
Org. Quoi.^ vous etes ici... .''
M. LoY. Monsieur, sans passion :
Ce n'est rien seulement qu'une sommation,
Un ordre de vider d'ici, vous et les votres,
Mettre vos meubles hors, et faire place a d'autres.
Sans delai ni remise, ainsi que besoin est...
Org. Moi, sortir de ceans ?
M. LoY. Oui, Monsieur, s'il vous plait.
8C, IV.] TARTUFFE 121
house. I do not think my presence concerns
anything that will distress him. I have come
upon a matter which will please him.
Dob. What is your name ?
M. LoY. Simply tell him I come, on behalf of Mon-
sieur Tartuffe, for his good.
Dob. He is a man who comes with a civil message
from Monsieur Tartuffe, concerning a matter which
he says will please you.
Cli6an. You must see who this man is, and what he
can want.
Org. Perhaps he comes here to reconcile us. In
what way shall I behave to him .'*
Cl^n. You ought not to show your resentment ; and
if he speaks of an agreement you ought to listen to
him }
M. LoY. Your servant, Monsieur. May heaven
destroy those who wish you harm, and may it be
as favourable to you as I wish.
Org. This civil beginning bears out my opinion,
and augurs already some reconciliation.
M. LoY. I was your father's servant, and your whole
household has ever been dear to me.
Org. I am greatly ashamed. Monsieur, and I beg
your pardon in that I do not know you or your
name.
M. LoY. My name is Loyal, I am a native of Normandy,
and, in spite of envious people, a tipstaff. Thanks
to heaven, I have had, for the last forty years, the
happiness of holding this office with much credit.
I have come to you, Monsieur, by your leave, to
serve a writ of a certain kind . . .
Org. What."* are you Jiere 7 . .?
M. LoY. Calm yourself. Sir. It is nothing but
summons, an order to remove you and yours hence.^
"to take your furniture away, and to make way
lor otners, without delay or remission, as hereby
decrejd. ' -X
Org. I to leave this house ?
M. LoY. Yes, Monsieur, if it please you. The house, at
122 LE TARTUFFE [acts v.
La maison a present, comme savez de reste,
Au bon Monsieur Tartuffe appartient sans conteste.
De vos biens desormais il est maitre et seigneur.
En vertu d'un contrat duquel je suis porteur :
II est en bonne forme, et Ton n'y pent rien dire.
Dam. Certes, cette impudence est grande, et je I'admire.
M. LoY. Monsieur, je ne dois point avoir affaire a
vous ;
C'est a Monsieur : il est et raisonnable et doux,
Et d'un homme de bien il salt trop bien I'ofRce,
Pour se vouloir du tout opposer a justice.
Org. Mais...
M. LoY. Oui, Monsieur, je sais que pour un million
Vous ne voudriez pas faire rebellion,
Et que vous souffrirez, en honnete personne,
Que j'execute ici les ordres qu'on me donne.
Dam. Vous pourriez bien ici sur votre noir jupon,
Monsieur I'huissier a verge, attirer le baton.
M. LoY. Faites que votre fils se taise ou se retire.
Monsieur. J'aurais regret d'etre oblige d'ecrire,
Et de vous voir couche dans mon proces-verbal.
Dor. Ce Monsieur Loyal porte un air bien deloyal !
M. LoY. Pour tous les gens de bien j'ai de grandes
tendresses,
Et ne me suis voulu. Monsieur, charger des pieces
Que pour vous obliger et vous faire plaisir ;
Que pour oter par la le moyen d'en choisir
Qui, n'ayant pas pour vous le zele qui me pousse,
Auraient pu proceder d'une fagon moins douce.
Org. Et que peut-on de pis que d'ordonner aux gens
De sortir de chez eux ?
M. LoY. Ou vous donne du temps,
Et jusques a demain je ferai surseance
A I'execution, Monsieur, de I'ordonnance.
Je viendrai seulement passer ici la nuit,
Avec dix de mes gens, sans scandale et sans bruit.
Pour la forme, il faudra, s'il vous plait, qu'on m'ap-
porte,
Avant que se coucher, les clefs de votre porte.
J'aurai soin de ne pas troubler votre repos.
i
K. IV.] TARTUFFE 123
present, as you well knnWj hp^""!*" ""'1^"»'^^^»"''>^1y
to good Monsieur Tartuffft- Hp^icflfnrth, ^of _all
your ii-ooTls lie is lord and master, by virtue of a
coiitruct wljicli I have with nie. ' It is iu due forni
ajj/l imfliiny c.attJMLj;w4d-a^ i n st it.
Dam. Truly I admire this impudence : it is colossal.
M. LoY. Monsieur, I have not any business with you.
It is with this gentleman. He is both reasonable
and civil, and he knows the duty of a sensible man
too well to wish to resist what is in any way just.
Org. But . . .
M. LoY. Yes, Monsieur, I know you would not rebel
for a million, and that you will, like a gentleman,
allow me to execute here the orders which have
been given me.
Dam. Monsieur Tipstaff, it may happen that you will
here get the stick laid across your black gown.
M. LoY. Order your son to be silent or withdraw.
Monsieur. I should be sorry to have to put your
name down in my official report.
Dor.. ThiA ?lf|onsi<^ur I-rftyaJ has a very disloyal air,
M. LoY. I have much sympathy with all worthy
people, and I would not have burdened myself^
Monsieui-, with these documents save to oblige
you and to do you service, to take away in this
manner the chance of someone else being chosen
who, not having Xor you the esteem I have^ would
have proceeded in a less gentle manner.
Org. What can be worse than to order people out of
their own house?
M. LoY. Monsieur, you are given time, and I will
suspend proceedings under the writ until to-
morrow. I will simply come to pass the night
here, with ten of my men, without scandal and
without noise. For the sake of form, you will be
so good as to bring me the keys of your door
before you go to bed. I will take care not to
disturb your repose, and not to jjlowaiiy thing
unseemlyr Bift to-morrow, early in the morn-
r^
124 LE TARTUFFE [actb v.
Et de ne rien souffrir qui ne soit a propos.
Mais demain, du matin, il vous faut etre habile
A vider de ceans jusqu'au moindre ustensile :
Mes gens vous aideront, et je les ai pris forts.
Pour vous faire service a tout mettre dehors.
On n'en peut pas user mieux que je fais, je pense ;
Et comme je vous traite avec grande indulgence,
Je vous conjure aussi, Monsieur, d'en user bien,
Et qu'au du de ma charge on ne me trouble en rien.
Org. Du meilleur de mon coeur je donnerais sur
I'heure
Les cent plus beaux louis de ce qui me demeure,
Et pouvoir, a plaisir, sur ce mufle assener
Le plus grand coup de poing qui se puisse donner.
Cl^an. Laissez, ne gatons rien.
Dam. a cette audace etrange
J'ai peine a me tenir, et la main me demange.
Dor. Avec un si bon dos, ma foi. Monsieur Loyal,
Quelques coups de baton ne vous sieraient pas mal.
M. LoY. On pourrait bien punir ces paroles ini^mes,
Mamie, et Ton decrete aussi centre les femmes.
Cl]6an. Finissons tout cela. Monsieur : e'en est assez ;
Donnez tot ce papier, de grace, et nous laissez.
M. LoY. Jusqu'au revoir. Le Ciel vous tienne tous
en joie
Org. Puisse-t-il te confondre, et celui qui t'envoie !
Sc^NE V
OrOON, Cl^ANTE, MaRIANE, Er,MIRE, MADASrB
Pernelle, Dorine, Dahis
Org. H^ bien, vous le voyez, ma mere, si j'ai droit,
Et vous pouvez juger du reste par 1' exploit :
Ses trahisons enfin vous sont-elles connues ?
8c. v.] TARTU FFE 126
ing, you must be ready to clear the house even
to the smallest utensil. My men will help you.
I have chosen strong fellows, so that they can
assist you to take everything away. It is not
possible to act better than I am acting, I feel sure,
and, since I treat you with great consideration.
Monsieur, I beg that on your part you will treat
me properly and that you will not annoy me in
any way in the execution of the duties of my
office.
Oro. With the best heart in the world would 1 give
just now a hundred of the brightest louis d'or that
are left me could I have the pleasure of giving one
of the soundest clouts possible on his beak.
Clean. Be quiet, do not make matters worse.
Dam. I can hardly contain myself. My hand itches
at this monstrous impertinence.
Dor. Upon my word. Monsieur Loyal, a drubbing
with a stick would not sit ill on your broad back.
M. LoY. We could easily punish those shameful
words, my girl ; women, also, are answerable to
the law.
Clean. Let us end all this. Monsieur, there has been
enough of it. Give up this paper, for goodness'
sake, quickly, and leave us.
M. LoY. Good-bye for the present. May Heaven
keep you all in happiness I
Org. May it confound you and him who sent you 1
Scene V
Orqon, Cl:iSante, Marianb, Elmire, Madamb
Pbrnellb, Dorinb, Damis
Org. Ah ! well. You see now, mother, I was right,
and you can judge of the rest by the warrant.
Do you acknowledge his treachery at last?
126 LE TARTUFFE [acth v.
Mad. Per. Je suis tout ebaubie, et je tombe des nues!
Dor, Vous vous plaignez a tort, a tort vous le blamez,
Et ses pieux desseins par la sont confirmes :
Dans ramour du prochain sa vertu se consomme ;
II sait que tres-souvent les biens corrompent
I'homme,
Et, par charite pure, il veut vous enlever
Tout ce qui vous peut faire obstacle a vous sauver.
Org. Taisez-vous : c'est le mot qu'il vous faut tou-
jours dire.
Cl^an. Allons voir quel conseil on doit vous faire
elire.
Elm. Allez faire eclater I'audace de I'ingrat.
Ce procede detruit la vertu du contrat ;
Et sa deloyaute va paraitre trop noire.
Pour soufFrir qu'il en ait le succes qu'on veut croire.
SciiNE VI
Val^rb, Orgon, Cleante, Elmire, Mariane, etc
Val. Avec regret, Monsieur, je viens vous affliger ,
Mais je m'y vois contraint par le pressant danger.
Un ami, qui m'est joint d'une amitie fort tendre,
Et qui sait I'inte'ret qu'en vous j'ai lieu de prendre,
A viole pour moi, par un pas delicat,
Le secret que Ton doit aux affaires d'Etat,
Et me vient d'envoyer un avis dont la suite
Vous reduit au parti d'une soudaine fuite.
Le fourbe qui longtemps a pu vous imposer
Depuis une heure au prince a su vous accuser,
Et remettre en ses mains, dans les traits qu'il vous
jette,
D'un criminel d'Etat I'importante cassette,
Dont, au mepris, dit-il, du devoir d'un sujet,
sc. VI.] TARTUFFE 127
Mad. PjEg J am qiiitfl tTninHwrgtriirlf ; I foft] aS
though I had dropped from the clouds ! >
Dok. V'ou nave not any reason to complain, or to
blame him. His pious designs are confirmed by
this. His virtue reaches its consummation in the
love of his neighbour. He knows that riches very
often corrupt a man, and, out of pure charity, he
would take away from you everything which could
become an obstacle in the way of your salvation.
Org. Hold your tongue. I am continually telling
you to be quiet.
Cl^an. Let us see what course we ought to follow.
Elm. Go and expose the ungrateful wretch's auda-
city. His proceeding destroys the validity of the
contract. His disloyalty will appear too black to
allow him to gain the success he expects.
Scene VI
VALisRB, Orgon, Cl^intb, Elmire, Mariane, eto.
Val. I am very sorry. Monsieur, that I come to
trouble you, but I am forced to it by the urgency
of the danger. A friend who is united to me by
the closest ties, and who knows the interest I take
in you, has, by a hazardous step, violated for
my sake the secrecy due to affairs of State and
has just sent me some intelligence in consequence
of which you will be compelled to make a sudden
flight. About an hour ago, the knave, who has
imposed upon you for so long, thought proper to
accuse you to the king, and, amongst the charges
which he brings against you, he has put into his
hands the important documents of a State criminal
whose guilty secret he says you have kept in con-
128 LE TARTUFFE [acte v.
Vous avez conserve le coupable secret,
J'ignore le detail du crime qu'on vous donne ;
Mais un ordre est donne contre votre personne ;
Et lui-meme est charge, pour mieux 1' executor,
D'accompagner celui qui vous doit arreter.
CLiiAN. Voila ses droits armes ; et c'est par ou le
traitre
De vos bieus qu'il pretend cherche a se rendre
maitre.
Org. L'homme est, je vous I'avoue, un mechant
animal !
Val. Le moindre amusement vous pent etre fatal.
J'ai, pour vous emmener, mon carrosse a la porte,
Avec mille louis qu'ici je vous apporte.
Ne perdons point de temps : le trait est foudroyant,
Et ce sont de ces coups que Ton pare en fuyant.
A vous mettre en lieu sur je m'offre pour conduite,
Et veux accompagner jusqu'au bout votre fuite.
Org. Las ! que ne dois-je point a vos soins obligeants !
Pour vous en rendre grace il faut un autre temps ;
Et je demande au Ciel de m'etre assez propice.
Pour reconnaitre un jour ce genereux service.
Adieu : prenez le soin, vous autres . . .
Cl^an. AUez tot
Nous songerons, mon frere, a faire ce qu'il faut.
ScilNE DERNIlfcRK
L'exbmpt, Tartuffe, VAiiiRB, Orgon, Elhire,
Marianb, etc.
Tar. Tout beau. Monsieur, tout beau, ne courez point
si vite ;
Vous n'irez pas fort loin pour trouver votre gite,
Et de la part du Prince on vous fait prisonnier.
Org. Traitre, tu me gardais ce trait pour le dernier ;
C'est le coup, scelerat, par ou tu m'expedies,
Et voila couronner toutes tes perfidies.
i^ST scene] TARTUFFE 129
tempt of the duty of a subject. I do not know the
details of the crime with which you are charged, but
a warrant is out against your^gereon, and the better
*to'eXectrtS it, he himSfilt is appointed to accompany
the person who is to arrest you.
Clean. His pretensions are now armed, and it is by
this means that the traitor seeks to render himself
master of your property.
Org. I tell you the fellow is a vile brute.
VaSj. The least delay may be fatal to you. My coach
is at the door to take you away, and I have brought
you a thousand louis d'or. Do not let us lose any
time ; the bolt is shot, and this is one of those blows
which must be parried by flight. I myself offer to
conduct you to a safe retreat, and I will accompany
you even to the end of your flight.
Org. Alas ! what do I not owe to your thoughtful
care ? I must thank you another time. I beg that
heaven willjip pi-npitiong pnf|ii{rh to finable nie to
iri'i^ [low ipfl^ 'iftpie day this generous service. Fare-
well. The rest ot you be caretul . . .
Clean. Go quickly, brother, we will see to evei'y-
thing necessary.
Last Scene
A Police Officer, Tartuffe, Val^ire, Orgon,
Elmire, Mariane, etc.
Tar. Gently, Monsieur, gently, do not run so fast.
You will not have to go very far in order to find
your lodging ; we take you prisoner in the King's
name.
Org. Wretch ! You have kept this shaft for the last.
This is the blow, villain, by which you dispatch me,
and it crowns all your evil deeds.
I
130 LE TARTUFFE [acte v.
Tar. Vos injures n'ont rien a me pouvoir aigrir,
Et je suis pour le Ciel appris a tout souflFrir.
ClAan. La moderation est grande, je I'avoue.
Dam. Comme du Ciel I'infame impudemment se joue !
Tar. Tous vos emportements ne sauraient m'emou-
voir,
Et je ne songe a rien qu'a faire mon devoir.
Mar. Vous avez de ceci grande gloire a pretendre,
Et cet emploi pour vous est fort honnete a prendre.
Tar. Un emploi ne saurait etre que glorieux,
Quand il part du pouvoir qui m'envoie en ces lieux.
Org. Mais t'es-tu souvenu que ma main charitable,
Ingrat, t'a retire d'un etat miserable ?
Tar. Oui, je sais quels secours j'en ai pu recevoir ;
Mais I'interet du Prince est mon premier devoir ;
De ce devoir sacre la juste violence
EtoufFe dans mon ccBur toute reconnaissance,
Et je sacrifierais a de si puissants noeuds
Ami, femme, parents, et moi-meme avec eux.
Elm. L'imposteur !
Dor. Comme il sait, de traitresse maniere,
Se faire un beau manteau de tout ce qu'on revere !
Cl6an. Mais s'il est si parfait que vous le declarez,
Ce zele qui vous pousse et dont vous vous parez,
D'ou vient que pour paraitre il s'avise d'attendre
Qu'a poursuivre sa femme il ait su vous surprendre,
Et que vous ne songez a Taller denoncer
Que lorsque son honneur I'oblige a vous chasser?
Je ne vous parle point, pour devoir en distraire,
Du don de tout son bien qu'il venait de vous faire ;
Mais le voulant traiter en coupable aujourd'hui,
Pourquoi consentiez-vous a rien prendre de lui .''
Tar. (h, TExempt.) De'livrez-moi, Monsieur, de la
criaillerie,
Et daignez accomplir votre ordre, je vous prie.
L'Ex, Oui, c'est trop demeurer sans doute a I'accomplir:
LAST scene] TARTUFFE 131
Tar. Your abuse has no power to disturb me;J[„,ain
accustomed to endure all things for the sake of
heaven.
CLifeAN. Your moderation is great, to be sure.
Dau. Howlimpudeutly the villain plays with heaven !
Tar. All your abuse cannot move me. I do not
think of anything but of doing my duty.
Mar.. You may glorify yourself considerably in that
respect. The task is certainly an honourable one
for you to undertake.
Tar. a task cannot but be glorious when it proceeds
from the power which sends me to this place.
Org. Ungrateful wretch^ do you remember that it
was my charitable hand which raised you from a
miserable condition ?
Tar. Yes, I know what assistance I had from you,
but the interest of the Kin^ is my first duty. The
imperative obligation of that sacred duty stifles all
gratitude in my heart, and I would sacrifice friend,
wife, parents and myself with them to so powerful
a bond.
Elm. The hypocrite !
Dor. How well and artfully he knows how to make
himself a fine cloak out of all that men hold sacred.
Cw?!an. But if this zeal which fills you, and upon
which you plume yourself, is as perfect as you say
it is, why did it not think well to appear before
he happened to surprise you soliciting his wife?
Why did you not think to denounce him until his
honour obliged him to turn you away.^" I do not
say the gift of all his property he recently made
you should have prevented you from doing your
duty, but why did you agree to take anything of
his when you intended to treat him as a criminal
to-day ?
Tar. (To the Police Officer.) Pray, Monsieur, deliver me
from this clamour, and be so good as to execute
your warrant.
Pol. Off, Certainly. We have delayed the execution
132 LE TARTUFFE [actb v.
Votre bouche a propos m'invite a le remplir ;
Et pour I'executer, suivez-moi tout a I'heure
Dans la prison qu'on doit vous donner pour demeure.
Tab. Qui? moi, Monsieur?
L'Ex. Oui, vous.
Tab. Pourquoi done la prison ?
L'Ex. Ce n'est pas vous a qui j'en veux rendre raison.
Remettez-vous, Monsieur, d'une alarme si chaude.
Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude,
Un prince dont les yeux se font jour dans les coeurs,
Et que ne peut tromper tout I'art des imposteurs.
D'un fin discernement sa grande ame pourvue
Sur les choses toujours jette une droite vue ;
Chez elle jamais rien ne surprend trop d'acces,
Et sa ferme raison ne tombe en nul exces.
II donne aux gens de bien une gloire immortelle ;
Mais sans aveuglement il fait briller ce zele,
Et I'amour pour les vrais ne ferme point son coeur
A tout ce que les faux doivent donner d'horreur.
Celui-ci n'etait pas pour le pouvoir surprendre,
Et de pieges plus fins on le voit se defendre.
D'abord il a perce, par ses vives clartes,
Des replis de son coeur toutes les lachetes.
Venant vous accuser, il s'est trahi lui-meme,
Et par un juste trait de I'equite supreme,
S'est decouvert au Prince un fourbe renomme,
Dont sous un autre nom il etait informe ;
Et c'est un long detail d'actions toutes noires
Dont on pourrait former des volumes d'histoires.
Ce monarque, en un mot, a vers vous deteste
Sa lache ingratitude et sa deloyaute ;
A ses autres horreurs il a joint cette suite,
Et ne m'a jusqu'ici soumis a sa conduite
Que pour voir I'impudence aller jusques au bout,
Et vous faire par lui faire raison de tout.
Oui, de tous vos papiers, dont il se dit le maitre,
II veut qu'entre vos mains je depouille le traitre.
D'un souverain pouvoir, il brise les liens
Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens.
LAST scene] TARTUFFE 133
too long, without doubt. Your words aptly remind y
me to fulfil it. My warrant will be executed if you ^^. ^^
follow me directly to the prison which is assigned r^*-
you for your dwelling.
Tab. Who? Ir Monsiftur^
Pol. Off, Yes, you.
Tab. Why, then, to prison .!*
Pol. Off. I have no account to render to you. Com-
pose yourself, Monsieur, after so great an alarm, v
W«4ive under a kin^ who is an enemy to fr^"<^, "'^ "'.\
king wnose eyes loolt into the depths of all hearts. J, / 'rt'
MA whu ammi be dwnlved by the"~mbst artful^,/ '* ^
impostor, (iifted with k Bne dl5(^ernment. his loftv
soul at all times sees things in the right light. He
is never betrayed into exaggeration, and his sound
judgment never falls into any excess. He confers
an everlasting glory upon men of worth ; but this
zeal does not radiate blindly : his esteem for the
sincere does not close his heart to the horror aroused
by those who are treacherous. Even this person' ""
was not the man to overreach him : he has guarded
himself against more subtle snares. From the first
his quick perception pierced through all the vile-
ness coiled round that man's heart, who, coming to
act of divine justice revealed himself to tne King
as a notorious rogue, of whose deeds, under another
name, the King was aware. His life is one long
series of utterly black actions, of which volumes
might be written. In short, the monarch detested
his p)p in^ratitiirlft pnrl >iig fljclnyfllty t,ftwarHg you ;
to his other misdeeds he has added this crime ; and
I am placed in this matter under his orders, so that
the lengths to which his impudence would carry
him might be seen, and in order to make him give
you entire satisfaction. Yes, I am instructed to
take away from the wretch all your documents of
which he declares he is the owner, and to place
them in your hands. By his sovereign power he
annuls the terms of the contract which made over
134 LE TARTUFFE [actb v.
Et vous pardonne eafin cette offense secrete
Ou vous a d'un ami fait tomber la retraite ;
Et c'est le prix qu'il donne au zele qu'autrefois
On vous vit t^moigner en appuyant ses droits.
Pour montrer que son coeur salt, quand moins on y
pense,
D'une bonne action verser la recompense.
Que jamais le merite avec lui ne perd rien,
Et que mieux que du mal il se souvient du bien.
Dob. Que le Ciel soit lou^ !
Mad. Per. Maintenant je respire.
Elm. Favorable succes !
Mar. Qui I'aurait ose dire ?
Org. (iTARTrrpFB,) He bien ! te voila, traitre . . .
CiisAN. Ah ! mon frere, arretez,
Et ne descendez point a des indignites ;
A son mauvais destin laissez un miserable,
Et ne vous joignez point au remords qui I'accable :
Souhaitez bien plutot que son cceur en ce jour
Au sein de la vertu fasse un heureux retour,
Qu'il corrige sa vie en detestant son vice
Et puisse du grand Prince adoucir la justice,
Tandis qu'a sa bonte vous irez a genoux
Rendre ce que demande un traitement si doux.
Org. Oui, c'est bien dit; allons a ses pieds avec
joie
Nous louer des bontes que son coeur nous deploie.
Puis, acquittes un peu de ce premier devoir,
Aux justes soins d'un autre il nous faudra pourvoir,
Et par un doux hymen couronner en Valere
La flamme d'un amant genereux et sincere.
LAST scene] TARTUFFE 136
tn t.Tiat man all yniir wpinlt.lij anil, finally, lift
pardons you the secret offence into which the re-
treat of a friend caused you to fall. This is the
reward he bestows for the zeal which he formerly
saw you display in the support of his rights, to show
that his heart knows, when least suspected, how to
recompense a good action, that merit is never
ignored by him, and that he remembers good much
better than evil.
Dor. Heaven be praised !
Mai). Per. Now I breathe again.
Elm. What a happy end to our troubles !
Mar. Who would have dared to foretell this ?
Org. {To Tartuffe.) Ah ! well, there you go, traitor !
Cl]£an. Ah ! my brother, stay, do not descend to
abuse. Leave the wretch to his evil fate, and do not
add to the remorse which overwhelms him. Much
rather hope his heart may to-day make a happy re-
turn to the bosom of virtue ; that he may reform
his life in detesting his crime, and thus cause our
glorious King to temper justice ; whilst you throw
yourself on your knees in return for his lenity and
render the thanks such mild treatment demands.
Org. Yes, it is well said. Let us joyfully throw our-
selves at his feet and praise the goodness which his
heart has shown to us. Then, having acquitted
ourselves a little of this first duty, let us apply
ourselves to the pressing claims of another, and by
a happy wedding let us crown in Val^f« tha ardnur
of a generous and ylllCBfy lover.
KND.
DON JUAN
OR
THE FEAST WITH THE STATUE
(Le Festin de Pierre)
Don Juan was performed for the first time
February 15, 1665, and it is said that the part of
Sganarelle was played by Moli^re. The play was
written during the storm of opposition which pre-
vented the regular performance of Tartuffe ; it is an
equally trenchant attack upon hypocrisy but aroused
somewhat less enmity since no specific class was
selected as the objective. Nevertheless it ceased its
first run after the 20th of March, in the year of its
production, and the hand of the Court is evident
in the early excision and alteration of scenes. The
present text is based upon that of 1682, (in the
posthumous works of Moli^re) before it was
'corrected by order.'
U8
DON JUAN
OS
THE FEAST WITH THE STATUE
(Z/g Festin de Pierre.)
A Comedy
DRAMATIS PERSONiE
Don Juan, Don Louis's son.
Sganakelle, Don Juan's valet.
Elvibe, Don Juan's wife.
GusMAN, Elvire's gentleman-usher (ecuyer).
Don Carlos. 1 „, . , , ,
DonAlonseJ^^"*^'**^''^^^^*-
Don Louis, Don Juan' s father.
Francisque, a beggar.
Charlotte, ")
MATHURINE.r'""^''^-^"-^*-
Pierrot, a country lad.
The Statue of the Commander.
La Violette.) ^
Ragotin. / ^on Juan s footmen.
Monsieur Dimanche, a tradesman.
La Ram^e, a bully.
Suite of Don Juan.
Suite of Don Carlos and of Don Alonse, brothers.
A Ghost.
ScfiNB : Sicily
U0
DOM JUAN
ou
LE FESTIN DE PIERRE
ACTE I
S C ^ N E I
Sganarelle, Gusman
Scan, (tenant une tabatifere.) Quoi que puisse dire
Aristote et toute la Philosophic^ il n'est rieu d'e'gal
au tabac : c'est la passion des honnetes gens, et qui
vit sans tabac n est pas digne de vivre. Non-
seulement il rejouit et purge les cerveaux humains,
mais encore il instruit les ames a la vertu, et Ton
apprend avec lui a devenir honnete homme. Ne
voyez-vous pas bien, des qu'on en prend, de quelle
maniere obligeante on en use avec tout le monde,
et comme on est ravi d'en donner a droite et a
gauche, partout ou Ton se trouve? On n'attend
pas meme qu'on en demande, et Ton court au-
devant du souhait des gens : tant il est vrai que le
tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu
a tous ceux qui en prennent. Mais c'est assez de
cette matiere. Reprenons un peu notre discours. Si
bien done, cher Gusman, que Done Elvire, ta mai-
tresse, surprise de notre depart, s'est mise en cam-
pagne apres nous, et son coeur, que mon maitre a
Bu toucher trop fortement, n'a pu vivre, dis-tu,
sans le venir chercher ici. Veux-tu qu'entre nous
je te dise ma pensee ? J'ai peur qu'elle ne soit mal
uo
DON JUAN
OR
THE FEAST WITH THE STATUE
ACT I
Scene I
Sganarelle, Gusman
Scan, (holding a snuff-box.) Whatever Aristotle and all \ nrt"*/"
the Philosophers may say, there is nothing equal to
snufF. All good fellows like it, and he who lives
without snuiF does not deserve to live. It not
only exhilarates and clears a man's brains but also
teaches virtue, and one learns to become a good / -^\
fellow through its means. Do you not plainly [ \^ ):
see that, as soon as we take it, we put on an ' •'
agreeable manner towards everybody and are de-
lighted to oifer it right and left wherever we are ? \
We do not even wait until it is asked of us, but I
we forestall people's wants, so true is it that snuiF \
inspires all who take it with sentiments of good- I
feeling and of generosity. But enough of this I
matter ; let us rather resume our talk. I under-
stand then, my dear Gusman, that Donna Elvire,
your mistress, surprised at our departure, has
come in search of us because my master has suc-
ceeded in moving her heart so deeply that, you
say, she cannot live away from him. Do you wish
me, between ourselves, to tell you my opinion .'
I am afraid her love will be ill-requited, that
141
142 DOM JUAN [acte i.
payee de son amour, que son voyage en cette ville
produise peu de fruit, et que vous eussiez autaut
gagne a ne bouger de la.
Gus. Et la raison encore ? Dis-moi, je te prie, Sgana-
relle, qui peut t'inspirer une peur d'un si mauvais
augure? Ton maitre t'a-t-il ouvert son coeur la-
dessus, et t'a-t-il dit qu'il eut pour nous quelque
froideur qui I'ait oblige a partir r
Sgan. Non pas ; mais, a vue de pays, je connais a peu
pres le train des cboses ; et sans qu'il m'ait encore
rien dit, je gagerais presque que I'affaire va la. Je
pourrais peut-etre me tromper ; mais enfin, sur de
tels sujets, 1' experience m'a pu donner quelques
lumieres.
Gus. Quoi.'' ce depart si peu prevu serait une infidelite
de Dom Juan ? II pourrait faire cette injure aux
chastes feux de Done Elvire ?
Scan. Non, c'est qu'il est jeune encore, et qu'il n'a
pas le courage . . .
Gus. Un homme de sa qualite ferait une action si
lache ?
Scan. Eh oui, sa qualite ! La raison en est belle, et
c'est par la qu'il s'empecherait des choses.
Gus. Mais les saints noeuds du mariage le tiennent
engage.
Sgan. Eh ! mon pauvre Gusman, mon ami, tu ne sais
pas encore, crois-moi, quel homme est Dom Juan.
Gus. Je ne sais pas, de vrai, quel homme il peut etre,
s'il faut qu'il nous ait fait cette perfidie ; et je ne
comprends point comme apres tant d'amour et tant
d'impatience temoignee, tant d'hommages pressants,
de voeux, de soupirs et de larmes, tant de lettres
passionnees, de protestations ardentes et de ser-
ments reiteres, tant de transports enfin et tant
d'emportements qu'il a fait paraitre, jusqu'a forcer,
dans sa passion, I'obstacle sacre d'un convent, pour
mettre Done Elvire en sa puissance, je ne comprends
sc. r.] DON JUAN 143
her journey to this town will produce little result,
and that you would have gained just as much had
you never stirred from home.
Gus. And your reason for this? Pray tell me,
Sganarelle, what is it that fills you with such an ill-
omened fear ? Has your master opened his heart
to you on the subject? Has he told you he was
obliged to leave because of his coldness towards
us?
Sgan. Indeed no. But, by what I see, I know pretty
well the run of things ; and, although he has not
yet said anything to me, I would almost swear
the matter tends that way. Perhaps I may deceive
myself, still, in such cases, experience has some-
what enlightened me.
Gus. What? Can this sudden departure indicate an
act of infidelity on the part of Don Juan ? Could
he do this wrong to the pure love of Donna Elvire ?
Sgan. No; he is still young, and he has not the
courage . . .
Gus. Could a man of his rank commit so vile an
action ?
Sgan. Oh yes, his rank ! An admirable reason in-
deed ! He would abstain from things on that
account !
Gus. But he is restrained by the sacred bonds of
matrimony.
Sgan. Ah ! my friend, my good Gusman, believe me,
you do not know what sort of a man Don Juan is.
Gus. It is true, I do not know what sort of a man he
may be if he has been guilty of this treachery towards
us ; I cannot comprehend how, after so much love
and so much impatience, so much ostentatious
homage, such vows, sighs and tears, so many
passionate letters, such ardent protestations and
reiterated oaths, so many ravings, and, lastly, so
many outbursts which he has carried so far as even
in his passion to break through the sacred precincts
of a convent in order to get Donna Elvire into his
144 DOM JUAN [acte i.
paSj dis-je, comme^ apres tout cela, il aurait le
cceur de pouvoir manquer a sa parole.
Sgan. Je n'ai pas grande peine a le comprendre, moi ;
et si tu connaissais le pelerin^ tu trouverais la chose
assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait change
de sentiments pour Done Elvire, je n'en ai point de
certitude encore : tu sais que, par son ordre, je
partis avant lui, et depuis son arrivee il ne m'a
point entretenu ; mais par precaution, je t'apprends,
i7iter nos, que tu vois en Dom Juan, mon maitre,
le plus grand scelerat que la terre ait jamais porte,
un enrage, uu chien, un diable, un Turc, un
heretique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer, ni loup-
garou, qui passe cette vie en veritable bete brute,
un pourceau d' Epicure, un vrai Sardanapale, [qui]
ferme I'oreille a toutes les remontrances qu'on
lui peut faire, et traite de billevesees tout ce
que nous croyons. Tu me dis qu'il a epouse ta
maitresse: crois qu'il aurait plus fait pour sa
passion, et qu'avec elle il aurait encore epouse toi,
son chien, et son cliat. Un mariage ne lui coute
rien a contracter ; il ne se sert point d'autres
pieges pour attraper les belles, et c'est un epouseur
a toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise,
paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de
trop froid pour lui ; et si je te disais le nom de
toutes celles qu'il a epousees en divers lieux, ce
serait un chapitre a durer jusqu'au soir. Tu
demeures surpris et changes de couleur a ce discours ;
ce n'est la qu'une ebauche du personnage, et pour en
achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups
de pinceau. Suffit qu'il faut que le courroux du
Ciel I'accable quelque jour ; qu'il me vaudrait bien
mieux d'etre au diable que d'etre a lui, et qu'il me
fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il
fut deja je ne sais ou. Mais un grand seigneur
mechant homme est une terrible chose ; il faut que
je lui sois fidele, en depit que j'en aie : la crainte en
moi fait I'office du zele, bride mes sentiments, et
me reduit d'applaudir bien souveut a ce que mon
sc. I.] DON JUAN 146
power, — I do not understand, I say, how, after all
this, he could have the heart to break his word.
Scan. I do not find it very difficult to understand, for
my part, and, if you knew the fellow, you would
see the thing was easy enough for him. I do
not say he has changed his sentiments towards
Donna Elvire, I am not yet certain of it. You
know he ordered me to set out before him ; and,
since his arrival, he has not held any conversation
with me. But, by way of precaution, I tell you,
between ourselves, that in Don Juan, my master,
you behold the greatest scoundrel who ever walked
the earth ; a madman, a dog, a devil, a Turk, a
he^retic who does not believe in heaven, hell or
demon, who passes his life like a veritable brute-
beast, an Epicurean hog ; a regular Sardanapalus,
who shuts his ears against every remonstrance
which is made him, and regards everything we
believe as old wives' tales. You say he has married
your mistress : believe me, he would have done
more to satisfy his passion ; and, in addition to
her, he would have married even you, her dog
and her cat. It does not cost him anything to
contract a marriage ; it is his usual snare in order
to entrap the fair sex. He marries right and left :
fine lady, young girl, town maid or country lass.
None is too warm or too cold for him. If I
were to tell you the names of all those he has
married in different places it would be a rigmarole
which would last until night. You seem surprised
and you change colour at this talk : it is a mere
outline of the man, and in order to fill in the
portrait many other touches with the brush would
be required. I daresay the wrath of heaven will
some day overtake him. I had much better
belong to the devil than to him. He makes me
witness so many evil deeds that I could wish he
were already I do not know where. But when a
great lord is a wicked man it is a terrible thing. I
must be faithful to him, whatever I may think ;
K
146 DOM JUAN [acte i.
ame ddteste. Le voila qui vient se promener dans
ce palais : separons-nous. Ecoute au moins : je t'ai
fait cette confidence avec franchise, et cela m'est
Borti un peu bien vite de la bouche ; mais s'il fallait
qu'il en vint quelque chose a ses oreilles, je dirais
hautement que tu aurais menti.
SciNE II
DoM Juan, Soanarellb
D. Juan. Quel homme te parlait la? II a bien de
I'air, ce me semble, du bon Gusman de Done
Elvira.
Soan. C'est quelque chose aussi a peu pres de cela.
D. Juan. Quoi .'' c'est lui ?
Soan. Lui-meme.
D. Juan. Et depuis quand est-il en cette ville .''
Soan. D'hier au soir.
D. Juan. Et quel sujet I'amene?
Soan. Je crois que vous jugez assez ce qui le peut
inquidter.
D. Juan. Notre depart sans doute .''
Soan. Le bonhomme en est tout mortifi^, et m'en
demandait le sujet.
D. Juan. Et quelle r^ponse as-tu faite ?
Soan. Que vous ne m'en aviez rien dit.
D. Juan. Mais encore, quelle est ta pensee la-dessus ?
Que t'imagines-tu de cette affaire ?
Soan. Moi, je crois, sans vous faire tort, que vous
avez quelque nouvel amour en tete.
D. Juan. Tu le crois ?
Soan. Oui.
D. Juan. Ma foi ! tu ne te trompes pas, et je dois
so. II.] DON JUAN 147
fear supplies in me the place of devotion, curbs my
feelings, and often compels me to applaud things
I detest from my very soul. There he comes
to take a walk in the palace ; let us part. One
word more : I have given you my confidence freely,
it has slipped out of my mouth a little too glibly, but
if any of it should reach his ears I should flatly
declare you lied.
Scene II
Don Juan, Sganarelle
D. Juan. Who was that talking to you there? It
seems to me he has the manner of honest Gusman
of the household of Donna Elvire.
Sgan. That is something very near the truth.
D. Juan. What.? is it he}
Sgan. Himself.
D. Juan. How long has he been in this town ?
Scan. Since last night.
D. Juan. What brings him here .''
SoAN. I think you can guess pretty well what disturbs
him.
D. Juan. Our departure, doubtless.''
Sgan. The good man is quite shocked, and asked me
the reason.
D. Juan. What reply did you make ?
Sgan. That you had not said anything to me about it.
D, Juan. Come now, what do you think about it."*
What is your opinion of this affair ?
Sgan. I ? I do not believe I shall be wronging you
if I say you have some new amour in your head.
D. Juan. You think so ?
Sgan. Yes.
D. Juan. Upon my word, you are not mistaken ; I
148 DOM JUAN [acte i.
t'avouer qu'un autre objet a chasse Elvire de ma
pensee.
Scan. Eh mon Dieu ! je sais mon Dom Juan sur le
bout du doigtj et counais votre coeur pour le plus
grand coureur du monde : il se plait a se promener
de liens en liens, et n'aime guere a demeurer en
place.
D. Juan. Et ne trouves-tu pas, dis-moi, que j'ai
raison d'en user de la sorte .''
Sqan. Eh ! Monsieur.
D. Juan. Quoi ? Parle.
Sgan. Assurement que vous avez raison, si vous le
voulez ; on ne peut pas aller la contre. Mais, si
vous ne le vouliez pas, ce serait peut-etre une autre
affaire.
D. Juan. Eh bien ! je te donne la liberte de parler et
de me dire tes sentiments.
Sgan. En ce cas. Monsieur, je vous dirai franchement
que je n'approuve point votre methode, et que je
trouve fort vilain d'aimer de tous cotes comme vous
faites.
D. Juan. Quoi ? tu veux qu'on se lie a demeurer au
premier objet qui nous prend, qu'on renonce au
monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour
personne ? La belle chose de vouloir se piquer d'un
faux honneur d'etre fidele, de s'ensevelir pour
toujours dans une passion, et d'etre mort des sa
jeunesse a toutes les autres beautes qui nous
peuvent frapper les yeux ! Non, non : la Constance
n'est bonne que pour des ridicules ; toutes les
belles ont droit de nous charmer, et I'avantage
d'etre rencontree la premiere ne doit point derober
aux autres les justes pretentions qu'elles ont toutes
sur nos coeurs. Pour moi, la beaute me_ravit par-
tout ou je la trouve, et je cede facilement a cette
douce violence dont elle nous entraine. J'ai beau
etre engage, I'amour que j'ai pour une belle n'engage
point mon ame a faire injustice aux autres ; je con-
serve des yeux pour voir le merite de toutes, et
rends a chacune les hommages et les tributs ou la
8c. II.] DON JUAN 149
must own to you that another object has chased
Elyire from my mind.
Sgan. Oh ! Good Heavens ! I know my Don Juan
to my finger-tips : your heart is the greatest
rover in the world ; it is pleased to run from one
bondage to another and does not love to rest in one
place.
D. Juan. Now, tell me, do you not think I am right
in acting in such a manner .''
Sgan. Ah ! Monsieur.
D. Juan. What.? Speak.
Sgan. Undoubtedly you are right, if you have a mind
to it ; there is no gainsaying that. But if you
were not inclined to it, it might, perhaps, be
another matter.
D. Juan. I give you leave to speak and to tell me
your feelings.
Sgan. In that case, Monsieur, I will tell you frankly
I do not approve of your goings on, and I think
it a very base thing to make love on all sides as
you do.
D. Juan. What ! Would you have a man bind him-
self to remain with the first object that attracts
him, renounce everything for her, and be blind to
every one else? A pretty thing to pique oneself
on the empty honour of being faithful, to bury
oneself for ever in one passion and to be dead from
one's youth to all other beauties that may capti-
vate ! No, no : constancy is fit only for fools ;
every beautiful woman has a right to charm. The
advantage of being the first to be loved ought
not to rob others of the just pretensions they all
have to our hearts. For my part, beauty delights^
me wherever I find it, and I readily yield to the
sweet tyranny which it exercises. 1 may be
engaged, but the love I have for one fair one
does not compel my heart to act with injustice
towai'ds others; I have eyes to see the merit of
them all, and to pay to each the homage and
tribute nature demands from us. However it
150 DOM JUAN [acte i.
nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis
refuser mon cceur a tout ce que je vols d'aimable ;
et des qu'un beau visage me le demande, si j'en
avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclina-
tions naissanteSj apres tout, ont des charmes inex-
plicables, et tout le plaisir de I'amour est dans le
changement. On goute une douceur extreme a
reduire, par cent hommages, le coeur d'une jeune
beaute, a voir de jour en jour les petits progres
qu'on y fait, a combattre par des transports, par
des larmes et des soupirs, I'innocente pudeur d'une
ame qui a peine a rendre^.les armes, a forcer pied
a pied toutes les petites . resistances qu'elle nous
oppose, a vaincre les scrupules dont elle se fait un
honneur et la mener doucement ou nous avons envie
de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maitre une
fois, il n'y a plus rien a dire ni rien a souhaiter ;
tout le beau de la passion est fini, et nous nous
endormons dans la tranquillite d'un tel amour, si
quelque objet nouveau ne vient reveiller nos desirs,
et presenter a notre coeur les charmes attrayants
d'une conquete a faire. Enfin il n'est rien de si
doux que de triompher de la resistance d'une belle
personne, et j'ai sur ce sujet I'ambition des con-
querants, qui volent perpetuellement de victoire
en victoire, et ne peuvent se resoudre a borner
leurs souhaits. II n'est rien qui puisse arreter
I'impetuosite de mes desirs : je me sens un coeur a
aimer toute la terre ; et comme Alexandre, je sou-
haiterais qu'il y eut d'autres mondes, pour y pouvoir
etendre mes conquetes amoureuses.
Sgan. Vertu de ma vie, comme vous debitez ! II
semble que vous ayez appris cela par coeur, et vous
parlez tout comme un livre.
D. Juan. Qu'as-tu a dire la-dessus ?
Sgan. Ma foi ! j'ai a dire . , . je ne sais que dire ;
car vous tournez les choses d'une maniere, qu'il
semble que vous avez raison ; et cependant il est
vrai que vous ne I'avez pas. J'avais les plus belles
pensees du monde, et vos discours m'ont brouille
8c. II.] DON JUAN 151
may be, I cannot refuse my heart to any lovely
creature I see ; and, as soon as a pretty face asks
me, had I ten thousand hearts I would give them
all. First beginnings, besides, have indescrib-
able charms, and all the pleasure of love consists
in variety. It is an extreme delight to reduce,
by a hundred wiles, the heart of a young beauty ;
to see the gradual progress we make from day to
day ; to combat, by raptures, tears and sighs the
innocent modesty of a heart which can hardly sur-
render itself; to force, inch by inch, through all
the little obstacles which she throws in our way ;
to overcome the scruples upon which she prides
herself; and to lead her gently whither we have
a mind to bring her. But as soon as she is
mastered, there is nothing left to be said or to be
desired ; all the charm of the passion is at an end,
and we should fall asleep in the tranquillity of sucli
a love unless some new object came to awaken our
desires, and to present to our heart the fascinating .
charms of a conquest still to make ; in short there / /^t/i j
is nothing so agreeable as to triumph over the | , \^**
resistance of a fair maiden, and, in this matter, I \/W" ^
am as amhit.iniis as (•.nnniiftrnra whn flv ■nRrnp.tiiallv I ' iw-^-'^
IjS^f
am as ambitious as conquerors who fly perpetually I / /y"^
I find I have a heart capable of loving the whole / /^^jj^ -j^"
world, and, like Alexander, I could wish for other C/ iL^jnj^
worlds that I might extend my amorous con-/ ^yJ^
quests. — — ' *| *
Sgan. Good gracious, how you hold forth ! One ^
would think you had learnt it by heart ; you talk
just like a book.
D. Juan. What have you to say to this }
Sgan. Upon my word, I have to say ... I do not
know what to say ; for you twist things in such a
manner as to make it seem you are in the right,
and yet it is certain you are not. I had the
finest arguments imaginable, but your speech has
152 DOM JUAN [acte r.
tout cela. Laissez faire : une autre fois je mettrai
mes raisonnements par ecrit, pour disputer avec
vous.
D. Juan. Tu feras bien,
Sqan. Mais, Monsieur, cela serait-il de la permission
que vous m'avez donnee, si je vous disais que je
suis tant soit peu scandalise de la vie que vous
menez ?
D. Juan, Comment? quelle vie est-ce que je mene?
SoAN. Fort bonne. Mais, par exemple, de vous voir
tous les mois vous marier comme vous faites . . .
D. Juan. Y a-t-il rien de plus agreable .''
Sgan. II est vrai. Je consols que cela est fort agreable
et fort divertissant, et je m'en accommoderais assez,
moi, s'il n'y avait point de mal ; mais. Monsieur, se
jouer ainsi d'un mystere sacre, et . . .
D. Juan. Va, va, c'est une affaire entre le Ciel et moi,
et nous la demelerons bien ensemble, sans que tu
t'en mettes en peine.
Sgan. Ma foi ! Monsieur, j'ai toujours oui dire que
c'est une mechante raillerie que de se railler du
Ciel, et que les libertins ne font jamais une bonne
fin.
D. Juan. Hola ! maitre sot, vous savez que je vous ai
dit que je n'aime pas les faiseurs de remontrances.
Sgan. Je ne parle pas aussi a vous, Dieu m'en garde.
Vous savez ce que vous faites, vous ; et si vous ne
croyez rien, vous avez vos raisons ; mais il y a de
certains petits impertinents dans le monde, qui
sont libertins sans savoir pourquoi, qui font les
esprits forts, parce qu'ils croient que cela leur
sied bien ; et si j'avais un maitre comme cela, je
lui dirais fort nettement, le regardant en face :
*'osez-vous bien ainsi vous jouer du Ciel, et ne
tremblez-vous point de vous moquer comme vous
faites des choses les plus saintes? C'est bien a
vous, petit ver de terre, petit mirmidon que vous
etes (je parle au maitre que j'ai dit), c'est bien a
vous a vouloir vous meler de tourner en raillerie ce
8c. II.] DON JUAN 153
driven them all away. Never mind ; another time
I will put my reasons in writing in order to answer
you.
D. Juan. That will be as well.
Sgan. But, Monsieur, would it be within the per-
mission you have given me if I were to tell you
I am somewhat scandalised at your manner of
living?
D. Juan. Why ? What kind of life do I lead >
Sgan. A very good one. But, for example, to see
you marry every month as you do . . .
D. Juan. Can there be anything more delightful .''
Sgan. That is true. I should think it is both very
agreeable and very amusing. I myself should
like it well enough were there no harm in it-;
but. Monsieur, to trifle thus with a sacrfed mystery,
and . . .
D. Juan. Well, well ! It is an affair between heaven
and myself, and we can very easily settle it between
ourselves without your being troubled in the matter.
Sgan. Upon my word. Monsieur, I have always heard
it said that to jest about heaven is sorry jesting,
and freethinkers never come to a good end.
D. Juan. Pooh ! master fool, you know I have told
you I do not like makers of remonstrances.
Sgan. Heaven forbid I should preach at you. You
know yourself what you are doing ; and, if you do
not believe in anything, you have your reasons ;
but there are some certain little impertinent
gentlemen in the world, who are freethinkers
without knowing why, who are 'strong-minded,'
because they think it well-becomes them. Had
I a master of this kind, I would tell him pretty
plainly, looking him in the face : ' How dare you
jest thus with heaven.-* Do you not tremble
when you mock as you do at the most sacred
things? It well becomes you, you little earth-
worm, little shrimp that you are (I speak to the
master aforesaid), it well becomes you to wish to
154 DOM JUAN [acte i.
que tous les hommes reverent? Pensez-vous que
pour etre de qualite, pour avoir une perruque
blonde et bien frisee, des plumes a votre chapeau,
un habit bien dore, et de rubans couleur de feu (ce
n'est pas a vous que je parle, c'est a I'autre), pensez-
vous, dis-je, que vous en soyez plus habile homme,
que tout vous soit permis, et qu'on n'ose vous dire
vos ve'rites? Apprenez de moi, qui suis votre
valet, que le Ciel punit tot ou tard les impies,
qu'une me'chante vie amene une mechante mort,
et que . . .
D. J VAN. Paix !
Sgan. De quoi est-il question ?
D. Juan. II est question de te dire qu'une beaute' me
tient au coeur, et qu'entraine par ses appas, je I'ai
suivie jusqu'en cette ville.
Sgan. Et n'y craignez-vous rien. Monsieur, de la
mort de ce commandeur que vous tuates il y a six
mois ?
D. Juan. Et pourquoi craindre ? Ne I'ai-je pas bien
tue ?
Sgan. Fort bien, le mieux du monde, et il aurait tort
de se plaindre.
D. Juan. J'ai eu ma grace de cette affaire.
Sgan. Oui, mais cette grace n'eteint pas peut-etre le
ressentiment des parents et des amis, et . . .
D. Juan. Ah ! n' aliens point songer au mal qui nous
pent arriver, et songeons seulement a ce qui nous
pent donner du plaisir. La personne dont je te
parle est une jeune fiancee, la plus agreable du
monde, qui a ete conduite ici par celui meme
qu'elle y vient epouser; et le hasard me fit voir
ce couple d'amants trois ou quatre jours avant leur
voyage. Jamais je n'ai vu deux personnes etre si
contentes I'un de I'autre, et faire e'clater plus
d'amour. La tendresse visible de leurs mutuelles
ardeurs me donna de I'emotion ; j'en fus frappe au
coeur et mon amour commenga par la jalousie.
Oui, je ne pus soulFrir d'abord de les voir si bien
sc. II.] DON JUAN 166
turn into ridicule all that men revere. Do you
think that because you are a man of quality,
because you have a fair and well-curled peruke,
feathers in your hat, a gold-laced coat and flame-
coloured ribbons (I do not speak to you but to the
other), do you think, I say, you are the wiser man
for this .'' that you may be allowed to do anything,
and that no one should dare to tell you the truth ?
Learn from me, your servant, that, sooner or later,
heaven punishes the impious ; that an evil life
leads to an evil end, and that . . .
D. Juan. Silence.
SoAN. Why ? What is the matter ?
D. Juan. The matter is to tell you a certain beauty
has taken possession of my heart, and that,
captivated by her beauty, I have followed her to
this town.
Scan. And have you no apprehensions. Monsieur,
from the death of the Commander you killed six
months ago .''
D. Juan. Why should I be afraid? Did I not kill
him honourably ?
Sgan. Very honourably : in fact, irreproachably : he
would be in the wrong to complain.
D. Juan. I was pardoned for the affair.
Sgan. Yes, but it may be this pardon did not stifle
the resentment of relations and friends, and . . .
D. Juan. Oh ! Do not let us think of the harm
which may happen to us, but only of what can
give us pleasure. The person of whom I speak to
you is a young betrothed, the most bewitching I
ever saw, who was brought hither by the very
man she is to marry. Chance threw this pair of
lovers in my way three or four days before they
set out. 1 never saw two persons so satisfied with
each other or who displayed so much affection. The
manifest tenderness of their mutual attachment was
very touching. I was struck to the heart and my
love began in jealousy. Yes, I could not at first
sight bear to see them so happy together. Vexation
156 DOM JUAN [actb i.
ensemble ; le depit alarma mes desirs, et je me
figurai un plaisir extreme a pouvoir troubler leur
intelligence, et rompre cet attachement, dont la
delicatesse de mon coeur se tenait offense ; mais
jusques ici tous mes efforts ont ete inutiles, et j'ai
recours au dernier remede. Cet epoux pretendu
doit aujourd'hui re'galer sa maitresse d'une
promenade sur mer. Sans t'en avoir rien dit,
toutes choses sont preparees pour satisfaire mon
amour, et j'ai une petite barque et des gens, avec
quoi fort facilement je pretends enlever la belle.
Scan. Ha ! Monsieur . . .
D, Juan. Hen ?
Sgan. C'est fort bien fait a vous, et vous le prenez
comme il faut. II n'est rien tel en ce monde que
de se contenter.
D. Juan. Prepare-toi done a venir avec moi, et prends
soin toi-meme d'apporter toutes mes armes, afin
que . . . Ah ! rencontre facheuse. Traitre, tu ne
m'avais pas dit qu'elle etait ici elle-meme.
Sgan. Monsieur, vous ne me I'avez pas demande.
D. Juan, Est-elle folle, de n'avoir pas change d'habit^
et de venir en ce lieu-ci avec son equipage de cam-
pagne .''
Sc^NE III.
Done Elvibe, Dom Juan, Sganareli.b.
D. Elv. Me ferez-vous la grace, Dom Juan, de vouloir
bien me reconnaitre .'' Et puis-je au moins esperer
que vous daigniez tourner le visage de ce cote .''
D, Juan. Madame, je vous avoue que je suis surpris,
et que je ne vous attendais pas ici.
D. Elv. Oui, je vois bien que vous ne m'y attendiez
pas ; et vous etes surpris, a la v^erite, mais tout
autrement que je ne I'esperais ; et la maniere dont
vous le paraissez me persuade pleinement ce que je
8c. III.] DON JUAN 167
roused my desire ; and I pictured to myself what
extreme pleasure it would give me to disturb their
harmony^ and to break off that union so offensive
to my heart's susceptibilities. Hitherto, however,
all my efforts have been fruitless, and I must have
recourse to the last remedy. This intended spouse
is to-day to regale his mistress with a sail on the
sea. Without having said anything to you about
it, everything is prepared to gratify my passion.
I have a small vessel ready, and some men by
whose help I can very easily carry off the fair one.
SoAN. Ah ! Monsieur . . .
D. Juan. What.?
Sgan. You have done quite right, and you take things
in a proper light. There is nothing in this world
like gratifying one's desires.
D. Juan. Prepare, then, to come with me and take
care to bring all my arms yourself in order that
. . . Ah ! what a vexatious meeting. Villain, you
did not tell me she was here herself.
Sgan. Monsieur, you did not ask me.
D. Juan. Is she mad not to have changed her dress,
and to come to this place in her country clothes .''
Scene III.
Donna Elvibe, Don Juan, Soanarellb.
D. Elv. Will you do me the favour, Don Juan, to be
so good as to notice me .'' Can I at least hope you
would deign to turn your eyes upon me ?
D. Juan. 1 am surprised. Madam, I must confess ; I
did not expect you here.
D. Elv. Yes, I see plainly you did not expect me,
and that you are indeed surprised, but quite
otherwise than I hoped ; the manner you adopt
fully persuades me of what I refused to believe. I
168 DOM JUAN [acte i.
refusals de croire. J'admire ma simplicite et la
faiblesse de mon coeur a douter d'une trahison que
tant d'apparences me confirmaient. J'ai ete assez
bonne^ je le confesse^ ou plutot assez sotte pour me
vouloir tromper moi-meme, et travailler a dementir
mes yeux et mon jugement. J'ai cherche des
raisons pour excuser a ma tendresse le relachement
d'amitie qu'elle voyait en vous ; et je me suis forge
expres cent sujets legitimes d'un depart si precipite,
pour vous justifier du crime dont ma raison vous
accusait. Mes justes soupQons chaque jour avaient
beau me parler : j'en rejetais la voix qui vous
rendait criminel a mes yeux^ et j'ecoutais avec
plaisir mille chimeres ridicules qui vous peignaient
innocent a mon coeur. Mais enfin cet abord ne me
permet plus de douter, et le coup d'oeil qui m'a
regue m'apprend bien plus de choses que je ne
voudrais en savoir. Je serais bien aise pourtant
d'oui'r de votre bouche les raisons de votre depart.
Parlez, Dom Juan, je vous prie, et voyons de quel
air vous saurez vous justifier.
D. Juan. Madame, voila Sganarelle qui sait pourquoi
je suis parti.
Sgan. Moi, Monsieur? Je n'en sais rien, s'il vous
plait.
D. Elv. He bien ! Sganarelle, parlez. II n'importe
de quelle bouche j'entende ses raisons.
D. Juan, (faisantsigned'approcherJi Sganarelle.) Aliens,
parle done a Madame.
Sgan. Que voulez-vous que je disc ?
D. Elv. Approchez, puisqu'on le veut ainsi, et me
dites un peu les causes d'un depart si prompt.
D. Juan. Tu ne repondras pas ?
Sgan. Je n'ai rien a repondre. Vous vous moquez
de votre serviteur.
D. Juan. Veux-tu repondre, te dis-je?
Sgan. Madame . , .
D. Elv. Quoi?
sc. III.] DON JUAN 169
marvel at my simplicity and the weakness of my
heart, in doubting a treachery which so many
appearances have confirmed. I was simple-minded
enough, I confess, or, rather, foolish enough, to
wish to deceive myself, and to take pains to give
the lie to my eyes and my judgment. I sought for
reasons to excuse to my affection the diminution
of friendship which it saw in you. I purposely
invented a hundred legitimate excuses for so hasty
a departure, to clear you from the crime of which
my common-sense accused you. My just suspicions
spoke to me each day in vain : I would not listen
to their voice, since they represented you to me as
a criminal. I listened with pleasure to a thousand
ridiculous fancies which depicted you to my heart
as innocent. But, at last, this meeting leaves me
no further room for doubt, and the glance with
which you received me teaches me many more
things than I ever wished to know. I shall be
very glad, nevertheless, to hear from your own
lips the reason for your departure. Pray speak,
Don Juan, and let us see in what way you can
justify yourself.
D. Juan. Sganarelle there knows why I went away.
Madam.
Sgan. I, Monsieur? By your leave I do not know
anything of the matter.
D. Elv. Well, Sganarelle, speak ; it does not matter
from whose mouth I hear the reasons.
D. Juan, (making a sign to Sganarelle to approach.) Come
now and speak to Madam.
Sgan. What do you want me to say .''
D. Elv. Come hither, since he will have it so, and tell
me a few of the causes of his sudden departure.
D. Juan. Will you not answer .''
Sgan. I have nothing to answer ; you make game of
your servant.
D. Juan. Will you answer, I say?
Sgan. Madam . . ,
D. Elv. What?
160 DOM JUAN [acte i.
Sgan. (seretoiimant vers son maitre.) Monsieur . . .
D, Juan. Si . . .
SoAN. Madame, les conquerants, Alexandre et les
autres mondes sont cause de notre depart, Voila,
Monsieur, tout ce que je puis dire.
D. Elv, Vous plait-il, Dom Juan, nous eclaircir ces
beaux mysteres ?
D. Juan. Madame, a vous dire la verite . . .
D. Elv. Ah ! que vous savez mal vous defendre pour
un homme de cour, et qui doit etre accoutume a
ces sortes de choses ! J'ai pitie de vous voir
la confusion que vous avez. Que ne vous armez-
vous le front d'une noble effronterie .'' Que ne me
jurez-vous que vous etes toujours dans les memes
sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours
avec une ardeur sans egale, et que rien n'est capable
de vous detacher de moi que la mort .f' Que ne me
dites-vous que des affaires de la derniere con-
sequence vous ont oblige a partir sans m'en donner
avis ; qu'il faut que, malgrd vous, vous demeuriez
ici quelque temps, et que je n'ai qu'a m'en retourner
d'ou je viens, assuree que vous suivrez mes pas le
plus tot qu'il vous sera possible ; qu'il est certain
que vouz brulez de me rejoindre, et qu'eloigne de
moi, vous souffrez ce que souifre un corps qui est
separe de son ame? Voila comme il faut vous
defendre, et non pas etre interdit comme vous etes.
D. Juan. Je vous avoue, Madame, que je n'ai point
le talent de dissimuler, et que je porte un coeur
sincere. Je ne vous dirai point que je suis toujours
dans les memes sentiments pour vous, et que je
brule de vous rejoindre, puisque enfin il est assure
que je ne suis parti que pour vous fuir ; non point
par les raisons que vous pouvez vous figurer, mais
par un pur motif de conscience, et pour ne croire
pas qu'avec vous davantage je puisse vivre sans
peche. II m'est venu des scrupules, Madame, et
j'ai ouvert les yeux de I'ame sur ce que je faisais.
J'ai fait reflexion que, pour vous epouser, je vous
ai derobee a la cloture d'un convent que vous avez
sc. III.] DON JUAN 161
Sgan. (turning to his master) Monsieur . . .
D. Juan. If . . .
Sgan. Conquerors, Alexander and other worlds.
Madam, are the causes of our departure. That,
Monsieur, is all I can say.
D. Elv. Will you be pleased, Don Juan, to enlighten
for us these fine mysteries ?
D. Juan. To tell you the truth, Madam . . .
D. Elv. Ah ! How badly you defend yourself for a
courtier who should be accustomed to this sort of
thing. I pity your state of confusion. Why do
you not present a bolder front.'' Why do you not
swear to me you still entertain the same feelings
for me; that you have ever loved me with an
unparalleled affection and that nothing short of
death can sever you from me .'' Why do you not
tell me affairs of the utmost consequence obliged
you to set out without informing me of them, that
much against your will you must stay here for
some time and that I have but to return whence I
came, assured you will follow in my footsteps as
soon as possible ; that it is certain you are impatient
to rejoin me, and that separated from me you suffer
what a body suffers when separated from the soul.''
That is the way to defend yourself, instead of
standing confused as you do.
D. Juan. I own to you. Madam, I have not a talent
for dissimulation : my heart is sincere. I will
not tell you I still entertain the same feelings
for you and that I am impatient to rejoin you,
since, really, it is the fact that I only came away
in order to avoid you ; not for the reasons you
imagine, but from a simple scruple of conscience,
and because I could not believe it possible to live
with you longer without sin. I felt some scruples.
Madam, and the eyes of my mind were opened to
what I was doing. I reflected that in order to
marry you, I forced you from the seclusion of a
convent, that you broke vows which bound you in
other directions, and that Heaven is very jealous of
162 DOM JUAN [actb i.
rompu des voeux qui vous engageaient autre part,
et que le Ciel est fort jaloux de ces sortes de choses.
Le repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux
celeste ; j'ai cru que notre mariage n'etait qu'un
adultere deguise, qu'il nous attirerait quelque
disgrace d'en haut, et qu'enfin je devais tacher
de vous oublier, et vous donner moyen de retourner
a vos premieres chaines. Voudriez-vous, Madame,
vous opposer a une si sainte pensee, et que j'allasse,
en vous retenant, me mettre le Ciel sur les bras,
que par
?
D. Elv. Ah ! scelerat, c'est maintenant que je te
connais tout entier ; et pour mon malheur, je te
connais lorsqu'il n'en est plus temps, et qu'une
telle connaissance ne peut plus me servir qu'a me
desesperer. Mais sache que ton crime ne demeurera
pas impuni, et que le meme Ciel dont tu te joues
me saura venger de ta perfidie.
D. Juan. Sganarelle, le Ciel !
Sgan. Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela,
nous autres.
D. Juan. Madame . . .
D. Elv. II suflit. Je n'en veux pas ouir davantage,
et je m' accuse meme d'en avoir trop entendu. C'est
une lachete que de se faire expliquer trop sa honte;
et, sur de tels sujets, un noble coeur, au premier
mot, doit prendre son parti. N' attends pas que
j'eclate ici en reproches et en injures ; non, non,
je n'ai point un courroux a exhaler en paroles
vaines, et toute sa chaleur se reserve pour sa ven-
geance. Je te le dis encore, le Ciel te punira,
perfide, de I'outrage que tu me fais ; et si le Ciel
n'a rien que tu puisses apprehender, apprehende
du moins la colere d'une femme oflFensee.
SaAN. Si le remords le pouvait prendre !
D. Juan, (aprfes une petite reflexion.) AUons songer a
I'execution de notre entreprise amoureuse.
Sgan. Ah ! quel abominable maitre me vois-je obligd
de servir !
FIN DU PREMIER ACTB
60. in.] DON JUAN 163
such things. I was seized with repentance and I
dreaded the wi-ath of Heaven. I thought our
marriage was but a disguised adultery^ that it
would bring down upon us some calamity from
above, and, in short, that I ought to try to forget
you in order to give you an opportunity to return
to your former obligations. Would you. Madam,
oppose so pious a resolution .'' And would you have
me, by retaining you, expose myself to the vengeance
of Heaven .'' That by . . .
D. Elv. Ah ! scoundrel, now do I know you
thoroughly ; and to my misfortune I know you
too late, when such knowledge can only drive
me to despair. But know that your crime will
not remain unpunished, and that the very heaven
you mock will requite Piejorjxj^ur j)erfidy.
D. Juan. Sganarelle, heaven !
Sgan. Yes, indeed, we make great game of that, we
do.
D. Juan. Madam . . .
D. Elv. That is enough, I do not wish to hear any
more, and I even blame myself for having heard
too much already. It is a humiliation to have one's
shame explained too clearly ; in such case a brave
heart should, at the first word, resolve what to do.
Do not expect that I will break out in reproaches
and insults here ; no, no, I have no anger to spend
in vain words : all my indignation is reserved for
vengeance. I tell you, once again, heaven will
punish you, you wretch, for the wrong you have
done me ; and if you do not fear anything heaven
can do, at least fear the anger of an injured woman.
Sgan. If only remorse would seize him ! -
D. Juan. (After a little reflection.) Come, let us consider
the execution of our amorous enterprise.
Sgan. Ah ! What an abominable master am I comV
pelled to serve !
END OF THE FIRST ACT
164 DOM JUAN [acte ii.
ACTE II
Sc^NE I
ChARIvOTTE, PlERROl
Char. Nostre dinse, Piarrot, tu t'es trouve la bien k
point.
Pier. Parquienne, il ne s'en est pas fallu I'epoisseur
d'une eplinque qu'ils ne se sayant nayes tous deux.
Char. C'est done le coup de vent da matin qui les
avait renvarses dans la mar ?
Pier. Aga, guien, Charlotte, je m'en vas te conter
tout fin drait comme cela est venu ; car, comme dit
I'autre, je les ai le premier avises, avises le premier
je les ai. Enfin done j'estions sur le bord de la mar,
moi et le gros Lucas, et je nous amusions a batifoler
avec des mottes de tarre que je nous jesquions a la
teste ; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime
a batifoler, et moi par fouas je batifole itou. En
batifolant done, pisque batifoler y a, j'ai apargu d«
tout loin queuque chose qui grouillait dans gliau,
et qui venait comme envars nous par secousse. Je
voyais cela fixiblement, et pis tout d'un coup je
voyais que je ne voyais plus rien. "Eh ! Lucas,
5'ai-je fait, je pense que via des hommes qui na-
geant la-bas. — Voire, ce m'a-t-il fait, t'as ete au
trepassement d'un chat, t'as la vue trouble. — Pal-
sanquienne, §'ai-je fait, je n'ai point la vue trouble :
ce sont des hommes. — Point du tout, ce m'a-t-il
fait, t'as la barlue. — Veux-tu gager, 5'ai-je fait,
que je n'ai point la barlue, 5'ai-je fait, et que ce
sont deux hommes, §'ai-je fait, qui nageant droit
ici .'' §'ai-je fait — Morquenne, ce m'a-t-il fait, je gage
que non. — Oh ! §a, 5'ai-je fait, veux-tu gager dix
sols que si .'' — Je le veux bian, ce m'a-t-il fait ; et
Sour te montrer, via argent su jeu," ce m'a-t-il fait,
loi, je n'ai point este ni fou, ni estourdi ; j'ai brave-
ment boute a tarre quatre pieces tapees, et cinq
sous en doubles, jerniguenne, aussi hardiment que
si j'avaisavale un varre de vin; car jeses hazardeux,
so. I.] DON JUAN 166
ACT II
Scene I
Charlotte, Pierrot
Char. By gum, Piarrot, tha wur theer just i' the
nick o' time.
Pier. Ah tell tha, they 'd a near shave o' bein'
drownded, both on 'em !
Char. Was 't t' great blast o' wind 'at upset 'em i' t'
watter ?
Pier. Tha's just got it, Charlotte, ah '11 tell tha just
how it happened ; for, as fowk say, ah seed 'em
first, first ah seed 'em. Soa, ah wur at sea-side,
me and that great Lucas, and we wur a-larkin' wi'
chuckin' clods o' muck at one another's heads ; for
tha knaws very well 'at fat Lucas likes a bit o' fun,
as ah do mysen. Soa, as we wur a-larkin' together,
for larkin' we wur, ah seed a great way off summat
'at bobbed up and doon i' t' watter, and seemed
like coomin' at us, i' jerks. Ah niver took me eyes
off it, and then all of a sudden ah couldn't see
nuthin' na more. 'Eh! Lucas,' sez I, 'blowed if
thur hain't sum fowk a-swimmin' down theer.'
' Fathead,' sez he, ' t' owd cat 's bewitched tha, tha
sees double.' 'Blowed if ah do,' sez I, 'ah doant see
double, yon 's men, ha tell tha.' ' Tha 's leein',' sez
he, 'tha's daft.' 'Will ta bet,' sez I, 'that ah'm
not soft,' sez I, 'and that yon's two men,' sez I,
' a-swimmin' straight heer,' sez I. ' Blowed if ah
doant,' sez he, 'ah bet they're not.' 'Well,
coom on,' sez I, ' will ta bet me a bob on 't .'' '
' Right tha is,' sez he, ' and theer 's t' brass,' sez
he. Well, ah 'm neither a fond nor a gaby, soa
ah planked down half a dozen coppers, and two
threppenny bits in t' bargain, just as though
ah wur swiggin' off a mug o' beer, fur ah m
no coward, ah 'm not, and ah goa off me chump
sometahms ; howiver, ah knawed what ah was
aboot. Ah 'm none sike a fool, and soa we 'd nobbut
166 DOM JUAN [actb ii.
moi, et je vas a la debandade. Je savais bian ce
que je faisais pourtant. Queuque gniais ! Enfin
done, je n'avons pas putost eu gage, que j'avons vu
les deux hommes tout a plain, qui nous faisiant
signe de les aller querir ; et moi de tirer auparavant
les enjeux. "Aliens, Lucas, 5'ai-je dit, tu vols bian
qu'ils nous appelont : allons viste a leu secours. —
Non, ce m'a-t-il dit, ils m'ont fait pardre." O !
done, tanquia qu'a la parfin, pour le faire court, je
I'ai tant sarmonne, que je nous sommes boutes dans
une barque, et pis j'avons tant fait cahin caha, que
je les avons tires de gliau, et pis je les avons mene's
cheux nous aupres du feu, et pis ils se sant de-
pouilles tout nus pour se secher, et pis il y en est
venu encore deux de la mesme bande, qui s'equiant
sauves tout seul, et pis Mathurine est arrivee la,
a qui Ten a fait les doux yeux. Via justement,
Charlotte, comme tout ga s'est fait.
Char. Ne m'as-tu pas dit, Piarrot, qu'il y en a un
qu'est bien pu mieux fait que les autres r
PiKR. Oui, c'est la maitre. II faut que ce soit queuque
gros, gros Monsieur, car il a du dor a son habit tout
depis le haut jusqu'en bas ; et ceux qui le servont
sont des Monsieux eux-mesmes ; et stapandant,
tout gros Monsieur qu'il est, il serait, par ma fique,
nayd, si je n'aviomme este la.
Char. Ardez un peu.
Pier. O ! parquenne, sans nous, il en avait pour sa
maine de feves.
Char. Est-il encore cheux toi tout nu, Piarrot ?
Pier. Nannain : ils I'avout rhabille tout devant nous.
Mon quieu, je n'en avals jamais vu s'habiller. Que
d'histoires et d'augigorniaux boutont ces Messieus-
la les courtisans ! Je me pardrais la-dedans, pour
moi, et j'estais tout e'bobi de voir §a, Quien, Char-
lotte, ils avont des cheveux qui ne tenont point a
leu teste ; et ils boutont §a apres tout, comme un
gros bonnet de filace. lis ant des chemises qui ant
des manches ou j'entrerions tout brandis, toi et moi.
En glieu d'haut-de-chausse, ils portont un garde-
3. I,] DON JUAN 167
hardly chuck'd doon t' brass, when we seed two
men as plain as a pike-staff, a-beckonin' us to
coom and fetch 'em ; soa ah snatches up t' brass.
'Coom on, Lucas/ sez I, 'tha sees they're a-
beckonin' on us, let's goii and help 'em.' 'Noa,'
sez he, 'they've made ma lose me munny.' Well,
then, we 'd a fine set-to, and, to cut matters short,
ah called him soa 'at we joomps into t' boat, and we
went at it swish-swash, till we got 'em oot o' t'
watter ; then ah tuk 'em hoame to t' fire-side, and
then they stript theirsen stark-nakd to dry their-
sen, and then there coom two more on 'em who got
oot o' t' watter by theirsen, and then Mathurine
cooms up and one on 'em made sheep-eyes at her,
soa now ah've telled tha, Charlotte, how it all
coom aboot.
Char. Didn't tha tell me, Piarrot, 'at woan on 'em
wur better lookin' than t' others ?
Pier. Ay, he's t' measter. Ah reckon he's sum
great, great man, for he 's got gold on 's duds fra
top to toe, and his fowk are swells theirsen ; how-
iver, great man though he be, sure's a guajie'd
a been drownded if ah hadn't been theer.
Char. Oh never !
PiEK. Oh ! aye, if it hadn't a been for us he 'd ha' had
his bellyful.
Char. Is he still at t' fireside stark-nakd, Piarrot.''
Pier. Noa, noa, they all put their togs on agen afore
us. My eyes ! ah niver seed the likes on 'em dress
theirsen afore, what a parcel of fiddle-faddles and /
gimcracks these big guns wur ! Ah should be lost '.
in 'em, ah should, and ah wur flabbergasted to see )
'em, ah tell tha straight. Dang me, Charlotte, \
they've got hair which doesn't stick to their \
heads, and they put it on last thing, just like a I
great hank o' tow. They 've got sarks wi' sleeves /
on 'em, so wide that thou and ah could git in 'eny'^
168 DOM JUAN [acte u.
robe aussi large que d'ici a Pasque ; en glieu de
pourpoint, de petites brassieres, qui ne leu venont
pas usqu'au bricbet ; et, en glieu de rabats, un
grand mouchoir de cou a reziau, aveuc quatre
grosses houpes de linge qui leu pendont sur I'esto-
maque. lis avont itou d'autres petits rabats au bout
des bras, et de grands entonnois de passement aux
jambes, et parmi tout 5a, tant de rubans, tant de
rubans, que c'est une vraie piquie. Ignia pas
jusqu'aux souliers qui n'en soiont farcis tout depis
un bout jusqu'a I'autre ; et ils sont faits d'une
fa§on que je me romprais le cou aveuc.
Char. Par ma fi, Piarrot, il faut que j'aille voir un
peu 5a.
Pier. O ! acoute un peu auparavant, Charlotte : j'ai
queuque autre chose a te dire, moi.
Chab. Eh bian ! dis, qu'est-ce que c'est ?
Pier. Vois-tu, Charlotte, il faut, comme dit I'autre,
que je debonde mon coeur. Je t'aime, tu le sais
bian, et je sommes pour estre maries ensemble; mais
marquenne, je ne suis point satisfait de toi.
Char. Quement? qu'est-ce que c'est done qu'iglia?
Pier. Iglia que tu me chagraignes I'esprit, franche-
ment.
Char. Et quement done?
Pier. Testiguienne, tu ne m'aimes point.
Char. Ah ! ah ! n'est que 5a ?
Pier. Oui, ce n'est que qa, et c'est bian assez.
Char. Mon quieu, Piarrot, tu me viens toujou dire
la mesme chose.
Pier. Je te dis toujou la mesme chose, parce que c'est
toujou la mesme chose ; et si ce n'etait pas toujou la
mesme chose, je ne te dirais pas toujou la mesme
chose.
Char. Mais qu'est-ce qu'il te faut .'' Que veux-tu ?
Pier. Jerniquenne ! je veux que tu m'aimes.
Char. Est-ce que je ne t'aime pas?
PiBB. Non, tu ne m'aimes pas ; et si, je fais tout ce
Bc. I.] DON JUAN 169
if we wur tied together ; 'stead o' breeches they
wear an apron as big 's fra here to Easter ;
'stead of a waist-coat they 've got short stays-
like that doant reach to their stummicks, 'stead
of a necktie they've got great knitted hand-
kerchers wi' fower big linen tails hangin' doon
i' t' front on 'em ; they 've got little frills too,
round their wrists, and great rounds o' lace aboot
their legs, and among em all so many ribbons,
such a sight o' ribbons, 'at it's a reglar shame.
Theer 's nowt aboot 'em fra t' woan end to t' other
'at hain't stuffed wi' ribbons, doon to their very
shoes, and they be made i' such a way 'at ah should
break me neck in 'em.
Char. My goodness, Piarrot, ah mun goa and get a
sight on 'em.
PiEK, Nay ! stop a bit, Charlotte : ah 've got summat
else to tell tha, I have.
Char. Well, oot wi' it, then.
Pier. Doesn't tha see, Charlotte, 'at ah want, as
fowk say, to tell tha me mind. Ah luvs tha, tha
knaws it well enough, and ah 'm goin' to marry tha,
but, dang it, ah 'm none sae well satisfied wi' tha.
Char. Now, what 's up ?
Pier. Why tha' vexes ma summat fearful.
Char. How 's that }
Pier. Well ah '11 be blowed if tha luvs ma at all.
Char. Oh ! is that all ?
Pier. Aye, that 's all, hain't it enough }
Char. Law, Piarrot, tha'rt alius a-tellin' of ma t*
same story.
Pier. Ah alius tells tha t' same story cos t' alius is
t' same story, and if t' warnt alius t' same story
ah shouldn't alius tell tha t' same story.
Char. But what mun ah do? What's ta want.?
Pier. Drat it, ah want tha to luv ma.
Char. Why, doant ah luv tha }
Pier. Na ; tha doesn't luv ma, though ah do all 'at
170 DOM JUAN [acte ii.
que je pis pour 9a : je t'achete, sans reproche, des
rubans a tous les marciers qui passont; je me
romps le ecu a t'aller denicher des marles ; je fais
jouer pour toi les vielleux quand ce vient ta feste ;
et tout ^a, comme si je me frappais la teste centre
un mur. Vois-tu, 5a ni biau ni honnete de n'aimer
pas les gens qui nous aimont.
Char. Mais, mon guieu, je t'aime aussL
Pier. Oui^ tu m'aimes d'une belle deguaine !
Char, Quement veux-tu done qu'on fasse .''
Pier. Je veux que Ten fasse comme Ten fait quand
Ten aime comme il faut.
Char. Ne t'aime-je pas aussi comme il faut .''
Pier. Non : quand q& est, Qa se voit, et Ten fait
mille petites singeries aux personnes quand on les
aime du bon du coeur. Regarde la grosse Thomasse,
comme elle est assotee du jeune Robain ; alle est
toujou autour de li a I'agacer, et ne le laisse jamais
en repos ; toujou al li fait queuque niche ou 11
bailie queuque taloche an passant ; et I'autre jour
qu'il estait assis sur un escabiau, al fut le tirer de
dessous li, et le fit choir tout de son long par tarre.
Jarni ! via ou Ten volt les gens qui aimont ; mais
toi, tu ne me dis jamais mot, t'es toujou la comme
eune vraie souche de bois ; et je passerais vingt
fois devant toi, que tu ne te grouillerais pas pour
me bailler le moindre coup, ou me dire la moindre
chose. Ventrequenne ! §a n'est pas bian, apres
tout, et t'es trop froide pour les gens.
Char. Que veux-tu que j'y fasse ? C'est mon himeur,
et je ne me pis refondre.
Pier. Igna himeur qui quienne. Quand on a de
I'amiquie pour les personnes. Ton an bailie toujou
queuque petite signifiance.
Char. Enfin je t'aime tout autant que je pis, et si tu
n'es pas content de §a, tu n'as qu'a en aimer queuque
autre.
Pier. Eh bien ! via pas mon compte. Testigue ! si
tu m'aimais, me dirais-tu ^a ?
80. I.] DON JUAN 171
ah can to mak tha : ah buys tha ribbons of ivery
pedlar 'at cooms aboot (na tha woant mmd ma tellin'
tha), ah nigh break me neck i' gettin' jackdaws
for tha, ah mak t' owd fiddlers play for tha when
tha birthday cooms round, and tha taks noa more
noatice on 't than if ah wur to knock me head
agen t' wall. Do 'ee hear, it's neither fair nor
honest not to luv fowk as luvs you.
Char. But, I tell tha, ah does luv tha.
Pier. Aye, an a nice way o' luvin' 't is.
Char. What 's tha want ma to do, then .''
Pier. Tha mun do just t' same 's other fowk do, when
they luv as they oughter.
Char. Does'nt ah luv tha then as ah oughter .-'
Pier. Noa. When there 's luv ye can see it, and
thur 's any amount er tricks tha could play if tha
wert i' earnest. Look at that strapping Thomasse,
how fond she is ovver young Robin. She 's alius
at his elbow a teasin' on him, and she niver lets
him aloan. She's alius a-playin' him some game
or other, and she gives him a slap i' t' face when
he goes by ; t' other day when he wur a-sittin 'pon
a stool, she pulled it slick away fra under him,
and doon he went all his length on t' ground.
Sitha, that 's how 'tis wi' fowk when they 're i'
luv, but thou, tha niver sez a word to ma, tha's just
like a block a' wood, ah might goii by tha twenty
times and tha would'nt budge to give ma the least
thump, or oppen tha mouth to ma. Drat tha, that
bain't right, not a bit on 't, th' art too cold for any-
body.
Char. What does ta want ma to do ? It 's how ah 'm
made, and ah cant mak mysen ovver agen.
Pier. That's all stuff. When a body luvs a body
there 's alius sum way to show it.
Char. Well, ah luvs tha as well 's ah can and if that
doesn't please tha, tha mun goa and luv sumbody
else.
Pier. Theer now, ah 've got t' sack now : blowed if
tha luvs mn, tha wouldn't siiy that.
172 DOM JUAN [actb n.
Char. Pourquoi me viens-tu aussi tarabuster I'esprit?
Pier. Morque.'* queu mal te fais-je? Je ne te de-
mande qu'un peu d'amiquie.
Char. Eh bien I laisse faire aussi, et ne me presse
point tant. Peut-etre que ga viendra tout d'un
coup sans y songer.
Pier. Touche done la, Charlotte.
Char. Eh bien ! quien.
Pier. Promets-moi done que tu tacheras de m'aimer
davantage.
Char. J'y ferai tout ce que je pourrai mais il faut
que §a vienne de lui-meme. Piarrot, est-ce la ce
Monsieur.
Pier. Oui, le via.
Char. Ah ! mon quieu, qu'il est genti, et que g'aurait
ete dommage qu'il eut este naye !
Pier. Je revians tout a I'heure : je m'en vas boire
chopainOj pour me rebouter tant soit peu de la
fatigue quej'ais eue.
SciNE II
DoM Juan, Sganarellb, Charlotte
D. Juan. Nous avons manque notre coup, Sganarelle,
et cette bourrasque imprevue a renverse avec notre
barque le projet que nous avions fait; mais, a te
dire vrai, la paysanne que je viens de quitter repare
ce malheur, et je lui ai trouve des charmes qui
effacent de mon esprit tout le chagrin que me
donnait le mauvais succes de notre entreprise. II
ne faut pas que ce coeur m'echappe, et j'y ai deja
jete des dispositions a ne pas me souflFrir longtemps
de pousser des soupirs.
Scan. Monsieur, j'avoue que vous m'e'tonnez, A
peine sommes-nous dchappes d'un peril de mort,
qu'au lieu de rendre grace au Ciel de la pitie qu'il
a daigne prendre de nous, vous travaillez tout de
80, II,] DON JUAN 173
Char. Why does ta come and worry me very life
out o' ma ?
PiEB, Goodness ! What harm have ah done tha, I
nobbut axed fur a bit o' luv.
Char. Well leave ma be, then, and doant bother so,
mebbe it '11 come all of a sudden like, wi'oot thinkin'
aboot it.
Pier. Shak hands then, Charlotte.
Char. All right, theer tha is.
PiKR. Promise me tha '11 try to luv ma a bit more.
Char. Ah '11 do all ah can, but it mun come on itsen,
Piarrot. Is yon t' gentleman ?
Pier. Aye, theer he is.
Char. My word, ain't he fine ! What a pity t' would
ha been if he 'd a-been drownded.
Pier. Ah '11 come back soon, ah 'm gone to git a pint
to fettle me up a bit after all this hard woi-k.
Scene II
Don Juan, Sganarelle, Charlottb
D. Juan. We have failed in our plots, Sganarelle,
and this sudden squall has upset both our bark
and the plan we had made ; but, to tell you the
truth, the country lass from whom I have just
Earted will make amends for this misfortune, I
ave found such charms in her as banish fi*om my
mind all the vexation the ill-success of our enter-
prise has caused me. I must not allow this heart
to escape me : I have already laid my plans so that
I shall not long have to sigh in vain,
SoAN, I must say you astonish me, Monsieur, we
have hardly escaped from the jaws of death, and,
instead of returning thanks to heaven for the
mercy it has deigned to show us, you set to work
174 DOM JUAN [acte ii.
nouveau a attirer sa colere par vos fantaisies ac-
coutumees et vos amours cr . , . Paix ! coquin que
vous etes ; vous ne savez ce que vous dites, et Mon-
sieur sait ce qu'il fait. Aliens.
D. Juan, (apercevant Charlotte.) Ah ! ah ! d'ou sort
cette autre paysanne, Sganarelle? As-tu rien vu
de plus joli .'' et ne trouves-tu pas, dis-moi, que
ceUe-ci vaut bien I'autre .''
Sgan. Assurement. Autre piece nouvelle.
D. Juan. D'ou me vient, la belle, une rencontre si
agreable .'' Quoi .'' dans ces lieux champetres, parmi
ces arbres et ces rochers, on trouve des personnes
faites comme vous etes .''
Char. Vous voyez, Monsieur.
D.Juan. Etes-vous de ce village?
Char. Oui, Monsieur.
D. Juan. Et vous y demeurez ?
Chab. Oui, Monsieur.
D. Juan. Vous vous appelez ?
Char. Charlotte, pour vous servir.
D. Juan. Ah ! la belle personne, et que ses yeux sont
penetrants !
Char, Monsieur, vous me rendez toute honteuse.
D. Juan. Ah ! n'ayez point de honte d'entendre dire
vos verites. Sganarelle, qu'eu dis-tu.'' Peut-on
rien voir de plus agreable.'' Tournez-vous un peu,
s'il vous plait. Ah ! que cette taille est jolie !
Haussez un peu la tete, de grace. Ah ! que ce
visage est mignon ! Ouvrez vos yeux eritierement.
Ah ! qu'ils sont beaux ! Que je voie un peu vos
dents, je vous prie. Ah ! qu'elles sont amoureuses,
et ces levres appetissantes f Pour moi, je suis ravi,
et je n'ai jamais vu une si charmante personne.
Char. Monsieur, cela vous plait a dire, et je ne sais
pas si c'est pour vous railler de moi.
D. Juan. Moi, me railler de vous ? Dieu m'en garde !
Je vous aime ti'op pour cela, et c'est du fond du
coeur que je vous parle.
Char. Je vous suis bien obligee, si §a est.
sc. II.] DON JUAN 175
afresh to draw down its wrath by your usual freaks
and your amours . . . Peace, rascal that you are;
you do not know of what you are talking : Mon-
sieur knows what he is about. Come.
D. Juan. (Seeing Chablotte.) Ha, ha ! whence comes
this other country lass, Sganarelle ? Did you ever
see anything prettier ? Tell me, do you not think
she is as handsome as the other .''
Sgan. Indeed she is. Another fresh morsel.
D. Juan. How does this pleasant meeting come about,
my pretty lass ? What .'' do people as good-looking
as you live in these rural places, among these
trees and these rocks .''
Chab. As you see. Monsieur.
D. Juan. Do you belong to this village ?
Chab. Yes, Monsieur.
D. Juan. And you live here ? . . .
Chab. Yes, Monsieur.
D. Juan. What is your name .''
Chab. Charlotte, at your service.
D. Juan. Ah ! what a beauty ! What piercing eyes
she has !
Chab. You make me blush. Monsieur.
D. Juan. Oh ! do not be ashamed to hear the truth.
Sganarelle, what say you .'' Can anything be more
charming.'' Turn round a little, if you please.
Ah ! what a fine figure. Lift up your head a little,
pray. Ah ! what a sweet face. Open your eyes
wide. Ah ! how lovely they are. Pray let me see
a little of your teeth. Ah ! how enticing they are,
and what inviting lips. For my part I am delighted,
I never saw so charming a person.
Chab. You say what you please. Monsieur, and I
don't know whether you re making fun of me or
not.
D. Juan. I make fun of you ! Heaven forbid ! I love
you too much for that, and I speak to you from the
depths of my heart.
Chab. I 'm much obliged to you if it is so.
176 DOM JUAN [acte ii.
D. Juan. Point du tout, vous ne m'etes point obligee
de tout ce que je dis et ce n'est qu'a votre beauts
que vous en etes redevable.
Chab. Monsieur, tout 5a est trop bien dit pour moi,
et je n'ai pas d' esprit pour vous r^pondre.
D. Juan. Sganarelle, regard un peu ses mains.
Char. Fi ! Monsieur, elles sont noires comme je ne
sais quoi.
D. Juan. Ha ! que dites-vous .'' Elles sont les plus
belles du monde ; souifrez que je les baise, je vous
prie.
Chab. Monsieur, c'est trop d'honneur que vous me
faites, et si j'avais su 5a tantot, je n'aurais pas
manque de les laver avec du son.
D. Juan. Et, dites-moi un peu, belle Charlotte, vous
n'etes pas mariee, sans doute ?
Chab. Non, Monsieur ; mais je dois bientot I'etre
avec Piarrot, le fils de la voisine Simonette.
D. Juan. Quoi.'' une personne comme vous serait
la femme d'un simple paysan ! Non, non : c'est
profaner tant de beautes, et vous n'etes pas nee
pour demeurer dans un village. Vous meritez, sans
doute, une meilleure fortune et le Ciel, qui le con-
nait bien, m'a conduit ici tout expres poui- em-
pecher ce mariage, et rendre justice a vos charmes ;
car enfin, belle Charlotte, je vous aime de tout
mon coeur, et il ne tiendra qu'a vous que je vous
arrache de ce miserable lieu, et ne vous mette dans
I'etat ou vous meritez d'etre. Cet amour est bien
prompt, sans doute; mais quoi.'' c'est un efFet,
Charlotte, de votre grande beaute, et Ton vous
aime autant en un quart d'heure, qu'on ferait une
autre en six mois.
Chab. Aussi vrai. Monsieur, je ne sais comment faire
quand vous parlez. Ce que vous dites me fait aise,
et j'aurais toutes les envies du monde de vous
croire ; mais on m'a toujou dit qu'il ne faut jamais
croire les Monsieux, et que vous autres courtisans
etes des enjoleus^ qui ne songez qu'a abuser les
filles.
sc. ir.] DON JUAN 177
D. Juan. Not at all, you are not in the least obliged
to me for anything I say. You have only your
own beauty to thank for it.
Chab. This is all too fine for me. Monsieur. I 'm
not smart enough to answer you.
D. Juan. Just look at her hands, Sganarelle !
Chab. Goodness, Monsieur, they're as black as I
don't know what.
D. Juan. Oh ! what are you saying ? They are the
prettiest I ever saw ; pray let me kiss them.
Chab. You 're too good to me, Monsieur. If I 'd
known about it just now I 'd have washed them
with bran.
D, Juan. Now just tell me, pretty Charlotte, you are
not married, are you ?
Chab. No, Monsieur, but I am to be pretty soon, to
Piarrot, neighbour Simonette's son.
D. Juan. What .'' is such a creature as you to be the
wife of a common ploughboy .'' No, no. It would
be a profanation of so much beauty. You were not
born to live in a village ; you are certainly worthy
of a better fate, and heaven, which knows this full
well, has sent me here on purpose to prevent this
marriage and to do justice to your charms. In
short, my pretty Charlotte, I love you with all my
heart, and it shall be entirely your own fault if I
do not carry you off from this wretched place and
put you in the position you deserve to occupy.
This passion is, indeed, very sudden, but what
then .'' Your great beauty is the cause of it, and
I love you as much in a quarter of an hour as I
should another in six months.
Chab. Sure, Monsieur, I don't know how to behave
when you talk like that. I like what you say and
I 'd much like to believe you, but I 've alius been
told never to believe gentlemen ; that you swells are
wheedlers who only think of ruining girls.
•«f
178
DOM JUAN
[acte 11.
D. Juan. Je ne suis pas de ces gens-la.
Sgan. II n'a garde.
Chab. Voyez-vous, Monsieur, il n'y a pas plaisir a se
laisser abuser. Je suis une pauvre paysanne ; mais
j'ai I'honneur en recommandation, et j'aimerais
mieux me voir morte que de me voir deshonoree.
D. Juan. Moi, j'aurais I'ame assez mechante pour
abuser une personne comme vous } Je serais assez
lache pour vous deshonorer ? Non, non : j'ai trop
de conscience pour cela. Je vous aime, Charlotte,
en tout bien et en tout honneur ; et pour vous
montrer que je vous dis vrai, sachez que je n'ai point
d'autre dessein que de vous epouser : en voulez-vous
un plus grand temoignage ? M'y voila pret quand
vous voudrez ; et je prends a temoin I'homme que
voila, de la parole que je vous donne.
Sgan. Non, non, ne craignez point : il se mariera
avec vous tant que vous voudrez.
D. Juan. Ah ! Charlotte, je vois bien que vous ne
me connaissez pas encore. Vous me faites grand
tort de juger de moi par les autres ; et s'il y a des
fourbes dans le monde, des gens qui ne cherchent
qu'a abuser des filles, vous devez me tirer du
nombre, et ne pas mettre en doute la sincerite de
ma foi : et puis votre beaute vous assure de tout.
Quand on est faite comme vous, on doit etre a
convert de toutes ces sortes de crainte ; vous
n'avez point I'air, croyez-moi, d'une personne
qu'on abuse ; et pour moi, je I'aroue, je me
percerais le coeur de mille coups, si j'avais eu la
moindre pensee de vous trahir.
Chab. Mon Dieu ! je ne sais si vous dites vrai, ou
non ; mais vous faites que Ton vous croit.
D. Juan. Lorsque vous me croirez, vous me rendrez
justice assurement, et je vous reitere encore la pro-
messe que je vous ai faite. Ne I'acceptez vous pas
et ne voulez-vous pas consentir a etre ma femme .''
Char. Oui, pourvu que ma tante la veuille.
D. Juan. Touchez done la, Charlotte, puisque vous
le voulez bien de votre part.
8c. II.] DON JUAN 179
D. Juan. I am not one of those. j^^^fj^-t^J^'-^'^
Sgan. Not a bit of it.
Char. Don't you see. Monsieur, there 's no pleasure
in being ruined. I 'm only a poor country lass, but
my honour is above everything else, and I 'd rather
die than see myself dishonoured.
D. Juan. As for me, do you think I have a soul so
wicked as to harm a girl like you ; that I should
be base enough to dishonour you .'' No, no, I am
too conscientious for that. I love you, Charlotte,
in good earnest and in all honour ; and, in order
to show you I speak the truth, be assured that I
have not any other design but to marry you. Can
you desire a greater proof? Here am I ready when-
ever you please, and I call that fellow to witness
the promise I make you.
Sgan. No, no, fear nothing, he will marry you as
much as you please.
D. Juan. Ah ! Charlotte, I see plainly you do not
know me. You do me great wrong to judge of
me by others. If there are knaves in the world,
people who only seek to ruin girls, you ought not
to consider me one of the number, and you should
never doubt the sincerity of my good faith. Be-
sides, your beauty is a guarantee for everything.
When a lass is built as you are she ought to be
free from all kinds of fear ; believe me, you do
not look like a person easily deceived and, for my
part, 1 swear I would stab myself to the heart a
thousand times if I had the least thought of
betraying you.
Char. Good gracious ! I don't knoar-if. }&Qa.'re. telling -
truth or not, but you makeifollcsibelieve you.
D. Juan. You will certainly only be doing me justice
in believing me, and I repeat anew the promise I
have made you. Do you not accept it, and will
you not consent to be my wife .''
Char. I will if my aunt's willing.
D. Juan. Then give me your hand upon it, Charlotte,
since, so far as you are concerned, you are agreeable.
180 DOM JUAN [acte ii.
Char. Mais au moins. Monsieur, ne m'allez pas
tromper, je vous prie : il y aurait de la conscience
a vous, et vous voyez comme j'y vais a la bonne
foi.
D. Juan. Comment? II semble que vous doutiez encore
de ma sincerite ! Voulez-vous que je fasse des ser-
ments epouvantables ? Que le Ciel . . .
Char. Mon Dieu, ne jurez point, je vous crois,
D. Juan. Donnez-moi done un petit baiser pour gage
de votre parole.
Char. Oh .' Monsieur, attendez que je soyons maries,
je vous prie ; apres 5a, je vous baiserai tant que
vous voudrez.
D. Juan. Eh bien ! belle Charlotte, je veux tout ce
que vous voulez ; abandonnez-moi seulement votre
main, et soufFrez que, par mille baisers, je lui
exprime le ravissement ou je suis . . .
Sc^NE III.
DoM Juan, Sqanarelle, Pierrot, Charlotte.
Pier, (se mettant entre deux et poussant Don Juan.) Tout
doucement. Monsieur, tenez-vous, s'il vous plait.
Vous vous echauffez trop, et vous pourriez gagner
la puresie.
D. Juan, (repoussant rudement Pierrot.) Qui m'amene
cet impertinent ?
Pier. Je vous dis qu'ou vous tegniez, et qu'ou ne
caressiais point nos accordees.
D. Juan, (continue de le repousser. ) Ah ! que de bruit !
Pier. Jerniquenne ! ce n'est pas comme 5a qu'il
faut pousser les gens.
Char, (prenant Pierrot par le bras.) Et laisse-le faire
aussi, Piarrot.
Pier. Quement ! que je le laisse faire ? Je ne veux
pas moi.
D. Juan. Ah !
V;--'
^^„^ ^-r^.&'^rj
yv'VA'
>*-^
r^^^^^n^J. t''
^^^■; cA^^j^r-s i^^^'
SC. III. J
DON JUAN
181
Char. But at least. Monsieur, don't deceive me, I
beg you. It would be a sin and you see I 'm trust-
ing to you.
D. Juan, What.'' it seems you still doubt my sin-
cerity ! Do you wish me to swear terrible oaths ?
May Heaven . . .
Char. Gracious me, don't swear, I '11 believe you.
D. Juan. Then give me one little kiss as a pledge of
your word.
Char. Oh ! Monsieur, pray wait till we're wed, and
then I '11 kiss you as much as you choose.
D. Juan. Ah ! well, pretty Charlotte, I will do just
as you please ; at least give me your hand and let
me, by a thousand kisses, show you the rapture
I am in . . .
Scene III
Don Juan, Sganarelle, Pierrot, Charlotte.
Pier, (putting himself between them both, and pushing Don
Juan away.) Now then. Mister, stop that, if you
please. You're cooming it a bit too warm, you A
may get t' heartburn. j
D. Juan, (pushing Pierrot away roughly.) What brings J
this impertinent fellow here ? /
Pier. Ah tell you to stop it : you mustn't kiss ma
young woman.
D. Juan, (continuing to push him away.) Ah ! what a
noise.
Pier. Drat it ! you mustn't push fowk away like
that!
Char, (taking Pierrot by the arm.) Tha let him aloane,
Piarrot.
Pier. Haw ! Ah 'm to let him aloane, am ah .'' Ah '11
not, not I.
D. Juan. Ah !
M
..•*'
182 DOM JUAN [acte ii.
Pier. Testiguenne ! parce qu'ous estes Monsieur,
ous viendrez caresser nos femmes a note barbe?
AUez-v's-en caresser les vostres.
D. Juan. Heu ?
Pier. Heu. (Dom Juan lui donne un soufflet.) Testigue' !
ne me frappez pas. (Autre soufflet.) Oh ! jernigue :
(Autre soufflet.) Veutreque! (Autre soufflet.) Palsanque!
Morquenne ! ga n'est pas bian de battre les gens, et
ce n'est pas la la recompense de v's avoir sauve d'estre
naye.
Char. Piarrot ! ne te fache point.
Pier. Je me veux facher; et t'es une vilainte, toi,
d'endurer qu'on te cajole.
Char. Oh ! Piarrot, ce n'est pas ce que tu penses.
Ce Monsieur veut m'epouser, et tu ne dois pas te
bouter en colere.
Pier. Quement? Jerni ! tu m'es promise.
Char, ^a n'y fait rien, Piarrot. Si tu m'aimes, ne
dois-tu pas estre bien aise que je devienne Madame ?
Pier. Jernique ! non. J'aime mieux te voir creve'e
que de te voir a un autre.
Char. Va, va, Piarrot, ne te mets point en peine : si
je sis Madame, je te ferai gagner queuque chose,
et tu apporteras du beurre et du fromage cheux
nous.
Pier. Ventrequenne ! je gni en porterai jamais, quand
tu m'en poyrais deux fois autant. Est-ce done
comme 5a que t'escoutes ce qu'il te dit ? Morquenne .
si j'avais su 5a tantost, je me serais bian garde de le
tirer de gliau, et je gli aurais bailie un bon coup
d'aviron sur la teste.
D, Juan, (s'approchant de Pierrot pour le f rapper.) Qu'est-
ce que vous dites .''
Pier, (s'eloignant derriere Chablottb.) Jerniquenne ! je
ne crains parsonne.
D. Juan, (passe du c6td ou est Pierrot.) Atteudez-moi
un peu.
Pier, (repasse de I'autre c6t^ de Charlotte.) Je me
moque de tout, moi.
D. Juan, (court apria Pikbbot.) Voyons cela.
III.]
DON JUAN
183
PiEH. By gum, because you 're a swell, you coom here
to kiss our sweethearts under our noses? Get
along and kiss your oan.
D. Juan. Eh ?
PiBB. Eh ! (Don Juan slaps his face.) . Na then, doan't
hit me. (Another slap.) Hang it all. (Another slap.)
Oh Lord ! (Another slap.) Murder! Shame ! 'taint
fair to bray fowk aboot like this. It 's a fine way
to thank a body for saving you fra bein' drownded.
Char. Doan't be angry, Piarrot.
Pier. Ah will be angry, and tha's a slut, tha is, to
let him wheedle tha.
Char. Oh ! Piarrot, 'tisn't what tha thinks. This
gentleman wants to marry me, and tha shouldn't
throw thasen into a passion.
Pier. Haw > Hang it, tha's promised to ma.
Char. 'Taint no matter, Piarrot. If tha loves ma
tha ought to be glad to see ma become a laady.
Pier. Drat it, no ! Ah 'd a sight rather see ta hanged
than see ta another's.
Char. Coom, coom, Piarrot, tha needn't fret thasen.
When ah'm a laady, ah '11 get tha summat, and tha
can serve us wi' butter and cheese.
Pier. Tha ma tak' thy davy ah '11 niver serve tha wi'
nuthin', not if tha wur to pay ma double. Does
ta heed what yon tells tha? By gum, if ah'd
knawn that just noo, ah jolly well wouldn't ha
takken him oot o' t' watter, and ah 'd 'a gien him a
clout on 's head wi' t' oar.
D. Juan, (Coming up to Pierrot to strike him.) What
do you say ?
Pier, (edging away behind Charlotte.) Get along, ah
doan't fear noabody.
D, Juan, (goes round to get at Pierrot.) Let me just
get hold of you.
Pier, (goes to Charlotte's other side.) Ah doant care
nuthin' for you, ah doant.
D. Juan, (runs after Pierrot.) We shall see that,
Ov-
Ml
184 DOM JUAN [actb ii.
Pier, (se sauve encore derri^re Ohablottb.) J'en avons
bien vu d'autres.
D. Juan. Houais !
Sgan. Eh ! Monsieur, laissez 1^ ce pauvre miserable.
Cast conscience de le battre. J^coute, mon pauvre
gar9on, retire-toi, et ne lui dis rien.
PiEB. (passe devant Soakabelle, et dit fi^rement h, Doh
Juan.) Je veux lui dire, moi.
D. Juan, (live la main pour donner un 80ufi9et k Pibbbot,
qui baisse la tete, et Soanabkllx regoit le soufiUet.) Ah !
je vous appreudrai.
Sgan. (regardant Piebbot qui s'est baiss^ pour ^viter le
Boufflet.) Peste soit du maroufle !
D. Juan. Te voila paye de ta charite.
PiEB. Jarni ! je vas dire a sa tante tout ce m^nage-ci.
D. Juan. Enfin je m'en vais etre le plus heureux de
tous lea hommes, et je ne changerais pas mon
bonheur a toutes les choses du monde. Que de
plaisirs quand vous serez ma femme ! et que . . .
SciNE IV
Don Juan, Soanarellb, Charlotte, Mathurinb.
Sgan. (aperoevant Mathubinb.) Ah ! ah !
Math. (^ Dom Juak. ) Monsieur, que faites-vous done la
avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d'amour
aussi ?
D. Juan, (k, Mathubinb.) Non, au contraire, c'est elle
qui me temoignait une envie d'etre ma femme, et
je lui repondais que j'etais engage a vous.
Char. Qu'est-ce que c'est done que vous veut Ma-
thurine .''
D. Juan, (bas, k Chablottb.) Elle est jalouse de me
voir vous parler, et voudrait bien que je I'^pou-
sasse ; mais je lui dis que c'est vous que je veux.
Math. Quoi ? Charlotte ...
6c. IV.] DON JUAN 186
PiEB. (guards himself again behind Charlotte.) Ah ve
seen mony as good a man as you.
D. Juan. Gr-r-r .
Sgan. Ah ! Monsieur, leave the poor wretch alone^
it's a pity to beat him. Listen, my good lad, go
away and do not talk to him.
Pier, (goes in front of Sqanakelle and says fiercely to Don
Juan.) Ah will talk to him, ah will.
D. Juan, (lifts up his hand to slap Piereot, who ducks his
head, and Sqauarelle receives the blow.) Ah ! I will
teach you.
Sgan. (looking at Piebrot, who is crouched down to avoid
the blow.) Deuce take the lout.
D. Juan. That is a reward for being so charitable to
him.
PiEK. By gum, ah '11 goa and tell her aunt what's
goin' on.
D. Juan. At last I am going to be the happiest of
men. I would not change my good fortune for all
the world could give me. What pleasures we
shall enjoy when you are my wife, and what . . .
Scene IV
Don Juan, Sganarelle, Charlotte, Mathurine.
Sgan. (perceiving Mathurine.) Ha ! ha !
Math, (to Don Juan.) What are you doing there with
Charlotte, Monsieur ? Are you courting her too ?
D. Juan, (to Mathurine.) No, on the contrary, she
tells me she very much wants to be my wife, and
I have told her I am engaged to you.
Char. What does Mathurine want with you ?
D. Juan, (aside, to Charlotte.) She is jealous of my
speaking to you, and would much like me to marry
her, but I tell her it is you I want to have.
Math. What > Charlotte . . .
186 DOM JUAN [acte ii.
D, Juan, (bas, k Mathurine.) Tout ce que vous lui
direz sera inutile, elle s'est mis cela dans la tete.
Char. Quement done ! Mathurine . . .
D. Juan, (bas, h Charlotte.) C'est en vain que vous lui
parlerez ; vous ne lui oterez point cette fantaisie.
Math. Est-ce que . . .}
D. Juan, (baa, ii Mathurine.) II n'y a pas moyen de lui
faire entendre raison.
Char, Je voudrais. . . .
D. Juan, (bas, k Charlotte.) Elle est obstin^e comme
tous les diables.
Math. Vrament . . .
D. Juan, (bas, k Mathurine.) Ne lui dites rien, c'est
une folle.
Char. Je pense . . .
D. Juan, (bas, k Charlotte.) Lcissez-la la, c'est une
extravagante.
Math. Non, non ; il faut que je lui parle.
Chab. Je veux voir un peu ses raisons.
Math. Quoi.'' . . .
D. Juan, (bas k Mathurine. ) Je gage qu'elle va vous
dire que je lui ai promis de I'e'pouser.
Char. Je . . .
D. Juan, (bas, k Charlotte.) Gageons qu'elle VOUS
soutiendra que je lui ai donne parole de la prendre
pour femme.
Math. Hola ! Charlotte, 5a n'est pas bian de courir
sur le marche des autres.
Char, ^a n'est pas honnete, Mathurine, d'etre jalouse
que Monsieur me parle.
Math. C'est moi que Monsieur a vue la premiere.
Char. S'il vous a vue la premiere, il m'a vue la
seconde, et m'a promis de m'epouser.
D. Juan, (bas, k Mathurine.) Eh bien ! que vous ai-je
dit?
Math. Je vous baise les mains, c'est moi, et non pas
vous, qu'il a promis d'epouser.
D. Juan, (bas, Ji Craklottb.) N'ai-je pas devine?
nc. IV.] DON JUAN 187
D. Juan, (aside, to Mathurine.) She has taken this
idea into her head and nothing you can say to her
will be of any use.
Char. My word ! Mathurine . . .
D. Juan, (aside, to Charlotte.) It is of no use for you
to talk to her, you will never get this whim out
of her head.
Math. Would you ....''
D. Juan, (aside, to Mathurinb.) It is impossible to
make her listen to reason.
Chab. I should like . . .
D. Juan, (aside, to Chablottk.) She is as obstinate as
a pack of devils.
Math. Really . . .
D. Juan, (aside, to Mathurine.) Do not say anything to
her, she is crazy.
Char. I think . . .
D. Juan, (aside, to Charlotte.) Let her alone, she is
silly.
Math. No, no, I must speak to her.
Char. I will hear what she has to say.
Math. What.'' . . .
D. Juan, (aside, to Mathurine.) I bet you she will tell
you that I have promised to marry her.
Char. I . . .
D. Juan, (aside, to Charlotte.) I bet you she will main-
tain that 1 have given her my word to make her
my wife.
Math. Look here, Charlotte, it 's not right to meddle
with other folks's business.
Char. It 's not fair, Mathurine, to be jealous because
the gentleman has spoken to me.
Math. The gentleman saw me first.
Char. If he saw you first, he saw me second, and has
promised to marry me.
D. Juan, (aside, to Mathurine.) Ah, well ! what did I
tell you ?
Math. I beg your pardon, it was me, not you, he
promised to marry.
D. Juan, (aside, to Charlotte.) Did I not guess right ?
188 DOM JUAN [actb ii.
Char. A d'autres, je vous prie, c'est moi, voua
dis-je.
Math. Vous vous moquez des gens ; c'est moi, encore
un coup.
Char. Le via qui est pour le dire, si je n'ai pas raison.
Math. Le via qui est pour me dementir, si je ne dis
pas vrai.
Char. Est-ce, Monsieur, que vous lui avez promis de
I'epouser ?
D. Juan, (bas, k Charlotte.) Vous vous raillez de moi.
Math. Est-il vrai. Monsieur, que vous lui avez donne
parole d'etre son mari }
D. Juan, (bas, h. Mathurtnb.) Pouvez-vous avoir cette
pensee .''
Char. Vous voyez qu'al le soutient.
D. Juan, (bas, k Chaklottb.) Laissez-la faire.
Math. Vous etes temoin comme al I'assure.
D. Juan, (bas, k Mathubine.) Laissez-la dire.
Char. Non, non ; il faut savoir la veritd
Math. II est question de juger 5a.
Chab. Oui, Mathurine, je veux que Monsieur vous
montre votre bee jaune.
Math. Oui, Charlotte, je veux que Monsieur vous
rends un peu camuse.
Char. Monsieur, vuidez la qucrelle, s'il vous plait.
Math. Mettez-nous d'accord. Monsieur.
Char, {k Mathubine.) Vous allez voir.
Math, (k Chaelottk.) Vous allez voir vous-meme.
Char, {k Don Juan.) Dites.
Math, (k Dom Juan.) Parlez.
D. Juan, (embarrass^, leur ditiktoutesdeux.) Que voulez-
vous que je dise ? Vous soutenez egalement toutes
deux que je vous ai promis de vous prendre pour
femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui
en est, sans qu'il soit necessaire que je m'explique
davantage? Pourquoi m'obliger la-dessus a des
redites ? Celle a qui j'ai promis effectivement n'a-
t-elle pas, en elle-meme, de quoi se moquer des
discours de 1' autre, et doit-elle se mettre en peine,
sc. IV.] DON JUAN 189
Char. You may tell that to your granny, it was me,
I tell you.
Math. You are making game, it was me, I say.
Char. There he is, he can tell you if I am not right
Math. There he is, he can call me a liar if I don't
speak the truth.
Char. Did you promise to marry her, Monsieur ?
D. Juan, (aside, to Chablottb.) You are laughing at me.
Math. Is it true. Monsieur, that you 've given your
word to be her husband ?
D. Juan, (aside, to Mathukinb.) How can you think so?
Char. You see she sticks to it.
D. Juan, (aside, to Chablottb.) Let her alone.
Math. You 're a witness how positive she is.
D. Juan, (aside, to Mathubinb.) Let her say what she
likes.
Char. No, no, we must know the truth.
Math. The matter must be settled.
Char. Yes, Math urine, I want the gentleman to show
you what a softy you are.
Math. Yes, Charlotte, and I want the gentleman to
take you down a peg.
Char. Monsieur, you can stop this quarrel.
Math. Monsieur, you can settle this matter.
Char, (to Mathubinb.) You'll see.
Math, (to Chablottb.) And you '11 see, too.
Char, (to Don Juan.) Tell us.
Math, (to Don Juan.) Let us know.
D. Juan, (embarrassed, says to them both.) What do you
want me to say ? You are both equally sure I
promised to marry you ; do not each of you know
the whole affair without there being any necessity
for me to give any further explanations .'' Why do
you oblige me to repeat it all over again ? Has not
the person to whom I really promised sufficient
reason within herself to laugh at what the other
says; and should she make herself uneasy pro-
190 DOM JUAN [acte ii.
pourvu que j'accomplisse ma promesse? Tous
les discours n'avancent point les choses ; il faut
faire et non pas dire, et les effets decident mieux
que les paroles, Aussi n'est-ce riea que par la que
je vous veux mettre d'accord^ et Ton verra, quand
je me marierai, laquelle des deux a mon coeur.
(Bas, i Mathurine. ) Laissez-lui croire ce qu'elle
voudra. (Bas, k Charlotte.) Laissez-la se flatter dans
son imagination. (Bas, k Mathurink.) Je vous adore.
(Bas, k Charlotte.) Je suis tout a vous. (Bas, k
Mathurine.) Tous les visages sont laids aupres du
votre. (Bas, k Charlotte.) On ne peut plus soufFrir
les autres quand on vous a vue. J'ai un petit
ordre a donner ; je viens vous retrouver dans un
quart d'heure.
Char, {k Mathurine.) Je suis celle qu'il aime, au
moins.
Math. C'est moi qu'il epousera.
Sgan. Ah ! pauvres filles que vous etes, j'ai pitie de
votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir
courir a votre malheur. Croyez-moi I'une et
I'autre : ne vous amusez point a tous les contes
qu'on vous fait, et demeurez dans votre village.
D. Juan, (revenant.) Je voudrais bien savoir pourquoi
Sganarelle ne me suit pas.
Sgan. Mon maitre est un fourbe ; il n'a dessein que
de vous abuser, et en a bien abuse d'autres ; c'est
I'epouseur du genre humain, et . . . (Il aper5oit Dom
Juan.) Cela est faux ; et quiconque vous dira cela,
vous lui devez dire qu'il en a menti. Mon maitre
n'est point I'epouseur du genre humain, il n'est point
fourbe, il n'a pas dessein de vous tromper, et n'en
a point abuse d'autres. Ah ! tenez, le voila ; de-
mandez-le plutot a lui-meme.
D. Juan. Oui.
Sgan. Monsieur, comme le monde est plein de medi-
sants, je vais au-devant des choses ; et je leur
disais que, si quelqu'un leur venait dire du mal de
vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne
manquassent pas de lui dire qu'il en aurait menti.
r
[
sc. IV.] DON JUAN m
vided I keep my promise? All the talk we can ':
have will not forward matters ; we must act, not
talk. Deeds are better than words, therefore that
is the only way I can reconcile you. You will see
when I marry which of the two has my heart.
(Aside, toMATHURiNE.) Let her believe what she will.
(Aside, to Chaelotte.) Let her flatter herself as much
as she likes. (Aside, to Mathueinb.) I adore you.
(Aside, to Chaelotte.) I am entirely yours. (Aside, to
Mathueinb.) By the side of yours every face is ugly.
(Aside, to Chaelottb.) When a man has seen you he .
cannot bear others. I have a trifling order to give, J
I shall be with you in a quarter of an hour.
Char, (to Mathueinb.) I tell you he loves me.
Math. He will marry me.
Sgan. Ah ! poor girls, I pity your innocence, and I
cannot bear to see you run to your destruction.
Believe me, both of you, do not trust in all the
stories he tells you. Stay in your village.
D. Juan, (returning.) I should very much like to know ■ Lf
why Sganarelle does not follow me. \ ^
Sgan. My master is a knave. He only intends to ruin ' ' '
you as he has ruined so many others ; he marries
the whole sex and . . . (He sees Don Juan.) It is
false, and you can tell whoever told you it that he
lies. My master does not marry the whole sex, he
is not a knave, he does not intend to deceive you,
and he has never ruined others. Oh ! stop, here
he is, ask him himself, if you like.
D. Jwan. Yes.
Sgan. Monsieur, since the world is full of back-biters
I was going to be beforehand with matters. I was
telling them that if anyone were to speak ill of you
to them, they were certainly not to believe it, an^^
they ought to tell him he lied. '
192
DOM JUAN
[acte h.
D. Juan. Sganarelle.
Sgan. Oui, Monsieur est homme d'honneur, je le
garantis tel.
D. Juan. Hon !
Sgan. Ce sent des impertinents.
SciNE V
DoM JuANj La RAMis^ Charlotte, Mathurinb,
Sganarelle
La Ram. Monsieur, je viens vous avertir qu'il ne fait
pas bon ici pour vous.
D. Juan. Comment.''
La Ram. Douze hommes a cheval vous cherchent, qui
doivent arriver ici dans un moment ; je ne sais pas
par quel moyen ils peuvent vous avoir suivi ; mais
j'ai appris cette nouvelle d'un paysan qu'ils ont
interroge, et auquel ils vous ont depeint. L'affaire
presse, et le plus tot que vous pourrez sortir d'ici
sera le meilleur.
D.Juan, (k Charlotte et Mathubinb.) UneaiFaire pres-
sante m' oblige de partir d'ici ; mais je vous prie de
vous ressouvenir de la parole que je vous aidonnee,
et de croire que vous aurez de mes nouvelles avant
qu'il soit demain au soir. Comme la partie n'est
pas egale, il faut user de stratageme, et eluder
adroitement le malheur qui me cherche. Je veux
que Sganarelle se revete de mes habits ; et moi . . .
Sgan. Monsieur, vous vous moquez. M'exposer a
etre tud sous vos habits, et . . .
D. Juan. AUons vite, c'est trop d'honneur que je vous
fais, et bien heureux est le valet qui pent avoir la
gloire de mourir pour son maitre.
Sgan. Je vous remercie d'un tel honneur. O Ciel !
puisqu'il s'agit de mort, fais-moi la grace de n'etre
point pris pour un autre ?
FIN DU S-BOOND ACTE
sc. v.] DON JUAN 193
D. Juan, Sganarelle.
Sgan. Yes, my master is an honourable gentleman.
I swear he is.
D. Juan. Ahem !
SoAN. They are impertinent rascals.
Scene V
Don Jvan, La Ramge^ Chahlotte, Mathubinb,
Sganarelle
La Ram. I have come to tell you. Monsieur, it is not
safe for you here.
D. Juan. How so .''
La Ram. Twelve men on horseback are searching for
you, and they will be here any moment. I do not
know by what means they have followed you ; but
I learnt this news from a country-fellow of whom
they enquired, and to whom they described you.
The affair is pressing, and the sooner you get away
the better.
D. Juan, (toCHABLOTXE and Mathubine.) An urgent
matter obliges me to leave this place, but I beg you
will remember the promise I made you. Depend
upon it, you will have news of me before to-
morrow evening. As the match is unequal I must
use strategy or dexterously elude the mischief
which pursues me. I desire that you, Sganarelle,
shall put on my clothes and I . . .
Sgan. You jest. Monsieur, to expose me to be killed
in your clothes, and . . .
D. Juan. Come, be quick, I do you too much honour.
Thrice happy is the valet who has the glory of
dying for his master.
Sgan. Thank you for such an honour. Oh, Heaven !
since there is death in the business, grant that I may
not be taken for another !
END OP THE SECOND ACT
N
194 DOM JUAN [actbiii.
ACTE III
Sc&NE I
DoM Juan (en habit de campagne), Sganarelle (en
medecin).
Sgan. Ma foi. Monsieur, avouez que j'ai eu raison, et
que nous voila Tun et I'autre deguises a merveille.
Votre premier dessein n'etait point du tout a propos,
et ceci uous cache bien mieux que tout ce que vous
vouliez faire.
D. Juan. II est vrai que te voila bien, et je ne sais ou
tu as ete deterrer cet attirail ridicule.
Sgan, Oui .-' C'est I'habit d'un vieux medecin, qui a
ete laisse en gage au lieu ou je I'ai pris, et il m'en a
coute de 1' argent pour I'avoir. Mais savez-vous.
Monsieur, que cet habit me met deja en conside'ra-
tion, que je suis salue des gens que je rencontre,
et que Ton me vient consulter ainsi qu'un habile
homme ?
D. Juan. Comment done ?
Sgan. Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant
passer, me sont venus demander men avis sur diffe-
rentes maladies.
D. Juan. Tu leur as repondu que tu n'y entendais
rien?
Sgan. Moi? Point du tout. J'ai voulu soutenir
I'honneur de mon habit : j'ai raisonne sur le mal,
et leur ai fait des ordonnances a chacun.
D. Juan. Et quels remedes encore leur as-tuordonnes?
Sgan. Ma foi ! Monsieur, j'en ai pris par ou j'en ai
pu attraper ; j'ai fait mes ordonnances a I'aven-
ture, et ce serait une chose plaisante si les malades
guerissaient, et qu'on m'en vint remercier.
D. Juan. Et pourquoi non .'' Par quelle raison
80. 1.] DON JUAN 196
)>■
^ ^ ' ACT III
V Scene I
Don Juan (in country attire), Sganahelle (as
a doctor).
Scan. Upon my word. Monsieur, acknowledge that I
was right and that we are both wonderfully well
disguised. Your first plan was not at all a good one,
and this conceals us much better than anything you
would have done.
D. Juan. It is true you look very well. I cannot
imagine from whence you unearthed this ridiculous
apparel.
Sgan. Indeed ? It is the dress of an old doctor which
was left in pawn where I got it, and it cost me
something to buy it. Do you know. Monsieur, this
dress has already obtained for me some considera-
tion : people salute me when they meet me, and
come to consult me as a man of skill.
D. Juan. Why so ?
Sgan. Five or six country-fellows and their women
who saw me pass came to ask my advice upon
diiFerent diseases.
D. Juan. You told them you knew nothing of the
matter ?
Sgan. I ? Not at all. I was willing to keep up the
honour of my cloth ; I diagnosed the disease and
gave each of them a prescription.
D. Juan. And what remedies, then, did you prescribe
them?
Sgan. To tell the truth. Monsieur, I picked them up
where I could get them. I prescribed at random.
It would be a droll thing if the patients should be
cured, and if they should come to thank me for it.
D. Juan. And why not ? Why should you not have
196 DOM JUAN [acte hi.
n'aurais-tu pas les memes privileges qu'ont tous
les autres medecins ? lis u'ont pas plus de part que
toi aux guerisons des malades, et tout leur art est
pure grimace. lis ne font rien que recevoir la
gloire des heureux succes, et tu peux profiter
comme eux du bonheur du malade, et voir attribuer
a tes remedes tout ce qui peut venir des faveurs du
hasard et des forces de la nature.
Sgan. Comment, Monsieur, vous etes aussi impie en
medecine ?
D. Juan. C'est une des grandes erreurs qui soient
parmi les hommes.
Sgan. Quoi.'' vous ne croyez pas au sene, ni a la
casse, ni au vin emetique ?
D. Juan. Et pourquoi veux-tu que j'y croie .''
Sgan. Vous avez Tame bien mecre'ante. Cependant
vous voyez, depuis un temps, que le vin emetique
fait bruire ses fuseaux. Ses miracles ont convert!
les plus incredules esprits, et il n'y a pas trois
semaines que j'en ai vu, moi qui vous parle, un effet
merveilleux.
D. Juan. Et quel ?
Sgan. 11 y avait un homme qui, depuis six jours, etait
a I'agonie ; on ne savait plus que lui ordonner, et
tous les remedes ne faisaient rien ; on s'avisa a la
fin de lui donner de I'emetique.
D. Juan. II rechappa, n'est-ce pas ?
Sgan. Non, il mourut.
D. Juan. L' effet est admirable.
Sgan. Comment? il y avait six jours entiers qu'il ne
pouvait mourir, et cela le fit mourir tout d'un coup.
Voulez-vous rien de plus efficace ?
D. Juan. Tu as raison.
Sgan. Mais laissons la la medecine, ou vous ne croyez
point, et parlons des autres choses ; car cet habit
me donne de 1' esprit, et je me sens en humeur de
disputer contre vous. Vous savez bien que vous me
permettez les disputss, et que vous ne me defendez
que les remontrances.
sa I.] DON JUAN 197
the same privileges as all other doctors? They
have no more share in curing patients than you
have : all their art is mere pretence. When they
are fortunate enough to be successful, they receive
the honour of it. You can profit just as much as
they from the patients' good luck, and you will find
that everything which may proceed from a lucky
chance and the powers of nature will be attributed
to your remedies.
Scan. What, Monsieur? Are you also a sceptic in
medicine ?
D. Juan. It is one of the greatest errors of mankind.
Sgan. What ? do you not believe in senna, cassia or
an emetic wine ?
D. Juan. Why should I believe in them ?
Scan. You have a very unbelieving disposition. Yet
you know that emetic wine has lately made a great
noise in the world. Its miracles have converted the
most incredulous minds and it is but three weeks
ago that I myself saw it produce a marvellous
effect.
D. Juan. What was that ?
SoAN. There was a man who had been in agony for
six days ; they did not know what more to prescribe
for him and i;ione of the remedies were any good ;
at last they took it into their heads to give him the
emetic.
D. Juan. He recovered then ?
Sgan. No, he died.
D. Juan. What a wonderful effect !
Sgan. Certainly. For six whole days he had not
been able to 8ie, and this killed him at once. Could
you have anything more efficacious ?
D. Juan. You are right.
Sgan. But let us drop physic, in which you do not
believe, and talk of other things ; for this clothing
inspires me and I am in the humour to dispute with
you. You know well you allow me to argue and
that you only forbid me to remonstrate.
198 DOM JUAN [acte in.
D. Juan. Eh bien ?
SoAN. Je veux savoir un peu vos pensees a fond. Est-
il possible que vous ne croyiez point du tout au
Ciel?
D. Juan. Laissons cela.
Sgan. C'est-a-dire que non. Et a I'Enfer .''
D. Juan. Eh !
Sgan. Tout de meme. Et au diable, s'il vous plait ?
D. Juan. Oui, oui.
Sgan. Aussi peu. Ne croyez-vous point a I'autre vie }
D. Juan. Ah ! ah ! ah !
Sgan. Voila un homme que j'aurai bien de la peine
a convertir. Et dites-moi un peu (encore faut-il
croire quelque chose) : Qu'est-ce que vous croyez?
D. Juan. Ce que je crois?
Sgan. Oui.
D. Juan. Je crois que deux et deux sont quatre,
Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit.
Sgan. La belle croyance que voila ! Votre religion,
a ce que je vois, est done Tarithmetique ? II faut
avouer qu'il se met d'etranges folies dans la tete des
hommes, et que, pour avoir bien etudie, on est bien
moins sage le plus souvent. Pour moi. Monsieur,
je n'ai point etudie comme vous, Dieu merci, et
personne ne saurait se vanter de m'avoir jamais
rien appris ; mais, avec mon petit sens, mon petit
jugemeut, je vois les choses mieux que tous les
livres, et je comprends fort bien que ce monde que
nous voyons n'est pas un champignon qui soit venu
tout seul en une nuit. Je voudrais bien vous
demander qui a fait ces arbres-la, ces rochers, cette
terre, et ce ciel que voila la-haut, et si tout cela
s'est bati de lui-meme. Vous voila, vous, par
exemple, vous etes la : est-ce que vous vous etes
fait tout seul, et n'a-t-il pas fallu que votre pere ait
engrosse votre mere pour vous faire ? Pouvez-vous
voir toutes les inventions dont la machine de
I'homme est composee sans admirer de quelle fa9on
cela est agence I'un dans I'autre .'' ces nerfs, ces os,
sc. I.] DON JUAN 199
D. Juan. Well?
Sgan. I should like to get to the bottom of your
thoughts. Is it possible you do not believe in
heaven at all .''
D. Juan. We will leave that.
Sgan. That is to say no. And in hell }
D. Juan. Eh.^
Scan. The same ! And in the devil, if you please.'*
D. Juan. Yes, yes.
Sgan. Just as little as in the rest. Do you not believe
in another life .''
D. Juan. Ha ! ha ! ha !
Sgan. Here is a man I shall have a lot of trouble to
convert. Now just tell me (for one must believe
something) in what do you believe ?
D. Juan. In what do I believe }
Sgan. Yes.
D. Juan. I believe two and two make four, Sgan-
arelle, and that four and four are eight.
Sgan. That is a fine belief. Your religion, from what
I see, is merely arithmetic ; it must be admitted
it puts strange follies into men's heads and that
one is seldom wiser after having studied it care-
fully. For myself, Monsieur, I have not studied it
as you have, thank God, and no one will be able
to boast of ever having taught me anything, but I
see things better with my small wit and my little
judgment than all the books, and I know very
well that this world, which we see, has not sprung
up of itself in one night like a mushroom. I would
much like to ask you who made these trees, those
rocks, this earth and that sky above ; and whether
all this sprang up of itself.'' You, yourself, for
instance, as you stand there, were you made by
yourself ? Was it not necessary for your father to
cause your mother to conceive in order to make
you? Can you perceive all the contrivances of
which the human mechanism is composed without
wondering at the way the parts are fitted into one
another ? These nerves, these bones, these veins.
200 DOM JUAN [acte hi.
ces veineSj ces arteres, ces . . ., ce poumonj ce coeur,
ce foie, et tous ces autres ingredients qui sont la,
et qui . . . Oh ! dame, interrompez-moi done, si
vous voulez. Je ne saurais disputer, si Ton ne
m'interrompt. Vous vous taisez expres, et me
laissez parler par belle malice.
D. Juan. J'attends que ton raisonnement soit fini.
Sgan. Mon raisonnement est qu'il y a quelque chose
d'admirable dans I'homme, quoi que vous puissiez
dire, que tous les savants ne sauraient expliquer.
Cela n'est-il pas merveilleux que me voila ici, et
que j'aie quelque chose dans la tete qui pense cent
choses differentes en un moment, et fait de mon
corps tout ce qu'elle veut.'' Je veux frapper des
mains, hausser le bras, lever les yeux au ciel,
baisser la tete, remuer les pieds, aller a droite, a
gauche, en avant, en arriere, tourner ... (II se laisse
tomber en toumant.)
D. Juan. Bon ! voila ton raisonnement qui a le nez
casse.
Sgan. Morbleu ! je suis bien sot de m'amuser a
raisonner avec vous, Croyez ce que vous voudrez :
il m'importe bien que vous soyez damne !
D, Juan. Mais tout en raisonnant, je crois que nous
sommes egares. Appelle un peu cette homme que
voila la-bas, pour lui demander le chemin.
Sgan. Hola, ho, I'homme ! ho, mon compere ! ho,
I'ami ! un petit mot s'il vous plait.
Scene II
Don Juan, Sganarbixe, Un Pauvre.
Sgan. Enseignez-nous un peu le chemin qui mene a
la ville.
Le Pauvbe. Vous n'avez qu'a suivre cette route.
Messieurs, et detourner a main droite quand vous
8C. II.]
DON JUAN
201
these arteries, these . . . this lung, this heart,
this liver and all the other organs to be found
there, which . . . Oh, confound it ! you must
interrupt me. I cannot dispute unless I am inter-
rupted. You are silent on purpose and let me talk
out of pure malice. ^
D. Juan. I am waiting until your argument is j
finished. j
Sgan. My argument is that there is something /
mysterious in man which, whatever you may say, J
none of the philosophers can explain. Is it not I
wonderful that I exist and that I have something in
my head which thinks a hundred different things
in a moment and does what it wills with my body ?
1 wish to clap my hands, to raise my arms, to lift
my eyes to heaven, to bow my head, to move my
feet, to go to the right, to the left, forward, back- 7
ward, to turn . . . (He falls down whilst turning.) -^
D. Juan. Good, so your argument has broken your
nose.
SoAN. Upon my word, I am a blockhead indeed to
trouble myself about arguing with you. Believe
what you like, what do I care if you are damned !
D. Juan. While we have been arguing I believe we
have lost our way. Call to that man who is down
there and ask him the way.
Sgan. Holloa ! ho ! my man, ho ! my good fellow !
ho ! friend, one word, if you please.
Scene II
Don Juan, Sganarelle, a Poor Man.
Sgan. Just show us the road which leads to the town.
Poor Man. You have but to follow that path, gentle-
men, and turn to the right when you come to the
202 DOM JUAN [actb hi.
serez au bout de la foret; mais je vous donne
avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et
que, depuis quelque temps, il y a des voleurs ici
autour.
D. Juan. Je te suis ol>lig€, mon ami, et je te rends
grace de tout mon coeur.
Lb PAtrvRB. Si vous vouliez. Monsieur, me secourir
de quelque aumone ?
D. Juan. Ah ! ah ! ton avis est interesse, a ce que je
vols.
Lb Pauvre. Je suis un pauvre homme, Monsieur,
retire tout seul dans ce bois depuis dix ans, et je ne
manquerai pas de prier le Ciel qu'il vous donne
toute sorte de biens.
D. Juan. Eh ! prie le qu'il te donne un habit, sans
te mettre en peine des aflfaires des autres.
Sgan. Vous ne connaissez pas Monsieur, bonhomme ;
il ne croit qu'en deux et deux sont quatre, et en
quatre et quatre sont huit.
D. Juan. Quelle est ton occupation parmi ces arbres ?
Le Pauvre. De prier le Ciel tout le jour pour la pros-
perite des gens de bien qui me donnent quelque
chose.
D. Juan. II ne se pent done pas que tu ne sois bien
a ton aise ?
Lb Pauvre. Helas ! Monsieur, je suis dans la plus
grande necessite du monde.
D. Juan. Tu te moques : un homme qui prie le Ciel
tout le jour, ne peut pas manquer d'etre bien dans
ses affaires.
Lb Pauvre. Je vous assure. Monsieur, que le plus
souvent je n'ai pas un morceau de pain a mettre
sous les dents.
D. Juan. Je te veux donner un Louis d'or, et je te le
donne pour 1' amour de I'humanite. Mais que vois-
je la? Un homme attaque par trois autres.'' La
partie est trop inegale, et je ne dois pas souffrir
cette lachete.
8C. II.] DON JUAN 203
end of the forest, but I warn you that you should
be on your guard, for there have been robbers
round about here lately.
D. Juan. I am much obliged to you, my friend, and
I thank you with all my heart.
Poor Man. Could you help me. Monsieur, with a
trifle.?
D. Juan. Ha ! ha ! your advice is not disinterested,
I see.
Poor Man. I am a poor man. Monsieur, and have
lived all alone in this wood for ten years. I will
not fail to beseech heaven to give you every
blessing.
D. Juan. Well, beseech it to give you a coat, and
do not trouble yourself about other people's needs.
Scan. You do not know this gentleman, my good
fellow, he only believes two and two make four and
that four and four are eight.
D. Juan. What is your occupation in this wood ?
Poor Man. To beseech heaven all day long for the
prosperity of kind people who give me something.
D. Juan. You must, then, be pretty well off.
Poor Man. Alas, Monsieur, I am in the greatest
straits.
D. Juan. You are joking. A man who prays to
heaven all day long cannot fail to be well off.
Poor Man. 1 assure you. Monsieur, that frequently
I have not a bit of bread to put between my teeth.
~ h
D. Juan. For the love of humanity I will give you a ■J'-
gold piece. But what do I see .'' One man attacked
by three others. The match is too unequal. I
cannot suffer such baseness.
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^^; :^'j
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204 DOM JUAN [actb m.
Sc&NE III
DoM JvAN, DoM Carlos^ Sganabellb
Sgan. Mon maitre est un vrai enrage d'aller se pre-
senter a un peril qui ne le cherche pas; mais, ma
foi ! le secours a servi^ et les deux ont fait fuir les
trois.
D. Cab. (I'^p^eMa main.) On voit, par la fuite de ces
voleurs^ de quel secours est votre bras. Souffrez,
Monsieur, que je vous rende grace d'une action si
genereuse, et que . . .
D.Juan, (revenant I'^pee k la main.) Je n'ai rien fait,
Monsieur, que vous n'eussiez fait en ma place.
Notre propre honneur est interesse dans de pareilles
aventures, et Taction de ces coquins etait si lache,
que c'eut ete y prendre part que de ne s'y pas
opposer. Mais par quelle rencontre vous etes-vous
trouve entre leurs mains ?
D. Car. Je m'etais par hasard egare d'un frere et de
tous ceux de notre suite ; et comme je cherchais a
les rejoindre, j'ai fait rencontre de ces voleurs, qui
d'abord ont tue mon cheval, et qui, sans votre
valeur, en auraient fait autant de moi.
D. Juan. Votre dessein est-il d'aller du cote de la
ville?
D. Cab. Oui, mais sans y vouloir entrer ; et nous
nous voyons obliges, mon frere et moi, a tenir la
campagne pour une de ces facheuses aflFaires qui
r^duisent les gentilshommes a se sacrifier, eux et
leur famille, a la severite de leur honneur, puisque
enfin le plus doux succes en est to uj ours funeste,
et que, si Ton ne quitte pas la vie, on est contraint
de quitter le Royaume ; et c'est en quoi je trouve
la condition d'un gentilhomme malheureuse, de ne
pouvoir point s'assurer sur toute la prudence et
toute I'honnetete de sa conduite, d'etre asservi par
les lois d'honneur au dereglement de la conduite
d'autrui, et de voir sa vie, son repos et ses biens
8C. III.] DON JUAN 206
Scene III
Don Juan, Don Carlos, Sqanabelle
SoAN. My master has gone mad to run himself need-
lessly into danger, but I declare his help has been
of use, and two have put three to flight.
D. Cab. (sword in hand.) The flight of these robbers
shows me what 1 owe to your sword ; permit me.
Monsieur, to thank you for so generous an action,
and . . .
D. Juan, (returning, sword in hand.) I have not done
anything. Monsieur, that you would not have done
in my place. One's own honour is concerned in
such adventures, and the action of those villains
was so cowardly that not to oppose them would
have been to take their part ; but by what means
did you fall into their hands .''
D. Car. I had wandered by chance from my brother
and all our retinue, and as I endeavoured to rejoin
them I fell in with these robbers who immediately
killed my horse and who, had it not been for your
valour, would have done as much for me.
D. Juan. Do you purpose going towards the town }
D. Cab. Yes, but not to enter it. My brother and
I are obliged to stay in the country because of one
of those troublesome afi"airs which compel gentle-
men to sacrifice themselves and their families to
their scrupulous honour; wherein, indeed, the most
favourable success is ever fatal, and if one has not
to quit life, one is compelled to quit the kingdom.
This is why I find the condition of a gentleman to
, be unfortunate ; for, no matter how prudent and
how discreet may be his conduct, he is not able to
guard himself from being subject, by the laws of
honour, to the unruliness of another man's conduct ;
nor from seeing his life, his repose and his pro-
206 DOM JUAN [actb hi.
dependre de la fantaisie du premier tdm^raire qui
s'avisera de lui faire une de ces injures pour qui un
honnete homme doit perir.
D. Juan. On a cet avantage, qu'on fait courir le meme
risque et passer mal aussi le temps a ceux qui
prenneut fantaisie de nous venir faire une offense
de gaiete de coeur. Mais ne serait-ce point une
indiscretion que de vous demander quelle peut etre
votre aflFaire ?
D. Cab. La chose en est aux termes de n'en plus
faire de secret, et lorsque I'injure a une fois eclate,
notre honneur ne va point a vouloir cacher notre
honte, mais a faire eclater notre vengeance, et a
publier meme le dessein que nous en avons. Ainsi,
Monsieur, je ne feindrai point de vous dire que
I'oifense que nous cherchons a venger est une sceur
seduite et enlevee d'un convent, et que I'auteur de
cette offense est un Dom Juan Tenorio, fils de Dom
Louis Tenorio. Nous le cherchons depuis quelques
jours, et nous I'avons suivi ce matin sur le rapport
d'un valet qui nous a dit qu'il sortait a cheval,
accompagne de quatre ou cinq, et qu'il avait pris le
long de cette cote ; mais tous nos soins ont ete
inutiles, et nous n'avons pu decouvrir ce qu'il est
devenu.
D. Juan. Le connaissez-vous. Monsieur, ce Dom Juan
dont vous parlez .''
D. Car. Non, quant a moi. Je ne I'ai jamais vu, et
je I'ai seulement ou'i depeindre a monfrere; mais
la renommee n'en dit pas force bien, et c'est un
homme dont la vie . . .
D. Juan. Arretez, Monsieur, s'il vous plait. II est
un peu de mes amis, et ce serait a moi une espece
de lachetd, que d'en ou'ir dire du mal.
D. Cab. Pour I'amour de vous. Monsieur, je n'en
dirai rien du tout, et c'est bien la moindre chose
que je vous doive, apres m'avoir sauve la vie, que
so. in.] DON JUAN 207
perty dependent upon the freaks of the first audacious
fellow who shall think proper to do him one of those
injuries for which an honourable man must lose his
life.
D. Juan. There is this advantage, that those who take
it into their heads to do us an injui-y out of wanton-
ness run the same risks and spend their time as
precariously. But if I am not indiscreet, may I ask
you what your affair may be .''
D. Cab. The thing has gone so far that it cannot any
longer be kept secret. When the insult is once
public our honour does not oblige us to hide
our shame : it requires us rather to show forth our
desire for vengeance and to proclaim our intention
to avenge ourselves. Therefore, Monsieur, I will
not scruple to tell you that the insult which we
seek to avenge is the seduction of a sister who was
carried off from a convent, and the author of this
offence is one Don Juan Tenorio, son of Don Louis
Tenorio. We have been in pursuit of him for some
days, and we followed him here this morning, on
the information of a valet who told us he had set
out on horseback, accompanied by four or five
others, and that he had come this way ; but all our
efforts have been fruitless, and we have not been
able to discover what has become of him.
D. Juan. Do you know this Don Juan of whom you
speak }
D. Car. Indeed I do not. I have never seen him,
and have only heard my brother describe him ; but
fame does not speak too favourably of him and he
is a man whose life . . .
D. Juan. Stop, Monsieur, if you please, he is some-
what of a friend of mine, and I should consider it
a kind of treachery were I to allow anyone to speak
ill of him.
D. Cab. Out of respect for you. Monsieur, I will not
say anything at all about him. To be silent before
you, in respect of a person whom you know, when
208 DOM JUAN [acte hi.
de me taire devant vous d'une personne que vous
connaissez, lorsque je ne puis en parler sans en dire
du mal ; mais quelque ami que vous lui soyez, j'ose
esperer que vous n'approuverez pas son action, et
ne trouverez pas etrange que nous cherchions d'en
prendre la vengeance.
D. Juan. Au contraire, je vous y veux servir, et vous
epargner des soins inutiles. Je suis ami de Dom
Juan, je ne puis pas m'en empecher; mais il n'est
pas raisonnable qu'il offense impunement des gen-
tilshommes, et je m'engage a vous faire faire raison
par lui.
D. Car. Et quelle raison peut-on faire a ces sortes
d'injures.''
D. Juan. Toute celle que votre honneur peut sou-
haiter ; et sans vous donner la peine de chercher
Dom Juan davantage, je m'oblige a le faire trouver
au lieu que vous voudrez, et quand il vous plaira.
D. Car. Cet espoir est bien doux. Monsieur, a des
coeurs offenses ; mais, apres ce que je vous dois, ce
me serait une trop sensible douleur que vous fussiez
de la partie.
D. Juan. Je suis si attache a Dom Juan, qu'il ne
saurait se battre que je ne me batte aussi; mais
enfiin j'en reponds comme de moi-meme, et vous
n'avez qu'a dire quand vous voulez qu'il paraisse et
vous donne satisfaction.
D. Car. Que ma destinee est cruelle ! Faut-il que
je vous doive la vie et que Dom Juan soit de vos
Scene IV
DoM Alonsb et trois Suivants, Dom Cari.os, Dom
Juan, Sganarelle
D. AiiON. Faites boire 1^ mes chevaux, et qu'on les
amene apres nous ; je veux un peu marcher a
pied. O Ciel ! que vois-je ici.'' Quoi? mon frere
vous voila avec notre ennemi mortel .-*
8c. IV.] DON JUAN 209
I can say nothing but evil about him, is, unques-
tionably, the least thing I owe you after you have
saved my life. But, however much you may be
his friend, I venture to hope you do not approve
his action or think it strange in us to endeavour to
take vengeance.
D. Juan. On the contrary, I will serve you in this and
will spare you some fruitless trouble. I am a friend
of Don Juan's, I cannot help being so ; but it is
not reasonable he should offend gentlemen with
impunity, and I promise you, in his name, he shall
give you satisfaction.
D. Car. And what satisfaction can be given for such
an inj ury .''
D. JuA^f. All that your honour can desire. Without
troubling you to seek further for Don Juan I will
guarantee that he shall be forthcoming wherever
you like and when you please.
D. Car. This expectation. Monsieur, is very soothing
to outraged hearts, but, after what I owe you, it
would be a very deep grief to me were you to be
mixed up in the quarrel.
D. Juan. I am so nearly connected with Don Juan
that he cannot fight unless I also fight ; in short,
I answer for him as for myself, and you have only
to say when you wish him to appear to give you
satisfaction.
D. Car. How cruel is my lot ! Must I owe my life
to you who are one of Don Juan's friends ?
Scene IV
Don Alonso and three Servants, Don Carlos, Don
Juan, Sganabellb
D. Alon. Water my horses and lead them after ua,
I wish to walk on foot a little. Heavens ! whom
do I see here ? How comes it that you are with
our mortal enemy, brother .''
o
210 DOM JUAN [acteiii.
D. Car. Notre ennemi mortel ?
D. Juan, (se reculant trois pas et mettant fi^rement la main
BUT la garde de son ^p^e.) Oui, je suis Dom Juan moi-
meme, et I'avantage du nombre ne m'obligera pas
a vouloir deguiser mon nom.
D. Arx)N. Ah ! traitre, il faut que tu perisses, et . . .
D. Cab. Ah ! mon frere, arretez. Je lui suis rede-
vable de la vie ; et sans le secours de son bras,
j'aurais ete tue par des voleurs que j'ai trouves.
D. Alont. Et voulez-vous que cette consideration em-
peche notre vengeance .'' Tous les services que nous
rend une main ennemie ne sont d'aucun merite
Four engager notre ame ; et s'il faut mesurer
obligation a I'injure, votre reconnaissance, mon
frere, est ici ridicule ; et comme I'honneur est
infiniment plus precieux que la vie, c'est ne devoir
rien proprement que d'etre redevable de la vie a
qui nous a ote I'honneur.
D. Cab. Je sais la difference, mon frere, qu'un gen-
tilhomme doit toujours mettre entre I'un et I'autre,
et la reconnaissance de I'obligation n'efface point
en moi le ressentiment de I'injure; mais souffrez
que je lui rende ici ce qu'il m'a prete, que je m'ac-
quitte sur-le-champ de la vie que je lui dois, par un
delai de notre vengeance, et lui laisse la liberte de
jouir, durant quelques jours, du fruit de son
bienfait.
D. Alon. Non, non, c'est hasarder notre vengeance
que de la reculer, et I'occasion de la prendre pent
ne plus revenir. Le Ciel nous I'offre ici, c'est a
nous d'en profiter. Lorsque I'honneur est blesse
mortellement, on ne doit point songer a garder
aucunes mesures ; et si vous repugnez a preter
votre bras a cette action, vous n'avez qu'a vous
retirer et laisser a ma main la gloire d'un tel
sacrifice.
D. Cab. De grace, mon frere . . .
D. Alon. Tous ces discours sont superflus : il faut
qu'il meure.
8c. IV.] DON JUAN 211
D. Cab. Our mortal enemy }
D. Juan, (falls back three steps and haughtily grasps his
sword.) Yes, I myself am Don Juan, and although
you outnumber me, that shall not oblige me to wish
to disown my name.
D. Alon. Ah ! traitor, you must perish and . . .
D. Car. Ah ! my brother, stay, I am indebted to him
for my life. Had it not been for the help of his
sword I should have been murdered by the robbers
I met.
D. Alon. Would you let this consideration prevent
our vengeance .'' None of the services the hand of
an enemy renders us has any claim to bind our
hearts. If we are to measure the obligation by the
insult, your gratitude, my brother, is, in this case,
ridiculous, and, as honour is infinitely more pre-
cious than life, we do not owe anything for life
to him who has taken away our honour.
D. Car. I know the difference, my brother, that a
gentleman should always make between the two,
and gratitude for the obligation does not, with me,
efface resentment for the injury ; but allow me
here to restore to him what I have received from
him, and acquit myself immediately of the life I
owe him by putting off our vengeance and suffering
him the liberty to enjoy for some days the reward
of his kind action.
D. Alon. No, no, to retreat is to hazard our vengeance,
and an opportunity of taking it may never return.
Heaven offers it to us here : it remains with us to
profit by it. When honour is mortally wounded
we should not think of moderating any measures,
and if you refuse to assist me in this action you
have but to retire and to leave to me the glory of
such a revenge.
D. Cab. Pardon me, brother . . .
D. Alon. All this talk is superfluous^ he must die.
212 DOM JUAN [acte hi.
D. Car. Arretez-vous, dis-je, mon frere. Je ne
souffrirai point du tout qu'on attaque ses jours^ et
je jure le Ciel que je le defendrai ici contre qui que
ce soit, et je saurai lui faire un rempart de cette
meme vie qu'il a sauvee ; et pour adresser vos
coups, il faudra que vous me perciez.
D. Alon. Quoi ? vous prenez le parti de notre ennemi
contre moi ; et loin d'etre saisi a son aspect des
memes transports que je sens, vous faites voir pour
lui des sentiments pleins de douceur ?
D. Car, Mon frere, montrons de la moderation dans
une action legitime, et ne vengeons point notre
honneur avec cet emportement que vous temoignez.
Ayons du coeur dont nous soyons les maitres, une
valeur qui n'ait rien de farouche, et qui se poi'te
aux choses par une pure deliberation de notre
raison, et non point par le mouvement d'une
aveugle colere. Je ne veux point, mon frere,
demeurer redevable a mon ennemi, et je lui ai une
obligation dont il faut que je m'acquitte avant
toute chose. Notre vengeance, pour etre difFeree,
n'en sera pas moins eclatante : au contraire, elle
en tirera de I'avantage ; et cette occasion de
I'avoir pu prendre la fera paraitre plus juste aux
yeux de tout le monde.
D. Alon. O I'dtrange faiblesse, et I'aveuglement
effroyable de hasarder ainsi les interets de son
honneur pour la ridicule pensee d'une obligation
chimerique !
D. Cab. Non, mon frere, ne vous mettez pas en peine.
Si je fais une faute, je saurai bien la reparer, et je
me charge de tout le soin de notre honneur ; je sais
a quoi il nous oblige, et cette suspension d'un
jour, que ma reconnaissance lui demande, ne fera
qu'augmenter I'ardeur que j'ai de le satisfaire.
Dom Juan, vous voyez que j'ai soin de vous rendre
le bien que j'ai re^u de vous, et vous devez par la
juger du reste, croire que je m'acquitte avec meme
chaleur de ce que je dois, et que je ne serai pas
moins exact a vous payer I'injure que le bienfait.
8C. IV.]
DON JUAN
213
D. Car. Hold I say, brother, I will not at all allow
an attempt upon his life. I swear by Heaven I
will here defend him against anyone. That same
life which he saved shall be a shield for him. In
striking at him you must first pierce me.
D. Alon. What? do you take the part of our enemyX
against me, and, so far from being filled with the
same rage upon beholding him that I feel, you
show for him sentiments full of friendliness .''
D. Cab. Bi'other, let us show moderation in a just
action and not avenge our honour with that violence
which you show. Let us show a heart over which/
we are master, a valour which has nothing savage
in it, and which acts in respect of things upon
the simple deliberation of the reason, not by the
impulse of a blind passion. I do not wish, brother,
to be in debt to my enemy ; I have an obligation
towards him which I must repay before everything
else. Our vengeance will not be the less striking
for being deferred. On the contrary, it will gain
advantage thereby, and this opportunity we hav^
had of taking it will make it appear more just '1%
the eyes of all the world. '
D. Alon. Oh ! the strange weakness and dreadful
blindness of hazarding in this manner the interests
of honour for the ridiculous notion of an imaginary
obligation !
D. Cab. No, my brother, do not trouble yourself
about that; if I commit a fault I shall make
sufficient amends for it. I take upon me all the
care of our honour. I know to what it obliges us,
and this delay for one day which my gratitude asks
for him, will only increase the desire I have to
satisfy it. You see, Don Juan, I am anxious to
return you the gift I have received from you ; by
this you can judge of the rest, and can believe that
the same warmth with which I discharge what I
owe, will not be less generous in avenging myself,
214 DOM JUAN t^cTE nu
Je ne veux point vous obliger ici a expliquer vos
sentiments, et je vous donne la liberte de penser a
loisir aux resolutions que vous avez a prendre.
Vous connaissez assez la grandeur de I'offense que
vous nous avez faite, et je vous fais juge vous-
meme des reparations qu'elle demande. II est des
moyens doux pour nous satisfaire ; il en est de
violents et de sauglants ; mais enfin, quelque choix
que vous fassiez, vous m'avez donne parole de me
faire faire raison par Dom Juan : songez a me la
faire, je vous prie, et vous ressouvenez que, hors
d'ici, je ne dois plus qu'a mon bonneur.
D. Juan. Je n'ai rien exige de vous, et vous tiendrai
ce que j'ai promis,
D. Cab. Allons, mon frere : un moment de douceur
ne fait aucune injure a la severite de notre devoir.
SciNE V
DoM Juan, Soanarellb
D. Juan. Hola, he, Sganarelle !
Scan. Plait-U.?
D. Juan. Comment ! coquin, tu fuis quand on m'
attaque .''
SoAN. Pardonnez-moi, Monsieur ; je viens seulement
d'ici pres. Je crois que cet habit est purgatif, et
que c est prendre medecine que de le porter.
D. Juan. Peste soit I'insolent ! Couvre au moins ta
poltronnerie d'un voile plus honnete. Sais-tu bien
qui est celui a qui j'ai sauve la vie .''
Sgan. Moi.-* non.
D. Juan. C'est un frere d'Elvire.
Sgan. Un . . .
D. Juan. II est assez honnete homme, il en a bien
use, et j'ai regret d'avoir demele' avec lui.
fic. v.] DON JUAN 216
and that I shall not be less exact in repaying you
for the insult than for the favour, I will not
compel you to explain your feelings here. I give
you liberty to consider at leisure what resolutions
you will take. You know very well the greatness
of the injury you have done us, and I make you
yourself judge of the reparation it demands. There
are peaceful ways of giving us satisfaction, there
are violent and bloody ones, but, finally, whatever
choice you may make, you have passed me your
word to let Don Juan give me satisfaction. Pray
remember to do so, and you will not forget that
out of this place my only duty is to my honour.
D. Juan. I have not asked anything of you and I
shall keep my word.
D. Car. Come, brother, a moment's forbearance will
not lessen severity when duty calls.
Scene V
Don Juan, Sganareij.e
D. Juan. Holloa, here, Sganarelle !
Scan. What is it ?
D. Juan. So, rascal, you run away when I am
attacked.''
Scan. Pardon me. Monsieur. I only came from close
by. I believe this dress is purgative, and that to
wear it is as good as to take medicine.
D. Juan. Deuce take your insolence. Wrap your
cowardice in at least a more decent cover. Do
you know, perchance, who is the man whose life
I saved .''
Scan. 1} No.
D. Juan. He is a brother of Elvire.
Sgan. a . . .
D. Juan. He is a good enough fellow, he behaved well
in the matter, and I am sorry I quarrelled with
him.
216 DOM JUAN [actb hi.
Sgan. II vous serait ais^ de pacifier toutes choses.
D. Juan. Oui ; mais ma passion est usee pour Done
Elvire, et I'engagement ne coinpatit point avec
mon humeur. J'aime la liberte en amour, tu le
sais, et je ne saurais me resoudre a renfermer mon
coeur entre quatre murailles. Je te I'ai dit vingt
fois, j'ai une pente naturelle a me laisser aller a
tout ce qui m'attire. Mon coeur est a toutes les
belles, et c'est a elles a le prendre tour a tour, et a
le garder tant qu' elles le pourront. Mais quel est
la superbe edifice que je vois entre ces arbres ?
Sgan. Vous ne le savez pas ?
D. Juan. Non, vraiment.
Sgan. Bon ! c'est le tombeau que le Commandeur
faisait faire lorsque vous le tuates.
D. Juan. Ah ! tu as raison. Je ne savais pas que
c'etait de ce c6te-ci qu'il etait. Tout le monde
m'a dit des merveilles de cet ouvrage, aussi bien
que de la statue du Commandeur, et j'ai envie de
Taller voir,
Sgan. Monsieur, n'allez point la.
D. Juan. Pourquoi?
Sgan. Cela n'est pas civil, d'aller voir un homme que
vous avez tue.
D. Juan. Au contraire, c'est une visite dont je lui
veux faire civilitd, et qu'il doit recevoir de bonne
grace, s'il est galant homme. Allons, entrons
dedans.
(Le tombeau s'ouvre, et I'on voit an superbe mausol^e et la
statue du Commandeur. )
Sgan. Ah ! que cela est beau ! les belles statues ! le
beau marbre ! les beaux piliers ! Ah ! que cela
est beau ! Qu'en dites-vous. Monsieur ?
D. Juan. Qu'on ne peut voir aller plus loin I'ambition
d'un homme mort ; et ce que je trouve admirable,
c'est qu'un homme qui s'est passe, durant sa vie,
d'une assez simple demeure, en veuille avoir une
si magnifique pour quand il n'en a plus que faire.
DOM JUAN
(Aclelll Scene V)
sc. v.] DON JUAN 217
Sgan. It would be easy for you to make everything
peaceable again.
D. Juan. Yes, but my passion for Elvire has died
down, and to remain engaged does not consort with
my humour. I like freedom in love, you know ; I
cannot bear to imprison my heart between four
walls. I have told you a score of times I have a
natural propensity to give way to whatever attracts
me. My heart belongs to the whole of the fair
sex, and they must take it by turns and keep it
as long as they can. But what stately monument
is that amongst those trees .f*
Sgan. Do you not know it ?
D. Juan. No, indeed.
Sgan. Why, it is the tomb which the Commander was
building when you killed him.
D. Juan. Ha ! you are right. I did not know it
was anywhere about here. Everyone has told me
of the wonders of this piece of work, as well as of
the statue of the Commander, and I have a mind to
go and see it.
Sgan. Do not go there, Monsieur.
D. Juan. Why? ) J^'
Sgan. It is not courteous to pay a visit to the man you V
have killed. y
D. Juan. On the contrary, it is a visit which will show
my courtesy to him and which he ought to receive
with a good grace, if he is anything of a gentleman.
Come, let us go in.
(The tomb opens, and reveals a superb mausoleum and the
statue of the Commander. )
Sgan. Ah ! how beautiful it is ! What fine statues !
what exquisite marble ! what handsome pillars !
Ah ! how beautiful it is ! What do you think of it, ,
Monsieur ? ^S Qj%fX^
D. Juan. That it is impossible for the ambition of a / . [*>-*1
dead man to go farther. I think it wonderful S 'i'*'': »'
that a man who, during his lifetime, lived in
very simple dwelling, should desire to have one
magnificent when he has no longer occasion for
218 DOM JUAN [aote hi.
Scan. Voici la statue du Commandeur.
D. Juan. Parbleu ! le voila bon, avec son habit
d'empereur remain !
Sgan. Ma foi, Monsieur, voil'i qui est bien fait. II
semble qu'il est en vie, et qu'il s'en va parler. II
jette des regards sur nous qui me feraient peur, si
j'etais tout seul, et je pense qu'il ne prend pas
plaisir de nous voir.
D. Juan. II aurait tort, et ce serait mal recevoir
I'honneur que je lui fais. Demande-lui s'il veut
venir souper avec moi.
Sgan. C'est une chose dont il n'a pas besoin, je crois.
D. Juan. Demande-lui, te dis-je.
Sgan. Vous moquez-vous? Ce serait etre fou que
d'aller parler a une statue.
D. Juan. Fais ce que je te dis.
Sgan. Quelle bizarrerie ! Seigneur Commandeur . . .
je ris de ma sottise, mais c'est mon maitre qui me
la fait faire. Seigneur Commandeur, mon maitre
Dom Juan vous demande si vous voulez lui faire
I'honneur de venir souper avec lui. (La Statue baisse
la tdte.) Ha !
D. Juan. Qu'est-ce? qu'as tu? Dis done, veux-tu
parler ?
Sgan. (fait le m^me signe que lui a fait la Statue et baisse
la tSte.) La Statue . . .
D. Juan. Eh bien ! que veux-tu dire, traitre.^
Sgan. Je vous dis que la Statue . . .
D. Juan. Eh bien ! la Statue ? Je t'assomme, si tu
ne paries.
Sgan. La Statue m'a fait signe.
D. Juan. La peste le coquin !
Sgan. Elle m'a fait signe, vous dis-je : il n'est rien
de plus vrai. Allez-vous-en lui parler vous-meme
pour voir. Peut-etre . . .
D. Juan. Viens, maraud, viens, je te veux bien
faire toucher au doigt ta poltronnerie. Prends
garde. Le Seigneur Commandeur voudrait-il venir
souper avec moi ?
(La Statue baisse encore la t^te.)
sc. v.] DON JUAN 219
Scan. Here is the statue of the Commander.
D. Juan. Really, he looks well in the dress of a
Roman Emperor.
Sgan. Upon my word. Monsieur, it is well conceived.
It seems as though he were alive, and were going to
speak. He casts such a glance at us as would terrify
me were I quite alone. I think he is not pleased
to see us.
D. Juan. He would be wrong : it would be an ill
reception of the honour I do him. Ask him if he
will come to sup with me.
Sgan. That is a thing he does not need, I think.
D. Juan. Ask him, I say.
Sgan. You are jesting? It would be foolish to go
and speak to a statue.
D. Juan. Do what I bid you.
Sgan. What a whim ! Seigneur Commander ... I
laugh at my folly, but my master makes me do it.
Seigneur Commander, my master, Don Juan, asks
you if you will do him the honour to come and sup
with him. (The Statue nods its head.) Ha !
D. Juan. What is it ? What is the matter with you ?
Come, tell me, will you speak .''
Sgan. (makes the same sign which the Statue made to him
and nods his head.) The Statue . . .
D. Juan. Well, what do you want to say, rascal ?
Sgan. I tell you the Statue . . .
D. Juan. Well ! the Statue ? If you do not speak I
will knock you down.
Sgan. The Statue made a sign to me.
D. Juan, Deuce take the fellow !
Sgan. It made a sign to me, I tell you : it is the
simple truth. Go yourself and speak to it and
you will see. Perhaps . . .
D. Juan. Come, rogue, come, I will soon make you
realise your cowardice. Now look. Would his
ExceUency the Commander take supper with me ?
(The Statue again nods its head.)
220 DOM JUAN [actb iv.
Scan. Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles. Eh
bien ! Monsieur?
D. Juan. AUons, sortons d'ici.
Sgan. Voila de mes esprits forts, qui ne veulent rien
croire.
FIN DU TR0ISI]^HB ACTE
ACTE IV
ScilNE I
DoH Juan, Soanareixe
D. Juan. Quoi qu'il en soit, laissons cela : c'est une
bagatelle, et nous pouvons avoir ete trompes par
un faux jour, ou surpris de quelque vapeur qui
nous ait trouble la vue.
Scan. Eh ! Monsieur, ne cherchez point a dementir
ce que nous avons vu des yeux que voila. II n'est
rien de plus veritable que ce signe de tete ; et je ne
doute point que le Ciel, scandalise de votre vie,
n'ait produit ce miracle pour vous convaincre, et
pour vous retirer de . . .
D. Juan, l^coute. Si tu m'importunes davantage de
tes sottes moralites, si tu me dis encore le moindre
mot la-dessus, je vais appeler quelqu'un, demander
un nerf de boeuf, te faire tenir par trois ou quatre,
et te rouer de mille coups. M'entends-tu bien .''
Sgan. Fort bien. Monsieur, le mieux du monde. Vous
vous expliquez clairement ; c'est ce qu'il y a de bon
en vous, que vous n'allez point chercher de detours :
vous dites les choses avec une nettete admirable.
D. Juan. Allons, qu'on me fasse souper le plus tot que
Ton pourra. Une chaise, petit garjon.
so. I.] DON JUAN 221
Sgan. I would not for ten pistoles have had it other-
wise. Now, Monsieur !
D. Juan. Come, let us leave here.
SoAN. These are your 'strong minds' who do not
believe in anything.
END OP THE THIRD ACT
ACT IV
Scene I
Don Juan, Sganabellb
D. Juan. No matter what it is, let us drop it, it is a
trifle, we may have been deceived by a false light,
or some giddiness may have surprised and obscured
our sight. ^
Sgan. Ah ! Monsieur, do not try to deny what we saw }
yonder with our own eyes ; nothing can be more '^
certain than that nod of the head. I do not doubt {
that heaven, offended at your way of living, has |
wrought this miracle to convince you and to reclaim/
you from . . .
D. Juan. Listen, if you annoy me any more with your
stupid morality, if you say the least word more on
the subject, I will call one of the servants, have you
held down by three or four fellows, and see that you
get a thousand lashes with a piece of cowhide. Do
you thoroughly understand me ?
Sgan. Perfectly, Monsieur, perfectly. You explain
yourself clearly. It is a good feature in you that
you never beat about the bush, you say things with
an admirable plainness.
D. Juan. Come, let me have supper as soon as pos-
sible. A chair, boy.
222 DOM JUAN [actb iv.
Scene II
DoM Juan, La Violbtte, Sganarellg
La Viol. Monsieur, voila votre marchand, M. Di-
manche, qui demande a vous parler.
Sgan. Bon, voila ce qu'il nous faut, qu'un compli-
ment de creancier. De quoi s'avise-t-il de nous
venir demander de I'argent, et que ne lui disais-tu
que Monsieur n'y est pas ?
La Viol. II y a trois quarts d'heure que je lui dis ;
mais il ne veut pas le croire, et s'est assis la dedans
pour attendre.
Sgan. Qu'il attende, tant qu'il voudra.
D. Juan. Non, au contraire, faites-le entrer. C'est
une fort mauvaise politique que de se faire celer aux
creanciers. II est bon de les payer de quelque chose,
et j'ai le secret de les renvoyer satisfaits sans leur
donner un double.
Scene III
DoM Juan, M. Dimanchb, Sganarellb, Suite
D. Juan, (faisant de grandes civilites.) Ah ! Monsieur
Dimanche, approchez. Que je suis ravi de vous
voir, et que je veux de mal a mes gens de ne vous
pas faire entrer d'abord ! J'avais donne' ordre
qu'on ne me fit parler personne ; mais cet ordre
n'est pas pour vous, et vous etes en droit de ne
trouver jamais de porte fermee chez moi.
M. Dim. Monsieur, je vous suis fort oblige.
D. Juan, (parlant h ses laquais.) Parbleu ! coquins, je
vous apprendrai a laisser M. Dimanche dans une
antichambre, et je vous ferai connaitre les gens.
M. Dim. Monsieur, cela n'est rien.
D. Juan. Comment? vous dire que je n'y suw pas, a
M. Dimanche, au meilleur de mes amis ?
Bc. III.] DON JUAN 223
Scene II
Don Juan, La Violette, Sganaretxe
La Viol. Monsieur, one of your tradesmen, M. Di-
manche, wants to speak to you.
Sgan. Good. He lacks only the attentions of a credi-
tor. What put it into his head to come and ask us
for money ? Why did you not tell him your master
was not at home .''
La Viol. I told him that three-quarters of an hour
ago, but he would not believe me. He sat down
there to wait.
Sgan. Let him wait as long as he likes.
D. Juan. No, on the contrary, let him come in. It is
very bad policy to hide from your creditors. It is
good to pay them with something, and I have the
secret of sending them away satisfied without giving
them a coin.
Scene III
Don Juan, M. Dimanohe, Sganarellb, Suite
D. Juan, (bowing very politely.) Ah ! M. Dimanche,
come in, how delighted I am to see you. I am
very angry with my attendants because they did
not show you in immediately. I had given orders
that I would not see anyone, but this order does
not apply to you : you are privileged never to have
the door shut against you in my house.
M. Dim. I am much obliged to you. Monsieur.
D. Juan, (speaking to his lackeys.) Go to the devil, you
villains, I will teach you to leave M. Dimanche in
an ante-chamber ; I will let you know who is who.
M. Dim. It does not matter. Monsieur.
D. Juan. What? To say I am not in to M. Di-
manche, my best friend ?
224 DOM JUAN [acte iv.
M. Dim. Monsieur, je suis votre serviteur. J'etais
venu . . .
D, Juan. AUons vite, un siege pour M. Dimanche.
M. Dim. Monsieur, je suis bien comme cela.
D. Juan, Point, point, je veux que vous soyez assis
contre moi.
M. Dim. Cela n'est point necessaire.
D. Juan. Otez ce pliant, et apportez un fauteuil.
M. Dim. Monsieur^ vous vous moquez, et , . .
D. Juan. Non, non, je sais ce que je vous dois, et je
ne veux point qu'on mette de diffe'rence entre nous
deux.
M. Dim. Monsieur . . .
D. Juan. AUons, asseyez-vous.
M. Dim. II n'est pas besoin. Monsieur, et je n'ai qu'un
mot a vous dire, J'etais . . .
D. Juan. Mettez-vous la, vous dis-je.
M. Dim. Non, Monsieur, je suis bien. Je viens
pour . . .
D. Juan. Non, je ne vous ecoute point si vous n'etes
assis.
M. Dim. Monsieur,je faisce que vous voulez. Je . . .
D. Juan. Parbleu ! Monsieur Dimanche, vous vous
portez bien.
M. Dim. Oui, Monsieur, pour vous rendre service. Je
suis venu . . .
D. Juan. Vous avez un fonds de sante admirable, des
levres fralches, un teint vermeil, et des yeux vifs.
M. Dim. Je voudrais bien . . .
D, Juan. Comment se porte Madame Dimanche, votre
epouse .'*
M. Dim. Fort bien. Monsieur, Dieu merci.
D. Juan. C'est une brave femme.
M. Dim. Elle est votre servante, Monsieur. Je
venais . . .
D. Juan. Et votre petite fiUe Claudine, comment
se porte-t-elle ?
M. Dim. Le mieux du monde.
D. Juan. La jolie petite fille que c'est ! je I'aime de
tout mon coeur.
sc. III.] DON JUAN 226
M. Dim. I am your servant. Monsieur, I came . . .
D. Juan. Come, quick, a seat for M. Dimanche.
M. Dim. I am very well as I am. Monsieur.
D. Juan. No, no, you must sit down by my side.
M. Dim. It is not necessary.
D. Juan. Take away that stool and bring a chair.
M. Dim. You are jesting, sir, and . . .
D. Juan. No, no, I know what I owe you, and I will
not let there be any difference between us.
M. Dim. Monsieur . . .
D. Juan. Come, sit down.
M. Dim. There is no need for that, Monsieur, I have
only one word to say to you. I came . . .
D. Juan. Sit down here, I say.
M. Dim. No, Monsieur, I am quite comfortable. I
came to . . .
D. Juan. No, I will not listen to you if you do not
sit down,
M. Dim. I will do as you wish, Monsieur. I . . .
D. Juan. Upon my word, M. Dimanche, you look
well.
M. Dim. Yes, Monsieur, at your service. I came . .
D. Juan, You look the picture of health : fresh lips,
a ruddy complexion, and sparkling eyes.
M. Dim. I should be glad . . .
D. Juan. How is Madame Dimanche, your good lady ?
M. Dim. Very well. Monsieur, thank heaven.
D. Juan. She is a fine woman.
M. Dim. She is your servant. Monsieur. I came . . .
D. Juan. And your little daughter, Claudine, how is
she?
M. Dim. Very well indeed.
D. Juan. What a pretty little girl she is ! I love her
with all my heart.
p
226 DOM JUAN [actb iv.
M. Dim. C'est trop d'honneur que vous lui faites,
Monsieur. Je vous . . .
D. Juan. Et le petit Colin, fait-il toujours bien du
bruit avec son tambour ?
M. Dim. Toujours de meme, Monsieur. Je . . .
D. Juan. Et votre petit chien Brusquet.'' gronde-t-il
toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux
jambes les gens qui vont chez vous.''
M. Dim. Plus que jamais, Monsieur, et nous ne
saurions en chevir.
D. Juan. Ne vous etonnez pas si je m'informe des
nouvelles de toute la famille, car j'y prends beau-
coup d'interet.
M. Dim. Nous vous sommes. Monsieur, infiniment
obliges. Je . . .
D. Juan, (lui tendant la main.) Touch ez done la. Mon-
sieur Dimanche. f^tes-vous bien de mes amis .''
M. Dim. Monsieur je suis votre serviteur.
D. Juan. Parbleu ! je suis a vous de tout mon coeur.
M. Dim. Vous m'honorez trop. Je . . .
D. Juan. II n'y a rien que je ne fisse pour vous.
M. Dim. Monsieur, vous avez trop de bonte pour moi.
D. Juan. Et cela sans interet, je vous prie de le croire.
M. Dim. Je n'ai point merite cette grace assurdment.
Mais, Monsieur . . .
D. Juan. Oh §a. Monsieur Dimanche, sans fa^on,
voulez-vous souper avec moi ?
M. Dim. Non, Monsieur, il faut que je m'en retourne
tout a I'heure. Je . . .
D. Juan, (se levant.) Aliens, vite un flambeau pour
conduire M. Dimanche, et que quati-e ou cinq de
mes gens prennent des mousquetons pour I'escorter.
M. Dim, (se levant de mSme.) Monsieur, il n'est pas
n^cessaire, et je m'en irai bien tout seul. Mais . . .
(SoAj^ABELLE ote les sieges promptement.)
D, Juan. Comment? je veux qu on vous escorte, et je
m'interesse trop a votre personne. Je suis votre
serviteur, et de plus, votre debiteur.
sc. in.] DON JUAN 227
M. Dim. You do her too much honour^ Monsieur. I
wish . . .
D. Juan. And does little Colin still make as much
noise with his drum ?
M. Dim. Just as much, Monsieur. I . . .
D. Juan. And does your little dog, Brusquet, bark
as loud as ever, and bite the legs of people who
come to see you as viciously as ever .''
M. Dim. More than ever. Monsieur. We cannot
break him of the habit.
D. Juan. Do not be surprised if I ask news of your
whole family, for I take a deep interest in it.
M. Dim. We are greatly obliged to you. I . . .
D. Juan, (holding out his hand.) Shake hands, then.
Monsieur Dimanche. Are you really a friend of
mine .''
M. Dim. Monsieur, I am your servant.
D. Juan. Upon my word, I am yours with all my
heart.
M. Dim. You do me too much honour. I . . ,
D. Juan. There is nothing I would not do for you,
M. Dim. You are too good to me. Monsieur.
D. Juan. And it is without any motive, I would beg
you to believe.
M. Dim. I certainly have not merited this favour.
But, Monsieur . . .
D. Juan. Oh ! nonsense, Monsieur Dimanche ; will
you sup with me in a simple way }
M. Dim. No, Monsieur, I must return home imme-
diately. I . . .
D. Juan, (rising.) Come, quick ! A torch to light
Monsieur Dimanche, and let four or five of my
fellows take their muskets to escort him.
M. Dim. (rising also.) It is not necessary. Monsieur.
I can go quite well by myself. But . . .
(SoANABBLLE quickly removes the seats. )
D. Juan. No ! They shall escort you, I am too much
concerned for your person : I am your servant, and
what is more, your debtor.
J28 DOM JUAN [aote iv.
M. Dim. Ah ! Monsieur . . .
D. Juan. C'est une chose que je ne cache pas, et je le
dis a tout le monde.
M. Dim. Si . . .
D. Juan. Voulez-vous que je vous reconduise .''
M. Dim. Ah ! Monsieur, vous vous moquez ! Mon-
sieur . . .
D. Juan. Embrassez-moi done, s'il vous plait. Je
vous prie encore une fois d'etre persuade que je
suis tout a vous, et qu'il n'y a rien au monde que je
ne fisse pour votre service, (ii sort.)
SoAN. II faut avouer que vous avez en Monsieur un
homme qui vous aime bien.
M. Dim. II est vrai ; il me fait tant de civilit^s et
tant de compliments, que je ne saurais jamais lui
demander de I'argent.
Sqan. Je vous assure que toute sa maison perirait
pour vous ; et je voudrais qu'il vous arrivat quelque
chose, que quelqu'un s'avisat de vous donner des
coups de baton : vous verriez de quelle maniere . . .
M. Dim. Je le crois ; mais, Sganarelle, je vous prie
de lui dire un petit mot de mon argent.
Sgan. Oh ! ne vous mettez pas en peine, il vous
payera le mieux du monde.
M. Dim. Mais vous, Sganarelle, vous me devez quel-
que chose en votre particulier.
Sgan. Fi ! ne parlez pas de cela.
M. Dim. Comment? Je . . .
Scan. Ne sais-je pas bien que je vous dois ?
M. Dim. Oui, mais ...
Sgan. Allons, Monsieur Dimanche, je vais vous
eclairer.
M. Dim. Mais mon argent . . .
Sgan. (Prenant M. Dimanche par le bras.) Vous moquez-
vous?
M. Dim. Je veux . . .
Sgan. (Le tirant.) Eh !
M. Dim. J'entends . . .
Sgan. (Le poussant. ) Bagatelles.
M. Dim. Mais . . .
80. III.] DON JUAN - ■" ' 229
M. Dim. Ah ! Monsieur . . .
D. Juan. It is a thing I do not hide^ and I tell it to
everybody.
M. Dim. If . . .
D. Juan. Do you wish me to see you home ?
M. Dim. Ah, Monsieur, you jest. Monsieur . . .
D. Juan. Embrace me, then, I pray you. I beg you
once more to rest assured I am entirely yours and
that there is nothing in the world I would not do to
serve you. (He goes out.)
Sgan. I must confess that my master is a man who
quite likes you.
M. Dim. It is true. He is so polite to me and pays
me so many compliments that I can never ask him
for money.
Sgan. I assure you all his household would die for
you. I wish something would happen to you^ that
some one would take it into his head to give you
the stick — you would see how . . .
M. Dim. I believe it ; but, Sganarelle, pray put in a
word for me about my money.
Sgan. Oh, do not be uneasy about that ; he will pay
you as sure as anything.
M. Dim. But you, Sganarelle, you owe me something
on your own account.
Sgan. Fi ! do not talk of that.
M. Dim. Why.? I . . .
Sgan. Don't I know quite well I owe you something ?
M. Dim. Yes, but . . .
Sgan. Come, Monsieur Dimanche, I will light you to
the door.
M. Dim. But my money . . .
Sgan. (Taking M. Dimanche by the arm.) You are jest-
ing?
M. Dim. I wish . . .
Scan. (Pulling him.) Ah !
M. Dim. I must . . .
Sgan. (Pushing him.) Fiddlesticks!
M. Dim. But . . .
230 DOM JUAN [actb iv.
Sgan. (Le poussant.) Fi !
M. Dim. Je . . .
Sgan. (Le poussant tout k fait hors du thdfttre.) Fi ! V0U8
dis-je.
Sc^NE IV
DoM Louis, Dom Juan, La Violette, Sganarelle
La Viol. Monsieur, voila Monsieur votre pere.
D. Juan. Ah ! me voici bien : II me fallait cette
visite pour me fairs enrager.
D. Louis. Je vois bien que je vous embarrasse, et que
vous vous passeriez fort aisement de ma venue. A
dire vrai, nous nous incommodons etrangement I'un
et I'autre ; et si vous etes las de me voir, je suis bien
las aussi de vos deportements. Helas ! que nous
Savons peu ce que nous faisons quand nous ne
laissons pas au Ciel le soin des choses qu'il nous
faut, quand nous voulons etre plus avises que lui, et
que nous venons a I'importuner par nos souhaits
aveugles et nos demandes inconsiderees ! J'ai
souhaite un fils avec des ardeurs non pareilles ; je
I'ai demande sans relache avec des transports in-
croyables ; et ce fils, que j'obtiens en fatiguant le
Ciel de voeux, est le chagrin et le supplice de cette
vie meme dont je croyais qu'il devait etre la joie et
la consolation. De quel ceil, a votre avis, pensez-
vous que je puisse voir cet amas d'actions indignes,
dont on a peine, aux yeux du monde, d'adoucir le
mauvais visage, cette suite continuelle de mechantes
affaires, qui nous reduisent, a toute heure, a lasser
les bontes du Souverain, et qui ont dpuise aupres
de lui le merite de mes services et le credit de mes
amis .'' Ah ! quelle bassesse est la votre ! Ne
rougissez-vous point de meriter si peu votre nais-
sance? Etes-vous en droit, dites-moi, d'en tirer
quelque vanity ? et qu'avez-vous fait dans le monde
pour etre gentilhomme .'' Croyez-vous qu'il suffice
sc. IV.]
DON JUAN
231
Sgan, (Pushing him.) Fi !
M. Dim. I . . .
Sgan. (Pushing him completely ofiF the stage.) Fi ! I say.
Scene IV
Don Louis, Don Juan, La Violettb, Soanabeixe
La Viol. Monsieur, here is your father.
D. Juan. Ah ! worse luck ! It needed but this visit^^
to drive me mad.
D. Louis. I see plainly I am unwelcome and that you
could very easily have dispensed with my visit. To
say the truth, we are each of us very objectionable
to the other, and, if you are tired of seeing me, I
am also quite tired of your carryings on. Alas !
How little we know what we do when we do not
allow heaven to judge what is best for us ; when
we wish to be wiser than it is and importune it with
our blind desires and our inconsiderate demands.
I longed passionately for a son. I ceaselessly
prayed for one with inconceivable fervour, and this
son whom I obtained by wearying heaven with my
prayers is the grief and the punishment of that
very life of which I thought he would be the joy
and the consolation. With what eyes, do you
think, I can look on the multitude of disgraceful
actions the evil aspect of which we can hardly hide
from the eyes of the world ; that continued series
of villainous affairs which hourly compels us to
weary the goodness of the Sovereign, and which has
exhausted with respect to him the merit of my
services and the influence of my friends? Oh !
what baseness is yours ! Do you not blush to be so
little worthy of your birth ? Tell me, have you any
right to be proud of it ? "What have you done in
the world to make you a gentleman ,'' Do you think
it is sufficient to bear the name and the arms of one.
K
h^
232 DOM JUAN [actb iv.
d'en porter le nom et les armes, et que ce nous soit
une gloire d'etre sortis d'un sang noble lorsque
nous vivons en infames? Non, non, la naissance
n'est rien ou la vertu n'est pas, Aussi nous n'avons
part a la gloire de nos ancetres qu'autant que nous
nous efFor§ons de leur ressembler ; et cet eclat de
leurs actions qu'ils repandent sur nous, nous impose
un engagement de leur faire le meme honneur, de
suivre les pas qu'ils nous tracent, et de ne point
degenerer de leur vertu, si nous voulons etre estimes
leurs veritables descendants. Ainsi vous descendez
en vain des a'ieux dont vous etes ne : ils vous ddsa-
vouent pour leur sang, et tout ce qu'ils ont fait
d'illustre ne vous donne aucun avantage ; au
contraire, I'eclat n'en rejaillit sur vous qu'a votre
deshonneur, et leur gloire est un flambeau qui
eclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions.
Apprenez enfin qu'un gentilhomme qui vit mal est
un monstre dans la nature, que la vertu est le
premier titre de noblesse, que je regarde bien moins
au nom qu'on signe qu'aux actions qu'on fait, et que
je ferais plus d'etat du fils d'un crocheteur qui
serait honnete homme, que du fils d'un monarque
qui vivrait comme vous.
D. Juan. Monsieur, si vous etiez assis, vous en seriez
mieux pour parler.
D. Louis. Non, insolent, je ne veux point m'asseoir,
ni parler da vantage, et je vois bien que toutes mes
paroles ne font rien sur ton ame. Mais sache, fils
indigne ; que la tendresse paternelle est poussee a
bout par tes actions, que je saurai, plus tot que
tu ne penses, mettre une borne a tes dereglements,
prevenir sur toi le courroux du Ciel, et laver par
ta punition la honte de t' avoir fait naitre. (II sort.)
80. IV.] DON JUAN 233
and that it is any glory to be sprung from noble
blood when one lives in infamy ? No, no ; where
virtue is wanting birth does not signify anything.
We have no share in the glory of our ancestors,
unless we strive to be like them. The lustre which
their actions throw on us, forces upon us the
obligation to do them a like honour, to follow in
the steps they have traced for us, and not to
degenerate from their virtues if we would be
esteemed their true descendants. So, in vain do
you descend from those ancestors whose blood runs
in your veins: they disown you as one. of their race,
and none of their illustrious achievements avails
you anything ; on the contrary, their credit
redounds only to your discredit and their glory is a
torch which shows to the eyes of all the infamy of
your deeds. Know, indeed, that a man of noble
blood who leads a bad life is an unnatural monster ;
that virtue is the chief title to nobility ; that I
regard far less the name which one signs than the
actions which one performs ; and that I would
rather be the son of a porter and honest than the
son of a monarch and like you.
D. Juan, If you would sit down. Monsieur, you could
talk much more comfortably.
D. Louis. No, insolent wretch, I do not want either
to sit down or to talk any more. I see plainly
that nothing I say makes any impression on your
mind. But know, unworthy son, that your actions
have driven my fatherly tenderness to its last
extremity. Sooner than you think I .shall put a
stop to your irregularities, forestall the vengeance .
of heaven upon you, and, by your punishment, wash i
out the shame of having given you birth. '^
234 DOM JUAN [actb it.
SciNE V
DoM Juan, Sganarelle
D. Juan. Eh ! mourez le plus tot que vous pourrez,
c'est le mieux que vous puissiez faire. II faut que
chacun ait son tour, et j'enrage de voir des peres
qui vivent autant que leurs fils. (H bo met dans son
fauteuil.)
Sgan. Ah ! Monsieur, vous avez tort.
D. Juan. J'ai tort ?
Sgan. Monsieur . . .
D. Juan. (Se l^ve deson si^ge.) J'ai tort?
Sgan. Oui, Monsieur, vous avez tort d'avoir souffert
ce qu'il vous a dit, et vous le deviez mettre dehors
par les epaules. A-t-on jamais rien vu de plus
impertinent ? Un pere venir faire des remontrances
a son fils, et lui dire de corriger ses actions, de se
ressouvenir de sa naissance, de mener une vie
d'honnete homme, et cent autres sottises de pareille
nature ! Cela se peut-il soufFrir a un homme comme
vous, qui savez comme il faut vivre ? J'admire votre
patience ; et si j'avais ete en votre place, je I'aurais
envoye promener. O complaisance maudite ! a quel
me reduis-tu .''
D. Juan. Me fera-t-on souper bientot ?
Sc^NE VI
DoM Juan, Done Elvire, Ragotin, Sganarelle
Rag. Monsieur, voici une dame voilee qui vient vous
parler.
D. Juan. Que pourrait-ce etre ?
Sgan. II faut voir.
D. Elv. Ne soyez point surpris, Dom Juan, de me
voir a cette heure et dans cet Equipage. C'est un
80. VI.] DON JUAN 236
Scene V
Don Juan, Soanarellb
D. Juan. Well, die as soon as you can, it is the best
thing you can do. Every one should have his turn.
It drives me crazy to see fathers who live as long as
their sons. (He throws himself into his arm-chair.)
Sgan. Ah ! Monsieur, you are wrong.
D. Juan. I am wrong ?
Sgan. Monsieur . . .
D. Juan, (Rises from his seat.) I am wrong?
Sgan. Yes, Monsieur, you are wrong to have endured
what he said to you. You ought to have turned
him out by the shoulders. Did anybody ever see
anything more impertinent ? A father to come and
remonstrate with his son, to tell him to reform his
ways, to remind him of his birth, to tell him to
live the life of a respectable man and a hundred
other silly things of the same nature. Can such a
man as you, who know how to live, endure such a
thing .'' I marvel at your patience. If I had been in
your place I should have sent him about his busi-
ness. O cursed complaisance, to what do you bring
me ! — — —
D, "Juan. Will supper be ready soon ?
Scene VI
Don Juan, Donna Elvibe, Ragotin, Soanarellb
Rag. a lady, whose face is veiled, wants to speak to
you. Monsieur.
D. Juan. Who can it be ?
Sgan. We must see.
D. Elv. Do not be surprised, Don Juan, to see me
at this hour and in this dress. It is an urgent
236 DOM JUAN [acte iv.
motif pressant qui m'oblige a cette visite, et ce que
j'ai a vous dire ne veut point du tout de retarde-
ment. Je ne viens point ici pleine de ce courroux
que j'ai tantot fait eclater, et vous me voyez bien
cbangee de ce que j'etais ce matin. Ce n'est plus
cette Done Elvire qui faisait des voeux contre vous,
et dont Tame irritee ne jetait que menaces et ne
respirait que vengeance. L6 Ciel a banni de mon
ame toutes ces indignes ardeurs que je sentais pour
vous, tous ces transports tumultueux d'un attache-
ment criminel, tous ces honteux emportements d'un
amour terrestre et grossier; et il n'a laisse dans
mon coeur pour vous qu'une flamme epuree de tout
le commerce des sens, une tendresse toute sainte,
un amour detache de tout, qui n'agit point pour
soi, et ne se met en peine que de votre interet.
D. Juan, (h. Sqanarklle.) Tu pleures, je pense."*
Sgan. Pardonnez-moi.
D. Elv. C'est ce parfait et pur amour qui me conduit
ici pour votre bien, pour vous faire part d'un avis
du Ciel, et tacher de vous retirer du precipice ou
vous courez. Oui, Dom Juan, je sais tous les de-
reglements de votre vie, et ce meme Ciel qui m'a
touche le coeur et fait jeter les yeux sur les egare-
ments de ma conduite, m'a inspire de vous venir
trouver, et de vous dire, de sa part, que vos oiFenses
ont epuise sa misericorde, que sa colere redoutable
est pres de tomber sur vous, qu'il est en vous de
I'eviter par un prompt repentir, et que peut-etre
vous n'avez pas encore un jour a vous pouvoir
soustraire au plus grand de tous les malheurs.
Pour moi, je ne tiens plus a vous par aucun attache-
ment du monde ; je suis revenue, graces au Ciel,
de toutes mes folles pense'es ; ma retraite est re-
solue, et je ne demande qu'assez de vie pour pouvoir
expier la faute que j'ai faite, et m^riter, par une
austere penitence, le pardon de I'aveuglement ou
m'ont plongee les transports d'une passion con-
damnable. Mais, dans cette retraite, j'aurais une
douleur extreme qu'une personne que j'ai cherie
8c. VI.] DON JUAN 237
motive which obliges me to make you this visit, and
what I have to say to you will not admit of any
delay. I do not come here full of that wrath which
I showed recently. You see me much changed from
what I was this morning. I am not that Donna
Elvire who uttered imprecations against you, whose
irritated soul discharged nought but threats and
breathed only revenge. Heaven has banished from
my soul all that unworthy passion I had for you ;
all those tumultuous ravings of a criminal attach-
ment ; all those shameful outbursts of a gross and
earthly love. It has left in my heart, with regard
to you, only a flame refined from all sensual feel-
ings ; a perfectly holy tenderness ; a love detached
from everything, which is not actuated by selfish-
ness, and which concerns itself only in your
interest.
D. Juan, (to Sqanaeklle.) I think you are weeping.
SoAN. Pardon me.
D. Elv. It is this perfect and pure love which brings
me here for your good, to give you a warning from
heaven and to try to turn you aside from the pre-
cipice towards which you are running. Yes, Don
Juan, every irregularity of your life is known to
me. The same heaven which touched my heart and
caused me to look upon the errors of my ways, has
inspired me to come and find you, and to say to
you, in its name, that your ofi'ences have exhausted
its mercy, that its dreadful wrath is ready to fall
on you, that it rests with you to avoid it by a
prompt repentance, and that perhaps you have not
another day to save yourself from the greatest of
all miseries. As for me, I am no longer attached to
you by any earthly ties. I am reclaimed, thank
Heaven, from all my worldly thoughts. I have
resolved to go into retirement. I do not ask for
more of life than may suffice to expiate the sin of
which I have been guilty. I seek to merit, by an
austere penitence, forgiveness of the blindness into
which the violence of a guilty passion plunged me.
238 DOM JUAN [acte it.
tendrement devint un exemple funeste de la justice
du Ciel ; et ce me sera une joie incroyable si je
puis vous porter a de'tourner de dessus votre tete
repouvantable coup qui vous menace. De gi*ace,
Dom Juan, accordez-moi, pour derniere faveur, cette
douce consolation ; ne me refusez point votre salut,
que je vous demande avec larmes ; et si vous n'etes
point touche de votre interet, soyez-le au moins de
mes prieres, et m'eparg^ez le cruel de'plaisir de
vous voir condamner a des supplices eternels.
Scan. Pauvre femme !
D. Elv. Je vous ai aime avec une tendresse extreme,
rien au monde ne m'a ete si cher que vous ; j'ai
oublie mon devoir pour vous, j'ai fait toutes choses
pour vous ; et toute la recompense que je vous en
demande, c'est de corriger votre vie, et de prevenir
votre perte. Sauvez-vous, je vous prie, ou pour
I'amour de vous, ou pour I'amour de moi. Encore
une fois, Dom Juan, je vous le demande avec
larmes ; et si ce n'est assez des larmes d'une per-
sonne que vous avez aimee, je vous en conjure par
tout ce qui est le plus capable de vous toucher.
Scan. Coeur de tigre !
D. Elv. Je m'en vais, apres ce discours, et voila tout
ce que j 'avals a vous dire.
D. Juan. Madame, il est tard, demeurez ici : on vous
y logera le mieux qu'on pourra.
D. Elv. Non, Dom Juan, ne me retenez pas davan-
tage.
D. Juan. Madame, vous me ferez plaisir de demeurer,
je vous assure.
D. Elv. Non, vous dis-je, ne perdons point de temps
en discours superflus. Laissez-moi vite aller, ne
faites aucune instance pour me conduire, et songez
eeulement a profiter de mon avis.
SC. VI.]
DON JUAN
239
But, in this retreat, I should be deeply grieved if
a person, towards whom I cherished feelings of
tenderness, should become a dreadful example of
the justice of heaven ; and it would be an unspeak-
able pleasure to me if I could prevail upon you to
ward oflf the terrible blow which threatens you. I
beseech you, Don Juan, as a last favour, to grant
me this soothing consolation. Do not refuse me
your own salvation, which 1 beg of you with tears ;
and, if your own interest does not move you, at least
listen to my entreaties, and spare me the cruel
affliction of seeing you condemned to eternal
torture.
Sgan. Poor woman !
D. Elv. I loved you very tenderly ; nothing in the
world was so dear to me as you. I forgot my duty
for your sake ; I have done everything for you ;
and the only recompense I beg of you is that you
would reform your life and ward off your eternal
destruction. Save yourself, I beseech you, whether
for the love of yourself or for the love of me.
Once more, Don Juan, I beg it of you with tears ;
and, if the tears of a person whom once you loved
will not suffice, I ask you to do it by all that is
most capable of moving you.
SoAN. He has the soul of a tiger !
D. Elv. Now that I have said this, I go. That is all
I have to say to you.
D. Juan. It is late. Madam. Stay here, we will g^ve
you as good a lodging as we can.
D. Elv. No, Don Juan, do not detain me any
longer.
D. Juan. You will cause me much pleasure by re-
maining, Madam, I assure you.
D. Elv. No, I tell you, do not let us waste time in
needless talk ; let me go immediately ; do not
insist upon accompanying me back, but think only
how you may profit by my warning.
'i:^
240 DOM JUAN [acte iv.
ScAne VII
DoH JvAN, Sganarelle^ Suito
D. Juan. Sais-tu bien que j'ai encore senti quelque
peu d'emotion pour elle, que j'ai trouve de I'agre-
ment dans cette nouveaute bizarre, et que sou habit
neglige, son air languissant et ces larmes ont reveille
en moi quelques petits restes d'un feu eteint ?
Sgan. C'est-a-dire que ses paroles n'ont fait aucun
effet sur vous.
D. Juan. Vite a souper.
Sgan. Fort bien.
D. Juan, (se mettant h. table.) Sganarelle, il faut songer
a s'amender pourtant.
Sgan. Oui-da !
D. Juan. Oui, ma foi ! 11 faut s'amender ; encore
vingt ou trente ans de cette vie-ci, et puis nous
songerons a nous.
Sgan. Oh!
D. Juan. Qu'en dis-tu ?
Sgan. Rien. Voila le soupe.
(II prend im morceau d'un des plats qu'on apporte, et le
met dans sa bouche.)
D. Juan. II me semble que tu as la joue enflee ; qu'est-
ce que c'est ? Parle done, qu'as-tu la .''
Sgan. Rien.
D. Juan. Montre un peu. Parbleu ! c'est une fluxion
qui lui est tombee sur la joue. Vite une lancette
pour percer cela. Le pauvre gargon n'en peut plus,
et cet abces le pourrait etouffer. Attends ; voyez
comme il etait mur. Ah ! coquin que vous etes !
Sgan. Ma foi ! Monsieur, je voulais voir si votre cuisi-
nier n'avait point mis trop de sel ou trop de poivre.
D. Juan. Aliens, mets-toi la, et mange. J'ai affaire
de toi, quand j'aurai soupe. Tu as faim, a ce que
je vols.
8c. vii.] DON JUAN 241
Scene VII
Doff Juan, Sganabelle, Suite
D. Juan. Do you know, I felt once more a little regard
for her. I found something agreeable in this
strange adventure and her negligent dress : her
languishing air and her tears awaked in me some
few embers of a dying flame.
Sgan. That is as much as to say her words have not
had any effect upon you.
D. Juan. Quick, let us have supper.
Sgan. Very well.
D. Juan, (seating himself at the table.) We must think
of amending our lives somewhat, Sganarelle.
Sgan. To be sure.
D. Juan. Yes, upon my word, we must reform ;
twenty or thirty years more of this life and then
we will think about it.
Sgan. Oh!
D. Juan. What do you think of that ? ( C^
Sgan. Nothing, here comes the supper.
(He takea a piece from one of the plates brought him and
puts it in his mouth.)
D. Juan. It seems to me that your cheek is swollen.
What is the matter.'' Tell me, what have you
there }
Sgan. Nothing.
D. Juan. Show it me. Upon my word, it is an
abscess on the cheek. Bring a lancet, quick,
to open it. The poor fellow cannot bear it any
longer, and this abscess may choke him. Wait, see
how ripe it is ! Ah ! you rascal !
Sgan. Indeed, Monsieur, I wished to see whether
your cook had not put in too much salt or too much
pepper.
D. Juan. Come, sit down here and eat. I have some
business for you when I have supped. You are
hungry, I see.
.^
242 DOM JUAN [actb iv.
SoAN. (se met k table.) Je le crois bien, Monsieur : je
n'ai point mange depuis ce matin. Tatez de cela,
voila qui est le meilleur du monde.
(Un laquais 6te les assiettes de Sganakellk d'abord qu'il
y a dessus k, manger. )
Mon assiette, mon assiette ! tout doux, s'il vous
plait. Vertubleu ! petit compere, que vous etes
habile a donner des assiettes nettes ! et vous, petit
la Violette, que vous savez presenter a boire a
propos !
(Pendant qu'un laquais donne k boire h Sqaitabbllb, I'autre
laquais dte encore son assiette.)
D. Juan. Qui peut frapper de cette sorte ?
SoAN. Qui diable nous vient troubler dans notre
repas ?
D. Juan. Je veux souper en repos au moins, et qu'on
ne laisse entrer personne.
SoAN. Laissez-moi faire, je m'y en vais moi-meme.
D. Juan. Qu'est-ce done ? Qu'y a-t-il ?
SoAN. (baissant la t6te comme a fait la Statue.) Le . . .
qui est la !
D. Juan. AUons voir, et montrons que rien ne me
saurait ebranler.
Scan. Ah ! pauvre Sganarelle, ou te cacheras-tu ?
SciNE VIII
DoM Juan, la Statue du Commandeur, qui vient se
mettre a table, Sganarelle, Suite
D. Juan. Une chaise et un convert, vite done.
(A SoANARELLK.) Allous, mets-toi a table.
Sgan. Monsieur, je n'ai plus de faim.
D. Juan. Mets-toi la, te dis-je. A boire. A la sante
du Commandeur : je te la porte, Sganarelle.
Qu'on lui donne du vin.
Sgan. Monsieur, je n'ai pas soif.
Bc. vin.] DON JUAN 243 ^^*^
0^
Sgan. (places himself at the table.) I should think so, [^
"Monsieur, I have not eaten since this morning. >
Taste that, it is the nicest thing in the world. |
(A waiter takes away Sganarelle's plate as soon as there is \
anything upon it to eat.) j
My plate ! my plate ! Gently, if you please. Con- i
found it ! you idiot ! how nimble you are in bringing '
clean plates ! And you, my little Violette, you
know how to serve the drinks properly !
(■Whilst one waiter gives something to Sganarelle to drink the |
other waiter again takes away his plate.) '
D. Juan. Who can it be knocking in that fashion ?
Sgan. Who the devil comes to disturb us at our
meal?
D. Juan. I wished at least to take my supper in
peace ; do not let anyone come in.
Sgan. Leave it to me, I will go to the door myself. 1
D. Juan. What is the matter .-* f
Sgan. (nodding his head as the Statue had done.) ITie . . .
is there !
D. Juan. I will go and see, to show that nothing can
frighten me.
Sgan. Ah ! poor Sganarelle I where will you hide
yourself?
Scene VIII
Don Juan, the Statue of the Commander, which
seats itself at the table, Sganarelle, Suite
D. Juan. A chair and a cover, quick, now. (To Soaha vJ, >
BELLE.) Come, sit down at the table. ^a'-^ , ti ^
Sgan. I am no longer hungry. Monsieur. ^ ^'"
D. Juan. Sit down there, I tell you. Something to
drink. The health of the Commander! Yours»
Sganarelle ! Give him some wine.
SoAN. I am not thirsty. Monsieur.
hy^'
244 DOM JUAN [actk v.
D. Juan, Bois, et chante ta chanson, pour regaler le
Commandeur,
Sgan. Je suis enrhume. Monsieur.
D. Juan. II n'importe. Allons. Vous autres, venez,
accompagnez sa voix.
La Stat. Dom Juan, c'est assez. Je vous invite a
venir demain souper avec moi. En aurez-vous le
courage ?
D. Juan. Oui, j'irai, accompagne du seul Sgana-
relle.
Sgan. Je vous rends graces, il est demain jeune pour
moi.
D. Juan, {k Sganabellb.) Prends ce flambeau.
La Stat. On n'a pas besoin de lumiere, quand on est
conduit par le Ciel.
PIN DU QUATBlfeME ACTB.
ACTE V
ScfeNE I
DoM Louis, Dom Juan, Sganarellb
D. Louis. Quoi? mon fils, serait-il possible que la
bonte du Ciel eut exauce mes voeux ? Ce que vous
me dites est-il bien vrai? ne m'abusez-vous point
d'un faux espoir, et puis-je prendre quelque assu-
rance sur la nouveaute surprenante d'une telle
conversion ?
D. Juan, (faisant I'hypocrite. ) Oui, vous me voyez re-
venu de toutes mes erreurs ; je ne suis plus le meme
d'hier au soir, et le Ciel tout d'un coup a fait en
moi un changement qui va surprendre tout le
monde : il a touche mon ^me et dessille mes yeux,
et je regarde avec horreur le long aveuglement ou
j'ai et^, et les d^sordres criminels de la vie que j'ai
men^e. J'en repasse dans mon esprit toutes les
abominations, et m'etonne comme le Ciel les a pu
sc, I.] DON JUAN 245
D. Juan. Drink and sing your song to entertain the
Commander.
SoAN. I have a cold, Monsieur.
D. Juan. No matter. Come, you there, and sing
- along with him.
The Stat. Don Juan, it id enough. I invite you to
come to sup with me to-morrow. Will you have
the courage .''
D. Juan. Yes, I will go. Sganarelle alone shall
accompany me.
Sgan. 1 am grateful to you, but to-morrow is a fast- '
day with me.
D. Juan, (to Sganarelle.) Take this torch.
The Stat. He who is led by heaven does not need a
light.
END OF THE FOURTH ACT
ACT V
Scene I
Don Louis, Don Juan, Sganarelijs
D. Louis. Is it possible, my son, tliat the mercy of
heaven has answered my prayers.'' Is what you
tell me really true ? Do you not deceive me with
a false hope .'' Can I feel really confident over the
surprising news of such a conversion .''
D. Juan, (playing the hypocrite.) Yes, you see me re-
claimed from all my errors; I am no longer the
same man I was last night : heaven has suddenly
wrought a change in me which will surprise every-
one. It has touched my heart and opened my eyes.
1 reflect with horror upon my past long-continued
blindness, and the criminal disorders of the life I
have led. My mind dwells upon all my abomina-
tions. I am astonished heaven could bear with
246 DOM JUAN [acte v.
souffrir si lougtemps, et n'a pas vingt fois sur ma
tete laisse tomber les coups de sa justice redoutable.
Je vois les graces que sa bonte m'a faites en ne me
punissant point de mes crimes ; et je pretends en
profiter comme je dois, faire eclater aux yeux du
monde un soudain changement de vie, reparer par
la le scandale de mes actions passees, et m'efforcer
d'en obtenir du Ciel une pleine remission. C'est a
quoi je vais travailler ; et je vous prie. Monsieur,
de vouloir bien contribuer a ce dessein, et de m'aider
vous-meme a faire choix d'une personne qui me
serve de guide, et sous la conduite de qui je puisse
marcher surement dans le chemin ou je m'en vais
entrer.
D. Louis. Ah ! mon fils, que la tendresse d'un pere
est aisement rappelee, et que les offenses d'un fils
s'evanouissent vite au moindre mot de repentir !
Je ne me souviens plus deja de tous les deplaisirs
que vous m'avez donnes, et tout est efface par les
paroles que vous venez de me faire entendre. Je
ne me sens pas, je I'avoue ; je jette des larmes de
joie ; tous mes voeux sonts satisfaits, et je n'ai plus
rien desormais a demander au Ciel. Embrassez-
moi, mon fils, et persistez, je vous conjure, dans
cette louable pensee. Pour moi, j'en vais tout de
ce pas porter I'heureuse nouvelle a votre mere,
partager avec elle les doux transports du ravisse-
ment ou je suis, et rendre graces au Ciel des saintes
resolutions qu'il a daigne vous inspirer.
Scene II
DoM Juan, Sganarklle
Scan. Ah ! Monsieur, que j'ai de joie de vous voir
converti ! II y a longtemps que j'attendais cela, et
voila, grace au Ciel, tous mes souhaits accomplis.
D. Juan. La peste le benet !
8c. II.] DON JUAN 247
them so long, and that it has not twenty times dis-
charged on my head the shafts of its terrible justice.
I see the mercy its goodness has shown me in not
punishing me for my crimes. I intend to profit by
it as I ought ; to display openly before all a sudden
change of life ; to repair by that means the scandal
of my past actions and to strive to obtain from
heaven a full remission. This is what I am now
endeavouring to do. I beg of you. Monsieur, to
aid me in this design and to assist me yourself in
choosing a person who may serve me as a guide, and
under whose conduct I may safely walk in the path
upon which I have entered.
D. Louis. Ah ! my son, how easily is a father's tender-
ness recalled, and how quick a son's offences vanish
at the least word of repentance. I have already
forgotten all the sorrows you have caused me and
all is effaced by the words I have just heard. I
confess I am beside myself. I shed tears of joy.
All my prayers are answered, and henceforth I
have nothing more to ask of heaven. Come to my
arms, my son. Persist, I implore you, in this laud-
able resolution. As for me, I will go immediately
and bear this joyful news to your mother, to share
with her the sweet raptures of my delight, and to
return thanks to heaven for the holy thoughts with
which it has vouchsafed to inspire you.
Scene II
Don Juan, Soanareujb
SoAN. Ah ! Monsieur, how glad I am to see you
converted ! I have long been waiting for this,
and now, thanks to heaven, all my hopes are
accomplished.
D. Juan. Plague take the blockhead !
248 DOM JUAN [acte v.
SoAN. Comment, le benet?
D. Juan. Quoi? tu prends pour de bon argent ce
que je viens de dire, et tu crois que ma bouche
etait d'accord avec mon coeur ?
Sqan. Quoi? ce n'est pas . . . Vous ne . . . Votre
. . . Oh ! quel homme ! quel bomme ! quel
homme !
D. Juan. Non, non, je ne suis point cbangd, et mes
sentiments sont to uj ours les memes.
Sgan. Vous ne vous rendez pas a la surprenante
merveille de cette statue mouvante et parlante ?
D. Juan. II y a bien quelque chose la-dedans que je
ne comprends pas ; mais quoi que ce puisse etre,
cela n'est pas capable ni de convaincre mon esprit,
ni d'ebranler mon ame ; et si j'ai dit que je voulais
corriger ma conduite et me jeter dans un train de
vie exemplaire, c'est un dessein que j'ai forme par
pure politique, un stratageme utile, une grimace
necessaire ou je veux me contraindre, pour menager
un pere dont j'ai besoin, et me mettre a convert,
du cote des hommes, de cent facheuses aventures
qui pourraient m'arriver. Je veux bien, Sganarelle,
t'en faire confidence, et je suis bien aise d'avoir un
t^moin du fond de mon ame et des veritables motifs
qui m'obligent a faire les choses.
Sgan. Quoi.'' vous ne croyez rien du tout, et vous
voulez cependant vous eriger en homme de bien ?
D. Juan. Et pourquoi non ? II y en a tant d'autres
comme moi, qui se melent de ce metier, et qui se
servent du meme masque pour abuser le monde !
Sgan. Ah ! quel homme ! quel homme !
D. Juan. II n'y a plus de honte maintenant a cela :
I'hypocrisie est un vice a la mode, et tous les vices
a la mode passent pour vertus. Le personnage
d'homme de bien est le meilleur de tous les person-
nages qu'on puisse jouer aujourd'hui, etla profession
d 'hypocrite a de merveilleux avantages. C'est un
art de qui I'imposture est toujours respectee ; et
sc. II.] DON JUAN 249
SoAN, Why, blockhead ?
D. Juan. You really believe^ then, what I have just
said .'' Do you imagine that my mouth was in
agreement with my heart ?
SoAN. What.'' It is not . . . You are not . . . You're
. . Oh ! what a man, what a man, what a man !
D. Juan. No, no, I am not altered : my sentiments
are always the same.
Scan. You do not yield after the astounding miracle
of that moving and speaking statue ?
D. Juan. There is certainly something in that past
my comprehension, but, however that may be, it is
not capable either of convincing my judgment or of
staggering my heart. If I say I will reform my
conduct and enter upon the path of an exemplary
life, it is because of a design I have formed out of
pure policy, a useful stratagem, a necessary sham,
to which I am willing to submit in order to manage
a father whose assistance I want, and to screen
myself with respect to mankind from a hundred
disagreeable adventures that may happen. I want
very much to take you into my confidence in this
business, Sganarelle, and I am very glad to have a
witness of the depths of my soul, and of the real
motives which oblige me to do these things.
Sgan. Then you do not believe in anything at all,
and yet you wish to pose as a good man ?
D. Juan. And why not."* There are many others
besides myself who carry on the same business, and
who make use of the same mask to deceive the
world.
Sgan. Ah ! what a man ! what a man !
D. Juan. There is no longer any shame in acting
thus. Hypocrisy is a fashionable vice, and all ,
fashionable vices pass for virtues. The character
of a good man is the best of all characters one can N
play nowadays, since the profession of hypocrisy has J
wonderful advantages. The imposture of this art
is always respected, and, though it be detected, no
260 DOM JUAN [acte v.
quoiqu'ou la decouvre, on n'ose rien dire coutre
elle. Tous les autres vices des hommes sont exposes
a la censure, et chacun a la liberie de les attaquer
hautement ; mais I'hypocrisie est un vice privilegie,
qui, de sa main, ferme la bouche a tout le monde,
etjouit en repos d'une impunite souveraine. On
lie, a force de grimaces, une societe etroite avec
tous les gens du parti. Qui en cheque un se les
jette tous sur les bras ; et ceux que Ton sait meme
agir de bonne foi la-dessus, et que chacun connait
pour etre veritablement touches, ceux-la, dis-je,
sont toujours les dupes des autres; ils donnent
hautement dans le panneau des grimaciers, et
appuient aveuglement les singes de leurs actions.
Combien crois-tu que j'en connaisse qui, par ce
stratageme, ont rhabille adroitement les desordres
de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du
manteau de la religion, et, sous cet habit respecte,
ont la permission d'etre les plus mechants hommes
du monde ? On a beau savoir leurs intrigues et les
connaitre pour ce qu'ils sont, ils ne laissent pas
pour cela d'etre en credit parmi les gens ; et quel-
que baissement de tete, un soupir mortifie, et deux
roulements d'yeux rajustent dans le mond« tout ce
qu'ils peuvent faire. C'est sous cet abri favorable
que je veux me sauver, et mettre en surete mes
affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes;
mais j'aurai soin de me cacher et me divertirai a
petit bruit. Que si je viens a etre decouvert, je
verrai, sans me remuer, prendre mes interets a
toute la cabale, et je serai defendu par elle envers
et centre tous. Enfin c'est la le vrai moyen de
faire impunement tout ce que je voudrai. Je
m'erigerai en censeur des actions d'autrui, jugerai
mal de tout le monde, et n'aurai bonne opinion
que de moi. Des qu'une fois on m'aura cheque
tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai
tout doucement une haine irreconciliable. Je ferai
le vengeur des interets du Ciel, et, sous ce pretexte
commode, je pousserai mes ennemies, je les accuserai
8c. II.] DON JUAN 261
one dares to speak against it. Men are censured
for all other vices and everyone is at liberty to
attack them openly ; but hypocrisy is a privileged
vice, which, with its own hand, shuts everyone's
mouth and peacefully enjoys a sovereign impunity.
By means of shams a close fellowship is formed
amongst all people of the same set : he who offends
one brings them all down upon him, and even those
whom everyone knows to act in good faith in the
matter and whom we know to be really sincere,
these people, I say, are always the dupes of the
others, they run heedlessly into the snare of the
humbugs and blindly support those who ape their
actions. How many, do you think, I know, who,
by this stratagem, have dexterously patched up the,
disorders of their youth, who have put on, as a
shelter, the cloak of religion, and who, under this
venerated guise, have permission to be the most
wicked fellows on earth .'' It signifies nothing that
their intrigues and they themselves are known to
be what they are ; they are not, for all that, less
credited in society ; and a certain lowly bending of
the head, a humble sigh and a pair of upturned eyes,
justify, before all the world, all they may do. It
is under this convenient shelter I intend to take
refuge and to secure my affairs. I will not abandon
my cherished habits, but I shall take care to conceal
them, and divert myself with as little noise as
possible. If it should chance that 1 am discovered,
I shall, without raising a finger, find the whole
cabal looking after my interests and I shall be
defended by it against, and in spite of, everybody.
In short, this is the true way to do whatever I
please with impunity. I shall set myself up as a
censor of the actions of others. I shall judge ill of
all and have a good opinion of myself alone. I will
never forgive anyone who has offended me, however
slightly, and I will quietly keep an undying hatred.
I will act as avenger in the interests of heaven and,
under this convenient pretext, I will persecute my
2/52 DOM JUAN [acte y.
d'impiete, et saurai dechainer contre eux des zeles
indiscrets, qui, sans counaissance de cause, crieront
en public contre eux, qui les accableront d'injures,
et les damneront hautement de leur autorite privde.
C'est ainsi qu'il faut profiter des faiblesses des
hommes, et qu'un sage esprit s'accommode aux
vices de son siecle.
Sgan. O Ciel ! qu'entends-je ici ? il ne vous manquait
plus que d'etre hypocrite pour vous achever de tout
point, et voila le comble des abominations. Mon-
sieur, cette derniere-ci m'emporte et je ne puis
m'empecher de parler. Faites-moi tout ce qu'il
vous plaira, battez-moi, assommez-moi de coups,
tuez-moi, si vous voulez : il faut que je decharge
mon coeur, et qu'en valet fidele je vous dise ce que
je dois. Sachez, Monsieur, que tant va la cruche a
I'eau, qu'enfin elle se brise ; et, comme dit fort bien
cet auteur que je ne connais pas, I'homme est, en ce
monde ainsi que I'oiseau sur la branche ; la branche
est attache a I'arbre ; qui s'attache a I'arbre, suit de
bons preceptes ; les bons preceptes valent mieux que
les belles paroles ; les belles paroles se trouvent a la
cour ; a la cour sont les courtisans ; les courtisans
suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la
fantaisie est une faculte de I'ame ; I'ame est ce qui
nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort
nous fait penser au Ciel ; le Ciel est au-dessus de la
terre ; la terre n'est point la mer ; la mer est sujette
auxorages; lesoragestourmententlesvaisseaux; les
vaisseaux ont besoin d'un bon pilote ; un bon pilote
a de la prudence ; la prudence n'est point dans les
jeunes gens ; les jeunes gens doivent obeissance aux
vieux ; les vieux aiment les richesses ; les richesses
font les riches ; les riches ne sont pas pauvres ; les
pauvres ont de la necessite ; necessite n'a point de
loi ; qui n'a point de loi vit en bete brute ; et, par
consequent, vous serez damne a tous les diables.
D. Juan. O beau raisonnement !
Sgan. Apres cela, si vous ne vous rendez, tant pis
pour vous.
Bc. II.] DON JUAN 253
enemies, I will accuse them of impiety, and I will
let loose against them those indiscreet zealots who,
without knowing for what reason, will raise an out-
cry against them, will load them with abuse and
will openly damn them on their own authority. Ji.
isJhii^wejnujitpLrofit by.thfiioihles-of-manl^ : a
wise man adapts himself to the vices pf his^age.
Sgan. Oh, Heavens! what do I hear? You only {
lacked hypocrisy to make you perfect. Now you - '
have reached the summit of your abominations.
Monsieur, this last act is the last straw, and I
cannot help but speak. Do what you will with
me, beat me, break every bone in my body, kill
me if you like, I must unburden my heart and,
like a faithful servant, tell you what I ought.
Know, Monsieur, that the pitcher goes so often
to the well that at last it is broken, and, as that
author, whose name I do not remember, very aptly
says, man is in this world like a bird on a bough,
the bough is attached to the tree, he who is fixed
to the tree follows good precepts, good precepts
are better than fair words, fair words are found at
court, at court are courtiers, courtiers follow the
fashion, fashion comes from fancy, fancy is an
attribute of the soul, the soul is that which gives
us life, life ends in death, death makes us think of
heaven, heaven is above the earth, the earth is
not the sea, the sea is subject to storms, storms
toss vessels, vessels have need of a good pilot, a
good pilot is prudent, young people are not
prudent, young people ought to obey old people,
old people love riches, riches make people rich,
the rich are not poor, the poor have necessities,
necessity has no law, he who knows no law lives
like a brute beast, and, consequently, you will be
damned with all the devils.
D. Juan. What a fine argument !
Sgan. If you do not give in after this so much the
worse for you.
264
DOM JUAN
[actb v.
Sc^NE III
DoM Carlos, Dom Juan, Sganarelle
D. Cab. Dom Juan, je vous trouve a propos, et suis
bien aise de vous parler ici plutot que chez vous,
pour vous demander vos resolutions. Vous savez
que ce soin me regarde, et que je me suis en votre
presence charge de cette affaire. Pour moi, je ne
le cele point, je souhaite fort que les choses aillent
dans la douceur ; et il n'y a rien que je ne fasse
pour porter votre esprit a vouloir prendre cette
voie, et pour vous voir publiquement confirmer a
ma soeur le nom de votre femme.
D. Juan, (d'un ton hypocrite.) Helas ! je voudrais bien,
de tout mon coeur, vous donner la satisfaction que
vous souhaitez; mais le Ciel s'y oppose directement :
il a inspire a mon ame le dessein de changer de vie,
et je n'ai point d'autres pensees maintenant que de
quitter entierement tous les attachements du monde,
de me depouiller au plus tot de toutes sortes de
vanites, et de corriger desormais par une austere
conduite tous les dereglements criminels ou m'a
porte le feu d'une aveugle jeunesse.
D. Cab. Ce dessein, Dom Juan, ne choque point ce
que je dis ; et la compagnie d'une femme legitime
peut bien s'accommoder avec les louables pensees
que le Ciel vous inspire.
D. Juan. Helas ! point du tout. C'est un dessein
que votre soeur elle-meme a pris : elle a resolu sa
retraite, et nous avons ete touches tous deux en
meme temps.
D. Cab. Sa retraite ne peut nous satisfaire, pouvant
etre imputee au mepris que vous feriez d'elle et de
notre famille ; et notre honneur demande qu'elle
vive avec vous.
D. Juan. Je vous assure que cela ne se peut. J'en
vaais, pour moi, toutes les envies du monde, et je
so. III.] DON JUAN 266
Scene III
Don Carlos^ Don Juan, Soanarblle
D, Cab. I meet you opportunely, Don Juan. I am
very glad to speak with you here rather than at
your own house, to ask what you have resolved
to do. You know it concerns me and that I took
this business upon myself in your presence. For
my part, I do not conceal it, I heartily wish things
may be settled amicably. There is nothing I would
not do to induce you to take that course and to see
you publicly recognise my sister as your wife.
D. Juan, (in a hyiwcritical tone.) Alas ! I should,
indeed, with all my heart, like to give you the
satisfaction you desire, but heaven is directly
opposed to it ; it has inspired my soul with the
desire of reforming my life, and I now have no
other thoughts than entirely to forsake all worldly
concerns, to divest myself as soon as possible of
every vanity, and henceforth to remedy by an
austere behaviour all the criminal irregularities
into which the heat of blind youth has led me.
D. Car. This design, Don Juan, does not conflict
with what I say, and the company of a lawful wife
is not incompatible with these laudable thoughts
with which heaven has inspired you.
D. Juan. Alas ! by no means. Your sister herself
has taken the same decision. She has resolved to
go into retreat. We have both been converted at
the same time.
D. Car. Her retreat cannot satisfy us, since it might
be attributed to the contempt you showed to her
and to her family : our honour demands that she
should live with you.
D. Juan. I assure you it cannot be. So far as I am
concerned, 1 have desired it with all my heart, and,
266 DOM JUAN [acte t.
me suis meme encore aujourd'hui conseille au Ciel
pour cela; mais, lorsque je I'ai consulte, j'ai en-
tendu une voix qui m'a dit que je ne devais point
songer a votre soeur, et qu'avec elle assurement je
ne ferais point mon salut.
D. Car. Croyez-vous, Dom Juan, nous eblouir par
ces belles excuses ?
D. Juan. J'obeis a la voix du Ciel.
D. Car. Quoi.'' vous voulez que je me paye d'un
semblable discours?
D. Juan. C'est le Ciel qui le veut ainsi.
D. Car. Vous aurez fait sortir ma soeur d'un convent,
pour la laisser ensuite .''
D. Juan. Le Ciel I'ordonne de la sorte.
D. Car. Nous souffrirons cette tache en notre
famille ?
D. Juan. Prenez-vous-en au Ciel !
D, Car. Eh quoi ? toujours le Ciel .''
D. Juan. Le Ciel le souhaite comme cela.
D. Car. II suffit, Dom Juan, je vous entends, Ce
n'est pas ici que je veux vous prendre, et le lieu ne
le souffre pas ; mais, avant qu il soit peu, je saurai
vous trouver.
D. Juan. Vous ferez ce que vous voudrez ; vous
savez que je ne manque point de coeur, et que
je sais me servir de mon epee quand il le faut.
Je m'en vais passer tout a I'heure dans cette
petite rue ecartee qui mene au grand convent ;
mais je vous declare, pour moi, que ce n'est point
moi qui me veux battre : le Ciel m'en defend la
pens^e ; et si vous m'attaquez, nous verrons ce qui
en arrivera.
D. Car. Nous verrons, de vrai, nous verrons.
SC. III.]
DON JUAN
267
even this day I took counsel with heaven about it,
but, when I consulted it, I heard a voice which
told me I ought not to think of your sister and
that assuredly I could not be saved with her.
D. Car. Do you think, Don Juan, you can deceive
me by these fine excuses ?
D. Juan. I obey the voice of heaven.
D. Car. Do you imagine, then, that I shall be
satisfied with such a speech ?
D. Juan. It is heaven's will.
D. Car. Have you taken my sister out of a convent
to abandon her at last ?
D. Juan. Heaven ordains it so.
D. Car. Can we suffer our family to receive such a
stain .''
D. Juan. Seek your redress from heaven.
D. Car. But why always heaven ?
D. Juan. Heaven desires that it should be so.
D. Car. It is enough, Don Juan : I understand you.
I cannot challenge you to combat here, the place
is not suitable, but I shall find you before very
long.
D. Juan. You may do what you please. You know
I am not wanting in courage and I know how
to use my sword when it is needful. I will go
shortly through that little lonely street which
leads to the great convent ; but, I declare to you,
for my part, it is not I who wish to fight. Heaven
forbid the thought ; and if you attack me we shall
see what will come of it.
f^if
D. Car. We shall see, true, we shall see.
268 DOM JUAN [actb t.
SciNE IV
DoM Juan, Soanarellb
SoAN, Monsieur, quel diable de style prenez-vous
la? Ceci est bien pis que le reste, et je vous
aimerais bien mieux encore comme vous etiez
auparavant. J'esperais toujours de votre salut ;
mais c'est maintenant que j'en desespere ; et je
crois que le Ciel, qui vous a souffert jusques
ici, ne pourra souffrir du tout cette derniere
horreur.
D. Juan. Va, va, le Ciel n'est pas si exact que tu
penses ; et si toutes les fois que les hommes . . .
SoAN. Ah ! Monsieur, c'est le Ciel qui vous parle,
et c'est un avis qu'il vous donne.
D. Juan. Si le Ciel me donne un avis, il faut qu'il
Farle un peu plus clairement, s'il veut que je
entende.
Sc^NE V
DoM Juan, Un Spectre (en femme voilee),
Soanarellb
Le Spectre. Dom Juan n'a plus qu'un moment a
pouvoir profiter de la misericorde du Ciel ; et s'il
ne se repent ici, sa perte est resolue.
Sgan. Entendez-vous, Monsieur.''
D. Juan. Qui ose tenir ces paroles.'' Je crois con-
naitre cette voix.
Sgan. Ah ! Monsieur, c'est un spectre : je le reconnais
au marcher.
■0. v.] DON JUAN 269
Scene IV
Don Juan, Soanarellb
SoAN. What a deuce of a style you have adopted.
Monsieur ! This is much worse than all the rest, and pJ-
I should like you far better as you were before. I 3^*"^^'^
alway^s hoped for your reformatipUj but now I U ,^\^,
despair of it. T believe that heaven, which has "" . "' ^"''
borne with you hitherto, cannot suffer this last ~7/^^
abomination at all.
D. Juan. Come, come, heaven is not so strict as
you think, and if each time men were . . .
SoAN. Ah, Monsieur, heaven speaks to you : it is a
warning it gives you.
D. Juan. If heaven gives me a warning it must speak
a little more plainly if it wishes me to understand
it.
Scene V
Don Juan, A Ghost (in the form of a veiled
woman), Soanarellb .y^*^
The Ghost. Don Juan has but one moment in which
to take advantage of the forbearance of heaven
and if he does not repent now, his destruction is
certain.
Sgan. Do you hear. Monsieur ?
D. Juan. Who dares to utter these words ? I think
I know that voice.
Sgan. Ah, Monsieur, it is a ghost, I know it by its
stalking.
W--
260 DOM JUAN [actb t.
D, Juan. Spectre, fantome, ou diable, je veux voir ce
que c'est.
(Le Spectre change de figure, et repr^sente le Temps
avec sa faux k la main.)
Sgan. O Ciel ! voyez-vous. Monsieur, ce changement
de figure ?
D. Juan. Non, non, rien n'est capable de m'imprimer
de la terreur, et je veux eprouver avec men epee si
c'est un corps ou un esprit.
(Le Spectre s'envole dans le temps que Dom Juan le
veut f rapper.)
Sgan. Ah ! Monsieur, rendez-vous a tant de preuves,
et jetez-vous vite daus le repentir.
D. Juan. Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il
arrive, que je sois capable de me repentir. Aliens,
suis-moi.
Sci:NE VI
La Statue, Dom Juan, Soanarelle
La Statue. Arretez, Dom Juan : vous m'avez hier
donne parole de venir manger avec moi.
D. Juan. Oui. Ou faut-il aller ?
La Statue. Donnez-moi la main.
D. Juan. La voila.
La Statue. Dom Juan, I'endurcissement au peche
traine une mort funeste, et les graces du Ciel que
Ton renvoie ouvrent un chemin a sa foudre.
D. Juan. O Ciel ! que sens-je.> Un feu invisible me
brule, je n'en puis plus, et tout mon corps devient
un brasier ardent ! Ah !
(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands
eclairs sur Dom Juan ; la terre s'ouvre et I'abime ; et
il sort de grands feux de I'endroit ou il est tomb^.)
80. VI.] DON JUAN 261
D. Juan. Ghost, phantom or devil I shall see what it ./■"
is. • •"
(The Ghost changes shape and represents Time with a
scythe in its hand. )
Sgan. Oh ! Heaven, do you see. Monsieur, this
change of shape .''
D. Juan. No, no, nothing is capable of filling me
with terror. I will try with my sword whether it
is a body or a spirit.
(The Ghost vanishes the instant Don Juan is about
to strike it.)
SoAN. Ah ! Monsieur, give in to so many proofs and ^hfi'*^*
repent quickly. "^" "^
D. Juan. I>[p,.up, come what will,- it .«hall nsYer be ^
said I was capable of repentance. Come, follow \
me.
Scene VI
The Statue, Don Juan, SoANARBiiLB
The Stat. Stay, Don Juan, you gave me your word
yesterday that you would come and eat with
me.
D. Juan. Yes. Where shall we go ?
The Stat. Give me your hand.
D. Juan. Here it is.
The Stat. Don Juan, continuance in evil-doing leads
to a terrible death, and when the mercies of
Heaven are rejected, the way is open for its
wrath.
D. Juan, Oh Heavens ! what do I feel .'' An invisible
flame scorches me, I cannot bear it longer, all my
body has become a burning firebrand ! Ah !
(Loud claps of thunder burst, and the lightning flashes
vividly round Don Juan; the earth opens and swallows
him ; and big flames issue from the place where he wont
down.)
V
262 DOM JUAN [acte v.
Sgan, Voila par sa mort un chacun satisfait : Ciel
offens^, lois violees, filles seduites, families des-
honorees, parents outrages, femmes mises a mal,
maris poassds a bout, tout le monde est content.
II n'y a que moi seul de malheureux, qui, apres
tant d'annees de service, n'ai point d'autre recom-
pense que de voir a mes yeux I'impiete de mon
maitre puni par le plus epouvantable chStiment
du monde.
sc. VI.] DON JUAN 263
Sgan. Thus, by his death, is every one satisfied :
offended heaven, violated laws, seduced girls, dis-
honoured families, outraged relations, ruined wives,
husbands reduced to despair, all are satisfied. I,
alone, am unhappy, who, after serving him so
many years have no other recompense than to
see, before my eyes, the impiety of my master
chastised by the most frightful punishment in the
world 1
THE ENS
LOVE'S THE BEST DOCTOR
{V Amour Mddecin.)
D Amour Midecvn was represented for the first
time at Versailles on September 14 or 15, 1666 : on
the 22nd of the same month it made its first public
appearance on the stage of the Palais Royal, Paris,
and it occupied the boards from that date to the 29th
of November. It was published the year after with
a frontispiece concerning which it is maintained that
the portrait of Sganarelle (who is represented as
acting the end of Act n, ii.), is a portrait of Moli^re.
Written by order of the king, it was sketched,
composed, learned and acted in five days.
LOVE'S THE BEST DOCTOR
(^U Amour Medecin}
A Comedy
DRAMATIS PERSONS
SoANAREiiLBj Lucinde's father.
Amintk.
LuOR^CE.
M. GuiLLAUJfB, a tapestry seller.
M. JossBf a goldsmith.
LuciNBB, Sganarelle's daughter.
LisETTE, Lucinde's maid.
M. ToMi:s,
M. DbS FoNANDBia,
M. Maoboton, \^doctor«.
M. BahtSj
M. FrLEBIN,
CuTANDBE, Lucinde's lover,
A Notary.
The Operator, Orvi^tan.
Several Trivelins and Scaramouches.
Comedy.
Music.
Ballet.
Scene : Paris, in a room in Sganarelle's house.
PROLOGUE
La CoK&TiiE, La Musique et le Ballet
La Com. Quittons, quittons notre vain querelle,
Ne nous disputons point nos talents tour a tour,
Et d'une gloire plus belle
Piquons-nous en cejour:
Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde,
Tous TROIS. Unissons-nous . . .
La Com. De ses travaua, plus grands qu'on ne pent
croire,
II se vient quelquefois delasser parmi nous ;
Est-il de plus grande gloire,
Est-il bonheur plus doux f
Unissons-nous tous trois . . .
Tous TROIS. Unissons-nout . . .
PROLOGUE
Comedy, Music and Bali-ot
Com. Let us stop this fruitless quarrel
Who can greatest gifts display :
Rather on a nobler triumph
Should we pride ourselves to-day.
Let us all unite and fervent ardour show
To please the greatest monarch earth can know.
All three together. Let us all unite . . .
Com. From the hardest toil that may bs
Oft he deigns with us to rest
Can we have a greater honour.
Or a fairer, better jest 1
All three together. Let us all unite , . .
L'AMOUR MEDECIN
COMJ^DIE
ACTE I
Sc^NE I
Sqanarelle, Aminte, Lucb^ce, M. Guillaumb,
M. JOSSE
Sgan. Ah ! I'etrange chose que la vie ! et que je puis
bien dire, avec ce grand philosophe de Tantiquite,
que qui terre a, guerre a, et qu'un malheur ne vient
jamais sans I'autre ! Je n'avais qu'une seule femme,
qui est morte.
M. GuiL. Et combien done en voulez-vous avoir?
Sgan. Elle est morte. Monsieur Guillaume, mon ami.
Cette perte m'est tres-sensible, et je ne puis m'en
ressouvenir sans pleurer. Je n'etais pas fort satis-
fait de sa conduite, et nous avions le plus souvent
dispute ensemble ; mais enfin la mort rajuste toutes
choses. Elle est morte ; je la pleure. Si elle
etait en vie, nous nous querellerions. De tous les
enfants que le Ciel m'avait donnes, il ne m'a laisse
qu'une fille, et cette fille est toute ma peine. Car
enfin je la vols dans une melancolie la plus sombre
du monde, dans une tristesse epouvantable, dont
il n'y a pas moyen de la retirer, et dont je ne
saurais meme apprendre la cause. Pour moi, j'en
perds I'esprit, et j'aurais besoin d'un bou conseil
LOVE'S THE BEST DOCTOR
COMEDY
ACT I
Scene I
SoANABELLEj AmINTE, LuCB^ICE, M. GuILLAUMB,
M. JOSSE
Sgan. Life is a strange thing. How well may I say
with a great philosopher of old that he who has
land has strife, and that misfortunes never come
singly. I had but one wife and she is dead.
M. GuiL. And how many, then, would you have !
Sgan. She is dead, friend Guillaume. I feel her loss
very much, and I cannot think of it without tears.
I was not altogether satisfied with her conduct and
we often quarrelled; but, after all, death settles
everything. She is dead : I bewail her. If she
were alive we should quarrel. Of all the children
heaven gave me I have but one daughter left, and
this girl is my only trouble. For, indeed, she has
fallen into the most dismal melancholy in the world ;
into a dreadful sadness, the cause of which I cannot
even learn and out of which there does not seem to
be any means of getting her. I declare I am at
my wits' end, and I need good advice on this matter.
You are my niece, you, my neighbour, and you, my
272 L' AMOUR MEDECIN [acte i.
sur cette matiere. Vous etes ma niece ; vous, ma
voisine ; et vous, mes comperes et mes amis : je
vous prie de me conseiller tout ce que je dois faire.
M. Jos. Pour moi, je tiens que la braverie et I'ajuste-
ment est la chose qui rejouit le plus les filles ; et si
j'etais que de vouSj je lui acheterais, des aujourd'hui,
une belle garniture de diamants, ou de rubis, ou
d'emeraudes.
M. GuUi. Et moi, si j'e'tais en votre place, j'achete-
rais une belle tenture de tapisserie de verdure, ou a
personnages, que je ferais mettre a sa chambre,
pour lui rejouir I'esprit et la vue.
Amin. Pour moi, je ne ferais pas tant de fafons ; je
la marierais fort bien, et le plus tot que je pourrais,
avec cette personne qui vous la fit, dit-on, demander
il y a quelque temps.
Luc. Et moi, je tiens que votre fille n'est point du
tout propre pour le mariage. Elle est d'une com-
plexion trop delicate et trop peu saine, et c'est la
vouloir envoyer bientot en I'autre monde, que de
I'exposer, comme elle est, a faire des enfauts. Le
monde n'est point du tout son fait, et je vous con-
seille de la mettre dans un convent, ou elle trouvera
des divertissements qui seront mieux de son
humeur.
Sgan. Tous ces conseils sont admirables assurement ;
mais je les tiens un peu interesses, et trouve que
vous me conseillez fort bien pour vous, Vous etes
orfevre. Monsieur Josse, et votre conseil sent son
homme qui a envie de se defaire de sa marchandise.
Vous vendez des tapisseries. Monsieur Guillaume,
et vous avez la mine d'avoir quelque tenture
qui vous incommode. Celui que vous aimez, ma
voisine, a, dit-on, quelque inclination pour ma fille,
et vous ne seriez pas fachee de la voir la femme
d'un autre. Et quant a vous, ma chere niece, ce
n'est pas mon dessein, comme on sait, de marier
ma fille avec qui que ce soit, et j'ai mes raisons
{>our cela ; mais le conseil que vous me donnez de
a faire religieuse, est d'une femme qui pourrait
so. I.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 273
companions and my friends : pray, all of you, advise
me what I ought to do.
M. JossB. My opinion is that dress and adornment
are the things which please girls most ; and, if I
were you, I would buy her this very day a hand-
some set of diamonds, or of rubies, or of emeralds.
M. Guiii. And I, if I were in your place, I should buy
her a beautiful set of tapestry representing a land-
scape or figures, which 1 would hang up in her room
to cheer her eyes and her heart.
Amin. For my part I would not do that ; I would
marry her very well and as soon as I could to that
person who asked her of you, they say, some time
ago.
Luc. And I think that your daughter is not at all fit
to be married. She is of too delicate and too frail
a constitution. To expose her as she is to bear
children would be as good as sending her into the
next world. This world does not suit her, and I
advise you to put her in a convent, where she will
find distractions more to her taste.
Sgan. All this advice is certainly admirable, but I
think it is somewhat interested, for I find that you
advise me very much for your own benefit. You
are a goldsmith. Monsieur Josse, and your advice
is that of a man who is anxious to get rid of his
wares. You sell tapestries. Monsieur Guillaume,
and you seem to me to have some hangings which
bother you. The man you love, my fair neighbour,
has, they say, some inclination towards my daughter,
and you would not be sorry to see her the wife of
another. And as for you, my dear niece, it is not
my intention, as is well known, to marry my
daughter to anyone. I have my reasons for this ;
but the advice you give me to make her a nun comes
from a woman who may have the very charitable
8
274 L' AMOUR M^DECIN [acte i.
bien souhaiter charitablement d'etre mon h^ritiere
universelle. Ainsi, Messieurs et Mesdames, quoi-
que tous vos conseils soient les meilleurs du monde,
vous trouverez bon, s'il vous plait, que je n'en
suive aucun. Voila de mes donneurs de conseils a
la mode.
Sci:NE II
LUCINDB, SgANARELLE
Sgan. Ah ! voila ma fille qui prend I'air, Elle ne me
voit pas ; elle soupire ; elle leve les yeux au ciel.
Dieu vous garde ! Bon jour, ma mie. He bien !
qu'est-ce ? Comme vous en va ? He quoi ! tou-
jours triste et melancolique comme cela, et tu ne
veux pas me dire ce que tu as. A lions done, de-
couvre-moi ton petit coeur. La, ma pauvre mie,
dis, dis ; dis tes petites pense'es a ton petit papa
mignon. Courage! Veux-tu que jete baise? Viens.
J'enrage de la voir de cette humeur-la. Mais, dis-
moi, me veux-tu faire mourir de deplaisir, et ne
puis-je savoir d'ou vient cette grande langueur ?
Decouvre-m'en la cause, et je te promets que je
ferai toutes choses pour toi. Oui, tu n'as qu'a me
dire le sujet de ta tristesse ; je t'assure ici, et te fais
serment qu'il n'y a rien que je ne fasse pour te
satisfaire ; c'est tout dire. Est-ce que tu es jalouse
de quelqu'une de tes compagnes que tu voies plus
brave que toi .'' et serait-il quelque etofFe nouvelle
dont tu voulusses avoir un habit.'' Non. Est-ce
que ta chambre ne te semble pas assez paree, et que
tu souhaiterais quelque cabinet de la foire Saint-
Laurent? Ce n'est pas cela. Aurais-tu en vie
d'apprendre quelque chose? et veux-tu que je te
donne un maitre pour te montrer a jouer du
clavecin ? Nenni. Aimerais-tu quelqu'un, et sou-
haiterais-tu d'etre mariee?
(LuciNDE lui fait signe que c'est oela.)
sc. II.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 275
wish to become my sole heiress. Therefore, ladies
and gentlemen, although your counsel in each case
is the best in the world, allow me, if you please,
not to follow it. So much for fashionable advice.
Scene II
LUCINDE, SqANABELLB
Scan. Ah ! here comes my daughter to take a breath
of air. She does not see me ; she sighs ; she lifts
her eyes to heaven, God bless you ! Good morn-
ing, my child . Well, what is it .'' How are you ?
Eh ! What ? Always so sad and so melancholy, and
you will not tell me why .'' Come now, open your
dear heart to me. There, my poor darling, tell
me, tell me ; tell your own fond papa what is in
your mind. Courage. Shall I kiss you ? Come.
It drives me crazy to see her in this humour. Come,
tell me, do you wish to kill me with anxiety .'' May
I not know why you are so listless ? Tell me the
cause of it and I promise you I will do everything
for you. Yes, you have but to tell me why you are
so sad and I assure you, I swear to you here, there
is nothing I will not do to please you : I cannot say
more. Are you jealous of any of your companions
who is better dressed than yourself? is there
some new stuiF of which you want a dress .'' No,
Does your room not seem to you well enough fur-
nished.'' do you wish for a cabinet from St, Law-
rence's Fair.'' It is not that. Do you want to learn
anything ? do you want me to find a master to
teach you to play on the harpsichord."* Nor that
either. Do you love some one and want to be
married ?
(LuciNDE makes a sign that that is the reason.)
276 L'AMOUR MEDECIN [acte i.
Sc^NE III
LisETTE, SganareixiB, Lucindb
Lis. He bien ! Monsieur, vous venez d'entretenir votre
fille. Avez-vous su la cause de sa melancolie ?
Sgan. Non. C'est une coquine qui me fait enrager.
Lis. Monsieur, laissez-moi faire, je ni'en vais la sonder
un peu.
Sgan. II n'est pas necessaire ; et puisqu'elle veut
etre de cette humeur, je suis d'avis qu'on I'y
laisse.
Lis. Laissez-moi faire, vous dis-je. Peut-etre, qu'elle
se decouvrira plus librement a moi qu'a vous.
Quoi.'' Madame, vous ne nous direz point ce que
vous avez, et vous voulez affliger ainsi tout le monde .''
II me semble qu'on n'agit point comme vous faites,
et que, si vous avez quelque repugnance a vous
expliquer a un pere, vous n'en devez avoir aucune
a me decouvrir votre coeur. Dites-moi, souhaitez-
vous quelque chose de lui-f* II nous a dit plus d'une
fois qu'il n'epargnerait rien pour vous contenter.
Est-ce qu'il ne vous donne pas toute la liberte que
vous souhaiteriez, et les promenades et les cadeaux
ne tenteraient-ils point votre ame .'' Heu. Avez-
vous regu quelque deplaisir de quelqu'un.'' Heu
n'auriez-vous point quelque secrete inclination, avec
qui vous souhaiteriez que votre pere vous mariat ?
Ah ! je vous entends. Voila I'affaire. Que diable !
pourquoi tant de fagons ? Monsieur, le mystere est
decouvert ; et . . .
Sgan. (rinterrompant.) Va, fille ingrate, je ne te veux
plus parler, et je te laisse dans ton obstination.
Luc. Mon pere, puisque vous voulez que je vous dise
la chose . . .
8C. III.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 277
Scene III
LisETTE, Sganarellb, Lucindb
Lis. Ah, well ! Monsieur. So you have just been
talking with your daughter. Have you found out
the cause of her melancholy .''
SoAN. No, she makes me mad, the hussy.
Lis. Leave her to me. Monsieur, I will sound her a
little.
Sqan. It is not of any use. Since she is in this mood^
I think she is best left alone.
Lis. Leave her to me, I say. Perhaps she will open
her heart more freely to me than to you. Well,
Madam, you will not tell us what is the matter with
you and you wish to upset everybody in this way.
1 do not think you ought to behave like this,
and if you object to explain yourself to your
father, you ought not to object to open your heart
to me. Tell me, do you want anything from him ?
He has told us more than once that he would not
spare anything to please you. Does he not give
give you all the liberty you wish ? Do not pleasure
parties and pleasant walks tempt you.-* Ah ! Has
any one vexed you .-^ Ah ! Have you not a secret
liking for some one to whom you wish your father
to marry you ? Ah ! I understand, that is it.
Good gracious, why do you put on so many airs.
The secret is out. Monsieur, and . . .
Sgan. (interrupting her.) Go, ungrateful girl, I do not
want to talk to you any more ; I leave you to your
obstinacy.
Luc. Since you wish me to tell you this, father . . .
278 L'AMOUR M^DECIN [actb i.
SoAN. Oui, je perds toute Tamitie que j'avais pour toi.
Lis. Monsieur, sa tristesse . . .
SoAN. C'est une coquine qui me veut fair mourir.
Luc. Mon pere, je veux bien . . .
Sgan. Ce n'est pas la recompense de t'avoir elevee
comme j'ai fait.
Lis. Mais, Monsieur . . .
Sgan. Non, je suis contre elle dans une colere epou-
vantable.
Luc. Mais, mon pere . . .
Sgan. Je n'ai plus aucune tendresse pour toi.
Lis. Mais . . .
Sgan. C'est une friponne.
Luc. Mais ...
Sgan. Une ingrate.
Lis. Mais . . .
Sgan. Une coquine, qui ne me veut pas dire ce
qu'elle a.
Lis. C'est un mari qu'elle veut.
Sgan. (faisant semblant de ne pas entendre.) Je I'aban-
donne.
Lis. Un mari.
Sgan. Je la deteste.
Lis. Un mari.
Sgan. Et la renonce pour ma fille.
Lis. Un mari.
Sgan. Non, ne m'en parlez point.
Lis. Un mari.
Sgan. Ne m'en parlez point.
Lis. Un mari.
Sgan. Ne m'en parlez point.
Lis. Un mari, un mari, un mari.
Bc. III.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 279
Sgan. Yes. I have lost all the affection I had for
you.
Lis. Her sadness, Monsieur . . .
Sgan. The hussy will kill me.
Luc. Father, I will, really . . .
Sgan. This is no reward for having brought you up as
I have.
Lis. But, Monsieur . . .
Sgan. No. I am in a terrible rage with lier.
Luc. But, father . . .
Sgan. I do not care for you any longer.
Lis. But . . .
Sgan. She is a minx.
Luc. But . . .
Sgan. An ungrateful girl.
Lis. But ...
Sgan. A baggage, who will not tell me what ails
her.
Lis. It is a husband she wants.
Sgan. (pretending not to hear.) I have done with her.
Lis, A husband.
Sgan. I hate her.
Lis. a husband.
Sgan. And renounce her as a daughter.
Lis. a husband.
Sgan. No, do not talk to me about her.
Lis. a husband.
Sgan. Do not talk to me about her.
Lis. a husband.
Sgan. Do not talk to me about her.
Lis. a husband, a husband, a husband.
280 L' AMOUR M^DECIN [acte i.
Sci;NE IV
LiSBTTE, LUGINDE
Lis. On dit bien vrai : qu'il n'y a point de pires
sourds que ceux qui ne veulent point entendre.
Luc. He bien ! Lisette, j'avais tort de cacher mon
deplaisir, et je n'avais qu'a parler pour avoir
tout ce que je souhaitais de mon pere ! Tu le
vois.
Lis. Par ma foi ! voila un vilain homme ; et je vous
avoue que j'aurais un plaisir extreme a lui jouer
quelque tour. Mais d'ou vient done, Madame, que
jusqu'ici vous m'avez cache votre mal.''
Luc. He'las ! de quoi m'aurait servi de te le decouvrir
plus tot .'' et n'aurais-je pas autant gagne a le tenir
cache toute ma vie ? Crois-tu que je n'aie pas bien
prevu tout ce que tu vois maintenant, que je ue
susse pas a fond tons les sentiments de mon pere,
et que le refus qu'il a fait porter a celui qui m'a
demandee par un ami, n'ait pas etouffe dans mon
ame toute sorte d'espoir .''
Lis. Quoi ? c'est cet inconnu qui vous a fait demander,
pour qui vous ...
Luc. Peut-etre n'est-il pas honnete a une fiUe de s'ex-
pliquer si librement; mais enfin je t' avoue que s'il
m'etait permis de vouloir quelque chose, ce serait
lui que je voudrais. Nous n'avons eu ensemble
aucune conversation, et sa bouche ue m'a point
declare la passion qu'il a pour moi ; mais, dans tous
les lieux ou il m'a pu voir, ses regards et ses actions
m'ont toujours parle si tendrement, et la demande
qu'il a fait faire de moi m'a paru d'un si honnete
homme, que mon coeur n'a pu s'empecher d'etre
sensible a ses ardeurs ; et cependant tu vois
ou la durete de mon pere reduit toute cette
tendresse.
Lis. AUez, laissez-moi faire. Quelque sujet que
8c. IV.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 281
Scene IV
LiSETTB, LUCINDB
Lis. They speak truly who say there are none so deaf
as those who won't hear.
Luc. Ah ! Lisette, I was wrong to hide my trouble,
I had only to speak to obtain from my father all
I wished ! You see now.
Lis. Upon my word he is a tiresome man. I tell you
it would give me much pleasure to play him some
trick. But how comes it, Madam, that until now
you have kept your trouble from me .''
Luc. Alas ! What good would it have done me to
have told it to you before ? Should I not have gained
as much if I had kept it secret all my life.'' Do you
not think I have foreseen all that has j ust happened,
that I did not thoroughly know my father's senti-
ments, and that, when he refused me to the friend
who asked for me on my lover's behalf, every hope
became stifled in my breast?
Lis. What.'' it is that stranger who asked for your
hand, for whom you . . .
Luc. Perhaps it is not modest for a girl to express herself
so openly ; but, indeed, I must confess to you that,
were I at liberty to choose any one, he would be my
choice. We have not had any conversation together,
and his lips have not declared the passion he has for
me ; but, wherever he has seen me, his looks and
his actions have always spoken so tenderly to me,
and his asking for me appears to me so very
honourable, that my heart has not been able to
remain insensible to his love. And yet you see to
what the harshness of my father is likely to bring
all this tenderness.
Lis. Come, leave it to me. However much I may blame
282 L'AMOUR MEDECIN [actb i.
j'aie de me plaindre de vous du secret que vous
m'avea fait, je ne veux pas laisser de servir votre
amour ; et pourvu que vous aypz assez de resolu-
tion . . .
Luc. Mais que veux-tu que je fasse centre I'autorite
d'un pere ? et s'il est inexorable a mes voeux . . .
Lis. Allez, allez, il ne faut pas se laisser mener
comme un oison ; et pourvu que I'honneur n'y soit
pas offense, on pent se liberer un peu de la tyrannie
d'un pere. Que pretend-il que vous fassiez ? N'etes-
vous pas en age d'etre mariee, et croit-il que vous
soyez de marbre ? Allez, encore un coup, je veux
servir votre passion ; je prends, des a present, sur moi
tout le soin de ses interets, et vous verrez que je
sais des detours . . . Mais je vois votre pere.
Rentrons, et me laissez agir.
SciNE V
SoANAREIiliB
Sgan. II est bon quelquefois de ne point faire sem-
blant d'entendre les choses qu'on n'entend que
trop bien ; et j'ai fait sagement de parer la declara-
tion d'un desir que je ne suis pas resolu de con-
tenter. A-t-on jamais rien vu de plus tyrannique
que cette coutume ou Ton veut assujettir les peres?
rien de plus impertinent et de plus ridicule que
d'amasser du bien avec de grands travaux, et
d'elever une fille avec beaucoup de soin et de ten-
dresse, pour se depouiller de I'un et de I'autre entre
les mains d'un homme qui ne nous touche de rien ?
Non, non : je me moque de cet usage, et je veux
garder mon bien et ma fille pour moi.
8c. v.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 283
you for having kept it secret from me, I will not
fail to assist your love-aflfair; and, provided you
have sufficient resolution . . ,
Luc. But what can I do against a father's authority ?
If he is inexorable to my wishes . . .
Lis. Come, come, you must not suffer yourself to be
led like a goose. Provided honour be safeguarded
there may be a little release from a father's tyranny.
What does he intend you to do .'' Are you not of
a marriageable age ? Does he think you are made
of marble .'' Come, once more, I will further your
love-affair. From this moment I will take upon
myself the whole burden of it and you shall see
that I know some tricks . . . But I see your father ;
let us go in. Leave me to act.
Scene V
SOANARELLB
Sgan. It is sometimes good to pretend we do not hear
things which we hear but too well. I have done
wisely in warding off the declaration of a wish
which I am resolved not to gratify. Has any one
ever seen anything more tyrannical than the custom
to which people would subject fathers : anything
more preposterous and foolish than to amass wealth
by hard work and to bring up a daughter with great
tenderness and care, in order to strip oneself of
both and give them into the hands of a man who is
nothing to us ? No, no : I shall laugh at that
custom. I shall keep my money and my daughter
to myself.
284 L'AMOUR MJ^DECIN [actb i.
Sc;&NE VI
LrsBTTB, Sganarelle
Lis. Ah, malheur ! Ah, disgrace ! Ah, pauvre
Seigneur Sganarelle ! ou pourrai-je te rencontrer?
Sqan. Que dit-elle la ?
Lis. Ah, miserable pere I que feras-tu, quaud tu
sauras cette nouvelle .''
Sgan. Que sera-ce.^
Lis. Ma pauvre maitresse !
Sgan. Je suis perdu.
Lis. Ah!
Sgan. Lisette.
Lis. Quelle infortune !
Sgan. Lisette.
Lis. Quel accident !
Sgan. Lisette.
Lis. Quelle fatalite !
Sgan. Lisette.
Lis. Ah, Monsieur!
Sgan. Qu'est-ce.''
Lis. Monsieur.
Sgan. Qu'y a-t-il?
Lis. Votre lille.
Sgan. Ah, ah !
Lis. Monsieur, ne pleurez done point comme cela, car
vous me feriez rire.
Sgan. Dis done vite.
Lis. Votre fille, toute saisie des paroles que vous lui
avez dites, et de la colere effroyable ou elle vous a
vu centre elle, est montee vite dans sa chambre, et
pleine de desespoir, a ouvert la fenetre qui regarde
sur la riviere.
Sgan. He bien.-'
Lis. Alors, levant les yeux au ciel : ' Non, a-t-elle
dit, il m'est impossible de vivre avec le courroux de
sc. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 285
Scene VI
LiSETTE, SgANARELLB
Lis. Ah ! what a misfortune. Ah ! what a calamity.
Ah ! poor Seigneur Sganarelle. Where shall I find
you?
Sgan. What is it she says ?
Lis. Ah ! unhappy father, what will you do when you
hear the news?
Sgan. What can it be ?
Lis. My poor mistress.
Sgan. I am undone.
Lis. Ah !
Sgan. Lisette.
Lis. What a misfortune I
Sgan. Lisette.
Lis. What an accident !
Sgan. Lisette.
Lis. What a mischance !
Sgan. Lisette.
Lis. Ah ! Monsieur !
Sgan. What is it?
Lis. Monsieur.
Sgan. What is the matter?
Lis. Your daughter.
Sgan. Ah! ah!
Lis. Do not cry like that. Monsieur. You will make
me laugh.
Sgan. Speak then quickly.
Lis. Overcome by what you said and by the terrible
rage she saw you were in, your daughter went
immediately into her room and, full of despair,
opened the window that looks upon the river.
Soan. Ah ! what next ?
Lis. Then, lifting her eyes to heaven ! No, she
said to me : ' It is impossible for me to live undet
286 L'AMOUR MEDECIN [actb i.
mon pere, et puisqu'il me renonce pour sa fiUe, je
veux mourir.'
So AN. Elle s'est jetde ?
Lis. Non, Monsieur : elle a ferm^ tout doucement la
fenetre, et s'est allee mettre sur son lit. La elle
s'est prise a pleurer amerement ; et tout d'un coup
son visage a pali, ses yeux se sont tournes, le coeur
lui a manque, et elle m'est demeuree entre les bras.
SoAN. Ah, ma fille !
Lis. A force de la tourmenter, je I'ai fait revenir ;
mais cela lui reprend de moment en moment, et je
crois qu'elle ne passera pas la journee.
Sgan. Champagne, Champagne, Champagne, vite,
qu'on m'aille querir des medecins, et en quantite :
on n'en peut trop avoir dans une pareille aventure.
Ah, ma fille ! ma pauvre fille !
FIN DU PREMIER ACTE
I ENTR'ACTE
Champagne, en dansant, frappe aux portes de quatre
medecins, qui dansent, et entrent avec cdr^monie ohez
le p^re de la malade.
ACTE II
Scene I
SOANARELLE, LiSETTB
Lis. Que voulez-vous done faire. Monsieur, de quatre
medecins .'' N'est-ce pas assez d'un pour tuer une
personne
Sgan. Taisez-vous. Quatre conseils valent mieux
qu'un.
Lis. Est-ce que votre fille ne peut pas bien mourir
sans le secours de ces Messieurs-la ?
sc. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 287
my father's wrath, and, since he renounces me as hia
daughter, I must die.'
Sgan. She threw herself down ?
Lis. No, Monsieur ; she gently shut the window and
went to lie down on her bed. There she fell to
weeping bitterly, and, suddenly her face paled, her
eyes rolled, her heart ceased to beat, and she fainted
in my arms.
Sgan. Ah, my daughter !
Lis. I brought her round by pinching her ; but she
relapses every moment, and I do not believe she
will last the day.
Sgan. Champagne, Champagne, Champagne, quick,
go and seek some doctors, and bring several : we
cannot have too many in such a crisis as this.
Ah, my daughter ! my poor daughter !
END OF THE FIRST ACT
FIRST INTERLUDE
Champagne, dancing, knocks at the doors of four doctors,
who dance and enter ceremoniously into the house of the
invalid's father.
ACT II
Scene I
SOANARELLE, LiSETTB
Lis. What do you want with four doctors, Monsieur?
Is not one enough to kill anybody }
Sgan. Hold your tongue ; four heads are better than
one.
Lis. Cannot your daughter die soon enough without
the help of these gentlemen ?
288 L'AMOUR M^DECIN [acte ii.
Sgan. Est-ce que les medecins font mourir?
Lis. Sans doute ; et j'ai connu un homme qui prou-
vait, par de bonnes raisons, qu'il ne faut jamais dire:
' Une telle personne est morte d'une fievre et d'une
fluxion sur la poitrine ' ; mais : * Elle est morte de
quatre medecins et de deux apothicaires.'
Sgan. Chut. N'offensez pas ces Messieurs-Ik.
Lis. Ma foi ! Monsieur, notre chat est rechappe depuis
peu d'un saut qu'il fit du haut de la maison dans la
rue ; et il fut trois jours sans manger, et sans pou-
voir remuer ni pied ni patte ; mais il est bien
heureux de ce qu'il n'y a point de chats medecins,
car ses affaires etaient faites, et ils n'auraient pas
manque de le purger et de le saigner.
Sgan. Voulez-vous vous taire? vous dis-je. Mais
voyez quelle impertinence ! Les voici.
Lis. Prenez garde, vous allez etre bien edifie ! ils vous
diront en latin que votre fille est malade.
Sc^NE II
Messieurs Towris, Des Fonandres, Macroton et
Bahys (medecins), Soanarelle, Lisettb
Sgan. He bien ! Messieurs.
M. Tom. Nous avons vu suffisamment la malade, et
sans doute qu'il y a beaucoup d'impuretes en elle.
Sgan. Ma fille est impure ?
M. Tom. Je veux dire qu'il y a beaucoup d'impurete
dans son corps, quantite d'humeurs corrompues.
Sgan. Ah ! je vous entends.
M. Tom. Mais . . . Nous aliens consulter ensemble.
Sgan. Aliens, faites donner des sieges.
Lis. Ah ! Monsieur, vous en etes }
Sgan. De quoi done connaissez-vous Monsieur }
Lis. De I'avoir vu I'autre jour chez la bonne amie de
Madame votre niece.
sc. 11.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 289
Sgan. Do people die through employing doctors ?
Lis. Indeed they do ; I knew a man who maintained
— and he had excellent reasons — that one ought
never to say ' such a person died of a fever or from
inflammation of the lungs/ hut ' she died of four
doctors and two chemists.'
Scan. Hush ! do not offend these gentlemen.
Lis. Believe me. Monsieur, not long since our cat had
a narrow escape from a fall he had from the top of
the house into the street ; he was three days with-
out eating and without being able to wag his paw,
but it is very lucky there are no cat doctors, other-
wise all would have been over, for they would not
have failed to physic and bleed him.
Sgan. Will you hold your tongue, I say ? What
impertinence ! Here they are.
Lis. Look out ! you will be highly edified. They will
tell you in Latin that your daughter is not well.
Scene II
Messieurs Tomes, Des Fonandr^s, Macboton and
Bahys (doctors), Sganabblle, Lisette
Sgan. Well, gentlemen.''
M. Tom. We have carefully examined the patient, and,
unquestionably, there are a great many impurities
in her.
Sgan. Is my daughter impure }
M. Tom. I mean to say there are many impurities in
her body ; a quantity of corrupt humours.
Sgan. Ah ! I understand you.
M. Tom. But . . . We are going to consult together.
Sgan. Come, bring some chairs.
Lis. Ah, Monsieur ! are you among them .''
Sgan. How came you to know this gentleman }
Lis, I saw him the other day at the house of a great
friend of your niece.
T
290 L' AMOUR MEDECIN [acte n.
M. Tom. Comment se porte son cocher ?
Lds. Fort bien : il est mort.
M. Tom. Mort !
Lis. Oui.
M. Tom. Cela ne se peut
Lis. Je ne sais si cela se peut ; mais je sais bien que
cela est.
M. Tom. II ne peut pas etre mort, vous dis-je.
Lis. Et moi je vous dis qu'il est mort et enterre.
M. Tom. Vous vous trompez.
Lis. Je I'ai vu.
M. Tom. Cela est impossible. Hippocrate dit que ces
sortes de maladies ne se terminent qu'au quatorze,
ou au vingt-un; et il n'y a que six jours qu'il est
tombe malade.
Lis. Hippocrate dira ce qu'il lui plaira ; mais le cocher
est mort.
Sgan. Paix ! discoureuse ; aliens, sortons d'ici. Mes-
sieurs, je vous supplie de consulter de la bonne
maniere. Quoique ce ne soit pas la coutume
de payer auparavant, toutefois, de peur que je
I'Dublie, et afin que ce soit une affaire faite,
voici ...
(II lea paje, et chacun, en recevant I'argent, fait un geste
different.)
SciNE III
Messieurs Des FonaNdr^, Tom^s, Macroton
ET Bahys
(lis s'asseyent et toussent.)
M. Des. Paris est etrangement grand, et il faut faire
de longs trajets quand la pratique donne un peu.
M. Tom. II faut avouer que j'ai une mule admirable
BO. III.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 291
M. Tom. How is her coachman .''
Lis. Very well ; he is dead.
M. Tom. Dead ?
Lis. Yes.
M. Tom. That is impossible.
Lis. I do not know if it be impossible, but I know that
he is dead.
M. Tom. He cannot be dead, I tell you.
Lis. And I tell you he is dead and buried.
M. Tom. You are mistaken.
Lis. I saw him.
M. Tom. It is impossible. Hippocrates says this kind
of disease ends only on the fourteenth or the twenty-
first day, and it is only six days since he fell ill.
Lis. Hippocrates may say what he likes, but the
coachman is dead.
Scan. Peace, chatterbox ! Come, we must leave
them. Gentlemen, I beg you will consult care-
fully. Although it is not customary to pay before-
hand, yet, lest I should forget, and so that the thing
may be done with, here is . . .
(He pays them, and each one, on receiving the money, makes
a different gesture.)
Scene III
Messieurs Des Fonandbi^, Tomes, Macroton,
AND Bahys
(They sit down and cough.)
M. Des. Paris is a very large place, and it is neces-
sary to make long journeys when practice is brisk.
M. Tom. I am glad to say I have an admirable mule
\y
292 L'AMOUR M^DECIN [acte ii.
pour cela, et qu'on a peine a croire le chemin que
je lui fais faire tous les jours.
M. De8. J'ai un cheval merveilleux, et c'est un
animal infatigable.
M. Tom. Savez-vous le chemin que ma mule a fait
aujourd'hui ? J'ai ete premierement tout contre
I'Arsenal ; de I'Arsenal^iau bout du faubourg Saint-
Germain ; du faubourg Saint-Germain, au fond du
Marais ; du fond du Marais, a la porte Saint-
Honore; de la porte Saint-Honore, au faubourg
Saint- Jacques ; du faubourg Saint-Jacques, a la
porte de Richelieu ; de la porte de Richelieu, ici ;
et d'ici, je dois aller encore a la place Royale.
M. Des. Mon cheval a fait tout cela aujourd'hui ; et
de plus, j'ai ^te a Ruel voir un malade.
M. Tom. Mais a propos, quel parti prenez-vous dans
la querelle des deux medecins Th^ophraste et Arte-
mius ? car c'est une affaire qui partage tout notre
corps.
M. Des. Moi, je suis pour Artemius.
M. Tom. Et moi aussi. Ce n'est pas que son avis,
comme on a vu, n'ait tue le malade, et que celui de
Theophraste ne fut beaucoup meilleur assurement ;
mais enfin il a tort dans les circonstances, et il ne
devait pas etre d'un autre avis que son ancien.
Qu'en dites-vous .''
M. Des. Sans doute. 11 faut toujours garder les
formalites, .quoi qu'il puisse arriver.
M. Tom. Pour moi, j'y suis severe en diable, a moins
que ce soit entre amis ; et Ton nous assembla un
jour, trois de nous autres, avec un medecin de
dehors, pour une consultation, ou j'arretai toute
I'affaire, et ne voulus point endurer qu'on opinat,
si les choses n'allaient dans I'ordre. Les gens de la
maison faisaient ce qu'ils pouvaient et la maladie
pressait ; mais je n'en voulus point demordre, et la
malade mourut bravement pendant cette contesta-
tion.
8C. III.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 293
for that purpose. You would hardly believe the
ground he enables me to cover every day.
M. Des. I have an astonishing horse, an indefatigable
animal.
M. Tom. Do you know the ground my mule has been
over to-day .'' First, I went close to the Arsenal ;
from the Arsenal to the end of the Faubourg Saint-
Germain ; from the Faubourg Saint-Germain to the
end of the Marais ; from the end of the Marais to
the Porte Saint-Honore ; from the Porte Saint-
Honore to the Faubourg Saint-Jacques ; from the
Faubourg Saint-Jacques to the Porte de Richelieu ;
from the Porte de Richelieu, here ; and from here
I have still to go to the Place Royale.
M. Des. My horse has done all that to-day and,
besides, I have been to see a patient at Ruel.
M. Tom. But, by the bye, which side do you take in
the dispute between the two physicians, Theo-
phrastus and Artemius? The whole profession is
divided over the matter.
M. Des. I .f* I am for Artemius.
M. Tom. So am I ; although his advice, as we have
seen, killed the patient, and that of Theophrastus
was certainly much better ; yet the latter was
decidedly wrong, under the circumstances, and
he ought not to have held an opinion different
from that of his senior. AVhat say you ?
M. Des. Unquestionably, etiquette should always be
respected, no matter what happens.
M. Tom. For my part, I am excessively strict in these
matters, except between friends. The other day
three of us were called in to a consultation with a
provincial doctor, whereupon I stopped the whole
affair; I would not allow the consultation to take
place if things were not to be done in order. The
people of the house did what they could and the
sickness grew worse, but I would not give way and
the patient died heroically during the dispute.
294 L' AMOUR M^DECIN [actb ii.
M. Des. C'est fort bien fait d'apprendre aux gens a
vivre, et de leur montrer leur bee jaune.
M. Tom. Un homme mort n'est qu'un homme mort, et
ne fait point de consequence ; mais une formalite
negligee porte un notable prejudice a tout le corps
des mddecins.
SciNB IV
SganarellEj Messieurs Tom^s, Des FoNANDRiai,
Macroton et Bahys
SoAN. Messieurs, I'oppressiou de ma fille augmente ;
je vous prie de me dire vite ce que vous avez
resolu.
M. Tom. Aliens, Monsieur.
M. Des. Non, Monsieur ; parlez, s'il vous plait.
M. Tom. Vous vous moquez.
M. Des. Je ne parlerai pas le premier.
M. Tom. Monsieur.
M. Des. Monsieur.
Sgan. He ! de grace. Messieurs, laissez toutes ces
ceremonies, et songez que les -choses pressent.
M. Tom. (lis parlent tous quatre ensemble.) La maladie de
votre fille . . .
M. Des. L'avis de tous ces Messieurs, tous en-
semble . . .
M. Mac. Apres avoir bien consulte . . .
M. Bah. Pour raisonner . . .
Sgan. He ! Messieurs, parlez I'un apres I'autre, de
gr^ce.
M. Tom. Monsieur, nous avons raisonne sur la
maladie de votre fille, et mon avis, a. moi, est que
cela procede d'une grande chaleur de sang : ainsi
je conclus a la saigner le plus tot que vous
pourrez.
8C. IV.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 295
M. Des. It is quite right to teach people how to
behave and to show them their ignorance.
M. Tom. A dead man is but a dead man and not of
any consequence ; but the whole medical profession
suffers injury if one formality is neglected.
Scene IV
Sganarelle, Messieurs Tom^^ Des FoNANDRfes
Maoroton and Bahys
SoAN. Gentlemen, my daughter's indisposition in-
creases. I beg you to tell me quickly what is your
verdict.
M. Tom. Come, Monsieur.
M. Des. No, Monsieur ; you speak, if you please.
M. Tom. You jest.
M. Des. I will not speak first.
M. Tom. Monsieur.
M. Des. Monsieur.
Sqan. For mercy's sake, gentlemen, drop all these
ceremonies and give your attention to matters that
are urgent.
M. Tom. (They all four speak together.) Your daughter's
illness . . .
M. Des. The united opinion of these gentlemen . . .
M. Mac. After having carefully considered . . .
M. Bah. To reason . . .
SoAN. Ah ! gentlemen, speak one at a time, pray.
M. Tom. We have discussed your daughter's sickness.
Monsieur, and my own opinion is that it proceeds
from great heat of blood. I therefore advise that
she should be bled as soon as possible.
296 L'AMOUR MEDECIN [acteii.
M. Des. Et moij je dis que sa maladie est une pour-
riture d'humeurs, causee par une trop grande
repletion : ainsi je conclus a lui donner de
I'emetique.
M. Tom. Je soutiens que I'emetique la tuera.
M. Des. Et moi, que la saignee la fera mourir.
M. Tom. C'est bien a vous de faire I'habile homme.
M. Des. Oui, c'est a moi ; et je vous preterai le collet
en tout genre d'e'rudition.
M. Tom. Souvenez-vous de I'homme que vous fites
crever ces jours passes.
M. Des. Souvenez-vous de la dame que vous avez
envoyee en I'autre monde il y a trois jours.
M. Tom. Je vous ai dit mon avis.
M. Des. Je vous ai dit ma pensee.
M. Tom. Si vous ne faites saigner tout a I'heure voire
fille, c'est une personne morte.
M. Des. Si vous la faites saigner, elle ne sera pas en
vie dans un quart d'heure.
SciiNE V
SoANABEUiE, MeSSIEURS MaOROTON BT
Bahys
Sgan. a qui croire des deux? et quelle re'solution
prendre, sur des avis si oppose's.^ Messieurs, je
vous conjure de determiner mon esprit, et de me
dire, sans passion, ce que vous croyez le plus
propre a soulager ma fille.
M. Mac. (Il parle en allongeant ses mots.) Mon-si-eur .
dans . ces . ma-ti-e-res-la . il . faut . pro-ce-der .
a-vec-que . cir-con-spec-ti-on . et . ne . ri-en . fai-re .
com-me . on . dit . a . la . vo-le-e . d'au-tant . que .
les . fau-tes . qu'on . y . peut . fai-re . sont . se-lon .
sc. v.] LOVE 'S THE BEST DOCTOR 297
M. Des. And I maintain that her illness is a putrefac-
tion of humours, occasioned by too great a repletion :
I therefore would advise that she should be given an
emetic.
M. Tom. I hold that an emetic will kill her.
M. Des. And I, that bleeding will be the death of
her.
M. Tom. You seem to be a very clever man.
M. Des. Yes, I am ; J will challenge you in any kind
of learning.
M. Tom, Do you remember the man you finished off
a few days ago }
M. Des. Do you remember the lady you sent into the
next world three days ago }
M. Tom. I have given you my opinion.
M. Des. I have given you my advice.
M. Tom. If you do not bleed your daughter imme-
diately she is a dead woman.
M. Des. If you do bleed her, she will not live a
quarter of an hour.
Scene V
SoANARELIiE, MeSSIEURS MaCROTON AND
Bahys
Scan. Which of the two can one believe ? What can
one do amid such opposite opinions. I beseech you,
gentlemen, to guide me, and to tell me dispassion-
ately, what you believe the best means to relieve
my daughter.
M. Mac. (He drawls his words.) Mon-si-eur, in all
such cas - es we must pro - ceed with
cir - cum - spec - tion and not do any - thing,
as they say, in - con - sid - er - ate - ly. For-
as - much as the faults we may make have,
298 L' AMOUR MJ^DECIN [acte ii.
no-tre . mai-tre . Hip-po-cra-te . d'u-ne . dan-ge-
reu-se . con-se-quen-ce.
M. Bah. (Celui-ci parle toujours en bredouillant. ) II est
vrai, il faut bien prendre garde a ce qu'on fait;
car ce ne sont pas ici des jeux d'enfant, et quand
on a failli, il n'est pas aise de reparer le manque-
ment, et de retablir ce qu'on a gate ; experimentum
periculosum. C'est pourquoi il s'agit de raisonner
auparavant comme il faut, de peser murement les
choses, de regarder le temperament des gens,
d'examiner les causes de la maladie, et de voir les
remedes qu'on y doit apporter.
Sgan. L'un va en tortue, et I'autre court la poste.
M. Mac. Or . Mon-si-eur, .. pour . ve-nir . au . fait .
je . trou-ve . que . vo-tre . fil-le . a . u-ne . ma-la-di-e .
chro-ni-que . et . qu'el-le . peut . pe-ri-cli-ter . si .
on . ne . lui . don-ne . du . se-cours . d'au-tant .
que . les . sym-pto-mes . qu'el-le . a . sont . in-di-
CHr-tifs . d'u-ne . va-peur . fu-li-gi-neu-se . et . mor-
di-can-te . qui . lui . pi-co-te . les . mem-bra-nes . du .
cer-veau. Or . cet-te . va-peur . que . nous . nom-
mons . en . grec . at-mos . est . cau-se-e . par . des .
hu-meurs . pu-tri-des, . te-na-ces . et . con-glu-ti-
neu-ses . qui . sont . con-te-nues . dans . le . bas-
ven-tre.
M. Bah. Et comme ces humeurs ont ete la engendrees
par une longue succession de temps, elles s'y sont
recuites et ont acquis cette malignite qui fume vers
la region du cerveau.
M. Mao. Si . bi-en . done . que . pour . ti-rer . de-ta-
cher . ar-ra . cher . ex-pul-ser . e-va-cu-er . les-di-
tes . hu-meurs . il . fau-dra . u-ne . pur-ga-tion .
vi-gou-reu-se. Mais . au . pre-a-la-ble . je .
trou-ve . a . pro-pos .et.il. n'y . a . pas . d'in-
con-ve-ni-ent . d'u-ser . de . pe-tits . re-me-des .
a-no-dins . c'est-a-dire . de . pe-tits . la-ve-ments .
r^-mol-li-ents . et . d^-ter-sifs . de . ju-leps . et .
Bc. v.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 299
ac - cord - ing to oui- master Hip - po - era - tes,
dan - ger - ous con - se - quences.
M. Bah. (He always speaks very fast.) It is true. We
must take great care what we do, for this is not
child's play ; and when a mistake has been made it
is not easy to rectify the slip and to restore what
has been spoilt. Experimentum periculosum. There-
fore, it is best to dispute beforehand as well as to
weigh things carefully, to consider the constitu-
tions of people, to examine the causes of the illness,
and to decide upon the remedies to be prescribed.
Sqan. One goes like a tortoise and the other gallops
post-haste.
M. Mac. Yes, Mon-sieur, to come to the fact,
I find that your daugh - ter's dis - ease is
chronic, and she may be in jeo-par-dy if
she does not re-ceive re -lief; for -as -much
as the symp-toms which she has are in-
di - ca - tive of a fu-li-gi-nous and mor - di -
cant va-pour, which ir-ri-tates the ce-re-bral
mem - branes. Now this va - pour, which we
call in Greek at-mos is caused by pu-trid
te-na-cious con - glu - ti - nous hu-mours, which
are con-tain-ed in the ab-do-men.
M. Bah. And as these humours have been engendered
there during a long period of time they have
become hardened and have acquired those malig-
nant fumes which rise up towards the region of
the brain.
M. Mac. So, in or-der to with -draw, to
de-tach, to loos - en, to ex - pel, to e - va -
cu-ate these said hu-mours, it is very need-
ful to use a vi - gor - ous pur - ga - tive : but,
in the first place, I think it as well and,
fur - ther - more, it is un-ob-jec- tion-able, to
use some little a - no - dyne re - me - dies ; that
is to say some small e-mo-lient and de-
300 L'AMOUR MfiDECIN [acte ii.
de . si-rops . ra-frai-chis-sants . qu'on , me-le-ra .
dans . sa . pti-sa-ne.
M. Bah. Apres, nous en viendrons a la purgation,
et a la saignee, que nous reitererons, s'il en est
besoin.
M. Mac. Ce . n'est . pas . qu'a-vec . tout . ce-la .
vo-tre . fil-le . ne . puis-se . mou-rir . mais . au .
moins . vous , au-rez . fait . quel-que . cho-se . et .
vous . au-rez . la . con-so-la-ti-on . qu'el-le . se-ra .
mor-te . dans . les . for-mes.
M. Bah. II vaut mieux mourir selon les regies, que
de rechapper contre les regies,
M. Mac. Nous . vous . di-sons . sin-ce-re-ment . no-
tre . pen-see.
M. Bah. Et vous avons parle comme nous parlerions
a notre propre frere.
Sgan. (iiM. Macroton.) Je . vous . rends . tres-hum-
bles . gra-ces. {k M. Bahys.) Et vous suis infiniment
oblige de la peine que vous avez prise.
ScfeNE VI
Soanarelle
SoAN. Me voila justement un pcu plus incertain que
je n'etais auparavant. Morbleu .' il me vient une
fantaisie. II faut que j'aille acheter de I'orvietan,
et que je lui en fasse prendre ; I'orvietan est un
remede dont beaucoup de gens se sont bien trouves.
8c. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 301
ter - sive in - jec - tions, re - fresh - ing ju - leps
and sy-rups, which may be miz-ed with her
bar - ley wa - ter.
M. Bah. Then we will come to the purgatives and to
the bleeding^ which we shall repeat if needful.
M.Mac. Yet, not - with - stand - ing all this, your
daugh-ter may die, but at least you will
have done some -thing, and you will have
the con - so - la - tion of know - ing that she
died in due form.
M. Bah. It is better to die according to rules than to
recover contrary to rules.
M. Mac. We have told you our o - pi - nions
in all sin - cer - i - ty.
M. Bah. And we have spoken to you as though you
were our own brother.
Sgan. (to M. Macroton.) I thank you ve-ry hum-
bly for your kind-ness. (toM. Bahys.) And
am infinitely obliged to you for the trouble you have
taken.
Scene VI
SOANABELLE
Sgan. And now I am a little more ignorant than I
was before. Good Heavens ! I have an idea ! I
will go and buy some orvietan and make her take
it. Orvietan is a remedy which has done good to
many people.
302 L' AMOUR MEDECIN [actb ii.
ScilNE VII
L'Opi^rateur, Ssanarellb
SoAN. Hola ! Monsieur, je vous prie de me donner
une boite de votre orvi^tan, que je m'en vais vous
payer.
L'0p]6r. (chantant.) L'or de tons les climats qu'entoure
tOcean
Peut-il jamais payer ce secret d' importance ?
Mon remede guMt, par sa rare excellence,
Plus de maux qu'on n'en pent nombrer dans tout un
an:
La gale,
La rogne,
La tigne,
Lafievre,
La peste,
La goutte,
V&role,
Descente,
Rougeole.
0 grande puissance de Vorvietan !
Sgan. Monsieur, je crois que tout Tor du monde n'est
pas capable de payer votre remede ; mais pourtant
voici une piece de trente sols que vous prendrez,
s'il vous plait.
L'OpiiR. (chantant.) Admirex mes hontis, et lepeu qu'on
vous vend
Ce trSsor merveilleuai que ma main vous dispense.
Vous pouvez avec lui braver en assurance
Tous les maux que sur nous I' ire du del ripand :
La gale.
La rogne.
La tigne,
Lafievre,
La peste,
La goutte,
Bc. VII.] LOVE 'S THE BEST DOCTOR 303
Scene VII
The QuacK; Sganabellb
Sgan. Hullo, Monsieur, will you give me, I pray,
a box of your orvietan, for which I will pay you.
The Quack, (sings.) The gold in all lands which the sea
doth surround
Can ne'er pay the worth of my secret profound.
By its excellence rare my remedy cures
More evils than man in a lifetime endures.
Itch,
Mange,
Scurf,
, Fever,
Plague,
Gout,
Small-pox,
Rupture,
Measles.
Oforvietan such is the excellence rare.
Sgan. I dare say. Monsieur, that all the gold in the
world is not sufficient to pay for your remedy, but,
nevertheless, here is a shilling which you may take
if you choose.
Quack, (sings.) Admire, then, my bounty; for twelve
paltry pence
A marvellous treasure to you I dispense;
With this you may brave, quite devoid of all fear,
The ills which poor mortals are subject to here.
Itch,
Mange,
Scurf,
Fever,
Plague,
Gout,
304 L'AMOUR MEDECIN [acteiii.
Descente,
Rougeole.
0 grande puissance de torviitan !
TlVf DU DECXliaiE AOTB
II ENTR'ACTE
(Pliuieurs Trivelins et plusieurs Scaramouches, valeta de
rOp^rateur, se r^jouissent en dansant.)
ACTE III
Sci:NE I
Messieurs Filerin, ToHis et Dbs FoNANDRia
M. FiL. N'avez-vous point de honte, Messieurs, de
montrer si peu de prudence, pour des gens de
votre age, et de vous etre querelles comme de
jeunes etourdis ? Ne voyez-vous pas bien quel tort
ces sortes de querelles nous font parmi le monde ?
et n'est-ce pas assez que les savants voient les con-
trarietes et les dissensions qui sont entre nos
auteurs et nos anciens maitres, sans decouvrir
encore au peuple, par nos debats et nos querelles,
la forfanterie de notre art? Pour moi, je ne com-
prends rien du tout a cette mechante politique de
quelques-uns de nos gens ; et il faut confesser que
toutes ces contestations nous ont decries, depuis peu,
d'une Strange maniere, et que, si nous n'y prenons
garde, nous allons nous ruiner nous-memes. Je
n'en parle pas pour mon interet ; car, Dieu merci,
j'ai deja etabli mes petites aiFaires, Qu'il vente,
qu'il pleuve, qu'il grele, ceux qui sont morts sont
morts, et j'ai de quoi me passer des vivants ; mais
eniin toutes ces disputes ne valent rien pour la
80.1.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 306
Smallpox,
Rupture,
Measles.
Of orvietan such it the excellence rare.
END OP THE SECOND ACT
SECOND INTERLUDE
(Several Trivelins and several Scaramouches, servants of the
Quack, disport themselves bj dancing.)
ACT III
Scene I
Messieurs Filebin, Tobias and Des FoNANDRis
M. FiL. For men of your time of life are you not
ashamed. Messieurs, to show so little prudence
and to quarrel like young fools? Is it not very
evident what harm such disputes do us in the eyes
of the world ; is it not enough that the learned
see the lack of agreement, and the dissensions,
between our contemporaries and our ancient
masters, without our revealing to the people, by
our disputes and our quarrels, the pretensions of
our profession ? For myself, I cannot in the least
comprehend the mischievous policy of some of our
faculty ; it must be admitted that all these contro-
versies have strangely prejudiced people against us
of late, and, if we do not take care, we shall ruin
ourselves. I do not speak for myself for, thank
God, I have already settled my own small affairs :
whether it blows, rains or hails, those who are dead
are dead, and I have suflScient to go my way among
the living. Nevertheless, the science of medicine
is not improved by all these disputes. Since heaven
w
306 L' AMOUR MEDECIN [acte. in.
medecine. Puisque le Ciel nous fait la grace que^
depuis tant de siecles, on demeure infatue de nous,
ne desabusons point les hommes avec nos cabales
extravagantes, et profitons de leurs sottises le plus
doucement que nous pourrons. Nous ne sommes
pas les seuls, comme vous savez, qui tachons a nous
frevaloir de la faiblesse jhumaine. C'est la que va
etude de la plupart du monde, et chacuu s'eiForce
de prendre les hommes par leur faible, pour en tirer
quelque profit Les flatteurs, par example, cher-
chent a profiter de I'amour que les hommes ont
pour les louanges, en leur donnant tout le vain
encens qu'ils souhaitent ; et c'est un art ou Ton fait,
comme on voit, des fortunes considerables. Les
alchimistes tachent a profiter de la passion qu'on
a pour les richssses, en promettant des montagnes
d'or a ceux qui les ecoutent ; et les diseurs d'horos-
copes, par leurs predictions trompeuses, profitent
de la vanite et de I'ambition des credules esprits.
Mais le plus grand faible des hommes, c'est I'amour
qu'ils ont pour la vie ; et nous en profitons, nous
autres, par notre pompeux galimatias, et savons
prendre nos avantages d6 cette veneration que la
peur de mourir leur donne pour notre metier, Con-
servons-nous done dans le degre d'estime ou leur
faiblesse nous a mis, et soyons de concert aupres
des malades pour nous attribuer les heureux succes
de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les
bevues de notre art. N'allons point, dis-je, detruire
sottement les heureuses preventions d'une erreur
qui donne du pain a tant de personnes.
M. Tom. Vous avez raison en tout ce que vous dites ;
mais ce sont chaleurs de sang, dont parfois on n'est
pas le maitre.
M, FiL. Allons done, Messieurs, mettez bas toute
rancune, et faisons ici votre accommodement.
M. Des. J'y consens. Qu'il me passe mon emetique
pour la malade dont il s'agit, et je lui passerai tout
ce qu'il voudra pour le premier malade dont il sera
question.
sc. I.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 307
has been so favourable to us for so many centuries
by letting people continue to be infatuated with us,
do not let us disabuse them by our noisy cabals :
let us proiit by their folly as much as possible. We
are not the only ones, as you know, who try to make
the most of human foibles ; most men study the
same end, and every one strives to get the better
of people on the weakest side in order to gain
some advantage over them. Flatterers, for ex-
ample, seek to profit from the love men have of
being praised, by giving them all the vain incense
they desire ; it is an art by which we see consider-
able fortunes made. Alchemists try to profit by the
passion men have for riches by promising mountains
of gold to those who listen to them ; and fortune-
tellers with their deceitful predictions profit by the
vanity and the ambition of credulous minds. But
the love of life is man's greatest weakness ; we
profit by it with our pompous jargon and we know
how to take advantage of the veneration for our
profession which the fear of death gives. Let us,
therefore, keep ourselves in that degree of estima-
tion wherein their foibles have placed us and let
us agree before our patients so that the happy issue
of the illness may be attributed to us, and all the
blunders of our profession may be laid at nature's
door. Let us not, I say, foolishly destroy the happy
fondness for an error which gives bread to so many
people.
M. Tom. Every word you say is right, but sometimes
one cannot master these outbursts of feeling.
M. Fill. Come now, Monsieur, lay aside all animosity
and be reconciled at once.
M. Des. I agree ; let him but allow me to have my way
in the matter of the emetic for this patient and I will
let him have his way in everything he wishes in the
matter of the next patient with whom we shall be
concerned.
308 L' AMOUR MfiDECIN [acte hi.
M. FiL. Ou ne peut pas mieux dire, et voila se mettre
a la raison.
M. Des. Cela est fait.
M. FiL. Touchez done la. Adieu. Une autre foia,
montrez plus de prudence.
ScfeNE II
Messieurs Tomes, Des Fonandbes, Lisette
Lis. Quoi.'' Messieurs, vous voila, et vous ne songez
pas a reparer le tort qu'on vient de faire a la m^de-
cine?
M. Tom. Comment ? Qu'est-ce ?
Lis. Un insolent qui a eu I'effronterie d'entreprendre
sur votre metier, et qui, sans votre ordonnance,
vient de tuer un homme d'un grand coup d'epee au
travers du corps.
M. Tom. l^coutez, vous faites la railleuse, mais vous
passerez par nos mains quelque jour.
Lis. Je vous permets de me tuer, lorsque j'aurai
recours a vous.
Sci^NE III
Lisette, Ci,itandbb
Clit. He bien, Lisette, me trouves-tu bien ainsi .''
Lis. Le mieux du monde ; et je vous attendais avec
impatience. Enfin le Ciel m'a fait d'un naturel le
plus humain du monde, et je ne puis voir deux
amants soupirer I'un pour I'autre, qu'il ne me
prenne une tendresse charitable, et un desir ardent
de soulager les maux qu'ils soufFrent. Je veux, a
quelque prix que ce soit, tirer Lucinde de la
tyrannie ou elle est, et la mettre en votre pouvoir.
sc. III.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 309
M. FiL. Nothing could be better said and therein you
show reason.
M. Des. That is settled.
M. FiL. Shake hands, then. Farewell. Be more
prudent another time.
Scene II
Messieurs Tomes, Des FoNANDBis, Lisette
Lis. What, Messieurs, you do not think of repairing
the injury which has been done to the medical
profession ?
M. Tom. How .-' What is the matter ?
Lis. An insolent fellow has had the impudence to
encroach upon your profession and, without your
prescription, has killed a man by running him clean
through the body with his sword.
M. Tom. Look here, you laugh now, but you will
come into our hands some day.
Lis. When I shall have to come to you I will give you
leave to kill me.
Scene III
LiSETTB, ClITANDBB
Cmt. Well, Lisette, how do you think I look }
Lis. You could not look better. I have been waiting
impatiently for you. Heaven has given me, you
know, the kindest nature in the world, and I cannot
see two lovers sigh for each other without having
a charitable affection for them and an ardent desire
to relieve the ills they suffer. Indeed, at no matter
what cost, I have resolved to deliver Lucinde from
the tyranny under which she is, and to put her in
310 L'AMOUR MEDECIN [acte iii.
Voiis lu'avez plu d'abord : je me connais en gens, et
elle ne peut pas mieux choisir. L'amour risque des
choses extraordinaires ; et nous avons concerte en-
semble une maniere de stratageme, qui pourra peut-
etre nous reussir. Toutes nos mesures sout deja
prises : I'homme a qui nous avons affaire n'est pas
des plus fins de ce monde ; et si cette aventure nous
manque, nous trouverons mille autres voies pour
arriver a notre but. Attendez-moi la seulement,
je reviens vous querir.
ScijNE IV
SOANARELLE, LlSETTE
Lis. Monsieur, allegresse ! allegresse !
Sgan. Qu'est-ce ?
Lis. Rejouissez-vous.
Sgan. De quoi ?
Lis. Rejouissez-vous, vous dis-je.
Sgan. Dis-moi done ce que c'est, et puis je me
r^jouirai peut-etre.
Lis. Non : je veux que vous vous rejouissiez aupara-
vant, que vous chantiez, que vous dansiez.
Sgan. Sur quoi .''
Lis. Sur ma parole.
Sgan. Allons done, la lera la la, la lera la. Que
diable !
Lis. Monsieur, votre fille est guerie.
Sgan. Ma fille est guerie !
Lis. Oui, je vous amene un medecin, mais un mede-
cin d'importance, qui fait des cures merveilleuses,
et qui se moque des autres medecins . . .
Scan. Ou est-il .''
Lis. Je vais le faire entrer.
Sgan. II faut voir si celiii-ci fera plus que les autres.
sc. IV.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 311
your power. I liked you from the first ; I am a
^ood judge of people, and she could not have made
a better choice. Love ventures upon extraordinary
things^ and we have concocted together a kind of
stratagem which perhaps we may be able to carry
through. All our measures are already taken ; we
have not to deal with one of the sharpest of men ;
and, if this adventure fails us, we shall find a thou-
sand other ways to do what we want. Just wait
here for me, I will return for you.
Scene IV
SoANARELIiE, LiSETTK
Lis. Joy, joy. Monsieur !
Scan. What is the matter ?
Lis. Rejoice.
Sgan. What for.?
Lis. Rejoice, I tell you.
Scan. Tell me first what is the matter and then
perhaps I will rejoice.
Lis. No, I want you to rejoice beforehand, to sing, to
dance.
Sgan. But why ?
Lis. Because I tell you.
Sgan. All right. La lera la la, la lera la. What the
deuce !
Lis. Your daughter is cured. Monsieur.
Sgan. My daughter is cured ?
Lis. Yes, I have brought you a doctor, a skilful
doctor who works wonderful cures and who laughs
at the other doctors . . .
Sgan. Where is he ?
Lis. I will bring him in.
Sgan. We shall see if he will do any better than the
others.
312 L'AMOUR MJ^DECIN [actb hi.
Sci:NE V
Clitandbb (en habit de medecin), SGANABEaxE,
LiSBTTB
Lis. Le voici.
Sgan. Voila un medecin qui a la barbe bien jeune.
Lis. La science ne se mesure pas a la barbe, et ce
n'est pas par le menton qu'il est habile.
Sgan. Monsieur, on m'a dit que vous aviez des remedes
admirables pour faire aller a la selle.
CiiiT. Monsieur, mes remedes sent differents de ceux
des autres : ils ont I'emetique, les saignees, les
medecines et les lavements ; mais moi, je gueris
par des paroles, par des sons, par des lettres, par
des talismans, et par des anneaux constelles.
Lis. Que vous ai-je dit.''
Sgan. Voila un grand homme.
Lis. Monsieur, comme votre fille est la toute habill^e
dans une chaise, je vais la faire passer ici.
Sgan. Oui, fais.
Cut. (t&tant le pouls k Soanabbllb.) Votre fille est bien
malade.
Sgan. Vous connaissez cela ici ?
Cut. Oui, par la sympathie qu'il y a entre le pere
et la fille.
Sc^NE VI
LUOINDE, LiSETTB, SoANARELLB, ClITANDBE
Lis. Tenez, Monsieur, voila une chaise aupres d'elle.
AUons, laissez-les la tous deux.
Sgan. Pourquoi ? Je veux demeurer la.
Lis. Vous moquez-vous .'' II faut s'eloigner : un mede-
cin a cent choses a demander qu'il n est pas honnete
qu'un homme entende.
8c. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 313
Scene V
CuTANDRE (in the dress of a doctor), Sganareixe,
LlSETTB
Lis. Here he is.
Scan. Why, this doctor has not very much heard.
Lis. Knowledge is not measured by the beard, his
skill does not lie in his chin.
Sgan. They tell me, Monsieur, you have wonderful
recipes to relieve the bowels.
Clit. My remedies. Monsieur, are different from those
of others ; they use emetics, bleeding, drugs and
injections, but I cure by words, sounds, letters,
talismans and constellated rings.
Lis. Did I not tell you ?
Sgan. This is a great man.
Lis. As your daughter is yonder ready dressed in her
chair, I will bring her this way. Monsieur.
Sgan. Yes, do.
Cut. (feeling Soanabellk's poise,) Your daughter is
very ill.
Sgan. You can tell that here .''
Cut. Yes, by the sympathy there is between father
and daughter.
Scene VI
Luoinde, Lisettb, Sganarelle, Clitandrb
Lis. See, Monsieur, here is a chair near her. Come,
leave them to themselves.
Sgan. Why ? I want to stay here.
Lis. Are you jesting .? We must go away. A doctor
has a hundred things to ask which it is not decent
a man should hear.
314 L'AMOUR M^DECIN [acte in.
Cljt. (parlant k Lucinde a part. ) Ah ! Madame^ que le
ravissement ou je me trouve est grand ! et que je
sais peu par ou vous commencer mon discours !
Tant que je ne vous ai parle que des yeux, j'avais,
ce me semblait, cent choses a vous dire ; et main-
tenant que j'ai la liberte de vous parler de la fa^on
que je souhaitais, je demeure interdit ; et la grande
joie oil je suis etouffe toutes mes paroles.
Luc. Je puis vous dire la meme chose, et je sens,
comme vous, des mouvements de joie qui m'em-
pechent de pouvoir parler.
CiiiT. Ah ! Madame, que je serais heureux s'il etait
vrai que vous sentissiez tout ce que je sens, et qu'il
me fut permis de juger de votreame par la mienne !
Mais, Madame, puis-je aumoins croire que ce soit a
vous a qui je doive la pensee de cet heureux stra-
tageme qui me fait jouir de votre presence ?
Luc. Si vous ne m'en devez pas la pensee, vous m'etes
redevable au moins d'en avoir approuve la proposi-
tion avec beaucoup de joie.
Sgan. (JiLisEiTE.) II me semble qu'il lui parle de bien
pres.
Lis. (Ji Soanabellk.) C'est qu'il observe sa physionomie
et tous les traits de son visage.
Cut. (kLuciNDB.) Serez-vous constante, Madame, dans
ces bontes que vous me temoignez .''
Luc. Mais vous, serez-vous ferme dans les resolutions
que vous avez montrees .''
Clit. Ah! Madame, jusqu'a la mort. Je n'ai point dc
plus forte envie que d'etre a vous, et je vais le faire
paraitre dans ce que vous m'allez voir faire.
Sgan. He bien ! notre malade, elle me semble un peu
plus gaie.
Clit. C'est que j'ai deja fait agir sur elle un de ces
remedes que mon art m'enseigne. Comme I'esprit
a grand empire sur le corps, et que c'est de lui bien
souvent que procedent les maladies, ma coutume
est de courir a guerir les esprits, avant que de venir
aux corps. J'ai done observe ses regards, les traits
de son visage, et les lignes de ses deux mains ; et
L'AMOUR MEDEC!
(Actein, Scene VI )
8c. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 315
Cut. (speaking aside to Lucindk.) Ah ! Madam, how
great is my delight, and how little do I know in
what manner to begin my discourse to you !
Whilst I spoke to you only with my eyes it seemed
to me I had a hundred things to say to you, and
now I have the liberty to speak to you as I wish
I remain silent, my great joy stifles all my words.
Luc. I can say the same thing, and, like you, I feel
so joyful that I cannot speak.
Cut. Ah ! Madam, how happy I should be if it were
true you feel all I feel, and if it were permitted
to judge of your heart by my own ; but. Madam,
can 1 at least believe 1 owe to you the idea of this
happy stratagem which gives me the pleasure of
being with you ?
Luc. If you do not owe the thought of it to me, you
are at least obliged to me for having most gladly
approved of the proposition.
Sgan. (to LisBTTK.) It seems to me he speaks very close
to her.
Lis. (to Sganabelle.) He is studying her physiognomy
and all the details of her countenance.
Clit. (to LuciNDE.) Will you be constant. Madam, in
this affection you show me ?
Luc. And will you be firm in the resolutions you have
taken ?
Clit. Ah ! Madam, until death ; I have no greater
desire than to belong to you, and this will be
evident in what I am going to do.
Sgan. Well, our invalid seems a little more cheer-
ful.
Clit. That is because I have already tried upon her
one of the remedies which my art has taught me.
As the mind has a great influence over the body,
and is very often the cause of sicknesses, my custom
is first to cure the mind before I proceed to the
body. I have, therefore, observed her looks, the
details of her countenance, and the lines of both
316 L' AMOUR M^DECIN [actk in.
par la science que le Ciel m'a donn^e, j'ai reconnu
que c'dtait de I'esprit qu'elle etait malade, et que
tout son mal ne venait que d'une imagination der^-
glee, d'un desir deprave de vouloir etre mariee.
Pour moi, je ne vois rien de plus extravagant et de
plus ridicule que cette envie qu'on a du mariage.
Sgan. Voila un habile homme !
CiiiT. Et j'ai eu, et aurai pour lui, toute ma vie une
aversion effroyable.
SoAN. Voila un grand medecin !
Clit. Mais^ comme il faut flatter I'imagination des
maladeS; et que j'ai vu en elle de I'alienation d'esprit,
et meme qu'il y avait du peril a ne lui pas donner
un prompt secours^ je I'ai prise par son faible^ et
lui ai dit que j'etais venu ici pour vous la demander
en mariage. Soudain son visage a change^ son taint
s'est eclairci, ses yeux se sont animes ; et si vous
voulez, pour quelque jours, I'entretenir dans cette
erreur, vous verrez que nous la tirerons d'ou elle
est.
Sgan. Oui-da, je le veux bien.
Cut. Apres nous ferons agir d'autres remedes pour
la guerir entierement de cette fantaisie.
SoAN. Ouij cela est le mieux du monde. He bien !
ma fille, voila Monsieur qui a envie de t'epouser^ et
je lui ai dit que je le voulais bien.
Luc. Helas ! est-il possible }
Sqan. Oui.
Luc. Mais tout de bon ?
Scan. Oui, oui.
Luc. Quo! ! vous etes dans les sentiments d'etre mon
mari ?
Cut. Oui, Madame.
Luc. Et mon pere y consent ?
Sqan. Oui, ma fille.
Luc. Ah ! que je suis heureuse, si cela est veritable !
Cut. N'en doutez point, Madame. Ce n'est pas
d'aujourd'hui que je vous aime, et que je brule de
sc. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 317
her hands ; and, by the knowledge heaven has
given me, I have discovered that it is her mind
which is affected, and that all her illness proceeds
only from a disordered imagination and a depraved
desire to be married. For my part, I think nothing
more extravagant and more ridiculous than the
desire people have to be married.
Scan. What a clever man !
Clit. And I have had, and shall have, a great aversion
for it all my life.
Sgan. What a wise doctor !
Clit. But, as we must humour the imagination of
invalids, and as I saw in her a wandering of the
mind which would be dangerous if she did not have
prompt relief, I made use of her foible and I told
her that I came here to ask you for her in marriage.
Suddenly her countenance changed, her complexion
cleared, her eyes became animated, and, if you will
leave her in this delusion for some days, you will
see we shall bring her out of her present condition.
Sgan. Very well. I am willing.
Clit. Afterwards, we will use other remedies to cure
her wholly of this fancy.
SoAN. Yes, that is the best thing which can happen.
Well, my daughter, this gentleman desires to marry
you, and I have told him that I readily consent
to it.
Luc. Alas ! is it possible ?
Sgan. Yes.
Luc. But in earnest ?
Sgan. Yes, yes.
Luc. You think you wish to be my husband ?
Clit. Yes, Madam.
Luc. And does my father consent to it.^
Sgan. Yes, my child.
Luc. Ah ! how happy I should be if this were true !
Clit. Do not doubt it. Madam ; my love for you
and my great desire to be your husband are not the
318 L'AMOUR MEDECIN [acte hi.
me voir votre mari. Je ne suis venu ici que pour
cela ; et si vous voulez que je vous dise nettement
les choses comme elles sont, cet habit n'est qu'un
pur pretexte invente, et je n'ai fait le me'decin que
pour m'approcher de vous, et obtenir ce que je
souhaite.
Luc. C'est me donner des marques d'un amour bien
tendre, et j'y suis sensible autant que je puis.
SoAN. Oh ! la folle ! Oh ! la folle ! Oh ! la folle !
Luc. Vous voulez done bien, mon pere, me donner
Monsieur pour epoux .''
Sgan. Oui. (^a, donne-moi ta main. Donnez-moi
un peu aussi la votre, pour voir^
Clit. Mais, Monsieur . . .
Sgan. (s'etouflfant derire.) Non, non : c'est pour . . .
pour lui contenter I'esprit. Touchez-la. Voila qui
est fait.
Clit. Acceptez, pour gage de ma foi, cet anneau que
je vous donne. C'est un anneau constelle, qui
guerit les egarements d'esprit.
Luc. Faisons done le contrat, afin que rien n'y manque.
Clit. Helas ! je le veux bien, Madame. (A Soana-
RELLE.) Je vais faire monter I'homme qui ecrit nies
remedes, et lui faire croire que c'est un notaire.
Sgan. Fort bien.
Clit. Hola ! faites monter le notaire que j'ai amene
avec moi.
Luc. Quoi .'' vous aviez amene un notaire ?
Clit. Oui, Madame.
Luc. J'en suis ravie.
Sgan. Oh ! la folle ! Oh .' la folle !
8c. VI.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 319
growth of to-day, I came here only for this end ;
and, if you wish me to tell you the whole truths this
dress is but a mere disguise. I acted the doctor
only to get near to you and to obtain what I
wished.
Luc. You show signs of a very deep love and I am
as sensible of it as I can be.
Sgan. Oh ! the silly girl. Oh ! the silly girl. Oh !
the silly girl.
Luc. You are really willing, father, to give me this
gentleman for a husband .''
Scan. Yes. Come, give me your hand. Give me
yours also for a moment, to show her.
Clit. But, Monsieur . . .
Sgan. (Stifling his laughter.) No, no, it is to . . . to
satisfy her mind ; shake hands. "^There, the affair is
settled.
CiiiT. As a pledge of my fidelity accept this ring which
I give you. It is a constellated ring, which cures
the delusions of the mind.
Luc. Let us draw up the contract, then, so that
nothing may be wanting.
Clit. Alas ! Madam, I will do so. (To Sqanabelle.)
I will call up the fellow who writes my prescriptions
and make her believe he is a notary.
Sgan. Very well.
Clit. Hullo ! Send up the notary I brought with me.
Luc. What ? Did you bring a notary ?
Clit. Yes, Madam.
Luc. I am delighted at that.
Sgan. Oh ! the silly girl. Oh ! the silly girl.
320 L' AMOUR Ml^DECIN [acte in
SciNE VII
Lb Notaibb, Clitandrb, Sganarelle, Luoindb,
LiSETTE
(CiiTAifDBB parle au Notairb k I'oreille.)
Sgan. Oui, Monsieur, il faut faire un contrat pour
ces deux personnes-la. Ecrivez. (Lb Notaibb ^crit.)
Voila le contrat qu'on fait: je lui donne vingt
mille ecus en mariage. Ecrivez.
Luc. Je vous suis bien obligee, mon pere.
Le Not. Voila qui est fait ; vous n avez qu'a venir
signer.
Sgan. Voila un contrat bientot bati.
Cut. Au moins...
Sgan. He ! non, vous dis-je. Sait-on pas bien?
Allons, donnez-lui la plume pour signer. AUons,
signe, signd, signe. Va, va, je signerai tan tot,
moi.
Luc. Non, non : je veux avoir le contrat entre mes
mains.
Sgan. He' bien ! tiens. Es-tu contente }
Luc. Plus qu'on ne peut s'imaginer.
Sgan. Voila qui est bien, voila qui est bien.
Cut. Au reste, je n'ai pas eu seulement la precaution
d'amener un notaire ; j'ai eu celle encore de faire
venir des voix et des instruments pour celebrer la
fete et pour nous r^jouir. Qu'on les fasse venir.
Ce sont des gens que je mene avec moi, et dont je
me sers tous les jours pour pacifier avec leur har-
monie les troubles de I'esprit.
80. VII.] LOVE'S THE BEST DOCTOR 321
Scene VII
The Notary, Clitandre, Sganarellb, Lucinde,
LiSETTE
(Clitandbb speaks in the Notary's ear.)
Sgan. Yes, Monsieur, you must draw up a contract
for these two persons. Write. (The Notary writes.)
There, the contract is being drawn up. I give her
twenty thousand crowns on her marriage. Write.
Luc. I am much obliged to you, father.
The Not. There, it is done. You have only to sign
it.
Sgan. That is a very quickly drafted contract.
Cut. At least . . .
Sgan. Ah ! No, I tell you. Do we not all know ?
Come, give him the pen to sign. Come. It is
signed. It is signed. It is signed. There, there,
I myself will sign by and by.
Luc. No, no, I wish to have the contract in my own
hands.
Sgan. Ah ! well, take it. Are you satisfied }
Luc. More than you can imagine.
Sgan. That is all right.
Clit. Now, I have not only had the precaution to
bring in a notary, I have brought as well singers
and instruments to celebrate the wedding and to
make merry. Let them come in. They are people
I take about with me, of whom I daily make use to
pacify the troubles of the mind by their harmony.
322 L' AMOUR MEDECIN [actb hi.
ScilNE DERNIjfcRE
La Com^die, Le Ballet et La Musique
TOUS TROIS (ensemble).
Sans nous tous les hommes
Deviendraient mal sains,
Et &est nous qui sommes
Leurs grands medecins,
LA COMEDIE
Veut-on qu^on rabatte,
Par des moyens doux,
Les vapeurs de rate
Qui vous minent tous f
Qu'on laisse Hippocrates
Et qu'on vienne a nous.
TOUS TROIS (ensemble).
Sans nous . .
(Durant qu'ils chantent, et que les Jeux, les Ris et les Plaisirs
dansent, Clitandre emm^ne Lucinde.)
Sgan. Voila une plaisante fa§on de guerir. Ou est
done ma fille et le Medecin.
Lis. lis sont alles achever le reste du mariage.
Sgan. Comment, le mariage ?
Lis. Ma foi ! Monsieur, la becasse est bridee, et vous
avez cru faire un jeu, qui demeure une verite.
SoAN. (Les danseurs le retiennent et veulent le faire danser de
force.) Comment, diable ! Laissez-moi aller, laissez-
moi aller, vous dis-je. Encore .'' Peste des gens !
VIM
LAST scene] LOVE'S THE BEST DOCTOR 323
Last Scene
Comedy, Ballet and Musio
ALL THREE (together).
All mankind without us three
Would soon become diseased,
0/ skilled physicians chief are we
By whom all ills are eased.
COMEDY
If you by pleasant means would aim
To cure the vapoured head,
Leave to Hippocrates his fame ^
And come to us instead.
ALL THREE {together).
All mankind . . .
(While they sing, and while Play, Laughter and Pleasure
dance, Clitandre carries off Lucinde.)
Scan. That is a curious way of healing people. But
where are my daughter and the doctor ?
Lis. They have gone to complete the wedding.
Sgan. What ! the wedding ?
Lis. Upon my word. Monsieur, the biter is bit. The
jest you intended to play has been turned to
earnest.
Scan. (The dancers restrain him and wish to make him dance
with them by force.) What the deuce ! Let me go !
Let me go, I tell you. Again } Plague take every-
body.
NOTES
TARTUFFE
Molifere's Preface to the first edition is as follows : —
' Voici une com^die dont on a fait beaucoup de bruit, qui a
et^ longtemps pers^cut^e; et les gens qu'elle joue ont bien
fait voir qu'ila ^taient plus puissants en France que tous ceux
que j'ai joues jusqu'ici. Les Marquis, les Pr^cieuses, les
Cocus et les M^decins ont souffert doucement qu'on les ait
repr^sent«5s, et ils ont fait semblant de se divertir, avec tout
le monde, des peintures que Ton a faites d'eux ; mais les
Hypocrites n'ont point entendu raillerie ; ils se sont effa-
rouch^s d'abord, et ont trouve Strange que j'eusse la hardiesse
de jouer lexirs grimaces, et de vouloir d^crier un metier dont
tant d'honnetes gens se mSlent. C'est un crime qu'ils ne
sauraient me pardonner ; et ils se sont tous armes centre ma
comedie avec une fureur ^pouvantable. lis n'ont eu garde de
I'attaquer par le cot^ qui les a blesses : ils sont trop politiques
pour cela, et savent trop bien vivre pour d^couvrir le fond de
leur ame. Suivant leur louable coutume, ils ont couvert leurs
int^rets de la cause de Dieu ; et le Tartuffe, dans leur bouche,
est ime pifece qui offense la piet^. Elle est, d'un bout k
I'autre, pleine d abominations, et I'on n'y trouve rien qui ne
m^rite le feu. Toutes les syllabes en sont impies ; les gestes
m@mes y sont criminels ; et le moindre coup d ceil, le moindre
branlement de tete, le moindre pas k droite ou k gauche, y
cachent des mystferes qu'ils trouvent moyen d'expliquer h
mon d^savantage.
' J'ai eu beau la soumettre aux lumi^res de mes amis, et k
la censure de tout le monde : les corrections que j'y ai pu
faire, le jugement du Roi et de la Reine, qui I'ont vue,
I'approbation des grands princes et de Messieurs les ministres,
qui I'ont honor^e publiquement de leur presence, le tdmoi-
gnage des gens de bien, qui I'ont trouv^e profitable, tout cela
n'a de rien servi. Ils n'en veulent point d^mordre ; et tous
les jours encore, ils font crier en public de z^l^s indiscrets,
S25
32G TARTUFFE
qui me diaent des injures pieusement et me damnent par
charite.
'Je me soucierais fort peu de tout ce qu'ils peuvent dire,
n'^tait I'artifice qu'ils ont de me faire des ennemis que je
respecte, et de jeter dans leur parti de v^ritables gens de bien,
dont ils pri5viennent la bonne foi, et qui, par la chaleur qu'ils
ont pour les int^rets du Ciel, sent faciles k recevoir les
impressions qu'on veut leur donner. Yoilk ce qui m'oblige k
m& ddfendre. C'est aux vrais devots que je veux partout me
justifier sur la conduite de ma comddie ; et je les conjure, de
tout mon coeur de ne point condamner les choses avant que de
les voir, de se d^faire de toute prevention, et de ne point
servir la passion de ceux dont les grimaces les deshonorent.
' Si Ton prend la peine d'examiner de bonne foi ma com^die,
on verra sans doute que mes intentions y sont partout inno-
centes, et qu'elle ne tend nullement k jouer les choses que
I'on doit r^v^rer ; que je I'ai traitee avec toutes les precautions
que me demandait la d^licatesse de la matifere, et que j'ai mis
tout I'art et tous les soins qu'il m'a ^t^ possible pour bien
distinguer le personnage de I'Hypocrite d avec celui du vrai
D»5vot. J'ai employd pour cela deux actes entiers k preparer
la venue de mon sc<51erat. II ne tient pas un seul moment
I'auditeur en balance ; on le connait d abord aux marques
que je lui donne ; et, d'un bout k I'autre, il ne dit pas un mot,
il ne fait pas une action, qui ne peigne aux spectateurs le
caract^re d'un mechant homme, et ne fasse ^clater celui du
veritable homme de bien que je lui oppose.
'Je sais bien que pour reponse ces Messieurs tachent
d'insinuer que ce n'est point au theSitre k parler de ces
mati^res ; mais je leur demande, avec leur permission, sur
quoi ils fondent cette belle maxime. C'est une proposition
qu'ils ne font que supposer, et qu'ils ne prouvent en aucune
laQon ; et sans doute il ne serait pas difficile de leur faire voir
que la com^die, chez les anciens, a pris son origine de la
religion, et faisait partie de leurs myst^res ; que les Espagnols,
nos voisins, ne c^l^brent gu^re de fete oh la com^die ne soit
mfil^e ; et que, meme parmi nous, elle doit sa naissance aux
Boins d'une confr^rie k qui appartient encore aujourd'hui
I'Hdtel de Bourgogne, que c'est un lieu qui fut donn^ pour
y representer les plus importants myst^res de notre foi ; qu'on
en voit encore des comedies imprim^es en lettres gothiques,
sous le nom d'un docteur de Sorbonne ; et, sans aller chercher
si loin, que I'on a jou^ de notre temps des pieces saintes de
M. Corneille, qui ont ^t^ I'admiration de toute la France.
* Si I'emploi de la comedie est de corriger les vices des
hommes, je ne vois pas par quelle raison il y en aura de
privilegi^s. Celui-ci est, dans I'Etat, d'une consequence bien
NOTES 327
plus dangereuse que tous les autres; et nous avons vu qua
fe theatre a une grande vertu pour la correction. Les plus
beaux traits d'une serieuse morale sont moins puissants, le
plus souvent, que ceux de la satire ; et rien ne reprend mieux
la plupart des hommes que la peinture de leurs defauts.
C'est une grande atteinte aux vices que de les exposer k la
ris^e de tout le monde. On soufEre ais^ment des reprehen-
sions, mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien etre
m^chant, mais on ne veut point etre ridicule.
' On me reproche d'avoir mis des termes de piete dans la
bouche de mon Imposteur. Et pouvais-je m'en empecher,
pour bien repr^senter le caract^re d'un hypocrite ? II suflBt,
ce me semble, que je fasse connaitre les motifs criminela
qui lui font dire les choses, et que j'en aie retranch^ les termes
consacr^s, dont on aurait eu peine k lui entendre faire un
mauvais usage. Mais il debite au quatrifeme acte une morale
pernicieuse. Mais cette morale est-elle quelque chose dont
tout le monde n'eAt les oreilles rebattues? dit-elle rien de
nouveau dans ma comedie ? et peut-on craindre que des choses
si gen^ralement d^test^es fassent quelque impression dans les
esprits, que je les rende dangereuses en les faisant monter sur
le th^&tre, qu'elles regoivent quelque autorit^ de la bouche
d'un sc^l^rat ? II n'y a nulle apparence k cela ; et Ton doit
approuver la comedie du Tartuffe, ou condamner g^n^ralement
toutes les comedies.
' C'est k quoi Ton s' attache fiirieusement depuis un temps,
et jamais on ne s'etait si fort d^chain^ centre le, theatre. Je
ne puis pas nier qu'il n'y ait eu des P^res de I'Eglise qui ont
condamn^ la comedie; mais on ne pent pas me nier aussi
qu'il n'y en ait eu quelques-uns qui I'ont trait^e un peu plus
doucement. Ainsi I'autorit^ dont on pretend appuyer la cen-
sure est d^truite par ce partage; et toute la consequence
qu'on pent tirer de cette diversity d'opinions en des esprits
^clair^s des mSmes lumi^res, c'est qu'ils ont pris la comedie
difteremment, et que les uns I'ont consideree dans sa pui-et^,
lorsque les autres I'ont regard^e dans sa corruption et con-
fondue avec tous ces vilains spectacles qu'on a eu raison de
nommer des spectacles de turpitude.
'Et en effet puisqu'on doit discourir des choses, et non pas
des mots, et que la plupart des contrari^t^s viennent de ne se
pas entendre et d'envelopper dans un mSme mot des choses
opposees, il ne faut qu'6ter le voile de I'^uivoque et regarder
ce qu'est la comedie en soi, pour voir si elle est condamnable.
On connaitra sans doute que, n'^tant autre chose qu'un poeme
ing^nieux qui par des lemons agr^ables reprend les defauts des
hommes, on ne saurait la censurer sans injustice. Et si nous
voulons ou'ir IJk-dessus le temoignage de Tantiquit^, elle nous
dira que ses plus c^lfebres philosophes ont donn^ des louanges
328 TARTUFFE
k la com^die, eux qui faisaient profession d'une sagesse si
austere, et qui criaient sans cesse apr^s les vices de leur
si^cle ; elle nous fera voir qu'Aristote a consacr^ des veilles
au th4ktTe, et s'est donn^ le soin de r^duire en pr^ceptes I'art
de faire des comedies; elle nous apprendra que de ses plus
grands hommes, et des premiers en dignite, ont fait gloire
d'en composer eux-mSmes, qu'il y en a eu d'autres qui n'ont
pas dedaign^ de reciter en public celles qu'ils avaient com-
pos^es, que la Gr^ce a fait pour cet art ^clater son estime par
les prix glorieux et par les superbes th^S,tre8 dont elle a voulu
I'honorer, et que, dans Rome enfin, ce meme art a regu aussi
des honneurs extraordinaires : je ne dis pas dans Rome de-
bauchee et sous la licence des empereurs, mais dans Rome dis-
ciplin^e, sous la sagesse des consuls, et dans le temps de la
vigueur de la vertu romaine.
'J'avoue qu'il y a eu des temps oil la com^die s'est cor-
rompue. Et qu'est-ce que dans le monde on ne corrompt
point tous les jours ? II n'y a chose si innocente ou les hom-
mes ne puissent porter du crime, point d'art si salutaire dont
ils ne soient capables de renverser les intentions, rien de si
bon en soi qu'ils ne puissent tourner k de mauvais usages. La
m^decine est un art profitable, et chacun la r^vfere comme une
des plus excellentes choses que nous ayons ; et cependant il
y a eu des temps oil elle s'est rendue odieuse, et souvent on
en a fait \in art d'empoisonner les hommes. La philosophia
est un present du Ciel : elle nous a ^t^ donn^e pour porter
nos esprits k la connaissance d'un Dieu par la contemplation
des merveilles de la nature ; et pourtant on n'ignore pas que
Bouvent on I'a d^tourn^e de son emploi, et qu'on I'a occup^e
publiquement k soutenir I'impi^t^. Les choses m^me les plus
saintes ne sont point k convert de la corruption des hommes ;
et nous voyons des sc^l^rats qui tous les jours abusent de la
pi6t4, et la font servir m^chamment aux crimes les plus grands.
Mais on ne laisse pas pour cela de faire les distinctions qu'il
est besoin de faire ; on n'enveloppe point, dans une f ausse
cons«5quence, la bont^ des choses que I'on corrompt avec la
malice des corrupteurs ; on s^pare toujours le mauvais usage
d'avec I'intention de I'art ; et comme on ne s'avise point de
d^fendre la m^decine, pour avoir ^t^ bannie de Rome, ni la
philosophie pour avoir ^t^ condamn^e publiquement dans
Ath^nes, on ne doit point aussi vouloir interdire la comddie,
pour avoir ^t^ censurle en de certains temps. Cette censure
a eu ses raisons, qui ne subsistent point ici. Elle s'est ren-
f erm^e dans ce qu'elle a pu voir ; et nous ne devons point la
tirer des homes qu'elle s est donn^es, I'^tendre plus loin qu'il
ne faut, et lui faire embrasser I'innocent avec le coupable.
La comidie qu'elle a eu dessein d'attaquer n'est point du tout
NOTES 329
la com^die que nous voulons d^fendre. II se faut bien garder
de oonfondre celle-lk avec celle-ci. Ce sont deiix personnes
de qui les moeurs sont tout k fait oppos^es ; elles n'ont aucun
rapport I'une avec I'autre que la ressemblance du nom ; et ce
serait une injustice epouvantable que de voulolr condamner
Olimpe qui est femme de bien, parce qu'il y a une Olimpe qui
a ^t^ une debauchee. De semblables arrets sans doute le-
raient un grand d^sordre dans le monde. II n'y aurait rien
par Ik qui ne fUt condamn^ ; et puisque Ton ne garde point
cette rigueur k tant de choses dent on abuse tons les jours, on
doit bien faire la meme grS,ce k la comedie, et approuver
les pieces de theatre oti Ton verra r^gner I'instruction et
I'honnetet^.
' Je sais qu'il y a des esprits dont la d^licatesse ne pent
soufifrir aucune comedie, qui disent que les plus honnetes sont
les plus dangereuses, que les passions que 1 on y d^peint sont
d'autant plus touchantes qu' elles sont pleines de vertu, et que
les kmea sont attendries par ces sortes de representations, Je
ne vois pas quel grand crime c'est que de s'attendrir k la vue
d'une passion honnfite ; et c'est un haut ^tage de vertu que
cette pleine insensibility ou ils veulent faire monter notre §,me.
Je doute qu'une si grande perfection soit dans les forces da
la nature humaine; et je ne sais s'il n'est pas mieux de
travailler a rectifier et adoucir les passions des hommes, que
de vouloir les retrancher entiferement, J'avoue qu'il y a des
lieux qu'il vaut mieux frequenter que le tbdatre ; et si I'on
veut blamer toutes les choses qui ne regardent pas directement
Dieu et notre salut, il est certain que la comedie en doit 6tre,
et je ne trouve point mauvais qu'elle soit condamn^e avec le
reste. Mais suppose, comme il est vrai, que les exercices de
la piete souflfrent des intervalles et que les hommes aient
besoin de divertissement, je soutiens qu'on ne leur en pent
trouver un qui soit plus innocent que la comedie. Je me suis
etendu trop loin. Finissons par un mot d'un grand prince sur
la comedie du Tartuffe.
'Huit jours apr^s qu'elle eut ete defendu, on representa
devant la cour une pi^ce intituiee Scaramouche ertnite ; et le
Roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire: "Je
voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si
fort de la comedie de Moli^re ne disent mot de celle de Scara-
mouche." A quoi le Prince repondit: "La raison de cela, c'est
que la comedie de Scaramotiche joue le Ciel et la religion, dont
ces Messieurs-Ik, ne se soucient point ; mais celle de Molifere
les joue eux-memes : c'est ce qu'ils ne peuvent souffrir." '
The second edition published in the same year as the first,
contained three 'Placets au Roi,' (the first presented in
330 TARTUFFE
August 1664, the second in August 1667, the third on Feb-
ruary 5th, 1669.) These are as follows.—
PREMIER PLACET
PBisENTi Au Boi, suR LA oom:6dib DC Tartuffc.
*SiEB, — Le devoir de la comedie ^tant de corriger lea
hommes en les divertissant, j'ai cru que, dans I'emploi ou je
me trouve, je n'avais rien de mieux h, faire que d'attaquer par
des peintures ridicules les vices de mon si^cle; et comme
I'hypocrisie, sans doute en est un des plus en usage, des plus
incommodes et des plus dangereux, j'avais eu. Sire, la pens^e
que je ne rendrais pas un petit service k tous les honnetea
gens de votre royaume, si je faisais une comedie qui d^cri&t
les hypocrites, et mit en vue comme il faut toutes les gri-
maces ^tudiees de ces gens de bien h, outrance, toutes les
friponneries couvertes de ces faux monnayeurs en devotion,
qui veulent attraper les hommes avec un z61e contrefait et
une charit^ sophistiquee.
' Je I'ai f aite. Sire, cette comedie, avec tout le soin, comme
je crois, et toutes les circonspections que pouvait demander la
d<Slicatesse de la mati^re ; et pour mieux conserver I'estime et
le respect qu'on doit aux vrais devots, j'en ai distingue le
plus que j'ai pu le caract^re que j'avais h, toucher; je n'ai
Eoint laisse d'^quivoque, j'ai 6t^ ce qui pouvait confondre le
ien avec le mal, et ne me suis servi, dans cette peinture, que
des couleurs expresses et des traits essentiels qui font recon-
naitre d'abord un veritable et franc hypocrite.
' Cependant toutes mes precautions ont ^t^ inutiles. On a
profite, Sire, de la delicatesse de votre S,me sur les mati^res
de religion, et Ton a su vous prendre par I'endroit seul que
vous 6tes prenable, je veux dire par le respect des choses
saintes. Les Tartuffes, sous main, ont eu I'adresse de trouver
grS,ce aupr^s de Votre Majesty, et les originaux enfin ont fait
Bupprimer la copie, quelque innocente qu'elle fut, et quelque
ressemblante qu on la trouv^t.
' Bien que ce m'ait ^t^ un coup sensible que la suppression
de cet ouvrage, mon malheur pourtant ^tait adouci par la
mani^re dont Votre Majesty s'^tait expliqu($e sur ce sujet;
et j'ai cru. Sire, qu'EUe m'otait tout lieu de me plaindre,
ayant eu la bont^ de declarer qu'Elle ne trouvait rien k dire
dans cette comedie qu'Elle me d^fendait de produire en
public.
' Mais malgr^ cette glorieuse declaration du plus grand roi
du monde et du plus eclair^, malgr^ I'approbation encore de
NOTES 831
Mousieur le L^{;at et de la plus grande partie de nos pr^lats,
qui tous, dans les lectures particuii^res que je leur ai faites
de mon ouvrage, se sont trouv^s d'accord aveo les sentiments
de Votre Majesty, malgr^ tout cela, dis-je, on voit un livre
compost par le cur^ de . , . , qui donne hautement un dementi
k tous ces augustes t^moignages. Votre Majesty a beau dire,
et Monsieur le L^gat et Messieurs les pr^lats ont beau donner
leur jugement : ma comedie, sans I'avoir vue, est diabolique,
et diabolique mon cerveau ; je suis un d^mon v^tu de chair et
habill^ en homme, un libertin, un impie digne d'un supplice
exemplaire. Ce n'est pas assez que le feu expie en public
mon offense, j'en serais quitte k trop bon marche : le zfele cha-
ritable de ce galant homme de bieu n'a garde de demeurer Ik :
il ne veut point que j'aie de mis^ricorde aupr^s de Dieu, il
veut absolument que je sois damn^, c'est une affaire r^solue.
' Ce livre, Sire, a ete present^ k Votre Majesty ; et sans
doute, Elle juge bien Elle-mfime combien il m'est f&cheux de
me voir expos^ tous les jours aux insultes de ces Messieurs,
quel tort me feront dans le monde de telles calomnies, s'il
faut qu'elles soient tol^r^es, et quel inter^t j'ai entin k me
purger de son imposture et k faire voir au public que ma
comedie n'est rien moins que ce qu'on veut qu'elle soit. Je
ne dirai point. Sire, ce que j'avais k ddmander pour ma re-
putation, et pour justifier k tout le monde I'innocence de mon
ouvrage : les rois ^clair^s comme vous n'ont pas besoin qu'on
leur marque ce qu'on souhaite ; ils voient, comme Dieu, ce
qu'il nous faut, et savent mieux que nous ce qu'ils nous
doivent accorder. II me sufBt de mettre mes int^r^ts entre
les mains de Votre Majesty et j'attends d'Elle avec respect
tout ce qu'il lui plaira d'ordonner IJi-dessus.'
SECOND PLACET
PR]i8ENT£ AU ROI, DANS SON CAMP DEVANT LA VILI-E DK LiLLK
EN FlANDRE
' Sire — C'est une chose bien t^m&aire k moi que de venir
importuner un grand monarque au milieu de ses glorieuses
conqultes ; mais, dans I'etat ou je me vois, ou trouver, Sire,
une protection qu'au lieu ou je la viens chercher? et qui puis-
je soUiciter, centre I'autorit^ de la puissance qui m'accable,
que la source de la puissance et de I'autorite, que le juste dis-
pensateur des ordres absolus, que le souverain juge et le
maitre de toutes choses ?
'Ma comedie. Sire, n'a pu jouir ici des bont^s de Votre
Majesty. En vain je I'ai produite sous le titre de VImposteur,
332 TARTUFFE
et d^guis^ le personnage sous I'ajustement d'un homme du
monde ; j'ai eu beau lui donner un petit chapeau, de granda
cheveux, un grand collet, une ^p^e, et des dentelles sur tout
Thabit, mettre en plusieurs endroits des adoucissements, et
retrancher aveo soin tout ce que j'ai jugd capable de fournir
I'ombre d'un pr^texte aux c^I^bres originaux d'un portrait
que je voulais faire : tout cela n'a de rien servi. La cabale
s'est r^veill^e aux simples conjectures qu'ils ont pu avoir de
la chose. lis ont trouv^ moyen de surprendre des esprits qui,
dans toute autre matifere, font une haute profession de ne se
point laisser surprendre. Ma com^die n'a pas plutot paru,
qu'elle s'est vue foudroy^e par le coup d'un pouvoir qui doit
imposer du respect ; et tout ce que j'ai pu faire en cette ren-
contre, pour me sauver moi-meme de I'^clat do cette tempSte,
c'est de dire que Votre Majesty avait eu la bont^ de m'en
permettre la representation, et que je n'avais pas cru qu'il f6t
besoin de demander cette permission k d'autres, puisqu'il n'y
avait qu'Elle seule qui me I'eut d^fendue.
' Je ne doute point. Sire, que les gens que je peins dans
ma com^die ne remuent bien des ressorts auprfes de Votre
Majesty, et ne jettent dans leur parti, comme ils I'ont d^j^
fait, de v^ritables gens de bien, qui sent d'autant plus
prompts h se laisser tromper, qu'ils jugent d'autrui par eux-
memes. lis ont I'art de donner de belles couleurs k toutea
leurs intentions ; quelque mine qu'ils fassent, ce n'est point
du tout I'interet de Dieu qui les pent ^mouvoir; ils I'ont
assez montr^ dans les comedies qu'ils ont souffert qu'on ait
jouees tant de fois en public sans en dire le moindre mot.
Celles-lk n'attaquaient que la pi^t^ et la religion, dont ils se
soucient fort peu; mais celle-ci les attaque et les joue eux-
mSmes, et c'est ce qu'ils ne peuvent soufiErir. lis ne sauraient
me par donner de ddvoiler leurs impostures aux yeux de tout
le monde. Et sans doute on ne manquera pas de dire k Votre
Majesty que chacun s'est scandalise de ma com^die. Mais la
verite pure. Sire, c'est que tout Paris ne s'est scandalise que
de la defense qu'on en a faite, que les plus sorupuleux en ont
trouve la representation profitable, et qu'on s'est etonne que
des personnes d'une probite si connue aient eu une si grande
deference pour des gens qui devraient etre I'horreur de tout le
monde et sont si opposes k la veritable piete dont ellea font
profession.
' J'attends avec respect I'arret que Votre Majeste daignera
prononcer sur cette mati^re ; mais il est tr^s-assure, Sire, qu'il
ne faut plus que je songe k faire de comedie, si les Tartuffes
ont I'avantage, qu'ils prendront droit par Ik de me persecuter
plus que jamais, et voudront trouver k redire aux choses lea
plus innocentes qui pourront sortir de ma plume.
NOTES 833
'Daignent vos bont^s, Sire, me donner une protection
contre leur rage envenim^e; et puiss^-je, au retour d'une
campagne si glorieuse, d^lasser Votre Majesty des fatigues
de ses conquStes, lui donner d'innocents plaisirs apr^s de si
nobles travaux, et faire rire le monarque qui fait trembler
toute I'Europe !
TROISIEME PLACET
PBilSENT* AU ROI
' SiBB, — Un fort honnfite m^decin, dont j'ai I'honneur d'etre
le malade, me promet et veut s'obliger par-devant notaires de
me faire vivre encore trente ann^es, si je puis lui obtenir une
gr&oe de Votre Majesty. Je lui ai dit, sur sa promesse, que
je ne lui demandais pas tant, et que je serais satisfait de lui,
pourvu qu'il s'oblige&t de ne me point tuer. Cette grace.
Sire, est un canonicat de votre chapelle royale de Vincennes,
vacant par la mort de . . .
' Oserais-je demander encore cette grace k Votre Majesty le
propre jour de la grande resurrection de Tartufife, ressuscit^
par vos bont^s ? Je suis, par cette premiere f aveur, r^concili^
avec les divots; et je le serais par cette seconde avec les
m^decins. C'est pour moi sans doute trop de gr§,ce k la f ois ;
mais peut-Stre n'en est-ce pas trop pour Votre Majeste; et
j'attends avec un peu d'esp^rance respectueuse la r^ponse de
mon placet.'
Page 2, rot P4taud. King of the beggars, at whose court
every one is master.
Page 12, la tour de Babylone. Possibly an intentional mis-
? [notation from Fr. N. Caussin's (1583-1651), La Cowr Sainte
1624), 'les Grants • . • voulurent bfttir la tour de Babel;
mais les femmes . . . bSitissent la tour de babil.'
Page 12, Nos troubles. The civil war ' La Fronde ' during
the minority of Louis xiv., 1648-1653. The passage would be
peculiarly acceptable to the king who, later (Act v., last
scene), rewards Orgon for his fidelity.
Page 14, Fleu/r des Saints. By the Spanish Jesuit Riba-
deneira (1527-1611), translated into French 1641.
Page 20, autant que de cela. The actor's gesture of disdain
is the thumb nail rasped along the edge of the teeth.
Page 22, D'' avoir pris une puce. See the life of S. Macarius
in The Golden Legend, and also Boccaccio, Ist Novel Ist Day.
334 DON JUAN
Page 24, ddvots de place. Valets de place were servants who
showed off publicly to be hired ; so ddvots de place were those
who made a parade of their religion. It has also been sug-
gested by M. Livet that the phrase is of Spanish extraction
and means ddvots d' importance.
Page 46, un sUge pliant. The folding chair was given to
a visitor as a sign of inferiority.
Page 46, Fagotin. A performing monkey who flourished
in the middle of the seventeenth century, and whose name
was later applied generically.
Page 60, discipline. A whip used by religious.
Page 86, Pour la gloire du Ciel. The doctrine of ' inten-
tion' carried to extremes.
Page 102, la puretd de notre intention. See Pascal, Les
Provinciales, 7th Letter.
Page 104, Puisqu'on ne veut point croire. By the use of
the indefinite pronoun on Elmire addresses her husband,
whilst Tartuffe naturally applies it to himself. It will have
been noted that, throughout the scene, she has used the same
pronoun with an admirably delicate effect.
Page 110, des serments centre la vdritd. See Pascal, Let
Provinciales, 9th Letter.
Page 114, Le pauvre homme. See Act i. 4.
Page 128, Vexempt. In this case, probably an oflScer of
the king's body-guard. Originally, an ofl&cer exempt from
ordinary duties to perform special services.
Page 132, Nous vivons sous v/n prince. This dloge de
Louis XIV. is obscure and confused by its profusion of pro-
nouns, which refer now to the king and now to Tartuffe. It
is possible that it was not written by Moli^re.
Page 134, en appuyant ses droits. See note to p. 12.
DON JUAN
Page 140, tdbac. A sneer at the doctors who set forth the
new introduction as a universal panacea.
Page 144, un powceau d'Epieure. Hor. Epi». I. 4.
NOTES 336
Page 164, Nostre dinse, etc. The use of provincial dialect
upon the stage was an innovation in the days of Molifere. To
have translated these scenes into the English of the others
would have given a false impression of this part of the play,
and therefore I have changed them into the provincial dialect
with which I am most familiar, viz. that of the North
Country. It will be seen that Charlotte does not speak so
broad a language when she addresses Don Juan as when she
talks with her Pierrot.
Page 196, une des grandes erreurs qui soient parmi les
hommes. See Le Malade Imaginaire, III., 3. Molifere's
views on the medical profession of his day were expresssed
frequently in terms aa uncompromising as these.
Page 196, vin dmitique. An antimonial mixture much in
vogue at the time, owing to its having cured Louis xiv.
Page 258, que les hommes . . . The spectre who takes part
in the next Scene appears at this moment.
L'AMOUR M^DECIN
The address ' Au Lecteur ' is as follows : —
' Ce n'est ici qu'un simple crayon, un petit impromptu, dont
le Roi a voulu se faire un divertissement. II est le plus pr^-
cipit^ de tous cexix que Sa Majesty m'ait commandos; et
lorsque je dirai qu'il a 4t4 propose, fait, appris et repr^sent^
en cinq jours, je ne dirai que ce qui est vrai. II n'est pas
n^cessaire de vous avertir qu il y a beaucoup de choses qui de-
pendent de Taction. On salt bien que les comedies ne sont
faites que pour §tre joules ; et je ne conseille de lire celle-ci
qu'aux personnes qui ont des yeux pour d^couvrir dans la
lecture tout le jeu du theatre. Ce que jo vous dirai, c'est
qu'il serait k souhaiter que ces sortes d'ouvrages pussent tou-
jours se montrer k vous avec les omements qui les accom-
pagnent chez le Roi. Vous les verriez dans un dtat beaucoup
plus supportable ; et les airs, et les sjrmphonies de I'incom-
parable M. Lully, mSl^s k la beauts des voix et k I'adresse des
JanseuTS, leur donnent sans doute des graces dont ils ont
tontes les peines du monde k se passer.'
The 'incomparable M. Lully' is Giovanni Battista Lully
(1633-1687), 01 Florentine birth, whom Louis xrv. made
director of the royal orchestra, and, later, of the opera.
336 L'AMOUR MfiDECIN
Page 274, l^ foire Saint- Lav/rent. ' Held from June 28th
to September 30th, Faubourg Saint-Martin, between Saint-
Lazare and the R^coUets, in a walled enclosure, which be-
longed to the priests of the Mission, established since 1632 at
Saint-Lazare.' (Despois and Mesnard.)
Page 288, MM. Tomes, Des Fonandrls, Macroton et Bahys.
Four court physicians of Moli^re's day are here brought on
the stage, their special qualities hardly disguised under their
Greek names (the bleeder, the killer of men, the slow talker
or stammerer, and the barker or fast talker).
Page 292, EVfCl. A fashionable village on the road to Saint-
Germain.
Page 292, «n mMecin de dehors. A doctor who did not
possess a Parisian degree.
Page 300, orviitan. A quack remedy for everything,
brought from Orvieto by Jeronimo Ferranti. See Kenilworth,
Chapter xiii.
Page 304, Trivelins . . . Scaramouches. Bufifoons of the
Italian Comedy.
Page 304, M. Fil. Compare this speech with Montaigne's
Essays, Book II. Chapter xxxvii.
Page 312, des anneaux constelUs. Rings bearing the marks
of certain constellations and supposed to possess healing
virtues.
Printed by T. and A. Constable, Printers to His Majesty
at the Edinburgh University Press
PQ 1825 .E5 1907 v.^ SMC
Moliere,
The plays of Moliere in
French